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Full text of "Bulletin de la Société de géographie de l'Est"

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SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE 


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COMITÉ     DE     RÉDACTION 


TOME  V.    —    ANNÉE  1883 


NANCY^ 

BERGER  LEYRAULT  &  C,e,  LIBRAIRES-ÉDITEURS 

11,   EUE   JEAW-LAMOT7B,    11 
MAISON   A    PARIS,    5,    RUE   DES   BEAUX-ARTS 


1883 


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THE  NEW  YORK 

PUBLIC  LIBRARY 

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ABrOtt,  LENOX  AND 

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SOMMAIRE 


Page». 

1°  Études  de  géologie  militaire:  Les  Alpes  françaises  (fin), 
par  Ch.  Clerc  .    .   . 1 

2°  Géographie  comparée  :  Remarques  de  géographie  physique 
fa i les  dorant  un  voyage  de  circumnavigation  autourde  l'Amérique  du  Sud 
{suite},  traduit  de  l'anglais,  par  C.  Millot 24 

3°  Géographie  militante  :  Explorations  :  Voyage  au  Zarabéze 
{suite),  par  C.  Gcyot  .    . 41 

4°  Géographie  régionale  :  Excursion  de  Aancy  au  mont  Saint-Michel 
près  de  Toul,  par  E.  Olry,  instituteur  à  Allain 64 

5°  Géographie  générale:  Bornéo,  par  M.  Ch.  Antoine,  lieutenant 
de  vaisseau  {suite) S4 

De  l'Atlantlanque  an  Niger  par  le  Foutah-Djallon,  par  Aimé 
Olmtier,  vicomte  de  Sanderval,  1879-18SO 92 

6°  Géographie  coloniale  :  La  Nouvelle-Calédonie,  par  M.  Ch. 
Lemire 101 

La  situation  au  Congo IIS 

7°  Miscellanées  :  L'Ile  de  Cap-Breton,  par  M.  John-George 
Bourinot,  d'Ottawa 120 

Le  commerce  du  Chili 130 

Les  ressources  naturelles  des  Pampas  argentines 13? 

Formation  houillère  du  Tong-King 132 

Comment  l'on  voyageait,  en  France,  au  siècle  dernier,  par 
M.  A.  Fodrnier 134 

Quels  sont  les  vrais  découvreurs  du  Sénégal 141 

M.  Stanley 144 

Une  expédition  scientifique  hambourgeoise  dans  les  régions 
équatoriales  de  l'Afrique  orientale,  par  M.  Weissandt 145 

La  guerre  aux  isthmes.    .  - 149 

Les  voyageurs  inconnus  :  Un  Yosgien  tabou  à  Nouka-Hiva 
[suite) 159 

Nouvelles  géographiques:  France:  Le  méridien  initial  interna- 
tional. Le  monument  Flattersà  Paris.  Côtes  de  France.  —  Colonies: 
Algérie  L'inondation  des  schotts.  L'idiome  berbère.  Le  monument 
Flatters  en  Afrique.  Nouvelles  du  Sénégal.  —  Covhinchine. —  Europe: 
DépartdeNordenskjold  pour  le  Groenland. — Afrique:  La  mission  Hévoil. 
La  mission  de  Brazza.  Le  canal  de  Suez.  Les  sources  du  Niger.  Le  cap 
Juby.  —Amérique:  Nouvelles  de  ia  mission  Crevaux.  Une  nouvelle  capi- 
tale. —  Pôle  nord:  Stations  météorologiques  polaires.  L'expédition 
danoise  au  pôle  nord.  Résultats  géographiques  de  l'expédition  de  la 
Jeannette. —  Le  Spilzberg  — Nouvelles  diverses 160 

Europe  :  Statistique  des  Sociétés  de  géographie.  Monument  Bérin- 
ger.  Institut  national  belge  de  géographie.  Sondages  dans  l'Atlantique. 
L'abbé  Petitot.  Groenland.  Musée  commercial.  —  Asie  :  Exploration 
dans  l'Inde.  Exploration  de  1  Amou-Daria.  Nouvelles  routes  en  Perse. 
Ktudes  topograpbiques  en  Asie-Mineure.  —  Afrique  :  Nouvelles  des 
explorateurs.  M.  de  Brazza  au  Congo.  Découverte  des  sources  du  Bé- 
noué.  Frontières  de  Sierra-Leone  au  Rio-Nunez.  —  Amérique  :  Les 
restes  du  docteur  Crevaux.  A  la  recherche  de  Crevaux.  Le  passage  de 
Bariloche 253 

Bibliographie 177  et  262 

Cartographie 262 


0 


1*  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE 


ALPES  FRANÇAISES 

[Fin  (').] 


SECTION  IV. 

Maurienne  et  Tarentaise  (*). 

Du  Petit-Saint-Bernard,  ou  plutôt  du  col  du  Mont  au 
Mont-Cenis,  la  barrière  qui  encaisse  les  gorges  de  Tignes 
et  de  Bonneval  est  insurmontable  et  chargée  de  glaciers  ; 
il  y  a  là,  jusqu'à  la  plaine  d'Yvrée,  toute  l'épaisseur  de6 
masses  cristallines  du  Grand-Paradis  et  de  la  Levanna.  La 
frontière  court  ensuite  sur  la  lisière  du  plateau  du  Mont- 
Cenis,  et  par  le6  flèches  hardies  de  l'Ambin  elle  gagne  la 
coupole  neigeuse  du  Thabor  en  franchissant  successive- 
ment les  sentiers  de  Pelouse,  Fréjus,  la  Roue  et  la  Saume; 
depuis  le  Thabor,  enfin,  elle  s'infléchit  au  S. -E.  jusqu'au 
pointement  de  serpentine  du  Ghaberton,  en  suivant  les  on- 
dulations de  la  crête  calcaire  qui  sépare  le  Névache  de  la 
Bardonecchia. 

La  vallée  angulaire  de  la  Bardonecchia  est  à  bien  con- 
naître ;  c'est  le  fond  évidé  d'un  ancien  golfe  de  calcaires 
schisteux  du  trias.  A  Bardonnêche  se  donnent  rendez-vous 
les  vallons  de  Rochemolle,  de  Merdovine,  de  la  Roue  et 
de  la  vallée  étroite  par  où  s'élèvent  les  sentiers  de  Pe- 
louse, Fréjus,  la  Roue  et  la  Saume  ;  comme  aussi  vers  le 
val  de  Névache,  les  sentiers  des  Thures,  de  l'Échelle  et 
des  Acles.  Le  nœud  de  toutes  ces  communications  e6t  à 
^  4onnéche,  à  l'entrée  du  tunnel  de  Modane,  sous  le  feu 
uauteurs  de  l'Aiguille-Rouge. 


roir  le  Bulletin  da  4«  trimestre  1882,  p.  629. 
Foye*  I«  esrte  de  l'éut-major. 

■00.  D«  eiOGB.  —  1«  TBIMUTBS  1883. 


2  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

Si  Ton  excepte  Pelouse  qui  débouche  directement  de- 
vant l'Esseillon,  les  autres  passages  tombent  dans  le  val- 
lon de  Charmaix  et  ils  s'y  réunissent  avant  d'atteindre  Mo- 
dane.  Un  ouvrage  serait  utile  sur  la  montagne  de  gneiss 
qui  s'élève  à  l'Ouest  de  Modane,  sur  la  rive  droite  de 
l'Arc  ;  il  battrait  parfaitement  le  tunnel  de  Modane,  6ur  le- 
quel l'Esseillon  a  si  peu  de  vues  et  enfilerait  le  vallon  de 
Charmaix.  Il  ne  peut  venir  du  canon  que  par  le  Mont-Ce- 
nis,  et  par  conséquent  les  hauteurs  dangereuses  de  la  rive 
opposée  ne  sont  occupables  que  par  l'infanterie,  à  une  dis- 
tance de  2,000  à  3,000  mètres. 

L'Esseillon  peut  contenir  une  garnison  d'un  bataillon  : , 
escarpements  sur  le  front  et  les  flancs,  difficulté  de  s'établir 
sur  les  hauteurs  en  face,  tout  en  fait  un  noyau  de  résis- 
tance imposant.  En  occupant  Modane,  il  ne  peut  être  abordé 
que  par  le  côté  du  Mont-Cenis,  mais  il  en  est  trop  éloigné 
pour  6'opposer  à  la  descente  des  Italiens  :  je  ne  parle  pas 
du  Petit-Mont-Cenis  ou  du  Clapier.  Le  val  d'Ambin  dé- 
bouche a  Bramans  sous  le  feu  de  la  place.  Si  l'Esseillon 
n'existait  pas,  c'est  à  Modane  et  sur  la  montagne  au  N.-E. 
de  Thermignon  que  des  ouvrages  permanents  devraient 
être  construits;  ce6  ouvrages  battraient  les  rampes  du 
Mont-Cenis  et  le  vallon  du  Charmaix  ;  ils  interdiraient 
l'accès  de  l'Iseran  et  de  la  Vanotse.  Les  forts  n'ont  par  eux- 
mêmes,  le  fait  n'est  point  contestable,  d'action  que  dans 
les  limites  de  la  portée  efficace  de  leur  artillerie  ;  il  faut 
donc  6e  borner  à  tirer  parti  de  l'Esseillon,  sans  oublier 
que  s'il  couvrait  la  retraite  des  Italiens  sur  le  Mont-Cenis 
et  la  Vanoise,  6on  influence  directe  est  loin  de  s'étendre 
jusqu'au  Mont-Cenis  et  qu'il  est  facile  de  le  masquer  pour 
de  là  gagner  la  Taren taise. 

Autrement  importante  est  la  position  de  Saint-Martin, 
d'où  l'on  bat  la  route  et  le  chemin  de  fer  du  Mont  Cenis, 
et  les  rampes  des  Encombres.  A  mesure  qu'il  6'avance 
dans  la  Maurienne,  l'ennemi  craint  de  prêter  le  flanc,  puis 


ALPES  FRANÇAISES.  3 

le  dos  à  nos  mouvements  par  la  haute  porte  de  Valloires  ; 
appréhension  gui  Ta  toujours  poussé  à  se  jeter  dans  la  Ta- 
rentaise.  Déjà  Berwick  avait  «  sa  principale  attention  sur 
«  Valloires;  poste  excellent,  écrivait-il,  qui  couvre  le  Ga« 
t  lihier,  empêche  l'ennemi  de  descendre  par  la  Maurienne 
c  plus  bas  que  Saint-Michel,  et  par  conséquent  le  rejette 
<  nécessairement  dans  la  Tarentaise  ».  Cette  observation 
est  précieuse;  elle  nous  donne  l'assurance  que,  trouvant  la 
Maurienne  fermée ,  l'ennemi  se  contentera  d'occuper  en 
forces  Thermignon ,  Lans-le-Bourg  et  ses  ouvrages  du 
Mont-Cenis  ;  qu'il  passera  dans  la  Tarentaise  par  l'Î6eran 
et  la  Vanoise,  et  qu'arrivé  à  Aigueblanche,  il  se  déversera 
en  Maurienne  par  l'excellent  chemin  de  la  Madeleine.  Le 
jour  où  il  tiendra  Lans-le-Bourg  et  Saint-Maurice,  l'Iseran 
notamment  lui  sera  très  utile  pour  relier  ses  colonnes  ; 
par  6uite,  il  serait  naturel  de  rendre  cette  liaison  aussi 
précaire  que  possible,  et  d'en  faire  de  même  pour  la  Va- 
noise. Ces  passages  doivent  être  inabordables  aux  grosses 
colonnes  et  à  l'artillerie  italiennes. 

Le  déversement  de  l'ennemi  en  Maurienne  par  la  Made- 
leine e6t  de  toute  nécessité  :  il  n'oserait  se  présenter  devant 
Albertville  sans  tenir  la  basse  Maurienne  et  sans  aborder 
en  même  temps  les  défenses  d'Aiton.  Le  col  de  la  Made- 
leine est  le  seul  dont  il  puisse  se  servir,  car  le  Basmont 
est  sous  les  feux  croisés  des  deux  places.  Il  est  de  fait  qu'en 
1793,  les  Italiens,  cherchant  à  coordonner  leurs  opérations 
dans  la  Tarentaise  et  la  Maurienne  avant  de  déboucher 
dans  le  Grésivaudan,  s'épuisèrent  en  vains  efforts  pour 
s'emparer  du  Basmont  ;  bien  qu'Albertville  et  Aiton  fussent 
sans  défense,  bien  qu'ils  se  fussent  étendus  jusqu'à  Sal- 
lanches,  Cluses  et  Bonneville,  et  qu'ainsi  la  ligne  de 
l'Isère  se  trouvât  débordée,  ils  ne  parvinrent  point  à  dé- 
passer Aigueblanche  et  la  Chambre;  le  Grésivaudan  ne 
fat  point  atteint.  On  le  voit  donc,  non  seulement  l'entrée 
de  la  Maurienne  leur  est  interdite  tant  que  l'Esseillon, 


4  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

Modane  et  Saint-Martin  demeureront  en  notre  pouvoir , 
mais  des  batteries  élevées  au  Nord  de  Thermignon  et  de 
Lans-le-Bourg  tiendraient  les  chemins  de  l'Iseran  et  de  la 
Vanoise  :  résultat  considérable ,  puisqu'il  ne  subsisterait 
qu'une  trouée  bien  détournée  :   le  Petit-Saint-Bernard. 
Mais  de  ce  côté  encore,  l'ennemi  commettrait  une  faute 
grave  si,  en  dépit  de  son  isolement  des  colonnes  engagées 
dans  la  vallée  du  Drac,  il  envahissait  par  la  Tarentaise. 
Une  fois  entrées  en  France,  les  colonnes  italiennes  per- 
dent en  effet  toute  communication  jusqu'au  moment  où 
elles  atteignent  Beaufort,  Aigueblanche,  la  Chambre,  le 
Bourg-d'Oi6ans  et  Corps.  Tel  est  le  décousu  de  leurs  opé- 
rations dans  l'intervalle  qu'il  y  a  lieu  de  répéter  que  l'Ita- 
lie se  bornera  à  une  diversion  par  une  aile;  l'autre,  soit 
en  Savoie,  6oit  dans  le  Queyras,  devant  se  borner  à  porter 
le6  coups  .décisifs. 

Le  massif  de  l'Oisans  est  un  récif  qui  divisera  le  flot  de 
Tinva6ion  ;  le  torrent  pourra  s'écouler  par  le  Nord  et  par 
le  Sud,  mais  il  se  brisera  contre  la  barrière  grésivaudane. 
Tenir  à  outrance  à  Briançon  et  sur  la  ligne  Beaufort-Corps  ; 
organiser  les  couloirs  de  la  Bàthie,  de  la  Madeleine,  du 
Glandon  et  d'Hurtières  ;  occuper  en  forces  le  bastion  du 
Doron  :  telle  doit  être  notre  règle  de  conduite.  Il  était 
essentiel  de  signaler  cette  ligne  de  défense  *f  elle  sera  le 
théâtre  de  violents  combats,  et  nos  troupes  ramenées  sur 
l'Isère  grésivaudane  pourront  toujours  s'assurer  la  supério- 
rité à  l'entrée  des  grandes  cluses  que  l'ennemi  menacera 
plus  particulièrement.  Confiné  au  contraire  et  morcelé 
dans  les  gorges  de  l'Isère,  de  l'Arc  et  du  Drac,  l'ennemi 
sera  réduit  à  de6  efforts  isolés  par  les  masses  inaccessibles 
des  Aiguilles  d'Arves,  des  Encombres  et  du  Grammont. 

J'ai  parlé  en  commençant  du  rôle  si  remarquable  que 
peut  jouer  le  nid  d'aigle  du  Doron  de  Beaufort  dans  la 
défense  de  la  Tarentaise.  Si  l'ennemi  parvient  à  faire  tom- 
ber nos  forts  d'arrêt  de  la  haute  Maurienne,  les  troupes  de 


ALPES  FRANÇAISES.  5 

la  défense  se  replient  sur  le  Grésivaudan  pour  couvrir  Ai- 
lon  et  se  tiennent  en  liaison  avec  le  corps  de  Tarentaise 
par  les  Encombres  et  la  Madeleine.  Luttant  chaque  jour, 
ainsi  que  le  firent  Ledoyen  et  Badelaune  en  1793,  nos 
colonnes  occuperont  coup  sur  coup  les  failles  savoisiennes  : 

1°  La  chaîne  du  Roselein  au  Cormet,  y  compris  Yéperon 
au  Nord  de  Moutiers  par  où  la  position  fut  tournée  dans  des 
circonstances  identiques  à  celles  où  nous  sommes  :  les  Em- 
combres,  Saint-Martin-de-la-Porte  ; 

2°  Annuit,  Haute- Luce,  Beaufort,  la  Louza,  le  Pas-de-Brian- 
pm,  la  Madeleine,  la  Chambre  ; 

3a  Annuit,  Haute- Luce,  Beaufort,  la  Bâthie,  la  Roche-Ce- 
vins,  le  Basmonl,  Sainl-Pierre-de-Belleville,  Là  leur  front  sera 
resserré,  et  au  surplus  cette  dernière  ligne  constitue  en 
réalité  la  défense  mobile  d'Aiton  et  d'Albertville.  Si  l'en- 
nemi parvient  à  la  forcer,  s'il  atteint  les  forteresses,  il 
doit  procéder  à  un  siège  en  règle;  l'aile  gauche,  après 
avoir  disputé  le  Véry  et  les  Saisies,  se  retirera  derrière 
TArly,  à  Mégève,  Ugines  et  Plumet,  afin  de  couvrir  Sal- 
lanches  et  Annecy,  et  de  défendre  l'accès  du  massif  des 
Bornes. 

Quels  sont  les  effectifs  possibles  des  garnisons  d'Aiton  et 
d'Albertville  ?  Ces  places  n'ont  pa6  de  noyau  et  ne  sont  que 
des  champs  de  bataille  fortifiés  ;  Aiton  exige  au  plus  1,200 
hommes,  mais  Albertville,  avec  les  nombreux  ouvrages, 
batteries  et  redoutes  de  compagnie  qui  compléteront  la  dé- 
fense de  ses  4  secteurs,  demandera  une  garnison  de  plus 
de  3,000  hommes,  car  les  forts  de  Lestai,  du  Mont,  de 
Villard  et  de  Tamié  en  renfermeront  déjà  2,400.  Au  dé- 
but de  la  guerre,  Aiton  et  Albertville  pourraient  recevoir 
4  bataillons  territoriaux,  sauf  à  cantonner  les  excédents  ; 
plus  tard,  les  troupes  ralliées  de  la  Maurienne  et  de  la  Ta- 
rentaise y  rempliraient  le  rôle  de  défense  extérieure.  Est- 
ce  trop  d'une  brigade  en  Maurienne  et  d'une  division  et 
demie  en  Tarentaise?  N'est-il  pas  indiqué  de  consacrer 


6  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

une  division  à  la  défense  du  bastion  de  Beaufort  et  de  cou- 
vrir la  route  de  Tl6ère  avec  une  seule  brigade? 

SECTION  V. 

Barrière  grésivaudane. 

Voici  l'armée  des  Alpes  ramenée  sur  l'Isère  grésivau- 
dane. Nous  avons  comme  garnison  :  1  régiment  territorial 
à  Albertville,  plus  2  bataillons  détachés  d'Aiton,  1  batail- 
lon territorial  à  Aiton,  1  régiment  territorial  à  Grenoble. 
Le  corps  de  défense  de  la  haute  Savoie  a  rallié  :  1  divi- 
sion et  demie  à  Albertville,  1  brigade  à  Aiton  ;  quant  au 
corps  du  Gapençais,  ses  2  divisions  sont  retranchées  der- 
rière Vizille  et  le  Pont-de-Claix,  et  à  supposer  qu'elles 
soient  réduites  à  24,000  hommes,  elle6  suffisent  à  la  dé- 
fense de  Grenoble.  Ceci  posé,  il  est  à  désirer  qu'Albert- 
ville et  Grenoble  puissent  détacher  entre  Goncelin  et  Mont- 
mélian  chacun  une  brigade  pour  former  une  division  de 
réserve. 

En  quelques  heures  et  en  une  marche,  en  se  servant  des 
deux  routes  qui  bordent  l'Isère  et  du  chemin  de  fer  de 
Grenoble  à  Albertville,  cette  division  renforcera  Grenoble  - 
Dans  un  laps  de  temps  moitié  moindre,-  elle  se  massera 
devant  Aiton  ou  Albertville  où  l'ennemi  aura  affaire  à  un 
corps  d'armée.  Il  suffit  de  rassembler  à  Montmélian  le 
matériel  de  chemin  de  fer  nécessaire  pour  rendre  ces  na- 
vettes aussi  promptes  que  possible  ;  au  surplus,  si  je 
compte  bien,  il  y  a  23  ponts  6ur  l'Isère,  entre  Albertville 
et  Grenoble,  et  si  la  Chartreuse,  les  Beauges  et  les  Bornes 
sont  occupés  par  des  forces  territoriales  rassemblées  pri- 
mitivement à  Voiron,  Chambéry,  Annecy  et  Sallanches, 
les  bataillons  s'échelonneront  dans  les  vallées  du  Guiers,  de 
l'Aisse,  du  Chéran,  de  l'Eau-Morte,  du  Borne  et  de  V Arve  ; 
ils  couronneront  les  passages  qui  échancrent  la  falaise  oc- 
cidentale des  massifs  calcaires  de  la  Savoie  et  se  tiendront 


ALPES  FRANÇAISES.  7 

prête  à  déboucher  sur  l'Isère,  à  en  garder  les  ponts  ou  à  le6 
franchir.  Leurs  navettes  à  travers  les  combes  et  les  cluses 
de  ces  massifs  contribueront  avec  celles  de  la  division  de 
réserve  à  la  concentration  de  no6  forces  sur  les  points  par 
lesquels  l'offensive  6era  reprise. 

Le  champ  des  hypothèses  e6t  vaBte  ;  la  question  est 
d'être  informé  de&  projets  de  l'ennemi  assez  à  temps  pour 
modifier  le  dispositif  de  la  défense  et  renforcer  les  vallées 
en  butte  à  se6  entreprises,  tout  en  faisant  un  emploi  aussi 
large  que  possible  des  contingents  territoriaux. 

Nous  en  resterons  là.  Les  conditions  dans  lesquelles  la 
reprise  de  l'offensive  aura  lieu  ne  peuvent  être  détermi- 
nées :  à  la  guerre  tout  n'est  qu'accident,  et  les  alternatives 
de  6uccès  et  d'échecs  peuvent  l'amener  dans  des  circons- 
tances absolument  imprévues.  Elle  ramènera  l'ennemi  6ur 
son  territoire,  et  nous  ne  l'y  suivrons  point,  car  à  ce  mo- 
ment la  lutte  pour  l'existence  nationale,  soutenue  ailleurs, 
aura  pris  déjà  une  tournure  décisive. 

Il  serait  bon  de  conclure. 

La  ligne  Valloires-Briançon-Mont-Dauphin  est  la  clef  de 
notre  frontière,  et  les  Italiens  n'envahiront  le  Dauphiné  et 
la  Savoie  qu'après  l'avoir  réduite  à  l'impuissance.  C'est  à 
tort  que  beaucoup  d'officiers  considèrent  comme  purement 
secondaire  le  théâtre  des  Alpes  ;  le  jour  où  une  guerre 
éclatera  avec  l'Allemagne  appuyée  d'une  diversion  ita- 
lienne, le  peu  de  forces  que  nous  pourrons  consacrer  à  sa 
défense  sera  bien  viteTefoulé  sur  la  barrière  grésivaudane 
et  la  campagne  présentera  trois  phases  plus  ou  moins  rap- 
prochées : 

1°  L'investissement  du  front  briançonnais,  6i  éloigné  de 
Grenoble  et  d u  cette  barrière  qu'il  faudrait  le  mettre  en  état 
de  se  suffire  et  l'abandonner  à  lui-même  ;  nous  savons 
qu'il  est  intournable  ; 

2°  L'invasion  simultanée  peut-être  du  Gapenoais  et  de 
la  haute  Savoie  ; 


8  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

3°  L'attaque  du  boulevard  gré6ivaudan. 

Lorsque  les  colonnes  italiennes,  pénétrant  en  France  par 
Larche,  le  Mont-Cenis  et  le  Petit- Saint-Bernard,  auront 
rempli  la  première  partie  du  programme,  qui  consiste  à 
nous  rejeter  dans  le  Dévoluy  et  dans  le  bastion  du  Doron 
de  Beaufort,  d'autres  déboucheront  à  leur  tour.  L'entrée 
en  ligne  de  ces  renforts  nou6  mettra  dans  la  nécessité  de 
nous  replier  sur  Corps,  sur  la  Mure  et  sur  le  front  d'opé- 
rations du  Bourg-d'Oisans  à  la  Chambre  et  à  Beaufort  que 
nous  avons  tant  intérêt  à  garder,  finalement  derrière  l'Isère 
grésivaudane.  Mais  nos  lignes  de  défense  deviennent  de 
plus  en  plus  courtes,  et  nos  revers  ont  au  moins  ce  résul- 
tat de  concentrer  nos  forces.  C'est  ainsi  qu'en  arrivant  sur 
l'Isère,  nous  retrouverons  une  liberté  de  mouvements  si 
grande  et  si  absolument  refusée  à  l'ennemi,  que  le  retour  à 
l'offensive  deviendra  possible. 

Que  l'ennemi  échoue  devant  l'une  des  troi6  forteresses 
gré6ivaudanes,  il  lèvera  le  siège  sur  toute  la  ligne  et  re- 
prendra le  chemin  des  vallées  ;  c'est  alors  que  Briançon 
enfoncé  entre  ses  lignes  d'opérations  rendra  sa  situation  fort 
critique.  Ce  que  l'archiduc  Charles  dit  des  positions  dé- 
fensives s'applique  d'une  manière  saisissante  à  Briançon 
et  à  la  ligne  grésivaudane  :  »  Leur  propriété  essentielle 
«  consiste  dans  la  liberté  de  se  mouvoir  sur  les  flancs  et 
«  en  arrière,  pendant  que  les  points  d'attaque  sont  déter- 
«  minés  à  l'ennemi,  et  que  des  obstacles  élevés  par  la  na- 
«  ture  entravent  ses  entreprises.  »  Ces  obs tables,  en  exi6te- 
t-il  de  plus  puissants  que  la  Grandie-Maille,  le  Gondran  et 
l'arête  de  Belledonne?  Exi6te-t-il  d'autres  points  d'attaque 
que  les  quatre  cassures  de  Vizille,  Aiguebelle,  Albertville 
et  Venthon  ? 

Dès  que  leurs  lignes  d'opérations  de  la  Tarentaise  et  du 
Drac  seront  menacées  par  la  vallée  de  Beaufort,  le  plateau 
de  Vercors  et  la  Drôme,  les  Italiens  se  replieront  sur  Mou- 
tiers  et  Bourg-Saint-Maurice,  sur  le  Bayard  et  la  Croix- 


ALPES  FRANÇAISES. 


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10  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

Jlaute.  La  défense  active  de  Briançon-Mont-Dauphin  se 
portera  contre  le  Vars  ;  au>Nord,  toute  retraite  sur  le  Mont- 
Ceni6  sera  interceptée,  et  dans  la  Tarentaise,  en  prati- 
quant les  navettes  de  Kellermann,  une  canonnade  dirigée 
contre  les  rampes  du  Saint-Bernard  pourra,  comme  en 
1793,  terminer  la  lutte  en  nous  ramenant  sur  les  positions 
perdues  au  début  de  la  campagne.  A  peine  est-il  besoin  de 
le  dire  :  Saint- Martin-de-la-Porte  et  l'Esseillon  étant  de- 
meurés en  notre  possession,  le6  obstacles  qui  lui  ont  inter- 
dit l'accès  de  la  Maurienne  subsisteront  et  d'Aiton  l'en- 
nemi devra  regagner  la  Tarentaise  par  la  Madeleine  et  le 
Varbuche  ;  la  Maurienne  nous  sera  ouverte  et  Thermignon 
bien  vite  atteint. 

En  ce  qui  concerne  les  opérations  dans  les  vallées  de 
Maurienne  et  de  Tarentaise,  la  campagne  de  1793,  que  j'ai 
souvent  citée,  mérite  d'être  éfudiée  ;  après  nous  avoir  re- 
jetés pas  à  pas  jusque  dans  le  Grésivaudan,  l'ennemi  dut 
regagner  dans  la  plus  grande  confusion  le  Mont-Cenis  et 
le  Saint-Bernard.  11  en  est  de  même,  à  un  autre  point  de 
vue,  des  campagnes  de  1814  et  1815.  Nos  lignes  de  dé- 
fense de  la  Savoie  étaient  tournées  par  Genève  et  le  Jura 
envahi  ;  il  fut  pourtant  possible  à  des  généraux  résolus, 
n'ayant  sous  leurs  ordres  que  des  gardes  nationales  et  de 
fraîches  levées,  de  prendre  l'offensive,  de  refouler  le6  Au- 
trichiens de  Chambéry  sur  Genève,  et  de  les  obliger  même 
à  repasser  l' Arve  en  rompant  les  ponts. 

SECTION  VI. 

Éventualité  de  la  violation  du  territoire  suisse 

par  l'Italie. 

I.  —  Les  Alpes  suisses  présentent  des  gymétries  singu- 
lières que  j'indiquerai  sommairement  en  reportant  le  lec- 
teur aux  excellentes  cartes  de  Stieler  et  de  Th.  Simler. 
Les  grandes  lignes  montagneuses  et  fluviales  de  cette  ré- 


ALPES  FRANÇAISES.  11 

gion  semblent  pouvoir  se  rapporter  à  deux  axes  rectangu- 
laires dont  l'origine  serait  placée  au  Saint- Go thard.  L'un, 
que  Ziegler  appelle  Normale  du  Sainl-Gothard,  est  imagi- 
naire ;  partant  du  col  de  ce  nom,  il  se  dirige  par  Lucerne 
et  Aarau  à  la  rencontre  du  massif  de  Feldberg,  façade  mé- 
ridionale de  la  Forêt-Noire.  Au  Sud ,  il  emprunte ,  au 
moins  comme  direction  générale,  le  cours  de  la  Maggia  et 
se  lient  à  une  distance  à  peu  près  égale  du  Ticino  et  de 
la  Toce  pour  aboutir  à  Milan.  L'autre,  que  j'appellerai  axe 
du  Valais  et  des  Grisons,  est  orienté  du  S.-O.  au  N.-E.  de- 
puis Martigny  jusqu'à  Coire  :  le  Rhône,  puis  le  Vorder- 
Rheîn,  et  dans  l'intervalle,  les  malts  de  la  Furka  et  d'Ober- 
alp  lui  servent  de  jalons. 

En  convergeant  60us  un  angle  aigu  sur  le  Saint-Go- 
thard,  les  Alpes  valaisanes  et  bernoises,  celles  du  Tôdi  et 
des  Sources  du  Rhin  figurent  au  premier  abord  les  rayons 
d'un  formidable  massif  chargé  de  glaciers  ;  mais  la  carte 
géologique  de  la  Suisse  réduit  à  sa  modeste  valeur  le 
massif  du  Saint- Gothard  et  montre  qu'il  n'y  a  pas  croise- 
ment, mais  simple  accotement  de  deux  chaînes  ou  voûtes. 
On  écrit  communément  que  ce  massif  embrasse  les  vallées 
originelles  du  Rhône,  de  l'Aar,  de  la  Reuss,  du  Rhin,  du 
Ticino  et  de  la  Toce,  sans  réfléchir  qu'en  absorbant  la  ré- 
gion montagneuse  presque  entière  de  la  Suisse,  cet  étoile- 
ment  donne  la  fausse  idée  d'un  foyer  éruptif  unique,  et,  ce 
qui  est  plus  grave  encore,  d'un  foyer  d'éruption,  hypothèse 
en  opposition  avec  le6  constatations  de  la  science  qui  n'ad- 
met aujourd'hui  que  des  faisceaux  de  plis  entrecroisés. 

Ce  ne  serait  que  peu  encore ,  mais  la  théorie  des 
plissements  rend  compte  ici  môme  de  faits  d'une  haute 
importance.  De  Coire  à  Martigny,  les  6illonsdu  Rhône  et 
du  Rhin  forment  une  seule  et  même  vallée  au  milieu  de  la- 
quelle les  maîts  d'Oberalp  et  de  la  Furka,  aujourd'hui  tra- 
versées par  des  routes  postales  et  stratégiques  de  premier 
ordre,  figurent  des  exhaussements  du  thalweg  accompa- 


12  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

gné6  d'étranglements.  Au  Nord  de  ce  long  corridor,  se 
dresse  la  muraille  des  Alpes  bernoises  qui,  outre  les  voû- 
tes laurentiennes  du  Finsteraar  et  du  Damastock,  com- 
prend celle  du  Tôdi,  à  l'Est  de  la  coupure  totale  de  la 
Reuss  appelée  Urner  Loch  ou  Krachenthal  (brèche  d'Uri  ou 
Vallée  tonnante). 

Les  masses  qui  encadrent  la  vallée  Martigny-Coire  cou- 
rent au  N.-E.,  la  zone  bernoise  comme  un  rempart  rectili- 
gne  fendu  en  son  milieu,  à  Andermatt,  par  r Urner  Loch,  la 
zone  valaisane  et  grisonne  avec  une  forte  courbure.  Celle~ 
ci,  en  effet,  se  replie  d'un  côté  vers  le  Mont-Blanc  et  de 
l'autre  vers  la  Bernina,  ainsi  que  les  ailes  d'un  papillon 
dont  le  massif  du  Ticino  serait  le  corps  et  qui  s'attache- 
raient au  Saint-Gothard.  Que  ces  voûtes  soient  distinctes, 
la  chose  n'est  point  douteuse  :  il  y  a  simple  contact  dans 
les  maîts  de  la  Furka  et  d'Oberalp,  et  le  Saint-Golhard 
n'est  de  la  6orte  qu'une  des  unités  orographiques  compo- 
santes de  la  zone  méridionale. 

Peu  de  massifs  au  surplus  sont  aussi  nettement  circons- 
crits. A  l'Est,  passage  du  Lukmanier  et  Medelsrhein;  à 
l'Ouest,  Nuffenen  et  val  d' Airolo;  au  Nord  enfin,  Furka} 
cirque  d' Andermatt,  Obefalp  et  Rhein  de  Toma.  Son  pour- 
tour arqué  embrasse  le  cirque  d'Andermatt,  ancien  fond 
de  lac  épanché  à  travers  l'Urner  Loch.  Aussitôt  réunies, 
le6  trois  Reuss  originelles  de  Réalp,  d'Oberalp  et  du  Saint- 
Gothard  6'engouffrent  dan6  l'affreuse  cluse  du  Krachenthal 
où  il  n'y  a  place  que  pour  la  route  de  Milan  à  Zurich  et 
où  débouche  le  tunnel  du  Saint-Gothard,  dont  l'entrée  est 
à  Airolo.  Le  passage  du  Saint-Gothard,  situé  au  milieu  de 
l'arc  de  cercle,  à  2,114  mètres,  est  encadré  par  des  monta- 
gnes de  1,000  mètres  plus  élevées.  Escarpée  6ur  Airolo,  où 
elle  se  découpe  en  paliers  et  en  murailles  verticales,  la 
pente  s'allonge  vers  Andermatt. 

1,179.  —  Airolo. 

2,114.  —  St-Gotthard-Pass.  —  Route  postale  et  hospice. 


'  ALPES  FRANÇAISES.  13 

1,421.  —  Àndermatt. 

.!,*~~r    °V    n    *     n    t        {  Cluse  de  la  Reuss. 
437.  —  Lac  des  Quatre-Canions.  ) 

IL  —  La  muraille  bernoise  n'est  traversée  que  par  la 
route  du  Saint-Gothard.  On  ne  peut  gagner  Pentrée  de 
l'Urner  Loch  que  par  la  parte  de  face  du  Saint-Gothard  et 
par  les  portes  latérales  de  TOberalp  et  de  la  Furka.  La 
voûle  s'enterre  à  chacune  de  ses  extrémités  sous  de  puis- 
santes masses  calcaires  :  le  Wildhorn  à  l'Ouest  et  le  Sar- 
dona  à  l'Est,  qui  doioinent  de  près  de  3,000  mètres  le 
Rhône  à  Martigny  et  le  Rhin  à  Coire,  et  obligent  ces  fleu- 
ves à  des  coudes  6ubits  vers  le  N.-O.  et  vers  le  N.,  au  fond 
de  cluses  excessivement  étroites.  Des  faisceaux  de  mau- 
vais passages  sillonnent  ces  massifs  et  mettent  comme  il 
suit  le  Valais  et  les  Grisons  en  communication  avec 
TOberland  bernois  et  TOberland  grison  : 

504.  —  le  îihin  à  Coire. 
3,113.  —  Sardona. 

2,424.  —  Segens-Pass.  —  Muletier  de  Reichenau  à  Schwanden. 

3,025.  —  Vorab. 

2,410.  —  Pkniztr  Pass.  —  Muletier  d'Ilanz  à  Schwanden. 

3,622.  —  Tôdi. 

3,622.  —  Vmer  Loch. — Route  de  Milan  à  Zurich  par  le  Saint-Go. 

thard. 
3,633.  —  Damastogk. 
2,165.  —  Grimsel-Pass.  —  Muletier  d'Obergestellen  à  Hof. 

4,275.  — FiNSTERAARHORN. 

2,302.  —  Gemmi-Pass.  — -  Muletier  de  Louècheà  Thun. 
3,268.  —  Wildhorn. 
410.  —  Le  Rhône  à  Saint* Maurice. 

Enfin,  la  grande  voûte  laurentienne,  bernoise  et  grisonne 
est  précédée  de  voûtes  calcaires  qui  lui  sont  parallèles  et 
6'étagent  de  telle  manière  que  leur  faîte  se  trouve  dan6  un 
plan  incliné  vers  la  plaine  suisse.  Analogues  aux  coupures 
de  Sallanches,  Faverges,  Chambéry  et  Voreppe,  les  cluses 
de  la  Linth,  de  la  Reuss  et  de  PÂar  divisent  cette  région 
calcareuse  en  massifs  similaires  des  Beauges,  des  Bornes 


14  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

et  de  la  Grande  Chartreuse.  De  môme  encore  que  dans  ces 
massifs,  les  coupures  de  VOberland  sont  reliées  par  les  re- 
plis des  voûtes.  C'est  la  zone  des  forêts  et  des  pâturages, 
des  lacs  et  des  cascades,  et  il  y  a  ainsi  continuité  géologi- 
que et  ressemblance  extérieure  entre  les  massifs  calcaires 
de  la  Savoie  et  ceux  de  l'Oberland. 

III.  —  Issues  de  la  Maurienne  et  de  laTarentaise,  des 
bandes  de  roches  sédimentaires  devenues  schisteuses  ou 
cristallines  par  métamorphisme,  franchissent  le  faîte  des 
Alpes  françaises  entre  le  Ruitor  et  le  Mont-Blanc;  elles 
s'étalent  sur  le  val  d'Aoste,  puis,  se  ramifiant,  s'intercalent 
entre  les  masses  centrales  du  secteur  valaisan  dont  elles 
comblent  à  demi  les  dépressions  isolantes.  Du  col  de 
Saint- Théodule  (Matterjoch)  à  la  Fenêtre  et  au  Ferret, 
elles  gagnent  le  Rhône  pour  se  relever  sur  la  rive  droite 
contre  les  rampes  du  Finsteraarhorn.  Le  fleuve  les  a  dé- 
coupées à  l'emporte-pièce  depuis  Brieg  jusqu'à  Sion,  où  il 
fait  son  entrée  dans  les  massifs  calcaires  précités  de 
l'Oberland  et  de  la  Savoie. 

Si  l'on  excepte  le  Simplon  et  le  Saint-Gothard,  les  cols 
qui  fragmentent  la  zone  valaisane  ne  sont  de  la  sorte  que 
d'anciens  détroits  à  travers  lesquels  a  circulé  l'Océan  ; 
mais  il  est  plus  admissible  qu'un  manteau  uniforme  a, 
comme  dans  le  bassin  de  Maurienne,  recouvert  uniformé- 
ment la  contrée,  que  les  plissements  ont  fait  assurgir  les 
voûtes  laurentiennes  et  qu'enûn  le  manteau,  6e  déchirant 
sur  les  épaules  qui  le  portaient,  s'est  empilé,  l'érosion  ai- 
dant, dans  les  replis  des  voûtes.  Quoi  qu'il  en  soit,  Taxe 
valaisan  et  grison  renferme  9  masses  anciennes,  dont 
4  dans  chaque  secteur  et  la  neuvième  formée  par  la  masse 
de  jonction  du  Saint-Gothard. 

Sureta. 

Secteur  grison .  \  *#****• 

Adula, 

Scopi. 


Secteur  ulaisan. 


ALPES  FRANÇAISES.  1 5 

Soinl-Gothard.  —  Masse  de  jonction  avec  Taxe 

bernois-grison. 
S  impion. 
Rosa. 

Dent-Blanche. 
Grand  -Saint-Bernard. 

Studer  l'a  fait  observer  :  les  crêtes  et  les  vallées  issues 
de  la  Dent-Blanche,  du  Mont-Rosa,  de  l'Adula,  du  Splù- 
gen  et  du  Snreta  sont  méridiennes  ou  s'écartent  peu  de 
cette  direction. 

3J06.  (')  —  Crète  du  Mont-Pleureur  à  Sion. 

Val  (FBérémence. 
3,644.  —  Crête  du  Colon  au  village  d'Hérémence. 

Val  d'Hérens. 
4,360.  —  Crête  de  Sierre  à  Châtillon  par  la  Dent-Blanche. 

¥al  d'Anniviers  et  val  Tournanche. 
4,515.  —  Crête  de  Louèche  à  Châtillon  par  le  Cenrin. 

Vallées  de  Tourtemaqne  et  de  la  Visp  de  Zermatt. 
Col  de  Saint-Théodule. 
4,148.—  Crête  dn  Breithorn  à  Dounaz,  sur  la  Baltea. 
Val  de  Gressoney. 
Crête  de  Stalden  à  Ivrea  par  le  Dom  (4,554)  et  le  Rosa 

(4638). 
Crête  de  Brieg  aui  sources  de  la  Visp  de  Saas,  par  le 

Weismies  (4039). 
Vallée  de  la  Visp  de  Saas. 

Seul,  le  massif  du  Tésin  fait  exception  à  cette  règle:  il 
se  coordonne  à  la  normale  du  Saint-Gothard  et,  depuis  la 
Punta  Gristallina,  rayonne  en  éventail  de  part  et  d'autre 
de  la  Maggia  et  de  cette  normale.  Le  val  d'Ossola  pour- 
tant est  presque  méridien,  mai6  le  val  Levantina,  d'abord 
N.-E.  (Alpes  principales)  jusqu'à  Airolo,  est  S.-E.  jusqu'en 
amont  de  Bellinzona. 

Je  n'irai  pas  plus  loin:  la  partie  grisonne  de  l'axe  méri- 
dional est  sans  intérêt  pour  nous,  puisque  l'Italie  n'aura 
pas  à  la  traverser  pour  gagner  la  plaine  suisse. 


(f)  L«  cotai  donaéei  d&ni  eette  énnmération  tout  o«U«t  dtt  eiaei  culminante». 


16  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

L'axe  valaisan  se  jalonne  ainsi  : 

4,811.  —  Mont-Blanc. 

2,492.  —  Col  Ferrée.  —  Muletier  d'Entrèves  à  Martigny. 
2,457.  —  Grand-Saint-Bbbnard.  —  Muletier  d'Aoste  à  Martigny. 
2,786.  —  Col  de  la  Fenêtre.  —  Sentier  de  glacier. 
4,360.  —  Dent-Blanche. 

3,322.  —  Col  de  Saint- Théodule.  —  Sentier  de  glacier. 
4,636.  —  Mont-Rosa. 

2,008.  —  Simplon.  —  Route  postale  de  Domo  d'Ossola  à  Brieg. 
2,410.  —  Albrun-Pass.  —  Sentier  difficile  de  Grodo  à  Viescb. 
3,382.  —  Gries. 

2,540.  —  G  ries- Pas  t.  —  Sentier  de  glacier  assez  bon. 
2,441.  —  Nuffenen  Pass.  —  Muletier  d'Airolo  à  Munster. 
244.  —  Saint-Gothard.  — -Route  postale  de  Milan-Airolo  à  Al- 
torf-Zurich. 

IV.  —  Le  massif  calcaire  du  Wildhorn  forme  le  palier 
de  la  traverse  qui  termine  au  S.-O.  Taxe  "bernois.  Ses  mu- 
railles, ai-je-dit,  dominent  de  près  de  3,000  mètres  la  val- 
lée du  Rhône,  de  Louèche  à  Martigny  et  Saint-Maurice,  et 
présentent  quatre  échancrures,  Gemmi,  Rawyl,  Sanestch  et 
Pa$-de-Cheville  que  gravissent  péniblement  des  chemins  de 
mulets.  Ces  passages  ont  bien  leur  importance  6i  Ton 
songe  aux  difficultés  de  la  traversée  de  la  cluse  du  Rhône 
et  à  l'utilité  de  se  couvrir  du  côté  de  Thun  et  de  Saanen. 

Au  nord  de  Vevey  s'élève  ce  qu'on  appelle  le  Jorai 
(les  Jurten  des  Allemands),  c'est-à-dire  la  partie  de  la  plaine 
6uisse  qui  forme  bordure  6ur  la  droite  du  Léman.  Sa  hau- 
teur varie  de  700  à  800  mètres  en  face  de  Vevey  et  de 
Lausanne,  et  c'est  une  véritable  eunette,  car  de  Morges  à 
Yverdun  il  s'affaisse  jusqu'à  ne  plus  atteindre  que  80 
mètres  au-dessus  du  lac  de  Genève,  et  10  mètre6  Seulement 
au-dessus  de  celui  de  Neuchâtel.  C'est  la  dépression  de  la 
Vénoge  et  du  Nozon  que  traversent  le  canal  d'Entreroche 
et  le  chemin  de  fer  de  Lausanne  à  Neuchâtel. 

L'admirable  carte  hypsométrique  de  Ziegler  ne  men- 
tionne pas  le  Jorat:  Studer  lui  attribue  dans  l'orographie 
de  la  Suisse  le  même  rôle  qu'aux  rideaux  de  molasse 


ALPES  FRANÇAISES.  17 

épargnés  par  les  courants  glaciaires  et  qui  vont  mourir 
contre  l'Aar.  Les  hydrographistes  néanmoins  ont  jugé 
indispensable  d'élever  une  barrière  entre  le  Léman  et  le 
lac  de  Neuchàtel,  alors  qu'un  simple  voyage  de  touriste  à 
Lausanne  leur  aurait  montré  que  la  nature  n'invente  rien. 
La  molasse,  comme  nous  le  savons,  6e  relève  en  fond  de 
bateau  vers  l'Oberland  et  vers  le  "Jura,  mais  beaucoup 
moins  de  côté  où  elle  bute  à  700  mètres,  de  sorte  que  la 
longue  falaise  domine  d'un  millier  de  mètres  encore  les 
plaines  de  Genève,  Neuchàtel  et  Berne. 

J'ai  pu  m'en  rendre  compte  du  haut  des  montagnes  de 
.  la  Dranse  qui  avoisinent  le  Léman.  La  plaine  suisse  s'é- 
tend à  perte  de  vue  vers  le  Nord,  et  ses  ondulations,  aux 
formes  mousses  presque  indéterminables,  rappellent  les 
vagues  allongées  d'un  bras  de  mer  dont  la  muraille  du  Jura 
et  les  étages  successifs  de  l'Oberland  seraient  les  rivages. 
Les  nappes  du  Léman  el  de  Neuchàtel  apparaissent  comme 
desxones  que  les  rafales  n'atteindraient  pas  et  qui  conser- 
veraient leur  horizontalité,  leur  immobilité  naturelles. 

Y.  —  La  tôte  de  la  vallée  du  Rhône  est  aux  glaciers  du 
Damas t oc k  et  à  la  maft  de  la  Furka.  Jusqu'à  Brieg  où 
débouche  la  route  du  Simplon  qui  s'y  amorce  avec  le 
chemin  de  fer  de  Martiguy-Lausanne-Bouveret,  ce  n'est 
qu'une  gorge  encaissée  entre  des  parois  d'une  hauteur 
effrayante  et  chargées  de  glaciers.  Elle  prend  ensuite  quel- 
que largeur,  mais  à  chaque  instant  les  masses  calcaires 
qui  servent  de  parados  aux  Alpes  bernoises  et  valaisanes 
viennent  la  .resserrer  au  point  de  supprimer  le  fond  de 
vallée.  A  partir  de  Sion  jusqu'à  Martigny,  le  Valais  rap- 
pelle le  Grésivaudan  avec  des  proportions  plus  grandioses 
et  un  cachet  particulièrement  sévère  ;  la  plaine,  d'ailleurs, 
est  pauvre,  et  les  prairies  n'y  sont  guère  que  le  bassin 
d'inondation  du  fleuve. 

D'Oberwald,  où  convergent  les  eaux  de  fonte  de  ses 
glaciers  originels,  à  Martigny,  la  chute  du  Rhône  est 

•oc.  m  atoes.  —  1"  tbimmtkb  183*.  t 


18  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

énorme  ;  883  mètres  pour  un  trajet  de  35  lieue6  seulement. 
La  maît  de  la  Furka  se  termine  à  Visp,  au  confluent  de 
ce  torrent  ;  depuis  lors,  les  lisières  de  la  vallée  s'écartent-, 
peu  à  peu,  mais  tandis  que  les  Alpes  bernoises  continuent 
à  serrer  le  fleuve,  ces  massifs  valaisan6  ne  lui  permettent 
guère  d'élargir  son  domaine,  car  les  éperons  méridiens 
qu'ils  jettent  normalement  à  son  cours,  âpres,  infranchis- 
sables et  d'une  hauteur  excessive,  l'étranglent  coup  sur 
coup.  D'ailleurs,  les  lugubres  couloirs  de  laDranse,  d'Hé- 
rens,  d'Anniviers,  de  Tourtemagne  et  de  la  Visp,  d'un 
côté  ;  de  la  Louza,  Dala,  Rière  çt  Morges,  de  l'autre,  abou- 
tissent d'ordinaire  à  des  culs*de-sac,  à  des  parois  verticales  . 
dont  on  n'imaginerait  jamais  que  l'on  pût  sortir.  Les  tor- 
rents en  descendent  en  droite  ligne  de  la  base  des  glaciers 
et  se  mêlent  à  la  grande  artère  sans  avoir  rien  perdu 
chemin  faisant  de  leur  vitesse  et  de  leur  puissance.  Tout 
abat  d'eau  dans  la  montagne  est  la  menace  d'un  désastre.  ■ 

En  arrivant  à  Martigny,  le  Rhône  tourne  du  S.-O.  au 
N.-O.  et  traverse  en  grondant  sa  première  cluse,  entre 
deux  sentinelles  avancées,  la  Dent-de-Morcles  et  la  Dent- 
du-Midi.  L'encaissement  y  est  tel,  le  fleuve  y  est  telle- 
ment à  l'étroit  qu'à  chaque  pas  les  habitations  sont  appli- 
quées contre  les  rochers  à  une  hauteur  suffisante  pour  les 
mettre  à  l'abri  des  crues,  terribles  dans  ce  goulet.  Saint- 
Maurice,  d'ailleurs,  barre  entièrement  le  passage  et  l'on 
ne  débouche  sur  l'évasement  de  Bel  que  par  le  chemin  de 
fer  ou  par  la  rue  du  village.  Jadis,  l'entrée  du  Lémanétait 
à  Bex;  les  apports  glaciaires  et  torrentiels  l'oot  fait  reculer 
de  20  kilomètres. 

Lorsqu'on  a  cheminé  un  jour  entier  au  fond  de  cette 
lézarde  qui  ne  laisse  apercevoir  qu'une  bande  étroite  du 
ciel,  et  entendu  le  mugissement  incessant  du  Rhône  entre 
ces  parois  de  rochers  que  surmontent  de  rares  bouquets  de 
sapins,  le  charme  qu'on  éprouve  en  atteignant  Bex»  et 
Villeneuve  dépasse  toute  description.  De  quelles  magni- 


ALPES  FRANÇAISES.  19 

licences  se  revêt  la  géographie  pour  celui  qui  l'étudié  au- 
jourd'hui sur  une  cime  neigeuse,  demain  au  fond  des 
abîmes  !  C'est  par  cet  abîme  que  les  Italiens  pourront  dé- 
boucher pour  donner  la  main  dans  la  plaine  suisse  à  leurs 
alliés  «naturels  ». 

Ayant  d'arriver  au  Léman,  il  faut  bien  espérer  qu'ils 
auront  eu  maille  à  partir  avec  l'armée  suisse  qui  se  pro- 
pose de  fortifier  le  Simplon,  Martigny  et  Bouveret. 

J'ai  cru  devoir  entrer  dans  quelques  détails  au  sujet  de 
la  structure  des  Alpes  suisses  et  de  la  vallée  du  Rhône 
avant  d'aborder  la  question  de  l'éventualité  d'une  violation 
de  territoire  par  l'Italie.  Si  je  suis  parvenu,  en  sortant  des 
clichés  traditionnels  des  hydrographistes,  en  montrant  les 
nécessités  de  cette  structure,  à  donner  au  lecteur  une  idée 
nette  et  vraie  de  cette  région,  mes  voyages  n'auront  point 
été  absolument  ce  qu'on  appelle  du  temps  perdu  ;  cette 
satisfaction  est  assez  légitime. 

VI.  —  Les  passages  des  Alpes  des  sources  du  Rhin,  le 
Splûgen  et  le  Bernardin,  conduiraient  les  Italiens  à  Goire  ; 
il  est  naturel  que,  cherchant  à  envahir  la  plaine  suisse,  à 
se  déployer  entre  Lausanne,  Berne  et  Neuchâtel,  à  me- 
nacer Genève,  à  occuper  le  Ghablais  et  le  Faucigny,  ils 
se  servent  des  routes  du  Saint-Gothard  et  du  Simplon. 
Quelques  colonnes  sans  artillerie  pourront  aussi  gagner 
le  Valais  par  la  Nuffenen  et  le  Grand-Saint-Bernard,  mais 
le  gros  des  forces  suivra  les  deux  routes  postales.  En  arri- 
vant à  Ho6penthal,  dans  le  cirque  d'Urseren,  elles  se  rabat- 
tront à  gauche  sur  la  Furka  et  rejoindront  à  Brieg  les  co- 
lonnes descendues  du  Simplon. 

A  Martigny,  si  ce  n'est  plutôt  déjà,  aux  étranglements 
successifs  du  Rhône,  ils  trouveront  en  position  les  forces 
combinées  de  la  Suisse  et  de  la  France.  Martigny  surtout 
devra  être  énergiquement  défendu  ;  ils  auraient  beau  jeu 
par  la  Forclaz  de  gagner  Sallanches,  pointe  funeste,  car 
Sallanches  est  le  pivot  de  la  défense  de  la  Savoie ,  et  les 


20  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

lignes  de  la  Dranse,  de  l'Àrve  tomberaient  sans  coup 
férir.  Si  les  projets  de  la  Suisse  à  Martigny  n'ont  reçu 
aucune  exécution,  nous  occuperons  donc  la  Forclaz  d'où 
nous  dominerons  la  ville.  Les  pentes  en  avant  du  col  sont 
bien  boisées  et  en  glacis  assez  régulier  ;  il  y  a  place  pour  une 
brigade  appuyée  à  des  obstacles  inabordables  et  Ton  y  bat 
à  bonne  portée  la  route  du  Simplon  et  le  débouché  resserré 
du  val  Perret  et  du  Grand-Saint-Bernard.  Je  le  croirais  vo- 
lontiers :  à  la  Forclaz,  le  plus  modeste  ouvrage  provisoire 
armé  de  8  ou  10  pièces  arrêtera  indéfiniment  les  Italiens 
à  l'entrée  de  Martigny.  La  ville  et  6on  grand  faubourg 

• 

offrent  toutes  les  ressources  désirables  ;  détail  essentiel, 
parce  que  la  vallée  de  Chamonix  est  absolument  pauvre. 
En  cas  d'échec,  nous  aurons  toujours  la  faculté  de  nous  re- 
tirer 6ur  Chamonix  par  la  Balme  et  la  Tête- Noire,  où  quel- 
ques compagnies  seront  indélogeable6.  La  route  est  bonne 
de  Sallanche6  à  Chamonix  ;  au  delà,  un  large  chemin  mule* 
tier,  accessible  à  l'artillerie  en  dépit  de  la  raideur  de  cer- 
taines montées,  nous  permettrait  d'amener  à  la  Forclaz  le 
canon  et  les  forces  nécessaires  pour  tenir  l'ennemi  en  res- 
pect à  Martigny. 

Si  cette  position  tombe  au  pouvoir  de  l'ennemi,  il  faut 
couvrir  Sallanches  et  Beaufort,  les  deux  points  menacés, 
ou  autrement  dit  occuper  Servoz  et  le  col  de  Yoza,  après 
avoir  fait  sauter  le  pont  Pellissier.  Notre  ligne  de  défense 
est  fort  allongée,  de  Servoz  au  Bouveret,  par  le  Coux  et 
le  Morgin,  mais  il  n'y  a  que  cinq  points  à  garder,  et  peu 
de  monde  y  suffira,  ce6  points  consistant  en  passages  mu- 
letiers et  la  région  entre  la  Dent-du-Midi  et  les  Aiguilles- 
Bouges  étant  inaccessible.  Les  grandes  opérations  ne 
commenceront  que  le  jour  où  l'ennemi  ayant  atteint  la 
Dranse- du -Biot,  sa  colonne  principale  s'apprêtera  à  la 
franchir  pour  marcher  contre  Thonon  et  Genève,  dans  le 
but  d'assurer  sa  jonction  avec  celle  qui,  de  Saint-Maurice 
et  d'Aigle,  aura  contourné  le  Léman  par  Lausanne;  car  il 


ALPES  FRANÇAISES.  21 

oe  laut  pas  le  perdre  de  vue,  les  Italiens  voudront  s'em- 
parer à  tout  prix  de  Genève  et  de  la  ligne  de  l'Arve,  leur 
premier  front  d'opérations. 

A  ce  sujet,  il  est  naturel  de  distinguer  les  opérations 
que  l'ennemi  pousuivra  contre  Genève  et  contre  TArve 
pour  couvrir  sa  retraite,  et  celles  qui  auront  pour  but  de 
donner  la  main  aux  Allemands  dans  la  plaine  suisse  ou 
sur  les  plateaux  du  Jura.  Ces  dernières  ne  sauraient  trou- 
Ter  place  ici  et  je  les  développerai  dans  une  prochaine 
étude  du  Jura. 

Les  combats  de  Martigny,  de  Saint-Maurice  et  des  envi- 
rons ne  seront  que  des  affaires  d'avant- garde,  à  moins 
qu'un  corps  suisse  n'ait  reçu  mission  de  défendre  à  outrance 
la  trouée.  On  peut  l'admettre,  ce  corps  se  repliera  6ur 
Lausanne  et  Genève  en  nous  laissant  le  soin  de  disputer 
la  Savoie,  depuis  les  passages  qui  dominent  la  cluse  jus- 
qu'aux lignes  de  l'Arve  et  de  la  Dranse,  à  la  défense  de 
laquelle  il  y  aura  coopération  effective.  Ce  n'est  certes 
point  trop  d'un  corps  d'armée  pour  garder  une  ligne  aussi 
étendue  :  j'entends  dire  par  là,  un  corps  d'armée  français 
et  une  division  suisse  au  moins.  Ainsi,  la  ligne  de  la 
Dranse  6e  prolonge  vers  Servoz  par  les  Gêts,  Taninges  et 
Cluses.  Sans  doute,  il  ne  se  présentera  pas  de  grandes 
forces  devant  Servoz,  débouché  de  Chamonix,  non  plus 
que  devant  Taninges,  débouché  du  val  d'Illiez;  l'effort 
principal  se  portera  contre  ia  Yernaz  et  le  pont  de  Tho- 
non,  mais  il  paraît  nécessaire  de  répartir  une  divi- 
sion entre  les  Géts  et  Servoz,  et  de  masser  les  autres,  avec 
toute  l'artillerie ,  derrière  les  ponts  de'  la  Vernaz  et  de 
Thonon.  Si,  en  1815,  le  maréchal  Suchet  a  occupé  l'Arve, 
de  Garouge  à  Bonneville  seulement,  et  si  le  général  Des- 
saix  a  réussi  à  emporter  le  pont  de  Thonon  derrière  le- 
quel s'étaient  retranchés  les  Autrichiens,  c'est  qu'à  cette 
époque  Sallanches  et  Cluses  n'avaient  rien  à  redouter  du 
Valais  :  il  n'en  est  plus  ainsi  aujourd'hui  ;  la  route  des 


22  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

Gête  est  excellente  et  la  Forclaz  peut  conduire  devant 
Sallanches  de  l'artillerie  de  campagne  et  des  forces  res- 
pectables. 

De  la  Dranse,  la  retraite  6ur  l'Arve  est  assurée  ;  elle 
s'effectuera  à  la  fois  vers  Genève  et  vers  les  ponts  d'Anne- 
masse,  Naugy  et  Bonneville.  De  Taninges  nous  jetterons 
un  détachement  à  Cluses  pour  tenir  le  passage  des  Ànnes 
et  ferons  filer  le  plus  gros  6ur  Bonneville  par  la  vallée  du 
Giffre.  Dans  ce  mouvement,  l'aile  droite  évacuera  Servoz 
et  Sallanches  et  se  retirera  à  Mégève  et  aux  Contamines  ; 
le  centre  et  l'aile  gauche  passeront  les  ponts  et  en  dispu- 
teront le  passage.  Le  pont  de  Bonneville  est  difficile  à  dé- 
fendre ;  les  pentes  du  Môle  dominent  la  plaine  de  l'Arve 
jusqu'auprès  de  la  Roche;  il  en  est  de  même  du  pont  de 
Nangy.  L'impossibilité  de  s'opposer  à  leur  rétablissement 
rend  leur  destruction  inutile.  Il  n'en  est  heureusement 
point  ainsi  à  l'aile  gauche  ;  entre  Genève  et  Annemasse, 
les  chances  nous  sont  plutôt  favorables,  car  les  rampes  du 
Salève  découvrent  au  loin  la  plaine  jusqu'au  lac  et  tien- 
draient les  ponts  sous  le  feu  de  nos  batteries. 

Il  existe  enfin  derrière  l'Arve  une  ligne  de  défense  peu 
connue  peut-être,  un  véritable  champ  de  bataille  qui,  orga- 
nisé à  l'avance,  couvert  de  redoutes  et  d'épaulements  de 
batteries,  paraît  susceptible  de  tenir  plusieurs  jours.  Je  veux 
parler  des  glacis  de  Sion  et  de  la  Roche.  Ils  s'appuient  à  gau- 
che au  fort  de  l'Écluse  et  aux  escarpes  du  Yuache  que  l'on 
occupera  tôt  ou  tard,  à  droite  aux  murailles  des  Beauges  ; 
le  Salève  y  figure  un  bastion  dont  ils  seraient  les  courtines. 
Mais  il  faut  tenir  l'entrée  de  la  gorge  Borne  et  faire  sauter 
le  pont  de  Saint-Pierre,  dit  aussi  pont  du  Diable  (d'une 
seule  arche  et  jeté  à  une  grande  hauteur  6ur  le  torrent), 
pour  se  couvrir  du  côté  de  Saint- Jean-de-Sixt.  D'excellen- 
tes routes  nous  permettraient  de  gagner  la  courte  ligne  du 
Fier,  de  Seyssel  à  Annecy.  La  droite  occuperait  les  Con- 
tamines, Mégève  et  Saint- Jean-de-Sixt;  en  d'autres  termes, 


ALPES  FRANÇAISES.  23 

pivoter  en  s'appuyant  au  Mont-Blanc,  tandis  que  le  centre 
et  la  gauche  exécutent  un  changement  de  direction  de  la 
Dranse  à  l'Arve  et  au  Fier  en  s'appuyant  au  Rhône,  telle 
est  la  marche  à  suivre  proposée.  La  ligne  de  défense  la 
plus  solide  est  cette  dernière,  mais  nous  avons  abandonné 
Genève  ;  le  moment  e6t  venu  pour  les  troupes  du  Bugey 
d'intervenir  et  rien  n'est  perdu  encore. 


FIN  DBS  ALPES  FRANÇAISES  ('). 


(*)  Nous  comptons  pouvoir  bientôt  donner  1*  mite  dn  travail  d'ensemble  entrepris 
fer  notre  savent  collègue,  à  savoir:  Le  Jura,  étudié  dans  le  n.éme  ordre  d'idées, 
booel  sera  sans  doute  suivi  de  :  Lee  Voêgeê  et  la  frontière  belge. 


2*  GÉOGRAPHIE  COMPARÉE 


REMARQUES 


DE 


GÉOGRAPHIE    PHYSIQUE 

TAITZB 

DURANT  UN  VOYAGE  DE  CIRCUMNAVIGATION 
autour  de  l'Amérique  du  Sud. 

[Suite?).] 


D'après  Théobald  Fischer,  l'augmentation  de  la  séche- 
resse dans  l'Afrique  septentrionale  est  aussi  prouvée  par 
la  disparition  des  grands  mammifères  et  la  récente  appa- 
rition du  chameau  dans  ces  contrées.  Ce  dernier  animal, 
aujourd'hui  indispensable  au  trafic  du  désert,  semble  avoir 
été  inconnu  en  Afrique  jusqu'à  une  époque  voisine  de 
l'ère  chrétienne,  car  on  n'en  a  jamais  trouvé  aucune  re- 
production 6ur  les  monuments  d'Egypte  et  de  Méroë,  et 
Polybe,  parlant  de  la  cavalerie  carthaginoise,  mentionne 
les  éléphants  et  non  les  chameaux.  J'avais  fait  voir  aupa- 
ravant que  ce  fait  intéressant  s'est  passé  en  Asie  -  Mi- 
neure ('),  et  j'ai  cité  de  nombreux  auteurs  classiques, 
entre  autres  Hérodote  et  Xénophon,  qui  tous  deux  attri- 
buent la  victoire  de  Cyrus,  lors  de  la  bataille  de  Sardes, 
sur  le  roi  de  Lydie,  à  la  présence  dans  l'armée  perse  de 
chameaux,  dont  la  vue  .frappa  de  terreur  la  cavalerie 
lydienne  et  la  mit  en  fuite.  Même  au  vie  siècle  de  notre 
ère,  l'historien  Procope  mentionne  la  môme  impression 


l1)  Voir  la  livraison  du  4'  triœeitre  1882,  p.  722.' 

(*)  Tchihatchcf,  Aeiê-Mineure,  Climatologie  et  Zoologie,  p.  757. 


REMARQUES  DE  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  25 

produite  sur  la  cavalerie  romaine  par  la  vue  des  cha- 
meaux employés  dans  l'armée  des  Arabes.  Un  fait  plus 
remarquable  encore,  c'est  qu'au  xn*  siècle,  Glycas  ra- 
contant encore  dans  ses  Annales  la  bataille  de  Sardes, 
d'après  les  récits  d'Hérodote  et  de  Xénophon,  n'ajoute  à 
cette  citation,  au  sujet  de  l'impression  produite  par  les 
chameaux  des  Perses,  aucune  remarque  sur  la  différence 
entre  les  habitudes  des  chameaux  des  anciens  et  ceux  de 
son  temps,  ce  qui  semble  prouver  qu'il  ne  trouva  rien 
d'extraordinaire  dans  ces  récits  et  que,  par  conséquent, 
même  au  xne  siècle,  le  chameau  n'avait  pas  encore  acquis, 
en  Orient,  la  parfaite  indifférence  qu'il  professe  mainte- 
nant pour  les  chevaux,  et  que  j'ai  souvent  constatée  en 
attachant  ensemble  des  chevaux  et  des  chameaux  sans  leur 
voir  témoigner  la  moindre  inquiétude. 

Théobald  Fischer  invoque  le  témoignage  d'Hérodote  et 
de  Pline,  et  cite  d'anciens  monuments  ornés  de  figures 
d'animaux,  pour  prouver  que,  dans  les  temps  historiques, 
le  nord  de  l'Afrique  était  habité  par  des  éléphants  et  des 
rhinocéros,  et,  ce  qui  est  encore  plus  significatif,  par  des 
crocodiles  ;  ces  amphibies  supposent,  en  effet,  l'existence 
dé"  cours  d'eau  incapables  de  6e  dessécher.  Il  est  impos- 
able d'attribuer  la  disparition  de  ces  animaux  à  la  seule 
action  de  l'homme;  car  les  pays  où  leur  présence  est  men- 
tionnée étaient  infiniment  plus  peuplés  qu'ils  ne  le  sont 
actuellement  et  offraient,  par  conséquent,  aux  bétes  sau- 
vages un  6éjour  moins  favorable  que  maintenant.  Nous 
sommes  donc  amenés  à  admettre  une  altération  dans  les 
conditions  climatériques  de  la  contrée,  à  savoir  un  accrois- 
sement de  sécheresse  de  l'atmosphère,  qu'explique  à  la 
fois  l'introduction  du  chameau  dans  le  nord  de  l'Afrique 
etTÀsie-Mineure  et  la  disparition  de  l'éléphant.  A  l'appui 
de  cette  opinion,  Théobald  Fischer  nous  rappelle  que  sur 
les  deux  continents,  en  Afrique  comme  en  Asie,  l'élé- 
phant exclut  le  chameau,  et  vice  versa,  au  point  que  dans  la 


26  GÉOGRAPHIE  COMPARÉE. 

partie  supérieure  de  la  vallée  du  Nil,  où  les  éléphants 
prospèrent,  les  chameaux  peuvent  à  peine  vivre. 

Le  Dr  Oscar  Fraas,  savant  géologue  allemand,  auquel  on 
doit  la  découverte  de  nummulite6  dans  des  dépôts  tertiaires 
près  de  Jérusalem,  mentionne  également  l'absence  de 
toute  image  de  chameau  sur  les  monuments  égyptiens,  et 
cela  non  seulement  dans  les  ruines  de  la  fameuse  ville  de 
Sakkarah,  dont  les  murs  sont  couverts  de  peiutures  repré- 
sentant divers  animaux,  mais  aussi  à  Thèbes,  fondée 
3,000  ans  après  Sakkarah.  Ce  fait  prouve  qu'à  cette  épo- 
que le  désert  n'existait  pas  ;  une  autre  preuve  nous  est 
fournie  par  le  nombre  des  splendides  monuments  que  Ton 
n'aurait  certainement  pa6  construits  au  milieu  de  solitudes 
inhospitalières,  pas  plus  que  l'empereur  Adrien  n'aurait 
construit  près  de  Rome  sa  fameuse  Villa  Adrlana  au  milieu 
des  marais,  si  ceux-ci  avaient  existé  à  cette  époque*  Oscar 
Fraas  est  d'avis  qu'en  Egypte  les  conditions  climatériques 
furent  tout  à  fait  différentes  de  ce  qu'elles  sont  aujourd'hui, 
même  du  temps  des  Grecs,  à  l'époque  où  Alexandrie  était 
le  brillant  foyer  des  sciences  et  de6  arts,  répandant  la 
lumière  sur  tout  le  monde  connu.  Il  pense  que  l'activité 
intellectuelle  déployée  par  cette  cité  suppose  un  autre  cli- 
mat, un  air  moins  sec  :  «  Sur  le  sol  actuel  du  Nil,  dit 
Oscar  Fraas,  aucun  système  philosophique  n'aurait  pu 
voir  le  jour,  et  aucune  puissance  humaine  n'aurait  pu 
fonder  ces  universités  capables  de  rivaliser  avec  celles  de 
l'Europe.  » 

Les  quelques  exemples  que  nous  venons  de  citer  suffi- 
sent à  prouver  que  le  climat  du  désert  libyco-saharien, 
aussi  bien  que  celui  des  contrées  entourant  la  Méditerranée, 
a  subi  de  grands  changements,  même  dans  les  temps  his- 
toriques. On  a  aussi  la  preuve  que  des  modifications  ana- 
logues dans  la  configuration  du  6ol  et  la  végétation  des 
mêmes  contrées  ont  eu  lieu  à  une  époque  relativement 
récente.  Théobald  Fischer,  que  nous  avons  eu  déjà  l'occa- 


v 


REMARQUES  DE  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  27 

«on  de  citer,  a  consacré  à  l'étude  des  modifications  topo- 
graphiques  des  pays  méditerranéens  le  môme  talent  et 
l'érudition  avec  lesquels  il  a  traité  les  changements  suc- 
cessifs de  climat  qui  ont  eu  lieu  dans  ces  régions.  Dans 
un  travail  publié  par  le  journal  géographique  de  Berlin  (l), 
il  traite  ce  sujet  d'une  façon  magistrale,  et  une  carte,  an- 
nexée à  l'ouvrage,  représente  graphiquement  les  nom- 
breuses submersions  et  émersions  alternatives,  positive- 
ment reconnues,  des  régions  littorales  de  presque  toutes 
les  contrées  entourant  la  Méditerranée.  Sur  les  rivages 
africains,  ce  phénomène  est  particulièrement  remarquable, 
autant  par  6on  intensité  que  par  la  variété  de  ses  manifes- 
tations i  les  mouvements  de  soulèvement  et  d'affaissement 
du  sol  se  produisant  alternativement  sur  la  même  ligne  de 
côtes,  dans  des  localités  peu  éloignées  les  unes  des  autres. 
Gerhard  Rohlfs,  l'explorateur  africain  bien  connu,  a  re- 
connu l'affaissement  de  tout  le  rivage  de  Tripoli  jusqu'au 
golfe  de  la  Grande  Syrte,  et,  d'après  lui,  le  mouvement 
d'immersion  du  soi  est  si  accentué  qu'il  a  pu  l'apprécier 
dans  les  voyages  fréquents  qu'il  a  faits  dans  ce  pays.  Il 
cite  à  l'appui  des  exemples  remarquables  et  dit  :  «  Je  ne 
crois  pas  qu'en  aucun  lieu  du  globe  on  ait  observé  un 
affaissement  du  boI  aussi  rapide.  » 

Un  mouvement  du  sol  en  sens  opposé  a  lieu  dans  le  voi- 
sinage des  rivages  tunisiens  :  le  Dr  Barth  a  découvert,  près 
de  la  ville  actuelle  de  Gabès,  les  ruines  d'une  localité 
très  ancienne,  qu'il  croit  être  l'antique  Tas  cape,  située 
d'après  les  auteurs  grecs  et  romains  sur  le  rivage  de  la 
mer,  ce  qui  depuis  longtemps  n'est  plus  le  cas  de  la  mo- 
derne Gabès.  Sir  Gran ville  Temple  .a  observé  des  traces 
d'un  apcien  golfe  pénétrant  de  Gabès  dans  l'intérieur  du 
continent,  et  relié  avec  le  lac  ou  chott  El-Fedjedj  (l'ancien 
Triionis  lacus);  cette  communication  a  cessé  par  suite  du 


(0  ZtiUchrift  dêr  QtêéUêcbafl  fur  Xrdkunde  tu  Berlin.  1878,  p.  151. 


28  GÉOGRAPHIE  COMPARÉE. 

soulèvement  du  sol  qui,  sous  la  forme  d'un  isthme,  sépare 
maintenant  le  lac  du  golfe  de  Gates.  Plus  près  de  Tunis, 
nous  trouvons  la  baie  de  Porto-Farina,  jadis  profonde  de 
30  ou  50  pieds,  et  considérée,  il  y  a  deux  siècles,  comme 
un  excellent  port,  puisque  dans  Tannée   1655  l'amiral 
Blake  a  pu  y  jeter  l'ancre  à  son  ai6e  avec  une  escadre  de 
neuf  vaisseaux  de  guerre.  Aujourd'hui  Port-Farine  n'a 
plus  que  deux  pieds  d'eau,  et  le  temps  n'est  pas  éloigné 
où  toute  la  baie  6era  réunie  au  continent.  De  plus,  la  fa- 
meuse cité  d'Utique  qui,  du  temps  des  Carthaginois,  pos- 
sédait un  port  splendide,  n'est  plus  aujourd'hui  qu'une 
grande  plaine  sablonneuse  et  les  ruines  de  l'ancienne  ville 
maritime  6ont  à  plus  de  12  milles  du  rivage.  Peu  d'endroits 
sur  la  terre  offrent  un  plu6  triste  contraste  entre  le  passé 
et  le  présent  que  cette  plaine  de  sable,  absolument  nue, 
que  j'ai  traversée  sous  le  brûlant  soleil  de  juin,  sans  y 
rencontrer  de  créatures  vivantes  d'aucune  espèce.  Je  m'é- 
tais familiarisé  avec  de  semblables  phénomènes  dans  les 
régions  classiques  de  l' Asie-Mineure,  où  non  seulement 
les  hommes,  mais  aussi  la  nature  ont  depuis  tant  de  siècles 
accompli  leur  œuvre  de  destruction.  Mais  si  la  nature 
détruit,  elle  crée  aussi  et,  au  point  de  vue  topographique, 
l'Asie-Mineure  en  fournit  de6  exemples  frappants.  Pen- 
dant les  dix  années  que  j'ai  consacrées  à  l'exploration  de 
cette  magnifique  contrée,  j'ai  pu,  en  suivant  pa6  à  pas  les 
anciens  géographes  et  historiens,  reconnaître  les  modifi- 
cations que  la  surface  du  pays  a  éprouvées  depuis  l'ère 
chrétienne  seulement.  Ces  changements  sont  si  considéra- 
bles pour  un  temps  écoulé  relativement  court,  qu'on  peut 
dire  sans  exagération  que  la  surface  gagnée  par  la  terre 
ferme,  rien  que  par  la  formation  des  deltas  et  le  cQmble- 
ment  des  mers  et  des  golfes,  équivaut  à  celle  d'une  petite 
province.  Cette  conquête  de  la  terre  sur  la  mer  se  continue 
encore  rapidement  de  nos  jours,  si  bien  qu'un  jour  on 
verra  réalisée  la  prophétie  de  Strabon.  Ce  savant  géogra- 


REMARQUES  DE  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  29 

phe  a  déclaré,  il  y  a  dix-huit  siècles,  qu'un  temps  viendra 
où  le6  rivages  de  la  Cilicie  rejoindront  l'île  de  Chypre, 
événement  qui  dérangera  singulièrement  les  combinaisons 
des  diplomates,  6i  de  tels  fonctionnaires  existent  encore  à 
cette  époque. 

A  ces  remarques  sur  les  différentes  modifications  physi- 
ques éprouvées  par  le  désert  libyco-saharien  et  les  con- 
trées méditerranéennes,  durant  les  dernières  périodes 
géologiques  et  même  depuis  les  temps  historiques,  j'ajou- 
terai quelques  mots  au  6ujet  de  certains  changements 
botaniques  qui  ont  probablement  eu  lieu  après  la  forma- 
tion de  la  mer  Méditerranée,  considérée  par  plusieurs 
naturalistes  comme  relativement  récente.  Le  fait  est  que 
le9  deux  rivages  de  cette  mer  présentent  une  grande  diffé- 
rence dans  le  nombre  et  la  distribution  de  certaines  famil- 
les de  plantes,  qu'une  différence  de  conditions  climatéri- 
ques  ne  peut  suffire  à  expliquer.  Parmi  ces  familles 
végétales,  je  citerai  seulement  les  cupulifères  et  les  coni- 
fères. Dans  la  première,  le  genre  Quercus,  ou  chêne,  est 
particulièrement  remarquable  à  ce  point  de  vue.  G é logi- 
quement parlant,  le  chêne  peut  être  considéré  comme 
d'apparition  récente,  car  parmi  les  34  espèces  fossiles 
admises  parle  comte  de  Saporta,  toutes,  sauf  une  (Quercus 
f>rimordiali$)7  se  rencontrent  pour  la  première  fois  dans  les 
plus  récentes  formations  tertiaires  (miocène  et  pliocène). 
Actuellement,  l'Algérie  n'a  que  9  espèces  de  chênes,  mais 
l'fi6pagne  en  a  16,  la  France  12,  et  la  Grèce  plus  de  15  ; 
tandis  que  l'Asie-Mineure,  où  ce  genre  semble  avoir  acquis 
son  maximum  de  développement,  en  possède  52  espèces, 
dont  26  sont  particulières  à  la  péninsule  d'Ànatolie  (1). 

Dans  la  famille  des  conifères,  le  cèdre  offre  un  exemple 
frappant  de  localisation,  car,  sur  tous  les  rivages  de  la 
Méditerranée,  il  n'y  a  que  quatre  points  où  ce  bel  arbre 


OTcfeifeatehef,  À*i+Mii*ure,  partie  Botanique,  II,  p.  463-80. 


30  GÉOGRAPHIE  COMPARÉE. 

croît  véritablement  à  l'état  spontané,  savoir  :  le  Liban 
(Syrie),  l'Algérie,  la  Cilicie  (sud  de  l'Asie-Mineure)  et 
Chypre  ;  la  présence  du  cèdre  dans  cette  dernière  île  a  été 
constatée  par  6ir  Samuel  Baker.  Le  Liban  avait  été  consi- 
déré comme  la  patrie  du  cèdre  avant  qu'on  eût  découvert 
que  l'Afrique  du  Nord  renfermait  de  grandes  forêts  d'une 
variété  de  cette  espèce  (Cedrus  Libani,  tiar.  allanticd)  ;  mais 
le  botaniste  autrichien  Kotchy  et  moi-même  avons  eu  la 
bonne  fortune  de  découvrir  en  Cilicie  une  nouvelle  station, 
de  ce  bel  arbre,  beaucoup  plus  importante  que  celles 
trouvées  jusqu'ici,  comme  je  crois  l'avoir  démontré  (l)  par 
la  comparaison  des  forêts  de  cèdres  de  l'Algérie  avec  celles 
de  l' Anatolie  ;  c'est  au  point  que  si  ces  dernières  avaient  été 
connues  du  botaniste  Loudoii  lorsqu'il  établit  la  nouvelle 
espèce  de  cèdre,  il  eût  donné  à  celle-ci  le  nom  de  Cedrus 
Cilicùe  au  lieu  de  Cedrus  Libani. 

Les  deux  exemples  de  localisation  que  je  viens  de  citer 
suffisent  à  prouver  que  ces  phénomènes  ont  eu  lieu  après 
la  formation  de  la  mer  Méditerranée  ;  car  si  le  cèdre  avait 
été  répandu  6ur  le  continent  qui  réunissait  autrefois  l'Eu* 
rope  à  l'Afrique,  cet  arbre  serait  resté  après  la  séparation 
des  deux  continents  et  on  le  trouverait  en  plusieurs  points 
du  rivage  nord  de  la  Méditerranée,  tels  que  les  montagnes 
de  la  Grèce,  les  Apennins,  les  Pyrénées,  etc.,  où  le  cli- 
mat et  le  sol  6ont  favorables  au  cèdre  aussi  bien  que  dans 
le  nord  de  l'Afrique,  l'Asie-Mineurô  ou  le  Liban.  Au  con- 
traire, si  nous  admettons  que  cet  arbre  n'apparut  dans  ses 
stations  actuelles  qu'après  la  formation  de  la  Méditerranée, 
les  obstacles  opposés  par  la  mer  à  la  diffusion  du  cèdre  sur 
les  deux  rivages  de  la  Méditerranée  expliquent  suffisam- 
ment 6a  localisation. 

On  peut  appliquer  le  même  raisonnement  à  l'absence 
de  singes  sur  les  rivages  nord  de  la  Méditerranée,  et  leur 


(')  Tchlhatchef,  Sspagn*,  Algérie  et  ftmfeic,  p.  78. 


REMARQUES  DE  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  31 

abondance  au  sud.  On  sait  que  le  seul  point  de  l'Europe 
habité  par  des  singes  à  l'état  sauvage  est  le  rocher  de 
Gibraltar;  encore  ne  6ont-ils  pas  du  tout  indigènes,  ils 
doivent  plutôt  avoir  été  importés  par  le6  Arabes  pendant 
leur  longue  domination  en  Espagne.  Si  cette  intéressante 
colonie  n'avait  pa6  été  maintenue  artificiellement,  il  n'y 
aurait  plus,  à  l'heure  qu'il  est,  un  seul  singe  sur  le  rocher  ; 
le  fait  est  qu'en  1856,  ils  avaient  complètement  disparu, 
lorsque  sir  William  Codrington  en  fit  venir  de  l'Afrique 
du  Nord.  Comme  cpla  a  lieu  pour  le  cèdre,  les  singes  de 
Gibraltar  appartiennent  à  la  même  espèce  (Macacus  Inuus) 
que  celle  de  l'Algérie,  et  on  en  trouverait  encore  des  repré- 
sentants en  Grèce,  en  Italie  ou  en  Espagne,  si  ce6  animaux 
avaient  existé  avant  la  séparation  de  l'Europe  et  de  l'Afri- 
que. Une  dernière  preuve  de  la  récente  immigration  du 
singe,  c'est  que  la  faune  quaternaire  des  grottes  de  Gibral- 
tar, si  bien  étudiée  parles  géologues  anglais  (Busk,  Smith, 
Leith,  À  dams,  etc.),  n'a  révélé  aucun  reste  de  quadruma- 
nes; et  A.  R.  Wallace  admet  (*)  que,  même  à  l'époque 
miocène,  les  singes  aussi  bien  que  les  grands  mammifères 
caractéristiques  de  la  faune  actuelle  de  l'Afrique  (lion, 
éléphant,  hyène,  rhinocéros,  hippopotame,  etc.)  habitaient 
l'Europe  centrale  et  n'avaient  pas  encore  pénétré  en  Afri- 
que, où  ils  n'émigrèrent  qu'aune  époque  comparativement 
récente. 

Résumons  maintenant  les  faits  les  plus  importants  de 
l'histoire  géologique  du  désert  libyco-saharien  :. 

1°  Les  documents  de  cette  histoire  remontent  très  loin 
dans  la  série  des  âges,  car  les  régions  méridionales  du 
Sahara)  actuel  étaient  déjà  représentées  dans  la  période 
dévonienne  par  un  certain  nombre  de  masses  isolées  de 
calcaire,  dé  gneiss  et  de  micaschiste;  le  calcaire  contenant 
des  fossiles  dévoniens.  Ces  masses  ont  conservé,  pendant 


(^)  Quart  Joum.  0*1.  &>«.,  ut.  1878,  XXXIV,  p.  84. 


32  GÉOGRAPHIE  COMPARÉE. 

la  succession  des  âges,  leur  position  insulaire  et  n'ont  plus 
jamais  été  recouvertes  parla  mer. 

2°  C'est  pendant  l'époque  crétacée  qu'une  grande  partie 
du  Sahara  actuel  a  été  soulevée  sous  la  forme  de  masses 
diversement  ramifiées,  de  telle  façon  que  la  mer  des  pé- 
riodes géologiques  postérieures  put  pénétrer  au  milieu 
d'elles,  en  formant  de  nombreux  golfes. 

3°  Le  Sahara  fut  représenté  jusqu'à  l'époque  quater- 
naire, principalement  par  ces  masses  crétacées  qui,  depuis 
leur  soulèvement,  n'ont  plus  été  recouvertes  par  la  mer. 
Durant  la  période  quaternaire,  parmi  les  golfes  dont  les 
eaux  baignaient  les  terres  crétacées,  le  plus  grand  occu- 
pait l'emplacement  actuel  de  llgharghar  ;  l'extrémité  sep- 
tentrionale de  ce  golfe  atteignait  Bi6kra  et  l'extrémité  6ud, 
le  plateau  crétacé  de  Tademayt  et  Tinghert  ;  la  ville  d'Ouar- 
gla  est  bâtie  à  peu  près  au  centre  de  l'ancien  golfe.  La 
partie  littorale  de  l'Algérie  ayant  été  soulevée  longtemps 
auparavant,  et  se  composant  alors,  comme  aujourd'hui,  de 
montagnes  plus  ou  moins  hautes,  le  grand  golfe  quater- 
naire ne  pouvait  avoir  d'entrée  dans  l'intérieur  du  con- 
tinent crétacé  saharien  que  par  le  golfe  de  Gabès;  la 
preuve  que  c'était  bien  là  son  issue,  c'est  la  présence  de 
l'étroite  bande  de  dépôts  diluviens,  environnés  de  roctfes 
crétacées,  qui  6'étend  de  Gabès  au  lac  salé  d'El-Fedjedj' 
(Tritonis  lacus).  Ce  fait  géologique  est  d'une  grande  im- 
portance au  point  de  vue  de  la  question,  si  longtemps 
controversée,  d'une  ancienne  communication  entre  le  lac 
et  la  mer;  il  confirme  l'hypothèse  du  commandant  Rou- 
daire,  et  je  ne  sache  pas  que  cet  argument,  à  mon  avis  le 
plus  décisif,  ait  jamais  été  invoqué  en  sa  faveur.  Le  sou- 
lèvement du  grand  golfe  quaternaire  (et  beaucoup  d'autres 
plus  petits)  fut  le  dernier  événement  maritime  de  l'histoire 
du  Sahara. 

4°  Une  fois  soulevé  dans  toutes  ses  parties,  le  Sahara 
eut  encore  à  subir  une  opération  subaérienne,  qui  cou- 


REMARQUES  DE  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  33 

sisie  dans  la  formation  et  raccumulatioa  des  sables.  C'est 
la  quatrième  et  dernière  phase  de  sa  longue  histoire  géo- 
logique, en  laissant  de  côté  les  différentes  modifications 
climatériques  et  topographiques  de  l'époque  actuelle.  Cette 
histoire  prouve  qu'il  ne  peut  pas  être  question  d'une 
émersion  récente  de  tout  le  Sahara  au-dessus  de  la  sur- 
face des  mers.  A  la  vérité,  le  désert  de  Libye  est  proba- 
blement un  peu  plus  jeune  que  son  frère  le  Sahara,  car 
les  dépôts  tertiaires  émergés  (éocène  et  miocène)  y  ont  un 
plus  grand  développement  que  les  couches  crétacées; 
mais,  en  admettant  même  que  le  désert  libyen  ait  été  sou- 
levé depuis  la  période  miocène,  on  ne  pouvait  le  consi- 
dérer comme  récent. 

Il  me  reste  à  dire  quelques  mots  sur  les  déserts  du  Tur- 
kestan  et  de  Gobi. 

Les  deux  plus  grands  déserts  du  Turkcstan  sont  situés 
entre  le  Sir-Daria  (Yaxarte)  et  la  mer  Caspienne,  en 
moyenne  sous  les  parallèles  de  45  à  48  degrés,  par  consé- 
quent à  la  même  latitude  que  le  nord  de  l'Italie  et  la  Suisse. 
Le  premier  —  le  plus  oriental, — nommé  Kizil-Koum  (sable 
rouge),  est  compris  entre  le  Sir-Daria  et  l'Amou-Daria 
(Osttf);  il  est  borné  au  N.-O.  par  la  mer  d'Aral  et  6'étend 
vers  le  Sud  jusqu'à  Bokhara,  ayant  du  Nord  au  Sud  une 
longueur  d'environ  400  milles,  et  300  milles  de  l'E6t  à 
l'Ouest.  L'autre  désert  possède  à  peu  près  la  même  éten- 
due; il  est  situé  entre  l'Amou-Daria  et  la  mer  Caspienne, 
et  s'étend  du  pays  de  Khi  va  jusqu'auprès  de  celui  de 
Herv;  les  Turcomans  le  nomment  en  général  Kara-Koum 
(sable  noir). 

Je  n'ai  malheureusement  pas  visité  moi-même  ce6  deux 
déserts  durant  mes  longs  voyages  en  Orient,  et  j'ignore 
8il'on  sait  quelque  chose  de  leur  constitution  géologique. 
Toutefois,  le6  Geographische  MittheilungenÇ)  ont  publié  une 


P)  1878,  XXIY,  p.  S93. 

■OC.  PB  GBOGB.  —  1"  TXXMMTBS  1883. 


34  GÉOGRAPHIE  COMPARÉE. 

courte  notice  qui  apporte  quelque  lumière  sur  ce  sujet» 
Les  sables  qui  couvrent  certaines  parties' du  désert  con- 
tiennent des  coquilles  de  mollusques  vivant  encore  dans  la 
mer  d'Aral  ;  mais  là  où  les  sablée  font  défaut,  des  schistes 
argilacés  (Tonschiefer)  [l]  forment  des  surfaces  parfaite- 
ment découvertes.  On  trouve  de  la  très  bonne  eau  dans  le 
sable  à  moins  d'un  pied  de  profondeur,  mais  dans  les 
schistes  on  n'en  trouve  plus  qu'à  2  ou  4  brasses,  encore 
est-elle  saumâtre  et  amère.  Cette  différence  semble  prou- 
ver que  les  sables  contiennent  moins  de  substances  salines 
que  les  schisté6  argilacés,  probablement  parce  que  le  sel 
mélangé  aux  légères  particules  de  quartz  est  plus  aisé* 
ment  dissous  par  les  eaux  atmosphériques  que  celui  con- 
tenu dans  la  roche  schisteuse  compacte. 

Il  est  très  probable  que  ces  6chi6tes  appartiennent  à 
l'époque  paléozolque  et,  par  conséquent,  que  les  deux  dé- 
serts du  Turkestan  sont  émergés  depuis  une  période  géo- 
logique très  ancienne.  Quant  aux  sables  contenant  des 
restes  de  mollusques  habitant  encore  la  mer  d'Aral,  ils 
doivent  avoir  été,  au  moins  en  partie,  déposés  à  l'époque 
où  la  mer  Caspienne  et  la  mer  d'Aral  formaient  une  seule 
nappe  d'eau. 

Dans  tout  le  steppe  désigné  sous  le  nom  collectif  de 
Steppe  des  Kirghizes,  et  dont  le  Kizil-Koum  et  le  Kara- 
Koum  ne  forment  qu'une  partie,  le  climat  présente  les 
plus  violents  contrastes.  Les  chaleurs  commencent  en  mai, 
où  la  température  dépasse  122°  F.  (50°  centigrades);  c'est 
sous  l'influence  de  cette  haute  température  que  la  majeure 
partie  des  plantes  particulières  au  sol  sablonneux  et  sali- 
fère  —  comme,  par  exemple,  les  Alhagi  camelorum  — 
donuent  au  désert  l'aspect  verdoyant.  Au  printemps,  les 
journées  chaudes  sont  suivies  de  nuits  froides,  de  telle  façon 
que  la  différence  de  température  entre  le  jour  et  la  nuit 


(•;  Ba  anf  UU  :  cUty-êlaU. 


REMABQUE8  DE  GÉOGRAPHIE  PHY8IQUE.  35 

est  énorme.  En  été,  cette  différence  est  moins  grande  à 
cause  de  la  chaleur  intense  du  sable.  On  n'a  jamais  observé 
de  rosée.  Au  milieu  de  septembre,  arrivent  les  longues 
nuits  froides.  En  janvier,  le  thermomètre  descend  à  6°  au- 
dessous  du  zéro  Fahrenheit  (c'est-à-dire  à  —  38°  centi- 
grades), mais  il  tombe  peu  de  neige.  En  général,  le  con- 
traste des  climats  entre  les  déserts  du  Turkestan  et  le  Sa- 
hara français  est  beaucoup  plus  grand  que  la  différence 
des  latitudes  pourrait  le  faire  supposer.  C'est  ainsi,  par 
exemple,  que  la  différence  de  latitude  entre  Biskra  et  les 
déserts  du  Turkestan  n'est  que  de  12  degrés,  et  cependant 
à  Biskra  le  froid  est  presque  inconnu,  la  température 
moyenne  annuelle  étant  de  70°  F.  (21°,11  centigrades). 

Si  maintenant  nous  continuons  à  marcher  vers  l'Est, 
nous  arrivons  à  la  longue  chaîne  de  montagnes  qui  sépare 
la  Sibérie  de  l'Asie  centrale,  chaîne  composée  de  massifs 
différents  qui  ont  reçu  les  noms  collectifs  d'Altaï,  Sayan 
et  Yablonovoï.  J'ai  visité  les  deux  premiers,  mais  sans  les 
franchir  et  sans  descendre  vers  le  désert  de  Gobi.  Cet 
immense  désert,  le  plus  grand  du  globe  après  le  Sahara, 
commence  presque  au  pied  du  versant  méridional  de  la 
chaîne  sibérienne  dont  nous  venons  de  parler,  et  s'étend 
au  Sud  jusqu'à  la  chaîne  du  Kouen-Loum  et  ses  ramifica- 
tions orientales  ;  il  a  environ  1,800  milles  de  largeur  du 
Nord  au  Sud,  et  4,000  milles  de  l'Est  à  l'Ouest,  c'est-à- 
dire  des  monts  Changan  au  pays  de  Yarkand.  Le  Gobi  est 
compris  entre  les  parallèles  de  35°  et  45°,  et  par  consé- 
quent a  la  même  latitude  que  l'Italie;  ce  fait  rend  encore 
plus  remarquable  le  climat  de  ce  désert  :  plus  encore  que 
les  steppes  du  Turkestan,  il  fait  voir  l'influence  des  lon- 
gitudes orientales,  combinée  avec  la  puissance  du  rayon- 
nement des  vastes  surfaces  plus  ou  moins  planes.  En  effet, 
sous  la  latitude  de  l'Italie,  mais  environ  40  degrés  plus  à 
l'Est,  le  Gobi  offre  les  contrastes  les  plus  grands  entre  les 
saisons  :  l'été  rappelle  les  chaleurs  tropicales  et  l'hiver  le 


36  GÉOGRAPHIE  COMPARÉE. 

froid  des  régions  polaires,  non  seulement  par  l'intensité 
de  ces  températures  extrêmes,  mais  aussi  par  leur  longue 
durée.  Le  colonel  Prejevalski  en  cite  un  exemple  frappant  : 
dans  la  contrée  montagneuse  de  Gansou,  à  une  altitude 
de  bien  peu  supérieure  à  3,000  pieds,  le  16  mai,  le  ther- 
momètre marquait  24°80  F.  ( —  4°  centigrades),  et  le 
28  mai,  la  neige  tombant  avec  abondance,  recouvre  le  sol 
d'une  couche  de  5  pouces  et  demi  d'épaisseur  (16  centi- 
mètres), en  même  temps  le  thermomètre  descend  à  22°46 
( —  5°3  centigrades). 

Comme  le  célèbre  voyageur  russe  Prejevalski  a  mieux 
vu  le  Gobi  que  ses  prédécesseurs,  je  reproduirai  ici  les 
termes  dans  lesquels  il  fait  la  description  de  ce  désert  (*): 
«  Le  voyageur  qui  parcourt  le  Gobi,  ressent  une  impres- 
sion générale  de  sombre  tristesse  et  d'oppression.  Durant 
des  semaines  entières,  l'œil  ne  voit  que  les  mêmes  objets  : 
des  plaines  san6  limites,  de  couleur  uniformément  jaune, 
sillonnées  de  roches  ou  de  collines  escarpées,  au  sommet 
desquelles  on  aperçoit  quelquefois  la  silhouette  d'une  an- 
tilope (Antilope  gutturosa).  Les  chameaux  pesamment  char- 
gés, avec  leur  pas  cadencé  et  solennel,  font  des  centaines 
et  des  centaines  de  milles  sans  que  le  désert  change,  tou- 
jours il  garde  sou  aspect  sévère  et  monotone.  Le  soleil  se 
couche,  les  ombres  de  la  nuit  se  répandent,  des  millions 
d'étoiles  s'allument  dans  un  ciel  sans  nuage,  et  la  cara- 
vane s'arrête.  Heureux  d'être  débarrassés  de  leurs  charges, 
les  chameaux  se  couchent  autour  des  tentes,  et  leurs  con- 
ducteurs sont  occupés  à  préparer  un  frugal  repas.  Une 
heure  plus  tard,  hommes  et  bêtes  sont  profondément  en- 
dormis, tout  autour  plane  le  silence  mortel  du  désert, 
comme  si  aucune  créature  vivante  n'était  là.  A  travers  tout 
le  désert  de  Gobi,  d'Ourga  (près  de  la  frontière  sibé- 
rienne) à  Kalgan  (près  de  la  frontière  de  la  Chine),  il  y  a, 


(')  Prejevaltkf,  «  Beiëen  in  d*r  Moitgalei  »,  2te  Aoflage,  p.  15. 


REMARQUES  DE  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  37 

outre  la  grande  route  postale  entretenue  par  les  Mongols, 
plusieurs  autres  chemins  généralement  suivis  par  le6  ca- 
ravanes de  thé.  Tout  le  long  de  la  route  postale,  se  trou- 
vent des  stations  échelonnées  à  certaine  distance;  elles 
sont  au  nombre  de  47,  chacune  d'elles  possède  un  puits 
et  quelques  tentes  mongoles  (yourtes),  qui  remplacent  nos 
bureaux  de  poste.  » 

Cette  lougue  route  postale  entre  Ourga,  Kalgan  et  Pé- 
kin, fut  pendant  longtemps  le  «seul  chemin  6uivi  par  les 
voyageurs  qui  traversaient  le  Gobi  en  entier,  du  Nord  au 
Sud,  et  dans  les  nombreux  récits  de  voyage  publiés,  on 
ne  mentionne  que  les  immenses  accumulations  de  sable, 
sans  parler  de  la  roche  sur  laquelle  ce  sable  repose,  ni  des 
débris  organiques.  Par  le  fait,  il  semble  que  cette  route 
monotone  ne  doit  rien  offrir  d'intéressant,  puisqu'un  homme 
aussi  observateur  que  le  colonel  Prejevalski  ne  put  rien 
y  découvrir  d'important  pour  la  science  :  tout  ce  qu'il  dit 
du  pays  entre  Ourga  et  la  frontière  de  la  Chine,  c'est  que 
le  6ol  est  formé  de  sable  rougeâtre  à  grains  grossiers  et  de 
cailloux  provenant  de  différentes  roches.  Heureusement, 
à  son  retour,  il  ne  suivit  pas  la  route  ordinaire  de  Pékin 
à  Ourga,  mais  passa  beaucoup  plus  à  l'Ouest,  de  60rle 
qu'il  traversa  le  désert  à  un  endroit  qui  n'avait  jamais  été 
visité,  c'est-à-dire  des  montagnes  d'Alashan  à  Ourga.  Il 
décrit  cette  partie  du  désert  comme  une  surface  très  ondu- 
lée et  interrompue  à  certains  points  par  des  hauteurs  con- 
sidérables formées  principalement  de  porphyre.  Dans  une 
dépression,  il  remarqua  du  gneiss  qui  s'était  fait  jour  à 
travers  les  dépôts  superficiels;  cà  et  là  cette  même  roche 
formait  comme  de  petits  îlots  au  milieu  de  cette  mer  de 
sable. 

De  telles  données  sont  de  la  plus  grande  importance 
pour  la  connaissance  du  substratum,  ou  en  d'autres  ter- 
mes, de  la  charpente  solide  qui  constitue  le  sous-sol  du 
désert;  si,  en  effet,  nous  nous  assurons  que  la  roche  qui 


38  GÉOGRAPHIE  COMPARÉE. 

se  fait  jour  à  travers  les  sables,  ne  diffère  pas  géologique- 
ment  de  celle  qui  forme  les  chaînes  de' montagnes  aux: 
alentours,  nous  serons  amenés  à  conclure  que  Tune  n'est 
que  la  continuation  de  l'autre.  Jetons  donc  un  coup  d'œii 
sur  les  montagnes  qui  bordent  le  désert,  en  commençant 
par  le  côté  nord  ou  sibérien. 

Ici,  j'ai  pu  m'assurer  par  moi-même  (*)  de  l'âge  paléo- 
zoïque  de  l'Altaï  et  des  monts  Sayan,  qui  sont  formés  prin- 
cipalement de  schiste  argilacé,  de  calcaire,  de  porphyre, 
etc.,  et  il  est. probable  que  les  monts  Yablonovoï,  conti- 
nuation orientale  des  Sayan,  appartiennent  également  à  la 
même  formation. 

Les  dernières  explorations  du  Thian-Shan,  ou  monts 
célestes,  dont  les  diverses  ramifications  forment  les  fron- 
tières méridionale  et  occidentale  du  Gobi,  tendent  aussi  à 
attribuer  cette  chaîne  à  une  ancienne  formation  géologique. 
Le  colonel  Prejeval6ki,  qui  traversa  plus  d'une  fois  les 
montagnes  qui  bordent  le  désert  au  Sud-Est,  les  donne 
comme  composées  des  roches  suivantes  :  granit,  syénite, 
granulite,  porphyre,  diorite,  micaschiste,  schiste  argilacé 
(Tonschiefer),  schiste  chloriteux  et  dépôts  de  charbon.  Tels 
sont,  d'après  le  savant  voyageur,  les  éléments  géologiques 
qui  constituent  la  plupart  des  chaînes  marginales  qu'il  a 
visitées  entre  Kalgan  et  le  lac  Koukou-Nor.  Il  mentionne 
des  dépôts  de  charbon  très  étendus  dans  les  monts  Alas- 
han,  qui  s'élèvent  à  plus  de  10,000  pieds,  et  dans  les  mon- 
tagnes qui,  dans  le  Thibet  septentrional,  forment  la  fron- 
tière orientale  de  Koukou-Nor.  Ces  faits  prouvent  que  les 
chaînes  qui  limitent  le  Gobi  au  Sud-Est,  appartiennent 
aux  formations  géologiques  anciennes. 

On  peut,  selon  toute  probabilité,  en  dire  autant  de  la 
longue  chaîne  de  Chingan,  qui  borde  à  l'Est  le  désert  et 
sépare  la  Mongolie  de  la  Mandchourie  ;  car  elle  est  inti- 


(0  P.  de  Tchihatchef,  Voyage  identifiât  dam  l'AltaX  oriental  et  Ut  parties  ad- 
jaetntee  de  la  Chine. 


REMARQUES  DE  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE.  30 

meinent  reliée  avec  les  monts  Inshan,  Tune  des  chaînes 
marginales  sud-est  du  Gobi,  que  Prejevalski  a  trouvée 
composée  de  granit.  En  tout  cas,  toutes  ces  montagnes 
peuvent  être  considérées  comme  l'extrémité  orientale  de 
la  longue  chaîne  du  Kouen-Loum,  qui,  d'après  le  baron 
de  Richthofen,  est  la  plus  grande  et  aussi  la  plus  ancienne 
chaîne  de  montagnes  de  l'Asie. 

Nous  ne  manquons  pas,  par  conséquent,  d'arguments 
en  faveur  de  la  très  ancienne  formation  du  Gobi,  et  nous 
devons  admettre  qu'à  l'époque  où  furent  soulevées  les 
montagnes  qui  entourent  le  désert,  l'immense  espace  com- 
pris dans  leur  enceinte  resta  beaucoup  plus  bas,  mais  à 
une  hauteur  encore  suffisamment  grande  pour  en  faire  un 
des  plateaux  les  plus  élevés  du  globe,  puisque  le  colonel 
Prejevalski  lui  trouve  une  altitude  de  4,000  pieds  (1,285 
mètres),  avec  des  dépressions  locales  de  3,000  pieds  en 
dessous  de  ce  niveau. 

Aussi  est  il  probable  qu'après  son  soulèvement,  cette 
immense  surface  n'a  jamais  été  recouverte  par  les  eaux  de 
la  mer,  pas  plus  que  le  Sahara  libyen  no  l'a  été  lui-même 
depuis  les  époques  crétacée  et  tertiaire,  ou  les  déserts  du 
Tarkestan  depuis  l'époque  paléozoïque.  Encore  une  fois, 
dans  le  Gobi,  comme  dans  les  autres  déserts,  les  accumu- 
lations de  sable  n'ont  aucun  rapport  avec  les  dépôts  ma- 
rins :  elles  ont  été  surtout  produites  par  les  agents  atmo- 
sphériques, et,  pour  le  Gobi  en  particulier,  l'abondance 
des  roches  siliceuses,  granit,  syénite,  gneiss,  etc.,  explique 
suffisamment  la  présence  de  sable  quartz  eux. 

Après  tout  ce  que  j'ai  dit,  il  est  superflu  d'ajouter  que 
le  soulèvement  de  ces  déserts  ne  s'est  pas  fait  tout  d'un 
coup,  mais  successivement,  comme  nous  l'avons  vu  pour 
le  désert  libyco-saharien,  où  les  roches  crétacées  et  ter- 
tiaires apparurent  les  unes  après  les  autres,  laissant  de 
larges  surfaces  encore  occupées  par  la  mer  ou  les  eaux 
douces,  bassins  qui  ne  furent  comblés  que  pendant  l'é- 


40  GÉOGRAPHIE  COMPARÉ K. 

poque  quaternaire  ou  même  encore  plus  récemment.  Aussi 
e6t-il  très  probable  qu'à  l'instar  du  Sahara  libyen,  les 
déserts  asiatiques  furent,  aussi  pénétrés  par  les  golfes  long- 
temps après  l'émersion  de  leur  partie  principale,  ou  con- 
tinrent de  nombreux  bassins  d'eau  douce.  En  ce  qui 
concerne  le  Gobi,  cette  supposition  devient  une  proba- 
bilité à  la  suite  des  intéressantes  considérations  d'E. 
Regel  (')  sur  le  caractère  de  la  flore  de  l'Asie  centrale. 

(Traduit  de  l'anglais  par  C.  Millot.) 

(')  Mitthtilungen,  1882,  XXVIII,  p.  65. 


y  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE 


[Suite  M 


Retardés  dans  notre  départ  par  une  tempête  assez  vio- 
lente venue  du  S.-S.-E.  (*),  nous  ne  quittons  Moutankoï  que 
le  17  mai  pour  naviguer  d'abord  au  N.,  ensuite  au  N.-E.  ; 
la  berge  de  la  rive  gauche  laisse  apercevoir  une  grande 
plaine  .herbeuse  qui  s'étend  depuis  la  rivière  jusqu'à  la 
Morumbala.  Au  nord  de  Mangouigoui  se  trouvent  plu- 
sieurs villages  de  peu  d'importance.  La  navigation  est 
très  facile,  le  courant  étant  assez  rapide  et  l'eau  profonde. 
La  surface  de  l'eau  est  d'une  propreté  qui  nous  étonne 
et  c'est  à  peine  si  nous  voyous  contre  les  berges  quelques 
rares  laitues  d'eau.  Le  nyika  fait  absolument  défaut.  Nous 
passons  devant  l'embouchure  du  Numboï,  rivière  affluent 
de  la  rive  droite,  venant  du  N.-N.-O.,  et  nous  y  apercevons 
un  grand  nombre  de  pipes,  ou  hérons  noirs  à  tête  blanche, 
et  de  canards  siffleurs  que  les  naturels  nomment  palus. 

Le  village  auquel  nous  tommes  obligés  de  nous  arrêter 
dans  la  soirée  a  pour  nom  Paouro  ;  il  est  à  environ  quatre 
journées  de  marche  de  Meissenger.  Pour  y  arriver,  il  nous 
a  fallu  passer  sur  des  marais  alors  desséchés  et  remplis 
de  roseaux.  Paouro  e6t  formé  d'une  trentaine  de  cases 
tant  carrées  que  rondes  ;  il  est  entouré  de  chanvre  en 
arbre,  de  ricins  et  de  bananiers  (migomba).  Il  existe  aux 
environs  de  ce  village  une  source  thermale  très  intéres- 
sante à  visiter.  Pour  la  rencontrer,  on  suit  le  6entier  con- 


r)  Voir  Bulletin  du  4«  trimestre  1838,  p.  653. 

'*)Da  16  &a  17  mal  1881.  le  baromètre  «  rarié  de  0,756  i  0,763  ;  température  mini- 
nsn  =  4-16»  eentigradei. 


42  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

duisant  à  Meissenger  et  parallèle  à  la  Morumbala,  c'est-à- 
dire  allant  directement  vers  le  Nord  en  passant  par  des 
friches  où  ee  trouvent  des  plantes  fortement  odoriférantes 
(calament),  de  petits  palmiers  à  éventail,  quelques  fou- 
gères et  de  nombreuses  herbes.  Nous  marchons  environ 
6  kilomètres  en  ligne  droite  dévorés  par  des  milliers  de 
moustiques.  A  la  distance  indiquée,  nous  trouvons  une 
petite  côte  boisée  dont  la  direction  est  E.-O.,  c'est-à-dire 
allant  de  la  Morumbala  au  Ghiré.  C'est  au  pied  de  cette 
côte,  à  800  mètres  environ  de   la  Morumbala,  que   se 
trouve,  à  25  mètres  à  droite  du  sentier  de  Meissenger,  la 
source  thermale  que  nous  cherchons.  Elle  forme  un  ruis- 
seau de  1  mètre  de  largeur  et  sort  de  terre  par  plusieurs 
ouvertures,  en  bouillonnant  fortement.  Sa  première  direc- 
tion e6t  O.-S.-O.  6ur  5  mèlre6  de  long;  elle  va  ensuite 
à  l'O.,  sur  environ  lm,50  et  se  divise  en  deux  branches, 
formant  ainsi  un  petit  lac  boueux,  noirâtre,  sur  l'un  de6 
côtés  duquel  se  trouvent  trois  autres  points  d'émergence 
L'eau  sort  à  la  température  de  77°  centigrades  d'un  sable 
granitique  de  la  grosseur  d'un  pois  ;  elle  est  très  limpide 
et  coule  6ur  de  gros  blocs  de  granit  recouverte,  dans  la 
partie  baignée  par  l'eau,  d'une  croûte  blanchâtre,  peu 
ferme  et  peu  abondante.  Une  colonne  de  vapeur  couvre 
tout  le  cours  de  l'eau  jusqu'à  une  grande  distance.  Cette 
eau  a  une  légère  odeur  sulfhydrique  ;   une  pièce  d'ar- 
gent, mise  dans  la  source,  se  noircit  en  quelques  minu- 
tes ;  6a  6aveur  est  fade.  Les  deux  branches  de  la  source 
se  réunissent  et  coulent  vers  l'O.-N.-O.  La  profondeur 
de  l'eau,  au-dessus  du  sable  granitique,  est  de  5  à  8  cen- 
timètres, sur  une  largeur  moyenne  de  1  mètre;  l'écoule- 
ment se  fait  assez  vite.  La  source  est  entourée  d'herbes, 
de  roseaux  et  d'arbres.  Dans  l'eau,  on  voit  une  grande 
quantité  d'insectes  —  des  coléoptères  aux  couleurs  bril- 
lantes, des  libellules  d'un  rouge-sang  (Agrion  fulgipennis), 
etc.,  —  tués  par  la  chaleur  du  liquide  ou  par  sa  vapeur. 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSB.  .43 

Nous  voyons  aussi,  asphyxié  par  l'eau  chaude  dans  laquelle 
il  s'est  aventuré,  un  serpent  de  lm,50  de  longueur,  ayant 
le  corps  jaune,  tacheté  de  noir.  Le  fede-fede  n'exi6te  pas 
dans  les  environs  de  la  source  thermale. 

À  Paouro,  les  hommes  sont  assez  bien  constitués  ;  leur 
taille  est  au-dessus  de  la  moyenne  ;  ils  portent  presque 
tous  des  anneaux  en  cuivre  autour  des  chevilles.  Nous  ne 
remarquons  pas  chez  eux  les  nombrils  proéminents  que 
nous  avons  vus  si  nombreux,  jusqu'à  ce  jour,  dans  tous 
les  villages  nègres.  Ils  6ont,  en  général,  plus  vêtus  que 
les  noirs  des  autres  localités  ;  outre  la  toile  qui  leur  ceint 
les  reins,  ils  se  drapent  dans  un  large  morceau  de  calicot 
qu'ils  ont  teint  en  noir  et  qui  a  un  beau  reflet  rougeâtre 
de  teinture  mal  pratiquée.  Les  femmes  sont  couvertes 
depuis  le  dessous  des  bras  jusqu'au  milieu  des  mollets  ; 
elles  portent  presque  toutes  leurs  enfants  à  cheval  sur 
la  hanche  gauche.  Ils  sont  ainsi  maintenus  par  l'étoffe  qui 
sert  de  vêtement  à  la  mère. 

Les  naturels  de  Paouro  vendent  leur  farine  dans  de6 
corbillon6  circulaires  de  0m,25  de  diamètre  6ur  0m,08  de 
hauteur;  dans  le  bas  Zambèse,  la  mesure  légale  ou  panche 
est  une  boîte  en  bois  rectangulaire  d'environ  25  litres. 
Ici,  chacun  de  ces  corbillons  remplis  coûte  une  brasse  de 
coton  étroit. 

Depuis  les  bords  du  Chiré,  à  la  hauteur  de  Paouro,  on 
aperçoit  vers  le  Nord  une  grande  et  importante  chaîne  de 
montagnes  qui  a  pour  nom  Sierra  Makanga(l)7  et  qui  doit 
son  nom  au  pic  de  la  Makanga  qui  se  détache  en  forme 
de  pain  de  sucre  et  semble  avoir  dans  sa  partie  nord  un 
deuxième  cône  accolé  à  son  sommet. 

lia  rive  droite  du  Chiré  66 1  une  vaste  plaine  herbeuse 
aa  milieu  de  laquelle  poussent  par-ci  par-là  de  nombreux 
palmiers  de  30  à  40  mètres  d'élévation. 


0  V«lr  eroquii  P. 


44  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Devant  Paouro,  la  rivière  s'élargit  tout  à  coup  et  mesure 
de  1,500  à  1,800  mètres.  C'est  là  que  commence  un  lac 
important  sur  lequel  nous  reviendrons  plus  loin.  Après 
avoir  dépassé  la  rivière  Zoa,  affluent  de  la  rive  droite,  on 
est  obligé  de  marcher  ver6  le  N.-O.,  à  cause  de  la  grande 
quantité  de  roseaux  et  de  plantes  aquatiques  stationnaires 
qui  se  trouvent  sur  la  rive  gauche.  C'est  en  vain  que  plu- 
sieurs fois  nous  avons  cherché  à  atterrir  ;  longtemps  nous 
avons  rencontré  des  marécages  qui  nous  ont  forcés  à  re- 
brousser chemin.  Enfin,  après  être  allés  6ur  la  rive  droite 
pour  tenter  de  descendre,  nous  avons  dû  chercher  à  nou- 
veau un  chemin  ver6  TE.  et  profiter  d'une  éclaircie  dans 
les  marais  pour  aborder  sur  la  terre  ferme.  Dès  que  nos 
canots  ne  purent  plus  avancer  et  que  les  almandias  refu- 
sèrent tout  service,  nous  entrâmes  dans  la  vase,  profonde 
alors  de  70  centimètres,  et  allâmes  ainsi  pendant  900  mè- 
tres avant  de  rencontrer  un  6ol  moin6  désagréable.  Après 
avoir  traversé  quelques  friches  et  un  petit  bois,  nou6  arri- 
vâmes au  village  de  Pinda,  composé  de  vingt  cases  envi- 
ron, disséminées  çà  et  là  dans  une  éclaircie  où  nous  remar- 
quons de  la  vigne  et  plusieurs  touffes  de  canna,  à  feuilles 
longues  et  étroites  et  à  fleur  rouge  dans  ses  divisions  supé- 
rieures et  jaune  ponctué  de  rouge  dans  ses  trois  inférieu- 
res ;  c'est  le  balisier  gracieux  (C.  speciosa)  de  nos  jardins. 

La  vigne  pousse  à  l'état  sauvage  aux  environs  de  Pinda; 
elle  s'attache  aux  arbustes,  aux  arbres  et  aux  herbes  dures 
qui  forment  la  friche  des  bois.  Le  raisin  en  est  presque 
mûr  ;  il  est  mangeable  en  partie  ;  60n  goût  est  inférieur  à 
celui  de  France.  Le6  grappes  ont  de  30  à  40  graines,  parfois 
moins,  parfois  plus,  peu  serrées  et  delà  grosseur  de  celles 
de  notre  Gamet.  Presque  partout  c'est  du  raisin  noir  que 
nous  voyons. 

C'est  aussi  prè6  de  ce  village  que  nous  rencontrons  pour 
la  première  fois  des  baobabs,  que  les  mulâtres  nomment 
millembre  et  les  naturels  mourombè.  Le  fruit  de  cet  arbre, 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSB.  45 

appelé  dambèy  est  une  gousse  veloutée  qui  atteint  0m,25 
de  longueur  sur  O^lô  de  circonférence  ;  elle  renferme 
tme  substance  farineuse  d'un  blanc  rosé,  sèche,  friable, 
d'une  saveur  sucrée  et  acidulé  très  agréable.  La  matière 
farineuse  est  par  tranches  longitudinales  dans  la  gousse 
et  entoure  un  certain  nombre  de  graines  qui  .ont  la  forme 
de  fèves,  à  enveloppe  brune  et  amande  blanche  ,  d'où 
on  tire  une  huile  âne.  Les  Noirs,  en  temps  de  disette, 
recherchent  ces  gousses  pour  en  faire  leur  nourriture. 
Pour  cela,  ils  ouvrent  les  enveloppes,  tirent  la  chair  fari- 
neuse qu'ils  placent  dans  une  pannelle  et  qu'ils  délayent 
a?ec  de  l'eau;  on  enlève  les  amandes,  on  fait  cuire  l'espèce 
de  pâte  claire  qui  reste  et  on  obtient  un  aliment  assez 
agréable  à  manger. 

Les  naturels  de  Pinda  sont  d'un  noir  assez  foncé,  leur 
taille  est  supérieure  à  la  moyenne  ;  ils  sont  vêtus  comme 
ceux  de  Paouro.  Aucune  femme  ne  porte  l'affreux  pèlélè. 

Nous  comptions  nous  remettre  de  nos  fatigues  de  la 
journée  par  une  bonne  nuit  de  repos,  mais  ce  plaisir  nous 
a  été  refusé.  A  la  nuit,  les  naturels  ont  commencé  un 
batouck  de  deuil  entremêlé  de  chant6  funèbres,  de  danses 
et  surtout  de  libations  de  liqueurs  fermentées.  La  veille 
de  notre  arrivée,  une  femme  était  morte  et  l'on  célébrait 
ses  funérailles.  Le  côté  pratique  de  cette  cérémonie,  sur 
les  rives  du  Chiré,  consiste  à  enfermer  le  mort  dans  un 
panier  en  roseaux  et  à  l'enterrer  quelques  heures  après 
le  décès. 

Les  nègres  du  Chiré  —  ou  du  moins  ceux  de  Pinda  — 
n'ont  pas  de  cimetière,  on  inhume  à  la  première  place 
venue,  on  remplit  la  fosse  et  on  égalise  la  terre.  L'herbe 
repousse  sur  l'emplacement  de  la  tombe  et  au  bout  de 
quelques  semaines  il  est  impossible  de  retrouver  la  place 
choisie  par  les  parents  ou  les  amis.  Dans  quelques  vil- 
lages des  rives  du  Zambèse,  on  se  contente  de  jeter  les 
morts  dans  le  fleuve,  où  les  poissons  et  les  crocodiles  ont 


46  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

bientôt  dévoré  les  cadavres.  C'est  le  soir  des  funérailles 
que  commence  le  deuil  ;  pendant  une  lune,  tous  les  soirs, 
dans  le  village  du  défunt,  on  bat  le  tambour,  tous  les  ha- 
bitants se  rassemblent  et,  en  présence  du  chef,  on  chante 
les  vertus  ou  les  actions  de  bravoure  mis  au  compte  du 
défunt.  Si  celui  dont  on  déplore  la  perte  était  un  guerrier, 
on  tire  chaque  soir  quelques  coups  de  fusil  en  son  hon- 
neur :  on  brûle  la  pondre  de  deuil. 

Les  parents,  hommes  et  femmes,  se  rasent  les  cheveux 
et  s'entourent  la  tête  d'une  bande  étroite  de  coton  blanc  ou 
d'une  tresse  assez  une  faite  à  l'aide  de  feuilles  de  palmier 
séchées  et  découpées. 

Au  tambour  des  naturels  est  venu  s'ajouter,  pour  nous, 
le  désagrément  du  voisinage  des  moustiques  et  des  rats 
qui  pullulent  à  Pinda.  Les  moustiques  sont  assez  variés 
dans  le  pays  et  ce  ne  sont  pa6  toujours  les  plus  gros  qui 
sont  les  plus  gênants  ;  ceux  que  nous  avons  pu  examiner 
à  loisir  ont  été  divisés  en  cinq  espèces  différentes  :  1°  le 
moustique  gris  ou  ordinaire  à  pattes  longues  et  à  corps 
mince,  ayant  les  suçoirs  bifurques,  dont  la  piqûre  est  peu 
douloureuse;  2°  le  moustique  zébré  ayant  le  corps  allongé , 
les  pattes  unes  et  longues ,  le  corps  gri6,  marqué  trans- 
versalement par  des  raies  d'un  beau  noir  ;  les  pattes  sont 
aussi  zébrées,  sa  piqûre  assez  douloureuse;  3°  le  mous- 
tique noir,  de  la  taille  du  précédent,  produisant  presque 
toujours  une  cloche  à  l'endroit  où  il  enfonce  son  suçoir, 
lequel  se  plie  vers  son  milieu  à  angle  plus  ou  moins  aigu, 
comme  peut  le  représenter  un  f>  couché  et  dont  les  bran- 
ches se  rapprochent,  jusqu'à  venir  se  toucher  selon  que  le6 
soies  pénètrent  plus  ou  moins  en  avant  ;  4°  le  moustique 
brun,  que  les  naturels  nomment  mansos,  dont  les  quatre 
derniers  articles  des  tarses  ont  un  anneau  blanc  ;  sa  pi- 
qûre e6t  très  douloureuse  ;  et  5°  enfin  le  moustique  gris, 
de  très  petite  taille,  dont  la  piqûre  vive  et  douloureuse 
persiste  pendant  plusieurs  heures.  La  fumée  de  bois  vert 


VOYAGE  AU  ZAMBfcSE.  47 

et  les  lotions  à  l'eau  phéniquée  n'ont  pu  nous  débarrasser 
de  ces  incommodes  visiteurs  qui  trouvaient  malheureuse- 
ment un  moyen  quelconque  pour  traverser  les  mousti- 
quaires dont  nous  étions  enveloppés.  Plus  tard,  sur  le 
Zambèse,  nous  n'avons  rencontré  que  le  moustique  zébré 
et  le  dernier  que  nous  avons  mentionné. 

Quand  nous  aurons  dit  que  toute  la  nuit  nous  avons  en- 
tendu le  coassement  des  grenouilles  qui  habitent  les  ma- 
récages de  Pinda  et  le  chant  de  la  cigale  forgeronne,  ainsi 
nommée  parce  que  le  bruit  qu'elle  fait  ressemble  au  son 
que  rend  l'enclume  du  forgeron  lorsqu'on  la  frappe  en  ca- 
dence, on  pourra  se  figurer  le  plaisir  que  nous  a  procuré 
notre  première  nuit  à  Pinda,  aprè6  un  bain  de  boue  et  de 
vase  dont  les  émanations  étaient  fiévreuses. 

Les  naturels  se  couchent  sur  ou  plutôt  dans  des  nattes 
qu'i|s  nomment  fumba;  ce  sont  des  sacs  en  palmier  tressé, 
et  ouverts  sur  l'un  des  plus  grands  côtés,  dans  lesquels  ils 
s'introduisent  et  qu'ils  maintiennent  ensuite  fermés  sous 
eux.  Chaque  couple  habite  un  de  ces  lits  primitifs;  cha- 
cun place  sous  sa  tête  un  morceau  de  bois  taillé  et  même 
sculpté  avec  élégance,  pour  lui  servir  d'oreiller.  Ils  ont 
presque  tous  des  chapeaux  tressés  en  feuilles  de  palmier, 
se  terminant  par  une  partie  rétrécie  et  allongée  de  30  cen- 
timètres au  moins,  qu'ils  entourent  d'un  morceau  de  cali- 
cot teint  en  noir.  Quelques-uns  d'entre  eux  prisent  du 
tabac  assez  fin  qu'ils  préparent  eux-mêmes  ;  ce  tabac  est 
d'une  nuance  jaune  verdâtre;  il  s'obtient  à  l'aide  de  feuilles 
Bêchées  avant  la  fermentation. 

Les  feuilles  sont  d'abord  cassées,  puis  découpées  au 
couteau;  les  fragments  sont  ensuite  réduits  en  poudre  im- 
palpable, soit  entre  deux  pierres,  soit  dans  une  espèce  de 
mortier  en  bois,  d'une  essence  très  dure  et  à  l'aide  d'un 
bâton  faisant  l'office  de  pilon.  La  poudre  fine  est  ensuite 
renfermée  dans  des  espèces  de  tabatières  ;  nous  en  avons 
yu  de  deux  formes.  Celle  en  usage  dans  le  commun  du 


48  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

peuple,  se  compose  d'une  petite  calebasse  en  forme  de 
gourde,  fermée  par  un  bouchon  en  bois  ou  en  tige  de 
maïs;  l'autre,  qui  est  le  privilège  des  chefs  et  des  princi- 
paux de  la  tribu,  est  faite  d'un  tube  en  bois,  de  25  cen- 
timètres de  longueur,  décoré  au  dehors  de  dessins  et 
d'arabesques  à  l'aide  d'un  fer  rougi  au  feu.  Il  y  a  de  ces 
tabatières  qui  6ont  très  jolies;  elles  6e  portent  attachées 
à  la  ceinture  à  l'aide  d'une  cordelette,  en  bouazé  ou  en 
sensevùère,  agrémentée  de  plusieurs  rangs  de  perles.  Le 
tabac  à  priser  de6  nègres  n'étant  pas  fermenté,  n'est  pas 
fort;  aussi,  hommes  et  femmes  en  absorbent-ils  des  quan- 
tités qui  paraissent  considérables.  Ils  versent  la  poudre, 
du  récipient  dans  la  main,  et  l'aspirent  en  se  frottant  le 
nez  à  plusieurs  reprises.  Comme  ils  ne  connaissent  pas 
l'usage  des  mouchoirs,  il  s'ensuit  que  ce  qui  n'a  pu  être 
enlevé  par  les  fosses  nasales  reste  sur  le  nez,  les  lèvres  et 
les  joues  avec  une  teinte  verdâtre  qui  fait  très  bon  effet 
6ur  la  peau  noirâtre  des  naturels. 

Le  19  mai,  après  avoir  traversé  une  seconde  fois  les 
marécages  qui  nou6  séparent  du  lac,  nous  reprenons  notre 
navigation  vers  le  Nord;  nous  suivons  la  rive  gauche, 
près  de  la  terre,  d'une  manière  parallèle  à  la  chafne  de 
la  Makanga.  Au  bout  de  trois  heures  pendant  lesquelles 
nous  avons  constamment  rencontré  des  laitues  d'eau,  des 
châtaignes  d'eau  (Trapa  natans  L.)  et  des  Tchingèse  dont 
les  fruits  sont  très  bons  à  manger,  nous  nous  trouvons 
devant  une  telle  quantité  de  roseaux  qu'il  nous  est  im- 
possible d'aller  plus  loin.  C'est  en"  vain  que  nous  cher- 
chons une  passe  de  tout  côté,  il  nous  faut  revenir  pres- 
que en  face  de  Pinda  et  changer  de  direction.  Tirant 
alors  à  l'Ouest,  nous  marchons  pendant  2  heures, assez 
facilement,  puis  nous  nous  trouvons  derechef  cernés  par 
le6  plantes  aquatiques  sur  lesquelles  courent  en  grande 
quantité  des  garsôttes,  des  sarcelles,  des  râles  et  des  poules 
d'eau,  tandis  qu'à  peu  de  distance  de  nous  s'aventurent 


VOYAGE  AU  ZAtfBÈSE.  49 

quelques  pélicans,  des  oies  (machikouè)  et  dos  canards. 
Nous  essayons  de  passer  entre  les  nombreux  nénuphars  et 
tchingèses  qui  couvrent  une  partie  du  lac,  mais  bientôt 
oos  canots  sont  emprisonnés,  deviennent  stationnaires  et 
il  nous  faut  arracher  les  plantes  pour  rebrousser  chemin. 
C'est  en  vain  que  l'un  de  nous  s'aventure  dans  une  alman- 
dik  conduite  par  un  noir  et  qu'il  essaie  de  découvrir  la 
passe  qui  doit  cependant  exister;  en  cet  endroit,  le  lac,  qui 
6'étend  de  tous  côtés  à  perte  de  vue,  n'est  qu'un  vaste 
champ  de  salade,  avec  cette  différence  que  le  sol  en  est 
mouvant  et  peuplé  de  crocodiles  et  d'hippopotames.  Enfin, 
après  onze  heures  de  recherches  infructueuses  nous  de- 
vons, vu  l'approche  de  la  nuit,  regagner  Pinda  où  nous  ren- 
trons en  plaine  obscurité,  après  avoir  pataugé  de  nouveau 
dans  les  marécages  qui  bordent  la  rive  gauche  du  lac  et 
affronté  nn  orage  assez  violent  accompagné  d'un  très  grand 
ventduS.-S.-E. 

Le  passage  par  la  rivière  nous  étant  matériellement 
interdit,  nous  avons  dû  changer  notre  manière  de  voyager 
et,  ignorant  jusqu'à  quel  endroit  il  nous  faudrait  porter 
nos  canots  et  nos  bagages  à  dos  d'hommes,  nous  nous 
décidons  à  gagner  le  Malahoué  par  voie  de  terre,  sauf  à 
faire  usage,  si  cela  se  pouvait  plus  tard,  d'embarcations 
cafriales,  troncs  d'arbres  creusés  et  grossièrement  façon- 
nés. Après  avoir  composé  une  petite  caravane  de  trente 
hommes  environ  n'emportant  que  le  6trict  nécessaire, 
nous  quittons  Pinda  et  marchons  d'abord  à  l'E.-N.-E., 
puis  au  Nord,  et  traversons  un  bois  assez  touffu  où  nous 
remarquons  de  beaux  et  grands  arbre6  dont  l'essence  est 
dore  et  rougeâtre.  En  quittant  ce  bois,  nous  voyons  sur  la 
lisière  quelques  pieds  de  datura  stramonium,  des  convol- 
toIus  variés,  des  cactus  et  de  la  vigne  dont  les  raisins  sont 
déjà  noirs. 

Le  premier  village  que  nous  trouvons  sur  notre  route 
e6t  Casamo,  qui  se  compose  d'une  dizaine  de  cases,  assez 

•OC.  M  OÉOOK.  —  l*r  TB1MIITU  1883.  4 


50  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

vieille6  et  enfumées.  Plus  loin,  nous  traversons  Salim, 
formé  de  trente  paillottes  et  où  les  naturels  nous  arrê- 
tent pour  nous  forcer  à  accepter  en  cadeau  un  corbillon 
de  pois  chiches  et  un  canard  sauvage.  Rentrés  de  nouveau 
dans  les  bois,  nous  laissons  deux  villages  sur  les  côtés  de 
notre  6entier,  nous  pénétrons  dan6  les  friches  et  nous 
finissons  par  trouver  un  marécage  qu'il  nous  faut  longtemps 
côtoyer  pour  entrer  dan6  un  fourré  d'herbes  très  épaisses 
de  2m,50  à  3  mètres  de  hauteur. 

Nous  rencontrons  ensuite  un  lac  desséché,  à  fond  de 
sable  quartzeux,  large  d'environ  60  mètres,  et  après  l'avoir 
dépassé  de  1  kilomètre,  nous  entrons  dans  le  village  de 
Paoulou,  comprenant  une  quinzaine  de  cases  carrées,  de- 
vant lesquelles  des  hommes  nonchalamment  étendus  sur 
des  nattes  en  palmier,  aspirent  lentement  la  fumée  du 
chanvre  que  contient  leur  pipe;  c'est  dire  que  cette  plante 
pousse  en  quantité  aux  abords  du  village  en  compagnie  du 
kiabo  et  du  maïs.  Là  encore  il  faut  nou6  arrêter  et  entendre 
les  compliments  des  naturels  ou  recevoir  leurs  salutations 
et  leur  sagouati,  composé  cette  fois  d'œufs  frais,  d'une  pe- 
lotte  de  tabac  et  de  4  à  5  litres  de  riz  fin  non  décortiqué, 
provenant  des  rizières  environnantes. 

Disons-le  une  fois  pour  toutes,  ces  sagouaîis  ou  cadeaux 
nous  coûtaient  au-dessus  de  leur  valeur;  à  notre  tour,  nous 
étions  obligés  d'offrir  au  chef  (mambo)  et  souvent  aux  grands 
qui  l'accompagnaient,  quelques-uns  des  objets  de  notre  pa- 
cotille. Aux  uns  de  l'eau-de-vie,  aux  autres  des  mouchoirs  ; 
aux  femmes  de  la  bijouterie  ou  des  miroirs,  aux  enfants 
des  images  d'Épinal.  Si  nous  mentionnons  les  cadeaux 
qui  nous  étaient  offerts,  c'est  plus  pour  faire  connaître  les 
ressources  que  nous  avons  trouvées  dans  telle  ou  telle  lo- 
calité, que  la  générosité  presque  toujours  intéressée  des 
naturels. 

Nous  quittons  Paoulou  pour  marcher  vers  Touka,  vil- 
lage distant  du  précédent  d'environ  6  kilomètres  dans  la 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  51 

direction  Nord.  Entre  ces  deux  localités  nous  passons  dans 
une  plaine  dont  les  herbes,  hautes  de  1  mètre  environ,  sont 
dure6  et  piquantes.  Le  sol  est  formé  de  sable  quartzeux 
avec  des  morceaux  de  feldspath  concassés.  Au  milieu  de  ces 
herbes  et  appuyées  contre  de  petits  arbustes,  s'aperçoivent 
de  nombreuses  fourmilières  dont  la  hauteur  atteint  parfois 
2  et  même  3  mètres.  Nous  apercevons  encore,  sur  notre 
gauche,  le  lac  que  nous  n'avons  pu  franchir  et  il  est  com- 
plètement couvert  par  les  alfacynias  et  les  roseaux.  Avant 
d'arriver  à  Touka,  il  nous  faut  traverser  une  lagune  de 
gros  sable  quartzeux  et  à  300  mètres  au  delà,  le  lit  desséché 
d'une  importante  rivière  large  en  cet  endroit  de  125  mètres. 
Les  berges  avaient  lm,50  d'élévation  et  le  fond  était  de  très 
gros  sable  où  le  quartz  prédominait.  Aucune  végétation 
n'existait  sur  ce  sable.  Touka  est  à  environ  1  kilomètre  6ur 
la  rive  droite  de  cette  rivière  dont  il  nous  a  été  impossible 
de  savoir  le  nom.  C'est  la  résidence  de  l'un  des  premiers 
dignitaires  de  Marianno;  ce  chef  est  d'une  taille  ordinaire, 
maigre,  très  doux  et  prévenant;  il  possède  quatre  femmes. 
Dès  notre  arrivée,  il  met  sa  propre  demeure  à  notre  dis- 
position, fait  distribuer  du  bois  et  de  l'eau  à  nos  hommes 
et  nous  envoie  un  mouton,  des  poules,  des  œufs,  plusieurs 
plats  de  poisson  cuit  et  de  la  masse  dont  nos  nègres  tirent 
profit;  enfin,  il  nous  fait  offrir  un  quartier  du  crocodile  que 
ses  subordonnés  ont  tué  la  veille. 

Nous  avons  quitté  Touka  pour  marcher  vers  le  Nord,  mais 
bientôt  il  nous  a  fallu  obliquer  vers  le  N.-O.,  afin  de  passer 
entre  deux  étangs  marécageux  couverts  de  roseaux.  Nous 
reprenons  ensuite  notre  marche  normale  et  arrivons  aux 
éclaircies  du  bois  dans  lequel  nous  sommes  entrés  la  veille. 
Les  grandes  herbes  sont  brûlées,  aussi  cheminons-nous  sur 
un  sol  noirci  et  passons-nous  au  milieu  de  jeunes  buissons 
de  palmiers  roussis  et  desséchés  par  les  flammes.  Sur  de 
grands  espaces,  la  végétation  a  été  détruite  et  les  friches 
montrent  leur  sol  sablonneux.  Nous  longeons  divers  mare- 


52  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

cages,  et  dépassant  un  étang  nous  traversons  un  petit  bois 
d'un  kilomètre  de  largeur  et  arrivons  au  village  de  Mingarè, 
divisé  en  deux  sections  éloignées  de  150  à  200  mètres 
Tune  de  l'autre.  Presque  toutes  les  cases  en  sont  carrées 
et  dès  notre  arrivée  nous  sommes  entourés  par  les  natu- 
rels près  desquels  courent  des  animaux  domestiques.  Plu- 
sieurs naturels  prisent,  d'autres  toussent  d'une  manière 
tellement  caractéristique  que  nous  sommes  persuadés  qu'ils 
sont  accroupis  dans  quelque  coin  de  leurs  cases  en  train 
de  fumer  le  chanvre  provenant  des  arbres  que  nous  aper- 
cevons près  de  leurs  habitations.  Au  delà  de  Mingaré,  nous 
entrons  dans  des  champs  cultivés  auxquels  font  suite  des 
friches  et  quelques  bois  touffus  où  nous  remarquons  des 
cactus  grimpants  et  à  petites  fleurs  jaunes  qui  relient  entre 
eux  de  grands  et  gros  arbres.  Le  dernier  de  ces  bois  peut 
avoir  2  kilomètres  de  largeur;  son  axe  de  direction  est 
sensiblement  E.-O.  Au  delà  se  trouve  une  friche  rem- 
plie de  mimosas  épineux  qui  rendent  la  marche  très  dif- 
ficile et  qui  ne  sont  dépassés  que  par  des  baobabs  ;  plus 
loin  encore  se  rencontre  un  terrain  marécageux  desséché, 
rempli  de  roseaux  Uns  et  d'herbes  piquantes  de  lm,25  de 
hauteur.  Nous  inclinons  au  N.-O.  et  à  l'Ouest  et  quand 
nous  avons  dépassé  un  étang  presque  entièrement  couvert 
de  nénuphars,  et  sur  lequel  se  promènent  de  nombreuses 
garsottes,  nous  arrivons  sur  les  bords  du  Chiré,  qu'il  va 
nous  falloir  traverser. 

En  cet  endroit,  la  rivière  a  environ  200  mètre6  de  lar- 
geur; elle  coule  N.-E.  à  S.-O.  Son  eau  est  très  claire  et 
son  courant  rapide.  Elle  e6t  presque  entièrement  dépour- 
vue de  plantes  aquatiques.  Le  transbordement  d'une  rive 
à  l'autre,  de  nos  hommes  et  de  nos  approvisionnements, 
par  une  6eule  almandiâ,  demande  environ  deux  heures; 
il  est  terminé  au  milieu  de  l'après-midi. 

Tandis  que  la  rive  gauche  du  Chiré  est  sablonneuse, 
remplie  de  roseaux  et  d'herbes ,  la  rive  droite ,  au  con- 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  53 

traire,  ne  montre  les  plantes  marécageuses  que  sur  une 
épaisseur  de  moins  de  1  mètre,  et  une  fois  qu'elles  sont 
passées,  on  trouve  une  végétation  de  toute  beauté.  De 
grands  et  nombreux  bananiers,  des  ricins  de  plusieurs 
mètres  d'élévation,  des  cucurbitacées  variées,  des  sola- 
nées,  du  sésame,  etc.,  sont  mêlés  à  une  foule  d'autres 
plantes  à  larges  feuilles  et  à  fleurs  aux  couleurs  éclatantes. 
Pour  celui  qui  vient  de  passer  quelque  temps  au  milieu 
de  la  végétation  sèche  et  triste  de  la  rive  gauche,  le  chan- 
gement subit  qu'il  constate  du  côté  opposé  est  frappant  ; 
il  semble  renaître  à  la  vie,  il  se  remet  bien  vite  des  fati- 
gues qu'il  a  éprouvées  et  de  l'abattement  qui  a  pu  peser 
sur  lui. 

Nous  débarquons  près  du  village  de  Chirongé,  qui  nous 
semble  divisé  en  trois  sections  éloignées  l'une  de  l'autre 
de  150  à  200  mètres.  Pendant  que  nous  traversons  le 
Chiré,  nous  apercevons,  à  1,000  mètres  en  aval  et  sur  la 
rive  droite  au  bord  de  la  rivière,  un  village  qu'on  nous  a 
dit  être  Moingé. 

Autour  de  Chirongé  la  culture  est  très  variée  ;  on  peut 
s'y  procurer  la  plupart  des  plantes  dont  nous  avons  signalé 
l'existence  dans  la  vallée.  Les  planteB  odoriférantes,  telles 
que  le  calament  (M.  Calamintha),  le  basilic  (Marouatè),  la 
menthe  officinale,  le  jasmin  d'Espagne  et  autres,  y  sont 
nombreuses;  près  des  cases  nous  trouvons  la  ciguë  et  quel- 
ques pieds  de  maïs. 

Après  Chirongé,  nous  marchons  vers  l'Ouest  et  traver- 
sons deux  groupes  d'habitations  de  sept  ou  huit  paillottes 
chacun;  nous  entrons  dans  d'immenses  rizières  que  gar- 
dent des  enfants  placés  dans  des  abris  élevés  auxquels 
Tiennent  aboutir  un  certain  nombre  de  cordeaux  traversant 
la  culture  en  tous  sens.  Lorsque  les  oiseaux,  en  si  grand 
nombre  dans  ces  parages,  s'abattent  sur  la  plantation,  le 
petit  gardien  agite  les  cordes  dont  il  a  les  extrémités  entre 

mains,  il  effraie  les  maraudeurs  et  les  fait  envoler. 


56  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  *.  EXPLORATIONS. 

un  peu  plus  loin  deux  autres  sont,  comme  celles  des  villages 
précédents,  montées  sur  pilotis.  Nous  nous  croyons  à  proxi- 
mité d'un  lieu  habité  et  espérons  que  nos  maux  sont  termi- 
nés ;  hélas  !  il  n'en  est  rien,  nous  n'avons  que  des  bana- 
niers en  plu6,  ce  qui  nous  force,  comme  ils  sont  assez  rap- 
prochés le6  uns  des  autres,  à  faire  des  détours  et  à  serpenter 
avec  difficulté.  Après  avoir  traversé  le  lit  desséché  d'un 
ruisseau,  nous  faisons  quelques  centaines  de  mètres  et 
tombons  dans  un  marécage  fort  boueux  que  nous  traversons 
avec  peine.  Revenus  sur  la  terre  ferme,  nous  rencontrons 
aussitôt  un  deuxième  marais  plus  large  et  plus  profond  que 
le  premier,  duquel  nous  parvenons  à  nous  tirer  heureuse- 
ment, malgré  l'obscurité  complète  dans  laquelle  nous  nous 
trouvons.  Puis  le  terrain  s'améliore  ;  durant  l  kilomètre 
nous  traversons  en  zigzags  des  friches  qui  nous  mènent  à 
un  village  important  et  à  un  bois  touffu  dans  lequel  nous 
voyons  un  deuxième  village  que  nous  laissons  «aussi  pour 
nous  rendre,  à  1,600  mètres  plus  au  Nord,  à  Missengé  où 
nous  campons. 

Le  chef  de  ce  village,  Domingo  Jaia,  qui  était  absent  au 
moment  de  notre  arrivée,  vint  le  lendemain  nous  rendre 
visite.  C'est  un  grand  et  sec  vieillard,  couvert  de  bleseures 
que  nous  n'osons  pas  qualifier  d'honorables.  Ce  fut  l'uu 
des  chefs  importants  de  l'armée  de  Marianno  l'Ancien , 
pendant  les  guerres  que  ce  despote  fit  il  y  a  un  quart  de 
siècle.  Avec  lui  il  se  livra  à  tous  les  brigandages  possibles, 
fut  môle  à  toutes  ses  orgies,  à  tous  ses  excès;  il  regrette  ce 
bon  temps  et  se  plaint  amèrement  d'être,  depuis  de  longues 
années,  affligé  d'une  constipation  des  plus  opiniâtres  qui 
ne  lui  permet  plus  de  tenir  tête,  pour  la  boisson,  aux  grands 
dont  il  a  composé  sa  cour.  Son  premier  discours  se  termine 
par  une  demande  de  remèdes  et  incidemment  par  une  ré- 
clame d'eau-de-vie;  destinée,  dit-il,  à  tuer  le  froid.  Après 
avoir  humecté  son  gosier,  Sa  Grandeur  Domingo  voulut 
bien  s'intéresser  au  but  de  notre  séjour  dans  ses  domaines, 


VOYAGE  AU  ZAMBÈ8E.  57 

et  ayant  appris  que  nous  voulions  aller  à  M'bona  et  gagner 
à  pied  le  Malahoué,  il  nous  déclara  respectueusement  que 
nous  ne  passerions  pas  avant  d'avoir  fait  prévenir  le  chef 
indépendant  de  M'bona,  qui  daignerait  peut-être  venir  lui- 
même  nous  chercher.  Domingo  ajouta  qu'il  était  indispen- 
sable de  remettre  à  l'homme  qui  serait  notre  ambassadeur 
on  sagouati  de  premier  ordre,  c'est-à-dire  une  bouteille 
d'eau-de-vie.  Nous  nous  exécutons. 

En  attendant  le  retour  de  notre  représentant  qui  ne  doit 
s'effectuer  que  vers  le  milieu  de  la  journée,  nous  nous 
occupons  à  visiter  les  bords  du  Chiré  et  à  chasser  la  per- 
drix rouge  (P.  rubrà),  nombreuse  dans  les  environs. 

Pendant  ce  temps,  Domingo  était  allé  revêtir  son  vête- 
ment des  jours  de  fête,  un  schall  rouge,  à  bordure  violette, 
qu'il  porte  en  péplum,  puis  nous  amène  sa  femme  et  sa 
fille,  âgée  d'environ  une  dizaine  d'années.  La  présentation 
faite  solennellement  avec  force  battements  de  mains,  le 
maître  autorise  ces  dames  à  nous  faire  le  cadeau  qu'elles 
avaient  préparé  pour  nous.  Voici  en  quoi  il  consistait  :  un 
jeune  cabri  blanc,  un  corbillon  de  riz  non  décortiqué,  un 
autre  de  riz  décortiqué,  une  poule,  un  paquet  de  dix  cannes 
à  sacre  de  lm,50  de  longueur  et  plusieurs  régimes  de  ba- 
nanes fines  à  conserver.  Ce  cadeau  important  ne  pouvait 
être  payé  que  d'une  manière  royale  ;  nous  ouvrîmes  notre 
boîte  à  bijouterie  et  priâmes  ces  dames  de  choisir.  Elles 
furent  modestes  et,  vu  le  peu  de  valeur  de  nos  articles  de 
Paris,  nous  crûmes  devoir  leur  donner  en  outre  quelques 
autres  fantaisies. 

Lorsque  la  cérémonie  des  échanges  fut  terminée,  Do- 
mingo réclama  sa  part  et,  prenant  une  gourde,  il  nous 
pria  de  la  lui  faire  remplir  d'eau-de-vie,  afin  qu'il  pût  tenir 
conseil  avec  ses  grands. 

Le  conseil  .dura  environ  une  heure,  au  bout  de  laquelle 
notre  hôte  revint  nous  offrir  un  corbillon  vide  pour  en- 
fermer le  riz  qu'on  nous  avait  donné.  Voulant  nous  mon- 


58  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

trer  le  système  de  fermeture  de  son  panier,  il  tomba  à  terre 
et  ne  put  se  relever.  Le  grand  guerrier  était  vaincu  par 
l'alcool  et  Pedro,  l'un  de  nos  hommes,  dut  le  ramasser  et 
le  rentrer  dans  sa  case  où  il  cuva  tout  à  son  aise  les  déli- 
bérations de  son  conseil. 

Le  riz  des  bords  du  Chiré  est  d'une  blancheur  éclatante, 
trè6  fin,  et  donne  une  très  belle  farine.  Il  se  cuit  sans  diffi- 
culté; on  le  trouve  agréable  au  goût.  Ce  riz,  croyons-nous, 
serait  bien  coté  sur  les  marchés  européens. 

Vers  midi,  notre  ambassadeur  revint  accompagné  de 
deux  chefs  que  Combé,  souverain  de  M'bona,  nous  en- 
voyait pour  nous  accompagner  jusqu'au  pied  du  Mala- 
houé.  Nos  préparatifs  terminés,  nous  partîmes  en  machiila 
vers  TO.-S.-O.,  par  un  bois  très  touffu,  dans  lequel  nous 
avons  remarqué  beaucoup  de  ceps  de  vigne.  Le  sol  du 
sentier  était  de  sable  quartzeux.  A  500  mètres  de  MÎ6- 
sengé,  nou6  rencontrons  un  village  formé  de  treize  cases 
carrées  et  d'un  grand  hangar  dont  la  toiture  est  soutenue 
par  plusieurs  rangées  de  colonnes.  En  sortant  de  ce  vil- 
lage, nous  marchons  à  l'O.  et  nous  rentrons  dans  le  bois 
où  nous  cueillons  de  la  pervenche  et  du  jasmin  d'Espagne. 
A  800  mètres  au  delà,  le  terrain,  qui  est  en  pente  rapide, 
est  couvert  de  glands  champs  de  sorgho  sur  plus  d'un 
kilomètre.  Nous  entrons  ensuite  dans  des  friches  dont  les 
herbes  ont  de  2  à  3  mètres  de  hauteur.  Le  sol,  de  sable 
quartzeux,  renferme  aussi  des  graviers  de  la  grosseur 
d'une  noisette.  Les  friches  ont  près  do  4  kilomètres  de 
longueur. 

Pendant  notre  marche,  les  machillaires  s'arrêtèrent  un 
moment  et  nous  prièrent  de  mettre  pied  à  terre.  Nous 
crûmes  d'abord  que  cela  tenait  à  une  difficulté  du  chemin, 
mais  nous  reconnûmes  bientôt  notre  erreur.  Nous  étions 
à  la  limite  des  terres  de  M'bona  et  le  chef  était  venu  jus- 
que-là pour  nous  voir  passer.  Nous  apprîmes  alors  qu'au- 
cun étranger  ne  pouvait  pénétrer  dans  l'intérieur  de  ce 


VOTAGE  AU  ZAMBÈSE.  59 

village,  qui  6e  trouve  fermé  de  toutes  parte  par  des  ro- 
seaux et  des  bois.  Les  gens  de  M'bona  saluèrent  notre  dé- 
filé; nous  remontâmes  en  machilla  et  reprimes  notre 
marche  au  pas  de  course.  Le  territoire  de  M'bona  est  une 
terre  indépendante,  c'est-à-dire  que  son  chef  ne  relève 
d'aucun  capitaô-môr;  Combé,  qui  gouverne  actuellement, 
est  aveugle  ;  Sarima,  sa  femme  (x),  administre  le  territoire 
depuis  l'infirmité  de  son  mari.  Contrairement  aux  habi- 
tudes du  pays,  le6  gens  de  M'bona  n'ont  qu'une  femme. 

Les  friches  qui  sont  au  delà  du  village  sont  formées 
de  buissons  complètement  couverts  et  impénétrables,  de 
plantes  grimpantes,'  de  convolvulus  aux  couleurs  variées, 
de  vigne  avec  raisin  noir,  de  vigne  vierge,  de  fèves- 
fleurs,  de  doliques  (Dolickos  pruriens),  de  pois,  etc.  Quel- 
ques arbres,  principalement  des  pandas,  6e  font  remarquer 
de  chaque  côté  du  6entier  ;  les  ricins  y  6ont  nombreux, 
leur  hauteur  atteint  environ  3  mètres.  Après  avoir  fait 
4  kilomètres  dans  ce6  friches,  nous  arrivons  au  village  de 
Cambmbé  où  nous  nous  arrêtons. 

Gambimbé  est  formé  d'une  quinzaine  de  cases  ;  il  est 
situé  au  pied  du  Malahoué,  au  milieu  de  débris  de  roches 
quartzeuses  et  granitiques  éboulées  de  la  montagne  au 
moment  des  grandes  pluies.  On  cultive  aux  environs  de 
la  canne  à  sucre,  du  chanvre,  du  6orgho,  du  maïs,  du 
sésame,  des  ricins.  Ici,  le6  naturels  ne  se  contentent  pas 
de  fumer  les  feuilles  du  chanvre,  ils  en  écrasent  les  tiges 
et  en  font  une  espèce  de  filasse  qu'ils  convertissent  en 
fil,  ficelle  et  mèche.  Dans  une  case  de  ce  village,  nous 
avons  trouvé  une  lampe  toute  montée  ;  elle  était  formée 
d'une  calebasse  de  petite  taille,  coupée  à  une  hauteur 
convenable  ;  la  bobèche  était  faite  avec  un  nœud  de  ro- 
seau percé  pour  laisser  passer  la  mèche.  Trois  morceaux 
de  bambous,  coupés  de  façon  à  enfermer  la  calebasse 


(')BJ«  porte  le  titre  de  Mucaranga,  qui  signifie  t  principal*  /rame  ». 


60  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

dans  un  triangle,  formaient  les  bords  d'un  panier  en  filet 
de  chanvre  destiné  à  soutenir  la  lampe,  qu'on  suspendait 
à  la  voûte  de  la  paillotte.  Pour  obtenir  leur  huile  à  brûler, 
les  naturels  écrasent  la  graine  de  sésame  dans  im  mortier, 
recueillent  l'huile  qui  suinte  avec  un  paquet  de  filasse  qu'ils 
tordent  ensuite  pour  faire  tomber  la  matière  grasse  dans 
une  calebasse.  Les  tourteaux  sont  jetés  aux  champs. 

Dans  tous  ces  villages,  l'industrie  où  le  noir  excelle  est, 
sans  contredit,  le  tressage  de  la  paille  ;  il  recueille  les 
feuilles  du  palmier,  les  coupe  à  la  largeur  convenable, 
laisse  sécher  la  paille  après  l'avoir  mise  en  paquets,  pui6 
en  fait  de  très  jolis  ouvrages,  tels  que  nattes,  fumbas,  cabas 
de  toutes  grandeurs  en  deux  pièces,  se  fermant  très  bien 
en  s'emboftant  l'une  dan6  l'autre,  des  corbillons  ou  panches. 
La  fumba  ne  se  fabrique  pas  d'une  seule  pièce,  mais  par 
bandes  de  10  centimètres  de  largeur,  que  l'on  réunit  au 
moyen  d'une  couture  ou  d'un  6urjet  tressé.  Les  corbillons 
sont  terminés  par  un  cçrcle  en  bois,  quelquefois  large  de 
8  centimètres,  sur  lequel  des  arabesques  variées  6ont  des- 
sinées à  l'aide  d'un  fer  rouge.  Le  couvercle,  bien  moins 
profond  que  le  récipient,  s'aju6te  avec  quatre  tresses  pla- 
cées en  croix  6ur  le  corbillon  fermé.  Les  vases  habituels 
6ont  ordinairement  des  calebasses  de  toutes  formes  ou  des 
cocos  sciés,  parfois  sculptés  et  emmanchés.  Dans  des  ron- 
delles de  boi6  dur,  ils  6e  creusent  des  plats  et  des  assiettes, 
et  font  des  nattes  avec  de  grands  roseaux  coupés  en  ba- 
guettes plus  ou  moins  larges. 

Dès  notre  arrivée  à  Cambimbé,  nous  nous  renseignons 
sur  l'existence  de  la  houille  près  du  Malahoué,  mais  notre 
demande  e6t  chose  nouvelle  pour  eux  et  ils  ne  peuvent 
nous  donner  aucune  indication.  Une  promenade  aux  envi- 
rons de  la  montagne  nous  apprend  bientôt  que  nous  n'avons 
rien  à  espérer  de  ce  côté.  Nous  allons  ensuite  à  quelques 
centaines  de  mètres,  vers  le  Sud  de  Cambimbé  ;  là  coule, 
entre  d'immenses  blocs  de  granit  et  de  quartz,  un  torrent 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSB.  61 

dont  l'eau  e6t  très  claire,  fraîche  et  abondante.  Nous  le  sui- 
vons et,  à  lô  mètres  d'élévation,  nous  rencontrons  une 
superbe  cascade  (1).  Un  espace  de  plus  de  100  mètres  carrés 
est  pavé  de  granit  presque  uni  et  marbré  de  veines  d'un 
blanc  éclatant. Dans  un  coin,  à  gauche,  se  dresse  une  belle 
muraille,  du  sommet  de  laquelle  l'eau  tombe  en  cascade 
dans  un  petit  bassin  et,  de  là,  s'écoule  dans  la  vallée.  Au 
sommet  de  la  cascade  et  dans  les  fentes  des  rochers,  croît 
one  très  belle  végétation.  C'est  avec  plaisir  que  nous  bu- 
vons de  cette  eau  pure,  qui  nous  paraît  d'autant  meilleure 
gue,  depuis  notre  entrée  6ur  le  Chiré,  nous  en  sommes 
réduits  à  boire  de  l'eau  marécageuse  filtrée.  Le  lit  du  tor- 
rent est  extrêmement  tortueux,  difficile  à  suivre  ;  la  roche 
est  remplie  de  mica  et,  par-ci  par-là,  nous  apercevons  de 
petits  filets  brillants,  à  aspect  métallique ,  que  l'analyse 
montre  être  de  la  plombagine. 

Le  23  mai,  nous  partons  vers  7  heures  du  matin  pour 
faire  l'ascension  du  Malahoué  ;  le  seul  chemin  qui  existe 
dans  la  montagne  est  le  lit  du  torrent.  Nous  le  remontons, 
mais  il  e6t  des  plus  difficiles  ;  ici,  il  faut  se  suspendre  aux 
roches,  mettre  le  pied  sur  des  pointes  de  quartz,  s'accro- 
cher aux  pierres,  aux  racines  d'arbres,  s'élever  comme 
on  le  peut  en  risquant  une  chute  à  chaque  pas  ;  là,  on 
passe  l'eau  en  sautant  de  roche  en  roche  ou  en  barbot- 
tantdans  un  liquide,  pur  il  est  vrai,  mai6  passablement 
froid.  Ailleurs,  tandis  que  le  torrent  tombe  en  cascade,  il 
nous  faut  contourner  les  roches  et  faire  mille  détours 
avant  de  reprendre  la  bonne  voie.  Puis,  on  arrive  sur  un 
terrain  plat;  un  sentier  longe  l'eau,  mais  il  est  rempli 
d'humus,  de  roseaux  et  d'eau  croupie,  venant  de  quelque 
faible  fissure  du  réservoir.  Tout  à  coup,  on  se  trouve 
au  bord  d'un  canal  creusé  dans  le  roc,  long  de  30  mè- 
tres, profond,  alimenté  par  une  cascade  de  20  mètres  de 


(*)V«lrffcur«G. 


62  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

hauteur,  d'où  l'eau  tombe  en  une  seule  colonne.  A  chaque 
pas  le  paysage  change,  la  montagne  présente  de  nouvelles 
beautés,  des  points  de  vue  superbes  dont  un  peintre  sau- 
rait certainement  faire  son  profit. 

Notre  ascension  dure  trois  heures  et  nous  arrivons 
ainsi  sur  un  plateau  à  305  mètres  d'altitude  au-dessus  de 
Cambimbé.  Après  quelques  minutes  de  repos,  nou6  sui- 
vons en  plein  bois  un  sentier  rapide  ;  nous  descendons 
dans  une  vallée  où  nous  trouvons  un  vaste  champ  de  sé- 
same ;  puis,  à  travers  des  friches  herbeuses  de  2  mètres 
de  hauteur,  nou6  gravissons  une  nouvelle  côte  et  aboutis- 
sons enfin  à  un  deuxième  plateau.  Nous  nous  trouvons  à 
355  mètres  d'altitude  et  sommes  à  peine  à  moitié  de  notre 
chemin.  Nous  entrons  avec  un  sensible  plaisir  dans  un 
village  d'une  dizaine  de  cases,  Magombê,  dont  les  habitante 
se  sont  enfuis  à  notre  approche.  Il  est  vrai  que  les  nègres 
qui  nous  accompagnaient  nous  avaient  devancés,  étaient 
arrivés  au  pas  de  course  dans  ce  village  et  y  avaient  sur- 
pris les  femmes  occupées  à  broyer  du  sorgho  et  les  hom- 
mes à  dormir.  Nous  envoyons  à  la  recherche  des  naturels 
qui,  lorsque  nous  leur  avons  démontré  que  nous  venons 
en  amis,  reviennent  près  de  leurs  paillottes  où  quelques  ar- 
ticles de  bijouterie  donnés  aux  femmes  achèvent  de  les 
rassurer  complètement.  Ces  cadeaux  nous  valent  même  plu- 
sieurs sagouatis  dans  lesquels  figurent  pour  la  première 
fois  des  patates  (maby)  et  du  pombè,  bière  de  grains  fer- 
mentes, à  laquelle  nos  gosiers,  encore  peu  habitués  à  la 
cuisine  indigène,  refusent  presque  le  passage.  On  nou6 
apporte  aussi  des  cannes  à  sucre  ;  elles  ont  été  cueillies 
dans  des  champs  cultivés  sur  le  plateau  où  nous  nous 
trouvons  ;  ces  cannes  sont  fermes  et  bien  sucrées. 

Un  grand  nombre  de  cases  apparaissent  sur  le  révère  de 
la  montagne  ;  elles  sont  disséminées  çà  et  là,  près  d'an- 
fractuosités  des  rochers  contre  lesquels  elles  6'appuient 
généralement.  Un  torrent  rapide  coule  non  loin  du  village, 


VOYAGE  AU  ZAKBÈSE.  63 

ce  qui  nous  permet  de  faire  préparer  notre  déjeuner  avec 
de  l'eau  pare.  Près  de  Magombé,  un  endroit  spécial  ré- 
servé pour  les  inhumations,  est  couvert  de  débris  de  nattes 
et  de  poteries  diverses. 

Toutes  les  femmes  du  nouveau  village  que  nous  visi- 
tous,  portent  le  pélélé  dans  la  lèvre  supérieure  ;  chez  les 
unes,  c'est  un  morceau  de  bois  taillé  qui  leur  orne  la  figure; 
chez  d'autres,  ce  sont  des  anneaux  de  métal  —  cuivre  ou 
fer  — des  fragments  d'os,  d'ivoire  et  de  petits  coquillages 
de  formes  et  de  grandeurs  différentes  qui  font  l'office  de 
parure  et  les  rendent  affreuses,  même  lorsqu'elles  sont 
jeunes,  en  leur  déformant  et  allongeant  de  2  à  3  centi- 
mètres la  lèvre  supérieure.  Elles  ont  presque  toutes  des 
anneaux  de  laiton  aux  pieds  et  aux  bras  ;  des  fils  de  chanvre 
retenant  des  carapaces  de  coléoptères  ou  des  morceaux  de 
bois  taillés  et  enfilés,  les  uns,  dans  le  sens  de  la  longueur, 
les  autres,  dans  le  sens  de  la  largeur,  leur  servent  de 
colliers. 

A  Magombé,  les  provisions  des  naturels  sont  mises  en 
commun  et  renfermées  dans  un  magasin,  sous  la  surveil- 
lance du  chef;  il  est  construit  comme  une  paillotte,  mais 
beaucoup  plus  grand  et  recouvert  intérieurement  d'une 
couche  de-  pisé.  11  contenait  alors  une  grande  quantité  de 
maïs. 


4."  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE 


EXCURSION 


DE 


NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL 

PRES  DE  TOUL 

Par  E.  OLRY,  Instituteur  à  Allain, 
orriciM  db  l'ixitioctioh  rouiooi. 


L'excursion  que  nous  allons  faire  aujourd'hui  a  pour  but 
le  mont  Saint-Michel,  admirablement  placé  au  milieu  du 
pays  touloi6,  pour  faire  une  petite  topographie  de  la  plaine 
environnante,  si  riche  en  souvenirs.  En  route,  nous  fe- 
rons des  stations  au  plateau  de  Haye,  aux  grottes  de  Sainte- 
Reine  et  à  la  Rochotte,  près  de  Pierre-la-Treiche,  puis  nous 
monterons  à  noire  poste  d'observation.  Tel  est  le  pro- 
gramme de  cette  nouvelle  étude  que  j'ai  entreprise  sur  la 
demande  de  MM.  les  membres  du  Bureau  et  surtout  de 
l'honorable  et  si  zélé  secrétaire  général  de  la  Société.  J'ai 
tâché  de  m'acquitter  avec  conscience,  sinon  avec  talent, 
de  la  première  partie  de  ma  tâche  qui  avait  pour  but  les 
recherches  ;  je  sollicite,  pour  conduire  la  seconde  abonne 
fin,  toute  la  bienveillance  de  mes  lecteurs. 


AU    PLATEAU    DE    HAYE. 


Pour  abréger,  nous  allons  gagner  rapidement  le  haut  de 
la  côte  et  pénétrer  dans  cette  vaste  forêt  de  Haye  qui  oc- 
cupe, avec  les  bois  communaux  voisins,  une  surface  de 
dix  à  onze  mille  hectares.  C'est  pour  les  Nancéiens,  dans 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  65 

les  parties  les  plus  rapprochées  du  moins,  un  but  de  pro- 
menade bien  agréable,  surtout  par  les  fraîches  matinées  et 
les  délicieuses  soirées  de  la  belle  saison.  Sous  ces  vastes 
ombrages,  dans  ces  beaux  vallons  solitaires,  on  respire  un 
air  pur,  vif  et  frais;  là,  on  peut  rêver  à  Taise,  admirer  les 
fleurs,  écouter  le  chant  mélodieux  des  oiseaux,  ou  bien 
contempler  ces  futaies  splendides,  ces  chênes  séculaires, 
ces  beaux  hêtres  si  touffus  qui  s'élancent  majestueuse- 
ment dans  les  airs. 

Après  une  demi -heure  de  marche  dans  la  large  tranchée 
de  la  forêt,  nous  arrivons  aux  Ponts-de-ToiU,  également  dé- 
signés 60us  le  nom  de  Fonds-de-Toul.  Au  commencement 
du  siècle  dernier,  la  route  de  Nancy  à  Toul  suivait,  en  ces 
lieux  sauvages  et  abrupts,  un  tracé  sinueux  nécessité  par 
les  accidents  du  terrain.  C'était  un  passage  réputé  dange- 
reux et  il  s'y  commettait  souvent  des  vols  et  même  des  as- 
sassinats. Le  duc  Léopold,  vers  1704,  faillit  lui-même, 
paraît-il,  être  un  jour  victime  d'un  de  ces  attentats.  Il  re- 
tenait de  Toul  en  chaise  de  po6te,  ayant  à  côté  de  lui 
H.  de  Bavillier,  son  ingénieur,  maître  de  mathématiques 
des  princes  ses  enfants.  «  Tout  à  coup  trois  ou  quatre  vo- 
leurs arrêtent  le  cocher  et  demandent  la  bourse  ou  la  vie. 
M.  de  Bavillier,  pour  se  débarrasser  d'eux,  allait  leur  don- 
ner tout  ce  qu'il  possédait,  quand  le  courrier  qui  précé- 
dait la  voiture,  ne  l'apercevant  plus  derrière  lui,  revient 
6ur  ses  pas  et  voit  ce  qui  se  par  se.  Alors,  mettant  la  bride 
de  son  cheval  entre  ses  dents,  il  prend  ses  deux  pistolets 
et  fond  sur  les  brigands  qui,  le  voyant  si  déterminé, 
eroient  qu'il  y  a  d'autres  postillons  derrière  lui,  lâchent 
prise  et  se  retirent.  Pendant  tout  ce  débat,  le  bon  duc 
dormait  tranquillement,  et  c'est  seulement  le  lendemain 
que  M.  de  Bavillier  apprit  au  prince  le  péril  qu'il  avait 
couru (')  ». 


(■)  Voy.  H.  Leptge,  U  Département  de  la  Mewlhe,  Statistique  historique,  etc., 
page  293. 

SOC.  PB  QÉOOft.  ~  1"  TEIMUTRl  1889.  5 


66  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

C'est,  selon  toute  apparence,  en  conséquence  de  cette 
attaque  que  Léopold  fit  faire,  au  fond  de  la  vallée  princi- 
pale, la  levée  haute  de  25  à  30  pieds  qui  la  traverse  et 
qu'on  voit  encore  à  la  lisière  du  bois  du  côté  du  sud.  C'est 
aussi  à  la  même  époque  qu'il  faut  rapporter  l'élargisse- 
ment du  chemin  taillé  dans  le  roc,  dont  on  remarque  aussi 
d'importants  vestiges  sur  le  flanc  droit  de  la  vallée. 

C'est  quarante  ans  après,  sous  le  règne  de  Stanislas,  en 
1745,  que  fut  tracée  la  route  actuelle  :  on  éleva  alors  les 
remblais  gigantesques  qui  permettent  de  traverser  les  deux 
profondes  vallées  en  conservant  presque  le  niveau  du  pla- 
teau. Pour  cela  on  construisit,  dans  la  première,  un  pont 
de  300  pieds  de  long,  haut  de  6,  large  de  4  5  un  aqueduc 
pareil,  mais  d'une  moindre  longueur,  fut  établi  dans 
l'autre  vallée  dite  des  Trois-Fourchons.  Sur  ces  aqueducs, 
on  éleva  les  immenses  remblais  bien  connus,  et  ce  travail 
fait  par  corvées  dura  13  ans.  Le  premier  de  ces  remblais, 
en  même  temps  le  plus  important,  n'a  pas  moins  de  48  mè- 
tres de  hauteur.  Trente-deux  communautés  travaillèrent  à 
cette  entreprise  grandiose,  ce  qui  excita  bien  des  plaintes, 
car  les  charretiers  et  autres  ouvriers  étaient  obligés  de 
venir  de  loin,  de  quitter  leurs  travaux,  leurs  maisons, 
leurs  familles,  pour  venir  passer  un  certain  temps  sur  ces 
chantiers.  On  construisit  des  baraques  pour  abriter  les 
attelages  et  les  travailleurs  5  un  bâtiment  plus  élevé  que 
les  autres  servait  à  la  célébration  de  la  messe  le  dimanche. 
Quand  les  travaux  furent  terminés,  on  démolit  ces  bara- 
ques et  l'on  bâtit  deux  auberges  à  la  place.  Telle  est  l'ori- 
gine du  petit  hameau  que  nous  remarquons  aujourd'hui 
en  ces  lieux  ;  il  aurait,  dit-on,  pris  plus  d'extension  sans  le 
manque  d'eau  ('). 

En  poursuivant  notre  route  vers  Gondreville,  nous  arri- 
vons bientôt,  au  sortir  de  la  forêt,  en  vue  des  côtes  de  Joui, 


(')  Voy.  H.  Lepage,  ibil ,  et  A.  Dijot,  HUtoire  de  Lorraine,  VIe  vol.,  page  344. 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  67 

qui  font  partie  de  la  seconde  chaîne  de  VArgonne  orientale, 
désignée  encore  sous  le  nom  de  collines  de  la  Meuse,  comme 
les  côtes  de  Nancy  à  Metz,  appartenant  à  la  première  chaîne  de 
l'Argonne  orientale,  6ont  connues  encore  60us  le  nom  de 
coUines  de  la  Moselle. 

Ces  deux  lignes  de  hautes  falaises  6'étendent  fort  loin 
arec  un  relief  qui  va  diminuant  légèrement  du  côté 
du  sud-ouest  aussi  bien  que  du  côté  du  nord-ouest.  Elles 
appartiennent  à  deux  puissantes  formations  géologiques 
intéressantes  à  étudier,  qui  s'inclinent  doucement  vers 
l'ouest,  se  terminent  brusquement  vers  l'est,  dessinant, 
entre  Toul  et  Nancy,  un  profil  que  j'esquisse  ici  (Voir 

fig.  1). 

Les  assises  composant  ces  formations  sont,  pour  la  pre- 
mière de  nos  deux  chaînes,  le  lias  à  la  base  et  Yoolithe 
inférieure  au  couronnement  ;  pour  la  seconde,  les  argiles 
oxfordiennes  à  la  base  avec  le  coralrag  au  sommet,  assises 
comprises  dans  Voolithe  moyenne  (Voir  fig.  II). 

Il  est  très  facile,  daus  nos  environs,  de  se  rendre  compte 
de  l'inclinaison  vers  l'ouest  que  je  signale.  Il  suffit,  en 
effet,  de  remarquer,  dans  la  vallée  de  la  Moselle,  à  Pont- 
Saint- Vincent  et  à  Frouard,  les  allures  de  la  oouche  de 
minerai  de  fer.  On  sait  qu'à  Messein,  comme  à  Frouard,  il 
affleure  le  sol  sur  les  pentes  au  tiers  supérieur  des  hautes 
collines,  tandis  qu'au-dessous  de  Maron,  comme  à  Liver- 
dun,  il  ne  se  présente  plus  qu'au  niveau  du  fond  de  la 
vallée. 

N'y  aurait-il  pas  quelque  intérêt  de  chercher  à  pénétrer 
le  secret  de  la  formation  de  ces  hautes  collines  ?  Tout  d'a- 
bord je  dirai  qu'elles  ne  6ont  pas  le  résultat  d'un  soulève- 
ment, car  les  couches  géologiques  dont  elles  6ont  compo- 
sées se  trouvent  dans  un  ordre  normal  de  superposition. 
Ensuite,  et  selon  toute  apparence,  ces  puissantes  masses 
sédimentaires  s'avançaient,  dès  l'origine,  plus  loin  qu'au- 
jourd'hui du  côté  de  l'est  :  les  côtes  de  Sion-Vaudémont, 


LUJ !L^ 


68  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

de  Pulney,  la  côte  d'Amon  ainsi  que  les  nombreux  massifs 
à  Test  de  la  Meurthe  et  de  la  Moselle,  le6  côtes  d'Amance, 
de  Saint -Jean,  de  Mousson  et  de  Vitton  ville,  sont 
des  témoins  qui  attestent  le  gigantesque  travail  d'éro- 
sion .accompli  en  avant  de  notre  première  chaîne,  par 
les  eaux  de  la  mer,  alors  que  celle-ci  recouvrait  notre  ré- 
gion et  lui  ébauchait  le  relief  actuel.  De  même,  les  côtes 
de  Barisey  et  de  ChâlUlon  tout  à  côté,  la  côte  Saint-Michel 
et  la  côte  Barine  prè6  de  Toul,  puis  celle  de  Moussec  (Meuse) 
sont  les  témoins  du  travail  de  désagrégation  accompli  en 
avant  de  la  seconde  chaîne.  Tous  ces  témoins  ont  résisté  à 
l'action  dissolvante  des  eaux  de  la  mer,  alors  que  d'autres 
plateaux,  dans  le  voisinage,  disparaissaient  plus  ou  moins 
complètement,  tel,  par  exemple,  celui  de  Pulnoy,  non 
loin  d'ici,  qui  a  ainsi  perdu  son  couronnement  oolithique. 

Ce  travail  d'érosion  de  la  mer,"  en  nos  parages,  travail 
qui  s'est  produit  à  une  époque  reculée  assurément,  alors 
que  les  eaux  pouvaient  s'élever,  par  exemple,  à  une  alti- 
tude de  300  mètres  au-dessus  de  leur  niveau  actuel,  ou 
que  notre  6ol  se  trouvait' abaissé  d'autant,  n'a  rien  qui 
doive  nous  surprendre,  car  aujourd'hui  les  mêmes  phéno- 
mènes se  produisent  encore  journellement  sur  certaines 
plages  où  l'on  voit  disparaître  successivement  des  pro- 
montoires, des  falaises  tout  entières  sur  de  vastes  éten- 
dues. Quand,  en  effet,  les  eaux  de  la  mer  humectent  le 
pied  de  certaines  collines,  elles  en  délaient,  en  désagrè- 
gent les  couches  inférieures,  mettent  le  couronnement  en 
surplomb  et  provoquent  par  là  les  éboulements.  Ce  tra- 
vail de  désagrégation  s'accomplit  avec  d'autant  plus  de 
rapidité  que  les  couches  attaquées  sont  plus  molles,  par 
conséquent  plus  faciles  à  entamer. 

Mais  ce  que  je  dis  de  no 6  deux  chaînes  de  hautes  col- 
lines n'est  point  particulier  à  notre  région.  Cette  disposi- 
tion des  couches  géologiques  en  plateaux  superposés  et 
placés  en  recouvrement,  ce  travail  d'érosion  des  eaux  de 


!• 


DE  NANCY  AD  MONT  SAINT-MICHEL.  69 

la  mer  Be  retrouve  à  partir  des  Vosges  jusqu'à  Paris  ;  mais 
il  ne  6e  présente  pas  partout  avec  un  relief  aussi  accusé 
que  chez  nous. 

J'appellerai  surtout  l'attention  sur  une  série  de  sept  pla- 
teaux ainsi  disposés.  Le  premier  qui  commence  à  se  dessiner 
est  couronné  par  le  lias  inférieur;  il  se  montre,  mais  d'une 
façon  restreinte,  de  Gripport  à  Einville-au-Jard,  formant 
les  collines  de  Bain ville-aux- Miroirs,  de  SafFais,  de  Ro- 
sières-aux-Salines  et  de  Dombasle  dans  notre  département 
de  Meurthe-et-Moselle. 

Le  second  est  celui  de  notre  première  chaîne  de  l'Ârgonnc, 
couronnée,  dans  tout  son  développement,  par  Yoolithe  in- 
férieure ;  nous  savons  qu'elle  s'étend  des  environs  de  Lan- 
gres  jusque  dans  le  Luxembourg,  en  passant  par  Nancy  et 
Metz. 

Le  troisième  forme  notre  seconde  chaîne  de  l'Argonne; 
il  est  formé  par  l'oolithe  moyenne  avec  les  argiles  oxfor- 
diennes  à  la  base  et  le  coralrag  au  sommet.  11  se  dessine  en 
arrière  de  Ghaumont  et  s'étend  jusqu'en  arrière  de  Sedan, 
par  Neufcbâteau  et  Toul. 

Le  quatrième  est  moins  accentué  que  les  deux  derniers; 
il  est  formé  par  Yoolithe  supérieure  et  dessine  notamment 
ses  hauteurs  de  Doulaincourt  (Haute-Marne)  à  Montfau- 
con-en-Argonne,  par  Gondrecourt,  Ménil-la-Horgne,  Pier- 
refttte  et  Soulier,  dans  la  Meuse. 

Le  cinquième,  généralement  mieux  prononcé  que  le 
précédent,  sans  accuser  néanmoins  des  collines  de  plus  de 
50  mètres  de  relief,  est  formé  par  le  terrain  crétacé  infé- 
rieur ou  grès  vert.  Il  se  dessine  surtout  dans  la  région  dite 
forêt  d'Argonne.  Ses  pentes  entrecoupées  de  vallées  et  ses 
plateaux  couronnés  de  forêts  forment  les  célèbres  défUés  de 
l'Argonne  proprement  dits  du  Chêne-Populeux ,  de  la  Croix- 
au-Bou,  de  Grand-Pré,  de  la  Chalade,  des  Islettes  et  de  Cler- 
mont. 

Le  sixième,  aux  crêtes  dénudées,  dessine  un  relief  à  peu 


70  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

près  égal  au  précédent,  mais  il  e6t  d'un  développement 
plus  étendu.  Il  est  surtout  accusé  de  Vitry  à  Rhétel,  pas- 
sant en  arrière  de  Sainte-Menehould  et  de  Vouziers.  Il  est 
formé  par  le  terrain  crétacé  supérieur  et  commence  le  vaste 
plateau  dit  de  la  Champagne  pouilleuse  :  c'est  en  défendant 
cette  chaîne  que  Dumouriez  battit  les  Prussiens  à  Valmy , 
en  1792. 

Enfin  le  septième  et  dernier  plateau  accuse  un  relief 
égal  à  celui  de  nos  chaînes  de  la  Moselle  et  de  la  Meuse, 
car  les  collines  qu'il  forme  s'élèvent  à  environ  150  mètres 
au-dessus  du  niveau  et  à  l'ouest  de  la  plaine  de  Champa- 
gne. Il  est  formé  par  la  première  assise  inférieure  du  ter- 
rain tertiaire,  le  gypse  ou  argile  plastique  de  la  plaine  de 
Brie.  Quand  on  va  à  Paris  et  qu'on  a  passé  à  Châlons,  on 
voit  se  dessiner  cette  ligne  de  hautes  falaises  qui  s'éten- 
dent fort  loin,  et  on  pénètre  avec  la  Marne  dans  un  de6 
principaux  défilés,  quand  on  arrive  à  Êpernay .  C'est  sur  les 
pentes  orientales  et  méridionales  des  environs  d'Épernay 
et  de  Reims  que  l'on  cultive  et  que  l'on  récolte  l'excellent 
vin  de  Champagne.  Le  relief  de  ces  hautes  collines,  très 
accentué  aux  environs  d'Épernay  et  de  Reims,  va  en  dimi- 
nuant légèrement  d'une  part  jusqu'aux  environs  de  Laon, 
et  de  l'autre,  jusqu'à  Nogent-sur-Seine  et  même  Monte- 
reau;  c'est  en  défendant  ces  hauteurs  qu'en  1814  Napo- 
léon Ier  livrait  à  l'ennemi  les  combats  victorieux  de  Champ- 
Aubert,  de  Montmirail  et  de  Vauchamp6,  entre  Épernay 
et  Sézanne. 

Cette  multiple  ceinture  de  collines  dessinant  de6  cour- 
bes presque  régulières  et  concentriques  dont  le  centre  est 
Paris,  forme  la  base  du  système  de  défense  de  cette  région 
de  la  France  contre  les  envahisseurs  de  l'Est;  aussi  6ur 
certains  points,  surtout  au  passage  des  voie6  ferrées,  trou- 
vons-nous des  camps  retranchés,  comme  ceux  de  La  Fère, 
de  Laon,  de  Reims  et  bientôt  celui  de  Nogent-sur-Seine, 
pour  défendre  cette  falaise  de  Brie  ;  puis  ceux  de  Verdun, 


DB  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  71 

de  Toul  et  de  Langres  pour  défendre  nos  Argonnes  orien- 
tales et  le  plateau  de  Langres. 

Hais  revenons,  il  en  est  temps,  à  notre  plateau  de  Haye 
qui  forme  lui-même  une  position  militaire  importante 
comprise  dans  une  boucle  formée  par  la  Meurthe  et  par 
la  Moselle,  allant  baigner  les  murs  de  Toul.  Depuis 
longtemps,  les  stratégistes,  entre  autres  le  général  Haxo, 
notre  compatriote,  l'ont  considéré  comme  le  point  de  con- 
centration le  plus  avantageux  pour  l'offensive,  et  le  cen- 
tre le  plus  solide  pour  l'appuyer  en  cas  de  défensive. 

Yoici  du  reste  ce  qu'en  dit  M.  le  capitaine  du  génie 
Marga,  professeur  du  cours  d'art  militaire  à  l'École  d'ap- 
plication de  Fontainebleau,  dans  sa  Géographie  militaire  : 

«  Au  centre  de  notre  nouvelle  frontière  avec  l'Allema- 
gne, à  peu  près  à  égale  distance  des  Vosges  et  du  Luxem- 
bourg, se  trouve  une  position  qui  e6t  également  impor- 
tante au  point  de  vue  de  l'offensive  et  de  la  défensive  : 
c'est  le  plateau  de  Haye 

«  On  a  fait,  à  travers  les  vastes  forêts  de  ce  plateau,  quel- 
ques percées  qui  favorisent  le  mouvement  des  troupes. 
Les  bois  qui  le  couvrent  et  les  pentes  qui  le  limitent  sont 
des  obstacles  sérieux  et  de  défense  facile  ;  à  l'ouest,  cette 
position  s'appuie  à  la  grande  place  de  Toul;  à  l'est  vers 
Nancy,  elle  est  plus  abordable  que  partout  ailleurs.  Le 
général  de  Rivières  avait  eu  le  projet,  pour  la  renforcer 
de  ce  côté,  de  créer  un  certain  nombre  de  fort6  en  avant 
de  Nancy  sur  la  ligne  des  hauteurs  qui  s'étendent  de  Cus- 
tines,  sur  la  Moselle,  à  Jarvillc  sur  la  Meurthe,  en  passant 
par  Bouxières-aux-Chênes,  Amance  et  Pulnoy  ;  quelques 
batteries  construites  à  l'extrémité  est  du  plateau,  entre 
Nancy  et  Pont-Saint- Vincent,  eussent  fermé  la  position  à 
Test.  On  aurait  ainsi  formé  un  immense  camp  retranché, 
englobant  la  grande  et  populeuse  ville  de  Nancy  ;  on  au- 
rait dominé  directement  la  vallée  de  la  Seille  et  on  se 
serait  ménagé  des  débouchés  commodes  sur  le  plateau  de 


72  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

Lorraine.  Ce  projet  n'a  pas  été  exécuté.  Pour  le  moment, 
on  n'a  construit  que  deux  ouvrages  qui  maîtriseront  les 
voies  ferrées  convergeant  vers  Nancy  et  qui  pourront  aussi, 
au  besoin,  appuyer  l'occupation  de  la  forât  de  Haye  : 
l'un  est  6itué  au-dessus  de  la  gare  de  Frouard,  l'autre 
au-des6us  de  Pont-Saint- Vincent.  » 

La  position  de  Toul,  en  arrière  de  ce  plateau,  est  très 
forte  aujourd'hui  et  elle  forme,  avec  celle  de  Verdun,  un 
obstacle  continu  de  plus  de  100  kilomètres  de  front,  d'une 
valeur  importante  d'abord  par  les  deux  camp6  retranchés 
élevés  autour  de  ces  deux  villes,  ensuite  par  les  nombreux 
forts  d'arrêt,  qui  en  dépendent,  construits  à  Bourlémont, 
près  de  Neufchâteau,  à  Pagny-la-Blanche-Côte  et  à  Blé- 
nod  au  sud  de  Toul,  puis  à  Giron  ville,  à  Liou  ville,  au 
Camp'des-Romains  près  de  Saint-Mihiel,  à  Troyon  et  à 
Génicourt.  Cette  ligne  emprunte  sa  force  non  seulement 
des  forts  qui  hérissent  les  crêtes,  mais  aussi  du  relief  des 
collines,  du  sol  marécageux  souvent  accidenté  d'étangs 
dans  la  plaine  de  Voivre,  puis  de  la  nature  des  cultures, 
des  vignes  sur  les  pentes  et  des  forêts  profondes  qui  acci- 
dentent  la  plaine  sur  plusieurs  points  et  couronnent  presque 
toutes  les  hauteurs. 

Deux  trouées  sont  laissées,  est-ce  à  dessein  ?  L'une  entre 
Verdun  et  la  frontière  belge,  l'autre  entre  Neufchâteau  et 
Épinal,  dans  le  but  peut-être  de  forcer  l'envahisseur  à  di- 
viser ses  forces  et  de  permettre  aux  armées  du  pay6  de  se 
concentrer  en  arrière  de  Toul  et  de  Verdun  pour  se  porter 
ensuite,  6elon  le  cas,  sur  la  trouée  envahie  ou  forcée. 

II. 

AUX   GROTTES   DE    PIERRE-LA-TREICHB. 

Nous  quittons  le  plateau  de  Haye  au  sortir  de  la  forêt  et 
nous  allons  prendre  sur  la  gauche  pour  descendre  aux 
grottes  de  Pierre-la-Treiche,  où  nous  allons  visiter  d'abord 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  73 

les  trous  de  Sainte-Reine.  Les  curiosités  géologiques 
appelées  trous  ne  sont  pas  rares  dans  notre  pays,  surtout 
dans  les  calcaires  Assurés,  caverneux  de  notre  oolithe  in* 
férieure.  Outre  les  grottes  des  environs  de  Pierre  que 
nous  allons  visiter,  je  puis  citer  aussi  les  trous  de  Bottenoi 
près  d'Àrnaville,  de  Quatre- Vaux,  près  de  Regnéville-en- 
Haye,  de  Grimau-Sauté  près  de  Martincourt,  de  Vassogne 
près  de  Flirey,  de  Grenè  près  de  Rogéville,  de  la  Grosse- 
Roche  au-dessus  d'Aingeray,  du  Géant  près  de  Villey-le- 
Sec,  de  Diane  près  de  Moutrot,  des  Fées  sur  deux  points 
près  d'Ochey  et  de  Germiny,  de  VEcoufot  près  de  Colom- 
be? ;  ajoutons  les  Caves  d'Autreville,  enfin  le  gouffre  de 
Gémonville,  où  se  perd  V  Aroffe,  et  la  belle  grotte  de  Saint- 
Amon,  qui  parait  être  aussi  intéressante  que  celles  de 
Sainte-Reine. 

Ces  grottes,  même  le6  plus  curieuses,  ne  sont  assuré- 
ment point  comparables  à  celles  de  la  Franche-Comté  ; 
on  n'y  trouve  point  de  ces  vastes  et  spacieuses  chambres 
aux  stalagmites  si  curieuses,  aux  stalactites  de  formes  si 
variées,  si  bizarres,  si  fantastiques,  comme  celles  des 
grottes  û'Oisetles  et  de  Cheneçay,  où  un  intendant  de  la  pro- 
vince, au  siècle  dernier,  donna  une  fête  brillante  dont  on 
garde  encore  le  souvenir  à  Besançon. 

Mais  pour  n'offrir  point  un  intérêt  aussi  puissant,  visi- 
tons-les néanmoins  puisqu'elles  se  trouvent  sur  notre  pas- 
sage, et  commençons  par  celles  de  Sainte-Reine,  qui  s'ou- 
vrent dans  de  vieilles  carrières  abandonnées,  sur  le  flanc 
et  presque  au  bas  de  la  colline  qui  borde  la  rive  droite  de 
la  Moselle,  dans  la  région  du  Bois-sous- Roche,  en  face  de  la 
vallée  du  Larrot,  un  peu  au-de66us  et  en  face  de  Pierre-la- 
Treiche. 

U  existe,  pour  pénétrer  dans  ces  grottes,  deux  entrées 
principales,  éloignées  l'une  de  l'autre  d'environ  60  mètres. 
Ces  ouvertures  se  rejoignent  et  donnent  accès  à  de6  souter- 
rains étendus  qui,  depuis  vingt  ans,  ont  été  explorés  par 


74  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

plusieurs  savants,  notamment  par  MM.  Husson,  pharma- 
cien à  Toul,  Gaiffe  de  Nancy,  le  regretté  M.  Godron  et 
d'autres. 

L'entrée  de  l'ouest,  par  le  trou  de  la  Fontaine,  est  la 
plus  intéressante;  elle  offre  tout  d'abord  une  chambre 
spacieuse,  puis  un  couloir  d'une  quarantaine  de  mètres  à 
l'extrémité  duquel  on  débouche  dans  une  chambre  vaste, 
irrégulière,  où  sourdent  deux  fontaines.  «  A  partir  de  cet 
endroit,  dit  M.  Godron,  les  couloirs  s'abaissent  et  bientôt 
il  faut  changer  de  mode  de  progression  ;'  de  bipède  il  faut  se 
faire  quadrupède.  Cette  nouvelle  façon  d'aller  permet  en- 
core de  cheminer  assez  loin.  Puis  on  arrive  à  des  passages 
où  la  voûte  s'abaisse  au  point  qu'on  ne  peut  plus  les  fran- 
chir qu'en  rampant  ventre  à  terre,  avec  l'allure  d'un  es- 
cargot, en  s'accrochant  avec  les  mains,  en  se  poussant  par 
les  pieds,  ou  même  en  s'appuyant  6ur  les  coudes,  qu'on 
avance  l'un  après  l'autre,  en  imprimant  au  bras  un  mou- 
vement de  bascule  en  avant  qui  entraîne  péniblement  le 
corps  dans  cette  direction.  La  dépense  considérable  de 
forces  déployées  dans  cet  exercice  détermine  une  fatigue 
extrême....  (*)  »  M.  Husson,  malgré  ces  difficultés,  a  pu 
cependant  parvenir  jusqu'à  près  de  300  mètres,  et  il  a  pu- 
blié un  plan  approximatif  des  trous  de  Sainte-Reine. 

Lorsqu'on  se  trouve  engagé  dans  ces  galeries  souter- 
raines, si  la  folle  du  logis  s'éveillait  dans  l'esprit,  on  se 
croirait  enterré  tout  vivant.  L'horizon  visuel  s'étend  en 
avant  à  la  dislance  que  peut  éclairer  une  bougie  et,  sur  le6 
côtés,  il  est  limité  par  la  roche  nue  qui  enveloppe  l'obser- 
vateur et  l'enserre  parfois  de  très  près.  Ce  qui  doit  ras- 
surer, toutefois,  c'est  qu'on  ne  risque  point  de  se  casser  le 
cou  (*).  Tout  le  danger  que  l'on  peut  courir,  c'est  de  s'oublier 
au  loin  dans  ces  galeries  et  de  s'y  trouver  sans  lumière. 


(*)  Voy.  Dr  A.  Godron,  Us  Caverne»  de*  environ*  de  Toul,  etc.  ;  Nancy,  Berger- 
Levraalt,  1879. 
(»)  Ihid. 


DB  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  75   , 

Permettez- moi,  à  titre  de  renseignement,  de  vous  raconter 
un  épisode  singulier,  mais  parfaitement  authentique,  dont 
ces  grottes  ont  été  le  théâtre  il  y  a  une  dizaine  d'années  ; 
il  a  une  certaine  analogie  avec  celui  du  voyageur  égaré  • 
dans  les  catacombes  de  Rome,  raconté  par  Delille. 

L'un  de  mes  élèves,  J.  L.,  chercheur  infatigable  de  silex 
et  autres  antiquités,  voulut  un  jour  aller  visiter  ces  grottes 
doot  je  lui  avais  parlé  en  lui  signalant  les  trouvailles 
qu'on  y  avait  faites.  Il  part  muni  d'un  bâton,  du  plan 
dressé  par  M.  Husson,  de  troi6  bougies,  d'une  boîte  d'allu- 
mettes, et  se  fait  accompagner  de  l'un  de  6es  amis,  habi- 
tant le  village  de  Pierre.  Nos  deux  touristes,  plus  ardents 
que  prudents,  pénètrent  dans  les  sombres  galeries,  s'en- 
foncent fort  loin,  examinant  curieusement  ces  grottes, 
faisant  des  recherches  et  ne  songeant  nullement  au  re- 
tour, quand  la  3e  bougie,  tirant  à  sa  un-,  les  rappelle  tout 
à  coup  à  la  réalité  de  leur  position.  Ils  reviennent  en  toute 
hâte  sur  leurs  pas  et  arrivent  bientôt  dans  une  chambre, 
sorte  de  carrefour  où  débouchent  plusieurs  issues.  Ils 
s'engagent  dans  l'une,  puis  dans  l'autre,  mais  inutilement  : 
tous  les  passages  sont  obstrués  et  la  bougie  est  presque 
mourante.  Ils  l'éteignent  par  prudence  pour  s'en  servir  à 
un  moment  plus  favorable,  puis  ils  renouvellent  à  diverses 
reprises,  dans  une  obscurité  effrayante,  des  tentatives  qui 
chaque  fois  demeurent  sans  résultat,  ce  qui  augmente  une 
émotion  facile  à  comprendre  et  amène  bientôt  le  découra- 
gement dans  le  cœur  de  l'un  des  deux  touristes.  Ils  sont 
là,  du  reste,  depuis  une  heure  et  demie,  dans  cette  obscu- 
rité horrible  et  en  proie  à  des  transes  inexprimables.  La 
sueur  ruisselle  sur  leur  front  :  ces  grottes  vont-elles  de- 
venir leur  tombeau?  ....  Mai6  J.  L.  ne  perd  point  cou- 
rage; il  se  livre  à  do  nouvelles  recherches  et  songe  à 
fouiller  les  parois  à  fleur  du  sol,  ce  qu'il  n'avait  point  fait 
jusqu'alors.  Sous  une  roche  qui  fait  saillie  à  la  hauteur  du 
genou,  le  bâton  trouve  le  vide  5  c'est  une  issue  non  encore 


76.  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

explorée  dan6  laquelle  on  s'engage  après  l'avoir  reconnue 
à  l'aide  d'une  allumette.  Après  s'être  trafnés  quelque 
temps  dans  le  couloir,  nos  deux  voyageurs  peuvent  enfin 
se  relever Vite,  la  bougie  est  allumée  d'une  main  fé- 
brile. O  bonheur  1  sur  le  sol,  voilà  les  débris  précédem- 
ment jetés  de  la  seconde  bougie.  La  voie  est  retrouvée, 

nos  amis  sont  sur  le  bon  chemin,  ils  sont  sauvés! 

Heureux  enfin  de  revoir  la  lumière,  ils  se  hâtent  de  sortir 
de  ces  grottes  qui  ont  failli  devenir  leur  tombeau,  et  ne 
songent  pas,  les  imprudents,  qu'ils  sont  tout  en  -nage. 
L'air  est  vif,  et  dans  le  trajet  pour  regagner  Pierre-la- 
Treiche,  le  froid  les  saisit.  L'un  d'eux  en  est  quitte  pour 
une  fluxion  de  poitrine  qui  met  se6  jours  en  danger,  et 
l'autre,  pour  être  atteint  d'une  maladie  moins  grave,  n'en 
reste  pas  moins  très  souffrant  pendant  six  semaines. 

Dans  les  recherches  qui  ont  été  faites  au  sujet  de 
l'homme,  ces  grottes  n'ont  restitué  que  peu  de  choses.  On 
y  a  seulement  découvert  des  couches  de  cendres  mêlées  de 
charbon,  autour  desquelles  se  trouvaient  des  débris  d'os 
fendus  avec  d'autres  vestiges  peu  nombreux  de  l'industrie 
des  peuples  probablement  troglodytes  qui,  les  premiers, 
vinrent  habiter  nos  contrées. 

Mais  on  y  a  découvert  de  nombreux  débris  d'animaux 
qui  ont  appartenu,  les  un6,  à  des  espèces  disparues  du- 
rant la  période  géologique  qui  précède  la  nôtre;  d'autres 
à  des  espèces  contemporaines,  il  est  vrai,  mais  qui  au- 
jourd'hui n'habitent  plus  nos  contrées  depuis  un  certain 
temps. 

Ainsi  M.  Hus6dn  en  particulier  y  a  trouvé  des  mâ- 
choires de  l'ours  des  cavernes,  des  dents  de  rhinocéros, 
des  fragments  de  bois  de  renne,  des  mâchoires  de  mar- 
mottes et  quantités  d'ossements  d'animaux  domestiques 
ou  sauvages  des  espèces  actuelles  du  pays. 

Cette  énumération  me  fait  songer  que  sur  le  sol  même 
de  Toul  et  dans  l'alluvion  de  la  valléç  de  l'Ingressin, 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  77 

H.  Husson  a  découvert  aussi  des  molaires  de  cet  immense 
éléphant  de  la  période  quaternaire  connu  vulgairement 
sous  le  nom  de  mammouth. 

Ajoutons  encore,  puisque  nous  sommes  sur  le  chapitre 
des  animaux  anciens  du  pay6,  qu'au  moyen  âge  on  trou- 
vait, dans  nos  forêts,  des  aurochs,  variété  de  grands  bœufs, 
sorte  de  bisons  qui  mesuraient  jusqu'à  trois  mètres  et 
plus  de  longueur,  avec  deux  mètres  de  hauteur  au  garrot. 
Citons  encore  l'ours  des  montagnes  qui  était  autrefois  très 
commun  dans  les  Vosges  ;  le  dernier  survivant  de  cette 
race  disparue  de  la  Lorraine  fut  tué  au  siècle  dernier  dans 
ces  montagnes.  Les  castors  aussi  étaient  anciennement 
communs  chez  nou6,  car  les  chroniques  du  pays  disent  que 
la  chair  de  cet  animal  faisait  encore,  au  xvic  siècle,  les 
délices  de  no6  pères,  surtout  pendant  le  carême. 

Si  nous  traversons  la  Moselle  et  que  nous  en  remontions 
le  cours  sur  la  rive  droite,  le  versant  du  coteau  de  la 
Treiche  nous  offrira  une  crevasse  naturelle,  horizontale  ou 
à  peu  près,  sans  chambre  dans  l'intérieur,  longue  d'envi- 
ron 72  mètres,  moins  difficile  à  parcourir,  à  explorer  que 
les  galeries  étroites  de  Sainte-Reine.  Cette  grotte,  appelée 
trou  des  Celtes,  est  sinueuse,  mais  n'est  point  de  la  catégorie 
des  cavernes  à  ossements.  On  y  remarque  à  la  voûte  de 
petites  stalactites  et  sur  le  sol  des  stalagmites,  quelques- 
unes  de  la  grosseur  d'un  pain  de  sucre.  Le  sol,  fouillé  plu- 
sieurs fois  depuis  20  ans,  a  restitué  d'abord  une  grande 
quantité  d'ossements  humains,  indiquant  que  ce  lieu  a 
servi  de  grotte  sépulcrale  dans  un  temps  assez  reculé,  et 
qu'il  a  ensuite  été  habité,  car  on  y  a  trouvé  des  débris 
de  la  poterie  celtique,  grise,  pailletée,  non  fabriquée  au 
tour,  puis  des  pointes  de  flèches,  des  lances  en  silex,  des 
haches,  des  grattoirs,  des  racloirs  également  en  silex,  les 
uns  parfaitement  conservés,  d'autres  à  l'état  de  débris, 
appartenant  à  l'époque  de  la  pierre  taillée  ;  puis  des  poin- 
çons en  os,  des  grains  de  collier,  des  anneaux,  des  bagues, 


78  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

des  fibules  et  une  foule  d'autres  objets  de  l'époque  celtique 
et  de  la  période  gallo-romaine. 

Cette  énumération  suffit  pour  faire  comprendre  tout  Pin- 
térêt  qui  6'attache  aux  recherches  pratiquées  dans  cette 
grotte  et  celui  que  Ton  pourrait  rencontrer  aussi  en  en 
fouillant  d'autres,  celle  de  Saint- Amon,  par  exemple,  qui 
fut,  du  reste,  habitée  dans  les  premiers  siècles  de  l'ère 
chrétienne  par  l'évêque  de  Toul  de  ce  nom,  dans  un  temps 
de  persécution;  puis  les  Caves  d'Autreville  situées  sous 
la  voie  romaine,  dans  lesquelles  on  a  déjà  trouvé,  il  y  a 
une  quarantaine  d'années,  des  monnaies  et  des  médailles 
des  empereurs  romains. 

III. 

A    LA    ROCHOTTE. 

Quittons  ces  grottes  et  descendons  la  vallée  de  la  Mo- 
selle. Après  avoir  traversé  le  village  de  Pierre,  nous  arri- 
vons bientôt  devant  la  belle  source  de  la  Rochotte  qui  sourd 
horizontalement  du  sol  sous  une  voûte,  au  pied  d'un  co- 
teau élevé,  à  niveau  du  fond  de  la  vallée  et  par  une  ouver- 
ture carrée  qui  paraît  avoir  en  moyenne  un  mètre  de  côté. 
Une  ancienne  chapelle  ogivale  est  bâtie  au-dessus  de  cette 
voûte,  et  à  peu  de  distance  se  trouve  le  moulin  du  même 
nom  que  cette  source  fait  mouvoir.  A  certaines  époques, 
au  moment  des  crues,  à  la  suite  de  certains  orages  en  été, 
le  volume  des  eaux  fournies  par  cette  source  curieuse 
augmente  tout  à  coup,  et  de  claires  qu'elles  étaient  d'abord, 
elles  deviennent  tout  à  coup  limoneuses  :  celles-ci  cou- 
laient donc  naguère  encore  6ur  le  sol. 

L'opinion  commune  dans  la  région  que  j'habite,  c'est 
que  la  Rochotte  est  l'orifice  inférieur  d'un  canal  souterrain 
alimenté  en  grande  partie  par  ÏArolfe  qui,  en  temps  ordi- 
naire, se  perd  tout  entier  dans  un  gouffre  derrière  la  roue 
du  moulin  de  Gémonville.  Cette  opinion  est  fondée  d'abord 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  79 

sur  une  foule  de  remarques  faites  à  l'époque  des  orages, 
lors  des  crues  subites,  surtout  de  celles  qui  se  produisent 
exclusivement  sur  le  bassin  de  l'Àroffe  et  font  déborder  ce 
ruisseau.  Il  arrive  alors  que  la  Rochotte,  au  bout  de  24  heures 
environ,  coule  à  pleins  bords  et  roule  des  eaux  troubles. 

Nous  nous  trouvons  donc  ici  en  présence  d'un  cours 
d'eau  qui,  après  avoir  disparu  tout  à  coup  de  la  surface  du 
soi,  reparaît  de  même  après  un  coure  souterrain  plus  ou 
moins  long. 

Ce  n'est  pas  du  reste  le  seul  exemple  que  nous  puis- 
sions citer  en  nos  environs.  Ainsi  la  Meuse,  en  été,  dispa- 
raît dans  l'alluvion  à  Bazoillep,  en  amont  de  Neufchâteau, 
pour  reparaître  quelques  kilomètres  plus  bas.  Il  ep.  est  de 
même  de  YAr  à  quelques  centaines  de  mètres  en  aval  de 
Thuilley,  mais  alors  toute  Tannée,  sauf  à  l'époque  des 
crues  où  ce  ruisseau  descend  dans  la  Moselle  en  face  des 
Trous  de  Sainte-Reine.  Une  foule  de  petites  rivières  et  de 
ruisseaux,  en  traversant  nos  couches  crevassées  de  l'oolithe 
inférieure,  diminuent  de  volume  en  été,  s'ils  ne  disparais- 
sent pas,  tels  sont  le  Mouzon  en  amont  de  Neufchâteau,  le 
Vair  à  partir  de  Pont-de-Roche  entre  Attignéville  et  Re- 
moville,  le  Terrouin  à  partir  de  Jaillon,  et  YAche  ou  Esse  à 
partir  de  Manon  ville. 

Dans  les  Yosges,  on  a  cherché  à  constater  la  réappari- 
tion des  eaux  de  la  Meuse,  en  jetant  en  été  deux  sacs  de 
sel  à  Bazoilles  ;  l'analyse  des  eaux  recueillies  quelque 
temps  après  à  l'endroit  où  elles  reparaissent  ayant  révélé 
la  présence  de  cette  substance  qu'on  n'avait  pas  rencon- 
trée lors  d'une  analyse  préalable,  l'expérience  a  été  con- 
cluante. On  a  aussi  essayé,  au  moyen  de  fuschine,  d'éta- 
blir la  relation  qui  peut  exister  entre  les  eaux  du  ruisseau 
à' Esse,  absorbé  par  le  sol  en  aval  de  Manonville,  et  la  belle 
source  qui  coule  au  pied  du  château  de  Dieulouard;  mais 
op  n'a  pu  rien  conclure  par  suite'  de  la  trop  petite  quantité 
de  matière  colorante  employée. 


80  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

Pour  m'assurer,  6ans  dépense  aucune,  de  la  relation 
qui  peut  exister  entre  YAroffe  et  la  Rochotte,  je  me  suis 
livré  pendant  plusieurs  années  à  des  recherches.  J'ai  fait 
faire  des  observations  simultanées  à  Gémonville  et  à  la 
Rochotte,  puis  à  Crézilles  et  à  Autreville  (Vosges)  où.  se 
produisent  des  faits  hydrographiques  qui  me  paraissent  en 
relation  plus  ou  moins  directe  avec  le  canal  souterrain 
en  question.  Le  résultat  de  cette  étude  a  été  publié  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  des  sciences  de  Nancy,  il  y  a  quelques 
années.  Mais,  pour  ne  pas  fatiguer  mes  auditeurs  de  dé- 
tails techniques  et  autres  un  peu  longs,  je  vais  me  borner 
à  donner  la  physionomie  d'une  crue  subite,  importante, 
qui  se  produirait  sur  le  bassin  du  ruisseau  de  Gémonville, 
telle  que  les  observations  me  l'ont  révélé. 

Tout  d'abord,  je  ferai  remarquer  que  la  distance  de  Gé- 
monville à  la  Rochotte  est  d'environ  24  kilomètres  à  vol 
d'oiseau,  et  que  la  différence  de  niveau  entre  ces  deux  points 
est  de  plus  de  125  mètres.  J'ajouterai  que  l'étage  géologi- 
que, longé  par  le  canal  souterrain,  est  partout  le  même, 
c'est  Voolithe  inférieure,  dont  les  assises  sont  fréquemment 
traversées  par  des  couloirs,  des  galeries  horizontales  telles 
que  celles  que  nous  venons  de  visiter  à  Sainte-Reine,  au 
Trou-des-Celtes,  et  celle  que  j'ai  indiquée  à  Saint-Aman. 

Quand  donc  une  crue  se  produit  sur  YAroffe,  le  gouffre 
de  Gémonville  ne  pouvant  absorber  toutes  les  eaux,  celles- 
ci  descendent  la  vallée,  mais,  le  plus  souvent,  elles  ne 
dépassent  guère  la  limite  de  la  forêt,  absorbées  qu'elles 
sont  par  les  roches  crevassées  qui  forment  le  60us-sol  de 
cette  vallée  ;  elles  vont,  selon  toute  apparence,  rejoindre 
celles  du  canal  souterrain.  Au  bout  de  24  heures,. comme 
je  l'ai  dit,  et  ce  temps  n'est  pas  exagéré,  je  pourrais  le 
prouver,  la  Rochotte  augmente  tout  à  coup,  roulant  des 
eaux  chargées  de  limon.  Au  bout  de  30  heures  environ,  la 
Deuille  de  Crézilles,  source  temporaire,  à  ce  moment  à  sec, 
coule  tout  à  coup,  fournissant  aussi  des  eaux  limoneuses 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  81 

s 

et  donne  naissance  à  un  important  ruisseau,  le  Bouvade, 
large  de  3  à  4  mètres. 

Le  nom  de  Deuille  est  donné  dans  le  pays  à  plusieurs 
autres  sources  importantes  qui  coulent  notamment  sur  les 
territoires  d'Ochey  et  d'Uruffe.  Celle  de  Crézilles  se  trouve 
dans  le  fond  d'un  vallon  qui  desceud  de  Bagneux,  et  6ort 
dans  une  sorte  d'anse  au  pied  d'un  coteau  ;  elle  débouche 
dans  une  excavation  large  et  profonde,  ouverte  dans  l'allu- 
vion  de  la  vallée;  le  fond  en  est  formé  d'une  masse  de 
sable  mouvant  qui  se  soulève  au  moment  où  les  eaux  arri- 
vent. 

Lorsque  le  Bouvade  a  traversé  le  chemin  de  Moutrot  à 
Ochey,  un  -petit  canal  de  dérivation  à  ciel  ouvert,  d'un 
hectomètre  de  long,  attire  une  partie  des  eaux  de  ce  ruis- 
seau; elles  vont  alors  se  perdre  dans  une  excavation  large 
de  10 à  12  mètres,  profonde.de  6  à  7  mètres,  ouverte  en 
forme  d'entonnoir  dans  l'alluvion  de  la  vallée  qui  descend 
d'Àllain.  En  patois  du  pays,  on  désigne  ce  trou  bizarre  sous 
le  nom  de  Potuë-de-Dione. 

Si  la  crue  persiste,  YAroffe  descend  lentement,  je  dirai 
presque  péniblement,  le  long  du  Prè-au-Bois  sur  le  terri- 
toire de  Harmonville,  car  il  est  absorbé  à  chaque  pas  par 
l'alluvion,  à  la  faveur  des  fossés  ouverts  au  périmètre 
de  la  foret.  Quand  l'inondation  arrive  au  delà  de  la  route 
de  Nancy  à  Neufchâteau,  en  face  d'Àutreville,  au  point 
où  la  carte  de  Yétat-major  marque  l'altitude  207  mètres, 
une  crevasse  naturelle,  appelée  l'Entonnoir,  absorbe  les 
eaux  qui  passent  à  proximité.  Mais  ce  rôle  ne  tarde  pas  à 
changer,  et  au  lieu  d'absorber,  Y  Entonnoir  rejette  les  eaux 
en  bouillonnant.  Le  sol  de  la  prairie,  alors  toute  couverte 
d'eau,  se  soulève  quelquefois  sur  certains  pojnts,  à  peu  de 
distance  de  Y  Entonnoir,  pour  donner  un  passage  plus  facile 
à  la  masse  d'eau  qui  se  presse  dans  le  sous-sol.  Une  foule 
de  petits  tertres,  sortes  de  tumuli  qu'on  remarque  6ur  le 
sol  de  la  prairie  en  cet  endroit,  n'ont  pas  d'autre  origine. 

SOC.  M  GKOGB.  —  1"  TRIMBf  TRB  1883.  6 


82  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

Pendant  que  les  choses  se  passent  ainsi  sur  le  cours  de 
l'Aroffe,  qui  descend  alors  dans  la  vallée  de  Vannes,  puis 
dans  la  Meuse,  le  Trou-de-Diane  aussi  a  changé  de  rôle 
comme  V  Entonnoir.  En  outre,  du  flanc  droit  de  la  vallée 
d'Allain,  près  du  Trou-de-Diane  lui-même  et  en  amont,  dans 
le  bois  de  Moncel,  sortent  des  calcaires  crevassés,  de  dis- 
distance en  distance,  sept  ou  huit  sources  très  considé- 
rables qui  pourraient  chacune  faire  aller  un  ou  deux  mou- 
lins, en  6orte  que  cette  vallée,  toujours  à  sec,  sauf  au 
moment  des  grandes  crues,  est  alors  couverte  d'une  nappe 
considérable. 

Les  quatre  meuniers  établis  sur  le  cours  do  Bouvade,  en 
aval  de  la  Deuille,  étaient  si  persuadés  de  l'existence  de  ce 
canal  souterrain  passant  sous  cette  source,  qu'ils  tentèrent, 
il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  de  le  découvrir  pour  le 
détourner  à  leur  profit,  surtout  pour  l'été,  car  la  Deuille  ne 
coule  en  moyenne  que  six  ou  sept  mois  de  l'année.  Ils 
creusèrent  donc  au  fond  de  la  Deuille  à  sec,  et  quand  ils 
furent  arrivés  à  une  certaine  profondeur,  l'eau  jaillit  et 
suspendit  les  travaux.  Le  lendemain,  quand  les  meuniers 
revinrent  à  leur  chantier,  ils  constatèrent  un  ébbulement 
considérable;  le  sol  6'était  affaissé  et  l'eau  avait  disparu. 
Ils  en  restèrent  là.  ' 

J'ajouterai  qu'il  y  a  un  peu  plus  d'une  centaine  d'années, 
sur  le  territoire  d'AUain,  dans  la  saison  des  crues,  un 
gouffre  béant  se  produisit  tout  à  coup  en  travers  du  che- 
min de  cette  localité  à  Grézilles^).  Vite  on  se  rendit  à  la* 
corvée  pour  le  combler  et  faire  disparaître  ce  grave  dan- 
ger pour  la  circulation.  Après  bien  des  travaux,  on  recon- 
nut que  tous  les  matériaux  jetés  dedans  roulaient  à  une 
profondeur  désespérante.  On  fut  obligé,  pour  venir  à  bout 
de  l'entreprise,  d'aller  couper  de  jeunes  arbres  à  la  forêt 


(')  An  moment  où  eo  travail  t'Imprime,  un  nouveau  trou  vient  de  se  former  prés 
do  là;  il  mesure  13  mètres  de  profondeur  et  le  fond  en  est  rempli  d'eau,  ce  qui  dis* 
simule  la  profondeur  réelle. 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  83 

voisine,  de  les  jeter  en  travers  du  précipice,  de  recouvrir 
ensuite  ceux-ci  de  gros  brins,  puis  de  branchages  et  de 
fascines,  enfin  de  pierres  et  de  terre.  On  attribua  cet 
accident  à  la  masse  d'eau  qui  se  presse  à  certains  mo- 
ments dans  nos  couches  calcaires  du  sous-sol.  Cette  nappe 
souterraine  ne  peut  s'écouler  vers  l'ouest  où,  cependant, 
les  couches  géologiques  s'inclinent  naturellement,  par 
suite,  sans  doute,  d'une  faille  ou  dislocation  qui  a  jeté  les 
assises  marneuses  compactes  de  l'oolithe  moyenne  dans 
le  60U8-sol  de  ce  côté,  tout  le  long  du  cours  de  ce  canal 
souterrain  et  même  au  delà.  l 

Un  dernier  fait  prouve  évidemment  que  la  source  de  Ja 
Rochotte  longe,  avant  de  sortir  de  terre,  des  couloirs  sou- 
terrains entrecoupés  de  chambres  formant  réservoirs,  car 
dans  les  sécheresses  prolongées  elle  devient  intermittente. 
Ce  fait  m'a  été  signalé  en  1874,  à  l'époque  des  vendanges, 
par  M.  le  comte  de  Br.,  propriétaire  du  moulin  de  la  Ro- 
chotte ;  il  se  trouvait  là  au  moment  où  je  faisais  dos  études 
sur  la  question,  il  s'intéressa  vivement  à  mes  recherches 
et  me  communiqua,  au  sujet  de  cette  intermittence,  des 
observations  très  curieuses. 

Ces  cours  d'eau  singuliers  qui  peuvent  chez  nou6  couler 
instantanément  et  tarir  rapidement,  sont  de  nature  à  cau- 
ser des  surprises  bizarres.  Si  les  dernières  manœuvres 
militaires  eussent  été  faites  dans  un  moment  de  crues  im- 
portantes aux  environs  d'Autreville  et  de  Hannonville,  les 
troupes  auraient  été  fort  surprises  de  trouver,  au  nord  de 
ces  deux  localités,  une  importante  rivière  dans  une  vallée 
où  les  cartes  ne  mentionnent  même  pas  un  filet  d'eau. 
Dne  surprise,  en  sens  inverse,  à  la  même  époque,  a  été 
réservée  aux  troupes  au  sujet  du  Bouvade,  qui  était  à  sec 
à  l'époque  du  combat  de  Crézilles. 

(À  tuivrt. 


6'  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE 


BORNÉO 


Par  M.  Gh.  ANTOINE,  lieutenant  de  vaisseau. 

[Suite  (<).] 


Le  gouvernement  des  Philippines  a  en  effet  montré  quelque  inten- 
tion de  se  prévaloir  des  droits  que  lui  donnait  le  traité  qu'il  a  imposé 
att  Suitan  deSulu  (février  1876)  (s)  et  qui  a  fait  de  Jui  le  vassal  de 
l'Espagne,  et  a  paru  disposé  à  soutenir  les  prétentions  à  la  souveraineté 
sur  les  territoires  concédés  qu'avait  le  Sultan  de  Sulu. 

Vers  la  Un  de  1879  ou  dans  les  premiers  mois  de  1880,  il  a  envoyé 
une  canonnière  espagnole  sommer  les  agents  de  la  Compagnie  de 
Bornéo,  établis  sur  le  territoire  qu'a  concédé  le  Sultan  à  M.  Overbeck, 
d'amener  le  pavillon  anglais  que  ces  agents  avaient  arboré  sur  leurs 
factoreries  à  côté  du  pavillon  de  la  Compagnie. 

Le  vice -amiral  commandant  en  chef  de  l'escadre  anglaise  dans  les 
mers  de  Chine  a  alors  envoyé  dans  les  ports  où  cette  canonnière  avait 
signifié  cette  sommation  une  corvette  et  une  canonnière  de  son 
escadre.  Le  commandant  du  premier  de  ces  navires  (un  des  plus  Un- 
portants  de  l'escadre  anglaise  des  mers  de  Chine)  et  le  gouverneur  de 


(t)  Voir  la  livraison  du  4*  trimestre  1882. 

O  De  temps  immémorial  l'archipel  de  Sain  a  été  an  repaire  de  brigands  et  de  pira- 
tes. Le  gouvernement  de  Manille  comprit  qu'il  était  de  son  devoir  et  de  sa  dignité 
de  faire  cesser  on  pareil  état  de  choses. 

Une  première  expédition  eut  lieu  en  1819.  Le  Sultan,  vaincu,  dut  se  reconnaître 
le  vaseal  de  l'Espagne  et  s'engager  formellement  à  empêcher  ses  sujets  de  se  livrer 
à  des  actes  de  brigandage  et  de  piraterie.  Soit  que,  avec  le  temps,  il  se  soit  cru  délié 
de  ses  engagements,  soit  qu'il  ait  été  impuissant  i  les  faire  respecter  par  les  siens 
d'ailleurs  très  hostiles  aux  Espagnols,  les  Sulus  reprirent  peu  à  peu  leur  métier  de 
pirates.  Une  deuxième  expédition  partit  de  Manille  pour  Sulu  au  mois  de  février 
1876.  Bile  fut  heureuse,  malgré  de  grandes  difficultés.  Le  Sultan  dut  encore  accepter 
les  conditions  du  vainqueur,  qui  s'établit  du  reste  d'une  manière  définitive  a  Sulu, 
la  capitale,  incendiée  par  ses  habitants,  forcés  de  l'abandonner  aux  approches  des 
troupes  espagnoles.  Ou  lui  laissa  le  titre  de  Sultan  et  la  suzeraineté  nominale  de  ses 
états  sous  la  protection  de  l'Espagne,  en  prenant  l'engagement  de  lui  servir  nne 
rente  de  600  piastres  (3,000  fr.  environ). 

Le  but  apparent  et  avoué  de  la  deuxième  expédition  n'était  peut-être  pas  le  seul 
mobile  qui  faisait  agir  le  gouvernement  espagnol,  on  suppose  qu'il  voulait  ôter  à 
d'envahissantes  nations  à  l'affût  de  conquêtes  nouvelles,  telles  que  l'Angleterre  ou 
l'Allemagne,  la  possibilité  de  planter  leur  pavillon  dans  un  archipel  voisin  des 
Philippines  et  d'y  établir  un  pert  de  commerce  ou  le  centre  d'une  station  navale. 


BORNÉO.  85 

labuan,  agissant  comme  consul  général  d'Angleterre  à  Bornéo,  ont 
protesté  publiquement  et  par  écrit,  c  au  nom  du  gouvernement  de  Sa 
Majesté  Britannique  »,  contre  toute  prétention  à  hisser  le  pavillon  es- 
pagnoi  sur  les  territoires  concédés  à  la  Compagnie. 

Description  du  territoire  qui  fait  l'objet  de  la  Charte  d'incorporation. 
—  Le  vaste  territoire  qui  fait  l'objet  de  la  Charte  d'incorporation  a  un 
développement  de  côtes  de  plus  de  1 ,600  kilomètres  et  une  superficie 
qui  est  au  moins  de  3,200,000  à  3,500,000  hectares. 

Il  occupe  toute  la  partie  Nord  de  Bornéo,  depuis  la  rivière  Kimanis 
de  la  côte  Ouest  jusqu'à  la  ririère  Sibuco  sur  la  côte  Est. 

A  l'intérieur,  la  pins  grande  partie  du  pays,  et  notamment  celle  que 
Ton  désigne  sur  les  cartes  du  nom  de  Sabah,  est  montagneuse  et  cou- 
verte d'nne  forêt  inpénétrablc.  De  ce  massif  montagneux  descendent 
des  rivières  importantes  par  leur  largeur  et  leur  profondeur  ainsi  que 
par  la  longueur  de  leur  cours  ;  les  plus  importantes  sont  celles  qui  se 
dirigent  fers  l'Est  et  traversent  l'immense  plaine  qui  se  termine  à  la 
mer  sur  une  côte  très  découpée  qui  forme  beaucoup  de  magnifiques  baies. 

Entre  la  rivière  Kimanis  et  la  pointe  Sampanmangio,  la  côte  Ouest  a 
une  direction  générale  N.-N.-E.  !/«  E.  (N.  27°  E.),  elle  est  découpée  par 
plusieurs  entrées  de  rivières  et  quelques  havres  non  sans  valeur,  et 
son  développement  atteint  une  longueur  de  200  kilomètres.  Ces  rivières 
ont  peu  de  cours  à  cause  du  voisinage  et  de  l'élévation  du  massif 
montagneux  intérieur,  mais  la  plupart  sont  larges  et  navigables,  à  peu 
d'exceptions  près,  pour  de  petits  bâtiments;  ce  sont  les  rivières  Benoni, 
Minani,  Inanam,  Kabatuan,  Menkabong,  Tawalan  (ou  Kawalan),  Sulaman, 
Abal  et  Tampassuk  ;  beaucoup  sont  barrées  à  leur  embouchure,  mais 
la  profondeur  augmente  quand  on  a  franchi  rentrée. 

Les  baies  sont  aussi  plus  nombreuses  que  daus  le  Sud;  quatre 
d'entre  elles  méritent  une  mention  particulière  :  celles  de  Gaya,  Sapan- 
gar, Ambong  et  Usukan.  La  baie  de  Gaya  est  comprise  entre  la  pointe 
Bord  de  l'Ile  Gaya  et  Tanjong-Kactan,  tandis  que  Sapangar,  Udar,  Ddar- 
Kechil,  et  Udar-Tega  forment  un  groupe  d'Iles  situé  sur  le  côté  Nord 
de  l'entrée  de  la  baie  de  Gaya,  et  comprennent  le  mouillage  entière- 
ment fermé  de  la  baie  Sapangar,  le  port  le  plus  sûr  de  la  côte  Nord- 
Ouest  de  Bornéo.  Le  mouillage  dans  la  baie  d' Ambong  est  bon  et  aussi 
très  sûr,  la  baie  est  vaste,  une  ville  en  occupe  Je  fond.  La  baie  d1  Usu- 
kan est  à  3  milles  dans  le  Nord  de  celle  d' Ambong,  les  navires  y  sont 
aussi  très  en  sécurité;  c'est  le  seul  point  convenable  pour  communi- 
quer avec  la  rivière  Abai. 

Au  large,  dispersés  çà  et  là,  se  trouvent  quelques  Iles  et  Ilots  ;  sur 
cette  côte  les  bancs  et  les  récifs  de  corail  ne  sont  pas  semés  sous  la 
mer  en  aussi  grand  nombre  que  sur  la  côte  Est. 


£6  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

La  pointe  Sampanmangio  qui  est  à  l'extrême  Nord  de  Bornéo,  est 
par  7°4'  de  latitude  Nord  ;  un  petit  Ilot  la  prolonge  vers  le  Nord. 

La  baie  Malladu,  située  dans  la  partie  la  plus  Nord  du  territoire  de 
la  Compagnie,  au  fond  de  laquelle  débouche  la  rivière  Malludu  et  se 
trouve  un  village  portant  le  même  nom»  s'enfonce  vers  le  Sud  nne 
distance  de  20  milles,  elle  a  une  largeur  de   1 7  milles  à  son  entrée. 

À  partir  de  la  baie  Malludu,  la  côte  s'incline  vers  le  Sud-Est  pendant 
196  milles,  puis  elle  s'infléchit  vers  le  Sud-Ouest  pendant  115  milles 
jusqu'à  l'entrée  de  la  rivière  Sibuco  et  la  limite  du  territoire  soumis  à 
la  domination  hollandaise. 

La  première  baie  située  à  l'Est  de  celle  de  Malludu  n'a  pas  de  nom 
et  n'a  pas  été  explorée.  Viennent  ensuite  et  dans  l'ordre  celles  de 
Labuk,  S.andakan,  Darvel  et  Sibuco,  qui  tont  toutes  vastes  et  dans 
lesquelles  débouchent  de  grandes  rivières. 

La  Compagnie  a  déjà  fondé  sur  la  côte  des  établissements  situés  à 
de  grandes  distances  les  uns  des  autres,  et  ses  agonts  ont  commencé 
à  parcourir  et  à  explorer  l'intérieur. 

Le  climat  et  le  sol  paraissent  devoir  être  favorables  à  une  variété 
de  productions  qu'on  n'a  pas  encore  trouvées  dans  Bornéo. 

Les  chenaux  et  les  passes  conduisant  aux  rades  et  ports  à  travers 
les  récifs  et  coraux  sont  plus  difficiles  à  franchir  dans  l'Est  que  dans 
l'Ouest. 

La  population  est  moins  dense  dans  le  Nord  que  dans  les  autres 
parties  de  l'Ile. 

L'Ile  de  Banguey  est  située  à  7  milles  de  la  pointe  la  plus  Nord  de* 
Bornéo.  Elle  a  19  milles  et  demi  de  longueur  sur  13  de  largeur  et 
s'étend  du  Nord- Est  au  Sud-Ouest.  Son  sommet  le  plus  élevé  atteint 
une  élévation  de  570  mètres.  Elle  est  entourée  d'un  grand  nombre 
d'Ilots  et  de  nombreux  pâtés  de  coraux  laissant  entre  eux  des  chenaux 
quelque  peu  inextricables. 

Productions  et  ressources  commerciales  du  Nord  de  Bornéo,  de 
labuan,  de  Bruni  et  de  Sarawak.  —  Les  détails  suivants  sur  les  produits 
et  les  ressources  commerciales  du  Nord  de  Bornéo,  de  Labuan,  de 
Bruni  et  de  Sarawak  sont  résumés  des  plus  récents  rapports  du  consul 
général  d'Angleterre  à  Bornéo. 

Le  port  de  Bruni  seul ,  qui  est  en  communication  avec  Singaporc 
par  bâtiments  à  vapeur,  exporte  directement  ses  produits  en  ce  port  ; 
la  presque  totalité  des  produits  exportés  par  les  États  du  Sultan  de 
Bruni  est  transportée  à  Labuan  par  les  bateaux  du  pays  et  depuis  peu 
par  un  petit  vapeur  côtier,  d'où  ils  sont  réexpédiés  à  Singapore  pour 
la  plus  grande  partie,  et  à  Hong-Kong  occasionnellement. 

Le  principal  article  d'importation  est  le  riz,  il  vient  de  Singapore. 


BORNÉO.  87 

Le  pays  pourrait  produire  sans  difficulté  tout  ce  qu'il  en  faudrait  à  sa 
population  clairsemée,  mais  pour  plusieurs  causes  il  est  tributaire  des 
autres  contrées  pour  le  priucipal  aliment  de  ses  habitants.  Il  faut 
l'attribuer  à  un  mauvais  gouvernement  ;  les  indigènes  de  l'intérieur 
ne  sont  jamais  sûrs  que  l'un  ou  l'antre  de  leurs  nombreux  pangeram 
ou  chefs  ne  s'emparera  pas  de  leur  récolte.  En  outre,  ils  sont  indo- 
lents et  aiment  mieux  courir  au  gré  de  leurs  caprices  à  la  recherche 
do  produit  de  la  jungle  et  faire  produire  au  sol  le  palmier  sagou,  qui 
croit  à  pen  près  sans  qu'on  ait  ù  s'occuper  de  lui,  que  d'entreprendre 
des  cultures  demandaut  uu  travail  suivi  et  soutenu.  11  faut  ajouter 
qaone  succession  de  mauvaises  moissons  a  ruiné  le  pays;  enfin,  il 
a  été  ravagé  par  la  petite  vérole  en  187 2,  le  choiera  en  1875.  et,  pen- 
dant la  première  partie  de  1878,  par  d'immenses  incendies  dans  la 
jHOffle,  résultant  dune  sécheresse  exceptionnelle. 

Après  le  riz  les  principaux  articles  d'importation,  en  1878,  ont 
été  les  cotonnades  sous  toutes  les  formes,  presque  toutes  de  prove- 
nance anglaise. 

On  commence  à  beaucoup  demander  le  tabac  à  l'importation,  bien 
qu'on  puisse  s'en  procurer  de  grandes  quantités  à  l'intérieur  chez  les 
Dunens  et  les  Munit*.  Ce  tabac  indigène  (ou  Sigup  Bruni)  était  autre- 
fois préféré  par  les  habitants,  mais  ils  donnent  maintenant  la  préfé- 
rence à  celui  de  Java  et  de  Palembang  ;  ce  tabac  est  plus  cher.  On 
importe  encore  du  tabac  chinois  pour  les  Chinois  et  les  Malais,  ainsi 
qne  de  l'opium  dont  commencent  à  faire  usage  plusieurs  des  jeunes 
paogerans  de  Bruni  et  beaucoup  de  Su  lus. 

Le  principal  article  d'exportation  du  port  de  Brnni  à  destination  de 
Singapore  e&t  la  farine  de  sagou  ;  elle  est  préparée  dans  les  factore- 

■ 

ries  de  deux  Chinois  (lesquels  sont  sujets  anglais)  établies  i  Bruni. 
Us  achètent  le  sagou  brut  aux  indigènes  et  le  font  transformer  en 
firme,  sans  le  secours  d'aucune  machine,  par  les  coolies  chinois. 

Les  antres  objets  importants  d'exportation  sont  la  gulta-percha,  le 
caoutchouc,  du  camphre  de  bonne  qualité  icelle  connue  sous  le  nom 
de  btrus),  de  la  cire  d'abeilles,  et  des  nids  d'hirondelle. 

Les  deux  Chinois  qui  font  préparer  la  farine  de  sagou  essaient  de 
fabriquer  du  tapioca,  ils  ont  planté  de  manioc  plusieurs  centaines 
d'hectares.  Sur  un  grand  nombre  de  points  de  l'intérieur,  les  indigènes 
le  cultivent  pour  leur  consommation;  on  dit  que  cette  culture  produit 
des  racines  de  grosses  dimensions.  Hais  tant  qu'un  gouvernement 
ferme  et  obéi  ne  sera  pas  établi  A  Bornéo,  les  planteurs  chinois,  pas 
plus  que  les  Européens,  ne  pourront  entreprendre  de  grandes  opéra- 
tions agricoles. 

Les  denrées  qui  alimentent  l'exportation  du  port  de  Bruni  y  sont 


88  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

apportées  pour  la  plus  grande  partie  par  les  petits  bâtiments  indigènes 
que  l'on  nomme  pros,  elles  sont  achetées  par  des  négociants  chinois, 
qui  les  chargent  sur  un  vapeur  anglais  à  destination  de  Singapore. 

Les  marchandises  importées  de  l'État  de  Bruni,  Bornéo  Nord  et  Pala- 
wan  à  Labuan  en  1876-1877-1878  étaient  toutes,  à  l'exception  de  la  farine 
de  sagou,  fabriquée  par  des  immigrants  chinois,  des  produits  animaux 
ou  végétaux  ne  demandant  aux  indigènes  d'autre  peine  que  celle  de 
les  recueillir,  tels  que  les  nids  d'hirondelle,  la  cire  d'abeilles,  le 
camphre,  la  gutta-percha,  le  caoutchouc,  les  petites  perles,  les  rotins, 
l'écaillé. 

Le  principal  article  d'exportation  est  le  sagou,  soit  à  l'état  brut,  soit  à 
l'état  de  farine.  Le  commerce  du  sagou  est  fait  tout  entier  par  l'État  de 
Bruni,  on  n'en  reçoit  pas  de  la  région  située  au  Nord  de  la  rivière  Pappar 
Mais  c'est  cette  région  qui  contribue  pour  la  majeure  partie  à  la  produc- 
tion des  nids  d'hirondelle,  de  la  gutta-percha,  de  la  cire,  du  camphre, 
des  rotins  et  des  petites  perles. 

Le  sagou  apporté  à  l'état  brut  à  Labuan,  y  est  transformé  en  farine 
dans  des  fabriques  chinoises  et  ensuite  exporté  à  Singapore.  On  ne 
fabrique  de  sagou  perlé  ni  à  Bruni  ni  à  Labuan,  et  on  ne  consomme 
pas  de  farine  de  sagou  à  Labuan  ;  dans  certaines  parties  de  l'État  de  Bruni 
on  la  fait  bouillir  et  on  la  mange  sous  le  nom  de  boy  ai,  avec  n'importe 
quel  condiment  acide.  Le  palmier  sagou  est  l'arbre  qui  demande  le 
moins  de  soin  et  de  culture.  On  plante  le  jenue  arbre  dans  un  terrain 
humide  et  on  le  laisse  croître  pendant  dix  ans,  après  lesquels  on 
l'abat  pour  extraire  la  moelle  de  son  tronc.  Pendant  ce  temps  déjeunes 
palmiers  ont  poussé  à  son  pied,  ils  croissent  à  leur  tour  et  sont  coupés 
et  utilisés  en  temps  opportun. 

Les  autres  articles  d'exportation  doivent  être  classés  comme  suit  au 
point  de  vue  de  leur  valeur  commerciale,  nids  d'hirondelle,  rotins, 
camphre,  gutta-percha  et  caoutchouc,  cire  et  petites  perles.  Ainsi 
qu'on  l'a  déjà  dit,  ils  viennent  principalement  du  Nord  de  Bornéo;  et 
rétablissement  d'Européens  dans  cette  région,  membres  d'une  com- 
pagnie anglaise  ou  autres,  devra  naturellement  enlever  le  commerce 
de  ces  matières  àvLabuan,  ainsi  que  Sarawak  l'a  fait  pour  le  Sud. 

Le  gouvernement  des  Philippines  a  essayé  longtemps  d'attirer  les  in- 
digènes dans  les  ports  de  Balabac  et  Palawan  déclarés  francs  ;  mais  H 
n'a  pas  réussi,  et  les  vendeurs  semblent  préférer  le  marché  de  Labuan 
qui  est  cependant  plus  éloigné  pour  le  plus  grand  nombre  d'entre  eux. 
Ces  ports  sont  dits  francs;  mais  des  marchands  chinois  de  Labuan  qui 
ont  visité  Balabac,  racontent  qu'on  ne  leur  a  pas  permis  d'y  faire  du 
commerce,  le  gouverneur  les  ayant  informés  qu'on  n'y  pouvait  débar- 
quer que  les  cotonnades  ayant  passé  par  Manille. 


BORNÉO.  89 

La  Tileur  annuelle  des  exportations  faites  par  la  partie  de  Bornéo 
qui  n'est  pas  hollandaise,  exportations  qui  sont  presque  entièrement 
à  destination  des  colonies  anglaises  à  Labuan,  Singapore  et  Hong-Kong, 
lent  être  évaluée  à  7  millions  et  demi  de  francs. 

Les  bâtiments  Sulus  qui  apportent  à  Labuan  la  plus  grande  partie 
des  produits  du  Nord  et  de  l'Est  de  Bornéo,  y  importent  aussi  les  pro- 
dcits  de  l'archipel  Sulu. 

Ceux-ci  comprennent,  en  plus  de  ceux  de  Bornéo,  le  trépang  on 
bécue  de  mer,  les  perles  (')  et  les  cordages;  mais  les  Sulus  ne  pro- 
duisent pas  le  sagou,  les  rotins,  la  gutta-percha  et  Je  caoutchouc,  les 
aids  d'hirondelle,  la  cire  et  Je  camphre. 

Les  articles  que  les  indigènes  de  Bornéo  et  des  Sulus  reçoirent  en 
échange  des  produits  de  leur  pays  sont  les  cotonnades  sous  toutes 
leurs  formes  et  de  proTcoances  diverses,  du  tabac  de  Java  et  de  Chine, 
de  l'opium,  du  riz,  du  sel,  des  objets  manufacturés  en  cuivre,  du  fer, 
des  fusils,  de  la  poudre,  etc. 

Pour  le  moment,  le  commerce  se  fait  par  l'intermédiaire  de  Chinois 
et  de  traitants  mahométans  établis  le  long  de  la  côte,  ces  derniers  sont 
des  Sulus,  des  Bugis  ou  Bajows,  des  gens  de  Bruni  et  quelques  111a- 
nuns;  les  uns  et  les  autres  se  tiennent  en  garde  contre  l'accroissement 
des  relations  des  tribus  indigènes  de  l'intérieur  avec  le  monde  exté- 
rieur. Les  tentatives  faites  par  les  Européens  pour  traiter  directement 
arec  les  indigènes  ont  échoué  jusqu'à  ce  jour. 

Les  entraves  au  développement  du  commerce  sont  le  manque  d'un 
gouvernement  fort  et  le  caractère  indolent  et  apathique  des  peuples. 
Le  pouvoir  des  Sultans  est  très  faible,  il  est  partagé  avec  de  nombreux 
petits  chefs  locaux,  demi-indépendants,  dont  la  seule  notion  de  gouver- 
nement consiste  à  absorber  à  leur  prollt  les  ressources  du  pays.  Dans 
l'État  de  Bruni  plusieurs  rivières  sont  regardées  comme  des  propriétés 
privées  du  Sultan  et  de  certains  pangerans  ou  nobles  ;  les  revenus 
des  autres  sont  la  part  de  certains  officiers  d'État  non  héréditaires. 

H  est  parfaitement  reconnu  d'après  les  relations  que  Ton  a  eues 
avec  toutes  les  tribus,  les  Malais,  les  Bajows,  aussi  bien  que  les  Dyaks 
ou  tribus  de  la  montagne,  que,  avec  de  la  douceur  et  de  la  fermeté, 
on  les  trouverait  dans  des  dispositions  amicales.  Mais  il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue  que  la  prudence  s'impose  dans  toutes  les  transactions 
aTec  la  race  malaise. 

Ce  sont  les  grès  qui  entrent  pour  la  plus  grande  partie  dans  la  cons- 
titution géologique  de  Bornéo.  Elle  comporte  aussi,  occasionnellement, 

(  )  n  ne  faut  pas  confondre  les  perles  arec  les  petites  perles  on  semence  de  perles 
{MdpearU)  de  Bornéo.  —  On  trouve  à  Bornéo  une  peUte  huître  qui  fournit  quel- 
ques perles  de  qualité  inférieure. 


.j_«_ 


90  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

des  calcaires,  des  schistes  argileux,  des  granits  (syénite),  du  quartz 
et  du  porphyre.  S'il  en  est  ainsi,  et  puisque  le  sol  d'un  pays  est  formé 
par  la  désagrégation  de  ses  roches,  il  est  à  peine  besoin  de  dire  que 
le  sol  de  Bornéo  ne  peut  pas  être  comparé  à  celui  de  Java,  Sumatra. 
de  l'archipel  Sulu  ou  des  l  h iiip pi u es,  toutes  terres  d'origine  volcanique. 

Vers  le  Nord,  dans  les  plaines  qui  sont  dans  le  voisinage  de  la 
grande  chaîne  de  Kini-Balu,  le  sol  est  d'une  qualité  1res  supérieure  ; 
et  le  succès  avec  lequel  les  indigènes,  avec  leurs  procédés  imparfaits, 
font  produire  à  la  terre  pour  leur  consommation  et  leur  usage  le  riz, 
la  canne  à  sucre,  le  tapioca,  l'indigo,  et,  en  certains  endroits,  le  café, 
fait  bien  augurer  en  faveur  de  i  avenir  de  l'agriculture  de  Bornéo 
quand  un  gouvernement  juste  et  fort  y  aura  été  établi,  et  que  le  travail 
du  Chinois  et  le  capital  de  l'Européen  seront  associés  pour  développer 
les  ressources  du  pays. 

Pour  le  moment,  la  majeure  partie  de  l'Ile  est  couverte  par  les 
grands  arbres  d'une  forêt  vierge  impénétrable,  dont  beaucoup  donnent 
d'excellents  bois  ;  tant  qu'on  n'aura  pas  mis  à  nu  par  des  défrichements 
le  sol  que  couvre  cette  forêt,  il  sera  oiseux  de  spéculer  sur  les  res- 
sources minérales  de  la  contrée,  cependant  la  présence  dans  Bornéo 
Mord  de  charbon,  de  minerai  d'antimoine  et  d'or  a  déjà  été  reconnue 
au  point  qu'elle  ne  doit  plus  être,  mise  en  doute. 

Un  pays' tel  que  Bornéo  Nord,  avec  de  beaux  ports,  d'excellentes  com- 
munications intérieures  par  eau,  des  productions  naturelles  illimitées, 
-de  grandes  richesses  minérales  comprenant  de  bon  charbon,  et  un 
climat  essentiellement  tropical  qui  n'est  pas  contraire  à  une  constitu- 
tion européenne,  doit  avoir  un  bel  avenir  devant  lui  s'il  est  bien 
gouverné  et  administré  avec  soin,  en  ne  perdant  pas  de  vue  que» 
tout  eu  développant  les  inépuisables  ressources  de  la  contrée  et  en- 
courageant les  industrieux  immigrants  fournis  par  les  fécondes  popu- 
lations de  la  Chine,  il  est  de  la  première  importance  de  traiter  les  indi- 
gènes judicieusement  et  avec  un  esprit  conciliant. 

Au  point  de  vue  politique,  il  faut  considérer  dès  maintenant  la 
grande  lie  de  'Bornéo  comme  partagée  entre  les  Hollandais  et  les 
Anglais.  Les  premiers  ont  étendu  depuis  longtemps  leur  domination 
sur  la  plus  grande  partie  de  l'Ile,  celle  qui  a  pour  limites,  du  côté  de 
la  mer,  les  côtes  Sud-Ouest,  Sud  et  Est.  Les  seconds  ont  absorbé  direc- 
tement ou  indirectement  le  reste  de  l'Ile  depuis  cinquante  ans.  Labuan 
est  une  colonie  de  la  Couronne  ;  le  territoire  que  s'est  fait  concéder 
la  Compagnie  Overbeck  et  Dent  est  incorporé  à  l'empire  colonial  ;  la 
principauté  de  Sarawak  est  un  État  libre,  mais  c'e&t  un  Anglais  qui  en 
est  le  chef  suprême  ;  enfin,  le  Sultan  de  Bruni  est  complètement  sous 
l'influence  anglaise,  il  est  de  fait  vassal  de  r Angleterre.  v 


BORNÉO.  91 

U  principauté  de  Sarawak,  celle  de  Bruni,  Labuan,  les  établisse- 
jae&ls  de  la  nourelle  Compagnie  exportent  à  Slngapore,  Importent  de 
Smtapore,  et  contribuent  au  prodigieux  développement  que  prend  le 
commerce  dans  le  principal  des  établissements  anglais  des  Détroits 
{Strmts  settlemenis)  ('). 

Ainsi  s  étend  l'empire  colonial  britannique  vers  l'extrême  Orient, 

enTerta  d'une  force  expansire  dune  grande  puissance,  dont  nous 

ne  pourrions  rechercher  les  causes  sans  sortir  du  cadre  d'une  simple 

notice  géographique. 

Septembre  1882., 

Le  Lieutenant  de  vaisseau, 

Gh.  Antoine. 

(0  Les  Straitt  tUltnenU,  toxxt  en  formant  une  seule  et  même  colonie,  compren- 
ant :  1°  Itle  de  Ponlo-Penang  on  dn  Prince- de- Galle»  ;  S°  U  province  de  Welleslej 
dut  Je  presqu'île  de  Malaeca  ;  3*  l'établiseement  de  Malacca;  4>  l'île  de  Slngapore, 
qui  «xt  le  siège  dn  Gouvernement. 


DE 

L'ATLANTIQUE  AU  NIGER 

PAR 

LE     FOUTAH-DJALLON, 

Par  Aimé  OLUVIER,  vicomte  de  SANDERVAL, 

1879-1880  ('). 


Dans  une  de  nos  précédentes  réunions,  je  vous  entretenais  à  la  bâte 
des  pays  arrosés  par  le  Nil,  et  des  mémorables  voyages  que  l'Afrique 
équatoriale  avait  vus  s'accomplir.  Si  vous  le  voulez  bien,  nous  nous 
reporterons  vers  l'autre  extrémité  du  continent,  au  lieu  où  le  Soudan 
confine  au  Sénégal,  où  le  Sahara  se  rapproche  de  l'Atlantique,  en  un 
mot  aux  pays  arrosés  par  le  Niger,  ce  fleuve  gigantesque  dont  le  cours 
est  encore  si  peu  connu.  Là  aussi  des  entreprises  *se  poursuivent  qui, 
sans  avoir  le  caractère  de  découvertes  au  même  degré  que  les  explo- 
rations du  Haut-Nil,  du  Congo  ou  du  Zambèse,  n'en  ont  pas  moins  on 
grand  et  sérieux  intérêt  au  triple  point  de  vue  de  l'avenir  politique, 
du  développement  commercial,  et  des  progrès  de  nos  connaissances 
géographiques. 

Il  suffit  de  Jeter  les  yeux  sur  la  carte  pour  comprendre  de  quelle 
importance  il  serait  de  relier  nos  deux  grandes  possessions  du  Sénégal 
et  de  l'Algérie,  non  par  des  conquêtes  ou  des  occupations  de  terri- 
toires, mais  par  une  chaîne  de  rapports  réguliers  avec  les  populations 
intermédiaires.  Gomme  toujours,  c'est  aux  voyageurs,  ces  intelligents 
et  hardis  pionniers,  à  frayer  la  voie. 

Pénétré  de  l'importance  de  cette  question,  Aimé  Ollivier,  vicomte  de 
Sanderval,  avait  résolu  depuis  de  Joogues  années  d'aller  étudier  sur 
place  les  avantages  qu'une  plus  complète  connaissance  des  pays  rive- 
rains du  Niger  ne  pouvait  manquer  de  lui  procurer. 


(')  Conférence  faite  par  M.  Joue  à  la  section  meusienne.  Outre  cette  exploration, 
M.  Ollivier  en  a  fait  faire  une  antre  à  ses  frais,  dans  le  môme  pays,  par  M.  B.  G» 
borlaud  dont  nous  avons  en  déjà  occasion  de  parler,  et  ce  dernier  était  arrivé  à 
Timbo  avant  môme  l'expédition  du  docteur  Bayol.  (J.  V.  B.) 


DB  L'ATLANTIQUE  AU  NIGER.  93 

Mâi3  avant  d'esquisser  à  grands  traita  le  voyage  entrepris,  quelques 
considérations  ne  seront  pas,  je  crois,  inutiles  à  eiposer. 

Jusqu'à  présent  les  relations  des  races  latines  arec  les  immenses 
pays  africain*  n'ont  pas  été  en  raison  directe  de  îa  fertilité  du  sol,  ni 
des  avantages  que  le  commerce  était  en  droit  d'espérer.  La  traite  des 
eseiaves,  qui  entretenait  la  guerre  de  tribu  à  tribu,  empêchait  les  Eu- 
ropéens de  pénétrer  parmi  ces  populations  défiantes,  et  enlevait  toute 
sécante  aux  rapports  paciflques.  Aujourd'hui  les  noirs  de  l'intérieur  ne 
pouvant  plus  Tendre  d'esclaves,  se  sont  peu  à  peu  désintéressés  de  la 
eftie;  les  Européens  ont  pu  s'installer  sur  les  bords  de  la  mer,  et  faire 
cultiver  les  larges  estuaires  où  la  navigation  facile  assure  les  commu- 
nications et  tes  transports. 

liais  là  ne  doit  pas  se  borner  l'œuvre  des  Européens,  il  leur  faut 
pénétrer  plus  avant,  et  étendre  aux  pays  de  l'intérieur,  merveilleux 
sons  ce  climat  essentiellement  producteur,  lea  bienfaits  et  les  avanta- 
ges de  la  civilisation. 

À  cet  égard,  le  Fontah-Djallon  offre  un  intérêt  de  premier  ordre.  Du 
côté  de  la  mer,  il  est  abordable  par  plusieurs  estuaires  qui  remontent 
jusqu'au  pied  de  ses  premières  collines;  ses  hauts  plateaux,  fertiles, 
bien  arrosés,  et  où  Ja  température  est  celle  de  la  France  moins  les 
froids  de  l'hiver,  sont  habitables  comme  un  paradis  terrestre.  Là,  est 
la  vraie  route  par  laquelle  la  civilisation  pénétrera  dans  l'intérieur 
foos  ces  latitudes,  parce  que  là  est  le  climat  favorable,  où  les  Euro- 
péens peuvent  vivre  et  créer  un  centre  d'influence  permanent  et  fort. 
Le  Foutab-Djallon  est  la  clef  du  Soudan  ;  un  peu  plus  au  Nord,  vers 
le  Sahara,  la  température  excessive  de  45°  et  la  fièvre  jaune  trop  sou- 
vent èpMémique,  leur  rendent  la  vie  difficile.  Au  Sud,  et  dès  le  Rio- 
Pongo,  des  fièvres  pernicieuses  rendent  la  côte  dangereuse. 
Ceci  dit,  je  commence. 

Ainsi  que  je  vous  le  disais  tout  à  l'heure,  M.  de  Sanderval  projetait 
depuis  longtemps  un  voyage  en  Afrique.  La  guerre  de  1870  et  diffé- 
rents événements  le  retinrent  en  Europe  plus  longtemps  qu'il  ne  l'eût 
voulu,  et  ce  ne  fut  qu'en  1879  qu'il  put  mettre  son  plan  à  exécution, 
après  avoir  organisé  son  expédition  entièrement  à  ses  frais  ;  il  était 
par  conséquent  dégagé  de  toute  attache  et  libre  de  ses  mouvements. 
Le  12  novembre  1879,  notre  voyageur  prenait  le  train  à  Paris,  et 
gagnait  Lisbonne,  son  point  d'embarquement;  le  27,  il  débarquait  à 
Gorée  où  il  séjournait  jusqu'au  7  décembre,  et  à  celte  date  quittait 
cette  ville  pour  visiter  l'archipel  des  Bissagos,  la  côte  et  les  rives  de 
la  Gambie. 

Gegroupe  situé  à  l'ouest  de  l'Afrique,  entre  le  cap' Rouge  et  le  cap 
^rça,  près  de  la  côte  de  Scnégambie,  entre  les  10°  et  12°  lat.  N.  et 


94  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

17°  et  20°  long.  0.,  compte  une  quinzaine  d'ilea  ou  Ilots,  parmi  les- 
quelles on  remarque  Piscis,  Gagnabae  dont  les  douze  villages  renfer- 
ment une  population  de  2,000  à  2,200  habitants;  Porcos,  Dot  inha- 
bité, ainsi  nommé  parce  que  les  insulaires  de  Gagnabae  y  mettent 
leurs  porcs  et  leurs  chèrres  paître  en  liberté  ;  Rouban,  Gavallo,  Yate, 
Mau terre,  Formosa,  Bissao  d'une  superficie  d'environ  treize  lieues 
carrées;  Boubak,  qui  produit  des  bananes  délicieuses,  et  Bouton,  la 
plus  grande  de  toutes,  qui  se  fait  remarquer  par  son  étonnante  fertilité. 
Vers  le  quatorzième  siècle,  les  Dieppois  s'établirent  dans  ces  parages, 
mais  ce  ne  fut  réellement  qu'en  1685  qu'un  établissement  sérieux  y 
fut  fondé.  Visitées  en  1701  par  Brûe,  qui  donna  une  nouvelle  impulsion 
aux  factoreries  établies,  et  par  de  Lajaille  en  1784,  elles  se  Tirent,  en 
1792,  le  siège  d'établissements  fondés  par  l'anglais  Beaver  ;  mais  treize 
mois  après,  elles  étaient  abandonnées  par  leurs  nouveaux  occupants* 
L'Ile  de  Boulam  est  cependant  restée  aujourd'hui  encore  la  résidence 
du  gouverneur  de  la  Guinée  portugaise. 

La  race  qui  habite  ces  lies  est  assez  belle,  les  hommes  particulière- 
ment ;  le  nez,  il  est  vrai,  est  épaté,  mais  les  lèvres  sont  peu  épaisses, 
et  l'angle  facial  est  ouvert.  Ils  portent  les  cheveux  noués  en  forme  de 
calotte,  et  ils  les  recouvrent  sur  les  tempes  d'un  enduit  noir  ou  rouge 
fait  de  terre  et  d'huile.  Le  costume  des  Jeunes  garçons  et  des  fillettes 
est  des  plus  primitifs,  il  se  compose  d'une  bande  de  tresse  qui  ailleurs 
pourrait  passer  pour  une  simple  ficelle.  Les  naturels  sont,  en  général, 
intelligents,  soigneux,  très  industrieux  et  même  élégants.  Us  sont 
guerriers  aussi,  et  s'arment  de  sagaies  qu'ils  forgent  eux-mêmes.  Un 
des  cadeaux  les  plus  usités,  offerts  par  les  divers  rois  visités,  consiste 
en  poules.  Cette  munificence  royale  donne  lieu  chaque  fois  à  une  véri- 
table battue  de  volatiles  de  la  localité.  La  chasse  est  faite  dans  les  rues 
par  de  nombreuses  bandes  de  gamins,  qui  sur  un  geste  se  lancent  à 
la  poursuite  des  malheureux  bipèdes  ;  les  chiens  s'en  mêlent,  et  le 
tout  forme  un  tumulte  et  donne  lieu  à  des  bousculades  de  l'effet  le  plus 
pittoresque. 

Arrivé  le  1er  Janvier  1880  à  Boulam,  notre  voyageur  se  remet  aussitôt 
en  route,  explore  les  estuaires  du  Rio-Nunez,  du  Rio-Tambaly,  et 
aborde  à  Galléo,  pays  des  Nalous,  qu'une  guerre  toute  récente  avec  les 
Foulahs  venait  de  décimer  ;  il  remonte  tour  à  tour  le  Rlo-Cabacera,  le 
Koubak,  et  va  regagner  la  mer  par  le  marigot  de  HehUSals.  A  quelques 
jours  de  là,  le  20  Janvier,  voulant  reconnaître  le  cours  du  Rio-Gassini, 
M.  Aimé  Ollivier  faillit  périr  presque  aux  débuts  de  son  expédition; 
la  chaloupe  qu'il  montait  s'échoua  dans  la  vase,  l'eau  potable  ainsi  que 
les  vivres  s'épuisaient,  impossible  de  se  tirer  de  ce  mauvais  pas. 
Quelques  mètres  à  peine  le  séparaient  de  la  passe;  la  petite  expédition 


DE  L'ATLANTIQUE  AU  NIGER.  95 

ferle  de  dix  hommes  seulement,  et  dont  la  moitié  était  minée  par  la 
fièvre,  dut  pratiquer  une  véritable  tranchée  dans  la  boae.  Au  prix  de 
fatigues  inouïes  la  passe  fut  enfin  franchie,  la  petite  troupe  alla  se 
ravitailler  à  Kandia-Cassini,  où  les  malades  purent  se  débarrasser  des 
terres  malignes  gagnées  an  milieu  des  marigots  qu'ils  venaient  de 
traverser;  là  notre  voyageur  signa  avec  les  deux  rois  de  la  contrée, 
un  traité  par  lequel  ceux-ci  s'engageaient  à  accepter  le  protectorat  de 
la  France,  et  à  céder  toutes  les  terres  de  leurs  royaumes,  ainsi  que 
les  palais  qu'ils  habitaient.  Le  malheur  voulut  qu'à  sa  rentrée  à 
Paris,  le  vicomte  de  San  d  errai  apprit  officiellement  que  ce  territoire 
appartenait  au  Portugal  ;  il  fit  alors  la  remise  de  £on  traité  au  gouver- 
nement de  Lisbonne. 

Le  27  janvier,  il  visite  le  poste  français  de  Boké,  agréablement  situé 
sur  nne  hauteur,  et  dominant  le  Rio-Nunez  en  amont  et  en  aval  ;  les 
hommes  ont  une  bonne  figure,  les  fortifications  en  terre  sont  bien 
entretenues,  le  capitaine  d'infanterie  de  marine  Dchouse  qui  comman- 
dait le  poste,  prouve  qu'il  sait  tirer  parti  des  moyens  restreints  dont  il 
dispose,  en  suppléant  par  son  activité  naturelle  à  l'insuffisance  des 
troupes  placées  sons  ses  ordres. 

Pendant  une  quinzaine,  notre  héros  continua  d'explorer  la  côte  et 
les  lies  «voisinantes,  pnis  le  22  février  1880,  estimant  qu'il  connaissait 
lafRsamment  les  points  relevés  et  ayant  reconnu  un  endroit  favorable 
propre  à  rétablissement  d'une  station,  H.  de  Sanderval  se  dirigea  vers 
Bonba,  situé  sur  la  rive  gauche  du  Rio-Grande,  sur  la  frontière  même 
de  Bové,  et  c'est  de  là  que  commence  à  proprement  parler  son  voyage 
dans  l'intérieur  des  terres  avec  le  Kiger  pour  objectif. 

Dès  le  début,  il  se  voit  retenu  huit  grands  jours  à  Bouba  par  des 
désagréments  et  des  ennuis  de  toute  sorte.  Sons  le  prétexte  que  des 
hostilités  sont  à  craindre  de  la  part  des  roitelets  voisins,  on  le  prive 
de  65  de  ses  hommes;  son  escorte  étant  réduite  à  25  hommes,  il  se 
trouve  contraint  d'abandonner  la  plus  grande  partie  des  marchan- 
dises qui  doivent  assurer  son  passage  et  faciliter  ses  relations  avec 
les  naturels  qu'il  rencontrera.  Il  lui  faut  aussi  attendre  la  venue  du 
roi  du  Foréah,  province  où  se  trouve  Bouba,  afin  que  celui-ci  con- 
sente à  son  passage  et  lui  fournisse  les  porteurs  nécessaires  ;  entre 
temps  il  lui  faut  satisfaire  l'insatiable  avidité  de  la  reine  Tahi-Bou  et  se 
dérober  aux  amoureuses  avances  de  la  noire  souveraine  que  ses  vingt- 
qnatre  printemps,  et  les  seins  qui  lui  tombent  presque  jusqu'aux 
genoux,  font  considérer  dans  le  pays  comme  une  beauté  de  premier 
ordre.  Le  3  mars»  n'y  tenant  plus,  il  part  au-devant  du  royal  Agui-Bou, 
campé  à  quelques  lieues  de  distance;  celui-ci,  après  des  lenteurs  sans 
nombre  et  des  cadeaux  souvent  renouvelés,  consent  enfin  à  délivrer  au 


96  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

voyageur  blanc  une  sorte  de  laissez-passer,  qui  doit  assurer  son  voyage 
jusqu'à  la  cour  de  l'almany  souverain  de  Timbo. 

Le  7  mars,  il  se  met  enfin  en  route,  traverse  successivement  plusieurs 
bourgades  où  il  a  mille  peines  à  se  procurer  le  nécessaire.  A  chaque 
halte  ce  sont  des  difficultés  Inouïes  pour  obtenir  le  strict  indispensable  ; 
le  chef  du  village  commence  invariablement  par  déclarer  ne  rien  avoir, 
il  faut  alors  parler  haut  et  ferme,  menacer,  faire  peur  en  un  mot,  et 
aussitôt,  riz,  mil,  arachides  d'arriver  promptement. 

Après  quelques  jours  de  marche,  notre  voyageur  franchit  les  limites 
du  Foréah  et  pénètre  dans  le  Noré.  Ici  les  cases  changent  d'aspect, 
elles  sont  un  peu  préférables  à  celles  du  pays  qu'il  vient  de  quitter, 
plus  jolies  et  plus  agréables  à  habiter.  Les  murs  sont  en  terre,  les  toits 
en  chaume  épais,  descendant  presque  jusqu'au  sol;  de  longues  perches 
en  bambous  pendent  sur  le  chaume  de  haut  en  bas,  pour  le  maintenir 
en  cas  de  vent.  Ces  habitations  ressemblent  à  de  hautes  meules  de 
foin  ;  on  y  est  beaucoup  mieux  abrité  que  dans  les  cabanes  de  jonc  du 
Foréah.  Les  greniers  à  riz  ont  dans  ce  pays  une  forme  particulière 
qui  ne  manque  pas  d'une  certaine  grâce.  Ce  sont  de  gigantesques 
amphores,  ou  si  Ton  veut,  des  silos  hors  terre  en  argile,  élevés  à 
40  centimètres  du  sol,  sur  pilotis,  afin  de  mettre  le  contenu  à  l'abri 
des  ravages  des  bag-bag,  sorte  de  fourmi  monstrueuse  à  petite  tète, 
avec  un  gros  ventre  transparent,  hideux. 

L'ensemble  du  pays  est  bien  boisé  ;  le  sentier  seul  est  exposé  en 
plein  soleil  ;  il  suit  les  parties  dénudées  qu'on  entretient  telles  par  le 
feu  de  50  à  100  mètres  de  chaque  côté.  Ainsi  dégagé,  il  est  moins 
favorable  aux  embuscades  et  plus  commode  aux  porteurs  de  fardeaux 
que  les  branches  gênent  beaucoup.  L'air  est  bon,  le  pays  sain  ;  des 
colons  y  vivraient  heureux  et  dans  l'abondance  ;  on  y  établirait  aisé- 
ment des  postes  militaires,  agréablement  situés  et  faciles  à  défendre, 
où  les  troupes  de  la  côte  viendraient  refaire  leur  tante.  Le  sol  produi- 
rait ce  que  l'on  voudrait,  une  infinité  d'arbres  offrent  leurs  fruits  aux 
passants,  on  trouve  partout,  môme  dans  la  saison  sèche,  de  belles  eaux 
courantes.  Les  essences  forestières  sont  nombreuses  ;  on  a  là  le  nété, 
au  fruit  comestible  ;  le  tiévê,  dont  ia  gomme  parfumée  est  très  recher- 
chée des  femmes  du  pays,  le  malaugué  à  beurre,  le  bentenier  dont  on 
fait  les  pirogues,  le  balignama,  qui  s'emploie  pour  les  maladies  de 
poitrine,  le  barque,  odontalgique  vanté,  et  combien  d'autres. 

Le  12  mars,  aux  environs  d'un  village  nommé  Lèla,  M.  Ollivicr  ren- 
contra l'arbre  à  pluie  ;  les  feuilles  de  ce  végétal,  redressées  la  nuit, 
recueillent  la  rosée  et  la  laissent  ensuite  retomber  en  pluie  le  matin.  A 
huit  heures  et  demie  du  matin,  il  constata  que  cette  pluie  n'était  pas 
une  chimère,  la  terre  et  les  feuilles  étaient  inondées  au  pied  dudit  arbre. 


DE  L'ATLANTIQUE  AU  NIGER.  97 

A  quelques  jours  de  là,  à  on  village  nommé  Bouli,  notre  vicomte  vit 
avec  plaisir  un  vieux  noir  qui  apprenait  à  lire  à  des  enfants.  Outre  la 
classe  du  matin,  il  y  a  classe  le  soir,  de  six  à  huit  heures.  Dans  le  voi- 
sinage de  l'école,  il  eut  l'honneur  de  se  croiser  avec  un  vieux  chef, 
qii  daigna  roter  en  lui  serrant  la  main,  signe  suprême  de  bienveillant 
accueil. 

Le  17,  il  arrivait  à  Madina  dans  le  Bové,  et  faisait  en  cet  endroit  un 
court  séjour  pour  se  guérir  d'un  empoisonnement  causé  par  l'absorp- 
tion d'eau  marécageuse,  chargée  des  détritus  de  végétaux  vénéneux. 
A  quelque  cinquante  kilomètres  au  delà,  il  rencontra  des  arbres  à 
caoutchouc,  dont  os  mange  le  fruit.  11  remarqua  également  des  loukous 
dont  les  longues  gousses  de  12  centimètres,  s'ouvrent  en  six  parties, 
laissent  tomber  une  soie  jusqu'ici  inutilisée.  11  vit  également  en  ces 
lieux,  le  douki  dont  le  fruit,  en  forme  de  poire,  est  délicieux,  et  le 
tchingoli,  qui  fournit  d'excellent  raisin.  Chemin  faisant,  rencontre  de 
négriers  conduisant  leurs  convois  d'esclaves  ;  ces  braves  négociants 
do  pays  donnent  le  frisson  avec  leur  fouet  court  à  plusieurs  lanières, 
et  le  bruit  de  ferraille  qui  révèle  dans  quelque  coin  de  leurs  nippes  la 
présence  d'entraves  toujours  prêtes.  Us  ne  sont  pas  plus  sauvages 
que  d'autres,  ils  ont  pour  les  esclaves  dont  ils  trafiquent  les  sentiments 
d'indifférence  ou  d'intérêt  qu'ont  les  toucheurs  de  bœufs  pour  leurs 
bestiaux. 

Le  1er  avril,  vue  de  trois  hauts  fourneaux  de  dimensions  réduites, 
où  les  gens  du  pays  font  leur  fer  avec  le  minerai  qu'ils  retirent  de 
kurs  champs  cultivés.  Us  sont  en  terre  rêfractaire  d'une  seule  pièce  et 
ont  la,60  de  hauteur,  sur  90  centimètres  de  large.  Enfin  le  7,  on  arrive 
à  Timbo,  séjour  de  l'almamy  souverain  ;  la  petite  troupe  avait  franchi 
627  kilomètres  en  38  jours,  soit  une  moyenne  d'un  peu  plus  quinze 
kilomètres  par  jour  ! 

ï.  Aimé  Ollivier  expose  alors  au  souverain  de  Timbo  ses  projets  de 
chemin  de  fer,  et  les  avantages  qu'il  ne  peut  manquer  de  retirer  d'une 
pareille  voie  de  communication  ;  il  ne  demande  qu'un  laissez-passer, 
pour  avoir  une  case  où  se  reposer  dans  les  villages  qu'il  lui  faudra 
traverser;  en  outre,  la  concession  d'une  bande  de  terrain  de  20  kilo- 
mètres de  large,  des  esclaves  dans  chaque  village  pour  préparer  la 
voie,  et  la  protection  du  roi.  La  noire  majesté  proteste  de  tout  son  bon 
{_  vouloir,  et  l'assure  qu'il  va  convoquer  tous  les  grands  du  royaume,  et 
les  faire  se  rendre  à  Timbo  pour  prendre  leur  avis.  Mais  allez  donc 
compter  sur  la  bonne  foi  d'un  roi  nègre;  tous  les  jours,  c'étaient  de 
noaveaux  palabres  (discours)  à  essuyer  ;  la  France  et  le  Foutah-Djallon 
ne  devaient  plus  faire  pour  notre  voyageur  qu'une  seule  et  même 
patrie;  le  roi  ferait  tout  ce  qu'il  voudrait,  et  lui  donnerait  tout  ce  qu'il 

•OC.  DB  OiOOB.  —  1er  TftUCSSTBS  1883.  7 


98  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

lai  demanderait;  et  ces  iueptes  discours  devaient  tenir  lieu  de  vivres  à 
notre  explorateur  infortuné;  en  réalité,  il  était  bel  et  bien  prisonnier; 
sous  le  prétexte  qu'il  était  en  guerre  avec  le  roi  de  Dinguirray,  le  roi 
de  Timbo  lui  signifie  qu'il  ne  le  laissera  pas  aller  plus  loin,  de  crainte 
qu'il  ne  Tienne  en  aide  à  son  adversaire.  Ce  prétexte  épuisé,  le  potentat 
déclare  qu'il  fait  chercher  partout  de  l'or  neuf,  des  peaux  de  tigre  et 
de  l'ivoire,  et  qu'aussitôt  qu'il  pourra  lui  offrir  un  cadeau  convenable, 
il  le  laissera  partir  ;  un  autre  jour,  il  n'attendait  plus  que  l'arrivée  d'un 
livre  très  curieux  qu'il  voulait  offrir  au  voyageur  blanc.  Ces  Peuhls  sont 
vraiment  mauvais,  menteurs,  avares;  ils  n'ont  en  eux  aucun  sentiment 
élevé,  chacun  des  conseillers  du  roi  émet  un  avis  différent  pour  re- 
tenir plus  longtemps  le  prisonnier.  C'est  du  reste  le  sort  réservé  à 
tous  les  voyageurs  qui  se  sont  trouvés  en  pareille  situation  :  Lambert 
a  été  retenu  six  semaines,  Mage  un  an,  Stanley  trois  mois,  etc. 

La  force  seule  est  la  loi  des  noirs;  ils  ne  sont  plus  des  brutes,  c'est 
évident,  mais  ils  ne  sont  pas  encore  des  hommes  ;  les  instincts  de  la 
bête  sont  affinés  chez  eux  par  une  lueur  d'intelligence  naissante;  ils 
ont  l'inertie  indifférente  de  la  bête  qui  va  où  on  la  pousse  et  s'arrête 
dès  qu'on  cesse  d'agir  sur  elle  ;  aussi,  lors  des  élections  du  souverain, 
les  marabouts  et  autres  électeurs  réunis  ont-ils  bien  soin  de  nommer 
le  plus  fbrt,  le  plus  riche,  le  plus  résolu,  le  mieux  armé,  celui  en  un 
mot  qui  prendrait  le  pouvoir  si  on  ne  le  lui  donnait  pas. 

Ces  gens  ont  une  réputation  guerrière  qui  a  dû  être  acquise  par 
d'autres,  car  ils  paraissent  bien  peu  redoutables;  le  pays  serait  facile 
à  prendre,  et  si  la  France  tarde  à  s'y  fortifier  moralement,  nos  voisins 
le  prendront.  À  Timbo  le  pouvoir  royal  a  une  façon  excellente,  pour 
lui,  de  résoudre  les  difficultés  concernant  l'hérédité  des  biens  ;  le  roi 
confisque  les  biens  qui  en  valent  la  peine,  et  si  le  défunt  laisse  des 
enfants,  le  généreux  monarque  leur  fait  un  petit  cadeau. 

La  perception  des  impôts  se  fait  très  simplement  au  Foutali-Djallon  ; 
chacune  des  dix  provinces  a  un  roi  nommé  pour  un  an  ;  à  l'expiration 
des  douze  mois,  l'almamy,  en  nomme  un  autre,  le  roi  sortant  peut  être 
renommé  ;  à  chaque  nomination,  les  candidats  apportent  des  présents 
considérables  à  l'almamy,  qui  choisit  d'ordinaire  le  plus  généreux  s'il 
le  croit  assez  puissant  pour  maintenir  l'ordre  dans  sa  province.  L'al- 
mamy encaisse;  le  roi  nommé  revient  chez  lui,  s'arrête  à  la  frontière 
de  sa  province,  fait  résonner  le  tam-tam  de  village  en  village,  jusqu'à 
ce  que  ses  sujets  lui  aient  apporté  des  cadeaux  suffisants,  et  au  delà, 
pour  remplacer  ce  qu'il  vient  de  payer  pour  son  éleciion.  Dans  chaque 
village,  le  chef,  nommé  suivant  le  même  procédé  par  le  roi  de  la  pro- 
vince, se  fait  de  même  rembourser  par  les  habitants  soumis  à  son 
autorité. 


DE  L'ATLANTIQUE  AU  NIGER.  99 

Quant  à  l'élection  de  l'almamy,  elle  se  fait  chaque  année  ;  ce  août 
les  deux  mêmes  personnages  qui  sont  almamy  alternativement,  à  vie 
tons  deux.  Ce  que  Ton  conclut  avec  l'un  est  valable  arec  l'autre; 
rien  ne  se  fait  qu'arec  te  consentement  des  principaux  seigneurs 
assemblés. 

La  patience  et  les  fatigues  de  M.  de  Sanderval  devaient  cependant 
avoir  leur  récompense  ;  de  délai  en  délai,  de  tergiversations  en  remi- 
ses, l'almamy  donnera  la  permission  demandée  d'établir  un  chemin  de 
fer,  les  papiers  sont  prêts,  les  porteurs  sont  là,  tout  en  un  mot  est  en 
ordre;  mais  il  ne  pourra  s'avancer  plus  avant  vers  Dinguirray  et  de  là 
gagner  le  Niger  comme  il  l'espérait;  n'importe,  il  est  enfin  libre  et  le 
2  juin,  après  une  détention  de  près  de  deux  mois,  muni  dn  précieux 
traité,  écrit  en  arabe,  traité  qui  engage  les  deux  almamys  et  toutes 
les  autorités  du  Foutab,  notre  héros  reprend  son  voyage. 

Le  retour  à  la  côte  commence  ;  mais  les  affreuses  privations  qu'il 
loi  avait  fallu  sabir  à  Timbo  avaient  fort  altéré  la  santé  de  notre  voya- 
geur, qu'une  flêvre  intense  ne  tarda  pas  à  dévorer  ;  c'est  à  peine  s'il 
peut  avancer  de  quelques  kilomètres  par  jour  et,  malgré  une  situa- 
tion si  précaire,  il  lui  faut  pourvoir  à  tout,  lutter  toujours  contre  le 
mauvais  vouloir  et  l'obstination  des  nègres  dont  il  traverse  les  villages; 
enfin  après  des  fatigues  de  toute  sorte  surmontées  à  grand'peine,  il 
arrive  enfin  au  poste  français  de  fioké,  cinquante  jours  après  son  départ 
de  Timbo.  De  là  il  gagna  Boulam,  puis  Gorée,  non  sans  avoir  failli  périr 
en  mer  en  vue  des  côtes  et  débarquait  enfin  à  Bordeaux  le  11  octobre, 
après  avoir  accompli  au  moins  en  grande  partie  le  projet  qu'il  s'était 
résolu  de  mener  à  bonne  Un. 

Le  chemin  de  fer  pourrait  partir  du  Rio-Pongo,  et  de  là  remonter, 
traverser  le  Kakriman  en  un  point  à  choisir,  et  enfin  gagner  le  versant 
ouest  pour  redescendre  ensuite  jusqu'au  Niger  en  passant  par  le  pla- 
teau de  Rahel  qu'il  devra  desservir  où  habiteront  les  Européens,  et  la 
région  habitée  qui  lui  fait  suite  jusqu'à  Timbo. 

Évidemment,  le  Fou lah-Djallon  est  une  barrière  qui  empêche  le  Sou- 
dan de  nous  livrer  ses  produits.  Quel  commerce  peut-on  faire  en  effet, 
quelles  caravanes  peut-on  organiser  dans  un  pays  qu'il  faut  traverser 
mystérieusement,  en  se  divisant  par  petits  groupes,  en  ne  disant 
jamais  où  l'on  va,  et  en  portant  assez  peu  de  marchandises  pour  pou- 
voir la  cacher  dans  une  peau  de  bouc  accrochée  en  sautoir  sur  l'épaule, 
bagage  qui  n'attire  pas  l'attention,  pareille  sacoche  étant  portée  d'ordi- 
naire par  les  gens  du  pays?  Mais  qu'on  y  prenne  garde,  survienne  un 
roi  intelligent  et  le  Foutab  deviendra  de  plus  en  plus  puissant,  et  il 
sera  uu  danger  réel  pour  no*  établissements  de  la  côte. 

Le  résultat  du  voyage  de  M.  de  Sanderval  était  immense:  il  avait  en 


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100  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

effet  rapporté  signé  du  tout-puissant  almamy,  un  engagement  qui  ou- 
vrait la  porte,  sous  ces  latitudes,  à  l'influence  vers  l'intérieur  de  ce 
qu'on  appelle  si  justement  «  le  continent  mystérieux  »,  pays  dont  les 
habitants  ferment  les  portes  avec  un  soin  si  jaloux. 

Non  content  de  ce  qu'il  avait  fait,  M.  de  Sanderval,  de  retour  en 
France,  organisa,  toujours  à  ses  frais,  une  nouvelle  expédition  confiée  à 
MM.  Gaboriaud,  de  Fontenay  et  Àn3aldi,  chargés  pour  l'almamy  et  le 
roi  de  Dinguirray,  prés  duquel  il  n'avait  pu  pénétrer,  de  riches  pré- 
sents, parmi  lesquels  deux  petits  modèles  de  chemin  de  fer  ;  en  juin 
1881,  ces  messieurs  arrivaient  à  Timbo  et  voyaient  confirmés  par 
l'almamy,  successeur  de  celui  qui  avait  retenu  notre  héros,  la  conces- 
sion et  les  prérogatives  consenties  précédemment. 

La  tâche  entreprise  était  bien  terminée,  et  M.  Aimé  OUivier  arait 
bien  mérité  non  seulement  de  la  France  son  pays,  mais  de  l'humanité 
tout  entière,  en  entreprenant  courageusement  de  doter  des  avantages 
de  la  civilisation,  ces  pays  que  la  nature  a  si  richement  pourvus  de 
tant  de  ressources  dont  les  habitants  tirent  un  si  pitoyable  profit. 

Josse. 


6'  GÉOGRAPHIE 'COLONIALE 


LA 


NOUVELLE-CALÉDONIE 


Par  M.  Ch.  LEMIRE  (') 


INTRODUCTION 

Mesdames,  Messieurs, 

L'inauguration  tonte  récente  de  la  ligne  de  paquebots-poste  français 
ters  l'Australie  et  la  Calêdonie,  est  un  fait  qui  n'a  pas  seulement  une 
importance  commerciale,  mais  une  importance  nationale. 

Un  coup  d'oeil  sur  un  planisphère  suffit  pour  montrer  les  destinées 
de  rOcéanie  et  la  grande  part  qui  retient  à  la  France  dans  les  trans- 
formations de  cette  partie  du  monde. 

Considérons  en  effet  la  situation  de  l'Australie  et  de  la  Nouvelle- 
Calédonie.  Nous  les  voyons  placées,  d'une  part,  entre  le  canal  de  Panama 
et  tes  deux  Amériques,  et  d'autre  part,  entre  l'Asie  et  l'extrémité  de 
l'Afrique.  Dans  peu  d'années,  notre  pourfendeur  de  grands  continents 
aura  abrégé  de  2,000  lieues  la  route  du  Pacifique  par  Panama. 

Sa  ce  qui  concerne  l'Afrique,  les  grandes  nations  européennes  cher- 
chent toutes  à  prendre  pied  dans  ce  grand  continent.  Les  établissements 
européens  se  trouveront  dès  lors  d'autant  plus  rapprochés  de  l'Océanie 
que  la  vapeur,  les  télégraphes,  la  diffusion  de  la  presse,  les  corres- 
pondances postales  rapides  auront  supprimé  les  anciennes  distances. 

Dans  ces  derniers  temps,  l'Angleterre  a  établi,  par  le  succès  de  ses 
armes,  sa  domination  en  Egypte,  dans  les  colonies  du  Gap  et  du  Sud 
avec  1,500,000  habitants,  et  sur  la  côte  de  Guinée. 

Nous  avons  le  territoire  d'Obok,  dans  le  voisinage  duquel  est  la 
baie  de  Tadjoura ,  et  par  là  une  porte  sur  le  Choa.  Nous  avons  des 
droits  imprescriptibles  sur  une  partie  de  Madagascar,  nous  avons  l'Al- 
gérie, la  Tunisie,  le  Sénégal.  Nous  y  envoyons  des  locomotives  dont 
faction  est  plus  durable  que  celle  des  canons  Krupp.  Nous  avons  le 


0)  Conférence  <ta  26  janvier  1883. 


102  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

i 

Gabon.  Entre  l'Ogowé  et  le  Congo,  une  route  vient  de  nous  être  ouverte 
pacifiquement.  On  ne  pourra  jamais  dire  que  là  où  nos  explorateurs 
ont  passé  l'herbe  ne -pousse  plus.  Le  sol  qu'ils  ont  foulé  de  leur  pied 
bien  ou  mal  chaussé  devient  une  terre  de  liberté. 

Ce  qu'il  y  a  à  remarquer  dans  cet  essor  que  reprend  dans  notre 
pays  Tidée  de  colonisation  lointaine,  c'est  que  l'impression,  l'agitation 
qu'elle  cause  en  ce  moment  sont  plus  bruyantes  parmi  tous  nos  voi- 
sins que  parmi  nos  nationaux.  Si  nos  rivaux  s'en  préoccupent,  comment 
pourrions-nous  y  rester  indifférents?  M.  Tbiers  Ta  dit  :  Si  nous  voulons 
sauvegarder  notre  état  social,  il  faut  coloniser.  Renan  ajoute  que 
toute  nation  qui  ne  colonise  pas  est  vouée  à  la  guerre  intestine  on 
extérieure,  à  moins,  dit  M.  Foncin,  qu'elle  ne  se  laisse  étouffer  chez  elle 
par  les  nations  voisines.  Prévost -Paradol  s'était  écrié  qu'avant  un 
siècle  le  monde  serait  anglo-saxon.  Un  illustre  homme  d'État,  qu'une 
mort  prématurée  a  enlevé  à  notre  pays,  parlant  naguère  des  colonies, 
recommandait  de  faire  des  Français.  La  population  des  nations  voisines 
augmente.  La  France  s'amoindrit.  Le  remède  c'est  de  coloniser,  de 
peupler  de  Français  tous  ces  territoires  qui  sont  le  prolongement  de 
notre  pays  au  delà  des  mers,  car  partout  où  est  notre  pavillon  là  est 
la  France.  En  travaillant  pour  la  colonisation,  les  sociétés  de  géogra- 
phie commerciale  et  des  études  coloniales,  ù  Paris  comme  en  pro- 
vince, travaillent  au  salut  de  notre  chère  patrie. 

L'Afrique,  Madagascar,  le  Congo,  Obok,  c'est  l'avenir.  Évidemment  il 
nous  faut  le  préparer;  mais  les  résultats  à  attendre  sont  encore  loin- 
tains et  difficiles.  En  face  de  ces  projets,  il  y  a  le  présent.  Le  présent, 
l'urgent,  l'indispensable,  l'action  immédiate,  est  en  Indo-Chine,  au 
Sénégal,  en  Océanie.  C'est  là  que  doivent  se  localiser  nos  efforts  les 
plus  ardents  et  les  plus  persévérants,  dès  à  présent  et  sans  désem- 
parer. 

La  ligne  nationale  dont  nous  sommes  redevables  au  minisire  de  la 
marine  et  des  colonies,  et  an  ministre  des  postes  et  des  télégraphes, 
nous  relie  directement  à  la  Réunion,  à  r Australie  et  à  Nouméa. 

L'Australie,  c'est  le  continent  sans  pareil,  c'est  un  vaste  ensemble 
de  colouics  qui,  en  70  ans,  a  vu  sa  population  passer  de  1,200  habi- 
tants à  2,800.000.  En  1823,  on  a  vendu  sur  le  marché  de  Londres 
2,200  fr.  les  12  premières  balles  de  laine  australienne;  aujourd'hui  il 
y  a  66  millions  de  moutons  produisant  pour  400  millions  de  laine.  Or, 
la  France  achète  par  an  pour  300  million*  de  laine  brute  et  exporte 
pour  300  millions  de  laines  tissées. 

Il  y  a  dans  le  déparlement  de  Meurthc-el-Moselle,  22,000  broches  et 
1,500  ouvriers  employés  dans  l'industrie  de  la  laine.  Ses  produits  ont 
brillé  aux  expositions  de  Sydney  et  de  Melbourne  en  1880  et  1881.  Il  y 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  103 

a  là  pour  tous,  Lorrains  (') ,  un  débouché  offert  à  vos  objets  de  luxe.  Vous 
ne  pouvez  donc  pas  tous  désintéresser  de  ce  nouveau  monde  qui  est 
né  tout  d'une  pièce  à  la  civilisation  la  plus  avancée. 

r 

L'Etat  demande  pour  nos  troupes  80  millions  de  rations  de  viande 
conservée.  Or,  l'Australie  possède  8  millions  de  bœufs  contre  12  mil- 
lions seulement  en  France. 

L'Australie  pont  fournira  l'exportation  2,000  tonnes  de  viande  par 
jour,  c'est-à-dire  1  million  de  tonnes  par  an  pouvant  nourrir  20  mil- 
lions d'hommes.  Le  commerce  australien  est  de  2  milliards  400  millions. 
Le  nôtre  est  cinq  fois  moindre  et  devrait  atteindre  37  milliards  pour 
rivaliser  avec  celui  de  l'Australie  :  autrement  dit,  le  commerce  austra- 
lien est  de  1,200  fr.  par  tête  et  le  nôtre  de  200  fr. 

Les  transactions  franco-australiennes  n'étaient  que  de  12  millions 
en  1881,  dont  2,400,000 fr.  d'exportation  vers  l'Australie  et  9,500,000  fr. 
en  provenance  d'Australie.  C'est  que  tout  ce  commerce  se  faisait  sous 
pavillon  britannique  et  par  l'intermédiaire  forcé  des  courtiers  de 
Londres,  d'Anvers  et  même  de  Hambourg.  On  voit  pour  notre  con- 
sommation de  laines,  de  viande,  de  blé  et  même  de  vins,  et  surtout 
pour  nos  exportations,  quelles  transformations  avantageuses  nos 
échanges  vont  subir.  C'est  à  ces  prévisions  que  répond  la  ligne  franco- 
australienne. 

LA  NOrVELLK-CALèDONIE. 

En  ce  qui  concerne  la  Calédonie.  on  s'occupe  de  la  relier  à  nous 
parle  télégraphe,  Le  service  des  voiliers  de  Bordeaux  se  transforme 
en  service  à  vapeur.  Le  Havre,  Nantes,  Dunkerque  demandent  une 
ligne  nouvelle. 

Les  mines  de  toute  sorte  et  surtout  de  nickel,  le  métal  français, 
sont  aussi  variées  que  fécondes.  La  transporlation  des  récidivistes 
suivra  sans  doute,  depuis  1863,  celle  des  10,000  forçats  amenés  en 
Calédonie  et  entraînera  l'occupation  des  Nouvelles- Hébrides  ;  ce  sont 
des  questions  d'État  anssi  bien  que  des  questions  coloniales. 

Enfin,  le  canal  de  Panama  va  nous  rapprocher  de  nos  possessions 
océaniennes,  de  Taïti,  notre  nouvelle  colonie,  des  Gambicr,  des  Tuamo- 
tou,  des  Touboual,  des  Marquises,  de  ces  lies  si  nombreuses  et  si 
belles  qu'un  géographe  allemand.  Cari  Ritter,  les  a  appelées  la  voie 
lactée  des  eaux;  des  Nouvelles-Hébrides,  si  voisines  de  Nouméa,  dont 
elles  sont  une  dépendance  naturelle,  et  de  la  Calédonie,  que  son  pre- 


(')D*bj  aa  conférence  àBar-le-Duc,  du  11  mars,  M.  Iiemire  aévoillé  particuliè- 
rement l'attention  d*>s  grands  industriel*  de  la  Meuse  sur  cette  source  de  débouchés 
pour  leurs  produit*,  tissus,  bonneterie,  etc. 


104  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

mier  gouverneur  appelait  la  clef  de  l'Océanie.  Sur  la  route  de  Panama, 
ces  lies  se  succèdent  en  effet  sur  l'azur  des  eaux  comme  les  étoiles 
sur  l'azur  du  firmament. 

Dans  cette  situation,  nous  avons,  nous  Français,  notre  part  tonte 
faite  dans  cette  Méditerranée  océanienne  bordée  par  les  deux  Améri- 
ques, l'Asie  et  l'Afrique.  Le  ministre  des  postes  nous  en  a  garanti  les 
avantages  commerciaux;  M.  Cochery,  qui  avait  prouvé  en  prenant  l'ini- 
tiative des  congrès  d'électriciens  que  la  France  pouvait  parler  d'nn 
bout  du  monde  à  l'autre,  a  prouvé  encore  qu'elle  savait  aussi  agir  et 
étendre  son  action  jusqu'aux  antipodes. 

La  Galédonie  est  en  effet  aux  antipodes,  mais  on  délivre  des  billets 
d'aller  et  retour  pour  3.000  fr.  en  1*  classe,  et  le  voyage  se  fait  en 
83  jours,  un  peu  plus  que  celui  de  mon  illustre  compatriote  Jules  Verne 
autour  du  monde.  La  distance  est  de  22,000  kilomètres,  5,500  lieues. 

La  Nouvelle-Calédonie,  découverte  le  4  septembre  1774,  occupée  le 
23  septembre  1853,  comme  annexe  de  Taïtf,  érigée  en  colonie  en 
1860  avec  Nouméa  pour  chef-lieu,  se  compose  de  Ja  grande  terre  du 
groupe  de  Loyal t y,  de  l'Ile  des  Pins,  de  l'Ile  Ouen,  des  lies  Bélep, 
Huen  et  Chesterfleld.  Elle  est  grande  quatre  fois  comme  la  Corse; 
elle  a  13  lieues  de  largeur  sur  75  de  longueur  à  vol  d'oiseau,  mais 
pour  aller  par  terre  du  sud  au  nord,  il  faut  compter  600  kilomè- 
tres. L'aspect  de  l'Ile  est  celui  de  la  Corse  et  de  Y  Ecosse  et  c'est 
pourquoi  Cook  l'appela  Calédonie.  Le  climat  est  celui  de  Nice;  saison 
chaude,  de  25°  à  33°.  Brise  du  sud-est;  saison  fraîche,  de  15°  à  25°. 
Pas  de  maladies.  Les  familles  européennes  s'y  développent  mieux 
qu'en  France.  C'est  un  printemps  perpétuel  et  une  belle  nature. 
Cependant  tous  les  4  ou  5  ans  passe  un  cyclone  qui  cause  des  ra- 
vages. 

