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Full text of "Bulletin biologique de la France et de la Belgique"

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BULLETIN BIOLOGIQUE 
DE LA FRANCE ET DE LA BELGIQUE 


TOME LVI 


1922 


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L BARINGHEN (Paris). 

Ge: BON (Paris). , 

Dore ten CAULLERY ee 
PAU JULIN (Liège). 


ULLETIN BIOLOGIQUE 


DE LA FRANCE 
ET DE LA BELGIQUE 


FONDÉ PAR 


ALFRED GIARD. 


Tome LVI 


PARIS 
Laboratoire d’Evolution des Étres organisés, 3, rue d'Ulm 
Léon LHOMME, rue Corneille, 3. 
LONDRES 
DULAU & Ce, 34-36 Margaret str. Cavendish sq, 


TABLE 


BUGNION (E tudes relatives à l'anatomie et à l'embryo- 
logie dés Vers luisants ou Lampyrides (avec 36 figures dans le 
texte) . ‘ 

CADET (L ).— HO on de Curtilla TER (Orth. des 
lidæ) (avec 1 figure dans le texte) 1 

DER VILLE (H.). — Note sur léclosion je Tétri icines (OLD. 
locustidæ) . PR 

FAUREÉ-FRÉMIET (E.). — te Ne ñe croissance ge one 
‘de Vorticellides (avec 14 figures dans le texte) SANT AUTRE 

GRASSÉ (P.-P.).— Etude biologique sur le Criquet égyptien 
{avec 7 figures dans le texte) . CHAR ER C PUERT LE. QE AA EUR 

HOVASSE (R}). — Contribution à l'étude des chromosomes 
20 f figures et 2 planches). ; . 

PÉREZ (Cn.). — Observations sur la A dE cr tas 
d'un Scyphistome (3 4 figures dans le texte) 


PICARD (F.). — Contribution à l'étude des parasites “ 7 
brassiccæ . ee a se US RER AP ON AE GA EE 
RABAUD (Er ). — Le contraste entre le régime alimentaire des 


adultes et celui des larves chez divers Insectes. 

ROMIEU (Marc). — Observations histologiques, no ohnioues 
et spectroscopiques sur le pigment vert du nr (avec la 
planche V et 1 figure dans le texte) 

ROUBAUD (E.). — Etude sur le sommeil d' Éiye pré- Ac al 
des Muscides (avec 5 figures dans le texte et 1 planche). TE 

WINTREBERT (P.) — La voûte palatine des Salamandridæ 
(avec 33 figures dans le texte et 1 planche) PR Te 

CERN DISONS 0) ie A ME NE ER A TI ER OS ES 454 et 


Pages 


Le tome LVI a été publié en 4+ fascicules 


sortis des presses aux dates ci-après : 


Fascicure 1 (pages 1 à 139), 15 avril 1922. 

Fascrcure 2 (pages 141 à 274), 4er juin 1922. 
FascicuLe 3 (pages 275 à 454), 30 septembre 1922, 
Fasciaue 4 (pages 455 à 597), le 10 décembre 1922. 


À SDS PETER EEE 1 


E. BUGNION 


ÉTUDES RELATIVES A 


L’ANATOMIE ET A L'EMBRYOLOGIE 


DES VERS LUISANTS OÙ LAMP YRIDES 


ANATOMIE 


Les Lampyrides ont, au point de vue de la structure anato- 
mique, quelques particularités qui leur sont propres et qui, 
par là-même, méritent de retenir notre attention. 

IL. — Il y a tout d'abord les mandibules canaliculées des 
larves et, d'une manière générale, la disposition des pièces 
buccales. 

Vivant aux dépens de petits Escargots et de Limaces, les 
larves des Lampyrides ont des mandibules très acérées, cour- 
bées en forme de faucilles, traversées par un canal. 

Enfonçant ses deux crocs dans la chair de sa victime, la 
petite ogresse instille sous la peau de celle-ci un liquide bru- 
nâtre qui, sécrété par l'estomac, est tout à la fois toxique, stu- 
péfiant et digestif. 

L'Escargot qui a reçu cette injection est non seulement tué 
par l’action de ce virus, mais encore partiellement digéré et 
transformé bientôt en un bouillon semi liquide. 

Destiné à l'alimentation de notre larve, ce « bouillon nutritif » 
est absorbé par elle au moyen d’une bouche garnie de poils, 
s'imbibant par capillarité, et surtout par l’action d'un pharynx 
bivalve, qui pourvu de muscles dilatateurs et constricteurs, 
remplit les fonctions d’une pompe aspirante. 

[IL y a done chez ces larves trois appareils à distinguer : 

1° les mandibules canaliculées, exclusivement destinées à 
l'injection du virus ; 

2% Ja bouche garnie de poils destinée à l'absorption de l'ali- 
ment liquide : 


F2 £. BUGNION 


3° le pharynx bivalve qui, actionné par les muscles, est 
l'agent principal de la succion ('). 

Découvert par Menerr (1886) chez la larve du Lampyre noc- 
tiluque, entrevu par Fasre (1909) chez celle du même insecte, 
décrit plus exactement par R. Vocez (1912-1915) et K. Happon 


Fig. 1. — Phausis Delarouseei. — Tête de la larve. Vue dorsale. X 50 (P). 

Les maxilles et le labium ont été enlevés. La langue (bifide dans cette 
espèce), les houppes (paraglosses ?) et le pharynx se voient vaguement par 
transparence. Le rôle des organes velus désignés sous le nom de houppes 
est vraisemblablement de filtrer le liquide toxique (refoulé par le gésier) 
au moment où il pénèlre dans les canaux des mandibules (?) 


(!) Les larves des Fourmis-lions et des Dytiques, qui ont, elles aussi, des man- 
dibules traversées par un canal, différent de celles des Lampyrides, en ce que 
les canaux mandibulaires servent successivement aux deux usages : l'injection 
du virus et l’absorption de l'aliment. 

() Les figures marquées (P) à la suite de l'explication ont été copiées à l'encre 
de Chine, d’après les originaux de l'auteur, par L. Planet, dessinateur à Saint- 
Cloud ; les figures marquées (B) sont entièrement de la main de l’auteur, 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES-VERS LUISANTS ë 


(1915), cet appareil complexe se retrouve presque identique 
(d’après mes observations) chez la larve du Phausis Delarouzeei 
Duval (observée à Aix-en-Provence), chez celle du Pelania 
mauritanica L. (capturée aux Baux, reçue également de Mas- 


, 
Fig. 2. — Phausis Delarouseer. Tête de la larve. Vue ventrale. 


X 48 (P). 


cara par l'aimable entremise du D' A. Cros), chez celle du 
grand Lampyre de Ceylan, Lamprophorus tenebrosus Walker 
(rapportée de Peradenyia) et chez celle de Luciola lusitanica 
Charp. (capturée à Grasse Le 16 avril 1917 par Mme Bucniow- 
LaGouarDE, reçue en nombre de Menton en avril 1921, par 
l’obligeante entremise de R. PouriErs, directeur de l’Insecta- 
rium de la Station agricole). 

Les croquis ci-joints (fig. 1-3), empruntés à la larve du Ver 


4 E. BUGNION 


luisant provençal, donneront au lecteur une idée approximative 
de la tête de cet insecte et plus spécialement de son appareil 
buccal si intéressant à tous égards. La figure 4 (coupe sagittale 


Fig. 3. — Phausis Delarouzeei, larve. — La mandibule droite, avec le 
labre, les houppes, la langue et le pharynx. X 68 (P). 


On voit par transparence, à la face profonde du labre, les sillons (formés 
par les lames ciliées) destinés à déverser le liquide Loxique dans les reces- 
sus latéraux de la fente buccale. 


de la tête de la larve de Pelania) fait voir d'autre part la posi- 
tion du pharynx et des faisceaux musculaires qui en dépendent. 

IL. — Une deuxième particularité des Lampyrides est que, au 
lieu d’être placés à l'intérieur de la tête, les ganglions céré- 
broïides et sous-æsophagiens se trouvent chez la larve, en arrière 
de celle-ci. L'anneau nerveux formé par lesdits ganglions et 


ANATOMIE EL EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 6] 


Fig. 4. — Pelania mauritanica. — Larve de 35 millimètres. 
Coupe sagittale de la tête. X 50 (P). 


4 langue, 2 labre avec les lames ciliées, 3 dilatateur supérieur du 
pharynx faisceaux antérieurs), #4 emplacement du ganglion frontal, 5 dila- 
tateur supérieur (faisceaux postérieurs), 6 bord postérieur de la tête, 7 
emplacement des ganglions cérébroïdes, 8 palpe labial, 9 palpigère du 
labium, 10 dilatateur inférieur, 12 œsophage, 


6 E. BUGNION 


Fig. 5. — Phausis Delarouzeri. — La 
tête de la larve, avec l’œsophage, le 
gésier, les ganglions cérébroïdes, sous- 
œsophagiens, pro et mésothoraci- 


ques. X 16 (P). 


par les connectifs qui les 
unissent (traversé comme 
toujours par l’œsophage) se 
voit, lorsqu'on dissèque, 
dans la région comprise en- 
tre la tête et le thorax ou 
même, le plus souvent, à 
l'intérieur du prothorax. 

La figure 5, empruntée 
à la larve du Ver luisant 
provençal, est à cet égard 
suffisamment  démonstra- 
tive. 

La cause de cette anoma- 
lie peut être indiquée sans 


trop de peine. L'appareil 


de succion exigeant une 
musculature très dévelop- 
pée, le cerveau a reculé en 
arrière de la capsule cépha- 
lique, afin que les dilata- 
teurs du pharynx puissent 
prendre des insertions plus 
étendues. La coupe dessi- 
née ci-dessus (fig. 4) mon- 
tre, à l'appui de cette ma- 
nière de voir, les dilatateurs 
supérieurs attachés non seu- 
lement à la partie de la 
capsule qui représente le 
clypeus, mais sur toute la 
longueur de la lame sus-cé- 
phalique (dessinée fig. 1), 
soit, en d’autres termes, sur 
toute la partie de la capsule 
comprise entre le labre et 
le trou occipital. L'espace 
vide, visible sur notre 
coupe en arrière de la tête, 


1 


L] 
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 
4 
était chez l'insecte vivant, occupé par les ganglions cérébroï- 
des. La figure 32, empruntée à un Lampyre nouveau-né, est 


à cet égard, plus explicite. 


Fig. 6. — Phausis Delarouseei, larve. — Le système respiratoire pré- 
paré sous l’eau salée, avec la chaîne ganglionnaire, le tube digestif, les 
organes lobulés et les quatre organes lumineux larvaires. X 7 1/2 (P). 


HE. — Le tube digestif de la larve (fig. 6 et 7) mérite lui 
aussi, de retenir notre attention. L'œsophage, filiforme. de cali- 
bre égal, offre, lorsque la tête est rétractée (rentrée à l’intérieur 


E: 


/ 


BUGNION 


ablement femelle, eaplurée aux Baux dans la Provence, 


Pelania mauritanica. — Larve de 39 millimètres, prob 
Le tube digestif avec l’une des anses malpighiennes, la chaine gan 


me 


Fig.7. 


lionnaire et les organes lobulés. X 4 (P). 


[bx 
D 


du thorax), une sinuo- 
sité bien accusée. 

Le gésier, qui lui fait 
suite, est un organe 
ovoiïde, de couleur 
blanchâtre,  caracté- 
risé surtout par ses 
parois très musculeu- 
ses. Spécialement des- 
tiné à refouler dans 
les canaux mandibu- 
laires la liqueur toxi- 
que sécrétée par l’es- 
tomac, il peut se 
distendre et se con- 
tracter tour à tour, 
comme une poire de 
caoutchouc. L’aspira- 
tion du liquide ren- 
fermé dans l’estomac 
se produit naturelle- 
ment au moment où 
la paroi est distendue, 
tandis que le refoule- 
ment vers la cavité 
buccale s'effectue au 
moment où la paroi 
se contracte. Le gésier 
du Lampyre noctilu- 
que ayant été étudié 
par Vocez (1915), Je 
ne le décris pas à nou- 
veau. 

L'estomac de cou- 
leur jaunâtre, recour- 
bé en forme de cor- 
nue, relativement vo- 
lumineux, présente de 
nombreux plis qui, 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 9 


proéminents à l'intérieur, augmentent la surface de sécré- 
tion. Son épithélium montre sur les parties saillantes de: 
belles cellules « en massues » et, dans les interstices, des 
cellules plus surbaissées. À sa surface se voient quelques 
fibres longitudinales très clairsemées. L'intestin, court et 
étroit, n'offre à signaler qu'une succession de renflements et 
d'étranglements dus à la présence des fibres annulaires conte- 
nues dans ses parois. 

IV. — Les tubes de Malpighi ont une disposition qui leur est 
propre (fig. 7). Tandis que chez les Insectes en général, ces 
tubes se terminent par un bout libre terminé en cul-de-sac, Les 
vaisseaux malpighiens des Lampyrides (au nombre de quatre 
chez la larve et chez l'adulte) sont de part et d'autre anasto- 
mosés par paires, de manière à former deux anses, une droite 
et une gauche, à peu près de même longueur. Observées d'abord 
chez la larve de Pelania, les anses malpighiennes ont été pré- 
parées dès lors, au cours de dissections multiples, chez Lam- 
pyris noctiluca, Phausis Delarouzeei et Luciola lusitanica, tant 
dans la phase larvaire qu’à l’âge adulte. La présence de cordons 
malpighiens disposés en forme d'anses peut être considérée 
comme un caractère spécial de la famille des Lampyrides. 
Voy. Bucexion, 1920. 4. 

V. — Papilles anales (fig. 8). Les larves des Lampyrides 
portent dans la région anale deux groupes de papilles qui, 
formées de prolongements du tégument, peuvent, au gré de 
l'animal, saillir au dehors ou se retirer à l’intérieur. Ces papilles, 
dont la surface est hérissée de petits crocs, jouent, lorsqu'elles 
se dévaginent, le rôle d’un organe adhésif, utilisé entre autres 
dans le mouvement de reptation (") ; elles constituent au surplus 
un appareil de nettoyage et servent à débarrasser la surface 
des corps étrangers qui y adhèrent. Considérée isolément, 
la papille anale peut être comparée à un doigt de gant minus- 
cule dont le bout ouvert est inséré sur la marge de l'anus, tandis 
que le bout fermé, retenu par une fibre musculaire, est plus ou 
moins profondément retiré à l’intérieur. 

(‘) Ayant eu, en avril.1921, l’occasion d'observer une larve de Luciole (ZL. lusi- 
tanica) qui immergée dans une cuvette de Pétri rampait sur le fond du vase, 
j'ai vu, qu’à chaque mouvement de reptation, l’insecte étend l’abdomen et, fai- 


sant saillir ses papilles, prend appui sur elles, tandis que, l'instant d’après, il fait 
rentrer ées organes et replie le bout du corps, 


10 E. BUGNION 


Chaque papille offre ainsi une partie interne (invaginée) 
et une partie externe (superficielle). Tandis que, sur la partie 
interne, les crocs se trouvent en dedans et ont leur pointe dirigée 
en arrière, ces mêmes aspérités sont, sur la partie externe, 
placées en dehors et ont leur pointe dirigée en avant. Entre les 
deux parties se trouve une fente circulaire qui est en commu- 


Fig. 8. — Phausis Delarouseei. — Le bout postérieur de la larve avec 
les papilles anales évaginées. Vue ventrale. X 27. 
1, douzième sternite, 2, treizième sternite (atrophié). 


nication avec la cavité abdominale et dans laquelle le sang 
peut affluer. C’est done, comme le montre Le schéma ci-joint 
(fig. 9), la contraction de la fibre musculaire qui produit l’inva- 
gination de la papiile et la presse abdominale (qui par la pres- 
sion du sang) produit la dévagination. Les fibres musculaires 
ayant leur insertion fixe à la face profonde des téguments 
(11° et 12° anneaux), c'est dans une fente étroite comprise entre 
les téguments et l'intestin anal que les papilles invaginées vont 
se loger. Représentées par Targioni Tozzerni (1866) à l’aide de 
figures empruntées à la larve du Lampyre noctiluque, les 


# 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 11 


papilles anales se retrouvent presque identiques chez Phausis, 
Luciola et vraisemblablement chez les larves des Lampyrides 


en général. 


VI. — Le système respiraloire comprend 9 paires de stig- 


mates dont une thoracique placée 
dans l'interstice du pro- et du méso- 
thorax et 8 abdominales situées au 
côté ventral sur les pièces latérales 
ou épimères. À chaque stigmate ré- 
pond une trachée initiale qui, après 
un trajet très court, se divise en qua- 
tre ou cinq rameaux. On distingue 
entre autres (fig. 6, 13 et 14). 

1. Deux branches anastomotiques 
longitudinales, une externe à peu 
près droite et une interne incurvée, 
relativement volumineuses, reliant 
les trachées initiales les unes aux 
autres, prolongées en avant jusqu’à 
la tête ; 

2. Une branche anastomotique 
transverse, appliquée à la face pro- 
fonde de la paroi ventrale, donnant 
des ramifications aux anneaux du 
ventre et aux ganglions nerveux ; 

3. Une branche dorsale qui, lon- 
geant le tergite correspondant, 
fournit des trachéoles aux tégu- 
ments, aux muscles, au vaisseau 
dorsal et aux cellules péricardi- 
ques. 

4. Des branches viscérales qui, 
dirigées de dehors en dedans, se 
portent au canal digestif et aux 
anses malpighiennes. Faciles à pré- 
parer, les branches viscérales sont 


dd DEN D D SD ED >< 


LES 


Fig. 9.— Phausis ou Lampy- 
ris, larve. — Schéma destiné 
à expliquer le mécanisme des 
papilles anales. En haut, la 
fibre musculaire qui retire la 
papille dans la cavité du corps. 
Des deux côtés, la fente liné- 
aire qui donne accès au sang 


(P). 


assez longues, pour qu'on puisse, sans les rompre, rejeter 
le canal alimentaire en dehors de l'abdomen (fig. 6). 
VIT, — Beaucoup plus abondant chez la larve que chez 


12 E. BUGNION 


l'adulte, le {issu graisseux est (sauf dans quelques régions) 
formé de petites boules représentant chacune un amas de cel- 
lules juxtaposées (fig. 10). De couleur blanche ou jaunâtre, par- 
fois légèrement teinté de rose, ce tissu est (notamment chez 
les larves) étalé en forme de lames indépendantes les unes 


Fig. 10. — Phausis Delarouseei, larve. — Partie d’une coupe transverse. 
Liquide de Gilson, hémalun-éosine. X 195 (P). 


{ cuticule, 2 épiderme, 3 boules du tissu graisseux remplies de grains 
éosinophiles, 4 sang coagulé. 


des autres. Les petites boules sont, dans chacune des lames, 
supportées par une membrane et disposées sur une assise. Ilya 
en dessous des tergites une première lame graisseuse composée 
de deux feuillets, comprenant dans son épaisseur le vaisseau 
dorsal etles cellules péricardiques. Une deuxième lame entoure 
le tube digestif et se replie autour de lui; indépendante de la 
première et notablement plus épaisse, elle s'en sépare aisé- 
ment, lorsqu'on dissèque. Une troisième lame tapisse la cavité 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 


du corps. Passant sous le 
conduit alimentaire, elle 
cache dans son épaisseur 
la chaine des ganglions 
nerveux. Difficiles à pré- 
parer chez les espèces de 
petite taille, les lames du 
corps graisseux se distin- 
guent aisément chez les 
larves de Pelania. dont 
certains exemplaires 
(appartenant  vraisem- 
blablement au sexe ® }ne 
mesurent pas moins de 
40 millimètres. 

VILLE. — Compris dans 
un dédoublement de la 
lame graisseuse superti- 
cielle, le vaisseau dorsal 
peut être reconnu sans 
-pélne grâce aux deux 
trainées de cellules péri- 
cardiques de couleur bru- 
nâtre qui l'accompa- 
enent (fig. 11). Les ven- 
tuiculites au nombre de 
8 ou 9, sont maintenus 
en place par des rameaux 
trachéens à direction 
transverse et par des 
fibres musculaires, trans- 
verses elles aussi, ten- 
dues des tergites aux pa- 
.rois du vaisseau. Ces 
fibres, qui m'avaient paru 
tout d'abord appartenir 
au type lisse, se sont 
montrées vaguement 
striées chez les larves 


L 


13 


Portion du vaisseau dorsal et de l'aorte, avec les cellules péricardiques. 


— Pelania mauritanica, larve. - 


F5 a 


Fig. 


“2e 


Préparation légèrement teintée par l’hémalun. Glycérine gélatinée phénolée. Photogravure. ) 


14 Ë. BUGNION 


de grande taille (Pe/ania mauritanica). Une aorte, à peu près 
rectiligne, de calibre uniforme, prolonge le vaisseau dorsal 


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Fig. 12. — Pelania mauritanca, larve. — 
Cellules péricardiques accolées aux fibres 
musculaires et aux trachées. Hémalun. 


Préparation au baume. >< 400 (P). 
{ 


dès son bout anté- 
rieur situé au niveau 
du premier segment 
abdominal jusqu'à 
l'anneau nerveux cé- 
rébro-sous-æsopha- 
gien. 

Les valvules et les 
ostioles n'ont pas été 
observées. 

Les cellules péri- 
cardiques forment des 
trainées bossuées, 
épaissies sur un point, 
rétrécies sur un au- 
tre, longeant les fibres 
musculaires,  atta- 
chées, parait-il, à cel- 
les-ci (fig. 12). Les 
unes, plus petites, ne 
montrent qu’un ou 
deux noyaux, les au- 
tres plus volumineu- 
ses, contiennent des 
noyaux multiples, vi- 
sibles sur les prépara- 
tions faiblement tein- 
tées à l’'hémalun. Peut- 
être les gros éléments 
résultent-ils du fusion- 
nement desplus petits. 
Les cellules péricardi- . 
ques sont entourées 


d'une membrane, qui, lorsque le cytoplasme se rétracte, appa- 
rait distinctement. La couleur brunâtre caractéristique de ces 
cellules parait être attachée aux granulations très fines qui s’y 


trouvent en SUSPENSION. 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 45 


IX. — Les organes lumineux se présentent sous deux aspects 
différents, suivant qu'il s'agit de linsecte adulte ou de sa 


Fig. 13. — Phausis Delarouseei. —Femelle adulte. Le tube digestif, la 
chaîne ganglionnaire, le système trachéen et les organes lumineux, pré- 
parés sous l’eau salée. x 10 (P). 


larve. Beaucoup plus développés à l’âge adulte chez la femelle 
que chez le mâle, ces organes forment, dans les genres Lam- 
pyris et Phausis, les deux larges écharpes bien connues de 


46 E. BUGNION 


tout le monde, placées au côté 
de l'abdomen. 


Fig. 14. — Phausis Mulsanti. — Fe- 
melle adulte longue de 44 miilimè- 
tres. Le tube digestif, la chaîne gan- 
glionnaire, le système trachéen et les 
organes lumineux, préparés sous l'eau 


salée. X 12 (P). 


ventral des segments 6 et 7 


Moins apparents que ces 
écharpes, les organes phos- 
phorescents larvaires sont 
de petits corps ovoïdes ou 
arrondis, de couleur blan- 
châtre, flottant dans la ca- 
vité du corps, retenus seu- 
lement par les trachées. 

Réduits chez Lampyris 
noctiluca à deux masses 
ovoïdes situées au bout du 
corps (dans l’avant-dernier 
anneau), ces organes sont 
au nombre de quatre chez : 
Phausis Delarouzeei et pro- 
bablement au nombre de 
seize chez Phausis Mulsanti 
(Voy. Bucniox, 1920, p. 16). 

Ces deux Phausis diffèrent 
encore en ce que chez Dela- 
rouzeei les quatre feux lar- 
vaires persistent chez l’ima- 
ge © etcontinuent de briller 
d’un vif éclat en même 
tempsque les écharpes, tan- 
dis que chez Mulsanti, quel- 
ques-uns des organes larvai- 
res semblent sujets à s’atro- 
phier. Il est en effet excep- 
tionnel d'observer chez la 
femelle adulte de cette es- 
pèce un nombre de points 
lumineux latéraux (hérités 
de la larve) supérieur à 
huit ou dix (*). 


(t) Une atrophie partielle des organes lumineux larvaires paraît (à en juger 
par le mémoire de Wielowiejsky 1882) se produire aussi chez l'imago © du 


Phausis spdendidula. 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 17 


Appendus aux troncs trachéens longitudinaux, les organes 
lumineux larvaires se trouvent, chez Phausis Delarouzeei, les 
antérieurs, à la jonction des segments { et 2 de IPS les 
postérieurs, à la jonction des segments 5 et 6 (fig. 13). 


< TM 
CAE 


Coupe transversale de la larve au niveau du 


2e segment de l'abdomen. X 40. 
4 tergile, 2 globes du corps graisseux. 3 estomac (segment postérieur), 4 organes lumineux 
larvaires antérieurs, 5 ganglion nerveux : 


Fig. 15. — Phausis Delarouseei. 


Chez Phausis Mulsanti, la prenuère paire se trouve au niveau 
du métathorax, les sept autres sur les côtés de l'abdomen, 
dans les intervalles des stigmates (fig. 14). 

Le tissu des écharpes lumineuses est chez l'adulte Q (Lam- 


2 
22 


18 E. BUGNION 


pyris et Phausis, fig. 16) divisé en deux zones, l’une superfi- 
cielle, claire, douée du pouvoir photogénique, l’autre profonde, 


Coupe transverse au niveau du 7e segment 


Femelle adulte. 
de l’abdomen. X 42 
1 écharpe lumineuse, 2 sa partie profonde infiltrée de concrétions, 3 œnocyles, 4 inlestin, 


5 oviductes, 6 globes du corps graisseux. 


Phausis Delarouseet. 


1108 


14. 


1 


i 


opaque, infiltrée de nombreux granules d'urate d'ammoniaque 
(guanine), caractérisée parsa couleur d'un blane de craie. 
Le tissu des organes lumineux larvaires est uniformément 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 19 


composé de cellules polygonales, disposées sans ordre, sans 
inclusions d’urates ou autres corps analogues (fig. 17). 

Un autre fait important à signaler est que, chez Le Lampyre 
adulte, l'épiderme profondément modifié au niveau des écharpes, 
ne forme à la surface du tissu photogène qu'un revêtement très 
mince (de manière à ne pas intercepter la lumière), tandis que, 
au niveau des organes lumineux larvaires, le tégument con- 
serve sa structure habituelle. Chez Lampyris, par exemple, 


Fig. 17. — Phausis Delarouseei, larve. — Coupe transverse de l’un des 
organes lumineux larvaires antérieurs. % 400. 


À gauche se voient deux boules graisseuses et la trachée attenante à 
l'organe lumineux. 


j'ai observé nettement à la face superficielle des organes Ilumi- 
neux larvaires un épiderme doublé de logettes sous-cutanées. 

La larve du Phausis Delarouzeei présente cependant au 
niveau des organes lumineux, au côté dorsal, quatre taches 
pâles (privées de pigment). 

Organes lumineux du sexe male. —Les larves du sexe G'ont, 
d'une manière générale, des organes lumineux aussi bien 
développés que ceux des larves Q. Ce n'est pas par une 
luminosité plus faible, mais par sa taille plus petite et par son 


20 E. BUGNION 


corps plus aplati (moins dodu) que la larve G se distingue de 
la ©. Les organes lumineux larvaires persistent d’ailleurs chez 
les nymphes des deux sexes (Voyez Bugnion, 1920, & p.10); s'ils 
sont destinés à s'atrophier, c'est seulement à l’époque de la 
métamorphose que s'effectue ce changement. 

Le mâle du Lampyris noctiluca émet à l'âge adulte une 
luminosité très faible due, semble-t-il, à la persistance des 
lumignons larvaires (7). 

Le mâle du Phausis Delarouzeer est, d’après mes observa- 
tions, presque entièrement obscur. J'ai une fois seulement 
observé un sujet G qui attiré par la présence d’une femelle, 
s'étant posé près d'elle, m'a semblé briller un peu. Le P. Dela- 
rouzeet œ, montre cependant, à l'opposé du Mulsanti, deux 
taches claires sous l'abdomen. Ces taches placées au niveau des 
segments 5 et 6 répondent semble-t-1laux écharpes lumineuses 
de la ©, situées au niveau des sternites 6 et 7. 

Le mâle du Phausis Mulsanti émet d’après (Kiesenwetter, 
1850, p. 224 et 1851, p. 588) une luminosité très faible, mais 
cependant apparente. C'est aux Bains de La Preste (Pyr.-0r.) 
que le g‘ de cette espèce a été découvert par Kiesen wetter. 
Les deux sexes ont été observés quelque temps après dans les 
Basses-Alpes, à Toulouse et dans l'Allier. 

Le male du Phausis .splendidula L., espèce répandue en 
Allemagne, en Alsace et en Belgique, possède d'autre part, au 
dire de tous les observateurs, un pouvoir éclairant des plus 
intense, si bien que volant le soir auprès des arbres (par 
exemple dans la région rhénane), ces insectes ont été pris 
maintes fois pour des Lucioles. Les organes lumineux du splen- 
didula &, étudiés par Koelliker et Max Schultze (1864-65) ont, 
d’après ces auteurs, l'aspect des plaques ventrales de la Q. 

Les Lucioles diffèrent des Vers luisants, en ce que, à l'opposé 
de ceux-ci, ce sont les sujets mâles qui émettent la lumière la 
plus brillante. Les écharpes phosphorescentes qui occupent, 
chez le mâle, toute la largeur des segments ventraux 5 et 6 de 
l'abdomen, se réduisent chez la femelle à deux plaques plus 
petites placées à droite et à gauche du 5° anneau ventral. 

(‘) Les mâles du g. Lampyris ne montrent au côté ventral de l’abdomen pas 


de taches claires comparables à celles des mâles des Phausis splendidula et 
Delarouseei. 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 21 


La larve (L. lusitanica Charp.) a d’après mes observations, 
deux lumignons très faibles situés, comme ceux de la larve du 
L. noctiluca, dans les recessus latéraux de lavant dernier 
anneau. 

Le tissu photogène de la Luciole adulte diffère de celui des 
Lampyris et des Phausis en ce qu'il est formé de nombreux 
lobules disposés chacun autour d’un rameau trachéen perpen- 
diculaire à la surface. Ces rameaux décrits par Targiont Tozzerri 
(1866), par Euery (1884) et plus récemment par Geirez (1915), 
se détachent en grand nombre d'une sorte de coussinet qui, 
placé à la face profonde de l'écharpe lumineuse, est essen- 
tiellement constitué par des trachées. : 

Pour ce qui est de l'anatomie microscopique du tissu photo- 
gène, ne pouvant traiter à fond un sujet aussi complexe, Je 
renvoie le lecteur à l'ouvrage déjà cité de Grirez, dans lequel 
les terminaisons ultimes des trachées et des nerfs sont très 
exactement décrites. 

VIL. — Appareil génital mäle.— Les organes lobulés (fig. 6-7) 
sont deux petits corps de forme oblongue, caractérisés à l’état 
frais par leur teinte rose, mesurant 1 millimètre 1/2 chez les 
grandes larves de Pelania mauritanica (4 millimètre environ 
chez les larves du Lampyris noctiluca). 

Placés des deux côtés de la partie postérieure (rétrécie) de 
l'estomac, ces organes (encore assez énigmatiques) sont cons- 
titués par deux substances : la substance corticale et les lobules 
(fig. 18-19). 

Formée de cellules irrégulières, bourrée de grains éosimo- 
philes, la substance corticale est, non seulement étalée à la sur- 
face, mais pénètre également à l'intérieur. 

Les /obules, au nombre de 25 à 30, offrent un bout arrondi 
placé au voisinage de la surface et une extrêmité conique qui 
s'ouvre à l'intérieur dans une fente de sécrétion. Un canal 
excréteur très délié, dirigé vers le bout du corps, se dégage 
d'autre part de cette fente. 

Coloré en violet par l'hémalun, le tissu des lobules se pré- 
sente chez les larves jeunes comme une sorte de syneytium 
semé de nombreux noyaux arrondis. À la naissance du cône se 
voit une zone pâle caractérisée par ses noyaux allongés et clair- 
semés, à direction transverse (appartenant peut-être à Ja cap- 


22 E. BUGNION 


sule). On remarque d'autre part, chez les larves plus âgées, 
qu'au lieu de constituer un syncytium uniforme, le tissu du 
lobule est divisé cà et là en masses arrondies ou ovalaires, 
semblables à des spermatogemmes en voie de division. 

L'idée la plus plausible est que les organes lobulés des larves 


Fe 
4% 
EX Ne 


tr 
+ 


CP 
y ea 


se 
LP 
FS 


lobulés. X 80 (B). 


nn 


En? 
Le 
La 
, 
« 


Lampyris noctiluca, larve. — Coupe longitudinale de Fun des corps 


18. 


Fig. 


sont des ébauches testiculaires qui, à peu près inertes durant la 
phase larvaire, atteignent dans la période nymphale un déve- 
loppement des plus rapide. Des coupes transverses emprun-: 
tées à une nymphe G de Phausis Delarouzeei ont montré en 


ANATOMIE ET KMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 23 


effet, en lieu et place des organes lobulés, des masses glandu- 
laires beaucoup plus grandes, occupant presque toute la lar- 
geur du corps, accolées l'une à l'autre au côté dorsal du bout 


V7 


TR 
FA] 


LE y 
"2 (0m) 
NEA 


x 


Pelania mauritanica, larve de 37° millimètres. Coupe de deux lobules 


d'un organe lobulé. Liquide de Gilson. Hématum-éosine X 400 (B). 


198 


Fig. 


postérieur de l'estomac, renfermant déjà des faisceaux sper- 
matiques constitués de toutes pièces (fig. 20). 

Le seul fait qui pourrait laisser subsister un certain doute est 
que les organes eu question existent, semble-t-il, chez des larves 
des deux sexes. C’est mêème.chez de grosses larves de Lampyris 
noctiluca longues de 25 millimètres (reçues de Paris le 30 sep- 


24 FE. BUGNION 


tembre 1918 par l’aimable entremise de J. d'Aleman, dissé- 
quées les premiers jours d'octobre) appartenant très probable- 
ment au sexe ®, que les organes lobulés ont été observés en 


Iveau 


,. 


— Nymphe mâle. Coupe transverse au n 


des testicules. X 40 (P). 


zeet. 


Phausis Delarou 


20. 


Fig. 


premier lieu. Des larves de Pelania mauritanica exceptionnel- 
lement dodues, longues de 39 à 40 millimètres, disséquées en 
1919, ont montré elles aussi des corps lobulés typiques. La 
présence des mêmes organes a été constatée dès lors, non seu- 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 25 


lement chez les larves G reconnaissables à leur corps plus 
étroit, mais chez toutes les larves choisies au hasard dans les 
genres Lampyris, Phausis, Pelania et Luciola. 

Nous verrons tout à l'heure que les organes lobulés peuvent 
ètre reconnus également chez l'embryon et existent vraisem- 
blablement, à l’époque de la naissance dans les deux sexes. 

Quant à la destination nltérieure de ces formations chez la ©, 
une circonstance qui complique leur étude est que la durée de 
la phase larvaire se prolonge, semble-t-il, fort souvent au delà 
d'un an. Ainsi, par exemple, dans le cas rapporté ci-dessus 
(la métamorphose du Lampyris noctiluca se faisant normale- 
ment en juin ou juillet) il est clair que les larves reçues 
de Paris le 30 septembre auraient, si elles avaient vécu, attendu 
l’année suivante (juin-juillet) pour se transformer en nymphes 
et ensuite en imagos. Des larves de Pelania mauritanica 
(reçues de Mascara) ont donné lieu à des observations du 
même genre. Quelques-unes de ces larves gardées en captivité, 
dans un bocal garni de terre humide, richement alimentées au 
moyen de petits Escargots, vécurent 18 mois et plus et finirent 
par mourir, sans être parvennes à se transformer. 

Peut-être faut-il penser à un état maladif de ces insectes ? 
J'ai constaté en effet, en disséquant ces grosses larves de Lam- 
pyris et Pelania, qu'au lieu du sang clair habituel, lincision 
des téguments laissait écouler un liquide crémeux comparable 
à du pus. 

Observé au microscope, ce liquide a fait voir : {° une quantité 
considérable de gouttelettes opaques de nature graisseuse ; 
2° des leucocytes relativement en petit nombre ; 3° (chez quel- 
ques-uns de mes sujets) de petites Anguillules, elles aussi, en 
petit nombre. 

Les larves de Lampyrides sont sujettes, comme on voit, à une 
altération du sang en rapport, paraît-il avec la présence de 
parasites. 

Mais est-ce cette altération qui, dans certaines circonstances, 
empêche la métamorphose de se produire ? Est-ce cet état mor- 
bide qui, chez les grosses larves © âgées de plus d’une année, 
empêche les ovaires de se former ? 

Ne pouvant, dans l’état actuel de cette étude, répondre à des 
questions aussi complexes, je me borne à constater : 1° que 


26 E. BUGNION 


toutes les larves de Lampyris, Pelania et Phausis disséquées 
jusqu'à ce jour (plus spécialement les larves de grande taille 
paraissant appartenir au sexe @) m'ont montré deux corps 
lobulés semblables à des ébauches testiculaires, alors que, mal- 


Fig. 21.— Phausis Delarouzeet, adulte mâle.— Appareil génital interne et 
armure copulatrice. Vue ventrale. X33.— Les testicules accolés l’un à l'autre 
entourés de leurs capsules graisseuses, se voient au haut de la figure (P). 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 27 


gré le grand nombre des sujets examinés, je n'ai réussi jus- 
qu'ici à discerner des ébauches ovariques chez aucune de mes 
larves. Les ovaires les plus jeunes que j’ai eu l’occasion d'étudier 
ont été observés chez une nymphe néoformée (âgée de 2 à 
3 Jours). 

Chez le adulte (fig. 21) les deux testicules sont, de même 
que chez la nymphe, attachés l’un à l’autre. De couleur jau- 
nâtre, à cause de la capsule adipeuse qui les entoure, ils se 
trouvent au niveau du bout postérieur de l'estomac, au côté 
dorsal de ce dernier. Leurs lobules, invisibles de l’extérieur, 
beaucoup moins apparents que chez les larves, difficiles à 
isoler sans rupture, répondent par leur nombre à ceux des 
organes larvaires. Les canaux déférents, fortement dilatés dans 
leur partie proximale, jouant le rôle de réservoirs, sont (avant 
la pariade) d'ordinaire remplis de spermies. L'appareil est 
complété par deux vésicules ou glandes (?) de forme sphéroïde, 
par quatre glandes de forme allongée (deux longues et deux 
courtes, débouchant ensemble dans le carrefour génital) et par 
le conduit éjaculateur qui, prenant origine au bout postérieur 
de ce carrefour, va s'ouvrir d'autre part à la base du pénis. 