Darwin,  l'illustre  savant  auquel  l'Angleterre  vient  de  rendre  les 
honneurs  funèbres,  et  Dana  ont  ignoré  les  grands  récifs  calédoniens. 
Cependant  l'Ile  est  presque  entourée  d'une  ceinture  de  coraux.  On 
peut  donc  facilement  en  défendre  les  passes  avec  des  torpilles.  Le 
cabotage  se  fait  comme  dans  un  lac.  L'administration  actuelle  a  cherché 
à  ramener  entre  les  mains  d'armateurs  français,  ce  trafic  maritime 
accaparé  par  les  Anglais.  Il  tend  heureusement  à  revenir  sous  pavillon 
français.  Nous  allons,  si  vous  voulez  bien,  parcourir  le  pays,  nous 
mettre  en  route,  ce  qui  est  un  euphémisme,  car  il  n'y  a  guère  de  routes 
au  delà  de  30  kilomètres.  De  nombreux  tronçons  sont  commencés  et 
non  achevés.  En  les  mettant  bout  à  bout,  on  pourrait  compter  250 
kilomètres  de  routes  muletières  ;  mais  il  en  faut  1 ,200.  Les  routes  at- 
tendent les  colons  et  les  colons  attendent  les  routes.  Cependant  M.  de 
Lesseps  n'a  pas  attendu  que  le  désert  soit  peuplé  pour  faire  le  canal, 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  105 

et  les  Américains  pojir  faire  leur  chemin  de  fer  du  Farwest.  Un  pays 
le  peuple  dès  que  les  voies  de  communication  permettent  et  l'accès 
et  les  transports.  Négliger  cet  axiome,  c'est  reuouvckr  l'histoire 
de  l'actrice  qui  ne  débute  pas  parce  qu'elle  n'est  pas  connue,  et  qui 
n'est  pas  connue  parce  qu'elle  ne  débute  pas. 

En  1813,  dans  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  un  passage  venait  d'être 
découvert  à  travers  les  montagnes  Bleues,  qui  sont  les  Alpes  austra- 
liennes, élevées  de  2,000  pieds  au-dessus  de  la  mer.  Le  gouverneur 
ïacquarie  promit  Ja  libération  aux  convicts  qui  travailleraient  à  la 
route.  L'œuvre  fut  faite  en  dix-huit  mois,  sans  perdre  un  homme.  Le 
gouverneur,  accompagné  de  sa  femme,  inaugurait  cette  route  de  180 
kilomètres,  plaçait  des  petits  postes  de  gendarmes  mariés  auxquels  la 
colonie  donnait  un  terrain  et  une  vache,  donnait  un  nom  aux  princi- 
pales localités  et  fondait  la  ville  de  Bathurst.  Cette  ville  est  reliée  à 
Sydney  par  un  chemin  de  fer  qui  franchit  ces  montagnes  par  une 
roie  en  zigzag,  remarquable  par  ses  hardis  travaux  d'art,  et  qui  t 
coûté  jusqu'à  780,000  fr.  le  kilomètre. 

Je  demandais  aux  Canaques  pourquoi  ils  n'avaient  pas  de  routes: 
•  (Test,  disent-ils,  que  les  Français  font  Je  chemin  avec  des  outils  et 
nous  avec  nos  pieds.  *  Eu  Nouvelle-Calédonie,  le  plus  urgent  n'est 
pas  de  créer  des  routes  comme  nos  routes  nationales.  Les  routes  défi- 
nitives exigent  beaucoup  de  temps,  de  main-d'œuvre  et  d'argent.  Ce 
qu'il  faut  pour  le  moment,  ce  sont  des  sentiers  muletiers  ouverts  dans 
les  endroits  actuellement  impraticables  aux  chevaux,  tels  que  marais, 
ravins,  montagnes,  forêts  et  gués.  C'est  là  une  question  vitale,  aussi 
tient-on  de  placer  des  ponts  et  des  bacs  sur  quelques  rivières  et 
d'augmenter  les  crédits  affectés  aux  routes.  La  colonie  a,  en  1882, 
fourni 44,000  fr.  à  cet  effet,  et  la  métropole  36,000  fr. ,  soit  un  total  de 
80,000  fr. 

Une  autre  difficulté  des  colonies  naissantes,  c'est  la  rareté  de  la 
main-d'œuvre.  On  emploie,  à  cet  effet,  les  indigènes  à  raison  de  1  fr. 
à  1  fr.  50  c.  par  jour  et  nourris,  des  Indiens  malabars  ou  des  Bour- 
bonnais, des  Canaques  des  Nouvelles- Hébrides,  et  enfin  des  condam- 
nés et  des  libérés.  Il  arrive,  chaque  année,  environ  C00  noirs  des 
5oQTeltes-Héb rides  recrutés  sous  Ja  surveillance  de  l'Administration. 
Ces  noirs  sont  loués  pour  trois  ans  à  raison  de  300  à  400  fr.  par  tête 
payés  à  l'agence  de  recrutement.  Leur  salaire  est  de  12  fr.  par  mois 
avec  la  nourriture.  Les  Anglais  et  les  Allemands  vont  aussi  recruter 
des  noirs  dans  ces  lies  pour  le  Queensland,  les  Fidji,  les  Samoa  et 
les  Tonga;  aussi  le  recrutement  devient-il  chaque  Jour  plus  difficile. 
Us  Indiens  se  sont  faits  colons  à  leur  tour  et  11  n'eu  arrive  plus 
dans  la  colonie. 


106  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

Dès  l'année  1865,  l'Administration  a  mis  à  la  disposition  des  colons 
des  condamnés  se  conduisant  bien;  leur  salaire  est  d'environ  12  fr. 
par  mois  ;  ils  sont  logés  et  noarris. 

Les  libérés  demandent  en  moyenne  un  salaire  de  50  fr.  Cette  caté- 
gorie de  travailleurs  exige  une  constante  surveillance  et  donne  lien 
à  bien  des  inconvénients.  On  ne  les  emploie  que  lorsqu'il  est  impos- 
sible de  s'en  passer.  Mais  il  est  bien  difficile  de  les  faire  travailler  réel- 
lement. 11  leur  faut  des  gratifications.  On  s'explique  ainsi  qu'avec 
10,000  paires  de  bras,  l'impulsion  donnée  aux  travaux  publics  soll 
bien  lente. 

Cependant,  il  a  fallu  chercher  hors  de  la  colonie  la  main-d'œuvre  a 
bon  marché,  et  l'on  attend  de  Cochinchine  une  immigration  chinoise 
qu'on  emploiera  surtout  comme  domestiques  et  ouvriers  et  dans  les 
cultures. 

La  Calédonie  compte  1,600,000  hectares,  dont  400,000  seulement 
sont  propres  à  l'élevage  ou  à  la  culture.  200; 000  hectares  sont  au- 
jourd'hui vendus  ou  loués.  Presque  tout  le  reste  est  demandé,  et 
l'insuffisance  du  cadastre  est  la  cause  pour  laquelle  ces  demandes 
ne  sont  pas  encore  satisfaites.  Une  seule  personne  est  venue  à  la  fin 
de  1881  demander  au  nom  d'une  compagnie  une  concession  de  100,000 
hectares.  C'est  qu'aussi  l'aliénation  des  terres  se  fait  dans  des  condi- 
tions particulièrement  favorables. 

A  Nouméa,  les  terrains  urbains,  mis  à  prix  à  100  fr.  l'are,  ont 
atteint  eu  ville  2,000  fr.  et  dans  les  faubourgs  200  fr.  Dans  l'intérieur, 
les  terrains  sont  aliénés  par  voie  d'enchères  ou  surtout  par  voie  de 
concession  au  prix  de  24  fr.  par  hectare  payable  en  12  ans,  soit  50 
centimes  par  hectare  et  par  an  pendant  trois  ans,  puis  1  fr.  ;  puis 
2  fr.  50  c.  ;  puis  4  fr.  On  voit  que  les  colons  sont  encouragés  à  leur 
début,  et  que  l'on  peut  devenir  à  bon  compte  propriétaire  foncier  en 
Calédouie,  dans  un  pays  sain,  splendide  et  soumis  à  la  législation  fran- 
çaise. On  se  demande  donc  comment  on  a  pu  se  laisser  attirer  par  des 
réclames  comme  celles  qui  ont  été  effrontément  renouvelées  pour 
envoyer  des  émigrants  dans  la  Nouvelle-Irlande,  où  ils  sont  morts  de 
misère,  de  faim,  de  maladies  et  d'ulcères. 

Ces  avantages  faits  aux  colons  qui  désirent  acquérir  pour  40  écus 
1 0  journaux  de  terre  au  beau  soleil,  sont  plus  grands  encore  pour 
l'immigrant  dénué  de  ressources.  L'article  64  de  l'arrêté  de  1880 
porte  : 

Immigrants.  —  Tout  immigrant  libre,  quelle  que  soit  sa  nationalité, 
a  droit  à  une  concession  gratuite  de  3  hectares  de  terres  à  cultures  et 
à  un  lot  de  village  voisin.  La  concession  est  de  5  hectares  pour  les 
familles  de  quatre  personnes  ;  mais  ces  concessionnaires  sont  tenus  de 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  107 

résider  cinq  ans  consécutifs  sur  leur  concession  et  de  ia  mettre  en 
valeur.  La  concession  ne  leur  appartient  définitivement  qu'au  bout  de 
ces  cinq  années. 

Les  militaires,  marins  et  agents  retraités,  les  jeunes  immigrants,  les 
orphelins  élevés  dans  les  orphelinats  de  la  colonie,  ont  droit  aussi  à 
une  concession  de  3  hectares  par  tête. 

Enfin,  3  hectares  de  terres  à  cultures  sont  données  à  tout  enfant 
légitime,  légitimé  on  reconnu,  né  dans  l'intérieur  de  la  colonie,  ailleurs 
qu'à  Sooméa.  Le  père  jouit  du  terrain  jusqu'à  la  majorité  ou  le  mariage 
de  l'enfant,  époque  où  celui-ci  doit  habiter  et  exploiter  pendant  cinq 
ans  sa  concession.  Lts  lots  de  villages  sont  donnés  en  vue  de  former 
des  centres  habités. 

Ainsi,  voilà  un  pays  où  il  suffît  de  naître  pour  posséder  30,000  mè- 
tres carrés  de  bonne  terre  et  pour  enrichir  ses  parents.  Voilà  les  bébés 
grands  propriétaires  fonciers,  apportant  en  naissant  un  patrimoine  à 
leurs  pères  ;  voilà  le  prolétariat  aboli  ;  une  prime  au  développement 
de  la  famille.  Dieu  bénit  les  nombreuses  familles,  et  les  nombreuses 
familles  font  les  grandes  nations. 

Direz-vous  encore  que  les  Français  ne  savent  pas  coloniser?  Non  : 
bous  sommes  ignorants,  indifférents,  et  nous  laissons  des  petits  métis 
et  des  étrangers  profiter  d'avantages  dont  nos  compatriotes  devraient 
être  les  premiers  à  jouir  sur  une  terre  française. 

Un  phalanstère  a  été  essayé  à  Yaté  en  1864  avec  vingt  colons  à  cha- 
cun desquels  on  avait  donné  1 5  hectares  de  terres.  Les  bénéfices  de- 
vaient être  partagés  moitié  en  parts  égales  et  moitié  an  prorata  des 
journées  de  travail.  La  liberté,  l'égalité  et  Tordre  ne  forent  bientôt 
plus  représentés  que  par  un  gendarme,  et  enfin  l'œuvre  périt  d'elle- 
même. 

Les  nouveaux  centres  n'ont  rien  d'un  phalanstère  et  ressemblent 
à  nos  villages  de  France.  C'est  une  excellente  et  nécessaire  innova- 
tion. 

En  ce  qui  concerne  les  premiers  frais  d'établissement  des  colons,  il 
ne  faut  pas  aller  faire  le  commerce  à  l'étranger  comme  on  jette  un 
coup  de  filet  on  comme  Ton  fait  une  razzia.  Toute  exploitation  dura- 
ble, industrielle  ou  agricole,  exige  un  capital.  La  terre  sans  le  capital, 
c'est  la  glèbe.  Nous  verrons  qu'on  peut  commencer  en  Calédonie  avec 
de  très  faibles  mises  de  fonds. 

Bien  qu'en  Australie  on  ne  doive  pas  concéder  plus  de  135  hec- 
tares, il  y  a  de  nombreux  éleveurs  qui  occupent  en  location  30,000, 
50,000,  100,000  et  jusqu'à  650,000  hectares.  Il  y  a  des  propriétaires  de 
10,000  hectares,  de  100,000  hectares. 
En  Calédonie,  ces  grandes  concessions  sont  rares.  La  Compagnie 


108  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

agricole,  qui  a  son  siège  à  Gomen,  possède  25,000  hectares,  dont 
3,000  ont  été  payés  à  raison  de  25  fr.  l'hectare,  le  reste  du  prix, 
évalué  à  25  fr.,  de  Tant  être  remboursé  sous  forme  de  routes,  de  ponts 
et  de  travaux  divers.  Cette  Compagnie  ayant  échoué  dans  ses  entre- 
prises, ses  droits  ont  été  vendus  à  une  autre  Compagnie  nommé  franco- 
australienne  et  qui  en  est  à  ses  débats. 

Il  existe  en  Calcdonie  des  propriétaires  de  500  i  3,000  hectares. 
L'un  d'eux  en  occupe  même  17}0O0;  mais  jusqu'à  présent  Ton  n'a  pas 
eu  à  redouter  la  lutte  entre  les  éleveurs,  qu'on  appelle  en  Australie  des 
squatters  et  les  cultivateurs  qu'on  appelle  free  selecters,  parce  qu'Us 
choisissent  leurs  terrains  de  cultures  sur  les  vastes  espaces  occupés 
déjà  par  les  squatters  et  leurs  troupeaux.  Cette  lutte  s'accentue  de 
jour  en  jonr;  mais  nous  ne  pouvons  ici  eu  donner  même  nne  idée. 

En  Calédonic,  la  location  est  de  1  fr.  50  c.  par  an  et  par  hectare.  Il 
faut  3  hectares  par  tête  de  bétail.  Or  ici,  comme  en  Australie,  l'éle- 
vage du  bétail  a  précédé  l'agriculture.  C'est  la  conséquence  du  manque 
de  bras,  de  la  présence  des  sauterelles  et  du  fléau  des  inondations  ou 
des  ouragans. 

Il  n'y  a  pas,  dansce  pays,  à  préparer  d'approvisionnements  pour  les 
troupeaux  pendant  l'hiver.  Ils  paissent  toute  l'année  en  liberté  et 
passent  la  nuit  en  plein  air,  on  en  fait  seulement  le  rassemblement  et 
le  recensement  une  fois  par  an.  Les  frais  de  garde  sont  presque  nuls. 
Un  bœuf  coûte  donc  4  fr.  50  c.  par  an  de  nourriture;  au  bout  de  4  ans, 
il  est  bon  pour  la  boucherie  après  une  dépense  de  18  fr.  pour  le  ter- 
rain. Un  troupeau  décuple  en  8  ans.  On  a  importé  d'Australie,  en  1859, 
1,000  têtes  de  bétail;  aujourd'hui  on  compte  en  Calédonie  environ 
80,000  bétes  à  corne. 

Les  moutons  ne  sont  pas  plus  de  15,000.  Une  herbe  mauvaise  qui 
s'introduit  dans  leur  laine  et  les  fait  dépérir,  en  a  jusqu'ici  empêché 
rélevage  ;  mais  on  a  préparé  des  pâtures  débarrassées  de  cette  mau- 
vaise herbe,  et  l'introduction  de  béliers  et  de  brebis  de  la  bergerie 
de  Rambouillet,  sous  la  conduite  d'un  berger,  va  développer  cette  in- 
dustrie et  la  production  de  la  laine  qui  est  d'excellente  qualité. 

Les  chevaux,  au  nombre  de  1,500,  viennent  d'Australie.  Il  en  existe 
aussi  une  petite  race  venant  de  l'Ile  Norfolk;  ces  derniers,  comme  les 
ânes  et  les  mulets  dont  la  propagation  facile  est  à  développer  à  cause 
de  la  nature  montagneuse  du  pays,  rendent  des  services  aux  petits 
colons  et  comme  bêtes  de  transport.  Mais  le  cheval  d'Australie  fournira 
au  pays  une  bonne  race.  Aussi  le  gouverneur,  Yamiral  Courbet,  a-t-il 
rendu  un  grand  service  à  la  colonie  et  aux  éleveurs  en  décidant  que 
la  remonte  de  la  gendarmerie  et  de  V artillerie  serait  faite  avec  les 
produits  de  la  colonie. 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  109 

On  compte  en  France,  par  3  habitants,  1  tête  de  bétail  et  5  moutons  ; 
en  Angleterre,  1  tête  de  bétail  et  10  moutons;  en  Australie,  12  tôtes 
de  bétail  et  100  moutons. 

les  chèvres  et  les  porcs  sont  en  grand  nombre  et  prospèrent  admi- 
rablement. 

Quant  anz  cultures,  le  colon  qui  débute  doit  commencer  par  faire 
on  potager.  Les  haricots  poussent  en  50  jours,  et  la  patate  ou  pomme 
de  terre  se  récolte  en  3  mois.  Les  choux  donnent  encore  des  rejetons 
après  la  coupe.  Les  tomates  poussent  à  l'état  sauvage.  La  salade,  les 
pastèques,  les  pois,  les  fraises,  Tiennent  comme  dans  le  Midi.  Avec  le 
potager,  le  poulailler  et  la  porcherie,  les  vivres  du  colon  sont  assurés. 
Le  blé  ne  vient  pas  bien.  Le  mais  est  la  principale  culture.  Il  remplace 
le  blé. 

Le  café  est  de  première  qualité?  Il  se  vend  à  Nouméa  2  fr.  50  c.  le 
kilogramme.  Un  hectare  peut  recevoir  2,500  caféiers  qui  produisent  au 
bout  de  trois  ans.  C'est  Tune  des  principales  productions  du  pays,  car 
b  plante  n'est  attaquée  ni  par  les  sauterelles,  ni  par  la  maladie. 

Le  tabac  est  très  cultivé.  Le  Gouvernement  encourage  cette  culture. 
Les  colons  ont  à  améliorer  la  production  par  des  engrais  potassiques. 

La  luzerne  et  les  plantes  fourragères  donnent  plusieurs  récoltes. 

Enfin,  l'ananas,  planté  à  raison  de  2,500  pieds  à  l'hectare,  donne 
2,000  litres  d'eau-de-vie  au  prix  d'au  moins  1  fr.  le  litre.  Une  grande 
plantation  avec  distillerie  s'est  introduite  il  7  a  deux  ans,  afln  de  rem- 
placer par  l'eau-de-vie  d'ananas  les  pertes  que  cause  dans  nos  vigno- 
bles \e phylloxéra,  cet  infiniment  petit,  infiniment  nuisible,  dont  M.  Beau- 
regard  a  exposé  récemment  la  nature  et  la  formé. 

Le  bananier  et  le  cocotier  font  partie  des  cultures  les  plus  essen- 
tielles de  la  colonie,  et  poussent  sans  aucun  soin. 

Les  plantes  exotiques  à  feuillage  ornemental  donnent  lieu  en  Belgique 
et  en  Allemagne  à  un  commerce  important.  Ce  goût  des  plantes  tropi- 
cales se  répand  parmi  nous. 

Les  aralias,  les  cycadées,  les  dracaeuas,  les  yuccas,  font  l'ornement 
des  forêts  calédoniennes,  et  les  grandes  futaies  en  font  Futilité. 

La  Galédonie  a  des  forêts  immenses  où  croissent  des  arbres  magnifi- 
ques: le  kaori  (un  dammara)  a  30  mètres  sous  branches,  est  très  droit 
et  donne  une  résine  excellente.  Le  niaouli  (  Melalcuca  viridiflora  )  est 
l'arbre  calédonien  par  excellence.  Une  infusion  de  ses  feuilles  remplace 
le  thé  ou  le  laurier  dans  les  sauces.  Il  assure  la  salubrité  du  pays  ; 
ao&si  le  propage-t-on  en  Algérie  comme  l'eucalyptus.  Son  fourreau  d'é- 
corec  le  préserve  du  feu  et  sert  à  faire  des  cases.  Il  produit  l'essence 
de  niaouli  ou  huile  de  cajeput,  contre  les  rhumatismes  et  les  maladies 
de  la  vessie.  En  un  mot,  c'est  un  arbre  précieux  à  tous  égards. 


110  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

Le  caoutchoutier  serait  à  exploiter,  car  les  produits  de  cet  arbre  sont 
devenus  rares  et  chers  en  Europe. 

Le  bancoulier  donne  l'huile  de  camari  et  le  cocotier  l'huile  de  coco, 
de  sorte  qu'une  savonnerie  européenne,  montée  à  Nouméa,  fournit  à 
toute  la  colonie  le  savon  ordinaire. 

Les  dammaras  et  les  araucarias  font  des  colonnes  superbes. 

Le  houp  est  un  bois  incorruptible  servant  à  faire  des  pirogues. 

L1 arbre  à  pain  donne  annuellement  des  fruits  savoureux  et  fécu- 
lents. 

Le  suc  de  Varbre  à  goudron  (R/ias  aira)  engendre  des  plaies  dou- 
loureuses, lorsqu'on  débite  sans  précautions  le  bois  vert. 

Les  arbres  d'essence  propres  à  l'ébénisterie  se  vendent  en  grume 
10  fr.  leslère,  et  ceux  propres  aux  constructions,  5  fr.  le  stère. 

Le  tamanou,  Yébène  blanc,  le  chêne  tigré,  le  bambou  et  une  foule 
de  bois  propres  à  tous  usages  abondent.  On  en  trouvera  la  liste  dans 
mon  ouvrage  (').  La  colonie  consomme  de  3,000  à  4,000  mètres  cubes 
de  bois  et  ne  peut  se  suffire  à  elle-même.  Elle  n'a  que  deux  exploita- 
tions et  quelques  petits  chantiers  forestiers.  Les  bois  de  la  Nouvelle- 
Zélande  et  de  l'Orégon,  qui  valent  tout  débités  25  fr.  le  mètre  cube 
dans  le  pays  d'origine,  sont  donc  amenés  à  Nouméa  au  prix  de  100  a 
150  fr.  et  même  plus.  Il  est  temps  que  la  main-d'œuvre  vienne  permettre 
l'exploitation,  facilitée  par  les  chutes  d'eau  naturelles,  des  forêts  situées 
sur  le  bord  de  la  mer,  le  long  de  la  côte  nord-est. 

Quant  aux  forêts  du  centre,  elles  resteraient  intactes,  aûn  d'éviter 
un  déboisement  préjudiciable.  Mais  comme  il  y  a  peu  de  fourrés  impé- 
nétrables sous  bois,  l'amiral  gouverneur,  M.  Courbet,  vient,  par  une 
mesure  d'initiative  toute  favorable  aux  intérêts  des  colons,  d'autoriser 
les  plantations  de  café  en  forêt.  L'ombre,  l'abri  du  vent,  l'humidité  et 
l'humus  des  bois  concourront  à  rendre  ces  plantations  très  prospères, 
et  elles  fourniront  un  grand  élément  d'exportation 

Dans  ce  pays,  couvert  de  vastes  forêts,  il  n'y  a  pas  d'administration 
forestière,  et,  par  suite,  on  ne  tire  pas  de  ces  incalculables  richesses 
du  sol  le  parti  désirable,  suivant  les  exigences  du  pays. 

La  faune  indigène  est  pauvre  ;  autant  la  végétation  est  belle,  autant 
elle  est  monotone  par  l'absence  de  vie  animale.  Évidemment,  il  est 
heureux  qu'il  n'y  ait  ni  reptile,  ni  fauve,  ni  animal  malfaisant.  Les 
oiseaux,  bien  qu'au  nombre  de  107  espèces,  sont  rares  et  chantent 
peu.  Mais  il  en  est  un  spécial  à  la  Galédonie,  comme  l'aptérix  ou 
kiwi  est  spécial  à  la  Nouvelle-Zélande.  Cet  oiseau  particulier,  c'est  le 
kagou  (•).  Il  a  des  ailes,  mais  ne  vole  pas.  Quand  il  est  poursuivi,  il 

(')  Cballainel,  éditeur.  Paris. 
\})  Bhynocheroë  jubattw. 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  111 

cache  sa  tête  sous  son  aile  et  se  croit  invisible  ;  il  se  nourrit  de  vers. 
C'est  le  jardinier  du  pays. 

On  mammifère,  ta  roussette,  ou  renard  volant  on  vampire,*  est  une 
grande  chauve-souris  frugivore,  inoffensive  et  bonne  à  manger. 

Comme  gibier,  le  nolou  et  le  dago  sont  de  gros  pigeons  ;  la  tourterelle 
verte»  1»  caille  des  colons  et  les  canards  sauvages  sont  assez  abondants. 
Les  cerfs  ont  été  importés  d'Europe  dans  les  environs  de  Nouméa  et  se 
développent  rapidement  On  a  aussi  introduit  des  lièvres  à  Canala. 

Parmi  les  insectes,  il  n'y  a  qu'un  petit  scorpion  gris,  le  cent-pieds  et 
une  araignée  qui  soient  nuisibles.  Les  moustiques  sont  plus  gênants 
que  dangereux,  ainsi  que  les  cancrelats.  Les  serpents  du  bord  de  mer 
sont  inoffensifs.  On  trouve  aux  Loyal ty  un  crabe  dont  les  pinces  sont 
assez  fortes  pour  ouvrir  une  noix  de  coco.  J'en  avais  enfermé  dans  ma 
malle;  ils  ont  rongé  les  planches  et  se  sont  échappés  en  une  nuit. 

Enfin,  dans  la  mer  ou  a  à  redouter  plusieurs  espèces  de  poissons 
nuisibles  ou  voraces,  surtout  le  requin.  En  janvier  dernier,  un  superbe 
terre-neuve  qui  se  baignait,  a  été  dévoré  dans  le  port  même  de  Xouméa. 

Le  lamantin  est  au  contraire  un  animal  iuoffensif  comme  le  phoque 
et  dont  la  chair  est  bonne  à  manger.  11  se  nourrit  d'herbes  marines  et 
n'a  ni  dents,  ni  défenses. 

Le  dngong  porte  au  contraire  deux  défenses  à  sa  mâchoire  supé- 
rieure. 

Telle  est  sommairement  la  vie  végétale  et  animale  de  notre  colonie. 

Maintenant  que  nous  connaissons  l'aspect  du  pays,  voyons  quelle  est 
sa  population.  Nous  la  distinguerons  en  population  blanche  et  en  po- 
pulation noire. 

La  population  civile  est  de  3,200  personnes  seulement.  Les  familles 
de  fonctionnaires,  d'officiers  et  agents  donnent  un  total  de  1,240  per- 
sonnes. 11  faut  y  ajouter  2,200  hommes  de  troupes  et  10,000  condamnés. 
Le  total  est  donc  de  16,640  personnes. 

La  population  civile  de  3,200  personnes  ne  s'accroît  que  de  200  per- 
sonnes par  an.  Il  faudrait  deux  siècles  pour  porter  la  population  à 
40,000  habitants.  Aussi  ne  saurait-on  trop  encourager  les  compagnies 
qui  demandent  à  apporter  des  milliers  de  bras  libres  et  des  millions 
de  capital  en  échange  de  milliers  d'hectares.  Là  est  le  salut  pour  la 
colonie,  car  il  n'y  a  pas  d'immigration  volontaire. 

Chaque  colonie  australienne,  sauf  Victoria,  dépense  par  an  2,500,000 
francs  pour  amener  des  recrues  valides.  Il  en  arrive  par  an  une  tren- 
laine  de  mille.  La  Calédonie  n'a  jamais  su  préparer  à  l'avance  des  terres 
pour  recevoir  les  immigrants.  Elle  n'a  pas  eu  comme  l'Australie  ses 
bandes  défrichantes,  afin  de  mettre  à  la  disposition  des  arrivants  des 


112  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

champs  tout  défrichés  dont  les  colons  payaient  en  produits  le  prix  fixé 
à  tant  par  hectare. 

D'autre  part,  nous  avons  en  France  des  colonies  agricoles  et  indus- 
trielles des  deux  sexes,  des  maisons  de  jeunes  détenus,  des  orphe- 
linats, des  bureaux  de  l'assistance  publique,  d'enfants  trouvés.  Gom- 
ment toutes  ces  œuvres  ne  travaillent-elles  pas  au  même  but  :  Pré- 
parer et  former  des  éléments  d'immigration,  les  aider,  les  protéger, 
les  patronner  et  fonder  ainsi  dans  les  colonies  françaises  d'excellents 
noyaux  de  colonisation  ? 

La  population  noire  est  de  41,023  indigènes,  y  compris  celle  des 
Loyalty,  c'est-à-dire  23,123  sur  la  grande  terre  et  16,520  dans  ce 
dernier  groupe  d'Iles  Les  Néo-Hébridms  sont  au  nombre  de  2,450.  Les 
Malabars,  Chinois,  Africains  au  nombre  de  250,  ce  qui  donne  pour  la 
population  de  couleur  43,730.  La  colonie,  avec  ses  1,600,000  hectares, 
n'a  donc  à  nourrir  pour  le  moment  que  60,000  personnes,  soit,  à  raison 
de  400,000  hectares  cultivables,  1  habitant  par  7  hectares.  En  France, 
il  y  a  près  de  30  habitants  par  7  hectares.  Quand  aurons-nous  un  mil- 
lion d'habitants  en  Calédonie  ? 

Les  déportés  étaient  au  nombre  de  3,000  avec  450  femmes  et  enfants. 
Les  grâces  et  l'amnistie  ont  fait  rentrer  en  France  cet  important  contin- 
gent, et  11  n'est  resté  dans  le  pays  que  quelques  familles  qui  prospèrent. 

Les  condamnés  aux  travaux  forcés  sont  au  nombre  de  7,500  et  les 
forçats  libérés  au  nombre  de  2,500,  et  non  pas  de  200  comme  on  fa 
écrit  récemment.  Les  femmes  condamnées  ne  sont  que  200. 

À  ce  nombre  de  libérés,  il  vient  s'en  ajouter  près  de  600  par  an,  et 
ce  flot  montera  toujours.  Il  en  résulte  une  lutte  entre  l'élément  libre 
et  l'élément  pénal.  Si  la  population  libre  augmentait  comme  en  Aus- 
tralie, il  y  aurait  mélange  et  absorption  des  deux  éléments.  Dans  le 
cas  contraire,  ceci  tuerait  cela.  Il  n'y  a  en  ce  moment  que  700  libérés 
engagés  chez  les  colons  comme  travailleurs  et  300  condamnés.  Il  y  en 
a  donc  2,000  dans  les  asiles,  ou  établis,  ou  à  la  recherche  d'emploi. 
Quel  sera  l'effet  de  l'introduction  des  10,000  récidivistes  dans  ce  mi- 
lieu? La- colonisation  libre  se  développera-t-elle  à  côté  de  la  colonisation 
pénitentiaire  ?  C'est  ce  qu'il  ne  m'appartient  pas  de  préjuger  ;  mais 
c'est  une  grave  question  sur  laquelle  l'attention  de  la  métropole  doit 
être  constamment  portée. 

Pour  le  moment,  tes  condamnés  sont  employés  soit  aux  travaux 
publics,  soit  dans  les  pénitenciers  agricoles.  Ces  établissements  occu- 
pent 19,000  hectares,  et  l'on  vient  de  leur  en  réserver  9,000  de  plus, 
soit  en  tout  28,000  hectares.  Ces  19,000  hectares  sont  exploités  par 
2,000  condamnés  sous  la  direction  d'agronomes  et  d'agents  de  culture 
envoyés  de  France. 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  113 

Le  principal  de  ces  pénitenciers  est  celui  de  Bouratl  qui  comprend 
800  condamnés.  Bon  rail  est  la  vallée  la  plus  fertile  de  tonte  la  Calédo- 
nie.  C'est  là  surtout  qu'on  établit  les  condamnés  snr  les  concessions 
de  (erres.  Le  pénitencier  possède  une  usine  à  sucre  où  les  cannes  sont 
employées  à  fabriquer  du  rhum  principalement. 

Là  aussi  est  le  courent  où  Ton  détient  les  femmes  et  les  filles 
condamnées.  Lorsqu'un  forçat  concessionnaire  veut  se  marier,  il  de- 
mande au  courent  une  femme  qu'il  choisit  parmi  les  pensionnaires  de 
rétablissement.  Si  celle-ci  agrée  la  demande,  un  ménage  Tient  s'a- 
jouter aux  250  ménages  déjà  existants.  Il  y  aurait  là  un  sujet  fécond 
et  réel  d'études  naturalistes  pour  l'auteur  de  Y  Assommoir.  La  morali- 
sation  des  condamnés  des  deux  sexes  ne  semble  pas  résulter  de  ces 
alliances  sur  place.  Le  mari  sait  la  râleur  de  celle  qu'il  épouse,  et 
réponse  la  râleur  de  son  mari.  Ce  que  reul  la  plupart  du  temps  le 
condamné,  c'est,  selon  sa  triste  expression,  une  marmite.  Ce  que  reut 
h  femme,  c'est  la  liberté  relatire.  Ces  mariages  sont  d'ailleurs  trop 
peu  nombreux. 

Pour  le  condamné  mort  civilement,  la  réintégration  dans  sa  famille 
sur  place  est  an  contraire  on  grand  moyen  de  moralisation.  Sa  femme 
et  ses  enfants  qui  riennent  le  rejoindre  sont  pour  lui  un  grand  encou- 
ragement à  bien  faire.  Il  traraille  pour  lui  et  pour  les  siens  et  se  refait 
une  existence  et  un  arenir  pour  ses  enfants* 

Une  ferme  près  de  Nouméa,  appelée  Tahoué,  était  aussi  exploitée 
par  des  condamnés.  Un  très  beau  jardin  produit  plus  de  100,000  oran- 
ges par  an.  Les  orphelinats  y  ont  été  transférés  et  l'établissement  est 
parfaitement  approprié  à  cette  destination. 

On  a  placé  les  libérés  sans  emploi  à  la  presqu'île  Ducos  dans  les 
terrains  abandonnés  par  les  déportés. 

Les  condamnés  impotents  sont  réunis  à  l'Ile  des  Pins  dans  les  an- 
ciennes'concessions  des  déportés. 

Enfin,  le  pénitencier-dépôt,  le  centre  des  condamnés,  est  à  l'Ile  Nou. 
lia  y  sont  au  nombre  de  3,000. 11  y  a  des  ateliers,  des  magasins,  des 
fermes,  des  prisons,  un  superbe  hôpital  entouré  de  jardins  anglais  sur 
sue  plage  verdoyante  où  la  musique  des  forçats  joue  à  l'ombre  de  gi- 
gantesques banians.  C'est  une  idylle  champêtre. 

Si  l'on  y  ajoute  une  population  de  10,000  récidivistes  annuelle- 
ment,  la  Calédonie  sera  bien  étroite  pour  les  contenir.  Il  faudra  donc 
tût  on  tard  occuper  le  groupe  des  Nourelles-Hébrides  situées  dans 
leroisinage  immédiat  de  la  Calédonie.  Ce  roisinage  permettra  de  pro- 
fiter des  installations  déjà  existantes  en  Calédonie  pour  organiser  la 
ooiiTelle  colonie  pénale  des  récidivistes.  On  aura  sous  la  main  une 
administration  pénitentiaire  arec  son  personnel,  ses  bureaux,  ses  ma- 

SOC.  OK  OKOOK.  —  1"  TKIMX3TBK  1883.  8 


114  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

gasins,  ses  vivres,  son  matériel,  ses  bâtiments.  De  là,  économie,  or- 
dre, facilité  d'organisation.  Une  garnison  de  1,800  hommes  de  troupe 
fournit  des  éléments  de  sécnrité.  Les  paquebots  assurent  les  relations 
avec  la  métropole.  Enfln  il  y  a  tout  ayautage  à  choisir  ces  lies  comme 
lieu  de  transportation  des  récidivistes.  La  plupart  des  Nouvelles-Hé- 
brides sont  malsaines;  mais  il  y  en  a  qui  sont  saines,  et  ce  sont  celles-là 
qu'on  occuperait  d'abord.  Des  Français  y  sont  déjà  établis.  11  a  été 
entendu  arec  l'Angleterre  que  celle  des  deux  nations  qui  désirerait 
s'implanter  dans  cet  archipel  préviendrait  l'autre.  C'est  une  simple 
formalité  à  remplir.  D'autre  part,  nous  ne  pouvons  nous  laisser  en- 
glober dans  des  possessions  anglaises,  comme  les  Fidji,  Norfolk  et 
l'Australie,  sans  nous  affranchir  un  peu  les  coudes.  Enfln,  c'est  de  là 
que  nous  tirons  nos  travailleurs  noirs  qu'on  enlève  pour  le  Queenslaud, 
les  Fidji  et  les  Tonga.  Il  y  a  donc  une  grave  raison  coloniale  et  deux 
raisons  d'État  pour  ne  pas  différer  cette  occupation.  C'est  là  la  trouée 
de  fielfort  de  notre  grande  colonie  du  Pacifique. 

Commerce,  industrie,  —  La  Chambre  de  commerce  de  Nouméa  a 
contribué  beaucoup  à  développer  les  relations  de  la  colonie  arec  Té- 
tranger.  Le  mouvement  maritime  est  de  127  navires  jaugeant  42,000 
tonneaux.  Les  importations  en  1881  ont  été  de  plus  de  7  millions  et 
les  exportations,  qui  étaient  en  1880  de  2  millions  750,000  /r.,  sont 
tombées  en  1881  à  1  million  534,000  /r. 

L'industrie  des  mines  va  augmenter  le  chiffre  de  nos  exportations. 
Le  commerce  d'échanges  entre  Nouméa  et  les  autres  ports  de  la  co- 
lonie s'est  élevé  en  1881  à  3,475,000  fr. 

Une  ligne  de  navigation  française  directe  a  été  inaugurée  au  1er  no- 
vembre, et  l'on  réclame  dans  cette  vue  un  bassin  de  carénage  et  des 
ateliers  de  réparations  pour  les  navires  marchands.  Les  navires  de 
guerre  vont  chaque  année  se  réparer  à  Sydney  et  dépensent  plusieurs 
centaines  de  mille  francs  au  profit  des  Australiens.  Si  nous  voulons  que 
Nouméa,  port  françafs,  reste  tête  de  ligne  des  paquebots  français,  il 
faut  créer  sans  retard  le  bassin  de  carénage  depuis  si  longtemps  né- 
cessaire et  agrandir  les  quais  et  appontements. 

Une  ligne  directe  de  steamers  va  fonctionner  entre  la  Gochinchine 
et  la  Calédonie  avec  escales  en  Australie.  Désormais  d'ailleurs,  tout 
navire  à  vapeur  faisant  le  voyage  entre  Nouméa,  Sydney  et  Saigon, 
sera  dégrevé  des  droits  de  phare,  balisage,  ancrage,  etc.  Cette  sage 
mesure  va  mettre  en  relations  la  Nouvelle  -  Calédonie  et  l'Australie 
avec  la  Gochinchine  et  facilitera  entre  ces  pays  l'échange  de  leurs  pro- 
duits. 

Les  industries  coloniales  à  créer  sont  :  une  tannerie,  une  féculerie, 
des  exploitations  do  bois,  de  pierre,  de  charbon.  Mais  les  principales 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  115 

ressources  à  attendre  du  pays  sont  dans  les  mines.  La  Galèdonic  est 
surtout  on  pays  minier. 

Les  principaux  minerais  exploités  sont  le  cuivre,  le  nickel,  l'or,  l'an- 
timoine, le  cobalt  et  le  chrome.  La  houille,  les  pierres  lithographiques, 
tes  pierres  à  bâtir  .et  les  pierres  à  chaux  doivent  compléter  ces  exploi- 
tations. 

Rn  1872,  4  soldats  congédiés  découvrirent  le  gisement  de  cuivre  le 
plus  important  dans  la  vallée  du  Diahot,  près  de  la  montagne  de  Balade. 
Ce  sont  des  sulfures  de  cuivre,  des  oxydes,  des  carbonates,  des  pyrites 
et  du  cuivre  natif.  Le  rendement  est  d'environ  30  p.  100.  Le  bloc  ex- 
ploité peut  donner  75,000  tonnes  de  cuivre.,  et  l'extraction  va  jusqu'à 
600  tonnes  par  mois,  i  250  fr.  la  tonne. 

La  principale  mine  de  cuivre  dont  le  produit  brut  annuel  peut 
atteindre  environ  1 ,800,000  francs,  est  mise  en  exploitation  avec  des 
capitaux  australiens.  Nous  sommes  en  pays  français;  la  mine  a  été  dé- 
couverte par  des  Français,  concédée  par  l'Administration  française.  Elle 
est  travaillée  par  des  condamnés  français  sous  la  surveillance  d'agents 
français;  mais  elle  est  possédée  par  un  capitaliste  australien,  naguère 
premier  ministre  de  la  colonie  anglaise  de  l'Australie  méridionale  ! 

La  première  mine  d'or,  celle  de  Manguine  ou  de  Fernbill,  consiste 
en  roches  quartseuses  et  schistes  ardoisiers.  Le  rendement  le  plus 
élevé  est  de  10  i  15  onces  par  tonne,  c'est-à-dire  d'environ  1,000  fr. 
par  tonne.  In  trois  ans,  cette  mine  a  donné  4,700  onces  d'or  valant 
450,000  fr.  ;  mais  les  frais  d'exploitation  étant  de  700,000  fr.,  on  arrêta 
les  travaux.  11  est  vrai  qu'il  existe  sur  place  une  machine  à  12  pilons 
pouvant  broyer  50  tonnes  de  quarts  par  jour.  Aussi  les  travaux  vont 
être  repris  par  la  compagnie. 

Il  y  a  encore  des  concessions  aurifères  sur  la  côte  Est,  à  Galarino, 
près  d'Oubatche.  C'est  près  de  là  que  16  soldats  d'infanterie  de  ma- 
rine, en  1866,  résistèrent  pendant  40  heures  à  1,200  Canaques  qui 
les  entouraient  en  brûlant  les  herbes  autour  d'eux.  Ces  hommes,  sans 
vivres,  sans  eau,  ne  purent  se  soutenir  qu'en  buvant  leur  urine  chaude. 
Une  balle  tua  le  chef  des  Canaques  qui  se  retirèrent  à  la  nuit. 

C'est  à  Galarino,  Ouanop  et  Paniê,  que  l'on  trouve  l'or  dans  l'allu- 
rlon  et  le  quarts.  5  filons  ont  été  découverts,  dont  3  stériles  et  2  riches. 
Les  concessionnaires  n'ont  même  pas  les  fonds  nécessaires  pour 
acheter  des  outils.  Ce  sont  ces  intéressants  et  persévérants  mineurs 
qu'il  s'agirait  d'aider  et  d'encourager,  dans  l'intérêt  même  de  la  co- 
lonie. 

Le  docteur  Clarke,  le  P.  Montrouzier,  les  iogénieurs  Garnier,  Heur- 
teaa  et  Ratte  ont  déclaré  que  ce  littoral  nord-est  était  aurifère  ;  et  les 
preuves  en  sont  aujourd'hui  à  nu.  Mais  ces  précieuses  découvertes 


116  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

menacent  d'échapper  encore  au  pauvre  mineur  français,  si  le  capita- 
liste ne  l'aide  pas. 

Dans  cette  partie  de  la  Calédonie,  les  micaschistes,  les  quartz  cris- 
tallisés, les  curages  de  sulfure  de  fer,  les  pyrites  de  cuivre,  l'amphi- 
bole, brillent  au  milieu  de  la  verdure,  au  fond  des  rivières,  sur  le  bord 
des  ruisseaux.  Le  soleil  et  l'eau  font  scintiller  le  sol,  et  s'il  est  vrai 
que  tout  ce  qui  reluit  n'est  pas  or,  c'est  bien  en  cet  endroit.  Mais,  es 
écartant  ces  mirages  trompeurs,  ces  illusions  décevantes,  il  faut  se 
rendre  à  l'évidence,  et  quand  For  brille  dans  la  cuvette  où  l'on  a  lav6 
soi-même  sur  place  une  pelletée  de  terre,  il  faut  bien  partager  la  foi 
des  ingénieurs  et  des  mineurs. 

Une  industrie  qui  reste  française  et  doit  devenir  nationale,  c'est 
celle  du  nickel,  qu'on  devrait  appeler  le  métal  français. 

En  Allemagne  et  ailleurs,  on  ne  trouve  que  des  arséniures  ou  des 
sulfures  de  nickel  ou  du  nickel  allié  au  cobalt,  d'où  son  nom  de 
nickel-kobaU  qui  frappait  les  mineurs  d'une  superstitieuse  terreur. 

En  Calédonie,  ce  sont  des  silicates  de  nickel  donnant  de  10  à  35 
p.  100;  c'est  un  métal  inoxydable  et  ductile  comme  l'argent,  dur 
comme  le  fer  et  magnétique  comme  lui.  Ce  sont  ses  alliages  avec  le 
zinc  et  le  cuivre  qu'on  appelait  argentan  et  maillecbort  et  avec  les- 
quels on  faisait  des  couverts. 

Eh  bien,  les  mines  de  nickel  d'une  seule  société  couvrent  en  Nou- 
velle-Calédonie 4,000  hectares  et  sont  réparties  dans  trois  centres 
principaux  :  Canala,  Houaïlou  et  Thio.  Le  minerai  est  fondu  à  Nouméa 
dans  les  hauts-fourneaux  dirigés  par  un  ingénieur.  On  y  produit  de  la 
fonte  de  nickel  sans  soufre  à  70  p.  100  à  raison  de  4,000  à  5,000  kilogr. 
par  jour.  Ces  fontes  sont  affinées  près  Marseille  dans  l'usine  de  la 
compagnie  qui  livre  du  nickel  à  8  fr.  le  kilogramme,  au  lieu  de  40  fr., 
ancien  prix. 

Ce  métal  est  indispensable  aujourd'hui  à  l'horlogerie,  à  la  coutel- 
lerie, aux  articles  de  Paris,  à  l'orfèvrerie,  etc.,  etc.  Birmingham  et 
Sheffield  seuls  fabriquent  par  an  5  millions  de  douzaines  de  couverts 
en'métal  blanc. 

Plusieurs  grands  États  ont  déjà  remplacé  leur  monnaie  de  cuivre  par 
le  nickel.  Ces  États  n'avaient  pas  de  mines  de  nickel  sur  leur  terri- 
toire ;  la  France,  qui  en  possède,  se  décidera-t-elle  enfin  à  adopter 
cette  monnaie?  Dès  lors,  l'industrie  du  nickel  sera  vraiment  une  indus- 
trie nationale.  Marseille  et  Bordeaux  sont  les  points  sur  lesquels  s'ex- 
pédient en  ce  moment  les  nickels  de  Calédonie. 

V antimoine  est  très  abondant  et  de  qualité  supérieure.  H  sert  pour 
la  fonte  des  caractères  d'imprimerie  et  pour  la  thérapeutique.  Son  ex- 
traction est  très  facile. 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  117 

Le  chrome  nous  Tenait  Jusqu'ici  d'Amérique,  de  Turquie  et  de  Nor- 
vège. Il  en  existe  de  trop  petites  quantités  dans  le  Var  et  l'Aveyron. 
H  est  employé  pour  la  teinture  des  toiles,  des  papiers  peints  sans 
poison,  pour  les  verts  sans  arsénites  serrant  i  peindre  les  fleurs  et 
feuillages.  H  est  exploité  au  pied  des  monts  Dore.  Les  frais  d'extraction 
sont  de  12  fir.  par  tonne  rendue  sur  le  bord  de  la  mer,  50  fr.  de  fret 
ordinaire,  ce  qui  est  un  maximum,  et  la  tonne  se  Tendra  100  fr.,  ce 
qui  laisse  un  beau  bénéfice.  Aussi  les  compagnies  qui  exploitent,  en 
Calédonîe,  le  chrome  et  le  cobalt  sont-elles  australiennes  et  à  Mel- 
bourne. Depuis  deux  ans,  le  chrome  est  employé,  en  Allemagne  et  en 
Angleterre,  an  tannage  des  peaux.  Ce  nouveau  procédé  est  appelé  à 
faire  une  révolution  dans  l'industrie  du  cuir  i  laquelle  Bordeaux  est 
si  largement  intéressée. 

Le  cobalt  est  d'une  facilité  d'exploitation  exceptionnelle.  Il  se  ré- 
colle sur  le  littoral  sud  de  la  Nouvelle-Calédonie  en  abondance.  Il  sert 
mx  teintures  en  bleu  pour  porcelaine,  émail,  etc. 

Des  gisements  de  houille  ont  été  découverts  en  1854  et  en  1872,  ex* 
pérîmentês  en  1858  ;  les  couches  étaient  irréguliéres  ;  l'eau  se  rencon- 
trait très  vite,  la  consommation  était  minime.  Le  charbon  d'Australie 
est  très  bon  marché.  Pour  ces  motifs»  on  n'a  pas  exploité  ces  gisements; 
mais  on  s'occupe  de  commencer  des  travaux  qui  en  feront  ressortir 
l'importance.  Les  hauts-fourneaux  qui  existent  à  Nouméa,  les  grands 
paquebots,  les  usines  y  trouveraient  les  ressources  en  combustible  qui 
leur  sont  indispensables. 

Nous  ne  parlerons  pas  des  marbres,  des  serpentines,  des  Jades,  des 
ardoises.  Nous  nous  bornerons  à  citer  les  pierres  lithographiques  de 
la  presqu'île  Ducos.  Elles  sont  exemptes  de  quartz,  de  vermicelles,  et 
se  présentent  en  liteaux  par  plaques  de  tm,20  de  long.  Elles  sont  si- 
teées  sur  le  bord  de  la  mer.  Les  grandes  plaques  de  la  Saxe  faisant 
maintenant  début,  notre  colonie  peut  encore,  sous  ce  rapport,  satis- 
faire aux  besoins  de  l'industrie  nationale. 

Tel  est  l'ensemble  des  richesses  minières  de  notre  colonie.  Elles 
sont  assez  importantes  pour  attirer  l'attention  des  capitalistes  français 
à  une  époque  où  l'argent  est  abondant  et  ù  bas  prix. 

(A  »uivre.) 


LA  SITUATION  AU  CONGO 


Au  moment  où  les  journaux  annoncent  le  départ  de  M.  de  Brazza 
pour  les  rives  de  l'Ogowé  et  du  Congo,  il  n'est  peut-être  pas  inutile 
d'indiquer  brièvement  les  difficultés  qu'il  ra  rencontrer. 

Une  première  question  se  pose  :  les  retards  apportés  au  départ  de 
l'expédition  ne  seront-ils  pas  préjudiciables  aux  intérêts  français  ?  H.  de 
de  Brazza  a,  il  est  vrai,  envoyé  en  avant  un  ingénieur,  M.  de  Lastours, 
qui  a  fait,  avec  notre  énergique  compatriote,  M.  Guyot,  partie  de  l'ex- 
ploration Paiva  d'Andrada  dans  la  Zambésie  ;  mais  pendant  que  M.  de 
Brazza  était  retenu  en  France  par  les  préparatifs  d'une  expédition  qui, 
selon  toute  vraisemblance,  ne  doit  pas  durer  moins  de  deux  ans,  Stanley, 
qui  s'est  posé  en  rival  de  notre  vaillant  compatriote,  a  pu  asseoir  son 
influence  sur  les  rives  du  Congo  et  pousser  loin  ses  reconnaissances. 

De  son  côté,  l'Association  internationale  belge-africaine  n'est  pas 
restée  inactive.  Outre  les  stations  de  Vivi,  d'Isangliila,  de  Manyanga, 
elle  vient  de  fonder  celles  de  Léopoldville  (îttamo)  et  d'Ibaka  au  con- 
fluent du  Cuango.  Le  comité  belge  des  études  du,  Haut-Congo  déclare 
que  «  le  vapeur  En  avant,  battant  pavillon  belge,  s'est  déjà  avancé  à 
«  400  kilomètres  sur  le  haut  fleuve  et  qu'il  a  exploré  plusieurs  affluents 
«  des  deux  rives  ».  «  Le  long  du  fleuve,  ajoute  le  Précurseur  d'Anvers, 

•  *nous  rencontrons  partout  des  compatriotes.  A  Emboma  et  à  Noki 
«  sur  l'embouchure  du  Congo,  nous  trouvons  M.  Gillis  dirigeant,  avec 
«  plusieurs  autres  nationaux,  deux  comptoirs  belges.  Le  Héron,  la 

•  Belgique  et  Y  Espérance  sillonnent  le  fleuve  en  tous  sens.  Entre 
«  Isanghila  et  Manyanga  le  service  est  assuré  par  le  Royal.  A  Stanley- 
«  Pool,  Léopoldville  nous  rappelle  notre  patrie  et  à  160  kilomètres 

•  plus  loin,  à  Ibaka,  au  confluent  du  Cuango,  une  nouvelle  station 
«  belge  répand  autour  d'elle  les  bienfaits  d'une  civilisation  pacifique. 
«  Nous  pouvons  donc  dès  ce  jour  nous  avancer  d'un  pas  sûr  jusqu'à 
«  700  kilomètres  dans  l'intérieur  du  pays,  tout  en  possédant  des  com- 
«  munications  régulières  avec  la  côte.  » 

De  là  il  résulte  que  le  caractère  international  de  l'Association  est 
une  pure  fiction  et  que  le  but  à  peine  dissimulé  qu'elle  poursuit  est 
l'occupation  et  la  prise  de  possession  des  rives  du  Congo.  On  nous 
dit  bien  que  le  roi  des  Belges,  ému  des  réclamations  de  la  presse  fran- 
çaise, vient  d'envoyer  des  instructions  plus  conciliantes  à  Stanley  et 
de  l'engager  à  s'entendre  avec  M.  de  Brazza  au  lieu  de  lui  susciter  des 
difficultés;  mais  le  fait  serait-il  confirmé,  celui  qui  a  déclaré  que  le  traité 
signé  avec  le,  roi  Makoko  n'a  aucune  valeur,  obéira-t-ii  aux  ordres 
qu'il  a  reçus? 


LA  SITUATION  AU  CONGO.  119 

D'antre  part,  l'Angleterre,  qui  se  cache  derrière  l'Association  belge- 
africaine,  a  demandé  an  gouvernement  français  de  lui  faire  connaître 
les  opérations  de  M.  de  Brazza  dans  le  bassin  dn  Congo.  John  Bull,  qui 
se  montre  si  peu  respectueux  de  nos  droits  en  Egypte  et  à  Madagascar, 
n'a,  ce  semble,  rien  à  tout  dans  la  question  de  l'ouest  africain.  Le  ca- 
binet de  Londres  a  cependant  trouTé  moyen  d'intervenir  au  moins  di- 
plomatiquement. Depuis  1846,  il  se  refuse  à  reconnaître  aux  Portugais 
la  possession  de  certains  points  an  nord  d'Angola,  notamment  de  ftlo- 
lembo  et  de  Cabinda.  Si,  jusqu'à  ce  Jour,  malgré  les  traités  de  1810  et 
de  1815,  l'Angleterre  conteste  les  droits  de  la  couronne  de  Portugal  sur 
quelques  ports  voisins  dn  grand  fleuve,  c'est  sans  doute  parce  qu'elle 
songe  à  se  substituer  dans  un  prochain  avenir  à  l'Association  interna- 
tiomie  belge-africaine.  Avouons  toutefois  que  le  gouvernement  anglais, 
revenu  à  des  vues  plus  conciliantes,  semble  maintenant  hésiter  devant 
ks  protestations  du  gouvernement  portugais  :  aussi  le  roi  don  Luis  a  pu 
annoncer  dans  le  discours  du  trône,  prononcé  an  commencement  de 
Janvier  1883,  qu'une  convention  allait  être  signée  entre  les  cabinets 
de  Saint-James  et  de  Lisbonne  et  que  les  droits  du  Portugal  y  seraient 
enfla  reconnus  par  la  Grande-Bretagne. 

D'un  autre  côté,  les  journaux  de  Lisbonne  et  d'Oporfo  s'étaient  émus 
en  apprenant  la  conclusion  du  traité  entre  le  roi  Makoko  et  M.  de  Brazza, 
traité  qui  nous  cède  le  territoire  s'étendant  entre  les  rivières  Djne  et 
Impila;  mais  quand,  à  la  suite  de  négociations  conduites  avec  beaucoup 
de  tact  et  d'habileté,  M.  F.  D'Azevedo  eut  obtenu  du  ministre  des  affaires 
étrangères  de  France  l'assurance  que  la  création  de  nos  établissements 
sur  les  rives  du  Congo  ne  gênerait  en  rien  les  stations  que  le  Portugal 
possède  dans  ces  contrées;  quand  M.  X.  Blanc,  rapporteur  du  projet 
Brma,  eut  déclaré  au  Sénat  «  que  notre  établissement  dans  le  voisi- 
nage de  la  colonie  portugaise  ne  peut  que  resserrer  les  liens  d'amitié 
qoi  nous  unissent  à  ce  vaillant  petit  peuple  et  auxquels  la  France  at- 
tache le  plus  grand  prix  »,  la  presse  portugaise  se  calma  et  fut  unanime 
à  looer  la  générosité  de  notre  procédé.  Un  accord  est  intervenu  :  nous 
reconnaissons  aux  Portugais  la  possession  de  la  rire  gauche  du  Congo 
et,  sur  la  rive  droite,  ils  nous  laissent  nous  étendre  tout  à  notre  aise 
à  compter  du  5°  12'  de  latitude  sud. 

Sons  pouvons  donc  en  toute  sécurité  nous  établir  au  milieu  de  cette 
fertile  contrée,  riche  en  ivoire,  en  caoutchouc,  en  fer  et  en  cuivre,  et 
pour  ouvrir  à  la  France  une  voie  féconde  pour  son  commerce  et  son 
iafloenee  au  milieu  de  populations  en  général  bienveillantes  et  que 
l'islamisme  n'a  point  fanatisées,  il  suffit  de  poursuivre  avec  persévé- 
rance l'œnvre  si  bien  commencée  par  M  de  Brazza.  E.  Gftxuf. 


7"  MISCELLANÉES 


L'ÎLE    DE    CAP-BRETON 

Par  M.  John-George  BOURINOT,  d'Ottawa  (*). 


...  Le  nom  de  l'Ile  dont  je  veux  parler  vous  est  certainement  fami- 
lier, et  tous  savez  tons  quel  rôle  important  Cap-Breton  a  jonè  dans  les 
premiers  temps  de  l'histoire  du  continent  nord-américain;  cependant 
on  peut  dire  qne  sa  configuration  naturelle  est  encore  à  peu  près 
inconnue  de  la  plupart  des  habitants  du  Tieux  Canada.  Du  temps  de  la 
domination  française,  la  possession  de  Cap-Breton  était  déjà  considérée 
comme  indispensable  à  l'accomplissement  du  grand  projet  qu'avait  la 
France  d'occuper  tout  ce  continent  Louisbourg  fut  pendant  des  années 
une  menace  pour  l'Angleterre,  et  promettait  de  devenir  à  l'occasion 
une  Tille  de  grande  importance  au  point  de  vue  commercial  et  natio- 
nal. Mais  quand  les  Français  eurent  abandonné  le  Canada,  l'herbe 
envahit  les  remparts  démantelés  de  Louisbourg  et  la  chaloupe  du 
pécheur  fut  seule  à  sillonner  les  eaux  de  ce  noble  port  où  \*  fleur  de 
lys  (*)  flottait  à  la  poupe  de  mainte  vaillante  frégate,  dans  ces  jours 
mémorables  du  siècle  dernier  où  une  cité  orgueilleuse  surveillait  le 
vaste  Atlantique.  Du  jour  où  Wolf  et  Boscawen  devinrent  maîtres  de 
cette  forteresse,  l'oubli  se  Ht  autour  de  Cap-Breton,  tandis  que  Québec 
ne  cessa  de  jouer  un  rôle  important  dans  les  destinées  du  Canada.  Le 
touriste  à  la  recherche  du  pittoresque,  l'historien  désireux  d'exhumer 
des  souvenirs  du  passé  y  sont  toujours  accourus  en  foule.  Les  hommes 
d'État,  réunis  en  assemblée,  y  ont  fondé  le  système  libérai  du  gouver- 
nement représentatif  dont  nous  jouissons.  Le  commerce  y  est  devenu 
florissant  et  les  navires  de  toutes  les  nations  ont  sillonné  les  eaux  du 
noble  fleuve  qui  porte  à  l'Océan  les  tributs  de  l'Occident.  Mais  pour 
Louisbourg,  depuis  un  siècle  et  plus,  il  n'y  a  eu  qu'abandon  et  désola- 
tion. L'histoire  de  Cap-Breton  est  celle  d'un  État  paisible,  à  peine  trou- 
blé par  d'insignifiants  conflits,  qui  n'ont  pas  eu  d'influence  sur  le  sys- 
tème politique  du  reste  de  l'Amérique  anglaise. 

Comme  l'Ile  de  Vancouver  garde  à  l'ouest  les  approches  de  la  côte 
du  Pacifique  du  Canada,  de  même  l'Ile  de  Cap-Breton  est  placée  sur  la 


(>)  Note  lue  &  la  Société  de  géographie  de  Québec,  le  11  avril  1831. 
(*)  Cet  mots  sont  en  français  d.ms  le  texte. 


l'île  de  cap-breton.  121 

rire  orientale,  comme  une  sentinelle  à  rentrée  do  golfe  de  Saint-Lau- 
rent Gea  deux  lies  doivent  nécessairement,  par  suite  de  leur  situation, 
exercer  une  grande  influence  sur  l'avenir  commercial  et  national  de 
cette  partie  de  l'empire  britannique,  mais  Cap-Breton  est  de  beaucoup 
la  plus  importante  comme  superficie,  population  et  ressources.  En  jetant 
les  yeux  sur  une  carte,  tous  voyez  que  cette  lie,  d'une  forme  irrégu- 
lière, est  située  entre  les  parallèles  de  45°  27'  et  47°  3'  nord,  et  les 
méridiens  de  59*47'  et  61°32'  ouest  (');  elle  est  baignée  au  N.-E.  et  au 
S.-S.  par  l'océan  Atlantique,  au  S.-O.  par  la  baie  de  Georges  et  le  golfe 
de  Ganseau  et  au  N.-O.  par  le  golfe  de  Saint-Laurent.  Sa  longueur  totale 
dn  nord  au  sud  est  d'environ  110  milles,  et  sa  largeur  de  l'est  à  l'ouest 
est  de  87  milles.  Le  golfe  de  Ganseau,  ou  de  Fronsac,  nom  qu'il  portait 
quand  l'Acadie  était  une  colonie  française,  sépare  l'Ile  de  la  péninsule 
de  Souvelle-Écosse;  il  est  navigable  pour  les  plus  forts  navires,  sa  lar- 
geur moyenne  est  d'environ  1  mille. 

L'Ile  est  partagée  naturellement  en  deux  grandes  divisions  par  le  lac 
Bras-d'Or,  sur  lequel  nous  reviendrons  tout  à  l'heure.  Ces  deux  grandes 
divisions  se  distinguent  aussi  par  des  traits  spéciaux  qui  donnent  à 
chacune  d'elles  son  caractère  distinctif.  La  portion  occidentale  s'étend 
do  cap  Saint-Laurent  à  Saint-Péter's  au  sud  ;  elle  est  remarquable  par 
ses  chaînes  de  montagnes  et  ses  sites  accidentés.  Toutes  les  hautes 
terres,  dans  cette  partie  de  l'Ile,  consistent  en  syénite,  gneiss,  schiste 
micacé  et  autres  roches  anciennes  métamorphiques,  à  l'exception  de 
l'extrémité  méridionale  de  la  chaîne  qui  va  du  golfe  de  Ganseau  à  la 
vallée  de  la  Riviére-des-Habitants.  Les  vallées  et  en  général  lebas  pays 
compris  entre  les  montagnes  sont  formés  de  grès,  de  schiste,  de  calcaire 
ei  de  gypse  du  système  carbonifère  inférieur.  On  trouve  des  lits  de 
terrain  carbonifère  entre  Margarie  et  Port-Hood  et  entre  le  golfe 
de  Canseau  et  Saint-Péter's;  mais  en  ce  dernier  point,  il  semble 
avoir  peu  de  valeur.  11  y  a  quelques  ports  importants  dans  cette 
portion  de  l'Ile,  savoir:  Port-Hood,  Port-Hawkesbury  et  Arichat,  sur  la 
côte  occidentale,  qui  sont  navigables;  sur  la  côte  orientale  se  trouve 
celai  de  Sainte-Anne  et  Inganish,  la  grande  entrée  du  Bras-d'Or.  L'as* 
pect  de  la  contrée  autour  de  Sainte-Anne  et  de  luganisb  est  particuliè- 
rement grandiose  :  on  n'aperçoit  de  tous  côtés  que  précipices,  gorges 
et  ravios.  En  maints  endroits  de  la  côte,  jusqu'au  cap  Nord,  des  rochers 
abrupts  se  dressent  verticalement  au-dessus  de  la  mer  à  des  hauteurs 
variant  de  600  à  1,200  pieds. 

La  partie  orientale  de  l'Ile,  qui  est  baignée  par  le  Bras-d'Or  et  l'océan 
Atlantique,  est  remarquable  par  ses  précieuses  minos  de  charbon  et  les 

*)&>?  et  G>i2'  ouest  du  méridien  de  Pari». 


122  MISCELLANÉES. 

beaux  ports  de  Sydney  et  de  Louisbourg.  Elle  ne  renferme  que  deax 
chaînes  de  montagnes  d'une  grande  hauteur,  forméas  de  syénite,  de 
granit  et  de  roches  métamorphiques.  L'altitude  des  côtes  ne  dépasse 
nulle  part  300  pieds,  si  ce  n'est  près  de  Gabarus-Bay.  Les  collines  du 
rivage  se  composent  surtout  de  roches  dévoniennes  et  siluriennes 
supérieures  métamorphiques;  le  bas  pays  de  l'intérieur  ne  renferme  que 
des  grès,  des  schistes  et  da  calcaire  carbonifère.  Au  large  des  côtes  qui 
regardent  l'Atlantique  et  dans  la  direction  du  sud-est,  se  voit  l'Ile  de 
Scatari,  dont  les  plages  sont  semées  de  débris  de  navires  naufragés. 
Ses  rivages  se  composent  alternativement  de  falaises  rocheuses  et 
d'anses  de  sable  ou  de  galets  gardées  par  des  récifs  ou  des  étangs  fer- 
més. On  Toit  dans  les  criques  quelques  hameaux  de  pécheurs,  habités 
pendant  Télé  par  les  riverains  des  pays  environnants,  mais  jamais  plus 
de  huit  ou  dix  familles  ne  passent  l'hiver  sur  cet  ilôt  désert,  contre 
lequel  les  vagues  de  l'Atlantique  déferlent  sans  relâche.  Quelques-unes 
des  baies  de  la  partie  orientale  de  Cap-Breton,  celle  de  Gabarus  en  par- 
ticulier, possèdent  de  superbes  plages  du  sable  le  plus  fin,  sur  lesquelles 
le  ressac,  avec  ses  volutes  furieuses,  donne  lieu  quelquefois  à  un  spec- 
tacle dune  sublime  grandeur.  La  superficie  totale  de  l'ile  de  Cap-Bre- 
ton est  évaluée  par  les  meilleurs  auteurs  à  2,650,000  acres  ('),  non 
compris  le  lac  Bras-d'Or.La  moitié  de  cette  surface  est  propre  à  la  cul- 
ture, le  sol  le  plus  riche  se  rencontre  sur  les  terres  d'allovions  arro- 
sées par  les  cours  d'eau  les  plus  larges.  Toutes  les  variétés  d'arbres 
propres  à  ces  latitudes  croissent  dans  l'ile,  et  les  espèces  d'an  beau  port 
sont  les  plus  nombreuses;  cependant,  près  des  côtes,  la  végétation  est 
rabougrie  et  l'on  n'y  trouve  actuellement  que  bien  peu  de  bois  d'œn- 
vre  ;  les  pommiers,  pruniers,  poiriers  et  autres  arbres  fruitiers  rusti- 
ques fleurissent  bien  dans  les  bonnes  expositions,  et  les  céréales  y 
viennent  sans  difficulté.  Mais  c'est  surtout  à  ses  dépôts  de  charbon  que 
Cap-Breton  doit  la  majeure  partie  de  sa  prospérité.  Les  roches  carboni- 
fères couvrent  à  peu  près  la  moitié  de  la  surface  de  l'Ile  ;  le  reste,  autant 
qu'on  peut  le  savoir,  se  compose  de  roches  ignées,  métamorphiques  et 
siluriennes.  Le  gisement  de  bouille  de  Sydney  est  de  beaucoup  le  plus 
étendu;  il  occupe  une  portion  notable  de  la  superficie  de  l'ile  entière. 
11  s'étend  de  Mira-Bay  à  l'est  jusqu'au  cap  Dauphin  à  l'ouest,  sur  une 
longueur  de  31  milles  ;  il  est  limité  au  nord  par  la  côte  et  au  sud  par  la 
la  formation  appelée  Millslone-Grit  (').  Cette  région,  d'environ  200  mil- 
les carrés,  est  profondément  découpée  par  plusieurs  baies  et  ports,  où 
l'on  voit  de  belles  sections  du  sol  sur  les  parois  des  falaises  qui,  sauf 


(M  L'acre  vaut  0,404671  hectare,  ce  qui  fait  pour  la  surface  de  l'île  :  1,072,378  hec- 
tares. 
(*,  Pierre  maulttrp. 


l'île  de  cap-breton.  123 

quelques  plages  de  sable,  bordent  toute  la  côte,  de  Mira-Bay  au  cap 
Dauphin.  L'épaisseur  totale  du  banc  de  houille  de  Sydney  n'est  pas 
connue  arec  certitude;  cependant,  un  observateur  consciencieux,  un 
praticien  et  un  savant,  M.  Brown,  depuis  de  longues  années  membre  de 
la  Mining  Association,  dit  à  ce  sujet  que,  de  Burnt-Head  près  Glace- 
Bay,  où  se  trouve  le  banc  le  plus  haut,  jusqu'au  Millstone-Grit,  son 
épaisseur  n'est  pas  de  beaucoup  inférieure  à  1,000  pieds. 

Aucune  partie  du  Dominion  du  Canada  n'offre  des  scènes  plus 
variées  en  beautés  naturelles,  atteignant  parfois  une  véritable  gran- 
deur, que  celte  lie,  avec  ses  montagnes  imposantes  et  ses  précipices, 
ses  vallées  riantes  et  ses  côtes  rocheuses,  ses  ports  magnifiques  où 
tous  les  navires  du  monde  peuvent  jeter  l'ancre  en  sûreté,  ses  rivières 
calmes  et  ses  baies  balayées  par  les  tempêtes,  dans  lesquelles  le  vaste 
Océan  déploie  sans  obstacle  des  vagues  venues  des  rivages  des  autres 
continents.  Le  vaste  plateau  qui  s'étend  de  Margarie  et  Sainte-Anne  au 
cap  Saint-Laurent,  pointe  extrême  nord  de  File,  s'élève  sur  plusieurs 
points  i  1,000  et  1,500  pieds  au-dessus  de  la  mer;  il  est  bordé  de  falai- 
ses et  de  précipices  formant  un  magnifique  panorama  de  rivage  ma- 
ritime. 

De  nombreuses  rivières  parcourent  l'Île:  la  partie  occidentale  est 
arrosée  par  celles  de  Margarie,  Bedcquc,  Mabou,  Wagamatcook,  Inba- 
bitants  et  Denys;  tandis  que  celles  de  Sydney  ou  Spanish,  Mira  et  la 
Grande-Rivière  se  jettent  à  l'Océan  dans  la  partie  orientale.  De  tous  ces 
cours  d'eau,  celui  de  Spanish-River  (')  est  de  beaucoup  le  plus  impor- 
tant, car  il  arrose  la  partie  fertile  du  comté  principal  et  se  jette  à  la 
mer  dans  le  havre  de  Sydney,  qui,  au  point  de  vue  de  l'étendue  et  de 
la  sécurité,  n'a  pas  de  supérieurs,  sinon  d'égaux,  parmi  les  superbes 
ports  de  ce  continent. 

Les  lacs  d'eau  douce  abondent,  le  plus  grand  est  celui  d'Ainslie;  il 
couvre  un  espace  de  25  milles  carrés  et  forme  la  source  de  la  branche 
méridionale  de  Ja  rivière  Margarie.  Mais  le  trait  saillant  de  la  configu- 
ration naturelle  de  l'Ile  est  ce  qu'on  appelle  communément  le  lac  Bras- 
d'or,  qui  est  en  réalité  une  Méditerranée  en  miniature.  Ce  lac,  divisé  en 
deux  parties,  le  grand  et  le  petit  Bras-d'Or,  communique  avec  l'Atlan- 
tique par  deux  détroits  dont  l'un  permet  le  passage  des  plus  grands 
navires;  il  occupe  nne  surface  de  450  milles  carrés  au  centre  même 
de  file,  il  reçoit  plusieurs  cours  d'eau  et  en  certains  endroits  ren- 
ferme des  Ilots  pittoresques.  L'un  d'eux,  assez  grand,  a  reçu;  le  nom 
dn  marquis  de  la  Boularderie;  il  est  situé  à  l'entrée,  et  c'est  d'un  côté 
ou  de  l'autre  que  passent  indifféremment  les  navires  en  pénétrant  dans 


')  Rivière  etpa^nolr*. 


124  MISCELLANÊES. 

cette  magnifique  mer  intérieure,  grâce  à  laquelle  les  habitants  de  Gap* 
Breton  trouvent  pour  le  commerce  des  facilités  introuvables  ailleurs. 

Les  lacs  Bras-d'Or  occupent  des  bassins  profonds  qui  sont  creusés 
dans  des  strates  tendres  de  terrain  carbonifère,  environnées  de  monta- 
gnes de  syénite  et  autres  roches  présiluriennes,  flanquées  çà  et  là  de 
sédiments  plus  récents.  Us  communiquent  l'un  avec  l'autre  par  le 
détroit  de  Barra,  plus  connu  sous  le  nom  de  Grand-Narrows,  et  débou- 
chent dans  la  mer  à  Saint-Pierre,  sur  la  côte  sud,  par  un  beau  canal 
navigable,  creusé  à  la  grande  satisfaction  des  habitants,  qui  en  récla- 
maient-déjà  l'exécution  bien  longtemps  avant  la  Confédération.  La  pro- 
fondeur maximum  du  petit  Bras-d'Or  est  de  54  brasses  ('):  celle  du 
grand,  46  brasses.  La  plus  grande  longueur  du  grand  Bras-d'Or  est  de 
44  milles;  sa  largeur,  de  Portage-Creek  à  Soldier-Gove,  21  milles. 

Tour  la  variété  et  la  beauté  du  paysage,  l'Amérique  anglaise  ne  pos- 
sède rien  qui  surpasse  cette  mer  intérieure.  L'étranger  qui  veut  tra- 
verser 111e  par  la  route  la  plus  belle  doit  se  lancer  sur  le  petit  Bras-d'Or, 
dont  le  peu  de  largeur  en  certains  endroits  le  fait  ressembler  à  un 
fleuve  superbe. 

Ce  ne  sont  que  délicieuses  surprises  :  quand  vous  vous  croyez  com- 
plètement enfermé  dans  les  terres,  s'ouvre  tout  à  coup  un  passage 
étroit  et,  en  moins  d'une  minute,  vous  tombez  dans  une  vaste  baie. 
Les  rives  sont  boisées  jusqu'au  bord  de  l'eau,  des  routes  ombragées 
descendent  en  serpentant  de  la  plus  jolie  façon  pour  aboutir  à  quelque 
quai  piltoresquement  construit  où  vous  trouvez  toujours  amarré  un 
bateau  pécheur  on  une  goélette  de  cabotage.  De  belles  fermes  se  font 
remarquer  sur  les  deux  rives  et  de  temps  à  autre  on  entrevoit  une 
haute  flèche  blanche.  Yous  passez  auprès  d'Ilots  boisés,  et  un  instant 
après  vous  voilà  dans  le  grand  Bras-d'Or,  où  parfois  les  rives  éloignées 
sont  tout  à  fait  indistinctes.  Au  loin,  dans  le  nord,  se  profilent  les  hau- 
tes terres  se  terminant  par  les  promontoires  des  caps  Nord  et  Saint- 
Laurent.  Ce  n'est  ni  à  la  hauteur  et  à  la  grandeur  des  montagnes,  ni  à 
la  large  nappe  d'eau  qu'est  dû  le  charme  particulier  de  ces  lacs  et  de 
leurs  environs,  mais  aux  innombrables  combinaisons  de  terre  et  d'eau 
qui  forment  à  chaque  pas  de  nouveaux  paysages.  La  variété  existe  par- 
tout sur  ces  rivages  accidentés:  dans  les  promontoires  rocheux  et 
escarpés  qui  font  reculer  la  vague  paresseuse,  comme  dans  les  con- 
tours adoucis  et  gracieux  des  plages  de  sable  ou  de  galets,  où  la  bril- 
lante écume  du  ressac  vient  dessiner  une  ligne  blanche  et  sinueuse. 
Là,  le  mouvement  perpétuel  des  eaux  de  l'Atlantique  et  le  fracas  des 
vagues  qui  assiègent  les  dehors  de  l'Ile  sont  inconnus  ;  et  dans  les 


(*)  La  brasse  anglaise  {fathom)  =  lm,329. 


l'île  de  cap-breton.  125 

baies  abritées,  pendant  les  jours  de  calme,  ou  voit  flolter  de  tous  côtés 
des  méduses  parées  des  plus  brillantes  couleurs,  déployant  et  contrac- 
tant alternativement  le  disque  de  leurs  corps  en  forme  d'ombrelle, 
errant  à  la  recherche  de  leur  nourriture  à  la  surface  des  eaux  chaudes 
et  tranquilles.  La  morue  et  le  maquereau,  le  hareng,  la  raie  et  la  plie 
se  pèchent  sur  les  rives  et  les  bas-fonds;  des  huîtres  d'excellente  qua- 
lité se  récollent  dans  les  anses  et  les  étangs;  et  dans  les  ruisseaux  qui 
coulent  de  tous  cotés,  frétillent  le  saumon,  la  truite,  léperlan  et  les 
gaspereaux. 

H  7  a  quelqoes  années,  un  Tapeur  touchait  à  Whycocomagh  ou  à 
West-Bay,  au  fond  du  lac;  de  là  les  touristes  gagnaient  par  terre  le 
détroit  deCanseau,  et  un  autre  steamer  les  mettait  à  Pictou.  Depuis 
l'ouverture  du  canal  Saint-Pierre  et  la  construction  d'un  chemin  de  fer 
conduisant  au  détroit,  on  a  les  plus  grandes  facilités  pour  traverser 
File.  Mais  le  voyageur  qui  désire  voir  quelques-uns  des  sites  les  plus 
pittoresques  doit  aller  à  Whycocomagh  et  de  là  se  faire  mettre  à  Port* 
Hood,  au  bord  de  la  mer.  11  trouvera,  selon  toute  probabilité,  pour 
faire  ce  trajet,  un  véhicule  tout  à  fait  primitif,  mais  il  oubliera 
bientôt  l'absence  de  ressorts  et  de  coussins  à  la  vue  des  sites  ravissants 
dont  il  sera  entouré. 

Les  personnes  qui  ont  voyagé  eu  Ecosse  sont  frappées  de  la  ressem- 
blance des  paysages  de  Cap-Breton  avec  ceux  des  Highlands.  Le  pays 
est,  en  effef,  habité  par  des  Écossais;  on  peut  y  voir  les  meilleures 
fermes  de  la  province,  ce  qui  prouve  combien  cette  partie  de  l'Ile  con- 
vient à  l'agriculture.  En  longeant  la  montagne,  vous  apercevez  une 
belle  vallée  où  l'une  des  branches  de  la  rivière  Mabou  promène  son 
cours  sinueux  et  ressemble  à  un  fll  d'argent  posé  sur  un  tapis  du  vert 
le  plus  foncé.  Ça  et  là,  tous  passez  auprès  de  massifs  d'ormes  superbes 
se  dressant  au  milieu  de  vastes  prairies.  Nulle  part  le  tableau  n'est  insi- 
gnifiant on  monotone,  il  offre  partout  une  diversité  remarquable. 

Le  regard  peut  s'arrêter  sur  de  ravissants  coins  de  forêts  ou  se  perdre 
au  milieu  des  montagnes  qui  se  dressent  plus  loin  et  vont  en  s'éloi- 
gnant  jusqu'à  disparaître  dans  la  brume  bleuâtre  de  l'horizon. 

U  n'y  a  que  deux  villes  ayant  quelque  importance  dans  l'Ile.  Àrichat 
est  bâtie  dans  la  petite  lie  de  Madame,  sur  la  côte  sud  de  Cap-Breton, 
et  renferme  plusieurs  établissements  de  pêche  importants,  dirigés  par 
des  commerçants  acadiens  ou  de  Jersey.  C'est  la  capitale  du  comté  de 
Kichmond;  la  majeure  partie  des  habitants  sont  Français  catholiques, 
ils  ont  un  couvent  où  l'on  reçoit  une  bonne  éducation.  Sydney,  la  ville 
la  plus  importante  de  l'Ile,  est  située  sur  le  havre  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut.  Le  seul  désavantage  de  cette  rade  superbe  est  d'être 
souvent  obstruée  par  les  glaces  en  hiver.  Les  mines  de  la  Mining 


126  MISGELLANÉES. 

Association  de  Londres  sont  à  rentrée  du  havre  et  sont  réunies  par 
une  Toie  ferrée  au  point  d'embarquement,  appelé  dans  le  pays  Le  Bar, 
aujourd'hui  place  de  commerce  animée,  avec  de  beaux  magasins  et  des 
habitations  sétendant  le  long  du  rivage  à  une  certaine  distance  en 
amont.  A  6  milles  plus  en  avant  dans  la  rivière  est  la  capitale  de  nie, 
l'ancienne  ville  de  Sydney,  qui  est  construite  sur  une  péninsule.  Après 
avoir  été  agitée  par  bien  des  querelles  intestines,  Sydney  est  tout  à 
fait  calme  depuis  nombre  d'années.  Pendant  longtemps  elle  a  possédé 
une  garnison;  aujourd'hui,  les  anciens  baraquements  rappellent  senls 
le  beau  temps  où  les  soldats  de  Sa  Majesté  égayaient  la  monotonie  de 
l'ancienne  ville.  Far  suite  du  départ  des  troupes  et  de  l'abandon  du 
commerce,  Sydney  est  devenu  une  des  villes  les  plus  tristes  de  l'Amé- 
rique anglaise.  Depuis  une  dizaine  d'années  cependant,  elle  a  eu  comme 
un  réveil  par  suite  de  la  dépense  d'un  capital  considérable  employé  à 
construire  des  chemins  de  fer,  des  jetées  et  autres  travaux  nécessaires 
au  commerce  du  charbon  qui  a  pris  tout  à  coup  un  accroissement  con- 
sidérable. Sydney  est  située  au  centre  du  plus  beau  pays  houiller  de 
l'Amérique  anglaise. 

Des  compagnies  anglaises,  américaines  et  canadiennes  ont  des  mines 
en  plein  rapport  à  Cow-Bay,  Glace-Bay,  Lingan  et  Norths-Sydney,  et 
si  Ton  peut  échanger  ce  charbon  avec  les  États-Unis  et  créer  de  nou- 
velles relations  commerciales,  une  grande  impulsion  sera  nécessaire- 
ment donnée  à  l'ancienne  ville,  encore  relativement  stationnaire. 

Louisbourg,  à  environ  24  milles  de  Sydney,  par  la  vieille  route 
charretière  qui  traverse  à  moitié  chemin  la  belle  rivière  Mira,  sera 
toujours  la  première  localité  Tisitée  par  les  touristes.  Lorsque  vous 
arrivez  à  l'emplacement  de  cette  ville  disparue,  tous  avez  sous  les 
yeux  le  spectacle  de  la  plus  complète  désolation.  Cette  cité  avait  été 
bâtie  sur  une  langue'  de  terre  près  de  l'entrée  du  havre,  et,  grâce  à 
ses  formidables  remparts,  méritait  le  nom  de  Dunkerque  de  l'Amérique. 
La  position  avantageuse  du  port  de  Louisbourg,  sur  la  côte  même  de 
l'Atlantique,  avait  de  bonne  heure  attiré  l'attention  des  Français  à 
l'époque  où  une  noble  ambition  leur  avait  fait  jeter  les  yeux  sur  ce 
continent.  Gomme  entrepôt  pour  les  navires  qui  faisaient  voile  entre  la 
France  et  le  Canada,  aussi  bien  que  pour  la  nombreuse  flottille  de  pèche 
qui  se  rendait  annuellement  aux  bancs  de  Terre-Neuve,  cette  Tille  fut 
toujours  considérée  par  les  hommes  d'État  français  comme  ayant  une 
très  grande  importance.  Louisbourg  fût  d'abord  prise  par  Warren  et 
Pepperel;  ce  dernier  était  un  armateur  de  la  Nouvelle- Angleterre,  qui, 
le  premier  des  colons  américains,  reçut  le  titre  de  baronnet  en  récom- 
pense de  ses  éminents  services.  Le  succès  des  troupes  coloniales  eut 
beaucoup  de  retentissement  en  Angleterre  et  vint  fort  à  propos  pour  la 


l'île  de  cap-breton.  127 

mère  patrie.  Pendant  que  les  colons  recueillaient  des  lauriers*  Louis- 
bourg,  les  troupes  anglaises  étaient  battues  sur  le  continent  européen. 
•  Nous  faisons  on  (eu  de  Joie  pour  Cap-Breton  et  nous  tirons  le  canon 
pour  Gènes,  écrirait  ce  tieux  compère  d'Horace  Walpole  ('),  tandis  que 
notre  armée  est  chassée  des  Flandres.  »  Par  le  traité  d'Aix-la-Chapelle, 
Cap-Breton  fat  rendu  aux  Français  qui  relevèrent  aussitôt  les  fortifica- 
tions de  Louisbourg.  Pendant  qu'on  négociait  ce  traité,  la  cour  de 
France  fit  dire  à  ses  envoyés  de  tenir  la  main  à  ce  que  Cap-Breton  fit 
retour  à  la  France,  tant  cette  lie  semblait  importante  pour  le  commerce 
du  Canada  et  de  la  Louisiane.  Malheureusement,  la  paix  ne  dura  pas 
longtemps  entre  la  France  et  l'Angleterre  et  la  prise  de  Louisbourg  fut 
in  des  éTénements  saillants  de  la  guerre  qui  survint  peu  de  temps 
après.  La  joie  fut  grande  en  Angleterre  a  cette  nouvelle.  Les  drapeaux 
conquis  furent  portés  en  triomphe  dans  les  rues  de  Londres  et  déposés 
à  Saint-fan],  au  brait  du  canon  et  des  timbales.  Depuis  ce  temps,  Cap- 
Breton  a  été  presque  complètement  oublié  par  les  hommes  d'État  et 
le  peuple  anglais.  Cinquante  ans  après  la  prise  de  Louisbourg,  lord 
Bathorst  donna  Tordre  de  transférer  dans  cette  Tille,  comme  dans  une 
place  de  sûreté,  tons  les  prisonniers  américains  internés  à  Halifax.  11 
ignorait  complètement  que,  peu  après  la  prise  de  la  Tille,  on  avait  rasé 
les  fortifications  jusqu'au  sol  et  que  la  plupart  des  pierres  et  des  ins- 
truments avaient  été  ramenés  à  Halifax.  Le  voyageur  qui  aujourd'hui 
visite  ces  lienx,  s'il  a  une  carte  sous  les  yeux,  peut  se  faire  une  idée 
assez  nette  de  la  nature  des  fortifications  et  de  l'espace  considérable 
eceopé  par  la  ville.  La  forme  des  batteries  se  reconnaît  aisément  mal- 
gré la  terre  végétale  qui  les  recouvre,  et  des  fouilles  feraient  certai- 
nement trouver  un  grand  nombre  de  débris,  tels  que  des  poignées  d'é- 
péesoa  des  boulets.  Le  gouverneur  général,  en  visitant  ces  lieux  Tété 
dernier,  7  a  trouvé  une  ancienne  épée  qu'il  a  déposée  au  Musée  géolo- 
gique récemment  créé  i  Ottawa. 

Les  environs  de  Louisbourg  sont  stériles  et  offrent  peu  d'intérêt  à 
cause  de  F  absence  des  beaux  arbres  et  des  hautes  montagnes  qui 
embellissent  la  partie  nord-ouest  de  l'Ile.  Le  port  a  deux  milles  de  long, 
et  un  demi-mille  de  large,  avec  une  profondeur  de  trois  à  six  brasses; 
il  communique  avec  la  mer  par  un  goulet  d'un  demi-mille  de  long, 
d'un  tiers  de  mille  de  large  et  d'une  profondeur  de  six  à  dix  brasses. 
Un  navire  entrant  par  un  vent  favorable,  trouve  un  endroit  propre  à 
jeter  l'ancre  quelques  minutes  après  avoir  doublé  le  phare.  Cet  accès 
facile,  sans  rade  ni  baie  intermédiaire  à  franchir,  est  probablement  la 
raison  qui  a  fait  préférer  Louisbourg  aux  autres  ports,  comme  Sainte- 


(*)  Ea  «HflAis  s  that  old  fotrtp  Bôracê  Walpole. 


'128  MiSCELLANÉES. 

Anne  ou  Sydney.  Les  navires  à  l'ancre  sont  eu  sûreté  dans  n'importe 
quelle  partie  de  ce  havre,  taudis  que  la  cdte  rocheuse  du  large  et  les 
lies  de  rentrée,  à  un  demi-mille  de  là,  sont  exposées  à  toute  la  fureur 
des  vagues  et  couvertes  d'écume.  Il  est  certainement  étrange  que 
Louisbourg,  avec  de  tels  avantages,  soit  restée  si  longtemps  oubliée, 
quand  le  commerce  cherche  partout  les  emplacements  les  plus  conve- 
nables pour  la  facilité  des  relations  entre  l'ancien  et  le  nouveau 
monde. 

Depuis  l'essor  qu'a  pris  l'exportation  du  charbon  à  Cap-Breton,  on  a 
construit  un  chemin  de  fer  de  Sydney  à  Louisbourg,  dans  le  but  de 
transformer  celle-ci  en  port  d'hivernage.  Aussitôt  des  constructions  se 
sont  élevées  autour  du  havre  et  des  préparatifs  sont  faits  en  vue  du 
commerce  futur.  Les  paquebots  qui  font  le  service  de  l'Europe  y  feront 
un  jour  escale  pour  y  faire  du  charbon  et  prendre  ou  déposer  des  pas- 
sagers. La  distance  de  Louisbourg  àLiverpool  est  de  2,255  milles,  c'est- 
à-dire  de  700  milles  plus  courte  que  celle  de  New-York  à  Liverpool. 
Cette  différence  se  traduirait,  en  temps,  par  un  bénéfice  d'au  moins  30 
heures  en  faveur  de  Louisbourg,  si  cette  dernière  ville  était  reliée  avec 
New- York  par  une  voie  ferrée  directe.  11  ne  faudrait  de  môme  que  sept 
à  huit  jours  pour  aller  de  Londres  à  Québec,  vid  Louisbourg  (').  Il 
existe  à  présent  un  chemin  de  fer  de  Québec  au  détroit  de  Ganseau,  il 
ne  reste  donc  plus  à  construire  que  la  ligne  du  détroit  à  Louisbourg; 
soit  une  distance  de  80  milles,  à  travers  un  pays  qui  offre  les  plus 
grandes  facilités  pour  le  tracé.  Quant  au  détroit 'de  Canseau,  il  serait 
traversé  par  un  ferry-boat  construit  spécialement  pour  porter  des  trains 
de  chemin  de  fer  et  pour  briser  la  glace  qui  obstrue  le  passage  à  une 
certaine  époque  de  Tannée.  En  considérant  alors  la  position  avanta- 
geuse de  Louisbourg  sur  l'Atlantique  et  ses  communications  avec  les 
mines  de  houille  considérables  qui  sont  dans  l'Ile,  on  peut  affirmer  que 
le  moment  n'est-pas  éloigné  où  cette  ville  sera  le  terminus  oriental  de 
tout  le  réseau  des  chemins  de  fer  du  Canada  et  deviendra  une  des  cités 
les  plus  florissantes  du  continent  américain. 

De  tous  côtés,  on  rencontre  dans  l'île  de  Cap-Breton,  des  traces  de 
l'occupation  française.  Beaucoup  de  noms  anciens  sont  cependant  alté- 
rés par  le  temps,  et  leur  origine-  est  oubliée;  mais  vous  reconnaltrei 
sans  hésitation  dans  «  Big  Loran  »  le  nom  de  la  Gère  maison  de  Lor- 
raine (*). 

La  rivière  Margarie,  remarquable  par  la  beauté  de  ses  rives  et  ses 
pêcheries  de  saumon,  est  à  proprement  parler  la  rivière  Marguerite. 


(')  Chambre  des  communes;  rappjrt  du  comité  au  sujet  de  la  route  la  plus  courts 
pour  aller  en  Kurope,  1873. 
(*)  Big,  en  anglais,  veut  dire  fiàre. 


l'ilk  de  cap-breton.  129 

Miré,  ea  perdant  son  accent,  est  devenu  Mira.  Ingauish  s'appelait  ao 
début  Kiganiche.  Le  superbe  Bras-d  Or  a  conservé  son  nom  harmonieux 
et  bien  approprié  ;  il  en  eal  de  mémo  de  l'Ile  Boalarderie,  i  l'entrée  de 
la  magnifique  mer  intérieure.  Port-Toulouse  s'appelle  aujourd'hui  Saint- 
Peter's,  terminas  du  canal  sur  la  côte  de  l'Océan.  Le  nom  actuel  de 
111e  est  lui-même  un  témoignage  de  l'occupation  française.  Quelqu'un 
4e  ces  aventureux  pécheurs  basques  qui  ont  visité  les  eaux  du  golfe, 
il  y  a  quelques  siècles,  aura  sans  doute  donné  le  nom  de  Cap-Breton  à 
la  pointe  Est  de  File  en  souvenir  de  t  Cap-Breton  »,  près  de  Bayonne. 

la  charrue  ramène  de  temps  à  autre  à  la  surface  du  sol  quelques 
débris  des  anciens  établissements.  Il  me  souvient  d'avoir  vu,  il  y  & 
quelques  années,  une  belle  -cloche  découverte  à  Inganish,  qui  portait, 
«avant  la  coutume  française,  l'inscription  suivante: 

■  four  la  paroisse  de  Niganiche  jap  été  nommée  Jaune  Françoise 
par  Johannis  Decarette  et  par  Francoisse  Vrail  Parain  et  Moraine  — 
la  fosse  Hvet  de  Saint  Malo  ma  fait.  An.  1729.  » 

Les  personnes  qui  parcourent  l'Ile  ne  tardent  pas  à  s'apercevoir 
qu'elle  est  la  dernière  des  provinces  de  l'Amérique  anglaise,  malgré  les 
éléments  de  prospérité  que  renferment  le  sol  et  les  mers  environ- 
nantes. En  règle  générale,  les  habitants  n'ont  pas  le  caractère  entrepre- 
nant. Us  sont  pour  la  plupart  d'origine  écossaise  et  beaucoup  d'entre 
eux  ont  les  idées  d'économie  et  l'industrie  de  leur  race.  Les  jeunes 
geos  s'expatrient  et  vont  aux  Étals- Unis;  ceux  qui  reviennent  dans 
leur  pays  y  rapportent  des  idées  de  progrès.  Les  descendants  des 
Français  forment  une  classe  industrieuse,  s'occupant  surtout  d'entrepri- 
ses maritimes.  Une  partie  de  la  population  se  compose  de  descendants 
des  Loyalistes  américains  et  des  premiers  colons  anglais  venus  dans 
le  pays  après  la  prise  de  Louisbourg  et  la  fondation  de  Sydney.  L'agri- 
culture est  la  principale  occupation  des  habitants;  elle  est  surtout  pro- 
ductive dans  les  terres  arrosées  par  les  rivières  Spanish,  Miré,  Bedcque, 
Mabou,  etc,  Sur  les  côtes,  sont  surtout  des  pêcheries  ;  mais,  même  au 
bord  de  la  mer,  les  habitants  ont  de  petites  fermes.  Les  houillères 
oceopent  un  monde  considérable  dans  le  comté  de  Cap-Breton,  qui  est 
la  partie  la  plus  prospère  et  la  plus  peuplée  de  l'Ile.  Bon  nombre  d'ha- 
bitants font  le  cabotage,  surtout  à  Sydney  et  à  Arichat;  malgré  cela,  la 
construction  de  navires  n'a  pas  pris  grand  essor,  et,  sous  ce  rapport, 
Sydney  ne  peut  être  comparée  aux  grands  ports  d'armement  de  Yar-  . 
mottth  et  Hantsport,  dans  la  Nouvelle-Ecosse  proprement  dite.  L'Ile  est 
partagée  en  quatre  divisions  politiques:  Cap-Breton,  Richmond,  I^ver- 
aess  et  Victoria,  qui  envoient  cinq  membres  à  la  Cuambre  des  com- 
munes et  trois  sénateurs  à  la  Chambre  haute  du  Parlement.  La  population 
totale  de llle  est  actuellement  d'envirou  80,000  âmes, et  relativement 

•OC.  OS  OBOQK.  —  1"'  TBUOMTMB  1883.  9 


130  MISCKLLANÉES. 

au  commerce,  je  dois  dire  que  l'année  dernière  il  est  entré  près  de  mille 
navires  dans  les  seuls  ports  d'Artchat  et  de  Sydney  ;  la  plupart  sont 
venus  à  Sydney  prendre  du  charbon,  et  parmi  eux,  beaucoup  de 
steamers  et  de  bâtiments  de  fort  tonnage. 

Il  y  a  environ  500  Indiens  dans  l'Ile,  appartenant  tous  à  la  tribu  des 
Micmacs,  qui  a  continué  à  habiter  la  Nouvelle-Ecosse  depuis  l'époque 
où  de  Monts  et  de  Poutrincourt  débarquèrent  sur  le  rivage  occidental 
de  l'Acadie  et  fondèrent  Port-Royal.  La  plupart  d'entre  eux  sont  fixés 
maintenant  à  Rscasooi,  endroit  pittoresque  dans  le  voisinage  du  lac 
Bras-d'Or,  où  ils  possèdent  de  belles  cultures  et  une  grande  chapelle. 

Aucune  partie  de  l'Amérique  anglaise  n'est  plus  riche  en  ressources 
naturelles,  et  cette  lie  superbe  possède  tous  les  éléments  de  prospérité. 
Malheureusement,  le  progrés  est  enrayé  par  le  manque  de  capitaux  et 
l'absence  de  communication*  rapides  avec  le  reste  du  continent.  Les 
houillères  sont  nombreuses,  et  Ton  trouve  la  quantité  de  charbon 
exportée  insignifiante  (environ  500,000  tonnes  par  an),  quand  on  con- 
sidère à  combien  ce  chiffre  pourrait  s'élever  si  l'on  ouvrait  un  vaste 
marché  à  la  squrce  même  de  pareilles  richesses,  L'Ile  est  proche  des 
plus  beaux  lieux  de  pêche  du  monde,  les  carrières  de  marbre,  de 
gypse,  de  pierre  à  chaux  et  d'autres  matériaux  utiles  abondent  et 
l'huile  minérale  se  rencontre  dans  le  district  du  lac  Ainslie.  La  position 
naturelle  de  l'Ile  de  Cap-Breton  est  remarquablement  avantageuse  pour 
toute  espèce  de  commerce.  Elle  est  situéeà  rentrée  du  golfe  de  Saint- 
Laurent  et  peut  devenir  un  magnifique  entrepôt  de  commerce  en  temps 
de  paix  et  une  position  incomparable  pour  la  défense  en  temps  de 
guerre.  En  considérant  ses  relations  géographiques  avec  le  Canada  ou 
ses  richesses  naturelles,  nous  sommes  amenés  à  conclure  que  le  vent 
de  progrès  qui  souffle  d'une  façon  si  constante  sur  toutes  les  parties 
du  continent,  ne  doit  pas  tarder  à  atteindre  ces  rivages  trop  oubliés,  et 
dans  peu  de  temps  cette  lie  sortira  de  son  isolement  et  de  son  obscu- 
rité pour  prendre  place  parmi  les  provinces  les  plus  industrielles  du 
Dominion.  Traduit  par  C.  Millot. 


LE  COMMERCE  DU  CHILI 


Le  Chili  est  en  pleine  prospérité  agricole,  industrielle  et  commer- 
ciale. Il  y  a  trente  ans,  les  productions  des  mines  et  de  l'agriculture 
étaient  insignifiantes;  cette  contrée  se  suffisait  à  peine  et  était  presque 
dépourvue  de  rapports  commerciaux;  mais  dès  que  sou  indépendance 


LE  COMMERCE  DU  CHILI.  131 

toi  déclarée,  une  grande  activité  se  manifesta  dans  toutes  les  branches 
du  travail.  Le  chiffre  des  importations  et  des  exportations  s'est  depuis 
Jors  accru  chaque  année. 

La  pêche  sur  les  cxXles  du  Chili  est  devenue  une  industrie  très  pro- 
doctîTe;  les  vaisseaux  anglais  y  poursuivent  la  baleine.  L'industrie 
consiste  en  notent  commune  de  très  bonne  qualité,  en  lainages  grossiers, 
toiles  de  chanvre  et  cordages,  cotons,  savon,  ustensiles  de  cuivre,  cuirs, 
eanx-de-vie,  Le  commerce  extérieur  du  Chili  est  un  des  plus  florissants 
des  Etats  de  l'Amérique  du  Sud.  Les  recettes  des  douanes  ont  éprouvé 
depuis  1821  uue  augmentation  constante.  * 

Les  principaux  articles  de  l'exportation  sont  le  numéraire,  quelques 
métaux  précieux,  le  cuivre  et  le  minerai  de  cuivre,  le  froment,  les 
légumes,  les  peaux,  le  suif,  la  laine,  les  fruits  et  les  drogues. 

Les  articles  importé*  sont  les  lainages,  les  cotous,  les  toiles,  les 
soieries,  les  métaux  travaillés,  les  verres  et  poteries,  les  vins  et  eaux- 
de-vie,  l'huile  d'olive,  le  papier,  les  cuirs,  le  sucre,  le  cacao,  le  café, 
le  riz,  les  teintures,  Je  thé  et  le  thé  du  Paraguay. 

La  marine  marchande  du  Chili  est  en  pleine  prospérité.  Cet  État  fait 
sa  commerce  d'entrepôt  assez  important,  surtout  avec  l'Europe,  le 
Pérou  et  la  Bolivie.  L'Angleterre,  la  Krauce  et  les  États-Unis  sont  les 
puissances  qui  entretiennent  avec  ce  pays  les  relations  commerciales 
les  plus  actives.  L'Angleterre  fournit  au  Chili  des  tissus  de  coton,  des 
soieries,  des  lainages,  des  toiles,  des  fers  et  des  aciers  bruts  et  travail- 
lés, de  la  coutellerie,  de  la  quincaillerie,  des  poteries,  des  verres,  des 
cuirs,  des  armes  et  munitions,  des  couleurs,  des  machines  et  mécani- 
ques, de  l'orfèvrerie  et  de  la  bijouterie. 

Le  titre  de  marchandise  française  est  au  Chili,  pour  toute  espèce  (te 
produits,  une  recommandation.  Ces  populations  ont  un  goût  très  pro- 
noncé pour  le  luxe;  or,  c'est  dans  la  fabrication  des  objets  de  luxe  que 
la  France  est  réellement  et  de  beaucoup  supérieure  aux  Anglais,  tandis 
qu'il  lui  est  moins  possible  de  lutter  pour  les  objets  de  première  néces- 
sité ou  de  consommation  journalière. 

C'est  à  Valparaiso  qu'arrivent  les  marchandises  destinées  à  la  con- 
sommation du  Chili,  et  en  grande  partie  celles  en  destination  pour  la 
Bolivie,  le  Pérou,  l'Equateur  et  le  Mexique,  en  un  mot,  pour  toutes  les 
parties  de  la'cùte  occidentale  de  l'océan  Pacifique.  Il  s'y  Tait  un  com- 
merce d'exportation  de  grains  pour  Callaoet  Panama;  de  suif,  'le  peaux, 
de  cuivre  pour  les  Indes  et  la  Chine;  d'or,  d'argent,  de  platine,  d  indigo, 
de  laiue,  de  salsepareille. L'importation  consiste  en  articles  français,  tels 
que  indiennes,  jaconas,  mousselines,  foulards  de  colon,  rouenneries 
coutils  blancs,  soieiles,  inèrmus,  draps  et  un  grand  nombre  a  articles 
de  luxe  dits  de  Paris ,  très  recherchés  dans  cette  partie  du  monde. 


132  MISGELLANÊB8. 

(Baron  de  Hoben.  —  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  de  Lû- 
bonne.) 


LES  RESSOURCES  NATURELLES  DES  PAMPAS  ARGENTINES 


Située  entre  le  22e  et  le  55»  parallèle  Sud,  la  Confédération  argen- 
tine comporte  tons  les  climats,  et  la  nature  a  destiné  ses  provinces 
méridionales  à  être  un  inépuisable  greuier  à  céréales.  Mais  l'élève  do 
bétail  offrait  à  l'Argentin  un  travail  trop  facile  et  en  même  temps  trop 
lucratif  pour  qu'il  se  décidât  de  lui-même  à  épouser  un  autre  labeur 
plus  pénible,  et  dont  il  ignorait  la  compensation  pécuniaire.  Les  immi- 
grants européens  sont  Tenus,  et  ils  ont  importé  avec  eux  la  charrue  en 
fer,  la  machine  à  moissonner,  la  machine  à  battre,  la  charrue  à  Tapeur 
qui  semble  faite  tout  exprès  pour  retourner  la  Pampa,  dépourvue  de 
pierres  et  de  racines.  L'impulsion  ainsi  donnée  s'est  fait  sentir  jusqu'ici, 
surtout  dans  les  provinces  du  littoral,  celle  de  Buenos-Ayres  notam- 
ment. La  superficie  des  terrains  emblavés  s'y  accroît  d'une  année  à 
l'autre.  La  vigne  se  cultive  dans  les  provinces  du  Nord  et  le  tabac  pros- 
père dans  celle  de  Tucuman,de  Santa-Fé,  de  Corrientes  et  d'Enlre-Rios. 
Cependant,  le  vin  que  l'on  recolle  sur  les  rires  de  la  Plata  n'est  remar- 
quable ni  par  sa  quantité  ni  par  sa  qualité.  De  même,  le  tabac  argentin 
est  loin  de  pouvoir  rivaliser  avec  le  tabac  de  Cuba  et  même  celui  de 
Guayaquil.  Mais  la  canne  à  sucre  a  pleinement  réussi;  dans  les  seules 
provinces  septentrionales,  ces  produits  ont  décuplé  dans  le  cours  de 
ces  vingt  dernières  années.  Ils  atteignent  le  chiffre  de  8  à  10  millions 
de  kilos,  et  ce  n'est  environ  que  le  quart  de  la  consommation  locale. 
On  peut  Juger  par  cela  de  l'avenir  qui  attend  la  production  sucrière 
dans  le  bassin  de  la  Plata,  d'autant  qu'elle  donne  de  maguifiques  béné- 
fices, 500  fr.  net  par  hectare,  à  en  croire  un  colon.     (V Exploration.) 


FORMATION  HOUILLÈRE  DU  TONG-KING 


Dans  un  précèdent  bulletin,  nous  avons  dit  un  mot  de  la  richesse  du. 
Tong-King  en  combustible  minéral  au  point  de  vue  industriel  ;  voici 
maintenant  des  détails  sur  la  stratigraphie  et  la  flore  de  cette  forma- 
tion houillère. 

Ils  sont  empruntés  à  la  Revue  britannique. 


FORMATION  HOUILLÈRE  DU  TONG-KING.  133 

LeTong-Kiog  possède  d'abondantes  ressources  en  minerais,  quiont  été 
étudiées  an  commencement  de  cette  année  par  M.  Fuchs,  chargé  d'une 
mission  ad  hoc  du  ministre  de  la  marine,  et  par  M.  Saladin,  ingénieur 
civil  des  mines.  Ces  -deux  messieurs,  après  s'être  rendu  compte  de  la 

•  géologie  générale  de  TAnnam  et  du  Tong-King,  ont  exploré  en  détail  les 
principaux  gttes  de  combustibles,  de  minerai  de  fer  et  d'or  actuelle- 
ment  abordables  dans  ces  .pays  et  dans  le  Cambodge.  D'après  le  rap- 
port de  M.  Fuchs,  le  terrain  qui  renferme  la  houille  dans  l'Indo-Chine 
forme  une  série  de  bassins  d'une  grande  importance  qui  paraissent 
s'échelonner  parallèlement  à  la  mer.  Il  repose  en  stratification  discor- 
dante sur  le  calcaire  carbonifère  et  est  surmonté  par  une  puissante 
formation  de  grès,  de  poudingues  et  d'argilolithes  présentant  les  plus 
grandes  analogies  lithologiques  avec  le  terrain  permien  et  le  trias  infé- 
rieur d'Europe.  Il  est  formé,  lui-même,  presque  uniquement  de  grés 
feidspathiqoes  et  micacés,  clairs  ou  plus  ou  moins  ferrugineux.  Entre 
les  assises  des  grès,  sont  quelquefois  intercalés  les  bancs  schisteux 
dans  lesquels  reposent  ordinairement  les  couches  de  combustibles.  Le 
terrain  houiiler  dn  Tong-King  affleure  sur  la  côte  nord  de  l'ancien  golfe 
que  les  eaux  du  fleuve  Rouge  ont  carbonate.  LeB  deux  explorateurs 
l'ont  reconnu  sur  une  étendue  de  1 10  kilomètres  (de  Doog-Trieu  àKé- 
Bao),  et  sur  une  largeur  de  là  kilomètres  (à  Hon-Gâc),  largeur  infé- 
rieure d'ailleurs  à  la  largeur  réelle  du  bassin  houiiler,  puisqu'on  trouve 
(à  Hoan-Bô)  des  affleurements  de  houille  en  dehors  de  la  région  qu'ils 
ont  puibiter.  Les  gîtes  du  Tong-King  présentent  quatre  espèces  diffé- 
rentes de  houille,  formant  (rois  et  peut-être  quatre  groupes  distincts  de 
couches.  L'essai  industriel  fait  sur  la  houille  du  troisième  groupe  a 
donné  une  consommation,  par  cheval-vapeur  et  par  heure, de  lk,966, 
consommation  supérieure  de  2,5  pour  100  seulement  à  celle  que  donne 
ie  bon  charbon  d'Ansin.  Les  épaisseurs*  des  couches  sont,  parait-il, 
asses  fortes  dans  le  bassin  de  Hon-Gâc;  an  rapport  de  M.  Fuchs,  elles 
atteignent  individuellement  jusqu'à  S  mètres  de  puissance  et  leur 
réunion  en  groupes  très  homogènes  permettra  d'exploiter,  dans  le 
même  groupe,  une  épaisseur  totale  de  charbon  allant  jusqu'à  1 1  mètres. 
Les  couches  affleurent  très  près  du  littoral  et  à  côté  d'excellents  mouil- 
lages. On  peut  suivre  leurs  affleurements  sur  plusieurs  kilomètres  de 

•  longueur,  et,  par  suite,  l'évaluation  des  ressources  en  combustible  con- 
tenues dans  le  bassin  de  Hon-Gâc  peut  être  calculée  avec  une  certaine 
précision.  En  faisant  une  large  part  aux  éventualités,  on  trouve  que  la 
masse  de  charbon  exploitable  jusqu'à  100  mètres  de  profondeur  seu- 
lement au-dessous  du  niveau  de  la  mer,  dépasse  le  chiffre  total  de  cinq 
millions  de  tonnes. 

Les  schistes  et  grès  schisteux  qui  avoisinent  la  houille  ont  donné  à 


134  MISCELLANÉES. 

MM.  Fuciis  et  Saladin  une  riche  moisson  d'empreintes  végétales.  L'é- 
tude que  M.  R.  Zeiller  a  faite  de  cette  flore  au  point  de  tue  de  la  déter- 
mination de  l'âge  des  couches  de  charbon  dont  elle  pro?ient,  lui  a  per- 
mis d'établir  des  rapprochements  intéressants  et  nouveaux  entre  ies 
bassins  bouillers  de  l'Indo-Chine  et  ceux  de  l'Inde,  de  la  Chine  et  de 
r  Australie.  Mais  un  fait  qui  parait  mériter  de  fixer  l'attention,  c'e&t  le 
grand  nombre  de  formes,  identiques  avec  celles  de  P Europe,  malgré  la 
distance  qui  sépare  les  deux  pays.  Ces  formes,  ainsi  qne  le  fait  remar- 
quer M.  Zeiller,  sont  d'ailleurs  accompagnées  de  types  inconnus  Jusqu'à 
présent  dans  nos  régions,  notamment  les  Gtossopteris,  signalés  pour 
la  première  fois  en  Australie,  où  ils  ont  apparu,  ainsi  que  (e  genre 
Phyllotheca,  dès  Pépoque  carbonifère,  au  milieu  d'une  flore  aussi  diffé- 
rente de  la  flore  houillère  de  l'Europe  que  le  sont  les  flores  actuelles 
de  ces  deux  continents.  «  Il  semble,  ajoute-t-il,  qu'il  y  ait  en  alors  de 
grandes  régions  botaniques  bien  distinctes  et  que  le  sud  de  l'Asie  mar- 
que à  peu  prés  leur  trait  d'union,  à  en  juger  par  le  mélange  d'espèces 
propres  à  chacune  d  elles,  déjà  signalé  dans  la  flore  (riasique  de  l'Inde 
et  accusé  plus  nettement  encore  par  la  flore  des  charbons  du  Tong-King. 


Comment  Ton  voyageait,  en  France,  an  siècle  dernier. 

Par  M.  A.  Fournier. 


I. 

Pendant  presque  tout  le  moyen  fige,  on  ne  connut  guère,  en  fait  de 
véhicule,  que  le  lourd  chariot  gaulois  ou  franc,  appelé  basierne  ;  et 
encore,  l'état  des  voies  de  communication  en  permettait  à  peine  l'usage 
comme  moyen  de  voyager  :  il  fallait,  par  exemple,  pour  rentrer  les 
foins  du  seigneur,  atteler  aux  chariots  jusqu'à  seize  et  même  vingt  et 
un  bœufs  1 

C'est  le  22  octobre  1405  qu'il  est  parlé,  pour  la  première  fois,  de 
chariots  branlant*  ou  suspendus,  également  appelés  chariots  dame- 
rets  ou  de  dames. 

Au  siècle  suivant,  le  chariot  branlant  devint,  grâce  à  de  grands  per- 
fectionnements, le  carrosse;  longtemps,  celui-ci  fut  réservé  aux  rois 
et  princesses,  et  la  première  femme  —  non  princesse  —  qui  se  mon- 
tra dans  une  de  ces  voitures,  fut  la  femme  du  premier  président 
Christophe  de  Thou  (le  père  du  célèbre  historien). 


COMMENT  L'ON  VOYAGEAIT  EN  FRANCK.  135 

Plos  lard  —  XVIIe  siècle,  —  les  carrosses  devinrent  communs  et 
surtout  magnifiques  ;  a  cette  même  époque  apparurent  la  calèche  et  la 
bnmette,  petite  toi  tore  dont  le  cocher  se  trouvait  placé  en  arriére. 

C'est  aussi  dans  ce  siècle  (1645)  que  Sauvage  établit  à  V hôtel  Saint- 
Hacre,  une  entreprise  de  voitures  de  louage  :  le  nom  de  l'hètel  choisi 
par  cet  entrepreneur  lit  donner  à  ces  voitures  le  nom  de  fiacre. 

Carrosses,  calèches,  brotietles.  Oacres,  ne  sortaient  guère  de  l'en- 
ceinte et  des  environs  de  Paris  :  si  on  voulait  entreprendre  nn  voyage, 
il  fallait  s'en  aller  à  pied  ou  à  cheval. 

C'est  en  1576  que  nous  voyons,  signalées  j)Our  la  première  fois,  de 
véritables  voilures  publiques,  si  connues  sous  le  nom  de  coches. 
U  y  avait  le  coche  (Tenu  et  le  coche  de  terre. 
Le  coche  d'eau  était  une  grande  barque  divisée  en  plusieurs  compar- 
timents; dans  l'un,  on  plaçait  les  voyageurs;  dans  les  autres,  les  mar- 
chandise!. 11  marchait  soit  à  la  rame,  soit  à  la  voile,  soit  tiré  par  des 
chevaox  on  des  mulets.  Ces  coches  d'eau  sont  devenus,  dans  la  pre- 
mière moitié  de  notre  siècle,  nos  bateaux-poste,  et  —  souvenir  d'en- 
fonce  —  je  me  vois  encore  sur  un  de  ces  bateaux,  naviguant  sur  le 
canal  do  Midi. 

Les  coches  de  terre,  dit  Y  Encyclopédie,  sont  de  vastes  carrosses  à 
un  grand  nombre  de  places  :  les  voyageurs  occupent  les  places,  les 
marchandises  sont  situées  sur  le  derrière,  le  devant  est  occupé  par  un 
grand  ttesn  d'osier,  qu'on  nomme  le  panier,  où  l'on  met  aussi  les  mar- 
chandises et  où  STnt  reçues,  à  un  prix  médiocre,  les  personnes  qui  ne 
trouvent  pas  de  places  dans  le  coche  ou  qni  ne  sunt  pas  en  état  d'en 
prendre. 

Aujourd'hui,  c'est  sous  la  bûche  que  l'on  case  les  voyageurs  en  sur- 
plus; *  la  vérité,  ils  s'y  trouvent  en  coropaguie  des  bagages  tout 
comme  ils  y  étaient  Jadis  dans  le  panier  du  coche. 

Sii  chevaux  étaient  attelés  ~  deux  par  deux  —  à  l'énorme  véhi- 
cule; deux  posl liions,  l'un  monté  sur  un  des  chevaux  de  l'arrière, 
l'autre  conduisant  les  chevaux  du  devant. 

La  lenteur  du  coche  était  devenue  proverbiale  :  un  règlement  de 
16?3  fixait  de  8  à  10  lieues  au  plus  le  trajet  à  parcourir  dans  une 
journée  d'hiver;  en  été,  on  pouvait  atteindre  de  13  à  M  lieues. 
Jamais  le  coche  ne  voyageait  de  nuit. 

Coibert,  reprenant  l'œuvre  de  Sully,  entreprit  de  remettre  en  état 
les  routes  et  d'en  créer  de  nouvelles  ;  les  coches  se  multiplièrent  ;  eu 
1665,  il  y  en  avait  45  desservant  les  diverses  provinces  du  royaume. 

Tttrgot,  au  siècle  suivant,  voulant  transformer  et  améliorer  les 
moyens  de  transport,  réunit  toutes  les  entreprises  particulières  et 
créa,  sous  la  direction  de  l'État,  la  première  entreprise  générale  de 


136  aCISCELLANÊES. 

Messageries  ;  les  Toitures  publiques,  à  celte  époque,  prirent  le  nom 
de  turgotines. 

Longtemps,  bien  longtemps  avant  l'apparition  des  coches,  le  seul 
moyen  de  correspondre,  d'expédier  une  marchandise,  de  se  faire 
transporter,  se  faisait  an  moyen  du  messager  :  dés  le  xin*  siècle, 
l'Université  de  Paris  avait  établi  des  messagers  pour  transporter  les 
jeunes  gens  qui  venaient  — -  auprès  d'elle  —  faire  leurs  études,  et  en 
même  temps  faciliter  les  relations  avec  leurs  familles. 

Ce  service  était  fait  par  des  hommes  sûrs;  aussi  les  particuliers  s'en 
servaient-ils  pour  voyager,  transporter  leurs  lettres,  de  l'argent,  des 
marchandises,  si  bien  que  ces  Messageries  devinrent  une  grande 
source  de  revenus  pour  l'Université.  Tant  que  le  service  de  poste 
créé  par  Louis  XI  ne  fut  pas  autorisé  à  transporter  les  lettres  du  pu- 
blic, ce  furent  les  Messageries  de  l'Université  qui  eurent,  pour  ainsi 
dire,  ce  monopole;  mais  au  début  du  règne  de  Louis  XIII,  la  poste 
royale  fut  autorisée  à  faire  le  service  des  particuliers:  les  Messageries 
de  l'Université  ne  purent  soutenir  la  concurrence  ;  d'autre  part,  il 
s'était  créé  de  nombreux  messagers  particuliers  ;  elles  étaient  en  pleine 
décadence,  quand  une  ordonnance  (1672)  les  réunit  à  la  poste  royale: 
le  fermier  de  celle-ci  devait  payer  nne  redevance  a  l'Université. 

Il  y  avait  aussi  un  autre  moyen  de  transport  —  réservé  aux  seuls  ri- 
ches,—  c'était  la  chaise  de  poste  :  celle-ci  date  de  1664  ;  elle  avait  la 
forme  d'une  espèce  de  fauteuil,  soutenu  au  milieu  par  un  châssis  porté, 
par  derrière,  sur  deux  roues.  L'inventeur  de  ces  voitures  s'appelait  La 
Grugère;  le  privilège  de  les  exploiter  en  fut  accordé  au  marquis  de 
Crenan,  de  là  le  nom  de  chaise  de  Crenan.  Trop  lourdes,  elles  subi- 
rent une  transformation  et  s'appelèrent  voitures  à  soufflets;  enfin,  au 
xvni6  siècle,  on  créa  la  chaise  à  ressorts,  qui  est  encore  aujourd'hui  la 
même,  mais  perfectionnée. 

II  y  avait  donc,  au  siècle  dernier,  comme  voitures  publiques  : 

Le  messager,  voiture  mixte  transportant  des  voyageurs  et  surtout 
des  marchandises; 

Le  coche,  dont  la  lenteur  désespérante  provoqua  des  services  pu- 
blics plus  rapides  qui  prirent  le  nom  de  diligence  ; 

Enfin,  il  y  avait  le  coche  d'eau. 

II. 

Le  hasard  m'a  fait  trouver  —  sur  les  quais  —  un  petit  atlas  portant 
le  titre  suivant  : 

L'Indicateur  fidèle  ou  Guide  des  voyageurs  qui  enseigne  toutes 

les  routes  royales  et  particulières  de  la  France contenant  toutes 

tes  villes,  tous  tes  bourgs..... 


COMMENT  L'ON  VOYAGEAIT  EN  FRANGE.       13? 


4  d'un  itinéraire  raisonné  et  instructif  sur  chaque 
route,  qui  donne  le  Jour  et  l'heure  du  départ,  de  la  durée  et  de  la 

couchée,  tant  de»  coche»  par  eau  que  des  carrosses,  diligences 

avec  le  nombre  de  lieues  que  les  différentes  voitures  font  par  jour. 

brossé  par  le  sieur  Michel,  ingénieur-géographe 4u  Roy  à  l'Observa" 
toire,  etc. 

Mis  au  jour  et  rédigé  par  le  sieur  Desnos,  ingénieur-géographe, 
etc. 

A  faris,  rue  Saint-Jacques,  à  V Enseigne  du  Globe.  1764. 

J'avais  mis  la  main  tout  à  la  fois  sur  un  Guide-Joanne  et  un  indica- 
teur Choix  du siècle  dernier.  Une  fort  belle  image  encadrant  nne 

dédicace  à  Cassini  représente,  au  milieu  d'un  paysage,  une  rivière,  un 
pont,  une  route  ; 

Sur  la  rivière,  le  coche  d>eau)  grand  bateau  surmonté  d'un  mit  et 
traîné  par  trois  choraux  qui  trottent  sur  la  berge; 

Sur  le  pont,  passe  une  chaise  de  poste,  de  Crenan  ; 

Sur  la  roule  enfin,  le  coche  de  terre  ou  grand  carrosse,  avec  mar- 
chandises par  derrière,  le  panier  devant  ;  (rainé  par  six  chevaux,  atte- 
lés deux  par  deux  et  conduits  par  deux  postillons. 

,  Je  réserve  tous  les  détails  de  ces  itinéraires  pour  la  région  de  l'Est; 
je  parlerai  sommairement  de  ceux  du  reste  de  la  France  : 

Tous  les  deux  jours,  partait  de  Paris  une  diligence  qui  atteignait 
Lyon  en  cinq  jours;  de  Lyon  à  Marseille  il  en  fallait  sept  et,  il  n'y  avait 
qu'un  départ  par  semaine  :  le  voyage  de  Paris  à  Marseille  demandait 
ûonc  douze  jour  s . 

De  Paria  on  s'en  allait  tous  les  mardis  pour  Bordeaux  et  après  qua- 
torze iours  on  arrivait  à  Blaye  pour  s'embarquer  et  remonter  la  Gi- 
ronde puis  la  Garonne  jusque  Bordeaux;  un  jour  était  nécessaire  poor 
celte  navigation,  soit  en  tout,  de  Paris  à  Bordeaux,  qui?ize  jours  ;  il  en 
Uhit  seize  au  coche  qui,  toutes  les  semaines,  se  dirigeait  sur  Tou- 
louse; huit  de  tarit  à  Santés,  de  Paris  à  Rennes,  de  Paris  à  Cher- 
bourg (dont  cinq  pour  atteindre  Caen)  ;  trois  de  Paris  i  Rouen,  etc. 

Les  provinces  du  Nord  étaient  mieux  desservies  :  de  Paris  à  Lille  on 
mettait  deux  jours,  la  première  journée  était  de  21  heures,  la  seconde 
de  19. 

Trois  jours  étaient  nécessaires  poor  atteindre  Bruxelles,  Dunkerque, 
Saint-Quentin,  Amiens...... 

fl  y  a,  dans  le  Guide  fidèle,  des  nota  bien  intéressants 

«  Suivant  le  rapport  de  M.  Gauveron,  sous-fermier  à  Amiens,  il  n'y  a 
ni  jours  ni  heures  fixés  pour  les  voitures  d'Amiens  à  Doullens,  Sainl- 
Omer,  Dunkerque,  Calais,  Abbeville,  Montreuil  et  Boulogne;  la  plu- 


138  MISCELLANÉES. 

part  desdites  voitures  ne  sont  que  des  routiers  qui  chargent  povr 
différentes  villes  tant  voisines  que  du  royaume,  > 

«  Suivant  le  rapport  de  M.  Labitte,  sons-fermier  de  Beauvais,  il  n'y  a 
autres  voitures  publiques  qui  conduisent  à  la  Tille  é%Su  que  des  rou- 
tiers qui  ne  marchent  que  lorsque  leurs  voitures  sont  complète*  et, 
par  conséquent,  n ont  aucuns  jours  fixés.  » 

Voici  le  détail  d'un  voyage  de  Paris  à  Londres  par  Calais  : 

Tous  les  mardis  et  vendredis  partait  de  Paris  une  voiture  qui  arrivait 
à  Arras  en  quatre  jours  ;  tous  les  mardis  et  samedis  un  autre  carrosse 
se  dirigeait  sur  SaùU-Omer;  il  fallait  deux  jours.  A  Samt-Omer,  on 
s'embarquait  sur  un  coche  d'eau  et,  en  une  journée,  on  arrivait  enfin  à 
Calais  :  en  tout,  sept  jours.  A  Calais,  il  n'y  avait  aucun  jour  fixé  pour 
rembarquement. 

De  Douvres  on  gagnait  Canterbury,  Rochester,  Dartford,  et  enfla 
Londres. 

D'autres  voyageurs  passaient  par  Rouen  et  Dieppe,  et  s'embarquaieot 
pour  Newhaven. 

111. 

Plusieurs  services  publics  se  dirigeaient  vers  l'Est  : 

De  Paris  à  Reims  :  deux  jours  ; 

De  Paris  à  Sedan  :  six  jours  ; 

De  Paris  à  Bdle  :  dix  jours,  passant  par  Troyes,  Lahgres  (6  jours}  et 
Bel/ort  (9  Jours). 

De  Paris  à  Nancy  et  Strasbourg  :  douze  jours. 

Voici  le  détail  de  ce  voyage  : 

{ajournée.  —  Le  carrosse  de  Strasbourg  partait  de  Paris  tons  les 
samedis  à  six  heures  du  matin  et  passait  par  Pantin ,  Bondy  ;  dînait  à 
Ville-Parisis  (midi),  à  Claye,  couchait  à  M  eaux,  où  il  arrivait  à  sept 
heures  du  soir  :  treize  heures  et  dix  lieues. 

2e  journée.  —  Départ  à  six  Jieures  du  matin  ;  diner  à  ta  Ferté-sovs- 
Jouarre  (1 1  heures  j  ;  coucher  à  Chdteau-Thierry  :  dit  lieues  en  treize 
heures. 

3e  journée.  —  Départ  à  quatre  heures  du  malin;  dîner  à  Dormant 
(|0  heures)  ;  coucher  à  Êpernay  :  quinze  heures  et  neuf  lieues. 

4e  journée.  —  Départ  à  six  heures  du  malin,  dluer  à  Jalons,  coucher 
à  Chdlons  :  sept  lieues  parcourues  en  douze  heures. 

ajournée.  —  Départ  à  six  heures  du  matin;  arrivée  et  coucher* 
Vitry  :  sept  lieues  en  douze  heures  ! 

6e  journée.  —  Départ  à  trois  heures  du  matin-;  dîner  à  Saint-Di- 
zier,  coucher  à  Bar-le-Duc,  où  l'on  arrivait  à  7  heures  du  soir,  ayant 
tait  onze  lieues  en  dix-sept  heures. 


COMMENT  L'ON  VOYAGEAIT  EN  FRANGE.       139 

V journée.  —  Départ  k  quatre  heures  du  matin,  traverse  Ligny, 
dînera  Saint- Aubin,  couchera  Void:  neuf  lieues  en  quinze  heures. 

ajournée.  —  Départ  à  quatre  heures  du  matin  ;  arrivée  à  Tout  à 
1 1  heures,  où  Ton  dînait;  à  six  heures  du  soir,  on  atteignait  Nancy,  où 
l'on  eoachait. 

ajournée.  —  Départ  de  Nancy  à  quatre  heures  du  matin  ;  arrivée  à 
Saint-Nicolas  à  7  heures  du  matiu  ;  à  U  heures  à  Lunéoille,  où  Ton 
disait,  et  à  6  heures  du  soir  à  Herbéviller,  où  Ton  couchait. 

10e  Journée.  —  Départ  à  quatre  heures  du  matin  ;  arrivée  à  Me- 
nant à  six  heures  du  matin;  à  midi  à  Béming,  où  l'on  dîne;  et  à 
6  heures  du  soir  à  Sarrebourç,  où  Fou  couche. 

11°  journée,  —  Départ  à  quatre  heures  du  matin  ;  arrivée  à  Phals- 
tsurg  à  sept  heures;  à  Saverne  à  midi  (dîner)  e!  a  Wiltheneim  (?),  où 
Ton  couchait. 

lî*  journée.  —  Départ  i  quatre  heures  du  matin  de  Wiltheneim  (?), 
pour  arriver  à  Strasbourg  à  dix  heures  du  matin. 

De  Paris  à  Metz  :  huit  jours. 

<  Le  carrosse  de  Metz  part  de  Paris  tous  les  jeudis  à  six  lieures  du 
**tin  et  suit  le  même  ordre  que  le  carrosse  de  Strasbourg  Jusqu'à 
Châfau,  où  il  arrive  tous  les  dimanches  i  si*  heures  du  soir.  » 

Le  lundi,  il  part  à  quatre  heures  du  matin  pour  aller  coucher  à 
Seiste-Menehould,  où  il  arrive  à  sept  heures  du  soir. 

Le  mardi,  il  dloe  i  Ctermont  et  couche  à  Verdun. 

Le  mercredi,  il  dîne  à  Manheut  et  couche  à  Mars-la-Tour. 

le  jeudi,  il  part  à  quatre  heures  du  matin  pour  arriver  à  Metz  à  dix 
heures  du  matin. 

Toutes  les  semaines,  à  trois  heures  du  malin,  un  carrosse  sortait 
te  Nancy  se  dirigeant  sur  Besançon.  On  dînait  à  Bain  vil  le,  où  Ton  ar- 
rittit  à  midi  et  demi,  et  le  soir  à  huit  heures,  à  Mirecourt,  où  Ton  cou- 
dai!. 

A  six  heures,  le  lendemain  matin,  on  repartait  pour  Vesoul  où,  après 
«voir  passé  la  nuit,  on  atteignait,  le  troisième  jour,  i  sept  heures  et 
demie  du  soir,  Besançon  ('}. 

IV.      . 

Le  Guide  fidèle  donne  un  itinéraire  à' Amsterdam  à  Marseille  :  il 

i^l»  G  aide  jUiU  commet  évidemment  ici  une  erreur;  11  fallait  plu»  d'une  jowr- 
Wr  de  cocke  pour  aile*  de  Mirecourt  à  Vesool.  Il  fait  partir  ce  coche  à  C  heures  du 
■attode  Mireeaurt  pour  le  faire  arriver  4  midi  4  Fa^ernty  /  et  donne  comme  dis- 
tance de  Mirecourt  &  Vesoul  S  lie  net.  Denx  Journées  doraient  être  nécessaires  pnui- 
I*rcourir  la  distance  de  Mirecourt  4  Vesoul.  La  durée  totale  du  trajet  de  Nancy  à 
Besançon  était  de  quatre  jours  et  non  de  trois. 


p 


140  MISGELLANÉES. 

fallait  changer  treize  fois  de  véhicule;  passer  d'une  diligence  dans  uu 
coche;  d'un  coche  monter  dans  un  messager;  vingt  et  un  jours  de 
voiture  étaient  nécessaires  pour  accomplir  ce  voyage  ;  à  ces  2 1  jours* 
ii  fallait  ajouter  le  temps  perdu  à  attendre  les  correspondances,  bien 
heureux  quand  on  ne  les  manquait  pas  ;  car  la  plupart  de  ces  voitures 
ne  se  mettaient  en  route  qu'une  fois  par  semaine. 

On  allait,  voyageant  nuit  et  jour  (28  heures),  à' Amsterdam  à  Bruxel- 
les ;  cette  diligence  partait  tous  les  deux  jours  ;  une  autre  se  dirigeait 
sur  Namur  (12  heures).  Là,  on  ne  trouvait  plus  qu'un  service  hebdoma- 
daire qui  employait  une  Journée  entière  pour  gagner  Rocroy. 

De  ftocroy  on  avait  le  choix  entre  deux  itinéraires  pour  gagner  Dijon, 
où  Ton  retrouvait  la  diligence  de  Lyon  et  le  coche  de  Marseille  : 
1°  par  Reims,  ChAlons,  Troyes,  c'e*t-à-dire  par  la  Champagne;  2°  par 
./  Mézières  et  la  Lorraine  ;  c'est  ce  dernier  que  nous  allons  suivre  : 

De  Rocroy  à  Mézières;  de  cette  dernière  ville  pour  aller  à  Verdun, 
on  mettait  deux  jours;  un  jour  pour  atteindre  Saint- Mikiel  ;  un  messa- 
ger prenait  le  voyageur,  et,  dans  une  demi-journée,  le  conduisait  à 
Commercy  ;  un  autre  messager  employait  le  même  temps  pour  arriver 
à  Vaucouleurs  ;  un  troisième  enfin,  parti  à  6  heures  du  matin,  entrait 
à  Neufchdteau  vers  3  heures  du  soir. 

De  Neufchâtean  à  Langres  et  de  cette  dernière  à  Dijon. 

De  Strasbourg  à  Vienne,  il  y  avait  !  un  service  régulier  :  on  pouvait 
prendre  une  diligence  qui  marchait  nuit  et  jour  ;  elle  était  conduite  par 
des  chevaux  de  poste  ;  le  prix  ordinaire,  est  d'un  demi-florin  par  che- 
val, et  pour  le  postillon  quatre  kreutzer. 

On  pouvait,  à  Ulm,  abandonner  la  route  de  terre  et  descendre  le 
Danube  jusque  Vienne;  ce  mode  de  transport  était  bien  moins  cou* 
teux  que  la  diligence  ;  mais  il  n'était  pas  exempt  de  dangers  :  la  carte 
qui  indique  cet  itinéraire  donne  cinq  «  passages  dangereux  par  les 
roches  sous  l'eau  »  ;  en  d'autres  points,  ce  sont  des  roches  qui  émer- 
gent au-dessus  du  niveau  de  l'eau  :  <  perpendiculaires  »,  comme  dit 
le  Guide  fidèle. 

On  trouvait  à  Ulm,  en  sus  du  bateau  public,  des  bateaux  particu- 
liers; le  prix  pour  aller  à  Vienne  s'élevait  à  cinquante-deux  florins  on 
cent  treize  livres. 

Le  voyage  dTJlm  à  Vienne,  par  eau,  demandait  sept  jours  ;  on  cou- 
chait à  Donauwert,  Wo  h  bourg,  Slraubing,  Passau,  Linz  et  Tull  (?);  il  y 
avait  dix  «  droits  de  passage  »  à  acquitter. 

Le  Guide  fidèle  ne  donne  pas  le  temps  employé  par  la  diligence  à 
parcourir  la  distance  de  Strasbourg  à  Vienne. 


QUELS  SONT  LES  VRAIS  DÉCOUVREURS  DU  8ÉNÉGAL.  141 

Y. 

Aujourd'hui,  on  parcourt  en  quelques  heures  ces  distances  qui  de- 
mandaient des  jours  entiers  aux  lourds  coches  du  siècle  dernier;  c'est 
par  quelques  rapprochements  que  je  terminerai  ce  petit  travail  : 

De  Paris  à  Nancy,  le  coche  mettait,  en  1764,  huit  jours;  aujour- 
d'hui il  faut,  à  un  train  express,  six  heures  et  demie; 

De  Paris  à  Belfort,  le  coche  :  neuf  jours;  le  train  :  sept  heures; 

Paris  à  hongres,  coche  ;  six  jours;  train  :  cinq  heures; 

Paris  à  Sedan,  coche  :  six  jours-  train  :  six  heures  et  demie  ; 

Paris  à  Reims,  coche  :  deux  jours  ;  train  :'  trois  heures  ; 

Paris  à  Lyon,  coche  :  cinq  jours;  train  :  huit  heures  et  demie  ; 

Paris  à  Marseille,  coche  :  douze  jours;  train  :  quinze  heures; 

Péris  à  Bordeaux,  coche  :  quinze  jours  ;  train:  neuf  heures; 

Paris  à  Toulouse,  coche  :  seize  jours  ;  train  :  quinze  heures  ; 

Paris  à  Nantes,  coche  :  huit  jours;  train  :  huit  heures; 

Paris  à  Rouen,  coche  :  trois  jours;  train:  deux  heures  et  demie; 

Paris  à  Li/fe,  coche  :  deux  jours;  train  :  quatre  heures; 

Paris  à  Calais,  coche  :  sept  jours;  train  :  *tx  heures. 

A.  Fournier. 


Quels  sont  les  vrais  découvreurs  du  Sénégal. 

Qai,  des  Français  on  des  Portugais,  a  l'honneur  d'avoir  découvert  le 
Sénégal  et  d'y  avoir  installé  des  comptoirs?  La  Revue  britannique 
publie  au  sujet  du  Sénégal  une  étude  dont  le  passage  suivant  résout 
la  question  posée  : 

Les  Français  ont  occupé  les  rives  du  Sénégal  dès  1361,  mais  nos 
établissements  alors  n'étaient  que  des  loges  ou  comptoirs  commerciaux 
où  l'on  trafiquait  de  la  poudre  d'or  et  de  l'ivoire.  On  a  longtemps  dis- 
cuté à  qui  revenait,  des  Français  on  des  Portugais,  la  priorité  de  la 
découverte  des  côtes  occidentales  de  l'Afrique  :  la  question  a  été  sa- 
vamment étudiée  dans  l'un  et  l'autre  sens  par  MM.  d'Avezac,  Estancelin, 
le  baron  Walckenaer  et  le  vicomte  de  Santarem.  Bien  avant  eux,  un 
religieux  qui  avait  visité  ces  contrées  au  commencement  du  xvme 
siècle  et  leur  avait  consacré  un  important  ouvrage,  le  R.  P.  Labat, 
écrivait:  i  11  y  a  des  apparences  très  bien  fondées  que  les  Nor- 
mands, et  particulièrement  les  Dieppois,  auraient  reconnu,  fréquenté 
et  visité  les  côtes  d'Afrique  dés  le  commencement  du  xiv*  siècle, 
puisqu'on  sait  positivement  et  d'une  manière  à  n'en  pouvoir  douter, 


142  *  MI8CELLANÉES. 

que  leur  commerce  était  établi  à  Ru flaque  et  le  long  de  la  côte  tt 
bien  au  delà  de  la  rivière  de  Sierra- Leone  dès  le  mois  de  novembre 
1364.  »  Et  la  preuve  citée  par  le  F.  Labat  à  l'appui  de  son  assertion 
est  que  les  marchands  de  Rouen  s'associèrent  aux  marins  dieppot* 
pour  exploiter  en  commun  le  commerce  des  côtes  occidentales  de 
l'Afrique.  L'incendie  de  Dieppe  (1694)  brûla  les  archives  municipales, 
où  était  conservé  cet  acte  de  société  ;  mais,  selon  le  P.  Labat,  un  avo- 
cat de  cette  Tille  en  possédait  une  copie  ;  n'ayant  pu  se  rappeler  le 
nom  de  cet  avocat,  il  le  laissa  en  blanc  dans  sa  Relation,  et  donna 
ainsi  le  champ  libre  à  ses  contradicteurs.  Le  P.  Pournier,  qui  publia 
son  Hydrographie  bien  avant  l'ouvrage  du  1*.  Labat,  dit  que,  «  avant 
que  les  Portugais  nous  eussent  enlevé  le  château  de  la  Mine,  toute  la 
Guinée  était  remplie  de  nos  colonies,  oui  portaient  les  noms  des  vides 
dont  elles  étaient  sorties  •  ;  et  M.  de  Santarem,  dans  le  travail  publié 
par  lui  en  faveur  de  la  priorité  de  découverte  des  Portugais,  douce 
comme  preuve  de  la  fausseté  des  navigations  des  Normands  que  pas 
un  auteur  avant  Yiilault  de  Bellefonds  (1668)  n'a  pensé  à  les  mentionner. 
«  Georges  Fournier,  ajoute-t-il,  dans  son  grand  ouvrage  publié  sar 
l'hydrographie  en  1643,  ne  dit  pas  un  mot  des  prétendues  traditions 
touchant  les  Dieppois,  bien  qu'il  fût  Normand.  »  On  voit  que  M.  de 
Santarem  s'est  gravement  trompé  et  qu'il  a  fourni  lui-même  des  armes 
contre  sa  thèse;  appuyant  son  opinion  sur  celle  qu'il  prête  au  P.  Four- 
nier, il  devait  nous  permettre  de  renforcer  la  notre  avec  celle  que  l'on 
trouve  réellement  dans  son  livre.  Les  preuves  les  plus  concluantes 
existaient  cependant  en  faveur  de  la  priorité  des  Normands.  Le  voya- 
geur Villault  de  Bellefonds,  dans  sa  Relation  des  côtes  d'Afrique,  entrait 
à  cet  égard  dans  les  détails  les  plus  minutieux,  citait  les  points  occu- 
pés par  nos  marins,  les  noms  qu'ils  leur  avaient  donnés:  il  parait 
même  qu'il  restait  des  traces  matérielles  de  leur  passage  sur  les  murs 
des  fortifications  rcoccupées  par  les  Portugais,  mais  soigneusement 
effacées  par  ceux-ci.  Enfin,  dans  le  traité  conclu  le  15  décembre  1687 
par  du  Casse  avec  le  roi  du  Gommeudo  pour  nous  céder  le  village 
d'Aquitagny,  le  prince  rappelle  les  anciennes  relations  de  ses  prédé- 
cesseurs «  pendant  le  séjour  des  Français  sur  cette  côte,  qui  a  été  de 
plus  d'un  siècle  ». 

Toutes  ces  preuves  cependant  n'étaient  pas  suffisamment  concluantes 
au  point  de  vue  de  l'histoire,  quand  un  heureux  hasard  fit  connaître 
à  l'un  des  savants  qui  connaît  le  mieux  notre  histoire  maritime. 
M.  Margry,  un  document  de  la  bibliothèque  de  M.  Carter  à  Londres, 
lequel  tranche  définitivement  la  question  sans  laisser  la  moindre  place 
ù  la  discussion  et  en  justifiant  complètement  les  allégations  de  nos 
vieux  écrivains.  Ce  document  est  la  ■  Briey  estoire  del  narigaige 


QCKLS  SONT  LES  VRAIS  DÉCOUVREURS  DU  SÉNÉGAL.     143 

JooBsfrc  Jehan  Prunaut,  Roanois,  en  la  tiere  des  noirs  bornes  et  laies 
à  nous  incogneus  avec  les  estranges  façons  de  vivre  desdits  noirs  et 
one  colloque  en  lor  langaige  » . 

An  mots  de  septembre  1364,  y  lit-on,  les  marchands  dieppois  et 
nroennais  armèrent  deux  bâtiments  sons  le  commandement  de  Jehan 
li  Roanois  pour  les  envoyer  au  Sénégal,  «  où  onc  n'avoicnt  esté  encoire 
cil  Normandie  ».  An  premier  abord,  Jes  nlgrcs,  «  qui  onc  n'a  voient  vu 
homes  blancs*,  s'enfuirent  épouvantés,  mais  on  les  apprivoisa  facile- 
ment avec  quelques  présents  et  Ton  entama  aussitôt  des  échanges,  et 
qos  marins  repartirent  en  annonçant  leur  retour  pour  Tannée  suivante. 
Jehan  li  Roanois  revint  en  effet  avec  quatre  navires:  de  violents  coups 
reots  Jes  désemparèrent  asses  gravement  pour  que  leur  commandant— 
peut-être  même  fut-ce  un  prétexte  —  demandât  l'autorisation  de  cons- 
truire quelques  cases  à  lerre  pour  loger  ses  hommes  et  ses  marchan- 
dise! :  il  l'obtint  facilement,  «  et  de  ce  feras- là  commença  li  fait  de 
marchandise  avec  li  nation  de  Normandie  et  cils  homes  noirs  ». 

b  1379,  Jehan  li  Roanois  revint  de  nouveau  sur  la  Notre- Dame-de- 
fem-Koya^e,  mais  à  l'automne  seulement,  parce  qu'au  dernier  voyage 
bit  en  été  les  maladies  avaient  décimé  son  équipage  et  enlevé  no- 
tamment son  frère  Légier;  cette  fois,  il  rapporta  une  certaine  quan- 
tité de  poudre  d'or,  et,  en  débarquant  à  Dieppe,  il  trouva  le  roi  dans 
cette  ville.  lequel  chargea  le  comte  de  Pontliieu  de  le  lui  amener,  •  et 
fat  moult  bien  receus  du  Rois,  de  ses  barons  et  damoiselles  ».  Il  l'ac- 
cueillit avec  une  grande  faveur  et  lui  Ût  raconter  ses  voyages;  puis  il 
lui  Ût  don  d'un  domaine  important  et  le  nomma  amiral.  C'est  de  ce 
Jovr  qoe  Jehan  prit  le  nom  de  Prunault,  qui  signiliait,  explique-t-on, 
hardi  marin,  preux  navigateur.  De  Dieppe,  il  alla  à  cheval  à  Rouen,  où 
il  fat  reçu  par  l'archevêque  avec  son  clergé,  lui  sachant  particulière- 
ment gré  d'avoir  fondé  sur  la  côte  d'Afrique  une  chapelle  de\>"otre- 
Dame. 

11  reprit  la  mer  en  13S0  avec  trois  navires,  la  Notre-Dame,  le  Saint- 
\iaUaset  Y  Espérance,  et  vint  aborder  à  la  Mine,  lieu  ainsi  nommé  à 
cause  de  la  quantité  de  poudre  d'or  qu'on  y  négociait  ;  il  y  Ut  construire 
nn  petit  fortin  avec  une  maison  carrée  qui  reçut  le  nom  de  Prunaus; 
d'autres  postes  reçurent  les  noms  de  Petit-Dieppe,  de  Petit-Rouen,  de 
Petil-Germoulruville  et  de  Petit-Paris.  «  L'an  mil  1111  cl  dix,  lit-on  à  la 
fia  do  manuscrit,  se  départit  grant  plants  des  mariniers  de  .Normandie 
et  les  merchants  perdirent  lors  richesses  qui  estoient  mangiées  par 
les  gaeres  qui  lors  estoient  et  en  onze  ans  dens  naus  a  tôt  seulement 
akreut  à  la  co.s tiere  d'or  et  un  por  le  grand  Siett  et  petit  après  les 
guerres  estant  moult  estormes  sur  eaues  corne  sur  lierre  les  besoignes 
de  marchandises  furent  destourbees  et  dtstroiles.  • 


144  MJSCELLANÉES. 

La  question  peut  donc  être  désormais  considérée  comme  Jugée  et  k 
priorité  de  la  découverte  des  côtes  occidentales  d'Afrique  revient  bien 
positivement  aux  marins  normands. 


M.  STANLEY 

VAfrikaan,  le  bateau  de  service  de  la  nouvelle  Société  africaine,  a 
rapporté  du  Congo,  sur  la  seconde  expédition  de  Stanley,  d'intéressants 
détails  qu'un  correspondant  du  Journal  des  Débats  résume  en  ces 
termes  : 

En  décembre  dernier,  partait  de  Londres  pour  Cadix  un  navire,  sous 
le  nom  de  Ready,  avec  un  chargement  de  charbon  et  autres  marchan- 
dises. Le  Ready,  pendant  le  trajet,  a  changé  de  nom  et  est  devenu  le 
Earhaway.  En  arrivant  à  Cadix,  il  a  pris  à  son  bord  M.  Stanley  qui, 
disait-on,  soignait  une  maladie  contractée  dans  ses  longs  voyages  do 
centre  de  l'Afrique,  mais  qui  s'est  trouvé,  à  l'arrivée  du  Harkaway,  en 
parfait  état  de  santé.  Le  Barkaway  a  pris  immédiatement  la  directioa 
du  Congo  et  a  jeté  l'ancre  devant  Banana.  Banana  est  une  langue  de 
terre  fort  étroite  qui  sert  de  quai  de  débarquement  aux  Hollandais.  Le 
lendemain  même  du  jour  de  l'arrivée  de  H.  Stanley,  un  second  navire 
anglais,  le  Chittagong,  de  3,000  tonnes,  mouillait  dans  la  baie,  appor- 
tant de  Zanzibar  trois  cents  nègres,  rudes  et  forts  gaillards  armés  de 
fusils  à  tir  rapide,  que  le  chef  d'expédition  est  venu  recevoir  en 
personne. 

Il  s'est  produit  un  ineident  qui  prouve  une  fois  de  plus  que  M.  Stan- 
ley n'est  rien  moins  que  scrupuleux  sur  le  choix  des  moyens. 

Pour  déterminer  le  capitaine  du  bateau  frété  à  Zanzibar  à  se  rendre 
au  Congo,  il  s'était  engagé  à  lui  procurer  un  fret  de  retour.  Une  fois  au 
Congo,  M.  Stanley  n'a  rien  voulu  entendre.  Le  capitaine  a  dû  se  retirer 
Gros-Jean  comme  devant,  décidé  à  porter  plainte.  Stanley  et  ses  hommes 
n'ont  fait  que  passer  à  Banana.  L'expédition  s'est  aussitôt  mise  en  route 
pour  le  Haut-Congo,  mais  la  veille  de  son  départ,  M.  Stanley  avait  dîné 
chez  le  chef  de  la  station  hollandaise  et  s'était  répandu  en  injures 
contre  M.  de  Brazza,  frappant  du  pied:  t  Je  lui  prépare,  s'est-il  écrié 
souvent,  une  chaude  réception.  »  Il  n'a  pas  été  moins  violent  contre 
les  Hollandais  qui  lui  ont  offert  l'hospitalité  et  lui  ont  rendu  les  plus 
grands  services. 

Et  cependant  l'Association  internationale  africaine,  dont  M.  Stanley 
est  l'agent,  n'a  nullement  songé  à  contester  la  validité  du  traité  conclu 


EXPÉDITION  SCIENTIFIQUE  DANS  L'AFRIQUE  ORIENTALE.    145 

par  ï.  de  Brazza  arec  le  roi  Makoko.  Un  des  membres  de  cette  Associa- 
tion écrit  an  Figaro  pour  faire  cette  déclaration  et  il  ajoute: 

L'Association,  font  an  contraire,  a  donné  Tordre  formel  i  tous  ses 
agents  de  respecter  de  la  manière  la  plus  scrupuleuse  les  acquisitions 
françaises  faites  au  Congo  en  vertu  du  traité  Brazsa-Makoko,  que  les 
Chambres  ont  sanctionné. 

L'Association,  d'ailleurs,  a  fait  connaître  depuis  des  années  dans  quel 
bat  elle  avait  été  créée  et  les  moyens  auxquels  elle  comptait  recourir 
pour  se  développer.  Rien  n'est  changé  dans  ses  intentions,  quoi  qu'on 
puisse  dire. 


Une  expédition  scientifique  hambourgeoise  dans 
les  régions  équatoriales  de  l'Afrique  orientale. 

(Traduit  et  extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Ham- 
bourg, par  M.  Wbissahdt,  membre  de  la  Société.) 

Il  est  un  fait  incontestable  qu'après  l'Angleterre,  c'est  à  l'Allemagne 
que  revient  l'honneur  d'avoir  contribué  pour  la  plus  grande  part  à 
louîerture  de  l'intérieur  de  l'Afrique.  En  ce  qui  concerne  véritablement 
le  domaine  allemand,  c'est  plutôt  l'Afrique  orientale  qui  a  été  le  but 
des  efforts  tentés  par  le  commerce  et  les  sciences.  Ici,  il  y  avait  avant 
tout  les  maisons  de  commerce  hambourgeoises,  lesquelles  excitèrent 
an  moavement  commercial  les  cultivateurs  et  les  indigènes  civilisés- 
il  y  avait  ici  aussi  et  principalement,  des  missionnaires  et  des  savants 
allemands,  qui  contribuèrent  beaucoup  à  faire  respecter  leur  influence 
méconnue.  L'existence  de  montagnes  couronnées  de  neiges  fut  constatée 
parRebmann  qui  découvrit,  en  1848,  le  Kilimandjaro,  et  par  Krapf  qui 
découvrit,  en  1849,  le  mont  Kenia.  Ce  sont  Rebmann  et  Erhardt  qui, 
snr  les  bases  de  sérieuses  recherches,  dessinèrent  ces  cartes  renom- 
mées de  l'Afrique  orientale  et  centrale,  sur  lesquelles  figure  le  lac 
Dkerewe  sur  une  étendue  de  12  degrés.  Celte  production,  qui  paraissait 
pour  la  première  fois,  fut  la  cause  de  l'impulsion  donnée  aux  éminents 
voyageurs  explorateurs  anglais,  Bnrton,  Grant  et  Speke.  Plus  tard,  en 
1859,  ce  fut  le  réputé  docteur  Albert  Hocher  qui  se  rendit  en  Afrique 
pour  faire  l'ascension  du  Kilimandjaro,  dans  ie  but  de  rechercher  le 
lac  Nvassa,  qui  était  à  l'état  problématique  ;  malheureusement,  ses  in- 
vestigations lui  coûtèrent  la  vie.  One  année  après,  le  liauovrien  baron 
Nicolas  de  Decken  se  rendit  de  Moinbasa,  en  traversant  les  pays  de 
Wanika  et  Waleita,  au  mont  Kilimandjaro,  qu'il  gravit  à  une  hauteur  de 

•00.  DE  QEOOR.  —  1"  THIMS9TRB  1883.  10 


146  MISCELLANÉES. 

«,360  pieds  anglais,  estimant  que  cette  montagne  devait  avoir  une  bail- 
leur de  18,710  pieds  anglais.  En  octobre  1862,  de  Decken  et  le  D'Otto 
Kersten  ûrent  une  deuxième  ascension  du  Kilimandjaro,  et  cette  fois 
ils  atteignirent  la  hauteur  de  14 ,  1 60  pieds  anglais  ;  les  explorateurs  étu- 
dièrent les  couches  géologiques  de  cette  montagne  et  reconnurent  le 
terrain  d'origine  volcanique.  En  1863,  de  Decken  et  Kersten  entre- 
prirent f  exploration  par  mer  d'une  partie  de  la  côte  orientale,  visitè- 
rent lbo  et  Lamu  et  quelque  temps  après  retournèrent  en  Allemagne, 

Ces  beaux  résultats  obtenus  ne  laissèrent  à  Decken  aucun  repos; 
aussi  rinfatigable  explorateur,  poussé  par  le  besoin  d'action,  quitta 
de  nouveau  son  pays  en  1864.  Mais  cette  fois  il  prit  avec  lui  deux  pe- 
tits bateaux  à  vapeur  dans  le  but  de  remonter  les  fleuves  de  l'Afrique 
orientale,  l'Osi-Tanaet  le  Jub  (Danna  et  Djouba),  afin  de  pénétrer  aussi 
loin  que  possible  dans  l'intérieur  de  l'Afrique  orientale.  Il  est  reconnu 
que  de  Decken  et  une  grande  partie  de  ses  compagnons  furent  massa* 
crés  par  une  tribu  de  Çômalis.  Le  précieux  matériel  de  géographie  et 
de  sciences  naturelles  dont  disposait  l'expédition  de  Decken  a  été 
l'objet  d'un  ouvrage  en  4  volumes  fait  par  M.  Otto  Kersten,  et  qui  de 
tout  (emps  sera  un  ornement  de  la  littérature  allemande. 

Tour  éclaircir  le  malheureux  sort  gui  était  tombé  en  partage  à  l'ex- 
pédition de  Decken,  on  chargea  Richard  Brenner  de  cette  mission,  lequel 
se  rendit  aux  fleuves  Tana  et  Jub;  de  là  il  arriva  à  Berdera,  se  dirigeant 
après  vers  la  côte  Est  ;  mais  très  souvent,  pendant  ses  recherches,  les 
nouvelles  de  Brenner  restaient  obscures.  Indépendamment  de  Decken, 
ce  fut  avant  tout  l'envoyé  de  l'institution  Charles  Rilter  et  de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Berlin,  J.  M.  Hildebrandt,  qui,  malheureusement, 
mourut  en  1&81  à  Madagascar  ;  c'est  lui  que,  après  avoir  quitté  Zanzibar, 
nous  avons  retrouvé,  de  (875  à  1877,  sur  divers  chemins  de  la  région 
des  Alpes  du  Kilimandjaro  et  Kenia. 

En  juin  1876,  il  y  avait  l'ingénieur  Clémence  Denhardt,  né  à  Zeitz 
(Hollande),  demeurant  alors  à  Berlin,  qui  dressa  le  plan  détaillé  d'une 
nouvelle  expédition  allemande,  dans  le  but  de  protéger  nos  nationaux 
en  attendant  l'ouverture  de  l'intérieur  de  l'Afrique  orientale  équatoriafe. 
Pour  atteindre  son  but,  il  créa  des  comptoirs  de  commerce  et  obtint 
ainsi  la  faveur  des  indigènes;  il  se  mit  en  rapport  avec  les  tribus  des 
Galla  et  Çomalis  et  Ht  en  même  temps  des  observations  scientiflques. 
Pour  mettre  à  exécution  tous  ces  plan?,  la  Société  de  géographie  de 
Hambourg  et  les  commerçants  de  cette  ville  vinrent  à  son  aide,  de 
telle  sorte  que  fin  1877,  son  expédition  fut  à  même  d'agir.  Une  année 
avant  le  départ  de  cette  expédition,  le  doctenr-médecin  0.  A.  Fischer, 
de  Banncn,  se  rendit  à  Zanzibar  aûn  de  soigner  les  préparatifs  de  l'en* 
treprise  de  Denhardt.  En  attendant  l'arrivée  de  ce  dernier,  qui  eut  lieu 


EXPÉDITION  SCIENTIFIQUE  DANS  l'aPRIQUB  ORIENTALE.    147 

en  1878,  le  D*  Fiseber  employa  son  temps  à  faire  des  excursions  dans 
le  Sud  des  pays  de  Gatla  et  dans  le  pays  de  Wito,  dont  le  sullan  pria 
Richard  Brenner  de  dire  à  son  gouvernement  la  sympathie  qu'il  avait 
pour  loi  et  qu'il  offrait  au  ministre  prussien  des  affaires  étrangères  la 
suzeraineté  de  son  territoire. 

La  Société  de  géographie  de  Hambourg,  1876-1877,  a  fait  insérer  des 
communications  très  détaillées  sur  les  voyages  du  Dr  Fischer. 

Dennardt  quitta  Hambourg  le  19  décembre  1877.  et  c'est  en  mai  1878 
qu'il  arriTa  à  Zanzibar.  Après  avoir  fait  préalablement  quelques  excur- 
sions sur  la  côte  de  Zanzibar,  Denbardt  et  Fischer  dirigèrent  leurs  pas 
vers  le  Nord  jusqu'au  fleuve  Tana.  Us  remontèrent  ce  cours  d'eau  jus- 
qu'à Massa  et  là,  par  suite  de  maladie  et  manque  de  ressources,  ils 
furent  obligés  de  retourner  à  Zanzibar,  en  décembre  1878. 

tes  résultats  de  ces  voyages  se  trouvent,  accompagnés  de  carti  s, 
dans  un  rapport  publié,  année  1881,  1™  livraison,  de  la  Géographie 
Petermann.  Pendant  qu'en  juin  1879,  Denbardt  s'en  revint  en  Allemagne, 
son  compagnon,  le  D' Fischer,  demeura  jusqu'à  ce  jour  à  Zanzibar,  pra- 
tiquant avec  succès  la  médecine  et  la  physique.  Le  1"  octobre  de  celte 
année,  Fischer  abandonna  ce  poste  lucratif,  afin  de  mettre  à  exécution 
nn  plan  préparé  depuis  5  ans  et  qui  consiste  à  faire  une  exploration 
plus  vaste  dans  les  régions  équatoriales  de  l'Afrique  orientale.  Le  4  mai 
de  cette  année,  Fischer  écrivit  à  la  Société  de  géographie  de  Hambourg 
qu'il  se  proposait  de  faire  une  expédition  spécialement  hambourgeoise, 
mais  à  la  condition  que  la  Société  mit  15,000  marcs  à  sa  disposition  et 
qu'à  cette  somme  il  ajouterait  ses  propres  ressources.  Dans  la  séance 
do  S  octobre,  tenue  par  la  Société  de  géographie,  la  demande  en  ques- 
tion fut  accordée.  Avec  l'aide  de  l'institution  Averhoff  et  les  dons  vo- 
lontaires de  quelques  membres  de  la  Société,  on  atteignit  dans  l'espace 
de  peu  de  temps  la  somme  de  15,200  marcs.  Dans  sa  dernière  séance, 
la  Société  de  géographie  lit  part  de  l'encaisse  réalisée,  déclarant  que 
cette  somme  serait  mise  immédiatement  à  la  disposition  de  l'expédi- 
tion Fischer. 

Cet  heureux  événement  permettra  à  la  Société  de  géographie  ham- 
bourgeoise de  ne  plus  être  à  la  remorque  des  autres  sociétés  et  insti- 
tutions, et  surtout,  pour  la  première  fois,  prendre  d'elle-même  une  part 
active  et  directe  à  cette  nouvelle  exploration  africaine,  avec  l'espoir 
de  la  mener  à  bonne  On  pour  la  gloire  de  la  science  et  du  commerce. 
En  ce  qui  concerne  a  présent  la  personne  de  Fischer  pour  la  direction 
de  l'exploration  hambourgeoise,  il  y  a  tout  lieu  d'avoir  confiance  en 
lui  et  de  compter  sur  tous  ses  efforts  pour  la  mener  à  bonne  fin. 
Il  est  certain  qu'après  cinq  années  durant  de  voyages  scientifiques  et 

de  stationnements  dans  l'Afrique  orientale,  il  est  de  toute  notoriété 


1 


48  MISCELLANÉES. 

sans  faire  de  personnalité,  que  Fischer  est  seul  à  môme  d'entreprendre 
cette  mission.  Habitué  qu'il  est  au  climat,  aux  privations  de  tous  genres, 
familiarisé  avec  le  langage,  les  us  et  coutumes  de  ces  peuplades,  il 
arrivera  sûrement  à  assurer  le  développement  des  établissements  de 
nos  nationaux  à  Zanzibar. 

Dans  de  semblables  conditions,  nous  rivons  avec  le  ferme  espoir  et 
la  sincère  conviction  que  le  voyage  de  Fischer  réussira. 

Fischer  compte  partir  de  Pangani  en  novembre  et  s'adjoindre  une 
caravane  arabe  forte  de  600  à  800  hommes  pour  se  rendre  aux  lacs  in- 
connus de  l'Afrique  orientale,  lesquels  se  trouvent  à  l'Est  du  territoire 
du  lac  Victoria-Nyanza.  11  y  a  trois  endroits  de  la  côte  qui  fournissent 
des  caravanes  pour  cette  destination  ;  ce  sont  les  villes  de  Pangani, 
Mombasa  et  Tagaunkou.  Fischer  a  désigné  Pangani  comme  point  de 
départ,  d'abord  parce  que  de  cette  ville  on  arrive  assez  vite  sur  des  ter- 
ritoires  inconnus  jusqu'ici,  en  second  lieu,  parce  que  la  route  se  pour- 
suit à  traders  la  région  des  montagnes  couronnées  de  neige,  et  enfin 
et  surtout,  parce  que  la  Société  de  géographie  de  Londres  se  propose 
de  faire  une  nouvelle  expédition  sous  la  direction  d'un  homme  expéri- 
menté, Joseph  Thomson,  lequel  prendrait  comme  point  de  départ  Mom- 
basa et  se  dirigerait  vers  les  pays  de  Massai.  Aussi  faudra -t-il  trouver 
à  Pangani  des  gens  convenables  et  d'expérience  pour  faire  un  sembla- 
ble voyage,  comme  pense  le  faire  le  Dr  Fischer. 

À  la  dernière  station  arabe  commerçante,  à  Sambourou  ou  au  iac 
Baringo7  Fischer  se  propose  de  rester  aussi  longtemps  que  possible, 
pour  prendre  des  notes  scientifiques  et  faire  des  excursions  dans  les 
alentours  du  territoire  et  surtout,  s'il  y  a  possibilité,  se  rendre  à  Borani, 
Galla  et  plus  loin  visiter  le  Djouba  pour  revenir  par  le  pays  des  Galla, 

D'après  tout  ce  qui  précède,  ce  voyage  aura  bien  une  durée  d'un  an. 

Tous  les  résultats  ayant  trait  à  la  géographie  et  à  l'ethnographie, 
ainsi  que  ce  qui  concerne  les  sciences,  sera  exclusivement  acquis  à  la 
Société  de  géographie  hambourgeoise. 

Ce  voyage  à  travers  les  pays  inconnus  de  Galla  et  Çomali  jusqu'aux 
côtes,  voire  même  jusqu'en  Abyssinie,  s'il  doit  réussir  à  Fischer,  sera 
certes  pour  les  géographes  l'accomplissement  d'un  vœu  formulé  depuis 
longtemps.  Plus  que  jamais,  les  recherches  du  Dr  Fischer  sur  les  ter- 
ritoires africains  ont  mis  en  lumière  les  efforts  de  cet  homme  savant 
et  intrépide. 

11  y  a  peu  de  temps  que,  du  Nord,  les  efforts  constants  des  explora- 
teurs italiens  Secchi  et  Ghiarini  réussirent  pour  arriver  dans  le  Choa, 
Haiïa  et  Enarca;  de  là  fut  aussi  envoyé  par  la  Société  allemande  afri- 
caine le  Dr  Stecker,  lequel,  dans  son  nouveau  voyage  vers  Oape,  Koofara 
et  l' Abyssinie,  fut  accompagné  par  Gerhard  Rohlfs  afin  d'atteindre  les 


LA  GUERRE  AUX  ISTHMES.  149 

eôtes  de  Zanzibar.  Lorsque  Joseph  Thomson,  l'heureux  compagnon  de 
Keith  Johnstons,  après  ses  malheureux  voyages  vers  le  Nord  des  lacs 
.N Tissa,  fut  envoyé  par  la  Société  royale  de  géographie  de  Londres, 
pour  aller  de  Mombasa  à  Victoria-Xyanza.  et  de  là  s'ouvrir  un  chemin» 
il  se  dirigea;  en  1881 ,  à  travers  le  pays  des  Habab. 

Le  baron  Jean  de  Millier,  de  Beideiberg,  se  propose  également,  en  1 883, 
démettre  ses  études  en  pratique  et  faire  de  nouvelles  recherches  dans 
tes  montagnes  neigeuses  de  l'Afrique  orientale. 

5oes  espérons,  avec  les  progrès  de  la  science  et  l'aide  que  donne 
notre  Société  de  géographie  à  nos  concitoyens,  contribuer  pour  une 
grande  part  a  la  connaissance  complète  des  terres  inconnues  de  l'Afrique 
orientale  équatoriale. 


LA  GUERRE- AUX  ISTHMES 

il  existe  en  Russie  un  projet  de  percement  de  l'isthme  de  Pérékop, 
qui  rattache  la  Grimée  au  continent.  Un  canal  maritime  relierait  ainpi 
directement  Odessa  à  la  mer  d'Azov  et  aux  terres  à  blé  des  rives  du 
Don.  Cette  question  n'est  pas  sans  intérêt  pour  le  reste  de  l'Europe, 
car  le  détroit  de  kertch,  qui  relie  la  mer  d'Azov  à  la  mer  Noire  se  gèle 
souvent  en  hiver,  ce  qui  est  un  obstacle  à  l'arrivage  des  grains. 

L'eau  pourrait  toujours  être  maintenue  libre  dans  le  nouveau  canal 
maritime  destiné  à  éviter  le  détour  du  détroit  naturel. 

[Xautical  Magazine.) 

Ou  prête  aux  Américains  le  projet  de  percer  l'isthme  do  la  Floride 
d'aa  eanal  maritime,  pour  éviter  aux  navires  qui  vont  à  la  Nouvelle- 
Orléans  le  dangereux  passage  du  canal  de  la  Floride,  canal  qui  a  une 
mauvaise  réputation  à  cause  de  ses  courants  violents,  ses  récifs,  ses 
tempêtes  et  ses  calmes  plus  dangereux  encore  pour  les  voiliers. 

On  évalue  à  vingt-cinq  millions  de  francs  le  montant  annuel  des 
avaries  et  naufrages  dans  ce  détroit. 

(Test  l'embouchure  du  Saint-John  qui  servirait  d'amorce  au  canal  du 
côté  de  l'Atlantique  et  la  rivière  Suwence  lui  servirait  de  débouché 
daos  le  golfe  du  Mexique.  Bien  que  la  Floride  soit  un  pays  plat,  le 
tr&vajl  n'en  sera  pas  moins  considérable,  car  les  roches  de  coraux  qui 
constituent  le  sol  sont  très  dures  et  la  péninsule  a  20(X  kilomètres  de 
large  de  l'Est  à  l'Ouest. 

CM. 


GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE  (Suite) 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS 


UN  VOSGIEN  TABOU  A  NOUKA-HIVA 

[Suite  (!).] 

CHAPITRE  VU. 

Je  m'établis  colon.  —  Le  missionnaire.  —  Voyage  et  expédition  a 
Taioa.  —  Je  suis  envoyé  en  parlementaire.  —  Retraite  et  prise 
de  Hana-Hotago.  • 

Comme  militaire,  ma  situation  n'a  pas  changé,  et,  bien  que  tri» 
apprécié  du  gouverneur,  je  ne  reçois  pas  le  moindre  avancement. 
J'ai  donc  fait  une  demande  de  congé  provisoire  pour  m' établir  colon  à 
Nouka-Hiva.  M.  Brunet,  qui  a  succédé  à  M.  Amalaric,  me  demande  si, 
malgré  mon  congé  quim'arrive  le  1er  avril  1846,  je  lui  servirai  toujours 
d'interprète.  Je  l'assure  que  je  serai  toujours  à  sa  disposition  quand  il 
le  jugera  nécessaire  et  que  j'entends  ne  pas  cesser  d'être  utile  à  mon 
pays. 

M.  Meunier,  lieutenant  du  génie,  me  trace  la  concession  de  terrain 
qui  m'est  accordée  ;  deux  vieux  sauvages,  qui  me  furent  toujours 
dévoués,  m'aident  à  construire  une  petite  maisonnette,  dont  plusieurs 
autres  naturels  me  fournissent  la  plupart  des  matériaux  tout  préparés; 
les  deux  aveugles  me  donnent  la  tresse  de  racine  de  cocas  qui  me  sert  à 
coudre  toute  ma  case  et.  au  bout  d'un  mois,  Je  suis  installé  dan3  ma 
résidence  qui  est  appelée  :  le  Petit  Bonheur.  Elle  n'est  pas  grande  ; 
elle  occupe  un  carré  de  cinq  mètres  de  côté.  La  porte  de  la  façade 
donne  du  côté  de  la  mer,  et  elle  est  flanquée  d'une  fenêtre  munie  de 
volets  de  chaque  côté.  Le  toit  fait  plafond  et  une  couche  d'argile  bien 
serrée  et  battue  sert  de  parquet.  Un  hamac  suspendu  à  la  faîtière,  uu 
coffre,  une  table,  deux  tabourets  en  bois  :  voilà  tout  l'ameublement 
Quant  à  la  batterie  de  cuisine,  une  casserole,  un  couteau,  une  cuiller 
et  une  fourchette  en  forment  toute  la  composition.  Rien  d'étonnant: 
j'étais  à  6,500  lieues  de  mon  pays  et  à  1 ,000  lieues  de  toute  civilisation. 


(>)  Voir  le  Bulletin  du  4<  trimestre  1882,  p.  697. 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  151 

Me  Toilà  donc  propriétaire.  Tout  à  la  joie,  je  cultive  avee  ardeur  mon 
petit  endos,  je  l'ensemence  et  j'en  espère  des  résultats  satisfaisants, 
quand,  hélas  !  mes  forces  trahissent  mon  ardeur,  et  au  bout  de  quinze 
jours  de  travail,  une  fièvre  pernicieuse  m'abat  complètement.  Après 
bien  des  hésitations,  je  consens  à  aller  à  l'hôpital  où  je  suis  soigué  en 
compagnie  d'autres  malades  que  l'épidémie  a  frappés  comme  moi. 

Pourtant,  y  ers  la  fin  de  mai  je  pais  revenir  chez  moi,  guéri  mais  en* 
core  bien  faible.  Quatre  ans  sous  ces  latitudes  suffisent  pour  ébranler 
profondément  la  santé  et  surtout  pour  affaiblir  beaucoup  la  vue.  Pour 
moi,  je  n'y  vois  presque  plus. 

Il  y  a  à  côté  de  moi  un  missionnaire,  M.  Dumontreuil,  homme  cha- 
ritable et  bon,  travailleur  intrépide  qni  cultive  et  récolte  beaucoup  et 
se  fait  un  bonheur  de  donner  les  provisions  qu'il  amasse  aux  chefs  du 
corps  d'occupation  pour  les  distribuer  aux  soldats.  Aussi  ceux-ci  l'ai- 
ment et  le  vénèrent  comme  un  saint  homme  qu'il  est.  Mais  cela  ne  fait 
pas  le  compte  de  ceux  qui  renvoient  et,  dans  une  récente  visite  que 
loi  a  faite  M*f  François  de  Panle,  il  a  essuyé  d'amers  reproches  de  ce 
qa'ii  ne  s'occupait  pas  assez  de  la  conversion  des  sauvages.  Ce  n'est 
pourtant  guère  la  faute  du  digne  homme  qui  ne  comprend  pas  un  mot 
de  la  langue  du  pays.  Mais  je  ne  tarde  pas  à  lui  enseigner  ce  que  je 
sais  et  peu  à  peu  il  finit  par  s'y  mettre. 

Deux  autres  soldats  ne  tardent  pas  à  s'établir  à  mon  exemple  et  nous 
bous  trouvons,  à  la  fin  de  1846,  huit  colons  établis  à  peu  près  (jans  les 
mêmes  conditions  que  je  le  sois.  Nous  vivons  tous  en  bonne  intelli- 
gence et  j'ai  reçu  depuis  bien  des  marques  dé  sympathie  de  tous  mes 
compagnons. 

Je  suis  resté  l'interprète  du  gouverneur,  qui  m'accorde  toujours  un 
grand  crédit  bien  que  je  n'aie  jamais  favorisé  la  délation  des  sauvages 
qu'exploitait  si  bien,  à  son  bénéfice,  mon  prédécesseur. 

Je  fais  de  nombreuses  excursions  dans  l'Ile  et  le  tabou  me  favorise 
en  plus  d'une  circonstance.  Néanmoins,  dans  une  de  mes  reconnais- 
sances, je  ne  me  hasarde  pas,  malgré  la  protection  do  tabou,  à  franchir 
les  hautes  montagnes  qui  séparent  les  Huppah-Manous  des  Taïpi-Vahis. 
Ces  derniers  surtout  sont  la  terreur  des  autres  tribus  et  leur  chef,  le 
terrible  Eoky<u,  n'a  qu'une  manière  de  traiter  ses  prisonniers  :  il  les 
mange. 

Jusqu'en  mars  1847  aucun  événement  important  ne  surgit  dans  l'Ile. 
1  cette  époque,  élant  en  tournée  du  côté  de  Taloa,  pour  renouveler 
mes  provisions,  je  suis  Trappe  de  ne  trouver  que  quelques  vieillards 
et  infirmes  desquels  je  ne  puis  tirer  aucun  renseignement.  Ce  que 
voyant,  à  défaut  de  pirogue,  je  trarerse  la  rivière  à  la  nage  et  me 
trouve  bientôt  à  ta  cour  de  la  grande  prétresse  Mala-Haïva,  la  femme 


152  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

Ja  plus  vénérée  de  l'Ile  et  dont  j'aurai  à  reparler  plus  tard.  Elle  prévient 
aussitôt  l'ex-reine,  première  femme  de  Témoana,  qui  accourt  m'ap- 
porte une  nappe  neuve  et  me  prépare  à  manger.  Là,  le  tabou  me  vaut 
mille  prévenances  de  toutes  natures  ;  mais  je  constate  néanmoins  un 
certain  embarras  chez  tous  ceux  qui  sont  présents.  Je  questionne  sous 
prétexte  de  renouveler  mes  provisions.  Il  n'y  a  plus,  me  dit  la  reine, 
que  quelques  porcs  dans  la  portion  de  la  baie  qu'elle  gouverne  et  elle 
me  les  offre  gracieusement.  Naturellement  je  m'y  refuse  et  presse  mou 
hôte  de  me  donner  l'explication  de  cette  pénurie  de  bétail.  J'apprends 
enfin  les  luttes  qui  ont  ensanglanté  le  pays  et  la  peine  qu'elle  a  à  main- 
tenir l'intégrité  de  son  patrimoine  qu'elle  considère  comme  sacré.  C'est 
Motané'HytoUj  cbef  jeune  et  ambitieux,  qui  convoite  son  petit  apanage 
et  qui  parfois  déûe  les  Français  eux-mêmes.  Encore  un  peu,  me  dit- 
elle,  et  je  mourrai  de  faim.  Puis  elle  me  prie  d'exposer  sa  situation  au 
gouverneur  en  le  priant  de  prendre  sa  défense. 

Quelques  jours  après  mon  retour  j'apprends  que  Motané-Bytou  a  de 
nouveau  cherché  querelle  à  la  grande  prêtresse,  qu'il  s'est  emparé  par 
ruse  d'un  pavillon  de  France  à  elle  donné  par  le  capitaine  Collette  en 
signe  d'alliance,  qu'il  a  lacéré  et  souillé  indignement  ce  drapeau  qu'elle 
considérait  comme  un  talisman. 

£n  ce  moment,  le  gouverneur  est  à  l'Ile  de  Vahitaho,  ou  lie  de 
Sainte-Christine  et  je  remets  au  lendemain  de  lui  rapporter  ce  que  je 
viens  d'apprendre. 

J'ai  à  peine  raconté  les  faits  au  gouverneur  que  Opevai-Biney,  pre- 
mier conseiller  de  Témoana,  fraîchement  arrivé  de  Taïoa,  se  présente 
et,  demande  de  prompts  secours  au  nom  de  la  grande  prêtresse,  l'amie 
et  l'alliée  des  Français. 

Aussitôt  la  goélette  la  Sultane  reçoit  l'ordre  d'appareiller  et  le  gou- 
verneur me  prie  d'accompagner  le  capitaine  qui  la  commande,  M.  Do- 
buisson,  pour  lui  servir  d'interprète. 

Tout  se  fait  avec  tant  de  célérité  qu'à  deux  heures  de  l'après-midi 
nous  entrons  dans  la  baie  de  Taïoa.  Le  capitaine  et  les  sept  matelots 
qui  forment  l'équipage  ont  l'ordre  de  se  tenir  au  large  avec  l'embar- 
cation et  prêts  à  tout  signal. 

flous  trouvons  la  grande  prêtresse  que  je  presse  de  questions  ;  mais 
elle  est  quelque  peu  hésitante,  craignant  que  notre  intervention  n'amène 
une  annexion  de  son  territoire  à  notre  profit.  Le  capitaine  m'engage  à 
la  rassurer.  ■  Si  vous  avez  l'intention  ajoute-t-elle,  d'agrandir  vos 
«  possessions  de  ce  côté.  Je  vous  donne  la  baie  de  Haka-Taloa  en  tonte 
■  propriété;  mais  pour  celle  que  j'habite,  c'est  le  paya  de  mes  ancêtres 
«  que  je  me  suis  engagée,  par  le  tabou,  de  rendre  au  descendant  de 
«  notre  race.  • 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  153 

Je  loi  déclare  que  nous  ne  songeons  à  aucune  annexion  et  que  nous 
tenons  venger  l'affront  fait  à  notre  pavillon  par  Motané-Hytou.  Com- 
plètement rassurée,  elle  sons  prie  de  la  protéger  et  M.  Dubuisson  lui 
promet  d'en  référer  au  gouverneur. 

Tous  les  sauvages  de  la  tribu  uous  portent  sur  leurs  épaules  pour 
rejoindre  notre  canot  où  ils  déposeut  en  outre  trois  porcs  et  quelques 
provisions  en  signe  d'alliance. 

Le  soir,  nous  rentrons  à  la  station  et  sur  le  rapport  que  le  capitaine 
et  moi  lui  faisons,  le  gouverneur  décide,  en  conseil,  que  le  lendemain, 
1?  mars,  on  fera  tous  les  préparatifs  d'une  descente  à  Taïoa. 

Le  jour  même,  l'expédition  composée  de  150  hommes,  fous  le 
commandement  du  gouverneur  lui-même,  s'embarque  pour  la  baie  de 
Taïoa.  En  raison  de  ma  connaissance  du  terrain  et  dans  la  crainte  d'at- 
taques de  noit,  je  suis  chargé  d'établir  les  avant-postes.  Je  ne  laisse 
pas  non  plus  de  recommander  à  la  grande  prétresse  de  donner  un 
logis  convenable  au  gouverneur,  puis  Je  prends  quelque  repos  avec 
tons  nos  hommes.  La  nuit  se  passe  tranquille,  non  sans  que  quelques 
détonations,  sans  effet  pour  nous,  se  fassent  entendre  au  loin.  A  dis- 
tance apparaissent  quelques  espions  qui  viennent  s'assurer  de  notre 
présence  dans  la  baie  et  sans  donte  aussi  de  l'effectif  exact  de  l'ex- 
pédition. 

Le  18,  de  très  bonne  heure,  tout  le  monde  est  sur  pied.  Mais  il  faut 
franchir  la  rivière  de  Taïoa  qui  est  ici  large  et  profonde  :  notre  capi- 
tale du  génie  fait  abattre  sur  le  bord  d'une  rive  quelques  cocotiers 
qui,  venant  tomber  sur  l'autre  forment  une  charpente  solide  de  pont 
on  nous  pouvons  même  passer  notre  artillerie.  Ce  n'est  pas  tout,  il 
faut  se  frayer  un  passage  à  travers  les  broussailles  et  cela  sur  une 
étendue  de  7  à  8  kilomètres.  Les  indigènes  se  joignent  à  nous  pour 
déblayer  le  terrain  et  vers  10  heures  du  matin  nous  sommes  sur  le 
territoire  ennemi. 

Sods  labourons  les  broussailles,  trop  propices  aux  embuscades,  à 
coups  de  mitraille  et  d'obus,  et  nous  pouvons  avancer  jusqu'en  un  ter- 
rais nu  aboutissant  à  des  rochers  inaccessibles.  Les  sauvages  font 
pleuvoir  snr  nous  une  grêle- de  balles  contre  laquelle  nos  tirailleurs  ne 
peuvent  nous  protéger.  Mais  la  mitraille  a  bientôt  raison  une  fois  de 
p!m  de  cette  fusillade  et  les  insurgés  vont  se  retrancher  un  peu  plus 
loin  et  s'abritent  derrière  les  flancs  du  ravin  où  nos  obus  viennent 
se  buter  sans  les  atteindre. 

Ce  que  voyant,  j'avise  un  vieox  chef  sauvage,  très  influent  dans  le 
pays.  ■  Vous  ne  savez  pas  ce  que  c'est  que  Hana-Hotacot  dit-il,  vous 
«  ne  pourra  rien  contre  ces  rochers  et  vos  canons  seront  impuissants 
•  à  déloger  Motanè-Bytou  et  ses  guerriers.  Il  y  a  bien  un  petit  sentier 


154  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

«  qui  aboutit  derrière  ces  hautes  montagnes  ;  mais  ceux  qui  font  voulu 
«  franchir,  y  sont  le  plus  souvent  restés.  ■ 

La  journée  s'avançant,  on  décide  de  camper  sur  le  petit  plateau  où 
nous  avions  placé  notre  artillerie.  Les  hommes,  fatigués  d'ailleurs,  reçoi- 
vent la  ration  de  vin  et  de  biscuit,  plus  du  porc  à  discrétion,  les  sau- 
vages, dans  leur  retraite,  ayant  abandonné  bon  nombre  de  sujets  de 
cette  espèce. 

Pour  assurer  notre  tranquillité,  sinon  notre  repos  et  notre  sommeil, 
l'artillerie  lance,  de  temps  à  autre  dans  la  nuit,  des  obus  sur  le  som- 
met du  Hana-Hotaco.  Le  tir  continue  le  lendemain  matin,  mais  sans 
grande  apparence  de  succès.  Un  fort  groupe  de  sauvages  rient  rôder 
[>rès  de  notre  camp  à  la  recherche  sans  doute  d'objets  abandonnes  la 
veille.  Quarante  hommes  sont  envoyés  à  la  poursuite  des  pauvres 
diables  qui  s'enfuient  à  toutes  jambes,  non  sans  être  protégés  dans 
leur  retraite  par  quelques-uns  des  leurs  placés  en  embuscade.  Ce  que 
voyant,  je  vais  porter  aux  nôtres  Tordre  de  rejoindre. 

Le  gouverneur  tient  conseil  et  demande  si  Ton  ne  pourrait  envoyer 
un  parlementaire  aux  insurgés.  Le  vieux  chef  consulté  dit  que  l'on  ne  se 
hasarde  pas  à  une  pareille  imprudence,  car  infailliblement,  renvoyé 
serait  tué  et  mangé  ;  qu'en  ce  qui  le  concerne,  il  refuse  nettement. 

M.  Brunet,  après  quelques  mots  échangés  à  voix  basse  avec  le  capi- 
taine, me  demande  à  brûle-pourpoint  si  je  consentirais  à  aller  moi-même 
parlementer  avec  les  sauvages.  Tous  axent  les  yeux  sur  moi  et  je 
réponds  simplement  que  je  suis  prêt  à  suivre  ses  ordres.  •  11  ne  s'agit 
«  pas  d'ordre,  me  dit-il  ;  mais  croyez-Yous  qu'il  y  ait  réellement  do 
■  danger  et  les  sauvages  ne  respectent-ils  pas  les  parlementaires?  » 
Je  savais  bien  que  si  parfois  ils  les  respectaient,  en  nombre  de  cas  ils 
servaient  de  pâture  à  ces  cannibales.  Cependant  mon  amour-propre 
était  tellement  surexcité  par  la  proposition  qui  m'était  faite  que  je 
n'aurais  pas  reculé  alors  môme  que  j'aurais  été  certain  d'être  massacré. 
De  nouveau  je  presse  de  questions  le  vieux  chef  qui  me  dit  :  «  Si 
•  Motanê-Hytou  est  vivant,  tu  as  toute  chance  de  réussir  ;  mais  s'il 
«  a  été  tué,  l'affaire  n'est  pas  sûre.  Cependant  comme  tu  es  labou,  je 
«  pense  qu'il  n'y  a  pas  de  danger  pour  toi.  Va,  que  le  dieu  des  guér- 
it riers  te  protège.  » 

La  situation  ne  laisse  pas  d'être  pour  moi  grosse  de  périls  et  surtout 
de  responsabilité.  Néanmoins,  Je  l'ai  dit  et  je  pars. 

Après  une  demi-heure  d'une  montée  difficile,  sans  chemin  frayé, 
presque  à  pic,  j'arrive  à  l'entrée  du  bois  qui  masquait  la  retraite  de 
Hana-Hotaco.  Je  suis  en  vue  du  camp  français  et  je  fais,  de  la  maio, 
un  signe  d'adieu  à  mes  camarades;  les  officiers  me  suivent  de  leur 
longue-vue. 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  155 

J'avance  enfin  d'un  pas  décidé  et  je  Tiens  me  botter  contre  un 
retranchement  au  travers  duquel  cinquante  fusils  sont  braqués  sur 
moi.  Une  tête  de  vieillard  menaçante  et  terrible  apparaît  au-dessus  et  me 
crie  d'une  voix  de  tonnerre  :  «  Que  tiens-tu  faire  ici  ?  —  Je  viens  en  par- 

■  lementaire,  répoudis-je,  sans  trop  m'émouvoir,  et  je  veux  parler  à 

■  Motanè-Hytou.  —  Il  est  mort  et  toi-même  tu  vas  mourir.  » 

Ce  n'est  pas  rassurant.  Mais  il  se  trouva  parmi  les  ennemis  un  jeune 
sauvage  qui  m'a  souvent  vendu  du  poisson  frais  et  qui  dit  aux  siens 
que  je  suis  tabou  et  soldat  de  Têmoana.  À  cette  déclaration,  les  fusils 
se  retèvqpt  et  la  colère  parait  quelque  peu  s'apaiser  ;  mais  l'enceinte 
ne  s'ouvre  pas  pour  cela  :  un  pas  imprudent  de  ma  part  et  j'aurais  été 
pulvérisé  sous  une  décharge  générale. 

Quelques  minutes  se  passent  quand  arrive  un  jeune  sauvage  qui  me 
demande  le  but  de  ma  tentative.  Je  déclare  que  je  viens  dans  de 
bonnes  intentions  et  que  je  tiens  absolument  à  m'entretenir  avec  leur 
chef.  Qu'il  me  fasse  donc  entrer  dans  l'enceinte.  Il  me  dit  de  l'attendre 
os  instant,  qu'il  va  porter  ma  demande  au  chef.  Au  bout  de  quelques 
minutes  il  revient  et  me  dit  d'entrer  par  une  porte  qu'il  ouvre  dans  le 
rocher.  Cette  porte  est  un  madrier  d'arbre  à  pain,  couvert  de  mousse 
comme  les  rochers  pour  la  dissimuler  aux  indiscrets.  Elle  donne  accès 
dans  un  passage  de  4  pieds  de  hauteur  sur  30  de  long,  sorte  de  tunnel 
obscur  qui  décrit  un  quart  de  cercle.  Au  bout  de  ce  passage,  en 
cas  d'invasion,  d'énormes  rochers  sont  disposés  pour  l'obstruer  instan- 
tanément. 

Je  suis  à  peine  arrivé  à  son  extrémité  que  je  suis  entouré,  pressé, 
assailli  pour  ainsi  dire  par  deux  cents  guerriers  qui  crient  de 
manière  à  couvrir  ma  voix;  quelques-uns  cherchent  âme  prendre  mon 
sabre  et  mes  pistolets  disant  que  je  suis  un  traître,  que  les  parlemen- 
taires n'ont  pas  d'armes  et  qu'il  faut  me  tuer. 

A  tout  instant,  je  m'attends  à  recevoir  un  coup  de  lance  ou  de  casse - 
tête;  mais  je  suis  bien  décidé  à  vendre  chèrement  ma  vie. 

Cependant  je  suis  suffoqué,  je  n'en  puis  plus.  Je  serre  mes  armes  de 
mes  mains;  je  refoule  comme  je  le  peux  mes  antagonistes  leur  aban- 
donnant volontiers  mon  éventail  et  mon  bâton.  Je  suis  prêt  à  dégainer 
à  )a  moindre  atteinte  quand  tout  à  coup  un  guerrier  de  haute  stature 
franchit  la  foule,  me  saisit  le  bras  et  m'entraîne  avec  une  telle  vitesse 
dans  la  direction  de  l'enceinte  que  je  le  suis  avec  peine.  Croyant  à  une 
intention  hostile,  je  me  propose  de  lui  brûler  la  cervelle.  Courant  tou- 
jours, nous  arrivons  enfin  à  une  sorte  de  baraque,  neuve  en  apparence, 
entourée  d'une  foule  de  naturels  des  deux  sexes  et  de  tout  âge.  Mon 
conducteur  me  dit  :  «  Motané-Hytou  est  là.  »  Une  porte  s'ouvre  et 
j'aperçois  un  homme  étendu  sur  une  natte.  «  Approche  •,  me  dit-il, 


156  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

puis  il  m'invite  à  m'asseoir,  m'offre  un  coco  que  j'accepte  arec  plaisir 
étant  donnée  la  soif  qui  me  dévore.  Je  lui  expose  alors  l'objet  de  ma 
mission  et  l'invite  à  capituler,  lui  garantissant  qu'il  ne  lui  serait  fait 
aucun  mal,  si  de  son  côté  il  s'engage  à  respecter  le  territoire  de  la 
grande  prêtresse.  Je  lui  déclare,  en  outre,  que  s'il  manifeste  le  regret 
d'avoir  volé  et  insulté  notre  drapeau,  j'ai  qualité  pour  arranger  cette 
affaire  et  que  s'il  consent  à  venir  avec  moi  trouver  le  gouverneur, 
celui-ci  lui  sanctionnera  ce  qui  sera  convenu  entre  nous. 

«  Je  suis  grièvement  blessé,  me  répond-il  ;  une  balle  ce  matin  m'a 
«  traversé  la  cuisse;  mais  j'ai  des  chefs  qui  peuvent  me  remplacer. 
«  J'ai  ici  des  vivres  et  des  munitions  pour  plusieurs  mois  et  je*  ne  crains 
«  ni  vos  fusils,  ni  vos  canons.  Ces  rochers,  inaccessibles  pour  vous, 
•  me  mettent  à  l'abri  de  votre  colère  ;  pendant  que  vous  croyez  me 
«  tenir  ici  bloqué,  je  puis  au  contraire  aller  détruire  voire  camp  à 
«  Taïo-Hae,  et  lorsque  vous  serez  fatigués  de  brûler  de  la  poudre, 
«  vous  vous  en  retournerez  honteusement  chez  vous  :  voilà  ce  que  je 
«  vous  prédis.  Mais  ne  croyez  pas  que  j'aille  me  livrer  sottement  entre 
«  vos  mains,  Pakoko  s'était  fié  à  vous;  qu'avez- vous  fait  de  lui?  il  en 
«  serait  fait  de  même  de  moi  si  j'avais  l'imprudence  de  me  livrer  à  ses 
«  bourreaux.  ■ 

La  réponse  était  vigoureuse  et  si  les  menaces  n'étaient  pas  un  peu 
exagérées,  il  n'y  avait  pas  grand' chose  à  y  redire. 

Toutefois,  chargé  d'une  mission  toute  de  conciliation,  je  cherche  i 
le  persuader  de  l'impossibilité  d'une  résistance  sérieuse  de  sa  part,  et 
je  lui  explique  que  Pakoko  ne  s'est  pas  rendu  volontairement,  mais  qu'il 
a  été  livré  en  quelque  sorte  par  ses  propres  sujets  ;  que  lui-même  en 
prolongeant  la  lutte  aggravera  sa  position  et  qu'il  pourrait  bien  lui  en 
arriver  autant  qu'à  Pakoko. 

Mais  sa  résolution,  appuyée  par  sa  femme  et  tous  ses  guerriers, 
reste  inébranlable. 

Je  lui  propose  alors  d'envoyer  avec  moi  au  camp  quelques  guerriers 
qui  pourraient  ainsi  se  rendre  compte  de  nos  forces  et  de  notre  maté- 
riel de  guerre.  Je  lui  déclare  que  la  France  a  l'habitude  de  venger  ses 
injures  et  que  ses  habitants  étaient  aussi  nombreux  que  les  poissons 
dans  la  mer.  Je  lui  jure  d'ailleurs  par  le  tabou  que  ses  hommes  seront 
respectés  et  qu'il  ne  leur  sera  fait  aucun  mal. 

Il  finit  par  accepter  ma  proposition  et  demande  si  quelques-uns 
d'entre  les  siens  veulent  bien  m'accompagner  au  camp  français.  Douze 
se  décident  à  venir. 

Sur  ce,  nous  mangeons,  Motané-Hytou  et  moi,  du  porc  cuit  à  la  mode 
sauvage  et  de  la  popoë  ;  après  quoi  il  est  convenu  que,  ses  guerriers 
une  fois  de  retour  dans  leur  forteresse,  nous  ne  recommencerions  les 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  157 

hostilités  que  quand  un  signal  de  trois  coups  de  fusil  nous  avertirait 
qu'ils  sont  de  nouveau  décidés  à  se  battre. 

Je  prends  alors  congé  de  lui  ;  nous  nous  serrons  la  main  et  je  m'en 
reviens  accompagna  de  douze  sauvages,  à  travers  la  forteresse  pour 
es  gagner  rentrée.  L'es  antres  nous  livrent  passage  en  s'écriant:  «  Pas 
de  trahison  !  ■  l'un  d'eux  même  me  restitue  mon  éventail  et  mon  bâton. 
5oos  sortons  par  le  souterrain  et  à  la  sortie  du  petit  bois  Je  prends  la 
tète  de  la  petite  colonne. 

C'était  un  spectacle  vraiment  beau  que  ces  douze  hommes  taillés 
comme  des  géants  (ils  n'avaient  pas  moins  de  six  pieds),  robustes, 
bien  proportionnés,  revêtus  de  leurs  armures  de  guerre  ;  à  côté  d'eux 
je  ne  paraissais  qu'un  pygmée. 

Avant  dériver,  ils  me  rappellent  ma  promesse  à  leur  chef,  et,  une 
bis  à  la  limite  du  camp,  je  les  prie  de  m'attendre  un  instant. 

Je  fais  part  an  gouverneur  du  résultat  de  ma  périlleuse  mission  et 
je  demande  la  permission  de  faire  visiter  notre  camp  aux  guerriers  qui 
m'ont  accompagné,  ce  qui  m'est  largement  accordé.  Cette  visite  ter- 
minée, je  fais  distribuer  à  mes  compagnons,  par  ordre  du  gouverneur, 
nae  ration  de  namou  (eau-de-vie),  du  biscuit  et  du  lard,  puis  je  les 
reconduis  jusqu'à  la  rivière  où  nous  nous  séparons. 

En  attendant  le  signal  convenu,  je  pointe  deux  pièces  dans  la  direction 
çni  me  semble  la  plus  favorable.  Ce  faisant,  je  suis  assailli  de  questions 
sur  mon  aventure  du  matin  et  sur  cette  forteresse,  véritable  merveille 
naturelle,  utilisée  par  nos  ennemis.  Les  sauvages  ne  sont  pas  les 
moins  curieux  ni  les  moins  impatients  :  je  suis  littéralement  obsédé  et 
la  snrexcitation  bien  naturelle  dans  laquelle  je  suis  depuis  le  matin, 
me  défend  mal  contre  la  fatigue  dont  je  suis  harassé.  Ces  obsessions 
me  sont  plus  pénibles  encore  que  celles  des  gens  du  Hana-Hotaco. 
Mais  bientôt  les  trois  coups  de  fusil,  partant  de  la  forteresse  et  mettant 
fin  à  cet  état  insupportable  pour  moi,  donnent  le  signal  de  la  reprise 
des  hostilités. 

'  J'ai  su  depuis  lors  que,  les  envoyés  de  Motané-Hytou  étant  rentrés, 
le  chef,  à  la  suite  d'un  conseil  de  ses  guerriers,  avait  décidé  de  se 
retirer  de  la  forteresse  en  masquant  la  retraite  par  une  démonstration 
rigoureuse,  les  blessés,  les  femmes  et  les  enfants  devant  être  trans- 
portés à  l'abri  de  toute  attaque  derrière  les  hautes  pointes  des  rochers. 

Aussitôt  nos  quatre  pièces  lancent  une  volée  de  boulets  dont  la  plu- 
part ricochent  ou  frappent  la  roche  en  produisant  un  vrai  roulement  de 
tonnerre  et  massacrant  dans  leur  éclatement  les  malheureux  insurgés 
dont  la  retraite  presque  immédiate  se  transforme  bientôt  en  effroyable 
déroute.  Qoelques-nns  résistent  encore  dans  la  pensée  sans  doute  de 
laisser  le  temps  à  des  estafettes  d'appeler  du  secours  chez  les  tribus 


158  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

voisines  qui  pourraient,  le  cas  échéant,  nous  prendre  par  derrière, 
nous  couper  la  retraite  et  nous  créer  une  situation  au  moins  embarras- 
sante pour  ne  pas  dire  périlleuse.  Toutefois,  la  résistance  cesse  bientôt 
et  à  trois  heures  et  demie  nous  entrons  dans  Hana-Hotaco.  Je  précède 
naturellement  la  troupe  à  la  tète  de  laquelle  est  le  gouverneur  à  qui 
je  sers  de  guide.  La  porte  du  souterrain  est  tellement  barricadée  qu'A 
nous  faut  franchir  les  rochers  amoncelés  pour  dégager  le  passage  par 
l'intérieur.  Dans  l'enceinte,  nous  ne  trouvons  que  quelques  blessés  qui 
se  sont  cachés  daus  des  excavations.  L'un  d'eux  m'attire  par  ses  cris, 
nos  soldats  surexcités  voulant  en  finir  avec  lui  :  je  le  sauve  par  mon 
intervention. 

Un  séjour  prolongé  sur  ces  rochers  n'était  pas  sans  dangers,  car  les 
sauvages  pouvaient  revenir  sur  la  crête  qui  les  domine  et  nous  écraser 
rien  qu'en  roulant  des  blocs  de  pierre. 

Nous  prenons  donc  le  chemin  du  retour.  Nous  n'avons  pas  perdu  un 
homme,  quelques  blessés,  peu  grièvement  même,  et  nous  campons  le 
soir  sur  le  bord  de  la  mer.  Le  lendemain  matin,  nous  remontons  à  bord 
de  la  Sultane  et  nous  abordons  bientôt  à  la  baie  de  Taïo-HaB,  notre 
résidence. 

La  leçon  a  profité  :  on  n'entend  plus  parler  de  la  violation  du  terri- 
toire de  la  grande  prêtresse,  les  insurgés  sont  revenus  paisiblement 
réoccuper  leurs  cases.  Ce  qui  évidemment  ne  s'apaisera  pas,  c'est  le 
besoin  de  haine  et  le  désir  de  vengeance  qui  ne  saurait  s'effacer  de 
l'esprit  de  ces  natures  indomptables  et  rebelles  à  la  civilisation. 

Quelques  jours  après,  le  Gassendi,  vapeur  de  l'État,  vient  dans 
nos  parages  et,  au  récit  des  événements  que  je  viens  de  racçnter,  les 
officiers  de  l'équipage  désirent  visiter  le  théâtre  de  nos  exploits.  Le 
gouverneur  me  demande  de  les  accompagner.  J'accepte,  cela  va  sans 
dire,  avec  grand  plaisir  même. 

La  grande  prêtresse  nous  reçoit,  nos  visiteurs  et  moi,  avec  une 
grande  et  solennelle  cordialité,  le  commandant  du  Gassendi  lui  a 
apporté  des  présents  que  je  lui  remets  en  lui  demandant  des  guides. 
Six  de  ses  principaux  guerriers  sont  désignés  pour  nous  accompagner. 

Tout  se  passe  à  merveille  à  la  grande  admiration  des  officiers.  Nous 
trouvons  dans  nos  canots  des  provisions  que  la  grande  prêtresse  y 
a  fait  mettre.  Revenus  à  la  station,  le  lendemain  matin,  le  commandant 
et  une  partie  de  l'équipage  viennent  me  rendre  visite,  me  remercier  et 
me  demander  des  renseignements  de  toute  nature. 

Le  Gassendi  reparti,  le  gouverneur  se  préoccupant  toujours  de 
la  pacification  des  tribus  du  côté  du  Nord-Est  restées  hostiles  depuis  la 
mort  de  Pakoko,  propose  d'inviter  tous  les  chefs  à  la  fête  du  1er  mai 
(fête  du  roi)  et  au  banquet  qui  la  suit. 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  159 

Seulement,  le  difficile  est  de  faire  justement  l'invitation  et  surtout  de 
se  faire  assez  bien  recevoir  pour  qu'elle  ait  chance  d'être  acceptée. 
Dans  on  conseil  tenu  le  20  avril  1847,  il  est  décidé  que  MM.  Meunier, 
capitaine  du  génie,  et  Lévêque,  médecin  en  chef  de  l'hôpital,  feront 
les  invitations  anx  Hanoum,  aux  Hati-Kéous,  aux  Ratou-Hauhaus  et 
au  Pouhi-Houhaus  en  compagnie  de  Témoana.  Seul  Je  suis  chargé 
des  iovttathras  des  HappahùMoyttnis,  des  Happaho-Manous  et  des 
îaSpi-Vahis. 

(A  suivre.) 


NOUVELLES  GEOGRAPHIQUES 


FRANGE. 

—  Le  grand  Congrès  formé  par  toutes  les  Sociétés  géographiques  de 
France  se  tiendra,  cette  année,  à  Douai. 

La  date  de  l'ouverture  du  Congrès  est  fixée  au  27  août.  Il  compren- 
dra une  exposition  géographique ,  la  lecture  de  travaux  spéciaux  et 
*des  excursions  dans  les  principales  Tilles  du  Nord  de  la  France. 

Pour  lui  donner  le  plus  d'éclat  possible,  des  subventions  seront  de- 
mandées aux  conseils  généraux  des  cinq  départements  que  comprend 
l'Union  géographique  du  Nord:  Pas-de-Calais,  i\ord,  Aisne,  Somme, 
Ardennes,  ainsi  qu'aux  municipalités  et  aux  Chambres  de  commerce 
de  ces  mêmes  départements. 

—  La  Société  des  études  coloniales  et  maritimes  Tient  de  renouve- 
ler son  bureau:  M.  le  vice-amiral  Thomasset  a  été  nommé  président 
pour  1883. 

La  Société  a  donné,  le  5  mars,  dans  la  salle  des  ingénieurs  civils, 
10,  cité  Rougemont,  une  séance  où  les  explorateurs,  MM.  Denis  de 
Rivoyre  et  Wiener,  ont  parlé  d'Obock  et  de  l'Amazone. 

—  La  commission  de  l'Académie  des  sciences  pour  le  prix  Lalande* 
Guérineau,  composée  de  MM.  Ferdinand  de  Lesseps,  l'amiral  Moucher 
Rolland  et  de  Qualrefages,  a  proposé  d'accorder  le  prix  à  l'intrépide  et 
habile  explorateur  du  Congo,  M.  Savorgnan  de  Brazza. 

La  proposition  a  été  adoptée  avec  enthousiasme. 

La  commission  du  prix  Gory,  relatif  à  la  géographie  physique, 
concernant  spécialement  les  mouvements  d'exhaussement  et  d'abais- 
sement de  nos  eûtes ,  a  été  d'avis  de  ne  pas  décerner  le  prix  de  1881 
mais  elle  a  accordé  un  encouragement  de  1,000  fr.  à  M.  J.  Girard  et 
un  antre  encouragement  de  500  fr.  à  M.  L.  Delavaud. 

—  Le  ministre  de  l'instruction  publique  vient  de  confier  i  M.  le 
docteur  Paul  Rcy  la  mission  d'aller  explorer  le  lac  Copaïs,  dans  l'an- 
cienne Grèce.  Ce  lac,  très  célèbre,  est  connu  également  sous  le  nom 
de  lac  de  Livadie.  M.  Rcy  doit  aller  y  recueillir  des  matériaux  pour  les 
collections  scientifiques  de  l'État. 

Une  autre  mission  vient  d'être  décidée  par  le  ministre  de  l'instruction 
publique.  Un  ingénieur  des  mines,  M.  Aubry,  et  un  médecin,  M.  Hamon, 


FRANCS.  161 

riment  d'être  chargés,  «a  Cfaoa  et  au  pays  des  Gallas/  des  études 
lopogrephiques,  géologiques,  et  minéralogiques ,  et  des  recherches 
médicales  et  d'histoire  naturelle.  Le  Ghoa  est  situé,  comme  ou  sait,  en 
Afrique,  au  sud  de  l'Abyssinie. 

Le  méridien  initial  international.  —  Le  ministre  de  l'instruction 
publique  a  communiqué  à  l'Académie  des  sciences  une  lettre  adressée 
par  le  Gourernement  des  États-Unis  au  président  du  Conseil,  ministre 
des  affaires  étrangères.  Le  Congrès  des  Etats-Unis  a  invité  tons  les 
gouvernements  à  se  rallier  au  choix  d'un  méridien  initial  commun, 
et  par  suite  à  une  même  heure  universelle. 

Le  manque  d'uniformité  de  l'heure  a  été  la  source  d'embarras  qui 
Tont  tous  les  jours  croissant  par  suite  de  l'extension  des  chemins  de 
fer  et  des  communications  télégraphiques. 

Cette  question  a  été  soumise  au  Bureau  des  longitudes  par  le  mi- 
Bistre,  qui  demande  à  l'Académie  de  lui  donner  son  avis. 

L'Académie  des  sciences  a  renvoyé  la  communication  du  ministre  à 
la  section  d'astronomie. 

Le  monument  Flattera  à  Paris.  —  On  vient  de  terminer,  au  pare  de 
Mentsouris,  le  monument  destiné  à  perpétuer  le  souvenir  de  la  mission 
Hatters.  C'est  une  pyramide  assez  élevée,  en  pierre  grise  des  Ariennes, 
avee  des  ornements  en  bronze. 

Sur  la  façade  principale,  on  lit  l'inscription  suivante  : 

Au  colonel  Flatter $, 
chef  de  la  mission  chargée  des  études 
du  chemin  de  fer  transsaharien, 
et  à  ses  compagnons  ; 
MM.  Masson,  capitaine  d' état-major, 
Guiard,  médecin-major, 
Beringer,  Boche ,  ingén.,  chefs  de  services, 
Sanlin,  ingénieur  adjoint, 
de  Dianous,  lieutenant, 
Dennery,  Pobéguin,  sous-officiers, 
A  Brame  et  à  toute  l'escorte, 
Massacrés  en  Afrique  par  tes  Touaregs, 
Le  16  avril  1881, 
Après  avoir  accompli  leur  mission. 

Au-dessus  de  cette  inscription,  un  médaillon,,  entouré  de  palme*, 
reproduit  les  traits  du  colonel  Flattera. 

Plus  bas,  on  lit  :  Pour  la  France,  ils  ont  affronté  les  périls  et  la 
mari. 

•oc.  db  aioaK.  —  i<t  «t  J«  TUMimii  1S8S.  Il 


162  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Sûr  le  côté  droit  de  la  pyramide,  est  la  devise  de  la  Légion  d'hon- 
neur :  Honneur  et  Pairie.  * 

Sur  le  côté  gauche  :  Science  —  Civilisation. 

Enfin,  sur  la  façade  postérieure  est  gravé:  Monument  érigé  sur  un 
emplacement  ojerl  par  la  ville  de  Paris. 

Décision  du  conseil  municipal  dans  sa  séance  du  13  février  188?. 

S.  Singéry,  architecte. 

Le  monument  est  situé  au  bord  de  l'allée  qui  fait  communiquer  les 
deux  parties  du  parc  de  Montsouris,  en  passant  sous  le  chemin  de  fer 
-de  Sceaux,  d'où  il  peut  être  facilement  vu. 

Côtes  de  France.  —  Un  grand  éboulement  de  falaise  s'est  prodoit 
4U  Tréport,  un  peu  à  l'ouest  du  sémaphore.  La  chute  a  été  si  rapide 
•que  les  terres  ont  été  portées  à  plus  de  deux  cents  mètres  en  mer,  et 
la  quantité  en  est  si  grande  que  le  tas  émergeait,  à  la  pleine  mer,  de 
plus  de  cinq  mètres.  On  croit  que  le  galet  venant  de  l'ouest  sera  arrêté 
par  ce  barrage,  et  on  estime  qu'il  y  sera  retenu  pendant  cinq  années 
au  moins.  On  s'attend  du  môme  coup  à  voir  changer  l'aspect  de  h 
.grève  du  Tréport.  

COLONIES. 

Algérie.  —  On  écrit  d'Ouargla,  le  10  février,  au  Petit  Marseillais  : 

t  Le  désastre  de  l'expédition  Flatters  n'a  pas  découragé  les  voyageurs 
intrépides  qui  se  sont  juré  d'initier  les  contrées  jusqu'ici  peu  accessi- 
bles de  l'Afrique  à  la  civilisation  européenne. 

«  On  propriétaire  de  la  Haute- Vienne,  membre  de  la  Compagnie  de 
rOued-R'bir,  M.  Fau,  vient  de  quitter  Ooargla  avec  une  petite  troupe 
composée  de  deux  Français  parlant  parfaitement  l'arabe,  et  de  quel- 
ques indigènes  éprouvés. 

«  M.  Fau  se  propose  de  traverser  le  Soudan.  Il  veut,  en  quelque  sorte, 
porter  un  déû  aux  Touareg  qui  ont  assassiné  la  mission  Flatters.  A  cet 
effet,  il  a  fait  un  choix  de  chameaux  d'une  vigueur  peu  commune,  et 
capables  de  fournir  des  courses  extraordinaires,  tant  comme  fond  que 
comme  célérité. 

«  Les  difficultés  de  l'entreprise  n'en  restent  pas  moins  fort  considéra* 
blés  et  ce'n'eùt  pas  été  trop,  croyons-nous,  de  l'aide  du  Gouvernement 
pour  augmenter  les  chances  de  réussite  de  ce  hardi  pionnier  et  de  sa 
vaillante  escorte.  » 

Des  avis  privés  d'Ouargla  annoncent  que  M.  Bourlier,  membre  du 
conseil  supérieur,  et  M.  Letouqueux,  conseiller  honoraire  à  la  cour 
d'Alger,  sont  arrivés  le  24  février  dans  cette  oasis. 


COLONIES.  163 

Lear  entrée  en  voiture  a  causé,  paraît-il,  an  grand  étonnement  parmi 
(a  population,  qui  accueillit  d'ailleurs  les  voyageurs  avec  bienveillance 
et  sympathie. 

Les  deux  explorateurs  sont  accompagnés  d'an  géomètre  et  d'un  pho- 
tographe; ils  ont  trouvé  à  Ouargla  one  installation  convenable  et 
comptent  y  séjourner  environ  deux  mois  afin  de  pouvoir  réunir  les 
éléments  d'un  grand  travail  sur  le  Sabara. 

IM.  fiourlier  et  Letooqueux  auraient  appris  pendant  leur  voyage  que 
quatre  tirailleurs  qui  taisaient  partie  de  la  mission  Flattera  auraient 
échappé  au  massacre  et  seraient  actuellement  prisonniers  et  esclaves 
chez  les  Touareg. 

L'iadigène  qui  recueillit  sous  sa  (ente  les  premiers  débris  de  la  mis- 
sion Flattera  offrirait  de  racheter  ces  quatre  tirailleurs  moyennant  une 
rançon  de  2,000  fr. 


L'inondation  dos  Cnotts.  —  Malgré  l'abandon  du  Gouvernement, 
I.  de  Lesseps  n'a  point  renoncé  à  l'idée  do  créer  une  mer  intérieure 
dans  les  Cbotts.  U  a  remis  au  gouvernement  français  une  note  de 
M.  Roudaire,  demandant  qu'on  n'aliène  pas  les  terrains  qui  pourraient 
être  ultérieurement  nécessaires  à  la  mise  en  œuvre  de  son  projet,  s'il 
parvient,  comme  il  en  a  la  conviction,  à  en  démontrer  la  possibilité. 
M.  fioudaire  doit  repartir  pour  la  Tunisie  avec  un  groupe  d'ingénieurs 
et  d'entrepreneurs. 

Lldiomo  berbère.  —  MM.  Hondas  et  René  Basset,  chargés  par  le 
ministre  de  l'instruction  publique  d'une  exploration  de  la  Tunisie  au 
point  de  vue  des  antiquités  arabes,  ont  adressé  à  l'Académie  une  col- 
lection des  estampages  qu'ils  ont  pris  dans  les  mosqnées.  principale- 
ment à  Kairouan.  Les  textes  couflques  ainsi  relevés  fourniront  quelques 
dates  utiles  pour  l'histoire  des  nombreuses  dynasties  locales  du  nord 
de  l'Afrique  après  la  conquête  arabe.  M.  Barbier  de  Meynard,  qui  a 
rendu  compte  à  l'Académie  dès  communications  de  MM.  Boudas  et  Bas- 
set, attribue  une  importance  plus  considérable  à  la  découverte  faite 
pirnos  compatriotes  de  trois  dialectes  berbères  parlés  dans  la  contrée 
aa  sud  de  Tlemcen,  aux  environs  du  massif  montagneux  du  Rif.  L'étude 
de  ces  dialectes,  qui  va  être  entreprise  très  prochainement  par  ordre 
do  ministre,  contribuera  beaucoup  au  progrés  de  nos  connaissances 
sur  l'idiome  des  Touareg.  Il  devient  pour  nous  de  plus  en  plus  néces- 
saire de  posséder  cette  langue,  dont  se  servent  les  tribus  qui  vivent 
partout  sur  nos  frontières,  depuis  le  Maroc  jusqiUeu  golfe  de  Gabès. 

La  monument  Flattera  en  Afrique.  —  Le  Progrès  militaire  an- 


164 


NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 


nonce  que  M.  Anglade,  conducteur  des  ponts  et  chaussées  à  Conslan- 
(iuc,  a  quitté  le  1er  février  Gonstantine  avec  une  escouade  d'ageuti| 
auxiliaires  du  service  pour  se  rendre  à  Ouargla,  aûn  de  procéder  à  lus- 
lallation  du  monument  élevé  à  la  mémoire  du  colonel  Flattera  et  de  ses | 
compagnons. 

Le  monument  est  en  granit  du  ravin  d'El-Kantara.  Toutes  les  pièces I 
de  ce  travail  consciencieusement  exécuté  ont  été  emballées  avec  soinj 
Arrivées  à  Onargla,  il  n'y  aura  plus  qu'a  les  mettre  en  place. 

Une  escorte  militaire  suffisante  attend  M.  Anglade  à  Biskra,  poor| 
raccompagner  jusqu'à  destination. 

Nouvelles  du  Sénégal.  —  Grâce  à  la  loi  française,  qui  assure  la  li- 
berté à  tout  esclave  touchant  le  sol  français,  il  s'est  produit  danslil 
banlieue  de  Saint-Louis  une  augmentation  considérable  du  nombre  des 
esclaves  libérés  ;  mais  cette  circonstance  offre  de  sérieux  embarras  ao 
point  de  vue  de  l'hygiène  ;  en  outre,  il  est  difficile  de  fournir  de  l'oc- 
cupation à  ces  hommes,  que  leur  position  antérieure  n'a  pas  préparés 
au  travail  libre.  Pour  y  remédier,  le  ministre  de  la  marine  et  des  co- 
lonies a  prescrit  de  rechercher  s'il  ne  serait  pas  possible  de  les  grou- 
per dans  les  territoires  qui  avoisinent  le  littoral,  entre  Saint-Louis,  En- 
flsque  et  Dakar,  en  leur  donnant,  sous  des  conditions  à  détermiuer, 
des  concessions  dans  la  mesure  de  leur  activité.  En  créant  des  villages 
indigènes,  et  en  habituant  ces  affranchis  à  un  travail  régulier  qui  leur 
serait  profitable,  on  développerait  en  eux  le  sentiment  de  la  solidarité, 
et  ils  pourraient  devenir  capables  d'exercer  une  bonne  influence  sur 
les  autres  natifs,  (l'Afrique  explorée  et  civilisée.) 


—  One  dépêche  adressée  par  le  gouverneur  du  Sénégal  au  ministre 
de  la  marine  et  des  colonies,  par  voie  du  Portugal,  annonce  que  M.  le 
lieutenant-colonel  Borgnis-Desbordes  est  arrivé  le  premier  àBanukoo 
Le  drapeau  français  flotte  sur  le  Niger. 

L'expédition  dirigée  contre  Lat-Dior,  roi  du  Gayor,  pour  l'obligera 
exécuter  le  traité  par  lequel  il  s'est  engagé  à  laisser  passer  sur  son 
territoire  le  chemin  de  fer  de  Saint-Louis  à  Dakar,  a  quitté  Saint-Louis 
le  24  décembre,  sous  les  ordres  du  colonel  Wendiing.  Quatre  jours 
auparavant,  Lat-Dior  avait  adressé  au  gouverneur  la  lettre  suivante  qui 
est  intéressante  à  reproduire  à  titre  d'échantillon  du  style  diplomati- 
que africain  : 

«  Lat-Dior,  roi  du  Cayor,  au  nouveau  gouverneur 

#       (en  réponse  à  une  lettre  qui  ne  m'a  pas  été 
écrite  par  lui),  salutations  sincères. 

«  Le  but  de  cette  lettre  est  de  vous  accuser  réception  de  la  vôtre. 


COLONIES.  165 

Vous  m'avez  répondu  honnêtement,  et  J'en  sois  heureux.  J'ai  vu  que 
l'iolenr  d'une  pareille  lettre  ne  pouvait  être  qu'un  esprit  supérieur  et 
un  homme  politique  ne  Toulant  que  la  paix  pour  nos  deux  pays. 

•  C'est  pour  cela  que  je  vous  envoie  ces  cavaliers  qui  me  sont  dé- 
Tooés.  Leur  chef  est  Dialouar-Delié-fiirahima.  lis  vont  tous  féliciter  de 
Totre  nomination  et  vous  portent  une  lettre  où  sont  clairement  expli- 
quées toutes  les  choses  qui  se  sont  passées  entre  moi  et  vos  prédé- 
cesseurs. Sachez,  gouverneur,  que  la  guerre  n'est  bonne  pour  per- 
sonne, car  elle  ne  procure  que  des  malheurs. 

«  Jadis  les  Français  m'ont  fait  la  guerre; je  ne  sais  pas  pourquoi,  car 
Je  ne  leur  ai  rien  pris,  ni  i  eux,  nia  leurs  vassaux,  et  je  ne  dois  rien 
à  personne;  je  ne  puis  rn'lmaginer  leur  avoir  fait  tort.  Je  ne  veux  pas 
tolérer  vos  travaux  sur  mes  États,  et  écoutez  ce  que  je  vous  dis  :  Il 
vous  sera  aussi  impossible  de  faire  passer  un  chemin  de  fer  dans  le 
Cayor  que  de  faire  passer  un  chameau  parle  trou  d'une  aiguille.  * 

Ko  dix  jours,  les  troupes  du  colonel  Wendling  sont  arrivées  à  Soy- 
rière,  résidence  de  Lat-Dior,  qu'elles  ont  réduite  en  cendres  par  me- 
lore  d'intimidation.  Elles  ont  poussé  plus  loin  encore,  jusqu'aux  fron- 
tières do  Cayor,  sans  rencontrer  aucune  résistance.  Lat-Dior  s'est  enfui 
auprès  d'Alboury,  roi  du  Djolof.  On  croit  qu'il  a  fait  alliance  avec  ce 
chef  et  avec  Àbdoul-Boubakar,  du  Foula,  de  sorte  qu'il  faut  s'attendre 
à  quelque  retour  offensif,  lorsque  les  chaleurs  obligeront  nos  troupes 
à  rentrer  à  Saint-Louis. 

Le  colonel  Wendling  a  eonstilué  un  autre  gouvernement  dans  le 
Cayor,  et  a  passé  avec  lui  un  traité  dont  voici  le  texte  : 

République  française. 

Le  gouverneur  du  Sénégal  et  dépendances,  René  Serval  lus,  repré- 
senté par  le  colonel  Wendling,  officier  de  la  Légion  d'honneur,  com- 
mandant supérieur  des  troupes  du  Sénégal,  accepte  la  soumission  des 
habitants  du  Cayor  et  leur  accorde  la  paix  aux  conditions  suivantes  : 

Ko  présence  de  : 
D'une  part  : 

Mï.  Voyron,  lieutenant-colonel  d'infanterie  de  marine,  chevalier  de 
la  Légion  d'honneur  ; 

Dodds,  chef  de  bataillon  aux  tirailleurs  sénégalais,  etc.; 

lemy,  capitaine  d'infanterie  de  marine,  directeur  des  affaires  politi- 
ques, etc.  ; 

De  Bourmont,  lieutenant  de  vaisseau,  commandant  la  compagnie  de 
débarquement  de  la  Pallat,  etc.  ; 

Delarue,  capitaine  d'infanterie  de  marine;  Dupré,  capitaine  comman- 
dant l'escadron  des  spahis;  Michaué,  capitaine  aux  tirailleurs  sénéga- 


166  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

lais;  André,  capitaine  d'artillerie;  Famin,  lieutenant  d'infanterie,  offi- 
cier d'ordonnance;  Abdoulaye-Kone,  interprète  de  r*  classe; 
Et  d'autre  part  : 

MM.  Ahmadi-iN'Goué-Fa);  Diaoudlne  M'Bonl;  Thieyaeine-Dior;  Madior, 
fils  de  Damel  Madiodo;  lbrahima-N'Diaye,  (ils  de  Dariaf-N'Diambourg- 
Maïssa-Sellé ,  Desamba-Aïssa;  Lamane-Diamalhîl;  Botot-Diop;  Maton- 
pha-îfGoye-ben-Guet;  Lamane-fTGol;  Yamar  M'Body,  chef  dn  canton 
français  de  Mérinaghen. 

Art.  1er.  —  Tous  les  traités  conclus  avec  Lat-Dior  sont  annulés.  Les 
habitants  du  Gayor  se  placent  sous  le  protectorat  de  la  France  et  accep- 
tent sa  suzeraineté. 

Art.  2.  —  La  province  de  Cayor  comprendra  désormais  le  Saniokor, 
le  Dembanlan,  le  Khatta,  Le  M'Bakol,  le  Guet t,  le  G'Guiguis,  le  M'Baouar, 
le  Guéoul. 

(Une  ligne  passant  entre  Boukoul  et  Diorine.)  Le  poste  de  Bététe  et 
le  terrain  qui  l'entoure  dans  un  rayon*  d'un  kilomètre  est  français. 

Art.  3.  —  Ahoiadi-N'Goué-Fal  II  est  nommé  damel  de  la  province  d» 
Gayor;  le  pouvoir  est  héréditaire  daus  sa  famille  d'après  les  usages  an- 
ciens du  pays. 

Art.  4.  —  Lat-Dior  et  Samba-Maobé  sont  à  jamais  exclus  du  Cayor, 
et  Abmadi-N'Goué-Fal  s'engage  à  s'opposer  à  leur  rentrée  de  tout  son 
pouvoir. 

Art.  5.  —  Le  damel  s'engage  à  donner  toutes  les  facilités  possibles 
pour  la  construction  du  chemin  de  fer  sur  son  territoire  et  à  fournir 
au  besoin  des  travailleurs,  qui  recevront  de  nous  un  salaire  et  une 
ration  Ûxés  par  le  gouverneur. 

Art.  6.  —  Des  postes  fortifiés  pourront  être  construits  par  la  France 
sur  toute  la  ligne  ferrée,  dont  1a  pleine  propriété  appartiendra  à  la 
France,  ainsi  que  le  terrain  des  forts  dans  un  rayon  d'un  kilomètre. 

Art  7.  —  La  France  aura  le  droit  de  construire,  dans  toute  Pétendae 
du  Cayor,  des  routes,  des  chemins  de  fer,  des  lignes  télégraphiques, 
des  postes  fortifiés,  qui  seront  sa  propriété.  Le  damel  sera  tenu  de  les 
faire  respecter. 

Art.  8.  —  Le  commerce  est  entièrement  libre;  le  damel  fera  respec- 
ter les  commerçants  et  leurs  propriétés;  il  pourra  percevoir  les  droits 
habituels  de  3  p.  100  sur  les  produits  du  sol  et  les  bestiaux  qui  feront 
l'objet  des  transactions  commerciales,  mais  ses  percepteurs  ne  pour- 
ront opérer  que  dans  la  province  du  Cayor. 

Art.  9.  —  Si  Ahmadi-îs'Goué-Fal  ou  ses  successeurs  violent  le  pré- 
sent traité,  ils  seront  de  plein  droit  déchus  de  toute  autorité  dans  le 
Cayor. 

Art.  10.  —-Toutes  les  questions  intéressant  les  relations  entre  la  France 


COLONIES.  167 

et  le  Cayor,  et  dont  il  n'est  pas  parlé  dans  le  traité,  seront  réglées 
ultérieurement. 

Le  présent  traité  sera  soumis  à  la  ratification  du  Gouvernement. 

Fait  à  Kheurmandoubé-Kari,  le  16  janvier  1883. 

[Suivent  les  signatures.) 

Sor  l'expédition  opérant  entre  le  Sénégal  et  le  Niger,  une  dépêche 
do  colonel  Borgnis-besbordes,  qui  la'  commande,  donne  les  renseigne- 
ments suivants  : 

Dibourgula,  18  janvier. 

Malgré  tons  mes  efforts,  depuis  plus  de  deux  ans,  une  partie  du 
Beiédougou  a  refusé  de  nous  laisser  passer.  Le  chef  de  Daba,  qui  avait 
été  hésitant  jusqu'aux  dernières  journées,  s'est  déclaré  franchement 
le  1 1  janvier  contre  nous. 

Le  13,  la  colonne  passait  lefiaoule;  le  16,  à  neuf  heures  du  matin, 
elle  arrivait  devant  Daba;  à  nenf  heures  et  demie,  rat  laque  commen- 
çait par  le  tir  de  la  batterie  ;  pour  faire  brèche,  il  n'a  pas  fallu  moins 
de  214  coups  de  canon.  A  onse  heures,  la  colonne  d'assaut,  dont  je 
donnai  le  commandement  au  capitaine  Combes,  se  mettait  en  marche. 
Cet  officier  s'est  conduit  avec  une  énergie  et  une  Intrépidité  au-dessus 
de  tout  éloge. 

La  colonne  d'assaut  a  fait  son  devoir  très  bravement.  Au  bout  d'une 
heure  de  combat  dans  un  village  dont  chaque  maison  constitue  une  ci- 
tadelle, Daba  était  à  nous.  Le  chef,  qui  a  été  également  l'instigateur 
du  pillage  de  la  mission  Oaliienl,  a  été  tué  ainsi  que  son  frère.  Nos 
pertes  ont  été  relativement  très  grandes. 

La  colonne  d'assaut  a  eu  &  officiers  blessés.  M.  Picard,  lieutenant  aux 
tirailleurs,  est  mort  des  suites  de  ses  blessures  le  soir  même  ;  les  au- 
tres officiers  blessés  vont  bien.  Il  y  a,  en  outre,  3  hommes  tués,  H 
fantassins  de  la  marine  et  3 1  tirailleurs  blessés,  dont  2  sont  morts  le 
17.  L'état  des  antres  blessés  est  aussi  satisfaisant  que  possible. 

La  colonne,  après  avoir  brûlé  Daba  le  17,  est  venue  ce  matin  à  Di- 
bourgula. 

Oa  sait  qu'une  dépêche  ultérieure  publiée  par  le  Journal  officiel  a 
anaoneé  l'arrivée  de  la  colonne  à  Bamakou,  sur  le  Niger,  où  elle  va 
élever  un  fort  et  planter  définitivement  notre  drapeau. 

—  Voici  le  texte  du  traité  avec  le  Teigne  (roi  du  Baol)  conclu  le  S 
mars  1883  : 

Le  gouverneur  du  Sénégal  et  dépendances,  René  Servatius,  repré- 
•eoté  par  IL  Dupré,  capitaine  commandant  l'escadron  des  spahis  du 
Sénégal,  a  conclu  avec  le  roi  du  Baol  le  traité  suivant  : 


168  N0UVELLE8  GÉOGRAPHIQUES. 

En  présence  de  : 

D'une  part  : 
M.  Rajant,  lieutenant  d'infanterie  de  marine,  commandant  le  cercle 
deThiès; 
M.  Jugnan,  vétérinaire  à  l'escadron  de  spahis  ; 
M.  Souleyman-Sy,  interprète  de  3e  classe: 

Et  d'autre  part: 
Teigne  Toiéacine,  roi  du  Baol; 
Tialaw  N'  Donp; 

Diaraf-Raol-lfassemba  N'Doumbé  ; 
Alcaly  Mabaguèye  ; 
Taba  Diop,  secrétaire  du  roi. 

Art.  1er.  —  Le  Baol  est  placé  sous  le  protectorat  de  la  France. 
Art.  2.  —  Le  roi  de  Baol  s'engage  à  accorder  toutes  les  facilités  pos- 
sibles pour  la  construction  d'un  chemin  de  fer,  dans  le  cas  où  le  Gou- 
vernement français  déciderait  la  création  d'un  embranchement  traver- 
sant le  pays. 

Art.  3.  —  Dans  le  cas  où  la  création  d'un  chemin  de  fer  aurait  lien, 
des  postes  fortifiés  pourraient  être  construits  dans  le  but  de  proléger 
la  voie  ferrée  ;  ces  postes  n'auraient  aucune  action  sur  les  affaires  do 
pays.    • 

Art.  4.  —  La  France  aura  le  droit  d'établir  des  routes  et  lignes  télé- 
graphiques qui,  de  môme  que  le  chemin  de  fer,  seront  sa  propriété; 
le  roi  les  fera  respecter. 

Art.  5.  —  Le  commerce  est  entièrement  libre;  le  roi  protégera  le* 
commerçants  et  leurs  propriétés;  il  continuera  à  percevoir  les  droits  et 
coutumes  qui  sont  actuellement  en  vigueur. 

Art.  6.  —  Si  le  Gouvernement  français  désirait  acheter  des  chevaux 
dans  le  Baol,  le  roi  s'engage  à  favoriser  et  à  protéger  les  achats. 

Art.  7.  —  Le  roi  s'engage  à  interdire  le  territoire  du  Baol  i  Lat-Dior 
en  particulier,  et  eu  général  à  tous  les  ennemis  de  la  France. 

Art.  8.  —  La  République  française  promet  aide  et  protection  an  Baol, 
dans  le  cas  où  les  habitants  de  ce  pays  Seraient  menacés  dans  leurs 
personnes  ou  leurs  biens  pour  avoir  exécuté  le  pacte  d'amitié  qu'il 
conclut  librement  avec  la  France. 

Art.  tf.  —  La  République  française  ne  s'immiscera  ni  dans  le  gou- 
vernement, ni  dans  les  affaires  intérieures  du  Baol.  Les  droits  du  Teigne 
(du  roi)  et  de  ses  successeurs  restent  absolument  les  mêmes  que  par 
le  passé. 

Art.  10.  —  La  République  française  reconnaît  d'avance  la  succession 
au  trône  du  Baol  dans  la  famille  Toiéacine,  et  d'après  les  usages  an- 


COLONIES.  169 

tiens  do  pays,  à  li  condition  que  le  successeur  reconnaîtra  les  clauses 
do  présent  traite* 

Art  1 1.  —  La  République  française  s'engage  à  ne  jamais  permettre 
que  le  damel  du  Cayor  détiennent  roi  du  Baol. 

Art.  12.  —  Le  présent  traité,  fait  en  triple  expédition,  sera  soumis  à 
la  ratification  do  gouverneur. 

Fait  à  N'Dengueles  (résidence  du  roi),  le  8  mars  1883. 
Ont  signé:  F.  Dupré,  capitaine  commandant  l'escadron  de  spahis  du 
Sénégal  ;  Rajauf,  lieutenant  d'infanterie  de  marine,  com- 
mandant le  cercle  de  Tliies. 

—  Une  intéressante  solennité  militaire   tient  d'avoir  lieu  sur  le 

Baut-Sjger,  à  Bamakou.  On  a  posé  la  première  pierre  du  fort  du  même 
nom. 

Le  commandant  supérieur  du  Haut-Sénégal,  M.  le  lieutenant-colonel 
d'artillerie  de  marine  Borgnis-Desbordes,  a  prononcé  une  chaleureuse 
allocation.  On  a  ensuite  enfoui  dans  les  fondations  une  ancienne  boite 
de  conserves  contenant  quelques  pièces  de  monnaie  d'argent  et  une 
fenille  de  papier  sur  laquelle  avait  été  tracés  les  noms  du  président  de 
la  République,  du  ministre  de  la  marine,  du  gouverneur  du  Sénégal  et 
du  capitaine  Archinard,  directeur  des  travaux  du  fort. 

Enfin  un  petit  drapeau  —  don  d'une  Parisienne  à  un  officier  séné- 
galais —  a  été  bissé,  et  on  Fa  salué  d'une  salve  de  onze  coups  de 
caoon. 

Les  travaux  du  chemin  de  fer  de  Dakar  à  Saint-Louis  sont  poussés 
activement.  Deux  chantiers  de  300  ouvriers,  dont  une  partie  est  corn* 
posée  d'indigènes,  viennent  d'être  établis,  l'un  à  Dakar,  et  l'autre  A 
Rufcque.  One  ambulance  a  été  construite  à  proximité  du  chantier 
Btaé  à  3  ou  4  kilomètres  de  Saint-Louis. 

La  mission  du  docteur  Bayol  Tient  de  quitter  Médine  pour  se  diriger 
sorleKaarta.  Les  dernières  nouvelles  sont  satisfaisantes. 

One  colonne  de  renfort,  avec  des  munitbns  et  des  vivres,  vient 
d'être  adjointe  à  la  colonne  expéditionnaire  du  Cayor,  sur  la  demande 
«lu  chef  de  cette  dernière,  M.  le  commandant  Drodds. 

Le  corps  français,  dont  l'effectif  s'élèvera  maintenant  à  800  hommes, 
a  mission  d'opérer  contre  Lai- Dior,  ex-roi  de  Cayor,  destitué  pour  son 
opposition  à  la  construction  du  chemin  de  fer,  et  qui  vient  de  reparaître, 
appnyé  par  Ali-Boury,  monarque  voisin.  L'armée  de  ces  deux  rois 
comprend  environ  8,000  hommes. 

Cochinchine.  —  Une  souscription  est  ouverte  à  Saigon  pour  élever 
on  monument  à  la  mémoire  de  Francis  Garnier. 


170  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

EUROPE. 

Départ  de  Nordenskjôld  pour  le  Groenland.  —  D'après  M.  Daubrée, 
le  Groenland  serait  enseveli  sous  un  épais  manteau  de  glace:  «  Aucun 
glacier  connu,  a  dit  notre  savant  compatriote,  n'approche,  pour  les 
dimensions,  de  cette  nappe  de  glace  continentale  qui,  saut  des  pointe- 
ments  rocheux  surgissant  ça  et  là,  couvre  plus  de  100,000  kilomètres 
carrés,  avec  une  épaisseur  surpassant  un  kilomètre  et  demi,  là  où 
des  crevasses  ont  permis  de  la  mesurer.  » 

M.  Nordenskjflld  ne  partage  pas  l'opinion  qui  place  dans  cette  région 
les  plus  vastes  glaciers  du  monde  :  abandonnant  le  projet  de  revoir  la 
mer  Sibérienne,  puisque  l'expédition  danoise  doit  la  visiter  cet  été,  il 
part  au  mois  de  mai  pour  le  Groenland,  et  il  espère  pouvoir  parcourir 
les  déserts  de  cette  contrée  avec  une  facilité  relative. 

Une  lettre  de  M.  Mathis,  ingénieur  du  Creusot  à  Stockholm,  adressée 
à  notre  secrétaire  général,  annonce  le  départ  du  célèbre  explorateur 
pour  le  20  mai.  Le  roi  Oscar  II  a  mis  à  sa  disposition  le  vapeur  de 
l'État  la  Sophia  et  un  équipage  de  matelots  de  la  marine  militaire 
choisi  parmi  des  hommes  de  bonne  volonté  et  des  savants  suédois 
accompagueront  l'expédition.  On  devra  aborder  sur  la  côte  ouest  du 
Groenland  (68°30'  de  latitude),  puis  chercher  à  franchir  les  hauts  pla- 
teaux à  200  ou  250  kilomètres  du  littoral  où  NordenskjOld  espère  ne 
plus  trouver  ni  glace  ni  neige,  mais  une  végétation  dont  on  ne  soup- 
çonne pas  l'existence.  Il  compte  faire  en  moyenne  10  kilomètres  par 
jour  sans  vouloir  pour  cela  dépasser  la  limite  précitée.  Il  serait  de 
retour  sur  la  Sophia  vers  la  Un  d'août  pour  être  rentré  en  Suède 
en  octobre.  C'est  M.  Oscar  Dickson,  de  Gothembourg,  qui  fait,  cette  fois 
encore,  les  frais  de  l'expédition.  —  Environ  200,000  francs. 

L'opinion  du  savant  suédois,  qui  est,  comme  on  le  voit,  en  opposi- 
tion directe  avec  Tune  de  nos  grandes  autorités  françaises,  se  base  sur 
ce  fait  que  le  vent  du  Sud-Est,  qui  domine  dans  cette  région,  doit 
avoir,  lorsqu'il  arrive  dans  l'intérieur  du  pays,  après  avoir  franchi  les 
hauts  sommets,  le  caractère  du  fœhn,  c'est-à-dire  qu'il  serait  sec  et 
relativement  chaud. 

Qu'il  ait  raison  ou  tort,  nos  vœux  les  plus  chers  accompagnent  l'in- 
fatigable découvreur.  G.  M.  et  J.  V.  B. 

AFRIQUE. 

La  mission  Révoil.  — -  Le  Petit  Provençal  annonce  en  ces  termes 
le  départ  de  M.  Révoil  pour  sa  mission  scientifique  : 
k  bord  du  Pei-Bo,  des  Messageries  maritimes,  capitaine  Tillier,  s'est 


AFRIQUE.  171 

embarqué  M.  Georges  Révoil,  membre  de  la  Société  de  géographie  de 
Marseille,  l'explorateur  bien  connu  du  pays  des  Çonialis.  M.  RéYOil, 
chargé  d'une  mission  scientifique  par  le  Gouvernement  français  sur  là 
cèle  orientale  d'Afrique,  se  rend  d'abord  à  Zanzibar,  auprès  du  sultan 
Said-Bargasch,  qui  est  un  ami  de  la  France  et  qui  Tint  visiter  notre  pays, 
il  y  a  sept  ans,  sur  l'invitation  de  M.  Rabaud,  son  consul  à  Marseille, 
avec  lequel  il  entretient  depuis  longues  années  les  meilleures 
relations. 

Sa  mission  durera  deux  ans.  À  Zanzibar,  11.  Réroil  formera  son 
équipe  d'indigènes  pour  s'avancer  dans  l'inférieur  du  continent  afri- 
eaia,  après  avoir  réuni  les  marchandises  et  les  présents  destinés  aux 
ehefi  de  tribus  qu'il  devra  se  rendre  favorables,  il  sera  secondé,  dans 
tes  préparatifs,  par  M.  Grefulhe,  notre  compatriote,  qui  est  parti  avec 
toi  sur  le  Peï-Bo  et  qui  est  fixé  depuis  longtemps  à  Zanzibar,  où  il 
jouit  de  toute  la  considération  du  sultan  SaïdBargasch,  dont  il  est 
l'agent  général  pour  les  opérations  maritimes  et  commerciales. 

Ce  souverain  est,  en  effet,  i  la  tète  de  plusieurs  entreprises  indus- 
trielles qui  lui  rapportent  de  forts  jolis  revenus. 

Avec  M.  Révoil  se  trouvaient  encore  sur  le  Pel-Ho  deux  autres  explo- 
rateurs, un  Anglais,  &L  Thompson,  et  un  Allemand,  M.  Fischer,  qui  vont 
explorer  la  région  peu  connue  qui  s'étend  entre  le  littoral  et  les  monts 
Kilimandjaro. 

La  mission  de  Brazza.  —  M.  de  Brazza  s'est  embarqué  définitive- 
ment le  18  mars  dernier  à  Bordeaux  pour  le  Congo.  Une  grande  partie 
du  personnel  de  son  expédition  était  partie  en  deux  groupes  par  les 
paquebots  précédents.  Une  lettre  du  Gabon,  en  date  du  2  février,  an- 
nonce que  le  premier  groupe,  embarqué  le  S  janvier  à  Bordeaux,  était 
arrivé  heureusement  dans  la  colonie  et  se  préparait  à  remonter  l'O- 
gtoué. 

C'est  par  la  rivière  de  Kilou,  au  nord  des  possessions  portugaises, 
que  IL  de  Brazza  compte  se  rabattre  sur  le  Congo,  en  explorant  la  par- 
tie montagneuse  qui  court  parallèlement  à  la  côte.  M.  de  Brazza  est 
coovaincu  qu'il  y  trouvera  une  vallée  permettant  l'établissement  facile 
d'une  voie  ferrée  de  Kilou  à  la  rive  droite  du  Congo. 

Le  ministre  de  la  guerre  vient  de  mettre  à  la  disposition  de  l'explo- 
rateur, à  titre  gratuit,  diverses  espèces  d'armes  réformées,  qui  se  trou- 
vent dans  les  magasins  de  l'État.  Ces  armes  sont  destinées  à  assurer  la 
défense  des  stations  que  va  créer  M.  de  Brazza.  Voici  quelles  sont  les 
armes  cédées  par  le  ministre  : 

8,000  armes  à  percussion,  20,000  sabres,  100,000  kilos  de  poudre, 
10  millions  de  capsules  de  guerre,  200  tentes,  1,000  haches. 


172  -NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Une  compagnie  entière  du  1er  régiment  de  tirailleurs  algériens  va 
partir  pour  seconder  l'entreprise  de  M.  de  Brazza. 

Le  petit  navire  que  le  ministre  de  la  marine  a  mis  à  sa  disposition 
peut  se  démonter  entièrement,  de  sorte  qu'aux  endroits  où  la  naviga- 
tion cessera  d'être  praticable,  l'expédition  pourra  continuer  à  avancer 
sur  terre  sans  abandonner  son  navire. 

Le  canal  de  Sues.  —  La  Compagnie  du  canal  de  Suez  a  décidé  de 
créer  à  EI-Kantara,  à  Timsab  et  au  kilomètre  133,  trois  grandes  stations, 
pouvant  recevoir  à  la  fois  de  50  à  100  navires.  D'autre  part,  une  so- 
ciété anglaise  se  propose  d'ouvrir  un  autre  canal  maritime,  commençant 
entre  Alexandrie  et  Àboukir  et  se  dirigeant  vers  Suez,  par  Tantah  et 
Le  Caire.  Mais  H.  de  Lesseps  affirme  que  la  Compagnie  a  le  monopole 
des  communications  entre  les  deux  mers,  ce  qui  exclut  la  possibilité 
d'une  concurrence. 

Les  sources  du  Niger.  —  MM.  Zweifel  et  Moustier  se  sont  remis  en 
route  pour  les  sources  du  Niger,  avec  l'intention  de  descendre  ensuite 
le  fleuve  jusqu'à  son  embouchure. 

—  D'après  des  nouvelles  transmises  par  M.  Ledoulx,  consul  de 
France  à  Zanzibar,  M.  Giraud,  enseigne  de  vaisseau  de  la  marine  fran- 
çaise, allait,  fin  décembre,  commencer  le  voyage  qu'il  a  projeté  dans 
l'intérieur  de  l'Afrique.  Il  se  serait  déjà  mis  en  route,  s'il  avait  reçu  à 
temps  le  bateau  qu'il  a  commandé  en  Angleterre  et  qui  n'était  pas  en- 
core arrivé.  Notre  compatriote  avait  employé  ce  loisir  forcé  à  l'étude 
des  langues  du  pays  et  à  de  petites  excursions  préparatoires. 

C'est  du  reste  ainsi  que  s'est  préparé  le  docteur  Fischer  qui  vient  de 
partir  de  Zanzibar,  se  proposant  de  visiter  la  redoutable  tribu  de  Massai, 
dont  la  réputation  de  férocité  est  telle  que  l'explorateur  n'a  pu  trouver 
de  porteur  sur  la  côte,  et  qu'il  a  dû,  pour  réussir  à  se  faire  accompa- 
gner, organiser  une  opération  commerciale  à  laquelle  il  a  intéressé  la 
plupart  des  600  personnes  qui  ont  consenti  à  le  suivre.  Une  société 
commerciale  de  Hambourg  a  mis  une  somme  de  15,800  marks  à  la  dis- 
position du  docteur  Fischer,  qui  consacre,  en  outre,  à  ce  voyage  ses 
ressources  personnelles.  Il  a  passé  5  ans  à  Zanzibar,  étudiant  les  lan- 
gues du  pays  et  préparant  l'exploration  hardie  qu'il  va  entreprendre. 

Un  autre  voyageur,  le  lieutenant  allemand  Wissmann,  parti  de  Saint- 
Paul-  de-Loand a  sur  la  côte  occidentale,  venait  de  traverser  l'Afrique 
de  l'Ouest  à  l'Est. 

Tandis  que  les  membres  de  la  mission  envoyée  par  le  comité  alle- 
mand de  l'Association  internationale  africaine  pour  fonder  une  station 


AMÉRIQUE.  173 

entre  Tabora  et  Karéma  recueillaient  des  collections  d'histoire  natu- 
relle et  des  informations  ethnographiques  qui  présentent,  parait-il, 
beaucoup  d'intérêt,  le  chef  de  la  station  française  de  l'Ousagara,  M.  le 
capitaine  Bloyet,  ne  restait  pas  inactif;  il  traraillait  avec  ardeur  &  la 
triangulation  du  territoire  qui  environne  la  station  et  il  adressait  au 
consulat  de  Zanzibar  3  caisses  de  collections  diverses,  destinées  au  co- 
mité français  de  l'Association  internationale  africaine.  Ces  objets  ont  dû 
être  dirigés  sur  France  dans  les  premiers  jours  de  décembre. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  avait  envoyé  un  chronomètre 
pour  être  transmis  à  M.  Hore,  comme  témoignage  de  gratitude  du 
Gouvernement  français,  pour  les  soins  empressés  dont  ce  missionnaire 
a&glais  avait  entouré  l'infortuné  abbé  Debaize  à  ses  derniers  moments. 
Ce  don  a  été  remis  entre  les  mains  du  consul  d'Angleterre  à  Zanzibar; 
faite  courtois  du  Gouvernement  français  constate  une  fois  de  plus  la 
solidarité  existant,  sans  distinction  de  culte  ni  de  nationalité,  entre  les 
personnes  généreuses  et  dévouées  qui  se  consacrent  à  la  découverte 
et  à  la  civilisation  de  l'Afrique. 

le  cap  Jnby.  —  L'Espagne  vent  occuper  de  nouveau  nie  de  Santa- 
Grozde  Har  Pequena,  au  sud  de  Mogador,  que  le  Maroc  lui  avait  cédée 
en  1860,  après  la  guerre  hispano-marocaine  par  le  traité  de  Yadras. 
Ibis  la  Compagnie  de  colonisation  anglaise,  établie  sur  la  côte  afri- 
caine, s'oppose  à  cette  prise  de  possession  :  les  colons  anglais  reven- 
diquent la  possession  du  cap  Juby.  Le  ministre  des  affaires  étrangères 
d'Espagne  réclame  l'exécution  du  traité  de  Yadras  et  la  remise  immé- 
diate du  cap  Juby. 

AMERIQUE. 

—  La  ville  de  Québec  vient  de  prendre  l'initiative  d'une  souscription 
pour  élever  une  statue  à  son  fondateur,  Samuel  Champlain.  Ce  glorieux 
Français  est  né  i  Brouage,  dans  la  Saintonge. 

louvelles  de  la  mission  Crevaux.  —  Une  très  intéressante  lettre,  à 
propos  de  la  mission  Crevaux,  est  parvenue  au  secrétaire  de  la  Société 
de  géographie,  M.  Maunoir.  Elle  vient  de  Capari  (province  de  Tarija,  Bo- 
livie), et  est  signée  de  M.  Milhome. 

Geiui-ciannonce  qu'il  est  incontestable  que  plusieurs  de  nos  malheu- 
reux compatriotes,  qu'on  croyait  massacrés  sur  le  Pilcomayo,  sont 
présentement  vivants  et  prisonniers  des  Indiens  Tobas.  M.  Milhome  a 
interrogé  le  Jeune  Zeballoa,  l'enfant  qui  a  réussi  à  échapper  au  mas- 
sacre. 


174  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Le  brait  s'est  répandu  dans  le  pays  que  les  Tobas  retiennent  prison- 
niers plusieurs  Européens  pour  se  faire  enseigner  par  eux  le  manie- 
ment des  armes  :  ces  prisonniers  ou  plutôt  ces  esclaves  sont  traités 
fort  rigoureusement.  Une  copie  de  la  lettre  de  M.  Milbome  a  dû  être 
transmise  au  ministre  des  affaires  étrangères,  afin  qu'il  prenne  les  me- 
sures les  plus  promptes  dans  le  but  de  délivrer  nos  infortunés  com- 
patriotes. 

—  On  sait  qu'à  la  suite  du  massacre  de  la  mission  Creraux  par  les 
Indiens  Tobas,  sur  les  bords  du  Pilcomayo  (Bolivie),  une  expédition 
avait  été  envoyée  contre  ces  Indiens  par  le  Gouvernement  de  Bolivie. 

Mous  apprenons  que  cette  expédition,  forte  de  200  hommes,  a  été 
surprise  par  les  Tobas,  qui  ont  tué  plusieurs  hommes  avec  des  raffine- 
ments de  cruauté  inouïs  et  enlevé  tous  les  chevaux  et  les  provisions 
des  Boliviens. 

Une  nouvelle  capitale.  —  On  mande  de  Buenos- Ayres,  le  27  janvier: 

Le  Congrès  de  la  République  a  voté  nn  crédit  de  100  millions  de 
francs  pour  la  fondation  d'une  nouvelle  ville  qui  portera  le  nom  de  La 
Plata  et  deviendra  la  capitale  de  la  République  argentine. 

Quant  à  la  ville  de  Buenos-Ayres,  vu  l'accroissement  considérable  de 
sa  population  et  de  sa  fortune  municipale,  le  Congrès  a  décidé  qu'elle 
ne  peut  plus  rester  la  capitale  d'une  République. 

La  nouvelle  capitale  a  été  inaugurée  en  grande  pompe  le  9  décembre 
dernier.  

POLE  NORD. 

Stations  météorologiques  polaires.  —  Deux  stations  météorologi- 
ques nouvelles  ont  été,  dans  ces  derniers  temps,  établies  dans  le  Nord 
de  la  Russie;  Tune  à  Mesène  (Europe),  l'autre  aBeresow(Asie).  La  posi- 
tion géographique  de  ces  deox  stations,  situées  à  TOuest  et  à  l'Est  de 
l' Oural  et  en  dehors  de  l'action  du  Gulf-stream,  leur  donne  une  impor- 
tance particulière;  de  là,  en  effet,  nous  viennent,  ainsi  que  le  mande 
le  colonel  Yenukoff,  ces  vents  froids  et  secs  qui,  de  temps  en  temps, 
gèlent  la  surface  de  l'Europe  Jusque  sur  les  bords  du  Rhin  et  souvent 
môme  plus  loin  encore  i  l'Ouest. 

L'expédition  danoise  an  pôle  Nord.  —  On  écrit  de  Copenhague  que 
Ton  éprouve  dans  cette  ville  nne  très  grande  inquiétude  au  sujet  da 
navire  danois  Dgmphna,  qui  est  parti  Tan  dernier  pour  le  pôle  Nord, 
sous  les  ordres  du  lieutenant  Hovgard,  de  la  marine  danoise.  IL  Hov- 


PÔLE  NORD.  175 

gard  «fait  l'intention  d'essayer  d'atteindre  le  pôle  par  la  Terre  de  Fran- 
çois-Joseph ei  d'hiverner  cette  année  à  Port-Dickson.  La  dernière  fois 
qu'on  l'a  aperça  (le  22  septembre),  le  navire  était  pris  dans  les  glaces 
de  la  mer  de  Kara.  L'expédition  a  été  équipée  pour  3  ans,  aux  frais 
de  IL  À.  Ganie),  commerçant  à  Copenhague.  M.  Ganiel  organise  une  se- 
conde expédition  qui  ira  au  secours  de  la  première  en  passant  par  la 
Sibérie. 

Résultats  géographiques  de  l'expédition  de  la  Jeannette.  —  Le  fait 
te  pins  important  eBt  la  découverte  de  trois  nouvelles  Iles  : 

!•  Jeannette,  petite  colline  rocheuse,  couverte  de  neige,  située  par 
76M7'28"  lat.  N.  et  I57»0'31"  long.  E.  (méridien  de  Paris); 

2°  Henriette,  par  77*8'  lat.  N.  et  145*23'  long.  E  :  c'est  un  amas  de 
rochers,  de  750  à  1,000  mètres  de  hauteur,  revêtus  d'une  maigre  vé- 
gétation consistant  en  lichens  et  en  mousses  et  une  seule  espèce  de 
phanérogame.  Toute  File  eBt  couverte  de  glace  et  de  neige  ;  un  vaste 
glacier  descendait  de  la  cèle  septentrionale; 

3°  Bennett,  par  76°38'  lat.  N.  et  146°0'  long.  E.  :  c'est  un  massif  ba- 
silique assez  élevé  et  couvert  de  glaciers;  la  pointe  sud  a  reçu  le  nom 
de  cap  Emma.  La  partie  nord  de  l'Ile  est  moins  inhospitalière  que  la 
partie  sud.  On  y  a  trouvé  des  emplacements  couverts  d'herbe,  des  os- 
sements de  renne,  du  bois  flotté,  des  fossiles,  des  opales,  des  améthys- 
tes; au  midi  il  y  avait  du  lignite.  La  mer  était  libre  a  l'Ouest  et  au  Sud, 
et  an  Nord-Ouest  l'état  du  ciel  faisait  présumer  oue  mer  libre. 

La  découverte  de  ces  trois  lies  rend  probable  l'existence  de  tout  un 
dans  celte  partie  de  l'Océan  Glacial. 


LeSpitxberg(').  —  Le  baron  G.  de  Geer,  chef  de  la  mission  zoolo- 
giqoe  envoyée  l'été  dernier  au  Spitzberg  par  l'Académie  des  sciences 
suédoise,  a  exposé,  le  17  novembre  1882,  les  résultats  de  l'expédition 
devant  la  Société  de  géographie  de  Stockholm.* 

Ootiele  but  que  l'on  s'était  proposé,  d'étudier  la  constitution  géolo- 
gique de  cet  archipel,  une  foule  d'observations  ont  été  faites  et  nous 
renseignent  sur  la  géographie  générale  des  lies  du  Spitzberg.  Le  con- 
féreocter  a  montré  deux  cartes  dressées  après  les  deux  expéditions 
précédentes  et  corrigées  soigneusement  à  la  suite  de  la  dernière  explo- 
ration. La  première  fait  voir  la  forme  des  Oords  et  des  vallées  du  Spits- 
berg  méridional,  ainsi  que  retendue  des  glaciers  qui  couvrent  le  pays; 
la  seconde  montrait  les  profondeurs  de  la  mer  autour  de  l'archipel  et 
de  la  Scandinavie.  D'après  M.  de  Geer,  ces  deux  pays,  ainsi  que  l'Ile 


0 Voir!»  triBUttre  18S2,  p.  760. 


176 


DIVERB. 


Beeren,  faisaient  autrefois  partie  d'un  même  plateau  bordé  un  peu  à 
l'Ouest  par  un  océan  profond.  Après  avoir  donné  une  idée  de  la  super- 
ficie, de  la  configuration  et  de  la  géologie  du  Spitzberg,  l'auteur  a  dé- 
crit les  nombreux  flords  de  la  côte;  il  pense,  arec  ffordenskjôld,  qu'ils 
ne  doivent  pas  leur  existence  à  des  soulèvements  ou  à  l'érosion  des 
eaux,  mais  aux  glaciers.  Bien  plus,  les  empreintes  observées  sur  les 
roches  de  l'Ile  Beeren  semblent  prouver  qu'à  l'époque  glacière  les  gla- 
ciers du  Spitzberg  s'étendaient  jusque-là.  Cette  période  fut  suivie  d'on 
abaissement  du  sol  aussi  bien  au  Spitzberg  qu'en  Scandinavie;  mais  à 
une  époque  suivante,  ces  deux  contrées  se  sont  de  nouveau  soulevées 
au-dessus  du  plateau  dont  nous  avons  parlé  et  ont  acquis  cette  fois  les 
contours  que  nous  leur  connaissons  aujourd'hui. 

On  ne  peut  expliquer  d'une  autre  façon  comment  la  flore  et  la  faune 
de  la  Scandinavie  ont  pu  s'étendre  jusqu'à  cet  archipel,  éloigné  de 
700  milles.  H.  de  Oeer  ajoute  qu'à  la  On  de  la  période  glaciaire,  le 
Gulf-stream  devait  se  diriger  plus  au  Nord  qu'il  ne  le  fait  actuellement, 
ce  qui  expliquerait  la  douceur  du  climat  préhistorique  du  Spitzberg. 

G.  M. 


DIVERS. 

Il  s'est  fondé  à  Stettin  une  Société  de  colonisation;  elle  portera  d'a- 
bord son  attention  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique,  entre  le  cap  Lopez 
et  Ambriz. 

—  On  prête  aux  Allemands  l'intention  d'acheter  à  l'Espagne  l'Ile  de 
Cabrera,  dans  la  Méditerranée,  pour  y  fonder  une  sorte  de  ferme-colo- 
niale-école, dont  les  élèves  se  répandraient  plus  tard  sur  les  points 
particulièrement  convoités  par  la  mère-patrie. 

Au  moment  où  nous  écrivons,  les  négociations  n'ont  pas  encoae 
donné  lieu  à  une  conclusion  définitive,  ou  du  moins  publique. 

—  L' Espagne  vient  d'occuper  Plie  de  Tavitavt,  située  à  l'Ouest  de 
l'archipel  de  Soulou,  annexé  aux  colonies  Philippines  depuis  1S76.  la 
fondant  une  station  militaire  sur  cette  lie,  longue  de  20  milles  anglais 
et  large  de  5  milles,  l'Espagne  a  complété  la  ligne  de  ses  possessions 
qui  dominent  la  route  entre  la  mer  de  Célèbes  et  la  mer  de  Chine. 

Po»t-*criptwn.  —  Le  gonTernement  argentin  *  organisé  une  nourelle  expédition 
militaire,  en  route  actuellement  pour  le  PUcomayo.  Le  colonel  Sola,  qui  la  dirige,  a 
reçu  do  l'Institut  géographique  les  fonda  nécessaires  pour  rapatrier  les  restes  de 
Creraux,  de  Billet  et  de  Kingel  s'il  les  retroure,  et  racheter  la  liberté  de»  snrrrvaat* 
Haurat,  timonier  français,  et  Blanco ,°  timonier  argent! a. 


BIBLIOGRAPHIE 


•Notices  snr  Sampigny,  PierreJUte,  Avioth,  Souillg,  par  M.  Bonnabelle. 

M.  Bonnabelle,  fondateur  et  secrétaire  de  la  Section  meusienne  de 
géographie,  Tient  de  publier  de  curieuses  et  sa  tan  tes  notices  snr  les. 
localités  citées  plus  haut. 

Dans  chacune  de  ces  études,  l'auteur  remonte  au  moyen  âge  et  nous 
indique  le  nom  des  personnages  qui  ont  joué  un  rôle  important  dans 
cet  bourgs  et  leurs  principaux  actes.  Il  décrit  les  documenta,  rappelle 
les  souvenir»  historiques  qui  se  rattachent  à  ces  tilles  ou  villages,  cite 
les  ehartes  qui  peuvent  Jeter  quelque  Jour  sur  leur  histoire  et  réunit 
ainsi  les  matériaux  qui  feront  du  Dictionnaire  hit  torique  des  commu- 
ne* de  la  Meuse,  un  outrage  de  même  valeur  que  celui  de  M.  Lepage, 
pour  le  département  de  la  Meurt  ne.  K.  Gfcmx. 

Organisation  communale  des  indigènes  des  Philippines,  Blumentritt, 

traduit  de  l'allemand  par  M.  Hogot. 

Dans  une  intéressante  brochure,  M.  Hugot,  capitaine  d'infanterie  et 
membre  do  conseil  de  la  Société  académique  indo-chinoise,  nous  in- 
dique Tétat  politique  et  religieux  des  Philippines  à  l'arrivée  des 
Espagnols  en  1565.  Il  nous  donne  des  renseignements  précis  sur  l'ad- 
ministration actuelle  de  ces  lies,  sur  les  diverses  castes  entre  lesquel- 
les se  divise  la  population,  ainsi  que  sur  les  divers  impôts  ou  corvées 
eiigés  des  indigènes.  Il  conclut  par  ces  mots  :  •  On  trouverait  diffi- 
cilement une  colonie  où  les  habitants  soient  plus  heureux  qu'aux  Phi- 
lippines. »  K.  GèNiic. 

'Usiné  historique  de  renseignement  de  l'économie  politique  et  de  la 
statistique  en  France,  par  M.  K.  Levasseur.  Paris,  Guiilaumin. 
Dans  ce  travail,  lu  à  la  Société  d'économie  politique,  à  l'occasion  do 
40*  anniversaire  de  sa  fondation,  l'éminent  économiste  a  traité  avec  ss 
kaute  autorité  une  questloo  de  la  plus  haute  importance  pour  les  spé- 
cialistes. J.-V.  B. 

la  France  en  Afrique,  par  M.  le  vicomte  de  Bizemont.  Paris,  Jules 

Gervais. 

Férak,  par  M.  Brau  de  Salnt-Poi-Llas.  Paris,  E.  Pion. 

Nous  nous  réservons,  dans  un  prochain  Bulletin,  d'analyser  ces  in- 
téressants et  utiles  ouvrages.  J.-V.  B. 


m.  ou  aioem.  -  1«'  w  >  rmtumruwM  1883.  It 


ACTES   DE  LA  SOCIÉTÉ 


SOCIÉTÉ -MERE 


COMPTE  RENDU 

ou 


CONGRES   DE   BORDEAUX 

(Fm.) 


Le  vendredi  matin,  le  Congrès  reprend  la  suite  de  ses  travaux  et  la 
séance  s'ouvre  sous  la  présidence  du  Dr  Bourru,  assisté  de  M.  de  la 
Ilicherie  et  de  M.  6.  Renaud. 

Après  la  lecture  du  procès- verbal,  je  propose  au  Congrès  de  voter 
des  remerclments  à  la  municipalité  de  Bordeaux,  pour  la  gracieuse  et 
splendide  réception  de  la  veille  :  cette  proposition  est  accueillie  par 
.des  applaudissements  unanimes,  et  M.  Daney,  premier  adjoint,  présent 
à  la  séance,  est  prié  de  vouloir  bien  être  l'interprète  des  sentiments 
du  Congrès  près  de  ses  collègues. 

Puis,  M.  Sipière  expose  l'un  des  sujets  les  plus  intéressants  que  ie 
Congrès  ait  étudiés  et  dans  la  discussion  duquel  se  sont  révélées  à  la 
fois  les  compétences  les  plus  incontestables  en  élevant  la  discussion 
même  au  diapason  des  pins  grands  débats  et  du  désintéressement  le 
plus  complet:  c'est  la  question  des  chemins  de  fer  transpyrènéens.  On 
regrette  d'avoir  à  condenser  de  telles  délibérations  dans  un  cadre 
aussi  restreint  que  ie  nôtre. 

Tout  d'abord,  M.  Sipière  demande  l'ouverture  de  deux  lignes  traver- 
sant la  partie  centrale  des  Pyrénées,  Tune  à  l'Est,  l'autre  à  l'Ouest. 

Le  colonel  Coello  croit,  à  rencontre  de  la  proposition  Sipière,  qu'il 
est  superflu  de  chercher  à  multiplier  les  voies  à  travers  les  Pyrénées 
et  que  l'on  atteindra  le  même  but  en  développant  les  voies  ferrées  sur 
le  versant  espagnol  et  en  les  concentrant  sur  les  deux  points  actuels 
de  pénétration  aux  extrémités  de  la  chaîne. 

M.  Bourgeat,  président  de  la  Société  agenaise,  croit  que  la  question 
n'a  pas  été  suffisamment  étudiée.  11  invoque  ici  non  pas  la  question  de 
clocher,  mais  au  contraire  l'intérêt  général.  C'est  là  une  des  formes 


CONGRES  DB  BORDEAUX.  179 

les  plus  nobles  de  la  discussion  et,  loin  de  se  laisser  entraîner  aux  mes- 
quines considérations  dont,  l'an  dernier,  nous  avions  eu  ie  spectacle, 
11.  Bourgeat  prend  tous  les  intérêts  locaux,  les  groupe  et,  pour  obtenir 
an  résultat  impartial,  il  demande  la  nomination  d'une  commission  su- 
périeure prise  en  dehors  des  intérêts  particuliers  de  telle  ou  telle 
Tille,  de  telle  ou  telle  partie  de  la  région. 

Cependant,  la  discussion  continue  et  cette  fois  sur  le  terrain  tech- 
nique. C'est  d'abord  le  commandant  Blanchot  qui  propose  l'internatio- 
nalité du  tunnel  projeté,  puis  M.  F.  Schrader  qui  appuie  les  observa- 
tions du  colonel  Goello,  tout  en  demandant  un  tracé  par  la  vallée  du 
Salât.  On  discute  alors  sur  les  côtés  praticables,  les  difficultés  possibles  : 
MH.  Schrader,  Blanchot  et  Goello  (')  sont,  on  peut  le  dire,  les  deux  pre- 
miers pour  la  France,  l'autre  pour  l'Espagne,  les  grande  découvreurs 
4a  Pyrénées,  dont  les  cartes  actuelles  sont  encore  si  défectueuses. 
Ce  qull  y  a  de  caractéristique,  c'est  l'attitude  respective  de  ces  deux 
officiers  de  nationalité  différente,  défendant  avec  une  courtoisie  et  une 
précision  sans  égale  les  intérêts  militaires  des  deux  nations.  Et,  tout 
en  soutenant  son  opinion,  le  colonel  Goello,  qui  n'est  pas  comme  les 
Anglais  que  la  création  du  tunnel  sons-marin  semble  frapper  d'épou- 
vante, dit  avec  cette  simplicité,  cette  franchise  presque  naïve  du  vrai 
soldat,  qu'il  n'a  pas  peur.  Ge  n'est  évidemment  dans  la  pensée  de 
personne;  on  sourit  et  on  applaudit. 

H.  Bourgeat  appuie  de  nouveau  sa  motion.  H.  de  Saiot-Saêns,  un  sa- 
vant modeste,  soutient,  avec  les  précédents  orateurs,  qu'il  faut  adop- 
ter, i  bref  délai,  un  projet  définitif. 

Tout  en  étant  sympathique  aux  idées  de  M.  Bourgeat  et  aux  mobiles 
qui  l'ont  fait  parler,  le  Congrès  repousse  sa  proposition,  y  voyant  aussi 
peu  d'utilité  que,  par  contre,  de  nombreux  attermoiements. 
Apres  diverses  observations,  le  Congrès  adopte  les  vœux  suivants  : 
1°  Qu'il  soit  demandé  au  Gouvernement  la  création  de  chemins  de 
fer  iranspyrénéens  ; 

V  Que  le  tracé  par  la  vallée  du  Salât  soit  choisi  de  préférence  à 
tout  autre. 

d'ordre  du  Jour  appelle  la  communication  de  M.  de  Lucy  sur  son 
index  géographique.  Nous  avons  déjà  parlé  de  cet  utile  travail  dans 
notre  compte  rendu  du  Congrès  de  Lyon  et  il  donne  lieu,  là,  à  une  dis- 
cussion encourageante  pour  son  auteur.  M.  Bonnard  demande  le  con- 
coure de  toutes  les  chambres  de  commerce  en  faveur  de  l'ouvrage  de 
M*  ie  lucy.  Ge  dernier  ne  demande  pas  autre  chose  que  les  encours- 
céments  du  Congrès  pour  sa  publication. 

}\  On  sait  que  le  colonel  Coello  est  l'officier  supérieur  charge  de  la  direction  gé- 
oerale  de  la  carte  de  Pétat-major  espagnol. 


180  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

Je  rappelle  le  vœu  favorable  du  Congrès  de  Lyon  de  1881  et  j'appuie 
la  motion  de  M.  Bonnard,  laquelle  est  adoptée  à  la  presque  unanimité 
des  TOix. 

M.  Louis  Delarand  donne  ensuite  un  aperçu  et  des  fragments  d'an 
travail  sur  les  modifications  des  côtes  de  France  par  les  affaissement» 
et  soulèvements  des  unes  et  des  autres,  ou  encore  par  l'action  destruc- 
tive des  flots,  ou  enfin  par  les  agglomérations  amenées  par  les  cou- 
rants et  les  fleuves.  Nous  reviendrons  sur  ce  sujet  si  intéressant,  si 
utile,  si  éminemment  géographique,  quand  il  aura  paru  dans  le  compte 
rendu  général  du  Congrès.  Inutile  d'ajouter  que  M.  Delavaud  a  été  très 
applaudi. 

Puis  M.  Desclaux  nous  entretient  de  V ensablement  des  rivières  et 
notamment  de  la  Garonne.  M.  Desclaux  nous  parait  être  un  observa* 
teur  consciencieux,  mais  il  ne  donne  pas  d'explications  bien  nouvelles 
sur  ce  sujet.  Le  Congrès  ne  s'en  montre  pas  moins  très  bienveillant 
pour  l'honorable  orateur  et  approuve,  en  les  modifiant,  certaines  pro- 
positions qu'il  présente  sans  en  faire  l'objet  d'un  vœu. 

Ensuite,  J'ai  la  parole  pour  demander,  le  temps  me  manquant  pour 
une  communication  sur  la  vulgarisation  de  la  construction  des  cartes 
géographiques,  l'insertion  de  cette  communication  dans  le  compte  rendo 
àes  travaux  du  Congrès.  J'expose  sommairement  l'utilité  qu'il  y  a  pour 
ceux  qui  enseignent  la  géographie  et  qui  n'ont  pas  les  connaissances 
mathématiques  spéciales,  ce  qui  arrive  dans  l'enseignement  à  tous  les 
degrés,  à  leur  donner  les  formules  simples,  pratiques,  des  projections 
géographiques,  afin  qu'ils  se  rendent  compte  au  moins  du  canevas  des 
cartes  qu'ils  emploient. 

Le  commandant  Bianehol  déclare  être  de  l'avis  contraire  et  ne  voit 
pas  du  tout  la  nécessité  de  connaître  la  construction  des  cartes  pour 
ceux  qui  ne  sont  pas  chargés  de  les  dresser.  Par  contre,  il  vou- 
drait proposer  que  Ton  mit  tout  le  monde  à  même  de  bien  lire  les 
cartes. 

Je  réponds  que  cette  proposition  ne  contrecarre  nullement  la  mienne,, 
que  connaissant  tout  particulièrement  le  travail  de  M.  Blanchot  sur  la 
lecture  de  la  carte  de  l'état-major,  je  saisis  l'occasion  de  l'en  félici- 
ter. Mais  ce  que  je  propose  me  parait  tellement  utile,  que  déjà  la  chose 
a  été  fort  goûtée  dans  une  conférence  faite  aux  instituteurs,  qu'il  aêté 
récemment  question  avec  un  inspecteur  d'académie  de  lui  donner  une 
certaine  publicité,  qu'enfin  un  émisent  professeur  géographe,  àLTbou- 
let,  avait,  dans  des  travaux  publiés  par  la  Société,  de  géographie  de 
Paris,  à  deux  ou  trois  ans  d'intervalle,  donné  déjà  des  solutions  prati- 
ques à  la  portée  de  ceux  qui  ne  connaissent  que  la  géométrie  et  la  tri- 
gonométrie élémentaires.  Ma  communication  au  Congrès  sera  la  con- 


CONGRÈS  DE  BORDEAUX.  181 

densation  et  le  complément  de  ces  travaux  et,  sur  cette  base,  je  pense 
^oe  le  Congrès  peut  me  faire  quelque  crédit. 

Le  commandant  Blanchot  se  range  à  mon  avis,  et  la  proposition  est 
adoptée  à  l'unanimité. 

IL  de  Saint-Saêns  voudrait  présenter  plusieurs  vœux  relatifs  à  la 
création  et  l'entretien  de  routes  ordinaires  et  muletières  dans  les  Py- 
rénées. L'heure  avancée  lait  reporter  la  discussion  de  ces  vœux  à  la, 
séance  suivante.  Celle-ci  est  levée  i  midi. 

L'après-midi,  c'est  M.  Drspeyron  qui  préside,  assisté  de  MM.  Lan  ne- 
toc  et  Cartailhac.  En  prenant  place  an  bureau,  M.  Lanneluc  demande 
à  résumer  en  quelques  mots  la  communication  qu'il  devait  faire  précé- 
demment snr  les  bureaux  nautiques. 

Après  avoir  montré  l'intérêt  qu'il  y  a  à  trouver  dans  nos  ports  des 
bureaux  nautiques  dont  le  rôle  multiple  à  l'égard  des  navires  en  par- 
tance on  en  débarquement  rendrait  de  si  grands  services  dans  les  ports 
étrangers.  Il  demande  donc  que  le  Congrès  émette  le  vœu  que  l'admi- 
nistration  de  la  marine  crée  dant  nos  ports  des  bureaux  nautiques  où 
Us  capitaines  de  la  marine  marchande  trouveront  les  renseignements 
nécessaires,  les  cartes  dont  ifs  auront  besoin,  et  où  ils  pourroïit  faire 
régler  leurs  montres  et  leurs  chronomètres. 

On  est  étonné  que  de  tels  établissements  ne  soient  pas  encore  créés 
et  le  Congrès  appuie  fortement,  en  l'adoptant,  le  vœu  de  M.  Lanneluc. 

ï.  flubler,  commis  principal  des  postes,  a  la  parole  au  sujet  du  vœu 
émis  la  veille  sur  la  proposition  de  M.  de  la  Richerie,  concernant  les 
chemins  de  fer  du  Sénégal. 

Cest  pour  en  arriver  à  sortir  le  Congrès  de  l'impasse  où  il  s'est  mis 
en  émettant  un  vœu  contre  une  loi  votée  par  les  Chambres.  M.  de  la  Ri- 
cberie  voudrait  bien  que  l'on  ne  revint  pas  sur  la  question  et  11  défend 
le  vote  de  la  veille,  mais  le  Congrès  donne  acte  à  M.  Hubler  de  sa  dé- 
claration, dont  la  Société  de  Bordeaux  aura  à  faire  son  profit,  et  passe 
à  Tordre  du  jour. 

M.  Branlt,  pariant  du  vœu  émis  précédemment  par  M.  Lanneluc,  déclare 
s'y  associer  et  promet  de  le  soumettre  i  M.  le  ministre  de  la  marine  et 
des  colonies. 

fit  maintenant  c'est  M.  Manier,  professeur  i  l'Université  d'Oxford 
(ï. Manier  est  Français),  qui  occupe  en  grande  partie  la  séance  pour 
l'étude  du  canal  de  l'Océan  è  la  Méditerranée. 

Il  y  a  (rois  projets  relatifs  à  cette  importante  question  :  celni  de 
M.  Doclerc,  président  actuel  du  conseil  des  ministres,  celui  de  M.  Lau- 
réat, de  la  Société  d'Agen,  et  enfin  celui  de  M.  Manier. 

On  comprend  l'importance  nationale  de  cette  entreprise  et  M.  Manier 
la  défend  au  point  de  vue  de  l'abréviation  de  la  roule  des  Indes,  mal- 


182  ACTES  DB  LA  SOCIÉTÉ. 

gré  la  redevance  à  payer  pour  le  passage,  ainsi  qu'an  point  de  vue  de 
la  préférence  à  donnera  un  canal  à  grande  navigation.  H  signale,  en 
outre,  les  avantages  qu'offriraient  les  réservoirs  et  l'écoulement  des 
eaux  du  canal  dans  les  grandes  inondations.  Il  combat  le  projet  de  sup- 
pléer au  canal  par  un  chemin  de  fer  transportant  les  navires  par  terre. 

H.  Douzat  discute  #u  contraire  cette  question  et  la  résout  par  l'affir- 
mative; il  n'a  pas  le  temps  de  préparer  toute  une  conférence,  mais  il 
cite  les  résultats  obtenus  dans  les  études  préparatoires  Ce  chemin  de 
fer  aurait  14  voies  de  front  et  transporterait  les  navires  avec  une  ra- 
pidité autrement  grande  que  par  voie  d'eau.  Il  cite  des  chiffres  d'après 
lesquels  ce  chemin  de  fer  coûterait  moins  qu'un  canal  et  rendrait  plus 
de  services. 

M.  Manier  ne  demande  pas  au  Congrès  d'adopter  son  projet  ;  mais  il 
désire  que  le  Congrès  émette  un  vœu  invitant  le  Gouvernement  à  faire 
sonder  le  lit  rectifié  de- la  Garonne  depuis  Bordeaux  jusqu'à  Toulouse 
où  il  arriverait  à  la  cote  120  ainsi  que  dans  le  parcours  de  la  Nouvelle 
à  Garcassonne. 

M.  Verstraet,  qui  devait  venir  défendre  le  projet  de  M.  Duclerc,  n'est 
pas  là.  La  discussion  est  remise  an  lendemain  et  la  séance  est  levée 
à  4  heures  trois  quarts. 

Le  soir,  —  car  il  y  a  toujours  des  séances  du  soir,  malgré  l'inter- 
ruption de  la  veille,  —  c'est  une  conférence  de  M.  Lemire  sur  la  Nou- 
velle-Calédonie et  les  Nouvelles-Hébrides.  La  séance  est  présidée  par 
M.  de  la  Richerle.  Nous  avons  pris  des  notes  importantes  sur  la  confé- 
rence de  M.  Lemire  ;  mais  comme  il  nous  arrive  à  Nancy  en  qualité 
d'inspecteur  des  postes  et  télégraphes,  et  qu'il  nous  a  promis  son  con- 
cours, il  convient  de  réserver  la  primeur  de  ses  conférences  dans  no- 
tre Bulletin,  quand  M.  Lemire  pourra  nous  les  faire  lui-même.  Aucune 
appréciation  personnelle  ni  aucune  interprétation  fausse  ne  les  expo- 
sera à  être  déflorées  ou  altérées.  Qu'il  nous  suffise  de  constater  le 
grand  succès  de  M.  Lemire  à  Bordeaux. 

Le  samedi,  9,  au  matin,  c'est  M.  le  commandant  Blanchot  qui  préside, 
assisté  de  MM.  Brault  et  Armand. 

Le  vœu  de  M.  de  Saint-Saëns,  relatif  à  V amélioration  des  route»  mu- 
letières dans  les  Pyrénées,  est  adopté. 

M.  Delavaud  lit  une  lettre  d'un  explorateur  en  Laponie. 

M.  le  Président  lit  une  lettre  de  M.  de  Lesseps,  qui  s'excuse  de  ne 
pouvoir  répondre  que  trop  tard  à  l'invitation  de  la  Société  de  Bordeaux, 
retenu  qu'il  a  été  par  les  événements  graves  dont  l'Egypte  est  le 
théâtre. 

En  ma  qualité  de  secrétaire  de  la  commission  spéciale  du  prix  qua- 
driennal, je  donne  lecture  de  la  résolution  de  cette  commission. 


CONGRÈS  DB  BORDEAUX.  183 

I.  Débite  demande  le  renou Tellement  de  deux  vœux  émis  par  le 
Congrès  de  Lyon,  Vun  concernant  la  transformation  de  TÉcole  des 
tentes  étude*  commerciales,  l'autre  la  création  de  chambres  de  cdm- 
onrce  françaises  à  l'étranger.  Le  Congrès  adopte. 

Je  sônmets  ensuite  au  Congrès  les  épreuves  complètes  du  livre 
for  de  la  géographie  dans  VKst  de  la  France,  en  faisant  ressortir  l'u- 
tilité de  ce  Kvre,  au  point  de  vue  de  l'histoire  de  la  géographie  fran- 
çaise et  en  demandant  que  le  Congrès  émette  avec  instance  le  vœu  que 
toutes  les  Sociétés  françaises,  chacune  dans  sa  région,  entreprenne, 
appuie  et  facilite  la  création  d' œuvres  analogues.  Le  Congrès  manifeste 
tonte  sa  sympathie  pour  l'œuvre  qu'a  patronnée  la  Société  de  géogra- 
phie de  l'Est  et  appuie  unanimement  ce  vœu.  Trois  Sociétés  déclarent 
avoir  entrepris  des  œuvres  analogues  et  Je  me  mets  à  la  disposition  de 
celles  qui  auront  besoin  de  renseignements  à  ce  sujet. 

M.  Manès  propose,  au  nom  de  la  Société  de  géographie  de  Bordeaux, 
Tadoption  des  vœux  suivants  : 

!•  Qu'il  soit  fondé,  à  Pans,  une  Revue  hebdomadaire  qui  servirait 
isrgane  à  l'union  des  Sociétés  de  géographie; 

2°  Qu'en  dehors  des  Congrès  nationaux  annuels,  deux  délégués  de 
duque  Société  se  réuniront  à  Paris  à  Pdques,  à  f  occasion  de  la  réw 
non  des  Sociétés  savantes  ; 

3«  Qu'il  soit  demandé  au  ministre  de  l'instruction  publique  la  créa- 
tumt  dans  la  réunion  des  Sociétés  savantes, dune  section  de  géogra- 

Ces  vœux  provoquent  bien  des  réticence»  et  des  observations  en 
raison  des  questions  budgétaires  qui  s'y  rattachent  et  qui  engagent  les 
Sociétés,  et  aussi  dn  double  emploi  que  peuvent  faire,  d'une  part,  la 
Ueue  proposée  et  les  Bulletins  des  Sociétés,  et  d'autre  part,  de  la  réu- 
nion des  délégués  des  Sociétés  avec  les  congrès  annuels  lesquels  per- 
draient JeorineUleure raison  d'être  en  centralisant  constamment  à  Paris 
ces  réunions  an  détriment  des  centres  provinciaux  où  sont  organisés 

des  Sociétés. 

Après  une  discussion  à  laquelle  prennent  part  MM.  Barbier,  Bourgeat, 
Denise  et  Cartailhac,  le  Congrès  décide  que  ces  vœux  seront  soumis,  par 
la  Société  de  Bordeam,  à  l'examen  de  toutes  les  Sociétés  françaises 
de  géographie  et  que  le  résultat  de  cet  examen  sera  transmis  à  la  So- 
ciété de  Bordeaux  avant  le  1"  janvier  pour  faire  l'objet  d'une  nouvelle 
étude  et  d'un  nouveau  rapport  qui  sera  soumis  au  Congrès  de  1883. 

M.  Laurent,  taYité  à  prendre  la  parole  ponr  défendre  son  projet  du 
canal  de  rocéan  à  la  Méditerranée,  renonce  à  se  faire  entendre.  Il 
pense  que  la  question  a  été  suffisamment  étudiée  et  il  se  borne  à  de- 
mander que  le  Congrès  émette  le  vœu  que  son  projet  de  canal  soit  exa- 


184  ACTES  DIS  LA  SOCIÉTÉ. 

miné  par  la  commission  supérieure  chargée  de  l'examen  de  celai  de 
M.  Duclerc. 

M.  Hautreux,  vice-président  de  la  Société  de  Bordeaux,  se  déclare 
prêt  à  parler  au  nom  de  M.  Verstraet;  mais,  croyant  la  question  suffi- 
samment étudiée,  il  fait  valoir  en  quelques  mots  des  considérations 
tendant  à  ce  que  le  Congrès  émette  le  vœu  que,  vu  le  caractère  consi- 
dérable de  l'entreprise,  le  projet  dn  canal  de  l'Océan  à  la  Méditerranée 
soit  immédiatement  soumis  aux  enquêtes. 

La  proposition  est  combattue  de  divers  côtés  ;  M.  Bourgeat  présente 
à  son  tour  un  vœu  conçu  dans  des  termes  très  généraux  et  visant  le 
principe  de  la  nécessité  de  la  création  d'une  voie  de  grande  communi- 
cation entre  les  deux  mers.  M.  Cartailhac  appuie  la  proposition  et 
M.  Basseylance  demande  que  Ion  spécifie  s'il  s'agit  d'un  canal  a  grande 
ou  à  petite  section.  C'est  de  la  grande  section  évidemment  qu'il  s'agit 
et  le  vœu  de  M.  Bourgeat,  auquel  un  vote  accorde  la  priorité,  est  adopté 
à  l'unanimité. 

Puis  M.  le  commandant  Blanchot,  qui  cède  un  instant  la  présidence  à 
M.  Brault,  nous  entretient  de  la  désorganisation  des  montagnes.  C'est 
surtout  des  déboisements  qu'il  s'agit  et  des  ravages  causés  par  les 
inondations.  Nous  rentrons  en  plein  dans  la  géographie  physique  avec 
le  sympathique  et  savant  officier  et,  avec  lui,  on  suit  de  près  l'action 
des  météores  sur  les  diverses  espèces  géologiques  de  terrains,  suivant 
que  les  forêts  les  abritent  ou  que  les  déboisements  irréfléchis  les 
exposent  â  la  destruction.  Il  décrit  alors  ces  phénomènes  instantanés 
et  prodigieux  d'accumulation  des  eaux  qui  jettent  soudain,  et  avant 
que  les  riverains,  même  prévenus  par  le  télégraphe,  aient  pu  s'en  dé- 
fendre, la  dévastation  et  les  sinistres  sur  tout  le  parcours  des  affluents 
de  la  Garonne  qui  descendeut  des  flancs  rapides  et  creux  des  Pyrénées. 
Et  6i  Ton  n'y  prend  garde,  le  fléau  des  inondations  ne  fera  que  se  mul- 
tiplier. Le  tableau  est  sombre,  il  n'est  que  temps  de  parer  à  ces  dan- 
gers. Aussi  le  commandant  propose-t-il  au  Congrès  d'émettre  un  vœu 
pour  prier  le  Gouvernement  de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires 
contre  le  déboisement  des  Pyrénées. 

M.  Bourgeat  appuie  la  proposition  et  l'étend  même  en  demandant 
que  l*  service  des  inondations  soit  définitivement  amélioré. 

Mais  ceci  est  une  proposition  nouvelle;  c'est  du  moins  ce  qui  ré- 
sulte d'une  discussion  à  laquelle  prennent  part  MM.  Bjsseyllance.  Ma- 
nier, Lanneluc,  Bourgeat,  Cartailhac,  Dr  Berchon  et  Desclaux,  et  quia 
pour  résultat  la  disjonction  :  les  deux  vœux  de  MM.  Blanchot  et  Bour- 
geat sont  sucessivement  adoptés  à  l'unanimité. 

M.  Bonnard  succède  à  M  Blanchot  pour  faire  une  communication  sur 
le  canal  de  Panama,  ou  plutôt  sur  les  conséquences  de  son  perce* 


CONGRES  DE  BORDEAUX.  185 

sent,  et  en  particaiier  en  ce  qui  concerne  la  Nouvelle-Calédonie.  Le 
temps  presse  et  M.  Bonnard  n'a  pu  le  lohir  de  développer  son  sujet 
comme  le  comporterait  son  importance,  mais  il  tend  précisément  à  ce 
que  le  Gouvernement  français  renonce  désormais  à  faire  de  la  Nou- 
velle-Calédonie une  colonie  pénitentiaire  eu  la  transformant  en  une  vé- 
ritable colonie  commerciale. 

Quelques  membres  des  pins  compétents  émettent  un  avis  un  peu  hâ- 
tif certainement,  car  ce  qui  empêche  d'appuyer  le  vœu  de  M.  Bonnard 
fl'est  pas  une  raison  d'opposition  absolue,  mai*  plutôt  l'impossibilité 
d'indiquer  an  Gouvernement  le  point  où  il  devra  désormais  préférable- 
méat  diriger  les  condamnés,  ceci  étant  du  reste  une  question  d'admi- 
nistration. Il  semble  que,  malgré  cela,  au  moment  où  nous  écrivons, 
ridée  de  M.  Bonnard  fait  son  chemin  et  qu'il  se  pourra  bien  que,  lors 
de  l'inauguration  du  canal  de  Panama,  la  question  soit  définitivement 
résolue  par  l'affirmative. 

Toutefois,  ce  vo'e  me  décide  à  signaler  au  Congrès  une  grande  lacune 
dans  la  procédure  suivie  pour  l'élaboration,  la  discussion  et  la  sanc- 
tkm  dts  vœnx  émis  régulièrement  par  le  Congrès.  Je  déclare  donc 
fne  depuis  l'origine  des  Congrès  nationaux,  j'assiste  à  leurs  délibéra* 
tins,  que  bien  des  vœui,  trop  de  vœux,  a  mon  avis  ont  été  émis  qui, 
pour  les  neuf  dixièmes,  sont  tombés  dans  l'oubli  et  la  stérilité  par  cette 
double  raison  que  l'on  en  appelle  trop  souvent  à  l'intervention  et  à 
Pinitiative  directe  du  Gouvernement  et  que  jamais  on  ne  le  met  en 
présence  de  projets  étudiés,  mûris,  prêts  enfin  à  recevoir  sa  sanction 
après  examen.  Aussi  arrive-til  qu'ils  vont  se  perdre  régulièrement  au 
fend  des  cartons  des  ministères  qui  n'en  peuvent  mais,  et  c'est  pour 
éviter  cette  issue  inéluctable  en  l'état  actuel  que  j'appelle  l'attention 
do  Congrès  sur  ce  point. 

Sur  l'approbation  de  plusieurs  membres,  M.  le  Président  me  demande 
si  j'ai  formulé  un  projet  de  vœu.  Je  réponds  que  pour  être  conséquent 
svec moi-même  ce  n'est  pas  un  vœu  que  jejormule,  mais  une  invita- 
tion que  j'adresse  au  Congrès,  et  dont  l'insertion  au  procès-verbal  me 
suffit  pour  le  moment,  afin  que  l'attention  de  tous  ses  membres  soit 
«ppelée  sur  ce  point  à  l'avenir  et  cela  pour  le  succès  des  vœux  des 
Congrès  futurs,  à  savoir  :  qu'il  y  a  lieu,  conformément  au  projet  de 
règlement  du  Congrès  que  je  dépose  sur  le  bureau  pour  être  inséré 
sans  Je  compte  rendu  général,  de  faire  préparer  et  mûrir  les  travaux 
susceptibles  d'études  techniques  et  de  les  faire  déposer  avant  le  Congrès 
•fin  qu'ils  soient  communiqués  et  approfondis,  car  il  n'est  pas  possible 
qu'avec  la  multiplicité  des  questions  à  traiter  et  le  peu  de  temps  que 
dure  la  session,  les  projets  puissent  être  élaborés  et  volés  en  connais- 
sance de  cause.  J'ajoute,  en  terminant,  que  pour  avoir  moins  à  recourir 


186  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

non  à  l'intervention  toujours  nécessaire  du  Gouvernement  dans  les 
choses  qui  sont  d'intérêt  général  ou  régional,  mais  à  son  initiative,  il 
convenait  d'étudier  les  moyens  que  les  Sociétés  pourraient  employer 
pour  donner  elles-mêmes  une  sanction  efficace  aux  vœux  du  Congrès.  Il 
y  a  peut-être  là  une  plate-forme  nouvelle  d'entente  pour  les  Sociétés, 
à  propos  du  projet  de  prix  quadriennal  qui  est  renvoyé  à  la  Société  de 
Lyon. 

MM.  Hubler,  Bo orgeat,  CartaNhac,  Lucy,  Bonoard,  et  tout  particuliè- 
rement MM.  Brault  et  Anthoine,  délégués  des  ministères  approuvent 
ma  déclaration  et  M.  le  président  s'y  associe  et  m'en  donne  acte. 

Enfin.  M.  Joseph  Miot  expose  la  nécessité  d'une  plus  grande  publicité 
en  faveur  de  nos  travaux  et  il  espère  obtenir  ce  résultat  en  formant 
une  ligue  des  commis  voyageurs  qui  sera  chargée  d'être  en  quelque 
sorte  le  porte-voix  autorisé  des  congrès  des  Sociétés  de  géographie. 

Cette  proposition,  qui  n'est  pas  certainement  sans  offrir  un  grand  inté- 
rêt, ne  peut  malheureusement  être  votée,  la  plupart  des  membres  étant 
sortis,  à  cause  de  l'heure  avancée  et  en  prévision  de  la  séance  de  l'a- 
près-midi, qui  sera  la  séance  de  clôture. 

Cette  séance  de  clôture  a  quelque  sole  nnité  :  elle  est  présidée  par 
M.  le  Dr  Àzam,  président  du  groupe  géographique  du  Sud-Ouest,  assisté 
de  MM.  Brault,  délégué  du  ministère  de  la  marine,  Anthoine,  délégué 
du  ministère  de  l'intérieur,  Lanneluc,  vice-président  de  la  Société  de 
géographie  de  Bordeaux. 

Nous  épargnerons  à  nos  lecteurs  l'exposé  des  rapports  successifs  des 
commissions  du  jury.  Signalons  seulement  les  principales  récompenses 
décernées. 

Dans  la  lrs  section  (Enseignement),  Diplômes  d'honneur  :  MM.  Rigaud, 
géographe  à  Bergerac;  Leclerc,  professeur  à  Paris;  l'École  deMonlivfl- 
liers  (Seine-Inférieure).  Des  médailles  d'argent  sont  décernées  à  M.  Moa- 
nier,  professeur  à  Chalon-sur-Saône,  à  l'École  supérieure  de  filles  de 
la  rue  Chavarus  et  à  l'École  supérieure  de  garçons  de  la  rue  Pélegrin. 

Dans  la  2°  section  (Collectivité  et  missions  scientifiques),  Diplôme 
d'honneur  (et  rappels)  :  Le  commandant  Gallîéni;  C.  A.  Vermines:,  i 
Marville;  J.  Y.  Barbier,  à  Nancy  (!)  ;  commandant  Blanchot,  à  Toulouse; 
Survey  Department,  à  Victoria  (Australie);  New  SoxUh-Wales  gaver*- 
ment  (Australie)  ;  le  conseil  général  de  la  Gironde  ;  le  conseil  général 
de  la  Haute-Garonne;  Georges  Revoil,  explorateur  au  pays  des  Çomalii; 
Colin,  éditeur  à  Paris.  —  Médailles  de  vermeil  :  MM.  les  capitaines 
Vallière  et  Piétri;  E.  Guinet,  à  Lyon;  E.  Ferret  et  Privas;  lieutenant- 


(')  La  Société  philomathlque  n'avait  pas  de  section  spéciale  de  géographie,  et  le 
jury  de  son  exposition  générale  a  compris  tons  les  travaux  géographiques  dsai  1* 
seotlon  de  VMnteignenuni.  De  ee  chef,  nons  avons  obtenu  une  médaille  d'argent. 


r 


CONGRÈS  DE  BORDEAUX.  187 

colonel  Derricn  et  capitaine  Delaneauz.  —  Médailles  d'argent  : 
IM.  Zweifel  et  Moustier;  Germer-Bailtière,  à  Paris;  Pierre,  à  Saigon  ; 
Douta;  Raulin;  Cou  tau;  Baseyllance,  vicomte  de  Sanderval. 

Enfin,  dans  la  3*  section  (Travaux  particuliers),  Diplômes  d'hon- 
neur (et  rappels)  :  M11'  Klein  haus;  MM.  F.  Schrader;  Dr  Armaignac; 
commandant  Prudent  ;  baron  de  Saint-Saud.  —  Médailles  de  vermeil 
(et  rappek)  :  DrLesson;  MM.  Labroue;  Pey-Berland;  Dr  Bourru.  — 
Médailles  d'argent:  MM.  Lemire;  Hautrenx;  Lapierre;  Panl  Cousin; 
Casdé;  Boulnoîr. 

Après  la  proclamation  des  récompenses,  on  décide  qoe  la  prochaine 
session  do  Congrès  national  de  géographie  aura  lieu  à  Rouen.  M.  0. 
Renaud,  qui  représente  la  Société  normande,  n'étant  pas  autorisé, 
■'accepte  que  sous  condition  que  cette  acceptation  sera  ratifiée  par  Je 
bureau  intéressé  (*). 

Puis,  dans  un  discours  de  quelques  lignes,  lequel  en  substance  re- 
mercie tous  les  délégués,  M.  le  président  clôt  la  5e  session  du  Congrès 
national  de  géographie.  Â  Tan  prochain. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  Le  Congrès  a  eu  un  épilogue,  même  deux  : 
boqs  nous  en  tiendrons  au  premier,  auquel  nous  avons  pris  notre 
part,  le  second  n'ayant  eu  lien  qu'à  demi  et  cela  par  un  temps  absolu* 
Beat  déplorable. 

Cet  épilogue  c'est  la  promenade  à  Arcachon  ;  voyage  de  compagnie, 
de  géographie  pratique,  de  visu  et  dans  des  conditions  quelque  peu 
tilërentes  des  explorations  du  Congo  ou  de  l'Amazone.  C'est  le  lende- 
anin,  dimanche,  qu'a  lieu  notre  excursion  et  cela  malgré  les  prémices 
décourageantes  qu'un  orage  éclaté  dans  la  nuit  nous  procure  au  départ. 
Le  temps,  beau  jusque-là,  se  traduit  en  ce  moment  par  un  véritable 
èlnvinm.  Enfin,  on  part  quand  même,  au  nombre  d'une  quarantaine  de 
persoooeF,  et  M.  le  maire  d'Arcachon,  qui  a  eu  toutes  les  prévenances. 
«mis  a  fait  préparer  deux  wagons-salons  à  la  gare  du  Midi  à  Bordeaux. 
Lui-même  nous  attend  à  l'arrivée  à  Arcachon,  non  pas  tout  seul,  mais 
avec  l'orphéon  de  la  ville  qui,  au  milieu  d'une  pluie  battante,  nous 
escorte  en  nous  jouant  ses  meilleurs  morceaux.  Et  nous  allons  direc- 
tement nous  embarquer,  sans  prendre  le  temps  de  se  rafraîchir,  sur 
le  bateau  à  vapeur,  mis  â  notre  disposition,  qui  nous  emmène  direc- 
tement au  phare  du  cap  Ferret,  de  l'autre  côté  du  bassin  d'Arcachon. 
H  y  a  là,  dans  un  poste  forestier,  sur  la  plage,  au  pied  du  phare,  un 
déjeuner  qui  se  prépare  et,  en  attendant,  afin  sans  don  te  de  pousser 
à  son  paroxysme  la  faim  canine  qui  nous  dévore  et  de  permettre 

(*)  Depuis  Ion,  Rouen  a  décliné  cal  honneur  en  reportant  ton  acceptation  à  Tan. 
■eelSM,  et  e'evt  Douai,  siège  dn  groupe  de  l'Union  géographique  du  Nord,  qui  re- 
«em,  le  Congre»  le  2*  août  1883. 


188  ACTES  DS  LA.  SOCIÉTÉ, 

surtout  audit  déjeuner  de  Tenir  à  point,  nous  escaladons  les  trois  cent 
neuf  marches  qui  conduisent  au  haut  du  phare  (SI  mètres  de  hau- 
teur). 

Ici,  nous  faisons  de  la  géographie  pratique  et  le  temps,  qui  s'est 
élevé  dés  notre  débarquement,  nous  permet  de  tirer  quelque  profit  de 
notre  petite  exploration.  La  brume,  malheureusement,  nous  ferme 
l'horizon,  mais  elle  ne  nous  empêche  pas  de  voir  de  haut  la  chaîne  de 
dunes  qui  vient  finir  en  pente  douce  au  capFerret.  Rien  dans  cette  lan- 
guette aplatie  de  terre  ne  donne  l'idée  que  Ton  se  fait  en  général 
d'un  cap,  encore  moins  d'un  promontoire.  Chaque  marée  le  recouvre 
de  quelques  cents  mètres,4Ie  découvrant  d'autant  quand  elle  se  retire, 
en  mettant  à  fleur  d'eau  les  innombrables  bancs  d'huîtres  qui  longent 
la  rive  intérieure  du  bassin.  Au  loin,  vers  le  nord,  s'étend  la  file  indé- 
finie des  dunes,  monticules  allongés  et  mouvementés  comme  des 
vagues  soudain  immobilisées.  En  face,  vers  le  sud,  et  au  delà  de 
l'étranglement  du  détroit  qui  sert  de  déversion  au  lac,  on  Toit  l'extré- 
mité verte  et  gaie  de  la  forêt  d  Arcachon  avec  quelques  habitations  de 
plaisance  que  domine  la  villa  Péreire. 

M.  Méran,  maire  d' Arcachon,  se  fait  un  plaisir  de  nous  donner  à  tons 
les  renseignements  que  nous  lui  demandons,  et  nous  adressons  ici  ea 
passant  à  notre  honorable  et  très  sympathique  cicérone  nos  remerd- 
ment  les  plus  sincères. 

Cet  étranglement  du  détroit  Ta  toujours  se  rétrécissant  davantage  et 
l'on  prévoit  l'époque  où  il  sera  fermé  tout  à  fait.  On  est  étonné  devoir 
que  ce  bassin,  abrité  dans  une  situation  merveilleuse  au  fond  d'un  des 
plus  beaux  golfes  du  monde,  n'ait  pas  été  utilisé  pour  rétablissement 
d'un  port  sans  rival.  On  n'a  pas  attendu  Jusqu'aujourd'hui  pour  y 
songer;  malheureusement  le  sable  y  est  si  mobile  et  les  bas-fonds  si 
variables,  qu'il  n'y  a  pas  d'endiguement  possible  capable  d'assurer  la 
praticabilité  du  passage. 

Mais  nous  redescendons  en  toute  hâte,  nous  n'y  tenons  pins,  car 
l'air  vif  et  pénétrant  de  la  plate-forme  du  phare  nous  a  complètement 
achevés  et  nous  accourons  à  la  table  préparée  par  des  matelots  aux 
pieds  nus,  bonnes  gens  qui  se  mettent  en  quatre  et  en  vrai  bran* 
le-bas  de  combat  pour  arriver  à  mettre  en  place  une  cinquantaine  de 
couverts  et  à  ouvrir  quelques  bourriches  d'huttres,  M.  le  D**  Àxam 
préside,  ayant  en  face  de  lui  M.  le  maire  d' Arcachon.  Ces  messieurs 
ont  à  leur  côté  MM.  Daney,  adjoint  au  maire  de  Bordeaux,  Casauvieilb, 
député,  Brault,  délégué  du  ministère  de  la  marine,  etc. 

«  Par  certains  aspects,  dit  le  rédacteur  de  la  Gironde  qui  nous  ac- 
compagne, ce  déjeuner  a  été  homérique.  Nos  garçons  de  salle  étaient 
des  marins.  Nous  manquerions  à  tous  nos  devoirs  si  nous  ne  leur 


CONGRÈS  DB  BORDEAUX.  189 

adressions  ici  nos  félicitations  et  nos  remerclments  les  pins  sincères 
pour  l'empressement  et  l'affabilité  qu'Us  ont  mis  dans  ce  service.  Que 
de  victuaille,  ô  doux  Pantagruel  !  It  comme  ces  braves  gens- là,  arec 
leur  torse  houleux,  avec  le  balancement  naturel  que  communique  au 
corps  Thabitude  de  la  mer,  allaient  et  venaient  chargés  de  plats  et  de 
laçons!  Huîtres,  jambon,  homard,  poulet  froid  et  roastbeef,  tel  a  été 
le  menu  que  les  effluves  salées  et  les  senteurs  résineuses  nous  ont  fait* 
dévorer  de  tontes  nos  dents.  » 

11  ne  parait  pas  qu'il  doive  y  avoir  de  place  pour  les  toasts  dans  un 
compte  rendu  sommaire  comme  celui-ci.  Et  pourtant  il  est  de  ces 
choses  qui  sont  banales  dans  les  situations  ordinaires  et  qui  emprun- 
tent parfois  aux  circonstances  une  valeur  d'originalité  propre. 

M.  Schrader  père,  digue  et  sympathique  vieillard,  buvant  à  cette 
réunion  d'hommes  qui,  peut-être,  ne  se  reverront  plus,  propose  d'en 
perpétuer  le  souvenir  en  nous  faisant  tous  photographier. 

Pois  M.  le  Dr  Àiam  porte  un  toast  à  M.  le  maire  d'Arcachon,  lequel 
répond  en  buvant  au  Congrès  géographique.  En  souhaitant  tout  le 
nceés  possible  aux  travaux  qu'il  a  accomplis,  M.  Méran  explique  inci- 
demment qu'il  y  a  deux  dictionnaires  à  la  mairie,  l'un  de  Bouillet , 
ftntre  de  Bescherelle.  Leurs  éditions  sont  antérieures  à  1870.  Or,  a 
l'article  Ar cochon,  l'un  dit  :  ■  Petite  lagune  qu'une  société  est  en 
train  de  dessécher  ■.  Et  l'autre  :  §  Petit  golfe  formé  par  l'océan  Atlan- 
fiqoe,  dans  ta  Charente-Inférieure  ».  (On  rit.) 

M.  Casauvieilb,  en  galant  homme,  boit  aux  dames  qui  ont  pris  part 
i  h  promenade. 

IL  Gartailhac  porte  un  toast  i  la  presse  auquel  répond  H.  Duprat,  en 
bâtant  aux  délégués  des  sociétés. 

Je  réponds  à  ce  dernier  au  nom  de  mes  collègues  en  portant  un 
toast  à  nos  compatriotes  de  r  Alsace-Lorraine. 

Un  Messin,  un  ami,  H.  Lucy,  me  remercie  c  en  quelques  mots  cha- 
leureux et  émouvants  ».  C'est  Oui  et  Ton  va  se  faire  photographier. 

laire  temps  et  alors  qu'avant  le  déjeuner  les  conchyliologues  ont 
exploré  la  plage,  les  botanistes  i  leur  tour,  après,  vont  étudier  la  flore 
si  riche  et  si  variée  de  la  dune.  Pour  les  géographes,  ils  visent  aux 
moyens  de  rapatrier  le  bateau  et,  vu  la  distance  qui  nous  sépare  de 
rembarcadère,  afln  de  ne  pas  refaire  la  marche  du  matin  sur  le  sable 
pendant  plus  d'une  demi-heure,  ils  arrivent  i  grouper  un  certain  nombre 
de  chaloupés  pour  aller  à  coups  de  rames  rejoindre  le  bateau. 

La  traversée  du  bassin  est  parfois  houleuse  et  ne  laisse  pas,  a  cer- 
tains moments,  d'être  pénible  ;  mais  le  temps  s'est  tout  à  fait  mis  au 
seau,  et  c'est  par  un  soleil  splendide  et  sur  une  eau  calme  comme  celle 
fou  lac  que  cette  promenade  s'achève. 


190  ACTES  DB  LA  SOCIÉTÉ. 

Mais  aussi  quel  dédommagement  au  temps  abominable  de  ce  matfa  et 
combien  ce  soleil  dore  et  fait  miroiter  le  riant  et  gracieux  panorama 
des  centaines  d'habitations  de  plaisance  qui  bordent  la  plage,  depuis  la 
villa  Perdre  qui  est  en  haut  de  la  pointe  de  la  forêt,  jusque  près  de  la 
pointe  de  l' Aiguillon  ! 

fai  dit  que  cette  forêt  d' Arcachon  formait  la  pointe  de  la  ligne  sud 
des  dunes.  Avant  1784,  le  pays  était  assujetti  aux  invasions  dn 
sable,  aux  mouvements  désastreux  souvent  des  dunes.  On  raconte  que 
Brémon tiers,  explorant  le  golfe  de  Gascogne,  vit  une  de  ces  montagnes 
de  sable,  haute  de  60  mètres,  marcher  et  s'avancer  de  plusieurs  pieds 
dans  la  terre  en  moins  de  deux  heures.  Déjà  l'abbé  Desbiey,  secrétaire 
de  l'Académie  de  Bordeaux',  avait  publié  un  mémoire  sur  une  manière 
d'ensemencer  les  dunes  et  M.  de  Ruât,  seigneur  du  captalat  de  Buch 
avait  fait  des  essais  qui  avaient  pleinement  réussi.  Mais  Brêmontiers 
eut  la  gloire  de  généraliser  et  de  faire  appliquer  le  remède,  et  il  fit 
accueillir  par  le  Gouvernement  les  propositions  formulées  dans  son 
mémoire  adressé  au  roi  en  1 784.  Vingt-cinq  ans  durant,  il  a  poursuivi 
son  œuvre  et  elle  se  continue  encore  aujourd'hui. 

De  retour  à  Arcachon,  notre  première  visite  est  pour  le  musée,  et  eu 
particulier  pour  l'aquarium  de  la  Société  scientifique.  Ici,  ce  sont  les 
ichtyologues  qui  sont  dans  leur  élément,  et  pour  nous,  nous  n'avoas 
qu'à  regarder  en  profane  ces  merveilles  de  la  mer  (il  s'entend  en  par* 
ticulier  du  bassin  cT Arcachon)  auxquelles  d'ailleurs  il  faudrait  consacrer 
une  étude  spéciale  assez  longue  et  aussi  hors  de  notre  cadre  qu'elle 
l'est  de  notre  compétence. 

La  Société  scientifique,  en  corps,  nous  fait  les  honneurs  dechex 
elle  :  qu'elle  reçoive  de  nouveau  ici  l'expression  de  notre  gratitude. 

Notre  exploration  se  continué  par  un  voyage  en  forêt  et  nous  avons 
pour  obligeant  cicérone  H.  Lapierre,  architecte,  adjoint  de  la  ville  de 
Bordeaux. 

Quand  nous  disons  forêt,  c'est  une  façon  de  parier,  car  toute  la 
partie  avoisinante  d' Arcachon  est  uu  parc  pittoresque  où  se  trouvent 
des  villas,  des  cottages,  des  constructions  de  toutes  sortes  :  suisses, 
mauresques,  etc.  Le  casino,  que  Ton  nous  fait  visiter  dans  toutes  ses 
parties,  est  lui-même  une  merveille  d'élégance  et  de  luxe.  Tout  eeit 
est  du  domaine  des  baigneurs  et  la  géographie  n'a  pas  grand'chose  à  y 
voir. 

Pourtant,  Arcachon  même  a  une  physionomie  particulière  due  à  son 
extension  rapide  et  prodigieuse.  Rien  ne  peut  donner  l'idée  du  bissrre 
et  original  spectacle  de  la  principale  rue  de  cette  petite  ville,  produit 
par  ces  humbles  maisonnettes  de  pêcheurs  qui  sont  restées  entre  tant 
de  constructions  diverses,  bizarres  elles-mêmes  mais  gracieuses,  et  qui, 


CONGRÈS  DE  BORDEAUX.  191 

pour  se  donner  un  peu  d'aspect,  sont  blanchies  et  revêtues  dé  fausses 
façades  décoratives  en  rue  de  les  sortir  un  peu  de  l'écrasement  qu'elles 
subissent  par  le  voisinage  des  autres. 

Mais  le  soleil  baisse  à  l'horison,  il  faut  revenir  à  l'hôtel  Continental, 
où  doit  avoir  lieu  un  dîner  officiel  cette  fois  et  offert  par  la  municipa- 
lité arcachonnaise. 

De  la  galerie  qui  se  trouve  sur  la  plage  en  la  dominant,  on  découvre 
très  bien  à  la  marée  basse  l'Ile  des  Oiseaux,  où  se  trouvent  les  plus 
beaux  parcs  d'huîtres  de  tout  le  bassin.  Au  loin,  à  l'horizon,  on  em- 
brasse ce  dernier  dans  toute  son  étendue.  Il  a  10,275  hectares  de 
saperficie  et  80  kilomètres  de  pourtour.  Sa  profondeur  à  basse  mer 
est  de  8  à  19  mètres,  et  la  marée  couvre  et  découvre  alternativement 
8,000  hectares,  soit  plus  de  la  moitié  de  sa  superficie,  susceptibles 
d'être  mis  en  exploitation  pour  le  frai  des  huîtres,  d'en  alimenter  le 
monde  entier  et  de  donner  un  rapport  de  15,000,000  fr. 

Âpres  bien  des  essais  et  des  déboires,  la  culture  de  l'huître  parait 
être  filée  aujourd'hui.  Le  frai  est  recueilli  sur  des  tuiles  enduites  de 
mortier  hydraulique  et  placées  en  ruches  ;  c'est  sur  l'enduit  de  ces  tuiles 
qoe  s'accroche  la  petite  huître.  Lorsqu'elle  est  suffisamment  dévelop- 
pée, on  la  détroque,  c'est-à-dire  qu'on  enlève  le  mortier  en  raclant  la 
tuile,  et  avec  le  mortier  Thuitrc  tombe.  Elle  est  ensuite  placée  dans 
des  caisses  garnies  de  fils  de  fer,  de  façon  à  la  mettre  à  l'abri  des 
animaux  nuisibles  tels  que  les  squales,  Jes  raits,  les  cormaillots,  les 
crabes,  les  étoiles  de  mer,  etc.,  ainsi  que  du  sable  et  des  algues. 
Lorsque  l'huître  a  pria  une  force  suffisante,  on  la  dépose  dans  des 
claires,  vastes  bassins  toujours  garnis  d'eau,  de  façon  à  ce  qu'elle 
soit  ainsi  à  l'abri  de  la  gelée  et  du  soleil. 

flous  en  étions  là,  comme  le  soleil  lui-même  se  couchait,  quand  un 
mouvement  se  produit  dans  l'hôtel  :  c'est  M.  le  préfet  qui  est  venu 
nous  rejoindre  et  qui  va  présider  le  banquet  en  compagnie  d'un  dé- 
puté et  de  deux  conseillers  généraux  de  la  Gironde.  Décidément,  il 
j  a  ici  une  émulation  que  nous  n'avons  encore  rencontrée  nulle 
part,  et  je  ne  sache  pas  que  des  villes  se  soient  à  ce  point  montrées 
hospitalières  aux  congrès  géographiques.  Non  que  nous  ayons  à  nous 
plaindre  de  ce  surcroît:  il  y  aurait  plus  que  de  l'ingratitude  à  cela 
et  l'on  sait  assez  en  quelle  estime  j'ai  la  science  géographique,  que 
j'appellerai  sans  exagération  la  science  patriotique  par  excellence, 
pour  ne  pas  applaudir  des  deux  mains  à  cet  accueil  sans  précédent 
et  pouvant  servir  d'exemple  aux  villes  auxquelles  il  échoit,  plus  qu'à 
toutes  les  antres,  d'encourager  et  d'honorer  tout  ce  qui,  de  près  ou  de 
loin,  touche  à  la  France. 

ierci  donc  ici,  d'une  façon  toute  particulière,  à  M.  Saisset-Schneider, 


192  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

prëfet  de  la  Gironde,  à  M.  Cazaovieilh,  député,  à  M.  Méran,  maire 
d'Àrcachon,  comme  nous  avons  dit  merci  à  la  municipalité  bordelaise* 
Je  passe  sur  le  banquet  où  les  toasts  se  renouvelèrent  d'une  façon  si 
cordiale  et  si  hospitalière. 

Rien  n'a  mauqué  à  cette  fête,  pas  même  le  feu  d'artifice,  et  il  a 
fallu  que  l'heure  nous  rappelât  à  la  nécessité  de  quitter  des  hôtes  $ 
généreux  et  si  sympathiques, 

Le  lendemain,  c'était  pareille  expédition  préparée  pour  la  pointe  de 

'  Grave.  Mais  le  temps  fit  avorter  cette  Journée,  à  laquelle  du  reste  je 

n'ai  pu  prendre  part.  Des  circonstances  graves  et  douloureuses  me 

rappelaient  :  ma  mission  était  remplie  d'ailleurs,  et  une  triste  tâche 

m'attendait  au  retour. 

Un  dernier  mot 

A  côté  de  tous  les  travaux  du  Congrès,  il  en  est  encore  qui  loi 
furent  soumis  sous  forme  imprimée:  c'est  d'abord  une  Esquisse  suri* 
Hollande,  par  M.  Breittmayer,  de  la  Société  de  Marseille,  et  une  note 
sur  Y  Irrigation  et  l'assainissement  dans  la  région  du  Bas-Rhin,  do 
même  auteur;  puis  des  Notes  star  t archéologie  préhistorique  en  Por- 
tugal, par  M.  de  Gartailhac,  et  une  étude  sur  les  projets  de  canal  ma- 
ritime de  V Océan  à  la  Méditerranée,  rapport  présenté  par  M.  Barquin, 
tous  deux  de  la  Société  de  géographie  de  Toulouse;  enfin  une  étude 
sur  le  canal  calédonien  par  M.  Hautreux  et  une  sur  le  Japon  par 
M.  Labroue  :  autant  d'oeuvres  sérieuses  qui  viennent  s'ajouter  au  coatia- 
gent  déjà  si  considérable  du  Congrès  national  de  Bordeaux. 

Mous  ne  surprendrons  personne  quand  nous  dirons  que  le  succès  de 
celui-ci  est  dû  tout  entier  au  bureau  de  la  Société  de  géographie  de 
Bordeaux  et  particulièrement  â  notre  laborieux  et  sympathique  col- 
lègue, M.  J.  Manès,  que  nous  nommons  entre  tous. 

11  me  reste  à  parler  de  l'exposition  géographique.  Malheureusement, 
malgré  une  certaine  abondance  de  travaux  importants  et  remarquables, 
elle  fut  sacrifiée  à  l'Exposition  générale  de  la  Société  pbilomaihiqoe 
qui  la  refoula  en  partie  jusqu'à  l'École  supérieure  de  commerce,  on  fut 
créée  à  la  hâte  une  salle  supplémentaire,  après  l'avoir  entassée  dans 
un  local  restreint  à  l'extrémité  du  bâtiment  principal.  C'est  d'ailleurs  II 
conséquence  et  le  danger  des  expositious  partielles  greffées  sur  une 
exposition  générale  et  c'est  ce  qui  nous  fait  ardemment  souhaiter  qoï 
l'avenir  pareille  coïncidence  soit  évitée.  Elle  a  donné  beaucoup,  beau- 
coup de  mal  à  ses  organisateurs  et  n'a  pas  été,  n'a  pu  être  appréciée 
comme  elle  le  méritait.  Toutefois,  ceci  ne  saurait  constituer  l'ombre 
d'une  critique,  mémo  indirecte,  à  l'adresse  de  l'Exposition  phlloma- 
thique  qui  fut  véritablement  merveilleuse  et  à  laquelle  toute  la  presse 
ajustement  payé  son  tribut  d'admiration.  J.-Y.  B. 


SECTION  VOSGIENNE. 

ASfiEMBLBB  GENERALE  ANNUELLE  DU  28  JANVIER  18 83. 

L'assemblée  générale  des  membres  de  la  Section  vosgicnne  a  eu 
Ken  le  dimanche  28  janvier  1883,  à  l'Hôtel  de  Tille  d'Épinal. 

M.  Gley,  vice-président,  a  ouvert  la  séance  par  une  allocution  dans 
laquelle  il  a  montré  les  efforts  de  nos  explorateurs  pour  établir  solide- 
ment la  puissance  .de  la  France  sur  deux  points  principaux  de  notre 
globe  :  au  cœur  même  de  l'Afrique,  sur  le  Niger  et  le  Congo,  et  dans 
r extrême  Orient,  sur  le  Fleuve  Rouge. 

Ensuite,  le  secrétaire  a  résumé  les  travaux  de  la  section  pendant 
Tannée  qui  vient  de  s'écouler.  «  Votre  Comité,  a  dit  M.  Graillet.  s'est 
efforcé,  surtout  pendant  cette  année,  de  ménager  les  ressources  de  la 
Section,  néanmoins,  il  a  organisé  quelques  conférences  publiques  qui 
ODt  obtenu  le  plus  vif  succès.  Vous  vous  rappelez  sans  doute  celle  de 
I.  Sylvin  sur  r  Arabie  inconnue,  celle  de  M.  Garnier  sur  le  Transsaha- 
rien, enfin  l'entretien  si  intéressant  de  M.  Georges  Renaud  sur  l'Al- 
gérie. 

«  Trois  conférences  en  un  an,  c'est  peu  !  Mais  l'état  de  notre  caisse 
se  nous  permettait  pas  de  faire  davantage.  En  effet,  par  suite  des  dé- 
penses considérables  occasionnées  par  notre  exposition  géographique, 
le  budget  de  1881  s'était  soldé  par  un  déficit  d'environ  50  fr.  Dans 
ces  conditions,  la  plus  grande  réserve  nous  était  imposée.  C'est  alors 
qu'au  lieu  de  conférences,  nous  avons  établi,  pour  les  membres  de 
U  Société,  des  lectures  géographiques  destinées  à  faire  connaître  les 
nouvelles  et  les  découvertes  les  plus  récentes. 

•  Ces  réunions  si  utiles  n'ont  pas  été  suivies,  et  nous  avons  dû  y 
renoncer,  faute  d'auditeurs.  Nous  serons  donc  obligés  d'en  revenir  au 
système  des  conférences  publiques,  c'est-à-dire  au  moyen  le  plus  pra. 
fiqne  d'atteindre  notre  but,  vulgariser  la  science  géographique  et  ré- 
pandre ses  connaissances  parmi  les  masses. 

■  Le  Comité  que  vous  allez  élire  aura  tout  d'abord  à  s'occuper  de  cette 
qnestion  si  importante.  Vous  verrez  d'ailleurs  par  la  situation  finan- 
cière que  J'aurai  l'honneur  de  vous  présenter  au  nom  de  notre  hono- 
rable trésorier,  qui  n'a  pu  assister  à  cette  réunion,  vous  verrez  que 
les  ressources  dout  nous  pouvons  disposer  au  commencement  de  cette 
nouvelle  année,  nous  permettent  d'entreprendre  une  œuvre  active  de 
propagande  géographique. 

•  3lon  seulement  nous  avons  pu  faire  face  à  toutes  nos  dépenses 
ordinaires:  paiement  du  Bulletin,  de  l'annuité  du  Tour  du  monde 
acheté  il  y  a  deux  ans,  de  l'abonnement  à  ce  même  Tour  du  monde 

SOC  D«  «aOflK.  —  1"  HT  2*  TKIMKITRK8  1833.  1S 


194  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

et  à  Y  Exploration,  etc  ;  mais  nous  ayons  encore  inscrit  la  Section 
vosgienne  pour  une  somme  de  50  fr.  sur  la  liste  de  souscription  ouverte 
dans  le  but  d'élever  un  buste  à  l'illustre  et  regretté  docteur  Crevaui, 
et  il  nous  reste  plus  de  450  fr.  disponibles  sur  le  budget  de  1882. 

c  Aussi,  dans  sa  dernière  réunion,  votre  Comité  a  décidé  que  quel- 
ques-uns de  ses  membres  se  rendraient  prochainement  à  Remiremont, 
aûn  de  faire  connaître  notre  Société  dans  cette  ville,  où  nous  n'avons 
pas  encore  d'adhérents.  Notre  action  pourrait  s'exercer  sur  d'autres 
points  du  département  où  Ton  ignore  peut- être  qu'il  existe,  à  Épinal, 
une  Société  de  géographie.  Enfln,  nous  devrons  nous  efforcer  d'attirer  à 
nous  MM.  les  instituteurs,  dont  l'admission  a  été  réglée  par  vous  l'an- 
née dernière,  moyennant  le  paiement  d'une  cotisation  annuelle  de  6  fr. 

•  En  terminant,  Messieurs,  permettez-moi  de  constater  la  marche 
ascendante  de  la  Section  vosgienne.  Elle  a  débuté,  en  1879,  avec 
100  membres;  en  1880,  nous  étions  140;  en  1881,  160;  et  aujourd'hui 
nous  sommes  180  :  demain,  si  nous  voulons,  nous  serons  200  et  pins. 
Efforçons- nous  donc  d'augmenter  le  plus  possible  le  nombre  des  mem- 
bres de  la  Seciion  vosgienne,  car,  il  ne  faut  pas  l'oublier,  dans  une 
Société  ouverte  comme  la  nôtre,  le  nombre  c'est  la  force.  • 

M.  Graillet  a  présenté  ensuite  les  comptes  de  M.  Lebrunt,  trésorier, 
lesquels  ont  été  approuvés  par  l'assemblée.  La  proposition  de  M.  Le- 
brunt, relative  à  la  publication  d'un  petit  bulletin  trimestriel  particulier 
à  la  Section  vosgienne  a  été  approuvée  à  l' unanimité. 

M.  Lecomte,  bibliothécaire,  dans  un  rapport  très  complet,  a  fait  con- 
naître à  l'assemblée  les  richesses  contenues  dans  la  bibliothèque  de  la 
Section.  M.  Lecomte  a  dressé  un  catalogue  de  tous  les  ouvrages  et 
cartes  de  la  Seciion  et  a  demandé  l'insertion  de  ce  travail  dans  uu 
des  numéros  du  Bulletin.  Cette  proposition  a  été  adoptée  à  l'unanimité. 

Enfln,  il  a  été  procédé  à  l'élection  des  membres  du  Comité  pour 
Tannée  1883.  Ont  été  élus  : 

MM.  Bailly,  à  Bains;  Florion,  à  Épinal;  Fournicr,  à  Rambervillers; 
Garnier,  à  Épinal;  Gazin,  à  Épinal;  Gley,  à  Épinal;  Graillet,  à  Épinal  ; 
Haillant,  à  Epinal;  Huot,  à  Épinal;  de  Jarry,  à  Épinal;  Lebrunt,  i 
Épinal  ;  Lecomte,  à  Épinal  ;  Le  Moyne,  à  Épinal  ;  Liétard,  à  Plombières; 
Tan  an  t,  à  Épinal. 

SECTION  MEUSIENNE. 

ASSEMBLÉS  GÉNÉRALE  DU  21  JANVIER  1883. 

La  Section  meusienne  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est  s'est 
réunie  le  dimanche  21,  sous  la  présidence  de  M.  Langrognet,  inspec- 
teur d'Académie,  son  vice-président,  ponr  entendre:  1°  le  compte 


SECTION  MECSIBNNB.  '  195 

rendu  de  ses  travaux;  2°  Je  compte  financier  pendant  Tannée  1882; 
3*  la  lecture  de  plusieurs  mémoires  envoyés  par  des  associés;  4°  et 
procéder  an  renouvellement  de  son  Comité  d'administration. 

La  séance  ayant  été  déclarée  ouverte,  IL  le  Président  a  proclamé 
les  noms  des  associés  nouvellement  admis  par  le  Comité  ('). 

Cette  proclamation  faite,  la  parole  a  été  donnée  à  M.  Armand  Bras- 
seur, pour  la  lecture  du  compte  rendu  des  travaux  de  l'exercice  pré- 
cédent. 

L'assemblée  adopte  ensuite  les  comptes  de  M.  Belot,  trésorier,  et  lui 
tôle  des  remerciements  pour  le  dévouement  qu'il  a  apporté  dans  8a 
gestion. 

La  seconde  lecture  portée  à  Tordre  du  Jour  était  celle  d'un  rapport 
adressé  par  M.  Josse,  commis  des  postes  à  Paris,  sur  le  voyage  de 
M.  Aimé  Ollivier,  vicomte  de  Sanderval,  intitulé  :  De  V Atlantique  au 
Xi&r  par  le  Foutah-Djallon.  L'assemblée,  après  cette  lecture,  qui  a 
êtéfeitepar  H.  Ronfort,  instituteur  à  Bar-le-Duc,  a  voté  des  remer- 
ciements à  son  auteur,  et  a  demandé  f impression  de  ce  travail  dans 
les  Mémoires  de  la  Société. 

A  ce  moment,  11.  le  Président,  obligé  de  s'absenter,  prie  M.  Paget, 
membre  du  Comité,  de  vouloir  bien  le  remplacer  au  fauteuil. 

M.  Génin,  professeur  d'histoire  au  Lycée  de  Nancy,  ayant  envoyé, 
après  Hmpression  de  Tordre  du  jour,  le  petit  mémoire  ci-après,  M.  le 
Président  invite  M.  Richier,  instituteur  à  Bar-le-Duc,  i  en  donner  lec- 
ture: 

Les  Français  et  les  Belges  au  Congo. 

■  Le  lieutenant  de  Rrazza  vient  de  repartir  pour  le  Congo,  où  il  va 
s'efforcer  d'assurer  le  maintien  et  le  développement  de  la  situation 
déji  acquise.  Sont  but  est  de  relier  Franceville  et  Brazzaville  à  TOgowé 
et  i  T Atlantique  par  la  fondation  de  stations  et  de  postes  intermé- 
diaires. 

.  •  Mais  il  reste  à  surmonter  quelques  obstacles  :  d'abord  ce  projet 
d'exploration  et  d'occupation  ne  sera-t-i!  pas,  comme  Ta  été  le  voyage 
de  MM.  Marche  et  de  Gompiègne,  entravé  par  les  Ossyèbas,  anthropo- 
phages peints  en  rouge  et  armés  de  fusils  qu'ils  chargent  avec  des 
morceaux  de  fer  et  de  fonte,  ou  par  les  féroces  Apfourous  qui  ont  une 
première  fois  forcé  M.  de  Brazza  à  la  retraite!  N'avons-nous  pas,  eu 
outre,  à  redouter  les  envahissements  des  Belges  et  la  Jalousie  des  An- 
glais? Nos  voisins  d'outre-Manche,  qui  se  montrent  en  Egypte  et  a 
Madagascar  si  peu  respectueux  de  nos  droits  et  de  cos  intérêts,  ne 


('}  Voir  U  liste  générale. 


196  ACTES  DB  LÀ  SOCIÉTÉ. 

▼ont-ils  pas  encore  susciter  des  difficultés  à  une  entreprise  dont  le  bai 
est  surtout  humanitaire?  Les  agissements  des  Belges  et  l'insolente  hau- 
teur avec  laquelle  Stanley  a  accueilli  les  avances  de  M.  de  Brazza  nom 
le  font  craindre. 

t  Grâce  aux  habiles  négociations  de  M.  Fernand  d'Azevedo,  chargé 
d'affaires  de  S.  il.  Très-Fidèle  en  France  et  connu  dans  le  monde  litté- 
raire par  une  excellente  traduction  des  Lusiades,  M.  Duclerc  a  déclaré 
qu'il  attachait  le  plus  haut  prix  aux  relations  d'amitié  qui  nous  unis- 
sent à  la  nation  portugaise,  et  qu'il  respecterait  les  droits  et  les  pré- 
tentions de  ce  Taillant  petit  peuple.  Un  accord  est  intervenu  ;  nous 
abandonnons  au  Portugal  toute  la  rive  gauche  du  Congo  et,  sur  la  rive 
droite,  il  nous  laisse  nous  étendre  tout  à  notre  aise  à  compter  du 
5°12'  de  latitude  sud. 

«  Dès  lors,  on  pouvait  croire  que  toutes  les  difficultés  étaient  apla- 
nies, et  que  nous  resterions  sans  contestations  paisibles  possesseurs 
du  pays  découvert  et  exploré  par  M.  de  Brazza.  Il  n'en  est  rien.  L'amé- 
ricain Stauley,  qui  s'est  mis  au  service  de  l'Association  internationale 
africaine  dont  le  but  apparent  est  d'éteindre  progressivement  la  traite 
des  esclaves  et  de /râper  dans  l'Afrique  intérieure  les  voies  d'accès  de 
la  civilisation,  a  fondé  sur  le  Congo  cinq  stations  soi-disant  hospita- 
lières, mais  qui  sont,  en  réalité,  autant  de  postes  au  moyen  desquels 
les  Belges  prétendent  étendre  leur  domination  sur  ces  contrées.  Tout 
le  long  du  fleuve,  dit  le  Comité  belge  des  études  du  Haut-Congo,  nom 
rencontrons  des  compatriotes.  A  Km  borna  et  à  Noki,  11.  Cil  lis,  secondé 
par  d'autres  nationaux,  dirige  deux  comptoirs  belges.  Seize  kilomètre* 
plus  loin,  nous  abordons  à  Vivi,  station  belge.  Sous  prétexte  de  porter 
la  civilisation  au  cœur  de  l'Afrique,  l'Association  internationale,  pa- 
tronnée et  dirigée  par  le  roi  des  Belges,  poursuit  donc  un  bat  toi 
différent  :  la  conquête  du  pays. 

«  D'un  autre  côté,  l'Angleterre  conteste  au  Portugal  la  possession 
certains  points  du  nord  d'Ambriz  afin  sans  doute  de  se  ménager  m 
occasion  d'intervenir  au  Congo.  Or,  les  droits  de  la  couronne  de  Pc 
tugal  sur  les  rives  du  grand  fleuve,  l'Angleterre  les  a  reconnus  foi 
lement  en  1844  et  indirectement  en  1846.  Ainsi  le  cabinet  britannii 
soulève  des  difficultés  à  propos  de  possessions  garanties  à  un  peopj 
pacifique  par  les  conventions  internationales,  et  il  ferme  complaît 
ment  les  yeux  sur  les  agissements  de  l'Association  belge-africaine 
laquelle  il  ne  tarderait  pas  sans  doute  à  se  substituer.  Quanti 
France,  elle  a  intérêt  à  ne  pas  s'aliéner  les  sympathies  des  Porto 
dont  l'influence  est  considérable  sur  les  rives  du  Congo,  où  leurs 
tentions  ne  contredisent  en  rien  les  droits  que  nous  venons  d'acquj 
rir  par  un  traité  avec  le  roi  Makoko.  • 


SECTION  MEUSIEKIfB.  197 

U  est  ensuite  procédé  an  scrutin  pour  le  renouvellement  do  Comité 

de  direction  l'j. 

Bc  union  du  29  janvier. 

Le  Comité  de  direction  élu  par  l'assemblée  générale  du  21  janvier 
t'est  réuni  le  lundi  suivant,  29,  à  l'effet  de  constituer  son  bureau  pour 
Tannée  1883. 

Etaient  présents  :  MM.  Bonnabelle,  Armand  Brasseur,  Laurent,  Lé- 
caaodel,  Xaudin,  Paget,  Porche  rot,  Ronfort  et  Sailliet. 

S'excuse  par  télégramme,  pour  raison  de  santé,  M.  Narcisse  Des-* 
champs. 

1.  Sailliet,  doyen  d'âge,  a  rempli  les  fonctions  de  président,  et 
M.  Armand  Brasseur,  le  plus  Jeune  des  membres  présents,  celies  de 
secrétaire  (*).  Il  est  procédé  au  scrutin  (*). 

On  des  membres  du  Comité  demande  la  parole  ponr  rappeler  la  part 
active  que  M.  Bonnabelle  a  prise  à  la  fondation  et  au  développement 
te  fa  Section  meusienne  de  la  Société  de  géographie  et  l'activité  qu'il 
apporte  à  la  préparation  de  l'Exposition  qui  doit  avoir  Hou  au  mois 
d'août  prochain.  Chacun  se  platt  à  reconnaître  le  zèle  infatigable  du 
secrétaire  de  la  Section,  aussi  est-ce  avec  peine  qu'on  l'a  vu  pris  à 
partie  lors  de  l'assemblée  générale,  à  propos  de  la  souscription  ou- 
verte pour  couvrir  les  frais  de  l'Exposition. 

Afln  de  montrer  que  le  Comité  apprécie  les  services  rendus  à  la 
Sodété  par  M.  Bonnabelle,  et  ne  s'associe  en  aucune  façon  à  l'attaque 
dirigée  contre  lui  : 

•  Les  soussignés,  membres  do  Comité  de  la  Section  meusienne  de  la 

•  Société  de  Géographie  de  l'Est,  proposent  de  voter  des  remercie- 

■  ments  à  M.  Bonnabelle,  secrétaire,  pour  l'activité  qn'il  a  déployée. 
<  afin  d'assurer  la  prospérité  de  la  Société,  et,  en  particulier,  pour 

■  mener  à  bonne  fin  la  souscription  ouverte  en  vue  de  l'Exposition 

•  géographique  qui  doit  avoir  Heu  cette  année  à  Bar-le-Duc. 

•  Laurent,  Lkchaudel,  Naudin, 
•  Paget,  Ronport.  » 

Cet  ordre  du  Jour  est  adopté  à  l'unanimité. 

Apres  ce  vote,  M.  le  Président  propose  au  Comité  de  voter  des  re- 
merciements à  M.  Armand  Brasseur,  pour  le  zèle  avec  lequel  il  a  rem- 
pli  les  fonctions  de  secrétaire  depuis  la  fondation  de  la  Section,  et  de 
lui  exprimer  le  regret  que  ses  nombreuses  occupations  fassent  obs- 
tacle i  la  continuation  de  son  mandat. 

Ces  conclusions  sont  adoptées  à  l'unanimité. 

(•)  T/elr  la  liste  général* 

(*M.  Brasseur  »,  d'ailleurs,  décliné  toute  candidature  an  secrétariat. 

0  Voir  la  liste  générais. 


198  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

Rapport  sur  la  situation  dé  la  Section  meusienne,  présenté  par 
M.  Armand  Brasseur,  l'un  des  secrétaires,  à  l'Assemblée  géné- 
rale tenue  le  21  janvier  1883. 

Messieurs, 

Une  deuxième  année  Tient  de  s'écouler  depuis  la  fondation  de  la 
Section  meusienne  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est. 

Disons-le  de  suite  en  toute  franchise  :  cette  période  n'a  pas  été  en- 
core ce  que  nous  espérions  d'elle. 

Notre  section  n'est  pas  encore  sortie  de  cette  époque  première  que 
traversent  presque  toutes  les  sociétés  à  leur  naissance  et  pendant  la- 
quelle  il  n'y  a  que  des  efforts  et  des  essais  sans  résultat  vraiment  utile. 

Ceci  ne  doit  point  nous  décourager,  Messieurs,  ni  nous  faire  douter 
de  notre  œuvre.  Mais,  au  contraire,  cette  constatation  que  vos  secré- 
taires sont  ténus  de  vous  faire  en  toute  vérité,  doit  nous  porter  à 
chercher  les  moyens  qui  conviennent  à  la  situation  après  en  avoir 
recherché  les  causes.  Nous  ferons  cet  exposé,  rapidement.  Mais  aupa- 
ravant, il  convient  de  relater  les  quelques  faits  saillants  qui  ont  occupé 
la  Société  en  1882. 

Le  nombre  de  nos  membres  n'a  cessé  de  s'accroître.  Nous  comptons 
actuellement  dans  nos  rangs  158  membres  tant  fondateurs  que  sous- 
cripteurs, quand,  A  y  a  un  an,  nous  n'avions  inscrit  sur  nos  registres 
que  142  membres  souscripteurs. 

C'est  vous  dire,  Messieurs,  que  notre  Société  est  loin  de  décliner, 
qu'au  contraire,  chaque  jour  lui  amène  de  nouvelles  ressources  et 
qu'il  suffira  d'un  peu  d'efforts  de  la  part  de  chacun  pour  sortir  de  l'or- 
nière et  avancer  désormais  dans  une  voie  sérieuse  de  progrès. 

Mais  à  côté  des  admissions  nouvelles  que  nous  avons  eu  à  enregis- 
trer, des  deuils  aussi  sont  venus  nous  frapper  et  nous  priver  de  l'appui 
et  de  la  science  de  membres  tous  dévoués  à  notre  Société.  Parmi 
toutes  ces  pertes,  nous  n'en  citerons  qu'une  seule,  parce  qu'elle  a  été 
la  plus  sensible  et  qu'elle  nous  a  frappés  trop  vivement  pour  que  nous 
ne  venions  pas  rappeler  à  votre  souvenir  celui  qui  fut  l'un  des  fonda- 
teurs de  notre  Société,  M.  Ernest  Bradfer.  Sans  faire  ici  l'éloge  do 
magistrat  respecté,  de  l'industriel  intelligent,  de  l'homme  privé  dont  la 
loyauté  et  la  droiture  des  sentiments  se  sont  manifestées  Jusque  dans 
les  derniers  moments  de  son  existence,  nous  nous  bornerons  à  rappe- 
ler que  M.  Bradfer  fut  l'appui  le  plus  ferme  de  la  Section  meusienne* 
qui  le  choisit,  dès  l'origine,  pour  Président.  Dans  ces  fonctions,  il 
ne  cessa  de  soutenir  notre  association  et  de  la  diriger  dans  cette  voie 
active  qui  doit  lui  assurer  la  prospérité. 


BKCTION  MEU8IENNE.  199 

Aussi  sa  mort  a-t-elle  laissé  un  large  ride  dans  nos  rangs  et,  Mes* 
sieurs,  nous  sommes  certains  d'interpréter  les  sentiments  de  la  Sec- 
tion entière  en  exprimant  ici  le»  regrets  que  nous  a  causés  ce 
malheur. 

Depuis,  la  Société  a  eu  peu  de  réunions.  Ces  rares  assemblées  nous 
ont  permis  de  constater  pourtant  que  nous  comptons  dans  nos  rangs 
des  travailleurs  qui  Tont  être  un  élément  précieux  pour  l'avenir  de 
BOtre  Section.  Des  mémoires  tous  ont  été  communiqués,  qui  font  le 
plus  grand  éloge  à  leurs  auteurs.  Nous  sommes  heureux  de  saisir  cette 
oceasion  pour  leur  adresser  nos  félicitations  et  nos  remerciements. 

Koos  rappellerons  spécialement  encore  la  conférence  si  intéressante 
qae  nous  rit,  au  mois  d'octobre,  le  célèbre  explorateur,  M.  Wiener, 
consul  de  France  à  Guayaqui).  M.  Wiener  a  y  ait  parcouru  l'Amérique 
éqoatoriale  et  ce  bassin  supérieur  de  l'Amazone,  enseveli  jusqu'ici  en- 
core dans  le  mystère.  Aussi  la  réunion  entière  écouta  arec  émotion 
le  récit  des  péripéties,  sou  y  en  t  des  grands  dangers  que  courut  le 
voyageur,  comme  aussi  la  description  des  contrées  traversées,  de  leurs 
produits,  de  leur  commerce.  Et  sons  ce  rapport  spécial  du  commerce, 
qu'il  développa  au  point  de  vue  de  la  France,  M.  Wiener  nous  lit  sentir 
combien  la  géographie  vient  en  aide  au  développement  économique 
d'une  nation.  C'est  là,  en  effet,  un  des  résultats  les  plus  tangibles  de 
cette  science  qui  est  l'objet  de  nos  études,  et  nulle  occasion  meilleure 
ne  pouvait  le  Caire  mieux  ressortir. 

fions  n'insisterons  pas,  Messieurs,  sur  les  autres  travaux  de  notre 
Société  :  ils  ne  sont  pas  assez  saillants  pour  que  nous  vous  arrêtions 
davantage  sur  ce  sujet. 

Reste  à  examiner  notre  situation  financière.  Elle  fait  l'objet  d'un  rap- 
port spécial  que  notre  Trésorier  va  avoir  l'honneur  de  vous  communi- 
quer. Kous  vous  ferons  remarquer  que,  malgré  l'exiguïté  de  nos  res- 
sources, noua  sommes  parvenus  non  seulement  à  subvenir  à  toutes 
nos  dépenses,  mais  encore  à  distribuer  des  prix  aux  écoles  commu- 
nales de  la  ville  et  à  garder  disponible,  lorsque  l'exercice  sera  entiè- 
rement liquidé,  une  somme  d'environ  600  fr.  Nous  vous  signalerons 
encore  l'appui  effeoftf  que  nous  a  valu  de  la  part  de  l'État,  l'érection  de 
U  Société  de  géographie  de  l'Est  en  établissement  d'utilité  publique. 
Une  somme  de  169  fr.  80  est  entrée  de  ce  chef  dans  nos  recettes 
pour  la  part  de  noire  Section.  C'est  là  une  ressource  sur  laquelle  nous 
pouvons  désormais  compter  et  qui  viendra  contribuer  au  bon  état  de 
notre  budget. 

Tout  ceci  nous  prouve,  Messieurs,  que  notre  Société  a  tous  les  été- 
méats  nécessaires  pour  vivre.  La  situation  financière  est  bonne,  nos 
membres  sont  nombreux  et  comptent  des  travailleurs  :  des  conféren- 


200  ACTE*  DE  LA  SOCIÉTÉ . 

cters  viennent  nous  assister;  enfin,  nous  sommes  soutenus  par  l'État. 
Que  nous  manque-t-il  donc  pour  réussir?  Rien,  si  nous  le  voulons  bien 
et  sérieusement.  Et  c'est  ici,  Messieurs,  que  nous  tous  demanderons  la 
permission  d'émettre  quelques  idées  personnelles  sur  l'avenir  de  notre 
Société.  Nous  nous  écarterons  un  peu,  il  est  vrai,  du  cadre  rigoureux  que 
nous  trace  le  règlement,  mais  puisque  nous  avons  commencé  par  criti- 
quer Tannée  écoulée,  il  nous  semble  assez  Juste  de  montrer  ce  que 
peut  éire  Tannée  présente  pour  le  bien  de  notre  Société. 

Pénétrons-nous  bien  du  but  que  nous  avons  à  poursuivre.  Ce  but 
doit  être  modeste.  Nous  ne  sommes  qu'une  division  de  la  Société  de 
géographie  de  l'Est.  Notre  action  doit  donc  être  restreinte  à  Tétude  de 
notre  département,  nous  devons  nous  borner  à  venir  soutenir  de  nos 
travaux  la  Société-Mère  qui,  réunissant  nos  études  et  celles  de  la  Sec- 
tion vosgienne  aux  siennes,  peut  seule  en  tirer  le  parti  le  plus  utile. 
Nous  devons  par  conséquent,  nous  semble-t-il,  rechercher  quelques 
points  qui,  faisant  l'objet  de  nos  sérieux  efforts,  répondront  au  but 
que  nous  nous  sommes  donné  le  Jour  où  nous  avons  fondé  la  Sec- 
tion. 

L'un  des  moyens  qui  nous  paraisse  le  plus  essentiel  à  donner  et  à 
maintenir  delà  cohésion  à  notre  Société,  est  la  création  d'une  réunion 
qui,  en  dehors  de  nos  assemblées  générales,  serait  ouverte  à  tous  nos 
membres.  Depuis  longtemps,  les  efforts  du  Bureau  ont  tendu  à  nous 
faire  obtenir,  à  l'Hôtel  de  ville  une  salle  pour  notre  bibliothèque.  Ce 
résultat  est  atteint  aujourd'hui  et  dans  quelques  Jours,  nous  serons 
possesseurs  de  ce  local. 

Pourquoi  alors  la  Société  n'ouvrirait-elle  pas  cette  salle  à  ses  mem- 
bres et  ne  leur  donnerait-elle  pas,  en  même  temps  qu'un  lieu  d'étude, 
un  endroit  de  réunion  qui  les  mettrait  en  rapport  et  leur  permettrait 
de  s'entretenir  familièrement  des  intérêts  de  la  Société.  C'est  là,  soyez- 
en  sûrs,  que  l'initiative  de  chacun  se  donnera  libre  cours,  c'est  là  qut 
les  projets  utiles  seront  formés  et  Iront  ensuite  se  présenter  à  Texamen» 
du  Comité,  pois  de  l'assemblée  générale. 

Bien  ne  nous  empêcherait  d'y  adjoindre  un  dépôt  de  renseignements 
conlmerciaux  aussi  complet  que  possible,  de  façon  à  ce  que  cette 
réunion  fût  pour  nous  en  même  temps  un  lieu  agréable  et  un  lieu 
utile  à  chacun. 

<  Il  est  ensuite  des  travaux  qui  s'imposent  à  nous.  Ce  sont  tous  ceux 
concernant  la  géographie  de  la  Meuse.  Ne  pouvant  en  faire  une  énn- 
mération  complète,  nous  n'en  citerons  qu'un  seul  qui  nous  partit 
urgent.  C'est  la  confection  d'un  dictionnaire  géographique  de  notre  dé- 
partement. Ce  travail  considérable  a  déjà  été  commencé  depuis  long- 
temps par  un  de  nos  membres.  Le  concours  que  nous  préparons  n  y 


SECTION  MEUSIENNB.  201 

apporter  un  contingent  de  renseignements  précienx.  Rien  ne  nous  em- 
pêche d'encourager,  d'aider  et  de  collaborer  à  cette  œuvre  qui,  cons- 
tamment tenue  à  jour,  sera  un  monument  apprécié  de  tout  le  monde. 

Sons  avons  parlé  du  concours.  Nous  tous  rappelons  que  cette 
nuée  Terra  l'exposition  de  géographie  que  nous  tous  avons  déjà 
annoncée.  L'État  et  le  département  sont  intervenus  dans  la  souscrip- 
tion qui  a.  jusqu'ici,  pleinement  réussi.  Nous  comptons  que  tous  Tien- 
drez encore  la  grossir  et  qu'au  moment  Tenu,  chacun  aidera  de  tout 
son  pouToir  la  réussite  de  notre  projet.  C'est  de  lui,  n'en  doutez  pas, 
fne  dépend  en  grande  partie  l'avenir  de  la  Section,  car  elle  noua 
révélera  nos  forces  et  les  ressources  sur  lesquelles  nous  devons 
compter. 

les  statuts  généraux  de  notre  Société  nous  donnent  encore  comme 
bot  de  répandre  le  plus  possible  l'étude  et  l'amour  de  la  géographie. 
De  là  pour  nous  encore  l'obligation  de  rechercher,  dans  nos  réunions, 
qaels  sont  les  ouvrages  et  les  cartes  qui  sont  le  plus  à  même  de 
répondre  à  ce  but.  Ce  travail  fait,  il  nous  restera  à  les  signaler  et  à  les 
tcquérir  dans  toutes  nos  communes. 

Quand  notre  département  aura  été  étudié  à  fond  et  sur  toutes  ses 
faces,  quand  partout  on  aura  de  bonnes  cartes  et  de  bons  livres,  quand 
Bfltre  Société  sera  devenue  le  centre  du  développement  de  cette 
science  à  laquelle  nous  nous  sommes  voués,  la  tâche  sera  accomplie. 
Ces)  ce  programme  que  nous  vous  proposons  et  dont  aura  à  s'occuper, 
h  vous  r approuvez,  le  nouveau  Comité  d'administration  que  vous  ailes 
élire. 

Bar-le-Duc,  le  21  Janvier  1883. 

te  Secrétaire, 
Armand  Brasseur. 


NÉCROLOGIE 


M.  H.  Varroy. 

Si  la  France  et  surtout  le  département  de  Meurthe-et-Moselle  ont  fort 
une  perte  sensible  en  la  personne  de  M.  Varroy,  pour  la  Société  de  géo- 
graphie de  l'Est  cette  perte  est  plus  cruelle  encore.  Dés  son  origine,  elle 
Favait  trouvé  prêt  à  lui  donner  le  haut  patronage  de  son  nom,  de  sa 
Juste  notoriété  et  bientôt  de  son  appui  le  plus  direct.  Nous  nous  sou- 
tenons de  sa  présence  à  nos  séances,  alors  que  les  travaux  de  la  vie  poli- 
tique qu'il  a  si  dignement  remplie  ne  l'avaient  pas  entièrement  ab- 
sorbé ;  nous  nous  souvenons  aussi  du  ministre  des  travaux  publics 
qui,  lui,  n'oublia  pas  non  plus  qu'il  était  notre  président  d'honneur  et 
nous  valut,  à  côté  d'autres  libéralités,  un  concours  précieux  lors  de  notre 
exposition  de  1880.  Nous  laissons  à  des  voix  plus  autorisées  le  soin  de 
dire  ce  que  fut  l'ingénieur,  le  sénateur,  le  ministre.  Pour  nous,  fl  foi 
l'homme  du  progrés  sérieux,  patient  et  sûr,  l'esprit  scientifique  le  plus 
élevé  et  le  plus  large,  le  cœur  le  plus  droit  et  le  plus  tolérant. 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  donner  ici  ce  que  fut,  sous  toutes 
ses  formes,  l'expression  de  l'opinion  publique. 

Dans  sa  lettre,  M.  Bernard,  sénateur,  empêché  d'assister  aux  funé- 
railles, s'expriment  ainsi  :  - 

Messieurs, 

Retenu  à  Paris  par  un  mal  qui  m'obsède  et  m'oblige  au  plus  grand 
repos,  J'ai  la  tristesse,  après  avoir  vu  disparaître  un  collègue  dont  lt 
perte,  si  sensible  pour  tous,  est  un  deuil  si  profond  pour  moi,  de  ne 
pouvoir  l'accompagner  à  sa  dernière  demeure  et  lui  adresser,  au  nom 
de  tous  ses  amis  de  Meurthe-et-Moselle,  le  suprême  et  dernier  adieu. 

J'aurais  voulu,  en  face  de  cette  tombe  qui  vase  refermer  sur  l'homme 
éminent  dont  la  ville  de  Nancy,  le  département  et  le  Parlement  tout 
entier  déploreront  longtemps  la  perte,  être  l'interprète  de  la  douleur 
de  tous. 

Personne,  plus  que  moi,  n'a  pu  apprécier  les  qualités  exceptionnelles 
de  cet  esprit  supérieur,  et  la  bonté  d'âme  exquise  qui  était  le  fond  de 
sa  nature  d'élite. 

La  sérénité  et  le  calme  de  son  esprit  ne  se  sont  jamais  un  seul  instant 
démentis. 

L'aménité  de  son  caractère,  l'à-propos  de  ses  réparties,  le  charme  de 
cette  parole  familière  et  éloquente  tout  à  la  fois,  d'un  raisonnement 
persuasif  entraînant,  lui  conciliaient  toutes  les  sympathies. 


NÉCROLOGIE.  203 

Yarroy  était  un  charmeur,  c'était  un  apôtre  conraincu;  partout  où  il 
punit,  il  faisait  des  prosélytes. 

D'autres  diront  quels  senices  il  a  rendue  comme  ingénieur  et  comme 
conseiller  général  à  notre  département. 

Personne  ne  dira  mieux  que  la  grande  voix  de  l'opinion  ce  qu'il 
a  èlê  comme  sénateur  et  comme  ministre  ;  c'est  de  l'histoire  contem- 
poraine, et  le  grand  renom  de  cet  excellent  citoyen  est  dans  toutes  les 
honches. 

Vais  ee  que  Je  puis  dire,  mieux  que  personne,  c'est  que  Yarroy  était 
dd  grand  cœur,  un  ami  sûr  et  détoné,  dont  la  vie  était  un  exemple  et 
les  conseils  d'une  sûreté  à  toute  épreuve. 

S'il  laisse  un  Tide  immense  après  lui,  s'il  laisse  une  succession  bien 
lourde  à  porter,  il  a  tracé  un  sillon  lumineux  où  Ton  peut  suivre  la  voie 
sans  craindre  de  faire  fausse  route;  c'est,  en  effet,  le  propre  des 
bannies  de  sa  valeur,  de  revirre  en  mourant,  par  les  nobles  exemples 
qui  s'imposent  à  l'admiration  de  ceux  qui  survivent 

En  présence  d'une  mort  qui  l'a  enlevé  si  prématurément  à  notre 
affection,  prés  do  eet  homme  excellent  trop  tôt  ravi  à  un  département 
dont  il  était  l'orgueil,  je  suis  l'écho  des  sentiments  de  tous  et  des  re- 
grets nuanimes  et  sympathiques  qui  se  pressent  autour  de  ce  cercueil. 
—  adieu  Yarroy  I  ami  cher  et  dévoué,  adieu  ! 

À  son  tour,  M.  George,  sénateur  des  Yosges  s'exprime  ainsi: 


Yarroy  possédait  une  intelligence  vive,  lucide,  une  rare  bienveillance, 
on  sentiment  exquis  de  Justice  et  de  droiture,  qualités  qui  forçaient 
les  sympathies  de  tous  ceux  qui  l'approchaient. 

5ous,  ses  amis,  nous  savons  quels  services  il  a  rendus  à  la  France 
et  à  la  République,  quelles  fatigues  il  affrontait.  Il  me  suffira  de  rappe- 
ler que,  pour  éviter  au  pays  des  inquiétudes  ûnancières  et  une  crise 
politique,  il  travailla  dix  nuits  et  dix  Jours  consécutifs  à  rédiger  un 
rapport  sur  le  budget.  C'est  malgré  ses  répugnances  qu'il  se  laissa 
entraîner  au  ministère  des  travaux  publics. 

Sa  mort  cause  une  grande  perte  à  la  France,  qu'il  aima  au  point  de 
loi  sacrifier  sa  vie.  Comme  vous,  nous  éprouvons  une  profonde  dou- 
leur, nous,  habitants  des  Yosges,  son  pays  d'origine.  Les  Yosges  sont 
«ères  de  cet  enfant  glorieux.  Il  aimait  ion  pays  vosgien,  et  chaque  an- 
née, il  était  heureux  d'y  revenir. 

Après  le  véritable  effondrement  que  causa  en  lui  la  mort  d'une  com- 
pagne qui  avait  été  la  joie  de  sa  vie  et  dont  la  mémoire  a  rempli  son 
'cœur  jusqu'au  dernier  instant,  il  recherchait  encore  plus  volontiers 


204  NÉCROLOGIE. 

les  lieux  où  il  était  ne  et  où  l'entourait  une  famille  dévouée,  des  amis 
fidèles,  une  population  qui  avait  pour  lui  comme  un  culte. 

11  s'y  est  éteint,  laissant  aux  générations  futures,  à  la  suite  de  cette 
vie  prématurément  finie,  le  souvenir  des  vertus  qui  sont  l'honneur  da 
citoyen. 


Puis  M.  Berlet,  député  de  Meurthe-et-Moselle  : 

Messieurs,  le  deuil  qui  nous  frappe  ravive  nos  tristesses;  peu  à  peu 
vos  représentants  de  1871,  ceux  avec  qui  nous  avons  vécu  dans  une 
si  parfaite  communion  d'idées;  ceux  avec  qui  nous  avons  combatte 
pour  le  triomphe  de  la  liberté,  disparaissent. 

Après  Viox,  Brice,  puis  Claude,  puis  La  Flize.  Hier  c'était  Gambetta, 
aujourd'hui  Varroy.  Varroy  succombe  épuisé  par  un  labeur  incessant, 
miné  par  un  profond  chagrin,  dont  ni  les  soucis  de  la  politique,  ni  le 
tracas  des  affaires  n'avaient  pu  le  distraire.  Il  gardait  vivant  dans  son 
cœur  le  souvenir  de  Mœ*  Varroy,  de  cette  femme  si  bien  douée,  qui, 
aux  grâces  de  la  femme,  aux  charmes  de  l'esprit,  joignait  une  énergie 
vraiment  virile  et  l'âme  ardente  d'une  patriote. 

Celte  âme  ardente  de  patriote,  lui  aussi  l'avait  ;  cette  vertu,  qui  con- 
siste à  faire  abnégation  de  soi,  à  ne  considérer  que  l'intérêt  de  sa 
patrie,  à  lui  donner  ses  forces  et  sa  vie,  Varroy  la  possédait  au  suprême 
degré  I 

A  l'Assemblée  nationale  ou  au  Sénat,  an  conseil  géuéral  comme  ao 
ministère,  il  ne  poursuit  qu'un  but:  le  relèvement  de  la  France:  il  y 
consacre  sa  science  d'ingénieur  et  d'économiste,  son  expérience 
d'homme  d'affaires  consommé,  ses  brillantes  facultés  d'orateur  servies 
par  une  étonnante  puissance  de  travail. 

La  guerre  a  mutilé  notre  territoire,  a  coupé  nos  voies  de  communi- 
cation, celles  mêmes  que  Varroy  a  contribué  à  créer;  il  faut  les  recons- 
tituer en  deçà  de  notre  nouvelle  frontière  :  c'est  à  quoi  il  s'applique 
dès  1871. 

Voies  ferrées,  voies  terrestres,  voies  fluviales,  il  ne  néglige  rien;  il 
est  le  promoteur  de  cette  gigantesque  entreprise  —  le  canal  de  U 
Meuse  à  la  Saône  —  qu'avaient  rêvé  les  Romains,  que  lui,  de  concert 
avec  son  éminent  ami,  M.  Frécot,  a  su  réaliser. 

A  l'Assemblée,  plus  tard  au  Sénat,  il  ne  se  traite  pas  nne  grande 
question  économique  qu'il  ne  prenne  part  au  débat;  son  esprit  vigou- 
reux et  lucide  y  porte  la  lumière;  sa  parole  vive  et  imagée,  ses  accents 
pleins  de  franchise,  tout  dans  lui,  jusqu'à  sa  physionomie  si  fine  et  m 
souriante,  tout  charme  et  persuade  l'auditoire.  A  l'occasion,  cet  orateur 


NÉCROLOGIE.  206 

d'affaires  est  un  orateur  politique  de  premier  ordre.  Qu'on  propose  de 
conférer,  par  une  loi  d'exception,  des  grades  aux  princes  d'Orléans, 
Varrojr  s'élance  à  la  tribune,  proteste  arec  rigueur  et  prononce  une 
harangue  qui  est  un  chef-d'œuvre. 

Appelé  à  deux  reprises  par  M.  de  Freycinet  à  diriger  le  département 
des  travaux  publics,  il  rendit  dans  ces  hautes  fonctions  d'émineuts 
services;  mais  les  luttes  incessantes  de  la  politique  et  le  t ratai!  opi- 
niâtre auquel  il  s'était  Une  avaient  épuisé  ses  forces. 

La  mort  de  varroy  est  un  deuil  public.  Il  était  estimé,  aimé  de  tous 
les  membres  du  Parlement  ;  dans  notre  Lorraine,  il  ne  comptait  que  des 
admirateurs  et  des  amis.  11  laisse  dans  nos  rangs  un  vide  qui  ue  sera 
pas  comblé  ! 


1  son  tour,  M.  Frécot  dit  : 

Messieurs,  des  voix  éloquentes  Tiennent  de  tous  rappeler  l'admi- 
nistrateur et  l'homme  d'État  que  nous  Tenons  de  perdre.  Permettez- 
moi  de  dire  à  l'ingénieur  un  dernier  adieu. 

M.  Varroy  ne  cessa  en  effet  de  conserrer  l'affection  la  plus  Tire  pour 
les  fonctions  d'ingénieur  qu'il  avait  remplies  jusqu'au  moment  où  les 
malheurs  de  la  patrie  rappelèrent  dans  nos  assemblées  délibérantes. 

J'ai  à  peine  besoin  de  tous  rappeler  les  services  qu'il  rendit  déjà  à 
son  pays  dans  cette  première  partie  de  sa  carrière.  Ils  sont  encore 
présents  à  votre  souvenir. 

Ce  fut  d'abord  grâce  à  son  initiative  hardie  et  à  celle  de  quelques-uns  de 
tes  collaborateurs  que,  devançant  la  loi  de  18G3,  il  réalisait,  en  Alsace, 
la  construction  des  premiers  chemins  de  fer  d'intérêt  local  qui  de- 
raient  prendre  bientôt  en  Fraucc  un  développement  si  considérable. 

Appelé  peu  de  temps  après  à  Lu  né  ville  et  à  Nancy,  il  construisit  la 
ligne  de  Lonévilie  à  Saint-Dié.  Puis  il  se  consacra  presque  exclusive- 
ment à  la  continuation  de  l'œuvre  qu'il  avait  entreprise  et  dota  le  dépar- 
tement de  la  Meurthe  de  ce  réseau  de  chemins  de  ferque  lui  enviaient, 
en  1870,  les  régions  même  les  plus  favorisées. 

Dans  l'accomplissement  de  cette  tâche,  il  joignait  à  une  science  pro- 
fonde, à  un  dévouement  infatigable,  un  jugement  droit  et  éclairé,  une 
parfaite  urbanité  et  un  sens  pratique  très  développé.  Dans  son  opinion, 
an  ingénieur  n'était  complet  qu'autant  qu'il  était  doublé  d'un  homme 
d'affaires  :  c'est  un  principe  qu'il  aimait  à  rappeler  à  ses  jeunes  cama- 
rades et  que  lui-même  n'avait  cessé  d'appliquer  dans  le  cours  de  sa 
carrière. 


206  NÉCROLOGIE. 

À  l'Assemblée  nationale,  au  milieu  même  des  luttes  politiques  les 
plus  ardentes,  l'ingénieur  se  réyôle  toujours  en  lui.  C'est  ainsi  qu'an 
lendemain  de  nos  désastres,  il  provoquait  le  rétablissement  des  voies 
navigables,  interceptées  par  la  nouvelle  frontière,  et  attestant  sa  con- 
fiance dans  la  vitalité  de  la  France  encore  foulée  par  l'étranger,  il  invi- 
tait les  cinq  départements  de  l'Est  à  s'associer  pour  la  construction  da 
canal  de  l'Est,  auquel  son  nom  restera  désormais  attaché. 

Il  poursuivait  ensuite  avec  la  même  activité  le  complément  du  réseau 
de  chemins  de  fer  appelé  à  relier  toutes  les  parties  du  nouveau  dépar- 
tement de  Meurthe-et-Moselle,  puis  le  canal  de  Dombasle  à  Safnt-Dié  et 
la  canalisation  de  la  Chfers,  estimant,  non  sans  raison,  que  les  votes 
ferrées  et  les  voies  navigables  se  complètent  les  unes  par  les  autres 
et  sont  également  nécessaires  à  la  richesse  d'un  pays. 

Enfin,  en  l'absence  tout  à  fait  circonstancielle  du  président  et  des 
membres  du  bureau,  M  Viller,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées 
en  retraite,  conseiller  municipal  et  membre  du  comité  de  direction  de 
la  Société  de  géographie  de  l'Est,  prononce  le  discours  suivant  : 

Messieurs, 

La  mission  de  prendre  la  parole,  au  nom  de  la  Société  de  géographie 
de  l'Est,  dans  la  douloureuse  circonstance  qui  nous  réunit  autour  de 
la  tombe  encore  ooverte  de  Varroy,  son  président  d'honneur,  revenait 
à  un  membre  du  comité  plus  autorisé  que  moi,  et,  si  j'en  ai  été  chargé, 
je  le  dois  à  d'autres  liens  qui  m'attachaient  depuis  longtemps  à  ce 
digne  camarade  et  à  des  devoirs  impérieux  qui  empêchent  le  président 
actif  de  la  Société  de  remplir  cette  mission. 

La  fondation  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est,  dont  le  siège  est 
à  Nancy,  ne  pouvait  trouver  Yarroy  indifférent.  11  fut  donc  l'un  des 
premiers  à  en  apprécier  le  but  patriotique  et  humanitaire  et  à  lui  accor- 
der tout  le  concours  qu'il  pouvait  lui  donner,  au  milieu  des  devoirs 
plus  importants  qu'il  avait  à  remplir.  C'est  ce  concours  qui  lui  a  vain, 
dès  la  fondation  de  la  Société,  le  titre  de  président  d'honneur. 

Le  concours  de  Varroy  a  porté  bonheur  à  la  Société  de  géographie  de 
l'Est,  dont  la  situation  est  aujourd'hui  prospère,  comme  il  a  porté 
bonheur  à  toutes  les  œuvres  auxquelles  il  a  participé  et,  si  les  suffrages 
du  département  lui  ont  donné  les  plus  hautes  satisfactions  auxquelles 
l'ambition  puisse  prétendre,  il  faut  proclamer  hautement  qu'il  l'a  dû  à 
d'éminents  services  et  à  une  initiative  ardente  et  éclairée. 

Hélas  1  c'est  peut-être  à  cette  ardeur  que  metlait  Varroy  à  rendre 
service,  autant  qu'à  des  peines  cruelles  éprouvées  naguère  qu'il  faut 
attribuer  une  mort  si  prématurée. 


NÉCROLOGIE.  207 

Ibis,  cher  ami,  si  quelque  chose  peut  apporter  des  consolations  aux 
liens  et  à  tous  ceux  qui  t'ont  connu,  ce  sont  les  regrets  unanimes  qui 
entourent  ta  tombe  et  les  bons  souTcnirs  que  ta  laisseras  à  tous. 

Adieu,  Yarroy,  adieu  ! 

On  annonce  la  mort  do  Dr  Eugène  Wairin,  d'une  famille  lorraine, 
neveu  du  grand  chirurgien  messin  Scoutetten,  qui  fut  médecin  en  chef 
d'an  de  nos  corps  d'armée  en  Crimée. 

Eugène  Wairin,  après  avoir  été  envoyé  en  Egypte  en  1865  pour  y 
combattre  le  choléra,  fut  chargé  par  M.  Duruy,  ministre  de  l'instruction 
publique,  d'une  mission  scientifique  en  Arabie.  11  adressa  an  Monde 
illustré  une  relation  d'nn  intérêt  puissant  snr  ce  pays,  encore  si  peu 
connu.  Au  retour  d'Arabie,  il  reçut  une  nouvelle  mission  sanitaire  in- 
tercationale  qui  détail  aboutir  à  la  création  d'un  lazaret  à  l'entrée  de 
la  mer  Rouge  contre  les  provenances  cholériques  des  Indes.  C'est  là 
qu'il  contracta  les  germes  de  graves  maladies,  dont  sa  constitution 
avait  jusqu'à  présent  triomphé.  La  mort  l'a  saisi  à  48  ans,  après  cette 
vie  laborieuse  vouée  à  la  science.  (L'Exploration.) 

On  annonce,  de  Vienne,  la  mort  du  général  Hauslab,  le  doyen  de 
limée  austro- hongroise. 

M.  Hauslab  était  âgé  de  86  ans.  Il  avait  été  attaché  spécialement  à  la 
section  cartographique  de  l'état-major,  et  il  a  fourni  des  travaux  très 
remarquables.  C'était  assurément  un  des  premiers  géographes  de  ce 
siècle. 

On  annonce  la  mort,  à  Bâle,  du  savant  géologue  Pierre  Mérian,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  cette  ville,  dont  les  Études  sur  la  formation 
eu  Jura  ont  fait  époque  dans  la  science.  M.  Mérian  était  âgé  de  88  ans. 


ERRATUM,  RECTIFICATION  ET  OMISSION 

3*  trimestre  1882,  p.  552,  lignes  32  et  33,  au  lieu  de  raisins  sauvâ- 
tes, lire:  verroteries.  Un  mot  mal  écrit  dans  le  texte  portugais  a  causé 
cette  erreur. 

Même  numéro,  p.  505.  C'est  par  erreur  que  nous  avons  fait  figurer 
V.  Kleinhaus  parmi  1»&  délégués  de  la  Société  de  géographie  de  Paris. 

Knfln  nous  devons  déclarer  que  la  caite  des  Itinéraires  de  la  mis- 
tien  du  Zambèse,  du  4e  Bulletin  1882,  est  entièrement  dressée  par  les 
soins  de  la  Société  de  géographie  de  Paris  et  que  nous  la  devons  à  son 

obligeance. 

Le  Gérant  responsable, 
A.  Babbibr. 


LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES 

DE    LA   SOCIÉTÉ    DE   GÉOGRAPHIE    DE   L'EST 


1»  SOCIÉTÉ-MÈRE  ] 


BTJJREA.XJ   JET   COMITE   I>B3   DIRECTION 

MM.  Vabbot,  sénateur,  ministre  des  travaux  publics,  présidât 
d'honneur. 

Debidour  [A.]  (A  y),  professeur  d'histoire  à  la  Faculté  des 
lettres,  président. 

Bleicher  (docteur)  %  ,*  professeur  à  l'École  supérieurs  de 
pharmacie,  2,  rue  de  Lorraine,  vice-président. 

Flicbe  (P.),  professeur  à  l'Ecole  forestière,  vice-président. 

Barbier  [J.  V.]  (A  y),  secrétaire  général. 

Millot  |Ch.]  (A  y),  ancien  officier  de  marine,  secrétaire  de 
la  commission  météorologique  de  Meurthe-et-Moselle, 
secrétaire  adjoint. 

Barbier  (Albert),  conducteur  des  ponts  et  chaussées,  des- 
sinateur autographe,  secrétaire  adjoint. 

Margot  (R.),  conseiller  municipal,  trésorier. 

Nicolas  (Auguste),  ancien  archiviste,  bibliothécaire. 

Adam  (Lucien)  $< ,  conseiller  à  la  Cour. 

Dents  2&,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées. 

Dbsqodins,  ancien  inspecteur  des  forêts. 

Dubois,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres. 

Dupont,  maître  de  forges. 

Fexal,  professeur  au  Lycée. 

Floquet,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences. 

Fbiakt,  professeur  à  la  Faculté  des  Bciences. 

Galle  (Emile),  secrétaire  de  la  Société  d'horticulture. 

Garnier,  professeur  à  la  Faculté  de  droit. 

Gottereau,  ingénieur  civil. 

Hassb,  professeur  à  l'Ecole  normale  primaire. 

Hoxolle,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres. 

Mellier,  inspecteur  d'académie. 


ëooiÉTÉ-ifiaB.  209 

MM. 

Le  Momn,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences  et  à  la 

Faculté  de  médecine. 
Lhthukb,  capitaine  de  rarmée  territoriale. 
Martz,  ancien  avoué,  conseiller  municipal. 
Mathieu  [abbé]  (A  y),  docteur  es  lettres. 
Noblot$S  conseiller  général. 
Puma  $jf,  chef  d'escadron  d'artillerie  en  retraite. 
Yn.ua,  conseiller  municipal. 

COMITÉ  DE  REDACTION 
MM,  À.  Debidotjb,  J.  Y.  Babbieb,  Ch.  Mulot,  Albert  Bahbhb, 

I  QbBABD. 

I 

j  MEMBRES  HONORAIRES 

4 

\     1   S.  M.  Léopold  II,  roi  des  Belges. 

2  Fbbbt  (Jules),  ministre  de  l'instruction  publique  et  des 

beaux-arts. 

3  Gbeslxy  (général),  ancien  ministre  de  la  guerre. 

I     4  Dubuy  (Victor),  ancien  ministre  de  l'instruction  publique, 
!  5,  rue  de  Médicis,  à  Paris. 

[     hjEgim  MABrar,  sénateur,  membre  de  l'Académie  française, 
j  38,  rue  Vital,  à  Paris-Passy. 

6  Yiotob  Hugo,  sénateur,  membre  de  l'Académie  française,  à 
Paris. 

7  Di  Lbssbps  (F.),  de  l'Institut,  président  de  la  Société  de 
géographie  de  France,  etc.,  rue  Saint-Florentin,  à  Paris. 

8  Daubbbb,  de  l'Institut,  directeur  de  l'École  supérieure  des 
mines,  à  Paris. 

9  Lbyassbub,  de  l'Institut,  professeur  à  la  Sorbonne,  26,  rue 
Monsieur-le-Prince,  à  Paris. 

10  Di  Quatbbvagss  db  Bbbau,  de  l'Institut,  professeur  au  Mu- 
séum, à  Paria. 

U   MaltboBbu*  (V.  A.),  géographe,  14,  rue  Jacob,  à  Paris. 

12£Lugbs,  ancien  ministre,  lieutenant-général,  secrétaire  per- 
pétuel de  l'Académie,  23,  rue  Car  oies,  à  Bruxelles. 

13    Wauybbxahs,  lieutenant-colonel  du  génie,  président  de  la 
Société  de  géographie  d'Anvers, 
•oc  mi  oioâB.  —  1«  m  *•  «Bramas  1888.  14 


1 


210  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

MM. 

14  Nachtigal  (docteur),  consul  général  d'Allemagne,  à  Tank 

15  De  Nordenskjold  (baron),  explorateur  suédois  de  la  mer 

Glaciale,  à  Stockholm. 

16  Palander  de  Véga  (Louis- Alexandre),  officier  de  la  marine 

suédoise,  à  Carlskrona,  Suède. 

17  De  Hellwald   (baron  F.),   officier  supérieur  autrichien, 

Reinsburgstrasse,  à  Stuttgard. 

18  Bouthillier  de  Beaumont,  président  de  la  Société  de  géo- 

graphie de  Genève. 

19  Delavaud  (Charles),  président  de  la  Société  de  géographie 

de  Rochefort. 

20  Chevaux  (Jules),  médecin  de  lra  classe  de  la  marine,  expia- . 

rateur  français  de  1* Amérique  du  Sud. 

21  Desqodiks  (abbé),  missionnaire  français  au  Thibet. 

22  Ballat,  médecin  de  la  marine  française,  explorateur  en  : 

Afrique. 

23  Haemakd  (docteur),  consul  de  France,  à  Bankok. 

24  Moreno  (P.),  directeur  du  Musée  anthropologique,  à  Bné- 

nos-Ayres. 

25  Maunoir  (Charles),  secrétaire  général  de  la  Société  de  géo- 

graphie do  France,  directeur  du  bureau  des  cartes  et 
plans  au  ministère  de  la  guerre,  14,  rue  Jacob,  à  Paria. 

26  Rouby,  lieutenant- colonel  d'état-major,  directeur  de  la  carte 

de  France,  au  ministère  de  la  guerre. 

27  Anthoine,  ingénieur,  directeur  de  la  carte  de  France  au 

ministère  de  l'intérieur. 

28  Vidal  de  L  au  lâche  (Paul),  sous-directeur  à  l'École  normale 

supérieure,  à  Paris. 

MEMBRES   CORRESPONDANTS 

1  S.  Exe.  M*r  Meqlia,  ancien  nonce  apostolique,  à  Paris. 

2  Id.    le  prince  Oblow,  ambassadeur  de  Russie,  à  Paris. 

3  Id.    le  prince  de  Hohenlohe,  ambassadeur  d'Allemagne, 

à  Paris. 

4  Id.    Don  José  de  Silva-Mendès-Léal,  ministre  de  Porta» 

gai,  à  Paris. 

5  Id.    le  vicomte  d'Itajuba,  ministre  du  Brésil,  à  Paris. 


SOCIÉTÉ-MÈRE.  211 

MM. 

6  S.  Exe.  Aarifi-Pacha,  ancien  ambassadeur  de  Turquie,  à 

Paris. 

7  Id.     Sib  Edward  Notes,  ancien  ministre  des  États-Unis, 

à  Paris. 

8  Id.     Cbisahto-Medina,  ministre  du  Nicaragua,  à  Paris. 

9  Id.     Torbès-Caïcbdo,  ministre  du  Salvador,  à  Paris. 

10  Id.     Baxcabce,  ministre  de  la  Plata,  à  Paris. 

11  Id.    Juah  Diaz  (colonel),  ministre  de  l'Uruguay,  à  Paris. 

12  Db  Cboiziib  (le  marquis),  consul  do  Grèce,  président  de  la 

Société  académique  indo-chinoise,  à  Paris. 

13  Eeitheb,  chargé  d'affaires  de  Bavière,  à  Paris. 

14  Callixaju-Catabgi,  agent  diplomatique  de  Roumanie,  à 

Paris. 

15  Pelletier  (Eugène),  consul  général  de  Honduras,  à  Paris. 

16  Petitdidibb,  consul  général  de  Nicaragua,  à  Paris. 

17  Blest-Gana,  consul  du  Chili,  à  Paris. 

18  D'Abaujo  (le  chevalier),  secrétaire  d'ambassade  du  Brésil, 

à  Paris. 

19  William  Martin,  ancien  chargé  d'affaires  du  royaume  de 

Hawaï,  à  Paris. 

30  Stbaoss  (Louis),  consul  honoraire  de  Belgique,  rue  Van- 

Dyck,  à  Anvers. 

31  Gbad  (Charles),  député  au  Reichstag,  au  Logelbach  (Al- 

sace). 

22  Vossiox  (Louis),  consul  de  France  à  Rangoun  (Birmanie). 

23  Rbvoil  (Georges),  explorateur  au  pays  des  Coma  lis. 

24  De  Bizbmont  (le  vicomte),  capitaine  de  frégate,  76bis,  rue 

des  Saints-Pères,  à  Paris. 

25  Fokcih  (P.),  inspecteur  de  l'enseignement  secondaire,  délé- 

gué à  l'enseignement  supérieur,  à  Paris. 

26  Azaic  (docteur),  président  du  groupe  géographique  du  Sud- 

Ouest,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Bordeaux. 

27  Hxvbequin,  président  de  la  Société  de  topographie,  ô,  rue 

Chanaleille,  à  Paris. 

28  Gauthiot  (Charles),  secrétaire  général  de  la  Société   de 

géographie  commerciale  de  Paris,  65,  boulevard  Saint- 
Germain,  à  Paris, 


<  '212  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

MM. 

29  Dbbize,  lieutenant-colonel  d'état-major  en  retraite,  secré- 

taire général  de  la  Société  de  géographie  de  Lyon,  6,  rue 
de  l'Hôpital. 

30  Gbayieb  (Gabriel),  secrétaire  général  et  président  honoraire 

de  la  Société  normande  de  géographie,  80,  rue  du  Champ- 
des-Oiseanr,  à  Rouen. 

31  Gaffabel  (P.),  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  secré-  ; 

taire  général  de  la  Société  de  géographie  de  Dijon. 

[ 

32  Beau  de  Satnt-Pol-Lias,  explorateur  à  Sumatra. 

33  Vaillant  (docteur),  médecin  principal  de  la  marine,  à 

Pondichéry. 

34  BIasquebay,  directeur  de  l'Ecole  supérieure  des  lettres,  à 

Alger. 

35  Fuchs,  professeur  au  Collège  de  Saint-Paul,  à  la  Réunion. 

36  Lbmoihb  (John- Armand),  à  Sydney  (Australie). 

37  Cobtak  bebt  (Richard),  géographe,  10,  rue  Vi  vienne,  à  Paris. 

38  MUe  Klbimbahs  (Caroline),  géographe,  professeur  à  l'Ecole 

normale  supérieure  de  filles,  19,  rue  Guénégand,  à  Paris. 

39  Baixibb  (P.),  directeur  de  l'Ecole  municipale  supérieure 

Arago,  place  de  la  Nation,  à  Paris. 

40  Batjvois  (Eugène),  américaniste,  à  Corberon  (Cdte-d'Or). 

41  Db  Mabdbot,  colonel  fédéral,  à  Cormondrèche  près  Neu- 

châtel  (Suisse). 

42  Olby,  capitaine  de  vaisseau,  ancien  gouverneur  de  la  Nou- 

velle-Calédonie. 

43  Adam,  professeur  de  géographie  au  Prytanée  militaire  de 

La  Flèche  (Sarthe). 

44  Delavaud  (Louis),  avocat,  37,  boulevard  Saint-Michel,  à 

Paris. 

45  Cottbhault  (Charles),  conservateur   du    Musée    lorrain, 

chargé   de  missions  scientifiques,   à  Malzéville   (près 
Nancy). 

46  Bazik  (F.),  professeur  aux  Écoles  Turgot  et  Colbert,  27, 

boulevard  Voltaire,  à  Paris. 

47  Mettlbmakb  (Auguste),  consul  honoraire,  secrétaire  de  la 

légation  de  Nicaragua,  rédacteur  du  Moniteur  des  Con- 
sulats, 1,  rue  Lafayette,  à  Paris. 


SOCIÉTÉ-MÈRE.  213 

MM. 

48  Mmm»  d'Estbiy  (le  comte),  rédacteur  des  Armâtes  de 

Fcxtrême  Orient,  6,  place  Saint-Michel,  à  Paris. 

49  Rkxaud  (Georges),  directeur  de  la  Bévue  géographique, 

76,  rue  de  la  Pompe,  à  Paris. 

50  D&APZYBOX  (Ludovic),  directeur  de  la  Revue  de  Géographie, 

69,  rue  des  Feuillantines,  à  Paris. 

51  Moraro  (G.),  directeur  de  Y  Afrique  explorée  et  civilisée,  à 

Genève. 

52  Lt  Chao  Pas,  mandarin  chinois,  105,  rue  Lauxiston,  à 

Paris. 

53  Gibsrt  (Eugène),  secrétaire  de  la  Société  académique  indo- 

chinoise,  87,  rue  Lafayette,  à  Paris. 

54  Db  Hobex  (baron),  consul  de  Bolivie,  à  Alger. 

55  Mabchb  (Alfred),  explorateur  en  Afrique  et  aux  Philippines. 

56  Wixxn  (Ch.),  vice-consul  de  France,  secrétaire  de  la  So- 

ciété des  Etudes  coloniales  et  maritimes,  5,  rue  de  Co- 
penhague, à  Paris. 

57  Gvyot  (Paul),  explorateur  en  Afrique,  chimiste  à  l'usine 

Solvay,  à  Dombasle. 

58  Zblub,  inspecteur  d'académie,  à  Laon. 

59  Moxtaxo  (docteur),  explorateur  français  aux  îles  Malaises, 

68,  rue  de  Seine,  à  Paris. 

MEMBRES    DONATEURS. 

Le  Conseil  général  de  Meurthe-et-Moselle. 

La  ville  de  Nancy. 

La  maison  BsaosB-LBVBi.irLT  et  C*\ 

MEMBRES   FONDATEURS. 
MM. 

1  Balachxtp  (Pierre  de),  76,  rue  Monceau,  à  Paris. 

2  Babbisb  (J.  Y.),  secrétaire  général  de  la  Société,  1  bis,  rue 

de  la  Prairie. 
S    Claude,  sénateur  des  Vosges,  à  Saulxures  (Vosges). 

4  Cotjbct  (général  ni). 

5  Dbscbaxfs    (Narcisse),    industriel    au    Vieux-Jand'JieurB 

(Meuse). 


214  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

MM. 

6  MF  Foulon  (Joseph),  archevêque  de  Besançon. 

7  Germain  (Léon),  bibliothécaire  de  la  Société  d'archéologie, 

26,  rue  Héré,  à  Nancy. 

8  Geefp,  brasseur,  42,  rue  de  la  Commanderie,  à  Nancy. 

9  LévT  (Sal.),  négociant,  23,  rue  des  Quatre-Églises,  à  Nancy. 

10  Luc,  tanneur,  ancien  conseiller  municipal,  à  Nancy. 

11  Lycée  de  Nancy. 

12  Marinobb,  conseiller  municipal,  28,  faubourg  Saint-Jean. 
18     Miohaut,  conseiller  général  de  Meurthe-et-Moselle,  à  Bac- 
carat. 

14  Molitor  (comte),  conseiller  général  de  Meurthe-et-Moselle, 

rue  de  la  Bourse,  10,  à  Paris. 

15  Morel  d'Arleux  (Charles),  notaire,  28,  rue  de  Rivoli,  à 

Paris. 

16  -J*  Duc  dr  Richelieu. 

17  f  Mac  Thiers.  ^ 

18  Toubtel,  conseiller  général  de  Meurthe-et-Moselle,  à  Tan- 

tonyille. 

MEMBRES  SOUSCRIPTEURS. 
MM. 

1  About,  instituteur  à  Champigneulles. 

2  About  (E.),  représentant  de  commerce,  24,  rue  de  Boudon- 

ville. 

3  Adam,  conseiller  à  la  Cour,  rue  des  Tiercelins,  34. 

4  Adam,  directeur  du  manège,  ancien  adjoint  au  maire  de 

Nancy,  rue  des  Jardiniers,  14. 

5  Adrien  Burtin,  négociant,  faubourg  Saint-Georges,  24. 

6  Adt,  industriel,  à  Pont-à -Mousson. 

7  Aertz,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  137. 

8  Aimé,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  42. 

9  Albrecht,  ancien  député,  à  Schlestadt. 

10  Albrecht  fils,  à  Sand,  près  Benfeld. 

11  Allard  aîné,  fabricant,  rue  Saint-Nicolas,  18. 

12  Allard  (Félicien),  fabricant,  rue  des  Ponts,  24. 

13  Anoel  (Ferdinand),  filateur,  à  Saint-Nicolas. 

14  André  (Charles),  architecte,  rue  d'Alliance,  10. 

15  Anoenoux,  président  de  chambre,  cours  Léopold,  49. 


SOCIÉTÉ-MÈRE.  215- 

18  Axsbi.»,  ancien  président  du  Tribunal  de  commerce,  rue 
des  Carmes,  42. 

17  Abtoibb  (Arth.),  inspecteur  d'assurances,  rue  du  Montet,  98. 

18  Abhoul»,  chef  de  division  à  la  Préfecture,  rue  de  Toul,  16. 

19  Abov  aîné,  fabricant  de  flanelles,  rue  Lepois,  11. 

20  Abob  (Siméon),  fabricant  de  flanelles,  rue  du  Manège,  6. 

21  Aubby,  instituteur  à  Rosières-aux-Salines. 

22  Attdiat,  conseiller  à  la  Cour,  rue  de  la  Ravinelle,  35. 

23  Bachmbter  (Henri),  négociant,  rue  de  la  Faïencerie,  19. 

24  BiCBKsm  (Jacques),  négociant,  rue  de  la  Faïencerie,  19. 

25  Bagabd,  instituteur,  à  Thiébauménil  (Meurthe-et-Moselle). 

26  Bail»,  préfet  de  la  Haute-Garonne,  à  Toulouse. 

27  BAM.IBUX  (Hippolyte),  rue  de  la  Vénerie. 

28  Bajoi^t-Fbtbe,  rentier,  rue  Jeanne-d'Arc,  10. 

29  Babadbz,  adjoint  au  maire  de  Nancy,  rue  du  Montet,  6. 

30  Babbaut,  ancien  pharmacien,  rue  Saint-Georges,  69. 

31  Basvbibb  (Albert),    conducteur  des   ponts    et  chaussées, 

secrétaire  adjoint  de  la  Société,  quai  de  Choiseul,  4. 

32  Babbb,  ancien  professeur  à  l'École  forestière,  rue  Baron- 

Liouis,  5. 

33  Babbois,  huissier,  rue  Charles  III,  11. 

34  Basset,  professeur  de  littérature  arabe  à  l'École  supérieure 

des  lettres,  11,  rue  Kandon,  à  Alger. 

35  B  au  Kit,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  rue  de 

rHoBpice,ôl. 

36  BàuriwT,  représentant  de  la  maison  Tourtel,  à  Toul. 

37  Bbctts  (Alfred),  négociant,  rue  Saint-Dizier,  127. 

38  BBM.BTHLB,  négociant,  rue  Montesquieu,  8. 

39  Bbulibwi,  opticien,  place  de  l'Académie,  17. 

40  Bnn,  minotier,  au  Pont-d'Essey. 

41  Bsxedic,  instituteur  à  Villacourt. 

42  Bbbel,  rentier,  rue  de  Serre,  7. 

43  Bbvor,  doyen  de  la  Faculté  des  lettres,  rue  Lepois,  9. 

44  Bbboit  (Louis),  rentier,  rue  de  la  Pépinière,  33. 

45  Bbxott  fils,  ingénieur  des  Tabacs,  rue  de  la  Pépinière,  33. 

46  Bmx  (Alfred),  juge  au  Tribunal  de  commerce,  place  du 

Marché,  26. 


216  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 


47  Bbbavgbb,  capitaine  en  retraite,  rne  du  Montet,  6. 

48  Bbbûeb-Le  vbault  (0 .  ),  imprimeur-éditeur,  rne  des  Glacis,  7| 

49  Bbboeb-Lbvbault  (Alfred),  rue  des  Glacis,  7. 
60    Bbblbt,  député,  rue  Montesquieu,  9. 

51  Biehabd,  sénateur,  conseiller  à  la  Cour  de  cassation,  69, 

des  Feuillantines,  à  Paris, 

52  Bbbbabd,  négociant,  rue  Jean-Lamour,  50. 

58    Bbbhheik  ,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  rue  de  la 

Visitation. 
04    Bbbte,  chef  d'études  à  l'École  normale  d'instituteurs. 
56    Bbbtieb,  avoué,  rue  Saint-Georges,  42. 
56     Bebtih,  étudiant,  rue  de  Serre,  16. 

67  Bxsvàl,  avocat,  place  de  la  Carrière,  89. 
58    Bettino,  brasseur  à  Maxéville. 

69    Bbzoxbbs  (Auguste),  négociant,  rue  de  Strasbourg,  9. 

60  Biohat,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences,  rue  des  Jardi- 

niers, 1  ot*. 

61  Blahchbub,  ancien  notaire,  place  de  la  Carrière,  17. 

62  Bleioheb,  professeur  à  l'École  de  pharmacie,  vice-président 

de  la  Société,  rue  Stanislas,  102. 

68  Blosdel,  professeur  à  la  Faculté  de  droit,  rue  de  l'Hospice, 

18. 
64    Bots  (Jean),  propriétaire,  à  Pont-Saint- Vincent. 
66    Bois,  banquier,  rue  Saint-Dizier,  128. 

66  Bollbt,  impasse  Jeanne-d'Arc. 

67  Bonbbau,  juge  au  Tribunal  de  commerce,  rue  Saint-Nico- 

las, 81. 

68  Bonvbttb,  malteur,  rue  de  l'Étang,  40. 

69  Boppb  (Auguste),  rue  de  Toul,  12. 

70  Boppb  (Lucien),  sous-directeur  de  l'École  forestière,  rue  de 

la  Commanderie,  28. 

71  Bouchez,  ancien  conservateur  des  hypothèques,  à  Pont-a- 

Mousson. 

72  Boudard,  inspecteur  primaire,  28,  rue  Stanislas. 
79    Boudot,  instituteur  à  Essey-lès-Nancy. 

74  Bourrar,  négociant,  faubourg  Saint-Georges. 

75  Boulât,  négociant,  rue  du  Montet,  6.   . 


80CIÊTÉ-MÈRB.  217 

MM. 

76  Boum,  greffier  du  Tribunal,  me  Saint-Diaier,  127. 

77  Boctebt,  poéiier,  rue  de  la  Visitation,  25. 
TO      Boubgov,  banquier,  rue  Saint-Dizier,  123. 

79  Bousuruiux,  négociant,  place  Saint-Jean,  51. 

80  Bouby,  instituteur  à  Bainville-sur-Madon  (Meurthe-et-Mo- 

selle). 

81  Bottssbt,  professeur  au  Lycée  de  Besançon. 

82  Bo<ht*l,  conducteur  des  ponts  et  chaussées,  rue  Charles  m, 

30  5*. 

83  Brakquabt,  rue  Isabey,  38. 

84  Bhxvas  (J.),  chemisier,  21,  rue  des  Dominicains. 

85  Bbstov,  instituteur  à  Dommartin-sous-Amance. 

86  Bbicb  (Ferdinand),  conseiller  d'arrondissement,  à  Belleau, 

près  Nomeny. 

87  Brice  (Victor),  notaire,  2,  rue  Blandan,  à  Alger. 

88  Bbotcllow,  propriétaire,  rue  des  Dominicains,  12. 

89  Brto  (M11*),  institutrice  adjointe  à  l'école  Saint-Pierre. 

90  Butts,  maire  de  MaLeéville. 

91  Cabaillot,  conducteur  des  ponts  et  chaussées,  13,  rue  de 

Trévise,  à  Paris. 

92  Coza  (Dr),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  8,  rue  de 

la  Monnaie. 

93  Caillies,  négociant,  rue  Montesquieu,  2. 

94  Caxtb,  clerc  d'avoué,  rue  de  Serre,  3. 

95  Cabct  (de),  officier  supérieur  en  retraite,  cours  Léopold, 

37. 

96  Cbkfov  (Camille),  fabricant  de  drap,  à  Elbeuf. 

97  Céxabd  (Félicien),  directeur  de  mines,  rue  du  Mohtet,  27. 

98  Chaiobxt,  négociant,  rue  des  Dominicains,  26. 

99  Cmabaux-Kebaud,  négociant,  rue  des  Jardiniers. 

100  Chabbobkibb,  entrepreneur  de  travaux,  rue  de  Mabé  ville,  23. 

101  Cbabbovvibb,  chef  de  division  à  la  Préfecture,  quai  de 

Choiseul,  12. 
109     Charbot  (Colonel),  rue  Isabey,  37. 

103  Ckablot,  propriétaire,  place  Stanislas,  7. 

104  ChablbjviiiKb,  négociant,  rue  Saint-Nicolas,  7. 

105  Château  (Lucien),  entrepreneur,  à  Pont-Saint- Vincent. 


1 


218  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

MM. 

106  Chippbl,  rentier,  rue  de  Strasbourg,  21. 

107  Clarté  (Joseph),  employé  à  la  cristallerie  de  Baccarat. 

108  Claude  (abbé),  curé  de  la  Cathédrale,  rue  des  Chanoines,  6. 

109  Claude,  docteur  en  médecine,  à  Pompey. 

110  Claudon,  professeur  à  l'Ecole  normale  d'instituteurs,  à  Laon. 

111  Clerc  (Charles),  capitaine  au  139*  de  ligne,  au  camp  de 

Sathonay,  près  Lyon. 

112  Clesse,  notaire,  rue  des  Dominicains,  3. 

113  Clobtre-Richard,  négociant,  rue  Saint-Jean,  35. 

114  Coanbt  fils,  négociant,  rue  Saint-Georges,  31. 

115  Coblentz,  fabricant  de  chaussures,  22,  rue  de  Laaalle. 

116  Colas,  directeur  des  manufactures  de  Pierrepont. 

117  Coliez  fils,  docteur  en  médecine,  à  Longwy. 

118  Collignon  (Mme),  place  de  l'Académie,  8. 

119  Collin,  notaire,  rue  de  la  Hache,  64. 

120  Colsok,  fabricant  d'huile,  rue  des  Ponts,  8. 

121  Comox,  docteur,  conseiller  général,  à  Longuyon. 

122  Conrard  fils,  fabricant  de  brosses,  rue  Saint-Dizier,  45. 

123  Constantin,  fondeur,  rue  de  l'He -de- Corse,  5. 

124  Constantin  père,  gérant  de  l'usine  à  gaz,  rue  de  l'He-de- 

Corse,  8. 

125  Constantin  (René),  faubourg  Saint-Georges,  5. 

126  Conte,  négociant,  rue  du  Pont-Mouja,  7. 

127  Corbin,  négociant,  porte  Saint-Nicolas. 

1 28  Cordblet  (Jules),  professeur  au  Lycée,  place  de  la  Carrière, 

11. 

129  Cournault  (Edouard),  rue  du  Haut-Bourgeois,  6  hU. 

130  Courteyille  (de),  avocat,  rue  de  la  Pépinière,  37. 

131  Courtoi8,  avocat,  place  de  la  Carrière,  21. 

132  Courtois  (Alfred),  peintre  en  bâtiments,  rue  de  la  Mon- 

naie, 3. 

133  Crbmel,  directeur  de  l'École  supérieure,  Grande-Rue,  64» 

134  Cantner,  négociant,  place  de  la  Cathédrale. 

135  Colin,  confiseur,  rue  du  Montet,  78. 

136  Croctaine  (Ernest),  négociant,  rue  Notre-Dame,  14. 

137  Croctaine  (Léon),  négociant,  rue  Notre-Dame,  1. 

138  Crousse,  horticulteur,  faubourg  Stanislas,  49. 


SOCIÉTÉ-MÈRE.  219 

MM. 

139  Dabboy,  ancien  négociant,  rue  Saint-Nicolas,  20. 

140  Dabdalkb,  instituteur  à  Malaéville. 

141  Dabtsiv  (abbé  de),  professeur  à  Saint- Sigisbert,  place  de 

l'Académie,  11. 

142  Datjbbéb,  orfèvre,  me  Saint-Dizier,  2. 

143  Daubjlemet,  entrepreneur  de  peinture,  rue  Saint-Georges,  1 1 . 

144  Dauiotoy,  faubourg  Saint-Jean,  35. 

145  DiBinoua,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  président  de 

la  Société,  faubourg  Saint-Georges,  28. 

146  Dicosss,  secrétaire  général  aux  aciéries  de  Longwy,  à 

Mont-Saint-Martin. 

147  Dbtxb,  notaire  honoraire,  rue  Lepois,  5. 

148  Dbglih,  avocat,  rue  Saint-Georges,  79. 

149  Dzhax  (Auguste),  rue  Saint-Dizier,  83. 

150  Dbxiqhy,  conseiller  général,  à  Toul. 

151  Dblc ours ète,  professeur  à  l'École  de  pharmacie,  rue  des 

Qnatre-Eglises,  2. 

152  Dxhavgb,  docteur  en  médecine,  rue  Saint-Jean,  8. 

153  Dbkxhgb-Cbbhbl,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  22. 

154  Dbmoxst,  ingénieur,  rue  de  la  Pépinière,  40. 

155  Dsjeovtzb y,  président  du  Tribunal  civil ,  rue  Saint-  Nicolas ,  22 . 

156  Dbbys  ,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  rue  de  la  Mon- 

naie, 2. 

157  Dekys,  président  du  Tribunal  civil,  conseiller  général,  à 

Toul. 

158  DEPfiBomri,  conseiller  à  la  Cour,  rue  Saint- Jean,  17. 

159  Dbsqodiss,  ancien  inspecteur  des  forêts,  rue  Saint-Geor- 

ges, 79. 

160  Dbskos,  avocat,  cours  Léopold,  24. 

161  Dtdelot,  pharmacien,  rue  de  la  Visitation,  12. 

162  Dediou  (Jules),  rentier,  16,  rue  Montesquieu. 

163  Didiow  (Paul),  rentier,  rue  du  Montet. 

164  Dibhx,  voyageur  de  commerce,  rue  de  la  Commanderie, 

43  bù. 

165  Dtjtudokbe,  instituteur  à  Flavigny. 

166  Dtbtz,  banquier,  rue  de  la  Monnaie,  6. 

167  Diqout,  instituteur  à  Blain ville. 


1 


220  LISTE  GÉNÉRALE  DBS  MEMBRES. 

MM. 

168  Diot,  ancien  receveur  municipal,  place  de  la  Cazrièxe,  16. 

169  Doibisse,  entrepreneur,  avenue  de  la  Garenne. 

170  Dbappieb,  vinaigrier,  à  Jarville. 

171  Dubois,  maître  de  conférences,  rue  Sainte-Catherine,  22. 

172  Ducbet,  négociant,  rue  Stanislas,  33. 

173  Duhaut,  directeur  de  la  Caisse  d'épargne. 

174  Dumont  (MUe),  institutrice  adjointe  à  l'école  RaugrafL 

175  Dupont,  maître  de  forges,  rue  Girardet,  4. 

176  Dopokt,  représentant  de  commerce ,  rue  de  la  Poisson* 

nerie,  7. 

177  DtiPRBY  (Victor),  effilocheur,  à  Saint-Nicolas. 

178  Durand,  négociant,  rue 'de  la  Prairie,  1. 

179  Dublao  (Aron),  fabricant  de  limes,  rue  Lafayette,  4. 

180  Diras,  représentant  de  commerce,  rue  des  Dominicains,  40. 

181  Dussaux,  confiseur,  rue  du  Pont-Mouja,  19. 

182  Duvattx,  député,  ancien  ministre,  rue  de  l'Odéon,  20,  à 

Paris. 

183  Dutebnot,  professeur  au  Lycée,  rue  Bailly,  8. 

184  Ébel,  caissier  à  la  Nancéienne,  rue  Saint-Dizier,  140. 

185  Eckbbt  (Nicolas),  contre-maître  de  fabrique,  21,  rue  Gré- 

goire. 

186  Elie-Baillb,  ancien  président  du  Tribunal  de  commerce, 

rue  Drouot,  4. 

187  Elie-Lbstbb,  rue  Stanislas,  51. 

188  Ébabd,  minotier  à  Jolivet,  près  Lunéville. 

189  Ebhard  fils,  géographe,  à  Paris,  rue  Duguay-Trouin. 

190  Faulenbach  (MUe  Marguerite),  directrice  de  l'école  annexe 

à  Maxéville. 

191  Fayolbt,  directeur  de  mines,  rue  des  Micnottes,  5. 

192  Fbxal,  professeur  au  Lycée,  place  de  l'Académie,  1. 

193  Fbbkbaoh,  négociant,  rue  du  Pont-Mouja,  24. 

194  Fbvbb  (Antony),  négociant,  place  de  la  Carrière,  35. 

195  Fbvbb  (Ernest),  avocat,  place  de  la  Carrière,  35. . 

196  Fevbb,  négociant,  rue  Saint-Nicolas,  9  biê. 

197  Febvbel,  ingénieur  à  Besançon,  square  Saint* Amour,  8  bù. 

198  Fellmann,  voyageur  de  commerce  (Maison  Conte),  rue  do 

Pont-Mouja. 


BOCIÉTÉ-MÈRB.  321 

MM. 

199  Fti.lzul,  rue  du  Faubourg- Saint- Jean,  38. 

200  Ftxawoe,  instituteur  à  Bralle ville,  près  Haroué  (Meurthe- 

et-Moselle). 

201  Flaviobt  (la  commune  de),  Meurthe-et-Moselle. 

202  Fuchb,  professeur  à  l'École  forestière,  vice-préndetU  de 

la  Société,  rue  Seint-Dizier,  9. 

203  Floqukt,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences,  rue  Jeanne- 

d'Arc,  9. 

204  FoLLin,  commandant,  place  de  la  Carrière,  22. 

205  Fort,  entrepreneur  de  charpente,  rue  de  Lasalle. 

206  Fould,  maître  de  forges,  rue  du  Manège,  1. 

207  Foubcadb,  procureur  général,  rue  des  Michottes,  11. 

208  Frahctk,  aux  Grands-Moulins. 

209  Fbahçois,  pharmacien,  rue  d'Amerval,  12. 

210  Frâcot,  inspecteur  général  des  ponts  et  chaussées,  im- 

passe Jeanne-d'Arc. 

211  Fbiajtt,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  sciences, 

rue  de  l'Hospice,  23. 

212  Friot,  instituteur  à  Laneuvelotte. 

213  Fbumtbbt  (abbé),  chanoine  titulaire ,  secrétaire  général  de 

révêché. 

214  Gaiuy,  sénateur  des  Ardennes,  à  Paris,  rue  d'Anjou-Saint- 

Honoré,  7. 

215  Galflb,  marchand-tailleur,  rue  Saint-Dizier,  23. 

216  Galle  fils,  secrétaire  de  la  Société  d'horticulture,  avenue 

de  la  Garenne,  2. 

217  Gallotts,  inspecteur  primaire ,  faubourg  Saint-Georges,  17 . 

218  Gaigax,  commandant  en  retraite,  rue  de  Strasbourg,  87. 

219  Gabjtieb,  chef  de  division  à  la  Préfecture,  rue  de  Metz,  44. 

220  Gabhibb,   professeur  à   la  Faculté   de  droit,  rue  de  la 

Craffe,  2. 

221  Gaudcbaux-Pioabd  (Emile),  rentier,  rue  du  Mon  te  t,  5. 

222  Gaudchaux-Picab»  (Henri),  filateur,  rue  du  Monte  t,  5. 

223  Gbbat,  architecte,  rue  Baron-Louis,  5. 

224  Gxwiv,  professeur  au  Lycée,  faubourg  Stanislas,  53. 

225  Gbht,  instituteur  a  Mamey,  par  Noviant-aux-Prés. 

226  Gborgbs  (Amédée),  impasse  Jeanne-d'Arc. 


222  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

MM. 

227  Georges  (Victor),  fabricant  de  chaussures,  rue  Saint-Geoi 

ges,  17  et  19. 

228  Georges,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  123. 

229  Geobqes,  docteur  en  médecine,  à  Flavigny. 

230  Gérard,  sellier,  rue  Saint-Dizier,  157. 

231  Gérard  fils,  entrepreneur,  rue  de  la  S  al  pê  trière,  7. 

232  Gérard,  recteur  de  l'Académie,  à  Grenoble. 

233  Gerbaut,  conducteur  des  ponts  et  chaussées,  rue  des  Car* 

mes,  34. 

234  Gille  neveu,  négociant,  place  des  Dames,  14. 

235  Godard,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  121. 

236  Go  quel  (Montézuma),  à  Saint- Dié. 

237  Go  mien  (Alfred),  négociant,  rue  Stanislas,  46. 

238  Gottbreau,  conducteur  de  travaux,  rue  de  Lasalle,  4. 

239  Gougelin,  négociant,  place  de  la  Cathédrale. 

240  Gouguenheik  ,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  102. 

241  Goury,  rue  des  Tiercelins,  5. 

242  Gouy  de  Bellocq,  rentier,  rue  d'Alliance,  3. 

243  Gouy,  ancien  magistrat,  place  d'Alliance,  6. 

244  Gouy,  commandant  en  retraite,  place  d'Alliance,  6. 

245  Grand,  opticien,  rue  Saint-Dizier,  30.  « 

246  Grandidier,  rentier,  rue  Montesquieu,  5. 

247  Grande  au,  doyen   de  la  Faculté  des  sciences,  faubourg 

Saint-Jean,  24. 

248  Grillon,  avocat,  rue  Montesquieu,  23. 

249  Grillon,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  127. 

250  Grimanelli,  préfet  des  Deux-Sèvres. 

251  Grosjean-Nicolas,  libraire,  place  Stanislas,  7. 

»  *» 

252  Grosmaire*,  directeur  de  l'Ecole  normale. 

253  Gross,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  quai  Isaber, 

17. 

254  Gudin,  papetier,  rue  Saint-Dizier,  96. 

255  Guerle  (de),  trésorier  général,  place  des  Dames. 

256  Gubrin,  président  du  Tribunal  de  commerce,  rue  de  Saul- 

rapt,  15. 

257  Guerrier  de  Dumast,  conservateur  deB  forêts,  rue  de  1* 

Poissonnerie,  38. 


SOCIÉTÉ-MÈRE.  223 

MM. 

258  GuaBNHEiif,   représentant  de  commerce,  rue  Saint- Nico- 

las, 37. 

259  Guihet,  entrepreneur,  rue  de  Serre,  8. 

260  Gtjttok,  avocat,  rue  Sainte-Catherine,  5. 

261  Gcyot,  professeur  à  TEcole  forestière,  rue  Girardet,  10. 

262  Gutot,  juge  au  Tribunal  de  commerce,  rue  Saint-Dizier,  38. 

263  Hakatjt  (M114),  institutrice,  rue  des  Quatre -Eglises,  28. 

264  Hakhequix,  conseiller  à  la  Cour,  rue  de  la  Ravinelle,  25. 

265  Hjlnriok  (général),  place  de  la  Carrière. 

266  Haxxaut,  rentier,  rue  de  Guise,  17. 

267  Habxant,  voyageur  de  commerce,  maison  Mathieu,  rue 

Saint- Jean,  56. 

268  Hahouard,  négociant,  rue  de  Strasbourg,  30. 

269  Hajsse,  professeur  à  l'Ecole  normale,  rue  Saint-Michel,  27. 

270  Hbcbt,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  rue  Isabey,  4. 

271  Hexbibt,  conseiller  honoraire,  rue  des  Mkhottes,  11. 

272  Hexbion  (docteur),  rue  de  Strasbourg,  151. 

273  Hebbgott  (Louis),  directeur  de  forges,  à  Villerupt  (Meur- 

the-et-Moselle). , 

274  Hinzelin  (Àmédée),  rédacteur  du  Moniteur  de  la  Meurthe, 

rue  Sainte-Catherine,  9. 

275  Hihzeltn  (Victor),  imprimeur-éditeur,  rue  Saint-Dizier,  71. 

276  Hœbteb  (Victor),  peintre  sur  verre,  rue  de  Strasbourg,  73. 

277  Holtz,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  rue  Dc- 

silles,  4. 

278  Homolle,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres,  rue  de  Metz,  6. 

279  Houbbe,  architecte  adjoint  de  la  ville,  rue  Baron-Louis,  15. 

280  Huaux,  instituteur  à  Benney. 

281  Hurs  (Ernest),  ingénieur  de  la  marine,  à  Lorient. 

282  Hcmbebt  (Célestin),  comptable,  rue  des  Ponts,  42. 

283  Humbebt,  représentant  de  commerce,  rue  Charles  III,  15. 

284  Hutaux  (Léopold),  marbrier,  rue  des  Quatre-Églises,  73. 

285  Hhyaxjx  (Théophile),  marbrier,  rue  des  Quatre-Eglises,  73. 

286  IiuiAcs  (Gustave),  rue  des  Glacis,  5. 

287  Jacquot,  professeur  au  Collège  de  Pont-à-Mousson. 

288  Jacquot,  instituteur  à  Einville. 

289  Jacquot,  rue  de  la  Source,  31. 


224  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

i 

m 

-290    Jaooby,  capitaine  en  retraite,  rue  de  Saulrupt,  5. 

291  Jaquiné,  inspecteur  général  honoraire  des  ponts  et  chaus- 

sées, place  de  la  Carrière,  10. 

292  Jasbov,  architecte  de  la  ville,  rue  de  Malzéville,  16. 

293  Jeandel,  greffier  du  Tribunal,  place  de  la  Carrière,  5. 

294  Jonas,  négociant,  rue  Montholon,  8,  à  Paris. 

295  Jossbt  ns  Saint-Julien  (Mn6),  rentière,  à  Jarville. 

296  Kahh  (Isaac),  négociant  en  grains,  142,  rue  Saint-Dizier. 

297  Kabchbb,  ancien  fabricant,  avenue  de  la  Garenne,  8  ter. 

298  Kabqubl  (Mlle),  directrice  de  l'École  normale  d'institutrices      i 

àMaxéville. 

299  Kauffeb,  bijoutier,  rue  Saint»Dizier,  40, 

800  Kauffeb  (Victor),  quai  Isabey,  27. 

801  Kellbb,  confiseur,  rue  des  Dominicains,  59. 

802  Kill,  instituteur  à  Àtton,  par  Pont-à-Mouason. 
808  Klein,  propriétaire,  à  Jarville. 

804  Klino  (Achille),  jardinier,  ruelle  de  Nabécor,  6. 

805  Klopstïin  (Antoine  de),  au  Val-et-Ch&tillon. 

806  Kolleb,  ingénieur  à  Neuilly-Saint-Front  (Aisne). 

807  Kobtz,  proviseur  du  Lycée  de  Nancy. 

808  Kbiesbkann,  propriétaire,  rue  des  Tiercelins,  42. 

809  Lacroix,  professeur,  rue  du  Haut-Bourgeois,  81. 

810  Ladouobtte  (db),  député,  au  château  de  Clémery. 

811  Laflizb  (0.),  inspecteur  de  l'assistance  publique,  nie  des       i 

Tiercelins,  50  bU.  i 

812  Laflizb  (Sigismond),  cours  Léopold,  85.  < 
818    Laqbesille,  conseiller  général,  rue  des  Tiercelins,  25. 

814     Lallbment,  ancien  avoué,  rue  de  Metz,  16.  ! 

315    Lallexbmt,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  place  de  j 

l'Académie,  10.  , 

816  Lallembnt  (J.),  propriétaire,  rue  du  Sapin,  14. 

817  Lamt,  banquier,  rue  des  Dominicains,  47.  ! 

818  Lanoiaux,  négociant,  rue  de  la  Hache,  25.  ! 

319  Laxiqub,  ingénieur  civil,  rue  de  la  Commanderie,  9. 

320  Lahq  (Benoît),  industriel,  rue  Callot,  6. 

321  Lahq  (Charles),  industriel,  place  de  la  Carrière,  21. 

322  Lahq  (Raphaël),  industriel,  rue  Saint-Dizier,  1. 


fiOCIÉTÉ-M&RB.  225 

MM. 

323  Ljjjgenhagbn  (de),  juge  au  Tribunal  de  commerce,  fau- 
bourg Saint-Jean,  32. 

JLiApibbbb,  caissier,  rue  Saint-Dizier,  123. 

HiAPonrTB  (Maurice),  ingénieur  civil,  professeur  a  l'Ecole 
d'agriculture,  impasse  Jeanne -d'Arc. 

326  Labchbb,  avocat,  rue  des  Quatre-Eglises,  55. 

327  LIbteau,  rue  Saint-Georges,  48. 

328  Lbdekub,  doven  de  la  Faculté  de  droit,  rue  Mazagran,  9. 

329  LiXFSVBE-DsRisB  fils,  confiseur,  rue  Saint-Dizier,  55. 

330  Legbos  (Amand),  conseiller  général  à  Saint-Nicolas. 

331  Lbjbuïb  (Jules),  président  du  Club  alpin,   section  vos- 

gienne,  rue  de  la  Bavinelle,  24. 

332  Lbmoihe,  avocat,  rue  Notre-Dame,  32. 

333  Le  Mokxibr,  professeur  à  la  Faculté  des  sciences,  rue  de 

la  Pépinière,  5. 

334  Lb poire,  propriétaire,  faubourg  Sainte-Catherine,  15. 

335  Lenglbt  (Paul),  banquier,  place  de  la  Carrière,  38. 

336  Lenoib,  entrepreneur  de  peinture,  quai  Claude-le-Lorrain, 

18. 

337  I^XROY,  chemisier,  rue  de  la  Faïencerie,  17. 

333  Lkstacdih,  adjoint  au  maire  de  Nancy,  faubourg  Saint- 
Jean,  29. 

339  HiKVA8£BT7B,  marbrier,  faubourg  Stanislas,  41. 

340  X*:svir  (Anatole),  banquier,  rue  Saint-Dizier,  114. 

341  Lbvt  (Isaac),  banquier,  rue  des  Dominicains,  44. 

342  Lbvy  (Henri),  négociant,  rue  Saint-Nicolas,  4. 
Lévy  (Jacques),  graveur,  à  Malzé  ville. 
Lbvt  (Michel),  fabricant  de  limes,  rue  Saint-Nicolas,  98. 

345  11.huii.libb  (Paul),  négociant,  faubourg  Saint-Georges,  10. 

346  JLf'HuiLLiBB,  capitaine  de  la  territoriale,  quai  Choiseul,  16. 

347  JLiitvBB-DaEYFUs,  rue  des  Tiercelins,  11. 
UnrBT  (Philippe),  comptable  à  Maiéville. 
IjIttingbe  (Gustave),  fabricant  de  draps,  à  Saint-Nicolas. 

350  £«obbaiv,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  130. 

351  Xi  ouïs,  surveillant  à  l'École  normale,  à  Nancy. 

352  XiUbjévillb  (la  bibliothèque  populaire  de). 

353  Magtjiw,  ancien  adjoint  au  maire  de  Nancy,  rue  Girardet,  2, 

•oc  vm  ozoaa.  -i«nJ«  tbimutbm  1883.  16 


226l  liste  générale  des  membres. 

MM. 

354  Magniek,  ancien  pharmacien,  place  Thiers,  5. 

355  Maillet,  procureur  de  la  République,  rue  de  Rigny,  22. 

356  Maillier  (de),  capitaine  au  12e  chasseurs,  rue  du  Ma- 

nège, 6. 

357  Maillot,  architecte,  faubourg  Saint- Jean,  2. 

358  Maire,  directeur  de  la  France,  rue  Charles  III,  11. 

359  Malguin,  comptable  à  Maxé  ville. 

360  Mangeot,  avenue  de  l'Opéra,  21,  à  Paris. 

361  Màncun,  huissier,  Grande-Rue  (Ville -Vieille),  42. 

362  Mangin,  instituteur  à  Go vi lier. 

363  Mabohal,  chef  de  section,  à  Neuilly-Saint-Front  (Aisne). 

364  Mabchal   (Charles),   conducteur  des  ponts  et  chaussées, 

place  Thiers,  13. 

365  Mabchal,  docteur  en  médecine*  rue  Stanislas,  57. 

366  Mabchal   (Edmond),  ancien  fabricant,  à  Strasbourg,  me 

Pierre-Large,  1. 

367  Mabchal,  docteur  en  médecine,  à  Saint-Nicolas. 

368  Mabohal  (Jules),  à  Saint- Dié. 

369  Mabchal,  instituteur,  à  Baccarat. 

370  Mabcot  (René),  trésorier  de  la  Société,  rue  de  la  Ravinelle, 

13. 

371  Mabqo,  ancien  négociant,  rue  des  Tiercelins,  16. 

372  Marié  (Louis),  négociant  à  Paris,  rue  aux  Ours,  55. 

373  Mabtz,  conseiller,  rue  de  la  Hache,  11. 

374  Mathieu,  ancien  sous- directeur  de  l'École  forestière,  fau- 

bourg Saint-Jean,  21. 

375  Mathieu,  conseiller  à  la  Cour,  rue  de  la  Ravinelle,  33. 

376  Mathieu  (Ernest),  négociant,  rue  Saint-Nicolas,  11. 

377  Mathieu,  négociant,  rue  Raugraff. 

378  Mathieu  (l'abbé),  rue  de  Strasbourg,  111. 

379  Mathieu  (C),  voyageur  de  commerce,  maison  Mathieu,  me 

Saint-Jean,  56. 

380  Mathis  (Balthasar),  ingénieur  du  Creusot,  à  Stockholm. 

381  Mathis,  négociant,  rue  des  Quatre-Eglises,  38. 

382  Mathis,  marchand-tailleur,  place  Stanislas,  5. 

383  Matthis,  préposé  en  chef  de  l'octroi,  impasse  Bénit. 

384  Matbk,  maison  Berger-Levrault,  rue  des  Glacis. 


SOCIÉTÉ-MÈRE.  227 

385  Mekregaud,  maître  adjoint  à  Maxéville. 

386  Mrixxoros  de  Dombasle  (de),  rue  de  Strasbourg,  19. 

* 

387  Melct  (Edouard  de),  au  château  de  Chéhéry,  par  Grand- 

pré  (Ardennes). 

388  Meline  (Emile),  rue  Grégoire,  10. 

389  Mellieb,  inspecteur  d'académie,  rue  Saint-Dizier,  138. 

390  Mbhestrel  (M,le),  maîtresse  de  pension,  rue  des  Chanoines,  5. 

391  Mevjjjtd,  ancien  officier,  cours  Léopold,  31. 

392  Mewqim  (général),  rue  du  Monte t,  9  bis. 

393  Meytre,  instituteur-directeur  de  l'école  des  Trois-Maisons. 

394  Mercier,  agent  voyer  cantonal,  à  Gerbe  vil  1er. 

395  Meksey  (MUe),  maîtresse  de  pension,  rue  du  Manège,  11. 

396  Mszibres,  de  l' Académie  française,  député,  boulevard  Saint- 

Michel,  57,  à  Paris. 

397  Michel,  juge  au  Tribunal  de  commerce,  rue  Saint-Nicolas, 

55. 

398  Michel,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  38. 

399  Michslik  ,  receveur  principal  des  contributions  indirectes , 

rue  Saint-Michel,  22. 

400  Millot  (Charles),  ancien  officier  de  marine,  secrétaire  de 

la  Commission  météorologique  de  Meurthe-et-Moselle, 
secrétaire  adjoint  de  la  Société,  28,  rue  des  Quatre- 
Églises. 

401  Millot  (Jules),  sous-inspecteur  des  forêts,  à  Chaumont. 

402  Millot- Vincbhot,  ancien  négociant,  3,  rue  Mably. 

403  Mohal,  pharmacien,  rue  des  Dominicains,  8. 

404  Movtbel  (de),  officier  en  retraite,  rue  de  Boudon ville,  6. 

405  Mobawetz,  associé,  maison  Aimé  et  Cic,  rue  des  Ponts,  57. 

406  MoRiexAT,  comptable,  rue  des  Ponts,  24. 

407  Mouoel  (M,le),  maîtresse  à  l'École  normale,  à  Maxéville. 

408  Mouqehot  (Léon),  vice-consul  d'Espagne,  à  Nancy. 

409  Mottrin,  recteur  de  l'Académie. 

410  Mulot,  rentier,  faubourg  Saint-Jean,  25. 

411  MuifiER,  lithographe,  rue  de  Metz,  93. 

412  Mckieb,  conseiller  général,  à  Pont-à-Mousson. 

413  Muhibr  (M"e),  rentière,  à  Pont-à-Mousson. 

414  Mtoitz,  ingénieur  en  chef  en  retraite,  rue  Mazagran,  11. 


228  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

MM. 

415  Nauçuette,  ancien  directeur  de  l'École  forestière,  rue  du 

Manège,  13. 

4 16  Nathan-Picard  ,  vice-président  de  la  Chambre  de  commerce, 

rue  Saint-Dizier,  1  bis. 

417  Nicolas  (Auguste),  bibliothécaire  de  la  Société,  rue  des 

Ponts,  4ô  bù. 

418  Nicolas  (Eugène),  représentant  de  commerce,  rue  du  Mon- 

tet,  17. 

419  Nicolas  (Ernest),  juge  de  paix,  à  Saint-Nicolas,  rue  Saint- 

Nicolas,  31. 

420  NiNQBB  (Eug.),  comptable,  rue  Sainte-Catherine,  43. 

421  Noblot,  conseiller  général,  rue  Lafayette,  2. 

422  NofiL,  conseiller  à  la  Cour,  rue  des  Carmes,  33. 

423  Ngetinobb,  propriétaire,  rue  de  la  Source,  10. 

424  Noibibl,  caissier,  rue  de  la  Source,  13* 

425  Noebsbq  (Emile),  maison  Berger-Levrault,  rue  des  Glacis,  16 . 

426  Nobbebo  père,  imprimeur-éditeur,  rue  des  Glacis,  16. 

427  Nobxale  (Ecole)  de  Nancy. 

428  Obihot,  photographe,  rue  Saint-Dizier,  126. 

429  Olbt,  instituteur  à  Allain.  . 

430  Obt,  avoué  à  la  Cour,  rue  de  Serre,  3. 

431  Ottbnhkimbb  (Mme),  rue  des  Carmes,  7. 

432  Ottmanv,  capitaine  en  retraite,  avenue  de  la  Garenne,  2  bis. 

433  Papblibb  fils,  négociant,  rue  de  Strasbourg,  24. 

434  Paquel  (Georges),  officier  de  réserve,  rue  du  Haut-Bour- 

geois, 4. 

435  Pabisot  (Victor),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  rue 

Saint- Julien,  37. 

436  Pabisot  (Victor),  chef  de  bataillon  au  26e  de  ligne,  rue  du 

Mon  tet,  9. 

437  Pabisot  (Aug.),  receveur  surnuméraire,  9,  impasse  Sainte- 

Marie,  avenue  de  la  Garenne. 

438  Passbbat,  sous-inspecteur  des  Domaines,  à  Langres  (Haute- 

Marne). 

439  Patissieb,  place  Stanislas,  2. 

440  Paul,  capitaine  en  retraite,  place  de  la  Carrière,  26. 

441  Paul,  notaire,  rue  de  la  Monnaie,  4. 


SOCIÉTÉ-MÈRE.  229 

MM. 

Péchoin  (Léon),  avocat,  Grande -Rue,  42. 
PaiTFBE,  commandant  d'artillerie  en  retraite,  me  Saint- 
Dizier,  135. 
Pbipfbb  (MIIe),  institutrice,  rue  Héré,  16. 

445  P&raux,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  83. 

446  Pébissb  (Victor),  rentier,  rue  Ligier-Richier,  3. 

447  Prrjtot,  fabricant  de  chaussures,  rue  Claudot,  3. 

448  Pébot,  intendant  militaire  en  retraite,  rue  Saint-Léon,  14. 

449  Pkrbst,  fabricant  de  chapeaux  de  paille,  rue  de  Strasbourg, 

5. 

450  Pbrbik,  professeur  à  l'École  normale  primaire,  à  Nancy. 

451  Petitbien,  député  de  Meurthe-et-Moselle,  rue  Denfert-Ro- 

chereau,  36,  à  Boulogne- sur-Seine. 

452  Peultieb,  négociant,  rue  des  Quatre -Églises,  36. 

453  Ptdollot,  instituteur  à  Maxé  ville. 

454  Ph-lbmemt  père,  rue  de  Metz,  12. 

455  PitLBMiHT  (Alfred),  sculpteur,  rue  de  Metz,  7. 

456  PrRAUBE,  receveur  des  douanes,  rue  Baron-Louis,  1. 

457  Piboux,  directeur  de  l'institut  des  Sourds-Muets,  faubourg 

Stanislas,  10. 

458  Pitot,  docteur  en  médecine,  rue  Saint-Dizier,  144. 

459  Poincabé,  docteur  en  médecine,  professeur  à  la  Faculté 

de  médecine,  9,  rue  de  Serre. 

460  PomsiQiroK,  avocat,  rue  de  la  Constitution,  5. 

461  Poibsiqkok  (Th.),  négociant,  rue  Saint- Jean,  41. 

462  Poisson,  conseiller  de  préfecture,  à  Lille. 

463  Poibson,  receveur  municipal  à  Nancy. 

464  Pomr-A-Mocssoir  (La  bibliothèque  de  la  Société  d'encoura- 

gement à  l'instruction  de). 

465  Ptrroir,  directeur  de  l'École  forestière. 

466  Rajibacd,  chef  du  cabinet  du  Ministre  de  l'instruction  pu- 

blique, place  de  l'Académie,  4. 

467  l&XAUBY,  ingénieur-conseil,  passage  Violet,  1,  à  Paris. 

468  Kxkabd  (René),  avocat,  rue  Saint-Dizier,  142. 

469  Sbwabd  (Paul),  négociant,  rue  Saint-Nicolas,  28. 

470  Eesaud  (Victor),  négociant,  rue  Saint-Dizier,  109. 
Kmattd  (abbé),  place  de  l'Académie,  11. 


230  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

MM. 

472  Rehaut,  médecin-major  au  4e  chasseurs  d'Afrique,  à  la  Ma- 

li oub  a,  près  Tunis. 

473  Rey  (Auguste),  faubourg  Stanislas,  47. 

474  Richard,  instituteur  adjoint,  à  Lunéville. 

475  Rinck  (Félix),  négociant,  faubourg  Saint- Jean,  2. 

476  Riston  (fils),  étudiant  en  droit,  à  Malzéville. 

477  Riston,  maître  élémentaire  au  Lycée. 

478  Robert  (des),  propriétaire,  rue  Isabey,  41. 

479  Robert  (Maurice  des),  propriétaire,  rue  de  Rigny,  6. 

480  Robert,  rue  Pichon,  3. 

481  Rochefort  (Jean-Baptiste),  fabricant  de  broderies,  à  Ger- 

béviller. 

482  Rogé,  maître  de  forges,  à  Pont- à-Mousson. 

483  Roqbr  (Elias),  négociant,  rue  des  Dominicains,  3. 

484  Roussel,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  59. 

485  Roussel,  ancien  professeur  à  l'Ecole  forestière,  rue  de  la 

Ravinelle,  11, 

486  Roussel,  secrétaire  général  de  la  mairie. 

487  Rousselot,  négociant,  rue  Saint- Nicolas,  55. 

488  Roville  (Auguste),  maire  de  Gcrbévillcr. 

489  Royer,  litbograpbe,  rue  de  la  Salpêtrière,  1. 

490  Saint-Joiee,  avocat,  rue  Saint-Dizier,  25. 

491  Saint-Martin,  comptable,  rue  de  Strasbourg,  34. 

492  Saint- Vincent  (baron  de),  président  honoraire,  rue  Maza- 

gran, 7. 

493  Sadler  (Mmc),  rue  de  Serre,  15. 

494  Sadoul,  avocat  général,  rue  Saint-Dizier,  114. 

495  Salmon  (Ernest),  négociant,  rue  de  la  Hache,  11. 

496  Sanson  (MUe),   institutrice  adjointe  à  l'École  normale  de 

filles. 

497  Sohill,  rentier,  rue  Montesquieu,  19. 

498  Schmidt,  pasteur,  place  £?aint-Jean,  2. 

499  Schneider  (Alfred),  négociant,  rue  Montesquieu,  8. 

500  Schott,  négociant,  rue  de  Metz,  54. 

501  Schott  (Edmond),  négociant,  Grande-Rue,  11. 

502  Schwbningbr,  hôtel  de  l'Europe. 

503  Seners,  propriétaire  à  Mazéville. 


m 

SOCIÉTÉ-MÈRE.  231 

MM. 

504  Sbfulchbb  (Victor),  consul  de  Belgique,  à  Maxéville. 

505  Sicaed,  tailleur,  maison  Mathis,  place  Stanislas,  5. 

506  Sldrot,  adjoint  au  maire  de  Nancy,  rue  de  Metz,  13. 

507  Sucette  aîné,  ancien  adjoint,  rue  de  Strasbourg,  5  bis. 

508  Simom-Favieb  (Mme),  1,  rue  Saint-Dizier. 

509  Simoe  (Léon),  juge  au  Tribunal  de  commerce,  rue  de  la 

Kavinelle,  29. 

510  Simonin-Roussel,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  77. 

511  Sogmet,  docteur  en  médecine,  à  Liverdun.  ' 

512  Son  bel  (Jules),  négociant,  rue  Braconnot,  15. 

513  SrrLLEB,  directeur  de  la  New-York,  rue  Saint-Dizier,  74. 

514  Spixmaen,  docteur,  agrégé  à  la  Faculté  de  médecine,  rue 

des  Carmes,  40. 

515  Spibe,  négociant,  rue  d'Alliance,  10. 

516  Stbinmetz,  ancien  commissaire-priseur,  rue  de  Metz. 

517  Stebne,  juge  au  Tribunal  de  commerce,  rue  Stanislas,  50. 

518  Stheme,  ancien   conservateur   des   forêts,  place   Stanis- 

las, 2. 

519  Stbeifp,  juge  au  Tribunal  de  commerce,  rue  de  la  Visita- 

tion, 12. 

520  Tabellion,  directeur  de  l'École  professionnelle  de  l'Est,  rue 

des  Jardiniers. 

521  Tac  ail,  capitaine  en  retraite,  rue  de  Strasbourg,  51. 

522  Tbbtevin,  ingénieur  des  manufactures  de  l'Etat,  rue  Saint- 

Dizier,  138. 

523  Thiébaut  (Camille),  rentier,  rue  de  la  Source,  9  bis. 

524  Thiébaut    (Léopold),   inspecteur    d'assurances,  faubourg 

Stanislas,  29  bis. 

525  Thxebby-Bonneville,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  44. 

526  Thibt,  négociant,  faubourg  Saint-Georges,  22. 

527  Thomas,  compositeur  de  musique,  rue  des  Dominicains,  28. 

528  Thomas,  instituteur  à  Jezainville. 

529  Thouvbhiw,  professeur  au  Lycée,  rue  Saint-Dizier,  125. 

530  Tobvelieb,  négociant,  place  du  Marché,  10. 

531  Toubdes  (docteur),  doyen  de  la  Faculté  de  médecine,  fau- 

bourg Stanislas,  2. 

532  Toubtbl,  ancien  notaire,  rue  de  Metz,  46  bis. 


232  LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES. 

MM. 

533  Toubtel,  inspecteur  d'assurances,  chemin  de  la  Foncotte, 

13. 

534  Tranchant,  pharmacien,  rue  de  Strasbourg,  20. 

535  Tbélis,  directeur  de  l'usine  à  gaz  de  Pont-à-Mousson. 

536  Vautrin,  architecte,  rue  de-la  Salpêtrière,  4. 

537  Vérone,  ancien  notaire,  rue  de  Strasbourg,  165. 

538  Viansson,  percepteur,  rue  de  la  Ravin  elle,  27. 

539  Vidaet  (M11*),  institutrice,  rue  des  Quatre-Eglises,  4. 

540  Vignot,  lieutenant  de  vaisseau,  à  Toulon. 

541  Villes,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  rue  de  la 

Monnaie,  4. 

542  Vincent,  facteur  de  la  Criée,  place  du  Marché. 

543  Vivenot  (Edouard),  industriel,  rue  Bailly,  8. 

544  Voignier,  fabricant,  rue  Montesquieu. 

545  Voïnibr  (Gustave),  fabricant,  rue  des  Tiercelins,  34. 

546  Volland,  maire  de  Nancy,  rue  de  la  Ravinelle,  20. 

547  Volmeranqe,  ingénieur  en  chef  en  retraite,  rue  de  la  Com- 

manderie,  11. 

548  Vouaux,  professeur  au  Lycée,  rue  d'Àmerval,  12. 

549  Weille,  négociant,  rue  des  Fabriques,  8. 

550  Weilleb,  négociant,  avenue  de  la  Garenne,  2  bis. 

551  Weilleb  (Louis),  marchand  de  meubles,  rue  Saint-Thié- 

baut,  12. 

552  Weissandt,  employé  de  la  maison  de  Langenhagen  et  Hepp, 

rue  de  Strasbourg,  83. 

553  Weissembubgeb  (Georges),  industriel,  rue  des  Fabriques,  2. 

554  Weissembubgeb  (Edmond),  industriel,  au  Charmois. 

555  Weissenthanneb,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  133. 

556  'vVolfboh,  négociant,  rue  Saint-Dizier,  117. 

557  Wubsthobn,  pâtissier,  rue  Saint-Dizier,  79. 

558  Xabdel,  président  de  la  Chambre  de  commerce,  à  Malsé- 

ville. 

559  Xabdel  fils  (René -François),  industriel,  à  Malzéville. 

560  Xavier  (Antoine),  maître  d'hôtel,  rue  Saint-Dizier,  82. 

561  Zeller,  directeur  des  usines  de  Val-et-Châtillon. 

562  Zimmebmann  (Emile),  entrepreneur  de  serrurerie,  148,  rue 

Saint-Dizier. 


2«  SECTION  VOSGIENNE 


BUREAU  ET  COMITÉ  D'ADMINISTRATION 

Gaucxleb  (0  $fe),  directeur  des  chemins  de  fer  de  l'Etat, 

6,  rue  Gay-Lussac,  à  Paris,  président  honoraire; 
Lib  Moyke  (O  #,  A  y),  directeur  des  postes  et  télégraphes, 

président; 
Gx.btx  (A  M),  professeur  en  retraite,  vice-président  ; 
Gaziy,  avocat,  docteur  en  droit,  êeerétaire; 
Lkkbuht  (lu),  ancien  professeur,  trésorier; 
JLrKCOMTE  (I  U),  ancien  professeur,  bibliothécaire. 
Bah.lt  (Dr),  maire  de  Bains  ; 
Fi oki on  (&,  A  U),  président  du  Tribunal  de  commerce,  à 

Epinal  ; 
FoxrsKiBB  [Dr]  (A  y),  à  Rambcrvillers  ; 
Gakxibb  (I  y),  conducteur  des  ponts  et  chaussées; 
Grajllet(A  y),  directeur  de  l'École  normale  de  Mirecourt; 
Hau-lant,  avoué,  docteur  en   droit,  secrétaire   adjoint ,  à 

Spinal  ; 
Huot  ^Jfc,  ancien  maire  d 'Epinal  ; 
Liétard  (Dr)  *,  à  Plombières; 
Takaht  ($£,  A  y),  conseiller  général. 


•>Ko^ 


MEMBRES  FONDATEURS. 

Gattcklkb  (0  #),  directeur  des  chemins  de  fer  de  l'Etat, 

18,  rue  Gay-Lussac,  à  Paris. 
Hix.aixb  (Louis),  conseiller  municipal,  à  Rambervillers. 
Jkawdldieb,  notaire,  à  Epinal. 
'LiTrma,  conseiller  général,  à  Moussey. 
Stbbh,  au  buffet  de  la  gare,  à  Epinal. 

MEMBRES  SOUSCRIPTEURS 

1883 
SOI. 

-,  ancien  architecte,  à  Epinal. 


234        LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SECTION  VOSGIENNE. 
MM. 

2  Aifos,  manufacturier,  à  La  Neuveville-lès-Raon  (Raon- 

l'Étape). 

3  Anckl  (A  y),  docteur-médecin,  à  Epinal. 

4  André  fils,  à  Bruyères. 

5  Antoine  (Paul),  industriel  à  Vecoux,  par  Remiremont. 

6  Antoine  (Prosper),  agent  voyer  chef  en  retraite,  à  Saint-  ' 

Dié. 

7  Appuhn,  industriel,  à  Remiremont. 

8  Ast  (J.)  fils,  manufacturier,  à  Gérardmer. 

9  Aubht  (Auguste),  négociant,  à  Arches. 

10  Aubry-Deleau,  président  du  Tribunal  de  commerce,  à  Mi- 

recourt. 

11  Atlies,  rédacteur  en  chef  du  Mémorial  des  Vosges,  à  Epinal.  , 

12  Bailly,  docteur-médecin,  maire  de  Bains. 

13  Bajolot,  entrepreneur,  à  Epinal. 

14  Ballon,  pharmacien,  à  Epinal. 

15  Bastien,  peintre,  à  Mirecourt. 

16  Beubnel,  percepteur,  à  Do  celles. 

17  Blaise,  instituteur,  à  Chevry-Taintrux  (par  Saint-Dié). 

18  Blaise-Geobgbl  fils,  négociant,  à  Saint-Dié. 

19  Blancheville,  fondé  de  pouvoirs  à  la  trésorerie  générale,  à 

Epinal. 

20  Bled  (GuBtave),  directeur  de  papeterie,  à  Arches. 

21  Bled  (Victor),  agent  d'assurances,  à  Epinal. 

22  Bœqnee  ($<,  A  y),  préfet  des  Vosges. 

23  Boulay  $<,  président  du  tribunal  civil  d'Épinal. 

24  Bourgeois  (Alfred),  boursier  d'agrégation,  rue  des  Char- 

treux, 4,  à  Paris. 

25  Boubion  (Henry),  propriétaire,  à  Rambervi  11ers. 

26  Bourbon  (A  y),  inspecteur  primaire,  à  Remiremont. 

27  Botjtin   ^fc,  directeur  général  des  contributions  directes, 

174,  rue  de  Rivoli,  à  Paris. 

28  Bretagne,  contrôleur  principal  des  contributions  directes, 

à  Epinal. 

29  Brodiez,  professeur  de  rhétorique  au  collège,  à  Remiremont. 

30  Brou  aux,  notaire,  à  Epinal. 

31  Busy,  imprimeur,  à  Epinal. 


LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SECTION  VOSGIENNE.        235 

MM. 

32  Chatbl  aîné  (A  U),  industriel,  à  Epinal. 

33  Chbvbettx,  archiviste  du  département  des  Vosges,  à  Epinal. 

34  Christophe,  ancien  notaire,  à  Epinal. 

35  Colin,  aide-major  de  lrc  classe  à  l'état-major  de  l' artillerie, 

à  Tunis. 

36  Coehot  fils,  entrepreneur,  à  Epinal* 

37  Courcibb  %,  percepteur,  à  Besançon,  16,  rue  Morand. 
33  Cbrvoisibb  (de),  percepteur,  à  Girecourt. 

39  Cuht,  instituteur,  à  Raon -l'Etape. 

40  D alsace,  inspecteur  des  forêts,  à  Epinal. 

41  Danocy,  employé  des  contributions  directes,  à  Epinal. 

42  Dattmas,  secrétaire  en  chef  de  la  mairie,  à  Epinal. 

43  David,  percepteur,  à  Châtel. 

44  Defrain,  agent  voyer,  à  Rambervillers. 

45  De  latte  (Jules),  employé  des  postes,  à  Epinal. 

46  De  xi  s,  professeur  de  sciences  naturelles  au  collège,  à  Re- 

miremont. 

47  Dekyb,  président  du  Tribunal  civil,  à  Mirecourt. 

48  Didou,  facteur  en  broderies,  à  Châtel. 

9 

49  Diimeb,  notaire,  à  Epinal. 

50  Dieteblen  (Jules),  à  l'usine  de  Thaon. 

51  Doxdain,  meunier,  à  Jarménil  (Vosges). 

52  Doeobt,  conseiller  général,  industriel  à  la  Longine,  par 

Faucogney  (Haute-Saône). 

53  Dbouin,  agent  voyer,  à  Châtel. 

54  Duïats,  gérant  de  la  Gazette  vosgienne,  à  Saint-Dié. 

55  Durand  (Emile)  $fc,  libraire,  à  Epinal. 

56  Bueasd  (Jules),  professeur  de  seconde  au  collège,  à  Epinal. 

57  Dtjbajtd  (Lucien),  agrégé,  professeur  de  mathématiques  au 

lycée  de  Belfort. 
53     Ejlsst,  avoué,  à  Saint-Dié. 

59  Febbt  (Albert),  député,  à  Saint-Dié. 

60  Febbt  (Charles),  avoué,  à  Saint-Dié.  . 

61  Flobiow  ($fc,  A  tf),  président  du  Tribunal  de  commerce,  à 

Epinal. 

62  Focquet,  ancien  avoué,  à  Epinal. 

63  ForwAXT,  banquier,  à  Epinal. 


236         LISTE  DES  MEMBBES  DE  LA.  SECTION  VOS0IENNE, 

MM. 

64  Fournies  [Alban]  (À  y),  docteur- médecin,  à  Rambervillcrc, 

65  Fricotel,  imprimeur,  à  Épinal. 

66  Fbiesenhauseb,  officier  au  132e  de  ligne,  à  Reims. 

67  Frœbeisen,  libraire,  à  Épinal. 

68  Gabé  $*,  conservateur  des  forêts,  à  Epinal. 

69  Gaillot  >jfe ,  capitaine  en  retraite,  à  Épinal. 

70  Ganter  (A  yO,  juge,  à  Épinal. 

71  Garnies  (I  y),  conducteur,  chef  des  bureaux  de  l'ing& 

nieur  en  chef,  à  Épinal. 

72  Garreau,  banquier,  à  Épinal. 

73  Gazin  (Edgard),  avocat,  docteur  en  droit,  à  Epinal. 

74  Gêna  y,  architecte,  à  Épinal. 

75  Gentil,  à  l'usine  de  M.  Âst,  à  Gérardmer. 

76  Geobqeot,  avocat,  rédacteur  en  chef  de  Y  Industriel  voêgû^ 

à  Remiremont. 

77  Gérard,  principal  du  «collège,  à  Vitry-le-François. 

78  Gillet,  docteur-médecin,  à  Lamarche. 

79  Gley  (A  y),  professeur  en  retraite,  à  Épinal. 

80  Graillet  (A  M),  agrégé,  directeur  de  l'École  normale,  i 

Mirecourt. 

81  Grandeubt,  géomètre,  à  Épinal. 

82  Greuell,  docteur-médecin,  à  Gérardmer. 

83  Grillon  0  $*,  licutenant-colone  du  génie,  au  ministère  de 

la  guerre,  25,  rue  des  Saints-Pères,  à  Paris. 

84  Grisouard,  commis  principal  au  télégraphe,  à  ÉpinaL 

85  Guélot  $$,  chef  de  bataillon  au  10e  bataillon  de  chassera 

à  pied,  à  Saint-Dié. 

86  Guyon,  docteur  en  médecine,  à  Remiremont 

87  Guyot,  libraire,  conseiller  municipal,  à  Remiremont. 

88  Hafpner,  tanneur,  à  Épinal. 

89  Haillant,  avoué,  docteur  en  droit,  à  Épinal. 

90  Hartmann  (Michel),  industriel,  à  Épinal. 

91  Haudebout  (A  <yr),  professeur  au  collège,  à  EpinaL 

92  Henry  (Félix),  ingénieur  civil,  à  Épinal. 

93  Hepf,  employé  des  contributions  directes,  à  Épinal. 

94  Hovasse,  professeur  de  littérature  et  d'histoire  au  lycée  <fc 

Pontivy  (Morbihan). 


LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SECTION  VOS01ENNE.        237 

MM. 

95  Htra-VABHiEB,  secrétaire  de  la  Ligue  de  renseignement,  à 

Neufchâteau. 

96  Humbel  $fc,  ancien  capitaine  adjudant- major  de  chasseurs 

à  pied,  industriel  à  Éloyes. 

97  Hubsox  (Edouard),  surnuméraire  percepteur  à  la  trésorerie, 
!  à  Épinal. 

98  Huot  j$,  ancien  maire,  a  Épinal. 

99  Jacottê,  employé  à  la  trésorerie  générale,  à  Épinal. 

300    Jacquot,  instituteur  à  Senaide,  par  Bourbonne-les-Bains. 
101    Jaktel,  employé  à  la  trésorerie  générale,  à  Épinal. 
103    Jiabdix,  professeur  au  collège,  à  Épinal. 

103  Jsahpikbbb,  juge  au  tribunal  civil,  à  Épinal. 

104  Kxllebmànw,  percepteur,  à  Châtel. 

105  Kibjtsb  [Christian]  (#,Ay),  industriel,  sénateur,  à  Épinal. 
'  106   Kiexxb  (Roger),  industriel,  à  Épinal. 

107  Kippeubt,  propriétaire,  à  Épinal. 

108  Kleix,  lithographe,  à  Épinal. 

;  109  Lababbe,  agent  voyer,  à  Neufchâteau. 

110  Lambert,   ancien   entrepreneur,   conseiller  municipal,    à 

Epinal. 

111  Lambbbt  [Ernest]  (% ,Ày),  conseiller  général, à Ch&tenois. 

112  Lapicque,  vétérinaire,  à  Epinal. 

113  Laedibr,  docteur-médecin,  à  Bambervillers. 
i 114   Lave,  censeur  au  lycée,  à  Charle ville. 

115  Lebrubt  (I   y),  ancien  professeur  de  mathématiques  au 

coDège,  à  Épinal. 

116  Lecomte  (I  U),  bibliothécaire  de  la  ville  d' Epinal. 

117  Leqbas,  docteur-médecin,  à  Dompaire. 

118  Le  Moyhe  (O  $js,  A  tf),  directeur  des  postes  et  télégraphes, 
I  à  ÉpinaL 

i  119    Léon abd  (Paul),  représentant  de  commerce,  k  Plainfaing 
(Vosges). 

120  Lifaoe  (Charles),  négociant,  rue  de  la  gare,  à  Épinal. 

121  LUiabd  $j{,  docteur-médecin,  à  Plombières. 

122  Loppiuet,  inspecteur  adjoint  des  forêts,  à  Épinal. 

i  123   Lotez  (A  y),  directeur  de  l'école  annexe  à  l'École  nor 
maie,  à  Vesoul. 


238       LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SECTION  VOSOIENNE. 

MM. 

124  Lttng  (Gustave),  banquier,  à  Saint-Dié. 

125  Macbon,  architecte,  à  Èpinal. 

126  Magbon,  instituteur  à  La  Bolle  (Saint-Dié). 

127  Marc  h  al  (Jules),  filateur,  à  Saint-Dié. 

128  Marion  (Louis),  étudiant,  place  de  la  Bourse,  à  Epinal. 

129  Marqfoy  $(,  trésorier-payeur  général,  à  Epinal. 

1 30  Martin,  instituteur,  à  Dommartin-lès-ïtemiremont  (VosgesV 

131  Mathieu  (Emile),  fabricant  d'huile,  à  Epinal. 

132  Mathis,  conseiller  général,  à  Ville-sur-Illon. 

133  Macd'heux  (Ay),  avocat,  docteur  en  droit,  à  Epinal. 

134  Michaud,  inspecteur  des  forêts,  à  Bemiremont. 

135  Missenard,  professeur  d'histoire  au  collège,  a  Epinal. 

136  Moinel  (A  y),  propriétaire,  à  Epinal. 

137  Mo  lard,  ancien  notaire,  à  Epinal. 

138  Morand  (0  $fc),  capitaine  en  retraite,  à  Gérardmer. 

139  Mouqeot  (Emile),  agent  d'assurances,  à  Epinal. 

140  Mouillet,  employé  de  la  trésorerie,  à  Epinal. 

141  Muller,  notaire,  à  Rambervillers. 

142  Noël  (I  y),  inspecteur  primaire,  à  Epinal. 

143  Paris ot,  inspecteur  adjoint  des  forêts,  à  Bemiremont. 

144  Payonne,  ancien  notaire,  à  Mirecourt. 

145  Payonne  (Pol),  avocat,  à  Epinal. 

146  Payrou,  ancien  notaire,  à  Epinal. 

147  Pernet,  docteur-médecin,  à  Rambervillers. 

148  Pernot,  propriétaire,  adjoint  au  maire,  à  Epinal. 

149  Perrin,  président  de  la  Ligue  de  renseignement,  à  Neuf- 

château. 

150  Perrin  (Ferdinand),  propriétaire,  à  Amerey  (Xertigny). 

151  Perrout,  avoué,  à  Epinal. 

152  Petot  (Léon),  vérificateur  de  l'enregistrement,  à  Epinal. 

153  Peyrou,  libraire,  à  Epinal. 

154  Pierrat,  garde-mine,  à  Epinal. 

155  Ponlevoy  (de)  >fc,  député,  rue  Las-Cases,  23,  à  Paris. 

156  Poulet  (Auguste),  inspecteur  de  la  Nationale,  141,  rue  de 

Paris,  à  Saint-Mandé  (Seine). 

157  Quignon,  économe  du  collège,'  à  Epinal. 

158  &aclot,  percepteur  à  Maucourt,  par  Étain  (Meuse). 


LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SECTION  VOSGIENNE.        239 

MM. 

|  159  Ratoux,  aspirant  de  marine,  chez  M.  Ravoux,  comptable,  à 

Remiremont. 

[160  Rbsblbb,  propriétaire,  adjoint  an  maire,  à  Saint-Dié. 

[161  Rshaud  (Benjamin),  entrepreneur,  à  Épinal. 

162  Rehbl,  inspecteur  du  matériel  du  chemin  de  fer  de  l'Est,  à 

Epinal. 

163  Richabd,  chef  de  division  à  la  préfecture,  à  Epinal. 

1 164  Roteb,  constructeur-mécanicien,  à  Epinal. 

I  m 

1 165  Schwab  (Albert),  négociant,  à  Epinal. 

- 166  Schwab  (Edmond),  négociant,  à  Epinal. 

1 167  Schwab  (Elie),  négociant,  à  Epinal. 

1.168  Serqkrt  (A  y),  avocat,  à  Epinal. 

169  Sibow,  entrepreneur,  à  Épinal. 

1 170  Simon,  ingénieur,  chef  de  section  aux  chemins  de  fer  serbes 
|  à  Chupria  (Serbie). 

|  171  Sobtao,  chef  de  division  à  la  préfecture,  à  Epinal. 

;  172  Tahajtt  ($? ,  Ay),  juge  de  paix,  conseiller  général,  à  Epinal. 

!  173  Thkxot,  adjoint  du  génie,  à  Epinal. 

,  174  Thiot,  conducteur  des  ponts  et  chaussées,  à  Epinal. 

:  175  Thomassik,  agent  voyer,  à  Epinal. 

\  176  Thouybhin,  architecte,  à  Hozel  (Epinal). 

;  177  Thoutbkot,  président  du  conseil  de  prud'hommes,  à  Epinal. 

■  178  Thoux  $fc,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  à  Epinal. 

j 179  Tusibb,  docteur  en  médecine,  à  Remiremont. 

i  180  TaoYOH,  instituteur,  à  Saint-Etienne  (Remiremont). 

[  181  Trompbtte-Pbtitjïah,  négociant,  à  Châtel. 

182  Tschbk,  à  l'usine,  à  Thaon. 

183  Vallob  (Adolphe),  propriétaire,  à  Châtel. 

184  Vatih,  sous-préfet  de  Douai. 

185  Vblib  père,  ancien  manufacturier,  à  Rambervillers. 

186  Vklih  (Armand),  manufacturier,  à  Rambervillers. 

187  Vblijc  (Henri),  manufacturier,  à  Rambervillers. 

188  Vilib  (Charles),  ex-garde  général,  à  Saulxures-sur-Mosc- 

lotte. 

189  Vial,  conducteur  des  ponts  et  chaussées,  à  Remiremont. 

190  Yillbmik,  inspecteur  des  postes,  à  Epinal. 

191  ViBCBBT  (Aimé),  manufacturier,  à  Moyenmoutier. 


240        LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SECTION  MEUSIENNE. 

MM. 

192  Vibte,  instituteur,  à  Arches  (Vosges). 

193  Winteb,  receveur-buraliste,  au  Thillot. 


3°  SECTION  MEUSIENNE 

BUREAU  ET  COMITÉ  D'ADMINISTRATION 

MM.  Deschamps  (Narcisse)  $< ,  membre  du  conseil  général,  main 
de  Lisle-en-Rigault,  président  ; 

Langboqnbt  #  (I  P  M),  inspecteur  d'académie,  à  Bar-le- 
Duc,  vice-président; 

Boknabblle,  directeur  d'imprimerie,  à  Bar-le-Duc,  1er  secré- 
taire ;  ' 

Léohaudel,  instituteur,  à  Bar-le-Duc,  2*  secrétaire; 

Naubix,  commis  principal  à  la  préfecture  de  la  Meuse,  tré- 
sorier; 

Rohfort,  instituteur  public,  à  Bar-le-Duc,  bibliothécaire; 

Bala,  pharmacien  de  1™  classe,  maire  de  Bar-le-Duc  ; 

Brasseur  (Armand),  à  Bar-le-Duc  ; 

Chémery,  ancien  administrateur  de  l'hospice  civil  de  Bar-le- 
Duc  ; 

Collinet  (A  y),  agent  vover  principal  d'arrondissement,  à 
Bar-le-Duc  ; 

Gbosdidier  (René),  maître  de  forges,  à  Commercy  ; 

Laurent,  vétérinaire  départemental,  à  Bar-le-Duc  ; 

Pagbt,  chef  de  division  à  la  préfecture  de  la  Meuse  ; 

Poroherot  (I  P  y),  proviseur  du  lycée,  à  Bar-le-Duc; 

Sailliet  $j,  agent  voyer  en  chef  de  la  Meuse. 

MEMBRES  FONDATEURS 

MM.  Bradfer  (J.  B.),  maître  de  forges,  à  Nantois,  par  Ligny, 
Desohahps  (Narcisse)  $J  *,  président  de  la  Section; 
Deschamps  (Pol),  à  Trémont,  par  Bar-le-Duc  ; 
Freusd-Deschamps,  au  Vieux-Jeand'heurs,  par  Saudrupt, 

(»)  Fondateur  de  la  Société-Mére. 


LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA  SECTION  1IEUSIBNNE.         241 


MEMBRES   SOUSCRIPTEURS 

1883 


MM. 


1  Adamistbb,  ingénieur  du  canal  de  la  Marne  au  Rhin,  à  Bar- 

le-Duc. 

2  ÀDDETRT,  négociant,  à  Ligny-en-Barrois. 

3  Akcel,  instituteur  primaire,  à  Loisey. 

4  Jlkab  (Lucien),  à  Bar-le-Duc. 

5  Arnold,  négociant,  à  Stainville. 

6  Bala,  maire  de  Bar-le-Duc,  membj-e  du  Comité. 

7  Babbieb,  instituteur,  14,  rue  de  l'Ouest,  à  Paris. 

8  B abdel,  fondé  de  pouvoirs  de  la  banque  Y**  et  fils  Varin- 

Bernier,  à  Bar-le-Duc. 

9  Babdijt  $S  agriculteur,  à  Senard,  par  Triaucourt. 

10  Babdot  (Théophile),  maire  de  Velaines,  par  Ligny. 

11  Babthb,  représentant  de  commerce,  à  Bar-le-Duc. 

12  Belfobt,  conseiller  municipal,  entrepreneur,  à  Bar-le-Duc. 

13  Bsllot  (Alfred),  agent  voyer  hors  classe,  à  Bar-le-Duc. 

14  Bebtheleky  (Albert),  négociant,  à  Bar-le-Duc. 

15  Bebthelemy  (Félix),  rentier,  rue  de  la  Rochelle,  à  Bar-le-Duc. 

16  Bkuonot,  notaire,  à  Bar-le-Duc. 

17  Billet  (Nicolas-Narcisse),  huissier,  à  Bar-le-Duc. 

18  Bibteb,  fabricant  de  phosphates,  à  Revigny-aux- Vaches. 

19  Bogenbz,   commis  auxiliaire  à  l'inspection  académique,  à 

Bar-le-Duc. 

20  Bonvabblxb,  secrétaire  de  la  Section. 

21  Bowbefohd,  secrétaire  de  la  Caisse  départementale  des  incen- 

diés de  la  Meuse,  rue  de  Saint-Mihiel,  23,  à  Bar-le-Duc. 

22  Boullet,  docteur  en  médecine,  maire  de  Naives-devant-Bar. 

23  BfiADPEB  (Mmi  V*  Ernest),  rentière,  rue  de  la  Rochelle,  à 

Bar-le-Duc. 

24  Bbasseub  (Armand),  membre  du  Comité. 

25  Broquette,  ferblantier-lâmpiste-plombier,  à  Bar-le-Duc. 

26  Bubeau  0  *  (I P  y),  chef  de  bataillon  au  94*  régiment  d'in- 

fanterie, à  Verdun. 

27  Cahk  (Arthur),  agent  d'affaires,  à  Bar-le-Duc. 

28  Chapibok,  tanneur,  à  Bar-le-Duc. 

•oc  »■  oéoes.  —  1"  bt  2«  TunnciTSM  1889.  16 


342       LISTE  DES  ICEHBRSS  DE  LA.  SECTION  liEffSIBNlV. 

MM. 

29  Chaboy-Gébabd,  cultivateur,  à  Longevtlle-devant-Bar. 

30  Chabubl,  receveur  de   l'asile  d'aliénés  de  Fains,  à  Bar- 

le-Duc. 

31  Cheubey,  membre  du  Comité. 

32  Cloquexaix  fila,  manufacturier,  à  Bar-le-Duc. 

33  Collutst  (A  U)i  membre  du  Comité. 

34  Colliv-Guillauxb,  architecte,  à  Bar-le-Duc 

35  Coxnesson,  inspecteur  primaire,  à  Bonneville  (Savoie). 

36  Covtbhot,  négociant,  à  Stainville. 

37  Cobet  (Eugène),  manufacturier,  à  Bar-le-Duc. 

38  Couchot,  manufacturier,  à  Bar-le-Duc. 

39  Cuxivet,  maître  d'hôtel,  à  Ligny-en-Barrois. 

40  Damain  (Benjamin),  peintre,  à  Bar-le-Duc 

41  Dbbibs,  maître  répétiteur  au  lycée  de  Bar-le-Duc. 

42  Dbnnbby,  capitaine  adjudant-major  breveté,  au  94*  d'infan- 

terie, à  Bar-le-Duc, 

43  Dbvbllx  (Edmond),  député  de  la  Meuse,  préaident  da  la  So- 

ciété des  lettres,  sciences  et  arts  de  Bar-le-Duc. 

44  Don  Jean  (Gustave),  instituteur,  à  Haironville,  par  Saudrupt. 

45  Douillot,  instituteur,  à  Ancerville. 

46  Dbouot  (Hubert),  boulanger,  à  Bar-le-Duc. 

47  Enabd-Enabd,  négociant  en  vins,,  rue  Notre-Dame,  13,  à 

Bar-le-Duc. 

48  Ehrbt  (Victor),  brasseur,  à  Bar-le-Duc. 

49  Fbbbbtte,  géomètre -expert  à   Chardogne,  par  Condé-en- 

Barrois. 
■50  Fistib  (Camille),  inspecteur  de  l'enregistrement  et  des  do- 
maines, à  Bar-le-Duc. 

51  Flobevtin,  ancien  professeur,  rue  du  Four,  64,  à  Bar-le-Duc. 

52  François  (Edouard),  marchand  de  meubles,  à  Bar-le^Duc. 

53  Fbaxçois-Maxixe,  limonadier,  à  Bar-le-Duc. 

54  Ganieb,  instituteur,  à  Ville-en-Woëvre,  par  Manheullea. 

55  Gatox  (le  docteur),  conseiller  d'arrondissement,  à  Ancervilk. 
56*  Gbobos,.  instituteur,  à  Oëy,  par  Ligny-en-Barrois. 

57  Gettlipp,  manufacturier,  maire  de  Ligny-en-Barrois. 

58  Gillbt  (le  docteur),  membre  du  conseil  général,  maire  de 

Beauzée. 


LI5TB  DÇS  BCBMttBs  OT  LA.  SEGTlOft  MEUSIBNK*.        243 

MM. 

59  Gillot,  maire  de  Tannois,  pat  Bar-le-Duc. 
€0  Gibabd,  limonadier,  a  Bar-le-Duc. 

61  Goblet  (Albert),  marchand  de  meubles,  à  Bar-le-Duc. 

62  Goblet  (Louis),  marchand  dp  meubles,  à  Bar-le-Due, 

63  Gbatbbaux,  négociant,  à  Bar-le-Dnc. 

64  Gbosdidibr  (René),  membre  du  Comité. 

65  Gkrn>on  (le  docteur),  à  Stainville. 

66  Guillaume,  propriétaire,  à  Stainville. 

67  Guillaume  (Henri),  propriétaire,  à  Naives-devant-Bar. 

68  Guillbby,  instituteur  à  Neuville- en- Verdun  ois,  par  Pierrefitte. 

69  Gutot  (Léon),  adjoint  an  maire  de  Bar-le-Doc. 

70  Helbhe,  entrepreneur  des  travaux  de  la  prison,  à  Bar-le-Duc. 

71  Hofp  (Charles),  ferblantier-plombier-lampiste,  à  Bar-le-Duo. 

72  Hokhore  (Jules),  sénateur  de  la  Meuse*,  rue  de  Rivoli,  1,  à 

Paris. 

73  Houzelle,  instituteur  à  Breux,  par  Montmédy. 

74  Iqieb,  instituteur,  à  Vavincourt. 

75  Jacob,  archiviste  départemental,  conservateur  du  Musée,  à 

Bar-le-Duc. 

76  JsAvviir  fils,  négociant-entrepositaire  des  mines  d'Ansin,  à 

Bar-le-Duc. 

77  Jobabd,  comptable,  à  Bar-le-Duc. 

78  Jossb,  commis  des  postes,  rue  Manin,  75,  à  Paris. 

79  Joyeux,  notaire,  à  Triaucourt. 

80  Kaboher  (Léon),  brasseur,  à  Bar-le-Duo. 

81  Kohabski  (Wladimir),  conseiller  de  préfecture,  à  Bar-le-Duc. 

82  Laplottb,  libraire,  à  Bar-le-Duc. 

83  Lalxbmand  (Henri),  professeur  à  l'École  Rollin,  à  Bar-le- 

Duc. 

84  Lallbmbnt,  négociant  en  fromages,  à  Stainville. 

85  Lamabche,  entrepreneur  de  travaux  publics,  à  Tannois,  par 

Bar-le-Duc. 

86  Lahoe  (Gabriel),  limonadier  (Cercle  des  officiers),  à  Bar-le- 

Duc. 

87  Lahqboqnet  ^  (I P  y  ),  vice-président  de  la  Section. 

88  Labchbr,  adjoint  au  maire,  à  Érize- la-Brûlée,  par  Villotte. 

89  Laubbbt,  vétérinaire,  membre  du  Comité. 


244       LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA.  SECTION  MEUSIENNE. 
MM. 

90  Laurent-Poixcelet,  premier  adjoint  au  maire  de  Bar-le-Duc. 

91  Leblan  (Henri),  comptable  à  la  brasserie  K archer,  à  Bar-le- 

Duc. 

92  Lechaudel,  instituteur,  secrétaire  du  Comité. 

93  Lechaudel,  instituteur,  à  Ligny-en-Barrois. 

94  Lecoy  (Albert),  peintre,  à  Bar-le-Duc. 

95  Lemoine,  instituteur,  à  Beauzée. 

96  Lenoir,  chef  de  section  au  chemin  de  fer  de  l'Est,  à  Verdun. 

97  Le  se  u  re,  instituteur,  à  Châtillon-sous-les-Côtes,  par  Étain. 

98  Louis,  vétérinaire,  à  Gondrecourt-le-Château. 

99  Liouville  (le  docteur  Henry),  député  de  la  Meuse,  quai  Ma- 

laquais,  3,  à  Paris. 

100  Maqnier  (Alfred),  comptable  à  la  brasserie  Seyboth-Ehret, 

à  Bar-le-Dac.  * 

101  Mainot,  agent  voyer  principal  d'arrondissement,  à  Verdun. 

102  Mansuy,  instituteur  à  Louppy-le-Château,  par  Vaubecourt 

(Meuse). 

103  Mabchal,  rentier,  rue  Entre- deux-Ponts,  29,  à  Bar-le-Duc 

104  Mabguerie  (A  y),  professeur  au  lycée  de  Bar-le-Duc. 

105  Mathieu,  instituteur,  à  Tannois,  par  Bar-le-Duc. 

106  Maupoil  (Mne),  rentière,  rue  de  Bonnes,  121,  à  Paris. 

107  Maxr-Werly  (Léon)  [A  y],  membre  de  la  Société  des  anti- 

quaires de  France,  rue  de  Bennes,  61,  à  Paris. 

108  Mila  (Albert),  ancien  officier,  à  Saint-Mihiel. 

109  Monchot,  greffier  du  Tribunal  de  commerce,  à  Bar-le-Duc. 

110  Montablot  (Léon  de),  rédacteur  en  chef  de  Y  Indépendance 

de  l'Est,  à  Bar-le-Duc. 

111  Montaubéry,  ancien  rédacteur  en  chef  de  Y  Avenir   de  la 

Meuse,  à  Alençon  (Orne). 

112  Mouilleron,  artiste  peintre,  à  Bar-le-Duc. 

113  Munerbl  (Gustave),  juge  au  Tribunal  de  commerce,  entre- 

preneur, à  Bar-le-Duc. 

114  Naudin,  trésorier  de  la  Section. 

115  Olby  (Charles-Joseph),  rentier,  à  Bar-le-Duc. 

116  Paget,  membre  du  Comité. 

117  Paillot  (M116  ?oé),  institutrice,  à  Bar-le-Duc. 

118  Péchoin,  juge  de  paix,  à  Damey  (Vosges). 


LISTE  DES  MEMBRES  DE  LA,  SECTION  MEUSIENNE.       245 

m 

MM. 

119  Perso»  (le  docteur),  à  Bar-le-Duc. 

120  Petit-Bach,  maître  d'hôtel,  à  Bar-le-Duc. 

121  Philipona,  imprimeur-éditeur,  gérant  de  Y  Œuvre  SaM-Paul, 

à  Bar-le-Duc. 

122  Pierre,  chef  de  division  à  la  Préfecture  de  la  Meuse. 

123  Pierre  (A  y),  instituteur  en  retraite,  à  Aucerville. 

124  Pierrot,  propriétaire-gérant  du  Journal  de  Montmédy,  à  Mont- 

médy. 

125  Pikat-Pbtitjeaît,  négociant,  à  Ligny-en-Barrois. 

126  Pluchot  (Raymond),  cultivateur,  à  Vavincourt. 
126*  Poirsoh  (Louis)  fils,  limonadier,  à  Bar-lc-Duc. 

127  Pobcherot  (I  P  U»),  membre  du  Comité. 

128  Ragoh,  agent  voyer  central,  à  Bar-le-Duc. 

129  Ravsxst,  vétérinaire,  à  Commercy. 

130  Rekauld  (Albert),  docteur  en  droit,  avoué,  à  Bar-le-Duc. 

131  Ricbibr,  instituteur  public,  à  Bar-le-Duc. 

132  Roogy,  meunier,  à  Haironville,  par  Saudrupt. 

133  Rovfort,  bibliothécaire  du  Comité. 

134  Boter  (Charles),  architecte,  à  Bar-le-Duc. 

135  Sailliet  $fc,  membre  du  Comité. 

136  Sauce,  instituteur,  à  Sampigny. 

137  Saulnois  (Jules),  à  Sampigny. 

138  Saui,  instituteur  adjoint,  à  Gondrecourt-le-Château. 

139  Setboth  (Paul),  brasseur,  à  Bar-le-Duc. 

HO  Simok  (Théodore),  banquier,  à  Ligny-en-Barrois. 

141  Thiebaut,  commis  de  l'inspection  académique,  à  Bar-le-Duc. 

142  Thoma  (André),  boucher,  à  Bar-le-Duc. 

143  Toursaiht,  ancien  instituteur  à  Bar-le-Duc,  inspecteur  pri- 

maire, à  Arcis-sur-Aube. 

144  Tousbaixt-Hauck,  négociant,  à  Ligny-en-Barrois. 

145  Ulrich  (Albert),  manufacturier,  à  Bar-le-Duc. 

146  Ulrich  (Raymond),  manufacturier,  à  Bar-le-Duc. 

147  Varin  (Alfred),  rentier,  à  Bar-le-Duc. 

148  Varin  (Paul),  juge  au  Tribunal  de  commerce,  banquier,  à 

Bar-le-Duc. 

149  Varin ot  $<,  entrepreneur  de  travaux  publics,  à  TannoU,  par 

Bar-le-Duc. 


246     soerÉTÉs  et  publications  cobrbspondaktes. 
MM. 

160  Vaybub,  sous-chef  de  division  à  la  Préfecture  de  la  Meuse. 

151  Vxbhieb,  chef  de  section  au  chemin  de  fer  de  l'Est,  à  Bar- 

le-Dnc. 

152  Viabd,  directeur  des  fours  à  chaux  de  Tronville. 

158  Vi£Lsbs-Bb*thsliiit,  conseiller  municipal,  négociant,  à  Bar» 
le-Duc. 

164  Vit»y,  instituteur,  à  Montmédy. 

155  Tukg  (Marie),  caissier  de  la  banque  Y**  et  fils  Varin-Bernier, 

à  Bar-le-Doe. 

156  Babbieb  fils,  caissier  de  la  Caisse  d'épargne,  k  Ligny-ea- 

Barrois. 


4°  SOCIÉTÉS  ET  PUBLICATIONS  CORRESPONDANTES. 

1  Académie  de  Stanislas. 

2  Société  d'archéologie  lorraine. 
8     Club  alpin  (section  vosgienae). 

4  Société  des  sciences  de  Nancy. 

5  Société  d'émulation  des  Vosges. 

6  Société  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Bar-le-Duc, 

7  Société  philomathique  de  Saint-Dié. 

8  Société  de  géographie  de  Paris,  184,  boulevard  Saint-Ger- 

main. 

9  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris,  9,  rue  des 

Grands-Augustins. 

10  Société  de  géographie  de  Lyon,  25,  quai  de  Rets. 

11  Société  de  géographie  commerciale  de  Bordeaux,  siège  s  là 

Bourse. 

12  Société  de  géographie  de  Marseille. 

13  Société  languedocienne  de  géographie,  à  Montpellier. 

14  Société  normande  de  géographie,  à  Rouen. 

15  Société  de  géographie  de  Rochefort. 
J6  Union  géographique  du  Nord  (Douai). 
17  Société  de  géographie  de  Douai. 

J8  14.  d'Amiens. 

19  Id.  d'Arras. 


JÛCBfcTÉS  BT  PDBI*ICAT10NS  CORREaPONDâJf  TKft.       247 

20  Société  de  géographie  des  Ardennes  (Charleville). 
81  Id.  de  Béthune. 

23  Id.  de  Boulogne. 

23  Id.  de  Calais. 

24  Id.  de  Cambrai. 

25  Id.  de  Dukerque. 

26  Id.  de  Laon. 

27  Id.  de  Lille. 

28  Id.  de  8aint-Omcr. 

29  Id.  de  Saint-Qaeatin. 

30  Id.  de  Valenciennes. 

31  Id.  de  la  province  d'Oran. 

32  Id.  d'Alger. 

33  Id.  de  l'Ain  (Bourg). 

34  Id.  de  Toulouse. 

35  Société  nationale  de  topographie  pratique,  à  Paris. 

36  Société  bretonne  de  géographie,  à  Lorient. 

37  Société  de  géographie  commerciale,  à  Nantes. 

38  Société  académique  hispano-portugaise,  à  Toulouse. 

39  Société  académique  de  Brest  (section  de  géographie). 

40  Académie  des  sciences  et  belles-lettres  d'Angers. 

41  Société  archéologique  du  département  de  Constantine. 

42  Académie  d'Hippone,  à  Bône. 


44 

iew3  uts  gwgni 

Id. 

de  Brème. 

45 

Id. 

de  Francfort-sur-le-Mein. 

46 

Id. 

de  Hambourg. 

47 

Id. 

de  Halle. 

48 

Id. 

d'Iéna. 

49 

Id. 

de  Leipzig. 

60 

Id. 

de  Dresde. 

51 

Id. 

de  Mets. 

52 

Id. 

d'Anvers. 

53 

Id. 

de  Bruxelles. 

54 

Id. 

d'Amsterdam. 

55 

Id. 

de  Vienne. 

56 

Id. 

de  Lisbonne. 

57 

Id. 

de  Madrid. 

248        SOCIÉTÉS  ET  PUBLICATIONS  CORRESPONDANTES. 


58 
59 

60 
61 
62 
63 
64 
65 

es 

67 
68 
69 

70 
71 
72 
73 

74 

75 

76 

77 


Société  de  géographie  de  Rome. 

Id.  de  Berne. 

Id.  de  Genève. 

Id.  de  Saint-Gall. 

Id.  de  Bucharest. 

Id.  de  Québec. 

4  Id.  de  San-Francisco. 

Id.  de  Mexico. 

Institut  géographique  de  Buenos- Ayres. 
Association  philotechnique,  24,  rue  Serpente,  Paris. 
Société  suisse  de  topographie,  à  Genève. 
Le  Journal  des  Chambres  de  commerce,  22,  rue  de  Saint-Pé«| 

tersbourg,  à  Paris. 
Les  Missions  catholiques,  6,  rue  d'Auvergne,  à  Lyon. 
L'Exploration  (Rédaction),  35.  rue  de  Grenelle,  à  Paria, 
L'Esploratore  (Rédaction),  à  Milan. 
L'Exploration,  à  Naples. 
Cercle  des  anciens  étudiants  de  l'Institut  supérieur  du  Com- 


merce, à  Anvers. 


Club  africain,  à  Naples. 

Le  Nautical  Magazine,  Pewtress  et  C°,  15,  Great  Queen| 

Stret,  Londres. 
Société  de  géographie  de  Greifswald. 


M  ISCELLAN  É  ES 

(Suite.) 


LES   ILES    SALOMON 


Les  lies  Salomon,  situées  dans  l'archipel  do  Grand  Océan  équinoxial, 
en  MêJanésie,  offrent  un  vaste  champ  aux  explorateurs.  Les  princi- 
pales de  ces  lies  sont  :  Ansen,  Bougainville,  Santa-Isabella,  Choiseul, 
SaJalta,  San-Christoval,  Carte  re t ,  Guadalcanar.  Les  habitants  sont 
nègres  et  malais.  Un  officier  du  vaisseau  anglais  l' Alouette,  qui  a  passé 
hait  mois  dans  cet  archipel,  vient  d'adresser  d'Auckland  ùNouvelle-Zé- 
li%ie}au  Times  de  Londres  les  détails  suivants  sur  ces  terres,  voisines 
les  Nouvelles-Hébrides: 

<  Nous  avons  dans  le  groupe  des  Salomon  une  double  ligne  de  grandes 
lies  continentales  dont  les  côtes  sont  pour  la  plupart  imparfaitement 
tracées  sur  les  cartes  de  l'Amirauté  et  dont  l'intérieur  est  absolument 
inconnu.  La  surface  terrestre  actuelle  de  ces  lies  est  de  plus  du  double 
de  la  superficie  totale  des  Nouvelles-Hébrides.  11  y  a  un  obstacle  à  sur- 
soDler,  c'est  le  caractère  sauvage  et  l'hostilité  des  indigènes. 

«  Mon  bat  principal  étant  d'appeler  l'attention  sur  cet  archipel  impor- 
tait et  peu  connu,  permettez-moi  de  prendre  comme  exemple  l'Ile  de 
Guadalcanar,  une  des  plus  intéressantes  du  groupe.  Sa  longueur  est 
d'environ  quatre-vingts  milles  et  sa  largeur  moyenne  de  vingt-cinq 
milles.  Vers  son  extrémité  orientale,  elle  présente  de  hautes  masses  de 
montagnes  qui  atteignent,  au  mont  Laminas,  une  altitude  de  8,100  pieds 
an-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

«  A  l'exception  d'un  trafiquant  de  passage,  aucun  blanc  ne  réside  sur 
bcôte,  et  l'intérieur  de  l'Ile  est  tout  à  fait  inconnu,  même  aux  indigè- 
nes qui  occupent  les  régions  du  littoral.  Les  voyageurs  qui  passent 
devant  l'archipel  des  Salomon  ne  peuvent  manquer  d'être  frappés  de 
h  grandeur  du  paysage  que  présente  la  côte  sud-est  de  Guadalcanar. 
Vues  du  sud,  à  quelques  milles  du  rivage,  ses  hautes  montagnes  s'élè- 
vent les  unes  derrière  les  antres  et  leurs  sommets  se  perdent  dans  les 
Bvages. 

«  Chaque  variété  de  profil  de  montagne  est  représentée.  De  sombres 
forets  recouvrent  la  plus  grande  partie  de  l'Ile  ;  mats  des  trafiquants 
qnt  résident  dans  l'archipel  m'ont  appris  que,  près  de  l'extrémité  oc- 
cidentale, se  trouve  une  vaste  étendue  de  prairies.  Les  hautes  régions  de 


250  MISCELLANÉB8. 

l'intérieur  sont  probablement  inhabitées,  tandis  que  le  bas  de*  monta- 
gnes est  quélqne  peu  peuple  par  une  race  chétive,  incapable  de  se 
mesurer  avec  les  tribus  plus  robustes  et  plus  guerrières  de  la  côte. 
Une  Ile  telle  que  Ouadalcanar  offre  un  vaste  champ  aux  explorateurs. 
Je  ne  doute  pas  qu'âne  douzaine  d'hommes  déterminés  puissent  la 
traverser  dans  toute  sa  largeur  et  atteindre  ses  plus  hautes  cimes.  La 
botanique,  l'ethnologie,  la  géographie,  la  géologie,  la  météorologie  et  la 
zoologie  s'enrichiraient  à  la  suite  d'une  exploration  de  cette  grande  lier  ■ 


LES  ILES  DU  CAP-VERT 


M.  G.  Dœlter,  professeur  à  Gratz,  qui  vient  d'explorer  les  lies  du  Cap- 
Vert  et  de  dresser  une  carte  topographique  de  cet  archipel,  pense  que 
ces  lies  ne  doivent  pas  leur  formation  exclusivement  à  une  actinie 
volcanique  récente  ;  les  anciennes  roches,  gneiss,  ardoises,  etc.,  sur 
lesquelles  s'élèvent  des  masses  calcaires,  font  naître  l'idée  que  cet  ar- 
chipel est  plutôt  le  reste  d'un  ancien  continent  qui,  vraisemblablement 
s'étendait  fort  loin  le  long  de  la  côte  d'Afrique,  mais  dont  l'union  avec 
le  continent  africain  n'est  pas  certaine,  les  formations  calcaires  n'ayant 
pas  été  constatées,  è  cette  latitude,  le  long  de  la  côte  d'Afrique. 

(L'Afrique  explorée  et  civilisée») 


LA  NAVIGATION  ARABE  ET  INDIENNE  AU  XIV  SIÈCLE 


La  bibliothèque  royale  de  Berlin  possède  des  fragmente  d'un  manus- 
crit arabe  du  xive  siècle,  qui  contient  le  récit,  fait  par  un  témoin 
oculaire,  de  l'expédition  de  piraterie  du  roi  Pierre  Iw  de  Chypre  con- 
tre Alexandrie,  en  1365.  Ceux  qui  ont  parcouru  ce  document,  le 
donnent  comme  un  mélange  bizarre  de  recherches  sur  la  morale,  il 
polémique,  la  philologie,  et  aussi  d'histoire,  de  poésie,  de  voyages, 
etc.,  le  tout  entremêlé  de  détails  curieux  sur  l'état  de  la  navigation  à 
cette  époque,  aussi  bien  dans  la  Méditerranée  que  sur  les  côtes  de 
l'Arabie  et  de  l'Inde.  Ces  derniers  ont  été  récemment  reproduits  dans 
les  Nachrichten  de  la  Société  royale  hanovrienne  de  Ûôtiingen;  c'est 
à  cette  savante  publication  que  le  Nautical  Magazine  a  emprunté  les 
renseignements  dont  nous  donnons,  à  notre  tour,  la  traduction. 


LA  NAVIGATION  ARAB8  KT  INDIBNNB  AD  XIVe  SIÈCLE.   251 

* 

L'auteur,  que  Ton  croit  être  on  certain  Muhammsdibn  KAaim  Nuvairi 
al-Maliki,  après  avoir  raconté  que  les  bateaux  arabes  et  indiens  différent 
de  ceux  de  ia  Méditerranée  en  ce  que  leurs  bordages  sont  réunis  par 
des  fibres  de  noix  de  cocos  au  lien  de  clous  et  que  de  grandes  barques 
indiennes  portent  jusqu'à  sept  voiles  de  fibres  de  cocos,  substance  arec 
laquelle  on  fait  de  la  toile,  donne  ensuite  une  description  de  la  bous* 
soie.  Ce  passage  est  digne  d'être  rapporté,  en  rappelant  toutefois  que 
la  première  mention  de  la  boussole  qui  ait  été  faite  par  un  écrivain 
arabe,  remonte  à  Tannée  1242  et  que  Ton  doit  la  connaissance  de  ce 
fait  à  Klaproth. 

«  Os  prennent,  dit-il,  une  boite  en  bois  et  Us  y  placent  un  morceau 
del'éeorce  d'un  certain  arbre  connu  d'eux  (évidemment  du  liège),  sur 
lequel  ils  fixent  une  aiguille  dont  l'extrémité  coïncide  avec  le  bord  de 
l'éeorce.  Au  centre  est  une  épingle  fichée  debout,  de  telle  sorte  que  le 
morceau  d'écorce  semble  être  une  meule  (les  Arabes  se  servent  de 
meules  borisontaies)  dont  l'épingle  serait  Taxe.  La  boite  est  recouverte 
d'on  verre,  comme  on  le  fait  pour  les  clepsydres  ou  horloges  A  eau. 
L'aiguille  tourne  invariablement  sa  pointe  vers  le  Mord,  de  façon  que 
h  nuit,  quand  le  ciel  est  couvert,  le  capitaine  peut  diriger  sa  course 
«aune  il  veut,  vers  la  droite  ou  vers  la  gauche,  vers  le  pôle  ou  eu 
le&s  inverse.  »  Suivent  des  remarques  sur  les  connaissances  nécessai- 
res à  un  capitaine  de  navire,  les  constellations,  les  points  cardinaux  et 
les  rhumbs  de  vent:  le  Mord,  l'Est,  le  Snd  et  l'Ouest,  le  Mord-Est  et  le 
Sid-Est,  le  Nord-Ouest  et  le  Sud-Ouest,  le  grand  Ouest  et  le  petit 
Oaest,  le  grand  Est  et  le  petit  Est,  et  les  noms  populaires  sous  lesquels 
les  différents  vents  sont  connus  des  marins.  Le  Hadjl  rapporte  qu'en 
mettant  i  la  voile,  le  capitaine  et  les  matelots  font  une  prière  pour  être 
préservés  de  la  fureur  des  vagues.  Quand  un  bateau  indien  se  trouve 
dans  le  voisinage  d'un  cap,  un  matelot  se  rend  à  l'avant  avec  une  cru- 
che d'eau  et  fait  saldam  ('),  en  disant  :  «  0  cap,  le  maître  du  bateau 
kit  route  pour  tel  port,  sois  lui  favorable.  »  On  jette  ensuite  à  la  mer 
du  ris  cuit,  en  disant:  t  Reçois  ton  tribut,  6  terre!  .»  Quand  il  fait 
calme,  on  tue  une  poule  noire  ou  une  chèvre,  on  barbouille  de  sang 
le  pied  dn  mât  et  on  brûle  de  l'encens.  «  J'ai  vu,  une  fois,  un  marin 
frappant  Pair  avec  son  couteau  :  Je  tue  le  vent,  me  dit-il,  parce  qu'il  nous 
a  abandonnés.  »  Il  raconte  encore  l'anecdote  suivante  :  «  Une  fois,  nous 
sommes  restés  en  calme  toute  une  semaine,  la  mer  était  comme  de 
l'huile;  l'équipage  prit  alors  un  tonneau  vide,  le  remplit  d'un  échantil- 
lon de  tout  ee  qui  composait  la  cargaison,  le  munit  d'un  mit  et  d'une 
voile,  comme  un  navire,  et  fixa  une  chandelle  allumée  au  sommet  de  ce 


i1)  Salutation,  d'où  le  mot  français  «alomaZe*  (en  arabe  êalam  alaik,  saint  far  toi). 


252  MISCELLANÉE8. 

mât.  On  canot  fut  mis  à  la  mer,  remorqua  le  touneau  sept  fois  autour 
du  vaisseau,  puis  le  laissa  aller  à  la  dérive  derrière  le  bâtiment.  C'é- 
tait, me  disaient  les  matelots,  une  offrande  à  la  mer.  Le  tonneau  flotta 
jusqu'à  ce  que  le  vent,  venant  à  souffler,  souleva  des  vagues;  à  ce  mo- 
ment il  coula  à  fond.  »  Le  Hadji  rapporte  encore  que  chaque  bateau 
indien  embarque  plusieurs  plongeurs,  généralement  quatre,  dont  le 
métier  est  d'aveugler  les  voies  d'eau.  Ces  spécialistes  soignent  le  corps 
avec  de  l'huile  de  sésame  et  se  bouchent  les  narines  avec  de  la  cire; 
ainsi  équipés,  ils  nagent  le  long  du  navire,  comme  des  poissons,  ua 
peu  au-dessous  de  la  surface  de  l'eau,  quand  le  bateau  est  chargé. 
Chacun  d'eux  est  muni  d'une  corde  légère  qui  porte  deux  crochets  dont 
l'un  est  attaché  au  plongeur,  l'autre  au  flanc  du  navire.  Us  découvrent 
l'endroit  où  est  la  voie  d'eau  en  écoutant  le  bruit  que  fait  l'eau  en  en- 
trant dans  le  bâtiment,  et  la  bouchent  avec  des  branches  de  palmiers 
et  des  fibres  de  cocos.  Ils  peuvent  de  cette"  façon  aveugler  vingt  ou 
trente  voies  d'eau  en  un  jour  et  travaillent  aussi  bien  quand  il  fait  du 
vent  que  quand  il  fait  calme. 

  Calicut,  dit  plus  loin  notre  auteur,  il  y  a  de  grands  bâtiments  qui 
portent  à  Adcn  du  poivre  et  d'autres  marchandises  précieuses  et  se 
défendent  contre  les  pirates.  Ces  derniers  se  recrutent  chez  différentes 
nations  d'indiens  païens  et  sont  engagés  et  payés  par  des  chefs  pira- 
tes pour  courir  sus  aux  navires  marchands. 

Nous  arrêterons  là  nos  extraits  de  ce  manuscrit  qui  porte  le  cachet 
d'une  ancienneté  évidente  et  décrit  un  é(at  de  choses  absolument  oo- 
blié  aujourd'hui. 

C.  MlLLOT. 


NOUVELLES  GEOGRAPHIQUES 

{Suite.) 


EUROPE. 

De  la  statistique  annuelle  publiée  à  Gotha  sur  toutes  les  Sociétés  de 
géographie  do  monde,  il  résulte  que  la  France  tient  aujourd'hui  de 
beaucoup  le  premier  rang  dans  le  mouvement  géographique  universel 
avec  ses  20  Sociétés  de  géographie  comprenant  13,000  adhérents,  alors 
qire  l'Allemagne,  qui  compte  également  20  sociétés,  n'occupe  que  le 
3»  rang  avec  7,700  membres.  Puis  la  Grande-Bretagne  avec  3,300 adhé- 
rents, l'Italie  avec  1,500,  et  enfin  l'Autriche,  les  États-Unis,  la  Russie, 
la  Belgique  et  la  Hollande  variant  chacun  de  1,500  à  1,000. 

La  Société  de  géographie  de  TEst  occupe  eu  France  le  4e  rang  après 
la  Société  de  Paris  '2,228  membres),  l'Union  géographique  du  Nord 
aTec  12  sections  et  3,125  membres)  et  la  Société  de  Bordeaux  (avec 
7  sections  et  1,200  membres). 

Sur  67  Sociétés  que  compte  le  monde  entier,  la  Société  de  géo- 
graphie de  l'Est  occupe  le  8a  rang  par  le  nombre  de  ses  membres. 
Par  contre,  elle  est  Tune  des  dernières  au  point  de  vue  des  subventions 
locales  et  par  conséquent  Tune  des  moins  riches.  J.  V.  B. 

—  Le  9  juin,  a  été  inauguré,  au  cimetière  Sainte-Hélène,  à  Strasbourg, 
le  monument  élevé  à  la  mémoire  de  l'ingénieur  Béringer  qui,  il  y  a 
plus  de  deux  ans,  fut  massacré  par  les  Touareg  dans  le  Sahara.  Ce 
monument  se  compose  d'un  sarcophage,  en  télé  duquel  se  dresse  une 
stèle  funéraire,  portant  un  médaillon  en  bronze,  qui  reproduit  avec  une 
grande  ressemblance,  l'image  en  profil  du  défunt  et  l'inscription  sui- 
vante: 

A  la  mémoire  de 

G.  Emile  BERINGER 

Ingénieur,  Membre  de  la  Mission  Flatters 

Né  à  Strasbourg,  le  19  janvier  1840 
Tué  dans  le  Sahara,  le  17  février  1881 
Sa  famille,  ses  amis,  ses  concitoyens. 

La  stèle  et  le  sarcophage  sont  reliés  entre  eux  par  un  groupe 
d'attributs,  qui  constitue  la  partie  originale  du  monument.  Un  globe 
terrestre  tourne  vers  le  spectateur  l'hémisphère  qui  porte  l'Afrique, 
le  Sahara  est  en  partie  recouvert  d'un  voile  que  les  compagnons  de 


254  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Flatters  ont  cherché  à  soulever;  la  palme  du  martyre  qui  glt  i  côté 
du  globe  symbolise  l'issue  désastreuse  de  leur  entreprise  hardie. 

—  11  Tient  de  se  fonder  à  Bruxelles  une  Société  sous  le  titre  d'//ufi- 
tut  national  de  géographie,  dont  le  but  est  de  vulgariser  l'étude  de  la 
géographie  par  la  publication  de  cartes,  d'alias  et  d'ouvrages  nationaux. 
Le  directeur  scientifique  de  cet  établissement  sera  M.  le  capitaine 
d'état-major  Ghesquière,  l'auteur  des  cartes  murales  de  la  Bourse 
d'Anvers. 

—  C'est  le  Talisman  qui  sera  mis  cette  année  à  la  disposition  de  la 
commission  scientifique  du  Muséum  pour  les  études  sous-marines  et 
sondages  dans  l'Atlantique»  Ce  navire  partira  le  1er  juin  pour  explorer 
la  côte  occidentale  de  l'Afrique  jusqu'aux  lies  du  Cap-Vert.;  de  là  U  se 
rendra  dans  la  mer  des  Sargasses  ;  les  recherches  se  termineront  par 
une  station  aux  Açores. 

—  La  Société  royale  de  géographie  de  Londres  vieut  d'accorder  une 
de  ses  distinctions  au  R.  P.  Petitot,  missionnaire  (')  d'un  grand  mérite, 
qui  a  notablement  augmenté,  par  de  nombreux  voyages,  les  informa- 
tions de  la  science  sur  les  immenses  territoires  compris  entre  la  baie 
d'Hudson  et  l'Océan  Glacial.  Depuis  Francis  Garnier,  aucun  Français 
n'avait  reçu  de  prix  de  la  Société  de  géographie  de  Londres. 

M.  l'abbé  Petitot  appartient  à  l'ordre  des  Oblats  ;  nos  lecteurs  se  sou- 
viennent peut-être  qu'il  a  pris  une  part  active  au  Congrès  des  Ameri- 
can istes  à  iNancy  en  1875. 

Expédition  au  Groenland.  —  En  même  temps  que  NordenakjOld 
explorera  le  Groenland,  une  expédition  danoise,  commandée  par  les  lieu- 
tenants Holm  et  Garde,  de  la  marine  royale,  se  propose  de  visiter  toute 
la  côte  orientale  de  ce  pays,  encore  très  imparfaitement  connue,  et  d'en 
dresser  la  carte.  Ses  études  porteront  également  sur  l'étendue  et  la 
marche  des  grandes  masses  de  glace  dans  ces  parages.  Un  crédit  de 
50,000  couronnes  est  inscrit  au  budget  danois  pour  cette  exploration 
qui  durera  peut-être  plusieurs  années. 

Un  exemple  à  suivre.  —  11  a  été  fondé,  en  1880,  à  Bruxelles,  on 
Musée,  commercial,  inauguré  en  avril  1883  par  S.  M.  le  roi  des  Belges 
en  personne.  Ce  Musée  est  une  dépendance  du  ministère  des  affaires 
étrangères.  11  est  appelé  à  rendre  de  grandes  services  an  commerce 


(',  Dsni  rAtbabaekaw-Mackcnsie. 


A8IB.  '  255 

f exportation  en  faisant  connaître,  aux  industriels  et  aux  négociants, 
les  exigences  et  les  habitacles  des  pays  étrangers,  en  étalant  les 
eeiections  des  produits  que  ces  pays  consomment.  Ces  collections, 
divisées  en  44  groupes,  sont  installées  avec  beaucoup  de  soin 


ASIE. 

—  La  Civil  and  Militari  Gazette,  paraissant  dans  l'Inde,  publie  des 
ooovefies  de  l'explorateur  Dalgleich  qui,  au  mois  de  décembre  dernier, 
est  parti  de  l'Inde  anglaise  pour  se  rendre  à  Hascbgan  : 

Bans  on  premier  voyage  d'exploration,  M.  Dalgleich  a  parcouru  le 
Tarkestan  oriental  (depuis  que  la  Chine  a  reconquis  ce  pays)  et  il  a 
réussi  à  établir  des  relations  amicales  avec  les  fonctionnaires  chinois 
de  Tarkand.  M.  Dalgleich  ne  prend  d'autre  qualification  que  celle  d'ex- 
plorateur et  de  négociant  ;  toutefois,  pour  ce  secoud  Toyage,  le  gouver- 
nement  indien  a  touIu  profiter  de  son  intermédiaire  pour  envoyer  des 
messages  amicaux  et  des  cadeaux  aux  gouverneurs  des  villes  chinoises 
par  lesquelles  il  passera.  Les  dernières  nouvelles  reçues  de  lui  sont 
datées  de  Tarkand,  20  janvier.  Il  annonce  que  les  fonctionnaires  chinois 
commuent  à  lui  faire  on  accueil  favorable,  ce  qui  fait  bien  augurer  du 
iseeés  de  son  voyage  an  point  de  vue  commercial. 

Pendant  qu'il  se  rendait  à  Yarkand,  il  a  rencontré  un  négociant  russe 
qui  se  rendait  à  Khoten,  ville  commerciale  qui  prend  surtout  de  l'im- 
portance parce  qu'elle  est  située  snr  la  route  du  Thibet.  La  nouvelle 
b  plus  importante  reçue  de  M.  Dalgleich  est  incontestablement  celle 
d'après  laquelle  il  a  réussi  à  persuader  au  gouverneur  chinois  de  Yar- 
kaad  d'envoyer  des  troupes  à  Sirikul  pour  occuper  cette  ville  au  nom 
de  l'empire  du  Milieu,  afin  de  prévenir  la  mission  scientifique  russe 
qui  est  envoyée  dans  le  pays  de  Pamir;  cette  mission,  sans  doute,  ne 
manquerait  pas  de  pousser  jusqua  Sirikul  qui  est  une  position  stralé- 
giqne  importante  sur  la  ronte  reliant  Kaschgar  au  Badakshan  et  au 
Torkestan  afghan. 

•Le  colonel  Prjevalsky  va  repartir,  pour  le  Thibet  dans  dis  conditions 
pfes  avantageuses  que  tontes  les  précédentes.  Il  sera  accompagné  de 
Jâ  cosaques  et  muni  de  120,000  francs  pour  frais  de  vovage.  Le  point 
de  départ  de  cette  nouvelle  expédition  sera  probablement  le  Lob-Nor. 

—  Exploration  de  l'Amou-Daria.  —  Al.  l'ingénieur  Lessar,  qui  a 
causerait  le  chemin  de  fer  de  Itérât,  est  parti  à  la  tête  d'une  expédition 
ym  explorer  le  Ut  de  l'Amou-Daria  et  la  région  centrale  du  désert  de 
Kara-Koum,  eu  vue  de  construire  une  route  entre  Askabad  et  Bokhara. 


256  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Une  autre  expédition  est  partie  également  pour  explorer  l'ancien  lit  de 
l'Oxus  jusqu'à  la  mer  Caspienne  et  trancher  définitivement  la  question, 
toujours  controversée,  de  savoir  si  par  ce  lit  on  pent  établir  une  com- 
munication entre  la  mer  d'Aral  et  la  Caspienne. 

Nouvelles  routes  découvertes  grâce  à  la  rivalité  commerciale 
des  Russes  et  des  Anglais  en  Perse.  —  A  la  suite  des  progrès  de  ia 
Russie  dans  ia  région  transcaspienne,  de  la  nouvelle  route  de  Hérat, 
découverte  par  M.  Lessar,  et  de  l'extension  du  commerce  russe  en 
Perse,  l'Angleterre  est  obligée  de  rechercher  sérieusement,  dans  l'in- 
térieur de  ce  pays,  de  nouveaux  débouchés  et  de  nouvelles  voies 
commerciales.  De  l'aveu  des  Anglais  eux-mêmes,  les  marchandises 
russes  ont  paru  sur  les  marchés  situés  au  Sud  d'Ispahan.  Il  y  a  vingt 
ans,  les  Anglais  y  régnaient  eu  maîtres,  et  maintenant  les  Rosses 
dominent  les  bazars  de  Téhéran,  de  Tauris,  d'ispahan  et  de  S  duras, 

A  Hérat  et  dans  l'Afghanistan,  les  articles  russes  ne  rivalisent  pas  encore 
avec  les  marchandises  anglaises  ;  mais  tout  pourra  changer  de  face 
aussitôt  que  le  chemin  de  fer  transcapien  aura  été  prolongé  jusqu'à  la 

frontière  persane. 

Une  voie  ferrée  reliant  l'Angleterre  aux  Indes  en  traversant  la 
Russie  et  l'Afghanistan  ne  sourit  guère  aux  Anglais.  Il  leur  faut  une  voie 
qui  leur  appartienne  en  propre.  D'après  le  Nouveau  Temps,  ils  auraient 
trouvé  une  voie  fluviale  qui  les  mettrait  en  présence  des  commerçants 
russes  sur  les  marchés  méridionaux  de  la  Perse.  Cette  nouvelle  voie 
serait  celle  du  fleuve  de  Karoun,  qui  de  Mohal-Mer  à  Schouster  serait 
navigable  pour  les  bateaux  à  vapeur.  A  partir  de  Schouster,  la  route  des 
caravanes  est  bonne  jusqu'à  Ispahan  et  à  Sclriraz. 

Cette  découverte  a  été  aussitôt  signalée  à  la  Société  de  géographie 
de  Londres. 

Études  topographiques  russes  en  Asie-Mineure.  —  Le  gouverne- 
ment russe  fait  poursuivre,  sans  interruption,  les  études  topographiques 
de  toute  la  partie  de  l'Asie-Mineure  qui  s'étend  à  l'Est  de  l'Kuphrate. 
Les  opérations,  dit  YRastern  Express,  sont  conduites  sans  ostentation, 
mais  elles  n'en  sont  pas  moins  efficacement  poussées.  Les  agents 
chargés  de  faire  ces  éludes,  au  nombre  de  80  à  100,  reçoivent  les 
ordres  de  Tiflis.  Us  portent  le  fez  et  le  costume  du  pays  et  ne  font  pas 
usage  du  théodolite,  ni  d'instruments  à  arpenter  trop  volumineux,  mais 
ils  se  servent  seulement  d'instruments  de  poche,  tels  que  boussoles, 
baromètre  anéroïde,  etc.  Les  agents  chargés  des  études  sont  divisés  en 
trois  groupes,  qui  parcourent  successivement  le  même  terrain.  Le  pre- 
mier établit  la  position  géographique  des  villes,  villages  et  hameaux. 


le  hauteur  des  montagne»  et  des  oeflines,  et  la  direction  des  ririères; 
de  Ions  les  cours  d'eu,  des  routes  et  des  chemins.  Ce»  données  senr 
setées  sur  de  petites  feuille*  d'agenda,  et  lorsque  les  Modes  d'an» 
district  mut  complétées,  an  les  envoie  an  quartier  général  de  Mis, 
01  Ton  close  cet  données  et  Ton  dresse  ensuite  l'esquisse  d'one  cafte- 
do  pays.  Le  deuxième  groupe  parcourt  le  même  terrain,  cette  ébauche* 
ils  mata,  et  prépare  une  carte  exacte  et  complète.  Après  examen  de 
cette  carte,  à  Tifiis,  en  la  passe  au  troisième  groupe,  qui  explore  à  son- 
toar  la  localité  et  corrige  avec  soin  la  carte  dressée,  remplit  les  lacunes, 
etc.  Ces  opérations  sont  moins  rapides  et  plus  laborieuses  que  eeHes 
d'une  triangulation  ordinaire,  mais  le  résultat  est  de  placer,  entre  les 
aains  de  l'état-major  russe,  une  carte  qui,  sans  être  assez  détaillée 
ptar  servir  su  cadastre,  est  toutefois  asses  exacte  dans  ses  décaHs 
psar  servir  de  guide  aux  mouvements  de  forces  militaires  eteflHr  une 
base  aux  calcula  de  combinatsoas  stratégiques.       {LExpforation.) 


AFRIQUE. 

le  ministre  des  affaires  étrangères  a  reçu  de  Zanzibar,  le  l4r  mars, 
et  cstnmuiHqué  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  de  bonnes  nouvelles 
de  sos  explorateurs  dans  l'Afrique  orientale  :  MM.  Révoll  et  renseigne 
detaissem  Gfiraott,  ainsi  que  de  M.  Bloyet,  chef  de  la  station  du  comité 
français  de  rOussagara.  Le  bruit  de  la  mort  du  roi  Mtésa,  souverain  de 
rooganda,  courait,  à  cette  date,  sur  la  côte  aveo  une-  certaine  pesais» 
tance  ;  les  missionnaires  français  avaient  fini  par  gagner  sa  confiance, 
ssnmfril*  aussi  heureux  prés  de  son  successeur  ?' 

IL  de  Brassa  an  Congé.  -*-  Une  dépêche  reçue  par  V  Agence  Bavas-, 
et  datée  de  Capstewn,  13  mai,  donne  des  nouvelles'  du  Qabon,  qui 
aimoncent*que  H.  de  Brazza  y  aurait  débarqué  le  2i  avril. 

Ces  nouvelles  ne  font  nulle  mention  de  prétendus  projets  de  résis- 
tasse de  la  part  des  partisans  de  Stanley. 

Voici,  d'après  le  Temps,  quelques  renseignements  sur  l'eipéditton' 
de  M.  de  Brassa  : 

Parti-  de  Bordeaux  le  22  mars,  M,  de  Brassa  s  touché  le  a  avril  k 
Bakar,  sur  la  céte  de  Sénégambie  ;  Il  a  quitté  cette  localité  le  5,  se* 
dirigeant  vers  le  Congo.  Le  point  d'atterrissement  avait  été  soigneuse* 
ment  tenu  secret  par  le  chef  de  l'expédition;  une  dépêche  reçue  au* 
ministère  de  la  marine  annonce  que  cette  dernière  a:  débarqué  dans 
la  baie  de  Loango,  par  4*20'  de  latitude  méridionale,  à  une  quarantaine 
de  lieues  au  nord  de  V embouchure  dm  Congo.  Au  fond  de  la  baie,  se 

■OO.  DM  oAoaA.  —  1"  BT  2«  TEMOMTXU  1883.  17 


258  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

trouve  le  village  da  môme  nom,  dont  M.  de  Brazza  a  pris  possession 
ainsi  que  de  son  territoire.  La  baie  est  séparée,  au  sud,  par  un  petit 
cap,  de  la  baie  de  Punta-Negra,  où  l'avant-garde  de  l'expédition,  com- 
mandée par  M.  de  Lastours,  s'est  établie,  il  7  a  quelques  semaines,  et 
dont  l'occupation  a,  comme  on  sait,  donné  lien  à  une  protestation 
platonique  du  commandant  d'un  stationnaire  portugais. 

Les  positions  de  Loango  et  de  Punta-Negra,  où  flotte  notre  pavillon, 
serviront  de  bases  aux  opérations  futures  de  l'expédition.  La  distance 
qui  les  sépare  de  Brazzaville  est,  à  vol  d'oiseau,  d'environ  450 
kilomètres.  Le  mouillage  de  Loango,  précédemment  reconnu  par  M.  de 
Brazza,  est  considéré  par  lui  comme  un  des  meilleurs  de  la  côte  qui 
s'étend  du  Gabon  au  Congo.  Notre  agent  avait  primitivement  songé  à 
prendre  possession  d'un  autre  point  d'atterrissement  dont  il  avait 
reconnu  la  bonté,  et  qui  est  situé  à  l'emboucbure  du  Kouilon,  un  peu 
au  nord  de  Loango.  De  là,  il  comptait  remonter  le  cours  du  Niari,  un 
des  affluents  du  Kouilon,  pour  gagner  la  partie  navigable  du  Congo. 
Mais,  quand  il  est  venu  en  vue  du  Kouilon,  il  a  trouvé  ce  point  déjà 
occupé  par  les  agents  de  M.  Stanley.  Le  siège  des  opérations  de  la 
Société  internationale  pour  l'exploration  de  l'Afrique  est  situé  sur  la 
rive  gauche  du  Congo,  où  Stanley-Pool  fait  face  à  Brazzaville;  mais  eu 
aval  de  ces  deux  points,  dans  la  région  des  cataractes,  la  Société  tient 
lsanghila  et  Vivi,  sur  la  rive  droite  du  fleuve,  et  son  installation  à  la 
bouche  du  Kouilon  crée  une  solution  de  continuité  sur  la  côte  entre 
notre  possession  du  Gabon  et  les  nouveaux  établissements  que  nous 
aurons  à  créer  autour  de  Loango. 

—  M.  Robert  Flegel  vient  de  découvrir  les  sources  du  Bénoué,  affluent 
de  gauche  du  bas  Niger  ;  il  a  reconnu  aussi  les  sources  du  Logoué, . 
tributaire  du  Chftri,  affluent  du  lac  Tchad.  Il  est  donc  parvenu  dans  la 
région  jusqu'ici  inexplorée  où  se  trouve  la  ligne  de  partage  des  eaux 
des  bassins  du  Niger  et  du  lac  Tchad. 

Frontière  de  Sierra-Leone  au  Rio-Nunez.  —  Le  Sénat  de  la  Répu- 
blique française  sera  prochainement  appelé  à  voter  sur  le  projet  de  loi 
relatif  aux  limites  des  possessions  de  la  France  et  de  l'Angleterre  dans 
la  partie  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  qui  s'étend  de  Sierra-Leone 
au  Rio-Nunez.  La  convention  rédigée  par  les  délégués  des  deux  Étals 
a  établi,  entre  les  bassins  des  rivières  Mellacorée  et  Scarcies, 
une  ligne  de  démarcation  qui  assure  à  l'Angleterre  le  contrôle 
complet  des  Scarcies,  et  à  la  France  la  possession  de  Pile  Matakong  et 
des  lies  au  nord  de  ladite  ligne  de  démarcation,  à  l'exception  des  lies 
de  Los  qui  continuent  d'appartenir  à  l'Angleterre,  ainsi  que  celle  do 


I  - 


AMÉRIQUE.  259 

Tellaboy  et  les  autres  de  la  côte  Jusqu'à  Sierra-Leone.  Les  deux  gou- 
vernements s'engagent  réciproquement  à  s'abstenir  d'occuper  aucun 
territoire,  d'exercer  ou  de  favoriser  l'exercice  de  leur  influence  politique 
au  delà  de  la  ligne  de  démarcation  susmentionnée.  La  Chambre  des 
députés  a  déjà  adopté  cette  convention  qui  mettra  un  terme  aux  nom- 
breuses contestations  soulevées  an  sujet  de  la  souveraineté  de  tel  ou 
tel  point  de  cette  partie  de  la  côte. 

—  La  Société  de  géographie  de  Loanda,  dans  l'Afrique  australe,  a  cessé 
d'exister.  On  ignore  ce  qu'il  en  est  de  celle  de  Mozambique  qui  n'a 
plus  donné  signe  de  vie  depuis  bien  longtemps.  Nous  regrettons  cet 
Insuccès. 


.  AMERIQUE. 

Les  restas  du  docteur  Crevaux.  —  La  Société  de  géographie 
communique  la  lettre  suivante,  de  H.  de  Monclar,  chargé  d'affaires  de 
France  à  Montevideo,  adressée  de  Caiza ,  dans  le  Chaco ,  à  M.  Bernardo 
Trigo,  sénateur  bolivien  : 

Caiza,  10  mars  1883. 

0  me  semble  facile  de  découvrir  les  restes  de  M.  Jules  Crevaux  par 
les  importantes  données  suivantes  que  je  viens  de  recevoir  et  que  je 
n'empresse  de  vous  transmettre. 

Après  neuf  jours  d'une  marche  lente  et  pénible,  avec  des  embarca- 
tions défectueuses,  l'illustre  et  malheureux  explorateur  Crevaux  arriva 
à  on  endroit  que  les  sauvages  appellent  Cuvaroca,  à  cinq  lieues  en 
amont  du  Tigre.  Après  avoir  assuré  un  traité  de  paix  entre  les  expédi- 
tionnaires et  Jes  Indiens  Tobas,  le  docteur  Crevaux  commença  à  leur 
faire  des  cadeaux.  Les  mêmes  Indiens  Tobas  aidaient  les  expédition- 
naires à  enlever  des  embarcations  les  épices  et  autres  objets  qu'ils  leur 
distribuaient. 

Bientôt  un  des  chefs  indiens,  qui  paraissait  être  le  chef  suprême, 
dit  i  ses  soldats  et  dans  son  dialecte  :  ■  Au  lieu  d'enlever  ces  présents 
peu  à  peu,  il  vaut  mieux  nous  en  emparer  tout  d'un  coup  en  massacrant 
cet  étrangers.  »  Et  aussitôt  sonnant  de  la  trompe  avec  une  corne  sus- 
pendue à  son  cou,  une  multitude  d'Indiens  Tobas  surgit  comme  par 
enchantement  des  bois  voisins.  Peu  d'instants  après  le  docteur  Crevaux 
et  ses  compagnons  étaient  massacrés. 

Les  expéditionnaires  qui  étaient  restés  dans  les  embarcations  se 
Jetèrent  à  la  nage,  mais  ils  furent  aussitôt  poursuivis  par  les  Indiens, 
qui  s'emparèrent  sur  l'autre  bord  de  Francisco  Zeballos. 


260  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

En  .pleine  ci?i£re,  Us  firent  égaleinent  ptisonniej Jp:pèi;e  de  œ  dernier 
ietle  tuèrent. 

Seuls,  4e  Français  Ernest  Haurat  et  l'Argentin  Carjnelo  £îaaen,  excel- 
lents nageurs,  purent  atteindre  l'autre  bord  et  se  cacher  dans  un  bêla. 

.Jusqu'à  présent,  on, ne  sait  absolument  rien  sur  Jeur  compte. 

L'interprète  Irameye  /ut  fait  et  emmené  prisonnier. 

Les  cadavres  furent  jetés  à  la  rivière,  quelques-uns  lurent  Jaissés 
sur  le  bord.  Celui  du  docteur  Crevaux  fut  emporté  par  les  Tobas  avee 
solennité  jusqu'à  un  village  voisin.  Là,  les  Tobas  passèrent  tonte  la 
Auit  jusqu'au  lendemain  midi  à  chanter  autour  du  cadavre,  après  quai 
i\  fut  enseveli  dans  un  endroit  visible  et  peu  écarté  des  buttes.. 

Gunvarocai  se  trouve  sur  la  rive  droite  du  fleuve  Pilcomayo  et  je 
erois  facile  de  découvrir  la  sépulture  du  hardi  voyageur. 

Je  tiens  ces  détails  de  don  Felisardo  Terceros,  qui  vient  d'avoir  un 
entretien  avec  l'interprète  qu'avait  emmené  le  docteur  Grevaux  :  c'est 
nu  Indien,  Cbiriguano,  de  la  mission  Tignipa.  M  a  traversé  le  désert, 
après  avoir  été  captif  des  Tobas  depuis  le  jour  du  massacre,  çt-actueUe- 
jnent  il  J3e  trouve  à  Ankaroinga. 

J'espère  voir  aujourd'hui  le  chef  supérieur  de  l'expédition  et  le 
sous-préfet,  pour  qu'ils  fassent  venir  l'Indien,  dans  le  but  de  nous 
conduire  au  plus  tôt  à  l'endroit  où  se  trouvent  les  restes  de  l'immortel 
iules  Grevanx. 

A  la  recherche  de  Crevaux.  —  M.  Est.  EeibaJtos,  président  de 
l'Institut  géographique  argentin,  écrit  de  Buenos-iynes,  le  21  avril 
1«83,  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  : 

t  Je  prie  M.  de  lieutenant  de  vaisseau  de  Bernardiéres  de  remettre 
entre  vos  mains  oette  lettre,  avec  les  originaux  des  observations  aètro- 
jjomiques  de  .mon  malheureux  ami  Jules  Grevaux,  au  sujet  de  la  position 
géographique  de  Salta  .et  de  flujuy,  capitales  des  provinces  M  même 
.nom  dans  la  République  Argentine,  villes  dont  les  positions  astronomi- 
ques n'étaient  pas  fixées  par  des  travaux  sérieux. 

n  M.  Gceraux.avait,  àJa  derrière  page,  disposé  de*  originaux,  de- 
mandant qu'ils  lussent  ternis  à  M.  l'amiral  Mouchez;  je  prie  donc  M. 
Maunoir  de  vouloir  bien  accomplir  cette  dernière  volonté  de  i'exptoi*- 
tenr. 

•  Jl  rient  de  partir  pour  le  Piloomayo  tune  nou/veUe  expédition  «mili- 
dtake,  .organisée  par  le  gouvernement  argentin,  sons  les  ordres  do 
colonel  Solà,  commandant  en  «chef  les  frontières  indignes  «nr  k 
=Ghaco. 

t  Le  colonej  manche  à  la  tète  de  deux  tenta  soldats  de  l'armée 
régulière  pour  attaquer  Jes  indiens  dans  Jeurojài&s.  Voua  vous  rap- 


AMÉRIQUE.  261 

pelez  sans  doute  m»  dernière  communication  éurtapaiort  de  Crevaux, 
publiée  dans  les  actes  de  la  Société  de  géographie. 

■  raturai  alors  votre  attention  sur  l'hypothèse  de  M.  Solà,  à  propos 
de  l'existence  d'an  nouveau  fleuve  au  Chaco,  courant  parallèlement  au 
Pîleomayo  et  qui  s'appellerait  Teyo. 

i  Le  colonel  Solà  se  propose  maintenant  de  résoudre  ce  fort  intéres- 
sant problème  géographique.  L'Institut  géographique  argentin  a  fait 
accompagner  M.  Solà  par  un  délégué,,  dont  le  but  principal  est  ,de 
chercher  des  renseignements  sur  les  restes  de  Crevaux  et  d'obtenir  la 
rachat  des  prisonniers  :  le  timonier  français  Haurat  et  le  timoniçr 
argentin  Blanco. 

•  Noos  avons  autorisé  notre  délégué  à  faire  les  dépenses  nécessaires 
pour  rapatrier  les  restes  de  Crevaux,  de  Billet  et  de  Rîngel,  s'il  les  re- 
trouve, ainsi  que  pour  obtenir  la  liberté  des  survivants.  » 

—  Le  passage  de  BarUoche,  dans  les  Andes  argentines.  —  Le 
général  Villegas,  qui  commande  l'expédition  argentine  au  lac  Nahuel- 
Hoapi,  a  adressé  de  Limay,  à  la  date  du  24  mars,  le  télégramme  su> 
vsat  an  ministre  de  la  guerre,  à  Buenos-Àyres  : 

•  lai  la  satisfaction  d'informer  votre  Excellence  que  le  fameux  pas- 
sage de  Bariloche,  qui  supprime  les  Andes,  a  été  trouvé  et  exploré.  Il 
faudra  bien  peu  de  travaux  pour  ouvrir  un  chemin  carrossable  qui 
mettra  Nahuel-Huapi  à  25  lieues  du  Pacifique.  Campagnes  fertiles  et 
magnifiques  pour  ia  colonisation.  Abondance  de  bois  de  chêne  et  de 
ojprèe.  • 

le  passage  auquel  cette  dépêche  taH  allusion  était  connu,  parait»!!, 
par  les  premiers  voyageurs  en  Patagonie,  qui  l'indiquaient  comme  une 
voie  facile  pour  passer  des  contrées  du  Rio  de  la  Plata  au  Chili  à  travers 
la  Cordillère  ;  mais  depuis  longtemps  les  Indiens  de  Shaibueque  en 
avaient  empêché  la  traversée. 

Tout  Décemment,  l'explorateur  Francisco  lloreoo  en  avait  fait  pres- 
sentir la  découverte  à  nouveau  :  c'est  ce  que  l'expédition  du  général 
Tiiiegas  vient  de  réaliser.  {L'Exploration.) 


■i  i1 


BIBLIOGRAPHIE 

(Suite.) 


i 

4 


.  Le  fascicule  du  mois  de  mai  de  la  Revue  maritime  et  coloniale  est  î 
exclusivement  consacré  à  une  description  de  toutes  les  colonies  et] 


comptoirs  français  ;  cette  étude,  sans  nom  d'auteur,  revêt  la  forme  d' on  ' 
rapport  et  cette  apparence  officielle  semble  donner  une  grande  auto?  \ 
rite  aux  données  et  aux  chiffres  qu'elle  renferme.  J 


Le  Nautical  Magazine,  dans  sa  livraison  du  mois  de  juin,  s'occupe  ^ 
de  la  Nouvelle-Guinée  et  du  projet  d'un  second  canal  de  Suez.  Malgré  \ 
l'intérêt  que  pourraient  trouver  nos  lecteurs  à  savoir  comment  ces 
deux  questions  sont-  traitées  dans  la  célèbre  revue  anglaise,  le  défaut 
de  place  nous  oblige  à  nous  contenter  de  les  signaler  aux  personnes 
compétentes. 


CARTOGRAPHIE 

(Suite.) 

—  M.  Caspari,  ingénieur  hydrographe,  a  présenté  à  la  Société  de 
géographie  de  Paris  plusieurs  cartes  accompagnées  d'une  description 
de  la  côte  d'Ànnam  (Indo-Chine).  Ces  cartes,  publiées  parle  Dépôt  des 
cartes  et  plans  de  la  marine,  embrassent  la  portion  de  cette  côte  qui 
s'étend  du  cap  Paradan  à  l'ilo  Bou-Tseu,  dans  le  golfe  du  Tonkin,  oa 
du  11°  au  18°  de  latitude  Nord.  Elles  ont  été  levées  de  1877  à  1879 
par  l'ingénieur  qui  en  a  fait  la  présentation,  secondé  par  un  de  && 
collègues,  M.  Renaud. 

—  H.  le  ministre  des  travaux  publics  va  faire  mettre  en  œuvre  Topé- 
ration  du  nivellement  de  la  France.  La  dépense  occasionnée  par  ce 
travail  s'élèvera  à  22  millions.  Dix-neuf  serviront  à  l'entreprise  propre- 
ment dite  du  nivellement,  et  les  trois  autres  à  la  confection  d'une  carte 
de  France  au  ,atftoj,  dressée  par  les  soins  de  l'état-major  du  mi- 
nistère de  la  guerre. 

—  Les  ingénieurs  des  mines  de  l'État  se  livrent  actuellement  i  l'exé- 
cution des  cartes  de  la  topographie  souterraine  des  bassins  bouille» 


NÉCROLOGIE.  263 

ielft  France.  Le  travail  est  terminé  ponr  les  bassins  du  Nord  et  pour 
cdoi  d'Épinac  (Saône-et-Loire).  Ces  parties  vont  être  publiées,  sous 
forme  de  cartes,  par  le  ministère  des  travaux  publics. 

—  Nous  avons  parlé  en  détail,  dans  le  Bulletin  du  dernier  trimestre 
te  1882,  de  la  carte  du  département  d'Oran,  dressée  par  M.  Langlois. 
Sou  apprenons  aujourd'hui  que  ce  travail  a  valu  à  son  auteur  uue 
aédaille  d'or  (prix  Erhard),  que  lui  a  décernée  la  Société  de  géographie 
de  hris,  le  20  avril  dernier. 

<  —  Le  13  avril  dernier  a  en  lieu,  au  Palais  d'Hiver,  a  Saint-Péters- 
;  fcoorg,  l'Exposition  annuelle  des  travaux  astronomiques,  géodésiques, 
!  topographiques  et  cartographiques  exécutés  eu  1882,  par  les  officiers 
r  tféUt-major  et  par  les  topographes  russes. 

1  -  flous  rappelons  que  M.  J.  V.  Barbier  est  l'auteur  d'une  carte  ré- 
;  eente  du  Rhin  et  de  la  frontière  nord-est  de.  la  France  (prix  :  2  fr.), 
|  ào&t  ne  saurait  se  passer  un  patriote  soucieux  de  savoir  dans  quelles 
i  enfilions  de  défense  notre  pays  est  placé  actuellement. 

Dus  un  autre  ordre  d'idées,  le  même  auteur  vient  de  publier,  sous 
'  les  auspices  de  la  Société,  une  carte  spéciale  des  colonies  où  se  porte 
actuellement  l'action  française  d'un  intérêt  puissant  d'actualité.  L'ori- 
!  tjatlitê  du  plan  de  cette  carte  la  rend  doublement  intéressante  (prix  : 
Jfr,  réduit  à  1  fr.  50  c.  pour  les  membres  de  la  Société, qui  ont 
souscrit  ou  souscriront  à  l'Album  de  la  Société,  ladite  carte  rentrant 
dans  cet  ordre  de  publications) .  S'adresser  pour  ces  deux  cartes,  soit 
directement  à  l'auteur,  soit,  par  voie  de  la  librairie,  à  MM.  Berger-Le- 
mult  et  C!«.  

NÉCROLOGIE 

(Suite.) 

Las  Proceedings  de  la  Société  royale  de  géographie  de  Londres  an- 
noncent la  mort  d'un  des  vétérans  de  la  géographie,  William  Desbo- 
roogh  Cooley,  né  i  Dublin  en  1795;  c'était  un  écrivain  et  un  critique 
êminent. 

Kous  apprenons  aussi  la  mort  du  Dr  J.  M.  Ziégler,  le  cartographe  suisse 
bien  connu,  décédé  à  Winterthur,  à  l'âge  de  82  ans. 

M.  Blondel,  général  en  retraite,  commandeur  de  la  Légion  d'honneur, 
ancien  directeur  du  dépôt  du  ministère  de  la  guerre,  dont  le  nom  se 
rattache  si  honorablement  aux  travaux  de  la  grande  carte  topographi- 
que, dite  carte  d'état-major,  est  mort  le  26  mai. 


ALBUM  DE  LÀ  SOCIÉTÉ 


^h*4i 


Nous  rappelons  aux  membres  de  la  Société  le  texte  de  la 
qtt  accompagnait  De  dernier  numéro  du  Bulletin  de  1882  et 
de  nous  envoyer  au  plus  tôt  leurs  souscriptions  à  cet  Album 

«  Parmi  les  Sociétés  françaises  de  géographie,  la  Société  de 
de  l'Est  est  la  moins  bien  placée  pour  saisir,  à  leur  passage, 
voyageurs,  et  recueillir  d'eux,  sinon  dans  leur  primeur, 
dans  leur  originalité,  le  récit  de  leurs  explorations.  Elle 
plus  que  toute  autre,  s'efforcer  de  les  attirer  à  elle,  soit  en  1 
nant  des  récompenses,  soit  en  favorisant  la  publication 
travaux. 

«  Ces  études  et  récits  originaux,  qu'elle  se  fait  un  devoir 
en  lumière,  prennent  de  plus  en  plus  de  place  dans  soi 
trimestriel,  lis  tendent  par  là  même  à  en  élever  le  prix,  et 
de  direction  ne  peut  se  permettre  de  franchir  les  limites  enco 
du  budget  de  la  Société. 

t  Gomment  éliminer  du  Bulletin  ce  qui  en  fait  Je  plus  gran 
Gomment  aussi  détaener  de  nous  des  collaborateurs  diven 
courent,  à  tous  les  degrés  et  à  tous  les  points  de  vue,  à  la 
de  notre  publication,  quand  quelques-uns  d'entre  eux,  par 
des  croquis,  des  cartes,  des  études  de  mœurs  prises  sur  l 
portés  des  pays  qu'ils  ont  parcourus,  consentent  à  l'enrich 
des  plus  grandes  publications  françaises  et  étrangères? 

«  Placé  entre  des  prescriptions  statutaires  dont  il  ne  saurait] 
et  l'obligation  de  suivre  la  voie  ascendante  des  sociétés  util 
pères,  le  Comité  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est  s'est 
de  la  question  et,  dans  sa  réunion  du  7  décembre  dernier,  il 
la  Rédaction  du  Bulletin  à  créer,  par  voie  d'abonnement  o 
cription  spéciale  (*),  un  Album  de  la  Société  de  géographie 
qui  sera  le  complément  naturel  du  Bulletin  et  qui  publiera  1 
les  vues,  les  dessins,  les  études  de  mœurs,  les  caries  même 
par  les  voyageurs,  d'après  les  originaux,  et,  le  plus  souve 
fait  inédits. 

«  Cet  Album  pourra  comprendre,  dans  Tannée  1883.  trente  à 
vues  ou  croquis  de  diverses  dimensions,  et  sera  livré  à  tout 
de  ia  Société  qui  souscrira,  pour  Cet  objet,  la  somme  de  cin 
par  an.  Toutefois,  cet  Album  ne  sera  publié  qu'autant  que 
souscriptions  au  moins  seront  acquises. 

«Il  va  sans  dire  que  Y  Album  ne  saurait,  en  aucun  cas,  port 
dlce  au  Bulletin,  où  l'on  trouvera,  comme  par  le  passé,  1 
nécessaires  pour  l'intelligence  du  texte. 

«  Le  Comité  est  convaincu  que  vous  voudrez  bien  vous 
cette  publication  si  intéressante  et  si  curieuse  à  tous  les  titr 


(()  Cette  souscription  pour  an  objet  particulier,  en  dehors  de  la  pabUc 
Mire  de  la  Société,  forme  un  bndget  A  part  du  budget  réglementaire,  anc 
•aurait,  en  aucun  cas,  créer  des  charges  nouvelles  ;  an  contraire. 

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Nancy,  Imprimerie  Berger-Lerranlt  et  0««. 


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Croquis 

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r  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS 


MISSION  SCIENTIFIQUE 


PÇON,  MINDANAO,  SOULOU  &  BORNÉO 


Conférence  de  M.  le  Dr  Montano 


,  En  répondant  à  l'invitation  qu'a  bien  voulu  m'adresser 
l  Société  de  géographie  de  l'Est,  je  sens  combien  ma  tâche 
Kt  difficile.  Je  me  trouve  en  effet  dans  un  milieu  géogra- 
phique où  tant  de  noms  illustres  et  méritants,  groupés  dans 
ta  Livre  d'or,  par  votre  sympathique  secrétaire  général, 
jcmt  bien  faits  pour  inspirer  la  défiance  de  soi-même  à  un 
nodeste  voyageur.  Hélas  !  pourquoi  faut-il  que  ce  Livre  d'or 
$ai  nous  inspire  tant  de  fierté  soit  aussi  pour  nous  une 
tource  de  regrets.  L'infortuné  Crevaux  est  tombé  au  champ 
P honneur  et  la  science  pleure  le  j  eune  et  ardent  explorateur. 
U était  votre  collègue,  mais  il  faisait  aussi  partie  de  la  So- 
ciété de  géographie  de  Paris  ;  elle  vous  adresse  une  fois 
encore  l'expression  de  sa  douleur  et  6'unit  à  vous  dans  la 
pensée  que  d'autres  Français,  plus  heureux,  parcourront 
jusqu'au  bout  le  chemin  dans  lequel  notre  héroïque  com- 
patriote s'était  si  vaillamment  lancé.  Tout  nous  porte  à  le 
Croire  :  l'intérêt  de  plus  en  plus  grand  qui  s'attache  aux 
l*^1  Oéographiques,  la  sollicitude  que  leur  témoigne 
!*ûki  casernement,  sollicitude  qui,  entre  autres  signes, 
se  ti  ,â  ~ar  l'augmentation  des  crédits  alloués  aux  mis- 
i«wra  Cliques. 

^>OH.  —  9*TBXMMTRK  1883-  18 


266  GÉOGftAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  m'a  fait  Thoa- 
neur  de  me  charger,  avec  M.  le  Dr  Paul  Rey,  d'uHi 
de  ces  missions  ;  appelé  à  en  exposer  les  résultats  derati^ 
tous,  je  sollicite  toute  votre  indulgence  pour  les  reproduc* 
lions  que  j'aurai  à  faire  passer  sous  vos  yeux  ;  veuilles 
considérer  que  la  plupart  de  ces  photographies  ont  é$ 
exécutées  avec  des  moyens  insuffisants,  dans  des  circons- 
tances difficiles  ;  certes,  il  en  est  plusieurs  que  je  n'oserait 
T0U6  présenter  si  elles  ne  reproduisaient  des  types  jusqu'ici 
inconnus. 

Nous  allons  nous  transporter  aux  Philippines,  dans  ces; 
régions  où  le  soleil  6e  couche  quand  à  Paris  il  n'est  pas- 
encore  midi  ;  dans  cette  belle  colonie  espagnole  souvent 
ravagée  par  les  tremblements  de  terre  et  les  cyclones,  mail 
toujours   florissante  au  milieu  d'un  été  perpétuel  ;  plus 
loin,  dans  les  parties  non  encore  soumises  à  l'Espagne, 
nous  trouverons  des  fléaux  plus  terribles  :  l'assassinat,  k> 
piratçrie,  l'esclavage  ;  mais  nous  verrons  qu'ils  tendent* 
disparaître  devant  les  progrès  des  nations  européennes. 

Le  navigateur  qui,  parcourant  le  grand  archipel  d'Asie, 
de  Sumatra  aux  Moluques  et  de  Luçon  à  Java,  ne  pénètre* 
rail  jamais  au  delà  des  côtes  et  des  estuaires,  pourrait 
croire  que  les  variétés  d'une  même  race  peuplent  seules  ■ 

i 

toutes  ces  îles  et  qu'elles  ne  renferment  que  des  Malais  ? 
plus  ou  moins  modifiés.  Ceux-ci  ne  représentant  pourtant  ; 
qu'une  race  conquérante  et  guerrière,  la  dernière  venue  ; 
dans  ces  parages,  souvent  altérée  par  des  croisements, 
mais  toujours  reconnaissable  à  ses  caractères  essentiels; 
plus  loin,  dans  les  régions  montagneuses  et  boisées  qui  se 
*  trouvent  au  centre  de  toutes  ces  îles,  habitent  d'autres  races, 
nettement  distinctes,  qui  peuplaient  la  contrée  bien  avant 
l'arrivés  des  derniers  envahisseurs. 

A  Luçon  même  et  non  loin  de  Manille,  la  capitale  des 
possessions  espagnoles,  nous  allons  trouver  un  premier 
exemple  de  cette  diversité  de  types. 


LI7Ç0N,  MINDANAO,  60ULOU  ET  BORNÉO.  267 

Dans  les  provinces  du  sud  de  Luçon,  vivent  des  popula- 
ions  depuis  longtemps  converties  au  christianisme  et  sou- 
lises  à  l'Espagne  ;  les  plus  nombreux  de  ces  indigènes, 
es  Tagalocs,  ne  diffèrent  guère  des  Malais  du  Sud  que  par 
me  plus  forte  proportion  de  sang  jaune  ;  ils  sont  par- 
feitement  civilisés  et  s'ils  ont  peut-être  quelque  peine  à 
lien  saisir  toute  la  portée  des  préceptes  religieux  auxquels 
k  sont  soumis,  ils  montrent  en  revanche  une  aptitude 
ingulière  dans  l'exercice  des  arts  mécaniques  et  surtout 
les  arts  d'agrément.  Auraient-ils  perdu  leur  énergie  sur 
jette  terre  enchanteresse?  Je  ne  sais,  mais  il  me  paraît 
Certain  que  les  forces  espagnoles  ont  seules  empêché 
iflfilam  d'étendre  son  domaine  jusqu'à  Manille.  Sans  les 
canonnières  de  la  Péninsule,  il  y  a  longtemps  que  les  Ta- 
galocs seraient  soumis  aux  Malais  mahométans  de  Soulou 
du  de  Mindanao.  Mais,  insouciants  et  légers,  je  ne  crois 
pas  qu'ils  6e  soient  jamais  beaucoup  préoccupés  de  cette 
éventualité  ;  en  tout  cas,  sans  crainte  aujourd'hui  à  ce  sujet, 
ÎU  mènent  une  vie  indolente  où  les  exercices  religieux,  les 
combats  de  coqs  et  les  jeux  de  hasard  occupent  une  part 
prédominante.  Ils  représentent  sous  ces  latitudes  un  type 
autrefois  commun  à  Naples  et  on  pourrait  le6  appeler  les 
Ltazaroni  de  l'extrême  Orient. 

Nous  allons   maintenant  entrer  dans  l'intérieur  des 
terres,  et,  à  ce  sujet,  je  dois  dire  combien  les  autorités 
espagnoles  m'ont  aidé  dans  ces  recherches  et  dans  toutes 
celles  que  j'ai  poursuivies  dans  leur  domaine.  Tous  Ie6 
Espagnols,  militaires,  civils,   religieux,   m'ont  constam- 
ment accueilli  de  la  façon  la  plus  amicale,  m'ont  constam- 
ment prêté  l'appui  le  plus  efficace.  Je  ne  dois  pas  non  plus 
!  taire  la  cordialité  avec  laquelle  j'ai  été  reçu  par  nos  com- 
patriotes établis  à  Manille  :  M.  le  consul  Dudemaine  et 
|  M.  Eugène  Génu,  chef  d'un  importante  maison  de  com- 
merce ;  à  plusieurs  reprises,  j'ai  été  logé  chez  M,  Génu  et 
<  je  n'oublierai  jamais  ni  son  extrême  obligeance  qui  m'a 


268  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

épargné  une  foule  de  soucis  matériels,  ni  son  amical  dé- 
vouement quand  plus  tard,  malade,  j'ai  passé  chez  lui  de: 
nombreuses  journées  pendant  lesquelles  6es  soins  ne  se 
sont  jamais  lassés. 

Dans  tout  le  massif  montagneux  qui  entoure  la  province 
de  Manille  et  sur  bien  d'autres  points  encore  vit  une  race 
toute  différente  des  Tagalocs,  les  petits  nègres  ou  négritos, 
les  véritables  autochtones,  les  premiers  maîtres  du  sol, 
aujourd'hui  confinés  sur  les  sommets  d'un  accès  difficile* 
On  leur  a  tout  pris,  la  mer  et  les  rivages,  les  fleuves  et  les 
plaines,  on  leur  a  ravi  jusqu'à  leur  réputation.  Pillards, 
assassins,  incendiaires,  tels  seraient  les  Négritos  au  dire 
des  Tagalocs  ;  mais  tous  les  méfaits  dont  on  les  accuse 
doivent  dans  beaucoup  de  cas  n'être  que  des  représailles. 
Nous  fûmes  dès  le  premier  moment  dans  les  meilleurs 
termes  avec  ceux  que  nous  rencontrâmes  dans  la  sierra  de 
Marivélès,  entre  la  baie  de  Manille  et  la  mer  de  Chine, 
et  je  pus  sans  difficulté  mesurer  parmi  eux  18  hommes  et 
10 femmes;  ils  consentirent  môme  à  poser  devant  notre- 
objectif,  et  leurs  photographies  donnent  mieux  que  tout»  • 
les  descriptions  la  raison  de  l'infériorité  des  Négritos  i 
Tégard  de  leurs  voisins.  Comment  lutter  avantageusement 
avec  des  muscles  aussi  faibles,  avec  une  taille  qui  est  en  ; 
moyenne  de  lm,48  pour  les  hommes  et  de  lm,46  pour  les 
femmes?  Ils  ne  se  servent  môme  pas  avec  beaucoup  d'a- 
dresse de  l'arc  et  des  flèches  qu'ils  portent  entre  leurs 
mains.  Profitant  de  nos  bons  rapports  avec  cette  tribu,  nous 
eûmes  un  jour  l'idée  d'instituer  une  sorte  de  concours  de 
tir  à  l'arc,  et  nous  fûmes  stupéfaits  du  peu  de  précision 
que  montrèrent  les  concurrents.  L'arc  est  cependant  leur 
principale  ressource  quand  ils  sont  forcés  d'abandonner 
leurs  misérables  cabanes  et  leurs  maigres  plantations.  Ces 
tribus  vivent  dans  quelques  cases  groupées  à  portée  de  la 
voix,  autour  de  la  demeure  du  chef,  sous  l'empire  de  cou- 
tumes non  écrites,  sans  doute,  mais  parfaitement  définies. 


LUÇON,  MINDANAO,  SOULOD  ET  BORNÉO.  269 

Les  infractions  à  ces  lois  sont  du  reste  excessivement  rares  ; 
lorsqu'elles  se  produisent,  elles  sont  uniformément  punies 
de  mort  :  les  coutumes  sont  simples  et  la  procédure  élémen- 
taire, mais  non  pas  nulle.  Le  mariage,  la  transmission  de 
la  propriété ,  sont  régis  par  des  règles  fixes.  Ainsi,  à  la  mort 
du  père  de  famille,  si  la  mère  vit  encore,  l'héritage  se  divise 
en  deux  parts  égales  :  Tune  appartient  à  la  mère,  l'autre 
aux  enfants  qui  la  partagent  également  entre  eux.  Le  res- 
pect de6  vieillards,  l'affection  pour  les  enfants,  le  culte  des 
morts,  6ont  constants  chez  les  Négritos  ;  ils  soignent  leurs 
malades  avec  dévouement,  même  quand  ils  n'appartiennent 
pas  à  leur  famille. 

Tels  sont  les  caractères  essentiels  de  l'état  social  des 
Négritos ,  et  je  n'hé6ite  pas  à  croire  qu'on  les  retrouve 
dans  toutes  leurs  tribus.  Il  faut  seulement  se  donner  la 
peine  de  les  constater.  C'est  ce  que  j'ai  pu  faire  sans  diffi- 
culté sur  les  Négritos  de  la  sierra  de  Marivélès,  qui  vivent 
dans  une  sécurité  relative,  car  l'administration  espagnole 
veille  à  ce  qu'ils  ne  soient  pas  inquiétés  par  leurs  voisins 
les  Tagalocs.  Il  en  est  autrement  dans  l'intérieur  de  Min- 
danao,  par  exemple,  où  les  rares  Négritos  qui  survivent 
sont  désignés  sous  le  nom  de  Mamanuas,  c'est-à-dire  hom- 
mes du  sol  ;  là,  ils  sont  exposés  aux  insultes  continuelles 
des Manoào*,  race  guerrière,  puissante  et  cruelle;  leurs 
établissements  ont  sur  ce  point  peu  de  stabilité  et,  le  plus 
souvent,  ils  errent  dans  les  forêts,  pourchassés  par  leurs 
agresseurs.  Ce  ne  fut  qu'avec  beaucoup  de  temps  et  de 
peine  que  je  pus  joindre  au  fond  de  leur  retraite  presque 
impénétrable  les  pauvres  Mamanuas.  C'est  à  des  faits  du 
même  ordre  auxquels  ils  doivent  leur  renom  de  sauvage- 
rie, presque  de  bestialité  ;  sauvages,  je  le  veux  bien,  mais 
surtout  opprimés.  Quelque  inférieurs  que  6oientles  Négri- 
tos, leurs  croisements  avec  les  Européens  sont  parfaitement 
ongénésiques. 
.  Des  montagnes  de  Marivélès,  nous  nous  dirigeâmes 


270  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

tout  à  fait  au  6ud-est  de  Luçon,  vers  le  plus  beau  pays  h 
monde,  la  province  d'Albay,  au  pied  de  ce  grand  volcan, 
le  Mayon,  aujourd'hui  endormi.  Comme  le  Vésuve,  k 
Mayon  paraît  sortir  d'un  golfe  ;  il  a  comme  lui  ses  érup- 
tions terribles,  6es  flancs  sont,  comme  ceux  du  volcan  na- 
politain, couverts  de  riants  villages  ;  mais  il  a  de  plus  cett* 
admirable  végétation  tropicale  et  ce  golfe  aux  eaux  toujours 
transparentes,  dont  le  fond  tapissé  d'anthozoaires  aux  cou- 
leurs vives  fait  croire  qu'on  vogue  sur  des  corbeilles  de 
fleurs. 

Bien  souvent,  en  quête,  de  collections  diverses,  j'ai 
parcouru  cette  région,  tantôt  au  milieu  des  ravages  d'une  ; 
éruption  récente,  sur  les  blocs  de  lave  et  les  cendres  fer- 
tiles où  déjà  la  forêt  se  forme  au  moyen  de  caswirintat 
tantôt  au  milieu  des  cases  entourées  de  cocotiers,  de  ca-  ' 
féiers  et  de  ce  bananier,  le  Musa  textilis,  qui  donne  Yabaa 
ou  chanvre  de  Manille  et  produit  la  richesse  de  cette  con- 
trée ;*  tantôt,  enfin,  dans  les  criques  du  golfe,  au  milieu* 
des  îlots  chargés  de  grands  ficus  et  de  lianes  que  les  singe» 
et  les  buceros  remplissent  de  leurs  cris. 

C'est  dans  les  parties  désertes  du  golfe  que  nou6  avom  \ 
trouvé  les  cavernes  auxquelles  j'ai  donné  le  nom  du  Carabao 
et  du  Levant  et  qui  nous  ont  fourni  un  bon  contingent  de 
crânes  antérieurs  à  la  conquête  espagnole. 

La  caverne  du  Levant  est  dans  une  situation  remar- 
quable ;  l'entrée  haute  et  étroite,  située  à  une  vingtaine  de 
mètres  au-dessus  de  la  mer,  donne  accès  dans  une  salle 
dont  la  voûte  irrégulière,  hérissée  de  stalactites  aux  reflets 
blancs,  paraît  comme  drapée  dans  une  intention  funèbre; 
entourés  d'ossements  et  de  crânes,  nous  dominions  l'im- 
mensité de  l'Océan  Pacifique,  et  je  pouvais  supposer 'que 
les  aborigènes  avaient  placé  là  leurs  morts  afin  que  leurs 
âmes  prissent  facilement  leur  vol  sur  les  eaux. 

Ce  n'est  pas  sans  regrets  que  nous  avons  dépouillé  ce 
merveilleux  ossuaire.  Ses  crânes,  aujourd'hui  placée  ao 


LUÇON,  M1NDANAO,  SOULOU  ET  BORNÉO*.  271 

Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris ,  ont  un  haut  intérêt, 
car  ils  semblent  montrer  comment  l'usage  d'une  déforma- 
lion  artificielle,  continué  pendant  les  siècles,  s'est  fixé  par 
l'hérédité,  et  est  devenu  un  caractère  de  race  qui  se  mani- 
feste aujourd'hui  encore  en  dehors  de  toute  intervention. 
Par  un  système  de  bandelettes  perpendiculaires  entre  ellesy 
le  crâne  des  anciens  habitants  de  la  région  était  oblique- 
ment comprimé  en  arrière  et  en  bas.  Aujourd'hui,  les 
crânes  du  groupe  malais  gardent  encore  cet  aplatissement 
caractéristique  de  l'occipital,  conséquence  des  pratiques 
exercées  sur  les  générations  antérieures. 

Les  habitants  de  la  province  d'Albay  portent  le  nom  de 
Bicots;  ils  diffèrent  à  peine  des  Tagalocs  de  Manille;  ils 
sont  comme  eux  catholiques  et  soumis  à  l'Bspagne  et  mon- 
trent, s'il  est  possible,  un  goût  encore  plus  prononcé  pour 
la  musique  et  les  plaisirs.  Tout  pour  ces  populations  est  le 
prétexte  de  danses  et  de  festins.  Au  milieu  de  cette  végé- 
tation, sous  les  rayons  de  ce  Boleil  qui  fait  éclore  avec  une 
abondance  et  un  éclat  inexprimables  toutes  les  formes  de 
la  vie,  il  semble  que  la  mort  elle-même  ait  perdu  une 
partie  de  666  terreurs.  Les  funérailles  sont  toujours  accom- 
pagnées de  grands  banquets  ;  le  défunt  est  porté  le  visage 
découvert,  couronné  de  fleurs,  au  son  entraînant  des  fan- 
fares. Tout  rappelle,  non  les  appréhensions  du  chétien, 
mais  l'insouciance  d'un  peuple  enivré  par  la  splendeur 
d'une  nature  exubérante.  Cette  ivresse,  à  laquelle  les  bois- 
sons fermentées  contribuent  bien  rarement,  atteint  son 
paroxysme  quand  la  fête  d'un  village  provoque  une  repré- 
sentation théâtrale.  C'est  toujours  le  village  même  qui 
fournit,  pour  la  circonstance,  l'auteur,  les  acteurs  et  Pim- 
presario.  Les  drames  ou  plutôt  les  mélodrames  représentés 
défient  toute  analyse,  mais  leur  principal  attrait  réside  dans 
des  ballets  où  acteurs  et  actrices  s'escriment  à  grands  coups 
de  sabre. 
Les  montagnards  sauvages,  A  tas,  idolâtres  ainsi  que  les 


272  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Négrilos  de  la  6ierra  de  Marivélès,  ont  jusqu'ici  conservé 
leur  indépendance  en  se  réfugiant  dans  le6  contrées  abrup- 
tes, hérissées  de  volcans,  qui  s'élèvent  au  nord-ouest  de  h 
province  d'Albay.  Ils  diffèrent  à  la  fois  des  Bicols  et  de* 
Négrilos;  ils  sont  aussi  bien  autrement  redoutables  et, 
souvent,  ils  font  lourdement  sentir  leur  supériorité  aux 
populations  amollies  qui  les  entourent. 

La  province  d'Albay  est  une  des  plus  riches  de  Luçon, 
c'est  elle  qui  produit  la  plus  grande  partie  des  milliers  de 
tonnes  à'abaca  qu'exporte  annuellement  le  port  de  Manille; 
les  autres  proviuces  exportent  en  quantités  considérables 
l'huile  de  coco,  le  riz  ;  Batangas  produit  surtout  du  café 
analogue  à  celui  de  Java,  et  Tayabas  des  bois  de  constrac* 
tion  ;  ces  denrées  et  bien  d'autres  encore  arrivent  à  la  capital* 
par  des  vapeurs,  des  bricks,  des  praws,  des  embarcations 
de  toute  espèce.  Mais  Manille  n'est  pas  le  seul  port  des 
Philippines  ouvert  au  commerce  extérieur,  Iloilo  dans  l'île  : 
de  Panay  et  Gébu,  sont  encore  des  entrepôts  considérables  j 
où  affluent  par  les  marnes  moyens  des  denrées  semhîables,  j 
mais  surtout  le  sucre  brut  récolté  en  quantité  immense  j 
dans  les  îles  Bisayas.  A  tous  ces  produits  va  6e  joindre  j 
aujourd'hui  la  culture  du  tabac,  dont  le  Gouvernement  ] 
s'était  longtemps  réservé  le  monopole,  mais  dont  une  ré* 
cente  décision  vient  de  proclamer  la  liberté.  On  s'accorde 
à  reconnaître  aux  Philippines,  que  le  tabac  bien  cultivé 
est  d'une  qualité  tout  à  fait  supérieure.  Je  crois  que  cette 
nouvelle  industrie  rémunérera  largement  les  capitaux  qui 
lui  seront  consacrés. 

* 

Jusqu'ici,  Mesdames  et  Messieurs,  nous  n'avons  vu  que 
des  régions  paisibles  ;  il  nous  faut  maintenant  aborder  des 
îles  moins  hospitalières  ;  nous  y  trouverons  la  même  na- 
ture, toujours  riche  et  puissante,  mais  les  habitante  éner- 
giques, entreprenants,  cruels,  n'ont  aucune  des  qualités 
que  nous  avons  constatées  chez  les  Tagalocs  et  les  Bicols, 
et  leurs  défauts  sont  autrement  graves. 


LUÇON,  MINDANAO, SOULOU  ET  BORNÉO.  273 

■ 

Transportons-nous  d'abord  au  centre  religieux  des  Ma* 
bis  mahométans,  dans  la  Mecque  de  l'extrême  Orient, 
ians  la  petite  lie  de  Soulou,  dont  l'importance  religieuse, 
politique  et  commerciale  est  si  considérable. 

Soulou  est  l'entrepôt  vers  lequel  rayonnent  les  praws 
ftes  nombreuses  îles  qui  l'entourent  et  qui  y  apportent,  en 
quantités  considérables,  la  nacre,  les  huîtres  perlières,  les 
lésines  et  la  gutta-percha  ;  Soulou  est  vraiment  le  grand 
marché  des  perles  et  de  la  gutta-percha.  A  ces  divers 
genres  de  commerce  se  joignait,  il  y  a  peu  de  temps  encore, 
celui  des  esclaves.  Les  Soulouans  et  tous  les  insulaires  du 
voisinage,  pirates  dans  l'âme  et  bons  marins,  mettaient, 
on  peut  le  dire,  les  Philippines  en  coupe  réglée.  Ils  dé- 
vastaient chaque  année  les  îles  Bisayas  et  s'avançaient 
même  jusqu'à  Luçon,  captivant  tous  les  indigènes  qui  leur 
tombaient  sous  la  main.  Je  ne  vous  énumérerai  pas  toutes 
les  expéditions  de  l'Espagne  contre  Soulou,  tous  les  traités 
imposés  au  sultan.  Les  forces  espagnoles  étaient  toujours 
victorieuses,  mais  les  traités  consentis  étaient  invariable- 
ment violés.  Et  il  ne  pouvait  en  être  autrement.  L'autorité 
du  sultan  de  Soulou  est  surtout  une  autorité  religieuse 
qui  aurait  perdu  toute  action  en  essayant  de  faire  respecter 
des  chrétiens  ;  quant  à  6on  autorité  politique,  elle  n'avait 
de  valeur  que  pour  l'attaque  ;  comment  surveiller  effica- 
cement un  peuple  de  datos  ou  seigneurs  disséminés  dans 
des  îles  nombreuses  et  dont  tout  le  pouvoir,  toutes  les  ri- 
chesses, reposaient  sur  la  piraterie  et  la  capture  des  es- 
claves qu'ils  vendaient  aux  Malais  de  Bornéo  ou  des  Mo- 
luques?  Toutes  les  expéditions  scientifiques  qui  voulaient 
aborder  à  Soulou  y  recevaient  l'accueil  le  plus  hostile. 
Dumont-d'Urville,  en  1839,  faillit  y  être  massacré;  M.  le 
contre-amiral  Mouchez  m'a  dit  qu'en  1842,  étant  à  bord  de 
la  Capricieuse,  il  n'y  fut  pas  mieux  reçu  ;  l'Espagne  a  em- 
ployé le  seul  moyen  possible  pour  faire  cesser  cet  état  de 
choses.  Elle  6'est  emparée  de  Soulou,  s'y  e6t  solidement 


274  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

établie,  a  imposé  son  protectorat  au  6ultan  et  traque 
pirates  dans  toutes  les  directions  ('). 

Le  sultan  tient  sa  cour  à  Maiboun,  grand  village 
au  sud  de  l'île  Soulou.  C'est  là  qu'il  nous  reçut  avec 
manières  assez  courtoises.  Je  parle  du  sultan  seulem 
car  je  doute  qu'il  y  ait  quelque  part  au  monde  une  agré- 
gation d'individus  aussi  insupportables  que  ses  sujets  «C 
plus  particulièrement  ses  courtisans.  Les  Soulouans,  tou- 
jours armés  jusqu'aux  dents,  toujours  en  quête  de 
ou  de  piraterie,  ne  peuvent  croire  qu'un  voyageur  ait 
autre  mobile. 

Le  marché  de  Maiboun,  où  vendeurs  et  acheteurs  ne  et 
séparent  jamais  de  leur  longue  lance,  a  l'air  d'un  camp  te 
hallebardiers  et  le  palais  donne  assez  bien  l'idée  d'us» 
caverne  de  brigands.  C'est  dans  ce  milieu  ignorant,  un* 
portun,  soupçonneux  à  l'excès,  que  nous  avons  dû  passer 
de  longues  journées  dans  le  but  de  faire  le  portrait  du 
sultan,  lequel  n'offre  pas  un  type  pur  soulouan,  il  est  mêlé 
de  sang  chinois,  et  celui  de  son  fils,  le  sultan  actuel,  car 
le  précédent  est  mort  peu  après  notre  visite,  vérifiant  ainsi 
la  prophétie  que  lui  fit  en  ma  présence  un  vieux  pandtia 
(prêtre). 

Les  Soulouans  de  la  classe  moyenne  sont  des  Malais 
sensuels,  rebelles  au  travail,  mais  s'exposant  toujours  avec 
empressement  aux  fatigues  et  aux  périls  de  la  navigation  ; 
et  de  la  guerre,  fanatiques  à  l'excès  et  portant  au  plus  haut 
degré  le  mépris  de  la  mort. 

Tel  est  en  effet  le  secret  de  la  supériorité  de  tous  ces 
Malais  mahométans  ou  Moros,  comme  les  appellent  ta 
chrétiens  des  Philippines.  Il  faut  ajouter  que  leur  religion 
développe  singulièrement  leurs  instincts  de  piraterie  en 
leur  présentant  comme  œuvre  pie  toute  agression  sur  les  ; 


(*)  Tout  récomment,  les  journaux  noua  apprenaient  l'établissement  des  Bip****11 
à  Tawl-Tawi  ;  c'est  là  une  heureuse  nouvelle,  non  seulement  peur  les  amis  de  l'&* 
pagne ,  mais  pour  tous  ceux  qui  s'Intéressent  à  la  disparition  de  la  barbarie. 


LUÇON,  MINDANAO,  SOULOU  KT  BORNÉO.  275 

Infidèles  et  comme  des  fautes  véaielles  celles  qu'ils  com- 
mettent au  besoin  sur  leure  coreligionnaires.  Remarquons 
©fin  que  les  Soulouans  ont  reçu  par  immigration  une 
assez  forte,  proportion  de  sang  arabe  dont  la  trace  est  encore 
ttanifeste  dans  certaines  familles  de  prêtres  et  de  seigneurs  ; 
fcn  la  reconnaîtra  dans  un  type  de  pandita  qui  contraste 
tettement  avec  les  Soulouans  ou  Malais  qui  l'entourent. 

Les  habitants  de  l'île,  et  surtout  les  Datos  ou  seigneurs 
rainés  par  la  suppression  de  la  piraterie  et  menacés  dans 
leur  pouvoir  sans  contrôle,  les  panditas  inquiétés  par  le 
Voisinage  du  catholicisme,  ne  supportent  pas  sans  révolte 
ta  présence  de  l'Espagne.  Pour  ce  peuple  ardent  et  guer- 
rier, les  premières  années  de  soumission  sont  difficiles. 
Aussi  n'hésitent-ils  pas  à  attaquer  de  temps  en  temps  la  ville 
espagnole  de  Tianggi  au  nord  de  Soulou,  qui  est  cependant 
fortement  occupée  et  soigneusement  gardée.  Les  Soulouans 
savent  parfaitement  que  s'ils  parviennent  à  s'y  introduire 
par  surprise  en  dissimulant  leurs  armes,  tout  espoir  de 
retraite  leur  est  interdit.  Ceux  qui  font  ainsi  le  sacrifice  de 
leur  vie  sont  désignés  en  dialecte  soulouan  sous  le  nom 
de  sablis,  les  Espagnols  les  appellent  juramentados  ;  les 
deux  mots  rappellent  le  mâme  fait,  les  juramentados  ont 
juré  de  mourir.  Excité6  par  le  jeûne,  par  les  prières  noc- 
turnes sur  les  tombes  des  héros  de  l'île,  ils  se  lancent  sur 
la  ville  espagnole  ;  généralement  quelques-uns  sont  massa- 
ciés  aux  portes,  les  autres  passent  et  tuent  jusqu'à  ce  qu'ils 
soient  exterminés.  C'est  ainsi  que  se  passa  la  première 
des  agressions  dont  nous  fûmes  témoins  et  qui  fut  reçue 
avec  une  grande  fermeté  parla  garnison.  Les  juramentados 
étaient  au  nombre  de  onze.  En  cinq  minutes  ils  étaient 
tous  exterminés,  mais  ils  avaient  déjà  fait  quinze  victimes 
dont  plusieurs  étaient  des  femmes  et  des  enfants. 
Eu  dépit  des  mœurs  de  ses  habitants,   Soulou  n'en 
;  ^t  pas  ùioins  une  terre  promise  pour  le  naturaliste  ;  les 
j  fortts  de  cette  terre  fertile  abritent  une  population  d'oiseaux 


276  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

riche  en  espèces  nouvelles,  la  rade  abonde  en  échina* 
dermes,  en  cœlentérés,  et  la  flore  nous  fournit  des  écha* 
tillons  importants. 

De  Soulou  nous  nous  rendîmes  dans  la  baie  de  Saute 
kan,  au  nord-est  de  Bornéo,  autre  région  de  pirates  et  di 
marchands  d'esclaves  auxquels  la  Norlh  British  Bornée 
Company  va  imposer  des  lois  plus  humaines.  Je  remontai 
les  cours  inexplorés  de  la  rivière  Sagaliud  dont  je  levai  la 
carte,  pendant  que  M.  Rey,  resté  à  ElokPura  dans  la  haie, 
y  rassemblait  d'excellentes  collections  zoologiques. 

Après  m' être  égaré  plusieurs  fois  dans  les  affluents  qâ 
convergent  vers  l'embouchure  du  Sagaliud,  je  troirat 
enfin  le  vrai  cours  de  la  rivière  et  j'avançai  entre  dem 
rangées  de  forêts  immenses  ;  le  silence  imposant  de  cet 
solitudes  était  parfois  troublé  par  les  cris  desorangs-outangi 
et  par  le  froissement  des  lianes  que  déchiraient  les  élé- 
phants et  les  rhinocéros  s'enfuyant  au  bruit  des  avirons. 
Après  deux  jours  de  navigation,  j'arrivai  à  un  misérable 
village  de  Boulé-Doupis.  Cette  race,  physiquement  el  in- 
tellectuellement bien  douée,  qui  jadis  occupait  sur  la  cote 
de  vastes  domaines,  est  aujourd'hui  confinée  au  fond  des 
forêts.  Le6  Boulé-Doupis  m'ont  paru  de  mœurs  douce6,  et 
quanta  la  rareté  des  délits,  ils  sont  dignes  d'être  com- 
parés aux  Négritos.  Pendant  que  je  remontais  la  rivière  en 
amont  de  leur  village,  j'y  laissai  une  partie  de  mon  bagage 
qui  représentait  pour  ces  indigènes  une  valeur  immense. 
Bien  qu'il  ne  fût  gardé  que  par  un  domestique  tagaloc 
incapable  d'une  surveillance  sérieuse,  à  mon  retour  il  n'y 
manquait  pas  une  épingle. 

Les  Boulé-Doupis,  si  voisins  cependant  des  Malais  de 
la  côte,  ont  le  type  relativement  élevé.  Leur  profil  est  pres- 
que européen  ;  ce  6ont  là  sans  doute  des  produits  du  rayon- 
nement de  ce  type  supérieur  dont  mon  illustre  maître, 
M.  de  Quatrefages,  a  placé  le  centre  de  dispersion  à  Boo- 
rou,  dans  les  îles  Moluques.  Je  crois  avoir  mis  en  évidence 


LUÇON,  MINDANAO,  SOULOU  ET  BORNÉO.  277 

traces  du  même  type  dans  le  mémoire  que  j'ai  publié 
les  Dayaks  de  Bornéo  et  les  Boughis  de  Célèbes. 
De  Bornéo,  après  beaucoup  de  retards  causés  par  défaut 
communications  et  une  maladie  qui  me  permit  du 
ins  d'apprécier  la  science  et  le  dévouement  de  M.  Rey, 
as  nous  rendîmes  à  Davao  dans  le  sud-est  de  Mindanao, 
réside  un  gouverneur  espagnol.  Là  je  dus,  à  mon  grand 
gret,  me  séparer  de  M.  Rey;  6a  santé  était  fortement 
|térée  par  le  climat,  et  il  fut  bientôt  forcé  de  rentrer  en 
rope. 

Je  restai  longtemps  à  Mindanao,  car  cette  grande  île 
it  particulièrement  fertile  au  point  de  vue  des  recherches 
spéciales  que  je  poursuivais.  Mindanao  est  placé  sur  la 
grande  ligne  de  volcans  qui  s'étend  du  Japon  aux  Moluques  ; 
elle  est  elle-même  essentiellement  volcanique  et  d'exon- 
dation  récente,  car  partout  les  trachytes  supportent  des 
lianes  de  polypiers  d'espèces  encore  vivantes  ;  ce  soulève- 
ment se  continue  de  nos  jours;  le  6ol  est  du  resle  peu 
i table,  car  à  Davao  les  tremblements  de  terre  6ont presque 
quotidiens. 

L'île  renferme  plusieurs  volcans,  tous,  je  crois,  dans 
une  période  de  demi-activité  ;  j'ai  eu  le  plaisir  de  faire 
l'ascension  de  l'un  d'eux,  l'Apo,  aussi  pittoresquement 
litué  que  le  May  on,  mais  bien  plus  élevé  que  lui,  puis- 
que, d'après  mes  observations,  6on  altitude  est  de  3,143 
mètres. 

Les  tentatives  faites  jusqu'à  ce  jour  pour  le  gravir  n'a- 
vaient pas  été  heureuses  ;  Oyanguren,  par  exemple,  le 
raillant  capitaine  qui  enleva  Davao  aux  Maures  et  qui  établit 
la  domination  espagnole  dans  le  golfe,  essaya  l'ascension 
en  1859  à  la  tête  d'une  soixantaine  d'hommes,  mais  il  dut 
rebrousser  chemin  après  avoir  perdu  le  tiers  de  son  monde. 
Si  notre  expédition  a  été  plus  heureuse,  elle  le  doit  au 
gouverneur  actuel,  le  brave  commandant  Don  Joaquin 
Rajal, dont  l'habileté  et  l'énergie  surent  en  imposer  aux  indi- 


v. 


ri 

i 


278  .  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

gènes  idolâtres  qui  accumulaient  le6  obstacles  pour  protêt 
ger  du  contact  des  blancs  le  cratère  qu'ils  considèrent 
comme  le  sanctuaire  de  leur  plus  redoutable  divinité. 

En  effet,  Mesdames  et  Messieurs,,  nous  retrouvons  kl 
la  diversité  ethnique  que  nous  avons  constatée  sur  tous  le* 
points  de  notre  itinéraire  :  sur  les  côtes  du  golfe  te 
Davao,  les  Malais  ou  Mores  qui  sont  mahotnétans,  ana- 
logues à  ceux  de  Soulou,  et  à  l'intérieur,  des  races  très 
différentes  qui,  dans  la  partie  orientale  de  Mindanao,  pré- 
sentent une  grande  variété. 

Ce  sont  d'abord  les  Guiangas  dont  la  taille  moyenne  est  ; 
de  lm,63  et  s'élève  jusqu'à  lm,72,  puis  les  Bagobos,  gar* 
diens  du  volcan  Apo,  tribus  cruelles  et  perfides,  mais  in- 
domptables, qui  luttent,  parfois  avec  avantage,  contre  les 
Mores  de  la  côte,  cependant  mieux  armés.  Ils  oppriment 
sans  merci  les  tribus  voisines.  La  plus  misérable  d'entre 
elles,  les  Bilans,  appartient  à  une  race  toute  différente. 

Il  y  a  longtemps  que  l'Apo  n'a  été  en  éruption,  mais  son 
sommet  est  toujours  couronné  d'une  auréole  de  vapeurs, 
indice  certain,  disent  les  Bagobos,  d'une  des  demeures  de 
Mandarangan  qui  doit  foudroyer  le  téméraire  asspz  hardi 
pour  venir  l'y  troubler. 

Le  5  octobre,  nous  partîmes  à  cheval  de  Davao  avec 
douze  soldats  disciplinaires  bien  armés  et  joignîmes  bientôt, 
à  Binugao,  un  chef  bagobo,  le  dato  Mani  qui  nous  guida 
et  nous  escorta  à  la  tête  d'une  centaine  de  lances  destinées 
au  fond  à  le  protéger  lui-môme.  Nous  couchâmes  dans  sa 
case  par  613  mètres  d'altitude  ;  le  lendemain  nous  dûmes 
abandonner  nos  chevaux;  les  pentes  devenaient  verti- 
cales ;  les  touffes  de  bambou  remplaçaient  peu  à  peu  les 
essences  de  haute  taille.  Nous  arrivâmes  difficilement,  le 
soir,  sur  les  rives  du  torrent  Tagulaya,  où  nous  établîmes 
notre  bivouac  au  milieu  des  premières  fougères  arbores- 
centes. 

Le  7,  dès  6ept  heures  du  matin,  nous  étions  au  milieu 


LUÇ0X,  MINDàNàO,  SOULOU  ET  BORNÉO.  279 

a  torrent  ;  dès  les  premiers  pas  nous  vîmes  que  les  berges 
^venaient  verticales  et  qu'il  fallait  renoncer  à  l'espoir  de 
déminer  sur  les  rives.  Le  dato  Mani,  n'osant  formelle- 
ient  refuser  à  nos  remingtons  de  nous  conduire  au  volcan, 
ssayait  de  nou6  lasser  en  augmentant  les  difficultés  de 
'entreprise.  Pendant  six  mortelles  heures,  nous  mar- 
hânies  au  milieu  d'un  courant  violent,  souvent  plongés 
psqu'aux  épaules,  dans  une  eau  qui  nou6  paraissait  glacée. 
*e  paysage  était  du  reste  féerique  ;  des  deux  côtés,  sur  les 
«rge6  sombre  à  pic,  élevées  de  50  à  100  mètres,  ruisselaient 
le  nombreuses  cascades  ou  s'étendaient  de  longs  rideaux  de 
îanes  et  d'orchidées  ;  au-dessus  de  nous,  un  dôme  de  fou- 
gères arborescentes  et  d'amentacées,  tamisait  les  rayons  du 
wleil  qui  venaient  se  briser  6ur  une  succession  de  chutes 
KBQgissante6.  Après  cette  épreuve,  nous  voyant  toujours 
résolus,  le  dato  se  décida  à  nous  conduire  directement  au 
pied  du  volcan. 

Le  9,  sur  le  mont  Pupuq,  à  1,250  mètres  d'altitude,  la 
température  du  sol  commença  à  s'élever  sensiblement, 
l'air  s'imprégna  d'une  odeur  sulfureuse.  Entre  1,500  et 
1,800  mètres,  nous  traversâmes  une  grande  forêt  de  fou- 
gères arborescentes  de  10  et  20  mètres  de  hauteur  et  nous 
bivouaquâmes  à  2,230  mètres,  au  milieu  de  fougères  ruis- 
selantes d'humidité;  pendant  la  nuit,  le  thermomètre  à 
minima  descendit  à  -h  8°  centigrades. 

Le  lendemain  matin  10,  nous  gravîmes  le  long  d'une 
immense  crevasse  d'où  s'échappaient,  avec  un  bruit  stri- 
ûfcnt,  des  jets  d'acide  sulfureux  ;  le  6ol  devenait  brôlant, 
il  était  parsemé  de  blocs  de  lave  et  couvert  d'une  couche 
desoufre  de  1  à  2  centimètres  d'épaisseur  ;  quelques  touffes 
de  romarins  et  de  gonévriers  croissent  seules  aumilieu  des 
ceudreg.  Vers  deux  heures  de  l'après-midi,  nous  étions  au 
sommet  du  cratère  dont  les  parois  à  pic  se  dressent  circu- 
lairement  avec  un  diamètre  de  500  mètres. 

La  descente  fut  contrariée  par  un  orage  qui  me  fit  perdre 


280  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

plusieurs  échantillons;  mais  à  partir  du  jour  suivant,  notre 
retour  s'accomplit  facilement,  car  le  dato,  jugeant  inutile 
de  nous  imposer  cette  foÎ6  l'épreuve  du  torrent,  nous  con- 
duisit par  un  chemin  moins  pénible.  Le  13,  nous  étions  de 
retour  à  Davao. 

Maintenant,  laissant  derrière  nous  l'Apo  et  sa  divinité 
désormais  sans  prestige,  nous  allons,  si  vous  le  voulez 
bien,  traverser  Mindanao. 

Nous  dirigeant  vers  le  nord,  nous  remonterons  le  Ta- 
gum,  puis  le  Sahug  jusqu'au  versant  méridional  du  mont 
Hoagusan  ;  après  avoir  franchi  ce  massif  montagneux, 
nous  trouverons,  au  pied  de  son  versant  nord,  le  rio  Àgu- 
san  qui  nous  mènera  jusqu'à  la  côte  septentrionale  de 
Mindanao,  dans  la  baie  de  Butuan. 

Voici  la  réduction  au  »■,/„,  de  la  carte  que  j'ai  levée 
au  <t'0M  et  où  j'ai  déterminé  28  positions  au  moyen  d'ob- 
eervations  astronomiques.  (Voir  aux  cartes.) 

Je  me  suis  6ervi  avec  avantage  pour  le  calcul  d'heure, 
de  la  formule  suivante  qui  m'a  été  indiquée  par  M.  Rozet, 
lieutenant  de  vaisseau,  aujourd'hui  directeur  de  l'observa- 
toire de  Toulon  : 

êh *  0»  8  8 

cos  t  = ! — L 

COS  f  COS  0 

où  t  =  angle  au  pôle,  h  =  hauteur  vraie  de  l'astre  observé, 
9  =  latitude,  S  =  déclinaison.  Cette  formule  abrège  nota- 
blement les  calculs. 

Je  partis  de  Davao  le  4  novembre  avec  quatre  domes- 
tiques bisayas,  dans  une  grande  pirogue  montée  par  un 
petit  équipage  qui  appartenait  aux  races  les  plus  diverses. 
Je  couchai  le  lendemain  à  Bincungan,  village  maure  situé 
sur  le  rio  Tagum,  non  loin  de  son  embouchure.  Cette  vue 
donne  une  idée  de  tous  les  villages  malais  de  la  région .  C'est 
là  que  fut  massacré  par  surprise,  il  y  a  quelques  années, 
l'infortuné  capitaine  D.  José  Pinzon  avec  une  partie  de 
son  escorte.  Ces  misérables  pirates  me  témoignèrent  beau- 


LUÇOX,  MINDANAO,  SOULOU  BT  BORNÉO.  281 

K)up  de  mauvaise  humeur,  mais  rien  de  plus,  car  ils  ont 
jayé  cher  leur  trahison. 

Le  6,  j'arrivai  à  Babao,  premier  village  des  Mandayas- 
Les  Mandayas  et  les  Manobos  occupent  l'intérieur  et  la 
partie  orientale  de  Mindanao  ;  les  premiers  sont  répandus 
lu  sud  et  les  seconds  au  nord  du  mont  Hoagusan,  centre 
fcrographique  de  la  région  ;  on  les  trouve  aussi  aux  abords 
lu  golfe  de  Davao. 

Ce  sont  deux  races  grandes,  bien  proportionnées,  robus- 
tes (x).  J'ai  recueilli  deux  types  de  femmes  mandayas,  filles 
le  chef,  et  deux  types  d'esclaves  de  race  atas,  capturées 
dans  le  massif  montagneux  qui  se  dresse  au  nord-ouest  de 
Tagum. 

Les  mœurs  des  Mandayas  et  des  Manobos,  ainsi  que 
leur  religion,  m'ont  paru  identiques.  Leur  régime  poli- 
tique est  la  féodalité  pure.  Ils  vivent  par  groupes  de  quinze 
à  deux  cents  personnes  sous  un  chef  héréditaire  dont  le 
pouvoir  absolu,  sans  contrôle,  s'exerce  à  peu  près  de  la 
mime  façon,  sur  sa  famille,  sur  ses  esclaves  et  sur  ses 
Tassaux.  Ces  petites  tribus  sont  en  guerre  continuelle.  Dès 
qu'un  chef  suppose  qu'un  de  ses  voisins  est  plus  faible 
que  lui  et  peut  fournir  un  butin  convenable,  il  l'attaque, 
toujours  par  surprise  et  pendant  la  nuit.  Les  toits  de  bam- 
bou sont  incendiés  par  des  flèches  munies  de  résine  en- 
flammée ,  ou  bien  les  assaillants ,  s'abritant  sous  leurs 
boucliers,  abattent  les  pieux  qui  supportent  les  cases.  Si 
l'attaque  réussit,  les  vieillards  des  deux  sexes  et  les  hommes 
adultes  sont  égorgés  sur-le-champ  ;  les  femmes  jeunes  et 
les  enfants  sont  réduits  en  esclavage.  Dans  cette  magni- 
,  fique région,  qui  ne  contient  pas  la  millième  partie  des 
habitants  qu'elle  pourrait  nourrir,  Mandayas  et  Manobos 
i  sont  constamment  60us  les  armes,  et  tout  est  combiné  au 
point  de  vue  de  la  défense.  Les  villages  sont  protégés  par 

!       ('}  Chez  le*  Manobos,  la  taille  s'élève,  d'après  mes  obsorvations,  jusqu'à  l-»,70  ; 
,    ciux  les  Mindayaa,  J  osqu'à  1  »  ,62. 

I  IOC.  DB  GiOQK.  —  8*  TBXMK8TR*  1889.  19 


232  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

des  cours  d'eau,  des  palissades,  des  fossés  habilement  di* 
simulés,  dont  le  fond  est  hérissé  de  bambous  aigus.  La 
cases  sont  perchées  sur  des  pieux  ou  sur  des  arbres  à  10  d 
même  20  mètres  du  sol.  Les  murs  en  bois  sont  percés  da 
nombreuses  meurtrières  auprès  desquelles  s'alignent  to* 
jours  les  arcs  et  les  flèches.  A  peine  ose-t-on  cultiver  m 
peu  de  riz  et  de  patates  à  quelques  pas  de  la  maison.  Ce- 
pendant, presque  toutes  ces  cases  renferment  un  métier i 
tisser  qui  donne  des  étoffes  à'abaca  assez  gro6sière6,  mail 
fort  solides  ;  ces  étoffes,  colorées  avec  les  suc6  de  diverse! 
essences,  ont  un  éclat  satiné  et  des  dispositions  assez  élé- 
gantes. 

La  religion  repose  6ur  le  dogme  fondamental  de  l'égali 
puissance  de  trois  dieux  supérieurs  qui  se  partagent  k 
direction  du  monde,  mais  on  n'entend  jamais  parler  d'eax^ 
et  il  m'a  fallu  de  la  ténacité  pour  les  découvrir.  Ces  indî- 
gènes  ne  se  préoccupent  que  de  trois  divinités  d'un  ordrt 
inférieur:  Limbucun,  incarné  dans  une  tourterelle  ;  on  lot 
fait  quelques  offrandes  de  riz  ;  Mandarangan,  qui  est  l'équi- 
valent du  diable,  et  Dewâta,  en  fait,  le  plus  important  de 
tous  ;  c'est  le  génie  du  foyer  domestique,  le  grand  protec- 
teur qu'il  faut  se  concilier  par  des  offrandes  constantes. 
Malheureusement,  il  n'aime  que  le  sang  et  les  victime* 
qu'on  lui  offre  sont  des  esclaves.  Je  n'entrerai  pas  dans  le 
détail  de  ces  hideux  sacrifices  qui  contribuent  largement  à, 
dépeupler  Mindanao.  J'ajouterai  seulement  qu'en  vertu  de 
ce  dogme,  que  Dewâta  n'est  jamais  si  content  que  lorsque!** 
lances  sont  rouges,  il  est  toujours  bon  de  tuer  quelqu'un 
Les  dialectes  mandayas  et  manobo6  ont  môme  un  mol 
spécial,   bagani,  pour  désigner  le  vaillant  qui  a  coupé 
soixante  têtes.  Ces  baganis  sont  les  seuls  indigènes  €pit 
d'après  les  usages  de  l'intérieur,  aient  le  droit  de  se  coiffa 
d'une  espèce  de  turban  en  étoffe  écarlate. 

Ma  première  rencontre  avec  les  Mandayas  ne  fut  P3* 
heureuse.  Obligé  d'abandonner  ma  grande  pirogue  dontle 


LUÇON,  MINDANAO,  SOULOD  ET  BORNÉO.  283 

bt  d'eau  était  trop  élevé,  je  la  renvoyai  à  Davao  avec 
(équipage.  J'avais  d'abord  par  mes  cadeaux  décidé  les 
adayas  à  me  fournir  3  pirogues  légères  et  des  rameurs. 
j$  au  moment  du  départ  je  ne  trouvai  plus  personne  ;  en 
ichissant  ils  avaient  craint  de  s'éloigner  de  chez  eux  ; 
pris  le  parti  de  m'emparer  des  pirogues  et  de  continuer 
Toute  avec  mes  seuls  domestiques  bisayas  ;  nous  n'a- 
ks  pas  fait  un  mille  qu'une  de  ces  embarcations,  trop 
Iles,  s'ouvrit  et  coula  à  pic,  mais  les  deux  autres  tinrent 
[jusqu'au  centre  de  l'île.  Ce  sont  des  difficultés  de  cette 
are  qui  rendent  si  lente  toute  exploration  de  ces  con- 
te. J'arrivai  le  soir  à  Mapawa,  autre  village  de  Man- 
ias, qui  fut  d'abord  bouleversé  par  ma  présence  ;  ce 
tfcle  fut  bientôt  calmé  par  des  présents,  et  longtemps 
$s  le  coucher  du  soleil  les  cases  résonnèrent  de  rires  et 
chansons. 

Le  10,  à  partir  du  confluent  du  rio  Maggum,  ma  navi- 
Ëon  devint  réellement  difficile.  Le  Sahug  ne  présente 
b qu'une  suite  de  bassins  séparés  par  de  longs  rapides 
fcûmbrés  de  roches  diverses,  parmi  lesquelles  je  trouvai 
il  blocs  de  polypiers  semblables  à  ceux  qui  se  multiplient 
bellement  dans  le  golfe  de  Davao  ;  quelque  réduit  que 
l  h  tirant  d'eau  de  mes  embarcations,  il  fallait  les  dé- 
ttfger  à  chaque  instant,  creuser  un  petit  chenal  pour 
or  passage,  et  les  remorquer  contre  un  courant  terrible 
i milieu  du  bouillonnement  des  eaux  qui  empêchait  mes 
tomes  de  m'entendre.  La  pluie  tombait  à  torrents,  et  il 
&  tardèrent  pas  à  tomber  malades.  Je  ne  pouvais  6onger 
quitter  mes  embarcations  à  cause  des  chronomètres  ;  les 
eux  rives  étaient  d'ailleurs  couvertes  d'une  végétation 
bissante  et  inextricable.  Je  mis  huit  jours  pour  m'élever 
tolement  de  7  minutes  en  latitude  jusqu'au  confluent  du 
b  Maputi. 

A  ce  moment,  le  dévouement  de  mes  gens  n'avait  pas 
pbli,  mais  leurs  forces  étaient  épuisées  ;  nous  étions  sans 


284  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

vivres  et  il  y  avait  longtemps  que  je  n'avais  aperçu 
trace  humaine,  je  déchargeai  la  plus  légère  des  deux 
barcations  et  je  Tenvoyai  à  la  découverte  avec  les 
moins  éclopés.  Le  lendemain,  je  vis  arriver,  glissant 
gèrement  au  milieu  de  l'écume  des  rapides,   toute 
flottille  de  radeaux  montés  par  des  Mandayas  ;  séduit 
les  promesses  de  mes  ambassadeurs,   le  puissant 
Husip  amenait  sa  tribu  pour  me  remorquer. 

Deux  ou  trois  verres  d'eau-de-vie,  tout  ce  qui  me 
mirent  Husip  en  belle  humeur.  Les  Mandayas  s'attel 
en  foule  aux  remorques  de  mes  embarcations,  ils  s'ext 
peu  à  peu  et  bientôt  je  suis  enlevé  au  milieu  des  rapu 
avec  des  cris  et  un  fracas  qui  dominaient  celui  du  rio 
hug.  Des  embarcations,  fussent-elles  cuirassées,  n'ai 
pas  résisté  longtemps  à  de  pareils  frottements.  Heui 
ment,  j'arrivai  bientôt  au  pied  du  mont'Hoagusan. 

Cet  Husip  était  assez  accommodant  ;  il  fut  ébloui 
mes  verroteries  et  surtout  par  une  affreuse  cotonnade 
pour  laquelle  ses  femmes  faillirent  s'entre-déchirer  5  il 
fournit  des  porteurs  et  je  franchis  le  mont  Hoagusan 
marchant  dans  le  lit  des  torrents. 