VIIL. — Appareil génital de la femelle. — [ne nymphe de 
Phausis Delarouzeei âgée de 2 ou 3 jours (disséquée le 7 avril 
1916) m'a montré une structure de l’ovaire qui, à ma connais- 
sance, n'avait pas encore été décrite. Au lieu de commencer, 
comme chez les Coléoptères en général, par un germigène atté- 
nué en pointe, chacune des gaines ovigères offrait à son extré- 
mité une grosse boule jaunâtre remplie de granulations (boule 
nutritive) sans aucune trace de ligament suspenseur (fig. 22). 
A ce segment relativement volumineux (diamètre 390 4) succé- 
daient dans chaque gaine, trois chambres ovulaires de grandeur 
inégales, disposées en chapelet, aboutissant à l’oviducte. Tan- 
dis que, chez la nymphe jeune, les boules nutritives sont rela- 
tivement énormes, on trouve 15 jours plus tard (nymphe dissé- 
quée Le 23 avril) des boules nutritives beaucoup plus petites et 
des ovules beaucoup plus gros (fig. 23). L'absorption de la 
substance nourricière par les œufs en voie de développement 
explique le développement rapide de ces derniers. 

Le nombre des gaines ovigères étant de 24 environ pour 
chaque ovaire, il y a vers la fin de la nymphose au moins 


28 E. BUGNION 


48 œufs mürs (ceux des chambres postérieures, plus avancés 
que les autres). À ce nombre vient s'ajouter une proportion 


Fig. 22. — Phausis Delarouseei. — Ovaire d'une nymphe très jeune 
disséquée sous l’eau salée le 7 avril 1916. X 80 (P). 


variable d’œufs provenant des chambres moyennes et parfois 
des antérieures. La femelle néoformée se trouve ainsi en pos- 
session de 80 à 100 œufs mûrs à peu près de même grosseur, 
descendus dans les oviductes à l’époque de l’éclosion (). La 


(‘) Le dénombrement (fait avant la ponte) des œufs contenus dans les oviductes 
a donné pour Phausis Delarouzeei des nombres compris entre 63 et 132, pour 
Luciola lusitanica, dans un cas particulier, un total de 140. 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 29 


pariade s’effectuant bientôt après (à la fin de mai ou aux 
premiers jours de juin), la ponte s’effectuant générale- 
ment en une fois, les œufs incomplètement développés des 
chambres moyennes et antérieures s’atrophient peu à peu et 
se résorbent. C'est donc dans les oviductes distendus en forme 


Fig. 23. — Phausis Delarouzeei. — Ovaire d'une nymphe plus âgée 
(15 jours environ) disséquée le 20 mai 1917. X 30 (P). 


de sacs que se trouve désormais la provision des œufs mûrs 
(fig. 24). Refoulés par ces deux sacs, les ovaires occupent à ce 
moment une place si réduite (à la base du thorax) qu'on a, au 
premier abord, quelque peine à les trouver. 

Des dispositions presfue ic ci ont été observées chez 
Lampyris et Luciola. 


30 E. BUGNION 


IX. — Les /équments des larves du Lampyris noctiluca et du 
Pelania maurilanica ont une structure intéressante étudiée 
déjà, chez le premier de ces insectes, par Wielowiesky (1882), 
par Henneguy (1904), et plus récemment par Vogel (1915). 

Les coupes perpendiculaires à la surface (Lamp. noctiluca) 


Fig. 24. — Phausis Delarouzeei. — Femelle adulte disséquée sous l’eau 
salée. Les deux oviductes remplis d'œufs mürs (intacts). X 9 (P). 


font voir dans l'épaisseur de la peau une rangée de logettes 
eo) ) 

quadrilatères, exactement alignées, en rapport avec un poil 
(fig. 25). Ce poil court et épais, implanté sur un petit tuber- 
cule, est incliné et incurvé. 

Plongeant dans la cavité de la logetfe, le poil forme à l'inté- 

5 e) 20 

rieur de celle-ci un bulbe pluricellulaire, jouant le rôle de 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 31 


matrix, montrant sur la coupe deux ou trois noyaux bien dis- 
tincts. Dans la plupart des loges se voient au surplus quelques 
cellules rondes (leucocytes) flottant dans la lymphe et quelques 
cellules plates appliquées contre les parois. Celles-ei teintées 
en rose par l'éosine, sont de nature cuticulaire. 

C'est plus spécialement sur les tergites et sur le manchon 
cutané destiné à engainer la tête que ces formations s’observent. 

Vue de face (dans les régions pourvues de logettes sous- 
cutanées), la peau du Lampyre présente sur un fond de teinte 
brune un grand nombre de cercles à peu près juxtaposés, 


Fig. 25. — Lampyris noctiluca, larve à peu près müre. Coupe perpen- 
diculaire des téguments au niveau d’un tergite. X 400 (B;. 


limités chacun par un bord plus foncé. Chaque cercle répond 
à l’opercule chitineux (pigmenté) d’une logette. Ces oper- 
cules sont ronds, tandis que les contours des logettes (observés 
sur une coupe tangentielle plus profonde) sont irrégulièrement 
polyédriques. 

Au centre de chaque opercule se voit un pore transparent 
au-dessus duquel le poil est implanté. 

Tandis que Ja larve du Pelania mauritanica à des logettes 
sous-cutanées semblables à celles du Lampyre noctiluque, on 
ne voit chez Phausis Delarouzeei, rien de semblable. La larve 
de cette dernière espèce présente simplement des poils assez 


32 f. BUGNION 


clairsemés, d’épaisseurs diverses, implantés sur de petits tuber- 
cules. 

En sus des tubercules pilifères, la peau des Lampyrides 
offre (spécialement chez les larves) des milliers de rugosités 
beaucoup plus petites et plus serrées qui, vues à un fort gros- 
sissement donnent lieu à un dessin très régulier. Ces aspérités 
microscopiques recouvrent non seulement les parties pigmen- 
tées dans tous les intervalles laissés libres par les poils, mais 
encore les parties membraneuses telles que la ligne blanche 
médiane et les parties du tégument repliées à l'intérieur. Lége- 
rement rembrunies, elles se montrent en tels cas comme un 
pointillé grisàtre sur un fond pâle. 

Quelques observations relatives au développement des loget- 
tes sous-cutanées ont été ajoutées à la fin de cet article. 


EMBRYOLOGIE 


Après avoir étudié la structure anatomique des Lampyrides, 
j'ai éprouvé le désir d'étendre mes investigations au développe- 
ment embryologique de ces Insectes. Il importait en effet de 
surprendre, si possible à leur début, les dispositions partieu- 
lières qui s’observent chez le Lampyre déjà formé. 

Une occasion favorable s'offrit à moi l’année dernière. 

Ayant, grâce à l'amabilité de M. le D’ W. Nicani, reçu les 
22 et 25 juin 1920, puis de nouveau le 3 juillet, des Lampyres 
vivants (L. Bezuer) cet Q@, capturés à Montredon près Mar- 
seille, j'eus bientôt la chance d'assister à la pariade et, quel- 
ques jours après, d'obtenir plusieurs pontes (”). 

Instruit par des essais précédents (?), j'avais eu la précaution 
de faire pondre les femelles sur un lit de mousse verte légère- 
ment humectée. 


(:) Le Lampyris Bellieri Reiche (1858) se distingue du noctiluca par sa couleur 
générale d'un brun plus clair et par la teinte rose de ses parties membraneuses, 
surtout au côté ventral. Mes exemplaires ont été vérifiés, d’après ceux de la col- 
lection BourGgoïs, par M. Béxaro préparateur au Muséum. 

(2) Des essais pratiqués en 1918 sur des pontes de Phausis Delarouzeei m'avaient 
appris à mes dépens que les œufs laissés sur la terre humide (placés dans des 
Loites closes) se couvrent de moisissures qui font, en peu de temps, périr les 
embryons. 


ANATOMIE EL EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 33 


La mousse chargée d'œufs ayant été placée dans un cristal- 
lisoir et protégée contre la dessiccation au moyen d'un enton- 
noir de verre retourné le col en haut, j'eus la satisfaction de 
voir la plupart des germes venir à bien. 

[ importe parait-il, pour que l’ineubation réussisse, que 


Fig. 26. — Lampyris Bellieri. — Embryon de 2 millimètres 
(âgé de 15 jours environ) observé à Aix le 14 juillet 1920. X 40 (P). 


, A . » » * x 
L'ébauche de la tête larvatre à élé empruntée à un autre embryon du 
même âge. 


l'embryon bénéficie tout à la fois d’une aération suffisante, d’un 

degré convenable d'humidité et peut-être aussi de la lumière. 

La chaleur nécessaire est assurée d’ailleurs par la saison (fin 

juin à mi-juillet) dans laqualle se fait la ponte. L'oxygène qui 
3 


34 Ë. BUGNION 


émane de la mousse verte pendant le jour à peut-être une 
action favorable. J'ai remarqué en effet que les œufs déposés 
sur de la mousse flétrie réussissent beaucoup moins bien que 
les œufs déposés sur de la mousse verte récemment cueillie. 

Les œufs des Lampyrides étant sphériques, leur coque abso- 
lument opaque, on ne peut guère songer à orienter le germe de 
manière à se servir du micro- 
tome. Il faut recourir à l’ex- 
traction de lembryon. 

L'extraction est dans les 
deux premières semaines, une 
opération assez chanceuse. 
Le procédé qui m'a le mieux 
réussi consiste à placer l'œuf 
dans une goutte d’eau formo- 
lée à 7 0/0 additionnée d’éo- 
sine ét, en travaillant sous la 
loupe montée >< 16, à déchi- 
rer la coque au moyen de 
deux aiguilles. Le formol raf- 
fermit quelque peu les tissus 
de l'embryon, tandis que l'éo- 
sine aide à distinguer les pre- 
miers linéaments du germe 
au milieu des débris du vitel- 
lus. 

Bien que les embryons très 
jeunes (8-15 jours) subissent 
presque toujours des déchiru- 
res, J'airéussi cependant, après 
plusieurs essais infructueux, à 


Fig. 27. — Lampyris Bellieri. — isoler le 6 juillet un embryon 
Embryon de 3 millimètres, 


observé dans l'eau salée. X 29 (P). 


à peuprès reconnaissable (long 
de 1 1/2 millimètre) et, le 
1% juillet, un germe de 2 millimètres absolument intact 
(fig. 26). 

Les Jours suivants, l'extraction des embryons étant devenue 
bien plus facile ensuite de la résorption graduelle du vitellus, 
je parvins à en isoler plusieurs longs de 2 1/2 à 3 millimètres 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 30 


(fig. 27). Je réussis enfin, après une période d'incubation qui 
peut être évaluée à 30 jours ('), àextraire des coques de petites 
larves blanches longues de 4 à 5 millimètres, à peu près à 
terme. L'éclosion naturelle ayant commencé les jours suivants, 
je pus, dès ce moment voir un grand nombre de jeunes larves 
qui, ayant revêtu déjà leur livrée grisätre, marchaient lente- 
ment sur le fond du récipient, cherchant leur chemin au milieu 
des brins de mousse. 

Reprenons l'étude des diverses phases. Laissant de côté l'em- 
bryon de 1 1/2 millimètre dont la partie antérieure était lésée, 
je décrirai d'abord le germe de 2 nullimètres obtenu le 
14 juillet. 

Encore étalé sur le vitellus, l'embryon de cette phase se dis- 
tingue des sujets plus avancés par sa forme élargie et ramassée 
(fig. 26). Le nombre des segments est,sans compter la tête, de 
douze, comme chez la larve. Limités des deux côtés par des bords 
très nets, ces segments sont dans la zone médiane plus difficiles 
à distinguer les uns des autres. On voit en revanche l’ébauche de 
la chaine nerveuse qui, sans-compter les centres cérébroïdes et 
sous-æsophagiens, comprend onze paires de ganglions relati- 
vement volumineux, rapprochés les uns des autres, unis par 
des connectifs courts et épais. Seul le dernier segment est privé 
de ganglions. 

Aux trois anneaux thoraciques répondent trois paires de 
pattes encore peu développées, repliées en dessous du corps. 

Dans les parties latérales se voient par transparence de 
petites saillies coniques (futurs épimères) au niveau desquelles 
s'ouvrent déjà les stigmates. Il y a, comme chez la larve, neuf 
paires de stigmates, dont une thoracique, placée à la Jone- 
tion du pro et du mésothorax, et huit abdominales situées sur 
les segments 4-11 au côté ventral. 

Dans l'intervalle compris entre les parties latérales et la 
chaine des ganglions se montre de part et d'autre, sur la pré- 

(‘) Newport (1857), qui le premier, semble-t-il, réussit à élever les œufs de 
Lampyre noctüluque (en Angleterre), évalue la durée moyenne de l'incubaïñon à 
45 jours. 

Vogel (1905(, au cours d'observations faites à Tübingen, évalue la durée de 
l'incubation (L. noctiluca) à 27-30 jours, quand l'été est très chaud (1911), à 
36 jours, quand l'été est tempéré (1912) et à 47 jours quand l'été est froid. 


Dubois (1898), au cours d'observations faites à Lyon, a obtenu lui aussi des 
résultats assez semblables. 


36 É. BUGNION 


paration fraiche, une zone opaque remplie de gouttes grais- 
seuses. Ces deux bandes opaques tendent dans les jours sui- 
vants à s’'éclaircir. 

Ces préliminaires posés, j aborde la formation de la tête, 
étude pour laquelle Fembryon de 2 millimètres fournit des 
données très instructives. 

La tête de la jeune larve se forme aux dépens de deux parties, 
l’une postérieure (segment postcéphalique) seule apparente au 
côté dorsal et qui placée en avant du segment prothoracique, 
forme le bord antérieur de l'embryon (fig. 26), l’autre anté- 
rieure (future tête larvaire) rejetée en dessous, placée au eôté 
ventral. Peut-être, en usant des aiguilles avec prudence; pour- 
rait-on réussir à relever le segment antérieur, de manière à 
pouvoir le dessiner en avant du postérieur, dans la position 
qu'il occupera plus tard. Craignant toutefois de détériorer une 
préparation aussi précieuse, je n’ai pas essayé de faire cette 
opération sur mon sujet et ai simplement laissé le segment 
antérieur en place (en dessous du segment postcéphalique). 
L’ébauche de la tête larvaire qui est représentée sur la figure 
a été empruntée à un autre embryon qui, exactement du même 
âge, avait été Lésé au moment de l'extraction. 

Examinons de plus près la signification de ces ébauches. 

Le segment postcéphalique renferme deux masses opaques qui, 
placées en tête de la chaîne nerveuse, représentent manifeste- 
ment les centres cérébroïdes et sous-æsophagiens de cette 
chaine. C’est donc afin de former ces centres en arrière de leur 
place habituelle que l'ébauche céphalique postérieure s'est, au 
début de la phase embryonnaire, détachée de l’antérieure. 
C'est, en d'autres termes, parce que la capsule céphalique devait 
être entièrement occupée par le pharynx et par ses muscles, 
que ladite ébauche s'est constituée isolément. 

Aussi larges que Le thorax dans la phase qui nous occupe, les 
parties latérales du segment postcéphalique s'amincissent dans 
la suite et finissent par disparaitre. Peut-être ces bourrelets 
latéraux ont-ils pour mission de former le manchon musculo- 
membraneux relativement très épais, d’une importance phy- 
siologique considérable, qui, dans la phase larvaire, attache la 
tête au prothorax. 

L'’ébauche antérieure engendre la tête larvaire dans son 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 31 


ensemble. Très courte chez l'embryon de 2 millimètres, la cap- 
sule céphalique s'allonge peu à peu, dans les phases ultérieu- 
res, jusqu’à l'époque de l'éclosion. Les bourgeons encore peu 
différenciés qui la surmontent représentent, comme nous en 
aurons bientôt la preuve, les antennes et les pièces buccales 
en formation. 

La pièce atténuée en pointe qui se voit sur la ligne médiane 
est probablement la gaine de la langue [bifide dans le g. Phau- 
sis, la langue est simple, en forme de triangle allongé, chez 
Lampyris|. Les bourgeons placés un peu obliquement qui se 
trouvent des deux côtés de cette pièce répondent aux deux 
mandibules, tandis que les bourgeons latéraux formeront les 
antennes. Les embryons plus âgés montrent ces mêmes 
organes divisés en deux articles. Dans un plan plus profond 
se voient deux bourgeons doubles destinés à former tes maxil- 
les et leurs palpes. Plus profondément encore se montre sur 
la ligne médiane le rudiment du labium reconnaissable à son 
extrémité bifide. 

Tandis que, chez les embryons plus jeunes, les appendices 
buccaux sont vraisemblablement disposés en série des deux 
côtés de l'ouverture orale, ces pièces sont chez notre sujet 
rangées sur une ligne à direction transverse. Cette ligne, à 
peu près droite, interrompue seulement par une légère échan- 
crure, répond au bord antérieur de la tête. | 

Semblables à des papilles digitiformes, les huit bourgeons 
céphaliques sont dirigés en avant. Bien qu'à peu près dia- 
phanes, essentiellement constitués par la cuticule et sa marier, 
ces bourgeons cachent dans leur partie basale une ébauche 
organique des plus active. Les embryons plus âgés de quel- 
ques jours montrent en effet à l’intérieur de chaque gaine cuti- 
culaire l’appendice correspondant (antenne, mandibule ete.) 
parfaitement reconnaissable et relativement très avancé. 

En arrière de la ligne sur laquelle les bourgeons céphali- 
ques sont insérés, se voient sur les deux bords les cornées des 
ocelles (déjà un peu convexes) et, un peu plus en dedans, les 
taches pigmentaires correspondantes, de couleur brunâtre, dis- 
posées en demi-lunes. 

L'embryon représenté fig. 27, âgé d'environ 29 Jours, est 
caractérisé par sa forme plus allongée et plus étroite. Sa lon- 


38 E. BUGNION 


sueur étant de 3 millimètres, alors que le diamètre de l'œuf 
est seulement de ! 1/3, il est nécessairement courbé en arc de 
cercle à l’intérieur. 

Le corps s'est rétréci en suite Aa rapprochement des lames 
ventrales ; les pattes, devenues plus longues, proéminent des 
deux côtés. La cuticule qui se détache de leur surface annonce 
une mue prochaine. Au bout posté'ieur se voient par transpa- 
rence à travers le pygidium, les papilles anales déjà formées 
(constituant ensemble un organe adhésif). | 

Un fait important à relever est que le segment postcépha- 
lique s’est effacé. Les formations diverses (cerveau, manchon 
museulo-membraneux) auxquelles ledit segment à donné lieu 
sont cachées désormais sous le bord du pronotum. 

La tête larvaire, qui s’est redressée d'elle-même, se trouve 
maintenant au bout du corps. Bien qu'assez semblable à celle 
de l'embryon de 2 millimètres, elle diffère cependant par la 
différenciation plus avancée des appendices. Ces organes, 
désormais faciles à reconnaitre, sont, à l'instar des pattes, 
enfermés dans des gaines cuticulaires qui, à peu près détachées, 
proéminant en avant des pièces buccales, sont destinées à dis- 
paraitre. 

Dessinée à un grossissement de 100, la figure 28 (vue dor- 
sale) donne une idée assez exacte de ces parties. C'est tout 
d’abord, sur la ligne médiane, la langue (simple chez Lampy- 
ris) richement garnie de poils, des deux côtés de la langue, Les 
mandibules avec les canaux qui les traversent, plus en dehors 
les antennes composées de deux articles avec les organes sen- 
soriels (bâtonnet et vésicule) insérés à leur sommet. Dans un 
plan plus profond apparaissent les palpes maxillaires déjà 
composés de quatre articles et au côté ventral (visible si lon 
retourne la préparation) l’extrémité antérieure bilobée du 
labium avec les palpes (formés de deux articles) qui la sur- 
montent. 

Dérivées de la cuticule des bourgeons embryonnaires, les 
gaines déjà à demi détachées comprennent : sur la ligne 
médiane ; le prolongement de forme conique qui répondait au 
bout de la langue ; des deux côtés : les gaines des mandibules 

des antennes ; dans un plan plus profond : les gaines des 
maxilles reconnaissables au léger sillon qui les divise, enfin, 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 39 


au côté ventral : lagaine bilobée qui surmonte le labium. 

Les taches pigmentaires qui répondent aux ocelles sont 
devenues plus grandes ; elles ont une teinte noire plus accusée. 
Les lentilles ocellaires, déjà entièrement formées, proéminent 
nettement à la surface. 

On constate enfin, en comparant la figure 26 (embryon de 
2 mm.) avec la figure 27 (embryon de 3 mm.), que la tête à 
subi un changement considérable en passant d'une phase à 
l'autre. Les pièces buccales qui, chez l'embryon de 2 millimètres, 


Fig. 28. -- Lampyris Bellieri. — Embryon de 3 millimètres. La tête 
larvaire avec les pièces buccales et les antennes déjà retirées de leurs 
gaines. X 400 (P). | 


étaient à l'état d’ébauches à l’intérieur des bourgeons, se sont 
en peu de jours entièrement différenciées. 

Prenant part à la mue générale qui se prépare, les gaines 
cuticulaires, derniers vestiges des bourgeons primitifs des 
appendices, seront d'ici quelques jours (un peu avant le moment 
de l’éclosion) entièrement détachées et rejetées par la larve 
avec les autres parties de sa dépouille. 

La larve nouvelle éclose (fig. 29) longue de 5 millimètres, se 
distingue surtout par sa forme plus allongée et par l'aspect 
« achevé » de ses parties superficielles qui n'étant plus recou-. 


40 E. 


BUGNION 


vertes par l'enveloppe embryonnaire, montrent dans toute 
leur élégance, leurs plus minutieux détails. 
La couleur qui, au moment de l’éclosion était (à l'exception 


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Fig. 29. — Lampyris Bellieri. 


— Jeune larve prête à éclore, 
longue de 5 millimètres. X 


40 (P). 


des deux taches ocellaires) entiè- 
rement blanche, est au bout de 
quelques heures, devenue d’un 
gris Jjaunâtre. Une bande claire 
longeant la ligne médiane répond 
à l'emplacement du vaisseau 
dorsal. 

La larve se meut lentement à 
l’aide de ses petites pattes. La 
tête portée par un col long et 
flexible s'incline de côté et d’au- 
tres comme si elle explorait le 
terrain au moyen des ocelles et 
des antennes. 

Un appareil qui mérite plus 
spécialement de retenir l’atten- 
tion est celui des papilles anales 
(fig. 30). 

Tandis que, chez la larve plus 
avancée (Lampyris et Phausis) 
les papilles anales ont, en suite 
de divisions répétées, pris une 
disposition complexe, les papil- 
les du nouveau-né présentent 
un aspect beaucoup plus simple. 
On peut distinguer deux plans, 
un dorsal formé de papilles lon- 
gues et un ventral formé de 
papilles courtes. Les papilles 
de chaque plan étant divisées en 
deux groupes, il y a : 1° Les 
groupes dorsaux droit et gauche 


composés chacun de quatre papilles (bifurquées chez Lampyris) 
et 2° les groupes ventraux droit et qauche composés chacun de 
deux papilles (bifurquées elles aussi), soit, chez Lampyris, seize 
papilles dorsales et huit ventrales, 


ANATOMIE ET EMBRYOLOUIE DES VERS LUISANTS 41 


Chez Phausis Delarouzeer (nouveau-né, fig. 36) il y a un étage 
dorsal formé de quatre papilles bi ou trifurquées, et un étage 
ventral formé de quatre papilles plus courtes, à peine bifur- 
quées à leur sommet. De nouvelles divisions se produisant dans 
la suite, l'appareil papillaire des larves plus âgées présénte 
l'aspect compliqué représenté figure 8. 

Chez la Luciole (L. lusitanica), les papilles anales ont une 
disposition plus simple encore (plus typique) en ce sens que, 
même chez les larves plus âgées, on n’observe pas de compli- 


£ ? . . 4 ’ T 
Fig. 30. — Lampyris Bellieri. — Nouveau-né. Vue ventrale du bout 
postérieur avec les papilles anales évaginées. >< 80 (P). 


cations nouvelles. Il y a donc, durant toute la phase larvaire, 
un plan dorsal formé de quatre papilles bifurquées et un plan 
ventral formé de quatre papilles simples, comme chez le 
nouveau-né du genre Phausis. 

Le procédé qui m'a le mieux réussi pour observer les papil- 
les anales du nouveau-né est de placer la larve sur le porte- 
objet dans une goutte d'eau, de la couvrir d’une lamelle et de 
changer celle-ci d’un poids, par exemple de 10 grammes. 
La pression suffit d'ordinaire pour faire sortir les papilles. 


42 Ë. BUGNION 


SE 
FESENSSS 
RE 


Fig. 31. — Lampyris Bellieri. — Niscères 
d’un embryon de 3 millimères préparés 
dans l'eau salée éosinée, étalés sur Île 
porte objet. >x< 40 (P), 

Les deux petits corps représentés à droite 
et à gauche du bout postérieur de l'estomac 
sont ies organes lobulés (ébauches des testi- 
cules) déjà visibles chez l'embryon. 


Si l’on désire fixer la larve 
avec ses papilles évagi- 
nées,onimmerge le porte- 
objet (toujours chargé 
de son poids) dans une 
cuvette de Petri remplie 
de liquide de Bouin ou 
d'eau formolée à 8 0/0 et 
laisse la mort se pro- 
duire. La larve restant à 
plat, au cours de la fixa- 
tion, ce procédé convient 
aussi, si l’on se propose 
de faire des coupes. 
Dissection des em- 
bryons. —Les embryons 
de 3 à 4 millimètres peu- 
vent être disséqués sans 
trop de peine. L'insecte 
ayant été placé sur le 
porte-objet dans une 
goutte d’eau salée éosi- 
née, on cherche à dé- 
chirer les téguments et 
à les détacher à coups 
d'aiguilles, tout en res- 
pectant les viscères le 
mieux possible. La figure 
31, empruntée à un em- 
brvon de 3 millimètres, 
donne des résultats obte- 
nus, une idée . assez 
exacte. La tête, encore 
surmontée des gaines 
des pièces buccales et 
des antennes répond à 
celle qui à été dessinée 
fig. 28. A droite se voit 
la à 


chaine nerveuse, 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 43 


gauche le tube intestinal, entre deux le vaisseau dorsal avec 
les cellules péricardiques. 

Le cerveau est refoulé en arrière de la capsule, ainsi que 
le ganglion sous-æsophagien. Après ces deux centres (qui for- 
ment avec leurs connectifs un anneau traversé par l’œsophage) 
viennent les trois ganglions thoraciques relativement volumi- 
neux, rapprochés les uns des autres, puis les huit ganglions 
abdominaux notablement plus petits, à l'exception du dernier 
(g. génital) qui est de nouveau un peu plus gros. La longueur 
totale de Ia chaine est de 2 millimètres. 

Le tube intestinal comprend, comme chez la larve plus âgée, 
le pharynx, l'œsophage, le gésier, l'estomac et l'intestin. Le 
pharyax (invisible sur notre sujet) sera tout à l’henre étudié 
sur une coupe. L'œsophage, encore très court, est à peu près 
filiforme (sans dilatations). 

Un petit ganglion est accolé à sa surface, intercalé sans doute 
sur le trajet du récurrent. 

Le gésier relativement allongé, est déjà revêtu des fibres 
spiroïdes qui lui sont propres. 

L’estomac est, à cause de la minceur de ses parois, difficile 
à isoler sans déchirures. Les préparations intactes le montrent 
sous l’aspect d’un sac volumineux, en forme de cornue, rempli 
d'un liquide brun. Ce liquide qui s’accumule chez l'embryon 
constituera, chez la larve nouvelle éclose, une première provi- 
sion de suc toxique. 

L'intestin, un peu plus long que l'estomac, nous intéresse 
surtout à cause des tubes malpighiens qui s'y déversent. Ces 
tubes montrent en effet la disposition en forme d'anses qui 
caractérise les Lampyrides : La longueur de chacune des anses 
(calculée d'après la figure dessinée à la chambre claire) est chez 
notre sujet de { millimètre 1/2. Il ressort de cette observation 
que les anses malpighiennes des Lampyrides ne résultent pas 
(comme on aurait pu le supposer) d'une anastomose secondaire 
se produisant chez la larve, mais apparaissent déjà sous cette 
forme chez l'embryon. 

Remarquons encore à propos de la figure 31, que les organes 
lobulés sont eux aussi bien apparents dans cette phase. Ayant 
constaté la présence de ces petits corps chez tous les embryons 


(4) o8eydosæ ‘Ly ‘xnoutiaquatu-o[n2snu uoqoueuu ‘9 ‘xu4ieud ‘€F “INOMYJUI 119} 
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E. BUGNION 


Roches < 


44 


= 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 


QE] 


examinés (au nombre de 5 ou 6) j'ai tout lieu de croire qu'ils 
existent, à ce moment, dans les deux sexes. 

Coupes sagiltales. — Ges coupes ont été faites sur quatre 
sujets nouveau-nés, dont deux fixés par le liquide alcoolique 
de Bouin et deux par le liquide Gilson, après section préalable 
en deux tronçons. Les blocs de paraffine ont été coupés au 
microtome à une épaisseur de 4 divisions = 0,01 millimètre. 
Les coupes ont été collées au moyen d'eau albumineuse 
(1/2 blanc d'œuf filtré pour 200 centimètres cubes d’eau). Cette 
eau a été, au cours du collage, maintenue à 40°, afin de pouvoir 
s'en servir pour étaler les coupes. La coloration en bloc (à 
l'hémalun-éosine) n’avant pas pénétré assez avant, une 2° colo- 
ration a été faite sur les porte-objets avec les mêmes colorants. 

La coupe de la tête (fig. 32) fait voir la fente buccale, com- 
prise entre le labre et la langue, avec les lames cihiées qui la 
traversent et, dans un plan plus profond, l'espace sous-lingual 
et le labium. 

Le pharynx forme un coude très accusé (déjà signalé par 
R. Vocez et K. Happox). Les faisceaux du dilatateur supérieur, 
tendus de la capsule céphalique à la valve supérieure du pha- 
ryux, sont divisés en deux groupes, l’un antérieur inséré sur la 
valve supérieure en avant du coude de cet organe, l’autre pos- 
térieur inséré en arrière du coude. Ë 

Dans l’interstice des faisceaux antérieurs droit et gauche (sur 
la ligne médiane) se trouve le ganglion frontal, relié par le 
nerf récurrent aux ganglions cérébroïdes. 

Placés au niveau du pronotum, en arrière de la capsule cépha- 
lique, les ganglions cérébroïdes présentent une partie centrale 
(substance ponctuée) de nature fibrillaire et une zone corticale 
constituée par des cellules. Dans l'espace compris entre locer- 
put et Le cerveau se voit un amas de cellules graisseuses, jouant 
le rôle d’un coussinet protecteur à l'égard des ganglions, au 
moment où la tête se retire dans son manchon. En arrière du 
cerveau se voit le ganglion sous-æsophagien, avec le connectif 
correspondant, et plus en arrière encore, le ganglion prothora- 
cique (très rapproché du précédent). 

Les dispositions observées sur la larve plus avancée (fig. 4, 
empruntée à Pelania mauritanica) se retrouvent, comme on 
voit, identiques chez l'insecte nouveau-né. C’est même ce der- 


46 Ë. BUGNION 


nier qui se prête le mieux à cette étude, la larve jeune (faible- 
ment chitinisée) se laissant trancher au microtome bien plus 
aisément que la larve plus âgée. 

Empruntée au bout postérieur du corps la coupe dessinée 
fig. 33 nous intéresse en ceci qu'elle montre l’un des organes 
lumineux déjà constitué de toutes pièces. Ces organes, au nom- 
bre de deux chez.la larve de Lampyris, se trouvent dans les 
parties latérales de l'avant-dernier segment du corps. Plus rap- 
prochés du côté ventral que du dorsal, ils offrent deux masses 
ovoïides longues de 0m, au moment de l’éclosion, formées 
de petites cellules polygonales disposées sans ordre. À Fopposé 


Fig. 33. — Lampyris Bellieri nouveau-né. -- Coupe sagittale du bout 
du corps au niveau de l’un des organes lumineux larvaires. X 112 (B). 


des cellules graisseuses dont le noyau retient fortement lhé- 
malun et dont le cytoplasme est bourré de grains éosino- 
philes, les éléments photogènes ont un petit noyau rond fai- 
blement coloré en violet et un cytoplasme rose-lilas sans 
granules bien apparents. Il faut un grossissement très fort pour 
parvenir à distinguer les granules d’une petitesse extrême 
auxquels (à ce qu'on suppose) la fonction photogénique est 
attachée. 

Les cellules du tissu graisseux et celles des organes lumineux 
étant en somme très différentes, 11 me parait peu probable que 
ces derniers organes tirent leur origine du corps graisseux. 
J'incline plutôt à penser que les organes phosphorescents des 


E 
— 


ANATOMIE ET EMBRKYOLOGIE DES VERS LUISANTS 


larves se forment d’invaginations ectodermiques semblables 
à celles qui engendrent les stigmates et les trachées. On 
constate en effet chez les larves qui ont des organes lumineux 
multiples flottant librement dans l'abdomen (eg. Phausis) que 
lesdites formations sont appendues aux trachées et ont, avec 
celles-ci, des connexions très intimes: Chez Le Phausis Mulsanti 
dont les organes lumineux larvaires sont parait-il au nombre 
de 16, il y à une relation directe entre ce chiffre et celui des 
stigmates de l'abdomen. Quant aux écharpes lumineuses qui 
caractérisent la femelle adulte (Lampyris et Phausis), mon 
idée est qu’elles se forment, au cours de la période nynrphale, 
de cellules détachées de la couche profonde de l’épiderme. 
Je suis done entièrement d'accord avec le prof R. Dusois qui, 
en suite de ses nombreux travaux sur la genèse du tissu éclai- 
rant (1898, 1913, 1914), est parvenu à prouver que les cellules 
photogéniques procédent, tant chez l'embryon que chez la 
nymphe, d'une différenciation de certains éléments de Pépi- 
derme. 

La figure 33 (empruntée au nouveau-né) nous intéresse 
encore au point de vue de l’origine du corps graisseux. Tandis 
que chez les larves âgées de quelques mois, le corps graisseux 
est (sauf dans certaines régions) constitué par des globes plu- 
ricellulaires [chaque globe comprend un certain nombre de 
cellules polyédriques exactement juxtaposées!, les coupes pra- 
tiquées sur Le nouveau-né montrent dans la cavité du corps, à 
la place du futur tissu graisseux, des cellules ovoïdes ou angu- 
leuses isolées les unes des autres. Ainsi dans la figure 33, 
toutes les cellules dessinées à l'intérieur du corps, à part celles 
de l'organe lumineux, sont manifestement des cellules graisseu- 
ses en formation. 

Comment cette donnée étant acquise, faut-il se représenter 
le développement des boules graisseuses ? 

On peut faire deux suppositions. Ou bien les éléments les 
plus voisins s'unissent et se soudent les uns aux autres, où 
bien une cellule d'abord unique se divise successivement en 
plusieurs cellules-filles qui restent réunies en une masse. Ce 
second mode est, d'après mes observations, le plus plausible. 
On ne voit pas en effet, sur des larves plus âgées, des éléments 
de cette sorte s’accoler les uns aux autres, tandis que lon 


48 E. BUGNION 


observe sur toutes les coupes, des cellules graisseuses en voie 
de division, par exemple, sur les sujets jeunes, des cellules à 
deux noyaux. La conclusion qui s'impose est que les boules 
graisseuses des Lampvrides dérivent d'éléments unicellulaires, 
primitivement indépendants les uns des autres. C’est peu à peu 
également que la cellule graisseuse se modifie et qu'à un eyto- 
plasme d'apparence homogène succède, chez la larve plus 
avancée, un corps cellulaire chargé de granulations éosino- 
philes et vaguement divisé en une sorte de réseau. 

Une dernière observation se rapporte au développement des 
logettes de la peau. Nous avons vu ci-dessus que, chez le Lam 


Fig. 34. — Lampyris Bellieri, nouveau-né. — Coupe perpendiculaire des 
téguments. X 400 (B). 


pyre noctiluque, la peau de la larve présente une structure par- 
ticulière. Il y a en dessous de la couche chitineuse pigmentée, 
dans certaines régions du corps, une zone constituée par des 
logettes juxtaposées, disposées sur un plan, en rapport chacune 
avec un poil épais incliné et incurvé. Ces logettes, qui vues 
d’en haut offrent un contour arrondi, se montrent sur la coupe 
exactement quadrangulaires. Elles ont en effet, en sus du pla- 
fond légèrement bombé sur lequel le poil s'implante, un 
plancher horizontal et deux parois latérales (mitoyennes) abor- 
dant le plancher à peu près à angle droit. 

Quelle est l’origine de ces logettes ? Quelle est leur significa- 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 49 


tion morphologique ? L'étude des coupes pratiquées sur le 
Lampyre nouveau-né permet de répondre d'une manière satis- 
faisante à ces questions. | 

Un premier fait à noter est que, dans la phase qui nous 
occupe, les logettes sont, au niveau de leurs futurs planchers, 
encore largement ouvertes, si bien que les cellules graisseuses 
sous-Jacentes proéminent Hbrement à l'intérieur. 

Très instructive à cet égard, la figure 34 rend compte égale- 
ment du développement des logettes. Il y à des travées cellu- 
laires qui se défachent de l’épiderme de distance en distance, 
des deux eôtés des plaques sur lesquelles les poils sont 
implantés. Traversant la fente Iymphatique sous-cutanée, ces 
travées s'enfoncent dans la profondeur du côté du corps grais- 
seux. Les cellules constitutives de ces travées ayant la propriété 
d'engendrer des cuticules, on voit apparaître dans chacune de 
ces æloisons une lame homogène, faiblement chitinisée ‘offrant 
les caractères des cuticules) qui, si l’on traite par l’éosine, se 
colore en rose pâle. Quelques cellules plates persistent çà et 
là sur les faces libres de ces lames. 

Les cloisons en voie de formation diffèrent d'ailleurs suivant 
qu'elles sont encore à mi-hauteur ou qu'elles ont vtteint leur 
hauteur définitive. Les cloisons arrêtées à mi-chemin. (fig, 34) 
se terminent par un bourrelet (en forme de massue sur la 
coupe) au-dessus duquel sont, le plus souvent. appliqués deux 
noyaux. Les cloisons qui ont atteint le niveau du plancher 
portent, au heu dun bourrelet, deux plaques horizontales 
insérées à angle droit, l'une à droite et l'autre à gauche. 

La manière dont se forment les planchers des logettes s'ex- 
plique dès lors aisément. Il suffit que les plaques horizontales 
s'accroissent quelque peu et s'unissent les unes aux autres. Ce 
processus, en vertu duquel les planchers des logettes se consti- 
tuent (refoulant en dessous les cellules du corps graisseux) 
s'effectue d'ordinaire dans le cours des premiers mois. 

Très minces à leur début, les cloisons latérales et Les plan- 
chers s épaississent dans la suite et forment autour des logettes 
de vraies capsules. 