L'Hoa^usan  franchi,  je  me  trouvais  sur  les  bords  du 
Agusan,  qui  devait  me  mener  jusqu'à  la  baie  de  Bul 
mais  j'étais  sur  les  terres  des  Manobos.  Un  de  leurs  du 
pour  me  fournir  des  pirogues,  prétextant  je  ne  sais  quel 
infraction  aux  lois  de  la  politesse  manoba,  exigeait  la 
d'un  de  mes  domestiques.  Évidemment  il  hésitait  entre; 
dé6ir  de  me  piller  et  la  crainte  de  ma  carabine  ;  ilignc 
heureusement  que  les  rapides  avaient  mis  hors  d'us 
armes  et  munitions.  Son  hésitation  lui  fui  funeste.  Saû 
sant  un  moment  favorable,  je  pris  deux  pirogues  et  d< 
esclaves  et  m'embarquai  sur  l' Agusan  ;  je  visitai  en  pa« 
le  lac  de  Linao  et  j'arrivai  à  Butuan  le  8  décembre, 
milieu  d'une  véritable  tempête  ;  la  pluie  était  tellemei 
persistante,  que  je  dus  rester  à  Butuan  six  jours  entieflj 


LUÇ0N,  MINDANAO,  SOULOU  ET  BORNÉO. 


285 


que  l'état  du  ciel  me  permît  de  faire  les  observations 
tomiques  indispensables  pour  fixer  le  dernier  point 
m  itinéraire. 

Butuan,  je  fis  plusieurs  excursions  gui  m'amenèrent 
Lter  la  présence,  non  loin  du  lac  de  Maïnit,  des  Né- 
désignés,  ainsi  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  le 
sous  le  nom  de  Mamanuas.  Au  cours  de  ces  excur- 
>,  je  trouvai  plusieurs  grottes  qui  me  donnèrent  une 
le  récolte  de  crânes  ;  je  pus  aussi  m'en  procurer  plu- 
dans  diverses  sépultures,  et  recueillir  nombre  déb- 
itions anthropologiques. 

tou1u8  rentrer  à  Davao  par  l'Océan  Pacifique  en 
Ageant  la  côte  Est  de  Mindanao;  c'était  la  meilleure 
i au  point  de  vue  de  la  géographie,  vu  l'imperfection 
cartes  de  la  côte  entre  la  pointe  Canit  et  Caraga,  mais 
embarcations  du  pays  sont  trop  imparfaites  pour  tenir 
par  la  mousson  de  nord -est,  au  milieu  de  laquelle 
trouvais  ;  dans  les  mouvements  de  roulis,  le  balan- 
qui  est  sous  le  vent  est  heurté  fortement  par  les  lames 
ont  soulevé  l'embarcation,  et  les  liens  de  rotang  qui 
les  balanciers  aux  traverses  ne  tardent  pas  à  6e  re- 
ier;  après  des  efforts  de  plusieurs  jours,  après  avoir 
perdre  un  homme  enlevé  par  les  lames,  je  me  ré- 
ii,  le  16  janvier,  à  modifier  mon  itinéraire.  Revenant 
mes  pas,  je  remontai  l'Agusan  jusqu'à  Bunanauan  ;  là, 
il  mon  premier  itinéraire,  par  les  rios  Simulao  et 
l,  j'arrivai  au  pied  de  la  chaîne  qui  court  parallèle- 
à  la  côte  et  qui  forme,  en  ce  point,  de  magnifiques 
tes  ruisselant  sur  de  larges  assises  de  wacke  ;  je 
L8  cette  chaîne  par  un  col  peu  élevé  et  j'atteignis  la 
du  Pacifique  à  Bislig  ;  de  Bislig  à  Caraga,  je  suivis 
côte  presque  toujours  par  terre,  obligé  de  marcher  et 
bivouaquer  souvent  sous  des  pluies  torrentielles,  car  le 
est  fort  accidenté,  et  c'est  à  peine  si  l'on  trouve 
telques  sentiers  aux  abords  des  rares  pueblos  du  rivage 


286 


GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 


habités  par  de6  Bisaya6.  Pendant  la  saison  où  je  me 
vais,  de  novembre  à  mai,  époque  à  laquelle  le  veut! 
nord-est  soulève  les  vague6  du  Pacifique,  tout  transit 
interrompu.  Au  moment  où  je  passais,  régnait  en 
une  de  ces  guerres  ei  fréquentes  entre  les  Bisayas  et 
Mandayas  ;  on  n/ entendait  parler  que  de  cases  ince 
et  de  têtes  coupées  ;  on  comprend  aisément  ainsi  co 
ce  sol  fertile,  plus  fertile  peut-être  que  celui  de  L 
donne  que  des  produits  insignifiants.  Toute  l'expo 
de  Garaga,  le  plus  important  pueblos  de  la  côte,  se  bo 
Tannée  de  mon  passage,  à  quelques  kilogrammes  de 
d'ailleurs  excellent.  Le  16  février,  j'arrivais  dans  la 
Pujada,  rade  magnifique,  bien  abritée  et  qui  sera  le 
tre  commercial  de  cette  région  quand  elle  aura  un 
merce. 

Le  22,  enfin,  j'étais  de  retour  à  Davao  après  trois 
et  demi  d'absence.  Malade,  je  dus  rentrer  à  Manille, 
ville  avait  été  cruellement  éprouvée,  6ix  mois  aupara 
par  plusieurs  tremblements  de  terre.  Je  vais  faire 
sous  vos  yeux  la  photographie  de  San  Pedro,  la  cathé 
avant  et  après  ce  tri6te  événement.  Voici  le  tracé  du 
mographe  horizontal  pour  l'une  des  convulsions  gai 
produit  ces  ruines,  tracé  que  je  dois,  ainsi  que  les  dé 
suivants,  au  R.  P.  Faura,  élève  du  P.  Secchi,  l'é 
directeur  de  l'Observatoire  de  Manille,  observateur  a 
modeste  que  savant.  La  terre  commença  à  tremblera 
nille,  mais  faiblement,  en  avril  1880.  Les  secousses  s1 
centuèrent  en  juin  ;  les  premiers  jours  de  juillet  fu 
calmes  ;  le  14  se  produisirent  des  secousses  violentes 
répétées ,  suivies  jusqu'au  18  par  des  secousses  pi 
faibles  ;  mais  ce  jour-là,  à  midi,  la  ville  parut  près 
s'abîmer.  Les  mouvements  d'oscillation,  de  trépidation 
de  rotation  combinaient  leurs  effets  désastreux,  le  s6 
semblait  bouleversé  comme  par  une  houle  furieuse,  l'i& 
dice  du  seismomètre  vertical  fut  projeté  à  la  hauteur  i 


LUÇON,  MINDANAO,  SOULOU  ET  BORNÉO.  287 

Il  millimètres.  C'est  alors  6urlout  que  s'amoncelèrent  les 
Bines  dont  vous  venez  de  voir  un  exemple. 
:  Mais,  Mesdames  et  Messieurs,  je  ne  dois  pas  vous  laisser 
pus  ces  tristes  impressions  ;  comme  après  le  tremblement 
|b  terre  de  1860,  comme  après  tous  ceux  qui  l'ont  précédé, 
lanille  s'est  encore  relevé  de  ses  ruines  ;  sa  vie  com- 
merciale a  repris  plus  active,  ses  salons  6e  sont  de  nouveau 
luverts  et  l'agréable  accueil  qu'y  reçoivent  les  étrangers 
le  leur  permettrait  pas  de  croire  que  quelques  mois  aupa- 
jtvant  le  toit  qui  les  abrite  était  pêle-mêle  avec  les  meubles 
Nuis  la  rue.  Après  avoir  retrouvé  Manille  telle  que  nous 
Pavions  laissée  à  notre  départ,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à 
teuhaiter  qu'elle  soit  à  l'abri  de  nouveaux  ravages  ;  il  ne 
ifeste  plus  à  l'explorateur  qu'à  vou6  remercier  de  la  sympa- 
thique attention  que  vous  avez  bien  voulu  lui  prêter  ('). 


I  (')  Les  différente  types  décrite  par  le  docteur  Montano  et  dont  il  a  présenté  de* 
pnfttrçraphte*  projetées  i  la  lumière  oxhydrique,  seront,  pour  let  principaux  an 
fcttes,  reproduits  d&as  l'Album  de  la  Société.  (Voir  à  l'annonce  du  précéJent 

peu*!*.) 


VOYAGE  AU  ZAMBESE 


(Suite.) 


Auxenvirons  du  village,  habite  le  6orcier  (gafiga)  cramé- 
decin,  dans  une  case  spéciale,  6elon  qu'on  le  consulte  pour 
une  chose  ou  l'autre.  C'est  un  vieillard  aux  yeux  renfon- 
cés qui  nous  paraît  peu  sociable;  6a  pharmacie  consiste  en  ■ 
petits  paquets  soigneusement  liés  avec  un  fil  de  sanse- 
vière  et  renfermant  des  graines  de  citrouilles.  Ces  préser- 
vatifs de  toutes  les  maladies  humaines  sont,  ainsi  que  le 
Daoua  (porte-bonheur)  pour  la  chasse,  vendus  assez  cher 
aux  naturels. 

Nous  avons  aussi  remarqué  aux  abords  du  village  quel- 
ques pièges  destinés  à  prendre  de  petits  animaux,  tels  que 
les  rats  dont  les  noirs  sont  très-friands.  Plusieurs  ont  une 
certaine  analogie  avec  les  instruments  que  les  quincail- 
liers vendent  en  Europe.  Il  y  a  de6  collets,  de6  assom- 
moirs et  enfin  d'autres  qui  prennent  vivants  les  animaux 
qui  s'y  aventurent. 

Nulle  part  nous  n'avons  vu  de  trace  de  houille,  et  les 
naturels  de  Magombé  regardent  nos  échantillons  comme 
une  chose  toute  nouvelle. 

L'après-midi,  nous  avons  fait  l'ascension  de  la  deuxième 
partie  du  Malahoué,  qui  n'est  pas  plu6  facile  à  grarir 
que  la  première.  Du  sommet,  la  vue  s'étend  sur  toute  Ja 
plaine  de  la  rive  gauche  du  Chiré  et  l'on  y  aperçoit  de 
nombreux  villages.  Le  quartz  est  visible  jusqu'au  sommet 
du  mont  principal. 

Le  soir,  nous  revînmes  coucher  à  Magombé,  où  Ton 
avait  mis  à  notre  disposition  le  magasin  aux  provisions. 
Étendus  6ur  nos  nattes,  nous  espérions  reposer  tranquil- 
lement, lorsqu'au  bout  d'une  heure,  uqus  fûmes  attaqués 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  289 

r 

jar  une  véritable  légion  de  makoukous  ou  fourmis  noires 
assez  grosses,  longues,  très-dures  et  dont  la  piqûre  est 
excessivement  douloureuse.  Quand  elles  sont  logées  dans 
la  barbe  ou  les  cheveux,  il  faut,  on  les  tuer  sur  place,  ou 
arracher  le  poil.  Après  avoir  essayé,  mais  en  vain,  de 
nous  débarrasser  de  ces  hôtes  incommodes,  nous  fûmes 
obligée  de  déménager.  Il  n'y  avait  pas  une  heure  que  nous 
étions  dans  notre  nouvelle  case,  lorsque  nous  fûmes  en- 
vahis une  seconde  fois  par  les  mômes  fourmis  qui,  atti- 
rées par  nos  provisions,  nous  suivaient  à  la  piste.  C'est 
en  vain  que  nos  hommes  entourèrent  notre  case  d'un  cer- 
cle de  feu  et  qu'ils  brûlèrent  la  colonne  des  assiégeants, 
le  flot  passa  quand  même  et  nous  dûmes  pour  la  seconde 
fois  chercher  un  gîte  ailleurs.  Nous  allâmes"  à  l'extrémité 
opposée  du  village,   où  nous  fûmes  relativement  tran- 
quilles. Les  noirs  eux-mêmes  n'étaient  pas  insensibles  aux 
piqûres  des  makoukous  et  ressemblaient  à  de  vrais  démons 
fautant  et  criant,  à  la  lueur  du  feu  qu'ils  avaient  allumé 
pour  repousser  les  millions  d'animaux  qui  s'avançaient 
sur  nous. 

Le  24  mai,  nous  rentrons  à  Cambimbé  par  le  chemin 
suivi  la  veille  ;  la  descente  est  beaucoup  plus  iatigante 
et  surtout  plus  dangereuse  que  la  montée.  Néanmoins, 
nous  rentrons  sans  incidents  et  après  un  repos  de  quel- 
que temps  nous,  voulons  partir  pour  Missengé.  Nos 
hommes,  influencés  sans  doute  par  les  gens  de  M'bona 
qui  nous  accompagnaient,  nous  déclarèrent  qu'ils  n'étaient 
pas  disposés  à  se  mettre  en  route,  à  moins  toutefois  que 
nous  ne  leur  accordions  une  journée  de  paye  supplé- 
mentaire. Nous  ne  pouvions  accepter  un  pareil  traité  et 
souffrir  de  telles  conditions;  nous  avions  payé  Marianno 
assez  cher  pour  que,  sur  son  district,  nous  marchions  sans 
rencontrer  de  semblables  obstacles.  Comme  nos  cipayes, 
;  mariniers  du  Luabo,  qui  nous  suivaient  depuis  Mucatacata 
et  qui  devaient  venir  à  Tête  avec  nous,  nous  étaient  restés 


290  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  *.    EXPLORATIONS. 

fidèles,  nous  sortîmes  facilement  de  ce  mauvais  pas. 
Mettre  nos  bagages  en  réserve,  sous  la  garde  de  deux 
d'entre  nous  et  former  une  machilla  avec  les  cipayes  ne 
fut  que  l'affaire  d'un  instant.  Celui  qui  partirait,  rentrerait 
à  Missengé  et  composerait  chez  Domingo  une  deuxième 
colonne  qui  viendrait  prendre  les  bagages  et  ceux  qui 
étaient  restés  pour  les  garder.  Quand  la  machilla  partit, 
les  nègres,  craignant  sans  doute  les  reproches  de  Domingo, 
capitulèrent  et  vinrent  nou6  dire  qu'ils  étaient  prêts  à  ren- 
trer avec  nous  au  village.  En  un  clin  d'oeil  les  bagage?  , 
furent  chargés  et  Ijs  machillas  prêtes  ;  nous  partîmes  au 
pas  gymnastique  et  au  bout  de  deux  heures  nous  arrivions 
à  destination. 

Un  deuxièiûe  incident  s'était  néanmoins  produit  en 
route  ;  le  chef  de  M'bona,  Combé,  prévenu  par  ses  hommes 
que  nous  allions  repasser  près  son  village,  se  rendîmes  à  la 
limite  de  son  territoire,  accompagné  de  6es  guerriers  ar- 
més, afin  de  percevoir  le  droit  de  circulation  que  nous 
avions  déjà  dû  solder  deux  jours  auparavant  et  recevoir  nos 
hommages.  Les  porteurs  voulurent,  comme  précédemment 
nous  faire  mettre  pied  à  terre  pour  défiler  devant  le  bon- 
homme, mais  nous  refusâmes  énergiquement,  et  le  roitelet 
se  contenta  de  nous  voir  passer  nonchalamment  étendus 
dans  nos  machillas. 

A  Missengé,  on  nous  soutint  qu'en  suivant  le  cours  du 
Chiré,  nous  pourrions  trouver,  avant  d'arriver  au  lac 
Lydia,  un  passage  dans  les  roseaux  et  que  nous  gagnerions 
ainsi  en  canot  la  partie  que  nous  avions  explorée  en  vain 
avant  de  nou6  décider  à  prendre  la  voie  de  terre.  Ce  passage, 
nous  dirent  les  noirs,  est  tracé  tout  naturellement  par  la 
rivière  au  moment  de  la  descente;  il  est  facile  à  suivie, 
mais  très-difficile  à  trouver  quand  on  vient  des  basses 
terres. 

Nous  traitâmes  avec  Domingo,  qui  s'engagea  à  nous 
fournir  des  almandiâs  pour  le  lendemain  et  à  nous  procu- 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSB.  291 

rer  des  mariniers  ;  nous  allons  voir  comment  il  tint  ses 
promesses.  Le  matin  vers  les  six  heures,  il  vint  nous  récla- 
mer de  l'eau-de-vie;  puis  ce  furent  de6  mouchoirs,  des 
grains,  de  la  toile  et  de  la  bijouterie.  Insatiable  dans  ses 
demandes  continuellement  refusées,  il  trouvait  mille  pré* 
textes  pour  revenir  à  la  charge  et  quand  on  lui  parlait 
des  embarcations,  elles  allaient  toujours  être  prêtes.  Amidi, 
nous  les  vîmes. enfin  arriver  et  nous  pûmes  faire  transpor- 
ter nos  bagages  sur  la  rive. 

Là  nous  eûmes  d'autres  ennuis  :  les  mariniers,  soutenus 
par-dessous  main  par  Domingo,  se  mirent  à  l'écart  et  il 
fallut  les  chasser,  les  prendre  les  uns  après  les  autres,  pour 
les  forcer  à  embarquer  ;  puis  les  rames  manquèrent,  il 
fallut  fouiller  les  roseaux  où  les  noirs  les  avaient  cachées, 
et  pendant  ce  temps  plusieurs  almandiâs   s'esquivèrent 
en  traversant  le  Chiré  et  en  nous  forçant  à  les  poursuivre, 
à  les  traquer,  puis  à  les  ramener  près  du  débarcadère  afin 
de  charger  les  bagages.  Toutes  ces  difficultés  créées  par 
Domingo  n'avaient  pour  but  que  de  nous  retenir  le  plus 
longtemps  possible  à  Missengé  pour  que  nous  lui  four- 
nissions   de  quoi  s'enivrer  ou  que  nous  lui  donnions 
quelques-unes  des  marchandises  qui  nous  servaient   de 
monnaie.  Voyant  clairement  le  jeu  qu'il  jouait,  nous  lui 
refusâmes  énergiquement  l'eau-de-vie  qu'il  ne  cessait  de 
nous  réclamer  et  lui  signifiâmes  que  si  cette  plaisanterie 
ne  cessait  pas  immédiatement  nous  allions  employer  des 
moyens  plus  énergiques  et  surtout  plus  touchants  pour 
nous  procurer  les  embarcations  que  nous  attendions  depuis 
la  veille  et  dont  nous  avions  payé  la  location. 

Ne  pouvant  plus  rien  nous  soutirer  et  sachant  que  nous 
étions  en  mesure  d'employer  la  violence  pour  forcer  les 
mariniers  à  marcher,  Domingo  leur  dit  quelques  mots  et 
ils  devinrent  obéissants.  A  deux  heures,  nous  quittions 
Mi£sengé  et  son  chef. 
Nous  voilà  donc  embarqués  sur  le  CHiré,  dont  les  berges 


292  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

sont  basses  et  les  rives  cultivées  par  endroits.  L'eau  est  trou- 
ble ;  sauf  quelques  rares  alfacynia6,  aucune  plante  aquatique 
ne  descend  la  rivière;  les  deux  rives  sontbordées  de  roseaux. 
Nous  dépassons  Moingé  et,  environ  à  3  kilomètres  plus  eu 
aval  de  ce  village,  nous  laissons  sur  la  rive  droite  l'em- 
bouchure du  Prozè,  rivière  de  40  mètres  de  largeur  qui 
semble  venir  de  PO.-N.-O.  Le  soir,  nous  nous  arrêtons  à 
la  hauteur  du  village  de  Mingaré  ou  Vitrine,  que  nous 
avions  traversé  quelques  jours  auparavant  lorsque  nous 
suivions  la  voie  de  terre. 

Pour  aborder  au  village,  il  nous  faut  remonter,  au  milieu 
des  roseaux,  environ  500  mètres  d'un  marécage  d'où 
s'exhale  une  odeur  pestilentielle.  Sortis  de  ce  marais  in- 
fect, nou6  marchons  encore  un  demi-kilomètre  et  nous 
nous  installons  dans  la  moins  sale  de  toutes  les  cases  qui 
ici  sont  d'une  malpropreté  dégoûtante. 

Le  26  mai,  après  être  sortis  des  marécages  de  Vitrine, 
nous  remontons  en  canot  et  continuons  à  descendre  le 
Chiré  dont  les  berges  sont  très-plates  et  bordées  de  marais 
couverts  de  roseaux.  Après  4  heures  de  navigation,  nous 
arrivons  au  lac,  sur  lequel  nous  pouvons  avancer  pendant 
une  heure  avant  de  rencontrer  les  roseaux  et  les  alfacynias 
qui,  quelques  jours  auparavant  nous  avaient  empêchés  de 
remonter  la  rivière.  Nou6  trouvons  un  passage  fort  resserré 
du  reste,  mais  où  une  almandiâ  se  meut  cependant  avec 
facilité  ;  nous  avançons  sans  trop  de  peine  et  finissons  par 
sortir  de  la  végétation  aquatique  accumulée  sur  le  lac 
Lydia.  Un  fait  curieux  a  été  constaté  pendant  toute  la 
durée  de  la  traversée,  c'est,  qu'une  fois  no6  embarca- 
tions passées,  toutes  le6  herbes  mises  en  mouvement  flot- 
taient un  instant  indécises,  puis  6e  resserraient,  ne  lais- 
sant aucune  trace  de  notre  passage. 

En  voyant  le  peu  de  largeur  du  Chiré  en  amont  du  lac 
que  nous  avons  traversé,  le  peu  de  courant  de  cette  rivière 
et  par  conséquent  son  débit  assez  restreint,  nous  nous 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  293 

sommes  demandé  6i  c'est  bien  elle  qui  alimente  le  lac  et 
donne  au  bras  de  rivière  commançant  à  Paouro  et  se  termi- 
nant près  de  la  Chamoara  (*),  cette  quantité  énorme  d'eau 
qu'il  débite  et  dont  le  courant  est  très-rapide.  Les  rensei- 
gnements que  nous  avons  pris  près  des  naturels  et  une 
exploration  faite  dans  la  largeur  du  lac  nous  ont  montré 
que  nous  supposions  avec  raison  qu'un  affluent  quelconque 
amène  dans  le  grand  réservoir  de  Lydia  une  masse  d'eau 
considérable.  En  effet,  nous  avons  trouvé  dans  la  partie 
sud-ouest  du  lac,  un  canal  rempli  d'eau  dont  nous  avons 
remonté  le  courant  qui  est  d'une  extrême  violence  ;  ce 
canal  déverse  peut-être  cinq  ou  six  fois  autant  d'eku  que 
n'en  donne  le  Chiré,  porte  le  nom  cafre  de  Zio-Zio  et  va 
du  lac  Lydia  à  Sennanove,   comme  nous  le  montrerons 
tout  à  l'heure.  Il  met  le  Zambèse  en  communication  cons- 
tante avec  le  Chiré  ;  c'est  un  des  bras  du  fleuve  qui  en- 
voie dans  ce  réservoir  de  20,000  hectares  au  moins,  une 
quantité  d'eau   considérable  dont  le  surplus  6'échappe 
par  la  tranchée  sur  les  bords  de  laquelle  sont  bâtis  Parouo> 
Houtankoïs,  Bourgagne  et  Schamo. 

Étant  donnée  la  constatation  faite  de  ce  passage  impor- 
tant reliant  le  fleuve  à  la  rivière,  canal  qui  arrose  plusieurs 
villages  et  au  milieu  duquel  sont  plusieurs  îles  habitées, 
on  est  naturellement  conduit  à  considérer  le  lac  Lydia  et 
son  déversoir  comme  un  seul  et  même  bras  du  Zambèse 
recevant,  vers  le  milieu  de  son  parcours,  au  nord  du  village 
dePinda,  la  rivière  Chiré  ;  tandis  que,  jusqu'ici,  on  croyait 
qu'elle  se  jetait  dans  le  Zambèse  au  pied  de  la  côte  dont 
nous  avons  parlé  et  sur  laquelle  est  bâtie  l'habitation  de 
la  signora  Maria  du  Val-des- Anges. 

Le  Zambèse,  dont  le  delta  est  encore  si  peu  connu,  se 
ramifie  beaucoup  plus  dans  l'intérieur  qu'on  ne  le  pensait 
jusqu'à  ce  jour  ;  en  face  de  Senna,  il  enferme  dans  une 
vaste  île  une  importante  portion  de  territoire  dont  le  par- 

0)  Cbamnara  on.  ChamoM-a.  Dans  la  langue  du  bas  Zaxnbéie,  chamuar  signifie  ami. 


294  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

cours  demanderait  plusieurs  journées  de  marche.  Nous  ne 
pensons  pa6  qu'on  ait  déjà  appelé  l'attention  des  voyageurs 
sur  ce  canal  Zio-Zio  qui  nou6  a  demandé,  pour  le  remon- 
ter, deux  journées  de  navigation. 

Près  du  lac  Lydia,  les  rives  du  Zio-Zio  sont  maréca- 
geuses et  couvertes  de  moustiques  ;  nous  ne  tardons  pa6  à 
côtoyer  une  île  de  vase  desséchée  sur  laquelle  poussent  de 
nombreuses  plantes  aromatiques.  Plus  loin,  les  berges 
s'améliorent  et  nous  voyons  d'assez  grands  palmiers  ou 
élaïs  dont  les  fruits  fournissent  une  huile  excellente  pour  § 
la  savonnerie ,  mais  dont  on  ne  tire  aucun  parti  en  Zambésie. 
Nous  rencontrons  des  naturels  qui  s'installent  pour  la  pè- 
che et  qui  emploient  des  espèces  d'épuisettes  d'environ 
70  centimètres  de  diamètre  sur  1  mètre  de  profondeur,  en 
filet  de  chanvre  ou  de  bouazé,  à  mailles  assez  grandes,  le 
tout  monté  sur  un  fil  de  fer  fixé  à  l'extrémité  d'une  perche 
de  lni,50  à  2  mètres  de  long. 

Nous  avons  le  courant  contre  nous,  aussi  notre  marche 
est-elle  assez  lente.  Les  rives,  qui  nous  ont  paru  s'amélio- 
rer, ne  tardent  pas  à  redevenir  marécageuses  \  nous 
n'avons  pour  tout  horizon  que  des  roseaux  terminés  par 
des  houppes  et  après  lesquels  grimpent  de  nombreux  con- 
volvulus.  Nous  ne  rencontrons  que  très-peu  de  gibier.  A 
la  tombée  de  la  nuit,  nous  laissons,  sur  la  rive  droite,  un 
très-petit  ruisseau  et  peu  de  temps  après  nous  dépassons 
l'entrée  d'un  canal  qui,  nous  dit-on,  va  aussi  rejoindre  le 
lac  Lydia  au-dessus  du  Zio-Zio,  mais  en  aval  du  Chiré. 
Vers  les  neuf  heures  du  soir,  nous  atterrissons  à  proximité 
d'un  deuxième  canal  qui  coule  O.-N.-O  à  E.-S.-E,  en  un 
endroit  marécageux  où  des  pécheurs  des  environs  de  Senna 
sont  installés.  Ils  ont  barré  ce  petit  chenal  avec  des  roseaux 
et  y  ont  placé  des  nasses.  Tout  le  poisson  qu'ils  ont  déjà 
récolté  est  ouvert,  vidé,  suspendu  à  des  perches  et  des  lia- 
nes pour  sécher  au  soleil  ;  nous  en  voyons  plus  de  200  ki- 
logrammes en  plein  air.  Comme  ce  poisson  n'est  qu'à  moi- 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  295 

ié  desséché,  il  répand  une  odeur  infecte  qui  nous  préserve 
tes  moustiques,  il  est  vrai,  mais  nous  incommode  fort. 

Le  lendemain  matin,  avant  de  nous  remettre  en  route, 
lous  visitons  les  nasses  tendues  la  veille  au  soir  ;  au  nom- 
lire  d'une  douzaine,  elles  contiennent  chacune  environ  20 
kilogrammes  de  poisson.  Le  poisson  électrique  y  domine, 
linsi  qu'un  autre  beaucoup  plus  petit  qui,  dit-on,  fait  payer 
cher  au  crocodile  le  plaisir  que  celui-ci  peut  trouver  à  le 
(Danger.  Ce  poisson  a  le  dos  et  les  nageoires  armés  d'une 
espèce  d'arête  très-dure,  pointue,  taillée  en  forme  de  scie 
sur  la  face  postérieure.  Lorsqu'il  est  avalé  par  un  plus  gros 
que  lui,  même  par  le  crocodile,  il  étend  ses  trois  dards  au 
moment  où  il  passe  dans  le  gosier  du  glouton,  et  y  reste 
jusqu'à  ce  que  tous  deux  périssent  étouffés. 

Nous  naviguons  vers  le  N.-O.  et,  au  bout  de  3  kilomè- 
tres environ,  nous  apercevons  sur  la  rive  gauche,  au  bord 
même  du  canal,  le  village  de  Maïnga,  composé  d'une  tren- 
taine de  cases  tant  rondes  que  carrées.  Le  sol  près  de  ce 
village  est  formé  de  sable  fin  ;  la  berge  a  1  mètre  environ 
de  hauteur  ;  elle  s'abaisse  à  la  sortie  de  Maïnga,  et  le  sol 
redevient  marécageux  et  couvert  de  roseuux.  La  rive  droite 
au  contraire  a  2  mètres  d'élévation.  Sur  cette  dernière 
rive,  un  village  temporaire  d'une  quinzaine  de  cases  e6t 
habité  par  les  fugitifs  de  la  révolte  réprimée  au  commen- 
cement de  l'année  1881  par  le  gouverneur  de  Quilimane. 
Plus  loin  encore,  nous  rencontrons  divers  campements  de 
ces  révoltés  inquiets  de  notre  passage  et  qui  demandent  à 
nos  mariniers  si  nous  ne  venons  pas  pour  les  faire  prison- 
niers et  les  livrer  à  Marianno  ou  à  dona  Luiz  de  Santa- 
Cruz. 

Après  trois  heures  de  navigation,  nous  nous  trouvons 
devant  Munisson,  village  situé  sur  la  rive  droite  et  formé 
d'une  quinzaine  de  paillottes  en  fort  mauvais  état,  puis  les 
roseaux  disparaissent  de  la  rive  droite,  la  berge  de  sable 
s'élève,  on  voit  quelques  bananiers    et  l'on  rencontre 


296  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Uunienba,  nouveau  village  de  20  case6  habitées  par  une 
cinquantaine  de  naturels.  A  cet  endroit  commence  uns 
île  couverte  d'une  Irès-belle  végétation;  elle  est  séparé^ 
du  côté  du  sud  par  un  chenal  d'au  moins  100  mètres  dt 
largeur.  Sur  cette  île  6e  trouve  Cobert,  village  d'un  certaiir 
nombre  de  groupes  de  8  à  10  paillottes  chacun,  séparé* 
l'un  de  l'autre  d'une  centaine  de  mètres.  De  là,  aussi  loin 
que  la  vue  peut  6'étendre,  on  remarque  que  l'île  est  culti* 
vée  et  que  des  habitations  isolées  sont  disséminées  ci  g 
là,  à  proximité  de  très-belles  rizières. 

Au  delà  de  Cobert  et  dès  que  nous  avons  fini  de  côtoyer 
l'île,  nous  passons  à  la  hauteur  d'un  village  que  nous  lais- 
sons sur  la  rive  droite.  A  partir  de  cet  endroit,  les  berger 
s'abaissent  et  le  sol  cesse  d'être  marécageux  -,  on  aperçoit 
des  cultures  et  des  arbres  nombreux,  les  villages  se  voient 
fréquemment.  Près  de  la  rive  gauche,  on  s'approche  d* 
plus  en  plus  de  la  chaîne  de  montagnes  qui  aboutit  en  face 
de  Senna  et  l'on  finit  même  par  être  à  son  pied  ;  elle  est 
fort  peu  boisée  dans  cette  partie,  quoiqu'on  aperçoive  de* 
arbres  jusqu'au  sommet.  Nous  touchons  le  Zambèse  de- 
vant Sennanove,  dont  les  habitants  fuient  à  notre  approche, 
nons  abandonnant  un  troupeau  d'une  quarantaine  de  bœufs. 
Nous  avons  toutes  les  peines  du  monde  à  les  rassurer  sur 
nos  intentions  et  nous  allons  passer  la  nuit  entre  les  mors 
en  ruine  de  Casa  Vidagan,  vaste  propriété  qui  vient  d'are 
ravagée  et  incendiée  par  Marianno.  C'est  là  que  s'est  jouée 
la  dernière  partie  d,e  la  révolte  de  1881  et  où  les  malheu- 
reux que  nous  avons  vus  à  Mopéa  ont  été  faits  prisonniers, 
tandis  que  d'autres  étaient  impitoyablement  massacrés.  Si 
nous  en  jugeons  par  les  champs  cultivés  autour  de  Vida- 
gan,  nous  pouvons  dire  que  là  peut-être  était  la  plus  vaste 
exploitation  agricole  du  Zambèse,  par  malgré  la  dévastation 
qu'elle  a  subie,  elle  donnerait  encore  une  très-belle  récolte, 
actuellement  abandonnée  aux  nombreux  pillards  des  envi- 
rons de  Senna. 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  29? 

La  maison,  ou  plutôt  la  ferme  incendiée,  est  à  400  mè* 
1res  environ  du  bord  du  fleuve,  sur  une  petite  colline 
b  20  mètres  d'élévation  ;  elle  est  en  maçonnerie  faite 
l?ec  la  pierre  des  environs,  conglomérat  de  grès  rouge 
ponçasse  et  soudé  par  une  matière  excessivement  dure  ; 
la.  toiture  en  charpente  était  couverte  de  tuiles  creuses. 
L'ensemble  se  composait  de  la  maison  d'habitation  et 
î'ane  vaste  cour  close  par  une  muraille  en  maçonnerie  ; 
lu  moment  où  nous  passons  près  d'elle,  il  ne  reste  plus 
|ae  quelques  murs  noircis  par  les  flammes  et  ébréchés 
par  larges  places. 

La  partie  du  Zambèse  que  nous  remontons  en  quittant 
Tidagan  est  remplie  de  pierres  ou  de  roches  que  l'eau 
couvre  de  quelques  centimètres,  aussi  touchons-nous  à 
chaque  instant.  C'est  en  vain  que  nous  nous  écartons  à 
ime  assez  grande  distance  de  la  rive,  nous  rencontrons 
toujours  les  mômes  obstacles.  Nous  passons  un  bras  du 
fleuve  et  bous  arrivons  sur  une  île  sablonneuse,  en  face 
de  Senna  ;  cette  fie  est  cultivée  et  couverte  d'arachides, 
de  riz,  de  citrouilles  et  de  haricots  filandreux  de  15  cen- 
timètres de  longueur,  renfermant  chacun  de  12  à  18  fèves 
assez  tendres.   Nous  y  revoyons  le  fede-fede,  dont  les 
gousses  sont  formées,  maÎ6  dont  les  graines  ne  peuvent 
pas  encore  être  recueillies.  Nous  installons  notre  cam- 
pement dans  une  case  au  milieu  de  l'île,  à  proximité 
de  Casa-Domingo,  dont  les  habitations  sont  sales,  petites 
et  peuplées  de  rats  d'une  grosseur  peu  commune,  aux- 
quels nos  nègres  font  la  chasse.  Nous  avons  pour  voisins 
quelques  réduits  où  se  trouvent  renfermées  d'assez  belles 
chèvres,  tandis  que  des  porcs  presque  domestiqués  et 
d'un  poids  raisonnable  vont  se  vautrer  dans  la  boue,  près 
du  Zambèse.  Au  milieu  du  village,  croissent  plusieurs  ju- 
jubiers ou  massaô,  dont  les  fruits  ne  sont  pas  encore  arrivés 
i  complète  maturité. 
Obligés  de  séjourner,  afin  de  réparer  un  de  nos  canots 

•oc.  m  eioem.  —  8«  Tnrnfru  1883.  10 


298 


GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 


dont  le  gouvernail  a  été  brisé  contre  les  blocs  nombreux 
qui  encombrent  le  fleuve,  nous  allons  visiter  la  ville  de 
Senna,  ville  forte,  de  temps  en  temps  ravagée  par  les  Lan- 
dins  ou  plutôt  par  les  pillards  de  la  route  de  Manica,  ca- 
chant leurs  atrocités  sous  le  nom  d'un  peuple  indépendant, 
qui  endosse  ainsi  la  responsabilité  de  bien  des  crimes  qu'il 
n'a  pas  commis. 

Nous  traversons  l'île  dans  6a  largeur  en  passant  par 
Casa-Domingo  ;  partout  des  femmes  cultivent  la  terre  ;  la 
couche  végétale  e6t  ici  peu  épaisse  et  repose  sur  une  assise 
de  6able.  Nou6  arrivons  sur  un  bras  du  Zambèse,  large  de 
150  à  200  mètres  environ,  que  nous  passons  au  gué  avec 
de  l'eau  jusqu'à  la  ceinture  ;  nous  trouvons  une  lagune  de 
sable,  large  de  50  mètres,  derrière  laquelle  existe  un  cours 
d'eau  de  100  mètres  de  largeur.  Dans  cette  lagune,  sont 
creusés,  de  distance  en  distance,  des  trous  de  50  centimè- 
tres de  profondeur,  où  l'eau,  filtrant  à  travers  le  sable, 
vient  s'amasser  ;  c'est  dans  ces  trous  que  les  habitants  de 
Senna  vont  puiser  le  liquide  destiné  aux  usages  divers  de 
leurs  habitations. 

Nous  passons  ensuite  par  des  marécages  qui  exhalent 
une  odeur  fétide  ;  on  sent  la  fièvre  sortir  de  ces  terres 
remplies  de  débris  végétaux  et  animaux  en  décomposition 
et  l'on  comprend  que  les  Européens  de  Senna  soient  tous 
plus  ou  moins  empoisonnés  et  minés  par  cette  maladie;  en 
un  mot,  que  le  climat  ait  la  réputation  —  bien  méritée,  il 
est  vrai,.  —  d'être  meurtrier.  Notre  promenade  à  Senna 
nous  coûta,  plus  tard,  quelques  jours,  de  repos  forcé  et 
douloureux. 

Nous  entrons  dans  la  ville  par  une  barrière  formée  de 
simples  troncs  d'arbres  fichés  en  terre  et  gardés  par  trois 
ou  quatre  soldats  indigènes  vêtus  de  guenilles.  Leur  cos- 
tume a  dû  consister  jadis  en  une  veste  et  un  pantalon  de 
coutil  blanc,  en  souliers,  guêtres  et  casquettes.  Le  tout  a 
pu  être  neuf  à  un  moment  donné,  mais  à  l'heure  qu'il  est, 


VOYAGE  AU  ZAMBÈ8E .  299 

es  franges,  les  trous  et  les  déchirures  y  6ont  nombreux  ; 
es  pieds  sont  veufs  des  chaussures,  la  corde  même  des  vé- 
emente  les  plus  indispensables  est  usée.  C'est  dans  cette 
enue  que  la  troupe  garde  le  pavillon. 

Nous  ne  tardons  pas  à  passer  devant  le  fort,  si  on  peut 
tonner  ce  nom  à  la  construction  ridicule  qui  doit  soi- 
Bsant  protéger  la  ville.  Quelques  murs,  décorés  du  nom 
le  bastions,  en  pierres  rouges  du  pays,  posées  à  sec,  se  re- 
ient  entre  eux  par  plusieurs  murailles  dont  l'une  n'est 
pi'une  palissade  en  bois.  Sur  ces  bastions ,  sont  placés 
Une  demi-douzaine  de  canons,  assez  semblables  à  nos  an- 
siennes  pièces  de  4  de  campagne.  Mais  y  a-t-il  des  mu- 
iûtions  pour  les  desservir?  Mais  ces  pièces  ont-elles  des 
iff&ts  ?  Nous  n'osons  l'affirmer  aujourd'hui  ;  d'après  les 
résultats  de  l'inventaire  du  matériel  que  nous  avons  fait 
à  Tête,  nous  pouvons  croire  que  F  artillerie  de  Senna  est 
là  pour  la  parade  et  ne  vaut  même  pas  celle  que  Bonga,  le 
détrousseur  de  passants  de  Massangano,  étale  si  pom- 
peusement devant  son  Eringa. 

L'histoire  de  la  ville  de  Senna  n'est  qu'une  série  d'at- 
taques et  de  pillages.  Brûlée  ou  détruite  en  partie,  régu- 
lièrement tou6  les  quatre  à  cinq  ans,  la  cité  se  reconstruit 
et  attend  tranquillement,  dans  une  indolence  6ans  exem- 
ple, une  nouvelle  attaque.  Elle  ne  fait  rien  pour  la  pré- 
venir. Le  fort  est  réputé  devoir  défendre  la  ville  et  cepen- 
dant on  peut  l'aborder  de  face,  aller  jusqu'à  la  palissade 
gui  remplace  la  muraille,  sans  crainte  de  recevoir  un  coup 
de  canon.  De  pareilles  constructions  ne  sont  pas  sé- 
rieuses. L'attaque  qui  a  occasionné,  dans  ces  derniers 
temps,  le  plus  de  ruines  est  sans  contredit  celle  de  la  fin 
de  l'année  1866  (*). 

Senna  est  sur  la  rive  droite  du  Zambèse,  au  pied  du  Ba- 
ramouana,  montagne  formée  de  deux  mamelons  jumeaux, 


Cl  Voir  :  0  Âfrieano.  Journal  publié  à  QolUmane,  8  Juillet  1881. 


! 


300  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

aux  sommets  desquels  pousse  le  Pœdevia  fœtida,  plante 
laquelle  les  indigènes  attribuent  la  propriété  de  donner  I 
fièvre  lorsqu'on  la  respire.  A  très-peu  de  distance  de  Bafl 
mouana  et  du  côté  de  Quilimane ,  deux  monticules  dta 
r  l'élévation  paraît  être  environ  de  moitié  des  deux  manw 

Ions  jumeaux  sont  très-peu  boisés,  surtout  dans  leur  parti 
supérieure  ;  ils  ont  une  teinte  rouge-brique  très-prononcé* 

La  population  de  Senna  se  compose  d'Européens,  ë 
métis  et  de  noirs.  Tous  les  blancs  paraissent  maladifs  :  il 
ont  la  peau  jaune,  la  figure  tirée,  les  yeux  ternes  ;  ils  soi 
maigres,  leur  démarche  est  lente  et  la  faiblesse  extrême; 
qu'ils  avouent  ressentir,  montre  qu'ils  ne  sont  pas  daflj 
un  état  de  santé  satisfaisant,  et  qu'à  cette  époque  4) 
Tannée  le  climat  de  Senna  n'est  pas  des  plus  sains.  Ldj 
habitations  sont  de  trois  sortes  différentes,  les  paillot 
les  cases  en  roseaux  recouvertes  de  pisé  et  les  maisons 
pierre  tirée  des  montagnes  voisines.  Ces  pierres  sont 
néralement  liées  par  un  gâchis  de  terre  et  d'eau. 

Il  existe  à  Senna  une  importante  maison  de  commerce^ 
dirigée  par  un  Hollandais;  ses  achats  consistent  surtout  et 
arachides,  en  ivoire  et  en  poudre  d'or,  venant  des  gîtes  a»| 
rifères  de  Manica^). 

On  élève  quelques  bestiaux  dans  l'intérieur  de  Senna,, 
mais  il  est  difficile  de  s'y  procurer  du  lait.  Les  vivres; 
sont  rares  et  d'un  prix  exorbitant;  aussi  est-il  presque  im- 
possible de  se  ravitailler  en  cet  endroit. 

On  n'y  trouve  aucun  légume  ;  les  habitants,  blancs  on; 
autres,  ne  semblent  même  pas  savoir  ce  que  c'est.  Il  est- 
déplorable  de  voir  dans  un  pays  où  la  main-d'œuvre 
d'un  prix  minime  et  où  les  Européens  pourraient  donne 
une  impulsion  énergique  au  développement  de  la  ci 
et  de  l'industrie,  une  incurie  semblable  et  de  nepoUTOi 
trouver,  dans  l'une  des  principales  villes  de  la  Zambêsk 

(')  Les  sables  aurifères  de  la  Manie*,  examinés  Jusqu'à  une  profondeur  di  i 
mètres  donnent,  en  moyenne,  48  centigrammes  d'or  p*r  mètre  cube. 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSB.  301 

*s  légumes  qui  entrent  dans  la  composition  d'un  simple 
tit-au-feu. 

Nous  devions,  à  Senna,  remettre  une  lettre  à  Ànselmo 
?erraô,  capitaô-mor  de  la  ville  ;  mais  il  était  dans  sa  pro- 
priété de  Mofavo.  Nous  lui  expédiâmes  sa  missive  et  ne 
jftmes  pas  fâchés  d'être  dispensés  de  serrer  la  main  à  cet 
tomme  ;  oui,  à  lui,  le  vertueux,  l'intègre  Ferraô,  le  6eul 
Stoyen  honnête  trouvé  par  Livingstone  dans  toute  la  Zam- 
Jésie  portugaise,  —  â  Anselmo  Henriquez  Ferraô  qui,  saisi 
ïe  l'ambition  des  grandeurs  et  de  l'amour  du  galon,  fit 
teassiner  par  ses  propres  noirs  le  capitaô-mor  de  Senna, 
Sont  on  lui  apporta  la  tête,  et  qui  se  porta  ensuite  candidat 
jkla  succession  militaire  de  sa  victime,  fut  élu,  puis  reconnu 
jar  le  Gouvernement. 

'   Vertueux  et  honnête  aussi,  ce  Ferraô  qui,  en  1881, 

achète  et  vend  des  hommes,  des  femmes  et  des  enfants. 

Une  chaîne  d'esclaves  a  été  arrêtée  près  du  Guingue,  et 

menée  chez  le  gouverneur  de  Tête  pendant  les  premiers 

mois  de  l'année  1881  ;  elle  avait  pour  chef  conducteur 

l'intendant  ou  homme  de  confiance  de  Ferraô  qui  prétendit 

que  ces  gens  venaient  de  leur  pleip  gré  chez  son  maître. 

Les  noirs  interrogés  protestèrent  et  soutinrent  qu'ils  avaient 

été  enlevés  de  force  de  leurs  cases  qu'on  avait  pillées. 

Ordre  fut  donné  à  la  justice  de  Senna  d'instrumenter  et 

elle  instrumente... ra,  car  si,  dans  tous  les  pays,  la  justice 

est  boiteuse,  enZambésie  elle  est  certainement  paralytique. 

Nous  avons  vu  plus  tard,  à  Tête,  les  gens  qui  compo- 

*  Baient  cette  chaîne,  remis  en  liberté  par  le  gouverneur  et 

travaillant  à  la  journée  chez  ceux  qui  voulaient  les  louer. 

Le  choix  avait  été  bienfait,  car  ces  hommes  et  ces  femmes 

étaient  de  forts  et  solides  sujets  qui  auraient  rapporté  de 

belles  sommes  au  vertueux,  intègre  et  honnête  citoyen  An- 

wlmo  Ferraô. 

A  Mofovo,  il  se  repose  de  ses  exploits  de  la  guerre  des 
^ganjas,  car  c'est  lui  qui  est  arrivé  à  la  rescousse  de 


302  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Marianno  et  qui  a  contribué  au  6uccès  remporté  par  c*, 
dernier.  Il  s'embusqua  dans  une  île  sur  le  chemin  de  la 
Chupanga  de  Senna  et  mitrailla  le6  malheureux  habitais 
qui  6* expatriaient,  emmenant  avec  eux  leurs  femmes  et 
leurs  enfants.  Ceux  qui  ne  furent  pas  tués  par  les  balles  ce 
noyèrent  dans  le  fleuve. 

Au  mois  de  septembre  1881,  lors  des  élections  législa- 
tives, il  y  avait  à  Senna  soixante-neuf  électeurs. 


MISSION  SCIENTIFIQUE 

EN    ALGÉRIE  ET  AU  MAROC 

Par  M.  René  B  AS  SET 

PrifesMU  fa  BtMntm  anM  I  Viuk  nfMnrt  te  toUra  l'ilpr 


Chargé  par  le  ministère  de  l'instruction  publique,  sur  la 
demande  de  l'Académie  des  inscriptions,  d'une  mission 
scientifique  dans  l'ouest  de  l'Algérie  et  le  nord  du  Maroc, 
je  quittais  Alger  le  1er  avril  pour  une  excursion  d'environ 
deux  mois.  La  ligne  du  chemin  d'Alger  à  Oran  a  été  assez 
souvent  parcourue  et  décrite  pour  qu'il  soit  superflu  d'en 
parler  de  nouveau  :  après  avoir  traversé  les  riches  plaines 
de  la  Métidja,  longé  la  chaîne  de  l'Atlas  et  pénétré  dans  la 
vallée  du  Chélif ,  nous  arrivions  dans  l'après-midi  à  Inker- 
mann,  que  les  Arabes  continuent  d'appeler  Oued-Riou. 

La  voiture  du  qadhi  de  Mazouna,  mon  premier  point 
d'exploration,  nous  attendait  à  la  gare,  et  sans  perdre  de 
temps,  nous  nous  dirigeons  à  travers  une  plaine  monotone, 
semée  çà  et  là  d'orge  et  de  blé,  vers  les  montagnes  au 
milieu  desquelles  est  située  Mazouna.  Nous  traversons  le 
Chélif  sur  un  pont  tout  récent  et  les  premiers  contreforts 
du  Dhahra  franchis,  nous  arrivons  à  des  collines  plus  ver- 
doyantes, d'un  aspect  plus  gai,  où  des  prairies  d'asphodèles 
et  de  doum  (palmier  nain),  sillonnées  de  sentiers  tracés 
(ar  les  troupeaux,  fournissent  un  pâturage  abondant  aux 
gazelles  qui  se  trouvent  encore  en  assez  grand  nombre 
tans  la  vallée  du  Chélif.  Nous  eûmes  le  regret  de  voir 
paisiblement  s'ébattre  i  portée  de  fusil,  quatre  de  ces  gra- 
cieux animaux  que  les  décharges  de  nos  revolvers  déran- 
gèrent à  peine.  La  route  montait  toujours,  et,  arrivés  au 
point  culminant,  nous  embrassons  d'un  seul  coup  d'œil 


304 


GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 


un  horizon  fermé  au  nord  par  la  chaîne  du  Dbahra  et  au 
6ud  par  celle  où  s'élève  le  Ouaranseni6  (Ouancherich), 
YŒil-du-Monde.  Sur  chaque  montagne,  des  qoubbas  ea 
l'honneur  de  Sidi-Abd-El-Qader-el-Djilani,  le  saint  le 
plus  vénéré  de  l'Algérie,  tranchent  par  leur  blancheur  sur 
un  tapis  de  verdure  ainsi  que  quelques  douars  entourés 
de  haies  de  cactus  ou  d'épines  sèches  de  jujubier  sauvage 
(sidrab). 

Blottie  dans  un  repli  de  terrain,  entre  deux  montagnes 
aux  cimes  dénudées,  Mazouna  ne  se  laisse  apercevoir  qu'an 
moment  d'y  pénétrer.  Nous  y  arrivons  par  une  allée  de 
cactus  qui  enclôt  des  vergers  de  poiriers  et  d'amandier* 
en  fleurs,  tandis  qu'auprès  d'eux  les  grenadiers  gardent 
leur  teinte  rouge  et  les  figuiers  commencent  à  peine  à  se 
couvrir  de  feuilles.  Nous  laissons  à  notre  gauche  le6  qoubbas 
de  Sidi-Embarek,  de  Sidi-HannietdeSidi-Abd-El-Qaderf 
et  en  dépit  des  rues  escarpées  de  la  ville  arabe,  nous 
parvenons  sans  encombre  jusqu'à  la  maison  du  qadhi  Si* 
Ahmed-El-Hamissy,  chez  qui  nous  devions  trouver  l'hoa* 
pitalité  la  plu6  cordiale. 

La  légende  locale  attribue  la  construction  de  Mazouna  à 
un  certain  Mazouna,  frère  de  Madiouna,  l'ancêtre  de  la 
tribu  berbère  de  ce  nom,  fixée  aux  environs  de  la  ville.  Il 
est  probable  que  celle-ci  est  d'origine  romaine,  ou  du  moins 
qu'un  poste  militaire  s'élevait  en  cet  endroit,  car  en  creusant 
les  fondations  de  la  maison  du  Bach-Adel,  on  trouva  des 
restes  de  murs  en  briques  et  en  chaux,  comme  les  Arabe6 
et  les  Kabyles  du  Maghreb  n'auraient  su  en  élever.  D'après 
Ibn-Khaldoun  (Histoire  des  Berbères,  t.  III,  p.  314),  Ma- 
zouna aurait  été  bâtie  par  les  Mar'raoua,  tribu  puissante 
au  moyen  âge  dans  l'Afrique  du  nord,  auxquels  succé- 
dèrent les  Oulad-Mendil.  Après  la  fondation  de  l'empire 
des  Abdel-Ouadites,  avec  Tlemcenpour  capitale,  Mazouna 
passa  sous  la  domination  de  cette  famille,  et  en  686  de 
Thégire  (1287),  servit  de  magasin  à  Otsman,  fils  de  Yar'- 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      305 

©ras en,  qui  venait  de  l'enlever  aux  Mar'raoua.  Après 
pie  les  sultans  mérinides  du  Maroc  eurent  supplanté  à 
sur  tour  les  Abdel- Ouadites,  Mazouna  tomba  entre  les 
Bina  d' Abou-Yàqoub-Yousof  qui  faisait  alors  le  siège  de 
lemcen,  en  djouinada  second  de  l'an  699  (1300  de  notre 
re).  L'année  suivante,  en  rebi'  premier  700  (1300  de  notre 
te),  Rached-ben-Moh'ammed,  beau-frère  du  sult'an  méri- 
ide  Abou-Yàqoub,  se  révolta,  mécontent  d'avoir  vu  donner 
Omar-ben-Ouir'ern,  descendant  des  Mendils,  le  comman- 
ement  des  Mar'raoua,  qu'il  ambitionnait  pour  lui-même. 
I  fut  appuyé  par  les  gens  de  Mazouna  qui  lui  livrèrent 
sur  ville.  Après  un  premier  succès,  Rached,  poursuivi  par 
es  troupes  marocaines,  se  retira  dans  la  montagne,  fais- 
ant dans  Mazouna  pour  la  défendre,  ses  cousins  Ali  et 
Bammou,  fils  de  Yahya-ben-Tsabit.  Ceux-ci  parvinrent  à 
rarprendre  les  assiégeants,  dont  le  chef ,  Ali-El-Kheïri, 
tomba  entre  leurs  mains  en  701  (1301-1302  de  notre  ère). 
Malgré  ce  succès,  le  siège  continua  et,  en  l'an  703  (1303- 
1304),  elle  fut  prise  d'assaut,  ses  habitants  massacrés  et 
leurs  têtes  lancées  dans  lest  fossés  de  Tlemcen  que  le 
sult'an  mérinide  tenait  encore  bloquée. 

Cependant  Mazouna  6e  releva  de  ses  ruines  et  sa  med- 
lésah,  aujourd'hui  simple  zaouîah,  devint  bientôt  célèbre, 
mais  uniquement  pour  l'étude  du  droit  ;  les  autres  sciences 
7  étaient  négligées.  Ah'med-ben-Yousof ,  le  pieux  et  médi- 
tant voyageur,  enterré  à  Milianah,  ne  Ta  pas  oubliéequand 
il  a  dit  d'elle,  dans  ses  vers  : 

Xaxouna,  Tîîle  cachée; 

Ses  habitants,  grands  et  petits,  font  le  pèlerinage  (de  la  Mekke), 
Mais  sans  ses  docteurs,  le  fen  (de  l'enfer)  la  dévorerait  toute  ; 
Pendant  le  jour,  on  y  trouve  des  mooches  et  de  mauvaises 

paroles  ; 
Pendant  la  nuit,  des  puces  et  de  mauvais  rêves. 

L'hospitalité  du  qadhi  nous  préserva  des  uns  et  des 
autres.  J'en  aurai  fini  avec  l'histoire  de  Mazouna,  quand 


306  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

j'aurai  dit  qu'après  avoir  été  quelque  temps  le  siège 
beylik  d'Oran,  elle  fut,  en  1846,  le  quartier  général 
Bou-Mâza,  qui  souleva  le  Dhahra  de  Tenès  à  Orléansvi 
L'insurrection  fut  durement  et  justement  réprimée  par 
colonel  (depuis  maréchal)  Pélissier,  et  le  châtiment 
Oulad-Riah'  asphyxiés  dans  les  grottes  où  ils  s'étai 
réfugiés,  fit  une  telle  impression  sur  les  indigènes  qu 
ne  participèrent  à  aucune  des  révoltes  postérieures. 

Bâtie  sur  trois  mamelons,  la  ville  est  divisée  en  p 
sieurs  quartiers  :  Bou-Dzeloul,  ainsi  nommé  d'un  Juif 
lequel  la  tradition  est  muette  ;  la  Qas'bah,  renfermant 
restes  de  la  Noubah  des  Turks  et  de  l'habitation  de  Moa/* 
tafa-bou-Chelar'em.   C'est  de  Mazouna   qu'en  1119 
l'hégire  (1708  de  notre  ère)  partit  ce  bey  pour  recoi 
quérir  Oran  sur  les  Espagnols. 

Les  autres  quartiers  de  Mazouna  sont  Bou-Matâ, 
appelé  du  nom  d'un  Berbère  qui,  suivant  quelques  trai 
tions,  fonda  Mazouna  ;  Adjedir  (en  berbère  Agadir,  rochaj! 
et  Bou'Alloufah,  séparé  du  reste  de  Mazouna  par  l'Oued- 
Tamda.  D'après  les  récits  populaires,  Alloufah  serait  ta 
nom  d'une  femme  Chaouïah,  berbère  par  conséquent. 

La  ville  est  suffisamment  arrosée,  tant  par  les  pluies  que 
par  les  ruisseaux  qui  l'entourent,  comme.  l'Oued-TinserL 
et  l'Oued-Tamda.  Celui-ci  forme,  entre  les  deux  parti» 
de  Mazouna  une  jolie  cascade  à  laquelle  on  arrive  par  un 
chemin  escarpé.  Elle  est  parfois  à  sec  à  cause  des  prises 
d'eau  qui  se  font  en  amont  et  Ton  peut  contempler  des 
stalactites  et  des  incrustations  curieuses.  L'eau  tombe  dans 
un  bassin  qui,  au  dire  des  indigènes,  était  autrefois  assez 
profond  pour  qu'un  homme  pût  y  nager,  mais  qui  s'est 
comblé  peu  à  peu. 

De  l'autre  côté  de  Bou'Alloufah,  on  trouve  la  source 
de  Aïn-Der'our'ou.  Elle  jaillit  sous  une  voûte  de  cons- 
truction ancienne  qui  ne  paraît  pas  d'origine  romaine,  bien 
que  les  habitants  n'en  puissent  nommer  l'auteur. 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.     307 

» 

Parmi  les  montagnes  qui  environnent  Mazouna,  l'une, 
foi  se  dresse  vers  le  sud-est,  porte  le  nom  de  Nadher-El- 
bieskhout,  qu'elle  aurait  reçu  à  la  6uite  d'une  légende 
malogue  à  celle  de  Hammam-Meskhoutine.  On  raconte 
|u'un  individu  dont  la  fille  était  sur  le  point  de  6e  marier, 
liait  occupé  à  vanner  du  grain,  lorsqu'elle  se  présenta  à 
iui  en  habits  de  fête,  lui  apportant  sa  nourriture.  L'homme 
Eéda  aux  tentations  du  démon  et  fit  violence  à  sa  fille,  mais 
tous  deux  furent  immédiatement  changés  en  montagne. 
De  là  le  nom  de  Nadher-El-Meskhout,  l'aire  du  métamor- 
phosé. 

J'ai  déjà  dit  que  Mazouna  était  une  ville  purement 
arabe,  aux  rue6  étroites,  aux  maisons  indigènes  à  un 
étage,  couvertes  en  terrasses,  à  l'exception  de  celles  du 
qadhi  et  de  l'instituteur,  le  seul  Français  qui  y  habite, 
lies  autres  étrangers  sont  deux  ou  trois  Juifs  qui  exercent 
le  métier  de  bijoutier  et  les  t'olba  marocains  qui  viennent 
étudier  à  la  zaouïah.  Celle-ci,  autrefois  célèbre,  ne  compte 
plus  qu'une  trentaine  d'élèves  que  se  partagent  deux  pro- 
fesseurs. L'enseignement  6e  borne  à  la  lecture  et  à  l'expli- 
cation du  traité  de  droit  de  Sidi-Khalil  :  les  autres  juris- 
consultes y  étant  inconnus.  Quant  à  la  grammaire,  aux 
telles-lettres  et  aux  sciences  mathématiques  professées 
encore  dans  les  université6  musulmanes,  il  n'en  est  pas 
question  ;  à  plus  forte  raison,  l'histoire,  la  géographie  et 
les  sciences  physiques  et  naturelles. 

A  quatre  kilomètres  de  Mazouna,  on  a  construit  tout 
récemment  le  village  français  de  Renaud  où  se  trouvait, 
nous  disait-on,  deux  inscriptions  latines.  Elles  y  existent 
an  effet,  mais  notre  course  fut  inutile,  car  elles  avaient 
déjà  été  recueillies  et  publiées  à  Oran.  Avant  d'arriver  au 
village,  on  aperçoit  la  qoubbah  de  Sidi-Moh'ammed-ben- 
Ali,  professeur  d'Ibn-Charef,  qui  enseigna  à  Mazouna  et 
composa,  au  commencement  de  ce  siècle,  des  ouvrages 
fort  importants  pour  l'histoire  de  l'Algérie  et  du  Maroc. 


308  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Un  jour,  Sidi-Moh'ammed-ben-Ali  entendit  parler  de  deux 
sorciers  gui  parcouraient  les  tribus,  annonçant,  moyennant 
finance,  la  naissance  d'une  fille  ou  d'un  garçon.  L'évén&- 
ment  justifiait  toujours  leurs  prédictions  ;  une  pareille 
science  ne  pouvait  venir  que  du  démon  et  le  cheikh,  dan* 
sa  colère,  prononça  contre  eux  des  menaces  que  plusieuir 
de  ses  disciples,  entre  autres  Ibn-Charef,  6e  mirent  en 
mesure  d'exécuter.  Ils  6e  saisirent  des  deux  individus  et 
s'apprêtaient  à  les  mettre  à  morfy  quand  Ibn-Gharef  réflé 
chit  qu'ils  allaient  agir  sans  l'ordre  formel  de  leur  mato* 
et  que  celui-ci  avait  peut-être  l'intention  de  leur  faire 
grâce.  Il  chercha  à  persuader  ses  compagnons  et  n'y  : 
réussit  qu'en  les  menaçant  de  6on  pistolet.  Les  sorciers  ■ 
furent  amenés  au  cheikh  qui  ordonna  leur  mort  pour  le , 
lendemain.  Pendant  la  nuit,  le  Prophète,  touché  deslar-> 
mes  des  deux  malheureux,  leur  apparut  et  les  engagea 
à  se  placer  le  jour  suivant  à  un  certain  endroit,  ce  qui  les 
sauverait  infailliblement.  Ils  suivirent  ce  conseil  et  Sidi- 
Moh'ammed-ben-Ali  reçut,  de  son  côté,  la  visite  du  Pro- 
phète qui  lui  révéla  ceci  :  les  condamnés  étaient  possédés 
par  deux  démons,  60us  la  forme  d'une  vipère  et  d'un  scor- 
pion, et  ceux-ci  les  obligeaient  sous  peine  de  mort  immé- 
diate, à  prédire  dans  les  tribus  la  naissance  des  garçons 
et  de6  filles,  sans  doute  pour  contre-balancer  l'effet  produit 
par  les  miracles  des  amis  de  Dieu.  Grâce  aux  vertus  du 
cheikh,  les  deux  animaux  furent  tués,  le  charme  rompu 
et  les  deux  hommes,  reconnaissants  de  l'intervention 
d'Ibn-Charef  qui  leur  avait  par  là  sauvé  la  vie,  obtinrent 
pour  lui  de  6on  maître  Vidjazah  ou  diplôme  de  licence 
qui  lui  permit  d'enseigner  à  Mazouna  où  son  petit-fils 
professe  encore. 

Il  ne  nous  restait  rien  à  faire  à  Mazouna  :  les  biblio- 
thèques de  la  ville  ne  renfermaient  qu'un  nombre  insigni- 
fiant de  manuscrits  historiques:  je  n'avais  pu  trouver 
Achacha,  pour  reconnaître   à  quel  dialecte  appartient 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      309 

je  kabyle  parlé  par  cette  tribu  :  trois  t'olba,  du  Rif,  d'une 
intelligence  plus  que  bornée,  m'avaient  à  grand  peine 
fourni  quelques  notions  sur  le  berbère  en  usage  dans  le 
aord  du  Maroc,  sur  lequel  j'avais  déjà  recueilli  des  ren- 
seignements dans  un  voyage  précédent  à  Tlemcen.  En 
conséquence,  nous  quittâmes  Mazounâ  pour  Relizane,  où 
nos  recherches,  disait-on,  devaient  être  plus  fructueuses. 
L'Oued-Riou  ou  Inkermann,  où  nous  nous  arrêtons  en 
attendant  le  train  qui  doit  nous  conduire  Relizane,  n'a 
rien  qui  le  distingue  des  autres  centres  de  création  récente. 
Il  en  est  de  même  de  Relizane,  que  les  Arabes  appellent 
R'illizane,  altération  du  nom  berbère  Ir'U-izan  (colline 
des  mouches).  Cette  petite  ville  a  probablement  été  bâtie 
sur  l'emplacement  d'un  po6te  romain,  si  l'on  en  croit  les 
indigènes.  Là  encore,  cous  n'eûmes  qu'à  nous  louer  de 
l'hospitalité  arabe  que  nous  trouvâmes  chez  le  khalifah 
de  la  Minah,  Si-Lâribi,  un  ancien  vétéran  des  guerres 
d'Algérie.  Issu  d'une  famille  illustre,  il  se  rallia  de  bonne 
heure  à  la  France  et  sa  fidélité  se  maintint  à  travers  les 
nombreuses  révoltes  dont  la  province  d'Oran  fut  le  théâtre. 
8a  conduite  lui  suscita  de  nombreux  ennemis,  et  deux  fois 
sa  maison  fut  incendiée.  Parmi  les  récits  qu'il  nous  fit 
des  aventures  dont  il  avait  été  le  témoin  ou  le  héros,  je 
citerai  celle-ci  qui  a  trait  à  un  personnage  devenu  célèbre 
depuis. 

Du  temps  que  l'émir  Abd-El-Qader  régnait  à  Mascara, 
le  khalifah  vit  un  jour  arriver  à  sa  maison  de  campagne 
deux  individus  revêtus  de  l'uniforme  rouge  des  réguliers. 
L'un  d'eux,  après  quelques  mots  échangés  en  arabe,  prend 
la  parole  en  français  et  lui  fait  compliment  de  l'appartement. 
Craignant  un  piège  tendu  par  l'émir,  le  khalifah  ferma 
l'oreille  aux  discours  de  son  visiteur  qui  parlait  de  déserter 
le  service  d'Abd-El-Qader  et  de  gagner  Oran.  Plus  tard, 
la  guerre  engagée,  les  Arabes  repoussés  et  le  traité  honteux 
de  la  Tafna  annulé,  le  khalifah  devenu  Français  retrouva 


310  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  a.  EXPLORATIONS. 

à  Oran  son  singulier  visiteur.  C'était  Léon  Roche,  qui 
fut  depuis  consul  à  Tanger,  puis  à  Tunis,  où  il  assit  l'in- 
fluence française  de  façon  à  la  faire  triompher  des  menée* 
anglaises  et  italiennes,  et  qui  préluda  ainsi  à  l'annexion. 
du  pays. 

Relizane  n'offre  rien  de  bien  curieux,  à  part  le  barrage1 
de  la  Minah,  reconstruit  il  y  a  une  trentaine  d'années  à 
quelque  distance  de  l'ancien  qui  date  du  temps  des  Turks. 
A  4  heures  environ,  dans  la  direction  de  Mascara,  s'élève 
la  ville  arabe,  ou  plutôt  berbère  de  Qala'ah.  La  voiture  da 
khalifah  nous  y  conduisit  un  matin  par  une  route  des  plu* 
difficiles  qui  traverse  une  plaine  couverte  de  buissons  de, 
sidrah  et  de  thizer'a.  Peu  à  peu  le  terrain  s'élève  et  Poa 
entre  dans  une  forêt  de  lentisques,  dont  le  plus  élevé  n'a 
pas  un  mètre  de  haut  :  des  genêts  d'Espagne  en  fleurs  par- 
fument l'air  et,  de  loin  en  loin,  quelques  oliviers  sauvages 
(zenboudj)  montrent  que  la  sécheresse  et  le  déboisement 
sont  le  fait  de  l'homme.  Autrefois,  ces  montagnes  étaient 
boisées  comme  la  Kabylie   et  les  premiers   colons  de 
l'Hillil  et  de  Relizane  se  rappellent  avoir  contribué  pour 
leur  part  à  cette  œuvre  de  destruction  qui  a  tari  la  plupart 
des  sources  et  des  rivières. 

Au  pied  des  montagnes,  nous  trouvons  une  source  abri-" 
tée  par  des  lauriers-roses  entre  lesquels  poussent  des  touffes 
de  lavande;  elle  arrose  deux  superbes  vergers  apparte- 
nant à  un  ancien  qaïd  de  Mascara.  Les  cultures  deviennent 
plus  belles,  nous  approchons  de  Qala'ah  que  nous  aperce- 
vons, au  détour  du  chemin,  juchée  à  mi-flanc  d'un  rocher 
abrupt  et  entourée  de  deux  oueds  dont  l'un  la  sépare  en 
deux  parties.  Dans  la  première  est  construite  l'école  arabe  ; 
la  seconde  est  la  vieille  Qala'ah.  Le  qaïd,  fils  du  khalifah 
de  la  Minah,  nous  attendait  à  l'entrée,  mais  il  fallut  mettre 
pied  à  terre  pour  pénétrer  dans  les  rues,  autrement  escar- 
pées que  celles  de  Mazouna.  Notre  hôte  s'était  mis  en  frais 
pour  nous  laisser  une  idée  favorable  de  Qala'ah.  Le  repas, 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      311 

\  deux  bouteilles  de  vin  étaient  la  seule  concession  faite 
iz  coutumes  européennes,  rappelait  par  son  abondance 
s  noces  de  Gamache  :  le  mouton  rôti  tout  entier  (Kebcti) 
t  servi  suivant  l'usage  sur  un  lit  de  feuilles  de  citron- 
ers  et  chacun  s'escrima,  armé  d'un  couteau,  à  détacher 
\b  morceaux  de  viande  qu'on  disposait  sur  de6  galettes 
orge  en  guise  d'assiettes  ;  les  msemmen,  sorte  de  crêpes 
I  beurre  et  au  miel  ;  le  riz  à  la  graisse  sucrée,  la  salade 
i  citron  pour  unique  assaisonnement,  le  couscouss  au 
it,  et  nombre  de  plats  que  j'oublie,  tout  était  purement 
•abe. 

Qala'ah,  que  nous  eûmes  le  loisir  de  parcourir  à  notre 
îse,  aprè6  le  repa6  dont  je  viens  de  parler,  est  probable- 
lent  des  plus  anciennes,  quoique  l'histoire  n'en  fasse 
mention  qu'à  partir  du  xie  siècle  :  El-Bekri  la  signale  en 
lassant  et  Ibn-Khaldoun  n'e6t  pas  plus  explicite.  Son 
ttm,  qui  en  arabe  signifie  forteresse,  est  la  traduction  du 
murirt  kabyle,  qui  désignait  surtout  les  forteresses  natu- 
relles, plateau  escarpé f  abondant  en  eau  et  défendu  de 
©us  côtés  par  des  ravins  à  pic.  Dans  sa  Guerre  des  Van- 
laies,  l'historien  grec  Procope  mentionne  ceux  de  l'Aourès 
«nous  trouvons  cette  appellation,  sous  sa  forme  simple 
pu  en  diminutif,dans  presque  toutes  les  régions  de  l'Algérie 
ft  s'élevèrent  des  États  berbères  :  chez  les  Kabyles  de 
fcst,  la  Qala'ah  des  Beni-H'ammad  ;  dans  le  Sahara,  El- 
jfroléah  ;  près  d'Alger,  Koléah  ;  dans  le  Dhahra,  la  Qala'ah 
des  Beni-Todjin,  etc.  Celle  dont  je  parle  est  bâtie  sur  le  ter- 
liloire  des  Mesrata,  fraction  des  Beni-Rached,  tribu  des 
Soouara.  On  sait  que  les  Hoouara  s'établirent  aussi  en 
Tripoli  taine,  où  une  ville  porte  encore  le  nom  de  Mesrata. 
Quel  fut  le  constructeur  de  Qala'ah  ?  Les  habitants  pré- 
tendent qu'il  se  nommait  El-Ish'aqi  Ben-Zâzou'.  Il  était 
connu  par  ses  débauches  et  s'était  attribué  dans  la  ville, 
de  la  façon  la  plus  rigoureuse,  le  droit  du  seigneur  sur  les 
nouvelles  mariées.  Le  serviteur  d'un  saint,  Sidi-S'alih', 


312  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

dont  la  qoubbah  se  voit  encore  à  l'entrée  de  Qala'ah,  prèsdj 
celle  de  Sidi-Ibrahim-El-Metazi,  invoqua  l'appui  de  bob 
maître  pour  éviter  à  sa  fille  la  honte  de  se  soumettre  m 
cette  coutume.  Le  pieux  personnage  alla  se  placer  devaaj 
le  château  où  résidait  El-Ish'aqi  et  proféra  le6  plus  terri» 
blés  malédictions  contre  le  tyran  dont  la  demeure  hà 
aussitôt  renversée  de  fond  en  comble.  On  nous  condniai 
voir  les  restes  qui  en  subsistent  encore,  dans  la  parti* 
culminante  de  la  ville.  Nous  trouvâmes  deux  voûtes  paiat 
lèles,  parfaitement  conservées,  bâties  en  chaux  et  en 
briques,  communiquant  entre  elles  par  une  troisième  et* 
selon  toute  apparence,  de  construction  romaine.  Dans  ce 
quartier,  le  sol  s'est  considérablement  exhaussé,  car  da»i 
la  cour  d'une  partie  de  la  mosquée  aujourd'hui  en  ruine^ 
le  mih'rab  et  la  porte  par  où  passait  l'imam  sont  plus  qu'à 
moitié  entourés. 

Ce  Ben-Zàzou'  était,  dit-on,  d'origine  juive  :  et  quelques 
habitants  le  confondent  avec  le  général  espagnol  vainqueur 
d'Iskender  qui  est  un  personnage  historique.  Lorsque 
Baba-Aroudj,  frère  de  Khaïr-Eddin,  se  fut  assuré  la  po* 
session  de  Tlemcen  en  assassinant  le  prince  abdelouadite 
Abou-Zeyân  qu'il  avait  substitué  à  Abou-Hammoa,  le 
protégé  des  Espagnols,  il  plaça  à  Qala'ah  une  garnison  de 
500  Turks,  commandés  par  Iskender,  son  lieutenant,  pour 
assurer  les  communications  entre  Tlemcen  et  Alger.  Mai* 
le  gouverneur  d'Oran ,  Don  Martin  d'Argote,  aidé  des 
Arabes  partisans  d'Abou-Hammou,  marcha  sur  Qala'ah: 
après  plusieurs  assauts,  la  garnison  capitula  60us  condition 
d'avoir  la  vie  sauve  et  de  se  retirer  à  Alger  ;  mais,  en  sor- 
tant de  la  ville,  elle  fut  massacrée  tout  entière  par  le* 
Arabes  alliés  des  Espagnols  qui  restèrent  témoins  im- 
passibles de  cette  boucherie  (924  de  l'hégire).  Ce  foi 
alors  que  périt  le  père  de  Si-Ah'med-ben-Yousof  doni 
j'ai  parlé  plus  haut.  Ce  premier  succès  fut  suivi  de  la 
prise  de  Tlemcen  par  les  Espagnols  :  on  sait  que  Bal»- 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.     313 

Lroudj  périt  dans  sa  retraite  6ur  les  bords  du  Rio-Salado 
©ued-Melah*),  en  1518. 

Àh'med-ben-Yousof  a  laissé  dans  toute  l'Algérie  la  repu- 
ation  d'un  homme  pieux  et  satirique.  Parmi  ses  miracles, 
»n  cite  le  suivant  :  il  était  à  Bougie  lorsqu'il  fut  enlevé 
*ar  les  Espagnols  qui  le  réduisirent  en  esclavage  et  vou- 
lurent l'emmener  en  Espagne.  Mais  l'ancre  levée,  le  vais- 
seau resta  immobile  jusqu'à  ce  que  le  capitaine,  voyant  là 
un  miracle  de  Dieu  en  faveur  de  son  prisonnier,  se  décida 
k  relâcher  celui-ci.  On  conte  la  même  légende  6ur  Si- 
Kmbarek  de  Koléah. 

Dans  les  ruines  de  la  mosquée,  nous  trouvons  une 
inscription  gravée  en  caractères  neskhis  entourés  d'une 
bordure  koufique.  Le  marbre  est  fort  beau  et  l'exécution 
très  soignée  ;  malheureusement,  la  pierre  a  été  brisée  et 
il  n'en  reste  que  les  parties  suivantes  : 

«  Louange  à  Dieu  clément  et  miséricordieux,  que  Dieu 
bénisse  (Moh'ammed  le  Prophète  et  sa  famille  et  la  sauve). 

«  Ensuite  la  construction  de  cette  mosquée  a  été  ordon- 
née par 

€  L'illustre,  le  respectable 

«  Et  des  hommes  et  d'autres 


c 


Mos't'afa-bey,  le  gouvernement, 


«  Tous  vers  le  pardon  de  Dieu,  le  Seigneur 

«  De  Me6rata,  que  Dieu  fasse  miséricorde 

«  L'intercesseur,  en  l'an  .    .    .   cinq 

«  Que  Dieu  le  fasse  durer.  » 

Des  quatre  côtés  de  la  bordure,  on  lit  ce  verset  du  Qoran 
répété  plusieurs  fois  : 

«  Dis  :  Il  est  le  Dieu  unique,  le  Dieu  puissant  :  il  n'en- 
gendre point  et  n'a  point  été  engendré.  » 

11  existe  deux  beys  d'Oran  que  ces  indications  peuven  t 

fOC  DB  OiOOB.  —  3e  IXIllJ&fTftB   1U8J.  SI 


314  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

désigner  :  Mos't'afa-bou-Chelar'em  qui  gouverna  de  1098 
à  1149  de  l'hégire  (1686-1737  de  notre  ère)  et  MosYafc- 
El- Ah'mar  qui  gouverna  de  1151  à  1161  de  l'hégire  (1738- 
1748). 

Lors  de  l'insurrection  de  1864,  les  habitants  deQala'ak 
firent  cause  commune  avec  les  rebelles,  qui  poussèrent 

9 

jusqu'à  Relizane  d'où  ils  furent  repoussés  par  les  colons. 
Le  châtiment  ne  se  fit  pa6  attendre  :  leur  ville  fut  bom- 
bardée et  l'on  voit  encore  les  traces  du  bombardement. 

Du  minaret  de  la  mosquée,  on  domine  Qala'ah  et  tout  le 
pays  environnant.  A  l'est,  l'horizon  est  fermé  par  le  Dje- 
bel-Berber,  au  delà  duquel  se  trouve  le  prétendu  cime- 
tière juif  qu'à  notre  grand  regret  nou6  ne  pûmes  explorer. 
Aucun  israélite,  d'ailleurs,  n'habite  Qala'ah,  grâce  à  un 
artifice  de  Sidi-S'alih',  qui  imagina  de  changer  le  jour  du 
marché  et  de  le  fixer  au  samedi,  de  façon  à  ce  que  les 
Juifs,  à  qui  toute  œuvre  était  défendue  ce  jour-là,  fussent 
obligés  d'émigrer.  Ils  étaient  établis  dans  le  quartier  appelé 
aujourd'hui  Soukh,  et  qui  occupe  la  partie  méridionale, 
de  Qala'ah.  La  ville  est  fermée  de  ce  côté  par  un  pro- 
fond ravin  qui  renferme  des  jardins  et  des  vergers  de 
citronniers  chargés  de  fruits  :  les  maisons  qui  s'y  trouvent 
forment  le  quartier  de  Karkouri.  Au  nord-est,  le  Ras- 
Qala'ah;  à  l'ouest,  6ur  des  collines  de  l'autre  côté  du  ravin, 
s'élèvent  les  qoubbahs  de  Si-Ah'med-bou-Ma'zah  (l'homme 
à  la  chèvre)  et  celle  de  Sidi-1'Abid  ;  près  de  la  seconde 
voûte,  à  Test  de  la  ville,  celle  de  Sidi-Dahman  ;  auprès 
de  la  mosquée,  le  marabout  de  Sidi-bou-Bellout*  (l'homme 
aux  glands  doux)  ;  dans  les  écuries  du  qaïd,  celui  de  Sidi- 
Anbari.  On  prétend  qu'il  existe  à  Qala'ah  et  aux  environs 
plus  de  trois  cents  qoubbahs  ;  Sidi-Abd-El-Qader-El-Dji- 
lani  en  possède  naturellement  le  plus  grand  nombre. 

La  température  de  la  ville  encaissée  entre  de  hautes 
montagnes  est  très  élevée  :  pour  expliquer  cette  chaleur, 
les  habitants  racontent  que  lorsque  Solaïman  (le  roi  Salo- 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      315 

(non)  eut  triomphé  des  djinns,  il  en  enferma  quelques-uns 
lans  un  enfer  qu'il  plaça  près  de  Qala'ah. 

Les  bibliothèques  n'étaient  guère  plus  riches  que  celles 
le  Mazouna  et  l'usage  du  berbère  s'était  perdu  depuis  long- 
temps. Nous  primes  le  lendemain  le  chemin  de  Relizane 
en  passant  par  l'Hillil,  route  beaucoup  plus  douce  et  plus 
courte  :  je  ne  trouve  à  signaler  que  la  qoubbah  et  la 
kouït'ah  (petite  enceinte)  de  Sidi-Mousa,  auprès  de  la 
source  de  Aïn-Mekrouhah,  où  nageaient  plusieurs  tortues, 
à  l'extrémité  d'une  forêt  de  lentisques. 

L'Hillil  est  un  petit  village  bâti,  comme  presque  tous 
les  autres  de  la  vallée  du  Chélif,  sur  les  ruines  d'un  poste 
romain  dont  les  colons  ont  achevé  la  destruction.  Il  tire 
wra  nom  de  l'Oued-Ilil  (en  berbère,  ili\i}  laurier-rose)  qui 
prend  sa  source  près  de  Qala'ah.  Au  xie  siècle  de  notre 
ère,  El  Bekri  en  fait  déjà  mention.  Dans  l'après-midi,  nous 
retournions  à  Relizane,  et  le  lendemain  nous  partions  de 
tonne  heure  pour  Mostaganem. 

De  l'Hillil  à  Mostaganem,  la  route  est  courte,  quand  on 
la  fait  dans  une  voiture  traînée  par  de  bons  chevaux,  mais 
si  courte  qu'elle  soit,  elle  ne  laisse  pas  de  paraître  mono- 
tone à  celui  que  ne  passionnent  pas  les  cultures  toutes 
françaises  qui  ont  complètement  métamorphosé  le  pays. 
La  vigne  en  particulier  prend  un  développement  immense 
et  le  moment  est  à  prévoir  où  l'Algérie  se  substituera  pour 
l'exportation  des  vins  à  la  France  méridionale  ravagée  par 
le  phylloxéra. 

En  moins  de  cinq  heures,  nous  franchissions  les  qua- 
rante kilomètres  qui  séparent  l'Hillil  de  Mostaganem,  et 
nous  traversions  les  villages  de  Bou-Guirat  et  d'Aboukir 
sans  remarquer  autre  chose  que  l'envahissement  des  dunes 
sur  une  partie  de  la  route  et  les  débris  d'une  ville  arabe, 
près  de  Bou-Guirat,  dont  les  Espagnols  massacrèrent  la 
population  de  t'olba.  C'est  du  moins  ce  que  raconte  une 
tradition  locale  qui  ne  nomme  pas  la  ville. 


316  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS, 

Bâtie  sur  le  bord  de  la  mer  et  entourée  de  nombreux 
vergers,  Mostaganem  est  certainement  une  ville  agréable, 
mais  une  chose  manque  à  son  développement  :  une  ligne 
de  chemin  de  fer.  Du  jour  où  il  sera  relié  à  Tiharet  et  au 
tronçon  qui  va  d'Alger  à  Oran,  ce  point  deviendra  le  port 
d'où  l'on  exportera  en  Europe  les  produits  de  la  vallée  du 
Chélif,  transportés  économiquement  sur  la  côte.  À  quelle 
ville  romaine  a-t-il  succédé?  Peut-être  Murustaga,  dont 
on  n'a  pas  trouvé  de  traces  et  qu'on  est  réduit  à  supposer 
englouti  par  quelque  cataclysme.  Les  indigènes  font 
dériver  le  nom  moderne  d'un  mot  arabe  et  d'un  berbère 
Mechtah  ar'anem  (la  cabane  des  roseaux).  Cette  étymologie 
est  possible,  sinon  probable. 

Mostaganem,  bien  que  mentionnée  par  le  géographe 
El-Bekri,  n'apparaît  dans  l'histoire  qu'au  xi°  siècle.  Le 
véritable  fondateur  de  la  dynastie  almoravide  (Al-MoraM- 
t'houn)  qui  domina  du  Sénégal  à  la  Castille,  Yousof-ben- 
Tachûn,  lors  de  la  conquête  du  Maghreb  central,  bâtit,  dit- 
on,  le  Bordj-El-Meh'al,  jadis  citadelle,  aujourd'hui  prison, 
sur  une  colline  au  nord  de  la  ville.  Ce  nom  de  Meh'allui 
vint  d'une  tribu  qui,  Buivant  les  traditions  indigènes, 
dominait,  il  y  a  des  siècles,  dans  la  vallée  de  la  Minah. 
Fière  de  son  pouvoir  et  de  ses  richesses,  elle  se  rendit 
odieuse  au  reste  de  la  population  qui  la  laissa  détruire 
par  les  Turks.  Une  des  complaintes  populaires,  encore 
chantées  aujourd'hui,  a  précisément  cette  catastrophe 
pour  6ujet.  Toutefois,  d'après  des  renseignements  que  je 
tiens  du  bach-agha  de  Frendah,  les  Meh'al  n'auraient 
pas  été  entièrement  exterminés,  car  ils  seraient  les  an- 
cêtres des  Douair  et  des  Smela,  d'abord  auxiliaires  des 
Turk6,  puis  nos  premiers  et  fidèles  alliés  dans  la  province 
d'Oran. 

Comme  toutes  les  villes  du  Maghreb  central,  Mostaga- 
nem passa  au  xni*  siècle  (vu*  de  l'hégire)  60us  la  domina- 
tion de  la  dynastie  zeyanide  de  Tlemcen.  Le  premier 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.     317 

prince  de  cette  famille,  Yar'mourasen,  en  confia  le  com- 
mandement à  un  de  ses  parents,  Ez-Zaïm,  fils  de  Yahya, 
au  retour  d'une  de  ses  soixante-dix  expéditions  contre  les 
Mar'raoua.  Ez-Zaïm  6'empressa  de  trahir  son  maître  et  de 
fomenler  une  révolte  chez  cette  tribu.  Yar'mourasen  ré- 
prima cette  rébellion  et  bloqua  étroitement  Moetaganem 
qui  finit  par  capituler  (630  de  l'hégire).  Le  prince  zeya- 
ntde  accorda  à  Ez-Zaïm  la  permission  de  6e  rendre  en 
Espagne,  où  il  passa  le  reste  de  sa  vie  à  guerroyer  contre 
les  chrétiens. 

Pendant  le  siège  de  Tlemcen  par  les  Mérinides,  siège 
qui  ne  dura  pas  moins  de  huit  ans,  Mostaganem  tomba  au 
pouvoir  du  sultan  de  Fas,  Abou-Ya'qoub-Yousof  (699  de 
Phégire).  Mais  après  l'assassinat  de  ce  prince,  qui  mit  fin  à 
cette  campagne,  la  ville  fut  rendue  au  roi  zeyanide  Abou- 
Zeyân,  fils  de  'Otsman.  Elle  fut  encore  reprise  par  les 
Mérinides  et  en  742  de  Phégire  (1342  de  J.-C),  Abou- 
Iûân-Faris,  fils  d'Abou'l-Hassan,  y  fit  bâtir  une  mosquée. 
Mostaganem  partagea  ensuile  le  sort  de  toutes  les  villes 
du  Tell.  En  1516,  elle  fut  prise  par  Baba-Aroudj  et,  après 
la  mort  de  celui-ci,  elle  acquit  sous  les  Tui'ks  une  impor- 
tance considérable  au  point  de  vue  militaire.  Deux  fois,  le 
comte  d'Alcaudete,  gouverneur  espagnol  d'Oran,  chercha 
à  s'en  emparer  (1548, 1558),  deux  fois  il  échoua  :  dans  la 
seconde  tentative,  il  fut  tué  et  son  corps  rendu  à  son  fils 
par  Hassan,  fils  de  Kheïr-ed-Din. 

Sous  la  domination  ottomane,  la  richesse  commer- 
ciale de  Mostaganem  ne  tarda  pas  à  disparaître.  Autrefois 
prospère,  puisqu'avec  les  deux  annexes  de  Tidjdit  et  de 
Mazagran  (Tamezr'ant),  elle  ne  comptait  pas  moins  de 
40,000  habitants,  elle  n'avait  pas  échappé  à  la  satire  de 
Si-Ah'med-ben-Yousof  : 

Les  gens  de  Mostaganem  relevèrent  leurs  bolr'as  (pantoufles  arabes 
en  cuir  jaune), 
Au  brait  des  mâchoires  pour  courir  plus  vite  après  un  bon  repa». 


318  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

A  l'arrivée  des  Français,  la  garnison  turke,  augmen- 
tée de  celle  d'Oran  et  de  quelques  points  voisins,  entra 
à  notre  service  et  résista  aux  Arabes  jusqu'à  ce  que, 
en  1833,  le  général  Desmichels  y  installa  une  garnison 
française. 

La  ville,  d'où  les  constructions  arabes  ont  presque  entiè- 
rement disparu,  est  divisée  en  deux  parties  par  le  ruisseau 
de  Aïn-Sefra  (la  source  jaune)  :  Mostaganem  et  Matmore 
(le  silo),  où  se  trouve  la  qoubbah  renfermant  le  tombeau 
de  Mos't'afa-bou-Chelar'em  qui  prit  et  perdit  Oran  au 
xvme  siècle.  C'est  avec  la  mosquée  le  seul  monument  ori- 
ginal de  la  ville.  Sur  une  colline,  à  l'est,  se  dresse  le 
village  indigène  de  Tidjdit,  forme  berbère  du  mot  arabe 
Djedidahj  la  Neuve,  qui  n'offre  rien  de  particulier  que  sa 
position  pittoresque. 

Nou6  reçûmes  l'hospitalité  dans  une  maison  appartenant 
au  khalifah  Si-Lâribi  ;  mai6  notre  séjour  fut  de  courte 
durée.  Ne  trouvant  pas  les  Rifains  que  je  cherchais,  je 
songeai  à  pousser  une  pointe  dans  le  sud  et  à  aller  estam- 
per, si  c'était  possible,  les  inscriptions  de  trois  sortes 
signalées  dans  les  qsour  de  Tiout,  de  Mor'ar  et  de  Aïn- 
Sefra.  Je  quittai  Mostaganem,  que  deux  jours  m'avaient 
suffi  à  visiter,  pour  gagner,  à  Perrégaux,  le  chemin  de  fer 
d'Arzeu  à  Mécheria.  Là,  je  me  séparai  de  mon  compa- 
gnon de  voyage,  et  par  un  temps  orageux,  je  m'engageai 
dans  les  steppes  désolés  qui  régnent  jusqu'au  delà  de  Tizi. 
On  sait  que  l'an  dernier,  la  rupture  du  barrage  qui  réu- 
nissait à  Perrégaux  les  eaux  de  l'Oued-El-H'ammametde 
l'Oued-Fergoug  a  ruiné  la  contrée  qui  n'est  pa6  encore  re- 
mise de  ce  désastre.  Le  pays,  jadis  fertile,  est  aujourd'hui 
aride,  et  pendant  plus  de  trois  heures  on  traverse  des  col- 
lines dénudées,  d'aspect  lugubre,  6ans  végétation  ni  trace 
de  vie.  C'était  autrefois  la  résidence  des  Beni-Chougran, 
qui  jouèrent  aux  environs  de  Mascara  le  même  rôle  que 
les  Hadjoutes  dans  la  Métidja.  Ils  parlaient  berbère  et, 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      319 

selon  quelques  personnes,  ce  dialecte  ne  6'est  éteint  chez 
eux  que  depuis  une  vingtaine  d'années. 

En  approchant  de  Saïda,  on  trouve  quelques  forêts  de 
thuyas,,  surtout  dans  la  vallée  de  l'oued  de  ce  nom.  Il 
était  6ix  heures  du  soir  quand  les  wagons  peu  confortables 
de  la  Compagnie  franco-algérienne  me  déposèrent  à  la 
gare  et  je  m'empressai  de  courir  au  télégraphe  pour  savoir 
si  les  renseignements  que  j'attendais  avant  de  m'engager 
dans  le  sud  étaient  arrivés.  Point  de  dépêches.  Je  ré60lu3 
d'attendre  deux  jours,  et,  ce  délai  expiré,  de  revenir  sur  mes 
pas  jusque  Mascara.  En  attendant,  je  profitai  de  mon  séjour 
forcé  pour  visiter  le  pays. 

Saïda,  qui  n'est  encore  qu'à  ses  débuts,  est  l'embryon 
d'une  ville  européenne  qui  ne  tardera  pas  à  prendre  une 
immense  importance,  car  elle  est  située  au  centre  des  exploi- 
tations d'alfa,  sur  une  ligne  de  chemin  de  fer,  et  c'est  en 
même  temps  une  des  étapes  de  la  route  stratégique  connue 
sous  le  nom  de  route  des  Hauts-Plateaux  :  parallèle  au  Tell, 
elle  part  de  Boghar  pour  aboutir  à  Sebdou  et  à  la  frontière 
du  Maroc  par  Teniet-el-H'ad,  Tiharet,  Frendih,  Saïda  et 
Daya  qui  deviendront  plus  tard  les  principales  stations 
d'une  ligne  ferrée  parallèle  à  celle  d'Alger  à  Oran.  Il 
n'exi6te  guère  à  Saïda  (l'Heureuse)  qu'une  seule  rue, 
ombragée  d'arbres  et  aboutissant  à  la  place  près  de  la 
redoute  renfermant  la  première  Saïda  française.  Mais 
l'immense  espace  entre  la  gare  et  le  point  extrême  de  la 
ville  sera  rapidement  rempli,  et  l'on  peut  prévoir  qu'avant 
dix  ans  Mascara  sera  détrônée  au  profit  de  sa  rivale. 

Celle-ci  est  de  fondation  toute  récente.  Lorsque,  en  1844, 
nos  troupes,  à  la  poursuite  de  'Abd-El-Qader  pénétrèrent 
dans  le  pays,  elles  trouvèrent  un  commencement  de  place 
forte  édifié  par  l'émir,  à  2  kilomètres  à  peine  en  amont 
de  la  rivière.  Les  ruineB  sont  encore  visibles  aujourd'hui. 
De  ce  côté,  le  paysage  e6t  beaucoup  plus  abrupt  qu'au 
nord  :  TOued-Saïda,  dont  le  lit  est  encombré  de  lauriers- 


320  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  I  EXPLORATIONS. 

roses,  se  fraie  avec  peine  un  passage  au  milieu  des  rochers 
à  pic  qui  lui  barrent  la  route  :  ceux  de  la  rive  droite  sont 
les  plus  élevés  et  dominent  en  partie  ceux  de  la  lire 
gauche.  C'est  sur  le  plateau  formé  par  ces  derniers  que 
s'élevait  la  Saïda  arabe,  appuyée  sur  des  falaises  du  côté 
du  fleuve,  et  descendant  légèrement  vers  la  vallée  que  tra- 
versent aujourd'hui  la  route  de  Géry  ville  et  le  chemin  de 
fer  de  Mécheria.  On  voit  encore  quelques  pans  de  murailles 
de  l'enceinte,  et  à  l'angle  sud-ouest,  des  voûtes  presque 
entièrement  comblées.  En  remontant  l'oued,  les  rochers 
de  la  rive  gauche  se  relèvent  au  niveau  de  ceux  de  la  rive 
droite:  c'est  un  peu  plus  loin,  qu'au  dire  des  Arabes, il 
existe  des  ruines  romaines  que  je  n'eus  pas  le  temps  d'al- 
ler voir. 

Le  délai  était  expiré  et  aucun  renseignement  ne  m'était 
arrivé.  Je  me  remis  en  route  pour  Mascara,  renonçant  pour 
cette  année  à  parcourir  la  région  des  qsour,  sur  laquelle  je 
devais  cependant  Irouvet  d'intéressants  renseignements 
au  moment  où  je  m'y  attendais  le  moins. 

Mascara  n'est  pas  située  sur  le  chemin  d'Arzeu  à  S  aida; 
c'est,  dit-on,  la  punition  d'un  acte  d'indépendance  envers  le 
fondateur  de  la  Compagnie  franco-algérienne  qui  6'était 
présenté  aux  élections  pour  le  conseil  général  dans  cette 
circonscription  et  ne  fut  pas  élu.  On  descend  à  Tiri  (eu 
berbère,  te  Cot)  et  les  voyageurs  expient  par  deux  heures 
de  diligence  la  rancune  du  candidat  évincé.  Toutefois,  je 
donne  ce  récit  sans  le  garantir  aucunement.  On  peut  espé- 
rer que  prochainement  Tizi  6era  reliée  à  Mascara  par  une 
ligne  qui  se  prolongera  jusque  Tiharet. 

Lorsque  'Abd-El-Qader,  maître  de  l'ouest  de  l'Algérie 
en  vertu  du  traité  de  la  Tafna,  songea  à  reconstituer 
l'empire  des  Beni-Zeyan,  puis  à  nos  dépens  et  aux  dépens 
du  Maroc  celui  des  Almohades  et  des  Mérinides,  il  choisit 
pour  capitale  l'emplacement  de  Mascara  (en  arabe,  camp)' 
Il  l'avait  déjà  possédée  en  1832)  puis  évacuée  en  1835;  à 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      321 

ce  moment,  elle  fut  brûlée  parles  Français,  le  bey  Ibrahim 
qu'ils  voulaient  y  installer,  ayant  refusé  cet  honneur  péril- 
leux. L'émir  y  rentra  aussitôt  et  fut  confirmé  dans  sa  pos- 
session par  le  traité  de  1837  ;  mais  en  1839  les  hostilités 
recommençaient,  et  en  1841,  la  ville,  conquise  par  le  maré- 
chal Bugeaud,  faisait  définitivement  partie  de  l'Algérie  fran- 
çaise. Les  Arabes  ne  l'avaient  guère  possédée  que  dix  ans, 
après  avoir  massacré  par  trahison,  en  1830,  dans  la  plaine 
de  l'Eghris  la  garnison  turke  qui  avait  évacué  la  ville  par 
capitulation.  Les  Hachem  justifiaient  par  là  le  dicton  de 
Si- Ahmed-ben-Yousof  : 

Un  dirhem  de  cuirre  (une  pièce  fausse) 
Vaut  mieux  qu'un  t'aleb  de  FEr'ris. 

C'est  sur  le  territoire  de  cette  tribu,  à  Kachrou,  que 
naquit  'Abd-El-Qader  au  commencement  de  ce  siècle. 

Il  ne  reste  plus  guère  à  Mascara,  ville  toute  française, 
de  traces  de  la  domination  turque,  si  ce  n'est  une  inscrip- 
tion d'un  certain  Sarmachiq,  dans  Tune  des  mosquées. 
De  l'autre  côté  de  l'Oued-Toudman,  se  trouve  la  ville 
arabe  de  Baba' Ali  où  habitent  presque  tous  les  indigènes  : 
on  y  fabrique  des  burnous  noirs,  appelés  zer'dani*  et 
renommés  dans  toute  l'Algérie. 

A  Mascara,  où  je  passai  quelques  jours,  je  m'occupai 
de  reprendre  mes  recherches  sur  les  dialectes  berbères, 
mais  il  n'était  pas  facile  d'entrer  en  rapports  avec  des  indi- 
gènes de  l'Oue6l.  On  en  jugera  par  l'anecdote  suivante  : 

J'avais  chargé  le  domestique  arabe  de  l'hôtel  de  m'a- 
mener  un  individu  du  Gharb  parlant  chelh'a.  Ce  nom 
n'étant  pas  compris,  je  l'avai6  remplacé  par  K'biliah. 
Quelques  minutes  après,  je  le  vois  revenir  avec  un  mar- 
chand d'huile  qu'au  premier  abord  je  reconnais  pour  un 
Zouaoua.  Je  n'étais  pas  venu  dans  l'Oue6t  pour  apprendre 
le  dialecte  des  Kabyles  du  Jurjura  :  je  renvoie  mon  homme 
en  lui  demandant  un  Mr'arbi  (un  indigène  de  l'Ouest). 
Bien  pénétré  de  ma  recommandation,  il  me  ramène  un  vrai 


322  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Mr'arbi,  originaire  de  Fas.  Je  ne  pouvais  pas  désirer 
mieux,  mais  malheureusement  ce  Marocain  ne  parlait  pas 
un  mot  de  berbère.  Désespérant  de  faire  entendre  à  l'in- 
telligent domestique  que  je  voulais  un  Marocain  et  un 
Marocain  qui  sut  le  chelh'a,  je  pris  le  parti  d'aller  moi- 
même  exploiter  les  cafés  maures,  pendant  que  mes  indi- 
gènes, ne  comprenant  rien  à  ce  qu'ils  pensaient  être  caprice 
de  ma  part,  demeuraient  6ur  place  tout  ébahi6.  Mes  recher- 
ches ne  furent  pas  longues  et  je  trouvai  bientôt  un  Rifain 
qui,  outre  un  vocabulaire  de  son  dialecte,  me  fournit  la 
liste  des  tribus,  villages,  zaouïah  et  qaïds  des  Guélâïa  :  ce 
document  fut  complété  par  un  itinéraire  de  Fas  à  Mellila 
que  je  dois  au  fils  d'un  négociant  marocain  établi  dans  la 
première  de  ces  villes.  Comme  le  Rif  est  demeuré  jusqu'à 
présent  absolument  fermé  aux  Européens,  même  aux  Espa- 
gnols des  présides,  ces  renseignements  ne  laissent  pas 
que  d'avoir  leur  importance. 

Je  ne  m'étendrai  pas  sur  les  incidents  de  mon  séjour  à 
Mascara  :  dhiffas  arabes,  conversations  avec  les  qadhis  et 
les  qaïls  :  mais  je  dus  à  un  dîner  chez  le  qaïd  de  Baba1  Ali 
de  ne  pas  partir  pour  Tlemcen  comme  j'en  avais  l'inten- 
tion. J'appris  chez  lui  qu'à  l'est,  et  non  loin  de  Frendah, 
vivait  une  tribu,  celle  des  Bel-'Halima,  qui  parlait  encore 
le  kabyle.  Je  résolus  de  vérifier  le  fait  qui  était  extrême- 
ment important  au  point  de  vue  de  l'histoire  de  celte  lan- 
gue. En  effet,  l'année  dernière,  me  trouvant  àH'oumt-Es- 
Souq,  dans  l'île  de  Djerba,  j'avais  rencontré  des  gens 
appartenant  à  une  population  berbère  de  l'île,  habitant  i 
H'oumt-Ajim,  et  j'avais  recueilli  d'eux  un  vocabulaire 
chelh'a  que  publie  en  ce  moment  le  Journal  asiatique  (').  Ibfl- 
Khaldoum  nous  apprend  que,  lors  de  la  destruction  de  Tilia- 
ret  par  Ibn-R'ania,  aventurier  almôravide  qui  passa  sa  vie 
à  guerroyer  depuis  les  Baléares  jusque  Gabès  et  de  Gabès 


(*}  Notée  de  lexicographie  berhère  (avril-maî-jutn  1883,  p.  381-443). 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      323 

au  Maroc,  une  partie  des  tribus  qui  habitaient  aux  environs 
deTiharet  émigra  dans  l'île  de  Djerba  (581  hég.,  1185 
de  J.-C).  Il  s'agissait  pour  moi  de  constater  si  le  dialecte 
des  Bel-Halima  était  le  même  que  celui  que  j'avais  étudié 
à  H'oumt-Es-Souq. 

Un  mercredi,  à  quatre  heures  et  demie  du  matin,  j'atten- 
dais, non  sans  impatience,  le  départ  de  la  voiture  qui  devait 
m'ameneràFrendah.  Les  jours  précédents,  le  courrier  n'a- 
vait pu  être  porté  que  par  un  cavalier  et  si  l'on  partait,  on 
n'était  pas  6Ûr  d'arriver.  Comme  mauvais  présage,  nous 
n'étions  pas  encore  sortis  de  la  ville  qu'une  des  roues  de 
la  voiture  se  détachait,  et  qu'il  fallait  la  raccommoder 
bous  une  pluie  battante.  Du  véhicule  qui  nous  portait,  je 
n'aurais  pas  grand'chose  à  dire,  sinon  qu'il  y  avait  à  peine 
de  la  place  pour  deux,  mais  qu'en  revanche  il  y  pleuvait 
pour  six.  C'était  un  ancien  break  transformé  en  tapissière, 
mais  cette  métamorphose  n'avait  pas  été  heureuse,  car  les 
rideaux  de  cuir  s'écartaient  à  point  pour  laisser  entrer  la 
boue  soulevée  par  les  roues,  et  faisaient  assez  bien  l'office 
de  gouttières  sur  nos  têtes.  Mais  si  mauvaise  que  fût 
cette  voiture,  je  ne  tardai  pas  à  la  regretter  quand  je  fus 
dans   celle   qui   faisait  le  service  entre  Bou-Noual  et 
Frendah.  Tous  les  voyageurs  en  Orient  connaissent  IV 
robahy  instrument  de  torture  et  de  locomotion  à  l'usage 
de  ceux  que  leur  humeur  vagabonde  ou  leur  mauvaise 
étoile  amène  sur  les  bords  du  Danube  ou  dans  la  pénin- 
sule hellénique.  La  nouvelle  voiture  était  précisément 
un  de  ces    arabahs,  une    sorte   de  haquet  monté  sur 
deux  énormes  roues,  et  couvert  d'une  bâche.  Heureuse- 
ment la  pluie  avait  cessé.  Voyageurs,  bagages,  conduc- 
teur, tout  s'entasse,  se  case,  6e  heurte  pêle-mêle  au  moindre 
heurt  et  les  cahots  ne  manquaient  pas.  Jusqu'au  delà  de 
Kachrou,  la  route  était  passable  ;  mais,  ce  point  dépassé, 
lorsque  nous  quittons  les  cultures  pour  entrer  dans  la 
région  des  forêts,  le  chemin  se  transforme  peu  à  peu  et 


324  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

devient  une  piste  arabe.  Le  paysage,  d'ailleurs,  autant  que 
la  plaine  nous  permettait  de  l'examiner,  était  magnifique: 
aux  broussailles  qui  couvraient  les  premières  collines 
avaient  succédé,  depuis  Aïn-  Guergour,  de  vraies  forêts  de 
thuyas,  de  lentisques,  d'oliviers  sauvages  (zenbedj)  et  de 
caroubiers,  à  peine  interrompues  par  quelques  exploita- 
tions d'alfa  ou  des  cultures  arabes.  Nous  arrivons  enfin  au 
caravansérail,  après  avoir  passé  à  gué  l'Oued-El-'Abd,  et 
nous  pénétrons  dans  une  ferme  dont  l'incurie  annonçait 
des  habitants  espagnols.  Quelle  que  fût  leur  cordialité, 
elle  ne  suffisait  pas  à  faire  oublier  le  manque  de  propreté, 
et  le  repa6  qu'on  me  servit  me  donna  lieu  de  regretter  les 
d biffas  arabes.  Bou-Noual  est  dans  une  éclaircie  entre 
deux  bois,  au  fond  d'un  vallon.  Sur  la  colline  de  l'est,  &e 
voient  la  qoubbah  de  Sidi-'Abd-AUah  et  un  cimetière 
arabe  abandonné.  C'est  là  que  se  fit  le  changement  de  voi- 
ture dont  j'ai  parlé  plus  haut.  Les  chevaux  étaient  dignes 
du  véhicule  et  ne  mirent  pas  moins  de  trois  quarts  d'heure 
à  franchir  une  colline  de  300  mètres.  Bientôt  nous  rentrâ- 
mes sous  bois,  rencontrant  de  temps  à  autre  des  Arabes 
qui  allaient  au  marché  de  Frendah  ou  des  charretiers 
espagnols  qui  font  le  service  des  transports.  Le  chemin 
s'allongeait  à  perte  de  vue  :  à  une  montagne  succédait 
une  autre  montagne;  à  un  taillis  une  éclaircie  ;  de  temps 
à  autre,  il  fallait  mettre  pied  à  terre  et  faire  quelques  kilo- 
mètres dans  une  boue  épaisse  et  tenace.  Enfin,  vers  six 
heures  et  demie,  nous  sortons  de  l'arabah  et,  en  regardant 
l'est,  nous  apercevons  à  dix  kilomètres  de  nous,  sur  un 
plateau  assez  élevé,  une  ligne  claire  que  le  soleil  couchant 
nuançait  de  rose.  C'était  Frendah,  dont  nous  étions  encore 
séparé 6  par  de  nombreux  ravins. 

Arrivé  au  pied  de  la  montagne,  je  descendis  de  voiture 
et  escaladai  l'escarpement,  escorté  de  l'aboiement  des 
chiens  arabes  appartenant  aux  gardiens  des  silos.  Enfin 
j'entre  dans  Frendah.  Il  était  neuf  heures  du  soir  :  l'admi- 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.     325 

nistrateur,  prévenu  de  mon  arrivée,  mais  ne  comptant  pas 
sur  un  retard  de  trois  heures,  avait  perdu  patience  à  m'at- 
teadre  et  pensait,  chose  fort  probable,  que  nous  avions  été 
arrêtés  au  passage  de  l'Oued-El-Abd.  Je  me  trouvais  donc 
en  pleine  nuit  dans  une  ville  arabe  où  je  ne  connaissais 
personne  et  ne  pouvant  même  trouver  un  lit  dans  le  caba- 
ret plus  que  modeste  que  les  guides  appellent  audacieuse- 
ment  l'auberge  de  Frendah.  Même,  je  m'estimai  heureux 
d'avoir  pu  m'y  faire  servir  à  dîner  :  des  œufs,  rien  que 
des  œufs,  mais  accommodés  de  trois  ou  quatre  manières 
différentes.  Il  fallait  cependant  dormir,  et  la  nuit  était 
trop  froide  pour  coucher  dehors.  Mais  j'éprouvai  une  fois 
de  plus  que  l'hospitalité  supplée  largement  au  manque 
d'hôtel.  Il  se  trouva  que  j'étais  connu  de  nom  de  l'inter- 
prète militaire,  M.  Aklouch,  qui,  apprenant  ma  détresse, 
m'installa  en  toute  hâte  dans  la  chambre  d'un  de  ses  amis 
absents  et  se  fit  mon  guide  et  mon  hôte  pendant  tout  le 
temps  de  mon  séjour. 

Le  lendemain  était  jour  de  marché  :  mais  par  malheur, 
aucun  Bel-'Halima  ne  s'y  était  rendu.  Il  fallut  que  M.  Xi- 
menés,  administrateur  de  Frendah,  fît  mander  plusieurs 
indigènes  qui  habitent  à  30  où  40  kilomètres.  Lo  vendredi, 
après  une  visite  faite  chez  le  bach-agha  Si-Ould-Qadi, 
je  trouvais  à  m'attendre,  devant  ma  porte, le  qaïd  des  Dje- 
belia~  amenant  trois  jeunes  gens  qui,  à  eux  trois,  avaient 
environ  240  ans.  Le  plus  jeune,  âgé  au  plus  de  70  ans, 
se  Gt  mon  interprète  auprès  de  ses  compagnons  et  ce  ne 
fut  pas  sans  peine  que  je  parvins  à  me  faire  comprendre 
de  ce  trio  biséculaire  dont  les  facultés  intellectuelles 
avaient  baissé  au  moins  autant  que  l'ouïe.  Les  renseigne- 
ments  que  je  recueillis  d'eux  me  prouvèrent  que  mon 
voyage,  si  pénible  qu'il  fût,  n'avait  pas  été  inutile,  car  je  pus 
coDstater  que  le  berbère  est  en  train  de  s'éteindre  dans 
celte  tribu  où  les  vieillards  seuls  en  ont  conservé  l'usage. 
Il  est  donc  grand  temps  de  le  sauver  de  l'oubli . 


326  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Mais  là  ne  devaient  pas  6e  borner  les  fruits  de  mon 
excursion  à  Frendah.  L'interprète  militaire  envoya  m 
jour  chez  moi  un  indigène  nommé  Moh'ammed-ben-Ted- 
jini,  fils  du  qaïd  du  qsar  de  Bou-Semr'oun,  dans  le  Sud 
oranais,  et  interné  avec  sa  famille  à  Frendah  pour  avoir 
pris  part  à  la  révolte  du  sud  avec  Bou-Amemah.  Puisque 
je  n'avais  pu  visiter  Tiout,  Mor'ar,  etc.,  c'était  pour  moi 
une  occasion  précieuse  d'étudier  la  langue  des  qsour  et 
je  me  gardai  bien  de  la  laisser  échapper.  Tous  les  jours, 
Moh'ammed  venait  passer  plusieurs  heures  avec  moi  et, 
après  m'avoir  dicté  un  vocabulaire  assez  étendu,  il  m'ap- 
portait des  contes  en  chelh'a  que  je  traduisais  en  arabe 
sous  sa  direction.  Je  lui  dois  en  outre  une  description  géo- 
graphique suffisamment  détaillée  de  la  région  des  oasis 
qu'il  avait  visitées.  Enfin,  et  ce  n'e6t  pas  le  moins  curieux, 
il  me  remit  un  jour  un  mémoire,  rédigé  en  berbère,  sorte 
de  plaidoyer pro  domo  sua,  sous  la  forme  d'un  récit.  D'après 
lui,  6on  père,  qaïd  de  Bou-Semr'oun,  avait  averti  le 
commandant  de  Géry ville  des  menées  de  Bou-Amemah; 
mais  les  messagers  avaient  disparu  sans  exécuter  leur  mis- 
sion. Lorsque  le  marabout  arriva  près  du  qsar,  on  lui  amena 
le  qaïd  qui  dut,  bon  gré  mal  gré,  pouf  sauver  sa  vie,  fein- 
dre d'embrasser  le  parti  des  rebelles  et  attendit  une  occa- 
sion de  s'échapper,  qu'il  trouva  plus  tard.  Pendant  ce 
temps,  des  compétiteurs,  parents  de  cette  famille,  susci- 
taient une  nefrah  (trouble)  à  Bou-Semr'oun,  blessaient 
grièvement  les  deux  fils  du  qaïd,  dont  l'un,  lekhalifah,  est 
aujourd'hui  à  Sainte-Marguerite,"  et  l'autre,  le  chaouch, 
n'est  autre  que  Moh'ammed-Tedjini.  Le  coup  fait,  ou  plu- 
tôt manqué,  les  cousins  allèrent  dénoncer  leurs  victimes 
au  commandant  de  Géryville  qui  les  fit  arrêter  et  interner 
sur  de  simples  apparences,  ainsi  que  leur  père  qui  était 
parvenu  à  s'échapper. 

Je  dois  dire  que,  d'après  des  renseignements  puisés  à 
une  autre  source  qui  me  paraît  plus  sûre,  le  qaïd,  comme' 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      327 

bien  d'autres,  aurait  essayé  de  ménager  Bou-Àmemah  et 
les  Français,  n'envoyant  aucun  renseignement  6ur  les 
agissements  des  rebelles,  mais  pris  à  son  propre  piège,  il 
aurait  dû  donner  des  gages  à  l'insurrection.  C'est  ainsi 
que  son  fils  aîné  aurait  été  reconnu  parmi  les  partisans 
du  marabout,  et  que  la  nefrah  aurait  été  étrangère  à  sa 
blessure.  Allah  aâlam.  Dieu  seul  le  sait,  comme  disent  les 
musulmans. 

Eu  attendant,  le  qaid  et  son  fils  vivaient  à  Frendah  du 
produit  d'un  petit  jardin  qu'ils  cultivaient,  drapés  dans 
leur  misère  et  leur  dignité  et  attendant  patiemment  la  fin 
de  la  guerrç  pour  bénéficier  d'une  amnistie  (').  (4  suivre.) 


0  Une  lettre  que  Moh'ammed-ben-TedJini  m'adressa  i  Orin  dans  le  courant  de 
mai,  m'apprit  que  le  Gourerneuient  les  Avait  autorisé»,  lui  et  son  père,  a  retourner 
à  Bou-Semr'oun. 


2°  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE 


CLIMATOLOGIE 


Conférence  de  M.  le  Dr  Marchal 


Messieurs  et  Mesdames, 

Le  sujet  dont  je  vais  avoir  l'honneur  de  vous  entretenir 
n'offre  pas  l'intérêt  des  communications  gui  vous  ont  éié 
faites  jusqu'à  ce  jour.  Il  6e  présente  avec  un  côté  technique 
qui  gagnerait  à  être  exposé,  à  être  développé  par  une  voix 
plus  autorisée  que  la  mienne.  L'étude  de  la  géographie  com- 
porte celle  de  sciences  en  quelque  sorte  accessoires  sans  les- 
quelles elle  serait  incomplète.  De  ce  nombre  est  la  clima- 
tologie ;  la  connaissance  des  divers  climats  du  globe  ter- 
restre, de  leurs  conditions  de  salubrité,  de  leurs  maladies, 
est  devenue,  en  effçt,  une  des  grandes  nécessités  de  notre 
époque. 

L'agglomération  des  populations  détermine  chaque  jour 
une  émigration  de  plus  en  plus  considérable  vers  les  pays 
moins  condensés  que  notre  vieille  Europe,  l'augmentation 
toujours  croissante  de  la  production  rend  indispensable 
l'établissement  de  comptoirs  sur  tous  les  points  du  globe 
et  la  protection  des  intérêts  nationaux  entraîne  la  création 
de  stations  militaires  partout  où  il  est  possible  d'en  établir. 
Vous  comprendrez,  sans  que  j'y  insiste  davantage,  combien 
les  populations,  le  commerce,  les  gouvernements  sont  in- 
téressés à  connaître  exactement  quelles  sont  les  conditions 
de  là  salubrité  présentées  par  tel  ou  tel  pays,  non  seule- 
ment dans  son  ensemble,  mais  dans  chacune  de  ses  parties. 


CLIMATOLOGIE.  329 

Vous  comprendrez  aussi  combien  une  semblable  étude  est 
longue  et  difficile  ;  comme  toutes  les  sciences  d'observation, 
la  climatologie  ne  peut  6e  constituer  qu'avec  le  temps  et 
nous  n'en  possédons  aujourd'hui  que  les  éléments,  mais 
ces  éléments  sont  déjà  suffisants  pour  faire  pressentir  les 
services  qu'elle  est  appelée  à  rendre  à  l'humanité.  Elle 
e6t  dominée  par  quelques  principes  généraux  dont  il  est 
nécessaire  que  je  vous  entretienne  avant  d'aborder  d'une 
façon  particulière  la  division  du  globe  terrestre  en  diffé- 
rents climats. 

Il  est  à  peine  utile  de  faire  remarquer  qu'un  climat  e6t 
principalement  caractérisé  par  sa  température,  mais  on 
ne  tient  peut-être  pas  un  assez  grand  compte  des  causes 
qui  peuvent  la  modifier  en  l'exagérant  ou  en  l'atténuant, 
en  la  rendant  constante  ou  variable. 

La  température  du  globe  a  deux  sources  :  en  premier 
lien,  la  chaleur  centrale,  dont  l'influence  est  à  peine  de 
%  de  degré,  et  la  chaleur  solaire,  qui  verse  sur  la  surface 
terrestre  des  torrents  de  calorique  suffisants  pour  fondre 
en  un  an  une  enveloppe  de  39™, 89  d'épaisseur  de  glace. 
L'action  de  la  chaleur  6olaire  ne  se  répartit  pas  également 
sur  toute  la  surface  du  globe,  elle  varie  selon  la  latitude 
et  décroît  à  mesure  que  les  rayons  la  frappent  plus  obli- 
quement. Cette  décroissance  n'est  pas  aussi  régulière 
qu'où  pourrait  le  supposer,  elle  est  soumise  à  des  lois 
assez  compliquées. 

Sous  les  tropiques,  elle  est  très  peu  marquée  et  son 
maximum  de  rapidité  se  trouve,  d'après  Humboldt,  entre  le 
40*  et  le  45e  degré.  Elle  est  différente  dans  le6  deux  con- 
tinents 5  en  Europe,  entre  le  38#  et  le  71a  parallèle  la  tem- 
pérature s'abaisse  à  peu  près  uniformément  d'un  demi- 
degré  par  chaque  degré  de  latitude,  tandis  que  dans 
l'Amérique  orientale  la  décroissance  e6t  plus  rapide  sous 
les  mêmes  parallèles.  De  Gharleslon  à  Boston,  du  32e  au 
42*  degré  de  latitude  nord,  la  température  s'abaisse  de 

IOO.  DB  fltoOB.  —  8«  TJUKWTRa  1883.  » 


330  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

0°95  centièmes  par  degré,  et  de  Boston  au  Labrador,  du 
42*  au  52e  parallèle,  elle  s'abaisse  seulement  de  0°88  cen- 
tièmes ;  au  delà  du  7  Ie  degré,  les  lois  de  décaissement  de 
la  température  ëont  tout  à  fait  inconnues. 

La  latitude  n'est  pa6  le  seul  élément  qui  modifie  la  tem- 
pérature d'un  pays,  il  en  est  un  autre  dont  il  faut  tenir  le 
plus  grand  compte,  c'est  l'altitude;  à  mesure  qu'on  s'élève 
dans  l'atmo6phère,  la  chaleur  décroît  en  même  temps  que 
la  densité  de  l'air.  Il  est  facile  de  s'en  apercevoir  dans 
l'ascension  d'une  montagne;  on  jouit  successivement  de 
climats  tout  à  fait  différents,  dus  à  de6  températures  de 
moins  en  moins  élevées. 

La  décroissance  de  la  température  n'est  pas  exclusive- 
ment subordonnée  à  l'altitude,  elle  varie  selon  la  latitude, 
la  direction  des  vents,  l'orientation  des  pentes,  la  nature 
du  sol,  etc.,  etc.;  cependant  on  admet  généralement  que  la 
température  s'abai6se  d'un  degré  par  170  mètres  d'éléva- 
tion et  qu'une  ascension  de  100  mètres  équivaut  à  un  dé- 
placement d'un  à  deux  degrés  dans  le  sens  de  l'équateur 
vers  les  pôles  ;  la  température  est  également  modifiée  par 
de6  causes  d'une  importance  moindre,  mai6  dont  il  faut 
tenir  un  certain  compte.  Le  voisinage  de  la  mer  égalise  les 
températures,  il  en  élève  les  moyennes  annuelles  etrendles 
saisons  moins  tranchées.  A  cet  élément  important,  constitué 
par  la  température,  vient  s'en  ajouter  un  autre  qui  a  la  plus 
grande  influence  sur  la  nature  d'un  climat.  Je  veux  parler 
de  l'humidité  qui  sature  d'autant  plus  l'atmosphère  que  la 
température  est  plus  élevée,  sauf  dans  certaines  plaises 
désertes  et  arides.  L'humidité  de  l'air  diminue  à  mesure 
que  l'on  s'élève  de  l'équateur  vers  les  pôles,  elle  atteint  6on 
maximum  sur  les  côtes,  et  en  pleine  mer  elle  décroît  avec 
l'altitude.  Les  causes  qui  la  favorisent  sont  l'abondance  des 
pluies  et  l'on  ne  s'étonnera  pas  de  l'extrême  humidité  de 
la  région  équatoriale  en  songeant  qu'entre  l'équateur  et 
le  25"  degré  il  tombe  par  an  une  moyenne  de  2  mètres 


i 

r 


CLIMATOLOGIE.  331 

d'eau,  du  25*  au  40e  de  deux  à  un  mètre,  du  40*  au  50'  de 
1  mètre  à  50  centimètres. 

Par  contre,  il  existe  des  régions  où  il  ne  pleut  jamais. 
Telles  sont  :  le  Sahara,  la  régence  de  Tripoli,  l'Egypte,  la 
i  Syrie,  moins  le  littoral  et  les  bords  de  la  mer  Rouge,  la 
imajeure  partie  de  l'Arabie  et  de  la  Perse,  le  nord  de  la 
»  Chine.  On  trouve  également  dans  le  nouveau  continent 
des  régions  d'une  moindre  étendue  dans  lesquelles  la  pluie 

i 

I  est  presque  inconnue.  L'abondance  de6  pluies  est  influencée 
'parla  direction  des  vents,  soit  qu'il  s'agisse  des  vents  à 
^direction  constante,  tels  que  les  alizés  dont  l'action  se  fait 
[principalement  sentir  dans  la  zone  torridc,  que  de  ceux  qui 
■ont  des  directions  variables,  tièdes  et  humides,  secs  et 
r glacés,  arides  et  brûlants,  selon  qu'ils  viennent  de  la  mer, 
[des  cimes  glacées  ou  du  désert. 

!  L'influence  de6  saisons  n'est  pas  moins  grande;  on  sait 
qu'elles  sont  d'autant  moins  tranchées  qu'on  6e  rapproche 
!  plus  de  l'équateur.  Il  n'y  a  dan6  cette  zone,  en  réalité,  que 
jdeox  saisons,  la  6a  i  son  pluvieuse  ou  hivernage  et  la  saison 
ifièche  ou  belle  saison,  moins  chaude  que  la  première  de  5 
:i6degrés.  Près  des  tropiques,  à  l'île  de  France  par  exemple, 
les  deux  saisons  intermédiaires,  automne  et  printemps, 
commencent  à  6e  dessiner;  elles  sont  plus  marquées  entre 
le 30e  et  le  40e  degré  (Algérie);  vers  le45€  parallèle  (Bor- 
deaux, Grenoble,  Valence,  Turin,  Venise),  elles  ont  leur 
féritable  caractère  :  c'est  la  zone  tempérée  par  excellence. 
Vers  le  nord,  l'hiver  prend  le  dessus,  le  printemps  est 
froid  et  court,  l'automne  pluvieux  et  désagréable.  Dans  les 
contrées  les  plus  septentrionales  de  l'Europe,  l'hiver  est 
long,  démesuré,  l'été  brûlant  suivi  dej>luies.  C'est  à  peine 
ti  Tété  est  marqué,  vers  les  régions  polaires,  par  quelques 
belles  journées  pendant  lesquelles  le  thermomètre  s'élève 
an-dessus  de  zéro,  puis  aux  deux  extrémités  du  globe 
l'hiver  perpétuel  fait  équilibre  à  Tété  perpétuel  de  la  zone 
torride. 


332 


GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 


En  dehors  de  ces  causes  tout  à  fait  générales,  certaines 
conditions  locales,  telles  que  la  plus  ou  moins  grande  pu- 
reté de  Pair  résultant  de  la  constitution  tellurique,  de  la 
pénétrabilité  du  sous-sol,  de  la  végétation,  des  cours  d'eau 
et  de  la  facilité  de  leur  écoulement,  peuvent  modifier  com- 
plètement le  climat  d'un  pays.  Sous  l'influence  de  la  cha- 
leur, de  l'humidité  et  de  la  stagnation  des  eaux,  les  ma- 
tières organiques  subissent  une  décomposition  rapide  qui 
engendre  les  affections  miasmatiques  et  donne  naissance 
aux  plus  redoutables  endémies. 

Cet  exposé  rapide  des  divers  éléments  qui  caractérisent 
un  climat  suffit  à  démontrer  le  rôle  important  joué  par  la 
température  et  faire  comprendre  que  seule  elle  peut  donner 
une  base  sérieuse  à  une  classification  des  climats.  On 
avait  autrefois  divisé  le  globe  terrestre  en  trois  zones  dé- 
.  terminées  par  la  latitude  ;  les  climats  chauds  étaient  com- 
pris entre  l'équateur  terrestre  et  le  30*  degré,  les  climat* 
tempérés  entre  le  30e  et  le  55e,  au-dessus  duquel  commen- 
çaient les  climats  froids  :  une  classification  qui  rangeait 
dans  les  climats  tempérés  tout  le  nord  de  l'Afrique  en 
même  temps  que  l'Italie  et  la  plus  grande  partie  de  la 
Russie  était  évidemment  erronée,  le  nombre  des  divisions 
était  insuffisant;  d'autre  part,  les  degrés  de  latitude  répon- 
daient à  des  climats  parfois  trop  différents  pour  qu'il  fût 
possible  de  les  classer  sous  une  même  dénomination. 
L'équateur  thermique  et  les  lignes  isothermes  offrent  des .] 
termes  de  comparaison  beaucoup  plus  exacts;  depuis  les 
travaux  de  Humboldt,  un  nombre  suffisant  de  lignes  iso» 
thermes  avaient  été  reconnues  dans  les  deux  hémisphères; 
ces  lignes,  passant  par  les  lieux  dont  le6  moyennes  an- 
nuelles de  température  sont  les  mêmes,  vont  nous  servir.] 
à  diviser  la  surface  du  globe  en  climats,  en  prenant  pour 
point  de  départ,  non  l'équateur  terrestre,  mais  l'équateur 
thermique  qui  représente  la  ligne  de  la  plus  grande  cha- 
leur moyenne  et  dont  la  direction  est  la  suivante  : 


CLIMATOLOGIE.  333 

Si  nous  partons  de  la  côte  occidentale  de  l'Afrique  à 
la  hauteur  du  cap  Palmas  et  de  la  côte  d'Ivoire,  il  remonte 
obliquement  à  travers  ce  continent,  côtoie  la  côte  sud-est 
de  l'Ai*abie,  coupe  l'Inde  à  la  hauteur  de  Pondichôry,  de 
là  se  dirige  obliquement  vers  l'équateur  en  passant  au 
nord  de  Sumatra,  de  Célèbes,  coupe  l'équateur  près  de 
Ternate,  s'incline  environ  à  10°  de  latitude  sud  près  du 
120^  méridien,  s'infléchit  ensuite  vers  l'équateur  pour  re- 
joindre l'isthme  de  Panama,  longe  les  côtes  de  Colombie, 
de  Venezuela,  de  Guyane,  jusqu'à  l'embouchure  du  fleuve 
des  Amazones,  puis  s'infléchit  légèrement  vers  l'équateur 
pour  remonter  bientôt  obliquement  vers  la  côte  occiden- 
tale d'Afrique.  C'est  au  nord  et  au  sud  de  cette  ligne  que 
vont  se  trouver  cinq  zones  constituant  cinq  climats  diffé- 
rents, 6éparées  par  des  lignes  isothermes  présentant  entre 
elles  une  différence  de  10  degrés  de  température  : 

1°  Les  climats  torrides  partant  de  l'équateur  thermique 
jusqu'aux  lignes  isothermes  H-  25°; 

2°  Les  climats  chauds  étendus  de  -4-  25°  jusqu'à  H- 15°; 

3°  Les  climats  tempérés  de  -f-  15°  à  h-  5°  ; 

4°  Les  climats  froids  de  -h  5°  à  —  5°  ; 

5*  Les  climats  polaires  de  —  5°  à 

Nous  allons  passer  rapidement  en  revue  chacune  de 
ces  divisions.  La  zone  torride  est  limitée  par  deux  lignes 
isothermes  -+-  25°  situées,  Tune  au  nord,  la  seconde  au  sud 
de  l'équateur  thermique.  Ces  deux  lignes  ont  une  direction 
se  rapprochant  et  s'éloignant  tour  à  tour  de  l'équateur 
terrestre.  La  zone  qu'elles  embrassent  forme  à  peu  près  le 
tiers  de  la  surface  du  globe.  Sur  la  côte  occidentale  de 
l'Afrique,  elle  occupe  toute  la  hauteur  comprise  entre  le 
cap  Blanc  et  le  cap  Négro,  comprend  la  Sénégambie,  la 
Guinée,  le  Congo  ;  à  la  partie  centrale,  le  Sahara,  le  Fezzan, 
le  Soudan,  toute  la  partie  de  la  côte  orientale  située  entre 
le  tropique  du  Cancer  et  l'embouchure  du  Zambèze,  c'est- 
à-dire  la  Nubie,  l'Abyssinie,  le  pays  des  Çomalis  et  des 


334  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

Gaila6,  le  Zanguebar,  le  Mozambique,  Madagascar  et  les 
petites  îles  voisines,  puis  l'Arabie,  le  sud  de  la  Perse,  le 
Béloutchistan,  l'Indoustan,  le  royaume  Birman,  le  royaume 
de  Siam,  l'empire  d'Annam;  dans  la  région  océanienne,  la 
Malaisie  (Sonde,  Philippines,  Célèbes,  Moluques),  la  Non- 
velle-Guinée  ;  vers  Test,  les  archipels  des  Carolines,  des 
Navigateurs,  le6  îles  de  la  Société,  les  Marquises;  enfin, 
6ur  le  continent  nord -américain,  le  6ud  du  Mexique, 
l'Amérique  centrale,  les  Antilles;  dans  Y  Amérique  du 
Sud,  la  Colombie,  la  Guyane  et  le  nord  du  Brésil. 

La  température  de  la  zone  torride  est  constamment 
élevée,  sans  varier  sensiblement  du  centre  à  ses  limitée 
(cependant  la  moyenne  de  Péquateur  thermique  est 
de  -h  28°).  Les  6ai6ons  sont  peu  tranchées  et  ne  diffèrent 
que  par  le  plus  ou  mohi6  d'abondance  de6  pluies  périodi- 
ques, la  plupart  du  temps  torrentielles.  Il  y  règne  une  in- 
salubrité extrême  due  tout  à  la  fois  à  la  température  élevée, 
à  l'humidité  constante  et  à  la  stagnation  des  eaux  dans  des 
plaines  marécageuses.  Presque  toutes  les  branches  de  la  : 
race  humaine,  depuis  les  degrés  les  plus  élevés  jusqu'aux 
types  les  plus  dégradés,  y  sont  représentés.  Elles  ne  sup-  ! 
portent  pas  toutes  également  l'influence  du  climat.  La  : 
race  caucasienne,  en  particulier,  paraît  en  ressentir  plus  ! 
vivement  les  pernicieux  effets.  Les  fonctions  digestives  sont . 
diminuées,  l'activité  du  foie  et  de  la  peau  augmentée,  1*  ; 
système  nerveux  exalté  ;  Panémie  6e  traduit  bientôt  par  la 
pâleur,  la  perte  de  l'embonpoint  et  des  forces,  et  le  défaut 
de  réaction  contre  les  maladies.  Quand  l'élément  miasma- 
tique intervient,  les  maladies  endémiques  6e  produisent 
plus  ou  moins  graves  selon  la  nature  du  sol,  légères  i  une 
certaine  altitude  comme  sur  les  hauts  plateaux  des  Antilles, 
d'une  gravité  extrême  dans  les  pays  à  marais,  tels  que  le 
Sénégal,  la  Cochinchine,  Madagascar,  etc.,  mais  présen- 
tant presque  toujours  des  différences  que  nous  signalerons 
en  nous  arrêtant  sur  les  particularités  afférentes  à  quel- 


CLIMATOLOGIE.  335 

ques-unesdes  régions  les  plus  importantes  dont  cette  zone 
est  composée. 

L'Afrique  est,  de  toutes  les  parties  du  globe  comprises 
dans  la  zone  torride,  la  plus  chaude,  la  plus  aride,  la  plus 
insalubre.  Le  Sénégal  est  la  plus  malsaine  de  nos  colonies. 
La  côte  occidentale  présente  à  l'œil  une  succession  de 
plages  de  sable,  de  marais,  de  terrains  d'alluvions  cou- 
verts d'une  végétation  palustre  puissante.  Au  centre  sont 
d'immenses  plaines  ou  des  plateaux  dénudés.  De  loin  en 
loin,  des  oasis  à  végétation  luxuriante  contrastent  avec  le 
pays  qui  les  entoure.  Des  rivières  entièrement  desséchées 
pendant  une  grande  partie  de  Tannée,  des  lacs  aux  bords 
marécageux  et  des  vallées  humides  achèvent  de  rendre 
cette  partie  du  continent  africain  presque  inhabitable,  aussi 
toutes  les  maladies  des  climats  torrides  s'y  rencontrent- 
elles,  depuis  l'intoxication  paludéenne  qui  revêt  toutes  les 
formes  jusqu'aux  dysenteries  généralement  mortelles  et  à 
l'hépatite  dont  l'Afrique  tropicale  est  en  quelque  sorte  le 
pays  de  prédilection. 

La  côte  orientale  est  peu  connue,  mais  à  Madagascar  et 
dans  les  trois  petites  tles  que  nous  avons  conservées  dans 
ces  parages,  c'est  l'intoxication  paludéenne  qui  peuple  nos 
hôpitaux  ;  la  dysenterie  et  l'hépatite  ont  à  peu  près  dis- 
paru. 

Les  îles  Mascareignes,  la  Réunion,  Maurice  et  les  Sey- 
chelles  contrastent  par  leur  salubrité  avec  la  constitution 
climatérique  de  cette  région;  la  mortalité  de  nos  troupes 
n'y  est  pas  supérieure  aux  chiffres  qu'elle  atteint  en  France. 
Cette  salubrité  tient  probablement  à  ce  que  la  température 
est  atténuée  par  les  grandes  brises  de  l'Océan,  et  à  la  pré- 
sence de  montagnes  pouvant  servir  de  refuge  pendant  les 
chaleurs  de  l'été. 

La  région  asiatique  de  la  zone  torride  présente  une 
assez  grande  variété  de  climats.  Au  centre  de  l'Arabie,  la 
chaleur  est  intolérable  et  dans  les  montagnes  on  constate 


336  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

des  abaissements  extrêmes  de  température.  Ces  vastes 
plaines,  où  il  ne  pleut  pour  ainsi  dire  jamais,  n'offrent  que 
les  maladies  résultant  de  la  chaleur  sèche,  mais  dans  la 
région  formant  le  littoral  de  la  mer  Rouge,  on  retrouve  les 
terrains  marécageux,  les  plages  basses,  les  eaux  saumâtres 
et  les  maladies  endémiques  qui  en  sont  la  conséquence. 
On  y  rencontre  en  outre  une  affection  particulière  que 
nous  retrouvons  ailleurs  sous  différents  noms,  la  plaie  de 
l'Yémen  qui  décime  la  population  indigène. 

Le  climat  de  l'Indoustan  présente  les  mémos  variétés. 

D'une  façon  générale,  c'est  celui  d'une  contrée  située 
60us  la  zone  torride,  mais  avoisinant  une  région  d'alpes  et 
de  glaces.  Les  versants  de  l'Himalaya  offrent  les  carac- 
tères excessifs  des  pays  de  montagnes  ;  les  Ghates  se  trou- 
vent dans,  des  conditions  à  peu  près  semblables,  mais6ous 
une  forme  plus  tempérée;  sur  certains  de  leurs  plateaux, 
on  se  trouve  en  présence  du  climat  et  des  productions  vé- 
gétales de  la  France.  Le6  plaines  de  l'intérieur  présentent 
les  mêmes  contrastes:  à  côté  de  riantes  vallées,  des 
plaines  désertes  rappellent  l'Arabie,  de  grands  marais  re- 
produisent les  marécages  de  l'Afrique.  Il  en  résulte  des 
conditions  trè6  variables  de  salubrité;  d'une  façon  gêné- 
raie,  c'est  le  choléra,  la  dysenterie,  l'hépatite,  les  fièvres 
paludéennes  qui  prédominent  dans  l'Inde.  Bien  que  le 
choléra  y  soit  en  permanence,  principalement  au  Bengale, 
il  conserve  un  caractère  essentiellement  épidémique;  à 
certaines  périodes,  il  s'active  et  franchit  6es  limites  habi- 
tuelles, c'est  d'ordinaire  à  la  suite  de  grandes  aggloméra- 
tions religieuses  qu'il  redouble  et  gagne  de  proche  eo 
proche  les  contrées  les  plus  éloignées  ;  l'épidémie  quia 
frappé  l'Europe  de  1830  à  1832  avait  pris  naissance,  en 
1817,  au  milieu  d'une  réunion  de  près  de  deux  millions 
de  pèlerins  aux  eaux  sacrées  d'Hurdwar. 

L'Indo-Chine  ne  présente  pas  les  contrastes  que  nous 
venons  de  signaler  dans  l'Indoustan  ;  on  n'y  trouve  ni 


CLIMATOLOGIE.  337 

hantes  montagnes  ni  déserts  arides.  Dan6  l'intérieur,  le 
fiûlest  montagneux,  couvert  de  bois  et  très  fertile.  En  se 
rapprochant  du  littoral,  le6  terrains  s'abaissent  en  pente 
douce  et  à  l'embouchure  des  fleuves,  le  pays  devient  plat 
et  marécageux,  le  climat  correspond  à  cette  configuration  ; 
dans  les  contrées  montagneuses,  il  est  agréable  et  tempéré  ; 
les  plaines  du  littoral  ont  au  contraire  tous  les  caractères 
des  contrées  paléduennes  de  la  zone  torride.  Les  ûèvres 
du  plus  mauvais  caractère  désolent  les  vallées  profondes 
del'Aracan  et  du  royaume  de  Siam.  Cependant,  le  littoral 
est  généralement  moins  malsain  que  le  Bengale;  certains 
points  occupés  par  les  Anglais  et  par  nous  ont  même  un 
caractère  de  salubrité  relative  qui  rend  leur  séjour  beau- 
coup moins  dangereux  que  celui  de  nos  possessions  de  la 
côte  d'Afrique.  C'est  la  dysenterie  qui  fait  le  plus  de  vic- 
times, puis  viennent  le  choléra,  les  fièvres  paludéennes 
sous  toutes  leurs  formes. 

Les  deux  groupes  d'îles  que  l'on  rencontre  dans  la  ré- 
gion océanienne  sont,  au  point  de  vue  du  climat,  aussi  dis- 
semblables que  possible:  autant  les  îles  de  la  Sonde,  les 
Philippines,  les  Célèbe6,  les  Moluques  et  la  Nouvelle- 
Guinée  sont  malsaines,  autant  les  îles  qui  forment  la  Poly- 
nésie sont  renommées  par  la  douceur  et  la  salubrité  de 
leur  climat. 

Dans  le  premier  groupe,  malgré  la  fertilité  extrême  du 
pays,  Bornéo,  Sumatra,  Batavia  sont  en  quelque  sorte  aban- 
données par  les  Européens.  Les  postes  militaires  peu  nom- 
breux conservés  par  les  Hollandais  sont  littéralement  dé- 
cimés par  les  fièvres  pernicieuses. 

En  revanche,  les  îles  de  la  Société  et  les  îles  Marquises, 
bien  que  rapprochées  de  l'équateur,  ne  connaissent  pas  les 
chaleurs  accablantes  de  la  zone  torride,  l'atmosphère  y  est 
rafraîchie  par  les  grandes  brises  de  la  mer;  leur  salubrité 
dépasse  celle  de  nos  colonies  les  plus  favorisées,  les  Eu- 
ropéens y  jouissent  d'une  santé  parfaite  sans  acclimate- 


338  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

ment  préalable  et  les  détachements  reviennent  en  France 
après  un  séjour  de  plusieurs  années  aussi  bien  portante 
qu'au  départ. 

La  dysenterie,  quand  elle  règne,  est  bénigne,  sauf  les  cas  ' 
d'épidémie.  La  liberté  des  mœurs  du  pays,  l'absence  de 
précautions  hygiéniques  impriment  une  marche  rapide  à  \ 
la  phtisie  qui  figure  pour  un  quart  dans  la  mortalité  des 
Européens. 

Les  conditions  climatérique6  que  l'on  trouve  en  arrivant 
aux  côtes  occidentales  d'Amérique  n'ont  rien  de  spécial;  ; 
comme  toutes  les  régions  palustres  de  la  zonetorride,  elles  •< 
sont  insalubres  au  plus  haut  point,  surtout  dan6  le  sud,  et  ', 
presque  tous  le6  ports  sont  désolés  par  les  maladies.  L'in- 
toxication paludéenne  domine  tout  ce  littoral,  les  fièvres  s'y 
montrent  rebelles  et  amènent  rapidement  une  cachexie 
profonde  dont  le  caractère  s'imprime  sur  la  physionomie 
des  habitants,  en  particulier  sur  celle  des  enfants. 

Si  l'on  passe  sur  la  côte  orientale,  on  se  trouve  en  pré- 
sence d'une  affection  que  nous  n'avons  pas  encore  ren- 
contrée :  la  fièvre  jaune,  dont  le  foyer  est  sur  les  côtes  du 
golfe  du  Mexique  et  aux  grandes  Antilles.  Les  conditions 
qui  lui  donnent  naissance  sont  celles  que  présentent  ha- 
bituellement les  régions  torrides  marécageuses  ;  elles  sont 
du  reste  limitées  à  une  partie  peu  étendue  du  territoire 
mexicain. 

La  configuration  du  Mexique  le  divise  en  trois  régions 
bien  distinctes  :  les  terres  chaudes,  s'étendant  des  bords  de 
la  mer  aux  pieds  des  montagnes  ;  les  terres  tempérées, 
occupant  les  premiers  contreforts  des  Cordillières  jusqu'à 
une  élévation  de  1,200  à  1,300  mètres;  puis  les  terres 
froides,  qui  embrassent  l'immense  plateau  d'Anahuac  dont 
l'altitude  est  de  2,000  à  2,500  mètres  sur  une  étendue 
de  deux  cents  lieues. 

Les  terres  chaudes  sont  couvertes  d'eaux  stagnantes  et 
de  marécages;  on  n'y  rencontre  qu'à  une  assez  grande  dis- 


CLIMATOLOGIE.  339 

tance  une  végétation  maigre  et  rabougrie.  C'est  là  seule- 
ment que  la  fièvre  jaune  prend  naissance  ;  elle  s'attaque 
de  préférence  aux  Européens  et  aux  habitants  des  terres 
froides  descendus  sur  le  littoral.  Les  noirs  seuls  jouissent 
d'une  immunité  véritable  à  son  égard.  L'intoxication  pa- 
ludéenne et  l'hépatite  viennent  se  joindre  à  cette  redou- 
table épidémie  sans  cesse  renaissante  pour  faire  de  cette 
partie  du  Mexique  un  des  climats  les  plus  malsains  du 
globe. 

Les  terres  tempérées  sont  incomparablement  plus  sa- 
labres.  Lors  de  l'expédition  an  Mexique,  nos  troupes  ont 
occupé  pendant  quatre  mois  Orizaba,  qui  est  à  une  altitude 
de  1,250  mètres,  et  s'y  6ont  trouvées  dans  des  conditions 
très  favorables. 

Les  terres  froides  sont  plus  salubres  encore,  nos  soldats 
ne  se  sont  jamais  si  bien  portés  qu'après  avoir  franchi  les 
Cumbres  qui  se  trouvent  à  la  limite  des  terres  tempérées 
et  des  terres  froides. 

La  partie  de  l'Amérique  du  Sud  comprise  dans  la  zone 
torride  est  peu  habitée;  à  part  quelques  plateaux  cultivés, 
on  ne  rencontre  que  des  hauts  plateaux  arides,  les  paramos, 
dont  les  versants  sont  couverts  d'épaisses  forêts.  Le  climat 
de  ce6  régions  élevées  est  froid  et  salubre,  mais  dès  qu'on 
descend  vers  le  littoral,  on  retrouve  des  marécages  pesti- 
lentiels. 

Le  climat  des  Guyanes  est  assez  analogue  à  celui  de  la 
Cochinchine,  il  est  caractérisé  par  une  chaleur  constante 
et  une  humidité  excessive  ;  la  fertilité  y  est  très  grande, 
aussi  pourrait-on  lui  appliquer  le  dicton  toscan  :  On  y  fait 
fortune  en  un  an,  mais  on  y  meurt  en  six  mois.  Cependant 
Cayenne  doit  à  6a  position  et  à  des  travaux  d'assainisse- 
ment une  salubrité  assez  grande  qui  a  fait  quelque  temps 
illusion  sur  l'avenir  de  la  Guyane,  comme  colonie  péni- 
tentiaire. 

Nous  aurons  passé  en  revue  toutes  les  régions  qui  com- 


340  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

posent  la  zone  torride,  quand  nous  aurons  dit  un  mot  des 
Antilles.  Ces  îles,  dont  l'intérieur  est  presque  inhabité, 
ont  un  littoral  très  fertile,  mais  essentiellement  palustre. 
Cependant  les  Antilles  françaises  sont  beaucoup  moins  in- 
salubres que  le  fond  du  golfe  du  Mexique,  bien  que  la  fiè- 
vre jaune  y  soit  endémique. 

La  mortalité  varie  selon  la  fréquence  et  l'intensité  des 
épidémies;  elle  reçoit  un  assez  notable  contingent  des 
autres  affections  paludéennes,  telles  que  la  fièvre  perni- 
cieuse, la  dysenterie  et  l'hépatite.  Ces  affections  pourraient 
du  reste  résumer  la  constitution  médicale  de6  vastes  ré- 
gions qui  composent  la  zone  torride.  (A  suivre.) 


3«  GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE 


LE  BULLETIN  CONSULAIRE  FRANÇAIS 


Dans  un  rapport  spécial  qui  sera  présenté  à  M.  le  Pré- 
sident et  au  comité  de  direction  de  la  Société  de  géogra- 
phie de  l'Est,  nous  nous  réservons  de  développer  les  deux 
ordres  d'idées  dans  lesquels  il  nous  a  semblé  que  devait 
agir  plus  particulièrement  la  Société  même  :  application 
pratique  de  la  géographie  au  développement  commercial 
de  notre  pays,  d'une  part;  perfectionnement  et  vulgarisa- 
tion des  méthodes  d'enseignement  de  la  géographie  dans 

les  écoles,  d'autre  part. 

En  attendant,  il  nous  semble  d'un  intérêt  de  premier 
ordre,  d'appeler  l'attention  de  ceux  que  les  questions  com- 
merciales et  économiques  préoccupent,  —  et  qui  donc, 
en  France,  se  désintéresse  de  ces  questions  vitales  ?  —  sur 
des  publications  faites  justement  pour  les  éclairer,  sinon 
les  résoudre,  et  offrant  des  garanties  d'autorité  et  de  va- 
leur intrinsèque  incontestables,  malgré  des  défauts  inhé- 
rents à  ce  que  l'on  peut  appeler  la  mise  en  train. 

Justement  soucieux  d'apporter  son  contingent  d'élé- 
ments d'études  à  celles  de  ces  questions  qui  touchent  de 
si  près  à  la  prospérité  nationale,  le  Ministère  du  commerce 
a  créé  deux  publications  périodiques,  le  Bulletin  consulaire 
français  et  les  Annales  du  Commerce  extérieur,  trop  peu 
répandues,  peu  ou  pas  lues  par  les  commerçants  et  les  in- 
dustriels eux-mêmes,  alors  que  les  renseignements  mul- 
tiples qu'elles  renferment  pourraient  leur  fournir  de  nom- 
breuses occasions  de  viser  des  débouchés  plus  nombreux 
ou  plus  faciles,  ou  encore  de  perfectionner  l'outillage  de 


342  GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE. 

nos  usines.  Et  ce  que  nous  disons  des  commerçante  et  des 
industriels,  nous  le  dirons  aussi  justement  au  moins  des 
agriculteurs  qui,  eux  aussi,  n'ont  pas  encore  compris  quel 
intérêt  s'attache  à  ces  publications  et,  par  ricochet,  aux 
connaissances  de  géographie  pratique. 

C'est  particulièrement  du  Bulletin  consulaire  français  que 
nous  voulons  parler  aujourd'hui,  les  Annales  du  Commerce 
extérieur  étant  exclusivement  consacrées  aux  statistiques 
commerciales,  à  la  législation  des  transits  et  aux  tarifs 
douaniers,  sortes  de  documents  techniques  où  chacun  peut 
puiser  pour  les  besoins  spéciaux  de  ses  exportations  ou  de 
ses  approvisionnements. 

Il  faut  bien  dire  que  le  Bulletin  consulaire,  créé  depuis 
1878,  n'a  pas  été  à  son  début  ce  qu'il  est,  ou  mieux  ce 
qu'il  tend  à  devenir  aujourd'hui.  On  s'est  vite  aperçu  des 
services  qu'il  pouvait  rendre  et  de  son  insuffisance  à  don- 
ner ce  que  l'on  en  attendait,  autant  peut-être,  parce  que 
le  personnel  consulaire,  bien  que  cela  parût  devoir  être 
dans  ses  attributions  les  plus  utiles,  n'y  était  pas  suffi- 
samment préparé,  qu'aussi  à  cause  du  manque  de  préci- 
sion et  d'organisation  du  programme  à  remplir. 

Voici  comment,  dans  une  circulaire  en  date  du  15  mars 
dernier,  s'exprime  M.  le  Ministre  des  affaires  étrangères: 

«  Depuis  la  création  de  ce  recueil,  des  travaux  d'une 
«  réelle  valeur  y  ont  trouvé  place  ;  ils  témoignent  de  con- 
«  naissances  approfondies  en  même  temps  que  de  pa- 
«  tientes  et  laborieuses  investigations.  Toutefois,  à  côté 
«  des  éloges  que  mérite  le  Bulletin  consulaire,  diverses  cri- 
«  tiques  ont  été  formulées,  et  mon  département,  sachant 
«  qu'il  peut  toujours  compter  sur  le  zèle  et  le  dévouement 
«  de  ses  agents,  a  recherché  quelles  seraient  les  recom- 
«  mandations  qu'il  aurait,  soit  à  leur  adresser,  soit  à  leur 
«  rappeler  d'une  manière  spéciale.  » 

Plus  loin,  après  avoir  signalé  l'observation  faite  parles 
Chambres  de  commerce  au  sujet  des  retards  apportés  à  la 


BULLETIN  CONSULAIRE  FRANÇAIS.  343 

publicité  des  rapports  d'un  intérêt  immédiat,  M.  le  Mi- 
nistre ajoute  :  «  Une  de  ces  Chambres,  précisant  davan- 
c  tage  ses  desiderata,  a  fait  remarquer  que,  parfois,  les 
«  rapports  consulaires  ne  renferment  que  des  données  gé- 
c  nérales  sur  les  échanges  de  tout  un  pays  et  non  des  indi- 
«  cations  spéciales  sur  une  branche  déterminée  d'industrie 
«  et  de  commerce.  Par  suite,  dit-elle,  on  ne  sait  si  telle  ou 
c  telle  marchandise  pourrait  avantageusement  s'exporter 
<  sur  tel  ou  tel  port,  ni  dans  quelles  conditions  elle  s'y  ven- 
•  drait,  ni  contre  quelle  concurrence  on  aurait  à  lutter  en 
c  l'y  envoyant.  Or,  ce  sont  ces  renseignements  qui,  bien 
«  souvent,  seraient  utiles  à  notre  commerce  et  à  notre  in- 
«  dustrie.  » 

C'est  là  un  fait  évident  et  il  suffit  de  parcourir  le  recueil 
qui  nous  occupe,  pour  en  reconnaître  la  véracité.  Pour  nous, 
nous  désirerions  qu'à  l'exemple  de  quelques-uns  des  plus 
capables,  des  plus  dévoués  à  leur  mission,  ou  demandât  à 
nos  consuls  de  mieux  étudier  et  mieux  faire  connaître  aussi 
les  conditions  économiques  de  la  production  dans  les  pays 
étrangers,  des  objets  fabriqués  et  surtout  des  produits  na- 
turels: c'est  là,  on  en  conviendra,  ce  qui  intéresserait 
l'agriculture  autant  que  le  commerce,  et  c'est  aussi  ce 
qui  constitue  la  géographie  économique  et  commerciale, 
laquelle  tient,  par  tant  de  côté6,  à  ce  point  de  vue,  à  la  géo- 
graphie physique. 

Pour  ne  citer  que  quelques  exemples,  signalons  le  Rap- 
port sur  la  situation  de  l'agriculture  aux  États-Unis,  par 
H.  Edmond  Breuil,  en  1881,  ceux  suvY  Industrie  de  la  soie, 
dans  ce  même  pay6,  par  M.  Poitevin,  en  1882  ;  sur  l'Indus- 
trie vinieole  en  1880,  également  aux  États-Unis,  par  M.  Le- 
faivre  5  6ur  la  Situation  économique  des  provinces  du  Nord 
(PI  a  ta),  par  M.  Àmelotdu  Chaillou,  en  1881;  sur  la  Situa- 
tion commerciale  de  la  Russie  en  1879,  par  M .  Pingaud  : 
voilà  pour  les  années  précédentes  ;  nous  en  passons  et  des 
meilleures. 


344  '    GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE. 

« 

Dans  le  1er  semestre  de  1883,  signalons  le  Mouvement 
commercial  entre  V Allemagne  et  les  États-Unis,  par  M.  Bœufré; 
la  Culture  du  lin  aux  États-Unis,  par  M,  Terny  ;  Y  Industrie 
saliniere  en  Crimée,  étude  économique  et  géographique  très 
curieuse,  par  M.  Jacquemin,  lequel  nous  révèle  en  pas- 
sant la  prospérité  apportée  par  des  directeurs  française 
une  exploitation  russe  très  importante  ;  —  sur  le  Comment 
de  V Allemagne  avec  l'Amérique  centrale  et  V Amérique  du  Sud, 
par  M.  A.  de  Pina,  document  qui  vient  compléter  d'une 
façon  homogène  celui  de  M.  Bœufré  ;  enfin,  sur  le  Com- 
merce intérieur  de  l'Empire  russe  et  le  rôle  des  foires  dans  ce 
pays,  par  M.  Coutouly,  travail  intéressant,  plus  spéciale- 
ment consacré  à  la  foire  de  Nijni-Novgorod,  dite  deSaint- 
Macaire,  où  Ton  voit,  malgré  une  décroissance  des  2/5  dans 
le  nombre  des  assistants  à  cette  foire  (de  250,000  en  1869 
à  180,000  en  1880),  le  chiffre  des  transactions  presque 
triplé  depuis  1857  (87,000,000  de  roubles)  jusqu'à  1881 
(246,000,000  de  roubles),  et  où  est  donnée  la  liste  com- 
plète de  toutes  les  marchandises  qui  figurent  dans  ce  chiffre 
avec  une  étude  particulière  6ur  chacune  d'elles. 

Donc,  à  côté  des  desiderata  dont  M.  le  Ministre  a  bien 
voulu  tenir  compte,  il  nous  semble  profondément  utile, 
indispensable  même,  qu'un  cadre  soit  tracé  à  nos  consuls, 
leur  indiquant  dans  ses  grands  traits  le  programme  qui 
doit  guider  leurs  études.  Non  seulement  on  y  gagne- 
rait de  stimuler  les  bonnes  volontés,  de  guider  les  inexpé- 
rimentés, mais  encore  de  donner  une  homogénéité  aussi 
complète  qu'on  peut  le  désirer,  6ans  nuire  à  son  origina- 
lité, à  cet  ensemble  de  travaux  dont  le  Bulletin  consvkixt 
constitue  le  truchement  le  plus  nécessaire  au  développe- 
ment de  notre  commerce  en  général  et  aux  études  de  géo- 
graphie économique  en  particulier. 

J.  V.  Barbier. 


4«  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE 


EXCURSION 


DH 


NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL 


{Fin.) 


IV. 

AU    MONT    SAINT-MICHEL. 

Notre  itinéraire  nous  conduit,  pour  terminer,  au  mont 
Saint-Michel.  Il  y  a  dix  an 6,  avant  la  construction  du  fort, 
le  petit  plateau  bien  uni  qui  couronnait  cette  côte  était 
éminemment  favorable  pour  contempler,  d'un  seul  coup 
d'œil,  le  beau  panorama  qui  se  déroule  là  aux  yeux  du 
spectateur.  Mais  aujourd'hui , .  les  règlements  militaires 
interdisent  au  public  l'accès  de  la  forteresse  ;  elle  serait  du 
reste  peu  favorable,  sauf  au  sommet  du  réduit,  pour  nos 
observations.  Nous  allons,  pour  jouir  de  la  beauté  du 
paysage,  prendre  deux  positions  au  pied  des  fortifications: 
la  première  au  6ommet  de  l'éperon  du  côté  du  sud",  près 
du  chemin  d'accès  du  fort  ;  la  seconde,  à  l'exposition  du 
nord,  en  face  de  la  plaine  de  Voivre. 

Lorsqu'on  est  favorisé  d'un  temps  bien  découvert,  que 
la  vue  n'est  point  gênée  par  la  brume,  que  les  objets  éloi- 
gnés paraissent  plus, rapprochés,  comme  lorsque  l'air  est 
saturé  d'humidité,  on  jouit  là  d'un  horizon  magnifique, 
moins  étendu,  il  est  vrai,  qu'au  Point-de-Vut  de  la  côte  de 
Sion-Vaudémont  ;  mais  alors  l'œil  embrasse  mieux  le  pa- 
norama, il  ne  6e  perd  pas  dans  le  vague  des  détails  de  la 

•oc  dm  eioom.  —  3»  tbimestm  1883.  '  38 


346  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

plaine.  De  toutes  parts,  cet  horizon  est  bordé  de  forêts. 
Au-dessus  de  ce  rideau  un  peu  sombre,  émergent  çà  et  là 
quelques  sommets  lointains  :  ainsi  au-dessus  de  la  forêt 
de  Haye,  ce  sont  le6  hauteurs  en  arrière  de  Nancy;  au 
nord-est,  à  la  faveur  de  cette  dépression  de  Dieulouard, 
c'est  la  côte  de  Mousson  et  les  hauteurs  environnantes; 
plus  au  nord,  le  fort  Saint-Quentin  près  de  Metz;  au  nord- 
ouest,  cette  ligne  de  hautes  collines  qui  limitent  la  Voivrt 
à  l'ouest,  se  terminent  là-bas  par  le  contrefort  de  Hatton- 
châtel,  pour  courir  ensuite  vers  le  nord-ouest  du  côté-de 
Sedan  ;  à  l'ouest,  au-dessus  des  côte6  de  Foug,  voilà  les  hau- 
teurs des  environs  de  Ménil-la-Horgne,  où  se  montre  la  qua- 
trième chaîne  que  j'ai  précédemment  indiquée.  Vers  le  sud, 
on  peut,  paraît-il,  distinguer  jusqu'aux  environs  de  Langres, 
puisque  la  Géographie  militaire,  que  j'ai  citée  tout  à  l'heure, 
dit  que  notre  fort  Saint-Michel  est  en  rapport  direct,  par  le 
,  télégraphe  optique,  avec  le  fort  de  Dampierre,  aux  environs 
de  cette  ville.  Voici  ensuite,  au-des6us  de  la  forêt  de  Saint- 
Amon,  la  côte  de  Sion-Vaudémont  ;  à  côté  celle  de  Pulney, 
et  plus  au  sud  les  sommets  des  environs  d-Aouze.  Enfin, 
dans  le  lointain,  du  côté  du  sud-est,  entre  la  forêt  de  Baye 
et  la  côte  de  Sion,  voilà  la  chaîne  des  Vosges,  surtout  du 
Donon  au  Ballon  d'Alsace:  les  détails  que  j'ai  donnés  Tan 
dernier  au  Point-de-Vue  de  Vaudémont,  au  sujet  de  cette 
chaîne,  peuvent  se  répéter  ici  ;  seulement  notre  point  d'ob- 
fcervation  se  trouve  reculé  d'environ  35  kilomètres. 

Essayons  maintenant  d'esquisser  la  géographie  rétros- 
pective et  historique  de  la  plaine  qui  s'étend  devant  nous: 
le  sujet  est  assez  intéressant  pour  mériter  de  fixer  un 
instant  l'attention. 

Si  nous  nous  transportons  en  imagination  à  ces  temps 
reculés  où  les  premiers  hommes  vinrent  peupler  ce  pays, 
nou6  les  verrons  prendre  possession  du  sol  au  milieu  d'une 
nature  vierge,  de  forêts  impénétrables,  souvent  maréca- 
geuses, peuplées  d'animaux  sauvages  dangereux.  Ils  vin- 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  347 

renl,  selon  toute  apparence,  s'installer  dans  les  grottes  des 
environs  de  Pierre-la-Treiche  où  ils  pouvaient  vivre  de 
chasse  et  de  pêche,  abriter  leurs  provisions  et  se  défendre 
contre  les  ennemis  nombreux  qui  les  environnaient. 

Peu  à  peu  ils  s'étendent  dans  la  plaine  où,  depuis 
20  ans,  on  a  trouvé  nombre  de  leurs  stations,  notamment 
dans  le  sous-sol  de  Toul,  puis  dans  presque  toutes  les  loca- 
lités de  la  région,  entre  autres  à  Longeau,  Villey-Saint- 
Élienoe,  Aingeray,  Bouvron,  Manoncourt,  Royaumèix, 
Saazey,  Mou  trot,  Grézilles,  Bagneux,  Àllain,  Colombey, 
etc.  On  a  découvert,  dans  ces  localités  et  bien  ailleurs  en- 
core, de  nombreux  vestiges  de  leur  industrie,  révélant 
leur  passage,  débris  analogues  à  ceux  qui  ont  été  resti- 
tués par  les  grottes  de  Sainte-Reine  et  par  le  Trourdes-Celtes. 
Outre  les  deux  importantes  stations  antiques  renfermant 
de  nombreux  tumuli  que  j'ai  signalées  déjà  Tan  dernier  au 
Bois-du-Fay$  de  Viterne  et  au  Bois-Ânciota  d'AUain,  j'ai 
rencontré  encore  des  tertres  funéraires,  au  nombre  de  quatre, 
dans  la  forêt  de  Bagneux.  J'y  ai  fait  pratiquer  des  fouilles, 
et  quand  l'ouvrier  arriva  à  niveau  du  sol,  il  découvrit  une 
couche  épaisse  de  cendre  mâlée  de  charbon,  avec  des 
débris  d'ossements  et  quelques  vestiges  de  poterie  gros- 
sière. Je  pus  ainsi  constater  que  les  funérailles  avaient  eu 
Ueu  par  incinération,  que  le  6ol  argileux  avait  préala- 
blement été  nivelé,  battu,  strié,  en  Borte  que  quand  la 
pioche  de  l'ouvrier  attaqua  l'aire,  elle  en  détacha  des  frag- 
ments ressemblant  à  ceux  de  l'àtre  d'un  four  en  démo- 
lition. 

Selon  le  P.  Benoît  Picart,  la  ville  de  Toul  serait  si  an- 
cienne que  l'on  ne  peut  rien  dire  de  sa  fondation,  laquelle 
perdrait  dans  la  nuit  des  temps.  Selon  quelques  étymo- 
istes,  le  nom  de  Toul  serait  d'origine  celtique,  toull 
ifiant  cavité,  caverne,  trou,  profondeur.  Suivant  cette 
typothèse,  Toul  serait  conséquemment  la  ville  des  trous, 
non  qu'elle  fût  bâtie  dans  un  trou,  mais  dans  le  voisinage 


-*..  *  III 


348  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

de  ceux  que  j'ai  signalés  si  nombreux  tout  à  l'heure  dans 
les  environs  (l). 

J'ajouterai  qu'on  s'accorde  généralement,  toutefois  sans 
preuves  certaines,  à  considérer  Toul,  dans  les  siècles  qui 
précédèrent  d'assez  près  la  conquête  du  pays  par  les  Ro- 
mains, comme  la  capitale  du  pays  des  Leuei.  Du  reste, 
dès  les-  premiers  6iècle6  de  l'ère  chrétienne,  des  docu- 
ments certains  la  comptent  au  nombre  des  cités  du  pays 
avec  Nasium  (Naix),  Grandesima  (Grand),  Solimariaca 
(Soulosse),  Scarponne  (près  de  Dieulouard)  ;  les  ruines  de 
ces  villes  antiques  attestent  encore  leur  ancienne  splen- 
deur. 

Mais  voici  les  Romains  :  ils  ont  soumis  le  pays,  la 
plaine  va  bientôt  changer  d'aspect.  Déjà  les  Gauloi6  avaient 
défriché  des  forêts  ;  ils  cultivaient  le  blé  et  en  récoltaient 
en  certaine  quantité,  puisque  César,  dans  se6  Commen- 
taires, dit  qu'il  comptait  sur  les  Leuoi  et  autres  peuples 
voisins  pour  lui  fournir  des  vivres. 

Dès  le  premier  siècle  de  l'ère  chrétienne,  les  vain- 
queurs  construisent  ces  magnifiques  voies  qui  relient  les 
principales  cités   entre  elles.  Voici  celle  de  Langresi 
Trêves  par  Soulosse,  Toul,  Scarponne  et  Metz,  qui  vit 
passer  ces  légions  nombreuses  allant  surveiller  le  Rhin 
contre  les  tentatives  périodiques  des  Germains  pour  tra- 
verser ce  fleuve  ;  voici  aussi  celle  de  Toul  à  Nasium,  de  * 
Toul  à  Mont6ec,  de  Toul  à  Sion,  de  Nasium  à  Metz.  D'aa-^ 
très  voies  vicinales  construites  après  composèrent  biento 
un  vaste  réseau  enveloppant  tout  le  pays.  A  la  faveur 
ces  belles  voies,  des  métairies  s'élèvent  de  toutes  parts  ei 
remplacent  les  misérables  huttes  gauloises.  Cinq  sied 
de  civilisation  transforment  le  pays;  cette  plaine  devi 
florissante  et  trè6  peuplée.  Pour  en  donnçr  une  idée,  jel 
dirai  que  le  territoire  d'Allain  compte  plus  d'une  douzaine 


(')  Voy.  Dr  A,  Godron,  la  Caverne*  des  environ*  dé  Toul,  etc., page  7. 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  349 

de  ces  métairies  ;  celui  de  Bagneux,  huit;  celui  de^unerot, 
6ix;  de  Colombey,  de  Barisey-au-Plain,  de  Crézilles,  de 
Moutrot,  d'Ochey,  de  Bicqueley,  de  Royaumeix,  de  Saint- 
Baussant  et  d'une  foule  de  localités,  cinq,  six  ou  sept  de 
ces  ruines,  et  je  n'ai  pas  la  prétention  de  les  avoir  décou- 
vertes toutes.  Quelques-unes  dénotent  de  petits  villages, 
des  hameaux  ;  plusieurs  étaient  de  vraies  villas,  bâties  avec 
luxe,  offrant  le  confortable,  car  beaucoup  étaient  en  pos- 
session de  pavillons  de  bains  comme  celui  que  j'ai  décrit 
aux  Thermes  de  Crézilles  (1). 

Bientôt  les  siècles  de  décadence  arrivent  :  les  Ger- 
mains, enhardi 8  par  la  faiblesse  de  l'Empire,  l'attaquent 
de  toutes  part6  et  arrivent  déjà,  vers  le  milieu  du  îv*  siècle, 
jusqu'aux  environs  de  Scarponne,  où  ils  se  font  toutefois 
battre  en  deux  endroits  par  Jovin.  Néanmoins  la  frontière 
du  Rhin  est  définitivement  perdue,  et  les  Romains  adoptent 
nos  chaînes  de  VArgonne  orientale,  avec  la  Moselle  et  la 
lieuse  pour  lignes  stratégiques  de  défense.  Les  cités  du 
pays  sont  d'abord  fortifiées  et  Toul  reçoit  alors  son  en- 
ceinte valentinienne.  Nos  chaînes  de  collines  6ont  ensuite 
hérissées  de  camps  retranchés  et  de  postes  de  défense.  Ci* 
tous  comme  formant  chez  nous  la  première  ligne,  les  cinq 
positions  retranchées  de  Sion  à  Vandeléville,  le  poste  de  la 
côte  de  Thelod,  les  camps  d'AffriqiK,  de  Dommartemont 
et  très  probablement  les  postes  du  mont  Touloû  et  de  la  côte 
de  Mousson.  Dans  la  seconde  ligne,  nous  indiquerons  les 
camps  de  Julien  près  de  Moncel  (Vosges),  de  Sorcy,  de 
Saint-Mihiel,  de  Montsac,  avec  les  postes  intermédiaires 
de  Chapion  (Mont-1'Étroit),  de  Galiaud  (Blénod-lès-Toul), 
de  Saint-Michel  et  d'autres  du  côté  de  Thiaucourt.  Le 
camp  de  Jaillon  (Julien)  n'était  probablement  qu'un  lieu 
de  halte  pour  les  troupes  en  marche. 

Mais  ces  obstacles  ne  suffisent  point  pour  arrêter-  la 


0)  Yoy.  Journal  &«  la  SotiiU  d'Archiologii  lorraine,  an.i.  1883 


850  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

marche  clés  Barbares  ;  ils  passent,  répandant  partout  la 
dévastation,  l'incendie  et  la  mort,  notamment  les  Van- 
dales, vers  406.  Notre  plaine,  naguère  si  florissante,  de- 
vient bientôt  un  vaste  désert  ;  toutes  les  métairies  sont 
incendiées  et  détruites,  et  depuis  vingt  ans  que  je  lais  des 
recherches,  plus  particulièrement  dans  la  plaine  de  Co- 
lombey,  j'ai  fait  des  trouvailles  nombreuses  et  impor- 
tantes de  l'époque  gallo-romaine,  mais  je  n'ai  jamais  ren- 
contré le  moindre  vestige  de  l'époque  mérovingienne  en 
sa  première  moitié.  En  outre,  pour  faire  comprendre  le 
silence  de  mort  qui  régna  chez  nous  après  les  invasions, 
j'ajouterai  qu'il  y  a  une  soixantaine  d'années,  en  faisant 
des  fouilles  dans  les  remparts  du  castrum  de  Solimariaa 
(Soulosse),  on  retrouva  dans  les  fossés  des  guerriers  tom- 
bés dans  toutes  les  positions,  les  uns  couchés,  les  autres 
accroupis,  leurs  armes  à  côté  d'eux.  Les  morts  n'avaient 
pas  reçu  la  sépulture,  les  armes  n'avaient  même  pas  été 
ramassées;  il  n'était  peut-être  pas  resté  de  survivants  dam 
le  pays;  les  malheureux  échappés  à  l'orage^  au  torrent 
dévastateur,  s'étaient  probablement  réfugiés  près  des  cités 
comme  Toul,  pour  pouvoir  y  trouver  aide  et  secours  contre 
les  brigandages  qui  suivent  toujours  de  pareilles  catas- 
trophes. Aussi  trouve^t-oti  aujourd'hui,  aux  enviroûfi  de 
cette  dernière  ville,  des  cimetières  francs  au  faubourg 
Saint-Mansuy,  à  SavonnUres  (Foug),  à  Pierre-la-Treiche, 
à  Liverdun  et  à  Andilly. 

Les  Huns  passent,  assiègent  Scarpome)  où  l'on  voit  les 
retranchements  d'Attila  sur  les  hauteurs  voisines,  et  font 
de  nouvelles  ruines*  Viennent  ensuite  les  luttes  de  i'Àus- 
trasie  contre  la  Neustrie  et  la  Bourgogne  :  en  612,  les  pe- 
tits-fils de  Brunehaut  se  livrent  une  grande  bataille  dam 
la  plaine  de  Champagne,  à  4  kilomètres  au  nord-est  de 
Toul,  en  face  de  Gondreville. 

L'abbaye  de  Saint-Epvre,  au  faubourg  de  ce  nom,  près 
de  Toul,  est  fondée  au  vi"  6iècle,  et  Dagobert,  au  Yuf  siè- 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  351 

cle,  la  dote  de  biens  considérables  dans  le  Saintois  encore 
resté  désert.  Pour  profiter  de  cette  donation,  des  Frères 
sont  envoyés  sur  les  points  les  plus  fertiles  pour  défricher 
les  terres  et  les  mettre  en  culture.  Des  Granges  s'élèvent 
pour  abriter  les  récoltes  et  servir  d'habitations  aux  Frères  ; 
bientôt  des  familles,  errantes  peut-être,  viennent  s'installer 
près  de  la  Grange  de  l'abbaye  pour  obtenir  de  celle-ci  une 
protection  quelque  peu  efficace  dans  ces  temps  de  bar- 
barie, en  échange  des  services  qu'ils  rendent  aux  gens  de 
l'abbaye  :  c'est  ainsi  que  dans  le  Saintois,  dans  la  plaine 
de  Colombey  du  moins,  se  forme  le  noyau  de  nos  villages. 

Bientôt  des  maisons  royales,  des  palais  même  s'élèvent 
dans  le  rayon  de  Toul,  —  à  Gondreville,  à  Savonnieres, 
près  de  Foug,  à  Tusey,  près  de  Vaucouleurs,  —  dans  les- 
quels ont  lieu  des  conciles,  des  entrevues  princières 
célèbres  sous  les  derniers  Mérovingiens  et  les  premiers 
Caiiovingiens  ;  il  existait  aussi,  à  cette  époque,  d'autres 
maisons  royales  à  Void,  à  Vicherey,  et  plus  tard  à  Quatre» 
Vaux,  dans  la  vallée  de  Blénod. 

On  est  fondé  à  croire  que  Charlemagne  vint  séjourner 
quelque  temps  dans  ces  pal  ai 6,  y  chasser  l'aurochs,  lors- 
qu'il allait  dans  les  Vosges,  à  Champ-le-Duc.  Du  reste,  le 
souvenir  de  ce  prince  est  conservé  sur  différents  points  du 
pays,  par  exemple  6ur  le  plateau  de  Haye,  au-dessus  de 
Cbavigny ,  où  Ton  trouve  la  plaine  et  le  chemin  Charlemagne. 
Au  surplus,  remarquons  que  ce6  palais,  ces  maisons 
royales  étaient  toutes  bâties  à  proximité  de  grandes  forêts 
et  étaient,  6elon  toute  apparence,  des  rendez-vous  de 
chasse.  L'histoire  cite  même  des  épisodes  de  la  vie  privée 
des  descendants  dégénérés  du  grand  prince.  Charles  le 
Gros,  qui  n'eut  pas  le  courage  de  combattre  le6  Normands, 
eut  bien  la  cruauté  de  faire  crever  les  yeux  à  son  neveu 
dans  le  palais  de  Gondreville. 

La  féodalité  arrive  et  des  châteaux-forts  s'élèvent  dans 
la  plaine  comme  sur  les  hauteurs.  Les  évéques  de  Toul 


352  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

elles  chanoines,  comme  seigneurs  temporels,  font  cons- 
truire ou  rebâtir  les  châteaux  de  Liverdun,  de  Void,  de 
Blénod,  de  Brixey,  de  Vicherey  et  de  Mairières-lès-Toul. 
Les  princes  et  les  seigneurs  en  font  autant,  de  leur  côté, 
sur  une  foule  de  points  du  pays. 

Après  Tan  1000  surtout,  chaque  localité  tient  à  avoir 
son  sanctuaire,  son  église,  sa  chapelle.  Saint  Gérard  avait 
jeté  les  fondements  de  la  cathédrale  de  Toul  dè6  le  xe siè- 
cle ;  mais  ce  n'est  que  dans  le  cours  du  xmê,  du  xrv*  et  du 
xve  qu'elle  6'éleva  telle  que  nous  la  voyons  aujourd'hui. 
Quand  ce  monument  fut  terminé,  il  avait  quatre  tours; 
mais  il  n'était  achevé  que  depuis  sept  ans  quand  l'une  des 
deux  du  chœur  6'effondra  ;  la  seconde  fut  alors  démolie. 
La  collégiale  Saint-Gengoult  fut  élevée  6ur  le  même  plan 
que  la  cathédrale  et  dans  le  cours  des  mêmes  siècles  :  son 
beau  cloître  ne  date  que  du  commencement  du  xvi*  siècle. 

Les  églises  élevées  à  l'époque  romane  et  dans  les  siècles 
suivants  furent  souvent  aménagées  pour  servir  à  la  dé- 
fense  commune.  Nous  en  avons  en  effet  un  certain  nombre  j 
dans  le  pays  qui  se  trouvent  au  centre  d'un  fort  de  refuge,  j 
comme  celle  de  Barisey-au-Plain,  de  Blénod-lès-Toul,  de  i 
Domgermain,  de  Seicheprey,  de  Minorville,  d'Essey,  de  ] 
Thiaucourt,  etc.  Il  en  est  d'autres  qui  portent  des  traces 
de  meurtrières,  de  mâchicoulis,  comme  celles  d'Amreville 
(Vosges),  d'Allamps  et  d'Écrouves,  dont  les  bas  côtés  fu- 
rent surélevés  pour  servir  d'abri  aux  défenseurs  du  sanc- 
tuaire. Il  en  est  qui  renferment  des  puits,  comme  celles 
d'Écrouves,  d'Essey,  et  des  cheminées  dans  la  tour,  qomme 
celle  de  Bayon ville.  Beaucoup  de  ces  monuments  furent 
assiégés,  brûlés,  et  souvent  les  habitants  qui  s'y  étaient 
retirés  périrent  comme  à  Flirey,  au  temps  des  Suédois,  où 
une  femm3  seule  parvint  à  échapper  à  la  mort  en  se  jetant 
du  haut  des  murs  sur  des  couchages. 

La  ville  de  Toul  subit  bien  des  vicissitudes,  fut  atta- 
quée bien  des  fois  et  souvent  ravagée  dans  le  cours  du 


DB  NANCY  AU  MONT  SAINT- MICHEL.         353 

moyen  âge,  d'abord  par  les  Sarrasins  ou  les  soldats  de 
Pépin,  au  vin*  siècle;  puis  par  les  Normands  en  889,  et, 
en  954,  par  les  Hongrois,  dont  le  nom  est  resté  légendaire 
sons  celui  d'ogres.  Ce  sont  ensuite  les  soldats  de  Lothaire 
en  984,  puis  le  comte  de  Champagne  au  xi6  6iècle,  la  du- 
chesse de  Lorraine  en  1251,  le  duc  Charles  II  vers  1400, 
et  plus  tard  les  Routiers,  puis  les  protestants  pendant  les 
guerres  de  religion. 

Voici  le  Champ-des-Allemands  au  delà  de  Libdeau,  où 
Charles  le  Simple,  dit-on,  livra  bataille  à  l'empereur 
Othon  d'Allemagne;  Liverdun,  forteresse  redoutable  aux 
évoques  de  Toul,  qui  fut  ruinée  en  1467  ;  le  château  de 
Pierrefort  qui  passait  pour  imprenable  ;  celui  de  Manon- 
tille  dans  lequel  les  Suédois  pénétrèrent  par  la  brèche, 
après  un  assez  long  siège  ;  celui  de  Saint- Baussant  dont 
les  Picards  s'emparèrent  en  1460;  celui  de  Mandres  qui, 
en  1633,  se  défendit  pendant  un  certain  temps  avec 
17  hommes  contre  6,000  assaillants  ;  celui  de  Foug,  où  fut 
signé  le  contrat  de  mariage  de  René  d'Anjou  avec  la  fille 
du  duc  de  Lorraine  Charles  II.  Citons  encore  le  bourg 
de  Blénod  avec  sa  belle  église,  à  la  flèche  si  élancée,  dont 
le  sanctuaire  renferme  le  magnifique  tombeau  Renaissance 
de  son  fondateur,  l'évêque  de  Toul,  enfant  du  lieu,  Hugues 
de  Hazard6. 

L'esquisse  que  je  viens  de  faire  des  vicissitudes  diverses 
que  subit  Toul  au  moyen  âge,  donne  une  idée  fort  incom- 
plète des  misères  qu'éprouvèrent  autrefois  nos  ancêtres  à 
certaines  époques.  Je  vais  compléter  ce  triste  tableau  eu 
signalant  de  nouveaux  malheurs  arrivés  en  ce  pays  dans 
un  temps  moins  éloigné  de  nous,  où  la  civilisation  avait 
partout  fait  de6  progrès,  puisque  c'était  au  début  du  grand 
siècle,  à  la  fin  de  la  guerre  de  Trente  mis.  Tous  les  fléaux 
fondirent  à  la  fois  sur  ce  malheureux  pay6,  et  en  particu- 
lier sur  la  prévôté  de  Gondreville  qui  comprenait  une 
partie  de  cette  plaine.  Ce  fut  d'abord  la  peste  de  1629  à 


354  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

1631,  puis  la  guerre  et  la  famine  de  1633  à  1640  et  même 
plus  tard.  La  guerre  fût  désastreuse  :  les  Suédois  et  les 
Croates  6e  signalèrent  chez  nous  par  toutes  sortes  d'excès, 
par  des  actes  de  brigandage  inouïs  qui  forcèrent  nos  mal- 
heureux pères  échappés  à  la  peste,  de  fuir  au  fond  des 
forêts  et  d'y  rester  de  longues  années ,  vivant  de  glands 
et  de  racines.  Lés  terres  étant  restées  6ans  culture,  la 
famine  devint  horrible  ;  on  vit  môme  des  malheureux  se 
repaître  de  chair  humaine  ! 

Au  bout  de  quelques  années  de  ces  calamités,  le  pays 
était  désert  ou  abandonné,  les  villages  avaient  été  pillés, 
saccagés,  incendiés  :  la  population  rurale  avait  péri  ou 
était  en  fuite  ;  en  tout  cas,  vers  1640,  elle  avait  perdu  les 
dix-neuf  vingtièmes  de  6es  habitants.  Quantité  de  localités 
ne  6e  relevèrent  pas  de  leurs  ruines,  entre  autres  dans  ces 
environs  :  Malzey  près  d'Aingeray,  Blaincourt  près  de  Yil- 
cey,  Barisey-la-Planche  près  de  Barisey-au-Plain,  Teprey 
près  de  Saulxures-lès-Vannes,  Moncaurt  près  de  Clérey-la- 
Côte,  Roville  près  de  Vandeléville,  etc. 

Ici  devrait  se  terminer  cette  étude  ;  mai6,  pour  ne  pas 
rester  sous  le  coup  du  pénible  tableau  que  je  viens  déta- 
ler, je  demande  la  permission  de  jeter  un  dernier  et  rapide 
coup  d'oeil  6ur  cette  plaine  de  Toul  que  nous  allons  quitter 
et  de  l'envisager  un  instant  à  l'époque  actuelle,  après  en 
avoir  fait  la  topographie  aux  temps  passés. 

Comme  cette  région  aujourd'hui  est  bien  cultivée  et 
comme  l'agriculture  a  réalisé  de6  progrès,  surtout  depuis 
un  demi-siècle  ;  combien  cette  population  qui  l'habite  est 
active  et  laborieuse  !  L'industrie  et  le  commerce  s'y  déve- 
loppent aussi  très  rapidement,  à  la  faveur  de  ces  canaux, 
de  ces  chemins  de  fer,  de  ces  belles  routes,  de  ces  chemins 
vicinaux  bien  entretenus  qui  ont  remplacé  les  anciennes 
voies  de  communication,  les  unes  mal  soignées,  les  autres 
tout  à  fait  abandonnées  et  conséquemment  presque  partout 


DE  NANCY  AU  MONT  SAJNT-llIGHEL.  355 

ravinées,  défoncées,  accidentées  de  fondrières  qui  les 
rendaient  impraticables.  La  création  de  ces  voies  rapides 
surtout  a  opéré  des  merveilles  :  par  elles,  les  communi- 
cations se  sont  multipliées,  les  villes  et  les  campagnes  se 
sont  rapprochées,  les  échanges  ont  été  facilités  et  les  mar- 
chés mieux  approvisionnés  ;  les  denrées  ont  trouvé  des 
débouchés  nouveaux  et  les  producteurs  de  nouveaux  con- 
sommateurs. Les  villes  et  les  villages  se  transforment  ;  les 
habitations  s'y  élèvent  gaies  et  coquettes,  les  règles  de 
l'hygiène  y  sont  mieux  observées,  l'air  et  la  lumière  y 
pénètrent  abondamment  au  grand  profit  de  la  santé.  Enfin, 
les  famines  qui  désolaient  autrefois  périodiquement  le 
pays  ne  sont  plus  à  craindre  maintenant,  grâce  à  la  culture 
de  la  pomme  de  terre  d'abord,  puis  à  la  facilité  offerte  au 
commerce,  dans  les  mauvaises  années,  de  combler  le 
déficit  en  allant  s'approvisionner  à  l'étranger. 

J'ai  fini  cet  entretien  un  peu  long  peut-être,  et  je  re- 
mercie l'honorable  assemblée  de  l'attention  si  flatteuse 
qu'elle  a  bien  voulu  me  prêter.  Puisse  cette  esquisse  lais- 
ser un  souvenir  durable  dans  l'esprit  de  mes  bienveillants 
auditeurs  et  les  attacher  davantage  au  sol  et  aux  souvenirs 
de  notre  vieille  Lorraine,  si  intéressants  pour  ïes  enfants 
du  pays  d'abord,  et  aujourd'hui  pour  la  France  entière, 
depuis  qu'elle  a  été  mutilée  et  a  servi,  en  partie  du  moins, 
de  rançon  à  norfe  chère  patrie  !...  Olry. 


APPENDICE 

Pour  l'intelligence  de  la  carte  de  la  plaine  de  Tout,  surtout  pour 

la  désignation  des  cantons  ou  lieux-dite  où  se  trouvent  des 

ruines. 

Canton  de  Colombey. 

àdoscourt:  Aux- Épi  ces,  lk,2  ('),  N.-E. 
iu.àS£:Au-Poiner-Bécat,Q*,Z,S^Auj;-Plates-Pierres,  1  kil.,S.-S.-0.  ; 

f)L'ui  té  itinéraire  employé*  est  le  kilomètre 


3Ô6  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE. 

A-la-Sarrazinièrc,  tk,â,  0.-S.-0.;  En-Haye-Mignot,  1\8,  5.;  En-Yilain- 
Rosot,2  kil.,  N.-N.-E.;  A-la-Poche,  tk,5,  N.-N.-E.;  Au-Monastère,  2  kiL, 
E.-N.-E.;  Sur-Ralin-Pié,  1  kil.,S.-0.;.4u-floû-A/inota,  station  antique  itec 
ruines,  tumuli  et  pierriers  très  nombreux  et  étendus,  àl'estdn  tillage. 

Baqneux  :  Au-Viller,  0k,4,  au  .Nord;  En-Florey,  t  kil.,  N.  ;  En-Ckan- 
pagne,  1  kil.,  N.-E.  ;  Au-Chdteau-Rouge ,  0k,6,  E.  ;  A-ta-Péreile,  1  kiL, 
S.-E.  ;  A-ÏAnglure,  lk,2,  S.  ;  A-la-Sarrazinière,  lk,5,  S. -S.-O.;  Et- 
Carroy,  lk,8,  S.;  Au-Quart-en-Réserve,  tumuli,  2  kil.,  S.-O. 

Barisey-au-Plai.v  :  A-la-Plaiiche,  0k,8,  S.-E.;  A-la-Lochère,  1  kiL, 
N.-E.;  A-VÊtang,  tk,2,  N.-E.;  A-la-Folie,  2  kil.,  S.-E.  ;  A-ta-Pwrtk- 
Pierriére,  sépullurcs,  I  kil.,  S.-E. 

Barisey-la-Côte  :  A-la- Cor  vée-des- Templiers,  0k,6,  E. 

Colombby:  Auz-Voiet-Montantes,  0kf4,  N.-E.;  Au-Coin-Jeaimaire, 
2  kil.,  0.-N.-0.;  A-la-Sarrazinièrê,  0\8,  O-S.-O.;  Au-CAor/noû,  1  kil., 
S.-O.;  Le  Trou-de-VÉcoufot,  lk,8,  S.-O.;  A-ÏHamonviUe,  2k,5,  S.-S.-0.: 
Sous-le-Taillis,  3  kil.,  S. 

Crepey:  Aux-TuiloUe$,  0k,8,  S.;  En-Sainte- Lucie,  1  kil.,  E.-S.-L; 
A-la-Maladrie,  0k,S,  N.  ;  Ati-ffoiJ-Ancioto,  station  antique  avec  lomuliet 
pierriers  nombreux,  au  N.  et  au  N.-O.  du  village. 

Favières:  Au-Méhy  elSous-le-Bois-du-Mélay,  ik,5,  N.-E.;  Au-fau- 
bourg,  près  du  cimetière  ;  A-la-Croix-Porchat,  tombeaux  ;  Au-MotUin- 
de-Giroué,  lk,2,  S.-E.;  Grottes  de  Saint-Amon,  4  kil.,  0. 

Oermixy  :  Au-Jardin-Carré  et  Au-Hant-Meix,  au  N.  et  au  S.  du  vil- 
lage; A-la-Grande-Voicre,  2  kil.,  S.-E.;  A-V Enfer,  lk,3,  N. 

Mont-i/Étroit  :  Poste  de  Chapion,  i  kil.,  E.-N.-B. 

Pulney  :  Sur-la-C6te,  0k,6,  N.;  En-Bride-Fer,  0\5,  S.;  Att-Cteam- 
de-la-Ferrèe,  lk,5,  S. 

Saulxcres-lès-Vannes  :  En-Taprey  et  En-Mérigny,  lk,5,  S. 

Sklaincourt  :  Aux-Tuilottes ,  0k,4,  N. 

Thuilley-aux-Groseilles  :  A-la-Côte-Claudin,  *1  kil.,  N.;  dans  la 
forêt  communale,  au  N.,  à  TE.  et  au  S.  du  village,  vestiges  d'habitations, 
tumuli,  pierriers. 

Thamont-Émy  :  Dans  la  forêt  au  N.,  tumuli,  pierriers. 

Trawont-Saixt-André :  Au-ChdUUt,  0k,6,  N.-N.-E.;  dans  la  forôtao 
N.,  tumuli,  pierriers. 

Yandelêyille  :  Dans  la  forêt,  au  8.  du  village,  vestiges  de  retran- 
chements ;  Ro  cille,  village  détruit,  0k,4,  E.;  En-Bar réchamp,  1  ULf  H. 

Canton  de  Domôvre. 

Axdilly  :  Au-Chauffour ,  tombeaux,  0k,3,  S. 
ànsauville  :  Aux-Noires-Terres,  0k,5,  0.-S.-0.;  A  la+Pièce-FBermite, 
0k,6,  0.-S.-0.;  Ait-Colombier,  0k,t,  N.-E. 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  357 

àvràinyillb  :  A-la-Chatte-Noyée,  0k,5,  N.-E. 

Bersbcourt  :  Un-Alleu,  1  kil.,  N.-N.-O.;  En-Gouasse-Salé,  0k,6,  N.-E. 

Frakcbeyille  :  En-Chatian,  0k,6,  N.-N.-E.  ;  Entre -deux -Chanots, 
1  kil.,  N.;  A-la-Blanche- Borne,  0k,8,  N.-O.;  Le  Champ-des- Allemands , 
1  kil.,  5. 

Gezokcoubt  :  Au-Monticule,  i  kû  ,  N.-O. 

Griscourt  :  A-la-Grande-Vigne,  1  ki).,  N.;  Kn-Renauvaux,  1  kil.,  E. 

Hamokvillb  :  iu-froffitoû,  0k,5,  8.-S.-0.;  La  Grande-Corvée,  0k,8,  E. 

Jaillo*  :  Marché-des-Vivandières,  au  S.  du  Tillage;  Plainede-Késer, 
ïïû  nord  du  Camp;  Au- tlput-d Autre-Lieu ,  1  kil.,  S. 

LnrERDux:  En-Chatian,  1  kil.,  S.-E.;  Au- Haut -de -Sonet,  2  kil., 
0.-N.-0. 

Iarores-aux-Quatre-Tourb  :  A-la-Côte,  0k,4,  0. 

Man  oncoubt  -  en  -  VoiVRB  :  A -la-  Côte-  en  -  Haye  ;  A- la-  Terre  -  Venus, 
lk,5,  E. 

Harteicourt  :  Trou-dè-Grimau-Saulé,  lk,5,  N.-N.-O.  ;  En-Fourneau- 
Fontaine,  Au-Champ-Labiche,  Au-Bateau-Poirier,  à  lk,2  et  lk,5,  N.-E. 

Minorvillb  :  A-la-Càte,  1  kil.,  0. 

Hoyiakt-aux-Prbs  :  Le  Tombois,  0k,5,  N.;  La' Mine,  1  kil.,  N.-N.-O. 

Rooeyille:  Trou-de-Grené,  0k,8,  N.-O. 

Rosières- bs-Ha  ye  :  EnEertnilerre,  lk,5,  S.-O. 

Royaumeix  :  Aux-Ouillons,  0k,2,N.-E.;  Au-Coin-du-Ménil,  0k,8,  E.  ;  Au 
Baut-du-Raz,  0k,5,  N.;  A-la-Chèvre,  lk,2,  N.;  Au- Haut-de- Fossé,  2 kil., 
fl.-N.-O.;  dans  la  Forét-la-Reine,  sur  différents  points,  ruines  d'habita- 
tions et  de  /orges. 

Villers-en-Haye :  Au-Formont,  0k,4,  N.-O.;  Au-Vaux-des-Raptes , 

1  kil.,  S.-S.-E. 

Canton  de  Tonl-Nord. 

Aisgbray  :  itt-FottJP-rottWûtn^  et  En-Corrot,  lk,2,  S.-O. 
Bodcq  :  Aux- Charmes,  1  kil.,  N.-N.-O.  ;  A-la-Lochère,  0k,5,  S.-E; 
Bouyron:  A-la-CharmoUe,  lk, 2,  S.-S.-E. 
DovMABTm-Lès-TouL  :  Au-Chaufour,  tk,7,  E.-N.-E. 
Écrouves  et  Grandménil  :  Le  Val-des-Konnes,  2  kil.,  N.-N.-O. 
îooo  :  La  Salle,  0k,5,  S.  ;  enceinte,  retranchements,  1  kil.,  S  .-S.-O. 
Oonorbyille :  A-la-Croix- Sainte^ Anne,  tombeaux,  0k,8;  A-la-Ga- 
renne,  1  kil.,  S.-O.;  En-Vollomols,  2  kil.,  S. 
Lagkby:  A'Ia-Haye-le-Chdteau,  1  kil.,  0.-N.-0.;  Au-Pdtis-des-Loges, 

2  kil.,  0.-N.-0.;  Au- Haut-d' Éventé,  lk,8,  N.-E. 
Laneoveville-dbbrièrb-Fouo  :  Aux- Sarrazines  (côte  Romont),  0k,5, 

N.-0. 
Lucby  :  Au-Viller,  1  kil.,  S.-E. 


358  GÉOGRAPHIE  RÉGIONALE» 

PagnBY-derrièrb-Barrink  :  A-la-Verte-Côte,  sépultures,  0^3,  8. 
Sexey-lbs-Bois  :  En-Xermepré  (près  du  village). 
Trondes  :  Au-Romonl,  lk,5,  K. 

Canton  de  Toul-Sud. 

Bainville-sur-Madon  :  Aux- Bécasses,  lk,2,  S.;  Auz-Rondes-Yigim, 
sépultures. 

Bicqueley  :  Au-Trait-la-Meix,  0k,4,  S.)  A-kt-Baye-Viller,  0^,11.-1.; 
Bn-Gelincôte.  0k,5,  N.;  Au-Champ- Reine,  1  kil.,  II. 

Blénod-lbs-Toul  :  Galiaud,  enceinte  retjanchée,  0k,5,  S.;  Â4+    ; 
Voivre,  tk,5,  E. 

Bulliony  :  Sur-le-Fort,  0k,8,  S.;  ruines  d'une  chapelle,  d'une  toi- 
lerie et  d'un  moulin  à  1  kil.  8.-E.;  Au-Rupt-du-Préne  et  A-ia-Sauct, 
au  N.-O.  de  Tumejus. 

Charmes:  Aux-PoirielUs  et  A-la-Moinerie,  au  N.;  En-B lussin et A»- 
Montignon,  au  S.  du  village. 

Gholoy  :  En-Champally,  1  kil.,  N.-O. 

Crezili.es  :  Aux-Petites-Pièces,  0k,3,  S.;  A-la-Bome-Eau,  0k,4,  N.-O.;    ; 
Aux-Thermes,  2  kil.,  E.-S.-E. 

Domqerm ain  :  Au-Bois-des-Momes,  lk,5,  .N.-E.  ;  A-la-ChapeUe-Soûfr 
Maurice,  ruines  de  l'ancien  village. 

Gye  :  En-Nalléchamp,  lk,5,  N.-O. 

Maizibrbs-lès-Toul  :  Au-Colombier,  0k,5,  N. 

M  ont- le- Vignoble  :  A-la-Haye-de~V Écluse. 

Mootrot  :  Derrière-rAtrie,  Ok,l,  0.;  Ett-Foirtmott,  1  kil.,  S.-û.; 
Bn-Mmtatit-les-Portions,  lkil.,0.  ;  A-la-Terre-Monsieur, 0k,8, 0.-N.-0.; 
A-la-Sarrazinière,  0k,4,  N.;  A -la -Poche -Pierre  et  En-Manoneille, 
0k,3,  E. 

Ochey  :  A-la-Baye-de-la- Foire,  lk,5,  S.;  A-la-Raute-Bome ,  lk,S, 
N.-N-O.;  A-la-Terre-Gadel,  2  kil.,  H.;  A-la-Grande-Baye,  tkJ5,lî.-H-E.; 
Au-Baut-de-la-Croix,  lk,2,  E. 

Pierrb-la-Treiche  :  Grottes  de  Sainte-Reine,  0k,8,  N.-E.;  La  Eneicte, 
lk,2,  E.  ;  Trou-des-Celtes,  lk,3,  E.-N.-E.;  Le  Camp,  2k,5,  E.-N.-R.;  tt 
Rochotté,  0k,7,  0. 

Sbxey-aux-Forgbs  :  Au-Baut-de- Bourgogne,  E.-S.-E.  ;  Les  Gttttfis, 
3  kil.,  0.  ;  ruiues  de  hauts-fourneaux.  0k,S,  0. 

Canton  de  Thiaucourt. 

àrnaville  :  En-Virène,  1  kil.,  8.;  Pallon  (village  détruit  à  côté  et  à 
l'ouest  d' Arnaville). 

Bayonville  :  En-Goulinvaux,  lk,5,  E.;  Bn-Voiseil,  lk,6,  S.-S.-E.; 
Au-Chdtelet,  2  kil.,  S.-S.-E. 


i^i_ 


DE  NANCY  AU  MONT  SAINT-MICHEL.  359 

Bocillokttlle  :  A-la-Bavine,  lk,5,  E.  ;  La  Maladrie,  0k,5,  S.-B. 

Charey  :  Le  Boulon,  2  kil.,  S.-0. 

Douhartix-la-Chaussbe  :  En-Cubanel,  0\2,  S.  (sépultures). 

Essey-et-Maizerais  :  Enceinte  retranchée,  Ok,5,  au  nord  du  village. 

Fey-e>--Haye  :  Au-ChdtelH,  1  kil.,  E.-N.-E.  ;  \u-Boi*-le-Prétre,\  kil.,E. 

Pubby  :  Devant-ie-Éois-de-Vassogne,  lk,2,  È.  ;  Trou-de-Vas&ogjie, 
lk,6,  S.-E. 

Jaulsy  :  Bn-Devigné,  1  kilM  S.  ;  Aux-Sarancée*,  lk,5,  N.-N.-O. 

Lime  y:  En-Saint-Mai  xent,  0k,4,  N.;  Au-Meix-la-Dame,  2  kil.,  E.; 
reines  d'un  ancien  village,  0k,3,  S. 

Libonville  :  A-Saint- Jacques,  2  kil.,  E. 

Panses  :  Autour  du  village,  ruines  romaines. 

Resnrtille-en-Hayb :  Grotte  de  Quatre-Vaux,  lk,5,  S.;  Bn-Jolival, 
raines  d'un  ancien  village,  lk,2,  S.-E. 

Rembercourt  :  Sous-Hailte-Bas,  0k,3,  S. -8.-0; 

Rehemauvillb  :  A-la-Pesse,  sépultures. 

Saint-Baussaut  :  Au-Haut-des~Quarliers ,  0k,3,  S.;  A-la-Vignotte, 
&fit  E.  ;  En-Défeuilli,  0k,4;  En-Bemaumeix ,  Au-Viller,  En-Sade, 
lk,4,  S.-E. 

Shchephky  :  En-Sainte- Baye,  0k,3,  N.  ;  En-Lenibresson ,  0*,8, 
0.-S.-0. 

Thiaugourt  :  A-la-Bavine,  1  kil.,  S.  ;  En-OuXre-Mad,  0k,5,  fl.-E. 

Vakdelainville  :  Sur-le-Bevers-de-la-Côte  et  Au-Haul-de-la-Célc, 
raines  au  nord  du  village. 

Vilcey-sur-Trey  :  Baleycourt  ou  Blaincourt,  village  détruit,  lk,2, 
i-0. 

Iammes:  Au-Porrier-Brtîlé,  0k,5,  0.-S.-0.;  A-la- Grand* Mare,  0k,8, 
0.-N.-0.;  Im  Champs-Gaillards,  2  kil.,  N.-O. 


5°  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE 


LE  POLE  MAGNÉTIQUE 

Par  M.  Th.  E.  BLEVIN 

D»  LA  8O0x£t&  Dl  GéOORAPHIB  DU  PAOIFIQ  UB  (*}. 


1  Les  voyages  aux  régions  polaires  ont  été  entrepris  d'a- 
bord dans  un  but  commercial;  on  cherchait  un  passage 
pour  6e  rendre  aux  Indes  par  le  Nord- Ouest.  Quand  on 
eut  reconnu  l'impossibilité  de  suivre  celte  route,  les  ex- 
plorations ne  cessèrent  pas  pour  cela,  seulement  leur  objet 
fut  tout  autre  :  ce  sont  les  intérêts  de  la  science  que  cette 
fois  les  découvreurs  eurent  en  vue.  De  hardis  navigateurs, 
en  s'enfonçant  dans  ces  contrées  éternellement  glacées, 
n'ont  pas  craint  d'affronter  les  terribles  hivers  et  les  lugu- 
bres nuits  du  pôle,  pour  étudier  la  nature  dans  des  parages 
où  elle  se  montre  sous  un  aspect  saisissant,  mais  où  elle 
présente,  en  revanche,  des  phénomènes  les  plus  dignes 
d'intérêt. 

Un  des  principaux  résultats  des  expéditions  polaires  est 
la  découverte  du  pôle  magnétique,  c'est-à-dire  la  détermi- 
nation exacte  du  point  de  la  surface  de  la  terre  vers  lequel 
se  dirige  l'aiguille  aimantée.  On  le  doit  au  capitaine  Ross, 
lors  de  son  voyage  de  1829  à  1831  ;  les  coordonnées  du 
pôle  magnétique,  déterminées  par  lui  à  cette  époque,  sont: 
70°30'  de  latitude  et  96°  de  longitude  Ouest,  comptée  du 
méridien  de  GreenwLch,  ce  qui  fait  98°20'  au  méridien  de 
Paris.  Cette  découverte  était  importante,  car  elle  procurait 
le  moyen  de  vérifier  toutes  les  observations  magnétiques. 

L'aiguille  aimantée,  adaptée  au  compas  ou  boussole 


(')  Dont  le  liège  est  à  San-Franciaoo. 


Jitxilet   USc 


LE  PÔLE  MAGNÉTIQUE.  361 

marine,  a  rendu  possibles  les  voyages  au  long  cours  et  sert 
encore  aujourd'hui  de  guide  aux  explorateurs  modernes. 
II  importe  donc  d'en  bien  connaître  les  propriétés  et  les 
mouvements. 

L'aiguille  magnétique  est  un  instrument  très  délicat; 
elle  possède  plusieurs  sortes  de  mouvements  dont  les  prin- 
cipaux sont  : 

1*  Dans  le  plan  horizontal  :  elle  s'écarte  du  Nord  vrai 
d'une  quantité  angulaire  appelée  variation  ou  déclinaison, 
observée  pour  la  première  lois  par  Colomb,  à  son  premier 
voyage  en  1492  ; 

2°  Dans  le  plan  vertical  :  elle  s'incline  d'une  quantité 
angulaire  appelée  inclinaison,  constatée  pour  la  première 
fois  par  Norman,  vers  l'an  1576. 

La  variation  du  compas  consiste  donc  dans  un  change- 
ment de  direction  de  l'aiguille  magnétique  par  rapport  au 
pôle  de  la  terre.  On  croyait  autrefois  que  l'aiguille  se  di- 
rigeait exactement  vers  le  Nord  :  . 

True  as  the  needle  to  the  Pôle 
(Vrai  comme  la  boussole  marque  le  Nord). 

Plus  tard,  on  s'aperçut  que  ce  n'était  pas  exact,  et  quand 
on  eut  constaté  l'existence  d'une  variation,  les  hommes  de 
science  commencèrent  à  s'en  occuper.  Après  plusieurs 
siècles  d'observations  suivies  (car  le  changement  de  la  dé- 
clinaison est  très  lent),  on  reconnut  enfin  que  l'aiguille 
aimantée  est,  à  certaines  époques,  exactement  dirigée  vers 
le  pôle  Nord  de  la  terre,  et  qu'ensuite  elle  est  déviée  tantôt 
vers  l'Est,  tantôt  vers  l'Oue6t,  oscillant  ainsi  entre  deux 
positions  extrêmes  de  chaque  côté  du  méridien. 

Le  tableau  suivant  donne  les  observations  faites  à  Paris 
(latitude  48*50')  à  différentes  époques  : 


•OC.  DS  otOOB.  —  8*  TftXMViTBS  18a3.  24 


362 


GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE. 


Déclinaison. 


1580 ll°30'Est. 

1618 8°      Est. 

1663 0 

1678 1°30'  Ouest. 

1700 8°10'  Ouest. 

4780 19°55' Ouest. 

1805 22°5'   Ouest. 

1814 22°34'  Ouest. 


1816. 
1817. 
1823. 
1827. 
1828. 
1829. 
1835. 
1854. 


22°25'  Ouest. 
22°  19'  Ouest. 
22°23r  Ouest. 
22°2C  Ouest. 
22°5'  Ouest 
22°  12'  Ouest 
22°4'  Ouest. 
22*10'  Ouest('). 


Inclinaison. 


1671 75° 

1780 71°48' 

1798 69°51' 

1814 68°36' 


1820 
1825 
1831 
1853 


6802C 

68« 

67*40' 

66°23'W 


Il  re66ort  de  ce  tableau  qu'en  Tannée  1580,  l'aiguille 
magnétique  faisait  avec  le  méridien  un  angle  de  11°30'  à 
l'E6t.  Pendant  83  ans  elle  eut  un  mouvement  annuel  vers 
l'Ouest  d'environ  8';  si  bien  qu'en  1663,  elle  était  exacte- 
ment dirigée  vers  le  Nord,  et  la  déclinaison  était  nulle. 

Le  mouvement  continuant  dans  le  mâme  sens,  nous 
trouvons,  117  ans  après,  l'aiguille  aimantée  à  19*55'  à 
l'Ouest  du  méridien,  avec  une  marche  annuelle  d'environ 
10'.  En  1814,  la  déclinaison  occidentale  était  de  22*34'  : 
en  34  ans,  elle  ne  s'est  plus  déplacée  que  de  2°39'  vers 
l'Ouest,  ce  qui  fait  une  moyenne  annuelle  de  4'30"  en- 
viron ;  et  pour  les  9  années,  de  1805  à  1814,  la  différence 
de  déclinaison  n'est  plus  que  de  29',  c'est-à-dire  de  3'  par 
an.  C'est  alors  que  l'aiguille  eut  son  écart  maximum  vers 
l'Ouest  (22°34').  A  partir  de  1814,  le  mouvement  de  l'ai- 
guille magnétique  change  de  sens,  l'angle  qu'elle  fait  avec 
le  méridien  va  diminuant  par  suite  de  son  mouvement  vers 


O  Le  l" Janvier  1879,  la  déclinaison  de  l'aiguille  aimantée  i  Paria  était  de  tf*£? 
Ouest,  avec  nne  diminution  moyenne  annuelle  de  9*  environ  (Annuaire  dn  Barea* 
des  longitudes).  A  la  même  date,  elle  était  à  Nancy  d*  15°  15'.  (HT.  àa  Tr.) 

(*)  Le  1«  janvier  1879,  l'inclinaison  de  l'aiguille  aimantée  à  Paris  était  de  «W*. 


LE  PÔLE  MAGNÉTIQUE.  363 

Est:  en  1854,  la  déclinaison,  toujours  occidentale,  n'est 
us  que  de  22°lô'  ;  elle  a  subi  en  40  ans  une  diminution 
$  24',  soit  environ  30"  par  an.  Il  a  donc  fallu  à  l'aiguille 
mantée  151  ans  pour  atteindre  son  plus  grand  écart  à 
Ouest  du  méridien  de  Paris. 

Les  observations  faites  à  Londres  donnent  lieu  aux  ma- 
ies remarques  : 

Déclinaison  à  Londres  (51° 8'  lat.  N.,  2°20'  long.  0.). 


82, 

fe4. 

(57. 

Mo 

572 

192 

723 

»4S 


1°  15' Est. 

6°      Est. 

1787.    .    . 

.    .     2l°9'    Ouest. 

4°6'   Est. 

1795.    .    . 

.    .     23°ô7'  Ouest. 

0 

1802.    .    . 

.    .     24°6'    Ouest. 

1*22'  Ouest. 

1805.    .    . 

.   .     24°8'    Ouest. 

2*30'  Ouest. 

1818.    .    . 

.   .     24°38'  Ouest. 

6°      Ouest. 

1820.    .    . 

.   .     24°34'  Ouest. 

4°17'0uest. 

1853.    .    . 

.   .     21°54'0uest. 

7°40f  Ouest. 

1862.    .    . 

.   .     21°53' Ouest. 

Inclinaison  à  Londres. 


1*76 71»50' 

«00 72* 

06 73°30' 

723 74°42' 

773 72°!9' 

786 72°8' 


1801 70°36' 

1821 70e3' 

1830 69°38' 

1838 69°17' 

1854 63°3f 

1860 68°19' 


Ces  observations  font  voir  qu'à  Londres  l'aiguille  ai- 
mantée se  dirigeait  exactement  verë  le  Nord  en  1657.  Le 
Bouvement  eut  lieu  vers  l'Ouest  jusqu'en  1818,  où  la  dé- 
Unaison  occidentale  atteignit  son  maximum  de  24°38'  ; 
!s,  le  mouvement  reprit  vers  l'Est.  Il  a  donc  fallu  à 
guille  161  ans  pour  atteindre  à  Londres  son  plus  grand 
rt  vers  l'Ouest.  De  1657  à  1723,  le  mouvement  était  en 
yenne  de  13'  par  an  ;  de  1723  à  1818,  il  était  d'environ 
;  el,  pendant  les  13  années  qui  précèdent  l'écart 
tximum,  l'accroissement  annuel  n'était  plus  que  de  2'20" 
[viron. 


364  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE. 

On  voit  aussi  que  c'est  dans  le  voisinage  du  méridien 
que  l'aiguille  6e  meut  le  plus  rapidement  ;  sa  vitesse  dôi 
croît  aux  approches  du  plus  grand  écart:  l'aiguille  se  meu| 
alors  avec  une  telle  lenteur  qu'elle  semble  arrêtée,  jusqu'à 
ce  qu'elle  commence  à  se  rapprocher  du  méridien.  A  partit 
de  ce  moment  la  vitesse  va  croissant. 

On  a  donné  bien  des  explications  de  la  variation  di 
compas.  Le6  un6  ont  considéré  la  terre  elle-même  comme 
un  aimant,  d'autres  ont  attribué  ce  phénomène  à  l'exi* 
tence  de  veine6  magnétiques  situées  dans  les  profondeurs 
du  6ol  ;  d'autres  encore  ont  émi6  l'opinion  que  le  frottement! 
de  l'atmosphère  sur  la  6urface  du  globe  donne  à  la  terrft 
un  état  magnétique  qui  agit  alors  sur  l'aiguille  aimantée» 
Aucune  de  ces  hypothèses  n'est  satisfaisante  (*). 

D'après  les  mouvements  de  V aiguille,  il  est  clair  qu'il  exUli 
une  cause  agissant  continuellement  et  dont  la  variation  e4 
l'effet.  \ 

Je  crois  que  cette  cause  est  la  rotation  apparente  dsj 
pôle  magnétique  autour  du  vrai  pôle  de  la  terre.  Tous 
phénomènes  de  la  variation  se  trouvent  expliqués,  si  lf< 
admet  que  le  pôle  magnétique  possède  un  mouvement  aH 
parent  et  qu'il  décrit  continuellement  une  orbite  autour  do 
pôle  géographique.  ; 

On  6'en  rendra  aisément  compte  de  la  façon  suivante: 
Soient  N  le  pôle  géographique  Nord  de  la  terre  (fig.  11 
M  le  pôle  magnétique,  décrivant  une  orbite  circulaire 
rayon  NM.  Représentons  la  force  attractive  par  la  loi 
tige  A  (qui  peut  glisser  dans  la  flèche  creuse  F).  Si  n< 
la  plaçons  verticalement,  la  flèche  dirigée  vers  le  haut,  el 
passera  par  les  deux  pôles,  c'est-à-dire  qu'elle  6eraorienl 
suivant  le  méridien,  par  conséquent,  la  déclinaison 
nulle.  C'est  la  position  qu'elle  occupait  à  Paris  en  16( 
Faisons  marcher  maintenant  le  pôle  magnétique 


(')  Signalons  à  no»  lecteurs  V Estai  sur  le  magnétisme  terrestre,  par  M.  Kèrti 
capitaine  de  vaisseau,  dans  le  numéro  de  juin  1893  de  la  Revue  maritime.  {¥.**' 


LE  PÔLB  MAGNÉTIQUE.  365 

ton  orbite,  nous  voyons  l'aiguille  6uivre  le  mouvement, 
rers  l'Ouest,  par  exemple.  Elle  se  déplace  d'abord  assez 
apidement,  parce  que  le  point  M  parcourt  un  chemin  per- 
pendiculaire au  méridien  ;  mais  en  approchant  de  sa  plus 
jrande  déclinaison  occidentale,  la  portion  de  l'orbite  sur 
aquelle  6e  meut  le  pôle  magnétique  devenant  parallèle  au 
néridien,  l'aiguille  marche  lentement.  Considérons,  par 
sxemple,  le  déplacement  de  l'aiguille  pendant  le  premier 
tantième  de  la  circonférence,  nous  voyons  qu'il  est  consi- 
dérable; mais  dans  le  second  huitième,  quand  le  plus 
Jtand  écart  vers  l'Ouest  est  atteint,  ainsi  que  dans  le  hui- 
tième suivant  où  l'aiguille  parcourt  le  même  chemin  en 
sens  inverse,  nous  la  voyons  se  déplacer  très  lentement. 
Rn  continuant  sa  révolution,  le  pôle  magnétique  arrive  à 
180  degrés  de  son  point  de  départ  ;  la  variation  est  nulle 
le  nouveau,  après  quoi  elle  devient  orientale. 

Ainsi  le  pôle  magnétique,  en  tournant  autour  du  pôle 
terrestre,  donne  à  l'aiguille  aimantée  tous  les  mouvements 
H  toutes  les  positions  que  les  observations  ont  constatés. 
!  La  déclinaison  n'est  pas  la  môme  sur  tous  les  points  d'un 
néridien  :  elle  augmente  quand  on  marche  vers  le  Nord. 

Plaçons  le  pôle  magnétique  en  M  (flg.  2),  à  sa  plus 
pande  distance  occidentale  ;  représentons  par  A  la  force 
tttractive  et  notons  la  variation  de  l'aiguille  à  la  base  de  la 
ligne  droite  verticale  représentant  un  méridien  (i).  Faisons 
tosuite  monter  le  pivot  de  l'aiguille  vers  le  pôle  N,  nous 
•errons  l'angle  que  fait  l'aiguille  avec  le  méridien  aug- 
menter rapidement,  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  atteint  le  point 
priest  vis-à-vis  le  pôle  magnétique.  À  ce  moment,  l'aiguille 

r 

Bst  perpendiculaire  au  méridien  et  la  variation  est  de  90°. 
Si  nous  continuons  à  faire  marcher  l'aiguille  au  delà  de  ce 
point,  nous  nous  apercevons  que  nous  avons  dépassé  le  pôle 


?)  Dut  U  figure  2, 1*  tige  A  de  U  figure  1  est  remplacée  par  un  Al  qui,  partant 
■  b  pointe  de  la  flèche,  va  «'appuyer  sur  le  disque  H  et  porte  un  poids  Â.  Le  pivot 
faU flèche,  m  lieu  d'être  fixe,  peut  glisser  le  long  de  la  tringle  verticale.  (N.du  Tr.) 


366  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE. 

magnétique,  car,  bien  que  nous  n'ayons  pa6  encore  atteiol 
le  pôle  géographique,  l'aiguille  nous  indique  une  directiùl 
inclinée  vers  le  Sud. 

Le  second  mouvement  que  possède  l'aiguille  aimautfd 
est  celui  qui  résulte  de  l'inclinaison.  Si  une  aiguille  m* 
gnétique  est  suspendue  de  façon  à  pouvoir  tourner  lihr* 
ment  dans  un  plan  vertical,  au  lieu  de  rester  dans  uni 
position  horizontale,  on  la  verra  s'incliner  de  façon  à  fi 
riger  ver6  le  bas  6a  pointe  nord  (dans  l'hémisphère  magné* 
tique  nord),  et  si  nous  nous  transportons  au  pôle  magnée 
que,  l'aiguille  se  mettra  verticale.  Le  capitaine  Ross,  eà 
1831,  atteignit  un  point  où  l'inclinaison  fut  trouvée 
89°59',  c'est-à-dire  qu'il  s'en  fallait  d'une  minute  de  d 
que  l'aiguille  ne  fût  verticale;  il  dit  avoir  déterminé 
moins  d'un  mille  la  position  du  pôle  magnétique.  Le  api 
taine  Âdams,  du  baleinier  l'Arctic,  rencontra  en  1881 
point  où  «  son  compas  lui  était  devenu  inutile,  ce  quitterai 
tenir  à  la  proximité  du  pôle  magnétique  ».  Cette  remarq 
s'accorde  parfaitement  avec  ce  que  nous  savons  des  mo 
vements  de  l'aiguille  aimantée  qui,  auprès  du  çôle,  chaBj 
de  position  très  rapidement  à  chaque  mille  de  route 
l'on  fait.  Au  pôle  même,  il  n'y  a  qu'une  seule  direetioi 
c'est  le  Sud,  et  pour  aller  de  ce  point  au  pôle  Nord  de 
terre,  il  faudrait  nécessairement  faire  du  Sud  d'après 
compas. 

En  parlant  du  mouvement»  du  pôle  magnétique,  je  m< 
suis  servi  de  l'expression  «  rotation  apparente  »,  pourk 
raison  suivante  : 

Supposons  que  la  force  attractive,  émanant  de  quelqa^ 
centre  éloigné  et  traversant  la  surface  de  la  terre  en 
point  éloigné  de  20°  du  pôle  géographique,  soit  repré 
par  la  tige  oblique  coupant  la  colonne  verticale  qui  re 
sente  le  diamètre  polaire  du  globe  (fig.  3).  Nous  voyo^ 
que  les  points  NM  et  SM  de  la  surface  de  la  terre  re 
6entantles  pôles  magnétiques  sont  diamétralement  oppo 


LE  PÔLE  MAGNÉTIQUE.  367 

Notre  globe  tournant  de  l'Ouest  à  l'Est  autour  du  soleil, 

le  point  NM  immobile  semblera  se  mouvoir  vers  l'Oue6t. 

Si  cet  instrument  était  placé  au  centre  d'une  sphère  trans- 

i  parente,  sur  laquelle  seraient  dessinés  les  continents,  et 

'  que  l'on  ferait  tourner  de  l'Ouest  à  l'Est  tandis  que  le  point 

NM  resterait  fixe,  on  verrait  les  différents  pays  venir  se 

placer  successivement  en  face  de  lui,  comme  si  ce  point 

lui-même  se  déplaçait  en  sens  opposé.  Par  conséquent, 

!  comme  la  terre  tourne  vers  l'Est,  le  pôle  magnétique  sem- 

j  blera  se  mouvoir  vers  l'Ouest  ;  tel  est  en  effet  le  sens  de 

!  fia  rotation. 

En  supposant  que  le  pôle  magnétique  soit  du  côté  du 
i  pôle  terrestre  le  plus  près  de  Londres  (fig.  4),  l'aiguille 
i  (si  elle  était  dirigée  vers  ce  pôle)  aurait  une  inclinaison 
[  d'environ  15°.  En  faisant  ensuite  tourner  le  pôle  jusqu'à 
'  ce  qu'il  atteigne  le  côté  opposé,  on  aurait  une  inclinaison 
|  d'environ  25°,  soit  une  différence  de  10°.  Cependant,  ce 
!  n'est  pas  ce  qui  a  lieu.  Les  observations  montrent  que 
|  quand  le  pôle  magnétique  est  le  plus  rapproché  de  Londres, 
;  l'inclinaison  n'est  pas  de  15°,  mais  qu'elle  est  égale  à  l'an- 
gle complémentaire,  c'est-à-dire  à  75°,  et  que  quand  le 
1  pôle  sera  le  plus  éloigné  de  Londres,  l'inclinaison,  au 
lieu  d'être  de  25°,  sera  de  65°  (angle  complémentaire 
de  25°). 
Comme  les  magnétismes  se  repoussent  ou  s'attirent  sui- 

■  vant  qu'ils  sont  le6  mêmes  ou  différents,  on  a  toujours 
admis  que  l'extrémité  de  l'aiguille  qui  regarde  le  Nord 
est  un  pôle  Sud  et  qu'il  est  attiré  par  le  pôle  Nord  de  la 

■  terre.  Cependant  M.  B.  G.  Jenkins,  de  Londres,  a  émis 
\  l'opinion  que  l'extrémité  nord  de  l'aiguille  d'inclinaison 

est  en  réalité  un  pôle  Nord,  par  la  raison  qu'elle  e6t 
repoussée  par  le  pôle  magnétique  nord.  Remarquez  qu'avec 
le  pôle  à  180°  de  Londres,  l'inclinais  en  est  de  65°  ;  quand 
le  pôle,  dans  sa  révolution,  s'approche  de  Londres,  l'ai- 
guille est  en  apparence  repoussée  jusqu'à  ce  qu'il  atteigne 


368  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE. 

le  point  le  plus  rapproché  de  cette  ville,  alors  l'inclinaiso] 
est  de  75°,  donnant  ainsi  un  écart  de  10°  et  un  mouvement 
de  répulsion.  Si  donc  nous  plaçons  l'instrument  dans  la  po- 
sition où  le  Nord  magnétique  est  le  plus  près  de  Londres 
(iig.  4),  nous  voyons  l'aiguille,  avec,  une  inclinaison  d< 
75°,  se  diriger  vers  le  pôle  Sud,  par  conséquent  6'éloignerJ 
ce  qui  e6t  d'accord  avec  la  théorie  de  M.  Jenkins  ;  mais  6i 
nous  plaçons  le  pôle  Nord  magnétique  du  côté  opposé, 
l'aiguille,  avec  une  inclinaison  de  65°,  cesse  de  se  dirige 
vers  le  pôle  Sud  magnétique  ;  il  lui  faudrait  pour  cela  un| 
écart   de    10°    de    l'autre    côté,   c'est-à-dire  une  incli- 
naison de  85°.  Du  reste,  s'il  était  vrai  que  l'aiguille  d'in-l 
clinai6on  fût  repoussée  par  le  pôle,  alors  le  magnétismel 
de  6a  pointe  nord  serait  le  même  que  celui  du  pôle  ;  dans| 
ce  cas,  le  pôle  en  s'avançant  devrait  aussi  repousser  l'ai- 
guille de  la  boussole  d'inclinaison,  au  lieu  de  l'aUirer| 
comme  il  le  fait. 

L'o6Cillation  de  l'aiguille  d'inclinaison  est  une  autre| 
preuve  de  la  rotation  du  pôle.  L'amplitude  de  ce  mouve- 
ment, 10°  environ,  semble  peu  importante  à  côté  de 
celle  de  l'aiguille  de  déclinaison  ;  aussi,  a-t»on  cru  avoii 
sous  les  yeux  un  mouvement  irrégulier,  mais  il  n'en 
pas  ainsi.  Menons,  en  effet,  deux  lignes  joignant  Londi 
au  point  où  le  pôle  est  le  plus  rapproché  et  à  celui  où  1< 
pôle  est  le  plu6  éloigné,  nous  verrons  que  ces  lignes  son^ 
obliques  par  rapport  au  plan  dans  lequel  le  pôle  acc< 
plit  6a  révolution,  et  que  l'aiguille  ne  peut  dépasser,  ai 
part  et  d'autre  de  sa  position  moyenne,  le  point  de  plus 
grande  attraction  et  celui  de  moindre  attraction,  ou  répi 
sion,  comme  c'est  ici  le  cas.  Ainsi  ces  irrégularités  appa- 
rentes ne  sont  pas  des  anomalies,  mais  bien  mie  conséquent 
régulière  et  immédiate  de  la  révolution  du  pôle. 

C'est  ainsi  qu'où  peut  expliquer  les  deux  mouvement 
que  possède  l'aiguille  magnétique.  Nous  avons  démon! 
par  expérience  que  la  révolution  du  pôle  magnétique  pro-l 


LE  PÔLE  MAGNÉTIQUE.  369 

duit  la  déclinaison  et  l'inclinaison,  nous  sommes  donc  au- 
torisés à  conclure  que  le  pôle  magnétique  est  animé  d'un 
mouvement  apparent  autour  du  pôle  de  la  terre. 

Quant  à  la  durée  de  cette  révolution,  nous  avons  vu  que 
le  pôle  magnétique  met  151  ans  pour  aller  du  méridien  de 
Paris  au  point  de  son  plus  grand  écart  vers  l'Ouest,  c'est- 
à-dire  pour  parcourir  un  quart  de  la  circonférence;  par 
conséquent,  la  révolution  complète  exigera  604  années. 
Les  observations  de  Londres  donnent  161  ans  pour  le 
quart  de  la  circonférence  et  644  ans  pour  un  tour  entier. 
Cela  fait  une  différence  de  40  années,  mais  on  doit  remar- 
quer que  depuis  les  premières  observations,  remontant  au 
xvi*  siècle,  le  pôle  n'a  eu  le  temps  d'accomplir  qu'environ 
une  demi-révolution.  Il  lui  faut  encore  quelque  300  ans 
pour  achever  un  tour  complet  ;  on  ne  pourra  préciser  au- 
cune date  avant  que  ce  temps  soit  écoulé. 

Quelle  est,  enfin,  la  cause  de  la  révolution  du  pôle? 
Réside-t-elle  dans  l'intérieur  de  la  terre,  ou  devons-nous 
la  chercher  en  dehors  des  limites  de  notre  globe? 

Norman,  qui  le  premier  a  observé  l'inclinaison,  disait  : 
«  En  voyant  se  manifester  l'inclinaison,  peut-être  pense- 
rez-vous,  comme  d  autres  l'ont  imaginé,  que  ce  phénomène 
consiste  en  ce  que  l'extrémité  sud  de  l'aiguille  est  relevée 
par  la  vertu  attractive  de  quelque  point  des  cieux,  situé 
dans  sa  direction  ;  ou  bien  encore  en  ce  que  la  pointe  nord 
de  l'aiguille  est  sollicitée  par  quelque  centre  d'attraction 
situé  dan6  l'intérieur  de  la  terre,  ou  dans  l'espace  au  delà 
de  notre  globe  et  en  prolongement  de  l'aiguille  qui  se 
trouve  attirée  en  bas,  ce  qui  la  fait  incliner.  » 

M.  Jenkins,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  dit:  «  Le  pôle 
magnétique  semble  être  situé  dans  l'atmosphère.  » 

D'autres  auteurs  ont  écrit  dans  le  même  sens,  mais 
M.  John  A.  Parker,  de  New- York,  réclame  la  priorité 
pour  la  théorie  qui  attribue  l'attraction  polaire  à  une  cause 
absolument  extraterrestre  :  •  La  force  qui  oriente  l'aiguille 


370  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE. 

ver6  le  pôle,  dit-il,  est  entièrement  astronomique,  la  source 
de  l'attraction  réside  dans  le  centre  le  plus  éloigné  auquel 
la  terre,  dans  ses  mouvements  variés,  est  immédiatement 
reliée  ;  la  révolution  de  notre  globe  relativement  à  ce  cen- 
tre est  la  cause  de  la  révolution  apparente  du  pôle  magné- 
tique. C'est  dans  une  période  de  640  ans  environ  que  la 
terre,  comme  un  satellite  du  soleil,  accomplit,  tout  en 
tournant  autour  de  cet  astre,  une  révolution  complète  par 
rapport  au  centre  de  l'orbite  solaire,  exactement  comme 
celle  que  notre  propre  satellite,  la  lune,  accomplit  dans  sa 
période  synodique,  c'est-à-dire  autour  de  la  terre,  relati- 
vement à  uif  méridien  donné,  par  exemple  celui  qui  passe 
par  le  centre  du  soleil,  centre  également  de  l'orbite  ter- 
restre. » 

La  théorie  de  M.  Parker  e6t  basée  sur  les  lois  de  la  mé- 
canique qui  règlent  les  mouvements  des  corps  célestes. 
La  terre  tourne  sur  6on  axe,  la  lune  autour  de  la  terre,  ces 
deux  astres  ensemble  autour  du  soleil,  enfin  le  soleil  en- 
traîne la  lune  et  la  terre  dans  son  trajet  autour  d'un  centre 
éloigné.  Cet  auteur,  partant  de  cette  donnée,  que  le  rapport 
de  la  circonférence  au  diamètre  (3,1415926535,  etc....)est 
égal  à  la  fraction  ";jiî,  établit  les  proportions  suivantes  : 

«  La  circonférence  d'un  cercle  20612  est  au  temps  que 
met  la  lune  à  tourner  autour  de  la  terre  27,482666,  comme 
cette  môme  quantité  27,482666  est  à  366,43555,  temps  que 
met  la  terre  à  tourner  autour  du  soleil,  si  l'on  compte  sa 
révolution  en  partant  d'une  étoile  fixe  pour  revenir  à  cette 
même  étoile,  la  terre  gagnant  ainsi  un  jour,  comme  cela 
arrive  au  voyageur  qui  fait  le  tour  du  monde  en  marchant 
toujours  vers  l'E6t. 

*  On  a  ainsi  206,12: 366,43555::  366,43555  :  651,4409, 
le  dernier  nombre  est  la  durée  de  la  révolution  du  soleil 
exprimée  en  années  au  lieu  de  jours,  à  cause  de  la  gran- 
deur du  diamètre  de  l'orbite  solaire.  C'est  justement  la 
période  dans  laquelle  le  pôle  magnétique  fait  un  tour 


LE  PÔLE  MAGNÉTIQUE.  371 

complet,  c'est-à-dire  651  ans.  »  Le  lecteur  remarquera 
combien  ce  nombre  approche  de  ceux  qui  résultent  de  l'ob- 
servation d'une  révolution  incomplète,  604  ans  pour  Paris 
et  644  ans  pour  Londres. 

«  Telle  est  la  période  6ynodique  de  la  terre,  période 
dans  laquelle  notre  globe,  ayant  le  soleil  au  centre  de  son 
orbite  et  partant  d'un  point  placé  dans  un  méridien  donné 
qui  passe  par  le  centre  du  soleil  et  le  centre  de  l'orbite 
solaire,  accomplit  son  voyage  vers  l'Est  autour  du  soleil 
pour  revenir  au  même  méridien.  » 

Ainsi,  nous  venons  de  voir  que  les  principaux  mouve- 
ments de  l'aiguille  aimantée  peuvent  s'expliquer  par  la 
théorie  de  la  révolution  polaire.  Nous  avons  déduit  la  pé- 
riode de  cette  révolution  des  observations  faites  pendant 
plusieurs  centaines  d'années  ;  nous  avons  attribué  la  cause 
de  ce  mouvement  aux  révolutions  des  corps  célestes  et, 
calculant  leurs  durées,  nous  avons  trouvé  que  la  période 
astronomique  de  révolution  magnétique  est  identique  avec 
la  période  résultant  des  observations  directes  ;  né  sont-ce 
pa6  là  des  preuves  suffisantes  en  faveur  de  la  théorie  de 
Parker  ? 

Si  on  l'admet,  que  de  conséquences  importantes  ne 
peut-on  pas  en  tirer  !  Le6  mouvements  de  l'aiguille  aiman- 
tée sont  ramenés  à  une  science  exacte,  toutes  6es  anomalies 
peuvent  être  expliquées  ;  la  boussole  deviendra  ainsi  ce 
qu'elle  devrait  être  :  un  guide  infaillible  pour  les  naviga- 
teurs. 

(Extrait  et  traduit  du  Bulletin  de  la  Société  de 

géographie  de  San-Francisco  par  G.  Millot.) 


V 


U LOI» 1MLUE-MUB  SUR  LE  TE1PS? 

Par  C.  MILLOT  (>}. 


Nous  allons  traiter  une  bien  vieille  question,  qui  divise 
encore,  à  l'heure  qu'il  est,  les  météorologistes. 

La  foi  robuste  professée  par  les  agriculteurs  et  les  ma- 
rins dans  l'influence  de  la  lune  sur  le  temps  a  depuis 
longtemps  ému  le  monde  savant,  et  les  sommités  scienti- 
fiques ont  pris  part  à  la  discussion.  .  • 

Olbers,  Bouvard,  Humboldt,  Arago,  d'autres  encore,  et 
après  eux,  M.  Faye,  ont  cru  nier  victorieusement  l'in- 
fluence de  la  lune  sur  le  temps  et  se  débarrasser  à  tout 
jamais  de  ce  qu'ils  appellent  un  préjugé,  à  l'aide  d'an 
argument  unique,  à  savoir  que  l'amplitude  de  la  marée 
atmosphérique  lunaire  e6t  tellement  faible  qu'elle  est  en 
dessous  des  erreurs  d'observation.  Il  est  à  remarquer  que 
ces  maîtres  de  la  science  furent  des  astronomes,  ce  qui 
explique  pourquoi  un  argument  tiré  de  l'attraction  univer- 
selle leur  a  semblé  irréfutable.  Pourtant  Arago,  qui  était 
aussi  physicien,  a  montré  en  cette  question,  comme  en 
tant  d'autres,  un  peu  plus  de  déférence  pour  les  convic- 
tions populaires  ;  il  a  été  beaucoup  moins  affirmatif  que 
ses  collègues.  Voici,  entre  autres  passages  de  ses  œuvres, 
ce  qu'il  dit,  d'accord  avec  Her6chel,  de  l'action  de  la  lune 
sur  les  nuages  (")  : 

«  La  lumière  de  la  lune,  à  cause  de  sa  grande  faiblesse, 
«  ne  produisant  presque  pas  d'effets  calorifiques  appré- 
«  ciables  sur  des  thermomètres  placés  au  foyer  des  plus 
«  grandes  lentilles,  des  plus  larges  miroirs,  on  ne  pour- 
«  rait  pas,  sans  violer  les  lois  les  plus  simples  de  la  lo- 
«  gique,  lui  faire  jouer  aucun  rôle  sur  le6  molécules  des 


(')  Extrait  du  Bulletin  météorologique,  année  1889. 
(1)  A$tronomie  populaire,  t.  III,  p.  501. 


LA  LUNE  INFLUE-T-ELLE  SUR  LE  TEMPS  ?  373 

«  Duages,  en  considérant  surtout  qu'elle  les  frappe  sans 
«  avoir  été  condensée.  Mais  la  lumière  lunaire  e6t-elle 
«  intrinsèquement  dans  le  même  état  à  la  surface  de  la 
«  terre  où  se  sont  faites  généralement  les  expériences  de 
«  lentilles  et  des  miroirs  réfléchissants,  et  lorsqu'elle  n'a 
«  pénétré  dans  notre  atmosphère  que  jusqu'à  la  hauteur 
«  où  les  nuages  existent  ordinairement  ?  On  peut  en 
«  douter. 

«  Quand  la  lune  est  pleine,  par  exemple,  elle  a  éprouvé 
c  depuis  plusieurs  jours,  sans  interruption,  l'action  calo- 
■  rifique  du  soleil,  sa  température  est  très  élevée  ;  quel- 
«  ques  physiciens  60ût  allés  jusqu'à  prétendre,  non  6ans 
c  bonnes  raisons,  que  toutes  les  matières  dont  la  surface 
«  visible  de  notre  satellite  se  compose  sont  alors  au  moins 
«  à  100°  du  thermomètre  centigrade. 

«  Cette  supposition  étant  admise,  les  rayonnements  ca- 
«  lorifiques  provenant  d'un  tel  corps  se  trouvent  mêlés 
«  aux  rayons  lumineux  réfléchis  et  calorifiques  venant  du 
«  soleil  et  suivent  la  même  route. 

«  Ces  deux  natures  de  rayons  sont  diversement  tamisés 
c  par  notre  atmosphère.  Les  rayons  lumineux  et  calori- 
c  fiques  émanant  de  la  surface  incandescente  du  6oleil 
«  traversent  notre  atmosphère  librement,  tandis  que  les 
«  rayons  caloriques  qui  proviennent  d'une  source  douée 
«  d'une  température  médiocre,  comme  de  100  degré6,  y 
«  sont  arrêtés  en  grande  partie,  ainsi  que  des  expériences 
«  faites  à  la  surface  de  la  terre  Tout  prouvé  surabondam- 
«  ment. 

«  On  aurait  donc  grand  tort  de  juger  de  l'action  calori- 
c  fique  que  les  rayons  lunaires  peuvent  produire  sur  les 
«  nuage6  par  l'action  qu'ils  exercent  sur  les  corps  situés 
«  dans  l'atmosphère  épaisse  où  nous  vivons.  Les  rayons, 
«  dans  leur  trajet  à  travers  les  plu6  hautes  régions  de  l'air 
«  ont  changé  d'état.  Ils  étaient  mêlés  à  une  portion  consi- 
«  dérable  de  rayons  obscurs,  mais  calorifiques,  venant  de 


374  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE. 

«  la  lune.  Quand  ils  arrivaient  aux  nuages,  ils  ont  laissé 
«  presque  tous  ces  rayons  calorifiques  en  route,  dans  leur 
«  trajet  depuis  la  couche  des  nuages  jusqu'au  sol,  où  ils 
«  arrivent  tout  autrement  constitués  qu'ils  ne  Tétaient 
«  d'abord. 

«  On  ne  doit  donc  pas  juger  des  effets  qu'ils  peuvent 
«  produire  avant  d'être  modifiés  par  ceux  qu'ils  engen- 
«  drent  après  que  leur  modification,  je  dirai  presque  leur 
«  refroidissement,  s'est  opérée.  » 

Pouillet,  et  plus  récemment  }&:  Violle,  dans  de6  expé- 
riences désormais  célèbres,  ont  montré  que,  quand  l'at- 
mosphère a  toutes  les  apparences  d'une  sérénité  parfaite, 
elle  absorbe  encore  près  de  la  moitié  de  la  quantité  totale 
de  chaleur  que  le  soleil  émet  vers  la  terre,  et  c'est  l'autre 
moitié  seulement  de  cette  chaleur  qui  vient  tomber  à  la 
surface  du  60l  et  qui  6'y  trouve  diversement  répartie,  sui- 
vant qu'elle  a  traversée  l'atmosphère  avec  des  obliquités 
plus  ou  moins  grandes.  Si  tel  est  le  sort  des  rayons  lumi- 
neux du  soleil,  on  comprend  que  les  rayons  obscurs  que 
nous  envoie  la  lune  soient  en  totalité  absorbés  par  l'atmos- 
phère, ou  qu'il  n'en  arrive  au  6ol  qu'une  quantité  considé- 
rée comme  inappréciable  jusque  dans  ces  derniers  temps. 

Cette  chaleur,  incorporée  à  notre  atmosphère,  doit  y 
produire  un  travail  ;  mais  les  expériences  à  la  hauteur  à 
laquelle  planent  les  cirrus  et  6e  préparent  les  change- 
ments de  temps  sont  encore  à  faire,  aussi  revenons-en 
aux  marées  atmosphériques. 

Pour  M.  Bouquet  de  la  Grye,  les  phénomènes  météo- 
rologiques sont  gouvernés  par  l'action  combinée  du  soleil 
et  de  la  lune  ;  ce  savant  ingénieur  vient  de  dégager  l'in- 
fluence de  ces  astres  de  la  vieille  opinion  qui  règne  dans 
le  monde  savant  depuis  le  commencement  de  ce  siècle. 
Dans  le  cours  d'une  étude  qu'il  poursuit  sur  le  régime  de 
la  côte  ouest  de  la  France  et  les  mouvements  de  la  mer, 
il  a  dépouillé  un  nombre  considérable  d'observations  de 


LÀ  LUNE  INFLUE-T-ELLE  SUR  LE  TEMPS?  375 

la  vitesse  et  de  la  direction  du  vent,  ainsi  que  de  la  hau- 
teur barométrique.  Ce  dépouillement  Ta  conduit  à  recher- 
cher si  les  mouvements  atmosphériques  n'étaient  point 
eux-mêmes  assujettis,  comme  les  marées,  à  certaines  lois 
dépendant  des  phénomènes  extraterrestres.  Il  semblait, 
en  effet,  à  priori,  qu'en  groupant  convenablement  des  ob- 
servations faites  dans  un  port  situé  sur  une  mer  à  tem- 
pérature peu  variable  et  recevant  presque  toute  Tannée 
;  des  brises  venant  du  large,  on  devait  avoir  des  résultats 
k  bien  plus  nets  qu'en  utilisant  des  observations  faites  dans 
l'intérieur  des  terres. 

Cette  manière  de  voir  a  été  confirmée  par  les  faits,  et 

H.  de  la  Grye  a  pu,  en  marchant  dan 6  la  voie  expérimen- 

■  taie  recommandée  par  Laplace,  confirmer  l'existence  des 

lois  dont  il  avait  esquissé  la  théorie.  Les  résultats  qu'il  a 

,  présentés  à  l'Académie  des  sciences  (30  juin  1879)  se 

•  rapportent  au  port  de  Brest  et  ont  pour  base  une  série 

de  45,000  observations  de  hauteur  barométrique  et  de 

direction  du  vent.  Voici,  parmi  les  principaux  résultats, 

ceux  qui  ont  trait  à  notre  sujet  : 

«  L'action  de  la  lune  se  manifeste  dans  la  direction  du 

<  vent  comme  dan6  la  pression  barométrique. 

c  La  déclinaison  de   la  lune   peut  faire  varier,  en 
«  moyenne,  de  25°  la  direction  du  vent. 
«  L'âge  de  la  lune  a  aussi  une  action  sur  la  direction 

<  du  vent,  les  vents  les  plus  nord  se  font  sentir  quatre 
«  jours  après  la  nouvelle  lune  et  les  plus  sud  deux  jours 
«  après  le  premier  quartier.  Enfin,  on  peut  constater, 
«  lorsque  la  lune  est  à  son  maximum  de  déclinaison  sud, 
«  une  variation  diurne  de  la  direction  du  vent  et  attei- 
«  goant,  en  moyenne,  25  degrés.  » 

Si  l'on  songe  à  la  différence  de  propriétés  hygromé- 
triques et  thermométriques  qui  caractérise  les  différents 
tente,  on  comprendra  que  la  lune,  en  faisant  varier  ceux- 
ci  en  direction  produise  des  changements  de  temps. 


376  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE. 

Nous  6era-t-il  permis  d'intervenir  dans  ce  débat  et  d'a- 
jouter, d'après  notre  humble  expérience  personnelle,  aux 
influences  de  la  déclinaison  et  de  l'âge  de  la  lune  celle 
de  la  présence  de  cet  astre  sur  l'horizon  d'un  lieu  ? 

Le  proverbe  maritime  suivant  : 

Au  lever  de  la  lune 
Veille  les  mâts  de  hune 

n'est  pas  un  préjugé  ;  le  grain  de  lever  de  lune  est  clas- 
sique :  quand  on  n'a  pas  ce  que  l'on  appelle  un  temps 
fait,  quand  le  temps  est  incertain,  le  lever  de  la  lune  est 
presque  fatalement  accompagné  d'un  grain  (f),  à  la  suite 
duquel  le  vent  reste  souvent  modifié  en  force  et  en  di- 
rection. C'est  très  fréquemment  de  cette  façon  que  se  pro- 
duit un  changement  de  temps  ou  que  débute  un  mauvais 
temps. 

Mais  hâton6-nous  de  rendre  la  parole  à  des  personnes 
plus  autorisées. 

M.  Bouquet  de  la  Grye  a  construit  plusieurs  dia- 
grammes qui  montrent  nettement  les  rapports  qui  exis- 
tent entre  les  positions  du  soleil  et  de  la  lune  et  les  prin- 
cipaux phénomènes  météorologiques.  Il  a  aussi  dressé 
deux  tableaux  ayant  rapport  à  l'intensité  du  vent,  en  par* 
tant  des  actions  solaires  et  lunaires.  D'autres  courbes 
donnent  les  vitesses  du  vent,  en  fonction  de  la  décli- 
naison, de  l'âge  de  la  lune  et  de  l'angle  horaire  de  notre 
satellite.  Dans  la  dernière  de  ces  courbes,  on  voit  que  la 
vitesse  atteint  son  maximum  six  heures  avant  le  passage 
de  la  lune*  au  méridien  (c'est-à-dire  à  son  lever,  confir- 
mation  de  l'existence  du  grain  dont  nous  avons  parlé)7  le 
minimum  arrive  neuf  heures  après  ce  passage. 

M.  de  la  Grye  termine  par  ces  remarques  judicieuses  : 

«  En  présence  de  la  grandeur  de  ces  actions,  on  com- 
«  prend  aussi  bien  l'utilité  de  rechercher  les  lois  atmos- 


(';  Accompagné,  on  précédé,  on  suivi  de  très  près. 


LA  LUNE  INFLUE-T-ELLE  8UR  LE  TEMPS?  37? 

«  phériques  dépendant  des  actions  6olaires  et  lunaires, 
c  que  l'impossibilité  de  faire  des  prédictions  sérieuses 
c  sur  le  temps  avant  qu'elles  aient  été  étudiées  dans  les 
c  points  où  leur  action  se  trouve  le  moins  affectée  par  les 
«  causes  locales. 

<  Les  cyclones,  qui  viennent  parfois  modifier  le  temps, 
«  me  paraissent  devoir  être  étudiés  avec  bien  plus  de  fruit 
«  lorsqu'ils  seront  considérés  comme  une  perturbation 
€  d'un  régime  dont  les  grandes  lignes  auront  été  déter- 
c  minées.  » 

11  serait  oiseux  d'insister  6ur  des  résultats  aussi  con- 
cluants. 

Nous  emprunterons  à  M.  Maurice  de  Tas  te  s,  président 
de  la  commission  météorologique  d'Indre-et-Loire,  un 
dernier  argument  en  faveur  de  l'influence  de  la  lune  sur 
k  temps  (Congrès  international  de  météorologie,  Paris, 
1878). 

Les  ennemis  de  cette  influence  vous  disent  :  «  Une 
«  phase  de  la  lune  fait  varier  le  temps  du  beau  au  mau- 
t  tais  dans  un  lieu,  mais  100  ou  200  lieues  plus  loin, 

<  le  temps  n'a  pas  changé  et,  plus  loin  encore,  il  a  passé 

<  du  mauvais  au  beau,  et  cependant  la  lune  luit  pour  tout 
c  le  monde  !  Donc,  elle  n'a  aucun  effet  sur  les  change- 
«  ments  de  temps.  » 

Eh  bien  !  admettez  un  instant,  dit  M.  de  Tas  tes,  que, 
la  zone  des  calmes  reposant  sur  l'Europe  centrale,  le  cou- 
lant équatorial  marche  du  Sud  au  Nord  sur  nos  régions 
occidentales,  semant  6ur  son  passage  orages  et  pluies,  la 
branche  polaire  ou  branche  de  retour  traversera  l'Europe 
orientale  du  Nord  au  Sud,  où  régnera  un  temps  clair  avec 
du  vent  de  Nord  âpre  et  desséchant,  tandis  que  le  calme  et 
le  temps  le  plus  agréable  régneront  au  centre  du  continent. 
Vient  une  6yzygie  lunaire,  qui  a  pour  effet  d'amener  en 
quelques  heures  un  pauvre  petit  déplacement  d'une  cin- 
quantaine de  lieues  de  la  zone  des  calme6  vers  l'Ouest; 

■OC.  D»  oioOE.  —  8*  TBIXBITBB  1883-  85 


378  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE. 

le  temps  devient  superbe  à  Paris,  où  le  baromètre  a  re- 
monté de  10  millimètres  ;  il  ne  varie  pas  à  Vienne,  qui 
n'a  pas  cessé  d'être  dans  la  zone  des  hautes  pressions, 
tandis  que  Moscou,  sortant  du  courant  polaire  gui  s'est 
déplacé  vers  l'Ouest,  entre  dans  une  nouvelle  zone  de 
pressions  élevées  s'avançant  des  profondeurs  de  l'Asie  et 
où  règne  des  calmes  et  des  brumes  épaisses.  Enfin,  Posen 
et  Varsovie,  qui  jouissaient  du  plus  beau  temps  et  d'une 
douce  température,  étant  sorties  de  la  zone  des  calmes 
de  l'Europe  centrale,  voient  arriver  une  méchante  bise 
de  Nord  froide  et  désagréable.  L'influence  de  la  syiygie 
a  donc  ramené  le  beau  temps  à  Paris,  maintenu  le  beau 
temps  à  Vienne,  modifié  très  différemment  le  temps  de 
Posen,  Varsovie  et  Moscou.  Que  pensez-vou6  après  cela 
de  la  valeur  de  cette  conclusion  chère  aux  ennemis  de  la 
lune  :  «  La  syzygie  n'a  rien  produit  du  tout  ;  elle  a  eu  lieu 
«  à  la  fois  pour  tout  le  monde,  et  il  était  de  son  devoir, 
«  si  elle  avait  la  moindre  influence,  d'amener  partout  le 
«  même  temps.  Elle  ne  l'a  pas  fait,  donc  elle  n'en  a  au- 
«  cune,  ce  qu'il  fallait  démontrer.  » 

Nous  croyons  donc,  avec  les  auteurs  dont  nous  venons 
d'exposer  les  théories,  que  la  lune  influe  sur  le  temps  par 
sa  radiation,  son  attraction  et  ses  phases,  c'est-à-dire  par 
sa  distance  à  la  terre,  sa  position  par  rapport  au  soleil, 
sa  déclinaison,  son  âge  et  son  angle  horaire  ou  sa  hauteur  ' 
sur  l'horizon.  Si  cette  influence  n'est  pas  facile  à  discer- 
ner au  milieu. des  causes  multiples  de  changements  de 
temps,  elle  ne  doit  pas  être  niée  pour  cela,  et  c'est  en 
suivant  la  voie  tracée  par  M.  Bouquet  de  la  Grye  que  l'on 
arrivera  certainement  à  l'affirmer,  à  la  définir  et  à  la  me- 
surer. 

P. -S.  —  Au  moment  où  la  note  sur  l'Influence  de  la  lnne  était  à  rira- 
pression,  nous  avons  reçu  le  travail  de  M.  Poincaré,  ingénieur  en  chef 
des  ponts  et  chaussées,  président  de  la  commission  mètéorologiqr'de 
la  Meuse,  intitulé  :  Manuel  de  la  prévision  du,  temps  à  Bar-le-Duc 


LA  LONB  1NFLUE-T-ELLE  SUR  LE  TEMPS?  379 

Dans  les  moyennes  climatologiques  de  Bar,  nous  avons  trouvé  des 
Aiffres  qui  Tiennent  à  l'appui  de  ce  qoe  nous  avançons.  Ces  chiffres 
Mit  le  résultat  des  observations  faites  de  1864  à  1880;  voici  ce  qoe  dit 
b  «Tant  ingénieur  : 

Chances  de  pluie  sur  10. 

Ier  quartier  :  3,1  ;  2*  quartier  :  2,6;  3e  quartier  :  1,9;  4'  quartier  :  2,4. 

Pression  barométrique, 

La  lune  dans  l'hémisphère  boréal  donne  en  moyenne  l"", 06  déplus 
que  quand  elle  est  dans  l'hémisphère  austral. 

Les  variations  de  la  distance  de  cet  astre  à  la  terre  ont  aussi  une 
isfinence  sur  la  hauteur  moyenne  de  la  colonne  mercurielle  :  la  moitié 
de  l'orbite  qui  contient  le  périgée  donne  une  pression  supérieure  de 
0*",82  à  celle  qui  contient  r apogée. 

•  En  résumé,  dit  M.  Poincaré,  la  lune  augmente  la  pression  en  se 
•  rapprochant  de  la  station,  mais  l'oscillation  ne  parait  pas  pouvoir, 
■  dans  les  cas  extrêmes,  dépasser  1BB>,5  de  part  et  d'antre.  » 

Cette  différence  de  1"*,5  peut  sembler  insignifiante,  mais  ne  suffit- 
elle  pas,  par  exemple,  pour  amener  le  déplacement  d'une  cinquantaine 
àe  lieues  de  la  zone  des  calmes,  Invoqué  par  M.  de  Tastes? 

VI.    M. 


I 


( 

t 


6°  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE 


LE  JURA 

Par  Ch.  CLERC 

OAPXTAIHB    AU    139"    BàQIMBNT   d'I5FàNT1SII 


CHAPITRE  PREMIER. 

CONFIGURATION. 


SECTION  I. 

Lisières  et  aspect  extérieur. 

1.  —  Entre  les  plaines  de  la  Bresse  et  de  la  Suisse, 
surgit  la  puissante  masse  du  Jura,  et  des  murailles  ro- 
cheuses presque  continues  en  dessinent  les  lisières. 

1°  A  l'Est  :  les  chaînes  de  V Épine  et  du  Foug,  le  Vuachcti- 
le  Rhône  sous  le  fort  de  l'Écluse,  la  chaîne  du  Crêt  de  J* 
Neige,  la  rive  gauche  des  lacs  de  Neuchâtel  et  de  Biennt;i 
enfin,  VAar>  c'est-à-dire  Soleure,  Olten,  Aarau.  Le  Jura, 
en  effet,  ne  se  termine  point  au  Rhône  ;  la  chaîne  de  l'Épine 
lui  sert  de  trait  d'union  avec  les  Alpes  au  massif  de  la 
Grande -Chartreuse,  et  la  route  de  Chambéry  à  Voreppe 
par  les  échelles  de  Savoie  marque  la  solution.  Des  bordr 
du  Rhône  aux  Alpes  de  Savoie  (massifs  des  Beauges,  do. 
Borne  et  de  la  Drance)  s'étend  le  canal  de  Genève,  dont  1* 
plaine  suisse  n'est  que  le  prolongement. 

2°  A  l'Ouest  :  la  Bourbre  à  la  Verpilière,  où  cette  ri- 
vière tourne  brusquement  au  Nord  et  contourne  le  récif  de 
roches  anciennes  de  Chamagnieu.  De  là,  une  escarpe  ro- 
cheuse borde  la  rive  gauche  du  Rhône  jusqu'au  pont  de  La* 
gnieu,  puis  Ambérieu,  Pont-d'Ain,  Saint- Amour,  Loœ- 


LE  JURA.  381 

le-Saulnier,  Poligny,  Mouchard  et  Osselle-sur-le-Doubs 
jisent  au  pied  d'une  longue  falaise  qui  domine  de  300  mè- 
tres les  vastes  plaines  de  la  Dombes  et  de  la  Bresse. 

D'Osselle,  le  Jura  gagne  FOgnon,  dont  il  accompagne 
ta  rire  gauche  en  formant  la  rive  du  Chailluz  qui  se  termine 
i  la  hauteur  de  Héricourt.  ' 

3°  Au  Nord  :  la  falaise  du  L&mont,  àe  Pont-de-Roide  et  du 
tont-Terrible.  Ses  flancs  rocheux  et  boisés  de  sapins  se 
liment  au-dessus  de  la  terrasse  triangulaire  du  Sundgau, 
lont  Bâle,  Mulhouse  et  Délie  sont  les  sommets.  Les 
chaînes  du  Lômont  et  du  Mont-Terrible  6e  soutenant  à  la 
hauteur  de  800  à  1,000  mètres,  et  la  terrasse  du  Sundgau 
ae  dépassant  point  400, mètres,  la  dominance  varie  entre 
100  et  600  mètres. 

!  4°  Au  Sud  :  enfin,  le  Jura  se  termine  à  la  Bourbre,  c'est- 
Wire  aux  Marais  de  Bourgoin.  Il  englobe  de  la  sorte  ce 
|a'on  appelle  Vile  de  Crèmieu  qu'aborne  au  Nord  la  combe 
fe  Lhuis  ou  vallée  du  Rhône.  Des  hauteurs  de  la  rive 
boite  de  la  Bourbre,  le  plateau  de  Grémieu  s'affaisse  vers 
h  combe  de  Lhuis,  mais  la  lisière  qui  forme  muraille  au- 
iessus  du  fleuve  entre  Grémieu  et  Lagnieu  ne  suit  pas 
ce  mouvement  et  demeure  au66i  accusée. 

2.  —  En  s'arc-boutant  en  quelque  sorte,  d'une  part  aux 
&lpes  et  de  l'autre  à  la  Forêt-Noire,  le  Jura  a  pris  la  forme 
Pan  croissant.  La  corde  de  Tare  mesure  plus  de  250  kilo- 
mètres de  Saint- Ge nix  à  Waldshut  et  sa  normale,  qui 
Irace  le  grand  diamètre  du  Jura,  partant  dlverdun,  passe 
parle  col  de  Sainte-Croix,  6ilué  entre  les  trouées  conjuguées 
il  Jougne  et  des  Verrières-,  puis  par  Pontarlier  gagne  fle- 
fançm  et  la  trouée  de  Miserey,  sur  laquelle  convergent  les 
chemins  de  fer  de  Vesoul  et  de  Gray.  Suivant  ce  diamètre, 
la  traversée  du  Jura  atteint  80  kilomètres,  et  c'est  là  sa  - 
flus  grande  largeur.  Rien  n'est  plus  remarquable.  On  ne 
compte  que  35  kilomètres  de  Seyssel  à  Ambérieu,  et  au-' 
tant  de  Bienne  à  Porrentruy  ;  de  sorte  qu'à  un  renflement 


382  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

central,  succède  un  effilement  de  plus  de  moitié  aux  extré- 
mités. 

Le  Jura  semble  porter  successivement,  du  Sud  au  Nord, 
les  empreintes  de  quatre  systèmes  de  plissement,  et  delà] 
lui  viendrait  sa  courbure.  Ces  plissements  concordent,  oui 
moins  comme  direction,  avec  ceux  du  Ver  cors  (N.  8°  E.),  du  ] 
Viso  (N.  30°  O.),  du  Belledonne  (N.  28°  E.),  etdesiipaj 
suisses  (E.  15°  N.).  Gomment  se  manifestent  ces  em- 
preintes ?  Par  l'orientation  des  chaînons,  vallées  et  failles  ; 
primordiales.  Ici,,  quelques  exemples.  Le  Rhône,  de  Belle* 
garde  à  Pierre-Châtel,  suit  la  direction  du  Vercors,  A  : 
nette  déjà  dans  les  chaînes  du  Colombier,  de  Cornu- i 
ranche,  des  Joux  blanches  et  noires,  ainsi  que  dans  la 
vallées  du  Séran  et  de  l'Albarine  supérieure.  De  Saint- 
Genix  à  Lagnieu,  le  fleuve  sillonne  la  combe  de  Lhuis  et 
de  Villebois,  où  il  s'oriente  dans  le  sens  des  plissements  j 
du  Yiso,  orientation  qu'affectent  également  la  vallée  du 
Guiers,  le  Molard  de  Don  et  les  combes  du  Furand  et  de  j 
l'Albarine  entre  Rossillon  et  Saint-Rambert,  puis  les  cluse* 
de  Nantua  et  de  Saint-Germain-de-Joux. 

Élevons-nous  maintenant  vers  le  Nord  et  nous  verrou*: 
lMtn,  la  Bienne,  la  Valserine,le  Doubs  suivre  la  direction  j 
des  Alpes  de  Belledonne.  Enfin,  le  Mont -Terrible,  les* 
chaînes  de  la  Birs,  le  Lômont  de  Pont-de-Roide,  le  Doute] 
de  Sainte-Ursanne  à  Saint-Hippolyte  paraissent  releverj 
des  plissements  des  Alpe6  suisses,  c'est-à-dire  bernoises. 
3.  —  Dans  son  ensemble,  le  Jura  n'est  point  une  chaîne/ 
niais  un  plateau,  ou  mieux  un  plan  incliné  qui  aurait 
tourné  autour  d'une  charnière  placée  le  long  de  la  Saône*; 
La  charnière  est  située  à  l'altitude  de  170  mètres  environ,: 
tandis  que  l'arête  soulevée  en  regard  des  Alpes  domine  ta 
,  plaine  suisse  de  900  à  1,000  mètres  et  atteint  1,600  mè- 
tres en  moyenne.  A  l'opposé,  le  bord  de  la  falaise  bres- 
sane  6e  soutient  à  550-600  mètres  et  s'élève  ainsi  à  300 
mètres  au-des6us  de  la  Bresse  et  de  la  Dombes. 


LE  JURA. 


383 


Le  Jura  peut  aussi  être  comparé  à  une  zone  conique 
dont  les  bases  seraient  l'arête  orientale  et  la  lisière  de  la 
falaise  bressane.  Cette  zone  6uit  les  inflexions  du  Jura  et 
son  penchant  E.-O.  dans  le  Bugey,  devient  N.-O.  le  long 
del'Ognon,  puis  S.-N.  dans  le  pays  de  Porrentruy  et  de 
Ferre  tte. 

L'observateur  qui,  du  haut  de  la  falaise  bressane,  em- 
brasse l'ensemble  des  montagnes,  reconnaît  de  6uite  que 
la  masse  du  Jura  se  divise  dans  le  6ens  de  la  longueur  en 
deux  parties  absolument  distinctes  par  l'altitude  et  la  con- 
figuration :  un  plateau  se  relevant  peu  à  peu  vers  l'Est,  de 
550  à  800  mètres,  hauteur  qu'il  atteint  au  bord  d'une 
zone  de  chaînes  multiples  et  pressées.  Il  voit  ces  chaînes 
surgir  en  longues  files  les  unes  derrière  les  autres  dans  un 
ordre  continue  d'élévation,  jusqu'à  une  rangée  terminale 
et  culminante,  en  croissant,  de  l'autre  côté  de  laquelle  est 
abîmée  la  plaine  suisse.  En  suivant  ce  mouvement  ascen- 
sionnel, le  fond  des  vallées  qu'elles  emprisonnent  s'élève 
jusqu'à  800  et  1,000  mètres  ;  de  sorte  qu'il  y  a  souvent 
coïncidence  entre  leur  point  de  départ  et  les  dépressions 
avoisinantes  des  arêtes  de  faîtage.  C'est  là  un  point  essen- 
tiel qui  ne  pouvait  être  passé  sous  silence. 

CluduIJos  a  l'Jlne  S1!1  de  laflauU  Roche 

UDÔle    ReculetelCi;êtde]ûNe]^ 


Moulroùd     S®1  de  l'a  Presse 


pif.  i. 

AB.CAofii*  de  PHeute.  —  CD,  Chaiiiê  de  la  Frêne.  —  N,  Plateau  de  Uont-eur-Monnet. 
—  £F,  Ckaine  de  la  Saule- Joua.  —  HK,  Chaine  du  Mont-Noir,  —  LM,  Chemin  du 
Crtt,  de  la  Neige  et  de  la  Dôle. 

Sans  doute,  des  voûtes  émergent  encore  de  la  surface  du 


J 


384  ÉTUDES  DB  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

plateau  ;  mais  elles  sont  rares  et  aplaties  :  Heute,  chaîné  ai 
Montmahoux,  forêt  de  la  Joux,  etc  ;  enfin  de  profonde»  dé- 
chirures la  sillonnent  :  Ain,  Dessoubre,  Bar  bêche,  Audna, 
Loue,  etc.  Il  est  impossible  de  n'être  point  frappé  de  ces  ; 
contrastes,  et  la  vue  panoramique  (fig.  1)  prise  au-dessus  ; 
de  Poligny  e6t  suffisamment  expressive  à  cet  égard. 

L'aspect  du  Jura  demeure  le  même,  que  Ton  se  trans 
porte  6ur  le6  hauteurs  du  Lômont  bisontin  ou  sur  un  point 
quelconque  de  la  falaise  bressane.  Dans  la  zone  orientale, 
celle  des  chaînes,  qui  e6t  tapissée  d'épaisses  forêt6  de  sapins 
et  d'épicéas,  l'altitude  est  plus  considérable  ;  les  voûtes  sont 
multipliées,  nettes,  pressées;  bref,  le  sol  a  une  allure  tour- 
mentée et  le  pays  est  en  quelque  sorte  haché  à  l'infini. 

Une  ligne  courbe  partant  de  Saint-Rambert,  pour  gagner 
Sainte- Ursanne  par  Nantua,  Thoirette  et  le  Doubs,  dePon- 
tarlier  à  Morteau,  Goumois  et  les  Raugiers,  marque  la  li- 
sière des  deux  régions. 

Toute  fragmentation  du  Jura  dans  le  sen6  transversal 
parât t  en  opposition  avec  les  lois  de  sa  structure.  Et  en 
effet,  ce  bloc  calcaire,  intimement  soudé  dans  toutes  ses 
parties,  présente  une  singularité  inhérente  à  son  origine: 
il  ria  ni  axe  orographique,  ni  axe  hydrographique.  La  Yalse- 
rine  et  l'Orbe,  la  Bienne  et  le  Doubs,  descendent  des 
mêmes  combes,  mais  en  6ens  opposé  ;  il  en  est  de  même 
de  la  Birs  et  de  la  Dùnnern.  D'ailleur6,  l'Albarine  et  le 
Séran,  le  Silan  et  la  Semine,  les  Vaux  de  Jougne  et  des 
Verrières  ouvrent  de  véritables  trouées  à  travers  l'épais- 
seur de  la  montagne. 

Autre  singularité  :  les  points  de  partage  des  vallées  ne 
gisent  pas  le  long  d'une  chaîne  ou  en  des  cimes  quelcon- 
ques, mais  en  face  des  grandes  trouées  du  Jura.  Où  se 
trouve  le  point  de  partage  de  l'Albarine  et  du  Séran  ?  Dans 
la  gorge  des  Hôpitaux;  au  Silan  et  de  la  Semine?  Dans 
la  brèche  de  Nantua.  D'où  partent  en  rayonnant  l'Orbe,  la 
Bienne  et  la  Valserine  ?  Du  plateau  des  Rousses.  Où  est  le 


LE  JURA.  385 

point  de  partage  de  la  Jougenaz  et  de  la  Reuee  ?  Au  plateau 
des  Fourgs  et  non  pa6  au  Suchet  ou  au  Chasseron  qui 
l'avoisinent.  Le  Doubs,  la  Saine  et  la  Semme  ne  descen- 
dent-ils pas  du  plateau  de  Saint-Laurent,  en  face  de  celui 
des  Rousses?  En  ces  points,  aux  gorges  escarpées  où  la 
rivière  procède  par  chutes  et  rapides,  aux  abîmes  que  côtoie 
la  route,  aux  sombres  forêts  de  sapins,  succèdent  tout  à 
coup  de  vertes  prairies  ensoleillées,  parsemées  de  villages 
et  de  hameaux;  l'horizon  s'élargit,  mais  les  montagnes 
qui  le  confinent  conservent  leur  rigidité  ]  nulle  échappée 
ne  laisse  entrevoir  ces  lointains  que  l'œil  fouille  avec 
tant  de  charme.  Aussi  le  paysage  garde-t-il  sa  tristesse  et 
8a  monotonie,  comme  le  linceul  de  neige  qui  le  voile  pen- 
dant la  moitié  de  l'année.  Cette  nature  est  morte,  mais 
qu'importe  la  poésie  au  militaire  qui  voit  à  quelques  pas 
le  pays  étranger  et  la  frontière  accessible  ?  Pour  lui,  les 
propriétés  défensives  du  sol  natal,  les  caractéristiques 
de  sa  structure  et  de  sa  configuration  passent  à  bon  droit 
avant  toute  autre  considération,  et  pourtant,  elles  sont 
belles  les  journées  passées  dans  le  calme  des  hautes 
solitudes,  les  yeux  émerveillés  à  la  vue  des  arêtes  ro- 
cheuses à  l'assaut  desquelles  les  sapins  semblent  monter  ! 
Ce  sont  de  pures  jouissances  et  de  grandes  leçons  dont 
le  souvenir  ne  s'efface  jamais... 

Au  mois  de  janvier  dernier,  en  parcourant  la  région  de 
Pontarlier,  nous  avons  eu  l'occasion  de  gravir  le  Mont- 
d'Or  de  Vallorbe  qui  n'était  alors  couvert  que  de  vieille 
neige.  Nous  avions  laissé  la  plaine  de  Saône  envahie  par 
une  mer  de  brouillards  qui  baignait  les  flancs  de  la  falaise 
bressane.  Du  haut  de  la  montagne,  nous  découvrions  la 
Forêt  de  la  Joux,  l'Heute,  et  de  l'autre  côté  une  traînée 
de  nuages  fermait  l'horizon.  Un  soleil  de  mai  éclairait  le 
plateau  et  les  montagnes  de  la  zone  des  chaînons.  La  plu- 
part de  ces  derniers  montraient  leurs  escarpes  rocheuses, 
leurs  flancs  dénudés  du  côté  de  la  Suisse.  L'hémicycle 


386  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

du  Jura  nou6  apparaissait  presque  en  entier,  et  il  semblait 
que  ses  extrémités  en  fussent  portées  en  avant  pour  ferma 
le  cercle  à  la  rencontre  des  Alpes.  A  nos  pieds,  un  antre 
océan  de  nuages  couvrait  les  lacs  invisibles  de  Neuchâtel 
et  de  Bienne,  et  subitement,  de  l'autre  côté,  les  formidables 
remparts,  les  cimes  majestueuses  et  chargées  de  glaciers 
de  TOberland  bernois  émergeaient  à  une  hauteur  surpre- 
nante, avec  une  netteté  si  grande  qu'ils  nous  semblaient 
à  quelques  kilomètres  de  distance,  bien  que  nous  en  fussions 
éloignés  de  plus  de  15  lieues  à  vol  d'oiseau.  Gomment  ex- 
primer la  magie  de  ce  spectacle  !  «Notre  pensée  fut  ramenée 
à  l'époque  où  la  Côte-d'Or,  le  Jura  et  les  Alpes  ayant  surgi, 
les  plaines  de  la  Bresse  et  de  la  Suisse  étaient  englouties 
sous  les  eaux  océaniques;  ces  nappes  de  brouillards,  qui 
serpentaient  animées  par  la  brise  au  travers  des  sapins,  au 
fond  des  précipices  nous  rappelaient  le  flot  des  tempêtes. 

Mais  que  ce6  souvenirs  ne  nous  fassent  point  perdre  de 
vue  la  division  naturelle  annoncée.  Le  Jura  a  basculé  à 
deux  reprises  différentes  autour  d'un  axe  passant  par  Be- 
sançon, Pontarlier  et  Bienne,  et  nous  pourrions  partir 
de  là  pour  distinguer  au  Nord  et  au  Sud  de  cet  axe  un 
Jura  septentrional  et  un  Jura  méridional  s'il  n'était  une 
autre  considération,  à  notre  sens  plus  importante  :  V épa- 
nouissement central  et  Veflilement  des  extrémités,  où  le  sys- 
tème se  réduit  à  un  très  petit  nombre  de  chaînons.  Aussi 
proposons-nous  la  division  suivante  : 

Jura  méridional  ou  bugeysien  au  Sud  de  la  trouée  Bourg* 
Nantua-Bellegarde  ; 

Jura  central  ou  franc-Gomtois,  de  cette  trouée  à  la  ligne 
Délie -les  Raugiers- Bienne;  c'est  le  renflement  central 
précité  ; 

Jura  septentrional  ou  argovien,  de  la  ligne  Delle-Bienne 
au  Rhin  et  à  l'Aar. 

Le  Jura  central  est  subdivisé  en  deux  parties  égales  par 
la  grande  voie  Jougne-les  Verrières-Pontarlier-Besançoo. 


LE  JURA.  387 

Aux  lignes  Porrentruy  -  Bieime  et  Bourg-Bellegarde  cor- 
respondent également  des  chemins  de  fer  d'une  grande 
valeur  stratégique,  car  ce  sont  là  les  trois  routes  d'invasion 
que  nous  avons  le  plus  à  redouter  si  seule,  ou  de  concert 
avec  l'Italie,  l'Allemagne  viole  la  neutralité  de  la  Suisse. 
L'opinion  publique  vient  de  s'émouvoir  du  voyage  de 
«  touriste  »  qu'accomplit  récemment  le  maréchal  de  Moltke 
le  long  de  notre  frontière  italienne  et  suisse.  Tout  prendre 
au  sérieux  n'est  dans  ce  cas  qu'une  marque  de  sagesse  et 
Dieu  veuille  pour  elle  et  pour  nous  que  la  Suisse  n'ait  pas 
à  reconnaître  dans  un  avenir  rapproché  que  le  danger  qui 
ld  menace  ne  vient  point  de  notre  côté  !  Des  compensations 
lui  seront  offertes  :  la  Savoie,  le  plateau  de  Pontarlier 
peut-être  ?  Acceptera-t-elle  le  prix  du  déshonneur  ?  C'est 
en  vain  que  l'histoire  de  ce  peuple,  que  le  souvenir  de  sa 
générosité  et  de  son  courage  se  dressent  devant  nous  ;  pris 
dans  un  étau  entre  l'Allemagne  et  l'Italie,  il  sera  écrasé 
ou  complice. 

SECTION  It. 

Aperçu  de  l'histoire  géologique. 

Nombreux  et  complexes  furent  les  phénomènes  qui, 
donnant  naissance  au  Jura  et  lei  détachant  ici  des  Alpes, 
là  des  Vosges,  élevèrent  une  muraille  entre  les  plaines 
de  la  Suisse  et  de  la  Saône.  Nous  nous  bornerons  à  rap- 
porter  les  oscillations  finales,  les  convulsions,  à  la  faveur 
desquelles  le  Jura  est  arrivé  à  sa  forme  et  à  son  état  ac- 
tuels. Le  lecteur  aura  garde  de  l'oublier,  si  contradic- 
toires que  puissent  parattre  les  théories  sur  la  formation 
des  montagnes,  les  choses  se  6ont  passées  comme  si  cha- 
cune était  l'expression  de  la  vérité,  et  de  la  6orte  elles  se 
complètent. 

Tout  dans  là  géologie  n'est  pas  géographique,  ce  qui 
nous  amenait  à  écrire  ceci,  il  y  a  quelques  années  :  «  Sans 
«  doute,  le  domaine  de  la  géologie  est  vaste,  mais  écar- 


388  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIS  MILITAIBE. 

«  tons  les  discussions  stratigraphiques,  dénuées  d'intérêt 
«  pour  le  militaire  qui  ne  doit  connaître  que  les  grands  hori- 
«  zons  et  les  constantes  de  leur  faciès.  Il  n'a  point  tant  à  se 
«  préoccuper  de  la  place  d'un  calcaire  ou  d'un  grès  dans 
«  l'échelle  des  terrains  non  plus  qu'à  distinguer  tel  cal- 
«  caire  de  tel  autre,  si  leur  faciès  est  le  même,  et  par 
«  faciès  nous  entendons  les  caractéristiques  de  structure, 
«  de  relief  et  de  végétation  naturelle.  Une  carte  géolo- 
«  gique  et  militaire  peut  se  passer  de  la  plupart  des  dis- 
«  tinctions  de  couches,  lesquelles  ne  sont  jamais  que  mar- 
«  nés,  argiles,  calcaires,  grès  et  alluvions. 

«  Dynamique  souterraine  érigeant  les  masses  monta- 
«  gneuses  ;  échelle  des  terrains  principaux  qui  forment 
«  l'ourlet  et  le  fond  des  bassins  ;  caractères  des  monta- 
«  gnes  et  des  vallées  ;  cultures  naturelles  ;  régime  des 
«  rivières  ;  régions  d'altitude  et  phénomènes  cliraatéri- 
«  ques  ;  conditions  géologiques  du  tracé  des  routes  et  des 
«  voies  ferrées  :  le  programme  est  assez  étendu  (f).  » 
Aussi  l'avons-nous  récemment  adopté  dans  notre  étude 
des  Alpes  françaises. 

A  une  époque  géologique  reculée,  les  Vosges  et  la  Forèl- 
Noire,  le  Beaujolais  et  le  Morvan,  régions  de  formation 
primitive,  avaient  surgi  du  sein  de  l'Océan,  et  les  Alpes 
n'étaient  encore  qu'à  l'état  embryonnaire,  car  leur  émer- 
geraient définitif  et  leur  configuration  actuelle  sont  d'une 
date  relativement  récente.  C'est  6ur  le  pourtour  et  dans 
les  intervalles  de  ces  îles  anciennes  que  s'exerça  l'activité 
sédimentaire  et  que  se  déposèrent  le6  terrains  aujourd'hui 
mis  à  découvert  qu'étudie  et  classe  la  géologie. 

Le  retrait  continu  du  noyau  en  fusion  oblige,  on  le  sait, 
l'écorce  qu'il  supporte  à  se  plisser,  à  se  froncer  comme 
un  tissu,  et  il  est  naturel  d'admettre  que  les  plissements 
relièrent  les  piliers  de  la  charpente,  c'est-à-dire  les  massifs 

f)  Géologie  et  giographit  militaires.  1380. 


LE  JURA.  389 

primaires  précités,  accrurent  leur  6urface  et  finalement 
exondèrent  le  fond  des  détroits  séparateurs. 

Ainsi  donc,  à  mesure  que  ces  massifs,  prenant  un  relief 
plus  considérable  peut-être,  élargirent  leur  base,  les  bras 
de  mer  isolants  durent  se  rétrécir  et  un  jour  arriva  où  les 
isthmes  soudèrent  le  Morvan  aux  Vosges  par  la  Càte-d?Or 
et  les  côtes  fauciliennes,  les  Vosges  et  la  Forêt- Noire  aux 
Alpes  par  le  Jura. 

A  la  6uite  de  ces  mouvements  de  dynamique  interne, 
l'Océan  se  confina  ici  dans  l'Alsace,  là  dans  le  bassin  de 
Paris,  là  dans  la  plaine  suisse.  Le  bassin  de  Saône  était 
esquissé  et  circonscrit  ;  une  mer  intérieure  comparable  à 
l'Adriatique  occupa  l'intervalle  compris  entre  les  Vosges, 
le  Jura  et  la  Côte-d'Or. 

Tandis  que,  par  l'effet  même  dès  plissements,  les  lisières 
du  bassin  de  Saône  s'exhaussaient,  le  fond  de  ce  bassin, 
formant  repli,  s'abîmait  sous  les  eaux,  et  c'est  pendant 
cette  immense  période  que  6e  sont  déposés  les  terrains 
qui  aujourd'hui,  dans  la  haute  Saône,  présentent  leurs 
tranches  relevées  aux  approches  des  Vosges. 

Il  en  fut  sans  doute  de  même  dans  le  bassin  suisse,  où 
Ton  voit  les  ipêmes  terrains  se  dégager  suivant  leur  ordre 
chronologique  à  mesure  qu'on  s'élève  dans  l'Oberland. 

L'ébauche  était  sans  doute  fort  incomplète  :  le  relief  de 
la  Côte-d'Or  était  insignifiant,  le  Jura  formait  un  plan  in- 
cliné vers  la  Suisse,  et  légèrement  redressé  au-dessus  de  la 
mer  bressane.  Avant  d'arriver  à  son  état  actuel,  le  Jura  de- 
vait subir  plusieurs  révolutions  qu'il  est  essentiel  de  recon- 
naître, car  elles  ont  fixé  les  traits  primordiaux  de  son  ar- 
chitecture. Pendant  la  période  dite  infra-crétacée,  la  partie 
du  Jura  située  au  Nord  de  la  ligne  Besançon-Bienne  de- 
meurant au-dessus  des  eaux,  la  partie  6ud  s'est  abîmée  et 
a  reçu  les  dépôts  marins  de  cette  période.  Le  manteau  fut- 
il  uniforme  et  fut-il  démantelé  postérieurement  par  les 
érosions  ?  Il  n'en  reste  plus  que  des  lambeaux  au  fond 


390  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

des  hautes  vallées  actuelles.  Faut-il  admettre  au  contraire, 
avec  M.  Itier(,))  que  l'infra-crétacé  6'est  déposé  «  dans  des 
«  golfes,  des  fiords  séparés  par  des  arêtes  émergées,  on 
«  dans  une  mer  semée  d'écueils  et  de  bas-fonds  ?  >  Quoi 
qu'il  en  ait  été,  une  oscillation  inverse  se  produisit  au 
début  de  la  période  tertiaire  ;  la  partie  au  Sud  de  la  ligne 
Besançon- Bienne  avait  été  exondée  et  l'autre,  s'engloutis- 
sant  sous  les  flots  de  la  mollase,  fut  couverte  par  ses  dé- 
pots  dont  il  demeure  des  témoins  dans  le6  vallées  affluentes 
de  la  Birs.  Ces  deux  mouvements  de  bascule  sont  des  faits 
de  premier  ordre  dans  l'histoire  du  Jura. 

Le  Jura  a  émergé  définitivement  au  milieu  de  la  pé- 
riode tertiaire,  concurremment  avec  les  Alpes  dont  l'érec- 
tion paraît  avoir  exercé  sur  lui  un  puissant  contre-coup. 
Le  talutage  fut  inversé,  le  plateau  bascula  de  l'Est  vers 
l'Ouest  ;  la  partie  orientale  fut  soulevée  à  une  grande 
hauteur  et  des  plissements  nombreux  sillonnèrent  sa  sur- 
face. De  longues  lignes  de  cassures  délimitèrent  notre 
système  et  l'une  d'elles  provoqua  avec  les  Alpes  une  so- 
lution de  continuité  en  aménageant  le  canal  de  Genève, 
séparation  apparente  évidemment  comme  celle  qui  résul- 
terait de  l'ébranlement  d'un  mur  6uivi  d'une  lézarde  pro- 
fonde. C'est  ainsi  que  le  Rhône,  depuis  le  port  de  l'Écluse 
jusqu'à  Saint-Genix  et  Lagnieu,  circule  au  travers  d'une 
série  de  faillçs,  et  que  le  Jura  domine  la  Bresse  du  haut 
d'une  faille  continue  qui  s'étend  de  Lagnieu  aux  eùvirons 
de  Besançon.  Il  ne  faut  point  l'oublier,  l'écorce  terrestre 
ne  parvient  à  6e  mouler  sur  le  noyau  contracté  que  par 
des  plissements  et  des  failles..  Que  les  Alpes  aient  ou  non 
contribué  à  l'édification  du  Jura  ;  que  ce  système  soit  ou 
non  indépendant,  il  n'en  a  pas  moins  obéi  à  cette  sorte 
de  loi. 

Ici  se  présente  une  question  délicate  et  qui  a  été  diffé- 


(')  Notice  sur  la  formation  nioeomienne  du  département  de  l'Ain. 


LE  JURA.  391 

remmeat  résolue  par  les  géologues.  Elle  serait  dénuée 
d'intérêt  s'il  ne  s'agissait,  en  somme,  de  donner  la  rai- 
son des  plissements,  cassures  et  inflexions  successives 
qu'affecte  le  massif.  Sous  ce  rapport,  le  Jura  apparaît 
comme  un  reflet  des  Alpes  ;  car  nous  y  rencontrons,  du 
Sud  au  Nord,  les  directions  de  plissements  qui  régnent 
dans  les  Alpes.  N'est-ce  là  qu'un  simple  accident  sur  la 
valeur  duquel  il  ne  faut  pas  se  méprendre  ?  N'y  pourrons- 
nous  trouver  la  raison  dé  l'absence  d'axe  hydrographique 
dans  le  Jura  qui  rappelle  de  loin  la  conformation  des  mas- 
sifs calcaires  de  la  Savoie  qui  tous  en  sont  également  dé- 
pourvus ?  Si  vous  admettez  la  subordination  de  ces  massifs 
à  la  chaîne  primitive  de  Belledonne,  en  regard  de  laquelle 
ils  dressent  leurs  murailles  parallèles,  l'idée  surgira  d'une 
communauté  d'origine  entre  eux  et  le  Jura.  Dans  cette 
hypothèse,  le  Jura  résultera  d'un  ébranlement  originaire 
des  Alpes,  sans  que  nous  allions  jusqu'à  penser  qu'il  a 
opéré  sur  table  rase  ;  loin  de  là,  car  le  Jura  formait  un  bas 
plateau  dont  les  pressions  latérales  n'ont  fait  que  redresser 
les  bords  et  rider  la  surface.  L'influence  des  montagnes  pri- 
mitives sur  les  plus  récentes  n'est  point  niable,  et  il  n'est 
pas  jusqu'au  Lomont  et  au  Mont-Terrible  dont  la  voussure 
et  la  direction  ne  puissent  être  attribuées  soit  aux  Alpes 
suisses,  soit  à  une  pression  venue  des  Vosges  et  de  la  Fo- 
rêt-Noire. 

A.  Heim  (l)  reconnaît  dans  le  Jura  un  système  indépen- 
dant, érigé  proprio  motu  en  quelque  sorte,  mais  il  ne  nie 
pas  que  les  Alpes  et  la  Forêt-Noire  lui  aient  imprimé  la 
série  des  déviations  qu'il  subit  depuis  Chambéry  jusqu'au 
Rhin.  De  son  côté,T  hurmann  éliminant  toute  action  sou- 
levante appliquée  verticalement  dans  le  Jura,  déclare  que 
«  les  faits  s'interprètent  en  tous  points,  par  l'hypothèse 
«  d'une  action  latérale,  procédant  du  côté  suisse  vers  le 


P;  UnUrsuchungen  ùber  <Un  3l:chani$.nuê  tf*r  Qtbtry$bildunç. 


392  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

«  côté  français  (*)  ».  Gouklar  a  va  dans  pe  fait  que  «  les 
«  crêtes  du  Jura  tournées  vers  le6  Alpes  6ont  les  plus 
«  élevées  »  la  preuve  d'une  pression  latérale  venue  des 
Alpes  et  donnant  naissance  au  massif  (2).  Dans  l'opinion 
de  Bernhard  Çotta^),  le  Jura  ne  «  doit  point  être  considéré 
«  comme  un  soulèvement  renfermant  en  lui-même  le  prin- 
«  cipe  de  son  existence  ;  c'est  un  appendice  des  Alpes, 
c  une  ondulation  montagneuse  provoquée  par  une  près- 
«  sion  latérale  lors  de  leur  érection;  les  roches  primitives 
«  dans  le  Jura  n'ont  cherché  aucune  issue,  une  pression 
«latérale  seulement  a  puissamment  ridé  les  couches.» 
Enfin,  Studer  admet  «  une  force  latérale  immense  dont 
«  l'action  s'est  propagée  de  Taxe  des  Alpes  centrales  sur 
«  les  bords  de  la  chaîne.  La  science  actuelle  voit,  dans  le 
«  Jura  comme  dans  les  Alpes,  l'influence  répétée  et  lente- 
«  ment  progressive  de  cassures  et  d'élévations  à  la  suite 
«  desquelles  de  grands  groupes  de  montagnes  ont  été  mis 
«  à  sec  ;  de  sorte  que  les  formations  subséquentes  ne  pu- 
«  rent  le6  recouvrir.  Elle  trouve  que  la  direction  de  ces 
«  cassures  a  varié  avec  le  temp6  et  que  plusieurs  systèmes 
«  de  vallées  de  fractures  et  d'élévations  se  croisent  et  ont 
«  embrouillé  la  structure  originellement  simple  de  la  mon- 
«  tagne.  Où  il  faut  chercher  le  foyer  de  ce6  influences,  le 
«  point  d'appui  de  ces  mouvements,  la  chose  est  demeurée 
«  jusqu'à  présent  indécise.  La  structure  en  voûte  du  Jura, 
«  son  parallélisme  avec  le  système  des  Alpes,  la  hauteur 
«  décroissante  des  chatnes  ver6  l'Ouest,  tout  fait  penser 
«  à  un  plissement  résultant  d'une  pression  latérale  venue 
«  des  Alpes.  La  structure  des  chaînons  les  plus  extérieurs 
«  montre  plutôt  un  arrêt,  une  résistance  définitive  à  la 
«  pression  qu'une  manifestation  originaire  delà  région(4).» 
Dans  un  ouvrage  récent  et  fort  remarquable,  M.  deLappa- 

(')  Bulletin  de  la  Société  géologique,  2«  série,  t.  XI. 

(*)  Allgemeine  Orographie. 

(*)  Die  Alpen. 

{*)  Géologie  der  Sehweiz. 


LE  JURA.  393 

refit  s'appuie  sur  la  conformation  générale  des  Alpes,  du 
Jura  et  de  la  Cordillère  des  Andes  pour  mettre  en  évi- 
dence la  dissymétrie  des  grands  reliefs  du  globe  et  arriver 
i  la  loi  suivante  : 

«  Toute  grande  ligne  de  hauteurs  est  une  arête  saillante 
«  formée  par  l'intersection  de  deux  versants  inégalement 
«  inclinés.  Le  plus  abrupt  plonge  vers  une  grande  dépres- 
«  sion  (ici  c'est  la  plaine  suisse);  le  moins  raide  s'abaisse 
«  doucement,  sous  la  forme  d'ondulations  successives, 
«  vers  une  dépression  moins  marquée  (plaine  de  la  Saône).  » 
Le  profil  qui  en  résulte  rappelle  ce  "qui  se  passe  dans  une 
lame  flexible,  «  lorsque  les  deux  extrémités  qui  l'encastrent 
c  sont  obligées  de  se  rapprocher  par  l'effet  d'une  compres- 

<  sion  latérale.  La  surface  du  globe  se  comporte,  dans  ses 

<  grandes  lignes,  comme  si  elle  était  soumise  à  de  puis- 
•  santés  actions  de  refoulement.  L'idée  d'un  refoulement 
«  latéral  s'impose  par  le  spectacle  des  grandes  lignes  de 
«  relief  du  globe  ;  un  tel  refoulement  ne  peut  avoir  sa 
«  source  que  dans  Y  écrasement  et  la  descente  en  masse  de 
«  fiwrce  (l) .  » 

Au  surplus,  le  Jura  n'est  point  le  6eul  système  monta- 
gneux auquel  les  Alpes  ont  sinon  dpnné  naissance,  du 
moins  imprimé  les  traits  essentiels  de  son  architecture. 
Mon  savant  professeur,  M.  Julien,  de  la  Faculté  de  Cler- 
mont,  rattachait  au  soulèvement  des  Alpes  la  poussée 
latérale  qu'a  achevée  le  relief  de  la  vallée  de  l'Allier.  Son 
opinion  à  cet  égard  clora  la  discussion  :  «  J'ai,  dit-il, 
t  la  conviction  profonde  que  le  relief  actuel  du  plateau 
central  a  été  la  conséquence  du  soulèvement  de6  Alpes; 
que  les  bassins  de  Roanne,  de  Feurs,  du  Puy,  d'Au- 
rillac,  de  M  aura,  etc.,  ne  sont  que  des  lambeaux  épars, 
aujourd'hui  plissés,  effondrés,  d'une  grande  formation 
lacustre  tertiaire,   jadis   en  continuité  parfaite,   et  qui 


C)  Traité  de  giotûgie.  1889. 

SOC.  DB  OBOQft.  —  9e  TBlMBfTRB  1853.  38 


394  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

«  s'étendait  largement  du  Nord  au  Sud,  à  travers  les 
«  vastes  plaines  devenues  le  plateau  central  de  l'époque 
«  actuelle.  Ce  qui  me  le  prouve,  ce  sont  ces  irmom- 
«  arables  témoins,  disséminés  sur  les  hauteurs,  à  toutes  les 
«  altitudes.  Je  ne  puis  m' empêcher  de  voir  dan6  les 
t',  c  deux  vallées  de  la  Loire  et  de  l'Allier,  deux  immenses 

c  plis  concaves,  séparés  et  limités  à  l'Ouest  et  à  l'Est  par 
«  des  plis  convexes  dont  le  plus  oriental  forme  la  chaîne 
«  des  Gévennes,  le  pli  central,  le  Forez,  et  le  plateau  du 
c  Puy-de-Dôme  le  pli  occidental,  et  synchroniques  de  la 
«  formation  des  Alpes  Q).  * 

Si  l'influence  des  Alpes  s'est  fait  sentir  avec  tant  de 
puissance  et  à  des  distances  aussi  considérables  dans  le 
massif  d'Auvergne,  comment  nier  que,  loin  d'être  nulle 
dans  le  Jura,  elle  ait  pu  y  être  prépondérante  ? 

Le  lecteur  nous  pardonnera  cette  digression;  ne  jette- 
t-elle  pas  un  certain  jour  sur  la  configuration  et  l'ensemble 
du  Jura?  ne  nous  mettra-t-elle  pas  à  même  de  mieux 
saisir  ce  qui  va  suivre? 

Il  ne  restait  plus  qu'à  vider  les  cuvettes  ;  la  vallée  de  la 
Saône  et  les  régions  circonvoisines  subirent  une  impul- 
sion ascensionnelle,  et  l'Océan  se  retira  vers  les  rivages 
actuels. 

Yoici  donc  close  l'ère  des  convulsions  souterraines  :  le 
Jura  a  acquis  sa  forme  et  son  relief  définitifs. 

C'est  alors  que  les  courants  glaciaires  et  les  fleuves  di- 
luviens se  mirent  à  l'œuvre  pour  décaper  les  montagnes 
et  adoucir  leurs  pentes;  élargir  les  vallées,  aménager  leurs 
bassins  de  confluence  et  les  couvrir  d'alluvions  fertiles  ou 
enfin  y  déposer  ces  lacs  auxquels  manquent  les  cimes  nei- 
geuses, les  hautes  terrasses,  les  escarpes  vertigineuses; 
en  un  mot,  le  cortège  éblouissant  des  Alpes. 
Il  ne  faut  point  en  effet  demander  au  Jura  les  contrastes 


(*)  A.  Julien,  La  Limaçne  et  Us  Baulnt  tertiaire*  du  Plateau  cintrai.  1831. 


LE  JURA.  395 

subits  et  6aisi6sants  des  Alpes  :  enceintes  retirées,  gorges 
sauvages  que  dominent  les  crénèlements  des  rochers, 
glaciers,  torrents  furieux  ;  cet  appareil,  comment  le  Jura, 
avec  son  peu  d'altitude  et  son  origine,  pourrait-il  le  pos- 
séder? Sans  doute,  le  paysage  est  triste  et  austère,  mais  à 
des  plateaux  monotones  succèdent  des  vallées  indus- 
trieuses et  des  rideaux  de  montagnes  rigides,  soutenus, 
auxquels  de  vastes  forêts  de  sapins  et  d'épicéas  impriment 
un  cachet  qui  manque  aux  vallées  de  la  Suisse,  où  ce 
genre  de  végétation  est  assez  grêle.  Les  hautes  vallées  et 
leur  thalweg  parfois  6i  profondément  déchiré,  les  lacs  et 
leur  ceinture  de  forêts  ou  de  vertes  prairies,  les  cluses  où 
le  regard  frappé  du  touriste  suit  les  contournements  bizarres 
et  hardis  des  couches  :  voilà  ce  qui  donne  au  Jura  un 
genre  de  beauté  caractéristique. 

(A  tuivrt.) 


7»  GÉOGRAPHIE  MATHÉMATIQUE 


DE  L'EMPLOI  DE 


LA  PROJECTION  CONIQUE 


DAJTB 


UN  ATLAS  SYSTÉMATIQUE  UNIPROJECTIONNEL 


En  1878,  j'ai  fait,  à  la  Société  de  géographie  de  Paris, 
une  communication  sur  un  système  d'atlas,  conçu  sur  un 
plan  homogène,  entier,  qui,  sous  des  réserves  de  détail, 
m'a  valu  l'approbation  unanime  de  la  plupart  de  nos 
grandes  autorités  géographiques  (*)  [*].  Malgré  ces  encou- 
ragements, il  y  a  telles  de  ces  réserves  qui  m'ont  décidé 
à  attendre  que  l'expérience  vienne  confirmer  ou  modifier 
la  justesse  de  ce  système,  basé  sur  un  développement 
uniforme,  à  la  fois  par  le  mode  de  projection  et  par  l'é- 
chelle, de  la  surface  terrestre  tout  entière. 

L'expérience  est  faite  aujourd'hui  et  elle  est  con- 
cluante. 

Pour  ne  citer  que  l'ouvrage  le  plus  important  et  le 
plus  répandu  aujourd'hui,  le  Stieler's  H  and- Atlas,  ses  au- 
teurs ne  se  sont  plus  contentés,  —  comme  des  géogra- 
phes français  l'ont  fait  depuis  lors,  —  de  placer,  dans 
des  cartouches  annexés  à  leurs  cartes,  des  contrées  eu- 


(*)  L'ensemble  des  notes  et  renvois,  en  raison  de  son  importance,  a  été  placé*!* 
lin  du  travail  pour  en  faciliter  la  lecture. 


Communication  de  M.  J.  V.  Babbieb,  ëecrétaire  général  de  la  ; 
Société  de  géographie  de  VEst,  faite  à  la  Sorbonne,  dans  h 
séance  du  mercredi  28  mars. 


PROJECTION  CONIQUE  DANS  UN  ATLAS.       397 

ropéennes,  d'une  étendue  connue,  à  la  même  échelle  que 
ces  cartes,  pour  faire  comprendre  au  lecteur  le  rapport 
exact  de  surface  qui  existe  entre  les  unes  et  les  autres. 
Déjà,  dans  l'édition  de  1878,  on  constatait  une  tendance 
d'uniformisation  d'échelle  qui  est  bien  autrement  accen- 
tuée dans  celle  de  1882,  où  ils  n'ont  pas  hésité,  même 
en  créant  un  double  emploi  absolument  superflu,  d'ajouter 
une  nouvelle  carte  (en  4  feuilles)  de  l'Amérique  septen- 
trionale et  centrale  pour  la  mettre  en  parité  d'échelle 
Cs/o.op»)  avec  les  nouvelles  feuilles  de  l'Amérique  du 
Sud,  alors  que  déjà  la  carte  des  États-Unis  était  faite 
aune  échelle  double  (>>y.l,...). 

Leur  but  n'est  peut-être  pas  entièrement  le  même  que 
le  mien  et,  peut-être  avant  tout,  ont-ils  cherché  simple- 
ment à  faciliter  l'assemblage  des  feuilles  ;  mais  on  ne 
saurait  nier  que,  dans  l'ensemble,  ils  ont  tenu  compte 
de  ce  besoin  impérieux  de  donner  une  notion  unique, 
rationnelle,  dan6  la  mesure  que  comportait  l'ouvrage  déjà 
existant,  de  l'unité  de  comparaison  entre  les  diverses  par- 
ties de  la  terre,  nécessité  à  laquelle  ne  peut  entièrement 
satisfaire  aucun  des  systèmes  adoptés  jusqu'ici. 

Mais  qu'il  me  soit  permis  de  revenir  sur  les  prémisses  de 
la  question.  * 

L'enseignement  de  la  géographie  est  assurément  l'un 
des  intérêts  qui  préoccupent  le  plus  les  sociétés  de  géo- 
graphie. Il  est  de  cette  science,  plus  que  d'aucune  autre  ; 
les  premières  notions  acquises,  comme  les  premiers  prin- 
cipes d'éducation,  se  gravent  profondément  dans  la  mé- 
moire et,  quand  elles  sont  faussées,  des  études  appro- 
fondies seules  les  dissipent  à  la  longue. 

Ainsi,  bon  nombre  de  personnes,  et  de  celles  même 
qui  ont  fait  quelques  études,  n'ont  qu'une  notion  si  abso- 
lument  incomplète  des  étendues  géographiques,  que  vous 
les  étonneriez  certainement  en  leur  apprenant  que  l'île 
de  Bornéo,  par  exemple,  e6t  d'un  tiers  plus  étendue  que 


398  GÉOGRAPHIE  MATHÉMATIQUE. 

la  France  ;  que  l'île  de  Marajo,  qui  ferme  l'embouchure 
de  l'Amazone,  est  aussi  grande  que  la  Sicile;  que  l'A- 
rabie couvrirait  en  grande  partie  l'Europe  occidentale; 
que  les  possessions  anglaises  de  l'Inde  équivalent  à  huit 
fois  les  Iles  Britanniques,  et  maint  autre  exemple  encore. 
A  la  vérité,  les  cartes  les  moins  parfaites  indiquent,  ne 
fût-ce  que  par  la  distance  de  leurs  parallèles  (s),  l'échelle 
à  laquelle  elles  sont  construites;  mais,  sans  compter  la 
variété  des  systèmes  de  projection  appliqués  et  dont  plus 
d'un  déforme  sensiblement  les  contours,  la  notion  que 
l'on  n'a  pas  de  leurs  formules,  faute  d'études  spéciales, 
la  multiplicité  des  échelles  et  des  divisions  dans  les 
cartes,  l'habitude  de  ne  présenter  aux  yeux  certaines  con- 
trées, et  des  plus  grandes  souvent,  qu'à  une  échelle  res- 
treinte et  la  nécessité  qui  en  résulte  d'un  calcul  pour 
rectifier  la  comparaison,  toutes  ces  causes  entraînent  iné- 
vitablement une  connaissance  inexacte  (8)  de  l'étendue 
relative  et  de  la  configuration  vraie  des  continents. 

Je  me  hâte  de  dire  que  ce  qui  précède,  et  surtout  ce  qui 
va  suivre  (*),  ne  peut  être  rapporté  qu'aux  atlas  et  que 
mon  but  est  uniquement,  par  un  atlas  fait  sur  un  plan  homo- 
gène, d'une  méthode  simple  et  uniforme,  de  donner,  à  priori, 
l'idée  juste  des  configurations  terrestres.  M'inspirant  de  cette 
donnée  d'un  des  plus  illustres  géographes,  — j'ai  nommé 
Malte-Brun  père  qui,  dans  sa.  Géographie  universelle,  6'ex- 
prime  ainsi  :  «  Quelque  ingénieuses  que  soient  les  mo- 
«  di&cations  par  lesquelles  on  a  essayé  de  perfectionner 
«  la  projection  conique,  il  est  évident  qu'elles  aboutissent 
«  toutes  à  faire  perdre  à  cette  projection  sa  simplicité 
«  et  sa  facilité  primitives  sans  obtenir  complètement  les 
«  autres  avantages  qu'on  voudrait  lui  donner  »  ;  — m'ins- 
pirant, di6-je,  de  cette  grande  autorité,  j'ai  appliqué  la  pro- 
jection conique  à  mon  atlas,  mais  en  l'unifiant  par  la  forme 
et  par  l'échelle  et  par  des  divisions  régulières  pour  toute 
la  sphère. 


PROJECTION  CONJQUE  DANS  UN  ATLAS.  399 

«T'ai  divisé  le  globe  terrestre  par  zones  coniques  ins- 
crites de  vingt  en  vingt  degrés  (fig.  1),  en  descendant 
d'un  pôle  à  l'autre,  c'est-à-dire  en  suivant  les  70e,  50e, 
30e,  10e  parallèles  nord,  les  10%  30e,  50e  et  70e  paral- 
lèles sud.  J'ai  obtenu  ainsi  neuf  zones  dont  les  extrêmes, 
dune  part,  sont  des  cônes  très  aplatis,  alors  que,  d'autre 
part,  la  région  équatoriale  comprise  entre  le  10e  parallèle 
nord  et  le  10e  sud  est  absolument  cylindrique.  Les  parties 
intermédiaires  sont  des  troncs  de  cônes  avec  des  diffé- 
rences régulières  d'inclinaison  de  l'un  à  l'autre. 

Séduit,  dès  l'origine,  par  l'idée  de  donner  aux  deux  pa- 
rallèles extrêmes  (c'est-à-dire  aux  deux  bases  de  chaque 
carte)  leur  grandeur  réelle  sur  la  sphère,  j'avais  primiti- 
vement adopté  comme  système  générateur  des  zones  co- 
niques le  polygone  inscrit  (ûg.  2).  Très  simple  à  déter- 
miner, ce  système  présentait,  vers  le  parallèle  central  de 
la  carte,  une  réduction  successive  dont  le  maximum  li- 
néaire n'atteint  pas  —■  (ce  maximum  est  représenté  par  la 
différence  existant  entre  le  rayon  de  la  6phère  et  le  co- 
sinus de  l'angle  de  10°),  différence  constante  d'ailleurs 
dans  toutes  les  zones  et  qui,  dans  la  plus  grande  partie 
des  cas,  est  négligeable  et  ne  fausse  pas  sensiblement  les 
rapports  d'étendue  et  de  configuration.  Mais  j'avais  une 
différence  analogue  sur  les  méridiens  ou  génératrices  des 
sections  qui  ne  correspondaient  plus  qu'au  sinus  de  l'angle 
de  10°. 

En  adoptant,  par  contre,  le  système  polygonal  tangent 
à  la  sphère,  je  n'avais  plus  qu'un  6eul  parallèle  de  dimen- 
sion vraie,  c'était  le  parallèle  moyen,  et  tous  les  méridiens 
agrandis  et  correspondants  à  la  tangente  du  même  angle. 

J'ai  donc  été  amené,  dût  le  système  en  lui-môme  perdre 
de  la  simplicité  que  je  tenais  à  lui  conserver,  à  prendre  le 
polygone  sécant  dont  le  périmètre  était  calculé  exactement 
sur  celui  de  la  sphère.  Il  convient  de  dire  qu'en  somme, 
ce  choix  n'est  qu'une  question  d'échelle  et  que,  étant 


400  GÉOGRAPHIE  MATHÉMATIQUE. 

donnée  la  même  division  de  la  sphère,  qu'il  s'agisse  de 
Tune  ou  de  l'autre  ligne  périmétrique,  les  configurations 
sont  entièrement  semblables. 

La  solution  du  problème,  du  reste,  ne  demande  aucu- 
nement le  secours  de  mathématiques  spéciales  et,  si  Ton 
prend  la  surface  de  révolution  (8)  équivalente  i  celle  de 
la  sphère,  appelant  H  le  rayon  de  celle-ci,  r  le  rayon  du 
cercle  circonscrit,  celui  du  cercle  circonscrit  étant  repré- 
senté par  cos  10°  r;  on  a  la  surface  de  la  sphère  =  4*Rf 
et  la  surface,  développée  par  la  révolution  du  demi-poly- 
gone sécant  (flg.  3),  qui  est  le  produit  de  la  circonférence 
du  cercle  inscrit  par  le  diamètre  du  cercle  circonscrit, 
-  devant  égaler  la  précédente,  on  pose  : 

4wR*  =  47cr*  cob  10° 
d'où 

R»  =  r*  cos  10* 
et 


=i/; 


iv 


cos  10° 

et  si  Ton  fait  R  égal  à  1,  6auf  à  multiplier  par  le  coeffi- 
cient de  l'échelle  de  l'atlas,  on  a  : 

1 


—  l/cos  10° 

En  résolvant  par  les  logarithmes,  on  trouve  : 

r  =  1,0094 
et  si  l'on  désigne  par  r  le  rayon  du  cercle  inscrit  : 

r  =  0,9905 

ce  qui  établit  que  la  différence  maximum  entre  ces  deux 
valeurs  et  le  rayon  de  la  sphère  est  à  peine  de  0,005.  C'est 
ce  degré  d'approximation  que  l'on  aura  en  moins  au  pa- 
rallèle moyen,  en  plus  aux  parallèles  extrêmes  de  chaque 
zone  et  qui  est  absolument  négligeable  dans  la  praâqo  > 
étant  donnée  l'échelle  généralement  petite  des  cartes  d  s 
atlas.  On  aura  donc  cet  énorme  avantage  qu'aucune  pi  - 


PROJECTION  CONIQUE  DANS  UN  ATLAS.  401 

jection  ne  réanit  au  même  degré,  que  les  méridiens  et  les 
parallèles  sont  représentés  dans  leur  longueur  suffisamment 
exacte  et  que  la  surface  de  chaque  zone  conique  est  équivalente 
à  eeUe  de  la  zone  sphérique  correspondante.  J'ajouterai  que 
les  variations  inévitables  des  étendues  étant  les  mêmes 
dans  toutes  le6  zones,  le  rapport  des  surfaces  est  maintenu 
dans  une  constante  uniformité. 

La  construction  des  cartes  nécessite  la  détermination 
des  deux  parallèles  exacte  qui  forment  l'intersection,  en  P 
et  en  P',  des  zones  conique  et  sphérique  et  de  la  longueur 
de  la  partie  du  méridien  comprise  dans  chaque  zone. 

L'angle  Pcs  ou  Vcs  (flg.  3)  a  pour  cosinus,  sur  le  rayon 
de  la  sphère,  la  ligne  se  qui  est,  par  rapport  au  rayon  r, 
le  cosinus  de  l'angle  de  10°,  d'où 

cob  x  =  cob  10°  r 

et,  à  une  approximation  infinitésimale,  on  obtient  : 

x  =  7«55' 

c'e6t  donc  à  7°55'  au-dessus  et  au-des60us  du  parallèle 
moyen,  ou  à  2*5'  de  chacun  des  parallèles  extrêmes  de 
chaque  zone  que  se  trouvent  les  parallèles  développés 
dans  leur  étendue  exacte. 

Quant  à  la  partie  de  méridien  DE,  elle  équivaut  à  2  6in 
lfr  rf  ce  qui  donne,  en  remplaçant  r  par  sa  valeur  et  en 
simplifiant  : 

w  =  J/sin  10°tgl0° 

Mais  il  est  un  moyen  beaucoup  plus  direct  de  l'obtenir 
en  tenant  compte  de  Tapproximation  précitée  et  en  ad* 
mettant  que  ce  côté  de  polygone  corresponde  à  l'arc  de 
20°  sur  la  sphère  ;  supposant  toujours  R  =  1,  on  a  : 

m=  £  =  0,34907 

«r 

Ainsi,  sont  ramenées  à  l'unité  les  lignes  essentielles  des 
cartes  de  l'atlas,  et  la  détermination  de6  centres  de  déve- 


402  GÉOGRAPHIE  MATHÉMATIQUE. 

loppement  de  chacune  des  sections  coniques  en  segmente 
annulaires  est  trop  élémentaire  pour  s'y  arrêter  ici. 

Il  ne  paraît  pas,  de  prime  abord,  que  la  configuration 
des  contrées  et  des  continents  puisse  concorder  avec  ces 
divisions  rigides,  arbitraires  d'apparence  et  qui  semblent 
scinder  continents  et  contrées  6ans  nul  60uci  de  leurs  li- 
mites géographiques  et  politiques. 

Le  choix  de  ces  divisions  a  donc  été  chose  capitale 
entre  toutes.  Il  est  tel,  toutefois,  qu'en  dehors  d'une  bande 
régulière  de  pourtour  qui  facilite  le  repérage  des  cartes 
entre  elles ,  on  peut  encore  compléter  les  contrées  dans 
la  plupart,  en  y  ajoutant,  autant  qu'il  est  nécessaire,  les 
parties  limitrophes  des  cartes  voisines  sur  une  étendue  gui 
ne  dépasse  pas  trois  à  quatre  degrés. 

Ainsi,  le  70e  parallèle  nord  effleure  à  peine  l'Europe 
et  l'Amérique  continentale  ;  il  retranche,  à  la  vérité,  en 
Asie,  la  partie  de  la  Sibérie  qui  s'avance  au  delà  dans 
l'Océan  Glacial  ;  mais  cette  contrée  est  si  étendue,  qu'à 
moins  de  rompre  l'unité  de  comparaison,  elle  nécessite 
plusieurs  cartes.  J'en  dirai  tout  de  suite  autant  de  la 
Chine,  des  États-Unis,  du  Brésil,  de  l'Australie  et  de  quel- 
ques autres.  Le  50e  parallèle  nord,  avec  de6  variantes  de 
quelques  degrés,  traverse  l'Europe,  laissant  l'Angleterre 
au  nord,  la  France  au  sud,  6épare  l'Allemagne  du  Nord 
de  celle  du  Sud  et  d*e  l'Autriche,  la  .Russie  septentrionale 
de  la  Russie  des  bords  de  la  mer  Noire  et  de  la  mer  Cas- 
pienne ;  en  Asie,  la  Chine  de  la  Sibérie,  en  laissant  de 
celle-ci  tout  le  bassin  des  lac6  d'Aral,  Balkachi  et  Issi- 
koul  5  enfin,  en  Amérique,  le  territoire  de  la  baie  d'Hudson, 
au  nord  des  grands  lacs,  des  États-Unis  et  du  Canada. 

Le  30e  parallèle  noird,  toujours  avec  la  même  variante, 
détache  de  l'Afrique  le  Maroc,  l'Algérie  et  la  Tunisie 
propre,  et,  en  effleurant  l'Egypte  au  Caire  et  à  Suez,  laisse 
ainsi  dans  la  même  zone  la  Méditerranée  entière.  En 
Asie,  au-dessus  de  ce  parallèle,  se  trouvent  la  Turquie 


PROJECTION  CONIQUE  DANS  UN  ATLAS.       403 

d'Asie  et  la  Perse;  au-dessous,  l'Arabie,  l'Indoustan, 
Tlndo-Chine  et  la  Chine  au  6ud  du  Yang-tse-kiang  ; 
enfin,  en  Amérique,  il  sépare  le6  États-Unis,  sauf  la 
pointe  de  la  Floride,  du  Mexique  qui  reste,  lui  aussi,  au- 
dessous  de  ce  parallèle. 

Sans  prolonger  davantage  cette  appréciation  (6),  que 
chacun  peut  faire  sur  une  mappemonde,  s'il  6e  trouve 
quelques  contrées  traversées  par  leurs  milieux,  je  dirai 
que  des  divisions  analogues  ont  parfois  été  pratiquées, 
non  dans  le  même  but,  il  est  vrai,  pour  les  développe- 
ments particuliers  de  la  plupart  des  contrées  de  l'Europe, 
pour  la  France  notamment.  Je  dirai,  de  plus,  que  l'uni- 
formité de  projection  qui  limite,  en  principe,  le6  cartes 
par  des  méridiens  reclilignes  en  permet  toujours  la  juxta- 
position latérale  exacte  et  que,  pour  celles  d'une  zone  à 
l'autre,  la  différence  des  courbes  du  parallèle  qui  leur  est 
commun,  est  si  peu  considérable  dans  la  partie  que  l'on 
rapproche  pour  les  consulter,  que  la  configuration  des  con- 
trées reste  suffisamment  intacte  (7). 

Malgré  toutes  ces  considérations  justificatives,  une  lé- 
gitime défiance  de  moi-même  m'a  engagé  à  demander 
plus  d'un  conseil  et  à  devancer  plus  d'une  critique  :  voici, 
je  croi6,  les  deux  plus  graves.  L'Afrique,  par  exemple,  se 
trouve  divisée  en  neuf  cartes,  alors  que,  pour  l'Europe, 
quatre  suffisent  et  au  delà.  Premièrement  donc,  des  con- 
trées parfois  désertes  et  qui  ne  paraissent  offrir  qu'un 
intérêt  fort  secondaire  donnent  des  cartes  où  subsistent 
d'inévitables  lacunes.  Je  pourrais  d'abord  répondre  que 
la  géographie  physique  offre  partout  un  égal  intérêt  et 
que,  dans  les  contrées  les  plus  mal  connues,  il  est,  en 
grand  nombre,  des  points  bien  étudiés  et  relevés  par  les 
voyageurs.  Qu'il  y  ait  de  grands  espaces  vides  encore, 
c'est  un  fait  incontestable  ;  mais  n'ai-je  pa6,  pour  le6  com- 
pléter en  grande  partie,  les  tracés  des  itinéraires  suivis 
par  nos  vaillants  explorateurs  et,  puisque  je  parle  de 


404  GÉOGRAPHIE  MATHÉMATIQUE. 

l'Afrique,  n'y  a-t-ii  pas  un  grand  choix  à  faire  dans 
cette  liste  déjà  longue  qui  commence  à  Mungo-Park  et 
finit  à  de  Brazza,  intrépide  et  persévérant  entre  tous,  en^ 
attendant  le6  autres  ?  Et  le  spectacle  de  l'immensité  de  ces 
étendues  sillonnées,  çà  et  là,  par  la  marche  de  ces  mission- 
naires de  la  découverte,  n'est-il  pas  fait  pour  éveiller, 
dans  la  jeunesse  surtout,  le  désir  ardent  de  connaître,  de 
comparer,  d'aller  elle  aussi  à  la  recherche  de  l'inconnu? 

La  même  objection  6e  produit  pour  une  certaine  partie 
des  cartes  du  Pacifique,  de  l'Océan  Indien  et  des  régions 
polaires.  Mais  n'ai- je  pas,  pour  les  rendre  intéressantes 
et  instructives,  la  géographie  des  courants  sous-marins  et 
aériens,  les  sondages,  les  lignes  isothermes  et  autres, 
enfin,  et  surtout  encore,  les  itinéraires  dont  la  liste  est 
longue  aussi  de  Christophe  Colomb  à  Nordeii6kjold?  S'il 
reste  quelques  rares  vides  encore,  le  cadre  au  moins  est 
prêt,  le  champ  e6t  ouvert  pour  recueillir,  au  fur  et  à  me- 
sure, les  futures  conquêtes  de  la  science.  Et,  d'ailleurs, 
l'atlas  si  estimé  de  Stieler  s'est  trouvé  en  pareille  situa- 
tion dans  ses  cartes  d'assemblage  où,  par  exemple,  dans 
l'Amérique  du  Sud,  un  lambeau  de  continent  occupe  un 
angle  d'une  carte,  laissant  le  reste  vide.  En  gens  pra- 
tiques, les  auteurs  l'ont  comblé  par  des  cartouches  où  se 
trouvent  les  plans  des  principales  villes  ou  des  grands 
accidents  géographiques  appartenant  au  continent  dont 
il  s'agit.  De  la  sorte,  il  n'est  pas  une  feuille  qui  ne  pré- 
sente sa  part  d'intérêt  et  d'éléments  instructifs,  et  ce  n'est 
là  qu'une  question  de  répartition  intelligente,  voire  même 
artistique.  Donc,  l'objection  tombe  d'elle-même. 

Seconde  et  importante  critique  :  il  y  a  insuffisance  re- 
lative de  développement  pour  les  contrées  européennes, 
eu  égard  à  l'intérêt  qu'elles  offrent. 

Dans  l'exposé  primitif  du  projet,  j'avais  indiqué  l'échelle 
de  Om,02  pour  un  degré  ;  mais,  pour  commode  qu'elle  soit 
dans  la  construction  même  du  canevas  des  cartes,  cette 


PROJECTION  CONIQUE  DANS  UN  ATLAS,  405 

échelle  (77^777777)  a  *e  grand  défaut  de  n'être  pas  à  une 
décimale  entière.  Aussi,  ai-je  dû,  depuis  lors,  m' arrêter  à 
celle  du 


S,90t,  OoO  * 

Il  est  à  remarquer  que  cette  échelle  est,  en  moyenne, 
sensiblement  plus  grande  que  la  moyenne  de  celles  adop- 
tées dans  les  plus  grands  atlas  (les  contrées  de  l'Europe 
exceptées),  et  le  Stieler's  Hand-Atlas  lui-même  n'a,  dans 
les  autres  continents,  que  la  carte  de  la  Palestine  au 
«,»•!.,.»  et  les  feuilles  des  État-Unis  au  3,T010tOP0  qui 
6oient  d'une  échelle  supérieure. 

Par  contre,  elle  est  absolument  insuffisante  pour  les 
contrées  de  l'Europe  qui  ont  besoin  d'un  développement 
en  rapport  avec  l'intensité  de  leur  population,  la  variété 
des  reliefs  ou  l'intérêt  plus  direct  qu'elles  nous  offrent.  Or, 
il  suffit  d'ajouter,  comme  complément  rationnel  à  l'atlas, 
une  vingtaine  de  feuilles  comprenant  la  France  à ,  1 0  0  [t  0  0  0 , 
ainsi  que  les  régions  limitrophes  et  les  autres  contrées  (la 
Russie  exceptée)  au  ,,aoô.0oo>  échelles  qui  sont  des  mul- 
tiples exacts  de  l'échelle  fondamentale. 

Or,  le  développement  total  de  la  terre  tout  entière  aura 
produit  78  cartes  à  Bt60^i0QO,  et,  avec  les  cartes  de  déve- 
loppement de  l'Europe  et  les  feuilles  obligées  des  prélimi- 
naires de  toute  publication  de  ce  genre,  l'atlas  ainsi  conçu 
n'excédera  pas  en  importance,  sinon  quelque  peu  en  for- 
mat, celui  de  Stieler.  Véritable  développement  rationnel 
de  la  sphère,  il  formera  un  tout  complet  et  alors  que,  des 
atlas  dits  ou  intitulés  universels,  on  peut  extraire  certaines 
cartes  sans  grand  dommage  et  leur  en  ajouter  quelques 
autres  sans  qu'ils  justifient  davantage  leur  titre,  à  celui-là, 
on  ne  saurait  rien  ajouter  sans  faire  un  double  emploi  ni 
rien  ôter  6ans  créer  une  lacune  :  seul,  il  résulte  d'une 
conception  systématique  homogène  sur  la  base  de  la  pro- 
jection conique  et  de  l'unité  d'échelle  ;  c'est  pourquoi,  dès 
l'origine,  je  l'ai  appelé  du  nom  nouveau,  très  peu  harmo- 
nieux mais  juste,  d'atlas  uniprojectionnel. 


406  GÉOGRAPHIE  MATHÉMATIQUE. 

L'atlas  dont  je  viens  de  parler  comprend,  ai-je  ditj  , 
78  cartes  pour  recouvrir  le  globe  et,  dans  ces  conditions, 
au  point  de  vue  exclusif  de  l'enseignement,  celui  même 
du  second  degré,. ne  comporte  pas  l'emploi  usuel  d'un  ou- 
vrage si  dispendieux.  J'ai  donc  étudié  les  éléments  d'an 
type  d'atlas  scolaire  et  professionnel  à  une  échelle  moitié 
moindre. 

Dans  cette  disposition,  22  cartes  seulement  donnent 
le  développement  de  la  terre  entière  (8)  et,  ici,  il  estéri- 
dent  que  les  continents  sont  moins  subdivisés  que  dans 
le  grand  atlas.  Pourtant,  l'Asie,  l'Afrique,  l'Amérique  et 
l'Océanie  ont  encore  là  une  étendue  d'échelle  plus  grande 
que  dans  la  plupart  des  atlas.  Pour  l'Europe,  qui  est  com- 
prise dans  une  seule  carte,  cette  échelle  suffit  pour  en 
faire  une  carte  physique,  ethnographique  même.  Pour  la 
développer,  cette  Europe,  11  cartes  (9)  à  l'échelle  de  celle 
de  la  France  au  ll>0î,o00y  comprendront  encore  la  Tur- 
quie d'Asie,  si  intéressante  pour  l'histoire,  et  notre  colo- 
nie algérienne,  si  intéressante  pour  nous.  De  la  sorte, 
j'aurai  produit  un  atlas  de  33  cartes  qui, m certes,  tout  en 
remplissant  mon  but,  sera  rendu  praticable  pour  la  jeu- 
nesse. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'appliquer  les  divers  procédés 
à  déduire  de  ma  méthode  pour  la  pratique  de  l'enseigne- 
ment aux  divers  degrés  (10).  Mais  ce  que  je  dois  faire  res- 
sortir par-dessus  tout,  c'est  que,  longtemps  avant  que  l'élève 
et  V étudiant  aient  pu  raisonner  les  projections  purement  ma- 
thématiques, ils  auront  une  notion,  élémentaire,  il  eslvrai} 
mais  rationnelle,  de  la  géographie  universelle  et  d'un  système 
de  projection  dont  l'emploi  leur  sera  intelligible  et  familier. 
Bien  plus,  à  tous,  et  f  entends  les  plus  savants  comme  Us  moins 
instruits,  j'aurai  donné  de  la  surface  de  la  terre  une  notion 
ineffaçable  par  une  comparaison  saisissante  et  juste  qu'ils  cher- 
cheraient en  vain  ailleurs  (flg.  4). 

(A  tuivn.) 


8*  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE 


ETUDE  SUR  LA  QUESTION 

DB 

LA  MER  INTÉRIEURE 

EN    ALGÉRIE 


I. 

LA  RÉGION  DES  CHOTT. 

La  région  saharienne  formant  le  sud  de  la  Tunisie  et  de  la  partie  Est 
de  la  province  de  Constantine,  est  occupée  par  trois  grands  lacs  on 
ehoit  se  succédant  à  pen  près  de  Test  4  l'ouest  pendant  plus  de  400  ki- 
lomètres, à  partir  de  Gabès  jusqu'au  sud  de  Biskra.  Deux  de  ces  choit, 
les  plus  a  l'ouest,  sont  au-dessous  du  niveau  de  la  mer;  celui  de  Yett, 
le  plus  voisin  de  la  mer,  a  toute  sa  surface  au-dessus.  Ces  chott,  comme 
ceux  du  reste  de  1'Aigérie,  sont  de  graudes  dépressions  sans  écoule- 
ment, desséchées,  comblées  de  toute  antiquité  jusqu'au  bord  de  leur 
cuvette  par  des  boues,  du  limon  et  du  sable,  et  dont  la  partie  superfi- 
cielle est  couverte  d'une  mince  croûte  de  sel  plus  ou  moins  terreux. 
En  y  creusant  un  trou  l'eau  apparaît  ;  c'est  une  ean  d'infiltration,  pro- 
venant de  nappes  artésiennes  se  rapprochant  asses  de  la  surface  pour 
monter  par  les  fissures  naturelles. 

leurs  dimensions  sont  les  suivantes  : 

te  plus  à  l'ouest,  le  Melrir,  a  110  kilomètres  de  Test  à  l'ouest,  40  à 
70  kilomètres  du  nord  au  sud  :  ses  plus  grandes  dimensions  sont  dans 
la  partie  ouest.  En  1872,  on  a  pu  y  pousser  le  nivellement  jusqu'à  une 
altitude  de  27,5;  en  1874,  on  n'a  pu  atteindre  que  les  altitudes  24,5. 
il  est  possible  que  le  milieu  soit  à  30.  Le  bord  du  chott  est  à  l'altitude 
de  24  pendant  60  kilomètres  i  partir  de  la  rive  ouest,  la  surface  re- 
monte ensnite  vers  Test  avec  une  pente  de  relèvement  vers  la  cote 
zéro  d'environ  16  mètres  pour  18  à  19  kilomètres.  Dans  la  partie  nord, 
la  plage  est  en  pente  douce;  dans  les  parties  sud  et  ouest,  la  côte  est 
en  falaise  de  10  à  15  mètres  de  haut,  les  contours  sont  très  irrégu- 


408  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

liers,  présentant  des  promontoires,  des  golfes  et  des  presqu'îles.  U 
partie  Est  finit  en  lagunes;  elle  est  encombrée  et  barrée  par  des  mou- 
vements de  terrain  y  découpant  de  longs  golfes  et  par  de  hautes  doses 
atteignant  des  altitudes  bien  supérieures  au  niveau  de  la  mer,  an  mOieu 
d'un  fond  qui  est  en  dessous.  Un  haut-fond  relève  de  la  cote  —  12, 
—  10  à  -h  5,  le  traverse  diagonalement  de  l'angle  S.-E.,  jusqu'à  quel- 
ques kilomètres  en  face  de  la  rive  N.-O.,  laissant  entre  lui  et  la  biaise 
en  face  le  passage  d'El-Bouib. 

La  courbe  comprenant  le  terrain  i  l'altitude  de  séro  est  reportée 
de  24  à  20  kilomètres  au  nord  de  la  limite  du  chott  qui  se  trouve, elleT 
à  la  cote  24,  du  moins  dans  la  partie  nord;  elle  se  rapproche  ensuite  du 
bord  à  mesure  que  le  chott  remonte  vers  Test.  La  superficie  comprise 
dans  la  courbe  zéro  est  d'un  peu  plus  de  6,000  kilomètres  carrés,  m- 
tant  qu'elle  a  pu  être  déterminée.  Entre  le  lac  et  le  pied  des  Aorès, 
s'étend,  le  long  du  chott,  une  plaine  remontant  à -+- 80  ou  -4-90,  ayant 
50  kilomètres  du  nord  au  sud,  traversée  par  les  nombreuses  rivières 
qui  descendent  des  hautes  montagnes  et  ont  de  l'eau  pendant  environ 
4  mois  de  Tannée  ;  elles  perdent  leurs  cours  dans  des  atterrissemeoti 
régnant  sur  le  bord  nord  du  chott  qu'elles  n'atteignent  pas. 

Le  second  lac  est  le  chott  Rarsa,  ayant  de  78  à  80  kilomètres  de  Test 
à  l'ouest,  sur  une  largeur  moyenne  de  16  à  18  kilomètres.  L'altitnde 
minimum  trouvée  (1877)  est  —20,7. 

Il  présente,  en  sens  inverse  du  Melrir,  un  relèvement  allant  de  Test 
vers  l'ouest,  avec  une  pente  d'environ  20  mètres  pour  16  kilomètres. 
Aucune  dune  ne  l'encombre;  sa  superficie  peut  être  évaluée  de  1,300 
à  1,400  kilomètres  carrés.  Mais  entre  lui  et  le  Melrir,  il  y  a  une  étendue 
de  20  kilomètres  qui  n'est  pas  du  tout  au-dessous  du  niveau  de  la  mer; 
le  milieu  en  est  occupé  par  un  petit  choit  dont  l'altitude  a  été  trouvée 
en  1875  allant  de  +4  à  -h  2,19  (point  le  plus  bas).  Il  est  séparé  da 
prolongement  du  Melrir  pas  une  ligne  de  hautes  dunes  dont  le  point  le 
plus  bas  a  été  trouvé,  à  l'extrémité  nord,  à  -4-  U  ;  —  et  du  chott  Ram 
par  des  mouvements  de  terrain  dont  l'altitude  inférieure  est  -+• 12. 

Les  altitudes  obtenues  par  le  nivellement  géométrique  de  1876,  qoi 
partait  de  Gabès,  ayant  donné  une  différence  3*,86  en  moins  avec  les 
altitudes  correspondantes  trouvées  en  1875,  M.  Roudaire  a  attribué 
toute  cette  différence  au  nivellement  géodésique  sur  lequel  s'appuyait 
le  tpavail  de  1875  et  a  abaissé  toutes  ses  cotes  du  Melrir  et  du  chott 
d'Asloudje  de  3m,86.  Or,  ce  premier  nivellement  a  eu  une  vérification 
de  fermeture  de  0",72  sur  on  polygone  de  550  kilomètres,  et  le  nivel- 
lement de  1876  a,  de  l'Oued- Akarit  au  chott,  289  kilomètres  nivelés 
sans  vérification  de  fermeture.  L'attribution  tout  entière  i  la  géodésie 
de  ces  3D,86  pourrait  bien  être  sujette  à  contestation,  le  nivellement 


LA  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.  409 

de  1876  ne  devant  pas  comporter  de  plus  grandes  chances  de  précision 
que  celui  de  1874-1875. 

Noos  ne  Toalons  pas  entrer  dans  l'examen  de  la  savante  discussion 
de  M.  Villarceau  à  l'Institut  ;  nous  n'en  retiendrons  que  ceci  :  <  La  dis- 

•  cordaoce  (3m,86)  trouvée  entre  les  résultats  des  deux  genres  de  ni- 
■  Tellement,  s'explique,  au  moins  en  partie,  par  la'considération  des 

•  attractions.  >  Est-ce  donc  bien  de  3m,86  ou  d'une  fraction  qu'il  con- 
fient d'abaisser  les  cotes  du  nivellement  de  1874-1 875?  Il  nous  semble 
qu'en  admettant  le  point  le  plus  bas  du  chott  d'Asloudje  à  la  cote  zéro, 
et  le  règle  à  h-  1  et  -4-2,  cela  suffit;  les  relèvements  le  séparant  du 
Rarsa  et  du  Melrir  seraient  à  4- 10  et  -4- 11  environ,  et  la  courbe  zéro, 
reportée  plus  avant  dans  les  pointes  extrêmes  des  deux  chott,  creuserait 
de  I  kilomètre  environ  de  chaque  côté  le  seuil  intermédiaire. 

Quant  au  troisième  chott,  le  plus  voisin  de  la  mer,  il  est,  comme  nous 
lavons  dit,  tout  entier  au-dessus  du  niveau  de  la-mer.  11  mesure  190  ki- 
lomètres de  l'Est  à  l'Ouest,  dont  160  à  165  Jusqu'à  hauteur  du  chott 
Rarsa,  et  d'une  largeur  variant  de  15  à  40  kilomètres.  Les  altitudes 
sont  :  -4-  21 ,4  extrémité  Est;  «+■  24,48  milieu  du  chott  El-Fedjedj  (moindre 
largeur);  -+-  10  bord  ouest;  et  au  milieu  de  la  plus  grande  largeur 
entre  la  pointe  du  Nefzaoua  et  Touzeur  +  15,  peudant  une  douzaine  de 
iikunètres.  Sa  superficie  est  d'environ  5,000  kilomètres  carrés. 

Le  projet  de  la  mer  intérieure  en  Algérie  se  réduit  à  la  possibilité 
théorique  d'amener  les  eaux  de  la  mer  dans  les  deux  lacs  de  l'Ouest. 

Iî. 

l'antiquité. 

H.  de  Lesseps  dit  partout  depuis  six  semaines  :  •  La  mer  intérieure 
est  faite.  »  En  considérant  le  niveau  du  troisième  lac,  on  peut  se  de- 
mander d'abord  si  jamais  elle  a  été  faite.  M.  Roudaire,  à  l'origine  du 
projet,  avait  dit  aussi  que  ce  serait  le  rétablissement  de  l'ancien  golfe 
Tritonide  et,  dans  l'ardeur  des  premières  constatations,  il  regardait 
comme  des  vérités  démontrées  l'existence  d'une  grande  dépression 
saharienne,  s'étendant  d'une  manière  continue  du  Melrir  à  Gabès,  et 
que  les  sables,  les  alluvions,  les  apports  des  rivières  (ou  oued)  auraient 
privée  de  communication  avec  la  mer  et  séparée  en  trois  bassins  dessé- 
chés à  la  longue. 

Les  récits  mythologiques  des  Argonautes  qu'Hérodote  fait  échouer 
sur  les  basses  de  Triton,  jusqu'à  une  conversation  d'un  Triton  avec 
iason,  les  descriptions  de  même  ordre  des  Syrtes,  dans  Hérodote,  puis 
dans  Sirabon,  Pline,  Pomponius  Mêla,  toute  cette  mythologie,  d'ailleurs 
Interprétée  uniquement  en  vue  de  la  région  de  Gabès,  lui  paraissaient 

K>0.  DB  OBOGB.  —  8»  TBDCMTBB  1883.  27 


i 

410  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

des  preuves  historiques  indiscutables  àl'appui  de  son  hypothèse  géo- 
graphique. 

Nous  pensons  qu'aujourd'hui  M.  Roudairc  a  laissé  à  leur  juste  râleur 
ceséléments^de  discussion  ;  d'ailleurs,  si  on  est  convenu  d'adopter  l'an- 
tiquité, il  7  aurait  contradiction  entre  le  récit  d'Hérodote  (456  ou4î$ 
avant  J.-G.)  et  celui  de  Pindare  (468  ayant  J.-C.)  qui,  lui,  fait  portera 
bras  le  bateau  des  Argonautes  pendant  12  jours  à  travers  les  sables  de 
la  Libye,  avant  de  le  faire  arriver  au  lac  Triton  (système  conforme 
d'ailleurs  au  mode  de  navigation  de  l'antiquité)  ;  —  également  avec  le 
récit  d'Apollonius  de  Rhodes  qui  ne  fait  effectuer  le  portage  qu'à  partir 
de  la  Syrte  même.  Ge  voyage  des  Argonautes,  qui  était  la  navigation 
par  excellence  de  l'antiquité,  quelque  chose  comme  le  tour  du  monde 
de  l'époque,  avait  besoin  de  quelque  chose  de  fabuleux.  C'était  tou- 
jours par  les  limites  du  monde  connu  qu'il  s'effectuait,  et  il  ne  pett 
offrir  d'arguments  bien  sérieux  à  une  discussion  géographique. 

Et  puis,  si  Ton  admet  la  large  ouverture  du  temps  d'Hérodote,  se 
réduisant  à  un  chenal  au  temps  de  Scylax  (11e  siècle  avant  J.-C.},  il 
faut  alors  croire  l'antiquité  jusqu'au  bout.  Or,  dans  le  ve  siècle  avant 
notre  ère,  il  s'est  passé  sur  la  côte  l'acte  de  dévouement  des  Phîièaès 
(arœ  Philœnorum),  ces  deux  frères  carthaginois  qui,  envoyés  i  joir 
désigné  de  Garthagc  à  la  rencontre  et  en  même  temps  que  des  envoyés 
de  Gyrène,  pour  régler  la  question  des  territoires  contestés  entre  les 
deux  républiques,  forcèrent  la  marche,  arrivèrent  jusqu'à  la  grande 
Syrte  à  l'Est  d'GEa  (Tripoli),  et  comme  les  Cyrénéens  contestaient  leur 
départ  au  môme  jour,  ils  acceptèrent  comme  preuve  de  se  faire  en- 
terrer à  cet  endroit  pour  étendre  jusque-là  les  limites  de  leur  pairie» 
Geci  a  dû  se  passer  vers  le  temps  d'Hérodote,  au  moins  deux  siècles 
avant  Scylax  :  comment  donc  les  Philènes  auraient-ils  pu,  sans  que  rien 
en  fasse  mention,  franchir  le  bras  de  mer  entre  le  lac  Triton  et  la 
petite  Syrte  et  arriver  encore  à  plus  de  la  moitié  de  leur  chemin  entre 
Carthage  et  Gyrène  ?  Gomment  l'importance  de  cette  baie,  qui  aurait 
permis  aux  Carthaginois,  dans  le  temps  de  leur  puissance  (de  500  à 
400  avant  J.-C.),  d'aborder*  avec  leurs  navires  dans  l'intérieur  de  la 
Libye,  aurait-elle  échappé  à  d'aussi  hardis  navigateurs? 

Ces  contradictions  flagrantes  montrent  le  peu  de  valeur  scientifique 
de  pareils  documents. 

Le  Sahara  était  Sahara,  alors  comme  aujourd'hui,  «  le  pays  désolé  par 
excellence  »  ;  le  grand  fleuve  d'Hérodote  et  le  lac  Triton  ne  modifiaient 
pas  plus  le  climat  alors  qu'aujourd'hui.  (Voir  les  études  de  M.  Pome), 
Le  Sahara,  1872,  et  note  dans  le  Bulletin  de  l'Académie  des  sciences  en 
5  octobre  1874  sur  la  prétendue  mer  saharienne.)  M.  Pomel,  qui  d'ail- 
leurs a  un  nom  comme  Algérien  et  comme  géologue,  M.  Fuchs,  ingè- 


LA  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.  411 

nieur  des  mines  à  Tanis  en  1873-1874,  et  qui  a  fait  une  étude  particu- 
lière du  seuil  de  Gabès,  se  sont  formellement  prononcés  contre  les 
hypothèses  de  M.  Roudaire  ;  également  M.  Le  Châtelier,  ingénieur  des 
mines  et  membre  de  la  mission  des  chott  algériens  en  1874-1875. 

III. 

LES  CHOTT. 

hea  chott  n'ont  jamais  pu  être  un  golfe;  on  ne  trouve  dans  la  région 
aucun  vestige  d'une  ancienne  mer  :  les  sédiments  déposés  au  fond  des 
lacs  ne  contiennent  que  des  coquilles  d'eau  douce  et  appartiennent  à 
répoque  quaternaire  comme  le  seuil  de  Gabès.  Le  Melrir  —  la  mer 
intérieure  d'Algérie  —  était  alors  un  lac  d'eau  saumàtre,  fermé  comme 
la  mer  Morte,  le  lac  d'Aral...,  dont  les  bords,  marqués  aujourd'hui  par 
ce  qui  reste  de  gours  à  la  cote  —  12  à  — 10,  ont  été  balayés  et  recou- 
verts en  partie  par  l'action  érosive  des  grands  courants  d'eau  descen- 
dus des  hautes  montagnes  de  l'Aurès.  Quant  à  conclure  que  ces  atter- 
rissements  des  grands  oued  ont  séparé  les  trois  bassins  et  formé  le 
relèvement  d'Aslondje,  ceci  est  contredit  par  la  constitution  identique 
du  sol  sur  tout  le  pourtour  des  trois  dépressions,  comme  entre  les  chott 
par  le  terrain  rocheux  à  Gabès  et  au  Kriz,  comme  sur  le  plateau  de 
Chegga. 

■  L'analyse  chimique  aussi  (M.  Le  Châtelier,  1876,  la  Mer  saharienne) 
«  a  prouvé  que  Ton  ne  pouvait  considérer  les  sels  de  la  surface  des 
■  chott  comme  les  résidus  d'une  évaporation  d'une  aucienne  mer,  mais 
«  qu'ils  proviennent  simplement  de  l'évaporation  d'eaux  identiques  à 
>  celles  des  autres  chott  de  la  région  montagneuse  de  l'Algérie,  qui  se 
«  soot  chargées  de  sel  par  leur  circulation  sur  des  terrains  où  il  en 
•  existe  de  grands  amas  naturels.  » 

Enfin,  la  meilleure  des  preuves  chronologiques  est  dans  le  niveau  du 
Djerid-el-Fedjedj,  ce  qui  oblige  forcément  ou  à  vider  le  chott  ou  à  faire 
nu  canal.  M.  Roudaire  avait  d'abord  émis  à  ce  sujet  l'hypothèse  d'un 
lac  étrange,  d'une  surface  de  sable  durci,  amalgamé  avec  du  sel,  se 
tenant  en  équilibre  au-dessus  d'un  abîme  plus  ou  moins  profond,  à 
l'aide  d'un  système  de  cloisons  et  de  parois,  bien  inexplicable  sur  une 
aussi  grande  surface,  —  5,000  kilomètres  carrés.  —  Alors,  par  les 
canaux  de  Kriz,  puis  d'Asloudje,  le  chott  Djerid  se  serait  déversé 
d'abord  dans  le  Rarsa,  puis  dans  le  Melrir,  et  la  croûte  superficielle  du 
ebott  Djerid  se  serait  affaissée  au  fond  du  lac  dont  le  vide  aurait  reçu 
alors  les  eaux  de  Gabès.  Aujourd'hui,  il  n'est  plus  question  de  cet  avant- 
projet  reposant  sur  des  hypothèses  absolument  contraires  aux  lois  de 
la  physique. 


412  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

On  doit  faire  des  canaux  et  H.  de  Lesseps  loi-même  disait,  le  7  avrO, 
à  Constantine  :  «  Nous  allons  jeter  dans  cette  entreprise  100  million* 
■  pour  commencer  les  travaux  ;  cent  dragues  vont  bientôt  fonctionner 
«  dans  le  désert,  et  les  travaux  s'exécuteront  rapidement.  » 

Ce  n'est  pas  100  millions,  ni  200  qui  seront  suffisants  :  il  enfandnà 
bien  davantage  pour  faire  des  canaux  réalisant  les  conditions  Sri* 
vantes  : 

1°  D'abord  permettre  un  creusement  facile; 

2°  Avoir  des  dimensions  telles  que  l'eau  amenée,  non  seulement 
compense  Tévaporation  journalière  de  la  surface  du  choU,  immense 
par  rapport  à  la  section  du  canal,  mais  qu'elle  donne  un  excédeet 
assurant  le  remplissage  de  la  cuvette; 

3°  Ce  remplissage  devant  se  produire  assez  rapidement  pour  donner 
dans  tous  les  cas  une  rémunération  suffisante  aux  capitaux  engagés 
dans  l'entreprise  ; 

4°  Être  susceptible  d'un  contre-courant  pour  ramener  à  la  Méditerra- 
née l'excédent  d'eau  salée  résultant  de  l'évaporation  qui  ne  peut  être 
compensée  par  l'apport  peu  considérable  de  rivières  ; 

5°  Avoir  une  largeur  au  plafond  suffisante  pour  permettre  la  circula- 
tion d'un  navire  ; 

6°  En  raison  de  sa  profondeur,  le  plafond  du  canal  n'atteindra  le 
niveau  de  la  surface  des  cbott  successifs  {*)  qu'à  des  distances  assez 
grandes  des  points  cotés  zéro  marquant  la  limite  des  chott;  par  con- 
séquent, la  longueur  du  canal  sera  augmentée. 

Le  creusement  de  la  baie  et  du  port  à  l'entrée  dans  le  golfe  de 
Gabès  étant  aussi  obligés  pour  permettre  l'accès  des  navires. 

IV. 

APERÇU  DES  DÉBLAIS  NÉCESSAIRES. 

Dans  les  études  antérieures,  M.  Roudaire  (')  adoptait,  pour  franchir  les 
trois  seuils,  un  chenal  définitif  de  50  mètres,  et,  pour  l'obtenir,  ilsoppo- 

(')  Les  paragraphes  4,  5  et  6  sont  à  mettre  en  concordance  avec  le  travail  de  U 
commission  que  je  ne  possédais  pas  alors.  A  voir  donc  dans  le  travail  de  la  eamod* 
sion  les  pages  169, 170  et  171,  où  la  conclusion  était  qu'un  canal  de  80  méirei  éma- 
nait un  débit  de  187'», 7 7  à  la  seconde,  suffisant  pour  compenser  l'évaporalfon  et 
une  dépense  de  453,060,904  fr.;  les  pages  173  et  suivantes  jusque  181,  où  le  essai  ds 
187% 77  n'assurant  le  remplissage  qu'en  29  ans,  chiffre  dérisoire,  les  dimenifoo*  *a 
canal  ont  dû  être  triplées,  le  débit  porté  à  704  mètres  cubes  par  seconde  :  lss  dé- 
blais nécessaires ,  en  terrain  ordinaire,  évalués  à  575,717,745  métrés  cubes;  terrain 
de  rocher,  à  26,600,901  métrés  eubes  ;  les  dépenses  à  791  millions  (autant  dire  8fr- 
millions\  plus  les  intérêts  pendant  12  ans  et  demi,  494  millions.  En  tout  1  mllIUrd 
300  millions  et  le  remplissage  assuré(?)en  10  à  12  ans.  Même  avec  les  chiffrai  dosjub 
par  Roudaire  pour  le  paiement  de  ses  ouvriers,  qu'il  réduit  à  50  cent,  on  arrive  à 
746,400,000  fr. 

(')  Roudaire,  Étude»  eur  le  projet  de  «wr  intérieurs  en  Algérie,  p.  67  et  68. 


LA.  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.  413 

sait  qu'une  rigole  de  4  mètres  de  largeur  an  pJafond,  1  mètre  de  pro- 
fondeur en  dessons  de  la  marée  basse  à  Gabès  (évaluée  à  2  mètres), 
avec  une  pente  constante  de  0^,07  par  kilomètre,  amènerait  assez 
d'eau  pour  que  la  vitesse  et  l'action  dynamique  des  eaux  de  la  mer  pé- 
nétrant dans  la  rigole,  suffisent  à  élargir  le  canal,  ronger  les  talus  et 
affbuiller  le  fond;  il  ne  resterait  plus  à  exécuter  qu'un  travail  de  dra- 
gage facile,  selon  M.  Roudaire,  pour  porter  le  canal  aux  dimensions 
voulues  (50  mètres  de  largeur  au  plafond). 

Toujours  dans  cette  hypothèse,  M.  Roudaire  ne  considérait  comme 
creusement  à  exécuter  que  le  déblai  de  ces  tranchées  initiales  calcu- 
lées à: 

1,193,267"*  pour  le  canal  d'Asloudje  entre  Rarsaet  Melrir; 
2,037,720     pour  le  canal  de  Kriz,  col  entre  Rarsa  et  le  chott  Djerid; 
21,409,150    pour  le  canal  de  l'Oued-Melah,  entre  le  chott  DJerid  et  le 
golfe  6e  Gabès. 

En  tout,  en  nombre  rond,  30  millions  de  mètres  cubes. 

Les  déblais  définitifs  de  tout  le  canal  porté  à  50  mètres  étant  d'ail- 
kurs  évalués  à  : 

26,676,917"e  pour  Asloudje; 
50,176,500     pour  le  Kriz; 
109,810,000    pour  rOued-Melah. 

Eo  tout  :  186,663,417  mètres  cubes. 

En  conservant  ces  chiffres  minutieux  sur  lesquels  M.  Roudaire  n'est 
{dos  revenu,  nous  remarquerons  qu'alors  il  ne  disait  pas  un  mot  du 
grand  canal  à  travers  le  chott  Djerid.  D'après  le  rapport  des  ingénieurs 
qui  l'ont  accompagné  cette  année  en  Tunisie,  on  ne  cherche  pas  à  le 
taire  i  travers  les  boues  du  chott;  il  suivra  les  terrains  bordant  la  rive 
nord  :  par  conséquent,  il  aura  plus  de  développement  et  la  tranchée 
étant  ouverte  dans  des  terrains  plus  élevés  que  la  surface  du  lac,  l'ou- 
verture sera  plus  large  et  la  profondeur  plus  considérable.  —  Les  alti- 
tudes trouvées  pour  la  surface  donnent,  pendant  75  kilomètres,  de  +  31 
à  4-24,  soit  en  moyenne  -*-  27  et,  pendant  80  kilomètres,  ■+- 19  ('). 

Nécessairement,  sur  le  bord,  on  aura  affaire  à  des  altitudes  plus 
grandes. 

En  outre,  s'il  conserve  la  pente  de  0m,07  par  kilomètre,  lui  permet- 
tant d'utiliser  la  force  dynamique  de  la  mer,  la  profondeur  du  canal, 
pour  les  160  kilomètres,  sera  portée,  à  la  sortie,  à  11  mètres  de  plus  : 
le  déblai  sera  énormément  augmenté. 

Pour  une  tranchée  de  25  mètres,  10  mètres  de  profondeur  à  l'entrée, 
les  talus  à  |  du  côté  du  lac,  et  à  f  du  côté  du  rivage,  où  les  terres 


(!)  L'altitude  +  15  n'ayant  été  conttatée  que  pendant  une  douzaine  de  kilomètre!. 


414 


GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 


sont  plus  résistantes,  le  creusement  monte  à  300  millions  de  mètresl 
cubes;  et  quand  la  largeur  sera  portée  à  50  mètres,  le  déblai  total  dnl 
canal  do  DJerid  sera  de  prés  de  550  millions  de  mètres  cubes  à  ajouter| 
aux  chiffres  précédents. 

Soit,  pour  tout  l'ensemble  des  terres  à  déblayer,  730  millions  de| 
mètres  cubes. 

C'est  cet  immense  déblai  que  M.  Roudaire  croit  pouToir  faire  exé-l 
cuter  en  grande  partie  par  la  force  dynamique  de  la  mer.  D'après  ses 
chiffres  de  1877,  cette  force  suffirait  à  plus  des  j-  des  travaux.  Jusqu'il 
présent,  les  effets  d'atterrissement  que  nous  voyons  sur  nos  cotes  sont 
l'inverse.  Les  vitesses  impétueuses  des  inondations  produisent  bien! 
des  effets  d'érosion  considérables,  mais  sur  place  et  jamais  à  des  dfr- 
tances  aussi  grandes  du  point  d'origine  et  avec  toutes  les  causes  de 
déperdition  de  force  et  de  vitesse.  Passe  encore  pour  le  seuil  de  Gabès. 
où  nous  admettons  l'influence  accélératrice  de  la* marée;  mais  il  now 
parait  bien  difficile  d'admettre  qu'un  chenal  comparable  aux  rigotel 
usitées  pour  les  roues  hydrauliques,  puisse  produire  de  tels  effets  pen- 
dant le  long  canal  de  Gabès  au  Kris,  et  à  des  distances  de  ISO  à  200  ki- 
lomètres pour  le  seuil  de  Kriz  et  de  270  à  290  kilomètres  pour  le  seuil 
d'Aslondje. 

Tous  ces  bassins  successifs  réduiront  la  vitesse  et  la  force  de  l'en. 

D'ailleurs,  la  tranchée  initiale,  pour  produire  ces  effets  d'affouiltaneot 
et  charrier  les  terres,  devrait  avoir  une  pente  primitive  de  0™  12  par  ki- 
lomètre et  non  de  0n,07. 

La  rigole  creusée  à  Suez  pour  le  remplissage  des  lacs  Amers,  qu'in- 
voque M.  Roudaire,  avait  22  mètres  de  large;  le  creusement  s'est  fut 
surtout  en  profondeur  plutôt  qu'en  largeur,  et  la  rigole  ne  portait  l'on 
qu'à  78  kilomètres. 

En  tout  cas,  les  termina  étant  entamés,  le  déblai  ne  sera  pas  d'abord 
entraîné  dans  les  chott,  mais  en  aval  dans  le  canal,  et  il  faut  toojenrs 
compter  sur  un  travail  de  dragage  de  proche  en  proche  pour  le  débarras- 
ser de  ces  dépôts.  Le  creusement  sera  facilité,  plus  ou  moins,  voilà  tout; 
mais  en  tout  cas  ce  ne  sera  pas  dans  la  proportion  des  |  comme  il  résul- 
tait des  appréciations  de  M.  Roudaire  en  1877. 

Sur  les  130  millions  de  mètres  cubes,  total  à  déblayer,  en  évitant 

du  \  à  la  |  ce  qu'il  faut  d'abord  creuser,  soit  300  millions  de  mètres 

cubes,  et  le  reste  430  millions  de  mètres  cubes  à  draguer,  on  sera  dus 

des  appréciations  probables. 

V. 

PRIX   DU   TRAVAIL. 

M.  Roudaire  estimait,  en  1877,  le  prix  du  mètre  cube  de  déblai  dans 
le  creusement,  de  75  cent,  à  1  fr.,  et  évaluait  les  premières  dépars 


LA  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.  415 

tf abord  à  30  millions.  Les  ingénieurs  de  la  mission  de  1883  évaluent 
le  prix  de  revient  de  la  tranchée  initiale  à  150  millions. 

Donc,  M.  Roudaire  a  encore  dû  j  modifier  ses  premières  prévisions 
(habitude  qu'il  a  dû  contracter,  à  en  juger  les  différentes  phases  par 
Jesquelles  a  passé  le  projet  et  qu'il  est  Inutile  de  rappeler).  Nous 
croyons  à  la  grande  efficacité  des  moyens  mécaniques  actuels,  des 
extracteurs  que  nous  voyons  fonctionner  d'ailleurs  en  France  et  qui 
ont  la  possibilité  d'arriver  là  aussi  à  un  creusement  facile.  Sans  doute, 
M.  Roudaire  et  M.  de  Lesseps  comptent  sur  un  prix  de  revient  dé 
50  cent,  à  60  cent,  le  mèlre  cube  (ce  qui  mettrait  bien  d'accord  nos 
300  millions  de  mètres  cubes  pour  les  tranchées  initiales  avec  les 
chiffres  qui  ont  dû  servir  de  point  de  départ  aux  calculs  des  ingé- 
nieurs). 

Mais,  pour  le  port  de  Karbonne,  actuellement,  on  évalue  à  1  fr.  le 
mètre  cube,  et  c'est  en  France,  chez  nous  :  il  est  probable  qu'en  plein 
désert,  situation  pire  que  Suez,  les  nécessités  de  vie  des  ouvriers  qui, 
quoique  arabes  ou  nègres,  ne  travaillent  pas  gratis  et  en  tout  cas  tra- 
vaillent moins  bien  que  des  Français,  seront  bieu  loin  de  diminuer  le 
prix  de  revient  du  mètre  cube. 

Quant  au  dragage,  pour  le  port  de  Narbonne  et  [des  terrains  allant 
de  i  mètre  à  8  mètres  sous  l'eau,  on  révalue  de  60  cent,  à  soient, 
le  mètre  cube. 

Par  analogie,  en  évaluant  l'ensemble  des  dépenses  à  600  millions  de 
francs,  nous  croyons  être  au-dessous  plutôt  qu'au-dessus  de  la  vérité. 
Remarquons  que  ce  rapport  des  ingénieurs  n'a  parlé  que  du  creuse- 
Beat  de  la  tranchée  initiale  et  s'est  tu  sur  les  dépenses  ultérieures, 
telles  que  dragage,  travaux  de  soutènement,  affouillemènt  de  la  baie 
ou  do  port  à  Gabès,  entretien...,  etc. 

VI. 

DURÉE  DU  TRAVAIL. 

Combien  de  temps  durera  ce  travail? 

M.  Roudaire  comptait  Jadis  3  ans  et  demi  pour  le  remplissage  du 
Melrir  et  du  Rarsa  jusqu'à  la  cote  —12,  par  les  tranchées  initiales 
progressivement  agrandies,  et  un  peu  plus  de  6  ans  pour  porter  le 
canal  à  ia  largeur  de  50  mètres  et  à  la  profondeur  de  12  mètres  et  pour 
le  remplissage  déûnitif. 

Total:  plutôt  10  ans  et  non  9  (comme  il  le  dit). 

A  présent,  le  rapport  porte  à  5  ans  l'exécution  de  la  tranchée,  qui  ne 
doit  être  que  plus  tard  agrandie  par  le  courant;  mais  il  s'est  tu  sur  la 
dorée  du  remplissage.  D'abord  la  tranchée  initiale  ne  pourra  servir  en 


416  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

rien  au  remplissage  du  cliott;  tout  au  plus  si  elle  pourra  désagréger  et 
charrier  les  terres.  Remarquons  que  plus  elle  sera  réduite  dans  nabot 
d'économie  et  de  rapidité  de  travail,  moins  elle  amènera  d'eau  au  ebott, 
et  plus  l'eau,  s'étalant  sur  l'immense  surface  relative  du  Rarsa  et  du 
Melrir,  s'évaporera  vite.  Ce  n'est  donc  qu'après  les  cinq  ans  que 
pourra  commencer  le  remplissage.  La  superficie  des  deux  lacs  est 
d'environ  8,000  kilomètres  carrés;  mais  la  profondeur  des  curettes  ne 
peut  être  évaluée  à  plus  de  20  mètres,  car  il  y  a  lieu  de  tenir  compte 
du  dénivellement  produit  par  les  hauts-fonds  du  Kef-el-Eddêb  et  les 
dunes  de  la  partie  Est  du  bassin  de  Melrir,  qui,  presque  toutes,  soat 
au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Ce  dénivelJement  portera  sur  9S0  kilo- 
mètres carrés  et  fera  de  la  cote  —  20  une  profondeur  plutôt  maximut, 
La  capacité  des  cuvettes  ne  serait  donc  que  de  160,000  millions  de 
mètres  cubes.  Mais  pour  terminer  le  remplissage  du  bassin  â  partir  de 
la  cote  — 12,  M.  Roudaire  forçait  le  débit  de  son  canal  d'une  manière 
exagérée  avec  les  pentes  et  vitesses  considérées  au  début,  il  arrivait  i 
1,188  mètres  cubes  à  la  seconde.  Or,  un  canal  de  50  mètres  ne  in 
donnerait  ce  débit  qu'avec  des  vitesses  moyennes  de  ln,50  et  une 
pente  de  plus  de  0m,15  par  kilomètre.  Rien  ne  faisant  prévoir  que  l'on 
arriverait  à  une  pareille  vitesse,  supérieure  â  toutes  celles  qui  auraient 
facilité  le  creusement,  on  ne  pourra  obtenir  ce  débit  avec  des  vitesses 
moyennes  de  0n,80  qu'en  portant  les  dimensions  du  canal  à  9u  on 
100  mètres  de  largeur  au  plafond,  ce  qui  porterait  les  dépenses  pour 
l'ensemble  du  canal  entre  800  et  900  millions  de  francs. 

En  restant  dans  les  dimensions  du  canal  de  50  mètres,  voyons  ea 
combien  de  temps  il  assurerait  le  remplissage;  ce  qai  le  fait,  c'est  l'ex- 
cédent du  débit  du  canal  sur  les  pertes  causées  par  l'évaporation.  Le 
coefficient  d'évaporation  admis  par  M.  Roudaire,  0,003,  qui  donne  tme 
évaporation  annuelle  de  8  milliards  50  millions  de  mètres  cubes,  est 
déjà  doublé  à  Biskra  par  les  temps  de  sirocco  et  toujours  dépassé 
pendant  8  mois  de  l'année.  11  est  plus  que  probable  que,  dans  la  région 
des  ebott,  en  été,  l'évaporation  sera  à  peu  près  aussi  active  qu'à  Biskra. 
En  prenant  0,004,  chiffre  très  probable,  l'évaporation  journalière  de  la 
nappe  inondable  serait  de  32  millions  de  mètres  cubes,  soit  par  seconde 
370  mètres  cubes. 

Des  chiffres  très  voisins  ont  été  admis  par  MM.  Parisot  et  Bandât, 
officiers  d'état-major  et  contradicteurs  du  projet  Roudaire,  en  187S-18S0. 

Même  en  admettant,  pour  tout  le  Melrir,  le  coefficient  d'évaporation 
des  mois  d'hiver  et  de  printemps  donné  par  M.  Roudaire,  0,003, on  ta- 
rait pour  évaporation  par  seconde  280  mètres  cubes.  La  moyenne 
entre  les  deux  chiffres  325  mètres  cubes  correspondant  à  une  évapo- 
ration certaine  de  0,0035,  est  précisément  le  débit  de  la  tranchée  de 


LA  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.         417 

25  mètres  de  large.  Ce  qui  justifie  notre  affirmation  que,  tant  que  la 
tranchée  aura  ces  dimensions  (25  mètres),  pas  une  goutte  d'eau  ne 
restera  dans  les  chott. 

L'excédent  ne  se  produira  donc  qu'après  les  5  ans;  il  augmentera 
dans  un  certain  rapport  avec  la  section,  mais  diminuera  en  même 
temps  que  la  vitesse. 

On  Toit  par  le  calcul  que,  dans  les  premières  années  et  avec  la  né- 
cessité d'élargissement  et  de  dragage,  il  ne  sera  annuellement  que  de 
l  milliard  et  demi  à  2  milliards  de  mètres  cubes  quand  la  tranchée 
sera  ensuite  devenue  le  canal  de  50  mètres  de  largeur  au  plafond,  mais 
la  vitesse  ne  sera  probablement  plus  la  vitesse  d'origine,  de  0m,80; 
Fexeédent  arrivera  à  être  de  250  à  260  mètres  cubes  en  moyenne  par 
seconde,  soit  22  millions  par  Jour  ou  8  milliards  de  mètres  cubes  par  an. 

Il  y  aura  aussi  à  compter  sur  l'appoint  des  pluies  et  des  apports 
d'eau  amenés  par  les  oued  du  bassin  ;  c'est  une  augmentation  annuelle 
de  600  millions  de  mètres  cubes  d'eau.  Elle  se  produit  après  l'hiver 
et  au  printemps;  en  été  et  en  automne,  il  n'y  a  absolument  pas  à  y 
compter. 

Le  dénivellement  porte  sur  :  les  hauts-fonds  du  Kef-el-Eddêl,  800  kilo- 
mètres carrés  de  —  5  à  —  1 0;  les  dunes  de  Touidjin,  1 2  kilomètres  carrés 
à  +  24  ;  l'Areg-fiesseroudje,  24  kilomètres  carrés,  depuis  -+■  26  ;  l'Areg- 
Dehabia,  10  kilomètres  carrés  à  partir  de  ■+■  21  ;  l'Areg-ed-Dem,  -4- 15  ; 
rAreg-el-Achichina,  -+- 11  ;  le  Sif-ben-Ksiba,  •+-  12,  le  Sif-Triter,  -+-  28  ; 
le  Sif-Mouïad-Tofelat,  -h  24  et  +  31  ;  le  Sif-Guenediz,  •+-  23  ;  en  tout, 
30  kilomètres  carrés;  le  Sif-el-Hadjela,  8  kilomètres  carrés;  le  Sif-eJ- 
Dra-Seferia,  20  kilomètres  carrés;  le  Sif-Mouïad-Tadjer,  16  kilomètres 
carrés;  le  Sif-bir-Salal,  12  kilomètres  carrés;  le  Dra-Alendaoua,  40 kilo- 
mètres de  0  à  •+-  5  ou  6;  l'Areg-ben-Nemel,  10  kilomètres  carrés,  ...etc. 

Mais  il  faudra  aussi  tenir  compte  des  évaporations  actives  de  l'été, 
des  journées  de  sirocco,  où  le  canal  de  50  mètres  aura  bien  du  mal  à 
fournir  toute  l'eau  évaporée,  car  la  quantité  Om,002  ou  0B,003,  dont  le 
niveau  baisserait  dans  le  Melrir,  ne  sera  pas  suffisante  pour  produire,  à 
la  distance  de  400  kilomètres,  cet  appel  d'eau  et  une  augmentation  de 
vitesse.  Ces  journées  se  produiront  pendant  le  creusement,  pendant  la 
période  de  remplissage  :  autant  de  causes  de  retard.  En  tenant  compte 
de  l'influence  de  toutes  ces  variables,  l'évaporation,  la  section  du  ca- 
nal, la  vitesse,  l'apport  des  eaux  pluviales,  la  haute  Commission  assem- 
blée l'an  dernier  pour  juger  de  l'opportunité  de  ce  projet,  avait  admis 
que  le  remplissage  ne  serait  terminé  qu'après  26  ans.  11  s'agissait  alors 
d'an  canal  de  60  mètres.  Certainement  il  ne  marchera  pas  plus  vite 
avec  un  canal  de  50  mètres,  quelque  illusion  que  l'on  nourrisse  sur 
la  puissance  dynamique  de  la  mer.  la  marée  et  les  courants. 


418  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

En  gardant  ce  chiffre,  avec  les  cinq  ans  de  la  tranchée  initiale,  et  ea 
admettant  tontes  les  données  de  M.  Rondaire,  lesquelles  peut-être  ne 
seront  pas  toutes  vérifiées,  il  nous  parait,  dans  l'état  actuel,  qu'il  bat 
de  31  à  32  ans  pour  que  les  eaux  de  la  mer  soient  amenées  dans  le 
Meirir  jusqu'à  la  cote  zéro.  ' 

VII. 

IMPOSSIBILITÉ  DU  CONTRE-COURANT. 

Dans  les  conditions  auxquelles  doit  satisfaire  le  canal,  nous  ivûm 
parlé  du  contre-courant  pour  ramener  à  la  mer  les  eaux  sursaturées 
de  sel.  Remarquons  qu'il  s'agit  de  canaux  successifs  qui  amènent  l'eu 
de  la  mer  à  un  bassin  fermé,  et  non,  comme  à  Suez,  d'un  canal  qui  relie 
deux  mers.  À  Suez,  il  y  a  deux  débouchés,  et  par  les  marées,  il  s'éta- 
blit un  courant  tour  à  tour  renversé  et  qui  renouvelle  les  eaux; on 
comprend  donc  que  la  salure  des  lacs  Amers  n'augmente  pas  :  ici,  nous 
ne  pouvons  compter,  pour  sa  reproduction,  que  sur  l'inégale  tempéra- 
ture et  réchauffement  des  couches  d'eau  aux  différentes  profoodears, 
les  eaux  du  fond  acquérant  un  mouvement  résultant  de  la  près»» 
de  l'eau  sur  les  couches  successives  et  mesuré  par  la  £-  profondeur  de 
canal.  Une  profondeur  de  20  mètres  donne  une  différence  de  }  i } 
degré  avec  la  surface.  En  admettant  que  ce  soit  insuffisant  pour 
créer  le  contre-courant,  il  est  clair  que  celui-ci  ne  pourra  s'exer- 
cer dans  les  chott  qu'au  niveau  du  fond  du  canal.  Si  c'est  — 12  ou  — 
15,  il  laissera  en  dessous  de  lui  de  8  à  10  mètres  de  chott. 

M.  de  Lesseps  en  dit  quelque  chose,  car  (page  94)  «  les  tranchées 
•  réunissant  les  chott  entre  eux  et  les  reliant  à  la  mer  doivent  être 
«  assez  profondes  pour  permettre  l'écoulement  des  eaux  les  plus 
t  lourdes  par  le  Jeu  des  courants  inférieurs  ». 
.  H  faudrait  que  l'entrée  du  canal  dans  le  Rarsa  eût  une  profondeur 
de  20  mètres  et  dans  le  Meirir  de  24  mètres,  pour  qu'on  soit  sûrtde  ra- 
mener à  la  mer  les  eaux  sursaturées  de  sel. 

L'Oued-Djdi,  le  plus  considérable  des  affluents  du  Meirir,  annuelle- 
ment a  10  à  12  Jours  de  grandes  crues,  40  Jours  de  cours  ordinaire  et 
50  jours  où  il  n'a  qu'une  profondeur  de  0m,15  à  0m,20  d'eau,  sur  une 
largeur  de  20  mètres.  Le  reste  du  temps,  il  ne  reçoit  que  la  nappe  ar- 
tésienne du  Lab-Guebli.  On  peut  porter  son  débit  annuel  à  140,000,000 
de  mètres  cubes.  Toutes  les  autres  rivières  se  déversant  dans  le  Meirir, 
ensemble  donneraient  à  peu  près  trois  à  quatre  fois  autant,  soit  m 
plus  600  millions  de  mètres  cubes  d'eau.  11  est  possible  qne  quand  les 
eaux  de  la  mer  existeront  dans  la  cuvette,  l'apport  des  rivières  en  hiver 
et  dans  la  saison  des  pluies  soit  augmenté. 


LA  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.  419 

Mais  comme  en  été  i!  sera'toujours  à  peu  près  nul,  le  chiffre  de  32 
ans  ne  doit  pas  être  diminué. 

Certainement,  le  creusement  du  canal  à  cette  profondeur  ne  s'ob- 
tiendra plus  tout  seul  par  le  travail  des  eaux  :  le  prix  de  revient  de  la 
mer  intérieure  s'élèverait  d'autant. 

En  outre,  la  contre-pente  de  0m,07  par  kilomètre,  qui  a  été  plus  que 
nécessaire  pour  que  l'eau  fasse  son  creusement  et  arrive  au  bassin,  ne 
pourra  jamais  être  remontée  par  le  contre-courant 

«  L'eau  ne  remonte  même  pas  des  pentes  de  0B,05  par  kilomètre.  » 
Donc  il  s'accumulera  forcément  des  couches  d'eau  de  plus  en  plus 
salées. 

Voici  ce  que  dit  à  ce  sujet  M.  le  commandant  Baudot,  qui  a  collaboré 
aux  travaux  des  chott  en  1874-1875  et  qui  est  complètement  opposé  à 
ce  projet  : 

•  La  densité  de  l'eau  de  mer  est  de  1,027  dans  la  Méditerranée  ; 

•  chaque  mètre  cube  renferme  donc  27  kilogr.  de  matières  saunes.  L'éva- 
«  poration  enlèverait  par  an,  à  la  surface  des  chott,  10  milliards  800  mil- 
t  lions  de  mètres  cubes  et  laisserait,  par  suite,  dans  l'eau  sous-Jacente 
■  qu'ils  satureraient,  près  de  300  milliards  de  kilogrammes  de  sels  di- 
«  vers  qui,  répartis  sur  la  superficie  totale  du  bassin,  formeraient  une 

•  couche  de  près  de  0m,04  d'épaisseur...  En  400  années,  le  Ram  serait 
>  transformé  en  un  bloc  de  sel  et  le  Melrir,  non  alimenté  depuis  long- 
«  temps  déjà,  ne  tarderait  pas  à  suivre  son  exemple.  > 

Du  reste,  ce  qui  prouve  que  l'objection  n'est  pas  négligeable,  c'est 
que  M.  de  Lesscps,  dernièrement,  y  a  encore  fait  grande  attention  dans 
sa  réponse  à  M.  Gosson,  sa  plaidoirie  pourrait-on  dire.  Il  a  même  eu 
soin  de  mettre  à  profit,  au  sien  bien  entendu,  là  courtoisie  de  la  sous- 
commission,  croyant  enterrer  Tan  passé,  avec  tous  les  égards  voulus, 
le  projet  Roudaire  :  «  La  concentration  de  la  mer  intérieure  s'opérerait 
«  d'ailleurs  avec  une  telle  lenteur,  qu'au  point  de  vue  pratique  il  n'y  a 

•  pas  à  s'en  préoccuper.  » 

Kt,  de  suite,  il  a  rassuré  en  reculant  à  1 ,500  ans  la  date' de  la  trans- 
formation du  Melrir  en  saline  :  question  de  profondeur  de  la  cuvette 
que  Ton  fait  varier  pour  les  besoins  de  la  cause. 

11  parle  alors  de  draguer  ce  sel  et  de  l'expédier  comme  objet 
d'échange  aux  populations  du  Soudan  :  il  y  a  longtemps  déjà  que  le 
Transsaharien  escompte  pour  son  avenir  le  sel  qui  existe  tant  dans  notre 
Sahara  qu'au  sud  du  Maroc.  S'il  existe  dans  1,500  ans,  la  saline  du  Mel- 
rir anra  été  devancée  dans  le  marché  par  la  Sebgha  de  Safioun,  la  Seb- 
gha  du  Gourara,  le  Touat,  les  Rochers  de  sel  du  Zahrez.  du  Yheneg 
<TE1-Maïa... 


420  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

VIII. 

RÉSULTATS  DE  LA  MER  INTÉRIEURE. 

r  Les,  partisans  de  la  mer  intérieure  lui  atriboent  des  résultats  à  faire 
pâmer  d'aise  tous  Jes  croyants  algériens,  tous  ceux  qui  souffrent  de  la 
chaleur  et  languissent  après  la  pluie  ou  la  fraîcheur  :  transformation 
complète  du  Sahara,  poissons  de  mer  frais  à  Biskra,  rafraîchissement 
du  climat,  pluies  bienfaisantes,  récoltes  perpétuellement  bonnes,  et 
nécessairement,  la  plupart  des  colons  algériens,  les  enthousiastes  da 
moins,  le  plus  grand  nombre  par  conséquent,  sont  admirateurs  fana- 
tiques du  projet.  Eh  bien  !  nous  devons  le  dire  hautement,  leur  bonne 
foi  a  été  surprise. 

D'abord  la  surface  de  cette  prétendue  mer,  M.  Roudaire  le  dit  lui- 
même,  très  rapidement  d'ailleurs  (page  100),  est  minime,  par  rapport 
à  retendue  du  Sahara  algérien;  elle  est,  en  effet,  la  quarantième 
partie  (en  étendant  ce  Sahara  jusque  Goléa)  et  moins  de  la  millième 
partie  du  grand  Sahara.  Dans  une  région  aussi  vaste,  une  semblable 
goutte  d'eau  ne  peut  avoir  qu'une  influence  des  plus  locales,  des  plus 
restreintes;  le  désert  n'en  sera  en  rien  transformé  et  il  s'étend  sur 
cette  immense  étendue  pour  d'autres  raisons  encore  que  la  privation 
d'eau. 

D'ailleurs,  les  vents  régnant  le  plus  fréquemment  dans  le  Sahara 
sont  les  vents  du  N.-E.  et  du  N.-O.  en  hiver;  l'êvaporation  de  la  nappe 
serait  donc  perdue  pour  la  plus  grande  partie  de  l'année.  Quant  aux 
grandes  évaporations  dues  au  sirocco ,  vent  très  violent  mais  moins 
fréquent,  elles  seront  dissoutes  dans  toute  l'atmosphère  surcbaoi&e 
qui  règne  sur  le  reste  du  Sahara  algérien.  Plus  cette  évaporalion  sera 
active,  plus  les  courants  d'air  s'élèveront  et  emporteront  au  loin  les 
vapeurs  formées  au-dessus  de  la  mer  intérieure.  À  l'opinion  de  M.  de 
Lesseps,  maître  comme  il  le  dit  dans  l'art  des  canaux  et  des  perce- 
ments, ou  peut  opposer  le  jugement  de  savants  au  moins  aussi  com- 
pétents que  lui  dans  les  questions  de  météorologie.  H.  le  Dr  Cosson, 
après  avoir  expliqué  que  les  vapeurs  émises  peuvent  tout  aussi  bien 
retomber  en  pluie  dans  la  région  voisine,  entre  la  côte  et  les  cliott, 
ou  se  perdre  au-dessus  de  la  Méditerranée,  ou  se  condenser  ailleurs 
que  dans  les  Aurès,  conclut  qu'en  été  les  vapeurs  se  dissoudront  dans 
une  atmosphère  surchauffée  et  que  plus  elles  seront  émises  dans  des 
conditions  élevées  de  température,  plus  elles  doivent  se  condenser 
sur  des  points  très  éloignés  de  leur  production  ;  et  qu'en  hiver,  la  pré- 
sence de  la  mer  intérieure  ne  changerait  pas  grand' chose  à  l'état  ac- 
tuel, puisque,  dans  cette  partie  de  l'année,  il  y  a  toujours  de  l'ean  dans 


LA  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.  421 

les  chott  et  assez  d'humidité  pour  fournir  une  évaporation  d'autant  plus 
rapide  que  le  fond  est  près  de  la  surface. 

Au  contraire,  et  M.  Gosson  insiste  avec  raison  sur  ce  point,  l'humi- 
dité atmosphérique  résultant  de  l'évaporation  est  une  cause  d'anémie; 
à  fiiskra,  c'est  maintenant  ia  chaleur  humide  qui  est  la  plus  insup- 
portable ('). 

IX. 

LA  FARFARIA. 

M.  de  Lesseps,  —  car  enfin  nous  n'ayons  plus  à  discuter  M.  Roudaire 
qui,  sans  doute,  n'a  trouyé  toutes  ces  objections  que  dans  les  plis  du 
manteau  du  grand  homme  derrière  lequel  il  s'abrite  et  qui  lui  donne 
toutes  les  phases  de  transformation  de  son  projet,  —  M.  de  Lesseps  a 
parlé  de  l'assainissement  et  de  la  suppression  des  Farfaria  que,  selon 
loi,  les  adversaires  du  projet  présentent  comme  si  fertiles.  Ceci  est 
inexact.  La  Farfaria  proprement  dite  s'étend  de  l'Est  de  Djénien  à 
l'Ouest  de  Baadja  vers  l'angle  N.-O.  du  chott,  sur  une  longueur  de  35 
kilomètres  et  une  largeur  moyenne  de  6.  C'est  le  delta,  desséché  en 
été,  des  alluTions  et  des  boues  des  rivières  descendant  du  grand 
massif  des  Aurés,  de  l'Ahmarcadden  au  Djebel-Chuchar,  et  dont  le 
cours,  de  rapide  qu'il  était  dans  le  haut  de  la  plaine,  peut  à  peine  se 
frayer  un  passage  i  travers  ces  derniers  atterrissements. 

Actuellement,  elle  est  malsaine,  surtout  au  printemps.  En  été,  comme 
il  n'y  a  absolument  pas  d'eau  et  qu'il  faut  remonter  à  Zeribet-Sidi-Mas- 
nendi,  Àm-Naga,  pour  en  trouver,  pas  une  âme  n'habite  aux  environs. 
C'est  donc  la  sécheresse  qui  la  rend  inhospitalière. 


(l)  Lei  grands  roseaux  dont  M.  Roudaire  a  fait  tant  de  brait  dans  sa  brochure  se 
résument  en  quelques  bouquets  couvrant  à  peine  quelque  40  môtrea  carrés  et  dont 
bon  nombre  ont  été  brûlés  par  la  mission.  Us  n'existent  d'ailleurs  que  oomme  té- 
moins des  sources  qui  sont  au  milieu.  Quant  aux  pluies  d'été  que  pourrait  amener 
le  sirocco,  U  est  à  remarquer  quelles  récoltes  de  la  région,  se  faisant  en  avril  (com- 
mencement de  mal  au  plus  tard),  ont  besoin  de  pluies  d'hiver  et  du  commencement 
du  printemps,  et  qu'en  été  U  n'y  a  plus  de  cultures:  les  pluies  d'été  sont  donc  inu- 
tiles. Les  pluies  d'hiver  sont  les  seules  bienfaisantes,  les  seules  à  souhaiter.  L'éva- 
poration de  la  mince  couche  d'eau  d'aujourd'hui  (qui  n'est  guère  moindre  que  le  lac 
plein  d'eau  du  temps  de  Mahomet  que  l'on  prétendait  conclure»  à  ia  mission  de  1875, 
des  traditions  arabes  plus  ou  moins  complaisamment  interprétées),  l'évaporation 
actuelle  en  donne  assez  pour  ce  qui  est  cultivé  à  présent.  Pour  étendre  les  cultures, 
il  n'y  s  qu'à  faire  des  barrages,  qu'à  retenir,  qu'à  emmagasiner  les  eaux  ;  cela  ne 
coûtera  pas  les  yeux  de  la  tête  comme  la  fantaisie  sardanapalesque  de  creuser  un 
gigantesque  canal  de  plus  de  200  kilomètres.  Les  barrages  et  les  plantations  sur  leurs 
bords  gagneront  de  proche  en  proche.  A  la  longue,  on  pourra  les  pousser  jusque 
■ur  la  rive  droite  de  l'Oued-Djdi  ;  la  preuve,  c'est  qu'il  y  en  a  eu  IA  jadis,  et  ce  du 
temps  des  cultures  romaines,  la  seguia  de  Bent-el-Kkass  que  l'on  retrouve  jusqu'à 
500  mètres  au  Sud  de  la  pieuse  saoula  d'Abd-el-Kader,  à  4  ou  5  kilomètres  au  Sud 
oettiiU-Ourlal. 


422  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

Gela  posé,  si  la  mer  intérieure,  se  bornait  à  submerger  cette  zone  ; 
que  Ton  peut  dire  inutile,  négative,  il  n'y  aurait  qu'un  bien.  Mais  esta 
la  Farfaria  et  la  courbe  zéro  s'étend,  le  long  de  la  Farfaria  et  des  droit 
Sellam,  Touidjin,  Tofelat,  une  zone  qui  n'est  nullement  déserte  et  in- 
fertile. 

D'ailleurs,  en  pleine  Farfaria  (voir  le  docteur  Cosson,  page  25).  il  y 
avait,  il  n'y  a  pas  30  ans,  les  villages  des  Onled-Ahmos  et  des  Ouled- 
ben-Hadidja,  dont  les  maisons  sont  encore  debout  ;  c'étaient  des  popu- 
lations sédentaires,  mais  toujours  en  guerre,  des  frères  ennemis,  habi- 
tant à  une  portée  de  fusil,  et  ayant  toujours  envie  de  mesurer  la  dis- 
tance avec  ce  procédé. 

Us  habitaient  en  plein  air  dans  la  zone  entre  la  Farfaria  et  la  courbe 
zéro.  —  Depuis  ces  quelque  30  ans,  on  les  a  fiait  évacuer  leurs  vil- 
lages et  camper  plus  haut  sur  les  rives  de  l'Oued-el-lrab. 

Leur  genre  de  vie  est  toujours  le  même,  des  tentes  au  lieu  de  nui- 
sons, et  là,  ils  ont  en  abondance  l'eau,  le  bois,  le  pâturage  pendant 
huit  mois  de  Tannée,  et  Tété,  ils  remontent  jusqu'au  pied  des  Acres. 
Si  on  leur  faisait  de  grands  barrages,  ils  se  feraient  de  nouveau  toeî 
à  fait  sédentaires. 

La  partie  ouest  de  cette  zone  correspondant  à  la  Farfaria  présente  des 
restes  de  forêts  où,  il  y  a  15  ans,  on  tuait  encore  le  sanglier  (la  forêt  de 
Saada,  le  Maosof,  le  Zarouza);  actuellement,  ce  sont  des  pâturages  très 
appréciés  des  indigènes.  Dans  le  voisinage  des  oued,  là  où  ils  peuTeat 
irriguer  sans  grand  travail,  ils  ont  des  cultures  où  le  blé  rend  jusqu'à 
70  pour  1  (El-Feidh,  l'Oued-el-Debb,  le  Megran).  —  M.  Roudaire  lui- 
même  a  parlé  de  cette  fertilité  du  sol  (page  75).  Quant  à  la  partie  Est, 
le  sol  est  plus  sablonneux  et  ce  sont  surtout  des  pâturages  parcourus 
par  les  troupeaux  des  tribus  sahariennes. 

Toute  cette  zone  représente  100  kilomètres  sur  une  largeur  moyenne 
de  8  kilomètres,  et  la  terre  n'y  est  nullement  dépourvue  de  valeur  : 
elle  est  exactement  dans  les  mêmes  conditions  que  les  terrains  entre 
le  pied  des  Àurès  et  le  rivage  de  la  mer  future,  dont  M.  de  Lesseps  de- 
mande la  concession  à  priori  et  que  lui»  de  son  côté,  prétend  sans  au- 
cune valeur.  Or,  ces  terres  à  concéder,  en  ne  considérant  que  celles  aa 
pied  des  Aurès,  forment  entre  les  lacs  et  les  plus  hautes  montagnes  de 
l'Algérie  un  palier  de  140  kilomètres  de  longueur  sur  40  à  50  kilomè- 
tres de  largeur.  Us  sont  traversés  par  plus  de  20  rivières,  toutes  ayant 
plus  ou  moins  d'eau  pendant  un  temps  allant  de  2  a  4  mois  :  plu- 
sieurs, TOued-Biskra,  l'Oued-Biraz,  l'Oued-Dibia,  l'Oued-el-Haugneuf. 
rOued-el-Àrab,  TOued-Mahana,  ayant  des  crues  portant  l'eau  pendant 
plusieurs  semaines  jusqu'au  chott.  Le  fatalisme  arabe  a  regarde 
couler  cette  eau  pendant  12  siècles  et. ne  s'est  jamais  préoccupé 


LA  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.  423 

de  l'emmagasiner  pour  Tété.  Mais  il  y  a  20  siècles,  sous  la  domination 
romaine,  pins  de  40  tilles  on  bourgades  courraient  le  pays  entre  Ad 
Pùcinam,  GemeUas,  Thabudeos,  Ad  Badios,  Ad  Médias,  Ad  Majores,  Ad 
Palmam...  La  tradition  dit  que,  de  Gabès  au  Maroc,  c'était  un  jardin, 
jusqu'à  40  kilomètres  au-dessus  de  Négrine:  nous  avons  tu  les  ruines 
du  burgum  de  Mohammed-ben-Jonnès. 

Les  Romains  avaient  là  une  riche  et  prospère  colonisation  ;  à  chaque 
grande  rivière,  des  barrages  successifs  dont  on  retrouve  encore  les 
traces  retenaient  les  eaux.  Pour  rendre  à  cette  région  la  prospérité 
qu'elle  avait  du  temps  des  Romains,  il  n  est  pas  besoin  des  eaux  pro- 
blématiques de  la  mer  intérieure,  il  n'y  aurait  qu'à  reprendre  leurs 
grands  et  pratiques  travaux,  relever  leurs  barrages  là  où  ils  étaient, 
empêcher  toute  celte  grande  quantité  d'eau  pluviale,  presque  aussi  con- 
sidérable en  Algérie  qu'en  France,  d'arriver  aux  chott.  —  Si  les  barrages 
sont  à  demander  pour  le  Tell,  leur  besoin  n'est  pas  moins  impérieux 
dans  le  Sahara. 

En  retenant  les  eaux  dans  le  haut  de  la  plaine  par  les  barrages,  on 
livrerait  à  la  colonisation  ces  excellentes  terres  d'alluvions  vingt  fois 
séculaires ,  qui  pourraient  être  irriguées  sans  qu'aucune  goutte  d'eau 
soit  perdue  :  en  plantant  les  bords  des  barrages,  on  assainirait  la 
région;  en  frayant  aux  eaux  à  travers  la  Farfaria  leur  écoulement,  on 
les  amènerait  dans  le  chott  et  on  réduirait  pen  à  peu  cette  zone  néga- 
tive au  lieu  de  la  laisser  gagner  sur  nous.  Le  chott  garderait  cette  eau 
pendant  les  mois  d'hiver  et  produirait  presque  autant  que  la  mer  comme 
éviporation.  On  pourrait  aussi,  grâce  à  cette  humidité  sous-Jacente, 
planter  ses  bords  :  les  eucalyptus  d'Aln-Mokra  ne  sont  pas  un  exemple 
impossible  à  suivre. 

lu  lieu  d'une  mer,  ce  deviendrait  des  lacs  véritables  :  ce  serait 
moins  pompeux,  mais  plus  économique,  et,  à  défaut  de  la  gloire  et  de 
l'auréole  pour  un  ou  deux,  ce  serait  le  profit  pour  tous  et  à  peu  de 
frais. 

Cet  aménagement  des  eaux  n'est  pas  un  travail  d'Hercule  :  il  suffirait 
de  10  millions  pour  faire  50  barrages,  grands  et  petits,  et  les  résultats 
seraient  immédiats  ;  sans  compter  qu'ils  n'exigent  pas  d'être  payés 
d'avance  par  une  concession  gigantesque. 

M.  le  docteur  Cosson  a  fait  aussi  observer  que  le  rivage  nord  de  la 
mer  intérieure  étant  en  pente  très  douce,  cette  plage  basse  soumise  au 
dessèchement  du  sirocco  donnerait  lieu  à  des  inondations  et  exon- 
dations  continuelles  ;  les  eaux  salées  se  mélangeraient  anx  flaques  d'eau 
douce  et  aux  eaux  d'infiltration,  et  il  en  résulterait  une  cause  d'insalu- 
brité à  peu  près  équivalente  à  la  Farfaria  actuelle.  La  Farfaria  serait 
donc  reportée  plus  an  nord,  voilà  tout. 


424  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

X. 

CULTURE  DES  PALMIERS. 

Le  dommage  qui  serait  causé  à  la  culture  du  dattier  a  ètê  traité 
aussi  par  M.  le  docteur  Cosson.  Le  dattier  craint  le  hâle,  les  brouillards 
de  la  mer,  les  pluies  :  l'eau  artésienne  donnée  par  les  forages  lui  suffit. 
La  grande  extension  que  l'on  veut  donner  à  tout  l'Oued-Rirh  ne  s'ac- 
commoderait donc  pas  de  l'extrême  voisinage  de  cette  nappe  d'eau  salée 
dont  les  émanations  y  seraient  apportées  par  les  vents  du  nord-est. 
La  végétation  et  les  cultures  sahariennes  seraient  à  changer. 

En  outre,  ce  n'est  pas  7,000  ou  8,000  palmiers,  mais  bien  30,000 
à  40,000  qui  seraient  submergés.  II  y  a,  en  effet  :  Si-Mohamed-Moussi 
à  la  cote  —  9,10;  Dendonga,  Nara,  El-Ourir  à  —  22;  Sidi-Salah;  eo 
outre,  El-Haouch  que  laisse  en  dehors  la  carte  de  M.  Roudaire  et  qui 
est  à  —  7,9.  De  plus,  les  cotes  du  premier  nivellement  de  I87i 
devant  être  abaissées  de  3P°,86  (ou  même  seulement  de  2  mètres), 
toute  l'oasis  de  Meraïer  dont  M.  Roudaire  laissait  une  partie  à  la  cote 
-h  1,1  du  capitaine  Martin,  tombera  nécessairement  en  dessous  et  aura 
certainement  plus  de  2  mètres  d'eau  ;  l'oasis  d'Oum-el-Thiour  aussi. 
La  ligue  du  nivellement  de  1875  a  laissé  l'oasis  à  l'Est  et  du  même  coté 
que  le  chott  ;  le  capitaine  Martin  a  pris  par  les  plateaux  sablonneux 
bordant  la  ville  et  l'oasis  et  supérieur  aux  terrains  de  culture,  sansqooi 
s'il  eût  été  au-dessus  ou  au  môme  niveau,  les  indigènes  auraient  irri- 
gué et  poussé  l'oasis  Jusque-là  et  par  conséquent  encore  converti  ren- 
drait en  plantations.  La  plus  haute  cote  de  ce  terrain  supérieur  aux 
cultures  était,  en  1875,  de  4°\35  ;  les  trois  autres  cotes  positives  sont 
beaucoup  moindres;  toutes  les  autres  cotes  sont  négatives.  En  baissant 
encore  de  2  à  8  mètres,  toute  l'oasis  et  une  bonne  partie  de  la  ville  sont 
bel  et  bien  et  de  beaucoup  englobés  par  la  courbe  zéro.  Or,  Meraïer 
était,  il  y  a  quelques  années,  une  oasis  de  plus  de  32,000  palmiers. 
Ajoutons  cependant  que  l'indemnité  pour  la  destruction  de  ces  palmiers, 
lût-elle  pour  40,000,  n'est  rien  en  comparaison  des  sommes  fabuleuses 
que  coûtera  la  construction  du  canal. 

Mais  il  est  un  dommage  encore  bien  plus  grand.  (Se  reporter  à  ce 
sujet  à  l'étude  de  M.  Le  Gb atelier  citée  plus  haut.) 

Cette  nappe  souterraine,  qui  s'étend  dans  tout  le  palier  du  pied  des 
Aurès  et  parait  dans  les  puits,  à  des  profondeurs  variant  de  8,  10  a 
15  mètres  et  jusque  20  et  25  dans  le  Souf,  dans  le  Meirir,  se  rapproche 
extrêmement  près  de  la  surface. 

La  présence  des  eaux  de  la  mer  dans  la  cuvette  amènera  nécessai- 
rement des  infiltrations  salées  qui  se  feront  sentir  sur  toute  la  xone  de 


LA  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.  425 

poils  environnante,  altéreront  leur  qualité  et  rendront  les  eaux  im- 
putables. 

XI. 

EXHAUSSEMENT  DU  SOL. 

Les  apports  de  terre  entraînée  par  les  eaux  entreraient  aussi  dans 
une  lente  proportion,  mais  constante,  pour  combler  de  nouveau  la  cu- 
vette jusqu'à  la  courbe  zéro,  et,  puisque  nous  en  sommes  là,  tenons 
eomple  aussi  des  déblais  des  tranchées  entraînés  par  les  eaux  dans 
k&  cuvettes  du  Melrir  et  du  Rarsa 

M.  fioudaire  admettait  que,  par  les  terres  du  canal  d'Àsloudje,  le  fond 
do  Melrir  ne  s'élèverait  que  de  0ln,0038  et  que  celui  de  Rriz  élèverait 
le  fond  du  Rarsa  de  On,037.  Il  faisait  entraîner  les  terres  du  canal  de 
Melabdans  le  chott  du  Ojerid  qui  aurait  élevé  son  fond  de  0œ,01S; 
mais  ce  dernier  chott  étant  bien  et  dûment  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer,  il  n'y  faut  plus  compter.  Ko  revanche,  ce  sera  daoB  le  Rarsa  qu'il 
faudra  déverser  les  terres  :  et  le  canal  définitif  amènera  dans  ce  der- 
nier lac  une  surélévation  de  Om,15. 

Quant  aux  apports  amenés  par  les  pluies  d'orage  et  les  rivières,  on 
sait  que  la  terre  entraînée  va  de  yfy  à  rh  du  volume  d'eau  dans  les 
crues.  L'alimentation  par  les  rivières  est  d'environ  600  millions  de  mè- 
tres cubes  d'eau  actuellement.  Elle  sera  probablement  doublée,  soit 
1,^00,000,000  de  mètres  cubes.  L'apport  de  ferre,  en  prenant  les  y^, 
serait  de  H't0,°'^*  36  millions  de  mètres  cubes,  ce  qui  donnerait 
une  surélévation  de  0n,004  par  an,  soit  1  mètre  en  250  ans,  lequel  s'a- 
jouterait sûrement  et  progressivement  au  dépôt  de  sel  pour  exhausser 

te  fond. 

XII. 

POINT  DE  VUE  COMMERCIAL. 

À  ce  point  de  vue,  il  y  aura  probablement  lieu  d'adopter,  pour  la  na- 
vigation dans  ce  bassin,  des  navires  d'un  tonnage  particulier,  à  cause 
des  hauts-fonds;  donc,  nécessité  d'un  transbordement.  Le  golfe  de 
Oabès  a  une  pente  très  douce,  18  mètres  de  fond  à  plus  de  5  kilo- 
mètres au  large.  La  plage  est  la  même  dans  toute  l'étendue  de  l'entrée 
possible  du  canal;  il  faut  donc  compter  dans  les  dépenses  le  creuse- 
ment du  port  et  probablement  d'un  petit  chenal  dans  la  baie,  creuse- 
ment bien  plus  cher  que  le  creusement  des  ports  de  Marseille.  Tous 
les  marins  que  nous  avons  vus  et  entendus  et  qui  sont  allés  à  Gabès 
sans  parti  pris  disent  qu'il  suffit  d'avoir  vu  la  plage  de  Gabès,  le  pla- 
teau, le  relèvement,  pour  renoncer  à  jamais  au  projet  de  la  mer  inté- 
rieure. 

•OO.  Dl  oiOGR.  —  3«  TUMISTU  1883.  23 


426  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

Quant  an  commerce  du  Sud,  on  aura  pour  longtemps  bien  dn  mal  i 
le  rendre  plus  important  ;  rappelons-nous  les  efforts  faits  à  l'occasion 
dn  Transsaharien  :  ce  n'est  que  progressivement  qu'il  pourra  se  faire. 
D'abord  de  fiiskra  à  Touggourth,  puis  quand,  après  l'Oued-Birh,  les  fo- 
rages artésiens  auront  mis  en  râleur  le  sol  plus  loin,  de  TouggoarUi  i 
Ouargla. 

La  mer  intérieure  n'y  fait  absolument  rien;  elle  laisse  toujonri 
notre  commerce  aux  portes  dn  Sahara.  Les  lignes  commerciales  do  dé- 
sert Tont  du  Nord  au  Sud;  la  mer  intérieure  Ta  de  l'Est  à  l'Oaest  pour 
aboutir  à  Meraïer  à  l'Est;  elle  coupe  donc  plutôt  nos  lignes,  et  bien 
vite  elle  arrive  à  l'Ouest,  où  elle  ne  leur  est  d'aucune  utilité. 

Les  deux  centres  de  transit  pour  le  désert  sont  Radamès  et  Àln-Çalali. 
Radamès  est  bien  au  Sud  du  Nefzaoua,  mais  il  en  est  séparé  par  de 
hautes  dunes  (200  mètres)  et  des  plateaux  arides  et  pierreux.  Sur 
100  caravanes,  99  préféreront  partir  de  Tripoli  simplement,  route  sui- 
vie de  tout  temps,  que  du  Nefzaoua  pour  se  rendre  à  Radamès.  Et  le 
courant  commercial  que  Ton  voudra  créer  du  Nefeaooa  ou  de  NefU  sor 
Uadamès  aura  contre  lui  les  Djeicli  et  tous  les  pillards  du  désert.  — 
Les  routes  que  nous  avons  pour  aller  à  Radamès,  du  Souf  et  de  Ouar- 
gla, laissent  à  l'Est  le  haut  plateau  de  dunes,  et  la  mer  intérieure  leur 
est  parfaitement  inutile  ;  le  chameau  est  nécessaire  avant  comme  après, 
et,  avec  la  mer,  on  aura  un  transbordement  en  plus. 

Donc  Radamès  n'y  gagnera  rien;  quant  à  Aln-Çalah,  il  est  toujours  à 
peu  près  à  la  même  distance  :  26  Journées  au  lieu  de  30,  les  200 kilo- 
mètres de  canal  et  200  kilomètres  de  mer  sont  une  mauvaise  économie 
pour  nous  faire  prendre  nos  marchandises  à  Gabès,  au  lieu  de  la 
prendre  à  Biskra  ou  Meraïer  par  la  tète  du  Transsaharien,  à  400  kilo- 
mètres également  de  Philippeville. 

En  outre,  cette  mer  nous  séparera  complètement  des  sédentaires  du 
Nefzaoua  et  du  Souf  qui,  puisqu'ils  seront  de  l'autre  côté  du  fossé  fron- 
tière, en  cas  de  guerre  ou  insurrections,  seront  nécessairement  abi* 
donnés  au  pillage,  à  la  révolte  ou  à  la  conquête.  Or,  ces  deux  régions 
sont  des  pays  riches,  peuplés,  couverts  de  palmiers,  ayant  une  popob- 
tion  laborieuse,  économe,  habitant  des  villes  et  des  villages  et  doit 
nous  pensons  tirer  le  meilleur  parti. 

Ici  se  présente  nne  occasion  d'effleurer  en  deux  mots  la  question 
militaire. 

On  nous  dit  que  la  mer  ferait  la  meilleure  barrière  contre  une  insur- 
rection indigène;  la  mer,  oui;  le  canal,  non,  car  il  occupe  à  peu  près  h 
moitié  de  l'étendue  de  cette  prétendue  frontière  et  rien  ne  sera  ôcil* 
comme  de  boucher  le  canal,  de  faire  sauter  les  berges  an  besoin  :mtoe 
avec  les  outils  les  plus  sommaires  on  peut  faire  ébouler  les  berges;  u 


LA  MER  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE.  427 

déblai  de  15,000  mètres  cubes  de  terre  suffirait  largement  pour  com- 
bler le  fossé  et  donner  an  large  passage  ;  ce  serait  l'affaire  de  quelques 
jours  et  la  démolition  se  ferait  avec  une  facilité  égale  à  celle  de  M.  Rou- 
daire  procédant  au  creusement. 

D'un  antre  côté,  si  une  guerre  avec  une  puissance  européenne  sur- 
venait, ce  serait  nu  moyen  de  plus,  une  voie  ouverte  pour  pénétrer 
chez  nous  et  nous  prendre  à  revers.  Une  marine  étrangère  forcerait 
facilement  rentrée  de  Gabès,  au  besoin  même  renouvellerait  le  portage 
des  Argonautes  et  viendrait  porter  dans  le  territoire  dont  M.  de  Lesseps 
demande  la  concession,  armes,  munitions  et  insurrections. 

XIII. 

CONCLUSION. 

Et  maintenant  que  Ton  a  vu  que  la  mer  intérieure  coûterait  près 
don  milliard,  qu'elle  ne  serait  pas  faite  avant  30  ans,  que  les  avan- 
tages, les  résultats  bienfaisants  dont  nous  parlent  les  sectaires  du  pro- 
jet ne  sont  rien  moins  que  problématiques,  que  reste-t-il  debout  pour 
soutenir  le  projet  ? 

Tout  ce  que  nous  avons  dit  a  été  examiné  et  reconnu  par  la  haute 
Commission  chargée,  Tan  dernier,  de  se  prononcer  sur  l'opportunité 
de  la  mer  intérieure,  qui,  tout  en  reconnaissant,  ce  que  nous  faisons 
do  reste,  la  possibilité  théorique  du  projet,  s'était  prononcée  contre  sa 
mise  en  pratique. 

Les  sondages  que  11.  le  commandant  Roudaire  a  pu  faire  depuis  à 
Gabés  et  au  Kriz,  le  nouveau  col  signalé,  la  dépression  inférieure  par 
où  passera  son  canal,  le  choix  du  Melah,  l'adoption  du  littoral  nord  du 
choit  pour  le  grand  canal  du  Djerid,  sont  des  réponses  portant  sur 
des  questions  de  détail,  mais  non  sur  l'ensemble  du  projet  condamné 
d'avance,  et  non  seulement  par  des  savants,  comme  le  disent  ironi- 
quement MM.  de  Lesseps,  Roudaire  et  leurs  partisans,  faisant  appel  au 
souvenir  de  Suez,  mais  aussi  par  tous  les  gens  pratiques,  toutes  les 
sommités  militaires  et  civiles  faisant  partie  de  la  commission  convo- 
quée par  M.  de  Freycinet. 

Nous  nous  inclinons  tous  devant  M.  de  Lesseps,  devant  l'homme  qui 
a  fait  Suez,  devant  cette  belle  figure,  cette  vieillesse  énergique,  s'opi- 
niâtrant  dans  la  poursuite  de  ridée  qu'il  a  faite  sienne  ;  mais,  comme 
cela  a  été  dit  dans  un  journal  de  la  colonie,  •  nous  nous  inclinerions 
davantage  si  ces  fatigues  étaient  supportées  dans  un  but  désintéressé.  • 

Du  reste,  maintenant,  ce  n'est  plus  d'actions  et  de  parts  de  fonda- 
teurs qull  s'agit  pour  les  promoteurs  de  Teutreprise:  M.  de  Lesseps  Ta 
parfaitement  déclaré,  il  demande  en  concession,  sans  garantie  d'inté- 


428  GÉOGRAPHIE  ÉCONOMIQUE. 

rôt,  les  soi-disant  mauvais  terrains  de  la  mer  intérieure  et  des  monta- 
gnes: on  a  parlé  de  2,200.000  hectares,  dont  150,000  à  200 ,000  en  forêts. 
Ce  serait  l'équivalent  de  cinq  départements  français.  Ce  serait  une 
grande  maladresse  de  payer  ainsi  d'avance  une  œuvre  dont  l'oppor- 
tunité et  la  praticabilité  sont  déjà  maintenant  si  contestées,  un  projet 
si  aléatoire,  si  chanceux,  ayant  tant  de  hautes  intelligences  contre  loi, 
n'ayant  pour  lui,  sauf  ses  promoteurs,  que  ceux  qui  aiment  mieux 
croire  que  d'aller  voir  ou  étudier.  Car,  nous  l'avons  dit,  ces  2,200,000 
hectares  ne  sont  pas  du  tout  sans  valeur  ;  la  terre  végétale  y  existe, 
l'eau  y  est  aussi,  mais  elle  y  passe  trop  vite.  L'eau  artésienne  s'y  trou- 
vera toujours  à  des  profondeurs  variant  de  80  à  200  mètres  au  plus. 
On  priverait  la  colonisation  de  ces  terres  pour  en  faire  l'apanage  princier 
de  concessionnaires  qui  renouvelleraient  les  erreurs  des  grandes  com- 
pagnies du  siècle  dernier  et  écraseraient  l'initiative  individuelle  (■). 

En  fait  de  mer  intérieure  et  de  colonisation,  ils  commenceraient  par 
se  tailler  de  beaux  domaines;  de  suite,  très  probablement,  ils  feraient  ce 
que  depuis  20  ans  notre  France  aurait  dû  faire  :  des  barrages  et  des 
forages  artésiens  ;  ces  barrages  réussiraient  toujours  aux  pieds  de  mon- 
tagnes de  2,000  mètres  et  avec  de  l'eau  pendant  trois  ou  quatre  mois 
dans  les  rivières  ;  et  ensuite,  leurs  terres  facilement  fertilisées,  ils 
trouveraient  peut-être  d'une  certaine  valeur  les  raisons  que  nous  *tocs 
données  contre  l'établissement  de  leur  mer. 

Mais  que  d'abord  cette  société  si  puissamment  constituée  dont  parle 
M.  de  Lesseps  montre  ses  ressources,  qu'elle  jette  dans  l'entreprise  et 
à  Gabès  ces  premiers  cent  millions  qu'il  semble  agiter  devant  nos  yeux, 
pour  nous  engager  à  en  verser  d'autres;  puisqu'il  est  si  sûr  de  la  réos- 
site  du  projet,  de  l'exécution  du  canal,  du  remplissage  du  bassin,  qn'ÎI 
commence  tous  ces  travaux  ;  il  n'a  pas  besoin  de  ces  terrains  du  lit- 
toral nord  maintenant,  puisque  ce  n'est  qu'après  la  mer  qu'ils  seront 
fertilisés.  Qu'il  attende  que  la  mer  soit  réellement  dans  le  Melrir  pour 
en  demander  la  concession,  mais  qu'elle  ne  lui  soit  pas  donnée  avant 
et  comme  rémunération  d'un  service  qu'il  ne  nous  a  pas  encore  rendu. 

Paiusot. 


(*)  Rappelons  quo  la  Commission  supérieure  a  terminé  son  trtval!  par  l'ordre  Ai 
jonr  suivant  :  «  La  'Commission,  tout  en  rendant  hommage  aux  Intéressants  tiavaal 

•  de  H.  le  commandant  Roudaire,  ainsi  qu'au  courage  et  à  la  persévérance  qu'il  & 
■  déployés  dans  les  difficiles  études  qu'il  a  poursuivies,  au  cours  de  ces  dernières 

•  années,  dans  le  sud  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie, 

«  Considérant  quo  les  dépenses  de  l'établissement  do  la  mer  intérieure  soraiesi 
<  hors  de  proportion  avec  les  résultats  qu'on  peut  en  espérer, 

c  Est  d'avis  qu'il  n'y  a  pas  lieu  pour  le  gouvernement  français  d'encourager  cttte 
«  entreprise.  > 

Pourquoi  donc  M.  Roudaire  aujourd'hui  s'acharne-t-il  à  lutter  contre  l'avis  d'une 
commission  qui  en  somme  était  de  prime  abord  plutôt  disposée  en  faveur  de  soa 
projet  et  où,  bien  certainement,  n'avaient  pas  été  admis  ceux  qui  s'étaient  déjà  fait 
connaître  par  leur  opposition  à  ce  projet  ? 


LA  MER  INTÉRIEURE* EN  ALGÉRIE  429 

NOTE  DE  LA  RÉDACTION. 

L'exposé  qui  précède  est  le  résumé  de  la  conférence  faite  fin  mai  à 
la  Société.  Actuellement,  étant  donné  le  caractère  absolument  privé  que 
doit  avoir  l'entreprise  de  la  mer  intérieure,  plusieurs  des  objections 
faites  par  Fauteur  n'ont  plus  aucune  raison  d'être. 

Rédigé  d'ailleurs  d'après  les  notes  de  l'auteur  et  imprimé  en  son  ab- 
sence, sans  qu'il  ait  pu  en  faire  lui-même  les  corrections,  ce  résumé 
renferme  des  erreurs  d'impression  qu'il  est  de  notre  devoir  de  rectifier 
comme  suit  en  soulignant  les  mots  et  chiffres  exacts  : 

Page  407,  ligne  18 :  altitude  4e  — 27,5{1)....  altitude,  —24,5.... 

ligue  19  :  que  le  miUeu  soit  A  — 30.... 

ligne  20  :  de  — 24  pendant  60  kilomètres.... 
Page  408,  ligne    5  :  qui  est  en  dessous  de  la  cote  Oà  la  cote  —20....  «n  haut-fond  re- 

levé,»., 

ligne  11  :  à  la  cote  —24.... 
Page  412,  note  1,  ligne  12  :  par  M.  le  commandant  Eondalro.... 
Page  413,  ligne  31  :  pour  la  aurface  du  chott  donnent.... 
Page  414,  ligne  55  :  but  les  780  millions  de  mètres  cubes.... 
Page  415,  ligne  20  :  étant,  an  lieu  de  allant. 
Page  416,  ligne  41  :  entre  les  deux  chiffres  est  de  325  mètres  cubes. 

ligne  42  '.c'est  au  lieu  de  est. 
Page  417,  Ugne   9  :  mètres  cubes.  Quand  la  tranchée.... 

ligne  10  :  au  plafond  (mais....  de  0,80)  ;.... 

ligne  11  :  le  paragraphe  compris  entre  les  lignes  19  et  23  est  une  note  à 
placer  à  la  page  416,  ligne  12,  après  maximum. 
Page  418,  ligne  18  :  suffisant  au  Ueu  de  insuffisant. 

lignes  14  et  15:  ne  pourra  pas  s'exercer....  au-dessous  du  niveau. 

lignes  29  i  38,  et  p.  419,  lignes  1  et  2,  forment  une  note  de  là  page  418, 
ligne  6,  après  :  jusqu'à  la  cote  0. 
Page  419,  ligne  19  :  près  de  300  millions. 

ligne  41  :  du  Khensg  au  lien  du  Theneg. 
Page  420,  ligne  12  :  elle  en  est.... 

Page  421,  ligne  11  :  de  l'Ahmarcaddott  au  Djebel-Ohachar. 
Page  422,  Ugne   7  :  Ouled-Ahmor. 
Page  423,  ligues  4  et  5:  un  jardin.  Jusqu'à....  de  Négrine  nous.... 

ligne  30  :  l'auréole  pour  quelques-uns.,.. 
Page  424,  lignes  17  à  27,  note  à  mettre  en  renvoi  de  la  ligne  16,  après  :  eau. 
Page  426,  ligne  4  :  après  l'oued  fiirh.  J.  V.  B. 


0  Le  signe  — ,  placé  devant  les  cotes,  indique  qu'elles  sont  au-dessous  du  niveau 
de  la  mer. 


9°  GÉOGRAPHIE  COLONIALE 


LA 


NOUVELLE-CALÉDONIE 


(Suite.) 


Communication*.  —  Les  transactions  commerciales  sont  facilitées  a 
l'extérieur  par  des  services  réguliers  à  vapeur  et  à  voiles  sur  l'Aus- 
tralie, sur  Bordeaux  et  par  les  paquebots-poste  français  de  Marseille 

Un  service  de  paquebots  à  vapeur  relie  entre  eux  tons  les  points  de 
la  côte  au  moins  deux  fois  par  mois.  Ces  paquebots  reçoivent  une 
subvention  de  180,000  fr.  que  la  métropole  fournit  à  la  colonie. 

Télégraphe.  —  Un  réseau  télégraphique,  comprenant  24  bureau*, 
met  en  communication  avec  le  chef-lieu  tous  les  ports  de  la  côte  et 
toutes  les  localités  de  Mie. 

On  s'occupe  de  relier  par  un  câble  sous-marin,  de  Brisbane  i  Nou- 
méa, la  Calédonie  à  l'Australie,  et  par  suite  à  la  France. 

Postes.  —  Un  service  postal  dessert  tous  les  points  habités. 

Dès  Tannée  1860,  on  avait  tenté  d'organiser  des  courriers  terres- 
tres entre  Nouméa  et  Ganala.  Le  trajet  est  de  moins  de  200  kilomètres 
et  devait  se  faire  en  quatre  jours.  Une  boite  en  fer-blanc  contenant 
les  correspondances  était  remise  au  chef  canaque  ;  celui-ci,  pour  rendre 
inviolable  la  boite  aux  lettres,  avait  mis  le  tabou  sur  cette  boite,  c'est- 
à-dire  l'avait  rendue  sacrée  aux  yeux  des  Canaques,  mais,  soit  supers- 
tition, soit  paresse,  soit  mauvais  vouloir,  la  boite  n'arrivait  que  bien 
longtemps  après  le  départ.  On  la  retrouvait  dans  les  relais  ou  les 
étapes,  suspendue  à  un  arbre  ou  déposée  sur  la  lisière  de  la  forêt.  Oti 
respectait  la  boite,  mais  elle  restait  en  roule. 

Voilà  qu'au  mois  de  décembre  1860,  Tune  des  tribus  que  traversait 
le  courrier  avec  sa  boite  fut  décimée  par  une  terrible  épidémie  qui 
commença  à  sévir  au  moment  du  passage  du  courrier.  Les  sorciers 
déclarèrent  que  le  mal  ne  pouvait  provenir  que  du  contenu  de  II 
boite  aux  lettres.  Cette  cause  étant  ainsi  connue,  il  n'y  avait  plus  qu'a 
la  supprimer  pour  supprimer  l'effet.  Aussi,  dès  que  les  courriers  sui- 
vants passèrent,  ils  furent  arrêtés,  massacrés  et  mangés.  Comme 
cette  fois,  on  ne  retrouva  pas  les  lettres,  on  envoya  une  expédition 


I 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  431 

contre  ces  cannibales,  mais  ils  avaient  fui  dans  la  montagne.  En  1878, 
la  même  tribu  fut  des  premières  à  massacrer  les  blancs,  de  sorte 
qu'elle  a  été  détruite,  et  son  territoire  magnifique  est  libre  pour  la 
colonisation. 

Il  y  a  aujourd'hui  27  bureaux  de  poste. 

Justice.  —  La  justice  est  organisée  comme  en  France.  Il  y  a,  à  Nou- 
méa, un  tribunal  de  première  instance  et  un  tribunal  supérieur, 
serrant  à  la  fois  comme  cour  d'appel  et  comme  cour  d'assises.  Un 
tribunal  de  commerce  a  été  institué.  Enfin,  des  juges  de  paix  Tiennent 
d'être  établis  dans  les  quatre  autres  arrondissements  de  l'intérieur. 

Budgets.  —  Le  bodget  de  la  ville  de  Nouméa  est  de  290,000  fr.  pour 
5,000  habitants.  Il  est  donc,  en  proportion,  d'environ  le  double  de 
celui  de  la  ville  de  >ancy. 

Il  y  a  dans  l'intérieur  neuf  commissions  municipales  qui  reçoivent 
ensemble  une  allocation  de  70,000  fr.  En  outre,  il  y  a  12  officiers  de 

l'état  civil. 

Le  budget  de  la  colonie,  qui  était  de  434,000  fr.  en  1870,  est  actuel- 
lement de  2,068,000  fr. 

Terminons  ce  qui  regarde  la  population  blanche  de  la  colonie  en 
passant  en  revue  les  progrès  intellectuels. 

Instruction  publique.  —  Le  premier  budget  de  l'instruction  pu> 
tîiqve  date  de  1874  et  s'élevait  à  43,500  fr.  En  1877,  il  était  de  près 

de  57,000  fr. 

Actuellement,  l'administration  y  consacre  98.000  fr.,  et  la  munici- 
palité de  Nouméa  56,000  fr.,  soit  154,000  fr.  pour  5,000  habitants. 

Sotte  part  le  désir  d'instruction  n'est  aussi  grand  qu'aux  colonies. 
Bon  seulement  on  en  sent  le  besoin  immédiat  pour  soi,  mais  on  veut 
que  les  enfants  soient  ainsi  mis  à  même  de  se  suffire  et  de  s'élever 

dans  la  société.  . 

Le  nombre  des  écoles  est  de  45.  Les  élèves  des  deux  sexes  ne  sont 
encore  que  de  1,574,  dont  600  dans  les  écoles  des  missions  exclusives 
aux  Canaques.  On  voit  que  la  colonie  fait  les  plus  louables  sacnOces 
ponr  l'instruction  publique  de  la  jeune  génération. 

Kous  allons  maintenant  pénétrer  chez  les  Canaques. 

Population  canaque.  -  Ne  craignez  pas  que  ces  anthropophages 
nous  mettent  cuire  à  l'étuvée  selon  leur  ancienne  coutume.  Leur 
hospitalité  nous  est  assurée.  Nous  avons  dit  qu'il  y  avait  41,000  Calé- 
doniens, il. 

Sommes.  —  Les  Canaques  calédoniens  ont  la  peau  couleur  chocolat. 

Les  pommettes  sont  plus  saillantes  que  les  nôtres,  mais  moins  que 
celle  des  nègres.  Ils  ont  les  yeux  noirs  et  la  conjonctive  oculaire  rou- 
geâtre,  ce  qui  leur  donne  une  expression  farouche.  A  voir  leurs 


.j 


432  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

grandes  dents  blanches  proéminentes,  ils  paraissent  toujours  disposés 
à  dévorer  nn  membre  humain.  Us  différent  beaucoup  des  indigents 
australiens  auxquels  ils  sont  bien  supérieurs. 

Popinées.  —  Les  femmes,  qu'on  appelle  «  popinées  »,sont  très  laides 
en  général.  Leur  tête  d'écouvillon,  leur  chevelure  crépue  comme  ta 
chenille  d'un  casque  de  carabinier,  leurs  seins  énormes  et  piriformes, 
leurs  oreilles  déchiquetées,  présentent  un  aspect  peu  séduisant.  (Test 
un  pays  où  la  vertu  semble  facile.  Souvent  elles  blanchissent  leur 
chevelure  avec  de  la  chaux  comme  les  marquises  se  poudraient  au 
siècle  dernier.  Elles  nourrissent  leurs  enfants  au  moins  3  ans  et  sou- 
vent 5.  Elles  sont  flétries  de  bonne  heure,  tant  par  suite  des  priva- 
tions qu'elles  endurent  que  des  rudes  travaux  auxquels  elles  sont  sou- 
mises. 

Costume.  —  Le  costume  des  Canaques  est  tellement  primitif,  qu'il 
est  indescriptible.  Dans  l'intérieur,  on  peut  en  habiller  10  avec  une 
paire  de  gants  ;  mais  lorsqu'ils  viennent  à  Nouméa,  ils  sont  obligés 
de  remplacer  leur  incxpressible  par  une  culotte  qu'ils  portent  col- 
lante. 

Le  sauvage  aime  à  alterner  le  costume  d'Adam  avec  celai  des  Euro- 
péens, et  il  est  fier  de  se  vêtir  d'un  gilet  avec  un  chapeau  haut  de 
forme  sans  pantalon.  On  s'imagine  ce  qu'a  de  grotesque  cet  accou- 
trement qu'on  n'admettrait  même  pas  dans  nos  bals  travestis.  Il  est 
vrai  que  l'absence  de  pantalons  et  de  bas  est  remplacée  par  des  jarre- 
tières ornées  de  coquilles  aux  genoux  et  des  bracelets  au  gras  des 
bras,  par  des  colliers  de  poil  de  roussettes  et  par  des  pendants  d'o- 
reilles en  bois  ou  en  écorce,  gros  comme  un  bouchon  et  passés  dans 
le  lobe  de  l'oreille.  Ils  ornent  leur  chevelure  de  verdure  ou  d'aigrettes 
de  plumes,  ou  ils  l'enveloppent  dans  une  étoffe  nouée  en  turban  avec 
la  corde  de  leur  fronde.  Ainsi,  ce  sont  les  hommes  et  non  les  femmes 
qui  portent  des  jarretières  et  pas  de  bas. 

Quant  aux  femmes,  à  Nouméa,  elles  sont  vêtues  d'un  grand  peignoir, 
sans  taille,  blanc  ou  de  couleur  brillante  ou  à  carreaux.  Dans  l'inté- 
rieur, elles  n'ont  qu'une  ceinture  frangée  en  fibres  de  cocotier  teinte 
avec  le  coleus.  Elles  y  ajoutent  par  derrière,  et  pour  cause,  un  appen- 
dice en  forme  de  giberne. 

Les  colliers  en  pierres  polies  et  percées,  en  graines,  en  poils  de 
roussettes,  les  bracelets  de  coquilles  rehaussent  l'attrait  des  femmes. 

Elles  fument,  comme  les  hommes,  un  tabac  en  figues,  très  acre  et 
très  fort.  Leur  pipe  et  leur  couteau  ne  quittent  pas  leur  ceinture,  et 
souvent  leur  pipe  remplace  dans  le  trou  de  leur  oreille  le  rond  de 
bois  qu'elles  y  mettent  ordinairement.  Il  parait  qu'une  mode  pari* 
sienne  récente  consistait  à  porter  aux  oreilles  et  au  coudes  petits 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  433 

cochonnets  en  or.  Bien  des  maris  préféraient  voir  aux  oreilles  de  leurs 
femmes  de  vrais  brûle -gueule  qui  du  moins  pouvaient  servir  à  la 
communauté. 

Les  hommes  portent  la  barbe  comme  attribut  de  la  virilité.  Mais,  après 
un  deuil,  après  une  réconciliation,  après  la  rencontre  d'un  ami  long- 
temps attendu,  on  casse  une  bouteille  de  verre,  on  prend  un  tesson 
et  Con  se  rase  mutuellement.  Gomme  notre  roi  Lonis  XI,  on  n'a  donc  pas 
de  meilleur  compère  que  sou  barbier  ordinaire.  Quand  on  est  seul  à 
se  raser,  on  a  pour  glace  un  tronc  de  cocotier.  On  y  a  creusé  une  cu- 
vette que  la  ploie  a  remplie  d'oan.  dont  l'aubier  noir  de  l'arbre  fait  un 
miroir.  On  s'agenouille  devant  ce  miroir  d'eau  claire  et  Ton  se  rase 
avec  le  tesson  de  bouteille.  Cette  installation  ne  remplacera  pas  de 
sitôt  celle  de  nos  élégantes  boutiques  de  barbiers. 

Le  tatouage  n'est  que  partiel;  il  est  plus  en  usage  cbez  les  femmes 
que  cbez  les  hommes.  Elles  se  piquent  dans  la  peau  de  la  poitrine  et 
des  bras  des  brins  d'herbe  sèche,  y  mettent  le  feu  et  se  font  ainsi  de 
petites  tumeurs  rondes  et  gaufrées  disposées  par  rangées.  C'est  un 
nouveau  système  recommandé  à  ceux  que  passionnent  les  grains  de 
beauté  ou  les  mouches  Régence. 

Alimentation.  —  Le  Canaque  se  nourrit  d'ignames,  de  taros,  de  pa- 
tates, de  bananes,  de  cocos,  de  cannes  à  sucre,  de  papayes,  de  pois- 
sons et  de  coquillages.  L'eau  de  mer  et  les  coquillages  ajoutent  aux 
aliments  le  sel  qui  leur  manque. 

Il  élève  des  volailles  et  des  porcs,  mais  pour  en  faire  trafic  avec  les 
caboteurs,  et  ne  peut  les  consommer  lui-même  parce  que  ces  aliments 
ne  subiraient  pas  à  toute  sa  tribu. 

La  récolte  des  ignames  et  des  taros  est  dévorée  dans  de  grandes 
fêtes  que  les  tribus  se  donnent  entre  elles.  Dans  l'intervalle  de  deux 
récoltes,  le  Canaque,  mourant  de  faim,  s'emploie  chez  les  Européens 
qui  le  nourrissent,  ou  en  est  réduit  à  manger  des  fruits,  des  racines, 
des  sauterelles  ou  de  la  terre.  Cette  terre  est  une  stéatite  molle,  en 
boulettes,  se  délitant  avec  la  salive,  ayant  un  goût  légèrement  sucré* 
C'est  un  chocolat  trompeur  qui  engourdit  l'estomac,  mais  qui  n'en- 
graisse  pas.  C'est  l'analogue  de  la  poudre  de  talc,  et  il  ne  viendra  à 
personne  l'idée  d'en  goûter. 

Cannibalisme.  —  Ainsi  nourri  d'aliments  végétaux,  l'aliment  azoté 
loi  manque.  Son  instinct  loi  dit  que  la  viande  enrichirait  son  sang,  et 
wilà  pourquoi,  dans  un  pays  dépourvu  d'animaux  et  de  gros  gibier,  il 
lui  est  arrivé  de  manger  de  la  chair  humaine. 

Comme  l'a  dit  Toussenel,  le  mal  est  moins  de  manger  son  semblable 
une  fois  mort,  que  de  le  tuer  pour  le  manger. 

Le  soin  de  sa  nourriture  est  donc  la  plus  grande  préoccupation  du 


434  GÉOGHAPHIE  COLONIALE. 

Canaque  et  la  cause  des  pénibles -corvées  des  femmes  chargées  d> 
pourvoir.  Aussi,  lorsqu'on  lui  parle  d'un  grand  pays  comme  la  France: 
•  C'estdonc  un  pays,  s'écrie- t-il,  où  Ton  ne  manque  jamais  d'ignames!» 

Un  Canaque  disait  i  l' évoque  :  «  Il  est  peut-être  mal,  comme  tu  le  (fis, 
de  manger  de  l'homme,  mais  ne  dis  pas  que  ce  n'est  pas  bon,  tu  men- 
tirais. » 

Un  autre,  qui  avait  deux  femmes,  demandait  à  être  chrétien.  On  lui 
répondit  qu'on  le  baptiserait  quand  il  n'aurait  plus  qu'une  femme.  Il 
revint  le  surlendemain  et  déclara  se  contenter  d'une  seule  épouse.  ■  Que 
devient  l'autre?  lui  demanda  le  missionnaire.  —  Mi  toupaï,  poplné  — 
finish  kdïkaï  —  beaucoup  lélé.  (Je  l'ai  tuée,  Je  l'ai  mangée,  c'était 
une  bien  bonne  femme.)  ■  Telle  fut  la  réponse  du  Canaque. 

Voilà  les  gens  que  les  missionnaires  ont  entrepris  de  civiliser  et 
dont  ils  ont  transformé  les  mœurs,  au  point  qu'il  existe  dans  les  tribus 
chrétiennes,  catholiques  ou  protestantes,  un  état  civil  dont  nous  pro- 
fiterons plus  tard.  De  plus,  on  leur  apprend  le  français  et  le  chant  en 
français  et  même  en  latin. 

Ces  pauvres  popinées,  on  les  envoie  à  la  pêche,  même  aussitôt 
avant  et  après  leurs  couches.  Elles  portent  les  fardeaux  pendant  que 
leur  seigneur  et  maître  marche  en  avant,  sa  lance  ou  sa  hache  à  la 
main.  Ces  derniers  leur  font  l'honneur  d'être  très  jaloux. 

Usages.  —  Les  usages  défendent  aux  femmes  de  s'approcher  des 
hommes,  même  de  leur  mari,  autrement  qu'en  rampant.  Il  est  très  im- 
poli de  demander  à  un  Canaque  des  nouvelles  de  sa  mère,  de  sa 
femme  et  surtout  de  sa  sœur.  Celle-ci  se  jette,  avec  son  fardeau,  daas 
les  bois,  si  elle  rencontre  un  homme  et  surtout  spn  frère  en  chemin. 

Il  est  prescrit  par  la  civilité  calédonienne  de  passer  devant  les  chefs 
et  les  invités;  de  s'asseoir  quand  ils  se  tiennent  debout;  de  ne  pai 
ôter  sa  coiffure  quand  on  prend  part  à  un  enterrement;  de  montrer,  à  la 
façon  des  Espagnols  et  des  Cochinchinois,  à  son  amphitryon  qu'on  a  le 
Tentre  plein  jusqu'à  l'excès. 

On  voit  que  ces  usages  sont  dictés  par  la  défiance,  car  en  marchnt 
devant  son  invité  ou  en  s'asseyant  devant  lui,  on  ne  peut  lui  asséner 
un  coup  de  casse-tête. 

Cases.  —  Les  cases  canaques  sont  construites  en  forme  de  roches 
d'abeille  avec  des  bois,  des  peaux  de  l'arbre  qu'on  appelle  niaoulis  et 
un  toit  d'herbes.  On  fait  du  feu  au  milieu  entre  des  pierres,  n  n'y  i 
qu'une  petite  ouverture  qu'on  obstrue  le  soir,  afin  de  se  préserver  du 
froid  et  surtout  des  moustiques  pendant  la  saison  chaude. 

Souvent  on  y  subit  les  morsures  de  petites  puces  qui  sont  de  vrais 
cannibales  pour  le  sang  blanc. 

Les  cases  des  chefs  ou  d'apparat,  où  se  réunit  le  conseil  éts  anciens 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  435 

de  la  tribu,  sont  plus  grandes  et  mieux  faites;  la  toitnre  se  relie  au 
poteau  «entrai  par  on  inextricable  réseau  de  perches  enchevêtrées. 
Le  plafond  se  compose  de  grosses  planches  de  houp  aux  extrémités 
desquelles  sont  sculptées  des  têtes  grimaçantes.  Il  en  est  de  même 
des  piliers.  Des  allumettes,  des  étoffes,  des  nœuds  sortilégiques  sont 
suspendus  aux  parois. 

Cultures.  —  Le  taro  et  l'igname  sont  les  principales  cultures.  Elles 
se  font  au  moyen  d'un  bâton  de  bois  dur  avec  lequel  les  naturels  dé- 
frichent leurs  champs.  Les  cultures  de  taros  sont  entretenues  par  des 
irrigations  parfaitement  entendues.  L'eau  des  sources  descendant  des 
montagnes  est  amenée  dans  des  rigoles  formant  des  étages  superposés. 
Ces  conduites  d'eau  sont  très  remarquables. 

Ils  cultivent  en  outre  le  bananier,  la  canne  à  sucre,  l'ananas,  et, 
comme  fruits,  l'orange,  le  citron  et  la  pêche. 

Quelques  indigènes  cultivent  du  café  et  du  mats.  Les  cocotiers  sont 
très  nombreux. 

Les  poteries  canaques,  en  terre  vernissée,  ont  été  remplacées  par 
des  marmites  en  fer  et  les  calebasses  par  des  bouteilles. 

Outils  en  pierre.  —  Leurs  haches  en  pierre  polie  ont  cédé  le  pas 
soi  haches  en  fer  ou  en  acier;  mais  ils  ont  conservé  comme  armes  la 
sagaie  et  le  casse-tête  en  bois,  arme  terrible  dans  leurs  mains.  Us  se 
servent  habilement  de  la  fronde,  et  les  pierres  ovoïdes  qu'ils  em- 
ploient démontrent  qu'ils  connaissaient  la  propriété  des  projectiles 
coniques  avant  l'invention  de  la  carabine  Miniè  en  France.  Ils  mar- 
quent, au  moyen  de  pierres  tumulaires,  à  la  place  même  où  ils  sont 
tombés,  le  nombre  des  guerriers  tués  dans  les  combats. 

Les  haches,  les  herminettes  en  pierre  servaient  à  creuser  des  piro- 
gues et  à  travailler  le  bois. 

Les  haches  rondes  étaient  un  attribut,  un  insigne  de  chef,  et  lors- 
qu'on devait  tuer  un  chef  ennemi  puissant,  c'est  avec  une  de  ces 
haches  de  luxe  qu'on  lui  faisait  l'honneur  de  le  frapper. 

Pirogues.  —  Les  pirogues  sont  à  balancier.  Elles  sont  simples  ou 
doubles  et  sont  creusées  dans  un  seul  tronc  d'arbre.  Elles  sont  ma- 
nœuvrées  à  la  pagaye  et  à  la  voile  triangulaire. 

Musique.  —  Le  seul  instrument  de  musique  est  une  flûte  en  roseau 
à  deux  trous.  Les  indigènes  en  jouent  avec  une  égale  facilité,  tantôt 
par  la  bouche,  tantôt  par  le  nez  en  se  bouchant  l'une  des  narines  avec 
le  pouce.  Notre  pays  est  réputé  comme  possédant  des  instrumen- 
tistes distingués,  mais  nous  n'avons  pas  encore  vu  de  flûtistes  jouant 
avec  leur  nez,  c'est  sans  doute  à  cause  des  rhumes  de  cerveau  si  fré- 
quents en  hiver. 

Fêtes.  —  L<  s  Calédoniens  aiment  Ios  réunions  et  les  réjouissances. 


436  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

Elles  sont  connues  sous  le  nom  de  pilou-pilou  et  elles  sont  tantôt  de 
fêtes  à  l'occasion  des  récoltes,  de  la  mort  d'un  chef,  de  la  m 
du  fils  d'un  chef  ou  des  marchés  d'échange,  mais  ce  sont  toujours 
fêtes  guerrières. 

Guerrier  masqué.  —  Les  sexes  sont  séparés.  Les  hommes  se  met- 
tent à  la  file  ou  en  rond.  Ils  sont  complètement  nus.  Ils  ont  les  yen 
et  les  pommettes  des  joues  teints  en  bleu  ou  en  rouge,  des  plumes  oh 
de  la  verdure  dans  la  chevelure.  La  poitrine  est  barbouillée  d'huile  et 
de  suie.  Us  tiennent  à  la  main  un  bâton  surmonté  de  plumes  blanches, 
une  sagaie,  un  casse-tête  ou  une  hache.  Us  s'avancent  en  ligne  frap- 
pant  la  terre  en  cadence,  s'arrêtent  court  devant  le  chef  ou  le  princi- 
pal invité,  déposent  devant  lui  des  présents  :  fruits,  cocos,  bananes, 
ignames,  poissons.  S'il  s'agit  du  gouverneur,  on  lui  apporte  un  coq 
blanc  et  des  armes.  Ce  présent  officiel,  hommage  de  soumission  an 
civil  et  au  militaire,  est  suivi  d'un  autre  cadeau,  un  cochon  suspendu 
à  un  bambou  par  les  quatre  pattes.  Cette  offre  est  accompagnée  de 
hurlements  sauvages  qui  se  joignent  au  grognement  du  pore  et  si 
gloussement  du  coq.  Il  faut  avouer  que  ces  présents  sont  assez  diffici- 
les à  emporter  avec  soi.  On  les  accepte,  on  y  répond  par  des  cadeaux 
de  vêtements,  d'étoffes,  de  tabac,  d'argent,  et  Ton  renvoie  les  bétes 
dans  le  village  pour  y  être  consommées.  Le  soir,  à  la  lueur  des  torches, 
commencent  des  danses  effrénées.  Ce  sont  des  contorsions  du  corps 
en  cadence  et  accélérées  qui  se  terminent  par  le  formidable  cri  de 
guerre.  Au  milieu  des  forêts  épaisses,  autour  des  feux  allumés,  ces 
bandes  de  sauvages  surexcités  ont  un  aspect  fantastique  et  terrible, 
et  l'on  a  une  idée  des  plus  affreuses  scènes  de  cannibalisme. 

Religion.  —  Les  Canaques  croient  à  la  vie  future  puisqu'ils  hono- 
rent les  morts,  et  sartout  les  chefs,  par  des  fêtes  funéraires;  ils 
croient  aux  esprits,  aux  revenants,  aux  sortilèges.  Us  font  aux  esprits 
des  offrandes  d'ustensiles,  d'étoffes,  de  fruits  et  de  vivres.  Leurs  sor- 
ciers font  la  pluie  ou  la  sécheresse,  le  vent  ou  le  soleil.  Les  esprits 
de  leurs  aïeux  vont  tous  dans  une  sorte  de  lieu  de  repos  situé  sons  la 
mer.  Quand  il  tonne,  c'est  que  ces  esprits  reviennent  irrités,  et  afin 
de  les  éloigner  l'on  promène  sur  le  sommet  des  montagnes  des  torches 
allumées. 

Le  tabou.  —  Ils  ont  les  ablutions,  les  abstinences  et  la  coutume  do 
tabou. 

Langue.  -—  La  langue  canaque,  bien  que  dérivant  d'une  même  ori- 
gine, n'est  qu'une  variété  d'idiomes  qui  changent  avec  chaque  tribo, 
au  point  que  deux  tribus  voisines  se  comprennent  difficilement  il 
faut  autant  d'interprètes  qu'il  y  a  de  tribus;  mais  les  indigènes  ap- 
prennent à  parler  un  langage  mélangé  de  français,  d'anglais  et  de 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  437 

canaque,  «  le  bichelamer  »,  que  tout  le  monde  comprend  en  peu  de 
temps. 

Bambous  graves.  —  Les  Canaques  aiment  à  veiller  très  tard  le  soir, 
et  les  conteurs  récitent  de  longues  et  poétiques  légendes.  Ils  n'ont 
pas  d'écriture  ni  de  livres;  mais  ils  gravent  sur  des  bambous  les  faits 
qui  les  intéressent,  et  au  moyen  de  cette  représentation  figurée,  ils 
racontent  les  faits  dont  le  souvenir  doit  se  perpétuer. 

Numération.  —  On  a  déûni  l'homme  :  un  animal  dont  l'intelligence 
est  capable  d'abstraction.  En  descendant  l'échelle  humaine,  on  voit 
qoe  moins  l'homme  est  civilisé,  moins  il  est  accessible  aux  idées  abs- 
traites. Un  Canaque  ne  saurait  compter  jusqu'à  1,000.  Il  se  sert  de 
nœuds  qu'on  fait  à  nne  corde  ou  de  coches  qu'on  fait  à  un  bâton 
comme  la  taille  des  boulangers.  Il  a  tiré  de  la  nature  une  méthode 
aussi  simple  qu'ingénieuse,  et  qu'on  peut  appeler  système  vigésimal, 
puisque  la  base  en  est  le  nombre  20.  On  réalise  ce  nombre  en  comp- 
tant les  doigts  des  mains  et  les  doigts  des  pieds,  et  Ton  appelle  le 
tout  ■  un  homme  >.  40  doigts  font  deux  hommes  et  ainsi  de  suite. 
Kotre  système  décimal  a  au  moins  l'avantage  de  ne  pas  faire  compter 
nos  jeunes  élèves  sur  leurs  doigts  de  pied. 

En  outre,  la  numération  des  Canaques  change  selon  qu'il  s'agit 
d'êtres  animés,  20  oiseaux;  d'êtres  inanimés,  20  cocos;  d'êtres  très 
grands,  20  navires. 

Monnaies.  —  Us  ne  veulent  accepter  ni  la  monnaie  de  cuivre  ni  la 
monnaie  d'or.  Ils  prétendent  qu'on  leur  a  donné  des  sous  neufs  pour 
de  l'or,  dont  ils  ne  savent  d'ailleurs  pas  la  valeur.  Il  faut  tout  traiter 
en  comptant  d'après  leur  numération,  et  s'il  s'agit  de  payer  1  fr.  50  c,  on 
dit  voilà  3  dix  sous.  L'unité  de  monnaie  est  donc  la  pièce  de  50  cen- 
times. 

La  monnaie  indigène  consiste  en  perles  faites  avec  la  pointe  diaman- 
tée  de  petits  coquillages  qu'ils  usent  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  percés 
et  qu'Os  enfilent  ;  1  mètre  de  ce  chapelet  vaut  50  fr.  Lorsqu'une 
femme  a  été  enlevée,  cas  éternel  de  guerre  entre  les  tribus,  bien  avant 
que  l'amour  perdit  Troie,  on  peut  éviter  la  guerre  en  restituant  avec 
la  femme  un  petit  chapelet  de  perles  au  profit  de  la  tribu  lésée. 

Dépérissement  de  la  race.  —  La  race  canaqne  est  en  proie  à  bien 
des  maladies.  De  70,000  sujets  qu'elle  était  au  début  de  l'occupation, 
elle  est  tombée  à  41,000.  Les  causes  de  ce  dépeuplement  sont  multi- 
ples :  la  dissémination  des  villages,  le  peu  de  relations  entre  eux,  le 
manque  de  femmes  et  le  mépris  des  petites  filles,  les  alliances  au 
deuxième  et  au  troisième  degré  de  parenté,  l'abus  des  spiritueux,  le 
mauvais  emploi  des  vêtements,  la  mauvaise  alimentation,  les  maladies 
mal  soignées  ou  contagieuses,  la  phtisie  pulmonaire  :  tels  sont  les  motifs 


438  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

qui  entraînent  la  disparition  d'une  race  qui  nous  serait  désormais  fort 
utile.  Nous  ne  traquons  pas  les  indigènes  comme  les  Anglais,  les  Espa- 
gnols, les  Américains  et  les  Australiens  l'ont  fait  au  début  de  leurs  oc- 
cupations. C'est  la  fatale  loi  de  sélection  qui  veut  que  la  place  reste  au 
plus  fort.  Le  végétal,  le  minéral,  ranimai  et  l'homme  subissent  celte 
loi;  mais  l'homme  a  pour  lui  l'intelligence  et  l'habileté  qui  suppléent 
à  la  force,  et  la  France,  humaine  pour  tous  les  peuples  sauvages  ehe& 
lesquels  clic  s'est  établie,  n'encourra  jamais  le  reproche  de  vouloir 
coloniser  sur  des  tombes. 

Il  n'y  a  pas  en  Galédonie  de  préjugés  de  castes  et  de  démareatkm 
entre  les  blancs  et  les  sang-mêlés.  Les  jeunes  filles  métis  font  de  bons 
mariages  et  ces  unions  sont  généralement  heureuses  et  fécoodes. 

La  population  blanche,  en  se  développant,  dut  pénétrer  de  plus  es 
plus  dans  l'intérieur  du  pays,  occuper  des  terres  plus  vastes  et  y 
répandre  des  troupeaux  qui  ravagaient  les  plantations  des  indigènes. 
Ceux-ci  se  sentaient  irrévocablement  dépossédés;  ils  résolurent  d'ei- 
sayer  de  détruire  ou  de  chasser  les  blancs. 

Massacres.  —  Dans  la  nuit  du  24  au  25  juin  1878.  ils  se  ruèrent  sor 
les  colons  de  l'intérieur  qu'ils  massacrèrent  avec  leurs  familles.  Les 
femmes  et  les  enfants,  loin  d'être  épargnés,  furent  l'objet  des  traite- 
ments et  des  outrages  les  plus  odieux. 

Quelques  jours  après  l'horrible  massacre  des  colons  et  des  agents 
du  télégraphe  à  Bouloupari,  le  colonel  Gally-Passebosc,  commandant 
l'expédition,  tombait  frappé  de  deux  balles  dans  une  embuscade.  C'é- 
tait un  valeureux  et  intelligent  officier.  Jeune  et  ardent,  travaillevr 
infatigable,  patriote  et  libéral,  il  joignait  à  ses  qualités  militaires  use 
jovialité  de  caractère  qui  l'avait  fait  surnommer,  lorsqu'il  était  lieute- 
nant-colonel, le  colonel-lieutenant.  Sa  mort  a  été  une  perte  irréparable 
pour  la  colonie  et  un  deuil  pour  la  Frauce;  car  nous  avions  besoin  de 
son  épée  pour  les  destinées  du  pays  où  il  était  né .  et  qu'il  avait  va 
occupé  par  l'étranger 
Les  massacres  continuèrent  le  11  septembre  aux  environs  de  Bonrail. 
Le  1G  novembre,  11  personnes  furent  surprises  et  massacrées  à 
Poya.  On  retrouva  trois  jours  après,  sur  les  lieux,  G  paniers  remplis  de 
chair  humaine  désossée  et  cuite. 

Enfin,  nos  braves  soldats  d'infanterie  de  marine  mirent  les  rebelles 
aux  abois,  et  les  vaincus,  demandant  grâce,  furent  déportés  aux  lies 
Bélep  et  à  l'Ile  des  Pins. 

Je  demandai  un  jour  à  un  Canaque  rebelle  pourquoi  Ton  avait 
massacré  des  personnes  inoffensives,  pourquoi  l'on  avait  tué  les 
enfants,  pourquoi  Ton  avait  torturé  les  femmes.  «  C'était,  dit-il,  pour 
épouvanter  ceux  que  nous  n'aurions  pu  atteindre  et  leur  faire  quitter 


LA  NOUVELLE-CALÉDONIE.  439 

le  pays.  »  On  r oit  donc  que  c'était  la  lutte  pour  la  vie  :  Struggle  for  life. 

L'insurrection  fut  terminée  en  mars  1879,  par  l'intelligente  et  l'hu- 
maine énergie  do  gouTerneur  Olry. 

Énergie  des  habitants.  —  11  faut  rendre  cette  justice  aux  colons  de 
Calédonie,  qu'après  la  ruine  industrielle  par  la  crise  minière,  la  ruine 
financière  par  la  chute  de  la  banque  et  autres  établissements,  les 
dommages  causés  par  deux  ouragans,  les  pertes  douloureuses  dues  à 
la  révolte,  leur  énergie  n'a  pas  été  ébranlée.  C'est  aussi  une  preuve 
éclatante  de  la  vitalité  du  pays.  La  colonie  se  fera  d'elle-même.  Gomme 
la  mère-patrie,  après  la  désastreuse  guerre  franco -prussien  ne,  elle  s'est 
rapidement  relevée.  Ses  dettes  sont  payées  ;  ses  finances  sont  amélio- 
rées ;  ses  ressources  augmentent  ;  un  million  vient  d'être  envoyé  pour 
réparer  les  ruines  amoncelées  par  l'insurrection. 


INDO-CHINE,  COCHINCHINE 

Par  M.  Ch.  LEMIRE  ('). 


Mesdames,  Messieurs, 

Le  sujet  de  notre  entretien  est  si  important,  qu'il  devrait  faire  l'ob- 
jet d'une  conférence  d'histoire,  mais  nous  nous  bornerons,  si  tous  le 
voulez,  à  une  causerie  familière,  en  suivant  le  courant  des  faits. 

Nous  avons  à  refaire  une  partie  de  la  route  parcourue,  en  commen- 
çant par  l'Egypte.  Les  faits  survenus  depuis  que  j'ai  eu  l'honneur  de 
vous  emmener  en  Océanie  sont  du  domaine  de  l'histoire.  L'Egypte  est 
occupée  par  les  Anglais  et  la  ville  d'Alexandrie  a  été  deux  fois  bom- 
bardée par  eux.  Sur  le  consulat  français  flottait  notre  pavillon.  Cet 
établissement  n'existe  plus.  Voilà  une  ville  fondée  par  Alexandre  le 
Grand,  défendue  par  César,  prise  par  Napoléon  et  détruite  par  les 
Anglais.  Il  y  avait  à  Alexandrie  15,000  Français,  100,000  Anglais,  Ita- 
liens, Grecs,  Maltais,  Levantins  et  Allemands,  85,000  Arabes  et  Turcs. 
Voilà  l'influence  anglaise  dominant  en  Egypte  par  les  armes; in- 
fluence française  s'y  maintient  par  des  écoles,  des  dispensaires,  des 
asiles  d'enfants,  des  hôpitaux  où,  sans  aucun  prosélytisme,  les  sœnra 
de  charité  distribuent  des  secours  et  des  médicaments  aux  musul- 
mans et  apprennent  la  couture  à  des  jeunes  filles  destinées  au  harem. 
Les  hôpitaux  sont  subventionnés  par  les  ministères  de  la  marine  et 
des  affaires  étrangères,  afin  d'y  faire  soigner  nos  marins  et  nos  natio- 
naux. Ce  rôle  de  notre  patrie  est  encore  le  plus  noble.  Saluons  en  pas- 
sant le  dévouement  des  Français  et  des  Françaises  d'Egypte. 

Ce  rôle  pacifique  et  civilisateur  de  la  France  lui  vaudra  d'ailleurs  de 
grandes  compensations  sur  le  continent  africain. 

Si  nous  parcourons,  sur  le  planisphère,  les  immenses  contours  de 
l'Afrique,  nous  trouvons  les  Anglais  au  Nord-Est  (Egypte),  à  l'Est (Aden.i. 
au  Sud  (le  Gap,  les  Zouloos,  le  Transvaal,  Natal,  avec  1,200,000  habi- 
tants), et  à  l'Ouest  (les  possessions  de  Gambie,  de  Guinée  et  de  la 
Gôte-d'Or).  Mais  nous  avons  au  Nord  l'Algérie  et  la  Tunisie,  à  l'Est,  le 
territoire  d'Obok,  qui  est  la  porte  du  Ghoa,  et  une  partie  de  Madagascar, 
à  l'Ouest,  le  Sénégal,  où  nous  envoyons,  pour  nous  conquérir  le  pays, 
des  locomotives  plus  puissantes  que  les  canons  Krupp  ;  nous  possédons 

Dakar,  Gorée  et  enfin  le  Gabon. 
Entre  l'Ugoouê  et  le  Congo,  M.  de  Bracza  vient  de  nous  ouvrir  l'accès 

des  vastes  territoires  du  roi  Makoko.  Ses  pacifiques  succès  ont  exci  é 

(')  Conférence  du  23  février  1883. 


INDO-CHINE,  COCHINCHINE.  441 

le  dépit  de  l'illustre  Américain  Stanley,  qui  pénétrait  par  la  force  dans 
les  régions  voisines  ;  aussi  exprima-t-il  son  peu  de  considération  pour 
notre  compatriote,  parce  que  celui-ci  avait  des  souliers  percés  et 
ècnlés. 

Eh  bien  !  ce  va-nu-pieds  ouvre  au  commerce  français  un  territoire 
fertile  et  peuplé,  plus  grand  que  la  France. 

Dans  un  bal  au  palais  du  Gouvernement,  à  Saïgon,  en  1864,  donné 
en  l'honneur  du  roi  de  Cambodge,  celui-ci  était  pieds  nus,  auprès  de 
dames  fort  élégantes.  Comme  les  Chinois  lui  avaient,  suivant  rasage 
officiel,  offert  une  paire  de  bottes  à  fortes  semelles  de  feutre  blanc, 
on  lui  demanda  pourquoi  il  ne  les  portait  pas  :  «  C'est,  dit-il,  que  le 
costume  national  cambodgien  est  d'être  pieds  nus,  et  j'ai  voulu,  pour 
ma  première  visite  à  la  colonie  française,  paraître  dans  le  costume 
traditionnel  de  mon  peuple.  »  Il  avait  près  de  lui  un  sabre  à  fourreau 
d'or  et  un  crachoir  en  or  repoussé.  Ainsi,  voilà  encore  un  va-nu-pieds 
qui  venait  mettre  un  royaume  sous  la  protection  de  la  France. 

J'ai  rencontré,  dans  mes  excursions  en  Australie,  des  ministres  et 
des  millionnaires  en  tenue  de  stockman  et  avec  des  souliers  troués. 

Dans  mes  courses  pour  le  tracé  du  réseau  télégraphique  en  Calédo- 
nie,  i  travers  bois,  ravins,  marais,  rochers  et  montagnes,  surpris  par 
des  pluies  torrentielles,  j'ai  dû  laisser  mes  chaussures  et  rejoindre  de 
longues  étapes,  sur  les  coraux,  de  Yaté  à  Unia,  pieds  nus  et  avec  une 
Blessure  que  je  ne  pouvais  panser  qu'avec  des  cahiers  de  papier  à 
cigarettes.  Je  revendique. donc  l'honneur  d  être  l'un  de  ces  va-nu-pieds 
qui  servent  leur  pays. 

Enfin,  plus  près  de  nous,  nous  avons  connu  un  homme  qui  pouvait 
s'enrichir  en  vendant  à  l'Angleterre  les  inventions  de  son  génie.  Non 
seulement,  il  préféra  «  les  donner  à  la  France  »,  mais  il  les  donna  au 
monde  entier.  La  principale  de  ses  inventions,  c'est  l'hélice  pleine. 
Quand  elle  fut  appliquée,  l'inventeur  était  sans  ressources,  sans  vête- 
ments et  presque  sans  chaussures,  à  l'insu  de  sa  famille,  qui  l'aida 
constamment.  Cet  homme,  c'est  Frédéric  Sauvage  ! 

Les  va-nu-pieds  comme  Brazza,  le  roi  Norodom,  Frédéric  Sauvage, 
qui  appellent  l'influence  française  au  milieu  de  peuples  nouveaux  ou 
toi  loi  assurent  le  bénéfice  de  leurs  -inventions,  .notre  pays  n'en  aura 
jamais  assez. 

Hais  je  me  laisse  attarder  dans  notre  itinéraire  en  vous  signalant 
des  faits  qui  sont  une  actualité.  Hâtons-nous  de  passer  Aden,  Ceylan 
et  arrivons  à  Singapour. 

Sous  y  trouvons  quatre  villes:  malaise,  Indienne,  chinoise,  euro- 
péenne. 

Nous  voilà  donc  bien  en  Indo-Chine.  Les  Malais  nous  vendent  en 

•OC.  DE  OAOOH.  —  S*  TOIMB8TBB  1883.  29 


442  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

passant  des  kriss  ou  poignards,  des  joncs,  des  rotins  et  des  cannes  en 
aréquier,  qu'on  appelle  en  anglais  des  lawyers,  parce  qu'avec  ces 
compagnons,  on  ne  manque  pas  d'arguments  frappants. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  intéressant  à  visiter  à  Singapour,  c'est  \ejarim 
Whampoa  où  sont  rassemblées  les  plantes  d'Europe,  des  tropiques  et  èe 
la  Chine.  Dans  le  jardin  chinois,  sont  des  arbres  nains,  toujours  verte, 
comme  le  buis.  En  les  taillant,  on  leur  donne  la  forme  de  cerfs,  de 
chiens,  de  dragons  avec  des  yeux  en  bois  peint.  C'est  la  nature  con- 
trefaite. 

11  faut  aller  remercier  M.  Whampoa  à  son  magasin.  On  y  vend  <k 
tout.  Certainement,  les  magasins  de  nos  Tilles  ont  des  étalages  saper- 
bes  ;  mais  je  doute  qne  dans  la  même  maison  on  paisse  voussenir, 
comme  là,  en  même  temps  un  bâton  de  réglisse  et  un  obasier.  des 
bmilcs  de  gomme  et  des  boulets  de  canon,  des  chaînes  de  montre  et 
des  chaînes  de  navire,  un  cheval  en  carton  et  une  ancre  de  3,000  kil» 

Il  y  a  à  Singapour  des  temples  de  tous  Jes  cultes.  L'église  du  &*• 
Pasteur  et  certaines  écoles  sont  françaises.  Enfin,  une  maison  est  des- 
tinée à  servir  de  lieu  de  prière  à  tous  ceux  qui  n'appartiennent  à  incm  j 
culte  établi. 

Il  passe  à  Singapour,  par  an,  environ  130  navires  marchands fm- 
çais  et  une  vingtaine  de  navires  de  guerre. 

Nous  atteignons  Poulo-Condor,  qui  a  été  donnée  à  la  France  en  1?$", 
et  nous  voilà  au  cap  Saint-Jacques. 

Avant  d'entrer  en  Cochinchine,  indiquons  la  situation  de  ce  pays  et 
rappelons  les  motifs  de  notre  intervention  (!). 

V Indo-Chine  est  la  région  comprise  entre  les  Indes,  qui  sont  ioi 
Anglais,  et  la  Chine,  que  la  Russie  enserre  de  près  an  Nord-Est.  9 
existe,  de  Russie  en  Chine,  un  télégraphe  terrestre  de  14,000  kiloaètres, 
et  un  projet  de  chemin  de  fer  par  Orenbourga  été  dressé.  Les  300 mil- 
lions d'habitants  de  l'Europe  seront  ainsi  mis  en  rapports  rapides  arec  i 
plus  de  400  millions  de  Chinois. 

Les  Indes  et  la  Chine  étant  ainsi  exploitées  par  les  Anglais  et  te: 
Russes,  l'attention  fut  attirée  sur  l'Annam,  empire  qui  compreaft: 
la  Cochinchine  (haute  et  basse)  et  le  Tong-King,  situé  entre  les  àm 
empires  indien  et  chinois.  H  renferme  20,000,000  d'habitants  (test 
500,000  chrétiens. 

Le  premier  agent  français  auprès  du  roi  d'Annan)  fut  l'intendant  ftx>r* 
en  1760.  C'est  lui  qui,  au  péril  de  sa  vie,  alla  chercher  aux  Mblapa 
les  épices  et  le  poivre  qu'il  introduisit  à  la  Réunion  et  en  France. 

Poivre  fonda  le  comptoir  de  Tourane  qui  fut  bientôt  évacué. 


f)  Voir  à  bo  sujet  les  carte*  et  l'oùvr&go  de  M.  Ch.  Lemire  :  la  C«dfciM&M/rs*  ; 
çaiir.  et  U  Cambodge»  âc  édition.  —  Chez  M.  CiialUinel,  5,  ru  j  Jacob,  Fuis,    t  b* 
les  libraires. 


INDO-CHINE,  COCHINCHINK.  443 

Chassé  de  ses  États,  le  roi  d'Annam  Gia-Long  demanda  des  secours 
à  Louis  XYI  par  l'intermédiaire  de  Yëvéque  d'Adran  qui  amena  à  Ver- 
sailles le  fils  du  roi.  Un  traité  fut  conclu  avec  la  France  en  1787.  Des 
officiers  français  se  rendirent  en  Cochinchine,  mais  le  traité  resta  lettre 
sorte. 

les  nombreuses  tentantes  faites  depuis  cette  époque  jusqu'en  1859 
jour  entrer  en  relations  commerciales  avec  l'Annam  n'aboutirent  qu'à 
des  refus,  à  des  vexations,  à  des  rejets,  à  des  persécutions  de  nos 
nationaux.  Nous  dûmes  entamer,  par  la  force,  des  relations  diploma- 
tiques et  ouvrir  des  ports  à  la  navigation.  Il  fallait  en  effet  prévoir  les 
conséquences  de  l'ouverture  du  canal  de  Suez. 

La  Cochinchine  est  d'une  facile  défense  en  cas  de  guerre. 

.Notre  marine,  en  1870,  parvint  à  bloquer  ou  à  capturer  les  nombreux 
satires  prussiens  qui  sillonnaient  ces  mers. 

il.  de  Bismark  s'en  montrait  très  irrité  et  répondait  aux  captures 
légalement  approuvées  par  ie  comité  des  prises  en  s'eraparant,  dans 
les  ports  de  Rouen,  Dieppe,  etc.,  des  capitaines  des  navires  ù  l'ancre 
et  en  les  envoyant  prisonniers  en  Allemagne.  Lors  de  l'armistice, 
H  n'eut  pas  de  repos  ni  jour  ni  nuit,  jusqu'à  ce  que  le  télégraphe 
eût  pu  mettre  un  terme  à  la  prédominance  de  notre  marine  dans  ces 
mers 

Les  Allemands  ne  se  vengèrent  que  par  des  démonstrations  vaniteuses 
et  insultantes.  Us  avaient  même  eu  l'audace  de  faire  demander  par  le 
ministre  d'Amérique  à  Paris  la  neutralisation  des  mers  de  Chine.  Là,  au 
moins,  nous  sommes  restés  maîtres  du  champ  de  bataille  et  c'est  une 
eoosolation  à  nos  malheurs. 

àq  point  de  vue  commercial  et  maritime,  la  Cochinchine  est  le  grenier 
A  riz  de  l'Indo-Chine.  Saigon  est  un  port  sur  le  Donnai,  comme  Londres 
est  sur  la  Tamise.  C'est  un  pays  de  production  et  de  cultures  varices. 

Au  point  de  vue  de  nos  autres  colonies,  c'est  la  dernière  en  date,  mais 
c'est  la  plus  prospère. 

Xotre,  intervention  armée  amena  le  traité  de  18G2  qui  nous  cédait 
les  trois  provinces  conquises  depuis  1859.  Nous  fûmes  obligés  de 
prendre  en  1 867  les  trois  autres  provinces  de  la  Basse- Cochinchine, 
de  sorte  que  nous  comptons  1,500,000  habitants  sur  un  territoire  de 
5,620,000  hectares. 

L'étendue  de  nos  possessions  est  égale  à  9  départements.  Ces  nou- 
velles acquisitions  firent  l'objet  des  traités  de  mars  et  août  1874  qui 
dous  ouvraient  la  Haute-Cochinchine  et  le  Tong-Ring.  Ces  traités  furent 
éludés  et  ne  sont  pas  encore  aujourd'hui  exécutés  complètement. 

La  population  européenne  est  de  1,200  personnes,  sans  compter 
4,000  hommes  de  troupes.  La  population  annamite  est  de  l,350,ooo 


444  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

habitants,  les  Malais,  16,000,  Cambodgiens,  82,000,  Chinois,  45,000  et 
des  Indiens  malabars. 

Un  de  ces  noirs  m'accoste  un  jour  et  me  parle  en  français.  Gomme  ; 
je  m'étonnais  :  tMoi  Français,  Monsieur,  me  dit-il.  Moi  Français  de  Poa-  | 
dichéry!  •  J'aurais  été  humilié  par  ce  noir,  si  je  n'avais  pensé  que  la  ; 
Cocbinchine  compenserait  nos  pertes  aux  Indes. 

Les  Chinois  se  groupent  par  pays  en  corporations  ou  congrégations, 
qui  sont  comme  des  sociétés  de  secours  mutuels  à  l'étranger  et  pré* 
sentent  pour  eux  des  avantages  multiples.  Les  Français  devraientaiBsi j 
s'associer  et  s'entr'aider  à  l'étranger;  mais  nous  n'aimons  pas  à  en- 
tendre citer  les  étrangers,  les  Américains,  les  Chinois,  les  Australiens. 
Nous  autres  Français,  nous  sarons  bien  mieux  que  les  autres  ce  que 
nous  avons  à  faire.  Pourtant  si  nous  avions  cherché  â  savoir  ce  qoe  les 
Prussiens  roulaient  faire,  ce  qui  est  arrivé  ne  serait  pas  arrivé. 

La  Cocbinchine  est  divisée,  comme  la  France,  en  arrondissements, 
cantons  et  communes  avec  des  chefs  d'arrondissement  français  et  des 
conseils  municipaux  indigènes  électifs.  La  propriété  est  garantie 
comme  en  France.  La  plupart  des  Annamites  sont  cultivateurs,  et  par 
suite  les  impôts  ont  un  rendement  certain.  Le  budget  annuel  est  de 
20  millions  de  francs. 

Nous  arrivons  au  cap  Saint- Jacques.  Nous  faisons  nos  dévotions  à  la 
pagode  de  la  baleine  et  des  dauphins,  qui  ramènent  sur  leur  dosjcs- 
qu'au  rivage,  les  malheureux  naufragés.  C'est  pourquoi  les  jonques 
annamites  ont  l'avant  en  forme  de  tète  de  poisson  avec  de  grands  yeux  j 
et  des  ailerons  peints  de  couleurs  différentes  selon  leur  province.  Ca 
sémaphore  et  un  phare  dominent  le  cap. 

Le  Donnai  est  un  fleuve  magnifique.  Nous  le  remontons  jusqu'à 
l'hôtel  des  Messageries.  Nous  accostons  à  la  pointe  du  sémaphore  qui  ' 
signale  à  la  ville  l'arrivée  des  navires  et  nous  débarquons  dans  use 
pirogue  avec  une  toiture  et  conduite  par  une  femme  et  un  enfant  qui  < 
rament  debout,  la  face  tournée  yen  l'avant  de  la  pirogue,  et  ilssoat  ' 
infatigables. 

La  ville  de  Saigon  est  l'une  des  plus  belles  de  l'extrême  Orient: te 
boulevards,  des  arbres,  des  fontaines,  des  trottoirs  partout  Un  château 
d'eau  a  été  récemment  inauguré. 

Le  palais  du  Gouvernement  a  coûté  13  millions.   La  cathédrale,  , 
5  millions.  Voici,  sommairement,  quelques  renseignements  utiles. 

Monnaies.  —  La  piastre  espagnole  vaut  de  5  fr.  30  à  6  fr.  Les  *(& 
ou  lingots  d'argent  valent  de  80  a  100  fr.  Ce  sont  des  paraUélipipéàei 
dont  une  face  est  concave  et  l'autre  convexe  (comme  une  gabart  de 
la  Somme). 

La  sapèque  chinoise  est  un  disque  de  cuivre;  100  sapèqueschù  w« 


INDO-CHINE,  COCHINCHINE.  445 

valent  75  centimes.  La  sapèqae  annamite  est  un  disque  de  zinc  percé 
d'an  trou  carré  avec  le  chiffre  du  règne.  On  les  collectionne  pour  ser- 
vir à  l'histoire  du  pays. 

La  sapèqae  annamite  Tant  6  centimes.  Il  en  faut  30  pour  un  sou, 
600  pour  1  fr.t  formant  une  ligature  ou  chapelet.  10  ligatures  font 
use  gueuse.  Il  faut  une  charrette  pour  aller  au  marché  avec  20  fr.,  ou 
12,000  sapèques,  et  si  la  Ocelle  casse,  les  chapelets  se  défilent  et  je 
laisse  à  penser  rembarras  de  ramasser  et  compter  son  argent.  A  Saigon, 
lu  début,  nous  faisions  de  la  monnaie,  non  pas  en  coupant  des  sapèques 
en  quatre,  mais  en  coupant  des  piastres  en  huit.  L'Annamite  vit  de  peu 
et  il  lui  faut  moins  d'un  centime  pour  acheter  des  cigarettes,  ou  une 
tasse  de  thé,  un  chapeau,  un  éventail,  un  quartier  d'orange,  une  tran- 
dte  d'ananas.  Tout  a  renchéri  chez  nous,  depuis  que  nous  avons  aban- 
donné les  liards,  les  deux  centimes  et  les  centimes.  Nous  sommes  des 
prodigues. 

Hôpitaux.  —  Les  Français,  la  truelle  d'une  main,  le  sabre  de  l'autre, 
en  1859,  ont  commencé  par  faire  des  hôpitaux  pour  les  Français  et 
pour  les  indigènes.  Le  dévouement  de  tous  dans  la  dernière  épidémie 
de  choléra  est  au-dessus  de  tout  éloge. 

Us  des  premiers  bâtiments  construits  a  été  celui  de  la  Sainte-En- 
fance. Style  mélangé,  ornementé  dans  le  goût  indigène,  par  un  archi- 
tecte annamite.  La  colonie  y  entretient  cent  bourses  pour  les  petites 


Le  port  de  Saigon  a  été  ouvert  en  1860;  c'est  un  port  franc.  Le  mou- 
vement maritime  se  chiffre  par  460  navires,  dont  200  anglais,  100  fran- 
çais et  30  allemands.  10,000  Jonques  font  le  cabotage. 

Les  importations  et  exportations  ne  donnaient  qu'un  total  de  5  millions 
en  1S60.  Ce  total  est  passé  à  155  millions  en  vingt  ans,  soit  67  millions 
pour  l'importation  et  88  millions  pour  l'exportation. 

Les  jonques  ont  été  remplacées  par  des  voiliers,  puis  par  des  vapeurs 
européens.  N'est-ce  pas  là  un  assez  beau  résultat? 

Le  réseau  télégraphique  est  de  2,000  kilomètres  à  l'intérieur  et  27 
bureaux.  Des  câbles  nous  relient  avec  la  Chine  et  la  France.  Une  ligne 
Avec  Bangkok  par  le  Cambodge  est  en  construction. 

La  colonie  produit  en  riz  350,000  tonneaux  valant  35  millions  de 
francs.  Il  y  a  en  Cochinchine  300,000  hectares  de  rizières.  Dans  l'Inde 
française,  on  ne  compte  que  16,000  hectares.  Vous  avouerez  qu'il  y  a 
compensation.  L'hectare  de  rizière  rapporte  300  p.  100.  Il  coûte  300  fr. 
ta  hectare  de  terre  en  friche  ne  coûte  que  50  fr.,  mais  il  faut  dé- 
penser 250  fr.  pour  le  défrichement.  Les  autres  produits  sont  le  coton, 
le  sucre,  les  aréquiers,  les  cocotiers,  l'huile  de  coco,  le  jute,  la  cire, 
le  thé,  le  maïs,  l'indigo,  le  poivre,  le  tabac,  les  chevaux,  les  bœufs, 


446  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

les  porcs  et  les  yolailles,  —  mais  pas  de  moutons,  —  le  mûrier,  b 
soie,  le  poisson  salé,  les  bois  de  construction. 
.  Les  forêts  ont  une  étendue  de  800,000  hectares,  c'est-à-dire  la  Niè- 
vre, la  Côte-d'Or  et  les  Vosges  réunies. 

Les  salines  donnent  20  millions  de  kilogrammes  de  sel  pour  le  poU-j 
son  salé.  U  n'y  a  pas  de  blé.  U  arrive  d'Amérique  et  d'Australie,  et  kj 
farine  provient  des  minoteries  de  Saigon. 

La  main-d'œuvre  est  abondante  et  très  bon  marché.  On  a  fait  en  deux  j 
mois,  en  1 877,  des  canaux  d'un  million  de  mètres  cubes.  On  voit  que  h  j 
Gochinchine  fait  ses  canaux  plus  vite  que  la  métropole. 

Les  industries  sont  Vor/èvrerie  qui  fabrique  des  bijoux  en  filigrane 
d'or,  en  argent  repoussé; 

Les  fonderies  d'où  sortent  les  cloches,  les  gongs,  —  qu'il  ne  fantn*  i 
confondre  avec  les  tam-tams,  —  les  brûle-parfums  et  leurs  accessoires; 

Les  incrustations  en  nacre  qui  sont  très  recherchées  ; 

Les  imprimeries  stéréotypes.  On  y  imprime,  sur  des  planches  en 
bois,  des  rouleaux  à  prières  qu'on  fait  dérouler,  dans  les  temples,  dératé 
les  idoles.  Des  objets  destinés  à  servir  d'offrandes  sont  imprimés  sor 
papier.  Les  Chinois  trompent  même  le  diable. 

Les  étoffes  et  soieries  ne  valent  pas  celles  des  robes  chinoises,  qui  ; 
tiennent  debout.  Les  tailleurs  ne  prennent  pas  mesure.  On  leur  donne  ; 
un  vieux  vêtement  et  ils  en  font  un  neuf;  mais  si  le  vieux  a  ose 
pièce,  leur  scrupule  d'imitation  va  Jusqu'à  la  reproduire  dans  le  sent 

Les  dessins,  la  sculpture  et  la  peinture  reproduisent  toujonn  te . 
môme  genre.  il  n'y  a  pas  de  perspective.  Une  figure  de  3/4  serait  coa- 
sidérée  comme  n'ayant  qu'un  œil. 

Les  grands  éventails  sont  aussi  un  prodoit  du  pays.  Ceux  qui  «t  os . 
manche  en  bois,  long  comme  une  manche  à  balai,  sont  manœuvres  i  ] 
deux  mains  par  un  serviteur.  On  s'évente  lentement  et  non  avec  u 
précipitation  des  dames  européennes. 

Les  plumes,  —  Voici  comment  on  les  récolte  : 

Les  oiseaux  se  rassemblent  en  masse  dans  la  province  d'Hatieo  » 
mois  de  mars.  On  choisit  une  nuit  sans  lune.  Les  parents,  après  atoiri 
rassasié  lenrs  petits,  repartent  à  la  pêche.  Lçs  petits,  repos,  prennes; 
leurs  ébats.  Les  bourreaux  arrivent,  refoulant  au  moyen  de  pieux  ea»  ' 
flammés  les  oiseaux  dans  une  enceinte  où  l'on  tord  le  cou  aux  pte  -, 
gros.  On  en  tue  1,200  en  une  nuit.  Les  mères  reviennent  lelende»aia« 
vers  midi,  et,  ne  trouvant  plus  leurs  petits,  les  cherchent  pendait 
trois  jours  et  les  appellent  avec  des  cris  lamentables;  puis  elles  s'aH 
retournent  au  Cambodge.  Voilà  à  quel  prix  on  obtient,  Mesdaaa.1 
vos  beaux  éventails  de  plume.  Quant  à  l'entrepreneur  de  la  tuerie  <f«- j 
seaux,  il  se  fait  25,000  fr.  avec  la  vente  des  plumes. 


INDO-CHINE,  COCHINCHINE.  447 

Un  comité  agricole  et  industriel,  des  expositions  et  des  publications, 
une  chambre  de  commerce,  des  consulats  de  toutes  les  nations  favo- 
risent le  développement  du  commerce. 

Le  revenu  annuel  étant  de  20  millions,  la  colonie  paie  toutes  ses 
dépenses;  elle  verse  en  outre  2,500,000  fr.  par  an  à  la  métropole.  On 
construit  des  chemins  de  fer  jusqu'au  Cambodge,  on  Ta  en  construire 
anTong-King.  On  offre  en  adjudication  aux  Européens  des  travaux  con- 
sidérables. 

Vous  voyez  que  cette  colonie  riche,  livrée  à  sa  propre  initiative,  dis- 
pose de  grandes  ressources  qui  profitent  à  la  mère-patrie.  Il  ne  faut 
donc  pas  nous  désintéresser  de  nos  propres  intérêts,  mais  aller  de 
l'avant 

Vannée  se  divise  en  deux  saisons  :  les  pluies,  d'avril  à  octobre,  et  la 
sécheresse,  de  novembre  à  avril.  C'est  le  contraire  au  Toug-King.  La  tem- 
pérature est  de  26°  en  décembre  et,  en  avril,  de  35°  le  Jour,  28°  la  nuit, 
c'est  la  saison  pénible.  La  végétation  prend  une  telle  force  que  le  corps 
végète  et  pousse.  11  se  couvre  de  bourbouilles  et  d'éruptions  cutanées. 
L'acclimatement  est  lent  et  difficile  pour  les  Européens.  La  mortalité 
sest  toutefois  que  de  4.42  p.  100. 

Les  animaux  nuisibles,  tigres,  serpents,  léopards ,  sont  nombreux, 
mais  les  insectes  sont  d'une  incommodité  constante;  ce  sont  les  four- 
mis rouges,  les  poux  de  bois,  les  moustiques,  les  rats,  les  tiques,  les 
cent-pîeds,  les  scorpions,  les  punaises,  les  cancrelats,  etc.,  etc.  Les 
pieds  des  lits,  des  tables  et  des  armoires  sont  posés  dans  des  godets 
remplis  d'eau  acidulée  qu'on  renouvelle  chaque  jour. 

On  a  pour  domestiques  et  cuisiniers  des  Chinois  qui  font  de  la  cui- 
sine française  ;  on  ne  mange  pas  de  vers  palmistes,  ni  de  sangsues  de 
mer,  ni  de  lézards  bouillis,  ni  d'oeufs  couvés.  On  vit  à  la  française. 
On  y  ajoute  bien  parfois  du  crocodile,  des  œufs  de  tortue,  des  nids  de 
salangane,  etc.;  mais  c'est  lorsqu'on  veut  traiter  un  mandarin  ou  un 
étranger. 

lepanka  est  un  écran  léger  et  mobile  qu'on  fait  balancer  au-dessus 
de  la  tête  des  convives. 
Les  fruits  sont  abondants. 

Mœurs  et  coutumes.  —  L'origine  des  Annamites  remonte  à  2,285  ans 
avant  Jésus-Christ,  c'est-à-dire  63  ans  après  notre  déluge,  d'après  les 
annales  chinoises  traduites  par  un  missionnaire  français. 

En  1428,  ils  se  rendirent  indépendants  de  la  Chine,  de  laquelle  ils 

tiennent  leur  langue,  les  mœurs,  leur  religion  et  leurs  arts.  De  là  vient 

le  respect  des  Annamites  pour  tout  Chinois,  qu'ils  reconnaissent  comme 

leur  supérieur  et  qu'ils  appellent  ■  chu,  mon  oncle  ». 

L'habillement  du  peuple  consiste  en  une  robe  et  un  pantalon.  C'est 


443  GÉOGRAPHIE  COLONIALE.    % 

un  costume  uniforme  et  national,  comme  J'en  voudrais  voir  adopter 
un  en  France.  J'espère  que  les  tailleurs  et  les  modistes  me  pardonne- 
ront cette  mauvaise  pensée. 

Les  hommes  riches  portent  un  chapeau  pointu,  un  entonnoir  ren- 
versé qu'on  appelle  haute  montagne.  D'autres  chapeaux  pointus,  et 
palmier,  serrent  d'éventai!,  de  panier  et  de  seau  pour  l'eau. 

Les  mandarins  portent  des  chapeaux  en  gaze  noire  arec  des  ailes 
de  gaze,  des  pompons,  des  ceintures  en  laque  garnies  de  petites  glaces 
et  des  robes  ornées  de  dragons  ou  d'oiseaux.  Ils  tiennent  à  la  mtii 
une  règle  «l'ivoire  que  l'on  place  devant  la  bouche,  par  décence,  quand 
on  tousse,  ou  qu'on  bâille  ou  qu'on  digère. 

Le  vêtement  des  hommes  et  des  femmes  est  flottant.  Il  est  donc 
assez  difficile,  en  arrivant,  de  reconnaître  un  homme  d'une  femme. 

Les  deux  sexes  ont  les  cheveux  relevés  et  noués  en  chignon,  portent 
les  mêmes  pantalons  et  la  même  robe.  On  ne  peut  reconnaître  ane 
femme  du  peuple  qu'aux  boucles  d'oreilles  en  forme  de  champignons, 
aux  bracelets  et  à 4a  longueur  du  pantalon. 

Le  chapeau  des  femmes  ressemble  à  une  pierre  meulière  dont  les 
brides  pendent  jusqu'à  terre  comme  celles  des  nourrices,  ou  an  cha- 
peau convexe  en  papier  verni,  garni  de  petites  glaces  et  d'une  bride 
en  écaille  montée  sur  argent.  Je  m'étonne  que  les  Parisiennes  n'aient 
pas  encore  songé  à  fixer  de  petites  glaces  sur  les  parois  de  leurs  cha- 
peaux. . 

Elles  portent  un  cercle  d'argent  au  cou,  des  colliers  d'ambre,  des 
épingles  à  tête  d'or  dans  les  cheveux  et  une  ou  deux  fausses  cheve- 
lures, ajoutées  à  la  leur,  pourtant  très  belle,  et  qu'elles  imprègnent 
d'huile  de  coco.  Ces  chevelures  sont  habitées  par  des  parasites,  et  bb 
mari  fait  une  galanterie  à  sa  femme  en  lui  remettant  le  gibier  qu'il  a 
trouvé,  afin  qu'elle  l'écrase  sous  la  dent  par  gourmandise  on  par  ren- 
geance. 

Elle  a  les  yeux  retroussés  rors  les  tempes, 
Le  pied  petit  i  tenir  (Uns  la  main, 
A    .  Le  teint  plus  clair  que  le  cuivre  des  lampes, 

Les  ongles  longs, les  lèvres  de  carmin. 

«    « 

Hommes  et  femmes  mâchent  le  bétel,  qui  leur  rend  la  bouche  san- 
guinolente. On  prend  une  feuille  de  bétel,  sorte  de  poivrier,  on  r 
étend  de  la  chaux  rougle.  On  y  met  un  quartier  de  noix  d'arec.  La 
'$  chique  de  bétel  a  pour  effet  de  calmer  la  soif,  d'ôter  l'odeur  de  la  boa- 

V    '  che  et  de  conserver  les  dents;  mais  elle  déforme  et  enlaidit  la  booebe. 

Les  habitations,  couvertes  en  tuiles,  sont  basses  et  obscures.  Cornue 
'/■  disent  les  Italiens  :  Où  l'air  n'entre  Jamais,  le  médecin  entre  souvent. 

On  n'emploie,  pour  les  fermes  des  maisons,  ni  clous,  ni  attaches  en 
fer.  Les  tables  servent  de  sièges  et  de  lits.  Les  ornements  sont  des 


Y 


LNDO-CHINB,   COCHINCHINE.  449 

rouleaux  de  sentences,  des  bahuts,  des  peintures:  on  y  voit  une 
femme  coupant  un  guerrier  en  deux  d'un  conp  de  ses  ciseaux,  ou  un 
soldat  nu  tranchant  un  pont  d'un  coup  de  sabre  on  fendant  un  caralier 
et  son  cheval. 

Alimentation.  —  On  mange  du  riz  arec  deux  bâtonnets,  ainsi  que 
les  morceaux  de  viande  découpés  dans  un  bol.  On  ne  boit  pas  et  l'on 
ne  parie  pas  en  mangeant. 

Dans  les  visites,  on  salue  les  mains  jointes.  On  place  le  visiteur  a  sa 
gauche,  on  lui  offre  à  deux  mains  une  tasse  de  thé  microscopique  et  sans 
sucre.  On  lui  allume  une  cigarette  qu'on  lui  offre  à  deux  mains  et  allu- 
mée. On  ne  commence  à  boire  que  lorsque  chacun  a  sa  tasse  en  mains. 

l'hospitalité  est  pratiquée  par  tous  les  indigènes  ;  aussi  ne  doit-on 
pas  s'irriter  lorsqu'ils  ne  comprennent  pas  notre  langue. 

Un  Turc,  un  Arabe,  un  Persan  et  un  Grec  se  cotisèrent  pour  colla- 
tionner  dans  une  hôtellerie.  Il  s'agissait  de  décider  ce  qu'on  mange- 
rait :  Bzum,  dit  le  Turc  ;  ineb,  dit  l'Arabe  :  inghur,  dit  le  Persan  ;  sta- 
filion,  dit  le  Grec,  ei  là-dessus  voilà  qu'on  se  dispute  et  qu'on  se  but. 
Survient  un  derviche  sachant  les  quatre  langues,  il  appelle  l'hôtelier 
et  lui  dit  :  Servez  donc  du  raisin  à  ces  gens,  quand  ils  verront  qu'ils 
ont  tous  quatre  demandé  la  même  chose,  ils  ne  se  disputeront  plus. 

Les  infirmes  sont  à  la  charge  des  communes,  d'après  la  loi. 

Les  médecins  et  les  médecines  sont  empiriques.  Les  apothicaires 
ressemblent  à  ceux  de  notre  pays  d'il  y  a  trois  siècles.  Toutes  les  mala- 
dies proviennent  d'un  excès  de  chaleur  ou  de  froid.  SI  l'on  est  malade 
intérieurement,  on  met  des  emplâtres  externes.  Si  Ton  a  une  maladie 
externe,  on  prend  des  remèdes  internes,  sauf  celui  du  malade  imagi- 
naire. Si  la  maladie  est  incurable,  on  appelle  les  sorciers;  si  ceux-ci 
achèvent  les  malades,  ils  disent  que  c'est  le  diable  qui  est  cause  de 
tont,  et  Ton  en  fait  son  deuil  en  blanc. 

Les  fumeurs,  outre  la  cigarette  et  les  narghilés  de  cuivre,  ont  an 
nerghilé  en  bambou  qui  se  tient  entre  les  Jambes. 

Les  fumeurs  chinois  préfèrent  Yopium,  suc  d'un  pavot  de  l'Inde.  On 
en  fait  une  pâte  qn'on  amollit  à  la  lampe  et  qu'on  place  sur  le  four- 
neau d'une  pipe  spéciale.  Gomme  on  est  alloogé  sur  un  canapé,  il 
faut  un  aide  pour  allumer  la  pâte  sur  le  fourneau,  et  cet  aide  est  géné- 
ralement une  jeune  femme.  En  une  minute  la  pipe  est  aspirée.  L'opium 
est  un  excitant  du  système  nerveux  et  ne  sert  qu'à  développer  la  pas- 
sion dominante  de  l'individu  :  haine  ou  ambition,  luxure  ou  avarice. 

Les  Anglais  importent  en  Chine  250  millions  d'opium.  L'impôt  sur 
celte  denrée  produit  en  Gochinchine  4  millions. 

Les  conséquences  de  l'habitude  funeste  de  fumer  l'opium  sont  la 
ruine  de  la  santé  et  de  la  famille.  Aussi  lès  lois  siamoises  ordonnent 


,  450  GÉOGRAPHIE  COLONIALE. 

que  tout  Siamois  fumeur  d'opium  soit  condamné  à  porter  une  queue 
de  Chinois  au  lieu  de  se  raser  le  toupet. 

Les  jeux  de  hasard  sont  une  des  plaies  de  l'Annam.  On  joue  josqia 
sa  femme  et  ses  enfants. 

Montesquieu  a  dit  que  les  amusements  ont  autant  d'influence  que  la 
lois  sur  un  peuple.  Tandis  que  les  enfants  annamites  sont  grava, 
les  hommes  faits  s'amusent.  Dans  le  jeu  du  volant,  les  hommes  an- 
namites se  reoroient  le  Tolant  avec  le  talon  ou  la  plante  du  jùrf, 
mais  jamais  arec  les  mains.  Les  cerfs-volants  s'enlèvent  sans  queue.  U 
tôle  est  garnie  de  deux  arcs  en  bambou,  que  le  vent  fait  résonner 
arec  force.  On  leur  donne  la  forme  d'une  lune,  d'un  poisson,  (fui 
oiseau  ('). 


(')  loi  nom  terminons  les  conférences,  —  on  plutôt  les  note*  détaché»  qui  la 
résument,  —  de  M.  Ch.  Lemire.  L'éditeur  Challamel  a  publié  tons  le*  traraoïdi 
même  antenr.  Quelques  notes  sur  U  Cambodge  animaient  celles  que  sons  arrta 
ici  ;  mais,  trop  détachées  les  unes  des  antres,  bien  pins  encore  que  les  précédâtes, 
elles  n'offriraient  qu'an  intérêt  trop  restreint.  D'aiUeurs,  elles  feraient  doaMe  eo- 
ploi  avec  le  récit  d'une  exploration  accomplie  an  Cambodge  par  IL  leHestenet 
Prud'homme,  qui  a  d'abord  suiTi  l'exploration  de  M.  Aymonnier  et  quisosit 
communiqué  des  levers  originaux  faits  par  lui  dans  eet  intéressant  pays.  Ho&s pu- 
blierons ce  récit  dans  un  de  nos  plus  prochains  Bulletins.  Mais  notre  Alb**  (p* 
de  souscription  :  5  fr.  pour  les  membres  delà  Société)  contiendra  les  cartel  s'il» 
NouvelU'Calédonie,  d'après  celles  de  Si.  Lemire. 


10°  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS 


UN  VOSGIEN  TABOU  A  NOUKA-HIVA 


CHAPITRE  VII. 


EXCURSION    DE  MM.   MEUNIER   ET  LÉVÊQUE   CHEZ  LES  TRIBUS  ENNEMIES  DE 
L'EST.    —  MON  EXCURSION  CHEZ  LES  AUTRES.  —  FÊTE  DU  1er  MAI. 

C'est  un  yrai  roman  d'aventures  que  firent  les  deux  officiers  chargés 
de  porter  une  partie  des  invitations  du  gouverneur.  Malgré  la  présence 
de  Témoana,  ils  crurent  prudent  de  se  faire  accompagner  de  plusieurs 
matelots  bien  décidés,  montant  une  embarcation  solide  et  bien 
équipée. 

Chez  les  Banoumis,  dont  ies  chefs  sont  parents  avec  Témoana,  ils 
furent  très  bien  reçus.  II  n'en  fut  pas  de  même  des  autres  tribus.  La 
mer  tourmentée  leur  causa  d'abord  quelques  difficultés  de  doubler  les 
caps  du  Sud,  mais  enfin  ils  accostèrent,  non  sans  peine,  sur  la  plage  à 
l'Est  de  la  baie  sur  le  littoral  des  deux  autres  tribus. 

La  plage  était  garnie  d'une  population  qui  grossissait  à  vue  d'oeil. 
Témoana  s'informa  si  Ton  pouvait  débarquer  sans  danger.  Les  femmes, 
à  l'envi  Tune  de  l'autre,  invitèrent  la  petite  troupe  à  descendre; 
toutefois  le  débarquement  n'eut  lieu  que  quand  les  deux  grands  chefs 
arrivèrent  et  qu'ils  offrirent  l'hospitalité  aux  voyageurs.  En  raison  de 
ce  qu'on  leur  avait  dit  de  ces  tribus,  nos  officiers  furent  étonnés  de 
cet  accueil  si  engageant  qui  les  décida  à  se  départir  de  la  prudence 
qu'ils  avaient  suivie  jusque-là.  En  effet,  d'après  l'état  de  la  mer,  on 
leur  fit  craindre  un  ras  de  marée  et  on  les  persuada  de  la  facilité  du 
retour  par  terre  et,  en  conséquence,  de  renvoyer  leur  embarcation 
arec  son  équipage.  Sur  l'avis  de  Témoana,  la  proposition  fut  acceptée. 

Mais  les  Banoumis,  qui  s'étaient  montrés  sympathiques  à  cause  de 
Témoana,  avaient  immédiatement  envoyé  un  exprès  aux  deux  autres 
tribus,  et  les  deux  chefs,  prévenus  à  temps,  tendirent  un  pièpe  à  nos 


(')  Voir  le  Bulletin  du  8«  trimestre  1883,  p.  150. 


452  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

officiers.  De  là  l'hospitalité  offerte  si  largement  et  les  démonstration! 
d'amitié  qui  les  décidèrent  à  se  séparer  de  leurs  matelots. 

Encore  un  peu,  par  l'explosion  de  Joie  arec  laquelle  les  sauvages 
accueillirent  le  départ  de  l'embarcation,  ils  allaient  éveiller  les  appré- 
hensions de  leurs  hôtes. 

MM.  Meunier  et  LéTéque  avaient  ramené  avec  eux,  du  pays  des 
Banoutnis,  une  Jeune  N'ouka-Hi  vienne  qui  ne  fut  pas  sans  être  frappée 
de  l'altitude  des  sauvages.  Elle  saisit  quelques  propos  concernant,  à 
ne  pas  s'y  tromper,  le  guet-apens  tendu  à  nos  officiers. 

Aussi  la  nuit  Tenue,  à  peine  nos  imprudents  voyageurs  s'étaienMls 
retirés  pour  prendre  du  repos,  et  cela  avec  [la  même  démonstration 
hospitalière  des  sauvages,  que  la  jeune  femme  s'approcha  du  capitaine, 
l'éveilla  doucement  et  lui  fit  comprendre  par  signes  que  s'il  voulait 
échapper  à  la  mort  ainsi  que  son  compagnon,  il  leur  fallait  s'enfair 
sans  bruit  et  sans  perdre  une  seconde.  Ils  ramassèrent  à  la  bâte  et 
en  silence  leurs  effets  et  leurs  armes,  et,  guidés  par  notre  héroïne, 
ils  s'enfuirent  le  long  de  la  mer,  puis  gravirent,  non  sans  d'incroyables 
difficultés,  un  rocher  abrupt  d'où  ils  purent  contempler  on  spectacle 
bien  fait  pour  les  glacer  de  terreur. 

Les  sauvages,  qui  avaient  espéré  surprendre  nos  voyageurs  pendant 
leur  sommeil,  éprouvèrent  une  déception  inouïe  quand  ils  virent  que 
la  case  était  vide.  Une  explosion  de  colère  éclata  et,  à  coup  de  tam- 
tam,  ils  réveillèrent  leur  chef.  A  ce  vacarme,  toute  la  tribu  est  bientôt 
sur  pied  et  cette  foule  hurlante  de  botes  fauves  accourt,  à  la  lumière 
des  torches,  sur  la  plage,  en  poussant  des  cris  épouvantables.  Cette 
meute  de  cannibales  s'élance  dans  toutes  les  directions,  surtout  do 
côté  des  Eanoumis  où  la  fuite  était  la  plus  facile,  et  c'est  à  cela  surtout 
qu'avait  pensé  la  conductrice  de  nos  fugitifs  en  leur  faisant  franchir 
un  escarpement  devant  lequel  beaucoup  auraient  reculé.  L'incertitude 
la  plus  profonde  règne  d'ailleurs  parmi  les  sauvages;  les  uns  pensent 
que  l'embarcation  est  venue  prendre  nos  officiers  pendant  la  mût,  les 
autres  les  croient  cachés  dans  les  excavations  des  rochers  qui  longent 
la  plage. 

Cependant  la  petite  caravane  poursuit  péniblement  et  lentement  soa 
chemin  :  la  fatigue  et  la  terreur  de  ces  péripéties  annihilant  ses  forces. 
La  journée  du  lendemain  se  passe  sous  une  falaise  presque  inabordable 
et  dans  des  transes  terribles.  Car  il  n'y  eût  pas  eu  là  de  défense 
possible  où  l'homme  peut  abattre  son  adversaire:  c'était  le  massacre 
sans  pitié  ni  merci,  sans  lutte  et  sans  espoir. 

La  nuit  suivante,  ils  marchèrent  à  tâtons  à  travers  les  broussailles 
du  cOté  des  crêtes  qui  limitent  la  vallée  du  Taïpi-Vahis,  où  ils  arri- 
vèrent à  la  pointe  du  jour.  Encore  que  s'ils  avaient  été  aperçus  par 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  453 

les  gens  de  cette  tribu,  c'eût  été,  pour  eux,  tomber  de  Charybde 
eo  Scylla, 

Le  lendemain,  ils  étaient  en  marche  quand  ils  traversèrent  un  pla- 
teau où  sont  disséminés  quelques  lataniers  et  où  ils  purent  contempler, 
avec  un  effroi  bien  légitime,  des  ossements  humains  encore  rouges  de 
sang.  C'étaient  ceux  de  deux  marins,  l'un  Anglais,  l'autre  Espagnol, 
renus  là  pour  cueillir  des  feuilles  de  latanier  afin  de  s'en  faire  des 
chapeaux. 

Ce  ne  fut  que  le  troisième  Jour  de  leur  fuite  que  nos  infortunés 
officiers,  exténués,  meurtris,  à  demi  morts  de  faim  et  de  soif,  purent 
regagner  Taro-haë,  notre  établissement,  où  ils  s'empressèrent  de  faire 
part  au  gouverneur  de  ce  qui  leur  était  arrivé. 

Pour  moi,  les  choses  se  sont  passées  moins  désagréablement,  bien 
que  je  me  sois  trouvé  dans  des  situations  aussi  périlleuses. 

Le  Jour  de  mon  départ,  je  m'en  fais  démon  côté,  seul,  à  pied,  chargé 
d'un  grand  panier  contenant  des  cadeaux  pour  les  chefs,  assez  sou- 
cieux d*ailleur8,  en  somme  dans  des  conditions  formant  un  contraste 
attristant  arec  les  approvisionnements,  les  munitions  et  l'escorte 
qui  ont  accompagné  nos  officiers.  Mes  appréhensions  étaient  d'autant 
plus  justifiées  que  je  me  rendais  directement  sur  le  territoire  des  trois 
assassins  du  28  janvier  1845  qui  s'étaient  évadés  avant  la  réunion  du 
conseil  de  guerre.  L'un  d'eux,  Houy-Houy,  était  chef  de  tribu. 

Quelle  attitude  prendre  vis-à-vis  de  ce  brigand,  et  quel  moyen 
d'offrir  des  présents  à  un  cannibale  qui  a  encore  les  mains  rouges  de 
sang  français? 

Chemin  faisant,  j'arrive  d'abord  chez  les  Happahi-Manous  et  je  m'ac- 
quitte facilement  de  ma  mission  près  des  trois  chefs  de  cette  tribu. 

Étant  parti  de  là  pour  gagner  la  baie  de  Hakapaé,  sur  le  littoral  de 
Happaho  (seule  plage  accessible  de  ce  côté),  soudain  un  bruit  suspect  se 
fait  entendre  dans  les  broussailles.  Un  jeune  sauvage  en  sort  et  cherche 
à  échapper  à  mes  regards  :  c'est  à  grand'pelne  que  je  le  décide  à  s'ar- 
rêter et  à  s'approcher  de  moi.  Je  le  rassure  et  lui  demande  de  me 
servir  de  guide,  les  sentiers  devenant  à  peu  près  impraticables.  Il  finit 
par  y  consentir  et  il  m'aide  môme  à  porter  mon  panier  qui  me  fatigue 
énormément. 

C'est  ainsi  que  j'arrive  sur  le  territoire  de  Houy-Houy,  à  la  grande 
surprise  des  habitants  qui  n'ont  pas  encore  revu  un  Français  depuis  la 
mort  de  Pakolco. 

On  m'offre  néanmoins  l'hospitalité  :  à  manger  et  un  gîte  pour  la  nuit, 
liais  dans  les  chants  dont  s'accompagnent  mes  hôtes,  je  saisis  certains 
airs  lugubres  et  menaçants  où  le  nom  de  Pakolco  revient  souvent,  et 
telles  de  ces  démonstrations  éveillent  mon  inquiétude.  Pourtant  je  ne 


454  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

puis  aller  plus  loin  ce  jour-là,  et  au  milieu  des  nombreuse*  cases  qui  me 
sont  offertes,  je  choisis  celle  qui  me  parait  offrir  le  plus  de  sécurité. 

Sous  le  prétexte  que  je  suis  tabou,  aucun  ne  veut  accepter  à  manger 
avec  moi  d'un  petit  porc  que  Ton  a  rôti  tout  entier.  Craignant  m 
empoisonnement,  je  ne  consens  à  manger  qu'autant  que  le  grand 
prêtre  et  d'autres  guerriers  qui  suivent  son  exemple  consentent  à  par- 
tager mon  repas,  ce  dont  ils  s'acquittent  du  reste  arec  une  Toracitë 
exemplaire. 

A  peine  mon  repas  est-il  uni,  qu'une  grande  et  belle  femme,  au- 
tour de  laquelle  tout  le  monde  s'empresse,  couverte  d'une  étoffe  très 
blanche,  sur  laquelle  se  détache  sa  longue  et  noire  chevelure,  s'ap- 
proche gravement  de  moi  : 

«  Je  suis  la  femme  d'un  des  principaux  chefs,  me  dit-elle.  11  y  a 
«  quelques  années  que  ce  pays  était  le  plus  paisible  de  toute  nie; 
«  nous  avons  eu  le  malheur  de  nous  laisser  entraîner  par  Pakoko,  et 
«  maintenant  le  chagrin  est  venu  s'asseoir  à  notre  foyer  ;  ses  conseils 
■  nous  ont  perdus.  Je  sais  tout  ce  qui  s'est  passé  à  Taïo-haB  depuis 
f  l'affreux  assassinat  auquel  tu  as  échappé  toi-même  comme  par  mi- 
«  racle.  Pakoko  pourtant  avait  donné  Tordre  de  te  tuer,  toi  surtout, 

•  qu'il  considérait  comme  le  plus  dangereux  de  ses  ennemis.  J'ai  ni 

•  sa  fureur  et  entendu  ses  imprécations  contre  les  lâches  qui  t'avaient 
«  laissé  fuir.  * 

Quand  elle  se  tait,  l'auditoire  Hl  :  <  Totoe-téna  »  (c'est  bien  vrai). 
Mais  voyant  que  chacun  se  dispose  à  me  raconter  son  histoire,  je 
déclare  que  j'ai  besoin  de  repos  et  que  Je  désire  être  seul.  En  se  reti- 
rant, la  femme  inconnue  m'adresse  des  remerciements  dont  je  ne  m'ex- 
plique pas  le  motif.  En  quelques  mots  elle  me  dit  que  c'est  à  cause 
des  égards  que  j'ai  eus  pour  Pakoko  pendant  son  jugement  et  son 
supplice,  ainsi  que  pour  ses  compagnons  de  captivité.  L'auditoire 
approuve  de  nouveau  ;  mais  le  souvenir  des  trois  contumaces  me  tient 
toujours  en  défiance. 

La  case  où  je  suis  est  confortable  ;  on  a  eu  la  prévenance  de  me 
donner  une  natte  neuve  assez  moelleuse.  Mon  guide,  qui  ne  m'a  pas 
quitté,  couche  à  côté  de  moi. 

À  l'aube  nous  sommes  debout,  et,  au  moment  où  je  me  dispose  à 
partir,  le  propriétaire  de  la  case  où  j'ai  couché,  ne  vent  pas  me  quitter 
sans  que  j'accepte  à  déjeuner.  Cependant  la  femme  inconnue  de  li 
veille  revient  et  me  dit: 

«  J'avais  bien  des  choses  à  te  communiquer.  Je  suis  la  femme  de 

•  Houy-Houy,  proche  parent  de  Pakoko,  qui  est  de  ceux  que  vous  aui 
«  condamnés  par  contumace.  Permets  à  mon  mari  de  Tenir  te  rem  <• 
«  cier  et  s'excuser  du  mal  qu'il  a  pu  te  faire.  » 


LES  V0YAGEUR8  INCONNUS.  455 

Malgré  tontes  les  instances  et  toutes  les  sollicitations,  Je  me  refuse 
énergiquement  à  cette  entrevue  arec  l'un  des  auteurs  du  massacre  * 
des  nôtres,  et  craignant  quelque  nouvelle  intrigue,  )e  me  hâte  de 
quitter  ce  pays  pour  aller  cbez  les  Taipi-Vahis. 

Sous  longeons,  mon  guide  et  moi,  le  bord  de  la  mer.  Arrivés  à  la 
limite  du  territoire  de  cette  tribu,  mon  guide  se  refuse  à  aller  plus  loin 
pour  ne  pas  s'exposer,  dit-il,  à  être  mangé  par  les  Taîpis,  puis  il  m'in- 
dique de  la  main  la  route  à  suivre. 

Toujours  sur  le  qui-vive  avec  ces  sauvages  habiles  à  tendre  tous 
les  pièges,  ce  refus  en  cet  endroit,  où  je  ne  voyais  devant  moi  que  des 
broussailles  épaisses,  sans  chemin  frayé  pour  atteindre  les  premières 
habitations,  rendait  ma  situation  excessivement  critique. 

La  persuasion  n'y  ponvant  rien,  j'arme  an  de  mes  pistolets  et  dis  à 
mon  compagnon  :  «  Si  tu  refuses  de  me  conduire  jusqu'au  bout  de 
mon  voyage,  je  te  brûle  la  cervelle.  »  Toute  hésitation  cesse  à  Tins-, 
tant,  et  nous  cheminons  comme  auparavant,  non  sans  avoir  ranimé 
ion  courage  par  une  bonne  ration  d'eau-de-vie,  ni  sans  exercer  une 
surveillance  active  sur  ses  faits  et  gestes. 

Nous  arrivons  ainsi,  sans  être  aperçus,  jusqu'à  la  case  du  grand 
prêtre;  mais  la  nouvelle  de  notre  arrivée  ne  tarde  pas  à  se  répandre 
et  nous  sommes  bientôt  entourés  de  sauvages  armés  en  guerre  et 
poussant  de  grands  cris.  A  ma  question  pour  savoir  où  était  le  grand 
prêtre,  ils  répondent  qu'il  est  au  Vahi-tabou  disant  des  prières  pour 
Pakoko  que  nous  avons  fait  mourir. 

Notre  situation,  à  en  juger  par  cette  réponse  et  cette  attitude,  n'est 
pas  brillante  et  mon  guide  se  serre  en  tremblant  contre  moi.  Sur  ce,  le 
grand  prêtre  arrive  :  c'est  un  vieillard  de  700  à  800  lunes,  d'une  taille 
de  géant  et  d'apparence  encore  très  robuste.  Sans  faire  attention  aux 
saints  d'usage  que  je  lui  adresse,  il  demande  aux  siens  si  je  suis  un  de 
ceux  qui  ont  conduit  Pakoko  au  supplice.  Les  uns  répondent  que  j'ai 
gardé  Pakoko  dans  sa  prison  et  que  je  lui  ai  servi  d'interprète  pendant 
le  jugement,  mais  que  je  ne  l'ai  pas  conduit  au  supplice.  Un  autre 
sauvage,  qui  parait  bien  au  courant  de  tous  les  faits,  raconte  en  toute 
vérité  ce  qui  s'est  pasfié  et  dit  que  la  reine  Tahia-Aukau  m'a  fait  tabou 
pour  me  permettre  de  circuler  partout  dans  l'Ile.  Ces  déclarations 
paraissent  radoucir  le  grand  prêtre  qui  ne  laisse  pas  pourtant  de 
me  demander,  puisque  je  suis  si  influent,  pourquoi  je  n'ai  pas  fait 
acquitter  leur  chef. 

Pour  couper  court  à  des  explications  embarrassantes  dont  le  moindre 
inconvénient  eût  été  de  raviver  et  d'envenimer  même  les  ferments  de 
haine,  je  lui  dis  que  je  ne  demande  pas  mieux  que  de  lui  donner  tous 
les  éclaircissements  qu'il  voudra,  mats  que  je  suis  chargé  d'une  mis- 


456  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

sion  de  paix  et  de  l'inviter  au  nom  du  grand  chef  des  Français  à  tenir 
à  la  fête  du  1er  mai,  et  que  s'il  nous  fait  Tbonnenr  d'y  assister,  nom 
causerons  là  tout  à  Taise  de  ce  qui  peut  l'intéresser.  En  témoignage 
de  mes  propositions,  Je  lui  remets  les  présents  dont  je  suis  chargé 
pour  lui.  Puis  et  sans  plus  attendre,  je  prends  congé  de  ces  «  oiseaux 
de  mauvais  augure  »,  tout  en  leur  promettant  de  m'arréter  en  revenant 
du  fond  de  la  vallée. 

Nous  pressons  le  pas,  car  le  soleil  baisse  à  l'horizon  et  nous  aront 
encore  une  longue  route  à  faire.  Et  tandis  que  nous  passons  devant 
quelques  cases  d'où,  de  temps  à  autre,  une  épithète  injurieuse  arme 
à  nos  oreilles,  mon  guide,  que  je  réconforte  et  moi  aussi  avec  mon 
cordial,  me  dit  tout  à  coup  :  «  Est-ce  vrai  que  tu  as  l'intention  de 
repasser  chez  le  grand  prêtre,  à  ton  retour?  »  Et  comme  je  ne 
réponds  pas,  il  continue:  «  Je  crois  que  tu  as  compris  comme  moi  qne 
ce  serait  se  jeter  dans  la  gueule  du  loup,  et  si  tu  n'avais  pas  été 
tabou,  ta  tête  serait  à  l'heure  qu'il  est  en  compagnie  de  celles  qui 
sont  accrochées  dans  la  païe-païe  de  ce  terrible  tahoua.  • 

Arrivés  sur  un  monticule,  nous  entendons  les  clameurs  bru  vaste» 
d'une  foule  que  nous  ne  distinguons  pas.  Mon  guide  me  dit  qu'il  croit 
savoir,  sans  en  être  certain,  que  les  sauvages  viennent  de  tuer  un  des 
leurs. 

Nous  marchons  longtemps  encore  et  le  bruit  grandit  de  plus  en  plus. 
Enfin  nous  sommes  aperçus  par  deux  femmes  qui  viennent  au-defiut 
de  nous  en  courant,  puis,  jetant  leurs  ou-aie-ous  (sorte  de  jupons  ou 
de  pagnes),  elles  se  mettent  à  danser  la  heïva  :  ce  sont  des  kati-peious 
(princesses),  car  elles  ont  les  pieds  et  les  mains  tatoués.  Quant  à  leurs 
chants,  il  n'y  a  pas  à  s'y  méprendre  et  je  comprends  fort  bien  ceci: 
«  Les  Français  ont  assassiné  notre  grand  chef,  assassinons  celui-ci  •  ; 
le  grand  chef  c'est  Pakoko  dont  elles  répètent  le  nom. 

Décidément  cela  tournait  au  sinistre  et  je  prie  le  lecteur  de  croire 
que  si  ce  nom  revient  souvent  sous  ma  plume  et  fatigue  peut-être 
son  attention,  en  ce  moment-là  j'en  étais  bien  autrement  fatigué  mot- 
môme  et  j'aurais  bien  voulu  n'en  plus  entendre  parler. 

Cependant,  tandis  que  mon  guide  me  presse  de  fuir  avant  rarrirée 
des  sauvages,  je  m'avance  vers  les  danseuses  en  les  traitant,  bien  qne 
princesses,  de  haulaïes  (folles),  puis,  les  repoussant,  j'avance  réso- 
lument et  je  me  trouve  bientôt  au  milieu  de  tous  les  guerriers  delatriba, 
armés,  comme  les  autres,  de  pied  en  cap.  Ils  s'élancent  en  hurlant  le 
même  refrain  que  les  danseuses  ;  mais,  sans  me  laisser  intimider  et 
sachant  par  expérience  qu'à  la  moindre  apparence  de  crainte  de  ma 
part  je  serais  êcharpé  sur-le-champ,  je  m'avance  toujours  au-denat 
d'eux  et  les  rencontre  sur  une  sorte  de  plate- forme  où  ils  me  demtn- 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  457 

dent  où  je  rais,  ce  que  je  veux,  si  je  leur  apporte  des  nouvelles  de 
Pakoko  ou  si  je  Tiens  ponr  le  remplacer. 

On  le  roit,  ces  cannibales  ne  dédaignent  pas  l'ironie  et,  en  somme, 
les  choses  vont  fort  mal  et  je  ne  serais  pas  surpris  si  je  deviens  le  héros 
involontaire  d'an  drame,  ou  mieux,  la,  victime  d'une  boucherie. 

Hais  je  me  mets  à  crier  plus  fort  qu'eux  et  je  déclare  que  je  veux 
parler  au  grand  chef  Eokyaë.  Un  vieux  sauvage,  encore  un  colosse 
celai -la,  â  la  tête  et  à  la  barbe  blanches  s'avance  :  «  C'est  moi,  dit-il, 
que  me  veux-tu?  »  Mon  guide,  tout  tremblant,  me  dit  à  l'oreille: 
f  Ge  n'est  pas  lui  »  et  je  réponds  alors  au  vieillard  qu'il  est  bien  vieux 
pour  mentir,  que  Je  m'appelle  Moana-Tini,  que  je  suis  tabou  et  qu'en 
raison  de  ma  diguité,  la  réception  qui  m'est  faite  est  au  moins  imper- 
tinente. 

Mais  cette  dernière  partie  de  ma  réponse  manque  absolument  son 
effet  et  mes  farouches  interlocuteurs  se  mettent  à  rire  sans  plus  de  ver- 
gogne ni  de  respect  pour  le  tabou. 

Soudain,  mon  guide,  apercevant  de  loin  le  véritable  grand  chef,  me 
le  montre  du  doigt  et  cette  apparition  sauve  la  situation  du  moment 
«non  celle  qui  va  suivre. 

C'est  nu  beau  grand  guerrier  ;  il  vient  directement  à  moi  et  je  le 
salue  à  la  mode  du  pays.  Je  lui  transmets  l'invitation  du  gouverneur  à 
la  fête  du  1er  mai.  Je  termine  en  lui  expliquant  que  j'ai  grand'faim  et 
sue  je  voudrais  avoir  à  manger. 

A  peine  a-t-il  entendu  ces  derniers  mots,  qu'il  m'entraîne  par  la 
main  i  l'extrémité  de  la  Koïea  où,  à  l'extrémité  du  parapet  élevé  de  la 
païe-païe,  il  soulève  une  feuille  de  bananier  et  découvre  —  chose 
terrible! —  une  cuisse  humaine  tout  entière  et  à  demi  corrom- 
pue  

•  Surmontant  l'impression  de  dégoût  et  d'indignation  que  j'éprouve,  je 
demande  à  mon  terrible  interlocuteur  ce  que  c'est  que  cela.  11  me 
répond  que  c'est  le  reste  d'un  des  leurs  qu'ils  ont  mangé  la  veille 
et  qu'il  s'estime  heureux  d'avoir  conservé  ce  friand  morceau  pour 
n'inviter  i  déjeuner  avec  lui.  11  ajoute  que  si  je  n'ai  pas  encore  mangé 
de  chair  humaine,  je  serai  à  même  de  Juger  de  sa  délicate  saveur. 

Ces  choses,  quand  on  les  entend  et  dans  une  situation  pareille  vous 
font  une  impression  qui  vous  glace  Jusqu'à  la  moelle  des  os  ;  car  le 
gaillard  n'a  pas  du  tout  l'air  de  plaisanter.  Toutefois,  je  lui  fais  corn- 
prendre  que  je  suis  très  flatté  et  très  reconnaissant  de  son  attention; 
mais  que  nos  habitudes  et  nos  préjugés,  tout  en  reconnaissant  les 
qualités  de  ce  mets,  s'opposent  à  ce  que  nous  en  mangions.  J'ajoute  que 
do  reste  Je  désire  m'entretenir  avec  lui  et  que  nous  serons  bien  mieux 
chez  lui. 

tOC»  M  QiOQB.  —  3«  TJUMS0TBK  1889.  30 


458  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

Nous  allons  vers  sa  case  soins  de  la  foule  menaçante  de  ses  gner» 
riers  qu'il  a  peine  à  contenir,  fcon  guide  me  rejoint  en  me  disant: , 
t  Je  voudrais  bien  être  chez  les  Happaho.  —  fit  moi  aussi,  ajoolaj-jc  • 

Nous  sommes  reçus  par  la  femme  du  chef.  J'ai  entendu  beaucoup 
parler  de  sa  beauté,  mais  vraiment  j'en  suis  émerveillé  en  la  voyant. 

La  conversation  s'engage  et  je'saisis  ce  moment  pour  offrira  Hokyaë 
les  présents  qui  lui  sont  destinés.  Les  hachettes  et  les  limes  surtoat 
lui  font  grand  plaisir.  Je  lui  renouvelle  l'invitation.  Après  avoir  con- 
sulté sa  femme,  il  accepte,  mais  à  la  condition  qu'il  logera  chez  moi, 
ce  dont  je  me  montre  très  flatté. 

Hokyaë  mange  seul  avec  moi  un  petit  porc  qu'il  a  fait  rôtir,  poil 
j'insiste  pour  prendre  congé  de  lui  afin  qu'il  vienne  me  reconduire 
de  l'autre  côté  de  la  rivière  et  me  montrer  le  plus  court  chemin  à  rai-  ] 
vre,  et  cela  malgré  son  invitation  pressante  de  passer  la  nuit  chez  loi. 

On  comprend  que  j'en  avais  assez  d'une  telle  situation  et  que  je  se 
demandais  qu'à  en  sortir  au  plus  vite. 

Le  chef  vient  alors  avec  nous,  accompagné  d'un  jeune  sauvage  qoi 
me  porte  pour  traverser  la  rivière  ;  puis  il  me  quitte.  Je  vous  assoie 
que,  tout  fatigués  que  nous  sommes,  malgré  la  nnit  et  les  broussailles, 
nous  retrouvons  nos  jambes. 

Pourtant,  nous  nous  arrêtons  pour  reprendre  haleine  et  boire  les 
quelques  gouttes  d'eau-de-vie  qui  me  restent;  Mais,  trempé  de  soeur, 
je  ne  puis  m'exposer  à  passer  la  nuit  en  plein  air. 

Enfin,  après  avoir  beaucoup  crié  pour  appeler  l'attention  sur  nous  do  j 
côté  hospitalier  des  tribus,  j'ai  la  satisfaction  de  voir  arriver  des  sau- 
vages armés,  avec  des  flambeaux  :  c'est  la  tribu  dont  le  chef  est  le  frère  | 
des  filles  de  Payetini.  Nous  y  trouvons  bon  acpueil  et  bon  gîte  et,  maigri 
notre  fatigue,  une  partie  de  la  nuit  se  passe  à  raconter  les  péripéties  que 
nous  avons  traversées  ;  mon  guide  surtout  avec  l'emphase  naïve  et  pro- 
lixe du  sauvage,  le  fait  avec  un  luxe  de  mise  en  scène  qui  me  fût 
sourire. 

Le  lendemain  matin,  je  reprends  la  route  du  camp  où  j'arrire  de 
bonne  heure  et  trouve  là  MM.  Levêque  et  Meunier,  déjà  un  peu  remis 
de  leur  mésaventure  et  qui  me  croyaient  perdu. 

Mais  il  faut  s'occuper  maintenant  des  préparatifs  de  la  fête.  Tout 
d'abord,  on  décide  en  conseil  qu'on  tâchera  de  décider  les  Tafpis  et 
principalement  Hakyaë  à  faire  avec  nous  une  descente  chez  les  Bat&u- 
Bauhaus  pour  venger  la  trahison  dont  nos  officiers  ont  failli  devesir 
les  victimes. 

Déjà,  dans  l'après-midi  du  30  avril,  arrive  le  chef  des  HappahU- 
Manous  ;  puis  un  peu  après,  à  la  tète  de  sa  suite,  le  chef  des  Taïpia- 
Vahis  qui  vient,  selon  sa  promesse  et  me  renouvelle  le  désir  de  des- 


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LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  459 

cendre  dans  ma  maison.  Je  l'y  installe  et  le  lendemain  je  le  présente 
10  gouverneur.  Ce  chef  sauvage  est  réellement  beau  et  imposant  ;  il 
est  le  pins  richement  costumé  de  tous  ceux  qui  assistent  à  la  fête  et 
m  banquet,  la  place  d'honneur  lui  est  réservée. 

Dans  cette  cérémonie  gastronomique,  il  est  curieux  de  roir  l'attitude 
de  ces  sauvages  devant  une  table  mise  à  l'européenne.  J'y  sers  à  la  fois 
d'interprète  et  de  sommelier,  puis,  et  ce  n'est  pas  le  moins  embar- 
rassant, de  négociateur.  Le  plus  difficile  à  décider  est  Hokyaê,  car  ceux 
qu'il  s'agit  de  combattre  sont  ses  proches  parents.  11  réfléchit  longue- 
ment, pois  me  demande  si  Ton  a  l'intention  de  le  garder  pour  Otage  et 
de  le  rendre  responsable  des  actes  de  ses  voisins.  Puis,  me  jetant  un 
regard  foudroyant  :  «  Serai-je  dupe  de  (a  trahison?  •  me  dit-il.  Je  pro- 
teste contre  ses  suppositions  et  lui  déclare  qu'il  est  ici  aussi  libre  que 
chez  lui  ;  que  je  sais  combien  il  est  hospitalier  pour  les  voyageurs  qui 
le  hasardent  chez  les  Taïpls  et  qu'il  est  aussi  en  sûreté  qu'au  milieu 
de  ses  guerriers  et  à  l'abri  dans  sa  case.  «  Et  que  ferez-vous  à  mon 

•  égard,  si  je  tous  refuse  mon  concours?  »  Sans  même  consulter  le 
conseil,  je  lnî  réponds  que  nous  n'entendons  lui  faire  aucune  violence 
et  que  sa  présence  chez  nous  ne  l'oblige  nullement. 

Tous  les  chefs  et  les  guerriers  présents  applaudissent  à  mes  paroles 
et  Hokyaê  me  dit  alors  :  «  Dis  à  votre  grand  chef  que  j'accepte  votre 
■  alliance  et  qu'il  peut  compter  sur  moi  pour  l'aider  à  punir  les  rebelles, 

•  mais  à  la  condition  que  tu  dirigeras  toi-même  les  combattants.  » 

Je  consulte  le  gouverneur.  Ce  n'est  pas  le  danger  qui  m'effraie  ; 
j'en  ai  vu  bien  d'autres  déjà  et,  bien  que  je  n'appartienne  plus  à  l'armée, 
je  ne  demande  qu'à  être  utile  à  mon  pays  ;  je  me  mets  donc  à  la  dis- 
position de  M.  Brunet  et  il  est  entendu  que  j'irai  exercer  les  Taïpis- 
Tabis  à  notre  manière  de  faire  la  guerre. 

La  plupart  des  chefs  s'en  vont  le  soir  même;  Hokyaë  aussi,  que  mes 
instances  ne  peuvent  retenir  et  qui  me  dit  en  partant  :  •  Je  serai 

•  demain  matin  chez  moi;  quand  ta  arriveras,  tous  mes  guerriers 
«  seront  prêts  ;  tu  pourras  juger  de  mes  forces.  » 

CHAPITRE  IX. 

18   COMMANDEMBlfT    DES    TAIPI8-VAHIS.   —   DISPOSITIONS   D' ATTAQUE.   — 

COMBAT.  —  MON  RETOUR  EN  FRANCE. 

D'après  les  ordres  que  j'ai  reçus,  je  dois  occuper  les  hauteurs  et, 
de  concert  avec  l'autre  colonne,  je  marcherai  vers  la  plage  où  Ja 
Sultane  appuiera  notre  action.  Le  capitaine  Meunier,  qui  commande 
en  chef,  insiste  pour  qu'on  n'oublie  pas  de  garnir  de  feuilles  les  têtes 
des  hommes. 


460  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

Je  pars  le  2  mai  au  matin.  Je  rencontre  des  indigènes  occupés  1 
ramasser  des  racines  ftaïkas  dont  ils  extraient  le  jus  pour  s'endort 
la  peau.  Ce  n'est  pas  sans  peine  que  Je  décide  l'un  d'eux  à  me  guider 
pour  aller  chez  les  Talpis-Vahis  par  le  chemin  le  plus  court. 

Je  passe  sur  les  incidents  du  chemin  au  milieu  duquel  nous  nous 
arrêtons,  au  pied  de  la  grande  cascade,  pour  nous  réconforter. 

Aussitôt  que  ma  présence  est  signalée,  Holryaë  Tient  au-devant  de 
moi  avec  quelques-uns  de  ses  guerriers  et  me  conduit  directema! 
chez  lui.  Sa  femme  m'accueille  bien  et,  ce  qui  me  fait  le  pins  de 
plaisir,  elle  ne  désapprouve  pas  l'engagement  pris  par  son  mari.  Je  mani- 
feste alors  le  désir  de  connaître  le  nombre  des  guerriers,  de  visiter 
leurs  armes  pour  la  plupart  en  fort  mauvais  état.  Je  répare  de  bob 
mieux  les  plus  défectueuses,  puis  je  presse  le  chef  de  réunir  ses  guer- 
riers pour  nous  préparer  à  occuper  les  positions  urgentes. 

Mais  déjà  circulent  sur  les  dispositions  et  les  armements  de  dm 
ennemis,  des  bruits  grossissant  leurs  forces  avec  accompagnement  de 
commentaires  décourageants  et  intéressés  qui  ne  tardent  pas  à  produire 
leur  effet.  Déjà  la  résolution  du  grand  chef  parait  ébranlée.  «  Je  crois, 
«  me  dit-il,  que  nous  allons  faire  une  folie,  nous  rie  sommes  pas  asseï 
«  nombreux  pour  résister  à  une  si  grande  quantité  de  guerriers  on- 
«  rageux  et  bien  armés.  » 

La  matiuée  se  passe  et  je  compte  à  peine  100  guerriers  de  prêts. 
J'adresse  de  graves  reproches  à  Hokyae*  sur  sa  mollesse  et  son  aban- 
don ;  je  lui  montre  quelle  responsabilité  il  encourt  et  lui  déclare  qa« 
quand  je  serais  seul,  je  m'avancerai  sur  les  hauteurs  où  l'attaquées! 
décidée.  La  discussion  s'échauffe  et  s'envenime  et  a  pour  conséqueoc! 
que  je  reste  seul  de  mon  avis,  tous  les  guerriers  se  refusant  à  sue 
tentative  contre  leurs  frères  en  faveur  des  assassins  de  Pakoko. 

En  somme,  leur  logique  est  écrasante  et  vraiment  je  suis  à  bout 
d'arguments,  car,  au  fond  du  cœur,  je  ne  puis  m' empêcher  de  leur 
donner  raison.  Mais  leur  résolution  me  place  dans  une  situation  des 
plus  critiques.  M'en  retourner:  je  serai  poursuivi  et  massacré  sans 
nul  doute;  gravir  seul  les  hauteurs  ou  accompagné  seulement  de 
quelques  guerriers  :  c'est  tomber  entre  les  mains  des  cannibales  que 
je  dois  combattre  et  vaincre.  Il  y  a  bien  un  troisième  moyen,  c'est  de 
rejoindre  le  capitaine  Meunier  qui  est  chez  les  Taïpit-Uoanas  ;  mail 
les  Vahis  ne  me  laisseront  jamais  porter  la  nouvelle  de  leur  dé- 
fection. 

Perplexe,  à  bout  d'expédient,  je  prends  à  partie  la  femme  du  chef, 
j'en  appelle  à  sa  loyauté  de  l'abandon  et  du  parjure  de  son  mari  qui  a 
donné  sa  parole  au  gouverneur,  acte  déloyal  qui  pourra  avoir  des 
conséquences  terribles  pour  lui  et  sa  tribu. 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  461 

Je  compte  peu  sur  ce  moyen  suprême,  le  seul  pourtant  qui  me  soit 
resté,  quand,  à  mon  grand  étonnement,  la  femme  de  Hokyaë  se  1ère 
gravement  et  déclare  à  liante  voix  qne  «  son  époux  ne  sera  pas  parjure 

•  et  que,  pour  elle,  elle  ne  sera  jamais  la  femme  d'un  lâche  • . 

En  ce  moment  même  acrive  un  courrier  des  Tarpis-Moanas  qui  vient 
directement  â  moi  et,  sans  me  dire  une  parole,  car  le  pauvre  diable  est 
essoufflé  et  couvert  de  sueur,  il  me  remet  un  paquet  attaché  à  sa  cein- 
ture lequel  renferme  un  papier  écrit  au  crayon  ;  c'est  une  dépêche  du 
capitaine  Meunier  dont  voici  les  extraits  principaux. 

< Lundi  matin,  trois  bâtiments  de  guerre  sont  arrivés  à  Nouka- 

•  ffiva,  annoncez-le  à  vos  auxiliaires 11  faut  que  vos  hommes 

•  portent  tous  la  feuille  de  faou  (')...  À  la  tombée  de  la  nuit,  soyex 

•  sur  les  hauteurs  pour  que,  demain  matin,  si  le  vent  favorise  la  marche 
t  des  bâtiments,  vous  puissiez  agir  comme  il  a  été  convenu.  Vous 

■  nlrez  de  lavant  qu'autant  que  trois  coups  de  canon  auront  été 
«  tirés Faites  marcher  votre  pavillon,  afin  qu'il  puisse  être 

•  vu  et  faites  en  somme  de  diriger  vos  hommes  de  manière  qu'ils  ne 

•  soient  pas  confondus  avec  les  ennemis  par  la  troupe  de  débar- 
i  quement.  —  Signé  :  Meunier.  » 

Comme  bien  on  pense  je  songe  à  tirer  parti  de  cette  nouvelle  pour 
amener  une  réaction  en  ma  faveur  en  grossissant  à  dessein  le  chiffre 
de  nos  renforts.  Mais  je  manque  absolument  mon  effet,  car  ces  sau- 
vages, logiques  une  fois  de  plus,  me  disent  :  f  Puisque  vous  êtes  si 

■  nombreux  et  si  forts,  vous  n'avez  plus  besoin  de  nous.  »  Je  suis  à 
écart,  je  l'avoue,  et  c'est  encore  la  femme  de  Hokyaë  qui  sauve  la  situa- 
tion: «  Oui,   dit-elle,  mais  quand  les   Français  auront  détruit  nos 

•  voisins,  ils  nous  détruiront  à  notre  tour  et  ils  auront  raison  puisque 
i  le  chef  aura  trahi  la  parole  donnée.  » 

Cette  dernière  déclaration  l'emporte  dans  l'esprit  des  sauvages. 
Pourtant,  avant  de  se  décider,  ils  questionnent  renvoyé  qui  déclare 
avoir  vu  les  bâtiments  de  guerre  ayant  à  bord  une  grande  quantité  de 
soldats  et  de  canons. 

Aussitôt,  quelques-uns  des  plus  vigoureux  guerriers  courent  à  la 
paie-pale  et  appellent  leurs  compagnons  à  grands  coups  de  tams-tams. 
Ea  moins  d'une  heure,  il  y  en  a  deux  cent  cinquante  de  réunis 
n'attendant  plus  que  le  chef  qui  sort  bientôt  de  sa  case  armé  de  pied 
en  cape.  11  prononce  â  peine  quelques  monosyllabes  énergiques  et 
chacun  se  trouve  en  place  comme  par  enchantement.  Il  constate 


('j  Moyeu  do  reconnaiflaftoca  de*  tribu»  alliée*  ûe«  ennemi*,  l'uni  forme  primitif 
des  saarafei  n'étant  pat  nn  mojea  mfflsant  de  distinction  entre  le*  un*  et  le* 
utre*. 


462  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

l'absence  de  quelques  jeunes  guerriers,  mais  sa  femme  les  a  envoyé* 
en  avant-garde  pour  reconnaître  l'ennemi  :  décidément  celle  femme 
a  toutes  les  clairvoyances. 

Après  avoir  indiqué  Tordre  de  marche,  je  ne  pais  quitter  réponse  de 
Hokyati  sans  ia  remercier  chaleureusement  au  nom  de  mon  pays  et  as 
mieu  de  tout  ce  qu'elle  vient  de  faire;  je  lui  fais  mes  adieux,  pressen- 
tant que  peut-être  je  ne  la  reverrais  plus.  Comme  dernière  marque  de 
sollicitude,  en  me  quittant,  elle  encourage  ses  guerriers  à  me  protéger 
et  nous  accompagne  longtemps  du  geste  et  du  regard 

Gonuaissant  peu  cette  partie  du  pays,  Hokyae*  m'indique  le  point  le 
plus  favorable  pour  dominer  l'ennemi  et  être  à  l'abri  de  ses  attaqoes.  j 
En  effet,  la  montagne  forme  un  rempart  à  pic  de  250  à  300  mètre*  j 
au-dessus  et  en  face  de  la  mer:  un  seul  sentier  qui  serpente  es  : 
sorte  de  ravin  dans  le  roc,  rend  la  position  inaccessible  i  l'ennemi. 
A  nos  pieds,  au  Nord-Ouest,  sont  les  Pouhis-Hauhaus  dont  les  chefs  i 
sont  parents  de  Hokyae  par  sa  femme.  Apprenant  le  but  de  notre  entre- 
prise, ils  m'envoient  un  messager  pour  me  déclarer  que,  loin  d'être  nos  i 
ennemis,  ils  ont  complètement  ignoré  le  massacre  des  nôtres  en  1845  : 
et  qu'ils  ont  toujours  désiré  rester  neutres  dans  les  luttes  des  trions  ; 
avec  nous,  malgré  les  tentatives  qui  ont  été  faites  pour  les  j  entraîner. 

Il  n'y  a  donc  rien  à  craindre  de  ce  côté  apparemment  ;  mais  je  ne 
défie  toujours  des  ruses  des  sauvages  et,  en  particulier,  de  ces  décla- 
rations intéressées  et  je  ne  laisse  pas  de  placer  un  avant-poste  swt  le 
chemin  qui  conduit  chez  ceux-ci  pour  éviter  toute  surprise. 

En  attendant  l'attaque,  je  suis  l'objet  de  toutes  les  provocations  des 
ennemis  qui  sont  prés  de  nous  et  qui  cherchent  en  vain  à  nous  sar- 
p rendre.  Ils  sont  très  nombreux  et  une  colonne  s'avance  poor  nois 
tourner  en  passant  sur  le  territoire  des  Pouhis-Hauhaus  et,  tandis  oae 
j'envoie  un  courrier  au  chef  de  cette  tribu  pour  lui  annoncer  que  je 
le  considérerai  comme  traître  s'il  laisse  passer  les  Ratous-Hauhans,Je 
constate  avec  anxiété  que  Hokyae"  et  ses  guerriers  sont  découragés  à 
la  vue  d'un  si  grand  nombre  d'adversaires,  tandis  qu'il  ne  voit  pas  venir 
les  secours  promis  des  bâtiments  de  guerre.  En  effet,  il  n'y  a  rien  i 
l'horizon  et  je  commence  à  désespérer  quand  enfin  une  voile  se  montre 
i  l'Est;  c'est  la  Sultane  qui  a  bientôt  mouillé  en  vue  du  cap  sur  k 
pointe  duquel  je  m'avance  avec  mon  pavillon  et  Je  tire  un  coup  de 
fusil  pqjurme  faire  reconnaître. 

Mais  du  capitaine  Meunier  et  de  sa  colonne  je  ne  vois  rien  venir: 
je  dépêche  alors  vers  le  gouverneur  pour  avoir  des  ordres  précis  et  je 
reçois  bientôt'  la  réponse  embarrassante  dont  voici  la  substance.  Le 
gouverneur  aurait  voulu  pouvoir  parlementer  pour  arranger  l'affaire.  U 
a  déjà  essayé,  mais  sans  succès.  «  Je  ne  sais,  ajoute  la  lettre,  où  sont 


LES  VOYAGEURS  INCONNUS.  463 

•  les  Oumis;  si  tous  êtes  sûr  du  sa  ce  es  sans  eux,  marches  sans  tous 

■  occuper  de  ce  que  la  goélette  fera  de  son  côté  ;  en  attendant  l'arrivée 
«  du  bâtiment,  elle  tous  soutiendra  de  son  artillerie  si  tous  marchez. 

•  Une  fois  chez  les  ennemis,  incendiez  les  cases  qui  seront  sur  rotre 

•  passage  ponr  que  nons  puissions  suivre  yotre  marche. 

«  Le  gouverneur  voudrait  que  personne  ne  se  compromit  parmi 

■  tous.  Ainsi  donc,  si  le  chef  des  Vahls  croit  rester  en  paix  avec  nos 
«  ennemis,  s'il  se  retire,  je  crois  que,  dans  les  intentions  du  nouveau 

•  commandant,  il  fera  bien.  Si  les  Vahis  marchent  qu'il  soit  néces- 

■  saire  d'opérer  un  débarquement,  nous  le  ferons. —  Signé  :  Brunet.  • 
Que  foire?  —  Je  convoque  mes  guerriers  et  leur  demande  s'ils  sont 

bien  décidés  i  combattre  ;  nous  sommes  moins  nombreux  mais 
Btieui  armés  et  le  drapeau  français,  leur  dis-je,  est  toujours  vainqueur 
dans  les  combats. 

Ils  me  déclarent  qu'ils  sont  prêts  à  marcher,  mais  qu'ils  ne  croient 
pas  au  succès. 

renvoie  alors  de  nouveau  vers  le  gouverneur  à  la  fois  pour  demander 
des  instructions  plus  précises  et  rapporter  des  munitions  de  guerre. 

Voici  enfin  la  réponse  que  je  reçois:  «  5  mai  1847.  —  Je  vous 

■  envoie  SO  paquets  de  cartouches,  ce  qui  fait  10  coups  par  homme. 

•  ffe  tirez  pas  sans  nécessité.  Je  pense,  comme  le  chef  des  Vahis,  qu'il 

■  faut  attendre  l'arrivée  de  M.  Meunier  pour  marcher.  Nous  le  verrons 

•  bientôt  Lorsque  tous  m'aurez  signalé  rotre  position  en  incendiant 

•  les  cases,  je  débarquerai  s'il  est  nécessaire.  Dans  lous  les  cas,  la 

•  plage  sera  gardée  et  elle  ne  Test  pas  en  ce  moment.  —  Signé  : 

■  Bhusbt.  » 

Déjà  la  distribution  des  munitions  encourage  nos  guerriers  qui  peu- 
vent, avec  cela,  combattre  un  ennemi  quatre  fois  plus  nombreux,  quand 
apparaissent  an  large  trois  batteries  de  guerre.  C'était  tout  ce  qu'il 
fallait  pour  couper  court  aux  moindres  hésitations. 

Sous  sommes  bientôt  prêts  pour  l'attaque  dont  j'abrège  les  détails  et 
çtû  se  fait  avec  une  grande  impétuosité.  Aux  cris  des  sauvages  la  fusil- 
lade s'engage  et  nous  sommes  bientôt  au  centre  de  la  tribu* enne- 
mie; Hokyaë,  qui  me  sert  de  porte-drapeau,  est  bientôt  avec  moi  et 
quelques  guerriers  à  la  Koïea.  Mais  là  la  résistance  est  énergique  et 
opiniâtre  et  nous  avons  fort  a  faire  avant  de  reprendre  le  dessus 
finalement,  nous  rejetons  les  Ratou-Hauhaus  chez  leurs  voisins  les 
Uati-Kéous;  mais  là,  nouvelle  attaque  et  nouvelle  lutte,  car  ces  derniers 
prennent  fait  et  cause  pour  nos  adversaires.  Retranchés  fortement  dans 
la  Koïea,  nous  les  repoussons  avec  des  pertes  telles,  que  la  démora- 
lisation les  décide  à  chercher  un  refuge  dans  les  gorges  environnantes. 

Hais  la  nuit  s'approche,  nous  sommes  encore  loin  de  la  mer  et  nos 


464  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

hommes  sont  fatigués  :  dans  de  (elles  conditions,  il  y  aurait  danger* 
s'engager  dans  une  poursuite  décisive. 

Suivant  mes  instructions,  je  mets  le  feu  aux  cases  et  en  quelque* 
instants  la  flamme  a  détruit  ce  grand  et  beau  village.  Dans  letr 
déroute,  les  Ratous-Haubaus  ont  oublié  un  baril  de  poudre  et  sonJaio, 
au  milieu  de  l'incendie,  une  explosion  effroyable  cause  une  forte  mais 
passagère  impression  de  terreur  à  nos  guerriers  ;  ce  qui  ne  lesempêcbe 
pas  de  se  livrer,  malgré  ma  défense,  à  un  pillage  effréné. 

C'est  seulement  au  moment  où  nous  organisons  notre  campement 
que  M.  Meunier  arrive.  Nous  tentons  immédiatement  une  poursuite  de 
nuit  afln  de  nous  saisir,  s'il  est  possible,  des  chefs  des  révoltés; mai* 
sans  pour  cela  y  arriver,  les  sauvages  ayant  fui  loin  de  tonte  atteinte. 

Le  lendemain  matin,  Je  me  rends  à  bord  de  la  goélette,  trouver  le 
gouverneur  dont  je  reçois  tontes  les  félicitations  ainsi  que  celles  de 
tous  les  officiers  du  bord.  Nous  descendons  tons  à  terre  pour  traiter 
une  alliauce  avec  les  Pouhis-Hauhaus  qui,  jusqu'ici,  se  sont  abstenus. 
Puis  le  gouverneur,  pour  remercier  Hokyag,  lui  concède  la  possession 
de  la  baie  que  nous  venons  de  conquérir  ;  mais  il  refuse,  non  sans 
raison,  car  réduit  à  ses  propres  forces,  il  ne  pourrait  la  conserver.  Sa 
présence  de  ce  refus,  le  territoire  est  concédé  à  Témoana.  L'impopo- 
larité  de  ce  chef  fait  que  les  Pouhis-Hauhaus  ne  sont  que  médiocrement 
satisfaits  de  cet  arrangement  et  que  Hokyaô  a  grand'peine  à  cacher 
son  mécontentement.  Il  ne  m'en  offre  pas  moins  de  retourner  dm 
lui  par  le  chemin  que  nous  avons  suivi.  Bien  m'en  a  pris  de  ne  pis 
céder  i  ses  instances,  car  j'ai  su,  depuis  lors,  par  un  des  naturels  ùa 
Happahis,  que  ses  offres  cachaient  un  piège  et  qu'il  était  bien  décidé 
à  me  livrer  aux  chefs  des  Ratous  qu'il  venait  de  combattre  pour  taire 
un  régal  en  commun  absolument  à  mes  dépens. 

C'est  à  la  suite  de  ces  faits  que  je  suis  porté  à  l'ordre  du  jour  ds 
bataillon  à  trois  appels  successifs. 

Mais  je  suis  revenu  bien  fatigué,  épuisé  de  toute  manière  et  je  me 
sens  faiblir  tous  les  jours  davantage.  Ces  courses,  ces  luttes,  ces  émo- 
tions terribles  et  tout  à  fait  en  dehors  de  celles  du  soldat  qui  latte  sur 
les  champs  de  bataille  européens,  m'ont  usé  et  il  n'est  que  temps  de 
regagner  la  mère  patrie.  D'autre  part,  il  est  évident  qu'il  n'y  a  ploa  & 
tabou  qui  tienne  ;  je  deviens  l'objectif  de  la  vindicte  des  sauvages  i 
laquelle  ne  m'expose  que  trop  le  rôle  que  j'ai  rempli  jusqu'ici  et  la 
moindre  imprudence  dans  mes  futures  excursions  peut  me  faire  tomber 
un  jour  ou  l'autre  dans  les  pièges  qui  me  sont  tendus  de  tontes  parts 
et  Je  n'ai  plus  la  force  suffisante  pour  cette  lutte  étrange,  périliec* 
et  sans  gloire  aucune,  puisqu'après  tant  de  dangers  courus,  je  n'em- 
porterai d'autre  satisfaction  ni  d'autre  récompense  que  l'ordre  du  joir 


LB8  VOYAGEURS  INCONNUS.  465 

mon  bataillon  et  la  satisfaction  d'avoir  bien  servi  mon  pays:  j'ai 
prouvé  que  Je  suis  bon  soldat  et  bon  Français  ;  mais  je  ne  me  targue 
pas  d'être  un  philosophe. 

Je  demande  donc  de  m' embarquer  sur  le  prochain  bâtiment  qni  fera 
route  pour  la  France. 

Le  Gassendi  m'emmène  d'abord  à  Tahiti.  Là,  le  chef  du  bureau  des 
affaires  européennes  me  dit  qne  Ton  a  pris  note  de  mes  états  de  ser- 
vices, que  je  suis  porté  sur  le  registre  pour  obtenir  une  récompense  et 
que  je  perds  mon  avenir  en  quittant  le  pays  ('). 

Ces  réflexions  me  laissent  assez  perplexe.  Alors  je  vais  trouver 
M.  Brunet  qui  avait  reçu  son  changement  pendant  la  dernière  affaire 
et  qui  est  snr  le  point  de  prendre  passage  sur  la  Somme  pour  revenir 
en  France.  Je  lui  demande  son  avis  sur  ce  que  m'a  dit  le  chef  du 
bureau  et  il  me  répond  que  je  recevrai  aussi  bien  ma  récompense  en 
France  qu'en  Océanie. 

Il  est  donc  bien  décidé  cette  fois  que  Je  reviens. 

La  traversée  nous  présente  quelques  péripéties  sans  grande  gravité. 
Un  moment  un  grand  vent  du  Nord-Ouest  nous  jette  vers  la  région 
glacée  dn  pôle  sud,  et,  en  général,  pour  moi  qui  suis  habitué  au 
climat  intertropical,  la  température  surtout  vers  le  60e  latitude  sud  ne 
laisse  pas  que  de  m'étre  insupportable. 

Enfin,  je  remets  ie  pied  sur  la  terre  de  France,  ma  chère  patrie,  le 
6  janvier  1848.  Je  ne  vous  étonnerai  pas  en  vous  disant  qu'en  cette 
heure  tant  désirée,  le  cœur  me  bat  i  rompre  la  poitrine  et  que  j'ai  des 
larmes  plein  les  yeux 

Et  maintenant,  cher  lecteur,  il  ne  me  reste  plus,  dans  un  dernier 
chapitre,  qu'à  vous  résumer  les  observations  que  j'ai  recueillies  sur 
les  caractères,  les  us  et  coutumes,  etc.,  qui  n'ont  pas  trouvé  place 
dans  le  cours  du  récit  pour  ne  le  pas  entraver  au  détriment  de  la 
clarté. 

(A  suivre.) 


(')  J'ai  rapporté  entre  autrei  pièce»  jaitineatiret  on  certificat  que  m'a  délivré 
15  ani  pin*  tard,  M.  Brunet,  ancien  gonreruenr. 


LES  ILES  DE  L'OCÉANIE 

GÉOGRAPHIE,   PRODUCTIONS  NATURELLES,  RACES  HUMAINES  f1) 

Par  Henri  JOUAN 

CAPITAUTS  DB  VAISSEAU  BK  RBTKAITB 


AVANT- PROPOS 

Il  peut  paraître  présomptueux  de  présenter  au  public  un  livre  ayant 
pour  sujet  les  Iles  du  Pacifique,  VOeéanie,  sur  laquelle  on  a  déjà  consi- 
dérablement écrit  :  je  dois  donc,  pour  m'excuser,  exposer  les  raisons  qui 
m'y  ont  engagé.  D'abord,  ce  n'est  pas  que  j'aie  la  prétention  de  faire 
mieux  que  ceux  qui  m'ont  précédé  dans  cetto  voie,  mais  leurs  récils, 
déjà  anciens  pour  la  plupart,  ne  sont  plus  aujourd'hui  l'expression  exacte 
de  la  vérité  ;  en  outro,  ces  récits  sont  presque  toujours  perdus,  noyés 
dans  de  longues  relations  de  voyages  et,  par  suite,  il  faut  un  travail  d'es- 
prit assez  compliqué  pour  en  dégager  une  vue  d'ensemble. 

Il  existe  cependant  plusieurs  ouvrages  spéciaux  sur  l'Océanie  en  gé- 
néral. L'un  d'eux,  très  volumineux,  dans  lequel  je  reconnais  avoir  trouvé 
des  indications  précieuses,  publié  par  M.  Domeny  de  Rienzi,  dans  la  col- 
lection de  YUnivert  pittoresque,  il  y  a  prés  de  quarante-cinq  ans,  a  eu  dans 
son  temps  un  grand  succès  (de  môme  que  le  Voyage  pittoresque  autour  du 
monde,  publié  sous  la  direction  de  Dumont  d'Urvîlle,  vers  la  même  époque), 
quoiqu'il  soit  loin  d'être  exempt  de  défauts.  «  On  trouve  là,  compilés,  enUs- 
«  ses,  cousus  tant  bien  que  mal  l'un  à  l'autre  et  souvent  jetés  dans  le  plus 
«  grand  désordre,  de  substantiels  morceaux,  fragments  détachés  de  tora 
t  les  ouvrages  qui  ont  paru  sur  ce  sujet,  mais  pleins  d'inutiles  digret* 
c  sions  et  d'ennuyeuses  répétitions,  dans  lesquelles  Terreur  marche  cons- 
«  tamment  côte  à  côte  avec  la  vérité  ;  ce  volumineux  travail  laisse  tant  à 
«  désirer  sous  le  rapport  de  la  clarté,  de  la  concision  et  de  l'exactitude, 
«  qu'il  produit  souvent,  pris  en  masse,  l'effet  de  ces  lumières  douteuses 
«  qui  ne  servent  qu'à  faire  mieux  remarquer  l'épaisseur  des  ténèbres.  » 

Ce  jugement  sévère,  trop  sévère  sur  certains  points,  quoique  sur  d'an- 
tres on  soit  bien  obligé  d'en  reconnaître  la  justesse,  n'est  pas  de  moi, 
mais  de  M.  C.  Henricy,  auteur  d'un  petit  ouvrage,  paru  neuf  ans  plus  tard(*), 


(')  Le  travail  dont  nous  commcnçon*  aujourd'hui  la  publication  a  une  importance,  «neanctart 
d'originalité  et  de  valeur  scientifique,  qui  ont  décidé  la  Rédaction  à  entreprendre  cette  pabfer 
lion  de  longue  haleine. 

(')  Nouveaux  Résumé»  :  Biêtoir*  de  l'Ooéanit,  dtfui»  «on  origine  jtuq u*ên  i$45t  par  M.  C*a» 
mir  Henricy.  Pari»,  1845. 


LES  ILES  DE  l'ûCÉANIE.  467 

remarquable  par  sa  concision  et,  malgré  cela,  par  le  nombre  de  faits  qu'il 
contient,  eu  égard  à  l'époque  &  laquelle  il  a  été  écrit.  Il  m'arrivo  quel- 
quefois, dans  les  pages  suivantes,  de  citer  presque  textuellement  des  pas- 
sages de  ce  petit  livre  dont  j'ai  été  à  môme  de  vérifier  l'exactitude,  mais 
l'auteur,  fidèle  au  titre  qu'il  avait  choisi,  s'est  plus  occupé  de  V histoire 
de  rOcéanie  que  de  ses  productions,  tandis  que  je  me  propose  surtout  do 
montrer,  comme  l'indique  mon  titre,  les  iles  du  Pacifique  au  point  de  vue 
de  VkUloire  naturelle,  c'est-à-dire  de  leur  constitution  géologique,  de 
leurs  productions  végétales  et  animales.  Le  tableau,  pour  être  complet,  doit, 
il  me  semble,  exposer  non.  seulement  les  caractères  physiques  des  popu- 
lations, mais  encore  donner  une  idée  de  leurs  mœurs,  de  leurs  coutumes, 
de  leur  langage,  de  l'état  social  où  elles  sont  parvenues  au  contact  d'au- 
tres races. 

Deux  fois  les  hasards  de  ma  carrière  m'ont  conduit  dans  l'Océan ie  ; 
chaque  fois  j'y  restai  pendant  plusieurs  années,  visitant  les  principaux 
archipels  ;  j'ai,  en  outre,  vécu  longtemps  dans  deux  de  ces  derniers,  les 
iles  Marquises  et  la  Nouvelle-Calédonie,  qui  avaient  peut-être  le  mieux 
gardé  leur  physionomie  primitive  ;  aussi  la  plus  grande  partie  de  ce  que 
contient  ce  volume  est-il  le  résultat  de  mes  propres  observations  et,  bien 
souvent,  quand  je  transcris  le  texte  d'autres  auteurs  —  que  je  ne  manque 
jamais  de  citer  scrupuleusement,  —  j'ai  vérifié  par  moi-même  l'exactitude 
de  leur  dire.  Cependant,  comme  il  est  impossible  que,  sur  un  théâtre 
aussi  vaste,  j'aie  pu  tout  voir  de  mes  propres  yeux,  j'ai  été  parfois  obligé 
de  m'en  rapporter  au  témoignage  d  autrui,  d'abord  à  celui  de  quelques- 
uns  de  mes  camarades  qui  parcouraient  ces  parages  en  même  temps  que 
moi,  et  qu'un  goût  tout  particulier  attirait  vers  ces  études  ;  par  ailleurs, 
j'ai  puisé  aux  meilleures  sources,  comme  on  peut  le  voir  par  les  noms 
que,  je  le  répète,  je  ne  manque  jamais  de  citer. 

Pendant  un  moment,  il  y  a  une  quarantaine  d'années  de  cela,  l'attention 
avait  été  appelée  d'une  manière  particulière  sur  l'Océanie,  même  en 
France  où,  à  cette  époque-là,  i  l'exception  d'un  public  très  restreint, 
on  ne  s'occupait  guère  de  ce  qui  se  passait  dans  le  monde  maritime  ; 
les  graves  événements  qu'avaient  failli  faire  naître  l'affaire  Pritchard  et 
l'établissement  de  notre  protectorat  à  Tahiti,  notre  tentative  de  colonisation 
à  la  Nouvelle-Zélande  et  quelques  autres  causes  plus  secondaires,  avaient 
attiré  les  regards  vers  ces  lointains  parages,  mais  l'effet  produit  ne  dura 
pas  bien  longtemps  et  ne  donna  naissance  qu'à  un  très  petit  nombre  do 
publications  plus  ou  moins  officielles,  lues  seulement  par  les  rares  indi- 
vidus dont  je  parlais  tout  à  l'heure  ('). 

Aujourd'hui,  les  ouvrages  de  géographie  obtiennent  chez  nous  une  fa- 
veur bien  marquée,  mais  ce  sont  principalement  les  vastes  régions  de 
l'Afrique  centrale,  révélées  par  Livingstone  et  ses  audacieux  continua- 
teurs, et  les  régions  non  moins  vastes  de  l'Asie,  que  ces  ouvrages  ont 
pour  objet,  et  c'est  de  toute  justice,  car  ces  contrées  sont  autrement  in- 


(*)  Toutefois,  les  deux  ouvrages  de  MM.  Vincendon-Domoulin  a  C.  Drsgraz,  sur  les  lies  Mar 
q«ises  et  Tabiu,  font  exception. 


468  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

Caressantes,  sous  beaucoup  de  rapports,  que  les  petits  archipels  du  Grand 
Océan.  Cependant,  ces  derniers,  par  la  constitution  de  leur  sol,  par  leur 
isolement  môme,  par  leurs  habitants,  peuvent  contribuer  à  jeter  un  grand 
jour  sur  un  problème  qui  s'agite  maintenant  :  le  problème  do  nos  origines. 
Il  ne  faut  pas  non  plus  perdre  de  vue  que  la  Franco  a  eu  sa  bonne  put 
dans  l'exploration  des  lies  du  Pacifique  et  que  l'on  ne  fait  que  remplir 
un  devoir  en  rappelant  de  temps  en  temps  les  travaux  de  nos  navigateurs 
et  de  nos  naturalistes. 

Ces  considérations  m'ont  engagé  à  rassembler  les  notes  que  j'avais  pu 
prendre  lorsque  des  circonstances  inhérentes  à  ma  profession  m'ont  con- 
duit dans  ces  parages,  à  joindre  ensemble,  de  manière  à  en  faire  un  tout, 
diverses  notices  que  j'ai  publiées  à  diverses  époques  dans  les  Mémoires 
de  quelques  sociétés  savantes,  ou  bien  qui  étaient  elles-mêmes  des 
comptes  rendus  de  communications  que  j'avais  eu  occasion  de  faire,  de- 
puis quelques  années,  dans  des  congrès  scientifiques  ;  mais,  on  agissant 
ainsi,  je  ne  me  suis  pas  abusé  sur  la  difficulté  de  mener  à  bien  un  pareil 
dessein  et  de  me  tenir  à  égale  distance  de  deux  écueils  également  dan- 
gereux :  trop  de  concision  ou  trop  de  prolixité.  La  concision,  quand  même 
le  réussirais  à  l'orner  de  tous  les  agréments  d'un  style  brillant  et  fleuri, 
ne  peut  guère  produire  qu'un  exposé  aride,  rebutant  pour  le  lecteur  au- 
quel il  n'apprendrait  rien  qu'il  ne  sache  déjà  ;  la  prolixité,  c'est  i  craindre, 
le  fatiguera,  le  rebutera  par  l'abondance  môme  des  détails,  et  ces  détails 
cependant  ne  seront  pas  encore  suffisants,  à  moins  d'allonger  le  récit  in- 
définiment !  J'ai  bien  peur  d'ôtre  tombé  dans  ce  dernier  défaut  :  trop  et, 
en  môme  temps,  pas  auez  de  détails.  Cependant,  j'ose  espérer  que  et 
livre,  qui,  s'il  n'a  pas  d'autre  mérite,  a  au  moins  celui  d'avoir  été  médité 
et  écrit  avec  conscience,  pourrait  ôtre  de  quelque  utilité  aux  navigateur^ 
aux  naturalistes  partant  pour  l'Océanie  et  que,  peut-ôtre»  des  savants  de 
cabinet  y  trouveraient  quelques  renseignements  utiles. 
Cherbourg,  —  octobre  1880. 

Nota.  —  Dans  ce  qui  suit,  je  me  suis  servi,  pour  écrire  les  noms  de 
lieux,  de  peuples,  etc.,  des  différentes  orthographes  adoptées  par  les  mis- 
sionnaires des  diverses  communions,  lesquels,  ayant  dans  leurs  principales 
stations  des  presses  qui  leur  servent  à  imprimer  les  livres  nécessaires 
pour  leur  propagande,  ont  ainsi  fixé  l'orthographe,  devenue  officielle  dans 
le  pays  quand  celui-ci  a  atteint  un  certain  degré  de  civilisation.  Dans  les 
dialectes  polynésiens,  Vu  se  prononce  invariablement  comme  notre  syl- 
labe ou  ;  Ve,  comme  notre  e  fermé  ;  au,  comme  a-o,  Yo  prononcé  très  ou- 
vert ;  eu,  comme  é-ou  ;  ai,  H,  oi,  comme  notre  interjection  aie  !  comme 
eï,  e;  oï,  e,  très  ouverts. 

Dans  les  mots  calédoniens  et,  en  général,  les  mots  mélanésiens,  je  anis 
le  plue  souvent  l'habitude  du  français,  dans  lequel  ou  s'écrit  o-u  et  non  s; 
cependant,  quelquefois  il  m'arrive,  dans  des  citations,  d'employer  seule 
cette  dernière  voyelle,  qui  doit  toujours  se  prononcer  comme  ou  en  fran- 
çais. Dans  les  noms  calédoniens,  Ve  final,  à  moins  qu'il  ne  porte  un  ac- 
cent, est  ouvert. 


LES  ILES  DE  i/OCÊANIE.  469 

Les  lieues  et  les  milles,  qui  servent  à  évaluer  les  distances,  sont,  à 
moins  d'observation  spéciale,  des  lieues  marines  de  90  au  degré  et  des 
milles  marins  de  1,85*  métrés. 

D  est  peut-être  à  propos  de  rappeler  rapidement  la  date  des  princi- 
pales découvertes  en  Océanie. 

Le  15  septembre  1513,  Vasco  Nunez  de  Balboa,  du  sommet  d'une  des 
montagnes  du  Darien,  découvrait  le  Grand  Océan  ;  puis,  franchissant  rapi- 
dement l'espace  qui  le  séparait  du  rivage,  il  entrait  dans  l'eau  jusqu'à  la 
ceinture,  l'épée  nue  d'une  main,  le  bouclier  de  l'autre,  et  prenait  pos- 
session, au  nom  du  roi  des  Espagnes,  de  cette  mer  qui  couvre  presque 
la  moitié  du  globe  et  contient  un  monde  dont  il  ne  soupçonnait  pas  l'exis- 
tence. Quelques  années  après,  Magellan,  après  avoir  franchi  l'extrémité 
de  l'Amérique,  en  traversant  le  détroit  auquel  son  nom  fut  donné,  osa, 
nouveau  Colomb,  se  lancer  sur  les  solitudes  de  cet  Océan  mystérieux;  un 
hasard  malheureux  voulut  qu'il  le  traversât  dans  toute  sa  largeur,  là  où 
aucune  terre  n'en  rompt  la  monotonie  ;  aussi  ses  découvertes  se  bornôrent- 
eilea  à  l'archipel  des  Mariannes  et  à  celui  des  Philippines,  où  il  perdit  la 
rie  dans  un  combat  contre  les  naturels.  Des  cinq  navires  avec  lesquels 
il  avait  quitté  San-Lucar  en  1519,  un  seul  revint  au  port,  au  bout  de  plus 
de  trois  ans,  prouvant  ainsi  pour  la  première  fois,  d'une  manière  tangible) 
U  sphéricité  de  la  terre. 

En  1526,  Alvarez  de  Suavedra,  parti  du  Mexique,  arrive  aux  Moluques 
et,  à  son  retour,  découvre  la  Nouvelle-Guinée. 

liendana  visite  les  îles  Salomon  en  1587  et,  en  1595,  découvre  le  groupe 
méridional  de  l'archipel  des  Marquises. 

Quiros,  après  avoir  été  premier  pilote  de  Mendana,  part  du  Pérou  à  la 
fin  de  1605,  découvre  quelques-unes  des  îlesPaumotu,  puis  Tahiti,  qu'il 
nomme  SagiUaria,  les  îles  du  Saint-Esprit,  probablement  les  mêmes  que, 
plus  tard,  Bougainville  et  Cook  appelèrent  Nouvelles-Cyclades  et  Nou- 
velles-Hébrides. 

A  peu  près  vers  la  même  époque  que  Quiros,  des  corsaires,  des  aven- 
turiers, Drake,  Cavendish,  Van  Noort,  etc.,  parcourent  différentes  parties 
du  Pacifique,  mais  sans  ajouter  beaucoup  aux  découvertes  ;  leur  but  était 
beaucoup  plus  la  poursuite  des  navires  espagnols  ou  le  pillage  des  villes 
naissantes  du  Pérou  et  du  Mexique  que  l'intérêt  de  la  géographie. 

En  1615  et  1616,  Le  Maire  et  Schouten,  contournant  la  pointe  australe 
de  l'Amérique,  le  cap  Horn,  ainsi  nommé  de  la  ville  de  Horn  en  Hollande, 
firent  de  nombreuses  découvertes  ;  Schouten  visita  la  côte  septentrionale 
de  la  Nouvelle-Guinée,  reconnut  les  terres  qu'on  appela  plus  tard  Nou- 
velle-Irlande  et  Nouveau-Hanovre,  et  qu'il  prit  pour  la  continuation  de  la 
Nouvelle-Guinée. 

C'est  i  la  même  époque  que  des  Hollandais  découvrirent  la  Nouvelle- 
Hollande,  mais  il  est  bien  possible  qu'elle  eût  été  déjà  visitée  un  siècle 
auparavant  par  les  Portugais  de  l'Inde,  ou  que,  du  moins,  ceux-ci  en 
eussent  eu  connaissance  par  les  Malais  qui,  de  temps  immémorial,  y 
pèchent  le  tripang. 
Il  est  également  possible  que  les  Portugais  et  les  Espagnols  connussent 


470  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

déjà,  vers  1550,  la  Nouvelle-Zélande  quand  Abel  Tasman,  envoyé  de  Ba- 
tavia pour  faire  des  découvertes  dans  le  Sud,  y  aborda  en  1643  ;  du  moins, 
c'est  ce  qui  résulterait  de  l'examen  de  vieilles  cartes  portugaises  et  etpa- 
gnôles.  En  1574 ,  un  pilote  espagnol,  Juan  Fernandez,  parti  du  Chili  et 
faisant  route  à  l'Ouest,  aux  environs  du  parallèle  de  40°,  arrive  an  bout 
d'un  mois  à  une  terre  dans  laquelle,  à  la  description  qu'il  en  donne  et  i 
celle  de  ses  habitants,  il  est  possible  do  reconnaître  la  Nouvelle-Zélandef/. 
Il  ne  faut  pas,  non  plus,  oublier  que,  dans  ces  temps  reculés,  les  navi- 
gateurs et  les  gouvernements,  sous  l'impulsion  d'une  politique  jalouse,  se 
gardaient  généralement  de  publier  les  découvertes  maritimes  ;  en  tout  ces, 
la  venue  antérieure  des  Portugais  et  des  Espagnols  n'enlèverait  rien  an 
talent  et  à  la  gloire  de  Tasman  qui  ajouta  à  la  découverte  de  la  Nouvelle- 
Zélande  celle  des  Tonga,  des  Fidgi,  l'exploration  du  Nord  de  la  Nouvelle 
Hollande,  etc. 

Dampier,  qui  parcourut  le  Pacifique  à  la  fin  du  xvxi*  siècle,  commis- 
sionné  par  le  gouvernement  anglais,  après  y  avoir  longtemps  navigué  es 
vrai  flibustior,  n'ajouta  pas  beaucoup  aux  découvertes  déjà  laites,  mais  oa 
lui  doit  beaucoup  de  remarques,  principalement  sur  les  terres  mélané- 
siennes encore  si  peu  connues  de  nos  jours  ;  on  a  rarement  vu  un  obser- 
vateur plus  sagace  et  plus  judicieux. 

C'est  aussi  vers  la  fin  du  xvir9  siècle,  en  1667,  que  parut  le  premier  na- 
vire  français  dans  le  Pacifique,  sous  le  commandement  d'un  sieur  Lafeoii- 
lade  ;  au  commencement  du  xvni'  siècle,  une  vingtaine  de  navires,  U 
plupart  des  malouins,  s'y  montrèrent  également,  mais  ne  firent  pas  faire 
beaucoup  de  progrès  à  la  géographie. 

L'amiral  anglais  Anson,  à  la  poursuite  du  galion  de  Manille,  traversa 
l'océan  Pacifique  eu  1741,  mais  sans  rencontrer  aucune  terre  nouvelle; 
Vingt  ans  plus  tôt,  le  Hollandais  Roggewein  n'avait  trouvé  que  quelques 
îles  insignifiantes. 

Jusqu'alors,  la  guerre,  la  course,  pour  ne  pas  dire  la  piraterie,  avaient 
été  à  peu  près  les  seuls  mobiles  qui  conduisaient  les  navigateurs  vers  le 
Grand  Océan  ;  la  deuxième  moitié  du  xviir9  siècle  se  signala  par  un  point 
de  vue  tout  différent  ;  c'est  le  commencement  des  grands  voyages  en- 
trepris uniquement  au  profit  de  la  science  et,  par  suite,  de  l'humanité. 
Byron,  Garteret  et  Wallis  (1765-1768)  ouvrent  la  marcho;  le  dernier  re- 
trouve Tahiti,  perdue  depuis  Quiros.  Vers  le  même  temps,  Bougainville,  on 
des  premiers  navigateurs  français,  sinon  le  plus  grand,  se  signale  par 
d'importantes  découvertes  ;  son  voyage  fut  des  plus  féconds  en  savante* 
explorations,  au  succès  desquelles  contribuèrent  beaucoup  deux  de  ses 
compagnons,  le  prince  de  Nassau  et  le  naturaliste  Commerson.  Tout  te 
monde  a  lu  ses  ravissantes  descriptions  de  Tahiti,  qu'il  appelle  la  NaweUt 
Cythère.  On  lui  doit  la  découverte  de  la  plus  grande  partie  des  Pûumeit, 
du  bel  archipel  des  Navigateurs,  la  reconnaissance  des  Salomon,  qui  n'a- 
vaient pas  été  revues  depuis  Mendana,  etc. 

A  Bougainville  succède  Cook  qui  n'a  jamais  été  dépassé  ;  dans  le  cous 


(f)  Voir  noie  A  Appendice. 


LES  ILES  DE  l'oCÊANIE.  471 

de  ses  trois  voyages,  accomplis  de  1769  à  1779,  l'illustre  navigateur  fouille 
tout  lo  Pacifique,  depuis  les  glaces  de  l'Océan  Arctique,  au  delà  du  détroit 
de  Behring,  jusqu'aux  banquises  du  pôle  austral,  ne  laissant  qu'à  glaner, 
et  encore  très  peu  de  chose,  à  ceux  qui  viennent  après  lui.  Il  visite  la 
Nouvelle-Zélande  que  personne  n'avait  revue  depuis  Tasman,  découvre 
la  Nouvelle-Calédonie,  les  Nouvelles  -  Hébrides,  les  îles  Sandwich  (que 
l'Espagnol  Juan  Gaétan  avait  très  probablement  vues  et  appelées  les  Jar- 
dins, vers  154*),  où  il  périt  sous  les  coups  des  sauvages,  etc.  Non  seulement 
les  voyages  de  Cook  ajoutèrent  considérablement  aux  connaissances  géo- 
graphiques pures,  mais  encore  à  toutes  les  branches  des  sciences  natu- 
relles, grâce  aux  savants  du  plus  grand  mérite  qui  y  prirent  part,  Banks, 
Solander,  Sparmann,  les  deux  Forster,  Anderson,  etc. 

La  Pérouse  marchait  sur  les  traces  de  Cook  et  de  Bougainvillo,  et  son 
voyage  eût  été  certainement  fécond  on  résultats  lorsqu'il  se  perdit  sur  les 
écueils  de  Vanikoro.  On  sait  que,  pendant  quarante  ans  (de  1787  &  1817),  on 
ignora  son  sort,  lorsque  le  capitaine  anglais  Diilon  retrouva  le  théâtre  de 
la  catastrophe  dans  laquelle  périrent  ses  deux  navires.  En  1827,  Dumont 
dTJrviile,  avec  Y  Astrolabe,  confirma  les  découvertes  de  Diilon  et  rapporta 
en  France  de  nombreux  témoignages  matériels  du  désastre.  L'expédition 
de  d'Entrecasteaux  est  envoyée  à  la  recherche  de  La  Pérouse  ;  par  une 
fatalité  inconcevable,  la  Recherche  et  Y  Espérance  passent  devant  Vanikoro 
sans  communiquer  avec  cette  île,  où  il  y  avait  peut-être  encore  des  sur- 
vivants du  naufrage.  Surprise  par  la  guerre  dans  les  possessions  hollan-. 
daises  de  la  Malaisie,  cette  expédition  eut  une  fin  malheureuse,  mais  pro- 
duisit pourtant  d'importants  résultats  :  les  observations  de  Labillardière  et 
des  travaux  hydrographiques  comme  on  n'en  avait  jamais  fait,  sous  le  rap- 
port de  la  précision. 

Les  guerres  maritimes  du  commencement  du  siècle  détournèrent  l'utten- 
tion  des  gouvernements  de  la  mer  du  Sud  ;  cependant  on  enregistre  encore 
quelques  voyages  importants  sur  les  côtes  de  l'Australie.  En  1800-1804, 
Baudin  etFlinders;  1804-1805,  Krusenstern  ;  1818,  Porter. 

A  la  paix  générale,  le  gouvernement  de  la  Restauration,  reprenant  en 
France  les  traditions  du  siècle  précédent,  fit  partir  successivement  plu- 
sieurs expéditions  qui  donnèrent  les  plus  brillants  résultats  et  fournirent 
à  la  science,  à  nos  collections  nationales,  d'immenses  richesses  :  YUranie, 
capitaine  de  Freycinet  ;  la  Coquille,  capitaine  Ouperrey  ;  Y  Astrolabe,  com- 
mandée par  Dumont  d'Urville,  que  la  marine  française  peut  hardiment 
mettre  en  parallèle  avec  Cook.  Pendant  le  môme  temps  (1816-1830),  des 
reconnaissances  très  importantes  avaient  été  faites  par  Kotzebue,  avec  le 
naturaliste  Chamisso,  Billinghausen ,  Becchey,  Lutké  et  d'autres  naviga- 
teurs encore,  que  le  défaut  d'espace  ne  me  permet  pas  de  citer  et  parmi 
lesquels  se  tronvont  de  simples  capitaines  de  commerce,  des  pécheurs'  de 
baleines,  qui  ont  aussi  contribué  à  augmenter  la  somme  do  nos  connais- 
sances sur  l'Océan  Pacifique.  De  1838  à  1840,  les  frégates  françaises  la 
Vénus  et  r  Art  émise,  la  corvette  la  Bonite,  lo  sillonnaient  de  nouveau;  Du- 
mont d'Urville  complétait,  avec  V Astrolabe  et  la  Zélée,  les  reconnaissances 
entreprises  auparavant  avec  Y  Astrolabe,  et,  à  deux  reprises,  poussait  une 


472  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

pointe  hardie  vers  le  pôle  austral,  où  il  découvrait  la  Terre  Adelie  ;  puis, 
cet  homme  intrépide,  qui  avait  passé  sa  vie  i  braver  tous  les  dangers  sont 
toutes  les  latitudes,  ce  marin  plein  d'audace  et  de  sang-froid,  dont  les 
récits  quelquefois  donnent  la  chair  de  poule  aux  gens  du  métier,  vient 
misérablement  périr  dans  un  accident  de  chemin  de  fer  aux  portes  de 
Paris  (■)  ! 

En  môme  temps  que  V Astrolabe  et  la  Zélée,  le  capitaine  américain  Wïi- 
kes  parcourait  l'Océanio  avec  plusieurs  navires  (U.  S.  Exploring  Expédi- 
tion) et  poussait  aussi  une  pointe  vers  les  régions  du  pôle  sud. 

Les  dernières  grandes  expéditions  entreprises  dans  un  but  exclusivement 
scientifique  sont  celles  de  la  frégate  autrichienne  la  Novara  (  1857-1 859) 
et  du  Challenger  (1872-1876),  celle-ci  ayant  pour  principal  objectif  de? 
sondages  à  grande  profondeur  dans  les  grands  océans  ;  mais,  depuis  use 
quarantaine  d'années,  des  bâtiments  de  guerre  de  toutes  les  nations  ont 
sillonné  le  Pacifique  en  tous  sens  et  ajouté  de  nouveaux  documents  à  ceai 
que  Ton  avait  déjà. 

En  1568,  les  Espagnols  s'établissent  aux  iles  Philippines,  aux  îles  Ma- 
riannes  cent  ans  plus  tard  ;  ils  sont  toujours  restés,  depuis  lors,  du»  et 
dernier  archipel,  qui  ne  rapporte  absolument  rien  o  la  métropole. 

Les  Anglais  s'installent  en  Australie  en  1788,  à  la  terre  de  Van-Diemes 
(Tasmanie)  en  1803  ;  ils  viennent  tout  récemment  de  s'annexer  l'archipel 
des  Fidji  et  la  petite  ile  de  Rotuma. 

C'est  en  1840,  le  1er  janvier,  que  la  Nouvelle-Zélande  a  été  officielle- 
ment proclamée  colonie  anglaise,  mais  la  colonisation  avait  été  déjà  com- 
mencée, de  1825  à  18S8,  par  des  compagnies  particulières  agissant  en 
dehors  du  Gouvernement.  On  peut  même  considérer  comme  les  premiers 
colons,  les  missionnaires  qui  s'étaient  établis,  en  achetant  le  terrain  des 
naturels,  à  la  baie  des  Iles  et  dans  la  partie  septentrionale  de  l'île  da 
Nord  dés  1814.  A  Karoa  (presqu'île  de  Banks)  eut  lieu,  en  1840,  une  tentative 
de  colonisation  française  ;  mais  elle  échoua,  les  Anglais  ayant,  avant  notre 
arrivée,  proclamé  leur  souveraineté  sur  l'archipel  néo-zélandais  (ont 
entier. 

L'établissement  du  protectorat  français  à  Tahiti  et  à  111e  voisine  Mooret 
date  du  mois  de  septembre  1842  ;  quelques  mois  auparavant,  nous  avions 
jeté  les  bases  d'un  établissement  assez  considérable  aux  iles  Marquises, 
mais  Tahiti  l'emporta  sur  ces  dernières.  L'établissement  des  Marquises  re- 
gagna un  peu  d'importance  de  1851  à  1854,  lorsque  Nukuhiva  était  de- 
venu un  lieu  de  déportation,  mais  depuis  il  a  repris  les  plus  modestes 
proportions.  Le  protectorat  de  Tahiti  s'est  étendu  successivement  sur  une 
grande  partie  de  l'archipel  Paumotu,  sur  les  iles  Gambier,  l'archipel  Tu- 
buai,  Râpa,  etc.  f). 


(')  Le  8  mai  1842  :  R  a  fallu  /#  brûltr  pour  «n  venir  à  tout,  me  disait  l'ancien  patron  da 
canot  da  commandant  de  YA*ttolabt,  an  homme  de  la  môme  trempe  que  d'Urrille,  alors  sisç*' 
matelot,  aujourd'hui  contre-amiral. 

(*)  Tout  récemment  (29  Juin  1880),  le  roi  de  Tahiti,  Pemaré  Y,  a  spontanément  cédé  k b 
France  tous  se»  droits  de  souveraineté  sur  Tahiti  et  ses  dépendances. 


LES  ILES  DU  PACIFIQUE.  473 

la  prise  de  possession  de  la  Nouvelle-Calédonie  par  la  France  a  eu  lieu 
en  1853.  L'annexion  des  lies  Loyally  quelques  années  après. 

A  diverses  reprises,  les  Hollandais  ont  essayé  de  fonder  des  établisse- 
ments à  la  Nouvelle-Guinée,  mais  l'insalubrité  du  climat  et  la  résistance 
des  habitants  ont  toujours  empêché  la  réalisation  de  ces  projets;  il  est  ce- 
pendant à  supposer  que,  malgré  ces  obstacles,  à  la  suite-  des  explorations, 
qui  se  succèdent  de  plus  en  plus  dans  cette  grande  île,  on  ne  sera  pas 
longtemps  sans  y  voir  des  établissements  européens  coloniaux. 

Tels  sont  les  points  de  l'Océanie  occupés  aujourd'hui  par  les  gouver- 
nements européens  ;  mais,  en  dehors  de  ces  points,  il  y  en  a  d'autres  où 
Ton  rencontre  des  représentants  de  la  race  blanche,  quelquefois  en  grand 
nombre  ;  ainsi,  les  Iles  Sandwich  qui,  sous  l'impulsion  imprimée  par  le 
navigateur  anglais  Vancouver,  sont  devenues  un  royaume  constitutionnel 
contiennent  une  population  nombreuse  d'étrangers,  à  ce  point  qu'on  peut 
dire  de  ces  îles  que  ce  sont  des  colonies.  On  en  voit  pareillement  beau- 
coup aux  îles  des  Navigateurs  et  dans  d'autres  archipels  ;  aujourd'hui,  il 
y  a  peu  d'îles  du  Pacifique  qui  n'aient  des  missionnaires,  catholiques  ou 
protestants. 


P.  S.  —  Autant  que  possible,  j'ai  donné  aux  fies  les  noms  sons  lesquels  elles  sont 
désignées  par  leurs  habitante  et  je  me  suis  terri,  pour  les  écrire,  de  l'orthographe 
sont  j'ai  indiqué  plus  haut  les  principales  règles.  On  remarquera  que  quelques-unes 
4c  tes  appellations  diffèrent  de  celles  qu'on  lit  sur  la  plupart  des  cartes  ;  ainsi,  au 
Ika  de  Nouka-Hiva,  j'écris  NukuMva  (prononcer  Nou-kou-hiva  ou  Nou-ov-hiva,  en 
aspirant  la  deuxième  syllabe),  parce  que  c'est  sous  ce  dernier  nom»  et  non  pas  sous 
•a  a&trtf  qu'est  connue,  dans  l'archipel  des  Marquises,  la  principale  île  du  groupe 
K.-O.  Les  noms  que  j'ai  donnés  à  plusieurs  îles  du  même  archipel  diffèrent  aussi 
des  noms  indiquée  sur  les  cartes.  Certains  cartographes  ont  adopté,  pour  designer 
lei  îles  des  Navigateurs,  le  mot  Hamoa,  d'autres,  Samoa  ;  ce  dernier  doit  être  pré- 
tiré,  la  consonne  h  manquant  dans  le  dialecte  polynésien  parlé  dans  cet  archipel, 
tendis  qu'il  a  l'«.  Les  lies  Vit!  sont  marquées  tantôt  VUi,  tantôt  Fidji  (Feejêt*  sur 
te  plupart  dee  cartes  anglaisée),  selon  que  l'on  aura  adopté  la  prono  notation  des  na- 
turels ou  celle  de  leurs  voisins  des  îles  Tonga,  avec  lesquels  ils  ont  des  relations 
très  fréquentes.  Je  ferai  observer  enfin  que  les  appellations  collectives  données  sur 
h»  cartes  à  dee  archipels  entiers:  liée  Nouka-Hiva,  Iles  Hamoa,  IUê  Hawaii,  etc., ne 
sent,  sauf  de  rares  exceptions  (si  même  il  en  est),  que  des  appellations  de  pure  con- 
vention, Urées  du  nom  d'une  des  lies  de  l'archipel  visé  :  chaque  île  a  bien  son  nom 
propre,  mais  U  n'y  a  pas  de  nom  général  pour  désigner  l'ensemble  du  groupe. 


soc  on  oaoo*.  —  S*  tbwmtrus  1883.  Si 


* 


t 


M ISCELLANÉ  ES 


LES  FRANÇAIS  SUR  LA  COTE  ORIENTALE  DArRIQll 

Obock,  Le  Choa  et  l'Abyssinie. 


Le  Choa  est  un  grand  pays,  au  sud  de  l'Abyssinie,  qui  tantôt  a  foi 
partie  du  dernier  de  ces  royaumes  et  tantôt  a  existé  comme  principauté 
indépendante. 

Physiquement  parlant,  le  Choa  est  composé  en  grande  partie  de 
hautes  plaines  qui,  d'un  côté,  aboutissent  à  la  crête  orientale  do  pla- 
teau abyssinien,  et  qui,  de  l'autre,  se  creusent  en  profondes  coupure* 
ou  s'abaissent  en  pentes  graduelles  vers  la  vallée  de  l'Anal,  laquelle 
le  sépare  du  plateau  montueux  du  Godgam.  C'est-à-dire  qu'il  renaît 
les  climats  successifs  d'une  région  basse,  d'une  région  élevée  et  cTone 
zone  intermédiaire.  Les  hautes  plaines  sont  dénudées  et  froides  :  leur 
seule  richesse  consiste  en  troupeaux  de  bestiaux,  de  moutons  surtout 
d'une  race  excellente,  la  même  qui  se  trouve  partout  en  Abyssioie- 
La  végétation  et  les  cultures  se  développent  à  mesure  que  l'on  des- 
cend vers  i'Abaï  ;  mais  les  bois  font  défaut,  si  ce  n'est  dans  les  ra- 
vins et  dans  quelques  vallons  où  s'élèvent  des  bouquets  d'arbres  de 
haute  futaie.  En  somme,  la  richesse  naturelle  du  Choa  est  exclusive- 
ment agricole,  comme  le  fait  remarquer  M.  Rochet  d'Hériconrt  daaf 
son  excellente  relation  (!).  «Le  ciel  Ta  généreusement  favorisé  sodé 
ce  rapport.  Les  deux  saisons  de  pluies  qui  régnent  périodiquement 
chaque  aunée,  permettent  de  faire  deux  moissons  de  céréales.  Les 
grandes  pluies  commencent  vers  le  milieu  de  Juin;  elles  durent  deoi 
mois  et  demi,  trois  au  plus,  et  se  terminent  dans  les  premiers  joa 
de  septembre.  Les  petites  pluies  commencent  en  Janvier  et  durent  d 
quinze  à  vingt  Jours.  » 

Sous  le  rapport  politique,  il  en  a  été  du  Choa  comme  de  ces  acftié-l 
mies  de  province iqui  se  conduisent  en  honnêtes  filles,  selon  le  mot 
du  malin  Voltaire,  et  ne  font  pas  beaucoup  parler  d'elles.  Le  >égw 
d'Abyssinie,  Théodoros,  le  même  qui  succomba  dans  la  lutte  inégale 
qu'il  soutenait  contre  l'Angleterre,  et  qui  disparut  de  la  s  cène  politique 


(')Voir  le  Second  voyage  eur  le*  deux  rive»  de  la  mer  Bouge  (1342-1S4J \  «  *» 
môme:   Voyage  de  la  côte  orientale  de  la  mer  Bouge  dam  le  paye  d'Ade*  et  dntlfi 
Choa  (1889).  " 


J 


LES  FRANÇAIS  SUR  LA  COTE  ORIENTALE  D'AFRIQUE.     475 

d'une  façon  si  tragique,  dans  des  circonstances  empreintes  d'une  sau- 
vage et  sombre  grandeur,  l'avait  incorporé  à  ses  propres  États;  mais 
iprés  la  mort  de  Théodoros,  le  Ghoa  a  repris  son  indépendance,  et 
Toici  qu'aujourd'hui  les  journaux  nous  annoncent,  les  uns,  sur  la  fol 
de  M.  Soleillet,  notre  éminent  et  audacieux  compatriote,  que  le  roi 
Jean  d'Abyssinie  s'est  finalement  décidé  à  .désigner  pour  son  héritier 
Mélénik,  le  roi  actuel  du  Ghoa;  les  autres,  que  le  dernier  de  ces 
princes  aurait  exprimé  le  désir  de  placer  son  royaume  sous  le  protec- 
torat français.  Nous  ne  savons  que  penser  de  cette  double  nouvelle  : 
si  la  première  se  confirme,  ce  sera  tout  bénéfice  pour  l'Abyssinie 
comme  pour  Je  Choa,  dont  la  rivalité,  qui  a  si  souvent  ensanglanté 
rÊtfciopie,  prendrait  ainsi  fin;  et  quant  à  la  seconde,  elle  nous  parait 
assez  invraisemblable,  flous  ne  voyons,  en  effet,  dans  les  circons- 
tances actuelles  du  Ghoa,  rien  qui  soit  de  nature  à  expliquer  une  pareille 
démarche  de  la  part  de  son  souverain,  quoique  Mélénik  soit  assurément 
as  franc  ami  de  la  France.  Son  grand-père,  le  roi  Salané-SaJassi,  avait 
fait  demander  à  Louis-Philippe  l'amitié  de  notre  pays,  et  lui-même  ac- 
cueillait très  cordialement  une  mission  qui  s'est  rendue  chez  lui,  il  y  a 
deux  ans,  et  chargeait  même  son  chef,  M.  Brémond,  d'une  lettre  et  de 
présents  pour  le  Président  de  la  République  française.  Ménélik  II,  non 
content  de  cette  démonstration,  ordonnait  au  sultan  des  Danakils,  tribu 
qui  occupe  le  littoral,  d'ouvrir,  par  leur  chef-lieu  Aoussa,  une  com- 
munication commerciale  entre  Ankober,  sa  propre  capitale,  et  notre 
possession  d'Obock. 