Un détail qui m'a frappé est que le nombre des leucocytes 
contenus dans les logettes s’accroit avec l'âge d’une manière 
manifeste. Je me rappelle une larve déjà grandelette chez 


A 


+ 


50 E. BUGNION 


laquelle plusieurs logettes renfermaient 12 à 20 de ces cellules. 

Une prolifération des leucocytes à l’intérieur des logettes 
parait néanmoins fort peu probable. Les planchers des logettes 
offrant fréquemment, même chez les larves de grande taille, 
des solutions de continuité très évidentes, il faut plutôt admet- 
tre, dans Les cas de cette sorte, une migration des cellules ron- 
des contenues dans le sang. 

Les logettes sous-cutanées du Lampyre noctiluque disparais- 
sent à l’époque où la larve se change en nymphe. Devenue 
beaucoup plus mince, la peau de l’imago n'en montre plus. 


Nouveaux essais d'élevage. — Keprenant en 1921 les essais 
d'élevage commencés en 1920, je m adressai celte fois au Ver 
Tuisant provençal (Phausis Delarouzeei) espèce qui fait sa poute 
à la fin de mai ou au commencement de jun. 

Ayant, daus la période comprise entre le 28 mai et Le 10 juin, 
placé quelques couples de ces Phausis sous des entonnoirs 
garnis de mousse, j'eus la satisfaction d'observer le 7 juillet 
la première éclosion des jeunes larves. J'en obtins du 8 au 
10 juillet une quarantaine. 

L'incubation avait duré de 36 à 38 Jours. 

Plus petit que celui du Lampyris Bellieri, le nouveau-né du 
Phausis Delarouzeei mesure environ 4 millimètres (fig. 35). I 
se distingue d'ailleurs du précédent par sa couleur plus pâle, 
d'un gris jaunâtre, et par sa forme plus élargie. La tête, relati- 
vement petite, est portée par un col musculo-membraneux 
long et flexible. | 

La pigmentation du nouveau né étant encore peu accusée, le 
corps est assez transparent pour que le système trachéen puisse 
être observé à travers les téguments, sans qu'il soit nécessaire 
de disséquer. Les sujets montés dans la glycérine gélatinée phé- 
nolée donnent à cet égard des résultats très favorables. Ce 
liquide de consistance sirupeuse (lorsqu'on l'emploie à peu 
près froid) offre, à l'opposé des essences, l'avantage de ne pas 
pénétrer dans les trachées et de ne pas en chasser l'air. 

La figure 36 (vue dorsale du bout du corps) est spécialement 
destinée à faire voir la disposition des papilles anales. Ces 
organes ayant été décrits page 41, il est inutile d'y revenir. 

Le Phausis Delarouzeer nouveau-né a, comme le jeune 


ANATOMIE EL EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS ol 


Lampyre, des organes lumineux déjà formés. Ayant, dans la 
soirée du {{ juillet, examiné quelques larves de cette espèce 


+ 


Fig. 35. — Phausis Delarouseei, nouveau-né long de 4 
cérine gélatinée phénolée. Photogravure. X 30 


écloses dans la matinée [ces larves posées sur un brin de mousse 


avaient été enfermées dans un tubei je vis distinctement de 


52 _ Æ. BUGNION 


petits points lumineux s'allumer dans la nuit à l'intérieur du 
récipient. Répétée le 13 juillet en présence d'autres personnes, 
Ja même expérience donna des résultats encore plus démons- 
tratifs. S'aidant d’une loupe à court foyer, les divers observa- 
teurs réussirent à discerner dans l'obscurité les points éclai- 


Fig. 36. — Phausis Delarou£seei, nouveau-né asphyxié par immersion 
(légèrement comprimé). Vue dorsale du bout du corps. Glycérine géla- 
tinée phénolée. X 72. Le groupe ventral des papilleganales se voit vague- 
ment par transparence (B). 


rants disposés par paires, au nombre de quatre pour chaque 
larve, plus ou moins distincts suivant la position occupée par 
celle-ci. 

L'élevage des œufs de Phausis Delarouzeei n'avait, à ma con- 
naissance, pas encore été tenté. « 


La Luciole, Aix-en-Provence, novembre 1921. 


ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 53 


OUVRAGES CITÉS 


4850. KixsewwerrTer, H von. — Si{ettiner entom. Zeit., p. 224. 

1851. — Ann. Soc. ent. France, p 587. 

1857. Newport, — On the natural History of the Glowworm (Lampyris noc- 
tiluca). Proc. Linn. Soc. Zool,, vol. 1, London. 

1866. TarGion: Tozzerri, À. — Come sia fat to l'organo che fa lume nella 
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entom. ital., vol. I (1870). 


1882. Wiezowiessxy, H. von. — Sludien über die Lampyriden. Zeits. f. 1viss. 
Zool., vol. 31. 

1884. Emery, C. — Unters. über Luciola italica. Zeits. f. wiss. Zool., 
vol. 40. 

1856. Meixerr, F. — Gjennemborede Kindbakke hos Lampyris og Drilus- 


Larverne. Ent. Tidskrift, VIT. Kjôbenhavn. 
1904. Hexnecuy, F. — Les Insectes. Paris, pp. 57, 93, 95, 96. 


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Louvain. — Les merveilles de l'instinct chez Les Insectes. Paris, 1913, 
p: 293. 


1910  WinTEeRsTEIN. — Handb. d. vergl. Physiologie, WI. Die Produktion 
von Licht. 
1886. Dugois, R. — Les Etalérides lumineux. Bull. Soc, sool. Fr. T. 11. 


1898. — Lecons de Physiologie générale et comparée. Paris. 

1912. Vocez, R. — Beitrag zur Anatomie nnd Biologie der Larve von 
Lampyris nocticula Zoo. Anzeiger, vol. XXXIX. 

1913. Dusois, R. — Sur la nature et le développement de l’organe lumi- 
neux du Lampyre noctiluque. C. À. Acad. Se., Paris, ©. 156, p. 730. 

1914. — Les animaux et les végétaux lumineux. Congrès Assoc. française. 
Le Havre, 30 juillet. 

1914. — La Vie et ia Lumière. Bibl. internat. Paris. 

— — Article : Lumière, dans Dict. de Physiol. de Ch. Richet. Paris. 

1915. Hanpox, Kathleen. — On the methods of feeding and the mouth-parts 


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London, read february 23. 


1915. Vocez, R. — Beitrag zur Kenntniss der Baues und der Lebensweise 
der Larve von Lampyris noctiluca. Zeits. f. wiss. Zool., vol. 112. 
1915, Guirec, E. — Beiträge zur Anatomie der Luchtorgane tropischer 


Käfer. Zeits. f. wiss. Zool.. vol. 112. 

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sis Delarouzéei). Volume inaugural. Bâle. 

1920. b. — Les anses malpighiennes des Lampyrides. Bull. Soc. Zool. 
Frs Ti. XLV,:pra3: 


F. PICARD 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE 


DES 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICZÆ » L. 


SOMMAIRE 


I. PARASITES: DE LA CHENILLE. 

1. Apanteles glomeratus L. 

2. Hyperparasites d'Apanteles glomeralus :, Tetrastichus rapo WI ; 
Dibrachys boucheanus Ralzb.; Eutelus mediterraneus Mayr. ; 
Habrorytus sp ? : les Hemiteles. 

3. Anilastus ebeninus Gray. et ses parasites. Angitia sp ? 

4. Compsilura concinnata Meig. 

II. PARASITES DE LA CHRYSALIDE. 

1. Pteromalus puparum L. 

2. Dibrachys sp? 

3. Pimplainstigator F. 

III CONSIDERATIONS GENERALES. 

4. Rapports des parasites avec leur hôte. 

2. Rapports des parasites entre eux. Le coparasitisme et lhyperpa- 
rasitisme. 

3. Le déterminisme de la ponte. La nutrition aux dépens de lhôte. 

4. L'accouplement. La reproduction chez les femelles vierges. 

Le comportement et l'adaptation. 


© 


Il est peu d'insectes parasites qui aient été aussi étudiés que 
ceux qui vivent aux dépens de la Piéride du chou. IT peut donc 
sembler inutile et présomptueux d'entreprendre de nouvelles 
recherches à leur sujet. Mais la plupart des naturalistes qui 
s'en sont occupés se sont bornés au point de vue descriptif. 
sans essayer d'en extraire quoi que ce soit de général, ce qui 
n’était pas le but que je me proposais. 

D'autre part, mes observations m'ont fourni un nombre con- 
sidérable de faits qui avaient échappés à mes prédécesseurs, 
tels que ce curieux phénomène du guet chez le Pteromalus 
puparum, la  parthénogénèse thélytoque d’un Hemiteles, 


- PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » DD 


l'étrange et inutile attirance du Tetrastichus rapo par les che- 
nilles de Piérides saines, la série de réflexes déclanchant la 
ponte chez le Pimpla instiqator, la reproduction parthénogéné- 
tique et la nutrition aux dépens de l'hôte chez des Hyménoptè- 
res où on ne les connaissait pas. J'ai ajouté, d'ailleurs, plu - 
sieurs espèces à la liste des ennemis de l’'Apanteles : Eutelus 
medilerraneus, Hemiteles longicauda et Habrocytus sp ?, et une 
autre à ceux de la Piéride, un Dibrachys qui, fait inattendu, 
est endoparasite, contrairement à son congénère le Dibra- 
chys boucheanus. On voit donc que le sujet Le plus rebattu peut 
encore donner des résultats nouveaux pour qui l’'aborde avec 
des préoccupations nouvelles. 

Je me suis limité volontairement à l'étude des Piérides con- 
finées sur un très petit territoire consistant dans les cultures de 
Crucifères voisines de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier. Les 
interactions des parasites entre eux et avec la Piéride consti- 
tuant le principal objet de ces recherches, il était nécessaire 
de m'en tenir à des espèces réagissant effectivement les unes 
sur les autres, et par conséquent groupées sur un espace res- 
treint. 

L'exposé de ce travail comprendra trois parties. Dans la pre- 
mière, j'étudierai les parasites de la chenille et leurs hyperpa- 
rasites ; dans la seconde, ceux de la chrysalide. Ces deux caté- 
gories sont en effet bien tranchées, car les espèces qui éclosent 
de la nymphe dérivent d'œufs qui yontété pondus, et celles qui 
se développent dans la larve ne passent pas dans la chrysalide. 
La Compsilura concinnala fait parfois exception, car un grand 
nombre de ses larves ne sortent de la Piéride qu'un peu après 
sa métamorphose. Quant aux insectes qui pondent dans l'œuf, 
notamment le Pol/ynema ovulorum, ils faisaient défaut dans le 
consortium qui fait l’objet de ces observations. 

La troisième partie sera consacrée à la discussion d’un cer- 
tain nombre d'idées générales suggérées par les faits exposés 
dans les deux premiers chapitres (). 


(t) J'adresse mes remerciements à M. Je D' Masr, de Gênes, pour avoir bien 
voulu m'aider de ses lumières dans l'identification des Chalcidiens, et à 
MM. Gnassé et SuIRe, pour m'avoir adressé à Paris, lors de mon départ de Mont- 
pellier, à l'automne de 1921, du matériel qui m'a permis de mettre au point quel- 
ques observations, : 


56 F. PICARD 


LL — PARASITES DE LA CHENILLE 


1.-— Apanteles glomeratus IL. 


Ce Braconide est le plus important des parasites de la che- 
nille de Pieris brassicæ. Gomme il est extrèmement répandu, 
son étude à été poursuivie, depuis Réauuur, par une foule 
d'observateurs et je puis done être assez bref sur son compte. 

En négligeant les travaux anciens, la biologie de l’Apanteles 
a été reprise dans ces dernières années, en Italie par Marre 
(1907), en Allemagne par AbLer (1918-1920), en France par 
Gaurier (1918-1919), en Angleterre par Garex8y (1919). Les don- 
nées fournies par ces auteurs ne différent que par des détails 
très secondaires, et mes propres observations me permettent de 
les confirmer. Il y a lieu seulement de ne pas tenir compte des 
publications fantaisistes de Fasre qui prétend que l’Apanteles 
pond dans les œufs du Pieris, et de celles de J£6ex (1918) qui lui 
fait accoler son œuf extérieurement à la peau de la chenille et 
qui explique la rapidité du développement embryonnaire par la 
nécessité où est la larve d’éclore avant la mue de son hôte. 

J'ai observé la ponte à maintes reprises, sur de très petites 
chenilles. Le stade le plus favorable est celui qui suit immédia- 
tement l’éclosion et pendant lequel les jeunes larves de Pieris, 
comme celles dé beaucoup de Lépidoptères, dévorent la coque 
de leur œuf. Aprer (1920) prétend même que c'ést à ce moment 
précis seulement que la ponte est possible, parce que, dès que la 
petite chenille a mangé du chou, elle crache du jus de plante 
sur le Braconide qui fuit. Il y a là de l’exagération. J'ai pu 
m'assurer que l’Apanteles est encore susceptible de déposer 
son œuf sur des Piérides de quelques jours. C’est un insecte 
robuste qui maitrise parfaitement les chenilles en train de 
se nourrir et reste insensible à leurs réactions défensives. 

MarreLzut est plus près de la vérité en affirmant que l’Apan- 
teles glomeratus pond dans des chenilles de 1 à 2 jours et qu'il 
peut même déposer ses œufs dans des individus âgés de 5 jours 
lorsqu'il y est forcé. Sans mettre en doute ce dernier fait, je Le 
tiens pour exceptionnel, car, dans mes observations, des che- 
hilles de 5 jours ont laissé le Braconide complètement indiffé- 


PARASITES DE « PIKRIS BRASSICÆ » 57 


rent. Mais je lai vu pondre très souvent aussi bien sur des 
chenilles de 2 ou 3 jours ayant mangé que sur celles qui 
venaient d'éclore et étaient occupées à ronger leur coque. 

En ce qui concerne la ponte dans l'œuf admise par FaBre, je 
n'ai jamais vu les œufs de Preris exercer une attirance sur les 
Apanteles, mème lorsque leur teinte, virant au gris, annonce 
l’imminence de l’éclosion. Gautier dit cependant que la ponte 
dans l'œuf peut se produire exceptionnellement lorsque l'insecte 
est privé de chenilles, mais que dans ce cas les œufs n’éclosent 
pas, ou donnent des chenilles indemnes. Il est possible que 
Fasre ait généralisé une observation accidentelle, sans prendre 
la peine d'observer la suite du développement. | 

L'Apanteles est apte à pondre dès qu'il est éclos. Aussitôt 
qu'il se trouve en présence de chenilles de taille convenable, 
il s'y porte rapidement, les maîtrise brutalement, et, courbant 
son abdomen entre ses jambes postérieures, perce le corps de 
sa victime avec sa tarière. L'opération ne dure que quelques 
secondes pendant lesquelles la chenille reste immobile. 

La description de Marrezrt, qui insiste sur les attitudes timi- 
des du Braconide et les tentatives prudentes et répétées qui 
précèdent la ponte, ainsi que sur les secousses et les réactions 
défensives de la Piéride, ne correspond pas à ce que j'ai vu: la 
chenille reste passive où à peu près devant l'attaque brusquée 
de l'Apanteles qui n'a jamais besoin de s’y reprendre à plusieurs 
fois pour arriver à ses fins. Dès que la ponte est terminée, 
l'Apanteles se traine sur le côté à plusieurs reprises en frottant 
son abdomen à la feuille de chou, et essuie sa tarière. 

L’adulte apparaît dès la fin de mars à Montpellier, et ses 
générations se succèdent jusqu à l'automne, la rapidité du déve- 
loppement étant proportionnelle à la température. Tout le 
cycle s'accomplit en trois semaines dans le gros de l'été. Les 
derniers individus de l’année qui sortent des chenilles en 
novembre, passent l'hiver dans leur cocon, non à l'état de nym- 
phe, mais de larve, pourse métamorphoser seulement à la fin de 
l'hiver. En été, au contraire, la nymphose à lieu trois jours 
environ après le filage du cocon. La larve, décrite en détails, 
notamment par SEuraT, est bien connue. Le stade le plus 
jeune, en particulier, est remarquable par son énorme vésicule 
caudale et l'absence de trachées. 


à 


58 c F. PICARD 


On sait que les Pieris parasitées ne se distinguent des autres 
ni par leur aspect ni par leur comportement. Peut-être pour- 
rait-on admettre qu’elles quittent le chou pour vagabonder un 
peu plus tôt que les chenilles saines, ear la sortie des À panteles 
se produit souvent un peu avant que la chenille ait atteint toute 
sa taille, mais la différence est bien faible et provient sans 
doute de l’amaigrissement dû au parasite. Le mode de perce- 
ment de la peau de l’hôte a été exactement décrit par tous les 
auteurs, sauf par Fagse qui prétend que toutes les larves sor- 
tent par une fente latérale commune. En réalité, la chenille est 
perforée, surtout sur les flancs, d'autant de trous qu'il y à de 
parasites, mais ces ouvertures se ressèrent aussitôt après leur 
passage de sorte qu’elles deviennent presqu'invisibles et que la 
chenille ne perd pas une goutte de sang. Le filage de la sote 
commence dès que la larve est engagée dans l'ouverture et bien 
avant qu'elle ait terminé sa sortie. 

Les cocons sont, comme on le sait, agglomérés en un amas 
recouvert d’une enveloppe commune. Le nombre des larves 
pouvant cohabiter dans une même chenille est très variable : 11 
est en général de 18 à 25, mais peut monter jusqu’à 45 et des- 
cendre jusqu'à 1. La chenille, après la sortie de ses parasites, 
languit sans s’écarter des cocons, ne s’alimente plus, et meurt 
après un maximum de huit jours. : 

Avec la majorité des auteurs, je n'ai jamais vu de telles che- 
nilles se chrysalider. Cependant Réaumur (1736, t. IT, p. 420) 
dit, en parlant des larves de Piéris parasitées par l’Apanteles : 
« Quelques-unes même, malgré toutes les playes qui leur 
« avaient été faites pour donner des sorties à tant de vers, se 
« métamorphosèrent en crisalides, mais en crisalides qui péri- 
« rent bientôt ». Marrezu, GauriER et d'autres admettent que 


= 


les chenilles meurent sans aucune exception avant de se chrysa- 
lider. Garev8y (1919) est pourtant d’un avis opposé et tend à 
donner raison à Réauuur. D'après lui la chenille peut parfois se 
nymphoser lorsque le nombre des parasites est petit. Un imdi- 
vidu aurait même donné l'adulte. De toute façon. ce dernier cas 
ne peut qu'être très exceptionnel. 

L'Apanteles qlomeratus.attaque non seulement toute les espè- 
ces du genre Pieris, mais celles de beaucoup d'autres Lépidop. 
tères de toutes les familles : Aporia cralægi, Vanessa urticæ, 


PARASITES DE «€ PIERIS BRASSICÆ » 59 


Macroglossa stellatarum, Smerinthus populi, Zygæna ephialtes, 
Bembecia hylæiformis, Lymantria monacha et dispar, Euproc- 
his chrysorrhea, Notodonta sic-zaq, Abraxas grossulariata, Phy- 
galia pedaria. 

Mais beaucoup de ces hôtes sont accidentels. Même en ce qui 
concerne les Pieris, Gautier admet que l’on ne trouve guère 
que 2 0/0 de Preris rapae attaqués contre 95 0/0 de Pieris bras- 
sicæ (). Cependant l’Apanteles jlomeratus fut introduit dans 
l'Amérique du Nord dans le but de combattre Pieris rapæ et 
remplit son rôle efficacement. Le même Apanteles est aussi le 
principal parasite d’Aporia cratægi, du moins à Montpellier, et 
c'est l'espèce désignée par R\rzeBure sous le nom de Microgas- 
ter cratæqi. L'Apanteles spurius, très abondant également chez 
l’Aporia, ne pond jamais, à ma connaissance, dans P. brassicæ, 
bien qu'il aieété cité parmi ses hôtes. En 1920, lors d’une inva- 
sion exceptionnelle d’A. cratægi, j'observai une très forte pro- 
portion de ces chenilles attaquées par À. spurius, tandis que 
les Piérides d'un champ de choux, presque contigu, s’en mon- 
trèrent constamment indemnes. 

En résumé, À. glomeratus, sans être spécifique, est avant tout 
un parasite des Preris et genres voisins {Aporia). Ses autres 
hôtes, à part peut-être Abraxas grossulariata, sont des hôtes 
de fortune. Il en est sûrement ainsi pour les Vanesses, car sur 
le même mur où un nombre immense de Piérides parasitées 
venaient se fixer, deux chenilles de Vanesses : Pyrameis cardui 
et Polygonia egea, vivant sur la Pariétaire, restèrent complè- 
tement indemnes d'Apanteles qlomeratus, quoique parasitées par 
une autre espèce du même genre. 


2. — Hyperparasites d'Apanteles glomeratus 


L'Apanteles glomeralus étant très abondant sert de proie à 
un grand nombre d'autres insectes. Les Fourmis, Cremastogas- 


(‘) L'opinion de Cuénor (Les moyens de défense dans la série animale, p. 83), 
d’après laquelle l’immuuité relative de Pieris rapae serait due à l'homochromie, 
n'est pas soutenable, l’Apanteles pondant dans les petites chenilles qui, chez 
rapae comme chez brassicae, sont de la même teinte grise et nullement homo- 
chromes avec la feuille de chou. P. rapae est moins parasitée simplement parce 
que les œufs de cette espèce sont éparpillés et non asglomérés comme ceux de 
P. brassicae. 


60 F. PIOARD 


ter etautres, détruisent une grande quantité de ses nymphes. 
Les Hyménoptères parasites qui l’attaquent sont nombreux et 
comprennent à Montpellier les espèces suivantes : 

Tetrastichus rapo WIk. 

Dibrachys boucheanus Ratz. 

Eutelus mediterraneus Mavr. 

Habrocytus Sp ? 

Hemiteles fulvipes Grav. 

Hemiteles longicauda Thoms. 


IL est à remarquer que tous ces hyperparasites pondent dans 
le cocon du Braconide et qu'aucun n'atteimt sa larve tant 
qu'elle est dans le corps de la Piéride. Si l’on en croit MaRTELLI, 
il faut faire exception pour le Tetrastichus rapo, mais je ne 
l'ai vu déposer son œufet se développerque dans les cocons de 
l’Apanteles. | 


Tetrastichus rapo WIk. 


Ce très petit Chalcidien, d’un vert-bleu métallique, est pro- 
bablement le mème que le Diplolepis microgastri décrit par 
Boucaé comme sortant des cocons de l’Apanteles glomeratus. 
Cependant Mas est d'avis que l'espèce de Boucné peut tout 
aussi bien être rapportée au Dibrachys boucheanus, de sorte 
que, dans le doute, il vaut mieux adopter le nom de 
WALKER. 

On connait actuellement trois hôtes de ce Tetrastichus, tous 
trois parasites des Pieris. Marrezui l'a obtenu d'Apanteles qlome- 
ratus et d'Anilastus ebeninus, et je l'ai également élevé dans 
les cocons de ces deux insectes. Récemment Gavwrier et RIEL 
(1921) ont signalé son parasitisme aux dépens de l’Apanteles 
rubecula Marsh., ennemi de la chenille de Pieris rapa. 

Les femelles de Tetrastichus ne s’accouplent qu'une fois ; 
mais le mâle Les harcèle sans cesse. I ne semble pas faire de 
différence entre les femelles vierges et celles qui ont été fécon- 
dées, cas fréquent chez les Chalcidiens, et qui contraste avec ce 
qui se passe chez les Ichneumonides tels que les Pimpla. Dès 
qu'une femelle est dans son voisinage, il se juche sur son tho- 
rax, la caresse des pattes et des antennes, puis recule de temps 


PARASITES DE & PIERIS BRASSICÆH » 61 


à autre pour tenter un rapprochement toujours refusé. Ces 
importunités continuelles du mäle dérangent beaucoup les 
femelles pendant qu'elles sont occupées à pondre, 

L'étude de la ponte et du mode de parasitisme m'a donné 
beaucoup de, mal, car, mes observations me mettant en désac- 
cord avec mes prédécesseurs, J'ai dû instituer des expériences 
aussi nombreuses et variées que possible afin de vérifier ma 
façon de comprendre les faits. 

J'exposerai d'abord les observations de mes devanciers et je 
donnerai ensuite ma propre manière de voir. 

SeurAT (1899) à très vraisemblablement étudié cette espèce, 
sous le nom de Diplolepis microgastri. D'après lui ce Chalei- 
dien pond ses œufs, à travers la peau des chenilles de Pieris 
brassicæ, dans les jeunes larves d’Apanteles qlomeratus, alors 
que celles-èi sont très petites et n’ont pas encore de trachées 
visibles. Cet auteur a observé des larves d'Apanteles renfermant 
une vingtaine d'œufs de l'hyperparasite. Le Chalcidien ne sort 
de l'hôte que quand celui-ci a filé son cocon ; à ce moment il 
dévore tout, sauf la peau, et opère sa nymphose dans la coque 
de sa victime. 

Marrezu (1907) ne cite pas l’auteur français, et arrive à des 
conclusions analogues. Pour lui, le Tetrastichus rapo, qui pond 
dans les chenilles de 12 à 20 millimètres, choisit celles qui 
hébergent des larves d'Apanteles où d'Antlastus et les recon- 
naît avec une grande facilité. Le Tetrastichus perfore done avec 
sa tarière, d’abord la peau du Pieris et ensuite celle de la 
larve sous-jacente. La larve du Te/rastichus ne nuit pas à 
l'hôte dans lequel il vit tant que celui-ci se trouve dans le corps 
de la Piéride, de sorte que les larves d'Apanteles peuvent 
atteindre leur complet développement dans la chenille, en 
sortir et filer leur cocon ; de même l’Anélastus parvient à filer 
le sien. L'œuvre destructrice des larves de Tetrastichus ne s’ac- 
complit que quand l'hôte est proche de la nymphose. Alors 
les Chalcidiens sortent de la dépouille de leur victime, restent 
dans son cocon et y terminent leur évolution. Marrezut est en 
désaccord avec Seurar sur un point : 1l dit que le nombre des 
larves de Tetrastichus susceptibles de vivre dans un Apanteles 
est en moyenne de 3 et ne peut dépasser 4, tandis que Seurar 
a observé une vingtaine d'œufs dans les jeunes larves du Bra- 


62 F. PICARD 


conide. Mes constatations donnent raison à MARTEL, mais il 
faut compter avec la concurrence vitale. 

Gaurier et Riez (1921) admettent aussi que le Tetrastichus rapo 
dépose ses œufs dans la larve de l’Apanteles rubecula à travers 
le corps de la chenille de Pieris rap. L'adulte sort beaucoup 
plus tard, lorsque l’Apanteles a filé son cocon. 

Convaincu de l'exactitude des faits décrits par ces divers 
auteurs, je me suis acharné à les vérifier sans pouvoir y parve- 
nir, et la série d'expériences suivante m'a conduit à une con- 
ception très différente du mode de parasitisme de Tetrastichus 


rapo : 
fe série d'expériences. Ponte dans les petites chenilles para- 
sitées. — Des petites chenilles sont livrées, le jour même de 


leur éclosion, à des Apanteles qui y déposèrent leur œufs. 
Deux ou trois Jours après, elles sont mises en présence d’une 
douzaine de Tetrastichus rapo femelles. Celles-ci les abordent 
aussitôt de telle façon qu’il semble bien que la proie leur con- 
vient. La ponte parait cependant fort difficile par suite des 
réactions violentes des chenilles sur le compte desquelles je 
reviendrai. Ce n'est souvent qu'au bout d’une heure, et quel- 
quefois bien davantage, que le Tetrastichus, juché sur le dos de 
sa victime, parvient à enfoncer sa tarière et à la maintenir assez 
longtemps pour donner l'impression que l'œuf a été déposé. 
Néanmoins, après une cohabitation de 24 heures, pendant 
laquelle j'ai assisté de visu à de très nombreuses piqûres, je 
considère que la totalité, ou du moins la grande majorité, des 
chenilles apantélisées à dû recevoir la ponte de l’hyperpa- 
rasite. 

Le lot parasité, et supposé hyperparasité, est ensuite nourri 
sur feuilles de chou. Petit à petit, dans Les jours qui suivent, 
une mortalité, qui devient de plus en plus forte, s’observe dans 
l'élevage. Certaines chenilles résistent 5 jours, d’autres 8 ou 10, 
mais aucune ne dépasse une douzaine de jours. Je dissèque à 
mesure la presque totalité des Piérides mortes ; dans chacune 
d'elles je retrouve les larves primaires de l'A panteles avec leur 
vésicule anale. Beaucoup sont encore vivantes elles n'ont pas 
encore de trachées et tous leurs organes sont visibles par trans- 
parence, de sorte qu'il serait très facile d'y déceler Pœuf ou la 
larve du Tetrastichus. Mais aucune ne renferme ni œufs ni lar- 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 63 


ves du Chalciden, et il n’en existe pas non plus dans les orga- 
nes ni dans la cavité générale de la chenille. 

‘Cette expérience fut recommencée plusieurs fois de suite avec 
des variantes. Parfois la durée séparant la ponte du Braconide 
de celle du Tetrastichus fut espacée de quelques jours, d’autres 
fois les chenilles furent livrées aux Chalcidiens au sortir de 
l’étreinte des Apanteles. Dans tous les lots le résultat fut le 
même : toutes les chenilles moururent en un temps plus ou 
moins long, et, disséquées vivantes ou mortes, aucune ne pré- 
senta le moindre T'etrastichus à quelque stade que ce fut. 

® série d'expériences. Ponte dans de jeunes chenilles indem- 
nes. — Une centaine d’œufs de Pieris sont déposés dans un 
tube avec quelques Tetrastichus qui restent indifférents. Dès 
que les chenilles éclosent, et pendant qu’elles mangent leur 
coque, les Chalcidiens se portent sur elles et font des tentati- 
ves de ponte, absolument comme pour les chenilles apantéli- 
sées. À ma grande surprise, Je les vois persévérer et parvenir 
à enfoncer leur tarière dans tous les individus du lot, et je puis 
me convaincre que contrairement aux affirmations de MarTeLuI, 
le Tetrastichus ne fait aucune différence entre les individus 
indemnes et ceux qui sont parasités. Cinq jours après, toutes Les 
chenilles de cette ponte sont mortes; aucune d’entre elles, 
après dissection, ne recèle d'œufs ni de larves du Chalcidien. 

De petites chenilles de deux jours sont exposées aux Tetrasti- 
chus. Elles sont piquées et meurent au bout de 5, 8 ou 10 jours. 
Aucune n’est parasitée. 

3° série d'expériences. Chenilles de grande taille. — Des che- 
nilles arrivées à la fin de leur croissance sont isolées dans un 
récipient contenant une quinzaine de femelles de Tefrastichus, 
ou davantage, par chenille. Les Chalcidiens se portent instan - 
tanément sur leur dos. Ils subissent donc très fortement leur 
attirance, comme celle des petites ; mais ici ils n'ont à engager 
aucune lutte ; les grosses chenilles réagissent à peine et se lais- 
sent piquer presque passivement. Aussi les Hyménoptères 
s’occupent-ils sans relâche à enfoncer leur tarière sur toutes 
les régions du corps. 

Au bout d’un certain temps les chenilles ainsi piquées sont 
presque complètement paralysées. Quelques-unes le sont 
encore le lendemain et meurent au bout de 24 heures. D’autres 


64 F. PICARD 


se rétablissent et se transforment le surlendemain en chrysa- 
lides qui donneront des papillons. : 

Les autres sont ouvertes, mortes ou vivantes, et ne renfer- 
ment pas d'œufs du Tefrastichus. 

D'autres essais sont faits en se servant de chenilles un peu 
moins grosses, où en diminuant le nombre des agresseurs. 
Dans ce dernier cas, la paralysie est moins complète et la Pié- 
ride s’en remet promptement. Mais de toute facon, la totalité 
des chenilles est trouvée indemne à l’autopsie. 

4e série d'expériences. Ponte dans les cocons d'Apanteles. — 
Je donne à des Tetraslichus des amas de cocons d’Apanteles. 
Ils s'y promènent lentement, les palpent des antennes, abais- 
sent leur tarière et l'enfoncent verticalement à la manière des 
Chalcidiens. 

Huit jours après, j'ouvre un certain nombre de éocons expéri- 
mentés.J'ytrouvedes larves d’Apanteles mortes, en pleine décom- 
position ; leurs tissus sontremplacés parun liquide sanieux d’une 
teinte brune, malodorant et contenant une ou plusieurs larves 
de Chalcidiens qui ne peuvent appartenir qu'au Tetrastichus. 
Ces larves, qui sont bien vivantes et remuent les mandibules, 
flottent dans le liquide, et l'ont voit par transparence que leur 
tube digestif est rempli de la même sanie dans laquelle elles 
sont plongées. Des adultes de T. rapo sortirent des cocons 
réservés par un trou de très petit calibre, ce qui leva tous les 
doutes. 

Un grand nombre de pontes furent ainsi observées dans les 
cocons d’Apanteles. La dissection me montra toujours des lar- 
ves de Tetrastichus, tantôt solitaires, tantôt grégaires au nom- 
bre de deux ou trois, mais en tout cas /oujours endoparasites, 
ayant tué leur victime, et se gorgeant du liquide en putréfac- 
lion dans lequel elles flottent. Il est donc: très facile de les dis- 
tinguer des larves de Dibrachys qui vivent aussi dans les cocons 
d’'Apanteles, mais qui sont ecloparasites, ne tuent pas leur proie 
et en aspirent les sues frais. Les larves de Tetrastichus furent 
observées aussi dans les nymphes de l'Apanteles dont elles 
occasionnent la mort et la décomposition comme elles le font 
chez la larve. 

La nymphe de Tetrastichus rapo, qui se trouve placée à nu, 
comme la plupart des nymphes de Chalcidiens, dans le cocon 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆH » 65 


de l'hôte, est facile à distinguer de celle du Dibrachys bouchea- 
nus par sa taille plus petite, la position de ses pattes en moin- 
dre extension, ete. 

Les succès constants de ces expériences de ponte dans les 
cocons contrastent avec les insuccès de toutes les tentatives 
pour obtenir le développement dans les chenilles de quelque 
taille que ce soit, apantélisées ou non. 

5° série d'expériences. Ponte dans les cocons d'Antlastus. — 
J'offre aux Tetrastichus les tonnelets contenant le cocon de 
l'Anilastus ebeninus. Is sont acceptés et piqués comme les 
cocons d’Apantelies. Quelques jours après, plusieurs de ces ton- 
nelets sont ouverts ; ils contiennent une larve ou une nymphe 
morte pleine d'un liquide putride dans lequel sont plongées de 
12 à 15 larves de Tetrastichus bien vivantes, avec l'intestin 
rempli du fluide brunâtre dans lequel elles nagent. Les cocons 
non disséqués donnent issue par la suite, par un trou circulaire, 
à des Tetrastichus adultes. 

Nous savons que Marrezur admet que le Chalcidien pond 
dans l'Anélastus à travers la peau de la Piéride vivante. Il dit 
cependant que la larve de l'Ichneumonide peut être atteinte 
quelquefois quand elle à complètement dévoré l’intérieur de 
l'hôte et que le tégument de celui-ci a pris une teinte enfumée. 
Mes expériences montrent que c'est la règle. On ne peut pas 
parler d’hyperparasitisme véritable dans ce cas, c’est-à-dire de 
parasites emboités l’un dans l’autre et tous deux vivants. La 
peau de la chenille au moment de la ponte n'est plus qu'une 
enveloppe sèche et correspond au cocon de l’Apanteles. 

En résumé, je crois pouvoir tirer de ces cinq séries d'expé- 
riences les conclusions suivantes : 

1° Les chenilles apantélisées ou non, grandes ou petites, 
exercent une puissante attraction sur le Te/rashichus rapo qui 
les perce de sa tarière avec ardeur. Rien ne nous autorise à 
penser, comme le prétend Marrezt, que le Chaleidien choisit 
celles qui sont parasitées, ni qu'il les reconnait avec facilité. 

2° Aucune des chenilles piquées, parasitées ou non, n'a per- 
mis le développement du Tetrastichus, n1 dans ses tissus, ni 
dans ceux du parasite. Le venin du térébrant les fait périr à 
coup sûr lorsqu'elles sont petites, et même lorsqu'elles sont 
grosses si Les piqûres sont multipliées, 


66 F. PICARD 


3° Le Tetrastichus pond dans les parasites de la chenille 
(Apanteles et Antwlaslus) mais seulement lorsqu'ils ont filé leur 
cocon et que la chenille est morte. Il {ue son hôte rapidement 
et se développe dans son cadavre putréfié. 

Ces conclusions, basées sur un grand nombre d'expériences 
que chacun peut répéter, sont donc fort opposées à la manière 
de voir de Seurar, de Manrezrt et de Gautier et Riez, et je ne 
me dissimule pas qu'il est troublant d’être en contradiction 
avec quatre naturalistes dont la bonne foi ne saurait être sus- 
pectée. 

Ce l’est d'autant plus que j'ai parfaitement vu le Tetrastichus 
enfoncer sa tarière dans les chenilles. On peut se demander si 
mes prédécesseurs, ayant offert des chenilles apantélisées au 
Tetrastichus et l'ayant vu piquer, ne s'en seraient pas tenu là 
et n'auraient pas admis, sans plus ample informé, que les adul- 
tes qu'ils voyaient sortir des cocons provenaient d'œufs pondus 
dans la Piéride. J'étais disposé moi-même à le croire, jusqu'à 
ce que j'aie vu, d'une part que les chenilles ainsi piquées mou- 
raient en peu de temps, et d'autre part que les chenilles indem- 
nes étaient perforées avec autant d'ardeur que les parasitées. 
D'ailleurs il faudrait expliquer ce que Seurar aurait pu prendre 
pour des œufs, car il dit nettement avoir vu une vingtaine 
d'œufs de Diplolepis dans le corps de très jeunes larves d’Apan- 
teies n'ayant pas encore de trachées. 

Je me suis demandé si l'on ne pourrait pas concilier toutes 
les observations. Le Terrastichus est, somme toute, polyphage, 
puisqu'on lui connait trois hôtes : deux Braconides, les Apante- 
les glomeratus et rubecula, et un Ichneumonide, l'Antlastus ebe- 
ninus. Il parait sollicité par des attirances complexes puisqu'il 
pique les cocons des parasites et aussi les chenilles, depuis 
leur sortie de l'œuf jusqu’à la chrysalidation. Ne pourrait-on 
pas admettre qu'il infeste les Apanteles, tantôt dans le cocon 
après leur sortie comme je l'ai observé, tantôt dans la chenille, 
comme le veulent les auteurs précitées ? Mes échecs provien- 
draient alors de ce que je n'aurais pas su saisir le stade conve- 
nable et qu'au lieu de très petites chenilles apantélisées, âgées 
de quelques jours, j'aurais dû en offrir de grosses, contenant 
des larves de Braconide plus évoluées. 

Cette manière de voir est possible et je serai très disposé à 


PARASITES DE © PIERIS BRASSICAÆ » 67 


l’admettre si des observations ultérieures la vérifient, mais elle 
se heurte à deux grosses objections : 1° elle ne cadre pas avec 
les observations de Seurar qui a décrit la ponte comme se fai- 
sant dans de jeunes chenilles renfermant de très petites larves 
n'ayant pas encore de trachées visibles, ce qui n’est pas le cas 
des chenilles moyennes et grosses, chez lesquelles Iles Apante- 
les se trouvent à des stades plus avancés. 

20 Nous savons qu'Apanteles et Anilastus sont tués dans leur 
cocon par le parasite et que celui-ci se nourrit d’une bouillie 
putride. Si donc le Tetrastichus se développait dans la chenille 
aux dépens des mêmes parasites, la même mort rapide survien- 
drait, et en admettant que le Chalcidien put poursuivre son 
évolution, c'est du corps de la chenille qu'il surgirait à l’état 
adulte, et SeuraT, MarTezi, etc. disent qu'ils vivent dans la 
larve d'Apanteles sans la tuer, ce qui permet à celle-ci de 
sortir pour filer son cocon. C'est à ce moment seulement que le 
Braconide périt 

Or j'ai toujours observé qu'une mort prompte était l'apanage 
de tout Apanteles dès qu'il était parasité. J’ignore si c’est Le fait 
du venin maternel ou des mandibules larvaires, mais j'imcline 
plutôt vers la première solution après avoir constaté les ter- 
ribles effets de ce venin paralysant sur les chenilles de Pieris. 
Je considère donc comme tout à fait impossible qu'une larve 
jeune d’Apanteles parasitée par leTetrastichus rapo puisse sur- 
vivre assez longtemps pour filer son cocon. 

Ou bien il faudrait admettre une double évolution : celle 
que jai vue, avec ponte dans le cocon, du type rapide, et mor- 
telle pour l'hôte, et une seconde, compatible avec la description 
de Seurar et de MarreLui, avec ponte dans la chenille, du type 
lent, l'œuf, par exemple, éclosant tardivement, ou la petite 
larve attendant pour se nourrir l'issue au dehors de sa proie. 
À vrai dire, on peut théoriquement concevoir que l'œuf ou la 
jeune larve puissent évoluer différemment suivant le milieu dans 
lequel ils sont plongés. Il ne me semble pas possible de tout 
concilier sans être acculé à cette hypothèse. Mais on doit 
avouer qu'elle touche à la limite de la vraisemblance et que, si 
des recherches futures la confirmaient, la biologie du Tetrasti- 
chus rapo serait plus surprenante encore qu'elle ne parait. 

De toute facon je ne puis qu'exposer le résultat de mes pro- 


68 É F. PICARD 


pres observations, et sans vouloir nier les faits relatés par 
d’autres, je dois reconnaitre qu'ils cadrent bien mal avec ce que 
j'ai constaté. Toutefois, même en admettant un développement 
possible dans les jeunes larves d’Apanteles, 11 n'en demeure 
pas moins établi que les Piérides saines exercent une attirance 
aussi forte que les parasitées et sont piquées de la même façon, 
fait extrêmement suggestif qui avait échappé à tous les obser- 
vateurs. 

IL est nécessaire maintenant d’éclaircir certaines questions qui 
se posent à la suite de mes expériences : 

J'ai dit que ni œufs ni larves de Tetrastichus n'avaient été 
trouvés dans les autopsies pratiquées sur les chenilles piquées. 
Ce fait peut s'expliquer de deux facons : ou bien l’insecte pond 
effectivement lorsqu'il enfonce sa tarière, et l'œuf est ensuite 
résorbé par phagocytose On sait que le fait a été vérifié par 
Tiusercare dans le cas de Limneria validum pondant dans 
des chenilles ne convenant pas à son développement, et c'est 
une des voies par lesquelles le parasitisme aboutit à la spéci- 
ficité. 

Ou bien, au contraire, le Tetrastichus ne pond pas. Fexpli- 
querai à propos du Pimpla inshiqator, que certaines exeitations 
peuvent déclancher le réflexe de l'érection de la tarière et dela 
perforation de l’hôte, sans provoquer l'évacuation de l'œuf. Il 
peut en être ainsi dans le cas présent et il est très admissible 
que l'odeur du Pieris incite l’insecte à piquer, mais non à 
pondre. Des chenilles ouvertes peu après la piqûre ne m'ont 
rien montré, mais l’œuf peut m'avoir échappé. 

Les manœuvres de l’insecte donnent, 1l est vrai, l'impres- 
sion d'une ponte effective : la femelle recourbe l'abdomen, en 
touche la chenille de la pointe, puis le relève et le maintient 
horizontal, tandis que la tarière reste verticale ; elle est enfon- 
cée progressivement, parfois à demi, parfois jusqu à la base, 
avec de petits coups saccadés pendant la montée ou la descente, 
suivis de torsion de l’abdomen, comme chez beaucoup de Chal- 
cidiens, par exemple les Pteromalus, lorsque l'œuf s'engage 
dans le gorgceret. 

On sait qu'un grand nombre de térébrants entomophages, 
et spécialement de Chalcidiens, utilisent leur appareil perforant 
pour faire sourdre des gouttelettes du sang de leur proie et 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 69 


s’en nourrir. On pourrait done se demander si la piqûre des 
chenilles n'est pas, chez le Tetrastichus, exclusivement en rap- 
port avec l'alimentation de l'adulte. J'ai vu, en effet, des Tetras- 
tichus rapo s'abreuver du sang que leur tarière avait fait écou- 
ler ; mais ce fut très exceptionnellement, deux fois, je crois, sur 
plusieurs centaines d'observations. J'ai même été surpris de la 
rareté de cette pratique chez cet insecte, alors que chez les 
Pieromalus, les Pimpla, ete., elle est continuelle. Ce n’est donc 
certainement pas un besoin nutritif qui incite les Tetrastichus à 
piquer les Piérides. Ce geste est inutile, le plus souvent, et 
résulte d’une invincible attraction vraisemblablement olfac- 
tive. 

Un autre point à élucider est la mort des chenilles piquées. 
Cette mort, avons-nous vu, se produit quelquefois de suite, 
parfois de 5 à 12 jours plus tard, lorsqu'il s’agit de jeunes 
Piérides ; quant aux grosses, elles ne périssent qu'en cas de 
piqûres multipliées. La mortalité est la même chez les chenilles 
indemnes et chez celles qui sont apantélisées, et la cause n'en 
peut être cherchée dans de mauvaises conditions d'éducation. 
En effet certaines chenilles meurent immédiatement, et d'ailleurs 
les élevages de Piérides à partir de l'œuf sont très faciles à 
réussir, même lorsqu'on les a soumises à la ponte de l’Apan- 
teles. 

Le venin du Chalcidien est donc seul responsable. On sait 
que les térébrants sont munis d’un appareil venimeux, mais ce 
n’est que depuis peu d'années qu'un certain nombre d’observa- 
tions éparses ont été faites sur son efficacité ; par exemple chez 
Sycosoter Lavagnei par LacarensTEIN et moi-même, et chez Elas- 
mus flabellatus, par Suvesrri. Le venin de Tetrastichus rapo 
est doué de propriétés paralysantes. Les jeunes chenilles 
piquées paraissent plongées dans une torpeur complète ; après 
le départ de l'Hyménoptère, elles demeurent étendues sur 
leur feuille, dans une totale inertie. Au bout d’une demi-heure, 
on observe quelques faibles mouvements dans la partie posté- 
rieure du corps, mais la tête et le thorax restent rigides, et ce 
n’est qu'une heure ou deux après que la Piéride est capable de 
se déplacer. De grosses chenilles piquées un très grand nombre 
de fois restèrent en torpeur jusqu à leur mort. 

Lorsque la paralysie rétrocède, ce qui est le cas des chenilles 


70 FR, PICARD 


de tout âge modérément piquées, la mort n’en est pas moins 
fatale, du moins chez les jeunes. Rien n'est plus surprenant, 
chez le Chalcidien, que cette invincible impulsion qui l’incite à 
tuer des familles entières de petites chenilles, sans utilité pour 
lui ni pour sa descendance. 

Je n'ai pas encore décrit la facon dont le Tetrastichus rapo 
aborde les chenilles de Piéride, et ce n’est pas ce qu'il y a de 
moins étonnant dans son comportement. Quand les femelles 
sont mises en présence de chenilles de deux ou trois jours, 
elles se promènent au milieu d'elles avec les apparences d’une 
erande circonspection, et donnent l'impression d’un dompteur 
creulant au milieu d’une troupe d'animaux dangereux. Elles 
les palpent des antennes, presque sans les’effleurer, et se rap- 
prochent avec lenteur, reculent et avancent alternativement, 
posant une patte l’une après l’autre et cherchant à grimper 
sur leur dos, le plus souvent par derrière. Au moindre attou- 
chement les chenilles réagissent violemment : elles tournent 
et détendent la partie antérieure du corps, frappant le Chalei- 
dien comme d’un coup de bélier. Atteint ou non, celui-ci 
bondit en arrière, s'immobilise un instant et recommence ses 
lentes manœuvres d'approche ; parfois la Piéride le saisit avec 
ses mandibules et le secoue en le mordant aux ailes ou à l'abdo- 
men ; d'autres fois, elle dégorge sur lui la nourriture qu'elle 
vient d’ingurgiter, et le Tetrastichus, avant la tête ou les ailes 
engluées, doit procéder à une toilette complète. 

Ce n’est donc qu'à force de temps et de précautions que le 
Chalcidien parvient à se jucher sur le dos de la chenille, géné- 
ralement sur les derniers segments. Très doucement il abaisse 
sa tarière et va la faire pénétrer. Presque toujours la chenille 
se secoue alors avec force, l'arme est rengainée et tout est à: 
recommencer. Quelquefois quand tout va bien, un mâle surgit 
qui compromet la réussite en sautant sur la femelle et l’impor- 
tunant de ses caresses. On conçoit done qu'il faut de la patience 
pour assister à l'enfoncement de la tarière. Le Tetrastichus Y 
parvient par son obstination, mais au bout d'une heure ou 
davantage, et après avoir été battu, chassé, inondé de vomisse- 
ment à plusieurs reprises. 

Le parasite donne donc l'illusion de se conduire comme sl 
savait à quelles difficultés il devra se heurter. Sa cireonspec- 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 71 


tion, ses gestes mesurés font l'impression d'une adaptation 
admirable à la chasse du vigoureux gibier que représente la 
petite chenille pour un être aussi frêle. Et cependant c’est en 
pure perte que joue le mécanisme de cette belle adaptation. La 
vive attraction produite par la proie, tous ces mouvements qui 
semblent si bien calculés, toute cette obstination n'aboutissent 
qu'à un simulacre vain, qu'à la piqûre et à la mort des jeunes 
Piérides sans objet ni profit pour l'opérateur. 

Dans certaines circonstances le Tefrastichus parvient à ses 
inutiles fins avec plus de facilité : lorsque les Piérides sont à 
l'approche de la première mue, leur immobilité relative ne leur 
permet que des réactions plus limitées, et la tarière peut être 
enfoncée sans que son possesseur soit aussi exposé aux outrages 
habituels. De même les grosses chenilles réagissent beaucoup 
moins que les petites, d'autant que leur taille, loin d’être une 
sauvegarde pour elles, ne leur permet plus d’attemdre aisément 
leur agresseur. Aussi sont-elles lardées de coups multipliés et 
peuvent-elles succomber comme les petites. 

Un insecte du même genre, le Tetrastichus xanthomelænx, 
pond, comme on sait, dans les œufs de la Galéruque de l'Orme. 
En observant cette espèce, j'ai vu que les femelles sont très 
exclusives et pourchassent sans merci les autres individus qui 
tentent de s'établir sur l’amas d'œufs qu'elles s'occupent à 
exploiter. Le T. rapo ne se comporte pas ainsi; plusieurs 
femelles peuvent pondre en commun sur le même cocon 
d'Apanteles où d'Anulastus, des quantités peuvent se jucher 
côte à côte sur le dos d’une grosse chenille, au point de le 
rendre tout bleu, et perforer son tégument de concert. Je n'ai 
jamais surpris entre elles la moindre marque d'hostilité. 

Le Tetrastichus rapo mérite-t-il véritablement le nom de 
parasite ? Cela dépend du sens que l'on donne à ce mot. Si 
l'on admet avee Cauzcery (') que le parasitisme peut être défini 
la condition de vie normale et nécessaire d’un organisme qui 
se nourrit aux dépens d'un autre sans le détruire (du moins 
brutalement ou rapidement), et c'est je pense l'opinion la plus 
généralement adoptée, il est certain que le Tetrastichus n'est 
pas uu parasite. Les seuls insectes étudiés dans ce mémoire 


‘) Cauzzery (M.). Le parasitisme et la symbiose. Paris, Doin, 4921, 
Ï 


12 F. PICARD 


nous offrent des variétés fort marquées de parasitisme : L’Apan- 
teles qui flotte dans la cavité générale de la Piéride et ne la 
fait périr qu'après sa sortie, la Comp:ilura qui vit confinée dans 
l'intestin de l'hôte et permet sa chrysalidation, le Dibrachys 
dont la larve suce de l'extérieur les humeurs de celle . de 
l’Apanteles maintenue vivante et fraiche pendant quelque 
temps, sont trois types divers de parasites, mais dont l'existence 
est compatible en tout cas avec une certaine survie de l’hôte. 
I n'en est pas de même du Tetrastichus rapo ; 1 se nourrit dès 
le début d’une substance organique morte et putréfiée, et c’est 
un nécrophage au même titre que les consommateurs de chairs 
corrompues tels que les larves de Nécrophores, de Lucilia et de 
Calliphora, que nul ne qualifie de parasites (‘). Il y a cependant 
une différence, c’est que la mort de l'hôte est produite ici par 
l’exploiteur, et, comme, après tout, la survivance des Piérides 
n'est pas longue lorsqu'elles sont attaquées par le Pteromalus 
puparum où par les Pimpla, il est bien difficile de dire où 
s'arrête le parasitisme et où commence la nécrophagie. J'ai 
fait remarquer ailleurs, et je ne suis pas le premier, qu'il n’y a 
vraiment pas de distinction essentielle entre la vie larvaire de 
certains Hyménoptères dits prédateurs, Sphégiens et autres, et 
celle des ectoparasites tels que les Dibrachys, les Bracon ou les 
Polysphincta. Les premiers transportent, il est vrai, leur proie 
après l'avoir paralysée, mais ce n'est pas le cas de certains 
Pompiles ni des Scolies, qui la laissent sur place, et, quant à la 
paralysie, elle est fréquente chez les térébrants. 

Pour toutes ces raisons, il est préférable de continuer à lais- 
ser un certain vague à la notion de parasitisme, comme on le fait 
habituellement, car ses modalités sont si nombreuses et telle- 
ment reliées les unes aux autres par des intermédiaires, qu'il 
nest guère possible de séparer des catégories bien tranchées. 


Dibrachys boucheanus Ratzb. 


Le Dibrachys boucheanus (= cavus WNIk.) est l'ennemi le 
plus important de l'Apanteles glomeratus. C'est peut-être . le 
Chalcidien le plus polyphage que l’on puisse rencontrer et il a 


(*) La larve de Tetrastichus brevicornis, parasite de Perrisia œnophila, est 
également nécrophage (Marcaar, Ann. Soc, Entom., 1900), 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 13 


été obtenu d'une foule d'hôtes appartenant aux Lépidoptères, 
Hyménoptères, Coléoptères, ete. Ses victimes les plus fréquentes 
sont des Microlépidoptères comme Tinea granella, Sitotroga 
cerealella, Hyponomeuta malinella, Cydia pomonella, Argyres- 
thia nitidella, Galleria ete, des Diptères (Tachina), un Coléop- 
tère, le Charancon du blé, et, parmi les Hyménoptères, des 
Lophyres (Lophyrus pini et similis), des Apiaires (Megachile 
argentata), divers Apanteles et Microgaster et l’Hemuateles socialrs. 

On remarque qu'il est tantôt parasite primaire, comme chez 
les Lépidoptères et chez les Lophyres, tantôt hyperparasite 
comme chez beaucoup de Braconides et d'Ichneumonides. 
STEARNS (1919) l’a obtenu aux Etats-Unis d’un Macrocentrus 
parasite lui-même de Cydia molesta, chenille vivant dans les 
Pêches. Il est probable qu'il peut attaquer aussi bien le Cydia 
lui-même que ses parasites, puisqu'on l'a vu pondre en France 
sur une chenille voisine, le Cydia pomonella. 

Sa larve est toujours ectophage, de sorte que le Dibrachys 
ne dépose ses œufs que sur des victimes, larves ou nymphes, 
enfermées dans un cocon ou protégées par une enveloppe 
quelconque. Il ne pond dans l’Apanteles que lorsque celui-ci 
est sorti de la chenille et a filé sa coque. C’est évidemment à 
lui que fait allusion Marsnazz {) en parlant d'un Pteromalus 
hyperparasite des Apanteles. Mais il s’est complètement mépris 
sur ses mœurs lorsqu'il écrit : « Ces derniers (les Pteroma- 
« lus), en raison de leur petitesse, sont sociaux et vivent en 
« famille, au nombre de plusieurs individus dans la même 
« coque. Si incroyable que paraisse le fait, on ne peut douter 
« que ces petits Hyménoptères soient doués de la faculté de 
« choisir une chenille déjà piquée par un Apanteles et de diri- 
« ger leur tarière à travers ses téguments de manière à 
« atteindre infailliblement le corps des parasites sous-jacents ». 

Ils ne sont doués de rien de semblable, et pondent simple- 
ment dans les cocons de l'Apanteles, de la même façon que 
dans ceux d’une Tenthrède ou d'un Tinéide. 

Lorsqu'une femelle de Dibrachys boucheanus rencontre un 
amas de cocons d'Apanteles glomeratus, elle y pénètre et s’en- 
fouit au milieu d'eux. Elle y demeure ainsi fort longtemps, 


(t) MarsmaLz. Les Braconides, 1 vol , p. 403, in Species des Hyménoptères 
d'Axnré, t. IV. 


+ 


= 


F. PICARD 


tantôt pondant, tantôt immobile sur Le tas ou cachée dans l'enve- 
loppe de soie. 

Lors de la ponte, l'insecte se campe sur un cocon, place sa 
tarière perpendiculairement à l'abdomen, les deux valves res“ 
tant horizontales. La tarière s'enfonce entièrement, puis l’abdo- 
men subit des torsions à droite et à gauche pendant plusieurs 
minutes. Ensuite la femelle semble procéder à un tassage par 
de petits mouvements du gorgeret. Celui-ci peut de nouveau 
redescendre sans être retiré de l’orifice et on assiste à une nou- 
velle torsion de l’abdomen, après laquelle la tarière est remise 
en place. Ce processus correspond vraisemblablement au 
dépôt de deux œufs consécutifs. 

L'œuf se trouve simplement posé à plat dans le cocon sur 
la peau d’une larve ou d'une nymphe bien vivante. On en 
observe souvent deux l’un près de l’autre, quelquefois davan- 
tage. La couleur de cet œuf est d'un blanc translucide, sa 
dimension d'un quart de millimètre environ, et sa forme très 
légèrement incurvée. Sa longueur est trois fois et demie supé- 
rieure à sa plus grande largeur, et il est deux fois plus large 
à un pôle qu'à l’autre. 

On peut trouver, dans un cocon livré à une seule femelle, à 
la fois des œufs’ non éclos et des larves assez grosses ; la ponte 
est donc très espacée, car huit jours après son début, alors que 
certains cocons renferment des larves déjà bien développées, 
on rencontre encore des œufs, soit sur la même victime, soit 
sur une autre. On observe aussi parfois des larves très petites 
côte-à-côte avec une autre ayant toute sa taille. Les premières 
sont destinées à donner des adultes nains ou même à périr, si 
la plus âgée a épuisé trop vite la réserve alimentaire, ce qui 
arrive souvent. 

La larve du Dibrachys boucheanus est blanche et rebondie 
quand elle à terminé son repas. Elle est ectoparasite pendant 
toute son existence et se nourrit en enfonçant sa tête sous la 
peau d'un Braconide par un trou produit à l’aide des mandi- 
bules. Elle ne tue pas sa proie qui se conserve fraiche pendant 
plusieurs jours. Elle se distingue en cela de celle du Tetrasti- 
chus rapo, vivant en endophage aux dépens d'une larve tuée et 
décomposée. 

Les nymphes d’Apanteles recoivent les pontes comme les 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 75 


larves, et sont également dévorées et vidées entièrement. Que 
leur ennemi soit solitaire ou multiple, toute leur substance est 
utilisée, hormis la peau qui est refoulée à un bout du cocon, 
lors de la métamorphose du Chalcidien. Les nymphes sur le 
point de devenir adultes et dont les téguments sont déjà durcis 
ne peuvent convenir au développement du rbrachys, mais 
celui-ci ne possède aucun discernement spécial lui permettant 
de distinguer à quel stade est sa proie. Cest ainsi qu'un Dibra- 
chys pondit le 1° juin sur un amas de cocons d’où sortirent 
les Apanteles adultes quatre jours après. Ce fait doit se pro- 
duire très fréquemment, car l'état de larve dans le cocon et de 
nymphe immature ne dure pas longtemps chez l’Apanteles qglo- 
meralus, du moins en été. 

Le Dibrachys adulte sort de la coque en la perçant d’un trou 
rond à l'emporte pièce, du calibre de son corps, et non en décou- 
pant une caloite terminale comme le légitime occupant. 

MarreLit n'a pas observé de parthénogénèse chez cette espèce. 
J'ai été plus heureux et obtenu la ponte de toutes Les femelles 
vierges mises en expérience, avec production exclusive de 
mâles. Un ensemble de trois femelles non fécondées fournit 
un total de 122 mâles. 

La fécondité est grande et parait égaler celle de Pteromalus 
puparum. Une seule femelle fécondée produisit 124 individus 
des deux sexes, avec grande prédominance de femelles, ce qui 
est la règle générale. Le développement est rapide en été ; de 
l’œuf à l'adulte, le cycle évolutif exige de 18 à 21 jours en juim- 
juillet. La larve, comme c’est le cas fréquent chez les ectopara- 
sites qui absorbent de la nourriture fraiche, accomplit sa crois- 
sance en très peu de jours. En juin, 7 jours après la ponte, 
j'observai des larves déjà assez grosses; ayant presque terminé 
leur repas ; 10 jours après le dépôt de l'œuf, je notai la pre- 
mière nymphose. On voit donc, puisqu'il faut soustraire le 
temps nécessaire à l'œuf pour éclore, que la période de nutri- 
tion de la larve est extrêmement courte. 

L'adulte peut vivre plusieurs semaines, surtout s'il est ali- 
menté d’eau sucrée, et il peut pondre pendant très longtemps. 
J'ai vu quelques femelles appliquant étroitement leur bouche à la 
surface d’un cocon, dans l'attitude d'un hyménoptère qui aspire 
un liquide. Trop occupé par d’autres observations, je n’ai pas 


76 F. PICARD 


eu le loisir de suivre le fait de près. S'il était reconnu exact, il 
est probable qu'on s'apercevrait que le sang de l’Apanteles 
parvient à la surface par le moyen d’un tube secrété autour 
de la tarière, comme LicarensreN la mis en lumière pour 
l'Aabrocytus cionicida et Trouveror pour l'Habrobracon Johan- 
sennt ; mais ce n'est qu'une supposition qui demanderait con- 
firmation. 


Habrocytus Sp. ? 


J'ai trouvé le 11 juin quelques individus d’un Chaleidien 
différent du PMibrachys boucheanus et pondant sur des amas de 
cocons d'Apanteles. Il ressemblait extérieurement beaucoup à 
un Pteromalus, et quoiqu'il paraisse rare, du moins à Montpel- 
lier, on peut se demander s'il ne serait pas responsable, tout 
aussi bien que le Dibrachys, de l'erreur qu'ont commis certains 
auteurs, en considérant le Pteromalus puparum comme hyper- 
parasite de l’Apanteies qlomeratus. 

Ce Chalecidien, soumis au D' Masr, de Gênes, fut rangé par 
lui, mais avec doute, dans le genre Habrocytus, groupement 
d’ailleurs un peu artificiel. Cet Habrocytus a des mœurs qui 
semblent très voisines de celles du Dibrachys. C’est un parasite 
externe qui pond dans les cocons d'Apanteles de la même 
manière que le précédent, et son développement dure une 
vingtaine de jours. Il néglige les chrysalides de Pieris qui lui 
sont fournies. 


Eutelus mediterraneus Mayr. 


Cette espèce fut trouvée en train de pondre sur un amas de 
cocons d'Apanteles fixé contre un mur, le 10 juin, et mise en 
élevage. Le 30 juin, j'obtins.l'éclosion d'adultes, avec une pro- 
portion de deux femelles pour un mâle, comme c’est fréquem- 
ment le cas chez beaucoup de Chalcidiens. 

Le parasitisme de cet insecte aux dépens de l'Apanteles qlo- 
meratus est fort inattendu : « cette espèce, m'éerit M. Masr, a 
« été obtenue de galles. C'est un fait bien étrange qu elle soit 
«_ issue des cocons d’'Apanteles, S'agit-il d'une sous-espèce bio- 


logique ? » 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 77 


Le temps m'a manqué pour vérilier cette hypothèse en 
offrant d'autres proies à mes individus. DE GAULLE, dans son cata- 
logue, cite en effet cet Eutelus comme parasite de Dryomyia 
Lichtensteini, Diptère produisant des galles sur les feuilles du 
Quercus ilex, et très commun dans le midi. Masi lui-même le 
cite de Cecidomyia mediterranea, mais aussi de Prays oleella 
et d'Hyponomeuta malinella, c'est-à-dire de deux Tinéides nul- 
lement gallicoles. L'Eutelus mediterraneus n'est pas un insecte 
très répandu et par conséquent ses mœurs ne sont pas encore 
très connues. Il s’agit peut-être d’un polyphage très ubiquiste 
comme le Dibrachys boucheanus, quoique beaucoup moins 
commun. 

L'Habrocytus et l'Eutelus n'avaient en tout cas qu'une part 
insignifiante dans la diminution du nombre des Apanteles, du 
moins dans la petite zone où j'ai fait mes observations. 


Les Hemiteles. 


Deux espèces d'Hemiteles se sont montrées abondantes dans 
les cocons d’Apanteles de la région que j'ai explorée. La plus 
importante de beaucoup est l'Hemiteles fulvipes Grav., espèce 
répandue partout, et signalée par tous les auteurs qui se sont 
occupés de ce sujet, en particulier par Marrezur. C'est d’ailleurs 
une espèce polyphage, connue aussi pour parasiter d'autres 
Apanteles (notamment À. spurius) et divers Microgaster. Elle 
attaque aussi des Tenthrèdes, comme Blennocampa pusilla, et 
même, parait-il, des œufs d’Araignées. Enfin, d'après BieneLr, 
elle se développerait aussi aux dépens de Pyrameis atalanta, 
mais il faudrait savoir si ce n’est pas comme hyperparasite. 

C'est en tout cas l’un des plus redoutables destructeurs 
d'Apanteles glomeratus. I abonde partout où 1l y a des cocons 
entassés, les parcourt de la démarche preste si particulière 
aux Hemiteles, et y pond constamment. Il s'immobilise sur un 
cocon, le palpe avec ses antennes, courbe son abdomen et 
enfonce sa tarière un peu obliquement pendant plusieurs minu- 
tes. Ensuite, il s'envole, fait sa toilette, absorbe du sirop et 
revient à sa ponte, souvent après un intervalle de cinq minu- 
tes seulement. Un grand nombre d'œufs sont ainsi déposés 
dans la même journée. 


18 F. PICARD 


C'est un parasite solitaire, et, d’après Manrezur, la femelle 
qui ne dépose qu'un œuf dans chaque cocon, sait reconnaitre 
ceux dans lesquels elle à déjà pondu. D'après ce que nous ont 
appris d’autres Hyménoptères, notamment les Prmpla, il n'ya 
pas lieu de s'arrêter à cette hypothèse; 1} est infiniment proba- 
ble qu'une des larves détruit les autres, comme c'est le cas chez 
une foule de parasites. 

La vie de l’adulte est très courte, du moins en captivité, 
même pour les individus bien approvisionnés d’eau sucrée ; 
elle n'a guère dépassé une huitaine de jours dans mes éleva- 
ges, mais les femelles pondent sans arrêt, jusqu'à la veille de 
leur mort, de sorte que leur fécondité est grande et qu'elles 
peuvent fournir jusqu'à 60 ou 70 descendants. Marreurt donne, 
comme durée du développement en Italie, 30 jours en mars- 
avril, 23 jours en mai-juin. J'ai trouvé des chiffres sensiblement 
inférieurs à Montpellier : 16 jours et même 13 jours seulement 
en Juin, à partir du début de la ponte. 

Les femelles vierges de l'Hemiteles fulvipes donnent exclusi- 
vement des mâles et rentrent donc dans le cas le plus commu- 
nément observé chez les Hyménoptères. 

J'ai trouvé une seconde espèce d'Hemuteles pondant dans les 
cocons d’Apanteles qlomeratus. Elle est beaucoup moins répan- 
due que la précédente dont elle se distingue au premier coup 
d'œil par ses ailes tachetées de brun. Elle appartient au groupe 
de l’A. areator et se rapproche surtout beaucoup de l'Hemite- 
les bicolorinus, espèce polyphage et déjà signalée comme para- 
site de Maicrogaster. Mais elle ma paru s'en écarter par le 
second segment de l'abdomen entièrement rouge et la longueur 
de sa tarière qui atteint celle de l'abdomen. Je crois done 
devoir la rattacher à une espèce d'Angleterre et du nord de 
l’Europe, l'Hemiteles longicauda Thoms., qui n’était pas encore 
connue de France, et qu’on a vu éclore de coques d’Apanteles 
en Angleterre (1). 

C’est vers les premiers jours de juin que j'ai commencé à 


(t) Je me suis basé sur les deseriptions données par Morrey dans ses Brilish 
Ichneumons (t. Il) et n'ai pas vu l’Æemiteles longicauda en nature, cet insecte 
ne paraissant pas exister au Muséum ni dans les collections parisiennes que j'ai 
pu consulter. L'identification certaine de l'espèce n’est pas sans importance, à 
cause de sa thélytoquie, qui peut ne pas se relrouver chez les formes voisines 
constituant le groupe de l’areator. 


PARASITES DE (© PIERIS BRASSICÆ » 1 


observer l’Hemiteles longicauda. Plusieurs femelles transpor- 
tées au laboratoire, et approvisionnées de cocons frais, pondi- 
rent très bien en captivité. L'insecte est encore plus agile que 
l'Hemiteles fuloines ; 1 court continuellement en agitant les 
antennes et parfois les ailes et passe sans cesse de l'eau sucrée, 
dont 1l est friand, à ses amas de cocons. Il enfonce sa tarière à 
peu près de la même façon que les Pimpla, et, pour tout le 
reste, se comporte comme le fuloipes. 

Un fait domine la biologie de cet insecte, c'est qu'il est doué 
de thélytoquie. Les mâles doivent être très rares car je n’en ai 
pas obtenu en élevage et n'en ai pas rencontré dans la nature. 
Les individus que je récoltai au dehors ne produisirent que 
des femelles et j ai tout lieu de croire qu'ils n'étaient pas fécon- 
dés. Leur progéniture, en effet, qui ne l'était certainement pas, 
ne pondit aussi que des œufs femelles. C'est ainsi qu'une 
femelle, mise à pondre le 4 juin, donna naissance à deux 
femelles adultes le 19 et à une troisième le 20 juin. Ces trois 
femelles mises en élevage dans le même récipient, et certaine- 
ment vierges, pondirent à partir du 21 et les jours suivants. 
Leur descendance globale se composa de 12 femelles seulement, 
écloses du 5 au 9 juillet. 

Cette parthénogénèse ne donnant que des femelles est très 
remarquable chez un Ichneumonide, surtout dans un genre où 
d’autres espèces sont arrhénotoques. On pourrait la rapprocher 
de la thélytoquie de certaines Tenthrèdes. Il ÿ aurait sans doute 
tous les cas possibles chez les Hemiteles, car Waurrixé (1918) 
parle, sans en préciser l'espèce ni donner de références, d’He- 
miteles qui produiraient parthénogénétiquement aussi bien des 
femelles que des mâles. | 

Comme on a pu le voir par l'exemple que j'ai eité, le déve- 
loppement de l'Hemiteles longicauda est aussi rapide que celui 
du fulvipes, et n’exige qu'une quinzaine de jours en juin et 
juillet. Par contre la fécondité est beaucoup moindre, puisque 
la première femelle, quoique munie d’un très grand nombre de 
cocons, ne laissa que trois descendants, et que ceux-ci ne pro- 
duisirent en tout que douze femelles, soit une moyenne de 
quatre pour chacun. Quant à la vie de l’adulte. elle est particu- 
lièrement brève en captivité et varia de 5 à 7 jours dans mes 
éducations. 


80 F. PICARD 


Enfin une troisième espèce d'Hemiteles à ailes non tachetées, 
à abdomen taché de brun et à allures vives, fut obtenue une 
seule fois des cocons d’Apanieles. 


3. Anilastus ebeninus Grav. 


L'Anidastus” ebeninus Grav. est un Ichneumonide fort 
répandu ; il attaque de jeunes chenilles de Lépidoptères variés, 
notamment celles de Dasychira, Orqyra, Gonopteryx et Hypo- 
nomeuta, mais il se développe surtout très fréquemment aux 
dépens de Pieris Brassicæ. Ge fut, à Montpellier en 1921, l’en- 
nemi le plus effectif de la larve, après l’Apanteles qglomreratus. 

J'ai élevé une quantité considérable de chenilles parasitées, 
surtout à partir du milieu de mai, et chtenu beaucoup d’adul- 
tes. Par contre c’est le seul Hyménoptère que je n’aie pu par- 
venir à faire reproduire en captivité, tant à cause du manque 
de Piérides au stade convenable au moment voulu, que parce 
que les individus bien nourris à l'eau sucrée, et traités comme 
les Apanteles et les Pimpla parurent beaucoup plus fragiles et 
périrent au bout de peu de jours sans avoir pondu. 

Cependant Marrezni, qui l’a trouvé fort communément dans 
l'Italie du sud, dit avoir observé la ponte qui s'effectue sur des 
chenilles de 3 à 4 millimètres. 

C'est après la troisième mue que la larve de Piéride parasi- 
tée cesse de s’alimenter et finit par se fixer sur la feuille ou sur 
un support du voisinage; puis elle se distend et meurt. À ce 
moment la larve solitaire d’'Anilastus qu’elle renferme devient 
sarcophage et dévore tous les organes sauf les trachées et le 
tégument. La peau de la victime se rétracte et prend l'aspect 
de tonnelet si caractéristique des chenilles parasitées par les 
Campoplégines. L'Anidastus file alors un eocon à l’intérieur de 
cette dépouille. 

Seurar a étudié la larve de cette espèce. Elle possède à l’état 
jeune un long appendice caudal, et est formée de 14 segments 
y compris la tête. 

La sortie du barillet s'effectue par un orifice antérieur, dor- 
sal ou latéral. La durée du développement est de trois semai- 
nes en été, d'un mois au début du printemps, et l'hivernage a 
lieu dans le tonnelet sous forme de larve et de nymphe. 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » S1 


L'Anilastus ebeninus est la proie d'hyperparasites qui, pour 
la plupart, attaquent aussi l’Apanteles glomeratus. Tels sont le 
Pesomachus instabilis Fürst. et le Tetrastichus rapo Walk., 
cités par Marrezur. Cet auteur a observé aussi le Mesochorus 
semirufus Holm. 

Je n'ai retrouvé à Montpellier, parmi ces ennemis de l’Axi- 
lastus, que le Tetrastichus rapo, dont j'ai décrit longuement ia 
biologie et que j'ai toujours vu pondre dans le cocon de l'Ich- 
neumonide, à travers la peau desséchée de la larve, et toujours 
se développer aux dépens du cadavre. Je ne suis done, comme 
je l'ai dit, pas d'accord sur ce point avec MarTezut, qui admet 
que c'est à travers le corps de la chenille jeune que le Tetrasti- 
chus atteint l’Anilasfus qui parviendrait cependant à filer son 
cocon. 

En revanche j'ai observé un autre parasite de l'Anvlastus ebe- 
ninus, le Pimpla alternans Grav. La chose peut surprendre car 
les Pimpla sont avant tout des parasites de chrysalides et c'est 
le cas de l'alternans que j'ai vu éclore bien souvent de chrysa- 
lides de Conchylis ambiquella. Mais on a déjà cité quelques faits 
d'hyperparasitisme concernant les Pimpla, mème sur des 
espèces de leur propre genre. Le P. alternans pond très certai- 
nement dans le tonnelet contenant la nymphe de Flchneumo- 
nide, car ces insectes n'attaquent pas les chenilles vivantes. En 
tout cas c’est de ce tonnelet que j'ai vu sortir l'adulte. 

L'Antlastus n'est pas le seul insecte sous l'action duquel les 
chenilles de Lépidoptères meurent en se renflant en barillet. 
Certaines Tachinaires produisent le même effet et aussi beau- 
coup d’'Ichneumonides de la tribu des Campoplégines, teis que 
les Limnieria et autres. J'ai d'ailleurs obtenu, à la fin de mai, 
l'éclosion, hors d'un tonnelet se distinguant en rien de ceux 
produits par l'Anilastus, d’un autre Ichneumonide du même 
groupe, appartenant au genre Angilia et qui me semble très 
voisin de l’Angitia majalis ürav. Cet Angitia ne joue d’ailleurs 
qu’un rôle négligeable dans la destruction de la Piéride, et son 
développement parait calqué sur celui de lPAnilastus. 


K. PICARD 


(w2) 
LAS] 


4. Compsilura concinnata Meig. 


Les Tachinaires susceptibles de se développer aux dépens de 
Pieris brassicæ sont assez nombreuses. On peut citer en parti- 
culier Compsilura concinnata Meig., Masicera sylvatica Fall., 
Blepharidea vulgaris Fall., Tricholyqa major et Parasetigena 
segregala. La plupart de ces espèces ont été bien étudiées et 
l’on sait que chacune d’eiles diffère des autres par un compor- 
tement qui lui est propre. C'est ainsi que Masicera sylvatica 
dépose ses œufs sur la feuille qui sert de nourriture à la che- 
nille et que celle-ci s’infestera en les avalant; 7richolyga 
major accole sa ponte à l'extérieur des téguments de sa victime, 
tandis que Blepharidea vulgaris % dépose des larves ou des 
œufs prêts à éclore. Quant à Compsilura concinnata, seule 
espèce trouvée dans le groupement de parasites que j'ai étudié, 
elle introduit ses œufs ou ses larves dans l'intérieur du corps 
de lhôte. 