Le  navigateur  découvre  à  sa  droite,  en  sortant  de  la  mer  Rouge,  à 
lahaoïeur  du  détroit  de Bab-el-Mandeb,  une  petite  échancrure;  c'est  la 
baie  d'Obock,  située  par  12°  de  latitude  nord  et  41°  de  longitude  orien- 
tale. Cette  station  fait  face  à  Aden  et  se  trouve  sur  la  route  des  na- 
vires pi  se  rendent  à  Madagascar  d'une  part,  et  de  ceux  qui  vont  en 
Gochinchine,  de  l'antre.  Par  un  traité  daté  du  3  mars  1862,  la  France 
en  a  fait  l'acquisition  régulière  des  chefs  indigènes  du  pays,  ainsi  que 
d'an  territoire  circon voisin  d'une  superficie  de  vingt-cinq  lieues  carrées 
environ,  le  tout  au  prix  de  dix  mille  thalarîs,  soit  50,000  francs  de 
notre  monnaie  L'intention,  officiellement  annoncée,  du  gouvernement 
nupérial  était  d'installer  à  Obock  un  dépôt  de  charbon  et  d'en  amé- 
nager le  port  de  telle  façon  que  notre  marine  y  trouvât  une  station 
sur  la  route  de*  Indes  et  de  la  Gochinchine,  où  elle  pourrait,  au  be- 
soin, se  réfugier  et  se  procurer  les  ressources  qu'elle  était  forcée  de 
demander,  soit  à  Aden,  soit  à  Pointe-de-Galles.  Mais  tout  cela  est 
resté  à  l'état  de  projet;  si  depuis  quelque  temps  quelques  maisons  de 
commerce  ont  fondé  à  Obock  des  comptoirs  qui  semblent  en  voie  d<$ 
prospérité,  il  n'y  existe  aucune  installation  d'utilité  publique,  point 


476  MI8CELLA.NÉES. 

de  dépôts,  de  magasins,  de  docks,  en  un  mot,  rien  de  ce  qui  constitue 
essentiellement  un  port  de  relâche  et  d'approvisionnement. 

t  Rien  encore  n'a  été  tenté  dans  ce  sens,  dit  à  ce  propos  IL  de 
Rivoyre,  l'auteur  d'une  très  intéressante  étude  snr  Obock  et  le  littoral 
tant  delà  mer  Rouge  que  du  golfe  Persique1,  et  depuis  Tingt au. 
sans  profits  et  sans  soins,  ce  coin  de  terre,  si  bien  situé,  où  en  d'autres 
mains  une  tille  aurait  eu  le  temps  de  s'élever  et  de  grandir,  continue 
de  n'être  hanté  que  par  les  tribus  voisines  qui  y  mènent  paître  les» 
troupeaux,  ou  par  les  caboteurs  arabes  qui  s'y  abritent  et  Tiennent  y 
faire  de  l'eau.  »  Obock  cependant  —  on  devrait  s'en  souvenir  au- 
jourd'hui que  nos  vieux  instincts  colonisateurs  semblent  renaître  et 
se  manifestent  de  divers  côtés,  au  Tonkin  comme  sur  les  bordi  da 
Congo  et  dans  la  vallée  du  Niger,  —  Obock,  c'est  une  porte  ouverte 
à  notre  commerce  d'exportation  sur  le  plateau  éthiopien  avec  ses 
douze  à  quatorze  millions  d'habitants  et  son  terrain  si  fertile.  Aussi 
aurions-nous  peine  à  croire-  ce  que  M.  de  Rivoyre  nous  raconte  as 
sujet  de  l'attitude,  à  un  certain  moment,  de  notre  ministère  des 
affaires  étrangères  dans  la  question  d'Obock,  s'il  n'avait  pas  l'air 
d'être  si  bien  renseigné,  et  si  nous  avions  pu  perdre  déjà  le  souvenir  de 
certaines  défaillances  dont  l'hôtel  du  quai  d'Orsay  a  été  récemment  le 
théâtre. 

Voici  ce  que  nous  dit  nettement  M.  de  Rivoyre:  au  quai  d'Orsay, 
on  eut  la  velléité,  qui  nous  semble  à  nous  bien  naturelle,  de  répondre 
amicalement  aux  ouvertures  du  souverain  de  Choa.  Mais  le  spectre 
courroucé  de  la  vieille  Angleterre  n'allait-il  pas  froncer  le  sourcil?  Es 
fin  de  compte,  on  se  résolut  à  prendre  les  cadeaux  du  roi  Ménélik  H, 
mais  on  ne  daigna  point  lui  en  accuser  réeption  et  l'en  remercier. 
«  En  même  temps  —  nous  citons  ici  textuellement,  —  pour  des  no- 
tifs  particuliers,  un  autre  foyer  de  résistance  plus  nettement  accusée 
encore  contre  la  création  du  port  d'Obock  se  dessinait  ailleurs;  nie 
autre  voix  s'élevait  plus  absolue  pour  condamner  sans  appel  cette 
pensée  d'une  installation  française  sur  ce  coin  de  terre  française: 
pour  célébrer,  à  rencontre  de  tant  d'autres,  les  avantages  et  les  com- 
modités de  ce  même  Aden  anglais  dont  nos  navires  se  voyaient  cais- 
ses parla  loi  des  neutres  en  1870;  pour  se  refuser  enfin  à  utiliser 
cette  escale  unique  que  notre  marine  errante  pourrait  et  devrait  avoir 
à  elle  sur  la  route  de  la  Gochinchine  et  du  Tonkin.  Et  c'était  au  minis- 
tère de  la  marine  et  des  colonies  *  !  » 

«  Fort  heureusement,  ajoute  M.  de  Rivoyre,  le  patriotisme  individuel 
commence  à  se  sentir  assez  fort  pour  se  passer  du  concours  officia, 

(')  Obock,  Ma$cate,  Buthire,  Bcusorah.  In-18.  Paris,  Pion,  1883. 
(-)  Obock,  etc.,  eto  ,  p.  46-49. 


LES  FRANÇAIS  SUR  LA  CÔTE  ORIENTALE  D*  AFRIQUE.     477 

et  Obocfc  se  fonde  à  cette  heure,  en  dépit  du  mauvais  Tooloir  adminis- 
tratif et  de  la  paresse  bureaucratique.  »  Grâce  à  l'initiative  et  aux 
soins  de  l'Association  qui  se  dénomme  la  Société  des  factoreries  fran- 
çaises du  golfe  Persique  et  de  V Afrique  orientale,  ce  port  va  devenir 
tout  à  la  fois  une  station  navale  et  une  colonie  commerciale,  où  la  po- 
litique de  la  France  en  Orient  trouvera  bientôt  peut-être  son  appui  le 
plus  sûr  et  sa  base  la  plus  solide.  M.  Brémond,  le  même  voyageur 
qui  apportait  à  Paris,  il  y  a  plus  d'un  an,  les  cadeaux  du  roi  Mélénik 
a  H.  Grévy,  est  retourné  au  Choa  dans  les  premiers  Jours  de  cette 
innée  même,  accompagné  d'un  ingénieur  des  mines,  M.  Aubry,  et  d'un 
médecin,  M.  Hamon,  que  le  ministre  de  l'instruction  publique  a  chargés 
d'une  mission  spéciale  prés  de  Mélénik  II,  sur  le  désir  exprimé  par 
ce  prince  lui-même.  Nos  trois  compatriotes,  après  s'être  arrêtés  quel- 
ques semaines  à  Obock  pour  y  établir  un  comptoir  et  traiter  avec  les 
chefs  indigènes  de  la  côte,  se  sont  mis  en  route  pour  le  Choa,  suivis 
d'une  caravane  de  chameaux  que  Mélénik  a  mis  expressément  à  leur 
disposition,  et  qui  porte  un  assortiment  de  marchandises  destinées  à 
ce  prince  ainsi  qu'à  ses  sujets.  M.  Soleillet,  de  son  côté,  s'est  rendu 
au  Choa,  et  tout  donne  maintenant  l'espoir,  partagé  par  les  chefs  du 
pays  eux-mêmes,  que  des  communications  régulières  et  suivies  vont 
s'ouvrir  entre  la  France  et  le  plateau  abyssinien,  au  grand  avantage  du 
commerce  de  celle-là,  comme  du  mouvement  social  de  celui-ci. 

Sous  aurons  pour  auxiliaire,  dans  cette  tâche,  la  mauvaise  impres- 
sion que  la  domination  de  l'Egypte  a  laissée  parmi  les  populations  de 
tous  ces  parages.  On  sait  que,  s'appuyant  sur  nous  ne  savons  quels 
droits  que  lui  aurait  cédés  la  Porte,  le  gouvernement , égyptien,  qui 
déjà  s'était  emparé  trois  ans  plus  tôt  du  littoral  africain  de  la  mer 
Bouge,  poussa  plus  loin  ses  conquêtes  et  s'annexa  toute  la  contrée 
des  Medjoutines  Jusqu'aux  environs  du  cap  Guardafui.  Zeilah  et  Ber- 
berah,  villes  maritimes,  reçurent  des  garnisons  et  2,000  hommes 
occupèrent  à  l'intérieur  Harrar,  naguère  le  chef-lieu  d'une  province 
indépendante,  ville  admirablement  située  sur  un  plateau  qui  commande 
l'itinéraire  de  toutes  les  caravanes  de  Gallas.  Avant  l'occupation  égyp- 
tienne, Harrar  était  l'entrepôt  d'un  grand  commerce;  le  café  y  abondait 
notamment,  ce  même  café  qui  en  est  originaire  et  qui,  après  avoir 
subi  diverses  manipulations,  traversait  la  mer  pour  se  rendre  à  Moka, 
d'où  il  était  expédié  sous  co  nom  dans  l'univers  entier.  Aujourd'hui, 
pressurés  par  les  agents  du  fisc  égyptien  et  placés  sous  l'incessante 
menace  de  leur  grand  moyen  de  persuasion,  le  traditionnel  nerf  d  hip- 
popotame, les  paysans  du  Harrar  ont  abandonné  la  culture  du  café; 
les  routes  commerciales  sont  désertes  et  la  ruine  a  fait  place  à  la  pros- 
périté. Ce  sont  là  les  résultats  les  plus  sensibles  Jusqu'à  présent  de 


478  MISGELLANÉES. 

la  domination  des  Égyptiens.  «  Si  à  Barberah,  quelques  édifices  en 
pierre  —  casernes,  palais  ou  hôpitaux,  ont  succédé  ça  et  là  aux  toits 
de  chaume,  ce  n'est  qu'un  trompe-l'œil  pour  les  équipages  européens 
qui  y  passent.  N'allez  pas  au  delà  :  tous  ne  rencontreriez  que  misère, 
brigandage  et  tyrannie.  Malgré  la 'communauté  de  religion,  des  bords 
de  la  mer  aux  plateaux  de  l'Ethiopie,  les  Égyptiens  sont  en  horreur. 
Ne  nous  en  plaignons  pas  trop.  Ce  sont  les  affaires  futures  de  l'établis- 
sement d'Obock  que  préparent  ainsi  leurs  maladresses. 

Le  port  d'Obock  est  formé  par  le  prolongement  de  deux  hautes  fa- 
laises madréporiques  qui  encadrent  une  petite  baie  que  ferment  elle- 
même  du  côté  de  la  haute  mer  deux  bancs  de  corail  d'une  assez  grande 
étendue.  L'eau  y  est  profonde  et  les  passes  sont  suffisamment  pratica- 
bles. Au  point  de  vue  technique,  les  qualités  de  ce  mouillage  sont 
incontestables  :  tel  est  l'avis  universel  des  marins  qui  s'en  sont  occupés 
sérieusement,  depuis  l'amiral  Fleuriot  de  Langle  et  l'amiral  Buret  jusqu'à 
l'amiral  Salmon  et  an  commandant  Delagrange.  À  la  vérité,  il  reste  os- 
vert  aux  vents  de  Test;  mais,  outre  que  ces  vents  sont  peu  redouta- 
bles, rien  ne  serait  plus  facile  que  de  le  fermer  de  ce  côté  par  ue 
jetée  à  laquelle  les  deux  bancs  de  coraux,  que  nous  mentionnions  mot 
à  l'heure,  offrent  une  assise  toute  prête.  Quant  aux  vents  du  nord  et 
du  nord-est,  les  plus  redoutables  de  ces  parages,  le  port  d'Obock  eu 
est  abrité  par  la  barrière  infranchissable  duRas-Rir —  le  Cap  du  Fuito. 
—  extrémité  septentrionale  d'une  des  deux  falaises  qui  l'enceignenL 
Lorsque  ces  vents  soufflent  en  tempête  vers  l'océan  Indien,  ce  qui  n'est 
pas  rare,  Obock  offrirait,  avec  quelques  installations,  un  précieux  re- 
fuge aux  navires  en  détresse,  et  dans  son  état  actuel,  le  Surcouf,  que 
montait  l'amiral  Salmon,  fut  heureux  de  s'y  abriter  il  y  quelques  an- 
nées. Surpris  par  un  violent  coup  de  mer  par  le  travers  du  détroit  de 
Bab-el-Mandeb,  ce  navire  ne  dut  son  salut  qu'à  la  proximité  d'Obock, 
dont  son  commandant  connaissait  de  longue  main  les  passes  et  les 
atterrissages. 

Dans  ses  excursions  autour  d'Obock,  M.  de  Riroyre  fit  la  rencontre 
de  quelques  naturels,  quatre  hommes  et  un  enfant.  L'un  de  ces 
hommes  était  un  grand  vieillard  décharné,  au  corps  étique,  balançait 
son  buste  sur  deux  grandes  jambes  qui  semblaient  avoir  peine  à  le 
porter  ;  un  lambeau  d'étoffe  sale  autour  des  reins  composait  tout  soi 
costume.  Ce  grotesque  personnage  n'en  était  pas  moins  le  gardien  da 
drapeau  français  à  Obock  et  Je  seul  représentant  dé  l'autorité  française. 
Des  trois  autres,  celui  qui  paraissait  être  le  plus  important  se  présenta 
comme  frère  du  gouverneur  d'un  pays  voisin.  Mais  quels  étaient  ce 
pays  et  ce  gouverneur?  C'est  ce  que  M.  de  Rivoyre  ne  réussit  point  à 
connaître;  cet  indigène  informa  notre  compatriote  que  depuis  quatre 


LES  FRANÇAIS  SUR  LA  COTE  ORIENTALE  D 'AFRIQUE.    479 

ans,  par  une  circonstance  assez  rare  dans  le  pays,  il  n'était  pas  tombé 
une  goutie  d'eau,  et  qu'en  conséquence,  ies  populations  Etaient  fui, 
allant  chercher  ailleurs  des  ressources  qui  leur  manquaient  chez  elles. 
Elles  avaient  pris  sans  doute  la  direction  de  la  Tille  d'Aoussa,  dans  le 
Choa,  sise  au  bord  du  lac  du  même  nom.  Les  rires  de  cette  nappe 
d'eau  sont,  en  effet,  marécageuses  et  garnies  d'une  herbe  épaisse  qui 
offre  de  tout  temps  aqx  bestiaux  une  nourriture  abondante.  Tout  au- 
tour de  Ini,  M.  de  Rivoyre  n'apercevait  que  de  nombreux  lits  de  tor- 
rents desséchés  qui  se  détachaient  du  flanc  des  montagnes  et  conver- 
geaient vers  la  vallée,  se  prolongeant  à  perte  de  vue.  Cette  vallée 
offrait  partout  de  la  végétation  et  des  arbres,  mais  en  petite  quantité, 
et  à  mesure  que  Ton  avançait  vers  le  sud,  elle  se  raréfiait  encore  plus. 
Enfin,  vers,  la  mer,  elle  cessait  pour  ainsi  dire  brusquement,  et  le 
littoral  avait  bien  cet  aspect  et  ce  caractère  de  désolation  que  les 
voyageurs  ont  attribué  de  temps  immémorial  aux,  côtes  de  la  mer 
Rouge. 

Gomme  on  trouve  dn  bois  et  de  l'eau  partout  sur  le  terrain  de  notre 
ooncession,  l'existence  de  la  colonie  d'Obock  serait  assurée  ;  dans  la 
plaine  qui  l'environne,  le  gibier  abonde  d'ailleurs,  et  si  les  chacals  et 
les  hyènes  ne  manquent  pas,  les  gazelles  et  les  perdrix  sont  plus 
nombreuses  encore.  H  n'y  a  que  le  littoral  proprement  dit  qui  soit 
aride  et  dénudé.  Mais,  jetez  les  yeux  sur  la  carte  du  monde,  s'écrie 
H.  de  Rivoyre,  et  voyez  combien,  en  Orient  surtout,  il  est  peu  de  villes 
maritimes  qui  se  dressent  le  long  de  plages  pourvues  d'une  belle  vé- 
gétation luxuriante.  Ce  qu'il  faut  regarder  au  delà  d'Obock ,  c'est  le 
Choa,  c'est  l'Abyssinie.  Celle-ci  c'est  une  terre  largement  généreuse, 
et  vingt-cinq  à  trente  jours  de  travail  annuel  suffiraient  pour  y  semer 
et  y  recueillir  des  récoltes  capables  de  nourrir  une  population  cinq 
fois  plus  forte  que  celle  du  plateau  avec  quatorze  millions  d'habitants. 
Dans  les  circonstances  ordinaires,  le  froment,  l'orge,  l'avoine,  le  mais 
y  mûrissent  avec  une  incroyable  rapidité  et  constituent  la  base  essen- 
tielle de  l'alimentation  publique.  A  côté  de  ces  céréales,  tous  les  légu- 
mes des  contrées  tempérées  croissent  sans  peine  ainsi  que  leurs  arbres 
fruitiers,  et  la  vigne  prospère  à  merveille.  Le  Tigré,  entre  autres,  était 
couvert  de  florissants  vignobles,  lorsque  Théodoros  obligea  tous  les 
paysans  i  en  arracher  les  plants  sous  le  prétexte  que  le  vin  était  une 
boisson  royale  réservée  seulement  à  ses  lèvres  augustes,  et  interdit  à 
tout  Abyssin  d'en  fabriquer,  et  même  de  recueillir  du  raisin. 

Dans  les  vallées  et  dans  les  plaines,  le  caféier,  le  cotonnier,  la  canne 
i  sucre,  croissent  sans  autre  travail  et  sans  autres  soins  que  ceux  d'en 
récolter  les  graines  ou  d'en  couper  les  tiges.  C'est  du  royaume  de 
Kaffa,  ainsi  que  l'indique  son  nom,  que  le  café  est  originaire,  et  ce 


480  MISCELLANÉES. 

furent  des  marchands  musulmans  qui,  après  avoir  pénétré  jusque-là 
au  péril  de  leur  Tie,  en  rapportèrent  à  Massaouah  les  premiers  êchia- 
tillons  Tendus.  Les  Banians  sont  parrenus  depuis  à  établir  avec  ees  ré- 
gions des  relations  assez  suivies  pour  que  chaque  année  d'énormes 
quantités  de  café  arrivent  à  la  côte.  Sans  ces  industrieux  étranges, 
les  baies  do  précieux  arbuste,  dédaignées  des  indigènes,  resteraient 
gisantes  à  terre.  Cet  indifférence  des  Abyssins  pour  les  produits  natu- 
rels de  leur  sol  ne  s'arrête  point  là  d'ailleurs;  l'indigo,  la  salsepareille, 
le  quinquina,  etc.,  poussent  de  même,  an  gré  du  hasard,  sans  que 
personne  s'inquiète  de  ieur  utilité,  et  sans  qu'aucune  main  surtout  se 
baisse  pour  les  cueillir.  Le  cotonnier  donne  spontanément  assez  de 
matière  première  pour  la  consommation  locale,  mais  on  ne  daigne  pas 
en  développer  la  culture.  C'est  la  même  chose  pour  la  canne  ;  où  se 
contente  d'en  extraire  hâtivement  une  cassonnade  grossière  dont  les 
gens  riches  font  pourtant  leurs  délices.  Personne  ne  songe  à  deman- 
der davantage  à  ces  végétaux  et,  faute  de  débouchés  rémunérateurs,  ne 
leur  consacre  une  seule  heure  de  son  temps. 

Bien  que  primitive  dans  ses  procédés  et  réduite  à  l'état  siationnaire 
de  toutes  les  industries  abandonnées  à  elles-mêmes,  l'industrie  abys- 
sinienne a  une  existence  propre  et  dont  les  origines  se  confondent  arec 
celles  de  la  monarchie  nationale  elle-même.  Grâce  à  la  munificence  de 
quelque  voyageur,  ou  de  quelque  marchand  désireux  de  se  conritier 
ses  bonnes  grâces,  le  chef  abyssin  peut  bien  se  draper  dans  une  tuni- 
que de  soie  rouge  ;  mais  les  gens  du  peuple,  dans  leur  immense  ma- 
jorité, n'ont  pour  se  parer  d'autre  vêtement  que  la  robe,  ou  qudrri, 
sortie  des  ateliers  indigènes,  pièce  de  toile  toute  blanche,  sans  antre 
ornement  qu'une  large  bordure  rouge  ou  bleue.  À  Gondar  et  Adense 
rencontrent  ces  bourreliers  et  ces  orfèvres  qui  confectionnent  ces 
selles  somptueuses,  recouvertes  de  dessins  capricieux  et  d'incrusta- 
tions d'or,  que  recherchent  tant  la  vanité  des  grands  seigneurs  et  leur 
goût  d'une  pompe  quelque  peu  barbare.  Le  pays  fournit  à  Ton  et  à 
l'autre  les  premiers  éléments  de  leur  travail  ;  le  bourrelier  a  reçu  sw 
bois  des  Peluchas  ou  juifs,  qui  sont  en  général  maçons  ou  bûcherons, 
et  l'orfèvre  est  allé  demander  son  or  aux  peuplades  qui  vivent  non  Wi 
des  bois  de  Tsana,  et  qui  le  recueillent  dans  les  déchirures  de  la  mon- 
tagne, parmi  les  cailloux  et  le  sable,  quand  le  souffle  du  vent  le  leur 
découvre  ou  que  les  flots  du  torrent  le  leur  amènent.  L'or  n'est  pas 
d'ailleurs  le  seul  métal  que  transforment  les  indigènes  :  les  instruments 
aratoires  et  les  armes  de  guerre  appartiennent  également  à  la  fabrica- 
tion indigène,  et  le  sol  en  a  fourni  aussi  la  matière  première.  Presque 
partout  le  fer  se  montre  à  la  surface  en  longues  traînées  ou  en  cro- 
ches indécises,  suivant  les  accidents  capricieux  des  crêtes  escarpées 


LES  FRANÇAIS  SUR  LA  COTE  ORIENTALE  D* AFRIQUE.  481 

sur  lesquelles  elles  affleurent,  ou  les  gorges  profondes  où  elles  s'en- 
foaissent  (*). 

Arec  une  solide  installation  à  Obock,  il  ne  semble  pas  non  pins 
qu'il  nous  fût  bien  difficile  de  dériver  de  ce  côté  le  trafic  des  Çomaniis, 
ce  peuple  curieux  qni  bahite  la  grande  corne  que  le  continent  africain 
projette  à  Test  entre  le  golfe  d'Àden  et  l'océan  Indien  ;  traflc  qui  au- 
jourd'hui se  dirige  exclusivement  sur  Aden  et  Djeddah  en  Arabie.  11  est 
à  remarquer  que  c'est  bien  rarement  que  les  Çomaniis  vont  porter 
eux-mêmes  leurs  marchandises  dans  ces  deux  ports  :  ils  se  contentent 
de  les  entreposer  dans  les  petits  barres  de  leur  littoral,  où  des  ache- 
teurs, Arabes  presque  tous,  viennent  les  acquérir  et  se  chargent  de  les 
transmettre  à  leur  destination  ultérieure .  Or,  il  n'y  a  pas  plus  loin 
<T0boek  que  d'Aden  à  la  côte  çomaniis,  les  caboteurs  arabes  connais- 
sent déjà  le  chemin  des  premiers  de  ces  parages,  et  le  trajet  d'Aden  à 
Djeddah  est  sensiblement  le  même  que  celui  d' Obock  à  Djeddah. 

«  Sans  doute,  comme  le  dit  M.  George  Revoil  dans  sa  très  remar- 
quable relation  d'un  voyage  au  pays  des  Çomaniis  (*),  ce  trafic  a  peu 
d'extension  ;  mais  il  en  peut  prendre  par  la  création  de  comptoirs  eu- 
ropéens. Il  faut  un  début  à  tonte  chose  et  celui-ci  serait  plus  que  mo- 
deste; mais  il  est  bon  de  remarquer  que  si  le  littoral  du  golfe  d'Aden 
et  de  l'océan  Indien  est  pauvre,  il,  ne  s'ensuit  pas  que  l'intérieur,  en- 
core inconnu,  ne  possède  aucune  richesse,  et  avec  des  cours  d'eau 
lusei  importants  que  le  Djoub,  le  Ouebi,le  Nogal,  c'est  tout  le  contraire 
<pri  est  préstunable.  »  En  ce  moment,  les  Çomaniis  importent  du  riz 
qui  leur  vient  de  Bombay,  des  dattes,  des  toiles  que  leur  envoient  les 
États-Unis ,  des  perles ,  de  l'ambre  et  un  peu  de  quincaillerie  ;  en 
échange,  ils  exportent  des  gommes,  des  encens,  de  la  myrrhe,  des  na- 
cres, des  plumes  d'autruche,  de  l'écaillé,  de  l'indigo  (ellan),  des  mou- 
tons, des  chèvres,  des  bœufs,  des  chevaux,  du  beurre  fondu.  A  côté  de 
ces  produits  en  cours  d'exportation,  il  en  existe  d'autres  qui  restent 
dans  le  pays,  faute  de  débouchés.  Tels  sont,  par  exemple,  le  Bao 
Usclepia  giganlea),  dont  le  fruit  donne  une  sorte  de  coton  grossier  ; 
ÎAscoul,  variété  de  l'aloès,  qui  fournit  des  cordages;  YAsscl,  écorce 
pour  tannerie  cuir  et  le  teindre  en  marron  ;  le  Daar,  teinture  violette. 
Ajoutons  que  le  sous-sol  est  riche  en  gisements  de  sel  gemme,  et  que, 
dans  le  voisinage  de  la  côte,  l'on  rencontre  fréquemment  le  fer  et  le 
plomb.  Les  roches  et  les  Ilots  du  littoral  sont  souvent  couverts  de  dé- 
pôts de  guano.  {Économiste  français.)  Ad.  F.  de  Fontpbrtuis. 


(')  Voir  Raffiray,    AbyttinU  (2?  édit.,  Pion,  1683),  et  M*r  Rougi  et  Ahy$sinU  (Pion, 

3879). 

i8)  La  Vallée  du  Daror;  voyage  au  pas»  çomaniis  (1  vol.  gr.  in-8°,  Pari»,  Challe- 
mei,  1889). 


482  MI8CBLLANÉES. 


LA  LANGUE  FRANÇAISE  AU  JAPON 

Nous  extrayons  de  la  Revue  de  géographie  les  lignes  suivantes,  dut 
à  la  plume  de  M.  Richard  Cortambert,  au  sujet  de  la  rogne  dont  jouit 
la  langue  française  au  Japon  : 

«  On  sait  que  notre  école  de  langues  orientales  ne  compte  encore 
qu'un  très  petit  nombre  d'élères;  il  est  des  cours  qui  n'ont  an  pins 
que  cinq  auditeurs;  —  eb  bien!  au  Japon,  Ton  étudie  nos  langues  eu- 
ropéennes et  on  les  parle  ayec  facilité.  Une  société  s'est  même  der- 
nièrement fondée  à  Tokio,  pour  encourager  le  développement  de  la 
langue  française,  et  plus  de  mille  personnes  en  sont  déjà  membres. 
Lors  de  la  fondation  de  la  nouvelle  association,  au  mois  de  janvier  der- 
nier, plusieurs  discours  ont  été  prononcés,  naturellement  en  français, 
par  de  savants  Japonais.  L'un  d'eux,  fort  jeune  encore,  IL  Oukswa, 
attaché  depuis  quelques  semaines  à  la  légation  de  Paris,  a  exprimé, 
en  notre  honneur,  le  plus  sympathique  éloge.  En  voulez-vous  an 
exemple  ? 

«  Sans  vouloir  m'étendre  sur  l'utilité  incontestable  qu'il  y  a  pour 

<  nous  à  cultiver  la  langue  française,  a-t-il  dit  à  ses  confrères,  je  vous 
«  demanderai  :  quelle  langue  faut-il  cultiver  pour  apprendre  la  iégûte- 
'  tion  ?  C'est  le  français.  —  Que  faut-il  apprendre  pour  étudier  avec  fruit 
«  Part  militaire?  C'est  encore  le  français;  —  quelle  langue  doit  éta- 
«  dier  le  diplomate?  C'est  encero  et  toujours  le  français-,  — pour  toutes 
■  les  autres  sciences,  telles  que  la  physique,  la  chimie,  la  mécanique 
«  et  mille  autres,  c'est  encore  le  français  qu'il  faut  apprendre.  » 

«  Et  à  la  fin  de  son  remarquable  discours,  M.  Oukawa  veut  bien  bous 
dire  :  «  Notre  jeune  Société  sera  non  seulement  un  gage  d'union  entre 

•  nos  compatriotes  versés  dans  la  connaissance  de  la  langue,  mais  elle 
«  sera  aussi  le  foyer  de  l'aniMié  qui  doit  unir  les  bons  Français  et  les 
«  bons  Japonais.  J'ai  jusqu'Ici  entendu  dire  que  les  Français  qualifiaient 

<  le  Japon  du  nom  de  la  France  de  l'extrême  Orient;  et  que  les  Anglais, 

•  de  leur  côté,  le  surnommait  Y  Angleterre  de  l'extrême  Orient.  Si  les 
«  Anglais  ont  émis  cette  opinion,  cela  ne  peut  être  qu'au  point  de  voe 
«  de  la  constitution  géographique .' Les  Japonais  ont  de  nombreoi 
«  points  de  ressemblance  avec  les  Français,  dont  ils  ont  la  vivacité, 
«  beaucoup  de  leurs  sentiments  et  le  co&ur  Samouraïque  ;  —  mais 

<  nous  n'avons  absolument  rien  qui  nous  rapproche  ou  qui  nous  attire 
«  vers  l'école  de  Manchester.  > 

«  M.  Oukawa  n'est  pas  le  seul  à  penser,  —  parmi  les  Japonais,  - 
que,  malgré  les  revers  de  1870-1871  et  notre  infériorité  apparente,  mm* 
avons  une  telle  vitalité  que  notre  rang  de  grand  peuple  n'est  en  rien 


l'école  de  dessin.  483 

diminué.  Un  antre  lettré  japonais  s'écrie  à  son  tour  :  «  Prenons  pour 
c  modèle  la  France  et  non  les  autres  nations!  > 

«  Voilà  des  éloges  qui  nous  ▼ont  droit  à  l'âme.  Sont-ils  mérités  ?  Je 
l'espère.  Efforçons-nous,  dans  tous  les  cas,  de  nous  maintenir  dans 
l'opinion  favorable  que  Ton  veut  bien  avoir  de  nous,  au  moins  au 
Japon. 

«  En  résumé,  à  tort  ou  à  raison,  les  Japonais  s'occidentalisent  le  plus 
possible,  rai  entre  les  mains  une  centaine  de  photographies  de  digni- 
taires de  Tokio  :  ce  sont  des  sénateurs,  des  bauts  fonctionnaires,  dés 
amiraux,  des  généraux,  et  leur  physionomie  semble  en  vérité  se  trans- 
former par  le  fait  d'une  éducation  nouvelle.  Ils  portent  tons  la  tunique 
et  le  costume  de  nos  personnages.  La  chevelure  autrefois  à  demi  rasée 
a  même  perdu  la  petite  queue  traditionnelle  qui  de  la  nuque  grimpait 
an  front.  Des  croix,  des  broderies  couvrent  la  poitrine  de  tous  ces 
hommes  sans  doute  très  distingués  ;  —  on  se  croirait  à  la  cour  d'Espa- 
gne ou  d'Italie. 

t  Ce  qui  est  préférable  à  tous  les  galons  do  monde,  c'est  l'instruc- 
tion vraiment  très  soignée  de  la  plupart  des  Japonais  de  la  haute  classe. 
là  Société  de  géographie  de  Tokio  est  florissante;  d'autres  associations, 
exclusivement  scientifiques,  sont  en  pleine  prospérité;  et  même  un 
journal  hebdomadaire  français,  Y  Écho  du  Japon,  s'imprime  là-bas  de- 
puis douze  ans  t  » 


Décision  ministérielle  du  29  avril  1883 

concernant  l'École  de  dessin  créée  au  service  spécial  de  la  géographie 

(Dépôt  de  la  guerre). 

Art.  1er.  —  Une  école  de  dessin  est  créée  au  Dépàt  de  la  guerre. 

Elle  a  pour  objet  de  former  des  dessinateurs  topographes  pour  le 
service  spécial  de  la  géographie. 

Art.  2.  —  Pour  être  déclarés  admissibles,  les  candidats  devront  : 

1°  Être  présentés  par  leurs  parents  ou  tuteurs ,  ou  munis  de  leur 
autorisation; 

2*  Être  âgés  de  quinze  ans  au  moins  et  dix-sept  ans  au  plus  ; 

3°  Être  pourvus  du  certificat  d'études  primaires,  ou,  à  défaut  de  cer- 
tificat, justifier  qu'ils  possèdent  correctement  la  langue  française,  qu'ils 
ont  acquis  les  notions  usuelles  de  géographie,  de  calcul  et  de  géomé- 
trie pratique;  enfin  qu'ils  ont  déjà  cultivé  le  dessin  de  figures,  d'orne- 
ments ou  de  paysages. 

Chaque  candidat  devra  fournir  :  son  acte  fle  naissance  établissant 
qu'il  est  Français,  un  certificat  de  bonne  vie  et  mœurs,  les  certificats 


484  MISCELLANÉES. 

ou  diplômes  qu'il  aura  obtenus  dans  le  cours  de  ses  études,  enfin  on 
engagement  écrit ,  par  lequel  les  parents  ou  le  tuteur  s'engagent  i 
subvenir  à  son  entretien  pendant  tout  le  temps  qu'il  doit  passer  à 
l'École. 

Art.  3.  —  Les  candidats  jugés  admissibles  seront  appelés  à  concou- 
rir entre  eux  et  classés  d'après  leurs  aptitudes,  par  une  sous-commfe- 
sion  composée  de  deux  officiers  et  un  dessinateur  principal  du  serrice 
géographique. 

Art.  4.  —  L'école  pourra  recevoir,  au  moment  de  sa  création,  dix 
élèves;  et  cinq  élèves,  d'année  en  année,  par  voie  de  concours  an- 
nuel. 

Des  cours  spéciaux  de  dessin,  de  gravure,  de  topographie,  de  lecture 
des  cartes  françaises  et  étrangères  seront  faits  am  élèves. 

Pendant  la  belle  saison,  des  excursions  topographiques  seront  orga- 
nisées aux  environs  de  Paris  et  complétées  par  la  pratique  des  levers 
réguliers. 

Art.  5.  —  Les  élèves  sont  soumis  à  tous  les  règlements  du  Dépôt  de 
la  guerre. 

Ceux  qui  se  rendent  coupables  de  fautes  graves  contre  Tordre  oo  U 
discipline  sont  immédiatement  renvoyés. 

Art.  6.  —  La  durée  normale  des  cours  est  fixée  à  deux  années,  pen- 
dant lesquelles  les  élèves,  considérés  comme  en  stage  ou  en  appren- 
tissage, n'ont  droit  à  aucune  solde. 

Ttus  les  six  mois  cependant,  des  concours  auront  lieu,  destinés  à  cons- 
tater les  progrès  et  les  aptitudes  de.  chacun.  Des  prix  seront  donnés  i 
ceux  qui  se  seront  particulièrement  distingués  ;  ils  consisteront  en 
gratifications  pécuniaires  comprises  entre  50  et  200  francs. 

Art.  7.  —  Chaque  année,  la  commission  des  travaux  géographi- 
ques, assistée  d'un  dessinateur  principal,  ayant  voix  délibérauTC. 
désignera  parmi  les  élèves  arrivés  au  terme  de  leur  stage  profesaoa- 
nel  ceux  qui  auront  mérité  le  certificat  d'aptitude,  et  choisira,  parmi 
les  élèves  pourvus  de  ce  certificat,  ceux  qui  pourront  être  admis  dans 
les  ateliers,  d'abord  à  titre  de  surnuméraires  avec  des  appointements 
proportionnés  à  leurs  talents  et  aux  services  qu'on  peut  en  attendre. 

Après  deux  années  de  surnumèrariat,  les  surnuméraires  pourront 
être  proposés  pour  passer  dans  le  cadre  des  titulaires,  au  fur  et  à  ne- 
sure  des  vacances  qui  se  produiront  dans  le  cadre,  et  leurs  service» 
compteront,  pour  justifier  leurs  droits  ultérieurs  à  la  retraite,  à  dater 
du  jour  où  ils  auront  été  nommés  dessinateurs  titulaires. 

Art.  8.  —  La  direction  immédiate  de  l'école  de  dessin  est  confiée, 
sous  l'autorité  du  colonel  sous-directeur,  à  un  officier  topographe  as- 
sisté d'un  dessinateur  principal. 


LE  RHÔNE.  485 

Art.  9.  —  Tontes  les  questions  intéressant  l'école  (programme  des 
cours,  excursions,  gratifications,  concours,  examens  de  sortie,  propo- 
sitions de  récompense,  etc.)  sont  soumises  préalablement  à  la  com- 
mission des  travaux  graphiques,  qui  en  délibère  et  formule  les  propo- 
sitions à  soumettre  à  l'approbation  du  ministre. 

Paris  le  29  avril  1883.  ht  Minisire  de  la  guerre, 

Thibaudin. 


LE  RHONE 

On  se  plaint  que  le  Rhône  n'est  pas  navigable  en  toute  saison  et  que 
souvent,  en  été,  les  eaux  sont  très  basses.  Est-il  possible  de  remédier 
i  cet  inconvénient  et  de  donner  à  ce  fleuve  l'eau  qui  lui  manque  ? 

11  résulte  d'un  travail  lu  à  l'Académie  des  sciences,  qu'il  est  possi- 
ble, facile  même,  de  discipliner  le  Rhône  par  des  travaux  aussi  sim- 
ples que  peu  coûteux  s'étendant  sur  tout  son  bassin.  Il  suffirait  pour 
cela  de  procéder  à  l'aménagement  rationnel  des  trois  lacs  de  Genève, 
du  Bourget  et  d'Annecy. 

On  sait  que  le  lac  de  Genève  a  une  superficie  de  600,000,000  de 
mètres  carrés;  il  atteint  son  maximun  du  16  juillet  au  29  septembre  et 
son  minumun  du  18  décembre  au  3  mai.  En  moyenne,  les  eaux  sont 
au  plus  haut  le  14  août  et  au  plus  bas  le  7  mars.  La  montée  s'opère  en 
ô  mois  et  9  jours,  la  descente  en  6  mois  et  26  jours.  La  différence  du 
volume  du  lac  du  plus  bas  étiage  aux  plus  hautes  eaux,  est  de 
1,770,000,000  de  mètres  cubes.  En  recherchant  les  volumes  actuels 
d'étiage  du  Rhône,  à  Genève,  au  Parc,  à  Lyon,  à  Avignon  et  à  Arles 
et  la  proportion  dans  laquelle  il  serait  possible  d'augmenter  ces  vo- 
lumes par  la  disposition  de  la  réserve,  en  réglementant  le  volume  du 
fleuve  à  la  sortie  du  lac  à  l'aide  de  vannes,  on  arrive  aux  résultats 
suivants:  l'étiage  à  Genève  peut  être  porté  de  200  mètres  cubes  par 
seconde  à  460  mètres  cubes  ;  au  Parc,  de  230  à  490;  à  Lyon  de  250  à 
520  ;  i  Avignon  de  480  à  748;  à  Arles  de  520  à  780  mètres  cubes  par 
seconde. 

Ainsi,  entre  Lyon  et  Avignon,  le  volume  d'étiage  pourrait  être  aug- 
menté de  200  mètres  cubes  par  seconde  et  le  prélèvement  d'un  volume 
de  60  mètres  cubes  à  la  hauteur  de  Gondrieu  ne  pourrait  soulever 
l'ombre  d'une  objection. 

Si  l'on  considère  ensuite  les  deux  lacs  du  Bourget  et  d'Annecy,  on 
n'y  trouve  point  sans  doute  une  réserve  aussi  puissante;  mais  ces  deux 
lacs  agissent  comme  celui  de  Genève  sur  le  régime  du  fleuve  ;  ils  con- 
courent avec  ce  dernier  à  l'amélioration  du  Rhône.  Le  volume  qui  s'y 


486 


MISGELLANÉES. 


accumule  lors  de  la  fonte  des  neiges  est  de  70,000,000  de  mètres 
cubes.  En  résumé,  et  en  dehors  du  lac  de  Génère,  c'est  une  réserve 
totale  de  70  millions  de  mètres  tubes  au  moins  qui,  répartie  sur  les 
deux  mois  de  pénurie  du  Rhône,  représenterait  un  volume  constant  de 
plus  de  13  mètres  cubes  par  seconde.  Ge  qui  ne  serait  pas  à  dédaigner. 
(Bulletin  de 'la  Société  de  géographie  de  Marseille.) 

COMMERCE  DE  LA  FRANCE  AVEC  LA  CHINE 

On  lit  dans  le  numéro  de  juin  du  Journal  des  Chambres  de  comment: 

i  Au  moment  où  nos  relations  commerciales  avec  la  Chine  peuvent  se 
trouver  interrompues,  il  n'est  peut-être  pas  sans  intérêt  d'en  connaître 
l'importance. 

«  En  1870,  la  Chine  nous  a  expédié  pour  58  millions  de  francs  de 
marchandises.  En  1878,  elle  nous  en  envoyait  pour  140  millions,  puis 
pour  158  millions  en  1880,  et  pour  .145  millions  en  1881. 

«  Nos  exportations  en  Chine  sont  loin  d'avoir  atteint  ces  chiffres  impor- 
tants. En  1870,  nous  avons  expédié  4,700,000  fr.  de  marchandises 
dans  ce  pays,  20,500.000  fr.  en  1880,  et  36,100,000  fr.  en  1881.  U 
différence  au  profit  de  la  Chine  est  ainsi  de  100  millions  par  an.  C'est 
par  Marseille  que  se  fait  la  majeure  partie,  la  presque  totalité  de  nos 
affaires  avec  l'extrême  Orient,  tant  pour  l'importation  que  pour  l'expor- 
tation. » 


PROFONDEUR  DES  MERS 

Voici,  d'après  les  Annalen  /tir  Hydrographie,  les  plus  grandes  pro- 
fondeurs des  différentes  mers.  Ces  chiffres,  obtenus  dans  ces  dernières 
années,  méritent  toute  confiance.  sirai 

qui  a  WA 


MBEfl. 


LATITUDE.      LOHQITTJDH.  PBOFOÎTDBOB 


le 


Atlantique  Nord 19»41'N           65°  7'0  7086™  Chatteag* 

Atlantique  Sud 19«55'S           24050*0  6006»  Snex 

Mer  du  Nord près  If eerdstrand  (Norwèfre).  687™  Poméraais 

Baltique auN.-O.  du  Gothlaad.  335*  ld. 

Méditerranée 86©  5'n          18°  8^  3968"  ld. 

Golfe  du  Mexique 25°  8'N          87<>18,0  3875»  Blake 

Mer  des  Antilles 37kil.au  Sud  dagnndCalnuii.  6270-  ld. 

Pacifique  Nord 44°55'N         l«2o26'E  8513"  Tuscaron 

Pacifique  Sud 11°51'S           78°45'0  6160*  ÀlatkA 

Mer  de  Chine 17°54'N        117°14'B  3240»  Coalleofer 

Pacifique  Ouest llo24'N        14S«16'B  8367»  14 

MerdeSoulou 8°3°/N         121»55'B  4663»  14. 

Mer  de  Céléboi 5°42'N         12S°34'B  4755»  ld. 

Mer  de  Banda fi©24'S         130°87'B  6120»  ld. 

Mer  de  Corail 16«47'8         165°20'B  4850»  ld. 

Océan  Indien 16oll'S         117°32'B  5523»  GaceUe 

ld 62°26'S           94°44'B  8612»  GbaUeager 

ld 65°42'S           79°49'B  3060»  ld. 

Océan  Glacial  Nord 78°  6'N            2°W0  4846»  Sofe 


PREMIER  MÉRIDIEN  ET  FIXATION  DE  L'HEURE.  487 

L'accroissement  de  la  population  nègre  aux  États-Unis. 

Le  Popular  Science  Monthly,  examinant  la  question  de  l'accroisse- 
ment de  la  population  nègre  aux  États-Unis,  arrive  à  des  conclusions 
peu  rassurantes.  Depuis  l'abolition  de  l'esclavage,  l'accroissement  de 
la  population  noire  est  supérieur  à  celui  des  blancs.  Ainsi,  tandis  que 
de  1870  à  1880  la  race  blanche  s'accroît  de  29  p.  100,  la  race  noire 
s'est  accrue  de  34  p.  100.  D'ici  à  un  siècle,  et  en  admettant  que  le 
mouvement  continue,  la  population  noire  sera  le  double  de  la  blanche 
dans  les  États  du  Sud.  Cet  accroissement  est  d'autant  plus  dangereux 
et  plus  difficile  à  enrayer,  qu'il  a  sa  cause  non  dans  l'immigration, 
mais  dans  la  fécondité  supérieure  de  la  race  noire.  Plus  que  jamais, 
en  ce  moment,  les  préjugés  de  race  sont  vivaces  et  puissants,  les  ma- 
riages mixtes  sont  de  plus  en  plus  rares.  L'auteur  du  travail  que  nous 
citons  prévoit  une  crise  sociale  terrible  pour  le  jour  où  les  nègres, 
ayant  pour  eux  le  nombre,  voudront  sortir  de  la  condition  inférieure 
qui  leur  est  faite  par  l'antipathie  et  le  dédain  des  blancs.  Gomme  solu- 
tion du  problème,  il  propose  d'envoyer  les  noirs  dans  l'Amérique  du 
Snd,  qui  s'en  arrangera  comme  elle  pourra. 


Le  premier  méridien  et  la  fixation  de  l'heure. 

Au  moment  où  la  question  du  premier  méridien  est  à  Tordre  du  jour, 
le  rapport  présenté  à  la  Société  suédoise  d'anthropologie  et  de  géogra- 
phie par  M.  Gylden  n'est  pas  seulement  une  actualité  ;  mais  la  simpli- 
cité ingénieuse  des  propositions  du  savant  astronome  suédois  les  fera 
probablement  adopter  par  tous  les  peuples. 

M.  Gylden  propose  des  méridiens  équidistants,  séparés  les  uns  des 
autres  par  un  intervalle  de  2°30'  d'arc  ou  de  10  minutes  de  temps, 
Comme  on  le  voit,  ces  méridiens  sont  assez  rapprochés  pour  fournir 
des  repères  en  nombre  suffisant;  d'autre  part,  ils  ne  sont  pas  multipliés 
au  point  d'amener  la  confusion. 

Les  observatoires  de  Paris  et  de  Greenwich,  dont  la  différence  de  lon- 
gitude est  presque  de  10  minutes  (2°20'6"j,  sont  à  bon  droit  célèbres 
dans  les  annales  astronomiques  ;  en  prenant  l'un  deux  comme  origine, 
leur  position  géographique  permet  de  placer  l'autre  sur  le  méridien 
voisin.  M.  Gylden  donne  la  cote  0  au  méridien  de  Greenwich;  le  méri- 
dien situé  10'  à  l'Est,  qu'il  appelle  le  méridien  n°  1,  est  celui  de  Paris; 
le  n°  2  passe  par  Utrecht,  Amsterdam,  Marseille,  Lyon,  Hâcon,  Avignon, 
Louvain,  iNamur;  le  n°  3  par  Nice,  Berne;  Turin;  le  n°  4  par  Hambourg, 
Alloua,  Gœttingue,  Christiania;  le  n°  5  rencontre  Rome,  Leipzig,  Co- 


488  MISCELLANÉBS. 

penhague,  Venise  ;  le  n°  6,  Francfort-sur-lOder,  Prague,  Kaples;  k 
n°  7,  Presbourg,  Olmutz;  le  n°  8,  Cracovie,  Gorfou;  le  n°  9.  ranciea 
observatoire  d'Abo,  les  ruines  de  Sparte;  le  n°  10,  Heisingfors;  le 
n°  11,  Minsk,  Jassy;  le  n*  12,  Saint-Pétersbourg;  le  n°  13,  Elisabcth- 
grad;  le  n°  14,  Ekaterinoslav  ;  le  n°  15,  Moscou;  le  n°  16,  JarolosUT. 
etc.. 

À  l'ouest  du  méridien  de  Greenwich,  nous  avons  le  n°  1  (ouest),  qui 
rencontre  Saint-Brieuc,  Vannes,  en  France,  Alméria,  au  sud  de  l'Espa- 
gne ;  le  n°  2,  qui  coupe  Gilbraltar  ;  le  n°  3,  qui  passe  près  du  cap  Or- 
tegal  et  traverse  le  milieu  du  Portugal. 

Quand  il  est  midi  ou  0  h.  0  m.  à  Paris,  il  est  0  h.  10  m.  à  Lyon  et  à 
Amsterdam;  0  h.  20  m.  à  Berne  et  à  Nice;  1  h.  50  m.  à  Saint-Pétos- 
bourg;  2  h.  20  m.  à  Moscou,  etc.; il  est  au  contraire  midi  moins  10 a 
à  Greenwich,  à  Caen  (f),  etc. 

Tels  sont  les  principaux  repères  nécessaires  en  Europe. 

Le  méridien  de  Greenwich  prolongé  dans  l'autre  hémisphère  passe 
un  peu  à  Test  de  la  Nouvelle-Zélande;  à  90°  E.  se  trouve  Calcutta,  et  à 
90°  0.  la  Nouvelle-Orléans.  Suivant  le  projet  de  M.  Gylden,  on  aurait 
quatre  méridiens  cardinaux,  à  90°  ou  6  heures  de  distance  :  un  méri- 
dien européen,  celui  de  Greenwich  ;  un  méridien  asiatique,  celai  de 
Calcutta;  un  méridien  océanien,  celui  des  lies  Cfeatam,  et  enfin  un  mé- 
ridien américain,  celui  de  la  Nouvelle-Orléans. 

Les  propositions  de  M.  Gylden  sont  nouvelles  et  ingénieuses;  elles 
amèneront  probablement  l'adoption  du  premier  méridien  origine  qui 
régularisera  l'heure  des  principaux  États  et  fera  disparaître  les  indica- 
tions différentes  de  la  position  géographique  d'une  même  localité  four- 
nies par  les  ouvrages  édités  dans  chaque  pays. 

Le  méridien  de  Paris  sera  certainement  préféré  à  celui  de  Greenwid 
pour  plusieurs  raisons  :  la  principale  est  sa  position  continentale;  de 
plus,  la  langue  française  est  la  plus  universellement  répandue. 

(Revue  scientifique.)  L.  Barre. 


LES  VOLCANS   DU  GLOBE 

On  compte  près  de  trois  cents  volcans  en  activité  sur  la  surface  du 
globe.  La  forme  de  la  plupart  affecte  celle  d'un  tronc  de  cône,  ao  mi- 
lieu duquel  existe  une  dépression  qui  constitue  le  cratère,  d'où  partent 
les  fissures  souterraines  descendant  à  des  profondeurs  inconnues.  U 
dimension  des  volcans  varie  depuis  celle  d'un  petit  monticule»  comme 

(f)  On  a  négligé  les  différences  do  temps  qui  ao  dépassent  guère  deux  minuta» 
en  général. 


LES  VOLCANS  DU  GLOBE.  489 

tes  volcans  de  boue  de  la  mer  Caspienne,  dont  le  diamètre  a  à  peine 
oo  mètre,  jusqu'à  celle  des  plus  hantes  montagnes.  Le  cratère  de  ces 
volcans  minuscules  n'a  qne  dix  on  vingt  centimètres,  tandis  qne  ce- 
lui de  l'iskja  en  Islande  a  vingt-cinq  kilomètres  de  circonférence. 

Le  Tolcan  le  plus  élevé  est  le  Sahama  (7,200  mètres),  d'après  M.  Da- 
ns Forbes,  qui  le  cite  dans  nn  mémoire  géologique  sur  la  Bolivie  et  le 
Pérou.  Dans  les  Andes,  les  volcans  sont  nombreux;  plusieurs  atteignent 
l'altitude  de  6,000  mètres  ;  le  Chimborazo  (6,420  mètres)  est  tantôt  en 
activité,  tantôt  éteint;  on  ne  connaît  aucune  éruption;  mais  le  Cotopaxi 
(5r8SO  mètres)  a  des  éruptions  très  fréquentes,  pendant  lesquelles  il 
laisse  échapper  des  coulées  vitrifiées  de  pierre  ponce  et  d'obsidienne. 
L'Antisana  a  à  peu  prés  la  môme  hauteur;  on  ne  connaît  que  .'es  érup- 
tions de  1590,  1795  et  1825  ;  pendant  cette  dernière  éruption,  il  ré- 
pandit des  coulées  de  trachyte  et  d'obsidienne,  mélangées  à  de  grosses 
pierres  chauffées  au  rouge. 

Le  groupe  des  lies  Sandwich  est  entièrement  volcanique  et  surtout 
Hled'Hawal.  Le  Mauna-Loa  (4,100  mètres),  plus  important  qu'aucun 
volcan  d'Europe,  a  des  phases  d'activité  fréquentes.  En  1843,  une  coulée 
de  lave  glissa  depuis  le  cratère  jusqu'à  une  distance  de  42  kilomètres  ; 
es  1852,  une  grande  colonne  de  fumée,  de  cendres,  de  fragments  de 
lave,  s'élança  à  une  hauteur  de  150  mètres;  trois  ans  plus  tard,  il  se  pro- 
duisit une  autre  éruption  qui  dura  trois  mois,  pendant  lesquels  la  cou- 
lée de  lave  alla  Jusqu'à  90  kilomètres  du  point  de  départ. Sur  les  pentes 
do  Mauna-Loa  se  dresse  le  remarquable  cratère  de  Kilauea,  à  1,200 
métrés  au-dessus  du  niveau  de  la  mer. 

Le  Japon  renferme  plusieurs  volcans,  parmi  lesquels  domine  le  Fu- 
sivama  (3,900  mètres);  son  cône,  qui  est  de  forme  irrégulière,  est  percé 
ta  sommet  d'un  cratère  d'un  kilomètre  et  demi  de  large  ;  suivant  la 
tradition  Japonaise,  il  aurait  subitement  surgi  en  286  avant  l'ère  chré- 
tienne, et  le  nombre  de  ses  éruptions  n'aurait  été  que  de  trois  depuis 
le  dixième  siècle. 

Ténériffe  (3,800  mètres)  consiste  en  une  montagne  isolée  au  milieu 
de  la  mer,  dont  la  base  a  à  peine  dix  kilomètres.  Dans  sa  dernière 
éruption  de  1798,  il  vomit  un  torrent  de  matières  vitrifiées. 

Le  mont  Etna  (3,240  mètres)  est  le  plus  célèbre,  ayant  une  chrono- 
logie complète  depuis  les  temps  historiques.  Sa  première  éruption  re- 
monte au  cinquième  siècle  avant  l'ère  chrétienne.  En  1879,  il  y  eut 
une  violente  éruption;  un  cratère  secondaire  se  forma  dans  les  flancs 
du  colosse,  d'où  s'échappèrent  des  torrents  de  lave  incandescente. 
Contrairement  à  tons  les  autres  volcans,  ses  pentes  sont  habitées  et 
couvertes  de  bois. 

Le  Vésuve  (1,240  mètres)  doit  sa  renommée  à  la  proximité  de  Naples, 

SOC.  D*  QBOOR.  —  S*  TKIM  BSTBB  1883.  32 


490  MISCELLANÉE8. 

où  II  attire  une  foule  de  curieux  ;  ses  périodes  d'activité  sont  frèq 
tes;  celle  de  1872  est  une  des  pins  remarquables  du  siècle. 

L'Hékla  (1,530  mètres)  u'a  pas  eu  d'éruption  proprement  dite  depoii 
1845,  quoique  cependant  en  1878  une  ourerture  se  produisit  à  cinq 
kilomètres  du  cratère,  par  laquelle  s'échappèrent  des  coulées  de  lare. 
L'Islande  contient  plus  de  vingt  volcans,  dont  les  éruptions  se  sont 
produites  depuis  la  période  historique.  J.  Gdaro. 


NOTICE  SUR  LE  THE  DE  L'INDE 

Le  journal  de  Calcutta,  The  fndo-European  correspondance,  dans  kl 
numéros  des  27  avril,  A  et  18  mai  1881,  a  traité  la  question  do  thé 
de  l'Inde,  de  manière  à  attirer  l'attention  du  gouvernement  anglais; 
aussi,  avec  l'autorisation  de  fauteur  des  articles,  qui  ne  s'est  fait  cqb- 
naltre  que  par  ses  initiales  A.  D.,  le  lieutenant-gouverneur  les  a-i-ii  re- 
produits en  brochure  aux  frais  du  Gouvernement  :  c'était  un  mores  ée 
donner  une  publicité  plus  étendue  aux  excellents  conseils  donnés  aux 
planteurs;  l'importance  de  cette  question  commerciale  ressort  des  dif- 
férents chapitres  de  cette  publication  dont  le  résumé  ci-dessous  nefert 
que  reproduire  les  traits  principaux. 

L'auteur  constate  d'abord  que  l'exportation  du  thé  indien  en  Angle- 
terre s'est  accrue  d'année  en  année,  puisque  de  un  million  et  demi  de 
livres  en  1861.,  elle  s'est  élevée,  d'après  les  derniers  rapports,  àqoa- 
rante-quatre  millions  de  livres,  d'une  valeur  de  trente  millions  de  rou- 
pies (').  Cette  quantité  représente  déjà  le  cinquième  de  ce  qui  est  né- 
cessaire à  la  consommation  du  Royaume-Uni  ;  le  surplus  est  encore 
exporté  de  la  Chine.  Mais  si  l'Australie,  le  Canada  et  les  autres  colo- 
nies anglaises,...  le  reste  du  monde  à  l'avenant,  prenaient  goût  au  thé 
de  l'Inde,  qu'adviendrait  -  il  do  marché  ?  Il  se  développerait  an  cen- 
tuple ! 

Si  pleines  d'espérances  que  soient  ces  perspectives,  l'auteur  ne  fait 
que  les  indiquer  pour  signaler  de  préférence  un  marché  qui  se  trouve 
à  portée,  et  pour  ainsi  dire  sous  la  main,  susceptible  de  recevoir  tout 
l'excédent  d'un  thé  pour  lequel  il  n'y  aurait  ni  placement  ni  demaade 
sur  celui  de  la  métropole. 

Après  la  description  des  soins  à  donner  aux  cultures,  il  e&  dit  qu'il 
ne  se  peut  faire  autrement  qu'il  n'y  ait  quantité  de  feuilles  perdaes, 
lors  de  la  récolte,  tant  par  la  dessiccation,  la  chute  naturelle  et  d'autres 
causes  ;  mais  les  Chinois  du  Su-tchuen  sont  trop  soucieux  de  leurs  intê- 

(')  A  a  pair,  la  roupie  vaut  2  fr.  50  e.  et  10  lacs  de  roupies  valent  un  million  à» 
roupies. 


LE  THÉ  DE  L'iNDE.  491 

rets  pour  ae  pas  les  utiliser,  et  si  la  fabrication  d'an  thé  particulier  de 
cette  provenance  donne,  par  le  fait,  des  profits  plus  considérables  que 
le  tué  raffine,  c'est  qne  le  marché  de  ce  thé  grossier  est  le  Thibet,  dont 
l'entrepôt  est  la  ville  frontière  de  Ta-tsien-lou,  distante  de  quelques 
journées  seulement  de  la  contrée  de  production. 

Que  l'Inde,  dans  son  propre  intérêt,  continue  à  expédier  sur  les  mar- 
chés d'Europe  le  thé  Un  qui  y  t route  un  placement  avantageux  et 
assuré,  rien  de  mieux  ;  mais,  profitant  de  la  proximité  des  frontières 
indiennes  beaucoup  plus  rapprochées  du  Thibet  que  l'ouest  de  la 
Chine,  il  y  aurait  avantage,  à  l'exemple  des  Chinois,  à  se  livrer  à  la  fa- 
brication du  thé  en  briques  en  y  consacrant  seulement  les  rebuts  ou 
déchets  de  ses  plantations,  mode  de  préparation  qui  répond  parfaite- 
ment au  goût  et  aux  habitudes  des  Thibétains. 

Il  était  naturel  que  l'auteur  s'étendit,  daus  un  chapitre  tout  spécial, 
sor  la  préparation  du  thé  à  1  usage  du  Thibet,  telle  qu'il  l'avait  étudiée 
en  Chine  ;  tout  y  est  expliqué,  —  culture,  récolte,  fermentation,  et  jus- 
qu'aux détails  sur  le  mode  d'empaquetage  dans  certaines  conditions  de 
forme  et  de  poids,  essentielles  pour  la  facilité  des  transports,  et  pour  se 
conformer  aux  usages  du  pays,  —  et  cela  très  minutieusement  pour 
permettre  aux  planteurs  de  l'Inde  d'imiter  les  Chinois.  Mais  il  serait 
trop  long  et  môme  superflu  de  s'étendre  davantage  sur  ce  sujet,  il  nous 
suffira  d'indiquer  l'idée  principale  qui  peut,  avec  le  temps,  apporter  une 
révolution  commerciale  entre  les  deux  pays.  —  Contentons-nous  de 
reproduire. les  noms  des  cinq  catégories  de  ce  thé  dit  en  briques,  les 
qualités  variant  suivant  la  maturité  des  feuilles,  la  plus  ou  moins 
grande  perfection  de  la  fermentation,  la  coloration,  la  proportion  des 
feuilles  ou  de  bois  : 

La  marque  n°  1,  qui  est  la  première  qualité,  est  nommée  She-chang- 
Un  par  les  Chinois  et  Kong-mar-kioo-pa,  par  les  Thibétains.  Le  prix  de 
la  brique  de  cinq  Ifvres  et  demie  anglaises  varie  de  une  roupie  un  quart 
au  point  de  départ  de  Ta-tsien-lou,  mais  augmente  avec  la  distance  à 
mesure  qu'on  s'avance  dans  le  pays,  et  surtout  dans  les  localités  situées 
en  dehors  de  la  grande  route,  et  triple  et  quadruple  à  L'hassa. 

Le  n°  2  est  nommé  Guié-tsé-kioo-pa  en  tbibétain.  Son  prix  à  Ta- 
tsien-lou  est  d'une  roupie,  et  à  L'hassa  de  trois  roupies  huit  aunas  ('). 
Son  poids  est  le  môme  que  le  précédent. 

Le  n°  3  porte  le  nom  de  Pa-chang-kin  en  Chine  et  Guié-pa  au  Thi- 
bet. Le  poids  de  la  brique  n'est  plus  que  de  deux  livres  et  demie  et  se 
▼end  dix  annas  à  Ta-tsien-Iou  et  de  deux  à  deux  roupies  et  demie  à 
L'hassa.  C'est  cette  brique  qui  est  employée  le  plus  généralement  an 


(*)  L'âBn»  est  le  seizième  de  la  roupie. 


492  M1SCELLANÉES. 

Thibet,  non  seulement  comme  boisson,  mais  comme  thé  de  commerce 
et  aussi  comme  monnaie  courante. 

Le  n°  4,  ou  Jong-ma  1"  qualité.  La  brique  pèse  cinq  livres  anglaises 
et  se  vend  une  roupie  à  Ta-tsien-lou. 

Le  n°  5,  ou  Jong-ma  2e  qualité.  Les  Thibé tains  lui  ont  donné  le 
nom  de  Sing*cha  ou  tbê  de  bois,  car  le  bois  provenant  de  l'élagsge  le 
constitue  presque  exclusivement.  Chaque  brique  pèse  environ  cioq  li- 
vres anglaises  et  se  vend  douze  annas  six  pies  l1)  à  Ta-Uien-lou  et  de 
deux  à  deux  roupies  et  demie  à  L'hassa. 

En  outre,  on  confectionne  quelques  douzaines  de  charges  de  tité  fia 
sous  forme  de  briques,  destinées  aux  présents  que  l'Empereur  envoie 
au  Dalaï-Lama,  à  quelques  dignitaires  chinois  ou  à  des  représentants  de 
la  noblesse  indigène.  Ce  thé  fin  ne  constitue  jamais  un  article  de  com- 
merce. 

Une  note,  d'une  provenance  étrangère,  placée  au  bas  de  la  page 9  de 
la  brochure,  porte  en  substance,  comme  se  rattachant  a  la  question  do 
thé,  les  observations  suivantes  :  «  Lan  planteurs  de  thé  de  l'Inde  por- 
tent-ils leur  attention  sur  l'exportation  au  Thibet  du  thé  grossier?  Ce 
serait  une  importante  branche  de  commerce  et  assurément  le  moyeu 
le  plus  sûr  d'ouvrir  le  Thibet  au  commerce  européen.  Les  Chinois, 
extraordinairement  industrieux,  sont  inquiets  à  la  perspective  d'osé 
concurrence  du  commerce  du  thé  en  provenance  d'Assam  ;  c'est  na 
signe  certain  que  cette  concurrence  peut  se  réaliser  en  effet,  en  tooie 
sécurité  et  avec  succès.  Ils  disent  avec  un  déplaisir  mal  dissimulé:  ■  U 
f  question  du  thé  anglais  n'a  pas  de  quoi  nous  préoccuper  ;  personne 
<  au  Thibet  ne  voudra  Tacheter.  »  —  Mais  cela  ne  sera  vrai  que  tant  que 
les  planteurs  indiens  ne  prépareront  pas  un  thé  grossier  exprès  posr 
le  Thibet  comme  les  Chinois  savent  le  faire.  Cela  signifie,  en  bon  lu- 
gage  anglais,  qu'il  a  été  interdit  aux  Thibétains  d'acheter  du  thé  anglais. 
Le  s  mandarins  sont  évidemment  très  agacés  au  sujet  de  cette  question 
du  thé...  Si  cette  concurrence  du  thé  se  traduit  en  fait,  il  est  cerUii 
quelle  ouvrira  le  chemin  du  Thibet  pour  toute  autre  marchandise, et 
dans  un  laps  de  temps  assuré,  nous  devons  l'espérer,  aux  Européens 
eux-mêmes.  » 

il  ne  suffisait  pas  d'avoir  donné  nominativement  la  description  des 
diverses  catégories  de  briques,  il  fallait  la  faire  suivre  de  la  méthode 
adoptée  pour  livrer  cette  marchandise  au  commerce  ;  voici  ce  qjù  se 
pratique: 

La  plupart  des  producteurs  chinois  Tendent  leurs  ballots  i  quelque* 
Compagnies  qui  centralisent  les  produits  de  la  contrée  et  qui  en  to* 


(*)  Le  pie  est  lo  douzième  de  l'ann*. 


LB  THÉ  DE  L'iNDE .  493 

Teoroi  à  Ta-tsien-lou  à  leurs  correspondants  auxquels  le  monopole  en 
a  été  assuré  par  rofficiaUté  chinoise.  Les  droits  d'entrée  dans  cette 
Tille  sont  perçus  par  les  agents  de  la  douane  chinoise,  et  la  marchan- 
dise e&t  alors  entreposée  et  remise  aux  correspondants  des  Compa- 
gnies. C'est  là  que  les  chefs  des  caravanes  thibétaines  Tiennent  de  tous 
les  points  du  territoire,  et  même  de  L'hassa,  de  Chi-ga-tse,  et  de  l'ex- 
trême ouest  pour  faire  leurs  achats,  et  en  quittant  la  ville  ii  est  perçu 
un  droit  de  sortie  équivalent. 

Si  les  douanes  de  Chine  étaient  organisées  comme  elles  le  sont  dans 
les  pays  d'Europe,  il  serait  très  aisé  de  donner  d'une  manière  très  cer- 
taine le  chiffre  de  l'exportation  du  thé  de  Chine  au  Jhibet,  mais  di- 
verses causes  qu'il  serait  trop  long  d'énumérer  ne  permettent  pas 
d'avoir  recours  à  ce  moyen  ;  il  en  est  un  autre  qui  présente  plus  de 
garantie,  c'est  le  recensement  des  caravanes  anx  lieux  d'étape,  et 
principalement  dès  que  la  frontière  est  dépassée  ;  cette  manière  de  pro- 
céder à  l'évaluation  a  donné  pour  résultat  total  de  l'importation  du  thé 
chinois  au  Thibet  le  chiffre  de  3,-406.640  livres  anglaises  coûtant  aux 
frontières  en  nombre  rond  800,000  roupies. 

D'où  l'on  peut  tirer  cette  conclusion  curieuse,  mais  néanmoins  vraie, 
étant  donnée  la  population  approximative  du  Thibet  de  six  millions 
d'habitants,  que  chaque  individu,  obtient  seulement  pour  sa  consomma- 
tion annuelle  les  trois  sixièmes  d'une  livre  de  thé  anglaise. 

Pour  l'explication  de  ce  fait,  il  est  nécessaire^  faire  remarquer  que 
les  gens  aisés  seuls  et  les  lamas  sont  à  même  de  pouvoir  se  satisfaire 
avec  le  thé  comme  boisson.  Les  classes  pauvres  font  différentes  décoc- 
tions avec  des  écorces  concassées,  des  végétaux,  des  feuilles  sèches, 
etc.,  qu'elles  boivent  en  guise  de  thè.  Cependant,  le  thé  passe  pour 
être  la  base  fondamentale  de  la  boisson  ordinaire  du  pays.  C'est  donc 
par  nécessité  que  tant  de  gens  sont  condamnés  à  ne  pas  faire  usage  de 
thè,  parce  que,  à  cause  du  monopole  chinois,  cette  denrée  est  très  rare, 
et  en  second  lieu  parce  .que  son  prix  est  trop  élevé  à  cause  des 
grandes  distances  des  marchés  et  des  mauvaises  voies  de  communica- 
tion, surtout  en  dehors  des  routes  principales. 

Kt,  autre  conclusion  qui  découle  de  ce  qui  précède  :  ce  quejour- 
nit  annuellement  la  Chine  est  à  peine  suffisant  pour  ce  que  réclame 
la  province  orientale  du  Thibet.  Donc  c'est  aux  planteurs  de  l'Inde 
qu'incombe  le  devoir  d'approvisionner  les  autres  provinces,  et  cela 
sans  qu'il  en  résulte  aucun  dommage  pour  le  marché  chinois. 

Peut-on  se  demander  maintenant  si  Ton  est  certain  de  trouver  un  dé- 
bouché, en  admettant  que  le  thé  fût  préparé  tout  exprès  et  conformé- 
ment aux  exigences  du  marché  tbibétain?  Et  ne  doit-on  se  poser  eu 
même  temps  les  questions  suivantes  : 


494  MISCELLANÉBS. 

Un  peuple  aussi  pauvre  que  Je  peuple  thibétain  pourra-t-il  nous 
payer  notre  thé  ?  Que  pouvons-nous  obtenir  en  échange  d'une  contrée 
si  misérable  ?  Le  commerce  du  Thibet  n'est-il  pas  tout  à  fait  insigni- 
fiant? 

L'auteur  répond  en  ce  qui  concerne  les  débouchés: 

Faisons  tout  d'abord  l'expérience  avec  les  Sikimis  et  les  Boihias 
sur  les  marchés  déjà  établis  de  Darjeling  au  Bengale,  d'Odalguree,  et 
de  Sudyia  dans  l'Àssam;  ensuite  à  Nyni-lal,  à  Simla  et  Rampoor  dans 
le  Bush  ire.  Faisons  en  sorte  que  notre  thé  grossier  fait  arec  le  rebut 
de  nos  plantations  s'ouvre  un  chemin  dans  le  Sikim,  dans  le  Bootan, 
le  Wang,  Kumaong,  Garbwal,  Bush  ire,  Spiti,  Lahul,  le  Ladak,  etc.,  etc.; 
toutes  ces  contrées  thibétaines  nous  offrent  un  débouché  considérable. 
Quelques  briques  d'abord,  bientôt  après  quelques  ballots  et  charges 
soront  introduites  en  contrebande  dans  le  Thibet  proprement  dit. 

Si  des  charges  de  thé  qu'on  essaiera  de  passer  en  contrebande  sont 
arrêtées  à  la  frontière  par  les  douanes  chinoises  et  thibétaines,  elles 
ne  seront  pas  détruites  pour  cela,  mais  vendues  au  peuple  au  béné- 
fice des  chefs  douaniers,  qui  deviennent  ainsi  ipso  facto  les  Instru- 
ments de  l'introduction  du  thé  indien  au  Tbibet.  A  la  contrebande  du 
thé  à  travers  la  frontière  succédera  le  commerce  libre.  Quand  les  con- 
sommateurs et  les  marchands  des  provinces  du  Ngaré  et  de  Oui  auront 
reconnu  que  pour  à  peu  près  le  prix  de  Ta-tsien-lou  ils  peuvent  se 
procurer,  à  portée  de  la  main,  la  même  sorte  de  thé  qu'ils  aiment,  et 
qu'ils  sont  forcés  d'aller  chercher  à  de  grandes  distances,  il  est  proba- 
ble qu'ils  afflueront  au  marché  le  plus  proche,  ^épargnant  ainsi  le 
coût  progressif  des  transports  qui  influe  dans  la  même  proportion  sur 
celui  de  la  marchandise.  Tout  d'abord,  une  longue  habitude  ne  peut 
manquer  de  subsister  et  de  prévaloir,  mais  cela  n'aura  qu'un  temps; 
aucun  préjugé  ne  pourra  se  maintenir  longtemps  devant  l'intérêt  parti- 
culier stimulé  par  le  besoin  du  thé.  Si  les  marchands  de  toile,  unissant 
leurs  efforts  à  ceux  des  planteurs,  pouvaient  offrir  aux  acheteurs  de 
thé,  des  toiles  de  coton  grossières  mais  fortes,  blanches  ou  teintes  en 
bleu  foncé  indigo,  celles-ci  en  plus  grande  quantité,  ils  trouveraient 
un  marché  abondant  pour  leurs  marchandises. 

Quant  au  prétendu  monopole  chinois,  les  remarques  suivantes  peu- 
vent élre  intéressantes:  Jusqu'à  présent  les  Chinois  gardent  entre 
leurs  mains  le  monopole  du  commerce  du  thé  avec  le  Thibet,  parée 
que  tout  ce  pays  est,  quoique  à  regret,  tributaire  et  en  grande  partie 
civilement  administré  par  Ja  Chine,  et  parce  que  jusqu'à  présent  au- 
cune tentative  de  sérieuse  concurrence  n'a  été  faite  ;  mais  il  n'est  pas 
vrai,  comme  Ta  dit  T.  Cooper,  que  les  mandarins  chinois  envoyés  au 
Thibet  et  les  lamas  retiennent  ce  monopole  dans  l'intérieur  du  pays. 


LE  THÉ  DE  L'iNDE.  495 

Quand  les  mandarins  chinois  chargés  de  la  solde  des  troupes  et  de 
eeUe  des  lamas  reçoivent  l'argent  qui  leur  est  alloué,  ils  dépensent 
généralement  à  leur  départ  de  Ta-tsien-Iou  l'argent  qui  leur  est  con- 
fié à  acheter  du  thé.  Ce  thé  est  transporté  aux  frais  dn  peuple  thibé- 
tain  comme  corvée,  et  donné  comme  solde  aux  soldats  et  même  aux 
lamas  au  prix  courant  de  l'intérieur,  selon  les  lieux.  Ce  thé  n'ayant 
rien  coûté  pour  le  transport  et  étant  d'un  prix  trois  ou  quatre  fois  plus 
élevé  qu'à  Ta-tsien-lou,  les  mandarins  réalisent  pour  eux-mêmes  des 
profits  considérables  auxquels  le  gouvernement  ne  participe  en  rien. 
C'est  une  spéculation  privée  et  non  officielle.  Les  couvents  bouddhistes 
du  Thibet  ayant  réussi  à  amasser  entre  leurs  mains  presque  toute  la 
richesse  publique,  sont  maintenant  les  plus  grands  commerçants  du 
pays,  mais  ne  sont  nullement  les  seuls  marchands  du  Thibet.  Outre  les 
caravanes  appartenant  aux  lamas,  depuis  le  DalaMama  jusqu'au  plus 
petit  couvent,  et  aux  particuliers  lamas,  on  rencontre  sur  toutes  les 
routes  du  Thibet  des  caravanes  appartenant  à  des  individus  privés  et 
laïques  faisant  le  commerce  pour  leur  propre  compte,  sans  être  obli- 
gés de  payer  aucun  droit  ni  redevance  aux  mandarins  chinois  ou  aux 
lamas  pour  le  commerce  qu'ils  font.  Quiconque  possède  de  l'argent, 
des  marchandises  et  des  moyens  de  transport  peut  venir  à  Ta-tsien- 
lou  acheter  des  marchands  chinois  autant  de  thé  qu'il  peut,  le  porter 
au  Thibet  partout  où  it  veut,  le  vendre  ou  l'échanger  comme  il  lui  plaît 
uns  rencontrer  sur  la  route  ni  péages  ni  douanes.  Aucune  restriction 
quelle  qu'elle  soit  La  liberté  du  commerce  (Free  trade)  est  la  règle 
ou  au  moins  la  coutume,  il  n'y  a  pas  d'exception  pour  le  commerce 
du  thé. 

Les  faits  étant  tels,  il  est  évident  que  le  monopole  chinois  sur  le  thé 
se  s'étend  pas  au  delà  de  Vintérieur  de  la  ville  frontière  de  Ta-tsien- 
lon.  Dès  que  le  thé  a  passé  par  les  portes  du  nord  et  du  sud  et  payé 
les  droits  de  douanes  de  sortie,  il  n'existe  plus  de  monopole  ni  chinois 
ai  Jamaïque.  Si  les  Chinois  et  lamas  apparaissent  de  nouveau  à  nos 
frontières,  c'est  par  crainte  de  la  concurrence  que  nous  pourrions  leur 
faire  et  principalement  à  cause  de  la  crainte  qu'ils  ont  que  si  le  com- 
merce de  thé  s'établissait  entre  l'Inde  et  le  Thibet,  le  peuple  ne  vienne 
à  reconnaître  et  à  désirer  la  loi  plus  éclairée  dont  l'Inde  jouit.  Ce  n'est 
ai  le  thé  chinois  ni  les  marchandises  diverses  qae  redoutent  les  Chi- 
nois et  les  lamas,  mais  les  Anglais  et  les  Européens.  Le  thé  et  les  au- 
tres richesses  ne  sont  qu'un  moyen  mis  en  usage  pour  maintenir  les 
Tbibétaina  sous  le  joug  des  Chinois  et  sous  celui  des  lamas. 

Quant  aux  antres  questions  qui  se  rattachent  au  sujet,  elles  trouvent 
leur  réponse  dans  le  paragraphe  intitulé  : 

«  Que  recevrons-nous  en  échange  dn  thé  de  l'Inde  ?  » 


496  MISELLANÉBS. 

Que  fait -on  de  la  minéralogie  du  Thibet  et  de  ses  mines  de  métaax 
précieux  ?  à  cet  égard,  l'appendice  du  volume  La  Mission  du  TkièH 
apprend  ce  qu'il  en  est  des  richesses  minérale 3  de  la  partie  orientale 
du  Thibet.  On  sait  du  reste  que  de  très  vastes  'placers  sont  actuellement 
exploités  dans  l'ouest  de  la  province  de  Ngaré.  Dans  la  ville  de  Ta- 
tsieu-lou  n'y  a-t-il  pas  5  ou  6  fonderies,  raffineries  et  usines  pour  la 
mise  en  lingots  de  la  poudre  d'or  ?  Le  voyage  du  comte  hongrois  Beia- 
Szechenyi  constate  l'abondance  de  ce  métal,  ce  qui  est  da  reste  attesté 
par  la  grande  quantité  d'ornements  dans  ies  temples  et  par  les  bijoux 
des  classes  élevées,  par  l'or  qui  brille  aux  rayons  du  soleil  au  faite 
des  pagodes.  L'argent  provenant  des  mines  thibétaines  n'est  pas  mous 
abondant  ;  façonné  en  lingots,  il  a,  comme  monnaie,  le  cours  le  pins  or- 
dinaire au  Thibet. 

Supposez  que  le  thé  soit  acheté  à  la  frontière  de  l'Inde,  les  fourra- 
res,  les  bois  de  cerf,  les  cornes,  les  laines,  les  tapis,  les  peaux  àe 
brebis  et  de  chèvres,  des  cuirs,  du  borax,  la  garance,  la  rhubarbe, les 
ponnies,  yaks,  moutons,  etc.,  etc.,  seront  aussi  pour  nous  matière  i 
échange  contre  notre  thé,  notre  coton,  nos  draps  fins,  coutellerie, 
•  armes,  télescopes,  etc.,  etc.,  et  nous  trouverons  un  grand  et  certain 
profit  à  échanger  ces  marchandises  pour  de  l'argent  et  de  l'or.  Ose 
dire  encore  ?  A  la  frontière  une  once  de  musc  se  paye  trois  on  quatre 
onces  au  plus  d'argent,  et  sera  revendue  à  Calcutta  on  en  Europe  avec 
un  énorme  bénéfice.  Il  en  sera  de  même  des  pelleteries;  une  belle 
peau  de  lynx  ou  de  léopard  peut  s'acheter  communément  de  trois  à 
quatre  roupies. 

L'auteur  ajoute  qu'il  ne  se  propose  pas  d'écrire  un  traité  complet 
sur  le  commerce  du  thé  au  Thibet,  et  encore  moins  d'entrer  dans  les 
considérations  que  comporte  cette  question,  il  se  contente  de  renvoyer 
le  lecteur,  curieux  de  plus  amples  et  de  plus  exactes  informations,  aux 
livres  suivants  : 

Voyages  d'un  pionnier  du  commerce,  par  T.  T.  Cooper;  —  ta  ft* 
vière  au  Sable  d'or,  du  capitaine  Gili,  —  celui  deC.  R.  Markham,  fifef 
Bogie  and  Menning,  —  Rapports  statistiques  du  commerce  indien,  — 
Voyages  en  Tarlarie  et  au  Thibet,  de  M.  Hue,  lazariste  français,  —  1* 
Mission  du  Thibet.  Est  à  signaler  aussi  une  brochure  de  188?  écrite  ea 
anglais  par  H.  Chos-Lcpper,  planteur  en  Assam  ;  «lie  a  pour  litre:  lit 
question  on  an  overland  Route  to  China  from  India,  via  Assam,  etc.  (Bts- 
cote  and  son  printers,  Starop  office  Hillstreet  ftiebemond).  Dans  la  se- 
conde partie,  pages  22  et  suivantes,  l'auteur  envisage  les  routes  te 
terre  à  créer,  au  point  de  vue  particulier  du  commerce  de  thé  et  apris 
avoir  fait  observer  que,  dans  les  plantations  d' Assam,  les  travailleurs 
ne  doivent  jamais  faire  défaut,  car  la  végétation  est  si  puissante  qae 


LE  TERRITOIRE  FRANÇAIS  ET  SES  VOIES  NAVIGABLES.     497 

les  jongles  reprendraient  aussitôt  possession  du  terrain,  et  les  capitaux 
énormes  engagés  seraient  totalement  perdus  ;  que  la  main-d'œuvre 
étant  devenue  très  rare,  il  est  temps  d'aviser  ;  l'auteur  indique,  comme 
unique  ressource,  l'introduction  dans  lAssara,  d'ouvriers  chinois  préci- 
sément par  ces  routes  en  projet  maigre  les  difficultés  physiques  et 
politiques  qu'elles  offrent.  Beaucoup  d'autres  volumes  encore  traitent 
des  mêmes  matières  et  démontrent  que  le  Thibet,  môme  tel  qu'il  est 
aujourd'hui,  n'est  pas  une  contrée  si  à  dédaigner  pour  les  affaires  com- 
merciales. —  Une  remarque  accessoire  qui  a  aussi  son  importance  au 
sujet  de  la  condition  de  dépendance  administrative  dans  laquelle  se 
trouve  le  peuple  tbibétain  est  :  que  s'il  était  affranchi  des  taxes  arbi- 
traires et  oppressives,  et  délivré  d'une  détestable  et  tyrannique  admi- 
nistration, il  verrait  son  bien-être  s'améliorer  et  par  suite  son  com- 
merce intérieur  et  extérieur  ne  pourrait  qu'en  profiter. 

Que  te  commerce  tbibétain,  même  sous  le  rapport  du  thé,  ne  puisse 
être  mis  en  comparaison  avec  le  commerce  européen,  indien  ou  chi- 
nois, cela  est  de  toute  évidence,  mais  dans  son  état  actuel  il  n'est  pas 
insignifiant,  dit  en  terminant  l'auteur  de  la  brochure,  et  jetant  de  nou- 
veau un  coup  d'oeil  d'ensemble  sur  son  travail,  il  résume,  pour  ainsi 
dire,  m  pensée  en  ces  termes  :  «  Si  nous  désirons  attirer  ce  commerce 
sur  nos  marchés,  cela  n'aura  lieu  qu'en  offrant  à  ceux  que  nous  voulons 
nous  attacher  comme  clients,  les  choses  dont  ils  ont  le  plus  besoin, 
c'est-à-dire  un  thé  préparé  de  manière  à  satisfaire  leur  goût,  et  dont  le 
prix  soit  en  rapport  avec  leurs  moyens  ;  mais  il  ne  faut  pas  perdre  de 
vue,  quand  on  en  viendra  à  mettre  en  pratique  les  considérations  sug- 
gérées dans  les  pages  ci -dessus  qu'il  faudra  y  consacrer  du  travail  et 
compter  avec  le  temps,  et  qu'avant  toutes  choses  il  est  essentiel  de  ne 
pas  apporter  sur  le  marché  un  thé  qui  n'aurait  pas  toutes  les  condi- 
tions requises,  car  il  ne  trouverait  aucun  acheteur,  et  ne  serait  surtout 
pour  les  planteurs  qu'une  cause  de  pertes,  ce  qui  aurait  pour  résultat 
de  faire  juger  défavorablement  par  les  Thibétains  le  thé  de  l'Inde  et  de 
justifier  ou  de  faire  naître  un  préjugé  contre  lui. 

Nancy,  24  août  1883.  Desqodins. 


Le  Territoire  français  et  ses  voies  navigables. 

Le  Bulletin  de  statistique,  publié  par  le  ministère  des  finances, 
donne  les  renseignements  suivants  :  le  territoire  français  est  de 
528,572  (f)  kilomètres  carrés,  c'est-à-dire  52,857,200  hectares  sur 

(')  Chiffre  in  dinué  par  le  Journal  La  Nature.  Reclus  ne  donne  que  518,830  ;  M.  E.  Le- 
▼awour,  d'après  l'annuaire  du  Bureau  des  longitudes,  porte  523,401;  sans  doute  11  y 


498  MISCELLANÊES. 

lesquels  2,822,000  sont  occupés  par  les  villes  et  villages,  les  voies 
de  communication  ou  les  cours  d'eau.  Un  sixième  de  la-  surface  de 
la  France,  près  de  8  millions  et  demi  d'hectares,  est  en  bois.  Pins  d'un 
huitième  encore  est  composé  de  landes,  de  pâtis  ou  de  terres  vagues. 
Le  onzième  environ  est  en  prés  et  en  herbages.  Un  pen  moins  du 
vingtième  (2,320,533  hectares)  est  planté  de  vignes.  Environ  1  et  demi 
pour  100,  soit  en  chiffres  ronds  696,000  hectares,  est  en  terrains  de 
qualité  supérieure,  tels  que  vergers,  chénevières  et  jardins.  La  pro- 
portion des  espaces  occupés  par  les  landes  on  terres  incultes  est  ea- 
core  considérable  ;  cette  proportion  a  toutefois  diminué,  depuis  une 
cinquantaine  d'années,  d'un  million  et  demi  d'hectares,  ce  qui  repré- 
sente la  surface  moyenne  de  deux  départements. 

D'autre  part,  d'après  une  statistique  qui  vient  d'être  dressée  par  U 
direction  des  routes,  de  la  navigation  et  des  mines,  la  longueur  totale 
des  rivières,  ainsi  que  des  canaux,  s'élève,  en  France,  à  16,264  kilo- 
mètres 600  mètres. 

Les  bassins  de  la  Loire  et  de  la  Garonne  sont  ceux  qui  comptent  le 
plus  de  rivières  navigables.  Pour  les  canaux,  c'est  le  bassin  de  laSewe 
qni  vient  en  première  ligne. 

On  relève  37  départements  où  il  n'existe  pas  un  seul  canal  de  navi- 
gation, et  9  départements  qui  n'ont  ni  rivière  flottable  ou  navigable, 
ni  canaux  de  navigation.  Ces  neuf  départements  sont  :  le  Cantal,  h 
Corse,  la  Creuse,  Eure-et-Loir,  la  Lozère,  l'Orne,  les  Pyrénées-Orien- 
tales, le  Yar  et  la  Haute- Vienne. 

La  longueur  totale  des  rivières  navigables  de  France  est  évaluée  à 
8,545  kilomètres  800  mètres  ;  mais  il  existe  certaines  portions  de  ees 
rivières  où  la  navigation  est  purement  nominale  et  que  la  batellerie  a 
cessé  d'exploiter. 

Les  travaux  d'amélioration  des  rivières  effectués  dans  ces  dernières 
années  s'élèvent  à  129,166,900  francs;  il  a  été  exécuté  pour  3,243,540 
francs  de  ces  travaux  pendant  le  premier  trimestre  de  Tannée  coa- 
rante. 


a  une  erreur  d'impression  au  chiffre  donné  par  Reclus  aux  disaines  de  mille,  es* 
les  différences  d'estimation  auxquelles  pré  tu  ut  les  surfaces  non  cadastrées  dans  &w 
départements,  ne  peuvent  varier  dans  une  marge  aussi  large.  Ou  trouve  également, 
dans  le  Dictionnaire  de  Larousse,  le  chiffre  de  515,777,  pins  faible  encore  q*el« 
autres. 


499 
NOTES  SUR  L'EXPÉDITION  DE  MADAGASCAR 

par  BONAPARTE,  premier  consul. 

(  Pièce  inédite  Urée  des  minutes  des  Archives  nationales, 

carton  3325-1173.) 

•  Une  fois  l'expédition  de  l'Inde  partie,  il  faudrait  faire  trois  expédi- 
tions :  nne  ponr  le  fort  Dauphin  et  pour  le  fort  Sainte-Luce,  commandée 
par  le  même  général. 

■  Cette  expédition  devrait  porter  300  hommes  de  troupes  blanches, 
une  compagnie  de  troupes  noires,  composée  de  100  hommes  et  de 
400  déportés  sans  armes,  qu'on  enverrait  pour  travailler  et  qui  servi- 
raient de  colons,  ce  qui  formerait  un  total  de  800  hommes  ;  8  pièces 
4e  eanoo,  des  outils  à  pionniers,  quelques  charrues,  outils,  etc.,  et  une 
cinquantaine  de  harnais  de  cavalerie.  Il  y  aurait  un  général  de  biigade 
commandant,  un  administrateur  et  quatre  chefs  ouvriers  munis  de  tous 
les  outils  nécessaires.  Le  total  ne  formant  pas  plus  de  900  hommes 
pourrait  être  porté  par  trois  frégates.  Chaque  frégate  débarquerait  deux 
pièces  de  18  pour  armer  le  fort  Dauphin  du  coté  de  la  mer. 

•  Un  des  plus  pressants  besoins  de  la  République  est  de  s'occuper 
d'un  point  où  Ton  puisse  déporter  de  Saint-Domingue,  de  la  Martinique, 
de  la  Guadeloupe,  des  lies  de  France,  de  la  Réunion  tous  les  noirs  et 
hommes  de  couleur  dont  on  ne  saurait  que  faire.  Aucun  endroit  ne 
parait  pins  favorable  ponr  cet  objet  que  Madagascar. 

1 11  est  également  urgent  d'avoir  un  lieu  où  l'on  puisse  déporter 
cette  foule  de  brigands  qui  infestent  le  Midi  et  l'Ouest  et  qui  encom- 
brent nos  maisons  de  réclusion.  Madagascar  parait  encore  le  lieu  le 
favorable. 

■  Voici  comment  l'opération  pourrait  se  faire  : 

•  Diviser  l'Ile  de  Madagascar  en  deux  :  le  nord,  ayant  le  point  d'appui 
sur  la  baie  D'Antongil  ou  de  Foulpointe,  pourrait  recevoir  tous  les  dé- 
portés noirs  ;  i  cet  effet,  on  ferait  partir  de  France,  dans  le  courant  de 
l'hiver,  quatre  frégates  qui  porteraient  600  hommes  de  troupes  ;  400 
Français  et  200  Polonais  on  déserteurs  étrangers  :  ils  iraient  prendre 
possession  dudit  établissement  et  y  construire  un  fort.  On  embarque- 
rait en  même  temps  200  ou  300  noirs  pour  ladite  destination,  ils  nous 
embarrassent  en  France;  on  donnerait  des  ordres  dans  toutes  les  co- 
lonies pour  que  l'on  ait  à  diriger  sur  ce  point  tous  les  noirs  à  dépor- 
ter, qui  compromettent  la  tranquillité  des  colonies. 

«  Dans  le  fort  ou  redoute  que  l'on  construirait,  on  ne  laisserait  entrer 
ni  noirs  ni  déportés  ;  artillerie,  magasins  se  trouveraient  toujours  à  la 
disposition  du  commandant.  On  établirait  le  plus  possible,  les  cases 


500  MISGELLANÉES. 

des  colons  sous  1c  canon  et  la  domination  du  fort.  On  ne  leur  permet- 
trait Jamais  aucune  arme,  et  on  les  obligerait  à  travailler. 

«  Il  faudrait  faire  partir  une  seconde  expédition  de  blancs  qui  iraa 
prendre  possession  du  fort  Dauphin  et  reconstruire  ce  fort,  et  l'on  ferai 
incessamment  partir  de  tous  les  points  de  la  France,  sur  de  simples 
bâtiments  de  commerce  et  par  tontes  les  occasions,  les  brigrands  et 
vagabonds  dont  on  aurait  à  se  défaire.  •  P.  Guyot. 


EXPÉDITION  ARCTIQUE  DU  «  VARNA  » 

V Indépendance  belge  publie  le  résumé  do  voyage  fait  an  pôle  Hort 
par  l'expédition  hollandaise  du  Varna,  dont  les  membres  Tiennent  de 
rentrer  en  Europe. 

Au  mois  d'août  de  Tannée  dernière,  peu  après  que  le  Tapeur  aile- 
mand  Louise  eut  quitté  le  Tapeur  hollandais  Varna,  ce  dernier  se 
trouva  pris  entre  les  glaces  et  essaya  en  Tain  de  se  dégager. 

Le  navire  erra  dans  sa  prison  mouvante  entre  le  70°  degré  IstUode 
nord  et  le  63e  degré  longitude  est.  Gela  dura  plusieurs  semaines.  Ka 
septembre,  un  vapeur  Tenant  du  Danemark,  la  Dymphna,  aperçut  le 
Varna  et  voulut  lui  porter  secours,  mais  à  son  tour  le  steamer  danois, 
en  pénétrant  dans  la  banquise  y  resta  pris,  et  bientôt  les  glaces  se 
consolidèrent  autour  des  deux  navires. 

Les  navigateurs  flrent  plusieurs  tentatives  pour  atteindre  la  terre, 
mais  elles  restèrent  infructueuses.  Aussi  finirent-ils  par  se  décider  à 
construire  un  observatoire  sur  la  glace  même. 

Au  commencement  d'octobre,  la  situation  s'aggrava.  Les  blocs  de 
glace  s'amoncelaient,  d'horribles  craquements  se  faisaient  entendre  et 
l'équipage,  effrayé,  dut  quitter  le  navire  et  se  réfugier  sur  les  monta- 
gnes de  glace  qui  s'entassaient  autour  du  bflliment. 

Mais  voici  mieux,  ou  plutôt  voici  pis:  à  un  moment  donné,  d'énormes 
crevasses  se  produisirent  sur  la  surface  de  la  mer  gelée  :  les  explora- 
teurs durent  reculer  devant  les  abîmes  qui  s'entr'ouvraient,  et  ils  ne 
tardèrent  pas  à  être  complètement  séparés  de  leur  navire. 

Huit  Jours  plus  tard,  heureusement,  les  crevasses  se  comblèrent  4e 
glaçons  nouveaux,  l'équipage  du  Varna  put  regagner  le  navire  et  re- 
monter à  bord,  et  les  observations  scientiûques  purent  être  reprise*,  \ 
conformément  aux  prescriptions  internationales.  (Dans  le  courant  de  i 
l'année  dernière,  tous  les  États  maritimes  s'étaient  entendus  aflnée  < 
procéder,  d'après  un  plan  commun  arrêté  d'avance,  pour  rcxploraiio&  ' 
des  pèles  boréal  et  austral.)  : 

Ces  travaux  furent  continués  avec  succès  jusqu'à  la  veille  de  Sod.  j 


UN  CANAL  MARITIME  EN  PALESTINE.  501 

C'est  ce  jour-là  que  la  catastrophe  finale  devait  se  produire.  Les  ban- 
quises se  mirent  tout  à  coup  en  mouvement,  avec  des  entrechoque- 
menis  énormes  -  qui  donnaient  l'illusion  d'explosions  successives;  à 
chaque  instant  quelque  bloc  colossal  venait  défoncer  le  navire,  et 
bientôt  le  Varna  se  trouva  complètement  broyé  par  les  masses  de  gla- 
çons. 

L'équipage,  mis  sur  le  qui-vive  dès  la  veille  par  cet  effrayant  remue- 
ménage,  avait  quitté  le  bord  dans  la  nuit,  emportant  les  instruments 
scientifiques,  les  documents,  les  canots,  les  traîneaux  et  les  chiens. 
Les  explorateurs  réussirent  à  gagner  le  vapeur  danois  Dymphna,  le- 
quel, plus  solidement  construit,  avait  pu  résister  au  choc  des  glaces. 
Les  observations  scientifiques  furent  continuées  à  bord  du  vapeur  da- 
nois jusqu'au  25  janvier,  date  à  laquelle  le  thermomètre  descendit  à 
8j"  Fahrenheit. 

Au  commencement  d'avril,  les  glaces  commencèrent  à  fondre.  L'eau 
apparaissait  et  une  température  tiède  succédait  au  froid  iLtense  du 
mois  précédent.  Le  24  juillet,  les  glaces  qui  soutenaient  les  restes  du 
Varna  fondirent  complètement  et  le  navire  écrasé  s'abîma  dans  les 
flots. 

Comme  le  Dymphna  avait  Tordre  de  passer  un  second  hiver  dans  la 
mer  polaire,  les  Hollandais  quittèrent  leurs  hôtes  le  l#r  août,  et,  à  l'aide 
de  bateaux  et  de  traîneaux,  la  caravane  se  dirigea  vers  la  terre,  en 
évitant  les  bancs  de  glaces  qui  parsemaient  encore  la  mer.  Le  voyage 
dura  trois  semaines,  au  bout  desquelles  on  atteignit  File  de  Waigatz. 
C'est  là  que  les  trois  navires  Louise,  Nordenskjôldet  Obi,  qui  cher- 
chaient le  Varna,  rencontrèrent  les  explorateurs.  Le  navire  Louise  les 
prit  à  bord,  mais  dans  ies  glaces  son  hélice  se  brisa  et  le  Nordenskjôld 
dut  le  remorquer. 

Quant  à  Y  Obi,  il  prit  les  devants  pour  annoncer  à  l'Europe  la  bonne 
aouvelle  de  la  découverte  de  l'équipage.  Bonne  et  grande  nouvelle,  en 
effet,  car,  malgré  la  destruction  du  Varna,  cette  expédition  n'aura  pas 
coûté  la  vie  à  on  seul  homme,  et  le  matériel  scientifique,  collections, 
procès-verbaux,  observations,  tout  a  été  sauvé. 


UN  CANAL  MARITIME  EN  PALESTINE 

On  a  fait  récemment  quelque  bruit  dans  la  presse  anglaise  autour  du 
projet,  conçu  par  M.  Inglefleld,  de  relier  la  mer  Morte,  à  la  Méditerranée 
et  à  la  mer  Rouge  par  un  canal  maritime.  Nous  avions  cru  tout  d'abord 
à  nnpuff,  ou  autrement  dit,  à  une  plaisanterie.  Si  invraisemblable  que 


502  MI8CELLANÉBS. 

cela  paraisse,  ie  projet  existe  réellement,  puisque  la  Revue  britannique 
le  combat,  et  voici  dans  quels  termes  : 

«  C'est  le  Times,  à  ce  qu'il  parait,  qui  aeo  l'idée  dq  cette  entreprise 
abracadabrante.  Il  ne  s'agirait  de  rien  moins  que  d'amener  les  eaux  de 
ia  mer  dans  le  Jourdain  par  une  saignée  de  200  pieds  de  largeur  sir 
40  de  profondeur,  qui  partirait  de  la  baie  de  Saint-Jean-d'Acre,  et  de 
rejoindre  la  mer  Morte  et  la  mer  Rouge  par  un  autre  canal  de  20  milles 
de  longueur.  On  se  demande  quel  est  le  visionnaire  qui  a  pu  rérer 
quelque  chose  d'aussi  stupendous,  car  on  sait,  en  France  du  moins, 
que  le  niveau  de  la  mer  Morte  est  de  100  mètres  inférieur  à  celai  de 
la  Méditerranée  et  de  la  mer  Rouge  ;  que  le  barrage  qui  la  sépare  de 
cette  dernière  a  300  mètres  de  hauteur,  et  que  Jérusalem  elle-même 
est  située  à  800  mètres  au-dessus  de  la  Méditerranée. 

«  Donc,  à  supposer  que  Ton  pût  amener  les  eaux  de  la  Méditerranée 
et  de  la  mer  Rouge,  à  l'aide  de  junnels,  i  travers  ces  massifs  monta* 
gneux,  elles  se  précipiteraient  dans  ia  mer  Morte  d'une  hauteur  de 
400  mètres,  et  ce  serait  assurément  un  magnifique  spectacle.  Mi 
réussirait-on  avec  ces  deux  prises  d'eau  à  combler  la  mer  Morte,  que 
les  eaux  du  Jourdain  ne  réussiraient  pas  à  maintenir,  si  les  siennes 
n'étaient  saturées  de  sels  qui  en  préviennent  l'évaporaUou  totale  t  As* 
sûrement  non  et  ce  serait  tout  au  plus  si  elles  parviendraient  a  en  élerer 
le  niveau  de  quelques  mètres.  11  faudrait  donc  des  prises  d'eau  extrê- 
mement considérables  pour  remplir  d'eau  salée  la  vallée  du  Jourdain 
et  faire  disparaître  le  lac  de  Nazareth.  Les  associations  chrétiennes  de 
la  Terre  sainte  peuvent  donc  se  rassurer;  il  n'y  a  aucun  danger  qu'on 
rende  Jamais  méconnaissables  les  saints  lieux  qui  furent  le  berceau 
d'uue  religion  comptant  460,000,000  d'adhérents,  et  Jérusalem  n  »t 
pas  prés  de  devenir  uu  port  de  mer.  • 

Nous  pensons,  avec  la  Revue  britannique,  que  si  ce  projet  est  de»uoé 
à  ruiner  le  canal  de  Suez,  M.  de  Lesseps  peut  dormir  tranquille. 

CM. 


] 


NOUVELLES  GEOGRAPHIQUES 


COLONIES  FRANÇAISES. 

Nouvelle-Calédonie.  —  Le  dernier  courrier  de  la  Nouvelle-Calédonie 
nous  apporte  l'intéressante  information  qui  suit  : 

Dans  nne  de  ses  récentes  tournées,  l'aviso  le  Bruat,  commandé  par 
il.  le  lieutenant  de  vaisseau, Bé nier,  avait  retrouvé  à  Vanikoro  une 
ancre  qui  avait  été  abandonnée  par  l'expédition  de  l'infortuné  Lapé- 
rouse.  Malheureusement  le  vent,  les  courants  et  des  moyens  d'action 
iaso  disants  ne  permirent  pas  de  la  prendre  à  bord  du  Brual  et  on  dut 
se  contenter  d'en  marquer  exactement  la  place. 

Lors  des  dernières  nouvelles  dont  nous  parlons,  \e3ruat  allait  repartir 
pour  chercher  ce  précieux  souvenir.  Son  capitaine  devait  aussi  choisir 
à  terre  on  emplacement  propice  pour  y  construire  un  monument  à  la 
mémoire  de  nos  infortunés  compatriotes,  Lapérouse  et  ses  compagnons. 
Gelai  qui  avait  été  élevé  par  D union t  d'Urville  en  1828  sur  un  Ilot  de 
corail,  au  ras  de  la  mer,  a  été  complètement  détruit. 

M.  le  lieutenant  de  vaisseau  Bénier  est  de  Nancy. 

C'est  également  un  Nancéien,  M.  le  lieutenant  de  vaisseau  Winter, 
qnl  vient  d'être  nommé  résident  aux  lies  Marquises. 

Sons  extrayons  d'une  lettre  écrite  de  Nouméa  au  Petit  Marseillais,  à 
la  date  du  12  août,  les  détails  suivants  : 

11  nous  arrive  en  ce  momeut  par  notre  croiseur  le  Bruat  des  rensei- 
gnements intéressants  des  Nouvelles-Hébrides. 

Le  Bruat  avait  été  envoyé  par  notre  gouverneur  à  Vanikoro  pour 
(aire  des  recherches  sur  les  restes  de  l'expédition  de  Lapérouse. 

On  sait  en  effet  que  c'est  dans  cette  lie  que  notre  grand  navigateur 
est  tombé  sous  les  coups  des  sauvages  à  la  suite  du  naufrage  de  son 
bâtiment,  Y  Astrolabe.  Le  commandant  du  Bruat,  M.  Bénier,  a  réussi,  à 
force  de  patience  et  d'habileté,  i  rapporter  de  l'endroit  même  du  nau- 
frage, trois  ancres,  trois  canons,  qui  portent  encore  la  date  de  leur 
fabrication,  et  un  corps  de  pompe. 

Cea  débris  seront  reçus  demain  13  août,  en  grande  solennité  à  Nou- 
méa et  envoyés  de  là  à  notre  musée  national  de  la  marine. 

Le  Bruat  a  rapporté  en  même  temps  la  nouvelle  du  massacre  par 
les  Canaqoes  d'Ambryen  (Nouvelles-Hébrides),  d'un  capitaine  de  goé- 
lette anglaise  qui  faisait  le  recrutement  des  travailleurs  pour  le  Queens- 
land. 

Le  Dark,  aviso  de  guerre  anglais,  stationné  dans  ces  parages,  a  tenté 


504  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES.  { 

d'exercer  des  représailles;  mais  la  compagnie  de  débarquement  n'a  pu  ! 
Joindre  les  Canaques,  ce  qui  ne  Ta  pas  empêchée  d'avoir  deux  homme*  , 
grièvement  blessés.  L'un  d'eux  doit  être  mort  aujourd'hui  ;  le  second 
a  été  rapporté  à  l'hôpital  de  Nouméa  par  le  Bruat. 

Les  Nouvelles -Hébrides  ne  cessent  d'être  visitées  par  un  grand 
nombre  de  bateaux  anglais,  qui  font  le  recrutement  des  travailleurs  pour 
les  colonies  australiennes  et  les  Fidji,  pendant  que  nous,  les  plus  pro- 
ches voisins  de  ces  Iles,  qui  peuvent  être  regardées  comme  des  dé- 
pendances de  la  Calédonie,  sommes  privés  de  tout  travailleur.  C'est  à  ; 
leur  instigation,  comme  toujours,  que  cette  désastreuse  mesure  de  la  , 
suppression  de  l'immigration  a  été  prise  a  notre  égard  et  ce  sont  eut 
qui  en  profitent  le  plus  ;  ils  se  sont  fait  de  la  sorte  un  monopole  à  notre  ! 
détriment. 

La  Nouvelle-Calédonie  se  trouve  ainsi  dans  un  état  de  crise  aigiré, 
Nous  n'avons  de  bras  ni  pour  nos  mines,  ni  pour  nos  cultures,  car  fl 
est  même  impossible  de  songer  à  demander  un  travail  quelconque  soi 
indigènes.  Nous  avons  la  main-d'œuvre  à  deux  pas,  et  le  Gouvernement 
nous  la  retire  pour  la  plus  grande  gloire  et  ie  plus  pur  profit  de  dos 
voisins  les  Anglais.  Quand  donc  nos  justes  réclamations  trouveront*  : 
elles  un  écho  dans  la  mère  patrie? 

L'immigration  est  notre  salut,  et  on  nous  l'interdit  ! 

Limite  des  possessions  françaises  en  Sénégambie.  —  Les  membres  : 
de  la  première  section  de  la  Société  de  géographie  commerciale  vien- 
nent d'envoyer  à  M.  Gasconi,  député  du  Sénégal,  une  protestation  au 
sujet  de  la  convention  approuvée  par  le  Sénat  et  relative  à  la  délimi- 
tation des  possessions  anglaises  et  françaises  sur  la  côte  occidentale  ! 
d'Afrique.  Cette  protestation  est  basée  sur  la  défectuosité  de  la  délimi-  j 
tation  et  sur  l'ambiguïté  des  termes,  en  ce  qui  concerne  la  Grande-  1 
Bretagne.  La  délimitation  approuvée  par  le  Sénat  donnerait  à  nos  voi-  \ 
sins  presque  tout  le  Foutah-Djallon,  sur  lequel  nous  avons  un  droit  de 
protectorat.  En  outre,  l'abandon  des  lies  de  Loos,  situées  devant  nos 
territoires,  laisserait  aux  Anglais  non  seulement  une  place  forte  ea 
face  de  nos  côtes,  mais  serait  un  foyer  de  contrebande  désastreux  poar 
les  produits  français.  L'Angleterre  s'est  fait  la  part  la  plus  belle;  elle 
ne  nous  donne  rien  et  empiète  sur  les  régions  occupées  depuis  tria 
longtemps  par  les  commerçants  français.  La  déDmitation  proposée  con- 
sisterait en  un  parallèle  tracé  du  point  indiqué  dans  le  projet,  c'est-*- 
dire  passant  à  peu  près  par  le  9e  degré  de  latitude  nord  et  sauvegar- 
derait ainsi  non  seulement  le  Foutab,  mais  encore  les  sources  da 
Niger,  dons  nous  occupons  déjà  un  centre  important  ,Bamakou. 

(V Exploration  J 


605 

EUROPE. 

le  tunnel  de  l'Arlberg.  —  Dans  an  an  an  plus  tard,  le  tunnel  de 
fArlberg,  auquel  on  travaille  depuis  1880,  sera  ouvert  à  travers  les 
Alpes  suisses,  il  aura  une  longueur  totale  de  10,270  mètres.  Contrai- 
rement à  celui  dn  Saint-Gothard  qui  a  été  percé  du  nord  au  sud  et  à 
l'eacontre  des  intérêts  français,  le  tunnel  de  l'Arlberg,  percé  de  l'ouest 
à  Test,  facilitera  les  communications  de  la  France  avec  les  contrées 
agricoles  de  l'Autriche-Hongrie,  et  Ton  dit  que  déjà  le  gouvernement 
aostro-nongrois  discute  les  nouveaux  tarifs  entre  les  chemins  de  fer 
suisses  et  français  et  ceux  du  sud  de  l'Autriche  et  de  la  Hongrie.  Il  se 
pourrait  que  les  blés  et  les  vins  austro-hongrois  de  la  récolte  de  1884 
prissent  cette  voie,  et  qu'à  notre  tour  nous  augmentassions  par  cette 
route  le  montant  de  nos  envois  vers  l'Autriche-Hongrie. 

Angleterre  et  Portugal.  —  11  se  confirme  que  le  Portugal  aurait 
offert  A  l'Angleterre,  en  échange  de  sa  reconnaissance  définitive  des 
droits  dn  gouvernement  portugais  sur  les  territoires  de  Gabinda  et  de 
Xolembo  et  de  la  régularisation  finale  de  la  situation  au  Congo,  la  ces- 
sion du  fort  de  San-Joào  de  AJuda  sur  la  côte  de  Dahomey. 

Ii  ne  nous  appartient  pas  de  qualifier  la  conduite  de  l'Angleterre  vis- 
à-vîg  d'un  faible,  ni  la  lenteur  qu'elle  met  à  reconnaître  que  ce  qui 
appartient  au  Portugal  est  bien  à  lui.  Hais  voici  où  la  situation  se  com- 
plique :  le  roi  de  Dahomey,  qui  ne  se  soucie  nullement  d'avoir  les 
Anglais  pour  voisins,  a  sommé  le  commandant  portugais  d'Ajuda  de 
déclarer,  dans  les  soixante  Jours,  comme  non  fondés  tous  les  bruits  de 
cession  de  la  forteresse  à  l'Angleterre,  sous  peine  d'extermination  de 
tous  les  Européens  habitant  son  royaume. 

Canal  entre  la  Méditerranée  et  l'Océan.  —  Le  projet  de  relier 
rocéan  et  la  Méditerranée  par  un  canal  vient  d'entrer  dans  une  nou- 
velle phase.  Un  nouveau  comité  vient  de  se  former  en  vue  de  pour- 
suivre sa  mise  à  exécution. 

Ce  comité,  dans  lequel  on  remarque  les  noms  de  MM.  Constans, 
fiuclerc,  Hersent,  entrepreneur  du  canal  de  Panama,  et  plusieurs  cons- 
tructeurs ou  ingénieurs,  tels  que  MM.  Bord,  Effell,  Kœchlin-Schwartz, 
Terstreit,  est  décidé  à  réaliser  la  construction  du  canal  de  Bordeaux 
ou  (TArcachon  à  Narbonne,  avec  ou  sans  le  concours  du  Gouvernement. 
300,000  fr.  vont  être  consacrés  à  l'étude  du  tracé  et  aux  travaux  pré- 
paratoires. M.  Constans  se  propose  de  faire,  au  mois  de  septembre, 
«ne  série  de  conférences  en  faveur  du  canal,  dans  la  Haute-Garonne, 
l'Aude,  l'Hérault.  Les  membres  dn  comité  d'études  se  proposent  de 
mener  leur  propagande  pour  le  canal  avec  la  plus  grande  activité. 

•OC.  DB  eftOOB.  —  3e  TBIMMTRI  1883.  33 


506  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Nouvelles  du  •  Talisman  ».  —  Dans  la  séance  du  16  juillet  dernier, 
M.  Gaudry  a  communiqué  à  l'Académie  des  sciences  les  lettres  qu'A  t 
reçues  de  MM.  le  Dr  Fischer  et  Alphonse  H  Une  Edwards,  tous  deux 
membres  de  la  mission  scient iflque  à  bord  du  Talisman,  navire  qui, 
on  le  sait,  a  remplacé  le  Travailleur  pour  Pétnde  du  fond  de  l'Océan  \l). 
Ces  lettres  sont  datées  de  Santa-Cruz  de  Ténériffe,  le  29  juin  dernier. 
Depuis  le  départ  de  Rocbefort,  la  navigation  avait  été  fort  bonne.  Le 
matériel  scientiûque  a  rendu  les  services  les  plus  signalés  et  Ton  a 
jugera  quand  on  saura  que  les  dragues  ont  rapporté  de  1,000  métrés 
de  profondeur  des  blocs  de  roches  dont  quelques-uns  pèsent  jusqu'à 
100  kilogr.  Les  chaluts  ont  donné  des  récoltes  zoologiques  immenses. 
Les  crustacés  par  leurs  formes  rappellent,  pour  une  part,  la  tanne 
caractéristique  de  la  mer  des  Antilles.  Des  poissons  étranges,  munis 
d'organes  lumineux,  ont  été  ramenés  des  grandes  profondeurs.  Des 
crinoldes,  des  astéries,  des  holothuries  étonnantes,  des  éponges  innom- 
brables, sont  recueillies  à  pleines  dragues.  Les  mollusques  montrent, 
outre  des  espèces  nouvelles,  un  mélange  inattendu  de  formes  afri- 
caines avec  des  formes  méditerranéennes  et  des  formes  polaires:  il  ea 
résultera  des  révélations,  au  double  point  de  vue  de  la  géographie 
zoologique  et  de  la  paléontologie. 

Congrès  géodésique.  —  Le  1 5  octobre,  se  réunira  à  Rome  un  congrès 
géodésique  ayant  pour  but  de  choisir  une  heure  commune  pour  les  re- 
lations internationales. 

Ce  congrès  est  organisé  par  une  association  de  savants,  fondée  en 
1861,  et  ayant  pour  but  d'étudier  et  de  coordonner  les  grandes  opé- 
rations géodésiques  et  astronomiques,  ainsi  que  celles  de  la  géographie 
physique  supérieure.  Des  réunions  ont  déjà  eu  Heu  à  Berlin  (1364»  ;  à 
iNeuchàtel  (1867),  à  Vienne  (1873),  à  Dresde  (1874),  à  Stuttgart  (1877) 
et  à  Munich  (1880).  Le  congrès  de  Rome  sera  présidé  par  le  colonel 
Ferrero.  Un  grand  nombre  de  savants  et  d'officiers  supérieurs  des  divers 
États  de  l'Europe  prendront  part  aux  travaux. 

* 

Il  est  question  de  créer  prochainement  à  Paris  un  Institut  colonial, 

sur  le  modèle  des  instituts  anglais  et  hollandais.  | 

Dans  cet  établissement,  placé  sous  l'autorité  du  sous-secrétaire  d'Etat  ' 

aux  colonies,  il  y  aurait,  à  côté  de  chaires  où  Ton  enseignerait  le  ' 

idiomes  de  l'extrême  Orient,  un  enseignement  technique  capable  de  ' 

former  pour  les  colonies  de  la  République  un  personnel  instruit  et  \ 

éclairé.  ' 


(  )  Voir  •  Bullet'n  du  l«  trineUre,  p.  254. 


ASIE.  507 

Une  grande  place  serait  donnée  aux  questions  de  traraox  publics  et 
de  commerce  dans  cet  enseignement,  qui  serait  professé  par  des  ingé- 
nieurs de  l'État. 


ASIE. 

Le  lac  Balkasch.  —  La  navigation  à  vapeur  Tient  de  faire  son  appa- 
rition dans  l'Asie  centrale.  MM.  Paklevsky  et  Youldaschew,  négociants 
sibériens',  dans  le  but  de  profiter  du  lac  Balkasch  et  du  fleuve  Ili 
comme  voie  commerciale  pour  les  marchandises  russes  à  destination 
de  Djarkent  et  de  Kouldja,  ont  lancé  sur  les  eaux  du  lac  an  bateau  à 
vapeur  qui  a  été  baptisé  Kolpakovsky,  du  nom  du  gouverneur  général 
actuel  de  la  steppe.  Cet  événement  a  eu  lieu  a  la  fin  d'avril  de  Tannée 
eoarante. 

Ascensions  dans  l'Himalaya.  — .  Un  alpiniste  très  connu,  M.  Grabam, 
parti  avec  des  guides  suisses  pour  le  pays  de  Sikklm,  dans  l'Himalaya, 
où  il  se  proposait  de  faire  l'ascension  du  Kinchinjunka  dont  la  hauteur 
au-dessus  de  la  mer  est  d'environ  28,000  pieds,  a  déjà  fait  un  certain 
nombre  d'excursions  dont  il  a  envoyé  à  ses  amis  une  relation.  Le  Times 
publie  l'extrait  suivant  de  ce  récit  : 

Du  camp  sont  Nanda-Devl  (14,000  pieds),  le  2S  Juillet  1888. 

Sous  avons  quitté  la  vallée  de  Nynce  le  24  juin  et  atteint  Rini,  au 
pied  dn  pic,  en  douze  jours.  Très  peu  d'agrément  et  beaucoup  de  pluie. 
C'est  à  Rini  que  nos  difficultés  ont  commencé.  D'abord  il  était  impos- 
sible d'atteindre  les  montagnes  voisines  sans  traverser  des  failles  im- 
menses au  fond  desquelles  grondaient  d'énormes  torrents.  Aussi  nous 
a-t-H  fallu  faire  une  série  d'ascensions  préliminaires  pour  atteindre 
les  plus  hauts  pics.  Nous  avons  attaqué  d'abord  le  Dunagiri,  haut  de 
23.184  pieds.  Après  avoir  escaladé  des  pics  de  17,000  à  18,000  pieds, 
nons  sommes  arrivés  le  cinquième  Jonr  au  pied  de  la  montagne  et  nous 
avons  campé  sur  le  glacier,  à  la  hauteur  de  18,400  pieds.  Là  j'ai  renvoyé 
les  coolies  qui  portaient  nos  provisions  ;  ces  sauvages  avaient  dévoré 
en  cinq  jours  les  vivres  d'une  quiniaine. 

Le  lendemain  matin,  nous  commencions  à  monter.  La  pente  était 
difficile.  Tous  ces  pics  sont  beaucoup  plus  raides  que  ceux  de  la  Suisse. 
A  une  heure  trente  minutes,  nous  avions  atteint  uue  élévation  de 
22,500  pieds,  et  nous  avions  à  nos  pieds  un  autre  pic  de  22,300  pieds. 
Le  sommet  était  en  vue,  une  cime  avec  un  talus  de  neige  interrompue 
par  des  arêtes  de  rochers.  Nous  l'aurions  gagné  en  une  demi-heure  si 
on  soudain  et  violent  ouragan  de  neige  qui  fondit  sur  nous  ne  nous 
avait  obligés  à  tourner  casaque.  Gomment  nous  sommes  redescendus, 


508  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

je  suis  hors  d'état  de  le  dire.  C'est  la  plus  dangereuse  course  que  j'ai 
jamais  faite.  Nous  atteignîmes  notre  camp,  mais  nous  ne  pûmes  faire 
du  feu,  tout  étant  mouillé,  et  nous  passâmes  une  horrible  nuit.  Le 
lendemain,  nous  dûmes  battre  en  retraite  parce  que  nos  provisions 
étaient  épuisées  et  que  le  pic  ne  pouvait  plus  redevenir  accessible 
ayant  une  semaine.  Cependant  nous  avions  résolu  le  problême  de  l'air, 
car  nous  n'avions  pas  plus  de  difficulté  à  respirer  à  22,000  pieds  qu'à 
12,500. 

Nous  retournâmes  â  Rini  et  nous  nous  mîmes  en  devoir  de  gagner 
le  pic  du  Nanda-Devi,  25,600  pieds,  le  Matterhorn  indien.  Nous  l'aurions 
atteint  hier,  mais  dix  de  nos  coolies  sur  seize  nous  ont  quittés  et  nous 
ne  pourrons,  en  conséquence,  atteindre  le  pic  que  demain.  Le  temps 
est  très  mauvais;  il  pleut  tous  les  jours ,  mais  nous  avons  avec  nom 
des  provisions  pour  vingt  jours,  et  nous  ne  retournerons  pas  sur  nos 
pas  avant  de  les  avoir  épuisées. 

Une  chose  que  j'aurais  dû  mentionner  dans  ma  dernière  lettre  :  te 
pic  Kang-La,  dont  j'ai  fait  l'ascension  avec  Imboden,  est  haut  de  20,300 
à  20,800  pieds,  suivant  les  deux  mensurations  qui  en  ont  été  faites; 
en  sorte  que,  de  toute  façon,  je  ne  reviendrai  pas  bredouille. 

VaUée  de  Nyace,  le  1*  m*. 

Retourné  à  la  civilisation  hier  après  de  grandes  difficultés.  Le  reste 
de  nos  coolies  nous  a  abandonnés  au  Nanda-Dévi  ;  le  temps  restant 
affreux  et  sans  espoir  d'amélioration,  nous  avons  dû  rebrousser  chemin 
en*  portant  60  livres  par  homme  sur  un  terrain  affreux.  Cependant,  nous 
avons  mis  dans  notre  sac  un  autre  pic  que  j'ai  pris  la  liberté  d'appeler 
mont  Monal  (?),  à  cause  de  la  quantité  de  ces  beaux  oiseaux  que  Ton 
rencontre  sur  ses  pentes.  Sa  hauteur  est  de  22,325  pieds,  d'après  la 
mensuration  du  Gouvernement 

Nous  avons  attaqué,  comme  tour  de  force,  une  magnifique  aiguille 
de  21,000  pieds,  mais  nous  avons  dû  nous  arrêter  à  800  pieds  du  som- 
met. Nos  photographies  ont  complètement  échoué,  nos  appareils  étant 
endommagés  par  leur  transport  sur  de  mauvais  chemins.  Je  par- 
tirai demain  pour  Darjeeling,  où  j'espère  me  mesurer  encore  avec  ces 
géants,  et,  si  j'échoue,  j'abandonnerai  l'entreprise  à  de  plus  forts  qse 
moi.  

AFRIQUE. 

Exploration  au  Niger.  —  Les  Àuglais  viennent  de  lancer  un  steamer 
en  acier  de  52  mètres  de  long,  sur  9m,75  de  large.  Tout  chargé,  Une 
tirera  que  0m, 60  d'eau.  La  machine  est  de  la  force  de  1,000  chevini; 


AFRIQUE.  509 

la  roue  motrice  est  à  l'arrière.  Le  bâtiment  est  divisé  en  40  comparti- 
ments étanebes.  Ce  steamer  est  destiné  à  remonter  le  Niger. 

Uns  ambassade  africaine  an  France.  —  D'après  Y  Exploration, 
H.  Soleillet  se  prépare  à  rentrer  en  France»  où  il  accompagnera,  une 
ambassade  que  le  roi  Ménélick,  du  Choa,  a  l'intention  d'envoyer  an 
Président  de  la  République.  On  prête  au  souverain  du  Gboa  le  désir  de 
mettre  son  royaume  sous  le  protectorat  de  la  France. 

M.  Soleillet  annonce  aussi  que  le  roi  Jean  d'Abyssinie  a  désigné  ponr 
son  successeur  Ménélick,  roi  du  Gboa.  Ainsi  se  termine  une  rivalité  qui 
a  plus  d'une  fois  ensanglanté  l'Ethiopie. 

Côte  occidentale  d'Afrique.  —  Par  décret  du  Président  de  la  Répu- 
blique, le  protectorat  de  la  France  est  établi  en  Guinée,  sur  les  terri- 
toires de  Petit-Popo,  Grand-Popo,  Porto-Seguro  et  Agoué,  sur  la  demande 
des  cbefs  de  ce  pays. 

Les  compagnons  de  La  Pérouse.  —  M.  le  contre-amiral  G.  Fleuriot 
de  Langle  a  informé  la  Société  de  géographie  qu'on  Tient  de  retronver 
les  restes  du  chevalier  de  Langle,  compagnon  de  La  Pérouse  et  de 
plusieurs  autres  personnes  de  l'expédition.  On  sait  que  le  capitaine  de 
Y  Astrolabe  fut  massacré  dans  File  de  Maouna  (actuellement  Tutuila),  i 
Foueat  de  l'archipel  des  Navigateurs,  le  11  décembre  1787,  avec  dix 
hommes  de  son  équipage.  Le  P.  Vidal,  de  Samoa,  a  informé  la  famille 
que  les  missionnaires  français  se  proposent  de  lui  élever  un  monument. 
L'unirai  de  Langle  est  le  petit-fils  de  la  victime. 

Las  Espagnols  au  Maroc.  —  Nous  avons  annoncé  que  l'Espagne 
allait  occuper  Santa-Cruz  de  Har-Pequena.  Le  Gouvernement  se  serait, 
dit-on,  ravisé.  Comprenant  que  la  création  d'un  port  et  d'un  établisse- 
ment sérieux,  le  long  de  la  côte  sud  du  Maroc,  exigerait  un  déploie- 
ment de  forces  et  de  dépenses  autrement  important  que  ne  saurait 
l'être  la  présence  d'un  aviso  et  de  quelques  compagnies  de  débarque- 
ment, il  en  reviendrait  à  une  proposition  antérieure  du  Sultan,  faite  en 
1682,  d'échanger  Sanla-Cmz  contre  des  positions  stratégiques  autour 
de  celles  du  détroit  de  Gibraltar,  ou  bien  un  territoire  sur  la  frontière 
de  la  province  d'Oran,  au  cap  de  Aguas,  près  des  lies  Cbaffarines  que 
Vlspagne  possède  déjà. 

M.  Réveil.  —  Une  dépêche  de  Zanzibar  (2  mai)  annonce  le  départ  de 
M.  Georges  Revoit  pour  Mogadoxo.  De  là,  l'intrépide  voyageur  espère  se 
rendre  A  Gueltdl,  où  il  restera  une  semaine  avant  de  gagner  Guananèh. 


510  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Il  étudiera  le  cours  du  Djoub  et  visitera  la  grande  tribu  des  Ûugadun 
sur  les  bords  de  la  Ouébi.  Dans  ce  cas,  il  reviendra  par  le  Harrard 
Reiia.  Sinon,  il  remontera  vers  Kaffa  et  le  Ghoa. 

Pendant  son  séjour  à  Zanzibar,  M.  Revoil  a  pu  réunir  de  nombre 
collections  de  plantes  et  d'animaux  qu'il  a  envoyées  au  Muséum 
toire  naturelle. 

Au  Congo.  —  Le  steamer  Portugal,  qui  vient  d'arriver  ici  venant 
la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  apporte  des  nouvelles  du  Congo,  aOai 
Jusqu'au  18  juin.  Parmi  les  passagers  se  trouve  M.  Johnson,  qui 
pagna  jadis  lord  Mayo  dans  ses  expéditions  dans  le  pays  des 
mèdes.  Ce  gentleman  avait  reçu  une  invitation  de  H.  Stanley  de  venir ] 
le  trouver  sur  le  haut  Congo.  11  est  resté  auprès  de  cette  explorateur 
jusqu'au  31  mai,  époque  4  laquelle  il  est  descendu  vers  la  côte. 
M.  Johnson  est  porteur  de  lettres  de  M.  Stanley  pour  la  Société  inter- 
nationale. 

Il  y  a  également  sur  le  Portugal  plusieurs  Français,  qui  ont  été 
témoins  des  exploits  de  M.  de  Brazza  sur  la  côte  occidentale  de  l'Afri- 
que. Ils  confirment  les  nouvelles  précédemment  arrivées  en  Europe, 
relativement  à  celte  question. 

M.  Stanley  se  trouvait  au-dessus  de  Stanley-Pool,  et  s'apprêtait  à 
partir  pour  Stanley- Gai  les.  Il  espérait  fonder  une  nouvelle  station  soi 
le  haut  Congo,  au-dessus  de  Stanley-Galles,  à  Dololo,  à  250,000  mita 
de  Stanley-Poo). 

M.  Stanley  lui-môme  est  en  bonne  santé,  mais  sa  troupe  n'a  pas  ea 
la  même  chance.  M.  Robinet,  un  ingénieur  belge,  est  mort  après  cin- 
quante heures  de  maladie  ;  et  M.  Parfoury  a  succombé  à  une  insolation; 
M.  Lussesie  s'est  suicidé,  et  deux  autres  membres  de  l'expédition  sont 
morts. 

Le  personnel  de  M.  Brazza  était  bien  portant. 

À  l'heure  qu'il  est,  M.  de  Brazza  a  dû  rencontrer  l'Ogooué.  Après 
avoir  laissé  sou  monde  à  Loango  et  à  Punta-Negra,  il  est  allé,  en  per- 
sonne, sur  V Oriflamme,  prendre  possession  du  territoire  de  Loango, 
parce  que  les  indigènes,  pendant  l'absence  momentanée  de  l'équipage 
de  YOriflamme,  avaient  pillé  ce  navire. 

M.  Revoil  dans  l'Afrique  orientale.  —  La  Société  de  géographie  de 
Marseille  vient  de  recevoir  d'excellentes  nouvelles  de  M.  Georges  Re- 
voil, qui,  comme  on  le  sait,  est  parti  pour  la  côte  orientale  d'Afrique, 
chargé  d'une  mission  d'exploration,  par  Je  ministère  de  l'instruction 
publique. 

Parti  de  Magadoxo,  M.  Georges  Revoil  est  parvenu,  à  travers  un  pays 


AFRIQUE.  511 

qu'au  eun  voyageur  européen  n'avait  jusqu'ici  rfsité,  à  la  viHc  de  Gua- 
nsoèh,  située  sur  le  Djoub  supérieur.  Celte  rivière,  dont  le  cours  est 
en  grande  partie  inconnu,  Tient  se  jeter,  presque  sous  l'équateur,  dans 
h  mer  des  Indes. 

Elle  a  acquis  une  triste  célébrité  par  la  mort  d'un  voyageur  alle- 
mand, le  baron  de  Decken,  assassiné  sur  ses  bords  par  les  Somalis, 
au  mois  de  septembre  1865.  Plus  tard,  en  1870-1871 ,  un  navire  l'Explo- 
rateur, affrété  par  des  négociants  marseillais  et  commandé  pa>  le  ca- 
pitaine Cerisola,  essaya,  sur  les  indications  fournies  par  un  personnage 
énigmatique,  nommé  M.  Papiuaud,  de  remonter  ce  fleuve  inconnu,  où 
Ton  croyait  trouver  une  succursale  de  l'Eldorado.  Devant  les  menaces 
des  naturels,  l'expédition,  qui  comptait  plus  d'un  Marseillais  dans  ses 
rangs,  dut  reculer,  et  ne  recueillit  que  des  déceptions. 

En  1875,  le  khédive  envoya  aussi  une  expédition  pour  pénétrer  par 
cette  voie  au  cœur  de  l'Afrique  équatoriale.  Elle  était  commandée  par 
le  colonel  Chaillé-Long,  qui,  avec  une  chaloupe,  put  remonter  le  fleuve 
pendant  278  kilomètres.  Mais  la  partie  supérieure  du  Djoub  n'est  encore 
tracée  sur  aucune  carte  et  c'est  ce  vide  que  cherche  à  combler  notre 
compatriote  M.  Georges  Revoil.  Ce  ne  sera  pas  sans  danger,  car  les  So- 
malis qui  habitent  cette  région,  passent  dans  ces  tribus  pour  être  per- 
fides et  cruels. 

Tout  donne  à  penser,  cependant,  que  M.  Georges  Revoil  mènera  à 
bonne  fin  son  entreprise.  La  connaissance  qu'il  a  de  la  langue  du  pays, 
les  relations  qu'il  a  su  se  créer  au  milieu  de  ces  peuplades,  et  les  qua- 
lités maîtresses  qu'il  a  déployées  dans  ses  précédentes  explorations 
soot  des  garanties  de  bonne  augure. 

—  Un  Anglais  bien  connu  pour  ses  expéditions  en  Afrique,  le  capi- 
taine Londsdale,  vient  d'entrer  au  service  du  comité  d'exploration  belge 
du  Congo  et  de  partir  pour  rejoindre  M.  Stanley.  11  a  obtenu  du  Colonial 
Office  un  congé  de  troi3  ans  avec  l'autorisation  d'équiper  autant 
d'hommes  qu'il  jugera,  nécessaire  pour  la  sécurité  de  son  expédition. 
On  croit  qu'il  engagera  plusieurs  centaines  des  Haoussas  avec  lesquels 
l'Angleterre  a  formé  des  régiments  pour  la  protection  de  ses  posses- 
sions de  l'Afrique  occidentale.  M.  Stanley  a  déjà,  anuonce*t-on,  enrôlé 
plus  de  200  de  ces  nègres,  soi-disant  comme  laboureurs. 

—  On  prétend  que  le  roi  Hakoko,  à  l'instigation  de  M.  Stanley,  aurait 
été  déposé  par  ses  sujets.  Cette  nouvelle  ne  mérite  aucune  créance, 
ear  on  ne  devine  que  trop  la  source  dont  elle  émane,  et  fût-elle  con- 
firmée, cela  n'infirmerait  en  rien  les  droits  acquis  antérieurement  par 
H  de  Brazza. 

On  dit  encore  que  le  mot  «  Hakoko  »  signifiant  «  le  maître  du  fleure  » 


512  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

il  y  aurait  en  réalité  plusieurs  makokos  ;  entre  autres,  d'une  part,  Tant 
de  H.  Stanley,  au  sud  de  Stanley-Pool,  et  d'autre  part,  celui  de  M.  de 
Brassa,  au  nord-est.  Rien  ne  manque  à  la  gloire  de  noire  compatriote, 
pas  même  les  envieux.  G.  M. 

Les  Français  an  Congo.  —  Le  Sagittaire  a  séjourné  Tingt  jours  i 
l'embouchure  du  Congo.  Le  U  juillet,  il  a  célébré  la  fête  nationale  as 
mouillage  de  Landana.  Le  16  juillet,  cette  canonnière  a  mouillé  à 
Loango,  où  se  trouve  le  chef  des  stations  de  la  mission  Brazza.  Le  21 
juillet,  elle  est  allée  se  ravitailler  au  Gabon  et  y  a  trouvé  YOtumo,  ar- 
rivé à  ce  mouillage  depuis  le  20  juillet.  Après  avoir  terminé  son  ravi- 
taillement, le  Sagittaire  retournera  à  Loango. 

On  construit  en  ce  moment  des  abris  pour  le  matériel  de  H.  deBrasa 
au  cap  Lopez.  Quelques  tirailleurs  et  Krowmans  sont  venus  renforcer 
nos  postes.  Le  Sagittaire  compte,  après  avoir  quitté  Loango,  remonter 
le  Congo  jusqu'à  Yivi. 

Le  Voltigeur  vient  de  faire  une  tournée  au  sud  de  Gabon,  et  a  vi- 
sité nos  factoreries  d'Ainbriz,  Kisembo,  Mussera,  Ambrizetie,  etc.,  etc. 

M.  de  Brazza  a  quitté  Lambaréué,  sur  lOgoué,  le  9  juin,  et  il  est  ar- 
rivé le  1er  juillet  dans  le  pays  des  Okandas. 


AMÉRIQUE. 

Nouvelle»  mines  d'or.  —  On  croit  que  I'Yukon,  fleuve  du  territoire 
d'Alaska,  baigne  une  riche  et  vaste  région  aurifère.  Cette  opinion  est 
basée  sur  cette  remarque  :  c'est  que  sur  le  côté  asiatique  dn  détroit  oa 
exploite  avec  succès  depuis  plus  d'un  siècle  des  mines  de  quarts  auri- 
fère sur  la  prolongation  de  la  ligne  de  la  source  de  lTukon  ou  de 
l'endroit  où  l'on  présume  que  se  trouve  cette  source.  Le  lieoteoaat 
Schwatka  a  été  chargé  par  le  ministère  des  États-Unis  d'explorer  les 
bords  des  rivières  Chilcat  et  Yukoo. 

D'autre  part,  on  télégraphie  de  Guafmas  que  le  schooner  Antonio, 
arrivé  directement  de  Playa-Trinidad,  dans  la  basse  Californie,  confine 
le  bruit  qui  s'était  répandu  que  de  riches  placera  d'or  avaient  été 
découverts  dans  les  environs.  Près  de  deux  cents  mineurs,  presque 
tous  américains,  sont  déjà  à  Playa-Trinidad. 

La  langue  française  an  Canada.  —  D'après  M.  le  chevalier  de 
Hesse-Wartegg,  auteur  de  plusieurs  ouvrages  volumineux  sur  l'Aniqw 
et  l'Amérique,  et  qui  vient  de  terminer  son  sixième  voyage  d'explora- 
tion dans  l'Amérique  du  Nord,  la  langue  universellement  parlée  ao 
Canada  par  les  chasseurs  et  les  indigènes  jusqu'au  fleuve  Maekease 
est  le  français. 


AMÉRIQUE.  513 

Le  port  de  la  Tera-Crus.  •—  Par  décret  du  Président  de  la  Républi- 
que mexicaine,  en  date  dit  26  avril  1883,  le  gouvernement  suprême 
do  pays  autorise  la  municipalité  de  Yera-Crus  à  transférer  à  la  compa- 
gnie d'ingénieurs  français,  représentée  par  MM.  Buelte-Caze  et  Cle,  à 
Paris,  l'entreprise  de  construction  des  travaux  du  nouveau  port  de 
Tera-Crus.  Ces  travaux  sont  estimés  à  environ  47  millions  de  francs. 

Ce  n'est  pas  sans  avoir  eu  beaucoup  de  difficultés  à  aplanir  et  de 
sérieuses  compétitions  à  combattre  qu'on  a  pu,  tant  à  Mexico  qu'à 
Yera-Crus,  arriver  à  obtenir  ce  résultat,  car  l'adjudication  de  ces  tra- 
vaux était  convoitée  par  de  nombreux  spéculateurs  américains  et  an- 
glais. 

(Communication  de  M.  C.  Ardin  d'ElteU,  consul  de  France  à  Yera- 
Croz}  que  nou3  empruntons  à  V Exploration.) 

Institut  géographique  argentin.  —  A  la  séance  solennelle  du  7  mai 
dernier,  M.  le  Dr  Zcballos,  président  de  l'Institut  géographique  argentin, 
dans  son  rapport  sur  les  travaux  de  cette  société,  a  fait  part  de  l'arri- 
vée des  médailles  et  diplômes  obtenus  à  l'exposition  de  géographie  de 
Yenise  par  les  exposants  argentins  et  constaté  avec  un  légitime  or* 
goeuil  ce  fait  honorable  *  •  Que  la  République  argentine  a,  par  l'impor- 
tance et  la  nouveauté  des  collections  qu'elle  a  présentées,  surpassé 
tous  les  autres  États  américains,  y  compris  les  États-Unis,  et  la  plupart 
des  autres  nations  qui  ont  pris  part  au  Congrès  de  Yenise.  • 

Le  désert  d'Atacama.  —  Le  ministère  de  l'intérieur  du  Chili  a 
nommé  une. commission  d'ingénieurs  chargée  de  procéder  à  l'étude 
géographique,  géologique  et  mioéralogique  du  désert  d'Atacama,  et 
plus  particulièrement  depuis  la  vallée  de  Copiapo  Jusqu'à  la  rivière 
Loa.  Elle  a  dû  partir  de  Santiago  dans  les  premiers  jours  du  mois  de 
mai. 

La  Romanche  a  dû  quitter  la  baie  Orange  au  commencement  du  mois 
d'octobre,  rapatriant  la  mission  scientifique  française  qui  vient  de  pas- 
ser un  an  au  cap  Horn.  Elle  rapporte  de  précieuses  collections  de  toute 
nature  recueillies  pendant  son  séjour  pour  nos  grands  établissements 
scientifiques.  Les  caisses  qui  les  contiennent  seront  respectivement 
expédiées  à  l'Observatoire  de  Paris,  à  l'Académie  des  sciences,  au  Mu- 
séum, etc.,  dés  l'arrivée  de  la  Romanche  à  Cherbourg,  c'est-à-dire, 

selon  toute  probabilité,  dans  le  courant  du  mois  de  novembre, 

■ 

Les  restes  de  la  mission  Crevaux.  —  Le  congrès  national  de  Bolivie 
t  décrété  une  loi  contenant  les  articles  suivants  : 


514  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

«  Art.  2.  —  Au  point  appelé  «  Tcyo  »,  lieu  où  furent  massacrés  Til-J 
lustre  Français,  docteur  Crevaux,  et  tous  ses  compagnons,  explorateoi 
du  Rio-Pilcomayo,  une  colonne  de  12  mètres  de  hauteur  sera  élevée,' 
au  sommet  de  laquelle  sera  placée  une  statue  tournée  rers  l'Orient. 

<  Art.  3.  —  A  cet  endroit  sera  fondée  une  colonie  qui  sera  appelée 
«  Colonie  Crevaux  ».  . 

«  Art.  4.  —  Sur  chacune  des  faces  de  la  colonne  seront  inscrits  tef 
noms  de  tous  ceux  qui  ont  péri  sous  les  coups  des  Tobas.  » 

Les  recherches  ordonnées  autant  par  les  autorités  boliviennes  que 
par  les  pères  missionnaires  du  Chaco,  pour  retrouver  les  armes,  ins- 
truments,  etc.,  de  la  mission,  n'ont  donné  jusqu'à  présent  aucun  ré- 
sultat sérieux. 

Cinq  napoléons  et  une  livre  sterling  ont  été  saisis,  le  22  septembre 
1883,  par  le  P.  Gonversor,  chez  les  néophytes  de  la  mission  de  San- 
Francisco  du  Pilcomayo,  qui  étaient  venus  lui  demander  «  quelle  était  ij 
la  nature  de  ces  médailles?  ».  Les  Tobas  les  leur  avaient  données  ea 
échange  de  comestibles.  Cet  argent  a  été  remis  au  préfet  de  Tan>, 
qui  a  dû  le  faire  parvenir  au  chargé  d'affaires  de  France  à  Buenos- 
Ayres. 

Le  reste  de  l'argent  de  la  mission  serait  en  possession  des  Indiens 
Noctènes. 

«  J'ai  tu,  écrit  M.  Thouar,  le  jeune  Ceballos,  qui  a  échappé  au  mas- 
sacre. Il  est  ici  incorporé  au  bataillon  de  Tarija.  Les  entretiens  que  fai 
eus  avec  lui  ne  m'ont  rien  appris  de  nouveau...  11  semble  d'ailleurs  ne 
pas  posséder  exactement  les  faits. 

«  Les  mauvais  traitements  auxquels  il  a  été  exposé  pendant  sa  cap- 
tivité chez  les  Tobas,  la  terreur  qu'il  a  éprouvée,  ont  profondément  al- 
téré ses  souvenirs,  sa  mémoire  et  son  intelligence.  » 


POLE  NORD. 

Expédition  polaire.  —  Le  schooner  Wilhem-Barentz  a  quitté,  le 
7  mai,  Grauyden,  port  situé  ù  l'embouchure  du  canal  d'Amsterdam  i  la 
mer  du  Nord,  pour  faire  sa  sixième  expédition  dans  les  mers  polaires. 
L'expédition  est  dirigée  par  le  professeur  Wacbliil  et  par  le  capitaine 
Dahlen. 

La  mer  Nordenslrjold.  —  Sur  la  proposition  de  M.  R.  Woldt,  de 
Berlin,  appuyée  par  un  grand  nombre  de  savanis  et  de  Sociétés  sciea- 
v  tiûqucs,  la  partie  de  l'Océan  Arctique* septentrional  qui  longe  les  côtes 

E  de  la  Sibérie,  depuis  le  cap  Tshéljuskin,  jusqu'aux  lies  de  la  Nouvelle- 

Sibérie,  portera  do  rénavaut  le  nom  de  mer  Kordcnsfyôld. 


ri 


PÔLE  NORD.  515 

L'Allemagne  et  le  Pôle  nord.  —  Le  Congrès  allemand  de  géogra- 
phie, tenu  à  Francfort  en  1 883,  a  déclaré  que  la  reprise  de  V expédi- 
tion au  Paie  nord  par  t  Allemagne  intéressait  la  science  et  la  nation. 
(Test  à  Munich  et  dorant  la  semaine  de  Pâques  1884  que  se  tiendra  le 
prochain  Congrès. 

L'expédition  Nordenskjold.  —  Le  6  juin,  l'expédition  d'exploration 
dirigée  par  le  baron  Nordenskjold  est  arrivée  à  Reykiavik,  à  bord  da 
Tapeur  Sophia.  Le  célèbre  voyageur  et  les  géologues  qui  l'accompa- 
gnent sont  allés  examiner  les  dépôts  de  charbon  qui  se  trouvent  dans 
le  Begarljord.  Le  Dr  Àrpi,  philologue  suédois,  qui  a  demeuré  pendant 
quelque  temps  dans  l'Islande,  dont  il  a  appris  complètement  la  lan- 
gue, a  accompagné  les  explorateurs. 

Station  polaire  américaine.  —  Nous  avons  annoncé,  il  y  a  deux  ans, 
le  départ  du  lieutenant  Greeley,  chargé  parle  gouvernement  des  États- 
Unis  d'établir  un  observatoire  météorologique  dans  la  baie  de  Lady- 
franklinC).  Le  11  août  1881,  cet  officier  était  rendu  à  son  poste  et  le 
navire  sur  lequel  il  avait  pris  passage  était  de  retour  à  Terre-Neuve  le 
12  septembre  suivant.  Depuis,  on  n'en  a  pas  reçu  de  nouvelles. 
L'inquiétude  est 'grande  et,  bien  que  le  navire  lui  ail  laissé  pour  trois 
ans  de  vivres  et  qu'il  ait  établi  sur  la  route  quatre  stations  intermé- 
diaires, où  des  approvisionnements  de  toutes  sortes  ont  été  accumulés, 
U  est  question  d'envoyer  à  la  recherche  du  lieutenant  Greeley. 

—  V Indépendance  belge  publie,  sur  le  voyage  de  Nordenskjold  au 
Groenland,  les  intéressants  détails  que  voici  : 

On  sait  que  l'expédition  du  Nordenskjold  est  commandée  par  le  baron 
de  Nordenskjold  en  personne.  L'éminent  explorateur,  se  fondant  sur 
i'étymologie  du  mot  «  Groenland  »  {Greenland,  Terre-Verte) ,  a  toujours 
soupçonné  l'existence  de  quelques  riches  oasis  de  verdure,  de  quelque 
végétation  luxuriante  dans  l'intérieur  de  cette  région  glaciale.  Aussi 
«es  voyage»  au  Groenland  (c'est  le  second  ou  le  troisième  qu'il  entre- 
prend) ont-ils  un  peu  le  caractère  des  explorations  de  Colomb  s'em- 
barquant  pour  aller  à  la  recherche  d'nn  monde  dont  l'existence  ne 
faisait  pour  lui  aucun  doute,  bien  qu'elle  fût  presque  universellement 
contestée. 

Les  dépêches  que  le  baron  Nordenskjold  vient  d'envoyer  du  Groen- 
land ne  confirment  pas,  jusqu'à  présent,  ses  théories.  Elles  attestent, 
toutefois,  que  cette  nouvelle  exploration  aura  proQté  à  plus  d'un  point 
de  vue  à  la  science. 


(')  Voir  les  Bulletin*  du  4*  trimestre  1881,  p.  673,  et  da  1«  trimestre  1882  p.  16S. 


BIBLIOGRAPHIE 


Les  Papous  de  la  Nouvelle-Guinée. 

Voyages  de  M.  Miklouho-Maclay.  (Revue  d'anthropologie,  3*  fas- 
cicule 1883.  —  Deniker.) 

Malgré  de  nombreuses  explorations,  les  lies  et  archipel  du  Pacifiqae 
sont  imparfaitement  connus  :  à  tous  égards,  la  Nouvelle-Guinée,  la  plis 
grande  des  lies  du  PaciOque,  est  bien  certainement  de  toutes  la  mûiaf 
explorée;  aujourd'hui,  cette  lacune  Ta  être  comblée:  un  naturaliste 
russe,  M.  Miklouho-Maclay,  Tient  de  parcourir  la  Nouvelle-Guinée;  Q 
y  est  allé  à  reprises  différentes,  et  y  a  séjourné  quatre  années  en  diffé- 
rents points. 

M.  Miklouho-Maclay  débarqua  (1871)  la  première  fois  sur  la  eôia 
nord-est  de  la  NouYelle-Guinée  ;  il  était  amené  là  par  une  corvette 
russe  :  on  lui  construisit  une  cabane,  puis  le  naTire  s'éloigna,  le  lais- 
sant seul  arec  deux  domestiques,  dont  l'un  mourut  quelques  Joua 
après  !  Ma)  accueilli  au  début  par  les  indigènes,  le  hardi  voyageur,  à 
force  de  persévérance  et  de  courage,  grâce  à  un  tact,  à  une  habileté, 
à  un  sang-froid  extrêmes,  parvint  non  seulement  à  vivre  en  booae 
intelligence  avec  les  indigènes,  mais  encore  à  acquérir  sur  eux  ose 
grande  influence  !... 

Cette  première  fois,  il  resta  quinze  mois  sur  cette  côte  qui,  aujour- 
d'hui, porte  le  nom  de  l'explorateur. 

En  1874,  M.  Miklouho-Maclay  visita  la  région  sud-ouest;  il  v  re- 
tourna en  1876  et  enfin  en  1880. 

Dans  l'intervalle,  il  parcourait  les  lies  du  Pacifique  :  il  employa  ooe 
tnnée  à  explorer  Malacca,  deux  années  à  visiter  les  lies  Mélanésiennes 
et  Micronésiennes  ;  un  an  à  Java  et  aux  Moluques;  deux  années  enfla 
en  Australie. 

L'odyssée  du  hardi  voyageur  dura  douze  années  et  ce  n'est  qu'en 
1882  qu'il  retourna  en  Europe.  Actuellement,  M.  Miklouho-Maclay  pré- 
pare un  grand  ouvrage  où  seront  consignés  tous  les  matériaux  recueillis 
par  lui  dans  ses  longues  et  périlleuses  pérégrinations.  L'Empereur  de 
Russie  lui  a  accordé  un  crédit  qui  lui  permettra  de  mener  à  bonne  Sa 
ce  travail  et  de  le  publier  en  deux  années. 

Le  mot  Papou,  dit  M.  Deniker  (Revue  d'anthropologie),  vient  do  ma- 
lais papouwah;  il  signifie:  Crépu;  les  Papous  n'ont  dans  leur  langue 
aucune  appellation  commune  à  leur  ensemble:  la  population  de  chaque 
village  a  un  nom  propre. 


BIBLIOGRAPHIE.  519 

Les  Papous  purs  occupent  presque  toute  la  Nouvelle-Guinée  et  les 
lies  avoisinantes  ;  sur  les  côtes  nord-ouest,  ils  sont  un  peu  mélangés 
avec  les  Malais,  et  dans  la  péninsule  sud- est  arec  les  Polynésiens. 

Les  Papous  se  distinguent  très  nettement  des  Malais  t  des  Negritos 
et  des  Polynésiens;  cependant,  avec  ces  derniers,  les  différences  ne 
sont  pas  aussi  tranchées  qu'on  pourrait  le  croire  au  premier  abord, 
car  H  existe  beaucoup  de  types  intermédiaires  dans  les  deux  groupes. 

La  taille  du  Papou  ne  dépasse  pas  lm,60  ;  dolichocéphale,  la  face 
Oiale,  le  nez  arqué,  il  a  toujours  —  ce  qui  lui  a  fait  donner  son  nom  — 
les  cheveux  crépus. 

La  démarche  du  Papou  est  caractéristique  :  les  hommes  marchent 
ordinairement  en  portant  le  pied  droit  en  avant,  et  (rainent  le  pied 
gauche  sans  le  détacher  du  sol;  les  femmes  ont  une  allure  tout  autre: 
à  chaque  pas,  elles  font  balancer  leurs  fesses  d'un  côté  ou  de  l'autre  ; 
mouvement  de  pure  coquetterie,  qu'elles  n'emploient  que  devant  les 
hommes  ;  car  seules,  elles  marchent  comme  les  hommes. 

Le  Papou  est  gai,  d'un  esprit  vif;  son  intelligence  est. assez  dévelop- 
pée; une  seule  tribu  est  réellement  anthropophage  (celle  des  Karous). 

Le  costume  est  des  plus  simples  :  un  morceau  d'écorce  préparé  et 
passant  sur  les  reins  et  entre  les  jambes  ;  par  contre,  les  ornements 
sont  très  variés.  La  coiffure  est  des  plus  compliquées,  et  les  •  élégants  », 
dit  M.  Deniker,  élèvent  sur  leur  tète  de  véritables  monumeuts  capil- 
laires. Pour  conserver  intacts  ces  édifices,  les  Papous  dorment  en  po- 
sant leur  cou  sur  un  billot.  Les  femmes,  au  contraire,  se  soucient  peu 
de  leur  coiffure;  le  plus  souvent  elles  coupent  ou  rasent  leurs  cheveux; 
elles  sont  plus  richement  tatouées  que  les  hommes. 

Les  Papous  habitent  dans  de  grandes  maisons  en  bambous,  bâties 
sur  pilotis,  souvent  éloignées  du  rivage  et  reliées  à  ce  dernier  par  un 
pont  ;  on  sait  que  ces  cases  ont  servi  de  modèle  pour  restaurer  les 
habitations  lacustres  de  nos  ancêtres  de  l'époque  de  la  pierre  polie  et 
du  bronze. 

"  Les  Papous  cultivent  le  mais,  le  bananier,  les  patates,  le  tabac, 
etc.... 

rarrôte  Ici,  à  regret,  cette  analyse  du  très  intéressant  article  de 
S.  Deniker;  car  tout  serait  à  citer.  (Voir  Revue  d'anthropologie,  3e  fas- 
eole  1883.)  A.  Fournier 

Le  Troisième  voyage  dans  l'Asie  centrale,  fait  en  1879-1880,  par  Pre 
jéralski,  vient  de  paraître  i  Saint-Pétersbourg.  Deux  traductions,  alle- 
mande et  anglaise,  sont  déjà  en  préparation  ;  espérons  qu'une  traduc- 
tion française  de  ce  monument  géographique  ne  se  fera  pas  attendre. 
Il  porte  comme  sous-titre:  «  De  Zatesank  par  Khami  au  Tbibet  et  aux 


520  BIBLIOGRAPHIE. 

sources  du  Fleuve-Jaune.  »  C'est  à  peine  si  le  lecteur  (dit  M.  Venukof 
dans  la  Revue  de  géographie)  rencontre  dans  ce  livre  une  cinquantaine 
de  noms  géographiques  mentionnés  dans  les  anciens  ouvrages  surk 
Mongolie  et  le  Thibet:  tellement  notre  voyageur  s'est  montré  jaloux  de- 
ne  pas  suivre  les  routes  déjà  explorées.  L'auteur,  qui  est  artiste,  a 
illustré  son  ouvrage.  On  y  remarque  en  particulier  des  paysages  carac- 
téristiques du  désert  et  des  montagnes,  les  traits  de  différents  peuples 
et  la  représentation  de  quelques  phénomènes  naturels  peu  connus  en 
Europe,  tels  que  les  grands  tourbillons  de  poussière.  Espérons  que 
cela  tentera  la  maison  Hachette  qui  vient  de  nous  donner  le  premier 
volume  du  Voyage  de  la  Vega,  par  NordenskjOld,  traduit  par  MM.  Rabot 
et  Charles  L allemand,  magnifique  ouvrage.  G.  M. 

Le  Nautical  Magazine,  dans  son  numéro  du  mois  de  juillet,  consacre 
un  nouvel  article  au  second  canal  de  Suez  et  examine  la  question  du 
Tong-king  et,  dans  celui  du  mois  de  septembre,  contient  un  article  as 
sujet  des  annexions  d'Iles  dans  l'Océanie  occidentale  et  le  commence- 
ment d'une  étude  sur  l'atterrissage  de  Christophe  Colomb,  accompagnée 
d'une  discussion  des  opinions  émises  sur  le  point  précis  où  le  grand 
navigateur  aborda  la  première  fois.  Cette  étude  est  continuée  dans  la 
livraison  d'octobre. 

Dans  le  numéro  de  juillet  1883  de  la  Revue  maritime  et  coloniale, 
nous  signalons  à  l'attention  de  nos  lecteurs  le  Soudan  occidental,  par 
M.  le  Dr  Colin,  médecin  de  lr0  classe  de  la  marine. 

Nous  citerons  en  même  temps  ici  nn  travail  :  La  Région  des  choit 
dans  V Afrique  septentrionale  et  la  mer  du  Sahara,  par  Karl  Ocbsenios, 
à  Marbourg  (n08  15  à  23  de  la  Natur),  ainsi  qu'une  brochure  de  Charles 
Grad  :  Les  Travaux  publics  en  Algérie  (Nancy,  Berger-Levrault  et  C*). 
Ces  deux  brochures  abondent  en  sujets  instructifs  et  en  idées  intérel- 
saotes,  que  le  défaut  d'espace  nous  empêche  malheureusement  de  re- 
produire en  détail.  Nous  nous  bornerons  à  mentionner  que  la  partie 
habitable  de  l'Algérie,  d'environ  4,000  à  5,000  lieues  carrées,  c'est-à- 
dire  la  moitié  de  la  surface  de  l'empire  d'Allemagne,  ne  contient  qoe 
2,900,000  âmes,  dont  354,000  Européens,  tandis  qu'un  nombre  d'hom- 
mes dix  fols  plus  considérable  pourrait  y  trouver  son  existence.  Ke 
serait-ce  pas  un  bien  pour  les  régions  trop  peuplées  de  l'Europe,  de 
céder  à  ce  pays  si  sain  au  point  de  vue  climatériqne,  et  si  fertile,  taie 
fraction  de  leur  excédent  de  population  ?  Tout  autre  serait  la  situation 
de  l'Algérie  sous  le  régime  anglais  ou  américain. 


BIBLIOGRAPHIE.  521 

fiâtes  de  Lexicographie  berbère  (Extrait  du  Journal  asiatique)  et  Les 
Manuscrits  arabes  de  deux  bibliothèques  de  Fds  (Extrait  du  Bulletin 
de  correspondance  africaine),  par  René  Basset,  chargé  de  cours  à 
l'École  des  lettres  d'Alger. 

Nous  ne  pouvons  qu'appeler,  une  fois  de  plus,  l'attention  du  monde 
«géographique  savant,  des  linguistes  surtout,  sur  ces  deux  publications 
nouvelles  de  notre  infatigable  collaborateur.  Les  titres  de  ces  ouvrages 
et  le  nom  de  l'auteur  suffisent  à  les  recommander.  Le  premier  étudie 
successivement  les  dialectes  du  Rif  (frontière  du  Maroc),  de  Djerbah,  de 
Gbat  et  de  Kel-Ûué,  ces  trois  derniers  recueillis  pendant  un  voyage 
fait  en  Tunisie  et  à  Tripoli  au  commencement  de  1882.  Le  second  est 
le  résumé  de  manuscrits  arabes:  les  uns  traitant  de  la  littérature  et  de 
l'histoire,  les  autres  de  la  politique  et  de  la  conduite,  d'autres  dé  la 
science,  de  la  lecture  du  Coran,  du  mysticisme,  des  définitions,  de  la 
grammaire  et  de  la  langue,  des  traditions,  de  commentaire  du  droit,  etc. 

J.  V.  B. 

lu  France  en  Afrique  (Extrait  du  Correspondant) ,  par  M-  le  vicomte 

de  Bizemont.  Paris. 

Actualité,  compétence,  ampleurs  de  vues,  idées  pratiques  :  tels  sont 
les  caractères  du  livre  de  notre  sympathique  collègue.  J.  Y.  B. 

la  Question  du  Zaïre.  Droits  du  Portugal.  Mémorandum  de  la  Société 
de  géographie  de  Lisbonne.  (Édition  française.) 

Les  solutions  pratiques  et  les  arrangements  survenus  entre  les  gou- 
vernements respectifs  ôtent  quelque  peu  d'actualité  à  ce  travail.  Mais 
11  est  curieux  de  voir  combien  l'esprit  de  patriotisme,  très  louable 
d'ailleurs,  de  nos  collègues  portugais  Je3  entraîne  à  des  revendications 
dont  les  Anglais  de  la  colonie  du  Gap  pourraient  bien  aussi  avoir  à 
foire  les  frais  si  elles  devaient  être  écoutées.  11  est  juste  d'ailleurs  de 
recommander  cet  ouvrage  à  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  de  la 
géographie.  J.  V.  B. 

La  Mer  intérieure  ajricaine,  par  le  commandant  Roudaire. 

Dans  cette  brochure,  M.  Roudaire  reprend  toutes  les  notes  qu'il  a 
publiées  déjà  en  réponse  aux  objections  de  la  commission  supérieure. 
Une  lettre-préface  de  M.  de  Lesseps  la  recommande  au  public,  dans 
des  termes  qui  font  table  rase  des  appréciations  de  ladite  commission. 
C'est  le  bruit  qui  s'est  fait  autour  de  cette  question  et  de  cette  publi- 
cation qui  nous  a  décidé,  dût  notre  Bulletin  avoir  un  excédent,  à  pu- 
blier en  entier  le  travail  de  M.  le  commandant  Parisot.  Notre  ami  nous 
l'avait  confié  d'ailleurs  pour  lui  donner  d'urgence  toute  la  publicité 

SOC.  OB  OSOGB.  —  S*  TUKB1TM  1889.  84 


522  BIBLIOGRAPHIE. 

possible  dans  l'intérêt  de  la  vérité  et  des  intérêts  les  pins  directe  de 
notre  pays.  J.  V.  B. 

A/Hka  als  Bandelsgebiet  ;  West-  Sud-  und  Ost-Afrika,  par  Fritz  Robert 

(Vienne,  Garl  Gerold,  fils.  1883). 

Œuvre  de  statistique  commerciale,  ce  livre  est  du  plus  haut  intérêt 
et  fait  souhaiter  qu'une  traduction  française  lui  donne  une  publicité 
méritée  en  France.  D'une  part,  Fauteur  envisage  d'abord  les  pays  çni 
ont  des  colonies  en  Afrique  et  ceux  qui  n'ont  que  des  relations  com- 
merciales avec  ce  continent;  puis  chaque  région  de  l'Afrique  dans  ses 
rapports  arec  les  nations  européennes.  De  là,  deux  parties  distinctes 
de  l'ouvrage:  la  lre,  un  exposé  sommaire  de  la  politique  coloniale  de 
chaque -pays,  —  et  il  y  a  là  pour  la  France,  une  excellente  leçon  à 
prendre;  —  la  2e,  de  beaucoup  la  plus  considérable  (les  7/8°  dn  livre}, 
est  une  étude  complète  de  toutes  les  productions  et  denrées  d'échange 
qu'offre  chaque  région  du  littoral  africain  ;  là  des  chiffres  Tiennent  ap- 
puyer l'exposé.  J.  V.  B. 

Nouvelle  histoire  des  voyages  et  des  grandes  découvertes  géographi- 
ques dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  pays,  par  Richard  Cor- 
tambert  (Paris,  Librairie  illustrée). 

Nous  sommes  bien  en  retard  avec  M.  Cor  tambert;  mais  vraiment 
nous  avons  plus  à  le  regretter  que  lui-même }  car  il  n'est  pas  seule- 
ment l'héritier  d'un  grand  nom  de  la  géographie  :  savant  lui-même,  il 
suffit  de  son  nom  en  tête  d'une  œuvre  pour  que  le  public  y  fasse  cet 
accueil  de  confiance  qu'il  n'accorde  que  si  difficilement  et  qui  ne  con- 
cerne que  les  hommes  de  réelle  valeur.  C'est  assez  dire  ce  qu'est 
celle-ci.  Le  premier  volume  (40  livraisons)  contiendra  tous  les  voyages 
en  Amérique,  depuis  Colomb  jusqu'à  Crevaux  :  20  livraisons  ont  déjà 
paru.  Tous  les  drames  de  la  découverte  y  sont  racontés  en  un  style 
clair,  plein  de  rondeur,  sans  emphase  et  portant  Juste  :  c'est  one 
œuvre  de  science  et  de  conscience,  complète  et  sincère. 

On  ne  résume  pas  de  tels  livres,  on  les  lit.  J.  V.  B. 

Le  Journal  des  Chambres  de  commerce.  (Paris,  16,  passage  de  l'Opéra, 

galerie  du  Baromètre). 

Cette  Revue  mensuelle  n'a  pas  .besoin,  elle  non  plus,  de  recomnun- 
dation  autre  que  son  titre  :  entre  toutes  elle  est  à  l'ordre  du  jour. 

J.  B.  V. 

Géographie  de  l'Ain,  publiée  par  la  Société  de  géographie  de  Bourg. 

Première  et  excellente  tentative  qui  trouve  sa  sanction  dans  le  vœa 
récemment  émis  par  le  Congrès  de  Douai  en  faveur  do  la  création  de 


NOUVELLES  DIVERSES.  523 

géographies  départementales  et  régionales.  Un  bon  pointa  nos  chers 
collègues  de  Bourg.  J.  V.  B. 

Les  Gorges  du  Tarn  entre  les  Grandet-Causses,  par  Louis  de  Malafosse 
(supplément  au  6e  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Toulouse). 
Bonne  étude  de  géographie  physique,  excellent  exemple  à  suivre. 

J.  V.  B. 

La  Question  du  Tonkin,  par  Paul  DesChanel  (Nancy  et  Paris,  5,  rue 
des  Beaux-Arts,  Berger-Levrault  et  C1*,  1883). 

Rn  fait  d'actualités,  ce  livre  en  est  une  étnde  palpitante,  car  M.  Des- 
chanel,  rédacteur  au  Journal  des  Débats,  n'a  pas  prétendu  faire  œuvre 
savante  ou  technique,  que  du  reste  n'implique  pas  le  titre  du  livre; 
mais  11  a  voulu  résumer,  d'une  façon  simple  et  vive,  les  conditions  de 
Tune  des  questions  intéressant  le  plus  notre  politique  commerciale 
du  moment.  Et  il  y  est  arrivé.  Le  premier  chapitre  seul  est  consacré  à 
FhUtoire  de  TAnnam  :  tout  ce  qu'il  en  faut  pour  l'intelligence  de  ce 
qui  va  suivre.  Les  deux  suivants  nous  amènent  aux  récents  évé- 
nements. Deux  autres  vont  de  la  mort  de  Rivière  à  rétablissement 
du  protectorat  (28  mai).  Les  trois  derniers  sont  consacrés  à  l'étude  de 
la  question  au  point  de  vue  diplomatique  et  des  avantages  du  système 
du  protectorat  Un  appendice  sur  la  mort  de  Tu-Duc  et  la  Cour  de  Hué, 
et  deux  suppléments  traitant  des  institutions,  des  mœurs  et  de  la  reli- 
gion annamites,  complètent,  pour  le  lecteur  qui  n'est  pas  tenu  à  des 
études  approfondies,  ce  livre  qu'on  ne  peut  avoir  lu  sans  remercier 
Fauteur  de  l'avoir  entrepris.  J.  Y.  B. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

Une  nouvelle  Société  de  géographie  s'est  fondée  à  Constantine,  et 
échange  sa  publication  avec  la  nôtre.  Nous  souhaitons  la  bienvenue 
à  nos  nouveaux  confrères. 

La  Société  des  études  indo-chinoises  nous  envoie  également  son 
Bulletin  pour  l'échange. 

Le  sympathique  président  de  la  Société  de  géographie  deRochefort, 
M.  Charles  Delavaud,  pharmacien  en  chef  de  la  marine,  vient  d'être 
promu  au  grade  de  pharmacien  inspecteur.  Nés  chaleureuses  félicita- 
tions. G.  M. 


ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ 


INAUGURATION 


!>■ 


L'EXPOSITION  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE 

A  BAR-LE-DUC 


Le  dimanche  19  août,  une  foule  aussi  nombreuse  que  choisie  ic 
pressait  dans  la  salle  de  l'Orangerie,  trop  petite  pour  la  circonstance, 
à  l'effet  d'assister  à  l'inauguration  de  l'exposition  de  géographie  et 
d'ethnographie. 

M.  le  Préfet  de  la  Meuse  présidait;  à  sa  droite  et  à  sa  gauche  avaient 
pris  place  le  maire  de  Bar-le-Duc,  l'inspecteur  d'académie,  les  membres 
de  la  Section  meusienne.  Dans  l'assistance,  on  remarquait  MM.  Develle 
et  LiouTille,  députés;  Porcherot,  proviseur  du  Lycée;  Martin,  inspecteur 
d'académie;  Berleaux,  inspecteur  primaire,  etc.,  etc. 

M.  Proudhon,  préfet  de  la  Meuse,  déclare  la  séance  ouverte  et  pro- 
nonce le  discours  suivant  : 


Messieurs, 

L'honneur  que  vous  me  faites  do  m'appeler  à  la  présidence  de  cette 
ouverture  d'exposition  mérite  tous  mes  remerciements  ;  mais  il  est  bien 
lourd  pour  moi,  car  mon  incompétence  n'en  était  pas  digne. 

Je  tous  avoue,  sans  fausse  modestie,  ma  parfaite  ignorance  en  numis- 
matique, topographie,  ethnographie,  archéologie,  cartographie,  etc.,  et 
toutes  branches  rentrant  dans  le  vaste  domaine  de  l'étude  de  la  géogra- 
phie, î 

Mes  éloges,  quelque  mérités  qu'ils  soient,  s'adressant  à  des  hommes 
d'étude,  à  dos  maîtres,  à  des  érudits,  n'auront  donc  pas  grand  poids  ;  car       < 
la  louange  n'a  de  prix  que  par  la  valeur  môme  de  celui  qui  la  don  no.  j 

Mais  j'aurai,  du  moins,  le  bénéfice  de  mon  aveu  :  et  je  ne  mériterai  pas  ] 
le  reproche  que  Montaigne  adressait  aux  ignorants  prétentieux  de  son 
temps,  et  qu'on  pourrait  peut-être  appliquer  avec  autant  de  justesse  à  bien  j 
des  hommes  de  notre  époque  :  «  Nous  parlons  de  toutes  choses  par  pré-  | 
«  ceptos  et  résolution  ;  et  bien  des  abus  s'engendrent  de  ce  que  nous  crai-  j 
*  gnons  de  faire  profession  de  notre  ignorance,  i 

Je  n'ai  pu  encore,  Messieurs,  me  rendre  un  compte  exact  do  l'impor- 
tance de  l'exposition  qui  s'ouvre,  car  je  n'ai  pu  que  la  parcourir  très 
superficiellement,  au  milieu  des  préparatifs  et  de  l'encombrement  de  son 
organisation. 


INAUGURATION  DE  I,'eXPOSITION  A  BAR-LE-DUC.        525 

Les  curieux  et  les  oisifs  ne  trouveront  pas  à  s'y  distraire  et  à  s'y  divertir 
beaucoup. 

Mais  vos  efforts  tendent  plus  haut.  C'est  la  distraction  de  l'intelligence, 
c'est  le  plus  noble  moyen  d'émulation  et  d'enseignement,  que  vous  offrez, 
dans  cette  fête  du  travail,  à  tous  ceux  qui  cherchent  la  science,  qui  l'aiment 
et  dont  les  efforts  tendent  à  son  développement  et  à  ses  progrès. 

Les  érudîts  qui  consacrent  à  la  science  tous  les  instants  de  leur  vie, 
offrent  aux  maîtres,  comme  leçons,  le  fruit  do  leurs  travaux;  les  élôves 
étudient,  comparent,  admirent  les  études  des  maîtres,  leur  méthode, 
leurs  moyens  d'exécution,  pour  les  imiter  et  chercher  à  les  surpasser  un 
jour,  c'est,  entre  tous,  la  lutte  fortifiante  et  féconde  de  l'intelligence,  dont 
les  efforts,  répétés  partout,  amènent  le  progrès  et  dont  la  gloire  rejaillit 
sur  la  France. 

Aussi,  ne  saurais-je  trop  vous  remercier,  Messieurs  les  organisateurs  de 
la  Section  meusieone,  d'avoir  apporté  tant  do  persévérants  efforts  à  l'exé- 
ention  de  votre  œuvre,  avec  les  conseils  et  la  collaboration  de  M.  le  Secré- 
taire général  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est,  si  connu  déjà,  et  dont 
les  œuvres  nombreuses  font  assez  l'éloge. 

Il  est  un  homme,  Messieurs,  dont  l'exposition  est  trop  importante,  pour 
que  je  puisse  passer  son  nom  sous  silence  :  c'est  M.  Maxe-Werly. 

Enfant  de  Bar,  formé  et  grandi  par  ses  propres  forces  et  ses  seules 
éludes,  aujourd'hui  archéologue  distingué,  numismate  connu,  dont  le 
nom  lait  autorité,  il  a  accumulé  sur  le  Barrois  et  la  Champagne  un  nombre 
considérable  de  documents  précieux  pour  la  géographie  historique  de  ces 
pays. 

lia  le  privilège  de  joindre  à  sa  valeur  scientifique  le  mérite  trop  rare 
ehez  les  savants  et  les  chercheurs,  de  mettre  le  fruit  de  ses  recherches 
à  la  disposition  des  travailleurs.  11  est  à  souhaiter  qu'une  telle  générosité 
ne  soit  pas  perdue,  et  qu'il  rencontre  des  collaborateurs  dignes  de  lui. 

Par  un  louable  sentiment  de  patriotisme,  M.  Maxe-Werly  a  porté  tous  ses 
travaux  sur  l'étude  de  son  pays  qu'il  affectionne.  Bar  a  le  droit  d'être 
fier  d'un  toi  compatriote  dont  le  nom  restera  attaché  à  la  science  archéo- 
logique. 

Si  je  ne  connais  pas  encore  l'exposition,  je  l'ai  du  moins  assez  parcourue 
dans  ses  préparatifs  d'organisation  pour  avoir  été  frappé  par  certains  tra- 
vaux d'instituteurs  que  nous  remarquerons  bien  vite. 

Je  mis  particulièrement  heureux  do  leur  adresser  un  éloge  bien  sincère 
et  bien  mérité.  Ces  œuvres  contribueront  à  jeter  un  éclat  de  plus  sur  ce 
corps  enseignant,  si  modeste,  si  dévoué,  si  respecté,  auquel  la  Franco,  en 
confiant  ses  enfants,  confie  l'avenir  de  la  patrie. 

Certains  noms  me  viennent  aux  lèvres  :  mais  permettez-moi  de  n'en  pro- 
noncer aucun;  car  je  ne  voudrais  préjuger  la  décision  du  jury  :  et,  d'autre 
p&rt,  je  serais  désolé  de  blesser  le  légitime  amour -propre  de  ceux  que 
j'oublierais  de  citer  ou  que  j'aurais  été  incompétent  à  apprécier. 

Les  visiteurs  les  auront  vite  remarqués  et  admirés;  des  rapporteurs  en 
feront  ressortir  les  mérites;  et  nous  serons  heureux  d'applaudir  aux 
récompenses  qui  les  couronneront. 

Ce  discours  est  accueilli  par  d'unanimes  applaudissements,  puis 
M.  Barbier,  Secrétaire  général  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est, 
prend  la  parole  : 


526  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

H.  Barbier  rend  tout  d'abord  an  hommage  de  reconnaissance,  an  non 
de  la  Société  de  géographie  de  l'Est  et  de  la  Section  meusienne,  à  la 
mémoire  du  regretté  M.  Ernest  Bradfer,  premier  président,  et  Tan  des 
fondateurs  de  la  Section. 

Puis  il  remercie  M.  le  préfet  de  la  bienveillance  dont  il  donne  le 
témoignage  à  la  Société  de  géographie  de  l'Est,  en  acceptant  la  prési- 
dence d'honneur  de  la  séance  d'ouverture  de  l'exposition.  Il  rappelle» 
ce  sujet  l'appui  si  énergique  et  si  complet  qu'au  début  de  sa  création 
la  Section  vosgienne  a  rencontré  de  la  part  de  l'honorable  M.  Bœgner, 
préfet  des  Vosges,  et  il  est  convaincu  que  c'est  guidé  par  le  môme 
sentiment  que  M.  le  préfet  donne  aujourd'hui  à  la  Société  un  gage 
aussi  éclatant  de  sa  sollicitude. 

Puis,  tout  en  s'excusant  à  l'avance  des  omissions  qu'il  pourra  com- 
mettre, il  adresse  de  vifs  remerciements  au  Comité  et  tout  particulière- 
ment à  MM.  Maxe-Werly  et  Konarsky,  Lécbaudel,  Ronfort  et  Richier,dQ 
concours  si  dévoué  qu'ils  ont  apporté  à  l'organisation  de  l'exposition 
géographique,  et  il  ajoute  les  noms  de  M"«  Clin  chant  et  de  MM.  Bo- 
breuil,  Alfred  Yériot,  docteur  Brion,  Camille  Gérard,  Chemery,  etc., 
pour  l'obligeance  qu'ils  ont  mise  à  prêter  bon  nombre  d'objets  déco- 
ratifs à  l'exposition.  Les  plus  humbles  y  trouvent  leur  compte,  et  il 
n'est  pas  jusqu'à  M.  Barbaise,  menuisier,  qui  a  su,  avec  une  égale 
complaisance  et  à  leur  satisfaction,  servir  trois  maîtres  à  la  fois. 

Mais  c'est  surtout  à  M.  Bonnabelle  que  M.  Barbier  adresse  les  plus 
chaleureux  remerciements,  et  il  prend  è  témoin  l'assemblée  du  zèle 
infatigable  que  le  secrétaire  de  la  Section  meusienne  a  particnltèremeat 
apporté  à  la  création  de  l'exposition. 

Enfin,  M.  Barbier  se  réserve  de  remercier  M.  Dennery  après  la  coa- 
férence  qu'il  veut  bien  donner  à  l'occasion  de  l'ouverture  de  l'expo- 
sition. 

Et  maintenant,  Messieurs,  ajoute  le  Secrétaire  général  de  la  Société, 
qu'il  me  soit  permis  de  vous  dire  quelque  chose  du  but  de  notre  So- 
ciété. 

On  entend  parfois  dire,  et  peut-être  beaucoup  de  nés  auditeurs  l'ant- 
ils  dit  eux-mêmes  :  A  quoi  servent  les  sociétés  de  géographie?  A  quoi  sert 
la  Société  de  géographie  de  l'Est?  Je  pourrais  vous  répondre,  comme  le 
philosophe  devant  lequel  on  niait  le  mouvement,  que,  nous  marchons, 
et  que  l'exposition  que  nous  inaugurons  aujourd'hui  en  est  la  preofe 
palpable. 

Donc,  nous  marchons;  mais  où  allons-nous? 

Il  y  a  trois  mois,  je  proposais  au  Comité  de  la  Société  un  programme 
portant  sur  deux  points  essentiels. 

L'opinion  publique  s'est  justement  préoccupée  de  colonisation  et  de 
développement  commercial  tant  à  l'extérieur  qu'à  l'intérieur.  Le  Gouver- 
nement &  secondé  ce  mouvement  de  toutes  ses  forces  et  une  puhlicanca 


INAUGURATION  DE  L'EXPOSITION  A  BAR-LE-DUC.        527 

importante  a  été  créée  par  le  ministère  pour  mettre  l'industrie,  par  l'inter- 
médiaire de  nos  consuls,  au  courant  de  tout  ce  qui  touche  à  ses  intérêts 
les  plus  immédiats. 

Or,  il  appartient  aux  sociétés  de  géographie  de  vulgariser  ces  ren- 
seignements importants,  de  montrer  au  commerce  de  quel  intérêt  sont 
pour  lui  les  connaissances  géographiques  qui  lui  apprennent  les  ressources 
des  pays  lointains  et  les  débouchés  qu'il  peut  s'y  créer.  Et  cela  est  aussi 
Trai  du  commerce  et  de  l'agriculture.  Le  temps  me  manque  pour  vous 
développer  ce  thème  ;  mais  nos  conférences  et  notre  publication  le  prouvent 
surabondamment . 

Le  second  de  ces  points  concerne  l'enseignement. 

Un  instituteur  me  disait  dernièrement,  alors  que  je  m'étonnais  que  Boa 
collègues  ne  vinssent  pas  à  nous  en  plus  grand  nombre  :  «  Tâchez  donc 
de  descendre  un  peu  plus  vers  nous.  »  Nous  les  avons  appelés  à  ces 
expositions;  et  non  contents  de  les  stimuler  ainsi,  nous  voulons  nous 
mettre  plus  à  leur  portée,  étudier  les  méthodes  pédagogiques  concernant 
renseignement  géographique  et  provoquer,  avec  le  Bulletin  de  l'enseigne* 
ment  primaire,  un  échange  d'idées  et  d'extraits  :  le  Bulletin  académique 
signalant  ce  qui,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est, 
réalise  un  progrès  direct  touchant  les  méthodes  et  la  propagation  de  la 
géographie,  et  celui-ci,  par  contre,  se  faisant  le  véhicule  près  des  insti- 
tuteurs des  trois  départements,  des  idées  et  des  programmes  que,  dans 
leurs  centres  respectifs,  chacun  des  Bulletins  académique*  recommande 
■u  bénéfice  de  la  géographie. 

Certainement  le  concours  de  l'Inspection  académique  de  Meurthe-et- 
Moselle  est  acquis  à  cette  idée,  et  j'espère  qu'elle  rencontrera  le  même 
appui  et  la  même  sympathie  près  de  M.  l'Inspecteur  d'académie  de  la 
Meuse. 

H  est  un  troisième  point  encore;  mais  je  laisse  i  M.  Deanery  le  soin 
de  le  développer  avec  toute  la  compétence  qui  lui  appartient. 

A  la  suite  de  ce  discours,  H.  le  capitaine  Dennery  a  fait  la  conférence 
annoncée  sor  la  topographie. 

M.  le  capitaine  Dennery  ayant  en  l'amabilité  de  nous  communiquer 
le  texte  de  sa  conférence,  nous  croyons  être  agréable  à  nos  lecteurs 
en  Je  reproduisant  en  entier. 

Le  Yoici  : 

Mesdames,  Messieurs, 

C'est  un  grand  honneur  pour  un  officier  d'avoir  été  choisi  par  la  Section 
meusienne  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est,  afin  d'essayer  de  vulga- 
riser une  science  qui  louche  à  toutes  les  branches  des  connaissances 
humaines,  la  topographie,  ou,  pour  parler  moins  scientifiquement,  la  con- 
naissance du  terrain. 

Qu'il  me  soit  donc  permis  de  remercier  à  ce  sujet  le  Comité  d'organisa- 
tion de  l'exposition  géographique.  En  faisant  appel  à  un  militaire  en  cette 
circonstance,  c'est  un  témoignage  de  sympathie  qu'il  a  donné  à  l'armée  ; 
l'armée,  de  son  cêté,  est  très  sensible  à  un  hommage  aussi  délicat  et  je 
n'ai  pas  besoin  de  dire  qu'elle  est  toujours  prête  à  offrir  sans  restriction 


528  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

son  concours  quand  il  s'agit  d'appeler  l'attention  de  tous  sur  un  sujet  qa 
touche  de  si  prôs  aux  choses  militaires. 

Si  la  science  de  la  connaissance  du  terrain  est  la  base  fondamentale  de 
l'art  do  la  guerre,  croyez  bien  que  cette  science  intéresse  autant  les  per- 
sonnes étrangères  à  cet  art,  qu'elle  est  utile  aux  militaires.  Si  la  nécessite* 
de  savoir  lire  et  surtout  comprendre  la  carte  s'impose  plus  que  jamais  i 
toute  personne  appartenant  à  l'armée,  quel  que  soit  le  degré  qu'elle  occupe 
dans  la  hiérarchie,  cette  nécessité  devient  de  jour  en  jour  plus  évidente, 
qu'il  s'agisse  de  l'industriel  ou  du  commerçant,  du  fonctionnaire,  du  s&Ysut 
ou  du  touriste.  Que  dis-je?  J'espère  vous  prouver  tout  à  l'heure,  à  tous 
Mesdames,  que  cette  science  est  aussi  nécessaire  aux  jeunes  ûlies  que  la 
géométrie,  la  physique  et  la  chimie  qu'on  a  d'ailleurs  d'aussi  bonnes  ra- 
sons de  leur  apprendre  que  l'art  non  moins  utile  d'entretenir  avec  soin 
une  armoire  à  linge  ou  de  diriger  la  comptabilité  du  ménage. 

Je  vous  disais  à  l'instant  que  savoir  lire  la  carte  est  une  nécessité  poar 
bien  des  personnes.  L'industriel,  en  effet,  s'en  sert  pour  préparer  la  cons- 
truction des  voies  ferrées  particulières  qui  desservent  ses  usines,  pour  y 
reporter  les  indications  géologiques  s% exploite  les  mines,  le  commercial 
prépare  avec  la  carte  les  tournées  de  ses  employés,  le  fonctionnaire  se 
guide  sur  elle  pour  accomplir  ses  voyages  de  service,  le  touriste  n'a  pas 
de  meilleur  guide,  enfin  le  savant  se  sert  de  la  carte  quand  ses  travaux 
portent  sur  des  questions  d'histoire,  de  géographie  ou  d'archéologie. 

J'en  appelle  à  ce  sujet  à  l'éminent  archéologue  quo  Bar  *  s'honore  de 
compter  parmi  ses  enfants  et  dont  je  craindrais  de  blesser  la  modestie  en 
citant  les  nombreux  travaux  que  vous  admirerez  à  l'exposition.  Je  ne  puis 
rien  ajouter  de  plus  aux  paroles  qu'a  prononcées  à  cet  égard,  tout  à  l'heure, 
M.  le  préfet.  Qu'il  me  soit  pourtant  permis,  après  les  nombreuses  marques 
de  sympathie  qu'il  a  déjà  reçues,  de  lui  décerner  ici,  au  nom  de  la  Société 
de  géographie,  l'éloge  public  qu'il  mérite. 

Celte  carte  si  utile  à  tous,  pourquoi  ne  s'est-elle  pas  vulgarisée  par  elle» 
mémo,  et  pourquoi  est-on  obligé  d'attirer  l'attentiou  sur  elle?  C'est  dans 
un  autre  ordre  d'idées  qu'il  faut  chercher  une  réponse  à  cette  question. 
Pendant  de  longues  années,  les  cartes  géographiques  ne  présentait 
guère  que  les  principales  lignes  du  terrain  avec  quelques  hachures  pour 
représenter  les  montagnes. 

Les  géographes  ont  senti  ensuite  la  nécessité  de  faire  appel  â  la  topo- 
graphie pour  compléter  leurs  cartes.  A  l'aide  des  cartes  topographiques 
ils  ont  disséqué,  pour  ainsi  dire,  le  terrain  dont  ils  n'avaient  tracé  primi- 
tivement que  le  squelette,  de  manière  à  faire  ressortir  les  principaux  acci- 
dents du  sol  d'une  façon  plus  complète  et  qui  frappe  l'œil.  Les  géographes 
sont  ainsi  arrivés  à  faire  des  cartes  qui  tiennent  le  milieu  entre  les  an- 
ciennes cartes  géographiques  et  les  cartes  topographiques.  Les  cartes  géo- 
graphiques ont  donc  changé  d'aspect  et  leur  simple  vue  suffit  à  démon- 
trer la  nécessité  d'avoir  recours  à  la  carte  topographique  si  l'on  trouve  que 
pour  une  question  dont  on  s'occupe  elles  ne  donnent  pas  encore  asseï 
ùe  détails.  Eu  un  mot,  dans  l'état  actuel  de  la  cartographie  on  ne  troutt 
plus  une  transition  brusque  entre  les  cartes  géographiques  et  les  caries 
topographiques. 

La  nécessité  de  la  vulgarisation  des  cartes  topographiques  résulte  aussi 
de  l'accroissement  considérable  des  voies  de  communication  de  toales 
sortes.  Lorsque  la  vicinalité  était  moins  développée,  les  chemins  étaient 
tous  bien  connus  et  pas  n'était  besoin  de  carte  pour  se  diriger,  la 


INAUGURATION  DE  L'EXPOSITION  A  BAR- LE-DUC.       529 

voyages  étaient  peu  fréquenta,  on  s'éloignait  pen  du  clocher  et,  par  suite» 
on  retrouvait  toujours  son  chemin.  Actuellement,  avec  le  réseau  très  déve- 
loppé des  chemins  de  fer,  des  chemins  vicinaux  et  des  voies  forestières, 
se  diriger  sans  la  carte  est  presque  une  impossibilité  des  qu'on,  a  un  par- 
cours assez  long  à  faire  et  qu'on  est  étranger  au  pays. 

Les  cartes  sont  donc  devenues  un  objet  de  nécessité,  elles  sont  déjà  une 
monnaie  courante,  elles  le  deviendront  encore  plus  quand,  sans  s'arrêter 
i  ce  que  la  topographie  présente  de  scientifique,  on  se  bornera  à  enseigner 
dans  les  écoles  primaires  la  lecture  pure  et  simple  de  la  carte,  laissant 
aux  gens  plus  curieux  la  latitude  de  s'occuper,  s'ils  le  veulent,  des 
moyens  employés  pour  la  faire,  pour  la  dessiner,  pour  la  graver  et  enfin 
pour  la  tirer. 

Quand  je  veux  parler  de  la  carte,  je  veux  surtout  parler  de  cette  carte 
de  France  de  l'état-major,  de  cette  œuvre  nationale  et  gigantesque  à  laquelle 
ont  contribué  pendant  soixante  ans  prés  de  800  officiers  d'état-major,  qui 
a  soulevé  bien  des  critiques,  mais  que  nos  adversaires  se  sont  empressés 
de  copier. 

On  a  dit  que  cette  carte  était  insuffisante;  on  s'est  extasié,  en  1870, 
devant  le  trop  fameux  uhlan,  qui,  sa  carte  i  la  main,  allait  droit  à  la 
moindre  ruelle  de  village  sans  demander  de  renseignements,  tandis  que 
nos  soldats  étaient  obligés  de  demandor  leur  chemin  !  C'est  que  nos  enne- 
mis avaient,  outre  la  carte  en  papier,  une  carte  vivante  dont  nous  n'avons 
pas  voulu  et  dont  nous  ne  voudrons  pas  encore.  100,000  Allemands  beso- 
gneux, qui  avaient  sucé  le  lait  de  la  France  pendant  de  longues  années, 
sont  revenus  guider  leurs  amis  dans  les  moindres  villages.  Pas  une  colonne 
allemande  qui  n'ait  eu  au  moins  un  guide  de  cette  nature,  faisant  ainsi  un 
métier,  patriotique  suivant  eux ,  mais  que  les  sentiments  d'honneur  de 
l'armée  française  réprouvent. 

Ayez  donc  confiance  dans  notre  carte;  on  a  bien  dit  que  nous  avions  été 
battus  parce  que  pous  ne  connaissions  pas  assez  la  langue  allemande.  Ver- 
biage que  tout  celai  C'est  ailleurs  et  dana  des  considérations  d'un  ordre 
plus  élevé  que  nous  n'avons  pas  à  examiner  ici  qu'il  faut  chercher  la  cause 
de  nos  défaites. 

Je  vous  ai  promis  tout  à  l'heure,  Mesdames,  de  vous  démontrer  l'utilité 
de  la  lecture  de  la  carte  pour  les  jeunes  tilles. 

Cette  utilité  est  incontestable  depuis  que  les  voyagos  à  l'étranger,  les 
excursions  aux  stations  thermales  sont  devenus  de  mode  et  sont,  pour 
ainsi  dire,  le  complément  indispensable  de  l'éducation  dos  jeunes  filles. 
Qaoi  de  plus  agréable  dans  une  excursion ,  dans  une  promenade  à  cheval 
que  de  suivre  avec  la  carte  les  accidents  du  terrain,  de  se  perdre  dana  un 
bols  pour  avoir  ensuite  la  satisfaction  de  retrouver  son  chemin,  en  un  mot, 
de  suivre  des  yeux  le  portrait  du  terrain  sur  lequel  on  chemine? 

La  préparation  même  d'une  promenade  sur  la  carte  a  son  attrait,  et  &  ce 
titre  la  carte  est  encore  un  objet  d'agrément. 

Voilà  pour  l'agréable.  Si  nous  passons  à  l'utile,  je  vous  dirai  que  les 
jeunes  filles  d'à  présent  sont  les  mères  de  l'avenir,  et  que  de  même  que 
beaucoup  d'entre  elles  apprendront  la  grammaire  latine,  voire  même  la 
grammaire  grecque,  pour  la  faire  réciter  à  leurs  fils,  elles  auront  autant 
d'intérêt  à  apprendre  la  lecture  de  la  carte  pour  l'enseigner  à  leurs  en- 
tants. On  a  fait  des  jeux  d'architecture;  pourquoi  ne  ferait -on  pas 
des  jeux  topographiques  auxquels  les  enfants  prendraient  autant  d'amu- 
sement? 


530  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

Jo  pourrai  encore,  Mesdames,  vous  donner  une  autre  raison  pour  rosi 
ertgager  i  cultiver  la  lecture  de  la  carte,  et  je  suis  sûr  que  cette  raison 
trouvera  un  écho  dans  vos  cœurs.  Qu'il  me  suffise  de  vous  dire  que  vous 
ferez  ainsi  œuvre  de  patriotisme  en  donnant  cet  exemple  à  vos  fils. 

Qu'est  ce  qu'une  carte  topographique? 

Une  carte  topographique  est  le  portrait  en  miniature  de  tous  les  objets 
qui  nous  entourent  dans  un  certain  rayon,  que  ces  objets  aient  été  faits 
par  la  main  des  hommes  ou  soient  le  résultat  de  l'action  des  forces  de  la 
nature.  Il  résulte  de  cette  définition  que,  sur  une  carte  topographique,  on 
doit  distinguer  deux  groupes  principaux  de  détails  :  les  détails  artificiels, 
c'est-à-dire  le  portrait  de  ce  qui  a  été  fait  par  la  main  des  hommes,  et  tas 
détails  naturels,  c'est-à-dire  l'indication  des  cours  d'eau  et  des  relief»  et 
des  creux  du  sol.  Pour  faire  tenir  tous  les  détails  d'une  assez  grande  étendue 
de  terrain  sur  une  feuille  de  papier  de  dimensions  restreintes,  absolument 
comme  le  photographe  fuit  tenir  le  portrait  d'une  personne  sur  une  carte 
de  visite,  on  a  été  obligé  de  faire  comme  le  photographe,  c'est-à-dire  de 
réduire  toutes  les  dimensions  des  objets  dans  une  môme  proportion.  Uo 
photographe  qui  serait  en  ballon  et  qui  prendrait  une  vue  d'ensemble  an 
terrain  qui  se  déroule  sous  ses  pieds  ne  ferait  pas  autre  chose  qu'une  jolis 
carte  topographique.  Malheureusement,  ce  procédé  est  peu  pratique,  très 
coûteux,  dangereux  parfois  et  ne  peut  rendre  des  services  que  dans  des 
cas  très  particuliers.  Le  topographe,  qui  ne  plane  pas  au-dessus  du  sol, 
est  obligé,  pour  faire  le  portrait  du  terrain,  de  le  parcourir  dans  tous  les 
sens  et  de  convenir  que  tout  ce  qu'il  verra  il  le  réduira  de  la  même  ma- 
nière. 

Il  conviendra,  par  exemple,  de  représenter  10,000  mètres  par  1  mètre, 
on  dira  alors  qu'il  fait  sa  carte  à  l'échelle  du  dix-millième,  s'il  repré- 
sente 80,000  mètres  ou  80  kilomètres  par  un  mètre,  on  dira  qu'il  mit  si 
carte  à  l'échelle  du  quatre-vingt-milbéme  :  c'est  l'échelle  de  la  carie  d'état- 
major. 

Je  vous  dirai  peu  de  mots  de  la  manière  de  figurer  sur  le  pépier  tes 
détails  artificiels  tels  que  les  routes,  les  canaux,  les  chemins  de  fer,  ta 
habitations,  les  ponts  et  les  cultures.  La  manière  do  représenter  ces  dé- 
tails, de  môme  que  les  rivières  et  les  ruisseaux,  se  trouve  indiquée  sur 
un  tableau,  dit  des  signe*  conventionnels,  que  l'on  trouve  très  fiaeilemeat 
dans  le  commerce  et  auquel  il  suffit  de  se  reporter  pour  s'apprendre,  sa» 
aucun  professeur,  à  reconnaître  les  mômes  signes  sur  la  carte.  Ce  tablera 
so  trouve  môme  dans  la  marge  de  la  plupart  dos  cartes  qui  paraissait 
actuellement.  C'est  par  l'étude  des  signes  conventionnels  qu'il  faut  com- 
mencer pour  apprendre  à  lire  la  carte  ;  c'est  un  travail  qui  ne  repose  ab- 
solument que  sur  la  mémoire  des  yeux  et  qui  ne  nécessite  aucun  effort 
d'intelligence,  si  minime  qu'il  soit. 

Je  passerai  donc  de  suito  avec  vous  à  l'étude  plus  intéressante  des 
formes  du  terrain,  quitte  à  vous  indiquer  ensuite  la  corrélation  qui  existe 
souvent  entre  les  détails  artificiels  et  les  détails  naturels  :  les  premiers 
sont  la  plupart  du  temps  la  conséquence  des  seconds. 

Quand  ou  examine  un  terrain  qui  n'est  pas  absolument  plat,  on  re- 
marque qu'il  se  compose  de  proéminences,  de  dépressions  et  d'entailles 
faites  dans  los  proéminences  pour  y  laisser  la  plupart  du  temps  passer 
des  chemins  qu'il  sorait  beaucoup  plus  incommode  de  faire  A  droite  ou  i 
gauche. 

Les  proéminences,  nous  les  appellerons  croupes,  mamelons,  collines. 


INAUGURATION  DE  t' EXPOSITION  A  BAR-LE-DUC.        531 

pics,  plateaux;  les  dépressions,  nous  les  appellerons  vallées,  vallons,  ra- 
vins; les  entailles  des  proéminences  qui  servent  à  franchir  facilement  lot 
proéminences,  nous  les  appellerons  cols,  passages  ou  défilés. 

Je  vous  dirai  de  suite  que»  quand  on  trouve  un  creux  ou  une  vallée,  on 
doit  forcément  trouver  à  droite  ou  à  gauche  deux  croupes  ;  puisque,  quand 
on  quitte  la  vallée  où  coule  la  rivière  ou  le  ruisseau,  on  monte  toujours  et 
on  no  descend  jamais  ;  que,  quand  on  se  trouve  dans  un  col,  on  a  forcé- 
ment devant  soi  et  derrière  soi  une  descente,  puisque  pour  franchir 
une  montagne  on  monte  d'abord  pour  atteindre  le  col  et  Ton  descend 
ensaite  de  l'autre  coté  de  la  montagne;  que  dans  ces  conditions  on  a 
aussi  forcément  A  sa  droite  et  à  sa  gauche  une  élévation,  puisque,  s'il 
n  en  était  pas  ainsi,  l'entaille  de  la  montagne  ou  le  col  n'existerait  pas. 

Ceci  posé,  voyons  comment  les  topographes  ont  figuré  sur  la  carte  les 
différents  accidents  que  je  viens  de  vous  énumérer.  Supposons  que,  pour 
monter  do  pied  d'une  montagne  sur  son  sommet,  on  se  serve  de  marches 
d'escalier  au  lieu  de  monter  par  une  pente  continue  sur  la  terre  ferme  et 
que  ces  marches  d'escalier  soient  toutes  de  la  môme  hauteur.  On  voit 
de  suite  que  dans  les  endroits  où  la  montée  sera  dure  les  marches  seront 
étroites,  là  où  cette  montée  sera  douce  les  marches  seront  plus  larges,  de 
même  qu'un  escalier  d'appartement  a  des  marches  plus  larges  qu'un  esca- 
lier de  grenier  pour  monter  cependant  à  la  même  hauteur  avec  le  môme 
nombre  de  marches. 

Supposons  maintenant  que  pour  monter  tout  autour  de  la  montagne  on 
ait  fait  de  même  des  marches  de  la  môme  hauteur.  Quand  la  montagne 
sera  ainsi  organisée  A  l'instar  des  pyramides  d'Egypte,  on  pourra  eu  faire 
le  tour  en  restant  A  la  môme  hauteur  et  en  suivant  la  môme  marche,  qui 
s'élargira  quand  la  pente  sera  douce  et  qui  se  rétrécira  quand  la  pente 
sera  raide.  Quand»  en  cheminant  ainsi  sur  une  marche,  on  trouvera  une 
vallée  ou  un  creux,  la  marche,  pour  rester  à  la  même  hauteur,  sera  obli- 
gée de  rentrer  pour  ainsi  dire  dans  la  montagne  pour  en  ressortir  de  l'autre 
côté  de  la  vallée. 

Si  maintenant  nous  nous  reportons  à  notre  photographe  en  balltfn,  s'il 
fait  le  portrait  de  celte  montagne  du  haut  de  son  ballon,  il  obtiendra  une 
figure  dans  laquelle  tous  les  bords  des  marches  ressortiront  par  des  traits 
continus.  La  largeur  des  marches  étant  figurée  par  l'intervalle  entre  les 
traits,  quand  cet  intervalle  sera  petit,  la  pente  sera  raide  et  quand  il  sera 
grand,  la  pente  sera  douce.  En  appliquant  cette  méthode  A  tous  les  mou- 
vements de  terrain,  on  arrive  ainsi  à  les  découper  en  tranches  d'égale 
épaisseur  dont  les  bords  indiquent  la  ponte  par  leur  rapprochement  et 
dont  les  sinuosités  indiquent  les  rentrants,  c'est-à-dire  les  vallées,  et  les 
saillants,  c'est-à-dire  les  mamelons.  Sur  les  cartes,  les  bords  des  marches 
dont  nous  venons  de  parler  sont  numérotés,  on  y  porte  leur  élévation  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  comme  elles  sont  toutes  également  dis- 
tantes, en  hauteur,  de  la  hauteur  de  Tune  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
on  déduit  celles  de  toutes  les  autres.  Le  col  se  représentera  aussi  facile- 
ment, on  figurera  les  bords  des  marches  qui  constituent  les  deux  pontes 
descendantes  et  les  bords  des  marches  qui  constituent  les  pentes  ascen- 
dantes A  droite  et  à  gauche  du  col. 

Vous  voyez  donc  qu'avec  ces  simples  notions  vous  sauriez  lire  le  terrain 
sur  une  carte  dessinée  en  courbes.  Ce  procédé  est  employé  pour  les  cartes 
à  grande  échelle;  il  a  été  employé  pour  la  confection  des  minutes  de  la 
carte  d'état-major,  mais  il  a  l'inconvénient  de  ni  pas  assez  parler  A  l'œil 


532  ACTES  DB  LA  SOCIÉTÉ. 

pour  les  personnes  peu  habituées  à  la  lecture  de  la  carte;  11  a  fallu  ea 
tirer  un  autre  procédé  qui  n'en  est  que  la  conséquence  et  qui  a  été  adopté 
pour  la  carte  de  France. 

Ce  procédé  repose  sur  ce  fait  que,  si  on  suppose  le  terrain  éclairé  par 
le  soleil  d'aplomb,  les  pentes  raides  seront  moins  éclairées  que  les  pentes 
douces,  de  même  que,  si  Ton  présente  carrément  une  feuille  de  papier 
à  la  lueur  d'une  bougie,  elle  sera  plus  éclairée  que  si  on  la  présente 
obliquement.  Il  en  résulte  que,  pour  donner  une  idée  des  pentes,  os 
a  songé  à  faire  sur  les  cartos  en  courbes  des  teintes  d'autant  plus  fon- 
cées que  les  courbes  sont  plus  rapprochées,  c'est-à-dire  la  pente  phn 
raide. 

Ces  teintes,  on  peut  les  faire  au  lavis  à  l'encre  de  Chine,  au  lavis  i  U 
sépia,  à  l'estompe,  en  un  mot,  par  tout  procédé  permettant  de  faire  des 
teintes  fondues  de  forces  différentes. 

Les  caries  ainsi  confectionnées  sont  fort  jolies  et  très  claires,  le  ter- 
rain "y  saute  à  l'œil,  mais  elles  demandent  d'habiles  dessinateurs,  et  il  a 
fallu  adopter  un  moyen  mécanique  pour  produire  les  teintes  dont  il  s'agit. 
Ce  moyen,  c'est  la  -hachure.  Après  avoir  construit  une  carte  tracée  en 
courbes  légères,  on  intercale  entre  les  courbes  des  hachures  d'aplomb  entre 
deux  courbes  consécutives,  ot  d'autant  plus  rapprochées  que  les  courbes 
elles-mêmes  sont  plus  rapprochées,  c'est-à-dire  que  la  pente  est  pins  niée. 
Il  en  résulte  que,  plus  la  pente  sera  raide,  plus  les  hachures  présente- 
ront à  l'œil  une  teinte  foncée.  Il  suffit  donc  do  se  rappeler  ceci  :  c'est  que 
sur  la  carte  d'état-major  les  parties  foncées  en  hachures  représentent  des 
pentes  raides,  les  parties  en  teinte  grise  représentent  des  pentes  moyennes, 
enfin,  les  parties  complètement  blanchies  représentent  des  terrains  abso- 
lument horizontaux. 

Mais,  diroz-vous,  comment  distinguer  un  terrain  horizontal  élevé,  c'est- 
à-dire  un  plateau,  d'un  terrain  horizontal  qui  se  trouve  dans  un  creux, 
puisque  tous  deux  sont  représentés  par  du  blanc?  Il  existe  deux  moyens 
do  distinguer  le  plateau  de  la  vallée.  Si  la  partie  blanche  se  trouve  entre 
deux  vallées,  ce  ne  peut  être  qu'un  plateau,  puisque,  pour  passer  <Fnne 
vallée  à  l'autre,  il  faut  monter  puis  descendre.  A  défaut  de  cette  indi- 
cation, les  chiffres  que  l'on  rencontre  sur  les  cartes  et  qui  marquent  les 
hauteurs  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  indiquent,  par  la  comparaisoi 
avec  les  chiffres  de  môme  nature  qui  se  trouvent  à  côté,  qu'on  a  un  terrain 
élevé,  c'est-à-dire  un  plateau,  ou  un  terrain  bas,  c'est-à-dire  une  vallée. 
Maintenant,  j'ai  tout  dit  sur  ce  sujet.  Vous  en  savez  aussi  long  sur  cette 
matière  que  les  topographes  qui  ont  blanchi  sous  le  harnais.  Vous  ponvex 
prendre  une  carte,  en  entreprendre  la  lecture  et  vous  serez  tout  étonné! 
de  la  quantité  de  choses  nouvelles  que  vous  découvrirez  dans  votre  paji 
que  vous  croyiez  si  bien  connaître. 

Un  topographe  distingué  disait  un  jour  que  la  construction  do  la  earU 
topographique  d'un  pays  était  une  nouvelle  découverte  de  ce  pays.  CelU 
assertion  est  parfaitement  exacte;  les  régions  du  Pacifique  ne  commencent 
à  être  connues  que  depuis  leur  exploration  par  des  sociétés  de  topographes; 
la  Sicile  n'est  réellement  connue  que  depuis  qu'on  en  a  fait  la  carte  « 
jôTôvô*  el  la  Turquie  d'Europe,  si  peu  connuo  encore,  ne  le  sera  qoe 
quand  sa  carte  sera  faite. 

Il  ne  faut  pas  croire  pourtant  que  la  description  des  accidents  du  ter- 
rain d'un  pays  ne  puisse  pas  être  faite,  approximativement  du  moins,  sass 
représenter  le  terrain  pa/  un  des  moyens  que  je  vous  ai  indiqués.  L'hydro* 


INAUGURATION  DE  l/BXPOSITION  A  BAR-LE-DUC.        533 

graphie  d'un  pays  permet  io  pins  souvent  d'en  tracer  l'orographie  som- 
maire. De  l'échiquier  des  courà  d'eau  on  passe  facilement  par  induction 
à  la  notion  des  masses  montagneuses  qui  forcent  les  cours  d'eau  à  couler 
dans,  telle  ou  telle  direction.  C'est  ainsi  que  toutes  les  vallées  sont  déjà 
indiquées  par  le  tracé  des  cours  d'eau.  Mais  on  va  plus  loin  dans  .cet 
ordre  d'idées.  Ainsi,  plusieurs  cours  d'eau  qui  divergent  d'un  marne  point 
indiquent  un  ballon  ou  pic.  Le  ballon  d'Alsace  en  est  un  exemple,  on  le 
reconnaît  très  bien  sur  une  simple  carte  hydrographique. 

Deux  cours  d'eau  qui,  après  avoir  coulé  dans  une  direction  parallèle, 
viennent  à  diverger,  indiquent  un  relèvement  du  sol  après  un  abaissement. 
A  la  ligne  qui  joint  les  deux  coudes  correspond  le  terrain  le  plus  bas, 
c'est  celui  par  lequel  on  fera  passer  une  route  ou  un  canal  ;  là,  il  y  a 
toujours  un  col.  Si  on  joint  le  coude  de  la  Seine  i  Moret  et  celui  de  la 
Loire  &  Briare,  on  obtient  le  passage  qui  se  trouvait  indiqué  tout  naturelle- 
ment pour  la  construction  du  canal  qui  relie  les  deux  fleuves.  Quand  deux 
rivières  coulent  parallèlement  et  que  beaucoup  de  cours  d'eau  se  jettent 
dans  l'une  et  point  du  tout  dans  l'autre,  c'est  que  les  pentes  du  côté 
de  la  dernière  rivière  sont  trop  escarpées  pour  porter  le  lit  d'affluents. 
Au  bas  de  ces  pentes  escarpées  on  trouvera  d'habitude  un  chemin  plus  ou 
moins  praticable,  mais  on  en  trouvera  certainement  un  autre  à  mi-côte. 
Car,  par  suite  de  l'escarpement,  toutes  les  terres  cultivables  sont  descen- 
dues au  pied  de  l'escarpement,  et  en  haut  du  talus  d'éboulement  de  ces 
terres,  les  nécessités  de  la  culture  ont  certainement  produit  un  chemin 
au  moins  praticable  aux  piétons. 

Si  j'insiste  sur  ces  quelques  remarques,  c'est  qu'elles  constituent  une 
méthode  d'enseignement  de  la  topographie  qu'on  n'emploie  pas  assez,  qui 
est  très  féconde  en  résultats  et  qui,  somme  toute,  donne  des  aperçus  à 
peu  près  certains  sur  le  terrain. 

Pennettez-moi,  enfin,  d'appeler  votre  attention  sur  les  reliefs  que  vous 
verrez  à  l'exposition.  La  construction  de  ces  reliefs  d'après  le  principe  du 
découpage  du  torrain  en  marches  d'escalier  constitue  un  progrés  considé- 
rable dans  l'enseignement  do  la  topographio  usuelle. 

Dans  chaque  école  communale  on  arrivera  à  voir  le  relief  du  territoire 
de  la  commune  et  cet  objet  sera  le  meilleur  auxiliaire  pour  apprendre  aux 
jeunes  gens  la  lecture  de  la  carte  par  la  comparaison  entre  le  relief,  repré- 
sentation tangible  du  terrain,  et  la  carte  qui  n'en  est  que  la  représentation 
conventionnelle. 

^  En  terminant  cette  conférence  déjà  longue,  laissez -moi  ospérer  que 
l'appel  de  la  Société  topographique  de  France  pour  la  vulgarisation  de  la 
topographie  par  des  conférences  publiques,  trouvera  de  l'écho  à  Bar-le-Duc, 
qui  n'est  jamais  resté  en  arriére  quand  il  s'agissait  d'aller  de  l'avant  dans  la 
voie  du  progrés.  Vous  contribuerez  ainsi  pour  votre  part  et  dans  cet  ordre 
d'idées  au  relèvement  de  notre  cher  pays,  qui  a  pu  subir  des  revers,  mais 
qui  eu  est  sorti  grandi  par  le  malheur  et  qui  renaît  tous  les  jours  plus  vail- 
lant des  cendres  sous  lesquelles  on  avait  voulu  l'ensevelir. 

M.  Barbier  se  lève  de  nouveau  et  s'excuse  de  n'avoir  pas  compris, 
dans  les  remerciements  par  lesquels  il  a  débuté,  MM.  les  Sénateurs  et 
Députés  qui  ont  bien  voulu,  avec  la  plus  grande  libéralité,  accorder  de 
nombreuses  récompenses  aux  futurs  lauréats  de  l'exposilion  :  la  Société 
de  géographie  tout  entière  leur  en  est  reconnaissante. 


534  ACTES  DB  LA  SOCIÉTÉ. 

Pais,  remerciant  à  son  tour  M.  Dennery  pour  la  compétence  avee 
laquelle  il  a  traité  le  troisième  point,  lequel  constitue  la  géographie 
scientifique,  dit  que  son  nom  est  désormais  attaché  à  ceux  du  capitaine 
Clerc,  du  139e,  qui  a  fait  des  travaux:  appréciés  sur  la  géologie  mili- 
taire, et  du  commandant  Parisot  dont  on  connaît  les  brillantes  études 
topographiques  en  Algérie,  et  qu'à  eux  trois  ils  constituent  le  premier 
noyau  d'officiers  qui  ait  pris  une  part  active  aux  travaux  de  ta  Société 
de  géographie. 

L.  de  H. 


ASSOCIATION 


POUR 


L'AVANCEMENT  DES   SCIENCES 


CONGRÈS    DE    ROU  EN 

Du  16   au  23   août    1883. 


La  douzième  session  de  cette  Association  a  été  ouverte  le  16  août, 
à  Rouen,  par  son  président,  M.  Frédéric  Passy,  membre  de  l'Institut. 

Pins  de  six  cents  membres,  Tenus  de  tous  les  points  de  la  France, 
y  assistaient.  Après  l'issue  de  la  séance  d'ouverture,  chacun  des 
membres  s'est  rendu,  selon  la  coutume,  à  la  section  dont  il  fait  partie. 

La  quatorzième  section,  ou  section  de  géographie,  avait  élu,  con- 
formément an  règlement,  l'année  précédente,  à  la  Rochelle,  son  pré- 
sident, M.  le  général  Parmentier.  Il  y  avait  donc  à  compléter  Le 
bureau  ;  M.  le  général  Venukoff  fut  élu  président  d'honneur  ;  MM.  Gra- 
vier, vice-président,  et  Jackson,  secrétaire. 

Le  colonel  Perrier  a  ouvert  les  travaux  de  la  section  par  une  très 
intéressante  communication  sur  l'état  d'avancement  de  la  carte  d'Al- 
gérie. 

Dès  le  début  de  la  conquête,  on  fit  une  carte  d'Algérie  ;  mais  cette 
carte  ne  pouvait  qu'être  provisoire  ;  car  elle  était  subordonnée  au  mou* 
vement  de  la  conquête. 

En  1867,  commença  un  travail  définitif;  mais  ce  ne  fut  guère  qu'a- 
près 1871,  que  Ton  se  mit  sérieusement  à  l'ouvrage. 

Ce  travail  considérable  sera  terminé  dans  7  ou  8  années.  Déjà,  cin- 
quante feuilles,  sont  terminées,  ou  sur  le  point  de  l'être.  Le  colonel 
Perrier  présente  quelques-unes  de  ces  cartes  Celles  sont* à  l'échelle 
des  50,000e  et  200,000*  et  à  six  teintes  ;  afin  de  faire  mieux  res- 
sortir les  reliefs,  les  courbes  de  niveau  sont  teintées  en  bistre  ;  l'é- 
chelle se  trouve  sur  le  cadre.  Ces  exemplaires  sont  magnifiques.  La 
carte  d'état-major  française  avait  été  gravée  sur  cuivre  ;  celle  d'Al- 
gérie le  sera  sur  zinc  :  il  est  en  effet  très  difficile,  avec  le  cuivre, 
d'entretenir  une  carte  au  courant  ;  au  contraire,  rien  n'est  plus  facile 
ivec  le  zinc;  avec  celui-ci  on  corrige  aisément,  et  les  additions  se  font 
«ans  difficulté  aucune. 


536  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

Détail  très  curieux  :  les  ouvriers  lithographes  se  refuseot  à  employer! 
le  zinc  ;  ils  ont  été  jusqu'à  détruire  les  appareils.  Si  Ton  n'exerçait  pas 
une  sévère  surveillance,  les  patrons  lithographes  se  serviraient  de  M 
pierre,  encourageant,  de  la  sorte,  l'hostilité  de  leurs  ouvriers.  Le  colo- 
nel Février  triomphera  de  eette  mauvaise  volonté  peu  intelligente, 
nous  n'en  doutons  pas. 

La  carte  d'Algérie  sera  prolongée  vers  la  Tunisie,  celle-ci  sera  ao 
200,000e  ;  le  travail  en  est,  du  reste,  fort  avancé. 

M.  Perrier  présente  ensuite  une  carte  d'ensemble  de  l'Algérie  au 
800,000°;  enfin,  une  autre  du  Sud-Oranais  :  celle-ci,  des  plus  com- 
plètes, va  jusque  Figuig;  elle  a  été  faite  pendant  les  dernières  expé- 
diions de  nos  troupes  dans  cette  région. 

À  ce  sujet,  M.  Perrier  parle  des  difficultés  que  présentent  des  levers 
de  plans  faits  dans  ces  conditions  ;  les  officiers  chargés  de  ce  travail 
suivent  les  colonnes  ;  plus  d'une  fois  il  leur  a  fallu  laisser  les  inslru- 
ments  pour  faire  le  coup  de  feu,  et  le  soir,  quand  tous  se  reposent,  ils 
doivent  mettre  au  courant  le  travail  de  la  journée. 

L'état-major  français  vient  de  commencer  une  nouvelle  carte  de  la 
France  au  200,000*.  Le  colonel  Perrier  en  présente  trois  eieœ- 
plaires  :  Metz,  Nancy  et  Vesoul ;  c'est-à-dire  la  chaîne  des  Vosges.  Ces 
cartes  à  six  couleurs  sont  d'une  netteté  admirable  et  gravées  m 
sine. 

À  ce  sujet,  une  discussion  s'engage  entre  MM.  Perrier,  Aathoine, 
Venukoff  et  Parmentier. 

Tous  sont  unanimes  à  déplorer  les  habitudes  des  ministères  qui 
agissent  chacun  pour  leur  propre  compte  fans  s'occuper  des  travaux 
du  voisin. 

Pourquoi,  dit  M.  Perrier,  ne  pas  créer,  comme  on  l'a  fait  jadis  pour 
la  carte  d'état-major,  ne  pas  créer  un  comité  d'hommes  vraiment  com- 
pétents, qui  fixerait,  une  fois  pour  toutes,  un  travail  d'ensemble  qui 
servirait  à  tous?  Ce  travail  serait  au  10,000e,  au  20,000°,  et  alors  on 
ne  verrait  plus  les  ponts  et  chaussées,  le  service  vicinal,  la  guerre, 
les  forêts,  faire  chacun  pour  soi  un  même  travail  qui  va  dormir  dans 
les  cartons  et  qui  ne  sert  plus  à  personne. 

Il  y  aurait  économie  de  temps  et d'argent. 

M.  Perrier  se  propose  de  soulever  cette  question  à  l'Institut  :  nous 
souhaitons  ardemment  qu'il  réussisse. 

On  dirait  véritablement,  à  voir  les  habitudes  qui  dominent  dans  dos 
divers  ministères,  que  ces  derniers  appartiennent  à  des  nationalités 
différentes  ! 

Le  général  Venukoff  présente  le  38«  volume  des  mémoires  de  li  sec- 
tion topographique  de  l'état-major  russe,  au  sujet  des  observations 


CONGRÈS  DE  ROUEN.   '  537 

astronomiques  et  géodêsiques  en  Sibérie.  À  ce  sujet,  le  générai  Venu- 
kof  parle  de  l'organisation  des  brigades  topographiques  russes. 

M.  Perrier  les  cite  comme  un  modèle  à  imiter. 

AL  Gravier  1U  trois  mémoires  destinés  i  une  publication  qui  doit 
faire  connaître  la  Tie  et  les  travaux  des  Rouen  nais  célèbres. 

M.  Gravier  s'est  chargé  de  raconter  la  Tie  et  les  aventures  des  voya- 
gea» rouennais.  Cette  publication  est  destinée  à  la  jeunesse. 

Écrites  dans  un  style  simple  et  correct,  ne  dépassant  jamais  le  cadre 
tracé,  ces  notices  ont  obtenu,  auprès  de  la  section,  le  plus  grand 
«accès. 

M.  Gravier  nous  a  raconté  la  vie  de  Paulin  Lucas  (1664-1737),  de 
Jules  de  Blosseville,  l'héroïque  marin  disparu  depuis  1833  dans  un 
voyage  au  pôle  nord,  et  enfin  le  voyage  de  trois  magistrats  de  Rouen 
autour  de  la  Méditerranée  (1630). 

Le  général  Parmentier  continue  ses  remarquables  études  sur  les 
principaux  termes  de  géographie  et  de  topographie  ainsi  que  des  mots 
qui  entrent  le  plus  fréquemment  dans  la  composition  des  noms  de 
Heu. 

On  sait  combien  est  déplorable,  en  France,  l'orthographe  et  la  tra- 
duction des  noms  étrangers  dans  nos  cartes. 

Le  général  a  entrepris  de  publier  des  vocabulaires  qui  permettront 
de  donner  aux  noms  géographiques  étrangers  que  nous  traduirons 
leur  sens  véritable  :  à  Alger,  il  a  soumis  un  vocabulaire  arabe-français; 
a  La  Rochelle,  un  vocabulaire  magyar-français  ;. enflu,  à  Rouen,  il  a 
apporté  le  manuscrit  d'un  vocabulaire  turc-français. 

On  a  déjà  publié  de  ces  vocabulaires  ;  mais  faits  à  la  hâte,  ils  four- 
millent d'erreurs  parfois  monstrueuses  ;  le  général  en  signale  plusieurs 
qui  donneront  une  idée  de  la  valeur  de  ces  ouvrages  : 

Le  mot  magyar  uj  veut  dire  neuf  ;  uj-var,  BigniÛe  neuf -château; 

ujvaros,  Ville-Neuve Rieu  de  plus  clair  ;  certain  vocabulaire 

traduit  uj  :  cours  d'eau!.....  Bien  plus:  Puro  signiûe  foret,  l'instru- 
ment qui  sert  i  forer;  le  même  vocabulaire  confond  cet  instrument 
avec  la  forêt  VA  On  est  confondu,  en  effet,  d'une  telle  légèreté,  et  l'on 
doit  comprendre  rembarras  du  géographe  et  excuser  bien  des  confu- 
sions commises  par  lui;  avec  les  vocabulaires  du  général  Parmentier, 
de  pareilles  erreurs  ne  seront  plus  à  craindre. 

H.  J.  Jackson  a  pris  la  parole  (séance  du  20  août)  sur  le  Gulf-stream  : 

Les  recherches,  dit-il,  organisées  depuis  bien  des  années  par  le 
Coast-Survep  des  États-Unis,  et  encore  aujourd'hui  en  cours,  ont  établi 
qoe  le  Gulf-stream  n'a  point,  dans  la  mer  des  Antilles  et  dans  le  golfe 
du  Mexique,  le  parcours  que  lui  prêtent  les  cartes  françaises,  anglaises 
pu  allemandes,  même  les  plus  récentes. 


538  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

Le  grand  courant  équatorial  de  l'Atlantique,  après  avoir  été  dévié 
par  les  côtes  de  l'Amérique  méridionale,  rencontre  la  série  des  Petites- 
Antilles  qui  l'infléchissent  au  nord-ouest,  ne  laissant  passer  entre  elle* 
que  de  faibles  quantités  d'eau  dont  la  plus  grande  semble  trouverai 
passage  entre  la  Trinité  et  la  côte  de  Venezuela.  On  admet  encore 
l'existence  d'un  courant  circulaire  dans  la  partie  antérieure  ou  orien- 
tale de  la  mer  des  Antilles  limitée  à  l'ouest  par  la  série  de  hauts-fonds 
régnant  entre  la  Jamaïque  et  le  cap  Graclas-à-Dios,  qui  ne  laissent 
passer,  dans  la  partie  postérieure  ou  occidentale  de  la  mer  des  Antilles, 
que  de  faibles  courants  superficiels.  Les  eaux  de  la  partie  orientale 
s'échappent  au  nord  par  le  passage  de  Mona  entre  Haïti  et  Puerto-Rko. 

La  partie  postérieure  ou  occidentale  de  la  mer  des  Antilles  reçoit 
encore  des  eaux  par  le  canal  du  Vent,  entre  Haïti  et  Cuba,  où  le  coa- 
rant  est  assez  fort  pour  nettoyer  le  fond  de  toutes  les  boues  qui]  acca- 
mule  sur  les  bas  côtés  4e  cette  entrée. 

Les  eaux  qui  pénètrent  dans  le  golfe  du  Mexique  par  le  canal  de 
Yucatan,  parvenues  à  environ  un  tiers  de  la  distance  qui  sépare  le  ea» 
Gatoche  des  bouches  du  Mississipi,  se  trouvent  infléchies  à  Test,  vers 
le  canal  de  la  Floride,  dans  la  seule  direction  par  où  elles  puissent 
sortir,  par  cette  sorte  de  muraille  que  leur  oppose  la  masse  des  eaax 
du  golfe  du  Mexique.  Celles-ci  sont  généralement  froides,  tant  à  U 
surface  que  dans  les  profondeurs,  et  ne  présentent  point  ces  courants 
constants  qne  leur  attribuent  nos  cartes  et  qui  iraient,  d'après  elles, 
lécher  les  côtes  du  nord  du  Yucatan,  du  golfe  de  Cam pêche,  du  Mexique 
et  du  sud  des  États-Unis. 

En  sortant  du  golfe  du  Mexique  par  le  canal  de  la  Floride,  les  eaox 
du  Gulf-8tream  viennent  se  joindre  à  toute  la  masse  des  eaux  de 
grand  courant  équatorial  dévié,  comme  nous  l'avons  vu,  parla  côte  de 
l'Amérique  du  Sud,  par  les  Antilles  et  enfin  par  l'Amérique  dn  Sord. 

C'est  donc  à  ce  grand  courant  équatorial  rejeté  ainsi  en  graodei 
masses  vers  les  côtes  de  l'Europe  occidentale,  qu'il  faut  attribuer  les 
effets  que  nous  avons  attribués  jusqu'ici  au  Gulf-stream,  celoi-d 
n'étant  qu'un  faible  misseau  comparé  à  ce  fleuve  immense  dont  il 
s'était  séparé  sur  une  partie  de  son  trajet. 

Ce  résumé  des  travaux  du  Coast-Survey  a  vivement  intéressé  les 
membres  de  la  section  ;  il  est  vraiment  déplorable  que  des  Atlas  qui 
passent  pour  très  bien  faits  (dont  quelques-uns  viennent  de  paraître 
récemment)  continuent  à  faire  partir  le  Gulf-stream  du  golfe  de 
Mexique.  On  ne  saurait  trop  remercier  le  sympathique  archiviste  de  ls 
Société  de  géographie  de  Paris  d'avoir  signalé  de  telles  erreurs. 

La  section  a  élu  pour  président,  «à  la  session  prochaine,  qui  se  tien- 
dra à  Blois,  M.  le  colonel  Perrier. 


NOUVEAUX    MEMBRES.  539 

Le  Congrès  a  été  clos  le  23  août,  après  avoir  décidé  que  la  session 
de  1885  aurait  lien  à  Grenoble,  et  élu  pour  président  de  cette  session, 
M.  le  professeur  Verneuil.  A.  Fournier, 

Délégué  de  1a  Société  de  géographie  de  l'Est  au  Congre  • 
pour  l'avancement  dea  icienee*. 


NECROLOGIE 


Le  doclenr  Ûaillardot  est  mort,  en  août  dernier,  à  Bandhoum,  près 
Beyrouth.  Il  était  ancien  directeur  de  l'École  de  médecine  du  Caire  et 
l'un  des  membres  actifs  de  la  Société  khèdiviale  de  géographie.  Il  a 
attaché  son  nom  à  des  outrages  remarquables  sur  l'âge  préhistorique 
et  la  flore  orientale,  flous  serions  heureux  d'apprendre  s'il  était  fils  ou 
parent  du  docteur  Gaillardot,  notre  compatriote,  signalé  dans  le  Livre 
d'or  de  la  géographie  dans  VEst  de  la  France. 

M.  Brun,  agent  consulaire  français,  qui  était  autrefois  le  compagnon 
d'exploration  de  M.  Bonnat  au  pays  des  Achantis,  est  mort  à  Klmina , 
en  avril  dernier.  M.  Brun  avait  laissé  les  plus  sympathiques  souvenirs 
au  Congrès  de  Lyon,  auquel  il  avait  assisté. 

Un  jeune  explorateur  de  la  côte  orientale  d'Afrique,  M.  Trouille! , 
vient  également  de  mourir,  à  Bouba,  après  une  tentative  infructueuse 
de  pénétration  au  Foutah-Djallon,  à  cause  des  pluies. 

Le  doyen,  peut-être,  des  voyageurs  de  l'Afrique,  le  père  du  jeune 
Linant  de  Bellefond,  que  Stanley  rencontra  un  jour  chez  le  roi  M'tésa, 
vient  de  mourir  à  l'âge  de  82  ans.  C'est  lui  qui  a  tracé  la  carte  hydro- 
graphique de  la  valiée  du  Nil  et  qui  a  couvert  ce  pays  de  routes  et  de 
canaux. 

On  a  appris  également  la  mort  de  M.  Ernest  Kalina,  officier  autri- 
chien, attaché  à  la  mission  de  Stanley,  en  traversant  le  Congo;  —  du 
lieutenant  Janssens,  de  la  môme  mission  et  dans  les  mêmes  circons- 
tances ;  —  de  MM.  Auguste  Schaumann  et  Baron  Wullerstorf-Urbair, 
l'un  officier,  l'autre  amiral  autrichien,  le  premier  ancien  compagnon 
de  Stanley  et  du  capitaine  Elliot  au  Congo,  le  second  qui  dirigea  l'ex- 
pédition de  la  Novara  autour  du  monde;  —  du  chevalier  Lucioli  qui 
séjourna  trente  ans  chez  les  Indiens  de  l'Amérique  équatoriale;  — 
du  général  sir  Edward  Sabine  qui,  en  qualité  de  physicien,  flt  partie, 
à  Tage  de  31  ans,  du  voyage  de  Parry  en  1819-1820;  —  et  du  doc- 
teur Moffat,  âgé  de  88  ans,  ancien  missionnaire  et  explorateur  africain, 
beau-père  du  docteur  Uvingstone. 


Membres  admis  depuis  la  publication  du  dernier  Bulletin . 

1°  Société-Mère. 

HM.  Bœspflug,  directeur  de  l'enregistrement,  41,  cours  Léopold. 
Ualbecher,  instituteur,  ù  Nomeoy. 
Lardenois,  directeur  d'assurances,  rue  des  Dominicains. 


540  ERRATA. 

2°  Section  vosgienne. 

MM.  Bourguignon,  professeur  à  l'École  normale  de  Mirecourt 
Louis  (Etienne),  industriel  à  Sauley,  près  Senones. 

3°  Section  meusienne. 

MM.  Arnould  (Gaston),  secrétaire  adjoint  de  la  mairie,  à  Bar-le-Duc. 
Blanchard,  instituteur,  à  Glermont-en-Argonne. 
Bogenez,  instituteur,  à  Bussy-la-Côte. 
Bouillon,  instituteur,  à  Triau court. 

CoJlot  (Ém.),  imprimeur-libraire,  rueEntre-deux-Ponls,  à  Bar-le-Duc. 
Didion  (Dr),  membre  du  Conseil  général,  maire  de  Mexeray,  par 

Spincourt. 
Enchéry  (A délia),  notaire,  à  Vanauil-le-Cbàtel  (Marne). 
Harmand,  vicomte  d'Abancourt,  conseiller  référendaire  àlaCoor 
des  comptes,  membre  du  Conseil  général  de  la  Meuse,  rue  ïè- 
zelay,  1 1 ,  à  Paris. 
Gérardin  (Emile),  instituteur,  à  Richecourt,  par  Ap remont  (Meuse); 
Laguerre  (Emile) ,  secrétaire  de  la  Commission  de  la  Bibliothèque, 

à  Bar-le-Duc. 
Lévy  (Raphaël),  négociant,  rue  Entre -deux-Ponts,  à  Bar-le-Duc. 
Marchai,  professeur  au  Lycée  de  Belfort. 
Maury,  membre  du  Conseil  général  de  la  Meuse,  à  Verdun. 
Pernet,  négociant,  rue  Entre-deux-Ponts,  à  Bar-le-Duc. 
Prudliomme-Havette,  membre  du  Conseil  général  de  la  Meuse,  à 

Étain. 
Thomas,  cafetier,  rue  Ernest-Bradfer,  à  Bar-le-Duc. 
Thomas,  tanneur,  rue  Nêve,  à  Bar-le-Duc. 
Vivenot,  sénateur,  président  du  Conseil  général  de  la  Meuse,  me 
Saint-Pétersbourg,  43,  à  Paris,  et  à  Bar-le-Duc. 


ERRATA. 

Bulletin  des  1er  et  2e  trimestres  1883,  page  24;  erreur  de  titre.  An 
Heu  de  :  Remarques  de  géographie  physique  faites  durant  un  voyage 
de  circumnavigation  autour  de  V  Amérique  du  Sud,  lire  :  Les  Déserts 
d'Afrique  et  d'Asie,  par  P.  de  Tchihatchef  (suite),  et  en  bas  de  li 
page  :  voir  la  livraison  du  4e  trimestre  1882  ;  lire  :  p.  728,  au  lieu  de 
]p.  722. 

Même  Bulletin,  page  152,  ligne  7;  au  lieu  de  :  soignent,  lire:  t'ei* 
gnent. 

A  ce  propos,  nous  devons  signaler  aux  personnes  qui  auraient  pu 
croire  à  une  erreur  au  sujet  de  la  feuille  de  titre  coutenue  dans  Je 
précèdent  Bulletin,  que  cette  feuille  a  été  mise  pour  combler  une  la- 
cune  de  l'année  1881  en  vue  de  la  reliure  du  tome  III. 


Le  Gérant  responsable j  J.  V.  BA, 


1*  GEOGRAPHIE. MILITANTE:  EXPLORATIONS 


VOYAGE  AU   ZAMBESE 


[Suite  («\] 


De  Senna  à  Tête,  par  la  Lupata. 

Nous  quittons  Senna  en  suivant  la  rive  droite  du  Zam- 
bèse  gui,  élevée  de  lm,50  à  2  mètres,  est  en  sable  un  cou- 
vert d'un  peu  de  terre  végétale  sur  laquelle  poussent  de 
grandes  herbes.  Après  15  kilomètres  de  navigation,  nous 
commençons  à  rencontrer  de  grands  mimosas  qui  entou- 
rent le  village  de  Bangoué  et  ensuite  celui  de  Soni,  dont 
l'habitation  principale  est  Casa  Margaride.  Ce  dernier 
village  est  situé  à  400  mètres  environ  du  fleuve  et  s'é- 
tend sur  une  longueur  de  500  mètres  ;  il  possède  un  très 
riche  troupeau  de  chèvres  et  plusieurs  paires  de  bœufs. 
Nous  y  remarquons  quelques  chiens  lévriers  de  taille 
assez  faible. 

Au  delà  de  Soni,  nous  naviguons  au  milieu  d'une 
grande  quantité  d'îlots  de  sable  qui  nous  obligent  à  faire 
une  foule  de  méandres  et  allongent  considérablement  le 
chemin.  En  quelques  endroits  où  le  fleuve  est  débarrassé 
de  ceB  îlots,  nous  évaluons  sa  largeur  à  1,500  mètres  en- 
viron sur  yne  profondeur  assez  faible,  puisque  nous  pou- 
vons aller  constamment  à  la  gaffe.  Dans  l'eau,  nous 
voyons  des  bancs  de  sable  où  6e  promènent  parfois,  s'ils 
ne  dorment  pas,  de  petits  crocodiles  que  nous  nous  amu- 
sopa*  tirer.  La  plupart  des  reptiles  que  nous  touchons, 
toi      at  à  l'eau  au  moment  où  ils  sont  frappés  ;  d'autres, 


Bulletin  du  3e  trimestre  1888,  page  288. 

DM  OHOttU.  —  4«  TKlM*HTltKS  1888.  86  ' 


542  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

plus  avancés  sur  le  sable,  ne  peuvent  regagner  le  fleuve  et 
deviennent  notre  propriété.  De  rares  hippopotames  s'aper- 
çoivent de  temps  en  temps  et  nous  tirons  avec  succès  des 
hérons  et  des  grisettes,  petites  poules  d'eau  qui  abondent  sur 
la  berge  du  fleuve.  Nous  tuons  encore  un  bec-en-ciseaxuc  et 
un  combattant,  ce  dernier  très  curieux  avec  ses  deux  bajoues 
jaune  verdâtre  et  l'éperon  dangereux  qu'il  porte  à  chaque 
aile. 

Avant  d'arriver  au  village  de  Chemba,  nous  avons  tué 
un  crocodile  de  5  mètres  de  longueur  et  nous  avons  dé- 
cidé que  6on  ûlet  viendrait  6ur  notre  table,  tenir  sa  place 
à  côté  des  quelques  autres  pièces  de  gibier  récoltées  dans 
la  matinée. 

Il  pouvait  être  midi  ;  attablés  sur  un  banc  de  sable  et 
sous  une  tente  provisoire  construite  à  l'aide  de  nos  gaffes 
et  des  bâches  de  nos  canots,  nous  plantions  la  fourchette 
de  la  civilisation  dans  le  filet  de  notre  crocodile  lorsque, 
6ans  que  rien  fît  prévoir  ce  dénouement,  notre  campe- 
ment fut  mis  sens  dessus  dessous  et  renversé.  A  la 
trombe  de  vents  qui  venait  de  nous  jouer  cette  mauvaise 
farce,  succéda  une  pluie  de  sable  fin  qui,  durant  près  d'un 
quart  d'heure,  nous  cingla  la  figure  d'une  façon  extrême- 
ment désagréable.  Nous  dûmes  abandonner  la  place  et 
regagner  nos  canots.  Disons-le  néanmoins,  notre  morceau 
de  crocodile  avait  été  frit  dans  une  poêle  et  il  nous  rap- 
pela, mais  en  meilleur,  la  raie  que  l'on  vend  sur  nos  mar- 
chés. Non  cuite,  la  chair  du  crocodile  ressemble  asseï 
bien  à  celle  du  veau. 

Le  long  du  fleuve ,  quelques  prazos  ont  des  gens  qui 
mangent  le  crocodile;  les  naturels  de  Tête  et  du  bas  Zam- 
bèse  ne  veulent  pas  goûter  sa  chair,  malgré  les  cadeaux 
qu'on  peut  leur  offrir  en  compensation.  Les  noirs  do 
Guingue  et  de  Chemba  s'en  régalent.  Sur  le  Ghiré  et  le 
Zio-Zio,  nous  avions  vu  des  noirs  qui  découpaient  un 
très  vieux  crocodile  et  s'apprêtaient  à  le  manger. 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  543 

Les  corbeaux  à  manteau  sont  nombreux  sur  les  deux 
rive6  du  fleuve  ;  aucun  noir  n'en  mange  la  chair. 

Chemba,  qui  est  une  des  propriétés  de  Manuel  An- 
tonio da  Souza,  est  à  environ  400  mètres  du  fleuve.  Le 
village  est  divisé  en  deux  sections  séparées  par  un  massif 
de  jujubiers. 

Près  de  ce  village,  en  amont,  se  trouve  l'embouchure 
du  Sangadzi,  belle  rivière  qui  est  à  sec  pendant  la  majeure 
partie  de  Tannée.  Chemba  est  à  une  trentaine  de  kilomè- 
tres environ  de  Senna. 

Au-des6us  du  Sangadzi,  on  aperçoit  plusieurs  villages 
peu  importants  ;  à  12  kilomètres  en  avant,  on  rencontre 
Moichina  S  eus  a,  .village  assez  malpropre.  Le  chef  noir  qui 
gouverne  cet  endroit  est  un  vieillard  ;  il  reçoit  excessive- 
ment mal  nos  nègres  qui  coupaient  du  bois  aux  environs 
de  sa  demeure  et  vient,  quelques  instants  après ,  nous 
faire  les  plus  plates  excuses  d'avoir  osé  se  mettre  en  colère 
devant  nous. 

Depuis  Senna,  la  rive  gauche  du  fleuve  suit  constam- 
ment la  chaîne  de  montagnes  des  Maganjas,  qui  semble 
être  formée  d'une  grande  quantité  de  mamelons  plus  ou 
moins  élevés  posés  les  uns  à  côté  des  autres,  devant,  der- 
rière, dans  tous  les  sens,  de  manière  à  servir  de  barrière 
au  fleuve.  Ces  montagnes  paraissent  boisées,  sans  cepen- 
dant que  la  forêt  soit  bien  touffue.  De  la  rive  droite,  avec 
une  bonne  lunette,  on  n'aperçoit  que  très  peu  de  villages 
sur  la  rive  gauche. 

A  2  lieues  en  amont  de  M.  Sensa,  nous  rencontrons  le 
village  de  Nhaearrangua,  où  nous  sommes  obligés  de  sta- 
tionner tant  pour  acheter  de  la  farine  que  pour  attendre 
notre  guide  Mucunga  qui  nous  a  quittés  pour  quelques 
heures.  Mucunga  avait  autrefois  une  parente  près  du  vil- 
lage où  nous  nous  trouvons,  et  comme  il  y  a  très  peu  de 
temps  qu'elle  est  morte,  il  doit  —  se  conformant  en  cela 
à  la  coutume  du  pays  —  tirer  en  son  honneur,  au  moment 


;>  il  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

de  son  passage,  mi  certain  nombre  de  coups  de  feu.  Il 
nous  emprunte  de  la  poudre,  arme  tous  ses  mousquets,  6e 
rend  par  voie  de  terre  au  village  de  la  morte,  y  fait  une 
fusillade  nourrie,  puis  vient  nous  rejoindre.  Pendant  ce 
temps,  son  canot  marche  avec  une  lenteur  désespérante  et 
met  près  de  six  heures  à  parcourir  le  chemin  que  nous 
avons  fait  en  un  peu  plus  de  deux. 

Nhacarrangua  se  compose  d'une  vingtaine  de  cases 
tant  rondes  que  carrées  ;  comme  dans  tous  les  villages  dont 
les  chef  sont  eu  le  moindre  contact  avec  les  Européens,  on 
y  trouve  une  véranda  bien  située,  sous  laquelle,  à  l'abri 
des  rayons  du  soleil  et  au  frais,  on  peut  prendre  ses  repas, 
et  cela  d'autant  plus  facilement  que  des  tables  y  restent 
à  demeure. 

Au  moment  où  nous  visitons  le  village,  on  y  construit 
trois  nouvelles  cases  fort  spacieuses  ;  l'une  d'elles,  destinée 
au  chef,  doit  être  montée  en  bois  équarri  et  en  pièces 
ajustées.  Les  forgerons  du  pays  fabriquent  le6  pointes  qui 
doivent  servir  à  clouer  les  bois.  Ils  sont  quatre,  assis  au 
pied  d'un  arbre  ;  l'un  tire  le  soufflet,  le  deuxième  tient 
l'enclume  et  les  deux  autres  travaillent.  La  matière  em- 
ployée est  une  vieille  chaîne  de  canot  de  fabrique  fran- 
çaise. Le  soufflet  e6t  formé  d'une  peau  de  chèvre  cousue 
en  forme  de  sac  ouvert  par  le  haut.  A  la  place  de  l'une 
des  pattes  est  un  tube  en  bois  creux  qui  vient  aboutir  à 
une  pelote  d'argile,  évidée  par  son  milieu,  devant  laquelle 
un  brasier  est  allumé.  Le  tube  en  bois  est  fixé  sur  la  teire 
au  moyen  d'une  pierre  assez  pesante.  Pour  faire  marcher 
cet  appareil,  le  souffleur  tient  l'ouverture  du  sac  à  pleine 
main  de  manière  à  l'élever;  la  ferme  en  emmagasi- 
nant l'air  et  presee  dessus  en  l'aplatissant,  puis  l'ouvre 
de  nouveau,  recommence  tant  que  le  forgeron  a  besoin  de 
son  service* 

L'enclume  est  formée  de  plusieurs  bûches  de  bois  et 
d'une  pierre,  le  tout  se  plaçant  de  diverses  manières  selon 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  545 

les  pièces  à  forger.  Pour  faire  le  clou,  les  ouvriers  6e 
servent  d'une  filière  confectionnée  avec  une  lame  de  fer 
détachée  de  quelque  ancien  canot  et  percée  d'un  trou.  La 
pointe  a  de  6  à  7  centimètres  de  longueur.  La  filière  est 
placée  à  cheval  sur  deux  des  bûches,  de  manière  que  l'ou- 
verture se  trouve  entre  l'intervalle  des  pièces. 

Lorsque  le  fer  est  chauffé,  on  le  chasse  avec  un  petit 
marteau  dans  le  trou  de  la  filière,  puis  on  forme  la  tête. 
La  pointe  est  faite  pendant  que  l'on  redresse  la  tige,  qui 
se  courbe  presque  toujours  dans  la  première  partie  du  tra- 
vail. 

Les  outils  du  forgeron  se  composent  de  deux  marteaux 
dont  l'un  un  peu  plus  gros  que  l'autre,  d'un  soufflet  por- 
tatif, d'une  pince  plate  dont  une  branche  de  la  poignée  a 
le  double  de  la  longueur  de  l'autre,  et  d'un  ciseau  à  fer 
de  6  centimètres  de  longueur  sur  15  millimètres  de  lar- 
geur. 

La  pince  plate  ne  sert  an  forgeron  que  pour  retourner 
les  pièces  dans  le  brasier;  lorsqu'il  les  tient  sur  l'enclume, 
il  emploie  deux  morrevmx  de  bois  légèrement  creusés  dans 
le  sens  de  la  longueur. 

Les  charpentiers  paraissent,  dan6  leurs  travaux,  plus  in- 
génieux que  les  forgerons;  leurs  pièces  ouvragées  sont 
mieux  soignées  et  quelques-unes  d'entre  elles  ne  seraient 
pas  reniées  par  des  ouvriers  de  nos  pays.  Il  est  vrai  de 
dire  que  leurs  outil6  sont  assez  nombreux,  proviennent 
tous  de  fabriques  françaises  et  ont  été  fournis  par  les  fac- 
toreries de  la  côte  en  échange  d'ivoire,  de  cire  et  d'arachi- 
des. Le  bois  employé  pour  les  chevrons  est  à  grain  serré  ; 
il  a  une  couleur  rouge-brique  lorsqu'il  est  fraîchement  tra- 
vaillé et  brunit  en  vieillissant.  Il  porte  le  nom  de  musu- 
ctua  ;  c'e&t  le  même  bois  qui  est  désigné,  à  Tête,  sous  le 
nom  de  mugengem. 

Les    femmes    de    Nhacarrangua    sont    d'une    taille 
moyenne  ;  elles  portent  toutes  des  anneaux  en  cuivre  aux 


546  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  *.  EXPLORATIONS. 

jambes  et  autour  des  poignets  ;  quelques-unes  en  ont  jus- 
qu'à une  douzaine  au-de66us  de  chaque  cheville,  ce  qui  leur 
rend  la  marche  assez  pénible. 

Les  jeunes  gens  portent  sur  le  derrière  de  la  tête  sept 
tresses  de  cheveux,  longues  de  10  centimètres.  Pour  les 
faire,  ils  réservent  dans  leur  chevelure  un  certain  nom- 
bre de  mèches  qu'ils  enroulent  avec  une  bande  très  étroite 
d'une  écorce  rougeâtre  ne  laissant  dépasser  à  l'extrémité 
libre  que  5  millimètres  de  cheveux.  Les  femmes  sont  toutes 
tondues  ras. 

La  rive  gauche  du  fleuve  passe  toujours  au  pied  de  la 
longue  chaîne  des  Maganjas  ;  en  face  de  Nhacarrangua  se 
montre  le  mont  Goma  qui  a  tout  à  fait  l'air  d'un  ouvrage 
défensif  de  fortification.  Toute  cette  partie  montagneuse 
e6t  boisée  d'arbres  qui  paraissent  assez  gros,  mais  très 
espacés  les  uns  des  autres.  Les  prazos  rencontrés,  sur 
la  rive  droite,  depuis  Senna  jusqu'à  Ancœza,  succes- 
sion que  nous  avons  vérifiée  lors  de  notre  passage  et 
qui  nous  a  été  confirmée  par  les  dépositions  de  plusieurs 
personnes  du  pays,  6ont:  Senna,  Nhacerere,  Soni,  Nha- 
moise,  Pitta,  Chamba,  Nhacarrangua  et  Ancœza.  Noue 
insistons  sur  cet  ordre  qui  rectifie  et  complète  la  carte  du 
marquis  de  Sa  Bandeira  (2e  édition,  Lisbonne,  1867),  le- 
quel place  le  prazo  Pitta  à  la  sortie  de  Senna  et  avant  celui 
de  Soni.  (Voir  les  cartes,  4°  trimestre  1882). 

Nous  continuons  notre  voyage  en  côtoyant  la  rive  droite, 
qui  est  peu  élevée,  sablonneuse  et  couverte  par  une  végé- 
tation très  variée.  Nous  tuons  une  espèce  de  grue,  à  plu- 
mage gris  de  fer,  huppée,  mesurant  lm,70  de  hauteur 
depuis  les  pattes  jusqu'au  &ommet  de  la  tête  ;  O^ôô  de 
hauteur  de  pattes  ;  0m,25  de  longueur  de  bec  et  2",30de 
développement  des  ailes.  Cet  oiseau  fut  mangé  avec  plai- 
sir, le  jour  même,  par  nos  mariniers. 

A  10  kilomètres  en  amont  de  Nhacarrangua,  nous  trou- 
vons le  village  de  Socoro,  qui  est  entouré  de  gros  mimosas 


VOYAGE  AU  ZAMBÈ8E.  547 

épineux  et  de  basilic  qui  embaume  l'air.  Le  fède-fède  y 
manque  complètement.  A  7  kilomètres  plus  loin,  après 
avoir  passé  deux  villages,  nous  voyons  Ancœza,  qui  n'est 
guère  qu'à  une  quarantaine  de  mètres  du  bord  du  fleuve. 

A  partir  de  Socoro,  la  rive  droite  s'écarte  de  la  chaîne 
des  Maganjas  ;  la  plaine  devient  plus  large  et  on  y  aper- 
çoit divers  villages. 

Plusieurs  îles  sablonneuses  couvertes  par  des  roseaux 
sont  au  milieu  du  fleuve,  nous  en  côtoyons  une  fort  lon- 
gue et  voyons  que  la  rive  droite,  abaissée  jusqu'au  niveau 
de  l'eau,  forme  un  marais  de  petite  étendue.  Ensuite  la 
berge  s'élève  à  nouveau,  des  ricins  et  des  sorghos  6e  mon- 
trent, on  arrive  devant  un  autre  groupe  d'habitations.  A 
300  mètres  du  bord  du  fleuve  et  sur  cette  même  rive 
droite,  se  montre  une  petite  chaîne  de  collines  boisées 
dont  la  direction  est  parallèle  à  notre  marche,  ensuite  elle 
appuie  lentement  vers  le  fleuve  qui  vient  passer  à  son  pied. 
Elle  a  60  mètres  d'élévation  et  6e  termine  par  une  berge 
à  pic  de  10  mètres  de  hauteur  et  de  nuance  rouge-brique 
pâle. 

Les  arbres  qui  boisent  les  collines  6ont  assez  espacés 
les  uns  des  autres  ;  beaucoup  sont  dépourvus  de  feuilles 
et  paraissent  avec  un  ton  gris  très  prononcé  à  côté  d'au- 
tres couverts  d'un  feuillage  très  vert.  Près  du  fleuve,  à 
côté  de  la  coupure  à  pic,  les  arbres  sont  plus  resserrés  ;  au 
delà,  la  colline  6'abai6se  subitement  et  une  large  plaine 
s'ouvre  unie  et  bien  boisée.  A  une  grande  distance  com- 
mence une  nouvelle  chaîne  de  collines  qui  suit  toute  la 
rive  droite  ;  la  rive  gauche  paraît  nue.  Nous  naviguons 
alors  au  milieu  d'un  grand  nombre  d'îlots  couverts  de  ro- 
seaux et  de  bancs  de  sable  sur  lesquels  nous  voyons,  à 
côté  de  quelques  crocodiles,  un  grand  nombre  d'oiseaux 
aquatiques. 

À  chaque  instant,  les  hippopotames  viennent  souffler  à 
la  surface  de  l'eau  et  à  une  dizaine  de  mètres  de  nos  ca- 


548  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

nots  ;  nous  nous  amusons  à  les  tirer  sans  grand  profit,  puis- 
que, en  admettant  que  les  balles  de  nos  express  les  aient 
touchés,  ils  disparaissent  sous  l'eau. 

A  partir  de  ce  moment  jusqu'au  Guingue,  le6  villages 
sont  rares  des  deux  côtés  du  fleuve;  la  navigation  étant 
impossible  près  de  la  rive  droite,  nous  traversons  le  fleure, 
large  d'environ  1 ,800  mètres  et  rempli  d'îles  et  d'Hôte 
qui  gênent  une  marche  directe.  Il  arrive  souvent  que  le 
canot  se  butte  contre  des  bancs  de  sable  recouverts  par  I 
l'eau;  en  suivant  la  rive  de  près,  les  mariniers  peuvent  i 
marcher  à  la  perche,  qu'ils  préfèrent  à  la  rame.  * 

Ce  mode  de  navigation  est  excellent  en  ce  sens  qu'on 
avance  beaucoup  plus  vite,  mais  il  expose  à  faire  cogner  ( 
les  embarcations  contre  les  roches  qui  ne  sont  pas  recou- 
vertes  par  une  quantité  d'eau  suffisante. 

Le  fleuve  qui,  jusqu'ici,  n'a  montré  aucun  alfacynia, 
charrie  des  témè,  fruits  d'un  grand  arbre,  le  moutèmè,  qni 
pousse  aux  environs  de  Tête  et  fur  les  bords  du  Muaraze. 
Ce  fruit  est  de  la  gro66eur  des  deux  poings,  dur  comme  une   ; 
calebasse,  et  renferme  dan6  60n  intérieur  un  certain  nombre   ! 
de  petits  fruits  à  noyau,  d'une  nuance  jaune-eurcuma  très   j 
prononcée.  Il  ne  mûrit  ordinairement  qu'au  mois  d'octobre;    ; 
les  nègres  en  sont  friands  lorsqu'il  est  récemment  cueilli 
et  les  abeilles  aiment  beaucoup  ses  fleurs.  Ceux  que  nous   ' 
récoltons  sont  gélatineux  à  l'intérieur  et  ont  une  odeur 
vineuse  prononcée  qui  indique  un  commen  cernent  de  dé-   j 
composition. 

La  berge  est  rongée  par  le  fleuve  ;  des  masses  de  terres 
de  plusieurs  mètres  cubes,  avec  arbustes  et  arbres,  sont  j 
descendues  dans  l'eau  et  gênent  la  marche  en  obstruant  le  j 
passage.  Aprè6  les  roseaux  et  les  arbustes  se  trouve  le  \ 
Dolichos  pruriens  dont  les  bell  es  gousses  invitent  à  les  cueil-  j 
lir.  Mais,  malheur  à  l'imprudent  qui  obéit  à  la  tentation,  ] 
car  bientôt  une  vive  démangeaison  assez  douloureuse  lui  j 
apprend  que  ce  n'est  pas  impunément  qu'on  les  touche.       j 

1 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  549 

Cependant,  pendant  les  années  de  disette,  les  noirs  re- 
cueillent ces  légumineuses  en  s'entourant  les  mains  avec 
un  morceau  de  peau  et  en  flambant  les  cosses  avant  de  les 
ouvrir  pour  en  retirer  les  graines,  qu'ils  font  cuire  comme 
des  pois.  Des  cucurbitacées  à  larges  feuilles,  à  fleur  jaune 
pâle,  avec  fruits  de  la  grosseur  d'un  concombre,  pendent 
des  branches  des  arbres  après  lesquelles  la  plante  a 
grimpé.  De  gros  mimosas  poussent  6ur  le6  berges  et  ne 
tarderont  pajs  à  tomber  dans  le  fleuve  par  suite  de  l'entraî- 
nement du  sous-sol  par  le  courant  du  fleuve,  qui  est  très 
rapide. 

Après  avoir  laissé  sur  la  rive  droite  le  prazo  Chiramba 
et  celui  de  Doa  sur  la  rive  gauche,  nous  arrivons  au  Loan 
du  Guingve.  Le  village  qui  le  forme  est  très  grand,  fort 
propre  et  bien  aménagé  ;  c'est  le  mieux  installé  que  nous 
ayons  rencontré  jusqu'à  ce  jour.  Il  est  entouré  d'une  esta- 
cade  et  a  pour  directeur  un  Portugais  uni  avec  une  mulâ- 
tresse du  pays,  la  6ignora  Louise  de  Santa-Cruz,  fille  du 
vieux  Bonga  et  sœur  de  père  de  celui  qui  gouverne  auto- 
matiquement à  Massangano. 

Le  centre  du  Loan  est  formé  par  une  large  place  carrée 
dont  la  terre  a  été  pilonnée.  Cette  place  est  presque  à 
moitié  couverte  de  sésame  qui  achève  de  mûrir  au  soleil. 
De  nombreux  bananiers  entourent  la  culture  ;  on  y  trouve 
du  millet,  du  sorgho,  des  poules,  des  canards,  des  pigeons, 
de  gros  porcs  et  un  important  troupeau  de  bœufs.  Les  ri- 
cins y  poussent  en  grande  quantité. 

C'est  avec  plaisir  que  nous  avons  vu  au  Guingue  un 
assez  vaste  jardin  cultivé  à  l'européenne  ;  nous  y  avons 
trouvé  presque  tous  les  légumes  que  l'on  vend  sur  nos 
marchés  et  qui  sont  une  preuve  évidente  que  le  manque 
que  nous  avons  signalé  à  Senna  provient  plutôt  de  l'incu- 
rie des  habitants  que  du  mauvais  climat  du  pays. 

Longtemps  avant  d'arriver  au  Laon  du  Guingue,  nous 
apercevions  sur  la  rive  gauche,  à  un  kilomètre  du  fleuve, 


550  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

un  bois  assez  touffu  ;  ce  bois  s'est  incliné  vers  le  fleuve  et 
a  fini  par  en  atteindre  le  bord.  C'est  à  l'entrée  de  cette 
forêt,  mais  du  côté  de  Senoa,  que,  vers  1876,  Rodrignei 
Machado  fonda  la  culture  qui,  aujourd'hui,  est  en  plein 
rapport.  Il  fit  défricher  par  les  noirs  de  S.  Luize  une  par- 
tie de  la  forêt  presque  impénétrable,  fit  avec  les  arbres  les 
plus  solides  une  estacade  dans  laquelle  il  pratiqua  des 
meurtrières,  s'enferma  complètement  et  ensemença  la  par- 
tie qu'il  avait  fait  cultiver. 

Adossé  à  une  forêt  vierge  remplie  de  buffles  et  de  léo- 
pards, l'établissement  est  parfois  obligé  de  se  défendre  des 
attaques  de  ces  dangereux  voisins  et  de  prendre  des  pré- 
cautions contre  les  incursions  de  quelques  bandes  de  pil- 
lards, qui  ne  se  gêneraient  pas  pour  venir  dévaliser  la 
ferme  s'ils  ne  savaient  qu'ils  y  seraient  mal  reçus. 

Au  Loan  du  Guingue,  toutes  les  cases  des  noirs  sont 
recouvertes,  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur,  d'une  couche 
de  pisé,  ce  qui  les  garantit  et  leur  donne  un  air  de  pro- 
preté que  l'on  rencontre  rarement  ailleurs.  Les  paillotes, 
dont  le  nombre  dépasse  une  centaine,  sont  disposées  de 
manière  à  former  de6  quartiers  avec  rues.  Chaque  famille 
possède,  en  propre,  un  certain  nombre  de  cases  6elon  ses 
besoins  ;  elle  a  un  petit  jardin  attenant  à  l'habitation.  Le 
tout  est  entouré  d'une  palissade  serrée,  en  roseaux  et  ea 
joncs,  de  façon  que  chacune  soit  séparée  de  la  voisine.  Ce 
qui  montre  encore  qu'un  Européen  a  donné  ses  conseils 
pour  la  construction  de  ces  cases,  c'est  qu'elles  sont  assez 
spacieuses  et  que  les  portes  sont  suffisamment  hautes  pour 
qu'on  puisse  pénétrer  à  l'intérieur  sans  se  baisser. 

Au  moment  où  nous  passons  au  Guingue,  les  récoltes 
sont  coupées  et  rentrées.  Rod.  Machado  a  établi,  sur  son 
Loan,  un  corps  de  garde  d'une  douzaine  d'hommes  qui. 
chaque  nuit,  surveillent  l'établissement  non  pas  tant  dans 
la  crainte  du  feu  que  pour  repousser  les  pillards  qui  se 
présenteraient.  A  chaque  instant,  les  factionnaires  se  crient 


VOYAGE  AU  ZAMBÈSE.  551 

les  uns  aux  autres,  en  langue  cafre,  une  phrase  analogue 
tu  :  Sentinelle,  prenez  garde  à  vous  !  Sage  précaution  qu'a 
frise  là  le  propriétaire  du  Loan,  qui  s'est  souvenu  que 
pour  réussir  dans  ce  pays,  il  est  nécessaire  d'être  tou- 
jours en  éveil. 

Le  Loan  du  Guingue  possède  divers  ateliers  :  forgerons, 
charpentiers  et  tisserands.  Nous  avons  vu  les  métiers  de 
ces  derniers,  ils  sont  bien  comme  celui  dessiné  dans  la 
relation  des  voyages  de  Livingstone.  Les  noirs  travaillent 
le  coton  qui  pousse  aux  environs  ;  ils  font  aussi  de  très 
belles  ceintures  à  dessins  et  couleurs  variés.  Pour  cela,  ils 
prennent  des  mouchoirs  de  Bombay,  en  tirent  les  fils  et  les 
elassent  par  teintes  qu'ils  répartissent  ensuite  sur  leurs 
métiers  pour  en  faire  de  très  jolies  écharpes. 

On  recueille  aussi  l'écorce  des  arbres  mochombè,  mulu- 
kutu,  mucuiu  ou  mocoio  pour  en  faire  de  la  filasse  qui  sert  à 
calfeutrer  les  canots,  les  almandiâs  et  les  côxes  ou  embar- 
cations cafres  creusées  dans  des  troncs  d'arbres  et  pouvant 
porter  de  quatre  à  cinq  tonnes  de  marchandises.  Cette 
écorce  est  de  la  nuance  du  quinquina  rouge  ;  les  beaux 
morceaux,  qui  peuvent  mesurer  parfois  f^  —  et  ^8  ne  60nt 
pas  rares,  —  sont  cousus  en  fornje  de  sacs  et  employés 
pour  la  conservation  des  graines  et  des  provisions. 

Le  cftisio  est  commun  aux  environs  du  Guingue  ;  c'est 
une  légumineuse  plate  et  noire  dont  la  graine  est  écrasée 
et  plus  grosse  que  nos  lentilles.  L'arbre  qui  la  fournit  est 
un  mimp6a  épineux.  C'est  la  gousse  qui  est  employée  par 
les  naturels  pour  teindre  en  noir  ;  elle  entre  aussi  dans  la 
composition  de  l'encre  indigène.  Voici  comment  il6  pré- 
parent la  teinture.  Dans  un  peu  de  vinaigre  et  d'eau,  ils 
placent  un  morceau  de  fer,  un  paquet  de  gousses  et  ils 
abandonnent  le  tout  à  l'air.  La  coloration  noire  se  produit 
à  la  longue  ;  on  peut  en  conclure  que  cette  plante  agit  sim- 
plement comme  le  fait  la  noix  de  galle,  par  l'acide  parti- 
culier qu'elle  contient. 


j 


552  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Vers  le  Loan  du  Guingue,  les  naturels  se  distraient 
avec  un  jeu  portatif  en  bois  ou  tout  simplement  tracé  m 
le  sol.  Qu'on  se  figure  une  planche  sur  laquelle  sont  la- 
cées cinq  lignes  parallèles,  contenant  chacune  un  nom!)» 
indéterminé  de  trous.  Chaque  joueur,  dont  le  nombre  est 
illimité,  possède  plusieurs  de  ces  excavations  dan6  lesquel- 
les il  6/agit  de  placer,  au  moyen  d'une  combinaison  parti- : 
culière,  une  quantité  de  jetons  déterminée  à  l'avance.  Il  y 
a  un  chef  de  jeu  qui  débite  un  chapelet  de  phrases  courtes 
auxquelles  les  joueurs  répondent  par  des  exclamations  et 
des  rires,  tout  en  plaçant  leurs  petits  jetons  et  en  en  cou* 
fisquant  à  leurs  partenaires.  Il  nous  a  été  impossible  de 
nous  procurer  la  règle  de  ce  jeu. 

C'est  le  jour  de  Pentecôte  que  nous  avons  séjourné  au  1 
Guingue  et  que  nous  y  avons  rencontré  Machado  et  sou  j 
associée  dona  Luize.  Lui,  ancien  soldat  portugais,  travail- 
leur hardi  et  intelligent,  était  venu  dans  la  colonie  soas 
la  foi  des  promesses  du  gouvernement  qui  présentait  le 
pays  comme  civilisé,  comme  totalement  purgé  des  pil- 
lards qui  y  pullulent  encore.  Il  fut  vite  désabusé,  mais 
il  était  trop  tard,  il  ne  pouvait  plus  retourner  en  Europe. 
Il  échoua,  après  bien  des  tâtonnements,  près  de  Mas- 
sangano  et  y  rencontra  celle  qui  devait  lui  tenir  quelque 
temps  compagnie  et  lui  apporter  des  terres  et  des  esclaves. 
Il  lia  sa  vie  à  celle  de  dona  Luize.  Mais  qu'est  cette 
femme  ?  Physiquement,  elle  est  grande,  belle,  bien  cons- 
tituée, noire,  les  yeux  vif6,  brillants,  les  mains  fines,  po- 
telées et  la  peau  douce.  Vêtue  avec  goût  d'un  pagne  aui 
couleurs  éclatantes,  couverte  de  bijoux  en  or  travaillé! 
au  pays,  elle  règne  et  domine  sur  ses  terrres.  Ce  n'est 
qu'en  se  courbant  que  ses  nègres  s'approchent  d'elle; 
à  un  6igne,  ils  rampent  à  ses  pieds.  Cette  femme  a 
composé  sa  cour  d'un  essaim  de  jeunes  filles,  qu'elle  soi- 
gne, choie  ou  maltraite  à  son  gré.  Ne  6ont-ce  pas  des 
esclaves? 


VOYAGE  AU  ZAMBBSE.  553 

D'origine  indo-portugaise  par  ses  ancêtres  paternels, 
^origine  noire  par  la  ligne  maternelle,  elle  paraît  réunir 
3Q  plus  haut  degré  les  vices  de  Tune  et  l'autre  race,  sans 
voir  conservé  aucune  de  leurs  qualités. 

Voilà  celle  que  Machado  associa  à  sa  fortune  ;   mais 
Etant  lui,  deux  auLres  avaient  déjà  partagé  la  royale  natte 
le  cette  fille,  de  la  race  des  chats-tigres  (Bonga),  la  plus 
mîssante  de  la  Zambésie.  La  chronique  ne  dit  rien  du 
premier  \  il  vint  un  jour,  puis  disparut.  L'eau  du  fleuve 
termina  ses  amours.  Belchior  fut  le  second  ;  il  régna  un 
peu  plus  de  temps  sur  le  cœur  de  la  jeune  femme.  Il  est 
vrai  que  leurs  caractères  sympathisaient  et  que,  sous  leur 
administration  commune,  la  caisse  se  remplit  à  Zangar 
(ce  nom  est  remplacé  aujourd'hui  par  Loan  du  Guingue, 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  Prazo  du  Guingue  que 
nous  rencontrerons  plus  loin),  et  que  le  commerce  fruc- 
tifia. Belchior  s'entendait  à  la  traite  des  noirs  ;  il  était 
passé  maître  en  cet  art.  C'est  sous  son  règne  qu'eut  lieu 
la  dernière  campagne  des  Portugais  contre  Santa-Cruz, 
le  chef  de  Massangano  ;  campagne  qui  devait  se  terminer 
par  la  destruction  des  troupes  européennes.  Dona  Luize 
fut  obligée  de  se  prononcer  soit  en  faveur  c(e  son  frère, 
soit  pour  les  Portugais  ;  elle  choisit  ces  derniers  et  se  fit 
une  réputation  de  bonne  alliée.  Hélas  !  les  Portugais  ou- 
vrirent trop  tard  les  yeux,  et  payèrent  trop  cher  leur 
aveuglement.  Belchior  devait  assurer  le  service  entre  Tête 
et  Senna,  par  la  rive  gauche  du  fleuve,  pendant  que 
les  troupes  attaqueraient  Bonga  par  la  rive  droite.  Voici 
comment  il  l'assurait  :  les  blessés  recevaient  à  Zangar 
l'hospitalité  la  plus  large  et  étaient  soignés  avec  affection 
et  dévouement  ;  une  fois  convalescents,  ils  se  dirigeaient 
vers  Tête  ou  Senna,  mais  peu  y  arrivaient.  Des  émissaires 
de  dona  Luize  les  attendaient  sur  la  route,  les  assassi- 
naient et  les  dépouillaient  de  leurs  armes.  De  plus,  pen- 
dant ces  temps  de  troubles,  les  négociants  du  haut  et  du 


554  GÉOGRAPHIE  MILITANTS  :  EXPLORATIONS. 

bas  Zambèse  payaient  pour  aller  de  Quilimane  à  Tête  une 
demi-livre  sterling  par  cipaye  ou  noir  armé  qui  escortait 
la  caravane  ou  les  embarcations. 

Neuf  fois  sur  dix,  les  convois  étaient  attaqués  et  pillés; ! 
bienheureux  le  propriétaire  des  marchandises  lorsqu'il 
pouvait  s'en  tirer  sans  aucune  blessure  !  Et  les  pillards 
n'étaient  autres  que  des  hommes  de  dona  Luize  qu'elle 
avait  envoyés,  à  l'insu  de  Belchior,  pour  détrousser  les 
voyageurs.  Le  mari  était  payé  pour  protéger,  la  femme 
rançonnait,  tout  le  profit  entrait  dans  la  caisse  commune. 

On  sait  comment  la  campagne  se  termina  ;  l'armée  por- 
tugaise, taillée  en  pièces  à  l'attaque  de  Massangano,  resta 
sur  place  et  les  têtes  des  morts  furent  plantées  sur  les 
pieux  qui  entourent  la  maison  de  Bonga,  deuxième  du 
nom.  Les  crimes  restèrent  ignorés  et  impunis.  Belchior 
mourut  et  Machado  le  remplaça  dans  le  cœur  de  la  jeune 
souveraine. 

Tout  marcha  bien  pendant  quelques  années  et  le  mé- 
nage vivait  en  bonne  intelligence  avec  celui  de  son  beau- 
frère,  quand,  un  beau  matin,  à  propos  de  femmes,  une  que- 
relle s'éleva  entre  le  Guingue  et  Massangano.  On  fut  sur 
le  point  de  se  battre.  Deux  esclaves  de  Bonga  s'enfuirent 
de  sa  demeure  et,  après  mille  aventures,  tombèrent  entre 
les  mains  des  hommes  de  Machado  qui  les  retint  prison- 
nières. De  tout  temps,  un  accord  tacite  avait  réglé  cette 
question  et  on  ne  peut  citer  aucun  exemple  que  les  fagitîb 
n'aient  pas  été  rendus  à  leur  propriétaire  qui  leur  faisait 
alors  payer  de  la  vie  leur  escapade.  Machado  refusa  de 
rendre  à  Bonga  ou  à  ses  émissaires  les  deux  malheureuses 
qui  avaient  assez  souffert  pour  chercher  leur  délivrance 
dans  une  fuite  où  elles  avaient  quatre-vingt-dix-neuf  chan* 
ces  de  périr  pour  une  d'être  sauvées. 

Bonga  ne  pouvant  entrer  de  suite  en  campagne,  riposta 
en  faisant  saisir,  peu  de  temps  après,  une  almandiade 
Machado  et  l'ivoire  dont  elle  était  chargée.  Il  y  eut  des 


VOYAGE  AU  ZAMBESE.  ODO 

réclamations  de  part  et  d'autre  et  le  gouverneur  portugais 
de  la  ville  de  Tête  fut  indirectement  informé  des  grief6 
qui  existaient  entre  les  deux  parents.  Le  ministère  avait 
jadis  déclaré  que  tous  les  citoyens  de  la  Zambésie  étaient 
libres  et  que  l'esclavage  était  aboli  ;  le  gouverneur  prit 
parti  pour  dona  Luize,  fit  équiper  un  canot  et  se  rendit  à 
Massangano.  Il  fut  reçu  par  Bonga  qui,  pour  lui  faire 
honneur,  ouvrit  la  case  de  son  prédécesseur  et  autorisa 
l'officier  à  6e  reposer  sur  la  royale  natte  qui  avait  servi  de 
lit  mortuaire  au  vieux  bandit  qui  pilla  le  Zambèse. 

Le  lendemain  eut  lieu  une  conférence  particulière  dans 
laquelle  le  gouverneur  démontra  à  Bonga  que,  pour  obte- 
nir l'amitié  du  Portugal,  il  fallait  considérer  les  noirs 
comme  des  gens  libres  de  s'en  aller  quand  cela  leur  plai- 
sait ;  qu'on  ne  pouvait  leur  faire  un  crime  de  changer  de 
maîtres;  enfin,  que  ces  femmes  s'étant  réfugiées  au  Guin- 
goe,  elles  étaient  devenues  citoyennes  de  ce  prazo,  de  la 
même  manière  que  des  gens  du  Guingue  deviendraient 
tributaires  de  Massangano,  s'ils  trouvaient  bon  de  se  réfu- 
gier sur  les  terres  de  ce  canton. 

Bonga  fut  longtemps  avant  de  6e  rendre  compte  de  cette 
théorie,  il  l'accepta  enfin  et  donna  Tordre  de  renvoyer  à 
sa  sœur  l'almandia  et  l'ivoire  saisis.  Ainsi  finit  la  que- 
relle entre  les  deux  territoires.  Répugnait-il  à  Bonga  d'at- 
taquer sa  sœur  ou  craignait-il  de  ne  pas  être  le  plus  fort? 
Mystère.  Il  fut  plus  fin  que  ne  le  pensa  le  gouverneur  et 
il  chargea  un  autre  du  soin  de  sa  vengeance.  Il  dévoila 
la  conduite  de  Belchior  et  de  6a  compagne  pendant  la  der- 
nière guerre  et  fournit  les  premiers  renseignements  sur  les 
massacres  commis  à  Zangar.  Le  gouverneur  rentra  à  Tête, 
ouvrit  une  enquête,  acquit  bientôt  la  preuve  que  les  faits 
avancés  étaient  exacts  et  que  dona  Luize  ne  valait  pas 
mieux  que  les  autres. 

Pendant  l'enquête,  Machado  fut  nommé  capitaô-mor  du 
Guingue  et  le  gouverneur  décoré  et  rappelé  en  Europe. 


556  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Le  commandant  Boijaô  le  remplaça  :  homme  droit,  juste 
et  savant  estimé  qui  avait  longtemps  séjourné  dans  les  co- 
lonies de  la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  il  arriva  dans  le 
pays  et  dès  les  premiers  jours  s'aperçut  que  la  Zambésie 
n'était  pas  ce  que  les  Portugais  en  pensent:  le  paradis 
des  colonies.  C'est  lui  qui  écrivit  au  ministère  de  Lis- 
bonne cette  fameuse  lettre  dont  un  extrait  a  été  publié 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est  (f),  lettre 
par  laquelle  il  déclarait  que  son  pavillon  avait  été  insulté 
pendant  qu'il  naviguait  sur  le  grand  fleuve. 

M.  Boijaô  trouva,  dans  le6  note6  officielles  de  son  prédé- 
cesseur, les  documents  relatifs  à  l'enquête  et  la  poursuivit. 
Dès  qu'il  eut  les  preuves  en  mains,  il  écrivit  à  Machado 
et  lui  reprocha  d'associer  son  existence  à  celle  d'une 
femme  qui  avait  fait  assassiner  des  Portugais  comme  lui; 
votre  devoir,  ajoutait-il,  serait  d'envoyer  cette  femme  à 
Quilimane  pour  qu'elle  y  fût  jugée.  Cette  lettre  et  quel- 
ques autres  plus  vives  qui  la  suivirent  dégoûtèrent  Ma- 
chado,  lui  firent  prévoir  qu'un  jour  ou  l'autre  il  sertit 
appelé  à  combattre  les  Portugais,  aussi  résolut-il  de  quitter 
le  pays,  de  rentrer  dans  6a  patrie,  en  un  mot  de  couper 
court  à  toutes  le6  discussions  en  abandonnant  le  loan. 
Mais  dona  Luize,  en  vraie  fille  du  vieux  Bonga,  n'admit 
pas  une  pareille  solution  ;  elle  entoura  son  préféré  d'une 
surveillance  active  et  tous  les  jours  ses  noir6  lui  rendirent 
compte  des  faits  et  gestes  de  son  prisonnier.  Machado 
voulut  fuir  ;  au  dernier  moment  les  embarcations  lui  man- 
quèrent, et  ses  jours  furent  comptés. 

Nous  nous  souvenons  encore  de  ce  bel  homme,  à  la  tête 
énergique,  qui  s'en  allait  rôveur  et  soucieux  autour  de  sa 
habitations.  Il  pressentait  sa  fin  prochaine  ;  il  sentait  qu'il 
sombrait  et  tâchait  de  se  rattraper  à  toutes  les  branches 
de  salut  qu'il  entrevoyait.  Un  instant  il  espéra  6e  joindre 


(')  4«  triœettre  de  1381}  p.  637. 


V 


VOYAGE  AU  ZAMBESE. 


557 


lotre  mission  et  disparaître  ainsi  du  Guingue  ;  mais  la 
eillance  dont  il  était  l'objet  empêcha  cette  nouvelle 
)inaison  de  réussir.  Peu  de  jours  avant  de  aoiis  rectf- 

fir,  en  quittant  un  membre  de  notre  mission  qui  nous 
icédait,  il  lui  donna  à  entendre  qu'il  y  aurait  bientôt 
nouveau  au  loan.   En  effet ,  quelques  heures  après 

rtre  départ,  une  scène  nouvelle  eut  lieu  entre  le6  deux 

fnjointa.  Que  6e  passa- 1- il?  Seule  aujourd'hui  dona 
dze  le  sait.  Machado  se  mit  à  table  et  peu  d'instants 

>rès,  il  était  pris  de  vomissements  qui  amenèrent  rapide- 
Hit  sa  mort.  Il  fut  inhumé  dans  sa  propre  chambre  \  sa 
dsoa  fut  close  et  transformée  en  chapelle  funéraire.  Une 
>ix  a  été  plantée  au  sommet  de  la  toiture  et  un  drageau 

>ir,  mis  en  berne,  indique  que  la  mort  est.passée  par  là, 
l'elle  a  fauché  le  chef  du  Prazo  et  que  sa  succession  est 

nrerte.  Qui  ira  la  recueillir?  Qui  ira  lier  6on  existence  à 

die  de  la  riche  mai6  criminelle  dona  Luize  de  Sajita- 

fruz?  Quel  sort  l'avenir  réserve-t-il  au  Prazo  du.Gruingue 
aux  malheureux  qui  l'habitent;  est-ce  la  guerre,  est-ce 
ie  soumission,  est-ce  un  oubli  passager  du  différend? 

fien  lourde  sera  la  tâche  du  nouveau  Capitaô-mor  du 

taingue. 


& 


) 


■oc  db  aioom.  —  4*  TmiMss-rKa  1883. 


16 


k' 


MISSION  SCIENTIFIQUE 

EN   ALGÉRIE  ET  AU  MAROC 


(*«<«). 


L'histoire  de  l'insurrection  de  1881  est  encore  à  faire, 
et  les  responsabilités  à  établir  et  attribuer  à  qui  de  droit. 

Dès  1880,  on  avait  signalé  au  gouverneur  général  les 
menées  sourdes  d'un  marabout  de  Mor'ar-Tah'tani,  Si-Mo- 
h'ammed-ben-El-'Arbi,  plus  connu  depuis  60us  le  nom  de 
Bou-'Amèmah  (l'homme  au  petit  turban).  Les  dehors  de 
sainteté  et  de  saleté  qu'affichait  ce  pieux  personnage  pour 
s'attirer  des  prosélytes,  les  prédications  qu'il  faisait  secrè- 
tement à  ceux  dont  il  se  croyait  sûr,  enfin  la  maladresse 
avec  laquelle,  pour  détourner  les  soupçons,  il  s'offrait 
pour  surveiller  et  dénoncer  les  menées  des  dissidents  ré* 
fugiés  au  Maroc,  l'avaient  désigné  comme  un  homme  dan- 
gereux au  commandant  supérieur  de  Géryville.  Toutefois, 
le  gouvernement  général  refusa  de  s'assurer  de  sa  per- 
sonne et  l'agitateur,  jetant  le  masque,  s'enfuit  au  Maroc 
où  il  attendit  les  événements  ('). 

Ceux-ci  ne  tardèrent  pas  à  se  produire.  L'agha  de  Tiha- 
ret,  Si-S'ah'raoui,qui  avait  pris  une  part  si  active  à  l'in- 
surrection de  1864  et  6ur  qui  retombe  l'assassinat  de  Beau- 
prêtre,  songeait,  dit-on,  à  reprendre,  mais  à  bon  escient, 
le  rôle  d'Abd-El-Qader.  C'est  le  rêve  de  tous  les  agitateur! 
en  Algérie,  depuis  El-Moqrani  jusqu'à  Si-Sliman.  Main- 
tenu dans  ses  fonctions,  malgré  les  réclamations  de  l'Al- 
gérie tout  entière,  l'agha  n'avait  pas  cessé  d'être  en  rela- 
tions avec  les  dissidents  du  Sud-Ouest.  On  conçoit  que 


(*)  Cet  prélude*  de  l'insurrection  ont  été  exposés  avec  les  plut  grands  détails,; 
le  colonel  Truinolet,  dans  lo  numéro  de  mart-arril  1843  de  la  Btvut  a/ricotes. 


MI88I0N  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      559 

Bou-'Amémah  ait  été  regardé  par  lui  comme  un  utile 
auxiliaire. 

Sur  ce6  entrefaites,  une  fraction  des  Trafis,  les  Djeramma, 
campée  à  Bou-Zoulaï,  près  de  l'Oued-En-Nacer,  sur  la 
toute  de  Frendah  à  Géryville,  ayant  été  signalée  comme 
renfermant  des  personnages  dangereux,  le  lieutenant  Wein- 
brenner fut  chargé  de  les  arrêter  et  de  les  amener  à  Géry- 
ville, entre  autres  un  certain  Eddin,  le  plus  remuant  de 
tous.  Il  partit  avec  cinq  spahis  et  prétexta  un  recensement 
des  troupeaux  du  douar.  Le  premier  jour,  il  s'acquitta  de 
cette  besogne  ;  puis,  le  lendemain,  quand  elle  fut  terminée, 
il  commanda  à  Eddin  et  à  deux  autres  suspects  de  le  sui- 
vre :  ceux-ci  refusèrent.  Sans  écouter  leurs  protestations ,  il 
se  mit  en  route,  laissant  à  son  maréchal  de  spahis  indigène, 
Lakhdar,  Tordre  d'arrêter  les  trois  individus  désignés.  11 
le  vit  bientôt  revenir,  apportant  les  excuses  d'Eddin  qui 
promettait  d'obéir  et  en  même  temps  celles  de  la  tribu  qui 
demandait  au  lieutenant  de  ne  pas  lui  faire  l'injure  de 
partir  sans  prendre  part  à  une  dhifl'a.  Bien  que  rendu  dé- 
fiant par  ces  tergiversations,  le  malheureux  Weinbrenner 
revint  à  contre-cœur  sur  ses  pas,  et,  à  quelques  mètres  du 
douar,  descendit  avec  ses  spahis  et  6'assit  sur  les  tapis  qui 
avaient  été  préparés.  Il  avait  à  peine  commencé  de  manger 
les  dattes  qu'on  lui  avait  apportées,  qu'Eddin,  trouvant 
l'instant  favorable,  le  tuait  par  derrière  et  s'emparait  de  sa 
montre  qu'il  porte  encore,  ainsi  que  de  son  cheval,  qu'il 
offrit  à  Bou-'Amémah,  quelque  temps  avant  Chellâla.  En 
même  temps,  trois  de  ses  spahis  étaient  assassinés  avec 
leur  officier  (/);  seuls,  le  maréchal  des  logis  et  un  autre 
cavalier,  originaire  d'une  tribu  parente  des  Djeramma, 
parvenaient  à  s'échapper  et  à  revenir  à  Géry  ville  (*). 


O  J'ajouterai  que  le  se  al  des  meurtriers  du  lieutenant  Weinbrenner  qu'on  ait  pn 
arrêter,  eon  lamné  à  mort  par  le  conseil  de  guerre  d'Oran,  vit  sa  peine  commuée 
par  le  Président  de  la  République. 

(*i  il  est  curitux  de  ripproeher  cet  épisode  de  l'affaire  de  Vacca  <  Salluste,  Guêtre 
4e  Juçurtha,  LXVI-LXVHI),  mulatii  nutandis.  Je  me  hâte  de  dire  que  T-n*k*nr 


5G0  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

Le  meurtre  commis,  on  devait  s'attendre  à  voir  les  cou- 
pables fuir,  suivant  l'usage,  dans  l'ouest  ou  le  sud-ouest 
pour  de  là  gagner  le  Maroc  ou  le  désert.  Au  contraire,  ils 
descendirent,  vers  le  Tell,  jusque  les  H'arrars,  sur  le  ter- 
rain de  commandement  de  Si-S'ah'raouï,  à  30  kilomètres 
des  campements  de  ce  dernier  qui  ne  fit  pas  mine  de  les 
poursuivre.  La  nouvelle  avait  dû  cependant  parvenir  dans 
le  Nord  aussi  bien  que  dans  l'Est,  car  elle  était  connue  à 
Tadjmout  et  'Aïn-Madhi,  où  je  me  trouvais  alors,  deux  oo 
trois  jours  après  l'événement.  Cette  conduite  fit  soupçonner 
un  plan  concerté  d'avance,  mais  qui  échoua  parce  que  le 
mouvement  éclata  trop  tôt.  Je  ne  ferai  pa6  ici  l'histoire  de 
cette  campagne,  terminée  seulement  aujourd'hui,  s'il  est 
vrai  que  Si-Sliman,  le  chef  le  plus  actif  des  Ouled-Sidi- 
Cheïkh,  ait  été  arrêté  ou  tué  chez  les  Berabers(x)  ;  je  rappel- 
lerai seulement  qu'à  l'affaire  de  Chellâla,  l'inaction  plus 
que  suspecte  du  goum  commandé  par  le  fils  de  Si-S'ah'raouï 
permit  aux  insurgés  de  remporter  un  succès  et  d'emmener 
des  prisonniers  qu'ils  massacrèrent  plus  tard,  ce  qui  n'em- 
pêcha pas  les  TrafLs,  les  H'arrars,  les  Laghouatis-Ksal, 
etc.,  de  demander  et  d'obtenir  l'aman,  quand  leurs  provi- 
sions furent  épuisées.  Un  officier,  connu  pour  son  énergie 
dans  les  choses  algériennes  et  qui,  plus  que  personne,  a 
contribué  à  venger  l'honneur  et  le  sang  français,  n'hésita 
pas  à  dire  qu'il  aurait  fait  fusiller  comme  un  traître  le  fils 
de  Si-S'ah'raouï  s'il  l'avait  eu  sous  ses  ordres. 

Bou-'Amémah  entra  en  scène,  mais  pour  peu  de  temps. 
Ce  fut  encore  trop  long,  car  il  réussit,  comme  on  sait,  à 
ruiner  les  exploitations  d'alfa  au  sud  et  au  nord  des  chotts 
et  à  menacer  Sa'ïda  et  Frendah(*).  On  se  rappelle  encore 


n'eut  pu  les  scrupules  de  Turpilius,  qu'il  ne  connaissait  paa  pins  tans  doute  que  lei 
paroles  de  Salluste:  •  lUi  in  tanto  malo  turpU  vita  fawUt  inttgrâ  potior,  impr*b*i  m- 
totabiliëque  videtur.  » 

(*)  Depuis  que  ces  lignes  ont  été  écrites,  1*  mort  de  Si»8Uman  a  été  confirmés  ft 
ta  tète  envoyée  au  sult'an  du  Maroo. 

(*)  Le  14  juillet  1881,  jour  de  la  fête  nationale,  il  était  a  peu  de  distanoe  de  Frc* 
dah,  où  la  population  française  et  indigène,  sous  la  conduite  de  M.  Ximenés  et  dl 
baeh-'agha  Si-Oald-Qadhi  se  préparait  à  lui  opposer  une  résistance  aahamée. 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.      561 

en  Algérie  les  massacres  des  alfatiers  et  des  colons  isolés 
et  les  atrocités  commises  àKhalfallah,  mais  lorsque  le  ma- 
rabout fut  rejeté  dans  le  sud,  que  les  troupes  françaises 
rentrèrent  à  Tiout,  &  Mor'ar,  à  Chellâla  et  menacèrent 
Figuig,  l'asile  de  tous  les  bandits  du  6ud,  l'agitateur  fut 
rejeté  au  second  rang  par  les  Ouled-Sidi-Cheïkh  (*).  Bou- 
'  Amémah  ne  pouvait  lutter  contre  eux  :  il  ne  possédait  pas 
leur  autorité  religieuse  et  ses  défaites  éloignaient  de  lui 
ses  partisans.  Il  rentra  dans  le  Maroc,  erra  de  Figuig  au 
Taûlelt  et  d'autres  disent  au  Touat,  où  il  vit  encore  dans 
la  dernière  misère,  après  avoir  pris  part,  dit-on,  à  l'affaire 
du  chott  Tigri,  où  une  colonne  française,  commandée  par 
M.  de  Gastries,  faillit  être  détruite,  grâce  encore  à  la  trahi- 
son des  goumiers  et  des  sohhrars  (conducteurs  de  cha- 
meaux). La  guerre  recommença  avec  les  Ouled-Sidi-Cheïkh 
et  fut  dès  lors  une  phase  de  celle  que  nous  soutenons  con- 
tre cette  famille  depuis  20  ans. 

Quel  était  le  plan  de  Si-S'ah'raouï?  Voulait-il  profiter  des 
incursions  de  Si-Sliman  et  l'user  comme  celui-ci  avait 
supplanté  Bou-' Amémah?  La  prochaine  insurrection  le  fera 
connaître.  En  attendant,  il  n'est  pas  inutile  de  faire  remar- 
quer qu'il  est  l'ennemi  mortel  des  deux  seuls  grands  chefs 
de  la  région  qui  nous  soient  restés  fidèles  pendant  les  di- 
verses insurrections,  y  compris  celle  de  1864:  le  khalifah 
de  la  Minah,  Si-Lâribi;  et  le  bach'-agha  de  Frendah,  Si- 
Ah'med-ould-Qadhi. 

Je  prolongeai  pendant  une  semaine  mon  séjour  à  Fren- 
dah, dont  la  situation  pittoresque  est  vraiment  admirable 
et  mériterait  d'attirer  davantage  l'attention  des' touristes. 
Du  plateau  sur  le  flanc  duquel  elle  est  bâtie,  on  domine 
la  plaine  où  s'élèvent  çà  et  là  des  garahs  isolées,  couvertes 


(')  On  trouver*  dans  lee  Notée  pour  etrvir  à  Vhietoire  de  VinsurrecHon  dans  le  sud 
de  la  province.  d'Alger,  que  le  colonel  Trnmelet  publie  dan*  la  Revue  africaine,  le» 
renseignements  les  pins  complets  sur  les  divisions  et  les  branches  de  cette  famille 
inflaente.  Cf.  «assi  les  notes  du  capitaine  Guérard,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  or- 
ehéoloffique  d'ôran  (1832). 