Je n'ai obtenu qu'un petit nombre d'exemplaires de cette 
Mouche (‘). Son rôle dans le consortium exploitant la Piéride a 
donc été très limité, et comme, d'autre part, sa biologie est 
bien élucidée depuis les travaux de Towxsexb et de PaNTEL, Je 
puis être bref sur Son compte. On sait que la larve passe son 
existence dans l'intestin de la chenille, entre l’épithélum et la 
membrane péritrophique. Sa respiration est d'abord cutanée, 
mais, dans une-seconde période de son existence, elle s’accole 
à un stigmate de la Piéride, sans sortir de l'intestin, mais en 
repoussant la paroi très amincie de celui-ci. Enfin, avant de 
s'empuper, elle devient sarcophage et, après avoir dévoré tous 
les tissus de sa proie, elle en sort pour se nymphoser 1mmé- 
diatement. 

Le plus souvent, c’est de la chrysalide, et non de la larve, 
que sort la Tachinaire. Mais la Mouche peut vivre dans des 
chenilles apantélisées et dans ce cas son développement se 


(:} Du moins durant la belle saison, mais les chrysalides qui passent l'hiver se 
montrèrent parasitées dans une forte proportion. La Compsilura, Tachinaire des 
plus polyphages, répartit sa ponte en été sur toutes sortes de chenilles, mais à 
l'automne son choix est plus limité et elle se rabat plus exclusivement sur les 
Piérides, Dans ce cas, la sortie hors de la chrysalide est beaucoup plus tardive. 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 85 


termine avant la chrysalidation. C'est ainsi que, le 30 mai, des 
larves d’Apanteles sortirent des flancs d'une Piéride ; celle-ci 
resta vivante, comme c’est la règle, près de l’amas de cocons, 
et, Six jours après, le 5 juin, donna issue à une larve de Com- 
psilura qui se transforma de suite. 

Ce double parasitisme chez une même chenille est un fait 
curieux, et semble contredire d'autres observations d'après les- 
quelles deux espèces parasites ne pourraient cohabiter quand 
l’une d'elles est solitaire. IL faut d'abord remarquer que Comp- 
silura concinnate n’est pas toujours un parasite solitaire, car on 
peut observer quelquefois deux ou trois larves chez le même 
hôte et que, surtout, il n’y à ni concurrence ni rencontre pos- 
sible entre les Braconides plongés dans la cavité générale et le 
Diptère confiné dans l'intestin. Celui-ci ne devient sarcophage 
qu'à la fin de sa croissance, après que les Apanteles sont sortis. 
Toute chance de conflit est done écartée. 

Panrez (1910) à fait une observation semblable à Ia mienne, 
à propos de laquelle il écrit : « S'il cohabite chez Pieris avec 
« des Microgastériens, il peut arriver que ces Hyménoptères 
« plus précoces abandonnent l’hôte encore vivant mais épuisé, 
« tandis que Compsilura est encore au stade 1. Dans ce cas, 
« elle accélère sa double mue et accomplit sa sarcophagie sur 
« la chenille, au lieu d'attendre la chrysalidation, comme c’est 
« le cas normal chez cet hôte ». La manière de voir de PANTEL 
ne me parait pas à l'abri de toute critique, car on ne conçoit 
pas clairement par quel mécanisme la sortie de l’Apanteles 
peut accélérer le développement de la Mouche. On accepterait 
à la rigueur, quoique difficilement, une influence des larves 
du Braconide tant qu'elles demeurent dans l'hôte, mais PANTeL 
fait remarquer au contraire que ce n’est qu'à partir de l'instant 
ou elles abandonnent la chenille, que Compsilura évolue plus 
rapidement. IL me semble que le seul fait objectivement con- 
staté, à savoir la sortie hors de la chenille, et non de la chry- 
salide, peut s’interpréter d'une manière très simple : Les 4 pan- 
Leles viennent à l'extérieur très peu avant la nymphose de leur 
victime ; celle-ci languit alors sans se transformer. La Compsi- 
lura est bien forcée de vivre dans cette chenille qui ne se méta- 
morphose pas, et elle la quitte six jours après l'issue des 
Apanteles, dans mon observation, vraisemblablement à la 


54 F, PICARD 


même époque où elle serait sortie de la Chrysalide, si son 
hôte avait été normal. 

La facon de voir de PAxrez ne me parait pas soutenable non 
plus, lorsqu'il prétend que la durée du développement de 
Compsilura concinnata dépend de la nature, de l'hôte, et que 
son évolution se modèle sur celle de la chenille qu'il héberge. 
Elle ne serait que de quelques semaines chez les Acronycta et 
les Vanessa, tandis qu'elle pourrait atteindre plusieurs mois 
chez les Pieris. I dit, en effet, avoir observé en mars la sortie 
du Diptère, hors de chrysalides récoltées en novembre. 

Cette manière d'expliquer les faits par une propriété remar- 
quable que posséderait le parasite d'adapter son cycle à chacun 
de ses hôtes, repose sur une confusion regrettable. La larve de 
Tachinaire ne peut évoluer en plusieurs mois chez des chenil- 
les de Pieris dont la croissance ne dure qu’un mois ; dans le cas 
cité, il s'agit de l’hibernation dans la chrysalide. La durée de 
l'évolution est la même, pour une saison donnée, dans une 
Vanesse ou dans une Piéride, mais il ne peut y avoir d'hiber- 
nation chez les Vanesses dont beaucoup: passent l'hiver à 
l'état d'imago. En réalité la longueur du eyele dépend de la 
température et non pas de l'hôte, et le froid ralentit ou arrête 
l’évolution, comme chez tous les parasites et même tous les 
insectes. 

Dans mes élevages poursuivis au printemps et en été, le 
développement de la Tachinaire aux dépens des Piérides à tou- 
jours été rapide. La sortie hors de la chrysalide s'est effectuée 
le plus souvent le jour mème de la nymphose, parfois le len- 
demain ou le surlendemain. Le long séjour dans la nympbhe, 
signalé par PantTez, dépend donc bien de l'abaissement de la 
température. Le stade de pupe est court et ne dure que 9 jours 
au mois de juin. 

On peut noter encore, à propos de cette espèce, que les 
femelles de Punpla instigator pondent dans les chrysalides 
contenant une larve de Compsilura, comme dans celles qui sont 
remplies de Pteromalus. Dans le premier cas la chrysalide 
meurt, tous ses organes étant dévorés, après la sortie de la 
Tachinaire, et l'œuf de Pimpla ne peut se développer, s'iln'est 
lui-même mangé. 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆH » 85 


Il — PARASITES DE LA CHRYSALIDE 


1. Pteromalus puparum |. 


Le Pteromalus puparum est le plus important des parasites 
de la chrysalide de Püieris brassicæ et son action destructrice ne 
le cède qu'à celle de l'Apanteles qlomeratus. Le genre Ptero- 
malus renfermé un grand nombre d'espèces très voisines les 
unes des autres, aussi ont-elles été très fréquemment confon- 
dues. Ce fait explique que le Pteromalus puparum ait été cité 
comme parasite d'insectes très divers, alors qu'en réalité il 
semble bien n’attaquer que les nymphes de Rhopalocères et 
en particulier celles de Piérides, de Vanesses et de Papilo. 

Je l'ai obtenu en très grande abondance de Pieris brassicæ 
récoltés au dehors, et je l'ai fait pondre au laboratoire dans 
des Pieris napi et des Pyrameis cardui. On lui connait encore 
les hôtes suivants : Pieris daplidice en Russie, Polygonia C. 
album, Vanessa antiopa, Papilhio machaon (nr Gaurce) et V. 
polychloros (RATzEBURG). 

Ronpani le donne aussi comme parasite de Safurnia pyri, 
mais il l’a sans doute confondu avec P{eromalus communis ou 
quelque autre espèce. Briscake l'indique comme hyperparasite 
d'Apanteles qlomeratus et RartzesurG de Microgaster crataeqi, 
qui est la même espèce, erreur reproduite par Gaurier (1919). 
Il y a eu certainement confusion avec les Chalcidiens qui pon- 
dent dans les cocons d’Apanteles, soit le Dibrachys boucheanus, 
soit l’Habrocytus que j'ai observé dans les mêmes conditions, 
ce dernier surtout pouvant être très facilement confondu avec un 
Pteromalus. Quant au parasitisme du Pteromalus puparum aux 
dépens des Rhodites rosæ et eglanteriæ, signalé par Kircuner, 
du Lophyrus rufus, d'après Rarzesurc, d'Asphondylia verbasci 
et de Cecidomytia sarothammi d'après Briscure, 1 apparait 
comme peu-probable, et, de toute facon, demanderait confir- 
mation. 

Mes expériences me permettent, en tout cas, d'éliminer 
l’'Apanteles glomeratus de la liste de ses hôtes. De nombreux 
Pteromalus puparum furent mis, à maintes reprises, en pré- 
sence de cocons d’Apantelrs, Aucun d'eux ne fit jamais même 


Sû F. PICARD 


le simulacre d'y enfoncer sa tarière. D'ailleurs, alors que mes 
‘terrains de chasse me fournissaient en abondance des chrysali- 
des de Pieris parasitées par ce Pteromalus aucun des cocons 
d'Apanteles récoltés dans les mêmes lieu ne m'en donna Jamais 
un seul individu. 

On sait, d'autre part, que beaucoup de Chalcidiens sont très 
peu spécialisés dans Le choix de leurs victimes mais ce ne sem- 
ble pas être le cas de cette espèce. Les nymphes d'Hétérocères 
ne paraissent même pas lui convenir. Des chrysalides de Bom- 
byx neustria semblèrent cependant exercer une certaine atti- 
rance ; dans un très petit nombre de cas, en captivité, j'ai pu 
voir quelques femelles privées de toute autre proie essayant de 
les percer de leur tarière, ce qui provoquait de violentes 
secousses de la nymphe. Mais ces tentatives furent rares et ne 
donnèrent aucun résultat, soit à cause des secousses, soit à 
cause de l'épaisseur des téguments. Il en fut de même de 
Diloba cæruleocephala, dont la chrysalide réagit cependant 
beaucoup moins. Malgré une exposition très longue à de nom- 
breux Pteromalus, toutes les chrysalides de Bombyx et de 
Diloba expérimentées donnèrent leurs papillons. Je doute done 
beaucoup que le Pteromalus puparum, qui ne pond que dans 
les nymphes, puisse être, comme le prétend Ronpani, parasite 
de Saturnia pyri à téguments si épais et protégé par un cocon 
des plus durs. 

Le Pteromalus, qui est un parasite grégaire, accomplit tout 
son développement dans l'intérieur de la chrysalide de Pueris. 
L'adulte vient au dehors en pratiquant avec ses mandibules 
une ouverture circulaire dans le tégument de la nymphe. Cet 
orifice, œuvre d'un seul individu, est utilisé le plus souvent par 
tous les occupants qui sortent les uns derrière les autres, tan- 
tôt sans interruption, tantôt avec des intervalles espacés de plu- 
sieurs heures où même d’un jour ou deux. Quelquefois aussi, 
deux ou même trois orifices de sortie sont creusés indépendam- 
ment par autant d'adultes, mais l'ouverture unique est Le eas le 
plus fréquent. Elle est placée d'ailleurs en un point quelcon- 
que de la chrysalide, peut être un peu plus souvent dans la 
région des ptérothèques. 

L'accouplement se produit aussitôt après la sortie de la 
chrysalide. Il ne semble pas qu'il ait jamais lieu dans l'inté- 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 87 


rieur de celle-ci, bien que les adultes puissent y séjourner un 
certain temps avant de venir à l'extérieur. La plupart des 
mâles restent groupés sur la dépouille nymphale autour de 
l'ouverture et se jettent sur Les femelles à mesure de leur appa- 
rition, comme Ragaun l'a vu chez Monodontomerus dentipes, 
qui vit en parasite dans les cocons de Zygæna occilanica. 

Les préliminaires de l’accouplement, différents de ceux de 
l'Apanteles, rappellent ceux d'un autre Braconide que j'ai 
observé, l'Habrobracon Johansenni, parasite de la Teigne des 
pommes de terre. Le mâle se campe sur le thorax de la femelle, 
étend ses ailes et les fait vibrer, caresse la tête et les antennes 
de sa compagne, et se glisse rapidement en arrière, cherchant 
à mettre l'extrémité de son abdomen en contact avec l'ouver- 
ture génitale de la femelle. Il recommence plusieurs: fois 
ces manœuvres, jusqu'à ce qu'ait lieu l’accouplement qui ne 
dure que quelques secondes. 

La femelle ne se laisse féconder qu'une seule fois. Elle sup- 
porte ensuite passivement les manœuvres préliminaires des 
mâles, mais sans accepter un nouveau rapprochement. Les 
femelles que l’on trouve au dehors se sont presque toujours 
accouplées. Les mâles, qui sont très ardents, sont susceptibles 
au contraire de féconder un grand nombre de femelles. Ils 
sont d’ailleurs incapables de distinguer les femelles vierges 
des autres et se précipitent sur toutes avec acharnement, quel- 
quefois un grand nombre ensemble. Soixante mâles, mis en 
présence de quatre ou cinq femelles, se jetèrent sur elles, se 
grimpant mutuellement sur Le dos, formant un groupe roulant 
à terre et ne laissant aucun repos aux femelles. 

L'ardeur génésique des mâles est telle qu'une nichée d’entre 
eux, née d’une femelle vierge, s'acharna dès l’éclosion sur le 
cadavre de la mère, morte quinze jours auparavant; cette 
dépouille cependant ne les retint pas longtemps. 

Les femelles restent indifférentes en présence des chenilles 
de Pieris tant au repos qu'en mouvement ; elles ne sont attirées 
que par celles qui approchent de la nymphose. On sait qu à ce 
moment la chenille tisse sous elle une sorte de petit tapis de 
soie très léger, sur lequel elle s'immobilise après s'être entou- 
rée d'une fine ceinture.Ce stade dure parfois jusqu’à 24 heures 


88 F. PICARD 


avant la mue chrysalidaire (). Lorsqu'un Pteromalus rencontre 
une telle chenille dans ses allées et venues, il se passe un phé- 
nomène fort singulier qu'aucun auteur ne paraît avoir remar- 
qué. Le Chalcidien s'arrête soudain vers la limite du tapis 
soyeux et il ne s’écarte plus de la Piéride. Tout se passe comme 
s'il guettait l'instant de la métamorphose pour se précipiter 
sur sa victime et la transpercer. Et, en effet, dès que la peau de 
la larve est dépouillée et que la chrysalide en surgit, en proie 
encore aux derniers soubresauts, le Peromalus s'élance, se 
campe sur la nymphe et se met à y enfoncer sa tarière. 

Sur un mur où les Pieris se rendaient en foule et se chrysa- 
lidaient, les Pteromalus abondaïent et passaient au milieu des 
chenilles sans se détourner de leur chemin. Mais dès que l’un 
d'eux rencontrait une larve fixée, 1l s’arrêtait et son guet 
commençait. Toutes les Piérides immobilisées étaient flanquées 
de un à cinq de ces factionnaires bougeant à peine et ne s'oc- 
cupant pas les uns des autres. Il est difficile de les écarter de 
leur future victime : une feuille, portant une chenille prête à la 
nymphose et un Pteromalus montant la garde, fut cueillie sans 
précautions spéciales et transportée à la main dans mon labora- 
toire situé à plus d’un kilomètre, et mise en bocal, sans que le 
Chalcidien ait tenté de s'enfuir, tandis que le mème insecte ne 
fut pas resté cinq secondes sur une feuille sans Preris dont on 
eut rompu le pétiole. 

Ce comportement remarquable ne laisse pas d’impressionner 
les esprits les moins portés à faire la part de la finalité dans 
l'explication des actes des insectes : le Preromalus néglige les 
chenilles ordinaires, il reconnait celles qui vont se métamor- 
phoser, les guette avec patience, pendant des heures, et s'élanee 
pour pondre dès qu'apparait la chrysalide. Il est bien difficile 
de ne pas être tenté de voir là un merveilleux instinct prééta- 
bli et de trouver une explication du fait en dehors de tout fina- 
lisme. Me basant sur la réussite de mes expériences sur les 
Pimpla, qui mettent indubitablement en lumière le rôle de 
l’'odorat dans le mécanisme de la ponte chez cet Ichneumo- 
nide, je me suis demandé tout d’abord si la perception des 
odeurs n’interviendraient pas aussi dans cet instinet des Pfero- 


(") En été, aux approches des premiers froids, il peut durer plusieurs jours. 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 89 


malus. I se peut qu'une Piéride aux approches de la nymphose 
ne dégage pas les mêmes effluves qu'auparavant, et que la fac- 
tion, puis la ruée subite sur la chrysalide, soient sous la 
dépendance de l'olfaction. J'ai donc badigeonné de sang de 
chrysalide fraiche des chenilles accompagnées de leurs fac- 
{ionnaires, mais sans succès. Ceux-ci continuèrent de monter 
la garde sans se porter sur la Piéride ainsi traitée. 

Le mécanisme est donc d'un autre ordre etje ne prétends pas 
l'expliquer entièrement. Il ne s’agit cependant à coup sûr que 
d’une suite de réflexes déterminés par les circonstances exté- 
rieures. Le contact du tapis de soie rencontré sur sa route 
inhibe certainement le Pteromalus et l'arrête net. Il parait 
guetter, mais ne guette rien : ilest immobilisé par la présence de 
la soie. Cette influence n’est pas niable, car on la retrouve 
dans le comportement de Dibrachys boucheanus. Mis dans un 
flacon, cet insecte erre de côté et d'autre jusqu’à ce qu'il ren- 
contre la couverture de soie qui enveloppe les amas de cocons 
de l’Apanteles. Il y pénètre et ne la franchit plus. Même en 
dehors des moments consacrés à la ponte, il demeure sur le tas 
de cocons ou sur le bord de la couche soyeuse qui les envi- 
ronne, immobile, sans jamais le dépasser. 

Ragaup (1914) a constaté la même action inhibitrice de la soie 
sur la larve d’un Lépidoptère qui vit dans les chardons, le 
Myeloïs cribrella : « Là, dit-il, il file autour de lui une game 
« de forme et de dimensions variables. IE y demeure pres- 
« qu'immobile et y demeurerait indéfiniment si je n'interve- 
« nais en détruisant la gaine. Le contact de celle-ci provoque, 
« en effet, un arrêt des mouvements tel qu'une chenille restera 
« facilement immobile pendant des heures, enroulée autour 
« de fils de soie enchevêtrés entre ses pattes. L'inhibition se 
« produit à fortiori si la chenille est enfermée dans une toile, 
« même légère. La toile détruite, la chenille recouvre son 
« activité ». 

Le phénomène est peut-être susceptible de généralisation. On 
pourrait rechercher S'il n'intervient pas chez le Monodonto- 
merus æreus et les Pleromalus qui hivernent dans les bourses 
d'Euproctis chrysorrhea et si, pour certains insectes qui ne se 
débattent pas dans les toiles d'Araignées, le contact de la soie 
ne serait pas inhibiteur. 


90 F: PICARD 


La chrysalide de Pieris est utilisée par le Pteromalus adulte 
à la fois pour sa ponte et pour son alimentation. Après avoir 
enfoncé sa tarière en un point quelconque du tégument, le 
parasite recule et suce la goutte de sang qui s'écoule de la 
blessure. 

La ponte qui s'opère de la même façon, c'est-à-dire en pla- 
cant la tarière à angle droit avec le corps et en l’enfonçant pro- 
gressivement jusqu'à la base, peut avoir lieu aussi bien dans des 
chrysalides du jour que dans celles qui sont près de donner 
l’imago. Les secousses de sa victime sont insuffisantes pour lui 
faire lâcher prise. 

En captivité, le P/eromalus quitte rarement sa chrysalide, 
mème pendant les intervalles de repos entre lesquels ül 
s'occupe alternativement à lécher Le sang qu'il a fait sourdre et 
à déposer de nouveaux œufs. 

D'après Marre, les femelles seraient ennemies entre elles, 
et leur rivalité serait surtout marquée au moment de la ponte. 
C'est pure imagination : on rencontre très souvent plusieurs 
Pleromalus enfonçant à la fois leur tarière dans la même 
chrysalide et totalement indifférents les uns aux autres; j'ai 
toujours observé le même fait dans mes élevages. J'ai livré 
quelquefois une seule nymphe à une centaine de femelles. 
Elle était alors entièrement recouverte par les Pteromalus qui 
la lardaient de coups de tarière. Parfois certains d’entre eux 
étaient gènés par les déplacements des voisins, mais aucun ne 
manifestait la moindre hostilité. Il en est de même d'ailleurs 
des factionnaires multiples qui montent leur garde sans se 
pourchasser réciproquement. 

[Lest juste de dire que l'inimitié entre femelles peut se ren- 
contrer chez d’autres Chalcidiens. Je l’ai observée chez le Tetras- 
hchus ranthomelænæ. Une femelle grimpée sur une ponte de 
Galéruque n'entolère pas l'exploitation par un autre de ses con- 
génères ; elle le repousse à coup de tète et de mandibules, et 
l'établissement de ses œufs est continuellement troublé par ces 
combats. Mais rien de pareil n'existe dans le cas du Pteromalus 
puparur. 

La fécondité de cet insecte est considérable, mais il est diffi- 
eile de connaître exactement le nombre d'œufs pondus par cha- 
que individu. Les chrysalides récoltées dans la nature ne don- 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 91 


nent aucun renseignement, parce que plusieurs femelles 
pondent généralement dans la même chrysalide et que tout 
porte à croire que le même Pteromalus répartit Le plus souvent 
ses œufs dans plusieurs victimes. 

En captivité, au contraire, il est facile d'isoler les femelles 
dès leur éclosion, mais retrouver tous Les œufs après la ponte, 
dans la chrysalide, est impraticable. Il faut donc se baser sur le 
nombre d'adultes issus d'une seule femelle. On s'aperçoit alors 
que ce nombre est indépendant de celui des œufs pondus, jusqu'à 
un certain point, et que deux femelles pondant dans une même 
chrysalide donnent moins d'individus qu'une seule ayant plu- 
sieurs nymphes à sa disposition. En réalité toutes les larves ne 
viennent pas à bien quand elles sont en surnombre, soit qu'elles 
manquent de nourriture, soit qu'elles soient tuées par leurs 
compagnes. Une chrysalide ne peut guère nourrir beaucoup 
plus d’une centaine de larves, et le maximum observé fut 122. 
Mais les possibilités de ponte sont au moins doubles, et j'ai 
obtenu d’une seule pondeuse 212 individus éclos de deux chry- 
salides. IE m'a semblé que les femelles auxquelles on offrait 
des proies multiples s’occupaient exclusivement à peupler 
Fune d’entre elles, pour ne se porter qu'ensuite sur la seconde, 
sans revenir à la première. Dans mes élevages, il n'y eut 
jamais plus de deux chrysalides exploitées, mais il est proba- 
ble qu'il n'en est pas de même dans la nature où les femelles 
ont beaucoup plus de chances d’être dérangées. 

in élevage Les femelles fécondées donnent toujours un nom- 
bre important de descendants, de 60 à 100 environ, même lors- 
qu'elles n'ont qu'une nymphe à leur disposition. Les chrysali- 
des récoltées au dehors donnent au contraire une quantité bien 
plus variable d'adultes, de 4 à 122, sur 26 observations, avec 
une moyenne de 36 seulement. Une chrysalide est donc rare- 
ment exploitée à fond, comme en captivité, ce qui ne doit pas 
surprendre, puisque le Chalcidien est soumis à bien plus d’aléas 
et peut être détruit ou forcé de se déplacer avant d'avoir vidé 
ses ovaires. 

Les mâles sont moins abondants que les femelles. Dans une 
statistique portant sur 927 individus, j'ai obtenu 576 femelles 
et 351 mâles, soit un peu plus d’un tiers de mâles. Cette pro- 
portion plus grande de femelles se retrouve presque constam- 


92 F. PIGARD 


ment dans chaque chrysalide prise en: particulier. 26 nymphes 
capturées au dehors donnèrent dans 22 cas plus de femelles que 
de mâles (dont 4 fois des femelles seules), et dans quatre cas 
seulement plus de mâles que de femelles (dont une fois 
64 mâles sans une femelle). 

Les élevages en laboratoire en partant de femelles fécondées 
donnèrent des résultats analogues. Dans un cas, cependant, la 
descendance d'un Pteromalus fut de 58 mâles pour 3 femelles 
seulement. 

L’échelonnement des éclosions est plus grand au dehors que 
dans les éducations d'individus séparés, ce qui tend encore à 
prouver que plusieurs Pteromalus exploitent normalement la 
même chrysalide, fait que l'observation directe des pondeuses 
n'a d'ailleurs démontré. 

Les femelles non fécondées sont susceptibles de se repro- 
duire. On sait que chez beaucoup d'insectes, l’accouplement 
déclanche la ponte qui la suit presqu'immédiatement. Tel est 
le cas des Drosophiles, d'après Guyéxor, de PAthorimæa oper- 
culella et d'Hesperophanes qriseus d’après mes observations. 
Les femelles restées vierges conservent alors fort longtemps 
leurs œufs dans leurs ovaires et finissent par les évacuer vers 
le terme de leur existence. Il n'en est pas ainsi chez Pteromalus 
puparum ; les femelles viergés commencent à pondre le jour 
même ou tout au plus le lendemain de leur éclosion, tout 
comme celles qui se sont accouplées. 

Les œufs de ces femelles parthénogénétiques donnent exclu- 
sivement des mâles. D’autres auteurs, notamment MARTELLI, 
l'ont déjà observé. Seul Abzer prétend avoir obtenu, dans quel- 
ques cas, un petit nombre de femelles issues d'œufs non 
fécondés. Ce fait serait extrêmement intéressant, surtout si on 
le considère du point de vue des idées les plus généralement 
admises sur le déterminisme du sexe. Il n'aurait d’ailleurs rien 
d'invraisemblable, car la chose a été établie sans conteste pour 
un Braconide, le Lysiphlebus tritici, et c'est en partie dans le 
but de le vérifier que j'avais tout d'abord entrepris l'étude du 
Pleromalus puparum. Mais dans aucune de mes éducations il 
n'est apparu une seule femelle provenant d’un œuf vierge. 
Force m'est done bien d'admettre que le Peromalus puparum 
rentre dans le cas le plus fréquemment constaté chez les Hymé- 


PARASITES DE © PIERIS BRASSICÆH » 935 


noptères et qu'il est constamment doué de parthénogénèse 
arrhénotoque. Ou s'il y a des exceptions, elles doivent être 
extrêmement rares. 

Cette arrhénotoquie peut ne pas sembler en rapport avec la 
proportion des sexes : puisqu'on constate, dans les éelosions, 
environ un mâle pour deux femelles, beaucoup de celles-ei 
devraient échapper à la fécondation et produire des mâles par 
parthénogénèse. D'où abondance plus grande de mâles, ce qui 
est inconciliable avec nos prémisses. En réalité la grande majo- 
rité des femelles s'accouple, car un mâle suffit pour plusieurs 
d’entre elles, et toûtes celles qui sont récoltées au dehors ne 
sont certainement plus vierges et produisent en captivité des 
individus des deux sexes. 

IL est certain que les femelles échappant au mâle sont rares 
dans la nature, et une seule fois j'ai obtenu 64 mâles d’une 
chrysalide, ce qui ne peut guère s'expliquer que par la parthé- 
nogénèse, mais d’autres auteurs ont constaté le même cas, 
notamment Maurice Girarp (') : « Les nichées d'adultes ainsi 
«_éclos, dit-il, offrent parfois les deux sexes mélangés, parfois 
« un seul, mâle ou femelle, fait que nous retrouvons pour 
« beaucoup de Psychides, et qui est peut-être un moyen natu- 
« rel d'éviter Les unions consanguines ». Il est inutile d'insister 
sur tout ce que cette hypothèse présente d’ingénieux. 

La fécondité des vierges est aussi grande que celle des femel- 
les fécondées ; elle parait même parfois plus considérable. Là 
encore le nombre d'individus se développant dans une ehrysa- 
Hide ne dépend pas seulement du nombre d'œufs pondus, mais 
du volume de cette chrysalide. Une nymphe de Pieris napi 
fournit 77 mâles, tandis qu'avec celles plus grande de Pieris 
brassicæ j'ai pu obtenir jusqu'à 212 & parthénogénétiques tous 
fils de la même mère. Ce chiffre est supérieur à tous ceux qui 
furent constatés dans la descendance des femelles accouplées. 
Il ne faut pas en conclure à une plus grande fertilité des vier- 
ges, mais, la taille des mâles étant plus petite, une chrysalide 


() Maurice Girarv. Trailé d'Entomologie, t. HI, 1885, p, 34. — M. Girarp dit 
que le Pteromalus puparum se développe dans la chenille de la Piéride du 
chou et qu'il en peut sortir plus de mille individus du corps d’une grosse che- 
nille. Il est vrai que, page 39, il fait éclore le même insecte des chrysalides de 
Pieris brassicae et rapae et de nos Vanesses indigènes, 


Ca 


9% F,. PICARD 


de taille donnée peut nourrir un nombre plus grand de larves 
mâles que de larves des deux sexes en majorité femelles. 

La durée du cycle évolutif est variable suivant la saison ; en 
juin elle est de 17 jours, dont trois pour le développement de 
l'œuf, Au printemps (avril-mai) et à l’automne, la rapidité est 
moindre et varie, suivant l’époque, de 25 à 30 jours (!). Pendant 
la belle saison, la larve se métamorphose dès qu'elle à atteint 
toute sa taille, mais à l'approche des froids, les larves qui ont 
terminé leur croissance passent l'hiver immobiles sous le tégu- 
ment de La chrysalide et ne se transforment en nymphes qu'à 
la fin de mars. Les premières éclosions d'adultes peuvent avoir 
lieu dans les derniers jours du même mois ou au début d'avril. 


2. Dibrachys sp.” 


Une chrysalide de Pieris récoltée sur un mur bordant un 
champ de choux, donna issue à un très grand nombre d'indi- 
vidus d’un Chalcidien différent du Pteromalus puparum, et 
appartenant incontestablement au genre Prbrachys. Mais tous 
ces adultes étaient des mâles, ce qui en rendait la détermina- 
tion spécifique très épineuse. D’après M. Mas, il s'agirait peut- 
être de Dibrachys chsiocampæ Fitch. 

Le Dibrachys parasite de Pieris est certainement très voisin 
du Dibrachys boucheanus des Apanteles. Mais le mâle diffère à 
première vue par ses antennes festacées à articles marginés de 
noir. Il ne peut être question d'une variété de la même espèce, 
car sa biologie est radicalement différente. J'ai déjà dit que le 
D. boucheanus ne pond jamais dans des chrysalides de Preris, 
ce qui se conçoit puisque sa larve est ectoparasite, et que mal- 
gré sa grande polyphagie, il est limité, pour le choix de ses 
hôtes, à ceux qui sont inclus dans un cocon ou abrités d’une 
facon quelconque. Il n’en est pas de mème de espèce de la 
Piéride ; elle est endophage et sa larve est plongée dans les 
tissus de sa victime, tout comme celle du Pferomalus. 

IL est extrêmement suggestif de rencontrer deux modes de 
vie aussi opposés dans deux espèces du même genre ne se dis- 

. 


() Des élevages faits à l’étuve, pendant l'hiver, m'ont démontré que le eyele 
est très régulièrement de 25 jours à une température constante de 22°, 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 95 


tinguant guère que par une légère différence de coloration des 
antennes, et si voisines morphologiquement que M. Mast se 
demandait en m'écrivant, s'il ne s'agirait pas simplement de 
deux variétés. L'endophagie ne peut s'établir sans s'accom- 
pagner de modifications diverses, en particulier dans l'appareil 
respiratoire. 

On connaît un autre exemple analogue, c'est celui du Den- 
drosoter protuberans Nees, endoparasite de Scolylus intricatus 
d’après Seurar, alors que toutes les autres espèces de Dendroso- 
ter dont les mœurs sont connues ont des larves ectophages. Le 
fait est d'autant plus surprenant que l’ectoparasitisme est cons- 
tant chez tous les Braconides cyclostomes (Bracon, Habrobracon, 
Cœloides, Spathius, Sycosoter, Hecubolus, Doryctes, etc.) à 
l'exception de la tribu des Rhogadidés. Il demanderait à être 
confirmé, mais le cas des deux Dibrachys nous prouve qu'il 
n'a rien d'invraisemblable. 

La nichée n'étant composée que de mâles, il y à tout lieu de 
penser qu'il s'agissait d'une ponte parthénogénétique. Malgré 
toutes mes recherches, je n'ai pu trouver aucun autre chrysa- 
lide attaquée par la même espèce, de sorte que la femelle 
m'est inconnue et que je n'ai pu faire aucun élevage. Cet 
exemple montre combien on doit être prudent dans la détermi- 
nation des Chaleidiens et à quel point des formes qui paraissent 
à peine distinctes morphologiquement peuvent différer par 
leur biologie. Il montre aussi que l’ectophagie et l'endophagie, 
si éloignées qu'elles nous paraissent, peuvent s'observer l’une 
près de l’autre chez des espèces très affines, et se sont établies 
indépendamment dans des groupes de parasites de toute sorte, 
sans aucun rapport de parenté. 

CauLzerY (1921) à fait remarquer combien, chez les insectes, 
la vie parasitaire retentit peu sur l’organisation de l'adulte. Le 
cas présent en est un frappant exemple : deux larves dont l’une, 
extérieure à l'hôte, respire par des stigmates et aspire les 
humeurs de sa victime par une blessure faite au tégument, 
tandis que l’autre, plongée dans la cavité générale, est doute 
d'une respiration purement cutanée, donneront cependant des 
imagos presqu'identiques. 


96 F. PICARD 


3. Pimpla instigator. F. 


Plusieurs espèces de Pimpla ont été signalées comme se 
développant dans la chrysalide de Pieris brassicæ, notamment 
Pimpla examinator F. par Ronban, Pimpla brassicariæ Poda 
(= varicornis F.) par Scamicoknerca et P. instigator par divers 
auteurs. Je n'ai trouvé que cette dernière espèce à Montpel- 
lier ; Maurezur n'en a observé aucune dans l’Italie du sud. 

Pimpla instigator passe pour très polyphage. On l’a citée 
comme parasite des nymphes d'une foule de Lépidoptères, 
mais aussi de quelques Coléoptères et Tenthrèdes. MarTEezLt, 
Mouey (1918) et quelques autres auteurs citent parmi ses vic- 
times : les Lépidoptères Aporia, Spilosoma, Dasychira, Orgyia, 
Dendrolimus,  Lymantria,  Euproctis,  Dicranura,  Phalera; 
Diloba, Panolis, Polia, Cosmia, Selenia, OEnophtira, Clysia : 
les Coléoptères Pissodes et Oryctes, et parmi les Hyménopte- 
res, Trichiosoma, Pleronus salicis, perspicillaris et dimidiatus. 

Cependant j'ai pu constater que toutes les chrysalides ne 
conviennent pas aussi bien à la ponte que celle des Piérides. 
Des nymphes de Bombyx neustria livrées à mes femelles de 
Pampla instigator n'ont jamais reçu d'œufs. Parfois un Pempla 
essayait de les transpercer de sa tarière, mais celle-ci glissait 
sans pénétrer, et malgré un long séjour dans les bocaux d’éle- 
vage, aucun Bombyx ne fut parasité. Il peut en être autre- 
ment dans les conditions naturelles où les Pimpla, agrippées 
au cocon trouvent peut-être un meilleur point d'appui que 
dans mes récipients. J'ai noté aussi, dans une note prélimi- 
naire, mes insuccès avec Pyrameis cardui, à cause des vibra- 
tions très rapides de l'abdomen qui se produisent chez cette 
chrysalide au moindre frôlement. Le Pimpla est tellement 
secoué et roulé de tout côté, qu'il ne peut arriver à faire péné- 
trer sa tarière, et cela, non seulement lorsque la nymphe de 
Vanesse est déposée horizontalement, mais surtout quand elle 
est suspendue dans sa position normale. Je concluais que, dans 
la nature, le Pimpla instigqator devait bien rarement parvenir 
à pondre dans une Vanesse du Chardon. À vrai dire, j'ai 
obtenu depuis quelques résultats positifs. Des Pimpla, se cram- 
ponnant à des chrysalides de Pyrameis suspendues par la 


PARASITES DE © PIERIS BRASSICÆ » 97 


queue, parvinrent à se maintenir sans lâcher prise malgré les 
soubresauts qui Les ballotaient en tout sens, et à faire pénétrer 
leur oviscapte. Mais ce ne fut pas sans de grandes difficultés, 
et le Pampla instigator est mal adapté à pondre dans certaines 
chrysalides. 

Par contre les nymphes de Pieris, à téguments peu épais el 
fixées solidement à des surfaces planes par la pointe de l'abdo- 
men et leur ceinture médiane, sont d'une exploitation com- 
mode, malgré les mouvements qu'elles effectuent pendant la 
piqûre. Aussi sont-elles très parasitées par le Pimpla instiqa- 
tor, à Montpellier du moins. 

L'élevage de Pimpla instigator ne présente aucune difficulté, 
je lai réussi simplement en plaçant des adultes, parfois en 
grand nombre, dans des flacons de 3 à 400 grammes, bouchés 
par un tampon d’ouate. La seule précaution à prendre est de 
leur assurer une nourriture abondante en eau sucrée, dont ils 
sont fort friands. L'absorption du sang des chrysalides ne Les 
empêche pas de lécher le sirop de sucre, etils y sont occupés 
à peu près constamment dans l'intervalle des actes reproduc- 
teurs. Ils deviennent très peu farouches au bout de quelques 
jours et viennent boire les liquides sucrés ou piquer leur proie 
jusqu entre les doigts de l'observateur. 

Dans ces conditions, ces insectes se maintiennent longtemps 
en vie, même dans un étroit espace, de 18 à 25 jours en mai- 
juin, durée qui n'est probablement pas dépassée en liberté. Il 
est facile d'obtenir des pontes en fournissant chaque jour les 
chrysalides nécessaires. 

D'après BerraoumiEu, l’accouplement des  [chneumonides 
serait très mystérieux et presqu'impossible à observer : « Gra- 
« VENHORST, dit-il, qui, pendant 30 ans, a capturé près de cent 
« mille Ichneumonides, affirme n'avoir jamais rencontré un cas 
« d'accouplement ». Le fait n’est pas surprenant, car les femel- 
les de ces insectes ne sont fécondées qu'une fois, et générale- 
ment aussitôt après l’éclosion ; l'observation dans la nature ne 
peut donc fournir aucune indication à ce sujet. 

Mais en captivité, du moins pour les Pimpla, rien n’est plus 
aisé que d'assister au rapprochement des sexes. Le mäle fond 
immédiatement sur toute femelle vierge introduite dans le réci- 
pient où il se trouve, la maintient des pattes antérieures et 


7l 


98 F. PICARD 


s'accouple sans aucune manœuvre préliminaire. L'immobilité 
des deux conjoints est complète sauf dans les deux dernières 
secondes où l'abdomen du mâle est agité de petites secousses. 
La séparation a lieu au bout de 20 secondes lorsqu'il s'agit d’un 
mâle reposé, de 30 à 50 secondes lorsque le même individu a 
possédé plusieurs femelles à peu d'intervalles. 

Un même male, en effet, est susceptible de recommencer 
l'acte sexuel plusieurs fois par jour et même à une demi-heure 
de distance. Les femelles, au contraire, ne s'accouplent qu'une 
fois ; c'est un cas très fréquent chez les Hyménoptères, et nous 
l'avons déjà observé chez le Pferomalus puparum. Mais chez le 
Pimpla instigator, la particularité consiste en ce fait que dès 
qu'une femelle est fécondée, elle n'exerce plus aucune atti- 
rance vis-à-vis des mâles. Autant ceux-ci bondissent sur la 
femelle vierge qui leur est livrée, autant ils restent indifférents 
vis-à-vis de celle qui s'est accouplée. 

L’ardeur génitale des mâles et l'absence totale de propriétés 
attractives des femelles fécondées sont illustrées par l’observa- 
tion suivante : Deux mâles furent placés ensemble dans un 
bocal d'élevage dont aucune femelle n’était vierge. Ils se pré- 
cipitèrent l’un sur l'autre et tentèrent ensemble avec insistance 
un vain accouplement. Chacun d'eux exerçait done sur son 
compagnon une attraction plus forte que Les femelles, dont ils 
ne s’occupèrent nullement. 

J'ai dit que les Pimpla récoltées en plein air étaient toujours 
técondées, car l'acte sexuel s'accomplit peu après leur éclosion. 
J'ai cependant noté l'exception d’une femelle vierge prise au 
vol dans un endroit où les mâles abondaient et qui s'accoupla 
au laboratoire. Il est probable qu'elle n’était éclose que depuis 
peu d'instants. 

ScHeviIREW avait déjà remarqué que les femelles de Pimpla ne 
s'accouplent jamais plusieurs fois et il les appelle wninuplæ, 
par opposition aux Hyménoptères multinuptæ qui subissent 
plusieurs fois Les approches du mâle. Le genre Theronia (par 
exemple T. atalantæ Poda), très voisin du genre Pampla, appar- 
tient à cette seconde catégorie, qui est peu nombreuse. 

La ponte a lieu exclusivement dans les chrysalides. On peut 
se demander à quelles hallucinations JEGEN (1918) a été en 
proie, lorsqu'il dit que les œufs de Pimpla instigator sont dépo- 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 9y 


sés dans le corps de la larve et que l’oviposition n'est pas bor- 
née aux jeunes individus, la ponte se poursuivant pendant une 
quinzaine. D'après cet auteur facétieux, de 14 à 100 œufs sont 
déposés dans le corps d’un seul hôte. IL serait inutile et cruel 
d'insister. 

Le Ponpla instigator manifeste la plus grande indifférence 
vis-à-vis des chenilles de Pieris de toute taille, même, contrai- 
rement au Pteromalus puparum, vis-à-vis de celles que Fimmi- 
nence de la métamorphose a immobilisées. Au contraire, mis 
en présence d’une nymphe, il s'y campe aussitôt, l’'embrassant 
de ses pattes, ramène fortement son abdomen en avant et 
enfonce le gorgeret de sa tarière perpendiculairement au tégu- 
ment de la victime, en le guidant avec les deux valves. L’ovis- 
capte ne pénètre le plus souvent qu'à moitié et la ponte a lieu 
en peu d'instants. Pendant cette opération, la chrysalide se 
débat assez violemment et, lorsqu'elle est déposée après avoir 
été détachée de son support, ses secousses peuvent la faire 
glisser et gèner l'Ichneumonide. Celui-ci ne lâche pas prise et, 
tout secoué qu'il est, finit par déposer son œuf. Dans les condi- 
tions naturelles la ponte est beaucoup plus facile puisque la 
chrysalide est fixée par sa ceinture et sa pointe postérieure et 
que ses déplacements sont des plus limités. 

Pas plus que chez les Pferomalus, on n'observe chez les 
Pimpla la moindre hostilité entre les femelles concurrentes 
pendant la ponte. Souvent deux ou même trois femelles se 
fixent sur la même chrysalide et dégainent leur tarière. Chacune 
opère comme un somnambule qui n'aurait pas conscience de 
son entourage ; deux individus pressés l'un contre l’autre, dans 
une position incommode, leurs pattes s'enchevêtrant, s'en 
tirent du mieux qu'ils peuvent, mais sans chercher à se chasser 
mutuellement. 

Il faut savoir que la larve de Ponpla est strictement solitaire 
et que quelque soit le nombre d'œufs pondus dans un chrysa- 
hide, une seule larve s’y développera. J'ai observé jusqu'x 
1 pontes, provenant d'une ou de plusieurs femelles, dans une 
même nymphe dont il ne sortit qu'un adulte. Ce fait, reposant 
sur de très nombreuses expériences, est sans exception, et l’on 
voit combien cette aménité des Pimpla entre elles est préjudicia- 
ble à l'espèce. IL est inutile de dire que la femelle ne distingue 


100 F. PICARD 


en aucune sorte une chrysalide ayant déjà recu une ponte, 
mème la sienne propre. d’un exemplaire indemne. On pourra 
voir le même individu pondre deux fois dans Ia même nymphe 
à quelques minutes d'intervalle. 

Cette absence d’inimitié pendant la ponte est d'autant plus 
remarquable que lIchneumonide se conduit tout autrement 
lorsqu'il se nourrit. Lors de l’absorption du sirop, chaque indi- 
vidu chasse ses congénères qui s'approchent de sa gouttelette, 
soit en les repoussant à coup de tête, soit en les écartant bru- 
talement par un mouvement latéral de ses pattes postérieures. 
Cette combativité pendant le repas contraste d’une façon frap- 
pante avec la mansuétude au moment de loviposition, acte 
autrement important pour les destinées de la race. 

J'ai pu mettre en lumière par quelques expériences très faci- 
les à réaliser, le fait que l'acte de la ponte, chez Pimpla, qui 
semble si complexe de prime abord, consiste en une suite de 
réflexes qu'il est facile de déclancher. 

Si l’on offre aux femelles, au lieu d'une nymphe vivante, la 
dépouille dont le papillon s’est libéré, celle-ci ne les attire 
aucunement. Mais la même dépouille enduite légèrement de 
sang frais de chrysalide, les excite autant que leur proie habi- 
tuelle. Toutes les femelles de l'élevage s'y jettent à la fois, se 
bousculent pour y trouver place et y plongent leur tarière. 
Quelques instants après, le sang sèche et la vieille défroque est 
laissée de côté. 

Mais on peut faire mieux; en recommençant l'expérience 
avec un cylindre ou une papillotte de papier n'ayant n1 la cou- 
leur, ni la forme, et seulement très approximativement la taille 
d'une chrysalide de Pieris, aucune attirance n'est constatée. 
Par contre, le même objet à la surface duquel on étale une 
goutte de sang de nymphe déclanche aussitôt le réflexe. Les 
Pimpla S'y campent sur toutes les faces disponibles, en aussi 
grand nombre que possible, y prennent la position de ponte et 
le lardent de coups de tarière. En peu de temps le papier est 
criblé de trous, mais, là encore, l'attraction cesse dès que les 
effluves excitantes s'évanouissent par suite du dessèchement de 
l’enduit sanguin. 

Ces expériences furent répétées un grand nombre de fois 
devant diverses personnes, et toujours couronnées d'un suecès 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆH » 101 


immédiat : le jeu de la tarière est un simple réflexe déterminé 
par une violente sensation olfactive. 

La vue ne prend aucune part à l'acte de ponte : une feuille 
sur laquelle est collée une chrysalide est présentée à une Pim- 
pla par la face opposée ; aussitôt celle-ci transperce la chrysa- 
lide, invisible pour elle, à travers la feuille. Mais en réalité, la 
percée de la victime, qui sera suivie, tantôt du dépôt de l'œuf, 
tantôt de l'absorption du sang, n’est que le premier temps du 
phénomène. 11 y a un second temps qui est l'émission de l'œuf 
elle-même et qui parait dépendre d’une sensation tactile, celle 
de vide et de plein. En effet, pas plus les chrysalides vides que 
les papillottes de papier ne reçurent jamais un seul œuf après 
avoir été transpercées. 

Le Pimpla instigator utilise aussi ses victimes pour sa pro- 
pre nourriture, comme beaucoup d’autres Hyménoptères para- 
sites. Mais le jeu de la tarière, dans le cas de succion de sang, 
est très différent de ce qu'il est dans la ponte. Avant de se nour- 
rir, la femelle enfonce le gorgeret jusqu'à la base et laboure 
l'intérieur de la chrysalide à plusieurs reprises, par des mou- 
vements d'avant en arrière de l'abdomen, en se relevant sur 
ses pattes et s’aplatissant sur le ventre alternativement. Il est 
donc très facile, en voyant un Pimpla piquer, de savoir s'il va 
sucer où pondre un œuf, car nous avons vu que dans ce dernier 
cas, la tarière n’est souvent plongée qu'à demi et toujours 
maintenue verticale. 

La blessure est souvent agrandie avec les mandibules et le 
sang qui s'en échappe est lapé jusqu'à ce que la nymphe soit 
aplatie et vidée. Une femelle peut fort bien sucer ainsi et tuer 
une chrysalide dans laquelle elle vient de pondre quelques 
instants auparavant, fait sans doute embarrassant pour les par- 
tisans de l'instinct parfaitement adapté. Dans mon élevage de 
Pimpla, 1 était nécessaire de retirer immédiatement les chry- 
salides qui venaient de recevoir des pontes afin de les sous- 
traire à la voracité des adultes. 

Un fait assez particulier, et que je ne crois pas avoir encore été 
signalé, c’est la part que prennent les mâles à ces festins. Ils 
ne peuvent eux-mêmes perforer les nymphes, mais profitent 
des plaies faites par les femelles et se montrent aussi friands 
de sang que celles-ci, L'abondance des sues d’origine animale 


102 ÿ F. PICARD 


n'empêche d’ailleurs pas les deux sexes de se gorger de liqui- 
des sucrés chaque fois qu’on en met à leur disposition. | 

La parthénogénèse est possible chez Pimpla instigator, et ce 
mode de reproduction m'a toujours donné des mâles ; c’est 
donc le cas ordinaire des Hyménoptères. Cependant tout ne se 
passe pas comme pour le Pteromalus puparum. Chez ce Chal- 
cidien les femelles non fécondées ne se distinguent en rien par 
leur comportement de celles qui se sont accouplées. Chez Pim- 
pla, au contraire, les femelles vierges paraissent beaucoup 
moins attirées que les autres par les chrysalides et elles peu- 
vent souvent rester plusieurs jours sans pondre, dédaignant Les 
proies offertes, ou ne s'en servant que pour leur nourriture. 
Cependant j'ai obtenu de nombreuses pontes, qui toutes fourni- 
rent des mâles. 

Comme le développement des mâles est fort rapide, et s’effec- 
tue quelquefois en 16 jours seulement (juin-juillet), de l'œuf à 
l'adulte, leurs mères vivaient encore au moment de leur éclo- 
sion et J'ai pu accoupler l’une d’elles avec son fils. Cette vierge 
déflorée par son propre fils produisit alors de nouveaux descen- 
dants des deux sexes, dont elle était à La fois la mère et la 
grand-mère. De semblables expériences furent tentées avec suc- 
cès en Amérique par Surra sur Melittobia acasta Walk. et sur 
Schedius hivoanæe Moward. Mais, dans ce dernier cas, il fallut 
conserver Ja femelle au froid aussitôt après la ponte de ses pre- 
miers œufs, pour obtenir la survie nécessaire ; c’est tout à fait 
inutile dans le cas de Pimpla instigator. Le tels essais peu- 
vent avoir un intérêt pratique ; ils permettront, par exemple, 
de tenter l'élevage d’un Hyménoptère parasite dont on n'aurait 
obtenu qu'une seule femelle. On la ferait pondre tout d’abord, 
puis féconder par le premier fils éelos. 

SCHEVIREW, qui à expérimenté sur plusieurs espèces de Pim- 
pla, dont linstigator, admet aussi que les mâles proviennent 
d'œufs non fécondés. Il applique à ces insectes la théorie de 
Dzerzox et prétend que la femelle peut pondre des œufs de l’un 
ou l’autre sexe à volonté, comme Fasre l'avait décrit pour les 
Osmies. Il constata qu'en fournissant à des Pimpla des chrysa- 
lides de grande taille, par exemple de Sphinx, Smerinthus, 
(Grast'opacha, etc., on obtenait exclusivement des femelles, tan- 
dis que les petites, comme celles de Panohs, Vanessa 


PARASITES DE & PIERIS BRASSICÆ » 103 


levana, etc., fournissaient seulement des mâles ; Les chrysalides 
de taille ermdiiie comme celles de 5 brassicæ, don- 
naient les deux sexes avec prédominance de mâles. 

Le fait est fort probable et s'accorderait avec ce que l’on sait 
de La ponte des Abeilles et des Osmies. Mais comme il nous est 
impossible d'admettre, à la suite de Fagre et de ScaeviRew, que 
l’Hyménoptère choisisse volontairement le sexe de son œuf, il 
resterait à trouver le mécanisme du phénomène. Dans le cas du 
Pimpla, qui embrasse les chrysalides avec ses pattes, on peut 
se demander si, l’'écartement plus grand de celles-ci ne déter- 
mine pas des contractions musculaires différentes. Cette hypo- 
thèse n'est pas absolument satisfaisante, car on ne voit guère 
comment la position d'appendices dépendant du thorax peut 
agir sur les muscles du réceptacle séminal. Il s’agit sans doute 
d'un réflexe dont le déterminisme est bien difficile à mettre en 
évidence expérimentalement. 

Les chrysalides de Preris récoltées au dehors me fournirent 
plus de Pempla femelles que de mâles ; les pontes en captivité 
sur les mêmes chrysalides donnèrent une grande majorité de 
mâles. Ce dernier fait confirme les observations de SCHEVIREW, 
tandis que le premier ne les infirme qu'en apparence. Les 
mâles se développent en moyenne plus rapidement que les 
femelles et, par conséquent, éclosent plus tôt, notamment au 
début du printemps. La plupart devaient être déjà sortis avant 
ma récolte. 

La durée du cycle évolutif est variable et dépend avant tout 
de la température. Les mâles provenant d'œufs pondus au 
début de juin furent adultes en 16 à {7 jours pour la plupart, 
en 24 ou même 25 jours pour une minorité. Les femelles ont 
un développement un peu plus long ; il varie à la même épo- 
que entre 20 et 26 jours. L'hiver se passe sous forme de larves 
et de nymphes dans les chrysalides. | 

La longueur de la vie de l'adulte captif et bien nourri est 
de 18 à 26 jours en été ; elle compte donc à peu près pour la 
moitié du cycle total. 


104 F. PICARD 


III. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 


J'ai exposé successivement, dans les lignes qui précèdent. le 
comportement de chacun des insectes qui vivent à Montpellier 
aux dépens de la Piéride du chou et celui de leurs hyperpara- 
sites. Mais 1l ne suffit pas de considérer chacune de ces espèces 
isolément : elles sont groupées en un consortium exploitant la 
Piéride et tout ce qui touche l’une d'elles retentira sur les 
autres membres de l'association. Il est bien évident que toute 
cause de diminution des Apanteles pourra, non seulement faire 
augmenter le nombre des Pieris, mais encore celui des Antlas- 
tus, des Pteromalus et des Pimpla et diminuer celui des Dibra- 
chys, des Tetrastichus et des Hemiteles. IL est bien évident aussi 
que dans chaque région existe un groupement différent, qui 
néanmoins arrive à maintenir son équilibre vaille que vaille. 
En Italie, Marrezu n’a pas observé le Pempla instigalor, dont 
Pinfluence sur la diminution des chrysalides est si grande à 
Montpellier : en revanche d’autres parasites étaient présents, 
Hemitleles melanarius, Bassus albosignatus. que je n'ai pas 
rencontrés. Ailleurs encore se montrera le Pol/ynema ovulorum 
qui se développe dans les œufs du Lépidoptère, entrant ainsi en 
compétition avec tous les autres exploitants, et de l'abondance 
duquel pourra dépendre, par conséquent, dans certaines loca- 
lités, la fréquence de tous ses concurrents. 

Il est done nécessaire d'étudier les interactions réciproques de 
ces espèces ; non pas de toutes celles qui sont connues comme 
parasites de Pieris brassicæ, car elles ne coexistent pas dans le 
mème lieu, et l'on arriverait ainsi à des conceptions abstraites 
s'écartant de la réalité, mais de celles que j'ai trouvées réunies 
dans le territoire restreint sur lequel ont porté mes Investiga- 
tions ; les données concrètes ainsi recueillies seront générali- 
sées par la suite avec plus de profit. 

Il sera utile ensuite de réunir et de comparer entre eux les 
faits épars fournis par chaque espèce en ce qui concerne le 
mode d’accouplement, le déterminisme de la ponte, la parthé- 
nogénèse, etc., faits sans grande portée lorsqu'ils restent isolés, 
mais qui s'éclairent mutuellement en étant groupés. On pourra 
Jeter alors un coup d'œil en arrière et chercher à se rendre 


PARASITES DE ( PIERIS BRASSICÆ » 105 
compte si les actes si nombreux que comporte la vie de tous 
ces insectes ont tous leur utilité, s'ils réalisent dans chaque cas 
la meilleure adaptation possible ou s'ils ne sont parfois que le 
résultat de réflexes ou la réponse à des impulsions sans rela- 
tions avec le bien de l’individu ou celui de la race. 


1. Rapports des parasites avec leur hôte 


Le Pieris brassicæ est toujours et partout un Lépidoptère 
très parasité. La cause profonde, qui est l'attraction qu'il 
exerce vis-à-vis de beaucoup d'espèces, échappe plus ou moins 
à notre analyse. Mais on peut cependant remarquer que plu- 
sieurs faits concourent à multiplier les chances de parasitisme 
aux dépens de cet insecte : 


1° Les espèces qui subissent l'attirance de la Piéride sont 
toutes plus ou moins polyphages. C'est une condition excel- 
lente pour leur persistance et leur multiplication, car elles 
peuvent se maintenir en cas de disparition ou de diminution 
temporaire de la Piéride dans leur voisinage, sous l'influence 
de conditions météorologiques ou d'absence de nourriture. Elles 
donneront de nouveaux essaims dès que la Piéride reparaitra. 

Encore faut-il que ces parasites, tout polyphages qu’ils sont, 
soient attirés par la Piéride autant ou davantage que par leurs 
autres hôtes, faute de quoi, pour peu que ces nouvelles proies 
se missent à abonder dans les alentours, la Piéride serait 
délaissée. 

Or nous voyons que le Pimpla instigator, Le Pteromalus pupa- 
rum, VAnilastus et l'Apanteles, c'est-à-dire les quatre plus 
grands destructeurs faisant partie de notre groupement, sont 
tous quatre polyphages, mais qu'aucun autre insecte ne parait 
leur convenir au même degré que notre Pieris. I suffit de rap- 
peler par exemple ce que j'ai dit du comportement du Pimpla 
vis-à-vis des autres chrysalides. L'Apanteles passe communé- 
ment pour l'ennemi par excellence de la chenille du chou, et 
nous savons que ce n'est guère qu'occasionnellement qu’on le 
rencontre dans un certain nombre de ses hôtes. 

L'exemple de l’Apanteles glomeratus est très bon pour faire 
ressortir l’influence de la polyvphagie sur le maintien d’un para- 


106 F. PICARD 


site chez son hôte dominant. À Montpellier, l'activité de ce Bra- 
conide cessant avant celle de sa victime, la plupart des Piéri- 
des qui se développent à l'automne échappent à son emprise. 
Mais, en revanche, un grand nombre d'adultes se retrouvent 
dès le printemps prêts à engager la lutte. Il ne s’agit pas seule- 
ment de ceux qui ont passé la mauvaise saison dans un cocon, 
mais des individus qui ont hiverné dans le corps de l’Aporia 
cralægt et en sont sortis dès les premiers jours d'avril. L’Aporia 
eralæqi a donc une influence doublement favorable : d'abord en 
multipliant le nombre des agresseurs du Pieris brassicæ au 
début du printemps, ensuite en servant de réserve à l’Apante- 
les en cas de disparition momentanée de lPhôte principal. Un 
des champs de choux que j’observais, peuplé de Piérides para- 
sitées, était voisin d’une petite pépinière d'arbres fruitiers 
qu'exploitaient des chenilles d’Aporia décimées, elles aussi, 
par l’Apanteles. On conçoit donc très bien qu'en cas de cessa- 
tion momentanée de la culture des choux dans ces parages, 
V’Apanteles eut reparu dans les Piérides dès la reprise de cette 
culture, avec une rapidité étonnante pour qui n'aurait pas 
observé l’Aporia. 

2° Les générations de Pieris brassicæ ehevauchent l’une sur 
l’autre de telle sorte qu’on rencontre à toute époque tous les 
stades de l’insecte. Ceci est vrai surtout dans le midi. D’après 
Picrér, 11 n'y aurait en Suisse que deux générations en année 
normale, et la première apparait très tard. On pourrait en 
compter au moins trois à Montpellier, mais il n’est guère pos- 
sible de les distinguer. On voit voler des papillons dès la fin de 
mars et on en rencontre tous les jours jusqu’à la fin d'octobre ; 
en tout temps coexistent des œufs, des larves de tout âge et des 
chrysalides. Des chenilles grandes et moyennes se rencontraient 
encore le 1° décembre, et elles se chrysalidèrent. On peut 
noter à ce sujet, que les larves de cette espèce ne sont pas 
aussi frileuses que le dit Picrer ; d’après cet observateur, les 
chenilles de Pieris peuvent hiverner à la condition que la tem- 
pérature ne descende pas au-dessous de 0°. Or on rencontrait à 
Montpellier, à la fin de novembre, de nombreuses chenilles 
très bien portantes, malgré des gelées très dures au début du 
mois, dont l’une atteignit — 6°. Il est vrai que les gelées ne 
durent Jamais que quelques heures dans la matinée et que 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ « 107 
pendant l'après-midi, le thermomètre dépasse toujours 0°, 
même dans les jours les plus froids des hivers rigoureux. | 

Ces conditions se retruovent chez peu de Lépidoptères et 

elles sont évidemment excellentes pour des parasites doués de 
beaucoup de générations (plus que l'hôte) et ne pondant que 
dans un stade déterminé du développement. C’est le cas de 
notre tétrade de parasites importants : Apanteles, Anilastus 
Pteromalus et Pimpla, et aussi des ennemis secondaires 
Dibrachys sp.?, Compsilura, Angitia, ete. Tous accomplissent 
leur cycle plus vite que la Piéride () et comme ils ont besoin 
d'un stade précis : chenille venant d’éclore (Apanteles), jeune 
chenille (Anilastus), chrysalide{Pimpla, Pleromalus, Dibrachys), 
ils ne pullulent que parce qu’à quelque moment qu'éelosent les 
adultes, ils trouvent ce qui leur est nécessaire. 
__ 3° La Piéride est très parasitée, enfin et surtout parce qu’elle 
est très abondante et que ses individus sont groupés en colo- 
nies compactes et concentrés sur le même point (). Leurs 
qualités attractives se multiplient par là mème, du fait que les 
émanations odorantes, l’attirance visuelle, etc., agissent plus 
puissamment, et surtout parce que tout parasite éclos dans un 
de ces groupements, trouvant à pondre sur place, æ'a pas ten- 
dance à le quitter. 

Ayant eu besoin, à une certaine période, de chenilles indem- 
nes, je ne pus m'en procurer, toutes celles que je récoltais dans 
les cultures de choux contenant, à ce moment, des larves 
d'Apanteles où d’'Anilastus. Un lot de Pieris, rencontré en 
pleine garrigue sur des crucifères spontanées, me fut apporté 
et reconnu non parasité. Cette immunité d'une centaine d'indi- 
vidus environ provenait, dans ce cas, de l'isolement de cette 
petite colonie. Elle ne se fut jamais rencontrée chez des che- 
nillés qui hantent les Crucifères cultivées dont 65 0/0 en 
moyenne contiennent des Apanteles. 

GiarD (1908) avait remarqué que les chenilles de Pieris bras- 
sicæ qui se nourrissent sur Le Câprier et sur le Cakile maritima 
sont indemnes de tout parasite. Le fait a été confirmé par Mar- 


(:) L’Apanteles, par exemple, qui est l'espèce dont le développement est le plus 
lent, gagne au moins sur son hôte tout le temps que la Piéride passe à l'état 
d'œuf. 

2) Voir E. Rapaun : la Vie et la mort des espèces. 


108 F. PICARD 


TELLI (1910) (*) en ce qui concerne le Câprier : aucune des che- 
nilles récoltées sur cette plaute ne contenait d’Ani/astus et une 
seule sur 21{ contenait des Apanteles (?). Ces cas d’immunité 
(surtout en ce qui concerne le Cakile) peuvent tenir à l'isolement 
des colonies. Mais on peut les interpréter comme provenant de 
l'influence du végétal dont l'odeur peut éloigner les parasites, 
et la comparaison avec l'{cerya purchasi est très instructive. 
Cette Cochenille est respectée par le Novius cardinalis quand 
elle est établie sur le Spartium junceum, et la Coccinelle ne 
dévore même pas en captivité les /cerya recueillies sur le 


Genêt d'Espagne (:). 


On a souvent tendance à considérer l'action de la plupart 
des parasites comme cyclique : l'hôte se multipliant d’une 
génération à l’autre en progression arithmétique, le parasite 
se multiplie suivant une progression géométrique. Il arrive un 
moment, généralement lors d'une année où les dégâts sont 
maximums, où tous Les individus hôtes sont parasités, et l’année 
suivante on assistera à une disparition complète de l'espèce 
nuisible. Puis le parasite disparaissant en même temps, faute 
de victimes l'hôte recommencera à croitre Jusqu'à ce que son 
ennemi parvienne à le dépasser. Ce schéma est loin de corres- 
pondre à la majorité des cas : Il est exact pour la Galéruque 
de l’'Orme et le Tetrastichus xanthomelænæ, mais ne rend pas 
compte des faits en ce qui concerne la Piéride du chou. 

Picrer explique en partie l'abondance des Piérides en Suisse 
en 1917 par l’absence presque complète des 4 panteles en 1916. 
Je n’ai jamais rien observé de semblable dans l'Hérault. J'ai 
toujours remarqué, au contraire, que la proportion de chenil- 
les parasitées par le Braconide se maintenait sensiblement la 
même d’une année à l’autre, et oscillait autour de 65 07/0. 
L’Apanteles n'agit donc pas d'une façon cyclique ; son action 
modératrice est continue. Il en est de même, d’ailleurs, des 
Anilastus, Pimpla, Pteromalus, ete. L'ensemble de ces parasi- 


{1} Qui se garde de citer Grarn L'absence complète de références bibliographi- 
ques est regrettable chez certains auteurs italiens. 

() I serait intéressant de vérifier s'il en est de même des Pieris rap et napr 
lorsqu'ils attaquent la capucine. 

(*) M. Pouruter m'a fait remarquer ce fait curieux lors de mon passage à l’[n- 
sectarium de Menton. 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 109 


tes ne parvient pas à se multiplier suffisamment pour détruire 
toutes les Piérides et Les faire disparaitre pendant un certain 
temps. Aussi celles-ci sont-elles tous les ans fort abondantes à 
Montpellier. 

IL est certain que le Preromalus à lui seul, par exemple, ne 
suffirait pas pour détruire la Piéride, puisque les chrysalides 
attaquées, récoltées dans la nature, renferment une moyenne 
de 36 individus. Or une seule Piéride pond environ 120 œufs. 
On voit done qu à la génération suivante l'avantage serait pour 
le Lépidoptère, quoique la fécondité théorique du Pteromalus 
soit plus grande, puisqu'en captivité on peut lui faire pondre 
de 100 à 200 œufs. ; 

Mais, si l’on considère tous les parasites en bloc, on est sur- 
pris que leur action combinée soit insaffisante pour exterminer 
les Pieris. J'ai dit que 65 0/0 des chenilles mouraient du fait de 
l'Apanteles. Mais cette statistique s'entend des chenilles restées 
vivantes à leur dernière mue, car une dime importante à été 
prélevée sur les chenilles moyennes par l’Anvd/astus ebeninus. 
Quant aux individus restants, qui se chrysalident, bien peu doi- 
vent échapper aux efforts combinés du Pimpla inshiqator et du 
Pteromalus puparum, d'autant que d’autres causes de destruc- 
tion interviennent, en particulier les mycoses chez les chrysali- 
des d'hiver, les Fourmis qui dévorent des chrysalides en été, et 
une grosse Araignée du genre Ségestrie, qui hante les trous des 
murs et tue les chenilles qui passent à sa portée. 

La fécondité réunie des quatre Hyménoptères que je viens de 
citer est assez grande pour utiliser toutes les chenilles ou tou- 
tes Les chrysalides, mais il suffit que, sur les 120 œufs pon- 
dus par une Piéride, deux seulement parviennent à donner le 
papillon pour qu'une nouvelle ponte de 120 œufs soit fournie à 
la génération suivante, et les deux chrysalides nécessaires 
seront épargnées par le simple jeu du hasard. P/eromalus et 
Pimpla, en parcourant leur terrain de chasse, laisseront de côté 
de rares exemplaires plus écartés ou mieux abrités, et, 1l suffit 
qu'il en reste 2 sur 120. 

D'autre part la proportion des Pieris est rétablie dans les 
cultures maraichères d’une année à l’autre par les causes sui- 
vantes : 

a) Les chenilles ayant vécu isolées loin des jardins sur des 


110 F. PICARD 


Crucifères sauvages, sont généralement indemnes. Les papil- 
lons qu'elles produisent volent assez loin et retournent aux 
choux cultivés dont l'attirance est plus massive. 

b, Près de mes champs d'observation étaient des Câpriers 
pouvant fournir un abri à des nichées saines, essaimant 
ensuite sur des Crucifères voisines. 

c) La durée de l'activité des Preris ne coïncide pas exactement 
avec celle de tous ses parasites. C’est ainsi qu'en 1921 on trou- 
vait à Montpellier des chenilles de toute taille, encore vers le 
1 décembre. Deux cents imdividus recueillis au cours de 
novembre furent trouvés sains, à l'exception de quatre d’entre 
eux qui contenaient des Apanteles. On peut donc considérer les 
chenilles de larrière-saison comme pratiquement à l'abri du 
Braconide, à Montpellier du moins, car en juin le même éle- 
vage de 200 chenilles eut donné de 120 à 130 individus para- 
sités. 

Il n'en est pas de même pour le Pteromalus qui pondait 
encore à Montpellier le 29 novembre, ce qui corrigeait, au 
désavantage de la Piéride, le défaut d'Apanteles, car le Chalei- 
dien trouvait ainsi plus de chrysalides à peupler. 

Les cas d'alternances régulières d'invasions et de disparitions 
d’un insecte phytophage sont faciles à concevoir sous l’action 
d'un parasite unique et spécifique, qui rétrocède brusquement 
faute de proie après avoir infesté tous les individus de l'espèce 
hôte; mais nous savons que les ennemis de la Piéride sont 
multiples et polyphages. La diminution du Lépidoptère n'en- 
traine pas la leur; il n'y à pas d’action cyclique possible, 
d'autant moins qu'il existe plusieurs parasites d'importance 
presqu'égale et que si l'un vient à disparaitre momentanément, 
les autres n'en prendront que plus d'extension. 

Ces considérations nous expliquent que les parasites ne 
réduisent pas sensiblement le nombre des Piérides d’une année 
à l’autre, et que la diminution qui s’observe, assez rarement 
d'ailleurs, chez celles-ci peut dépendre plutôt de causes climaté 
riques, mais elles ne doivent pas nous faire concevoir l'efficacité- 
de ces entomophages comme nulle ou insignifiante. Pour s'en 
rendre compte, il suffit d'imaginer ce que deviendrait la culture 
des Crucifères, si les 120 œufs de chaque ponte produisaient 
120 papillons à chaque génération, au lieu qu'environ 118 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » au 


‘d’entre eux soient arrètés à un moment quelconque de leur 
évolution. S'il y a encore des choux, nous le devons aux Apan- 
teles, aux Pteromalus et à leurs émules. 

Il est à remarquer que l'Anilastus est le seul qui réduise la 
période de dégâts de la Piéride. Les autres, Apanteles, Compst- 
lura et à plus forte raison Pimpla, Pleromalus, ete., n'ont 
d'action qu'en limitant préventivement le nombre d'individus 
de la génération future. Il en est de mème, soit dit en passant, 
de tous les hyperparasites de l'Apanteles: les Piérides de la 
génération actuelle n'en retirent aucun bénéfice. 


2. Rapports des parasites entre eux. Le coparasitisme 
et l'hyperparasitisme. 


Nous devons examiner maintenant les actions que les para- 
sites exercent les uns sur les autres. Tout ce que laisse une 
espèce est autant de profit pour les autres, et plus lApanteles 
sera rare, plus le Pteromalus et le Pimpla auront de chrysa- 
lides à leur disposition. Sachant ce que le Braconide détruit, il 
ne serait donc pas exact, s'il disparaissait, de supposer accru 
d'autant le nombre des Piérides, car les autres Hyménoptères 
rétabliraient l’équilibre. Cet équilibre qui se maintient tant bien 
que mal, d'une année à l'autre, se retrouve à peu près partout, 
quel que soit l'ensemble des espèces parasites agissant en com- 
mun. Je n'ai pas trouvé le Polynema ovulorum dans lassocia- 
tion que j'ai étudiée. Là où on le rencontre, il est évident que 
tout ce qui est à son actif doit être porté au passif des exploi- 
teurs de la chenille et de la chrysalide, sans que le résultat final 
soit sensiblement modifié. 

Les parasites produisent un effet destructif global, mais ils 
agissent indépendamment. Contrairement à Vaffirmation de 
certains auteurs, aucun d’entre eux ne sait reconnaitre les vic- 
times déjà parasitées, soit par d'autres espèces, soit par la leur, 
soit par eux-mêmes dans une ponte précédente ; toutes mes 
observations sont décisives sur ce point. L'hostilité entre 
femelles de même espèce, que j'ai notée très vive chez le 
Tetrastichus ranthomelænæ, ne s'observe chez aucun des exploi- 
teurs de la Piéride. Il arrive donc très fréquemment que Île 
même hôte recoit des pontes variées et en surnombre. Ceci 


412 F. PICARD 


nous amène à considérer les faits de coparasitisme et à en 
suivre les résultats. Il faut distinguer deux cas : 

a) Les parasites appartiennent à une espèce grégaire, c’est- 
à-dire que plusieurs larves se développent dans la même vic- 
time ; telestle Pteromalus puparum. Nous savons que plusieurs 
femelles peuplent fréquemment une seule chrysalide ; mais 
qu'une nymphe reçoive la ponte d'un individu, de deux ou 
davantage, le résultat sera toujours le même : une centaine de 
larves au maximum se développeront. Le coparasitisme est donc 
désavantageux pour le Preromalus et concourt à diminuer son 
efficacité. 

b) Les parasites ont des larves solitaires ; c'est-à-dire qu'une 
deuxième larve de même espèce est condamnée à périr du fait 
du premier occupant. C'est le cas des Pimpla. Le coparasitisme, 
très fréquent chez Pempla instigalor, puisque j'ai vu pondre 
jusqu'à 7 œufs dans la même chrysalide, est encore plus désa- 
vantageux à l'Hyménoptère que dans le cas précédent. 

Mais les cas les plus intéressants à considérer sont ceux où 
deux espèces différentes déposent leurs œufs dans le mème 
individu. Si les deux parasites sont grégaires, ils peuvent 
coexister. MaRTELLI, par exemple, à vu sortir en Italie, de la 
même chrysalide, des Hemaiteles melanarius, espèce grégaire, 
et des Pteromalus puparum. Si les deux parasites sont solitai- 
res, un seul triomphera. Si l’un est solitaire et le second gré- 
gaire, le premier aura toujours l'avantage. 

J’ai fait de très nombreuses expériences portant sur ce der- 
nier cas. Tantôt des chrysalides portant un œuf de Pimpla 
reçurent la ponte de P'eromalus, le même jour ou les jours sui- 
vants, tantôt des chrysalides peuplées par des Pteromalus 
furent ensuite soumises à une ou plusieurs Pimpla. De toute 
façon, un seul individu de Pémpla instigator se développa. 
C'était à prévoir puisqu un parasite n'est solitaire que parce que 
sa larve ne tolère pas la présence d’autres convives, et non par 
un instinct de prévoyance maternelle. 

I arrive aussi que le Pimpla instigator pond dans une chry- 
salide contenant un Compsilura. La mort de sa progéniture est 
alors certaine, car la Tachinaire, prête à se nymphoser à ce 
moment, est sur le point de dévorer tous les organes du Pieris 
et sans doute aussi l'œuf ou la larve de Prmpla. 


PARASITES DE & PIERIS BRASSICE » 115 

Comme je l'ai noté déjà, la présence simultanée de Compsi- 
lura concinnata et d'Apanteles dans une même chenille n’est 
pas une exception à cette règle, puisque la Tachinaire n’est pas 
à proprement parler solitaire et que, vivant dans l'intestin, elle 
n'est jamais en contact avec le Braconide. Elle pourrait sans 
doute entrer en concurrence avec lui, comme avec le Pimpla, 
lors de sa phase ultime de sarcophagie, mais celle-ci n’a lieu 
qu'après la sortie des larves d’Apanteles (1). 

L'influence des hyperparasites vient encore compliquer beau- 
coup les rapports réciproques entre tous ces insectes. Leur 
action destructrice est extrêmement efficace sur l'Apanteles, 
presqu’autant que celle du Braconide sur la Piéride. La pius 
grande part en revient au Dibrachys boucheanus et à V'Heri- 
teles fulvipes, en troisième lieu au Tetrastichus rapo. L'action 
de l'Eutelus, de l'Habrocytus et de l'Hemiteles longicauda est 
de minime importance. Un autre facteur primordial de diminu- 
tion de l'Apanteles est la présence de Fourmis de plusieurs 
espèces qui mangent les larves. Les amas de cocons collés aux 
murs ne sont pas très attaqués, mais J'ai observé que les Four- 
mis détruisaient environ la moitié de ceux qui étaient placés 
sur les feuilles des arbres. Dès que l’une d'elles à dépisté un 
amas, il est exploité Jusqu'à la dernière larve qu'il contient : la 
soie des cocons est découpée à l’aide des mandibules, la larve 
ou nymphe en est extraite et dévorée jusqu'à la dernière par- 
celle, ainsi, le plus souvent, que la chenille mourante qui lan- 
guit à côté. Ce rôle malfaisant des Fourmis, qui revient surtout 
au Cremastogaster scutellaris, est compensé dans une certaine 
mesure par la destruction de quelques chrysalides de Pieris, 
choisies aussi parmi celles qui se fixent au feuillage. Mais les 
Apanteles sont attaqués dans de plus fortes proportions. 