562  GÉOGRAPHIE  MILITANTE  :  EXPLORATIONS. 

de  forêts  ;  elle  est  fermée  au  sud  par  une  chaîne  de  mon- 
tagnes au  delà  de  laquelle  le  désert  s'étend  à  perte  de  vue. 
La  veille  de  mon  départ,  j'eus  l'occasion  d'assister  au 
réjouissances  d'une  noce  arabe.  La  scène  avait  lieu  dais 
une  cour,  dont  les  moindres  coins  et  recoins  étaient  éclai- 
rés par  un  beau  soleil  d'avril.  C'était  un  dédommagement 
du  froid  dont  nous  souffrions  depuis  quelques  jours.  Les 
murailles  étaient  tapissées  d'indigènes,  en  costumes  phis 
ou  moins  propres  ;  les  femmes,  moins  soignées  encore,  le  i 
visage  découvert,  gloussaient  de  temps  à  autre  des  you-yow  j 
d'admiration,  pendant  que  des  petites  filles,  à  la  coiffure 
métallique  ornée  de  pendeloques  en  argent,  se  glissaient 
à  travers  le6  moindres  interstices  de  cette  barrière  vivante, 
et  ne  perdaient  rien  d'un  spectacle  où  elles  devaient  figurer 
dans  quelques  années  ;  comme  premières  loges,  le6  ter- 
rasses des  maisons  voisines  étaient  couvertes  de  groupes 
d'indigènes,  étendus,  debout  ou  accroupis  dans  des  poses 
qui  ne  manquaient  pas  de  dignité,  voire  même  de  grâce.  | 
Au  milieu  du  cercle,  deux  musiciens  et  deux  danseuses 
donnaient  un  échantillon  de  leurs  talents.  L'un  d'eux,  un 
nègre  du  plus  beau  noir,  tenait  sous  le  bras,  suspendue 
comme  une  vielle,  une  fablah  (sorte  de  tambour  allongé) 
qui  rendait,  sous  ses  coups  de  poing6,  des  6ons  monotones 
et  cadencés  ;  l'autre,  assis  sur  6es  talons,  jouait  d'une  lon- 
gue flûte  en  roseau.  Les  deux  danseuses,  serrées  à  la  taille 
par  une  énorme  ceinture  dorée,  les  bracelets  aux  poignets 
et  aux  chevilles  les  khalkhals  au  cliquetis  argentin,  le  vi- 
sage couvert,  mais  pour  la  forme  seulement,  d'un  foulard 
transparent,  tenaient  à  la  main  un  mouchoir  d'étoffe  voyante. 
Tantôt  elles  l'agitaient  au-dessus  de  leurs  tètes,  tantôt 
elles  feignaient  d'en  repousser  l'homme  à  la  fablah  qui, 
musicien  et  danseur,  faisait  sa  partie  dans  la  pantomime 
en  même  temps  qu'à  l'orchestre.  Tantôt  avançant,  tantôtre- 
çulant,  les  danseuses  mimaient  une  poursuite  amoureuse, 
avec  des  balancements  de  hanches  et  des  mouvements  4e 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.     563 

reins,  imités  par  le  musicien  et  vivement  admirés  de  l'audi- 
toire. Cette  admiration  se  traduisait  en  pièces  de  monnaie 
que  les  amis  des  arts  et  des  artistes  collaient  sur  le  front  en 
sueur  de  ces  dernières  :  celles-ci  les  conservaient  pendant 
quatre  ou  cinq  minutes  sans  cesser  de  danser,  puis,  brus- 
quement, d'un  coup  de  tête,  les  faisaient  tomber  dans  le 
mouchoir  qu'elles  tenaient  à  la  main.  Ces  exercices  du- 
raient depuis  le  matin,  interrompus  seulement  de  temps  à 
antre  pendant  quelques  minutes  ;  le  premier  musicien, 
qui  était  en  même  temps  l'imprésario,  les  employait  à 
proclamer  le  chiffre  des  cadeaux  avec  les  noms  des  dona- 
teurs, de  manière  à  exciter,  par  l'émulation,  la  générosité 
des  assistants.  Par-dessus  les  terrasses,  s'étendait  comme 
un  dôme,  un  ciel  sans  nuages  et  à  l'extrémité  du  couloir 
de  la  maison,  qui  semblait  donner  dans  un  précipice,  au 
bord  du  plateau,  on  apercevait  le  rideau  de  verdure  de  la 
garah  la  plus  voisine. 

Ces  réjouissances  étaient  le  prélude  de  plus  considéra- 
bles encore  qui  devaient  avoir  lieu  la  nuit  suivante,  lorsque, 
suivant  l'usage,  on  amènerait  la  mariée  dans  la  maison 
de  6on  mari.  Il  ne  me  fut  pas  possible  d'y  assister,  car  je 
devais  partir  le  lendemain,  et  je  tenais  à  prendre  du  repos 
avant  un  voyage  que  je  pensais  devoir  être  aussi  pénible 
que  celui  de  Mascara  à  Frendah. 

Heureusement  il  n'en  fut  rien.  Le  grand  vent  avait  sé- 
ché les  chemins,  et,  après  avoir  pris  congé  de  M.  Akloucb, 
qui  m'accompagna  à  cheval  jusqu'à  un  ouadi  dont  j'ai 
oublié  le  nom,  je  traversai  des  collines  mouchetées  çà  et 
là  par  quelques  buissons  et  j'entrai  bientôt  dans  une  r'abah 
de  broussailles  et  d'oliviers.  Au  sortir  de  cette  miniature 
de  forêt,  j'aperçus  trois  des  Djedars,  avec  le  vif  regret  de 
ne  pouvoir  faire  halte  pour  les  examiner.  Us  ont  du  reste 
été  visités  consciencieusement  par  MM.  Bordier,  Mac-Car- 
thy  et  Letourneux,  mais  on  n'est  pas  d'accord  sur  leur  ori- 
gine. On  y  a  trouvé  des  traces  de  peinture  et  des  symboles 


564  GÉOGRAPHIE  MILITANTS  :  EXPLORATIONS. 

chrétiens  ;  aussi,  récemment,  a-t-on  voulu  en  faire  des  tom- 
beaux construits  par  une  des  petites  dynasties  qui  paraissent 
s'être  établies  dans  le  Maghreb  depuis  la  décadence  de  la 
jouissance  romaine  jusqu'à  l'entière  conquête  arabe.  Celte 
opinion  a  été  combattue  par  ceux  qui  y  voient,  avec  pi» 
d'exactitude,  une  adaptation  par  des  princes  chrétiens  indi- 
gènes de  monuments  païens.  On  les  a  comparés  au  Tom- 
beau de  la  Chrétienne,  près  de  Tipaza,  et  au  Medr'asen, 
entre  Batna  et  Gonstantine  ;  on  aurait  pu,  peut-être  avec 
plus  de  raison,  les  comparer  aux  singuliers  monuments  dé* 
crils  par  M.  Largeau,  qui  les  visita  près  de  Ghadamès  (')  où 
ils  sont  connus  sous  le  nom  des  Idoles,  et  qu'on  croit  être 
les  tombeaux  des  anciens  rois  du  pays.  L'historien  Ibn-Er- 
Baqiq,  cité  par  Ibn-KhaldounQ,  les  mentionne  en  parlant 
d' une  expédition  du  khalife  fat'  imite  El-Mans'our  contre  les 
floouara  en  336  hég.  (947  avant  J.-C).  Le  même  écrivain 
ajoute  qu'il  y  trouva  une  inscription  attribuée  i  Saiomon, 
le  général  (serdeghos)  de  Justinien,  qui  aurait  vaincu  des 
rebelles  sur  les  bords  de  la  M  in  ah.  De  nos  jours,  le  général 
Dastugue  prétendit  avoir  retrouvé  et  copié  cette  inscription, 
mais  elle  était  si  fruste,  que  M.  de  Slane  ne  put  lire  sur 
sa  copie  que  le6  mots  Salomon  et  strategos.  L'authenticité 
en  a  été  vivement  contestée  :  sans  prendre  parti  pour  ni 
contre,  je  dirai  seulement  qu'à  Frendah,  une  personne 
digne  de  foi  m'assura  que  la  pierre,  aujourd'hui  perdue, 
.fut  apportée  par  un  charretier  dont  le  nom  me  fut  cité, 
qu'on  pouvait  y  lire  seulement  Solomo  et  qu'elle  fut  mise 
en  pièces  par  des  soldats  de  la  légion  étrangère  dans  le 
poste  desquels  elle  avait  été  déposée.  Cet  acte  de  vanda- 
lisme, s'il  est  vrai,  n'est  pas  le  seul  que  l'Algérie  ait  à  re- 
gretter depuis  la  conquête  française. 
Après  une  courte  halte  à  la  ferme  de  Mellacou,  qu'at- 


<*>  Largeau,  Le  Sahara  algérien,  2«  édition,  Paria  1381,  p.  237-238.  V.  égale  méat  la 
Description  de  V Afrique  par  un  géographe  anonyme  de  l'hégire,  éd.  Krener.  Vieane, 
1852,  p.  32. 

•^  BUtoirt  de*  Berbèrte.  trad.  de  Slane,  t.  H,  p.  510. 


MISSION  SCIENTIFIQUE  EN  ALGÉRIE  ET  AU  MAROC.     565 

teignit  Bou-'Amémah  en  juillet  1881,  nou6  arrivâmes 
bientôt  à  Tiharet.  La  ville,  ou  plutôt  les  trois  villes  (le 
Bordj,  le  Village  et  le  Village  nègre),  a  été  assimilée  par 
quelques-uns  au  siège  épiscopal  Tingarimsis  de  la  Notilia 
:  Afriex  (*.).  Le  bordj  ou  la  vieille  Tiharet,  bâti  au  6ommet 
d'une  montagne  escarpée,  est  entouré  d'une  enceinte  con- 
tinue, percée  de  quatre  portes,  et  traversé  dans  toute  sa 
longueur  par  la  rue  de  Mascara.  Cette  première  enceinte, 
protégée  par  deux  ravins,  est  rattachée  au  Village,  ou  plutôt 
à  la  nouvelle  Tiharet,  par  une  promenade  plantée  d'arbres 
sur  la  pente  la  moins  escarpée  de  la  hauteur.  De  l'autre 
côté  du  village,  sur  une  élévation,  le  Village  nègre,  mal- 
propre comme  toutes  les  agglomérations  de  ce  genre.  Le 
bordj  représente  Tiharet  (en  berbère,  la  station)  la  vieille, 
construite  par  les  Berkadjenna  qui  furent  obligés  de  l'aban- 
donner pour  s'établir  à   Tiharet -Es -Sofia,  aujourd'hui 
Takdemt(*).  Elle  fut  relevée  en  1843,  par  le  général  La- 
moricière.  La  ville  neuve  est  en  construction,  sans  rien  de 
remarquable  :  quant  au  paysage  des  environs,  il  est  affreu- 
sement désolé  jusqu'aux  montagnes  du  Nadhor  qui  le  limi- 
tent au  sud. 

Le  lendemain  de  mon  arrivée,  je  repartais  pour  Relizane, 
pour  de  là  gagner  Oran  et  Tlemcen  où  j'étais  attendu.  Le 
voyage  se  fit  sans  incidents  et  je  ne  trouve  à  signaler  que 
le  charmant  village  de  Zemmorah,  où  je  devais  revenir  à 
mon  retour  du  Maroc.  Zemmorah  (du  berbère  Azemmour, 
l'olivier  sauvage),  est  entouré  de  bois  de  lentisque6  et  d'o- 
liviers :  sur  une  des  collines  qui  le  dominent,  on  aperçoit  le 
monument  commémoratif  de  Mous't'afa-ben-Ismaïl,  le  chef 
des  Smalas  et  des  Douairs,  rallié  à  nous  depuis  la  con- 
quête, et  qui  fut  tué  à  l'âge  de  80  ans,  en  essayant  de  réunir 


(')  D.  Ruinait,  TÏUtoria  per$ecutionis  vandaUeœ.  Paris,  1694,  p.  137,456. 
(*)  El  Bekri,  De$eription  de  V Afrique  septentrionale,  trad.  de  81aae.  Paris,  1859, 
io-gp,  p.  159. 


566  GÉOGRAPHIE  MILITANTB  :  EXPLORATIONS. 

près  de  Tifour  ses  soldats  dispersés  par  une  panique,  h 
centre  du  village  6e  dresse  un  énorme  olivier  qui  lui  * 
peut-être  donné  son  nom.  A  mesure  que  j'approchais  k 
Relizane,  les  champs  devenaient  plus  secs,  les  moieso* 
moins  belles,  jusqu'au  moment  où  nous  atteignîmes  1» 
parties  arrosées  par  le  barrage  de  la  Minah. 

(A  suivre.) 


2«  ETUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE  [£L 


LE  JURA 

{8uUe.) 

CHAPITRE   IL 

STRUCTURE. 


SECTION  PREMIÈRE. 

Constitution  dn  Jnra. 

La  constitution  du  Jura  est  assez  simple  ;  il  ne  pré- 
sente que  des  alternances  multiples  de  calcaires  et  de  marnes. 

Un  œil  exercé  ne  parvient  souvent  qu'avec  peine  à  dis- 
tinguer les  assises  et  les  groupes  qui  forment  les  étages 
jurassiques.  Seuls,  des  fossiles  dominants,  une  végétation 
particulière,  des  degrés  variables  de  compacité  et  de  ré- 
sistance à  l'érosion,  des  teintes  plus  ou  moins  claires  enfin, 
permettent  de  discerner  les  calcaires  coralliens  du  haut 
Jura,  des  calcaires  oolithiques  du  plateau  et  de  la  falaise 
bressane.  Au  surplus,  que  le  lecteur  se  garde  de  croire 
que  la  connaissance  de  ces  étages  et  sous-étages  lui  sera 
indispensable  ici  ;  la  division  en  groupes  —  il  n'y  en  a  que 
trois  —  peut  lui  suffire  et  nous  allons  chercher  à  en  établir 
les  caractères,  bien  qu'ils  soient  encore  pluspaléontologi- 
ques  que  pétrographiques,  et  pour  cela  nous  nous  baserons 
essentiellement  sur  leur  perméabilité. 

Les  assises  perméables  du  Jura  sont  Voolithe,  le  coraltieti  et 
les  calcaires  crétacés.  Sont  imperméables  les  marnes  du  lias 
et  de  Voxfardien.  «  Les  sources  sortent  entre  les  marnes 
<  et  les  calcaires  qui  reposent  sur  elles.  La  partie  ouest 
«  du  plateau  présente  de  très  rares  et  très  petites  eour- 


568  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

«  ces.  De  nombreux  puits  absorbants  criblent  le  soi, 
«  donnent  à  l'eau  pluviale  un  écoulement  rapide  et  laisser 
«  toute  cette  surface  constamment  à  sec  ;  elle  s'abreuve  eu 
«  général  par  des  citernes.Q.  »  C'est  ainsi  que  des  amorm 
de  rivières  débouchent  dans  des  puits  d'érosion;  elles  sont 
desséchées  en  dehors  des  temps  de  pluie,  bien  qu'on  entende 
rouler  les  eaux  au  fond  des  entonnoirs.  De  là,  les  eaux 
gagnent  le  fond  des  vallées  par  des  canaux  souterrains  qui 
ont  souvent  plusieurs  lieues  de  longueur.  Il  ne  pleut  pas 
dans  une  vallée,  et  tout  à  coup  les  sources  grossissent  et 
charrient  une  masse  d'eau  trouble  et  limoneuse;  il  y  a  eu 
abat  d'eau  sur  la  montagne.  «  La  partie  Est  du  plateau  offre 
«  de  belles  sources,  sortant  généralement  au-des6us  des 
«  marnes  oxfordiennes.  Enfin,  la  zone  des  chaînes  possède 
«  des  sources  abondantes  dans  ses  parties  basses,  et  des  sur- 
«  faces  complètement  sèches  dans  les  régions  élevées  (').» 
L'épaisseur  moyenne  du  terrain  jurassique  est  de  900  i 
1,000  mètres.  La  masse  proprement  dite  du  Jura  e6t  com- 
posée d'oolithe,  d'oxfordien  et  de  corallien;  car  le  crétacé 
et  le  terrain  tertiaire  ne  font  que  tapisser  le  fond  des 
hautes  vallées  de  la  zone  des  chaînes. 

* 

Au  pied  de  la  falaise  bressane  s'élèvent,  de  Lons-le- 
Saulnier  à  Poligny,  Arbois  et  Mouchard,  de  fortes  col- 
lines de  lias  :  c'est  la  zone  des  vignobles.  Sur  le  pourtour 
extérieur  et  dans  les  intervalles,  s'étendent  des  bancs  pois- 
sants de  gypse  et  de  sel  gemme  du  triât:  Salines  deMonl- 
morot,  Grozon,  Salins  et  Arc-Senans.  Les  formes  des  col- 
lines du  lias  et  du  calcaire  coquillier  du  trias  6ont  très 
douces,  et  leur  constitution  interne  n'apparaît  que  dans 
les  carrières.  Au  delà  s'étend,  jusqu'à  la  Saône  et  jus- 
qu'aux montagnes  du  Beaujolais  et  du  Charollais,  la 
va6te  plaine  de  la  Bresse.  De  ce  côté  donc,  les  montagnes 
du  Jura  sont  précédées  par  une  zone  collinaire  de  lias,  de 

(')  Frère  Ogérien,  Géologie  du  département  du  Jura. 
(*)  Frère  Ogérien',  Géologie  du  département  du  Jura. 


LR  JURA.  569 

r  à  8  kilomètres  de  largeur.  La  plupart  du  tempe,  uu  cha- 
fean  oolithique  recouvre  les  collines  et  montre  que  cette 
lone,  avant  d'avoir  été  dénudée  par  les  érosions,  était  cons- 
tituée par  l'oolithe  et  qu'elle  n'est  en  somme  que  la  partie 
ibaissée  de  la  grande  faille  qui  a  redressé  le  plateau  et 
l'a  porté  à  la  hauteur  où  nous  le  voyons  aujourd'hui. 

Enfin,  le  terrain  crétacé  dont  les  lambeaux  sont  dessinés 
en  vert  sur  la  carte  atteint  300  mètres,  et  il  présente  en- 
core des  alternances  de  calcaires  jaunes  ou  bruns,  de 
marnes  bleuâtres  et  de  grès  verdâtres.  Quant  au  terrain 
tertiaire,  il  est  surtout  répandu  dans  les  vallées  affluentes 
9e  la  Birs.  Le  tableau  de  la  page  suivante  résume  les  ca- 
ractères pétrographiques  du  Jura. 

SECTION  H. 

Plissements. 

Suivant  Heim  (*),  le  Jura  e6t  un  type  de  chaîne.  «  Les 
chaînes,  dit-il,  montrent  des  crêtes  allongées,  souvent 
tronçonnées  et  incisées;  la  forme  géométrique  de  leurs 
culminances  dénote  un  assemblage  de  pièces  presque 
parallèles  et  rectilignes  ou  un  peu  courbes. 
«  Nous  voyons  dans  les  chaînes  les  couches  de  la  terre 
s'affaisser  par  endroits  et  constituer  des  auges  ;  en  d'au- 
tres, elles  s'empilent  en  forme  de  voûtes.  Deux  voûtes 
reliées  par  une  auge  constituant  une  combe.  La  direc- 
tion de  chaque  combe  est  plu6  ou  moins  conforme  à  * 
celle  de  la  chaîne;  aucune  d'elles  ne  la  sillonne  dans 
sa  longueur  totale,  son  étendue  est  limitée  et  elle  s'af- 
faisse à  ses  deux  extrémités.  Sur  son  prolongement  di- 
rect, ou  avec  déviation,  s'amorce  une  nouvelle  combe  ré- 
sultant de  la  même  impulsion.  Ainsi,  tandis  que  le  Jura 
présente  un  développement  de  320  kilomètres,  des  com- 


570 


ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 


TABLEAU  DES  TERRAINS  QUI  CONSTITUENT  LE  JURA. 


Terrain*. 

Tertiaire  M 

Crétacé  N. 


Jurassique 
supérieur  J», 

Jurassique 
moyeu  J* . 

Jurassique 
inférieur  J1 


LiasL  .  . 
Trias  T .   . 


• 


Mollasse  (grés) .  Conglomérats,  argiles. 

Craie.  Calcaires  blancs  ou  Jaunes  en 

bancs  épais  et  marnes  blanches  .  . 

Jurassique. 

Corallien.  Calcaires  compacts,  durs, 
blanchâtres,  en  bancs  puissants,  à 
texture  parfois  cristalline  et  coral- 
lienne   

Oxfordien.  Calcaires  et  marnes  bleu- 
âtres  

Oolithique.  Calcaires  roux  arec  oolilbes 
(myriades  de  concrétions  calcaires 
de  la  grosseur  d'un  grain  de  millet) . 

I  Calcaires  et  marnes  noirâtres  reposant 
sur  des  calcaires  gréseux  et  ferru- 
gineux  

Marnes  irisées 


Corallien  . 

Oxfordien  . 

Oolithique. 
Lias  .  .   . 


Marnes  u 
Calcaires  8 

Marnes  2 
Calcaires  2 

Marnes  8 


/10 
/I0 
/10 
/10 
/10 
/ 10 
/10 
/10 


soif 


300" 


i«f 
l«f 


Proportions  des  calcaires  et  des  marnes. 

Calcaires  9j 
Marnes  1. 
Calcaires  i/10  f  Épaisseur  moyenne  des  trois  étages: 

1,0<MF. 


LE  JURA.  571 

bes  n'atteignent  que  12,  27, 28, 31,  51, 92  kilomètres,  et 
dans  un  seul  cas,  près  de  162.  Dans  le  sens  transversal 
s'échelonnent  de  19  à  12  combes  parallèles.  Thurmann 
en  comptait  en  tout  près  de  160. 
«  Les  voûte6,  dans  la  zone  des  hautes  chaînes,  sont 
moins  intenses,  mais  par  contre  plus  nombreuses  que  sur 
le  plateau  ;  celles-ci  sont  les  plus  intenses.  Dans  le  Jura 
franc-comtois,  elles  s'étendent  sur  une  zone  de  25  kilo- 
mètres de  largeur,  et  dans  le  Jura  argovien  sur  7  kilo- 
mètres et  demi.  Là  gtt  la  masse  ancienne  de  la  Forêt- 
Noire,  pièce  rigide  de  l'écorce  qui  ne  pouvait  se  modeler 
sur  les  ondulations  jurassiques  ;  toutes  les  combes  de- 
vaient donc  s'engager  dans  l'étroite  zone  à  la  lisière 
sud  de  la  Forêt-Noire. 

c  Dans  l'angle  où  les  chaînons  du  Jura  débutent 
comme  une  tangente  aux  Alpes,  surgissent  encore  quel- 
ques voûtes  certainement  indécises  entre  le  Jura  et  les 
Alpes.  Les  plus  surprenantes  sont  le  Salève  et  les  Voi- 
rons :  la  première  émerge  de  la  mollasse,  à  18  ou  20 
kilomètres  des  Alpes,  et  à  la  même  distance  du  Jura, 
c  Les  montagnes  plus  anciennes  qui  les  avoisinent  exer- 
cent une  influence  sur  la  direction  des  chaînes  :  celles-ci 
se  courbent  et  courent  autour  de  leur  pied.  Là  où  le  Jura 
se  développe  6ans  obstacle,  dans  le  canton  de  Neuchâtel 
par  exemple,  sa  direction  est  S.-O.-N.-E.Q;  mais  au 
N.-E.,  les  plateaux  plus  anciens  des  Vosges  et  de  la  Fo- 
rêt-Noire s'avancent  à  sa  rencontre,  le  Jura  alors  presse 
ses  combes,  les  complications  dynamiques  deviennent 
plus  considérables  et  la  direction  de  ses  crêtes  devient 
O.-E. 

«  Plus  Y  intensité  d'une  chaîne  demeure  constante,  plus 
ses  chaînons  sont  rectilignes.  Plus,  au  contraire,  une 
chaîne  diminue  d'intensité  dans  son  développement  lon- 


0  Ce  développement,  en  effet,  n'ert-il  pas  gêné  au  Nord  par  la  Forêt-Noire,  a» 
foi  parlée  Alpes? 


572 


ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 


c  gitudinal,  plus  ses  chaînons  se  courbent.  Ainsi,  de  6e- 
«  nève  à  l'Aar,  les  chaînons  du  Jura  sont  à  peu  près  en 
«  ligne  droite,  S.-O.-N.-E.,  et  il  n'est  que  légèrement 
<  courbé  vers  le  Nord.  Dans  celte  étendue  aussi,  la  poussée 
«  d'ensemble  est  à  peu  près  uniforme  ou  bien  elle  diminue 


„    lfâ  LaChanrdnDomtief 
V.deAin      :..^      S*Çlaude 

tt.de  lïnUie; 
Bracie     Fîb«i 


VaLserr 


ne 


■  * 


Fi*.  ». 

peu  à  peu  vers  l'Est.  Mais  depuis  Genève,  vers  le  Sud- 
Ouest  l'intensité  de  la  chaîne  se  réduit  considérablement 
et  rapidement.  Là  où  le  Rhône  traverse  le  Jura,  les  chaî- 
nons intérieurs  courent  déjà  du  Nord  au  Sud,  et  les  chaî- 
nons extérieurs  à  l'Oue6t  (Molard-de-Don  6ans  doute)  se 
tournent  déjà  au  N.-N.-O.-S.-S.-E. 
c  Enûn,  au  Sud-Ouest  de  Chambéry,  la  chaîne  se  limite 
à  une  zone  très  étroite,  laquelle,  au  point  où  elle  rencon- 
tre l'Isère,  ne  forme  guère  plus  qu'une  chaîne  unique. 
De  Chambéry  à  Saint- Laurent-du-Pont,  la  dernière  crête 
du  Jura  se  plie  à  la  crête  la  plus  extérieure  des  Alpes. 
Nous  observons  donc  de  nouveau,  dans  la  partie  sud- 
ouest  du  Jura,  la  relation  qui  existe  entre  une  diminution 
rapide  de  l'intensité  et  une  courbure  croissante  de  la 
chaîne.  » 

La  coupe  générale  du  Jura  (fig.  4),  du  professeur  Chof- 
at,  montre  clairement  que  la  poussée  latérale,  ou  si  vous 
e  préférez,  l'effondrement  de  la  plaine  suisse  en,  donnant 

naissance  à  nos  montagnes,  ont  produit  à  leur  surface 

quatre  grands  ordres  de  phénomènes  : 

1°  Des  plissements  en  voûtes,  c'est-à-dire  des  chaînons  et 

des  vallées  (combes)  parallèles,  normaux  à  la  direction  de 

la  pression  exercée  ; 


LE  JURA. 


573 


2°  L'éclatement  fréquent  de  ces  voûte6  au  sommet,  lorsque 
Ja  limite  d'élasticité  des  couches  s'est  trouvée  dépassée  ; 

3°  Des  failles  suivies  de  dénivellements,  cassures  verticales 
et  profondes,  orientées  dans  le  sens  des  voûtes  et  des  sil- 
lons, et  représentant  le  paroxysme  des  effets  de  la  pres- 
sion; 

4°  Des  fractures  des  chaînons  normalement  à  leur  axe, 
ceux-ci  n'ayant  pu  se  courber  et  6'étant  rompus  comme  une 
barre  de  fer  que  l'on  essaye  de  couder  ;  c'est-à-dire  des 
cluses. 

Les  voûtes  et  les  plis  qu'elles  enserrent  ne  présentent 
pas  des  formes  très  variées,  et  le  lecteur  s'apercevra  bien 
vite,  s'il  examine  les  coupes  que  nous  en  donnerons,  que 
ces  formes  se  ramènent  à  peu  prè6  toutes  aux  suivantes  : 


Vonte  oolilhiquc 


Combe  oxfordienne 


Vbûie  corallienne 

Combe  oeocomieune 


Flg.  s. 

Voile  oolilhiqac  avec  crets  el  flancs 
coralliens  et  néo  contiens. 

TaJo»  oxfimb'en . 
Crêl  corallien 

Blanc  corallien. 


Fiff.  4. 


La  voûte  oolithique  A  est  assez  rare  et  particulière  au 
plateau  ;  les  formes  les  plus  fréquentes  dans  la  zone  des 
chaînes  sont  la  voûte  corallienne  pure  B  et  la  voûte  ooli- 
thique G  avec  créts  coralliens.  Cette  dernière  n'est  qu'une 


■OC  DM  OiOOB.  —  4«  TBIMMTBB  1883. 


87 


574 


ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 


voûte  corallienne  rompue  au  faîte  et  laissant  apparaître  au 
fond  do  la  cassure,  au  pied  des  crête,  les  calcaires  oolithi- 
ques.  Dans  la  réalité,  elle  n'est  point  aussi  régulière,  et 
les  érosions  lui  ont  laisBé  le  profil  D,  le  sommet  de  la 
voûte  ayant  été  arra6é. 

Comme  largeur,  elle  est  assez  variable  ;  les  voûtes  les 
plus  étroites  ne  dépassent  guère  1  kilomètre  et  les  plus 
épaisses  3  kilomètres  ;  il  n'y  a  aucun  rapport  à  chercher 
entre  leur  largeur  et  leur  hauteur.  Les  combes  atteignent 
4  à  6  kilomètres  de  largeur  ati  plus,  et  la  plupart  du  temps, 
elles  n'ont  que  1  à  2  kilomètres.  Souvent  môme  ce  ne  sont 
que  des  couloirs  étroits  d'une  centaine  de  mètres  et  dont 
le  fond  s'élève  en  même  temps  que  les  chaînons  qui  l'en- 
cadrent ;  elles  communiquent  entre  elles  soit  par  des  clu- 
ses, soit  par  de  bas  et  larges  ensellements. 

c  Les  créts  coralliens  sont  des  murailles  blanchâtres,  à 
pentes  vives  et  parfois  verticales,  en  forme  de  bastions 
crénelés,  d'arêtes  bizarres  et  déchiquetées.  C'est  surtout 
au  sommet  de  leurs  dents  proéminentes  que  l'ami  des 
études  historiques  recherche  en  cent  endroits  la  der- 
nière trace  des  gothiques  manoirs  élevés  par  les  nobles 
seigneurs  de  l'époque  féodale,  qui  trouvaient  dans  ces 
retranchements  naturels  leur  force  et  leur  sécurité.  Enfin, 
c'est  au  point  culminant  de  ces  cimes  chenues,  dominant 
de  vastes  horizons  et  de  60  à  80  mètres  le  fond  de  la 
déchirure  D,  qu'ont  été  placés  la  plupart  des  signaux 
trigonomé triques.  On  comprendra  aisément  pourquoi 
ces  crêts  jouent  un  rôle  si  étendu. 
«  Sous  les  pieds  de  l'observateur  s'étend  une  déchirure 
profonde  et  souvent  inclinée  (D),  dominée  par  des  ro- 
chers à  pic  du  côté  du  talus  oxfordien,  et  de  l'autre,  par 
des  flancs  (F)  à  formes  arrondies  ;  et  si  la  végétation 
d'arbrisseaux  qui  s'élancent  souvent  des  fissures  de  l'a- 
brupt et  recouvrent  le  talus  de  débris  de  la  base,  ne 
dérobe  pas  à  ses  regards  le  fond  du  vallon  (D),  il  remar- 


LE  JURA.  576 

■  qoera  le  cours  sinueux  du  ruisseau  déterminé  par  la 
t  présence  de6  marne6  oxfordiennes,  et  les  champêtres 

*  demeures  que  le  montagnard  élève  de  préférence  dans 

*  le  voisinage  des  eaux.  Il  pourra  observer,  non  loin  des 
r  prés  verdoyants  qui  les  entourent,  l'excavation  pratiquée 

*  pour  extraire  les  marnes  bienfaisantes  qui  doivent  amé- 
»  liorer  les  pâturages  arides  de  la  voûte  oolithique.  Ordi- 
b  nairement,  avant  d'arriver  au  crêt  corallien!  l'observa- 
c  tear  qui  gravit  le  talus  aura  traversé  des  forêts  de  sapins 
«  ou  d'épicéas. 

c  La  voûte  oolithique  est  couverte  de  pâturages  ou  de  prés 
«  secs,  et  ses  flancs  sont  garnis  de  riches  forêts  ;  son  aspect 
c  est  riant  et  arrondi.  Tout  ce  qui  précède  sur  la  végétation 
«  est  modifié  dans  diverses  chaînes,  suivant  les  différences 
c  de  hauteur  ;  mais  le  contraste  entre  la  végétation  de  ces 
c  trois  accidents  orographiques  :  crêt,  combe  et  voûte  n'en 
«  est  pas  moins  constant- et  ne  les  divise  pas  moins  en  trois 
«  stations  distinctes  (f).  » 

Nous  ajouterons  ceci  :  les  crêts  et  les  plateaux  déchirés 

du  corallien  étaient  connus  bien  avant  l'époque  féodale 

dont  parle  l'illustre  savant  ;  la  plupart  étaient  des  stations 

romaines,  des  gîtes  d'étape,  des  oppidums  inexpugnables 

qui  commandaient  les  routes  stratégiques  et  les  défilés  de 

la  Séquanaise . 

SECTION  m. 

Cols  et  trouées. 

Relativement  rares  dans  le  Jura,  les  hauts  enselle- 
ments  des  crêtes  auxquels  on  donne  le  nom  de  cols  ne  se 
rencontrent  guère  que  sur  les  chaînons  extérieurs  qui 
dominent  le  canal  de  Genève  et  la  plaine  suisse.  Pour  le 
reste,  la  zone  des  chaînes  n'est  fragmentée  que  par  des 
cluses,  brèches  totales  ou  trouées  qui,  ne  se  correspondant 
point,  rendent  la  viabilité  difficile  et  très  sinueuse.  Il  y  a 


C)  T'aormaon,  Suai  *ur  U§  ioulèvtwunlê  jwraulqutt. 


I 


576  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

plus,  si  nous  démembrons  les  chaînons  extérieurs,  no»' 
constatons  que  ces  trouées  sont  en  plus  grand  nombre 
que  les  cols  et  que  par  là  le  Jura  est  d'un  accès  commode, 
les  difficultés  présentées  par  le  sol  consistant  uniquement 
dans  le  cisaillement  de  la  région  plus  ou  moins  étroite  des 
hauts  chaînons  orientaux.  Cette  barrière  est-elle  solide? 
Je  le  croirais  volontiers  :  l'existence  de  Belfort-Lômont  et 
de  Lyon,  l'absence  de  bonnes  communications  longitudi- 
nales empêchent  de  la  tourner,  enfin  l'occupation  de  la 
région  de  Pontarlier  à  Champagnole  la  rendrait  invulné- 
rable. 

Sur  les  trouées  du  Jura,  une  seule,  celle  des  Rousses, 
n'e6t  point  suivie  par  urt  chemin  de  fer.  Ce  qui  6uit  prou- 
vera qu'il  y  a  trouées  et  non  point  cols. 

I.  Buèche  d'Ambebjeu  a  Culoz,  par  la  gorge  des  Hôpitaux. 
2ôl  375  238 

Arabérieii,  24  kil.;  les  Hôpitaux  ('),  22  kil.  à  Artemare,  à  rentrée  (te 
la  plaine  de  Culoz. 

II.  Brèche  de  Kantua  a  Belleoardb,  par  le  lac  de  Sylaus. 
4S0  623  515 

Santua,  4k,500;  Lac  de  Sylant,  8k,500;  Sl-Gerniain  de  Joux. 

III.  DnÈGHE  de  Jouqnk,  ou  de  la  Sugenaz. 
1,000  1,050  7S8 

Hôpitaux-Neufs,  2  kil.;  Jougne,  10  kil.;  Yallorbe. 

IV.  Brèche  des  Verrières,  ou  du  Val-Travers. 

S45  933  746 

S'-l'ierre-la-Cluse,  8  kil.;  les  Verrières  suisses,  10  kil.;  Fleurier. 

V.  Brèche  des  Rousses.  Elle  est  de  beaucoup  la  plus  élevée. 
1,135  1,246  1,049 

Les  Rousses,  12  kil.;  Passage  des  Rousses,  8  kil.;  SMtagnes. 

VI.  Brèche  du  Cul-dbs-Roches. 
750  980  921 

Les  Busols,  3k,500;  le  Guides-Roches,  2  kil.  ;  Le  Locle. 

Je  n'ai  point  parlé  jusqu'ici  de  la  grande  trouée  du  Rhône, 
du  Fort  de  l'Écluse  à  Lagnieu;  c'est  une  enfilade  de 
cluses,  combes  et  vallées-failles,  la  seule  brèche  totale  qu« 


{})  La  cote  des  Hôpitaux  oit  un  pou  approximative. 


LE  JURA.  577 

sente  le  Jura.  Pour  un  parcours  de  110  kilomètres,  le 
uve  y  fait  une  chute  de  152  mètres  seulement. 
En  dehors  de  ces  sept  trouées,  le  Jura  n'est  accessible 
e  par  4  cols  proprement  dits  :  la  Faucille,  le  Passage  de 
inte-Croix,  le  col  des  Sarrasins  et  le6  Rangiers. 
La  Faucille  est  à  l'altitude  de  1,323  mètres;  elle  domine 
i  de  676  mètres  et  Mijoux,  sur  la  Valserine,  de  340. 
e  à  de  nombreux  lacets,  la  route  s'y  élève  par  une 
pe  de  6  centimètres  par  mètre  depuis  Gex,  mais  la 
Jpente  est  rapide  sur  Mijoux,  car  elle  atteint  plus  de  8  cen- 
timètres de  ce  côté.  Au  col,  il  y  a  bifurcation  sur  le  fort 
des  Rousses  par  la  vallée  des  Dappes  (tâte  de  la  Valserine), 
de  sorte  que  de  la  Faucille  on  se  dirige  à  volonté  sur  Saint- 
Claude  ou  sur  Morez  et  Champagnole,  par  une  route  fort 
belle  tracée  sur  le  flanc  de  la,  Dôle. 

Enfin,  tout  au  Nord,  deux  chaînes  convergent  sur  le 
Mont-Terrible  :  ce  sont,  le  Clos-du-Doubsetles  Franches- 
Montagnes.  Le  point  de  croisement  est  marqué  par  une 
dépression  étroite  connue  sous  le  nom  de  Passage  des 
Rangiers.  Est-ce  un  col?  est-ce  une  trouée?  4  routes  en 
partent  sur  Porrentruy  et  Montbéliard,  Délémont  et  Bâle, 
Sainte-Ursanne  et  Pont-de-Roide,  enfin  sur  Glovelier.  Le 
doute  n'est  guère  possible,  c'est  une  huitième  trouée,  ou 
plutôt  un  palier  du  genre  des  Rousses  et  très  voisin  des 
cimes  qui  l'encadrent,  car  le  Oremay  et  les  côtes  n'attei- 
gnent que  943  et  1,006  mètres. 

Glovelier,  7  kil.;  les  Rangiers,  4**500;  Cornol. 
527  S64  520 

SECTION  IV. 

Failles  principales. 

Les  failles  jouent  un  grand  rôle  dans  l'architecture  du 
Jura,  et,  suivant  M.  Étal  Ion,  c  c'est  à  elles  que  le  sol  doit 
Km  principal  relief  (*)  ».  Il  est  évidemment  impossible 

(*/  Ktqui—  d'une  détcription  géologique  du  Haut-Jura. 


578 


ÉTUDE8  OS  GÊOLOGII  MILITAIRE* 


de  les  énumérer  toutes,  et  nous  devons  nous  borner  à  si- 
gnaler celles  qui  accompagnent  les  chaînons  principaux; 
ce  sont  les  plus  importantes,  en  raison  des  dénivelleme&tf  I 
qui  en  ont  été  la  conséquence,  dénivellements  atteignant 
plus  de  300  mètres  dans  la  zone  des  chaînes.  Le  sens  il 
donner  au  mot  faille  pouvant  échapper  à  quelques  lecteuxs,| 
force  nous  eBt  d'entrer  ici  dans  quelques  explications. 

Nous  savons  que  l'écorce  terrestre  ne  parvient  à  ee  mon* 
1er  sur  le  noyau  en  contraction  qu'en  se  ridant  et  en  se| 
fracturant.  Les  fractures  en  question  sont  de  profonde 
cassures  verticales  ou  obliques,  généralement  rectiligneaj 
qui  accompagnent  les  rides  ou  qui  les  traversent  dans  toute' 
leur  épaisseur  ;  on  leur  donne  le  nom  de  failles.  «  Le  car 
«  ractère  essentiel  d'une  faille,  c'est  le  glissement  de  ses  i 
«  deux  lèvres  l'une  contre  l'autre,  Tune  s'étant  exhaussée,  i 
«  tandis  que  l'autre  s'est  abaissée.  Il  en  résulte  que  tes 
«  parties  correspondantes  d'une  faille,  contiguês  avant  son  ; 
«  apparition,  ne  6e  maintiennent  pas  au  même  niveau.  La 
c  distance  verticale  qui,  dan6  une  faille,  sépare  les  deux  ; 
c  lèvres,  mesure  le  déniveUement  de  cette  faille.  On  appelle 
<  regard  d'une  faille  le  point 
«  de  l'horizon  vers  lequel  est 
c  tournée  la  lèvre  exhaussée, 
«  son  bord  saillant  (').  » 

Ce  sont  là  des  accidents 
majeurs  dans  l'orographie  ; 
les  failles  ont  permis  aux  piè- 
ces qui  forment  la  charpente 
du  Jura  de  glisser  les  unes 
contre  les  autres  et  ont  aidé 
le  massif  à  s'édifier.  En  som- 
me, le  Jura  lui-même  est  «le 
«  résultat  de  deux  failles  —  nous  les  avons  signalées  au 


Faille 

FI*.  A. 

A.  B.  Livrée  d'âne  faille. — A.  Umt 
exhaussée.  —  B.  Lèm  ■ïiaii— *■  — 
A.  B.  DéniwXUmâmi  —  A.  R.  Bàpri 
de  U  faille.  TouUê  Ut  foLUm  et 
oui  le  regard  fronçât*. 


(*)  Vésian,  Prodrome  de  géologie 


LE  JURA.  579 

«  début  de  cette  étude  —  qui,  s'étant  produites  dans  la 
c  masse  jadis  continue  comprise  entre  les  Vosges,  le  Pla- 
«  teau- Central  et  les  Alpes,  ont  amené  rabaissement  des 
«  parties  de  l'écorce  terrestre  correspondant  à  la  plaine 
«  bressane  et  à  la  plaine  helvétique,  et  l'exhaussement  de 
«  la  région  comprise  entre  ces  deux  larges  vallées (')  *. 

Tout  en  provoquant  le  surgissement  d'arêtes  monta- 
gneuses, il  arrive  souvent  que  les  lèvres  des  failles  sont 
jointives,  mais  alors  leur  existence  est  attestée  par  la  mise 
en  contact  de  terrains  d'anciennetés  et  de  natures  diffé- 
rentes. La  figure  18  nous  en  fournit  un  exemple. 

Enfin,  il  est  un  fait  à  signaler  :  assez  rares  sur  le  pla- 
teau, les  failles  sont  très  nombreuses  dans  la  zone  des  chaî- 
nons ;  elles  6finfléchi6sent  pour  en  suivre  les  directions 
successives  et  presque  toutes  présentent  leur  lèvre  redres- 
sée, en  regard  du  plateau,  de  la  Bresse  et  de  l'Alsace  ;  ce 
qui  veut  dire  qu'elles  accusent  le  relief  progressif  des 
chaînons,  depuis  ceux  qui  abornent  le  plateau  jusqu'à  ceux 
qui  se  dressent  en  murailles  au-dessus  de  la  plaine  6uisse. 

Énumérer  les  failles  principales,  tant  celles  de  la  lisière 
du  massif  que  celles  qui  en  parcourent  l'intérieur;  indi- 
quer les  accidents  orographiques  qu'elles  ont  produits,  une 
étude  de  ce  genre  ne  saurait  comporter  d'autres  consi- 
dérations. 

A.  —  FaUUs  du  Rhône  aux  Forts  de  V Écluse  et  de  Pierre- 
Châtel. 

Faille  deSaint-Genix  à  Lagnieu.  Ce  sont  elles  qui  permet- 
tent au  fleuve  de  gagner  la  plaine  de  Lyon;  si  elles  n'exis- 
taient pas,  l'écoulement  de  ses  eaux  se  ferait  vers  les  lacs 
du  Neucbâtelois  par  la  Yénoge.  A  la  traversée  de  ces 
failles,  le  Rhône  n'a  guère  plus  de  12  mètres  de  largeur  ; 
les  défilés  sont  courts,  mais  bordés  de  murailles  à  pic.  La 
lèvre  redressée  de  la  faille  de  Lhuis  forme  l'âpre  chaînon 


C1)  VfaUn,  etfotoffa  du  Jura. 


580  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

du  Molard-de-Don,  et  le  jurassique  inférieur,  sur  là  rm 
droite  du  Rhône,  y  est  relevé  à  la  hauteur  de  l'oxfordieu, 
sur  la  rive  opposée  qu'il  domine  même  considérablement. 
B.  —  Faille  de  la  Bombes  et  de  la  Bresse.  Elle  débute  aux 
environs  de  Grémieu  et  s'étend  jusqu'à  Salins  par  la  Balme, 
Lagnieu,  Pont-d'Ain,  Goligny,  Beaufort,  Lons-le-Saulnier, 
Poligny  et  Arbois.  La  lèvre  redressée  forme  des^  escarpe- 
ments continus  et  parfois,  comme  entre  Grémieu  et  la 
Balme,  d'un  pittoresque  achevé.  Adossés  contre  leurs 
flancs,  des  bandes  ou  des  lambeaux  de  lias  et  de  marnes 
irisées  constituent  la  zone  des  vignobles.  Cette  zone,  assez 
développée  entre  Lons-le-Saulnier  et  Salin6,  où  elle  atteint 
15  kilomètres  de  largeur,  est  collinaire,  et  le  niveau  des 
marnes  irisées  s'y  raccorde  insensiblement  avec  les  plai- 
nes tertiaires  de  la  Bresse.  Enfin,  au  sommet  de  certaines 
collines,  des  chapeaux  de  jurassique  inférieur.  La  figure 
suivante  montre  cette  disposition  générale  de  l'avant-ter- 
rasse du  Jura,  dont  la  hauteur  varie  de  300  à  400  mètres. 


Bletterans 

200  i 


T    ~  .„     L'Etoile      Imthij       Rosnaj 
Labeillc      ;     lcPin      ?Jt  Ô503    jj* 

ft   iM*ji?   y^S  ^™ 


vi  ^  ■  . Sfflr    m- -**•_-    i  l  Faille 

À     s&*        MJ.afc^  Faille  bressan* 

Fig.  6. 

À.  Al  lu  v!  on  a  actuelle!.  —  M.  T.  tertiaires*  —  J1  Jurassique  supérieur-  —  L.  IH», 
M.  L  Marnes  irisées.  —  8.  Sources  de  la  Seille. 

C.  —  A  Salins  convergent  trois  grandes  failles  :  1*  la 
précédente,  venant  d' Arbois  par  les  Arsures  et  Marnoz; 
2°  la  faille  de  la  Loue  qui  gagne  le  N.  du  grand  coude  de 
Busy,  par  Saint-Thiôbaud,  By  et  Cessey,  à  TE.  de  Quia- 
gey  ;  3°  la  faille  de  Montmahoux  qui,  de  Salin6,  gagne  Loos 
et  le  vallon  d'Athoze,  par  Nans  et  Montmahoux.  C'est  dans 
l'angle  de  convergence  des  failles  de  la  Loue  et  de  Mont- 
mahoux que  s'élève,  à  853  mètres,  le  Mont-Poupet,  qui  pré- 
sente dans  un  espace  restreint,  non  seulement  toute  la  série 
depuis  les  marnes  irisées  jusqu'aux  calcaires  portlandiens, 


LE  JURA.  581 

mais  encore  des  lambeaux  de  calcaires  infracrétacés.  C'est 
à  la  présence  de  ces  failles  qu'il  faut  attribuer,  non  seule- 
ment les  bouleversements  de  cette  région  mais  son  sur- 
exhaussement ,  toutes  choses  qui  frappent  les  yeux  les 
moins  attentifs. 


MtPoupet 


-*.  s 


Salsenaj^^5 

^     4S8 


forp&e 


Flg.  7. 

F.  Faille  de  le  Loue.  —  F1.  Faille  de  Monimafcoiix*  —  L.  Liée.  —  M.  Marnée 

irisées. 

Entre  leurs  lèvres  redressées,  c'est-à-dire  entre  les  chaî- 
nons de  Montmahoux  et  de  By ,  s'étend  un  plateau  triangu- 
laire dont  le  Lison  forme  le  troisième  côté,  et  qui  a  donné 
lieu,  sous  l'Empire,  à  de  vives  controverses,  les  savants  du 
pays  ayant  voulu  y  trouver  AUsia  (Alaise),  le  célèbre  op- 
pidum du  Vercingétorix.  Nous  le  verrons  plus  tard,  avec 
l'appui  de  Salins,  ce  plateau  semble  susceptible  de  jouer 
un  grand  rôle  dans  la  défense  du  Jura  ;  les  gorges  étroites 
et  profondes  du  Lison  et  dé  la  Loue,  depuis  Nans-sous- 
8ainte-Anne  jusqu'à  Ghenecey,  forment  une  ligne  de  dé- 
fense très  solide  ;  sa  gauche  s'appuie  aux  ouvrages  de  Be- 
sançon. D'Adam-le-Passavant  à  Gratteris,  par  Aissey,  les 
Verrières-du-Gros-Bois  et  Mamirolle,  s'étend  une  faille 
continue  et  sinueuse  qui  a  érigé  les  hauteurs  d'Anroz  et 
du  Gros-Bois  à  200  mètres  environ  au-dessus  du  plateau 
dit  des  Marais-de-Saône.  Cette  faille  disparaît  à  Gratteris, 
et  nous  la  retrouvons  le  long  de  la  Loue  et  du  Lison,  de 
Malbrans  à  Lizine  et  Doulaize.  Le  jurassique  inférieur  y 
est  mis  en  contact  avec  le  jurassique  supérieur.  C'est  la 
faille  de  la  Lotte  et  du  Gros-Bois. 


582  ÉTUDES  DB  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

En  tirant  vers  Pontarlier,  apparaît  une  nouvelle  faiBf 
qui  du  S.-O.  de  Sombacourt  gagne  les  Prés-de- Verre  par 
Goux  et  Saint-Gorgon  ;  c'est  au  pied  de  cette  faille  qw 
naît  la  Loue  et  c'est  d'elle  peut-être  que  la  rivière  reçoit  h 
grande  masse  d'eaux  qui  fait  de  suite  mouvoir  piusieon 
moulins.  Faille  des  sources  de  la  Loue. 

De  Longemaison  ou  d'Arc  -  sous  -  Cicon,  peut -être  à 
Luhier,  par  Grand-Fontaine  et  Fuans,  règne  une  faille  qui 
alimente  le  Dessoubre.  C'est  la  faille  des  sources  du  Des- 
soubre. 

Ces  deux  failles  ont  redressé  sur  leur  lèvre  orientale  le 
long  chaînon  du  Ghaumont. 

Enfin,  de  Dampjoux  à  Mathey,  la  direction  du  Doute 
est  marquée  par  une  grande  et  profonde  faille  ou  cassure! 
que  le  Doubs  a  mis  à  profit  pour  sortir  du  plateau  du  Jura: 
faille  de  Pont-de-Roide.  Il  est  à  remarquer  que  cette  bille 
n'est  pas  simple,  mais  conjuguée  avec  une  autre  de  moindre 
importance  qui  lui  est  parallèle  ;  aussi  le  lambeau  qu'elles 
emprisonnent  s'est-il  effondré  alors  que  les  deux  parties 
attenantes  du  Lômont  seraient  demeurées  à  la  même  alti- 
tude. C'est  donc  là,  non  point  une  cluse,  dans  le  sens  ordi- 
naire du  mot,  et  pas  davantage  une  de  ces  vallées- failles  dont 
la  Val6erine  nous  a  fourni  le  type,  mais  une  vallée  (feflon- 
drement  du  genre  de  celle  de  Nantua. 

D.  —  De  Fourg  à  Glerval,  la  vallée  du  Doubs  est  jalon- 
née  par  une  faille  continue  qu'enlace  la  rivière  dans  ses  \ 
innombrables  méandres.  Le  Lômont  bisontin  en  estlaiéte  ; 
redressée  et  le  Chailluz  la  ride  affaissée  correspondante. 
Elle  forme  au  Sud-Est  de  Besançon  un  faisceau  de  troi*  . 
failles  parallèles  qui  explique  de  la  façon  la  plus  simple 
l'échelonnement  des  travaux  de  la  forteresse  dans  ce  gtaûd 
secteur.  Ce  sont,  de  l'Ouest  à  Y  Est  : 

La  faille  des  Trois-ChâteU  (Trochatey).  Suite  de  la  faille 
du  Doubs  :  Busy,  Larnod,  Beure,  faille  de  Trois-Châtelf, 
Morre; 


LE  JURA.  583 


La  faille  de  Monifaucon  :  Arguel-Pugey,  Mont-des-Buis, 
Morre; 
La  faille  de  Fontain  :  Chez-l'Homme,  F  on  tain,  la  Vèze, 


Citadelle    F. Tribal els  „ „e  ^  Couleurs  de  Fonlaia 
Besaaeon     :Pont  4r  Secteurs  iaoo       51IÂ.     LaVèfe 


dt 
Trois-ChateJs  MantftucoD        Foutais 

Flg.  8. 

Partant  en  quelque  sorte  de  la  hauteur  de  Chez-Clément, 
elles  se  réunissent  vers  Montfaucon  et  déterminent  ainsi 
les  extrémités  du  secteur  et  deux  groupes  d'ouvrages  dont 
l'un,  le  Montfaucon,  est  achevé  et  l'autre  à  l'étude.  Nulle 
part  peut-être,  la  géologie  et  la  fortification  ne  se  montrent 
plus  heureusement  d'accord  que  dans  le  périmètre  défensif 
de  Besançon,  et  je  me  gardais  de  l'oublier  (1). 

E.  —  J'ai  parlé  de  la  chaîne  du  Chailluz  •,  elle  dessine 
un  arc  de  cercle  dont  le  Doubs  et  le  Lômont  bisontin  for- 
meraient la  tangente,  Besançon  étant  situé  au  point  de  con- 
tact. Ici  encore,  il  y  a  faille  de  premier  ordre  et  escarpe 
vers  l'Ouest,  comme  dans  toutes  celles  que  nous  venons 
d'énumérer.  On  la  suit  sans  interruption  de  Rougemont  à 
Audeux  par  Rigney,  Devecey  et  Auxon,  produisant  une 
grande  dénivellation  qui  se  poursuit  jusqu'à  Héricourt. 
Cette  falaise  est  un  des  accidents  les  plus  heureux  pour 
la  défense  de  Besançon.  On  y  découvre,  domine  et  bat 
toute  la  vallée  de  FOgnon  jusqu'à  Yillersexel,  si  ce  n'est 
même  jusqu'à  Lure.  La  ride  présente  une  dépression  con- 
sidérable à  Miserey,  aux  portes  de  la  place,  où  l'Ognon  se 
trouve  le  plus  rapproché  du  Doubs  ;  elle  est  mise  à  profit 
par  les  voies  ferrées  de  Besauçon  sur  Gray  et  sur  Yesoul. 
La  hauteur  fortifiée  du  Chailluz  bat  cette  sorte  de  trouée 


(*)  Pour  ton*  ces  détails,  roir  la  carte  d'état-maj  or  auSO  000  .  Fcmille  de  Besançon. 


584  ÉTUDES  DR  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

et  la  gare  de  bifurcation.  Il  est  vrai  de  dire  qu'à  partir  de 
Miserey,  en  tirant  vers  le  Sud,  règne  une  véritable  confu- 
sion de  hauteurs  qui  constitue  pour  Besancon,  de  ce  côté, 
une  zone  relativement  faible  ou  Ton  ne  sait  trop  jusqu'où . 
pousser  les  travaux  de  défense. 

F.  —  L'intérieur  du  massif  du  Jura  est  silloniié  par  un 
grand  nombre  de  failles  et  je  me  bornerai  à  citer  les  plus 
importantes  de  l'Ain  à  la  Bienne  et  à  la  Valserine  :  toutes 
ont  leur  regard  vers  l'Ouest. 

Faille  de  l'Euthe:àu  Poids-de-Fiolez  au  Pont-d'Héry,  par 
Mirebel  et  Montrond  :  elle  a  mis  en  contact  le  jurassique  j 
inférieur,  qui  forme  l'arête  de  l'Euthe,  avec  l'oxfordien,    j 
dont  une  longue  bande  longe  toute  la  chaîne  à  l'Ouest 

(flg.  S).  | 

Faille  de  Chdtel-de-Joux:  de  Moizans  par  Étival,  Châtel-de-    ! 

Joux  à  la  Frânée. 

Faille  du  Lison  et  du  Dombief:  les  Crozete  par  le6  Piards, 
Prénovel,  la  Chaux-du-Dombief,  Morillon,  les  Planches 
et  les  Ghalémes.  Dans  ces  deux  failles  le  jurassique  supé- 
rieur a  été  relevé  et  elles  ont  donné  naissance  à  de  puis- 
sants chaînons  :  les  forêts  de  la  Joux,  de  Moizans  et  de  la 
Grochère  ;  les  bois  de  la  Sourda,  et  de  la  Joux -Derrière, 
la  forêt  de  Prénovel  et  des  Piards,  la  forêt  de  Bonlieu,  la 
côte  du  Maclus  et  le  Haut-Joux  (flg.  28). 

Faille  du  Tacon:  elle  a  mis  en  contact  le  jurassique  supé- 
rieur avec  l'inférieur. 

Enfin,  la  faille  de  la  Valserine  a  mis  en  contact  le  crétacé 
avec  le  jurassique  inférieur  et  surélevé  la  chaîne  du  Re- 
culât et  du  Crêt-de-Ia-Neige  (flg.  23). 

Combien  d'autres  à  citer  !  Le  Lômontde  Pont-de-Roide 
et  le  Mont-Terrible  paraissent  être  la  lèvre  redressée  d'une 
longue  faille  dont  le  plateau  du  Sundgau  serait  la  lèvre 
abîmée.  Je  n'ai  jamais  pu  voir,  depuis  les  environs  de  Bel- 
fort,  cette  muraille  rocheuse  et  tapissée  de  forêts  de 
sapins,  sans  me  dire  qu'elle  ne  résultait  point  de  l'érosion 


LE  JURA.  585 

et  n'était  point  une  écorchure,  mais  le  résultat  d'une  for- 
midable cassure,  un  des  bords  s'étant  relevé  et  l'autre 
abîmé,  et  sans  songer  au  jeu  des  touches  d'un  piano  qui 
s'affaissent  sous  les  doigts,  alors  que  les  autres  demeure* 
raient  dans  leur  position.  La  plaine  suisse  aussi  s'est 
abîmée,  et  au  pied  de  la  falaise,  le  long  de  la  Thicle,  du 
lac  de  Neuchâtel,  de  l'Aar,  il  y  a  faille. 

Que  le  lecteur  me  pardonne  d'être  entré  dans  ces  détails  ; 
j'attache  aux  grandes  lignes  de  cassures  suivies  de  rejets 
une  grande  importance  dans  l'orographie  des  masses  mon- 
tagneuses :  6i  l'on  observe  que  des  failles,  pratiquées  le 
plus  souvent  à  leur  pied  occidental,  accompagnent  les 
chaînons  du  Jura  et  ont  dressé  leurs  flancs,  abrupts  de 
ce  côté,  à  de  grandes  hauteurs,  qu'elles  sont  jalonnées 
par  de6  conduits  souterrains  où  s'amassent  les  eaux  qui 
se  dégorgent  par  de  grosses  sources  dans  les  vallées  per- 
pendiculaires aux  chaînons,  on  comprendra  que  ce  sont 
là,  avec  les  plissements  et  les  voussures,  les  traits  fonda- 
mentaux de  l'architecture  de  nos  montagnes. 

Nous  aurons  l'occasion  d'y  revenir  lorsqu'il  s'agira  de 
l'hydrographie  du  Jura. 

SECTION  V. 

Caractères  des  vallées. 

Il  est  aisé  de  le  concevoir,  les  vallées  tirent  leurs  ca- 
ractères extérieurs  de  la  constitution  et  du  mode  de  forma- 
tion des  montagnes  au  sein  desquelles  elles  sont  prati- 
quées et  qui  les  encadrent.  C'est  ainsi  qu'elles  offrent  un 
tout  autre  aspect  dans  les  montagnes  calcaireuses  que  dans 
les  masses  dites  primitives  que  constituent  le  granité,  le 
porphyre,  les  gneiss  et  schistes.  Elles  résultent  dans  tous 
les  cas  de  fractures  ou  de  plissements,  à  moins  qu'elles 
n'aient  été  creusées  par  les  eaux,  et  en  effet,  les  vallées 
ont  une  origine  soit  interne,  soit  externe,  certaines  vallées 
môme,  et  du  Jura  notamment,  n'ayant  acquis  leur  confi- 


586  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

guratioa  actuelle  qu'à  la  suite  de  la  lutte  plus  que  sécu- 
laire de  l'agent  érecteur  et  de  l'agent  démolisseur.  Ce  qui 
suit  montrera  clairement  ce  que  nous  voulons  dire  par  là. 

Dans  le  Jura,  le  voyageur  qui,  du  plateau,  aborde  h 
zone  des  chaînons  et  cherche  à  gagner  la  Suisse  à  Soleure, 
à  Neuchàtel  ou  à  Genève,  traverse  une  série  de  plis  élevés 
et  de  gorges  rocheuses,  sortes  de  crevasses  profondes  que 
déserte  tout  chemin  et  au  fond  desquelles,  entre  les  sapins, 
il  voit  écumer  et  bondir  la  rivière.  La  route  s'élève  à  flanc 
de  hauteur  vers  un  plateau  assez  riant  qu'encadrent,  dans 
un  horizon  plus  ou  moins  rapproché,  de  belles  forêts  de  sa- 
pins et  d'épicéas  ;  la  rivière,  réduite  à  l'état  de  ruisseau, 
serpente  sans  bruit  au  travers  des  prairies.  De  ce  point 
pour  atteindre  la  Suisse  il  n'y  a  plus  beaucoup  à  faire  : 
une  légère  encoche  au  faite  d'un  chaînon  voisin,  puis 
une  descente  rapide  ;  une  gorge  courte  et  rectiligne.  Cer- 
tes, il  y  a  là,  sans  sortir  du  Jura,  une  grande  diversité  de 
formes  en  dépit  d'une  monotonie  et  d'une  austérité  bien 
connues,  et  la  raison  en  est  dans  la  succession  de  types 
constants  s'agençant  bout  à  bout  comme  ACBCAB..., 
chacune  de  ces  lettres  étant  supposée  représenter  un  de 
ces  types. 

Ce  n'est  point  tant  dans  leur  sens  longitudinal  que  dans 
des  coupes  transversales  convenablement  choisies  qu'il 
faut  étudier  les  vallées  ;  en  procédant  de  la  sorte,  ce  qui 
est  accidentel  et  topographique  disparaît  pour  faire  place 
à  la  pureté  des  types,  aux  données  vraiment  géographiques; 
car  la  constitution  du  sol,  les  dimensions  en  longueur, 
largeur  et  profondeur  aidant,  on  devine  les  choses,  on  les 
voit  en  quelque  sorte.  Si  donc  nous  remontons  aux  plisse- 
ments et  aux  voussures  du  Jura,  aux  cassures  qui  tron- 
çonnent les  voûtes,  aux  failles  qui  les  accompagnent  à 
fréquemment,  il  sera  clair  que  ce  massif  ne  doit  présenter 
que  quatre  types  de  vallées  : 


fracture  ; 
pliitemerU  on  combes  ; 


ffondrcment  ; 


es  transversales  des  chaînons  ou 
t  des  brèches  totales  ;  et  au  surplus, 
pas  de  vallées  et  ne  sont  que  des 
uses  dont  profitent  les  rivières  pour 
ins  une  autre  ;  leur  multiplicité  ou 
,  l'économie-  du  système,  et  telle  est 
ace  que,  si  elles  n'existaient  point, 
'en  faut,  Bans  écoulement  et  le  Jura 
ne  muraille  inaccessible  et  autre- 
Alpes.  Lyon  et  Vesoul  ne  soraient 
uecy,  Grenoble  et  la  trouée  de  Bel- 

par  les  figures  23,  12,  16,  24,  26 
a  et  suffisamment  expressives  pour 
ma  la  suite  décrire  à  grands  traita 

du  Jura.  Je  les  ai  multipliées  & 
iemeure  quelque  chose,  non  point 
is  dans  la  vue. 

lées  varient  à  l'infini,  et  chaque 
Srie  de  variations  en  adoptant,  par 
,  tel  ou  tel  caractère  de  plissement 

Les  variations  du  Rhône,  entre  Genève  et  la  plaine 
lyonnaise,  sont  nombreuses,  et  celui  qui  dirait  que  le 
fleuve  y  traverse  une  vallée  de  fracture  commettrait  une 
grande  erreur.  Et  en  effet,  il  y  a  là  successivement  plisse- 
ment* et  fractures  de  plusieurs  genres.  Le  Rhône  s'engage 
dans  deux  courtes  cluses  gardées  par  les  ouvrages  de 
l'fictute  et  de  Pierre-Châtel  ;  entre  ces  gorges,  il  circule 
dans  une  longue  combe,  la  Miehatiie,  depuis  Bellogarde 
jusqu'au  débouché  du  lac  du  Bourget.  En  aval  de  Saint- 


588  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

Genix -  d' Aoste,  il  remonte  au  Nord -Ouest  et  suit  la 
longue  vallée- faille  de  Villebois;  à  droite,  la  chaîne  da 
Molard-de-Don  e6t  la  lèvre  redre66ée  de  la  faille,  et  à 
gauche  le  plateau  dit  c  Ile  de  Crémieu  »  en  est  la  lèvw 
abaissée. 

La  vallée  du  Doubs  est  plus  tourmentée  encore,  plus 
complexe,  tout  en  se  tronçonnant  naturellement  de  la  même 
manière.  Sa  branche  initiale  e6t  la  combe  de  Mouthe  que 
forment  les  chaînes  du  Mont-Noir  et  des  Hautes-Joux;li 
rivière  débouche  dan6  le  lac  de  Saint- Point  par  la  dusedt 
rAbergement-Sainte-Marie.  Ici,  nouvelle  combe.  En  arri- 
vant à  la  cluse,  elle  se  heurte  contre  la  masse  du  Larmoni 
et  s'engage  dans  une  cassure  de  300  mètres  de  longueur 
sur  200  mètres  de  profondeur.  A  Pontarlier,  elle  débouche 
sur  le  plateau  du  Jura,  mais  elle  n'y  fait  qu'une  courte 
apparition,  car,  reprenant  bien  vite  sa  direction  Nord-Est, 
elle  s'engouffre  jusqu'à  Sainte-Ursanne  dans  une  gorge 
sauvage,  étrange,  et  6i  resserrée  à  partir  de  Morteauque 
la  lumière  y  pénètre  à  peine  et  que  pas  même  un  sentier 
ne  peut  l'y  suivre.  Là,  tous  le6  genres  de  beautés:  c'est 
une  enfilade  de  crevasses  et  de  failles  accusées  par  des 
escarpes  vertigineuses  de  rochers.  Enfin,  de  Sainte-Ur- 
sanne à  Saint-Hippolyte  et  Pont-de-Roide,  il  semblerait 
que  la  vallée,  côtoyant  la  chatne  du  Mont-Terrible  et  du 
Lômont,  doive  prendre  quelque  largeur  ;  il  n'en  est  rien, 
la  masse  du  plateau  et  les  chaînes  qui  6'en  détachent  se 
pressent  contre  la  montagne,  étranglent  la  vallée  coup  sur 
coup  et  n'en  font  encore  qu'une  longue  déchirure.  Le 
Doubs  serait  sans  issue  si,  à  l'extrémité  de  ce  cul-de-sac, 
la  coupure  de  Pont-de-Roide  ne  lui  permettait  de  gagner 
la  région  de  Montbéliard.  Mais  là  encore,  ce  n'est  point  la 
plaine  ;  marchant  à  l'opposé  de  la  direction  qu'il  a  suivie 
jusqu'alors,  le  Doub6  descend  au  Sud -Ouest  :  cours  sinueux 
et  heurté,  vallée  étroite  et  profonde  déterminée  par  une 
faille  qui  a  relevé  en  escarpe  le  Lômont  bisontin  et  dé- 


LE  JURA.  589 

primé  la  ride  du  Chailluz,  c'est  par  cette  voie  qu'il  atteint 
Besançon  et  la  plaine  bressane. 

Ces  exemples  suffisent  pour  l'instant,  et  nous  voulons 
seulement  insister  sur  ce  point,  c'est  que  si  les  vallées  du 
Fora  présentent  à  première  vue  de  nombreuses  variétés,  la 
géologie  les  range  dans  les  quatre  types  rappelés  plus 
haut  ;  que  ces  types  doivent  demeurer  présents  à  notre  es- 
prit et  qu'il  est  nécessaire  dans  l'étude  d'une  vallée  de  re- 
chercher  avant  tout,  non  point  ses  éléments  longitudi- 
naux, tel6  que  l'étendue  et  l'aspect  des  penchants,  mais  des 
coupes  transversales  choisies.  Origine  de  la  vallée,  forme 
des  penchants,  largeur  et  nature  du  fond,  une  bonne 
coupe  exprime  tout  cela  de  la  manière  la  plus  heureuse. 
Nous  n'avons  évidemment  point  parcouru  toutes  les  val- 
lées du  Jura,  une  année  de  voyages  ne  le  permettrait 
pas,  mais  faisant  appel  à  nos  souvenirs  et  comparant  les 
coupes  des  vallées  que  nous  n'avons  pu  visiter  à  celles  des 
vallées  que  nous  avons  suivies  pas  à  pas,  nous  sommes 
parvenu  à  voir  les  premières  se  dérouler  sous  nos  yeux 
avec  une  netteté  presque  égale. 


CHAPITRE  III. 

CHAINES. 

SECTION  I. 

Jura  bugeysien. 

A.  —  Chaînes  de  liaison  avec  les  Alpes. 

Dans  l'Étude  des  Alpes  françaises,  nous  avons  rappelé 
l'opinion  de  Studer  et  vu  dans  la  masse  de  l'Épine  le  hors- 
d'œuvre  méridional  du  Jura,  dans  les  dépressions  paral- 
lèles des  lacs  du  Bourget  et  4'Aiguebelette  des  combes 
jurassiques.  Et,  en  effet,  de  longues  et  étroites  files  de 
montagnes  dirigées  en  somme  du  Sud  au  Nord,  servent  de 

SOC.  »■  6S0OS.  —  4*  TBIMH«T*B  1388.  99 


590  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

liaison  avec  les  Alpes  par  la  Grande-Chartreuse  et  les  Beau- 
gee.  L'Épine  du  Chat,  pui6  la  chaîne  duTournier  sont  sé- 
parées de  la  Grande-Chartreuse  par  une  sorte  de  vallée  lon- 
gitudinale profonde,  tapissée  de  mollasse  et  que  suit  k 
route  de  Chambéry  à  Yoreppe  par  les  Échelles  et  le  val 
d'Hière. 

251.  —  Voreppe. 

596.  —  Col  de  la  Placette. 

403.  —  Bassin  de  Saint-Laurent-du-Pont  et  des  Échelles. 

547.  —  Tunnel  des  Échelles  et  622.  —  Col  de  Couz. 

270.  —  Chambéry. 

A.  l'Est  de  ce  couloir,  6e  dresse  le  premier  chaînon  delà 
Chartreuse,  surélevé  par  une  faille  continue.  Les  monta- 
gnes encadrantes  atteignent  900  à  1,400  mètres  à  l'Ouest 
et  1,900  mètres  à  l'Est. 

I.  —  Chaîne  du  Tournier  et  de  Parves. 

Elle  s'étend  de  Voreppe  à  Belley  et  le  Rhône  la  traverse 
à  la  cluse  de  Pierre- Châtel.  Son  flanc  oriental  est  allongé, 
mais  le  côté  opposé  forme  des  escarpements  rocheux  pres- 
que continus. 

251.  —  Voreppe. 
697.  —  Montagne  du  Raz. 
,    —  Défilé  pittoresque  du  Crossey.  Ronte  de  Voïroa  à  Saisi- 

Laurent-du-Pont. 
825.  —  Rochers  de  Saint-Aupré. 
384.  —  Cluse  du  Guiers,  dite  Porte  de  la  Chaille.  Route  àts 

Échelles  au  Pont-de-Beauvoisio. 
723.  —  Montagne  de  Saint-Franc. 
330.  —  Le  Tier.  Point  de  passage  du  chemin  de  fer  de  Saint-André- 

le-Gaz  à  Chambéry. 
702.  —  Signal  de  Montbel. 
582.  —  CoZcte/aCrMS«7/e.RoutedeNo?alaiseàSaint-Genix-d,A05te. 

884.  —  Mont  Tournier. 

220.  —  Le  Rhône  à  la  cluse  de  laBalme  (Pierre-Châtel).  Route* 

Chambéry  à  Belley. 
628.  —  Montagne  de  Par?es. 
243.  —  Route  de  Seyssel  à  Belley. 


LE  JURA. 


591 


II.  —  Chaîne  de  l'Épine, 

La  combe  de  Novalaise  (vallée  du  Flon)  qui  débouche 
sur  le  Rhône  à  Yenne,  la  sépare  de  la  chaîne  du  Tour- 
nier.  Elle  est  très  escarpée  sur  6es  deux  flancs  et  présente 


*ï*de  Parves 


029 


Fort  les  Bancs 


Fort  Pî  Châtel 

Goulet  du  Rhône      Ch  .du  Tournisr 


et  pont  delà  Bahne 


^VirignifT 


Fig.  9. 


une  arête  aiguë,  rocheuse  et  hérissée.  Les  incisions  qui 
livrent  passage  aux  mauvais  chemins  muletiers  de  Saint- 
Michel  et  de  l'Épine,  6ont  légères  et  d'un  accès  difficile  ; 
au  surplus,  j'en  donne  une  vue  panoramique  de  Culoz  au 
mont  Grelle. 

387.  —  Passage  des  Échelles,  ^ 

1,42G.  —Mont  Grelle. 
1,497.  —Mont  du  Chat. 

638.  —  Col  du  Chat.  Route  de  Beiley  à  Chambéry. 
1,164.  —  Montagne  de  la  Gharvaz. 

234.  —  Le  Rhône  en  face  de  Culoz. 


(^Colombier 


Cli 


anaz 


Si  veau  du  Rhône 


V  Grelle 

LaCbarax        li^daChat    Passade  de 

Mf;  Col^Cbt   i4M  r^ineMoc.Sgdidttl,^ 


à  Culoz 


Fig.  10: 


Des  Échelles  au  passage  de  Saint-Michel,  l'arête  domine 
le  val  d'Hière,  et  du  col  du  Chat  jusqu'à  l'extrémité  sep- 
tentrionale, 6es  rochers  se  dressent  à  pic  au-dessus  du  lac 


592  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

du  Bourget.  Le  niveau  du  lac  est  à  231  mètres  et  sa  pro- 
fondeur, plus  considérable  de  ce  côté  que  sur  la  rive  oppo- 
sée, atteint  100  mètres.  Sur  cette  rive  se  presse  la  chaîne  du 
Foug  qui  atteint  1,060  mètres  et  s'étend  d'Aix-les-Bains  à 
Seys6el.  Le  Fier  la  traverse  dans  une  profonde  et  étroite 
crevasse  entre  le  Signal  du  Clergeon  et  celui  de  la  monta- 
gne des  Princes.  (Route  de  Rumilly  à  Seyssel.) 

La  chaîne  du  Foug  et  celle  de  l'Épine  sont  tellement  à 
pic  sur  le  lac  du  Bourget  que  le  chemin  de  fer  de  Culoi- 
Modane  et  la  route  de  Chambéry  ont  la  plus  grande  peine 
à  s'y  dérouler,  et  que  le  chemin  de  fer  même,  outre  de  nom- 
breux  tunnels,  a  dû  être  jeté  pendant  800  mètres  en  pleines 
eaux  du  lac.  Rien  en  Suisse  n'est  plus  grandiose  que  le 
spectacle  de  ce  lac  avec  sa  formidable  ceinture  de  rochers 
et  ses  eaux  d'un  bleu  profond.  Entre  Châtillon  et  le  Mo- 
lard-de-Vions,  les  difficultés  n'ont  fait  que  changer  de  na- 
ture :  il  a  fallu  traverser  l'immense  bassin  d'inondation  du 
Rhône,  connu  sous  le  nom  de  marais  de  la  Chantagne  et  de 
Lavours. ,  Les  passages  de  la  chaîne  6e  réduisent  à  la  cre- 
vasse du  Fier  :  le  flanc  oriental  s'allonge  vers  Albens  et 
Rumilly,  c'est-à-dire  vers  le  plateau  de  mollasse  du  ca- 
nal de  Genève,  situé  là  à  une  hauteur  qui  varie  entre  500 
et  600  mètres.    " 

Ce6  trois  chaînes  sont  formées  par  les  calcaires  blancs 
et  compacts  du  corallien. 

B.  —  Chaînes  du  Bugey. 

Le  Bugey  s'étend  de  l'angle  que  sillonne  le  Rhône  entre 
Bellegarde,  Saint-Genix  et  Lagniep,  à  la  trouée  de  Nantua. 
Les  chaînons  qui  le  traversent  affectent  deux  directions  se 
rapportant  aux  plissements  du  Viso  et  du  Vercors  (N.-O. 
et  N.  10°  E.);  de  là  viennent  les  orientations  N.-O.  du 
Rhône  dans  la  combe  de  Lhuis  et  de  la  gorge  des  Hôpitaux 
entre  Virieu  et  Tenay,  pui6  S.  presque  N.  du  Val-Romey, 
de  la  Michaille,  du  Ghampdor  et  de  la  combe  d'Izenave. 


LB  JURA.  593 

La  gorge  de  Nantua  termine  brusquement  et  même 
i  pic  les  chaînes  qui  relèvent  du  Vercors,  car  leurs  escar- 
pes en  dominent  le  fond  de  500  mètres  en  moyenne  :  mais 
les  voûtes  reparaissent  pour  la  plupart  de  l'autre  côté  et 
s'avancent  dans  la  direction  de  Neuchâtel,  Pontarlier, 
Champagnole  et  Lons-le-Saulnier. 

I.  —  Chaîne  du  Molard-de-Don. 

Elle  s'étend  de  Saint-Genix  d'Aoste  à  Lagnieu,  sur  la 
rive  droite  du  Rhône.  Très  épaisse,  elle  est  sillonnée  de 
combes  élevées  et  à  flancs  réguliers,  aboutissant  à  de  pro- 
fondes cassures  transversales  où  les  eaux  s'engouffrent 
pour  gagner  ici  le  Rhône,  là  le  bassin  de  Belley,  là  Saint- 
Rambert.  Ces  montagnes  6ont  pittoresques  sans  doute, 
mais  pauvres  et  solitaires  ;  les  chemins  qui  s'y  élèvent  ne 
6ont  ni  sûrs  ni  commodes,  surtout  par  les  temps  de  neige 
ou  par  les  grands  vents.  Des  failles  parallèles  au  cours  du 
Rhône  les  découpent  et  les  étagent  en  gradins.  Aucune 
route»  Au  S.-O.,  le  plateau  de  Crémieu  forme  comme  la 
lèvre  abaissée  de  la  faille  qui  a  accompagné  l'assurgisse- 
ment  de  la  chaîne. 

Moiarideta^*1*^  ^S*BŒ0ÎlM!dlzieii    SaiduM*1t>uniier 
-    *  ■  '    \Gro»léft  frna.  V  an  GUift  Cluse  du Rbônei 


Ceniz 

Briord      LeftbôîiedaBsUComkdelhuis.  Pî<b£«rdon    Go/e?5 

Flf .  11. 

208.  —  Le  Rhône  au  pont  de  Cordon. 

413.  —  Montagne  de  Gordon. 
•     —  Route  de  Belley. 

760.  —  Montagne  d'Izteu. 

296.  —  Chemin  de  Glandieu  à  Belley  (Y.  da  Gland). 
1,020.  —  Tantainet. 

786.  —  Chemin  de  Lhuit  à  Belley,  par  kmbléou. 
1,219.  —  Molard-de-Dou. 


594 


ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 


831.  —  Chemin  de  Serrières  à  Rossillon,  par  Ordonnai. 
1,050.  —  Massif  de  la  Chartreuse-de-Portes. 
244.  —  Plaine  d'Ambérieu. 

Au  nord  de  la  gorge  des  Hôpitaux  jusqu'à  la  trouée  de 
Nantua  s'élève  un  plateau  d'environ  800  mètres  d'altitude, 
à  la  surface  duquel  courent  du  S.  au  N.  des  chaînons  qui, 
somme  toute,  l'accidentent  assez  peu.  Des  échancrures 
courtes  et  vives,  comparables  à  des  coups  de  gouge  le  ter- 
minent et  évident  ses  lisières,  tandis  que  les  chaînons, 
s' enfonçant  en  quelque  6orte  à  l'intérieur  des  gorges  de 
Nantua  et  des  Hôpitaux,  les  étranglent  coup  sur  coup. 
Seul,  Le  Val-Romey  se  relève  doucement  et  s'épanouit  vers 
le  cœur  du  plateau,  mais  c'est  un  bassin  crétacé,  appen- 
dice naturel  de  celui  de  Belle  y  et  dont  le  fond  forme  gla- 
cis de  270  mètres  au-dessus  des  chutes  du  Séran  à  Ger- 
veyrieu  jusqu'à  1,045  mètres  au  Golet  de  Belle-Roche- 
Suivant  l'expression  de  M.  Faisan,  les  hautes  vallées  du 
Val-Romey  et  de  Thézillieu  sont  «  béantes  »  sur  le  bassin 
de  Belley  (*). 

Les  Mont  d'Ain  îfeynrflcs  Pl««fti  de  Ib^tnW 

Ch.tfes  Joîx  Hoires            ri        J    m    .                 Cfc.ies 
woo^Si- Muse  <fo  Nantua 


Fit.  1». 


J»    »P 


Enfin,  entre  Nantua,  Neyrolles  et  Saint-Germain-de- 
Joux,  les  chaînons  ont  été  rompus  par  une  faille,  de  même 
que  ceux  qui  se  dressent  de  l'autre  côté  du  Sylans,  de  sorte 
que  la  vallée  de  Nantua  s'est  formée  par  effondrement  entre 
les  deux  failles  parallèles  F,  F',  et  que  les  lèvres  de  ces 
failles  marquent  les  lisières  de  la  vallée. 

La  hauteur  des  chaînons  décroît  de  TE.  à  l'O.  ;  mai» 


(')  MpnographU  de*  ancien*  glaciers  de  la  voilé*  du  KhÔnt. 


LE  JURA. 


595 


est  là  un  fait  général  dans  le  Jura,  et  qui  ne  sera  plus 
ippelé. 

II.  —  Chaîne  du  Colombier. 

238.  —  Marais  de  Lavours. 

301.  —  Culoz. 
1,555.  —  Colombier  (arête  du). 

1,061 .  —  Col  de  Richement.  Chemin  de  Craz  et  de  Chanay  à  Hvj/leu. 
\   1,322.  —  Retord  (arête  et  plateau  de). 

441.  —  La  Sessine  (cassure  de). 

Deux  vallées  descendant  vers  le  Sud,  le  Valromey  et  la 
MichaUle  encadrent  cette  chaîne  :  ce  sont  plu  lot  des  plateaux 


ravideGeiievray 
«93        Scnm  R 


Àrtemare 

Charomay 


OÎOoloinMS^ 

1554 


B91 


14} 


Fig.  18. 


déchirés  par  le  Séran  et  le  Rhône,  que  des  vallées.  La 
partie  septentrionale  du  Val-Romey  porte  le  nom  de  plateau 
de  Retord,  vaste  étendue  couverte  de  beaux  pâturages. 

Constitution:  Voûte  oolithique  avec  crét  corallien  et  flancs 
néocomiens. 

III.  —  Chaine  de  Cormaranche. 

Plu6  ouverte  que  la  précédente,  qui  n'est  abordable  que 
par  le  chemin  du  Richemont,  la  chaîne  de  Cormaranche 
s'élève  entre  la  belle  vallée  du  Val-Romey  et  la  haute 
combe  de  Ghampdor.  —  Constitution:  Corallien. 


1,110. 
925. 
1,237. 
1,119. 
1,166. 
» 


Forêt  de  Gémis. 

Col  de  la  Lèbe.  Chemin  de  Champagne  à  Hauteviile. 
Forêt  de  Cormaranche. 

Col  de  la  Rochelle.  Chemin- de  Rnfflen  à  HauteYilie. 
Côte  de  Ghampdor. 

Col  du  Bref.  Route  d'Artemart  par  Champagne  à  Saint-Mar- 
tin-dn-Fresne. 


596  ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITAIRE. 

1,123.  —  Forêt  des  Moussières. 

1.045.  —  Goletde  Belle- Roc  fie.  Bifurcation  du  chemin  de  l'Ai 

ment  sur  Nantua  et  Saint-Germain-de-Joox. 
593.  —  Lac  de  Sylans.  Voûte  et  chemin  de  fer  de  Bourg  a 
garde. 

IV.  —  Chaîne  de  Joux-Noires. 

Elle  embrasse  avec  la  chatiie  de  Cormaranche  la  coi 
à  fond  plan  et  très  peu  incliné  de  Champdor,  dontl'altil 
moyenne  est  de  800™  et  que  sillonne  rAlbaiine.  La  têt 
de  la  combe  est  à  la  hauteur  du  Golet  de  Belle-Rocl 
(Golet  Ravaux:  940)  ;  elle  s'effile  à  ses  deux  extrémités, 
amont  de  Brenod  et  à  Cormaranche,  et  en  ces  points  com< 
munique  d'une  manière  remarquablement  symétrique  avec 
les  vallées  voisines.  —  Constitution:  Corallien. 

A  l'Est  :  le  Bret,  la  lèbe.  Val-Romey. 
Ad  Nord  :  940.  —  Golet  de  Ravaux.  Val  de  Nantua. 
Au  Sud  :  861.  —  Thézillieu.  Val  de  Thésillieu. 
A  l'Ouest  :  Gorge  de  Chaley.  Val  des  Hôpitaux.  —  Gorge  de  Sepiet 
Combe  d'Izenare. 

Nous  pouvons  la  jalonner  ainsi  : 

340.  —  Tenay. 
1,084.  —  Montagne  de  Ghaney. 

•  —  Col  de  la  Grange-Goyet.  Croisée  des  chemina  de  Coreeta 

et  de  HautcTille  à  Ixenave  et  Aranc. 

1.046.  —  Les  Joux-Roires. 

•  —  Roule  de  Brenod  à  Saint-Martin-du-Fresne. 
1,041.  —  Les  monts  d'Ain. 

480.  —  Nantua. 

V.  —  Chaîne  des  Joux-Blanche*. 

A  l'inverse  du  Séran  et  de  TAlbarine,  qui  descendent 
vers  le  Sud  et  qui,  après  avoir  circulé  paisiblement  sur  le» 
plateaux  de  l'Abergemeut  et  de  Champdor,  se  précipitent 
en  cascades  avant  d'atteindre  la  vallée  de  Virieuet  la  gorge 
de  Tenay,  YOignin  coule  au  Nord  et  débouche  sans  entra- 
ves sur  la  plaine  de  la  Cluse.  C'est  la  combe  d7#na«, 


LE  JURA.  597 

dont  la  tête,  au  sud  d'Àranc,  est  très  voisine  de  la  gorge  de 
Tenay .  La  chaîne  des  Joux-Blanches  part  du  S.-O.  d'Aranc 
et  6e  termine  àl'O.  de  Saint-Martin-du-Fresne.  Constitution  : 
Corallien. 

925.  —  Montagne  de  Malawi. 

692.  —  Col  de  Cor  lier.  Chemin  d'Izenave  et  d'Aranc  i  Cerdon  ('). 
1,017.  —  Montagne  de  l'Avocat. 
60^.  —  Route  de  Nantua  à  Pont-d'Ain,  par  Cerdon. 
832.  —  Montagne  de  Maillât. 
476.  —  L'Oignin  à  Brion. 
728.  —  Côte  de  Samognat 
628.  —  Chemin  d'Oyonnax  à  Thoirette. 
762.  —  Côte  d'Émondan. 
300.  —  L'Ain  entre  Uortan  et  Coudes. 

De  Brion  à  Dortan,  cette  chaîne  sépare  l'Oignin  de 
l'Auge,  c'est-à-dire  les  vaux  d'Oyonnax  et  d'Izernore. 

A  l'ouest  de  la  chaîne,  entre  Cerdon  et  Saint-Rambert, 
s'étend  en  s'affaissant  très  rapidement  un  plateau  que  limi- 
tent de  courtes  falaises,  en  face  d'Amhérieu,  Ambronay  et 
Pont-d'Ain. 

VI.  —  Chaîne  des  monte  Berthiant. 
Partant  de  l'Albarine  à  Torcieu,  cette  chaîne  s'élève 
sur  la  rive  gauche  de  l'Ain.  Elle  est  traversée  en  tunnel 
par  le  chemin  de  fer  de  Bourg  à  Bellegarde  et  se  termine 
au  nord  d'Izernore,  à  Coieelet,  en  séparant  l'Oignin  de 
l'Ain.  La  chaîne  de  l'Euthe  lui  fait  suite.  Constitution:  Co- 
rallien. 

270.  —  l'Albarine  à  Torcieu. 

842.  —  Cbalnoa  do  Luiaandre. 

300.  —  Cerdon.  Route  de  Nantoa  au  Pont-d'Ain. 

800.  —  Montagne  des  Étables. 


O  Je  ne  puie  indiquer  autrement.  Bien  des  passages  ne  p*rtent  ni  nome,  ni  co- 
tée; annal,  laissant  la  cote  en  blanc,  donné-Je  autant  que  poeaible  au  col  le  nom  dn 
TiUafe,  nameau  on  ferme  le  plne  à  proximité.  Lorsqu'à  défiant  de  la  earte,  on  Inter- 
roge lee  habitante,  lie  répondent  inrarlablement :  «  C'est  la  côte!  ■  à  moine  qu'ils 
■e  voea  donnent  le  nom  dn  propriétaire  de  la  grange  ou  de  l'auberge  situées  an 
sommât.  Sa  vérité,  on  ne  peut  rien  tirer  d'eux. 


598 


ÉTUDES  DE  GÉOLOGIE  MILITALBE. 


755.  — 


Col  des  Granges-Bcrthiant.  Route  de  Bourg  à  Kantaa  el 

tunnel  de  Ifurieux-Bolozon. 
Signal  de  Changeât. 

Col  de  Mata/elon.  Route  de  Nantua  et  chemin  d'Oyonon 
à  Thoirette. 
284.  —  L'Ain  sous  le  château  de  Coiselet. 


700. 


AmDuim      S*  Germain 


Leywont      Ambulnx      ^  uennmn 
iBois  de  la  Servdtte  M  7?*Vaitille 


CLdesAByme^1; 

7fl(0 


80» 


VII.  —  Chaîne  de  Cor  en  t. 


Elle  borde  la  rive  droite  de  l'Ain,  de  Cize  à  Neuville, 
où  cette  rivière  débouche  dans  la  plaine  d'Ambérieu.  Entre 
ces  deux  localités,  la  vallée  de  l'Ain  n'est  qu'une  gorge 
plus  resserrée  encore  que  dans  6es  parties  supérieures. 

251 .  —  L'Ain  au  pont  de  Neuville. 
551.  —  Signal  de  Hauteeour. 
»    —  Col  de  Hautecour.  —  Route  de  Nantua  à  Bourg;  passages 
de  l'Ain  et  du  Surand  aux  ponts  de  Serrières  et  de  Bob». 
512.  —  Chaînon  de  Corent.  Traversé  par  le  tunnel  de  Simonin. 
473.  —  Plateau  d'Ar ornas.  Route  de  Thoirette  à  Bourg. 


VIII.  —  Chaîne  du  Revermont. 

Cette  chaîne  est  la  plus  occidentale  du  Bugey  et  elle 
domine  directement  la  plaine  de  la  Bresse  ;  c'est  la  lèvre 
nettement  redressée  de  la  faille  bressane,  l'autre  s'étant 
abîmée  et  ayant  été  recouverte  par  la  mollasse.  Ses  pente- 
orientales,  généralement  allongées,  se  raccordent  assez  vite 
avec  la  surface  du  plateau  que  sillonnent  le  Surand  el  I* 
Valouze. 

Elle  commence  à  Pont-d'Ain  et  se  termine  à  la  monta- 
gne de  Nivigne,  au  6ud-est  de  Coligny. 


LE  JURA.  599 

242.  —  VAin  au  Pont-d'Ain. 
307.  —  Mont  OliTeL 

»    —  Le  Surand  au-dessous  de  Saint- André. 
553.  —  La  Croix-de-Ia-Dent. 
398.  —  Col  de  Reconnus.  Route  de  Nantua  à  Bourg,  et  tunnel  suivi 

de  viaduc.  Chemin  de  fer  de  Bourg  à  Beliegarde. 
594.  —  La  Rocne-de-Cuiron. 
300.  —  Col  de  France.  Route  de  Thoirette  à  Bourg. 
771.  —  Àréte  de  Nivigne. 

Constitution:  Corallien. 

(A  suivre.) 


3*  MÉTÉOROLOGIE 


ÉTUDE 


SUB 


L'ORIGINE   DES  OURAGANS 


Par  H.  VIGNOT,  lieutenant  de  ▼alMaan. 


Le  marin  appelé  à  naviguer  dans  les  parages  à  cycloo» 
s'entoure  des  instructions  nombreuses  qui  ont  été  publiée! 
sur  ces  sortes  de  tempêtes  ;  il  y  trouve  largement  décrite 
la  manière  de  conduire  son  bâtiment  pour  le  soustraire  à 
la  fureur  des  éléments  ;  mais,  s'il  veut  se  rendre  un  compte 
exact  du  phénomène  qu'il  a  à  combattre,  s'il  en  cherche 
l'origine,  la  question  devient  plus  compliquée. 

Les  météorologistes  sont,  en  effet,  très  divisés  à  ce  su- 
jet :  les  uns  parlent  d'électricité,  les  autres  de  rencontre 
de  courants;  M.  Marié-Davy  explique  ces  météores  par  ] 
une  ascension  rapide  de  l'air  des  régions  équatoriales,  et, 
enfin,  M.  Faye  compare  ces  grands  mouvements  rotaioire* 
aux  tourbillons  de  nos  fleuves. 

Sa  théorie,  très  logique  en  apparence,  gagne  tous  te 
jours  du  terrain  ;  nous  aurons  cependant  occasion  de  hae 
voir  plus  tard  qu'elle  repose  sur  des  hypothèses  dtô 
l'exactitude  peut  et  doit  être  sérieusement  contestée. 

Il  serait  beaucoup  trop  long  d'examiner  et  de  faire  des 
objections  à  toutes  les  autres  théories:  aussi  n'enfcrepres- 
drons-nous  que  quelques  critiques  générales  et  cherche- 
rons-nous plutôt  à  faire  voir  de  quelle  façon  nous  ayots 
nous-même  envisagé  ces  accidents  de  la  machine  aérienne. 

Pour  entrer  de  suite  en  matière,  prenons  une  carte  da 


l'origine  des  ouragans.  601 

londe  et  voyons  dans  quelles  régions  naissent  plus  parti - 
nlièrement  les  tempêtes  tournantes. 

Nous  trouvons,  au  nord  de  l'équateur  :  dans  l'océan 
itlantique,  les  ouragans  des  Antilles;  dans  l'océan  In- 
ien,  les  cyclones;  dans  les  mers  de  Chine,  les  typhons. 

Au  sud  de  l'équateur  on  rencontre  beaucoup  plus  rare- 
&ent  des  cyclones  ;  les  seuls  bien  connus  sont  ceux  de 
océan  Indien. 

A  quoi  peut  tenir  cette  différence  entre  les  deux  hémi- 
phères? 

Nous  savons  que  la  prédominance  des  terres  dans 
hémisphère  boréal  fait  qu'il  est  relativement  plus  chaud 
iue  l'hémisphère  sud  ;  nous  savons  aussi  que  le  point  de 

m 

ne  calorique  est  le  plus  important,  quand  on  s'occupe  des 
nouvements  aériens;  il  est  donc  tout  naturel  de  regarder 
i  la  différence  de  chaleur  entre  ces  deux  portions  de  la 
erre  est  grande  et  comment  elle  peut  agir. 

Pour  cela,  traçons  sur  notre  carte  les  courbes  du  maxi- 
aum  thermal,  aux  deux  époques  les  plus  contraires  de 
'année  :  août  et  février  (cette  carte  a  été  prise  dans  la  Mé- 
éarologie  de  M.  Ploix)  ;  nous  faisons  de  suite  une  remar- 
[ue  fort  curieuse  et  très  intéressante,  c'est  que  ces  courbes 
le  descendent  au-dessous  de  la  ligne  que  dans  l'océan  In- 
lien,  où  régnent  parfois  des  cyclones. 

Tout  le  reste  du  temps,  le  maximum  demeure  dans  le 
ïord,  et  les  méridiens  par  lesquels  il  s'écarte  le  plus  fran- 
hement  de  l'équateur  sont  des  parages  à  tourbillons. 

Ainsi,  dans  l'océan  Atlantique  il  se  déplace  de  5°  nord 
1 9°  nord;  aussi  nous  avons  les  ouragans  des  Antilles. 

Dans  la  mer  des  Indes,  on  le  voit  monter  jusque  vers 
l5°  nord  et  descendre  par  20°  sud  ;  dans  ces  mers  se  trou- 
vent les  cyclones. 

Du  côté  de  la  Chine,  la  courbe  du  mois  d'août  est  éga- 
ement  tris  élevée,  et  c'est  dans  ces  parages  qu'éclatent 
es  typhons* 


602  MÉTÉOROLOGIE. 

Dans  l'océan  Pacifique,  au  contraire,  le  maximum  tte 
mal  ne  s'éloigne  pas  de  l'équateur,  et  nous  ne  rencontra 
pas  de  véritables  tempêtes  tournantes. 

Ces  différentes  analogies  ne  prouvent-elles  pas  qn5 
existe  une  relation  très  étroite  entre  la  position  du  nui 
mum  thermal  et  l'origine  des  tempêtes  ? 

Cette  relation  va  nous  paraître  frappante,  si  nous  che 
chons  quelle  peut  être  l'influence  de  la  position  du  mai 
mum  thermal  sur  la  circulation  atmosphérique. 

Il  est  admis,  et  tout  le  monde  reconnaît,  que  les  couclu 
chaudes  et  très  élevées  des  régions  équatoriales  se  dére 
sent  vers  les  pôles  en  créant  dans  chaque  hémisphère  o 
courant  supérieur  appelé  contre-alizé.  Ce  courant  pn» 
naissance  non  pas  à  l'équateur  même,  mais  à  Tendrai  £ 
le6  couches  de  vapeur  sont  les  plus  hautes,  c'est-à-dire 
partir  du  maximum  thermal;  par  suite,  ce  sera  tantôt 
l'équateur,  tantôt  dans  l'hémisphère  nord,  tantôt  dâi 
l'hémisphère  sud. 

Nous  devons  ajouter  que  la  déversion  ne  peut  pas  s 
faire  également  sur  tout  le  parcours  de  la  zone  lapin 
chaude  ;  car,  pour  alimenter  des  courants  supérieurs,  i 
faudrait  des  contre-courants  fixes  s'étendant  sur  toute  1 
surface  du  globe. 

Ceux-ci  n'existent  que  sur  les  océans;  c'est  là  seolen^i 
que  nous  trouvons  les  vents  constant»  de  N.-E.  et  de  S.-E. 
qui  amènent  dans  les  régions  des  calmes  une  grande  <pas 
tité  d'air  et  de  vapeur  d'eau  destinée  à  être  renvoyée  va 
les  zones  polaires. 

Sur  terre,  le  phénomène  n'est  pas  du  tout  le  même:!* 
brises  sont  variables  et  l'on  ne  remarque  pas  les  coonaa 
polaires  fixes,  indices  certains  de  contre-courante  sej* 
rieurs.  Il  est  donc  bien  probable  que  la  dé  version  n'^ 
réellement  importante  que  quand  elle  prend  naissance  a*j 
dessus  des  océans  ;  dans  les  autres  cas,  au-dessus  deste> 
res  chaudes  de  l'Afrique  par  exemple,  elle  existe  enc^ 


l'obigine  des  ouragans.  603 

très  certainement,  mais  elle  est  alors  beaucoup  plus  faible, 
et  nous  pouvons  dire  que  la  chaîne  de  déversion  n'est  pas 
régulière  et  continue,  mais  bien  sinueuse  et  interrompue 
par  la  présence  des  continents. 

Ceci  posé,  prenons  le  cas  où  le  maximum  thermal  6e 
trouve  à  l'équateur  et  voyons  comment  l'air  va  se  rendre 
vers  les  pôles. 

Soit  a  une  molécule  élevée,  si  elle  se  déversait  avec 
une  vitesse  constante,  elle  suivrait  la  loi  de  Dove  et  tour- 
nerait petit  à  petit  vers  rOrient(fig.  1);  mais  les  choses 
ne  se  passent  point  de  la  sorte,  car  a  se  transporte  vers  le 
Nord,  non  pas  d'une  façon  uniforme,  mais  avec  une  vi- 
tesse faible  d'abord,  qui  augmente  ensuite  jusqu'à  devenir 
énorme.  En  somme,  ce6  molécules  descendent  un  plan 
incliné. 

Il  en  résulte  que  l'influence  de  la  rotation  de  la  terre 
sera  très  grande  à  l'origine,  alors  que  la  vitesse  des  molé- 
cules vers  le  pôle  est  très  petite  ;  elle  diminuera  ensuite  à 
mesure  que  ces  molécules  iront  plus  vite  et  s'éloigneront 
du  point  de  départ. 

Dans  les  environs  de  la  ligne,  là  où  les  parallèles  diffè- 
rent fort  peu  de  grandeur,  cette  fluctuation  dans  l'influence 
de  la  rotation  terrestre  n'est  guère  apparente;  aussi  la 
courbe  suivie  par  une  molécule  qui  part  de  l'équateur  esi- 
elle  sensiblement  la  même  que  celle  donnée  plus  haut. 

Mais  quand  la  déversion  se  fera  à  une  certaine  distance 
vers  10°  de  latitude  nord  ou  sud,  par  exemple,  la  figure 
sera  totalement  changée. 

A  l'origine,  la  molécule,  marchant  doucement  vers  le 
Nord,  sera  déviée  complètement  suivant  a  a,,  pui6,  la  force 
qui  l'envoie  vers  le  pôle  augmentant  plus  rapidement  que 
celle  qui  l'attire  ver6  l'Est,  le  chemin  se  redressera  sui- 
vant ax  a%  a,  (fig.  2);  en  somme,  a  décrira  une  courbe  con- 
vexe a  A,  et  cela  ne  doit  pas  nous  étonner,  car  nous  avons 
dans  la  nature  une  masse  d'exemples  semblables. 


604  MÉTÉOROLOGIE. 

Une  bri6e  de  N.-E.  qui  fraîchit  tourne  au  Nord,  de 
même  qu'une  brise  de  S.-O.  mollissant  fléchit  vers  l'Ouest. 
(Voir  le  livre  de  l'amiral  Bourgois  sur  la  rotation  diurne 
des  vents.) 

Si  nous  en  revenons  donc  à  la  zone  de  déversion,  nous 
verrns  q  ue  quand  elle  existe  à  l'équateur,  les  molécules 
a,  ai,  a,  parcourent  dans  le  Nord  a  A,  a,  A,,  et,  dans  le  Sud, 
a',  at}  <h"  —  suivent  a'A',  a\  A\,  a»" À,*  (fig.  3). 

Nous  avons  une  nappe  de  déversion  parfaitement  cons- 
tituée, dans  laquelle  nous  ne  voyons  aucune  trace  de  tour- 
billon. 

Il  est  vrai  qu'elle  doit  être  influencée  dans  le  voisinage 
des  continents  ;  mais,  dans  aucun  cas,  nous  ne  constatons 
des  tendances  à  un  mouvement  rotatoire. 

L'inverse  se  présente  quand  le  maximum  se  trouve  dans 
l'hémisphère  nord. 

La  molécule  a  suit,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  «A; 
b  suit  6B  ;  mais  a  se  dirigeant  vers  l'équateur,  passe  de 
parallèles  plus  petits  à  des  parallèles  plus  grands;  6a  vi- 
tesse vers  le  Sud  va  aussi  en  augmentant,  de  sorte  qu'elle 
décrit  a'A';  les  molécules  voisines  suivent  b'  B',  c  C 
(fig.  4),  et  rien  qu'à  voir  la  figure,  nous  sentons  un  mou- 
vement tourbillonnaire  en  préparation. 

Il  devient  presque  forcé,  si  nous  supposons  dans  les  en- 
virons et  à  l'Oue6t  une  terre  quelconque.  Celle-ci  est  tou- 
jours plus  ou  moins  avide  de  vapeur  ;  elle  attire  le6  molé- 
cules a,  b}  c9  a,  b\  c,  suivant  a  A,  6B,  cC  — a'A',  6'B', 
cC.  Notre  tourbillon  est  aux  trois  quarts  formé;  il  n'est 
plus  retenu  que  par  un  côté  à  la  grande  chaîne  de  déver- 
sion (fig.  4)  ;  dans  certains  cas,  il  pourra  rompre  cette  at- 
tache et  se  laisser  aller  au  gré  des  courants  supérieurs. 

Nous  comprenons  ainsi  la  grande  violence  qu'atteignes* 
ces  ouragans  :  chacune  de6  molécules  a,  b,  cf  a,  b',  c  vient 
apporter  son  énergie  de  position  à  la  formation  du  météore. 

Il  nous  est,  au  contraire,  bien  difficile  de  saisir  dao6  la 


l'origine  des  ouragans.  605 

théorie  de  Dove  comment  deux  courants,  assez  faibles  par 
eux-mêmes,  peuvent  arriver  à  créer  des  tourbillons  auBsi 
puissants. 

Pour  nous,  les  cyclones  sont  dus  à  l'énergie  de  position 
possédée  par  les  molécules  élevées  des  régions  les  plus 
chaudes.  Cette  énergie  est  énorme;  elle  est  engendrée 
sous  l'action  des  rayons  solaires  et  l'ouragan  est  un  grand 
dissipateur  de  cette  force. 

Les  molécules  de  vapeur  englobées  dans  cet  immense 
tourbillon  qu'elles  ont  en  partie  créé,  perdent  peu  à  peu 
de  leur  chaleur  par  suite  d'une  grande  radiation;  elles 
descendent,  les  nuages  se  forment,  se  heurtent  les  uns  les 
autres  ;  de  nombreux  éclairs  et  le  tonnerre  annoncent  une 
grande  condensation,  et  Ton  reçoit  à  la  surface  une  pluie 
froide,  caractéristique,  et  souvent  de  la  grêle. 

Tels  doivent  être  les  tourbillons  dé  l'héïnisphère  nord; 
pour  l'hémisphère  sud  le  phénomène  est  semblable,  le 
sens  de  rotation  seul  est  changé  tout  comme  pour  les  cy- 
clones (âg.  5). 

Ainsi  donc,  et  voici  le  point  sur  lequel  il  faut  insister, 
quand  le  maximum  thermal  se  trouve  à  l'équateur,  la  dé- 
version  se  fait  6ans  tendance  à  un  mouvement  tourbillon- 
naire. 

Quand  le  maximum  est  dans  l'hémisphère  nord,  la 
nappe  de  déversion  tend  à  produire  un  tourbillon  tournant 
en  sens  inverse  des  aiguilles  d'une  montre  et,  enfin,  quand 
la  zone  de  plus  forte  chaleur  se  trouve  dans  l'hémisphère 
6ud,  il  y  a  cause  de  tourbillon  direct. 

En  un  mot,  chaque  fois  que  le  maximum  thermal  s'é- 
loigne suffisamment  de  l'équateur,  la  déversion  sur  les 
côtes  tend  à  produire  un  tourbillon  en  tout  semblable  aux 
ouragans.  Cela  est-il  toujours  un  effet  du  hasard?  Ces 
coïncidences  ne  sont-elles  pas  assez  significatives?  Nous 
croyons  que  si;  mais,  pour  que  la  vérité  soit  encore  plus 
frappante,  nous  allons  montrer  d'autres  analogies. 

'  100.  xm  oAoob.  —  4t  TKXMESTKB  1883-  59 


606  MÉTÉOROLOGIE.  , 

D'après  notre  théorie,  lorsque  la  déversion  se  fait  à 
partir  de  Péquateur,  il  n'y  a  nulle  tendance  à  un  mouve- 
ment tourbillon naire  ;  ce  n'est  guère  que  vers  10°  de  lati- 
tude que  cette  tendance  devient  sensible;  or,  c'est  juste 
dans  ces  limites  que  se  montrent  les  cyclones;  on  n'en» 
jamais  vu  prendre  naissance  à  moins  de  8°  de  la  ligne. 

-  Cherchons  maintenant  à  quelles  époques  les  causes  de 
tourbillons  sont  les  plus  fortes,  nous  trouverons  que  ces 
époques  correspondent  à  celles  auxquelles  les  tempêtes 
tournantes  sont  les  plus  nombreuses.  Étudions,  par  exem- 
ple, l'Atlantique  nord  : 

Au  mois  de  juin,  la  ligne  de  déversion  peut  y  être  re- 
présentée par  x,  y  (flg.  6),  une  molécule  de  vapeur  a,  voi- 
sine du  continent,  va  suivre  le  chemin  aS,  attirée  qu'elle 
est  par  l'endroit  le  plus  chaud  de  la  terre. 

A  partir  du  21  juin,  alors  que  l'alizé  est  très  frais,  le  so- 
leil 6e  met  à  descendre  et  les  molécules  tendent  alors  i 
suivre  une  courbe  de  plus  en  plus  prononcée  oSf,  «S„ 
jusqu'à  ce  que  le  soleil  arrive  à  peu  près  par  la  mène 
latitude  que  xy}  c'est-à-dire  par  9°  ou  10a  nord;  c'est  évi- 
demment l'époque  à  laquelle  nous  devons  avoir  le  plus  de 
chances  de  tourbillons. 

Or,  c'est  dans  le  mois  d'août  que  le  soleil  occupe  cette 
position  et  le  tableau  qui  suit  nous  désigne  bien  ce  mois 
comme  le  plus  favorable  aux  ouragans. 

Tableau  de  365  ouragans  des  Indes  occidentales 

d'après  Polv. 


Janvier  . 

.   .     5 

Mal.  .    . 

Septembre.  .  M 

FéTrier  . 

.   .     7 

Juin, 

.    .  10 

Octobre  .  .  .  6S 

Mars  .  .   , 

.   .   11 

Juillet.   . 

.   .  42 

Novembre  .  .  H 

Avril  .  . 

.   .     6 

Décembre  .  .  T 

Un  raisonnement  analogue  nous  montrerait  que  dans 
les  mers  de  Chine  c'est  vers  septembre  et  octobre  que  les 
cyclones  sont  les  plus  fréquents. 

Si  nous  passons  à  l'océan  Indien ,  nous  ferons  remar- 


l'origine  des  ouragans.  607 

quer  tout  d'abord  que  les  continents  y  jouent  un  rôle 
beaucoup  plus  important  que  dans  les  autres  mers  ;  ce  sont 
eux  qui  font  descendre,  en  mars,  la  chaîne  de  déver6ion 
jusque  dans  les  environs  du  20e  degré,  tandis  qu'en  juillet 
et  août  elle  se  trouve  par  20*  nord. 

Ces  mouvements  de  montée  et  de  descente  ne  se  font 
ni  tranquillement  ni  d'une  façon  progressive  ;  le  centre  de 
déversion  reste  dans  le  Sud  pendant  janvier,  février,  mars 
et  quelquefois  avril  ;  c'est  l'époque  des  cyclones  dans  l'hé- 
misphère austral. 

Vers  le  milieu  d'avril,  le  soleil  échauffe  déjà  très  forte- 
ment les  terres  d'Asie;  il  existe  à  un  moment  donné 
comme  une  lutte  entre  le  Nord  et  le  Sud,  l'atmosphère 
est  troublée  et  l'époque  est  favorable  aux  ouragans  dans 
les  deux  hémisphères. 

Il  y  a  bientôt  après  transport  brusque  du  centre  de  dé- 
version  au  nord  de  l'équateur  ;  le  changement  de  mousson 
s'effectue  et  nous  comprenons  pourquoi  celle-ci  se  déclare 
par  de  vrais  coups  de  vept. 

La  chaîne  de  déversion  reste  dans  le  Nord  pendant 
juin,  juillet,  août  et  septembre;  on  ne  trouve  plus  de  cy- 
clones dan6  le  Sud  jusqu'au  mois  d'octobre,  époque  du 
changement  de  mousson. 

Le  tableau  ci-joint  prouve  en  tous  points  ce  que  nous 
venons  d'avancer,  et  s'il  nous  fait  voir  quelques  rares  cy- 
clones au  nord  de  l'équateur,  pendant  les  mois  de  janvier, 
février  et  mars,  cela  provient  de  ce  que  dans  la  mer  des 
Indes  la  zone  des  couches  les  plus  chaudes  ne  forme  pas 
toujours  une  ligne  continue. 

Les  moussons,  la  distribution  bizarre  des  continents, 
font  que  quelquefois  cette  zone  peut  se  trouver  brisée, 
coupée,  transportée  d'un  bord  de  l'équateur  à  l'autre,  ce 
qui  favorise  la  production  de  tempêtes  à  des  époques  non 
prévues. 


608  ItftTÉOROLOQIB. 

Table  d«a  cyclones  obaarTia  dua  l'océan  Indien  par  Plddlngti 


i 

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t 

S 

-— 

A 

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1 

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1 
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2 
1 

f 

a  1 

Il  Ootna  Indlannd.  ,  .    S 
Il  Oaiaa  Indien  nord  .  .     1 

15 

1. 

i 

* 

'■ 

0 

S 
S 

I 

» 

: 

9  1 

Ces  cas  soulignés  forment  d'ailleurs  des  exceptions  peu 
nombreuses  qui  ne  suffisent  point  pour  détruire  le  prin- 
cipe même  de  l'origine  des  tempêtes  tel  que  nous  venons 
de  l'établir.  Les  cyclones  une  fois  créés,  si  l'on  non* 
demande  quelles  routée  ils  vont  parcourir,  nous  répon- 
drons avec  presque  tous  les  météorologistes,  que  ces  grands 
mouvements  tourbillonnaireB  doivent  suivre  la  direction 
parabolique  de  nos  courante  supérieurs. 

M.  Fave  a  cherché  la  raison  de  cette  direction  : 

Il  en  est  ainsi,  dit-il,  parce  que  les  molécules  possèdent, 
au  moment  de  leur  déversion,  Un  mouvement  assez  fort 
vers  l'Ouest,  mouvement  qui  n'est  détruit  que  petit  à  petit 
à  mesure  qu'elles  s'éloignent  de  l'équateur. 

Mais  d'où  vient  ce  mouvement  vers  l'Ouest  ?  Existe-t-il 
réellement  ? 

Les  molécules  qui  s'élèvent  aux  environs  de  la  ligne 
conservent,  il  est  vrai,  en  montant,  la  vitesse  de  rotation  de 
la  surface  ;  elles  créeraient  donc  un  courant  si  elles  arri- 
vaient dans  des  régions  animées  de  vitesses -supérieure*. 

Malheureusement,  pour  atteindre  une  différence  de  vi- 
tesse de  10  mètres  seulement,,  il  faudrait  une  élévation  de 
144,000  mètres  ;  or,1  c'est  à  peine  si  une  molécule  monte 
de  quelques  kilomètres  par  jour,  elle  ,ne  peut  donc  être 
cause  de  vent  sensible. 

Il  existe,  il  est.  vrai,  un  autre  moyen  de  réaliser  cetti 
hypothèse,  il  consiste  à  faire  monter  lentement  dans  l'a» 
pace  les  molécules  des  alizés  (fig.  8). 


l'orioinb  des  ouragans.  609 

Celles-ci  apporteraient  dans  les  basses  latitudes  une 
vitesse  verc  l'Occident  qui  irait  toujours  en  augmen- 
tant, et  il  régnerait  aux  environs  de  la  ligne  un  courant 
élevé  ouest,  lequel  se  ferait  d'autant  mieux  sentir  à  la 
surface,  que  les  molécules  d'en-  dessous  possèdent  déjà  la 
même  direction.  ■    ' 

Et  cependant  les  observations  ne  sont  pas  probantes,  les 
alizés  ne  dévient  pas  davantage  et  ne  sont  pas  plus  forts, 
à  mesure  que  Ton  se  rapproche  de  la  bande  des  calmes,  et 
si,  dans  l'océan  Atlantique,  on  les  voit  tourner  quand  on 
approche  des  côtes  4' Amérique,  cela  tient  peut-être  à  l'in- 
fluence des  continents.  .     .        .  . 

11  est  plus  que  probable  que  <ce&  vente  se  conduisent 
dans  les  hauts  comme  à  la  surface,  ils  doivent  perdre  (peut- 
être  par  frottement  contre  l'alizé  de  retour)  leur  vitesse  vers 
l'Ouest,  et  les  molécules  qu'ils  entraînent  doivent  arriver 
au  sommet  de  la  couche  laplus  chaude  sans  aucune  vitesse. 

C'est  la  déversion  elle-même  qui  doit  donner  cette 
direction  au  courant  supérieur.1 

Au  milieu  de  l'Atlantique^  loin  de  l'influence  des  terres, 
une  molécule  a  doit  suivre  le  chemin  abc  (flg.  9);  à  l'ap- 
proche des  côtes  d'Afrique  al  suit  une  courbe  plus  tendue 
a1  bl  tx,  et  enfin  sur  Je  continent  Ém^éricam  a%  suit  at  b%  c„ 
a,  suit  a,  bt  e„  mais  à  mesure  qu'elle  monte  en  latitude, 
ellejest  de  plus  en  plus  sollicitée  à  reprendre  le  chemin 
ouest  et  elle  finit  par  décrire  une  courbe  concave  a%  bt  c$  d9en. 
La  théorie  de  M.  Faye  ne  nous  semble  donc  pas  juste, 
comment  expliquerait-elle  d'ailleurs  que  les  cycloneB  ne 
se  forment  presque  jamais  ni  dans  le  sud  de  l'Atlantique, 
ni  dans  le  Pacifique. 

De  quelle  façon  nous  ferait-elle  voir  que  les  tempêtes 
tournantes  ne  peuvent  prendre  naissance  à  moins  de 
8  degrés  de  l'équateur  ? 

Quelles  époques  désignerait-elle  comme  étant  les  plus 
favorables  aux  ouragans  ? 


610  MÉTÉOROLOGIE. 

Pourquoi,  enfin,  les  chemins  parcourus  par  les  grandi 
tourbillons  de  l'air,  sont -ils  si  différents  suivant  les  para- 
ges où  ils  sont  créés. 

Dans  l'Atlantique,  ils  suivent  une  courbe  parabolique 
et  leur  vitesse  de  translation,  assez  forte  à  l'origine,  va 
continuellement  en  augmentant. 

Dans  la  mer  des  Indes  et  dans  les  mers  de  Chine,  les 
typhons  sont  au  contraire  presque  stationnaires,  ou  bien 
ils  suivent  des  routes  bizarres  allant  parfois  du  N.-E. 
au  S.-O. 

La  seule  chose  dont  le  marin  soit  sûr  dans  ces  parages, 
c'est  du  sens  de  rotation  de  la  tempête,  les  indications 
barométriques  lui  viennent  en  aide  et  suffisent  pour  loi 
indiquer  quelle  route  il  a  à  prendre. 

Nous.pourrions  à  ce  sujet  entrer  dans  de  plus  amples 
détails  sur  les  ouragans,  rappeler  comment  ils  s'annoncent, 
donner  idée  de  leur  grandeur,  de  leur  force  et  de  leur 
durée  ;  répéter  les  récits  émouvants  de6  voyageurs  qui  y 
ont  échappé,  mais  tout  cela  serait  faire  œuvre  de  compila- 
tion et  sortir  du  but  proposé. 

Nous  avons  voulu  exposer  une  nouvelle  théorie  très 
simple  de  l'origine  des  cyclones  ;  notre  hypothèse  remet 
tout  le  phénomène  en  lumière,  elle  permet  à  notre  pensée 
de  prévoir  les  faite,  d'indiquer  les  parages  où  peuvent 
éclater  les  ouragans,  d'annoncer  les  époques  auxquelles  ils 
6ont  le  plus  probables  ;  de  montrer  enfin  le6  troubles  qui 
peuvent  être  apportés  à  la  marche  habituelle  de  ces  mé- 
téores. Cette  théorie  ne  nous  indique  pas  de  nouvelles 
règles  à  suivre  quand  on  rencontre  un  cyclone,  mais  elle 
nous  fait  mieux  comprendre  le  mécanisme  de  la  circulation 
aérienne  et  nous  montre  la  première  des  lois  qui  régit 
notre  atmosphère. 

H.  Vignot, 
Lieutenant  de  vaisseau. 


L'ORIGINE  DE8  OURAGANS.  611 

Nota.  —  La  nappe  de  dêversion,  telle  que  nous  l'avons 
Indiquée,  donne  naissance  à  de  grands  fleuves  aériens  qui 
se  dirigent  vers  les  pôles  ;  nous  avons  montré  qu'à  leur 
origine,  il  se  créait  d'immenses  tourbillons  très  redoutés 
des  navigateurs.  Il  peut  se  faire  au6si  qu'ils  engendrent 
dans  leurs  cours  d'autre6  tourbillons  plus  petits,  moins 
violents,  qui  descendent  ou  ne  descendent  pas  j  usqu'à  la 
surface  terrestre,  mais  7  amènent  toujours  des  dépressions 
plus  ou  moins  marquées. 

Ces   tourbillons  secondaires  peuvent  être  dus  à  des 

causeB  fort  différentes,  nous  ne  les  contestons  pas,  mais 

nous  pensons  que  les  tempêtes  ainsi  créées  ne  sont  pas  de 

"vrais  cyclones  ;  ceux-ci  sont  d'une  violence  beaucoup  plus 

grande  et  ils  ont  une  forme  bien  caractérisée  par  la  théorie 

que  nous  en  avons  donnée. 

H.  V. 


4*  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE 


CLIMATOLOGIE 


Conférence  de  M.  le  Dr  Mauchal 

(SudU.) 

I 

Les  mêmes  conditions  climatériques  vont  se  trouver  de 
plus  en  plus  atténuées  dans .  les  parties  les  plus  voisines 

ê 

des  deux  zones  qui  constituent  les  climats  chauds  et  qui 
sont  comprises  entre  les. lignes  isothermes  de  -h  25  et 
de  •+•  15. 

La  température  de  ces  zones  présente  une  moyenne  an- 
nuelle inférieure  de  7  à  8  degrés  à  la  zone  torride  ;  les 
saisons  y  deviennent  plus  tranchées.  La  périodicité  des 
pluies  disparaît  à  mesure  que  Ton  s'éloigne  de  l'équateur, 
sous  le  rapport  de  la  salubrité,  les  climats  tiennent  le 
milieu  entre  la  zone  torride  et  les  climats  tempérés  :  si 
quelques  contrées  offrent  à  leurs  habitants  des  conditions 
presque  irréprochables  de  bien-être,  le  plus  grand  nombre 
se  ressent  encore  du  voisinage  des  régions  intertropicales 
et  présente  le  même  cortège  de  maladies  à  un  moindre 
degré  de  gravité. 

Les  climats  chauds  sont  répartis  dans  l'hémisphère 
septentrional  et  dans  l'hémisphère  méridional. 

La  zone  septentrionale  comprend  le  midi  de  l'Europe, 
le  nord  de  l'Afrique,  le  centre  de  l'Asie  et  le  quart  en- 
viron de  l'Amérique  du  Nord.  La  zone  méridionale  ne 
comprend  que  l'extrémité  sud  de  l'Afrique,  la  presque  tfr 
talité  de  l'Australie  et  la  partie  moyenne  de  l'Amérique 
méridionale.  La  région  formée  par  le  nord  de  l'Afrique  et 
l'Europe  méridionale  embrassé  la  Méditerranée  qui  mo- 


CLIMATOLOGIE.  613 

dère  et  égalise  leur  température.  Ce  n  est  qu'en  s'impré- 
gnant  de  fraîcheur  et  d'humidité  que  les  vents  chauds  du 
désert  arrivent  sur  le  littoral  européen.  De  leur  côté,  les 
côtes  d'Afrique  sont  rafraîchies  tout  à  la  fois  par  les 
brises  de  la  mer  et  les  vents  froids  du  Nord.  Les  pluies 
qui  6e  produisent  régulièrement  au  printemps  et  à  l'au- 
tomne concourent  avec  la  chaleur  à  entretenir  la  richesse 
et  l'activité  de  la  végétation.  Le  climat  exceptionnellement 
beau  que  constituent  de  semblables  conditions,  a  toujours 
attiré  vers  ces  régions  les  grandes  émigrations  des  Bar- 
bares ;  il  y  attire  aujourd'hui  les  malades  qui  demandent 
à  un  climat  plus  doux  le  rétablissement  de  leur  santé.  Les 
affections  chroniques  des  voies  respiratoires,  la  phtisie 
que  le  séjour  dans  un  climat  froid  et  humide  ne  peut 
qu'aggraver,  trouvent  dans  quelques  localités  de  cette  zone, 
sinon  une  guérison,  du  moins  une  notable  amélioration. 
Hais  toutes  les  parties  des  climats  chauds  sont  loin  de 
donner  les  mêmes  résultats  favorables  et  la  plupart  d'entre 
elles  ne  feraient  qu'imprimer  une  marche  plus  rapide  i 
ces  maladies.  E»  étudiant  les  diverses  régions  de  la  zone 
chaude,  nous  signalerons  les  points  qui  peuvent  être  con- 
sidérés comme  de  vrais  séjours  climatériques. 

Le  nord  de  l'Afrique  peut  être  divisé  en  deux  parties, 
l'une  montagneuse  et  accidentée,  comprenant  le  Maroc, 
l'Algérie  et  la  régence  de  Tunis,  l'autre  comprenant  la 
régence  de  Tripoli  et  l'Egypte.  Celle-ci  est  formée  par  une 
plaine  aride  et  sablonneuse  dans  tous  les  points  que  n'at- 
teignent pas  les  débordemeuts  du  Nil. 

En  Algérie,  le  Tell,  c'est-à-dire  la  région  située  au  nord 
de  l'Atlas,  étale  6ur  une  longueur  de  plus  de  mille  kilo- 
mètres un  Bpendide  amphithéâtre  de  vallées  et  de  collines 
qui  contraste  avec  l'aridité  du  reste  de  l'Afrique.  Les 
nuées  humides  venant  de  la  mer,  arrêtées  par  les  hautes 
crêtes  du  grand  Atlas,  s'y  résolvent  en  pluie  et  alimentent 
les  cours  d'eau  qui  sillonnent  le  nord  de  l'Afrique.  Sur 


614  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

leurs  parcours  se  forment,  à  la  suite  des  périodes  de  grand» 
pluies,  des  marécages  dont  la  surface  est  de  près  de  40,000 
hectares  en  Algérie  seulement.  La  salubrité  du  payse* 
tout  à  fait  sous  l'influence  des  saisons.  C'est  au  momeœ 
des  sécheresses  que  les  maladies  endémiques  6e  décla- 
rent. Aux  fièvres  intermittentes  simples  succèdent  la 
accès  pernicieux;  les  hépatites  et  les  dysenteries  se  mon- 
trent à  leur  6uite.  Toutes  ces  affections  redoublent  de  gra- 
vité lore  de  la  saison  de6  pluies  pour  diminuer  de  non- 
veau  à  l'apparition  du  froid.  En  résumé,  V Algérie  est  on 
climat  chaud  et  paludéen.  Certaines  portions  du  littoral 
sont  extrêmement  salubres,  Alger  est  pour  les  phtisiques 
un  bon  séjour  climatérique  à  la  condition  que  la  maladie 
ne  soit  pas  dans  une  période  trop  avancée. 

Le  Maroc  et  la  Tunisie  ne  diffèrent  pas  sensiblement 
de  l'Algérie. 

La  partie  orientale  de  la  région  africaine  est  générale- 
ment  insalubre,  les  étangs  salés  y  donnent  la  fièvre,  le* 
variations  de  température  entretiennent  des  affections  des 
voies  respiratoires,  et  le  sable  des  ophtalmies  de  la  plus 
haute  gravité.  Cependant  TÉgypte  n'est  pas  aussi  malsaine 
que  le  feraient  supposer  6es  inondations  périodiques,  » 
température  élevée  et  son  sol  couvert  de  marais.  La  salu- 
brité augmente  à  mesure  que  Ton  s'éloigne  de  la  côte.  Le 
Caire  est  plus  sain  qu'Alexandrie,  que  Rosette  et  que  Da- 
miette.  C'est  l'ophtalmie  qui  constitue  l'affection  la  pins 
répandue;  viennent  ensuite  la  dysenterie  et  les  accès  per- 
nicieux. 

La  partie  de  l'Europe  située  dans  la  zone  des  dimtè 
chauds  comprend,  en  premier  lieu,  l'Espagne  sillonnée  de 
toutes  parts  par  des  montagnes  dont  la  partie  septentrionale 
se  compose  de  plateaux  arides,  les  paramos,  tandis  quête 
versants  méridionaux  6'inclinent  en  pente  douce  vers  la 
Méditerranée.  Sur  les  paramos,  l'air  est  glacial  et  le  climaî 
6alubre.  Dans  la  vaste  plaine  où  se  trouve  Madrid,  l'atmo* 


CLIMATOLOGIE.  615 

sphère  est  pure,  les  affections  chroniques  y  prennent  faci- 
lement un  caractère  aigu;  aux  bords  de  la  mer,  l'air  est 
tiède,  calme,  il  rend  le  climat  mou  et  débilitant. 

La  portion  du  midi  de  la  France  comprise  dan6  la  zone 
.chaude  est  peu  étendue;  on  n'y  compte  que  nos  stations 
hivernales  maritimes  :  Hyères,  Cannes,  Nice,  Menton, 
Villefranche  ;  c'est  à  Cannes,  à  Menton  et  à  Yillefranche 
que  Ton  trouve  la  plus  grande  égalité  de  température.  Le 
vent  et  le  brouillard  communs  à  Nice  et  à  Hyères,  y  sont  à 
peu  près  inconnus.  Cela  suffit  pour  donner  à  ces  trois 
.stations  une  grande  supériorité  aux  yeux  des  valétudi- 
naires qui  ne  demandent  qu'un  retour  à  la  santé. 

La  partie  méridionale  de  l'Italie  est  comprise,  dans  les 
climats  chauds.  L'Apennin  la  divise  en  deux  zones,  l'une, 
orientale,  que  baigne  l'Adriatique,  l'autre,  occidentale, 
que  longe  la  Méditerranée.  Ces  deux  zones  diffèrent  par 
une  condition  très  importante  ;  tandis  que  la  côte  orientale, 
très  élevée,  domine  presque  partout  l'Adriatique,  la  côte 
occidentale  est  basse  ;  les  eaux  n'y  trouvent  pas  d'écoule- 
ment et  forment,  en  6e  joignant  à  la  mer,  des  marécages  qui 
s'étendent  de  jour  en  jour  par  suite  du  retrait  de  la.  Mé- 
diterranée. Ces  marécages  qui  commencent  à  la  lisière 
des  Calabres  jusqu'au  point  où  l'Apennin  se  rapproche 
brusquement  de  la  mer,  tout  en  allant  du  Sud  au  Nord, 
—  les  marais  de  Psestum,  ceux  de  Baja  et  de  Pouzzolle, 
les  marais  Pontins,  les  Marennes,  —  déterminent  des 
fièvres  paludéennes  sur  tout  le  littoral  occidental  ainsi  que 
dans  VAgro  romano  et  dans  le  golfe  de  Tarente. 

Le  séjour  de  Rome  mémo  présente  de  6érieux  dangers 
pendant  les  mois  de  juillet,  d'août  et  de  septembre.  A 
Naples,  que  les  brises  tièdes  de  la  mer  et  les  vents  glacés 
des  Apennins  mettent  à  l'abri  des  influences  miasmati- 
ques, la  phtisie  est  commune  et  marche  rapidement. 
Rome  et  Florence  sont  également  de  dangereux  séjours 
pour  les  tuberculeux.  C'est  Pise,  justement  renommée  par 


616  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

l'uniformité  et  l'influence  calmante  de  son  climat,  qui  res- 
semble le  plus  à  nos  stations  hivernales  françaises. 

La  Grèce  est  la  contrée  la  plus  chaude  de  l'Europe.  Slli 
est  couverte  de  montagnes  dont  la  plus  élevée  ne  dépasse 
pas  2,425  mètres  ;  les  vallées  y  sont  étroites,  le  sol  est  es 
général  stérile  et  mal  cultivé,  le  littoral  bordé  de  récifs  et 
de  falaises.  Cependant  la  côte  de  Morée  au  sud  du  golfe 
de  Lépante  est  basse  et  plate  et  des  marais  assez  étendus 
se  rencontrent  entre  Patras  et  Gorinthe.  Gomme  au  tempe 
d'Hippocrate,  ce  sont  les  influences  paludéennes  qui  domi- 
nent au  Pirée,  dans  la  campagne  d'Athènes,  aux  enrirofl* 
des  Thermopyles,  où  le  Sperchius  forme  de  grands  maréca- 
ges, dans  le  sud  de  la  Morée,  et  dans  la  plaine  d'Àrgosqn'a- 
voisine  le  iparais  de  Lerne  :  toutefois  ces  fièvres  sont  moiiu 
graves  que  celles  de  l'Algérie,  et  en  somme  la  Grèce  doit 
être  considérée  comme  un  pay6  sain. 

Sur  le  continent  asiatique,  la  zone  chaude  embrasse 
plus  de  800  myriamètres  de  l'Ouest  à  l'Est  et  comprend 
le  nord  de  l'Arabie,  la  Turquie  d'Asie,  le  nord  de  la 
Perse,  le  Turkestan,  l'Afghanistan,  le  royaume  de  Lahoit 
et  tout  le  sud  de  l'empire  chinois. 

Le  nord  de  l'Arabie  présente  les  mêmes  particularité! 
que  la  partie  située  dans  la  zone  torride. 

La  Syrie  peut  être  divisée  en  trois  régions  distincte*; 
la  première,  à  l'e6t  du  Jourdain,  confond  ses  déserte  avec 
ceux  de  l'Arabie .  La  seconde,  formée  par  la  chaîne  du  Liban, 
a  la  plus  grande  analogie  avec  l'Atlas.  Son  versant  médi- 
terranéen est  fertile,  pittoresque  et  jouit  d'un  climat  défi* 
cieux.  La  troisième  partie  ou  zone  du  littoral  se  distingue 
par  sa  fécondité,  ses  plaines  marécageuses  et  6on  insala* 
brité.  On  y  rencontre  à  l'état  d'endémie  une  affection  cu- 
tanée connue  60us  le  nom  de  bouton  d'Alep.  Le  climat  de 
la  partie  occidentale  de  l'Asie  Mineure  est  excellent,  le* 
anciens  et  les  modernes  l'ont  célébré  à  l'envi.  Les  côte* 
septentrionales  répondent  à  la  mer  Noire  et  reçoivent  te 


CUXAT0L061B.  617 

tts  froids  des  steppes  de  la  Russie.  Sur  la  cote  sud,  les 
Chaleurs  son!  insupportables,  le  pays  est  marécageux  et 
fiène  sévit  avec  intensité. 

Le  climat  de  l'Arménie  est  généralement  bon,  on  y  ren- 

itre  cependant  après  le  débordement  des  fleuves  des 

ferres  paludéennes  et  des  ophtalmies. 

La  Perse  présente,  au  point  de  vue  du  climat,  trois 

les  distinctes  en  allant  du  Nord  au  Sud.  Le6  rive6  de  la 

îr  Caspienne  sont  basses  et  humides  en  toute  6aison. 

L'été,  la  chaleur  y  est  très  élevée,  les  fièvres  intermittentes 

[épargnent  presque  personne.  Téhéran,  6ituée  dans  une 

le  marécageuse,  est  désolée  par  des  fièvres  palu- 

>nnes.  Le  plateau  central  est  froid  et  présente  les  carac- 

des  climats  excessifs.  En  descendant  vers  le  golfe 

[ersique,  on  retrouve  les  chaleurs,  les  sécheresses  et  les 

$nts  brûlants  de  l'Arabie  sans  rencontrer  des  endémies 

ni  prononcées. 

Le  climat  de  l'Afghanistan  est  celui  des  pays  de  mon- 
te :  doux  et  tempéré  dans  les  vallées  bien  orientées, 
tceseif  sur  les  points  élevés  ;  lés  étés  y  sont  brûlants,  les 
irers  froids.  Les  maladies  les.  plus  communes  sont  le6 
îvres  intermittentes  et  les  ophtalmies.  La  climatologie 
du  Turkestan  est  à  peine  connue,  on  y  dit  les  maladies  de 
k  peau  très' répandues,  et  les  fièvres  intermittentes  endé- 
miques dans  certaines  localités,  notamment  à  Boukhara. 

Le  royaume  de  Lahore  est  montagneux  dans  le  nord, 
plat,  fertile  dans  le  reste  de  son  étendue,  son  climat  est 
très  salubre.  Après  la  saison  des  pluies,  on  voit  survenir 
de  nombreux  cas  de  fièvres  intermittentes,  mais,  ces  affec- 
tions ne  prennent  pas  le  caractère  pernicieux,  on  n'y  ob- 
serve ni  l'hépatite  ni  les  diarrhées  des  pays  palustres. 

L'empire  chinois  comprend  deux  régions  très  diffé- 
rentes ;  d'une  part,  la  Boukharie  et  le  Thibet;  d'autre  part, 
la  Chine  proprement  dite. 
La  Boukharie  et  le  Thibet  offrent  tous  les  caractères  des 


618  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

pays  d'un  niveau  élevé  situés  au  centre  d'un  continent.  Le 
climat  en  est  excessif,  et  si  ces  contrées  sont  rangées  dam 
les  climats  chauds,  c'est  par  respect  pour  les  lignes  iso- 
thermes entre  lesquelles  ils  sont  compris. 

L'hiver  y  est  tellement  rigoureux  que  les  habitants  des 
montagnes  sont  obligés  de  se  réfugier  dans  les  vallées  e$ 
les  gorges  profondes.  L'été  est  chaud  et  court,  c'est  l'époque 
des  pluies.  Pendant  cette  saison,  l'économie  est  accablée, 
languissante;  les  animaux  restent  couchés  et  l'homme 
éprouve  un  inexprimable  malaise. 

La  Chine  proprement  dite  occupe  la  majeure  partie  du 
versant  oriental  de  l'Asie.  Divisée  par  les  chaînes  de  mon- 
tagnes en  quatre  grands  bassins,  elle  renferme  de  grands 
lacs;  elle  est  sillonnée  par  un  nombre  infini  de  canaux  qm 
tout  en  créant  une  grande  fertilité,  donnent  naissance  ides 
exhalations  miasmatiques  à  peu  près  constantes. 

La  partie  méridionale  surtout,  arrosée  par  le  Si  Kiang,  t 
beaucoup  d'analogie  avec  la  Gochinchine  dont  elle  repro- 
duit assez  exactement  le  climat.  Shang-Haï  s'élève  au  mi- 
lieu des  marécages  et  est  une  des  localités  les  plus  insalu- 
bres de  l'extrême  Orient.  Tout  le  littoral  est,  pendant  h 
saison  chaude,  envahi  par  les  fièvres  paludéennes  et  la 
maladies  qu'elles  tiennent  sous  leur  dépendance,  c'est-à- 
dire  la  diarrhée  et  la  dysenterie.  Le  choléra'  a  6éri  avec 
une  grande  intensité  à  diverses  reprises  et  la  petite  véiok 
fait  des  ravages  effrayants  chez  les  Chinois,  sans  épargner 
toujours  l'équipage  des  navires. 

La  région  océanienne  n'est  représentée  dans  la  iom 
chaude  septentrionale  que  par  quelques  petits  archipels 
clairsemés  appartenant  à  la  Polynésie.  Les  îles  Sandwici 
en  forment  le  groupe  le  plus  intéressant  parce  qu'elles  sa- 
vent de  point  de  relâche  aux  nombreux  baleiniers  du  Pa- 
cifique. Le  climat  est  chaud  et  humide  dans  les  vallées, 
sec  sur  le  littoral,  où  régnent  les  vents  généraux.  Les  Kb* 
ropéens  y  jouissent  d'une  bonne  santé,  mais  la  population 


CLIMATOLOGIE.  619 

indigène  y  décroît  d'une  façon  effrayante  ;  l'abus  des  li- 
queurs fortes,  les  unions  précoces  et  l'insuffisance  de 
l'alimentation  sont  les  causes  principales  de  cette  dépopu- 
lation. 

La  partie  de  l'Amérique  située  dans  la  zone  septen- 
trionale des  climats  chauds,  comprend  le  nord  du  Mexique 
et  le  sud  des  États-Unis.  Elle  est  divisée  par  la  chaîne  des 
montagnes  Rocheuses  en  deux  parties  inégales  :  l'une,  très 
étroite  tournée  vers  le  grand  Océan,  l'autre,  beaucoup  plus 
étendue,  vers  l'Atlantique.  Cette  dernière  est  divisée  elle- 
même  en  deux  bassins  par  les  Alleghanys. 

Le  territoire  des  États-Unis  est  ainsi  partagé  en  quatre 
régions  dont  le  climat  est  différent  :  1°  la  région  mari- 
time des  côtes  de  l'Est,  florissante  et  peuplée;  2°  le  bassin 
du  Mississipi,  constitué  par  des  terres  déboisées  et  de 
vastes  prairies  ;  3°  le  grand  plateau  désert,  aride  et  sec 
placé  entre  les  montagnes  Rocheuses  et  la  Sierra  Nevada  ; 
enfin,  4°  la  côte  étroite  et  basse  que  baigne  l'Océan. 

Sous  le  rapport  de  la  salubrité,  ces  contrées  présentent  un 
caractère  commun.  Elles  se  composent  de  régions  élevées 
et  salubres  à  l'intérieur,  et  d'une  lisière  maritime  bordée 
de  marais  et  soumise  aux  mêmes  influences  que  le  littoral 
du  fond  du  golfe.  La  mortalité  est  beaucoup  plus  élevée 
que  dans  la  partie  nord  des  États-Unis  :  à  la  Nouvelle-Or- 
léans, dans  la  vallée  du  Mississipi ,  sur  les  côtes  régnent 
les  fièvres  paludéennes,  les  flux  intestinaux.  La  fièvre 
jaune  s'y  montre  souvent,  surtout  à  la  Louisiane.  Il  est 
rare  qu'elle  règne  aux  Antilles  sans  se  montrer  à  la  Nou- 
velle-Orléans et  elle  a  parfois  parcouru  tout  le  littoral  de 
l'Amérique  du  Nord. 

Zone  méridionale  des  climats  chauds.  —  Les  pays  chauds 
situés  dans  l'hémisphère  sud  comprennent  l'extrémité  sud 
de  l'Afrique,  la  presque  totalité  de  l'Australie  et  la  partie 
moyenne  de  l'Amérique  méridionale. 

La  région  africaine  forme  un  triangle  dont  la  base 


620  GÉOGRAPHIE  MÉDICADB. 

s'étend  du  cap  Négro  à  l'embouchure  du  Zambèse  et  dont 
le  sommet  e6t  au  cap  de  Bon  ne -Espérance,  l'intérieur  en 
est  peu  connu,  la  côte  ouest  est  inhabitable,  la  cote  orien- 
tale, plus  fertile,  est  marécageuse  et  insalubre.  Les  seule! 
parties  habitées  sont  les  colonies  de  Port-Natal  et  le  gou- 
vernement du  Gap  qui  sont  d'une  salubrité  parfaite.  C'ed 
là  que  les  Anglais  viennent  se  rétablir  des  maladies  qu'ili 
ont  contractées  dans  l'Inde.  Les  maladies  qui  y  régnent 
sont  celles  de  la  zone  torride  sou6  une  forme  extrêmement 
atténuée  et  quelques  maladies  des  zones  tempérées. 

La  région  océanienne  comprend  l'Australie  et  la  Nou- 
velle-Calédonie. La  seule  partie  intéressante  de  l'Australie 
e6t  la  côte  orientale,  où  les  Anglais  ont  fondé  de  grands 
établissements  très  prospères.  La  6ulubrité  de  ce  magni- 
fique pays  est  parfaite  et  le  climat  très  favorable  aux 
Européens. 

La  mortalité  des  troupes  est  moindre  qu'en  Angleterre, 
Ce  sont  les  maladies  de  l'enfance  qui  dominent  et  le  cadre 
nosologique  de  l'Australie  se  rapproche  beaucoup  de 
celui  de  l'Europe. 

Notre  colonie  de  la  Nouvelle-Calédonie  est  également 
très  salubre.  Malgré  les  marais  qui  entourent  Port-de* 
France  dé  toutes  parts,  on  n'y  rencontre  pas  de  fièvres  in- 
termittentes. La  fièvre  typhoïde,  les  maladies  de  l'appareil 
respiratoire  et  en  particulier  la  phtisie  sont  le6  princi- 
pales causes  de  mortalité. 

La  partie  de  l'Amérique  du  Sud  qui  appartient  aux  cli- 
mats chauds  comprend  le  Pérou,  le  sud  du  Brésil  et  le 
nord  des  États  de  la  Plata.  Les  montagnes  la  partagent  en 
trois  régions:  l'une,  aride  et  sablonneuse,  placée  entre  les 
Cordillières  et  l'océan  Pacifique,  l'autre  formée  par  les 
immenses  plaines  de  l'Amazone,  la  troisième,  au  Sud,  re- 
présentée par  une  série  de  plateaux,  de  vallées  couvertes 
d'épaisses  forêts  et  parcourues  par  des  rivières.  Le  Pérou 
fait  partie  de  ces  trois  régions,  il  passe  pour  très  salubre; 


CLIMATOLOGIE.  621 

Cependant  le  chiffre  de  la  mortalité  y  est  très  élevé  et  dû 
aux  fièvres  paludéennes,  aux  fièvres  éruptives  et  à  la  dysen- 
terie. Une  affection  cutanée,  la  veruga,  est  exclusive  au 
Pérou  et  endémique  sur  le  versant  occidental  des  Cor- 
dillières. 

Le  Brésil  est  une  plaine  boisée  placée  entre  les  steppes 
deT Amérique  méridionale,  il  est  traversé  par  des  chaînes 
de  montagnes,  parcouru  par  de  nombreuses  rivières  et  cou- 
vert de  la  plus  splendide  végétation.  Son  climat  ne  peut 
être  considéré  comme  malsain;  l'intoxication  paludéenne 
est  la  seule  des  maladies  endémiques  des  climats  chauds 
qui  y  conserve  une  certaine  importance.  La  fièvre  jaune 
y  fait  de  très  rares  apparitions,  la  maladie  la  plus  meur- 
trière au  Brésil  est  la  phtisie;  c'est  un  des  points  du 
globe  où  elle  fait  le  plus  de  ravages. 

L'espace  compris  entre  le  Pérou,  le  Brésil  et  les  Cor- 
dillières  est  le  Paraguay  et  présente  les  mêmes  conditions 
climatérique6  que  les  provinces  méridionales  du  Brésil. 

CUmats  tempérés.  —  Les  deux  zones  représentant  les 
elimats  tempérés  sont  limitées  dans  chaque  hémisphère  par 
les  lignes  isothermes  de  +  15  et  de  +  5. 

La  zone  méridionale  ne  comprend  que  quelques  îles  de 
rOcéanie  et  la  partie  inférieure  de  l'Amérique  du  Sud.  La 
zone  septentrionale,  au  contraire,  embrasse  les  deux  prin- 
cipaux centres  de  la  civilisation,  l'Europe  dans  l'ancien 
continent,  les  États-Unis  dans  le  nouveau.  Placées  à  égale 
distance  des  pôles  et  de  l'équateur,  ces  régions  ne  con- 
naissent ni  les  chaleurs  énervantes  de  la  zone  torride  ni 
L'action  dépressive  des  climats  polaires.  Prises. dans  leur 
ensemble,  elles  sont  salubres.  C'est  là  que  la  race  cauca- 
sienne présente  la  plus  faible  mortalité.  Le  cadre  noso- 
logfique'  est  beaucoup  plus  varié  que  dans  les  latitudes 
extrêmes  où  il  est  dominé  par  une  cause  constante  et  ex- 
clusive. 

L'hémisphère  nord  comprend  trois  régions  :  1°  la  région 

•oc.  d»  eàoes.  —  4*  trimbstm  1888.  40 


622  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

européenne,  divisée  en  2  groupes  :  le  groupe  occidental 
dont  font  partie  les  Iles  britanniques,  la  presqu'île  Scandi- 
nave, le  Danemark,  la  Belgique,  la  Hollande,  la  France, 
Tltalie  continentale,  et  le  groupe  oriental  formé  par  l'Alle- 
magne, la  Suisse,  la  Russie  méridionale  et  la  Turquie 
d'Europe  ; 

2°  La  région  asiatique,  comprenant  Le  pays  des  Kirghiz, 
la  Dzoungarie,  la  Mongolie,  la  Chine  septentrionale  et  le 
Japon; 

3°  La  région  américaine,  comprenant  les  États-Dais  du 
Nord. 

L'Europe,  a  dit  de  Humboldt,  doit  la  douceur  de  m 
climat  à  sa  configuration  richement  articulée,  à  l'Océan 
qui  baigne  ses  côtes  occidentales,  au  gulf-stream  qui  dé- 
verse 668  eaux  chaudes  dans  la  mer  du  Nord,  et  surtout! 
l'existence  et  à  la  situation  du  continent  africain  dont  les 
régions  intertropicales  rayonnent  abondamment  et  déter- 
minent un  immense  courant  d'air  chaud. 

Ces  influences  s'affaiblissent  à  mesure  qu'on  s'avance 
de  l'Ouest  à  l'Est  et  donnent  aux  deux  groupes  qui  se  par- 
tagent l'Europe  des  caractères  assez  tranchés.  Le  groupe 
occidental  est  séparé  de  l'oriental  par  une  ligne  «nueu« 
qui,  partant  du  fond  du  golfe  de  Bothnie,  aboutirait  à 
l'Adriatique  en  passant  par  la  Baltique  et  la  mer  du  Nord 
et  en  suivant  le  cours  du  Rhin  et  les  Alpes.  Les  con- 
trées situées  à  l'Ouest  de  cette  ligne  sont  le  type  de» 
climats  maritimes,  le  long  des  côtes  le  thermomètre 
s'abaisse  rarement  au- dessous  de  zéro,  la  neige  y  séjourne 
i  peine,  les  pluies  sont  plus  abondantes  que  vers  le  centra 
et  vers  l'Est.  La  douceur  du  climat  n'exclut  pas  les  varia- 
tions brusques  qu'on  retrouve  partout  au  bord  du  la  mer. 

Les  lies  Britanniques  présentent  le  type  le  plus  accentué 
de  ce  climat  maritime,  les  pluies  y  sont  fréquentes  à  causa 
de  l'absence  de  chaînes  assez  élevées  pour  arrêter  les  vents 
d'Ouest,  l'Ecosse  seule  est  fortement  accidentée  :  aussi  le 


CLIMATOLOGIE.  623 

a 

climat  en  est-il  plus  salubre.  L'Irlande,  basse  et  maréca- 
geuse dans  ses  parties  centrales,  ne  présente  de  montagnes 
que  dans  le  nord  et  le  sud  ;  l'air  y  est  doux  et  humide. 

La  Suède  est  le  pays  où  le  passage  d'un  climat  à  un 
autre  est  le  plus  rapide. 

La  côte  occidentale  est  remarquable  par  la  douceur  de  son 
climat  et  l'humidité  de  son  atmosphère,  tandis  que  sur  le 
versant  opposé  des  montagnes  l'air  est  sec.  Dans  son  en- 
semble le  climat  de -la  Suède  est  froid  et  peu  variable. 

Le  climat  du  Danemark  est  moins  froid  que  celui  de 
la  Suède,  il  est  essentiellement  marin.  La  Belgique  et  la 
Hollande,  formées  de  terrains  conquis  sur  la  mer,  sont  des 
pays  plats  entrecoupés  de  canaux  et  parsemés  de  maré- 
cages. Le  climat  y  est  humide  et  brumeux,  un  peu  plus 
froid  qu'en  Angleterre.  Là  France  représente  à  peu  près 
dans  son  ensemble  les  conditions  que  présente  l'Europe 
entière  ;  «  elle  a  l'immen6e  avantage  (a  dit  Hartius)  de 
réunir  toutes  les  variétés  de  climats  dont  les  types  existent 
dans  les  pays  voisins  ;  c'est  la  cause  la  plus  réelle  de  sa 
richesse,  c'est  le  secret  de  sa  puissance.  » 

L'Italie  continentale  diffère  un  peu  des  contrées  précé- 
dentes par  l'élévation  de  6a  température,  mais  elle  s'en 
rapproche  par  la  constance  et  par  l'humidité  du  sol  entre- 
tenue par  ses  nombreux  cours  d'eau  et  6es  lacs. 

Les  pays  composant  l'Europe  occidentale  sont  d'une 
très  grande  salubrité,  d'autant  plus  marquée  qu'on  se  rap- 
proche plus  du  Nord.  La  mortalité  est  moindre  dans  les 
campagnes  que  dans  les  villes  :  les  maladies  les  plus  ré- 
pandues sont  les  affections  des  voies  respiratoires  et  la 
fièvre  typhoïde.  Les  premières  sont  l'apanage  des  climats 
tièdes  et  humides  ;  c'est  en  Angleterre  qu'elles  ont  leur 
maximum  de  fréquence,  puis  en  Belgique  et  en  Suède, 
malgré  l'air  vif  qu'on  y  respire.  L'Italie  septentrionale 
n'en  est  point  exempte  malgré  la  douceur  de  son  climat. 
La  phtisie  est  commune  à  Gênes,  à  Milan,  elle  est  rare  à 


624  GÉOGRAPHIE  MEDICALE. 

Venise,  qui  se  rapproche  ainsi  de  Pise  comme  station 
climatérique  pour  les  tuberculeux. 

La  fièvre  typhoïde  marche  immédiatement  après  les 
maladies  de  poitrine  sur  les  tables  de  mortalité  de  l'Eu- 
rope occidentale.  Elle  tient,  dans  l'armée,  le  premier  rang 
parmi  les  maladies  aiguës  et  figure  pour  9,10  p.  100  dans 
la  mortalité  de  la  ville  de  Paris.  En  Angleterre,  en  Dane- 
mark, en  Belgique,  elle  représente  le  vingtième  des  décès. 
Par  une  juste  compensation,  le6  fièvres  endémiques  ten- 
dent à  disparaître.  En  Angleterre,  elles  ne  figurent  plus 
que  pour  un  chiffre  peu  important  dans  le  nombre  des 
décès.  En  France,  on  les  retrouve  encore  sur  le  littoral 
de  l'Océan  et  de  la  Manche,  depuis  les  Landes  jusqu'à 
la  Somme,  et  sur  celui  de  la  Méditerranée.  Elles  sont  plus 
répandues  encore  en  Belgique  et  en  Hollande,  où  on  les 
désigne  sous  le  nom  de  fièvre  des  polders.  Dans  l'Italie 
continentale,  la  fièvre  intermittente  prend  sa  source  dans 
les  rizières  et  dans  les  plaines  inondées,  elle  y  est  relati- 
vement bénigne  et  ne  présente  pas  les  redoutables  carac- 
tères qu'elle  revêt  sur  le  littoral  méditerranéen  de  l'Italie 
méridionale.  Les  autres  affections  endémiques  que  l'on 
rencontre  6ont  le  goitre  et  le  crétinisme.  La  pellagre  est 
commune  dans  le  Piémont,  la  Lombardie  et  dans  quelques 
localités  du  midi  de  la  France. 

Le  second  groupe  européen  ou  groupe  oriental  présente 
une  grande  surface  continentale  traversée  du  Sud-Ouest 
au  Nord-Est  par  le  faîte  de  partage  des  eaux.  De  ces  deux 
pentes,  l'une,  inclinée  vers  le  Nord,  est  formée  par  des 
plaines  immenses  ;  l'autre,  dirigée  vers  la  Méditerranée,  est 
couverte  de  hautes  montagnes  et  parcourue  par  les  plus 
grands  fleuves  de  l'Europe. 

L'Allemagne,  au  point  de  vue  climatérique,  peut  se  divi- 
ser en  trois  régions  :  en  premier  lieu,  les  plaines  septen- 
trionales dont  le  climat  n'offre  pas  encore  le  caractère  con- 
tinental et  se  rapproche,  par  son  humidité  et  ses  variations, 


CLIMATOLOaiB.  625 

de  la  Belgique  et  de  la  Hollande.  La  seconde  région  em- 
brasse tout  le  centre  de  l'Allemagne,  que  ses  montagnes 
mettent  à  l'abri  des  influences  maritimes,  mais  dont  le 
climat  est  assez  rigoureux.  La  troisième  région  66 1  celle 
des  Alpes,  à  laquelle  se  rattache  la  Suisse. 

Aucun  pays  ne  présente  de  contrastes  climatériques 
plus  accusés:  les  glaciers  du  Tyrol  y  touchent  aux  vallées 
fertiles  de  la  Garniole  et  aux  plaines  délicieuses  de  la  Yé- 
nétie.  La  limite  des  neiges  perpétuelles  y  est  en  moyenne 
à  2,900  mètres  ;  elles  s'accumulent  pendant  l'hiver  sur  tes 
pics,  se  fondent  à  moitié  quand  la  température  s'élève, 
pour  se  congeler  de  nouveau  et  former  les  immenses 
glaciers  qui  6ont  les  réservoirs  des  plus  grands  fleuves  de 
l'Europe. 

Le  quart  de  la  Suisse  est  occupé  par  les  eaux,  les  gla- 
ciers et  les  rocs,  le  reste  est  fertile  et  produit  la  flore  la 
plus  variée.  Dans  ces  pay6  de  montagnes,  le  climat  change 
arec  l'attitude,  en  quelques  heures  on  passe  de  la  tempé- 
rature des  contrées  méridionales  aux  froids  les  plus  in- 
tenses. Il  y  a  quelques  années,  dans  les  premiers  jours  du 
mois  d'août,  il  nous  est  arrivé  de  recevoir  de  la  neige  pen- 
dant toute  la  traversée  du  col  de  la  Fluela  et  de  retrouver,  à 
quelques  heures  d'intervalle,  une  température  extrêmement 
chaude  dans  la  vallée  de  la  Basse-Engadine. 

La  Russie  et  la  Pologne  représentent  une  immense 
plaine  triste  et  monotone,  entrecoupée  de  lacs  et  de  ma- 
rais, couverte  de  forêts  et  ouverte  aux  vents  glacés  qui 
soufflent  de  l'Asie.  Le  pays  compris  entre  le  Dnieper  et  le 
Volga  n'est  qu'une  immense  steppe  sans  forêts  ni  rivières. 
Au  contraire,  le  nord  de  la  Turquie  et  les  provinces  moldo- 
▼alaques  sont  parcourus  par  de  nombreux  cours  d'eau 
qui  se  jettent  dans  le  Danube.  Dans  toute  cette  région,  le 
climat  est  plus  froid  que  ne  le  comporte  la  latitude.  Lors- 
que l'hiver  est  rigoureux,  lesglaces  du  Dnieper  ne  disparais- 
sent qu'à  la  fin  d'avril,  et  pourtant  les  végétaux  de  l'Eu- 


626  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

rope  méridionale  prospèrent  en  Grimée  et  la  vigne  même 
réussit  à  Astrakan. 

Le  climat  de  la  Turquie  est  excessif,  à  Constantinople 
les  étés  sont  aussi  chauds  qu'à  Naples  et  les  hivers  plus 
froids  et  plus  rigoureux  qu'à  Paris.  Les  contrées  qui  cons- 
tituent l'Europe  orientale  sont,  à  l'exception  de  la  Suisse, 
moins  salubres  que  celles  qui  6ont  baignées  par  l'Atlan- 
tique, la  mortalité  y  est  plus  élevée  sans  que  les  statis- 
tiques permettent  d'indiquer  avec  précision  les  maladies 
qui  en  sont  la  cause. 

Le  cadre  nosologique  de  la  Pologne  présente  une  parti- 
cularité intéressante,  l'existence  de  la  pli  que,  qui  attaque 
les  classes  pauvres  dans  la  proportion  de  30  p.  100  et  les 
riches  dans  la  proportion  de  6  p.  100  seulement. 

Les  fièvres  paludéennes  régnent  dans  les  provinces  da- 
nubiennes, où  elles  sont  connues  sous  le  nom  de  peste  du 
Danube,  peste  de  Galatz,  leur  nom  suffit  à  indiquer  com- 
bien elles  sont  redoutables.  La  fièvre  typhoïde,  la  dysen- 
terie se  présentent  souvent  sous  forme  épidémique,  par- 
fois avec  complication  d'hépatite.  La  variole  est  également 
très  meurtrière  en  Orient.  On  signale,  en  outre,  deux  ma- 
ladies graves  déterminées  par  les  coups  de  soleil  et  les 
coups  d'air  et  consistant  l'une  en  une  sorte  de  délire  ou 
de  coma  enlevant  le  malade  en  quelques  heures,  l'autre 
en  une  espèce  de  typhus.  En  hiver,  les  affections  des 
voies  respiratoires  prédominent  et  ont  fréquemment  un 
caractère  diphtéritique. 

La  partie  de  l'Asie  tempérée  occupée  par  le&  Kirghiz 
n'offre  que  des  steppes  sans  bornes  au  milieu  desquelles 
s'élèvent  çà  et  là  des  collines  sans  direction  déterminée, 
les  vents  du  Nord  passent  6ans  obstacle  sur  ces  plaines  ou- 
vertes, le  climat  y  est  âpre  et  excessif  ;  dans  l'été  on  ressent 
de6  chaleurs  tropicales,  en  hiver  la  température  descend 
à  moins  29.  On  ne  possède  aucun  renseignement  sur  les 
maladies  et  la  mortalité  de  ces  hordes  à' demi  sauvages.  La 


CLIMATOLOGIE.  627 

Dzoungarie  présente  le  même  aspect  que  le  pays  des  Kir- 
ghlz,  à  l'Est  s'étend  le  désert  de  Gobi,  formé  de  sables 
mouvants  au  milieu  desquels  on  aperçoit  quelques  lacs 
salés  et  du  côté  de  la  Mantchourie  des  oasis  comme  celles 
qui  bordent  le  Sahara.  Ce  désert  sépare  la  Mongolie  en 
deux  régions  climatériques.  Au  nord  est  le  pays  du  Khal- 
khas,  grand  plateau  d'un  climat  rigoureux  où  l'hiver  dure 
neuf  mois  et  dont  Tété  est  court,  mais  torride.  La  région 
située  entre  le  Gobi  et  la  frontière  de  Chine  jouit  d'un 
climat  tempéré  qui  rappelle  celui  d'Allemagne,  l'hiver  est 
court  et  le  sol  fertile. 

Le  nord  de  la  Chine  est  beaucoup  plus  froid  que  les 
contrées  d'Europe  situées  sous  la  même  latitude,  c'est  un 
climat  excessif,  mais  plus  sec  et  plus  tonique  que  celui 
du  sud. 

En  pénétrant  dans  l'intérieur,  le  climat  devient  de  plus 
en  plus  rude.  Péking,  situé  à  l'extrémité  d'une  longue 
plaine  qui  va  jusqu'à  l'Océan,  reçoit,  en*  été,  les  brises  du 
Sud  qui  lui  apportent  des  chaleurs  excessives,  en  hiver, 
les  vents  glacés  de  la  Haute- Asie.  Le  nord  de  la  Chine  est 
moins  insalubre  que  le  midi  ;  quelques  localités,  telles  que 
Tien-tsin,  sont  extrêmement  malsaines,  tandis  que  d'autres, 
comme  Tche-fou,  sont  très  salubres.  Le  nord  de  la  Chine 
est  soumis  en  été  aux  affections  paludéennes;  en  hiver,  les 
endémies  disparaissent  pour  faire  place  aux  maladies  de 
l'appareil  respiratoire  fort  souvent  diphtéri tiques. 

Le  climat  du  Japon  est  agréable  et  doux  ;  à  latitude  égale, 
il  est  plus  chaud  que  celui  de  l'Europe  et  de  l'Amérique; 
l'hiver  y  est  beau  quoiqu'un  peu  froid,  le  printemps  plu- 
vieux,  l'été  moins  brûlant  qu'en  Chine  ;  l'automne  est  la 
saison  des  tempêtes.  Le  Japon  est  d'une  salubrité  remar- 
quable, l'absence  de  marais  le  met  à  l'abri  des  fièvres 
endémiques  si  communes  sur  le  littoral  de  la  Chine.  Les 
maladies  des  climats  tempérés,  la  scarlatine,  la  rougeole, 
les  affections  de  poitrine  s'y  développent.  La  phtisie  y 


628  GÉOORAPHIB  MÉDICALE. 

fait  de  nombreux  ravages  et  le  béribéri  y  est,  dit-on,  très 
répandu. 

La  partie  de  la  région  américaine  comprise  dans  la  zone 
tempérée  se  fait  remarquer  par  le  caractère  excessif  de 
6on  climat  et  par  la  différence  que  Ton  observe  à  latitude 
égale  entre  la  côte  de  l'Atlantique  et  celle  du  Pacifique.  Le 
climat  est  rude,  franc,  beaucoup  plus  salubre  que  celui 
des  États  du  Sud.  Ce  sont  les  maladies  de  poitrine  qui 
l'emportent,  elles  figurent  pour  28  p.  100  dans  le  chiffre 
total  de  la  mortalité,  les  fièvres  paludéennes  y  entrent  à 
peine  pour  5  p.  100;  on  les  retrouve  cependant  sur  un 
assez  grand  nombre  de  points.  Le  climat  de  la  Californie 
est  extrêmement  salubre,  les  endémies  y  sont  inconnues. 
Toutefois,  à  la  fin  de  la  saison  des  pluies,  on  observe  quel- 
ques fièvres  paludéennes  et  des  diarrhées  ;  en  hiver,  les  ma- 
ladies aiguës  des  voies  respiratoires,  la  fièvre  typhoïde  et 
les  affections  éruptive6  6ont  les  affections  dominantes. 

Les  régions  tempérées  de  l'hémisphère  austral  se  corn* 
posent  uniquement  de  la  Tasmanie,  delà  Nouvelle-Zélande 
et  d'une  partie  de  l'Amérique  méridionale. 

La  Tasmanie  n'est  pas  un  pays  insalubre  ;  son  climat 
est  froid  en  hiver,  la  gelée  et  la  neige  y  sont  fréquentes. 
En  été,  les  vents  du  Nord- Ouest  y  apportent  une  chaleur 
sèche  venant  d'Australie  :  sa  population,  presque  exclusi- 
vement européenne,  jouit  d'une  bonne  santé. 

Les  deux  fies  qui  forment  la  Nouvelle-Zélande  sont  cou- 
vertes de  montagnes  couronnées  de  neiges  éternelles  et 
dont  les  flancs  escarpés  et  stériles  contrastent  avec  la 
riche  végétation  qui  croît  à  leur  base.  Le  climat  est  ana- 
logue à  celui  de  la  France,  il  est  très  salubre  :  on  n'y 
trouve  ni  marais,  ni  fièvre  intermittente,  ni  fièvre  typhoïde; 
les  maladies  les  plus  communes  sont  celles  deB  voies  res- 
piratoires, en  particulier  la  phtisie. 

La  région  américaine  comprise  dans  la  zone  tempérée 
méridionale  e6t  parcourue,  le  long  de  sa  côte  occidentale. 


CLIMATOLOGIE.  629 

par  les  Cordillières  qui  se  rapprochent  de  plus  en  plus  de 
la  mer  jusqu'au  détroit  de  Magellan,  où  elles  se  terminent; 
leur  versant  occidental  descend  brusquement  vers  le  Pa- 
cifique, leur  versant  oriental  forme  un  plan  incliné  qui 
s'abaisse  lentement  vers  la  grande  plaine  s'étendant  jus- 
qu'à l'Atlantique. 

Le  Chili,  situé  entre  les  Cordillières  et  le  Pacifique,  est 
une  longue  bande  maritime  hérissée  de  montagnes,  boule- 
versée par  les  tremblements  de  terre,  très  boisée  et  couverte 
d'une  riche  végétation  ;  son  climat  est  6a in  et  agréable,  il 
n'y  a  que  deux  saisons  :  le  pays  est  salubre,  les  fièvres  pa- 
ludéennes sont  rares  et  bénignes.  Le  choléra  et  la  fièvre 
jaune  n'y  ont  pas  encore  paru.  Les  maladies  les  plus  com- 
munes sont  les  fièvres  éruptives,  la  fièvre  typhoïde,  l'hé- 
patite, les  affections  des  voies  repiratoires;  la  phtisie  y 
marche  avec  la  même  rapidité  que  sous  les  tropiques. 

Les  plaines  comprises  entre  les  Cordillières  et  l'Atlan- 
tique sont  arrosées  par  des  fleuves  nombreux  et  importants 
qui  se  réunissent  pour  former  le  Rio  de  la  Plata.  Ces 
pampas,  comme  on  le6  nomme,  se  composent  de'pâturages, 
de  prairies  marécageuses,  de  déserts  sablonneux.  Les 
côtes  sont  basses  et  stériles.  Le  climat  est  tempéré  et  se 
rapproche  de  celui  de  la  France;  seulement  le6  conditions 
en  sont  exagérées.  Les  bords  de  la  Plata,  bien  que  couverts 
de  marais,  sont  d'une  salubrité  très  grande  :  on  n'y  observe 
pas  d'affection  endémique.  La  fièvre  jaune  a  fait  une  appa- 
rition à  Montevideo  en  1857,  mais  les  maladies  que  l'on  ob- 
serve habituellement  présentent  la  même  variété  que  celles 
le  l'Europe  tempérée:  variole,  scarlatine,  rougeole.  Les 
maladies  de6  voies  respiratoires  viennent  ensuite,  puis  la 
lèvre  typhoïde,  qui  n'affecte  habituellement  pas  un  haut 
iegré  de  gravité.  Nous  ne  savons  rien  de  la  salubrité  de  la 
Patagonie,  dont  le  climat,  sec  et  froid  dans  la  partie  monta- 
gneuse, plus  chaud  dans  l'e6t,  est  à  peu  près  uniformément 
ioux  dans  le  6ud. 


630  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

Les  climats  froids  sont  compris  entre  les  isothermes  de 
-h  5  et  de  —  5.  Dans  l'hémisphère  nord,  ils  6ont  divisés  en 
trois  régions  :  la  région  européenne,  comprenant  l'Islande, 
le  nord  de  la  presqu'île  Scandinave,  la  Laponie,  et  Ii 
Russie  septentrionale;  la  région  asiatique,  comprenant  la 
Sibérie  et  le  Kamt6Chatka;  la  région  américaine,  compre- 
nant l'Amérique  russe,  la  Nouvelle-Bretagne,  le  Labrador, 
le  Canada,  l'île  de  Terre-Neuve. 

Dans  l'hémisphère  sud,  les  climats  froids  n'occupent 
que  la  mer  et  quelques  terres  couvertes  de  glace  à  peine 
connues. 

Sous  ces  latitudes  élevées,  le  climat  est  encore  compa- 
tible avec  la  culture  de  certaines  espèces  végétales  et  la 
terre  peut  y  nourrir  ses  habitants,  mais  la  vie  ne  s'y  main- 
tient qu'à  la  faveur  d'une  lutte  incessante,  À  mesure  qu'on 
s'élève  dans  le  Nord,  l'été  devient  plus  court  et  ne  dure 
guère  que  deux  mois  pendant  lesquels  la  végétation  par- 
court toutes  ses  phases.  Durant  cette  courte  période  les 
jours  sont  longs,  mais  ils  diminuent  bientôt  à  l'approche 
de  l'hiver,  puis  le  soleil  finit  par  ne  plus  se  lever  et  le 
pays  reste  plongé  dans  le6  ténèbres  durant  des  mois.  L'obs- 
curité n'est  du  reste  pas  complète  et  ces  longues  nuits 
sont  splendides,  illuminées  par  l'éclat  des  aurores  bo- 
réales. 

Les  climats  froids  sont  salubres.  Il  suffit,  pour  s'y  bien 
porter,  d'une  habitation  convenable,  de  vêtements  chauds 
et  d'une  nourriture  suffisante.  Les  fièvres  infectieuses  y 
sont  à  peu  près  inconnues  ;  les  affections  des  voies  respi- 
ratoires, la  phtisie  que  nous  avons  retrouvée  sous  toutes 
les  latitudes,  paraissent  atténuer  leurs  ravages  dans  ce* 
pays  qui  paraissent  si  favorables  à  leur  développement;  en 
revanche  la  grippe  y  acquiert  un  caractère  de  gravité  in- 
connu dans  les  régions  tempérées. 

L'Islande  présente  un  caractère  tout  particulier  :  c'est 
une  immense  montagne  couverte  de  glaces  éternelles  et 


CLIMATOLOGIE.  631 

coupée  de  profondes  déchirures  s'élevaiit  au  milieu  de  la 
mer.  Grâce  à  cette  position  maritime  et  à  la  présence  du 
gtdfsîream,  sa  partie  méridionale  a  une  température  plus 
élevée  que  la  latitude  ne  pourrait  le  faire  croire,  le  nord 
est  beaucoup  plus  froid,  le  climat  est  inconstant  ;  l'Islande 
n'est  pas  insalubre  et  sa  mortalité  n'est  pas  de  beaucoup 
supérieure  à  celle  de  la  France. 

Lee  maladies  qui  y  sont  endémiques  lui  sont  tout  à  fait 
spéciales.  Ce  sont  les  affections  hydatiques  qui  atteignent 
un  septième  de  la  population  et  dont  la  marche  et  le  mode 
de  terminaison  sont  les  mêmes  qu'en  France.  Une  sorte  de 
lèpre  appelée  le  spedalsked  est  développée  principalement 
sur  le  littoral.  Enfin,  le  tétanos  des  nouveau-nés  qui  est 
sans  doute  une  sorte  de  sclérème,  enlève  plus  de  la  moitié 
des  enfants  dans  les  douze  premiers  jours  de  leur  existence. 
La  fièvre  typhoïde,  la  grippe  et  les  fièvres  érsptives  figu- 
rent aussi  pour  un  chiffre  élevé  dans  la  mortalité.  La  zone 
froide  de  la  Suède  et  de  la  Norvège  présente,  au  point  de 
vue  de  la  salubrité,  des  conditions  à  peu  près  identiques  à 
celles  de  la  zone  tempérée. 

Les  parties  les  mieux  connues  de  la  Russie  sont  situées 
dans  la  zone  froide.  Le  climat  est  très  rigoureux,  l'hiver 
est  long,  mais  en  général  froid  et  sec.  Au  moment  de  la 
débâcle  des  glaces,  survient  une  sorte  de  printemps  d'une 
durée  de  quinze  jours,  puis  un  été  de  trois  mois  amène 
une  chaleur  lourde,  accablante  pendant  le  jour,  tandis  que 
les  nuits  sont  calmes  et  douces.  Le  chiffre  de  la  mortalité 
est  plus  élevé  que  dans  toute  l'Europe,  nous  ne  connais- 
sons aucune  statistique  qui  permette  d'établir  le  degré  de 
fréquence  et  de  gravité  des  maladies  qu'on  y  observe.  Tout 
ce  qu'il  est  possible  de  dire,  c'est  que  les  phlegmasies  do- 
minent, principalement  celles  des  voies  respiratoires  ;  les 
lièvres  intermittentes  ne  régnent  que  dans  les  marais  de 
Finlande  et  dans  certains  ports  de  mer,  la  mortalité  des 
enfants  eqjt  extrêmement  considérable. 


632  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

La  Sibérie  est  une  des  contrées  les  moins  peuplées  du 
globe,  elle  se  divise  en  deux  zones  dont  l'une,  couverte  de 
neiges  éternelles  et  de  marai6  glacés,  fait  partie  des  régions 
polaires,  tandis  que  l'autre  est  en  partie  cultivée  et  ren- 
ferme des  villes.  Elle  offre  le  même  aspect  lugubre  que  la 
Russie  septentrionale  :  d'immenses  forêts,  des  steppes,  de 
grands  fleuves  remontant  vers  le  Nord  et  gelé6  pendant  six 
mois  de  l'année.  Le  climat  de  la  Sibérie  est  d'une  rigueur 
proverbiale,  6on  cadre  nosologique  comprend  le  scorbut, 
l'ophtalmie  des  neiges,  les  maladies  aiguës  des  voies  res- 
piratoires en  hiver,  en  été  la  dysenterie  et  la  grippe  à 
l'état  d'épidémie  grave. 

La  partie  américaine  des  climats  froids  s'étend  du  golfe 
de  Behring  à  l'Atlantique,  le  climat  en  est  extrêmement 
rigoureux,  les  contrées  qui  avoisinent  l'océan  Atlantique 
et  la  mer  d'Hudson  sont  le  type  le  plus  nettement  accusé 
des  climats  excessifs  ;  sur  tout  le  pourtour  de  cette  baie,  le 
sol  ne  dégèle  jamais  et  l'eau  disparaît  pendant  sept  mois 
sous  une  épaisse  couche  de  glace.  Dans  le  Bas-Canada  la 
terre  est  couverte  pendant  tout  l'hiver  d'une  couche  de 
neige  qui  ne  fond  qu'en  avril,  en  été  la  chaleur  est  insup- 
portable. La  température  est  plus  égale  et  plus  douce  dans 
le  Haut-Canada,  ces  contrées  sont  salubre6,  mais  on  n'a 
de  renseignements  sur  la  mortalité  que  par  les  statistiques 
des  établissements  anglais,  les  affections  aiguës  des  voies 
respiratoires  entrent  pour  la  moitié  dans  les  décès  el  ré- 
gnent parfois  épidémiquement.  Dans  les  îles  Saint-Pierre 
et  Miquelon,  les  fièvres  éruptives,  la  fièvre  typhoïde  se 
montrent  au  printemps  et  à  l'automne,  et  la  phtisie  est 
pour  les  trois  quarts  dans  la  mortalité. 

Les  climats  polaires  sont  compris  entre  les  lignes 
isothermes  de  —  5  et  de  —  15.  Dans  l'hémisphère  nord, 
ils  comprennent  le  Spitzberg,  la  Nouvelle-Zemble,  la 
partie  la  plus  septentrionale  de  la  Sibérie  et  de  la  Nouvelle- 
Bretagne,  la  terre  de  Baffîn,  le  Groenland  et  les  fies  delà 


CLIMATOLOGIE.  633 

mer  polaire.  Dans  l'hémisphère  sud  il  n'y  a  que  des  ré- 
gions inconnues.  Ce  sont  les  limites  de  la  terre  habitée, 
déserts  glacés  fréquentés  par  les  pécheurs  de  phoque  et 
de  morse  et  peuplés  par  quelques  tribus  d'Esquimaux. 

Rien  ne  peut  peindre  l'aspect  sinistre  de  ces  solitudes 
éclairées  par  un  jour  douteux,  le  froid  y  atteint  une  inten- 
sité telle  que  l'on  conçoit  à  peine  que  les  hommes  puis- 
sent y  résister,  le  vinaigre  s'y  transforme  en  gelée  acide, 
l'eau  versée  de  la  mâture  à  travers  une  passoire  tombe  à 
l'état  de  grêle,  le  mercure  se  congèle  dans  la  main,  les 
variations  de  température  sont  fréquentes,  mais  ce  ne 
sont  que  les  nuances  d'un  climat  rigoureux  à  un  climat 
froid;  la  végétation  6e  compose  de  quelques  variétés  de 
cryptogames. 

Les  régions  polaires  ne  sont  point  insalubres,  malgré 
reffrayante  rigueur  du  climat  ;  tous  les  dires  des  voyageurs 
en  font  foi  et,  en  lisant  les  récits  qui  nous  les  représentent 
luttant  pendant  de  longs  mois  contre  le  froid,  la  fatigue  et 
la  faim,  on  est  surpris  de  voir  presque  tous  les  hommes  y 
résister.  Le  fait  le  plus  remarquable  de  ces  contrées  est 
l'absence  à  peu  près  complète  de  maladies  de  poitrine. 
Les  causes  des  maladies  y  sont  à  peu  près  nulles,  on  y 
meurt  de  faim  ou  de  froid,  mai6  on  se  porterait  bien  si 
Ton  avait  le  confortable  nécessaire.  Le  froid,  l'absence  de 
vivres  frais  et  de  végétaux,  la  tristesse  et  le  découragement 
qui  n'envahissent  que  trop  souvent  les  équipages  déter- 
minent la  maladie  la  plus  commune  de  ces  régions,  le 
scorbut.  C'est  elle  qui  fait  les  plus  nombreuses,  on  pourrait 
presque  dire  les  seules  victimes.  Les  congélations  sont  ex- 
trêmement communes.  La  plupart  du  temps  superficielles, 
elles  sont  parfois  profondes  et  il  n'est  pas  de  relation  qui 
ne  parle  d'orteils  ou  de  pieds  gelés  ayant  nécessité  l'am- 
putation; dans  des  cas  plus  rares,  la  congélation  prolongée 
devient  générale  et  amène  la  mort. 

L'ophtalmie  des  neiges  n'est  qu'une  blépharo-conjonc- 


634  GÉOGRAPHIE  MÉDICALE. 

tivite  d'un  caractère  très  aigu  qui  guérit  en  quelques  jours: 
elle  est  également  très  commune. 

Les  maladies  auxquelles  sont  sujets  les  habitants  des 
climats. polaires  sont  les  flux  intestinaux,  ils  résultent  des 
longues  privations  suivies  d'abus  de  nourriture.  Les  In- 
diens de  la  baie  d'Hudson  sont,  d'après  les  récits  des 
voyageurs,  décimés  par  la  dysenterie  et  par  la  phtisie  et 
n'arrivent  que  rarement  à  un  âge  avancé. 

Telles  sont  dans  leur  ensemble  ces  régions  désolées  dont 
la  climatologie  ne  nous  est  connue  que  grâce  aux  hardis 
navigateurs  qui  n'ont  été  égalés,  dans  leur  courage  comme 
dans  leurs  souffrances,  que  par  les  explorateurs  héroïque* 
de  l'Afrique  centrale. 


5*  GÉOGRAPHIE  PÉDAGOGIQUE.  . 


ÉTUDE 


SUS 


L'ENSEIGNEMENT  GEOGRAPHIQUE 

EN  ANGLETERRE 

Par  M.  GÉRARD  IN,  instituteur. 

Nous  avons  entre  les.  mains  troi6  petits  volumes  de  géo- 
graphie, adaptés  aux  programmes  du  New  Education  Code, 
1880,  dont  nous  entreprenons  l'analyse,  persuadé  que  cette 
étude  nous  6era  fructueuse  et  que  nous  profiterons,  dans 
notre  propre  enseignement,  des  idées  pédagogiques  que 
nous  pourrons  y  trouver. 

I. 

Le  premier  livre  comprend  les  leçons  élémentaires;  il 
contient  84  pages,  sur  beau  papier,  avec  27  illustrations, 
savoir  :  la  mer,  les  points  cardinaux,  la  rose  des  vents, 
des  paysages,  des  cartes  à  diverses  échelles,  un  globe, 
les  hémisphères,  îles,  l'île  de  Wight  et  ses  environs;  — 
pour  l'indication  des  termes  géographiques  :  les  bords  de 
la  mer,  une  côte  rocheuse,  un  cap,  une  chaîne  de  mon- 
tagnes, la  plaine,  une  baie,  un  détroit,  une  chute  d'eau 
dans  la  montagne,  le  ruisseau,  une  rivière:  la  Dee;  sources 
dans  la  montagne,  lac,  zones  de  climat,  plantes  et  fleurs 
des  tropiques,  paysage  arctique,  diagramme  représentant 
la  rondeur  de  la  terre»  le  jour  et  la  nuit,  parallèles  et  mé- 
ridiens. Ces  gravures,  ainsi  que  les  cartes  comprises  dans 
les  autres  livres»  sont  fort  soignée*  et  de  beaucoup  supé- 
rieures à  celles  que  nous  avons  vues  dans  les  livres  de 
classe  à  l'usage  des  écoles  françaises. 


i 


636  GÉOGRAPHIE  PÉDAGOGIQUE. 

L'impression  est  soignée,  la  grosseur  des  lettres  appro- 
priée à  Tâge  des  lecteurs ,  depuis  les  commençants  jus- 
qu'aux élèves  les  plu6  avancés. 

Les  leçons  préliminaires  sont  au  nombre  de  40.  Cha- 
cune d'elles  comprend  un  certain  nombre  de  mots  mis  en 
vedette  ;  ici  douze,  là  six,  huit  ou  dix  ;  puis  la  leçon  se 
subdivise  en  un  certain  nombre  de  paragraphes  de  chacun 
trois  ou  quatre  phrases  courtes.  Nous  allons  traduire  quel- 
ques-unes de  ces  leçons,  pour  donner  l'idée  du  genre. 

Leçon  I. 


Enveloppe. 

Village. 

Surface. 

Suffisance. 

Campagne. 

Villes. 

Manteau. 

Grsrîer. 

Terre. 

Prairie. 

Description. 

Gracieux. 

Surface  de  la  terre.  —  Géographie. 

1°  Vous  vivez  dans  les  cités,  dans  les  villes  ou  dans  les 
villages.  Quelques-uns  d'entre  vous  jouent  dans  les  rues, 
d' autres  sur  la  pelouse  du  village.  Vous  aimez  à  vous  pro- 
mener le  long  des  sentiers  champêtres  ou  dans  la  cam- 
pagne et  à  travers  les  bois.  Vous  voyez  que  les  plantai 
croissent  dans  les  jardins  et  que  l'herbe  pousse  dans  le* 
prairies. 

2°  Lorsque  l'on  creuse  le  sol,  on  trouve  de  l'argile,  on 
des  pierres,  ou  du  gravier,  ou  de  la  craie  ;  et,  si  l'on  creuse 
assez  profond,  on  peut  trouver  du  charbon  et  même  des 
roches,  qui  nous  donnent  de6  choses  comme  le  fer,  le 
plomb,  Té  tain  ou  le  cuivre. 

3°  Le  sol  ferme  sur  lequel  nous  marchons,  qu'il  soit  col- 
line ou  vallon,  campagne  ou  forêt,  rue  ou  sentier,  est  ap- 
pelé la  terre. 

4°  Vous  pouvez  marcher  plusieurs  jours,  ou  même  des 
semaines,  à  travers  les  villes  et  les  villages,  sur  les  col- 
lines et  (fans  les  sentiers  sinueux,  et  dépendant  la  terre  ne 
finira  pas,  du  moins  pour  quelques-uns  de  vous. 

5°  D'autres,  au  contraire,  vivent  proche  de  l'extrémité 


^ENSEIGNEMENT  GÉOGRAPHIQUE  EN  ANGLETERRE.     637 

de  la  terre,  et  peuvent  y  arriver  en  une  heure  ou  deux,  ou 
même  eu  quelques  minutes.  (Ici  6e  trouve  la  gravure  : 
La  mer.) 

6°  Et  lorsque  vous  arrivez  au  bout  de  la  terre,  que  trou- 
vez-vous? L'eau.  L'eau,  aussi  loin,  et  beaucoup  plus  peut- 
être,  que  vous  puissiez  voir.  L'eau,  sur  laquelle  les  vais- 
seaux peuvent  naviguer  des  semaines  entières  sans  que 
les  matelots  aperçoivent  une  fois  la  terre. 

7°  Cette  grande  étendue  d'eau  est  la  mer.  Goûtez  cette 
eau  :  elle  eet  amère,  salée,  et  ne  plaît  pas  du  tout  au  goût. 

8°  La  terre,  ou  monde,  sur  lequel  nous  vivons,  est  un 
grand  globe  ou  boule.  C'est  un  globe  que  nous  vous  mon- 
trerons tout  à  l'heure.  Le  dehors  de  la  terre  est  appelé  la 
surface. 

9°  La  surface  du  globe  est  faite  de  terre  et  d'eau  ;  mais 
il  y  a  beaucoup  plus  d'eau  que  de  terre.  Si  la  surface  en- 
tière était  divisée  en  quatre  parts  égales,  près  de  trois  de 
ces  parties  seraient  d'eau,  et  l'autre  de  la  terre. 

10°  Les  hommes,  qui  ont  voyagé  sur  le  globe,  d'un  en- 
droit à  l'autre,  nous  parlent  de  peuples  extraordinaires  et 
de  spectacles  curieux.  Dans  quelques  parties,  il  fait  si 
chaud,  que  l'on  porte  à  peine  quelque  vêtement  léger,  et 
que  l'on  est  heureux  d'être  à  l'ombre  et  de  se  reposer  au 
milieu  du  jour.  Dans  d'autres,  endroits,  la  mer  est  toute  de 
glace,  et  la  terre  est  couverte  de  glace  et  de  neige  ;  les  peu- 
ples s'enveloppent  de  chaudes  fourrures  et  habitent  des 
cabanes  bâties  avec  de  la  neige. 

11°  Le  sol  est,  en  certains  endroits,  uni  sur  une  étendue 
d'une  vingtaine  de  lieues,  presque  aussi  uni  que  le  plan- 
cher de  cette  chambre.  En  d'autres  places,  les  montagnes 
sont  si  hautes  que  leurs  sommets  paraissent  dans  les  nua- 
ges et  sont  pour  toujours  blancs  d'un  manteau  de  neige. 

12°  Quand  nous  étudions  ce  qui  concerne  la  surface  de 
la  terre,  et  ce  que  l'on  y  trouve,  6es  contrées  étranges  et 
Ees  peuples  étonnants,  ses  plantes  extraordinaires  et  ses 

•oo.  vm  atoas.  —  £■  t*immtbji  1883.  41 


■ 


638  GÉOGRAPHIE  PÉDAGOGIQUE. 

animaux  surprenants ,  nous  apprenons  la  géographie. 
Quand  nous  parlons  d'une  chose,  nous  la  décrivons,  et  le 
mot  géographie  signifie  «  description  de  la  terre  ». 

Leçon  VI. 

Europe.  Afrique.  Australie. 

Asie.  Amérique.  Continent. 

Les  continents. 

1°  Regardez  encore  la  terre  sur  les  deux  hémisphères. 
Vous  verrez  qu'elle  consiste  en  beaucoup  de  parties  de 
toutes  formes  et  de  surfaces  inégales.  Mais  il  n'y  a  qu'une 
seule  grande  région  de  terre  sur  chaque  hémisphère,  et  h 
région. Est  est  beaucoup  plus  grande  que  celle  de  l'hémis- 
phère ouest. 

2°  Ces  immenses  masses  de  terre  s'étendent  sur  de  si 
vastes  distances,  sans  que  l'eau  les  sépare,  qu'elles  sont 
appelées  «  terres  continues  »  ou  continents.  Ainsi  vous 
voyez  qu'il  y  a  deux  grands  continents,  un  sur  chaque  hé- 
misphère. 

3°  Mais  le  continent  de  l'hémisphère  Est  se  partage  ha- 
bituellement en  trois  parties,  qui  sont  nommées,  comme 
vous  voyez  sur  la  carte,  Europe,  Asie  et  Afrique.  II  y  i 
une  autre  grande  étendue  de  terre  qui  est  isolée,  au  sud- 
est  de  l'Asie,  c'est  l'Australie:  on  l'appelle  souvent  un 
continent. 

4°  Dans  l'hémisphère  ouest,  le  continent  est  appelé 
Amérique,  mais  la  terre  de  ce  continent  est  très  longue, 
large  à  deux  extrémités,  et  à  peine  réunie  par  le  milieu  an 
moyen  d'une  étroite  raie  de  terre.  L'étendue  de  terre  au 
nord  .est  nommée  Amérique  du  Nord  ;  celle  au  sud,  Amé- 
rique du  Sud. 

Leçon  IX. 

Ile.  Reine.  Desséché.  Continent. 

Petite  lie.        Wight.  Principal.  Beauté. 


L'ENSEIGNEMENT  GÉOGRAPHIQUE  EN  ANGLETERRE.     639 

Continent.  —  Ilot.  —  Ile. 

1°  Les  îles  sont  ordinairement  de  plus  petits  morceaux 
de  terre  placés  près  de  plus  grandes  étendues  de  sol.  Dans 
une  carte  vous  verrez  que  les  îles  paraissent  comme  de 
petites  pièces  séparées  d'une  plus  grande. 

2°  La  plus  grande  portion  est  la  terre  principale  ou  le 
continent,  tandis  que  les  plus  petites  portions  sont  les  île6 
ou  les  terres  d'eau. 

3°  La  Grande-Bretagne  est  la  plus  grande  île  d'Europe  ; 
ainsi  l'Europe  est  le  continent,  et  la  Grande-Bretagne  l'île. 

4°  Il  y  a  aussi  une  belle  île  au  sud  de  l'Angleterre,  ap- 
pelée l'île  de  Wight,  où  la  reine  habite  une  partie  de 
Tannée.  Pour  cette  île  la  Grande-Bretagne  est  le  continent. 

5°  Enfin,  il  y  a  quelques  petites  îles,  et  même  des  ro- 
chers sortant  de  l'eau,  proche  de  l'île  de  Wight.  Par  rap- 
port à  ces  îlots,  l'île  de  Wight  est  le  continent. 

6°  Nous  ne  devons  pas  oublier  que  si  l'eau  était  entiè- 
rement desséchée,  nous  aurions  la  terre  où  la  mer  est 
maintenant,  et  nous  pouvons  considérer  les  îles  comme  les 
parties  les  plus  hautes  de  la  terre,  qui  sont  au-  dessus  de 
la  surface  de  l'eau. 

7*«Les  petites  îles  sont  quelquefois  les  sommets  des  col- 
lines et  des  montagnes  que  l'eau  ne  peut  recouvrir. 

8°  Ile  est  un  nom  abrégé  pour  Islande,  ou  <  terre  iso- 
lée »,  et  on  appelle  les  petites  Île6  des  «  îlots  ». 

Gomme  il  faut  borner  nos  citations,  sous  peine  de  pa- 
raître  fastidieux,  et  que  le  lecteur  peut  déjà  se  rendre 
compte  de  la  manière  dont  sont  définis  les  termes  géogra- 
phiques, qui  est  une  amicale  causerie  plutôt  qu'une  leçon 
sèche,  nous  ne  mentionnerons  que  les  définitions  origi- 
nales, c'est-à-dire  qui  s'écartent  de  la  manière  ordinaire. 

Il  n'est  pas  aisé  de  dire  exactement  ce  que  c'est  qu'une 
contrée.  C'est  une  portion  de  continent  gouvernée  par  ses 


640  GÉOGRAPHIE  PÉDAGOGIQUE. 

propres  lois  et  ayant  le  même  chef.  Les  gens  d'une  contrée 
diffèrent  de  coutumes  et  de  manières  de  ceux  d'une  autre 
contrée,  et  presque  toujours  leurs  langages  diffèrent. 

Partout  où  vous  puissiez  demeurer,  vous  pouvez  toujours 
trouver  une  île  après  une  pluie  forte.  Regardez  dans  le 
jardin,  dans  la  rue,  sur  la  route,  et  soyez  assuré  que  vous 
trouverez  de  la  terre,  des  pierres,  du  sable  ou  de  la  boue 
avec  de  l'eau  de  toutes  parts.  C'est  là  une  île  en  miniature. 

Visitons  en  imagination  le  rivage  de  la  mer.  D'abord 
nous  verrons  que  la  mer  est  toujours  en  mouvement  La 
mer  n'est  jamais  tranquille.  Par  le  jour  le  plus  calme,  les 
vagues  minces  roulent  et  se  brisent  sur  le  sable.  Hais 
quand  le  vent  fait  rage,  les  grandes  vagues  s'élancent, 
ondulent  et  se  brisent  6ur  le  sable,  lançant  leur  pluie  et 
leur  écume  avec  un  bruit  continu  et  mugissant  semblable 
au  tonnerre.  Si  vous  vous  asseyez  sur  le  sable  pour  quel- 
que temps,  voiis  trouverez  que  l'eau  vient,  peu  à  peu,  plus 
près  de  vous  ;  ou  que,  peu  à  peu,  elle  s'éloigne  de  tous. 
Ce  mouvement  en  avant  et  en  arrière  est  continuel;  le 
premier  est  le  flux,  le  second,  le  reflux.  Le  mouvement  en 
avant  dure  environ  six  heures  et  un  quart,  puis  le  recul  se 
fait  sentir  pour  six  heures  et  un  quart. 

Promenons-nous  6ur  le  rivage.  Ici  notre  pied  s'enfonce 
dan6  le  sable  ;  plus  loin,  le  sol  est  couvert  de  petits  cailloux 
—  pierres  arrondies  "par  leur  choc  continuel  les  unes  con- 
tre les  autres  par  l'action  de6  vagues.  Le  sable  est  fait  de 
pierres  mises  en  menus  morceaux  par  la  mer. 

Voici  les  falaises  rocheuses  qui  s'élèvent  comme  des 
murs  géants  pour  maintenir  la  mer  à  sa  place  ;  à  leur  pied 
gisent  d'énormes  rochers  que  la  tempête  en  a  arrachés  et  qui 
souvent  sont  entraînés  à  plus  d'un  demi-mile  (l)  au  large, 
dangereux  écueils  pour  les  vaisseaux. 

Sur  les  points  les  plus  dangereux  de  la  cote,  on  a  hUi 


(')Je  conserve  att  mot  mti*  (mesure  de  chemin)  l'orUiofrftphe  anglaise,  eo1» 
n'aurait  pu  dû  perdre. 


JUL 


L'ENSEIGNEMENT  GÉOGRAPHIQUE  EN  ANGLETERRE.    641 

des  phares  pour  avertir  les  vaisseaux  de  s'éloigner  ;  et  des 
bateaux  de  sauvetage  sont  organisés  pour  aller  secourir  les 
marins  naufragés. 

Le  cap  est  un  mot  étranger  qui  signifie  tête  ;  et  les  caps 
sont  ainsi  appelés  quand  ils  se  composent  de  hautes  fa* 
laises. 

Il  fait  plus  froid  sur  le6  sommets  des  collines  qu'à  leur 
base.  La  ligne  au-dessus  de  laquelle  la  neige  ne  fond  jamais 
e6t  appelée  la  ligne  des  neiges  éternelles. 

Enfin,  nul  géographe  français,  à  ma  connaissance,  n'a 
traité,  dans  le  livre  le  plus  élémentaire,  «  des  usages  de 
la  mer  et  de  la  terre  ». 

Voici  l'utilité  de  la  mer  : 

S'il  n'y  avait  point  de  mer,  il  n'y  aurait  pas  de  nuages, 
ni  de  pluie,  et  la  terre  serait  un  désert  brûlé,  sans  une 
plante  ni  un  animal  vivant. 

La  mer  purifie  la  terre.  Les  nuages  donnent  leurs  eaux, 
qui  descendent  en  torrents  les  flancs  des  collines  et  des 
vallées  ;  les  rivières  portent  à  la  mer  toute  la  boue  et  les 
débris  de  toute  sorte  qui,  6'ils  demeuraient  en  place,  amè- 
neraient la  maladie  et  la  mort. 

Nous  ne  pouvons  pas  boire  l'eau  de  mer,  et  cependant 
la  mer  est  la  vraie  fontaine  qui  donne  aux  hommes,  aux 
animaux  et  aux  plantes  l'eau  dont  ils  6'abreuvent. 

Non  seulement  la  mer  nourrit  les  hommes,  mais  elle 
leur  fournit  une  grande  partie  de  leur  nourriture  avec  le 
poisson  dont  elle  abonde. 

Et  enfin,  c'est  sur  la  mer  que  les  vaisseaux  vont,  de 
toutes  parts,  porter  les  trésors  d'une  terre  aux  habitants 
d'une  autre  contrée. 

La  terre,  le  plancher  de  l'homme,  produit  des  plantes 
et  des  arbres,  elle  nourrit  des  animaux  dans  les  champs- et 
les  bois  ;  du  poisson  dans  les  lacs  et  les  fleuves,  et  cela 
pour  l'aliment,  le  confort  et  le  bonheur  de  l'homme.  Les 


642  GÉOGRAPHIE  PÉDAGOGIQUE. 

animaux  et  les  plantes  l'habillent  \  il  tire  du  6éin  de  la 
terre  la  pierre  et  le  fer  pour  bâtir  sa  maison  et  le  charbon 
pour  se  chauffer. 

Les  montagnes  et  les  vallées,  supposant  à  la  stagnation 
morbide  de  l'eau,  la  vivifient  en  lui  procurant  l'écoule- 
ment qui  la  rend  limpide  et  pure. 

C'est  du  sein  des  montagnes  et  des  collines  que  l'homme, 
pour  6on  usage,  tire  les  minéraux  et  les  pierres  convena- 
bles ;  il  lui  est  plus  aisé  d'attaquer  le  côté  de  la  montagne 
que  de  creuser  verticalement  le  sol.  Ces  montagnes  et  ces 
collines  arrêtent  le6  vents  froids  ou  môme  chauds  et  en 
modifient  la  température,  pour  le  plus  grand  bien  des  ha- 
bitants ;  elles  servent  de  limites  naturelles  entre  les  Élats. 

Les  caps  et  les  presqu'îles  ont  aussi  leur  usage:  ils 
enserrent  les  baies  et  les  ports  et  arrêtent  la  force  des  vents 
et  des  vagues,  de  manière  que  les  vaisseaux  entrent  et 
sortent  en  sûreté. 

Pour  bien  dire,  il  faudrait  tout  citer.  Il  y  a  certains  chapi- 
tres qui  excitent  l'intérêt  :  ceux  où,  partant  de  la  gouttelette 
d'eau  du  brouillard,  l'auteur  fait  l'histoire  de  la  source  daqs 
la  montagne,  du  ruisselet,  du  ruisseau,  de  la  rivière  et  du 
fleuve  ;  où  il  parle  de  l'eau  salée  et  de  l'eau  douce  ;  où,  se 
plaçant  dans  un  bateau,  il  indique  les  deux  rives  et  Yamoni 
et  Y  aval,  ennuis  des  écoliers  ;  où  il  nous  indique  les  zones, 
les  parallèles  et  les  méridiens  :  tout  cela  est  admirable- 
ment dit. 

IL 

ANGLETERRE  ET  WALES. 

Dans  le  premier  livre,  ou  Leçons  préliminaires,  l'auteur 
que  nous  analysons  a  étudié  les  termes  géographiques  ;  il 
a  frappé  l'imagination  des  enfants.  Il  ne  reviendra  plus  en 
explications  sur  cette  partie  ;  il  se  propose  un  autre  but  : 


L'ENSEIGNEMENT  GÉOGRAPHIQUE  EN  ANGLETERRE.     643 

l'étude  de  la  mère  patrie  :  l'Angleterre  et  le  Wales.  C'est 
ce  qui  fait  l'objet  du  second  livre,  qui  comprend  40  leçons, 
33  gravures  et  140  pages.  Disons-le  en  passant,  l'Anglais 
ne  comprend  pas,  dans  la  mère  patrie,  TÉcosse  et  l'Irlande; 
il  en  fait  l'objet  de  chapitres  spéciaux.  L'Angleterre  (et  le 
Wales)  a  tant  été  favorisée  par  la  nature,  que  nous  com- 
prenons cette  préférence  de  ses  habitants  ;  le  lecteur  en 
jugera. 

Noua  sommes  accoutumés,  dans  les  géographies  fran- 
çaises, à  trouver  une  nomenclature  des  accidents  géogra- 
phiques, puis  la  désignation  des  comtés,  avec  leurs  capi- 
tales, et  des*  villes  principales  avec  leur  industrie.  Ici,  rien 
de  pareil.  Sachant  qu'il  s'adresse  à  des  enfants  de  onze 
ans  à  peine ,  l'auteur  développe  ainsi  le  chapitre  intitulé 
Comtés  : 

Vous  vivez  dans  une  paroisse.  Quel  est  le  nom  de  votre 
paroisse?  Le  mot  «  paroisse  »  signifie  un  certain  nombre 
de  maisons  placées  proche  l'une  de  l'autre.  Dans  les  temps 
anciens,  le  mot  paroisse  désignait  un  district  dans  lequel 
il  7  avait  une  église.  Aujourd'hui,  une  paroisse  contient 
souvent  plusieurs  églises.  Excepté  dans  les  grandes  villes 
et  cités,  une' paroisse  renferme  beaucoup  d'acres  (')  de 
terre  autour  des  maisons  réunies.  Il  y  a  environ  douze 
mille  paroisses  dans  l'Angleterre  et  le  Wales. 

Un  certain  nombre  de  paroisses  réunies  forment  un 
comté  ou  shire  (*).  Il  y  a  quarante  comtés  en  Angleterre  et 
douze  dans  le  Wales.  Yorkshire,  le  plus  grand,  a  une  sur- 
face de  quarante  fois  le  plus  petit,  Rutland.  Il  existe  une 
ville  dans  chaque  comté  appelée  capitale. 

Les  montagnes  de  l'Angleterre  sont  les  Gheviot,  qui 
servent  de  limite  entre  l'Ecosse  et  l'Angleterre,  et  dont 
l'herbe  courte  qui  couvre  leurs  flancs  nourrit  les  agiles 


O  L'acre  vaut  40  ftrei  •nriron. 
(*)  Ce  mot  lignifie  dfrlaion. 


644  GÉOGRAPHIE  PÉDAGOGIQUE. 

moutons  Cheviot  ;  —  la  chaîne  Pennine  qui  se  dirige  vers 
le  sud  et  se  termine  près  de  Derby  ;  —  les  monts  Cam- 
brians  en  Wales,  dont  le  mont  Snowdon  a  3,510  pieds  an- 
glais d'altitude.  La  région  montagneuse  des  Cambrians, 
vieux  mot  qui  désignait  autrefois  le  pays  de  Wales,  ren- 
ferme entre  ses  monts  arrondis  de  petits  lacs,  ce  qui  lui  a 
valu  le  nom  de  petite  Suisse. 

Enfin,  du  sud  de  l'Angleterre,  allant  du  Lizard  au  Wash 
et  à  Douvres,  existe  une  chaîne  de  petites  collines,  vrai 
plateau  central  d'où  jaillissent  mille  cours  d'eau  allant  à 
la  mer  et  formant  cette  multitude  d'anses  et  de  golfes  dont 
est  hérissée  la  Manche.  C'est  sur  ces  collines,  dans  le 
comté  de  Wilts,  près  de  Salisbury,  que  se  rencontrent  les 
Stonehcnge,  pierres  énormes,  disposées  en  table  à  la  façon 
des  menhirs  et  dolmens  bretons.  Partout,  sur  les  collines 
et  les  plateaux,  l'herbe  croît  courte,  menue,  couvrant  le  ' 
sol,  vastes  pâturages  où  paissent  de  nombreux  troupeaux. 

Les  principales  plaines  sont  celles  de  Cheshire,  où  coule 
la  Mersey,  d'York,  arrosée  par  les  affluents  de  POuse,  et 
la  fertile  plaine  de  l'Est,  entre  le  Wash  et  la  Tamise. 

Il  y  a  quelques  centaines  d'années,  le  Wash  fut  formé 
par  la  mer  qui  couvrit  le  vaste  marais  aujourd'hui  devenu 
un  golfe  ;  mai6,  depuis  200  ans,  les  Anglais  ont  repris  à  la 
mer  plus  de  600,000  acres  de  ce  terrain,  changé  en  prai- 
ries. Le  même  travail  a  rendu  à  l'agriculture  200,000  acres 
de  terrain  dans  le  Somerset,  sur  les  bords  sud  du  canal  de 
Bri6tol. 

La  Tamise,  la  grande  rivière  anglaise,  de  sa  source  près 
de  Cheltenham  à  6on  embouchure,  reçoit,  sur  les  210  miles 
de  sa  course,  douze  rivières,  et  coule  doucement,  sa  pente 
étant  de  1  pied  par  mile:  aussi  les  vaisseaux  la  remontent- 
ils  facilement. 

La  Severn,  qui  6e  jette  dans  le  canal  de  Bristol,  reçoit 
deux  rivières  du  nom  d'Avon,  nom  qui  rappelle  celui  de 
Shakespeare,  le  cygne  de  l'Avon.  L'Avon  de  Bristol  est 


L'ENSEIGNEMENT  GÉOGRAPHIQUE  EN  ANGLETERRE.     645 

plutôt  un  canal  entre  deux  chaînes  de  petites  montagnes  ; 
et  à  Clifton  on  a  construit  d'une  rive  à  l'autre  un  pont 
suspendu  sous  lequel  passent  les  navires. 

lia  Mersey  a  un  vaste  estuaire,,  qui  peut  recevoir  des 
centaines  de  navires  du  plus  fort  tonnage  dans  le  havre 
de  Liverpool. 

La  côte. 

Lorsque  les  montagnes  et  les  collines  s'étendent  jus- 
qu'au rivage  de  la  mer,  elles  forment  des  falaises  et  des 
caps  rocheux.  Moitié  de  la  côte  du  Yorkshire  est  formée  dé 
falaises  atteignant  en  moyenne  200  pieds  anglais  de  hau- 
teur ;  Flamborough  Head  a  300  pieds  ;  le  Lizard  et  le  cap 
Land's  End  Bont  les  sommets  les  plus  hauts  de  la  côte  ro- 
cheuse de  la  Manche  ;  le  rivage  de  la  mer  d'Irlande,  qui 
baigne  les  contreforts  des  Cambrians,  des  Pennines  et  des 
Gheviot,  e6t  presque  toujours  rocheux. 

La  côte  que  baignent  l'Humber,  le  Wash,  celles  du 
Norfolk  et  du  Suffolk,  sont  basses  et  sableuses. 

Les  îles  sont  :  Sheppy,  à  l'estuaire  de  la  Tamise  ;  Wight, 
terminée  à  l'ouest  par  une  chaîne  de  rochers  pointus  nom- 
més les  Aiguilles  et  séparée  du  Hampshire  par  un  petit 
détroit  ;  le  mont  Saint-Michel,  avec  son  château  au  som- 
met et  son  village  de  pécheurs  au  pied,  dans  la  baie  du 
Mont,  près  du  Lizard,  et  l'île  d'Anglesea,  qu'un  pont  tour- 
nant relie  à  la  terre  ferme. 

La  leçon  XIV  explique  l'action  de  la  mer,  dont  les  va- 
gues rongent  peu  à  peu  les  continents,  emportant  la  terre, 
le  sable,  les  pierres,  «  morceau  par  morceau,  jour  et  nuit, 
année  après  année  »,  et  gagnant  deux  mètres  en  un  endroit, 
en  d'autres  six  ou  huit  par  an.  Mais  elle  n'emporte  pas 
loin  sa  conquête  ;  de  même  qu'une  pluie  amasse  au  bas 
des  collines  des  tas  de  boue  et  de  sable,  la  mer  rejette  plus 
loin,  sous  forme  de  bancs  de  sable  et  de  marais,  ce  qu'elle 
a  arraché  du  rivage.  Le  rivage  sud  du  York6hire  s'est 


646  GÉOGRAPHIE  PÉDAGOGIQUE. 

creusé  ainsi,  et  la  ville  de  Ravenspur  (près  de  Spurn  Head) 
a  disparu,  mais  une  île  de  6able  s'est  formée  à  l'embûn- 
chure  de  l'Humber  ;  elle  contient  des  fermes  et  des  villa- 
ges. La  côte  nord  du  Norfolk  se  creuée  continuellement, 
et  la  terre  s'allonge  sans  cesse  à  la  boucbe  de  l'Yare  :  il  7 
a  800  ans,  le  terrain  qu'occupe  Yarmouth  était  60us  la  mer. 
De  même  pour  le  rivage  du  Suffolk  :  Dunwich  est  aujour- 
d'hui un  petit  village  ;  c'était  autrefois  une  grande  ville 
avec  un  palais  royal  et  une  forteresse  :  la  mer,  pièce  à 
pièce,  l'a  emportée. 

Sur  d'autres  points,  au  contraire,  la  mer  se  retire  et 
bouche  les  baies  et  les  passages.  Sandwich  était,  il  y  a 
400  ans,  un  grand  port  du  Kent,  et  maintenant  elle  esta 
deux  miles  de  la  mer.  L'fle  Thanet,  dans  le  même  comté, 
n'est  séparée  de  la  terre  ferme  que  par  un  terrain  maréca- 
geux ;  autrefois,  c'était  un  large  canal. 

fin  jetant  le6  yeux  6ur  la  carte,  on  voit  que  l'Angleterre 
possède  de  nombreux  caps  et  que  son  rivage  e6t  profondé- 
ment découpé  par  le6  baies,  les  havres  et  les  bouches  de 
beaucoup  de  rivières  qui  sont  navigables  loin  dans  Tinté- 
rieur  des  terres.  La  mer  est  la  grande  voie  du  commerce, 
et  pour  l'Angleterre  elle  ne  possède  pas  d'autre  voie.  Aussi 
6es  ports  6ont-ils  nombreux  et  ses  baies  bien  abritées. 
Quelques  ports,  comme  ceux  de  Douvres,  de  Plymouth, 
de  Falmouth,  ont  été  créés  de  toutes  pièces.  D'autres  Bout 
formés  naturellement  par  des  anses  abritées,  tels  les  poils 
de  Yarmouth,  de  Sussex  et  de  Spithead. 

Le  climat  de  l'Angleterre  est  humide,  tempéré  et  sain. 
Le  vent  du  tiud-ouest  amène  la  pluie,  qui  est  deux  fois  plus 
abondante  dans  la  partie  montagneuse  de  l'ouest  que  sur 
la  côte  e6t  ;  et  le  vent  dominant  étant  le  S.-O.,  il  s'ensuit 
que  les  cours  d'eau  sont  alimentés  d'une  quantité  d'eau 
considérable,  et  sont  plus  propres,  par  suite  de  leur  lar- 
geur et  de  leur  profondeur,  à  recevoir  les  vaisseaux,  que 
nos  grands  fleuves  français. 


L'ENSEIGNEMENT  GÉOGRAPHIQUE  EN  ANGLETERRE.     647 

La  côte  sud-oue6t  est  plus  chaude  en  hiver  qu'aucune 
autre  partie  d'Angleterre  ;  aussi  les  villes  abritées  des  Cor- 
nouailles  et  du  Devon  sont-elles  fréquentées  en  hiver  par 
les  malades.  La  fraîcheur  de  la  mer  amène,  en  été,  les 
Londoniens  aux  bains  de  mer:  Brighton,  Scarborough, 
Hastings,  Ramsgate,  Yarmouth. 

Leçon  XVII.  —  Avantages  naturels  de  l'Angleterre. 

1°  La  nature  a  été  prodigue  envers  l'Angleterre.  Par  6a 
grande  étendue  de  rivages  (200  miles),  par  tant  de  ports  et 
de  larges  embouchures  de  rivières  et  par  6a  position  vers 
le  centre  des  grandes  masses  continentales,  elle  possède 
tous  les  moyens  de  commerce  avec  les  autres  nations. 

2°  Sa  température  et  son  climat  sont  aussi  favorables  aux 
occupations  de  6on  peuple.  Il  n'existe  pas  de  soleil  tropi- 
cal pour  forcer  au  repos  dans  le  milieu  du  jour,  ni  le  froid 
arctique  qui  empêche  le  travail  durant  les  nombreux  mois 
d'hiver. 

3°  Son  sol  est  fertile  et  arrosé  par  les  vent6  chauds, 
dons  et  humides  qui  soufflent  de  l'Atlantique.  Il  renferme 
pins  de  métaux  utiles  et  variés  qu'aucune  autre  conlrée  du 
globe.  Ses  montagnes  et  ses  collines  renferment  des  pierres 
à  bâtir  et  des  minéraux  de  plomb,  cuivre,  zinc  et  étain  ;  et 
au-dessous  des  vallées  et  des  plaines  on  trouve  des  lits  de 
charbon  et  de  fer  —  lés  plus  précieux  des  minéraux  — 
dont  la  richesse  est  pour  ainsi  dire  illimitée. 

.4°  C'est  à  ces  avantages,  et  aussi  à  l'habileté,  à  l'énergie, 
à  l'esprit  d'entreprise  de  son  peuple,  que  l'Angleterre  doit 
d'être  devenue  la  plus  grande  nation  industrielle  et  com- 
merciale du  monde. 

Industries. 

Agriculture.  —  L'Angleterre  et  le  Wales  comprennent 
environ  26  millions  d'habitants  ;  l'agriculture  en  occupe 
près  de  neuf  millions.  —  Si  nous  traçons  une  ligne  de 
Flamborough  Head  à  la  pointe  du  Start,  nous  aurons,  à 


648  GÉOGRAPHIE  PÉDAGOGIQUE. 

l'est,  un  pays  de  plaines  et  de  terres  arables  ;  à  l'ouest,  us 
pays  montueux  où  se  trouvent  des  pâturages  fort  étendus 
entretenus  par  la  grande  humidité  qui  y  règne.  Le  tiers 
environ  de  la  surface  du  pays  est  occupé  parles  prairies; 
le  cinquième  en  terres  labourées.  Le  blé,  l'avoine,  Forge, 
6ont  cultivés  en  grand,  ainsi  que  la  pomme  de-  terre;  le 
houblon  dans  le  Kent,  le  Surrey  et  le  Sussex  ;  les  pommes 
à  cidre  dans  le  Devon  et  les  plantes  potagères  prinianières 
dans  le  Cornouailles.  Les  comtés  riches  en  pâturages  pro- 
duisent du  beurre  et  des  fromages  renommés.  L'Angleterre 
renferme  un  million  de  chevaux,  quatre  millions  de  bêtes 
à  cornes,  un  million  et  demi  de  porcs  et  Beize  millions  de 
moutons. 

Pêche.  —  Le  poisson  abonde  dans  les  mers  qui  entourent 
les  îles.  Britanniques  ;  mais  le  banc  le  plus  renommé  est  la 
Bogger  Bank,  dans  la  mer  du  Nord,  où  200  bateaux  mou- 
Lés  par  2,000  hommes  de  Yarmouth  et  de  Grimsby  sur 
THumber,  sont  occupés  à  pêcher  la  sole,  le  turbot  et  le 
hareng,  abondant  aussi  dans  la  Manche.  La  sardine,  abon- 
dante en  août  sur  les  côtes  de  Cornouailles  et  des  îles 
Scilly,  occupe  plusieurs  milliers  de  pêcheurs,  et  son  pro* 
duit  annuel  est  de  20,000  à  30,000  barriques.  Près  des 
côtes  du  Kent  et  de  l'E6sex,  à  Golchester  et  à  Whistable, 
se  trouvent  des  pêcheries  d'huîtres.  Le  saumon  est  abondant 
dans  les  rivières. 

Minerais  :  Houille.  —  La  houille  se  trouve  en  lits  situés  à 
une  assez  grande  profondeur,  et  lenr  épaisseur  varie  de 
quelques  pouces  à  sept  ou  huit  pieds.  Dans  le  StafFortshire, 
il  y  en  a  un  épai6  de  plus  de  trente  pieds.  Entre  les  cou- 
ches successives  qui  reposent  Tune  sur  l'autre,  il  se  troow 
des  lits  d'argile  ou  de  roche,  ou  même  de  minerai  de  fer. 

Plus  de  douze  mines  de  houille  sont  situées  dans  l'An- 
gleterre et  le  Wales.  Les  mines  de  Newcastle  occupent! 
travers  le  Northumberland  et  le  Durham  une  étendue  di 
huit  miles  sur  une  largeur  de  dix  à  vingt  miles.  Les  ports 


L'ENSEIGNEMENT  GEOGRAPHIQUE  EN  ANGLETERRE.      649 

de  Newcastle,  de  Schields,  de  S  un  de  ri  and  et  Hartlepool 
exportent  le  charbon  qu'on  en  retire. 

Les  mineB  du  Yorkshire  sont  très  considérables  ;  leur 
houille  est  employée  sur  place  dans  les  manufactures  ou 
envoyée  à  Londres  par  voie  ferrée. 

Le  charbon  du  Wales  du  Sud  6'étend  sous  cinq  comtés, 
principalement  sous  celui  de  Glamorgan,  ports  de  Cardiff, 
de  Newport  et  Swansea.  L'anthracite,  espèce  de  charbon 
de  terre  qui  s'y  trouve  en  grande  quantité,  est  envoyé  par 
voie  de  terre  à  Burton-sur-Treut,  où  on  l'emploie  dans  les 
brasseries.  Les  mines  de  Lancastre  fournissent  la  houille 
employée  dans  les  manufactures  de  coton  du  pays  ;  une 
partie  cependant  est  embarquée  à  Liverpool. 

Le  charbon  du  comté  de  Stafford  est  employé,  pour  le 
sud,  aux  usines  de  Birmingham  et  Wolverhampton  (fer), 
et,  pour  le  nord,  dans  les  «  poteries  ». 

La  houille  de  Cumberland  est  exportée  en  Irlande  ;  elle 
s'étend  sous  presque  tout  le  comté,  et  même  sous  la  mer  à 
Whitehaven. 

Nous  n'avons  cité  que  les  principales  mines  de  houille. 
L'ensemble  fournit  annuellement  à  l'Angleterre  120  mil- 
lions de  tonnes  valant  environ  un  milliard  de  francs,  et 
occupe  400,000  ouvriers. 

Fer. —  Dans  le  comté  de  Glamorgan  (Wales),  on  compte 
plus  de  cinquante  hauts-fourneaux  aux  environs  de  Mer- 
thyr-Tydwil,  qui  exploitent  le  fer  du  pays. 

La  portion  nord  du  comté  de  Lancastre,  appelée  Furness 
<  fourneaux  »,  e6t  très  riche  en  mines  de  fer.  Le  fer  se 
trouve  aussi  dans  les  comtés  de  York, (près  de  laTees), 
de  Stafford,  sur  les  bords  de  la  Tyne,  dans  le  Sussex.  Les 
hauts-fourneaux  donnent  annuellement  huit  millions  de 
tonnes  de  fer  ou  fonte,  évaluées  à  400,000,000  de  francs. 

Étain  et  cuivre.  —  L'étain  et  le  cuivre  se  trouvent,  dans 
les.  roches  granitiques  du  Cornouailles  et  du  De  von,  à 
l'état  de  minerai,  et  aussi  dan 6  l'île  d'Anglesea  pour  le 


650  GÉOGRAPHIE  PÉDAGOGIQUE. 

cuivre.  Les  fonderies  de  cuivre  de  Swansea  sont  renom- 
mées. 

Plomb, —  Le  minerai  de  plomb,  auquel  6e  joint  une  pe- 
tite quantité  d'argent,  se  trouve  dans  les  collines  rocheuses 
des  comtés  de  Northumberland,  Westmoreland,  Durham, 
York  et  Derby,  traversés  par  la  chaîne  Pennine;  dans  les 
comtés  du  Sud-Wales ,  de  Cornouailles  et  l'tie  de  Man. 

Sel.  —  Il  6e  trouve  d'importantes  mines  de  sel  dans  le 
Cheshire,  au-de860UB  de  la  plaine  où  coule  la  Weaver,çui 
se  jette  dans  la  baie  de  Liverpool.  Ces  mines  fournissent 
près  d'un  million  de  tonnes  de  sel  embarquées  à  Liverpool 
Dans  le  comté  de  Worcester,  il  existe  des- sources  salées 
qui,  bien  qu'utilisées  depuis  des  centaines  d'années,  sont 
aussi  abondantes  que  jamais. 

Argile.  —  L'argile  se  trouve  en  grande  quantité  près  de 
Londres,  dans  le  Kent,  le  Middlesex,  l'Essex  et  le  Norfolk, 
où  sont  établies  de  nombreuses  manufactures  produisant 
chaque  année  des  millions  de  briques  pour  construction, 
et  de  tuiles. 

Le  kaolin,  ou  terre  à  porcelaine,  s'extrait  dans  le  Cor- 
nouailles et  est  envoyé  avec  l'argile  blanche  du  Dorset  et 
l'argile  brune  du  Devon  dans  les  «  potteries  »  du  comté  de 
Stafford;  environ  200,000  tonnes  sont  employées  par  année. 

Le  granit  se  trouve  en  grande  quantité  dans  le  Cor- 
nouailles et  le  Devon.  Les  ponts  et  les  quais  de  Londres 
sont  bâtis  avec  cette  pierre. 

L'ardoise  est  en  carrières  dans  les  comtés  nord  du  Wa- 
les,  dans  le  Cumberland  et  le  Cornouailles. 

La  pierre  de  taille  de  Portland  est  renommée  ;  la  ca- 
thédrale de  Saint-Paul  et  les  plus  belles  églises  de  Londrei 
sont  bâties  avec  la  pierre  de  Portland.  On  la  trouve  aussi 
dans  les  comtés  de  Somerset,  de  Wilts  et  d'York. 

Enfin,  la  pierre  calcaire,  les  lits  de  craie,  les  cailloux  et 
le  sable  se  trouvent  en  divers  endroits  de  l'Angleterre. 


6°  GÉOGRAPHIE  HISTORIQUE 


DOCUMENTS  GÉOGRAPHIQUES 

■us  \^y 

L'AFRIQUE  SEPTENTRIONALE, 

TRADUITS  DB  L'ARABE 

Par     René     BASSET 

y 
/ 

FBOFBMBUB  ▲  i/ÉCOLB  SUPBBIBUBJB  DBS  LBTTRB^  d'ALOBB 


INTRODUCTION 

Tandis  que  la  géographie  de  l'Afrique  septentrionale  à  l'époque  ro- 
maine est  l'objet  de  nombreux  travaux  et  que,  de  toutes  parts,  Ton 
étudie  et  l'on  compare  les  indications  fournies  par  les  textes  et  l'épi- 
graphie  pour  reconstituer  YÂ/rica  romana,  il  semble  qu'on  néglige  la 
période  de  douze  siècles,  qui  Ta  de  la  conquête  musulmane  i  la  domi- 
nation française.  Cette  indifférence  apparente  s'explique  lorsque  Ton 
considère  que  les  documents  à  mettre  en  œuvre  sont  d'un  accès  beau- 
coup plus  difficile  qu'une  inscription  ou  qu'un  texte  latin  ou  grec. 
L'élude  de  l'arabe  n'est  pas  abordable  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de 
géographie  comparée,  et  cependant,  pour  rester  sur  le  domaine  de 
l'antiquité,  les  renseignements  donnés  par  les  géographes  et  les  histo- 
riens musulmans  ne  laissent  pas  d'être  d'un  grand  secours  pour  com- 
bler les  lacunes  des  écrits  des  anciens  tels  qu'ils  nous  sont  parvenus. 

H  est  vrai  que  la  conquête  de  l'Algérie  a  donné,  surtout  en  France, 
une  nouvelle  impulsion  à  ces  études.  La  découverte,  la  publication  et 
la  traduction  d'ouvrages  arabes  ont  mis  déji  d'importants  matériaux 
entre  les  mains  des  géographes.  La  courte  liste  suivante  fera  con- 
naître les  principaux  : 

Une  des  premières  descriptions  de  l'Afrique  que  nous  rencontrons 
est  celle  donnée  par  Ibn  Khordadbeah,  d'origine  guèbre  (in*  siècle  de 
r hégire),  dans  son  livre  intitulé:  Les  Routes  et  tes  Provinces,  qui  ne 
nous  est  arrivé  qu'incomplet  (').  En  laissant  de  côté  l'encyclopédie  de 


l1)  H  a  été  publié  avec  un9  traduction  par  H.  Barbier  de  Meynard.  Paris,  1865, 
la-9o  (extrait  du  Journal  asiatique). 


652  GÉOGRAPHIE  HISTORIQUE. 

Mas'oudi  qui  do  traite  de  l'Afrique  qu'accidentellement  ('),  non*  tm~ 
vons  une  description  du  Maghreb,  extraite  du  Kitdb  el  Bolddn  [Le  Lien  \ 
des  pays)  d'Ahmed  El  Ya'qoubi  ('),  publiée  et  traduite  en   latin,  jur 
M.  de  Goeje  ;  les  traités  d'El-lsTakhry  et  dlbn-ffaoaqal  (it*  siècle  de 
l'hégire)  ont  paru  dans  la  collection  de  géographes  arabes  éditée  i 
Leyde  (s)  ainsi  que  Fourrage  d'El  Moqadesi  (4);  le  dictionnaire  géo- 
graphique d'Abou'Obeïd  el  Bekri  (*)  [?•  siècle  de  l'hégire]  a  été  pu- 
blié à  Leipzig;  la  description  de  l'Afrique  du  môme  auteur  (Eitàb-El- 
Mesalik  ou  el-memalik),  outrage  capital  depuis  la  perte  de  celui  it 
Moh'ammcd  ben  El  Ouarraq,  son  modèle,  a  été  traduite  et  publiée  par 
M.  de  Slane  (•);  la  partie  du  grand  ourrage  d'El  Edrisi  (vr*  siècle)  qv 
traite  du  même  pays  a  paru  par  les  soins  de  MM.  Dosy  et  de  Goeje  ri 
Il  faut  y  joindre  le  géographe  anonyme  édité  par  M.  de  Kremer  (•,, 
dont  je  donnerai  la  traduction  dans  cette  série  et  sur  lequel  je  rerjea- 
drai  plus  loin.  A  ces  outrages  techniques,  on  doit  ajouter  les  réciU 
de  voyage  et  les  itinéraires  des  pèlerins  qui  partaient  du  Maroc  pont 
le  pèlerinage  de  la  Meklte  et  traversaient  l'Afrique  septentrionale  dans 
toute  sa  longueur,  pour  accomplir  cette  obligation  imposée  à  tout  ha 
musulman.  M.  Cherbonneau  nous  a  fait  connaître  par  des  extraits  la 
relation  d'Àbou  Moh'ammed  El'Abdery  (vu*  siècle)  (').  Le  grand  dic- 
tionnaire géographique  de  Yaqout  (vi-vn*  siècles)  a  été  publié  psr 
M.  Wustenfeld   ("),  ainsi  que  ses  deux  abrégés  :  le  Mera'sid  El- 


(»)  Le»  Prairie»  d'or,  publié  et  traduit  par  MM.  Barbier  de  Meynnrd  et  Pavefée 
Courteille.  Paris  1861-1877,  9  vol.  in-8«. 

(*)  Detcriptio  al  Maghribi.  Lugduni  Batavorttm,  1860,  in-8». 

(J)  De  Goeje,  Bibliothecageographorumarabicorum.  P.  I,  II,  1870-1873,  S  ToLifr4*. 
Une  version  allemande  d'Ël  Is't'akhri  est  due  i  Mœller,  son  premier  édite»  :  Dm 
Buch  der  Lànder,  Hamburg,  1845.  M.  de  Slane  avait  traduit  en  français  la  partie  d*I*i 
H'aouqal  qui  traite  da  Maghreb  :  Description  de  V Afrique.  Paris,  1S4S,  in-*».  Une 
Tersion  anglaise  d'un  remaniement  de  l'ouvrage  complet,  due  à  Ousetey,  avait  pan 
à  Londres  en  1800  :  The  Oriental  Gtography  of  Ibn  Haoukal,  in-4». 

(*)  Pars  III.  Deecriptio  imperii  moelemici.  1873,  in-8°. 

(5)  Qeographische»  WSrterbuch,  publié  par  Wustenfeld.  Leipzig,  4  voL  la-8»,  1876-71 

(•)  Description  de  V Afrique  septentrionale,  texte  arabe.  Alger,  1867,  In-8»  :  trsist- 
tlon  française,  Paris,  1859,  in-8<>.  En  1831,  Quatremère  avait  déjà  reconnu  qa*ua sas- 
nu  scrlt  incomplet  de  la  BibUothéque  nationale  renfermait  une  partie  du  texte  CS 
Bekri  et  l'avait  fait  paraître  dans  les  Notice»  et  Extrait»  (t.  XII). 

I7)  Description  de  V Afrique  et  de  l'Espagne,  texte  et  traduction.  Leyde,  1866,1a-*6- 
On  ne  la  connaissait  auparavant  que  par  l'abrégé  édité,  sons  le  titre  de  GiofrujkM 
Nubiensi»,  Rome,  1592,  ln-4°,  traduit  par  les  deux  Maronites  Sionita  et  Hesreata, 
Paris,  sur  lequel  a  été  fait  le  commentaire  de  Hartmann  (KdrUii  Afrieeu  GSttiafes, 
1796,  in-8<>),  qu'on  consulte  encore  aujourd'hui  avec  fruit  et  par  la  médiocre  tradi- 
tion publiée  sons  le  nom  de  Jaubert  {Géographie  cYEdriei.  Paris,  a  vol.  in-4«,  1SW- 
1840). 

\*)  Description  de  V Afrique  par  un  géographe  arabe  anonyme  du  VI*  sUcle  de  fhifîn. 
«Vienne,  1852,  in-8«. 

(9)  Notice  et  Extraits  de  ton  voyage  à  travers  l'Afrique  teptentrionaU.  Paris,  lftL 
in-8°. 

\}°)  Uo'djem  El  Bolddn,  GeoçraphUchesWôrtêrbuch.  Leipzig,  1865-1871,11  voLnrë- 


l' AFRIQUE  SEPTBNTIONALE.  653 

It't'uV  (')  et  le  Mochtarik  ou  dictionnaire  des  synonymes  géographi- 
ques (*);  après  Rinck,  Eichhorn  (*)  et  Solvet  (4),  Reinaud  et  de  Slane 
fetisalent  paraître  le  texte  d'Abou'lféda  (vii#-viiie  siècles  de  l'hégire), 
relatif  à  l'Afrique  (»),  dont  le  premier  publiait  en  même  temps  la  tra- 
duction précédée  d'une  introduction  capitale  pour  l'histoire  de  la  géo- 
graphie arabe  (').  Le  voyage  d'ïbn  Bat'out'ah  (vma  siècle  de  l'hégire), 
le  Marco  Polo  de  l'Islam,  a  été  édité  et  traduit  en  français  (7);  à  la 
même  époque  tirait  Et  Tidjâni  que  M.  Rousseau  a  fait  connaître  par  des 
extraits  dans  le  Journal  asiatique  (1852).  Mais  aucun  de  ces  écrits  n'a 
Hmportance  de  Y  Histoire  des  Berbères  (■),  d'ibn  Khaldonn  (vin*  siècle), 
extraite  de  sa  grande  histoire  universelle  et  qui  est  pour  l'Afrique  sep- 
tentrionale ce  que  sont  les  œuvres  de  Maqrizi  pour  l'Egypte  et  d'El- 
Maqqari  pour  l'Espagne.  Nous  arrivons  ainsi  à  l'époque  moderne  :  Léon 
l'Africain  (xv6  siècle  de  notre  ère),  dont  le  livre,  primitivement  écrit 
en  arabe,  fut  traduit  en  italien  puis  en  latin  (').  Depuis  lors,  nous  ne 
trouvons  plus  à  mentionner  que  des  relations  de  pèlerinages  (raKlah), 
ou  des  Itinéraires  de  commerçants  :  Les  voyages  d'El-'Aïachi  (xie  siècle 
de  l'hégire,  xvr*  siècle  de  notre  ère)  et  de  Moula  Abmed  [xn*  siècle  de 
l'hégire]  (");  les  Itinéraires  de  Sidi  Ali  ben  Mezrag  ("),  des  deux  pèle- 
rins marocains  ("),  de  H'adj  Ibn  Eddin  El  Laghouati(13),  de  Abd  El  Qader 
El  Touaty  i"),  et  ceux  recueillis  par  Yenture  de  Paradis  (,4)  ou  traduits 
par  de  Sacy  dans  l'ouvrage  de  Walckenaer  ("),  etc. 

(')  Lexieon  geographtcun,  éd.  Juynboll.  Leyde,  1950*1862,  G  vol.  In-8°. 

(-)  Publié  par  Wustenfeld.  G&ttlngen,  1816,  in-8°. 

y3)  Abulfedœ  Africa.  Leipsjg,  1791,  in-8». 

(*)  Description  dis  pays  du  Maghreb.  Alger,  1839,  in-8°. 

<*)  Dana  l'édition  complète  do  la  Géographie  d'Abou'lféda.  Paris,  1840,  In  4°. 

Ç";  Géographie  d'Aboa'lfôda,  traduite  de  l'arabe  en  français.  Paris,  1818,2  vol.  in-8*, 
,  t.  II,  1«  partie.  JLa  traduction  a  été  terminée  par  M.  Gtuyard.  Paris,  1888,  ln-4°. 

\f)  Par  BCM.  Defrémery  et  Sanguinettl,  4  vol.  in«8°.  Un  abrégé  de  sa  Relation  avait 
été  traduit  en  anglais  par  Lee  (Travels  traiulated  with  notée.  London,  1820,  in-8°) 
et  la  partie  concernant  l'Afrique  septentrionale  par  M.  Cherbonneau  (Paris,  1852, 
ln-8*);  celle  relative  an  Soudan,  par  M.  de  Slane  (Parla,  1843,  in-8<>). 

(•)  Le  texte  a  été  publié  par  M.  de  Slane.  Alger,  1837-62,  2  vol.  in-K  Le  même  ta- 
rant en  a  fait  paraître  une  traduction  complète  avec  des  appendices.  (Alger,  4  vol. 
fn-8",  1852-56.) 

(•;  De  Afriea  Descriptions,  Lugd.  Batav.  Elsevier,  1632.  Le  texte  arabe  parait 
perdu. 

(*°)  La  partie  de  leurs  relations  concernant  l'Algérie  et  les  pays  barbaresquesaété 
traduite  par  Beibrogjrer,  Voyagea  dans  le  Sud  de  V Algérie,  1  vol.  in- 4°,  Paris,  184B, 
dans  Y  Exploration  scientifique  de  V Algérie. 

(u)  Publié  à  la  suite  du  volume  précédent. 

('*)  Publiés  par  Berbrugger  i  la  suite  de  la  Description  du  Maroc  de  Renou.  Paris, 
184<)T  in-i°,  daus  l'Exploration  scientifique  de  l'Algérie. 

(u  Commenté  par  M.  d'Avesae  (Études  de  géographie  critique  $ur  une  partie  de 
VAfrtque  septentrionale.  Paris,  1836,  1  vol.  iu-8^.) 

(I4)  Publié  par  l'abbé  Barges,  Le  Sahara  et  le  Soudan.  Paris,  1853,  in -8°. 

I**}  A  I*  suite  de  sa  Qraminatre  et  Dictionnaire  abrégée  de  la  langue  berbère.  Paris, 
1844,  in-1".  Ils  ont  été  reproduits  daus  le  volume  de  Y  Univers  pittoresque,  consacré 
à  Y  Afrique  australe,  orientale  et  centrale.  Paris,  1848,  ln-8°. 

l**j  Recherche*  géographiques  sur  l'intérieur  de  l'Afrique  septentrionale.  Appendice, 
Pari»,  1821,  in-8°.  C'est  a  la  même  catégorie  d'ouvrages  qu'appartient  l'opuscule  ber- 
bère dont  j'ai  donné  la  traduction:  Relation  de  Sidi-Brahim  de  Massât.  Paris,  1883. 
ln-8». 

SOC.  DR  OK043B.  —  4*  TRIX H8TRB  1883.  42 


654  GÉOGBAPHIB  HISTORIQUE. 

Pour  être  complet  fil  faudrait  mentionner  les  histoires  particulières 
d'une  ville  ou  d'un  État  :  en  première  ligne,  le  Qartas  consacré  » 
Faa  (')  ;  le  Bilai  et  Maouachia,  bis  toi  re  de  la  Tille  de  Maroc  (*)  ;  cdk 
de  Mequinès  (Miknasa)  par  ibn  Ghazi  {3)  ;  le  Maalim  El  Jmdn  d'Ibnb 
Nedji,  indispensable  à  la  topographie  ancienne  comme  à  l'histoire  de 
Qaïrouân  (4),  etc.  ;  en  outre,  les  traités  de  géograpliie  et  les  relit*» 
de  Toyages  encore  inédits:  Les  oarrages  d'El  Fezâri  [xur*  siècle  de  notre 
ère]  (5);  dlbn  Rechid  En  Nouchérichi  [vnr»  siècle  de  r hégire j  fi; 
d'El  Belaout  (T),  dÀh'med  El  Ghazal  El  Fasi  (•),  de  Mos't'ata  El  Be- 
kri,  etc. 

Celle  série  comprendra  des  traductions  de  textes  ou  d'extraits  de 
textes,  tous  relatifs  i  l'Afrique  septentrionale,  ainsi  que  les  itinéraires 
que  j'ai  été  à  même  de  me  procurer  dans  mes  diTerses  missions  dts* 
les  États  barbaresqoes,  en  j  joignant  les  notes  strictement  nécessaire» 
à  l'intelligence  des  faits  historiques  mentionnés  ci  et  là.  J'espère  pir 
là  contribuer,  pour  ma  modeste  part,  au  progrès  de  la  géographie  com- 
parée de  la  région  qui  Ta  des  Syrtes  à  l'Océan  Atlantique  et  qui,  déjà 
française  en  partie,  le  sera  un  Jour  dans  toute  son  étendue. 
Lunêrille,  12  octobre  1883. 


(')  Traduit  en  portugais  par  Mou»  et  en  allemand  par  Dombay  ;  il  a  été  piblit 
avec  une  veraiou  latine  par  Tornberg  (Annale»  reçum  Mauritanie.  Up*a]o,i^l 
in-4<>,  18 U- 1*45)  et  traduit  en  français  paa  Beanmier  (Roudl  H  Qarfa*.  Paris,  ta-t", 
1S60). 

(*)  Manuscrits  de  Parla,  d'Alger,  d*  Tétouan. 

(»;  Manuscrit*  de  Faa  et  d'Alger. 

{4,  Manuscrits  de  Paria,  d'Alger,  de  Tunis. 

(»)  Manuscrits  de  Qaïrouân,  d'Alger. 

(•;  Manuscrit  do  l'JSscurial. 

(7;  Manuscrits  de  Faa,  d'Alger,  de  Tunis  et  de  Gotha.  Cf.  la  notice  que  fen  ai  osa* 
née  dans  le*  Manuscrit*  arabe*  de  deux  bibliothèque*  de  Fa*.  Alger,  188*,  grand  ia-$*, 
p.  14-15. 

(*;  Manuscrit  de  Tunis. 

(';  Manuscrit  de  Tunis. 


& 


LA 


MÉDITERRANÉE  DES  ANCIENS 

[Suite  (■).] 


XL 

LA  MER  IONIENNE  ET  L*  ADRIATIQUE. 

En  remontant  la  côte  d'Italie  à  partir  du  cap  Zéphyrion,  et  après 
avoir  dépassé  le  golfe  de  Scylacium  et  les  lies  de  Calypso  et  de  Dios- 
curos,  on  entrait  dans  le  vaste  golfe  de  Tarente,  appelé  aussi  la  mer 
d'Ausonie.  La  reine  de  ces  parages  était  sans  contredit  l'opulente  Ta- 
rente, motte  Tarentum,  célèbre  par  son  commerce  et  le  grand  nombre 
de  ses  navires  avant  comme  après  la  conquête  romaine.  Du  fond  de 
son  port,  qui  était  excellent,  partait  une  espèce  d'isthme  qui  s'avan- 
çait jusqu'en  pleine  mer,  de  sorte  que  la  ville  se  trouvait  située  comme 
sur  une  presqu'île  et  que  les  navires  pouvaient  très  aisément  être 
transportés  par  la  voie  de  terre,  les  deux  rives  de  l'isthme  étant  fort 
peu  élevées  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  En  suivant  la  côte  dans  la 
direction  du  S.-E.,  on  atteignait,  à  600  stades  environ  de  Tarente,  la 
petite  ville  de  Baris,  appelée  aussi  Veretum,  puis  le  promontoire  lapy- 
gîen,  Hydros  et  Brundusium.  Lflle  de  Saso,  vrai  repaire  de  pirates,  si- 
tuée à  moitié  chemin,  entre  Brundusium  et  la  côte  d'Épire,  comman- 
dait en  quelque  sorte  l'entrée  du  détroit  ionien.  Ceux  qui  ne  pouvaient 
hasarder  la  traversée  en  ligne  droite  en  partant  de  la  côte  d'Epire, 
abordaient  d'abord  à  Hydros,  laissant  l'Ile  de  Saso  sur  leur  gauche;  là 
ils  profitaient  du  premier  vent  favorable  pour  se  rendre  à  Brundusium. 
Cette  dernière  ville,  à  laquelle  venait  aboutir  la  voie  Appienne,  avait 
des  ports  excellents,  et  c'est  de  là  qu'au  temps  de  la  splendeur  de 
Rome  on  s'embarquait  presque  généralement  pour  la  Grèce.  On  se  di- 
rigeait, pour  effectuer  cette  traversée,  vers  les  monts  Gérauniens,  qui 
8* avançaient  dans  la  mer  en  forme  de  promontoire  ('),  vers  les  côtes 
adjacentes  de  l'Épire  et  de  l'Hellade,  et  tout  d'abord  sur  le  port  à'Epi- 
damnoi,  dont  le  nom  de  mauvais  augure  ne  convint  pas  aux  Romains 
et  quils  changèrent  en  celui  de  Dyrrhachium.  Là  commençait  la  voie 
Egnatienne,  qui  partait  d'Apollonie  et  d'Épidamnos,  et  qui  mettait  en 
communication  llllyricum,  la  Macédoine  et  la  Thrace.  Un  peu  plus  au 


0)  Voir  le  Bulletin  du  4«  trimettre  1882. 

O  Gtraunia,  «ode  iUr  ItaUam  ourêutq.  brwUiinuê  r«mi«. 


656  GÉOGRAPHIE  HISTORIQUE. 

Sud,  on  rencontrait  Nicopolis,  fondée  par  Auguste  et  où  se  céiêbraie&t 
les  jeux  institués  en  mémoire  de  la  bataille  d'Actium('),  puis  Ambrack, 
qui  a  donné  son  nom  an  golfe  qui  ressemble  plutôt  à  on  lac,  puis  ir- 
gos  Amphilochicum,  port  important  de  PAcarnanle.  Nous  remarquerons 
incidemment  que  les  anciens  connaissaient  déjà  le  courant  qui  Tient 
de  l'Adriatique,  longe  les  côtes  de  l'Albanie  et  de  l'Épire  et  passe  es- 
suite  à  travers  les  lies  Ioniennes,  projetant  des  masses  de  sable  et  4e 
gravier  (')  sur  les  côtes  de  la  Grèce. 

Mais  revenons  sur  la  côte  d'Italie  baignée  par  l'Adriatique-  De  Bnur 
dusium  on  gagnait  Egnatta,  ville  très  animée,  où  aboutissait  le  tronçon 
de  la  voie  Appienne  qui  conduisait  de  Bénévent  à  la  mer  et  qui  était 
le  rendez-vous  habituel  des  voyageurs  se  rendant  à  Barinm  par  terre 
ou  par  mer;  le  voyage  par  mer  pour  cette  dernière  Tille  se  faisait  avec 
l'aide  du  vent  du  Sud.  Nous  ferons  observer  i  cette  occasion  que,  chez 
les  anciens,  les  navires  à  voiles  ne  pouvaient  marcher  que  lorsqu'ils 
avaient  le  vent  a  l'arrière  (')  et  que  le  marin  éprouvait  tout  autant  «Tus- 
quiétude  lorsque  le  vent  venait  à  fraîchir,  que  celui  de  nos  Jouis  quand 
il  est  assailli  par  le  calme,  qui  ne  manquait  jamais  de  réjouir  le  rameur 
d'autrefois.  Dès  qu'on  se  sentait  menacé  par  l'orage  on  la  tempête,  on 
se  hâtait  de  gagner  le  rivage.. 

De  Barium  on  arrivait  à  l'embouchure  de  PAufldus,  sur  les  rives  do- 
quel  florissait  autrefois  la  ville  grecque  de  Canuslum,  où  se  réfugièrent 
les  débris  des  légions  romaines  après  le  bataille  de  Cannes,  et  dont 
l'importance  commerciale  déclina  considérablement  à  partir  des  guerres 
puniques.  .Non  loin  de  cette  ville,  qui  se  trouve  éloignée  de  la  mer 
d'environ  16  kilomètres,  on  rencontrait,  à  une  certaine  distance  des 
côtes,  les  cinq  petites  lies  dites  de  Diomède,  puis  le  port  assez  important 
de  Sipunlum,  dont  on  faisait  remonter  l'origine  i  Diomède,  et  d'où  se  fes- 
sait une  exportation  de  blé  considérable,  puis  enfin  le  promontoire  de  Gar- 
ganum  formant  l'extrémité  N.-E.  de  l'Apulie.  Depuis  ce  point  avancé,  quede 
nos  jours  on  a  appelé  l'éperon  de  la  boite  italique,  jusqu'à  Ravenae. 
dans  la  Gaule  cispadane,  la  côte  offrait  peu  de  ports  ayant  quelque 
importance  ;  pour  arriver  à  un  centre  considérable,  il  fallait  remonter 
le  littoral  jusqu'au  fond  du  golfe  de  Tergeste  où  se  trouvait  Aquilti*. 
en  Véuétie,  la  ville  la  plus  commerçante  de  l'Adriatique  :  là  venait 
aboutir  la  voie  Émilienne.  Les  marchandises  venant  de  l'intérieur  &s 
terres  y  étaient  expédiées  par  la  voie  de  tfauportus,  ville  importante 


l1)  Actia  Iliacië  ctUbramuê  liitora  ludis.  Tir;.,  JE*.,  III,  230. 

{*)  Il  sVst  fjrmé,  dans  le  cours  des  «iodes,  à  l'endroit  où  ce  courant  rr-neona*)» 
flenve  venant  du  golfe  lie  Fatras,  de*  allavions  considérables  que  d'ordinaire  « 
attribue  exclusivement  à  l'Achéloûs. 

(•»   l'roêetjuitur  êurgtn»  a  puppi  ventuê  êunte». 


LA  MÉDITERRANÉE  DES  ANCIENS.  657 

du  Noricum,  d'où,  suivant  la  tradition ,  les  Argonautes,  après  avoir  remonté 
J'Ister,  gagnèrent  l'Adriatique,  en  transportant  leurs  navires  par-des- 
sus les  Alpes.  D'Aquiléia  on  se  rendait  dans  l'Ile  de  Cerycticé  ou  Curicta 
(Veglia),  chez  les  lapyges,  peuple  de  race  iilyrico-celtique,  dompté  par 
Auguste  ;  de  là  aux  lies  Liburniennes,  puis  aux  lies  Illyriennes  d'Issa, 
de  Tragurium  et  de  Pharus,  situées  en  face  des  côtes  de  Dalmatie  et 
renommées,  la  première  pour  l'habileté  de  ses  matelots,  la  seconde  pour 
la  beauté  de  ses  marbres,  la  troisième  pour  l'excellence  de  ses  figues  ; 
enfin,  aux  côtes  même  de  la  Dalmatie,  où  se  trouvait  la  ville  de  Salon», 
à  laquelle  les  Romains  avaient  donné  un  développement  considérable 
comme  point  stratégique  et  centre  commercial  et  industriel.  En  géné- 
ra), toute  cette  côte  orientale  de  l'Adriatique  offrait  de  nombreux  re- 
fuges aux  pirates  illyriens,  justement  redoutés  jusque  sur  les  côtes  de 
la  Messénie. 

Tonte  la  côte  d'Illyrie,  de  même  que  les  lies  voisines,  est  générale- 
ment riche  en  ports,  tandis  que  celle  d'Italie  qui  lui  fait  face,  et 
qui  se  prolonge  en  droite  ligne  sans  presque  aucune  découpure,  en  est 
presque  totalement  dépourvue.  Les  côtes  occidentales  de  l'Italie,  bai- 
gnées par  la  mer  Tyrrhènienne,  n'étaient  guère  plus  avantagées  que 
celles  de  fEst;  lès  ports  commodes  et  sûrs  n'y  abondaient  pas. 
Et  cependant  c'est  de  là  que  partaient  les  Étrusques,  le  peuple  com- 
merçant le  plus  important  de  l'Italie  des  anciens  temps,  pour  visiter 
le  bassin  occidental  de  la  Méditerranée  jusqu'en  Sicile  et  même  jus- 
qu'à Sybaris.  II  y  a  lieu  de  supposer  que  tout  ce  qu'Homère  raconte, 
des  Phéacîens  ('),  qui  étaient  déjà  renommés  comme  maniant  habile- 
ment la  voile,  peut  et  doit  leur  être  appliqué.  Ce  qui  est  certain,  c'est 
qu'à  l'exemple  des  autres  peuples  navigateurs  de  l'antiquité;  ils  ne 
dédaignaient  pas  de  pratiquer  la  piraterie,  qui,  du  reste,  à  cette  époque 
était  loin  de  passer  pour  une  flétrissure,  pas  plus  que  le  brigandage 
sur  la  terre  ferme.  Slrabon  rapporte  que  les  Tyrrhéniens  contribuaient 
surtout,  par  leurs  pirateries,  à  rendre  peu  sûre  cette  partie  de  la  Mé- 
diterranée ;  qu'après  eux  les  Cretois  marchèrent  dignement  sur  leurs 
traces,  et  que  ceux-ci  furent  de  beaucoup  dépassés  par  les  Giliciens, 
jusqu'au  moment  où  Rome  les  mit  à  la  raison.  Les  principaux  marchés 
du  commerce  étrusque  étaient  Pise,  Populonium  et  Caere.  De  Populo- 
nium,  bâtie  sur  une  hauteur  escarpée,  on  pouvait  apercevoir  assez 
distinctement  les  côtes  de  la  Corse,  et  même  celles  de  la  Sardaigne, 
lorsque  le  temps  était  clair,  et  c'est  dans  ce  port  qu'on  s'embarquait 
ordinairement  pour  se  rendre  dans  ces  lies  ainsi  que  dans  celle 
d'iîlhalia,  qui  n'en  était  pas  éloignée.  La  ville  d'Adria,  qui  a  donné 


(')  ♦«*•(,  habitants  de  Pisa  (Pbrixa),  ville  de  l'Élide. 


658  GÉOGRAPHIE  HISTORIQUE. 

son  nom  à  une  partie  Importante  de  la  Méditerranée  et  qui  aujourd'hui 
est  située  à  une  certaine  distance  de  la  mer,  était  une  colonie  étrusque* 
jouissant  d'une  certaine  réputation  commerciale  ;  il  en  était  de  même 
de  Luna,  dont  le  port  est  aujourd'hui  ensablé. 

Le  commerce  maritime  des  Étrusques  ne  prit  jamais  une  grande 
extension  du  côté  de  la  Grèce;  d'un  antre  côté,  ce  peuple  jaloux  de 
ses  intérêts,  s'appliqua  presque  constamment  à  tenir  ses  voisins  de 
l'Est  aussi  éloignés  que  possible  des  mers  Ionienne  et  Adriatique.  Après 
la  réduction  de  rÉtrurie  par  les  Romains,  son  importance  maritime  et 
commerciale  fut  frappée  du  même  coup  et  même  Caere,  qui  cependaat 
s'était  trouvée  anciennement  liée  étroitement  avec  Rome  par  Ttospt- 
tium  publicum,  fut  supplantée  et  éclipsée  par  Ostia  et  plusieurs  Tilles 
de  la  Campante. 

Nous  terminerons  ce  que  nous  avons  à  dire  du  commerce  chez  les 
Romains  par  une  citation  empruntée  àStrabon  (Ut.  III)  :  «  Le  commerce, 
dit  cet  auteur,  se  porte  exclusivement  Ters  Rome  et  l'Italie,  et  Ton  y 
arrive  commodément  et  aisément  jusqu'aux  Colonnes  d'Hercule,  où  se 
trouvent  quelques  passages  difficiles,  et  aussi,  il  faut  le  dire,  en  pleine 
mer.  » 

Nous  ajouterons  que  les  anciens  avaient  aussi  connaissance  des 
vents  qui  soufflaient  régulièrement  A  certaines  époques  de  Tannée. 
C'est  ainsi  que  Posidonius  nous  apprend  que,  lors  de  son  retour  i 
Rome,  il  lui  est  arrivé  quelque  chose  de  tout  particulier  dans  la  aer 
Tyrrhénienne  :  les  vents  alizés,  qui  soufflent  dans  ces  parages  et  qui  se 
font  sentir  jusque  sur  les  côtes  de  Sardaigne,  l'ont  forcé  d'errer  asses 
longtemps  autour  des  lies  Gymnésiennes  (Baléares),  de  la  Sardaigne  et 
des  côtes  de  Libye  qui  font  face  à  cette  lie,  et  ce  n'est  qu'après  trois 
mois  de  navigation  qu'il  lui  a  été  possible  d'aborder  en  Italie. 

Les  côtes  de  la  péninsule  hispanique,  sur  lesquelles  il  nous  reste 
encore  à  jeter  un  coup  d'œil,  furent  visitées  de  bonne  heure  par  les 
Phéniciens,  qui  y  fondèrent  un  grand  nombre  de  colonies  importantes, 
entre  autres,  Gades,  qui  fut  de  tout  temps  une  place  commerciale  très 
importante;  Cartéja,  Malaca  et  Hispalis,  qui,  quoique  située  à  500  stades 
de  la  mer,  grâce  à  son  heureuse  situation  sur  le  Baetis,  pouvait  être 
considérée ,  à  juste  titre,  comme  un  port  de  mer,  puisque  le  flux  et  ie 
reflux,  qui  se  faisaient  sentir  Jusque-là,  permettaient  aux  grands  navires 
d'y  aborder.  Nous  apprenons  par  Strabon  que  depuis  les  Colonnes  d'Her- 
cule jusqu'à  Tarraco,  ville  fondée  par  les  NassiKotes  entre  libéra  et 
les  Pyrénées,  il  n'existait  que  fort  peu  de  ports  surs  et  commodes,  nuds 
qu'à  partir  de  cette  Tille  jusqu'en  Gaule  il  s'en  trouvait  en  abondance 
et  dans  le  nombre  d'excellents.  D'Hemeroscopium  (Dénia),  colonie  mas- 
siliote,  où  Serlorius  établit  plus  tard  une  de  ses  principales  places  d'ff- 


LA  MÉDITERRANÉE  DES  ANCIENS.  659 

i,  on  se  rendait  aux  Baléares  et  aux  Pityuses,  qui  possédaient  d'excel- 
lents porls  et  où  les  Phéniciens  avaient  une  de  leurs  stations  les  plus 
importantes.  Ce  qui  caractérisait  tout  particulièrement  le  commerce 
maritime  dans  cette  partie  occidentale  de  la  Méditerranée,  c'est  que 
nous  n'y  voyons  pas  surgir,  comme  dans  le  bassin  oriental,  et  surtout 
dans  F  Asie-Mineure,  de  grandes  lignes  continentales,  mises  en  communi- 
cation avec  la  mer  ;  on  y  aurait  cherché  en  vain  de  ces  grandes  voies 
qui,  comme  la  Via  Appia  et  la  Via  Ëgnatia,  ou  comme  les  antiques  routes 
de  f  Asie-Mineure  et  de  la  Babylonie,  suivies  par  les  caravanes,  et  qui, 
aboutissant  à  Éphèse,  à  Séleucie  ou  autres  lieux,  se  rattachaient  aux 
grandes  lignes  navigables,  dont  elles  formaient  comme  la  suite  naturelle. 
Toutefois,  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  ces  lignes,  reliées  de  la 
sorte  aox  voies  fréquentées  par  le  commerce  continental,  aient  différé 
sensiblement  des  lignes  côtières  particulières  à  chaque  contrée.  La 
plus  grande  de  toutes,  qui  allait  de  la  Phénicie  jusqu'aux  Colonnes 
d'Hercule,  n'était  elle-même  au  fond  qu'un  composé  d'un  grand  nombre 
de  lignes  locales  et  particulières.  Qu'on  prenne,  par  exemple,  celle  du 
Lioyd  autrichien  de  Trieste  à  Alexandrie,  ou  les  lignes  qui  vont  de 
Marseille  à  Malte,  il  suffira  du  plus  simple  examen  pour  se  faire  une 
idée  de  la  différence  essentielle  entre  la  navigation  des  anciens  et  celle 
des  modernes.  Aujourd'hui,  le  pilote  consulte  avec  soin  Taire  du  vent  i 
observer;  le  rumb  est,  pour  plus  de  commodité,  inscrit  sur  la  carte 
marine  déployée  devant  lui;  il  a  ses  tables  loxodromiques  et  la  longueur 
des  lignes  généralement  fréquentées  réduites  à  une  mesure  minimum; 
de  plus,  avec  l'aide  de  la  boussole,  du  sextant  et  du  chronomètre,  il 
se  trouve  en  état  d'indiquer  avec  précision  le  lieu  où  il  se  trouve,  et 
suit  en  toute  sécurité  la  route  dont  il  connaît  jusqu'aux  moindres 
détails,  grâce  aux  progrès  merveilleux  de  la  science  nautique.  Le  pilote 
de  l'antiquité  se  trouvait  dans  de  tout  autres  conditions  ;  ce  n'était 
qu'en  tâtonnant  et  dans  une  sorte  de  clair-obscur  qu'il  se  frayait  péni- 
blement sa  voie,  serrant  les  côtes  d'aussi  prés  qu'il  le  pouvait.  Est-ce  à 
dire  pour  cela  qu'il  n'y  a  pas  à  tenir  grand  compte  des  services  qu'il 
a  rendus  ?  Non,  certes  ;  le  premier  navigateur  qui  prit  l'étoile  polaire 
pour  guide  a  frayé  aux  astronomes  la  voie  où  ceux-ci  s'engagèrent 
pour  découvrir  le  système  du  monde,  et  l'inventeur  de  la  boussole 
nous  a  dévoilé  l'existence  de  ces  forces  mystérieuses,  toujours  actives 
à  la  surface  du  globe  et  qui  sont  encore  pour  nous,  à  l'heure  qu'il  est, 
à  l'état  de  révélations  incomplètes. 

Mais  par  cela  même  que  l'ancien  monde  se  borna  à  nous  transmettre, 
bous  la  forme  d'ingénieuses  allégories,  ces  vérités  que  la  science 
d'aujourd'hui  est  arrivée  à  démontrer  et  à  exploiter  â  son  profit,  qu'il 
personnifia  cette  influence  grandiose,  que  les  phénomènes  de  la  mer 


660  GÉOGRAPHIE  HISTORIQUE. 

ont  de  tout  temps  exercée  sur  le  développement  de  l'esprit  humain, 
«or  la  conception  de  l'unité  dans  le  cosmos,  dans  des  êtres  imagi- 
naires, Neptune,  lesDioscures  et  ces  innombrables  divinités  de  la  mer, 
il  nous  est  parfaitement  démontré  qu'il  avait  pressenti,  deviné  cettt 
influence  ;  mais,  resserré  comme  il  Tétait  dans  les  limites  de  la  Médi- 
terranée, il  n'avait  pu  se  lancer  à  la  conquête  de  l'Océan,  ni  acquérir 
la  connaissance  nette  et  précise  de  la  géographie  physique  de  celte 
vaste  étendue  qui  seule  peut  fournir  les  moyens  de  se  l'approprier. 

Ed.  Goguel 


7°  GÉOGRAPHIE  MATHÉMATIQUE 


DE  L'EMPLOI  DE 

LA  PROJECTION  CONIQUE 

DAVI 

UN  ATLAS  SYSTÉMATIQUE  UNlPROJECTlONNEL 

(Suite.) 


NOTES  ET  RENVOIS 

(')  MM.  E.  Cortambert,  Levasseur,  Malte-Bran,  Vidal  de  Lablache,  gé- 
néral LewaI,  etc.,  n'ont  pas  hésité,  dans  des  déclarations  écrites,  à  don- 
ner lenr  opinion. 

(*)  Encore  cette  échelle  varie-t-elle  dans  la  même  carte  d'une  ma- 
nière plus  ou  moins  constante  quand  elle  est  faite  autrement  que  par 
la  projection  conique  avec  parallèles  équidistants.  De  plus,  dans  toutes 
les  projectioDS  complexes,  les  distances  ne  se  peuvent  mesurer  que 
par  une  courbe  dont  la  détermination  est  toujours  difficile,  alors  même 
que  Ton  connaît  la  formule  qui  règle  le  canevas  des  cartes. 

{*)  Il  y  a  tel  ouvrage  de  Tune  de  nos  plus  grandes  autorités  scienti- 
fiques où  subsiste  une  de  ces  erreurs  qui  n'ont  d'autres  causes  que 
celles  que  j'indique.  Ainsi,  la  Terre  de  Van-Diémen  est  indiquée  comme 
ayant  une  étendue  supérieure  à  celle  de  Cuba,  alors  que  celle-ci  est  au 
contraire  de  plus  de  moitié  plus  grande. 

(4)  Certes,  s'il  est  nombre  de  systèmes  de  projection  Justement  inap- 
pliqués et  tombés  dans  l'oubli,  alors  même  qu'ils  résultent  d'une  don- 
née mathématique  ingénieuse,  je  ne  saurais  méconnaître  l'incontestable 
utilité  des  autres  pour  les  cartes  spéciales  dont  l'objet  est  en  quelque 
sorte  exclusif.  Encore  plus  est  utile  la  projection  planisphêrique  cylin- 
drique de  Mercator,  qui  forme  le  canevas  de  nos  cartes  marines,  et 
dont  l'universel  emploi  Justifie  la  valeur.  Mais,  en  ce  qui  concerne  les 
atlas,  je  tiens  pour  Tune  des  causes  premières  de  l'imperfection  de 
nos  connaissances  géographiques,  ces  recueils  hétérogènes  de  cartes 
recrutées  çà  et  là  sans  aijcun  plan  d'ensemble,  sans  aucun  esprit  de 
suite  et  dont  l'incohérence  accuse  une  négligence  contre  laquelle  il 
n'est  que  temps  de  réagir.  Au  surplus,  Y  allas  doit  être  fait  pour  satis- 
faire aux  besoins  de  toute  nature,  c'est  l'élément  primitif  de  nos  con- 
naissances en  géographie,  et  le  premier  de  ses  mérites  est  d'être  basé 


662  GÉOGRAPHIE  MATHÉMATIQUE. 

sur  une  donnée  simple,  compréhensible  à  tons,  et  de  frapper  le» 
yeux  d'une  manière  telle,  que  le  souvenir  en  soit  anssi  exact  que  du- 
rable. 

(')  Chaque  zone  polaire  est  comprise  dans  3  cartes  qui  embrassai 
120°  longitude  chacune. 

Chaque  zone  dn  70*  au  50*  est  comprise  dans  8  cartes  de  45°  longi- 
tude chacune. 

Chaque  zone  du  50e  an  30*  est  comprise  dans  12  cartes  de  36°  longi- 
tude chacune. 

Chaque  zone  du  30*  au  10e  est  comprise  dans  12  cartes  de  30*  lon- 
gitude chacune. 

La  zone  équatoriale  est  comprise  dans  12  cartes  de  30°  longitude. 

Le  méridien  qui  sert  de  point  de  départ  pour  les  divisions  des  cartes 
est  le  20*  degré  longitude  occidentale  de  Paris  (méridien  de  File  de  Fer) 
Ce  choix  est  absolument  provisoire  et  je  suis  tout  prêt  à  adopter  le  Mé- 
ridien qui,  placé  immédiatement  à  côté  de  celui-là,  correspondra  exac- 
tement à  la  nouvelle  division  déterminée  par  le  congrès  internatioafi 
appelé  à  trancher  la  question  du  méridien  initial  universel. 

(•)  Je  ne  puis  mieux  faire,  pour  justifier  cette  appréciation,  que  de 
donner  la  table  générale  des  cartes  du  grand  Atlas,  zone  par  zone. 

1°  Zone  polaire  nord  du  90e  au  70*  parallèle. 

1"  carte.  Spitzberg,  Terre  François-Joseph,  Nouvelle-Zemble  et nart- 

ouest  de  la  Sibérie. 
2*    —      Nord-est  de  la  Sibérie,  Nouvelle-Sibérie,  mer  polaire. 
3*    —      Terres  boréales  de  l'Amérique,  nord  du  Groenland  et  de  a 

mer  de  Baffln. 

2°  Zone  du  70*  au  50*  parallèle  nord. 

4*  carte.  Angleterre,  Suède,  Hollande,  Danemark,   Allemagne  di 
Nord,  Pologne  russe. 

5*    —  Russie  septentrionale  et  centrale,  Sibérie  orientale  :  FOb. 

6*    —  Sibérie  centrale  :  lac  Balka),  Jénissel. 

7*    —  Sibérie  orientale:  Lena,  mer  d'Okhotsk. 

8*    —  Mer  et  détroit  de  Behring,  lies  Aléoutiennes. 

9*    —  Amérique  nord-ouest  :  Youkon,  Mackensie. 

10*    —  Winnipeg,  baie  d'Hudson,  Labrador. 

1 1*    —  Sud  de  la  mer  de  Baffln  et  de  Groenland. 

3*  Zone  du  50*  au  30e  parallèle  nord. 

12*  carte.  France,  Espagne,  Suisse,  Italie,  Allemagne  du  Sud,  is- 
-  triche  occidentale,  Maroc,  Algérie  et  Tunisie  propre. 


PROJECTION  CONIQUE  DANS  UN  ATLAS.        663 

13*  —  Autriche  orientale,  Russie  méridionale,  Turquie  d'Europe 
et  d'Asie,  Grèce,  littoral  nord  de  l'Egypte,  Perse  occi- 
dentale. 

14«  —  Torkestan,  Sibérie  sud-ouest,  Chine  occidentale,  Afghanis- 
tan, Perse  orientale,  Indes  et  Haut-Gange. 

15"    —      Chine  au  nord  du  Yang-tsé-Kiang,  le  Hoang-Ho,  Mongolie. 

16e    —      Mandchourie,  Corée,  Japon. 

17*  et  18e  cartes.  Océan  Pacifique. 

19*  carte.  États-Unis  de  l'Ouest,  Orégon,  Mississipi,  Missouri. 

20*    —     États-Unis  de  l'Est,  Grands-Lacs,  Canada,  Terre-Neuve. 

21"    —     Atlantique,  Açores. 

4*  Zone  du  30*  au  10*  parallèle  nord. 

22"  carte.  Iles  Canaries  et  du  Cap -Vert,  Sénégal,  Sahara  occidental, 
Haut-Niger. 

23e    —     Sahara  oriental,  Soudan,  Egypte,  mer  Rouge. 

24e    —      Golfe  d'Aden,  Arabie,  Béloutchistan,  mer  d'Oman. 

25*  —  Indoustan:  Gange,  Brahmapoutre,  Dekkan,  Bengale,  Bir- 
manie. 

26"    —      Chine  méridionale,  Indo-Chine,  Philippines. 

27",  28"  et  29*  cartes.  Pacifique  :  des  Mariannes  à  Hawaï. 

*0*    —      Vieille-Californie. 

31*  carte.  Mexique,  Yucatan,  Floride,  Cuba. 

32"    —      Grandes  et  petites  Antilles,  Honduras,  lac  Maracalbo. 

33*    —     Atlantique,  lies  du  Cap-Vert. 

5°  Zone  du  10"  parallèle  nord  au  10e  sud.  Equateur. 

34"  carte.  Côte  d'Afrique,  Sierra-Leone,  golfe  de  Guinée. 

35e    —     Guinée  méridionale,  bassin  du  Livingstone  et  du  Haut-Nil. 

36*    —      COte  d'Ajan,  Océan  Indien,  les  Seychelles. 

37*    —      Océan  Indien  :  les  Maldires,  Ceylan,  lies  Chagos,  Malacca. 

38*  —  Détroit  de  Malacca,  lies  de  la  Sonde,  Bornéo,  Célèbes,  Mo- 
luques. 

39*    —     tiouYelle-Guinée,  Carolines,  le  Pacifique,  lies  Salomon. 

40*    —      Pacifique:  lies  Gilbert,  Marshall,  Ellice. 

41*    —      Pacifique  :  les  Sporades,  Nouka-Hira. 

42*  et  43*   Pacifique:  Galapagos,  Panama. 

44*  —  Amérique  du  Sud:  Nouvelle-Grenade,  Venezuela,  Guyane 
anglaise,  République  de  l'Equateur,  Pérou  septentrional, 
nord-ouest  du  Brésil,  Orénoque,  Amazone. 

45*    —      Le  Parahyba,  Atlantique.     * 


I 


664  GÉOGRAPHIE  MATHÉMATIQUE. 

6°  Zone  du  10*  au  ZCP  parallèle  sud. 

46*  carte.  Atlantique  :  Sainte-Hélène, 

47*    —  Afrique  :  Benguela,  HoUentotic,  Gafrerie.  Bassin  du  Zambèse 

et  do  fleuve  Orange. 

48e    —  Madagascar,  les  Comores,  Bourbon  et  Maurice. 

49*    —  Océan  Indien  méridional. 

50*    —  Australie  occidentale. 
51*    —  Id.      septentrionale,  Queenâland. 

52*  carte.  Pacifique,  NouTelIes-Hébrldes,  Nouvelle-Calédonie,  lies  VttL 

53»    —  Pacifique  :  lies  Tonga,  Talti,  archipel  Pomoutou. 
54*    —  Id.       Iles  Gambler,  de  Bass. 

55e    —  11       lies  de  Pâques,  Sala  y  Gomei,  Juan-Fernando. 

56*    —  Amérique  du  Sud  :  les  Andes,  le  Parana. 

57°    —  Paraguay,  Rio-de-Janeiro,  le  San-Francisco. 

7°  Zone  du  30*  au  50*  parallèle  sud. 

58*  carte.  Atlantique  :  lies  Tristan-d'Acunha. 

59*    —      Cap  de  Bonne-Espérance,  colonie  du  Cap,  lies  du  Priiee- 

Édouard,  Mariot  et  Croset,  Amsterdam  et  SaiQt-Paol. 
60*    —      Océan  Indien  :  Terre  de  la  Désolation. 
61*  et  62*  cartes.  Australie:  du  sud-ouest  au  sud-est,  Terre  de  Vu- 

Diémcn. 
63*  carte.  Nouvelle-Zélande,  Iles  Broughton. 
64*  et  65*  cartes.  Région  sud  du  Pacifique. 
66*  et  67*      —      Les  Andes  et  la  Plata  du  Sud,  Uruguay,  Patagonie, 

8°  Zone  du  50*  au  70*  parallèle  sud. 

68e,  69*.  70*,  71e,  72*  et  73*  cartes.  Océan  austral,  terres  australes. 

74*  carte.  Terre  de  Feu. 

75*    —      Iles  Falkland,  Géorgie,  Shetland,  Orcades  et  Sandwich  do  Soi 

9*  Zone  du  70*  au  90*  sud. 
76*,  77*  et  78e  cartes.  Pôle  sud,  Terre  Victoria. 

Cette  table  môme  n'est  qu'un  appendice  secondaire  à  l'Atlas,  car  il 
est,  à  tous  égards,  préférable  de  le  faire  précéder  d'une  mappemorô 
indiquant  la  division  des  cartes,  en  les  numérotant  et  en  les  coloriât 
diversement.  C'est  une  table  graphique  facile  à  consulter  et  qui  rem- 
place avec  avantage  tout  autre  index,  car  non  seulement  on  voit  im- 
médiatement à  quelle  région,'  à  quelle  carte  correspond  le  pays  f* 


PROJECTION  CONIQUE  DANS  UN  ATLAS.  665 

l'on  Teat  étudier,  mais  encore  toutes  les  cartes  qui  forment  l'ensemble 
d'an  continent. 

(7)  Les  parallèles  extrêmes  de  chaque  carte  forment,  à  leur  point  de 
rencontre,  comme  les  coordonnées  de  l'angle  spbérique  correspondant, 
un  angle  droit  arec  les  méridiens. 

(')  De  même  que  j'ai  donné  la  table  des  cartes  du  grand  Atlas,  voici 
celles  de  l'Atlas  scolaire  indiquées  également  par  zones  : 

tre  zone. 
ln  carte.  Contient  la  zone  polaire  nord  entière  jusqu'au  70*  degré. 

2e  et  3e  zones. 

2e  carte.  Europe,  Asie-Mineure,  Perse,  Algérie,  Tunisie,  Maroc. 

&•    —      Sibérie,  Turkestan  Afghanistan,  Chine  septentrionale,  haut 

Indus  et  haut  Gange. 
4e   —      Asie  nord-ouest,  mer  de  Behring,  les  Àléoutienncs,  les  Kou- 

rilles,  le  Japon. 
5*   —      Amérique  nord-ouest,  les  États-Unis  (région  des  Territoires). 
6e    —      États-Unis,  Canada,  Labrador,  Terre-Neuve,  les  Açores. 

4e  et  56  zones. 

7*  carte.  Afrique  septentrionale  :  Sénégal,  Sahara,  Egypte,  bassin  du 

Nil  et  du  Livingstone. 
8°   — -      Littoral  oriental  de  l'Afrique  (Abyssinie,  Ajan,  Zauzibar)  ;  Asie 

sud-ouest  :  Arabie,  Uindoustan  ;  Océan  Indien  :  les  Scy- 

chelles,  les  Maldives. 
9e    —      Chine  méridionale,  Indo-Chine  ;  le  Pacifique  :  îles  Philippines, 

de  la  Sonde,  Moluques,  Nouvelle-Guinée,  Mariannes,  Caro- 

lines  occidentales. 
10S   —      Pacifique  :  Carolines  orientales,  lies  Hawaï,  Marshall,  Gilbert, 

Ellice. 
H*    —      Pacifique  :  lies  Nouka-Hiva  etRevilla-Gigedo;  Mexique,  Amé- 
rique centrale. 
12e    —      Amérique  centrale:  les  Antilles;  Amérique  du  Sud:  les 

Guyanes,  Venezuela,  l'Equateur,  nord  du  Pérou  et  du 

Brésil. 

6*  et  7§  zones. 

13e  carte.  Afrique  méridionale,  lies  Sainte-Hélène,  Tristan-d'Acunha. 
14e    —      Littoral  du  Mozambique,  Océan  Indien,  lies  de  Madagascar, 

Bourbon,  Maurice,  d'Amsterdam  et  Saint-Paul;  Terre  de  la 

Désolation. 


666  GÉOOKAFHIE  MATHÉMATIQUE. 

15*  earte.  Tonte  l'Australie,  Terre  de  Yan-Diémen. 

16*    —      Pacifique  :  Nouvelle-Calédonie,  lies  Tonga,  Viti,  TaRi,  Bos- 

Telle-Zélande. 
17*    —      Pacifique:  lies  Pomoutou,  Gambier,  de  Pâques. 
18*    —      Amérique  du  Sud  :  Partie  méridionale  du  Pérou  et  du  firésâ, 

Bolivie,  Paraguay,  La  Plata;  le  Chili,  l'Uruguay, 


8*  et  9*  zones. 
19*,  20*,  21*  et  22*  cartes.  Terre  de  Feu  et  terres  australes,  pâle  Soi 

Je  dois  faire  remarquer  que,  dans  cet  Atlas,  l'échelle  étant  moitié 
moindre,  chaque  carte  peut  comprendre  la  hauteur  de  40°  an  lieu  de 
20°,  soit  la  hauteur  de  deux  zones.  C'est  ce  qui  explique  le  classemett 
de  celles-ci  deux  par  deux  dans  la  table  ci-dessus. 

On  remarquera  aussi  que,  dans  le  grand  comme  dans  le  petit  Atlas, 
non  content  de  limiter  les  cartes  par  une  ligne  de  repère  pour  en  (Mi- 
liter la  juxtaposition,  j'indique  aux  4  côtés  de  chacune  d'elles  le  nu- 
méro de  la  carte  qui  leur  correspond  immédiatement  soit  an  nord,  se* 
au  sud,  à  l'est  ou  à  l'ouest,  et  reproduit,  autant  qu'il  est  nécessaire 
jusqu'au  cadre,  les  parties  adjacentes. 

(*)  Yoici  ces  1 1  cartes  : 
Carte  A.  Angleterre  et  Hollande. 

—  B.  France  O,  Belgique,  Espagne  septentrionale. 

—  C.   Portugal,  Espagne  centrale  et  méridionale,  les  Baléares,  l'Al- 

gérie, le  Maroc. 

—  D.  Italie  méridionale,  Corse  et  Sardaigne,  Malte  et  Tunis. 

—  E.  Allemagne  du  Nord  et  du  Sud,  Suisse,  Autriche  occidentale. 

Italie  septentrionale. 

—  F.  Autriche  orientale  (Hongrie),  Russie  à  l'ooest  du  Dnieper, 

Principautés  danubiennes. 

—  6.  Russie  centrale. 

—  H.      Id.    méridionale  (Caucase). 

—  I.   Suède,  mer  Baltique,  Finlande  et  littoral  russe  jusqu'au  pla- 

teau de  Waldaï. 

—  J.   Turquie  d'Europe  et  littoral  asiatique  de  la  mer  de  Maman 

et  de  l'Archipel. 

—  K.  Turquie  d'Asie. 


(*)  Cette  earte  n'exclut  pu  les  feuillet  partielles  consacrées  aux  dHPèrentei  par. 
ties  du  territoire  français,  ni  les  carte»  •péctaies  de  France  à  petite  échelle  eoeear 
nant  la  géographie  physique,  la  statistique  économique,  la  météorologie,  «te^ev 
seraient  Jugées  nécessaires  pour  compléter  l'Atlas. 


PROJECTION  CONIQUE  DANS  UN  ATLAS.       667 

(*•)  Les  données  géométriques  de  cette  projection  sont  si  simples, 
tout  en  restant  dans  les  conditions  mathématiques  les  plus  correctes, 
qu'il  suffit  à  l'élèYe  de  savoir  se  sertir  du  compas  et  de  la  règle  pour 
arriver  à  construire  facilement  une  carte.  Pour  l'enfant  au  début,  afin 
qu'il  ressorte  bien  pour  lui  une  notion  claire  de  la  partie  de  la  terre 
représentée  par  une  zone  et  des  cartes  dont  elle  est  l'origine,  que  le 
maître  lui  mette  sous  les  yeux,  d'une  part  une  petite  splière  et  de 
l'autre  cette  même  sphère  réduite  par  zones;  que,  d'un  autre  côté,  il 
ait  des  segments  de  papier  ou  autres  coupés  dans  la  forme  des  cartes 
de  chaque  zone,  et  sur  lesquels  sont  dessinés  les  profils  des  conti- 
nents, il  rendra  évidente  à  l'élève  la  formation  de  ces  cartes  en  appli- 
quant ces  segments  à  leur  place  correspondante  sur  la  sphère.  Ce  sera 
véritablement  une  leçon  de  choses  frappante  et  rationnelle. 

Enfin,  la  division  de  la  terre  par  zones  peut  donner  lieu  à  de  nom- 
breux exercices  mnémotechniques  et  graphiques  sur  la  comparaison 
de  la  situation  des  contrées  ou  parties  de  contrées  sous  le  rapport  des 
latitudes  semblables  ou  différentes  entre  lesquelles  eHes  se  trouvent 
comprises.  Sous  ce  rapport,  l'expérience  même  de  ceux  qui  enseignent 
peut,  mieux  que  moi,  féconder  ce  champ  si  vaste  :  j'ai  créé  le  principe, 
f  ai  tracé  la  route,  à  eux  d'appliquer  l'un  et  de  suivre  l'autre. 

Paris,  avril  1883. 

J.-V.  Barbier. 


8'  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE 


LES  ILES  DE  L'OCÉANIE 

GÉOGRAPHIE,  PRODUCTIONS  NATURELLES,  RAGES  HUMAINES 

[Suite  (').] 


Géographie. 

Aspect  général  de  la  carte  du  Pacifique.  —  Ce  qu'on  appelle  «  Ooéanie  ».  — 

Division  géographique. 

Le  faste  espace  de  mer  compris  entre  tes  côtes  occidentales  des 
deux  Amériques  d'une  part,  et  les  rivages  orientaux  de  l'Australie  et  de 
l'Asie  de  l'autre,  est  connu  sons  le  nom  é'Océan  Pacifique,  de  Grand 
Océan  et  de  Mer  du  Sud.  La  seconde  de  ces  appellations  est  la  seak 
Traiment  convenable,  car  l'épithôte  de  Pacifique  est  applicable  toit  ai 
plus  à  une  très  petite  portion  de  cette  immense  étendue  de  mer; ail- 
leurs elle  n'est  qu'une  rentable  ironie;  quant  au  nom  de  Mer  du  Sud, 
je  ne  sais  pas  sur  quoi  on  peut  se  fonder  pour  le  donner  à  une  mer 
qui  s'étend  autant  au  Nord  qu'au  Sud  de  l'équatenr,  mais  l'usage  de 
ces  dénominations  s'est  conservé,  et  la  première  est  peut-être  la  ptos 
répandue  aujourd'hui,  bien  qu'elle  soit  en  contradiction  arec  les  faits 
observés. 

Cet  immense  espace  est  parsemé  d'Iles,  en  général  à  faible  sur'ace. 
quelquefois  isolées,  éparses  à  de  grandes  distances  les  unes  des  aa« 
très,  mais  le  plus  souvent  réunies  en  groupes,  en  archipels.  Au  pre- 
mier coup  d'oeil  jeté  sur  une  carte,  on  reconnaît  qne  les  positions  re- 
latives de  ces  archipels  ne  sont  pas  indifférentes,  mais  qu'elles  ont  arc 
contraire,  l'apparence  de  suivre  un  plan,  d'obéir  a  une  loi,  et,  quand 
on  vient  à  étudier  l'aspect,  la  forme,  le  relief  des  différentes  lies,  cette 
loi  devient  évidente. 

En  allant  vers  l'Ouest  à  partir  des  côtes  américaines,  en  dehors  de 
deux  archipels  voisins  de  ces  côtes,  celui  des  Galapagos  sous  l'éqna- 
teur et  celui  de  Revilla-Gigedo  situé  vers  le  20*  degré  de  latitude 
.Nord,  jusqu'au  135*  méridien  àl  Ouest  de  Paris  (ces  chiffres  sont  donnés 
cm  nombres  ronds)  dans  l'hémisphère  sud,  et  le  165e  dans  l'hémisphère 


(>)  Voir  le  Bulletin  du  3«  trimestre  1833. 


LES  ILES  DE  l'OCÉANIB.  669 

nord,  à  peine  rencontre-t-on,  tant  au  Nord  qu'au  Sud  de  l'équateur, 
quelques  Ilots  épars,  très  éloignés  les  uns  des  autres,  et  encore  l'exis- 
tence des  premiers  est-elle  douteuse  :  du  moins,  sauf  pour  deux  ou 
trois,  leurs  noms,  sur  les  cartes,  sont  accompagnés  d'un  signe  de  doute, 
d'un  point  d'interrogation  (?). 

A  partir  du  135'  méridien,  les  lies  et  les  archipels  se  multiplient, 
surtout  entre  l'équateur  et  le  25e  parallèle  de  latitude  australe  Jusqu'aux 
rivages  de  ^Australie.  Les  principaux  groupes  qu'on  rencontre  dans 
cet  espace,  en  allant  de  l'Est  à  l'Ouest,  sont  :  l'archipel  des  Marquises, 
Tarebipel  Paumotu  ('),  les  lies  de  la  Société,  l'archipel  Samoa  [ou  Ha- 
rnoa]  (*),«ies  lies  Tonga  ou  des  Amis  (3),  l'archipel  Viti  (ou  Fidji),  les 
Nouvelles-Hébrides,  la  Nouvelle-Calédonie  ;  plus  au  Nord  :  les  lies  Sa- 
totnon,  la  Nouvelle- Bretagne,  la  Nouvelle-Irlande,  aboutissant  à  la  Nou- 
velle-Guinée qui  elle-même  se  rapproche,  par  sa  partie  occidentale, 
du  Grand  Archipel  d'Asie  ;  plus  au  Sud,  entre  34  et  45  degrés  de  lati- 
tude, l'archipel  de  la  Nouvelle-Zélande,  à  l'Est  et  au  Sud  duquel  on 
▼oit  encore  quelques  petites  lies  dont  les  dernières  confinent  aux  ré  - 
gioos  glacées  du  pôle  austral. 

Dans  l'hémisphère  nord,  les  premières  terres  un  peu  importantes 
par  leurs  dimensions,  qu'on  rencontre,  sont  celles  qui  constituent  l'ar- 
chipel Hawaii  (lies  Sandwich),  à  la  limite  du  tropique  du  Cancer  et  sous 
le  160*  méridien  à  l'Ouest  de  Paris.  J'ai  dit  précédemment  que  l'exis- 
tence de  la  plupart  des  petites  lies  marquées  jusque-là  sur  les  cartes 
n'est  rien  moins  que  certaine.  Des  lies  Hawaii  part,  dans  la  direction 
E.-S.-E.  0.-N.~0.,  nne  série  d'Ilots  et  de  récifs  dont  quelques-uns  sont 
également  douteux.  Dans  l'Ouest,  le  Sud-Ouest  et  Je  Sud,  jusqu'au 
delà  de  l'équateur,  on  ne  troure  également  que  des  Ilots  épars,  clair- 
semés, jusqu'au  175*  méridien  à  l'Est  de  Paris,  où  la  mer  se  peuple  de 
nouveau  pour  former  les  archipels  Gilbert  et  Marshall,  et  dn  6e  au  10e 
parallèle  de  latitude  Nord,  le  grand  archipel  des  Carolines,  qui,  en  y 
adjoignant  le  groupe  Peliou{4),  éloigné  de  150  lieues  seulement  des 
lies  Philippines,  n'occupe  guère  moins  de  30  degrés  en  longitude.  Au 
Nord  des  Carolines,  les  Mariannes,  le  petit  groupe  Bonin-Sima  et  des 
Ilots  épars  vont  gagner  le  Japon. 

Cet  ensemble  d'Iles  éparses  et  d'archipels,  dont  je  viens  de  donner 
—  en  l'abrégeant  encore  considérablement  —  l'aride  énumération  ,en 


(*)  On  Tuamotu. 

(*)  Boogalnville  a  donné  à  ces  îles  le  nom  d'Archipel  des  Navigateur».  Cependant 
aea  habitants,  quoique  hardis  marins,  sont,  sons  ce  rapport,  bien  inférieurs  à  d'au- 
tre» Insulaires,  aux  Caroline  par  exemple. 

(*)  Encore  une  appellation  malheureuse  :  pendant  longtemps  les  habitants  des 
I.  Tonga  furent  loin  de  se  montrer  amicaux  et  hospitaliers  pour  les  étrangers. 

C*)  P*let0  dei  Anglais,  Palaoi  des  Espagnols. 

g  OC  OM  GSOOB.  —  4*  TBIUB8TRK  1883.  48 


670  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

y  adjoignant  les  grandes  terres  occidentales,  V Australie  et  k  Tasma- 
nie  ou  Terre  de  Van-Diemen,  et  le  grand  archipel  situé  an  Kord-ftst 
de  l'Australie,  constitue  la  â*  partie  du  monde  des  géographes,  TOcea- 
nib,  qui  elle-même,  pour  faciliter  les  études,  a  été  divisée  plus  on 
moins  arbitrairement,  suivant  la  position  géographique  de  ses  diffé- 
rentes régions,  les  productions  de  leur  6ol,  la  diversité  dea  races 
d'hommes  qui  les  habitent,  etc.,  etc.  ainsi  les  auteurs  anglais  donneBt, 
en  général,  le  nom  $  Australasie  à  l'ensemble  dont  Y  Australie  «oa 
Nouvelle-Hollande),  presque  aussi  étendue  en  superficie  que  l'Europe, 
forme  comme  le  centre  autour  duquel  rayonnent  :  au  Sud  la  Tasmanie, 
au  S.-E.  la  Nouvelle-Zélande,  à  l'Est  la  Nouvelle-Calédonie,  au  JF.-E.  et 
au  Nord  les  lies  Salomon,  la  Nouvelle-Guinée  et  ses  annexes,  Nouvelle- 
Bretagne,  Nouvelle-Irlande,  etc.  Les  terres  qui  avoisinent  le  S.-E.  du 
continent  asiatique  portent  le  nom  d'Archipel  Indien,  Grand  Archipel 
d'Asie,  Archipel  Malais.  Le  reste  des  Iles,  en  allant  à  1  Est  jusqu'à  l'A- 
mérique, constitue  les  lies  du  Pacifique  ou  la  Polynésie  f1). 

Les  grandes  expéditions  de  découvertes  de  la  fin  du  dernier  siècle, 
desquelles  datent  réellement  les  connaissances  positives  sur  l'Océanie, 
trouvèrent  presque  toutes  les  terres  qui  la  composent  habitées.  En  ne 
tenant  compte  que  du  caractère  le  plus  saillant  à  première  vue,  la  cou- 
leur de  la  peau,  on  reconnut  que  l'homme  y  était  représenté  par  déni 
grands  types  :  le  type  noir  et  le  type  brun  (couleur  de  cannelle),  le 
premier  dans  la  partie  occidentale,  an  Sud  de  l'équateur,  ie  deuxième 
dans  l'hémisphère  nord  et  dans  la  partie  centrale  de  Thémispère  snd. 
On  reconnut  en  outre  —  et  cela  non  sans  étonnement  —  que  les  popu- 
lations au  teint  brun,  habitant  les  archipels  situés  dans  la  partie  orien- 
tale, tant  au  Nord  qu'au  Sud  de  la  ligne  équinoxiale,  sur  une  étendue 
de  plus  de  1,200  lieues  en  latitude  et  de  1,700  lieues  de  l'Est  à  l'Ouest, 
étaient  semblables  d'aspect,  avaient,  à  très  peu  de  chose  prés,  les  mê- 
mes mœurs,  les  mêmes  croyances,  ou  plutôt  les  mêmes  superstitions, 
et  pariaient  des  dialectes,  en  général  très  rapprochés  les  uns  des  autres, 
d'une  même  langue. 

Dans  la  partie  occidentale  du  Grand  Océan  au  N.  de  l'équateur,  on 
trouve  également,  ai- je  déjà  dit,  des  hommes  au  teint  brun  qui  ne  diffé- 
raient pas  sensiblement  des  précédents  par  l'aspect  général  et  même 
par  les  caractères  zoologiques,  vivant  du  même  genre  de  vie  que  ces 
derniers  autant  que  le  permet  un  milieu  moins  favorable,  c'est-à-dire 
l'habitation,  sauf  de  rares  exceptions,  sur  des  Ilots  coralligènes,  des 
atolls  à  peine  exondés  ;  mais  ici  l'unité  si  remarquable  du  langage, 
signalée  plus  haut,  a  disparu.  11  en  est  de  même  de  certains  usages, 


[})  Les  Anglais  les  désignent  encore  sons  le  nom  général  d'ito  â*  la  «er  ém  S*4 

(South  $ta  Mandé). 


LES  ILES  DE  L'OCÉANIE.  671 

typiques,  caractéristiques  des  populations  chez  lesquelles  le  langage 
zsl  sensiblement  le  même,  usages  dont  il  sera  question  plus  loin,  entre 
antres  celui  d'un  breuvage  enivrant,  le  kava,  et  l'interdiction  religieuse 
do  tabu. 