Üne notion exacte de l'efficacité des hyperparasites est diffi- 
cile à acquérir, car ils se font concurrence, de mêrne que les 
parasites primaires. Certains d'entre eux peuvent en attaquer 
d’autres et devenir ainsi des parasites tertiaires. C'est ainsi que 
le Dibrachys pond aussi bien dans les cocons contenant déjà des 
Hemiteles que dans les autres, et que sa larve s’accommode de 


(1) J'ai observé aussi, en hiver, une chrysalide hébergeant à la fois des P1e- 
romalus puparum et une larve de Compsilura. Ce cas est fort intéressant, mais, 
étant unique, ne permet pas d’en tirer une conclusion, 

8 


114 F. PICARD 


sa nouvelle proie. Il en est certainement de même du Tetrasti- 
chus rapo, bien que je n’en aie pas de preuves directes, mais 
comme l’Anifastus Jui convient au même degré que l'Apanteles, 
et qu'il se nourrit de larves putrétiées, 11 n’est pas douteux que 
l’'Hemuteles fulvipes ne soit fréquemment sa victime. 

Ce terme d'hyperparasite n a d'ailleurs qu’un intérêt prati- 
que. Il est nécessaire de connaitre, en zoologie économique, 
les espèces détruisant les parasites utiles, afin, surtout, de pou- 
voir les éliminer lors d’une tentative d’acclimatation de ceux-ci. 
Mais la notion d'hyperparasitisme n'a pas grande signification 
du point de vue biologique. Le même insecte est tantôt parasite 
direct et tantôt hyperparasite. Tel est le cas du Dibrachys bou- 
cheanus dont la biologie est déterminée avant tout par l’ecto- 
parasitisme de la larve et sa vie à l'abri sous un couvert quel- 
conque, un cocon par exemple. Il pond indifféremment sur des 
chenilles ayant filé, sur des Tenthrèdes, des Braconides, des 
larves de charançons protégées par l'enveloppe du grain, etc. Sa 
larve a exactement le même genre de vie lorsqu'elle suce exté- 
rieurement un Lophyre enfermé dans sa coque, ou un Apanteles 
qui se trouve dans les mêmes conditions. Dans le premier cas 
cependant, c’est un parasite direct et dans le second un hyper- 
parasite. Cette distinction est basée sur le comportement de 
l'hôte et non du Dribrachys et peu importe à celui-ci la facon 
dont sa victime à véeu avant son attaque. 

Il en est de même d’une foule d'Iyménoptères, et en parti- 
culier de tous les hyperparasites qui vivaient à Montpellier 
dans mon terrain d'observation aux dépens de l’Apanteles. 
Tous ne l’attaquent que lorsqu'il est libéré de sa chenille ; ils 
se conduisent donc comme des parasites quelconques, ceux qui 
pondent sur les nymphes de Lépidoptères par exemple, et ne 
méritent à aucun titre d'être distingués par un nom spécial, 
sauf du point de vue utilitaire. l 

Bien différentes sont les espèces pondant dans le. corps 
d'autres insectes lorsque ceux-ei sont plongés eux-mêmes dans 
les tissus d’un hôte vivant. Il y à là une sorte d’emboitement 
successif de plusieurs parasites, qui mérite un nom spécial. 
On pourrait les désigner sous le nom de synarthroparasites, par 
opposition à ceux de la première catégorie, le$ plus nombreux 
d'ailleurs et les moins intéressants, rentrant dans le cas des 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 115 


parasites ordinaires et que l’on peut tout au plus séparer sous 
le nom de parasites secondaires ou deutéroparasites. M 
demeure entendu que le Tetrastichus rapo, pondant dans 
l’'Anilastus lorsque la chenille est réduite à sa peau qui ne 
constitue qu'une enveloppe, doit être considéré comme un deu- 
téroparasite. 

Rien n'est plus fréquent que ces Hyménoptères à mœurs 
mixtes, du type du Dibrachys boucheanus, se comportant tantôt 
en parasites primaires, tantôt en secondaires. Ceci montre bien 
par quelle voie une espèce peut devenir hyperparasite : l'étape 
n'est ni longue, ni difficile à franchir. I arrive très souvent, 
par exemple, qu'un insecte se développe indifféremment aux 
dépens d'une chenille ou des ennemis de celle-ci : tel est le 
Pteromalus égreqius qui pond aussi bien dans l'Euproctis chry- 
sorrhea que dans son parasite Apanteles lacteicolor. Tel est 
encore le Monodontomerus æreus, dont la larve vit dans des 
chrysalides diverses et parfois dans les Tachinaires qui les 
attaquent, et le Schedius huvanæ, étudié par Howaro et Fiske 
(1911) qui pond normalement dans les œufs de Lymantria 
dispar, mais s'’accommode fort bien de la larve d'Anastatus 
hifasciatus lorsqu'il la rencontre dans un œuf qu'elle à déjà 
dévoré. 

Le comportement des Pimpla jette une Ilumière particulière- 
ment vive sur la facilité avec laquelle un parasite primaire 
peut devenir hyperparasite. La plupart de leurs espèces pon- 
dent dans les chrysalides de Lépidoptères. Mais si celles-ci, 
déjà parasitées contiennent la nymphe d’un autre térébrant, 
voire même d'un autre Pimpla, elle devient la proie du nouvel 
occupant. HowarDo et Fiske ont signalé des cas d’hyperparasi- 
isme du Pimpla inshiqalor introduit en Amérique, aux dépens 
d'une espèce indigène, le Pimpla inquisitoriella. J'ai moi-même 
obtenu l’éclosion, hors d'un tonnelet d'Anilastus ebeninus, du 
Pimpla alternans qui vit normalement dans des Lépidoptères 
variés. Ce parasitisme aux dépens d'espèces du même genre 
rappelle les relations existant entre Les Psithyres et les Bour- 
dons, et les mœurs de certains Pompiles (P. pectinipes) qui 
deviennent parasites d’autres espèces du même genre, 


416 F. PICARD 


3. Le déterminisme de la ponte. 
La nutrition aux dépens de l'hôte 


La ponte est chez les insectes, et en particulier chez les 
Hyménoptères, l’acte le plus important, et autour duquel tout 
le comportement est orienté. Le déterminisme de la ponte 
parait, à première vue, échapper à l'analyse par suite d’une 
trop grande complication. Cependant certains instincts, parais- 
sant autrefois très compliqués, ont pu être ramenés à une simple 
suite de réflexes. L'instinct des Hyménoptères paralyseurs, si 
l'on en croit FABre, serait d'une perfection et d’une complexité 
défiant nos moyens d'investigation. Nous savons aujourd'hui 
qu'il ne consiste qu'en coups d’aiguillons portés au hasard, et 
Ragaup a démontré qu'un Mellinus paralyse sa Mouche par 
suite d’un réflexe très simple et très facile à reproduire à 
volonté. 

Je crois avoir montré, par des expériences aisées à répéter, 
que l'acte de la ponte, chez le Pempla inshigator peut être 
décomposé en deux réflexes, le premier purement olfactif, con- 
ditionnant l'érection de la tarière et la perforation du tégument 
de l'hôte, le second d’origine tactile présidant à l'émission de 
l'œuf (‘). I ne s'ensuit pas qu'il en soit ainsi pour toutes les 
autres espèces, notamment pour l'Habrocytus cionicida étudié 
par LicarexsTeiN (1921), quoique cet auteur n'ait pas prouvé que 
l’'odorat n’intervienne pas dans une certaine mesure. IL est fort 
possible que la vue joue un rôle dans certains cas, mais il n'en 
demeure pas moins acquis que chez les Pimpla, un acte qui 
paraît fort complexe peut être déelanché, aussi souvent qu'on 
le désire, par des excitants à la disposition de l’'expérimenta- 
teur. 

Quelle que puisse être l'importance des autres sens, notam- 
ment de la vision, l'odorat d’abord, le tact en second lieu, me 
paraissent jouer chez les insectes un rôle prépondérant dans la 
ponte et ses préliminaires. J'ai déjà insisté, à propos des insec- 
tes du Figuier, sur l'importance de l’odorat en ce qui concerne le 


( Mes expériences sur les Pimpla sont à comparer avec les observations de 
P. Marcuaz sur le T'etrastichus (Lygellus) epilachnae Giard, qu'il à vu pondre 
dans les dépouilles nymphales d'£rochomus quadripustulatus. 


PARASITES DE © PIERIS BRASSICÆ » 117 


choix de l'hôte, végétal ou animal. La Teigne des Pommes de 
terre, par exemple, est attirée par l'odeur de certaines plantes, 
à l'exclusion de certaines autres. Mais, chez le Punpla, le rôle 
des sensations olfactives est plus précis : non seulement elles 
guident l'Hyménoptère vers ses victimes, mais elles déclan- 
chent le jeu de la tarière. Les Mouches qui lâchent leurs œufs 
sous l'influence d'une odeur spécifique, loin des substances 
convenant aux larves, présentent un cas intéressant de réflexe 
pur et dont on pourrait user comme moyen de destruction. 

Les réflexes tactiles interviennent en second lieu, chez les 
Pimpla, pour l'émission de l'œuf. Leur rôle est très considéra - 
ble chez une foule d'insectes. Je l'ai mis en lumière chez la 
Teigne des Pommes de terre et chez l’AHesperophanes du 
Figuier. I est vraisemblable que le toucher est le sens direc- 
teur dans le comportement de l’Habrocytus décrit par LicaTens- 
TEIN. 

L'étude précise du mécanisme de la ponte chez un plus grand 
nombre d'espèces, et surtout l’expérimentation, viendront sans 
doute préciser nos connaissances. Des causes accessoires, dans 
bien des cas, doivent se surajouter à celles dont il vient d'être 
question. Chez certains insectes, l'excitation mécanique produite 
par l’accouplement a pour effet de hâter l'évacuation des œufs; 
Guyénor l’a observé chez les Drosophiles, et moi-même chez 
Phthorimæa et chez Hesperophanes griseus. Mais, chez beaucoup 
d'Hyménoptères, ce facteur ne doit pas entrer en ligne de 
compte, puisque chez les Pteromalus, les Dibrachys, les Hemi- 
teles et bien d'autres, les femelles vierges se comportent 
comme les autres, sans subir de retard dans l'évacuation de 
leur ponte. 

Quoi qu'il en soit, le cas du Pimpla suffit pour nous prouver 
que les instincts passant pour les plus complexes sont accessi- 
bles à nos moyens d'investigation et résolubles en une suite de 
réflexes parfois faciles à mettre en évidence. 

Au déterminisme de la ponte, se relie le problème plus 
général de l’attirance des insectes par certains végétaux et ani- 
maux. En ce qui concerne les parasites, nous voyons qu'ils 
peuvent subir une attraction, non seulement du fait des orga- 
nismes qui servent de proie, mais d'autres qui leur sont inuti- 
les. Ces attirances sont parfois très précises et ne sont sans 


118 F, PICARD 


doute pas plus adaptatives que l'attraction exercée sur l'Homme 
par le tabac ou les liqueurs alcooliques. Le Tetrastichus est 
attiré par les cocons d’Apanteles et d’Anilastus, mais violem- 
ment aussi par des chenilles indemnes sur lesquelles il dépense 
en pure perte sa force musculaire. 

La plupart des parasites ne subissent d’excitation vis-à-vis 
de leur proie, qu'à un stade unique de lPévolution de celle-ci. 
Les chenilles de Pieris laissent indifférents les Pimpla et le 
Pteromalus puparum ; celui-ci n’est retenu auprès d'elles qu’à 
l'instant exact de l’immobilisation, et il est subitement incité à 
pondre par lapparition de la nymphe. J’ai déjà fait remarquer 
qu'à l'action de la proie pouvait se mêler linfluence attirante 
ou répulsive du végétal nourricier, comme dans le cas du 
Câprier pour les ennemis des Pieris, ou du Spartium pour le 
Novius cardinalis. 

L'emploi de la tarière pour la nutrition des femelles se relie 
aussi, dans une certaine mesure, à l'acte de la ponte. La nutri- 
tion aux dépens de l'hôte a été découverte par P. Marcuaz chez 
Tetrastichus ranthomelænae. Elle à été observée depuis par 
beaucoup d'auteurs, surtout chez des Chalcidiens ; c'est certai- 
nement un phénomène très général, presque normal, pourrait- 
on dire. Je l'ai notée, en effet, chez des Chalcidiens, comme le 
Pteromalus puparum, et plus rarement chez le Tetrastichus 
rapo ; chez des Braconides comme l'Habrobracon Johansenn ; 
et chez des Ichneumonides, comme le Pimpla instigator où elle 
se rencontre même chez les mâles. Il faudrait y voir, d'après 
Roupaub (1917), qui l’a très bien étudiée chez Nasonia brevicor- 
nis, Chalcidien parasite des pupes de Muscides, l’origine adap- 
tative de l’oviscapte. L'exercice de la ponte, quoique solidaire 
de l’acte nourricier, serait subordonné à celui-ci, et en dérive- 
rait secondairement. Tel n’est pas l’avis de Licarexstein (1921). 
Ce naturaliste à observé que l'Habrocytus cionicida parvient à 
aspirer le sang de sa larve de Cionus enfermée dans un cocon 
en sécrétant le Tong de sa tarière un manchon de mucus qui se 
solidifie et fonctionne comme puits artésien. Ce fait a été con- 
firmé par Trouveror (1921) chez un Braconide, l’'Habrobracon 
Johansenni, qui se comporte de la même façon chez Phthori- 
maea operculella (). D'après Licarexsren cet instinct est trop 


(t) L'FJabrobracon ne sécrète de tube que lorsqu'il pique le Tinéide à travers 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 119 


compliqué pour être primitif et ne saurait avoir précédé celui 
de la ponte dans les larves de Cionus. La chose parait certaine, 
mais l'argument n'est pas sans réplique, car si nous admettons 
que la sécrétion du tube est un perfectionnement secondaire- 
ment acquis par l'Habrocytus et V'Habrobracon, 1 ne s’en suivra 
pas que le fait général de la nutrition à l’aide de l'oviscapte ne 
puisse être considéré comme primitif. 

D'un autre côté, si l’on concède volontiers à Rousaub que l'in- 
térêt individuel se trouve à l'origine des actes complexes des 
insectes, ou, pour mieux dire, que ceux-ci sont le jouet d’im- 
pulsions ne concordant pas toujours avec l'intérêt de leur des- 
cendance, cet auteur n’explique pas quel pouvait être le mode 
de ponte du Chalcidien avant qu'il ne fut amené secondaire- 
ment à se servir de sa tarière à cet effet. Peut-être ses larves 
étaient-elles végétariennes, mais nous l'ignorons. Il existe 
d'ailleurs des Chalcidiens à larves phytophages, mais ce régime 
est-il primitif ou récent? Et nous n'en connaissons aucun 
parmi eux qui attaque des proies animales pour satisfaire ses 
appétits d'adultes. 

En réalité, toutes les hypothèses sont également probables, 
et 1l est aussi vain d'espérer reconstituer la phylogénie de l'ins- 
tinct que celle des formes, à l'aide d’une mise en série des cas 
rencontrés dans la nature actuelle. On trouve certainement 
beaucoup de térébrants dont l'adulte utilise l'hôte pour ses 
besoins propres; on en voit aussi quelques-uns qui n’en font 
rien, et tel m'a semblé l’Apanteles glomeratus; du moins je ne 
l'ai jamais surpris en train d’absorber les humeurs d’une che- 
nille. Le Tefrastichus rapo ne suce jamais les Apanteles en 
cocons qui sont ses hôtes véritables ; en revanche je lai vu, 
quoique très rarement, boire le sang des Pieris qui ne peuvent 
constituer une proie pour sa progéniture. Quel était donc, chez 
lui, le rôle primitif de la tarière? Le comportement des insec- 
tes est dominé par un complexe de réponses à des attractions 
innées dont il est bien difficile de sonder l’origine première. 
On conçoit très bien un Hyménoptère attiré par le goût d’une 
proie, prenant l'habitude de la percer pour s’en nourrir, puis, 


son cocon ; il peut aussi puiser le sang directement en attaquant des chenilles 
nues, comme je m'en suis assuré, 


120 F. PICARD 


secondairement, y laissant son œuf; mais on conçoit aussi la 
marche inverse, celle de l’insecte humant la gouttelette de 
sang qui perle hors de l’orifice de ponte, puis dominé par l’at- 
trait de cette nourriture au point de perforer des proies en 
dehors de tout besoin reproducteur. Les deux cas ont pu se pro- 
duire, et rien ne nous empêche non plus d'imaginer que les 
deux attractions n'aient coexisté dès le début chez certaines 
espèces. 

Ces réserves ne diminuent pas l'intérêt des remarques de 
Rousaup sur l’influence de la satisfaction des besoins de l’adulte 
sur des actes qui paraissent eu premier abord dirigés unique- 
ment en vue du bien-être de la descendance. 


4. L'accouplement. La reproduction 
chez les femelles vierges 


Le mode d’accouplement et les circonstances qui accompa- 
gnent cet acte ne manquent pas d'intérêt et ne sont pas les 
mêmes chez toutes les espèces que j'ai observées. | 

Chez certaines d’entre elles, le mâle se livre à des prélimi- 
naires ayant sans doute pour effet de disposer la femelle à subir 
ses approches. C’est le cas de tous les Chalcidiens que j'ai étu- 
diés, Pteromalus puparum, Dibrachys boucheanus, Tetrastichus 
rapo. Le mâle se juche sur le thorax de la femelle, se porte en 
avant, lui caresse la tête de ses pattes antérieures et de ses 
antennes, en faisant vibrer ses ailes, et recule vivement, en 
recourbant la pointe de son abdomen sous celui de sa compa- 
gne. [Il renouvelle ces manœuvres jusqu’à ce que l'union soit 
effective. 

Un Braconide, l'Hahrobracon Johansenni, se comporte comme 
les Chalcidiens et je n'ai trouvé aucune différence dans sa 
façon de procéder, tandis qu’il s'écarte à ce point de vue des 
autres Braconides étudiés. 

Ces derniers, Apanteles et Microgaster, forment, au contraire, 
avec les Ichneumonides (Pimpla) un groupe chez lequel tout 
espèce de préliminaires est exclue. Le mâle bondit sur la 
femelle qu'il maîtrise de ses pattes et s'accouple à l'instant. Les 
mâles de Microgaster alvearius demeurent sur le gâteau formé 
par l'ensemble des cocons et les parcourent en les palpant des : 


PARASITES DE «€ PIERIS BRASSICÆ » 121 
antennes et en faisant vibrer leurs ailes. Dès qu'une femelle 
sort, tous les mâles se précipitent, la saisissent et s’'empilent 
sur son corps ; l’un d’eux, plus favorisé la possède, et la femelle 
est abandonnée. 

D'un autre point de vue, on peut aussi classer les térébrants 
parasites en deux catégories, suivant que les mâles continuent 
à obséder les femelles déjà fécondées, et c'est le cas des Chal- 
cidiens de mes élevages, de l’Apanteles et de l'Habrobracon, ou 
qu'elles leur deviennent indifférentes dès qu'elles se sont accou- 
plées, comme chez les Pimpla, le Microgaster alvearius, le 
Sycosoter Lavagnei et d'un parasite de Zygæna occitanica, le 
Monodontomerus dentipes, étudié par Ragaup (1910). 

Les mâles de la première catégorie ne semblent pas en 
mesure de distinguer les femelles vierges des femelles fécon- 
dées, quoique celles-ci refusent toute nouvelle approche, et 
ils sont extrêmement gênants pour leurs compagnes, grimpant 
continuellement sur leur dos et les dérangeant même pendant 
la ponté, fait qui s’observe au plus haut degré chez le T'etras- 
tichus rapo. La femelle ne chasse pas le mâle, mais elle reste 
passive et la pénétration des organes copulateurs ne peut s’ef- 
fectuer. 

Dans la seconde catégorie, au contraire, et c’est très net chez 
Pimpla instigator, dès l'instant qu'une femelle s’est accouplée 
et quelque soit le nombre de jours écoulés depuis ce moment, 
aucun mâle ne lui accorde la plus légère attention. J'ai même 
cité deux mâles vierges esquissant entre eux un simulacre d'ac- 
couplement, alors que les femelles fécondées, en société des- 
quelles ils se trouvaient, ne les attiraient en aucune façon. 

Mais les femelles de ces deux catégories ont ceci de commun 
qu'elles ne s'accouplent qu'une fois et méritent le nom d'uni- 
nuplæ dorné pour cette raison aux Pimpla par SCHEVIREW. Si 
l’on en croit cet auteur, les T'heronia. genre très voisin des 
Pimpla, seraient susceptibles de recevoir plusieurs fois les 
approches du mâle, aussi les a-t-1l qualifiées de #zuwltinupta. 
Je ne connais pas d’autres Hyménoptères multinuptæ que les 
Theronia, tandis que les accouplements multiples sont extrê- 
mement fréquents chez les Coléoptères et les Lépidoptères. 
J'ai constaté que l’Altise de la vigne peut s’accoupler une ou 
plusieurs fois par jour pendant trois mois. 


192 F. PICARD 


La faculté que possèdent les mâles de reconnaître la virgi- 
nité des femelles chez les Pimpla échappe à notre analyse ; 
on peut soupçonner qu'elle est sous la dépendance de l’odorat. 
Les Pünpla adultes exhalent une odeur très pénétrante surtout 
marquée chez les individus éclos depuis peu ; mais elle n'entre 
pas en jeu, car elle est identique chez Les deux sexes, et ne dis- 
parait pas après l’accouplement. D'autre part l’attirance ne 
réside pas dans une odeur ou tout autre propriété fugace qui 
s'évanouirait peu après l'éclosion et décélerait aux mâles, à la. 
vérité, les femelles fraichement sorties du cocon plutôt que les 
vierges. En effet, des femelles non fécondées âgées de 20 Jours, 
furent acceptées par des mâles, c'est-à-dire vers la fin de leur 
existence. [l y a donc bien véritablement une propriété attrac- 
tive qui disparait seulement, et pour toujours, à l'instant précis 
du rapprochement sexuel. 

J'ai remarqué qu’un fort éclairage artificiel agissait comme 
un excitant génésique puissant sur les mâles de plusieurs espè- 
ces. Le fait est très marqué, entre autres, chez Apanteles qlo- 
meratus, Habrobracon Johansenni et Tetrastichus rapo. Chez ces 
Hyménoptères, et chez d'autres, un bocal maintenu à l'obscurité 
ou soumis à un éclairement modéré contient des adultes au 
repos ; il est porté brusquement à quelques centimètres d’une 
lampe électrique, et aussitôt tous les mâles s'agitent, poursui- 
vent les femelles et recommencent sans arrêt les manœuvres 
préliminaires à l'accouplement. Les femelles des mêmes espèces 
voient leur instinct de ponte excité par la lumière électrique et 
se portent à nouveau sur des victimes délaissées auparavant, 
lorsqu'elles se trouvaient dans l'ombre. 

J'ai recherché si la parthénogénèse était possible chez pres- 
que tous les Hyménoptères qui font l’objet de ce travail et je 
l'ai constatée chez presque toutes les espèces expérimentées, 
c'est-à-dire chez Preromalus puparum, Dibrachys boucheanus, 
Apanteles glomeratus, Pimpla instiqator, Hemiteles fulvipes et 
Hemiteles longicauda. Elle existe indubitablement aussi chez le 
Dibrachys parasite de la chrysalide de Pieris, car on ne peut 
guère interpréter autrement l'éclosion des mâles que j'ai obtenue. 

La parthénogénèse est donc un phénomène qui apparaît de 
plus en plus comme général chez les Hyménoptères. Peut-être 
même est-il constant. À vrai dire il doit se présenter assez 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 193 


raremeut dans la nature, puisque les femelles que l'on capture 
au dehors sont presque toujours fécondées et que leur progé- 
niture est presque toujours des deux sexes. Les mâles, surtout 
chez les Chalcidiens, sont souvent moins nombreux que les 
femelles. Mais on conçoit que celles-ci trouvent la plupart du 
temps à s'accoupler, puisqu'elles ne le font qu'une fois et que 
les mâles sont susceptibles de renouveler l'acte sexuel à de 
nombreuses reprises. On obtient de temps à autre des éclo- 
sions de nichées composées exclusivement de mâles, et beau- 
coup de naturalistes l'avaient observé très anciennement sans 
en soupçonner la cause. 

Il est extrêmement probable que Le cas de l’Abeille, c'est-à- 
dire arrhénotoquie exclusive chez la femelle vierge, avec œufs 
femelles fécondés et œufs mâles non fécondés chez la femelle 
accouplée, se retrouve chez la grande majorité des Hyménop- 
tères, et il en est certainement ainsi chez les Osmies. On ne 
connaissait guère, jusqu'à présent, comme faisant exception, 
que certaines Tenthrèdes (Nematus, Dineura, Eriocampa, ete.) 
chez lesquelles la femelle vierge est thélytoque. La thélytoquie 
que j'ai observée chez l'Hemaiteles longicauda est donc remar- 
quable en ce qu'elle rapproche le mode de reproduction de cet 
insecte de celui des Tenthrèdes, et l'éloigne des autres Ichneu- 
monides qui, comme les Pimpla, sont arrhénotoques. Il s'écarte 
même, à ce point de vue, d’un insecte du même genre dont 
les mœurs sont identiques, l’Æ/emaiteles fulvipes, dout la virginité 
s'accompagne d'arrhénotoquie. 

Un cas très aberrant, et assez embarrassant pour la théorie 
chromosomienne du sexe (‘), est celui d'un Braconide parasite 
des Pucerons, le Lysiphlebus tritici, doué normalement de par- 
thénogénèse arrhénotoque, mais dont quelques œufs non fécon- 
dés sont parfois femelles. C'est ainsi que, d’après Hunrer, sur 
392 individus sans père, 339 furent mâles et 13 furent femelles. 
Les observations de Hunter, que confirment d'ailleurs celles de 
Wessrer sur le même insecte, sont à rapprocher de celles 
d'Apcer, beaucoup plus anciennes sur Pleromalus puparum. 
Contrairement à cet auteur, je n'ai jamais rencontré de femel- 
les dans la descendance des vierges de cette espèce, mais il 


(‘) Des explications ont cependant déjà été fournies. 


124 F. PICARD 


n'est pas impossible que le fait se produise exceptionnellement. 

Enfin Suira a noté, chez Melittobia acasta, un mode de ponte 
parthénogénétique très différent de ce que l’on connaît chez 
les autres Hyménoptères. Chez cet insecte, la femelle fécondée 
ne produit qu'un pourcentage très faible de mâles. Lorsqu'elle 
ne s'est pas accouplée, elle retient les œufs qui auraient donné 
normalement des femelles et ne pond que le très petit nombre 
qui produit ordinairement des mâles. J'ai observé, au contraire, 
chez Dibrachys. Pteromalus, ete., que la fécondité de femelles 
n'était nullement diminuée par le défaut d’accouplement. On 
n'imagine pas nettement par quel mécanisme le Melittobia peut 
retenir des œufs dont le sexe serait prédéterminé, indépendam- 
ment même de la pénétration du spermatozoïde, et l'étude de 
cet insecte, d’ailleurs indigène en France, mériterait d’être 
reprise. 


5. Comportement et adaptation. 


Jamais instinct n'a failli à ses promesses, dit FABRE dans ses 
souvenirs entomologiques ; pensée consolante sans doute pour 
le papillon qui se brûle les ailes à la flamme d’une lampe, mais 
qui ne satisfait qu'un nombre de naturalistes de jour en jour 
plus restreint. Sans se croire finalistes, cependant, beaucoup 
de zoologistes, surtout à l'étranger, paraissent admettre qu'un 
acte instinctif ne saurait être mal adapté, et que tout comporte- 
ment, non pas même nuisible, mais inutile à l'espèce, est 
condamné à disparaitre. Cette opinion répandue surtout chez 
les peuples d'éducation germanique ou anglo-saxonne, où les 
idées darwiniennes ont encore une grande influence, est bien 
voisine du finalisme. Elle est basée, en effet, sur un mode de 
raisonnement très simple, qui fut le leit-motiv de toute la 
seconde »hase, de la vie de Darwin et que l’on retrouve à cha- 
que page de ses écrits, en particulier dans sa correspondance. 
En présence d'un organe, d'un ornement, d'une différence 
sexuelle, d'un comportement quelconque, Darwin se deman- 
dait uniquement quelle pouvait en être l'utilité. I la trouvait 
toujours, fût-ce en se torturant esprit, et considérait dès lors 
le problème comme résolu. L'organe ou l'acte instinctif en 
question étant utile, avait été maintenu par la sélection natu- 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 495 


relle. Donc pour Darwix et ses disciples, comme pour FaBre et 
Bervaron De Sanr-Pierre, un instinct ne peut faillir à ses pro- 
messes, sous peine de disparition. 

Il n’est pas question d'accumuler ici tous les exemples con- 
traires à cette conception, mais je ne crois pas sans intérêt de 
terminer ce travail sur Les parasites de Ia Piéride en montrant 
ce qu’on en peut extraire du point de vue de l'adaptation de 
l'instinct. 

Certains faits sont impressionnants ; ils paraissent si bien 
calculés, si bien adaptés à une fin qu'on a peine à croire à leur 
inutilité. Lorsqu'on observe le comportement du Tetrastichus 
rapo en présence des chenilles de Pieris, ses précautions, son 
allure prudente, son avance et ses reculs, sa tarière dégainée 
avec une lenteur infinie, puis rentrée subitement au moindre 
mouvement de la proie, son obstination durant des heures, à 
revenir vers une Piéride qui l’a chassé, secoué et mordu, il ne 
semble pas possible d’écarter l'hypothèse d’un comportement 
merveilleusement adapté à la lutte avec un adversaire dont on 
ne peut triompher que par la patience et la ruse. Nous savons 
cependant que ce long et émouvant combat est livré en pure 
perte. La Piéride sera piquée et sa mort en sera la consé- 
quence, mais elle ne profitera en aucune façon au meurtrier et 
à sa progéniture. Voilà done un insecte à vie courte et à énergie 
limitée, qui en gaspille une bonne part en des gestes fatigants 
et vains, gestes dont la précision est bien faite pour 1llusion- 
ner quiconque n'en aura pas observé les résultats. 

Un autre instinct mal adapté, et qui aurait dù disparaitre 
depuis longtemps, est celui de ces mâles d'uninuptæ, Plero- 
malus, Tetrastichus, Apanteles, etc., qui importunent leurs 
compagnes déjà fécondées. On ne saurait croire à quel pot 
cette facon de faire est nuisible aux femelles et les gène dans 
l'exercice de la reproduction. L'une d’entre elles, surtout chez 
les Tetrastichus, a-t-elle enfoncé sa tarière, qu'un mâle l’assaille 
et la lui fait rentrer; elle trouve avec beaucoup de peine un 
nouveau point favorable, l'agression d'un second mâle l’en 
chasse, et le fait se renouvelle plusieurs fois. Cet instinct, nui- 
sible à la femelle, inutile au mâle puisqu'un nouveau coït est 
impossible à obtenir, n’a cependant pas disparu. On le conçoit 
d'autant moins qu'il n’existe pas chez les Pempla et beaucoup 


126 F. PICARD 


d'autres espèces. Il s’observe chez les Apanteles, mais pas chez 
les Microgaster qui sont si voisins. Il persiste chez les Ptrroma- 
lus, mais ne se rencontre pas chez d’autres Chalcidiens comme 
les Monodontomerus. 

Le fait de se nourrir aux dépens de la victime destinée aux 
larves peut passer pour utile, en ce sens qu'il économise le 
temps et permet à la femelle de se sustenter et de déposer sa 
ponte au même endroit. Mais lorsqu'on voit d'aveugles Pimpla 
pondre un œuf dans une chrysalide, puis, aussitôt après, la 
labourer à coups d'oviscapte et en exprimer le sang au point 
de la vider et de l'aplatir, on est naturellement conduit à penser 
que les réflexes divers auxquels obéissent les Pimpla ne sont 
pas combinés de la façon la plus favorable possible pour l’ave- 
nir de la race. 

Le Tetrastichus xanthomelvnæ montre de la jalousie vis- 
à-vis de ses congénères et défend vigoureusement contre eux 
l’amas d'œufs de Galéruques sur lequel il est juché. Cet 
instinct parait utile puisqu'il évite que plusieurs œufs soient 
déposés dans une proie qui ne peut en nourrir qu'un seul, et 
assure en même temps la survivance du plus apte. Mais le 
Tetrastichus rapo, le Dibrachys boucheanus, :e Pteromalus pupa- 
rum, le Pimpla instigator font fi de la concurrence et leur man- 
suétude est telle que trois Pimpla, par exemple, chevauchent 
à la fois la même chrysalide, et quoique gènés mutuellement, 
y déposent trois œufs dont deux périront. 

Les sens des Hyménoptères ne manquent pas de finesse, si 
l’on en juge par les mâles de Pimpla insligator ou de Micro- 
gasler alvearius qui ne çonfondent jamais les femelles vierges 
et celles qui furent accouplées. Cependant aucun sens ne pré- 
vient les femelles que leur proie est déjà parasitée, et ç'eut été 
d’un intérêt adaptatif autrement plus considérable. Bien plus, 
la même Prmpla ira pondre une seconde fois dans une Piéride 
qu'elle à quittée quelques instants auparavant, restreignant 
d'autant sa progéniture, et condamnant ses enfants à se dévo- 
rer'entre EUX. 

De même rien n'avertit Le Dibrachys boucheanus qu'il pond 
dans des cocons contenant des nymphes d’Apanteles trop 
anciennes, et que ses larves périront ainsi d'inanition, ni non 


PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 127 


plus le Pimpla instigator que la chrysalide qui Fattire recèle 
un Compsilura prèt à tuer l'œuf qu'il va y déposer. 

Un grand nombre d'instincts paraissent adaptatifs ; souvent 
ils répondent à une excitation n'ayant rien à voir avec le but 
utilitaire que nous leur assignons. Tel est le curieux cas des 
 Pteromalus factionnaires, en expectative devant la chenille 
étendue sur son tapis de soie et ligottée par sa ceinture. Ils 
semblent faire le guet, prêts à bondir sur la nymphe, dès 
qu'elle surgira, et ils bondissent effectivement. L'illusion fina- 
liste tient ici à ce que nous considérons l'acte isolément sans 
faire de comparaisons. Mais si nous rapprochons de ce fait 
celui de Myeloëïs cribrella immobilisée par le contact de Ia soie, 
peut-être aussi celui du P/eromalus egregius hivernant dans les 
bourses soyeuses d'Euproctis chrysorrhea, une lueur soudaine 
surgit, celle de l'effet inhibiteur de la soie, et ce qui nous sem- 
ble adapté pour le Pteromaius puparum, nous apparait sans 
conteste comme inutile dans le cas du Myeloïs. 

Certains actes des insectes sont considérés comme ayant un 
but finaliste, et, en effet, ils paraissent utiles ; nul ne prétend 
évidemment que tous les instincts soient nuisibles. Mais le 
mécanisme qui les détermine n'a aucun rapport avec la fin 
qu'on leur attribue et ce n’est que par hasard que lanimal en 
tire profit. Un naturaliste, par ailleurs excellent observateur, 
mais imbu d'idées qui n'ont plus cours en France, A. Prerer, 
nous en fournit un exemple typique. À propos de chenilles de 
Pieris nées à l'arrière saison et surprises par l'abaissement de 
la température, il dit en effet : « Cependant, ces dernières ont 
essayé de lutter contre le froid en tissant le 31 octobre, sur la 
« face inférieure d’une feuille, un réseau de fils de soie derrière 
lequel elles se sont retirées ; mais cette précaution, absolu- 


= 
= 


A 
# 


= 
= 


ment anormale pour cette espèce, ne Les a pas empêchées de 
« périr ». 

Ce n'est là, peut-être qu'une simple facon de parler. Mais 
elle est absolument vicieuse, et un zoologiste qui consacre sa 
vie à l'étude de la biologie des insectes, laisse douter, en s’ex- 
primant ainsi, de la façon dont il conçoit le mécanisme des phé- 
nomènes naturels. À qui fera-t-on admettre, en effet, qu'une 
chenille essaye de lutter contre le froid et qu’elle tisse une toile 
dans ce but, ce qui nécessiterait chez l’insecte une connaissance 


128 F, PICARD 


approfondie de la non conductibilité de la soie vis-à-vis de la 
chaleur. Et si on ne veut le faire admettre à personne, pourquoi 
le dire ? 

L'origine du fait observé par Picrer est cependant très sim- 
ple. Le filage n’est pas un acte anormal chez les Pieris ; elles 
filent toutes et lorsqu'on les renferme dans un étroit bocal où 
elles sont forcées de se maintenir les unes près des autres et de 
stationner longtemps au même endroit, les parois du récipient 
sont bientôt tapissées de toiles, quelque soit la température. 
Celle-ci n’est donc pour rien dans le phénomène qui est plutôt 
sous la dépendance du confinement. On sait, d'autre part, que 
toutes les réactions des invertébrés diminuent d'intensité avec 
le froid, et il en est ainsi, en particulier, de la rapidité de leurs 
mouvements. Quand l’abaissement atteint un certain degré, les 
chenilles restent presque immobiles en un point de la feuille et 
se trouvent confinées, comme elles l’étaient danse bocal. L'en- 
trecroisement des fils de soie se produit dans les mêmes condi- 
tions. Ce n’est donc pas pour se garantir du froid cu’elles res- 
tent immobiles sous une toile ; c’est l’action du froid qui les a 
immobilisées, et c'est leur immobilisation qui les a fait tisser. 

Mais, là encore, l’explication finaliste provient de ce que le 
fait est considéré isolément. Vient-on à Le comparer avec le phé- 
nomène du bocal, on voit que le tissage, par hasard utile dans 
un cas, est indifférent dans l’autre ; mais ici aussi bien que là, 
le mécanisme de sa production est le même, et mdépendant de 
tout but utilitaire. 

Les instincts sont plus ou moins mal adaptés; l’insecte se 
débrouille comme il peut et maintient sa race tant bien que 
mal, tout en étant entrainé par des tendances dont beaucoup 
lui sont défavorables. Jouet d’impulsions inéluetables, obéissant 
à des réflexes variés, soumis à des attirances de toutes sortes, 
il y satisfait en dehors de toute finalité, et les comportements 
les plus nuisibles, tant qu’ils sont compatibles avec une miséra- 
ble survie de l’espèce, né paraissent guère donner prise à la 
sélection. 


} 


PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 129 


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9 


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LS OREGT ET 


L'ÉCLOSION DU 
OUR PILE CRYLLOTALPA L. 


(Orthopt. Gryllidæ) 


Après les recherches d'Heymoxs (1895), de ne Peyerimaorr 
(1901) et de Carpe pe Baizron (1919 et 1920) sur l'organe utilisé 


par les larves d'Orthoptères pour rompre la coquille de l'œuf 


au moment de l’éclosion, il faut s'attendre à rencontrer, dans 
les groupes encore inexplorés, des appareils de rupture plus 
ou moins conformes aux types décrits. 