Ces  différences,  dont  n'ont  pas  tenu  compte  beaucoup  de  voyageurs 
et  parmi  elles  surtout  le  défaut  d'unité  dans  le  langage,  ont  paru  suffi- 
santes à  Dumont  d'Urville,  auquel  on  est  redevable  de  tant  de  connais- 
sances sur  TOcéanie,  pour  motiver,  en  prenant  de  plus  en  considération 
l'aspect  et  les  petites  dimensions  des  lies  du  Pacifique  nord-occidental, 
remploi  d'un  nom  spécial  pour  l'ensemble  de  ces  lies  :  il  lui  a  donné 
celui  de  Micronésie,  appelant  Polynésie  l'ensemble  des  lies  occupant, 
pour  la  plupart,  la  partie  orientale  du  Grand  Océan,  tant  au  Nord  qu'au 
Sud  de  Téquateur,  et  habitées  par  des  hommes  au  teint  brun,  parlant 
des  dialectes  très  voisins  de  la  même  langue.  La  Polynésie  de  d'Urville, 
ainsi  caractérisée,  a  pour  limites  une  ligne  sinueuse  qui  part  de  Yile 
de  Pâques  (latit.  27°  S.;  long.  111°  0.),  fait  le  tour  des  lies  Hawaii 
(latit.  24°  H.;  long.  157°  0.)  et,  laissant  les  lies  Gilbert  dans  le  Nord, 
Tient  passer  près  de  Tikopia  ('),  sa  borne  occidentale,  au  Nord  des  lies 
Pidji,  entre  cet  archipel  et  celui  de  Tonga,  puis  se  dirige  vers  le  S.-0., 
enclavant  l'archipel  Néo-Zélandais.  Des  lies  Hawaii  à  la  Nouvelle-Zélande 
il  y  a  1,580  lieues  marines  dans  la  direction  N.-E.-S.-O.,  et  de  l'Ile  de 
Pâques  à  Tikopia  1,730  lieues,  E.-S.-E.,  0.-N.-0. 

Les  terres  situées  dans  le  Sud-Ouest,  Nouvelle-Guinée  et  ses  annexes, 
les  Salomon,  Nouvelle-Calédonie,  Nouvelles-Hébrides,  lies  Fidji,  Aus- 
tralie et  Tasmanie,  habitées  par  des  races  noires,  différentes,  il  est 
vrai,  les  unes  des  autres,  mais,  même  pour  celles  qoi  ont  le  teint  le 
plus  clair,  se  rapprochant  beaucoup  plus  du  type  noir  que  du  type 
brun,  forment  la  Mélanésie. 

La  Malaisie  de  Dumont  d'Urville  se  compose  des  lies  (dont  quelques- 
unes  très  grandes)  voisines  du  continent  asiatique,  dans  lesquelles  on 
parle  généralement  le  malais  et  ses  dialectes  (*).  Elle  est  limitée  par 

(»)  Des  explorations  récentes  à  la  Nouvelle-Guinée  ont  fait  reconnaître  une  popu- 

fclon  de  race  polynésienne  dans  la  partie  S.-E.  de  cette  grande  île,  oe  qui  reenle- 

it  les  limites  de  la  Polynésie  de  400  lieues  environ  vers  l'Ouest. 

(*)  La  Malaisie  n'est  pas  seulement  habitée  par  des  Malais.  Dans  les  Moluques,  ou 

Igné  sou»  les  noms  généraux  dL'Alfourou,  Alfor,  Harafor,  etc.,  les  populations 

li  se  maintiennent  en  dehors  de  ces  derniers  et  dont  quelques-unes  occupaient 

tlee  avant  leur  arrivée  ;  mais  ce  mot  ne  désigne  pas  une  race  d'hommes  plutôt 

l'une  autre.  heu  Al  four  ou*  ne  sont  pour  les  Malais  que  des  sauvages  non  Mal  ait 

surtout  non  musulman*.  Un  voyageur  français,  M.  Raffray,  a  pu  constater,  il  n'y 

IfMUi  longtemps»  dans  rite  de  Gilolo  qu'une  partie  des  Alfourous  sont  des  Papoua 

pnxne  ceux  de  la  Nouvelle-Guinée,  tandis  que  d'autres,  par  leur  teint  couleur 

nielle  et  la  masse  de  leurs  caractères  soologiques,  se  rattachent  aux  Dayaks  de 

trnéo,  et  par  suite  sont  très  voisins  des  Polynésiens  proprement  dits.  M.  Hamy 

fulletin  de  la  Société  de  géographie,  mai  1877)  propose  le  nom  d'Indonésien*  pour 

insulaires  pré-malais  propres  a  l'Archipel  Indien,Battas,  Dayak*,  etc. 


672  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

une  ligne  passant  au  Sud  des  lies  de  la  Sonde,  remontant  fers  le  Nord 
entre  les  Moluques  et  la  Nouvelle-Guinée  qu'elle  laisse  i  l'Est,  enel*- 
rant  les  lies  Philippines  et  rejoignant  la  côte  d'Asie,  en  passant  entre 
ces  lies  et  Fonnose. 

Cette  division  de  l'Océanie  par  d'Urville  a  été  adoptée  par  beaucoup 
de  géographes,  quoiqu'elle  soit  tout  artificielle,  basée  uniquement  sur 
des  considérations  de  philologie  et  d'ethnographie,  études  pour  la- 
quelles  TiUustre  navigateur  avait  un  goût  tout  particulier.  A  rai  dire, 
quand  on  sait  sur  quoi  elle  se  base,  elle  en  Tant  bien  d'autres  dé- 
duites de  la  situation  géographique,  des  considérations  politiques,  de 
la  constitution  du  sol,  du  climat,  qui  n'offriraient  pas  des  contmui 
mieux  déflnis;  mais  je  ferai  observer  qu'il  ne  faut  prendre  cette  drrisioa 
que  pour  ce  qu'elle  vaut,  et  ne  pas  s'imaginer  qu'en  dehors  des  carac- 
tères physiques  ou  moraux  des  habitants,  on  trouvera  beaucoup  de 
rapports  entre,  par  exemple,  les  lies  Sandwich  situées  sous  le  tropique 
du  Cancer,  dans  l'hémisphère  nord,  et  la  Nouvelle-Zélande,  située  son 
une  latitude  australe  déjà  élevée,  à  1,580  lieues  des  premières,  bien 
que  les  deux  archipels  soient  rangés  dans  la  Polynésie,  comme  étant 
peuplés  d'hommes  de  la  même  race  et  parlant  la  même  langue. 

Domeny  de  Rienzi  (')  avait  déjà  auparavant  proposé  une  division  de 
l'Océanie  à  peu  près  pareille,  seulement  la  Micronésie  était  réduite  à 
peu  de  chose,  à  quelques  petites  lies  et  à  quelques  rochers  déserts, 
an  peu  au-dessous  du  tropique  du  Cancer,  et  s'élevait  an  Nord  jusque 
vers  le  40*  parallèle.  Le  petit  groupe  de  Bonin-Sima  était  le  plos 
important  de  cette  section. 

Par  suite,  Rienzi  comprenait  dans  la  Polynésie,  en  plus  de  d'Urville, 
les  archipels  Gilbert,  Marshall,  Carolines,  Peliou,  Mariannes,  que  celui-ci 
place  dans  sa  Micronésie.  Il  est  certain  que,  si  on  laisse  de  coté  te 
défaut  d'unité  dans  le  langage,  l'absence  du  tabu  et  de  l'usage  du 
kavai*),  et  qu'on  tienne  compte  de  la  plupart  des  habitudes  de  la  vie 
courante,  et  surtout  des  caractères  zoologiques,  les  Micronésîens  doives! 
être  considérés  comme  des  Polynésiens  chez  lesquels  l'influence  d'un 
milieu  moins  favorable  et,  dans  quelques  cas,  d'anciens  croisementi 
avec  une  race  noire,  ont  produit  une  sorte  de  dégénérescence. 

VOcëanie  centrale  de  Rienzi  se  composait  de  la  Nouvelle-Guinée, 
qu'il  appelle  Papouasie,  et  des  lies  adjacentes  habitées  par  des  Papou: 
Nouvelle-Irlande,  Nouvelle-Bretagne,  etc.,  etc.,  auxquelles  il  adjcôt 
les  lies  Salomon  et  les  lies  Fidji.  VOcéanie  méridionale  ou  Endamém 
comprenait  l'Australie,  la  Tasmanie,  les  Nouvelles-Hébrides,  la  NoureUe- 


(*)  Univerë  pittoresque,  Ocianie,  1. 1,  1836. 

(*)  Dans  quelque*  groupes  mieronésiens,  on  retrouve  des  traces  du  taft»; 
d'autres,  la  mastication  du  bétel,  empruntée  à  l'Asie,  a  remplacé  l'usage  du 


* 


LES  ILES  DE  l'oCÉANIE.  673 

Calédonie,  habitées  par  des  noirs,  en  général  très  laids,  à  formes  grêles, 
très  différents  des  Papous  ;  mais  Rienzi  reconnut  que  ce  n'était  pas 
toujours  vrai,  que  les  différentes  races  étaient  souvent  répandues  et 
mêlées  sur  des  terres  éloignées  de  leur  centre,  et  qu'il  était,  par  suite, 
très  difficile  de  les  rattacher  géographiquement  à  Tune  des  divisions 
do  la  Papooasie  ou  de  l'Endamênie  ;  il  adopta  alors  la  division  de 
d'Urville,  la  Mélanésie,  pour  toutes  les  terres  océaniennes  peuplées 
par  des  races  noires  (*). 

Quelle  que  soit  la  division  qu'on  adopte,  en  jetant  les  yeux  sur  une 
carte,  on  voit  que  la  Micronésie  et  la  Polynésie,  à  l'exception  de  l'ar- 
chipel Néo-Zé landais,  ne  contiennent  que  des  lies  de  très  petites  di- 
mensions quand  on  les  compare  à  la  plupart  des  terres  de  la  Malaisie 
et  surtout  de  la  Mélanésie,  dont  une .  la  Nouvelle-Hollande  ou  Australie, 
peut  être  regardée  comme  un  continent.  La  Polynésie,  la  Micronésie  et 
quelques  lies  de  la  Malaisie  et  de  la  Mélanésie  orientales  constituent,  à- 
proprement  parler,  YOcéanie  des  marins,  dont  je  m'occuperai  plus  par- 
ticulièrement dans  les  pages  qui  suivent,  parce  que  c'est  de  cette 
partie  de  l'Océanie  que  je  peux  le  mieux  parler  avec  connaissance  de 
cause,  et  parce  qu'il  me  semble  que  les  petites  terres  isolées,  épar- 
pillées sur  un  espace  immense,  offrent  peut-être  plus  de  problèmes  à 
résoudre  pour  ce  qui  est  de  leur  formation,  de  leur  peuplement  en 
végétaux,  en  animaux  et  en  hommes,  que  les  grandes  terres  de  la 
Malaisie  et  de  la  Mélanésie,  placées  à  toucher  un  grand  continent,  ou 
reliées  à  lui  par  une  suite  non  interrompue  de  grandes  lies  très  peu 
distantes  les  unes  des  autres. 

Météorologie.  —  Climatologie. 

Vents  alises;  leur  peu  de  régularité  dans  le  Pacifique. —  Sortes  de  moussons. — 
Vents  généraux.  —  Cyclones.  —  Courants  marins  ;  leurs  diverses  influences.  — 
Climat  :  Nourelle-Zélande,  Iles  intertropicales,  Mélanésie,  Nouvelle-Calédonie. 

Le  beau  temps  constant  que  rencontra  Magellan,  dans  sa  navigation 
de  la  côte  d'Amérique  aux  lies  Philippines,  lui  fit  donner  à  la  mer  qu'il 
traversa  le  nom  d'Océan  Pacifique  ;  mais,  je  l'ai  déjà  dit,  ce  nom  n'est 
qu'une  ironie  quand  on  l'applique  à  toute  cette  immense  étendue  qui 
n'est  limitée  que  par  l'Asie,  la  Nouvelle- Hollande,  les  deux  Amé- 
riques, le  cercle  arctique  et  le  cercle  antarctique  :  non  seulement  les 
parties  situées  en  dehors  des  tropiques,  mais  encore  la  zone  comprise 
entre  ces  derniers,  sont  soumises  .à  de  grandes  perturbations  atmos- 
phériques. 
•    Vents.  —  On  avait  d'abord  supposé  que,  dans  cette  zone,  les  vents 


(*)  Voir  note  B,  Appendice. 


674  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

alizés  soufflaient  arec  la  même  régularité  que  dans  FOcéan  Atlantique; 
mais  on  ne  tarda  pas  à  reconnaître  que,  dans  l'hémisphère  sud ,  les 
Tenta  alizés  du  S.-E.,  plus  ou  moins  variables  rers  l'Est  et  vers  le  Sod, 
ne  sont  constants  que  dans  la  portion  comprise  entre  le  méridien  de* 
lies  Galapagos  (200  à  250  lieues  de  la  côte  d'Amérique)  et  celui  des 
lies  de  la  Société.  A  cette  limite,  d'octobre  en  ayril  le  rent  le  plus 
ordinaire,  E.-S.-E.,  est  souvent  remplacé  par  le  vent  d'E.-N.-E.,  allant 
quelquefois  au  N.-fl.-E.  et  même  dépassant  le  Nord  du  côté  de  l'Ouest, 
et  alors  il  dégénère  presque  toujours  en  coup  de  vent  ('). 

Dans  rhémisphère  nord,  l'alizé  N.-B.  a  un  parcours  plus  étends, 
commençant  à  100  lieues  environ  de  la  côte  d'Amérique  et  s'étendaot 
Jusqu'aux  lies  Mariannes.  A  la  limite  septentrionale  de  ce  parcours,  à  la 
latitude  des  lies  Hawaii,  la  régularité  de  l'alizé  est  souvent  interrompue, 
pendant  les  mois  d'hiver,  par  des  vents  du  Sud  et  de  l'Ouest  qui  amè- 
nent des  calmes,  parfois  de  longue  durée  ;  mais,  le  plus  souvent,  Us 
soufflent  à  l'état  de  petite  brise. 

11  semble  que  les  nombreux  groupes  d'Iles  qui  se  trouvent  dans  les 
deux  hémisphères,  à  l'Ouest  des  limites  assignées  plus  haut  en  longi- 
tude aux  alizés,  ont  pour  effet  de  changer  ces  Tenta  en  Tenta  variables 
dans  la  partie  ouest  du  Pacifique,  et  dans  quelques  parages,  en  vents 
dont  le  caractère  périodique  rappelle  les  moussons  de  l'Océan  Indien. 
Ainsi,  on  a  remarqué  que,  dans  l'O.  du  Pacifique,  les  vents  alizés  n'étaient 
dominants  que  d'octobre  en  mai  au  Nord  de  l'équateur,  et  de  mars  es 
octobre  dans  l'hémisphère  sud  ;  que,  pendant  le  reste  de  l'année,  ils 
étaient  très  souvent  interrompus  par  du  vent  de  la  partie  de  i*0uest, 
amenant  de  la  pluie  et  des  rafales  ('). 

La  zone  des  calmes  et  des  vents  variables  èquatoriaux  se  trouve  aa 
Nord  de  l'équateur,  se  déplaçant  quelque  peu  suivant  la  saison  :  ses 
limites  moyennes  sont  les  parallèles  de  3°  et  de  8°  de  latitude  2lord. 

En  dehors  des  tropiques  les  vents  sont  variables,  mais,  eu  général, 
ceux  de  la  partie  de  l'Ouest  dominent,  changeant  du  N.-O.  au  S.-O.,  le 
plus  souvent  soufflant  en  tempête  dans  les  latitudes  élevées,  principa- 
lement dans  rhémisphère  austral.  La  zone,  qui  fait  le  tour  du  globe, 
au  Sud  du  cap  Horn,  de  la  Terre  de  Van-Diemen  et  du  cap  de  Bonne- 


(*)  En  1878,  un  cyclone  *  séti  avec  furie  sur  les  îles  Paumotu. 

O  Je  puis  dire,  à  la  suite  d'une  expérience  de  trois  années,  que  les  vente  de  la 
partie  de  l'Ouest  régnent  au  moins  pendant  nn  tiers  de  l'année  à  1  a  cote  ooest  de 
la  Nouvelle-Calédonie  (bien  que  cette  île  soit  dans  le  parcours  que  suivrait  le  veat 
allié  s'il  était  constant)  à  dea  Intervalles  à  peu  près  réguliers,  précédés  par  &« 
grandes  brises  d'Est,  parfois  de  véritables  coups  de  vent,  passant  à  l'Est,  an.  N.-2L, 
avec  une  pluie  continuelle,  quand  le  vent  estdn  Nord  à  l'ouest.  Le  temps  ne  rede- 
vient bean  que  quand  le  vent  a  passé  au  S.-O.  ;  alors  l'alizé  d'XL-S.-E.  ne  tarde  ps» 
4  reprendre  son  cours.  De  novembre  en  avril,  les  vents  de  l'Ouest  dominent  ass 
Nouvelles-Hébrides,  aux  lies  Salomon. 


LES  ILES  DE  l'OCÉANIE.  675 

Espérance  est,  à  juste  titre,  renommée  pour  ses  vents  impétueux  et 
pour  la  grosse  mer  qu'aucun  obstacle  n'arrête. 

L'espace  de  mer  compris  entre  la  Nouvelle-Calédonie,  l'Australie  et 
la  Nouvelle-Zélande  est  peut-être  un  des  points  du  globe  les  plus 
exposés  aux  perturbations  atmosphériques.  Presque  toute  Tannée,  les 
vents  d'Ouest  et  de  N.-O.  soufflent  avec  rage  sur  les  côtes  .occidentales 
de  l'archipel  Néo-Zélandais.  Les  vents  de  N.-E.  sont  quelquefois  aussi 
violents  sur  la  côte  orientale  ;  aussi,  c'est  avec  justesse  que  d'Urvitle  a 
pu  dire  que,  si  les  anciens  avaient  connu  là  Nouvelle-Zélande,  ils  en 
auraient  fait  le  séjour  favori  d'Éole.  Pendant  les  mois  d'hiver,  les  vents 
d'Ouest  (0.-N.-0.,  0.-S.-0.)  [grand  frais]  dominent  sur  la  côte  orientale 
d'Australie,  et,  à  leur  rencontre  avec  les  vents  alizés,  assez  réguliers  dans 
cette  saison,  il  se  produit  des  calmes,  quelquefois  des  orages  très 
violents.  Sons  l'influence  de  ces  vents  divers,  la  mer  est  presque  tou- 
jours battue  dans  ces  parages.  Il  est  rare  de  faire  un  voyage  de  la 
Nouvelle-Calédonie  à  Sydney,  ou  réciproquement,  sans  éprouver  un 
coup  de  vent,  et  cela  quelle  que  soit  la  saison  ('). 

La  partie  S.-0.  du  Grand  Océan,  entre  les  tropiques,  est  soumise  pen- 
dant les  mois  d'été,  décembre,  janvier  et  février,  à  des  ouragans,  des 
cyclones  qui  se  font  sentir  avec  une  violence  terrible  aux  lies  Salomon, 
aux  Nouvelles-Hébrides  et  à  la  Nouvelle-Calédonie  (').  Dans  l'hémis- 
phère nord,  les  typhons  de  la  mer  de  Chine  s'étendent  vers  le  Nord, 
an  delà  des  Philippines  jusqu'au  Japon  :  le  méridien  des  lies  Mariannes 
parait  être  leur  limite  du  côté  de  l'Est. 

Très  souvent,  surtout  dans  la  zone  intertropicale,  le  voisinage  im- 
médiat des  terres,  le  relief,  la  configuration,  l'orientation  de  ces  der- 
nières, amènent  des  changements  dans  la  direction  du  vent  qui  souffle 
an  large;  les  alternatives  de  la  brise  de  terre  et  de  la  brise  de  mer  sont 
pins  ou  moins  sensibles,  le  calme  règne  à  certaines  heures  du  jour  ou 
de  la  nuit.  Ce  sont  là  des  phénomènes  locaux  qu'on  retrouve  dans 
toutes  les  mers.  Les  bornes  de  ce  livre  ne  me  permettent  pas  d'entrer 
dans  les  cas  particuliers,  mais  j'en  ai  dit  assez  pour  faire  voir  que  des 
vents,  auxquels  on  avait  cru  d'abord  pouvoir  attribuer,  par  analogie 
avec  ce  qui  se  passe  ailleurs,  une  direction  constante,  subissent  des 
variations  bien  marquées.  La  constatation  de  ces  variations  —  sans 

(*)  A  moitié  chemin  de  Sydney  à  la  Nouvelle-Calédonie,  il  y  a  an  petit  groupe  de 
récifs  madréporiques  auprès  desquels  on  éprouve  presque  toujours  un  changement 
de  temps.  C'est  presque  un  article  de  foi  ches  beaucoup  de  marins  que  le  voisinage 
des  itou  ooralligénes  a  une  influence  marquée  sur  le  temps  et  la  direction  du  vent. 
Je  ne  vols  nullement  le  pourquoi  de  cette  assertion  ;  il  n'y  a  eu,  sans  doute,  dans  la 
eonetatation  de  oe  fait  que  des  coïncidences  fortuites,  mais  il  est  Juste  de  dire  que 
ce*  coïncidences  ont  été  remarquées  souvent. 

(*)  Un  cyclone  d'une  violence  inouïe  a  ravagé  la  Nouvelle-Calédonie  tout  récem- 
ment (Si  janvier  1S80). 


C76  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

parler  de  L'intérêt  majeur  qu'ont  les  navigateurs  à  les  connaître —  est 
des  plus  importantes  pour  résoudre,  ou  an  moins  pour  discuter,  un 
problème  qui  s'est  posé  de  bonne  heure  :  la  manière  dont  les  archipels 
océaniens,  séparés  des  continents  et  des  terres  étendues,  ont  pu  être 
peuplés. 

Courants,  —  Les  courants  marins,  sans  compter  leur  importance  à 
l'endroit  de  la  navigation,  n'ont  pas  une  iufluence  moindre,  en  raison 
de  leur  direction,  de  leur  vitesse,  de  leur  température,  sur  la  présence 
de  certaines  espèces  marines,  animales  et  végétales,  dans  certains 
parages  plutôt  que  dans  d'autres,  sur  les  migrations  humaines  qu'ils 
peuvent  faciliter  ou  entraver,  sur  la  formation  du  tapis  végétal  dans 
des  lies  éparses,  isolées,  où  ils  apportent,  quelquefois  de  très  loin,  des 
graines  ayant  la  faculté  de  conserver  leurs  propriétés  germinatÎTes 
malgré  un  long  séjour  dans  l'eau  de  mer. 

Dans  le  Sud  du  Grand  Océan,  vers  la  latitude  du  cap  Horn  (60°j,  on 
courant  froid,  venant  de  l'Ouest  et  se  dirigeant  vers  l'Est,  rient  se 
buter  contre  la  côte  occidentale  de  l'Amérique  du  Sud,  la  prolonge  du 
Sud  au  Nord,  tempérant  le  climat  du  Chili  et  du  Pérou,  puis,  s  inflé- 
chissant vers  l'Ouest,  se  perd  dans  le  grand  courant  équatorial  qni 
traverse  la  largeur  du  Pacifique  de  l'Est  à  l'Ouest,  eu  Ire  les  deux  tro- 
piques. Dans  l'hémisphère  sud,  arrivé  aux  environs  de  la  KooTeNe- 
Galédonie,  ce  grand  courant  se  divise  en  deux  branches:  Tune  tourne 
vers  le  Sud,  entre  l'Australie  et  la  Nouvelle-Zélande,  l'autre  se  dirige 
au  N.-O.,  vers  le  détroit  de  Torres  et  la  partie  sud  de  la  Nouvelle- 
Guinée.  Au  Nord  de  cette  grande  lie  et  de  celles  qui  l'avoisinent  du 
côté  de  l'Est,  sous  l'influence  des  moussons  qui  se  fout  sentir  jusque 
dans  ces  parages,  le  courant,  suivant  la  saison,  présente  alternative- 
ment des  directions  opposées,  fi.-S.-E.,  0.-N.-0.  Plus  au  Nord,  il  s'inflé- 
chit au  N.-O.  et  va  rejoindre  le  courant  du  Japon,  le  KuroStwo,  sortant 
des  mers  chaudes  de  la  Malaisie,  analogue  au  Gulf-slream  de  l'Atlan- 
tique et  qui,  pour  compléter  l'analogie  avec  ce  dernier,  traverse  de 
l'Ouest  à  l'Est,  la  zone  tempérée  du  Pacifique  nord,  frappe  les  côtes  de 
l'Amérique  septentrionale,  puis,  s'inflé'chissant  vers  le  Sud  et  le  Sud- 
Ouest,  vient  rejoindre  le  grand  courant  équatorial  dans  les  en  riront 
des  lies  Hawaii  C'est  grâce  à  ce  courant  que  des  fruits  du  Grand 
Archipel  d'Asie  ont  été  recueillis  sur  les  rivages  hawaiiens,  après  le 
long  circuit  que  je  viens  de  signaler,  et  que  des  jonques  japonaises 
désemparées  ont  été  rencontrées  dans  leur  voisinage  et  sur  les  côtes 
de  l'Amérique  du  Nord. 

Ainsi  que  je  l'ai  fait  pour  les  vents,  je  n'indique  que  les  grand* 
mouvements  des  eaux,  les  principales  lignes  des  courants  marins,  mais 
ces  derniers,  de  même  que  les  courants  aériens,  subissent  des  modifi- 


LES  ILES  DE  L'OCÉANIE.  677 

cations  au  voisinage  des  terres,  au  passage  des  détroits,  etc.,  etc.  Très 
souvent,  ordinairement  même,  quand  un  courant  règne  au  large,  un 
contre-courant  s'établit  le  long  de  terre,  modiûé  encore  par  les  marées 
et  d'autres  causes  locales. 

Les  effets  de  la  mer  sur  les  côtes  connus  sous  le  nom  de  ras  de 
nutrée,  quoiqu'ils  n'aient  rien  de  commun  avec  ce  dernier  phénomène, 
ont  été  observés  plusieurs  fois,  et  sur  divers  points  de  TOcéanie,  mais 
t  omme  on  a  remarqué  des  coïncidences  entre  leur  apparition  et  des 
tremblements  de  terre  ('),  je  me  réserve  d'en  parler  quand  je  m'occu- 
perai de  ces  derniers. 

La  partie  du  Grand  Océan  austral  comprise  entre  le  courant  équa- 
torial  et  le  courant  froid  venant  de  l'Ouest,  présente  une  physionomie 
particulière  qui  lui  a  fait  donner  à  juste  titre,  par  Maury,  les  noms  de 
Mer  désolée,  Mer  déserte.  A  peine  y  rencontre-t-on  un  oiseau,  un 
poisson,  la  vie  semble  avoir  disparu  dans  cet  espace.  J'ai  été  à  môme 
de  vérifier  l'exactitude  de  la  description  de  Maury,  dans  une  traversée 
de  la  Nouvelle-Calédonie  à  Tahiti. 

Climat.  —  Les  lies  nombreuses  dont  l'ensemble  compose  la  Micro- 
nésie  et  la  Polynésie  sont,  à  quelques  exceptions  près,  comprises 
entre  les  tropiques.  Ces  lies  ne  paraissent,  à  vrai  dire,  que  comme  de 
simples  points  sur  la  carte,  mais  quelques-unes,  eu  égard  à  leurs 
petites  dimensions,,  présentent  un  relief  considérable  (*),  tandis  que 
d'autres  ne  sont  guère  que  des  récifs  madréporiques,  émergeant  à 
peine  de  la  mer.  Toutes  ont  un  climat  à  peu  près  pareil,  un  printemps, 
on  plutôt  un  été  perpétuel,  car  dans  quelques-unes,  voisines  de 
Téquateur,  la  chaleur  dépasse  quelquefois  33°  centigrades  à  l'ombre 
pendant  le  jour  et  ne  tombe  pas  au-dessous  de  26°  pendant  la  nuit. 
Naturellement,  le  climat  présente  des  différences  dans  les  lies  plus 
éloignées  de  Téquateur,  et  à  fortiori  dans  celles  dont  la  latitude  est 
encore  plus  élevée.  Ainsi,  aux  lies  Sandwich  (Hawaii),  situées  sous  le 
tropique  du  Cancer,  la  neige  couvre  Jes  plus  hauts  sommets  pendant 
les  mois  d'hiver,  tandis  que,  plus  près  de  Téquateur,  la  différence  de 
la  température  au  bord  de  la  mer  et  celle  des  hauteurs  est  à  peine 
appréciable  au  thermomètre.  À  la  Nouvelle-Zélande,  dans  la  zone  tem- 
pérée australe,  les  hivers  sont  rigoureux  dans  le  Sud;  la  haute  chaîne 
de  montagnes,  Taréte  de  l'archipel,  a  la  plus  grande  partie  de  ses  som- 
mets couverts  de  neiges  éternelles.  Dans  le  Nord  de  l'archipel,  le  climat 
est  plus  doux,  quelques  végétaux  à  physionomie  tropicale  y  croissent 


(*)  Ceet  ce  qui  a  eu  lieu,  le  28  mars  1875,  aux  Non  relies-Hybride*.  Depuis  lors,  le 
▼blc&n  de  llle  Tanna  est  re«;ô  en  activité. 

(*)  O  Hlyaoa  (ïlea  Marqufseï)  a  1,860  mètre»  d'altitude  tnr  7  lieue*  de  longueur; 
—  Hout  Orohtna^  Tahiti  :  3,887  métrée.  —  Mauna-Loa,  A  Hawaii  :  4,166  motrea. 


<678  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

spontanément,  mais,  par  suite  des  vents  tempétueux  qui  régnent  très 
souvent,  il  est  loin  d'être  toujours  agréable.  Je  me  suis  trouvé  deux 
fois  à  la  Nouvelle-Zélande  (à  Auckland,  dans  l'Ile  do  Nord;  à  l'époqae 
de  Noël,  c'est-à-dire  au  cœur  de  Tété  de  l'hémisphère  austral,  et,  si 
ce  n'est  qu'il  ne  faisait  pas  froid,  le  temps  était  souvent  aussi  mauvais, 
aussi  venteux  qu'il  Test,  à  cette  époque,  sur  les  rivages  de  UMandie. 
Malgré  cela  —  et  peut-être  à  cause  de  cela,  —  le  climat  est  très  sais, 
vivifiant  ;  les  émigrants  anglais  s'en  trouvent  fort  bien  —  il  faut  dire 
que,  dans  la  mère  patrie,  ils  ne  sont  pas  gâtés,  —  et  Ton  retrouve  dus 
les  Jeunes  filles,  nées  à  la  Nouvelle-Zélande,  les  belles  carnations  de 
leurs  sœurs  d'Angleterre,  ce  qui  est  une  exception  en  Australie. 

Dans  la  zone  intertropicale  le  baromètre  oscille  entre  0*,7SS  et 
0B,765,  se  tenant  le  plus  ordinairement  à  0B,762.  Ses  Indications  n'ont 
pas  grande  valeur,  si  ce  n'est  dans  les  parages  exposés  aux  ouragans 
(cyclones,  typhons),  où  elles  acquièrent  une  importance  capitale.  Elles 
sont  aussi  précieuses  dans  les  zones  tempérées,  au  Nord  et  au  Sud  de 
l'équateur..  Dans  l'hémisphère  sud,  le  mercure  baisse  avec  les  vents 
du  Nord,  et  arrive  à  son  niveau  le  plus  bas  quand  le  vent  est  du  Nord- 
Ouest  à  l'Ouest,  pour  remouter  quand  il  tourne  vers  le  Sud.  Le  con- 
traire a  lieu  dans  l'autre  hémisphère. 

Les  lies  Intertropicales,  au  climat  chaud  et  humide,  sont  rafraîchies 
par  les  vents  alizés,  mais  on  a  vu  que  ceux-ci  ne  sont  pas  toujours 
réguliers  et  constants.  Les  sommets  des  lies  élevées  arrêtent  les  nuages, 
des  brouillards  épais  descendent  le  long  des  montagnes,  aspirés  par 
les  gorges  où  la  chaleur  raréfie  l'air  ;  il  pleut  alors  abondamment  dans 
le  haut  de  ces  vallées,  tandis  qu'en  même  temps,  au  bord  de  la  mer, 
il  tombe  à  peine  quelques  gouttes  d'eau.  Il  y  a  néanmoins  une  saison 
humide,  caractérisée  par  des  pluies  torrentielles,  et  une  saison  sèche, 
mais  leurs  alternances  ne  son,t  pas  toujours  bien  tranchées.  Les  époques 
des  pluies  sont  aussi  celles  des  perturbations  atmosphériques,  des 
grains,  des  orages  :  ces  derniers  sont  moins  communs  qu'on  ne  sérail 
porté  à  le  croire,  sur  des  terres  montueuses  et,  en  général,  couvertes 
de  végétation.  Pendant  trois  années  consécutives,  je  n'ai  Jamais  entends 
le  tonnerre  aux  lies  Marquises,  ce  qui  a  lieu  de  surprendre,  car  j'ai 
vu  quelques  orages  très  violents  à  Tahiti  où  les  conditions  sont  très 
sensiblement  les  mêmes. 

En  somme,  le  climat  de  la  Polynésie  tropicale  est  sain,  et  je  crois 
qu'on  peut  en  dire  autant  de  la  Micron ésie.  Il  est  clair  cependant  qo*i 
la  longue  les  Européens  s'y  énervent,  mais  ils  y  sont  à  l'abri  de  h 
plupart  des  terribles  affections  des  pays  chauds.  Quant  aux  indigène*, 
les  maladies,  quelquefois  très  graves,  auxquelles  ils  sont  sujets,  son* 
presques  toutes  dues  à  un  mauvais  régime,  à  la  négligence  compte 


LES  ILES  DE  l'OCÉANIE.  679 

des  plus  simples  précautions  d'hygiène  et  à  d'autres  causes  encore 
peu  connues. 

Dans  TOuest  du  Pacifique,  les  conditions  sanitaires  sont  loin  d'être 
aussi  bonnes.  Les  terres  de  la  Malaisie,  couvertes  d'une  végétation 
désordonnée,  soumises  aux  alternatives  d'un  soleil  brûlant  et  de  pluies 
diluviennes,  à  des  calmes,  à  des  orages,  recèlent  de  nombreux  foyers 
de  pestilence  où  la  lutte  pour  la  vie  est  bien  pénible  à  l'Européen.  Le 
peu  qu'on  connaît»  Jusqu'à  présent,  de  la  Mélanésie  semble  indiquer 
qu'elle  n'est  pas,  en  général,  plus  favorisée.  L'Ile  Waigiou,  à  l'extrémité 
ff.-O.  de  la  Nouvelle-Guinée,  est  renommée  pour  son  insalubrité,  et  les 
quelques  explorateurs  qui  ont  attaqué  résolument  depuis  quelques 
années  la  grande  lie  papoue,  ont  tous  eu  à  souffrir  plus  ou  moins  du 
climat.  Les  Salomon  sont  très  suspectées  (*).  D'Urville,  dans  le  récit  du 
voyage  de  Y  Astrolabe,  a  relaté  l'effet  pernicieux  produit  sur  son  équi- 
page par  un  séjour  de  trois  semaines  à  Vanikoro;  la  mauvaise  répu- 
tation de  cette  lie  était  si  bien  établie,  que  les  naturels  de  la  petite  lie 
voisine,  Tikopia,  conseillaient  au  navigateur  français  de  n'y  point  aller, 
rassurant  que  lui  et  son  équipage  succomberaient  à  la  fièvre.  Sur  cinq 
Tikopiens  qui  firent  le  voyage  avec  Y  Astrolabe,  un  tomba  malade,  et 
cependant  ces  individus  venaient  chaque  soir  coucher  â  bord  du  na- 
vire {').  L'archipel  Viti  (Fidji),  qui  confine  aux  lies  occidentales  de  la 
Polynésie,  est  considéré  comme  ayant  un  climat  salubre,  bon  pour  les 
Européens;  j'ai  cependant  vu  des  individus  en  revenir  assez  malades 
de  fièvres,  mais  il  est  juste  de  dire  que  c'étaient,  pour  la  plupart,  des 
gens  à  constitution  à  demi  ruinée  par  des  excès  de  tout  genre,  et  qui 
ne  perdaient  jamais  l'occasion  de  faire  une  débauche  alcoolique,  quand 
elle  se  présentait. 

Dans  plusieurs  lies,  l'insalubrité  naturelle  a  été  encore  augmentée 
par  l'invasion  de  la  variole  importée  par  des  navires,  et  qui  fait  pres- 
que autant  de  victimes  que  de  malades  :  j'ai  vu  le  cas  se  présenter  aux 
nouvelles -Hébrides  qui  sont  déjà  très  malsaines  pendant  la  saison 
humide.  Les  naturels  eux-mêmes  redoutent  cette  époque,  toujours 
marquée  par  une  grande  mortalité.  On  a  pu  remarquer  que  des  caté- 
chistes de  race  polynésienne,  amenés  par  les  missionnaires  anglais, 
ne  supportaient  pas  mieux  le  climat  que  des  Européens. 

La  Nouvelle-Calédonie,  au  moment  de  son  occupation  par  la  France, 
contrastait  heureusement  avec  la  plupart  des  autres  terres  mélané- 


(!)  Sctn-CriêtovaX,  Fane  de  ees  îles,  est  très  malsaine  ;  la  fièvre  y  règne  tonte 
Pansée. 

(*)  Ce  ne  fat  que  par  suite  d'an  accident,  d'an  par  hasard,  que  ces  Tikopiens  ac- 
compagnèrent V  Astrolabe  à  Vanikoro.  Bien  n'aurait  pu  les  décider  &  y  aller  de 
bonne  rolonté,  tellement  ils  avaient  peur  de  •  cette  terre  qui  tue  •  (mate  mot  fenua). 
(XXUrrUle,  Astrolabe,  Hist.  du  voy.,  t.  V,  p.  117.] 


680  GÉOGRAPHIE  GÉNÉRALE. 

siennes  par  une  salubrité  exceptionnelle.  Une  expérience  de  trois 
années  me  permet  de  dire  que  l'Européen  pouvait  aller,  Tenir,  travailler, 
passer  la  nuit  en  plein  air,  etc.,  arec  la  môme  impunité  que  dans  les 
contrées  les  plus  favorisées  des  zones  tempérées  :  tout  au  plus,  étail-oi 
obligé  de  prendre  quelques  précautions  contre  les  rayons  d'an  soleil 
quelquefois  trop  ardent.  En  arriére  des  plages,  aux  embouchures  des 
cours  d'eau,  on  rencontre  de  vastes  surfaces  couvertes  de  palétuviers 
et  de  mangliers,  et,  comme  chacun  sait,  les  fièvres  paludéennes 
sont  l'accompagnement  le  plus  ordinaire  de  cette  végétation.  Ici,  il  n  et 
est  rien,  tout  le  monde  a  pu  en  faire  la  remarque,  et,  poux  ma  part, 
j'ai  tu  l'équipage  du  navire  que  je  commandais  travailler  impunémeai 
pendant  une  semaine  entière,  nuit  et  Jour,  avec  des  alternatives  de 
soleil  brûlant  et  de  pluie  torrentielle,  dans  le  delta  marécageux  de 
Kanala.  En  1 860,  on  constata  bien  quelques  affections  ayant  en  queiqie 
sorte  un  caractère  épidémique,  mais  il  faut  remarquer  qu'elles  s'atta- 
quaient exclusivement  à  des  Jeunes  soldats,  fraîchement  débarqués  après 
une  traversée  longue  et  pénible,  et  qui,  tombant  tout  à  coup,  au  sortir 
des  parages  froids  de  l'Océan  Indien  austral,  dans  un  pays  tropical,  i 
l'époque  la  plus  chaude  de  l'année,  ingurgitaient  en  grande  quantité, 
en  dépit  de  toutes  les  recommandations,  l'eau  fangeuse  des  mares 
formées  par  la  pluie,  la  seule  qu'on  trouvât  alors  auprès  de  Nouméa. 
Quelques  travaux  de  terrassement  indispensables  avaient  été  asssi 
l'origine  de  maladies,  mais  cet  effet  se  produit  souvent  dans  les  ptyi 
les  plus  sains;  en  somme,  cela  avait  été  très  peu  de  chose  à  ta  Nouvelle- 
Calédonie  qui  conservait,  à  juste  titre,  sa  réputation  de  salubrité. 

Mais  il  parait  qu'aujourd'hui  il  y  a  beaucoup  à  en  rabattre,  au  moins 
pour  les  environs  de  Nouméa.  L'accumulation  simultanée,  sur  ce  point, 
des  condamnés  à  la  transportation  et  des  déportés  à  la  suite  de  finsar- 
rection  de  1871,  les  travaux  et  les  mouvements  de  terrain  nécessités 
pour  l'installation  de  tout  ce  personnel,  les  prédispositions  morbides 
d'un  certain  nombre  de  ceux  qui  en  faisaient  partie,  l'encombrement, 
l'insuffisance  et  l'imperfection  des  logements,  d'autres  causes  encore, 
auraient  développé  avec  acuité  la  plupart  des  affections  des  pays  chaodi 
dont  Jusqu'alors  on  n'avait  constaté  que  de  très  rares  exemples,  êtes* 
core  d'uu  caractère  bénin,  sans  gravité.  Le  tableau  fait  par  mon  ans, 
M.  Girard  La  Barcerie,  médecin  en  chef  de  la  marine,  placé  à  la  télé 
du  service  médical  de  la  colonie  (1876-1878),  renverse  de  fond  es 
comble  les  idées  et  les  impressions  des  personnes  ayant  vécu  a  ta 
Nouvelle-Calédonie  pendant  les  quinze  années  qui  ont  suivi  l'occupt- 
tion  ;  mais,  dira-t-on,  très  malade  lui-même,  M.  Girard  La  Barcerie  se 
l'a-t-il  pas  inconsciemment  assombri  ?  C'est  peu  croyable. pour  ceax 
qui  connaissent  sa  science  médicale  et  la  trempe  de  son  naturel  éoer- 


LES  QUESTIONS  DE  GÉOGRAPHIE  COLONIALE.     681 

gique.  En  tout  cas,  ce  qu'il  dit  parait  ne  devoir  être  appliqué  qu'à  Nou- 
méa et  à  son  voisinage  immédiat,  et,  même  en  admettant  que  le  tableau 
ne  soit  nullement  chargé,  sous  le  rapport  de  la  salubrité,  la  Nouvelle- 
Calédonie  l'emporte  encore  sur  la  plupart  des  contrées  intertro- 
picales. 

(A  suivre.) 


9°  Note  sur  les  questions  de  géographie  coloniale. 

Plus  d'un  de  nos  lecteurs  s'est  déjà  demandé,  sans  doute,  comment 
notre  Bulletin,  s'associant  au  mouvement  d'opinion  qui  nous  porte  en 
ce  moment  vers  la  Cochinchine  et  le  Tong-King,  ne  renferme  pas,  en 
première  page,  des  études  ou  des  nouvelles  sur  cette  question  ainsi 
que  sur  celle  de  la  colonisation  officielle  en  Algérie,  sur  laquelle  les 
Chambres  viennent  de  délibérer. 

Pour  les  nouvelles,  notre  Bulletin  trimestriel  ne  peut  enregistrer 
que  celles  qui  marquent  les  phases  sérieuses  de  nos  entreprises  ('), 
l'actualité,  le  fait  divers  étant,  au  cas  particulier,  du  domaine  de  la 
presse  périodique. 

Quant  aux  études,  depuis  longtemps  déjà  les  membres  de  la  Société 
de  géographie  de  l'Est  ont  entre  les  mains  les  plus  consciencieuses  et 
les  plus  complètes.  Ils  n'ont  qu'à  relire  notre  Bulletin  de  1860  qui 
renferme  :  le  Bassin  du  Cambodge,  par  M.  Fénal  ;  les  Cinq  Voyages  du 
VF  Harmand  en  Indo-Chine,  par  M.  E.  Génin;  Notice  sur  l'importance 
commerciale  de  la  voie  du  Song-koï  (fleuve  Rouge),  traitée  à  deux 
points  de  voe  différents,  par  M.  de  Bizemont  et  par  M.  E.  Génin,  syn- 
thèses complètes  de  tout  ce  qui  tient  à  l'histoire  de  nos  intérêts  dans 
1* extrême  Orient. 

Snr  la  question  de  la  colonisation  officielle  en  Algérie,  nous  n'avons 
qn'à  rappeler  la  conférence  faite  par  M.  G.  Renaud,  directeur  de  la 
Revue  géographique,  dans  laquelle  il  a  résumé  ce  qu'il  a  publié  contre 
ce  système.  La  Rçvue  géographique  est  dans  notre  bibliothèque  à  la 
disposition  de  nos  lecteurs. 


(<)  Voir  dans  tow  nos  Bulletin*  les  Nouvelle*  géographiques. 


M  ISCELLANÉES 


Description  de  toutes  les  provinces,  royaumes,  États  et  villes  prin- 
cipales du  monde,  tirée  des  récits  toscans  de  Juan  Botero  Ben  es,  par 
F.  Jaynie  Rebullosa,  de  l'ordre  des  Prêcheurs.  Édité  à  Gèrone  par 
Jayme  Bro,  imprimeur  libraire,  colle  de  las  BallesterUu  (me  des 
Arbalètes)  en  Tan  1748. 

Cet  ouvrage  a  été  publié  en  1602,  comme  le  prouve  l'autorisation 
donnée  par  les  RR.  PP.  Fr.  Thomas  Roca  Maestro  et  Fr.  Benito  Torrente 
Presentado,  à  Sainte-Catherine  de  Barcelone,  le  27  novembre  1602. 

LORRAINE. 

Les  historiens  français  nomment  Austrasie  le  pays  qui  est  situé  entre 
le  Rhin  et  la  Meuse,  de  même  qu'ils  appellent  Neustrie  celui  qui  est  com- 
pris entre  la  Meuse  et  la  Seine.  L1  Austrasie  changea  de  nom  sous  r em- 
pereur Lothaire  et,  depuis  ce  temps,  Ton  appelle  Lotharingie  celte 
partie  de  l'Austrasie  qui  appartient  à  la  maison  de  Lorraine. 

Les  limites  de  cette  province  sont  à  peu  près  la  Sarre  et  la  Meuse 
(si  Ton  y  comprend  le  pays  de  Bar  qui  appartient  au  même  duc)  ;  par 
conséquent,  elle  confine  au  Luxembourg,  à  l'État  de  Trêves,  à  I'AUace. 
la  Bourgogne  et  la  Champagne. 

Elle  s'étend  depuis  Astènef),  qui  est  sur  la  Meuse,  jusqu'à  Darne  (V 
sur  un  espace  de  quatre  grandes  journées  ;  et  de  Bar-le-Duc  jusqu'à 
Biba(3),  trois  journées.  Elle  possède  trois  évêchés  :  Metz,  Tout  et 
Verdun.  Les  deux  derniers  ont  aujourd'hui  une  garnison  lorraine; 
Metz  est  du  parti  contraire.  Les  grandes  villes  sont  :  Nancy,  chef-lien 
du  duché  de  Lorraine;  Bar-le-Duc,  chef-lieu  de  l'autre  État;  Saint- 
Nicolas,  Épinal,  Luné  vil  le,  Pont -à-Mousson  et  antres  groupes  de  popu- 
lations de  toutes  sortes,  formant  un  État  qui  s'est  maintenu  et  se  main- 
tient heureusement  au  milieu  d'ennemis  et  de  voisins  puissants.  La 
Lorraine  doit  ce  résultat  non  seulement  au  succès  de  ses  armes,  mais 
encore  à  une  sage  politique  et  une  bonne  administration.  Elle  prodoit 
abondamment  des  grains,  du  vin,  de  la  viande,  du  sel.  Elle  rapporte  a 
son  seigneur  500,000  écus,  dont  200,000  sont  fournis  par  ses  impor- 
tantes salines,  et  le  reste  par  les  bois,  les  eaux,  les  grains,  les  prés, 


(')  Stenay;  en  latin  Attenidum. 

(*;  Darney;  en  latin  Darneium. 

(■')  J'ignore  quelle  est  la  localité  qni  correspond  à  ce  mot  peut-être  mal  écrit.  Se 
serait-ce  pas  Bldbonrg,  en  latin  Btda,  an  N.-N.-O.  de  Trêves,  sur  la  Kjl  en  KSic 
(N.  du  tr.) 


l'île  d'anticosti.  683 

les  mines  d'argent  et  autres  choses  semblables,  sans  gêner  aucune- 
ment ses  vassaux.  Les  ducs  tiennent  leur  cour  à  Nancy  qu'ils  ont 
agrandie  beaucoup  et  fortifiée  en  1587,  parce  qu'ils  redoutaient  que 
les  Allemands  ne  ruinassent  le  pays  en  le  traversant  avec  leur  armée 
formidable. 

fiar-le-Duc,  chef-lieu  de  l'antre  duché,  se  divise  en  haute  et  basse 
ville  (comme  on  dit  en  français),  et  possède  une  bonne  forteresse. 

(Traduit  par  G.  Millot.) 


L'ILE  D'ANTICOSTI 

On  arait  annoncé,  il  y  a  quelque  temps,  que  la  France  avait  acheté 
File  d'Anticosti,  puis  cette  nouvelle  a  été  démentie;  mais  voici  que 
récemment  une  correspondance  de  Montréal  annonce  <  que  le  chargé 
d'affaire*  du  Canada  a  presque  terminé,  à  Paris,  les  arrangements  pour 
la  Tente  de  File  d'Anticosti  au  gouvernement  français;  l'objet  de  cette 
Tente  est  de  mettre  fin  aux  difficultés  qui  existent  à  Terre-Neuve  entre 
les  pécheurs  français  et  anglais.  Le  gouvernement  français,  en  achetant 
cette  lie  avec  le  consentement  de  l'Angleterre,  en  ferait  un  territoire 
français  et  conseillerait  aux  pécheurs  mécontents  de  France  de  Tenir 
s'établir  à  Anticosti. 

•  Le  projet  n'est  pas  nouveau,  car  il  y  a  trois  ans  le  gouvernement 
français  proposa  d'acheter  cette  lie.  Le  prix  demandé  est  de  50  cent. 
par  acre.  » 

Nous  empruntons  au  Dictionnaire  de  géographie  universelle  de 
Yivien  de  Saint-Martin  quelques  renseignements  sur  cette  lie.  Elle  est 
située  à  l'entrée  du  fleuve  Saint-Laurent,  en  face  du  littoral  du  Labra- 
dor canadien,  par  49°  '/i  latitude  nord  ;  sa  plus  grande  dimension,  du 
S.-E.  au  N.-O.,  est  de  200  kilomètres  et  sa  plus  grande  largeur  de 
50  kilomètres;  sa  superficie  est  de  610,000  hectares  ;  elle  dépend  du 
comté  de  Saguenay,  province  de  Québec.  Entourée  de  glaçons  pendant 
une  grande  partie  de  Tannée,  Anticosti  est  visitée  en  été  par  une 
population  de  pêcheurs  s'élevant  à  environ  5,000  âmes  et  montant  une 
Botte  de  60  à  70  grandes  barques  de  pêche.  Cette  population  s'établit 
sur  la  baie  du  Benard,  qui,  grâce  à  sa  présence,  prend  bientôt  l'aspect 
d'une  petite  ville.  Elle  passe  là  les  quatre  ou  cinq  mois  de  la  belle 
saison.  Les  premières  brises  du  nord  venues,  hommes/  femmes  et 
enfants  remontent  sur  leurs  bateaux,  et  la  petite  ville  redevient  dé- 
serte. Au  dernier  recensement  (1871),  Anticosti  n'avait  qu'une  popula- 
tion fixe  de  102  habitants,  dont  58  Français  ;  mais  depuis  que  l'Ile  est 
devenue  récemment  la  propriété  d'une  compagnie,  un  assez  grand 


\ 


684  MISCELLANÉES. 

nombre  de  familles  nouvel  les  s'y  sont  fixées,  familles  pour  la  plupart 
acadiennes  ou  canadiennes  françaises.  Pendant  la  belle  saison,  Àuticosti 
ressemble  à  un  jardin,  tellement  elle  est  couverte  de  verdure  et  de 
fleurs.  C'est  la  nature  qui  fait  tous  les  frais  de  cette  parure  ;  si  l'on  ci 
excepte  les  jardins  cultivés  par  les  gardiens,  et  où  croissent  en  abon- 
dance les  légumes  d'Europe,  la  main  de  l'homme  n'y  est  pour  rien,  le 
trèfle,  le  sainfoin,  y  Tiennent  à  l'état  naturel  et  couvrent  toute  la  partie 
connue  de  l'Ile  qui  ne  se  trouve  pas  sous  bois.  Des  trappeurs  rapportent 
avoir  vu.  dans  l'intérieur,  des  carrières  de  marbre,  du  charbon  et  do 
fer.  Les  pêcheries  fournissent  principalement  le  saumon  et  Ja  morne, 
que  l'on  sale  ou  que  l'on  fait  sécher  et  que  Ton  expédie  à  Québec  on 
à  Montréal  ;  la  quantité  de  poisson  provenant  de  ttle  est  considérable. 
Ànticosti  est  une  corruption  du  mot  indien  Nalicostek. 

[V Exploration.) 


ÉTAT  GÉNÉRAL  DE  L'ALGÉRIE 

Le  gouvernement  général  vient  de  publier,  sur  1'  «  état  de  l'Algérie 
au  31  décembre  1 882  »,  un  volume  qui  présente  un  véritable  intérêt  par 
la  multiplicité  des  documents  statistiques  qu'il  contient. 

Le  développement  du  mouvement  général  du  commerce  de  la  colo- 
nie, par  exemple,  y  est  démontré  par  des  tableaux  desquels  ressortait 
des  plus-values  considérables  sur  l'exercice  précédent.  Ainsi,  la  valeur 
des  importations  s'est  élevée,  en  1882,  à  411,929,315  fr.,  soit  par  rap- 
port à  l'année  précédente,  une  augmentation  de  69,676,655  fr.  Celle 
augmentation  porte,  il  est  vrai,  surtout  sur  les  denrées  alimentaires, 
les  cotonnades  anglaises,  et  aussi  —  il  convient  de  le  signaler  —  sur 
le  riz  importé  des  Indes  pour  être  employé,  à  cause  de  son  bas  prix,  à 
la  fabrication  des  alcools.  L'industrie  française  a,  cependant,  contribué 
à  cette  plus-value  dans  la  proportion  de  21  p.  100. 

La  valeur  des  exportations  pendant  l'année  1883  s'est  élevée  à 
150,032,678  fr.  L'heureuse  influence  exercée  sur  le  commerce  d'expor- 
tation par  l'abondance  de  la  récolte  s'est  traduite  par  une  augmentaiiu 
de  6,448,075  fr. 

Cette  augmentation  de  l'année  1882  sur  l'année  1881  a  eu  naturel* 
lement  pour  résultat  une  plus-value  relativement  considérable  au  profe 
du  Trésor  ou  des  «  produits  coloniaux  ».  Ainsi,  le  Trésor  a  perça 
7,614,598  fr.  et  l'octroi  de  mer  a  rapporté  7,628,901  fr.,  soit  au  total 
15,243,499  fr.,  somme  qui  constitue  sur  l'exercice  précédent  une  aug- 
mentation de  900,000  fr. 

Le  mouvement  de  la  navigation  s'est  accru  dans  des  proportions 


ÉTAT  GÉNÉRAL  DE  L'ALGÉRIE.  685* 

remarquables.  11  est  représenté  à  Ventrée,  pour  1882,  par  uo  effectif 
de  5,469  navires,  jaugeant  ensemble  environ  deux  millions  de  tonneaux. 
Dans  ce  tonnage,  les  provenances  de  France  sont  comprises  pour  près 
de  1,300,000  tonnes  et  celles  de  l'étranger  pour  715,0i/0. 

Les  augmentations  sur  1881,  pour  les  entrées  de  navires,  se  chiffrent 
par  870  navires  et  37,139  lounes. 

La  sortie  est  représentée  par  5,420  navires,  jaugeant  environ 
1,900,000  tonneaux;  ce  qui  donne  une  augmentation  de  plus  d'un 
millier  de  navires  et  de  90,000  tonnes  sur  l'année  1881. 

Dans  ce  mouvement  général  de  la  navigation,  les  navires  français 
tiennent  haut  la  main  la  première  place:  2,260  bâtiments  appartenant 
à  nos  nationaux  et  jaugeant  1,826,600  tonnes,  avec  62,782  hommes 
d'équipage,  sont  sortis  ou  rentrés  dans  les  ports  d'Algérie.  Viennent 
ensuite  les  Anglais  avec  513  bâtiments  seulement,  mais  dont  le  ton- 
nage s'élevait  à  404,377  tonnes,  tandis  que  les  Espagnols  Ûgurent  pour 
1,747  bateaux  ne  jaugeant  que  137,794  tonnes.  L'Espagne  n'envoie 
guère  —  on  le  sait  —  dans  les  ports  oranais  que  des  balancelles  dont 
la  jauge  ne  dépasse  pas,  en  moyenne,  50  ou  60  tonnes. 

Dans  les  ports  de  1  Est,  c'est-à-dire  dans  ceux  du  département  de 
Gonstanline,  c'est  la  navigation  italienne  qui  vient  immédiatement 
après  la  nôtre.  Ses  bâtiments  entrés  ou  sortis  ont  été  au  nombre  de 
674,  jaugeant  75,982  tonnes. 

Le  mouvement  de  la  population  s'est  augmenté  dans  des  proportions 
plus  considérables  que  celles  relevées  pour  le  mouvement  général  du 
commerce  et  de  la  navigation. 

Le  nombre  des  habitants  recensés  s'élève  à 3,31 0,4 12,  savoir: 

Français 233,937 

Israélites  naturalisés 35,665 

Musulmans  indigènes,  sujets  français 2,415,713 

Indigènes  des  tribus  des  commandements  .   .   .  435,103 

Étrangers 189.994 

Ces  chiffres  étant  donnés,  on  constate,  entre  le  dénombrement  de 
1876  et  celui  de  1882,  une  augmentation  de  17  p.  100  de  la  partie  de 
la  population  comprenant  les  Français,  les  israélites  naturalisés  et  les 
Européens  non  français. 

Pour  la  population  musulmane,  l'augmentation  serait  formidable  s'il 
fallait  s'en  tenir  strictement  à  la  signiûcation  des  chiffres. 

En  1872,  le  recensement  donnait  le  chiffre  de  2,125,052  indigènes, 
et  en  1876,  celui  de  2,472,129.  Le  recensement  de  1882  donne  au  total 
pour  les  indigènes  sujets  français  et  indigèues  des  tribus  de  comman- 
dement, le  chiffre  de  2,850,816.  D'où  il  résulterait  que  la  population 
indigène  s'est  augmentée,  en  10  ans,  de  725,814  âmes,  soit  d'un  quart, 

SOC.  DE  eiOOR.  —  4*  TKIMK8TJta  1383.  44 


686  MISCELLANÉE8. 

ce  qui  est  inadmissible.  On  s'explique,  tu  contraire,  cette  augmentation, 
si  Ton  lient  compte  de  certains  faits.  Le  recensement  de  1882  s'est 
opéré  dans  des  conditions  plus  favorables  que  ceux  de  1872  et  de  1876, 
par  suite  des  améliorations  introduites,  ces  dernières  années,  dans  For 
ganfsation  administrative,  et  le  dénombrement  de  la  population  indigène 
a  été  rendu  plus  facile  et,  par  conséquent,  plus  exact  que  dans  le  passé. 

D'autre  part,  «  le  territoire  des  grands  commandements  »  s'est 
agrandi,  en  1882,  dans  le  Sud  oranais,  Jusqu'au  delà  des  Qçours,  ett 
naturellement  augmenté  le  contingent  fourni  par  les  tribus  résidant 
sur  ce  territoire. 

Quant  au  nombre  d'étrangers  se  trouvant  actuellement  dans  la  colo- 
nie,, sa  comparaison  avec  celui  qui  a  été  constaté  en  1876,  c'est-à-dire 
au  dernier  recensement  général,  est  assez  curieuse  à  faire. 

En  1876,  il  y  avait  en  Algérie  95,510  Espagnols;  il  y  en  a  anjour- 
d'hui  112,047,  soit  19,577  de  plus.  Il  y  avait  25,759  Italiens  ;  H  y  en  a 
maintenant  31,865,  soit  6,106  de  plus.  Le  nombre  des  Maltais  a  moins 
progressé.  Il  était  de  14,220  en  1876  ;  il  est  aujourd'hui  de  15,149,  soft 
929  de  plus  seulement.  Il  s'ensuit,  cependant,  que  l'immigration  coa- 
sidérabie  des  Maltais  en  Tunisie,  qui  a  suivi  notre  établissement  dans 
la  Régence,  n'a  point  diminué,  —  comme  on  le  croyait,  —  celle  qui  se 
produit  vers  l'Algérie.  Les  Allemands  seuls  sont  en  diminution.  Leur 
nombre  est  tombé  de  5,722,  —  chiffre  constaté  en  1876,  —  à  celui 
de  3,738. 

L'exposé  constate  que  le  nombre  des  demandes  en  natoraftsalka 
s'est  ralenti  en  1882. 11  ne  s'est  élevé  qu'à  354,  dont  26  introduites  par 
des  musulmans.  

LES  COLONIES  FRANÇAISES 

V Annuaire  statistique  de  la  France  (6*  année),  qui  vient  d'être 
publié  par  le  ministère  du  commerce,  contient  sur  nos  possessions  co- 
loniales des  renseignements  qui,  bien  que  se  référant  pour  la  plupart  i 
l'année  1880,  n'en  sont  pas  moins  très  utiles  à  consulter. 

La  Martinique,  la  Guadeloupe  et  la  Guyane  française  ont  vu  s'accroî- 
tre leur  population,  de  1872  à  1880,  dans  les  proportions  suivantes: 

1872  1880 

Martinique 156,799  habitants  166,100 

Guadeloupe 136,311       —       158,480 

Guyane 17,235       —         17,374 

A  la  Réunion,  au  contraire,  il  y  a  eu  diminution  de  1872  à  1880.  Oa 
comptait,  en  1872, 193,362  habitants;  on  n'en  compte  plus  que  180,814 
en  1880,  comprenant  la  population  blanche  et  la  population  affranchie. 


LES  COLONIES  FRANÇAISES.  68T 

Four  les  autres  Colonies,  excepté  la  Nouvelle-Calédonie,  la  statistique 
se  borne  à  nous  indiquer  la  population  en  1880  et  en  1879,  mais  sans 
comparaison  avee  une  époque  antérieure  quelconque. 

Le  Sénégal  et  ses  dépendances  comptaient,  en  1879,  190,789  habi- 
tants, y  compris  la  population  flottante.  L'épidémie  de  fièvre  jaune 
qui  a  sévi  en  1881,  aura  dû  avoir  pour  résultat  de  diminuer  ce  chiffre. 

Pour  les  établissements  français  de  l'Inde,  la  population  s'élevait, 
en  1880,  à  283,022  habitants,  dont  61,092  électeurs  inscrits. 

Nous  relevons  ensuite: 

Mayotte 12,158  habitants. 

Nossi-Bé 8,155      — 

Sainte-Marie  de  Madagascar 7,177      — 

Saint-Pierre,  Miquelon,  île  aux  Chiens, 

Langlade 4,916      — 

Établissements  de  l'Océanie  ....  11,161      — 

Aux  établissements  de  l'Océanie,  il  faut  ajouter  Tuamotu,  qui  compte 
7,270  habitants  et  l'archipel  des  Marquises  avec  5,776  habitants. 

En  Cochinchine,  la  population  était,  en  1880,  de  1,550,497  habi- 
tants et  se  décomposait  ainsi  qu'il  suit,  d'après  les  documents  fournis 
par  l'administration  des  affaires  indigènes  et  la  police  de  Saigon  : 

Européens 1,964  habitants. 

Chinois 58,500  — 

Tagals 56  — 

Malais 4,553  — 

Malabares 888  — 

I  Annamites 99,555  — 

Cambodgiens 1.366,139  — 

Mo» . '     6,322  - 

Chams 310  — 

Asiatiques 67  — 

Total 1,550,497      — 

La  population  totale  de  la  ville  de  Saigon  est  de  14,028  habitants, 
dont  1,056  Européens  et  12,972  Asiatiques. 

Quant  à  la  Nouvelle-Calédonie,  aucun  renseignement  n'a  été  fourni 
sur  sa  population;  V Annuaire  n'a  donc  pu  la  relater.  Cest  là  une  la- 
cune regrettable. 

L'agriculture  est  peu  avancée  à  la  Martinique,  où  l'on  relève  27,850 
hectares  en  friche;  à  la  Guadeloupe,  où  il  y  en  a  34,338,  et  à  la  Réu- 
nion, qui  en  compte  65,650.  Que  de  richesses  entièrement  perdues! 

Les  établissements  français  dans  l'Inde  paraissent  mieux  cultivés. 
Quant  à  nos  établissements  de  l'Océanie,  nous  n'avons  aucun  rensei- 
gnement agricole  en  ce  qui  les  concerne.  Espérons  qu'il  n'en  sera 


688  miscellan£es. 

plus  longtemps  ainsi  :  il  n'est  pas  admissible  qu'un  pays  ignore  les 
produits  de  ses  colonies. 

En  Cochinchine,  ce  sont  les  rizières  qui  tiennent  la  première  place 
dans  lacultore;  elles  occupent  521,910  hectares.  La  culture  des  are* 
quiers  et  des  cocotiers  en  prend  52,396. 

Ce  qui  est  vraiment  lamentable  à  constater,  dans  les  tableaux  de 
V Annuaire  statistique,  c'est  que  les  importations  directes  de  la  France 
dans  les  colonies  françaises  ne  se  sont  élevées  —  en  1 880  —  qu'à 
51,427,314  fr.,  alors  que  les  importations  de  l'étranger  et  des  entre- 
pôts de  France  ont  atteint  le  chiffre  de  77,996,722  fr.  C'est  cepen- 
dant en  France  que  les  colonies  exportent  la  majeure  partie  de  leurs 
produits.  Elles  lui  en  ont  fourni  pour  102,400,058  fr.  en  1SS0,  contre 
44,238,081  fr.,  vendus  à  l'étranger 


ÉPISODE  DE  LA  CAMPAGNE  DU  SOUDAN 

A  la  séance  annuelle  des  cinq  académies  de  l'institut  de  France, 
II.  Cherbuliez,  de  l'Académie  française,  a  lu,  avec  le  plus  légitime 
succès,  une  narration  d'an  épisode  de  la  dernière  campagne  du  Son- 
dan,  sous  les  ordres  du  colonel  Borgnis-Desbordes,  et  dont  nous  re- 
grettons de  ne  pouvoir  citer  que  la  conclusion,  accueillie  par  des  salves 
répétées  d'applaudissements  : 

Un  jour  que  le  colonel  me  racontait  ces  divers  incidents  que  je 
vous  raconte  à  mon  tour,  je  lui  demandai  ce  qu'il  avait  fait  du  corps 
du  vieux  chef  Naba,  qui  me  semblait  une  façon  de  héros,  quoique  on 
peu  voleur  et  s'il  lui  avait  rendu  les  honneurs  militaires.  Le  colonel 
devint  pensif  et  me  Ût  un  aveu  qui  lui  coûtait.  Dieu  me  garde  de  rien 
dire  de  désagréable  à  nos  chers  et  illustres  confrères  de  l'Académie 
des  sciences  !  Mais  ils  reconnaîtront  eux-mêmes  que  la  curiosité  des 
savants  ne  respecte  rien.  Un  docteur  intrépide,  attaché  à  l'expédition 
du  Soudan,  eut  la  bonne  fortune  de  découvrir  le  cadavre  de  Naba.  Sa 
tête  lui  parut  si  remarquable,  si  intéressante,  qu'il  conçut  aussitôt  le 
projet  d'en  faire  hommage  à  la  Société  d'anthropologie  de  Paris.  Q  U 
coupa  clandestinement,  la  prépara,  l'enveloppa  de  serviettes,  fenfonitau 
fond  d'un  panier  couvert.  Gomme  il  tenait  beaucoup  à  ce  qtf  on  ne 
sût  pas  ce  qu'il  y  avait  dans  son  panier,  il  imagina  d'en  confier  la 
garde  à  un  prisonnier  aveugle,  à  qui  il  n'avait  pas  besoin  de  recom- 
mander la  discrétion.  Par  malheur,  cet  aveugle  y  voyait  asaex  pour  se 
conduire.  Ne  doutant  pas  que  le  mystérieux  panier  ne  contint  on 
trésor,  il  profita  de  la  première  occasion  pour  déguerpir  arec  son 
butin.  On  ne  Ta  plus  revu  ;  personne  ne  saura  jamais  ce  qu'ont  bîet 
pu  devenir  et  la  tête  du  vieux  chef  Naba  et  le  faux  aveugle  qui  la  por- 


CAMPAGNE  DU  SOUDAN.  689 

tait.  Dans  cette  histoire,  je  vois  une  tête  coupée  et  deux  hommes 
Tolés  :  c'est  ce  qui  en  fait  la  moralité. 

Apre*  ayoir  donné  tous  ses  soins  à  ses  blessés,  dont  les  uns  furent 
transportés  à  dos  de  mulet,  les  autres  dans  les  litières,  le  colonel  mo- 
bilisa trois  petites  colonnes  pour  parcourir  tout  le  pays  environnant 
et  recevoir  la  soumission  des  villages.  Les  officiers  né  rencontrèrent 
nulle  part  de  résistance.  La  leçon  avait  profité;  nos  amis  égarés 
étaient  revenus  à  de  meilleurs  sentiments  et  nous  offraient  à  l'envl 
leurs  bons  offices.  Le  colonel,  que  rien  ne  retenait  plus  dans  le  Bélé- 
dougt>u,  se  disposa  à  poursuivre  sa  marche  sur  Bamako  et  le  Niger. 
Peu  s'en  fallut  pourtant  qu'il  n'y  renonçât.  Des  bruits  sinistres  cou- 
raient. Deux  souverains  musulmans  avaient  résolu,  disait-on,  de  pré- 
venir nos  desseins,  ils  concertaient  une  action  commune,  nous  allions 
nous  heurter  contre  deux  armées.  Un  troisième  s'apprêtait  à  tomber 
sur  notre  ligne  de  ravitaillement,  à  couper  notre  ligne  de  retraite  ;  il 
avait  fait  dire  au  colonel*  que  le  Jour  où  il  le  rencontrerait,  les  oi- 
seaux du  ciel  n'auraient  pas  besoin  de  chercher  leur  nourriture  ». 
Mais  le  colonel  savait  que  les  sultans  du  Soudan  sont  aussi  lents  dans 
leurs  préparatifs  que  leur  bouche  est  prompte  à  l'insulte.  U  savait 
aussi  qu'il  faut  beaucoup  de  temps  pour  faire  entrer  dans  le  même 
bonnet  trois  têtes  de  prophètes.  Il  fut  audacieux,  et  son  audace  le  servit 
bien.  À  quelques  jours  de  là,  nos  soldats  entraient  à  Bamako.  Us  pou- 
vaient enfin  contempler  le  grand  fleuve  qu'ils  étaient  venus  chercher 
de  si  loin. 

Le  7  février  de  cette  année,  sans  que  personne  réussit  à  nous  dé- 
ranger dans  nos  travaux  de  maçonnerie,  nous  posions  la  première 
pierre  de  notre  fort  de  Bamako,  et  dans  le  discours  qu'il  prononça  en 
posant  cette  pierre,  le  colonel  disait  à  ses  braves  compagnons  : 

«  JCous  allons  tirer  onze  coups  de  canon  pour  saluer  les  couleurs 
françaises  flottant  pour  la  première  fois  et  pour  toujours  sur  les  bords 
du  Niger.  Le  bruit  que  feront  nos  petites  bouches  à  feu  ne  dépassera 
pas  les  montagnes  qui  nous  entourent,  et  cependant,  spyez-en  con- 
vaincus, l'écho  en  retentira  bien  au  delà  du  Sénégal.  • 

Les  petites  bouches  à  feu  firent  gronder  leur  tonnerre,  le  drapeau  tri- 
colore fut  hissé  et,  malgré  tant  de  souffrances  endurées  et  celles  qu'on 
prévoyait  encore,  tous  les  cœurs  étaient  en  fête.  Ce  drapeau  qui  flot- 
tait sur  le  Niger,  c'était  la  France,  on  l'avait  apporté  avec  soi;  elle 
était  là,  on  la  voyait. 

La  séance  s'est  terminée  par  une  lecture  fort  applaudie  de  M.  de 
Lesseps  sur  le  caractère  scientifique  et  civilisateur  des  grandes  entre- 
prises industrielles  ayant  pour  but  de  faciliter  les  relations  entre  les 
peuples. 


690  lUBCBLLANtaS. 

LA  TÉLÉGRAPHIE  EN  CHINE 

Les  caractères  de  la  langue  chinoise  représentant  chacun  un  mot 
diffèrent  et  non  une  lettre,  comme  dans  les  langues  occidentales,  b 
Compagnie  danoise  qui  exploite  les  nouvelles  lignes  télégraphiques  de 
la  Chine  a  adopté  le  système  suivant  :  le  langage  usuel  chinois  coav- 
porte  cinq  ou  six  mille  caractères  ou  mots  que  Ton  a  fait  graver  chaca 
sur  un  bloc  de  bois  séparé.  A  l'extrémité  opposée  de  ce  même  bloc 
est  gravé  un  nombre  en  chiffres.  L'employé  du  télégraphe  reçoit  h 
dépêche  en  chiffres  et  prend  le  bloc  correspondant  à  chaque  nombre 
transmis  qui  porte  le  caractère  chinois  correspondant  à  ce  nombre. 

Il  imprime  successivement  tous  les  caractères  sur  une  feuille  de 
papier  et  il  envoie  la  dépêche  à  destination.  Pour  transmettre  une  dé- 
pêche que  Fexpéditeur  remet  en  langue  chinoise,  l'employé  doit 
préalablement  traduire  tous  les  caractères  en  chiffres,  ce  qui  l'obfigt 
naturellement  à  connaître  l'équivalent  numérique  de  chacun  de  ces 
caractères.  _______  (**  Na**r*.) 

ENCORE  LA  MEE  INTÉRIEURE  EN  ALGÉRIE. 

Si  déjà  nous  n'avions  consacré  bon  nombre  de  pages  à  la  question 
de  la  mer  intérieure  dans  nos  précédents  Bulletins,  nous  nous  ferioos 
un  devoir  de  publier  in  extenso  une  brochure  qui  noua  est  communi- 
quée. C'est  un  travail  de  M.  A.  Hanet  publié  dans  les  Mémoires  de  fc 
Société  des  ingénieurs  civils.  Il  se  distingue  de  tous  les  autres  en  ce 
que,  tout  en  faisant  de  la  critique  de  fond,  tout  en  étant  aussi  sévère 
qu'ont  pu  se  montrer  nos  collabo  râleurs,  il  prend  les  choses  sur  aa 
ton  quelque  peu  moqueur,  et  les  formes  respectueuses  qu'il  emploie 
ne  font  que  rendre  sa  critique  plus  mordante. 

•  En  voyant,  dit-il,  des  esprits  distingués,  des  hommes  de  savoir  et 
t  de  science  enthousiastes  propagandistes  de  la  mise  à  exécution  «Fuse 

•  œuvre  que  moi,  membre  obscur  de  votre  Société  ('),  je  considéie 
«  comme  une  conception  de  ce  roman  scientifique  qui  Jouit  présente- 

•  ment  de  l'engouement  fugitif  de  la  mode,  je  me  suis  demandé  si 
«  réellement  Je  me  trompais  ou  bien  si,  au  contraire,  les  hommes  se» 
t  périeurs  dont  Je  parle  ne  sont  pas  les  jouets  d'un  entraînement  q» 
«  est  le  mal,  la  caractéristique  de  notre  époque  troublée. 

■  Des  savants  non  spécialistes  veulent  amener  la  mer  à  Paris;  et 

•  toute  la  science  des  ingénieurs  n'arrive  pas  à  régulariser  la  navjtjt- 

•  tion  sur  le  Rhône  ni  à  supprimer  une  pauvre  barre  de  sable. 


0)  La  Société  dos  ingénieurs  ciriis. 


LA  MER  INTÉRIEURS  EN  ALGÉRIE.  691 

«  De*  œuvres  de  toutes  origines,  des  maniements  de  capitaux  Actifs, 
projettent  on  métropolitain  devant  coûter  des  centaines  de  millions..., 
alors*  que  les  édiles  de  la  première  capitale  du  monde  sont  acculés 

à  des  opérations  élémentaires  comme la  suppression  de  la  pouav 

sière  en  été  autrement  qu'en  faisant  de  la  boue  et  en  sont  encore  A 
faire  disparaître  les  ordures  de  nos  rues  et  de  l'intérieur  de  nos  mai- 
sons comme  cela  se  pouvait  faire,  j'imagine,  à  l'époque  romaine... .~ 
Des  esprits  enthousiastes,  novateurs  audacieux,  veulent  construire 
des  chemins  de  fer  allant  au  centre  inexploré  de  l'Afrique,  en  em- 
ployant des  traverses  métalliques  d'un  type  non  encore  inventé;...*.. 
et  nous,  Français  de  la  métropole,  nous  ne  savons,  au  milieu  d'une 
population  douce  et  travailleuse,  comment  arriver  à  doter  de  voies 
ferrées  des  centres  industriels  et  agricoles  déshérités  jusqu'à  c  ejour* 
«  Des  hommes  considérables  parlent  sérieusement  de  percer  un  ca- 
nal de  200  kilomètres  pour  jeter  les  eaux  de  la  Méditerranée  dans 
des  bas-fonds  humides  et  désolés,  sans  se  préoccuper  de  la  barre  qui 
pourri  se  former  à  Tune  ou  aux  deux  extrémités  du  canal,  sans  se 
demander  s'il  ne  vaudrait  pas  mieux  aménager  les  eaux  de  cette 
riche  et  fertile  côte  algérienne,  où  on  laisse  sans  emploi  les  eaux  deft 
lies  Tonga,  Mella,  Oubeïrah,  Fetzara,  etc.,  et  des  fleuves  le  Sevbouse* 
le  Safsaf,  etc.. 

«  11  y  a  là,  je  ne  crains  pas  de  le  dire,  un  phénomène  de  névrose 
nationale. 

«  Me  trouvant  contredire  un  personnage  de  la  taille  du  grand  Fran- 
çais, M.  de  Lesseps,  d'aucuns  me  taxeront  de  témérité,  d'autres 
plus  durement  encore  pour  oser  dire  que  ce  vailjant  entre  les  vail- 
lants se  trompe. 

«  Rendons  de  leur  vivant,  aux  grands  hommes  dont  la  patrie  s'honore, 
l'hommage  qui  leur  est  légitimement  dû,  mais  gardons-nous  d'en 
faire  des  papes  infaillibles  sur  toutes  choses.  > 
Puis  il  passe  successivement  en  revue  les  différentes  considérations 
techniques  (•)  :  1°  au  point  de  vue  maritime,  cette  mer  sera  très  sure 
pour  les  bâtiments  :  •  Une  mer  bénie  alors  1  quoi  ?  Jamais  de  houle, 

•  jamais  de  tempête,  calme  plat,  dans  une  mer  17  fois  grande  comme 
«  le  lac  de  Genève  7  Effet  de  mirage  !  >  2°  Au  point  de  vue  économique  : 

•  On  percevra  des  droits  de  navigation  sur  une  mer  où  tout  est  à  créer  ; 
«  où,  depuis  la  plus  haute  antlqnjté,  murs,  villes  et  ports  tout  dort, 
m  tout  est  asile  de  mort.  Gommé' notre  vice-président,  M.  de  Comberonnc» 
■  a  raison  lorsqu'il  demande  qu'on  vulgarise  la  science  économique  !  » 
5°  lu  point  de  vue  de  l'exécution  des  travaux  :  <  Ces  messieurs  ont 


C1)  Non*  signalons  lss  principales. 


692  MISCELLANÉE8. 

«  reconnu  qu'ils  sont  très  faciles,  qu'on  rencontrera  du  sable  et  peu 
«  de  roche  et  que,  si  on  trouve  de  la  roche,  ce  sera  encore  bien,  at- 
«  tendu  qu'on  s'en  servira  pour  faire  de  la  maçonnerie.  Tout  cela  n'est 
«  pas  bien  nouveau  et  je  m'étonne  que  M.  de  Lesseps  l'ait  répété  i 
«  l'Académie  des  sciences •  L'auteur  cite  des  exemples  des  décep- 
tions ruineuses  que,  «  dans  un  pays  bien  connu  et  étudié  an  point  de 
«  vue  géologique  »,  des  entrepreneurs  trop  confiants  ont  éprouvées, 
malgré  la  compétence  de  ceux  qui  ont  fait  les  études  et  envisagé  toutes 
les  prévisions.  4°  A  propos  de  la  sécurité,  il  dit  que  si  les  races  pil- 
lardes sont  à  redouter  maintenant,  elles  le  seront  bien  davantage  alors 
que  l'on  aura  créé  <  1  Éden  rêvé  »  qui  leur  servira  d'appât. 
Gomme  conclusion ,  l'auteur  commence  ainsi  :  «  On  m'a  déjà  dit  : 

•  M.  Roudaire  ne  demande  rien  au  Gouvernement  ('),  il  s'adressera  an 

■  public  ;  c'est  le  public  qui  sera  juge  de  la  confiance  qu'il  doit  avoir 
t  dans  l'affaire,  c'est  le  public  qui  donnera  son  argent;  vous  êtes  bien 

■  mal  inspiré  de  vouloir  contrarier  l'initiative  privée,  de  combattre  une 
«  œuvre  aussi  grandiose,  aussi  séduisante  ;  créer  une  mer  !  pensei-y 
«  donc,  cela  ne  s'est  jamais  vu  :  quelle  gloire  pour  un  siècle  et  pour 
«  un  peuple  I 

■  La  réponse  est  facile  :  que  les  économies  de  la  nation,  pour  aSer 
«  s'engloutir  dans  les  chotts,  passent  par  les  mains  des  banquiers  ou 
«  par  les  caisses  du  trésor  public,  le  résultat  sera  toujours  le  mène 
«  pour  la  fortune  nationale  ;  pitoyable  et  ruineux  pour  la  niasse  des 
t  souscripteurs,  alors  que  les  promoteurs,  eux,  pourront  se  retirer 

*  indemnes  et  peut-être  môme  enrichis  par  la  spéculation.  Si  la  loi  ce 
«  1867  sur  les  sociétés  anonymes  imposait  aux  fondateurs  de  sem- 
«  niables  entreprises  une  responsabilité  effective  et  à  longs  termes, 
«  peut-être  liendrais-je  un  autre  langage.  » 

Il  répond  au  reproche  de  voir  les  choses  trop  terre  à  terre,  qu'il  y 
a  chez  nous  à  réaliser  des  entreprises  non  moins  grandioses  et  biea 
autrement  utiles  à  réaliser  ;  qu'aux  portes  de  Marseille  «qui  se  lamente 
«  et  gémit  en  se  voyant  près  de  déchoir,  il  existe  une  mer  ialé- 
«  rleure  (')  ».  11  cite  ces  paroles  de  Reclus  «  que  c'est  un  scandale  de 
«  la  laisser  improductive  ». 

«  Une  flotte  peut  y  manœuvrer  à  l'aise  :  il  a  (l'étang  de  Berre)  19,000 
«  hectares  de  superficie  (*),  il  communique  directement  avec  la  mer 
c  par  un  canal  de  6  kilomètres  de  longueur  qui  n'a  de  comparable, 
t  comme  front  de  débarquement,  que  l'Escaut  à  Anvers,  et,  de  l'une  de 


(')  Il  n'y  pas  longtemps  qu'il  n'a  plna  demandé. 

(*)  L'étang  de  Berre. 

(*)  La  mer  Roudaire  aurait  de  6,000  à  8,000  kilomètre*  carrée. 


LA  MER  INTÉRIEURE.  693 

c  ses  berges,  on  pourrait  faire  un  quai  sans  pareil  ayec  bien  moins  de 

■  dépenses  que  n'en  a  nécessité  le  port  beige. 

«  Il  a  un  ayant-port  à  son  extrémité  vers  la  mer,  une  rade  fermée 

■  de  100  hectares  de  superficie,  avec  fond  de  vase  d'une  bonne  tenue. 

•  Et  point  de  terre  ni  d'ensablement  à  craindre  :  un  courant  se  pro- 
9  duit  par  les  vents  de  la  région  de  l'Est,  balayant  le  canal  et  le  Port- 
«  de-Bouc  et  éloignant  les  troubles  de  la  côte  de  ce  côté. 

«  Si,  comme  tous  les  gouvernements  passés,  vous  reculez  devant 
«  cette  tâche,  prenez  au  moins  cette  petite  mer  intérieure  française 
«  comme  terme  de  comparaison  de  ce  que  pourra  produire  votre  grande 
«  mer  inférieure  africaine  dans  un  pays  désert,  où  l'acclimatation  de 
m  l'Européen  est  encore  un  problême  et  déterminez  le  temps  qu'il 
«  yods  faudra  pour  que  les  rivages  de  la  mer  de  Gabès  soient  seulement 
«  peuplés  et  productifs  à  l'égal  des  bords  de  l'étang  de  Berre  i  » 

Impossible  de  dire  ni  plus  vrai  ni  mieux.  J.  Y.  B. 

Note  de  la  Rédaction.  —  Le  travail  important  sur  la  mer  intérieure 
contenu  dans  notre  précédent  fascicule  est  le  résumé  de  la  confé- 
rence faite  fin  mai  à  la  Société.  Actuellement,  étant  donné  le  caractère 
absolument  privé  que  doit  avoir  l'entreprise  de  la  mer  intérieure, 
plusieurs  des  objections  présentées  par  l'auteur  de  cette  note  n'ont 
plus  aucune  raison  d'être. 

Bôligé  d'ailleurs  d'après  les  notes  détachées  de  l'auteur  et  imprimé 
en  Sun  absence,  sans  qu'il  ait  pu  en  faire  lui-même  les  corrections, 
ce  résumé  renferme  des  erreurs  d'impression  qu'il  est  de  notre  devoir 
de  rectifier  comme  suit  en  soulignant  les  mots  et  chiffres  exacts  : 

Page  407,  ligne  1S  :  Altitude  de  — S7,5(()....  altitude,  —24,5.... 

ligue  19  :  que  le  milieu  soit  a  — 30.... 

ligne  80  :  de  — 24  pendant  60  kilomètres.... 
Page  40*,  ligne    5  :  qui  est  en  dessous  de  la  cote  \)àla  cote  — 20....  nn  haut-fond  re- 
levé ... 

ligne  11  :  à  la  cote  — 24.... 
Page  412,  note  1,  ligne  J2 :  par  M.  le  commandant  Roudairo.... 
Page  413,  ligne  31  ;  pour  la  surface  du  chott  donnent'.... 
Page  414,  ligne  35  :  sur  les  780  millions  de  mètres  cubes.... 
Page  415,  ligne  20  :  étant,  au  lieu  de  allant. 
Page  416,  ligne  41  :  eutre  les  deux  chiffres  cet  de  325  mètres  cubes. 

ligno  42  :  c'est  au  Heu  de  est. 
Page  417,  ligne   9  :  mètres  cube*.  Quand  la  tranchée.... 

ligne  10  :  au  plafond  (mais....  de  0,80}  ;.... 

ligne  11  :  le  paragraphe  compris  entre  les  lignes  19  et  23  est  une  note  à 
placer  à  la  page  416,  ligne  12,  après  maximum. 
Page  418,  ligne  18  :  suffisant  au  lieu  de  insuffisant. 

lignes  14  et  15:  ne  pourra  pas  s'exercer....  au-dessous  du  niveau. 

lignes  29  4  28,  et  p.  419.  lignes  1  et  2,  forment  une  note  de  la  page  418, 
ligne  6,  après  :  Jusqu'à  la  cote  O. 
Page  419,  ligne  19  :  près  de  300  million*. 

ligne  41  :  du  Khentg  au  lieu  du  Yheneg. 


(*)  Le  sigae  —,  placé  devant  les  cotes,  Indique  qu'elles  sont  au-dessous  du  niveau 
de  la  mer. 


694  MISCELLANÉBS. 

Pag*  41  \  ligne  lt  :  elle  *%  «t.... 

Page  4ï  ,  ligne  il  :  de  rAhmarcaddou  au  Djebel-Obechar. 

Page  4M,  ligne   7  :  Onled-Ahmor. 

Page  413,  ligue*  4  et  6  :  un  Jardin.  Jniqu'à...  de  Négriae  nous.-. 

ligne  30  :  l'auréole  pour  quelquëë-un**... 
Page  494,  lignea  17  à  17,  note  à  mettre  en  renvoi  de  U  ligne  10,  après:  ™* 
Page  486,  ligne  4  :  après  l'oned  JZirh.  J.  V. 


LA  SUPERFICIE  DES  MERS. 

Le  docteur  Otto  Krommel,  de  Gôttingue,  a  récemment  publié  sur  k 
superficie  des  mers  du  globe  un  important  travail  que  nous  résumons 
ci-dessous. 

D'après  ses  calculs,  la  superficie  de  l'Océan  Atlantique  est  de 
79,721,274  kilomètres  carrés  ;  celle  de  l'Océan  Indien,  de  73,325,872; 
et  celle  des  mers  du  Sud,  de  161,125,673. 

Il  en  résulte  que  la  superficie  totale  des  trois  grands  océans  est  de 
314,172,819  kilomètres  carrés. 

Voici  quelle  est  ensuite  la  superficie  des  autres  mers  moins  éten- 
dues: 

Océan  Glacial  du  Nord 15,292,411  Ul.  car. 

Mer  Méditerranée  de  l'Asie  australe.  .  8,245,954     — 

Mer  Méditerranée  latine 2,885,522     — 

Mer  Baltique 415,480     — 

Mer  Rouge 449,910     — 

Golfe  Persique 236,835     — 

Pour  les  diverses  mers  Méditerranêes,  nous  atons  donc  une  super- 
ficie totale  de  32,111,386  kilomètres  carrés. 

Dans  l'Océan  Glacial  du  Nord,  labaiedeHudson  figure  pour  1,069,573 
kilomètres  carrés,  et  la  mer  Blanche  pour  12,545. 

Viennent  ensuite  les  mers  que  le  docteur  Krummel  appelle  littorales, 
savoir  : 

La  mer  du  Nord 547,623  kfl.  car. 

La  mer  de  la  Grande-Bretagne.  .  .  203,694  — 

La  mer  du  Saint-Laurent .   ....  274,370  — 

La  mer  de  Chine .  1,228,440  — 

La  mer  do  Japon 1,043,824  — 

La  mer  d'Okhotsk 1,507,609  — 

La  mer  de  Behring 2,323,127  — 

La  mer  de  Californie 167,224  — 

Superficie  totale  des  mers  littorales.  7,205,907  — 

Si  aux  17  mers  que  nous  venons  de  mentionner,  on  ajoute  l*0eéaa 
Antarctique,  dout  la  superficie  est  évaluée  à  20,477,800  kilomètres  car- 
rés, l'ensemble  des  mers  couvre  une  superficie  totale  de  374,057,912 
kilomètres  carrés,  tandis  que  la  superficie  totale  des  terres  do  globe 
n'est  que  de  136,056,371  kilomètres  carrés.  (La  Nature.) 


;l 


t$95 
LE  CANAL  DE  PANAMA  j' 

Voici  où  en  étaient  les  travaux  du  canal  de  Panama  en  décembre 
^1883  : 

La  longueur  totale  do  canal  est  de  74  kilomètres,  de  l'Atlantique  à 
son  embouchure  sur  le  Pacifique,  aux  lies  Naos  et  Flamenco.  La  ligne 
est  divisée  en  12  sections  dont  les  plus  importantes  sont  celles  de 
Colon,  Gorgona,  Obispo,  Emperador,  Gulebra  et  Paraiso. 

Les  sections  emploient  ensemble,  tous  les  Jours,  SO  excavateurs, 
40  locomotives  et  800  wagonnets.  11  y  a  à  enlever  90  millions  de  mè- 
tres cubes.  La  grande  tranchée  dont  on  a  déjà  enlevé  les  deux  tiers, 
se  trouve  entre  Obispo  et  Paraiso.  Le  nombre  d'ouvriers  sur  les  chan- 
tiers est  de  plus  de  10,000,  et  le  total  des  excavations  était,  au  15  oc- 
tobre, de  plus  de  2,500,000  mètres  cubes. 

Pendant  les  derniers  mois  de  la  mauvaise  saison,  les  excavations 
ont  donné  environ  350,000  mètres  cubes  par  mois.  Ce  chiffre  sera  cinq 
Ibis  plus  fort  pendant  la  belle  saison  qui  commence  en  décembre,  et 
Tannée  prochaine,  la  plus  grande  partie  des  machines  nécessaires  sera 
au  travail  ;  les  excavations  se  chiffreront  par  4  millions  de  mètres  cubes 
par  mois;  le  nombre  des  ouvriers  sera  porté  à  15,000. 

À  Colon,  les  travaux  du  port  sont  presque  finis.  Le  terre-plein  avec 
la  jetée  destinée  à  arrêter  l'effet  des  fortes  mers  i  l'entrée  du  canal 
est  fini.  Une  ville  tout  entière  7  a  été  élevée,  ainsi  qu'une  série  d'ate- 
liers, de  magasins  et  de  voies  d'embranchement  pour  la  réception  et  la 
distribution  des  matériaux.  La  terre  nécessaire  pour  le  terre-plein  a 
été  prise  à  Monkey-Hill,  où  l'on  a  creusé  une  grande  tranchée  pour 
combler  les  lagunes  au  fond  de  la  baie  de  Colon  afin  d'améliorer  l'état 
sanitaire. 

La  première  des  machines  de.  la  force  de  120  chevaux  entre  Colon 
et  Oatun  (soit  une  distance  de  9  kilomètres)  est  en  plein  fonctionne- 
ment ;  elle  peut  enlever  la  quantité  énorme  de  6,000  mètres  cubes  par 
Jour  que  l'on  paye  au  prix  de  1  fr.  50  c.  par  mètre  cube. 

L'embouchure  du  cOté  du  Pacifique,  entre  le  débouché  du  Rio-Grande 
et  Paraiso,  a  été  prise  à  l'entreprise  par  la  Franco- American  Trading  C°. 
La  première  machine  du  système  américain  a  commencé  à  fonctionner 
récemment  ;  elle  sera  suivie  d'autres  machines  qui  seront  nécessaires 
pour  finir  cette  partie  du  canal,  en  deux  ans  au  plus,  de  Oatun  à 
Bohio-Soldado. 

Sur  le  côté  atlantique,  la  Compagnie  a  en  travail  deux  machines  qui 
fournissent  un  minimum  de  4,000  mètres  cubes  par  jour. 

(La  Nature.) 


NOUVELLES  GEOGRAPHIQUES 


FRANGE. 

Le  dimanche  28  octobre,  à  1  heure  et  demie  de  l'après-midi,  a  eu  lieu, 
dans  le  grand  amphithéâtre  de  la  Sorbonne,  la  distribution  solennelle 
de  récompenses  de  la  Société  de  topographie,  sous  la  présidence  de 
M.  Ferdinand  de  Lesseps,  président  d'honneur  de  l'Association. 

Après  quelques  courtes  allocutions,  M.  Ferdinand  de  Lesseps  a  pro- 
clamé la  grande  médaille  d'honneur  attribuée  en  1883  à  M.  Dupuis. 

Des  médailles  ont  été  attribuées  à  M.  Jullien  pour  son  ouvrage  la 
Nièvre  à  travers  le  passé;  —  à  M.  Labarlhe,  dont  les  cartes  topogra- 
phiques d'Hanoï  et  des  environs  d'Hanoï  ont  été  si  remarquées;  —  à 
M.  Barbier,  secrétaire  général  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est. 

Puis  M.  le  docteur  Bayol,  lieutenant-gouverneur  du  Sénégal,  et  le 
capitaine  Roudaire  ont  fait,  le  premier  sur  son  excursion  au  pays  de 
Hourdia  (Soudan  occidental),  le  second  sur  les  chotts  algériens  et  tuni- 
siens, des  exposés  aussi  attrayants  qu'instructifs. 

M.  de  Lesseps  a  ensuite  captivé  l'assistance  par  une  de  ces  improvi- 
sations si  heureuses  dont  il  est  coutumier. 

La  houille  dans  Meurthe-et-Moselle.  —  On  vient  de  mettre  sous  les 
yeux  d'un  de  nos  collègues  une  note  fort  intéressante  sur  la  question 
d'existence  de  la  houille  dans  le  département  des  Vosges  et  de  Meor- 
tbe-et-Moselle. 

Cette  question)  qui  jusqu'à  ce  jour,  semble  avoir  peu  préoccupé  les 
industriels,  est  cependant  d'une  immense  importance,  non  seulement 
pour  les  départements  de  l'Est,  mais  pour  la  France  entière,  dont  il 
est  urgent  d'assurer  l'indépendance  aussi  bien  que  l'avenir  des  diver- 
ses industries  qui  consomment  la  houille.  Il  y  a  péril  pour  nous  si 
nous  ne  cherchons  pas  les  moyens  d'augmenter  notre  production 
houillère  proportionnellement  à  notre  consommation. 

Tandis  que  la  Grande-Bretagne  produit  156  millions  de  tonnes  de 
houille,  l'Allemagne  61  millions,  le  petit  royaume  de  Belgique  17  mil* 
lions,  la  France  n'en  donne  pas  19  millions.  Aussi,  payons-nous  à  ta 
Belgique  et  à  l'Allemagne,  plus  de  471  millions  pour  leurs  exportations 
de  houille,  sans  compter  le  tribut  que  nous  payons  à  l'Angleterre  pour 
les  combustibles  que  nous  recevons  par  le  littoral. 

Nos  départements  de  l'Est  ne  produisent  pas  un  kilogramme  de 
houille,  et  cependant  la  consommation  qui  s'y  fait  augmente  de  jour 
en  jour  la  proportion  des  nombreux  établissements  industriels  qui  sont 
venus  s'y  fixer  depuis  l'annexion  de  l'Alsace  et  de  la  Lorraine. 


FRANCE.  697 

Y  rencontrer  la  houille  serait  donc  trouver  la  richesse.  D'après  les 
renseignements  qnc  M.  Vivenot  a  recueillis,  aucun  indice  n'exclut  la 
présence  de  ce  combustible  dans  nos  départements  des  Vosges  ef  de 
Meurthe-et-Moselle.  Sa  profondeur  parait  avoir  été  le  principal  obsta- 
cle à  des  recherches  sérieuses. 

Aujourd'hui  qu'un  outillage  simplifié  permet  d'atteindre  la  profon- 
deur de  700  mètres  avec  une  dépense  de  moins  de  200,000  fr., 
M.  Vivenot  croit  pouvoir  faire  un  appel  qui  sera  peut-être  entendu  des 
industriels  de  nos  pays. 

Des  études  nombreuses  semblent  indiquer  que  les  sondages  pour- 
raient le  plus  utilement  se  faire  entre  Lunéville  et  Baccarat,  dans  le 
voisinage  de  Saint-Clément. 

Déjà  on  s'est  assuré  le  concours  d'un  sondeur  expérimenté  qui, 
pour  le  prix  d'environ  175,000  fr.,  percerait  le  premier  puits  de  GOO  à 
700  mètres  de  profondeur  pour  155,000  fr. 

Déjà  plus  de  cent  usines  et  industries,  et  en  tête  la  Compagnie  des 
chemins  de  fer  de  l'Est  et  l'usine  Solvay,  ont  promis  leur  concours. 

Une  tentative  sérieuse  va  donc  être  faite  dans  notre  pays.  Sans  doute 
le  résultat  n'est  pas  certain.  Mais  n'aurait-on  qu'une  chance  sur  dix, 
dans  la  situation  critique  où  nous  nous  trouvons,  il  n'y  a  pas  à  hésiter. 
Dans  les  questions  de  celte  nature,  un  même  sentiment  national  doit 
unir  toutes  nos  pensées,  tous  nos  efforts. 

Anthropologie.  —  On  vient  de  placer  au  Muséum  d'histoire  natu- 
relle, dans  les  galeries  d'anthropologie,  de  nombreuses  collections  de 
photographies  représentant  les  types  de  l'Europe  orientale,  de  la  Sibé- 
rie orientale,  de  la  Birmanie  et  du  pays  des  Somalis. 

Outre  ces  photographies,  les  galeries  se  sont  enrichies  de  pièces 
curieuses,  notamment  de  six  crânes  de  fellahs  provenant  des  ruines 
de  Babylone  et  des  crânes  d'Indiens  Garaounis,  que  le  regretté  docteur 
Grevaux  avait  recueillis  dans  sa  première  mission  au  centre  de  l'Amé- 
rique du  Sud. 

Météorologie.  —  M.  Léon  Tesserenc  de  Bort,  attaché  au  bureau  cen- 
tral météorologique,  est  chargé  d'une  mission  dans  le  Sahara  algérien 
et  tunisien,  pour  y  faire  des  études  météorologiques,  et  en  particu- 
lier pour  y  déterminer  les  valeurs  des  éléments  du. magnétisme  ter- 
restre. 

Expédition  scientifique  du  «  Talisman  ».  —  L'expédition  scienti- 
fique à  bord  du  navire  de  l'État  le  Talisman,  sous  la  direction  de 
M.  Alphonse  Milne-Edwards,  professeur  au  Muséum  et  membre  de 
l'Institut,  a  donné  des  résultats  importants. 


698  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Des  récoltes  zoologiques  preaqne  miraculeuses  ont  été  faites  pen- 
dant cette  campagne,  aujourd'hui  terminée,  et  qui  a?ait  pour  théâtre 
l'Océan  Atlantique.  Des  sondages,  an  nombre  de  deux  cents,  ont  été 
exécutés  à  de  très  grandes  profondeurs,  et,  grâce  â  ses  filets,  l'expé- 
dition a  recueilli  des  échantillons  du  fond  de  la  mer  dans  toute  la  région 
parcourue. 

Les  savants  explorateurs  ont  constaté  que  la  carte  batkfmétriau* 
publiée  par  la  direction  allemande  dans  un  allai  récent,  était  tout  à 
fait  fantaisiste  ;  les  courbes  indiquées  ne  correspondent  en  aucune 
façon  au  véritable  relief  du  Ut  de  l'Atlantique.  Là  où  Ton  annonçait 
3,000  mètres,  ils  en  ont  trouvé,  eux,  6,000.  Cette  carte  portait  1,000 
mètres  là  où  la  sonde  en  marquait  3,000. 

La  mer  des  Sargasses,  que  l'expédition  a  explorée  avec  soin,  est  fort 
intéressante  :  le  fond  (à  plus  de  6,000  mètres)  est  entièrement  volca- 
nique. 

Le  Talisman  a  rapporté  toute  une  collection  de  laves  et  de  scories 
dont  quelques-unes  paraissent  avoir  une  origine  relativement  récente, 
ce  qui  explique  la  pauvreté  de  la  flore  sous-marine  qu'on  y  remarque. 

11  existe  donc  dans  l'Atlantique,  comme  M.  Milne-Bdwards  récrit  i  h 
Société  de  géographie,  une  bande  immense  de  volcans  dont  les  lies  da 
Cap-Yèrt,  les  Canaries,  les  Açores  forment  les  points  culminants,  et 
qui  s'étend  parallèlement  à  la  chaîne  des  Andes,  en  Amérique.  Peut- 
être  cette  bande  se  prolonge-t-elle  au  Nord  jusqu'à  l'Islande.  Cest 
une  question  intéressante  que  pose  M.  Milne-Edwards  et  qui  sera  à 
étudier. 

Dans  File  Branco,  qui  n'avait  encore  été  visitée  par  aucun  naturaliste, 
lie  dont  l'abord  est  des  plus  difficiles  et  où  nos  voyageurs  ont  dû  se 
jeter  à  l'eau  et  aborder  à  la  nage,  ils  ont  découvert  et  étudié  une  es- 
pèce de  grand  lézard  qu'on  ne  trouve  nulle  part  ailleurs.  Ces  animaux 
sont  herbivores,  et  pourtant  la  végétation  de  File  est  presque  nulle.— 

(La  Nature.) 


Les  deux  globes  de  Jean  L'Hoste  à  la  bibliothèque  de 
—  Deux  chefs-d'œuvre  viennent  d'être  découverts  dans  la  bibliothè- 
que de  l'Institut.  Ce  sont  deux  globes  en  airain,  d'un  travail  remar- 
quable, dont  la  monture  en  ébène  e3t  ornée  de  belles  figures  de 
bronze  d'un  grand  caractère.  Nul  ne  connaissait  la  provenance  de  ces 
globes  magnifiques,  dont  le  diamètre  est  de  47  centimètres.  M.  La- 
lanne  vient  de  retrouver  le  nom  de  leur  auteur.  En  consultant  la  Bi- 
bliothèque lorraine  du  bénédictin  Dom  Calmet,  il  y  trouva  un  article 
élogieux  en  faveur  d'un  certain  Jean  L'Hoste,  mort  à  Nancy,  sa  patrie, 
le  8  août  1631,  qui  s'intitulait  t  mathématicien,  conseiller  et  ingénieur 


COLONIES  FRANÇAISES.  699 

«  ès  fortifications  des  pays  de  Son  Altesse  le  duc  de  Lorraine.  »  Dans 
l'on  des  ouvrages  de  ce  mathématicien,  il  parle  de  «  deux  globes  de 
«  bronze,  d'une  grandeur  bien  notable,  faits  par  Son  Altesse,  sur  les- 
m  quels,  dit-il,  J'ai  tracé  et  buriné  par  un. travail  de  sept  à  boit  ans,  et 
«  y  ai  apporté  toutes  les  singularités,  tant  de  la  mer  que  des  orbes 
«  célestes.  >  8ur  chacun  de  ces  globes  se  trouve  gravée  une  inscrip- 
tion latine,  où  J.  L'floste  dédie  son  ouvrage  à  Henri  II,  duc  sérénis- 
aime  de  Lorraine.  Le  premier  en  date,  le  globe  terrestre,  porte  le  mil- 
lésime de  1616  ;  le  second,  la  sphère  céleste,  est  de  1618.  Pour  cette 
dernière,  l'auteur  annonce  avoir  utilisé  les  observations  de  Tycho- 
Brahé  et  des  autres  astronomes.  On  ne  sait  comment  ces  chefs-d'œuvre 
sont  arrivés  à  la  bibliothèque  de  l'Institut,  mais  on  peut  conjecturer 
que,  lors  de  l'occupation  de  Nancy  par  les  Français  au  xvu*  siècle,  ils 
auront  été  transportés  à  Paris,  puis  donnés  à  l'ancienne  Académie  des 
sciences,  au  Louvre,  avec  le  mobilier  de  laquelle  ils  passèrent  au  col- 
lège des  Quatre-Nations,  lors  de  la  création  de  l'Institut. 


COLONIES  FRANÇAISES. 

Population  des  colonies  françaises.  —  Nous  avons  donné  en  détail, 
dans  de  précédents  Bulletins,  la  population  de  la  France  et  celle  de 
l'Algérie  telles  qu'elles  résultent  du  dernier  recensement. 

Voici  maintenant  le  relevé  exact  de  la  population  des  colonies  fran- 
çaises, fourni  par  le  ministère  de  la  marine  et  des  colonies  : 

Réunion 180,814 

Sainte-Marie  de  Madagascar 7,177 

Sénégal  et  dépendances 190,789 

Guyane 17,374 

Saint-Pierre  et  Mlquelon 4,916 

Mayotte 10,158 

Nossi-Bé 8,165 

Taïti  et  dépendances 25,247 

Nouvelle-Calédonie 52,000 

Inde  française 285,022 

Gochinchine 1,550,477 

Gabon,  chiffre  Indéterminé. 

Dans  celte  énumération  ne  figurent  pas  les  pays  placés  sous  notre 
protectorat,  tels  que  la  Tunisie,  le  Tong-king  et  le  Cambodge. 

Les  Français  au  Canada.  —  Nous  revenons  souvent  sur  ce  sujet, 
parce  que  la  prospérité  des  Français  dans  cette  partie  du  monde  est 
réellement  étonnante.  Tandis  que  la  population  française  va  toujours 


700  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

en  augmentant  dans  Ja  prorince  de  Québec,  la  population  anglaise 
diminue  dans  une  proportion  sensible.  Les  Français  n'étaient  que  3,000 
en  1653,  60,000  en  1763.  Depuis  cette  date,  l'émigration  de  France  a 
cessé;  nous  avons  eu  même  à  regretter  le  départ  d'un  grand  nombre 
de  nos  compatriotes,  qui  ont  compté  sur  les  avantages  que  pouvaient 
leur  offrir  les  États-Unis,  et,  malgré  ces  désavantages,  il  y  a  aujour- 
d'hui dans  les  provinces  canadiennes,  1,298,929  Français  répartis  de  la 
façon  suivante  : 

Québec,  1,075,820;  Ontario,  102,743;  Nouveau-Brunswick,  56,635; 
Nouvelle-Ecosse,  41,219;  lie  du  Prince-Edouard,  10,751;  ttanitoba, 
9,949  ;  Territoires,  2,896;  Colombie  anglaise,  916. 

Les  Français  à  Pernambouc.  —  Des  lettres  de  la  station  navale  des 
Autilles  nous  apprennent  que  l'éclaireur  d'escadre  Je  Second*  séjourné 
à  Pernambouc  du  23  au  29  octobre. 

Le  pavillon  français  n'avait  pas  paru  depuis  longtemps  dans  le  port 
de  Pernambouc,  aussi  fétat-major  et  l'équipage  du  Segond  ont-ils  été 
l'objet  de  l'accueil  le  plus  chaleureux  de  la  part  de  nos  compatriotes. 

Nos  nationaux,  peu  nombreux  sur  ce  point  du  Brésil,  sont  généra- 
lement à  la  tôte  d'entreprises  commerciales  ou  industrielles  impor- 
tantes. Ils  ont  fait  en  1882  pour  près  de  14  millions  d'importations  et 
pour  2,250,000  fr.  d'exportations  (sucre  et  coton).  Tout  fait  prévoir 
que  l'exercice  1683  atteindra  au  moins  les  mêmes  chiffres. 

Le  docteur  Bayol  dans  le  Soudan.  —  On  se  souvient  que,  l'année 
dernière,  le  docteur  Bayol  partait  de  Bordeaux  pour  le  Sénégal,  afin  de 
renouveler,  dans  la  direction  de  Tombouctou,  ses  audacieuses  péré- 
grinations à  travers  les  peuplades  africaines.  Le  docteur  Bayol  est  de 
retour  à  Bordeaux,  après  onze  mois  d'absence. 

Voici  sur  le  dernier  voyage  du  vaillant  explorateur  quelques  notes 
sommaires  : 

Parti  de  Bordeaux  le  10  octobre  1882,  le  docteur  Bayol  s'est  di- 
rigé immédiatement  dans  le  haut  Sénégal  pour  entreprendre  un  voyage 
diplomatique  dans  le  Eaarta. 

Malgré  de  nombreuses  tentatives  infructueuses,  le  docteur  a  franchi 
le  Sénégal  à  Bafoulabé  et  s'est  dirigé  sur  Daïla,  ville  toucoulenr,  com- 
mandant la  route  de  Nioro. 

La  susceptibilité  des  chefs  et  une  vive  fermentation  qui  régnas 
dans  le  pays  ont  empêché  le  docteur  de  poursuivre  son  voyage.  Les 
chefs,  surexcités  et  effrayés  par  notre  marche  sur  le  Jïiger,  ont  refasè 
obstinément  de  s'entendre  avec  lui. 

Devant  le  mauvais  vouloir  des  partisans  du  roi  de  Ségou,  le  colonel 


COLONIES  FRANÇAISES.  701 

Desbordes,  qui  venait  de  remporter  la  brillante  victoire  de  Daba,  la- 
quelle plaçait  le  Bêléadougou  dans  nos  mains,  flt  appeler  le  docteur 
,  Bayol  à  Bamako,  où  celui-ci  parvint  le  13  avril. 

Le  16,  il  en  repartait,  muni  des  pleins  pouvoirs  que  lui  avait  confé- 
rés le  colonel  et,  dans  une  marche  rapide/  traversait  la  région  inex- 
plorée habitée  par  les  Bambaras,  visitait  Nossombougou,  Koumi,  Mau- 
ton,  traversait  la  région  fertile  et  industrielle  du  Fadongou  et  parvenait 
dans  le  mois  de  mai  à  Dampa  et  à  Mourdia,  villes  commerçantes  ha* 
bitées  par  des  Sarracolets  et  des  Maures.  Go  sont  des  marchés  de  la 
plus  haute  importance  au  point  de  vue  du  transit  de  marchandises  que 
les  Diolas  et  les  Maures  exportent,  les  uns  vers  le  haut  Niger,  les  au- 
tres dans  la  région  du  Sahara  central. 

A  Douaboûgou,  sur  la  route  de  Ségala,  la  mission,  devant  l'hostilité 
manifeste  des  habitants,  fut  obligée  de  revenir  en  arriére.  La  route  de 
Tombouctou  leur  était  fermée  obstinément. 

Des  traités  réguliers  ont  été  passés  avec  Koumi,  Nousombougou, 
Nouko,  Dampa,  Mourdia  et  Ségala. 

Cette  dernière  ville  est  i  six  Jours  de  marche  de  caravane  de  Tom- 
bouctou. 

La  région  parcourue  par  la  mission  au  delà  de  Bamako  comprend 
363  kilomètres  de  pays  inexplorés  que  M.  le  lieutenant  Quiquandon, 
de  l'infanterie  de  marine,  adjoint  à  la  mission  du  docteur  Bayol,  a  re- 
levés avec  une  grande  habileté. 

Aujourd'hui,  le  protectorat  français,  établi  d'une  façon  incontestable 
par  les  victoires  de  M.  le  colonel  Desbordes  et  par  son  prestige  mili- 
taire dans  le  Soudan,  du  Sénégal  au  Niger,  s'étend  jusqu'au  pays  du 
Kalari,  grâce  à  la  nouvelle  mission  qui  vient  d'avoir  lieu. 

Gomme  on  le  voit,  le  voyage  de  l'intrépide  et  intelligent  explorateur 
a  eu,  cette  fois  encore,  des  fruits  considérables.  Ajoutons  que  le  doc- 
teur.Bayol  est  revenu  en  France  en  parfaite  santé,  malgré  les  fatigues 
éprouvées,  et  qu'il  est  prêt  à  reprendre,  après  quelques  mois  de  repos 
bien  mérité,  le  cours  des  explorations  si  utiles  à  sa  patrie  et  qui  lui 
assurent  une  place  des  plus  distinguées  parmi  les  grands  voyageurs. 

Congo.  —  Nous  recevons  tous  les  jours  des  nouvelles  contradictoi- 
res du  Congo  ;  dans  l'impossibilité  où  nous  sommes  de  contrôler  leur 
exattitude  et  de  les  résumer,  nous  prenons  le  parti  de  les  reproduire 
telles  qu'elles  nous  parviennent  et  dans  l'ordre  où  elles  se  présen- 
tent. 

Nous  trouvons,  en  posC-scriptum  d'une  lettre  adressée  de  Banana  à 

Y  Agence  Bavas,  les  nouvelles  suivantes  de  M.  de  Brazsa  : 

Voici  enfin  des  nouvelles  de  M.  de  Brazza  qui  est  arrivé  à  Stanley- 

80C.  DB  OKOGB*  —  4«  TBIliMTBB  1889.  45 


702  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Tool  après  avoir  éprouvé  les  plus  grands  dégagements  suscités  par 
M.  Stanley  et  par  M.  Vetche,  son  aide  de  camp,  qui  pour  laisser  tonte 
liberté  aux  noirs  avaient  quitté  le  Pool. 

On  s'attend  i  des  coups  de  fusils  arec  le  successeur  de  Makoko  qui 
est  dévoué  à  Stanley. 

Une  dépêche  de  Londres  adressée  au  Temps  annonce  que  Stanley  Ta 
revenir  en  Europe,  et  Ton  prétend  que  son  retour  est  dû  à  certaines 
difficultés  entre  lui  et  le  comité  de  l'Association  africaine.  H  aurait  l'in- 
tention de  se  présenter  devant  les  présidents  de  cette  Association  et 
de  se  défendre  contre  les  accusations  portées  contre  lui,  accusations 
d'après  lesquelles  il  aurait  manqué  de  discrétion  dans  se^  pourparlers 
avec  les  indigènes.  Bien  des  conflits,  dit-on,  auraient  pu  être  évités  sU 
avait  fait  preuve  de  la  prudence  qu'on  attendait  de  lui. 

Le  25  novembre,  à  Saint-Denis,  on  a  pratiqué  des  expériences  d'es- 
sai sur  le  Licona,  petit  bâtiment  fourni  par  l'État  pour  le  service  de  fa 
mission  Brassa. 

Ce  bâtiment  est  tout  en  fer  et  se  démonte  entièrement. 

Il  va  être  embarqué  sur  un  navire  de  l'État.  Les  pièces  en  seront 
transportées  à  dos  d'hommes  Jusque  sur  l'Alima  et  remontées  an  bord 
de  cette  rivière,  que  le  bâtiment  descendra  ensuite  jusqu'au  Congo. 

Le  Sew-York  Herald  a  reçu  la  dépèche  suivante  : 

Rome,  4  décembre. 

Le  comte  Louis  de  Brassa,  frère  du  voyageur,  Tient  de  donner  à 
votre  correspondant  le  sommaire  de  deux  lettres  qu'il  a  reçues  de 
l'expédition  du  Congo,  l'une  de  trente  pages,  écrite  par  M.  Jacques  de 
Brasza,  qui  accompague  son  frère,  le  chef  de  l'expédition,  et  l'antre 
signée  par  M.  Pêcile,  naturaliste. 

Les  deux  lettres  sont  datées  du  15  août. 

à  cette  époque,  de  Brassa  se  trouvait  en  compagnie  de  son  frère, 
du  docteur  Ballay,  de  M.  Pêcile  et  d'une  petite  escorte,  entre  France- 
ville  et  Brassaville,  en  bonne  santé. 

11  comptait  rencontrer  le  roi  Makoko  trois  Jours  pins  tard.  H  n'avait 
pas  encore  vu  Stanley.  Le  reste  de  l'expédition  française  se  trouvai! 
en  arrière,  à  différents  points  de  la  rivière  Ogooué. 

Makoko  était  encore  roi  et  il  continuait  à  avoir  des  dispositions  aussi 
amicales  pour  de  Brassa  que  pour  Stanley. 

On  croyait  que  le  roi  ratifierait  le  traité  signé  avec  M.  de  Brassa. 
.    Les  lettres  ne  contiennent  rien  qui  puisse  donner  à  croire  à  des 
conflits  avec  M.  Stanley  ou  avec  les  indigènes. 

L'expédition  parait  avoir  beaucoup  souffert  des  fièvres,  mais  elle  ait 
perdu  qu'un  matelot. 


COLONIES  FRANÇAISES.  703 

Le  comte  Ludovic  dit  que  son  frère  n'aurait  pas  l'intention  d'aller 
as  delà  de  Brazzaville,  mais  qu'il  pourrait  bien  changer  d'opinion  et 
pousser  vers  l'intérieur  du  pays. 

Des  lettres  particulières  [du  Oabon  donnent  d'excellentes  nouvelles 
de  l'expédition  de  Brassa  : 

■  Tout  le  personnel  est  en  bonne  santé.  Le  climat  est  certainement 
plus  sain  que  celui  de  la  plupart  des  colonies  ;  quelques  fièvres  inter- 
mittentes dans  la  saison  des  pluies,  mais  point  de  fièvres  pernicieuses, 
pes  de  maladies  de  foie,  pas  de  dysenterie. 

«  Arrivé  le  21  avril»  M.  de  Brazza  avait  présidé  au  débarquement, 
no  Gabon,  des  munitions  et  des  marchandises  de  cadeaux  et  de  troc 
qui,  malheureusement,  ne  purent  être  mises  à  l'abri  dans  les  magasins 
de  la  colonie  ;  des  ordres  ministériels  ont  dû  faire  cesser  les  tiraille- 
ments soulevés  par  l'administration  coloniale. 

«  Quelques  jours  plus  tard,  M.  de  Brazza  allait  visiter  les  postes  de 
Loango,  dont  le  Sagittaire  avait  pris  possession  ;  très  satisfait  de  l'état 
des  choses  de  ce  côté,  il  était  parti  pour  remonter  le  haut  Ogdoué. 

m  Dès  son  arrivée  au  Gabon,  il  avait  expédié  MM.  de  Montagnac  rt 
àûcheiet  avec  vingt  laptots  chargés  de  fonder  le  poste  de  l'Alima, 
affluent  du  Congo  supérieur.  H.  le  lieutenant  Decases,  son  chef  d'état- 
major,  avait  été  surveiller  l'installation  de  Lambaréné  dépendant  de 
l'installation  de  N'Jolé. 

«  il  y  avait  trouvé  M.  de  Lastours,  parti  de  France  en  décembre 
1882,  amenant  une  flottille  de  60  pirogues,  montées  par  800  pagayeurs 
Adoomas  accourus  au-devant  de  Brassa  et  devant  remonter  avec  80  ton- 
nes de  marchandises. 

«  M.  Decazes,  revnu  au  Gabon,  devait  attendre  la  Seudre  et  YOlumo, 
qui  apportaient  un  complément  de  matériel,  et  remonter  avec  ce  der- 
nier, commandé  par  l'enseigne  de  vaisseau  Laporte,  le  bas  Ogôoné,  en 
inspectant  le  poste  du  cap  Lopès  (dépôt  du  matériel  du  ravitaillement 
des  postes  de  l'Ogtoué  Jusqu'à  Frauceville),  et  rejoindre  Brazza  par  un 
nouveau  grand  convoi  attendu  vers  la  fin  de- juillet. 

m  En  résumé,  le  pian  général  arrêté  par  Brazza  commençait  à  se  dé- 
velopper, sinon  sans  fatigues,  sous  ce  climat  brûlant,  au  moins  sans 
obstacles  sérieux,  à  commencer  par  l'établissement  de  Loango,  point 
de  départ  de  la  future  voie  ferrée  qui  doit  atteindre  Brazzaville  sur  le 
Congo  parles  riches  vallées  du  Quiliou  et  du  Miari. 

«  Le  personnel  de  la  mission  est  plein  d'entrain,  de  zélé  et  de  con- 
fiance dans  son  chef.  » 

Le  paquebot  Niçer,  parti  dernièrement  de  Bordeaux,  emmène  entre 
entres  passagers,  les  sept  membres  de  la  nouvelle  mission  destinée*  à 
servir  de  renfort  à  la  mission  Brazza.  H.  Dufoorcq,  agent  supérieur  du 


! 


~^\ 


704  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 


ministère  de  l'instruction  publique!  est  le  chef  de  l'expédition;  fl  doit 
être  le  second  de  M.  de  Brazza  pour  toute  la  région  maritime  dont  il 
aura  désormais  la  surveillance.  Arec  lui  partent  M.  Labeyrie,  ancien 
élève  de  l'École  centrale,  et  MM.  Faucher,  Coste,  Didelot,  Massas  et 
f  Froment,  qui  seront  répartis  dans  les  divers  postes  du  littoral  et  de 

*  J'Ogôoué. 

Le  Niger  débarquera  les  membres  de  la  mission  à  Dakar,  où  la  Sat- 
dre,  récemment  partie  de  Rochefort,  les  prendra  pour  les  transporter 
,au  Gabon.  C'est  là  que  M.  Du  fou  req  prendra  les  mesures  nécessaires 
pour  faire  parvenir  chacun  de  ses  subordonnés  à  son  poste. 

M.  Dutreuil  de  Rhins,  qui  était  parti  pour  le  Gabon,  au  mois  de  Jan- 
vier dernier,  avec  M.  de  Brassa,  est  de  retour  en  France.  11  s'est  séparé 
de  M.  de  Brassa  le  7  Juillet  dernier,  à  quelques  journées  de  distance 
de  Franceville,  après  avoir  accompli  la  mission  dont  il  était  spéciale- 
ment chargé.  H  a  redescendu  l'Ogôoué  et  s'est  embarqué  sur  le  paque- 
bot anglais  pour  revenir  en  Europe. 

A  la  date  de  son  départ,  c'est-à-dire  dans  les  premiers  jours  d'août, 
voici  où  en  était  l'expédition  de  Brassa  :  deux  postes  avaient  été  fondés 
sur  la  côte  à  Loango  et  sur  la  rivière  Quillou.  On  sait  que,  sur  ce  der- 
nier point,  l'Association  internationale  africaine  a  également  fondé  un 
poste  dans  le  but  évident  de  tenir  le  nôtre  en  échec.  Ce  poste  aurait 
lié  créé  par  une  expédition  conduite  par  le  capitaine  Elliott,  qui  serait 
venu  par  terre  de  Stanley-Pool  en  explorant  à  fond  la  rallée  du  Siari, 
dont  M.  de  Brazza  n'a  pu  prendre  qu'une  première  vue  quand  il  Ta  dé- 
couverte. 

Quatre  autres  postes  avaient  été  échelonnés  le  long  de  l'Ogôoué,  ai 
cap  Lopez,  à  Lambaréné,  à  fl'Jolé  et  près  des  chutes  de  Bôoué,  dans  le 
pays  des  Okandas.  Des  traités  ont  été  passés  avec  les  peuplades  voisi- 
nes, qui  se  sont  engagées  à  fournir  un  nombre  de  piroguiers  déter- 
miné pour  le  service  du  fleuve,  et  même  des  soldats  pour  l'escorte  de 
l'expédition.  Un  cinquième  poste,  que  M.  de  Brazza  allait  créer  dans  le 
nays  des  Adoumas,  devait  compléter  la  chaîne  qni  reliera  désormais 
la  côte  de  l'Océan  à  Franceville,  qui  en  est* à  850  kilomètres  environ.  Ces 
stations  de  ravitaillement,  où  l'on  trouvera  des  vivres  et  des  hommes, 
permettront  de  parcourir  cette  distance  aussi  rapidement  que  possible. 
Au  delà  de  Franceville,  un  poste  a  été  créé  sur  l'Alima,  raffinent  par 
lequel  nos  bateaux  descendront  au  Congo,  de  sorte  que  Ton  peut  dire 
que  notre  route,  de  la  mer  au  grand  fleuve  africain,  est  maintenant 
tracée.  C'est  là  un  premier  résultat  fort  considérable  qui  était  le  prêt 
minaire  indispensable  de  toute  entreprise  ultérieure  et  qui  a  été  ra- 
pidement obtenu. 

Le  docteur  Ballay,  Jacques  de  Brazza,  frère  du  chef  de  l'expédifiâfi. 


*» 


COLONIES  FRANÇAISES.  705 

et  le  sergent  Malamine  devaient,  dans  les  premiers  Jours  d'août,  être 
rendus  chez  Makoko,  pour  le  pays  duquel  ils  étaient  partis  depuis  six 
semaines.  On  n'avait  rien  appris  encore  dansl'Ogôouéau  sujet  du  bruit 
d'après  lequel  ce  chef  indigène  aurait  été  renversé  par  les  intrigues 
de  Stanley.  M.  de  Brazza,  après  avoir  conduit  jusqu'à  Franceville  le 
convoi  de  huit  cents  piroguiers  avec  lesquels  il  remontait  le  fleuve, 
devait  se  rendre  également  chez  Makoko.  Telle  était  la  situation,  de 
tons  points  excellente. 

En  rentrant  en  Europe  par  le  paquebot  anglais,  M.  Dutreuil  de  Rhins 
s'est  arrêté  à  l'embouchure  du  Niger,  et  là  il  a  assisté  au  départ  de 
250  Baoussas  armés  de  fusils  à  tir  rapide,  enrôlés  pour  le  compte  de 
Stanley;  c'était  Je  second  convoi  de  ce  genre.  On  estime  que  M.  Stan- 
ley a  actuellement  sous  ses  ordres  200  blancs  et  1,600  noirs  zanziba- 
rltes,  kabindas  ou  baoussas.  M.  de  Brazza  n'a  avec  lui  que  86  blancs, 
y  compris  les  25  hommes  de  YOlumo,  qui  ne  descendent  jamais  à 
terre,  et  350  noirs.  Chaque  station  qu'il  fonde  diminue  nécessairement 
son  personnel,  car  il  est  obligé  d'y  laisser  deux  blancs  et  quelques* 
uns  de  ses  noirs. 

Télégraphe  sons-marin.  —  La  première  section  de  la  ligne  télégra- 
phique qui  doit  relier  le  Sénégal  à  la  France  a  été  inaugurée  le  6  dé- 
cembre. Cette  section  relie  Cadix  à  Sainte-Croix,  de  TénéruTe,  la  capi- 
tale des  Canaries.  Le  câble  qui  doit  réunir  les  Canaries  à  Saint-Louis 
dn  Sénégal  sera  posé  le  15  janvier.  >. 

Les  bâtiments  qui  ont  pris  part  aux  opérations  de  pose  et  de  son- 
dage sont  les  steamers  spéciaux  International  et  Dada,  qui  appartien- 
nent aux  constructeurs.  L'aviso  espagnol  Consueto  et  la  frégate  fran- 
çaise Résolue  assistaient  à  l'inauguration. 

Nouvelle-Calédonie.  —  L'arrivée  du  Brual,  commandé  par  M.  le 
lieutenant  de  vaisseau  Bénier,  avec  les  débris  provenant  du  naufrage 
de  la  Boussole  et  de  Y  Astrolabe  à  Vanikoro,  a  été,  à  Nouméa,  l'occasion 
d'une  grande  solennité. 

D'après  les  ordres  du  gouverneur,  les  compagnies  de  débarquement 
des  bâtiments  de  guerre  et  les  troupes  de  la  garnison  ont  été  mises 
sur  pied  pour  la  réception  des  ancres,  des  canons  et  autres  épaves  des 
bâtiments  que  commandait  l'illustre  La  Pérouse.  Tous  les  fonctionnai- 
res de  la  colonie  accompagnaient  le  gouverneur,  qui  a  présidé  à  cette 
cérémonie,  et  la  population  entière  s'était  massée  sur  les  quais  pour 
assister  au  débarquement  de  ces  glorieuses  épaves. 

Elles  ont  quitté  le  Bruat  dans  une  chaloupe  ornée  de  fleurs  et  de 
feuillage,  remorquée  par  deux  embarcations  commandées  par  un  offl- 


706  NOUVKLLE8  GÉOGRAPHIQUES. 

cier.  A  ce  moment,  le  Bruailes  a  saluées  de  vingt  et  on  coops  de  ca- 
non. Le  capitaine  de  vaisseau  Palia  de  la  Barrière  a  prononcé  uneaBo- 
cntion  en  recevant  A  leur  arrivée  à  terre,  ées  mains  de  H.  le  lieutenant 
de  vaisseau  Bénier,  les  épaves  des  deux  bâtiments.  La  cérémonie  a  été 
close  par  une  seconde  salve  de  vingt  et  un  coups  de  canon. 

Parmi  les  canons  qui  ont  été  retrouvés,  se  trouve  une  pièce  de 
bronze  qui  porte  le  millésime  de  1621  ;  les  ancres  sont  recouvertes 
d'incrustations  de  corail  très  curieuses  qui  affectent  les  formes  les  pies 
Msarres.  Les  objets  rapportés  par  le  Bruat  vont  être  envoyés  an  ra- 
sée du  Louvre  et  placés  dans  la  salle  La  Pérouse,  du  musée  de  marine. 


EUROPE. 

L'heure  universelle.  —  Une  dépêche  de  Rome  annonce  que  la  con- 
férence géodésique  a  délibéré  :  i*  sur  l'unification  des  longitudes 
par  l'adoption  du  méridien  initial  unique  de  Greenwich;  2°  sur  Fanl- 
fleation  de  l'heure  par  l'adoption  d'une  heure  universelle  en  prenant 
comme  point  de  départ  l'heure  de  Greenwich. 

Ces  délibérations  seront  portées  i  la  connaissance  des  gouverne- 
ments, avec  le  vœu  formulé  par  la  conférence  qu'une  convention  inter- 
nationale ait  Heu  pour  statuer  sur  ces  questions. 

Conformément  aux  décisions  de  la  récente  conférence  géodéslqae 
de  Rome,  IL  Paye  demande  que  l'heure  universelle  soit  l'heure  civie 
de  Greenwich  et  que  les  longitudes  soient  comptées  de  0  i  160t  avec 
le  signe  positif  vers  l'Est,  et  avec  le  signe  négatif  vers  TOnest. 

(Académie  des  sciences,  séance  do  3  décembre  1883.) 

L'expédition  Nordenskjftld.  —  Les  journaux  de  Stockholm  signalent 
une  séance  tenue,  le  19  octobre,  par  la  Société  d'anthropologie  et  de 
géographie  de  Stockholm,  séance  dans  laquelle  le  baron  Kordeoskjôtd 
a  rendu  compte  de  la  seconde  partie  de  son  voyage  au  Groenland. 

On  sait  que  l'expédition  poursuivait  un  double  but  :  étudier  la  si- 
tuation intérieure  do  pays  et  rechercher  sur  la  côte  orientale  les  tra- 
ces présumées  par  Nordenskjôld  des  colonies  normandes  qui  fleuris* 
salent  autrefois  dans  cette  région.  La  première  partie  du  programme  a 
donné  d'importants  résultats,  mais  il  n'en  a  pas  été  de  même  de  l'autre 
partie,  qui  n'a  pas  répondu  à  l'attente  du  baron  Nordenskjôld.  En  effet 
on  n'a  pas  trouvé  les  vestiges  que  promettaient  les  anciennes  sagas 
populaires. 

Toutefois,  l'illustre  explorateur  a  le  droit  de  considérer  le  résultat  de 
son  voyage  comme  un  triomphe  des  investigations  géographiques,  b 


EUROPE.  707 

effet,  sar  plusieurs  points,  il  a  abordé  une  côte  qui,  depuis  plus  de 
trois  cents  ans,  c'est-à-dire  de  puis  l'expédition  entreprise  surl'initiatiTe 
de  l'évoque  Walkendorff,  avait  été  inaccessible  à  toutes  les  expédi- 
tions. 

La  difficulté  d'accès  et  de  pénétration  à  l'intérieur  provient  surtout 
des  glaces.  Tandis  que  la  côte  orientale  du  Groenland  est  plus  facile- 
ment accessible  au  Nord  du  70°  degré  de  latitode,  la  portion  méri- 
dionale est  bloquée  par  les  montagnes  de  glace  qu'un  courant  froid 
accumule  dans  cette  région. 

Nordenskjôld,  à  l'inverse  de  ses  prédécesseurs,  a  essayé  de  pénétrer 
à  l'intérieur  de  cette  ceinture  de  glace  en  demeurant  dans  le  voisinage 
de  la  côte  du  continent.  La  tentative  plusieurs  fois  renouvelée  a  échoué, 
et  il  n'est  pas  resté  d'autre  parti  à  prendre  que  celui  de  suivre  les  ex- 
péditions antérieures,  c'est-à-dire  de  doubler  le  cap  Farwell  et  de  for- 
cer la  ceinture  de  glace  du  côté  de  la  mer. 

Grâce  i  la  solidité  de  sa  construction,  la  Sofia  a  réussi  à  faire  ce  que 
les  autres  bâtiments  n'avaient  pu  faire.  Elle  a  pénétré  de  vive  force 
à  travers  la  glace  et  l'on  a  pu  atteindre  la  côte.  Après  un  débarquement 
préalable,  la  Sofia  a  jeté  l'ancre,  le  4  septembre,  dans  un  port  qui, 
d'après  Nordenskjôld,  est  uq  des  meilleurs  de  la  côte  suédoise  et  au- 
quel il  a  donné  le  nom  de  port  du  Roi-Oscar  IL  Ce  port  est  environ 
au  66e  degré  do  latitude.  On  y  a  trouvé,  outre  de  fraîches  traces  d'Es- 
quimaux qui  s'étaient  probablement  retirés  à  l'approche  du  navire,  des 
vestiges  indiquant  avec  certitude  que  cet  endroit  avait  été  habité 
autrefois,  sinon  d'une  manière  permanente,  du  moins  de  temps  à  au- 
tre par  des  Normands.  On  y  a  trouvé  aussi  une  plante, le  Potentilla  an- 
serina,  qui  est  fréquente  en  Scandinavie,  mais  que  dans  le  Groenland, 
ou  ne  rencontre  qu'à  proximité  des  établissements  européens. 

Une  tentative  d'aller  un  peu  plus  au  Nord,  où  Ton  suppose  qu'il 
existe  près  du  cap  Dan  une  population  assez  nombreuse,  n'a  pas  réussi, 
et  l'épuisement  des  provisions  de  charbon  a  contraint  le  baron  Nor- 
denskjôld à  se  diriger  vers  l'Islande,  où  il  est  arrivé,  le  9  septembre,  à 
Heikjavik. 

La  prévision  de  Nordenskjôld,  que  l'on  rencontrerait  sur  la  côte  sud- 
est  du  Groenland  le  pays  des  anciens  Normands,  n'a  donc  point  été 
▼ériflée  par  cette  expédition.  Il  est,  en  outre,  regrettable  que  la  retraite 
des  Esquimaux  n'ait  pas  permis  de  recueillir  des  renseignements  plus 
étendus.  Toutefois,  le  débarquement  heureusement  opéré  sur  cette 
côte  et  surtout  le  premier  succès  de  la  tentative  de  pénétrer  dans  les 
masses  de  glaces  du  Groenland  assurent  à  cette  expédition  une  page 
glorieuse  dans  les  annales  arctiques. 


708  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Russie.  —  On  lit  dans  le  Journal  de  Saint-Pétersbourg  : 

t  La  Société  de  géographie  a  tenu  le  U  novembre  une  séance  géné- 
rale à  laquelle  ont  assisté  les  deux  voyageurs  français  arrivés  récem- 
ment à  Saint-Pétersbourg,  MM.  le  comte  de  Mail 1 7  et  le  baron  Mécfain. 

t  Ce  dernier  a  rendu  compte,  en  français,  du  grand  voyage  que  lui  et 
son  compagnon  ont  fait  à  travers  l'Asie  centale.  Les  deux  voyageurs 
sont  arrivés  en  Russie  venant  de  Kfaiva  par  Merv. 

«  Ainsi  que  le  constate  Y  Invalide  russe,  le  baron  Méchin  a  pn  se  con- 
vaincre de  la  fausseté  du  bruit  d'après  lequel  il  existerait  encore  à 
Merv  des  milliers  d'esclaves.  L'esclavage  y  est  aboli,  grâce  aux  efforts 
des  autorités  russes. 

«  Le  baron  Méchin  a  terminé  son  récit  par  quelques  mots  sur  le  voyage 
que  lui  et  le  comte  de  Mailly  ont  fait  à  travers  le  Japon,  la  Chine,  la 
Mongolie  et  la  Dijoungarie.  • 

Portugal.  —  On  lit  dans  le  Jornal  do  Commereio,  do  S  novembre 
dernier  : 

«  Le  nouveau  ministre  de  la  marine  et  des  colonies  vient  de  charger 
deux  de  nos  officiers  de  marine,  MM.  Hermenegildo  Capello  et  Robert 
Ivens  d'une  nouvelle  expédition  scientifique  dans  notre  possession 
d'Angola,  et  notamment  de  l'achèvement  de  la  carte  topographique  de 
cette  vaste  possession  pour  l'établissement  de  laquelle  ces  mêmes 
voyageurs  ont  fourni  déjà  des  éléments  des  plus  appréciables  par  les 
observations  recueillies  dans  le  cours  de  leur  premier  voyage  d'expto-  ; 
ration  au  fleuve  Gunène.  ! 

«  Les  explorateurs  partiront,  à  ce  que  l'on  assure,  par  le  paquebot  | 
de  la  malle  portugaise  du  mois  prochain  ;  non  sans  avoir  pris  part,  de 
même  que  leur  collègue,  le  major  Serpa  Pinto,  auquel  sa  traversée  hé- 
roïque du  continent  africain  valut  naguère  la  médaille  d'or  de  la  Société 
de  géographie  de  Londres,  à  la  protestation  vigoureuse  que  prépare 
notre  Société  de  géographie  contre  les  calomnies  récentes  de  Stanley 
à  l'égard  de  notre  domination  au  Zaïre,  et  les  menées  continuelles 
dont  notre  souveraineté  dans  ces  parages  est  l'objet  • 

«  On  ne  parle  pas  plus  du  traité  avec  l'Angleterre  que  sll  n'en  avait 
jamais  été  question. 

«  En  parlera-t-on  davantage  dans  la  suite?  Il  ne  manque  pas  de  gens 
qui  commencent  à  en  douter,  et  l'opinion  publique  tend  de  pins  es 
plus  chaque  jour  à  se  prononcer  même  pour  l'abandon  des  négocia- 
tions et  l'occupation  pure  et  simple  des  territoires  qui  nous  appar- 
tiennent, quoi  que  Ton  en  dise  et  quoi  qu'en  puissent  prétendre  seu- 
lement ceux  qui  ont  un  intérêt  à  voir  se  maintenir  an  Congo  le  régis» 
d'anarchie  complète  qui  y  fleurit  actuellement. 


AFRIQUE.  709 

■  La  Société  de  géographie  de  Lisbonne  a  décidé  d'adresser  aux  So- 
ciétés de  géographie  de  l'étranger  une  circulaire  pour  protester  contre 
la  lettre  si  offensante  envers  le  Portugal,  de  M.  Stanley.  » 


ASIE. 

Le  canal  maritime  an  Palestine.  —  Les  Anglais  n'abandonnent  pas 
leor  projet  de  relier  la  mer  Morte  à  la  Méditerranée  et  à  la  mer  Rouge 
par  un  canal  maritime.  Le  samedi  20  octobre,  uno  expédition  patronnée 
par  le  Comité  d'exploration  de  la  Palestine  a  qnitté  Londres  pour 
l'Orient,  yole  du  Caire  et  de  Suez,  dans  le  but  d'opérer  une  reconnais- 
sance géologique  du  pays  qoi  s'étend  de  la  mer  Morte  au  golfe  d'A- 
feabah. 


AFRIQUE. 

Afrique  orientale.  —  Sur  les  derniers  travaux  des  explorateurs  et 
des  missionnaires  engagés  en  ce  moment  dans  l'est  de  l'Afrique,  un 
rapport  adressé  an  ministère  des  affaires  étrangères  par  M.  Ch.  Lcdoolx, 
consul  de  France  a  Zamibar,  et  communiqué  à  la  Société  de  géogra- 
phie, donne  les  renseignements  suivants  : 

A  la  date  de  ce  rapport  (7  septembre  1883),  M.  0.  Revoil,  chargé 
d'une  mission  par  le  ministère  de  l'instruction  publique  et  dont  on 
n'avait  aucune  nouvelle  depuis  quelque  temps,  —  la  mousson  ayant 
interrompu  les  relations  de  la  côte  çomali  avec  Zanzibar,  —  se  trou- 
vait à  Gnélidi.  Il  y  avait  un  mois  qu'il  avait  quitté  Magadoxo,  y  lais- 
sant d'importantes  collections  qui  allaient  être  transmises  à  Paris  et 
qui  témoignent,  écrit  le  consul,  de  la  prodigieuse  activité  ainsi  que  du 
zèle  intelligent  et  dévoué  de  notre  voyageur. 

—  De  M.  Giraud,  enseigne  de  vaisseau,  point  de  nouvelles,  ce  qni 
n'est  guère  surprenant,  la  route  qu'il  suit  se  trouvant  en  dehors  du 
parcours  des  caravanes.  Toutefois,  le* consul  s'est  arrangé  pour  qu'il 
soit  transmis  des  nouvelles  du  jeune  voyageur  français,  lorsqu'il  pas- 
sera à  la  station  de  Kakoma,  ou  à  celle  de  Karéma,  en  supposant  qu'il 
touche  à  ces  deux  points,  en  revenant  de  Benguéla. 

Dans  un  post-script um  ajouté  à  sa  lettre  et  daté  du  8  septembre,  le 
consul  annonce  l'arrivée  à  Zanzibar  du  chef  de  la  station  française  de 
Condea,  le  capitaine  Bloyet,  qui  se  proposait  d'adresser  sous  peu  au 
comité  français  de  l'Association  internationale  africaine  dont  il  relève, 
un  rapport  sur  son  dernier  voyage.  Dans  cette  excursion,  M.  Bloyet  était, 
comme  toujours,  accompagné  de  sa  courageuse  femme  qui  l'assiste 


710  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

dans  868  Ira? aux  et  dans  la,  formation  de  ses  collections.  Notre  station- 
naire  continuait  son  œuvre  de  triangulation  dans  l'Ousagara  et  rOosi- 
goua. 

Le  consul  signale  l'état  prospère  des  missions  françaises  dont  l'in- 
fluence se  fait  déji  sentir  dans  le  voisinage.  La  coutume  barbare  des 
sacrifices  humains  tend  à  disparaître  là  où  s'établissent  les  mission- 
naires; les  sorciers,  cette  plaie  de  l'Afrique,  commencent  également  a 
perdre  de  leur  crédit.  Les  indigènes  finiront  par  comprendre  que  la  sé- 
cheresse, les  épidémies  et  autres  calamités  ne  sont  pas  dues  au  poa- 
Toir  occulte  de  tel  ou  tel  individu  et  que  c'est  une  cruauté  de  brûler 
à  petit  feu  celui  que  le  sorcier  désigne  comme  la  cause  du  mal.  Une 
reine  du  pays  a  promis  de  faire  cesser  ces  hideuses  pratiques  et  d'en 
châtier  les  auteurs;  aussi,  pour  l'encourager  dans  ces  bonnes  disposi- 
tions, notre  consul  lui  a  fait  remettre  en  son  nom,  un  bracelet  d'or 
avec  d'autres  présents. 

Au  nombre  des  missions  dont  nous  parlons,  M.  Ledotihc  cite  surtout 
Ifrogoro,  qui  promet  de  devenir  lieu  de  passage  pour  les  caravanes; 
des  transactions  importantes  s'y  nooent  déjà,  et  la  civilisation  7  pénè- 
tre peu  à  peu. 

Parmi  les  explorateurs  de  nationalité  étrangère,  le  rapport  mentionne 
en  première  ligne  le  docteur  Fischer,  revenu  à  Zanzibar  depuis  quel- 
ques jours,  après  avoir  accompli  un  important  voyage  dont  les  résul- 
tats sont,  parait-il,  des  plus  précieux.  Les  observations  recueillies  par  le 
voyageur  allemand  vont  amener  des  corrections  nombreuses  sur  les 
cartes  ;  il  a  signalé  maintes  erreurs  à  notre  consul,  qui  s'est  entretenn 
avec  lui  et  qui  ajoute  que  M.  Fischer  rapporte,  en  fait  de  collections,  des 
sujets  et  des  essences  inconnus  jusqu'à  ce  jour  et  qui  vont  enrichir  les 
sciences  naturelles.  La  Société  de  géographie  de  Berlin  doit  publier  la 
relation  de  ce  voyage,  laquelle  sans  doute  sera  traduite  en  français. 

Quant  à  M.  Thomson,  géologue  anglais,  qui  suivait  à  peu  près  la 
même  voie,  celle  du  Killimandjaro,  il  se  trouvait,  aux  dernières  nou- 
velles, à  Wandarobp,  ayant  éprouvé  des  difficultés,  comme  le  précé- 
dent voyageur,  à  cause  de  la  terreur  qu'inspire  la  tribu  féroce  et  an- 
thropophage des  Massaï. 

M.  Stanley  au  Congo.  —  Les  affaires  de  M.  Stanley  ne  semblent  pas 
en  bonne  voie  au  Gongo. 

D'après  une  lettre  adressée  à  la  Gazette  de  Bons,  par  un  officier 
belge,  membre  de  l'Association  africaine,  en  ce  moment  au  Congo, 
Stanley  serait  devenu  insupportable.  Il  n'agit  pas  en  voyageur,  mail 
en  roi.  Il  prend  ce  dernier  rôle  très  au  sérieux  et  impose  durement  se* 
volontés  à  tout  son  entourage. 


AMÉRIQUE.   ,  711 

» 

Quand  on  ne  partage  pas  complètement  sa  façon  de  yoir,  il  se  ré- 
volte, entre  en  colère  et  prononce  parfois  des  paroles  grossières  peu 
agréables  à  entendre  et  encore  moins  à  supporter.  Il  a,  comme  toutes 
les  personnes  Tires,  des  retours  sur  lui-même  et  essaie  d'effacer  alors 
par  mille  paroles  aimables  le  mal  qu'il  Tient  de  faire. 

L'officier  belge  considère  Stanley  comme  un  Téritable  casse-cou.  Il 
est  craint  par  tous  les  petits  princes  et  roitelets  africains  dont  les  tri- 
bas  bordent  le  Congo.  Son  effroyable  passage  à  coups  de  fusils  à  tra- 
vers les  contrées  centrales  du  continent  noir  leur  est  connu,  et  ils 
redoutent  une  nouTelle  boucherie  en  cas  de  résistance  de  leur  part. 
Ils  se  soumettent  donc,  envoient  des  présents  à  Stanley  et,  quittant 
leurs  palais  de  planches  et  de  terre,  vlenneut  lui  rendre  hommage  et 
lui  servir  d'état-major. 

A  en  croire  l'officier  belge,  Stanley,  il  y  a  quelques  mois,  roulait, 
à  la  tête  des  tribus  amies,  se  ruer  sur  le  territoire  qu'un  traité  a  lié  à 
la  France  par  l'entremise  de  M.  de  Brazza.  Un  ordre  impératif  du  roi 
des  Belges  a  serti  de  douche  au  bouillant  Américain  ;  mais  ses  velléités 
reviendront,  et,  avec  l'amour  que  Stanley  possède  pour  les  aventures, 
on  doit  s'attendre  sous  peu  à  quelque  grare  conflit  qui  mettra  la  France 
aux  prises  avec  l'Association  africaine  internationale.  Bref,  notre  offi- 
cier, homme  de  grand  bon  sens,  trouve  que  le  hardi  explorateur  n'a 
pas  les  qualités  requises  pour  coloniser  les  contrées  où  son  autorité 
est  aujourd'hui  reconnue.  Il  est  plutôt  un  homme  de  guerre  qu'un  pa- 
cificateur chargé  d'une  haute  mission  civilisatrice. 

Sons  Terrons  bien  si  les  événements  justifieront  cette  conclusion 
de  l'officier. 


AMERIQUE. 

Découverte  d'un  nouveau  fleuve  dans  l'Alaska.  —  On  écrit  de  San- 
Prancisco,  10  octobre  :  Le  lieutenant  Stoney,  qui  se  trouvait  à  bord  du 
contre  le  Corwin,  lorsqu'il  fit  son  dernier  voyage  dans  le  but  de  distri- 
buer aux  Indiens  Tcberchee,  de  l'Alaska,  des  présents  pour  une  va- 
leur de  12,500  fr.  que  leur  envoyait  le  gouvernement  en  récompense 
de  l'hospitalité  complète,  abri  et  vibres,  qu'ils  donnèrent  aux  officiers 
elà  l'équipage  du  steamer  Rodgers,  brûlé  en  1881,  rapporte  la  décou- 
verte d'un  fleuve  immense  jusqu'ici  iu connu  aux  géographes.  Les  In- 
diens en  avaient  parlé  vaguement  à  d'autres  explorateurs,  et  Stoney, 
étant  dans  l'obligation  d'attendre  le  retour  du  convoi,  se  décida  à  s'as- 
surer par  lui-même  de  la  vérité.  Accompagné  d'un  de  ses  suivants,  et 
d'an  interprète,  il  partit  de  Hoiham-inlet  et  gagna  l'intérieur  en  pre- 
nant la  direction  sud-ouest,  et  bientôt»  en  effet,  il  se  trouva  en  présence 


712  NOUVELLES  GÊ0GRAPHIQUB8. 

de  ce  qu'il  pensait  être  la  rivière  mystérieuse.  Il  la  suivit  Jusqu'à  aou 
emlxMichore,  une  distance  de  quinze  milles,  et  là  il  vit  devant  loi  le 
spectacle  d'immenses  bois  flottants,  qui  le  firent  arriver  à  la  conclusion 
que  ce  cours  d'eau  derait  être  immense  aussi.  Il  revint  donc  sur  ses 
pas,  Jusqu'à  une  distance  de  cinquante  milles,  et  fit  la  rencontre  d'in- 
digènes, qui  lui  dirent  qu'il  loi  faudrait  plusieurs  mois  pour  atteindre 
la  source  du  fleuve  inconnu.  Les  Indiens  ajoutèrent  qu  eux-mêmes 
l'avaient  descendu  à  une  distance  de  1(S00  milles  afin  de  rencontrer 
des  trafleants  en  fourrures,  et  que  la  rivière  allait  encore  beaucoup 
plus  loin.  N'ayant  pas  le  temps  de  poursuivre  son  exploration,  Stooey 
revint.  Il  partage  l'opinion  de  ceux  qui,  comme  lui,  étaient  à  bord  du 
Corwin  et  qui  lui  ont  fourni  les  premiers  renseignements,  que  la  dé- 
couverte de  cette  rivière  explique  l'existence  de  cette  masse  énorme 
de  bois  flottants  dans  la  mer  Arctique,  et  que  généralement  on  croyait 
provenir  de  la  rivière  Yukon.  Les  Indiens  dirent  encore  an  lieutenant 
Stoney  que  dans  certains  endroits  le  fleuve  acquiert  une  largeur  de 
20  milles.  Il  se  trouve  dans  le  cercle  arctique,  et  pourtant,  au  mois 
d'août,  alors  que  Stoney  se  trouvait  dans  ces  parages,  il  y  vit  des  fleurs 
et  une  végétation  comme  Jamais  il  n'en  avait  rencontré  sous  une  lati- 
tude aussi  élevée.  (l'Exploration.) 

Recensement  de  1881  an  Canada.  —  La  population  du  Canada,  en 
1881,  se  répartit  ainsi  qu'il  suit,  entre  les  diverses  nationalités:  Afri- 
cains, 21,394;  Chinois,  4,383;  Hollandais,  30,412;  Anglais,  881,301; 
Français,  1,298,929;  Allemands,  255,319;  habitants  des  terres  polaires, 
1,009;  Indiens,  108,547  irlandais,  957,403;  Italiens,  1,849;  J  arts,  667, 
Russes,  1,227;  Scandinaves.  1,214;  Écossais,  4,586;  Espagnols  et 
Portugais,  1,172;  Suisses,  4,588. 

Le  canal  maritime  de  la  Floride.  —  Nous  avons  déjà  dit  un  mot  de 
ce  projet  dans  notre  avant-dernier  Bulletin  (')•  D'après  nne  dépêche 
de  New-York,  le  comité  de  direction  aapprouvé  le  rapport  de  M.Stone, 
ingénieur  en  chef,  qui  estime  que  le  canal  ayant  137  milles  et  demi  de 
long  et  assez  de  largeur  pour  permettre  le  passage  de  deux  navires 
de  front,  coûtera  46  millions  de  dollars (230  millions  de  francs).  En  pas- 
sant par  le  canal,  les  navires  gagneront  412  milles  sur  la  route  actuelle 
entre  Liverpool  et  la  Nouvelle-Orléans. 

L'expédition  Crevaux.  —  M.  Thouar,  l'explorateur  français  qui 
poursuit  avec  un  calme  persévérant  la  recherche  des  restes  du  docteur 


(')  Voir  La  Guerre  aux  Uthms$,  p.  1 19. 


OCÉANIE.  713 

Crevaox  et  ses  compagnons,  vient  d'adresser  à  la  Société  de  géo- 
graphie une  lettre  sur  les  progrès  de  sa  mi6sion.  Cette  lettre  est  datée 
e  Gaïsa,  dans  le  Grand-Chaco  boréal,  le  1er  août  1883. 

Arrivé  à  Cafta  le  21  juillet,  après  12  jours  de  marche  à  travers  les 
derniers  contreforts  des  Andes,  il  avait  parcouru  les  environs  de  cette 
localité  et  recueilli  des  indigènes  l'information  que  deux  prisonniers 
de  r expédition  du  docteur  Crevaux  devaient  être  retenus  chez  les  To- 
bas  du  Rio-Abajo  ou  chez  les  Chorotis.  Ces  deux  prisonniers  seraient, 
à  n'en  pas  douter,  le  timonier  Haurat,  de  la  marine  française,  et  l'Ar- 
gentin Blanco,  que  M.  Thouar  avait  envoyé  à  la  recherche  de  Tinter- 
prêté  du  docteur  Crevaux. 

D'autre  part,  il  avait  fait  dire  à  Peloko,  capitaine  des  Tobas,  qu'il 
eût  à  lui  remettre  les  prisonniers  et  tout  ce  qui  avait  appartenu  aox 
explorateurs.  Les  Tobas,  informés  par  des  espions,  paraissaient  dis- 
posés à  accorder  ce  qui  leur  était  demandé. 

Le  jeune  voyageur  avait  recueilli  les  objets  suivants  appartenant  à  la 
mission  Crevaux:  un  baromètre  Fortin;  la  dernière  note  du  docteur 
Crevaux,  écrite  au  crayon  et  datée  d'Irna,  le  19  avril  1882,  elle  por- 
tait :  «  Entregar  a  la  mission  de  San  Francisco  mi  grande  mula  mar- 
cada  B.  C.  (Remettre  à  la  mission  de  San-Francisco  ma  grande  mule 
marquée  B.  C.)  ».  Enfin,  un  croquis  du  cours  duPilcomayo  à  TAsuncion, 
tracé  au  crayon  et  annoté  par  M.  Billet,  qui  fixait  la  distance  de  Macha- 
reti  <I9°49'  lat.  sud)  à  26  milles  de  San-Francisco. 

If.  Thouar  devait,  du  6  au  10  août,  partir  pour  Téjo  pour  y  continuer 
%es  recherches.  De  là,  il  traverserait  sur  la  rive  gauche  du  Pilcomayo 
tout  le  Chaco  boréal,  pour  être  de  retour  i  l'Asuncion  vers  le  15  sep- 
tembre.   

OCÉANIE. 

Modifications  apportées  aux  rivages  du  détroit  de  la  Sonde  par 
le  tremblement  de  terre  de  Batavia.  —  D'après  les  dépêches  que 
Ton  a  reçues  de  Batavia,  c'est  surtout  le  détroit  de  la  Sonde,  l'impor- 
tant passage  qui  sépare  nie  de  Java  de  celle 'de  Sumatra,  qoi  a  été 
bouleversé  par  l'éruption  volcanique  qui  a  eu  lieu  le  27  août  dernier. 

Le  détroit  est  considéré  maintenant  comme  innavigable  ;  plusieurs 
lies  ont  disparu,  des  Ilots  ont  surgi  du  fond  de  la  mer,  et  la  configura- 
tion de  la  cOte  du  côté  de  Java  est  complètement  modifiée.  La  ville 
d'Anjer,  quf  est  sur  une  lie  au  milieu  du  détroit,  est  détruite;  Telok- 
Betong  et  Tjeringen,  sur  la  cote  de  Sumatra,  ne  présentent  qu'un 
monceau  de  ruines.  On  ne  compte  pas  moins  de  quatorze  nouveaux 
Ilots;  file  de  Krakatoa,  qui  est  située  à  peu  de  distance  de  la  ville  de 


714  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

Bantam,  et  son  volcan  le  Krakatoa  ont  disparu.  Le  sinistre  a  été 
compagne  d'un  ras  de  marée  :  une  lame  de  vingt  i  trente  mètres  de 
hauteur  a  envahi  tonte  la  côte  de  Mérak.  (Voir  la  carte.) 

D'autre  part,  des  marées  extraordinaires  sont  signalées  depuis  le 
27  août  sur  les  côtes  américaines  de  l'Océan  Pacifique,  à  la  suite  du 
tremblement  de  terre  de  Batavia. 

Depuis  quelques  mois,  le  volcan  de  Krakatoa  était  en  pleine  éruption, 
mais  on  présume  que  c'est  le  ras  de  marée  qui  a  fait  le  plus  de  victi- 
mes. L'Ile  de  Krakatoa  a  sept  milles  de  long  sur  cinq  de  large  ;  elle  se 
trouve  au  nord  du  grand  chenal,  celui  que  suivent  les  bâtiments  pour 
aller  à  Batavia,  aux  Philippines  et  aux  mers  de  Chine. 

Le  détroit  de  la  Sonde,  qui  réunit  lés  mers  de  Chine  à  l'Océan  Indien, 
a  environ  cent  milles  de  long  et  vingt  milles  de  large  à  sa  partie  la 
plus  étroite.  La  route  que  suivent  d'ordinaire  les  bâtiments  est  sur  la 
côte  de  Java,  précisément  celle  qui  a  été  la  plus  bouleversée. 

Quelques-uns  des  volcans  de  Java  ont  des  altitudes  de  trois  à  quatre 
mille  métrés;  certaines  éruptions  ont  causé  d'immenses  désastres,  en- 
tre autres  celle  de  1772,  où  quarante  villages  et  trois  mille  personnes 
ont  disparu  dans  une  nuit;  celle  de  1882,  où  le  Galumgong  a  tout 
détruit  dans  un  rayon  de  vingt  milles. 

Cette  fois,  le  nombre  des  victimes  a  été  d'abord  évalué  à  soixante» 
dix  mille,  dont  huit  cents  Européens.  On  verra  plus  loin  ce  qu'il  en 
est  exactement. 

Le  gouvernement  hollandais  a  eu  la  précaution  de  télégraphier  dans 
tous  les  ports  du  monde  pour  avertir  les  marins  d'éviter  provisoirement 
ce  passage,  dont  il  faudra  dresser  de  nouvelles  cartes;  mais  on  craint 
que  bien  des  navires,  en  mer  à  cette  époque,  soient  exposés  à  se  per- 
dre sur  ces  dangers  inconnus. 

Lors  d'une  récente  communication  faite  à  la  Société  de  gégographle 
de  France,  M.  Brau  de  Saint-Fol-Lias  a  rapporté  des  détails  suivants  (')  : 
«  Comme  cela  arrive  toujours  en  pareil  cas,  a  dit  le  savant  voyageur, 
on  a  naturellement  exagéré  d'abord  le  nombre  des  victimes  de  la  ca- 
tastrophe, donnant  tout  de  suite  des  chiffres  au  hasard.  La  vérité  est 
asses  effroyable  et  je  puis  apporter  ici  un  chiffre  certain,  le  tenant  de 
S.  Exe.  le  ministre  des  colonies  de  Hollande,  que  J'ai  eu  l'honneur  de  voir 
II  y  a  quatre  ou  cinq  jours:  15,000  morts  ont  déjà  été  officiellement 
constatées;  mais  les  indigènes  n'ayant  point  d'état  civil,  on  ne  sanra 
jamais  an  juste  le  nombre  de  ceux  qui  ont  disparu.  Les  détails  curieux 
et  émouvants  abondent  déjà  6ur  le  désastre  de  Rakat*.  Chacun  àa 
mille  témoins  voisins  ou  éloignés  apporte  sa  page  à  l'histoire  de  ce  ter- 


(ft)  Voir  »•  696  du  tt  septembre  18S3,  p.  S30. 


OCÉANIB.  715 

riole  phénomène.  Le  petit  Tapeur  du  résident  de  Telok-Betoung,  sta- 
tionnant dans  le  port,  a  été  retrouvé  dans  l'Intérieur  des  terres  à  plu- 
sieurs kilomètres  delà  mer.  La  grande  vague  produite  par  l'effondrement 
de  File  avait,  dans  le  port  de  Batavia,  m'a  dit  nn  témoin  oculaire,  an 
moins  5  mètres  de  haut.  Un  navire,  portant  des  coolies  dans  les  Lam- 
pongs  après  le  sinistre,  et  qui  a  sans  doute  rencontré  le  premier  la 
grande  muraille  de  pierre  ponce,  a  dû  retourner  à  Java  avec  ses  pas- 
sagers. Le  capitaine  d'un  autre  navire  qui  traversait  le  détroit  à  cette 
même  date,  a  raconté  qu'il  s'est  trouvé  un  moment  dans  un  tel  en- 
combrement de  corps  humains  surnageant  à  la  surface  des  flots,  que 
la  marche  de  son  bateau  a  été  ralentie:  il  traversait  un  banc  de  ca- 
davres. » 

M.  de  Lesseps  a  informé  l'Académie  des  sciences  (séance  du  26  no- 
vembre) que  l'onde  marine  produite  par  le  tremblement  de  terre  de 
Java  s'est  propagée  du  Pacifique  dans  l'Atlantique  en  contournant  le 
cap  de  Bonne-Espérance  et  elle  n'a  demandé  que  trente  heures  pour 
sa  propagation  Jusqu'au  marégraphe  de  Colon.  Chose  remarquable,  Pa- 
nama qui  est  sur  le  Pacifique  n'a  rien  éprouvé  de  pareil  et  on  doit  l'at- 
tribuer au  barrage  des  lies  océaniennes  qui  oot  amorti  le  mouvement.. 
De  son  côté,  M.  Bouquet  de  la  Grye  a  constaté  l'arrivée  de  la  même 
onde  au  marégraphe  de  Rochefort  quarante  heures  environ  après  le 
phénomène,  avec  une  propagation  de  305  milles  à  l'heure. 

CHillot. 

Missions  scientifiques,  —  Deux  missions  Tiennent  d'être  confiées  à 
MM.  Henri  de  Vésine-Larue,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  et  Mau- 
rice Guay,  ingénieur  civil,  pour  reprendre  la  mission  scientifique  qui 
avait  été  confiée  en  1879  i  MH.  Louis  Wallon,  Jules  Guillaume  et  Charles 
Conrret,  qui  a  été  si  malheureusement  interrompue,  le  30  mars  1880, 
par  l'assassinat  de  MM.  Wallon  et  Guillaume  à  Sumatra.  Il  s'agit  de  par- 
courir la  côte  occidentale  de  ce  dernier  pays,  explorer  le  lac  Poutchout- 
Laont,  étudier  les  populations  riveraines,  et  visiter  Bang-Kok,  en  tra- 
versant les  provinces  siamoises  de  la  presqu'île  de  Malacca. 

L'autre  exploration  a  été  confiée  à  M.  Georges  Granger,  pour  recueillir 
les  données  les  plus  exactes  sur  l'agriculture,  le  commerce  et  l'indus- 
trie de  la  Birmanie,  et  étudier  les  habitudes  du  peuple,  pour  renseigner 
les  négociants  exportateurs  français. 

Les  collections  que  rapporteront  ces  deux  missions  enrichiront  nos 
collections  publiques. 


CORRESPONDANCE 


Les  Mines  de  nickel  en  Nouvelle-Calédonie. 

À  M.  J.  F.  Barbier,  secrétaire  général  di  la  Société  de  géographie 

de  t'Est. 

Nouméa,  le  30  août  1883. 

Grâce  à  l'obligeance  de  M.  Caubry,  ingénieur  des  liants  fourneaux  de 
nickel  à  Nouméa,  j'ai  pu  recueillir,  pour  vous  les  envoyer,  quelques 
notes  sur  l'industrie  la  plus  importante  en  Nouvelle-Calédonie. 

Le  nickel  fut  découvert  dans  cette  colonie  par  M.  Garnier,  en  1863 
ou  1864,  mais  ne  commença  à  être  exploité  qu'en  1873  on  18 74.  Il 
se  trouve  toujours  à  l'état  de  silicate,  à  nne  profondeur  qui  ne  dépasse 
pas  60  ou  70  mètres,  et  se  rencontre  généralement  snr  la  côte  Bat. 
principalement  à  Tcbio,  Brindi,  Canala,  Koua,  Honaîlou. 

Il  y  a  en  Nouvelle-Calédonie  plusieurs  sociétés  qui  se  sont  formées 
pour  l'exploitation  du  nickel,  mais  il  n'y  en  a  encore  qu'une  seule  qui 
fonctionne;  c'est  la  compagnie  dite  :  «  Le  Nickel  ». 

Environ  10,000  hectares  de  terrain  en  tout  ont  été  concédés;  mail 
700  à  800  hectares  seulement  sont  en  exploitation,  sur  la  rive  gaaehe 
de  la  rivière  de  Tchio.  —  Les  exploitations  de  Ganala  et  de  Honalteu 
sont  suspendues  momentanément. 

Le  minerai  s'expédie  par  mer  de  Tchio  à  Nouméa.  Yu  le  peu  de  pro- 
fondeur de  l'eau  et  l'absence  de  quais  à  Tchio,  ce  qui  ne  permet  pas 
aux  navires  d'approcher  du  rivage,  on  est  obligé  d'empaqueter  le  mi- 
nerai dans  des  sacs  du  poids  de  30  à  36  kilogrammes,  ce  qui  aug- 
mente considérablement  les  frais. 

Les  fourneaux  ont  S  mètres  de  hauteur,  2m,50  de  diamètre  an  ventre, 
0n,70  de  diamètre  au  creuset;  leur  cube  intérieur  est  de  26  mètres. 
Dans  ces  conditions,  un  fourneau  traite,  en  24  heures,  de  20  à  22  ton- 
nes de  minerai,  et  produit  environ  3  tonnes  de  fonte. 

La  seule  difficulté,  dans  ce  traitement,  consiste  dans  la  fusion;  efie 
est  due  à  la  grande  quantité  de  laitier  que  produit  le  minerai. 

Voici  les  quantités  nécessaires  pour  produire  nne  tonne  de  fonte: 
72  quintaux  de  minerai;  36  quintaux  de  castine;  3  tonnes  de  coke. 

On  ne  fait  qu'une  seule  fusion;  puis  la  fonte  de  nickel  ainsi  pro- 
duite est  expédiée  à  Birmingham,  pour  y  être  affinée.  Elle  contient: 
0,70  de  nickel;  0,26  de  fer;  0,04  de  carbone,  soufre,  silicium,  etc. 
—  Auparavant,  on  l'envoyait  à  Marseille;  mais,  ensuite,  on  a  trouvé 
plus  économique  de  la  faire  affiner  en  Angleterre. 


CORRESPONDANCE,  717 

La  température .  requise  pour  fondre  le  minerai  de  nickel  est  la 
même  que  pour  le  minerai  de  fer.  —  L'oxyde  de  nickel  se  réduit  pins 
facilement  que  l'oxyde  de  fer.  —  Le  silicate  de  nickel  est  d'une  cou- 
leur vert  cendré,  pius  ou  moins  foncé,  suivant  sa  richesse.  Le  nickel 
pur  est  blanc,  plus  mat  que  l'argent.  Sa  densité  est  8,2. 

L'usine  possède  deux  hauts  fourneaux  :  l'un  marchant  en  nickel, 
1T autre  en  cobalt.  Ils  sont  en  fonctionnement  constant,  depuis  le  mois 
de  juillet  1879. 

Le  nickel  est  un  beau  métal,  susceptible  d'une  foule  d'applications, 
n'étant  pas  snjet  à  s'oxyder  à  l'air.  On  peut  l'employer  avantageuse- 
ment aussi  sous  forme  de  bronze  de  nickel.  Lorsque  son  exploitation 
aura  pris  de  plus  grands  développements  et  se  sera  perfectionnée,  le 
prix  de  ce  métal  pourra  descendre  au  niveau  de  celui  du  cuivre. 

Je  viens  de  faire  à  pied,  en  Nouvelle-Calédonie,  un  voyage  de 
325  kilomètres,  traversant  l'Ile  deux  fois,  dans  le  sens  de  sa  largeur, 
de  La-Foa  à  Canala,  et  de  Tchie  à  Bouloupari. 

J'ai  visité  les  mines  de  nickel  à  Tchio.  Le  tramway  d'ascension 
aboutit  au  centre  même  de  la  localité,  sur  la  rive  gauche  de  la  rivière, 
à  1  kilomètre  de  la  mer.  La  première  rampe,  de  200  mètres  de  lon- 
gueur, a  une  pente  de  25  p.  100.  Les  rails  sont  en  bois  et  la  Yoie  est 
double;  le  wagonnet  plein,  en  descendant,  fait  remonter  le  wagonnet 
vide,  au  moyen  d'une  corde  en  fil  de  fer,  et  d'un  frein  placé  en  haut 
de  la  rampe.  —  La  deuxième  rampe,  sur  une  longueur  d'un  kilomètre, 
n'a  qu'une  pente  très  faible  :  0,01  par  mètre.  La  voie  est  simple,  et 
les  rails  en  fer.  Le  wagounet  descend  par  son  propre  poids,  et  est  re- 
monté à  traction  d'homme.  —  La  troisième  rampe  a  environ  150  mè- 
tres de  longueur,  et  la  quatrième  environ  100;  toutes  deux  sont  ins- 
tallées comme  la  première,  et  ont  une  pente  de  66  p.  100.  —  Arrivé 
là-haut,  on  a  un  fort  beau  point  de  vue  :  on  a  devant  soi  la  petite 
vallée  parcourue  par  la  rivière  de  Tchio,  et  parsemée  de  plantations 
de  cocotiers,  abritant  chacune  un  petit  village  canaque;  la  vue  s'é- 
tend au  loin  sur  la  mer,  au  delà  de  la  seconde  barrière  de  récifs.  — 
Les  mines  de  nickel  commencent  a  ce  point.  De  là,  part  un  tramvay  à 
voie  unique,  à  rails  en  fer  et  à  traction  de  chevaux;  il  a  une  étendue 
de  2  myriamètres  et  dessert  les  différentes  mines  dont  la  moutagne 
abonde. 

Bouraï  est,  après  le  chef-lieu,  le  centre  le  plus  important  de  l'Ile, 
sur  la  côte  ouest,  à  environ  180  kilomètres  de  Nouméa,  par  la  route, 
à  12  kilomètres  de  la  mer,  sur  les  bords  de  la  rivière  de  Néra,  et  au 
centre  d'une  plaine  magnifique  arrosée  par  de  nombreux  cours  d'eau 
qui  se  jettent  dans  la  Néra.  Je  suis  allé  dans  le  cimetière  de  Bouraï, 
voir  la  tombe  de  mon  ancien  camarade  Charles  Rochel,  natif  de  Nancy, 

■OC.  D»  OÉOOE.  —  4"  TRIMESTBB  1883.  46 


718  CORRESPONDANCE. 

sous-lieutenant  d'infanterie  de  marine,  qui  fut  lue  pendant  l'insurrec- 
tion de  1878-1879,  à  environ  2  myriamètres  plus  au  Nord.  Cn  espace 
carré,  de  2mt5  de  côté,  est  entouré  d'une  grille.  An  centre,  se  trouve 
une  Borte  d'obélisque  en  pierre,  reposant  sur  un  socle,  sur  lequel  on 
lit  l'inscription  suivante  : 

A 
la  mémoire 
des  siens 
tombés  au  champ  d'honneur 
à 
Moueara 
le  5  janvier  1879. 
Itochel,  sous-lieutenant; 
Hourie,  caporal; 
Decliavannes,  soldat, 
Baccareau,  soldat. 
Le  régiment  de  marche  d'infànterine  de  marine. 

1881. 

£n  descendant  vers  le  Sud-Est,  de  Boural  à  La-Foa,  57  kilomètres, 
on  laisse,  à  2  kilomètres  à  sa  droite,  Téremba,  qui  se  trouve  sur  le 
bord  de  la  mer.  En  continuant,  à  6  ljt  kilomètres  avant  d'arriver  à  La- 
Foa,  la  route  rectifiée,  en  descendant  une  colline,  décrit  de  gauche  à 
droite  un  arc  de  cercle  dont  l'ancienne  route  serait  la  corde,  longue 
de  2  hectomètres.  Sur  le  bord  de  l'ancienne  route,  à  moitié  de  la 
corde,  on  voit  encore  debout  le  tronc  d'un  arbre  mort.  Au  pied  même 
de  cet  arbre  furent  massacrées  une  vingtaine  de  personnes  qui  cou- 
raient se  réfugier  au  blockhaus  de  Téremba,  dont  elles  se  trouvaient 
encore  à  11  s/i  kilomètres. 

Toujours  se  dirigeant  sur  Nouméa,  on  arrive  à  La-Foa;  on  traverse 
le  village  européen  qui  se  trouve  sur  la  rive  droite  de  la  rivière  La- 
Foa,  puis  le  village  malabar  sur  la  rive  gauche,  et,  2  kilomètres  après 
avoir  passé  le  gué,  on  rencontre,  sur  le  milieu  même  de  la  route,  une 
colonne  en  bois,  quadrangulaire,  peinte  en  noir  et  entourée  d'une 
palissade.  C'est  là  qu'est  tombé  un  autre  Lorrain,  natif  de  Ponapey. 
Sur  la  colonne  on  lit  en  lettres  blanches  : 

«  À  la  mémoire  du  colonel  Gai  1  y-Pas sebose,  tué  en  ce  lieu,  le  3  juil- 
let 1878.  » 

Le  chemin  est  large  de  2  mètres  seulement,  et  est  bordé  de  chaque 
côté  d'un  fourré  presque  impénétrable.  On  venait  de  La-Foa.  Le  colonel 
fut  frappé,  à  la  cuisse  et  au  ventre,  de  deux  balles  tirées  du  fourré  de 
droite,  et  alla  tomber  une  centaine  de  mètres  plus  loin,  à  la  place 
même  où  Ton  voit  la  colonne.  —  On  fit  un  feu  roulant  sur  le  bois,  put» 


CORRESPONDANCE.  719 

on  le  fouilla;  mais  on  n'y  troim  rien.  —  Lorsque  l'insurrection  fat 
réprimée,  on  exhuma  le  corps  du  colonel,  on  le  transporta  i  Nouméa, 
et  on  Tinhuma  en  grande  pompe  an  cimetière,  lequel  se  trouve  à 
4  kilomètres  au  Nord  de  la  ville.  On  y  érigea  un  beau  monument  en 
pierre  :  une  colonne  de  forme  tétraédrique,  tronquée  près  du  sommet, 
reposant  sur  un  socle  et  portant  cette  inscription  :  «  A  la  mémoire  du 
colonel  d'infanterie  de  marine  Gally-Passebosc,  commandant  militaire 
de  la  Nouvelle-Calédonie,  tué  à  La-Foa,  le  3  juillet  1878.  » 

En  traversant  Bouloupari,  à  83  kilomètres  de  Nouméa,  on  voit,  sur 
la  place  publique  même,  deux  tombes  :  dans  Tune  reposent  le  briga- 
dier de  gendarmerie  et  deux  gendarmes,  surpris  pendant  leur  repas, 
et  sans  armes.  Le  quatrième  gendarme  dut  son  salut  à  cette  circonstance 
qu'il  était  parti  à  la  rencontre  de  son  lieutenant.  —  Dans  l'autre  tombe 
reposent  :  le  chef  du  télégraphe,  massacré  à  son  poste;  l'aide- télégra- 
phiste, tué  en  voulant  porter  secours  à  son  chef,  et  la  femme  de  ce 
dernier.  —  L'insurrection  ne  s'étendit  pas  plus  an  Sud. 

On  aperçoit,  à  peu  de  distance  à  l'Est  de  Bouloupari,  le  pic  Ouit- 
chambo,  en  forme  de  pain  de  sucre.  C'est  là  que  livrèrent  bataille  aux 
Canaques  révoltés  les  Canaques  des  tribus  de  Canala,  accourus  à 
notre  aide  sous  le  commandement  d'un  lieutenant  de  vaisseau,  dont 
j'oublie  le  nom  en  ce  moment.  Nos  alliés  n'eurent  qu'un  homme  de 
tué,  et  leur  chef  militaire  canaque  blessé  grièvement  à  la  tête.  Le 
chef  Atal,  promoteur  de  l'insurrection,  tomba  blessé,  et  eut  la  tête 
coupée. 

Le  gouverneur  actuel,  M.  Pallu,  capitaine  de  vaisseau,  fait  person- 
nellement les  plus  grands  efforts  pour  améliorer  cette  colonie,  on, 
pour  parler  pin?  exactement,  pour  la  créer,  car,  avant  son  arrivée,  tout 
était  à  faire  ici.  Il  n'y  avait  pas  de  routes,  mais  seulement  deux  ou  trois 
mauvais  chemins  et  des  sentiers  canaques.  La  belle  route  qui  doit 
relier  Nouméa  à  Bouloupari  sera  complètement  terminée  pour  le  1er  fé- 
vrier prochain,  sans  parler  de  plusieurs  autres  tronçons.  La-Foa  vient 
d'être  reliée  à  Canala  par  une  roule  muletière  de  45  kilomètres  qui 
traverse  la  chaîne  centrale,  et  une  antre  ronte  muletière  de  Boulou- 
pari à  Tchio,  50  kilomètres,  est  déjà  construite  sur  une  longueur  de 
38  kilomètres.  —  Enûn,  les  rivières  de  la  côte  ouest,  la  Tontouta  et 
TOuenghi,  très  dangereuses  à  traverser  après  deux  ou  trois  jours  de 
pluie,  peuvent,  depuis  deux  mois,  être  passées  en  bac  en  tout  temps. 

J.  à.  Lbuoine. 


720  CORRESPONDANCE. 

A  M.  J.  F.  Barbier,  secrétaire  général  de  la  Société 

de  géographie  de  tBst. 

Oran,  le  18  octobre  1883. 

Très  cber  collègue, 

Je  trouve  daus  un  vieux  livre  intitulé  : 

Description  de  totas  las  provincias,  Reynos,  Estudos  y  ciudaies 
principales  del  mindo,  facada  de  las  reladones  Toscanas  de  Juan  Bo- 
léro Benes; 

Por  fr.  Jayme  Rebullosa,  de  la  orden  de  Predicatores.  Gerona  :  pur 
Jayme  Bro  impr essor,  y  libero  en  la  calle  de  las  Balleslerias,  aniw 
1748. 

Cet  ouvrage  a  été  publié,  en  1602,  comme  le  prouve  l'autorisation 

donnée  par  les  M.  RR.  PP.  Fr.  Thomas  Roca,  maestro,  y  fr.  Benito  Tor- 

rente  Presentado  en  santa  Caterina  de  Barcelona,  à  27  de  noviembre 

de  1602. 

Je  copie  le  texte. 

LORENA  (') 

Los  Historiadores  francesses  llaman  Austrasia,  al  pais  que  cae  entre 
el  Rin,  y  la  Mosa,  como  tambien  Neusiria,  al  que  est  à  entre  la  Mosa, 
y  la  Sena.  A  la  Austrasia  mudôle  nombre  el  Ëmperador  Lotbario,  por 
io  que  se  llamana  basta  oy  Lbotharingia  aquella  parte  de  Austrasia, 
que  pertenece  à  la  casa  de  Lorena.  Los  lindes  des  ta,  son  cas!  la  Sara, 
y  la  Mosa  (si  se  cueuta  cl  eslrado  de  fiarlcduk,  que  es  dcl  mismo 
Duque)  de  mucbo  :  confina  con  Luzemburgo,  Treveris,  Alsacia,  Bor- 
gona,  y  campaûa.  Estiendese  desde  Astene,  que  esta  sobre  la  Mosa, 
basta  Darne,  por  espacio  de  largas  quatro  jornadas;  y  de  Barieduk 
hasta  Biba,  tres.  Tiene  très  obispos,  Metz,  Verdun,  y  Tulde,  de  Sos 
quai  es  los  dos  posteros  tienen  oy  presidio  Loreno.  Metz  es  de! 
bando  contrario  Los  Pueblos  grandes  fon  Nanci,  cabeza  del  Ducado 
de  Lorena  :  Barieduk,  cabesa  de  otro  estudo  san  Nicolo,  Espinal. 
Lnnevilla,  Pontamusson,  y  ostras  varias  Poblaciones  de  tota  qua- 
lidad,  las  quales  ltazen  cuerpo  de  un  estado,  que  se  ha  mant?nido, 
y  mantiene  borosamente  entre  enemigos,  y  vezioos  poderosissimos, 
no  menos  con  las  armas,  que  con  su  cousejo,  y  bien  regïmiento. 
Abunda  de  graûos,  vinos,  carnes,  sal.  Renta  500  mil  escudos  de  eo- 
trada  à  su  seôor,  de  los  qualos  200  mil  se  facan  de  seis  satinas  im- 
portantes, y  el  resto,  de  los  bosques,  aguas,  granos,  prados,  minas  de 
plata,  y  olras  cosas  semejantes  sin  agruviar  en  cosa  alguna  à  los  vas- 
sal los.  En  Nanci  tienen  los  Duques,  sa  corte  la  quai  fortiflearon,  y  en- 
gradicieron  muchissimo  el  ano  de  1587.  Porque  recelandoze  aqod 

(')  Voir  la  traduction  aux  Miscellanées,  p.  G  <2. 


CORRESPONDANCE.  721 

principe  que  les  Alemanes  (viendo  que  cod  espantoro  poder  passavan 
à  Fraocia)  uo  le  arruinassen  el  pais,  gel  estado;  murô  las  arravales,  y 
enfrancho  la  cercla  de  Nanci,  à  Un  de  pover  recoyer,  y  savar  en  ella 
la  mos  que  pudierse  Barleduk.  cabeza  de  otro  Ducado,  se  divide  en 
alla,  y  baxa  villa  (hablando  à  lo  Frances)  en  medio  de  las  quales  ay  un 
fon en  Castillo. 

Je  vous  expédie  le  texte  pour  ne  rien  changer  à  sa  couleur  origi- 
nale. 

Veuillez  agréer  l'assurance  de  ma  considération  la  plus  distinguée. 

L.  de  Foulques, 

Secrétaire  général  de  la  Société  de  géographie 
et  d'archéologie  d'Oran,  membre  correspon- 
dant do  la  8«clét6  normande  de  géographie. 


M.  L.  Grandeau,  doyen  de  la  Faculté  des  sciences  de  Nancy,  a  reçu 
île  M.  Mathieu,  professeur  à  Saint-Louis  (Sénégal),  différentes  commu- 
nications dont  11  a  fait  part  à  M.  Debidour,  président  de  la  Société,  pour 
être  publiées  dans  notre  Bulletin.  Ces  documents,  dont  fait  partie  un 
très  beau  plan  de  Saint-Louis,  seront  insérés  dans  le  Bulletin  dn  1er 
trimestre  de  1884,  l'impression  de  celui-ci  étant  trop  avancée  an  mo- 
ment où  ces  documents  nous  parviennent,  pour  qu'ils  aient  pu  y  rece- 
voir la  place  qui  leur  est  due.  Il  nous  suffira  de  dire  qu'ils  touchent 
directement  i  nos  intérêts  coloniaux  :  c'est  indiquer  l'accueil  qui  leur 
sera,  fait  par  nos  lecteurs.  J.  Y.  B. 


Par  suite  d'une  convention  avec  la  direction  du  Cosmos  (l),  nous 
avons  acquis  la  propriété  d'un  tirage  spécial  de  huit  gravures  ayant 
trait  à  Thistoire  du  Tunquin  (Tong-king)  au  xvn*  eiècle.  Deux  de  ces 
gravures  accompagnent  le  présent  fascicule  ;  les  autres  seront  jointes 
aux  fascicules  de  1884.  Elles  se  rattachent  toutes  aux  Voyages  de  Ta- 
vernier,  de  1650  à  1670,  dans  cette  région,  dont  nous  publierons  les 
parties  les  plus  intéressantes  au  point  de  vue  historique,  descriptif  et 
épisodique.  J.  V.  B. 


0)  Comoë-Uê-Hondes,  Revue  hebdomadaire  des  sciences  et  de  l'Industrie.  (Paris, 
49,  rue  de  Grenelle.  —  80  fr.  par  an.  ) 


BIBLIOGRAPHIE 


Noos  avons  reçu  le  compte  rendu  du  Congrès  des  Sociétés  suisses  de 
géographie,  tenu  à  Genève  en  1882.  Dans  cette  session,  il  a  été  accordé 
une  place  importante  à  la  physique  du  globe  et  à  l'histoire  naturelle. 

Parmi  les  sujets  traités,  nous  signalerons  particulièrement  les  sui- 
vants: 

La  Faune  maritime  du  canal  de  Suez,  par  M.  le  Dr  Keller. 

V Importance  des  forêts  eu  égard  à  la  quantité  et  à  la  distribution 
des  vaux,  par  M.  Boutillicr  de  Reaumont,  président. 

la  Grêle  et  ses  relations  avec  les  forêts  et  la  configuration  du  sol, 
d'après  les  observations  faites  en  Argovie,  par  M.  Riniker,  forestier- 
chef;  avec  carte. 

La  Formation  corallienne  dans  les  Océans,  au  point  de  vue  géolo- 
gique, par  M.  le  Dr  Studer. 

Le  Groupement  des  roches  et  des  terrains,  classification  pétrogé- 
nique,  par  M.  le  professeur  Renevier. 

Anciennes  ail uv ions  de  l'Arve;  son  confluent  préhistorique  dans  le 
lac,  puis  dans  le  Rhône  immédiatement  en  aval  de  la  coltine  gene- 
voise, par  M.  le  professeur  Golladon. 

Les  Races  de  la  Suisse  au  point  de  vue  historique  et  juridique,  par 
M.  le  professeur  Hornung. 

Etc.,  etc.  C.  M. 

Les  Polynésiens,  leur  origine,  leurs  migrations,  leur  langage,  par 
le  Dr  A.  Lesson,  ancien  médecin  en  chef  des  établissements  français 
de  TOcéanie.  Paris,  1880-1882  (3  vol.  grand  in-8°,  Ernest  Leroux, 
éditeur). 

Dans  cet  ouvrage,  dont  les  trois  premiers  volumes  ont  successi- 
vement paru  en  1880,  1881  et  1882,  M.  A.  Lesson  s  attache  à  combattre 
et  à  réfuter  les  différentes  hypothèses  proposées  pour  expliquer  le 
peuplement  de  TOcéanie,  la  présence,  dans  des  archipels  épars  sur  un 
espace  qui  comprend  plus  de  1,200  lieues  en  latitude  et  plus  de 
1,700  de  l'Est  à  l'Ouest,  d'une  race  d'hommes  dont  tous  les  caractères, 
physiques,  moraux  et  intellectuels,  les  coutumes,  les  croyances,  les 
traditions,  dénotent  la  communauté  d'origine.  Compagnon  de  Dumont 
d'Ur  ville,  M.  A.  Lesson  a  parcouru  presque  toute  TOcéanie,  de  1826  à 
1829,  sur  T Astrolabe;  en  1840,  il  visitait,  sur  le  Pglade,  les  points 
qu'il  n'avait  pas  vus  lors  de  ce  premier  voyage;  de  1843  à  1850,  il  ré- 
sidait aux  lies  Marquises  et  aux  lies  de  la  Société;  médecin,  naturaliste, 
philologue,  sa  compétence  pour  traiter  un  pareil  sujet  est  indiscutable. 


BIBLIOGRAPHIE.  723 

M.Lesson  a  surtout  pour  objet  la  réfutation  de  l'opinion,  générale- 
ment admise  aujourd'hui,  émise  par  Horatio  Haie,  développée  et  com- 
plétée par  M.  de  Quatrefages  dans  son  bean  livre  :  Les  Polynésiens  et 
leurs  migrations,  publié  en  1866.  D'après  cette  hypothèse,  des  emi- 
gronts  partis  originairement  dune  des  lies  du  grand % archipel  d'Asie, 
Bouro,  auraient  d'abord  fait  halte  à  Savait,  dans  l'archipel  Samoa  (Iles 
des  Navigateurs)  et  de  là,  des  colonies  se  seraient  répandues  de  proche 
en  proche  sur  les  lies  orientales  du  Grand  Océan.  Une  des  dernières 
migrations  ne  remonte  peut  être  pas  plus  loin  qu'au  XVe siècle:  partie 
c'6  Rarotonga  (dans  l'archipel  Hervé  y,  à  200  lieues  de  Tahiti),  aurait  co- 
lonisé la  Nouvelle-Zélande  ;  c'est  ce  qui  ressort  des  traditions  très  ex- 
plicites des  naturels  de  cet  archipel,  les  Maori,  recueillies  par  l'un  des 
derniers  gouverneurs  anglais,  sir  Georges  Grey. 

Nous  ne  pouvons  guère,  faute  d'espace,  qu'indiquer  les  grandes  li- 
gnes de  l'immense  travail  de  M.  À.  Les  son,  dont  l'analyse  un  peu  dé- 
taillée demanderait  déjà  un  gros  volume.  D'après  lui,  les  caractères 
physiques,  les  coutumes,  etc.,  des  Malais  doivent  faire  rejeter,  d'une 
manière  absolue,  l'origine  asiatique  des  Polynésiens.  La  présence  de 
quelques  mots  de  langage  de  ces  derniers  dans  les  vocabulaires  de  la 
Malaisie  s'expliquerait  beaucoup  mieux  par  des  incursions  polyné- 
siennes qu'autrement.  Si  les  légendes,  sur  lesquelles  s'appuient,  les 
partisans  de  l'origine  malaise,  n'avaient  pas  été  interprétées  d'une 
manière  erronée  sous  l'influence,  peut-être  inconsciente,  d'une  idée 
préconçue  —  sauvegarder  quand  même  la  tradition  biblique  et  le  mo- 
nogénisme  —  on  serait  arrivé  à  des  conclusions  tout  à  fait  différentes. 
L'Ile  Bouro  n'a  été  regardée  comme  le  premier  point  de  départ  des  émi- 
grants  que  par  suite  d'une  ressemblance  avec  Bourotou,  Poulotou, 
MTbourotou,  mots  qui  désignent,  aux  lies  Tonga,  Samoa  et  Fidji,  une 
sorte  de  Paradis  où  vont  les  âmes  des  morts,  et  dont  la  position  géo- 
graphique est  assez  indéterminée.  11  ne  faut  pas  davantage  voir  dans 
Savait  (une  des  lies  Samoa)  la  deuxième  métropole  des  Polyuésiens  ; 
ce  nom  n'est  qu'un  souvenir  du  véritable  «  Hawalki  »  {Bavaïki,  Haval, 
Hawaii....  Savait,  suivant  les  différents  dialectes),  le  pays  que  les  tra- 
ditions de  tous  les  Polynésiens  indiquent  comme  le  berceau  de  leurs 
ancêtres,  situé  dans  l'Ouest  (du  N.-O.  au  S.-O.)  des  lies  qu'ils  habitent 
respectivement  aujourd'hui. 

Le  régime  des  vents,  l'histoire  naturelle,  la  linguistique,  les  coutu- 
mes, les  croyances,  les  traditions,  tout,  en  un  mot,  concorde  pour 
amener  M.  À.  Lesson  à  placer  le  «  Hawalki  »  dans  Vite  du  Milieu  de 
l'archipel  néo-zélandais.  Par  sa  faune  et  sa  flore  toutes  spéciales ,  la 
Nouvelle-Zélande  (et  le  continent  auquel  elle  tenait  très  probablement 
avant  d'avoir  été  réduite  à  ses  dimensions  actuelles)  était  un  centre  de 


724  BIBLIOGRAPHIE. 

création  qui  a  donné,  aussi  bien  qu'à  des  animaux  et  à  des  végétaux, 
naissance  à  nne  espèce  distincte  d'hommes  —  M.  A  Lesson  est  poiy- 
géniste  —  les  Maori,  à  laquelle  la  place  ne  manquait  pas  pour  se  dé- 
velopper, et  dont  les  descendants  ont  occupé,  de  proche  en  proche, 
les  lies  tropicales  :  loin  d'avoir  été  peuplée  la  dernière,  la  Nouvelle- 
Zélande  aurait  colonisé  les  autres  archipels  polynésiens.  On  s'est  com- 
plètement trompé  sur  Rarotonga;  ce  n'est  pas  l'Ile  de  ce  nom,  située  à 
500  lieues  dans  le  N.-E.  de  la  Nouvelle-Zélande,  que  visent  les  légen- 
des Maori,  mais  une  autre  Rarotonga,  Vile  du  Centré  des  cartes,  si- 
tuée à  l'ouvert  occidental  du  détroit  de  Foveaux  qui  sépare  Vile  du  Mi- 
lieu de  l'île  Stewart.  Avec  cette  interprétation,  des  points  obscurs  des 
légendes  s'éclaircissent,  des  épisodes  de  la  navigation  des  émlgrant*, 
des  détails  topographiques  inapplicable  à  une  pelile  lie  îelle  que  Ra- 
rotonga (de  l'archipel  Hervey)  s'expliquent  aisément.  L'intercourse, 
qui  s'établit  entre  le  point  de  départ  et  les  nouvelles  colonies  de  l'ite 
du  Nord  de  l'archipel  néo-zélandais,  la  seule  que  visent  les  légendes  — 
et  non  tout  l'archipel  —  quand  elles  parlent  du  point  d'arrivée,  se 
comprend  aussi  facilement  par  la  proximité  avec  ri  le  du  Milieu.  Snr  les 
contours  de  cette  dernière,  on  retrouve  toutes  les  localités  citées  dais 
les  légendes  qui  racontent  les  voyages  des  émigrants  ;  dans  ses  forets, 
dans  la  mer  qui  baigne  ses  rivages,  on  reconnaît  les  arbres»  les  plan- 
tes, les  animaux,  dont  il  est  question  dans  ces  chants,  et  qui  manquent 
aux  lies  tropicales.  Pas  de  doute  possible  pour  M.  A.  Lesson:  le  Ba- 
waïki  était  dans  Vile  du  Milieu  de  la  Nouvelle-Zélande. 

Le  troisième  vol o me  finit  ici;  le  quatrième  exposera,  sans  doute,  la 
marche  des  migrations  ultérieures;  les  trois  premiers  font  vivement 
désirer  son  apparition. 

Il  ne  nous  appartient  pas  déjuger  le  procès  intenté  par  M.  A.  Lesson 
à  ses  devanciers,  de  trancher  des  questions  que  les  maîtres  de  la 
science  n'ont  pas  élucidées;  pourtant,  si  un  long  séjour  en  Océanfe 
peut  nous  autoriser  à  émettre  timidement  une  opinion,  il  nous  semble 
que,  si  beaucoup  des  arguments  de  M.  Lesson  portent  des  coups  très 
sensibles,  très  rudes,  à  la  théorie  généralement  admise,  il  y  en  a  d'ao- 
tres  qui  peuvent  être  retournés  contre  loi  sans  trop  de  peine.  Ainsi 
que  nous  l'écrivait  M.  de  Quatrefages,  à  qui  nous  avions  soumis  nos 
doutes,  les  perplexités  de  notre  foi  chancelante,  y  aura-t-il,  par 
exemple,  beaucoup  de  zoologistes  pour  admettre  que  l'homme  se  soit 
greffé  immédiatement  sur  une  création  mammalogiqoe  de  deux  e>p£- 
ces,  un  rongeur  et  un  carnassier  (')  [un  rat  et  un  chîenj,  les  senti 
mammifères  terrestres  reconnus  à  la  Nouvelle-Zélande  ? 


(')  Il  y  a  i  ajouter  deux  chauves-eourii,  ce  qui,  à  vrai  dire,  ao  change  guéri  U 
question. 


BIBLIOGRAPHIE.  725 

Quoi  qu'il  en  soit,  qu'il  ait  tort  ou  raison,  le  livre  de  M.  A..  Lesson, 
qui  témoigne  d'un  travail  prodigieux,  plein  de  faits  de  toute  sorte, 
sera  un  magnifique  monument  pour  la  bibliographie  océanienne,  et, 
selon  ce  que  nous  écrivait  réminent  anthropoiogiste  cité  tout  à  l:heure  : 
m  un  des  points  de  départ  nécessaires  pour  toute  étude  sur  les  Poly- 
nésiens ».  Dans  le  cours  de  la  discussion,  loin  de  chercher  à  diminuer 
la  valeur  des  arguments  invoqués  par  ses  adversaires,  M.  Lesson  fait, 
an  contraire,  ressortir  en  pleine  lumière  tout  ce  qui  peut  être  avanta- 
geux à  leurs  hypothèses.  Ajoutons  —  ce  qu'on  ne  voit  pas  toujours 
aujourd'hui  dans  certaines  publications  scientifiques  qui  semblent 
Touloir  adopter  le  ton  de  quelques  feuilles  quotidiennes  —  que  Fau- 
teur ne  s'écarte  jamais  des  règles  de  la  courtoisie  à  regard  de  ceux 
qui  ne  pensent  pas  comme  lui. 

Qu'il  nous  soit  permis,  en  terminant,  d'émettre  un  vœu  :  c'est  que 
M.  À.  Lesson  complète  son  étude  sur  les  Polynésiens  par  une  étude 
analogue  sur  les  terres  qu'ils  habitent.  Rechercher  comment  ces  (erres 
<>at  été  créées,  comment  elles  ont  été  peuplées  en  animaux,  comment 
le  tapis  végétal  s'y  est  formé,  voilà  des  problêmes  que  sa  science  de 
naturaliste,  ses  souvenirs  de  voyageur,  l'autorisent  plus  que  personne 
a  aborder  ) 

Cherbourg,  21  novembre  1882.  Jouai*. 

De  ta  lecture  des  cartes  étrangères,  par  Henri  Mager  (Paris,  Auguste 

Cfhio  et  Charles  Bayle  et  C*°,  1883). 

En  attendant  que  rasage  du  monde  scientifleo-géographique,  bien 
plutôt  que  les  congrès,  ait  fixé  l'orthographe  des  noms  en  toutes  les 
langues,  des  hommes  de  bonne  volonté  et  d'une  compétence  assurée, 
comme  M.  Henri  Mager,  entreprennent  de  jeter  les  bases  de  cet  usage 
pour  lui  permettre  de  se  fixer  au  plus  vite. 

Le  jury  de  Bar-le-Dac  a  eu  à  apprécier  le  livre  de  M.  Mager  et  en  a 
reconnu  le  mérite  et  l'utilité  malgré  quelques  critiques  de  détail. 
Ainsi  nous  nous  expliquons  mal  que  la  dernière  syllabe  de  Boden  et  de 
Posen  en  allemand  se  prononce  exactement  deun  et  teun,  au  lieu  de 
demi  et  zenn,  plus  bref  et  plus  Juste,  et  que  Baume  se  dise  berilmé 
(œil  ayant  d'ailleurs  ici  la  valeur  que  nous  lui  donnons  en  français),  au 
lieu  que  la  syllabe  eut  se  rapprocherait  davantage,  croyons-nous,  de  la 
vérité.  Quelques  lapsus  typographiques  comme  dans  la  prononciation 
de  P/orzeim  où  il  est  mis  pforicailme,  sans  doute  pour  p fort çail me,  ail 
ayant  ici  aussi  la  valeur  que  nous  lui  donnons  en  français  dans  le 
substantif  de  ce  mot  et  qu'il  serait  plus  correct  de  traduire  par  at\  Ces 
réserves  faites,  l'entreprise  est  louable,  l'œuvre  est  bonne,  très  bonne 
et  nous  la  recommandons  au  public  le  cœur  léger.  J.  Y.  F. 


726  BIBLIOGRAPHIE 

Étude  sur  les  orages  dans  le  département  de  Meurthe-et-Moselle,  par 
M.  G  Millot,  ancien  officier  de  marine,  chef  des  travaux  météorolo- 
giques de  la  Faculté  de*  sciences  de  Nancy  (Nancy,  Berger-Lerraalt 

et  Cie,  1884). 

Nous  ne  roulons  pas  nous  mettre  en  retard  arec  notre  cher  collègue. 
La  brochure  dont  nous  parlons  est,  du  reste,  extraite  du  Bulletin  de 
1883  de  la  Société  des  sciences  laquelle  peut  s'honorer  d'avoir  M.  30- 
lot  parmi  ses  membres. 

Gomme  tous  les  vrais  savants,  notre  collègue  ne  s'empresse  pas  de 
conclure,  11  a  penr  des  solutions  hâtives  et  il  travaille  constamment  a 
réunir,  à  accumuler  les  observations.  La  météorologie  en  est,  du 
reste,  tout  à  ses  débuts;  cependant,  on  voit  déjà  se  former  les  points 
des  lois  futures  dont  la  connaissance  sera  un  bienfait  pour  ragrieni- 
ture.  C'est  à  leur  découverte  que  vient  aider  Tœavre  de  M.  Millet  et 
tout  le  monde,  comme  nous,  l'en  félicitera.  J.  Y.  B. 

La  République  du  Paraguay,  étude  historique  et  statistique  par  Aug. 
Meulmans,  secrétaire  de  légation  et  consul  généra]  (Paris  K.  Dents; 
Bruxelles,  Jules  Decq,  1884). 

Notre  honorable  correspondant  est  mieux  en  situation  qne  personne 
pour  parler  de  ce  pays.  Aussi,  dans  ses  33  pages,  cette  brochure  est- 
elle  à  la  fois  une  œuvre  concrète  et  sérieuse,  trop  sommaire  peut-être 
an  point  de  vne  géographique,  —  ce  qoi,  au  surplus,  n'entrait  pas 
dans  le  cadre  que  s'est  proposé  l'auteur,  —  mais  elle  n'en  est  pai 
moins  indispensable  à  la  bibliothèque  dan  géographe.         J.  V.  B. 

Nancy  avant  V histoire,  par  M.  Bleicher  (Nancy,  Berger-Levraolt  et  tf\ 

1883). 

Tout  le  monde  connaît  cet  excellent,  cet  utile  travail  de  notre  cher 
et  honoré  vice-président  ;  beaucoup  l'ont  entendu,  car  c'est  le  texte 
de  son  discours  de  réception  à  l'Académie  de  Stanislas  en  1882  et  ex- 
trait des  Mémoires  de  notre  docte  compagnie.  Nous  y  renverrons  donc 
le  lecteur. 

D'ailleurs,  M.  le  Dr  Bleicher  nous  a  promis  an  travail  pour  la  Société 
de  géographie  de  l'Est,  et  il  n'est  pas  besoin  de  dire  avec  quelle  sa- 
tisfaction il  sera  accueilli  aussi  bien  par  les  membres  de  la  Société 
que  par  notre  Bulletin.  J.  Y.  B. 

La  Question  du  Zaïre,  suum  cuique,  lettre  à  M.  Behaghel,  par  M.  La* 
ciano  Cordeiro. 

Cet  opuscule  eit  une  véhémente  et  judicieuse  revendication  <te 
droits  historiques  du  Portugal  dans  la  question  du  Congo  (Zaïrejl 


CARTOGRAPHIE.  727 

M.  Cordeiro  est  un  ardent  patriote  portugais  et  vraiment  on  ne  peut 
qu'applaudir,  sans  toujours  les  adopter,  aux  inspirations  d'un  pa- 
triote. J.  Y.  B. 


CARTOGRAPHIE 


Grâce  à  l'application  d'un  procédé  physico-chimique  qu'il  tient  se- 
cret, M.  Mendoxa,  ancien  ministre  du  Portugal,  transforme  les  cartes 
planes  en-cartes  en  relief.  Il  parait  que  le  résultat  est  tout  à  fait  sa- 
tisfaisant ;  dans  ce  cas,  nul  doute  qu'il  ne  reçoive  de  nombreuses  ap- 
plications. 

(Extrait  du  compte  rendu  de  la  séance  du  10  décembre  1883  de 
r Académie  des  sciences.) 

Ans  concernant  la  carte*  de  l'état-major. 

En  Terlu  d'une  récente  circulaire  de  M.  le  Ministre  de  la  guerre,  la 
réduction  faite  à  divers  services  et  sociétés  sur  les  publications  carto- 
graphiques du  Dépôt  de  la  guerre  est  étendue  au  public  à  partir  du 
l«r  jauvier  1884.  En  conséquence,  le  privilège  dont  jouissait  la  Société 
de  géographie  de  l'Est  devient  celui  de  tout  le  monde  et,  à  ce  titre,  les 
membres  de  la  Société  n'ont  plus  de  raison  de  s'adresser  à  notre  in- 
termédiaire pour  l'achat  des  cartes  du  ministère  de  la  guerre.  Ils  de- 
vront s'adresser  directement  à  leur  libraire. 

Nous  ne  pouvons  que  féliciter  M.  le  Ministre  de  cette  résolution  à  la 
quelle  ne  sont  certainement  pas  étrangers  les  vœux  des  congrès  de 
géographie  ni  les  efforts  que  notre  Société  a  faits  en  vue  de  la  vulga- 
risation de  la  carte  de  l'état-major.  J.  Y.  B. 


NÉCROLOGIE 


Il  n'est  pas  an  Français  —  vraiment  patriote  —  qui  n'ait  été  dou- 
loureusement ému  en  appreuaut  la  mort  presque  subite  d'Henri 
Martin,  décédé  à  Paris,  le  M  décembre  dernier,  à  l'âge  de  73  ans.  Cet 
événement  a  affligé  le  pays  tout  entier.  Mais  il  a  été  particulièrement 
sensible  à  la  Société  de  géograpbie  de  l'Est  qui,  depuis  plusieurs  an- 
nées, avait  l'honneur  de  compter  notre  historien  national  parmi  ses 
membres  honoraires. 

C'est  en  1879,  presque  au  début  de  notre  œuvre,  qu'Henri  Uariii 
donna  ses  premiers  encouragements  à  nos  travaux.  Ceux  qui  ont  en- 
tendu l'allocution  cordiale  et  vibrante  qu'il  adressait  à  cette  époque  i 
la  Société  (réunie  pour  le  fêter  en  même  temps  que  M.  de  Lesseus), 
n'oublieront  pas  l'entrain  tout  juvénile  avec  lequel  il  s'associait  a  nos 
premiers  succès  et  à  nos  espérances.  Il  voyait,  comme  nous,  dans 
l'étude  passionnée  de  la  géographie,  intimement  unie  à  celle  de  l'his- 
toire, une  des  conditions  morales  de  ce  relèvement  de  la  France  qui 
était  l'idée  fixe  de  sa  généreuse  vieillesse.  Jamais,  depuis  ce  moment 
Jusqu'à  ses  derniers  jours,  Il  ne  cessa  de  s'intéresser  à  nos  recher- 
ches, à  nos  publications.  Notre  association  savait  qu'elle  pouvait,  es 
toute  circonstance,  compter  sur  son  dévouement.  Aussi  tient-elle  à  loi 
adresser  un  suprême  hommage  en  retraçant  ici  rapidement  sa  vie  le 
meilleur  qu'elle  puisse  lui  rendre  doit,  en  effet,  consister  à  dire  sim- 
plement et  sans  phrases  ce  que  fut  l'existence  si  bien  remplie  de  « 
noble  écrivain  et  de  ce  citoyen  sans  reproche. 

Henri  Martin,  né  à  Saint-Quentin,  le  20  février  1810,  n'avait  que 
20  ans  quand  il  débuta,  non  sans  succès,  dans  le  monde  littéraire  par 
des  romans  historiques.  Dès  l'enfance,  il  aimait  ardemment,  presque 
religieusement  la  France,  et  non  seulement  celle  qu'il  voyait  et  qui  ri- 
vait de  sa  vie,  mais  aussi  la  France  du  passé  et  jusqu'à  cette  Gaule 
sous  le  vieux  sol  de  laquelle  dorment  depuis  tant  de  siècles  nos  aïeni 
oubliés.  Celte  pairie,  toujours  jeune  et  forte  malgré  bien  des  désastres 
et  des  révolutions,  ces  générations  mortes  qui  ont  souffert  pour  noos 
et  dont  nous  sommes  les  héritiers,  il  entreprit,  jeune  encore,  de  les 
ressusciter,  de  les  faire  parler  et  agir.  Grâce  à  une  puissance  de  tra- 
vail vraiment  extraordinaire,  il  avait,  dès  1836,  publié  en  15  volonai 
cette  Histoire  de  France  qui  devait  être  son  principal  titre  de  gloire. 
Malgré  le  succès  qui  accueillit  ce  bel  ouvrage,  il  ne  s'en  dissimula  pis 
un  instant  les  imperfections.  A  peine  la  première  édition  avait-elle  va 
le  jour  qu'il  se  remettait  à  l'œuvre,  parcourant  sans  relâche  le  pays 


NÉCROLOGIE.  729 

pour  Je  mieux  décrire,  recueillant  de  toutes  mains  les  documents  ori- 
gnaux, donnant  aux  diverses  parties  de  son  livre  plus  de  cohésion, 
plus  de  rigueur  et  de  précision  scientifique.  On  peut  dire  qu'il  passa 
sa  vie  à  refondre  et  à  corriger  cette  histoire.  Trois  fois  il  la  modifia 
ainsi  presque  de  fond  en  comble.  Lorsqu'il  la  présenta  sous  sa  qua- 
trième forme  (en  1865),  le  public  admira  sacs  réserve.  Lui  seul  n'é- 
tait pas  satisfait  de  son  œuvre  et  se  proposait  encore  de  l'améliorer. 
En  attendant,  il  la  mettait  à  la  portée  de  tous  en  la  résumant  sous 
une  forme  populaire  (1867)  ;  et  il  entreprenait  de  relier  la  France 
d'avant  1780,  qu'il  avait  seule  racontée  jusqu'alors,  à  la  France  d'au- 
jourd'hui/ par  la  publication  de  cette  Histoire  contemporaine,  si  claire, 
si  loyale,  si  fortifiante,  qu'il  a  eu  juste  le  temps  de  terminer  et  qui  a 
été  son  testament. 

L'amour  du  passé  ne  l'empêchait  pas  de  s'attacher  avec  passion  au 
présent  et  de  se  préoccuper  patrictiquement  de  l'avenir.  Divers  jour- 
naux ou  revues  (le  Siècle,  le  National,  la  Revue  indépendante,  la  Li- 
berté de  penser,  la  Revue  de  Paris,  etc.),  le  comptèrent  parmi  leurs 
plus  actifs  collaborateurs.  11  trouvait  encore  le  temps  d'écrire  diverses 
études  historiques  et  politiques,  toutes  pleines  de  cet  enthousiasme 
libérai  et  de  cette  spiritualité  démocratique  dont  débordait  son  âme 
vaillante  et  tendre:  De  la  France,  de  son  génie  et  de  ses  destinées 
(1847)  ;  Daniel  Manin  (1859)  ;  l'Unité  italienne  et  la  France  (1861); 
Jean  Reynaud  (1863)  ;  Pologne  et  Moscovie  il 803)  ;  la  Russie  et  l'Eu- 
rope (1866)  ;  Dieu  dans  l'histoire  (1867),  etc.,  etc. 

Sa  valeur  d'esprit  et  son  caractère  l'avaient  depuis  longtemps  rendu 
populaire.  Les  plus  hautes  ambitions  lui  étaient  permises.  Mais  Henri 
Martin  n'était  pas  de  ceux  qui  recherchent  les  honneurs.  Ils  vinrent  à 
lui  et  il  lui  fallut  bien  les  subir.  L'Institut,  après  avoir  tant  de  fois  cou- 
ronné ses  ouvrages,  l'admit  dans  son  sein,  comme  membre  de  1  Aca- 
démie des  sciences  morales  et  politiques  en  1871  et  membre  de  l'Aca- 
démie française  en  1878.  Nommé  maire  du  16f  arrondissement  de 
Paris,  après  le  4  septembre  1870,  il  remplit  ses  délicates  fonctions 
dans  les  circonstances  les  plus  douloureuses  pour  la  patrie  et  fit  admi- 
rer son  abnégation,  son  activité,  son  inébranlable  dévouement  à  la 
France,  à  la  République  et  à  la  cause  de  l'ordre.  Élu  représentant  du 
peuple  à  l'Assemblée  nationale  par  les  deux  départements  de  la  Seine 
et  de  l'Aisne  (8  février  1871),  il  porta  dans  la  vie  politique  un  bon 
sens  et  une  fermeté  qui  lui  valurent  la  sympathie  de  tous  ses  collè- 
gues. Depuis  1876,  il  siégeait  au  Sénat.  Très  appliqué  aux  affaires,  il 
prenait  rarement  la  parole  en  séance  publique,  mais  exerçait  —  sans 
le  vouloir  —  une  influence  considérable,  que  justifiaient  sa  connais- 
sance approfondie  des  intérêts  de  la  France,  son  patriotisme  éprouvé 


730  NÉCROLOGIE. 

et  la  droiture  bien  connue  de  son  caractère.  Gambetta  souhaitait,  pa- 
rait-il, qu'il  devint  un  Jour  Président  de  la  République.  Pour  loi,  pins 
modeste  encore  après  la  gloire  acquise  qu'aux  Jours  déjà  lointains  de 
ses  débuts,  ce  n'est  pas  en  intrigues  égoïstes  qu'il  usait  sa  persistante 
vigueur  d'esprit  et  de  corps.  Il  ne  songeait  qu'à  répandre  autour  de 
lui  l'ardeur  philanthropique  et  vivifiante  dont  il  était  animé.  Sans  parler 
des  nombreuses  sociétés  savantes  aux  travaux  desquelles  il  s'était  as- 
socié, il  dirigeait  comme  président  ceux  de  YOrphelinat  de  la  Seins, 
de  la  Société  française  pour  l'enseignement  élémentaire,  etc.,  etc. 
Tout  récemment,  la  Ligne  des  patriotes  l'avait  pris  pour  son  chef.  Elle 
n'eût  pu  faire  un  choix  pins  louable. 

Toujours  sur  la  brèche,  toujours  à  la  tâche,  c'est  en  pleine  activité, 
en  pleine  lutte  qu'Henri  Martin  vient  d'être  frappé.  On  peut  dire  qu'il 
est  mort  debout,  comme  il  avait  vécu.  L'heure  du  repos  a  maintenant 
sonné  pour  lui.  a.  nous  qui  Pavons  vu  de  près,  à  nous  qu'il  honorait 
de  sa  bienveillance  et  de  ses  conseils,  comme  à  tous  ceux  qui  ont  été 
témoins  de  sa  noble  vieillesse,  il  laisse,  en  même  temps  qu'on  souve- 
nir vénéré,  les  plus  virils  et  les  plus  fortifiants  exemples.  A  ceux  même 
qui  l'ont  combattu  il  laisse  des  regrets  ;  car  s'il  a  pu  avoir,  comme 
historien,  comme  homme  politique,  des  contradicteurs  ou  des  adver- 
saires, Il  n'a  jamais  eu  un  seul  ennemi.  À.  Debidocb. 

L'explorateur  autrichien,  Jules  Payer,  qui  avait  pris  part  à  plusieurs 
expéditions  au  pôle  Nord,  est  mort  le  2  décembre  1883,  ài'àgede 
41  ans. 

Depuis  son  retour  de  la  Terre  de  François-Joseph,  il  avait  établi  sa 
résidence  à  Munich,  et  se  livrait  à  la  peinture.  A  l'exposition  des  beaux- 
arts  qui  a  eu  lieu  l'été  dernier  dans  cette  ville,  M.  Payer  a  eu  une 
médaille  d'or  pour  un  tableau  représentant  •  la  On  de  l'expédition  de 
Franklin  ». 

Le  professeur  Mansueli,  de  l'Institut  géographique  de  Florence,  en 
faisant  l'ascension  du  mont  Sainte -Catherine,  dans  la  Valteline,  est 
tombé  dans  un  précipice  et  y  a  trouvé  la  mort. 


£.  9 


ACTES   DE   LA  SOCIETE 


RAPPORT  DE  M.  J.-Y.  BARBIER 

psésiDBsrr  do  jubt 
DE    i/EXPOSITION    GÉOGRAPHIQUE    DE    BAJR-LH-DUC 


Messieurs  les  Membres  du  Jury, 

Permettez-moi  de  m'adresser  à  vous  tout  d'abord,  car  si  jamais  pré* 
sident  s'est  dû  montrer  profondément  honoré  du  choix  que  Ton  avait 
fait  de  lui  pour  remplir  cette  délicate  et  redoutable  fonction,  jamais 
knon  plus  président  n'a  rencontré  un  pareil  ensemble  de  compétences 
spéciales  pour  les  diverses  catégories  d'une  exposition  géographique 
et  surtout  pareil  ensemble  de  bienveillantes  dispositions  à  faciliter  sa 
tâche. 

El  si  j'insiste  sur  ce  point,  Messieurs  les  Jurés,  ce  n'est  pas,  je  tiens 
à  le  dire,  pour  accentner  un  éloge  banal  ;  mais  c'est  parce  que  déjà 
j'ai  eu  l'honneur  de  faire  partie  de  jurys  généraux  et  régionaux,  et 
certes,  quelque  expérience  que  j'aie  acquise  jusqu'ici,  je  le  déclare, 
vous  m'avez  largement  aidé  dans  ma  dangereuse  mission,  car  c'est  de 
celles  où  l'on  se  fait  plus  d'ennemis  que  d'amis,  et  surtout  jamais  je 
ne  suis  sorti  plus  convaincu  de  l'indépendance  apportée  dans  vos  déli- 
bérations, de  l'importance  que  vous  avez  attachée  à  votre  rôle,  de  l'é- 
quité profonde  de  vos  arrêts. 

Merci  donc,  Messieurs  tes  Membres  du  Jury,  merci  à  vous  surtout, 
Messieurs  les  Présidents  et  Secrétaires  des  Commissions  :  vous  avez 
bien  mérité  de  la  Section  meusienne  de  la  Société  de  géographie  de 
l'Est. 

Mesdames,.  Messieurs, 

Il  y  a  deux  ans  qu'au  congrès  des  Sociétés  françaises  de  géographie 
à  Lyon,  un  éminent  géographe,  M.  Lcvasseur,  chargé  de  présenter  an 
nom  du  jury  un  aperçu  préalable  sur  l'exposition  géographique,  dé* 
butait  en  rappelant  ce  qui  constitue  les  sources  de  la  science  géogra- 
phique, c'est-à-dire  les  documents  auxquels,  en  raison  de  leur  incon- 
testable autorité  et  des  garanties  uniques  qu'ils  offrent,  tout  géographe, 
tout  cartographe  surtout,  est  obligé  de  recourir  s'il  veut  faire  œuvre 
valable  et  sérieuse. 

C'est  d'autant  moins  ici  le  lieu  d'en  parler,  que  les  grandes  cartes 


732  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

publiées  par  les  ministères,  que  j'ai  trouvées  dans  l'exposition  générale 
récente  de  Douai,  ne  sont  représentées  à  celle-ci  que  par  quelques 
feuilles  de  la  carte  de  France  publiée  par  M.  le  Ministre  de  l'intérieur, 
encore  que  ce  soit  dû  uniquement  au  gracieux  concours  de  M.  Sailliet. 

Et  ceci  m'amène,  Messieurs,  à  tous  parler  de  ceux  qui,  par  la  nature 
de  leur  exposition  et  par  le  désintéressement  de  leur  concours,  ont 
donné  à  votre  exposition  un  attrait  et  un  éclat  peut-être  inespérés  qui, 
du  jour  au  lendemain,  ont  fait  évanouir  les  craintes  pessimistes  des 
mieux  intentionnés,  les  appréhensions  des  hommes  même  qui  se  son!  le 
plus  dévoués  au  succès  de  l'œuvre  entreprise.  Qu'il  me  soit  permis  donc, 
sans  revenir  sur  les  remerciements  qu'à  l'ouverture  de  l'exposition 
j'adressais  à  toutes  les  bonnes  volontés  qui  se  sont  produites,  de  rap- 
peler les  noms  de  MM.  Yériot  et  Dubrcuil,  et  de  ces  infatigables  orga- 
nisateurs dont  les  noms  sont  dans  toutes  les  bouches,  MM.  Konarstf  et 
Maxc-Werly,  tons  ceux  dont  les  belles  et  riches  collections,  et  le  con- 
cours absolu,  ont  fait  ce  qu'elle  est  l'exposition  que  tous  ont  admirée 
à  l'cnvi. 

Et  la  population  si  intelligente  de  Bar  et  du  département  de  la  Meuse 
ne  s'y  est  pas  trompée,  elle;  elle  qui,  peut-être,  et  je  ne  lui  en  lais 
pas  un  reproche,  avait  douté;  elle  qui  est  revenue  si  franchement  à 
résipiscence  en  venant  en  nombre,  tous  les  jours,  contempler  votre 
œuvre  et  vous  dire  par  là  :  Messieurs  les  organisateurs,  vous  avez  bien 
mérité  de  l'opinion  publique. 

Quelque  embarras  que  j'éprouve,  Messieurs,  à  vous  parler  de  la  coo- 
pération qup  vous  a  donnée,  par  son  exposition,  la  Société-mère,  quel- 
que part  qu'il  m'ait  été  donné  d'y  prendre  en  son  nom,  je  ne  saurais 
la  passer  sous  silence,  tout  simplement  pour  vous  dire  qu'elle  a  voulu 
vous  donner  là  un  gage  incontestable  de  sa  solidarité  et  de  ses  encou- 
ragements, et  moi,  d'un  dévouement  à  toute  épreuve. 

Mais,  si  les  ministères  n'ont  pas  contribué  d'une  façon  directe  à  l'é- 
clat de  votre  exposition,  il  est  de  mon  devoir  de  faire  ressortir  la  libé- 
ralité si  grande  avec  laquelle  M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique 
et  M.  le  Ministre  de  la  guerre,  le  premier  par  une  grande  médaille  d'or, 
le  second  par  le  don  véritablement  royal  d'une  collection  montée  de 
trente  feuilles  gravées  sur  cuivre  de  la  carte  de  l'état-major,  comme 
prix,  ont  prouvé  leur  profonde  sollicitude  pour  renseignement  natio- 
nal et  patriotique  de  la  géographie. 

Et,  Messieurs,  puisque  je  suis  sur  ce  sujet,  c'est  ici  le  lieu  de  vous 
citer  les  nombreux  donateurs  qui  ont  permis  à  votre  jury  de  pouvoir 
largement  récompenser  tous  les  mérites. 

Ce  sont  d'abord  MM.  les  Sénateurs  et  Députés  de  la  Meuse  qui  don- 
nent divers  ouvrages  de  prix,  M.  Bradfer  père  et  Mn0  veuve  Bradfer 


EXPOSITIONS    GÉOGRAPHIQUES.  733 

chacun  une  médaille  d'argent,  et  M.  Paul  Yarin  une  médaille  de  bronze. 
Puis,  c'est  encore  la  Société-mère  arec  trois  médailles  de  vermeil  et 
une  d'argent,  la  Section  Tosgienne  avec  deux  médailles  d'argent  et  trois 
de  bronze,  la  Société  d'émulation  des  Vosges  arec  deux  médailles  d'ar- 
gent, et  l'Académie  nationale  manufacturière  et  commerciale  arec  une 
médaille  de  Termeil,  une  d'argent  et  une  de  bronze  sous  une  destina- 
tion spéciale. 

Ce  sont  enfin  les  instituteurs  primaires  de  la  Meuse  qui  ont  voulu, 
eux  aussi,  contribuer,  au  bénéfice  de  l'instituteur  le  plus  méritant,  à 
prouver  une  fois  de  plus  le  zèle  dont  ils  nous  donnent  d'ailleurs  tant 
d'autres  témoignages. 

J'aurai  fini  cette  énumération  quand  j'aurai  signalé  le  don  de  M.  Den- 
ncry  pour  primer  les  dix  premières  mentions  honorables,  et  le  nôtre 
pour  donner  en  prix  d'bonneur. 

Grâce  à  toutes  ces  libéralités,  il  n'est  resté  à  la  charge  de  la  Section 
meusienne  elle-même  que  la  dépense  de  quatre  médailles  de  bronze, 
sans  préjudice  de  celle  de  vermeil  et  d'argent  réservée  i  la  Section 
adjointe  d'horticulture. 

Dans  un  instant,  MM.  les  rapporteurs  des  commissions  vous  diront 
Ja  répartition  de  toutes  ces  récompenses.  Il  me  reste  ici  la  double  tâche 
de  vous  exposer  sommairement  les  opérations  du  jury  et  le  résumé 
d'ensemble  de  l'exposition,  particulièrement  dans  les  parties  que  le 
jury  d'ores  et  déjà  devait  placer  hors  concours. 

On  se  représente  difficilement,  Messieurs,  quand  on  n'est  pas  passé 
par  là,  combien  est  délicate  la  mission  d'un  jury  chargé  d'examiner  une 
variété  aussi  complexe  de  travaux.  Ici,  malgré  le  caractère  précis  des 
catégories  établies  par  le  règlement,  le  jury  s'est  vu  dans  la  nécessité 
d'élargir  les  compétences  de  certaines  de  ses  commissions  pour  pouvoir 
embrasser  quelques  travaux  qui  ne  tenaient  que  de  fort  loin  à  ces  ca- 
tégories, ce  qui  n'a  pas  empêché  qu'un  travail  a  dû,  dans  l'une  d'elles, 
être  laissé*  en  dehors  de  toute  appréciation. 

Le  règlement  établissait  dans  l'exposition  cinq  sections  auxquelles 
devaient  correspondre,  dans  une  organisation  bien  comprise  du  jury, 
cinq  commissions  spéciales.  Toutefois,  tout  ce  qui  n'était  pas  œuvre 
personnelle,  tout  ce  qui  était  exposé  à  titre  de  curiosité  ou  encore  tout 
ee  qui  figurait  sous  des  noms  d'auteurs  autres  que  les  exposants  eux- 
mêmes,  ne  pouvait,  dans  l'esprit  du  jury,  être  admis  à  concourir.  C'est 
pourquoi  aucune  commission  ne  fut  affectée  à  la  ln  section  qui  com- 
prenait les  collections  d'objets  rares  rapportés  par  des  explorateurs 
et  des  voyageurs  ;  le  seul  qui  pût  vraiment  se  recommander  de  ce  titre, 
le  grand  voyageur  lorrain  que  nous  pleurons  tous,  Crevaux  n'étant 
plus  là  pour  recevoir  le  prix  des  luttes  auxquelles  il  a  succombé! 

■oc.  dm  qûoqm.  —  4*  TKauunnM  1888.  47 


734  ACTES  DE  LÀ  SOCIÉTÉ. 

C'est  aussi  par  l'une  des  considérations  précitées  que  furent  écartés 
de  la  3e  commission  les  éditeurs  qni,  par  eux-mêmes,  n'étaient  pas 
auteurs  de  cartes. 

Cela  n'a  pas  empêché  qu'en  des  cas  particuliers,  deux  commissions 
ont  dû  s'entendre  entre  elles  pour  statuer  sur  certains  travaux,  et  si 
les  auteurs  ne  se  jugent  pas  (et  il  y  en  aura  toujours)  suffisamment 
récompensés,  ils  ne  devront  s'en  prendre  qu'à  eux-mêmes  et  au  carac- 
tère Incertain  de  leurs  travaux.  Et  ceci  est  d'autant  pins  utile  à  dire 
bien  haut  et  à  répéter  sans  cesse,  si  Ton  ne  veut  pas  que  les  exposi- 
tions ne  soient  un  Jour  encombrées  de  productions  de  toutes  sortes,  il 
n'est  que  temps  d'écarter  du  concours  ceux  qui  croient  avoir  fait 
œuvre  géographique  quand  ils  ne  sont  que  des  copistes  serviles  ou  des 
compilateurs  plus  ou  moins  intelligents  auxquels,  tout  au  plus,  pour- 
rait-on laisser,  dans  une  certaine  mesure,  le  seul  titre  dont  ils  peuvent 
se  parer  et  qui  fait  leur  excuse  :  celui  de  vulgarisateurs. 

Ce  n'est  pas  tout  encore,  Messieurs,  il  est  des  œuvres  hors  de  pair, 
comme  celle,  par  exemple,  du  commandant  Bureau.  Non  seulement  par 
sa  nature,  elle  ne  peut  être  comparée  à  aucune  autre  œuvre  exposée, 
mais  encore,  par  le  fait  des  capacités  professionnelles  de  son  auteur, 
desquelles,  en  somme,  elle  n'est  que  le  reflet,  elle  été  au  jury  tout 
moyen  d'établir  un  coefficient  de  comparaison. 

Autre  chose  est  le  beau  plan  de  Bar-le-Duc,  exposé  par  M.  Comte- 
Jacquet  Ici,  quels  que  soient  les  Justes  éloges  que  le  Jury  puisse 
adresser  à  l'exposant,  il  se  trouve  en  présence  d'une  œuvre  signée  par 
MM.  Léon  Perronne,  Ouillemin  et  Comte-Jacquet.  Devant  tant  de  colla- 
borations diverses,  toute  personnalité  disparaît.  Mais  il  restera  du  moins 
à  M.  Comte-Jaquet  l'honneur  d'une  publication  dont  quelques  critiques 
de  détail  ne  sauraient  atténuer  l'incontestable  mérite. 

Autre  chose  enfin  est  la  magnifique  collection  de  photographies 
envoyée  par  la  Société  des  touristes  du  Dauphiné,  laquelle  n'a  pas 
peu  contribué  à  l'attrait  offert  aux  visiteurs.  Là  aussi,  c'est  une  collec- 
tivité d'un  autre  genre,  là  ce  sont  des  collaborations  multiples  et  im- 
personnelles, bien  qu'on  y  remarque  la  belle  série  des  vues  de  la 
Norwège  de  M.  Gh.  Rabot.  Et  nous  sommes  convaincus  que  la  Société 
exposante  n'a  pas  voulu  autre  chose  que  faire  connaître  ses  intéres- 
sants et  très  utiles  travaux.  Aussi,  avec  le  témoignage  de  notre  admi- 
ration et  de  nos  plus  vifs  encouragements,  nous  sommes  heureux  de 
lui  adresser  l'expression  de  notre  gratitude. 

Vous  le  voyez,  Messieurs,  la  tâche  n'était  pas  facile.  Et  pourtant  c'est 
peu  en  comparaison  de  ce  qui  va  suivre.  Kt  c'est  ici  que  se  présente, 
par  son  côté  le  plus  redoutable,  le  plus  gros  de  conséquences,  la  mis- 
sion d'un  Jury  de  géographie;  car  si,  avant  tout,  il  doit  récompenser 


EXPOSITIONS   GÉOGRAPHIQUES.  735 

une  œuvre  suivant  sa  valeur  intrinsèque,  lorsqu'il  s'agit  des  travaux 
personnels  d'instituteurs  ou- d'écoles,  il  faut  tenir  compte  i  la  fois  des 
moyens,  des  milieux,  de  l'effort  réel  accompli,  de  la  somme  de  travail 
accumulée,  et,  ce  qui  est  surtout  le  point  capital,  de  la  direction,  de 
l'esprit  pédagogique  des  œuvres  présentées.  De  plus,  il  faut  bien  se  dire 
ici  que  le  devoir  à  remplir  est  double,  et  que  s'il  s'agit  de  décerner  un 
prix  mérité,  il  ne  s'agit  pas  moins  d'encourager  f  effort  Juste,  bien 
dirigé,  alors  même  qu'il  ne  se  traduirait  pas  par  nne  œuvre  saillante, 
en  laissant  de; côté  au  contraire  impitoyablement  ce  qui  ne  se  traduit 
que  par  une  exubérance  plus  ou  moins  considérable  de  travaux 
bizarres,  hétérogènes,  et  qui  n'ont  rien  de  commun  avec  une  méthode 
pédagogique  sobre,  bien  comprise,  encore  moins  avec  des  travaux 
scientifiques  de  quelque  valeur.       • 

Aussi,  Messieurs,  quelques  instituteurs  seront-ils  bien  étonnés,  ayant 
eu  tel  prix  dans  les  expositions  antérieures,  soit  pour  eux,  soit  pour 
leurs  écoles,  de  n'avoir  pas  obtenu  cette  fois  de  récompenses  au  moins 
équivalentes.  Et  c'est  ici,  soit  dit  en  passant,  le  lieu  de  constater 
combien* été  heureuse  l'inspiration  du  comité  d'organisation  de  n'ad- 
mettre que  des  œuvres  nouvelles,  car  c'était  le  seul,  le  vrai  moyen 
de  constater  la  marche  en  avant  ou  en  arriére.  Alors  on  voit  tel  insti- 
tuteur qui: a  grandi  dans  Be&  œuvres  personnelles  et  qui  voit  décroître 
la  valeur  des  travaux  de  son  école,  et  l'on  se  demande  si  les  progrès 
qu'il  réalise  par  lui-même  ne  sont  pas  au  détriment  de  ceux  de  ses 
élèves.  On  ne  saurait  poser  cela  en  règle;  car  il  en  est  chez  lesquels 
tout  marche  de  pair,  et  l'on  sait  aussi  que,  souvent  d'une  année  à 
l'autre,  la  valeur  moyenne  intellectuelle  des  premiers  sujets  d'une 
école  peut  varier;  mais  nous  devons,  sinon  signaler  ce  fait,  au  moins 
émettre  ce  doute  pour  qui!  serve  d'enseignement  i  ceux  qu'il  con- 
cerne et  qui  le  savent  bien* 

D'un  autre  côté,  il  y  a  tel  instituteur  qui,  entreprenant  un  travail  au- 
dessns  de  ses  moyens,  ne  tenant  aucun  compte  des  avis  et  des  conseils 
que  nous  lui  avons  prodigués  nous-méme,  persiste  à  se  fourvoyer 
dans  des  œuvres  scientifiques  sans  valeur,  parce  qu'il  néglige  les 
sources  les  plus  A  sa  portée  et  dépense  ainsi  en  pure  perte  pour  lui  et 
pour  son  école  «ne  somme  de  travail,  de  réelle  bonne  volonté  que  l'on 
ne  saurait  méconnaître,  et  cela  par  une  présomption  dont  aucun  jury 
ne  saurait  jamais  se  faire  le  complice  en  l'encourageant. 

11  y  a  tel  autre,  —et  je  vous  demande  pardon,  Messieurs,  d'insister, 
sur  ee  point;  mais  je  mets  ici  le  doigt  sans  hésiter  sur  une  plaie  qu'il 
faut  guérir  à  tout  prix,  —  il  y  a  tel  autre,  dis-je,  qui  se  prodigue  en  pro- 
ductions multiples,  où  l'on  trouve  une  somme  de  travail  qui  serait  mieux 
employée  ailleurs  qu'en  des  écrits  sans  but  comme  sans  originalité. 


736  ACTB8  DZ  LA  SOCIÉTÉ. 

Et  à  ceux-là  Je  dis  hautement  et  arec  toute  l'indépendance  de 
caractère  que  consacre  ici  le  titre  de  président  de  jury;  à  ceux-là, 
comme  à  tons  ceux  qui  seraient  tentés  de  les  imiter,  Je  dis  :  Prenez 
garde  !  tous  tous  méprenez  tout  aussi  bien  sur  le  caractère  dont  tous 
êtes  reTêtus,  sur  la  mission  que  tous  avez  à  remplir,  que  sur  la  base 
de  Justice  et  d'intégrité  sur  laquelle  s'appuie  un  Jury  et  qu'il  ne  saurait 
abandonner  sans  perdre  sa  seule  force  et  sa  seule  raison  d'être.  Nous 
roulons  tous  récompenser  :  oui!  Nous  voulons  tous  encourager  :  oui I 
Nous  faisons  plus,  nous  tous  donnons  un  conseil  suprême,  à  vous  d'en 
profiter;  tant  pis  pour  tous  si  tous  n'en  profitez  pas. 

Mais,  Messieurs,  assez  sur  ce  côté  pénible,  ingrat,  mais  profondément 
utile  de  notre  mission.  Je  laisse  à  MM.  les  rapporteurs  la  tâche  plus 
agréable  et  moins  ingrate  de  révéler  les  mérites  réels  et  nombreux 
que  nous  avons  eu  à  récompenser  en  voie  ascendante  et  non  décrois- 
sante sur  les  années  dernières.  Toutefois,  Je  tous  dois,  sur  le  chapitre 
des  récompenses,  encore  quelques  explications. 

En  décernant  l'un  des  deux  grands  prix  ministériels  qui,  par  leur 
importance  comme  par  leur  caractère,  ne  pouvaient  être  donnés  qu'à 
un  ensemble  de  travaux  remarquables,  le  jury  n'a  pu  admettre,  par 
cette  raison,  que  le  lauréat  de  ce  prix  obtint  d'autres  récompenses. 
C'est  pourquoi,  tandis  que  tous  Terres  quelques  instituteurs  briller 
diversement  dans  la  3e  section  :  travaux  personnels,  cartes  et  plans; 
dans  la  4*  :  travaux  scolaires,  et  dans  la  5e  :  monographies  du  dépar- 
tement et  autres,  M.  Lemoine,  qui  a  obtenu  le  prix  de  M.  le  Ministre 
de  la  guerre,  a  eu  cette  récompense  unique  pour  ses  travaux  dans  la 
3e  et  la  58  section. 

J'aborde  maintenant,  Messieurs,  la  partie  de  l'exposition  qui  com- 
prend les  éditeurs;  car  si,  pour  leur  bienveillant  concours  ('),  pour  les 
efforts  de  publicité  et  de  vulgarisation  qu'ils  font  tous,  à  des  degrés 
divers,  le  Jury  s'est  cru  en  devoir  de  leur  donner  un  diplôme  bon 
concours,  il  convient  ici,  en  leur  rendant  une  Justice  qui  leur  est 
due,  de  donner  un  aperçu  sur  les  mérites  des  diverses  publications 
exposées. 

Certes,  on  ne  saurait  trop  louer  M.  Delagrave  pour  ses  importantes 
publications  des  travaux  géographiques  de  toute  nature  de  M.  Levas- 
sent pour  les  reliefs  de  MUea  Kleinhans,  pour  ses  musées  industriels 
scolaires,  pour  sa  publication  de  la  Revue  de  Géographie,  son  Diction- 
naire historique  et  géographique,  de  Desobry  et  Vachelet,  ses  livres  de 
voyages,  etc.  ;  MM.  Hachette  et  Cs*  pour  la  Gaule  Romaine  d'Ernest  Desjar- 


(*)  Et  Ici  il  contient  d'adresser  dos  remerciement*  k  M.  Oollot  pour  U  part  si 
dévoue*  qttll  s  prise  à  l'instolUtien  de  cette  exposition. 


EXPOSITIONS   GÉOGRAPHIQUES.  737 

dins,  la  Gaule  an  yp>  siècle  d'Auguste  Longnon,  la  Géographie  de  Reclus, 
les  innombrables  Guides- Joanne,  la  Carte  hypsométrique  du  commandant 
Prudent,  etc.;  M.  Colin  pour  les  publications  de  M.  Foncin;  MM.  Ch.  Bayle 
et  C1*  pour  leurs  Cartes  en  cours  d'impression  et  de  publication,  si 
flnement  gravées,  si  expressives  de  relief;  enfin,  MM.  Fauve  et  Natbalan 
pour  leurs  cartes  noires  en  rouleaux.  Mais  comment  ne  pas  s'insurger 
contre  des  publications  exhumées  d'on  ne  sait  quelle  époque  et  que  Ton 
présente  à  la  confiance  du  public,  qui  ignore,  après  en  avoir  impudem- 
ment changé  la  date?  Comment  expliquer  que,  sur  l'entête  d'une  carte 
de  France  et  de  l'Europe  centrale,  signée  Bruée,  datée  à  nouveau  de  1 881 , 
on  retrouve  encore  cette  dénomination  de  routes  impériales  et  dépar- 
tementales ?  Comment  trouve-t-on,  sous  de  riches  et  très  séduisantes 
couvertures,  des  atlas  dont  les  cartes  expriment  le  relief  avec  ces 
lignes  fatidiques  ombrées  en  chenille  et  qui  ne  sont  que  le  mensonge 
du  relief  réel?  Comment  enfin  y  a-t-il  encore,  parmi  les  globes  exposés, 
trois  d'entre  eux  qui  ne  sont  pas  à  jour  des  grandes  découvertes  de 
Stanley  et.de  Brazza  et  cinq  qui  ne  le  sont  pas  du  voyage  de  Nordenskjôld 
quand  il  est  si  facile  et  si  peu  coûteux  de  le  faire? 

Aussi,  doit-on  souhaiter  qu'à  l'avenir  ceux  qui  veulent  acheter  des 
publications  géographiques  quelconques,  se  renseignent  près  des  gens 
compétents,  et  la  Société  de  géographie  de  l'Est,  dans  tous  les  dépar- 
tements où  elle  rayonne,  compte  assez  d'hommes  instruits  à  ce  sujet 
pour  qu'on  la  consulte  en  connaissance  de  cause.  C'est  là  le  moyen  le 
plus  direct  et  le  plus  efficace  de  réagir  contre  cette  chose  sans  nom, 
dont  le  public  est  la  victime  inconsciente  !  Peut-être,  d'ailleurs,  trou- 
verait-il un  remède  à  ce  mal  en  s'associant  à  nous  autrement  que  par  la 
simple  curiosité  et  en  contribuant  de  ses  deniers  à  nos  travaux  et  aux 
publications  de  la  Société. 

Du  reste,  Messieurs,  il  en  est  qui  prêchent  d'exemple,  non  seulement 
en  souscrivant  comme  membres  de  la  Section  meusienne,  mais  encore 
qui  ont  souscrit  à  son  exposition. 

k  ceux-là  aussi  je  dis  :  merci,  car  sans  eux  rien  n'eût  été  possible, 
et  la  bonne  volonté,  l'énergie,  la  persévérance  de  son  premier  orga- 
nisateur seraient  venues  s'échouer  dans  l'impuissance  et  dans  l'oubli. 

fit  c'est  ici  que  je  nommerai  celui  que  vous  connaissez  tous  : 
M.  Claude  Bonnabellc. 

Monsieur, 

Si  le  jury,  comme  vous  le  saurez  dans  un  Instant,  vous  a  décerné 
l'un  de  ses  plus  hauts  prix  pour  les  travaux  innombrables  que  Ton 
doit  à  votre  persévérante  initiative,  il  s'est  trouvé  sans  moyens  pour 
vous  récompenser  de  cette  œuvre  capitale  à  laquelle  vous  tous  êtes 


738  ACTES  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

voué  corps  et  âme,  dont  tous  êtes  resté  le  pivot,  quelle  que  soit 
d'ailleurs  la  part  si  large  de  vos  dévoués  collaborateurs.  Cette  œuvra 
est  double  maintenant  :  hier  c'était  la  fondation  de  la  Section  meo- 
sienne,  aujourd'hui  c'est  cette  exposition  magistrale  où  renseignement 
primaire  surtout  a  puisé  le  stimulant  le  plus  énergique,  les  plus 
inoubliables,  les  plus  efficaces  encouragements. 

Aussi  le  Jury,  unanime  dans  cette  pensée,  dans  une  lettre  que  tons 
ses  membres  présents  ont  signée  et  adressée  i  M.  le  Préfet,  le  prie 
instamment  de  solliciter  pour  tous  les  palmes  académiques  ('). 

Quel  que  soit  le  résultat  de  cette  démarche,  Monsieur,  soyez  fier  de 
votre  œuvre,  et  si  l'heure  des  récompenses  officielles  tarde  un  peu  à 
sonner,  vous  avez  pour  vous  ce  que  nul  au  monde  ne  saurait  vous  ôter, 
ce  que  beaucoup  recherchent  sans  pouvoir  Jamais  l'obtenir  :  la  sanction 
de  1  opinion  publique. 

Messieurs, 

Voilà  bien  longtemps,  trop  longtemps  sans  doute  au  gré  des  lauréat» 
que  j'abuse  de  voire  attention.  Et  pourtant,  il  est  un  dernier  point  qui 
Je  ne  saurais  passer  sous  silence,  encore  que,  malgré  ma  bonne 
volonté,  je  ne  puisse  me  flatter  d'avoir  oublié  personne. 

A  côté  de  Texposltion  purement  géographique,  ethnographique  et 
scolaire,  et  pour  contribuer  au  succès  par  un  attrait  de  plus,  une 
exposition  horticole  a  été  organisée  sur  l'appel  qui  leur  a  été  adressé, 
par  MM.  Jeoffroy  et  Mèclin,  horticulteurs  à  Bar-le-Duc. 

Une  commission  annexe  du  jury  a  présenté  un  rapport  sur  cette 
partie  si  intéressante,  quoique  latérale,  de  l'exposition,  et  je  suis  heu- 
reux, tout  en  remerciant  ces  Messieurs  de  leur  concours  si  désintéressé, 
de  leur  décerner  au  nom  du  jury  :  i  M.  Geoffroy,  une  médaille  de  ver- 
meil, et  à  M.  Méclin,  une  médaille  d'argent. 

Et  maintenant,  Messieurs,  que  ma  tâche  est  terminée,  je  unirai  par 
l'expression  de  ma  vive  gratitude,  pour  vous  tous  qui  m'avez  écouté 
avec  tant  de  bienveillance  et  en  disant  aux  lauréats  :  Bon  courage! 
Vous  voyez  que  nous  sommes  avec  vous  et  que  nos  encouragements 
et  nos  récompenses  sont  aux  plus  méritants  ;  mais  bon  courage  aussi 
à  ceux  qui  sont  restés  en  route  ou  ont  succombé  dans  la  lotte  :  pareille 
fortune  les  attend  s'ils  persévèrent  dans  le  travail,  s'ils  écoutent  nos 
conseils,  s'ils  se  pénètrent  surtout  du  sentiment  de  sympathie  pro- 
fonde et  cordiale  qu'au  nom  du  jury  tout  entier  je  leur  exprime  do 

fond  du  cœur. 

Le  Président  du  Jury, 

J.-Y.  fiAKMSft. 

0  Voir  «a  potfVMfiptju»,  p,  75*, 


COUP  D'ŒIL  D'ENSEMBLE 


8UKLE8 


EXPOSITIONS  GÉOGRAPHIQUES 


DE  DOUAI  ET  DE  BAR-LE-DUC 


ET  BESUHÉ  DBS  TRAVAUX 


DES  COMMISSIONS  DO  JURY  DE  CETTE  DERNIÈRE 


Si  l'on  n'envisageait  l'exposition  géographique  de  Bar-le-Duc  qu'au 
point  de  vue  de  l'importance  numérique  des  travaux  présentés,  oh  ne 
saurait  la  comparer  à  celle  de  Douai  qui  avait  lieu  à  la  même  époque, 
celle-ci  empruntant  au  concours  des  ministères  et  des  Sociétés  de 
géographie  une  bonne  partie  du  surcroît  que  lui  assurait  déjà  retendue 
du  ressort  académique,  au  chef-lieu  duquel  elle  avait  lieu,  et  les  nom- 
breux établissements  d'enseignement  primaire  et  secondaire  qui  en 
relèvent.  Aussi,  entre  les  sept  vastes  dortoirs  du  Lycée  de  Douai,  garnis 
sur  panneaux  doubles,  et  les  quatre  salles,  déjà  grandes  pourtant,  de 
l'école  municipale  du  quai  des  Gravières,  à  Bar-le-Duc,  la  disproportion 
s'exptique-t-elle  tout  naturellement  ;  mais  certainement  les  efforts  ont 
été  égaux  et,  en  tenant  compte  des  causes  que  je  viens  de  citer,  les 
résultats  peuvent  largement  aller  de  pair. 

Aussi  bien,  est-ce  pour  moi  une  singulière  bonne  fortune  de  pouvoir 
mettre  en  parallèle,  de  vitu,  deux  expositions  organisées  dans  le  môme 
but,  le  développement  de  renseignement  géographique,  et  placées  dans 
des  conditions  de  milieux  et  de  proportions  si  diverses  ;  mais  cela  rend 
doublement  délicate  Ja  tâche,  assez  ardue  déjà,  des  rapprochements  et 
des  comparaisons  qui  doivent  faire  ressortir  les  côtés  caractéristiques 
et  utiles  de  ces  exhibitions. 

Je  n'ai  pu  prendre  part  d'une  façon  directe,  en  ma  qualité  d'exposant 
concourant,  aux  travaux  du  Jury  de  Douai,  bien  qu'on  ait  cru  devoir 
me  confier  le  rapport  sur  les  expositions  des  ministères  et  des  éditeurs 
qui,  là,  comme  à  Bar-le-Duc,  ont  été  placés  hors  concours,  tandis  que 
j'ai  eu  l'insigne  honneur  de  présider  Je  jury  de  l'exposition  meusienne. 
En  cette  dernière  qualité,  je  n'ai  fait  partie  exclusivement  d'aucune 


740  ACTB8  DE  La  société. 

commission  tout  en  suivant  les  travaux  de  chacune  d'elles  ;  de  sorte 
que,  n'ayant  aucune  attache  particulière,  j'étais,  dans  fnn  comme 
dans  l'autre  cas,  dans  l'indépendance  de  situation  la  plus  complète. 

Malheureusement,  l'absence  de  catalogue  à  l'exposition  de  Douai  a 
été  une  grande  lacune  et  a  rendu  difficile  l'examen  complet  de  l'expo* 
sillon,  alors  que- là,  moins  qu'ailleurs,  nous  n'avions  pas  de  temps  dis- 
ponible pour  la  visiter.  Aussi  nos  collègues  de  Douai  ne  m'en  voudront- 
il8  pas  si  Je  ne  puis,  malgré  ma  bonne  volonté,  donner  de  leur  expo- 
sition, qu'une  idée  très  incomplète  (').  Bn  revanche,  pour  se  ressentir 
d'une  Impression  un  peu  hâtive,  le  catalogue  de  l'exposition  de  Bar- 
le-Duc,  très  exactement  fait,  ne  pouvait  que  faciliter  les  recherches  et 
les  observations. 

Mais  si  ces  diverses  causes  rendent  un  parallèle  très  difficile  i  éta- 
blir, par  contre  il  est  bon  nombre  de  caractères  de  similitude  ou  de 
dissemblance  suffisamment  accusés  pour  fixer  les  idées. 

J'ai  dit  qu'à  Douai  le  nombre  des  établissements  scolaires  exposants 
était  de  beaucoup  plus  nombreux,  dans  l'enseignement  secondaire 
surtout,  qu'à  Bar-le-Duc;  mais  dans  cette  dernière  exposition  les  pians 
en  reliefs  exécutés,  soit  par  les  maîtres,  soit  par  les  élèves,  étaient  en 
quantité  presque  aussi  considérable,  une  vingtaine  environ,  que  dans  la 
première. 

Dans  les  uns  comme  dans  les  autres,  beaucoup  de  couleurs  criantes 
et  couvrant  quelques  défauts  d'exécution.  Mais  si  nous  avons  pu 
admirer  les  reliefs  en  blanc,  gradués,  de  M.  Mangin,  instituteur  de  Go- 
viller  (Meurthe-et-Moselle),  à  l'exposition  de  Bar,  celui  de  M.  Marguin, 
instituteur  à  fichallon  (Ain),  à  celle  de  Douai,  nous  a  paru  fort  remar- 
quable aussi  :  tous  deux  les  ont  exécutés  absolument  dans  le  même 
ordre  d'idées,  quoique  celui  de  M.  Marguin  soit  à  plus  grande  échelle. 

Qu'il  me  soit  permis  de  dire  en  passant  que  si  le  relief  doit  être 
apprécié  quand  il  résume  une  grande  perfection  de  travail  et  de  pré- 
cision, il  doit  l'être  bien  davantage  quand  il  révèle  une  conception 
bien  nette  du  relief  du  sol  et  surtout  une  méthode  pédagogique  bien 
comprise.  Aussi  le  fini  d'exécution  ne  doit-il  pas  préoccuper  unique- 
ment le  Jury  qui  apprécie  un  travail  de  ce  genre  quand  il  émane  d'un 
instituteur. 

A  un  autre  point  de  vue,  comme  reliefs  arrondis  et  coloriés,  nous 
pourrions  établir  un  parallèle  entre  celui  de  M.  Lemoine  à  Beauxée 


(')  Je  Mil  que  Ton  Avait  désiré  faire  le  catalogue  avec  l'indication  des  récom- 
penses décernées  par  le  jury;  mais,  en  se  dispersant  aussitôt  après,  las  membre*  dm 
congrès  au  moins,  si  tant  est  qne  le  catalogue  ait  pn  être  imprimé  pour  le  public  dea 
derniers  jours,  n'ont  pu  du  tout  en  profiter.  Cest  une  intention  louable  qui  a  porté 
à  côté  du  but,  voilà  tout. 


EXPOSITIONS   GÉOGRAPHIQUES.  741* 

(Meuse)  et  ceux  de  M.  Loup,  Instituteur  à  Belley  (Ain).  Quant  à  ceux  de 
IL  Leclercq,  nous  les  connaissons  depuis  1880. 

Mate  un  relief  original  et  important  figure  à  Douai,  qui  est  rouvre 
d'un  spécialiste;  c'est  celui  des  mines  d'Aniche  (Nord),  exécuté  par 
M.  Délavai,  ingénieur-directeur  des  travaux.  A.  côté  du  relief  qui  indique 
les  coupes  souterraines  du  aol  avec  le  réseau  des  galeries  de  mines, 
se  trouve  un  cadran  ingénieux  indiquant  les  accroissements  successifs 
de  l'exploitation:  à  peine  de  quelques  centaines  de  tonnes  en  184p, 
elle  atteint  aujourd'hui  650,000  tonnes  de  charbon  de  terre.  U  y  a 
aussi  un  relief  remarquable  de  la  Loire-Inférieure,  par  M.  Doby,  pro- 
fesseur à  Nantes. 

Il  semble  que  tous  les  exposants  de  Douai  aient  pressenti  l'immensité 
des  locaux  où  devaient  figurer  leurs  travaux,  car,  soit  en  étendue 
murale,  soit  en  nombre  de  cartes,  c'est  à  l'envi  que  chacun  fournit 
une  surface  incroyable.  C'est  Erbard  avec  sa  grande  carte  murale  de 
France,  peinte  (au  250,000%  d'après  ce  que  j'ai  pu  en  juger,  la  carte 
étant  muette  de  toute  indication),  destinée  sans  doute  à  l'École  poly- 
technique; —  ce  sont  MM.  Panneqoin  et  Barbaut,  instituteurs  à  Béthune, 
avec  leurs  cartes  de  cet  arrondissement  (faisant  partie  de  l'exposition' 
de  la  Société  de  Béthune  qui  compte  plus  de  vinjt  cartes  murâtes, 
tracées  à  la  craie  sur  fond  noir,  —  puis  les  reliefs  en  plâtre  faits  par 
l'école  des  mines  de  Liévin.  —  C'est  aussi  l'immense  earte  au  1/2500*  ■ 
des  marais  (wateringues)  des  environs  de  Saint-Omer,  dédale  inouï, 
clairement  représenté  par  M.  Bagache,  instituteur,  aidé  de  ses  adjoints; 
—  c'est  encore  l'atlas  mural  (car tes  à  fond  noir)  de  la  commune  de  Riens 
par  MM.  Machuel,  instituteur,  et  Hainaut,  son  adjoint; —  ce  sont  enfin 
42  cartes,  —  c'est  bien  quarante-deux,  mais  le  mot  carte  est  ioi  un  peu 
prétentieux,  -—  ou  plutôt  42  croquis  dus  A  M.  Facken,  élève  de  la  Faculté 
des  sciences  de  Lille,  lesquels  donnent  la  configuration  des  cotes  de. 
la  France  Nord-Ouest  A  toutes  les  époques  géologiques.  Il  faut  dire 
qu'il  est  entré  dans  de  grands  détails  de  sous-classements,  et  nous 
y  trouvons  les  époques  Gédinienne,  Givétienne,  Banietme,  etc. 

Mais  il  est  deux  hommes  qui  se  sont  faits  les  géographes  du  désar- 
ment du  Nord  et  dont  les  travaux  mériteraient  de  faire  l'objet  d'une 
étude  spéciale;  ce  sont  MM.  Wacques-Lalo  et  Mille.  Assurément» 
M.  Wacques-Lalo  est  un  géographe  de  premier  ordre,  auquel  aucune 
des. sciences  qui  tiennent  A  la  géographie  ne' sont  étrangères;  mais,  au 
point  de  vue  cartographique,  M.  Mille  a  une  supériorité  d'exécution 
incontestable.  Ce  dernier  n'a  pu  faire  figurer,  faute  de  temps  et  de  * 
place,  ses  travaux  si  considérables,  et  en  particulier  ses  cartes  hypso- 
métriques  et  administratives  du  département  du  Nord,  mais  nous  avons  i 
pu  les  voir  chez  lui-même  et  y  recueillir  de  précieuses  observations»  « 


74?  açws  ut  Uk  socitT*. 

A  l'appui  ée  notre  opinion,  nous  pourrions  dire  que  cas  travaux  oat 
reçu  les  éloges  publics  de  H.  E.  Levasseur. 

levenons  un  moment,  pour  eu  finir,  aux  reHefs  exposée  à  Don». 
Vf  ai  remarqua  encore  une  carte  de  France  en  relief  an  ■,»»■  ^, 
(les  hauteurs  au  250,000*),  par  M.  Michel,  instituteur  à  Marlf  (Rord); 

une  antre  Franee,  en  relief  aussi,  an  itv,ô't>By  P*r  coorbes  de 
niveau,  par  M.  Neud,  instituteur  â  Hondschootte,  ainsi  qu'un  relief  do 
département  du  Nord  du  môme  ;  puis  un  relief  de  rarrondissement  de 
Yaleuciennes  an  4è.lAog  et  au  rrfar  P°ur  les  hauteurs  (c'est  ici 
indispensable  en  raison  do  peu  de  saillie  réelle  du  sol),  par  MM.  Basset 
et  François,  instituteurs  ;  enfin,  celai  de  la  commane  de  Cousolre,  par 
H.  Jenaepin,  Instituteur,  d'après  la  carie  de  Fétat-maJor  rectifiée  sur 
le  terrain  par  Fauteur. 

'à  Bar*»le-Duc,  les  reliefe  sont  moins  considérables'  e»  étendue  et  en 
hardiesse;  mais  ceux  de  la  commune  de  Delouze,  par  M.  Gérard,  insti- 
tuteur, de  ratroodiBsement  de  LunévtUe,  par  M.  Jacqoot,  instituteur 
à  WkniUe,  du  département  du  Deubs,  par  M.  Scnmitt,  deBeïfort,  i  côté 
d>aeux  déjà  cités,  soutiennent  parfaitement  la  comparaison  avec  «eux 
de  leurs,  collègues  du  Qord.  Je  puis  ajouter  que,  certainement,  les  que!» 
quea  reliefs  dus  aux  élèves  (Il  est  vrai  qu'il  est  difficile  d'y  discerner 
laparttelpatioa  du  maître)  des  école*  de  la  Meuse»  et  Je  citerai  parti- 
entièrement  ceux  de  l'école  de  freux,  accusent  une  supériorité  mar- 
quée sur  ceux  que  J'ai  pu  observer  i  Douât. 

Jusqu'ici  d'ailleurs,  en  l'un  ou  l'autre  endroit,  il  ne  sem&te  pasqu? 
Tegard  de  l'enseignement  les  instituteurs  soient  parvenus,  les  uns  s 
avoir  pour  leur  compte,  les  autres  â  inculquer  à  leurs  élèves,  un  seutK 
ment  bien  rationnel  du  relief  du  sol,  et  les  devoirs  d'élèves  dénotent; 
particulièrement  ceux  exposés  à  Douai  en  très  grand  nombre,  une 
ignorance  inconsciente  i  cet  égard.  Presque  partout,  dans  des  devoirs 
bien  rédigés  d'ailleurs,  et,  autant  qu'un  rapide  examen  m'a  permis  de 
F  observer,  révélant  une  excellente  méthode  d'enseignement  géegrjK 
phique,  on  constate  tes  dessins  de  montagnes  en  chenille  et  les  con- 
tour* des  bassins  avec  des  reliefe  imaginaires.  Gela  tient  évidemment 
au  mauvais  matériel  de  cartes  géographiques  sur  lesquelles  on  prend 
modèle:  et  aux  atla»  défectueux  encore  trop  répandus  dans  l'enseigne- 
ment TouteJbis,  le  rapport- de  là  4»  commission  du  Jury  de  Bar4e-Duc 
constate  que  les  écoles  de  Ligny-en-Barrois,  au  premier  rang;  défiant- 
beffvittec»  {-Vosges);  de  Frets  (Meuse)  et  de  Limer  (Heurtlie-er-MoeeJte* 
indiquent'  de  réels  progrès  dans  ce  sens. 

Venseigneme&t  primaire  était  représenté  aussi  i  Bax*ïe-Duc-  dTttn» 
face*' toute  particiiliére  et  sans  parité  à  Douar:  c'est  pur  les  travaux 
qui  relevaient  d»la>5^cummlsaion»  Ceux-ll  oeusMtnnlant  ce  que  Fb# 


EXPOSITIONS   GÉOGRAPHIQUES.  143 

• 

pourrait  appeler  les  archives  de  la  Meuse,  bien  que  d'une  valeur  très, 
inégale  et  dans  une  mesure  fort  incomplète.  L'exposition  de  Bar-le-JOue 
s  en  par  là  un  Mérite  d'originalité  incontestable  qui  fait  honneur  an 
comité  d'organisation.  On  ne  saurait  trop  féliciter  celui-ci  d'avoir  pro- 
voqué et  encouragé  la  rédaction  des  monographies  communales  par  les 
instituteurs  ;  mais  il  y  a  eu  beaucoup  d'appelés  et  peu  ont  répondu.  Là. 
se  sont  signalés,  suivant  le  rapport  de  la  S6  commission,  les  beaux  alla» 
avec  monographie  de  MM.  Husson,  instituteur  à  Vigneulles  (Meuse),  et 
Lemorae,  instituteur  àBeauaée.  Puis  les  nombreux  travaux  de  M.  Bonn»» 
befle  qui,  pour  faire  honneur  i  la  Société  de  géographie  de  l'Est  àDoaai» 
Y  avait  envoyé  la  majeure  partie  de  son  bagage  géographique!  histo- 
rique et  archéologique.  Celui-là,  je  n'hésite  pas  à  le  dire,  n'a  pu  être 
jugé  comme  il  le  fallait  dans  le  revue  si  rapide  qu'a  dû  faire  le  jury  du 
congrès.  •  C'est  une.  eauvrede  bénédictin  »,  dit  le  rapport  delà  6*  com- 
mission de  Barbie-Duo  et  il  s'explique  que  l'examen  d'une  telle  œuvre 
ne  puisse  se  mire  en  quelques  minutes.  Puis,  c'est  un  instituteur  de 
rAîlier,  M.  Regrain,  de  Chambley,  que  signale  encore  le  rapport  et  à  sa 
suite  MM.  Blanchard,  Houzelle,  Lepointe,  Saux,  Oanier,  etc^  instituteur* 
dans  la  Meuse. 

Si  l'enseignement  primaire  a  figuré  avec  honneur  à  Bar-le-Due».  il 
font  constater  que  l'enseignement  secondaire  (lycées  et  collèges)  n'y 
était  pas  représenté,  à  Douai,  plusieurs  établissements  de  cet  osdna 
seraient  exposé,  bien  que  nous  ne  puissions  citer,  qui  nous  ait  frappé» 
<fne  le  Lycée  de  Charleville  (f),  lequel  a  présenté  des  cartes  pseudo- 
bypsométriques  (*}  au  lavis»  dues  aux  èlènea  de  rhétorique  et  révélant 
ose  étude  consciencieuse  dm  rehaussas  viser» apparemment  du  moins, 
à  un  grand  Oui  d'exécution. 

M  mut  bien  dire  aussi  qu'obliger  des  élèves  à  faire  des  œuvres  par- 
laites,,  c'est  gaspiller  un  temps  précieux  et  déjà  si  parcimonieusement 
réservé  à  L'étude  pratique.  Nsn>  ce  que  l'on  doit  apprécier  dans  le 
travail  de  l'élève,  c'est  le  reflet  de  la  méthode  du  maître  et  la  netteté 
de  conception  de  l'enfant  :  voilà  ce  qui  se  recommande  entre  toutes 
disses  à  l'attention  d'un  jury,  et  celui  de  Douai»  comme  celui  de  Bar, 
j'en  sois  certain,  s'est  placé,  i  est  égard,  au  même  point  de  vue. 

Ceux  dont  nous  ne  trouions  pas  non  plus  de  similaires  à  BaMo" 
DncC),  ce  sont  les  établissements  scalaires  de  flUes:  le  collège  de 
filles  de  La  Fère,  avec  des  cahiers  de  devoirs  remarquables,  puis  l'école 

(*)  J'en  oublie  certainement,  et  probablement  è>  tri*  bon*? 
eeï»  dam»  oet  immense  dédale  «mm  oatalofoe-  è  la.  nain  ? 
(*)  Je  définie  ainsi  dee  earte»  ombrée»  par  dégradacloiL  S* 

■h^ee^   ^aw  ^  1  ^  dM^avn^aVfHBk  ^«eV  m^^^m  te^^     — ^»#— , —  ^  a *._a.^^  — 

■^■^■ev  ^giaw*  m*r  vw  eaMaw  ^^a^^  bj^bw^p  ^wa^  eaeNBM  e^a^BBBr^BfâW  ëjVJaW*1  eauenunmuei 

laettiee  jwr  tim  mmxbm  4»  ninnt 
(»)  OiUnu  toutefois  MU.  Ménestrel,  de  Haaey,  qui  a  eu  d'esoeUsaSai 


744  ACTES  DB  LA  SOCIÉTÉ. 

primaire  supérieure  de  filles  de  Lille,  tyee  an  croquis  ombré  «a  crayon 
du  bassin  du  Rhin;  enfin  l'école  de  filles  Saint-Jean,  de  Saint -Quentin, 
arec  une  quantité  de  cahiers  de  promenades  géographiques.  Q  y  a 
aussi  l'école  primaire  supérieure  de  garçons  de  Haubourdin  arec  une 
carte  hypsométrique  du  Nord.  Réparons  ici,  en  passant,  un  oubli  dans 
les  écoles  primaires  :  c'est  Ervillers,  arec  des  carnets  manuscrits  de 
l'élève  1.  Gaillard  sur  l'hydrographie  de  la  France,  trarail  vraiment 
digne  d'encouragement  ;  puis  l'école  d'Arleux,  arec  ou  atlas  du  can- 
ton. On  ne  saurait  oublier  non  plus  la  collection  géologique  (musée 
scolaire)  du  Nord,  par  M.  Ladriére,  Instituteur  à  Lille,  et  la  collec- 
tion, pour  musée  scolaire  également,  de  M.  Harlem,  instituteur  à  Haut- 
mont. 

Les  études  spéciales  topographiques,  au  point  de  vue  pédagogique, 
étaient  représentées  par  les  travaux  des  élèves  desLLottin  (Société  de 
topographie  de  Paris)  et  par  les  dessins  graphiques  d'arpentage  des 
élèves  de  M.  Maleyre,  enfants  de  9  à  12  ans.  Dans  le  même  ordre 
d'idées,  l'école  de  Nourion-et-CSatillon  a  présenté  des  leçons  de  topo- 
graphie écrites  en  devoirs. 

À  Douai,  comme  à  Bar-le-Dnc,  nous  trouvons  les  belles  cartes  à  la 
plume,  vraiment  hors  de  pair,  de  M.  Thuilier,  auxquelles  la  S*  com- 
mission de  Jury  de  Bar  a  rendu  pleine  et  entière  Justice.  St  entre 
autres  travaux  soumis  à  cette  même  commission  et  que  Je  n'ai  pas 
encore  cités,  Je  signalerai  avec  elle  les  ouvrages  (■)  si  approfondis  de 
Xavier  Thiriat,  ce  merveilleux  travailleur,  paralysé  dès  l'âge  de  10  ans 
en  sauvant  une  Jeune  fille  qui  se  noyait  dans  un  torrent;  —  le  cours 
de  topographie  et  les  belles  cartes  du  capitaine  Dennery  ;  —  l'atlas  delà 
Meuse  de  Gayet  (Julien),  remarquablement  complet;  — les  ouvrages  (*) 
et  les  cartes  (*)  de  M.  Mager,  si  bien  secondé  dans  l'exécution  de  celles- 
ci  par  son  éditeur,  lf.  Gh.  Bayle;  —  enfin,  la  carte  par  teintes  hypso- 
métriques,  si  légères  et  si  nettes,  de  la  Haute-Marne,  par  M.  ftnfllemin, 
instituteur  a  Damrémont,  qui  s'est  révélé  là  comme  géographe  et  comme 
dessinateur,  comme  le  dit  la  3*  commission. 

à  Douai  comme  A  Bar,  nous  trouvons  également  la  Société  des  tou- 
ristes du  Dauphiné  :  ici,  avec  les  photographies  des  Alpes  de  MIL  Bayard, 
Charbonnier,  Moisson,  etc.,  et  celles  de  Norvège  de  M.  .G.  Rabot;  là, 
exclusivement  avec  celles  de  IL  Bayard. 


(')  La  Gommtgsion  dit  que  ees  ouvrages  embrassent  également  l'histoire,  U  géo- 
logie, U.  botanique,  U  météorologie,  1»  littérature. 

(*)  Ces  ouvrages  traitent  notamment  de  la  prononciation  do  nome  géographiques. 
Hou*  avons  fait  quelques  réservée  à  oe  sujet  à  l'auteur  lui-même. 

C)  Nous  ne  comprenons  guère  non  plus  que  l'édition  a  bon  marché  de  an- carte  do 
Tonkin  soit  si  inférieure  comme  exactitude  à  l'édition  de  pris;  ee  n'est  pas  faixeé* 
bonne  vulgarisation. 


EXPOSITIONS   GÉOGRAPHIQUES.  745 

Si,  à  Douai,  nous  trouvons  les  photographies  prises  dans  les  nuages 
par  M.  Paul  Desmarest  (*),  —les  belles  photographies  des  Pyrénées  de 
M.  Clément  Sipière,  de  Toulouse,  —  la  pendule  cosmographique  de 
M.  Mouret,  —  le  baromètre  enregistreur  de  M.  Redier,  l'hygromètre 
de  M.  Delesaert  ('),  —  les  aquarelles  si  finement  exécutées  de  M.  Dé- 
comble  et  du  commandant  Blanchot  donnant  les  principaux  sites  des 
Pyrénées,  —  du  commandant  Bianchot  encore,  un  panorama  des 
Pyrénées  ariégeoises  et  la  carte  topographique  de  l'itinéraire  d'Andorre- 
la- Vieille  à  l'Hospitalet,  et  tout  cela  exposé  par  la  Société  de  Toulouse, 
—  enfin,  entre  diverses  collections,  celles  d'anciens  livres  et  cartes  de 
M.  Crépin,  de  Douai;  —  par  contre,  nous  trouvons  à  Bar-le-Duc  :  les 
belles  et  fines  eaux-fortes,  petits  chefs-d'œuvre  du  genre,  de  M.  Ko- 
narsky,  donnant  des  vues  de  la  ville  de  Bar-le-Duc,  —  la  riche  et 
curieuse  collection  d'objets  de  Chine,  exposée  dans  une  vitriue  qui 
a  fait  le  grand  attrait  de  l'exposition  (3)  et  appartenant  à  M.  Yériot,—-  la 
collection  d'objets  de  l'Inde  de  M.  Dubreuil,  —  la  collection  des  objets 
rapportés  de  l'Amérique  du  Sud  par  le  Dr  CreYaux  et  qu'il  a  laissée 
au  secrétaire  général  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est,  —  les 
diverses  collections  de  MM.  Tranchant  {*)  et  Lardenois  ('),  —  les  pho- 
tographies du  Spitzberg  de  Nordenskjôld,  exposées  par  MM.  Magnien  et 
Péraux,  —  la  collection  des  cartes  anciennes  de  M.  Jomard,  ^quelques 
cartes  murales  de  météorologie  et  de  statistique  médicale,  faites  pour 
la  Faculté  de  médecine  de  Nancy,  et  sans  grande  valeur  particulière, 
si  ce  n'est  une  carte  géologique  de  France,  si  ce  n'est  comme  véhi- 
cule pédagogique,  —  enfin  l'ouvrage  important  du  commandant  Bureau 
et  l'Atlas  historique  de  M.  Josse,  gigantesque  compilation  d'amateur 
intelligent,  mais  sans  portée  pour  la  vulgarisation,  parce  qu'il  est  sans 
publication  possible. 

Ce  qui  a  donoé  l'éclat  le  plus  justifié  à  l'exposition  de  Bar-le-Duc, 
ce  que  Douai  peut,  lui  envier,  malgré  la  plus  grande  importance  de 
ses  travaux,  c'est,  sans  contredit,  l'exposition  de  M.  Maxe-Werly.  Ici, 
pour  être  complètement  vrai,  il  faudrait  citer  tout  au  long  le  rap- 
port de  la  2e  commission;  j'en  extrairai  seulement  ces  deux  passages  : 
«  Les  travaux  par  lui  exposés  en  dehors  des  collections  qu'il  a  for- 

«  mées sont  son  œuvre  personnelle;  plus  qu'aucun  de  tous  ses 

«  rivaux  il  l'a  créée  de  toutes  pièces,  car  ce  n'est,  à  coup  sur,  ni 
•  dans  les  cartons  du  cadastre,  ni  dans  ceux  de  r  état-major,  ni  dans 

(■)  A  1,300  mètres  de  hauteur.  Vue  des  méandres  de  la  Seine,  de  Rouen  4  Quille- 
beuf. 

(*)  Basé  surles  propriété*  d'une  mouise,  la  Jfanaria  hygrometrica. 
(3)  Bile  a  été  arrangée  avec  le  plus  grand  goût  par  M.  Konarsky. 
(*)  Principalement  provenant  des  pays  caftes. 
\*)  Objets  rapportés  des  Indes  et  de  la  Coohincblne. 


746  ACTK8  DB  LA  SOCIÉTÉ. 

«  les  histoires  de  Tilles  ou  dé  prorince*  antérieurement  publiées, 
«  qu'il  a  pu  trouver  les  éléments  fondamentaux  de  ses  cartes  et  des 
«  monographies  dont  elles  sont,  pour  la  plupart,  ou  la  préparation,  ou 

■  le  complément.  C'est  aux  sources  originaires  qu'il  a  du  puiser,  c'est 
t  aux  entrailles  même  du  sol  qu'il  a  dû  s'adresser  bien  souvent.  C'est 
«  le  géographe  de  la  Meuse  antique  et  de  la  Meuse  du  moyen  âge  qu'il 

•  fait  revivre  aujourd'hui. 

•  . . .  L'exposition  de  M.  Maxe-Werly  est  celle  d'un  savant  1  Elle  est 
«  de  plus  l'exposition  d'un. patriote  qui,  depuis  vingt  années,  travaille 

•  à  l'histoire  de  son  pars  natal,  et  trouve  encore  le  temps  d'entasser 
«  chaque  jour  de  nouveaux  documents  pour  ceux  qui  viendront  après 

■  lui !. ».  • 

Rien  de  plus  vrai,  je  l'ai  dit,  rien  de  plus  mérité  par  conséquent, 
que  ce  jugement,  et  nous  souhaitons  voir,  dans  les  expositions  futures, 
des  travaux  de  cet  ordre  ajouter  une  valeur  inestimable  et  une  origi- 
nalité sans  précédent  i  ce  qu'elles  ont  de  commun  entre  elles,  i  ce 
qui  fait  leur  fonds  et  leur  raison  d'être  :  les  travaux  de  l'enseignement 
géographique. 

Comme  contrepoids,  et  sans  songer  un  seul  instant  à  établir  un 
parallèle  entre  des  choses  si  dissemblables  et  si  disproportionnées, 
Douai  avait  en  large  mesure  la  coopération  des  ministères  de  la  guerre, 
de  l'intérieur,  de  la  marine  et  des  travaux  publics  qui  avaient  envové, 
avec  une  inégale  importance,  les  travaux  cartographiques  exécutés 
sous  leurs  directions  respectives.  Cette  partie  de  l'exposition  doit  faire 
l'objet  d'un  rapport  spécial  (*)  qui  s'étendra  non  seulement  aux  spéd- 
mens  qui  ont  figuré  à  l'exposition  de  Douai,  mais  encore  à  l'ensemble 
des  publications  de  chacun  des  ministères.  Là  sera  certainement  la 
partie  la  plus  difficile,  la  plus  osée  de  toutes  les  tâches  qui,  en  si 
peu  de  jours,  me  sont  incombées. 

En  résumé,  quoi  qu'on  puisse  penser  de  ces  deux  expositions,  elles 
ont  été  sans  conteste  eu  voie  ascendante  sur  les  précédentes,  et  l'en- 
seignement public  y  a  trouvé  de  vigoureux,  de  nombreux  encourage- 
ments. Elles  ont  marqué  les  progrès  réalisés  sur  le  passé  et  donné  le 
gage  de  ceux  qui  l'attendent  dans  l'avenir.  J.  V.  B. 


(l)  La  publication  de  ee  rapport  commencera  dan*  le  1"  Bulletin  de  1884  et  eer» 
auirie  d'un  compte  rendu  de»  travaux  du  congres  de  Douai. 


Le  Gérant  responsable, 
J.  Y.  Bajuubr. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


TEXTE. 

1er  ET  2«  TRIMESTRES. 

Pages. 

1°  Études  de  géologie  militaire  :  Les  Alpes  françaises  (fin),  par 

Ch.  Clerc 1 

2°  Géographie  comparée  :  Remarques  de  géographie  physique  faites 
durant  un  voyage  de  circumnavigation  autour  de  l'Amérique  du 

Sud  {suite),  traduit  de  l'anglais,  par  C.  Millot .        24 

3*  Géographie  militante  :  Explorations  :  Voyage  au  Zambése  [suite), 

par  P.  Gctot 41 

4°  Géographie  régionale  :  Excursion  de  Nancy  au  mont  SainUMichel 

prés  de  Toul,  par  E.  Olrt,  instituteur  à  Allain G4 

5°  Géographie  générale  :  Bornéo,  par  H.  Gh.  Antoine,  lieutenant  de 

vaisseau  {suite) 84 

De  l'Atlantique  au  Niger  par  le  Foutah-Djallon,  par  Aimé  Ollivier, 

vicomte  de  Sanderval,  1879*1880 0*2 

G°  Géographie  coloniale  :  La  Nouvelle-Calédonie,  par  M.  Ch.  Lehibb.       101 

La  situation  au  Congo 118 

7°  M iscel lunées  :  L'Ile  de  Cap-BMon,  par  M.  John-George  Boukinot, 

d'Ottawa 120 

Le  commerce  du  Chili. 1 30 

Les  ressources  naturelles  des  rampas  argentines 132 

Formation  houillère  du  Tong-King 132 

Comment  Ton  voyageait,  en  France,  au  siècle  dernier,  par  M.  A. 

FooaniKA 134 

Quels  sont  les  vrais  découvreurs  du  Sénégal.   . 141 

M.  Stanley 144 

Une  expédition  scientifique  bambourgeoise  dans  les  régions  équato- 

riales  de  l'Afrique  orientale,  par  M.  Weissardt 145 

La  guerre  aux  isthmes 149 

Les  voyageurs  inconnus  :  On  Vosgien  tabou  à  Nouka-Hiva  {suite).  .  1 59 
Nouvelles  géographiques:  France:  Le  méridien  initial  international. 
Le  monument  Flatters  a  Paris.  Côtes  de  France.  —  Colonies:  Al- 
gerie.  L'inondation  des  chotts.  L'idiome  berbère.  Le  monument 
Flatters  en  Afrique.  Nouvelles  du  Sénégal.  —  Cochinchine.  -* 
Europe  :  Départ  de  NordenskjOld  pour  le  Groenland.  —  Afrique: 
La  mission  Révoil.  La  mission  de  Brazza,  Le  canal  de  Suez.  Les 


748  TABLE  DES  MATIERES. 

sources  da  Niger,  -te  cap  Jnby.  —  Amérique  :  Nouvelles  de  la  Pages, 
mission  Crevaux.  Une  nouvelle  capitale.  —  Pôle  nord  :  Stations 
météorologiques  polaires.  L'expédition  danoise  au  pôle  nord.  Ré- 
sultats géographiques  de  l'expédition  de  la  Jeannette.  —  Le 

Spitzberg.  —  Nouvelles  diverses 160 

Europe:  Statistique  des  Sociétés  de  géographie.  Monument  Bé- 
ringer.  Institut  national  belge  de  géographie.  Sondages  dans  l'At- 
lantique. L'abbé  Vetitot.  Groenland.  Musée  commercial.  —Asie: 
Exploration  dans  l'Inde.  Exploration  de  l'Amou-Daria.  Nouvelles 
routes  en  Perse.  Études  topographiques  en  Asie-Mineure.  —  Afri- 
que :  Nouvelles  des  explorateurs.  M.  de  Brazza  au  Congo.  Décou- 
verte des  sources  du  Bénoué.  Frontières  de  Sierra-Leona  an  Rio- 
Nunez.  —  Amérique:  Les  restes  du  docteur  Crevaux.  A  la  re- 
cherche de  Crevaux.  Le  passage  de  Bariloche 253 

Bibliographie 177  et  262 

Cartographie 262 

Actes  de  la  Société  :  Société-Mère  :  Compte  rendu  du  Congrès  de 

Bordeaux  {fin) 178 

Section  vosgienne:  assemblée  générale  du  28  janvier  1883.   ...       193 
Section  meusienne  :  assemblée  générale  du  21  janvier  1883.  ...      194 

Nécrologie  :  M.  H.  VARROY 202 

Divers 207et263 

Erratum,  rectification  et  omissions 207 

Liste  générale  des  Membres  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est  : 

1°  Société-Mère 208 

2°  Section  vosgienne 233 

3°  Section  meusienne 240 

4°  Sociétés  et  publications  correspondantes 246 

Album  de  la  Société 264 

3«  TRIMESTRE. 

1°  Géographie  militante  :  Explorations:  Mission  scientifique  â  Lucon 
Mindanao,  Souiou  et  Bornéo,  conférence  de  M.  le  Dr  Montano.  .      265 

Voyage  au  Zambèse,  par  P.  Gutot  (suite) 288 

Mission  scientifique  en  Algérie  et  au  Maroc,  par  M.  René  Basset, 
professeur  de  littérature  arabe  à  l'École  supérieure  des  lettres 

d'Alger 303 

2*  Géographie  médicale  :  Climatologie,  conférence  de  M.  le  Dr  Mae- 

cral 327 

3°  Géographie  commerciale  :  Le  Bulletin  consulaire  français .  .   .       341 
4°  Géographie  régionale  :  Excursion  de  Nancy  au  mont  Saint-Michel, 
par  E.  Oult  [fin) ^ 34à 


TABLE  DES  MATIÈRES.  749, 

5°  Géographie  physique  :  Le  Pôle  magnétique,  par  M.  Tb.  E.  Slkvm,  ***<*• 

de  la  Société  de  géographie  du  Pacifique 360 

La  lune  influe-4-elle  sur  le  temps  ?  par  C.  Miilot 372 

6*  Études  de  géologie  militaire  :  Le  Jura,  par  Gh.  Clerc,  capitaine 

au  139e  régiment  d'infanterie 380 

7°  Géographie  mathématique  :  De  l'Emploi  de  la  projection  conique 
dans  un  atlas  systématique  uniprojectionnel,  communication  de       / 

M.  J.  V.  Bakbiib 396 

8°  Géographie  économique  :  Étude  sur  la  question  de  la  mer  inté- 
rieure en  Algérie 407 

9°  Géographie  coloniale  :  La  Nouvelle-Calédonie  (suite) 430 

Indo-Cbine,  Cochinchine,  par  M.  Gh.  Lkmibk 440 

10°  Géographie  générale  :  Les  Voyageurs  inconnus:  Un  Yosgien  ta- 
bou à  Nouka-Hiva  (suite) 451 

Les  Iles  de  TOcéanie  :  Géographie,  productions  naturelles,  races  hu- 
maines, par  M.  Henri  Jouan,  capitaine  de  vaisseau  en  retraite.  .      466 
Miscellanées  :  Les  Français  sur  la  côte  orientale  d'Afrique.  Oboek,  le 

Choa  et  l'Àbyssinie 474 

La  langue  française  au  Japon 482 

Décision  ministérielle  du  29  avril  1883  concernant  l'École  de  dessin 
créée  au  service  spécial  de  la  géographie  (Dépôt  de  la  guerre).  .      483 

Le  Rhône 485 

Commerce  de  la  France  avec  la  Chine 486 

Profondeur  des  mers 486 

L'Accroissement  de  la  population  nègre  aux  États-Unis 487 

Le  Premier  Méridien  et  la  fixation  de  l'heure 487 

Les  Volcans  du  globe 488 

Notice  sur  le  thé  de  l'Inde 490 

Le  Territoire  français  et  ses  voies  navigables 497 

Notes  sur  l'expédition  de  Madagascar,  par  Bonaparte;  premier  Consul 

(document  communiqué  par  P.  Gotot) 499 

Expédition  arctique  du  Varna 500 

Un  Canal  maritime  en  Palestine 501 

Nouvelles  géographiques  :  Colonie*  françaises  :  Nouvelle-Calédonie. 

Limite  des  possessions  françaises  en  Sénégambie 503 

Europe:  Le  tunnel  de  l'Arlberg.  Angleterre  et  Portugal.  Canal  entre 
la  Méditerranée  et  l'Océan.  Nouvelles  du  Talisman.  Congrès  géo- 
désique.  —  Asie:  Le  lac  Balkasch.  Ascensions  dans  l'Himalaya.  — 
Afrique:  Exploration  au  Niger.  Une  ambassade  africaine  en  France. 
Côte  occidentale  d'Afrique.  Les  compagnons  de  La  Pérouse.  Les 
Espagnols  au  Maroc.  M.  Revoil.  Au  Congo.  M.  Revoil  dans  l'Afrique 
orientale.  Les  Français  au  Congo.  —  Amérique  :  Nouvelles  mines 


750  TABLE  DES  MATIÈRES» 


r 


d'or.  La  lanr;,e  française  au  Canada.  Le  port  de  la  Yen-Cru.  lus-  r**^ 
titat  géographique  argentin.  Le  désert  d'Ataeama.  Les  restes  de  la 
mission  Crevaux.  —  Pôle  nord:  Expédition  polaire.  La  mer  Kor- 
/lenskjAld.  L'Allemagne  et  le  Pôle  nord.  L'expédition  Nordeaskjold. 

Station  polaire  américaine 505 

Bibliographie 518 

Nouvelles  diverses 523 

Actes  de  la  Société  :  Inauguration  de  l'exposition  de  la  Société  de 

géographie  à  Bar-le-Duc,  par  L.  de  M 524 

Association  pour  l'avancement  des  sciences,  congrès  de  Bonen,  du 
16  au  23  août  1883 .       S3S 


• 


4*  TRIMESTRE. 

1°  Géographie  militante  :  Explorations  :  Voyage  an  Zambèse  {suite).  541 

Mission  scientifique  en  Algérie  et  au  Maroc  (suite) 5SS 

2°  Études  de  géologie  militaire  :  Le  Jura  (suite) 567 

3*  Météorologie  :  Etude  sur  l'origine  des  ouragans,  par  H.  Vichot, 

lieutenant  de  vaisseau. 600 

4°  Géographie  médicale  :  Climatologie,  conférence  de  M.  le  D'  Maa- 

cekl  {fin) $12 

5°  Géographie  pédagogique  :  Étude  sur  renseignement  géographique 

en  Angleterre,  par  M.  Géraidin,  instituteur 635 

6*  Géographie  historique  :  Documents  géographiques  sur  l'Afrique 
septentrionale,  traduits  de  Parabe,  par  René  Basset,  professeur  4 

l'École  supérieure  des  lettres  d'Alger 63 1 

La  Méditerranée  des  Anciens  (fin) 655 

7°  Géographie  mathématique  :  De  l'Emploi  de  la  projection  conique 

dans  un  atlas  systématique  uniprojectionnel  (fin) 661 

8°  Géographie  générale  :  Les  lies  de  TOcéanie  :  Géographie,  produc- 
tions naturelles,  races  humaines  («*i/c) 668 

9°  Note  sur  les  questions  de  Géographie  coloniale .-  681 

Miscellanées  :  Lorraine 682 

Vile  d'Anticosti 683 

État  général  de  l'Algérie 684 

Les  Colonies  françaises 686 

Épisode  de  la  campagne  du  Soudan 688 

La  Télégraphie  en  Chine -.  690 

Encore  la  mer  intérieure  en  Algérie 690 

La  Superficie  des  mers 694 

Le  Canal  de  Panama 69» 

Nouvelles  géographiques  :  France  :  La  houille  dans  Meurthe-et-Mo- 
selle. Anthropologie.  Météorologie.  Expédition  scientifique  du  Ta- 


TABLE    DES   MATIÈRES.  751 

lisman.  Les  deux  globes  de  Jean  I/Hoste  à  la  bibliothèque  de  *&*<* 
l'Institut.  —  Colonies  françaises  :  Population  des  colonies  fran- 
çaises. Les  Français  au  Canada.  Les  Français  à  Pernamboue.  Le 
docteur  fiayol  dans  le  Soudan.  Congo.  Télégraphe  sous-marin. 
Nouvelle-Calédonie.  —  Europe  :  L'heure  universelle.  L'expédition 
Nordenskjftld.  Russie.  Portugal.  —  Asie  :  Le  canal  maritime  en 
Palestine.  —  Afrique  :  Afrique  orientale.  —  M.  Stanley  au  Congo 
—  Amérique:  Découverte  d'un  nouveau  fleuve  dans  l'Alaska.  Re- 
censement de  1881  au  Canada.  Le  canal  maritime  de  la  Floride. 
L'expédition  Crevaux.  —  Océanie:  Modifications  apportées  aux  ri- 
vages du  détroit  de  la  Sonde  par  le  tremblement  de  terre  de  Ba- 
tavia. Missions  scientifiques 696 

Correspondance 716 

Bibliographie 722 

Cartographie ^  .      727 

Nécrologie 728 

Actes  de  la  Société  :  Rapport  de  M.  J.  Y.  Barbier,  président  du  Jury 

de  l'exposition  géographique  de  Bar-le-Duc 731 

Coup  d'oeil  d'ensemble  sur  les  expositions  géographiques  de  Douai  et 
de  Bar-le-Duc  et  résumé  des  travaux  des  commissions  du  Jury  de 
cette  dernière 739 

CARTES. 

1*  et  2e  trimestres:  1«  Voyage  au  Zambèse  (2e  feuille).  —  29  Étude  de 
géographie  régionale.  —  3°  Carte  d'assemblage  des  feuilles  de  l'état-major. 

3e  trimestre:  1°  Mouvement  du  pôle  magnétique.  —  2°  Itinéraires  du 
Dr  Montano.  —  3°  Carte  des  climats.  —  4°  Croquis  géométriques  de  l'Atlas 
aniprojectionnel.  —  5°  Croquis  comparatifs  de  diverses  grandes  lies. 

4e  trimestre  :  1°  et  2°  Croquis  sur  la  marche  des  ouragans.  —  3°  Carte 
du  détroit  de  la  Sonde  avant  et  après  le  cataclysme  des  11  et  12  août 
1383.  —  5°  et  6»  Gravures  extraites  des  voyages  de  Tavernier  au  Tunquin 
fTong-king). 


N.  B.  Voir  à  te  p«ffe  suivante  le  post-seriptuui 


POST-SCRIPTUM 


Des  nouvelles  récentes  du  jeune  et  courageux  voya- 
geur, M.  Thouar,  nous  apprennent  qu'il  aurait  recueilli, 
parmi  les  épaves  de  la  mission  Crevaux,  le  crâne  de  notre 
cher  compatriote.  Malheureusement,  cette  bonne  nouvelle 
a  été  démentie  au  dernier  moment.  Cert36,  b'U  eût  été 
possible  à  la  Société  d'obtenir  cette  précieuse  relique,  il 
n'est  pas  d'efforts  qu'elle  n'eût  tentés  pour  y  parvenir  et 
pour  lui  donner,  peut-être  môme  dans  le  socle  du  monu- 
ment qui  va  lui  être  érigé,  une  hospitalité  digne  de  la  mé- 
moire du  vaillant  explorateur  qui  fut  notre  ami. 

J.  V.  B. 

Nous  apprenons,  au  moment  de  mettre  sous  presse,  que 
notre  cher  collègue,  M.  Bonnabelle,  secrétaire  de  la  Sec- 
tion meusienne,  vient  d'être  nommé  officier  d'académie, 
conformément  au  vœu  émis  par  le  jury  de  l'Exposition  de 
Bar-le-Duc. 

C'est  avec  la  plus  vive  satisfaction  que  nous  enregis- 
trons cette  boune  nouvelle,  car,  s'il  se  trouve  quelque 
part  d'aus6i  méritants,  nul  n'a  jamais  été  plus  digne  de 
cette  récompense  que  notre  dévoué  et  sympathique  colla- 
borateur. Gela,  tous  le  savent  et  tous,  nous  en  sommes 
convaincus,  joindront  leurs  félicitations  aux  nôtres. 

J.  V.  B. 


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