À côté de l'intérêt que présente en elle-même, au double 
point de vue anatomique et physiologique, la question de l’ap- 
pareil de rupture, il en est un autre d’une portée plus géné- 
rale, suscité par l'étude comparée des divers groupes et des 
individus d'un même groupe. Quel est l'appareil de rupture 
propre à chaque groupe, et, dans un groupe déterminé, l’appa- 
reil est-il construit sur un type unique? Les recherches effec- 
tuées Jusqu'ici ne permettent pas de donner une réponse défi- 


nitive, elles sont rares et très incomplètes. Il est intéressant, … 


malgré tout, de noter dès maintenant l'analogie qui rapproche 


Psocides et Phasgonurides et, d'autre part, la divergence qui 
sépare ces derniers des Gryllides, leurs plus proches voisins. 

Chez le S/enopsocus cruciatus L., dit ne Peyentmnorr, l'organe 
«est constitué par une crête mince et dentelée qui occupe toute 
la partie médiane de la tête, depuis le sommet du front jusqu'à 
l'épistome » (7. c., p. 149). 

Chez les Phasgonurides (Leptophyes punctatissima Bosc., 
Phaneroptera quadripunctata Br., Meconema thalassina ve Grer, 
Anisoplera dorsale Larr., Conocephaloides nilidulus Scor., Pho- 
lhidoptera qriseoaptera ve Grer, Uromenus rugosicollis Rame.), 
l'appareil est également situé sur le front de la larve; € il 


se présente sous la forme d'une lame de longueur variable. 


152 D'ICADE 


s'étendant, à la facon d’une crête, du vertex à la base du 
labre » (Cappe DE BaizLox, 1919, p. 12533). ; 

L'appareil des Gryllides est, au contraire, d’un type tout à 
fait différent. Carpe DE Baizcon l’a étudié chez l'Acheta campes- 
tris L, le Gryllus domesticus L, le Gryllomorpha dalmatina 
Ocsk. et le Gryllomorpha uclensis Paxr. ; il n'est plus situé sur 
le front, mais sur les bords du labre. La membrane amniotique 
« revêt le labre d’une sorte de sac aplati dans le sens dorso- 
ventral et rendu partiellement rigide par suite de l’épaississe- 
ment de ses parois latérales. La partie rigide constitue l’appa- 
reil de rupture. L'organe affecte la forme d’un U dont l’une 
des branches, et plus souvent les deux, sont garnies de dents 
robustes dirigées vers l'extérieur » (/. c., p. 1233-1234). 

Le nombre des Gryllides étudiés est insuffisant pour permet- 
tre d’énoncer une loi générale sur l'appareil de rupture du 
groupe, d'autant plus que les espèces observées appartiennent 
à des sous-familles de Gryllides très voisines. 

Impossible, cependant, de ne pas souligner à la fois et l’umi- 
formité du type d'appareil et sa variété. Chez tous les Gryllides 
mentionnés, il a la forme d’un U et il est situé sur le labre ; 
mais tantôt une branche de l'U porte seule des dents, tantôt 
les deux. Bien plus, la physiologie de l'organe diffère d'un 
Gryllide à Vautre. S'il faut en croire Carpe pe BAizLoN, « seul 
le Nemobius sylvestris possède un organe fonctionnant comme 
un appareil de rupture proprement dit; chez les autres, son 
rôle est secondaire dans le mécanisme de l’éclosion » (4. €., 
p. 1234). 

Ces variations observées chez des genres voisins laissent 
entrevoir la possibilité de divergences plus grandes entre les 
appareils de genres éloignés. et il est permis de se demander 
ce que devient l'appareil dans les groupes extrêmes d'une 
même famille. 

Voici une première réponse fournie par la sous-famille des 
Curtillines que certains auteurs considèrent non seulement 
comme un groupe extrème, mais même comme un groupe aber- 
rant de la famille des Gryllides (1). L'appareil de rupture du 


{‘) Hansen (Die Fossilen Inseklen, Leipzig, 1908). pour se conformer aux 
données de la paléoutolouie, va jusqu'à séparer les Curtitlines des Gryllides. 
divise l'ordre des Orthoptères en deux sous-ordres : celui des Locustoides et 


ECLOSION DU CURTILLA CRYLLOTALPA 133 


Curtilla gryllotalpa (”) est situé sur le front de la larve, comme 
celui des Phasgonurides. 

Il à la forme d’une mince lame, longue de 0,24 mm. et dres- 
sée dans le plan sagittal, perpendiculairement à la surface du 
chorion. Le bord de cette lame n'est pas, comme chez les 
Phasgonurides, denticulé, mais seulement sinueux. 


DDR CONr (ES 


Fig. 1. — Curtilla gryllotalpa L. Larve au moment de léclosion; elle 
porte sur le front l'appareil de rupture /r. 

Dans les coupes transversales, la lame prend la forme d'une 
dent aiguë, à base faiblement élargie, et reposant sur la mem- 
brane amniotique à peine épaissie. A l'opposé de celle des Phas- 
gonurides, 1 semble bien qu'elle ne soit pas formée de deux 
lames accolées, mais d'une seule ; car l'examen de la lame ?n 
loto, aussi bien que les coupes transversales, ne laissent voir ni 
feuillets séparés, ni points de soudure entre les feuillets. 

Qu'il s'agisse là d'un appareil de rupture, il est légitime de 


celui des Acridioides, et, parmi les Locustoides, il compte les Locustides, les 
Gryllides, les Gryllotalpides et les Tridactylides (D’après Berese, Gli Insetti, KE, 
p. 204). | 

1) Matériel ob'igeamment fourni par M, Cuéxor, de la Faculté des Sciences de 
Nancy, 


154 L.. CADET 


le conclure de toutes les observations faites par les auteurs 
désignés au début de cette note; il faudrait, toutefois, pour 
l’affirmer, l'observation directe de l’éclosion et l'examen de la 
coquille après la sortie de la larve ; des observations ultérieu- 
res permettront de combler cette lacune. 

Jusqu'à preuve du contraire, il est permis de considérer la 
lame que porte sur le front la larve du Curtilla gryllotalpa, 
comme un appareil de rupture. Cet appareil s'écarte notable- 
ment de celui des Gryllides et se rapproche, au contraire, net- 
tement de celui des Phasgonurides par sa situation et par sa 
forme ; 1l présente cependant une structure plus simple chez 
les Curtillines que chez les Phasgonurides. 


Lille, août 1920. 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 


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Monographisch bearbeitet. lena. 

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AM LS OC MILLER EN EN Ne 


H. DERVILLE 


NOTE SUR 
L'ÉCLOSION DES “ TÉTRICINES ” 


(Orthopt. Locustidæ). 


Les travaux d'Heyuons (1895) sur les Forficula, de pe PEeyerin- 
more (1901) sur les Psoques, et, tout récemment, ceux de 
Cappe DE Baizron (1919, 1920) sur les Locustiens et les Grillo- 
niens, ont établi l'existence, chez ces Insectes. d'un organe des- 
tiné à faciliter à la jeune larve la rupture de la coquille de 
l'œuf au moment de l’éclosion. 

La note présente apporte une contribution nouvelle à l'étude 
de l'appareil de rupture des Orthoptères ; elle a pour objet le 
groupe des Téfricines. 

Dans un mémoire très important, Hancock (1902) à déjà 
recueilli sur ces Locustides un bon nombre de faits se rappor- 
tant à l'éclosion: ce sont précisément les observations de 
l’auteur américain qui ont été l’occasion des recherches résu- 
mées Ici. 

Après avoir décrit, avec croquis à l'appui, la forme de l’œuf 
des Tettigides et signalé la pointe qui surmonte son extrémité 
supérieure, Haxcock fait la remarque suivante : « The young 
larvæ emerge from the attenuated extremity, or anterior pole, 
the head being thus directed in the later embryological stages. 
It more often happens that he egqg splits lengthiwoise during the 
escape of the larva » (p. 20). A la fin du mémoire, une note 
complémentaire porte ce titre : « Appearance of the eggshells 
demonstrating that the embryo breaks the shell longitudinally 
to escape » ; en voici la substance : « On taking the empty eggs 
up (Paratettix) 1 found that the larvæ in escaping had burst 
the shell in most cases on two sides /ongitudinally, the poin- 
ted end of the eggs being directed upward » (p. 181). 

Hancock mentionne, sans chercher à l'expliquer, le fait de la 


136 H. DERVILLE 


déchirure longitudinale de la coquille de l'œuf. Il est clair, 
cependant, qu'un phénomène aussi constant suppose l'inter- 
vention d'une cause unique, agissant toujours de la même 
manière. Ou bien il existe dans la coquille une ligne de moin- 
dre résistance suivant laquelle s'effectue la déchirure, ou bien 
la larve possède un organe capable de provoquer la rupture 
de la coquille en un point quelconque de sa surface. 

Les observations faites sur le Tetrix Kiefferi Sauccy donnent 
la valeur relative de ces deux hypothèses. 

L'œuf du T. Kiefferi, de couleur jaunâtre, mesure 2,7 mm. 
de longueur sur 0,5 mm. de diamètre. Il est cylindrique, fai- 
blement arqué ; son extrémité inférieure est arrondie, son extré- 
mité supérieure, effilée et terminée par une pointe grêle, non 
rigide. 

Comme l’a observé Haxcock, les œufs sont déposés vertica- 
lement dans le sol, la pointe en haut. 

Le développement de l'embryon demande environ trente 
jours. À l'approche de l'éclosion, il est facile de distinguer, à 
travers la coquille distendue (!), Les contours de la jeune larve 
dont les yeux, fortement pigmentés, forment deux taches som- 
bres immédiatement au-dessous de la pointe de l'œuf. Au bord 
concave de la coquille correspond la face ventrale de l'em- 
bryon (?). L'appareil micropylaire est situé, sur le bord convexe 
de l'œuf, à quelque distance de son extrémité inférieure (*). 


(} L’œuf, à ce stade, est notablement plus gros qu'au moment de la ponte ; de 
2,7 min. sa longueur est passée à 2,9 mm. et son diamètre à atteint 0,9 mm. au 
lieu 0,7 de mm. Indépendamment de la transparence qu'acquiert l'œuf de presque 
tous les Insectes lorsqu'il est maintenu en milieu humide, lœut des Locustides 
présente, au moment de l’éclosion, une particularité qui facilite singulièrement 
le passage de la lumière à travers sa coquille. Celle-ci se dédouble, comme à 
l'ordinaire, en deux lames : une lame interne ou endochorion, transparente, 
molle, susceptible de se dilater, et uné lame externe ou exochorion, de couleur 
sombre et inextensible. Au cours du développement de l'embryon, l’endochorion 
s'étire, se distend ; l’exochorion, au contraire, se fragmente en plaques de 
dimensions variables qui parfois se détachent de la coquille et laissent à décou- 
vert l’endochorion parfaitement transparent. 

(2) Les Phasgonurides, à l'exception des Phanéroptérines, oftrent la disposition 
inverse. 

(#) La structure de la coquille rend assez difficile l’étude de lappareil micro- 
pylaire, surtout au moment de l’éclosion. Vu par la face extérieure, le chorion 
apparait divisé en polygones réguliers, à contours parfois interrompus et à sur- 
face parsemée de points plus ou moins grossiers et disposés sans ordre ; ces 
polygones sont les surfaces d’empreinte laissées par les cellules folliculaires qui 
ont sécrété la coquille, En prétant attention, on découvre, dans la région dorsale 


ÉCLOSION DES TÉTRICINES 137 


Pour se rendre compte s'il existe dans le chorion une région 
de moindre résistance, il est nécessaire de recourir aux 
coupes. 

Les coupes transversales pratiquées dans l’œuf au niveau de 
la tête de l'embryon, à l'endroit où s'opère la rupture de la 
coquille, montrent un chorion de structure identique sur toute 
sa surface (!). È 

Partout l'endochorion forme une couche uniforme, blanchà- 
tre, finement granuleuse. Il est recouvert d’un exochorion de 
- couleur fauve, morcelé en petites plaques creusées d'un grand 
nombre de cavités internes sans communication apparente avec 
l'extérieur. Un examen attentif montre que la paroi qui sépare 
les champs polygonaux est incomplète en plus d'un point, ce 
qui explique l'aspect discontinu présenté par les contours de 
chaque polygone dans la vue de face. Sur le plancher de 
l’alvéole, se dressent, tantôt verticalement, tantôt plus ou 
moins inclinés, de nombreux piliers de chorionine dont la pro- 
Jection donne l'explication des points grossiers signalés plus 
haut. Cloisons et piliers supportent une lame de chorionine 
formant plafond au-dessus de chaque alvéole, ce qui donne à 
l'ensemble l'aspect d'une galerie à multiples colonnettes entre 
lesquelles l'air peut circuler librement (?). La surface exté- 
rieure du chorion est perforée d'une multitude de petites eavi- 
tés presque toutes obstruées par des concrétions calcaires () ; la 
présence de ces concrétions ne permet pas de découvrir l’ostiole 


de l'œuf, certains polygones déformés par un étirement longitudinal et d'sposés 
en rosace autour d'un point central où se trouve un micropyle. L'orifice du 
micropyle donne accès dans un canal très court qui s'enfonce obliquement dans 
l'épaisseur du chorion pour venir déboucher, à l'intérieur de l'œuf, au sommet 
d'une petite élevure. 

(:) La coupe transversale de l'aiguille qui surmonte le pôle céphalique de l’œuf 
permet d'assigner à cet appenidice un rôle important dans les échanges gazeux 
qui doivent assurer la vie de l’ermbryon au cours de son développement. L'axe 
de l'aiguille est constitué par un prolongement de l’endochorion dont la section, 
en forme de croix, est poreuse au centre et dans l'épaisseur des quatre bras. La 
structure quadranuulaire de l'aiguille est masquée à l'extérieur par des alvéoles 
très profonds, creusés dans l'exochorion qui recouvre l'axe central ; la section 
transversale de l'ensemble est cylindrique Cet appendice est à rapprocher. tant 
pour sa structure que pour sa fonelion prob ble, de celui qui surmonte l'œuf des 
Mécopodines et des Gryllacrines (Capre be BalLLoN, L. e., p 103 et 119). 

(*} Une disposilion analogue, mais plus réguliere, a été signalée chez le Pla-. 
lystolus surcularius \Ephippigerinæ). 

(5) Traitée par l'acide sulfurique dilué, la coquille du 7. Xïefferi donne lieu, 
après évaporalion, à la formation de nombreuses aiguilles de gypse. 


138 H. DERVILLÉ 


qui, dans les œufs de même structure, fait communiquer l’al- 
véole avec l'extérieur. 

Si l'hypothèse d'une ligne de moindre résistance, préexistant 
dans le chorion, ne peut être acceptée pour expliquer la déchi- 
rure longitudinale de la coquille, il ne reste plus qu'à exami- 
ner s'il existe ou non, chez la larve prête à éclore, un organe 
adapté à cet effet. Si cet organe existe, on peut dès maintenant 
prévoir que son rôle sera singulièrement facilité par la pré- 
sence, dans la coquille, de granulations calcaires, — dont 
l'abondance même rend le chorion très friable, — et par le 
morcellement de l'exochorion consécutif au développement de 
la larve. 

L'étude de l'éclosion n'est pas sans difficultés. Placé dans un 
milieu trop humide, l'œuf crève en un point quelconque de sa 
surface, sans le concours de la larve ; en milieu sec, il perd ses 
propriétés optiques et ne se laisse plus traverser par la lumière. 

Le mieux est de disposer les œufs, à découvert, à la surface 
d'un cristallisoir rempli de sable légèrement humide; à défaut 
d'autre signe, le mouvement des veux, — toujours visibles à 
travers la coquille, — avertira de l’imminence de léclosion. 

Il est aisé de constater, dans ces conditions, que la tête sort 
la première de l’œuf et le front en avant. En examinant celui-ci 
de profil, on découvre, sur la ligne médio-frontale et dans le 
plan sagittal, une rangée de denticules, qui, selon toute vrai- 
semblance, appartiennent à un appareil de rupture. 

Le dépouillement de l’amnios, qui suit de près l'éclosion, 
permet de compléter ces données. Quand la dépouille franchit 
le vertex et commence à glisser sur le front de l'insecte, elle 
ne se plisse pas, mais descend tout d'une pièce Jusqu'au niveau 
des mandibules; preuve qu'elle est renforcée dans la région 
frontale, au moins sur la ligne médiane. 

L'examen de la dépouille au microscope fait découvrir, 
au-dessus du labre, entre les gaines rembrunies des antennes, 
une lame de couleur grisâätre aux contours mal définis, qui 
porte en son mileu, disposées sur une seule ligne, dix à vingt 
denticules à pointe orientée vers le bas ; cette lame denticulée 
constitue l'appareil de rupture (1). 

(‘} La moyenne est de dix dents ; mais il n’est pas rare de trouver, dans l’inter- 


valle laissé entre les dents principales, des dents supplémentaires ou à peine 
ébauchées. 


ÉCLOSION DES TÉTRICINES 139 


Dans les coupes transversales de la tête, la section de la lame 
prend la forme d'un croissant légèrement épaissi et muni, au 
centre, d'une épine courte et robuste dont la direction générale 
est perpendiculaire à la surface du chorion. 

Ainsi qu'il a été dit plus haut, il est difficile de voir fonc- 
tionner l'appareil; mais l'état de la coquille après l'éclosion ne 
laisse aucun doute sur l'efficacité de son action : toutes les 
coquilles sont fendues longitudinalement sur la face ventrale, 
dans la région supérieure et au niveau de la tête ; il n'en faut 
pas davantage pour conclure à la valeur fonctionnelle de l'or- 
gane de rupture. 

La larve des Tétricines possède donc un organe destiné à lui 
faciliter la sortie de l’œuf au moment de l’éclosion. L'organe 
est construit sur le type de celui des Phasgonurides avec.cette 
différence qu'au lieu d’être constitué par une lame dentelée 
continue, il ne comprend qu'une rangée de denticules insérées 
directement sur la membrane amniotique. Sa résistance, beau- 
coup plus faible que celle de l'organe des Phasgonurides est, 
par ailleurs, parfaitement porportionnée à la faiblesse de l’en- 
veloppe de l’œuf, que le morcellement de l'exochorion et la 
présence d'un dépôt calcaire abondant rendent mince et fria- 
ble. Des recherches ultérieures diront si cette conclusion doit 
ètre restreinte au groupe des Téfricines ou étendue à toute la 
famille des Locustides. 

La Louvesc, juillet 1920. 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 


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LAVAL. — IMPRIMERIE BARNÉOUD. 


R. HOVASSE 
Agrégé de l'Université, 
Préparateur à la Sorbonne. 


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE 
DES CHROMOSOMES 


Variation du nombre 


et régulation en parthénogenèse 


(Avec 20 figures dans le texte et 2 planches) 


SOMMAIRE 
Pages 
A VANT-PROPOS. 145 
PREMIÈRE PARTIE. 
INTRODUCTION. — Zes chromosomes. — Exposé historique des 
hypothèses auxquelles ils ont donné cours. Leur importance 
dans le monde biologique actuel 1.1" 445 


CHAPITRE PREMIER. — Techniques. — 1. Technique générale, 
préparations des objets d'étude. 2. Technique spéciale des numé- : 
rations. Etude des mitoses. La numération chez les embryons 
parthénogénétiques. 3. Pratique de la Parthénogénèse par piqüre. 151 


SECONDE PARTIE —LA VARIATION DU NOMBRE DES CHROMOSOMES. 


CHAPITRE II. — La loi de constance du nombre et la Varia- 
tion. — 4 Historique. 2. La variation chez ana temporaria. 
3. La variation du nombre et son mécanisme présumé. Fusions 
SRUDLUrES MHELCTOMOMANES MENT. EL, ANR OS TAGÉ 


TROISIÈME PARTIE. — LA RÉGULATION DU NOMBRE DES CHROMO- 
SOMES. 

CHAPITRE IT, — Le nombre des chromosomes chez les individus 
parthénogénétiques. — 1. Parthénogénèse naturelle. 2. Par- 
thénogénèse expérimentale. Cas de l’oursin, Cas de la grenouille. 
Recherches personnelles.  . SEA RL RP 1 à 


CHAPITRE IV. — La régulation du nombre des chromosomes. — 
1. Ses caractères, 2. Epoque à laquelle elle se produit. Mortalité 
des embryons parthénogénétiques. 3. Régulations anormales. 183 


10 


149 R. HOVASSE 


CHAPITRE V., — Le mécanisme régulateur (première partie). — 
1. Historique. Cas de l’oursin. Cas de la grenouille. 2. Le maté- 
reMétranser se... 1° SMART PRE RP ES 

CHAPITRE Vi.-- Le mécanisme régulateur (deuxième partie). — 


J. L'augmentation de la chromatine nucléaire dans les noyaux 
haploides. Noyaux géants el division anaphasique. La télophase 
dans les mitoses de segmentation. 2. Possibilités physico-chimi- 
ques de l'augmentation. Les réserves de chromatine de l'œuf 
Solubilité de la chromatine dans le cytoplasme. La chromatine 
cytoplasmique où eylochromatine. L'équilibre eytochromatine- 
caryochromatine. 3. Relations entre l'augmentation de la chro- 
maline et celle du nombre. La division longitudinale normale 
et le nombre, 4. La division anaphasique et la régulation. Les 
régulations anormales et l'absence de régulation 


Pages 


194 


201 


OUATRIÈME PARTIE. — RÉGULATION ET VARIATION DU NOMBRE DES 


CHROMOSOMES. 


CHAPITRE VII, — L'équilibre des chromatines, mécanisme réqu- 
lateur du nombre. — 1. L'équilibre eyto-caryochromatine et la 
varialion du nombre. 2. Signification du déséquilibre initial, 


Cause de la Téculattonts 610 SIN CREME 
CHAPITRE VIII. — Conclusions. — Régulalion, varialion et indi- 
vidualité des chromosomes # 7455 40 Een 
RESUME DES /RÉSULTATEX SE 0 UNE NAN VERRE 
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE BAS Cr SET AN RIT LEE MAR PEUR 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


AVANT-PROPOS 


Les résultats très importants auxquels sont arrivés Les recher- 
ches de Parthénogénèse exnérimentale depuis le début du 
siècle, et surtout dans les dernières années qui ont précédé Ja 
guerre, ont ouvert au chercheur une voie nouvelle. 

Elève de M. BaraLLon, témoin de ses recherches pendant 
trois ans, initié par lui à la pratique de sa méthode, nous étions 
mieux placés que quiconque pour nous y engager. Mis au cou- 
rant des techniques cytologiques par un petit travail sur la 
maturation de l'œuf de Grenouille, nous avons été amenés à 
orienter nos recherches sur le même matériel, du eôté eytolo- 
gique. Nous nous sommes laissé guider là par M. Cavuzcery, et 
tout de suite, nous avons laissé de côté la parthénogénèse pro- 
prement dite pour ne la considérer, que comme une Expé- 
rience qui place dans des conditions particulières ces éléments 
nucléaires si spéciaux, si énigmatiques même, que sont Îles 
chromosomes. 

A ces deux Maïîtres va toute notre sa au premier, 
parce que, tout en nous initiant, il a su nous communiquer un 
peu de sa passion pour les recherches de laboratoire ; au second, 
parce qu’il nous a indiqué le point précis à étudier, et surtout 
parce qu'il nous a fait connaitre l’œuvre de Paoco DELLA VALLE, 
œuvre qui a été pour nous rien moins qu'une révélation. Nous 
avons été séduit par l'effort qu'y fait l’auteur — que cette 
guerre meurtrière ne nous à malheureusement pas permis de 
connaître — pour donner des phénomènes cytologiques une 
véritable explication scientifique. Avec lui, nous avons essayé 
de rompre avec les faciles explications anthropomorphiques ou 
finalistes, qui, impressionnent l’imagination, mais ne satisfont 
pas la raison. 

C'est là aussi une voie nouvelle, mais difficile, parce qu'elle 
chemine aux confins de la Biologie et de la Chimie Physique, 
où elle commence seulement à être tracée. Mais croyons-nous, 


144 R. HOVASSÉ 


elle a cet avantage immense de ne pas avoir de bornes à 
l'horizon. 

La première partie de ce travail a été entreprise à laide 
d'une bourse Commerey, qu'il nous soit permis de rendre hom - 
mage à la mémoire de F. Houssay, à ce moment Doyen de la 
Faculté des Sciences, qui nous l’a fait obtenir, et a eu l'amabi- 
lité de nous accueillir dans son laboratoire de l'Ecole Normale 
Supérieure. 

Nos plus sincères remerciements vont à M. Pruvor, qui nous 
à fait l'honneur d'accepter la Présidence de notre thèse, enfin 
à MM. Cauizery, Pérez et RaBauD, qui ont bien voulu accepter 
notre travail dans le Bulletin biologique. 


PREMIÈRE PARTIE 


INTRODUCTION 


Les chromosomes. Exposé historique des hypothèses 
auxquelles ils ont donné cours. Leur importance dans le 
monde biologique actuel. 


Quels que soient les agents fixateurs qu'il emploie, la tech- 
nique de coloration qu'il suive, le eytologiste met presque tou- 
jours en évidence dans les cellules en cours de division des 
éléments de forme variable : bâtonnets droits ou diversement 
contournés, granules qui se caractérisent en fixant énergique- 
ment les matières colorantes dités basiques telles que Le carmin, 
l’'hématoxyline, ou le vert de méthyle. Etudiant une série de 
stades de division cellulaire, il constate que ces éléments par- 
ticulièrement colorables, ces chromosomes, ainsi qu'il les 
nomme, par le mécanisme compliqué de la mitose, se séparent 
chacun en deux moitiés et que chacune de celles-e1 passe dans 
une des cellules filles. 

Si un doute -lui est venu touchant la réalité objective de ces 
formations dans les cellules vivantes, ce doute disparait aisé- 
ment : des cellules aussi transparentes que les globules san- 
guins du Triton, étudiées sur le vif lui permettent de suivre les 
chromosomes dans toutes les phases de la division. Photo- 
graphiant une cellule vivante en mitose, à l’aide de lumière 
ultra-violette, il retrouve d’ailleurs sur sa plaque les éléments 
que lui montraient ses préparations fixées et colorées. 

Que notre cytologiste soit enfin doublé d'un chimiste, et qu'il 
arrive à trouver dans la chromatine, substance même des chro- 
mosomes, une proportion inusitée de Phosphore, qu'il obtienne 
par leur désintégration moléculaire des produits aussi spéciaux 
que les bases puriques et pyrimidiques, il n'en faudra pas plus 
pour qu'il se laisse influencer par tout cet ensemble de faits. I] 


446 FR. HOVASSE 


considérera les chromosomes comme éléments particuliers et 
sera prêt, un peu de finalismesaidant, à les tenir comme sus- 
ceptibles de jouer un rôle privilégié dans la physiologie cellu- 
laire. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner du grand nombre 
des chercheurs qui s’en sont occupés, pas plus que des résul- 
tats auxquels est parvenue aujourd'hui leur étude, résultats 
souvent élevés à la dignité de lois, et sur l'acquisition des- 
quels on nous permettra de revenir brièvement (1). 

Dès 1881, FLemminé compte les chromosomes dans les mitoses 
épidermiques de la Salamandre, et en trouve 24 avec certitude 
dans 23 figures différentes. RaBz confirme ses observations 
qu'appuie également le botaniste SrrassBurGER. Tous trois en 
arrivent ainsi à admettre avec plus ou moins de réserves la 
constance du nombre des chromosomes dans chacun des objets 
étudiés. Il faut aller cependant jusqu'en 1890 pour que Boven 
généralise leurs résultats sous forme d’une loi qu'il formule 
ainsi : « Pour chaque espèce, le nombre des chromosomes est 
constant, é’est-à-dire que dans les figures mitotiques de cellules 
homologues, ?/ s'en trouve toujours le même nombre ». 

Van BENEDEN publiant en 1883 un travail d'ensemble sur la 
maturation de l'œuf et la fécondation de l’Ascaris megaloce- 
phala, constate le premier que les deux pronucléi, mâle et 
femelle, apportent à l'œuf la même quantité de chromosomes. 
C'est Le point de départ d’une série d'hypothèses, émises pres- 
que simultanément par Roux, Koezuiker, HERrTwi6, et surtout 
WEissmMAnNN, faisant de Ja chromatine la substance hérédi- 
laire. 

Van BENEDEN dans le même travail remarque que les chro- 
mosomes de la première division de l'œuf dérivent immédiate- 
ment de ceux des pronucléi ; d'emblée il généralise, admet qu'il 
en est de même dans chaque cellule du corps. Dans tout 
noyau, une moitié des chromosomes provient des éléments 
apportés par le spermatozoïde et est ainsi d'origine purement 
paternelle, tandis que l’autre moitié est strictement maternelle, 
dérivant des éléments de lovotide. Cette idée de la continuité 

(t) Le résumé historique que nous faisons ici a élé réduit à l'indispensable de 
mème les références bibliographiques qui s'y rapportent. Le lecteur désireux de 
faire plus ample connaissance avec la question pourra se reporter à Frex (1906) 


où il trouvera une abondante bibliographie, ou aux petits ouvrages de CAuLLERY 
(1913) ou de Bracner (1915). 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 117 


des chromatines paternelles et maternelles se trouve complétée 
par une hypothèse de Raëz (1885). Comparant l’un à l’autre un 
noyau en prophase et un noyau en anaphase, il est frappé de 
l'analogie de la disposition des chromosomes dans ces deux 
cas, et il en conclut à la persistance des chromosomes dans le 
noyau au repos. 

C'est alors que Boverr, à la suite de longues et minutieuses 
recherches sur de nombreux matériaux, encadre ses résultats 
personnels et ceux de ses devanciers par une hypothèse beau- 
coup plus générale, qu'il s'efforce de transformer en loi : « Les 
éléments chromatiquea sont des individus véritables conservant 
méme celle Individualité dans le noyau au repos ». 

L'ensemble de tous ces résultats : Constance du nombre, 
Valeur héréditaire de la chromatine, Persistance des chromo- 
somes dans le noyau au repos, et surtout /ndividualité des chro- 
mosomes ; toutes les controverses auxquelles ils ont donné lieu, 
ont attiré sur les segments chromatiques l'attention d’un nom- 
bre toujours plus grand de chercheurs, si bien qu'à l'heure 
actuelle il est bien peu d'espèces animales ou végétales dont Ja 
forme et le nombre des éléments chromatiques n'aient été 
étudiés. 

Tout ceci n'a pas manqué de porter des fruits. Les glandes 
génitales des Insectes à la suite des travaux d’HenkiNe (1891) 
et de nombreux autres par la suite, ont montré qu'il existe 
dans beaucoup d'espèces, et principalement chez les Orthop- 
tères, Hémiptères et Coléoptères, un nombre de chromosomes 
différent chez le mâle et chez la femelle. Diflérence qui tient 
le plus souvent à l'existence d’un ou plusieurs éléments surnu- 
méraires, semblant caractériser l’un des sexes. Un grand nom- 
bre de biologistes ont été ainsi amenés à donner à ces éléments 
spéciaux la valeur de déterminants sexuels. Devant les diffi- 
cultés que soulève une pareille hypothèse, le prudent eytolo- 
giste qu'est Wissox sans regarder comme tels les chromosomes 
surnuméraires les considère « comme un anneau dans une 
chaine de facteurs, grâce auxquels le sexe est déterminé ». 
L'importance de cet anneau que les réactifs colorants rendent 
perceptible à nos sens apparait comme très grande pour tous 
les biologistes qui s'intéressent au problème ardu de la Sexua- 
lité ; c’est même la première fois qu'il apparaît dans ce domaine 


R. HOVASSE 


un fait d'une clarté aussi saisissante, comme le fait remarquer 
Bracuer (1916). 

L'impression produite par cette découverte a été d'autant 
plus considérable qu'elle à été regardée comme une démons- 
tration d'hypothèses formulées sur l’hérédité à la suite de la 
redécouverte faite en 1900 de lois de l'hybridation dues une 
trentaine d’années auparavant au moine Autrichien Menper. 

Voiei brièvement en quoi consistent ces lois. Soient deux 
variétés d'une même espèce de Pois, différant l’une de l’autre 
par un caractère tel que la couleur des fleurs, ici rouge, là 
blanche. Effectuons le croisement de ces pois. Nous obtenons 
une première génération dite hybride, dans laquelle tous les 
individus se ressemblent (fleurs rouges dans le eas particulier). 
Croisons à nouveau entre eux ces hybrides. La nouvelle géné- 
ration nous fournit trois sortes d'individus, en proportion rigou- 
reuserent définie : 1/4 du type paternel, 1/4 du type maternel, 
ces deux portions étant pures, c’est-à-dire redonnant par la 
suite constamment leur variété, sans modifications. Le reste est 
du type hybride, et redonne, à la génération suivante la même 
descendance en trois portions dissemblables (1). Tout se passe 
comme si les caractères des parents restaient unis dans les cel- 
lules des hybrides pour se disjoindre ensuite au moment de la 
formation des gamètes, chacun de ceux-ci ne renfermant qu'un 
seul caractère, étant pur, suivant le langage de Mexoez. Du 
croisement de ces gamètes résultera une répartition des pro- 
duits de seconde génération selon les proportions indiquées 
plus haut. 

Si l’on compare maintenant le comportement des carac- 
tères, à ce que lon sait de celui des chromosomes au cours 
des divisions dites de Maturation sexuelle, on ne peut manquer 
d'être frappé de l'analogie qui existe là ; l'hypothèse des Unités 
représentatives, telle qu’elle à été formulée par Surrox (1902) 
apparaît comme loute naturelle. 

Reprenons le cas précédent en faisant cette supposition 
qu'un individu-chromosome existant dans les éléments sexuels 
de chaque parent avant le premier croisement, représente le 


{‘} Les résultats expérimentaux sont moins simples, par suite de l’analogie 
d'aspect que présentent généralement les hybrides avec l’un des denx parents 
suivant qu'il y a dominance mâle ou femelle, 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 149 


caractère origine de la différence d'aspect entre le père et la 
mère. Appelons ? et M ces éléments, et qualifions Les d’Aomo- 
logques. La fécondation faite, la segmentation répartit dans tou- 
tes les cellules de chaque hybride, à la fois P et M. Dans les 
glandes génitales, au moment où se prépare la réduction numé- 
rique, admettons, avec la majorité des cytologistes, que les élé- 
ments homologues P et M s'accolent longitudinalement au stade 
synapsis, pour former le couple PM. Sur le fuseau de la pre- 
mière division de maturation le couple se dissocie en ses élé- 
ments : ? et M passent chacun à un pôle du fuseau. On obtient 
donc deux cellules dissemblables. La seconde division de matu- 
ration ne fait que doubler leur nombre en respectant cette dis- 
semblance. On obtient en fin de compte deux groupes de deux 
éléments renfermant l'un P et l’autre À. Du croisement de ces 
deux variétés de gamètes d'un sexe avec d'autres également 
dissemblables, résultent trois combinaisons possibles, que l'on 
peut représenter comme le produit algébrique : PM. PM — 
PP + 9PM + MM. Soit done une moitié du type PM hybride, 
et 1/4 de chaque type pur P ou M. 

Nous retrouvons donc ainsi le résultat obtenu plus haut expé- 
rimentalement. 

La. grande simplicité de cette hypothèse, le fait qu'elle 
a permis de rendre compte même de certaines anomalies 
de croisement, lui ont conquis une grande faveur, qui à 
rejailli sur l'hypothèse de l'Individualité. Une école de bio- 
logistes américains a même tenté durant ces dernières années 
d’en élargir encore le cadre. Mor6a, poursuivant des recher- 
ches extrêmement poussées dans le domaine de l'hérédité sur 
la mouche du vinaigre, Drosophila ampelophila, parvient à inter- 
préter tous ses résultats expérimentaux par des considérations 
sur les chromosomes de l’animal. Ceux-ci sont au nombre de 
4 paires de tailles très différentes. Il répartit les caractères 
héréditaires très nombreux de cette mouche en 4 groupes dont 
l'importance variée parait proportionnelle à la masse relative 
de chaque paire d'éléments. Bien plus, à l'aide d’une méthode 
compliquée, appuyée sur d'autres hypothèses accessoires, les 
auteurs américains sont arrivés à dresser des sortes de plans 
des chromosomes où chaque caractère a sa place marquée. 

Cest là le point culminant de l’échafaudage bâti sur les chro- 


150 R. HOVASSE 


mosomes, échafaudage d'une importance théorique considéra- 
ble. Cependant la construction, quand on l’étudie de près, paraît 
encore bien problématique : les hypothèses y chevauchent 
nombreuses, appuyées les unes sur les autres, paraissant se 
démontrer mutuellement, le support commun à toutes étant 
l'hypothèse de Boven, l’Individualité des éléments chromati- 
ques. 

De nombreux auteurs ont déjà fait ressortir la faiblesse de 
l'édifice, en en critiquant presque chaque pierre. Sans vouloir 
citer toutes leurs critiques, ce qui dépasse singulièrement le 
cadre de cette étude, nous nous bornerons à parler de celles 
ayant trait aux deux hypothèses sur lesquelles nos recherches 
personnelles nous permettent de formuler une opinion. Une 
étude du nombre de chromosomes dans les cellules d'individus 
normaux de Grenouille rousse, Ranatemporaria(L.) nousmènera 
à discuter la valeur de la loi de Constance du nombre, tandis 
que l'observation du comportement des chromosomes chez les 
embryons parthénogénétiques du même antmal, nous permçéttra 
d'aborder l'hypothèse de l'Individualité. 


CHAPITRE PREMIER 


TECHNIQUE GÉNÉRALE ET SPÉCIALE 
DES NUMÉRATIONS DE CHROMOSOMES. 
PRATIQUE 
DE LA PARTHÉNOGÉNEÉSE PAR PIQURE 


Le dénombrement des chromosomes dans une cellule en 
division est toujours une opération longue et délicate, n'abou- 
tissant à une certitude que dans une minorité de cas. Avant de 
l’entreprendre l'observateur doit s'assurer qu’il opère dans les 
meilleures conditions possibles, tant pour ce qui concerne les 
objets étudiés que pour les moyens d'observation dont il dis- 
pose. L'opération une fois entreprise, pendant toute sa durée, 
il lui faut enfin se tenir en garde contre lui-même, afin de 
rendre aussi négligeable que possible ce facteur subjectif que 
les astronomes et physiciens qualifient d'équation personnelle. 


1. Technique générale, préparation des objets d'étude. 


A. Fixation. — Nous avons utilisé trois fixateurs princi- 
paux. Le liquide de Fremmixé, solution forte, nous a rendu de 
bons services pour la fixation des embryons avancés et celle 
des larves. Utilisé également pour les œufs vierges ou au 
début de la segmentation, il produit d'excellentes fixations de 
la couche corticale, mais ne pénètre Jamais au centre de l’œuf. 

Le fixateur chromo-acétique, préconisé par BATaILLON con- 
vient à merveille pour le travail courant : il pénètre parfaite- 
ment tous les œufs, et si les éléments chromatiques ne sont pas 
toujours aussi nettement distincts qu'avec le précédent, il à au 
moins le mérite de permettre presque toujours l'obtention de 
coupes en série parfaites, ce qui est indispensable, au moins 
pour l'étude des premiers stades de Fa segmentation. 


152 R. HOVASSE 


De bons résultats ont été obtenus également par l'emploi du 
liquide de GiLzsoN, pour ce qui concerne les œufs non mürs, non 
pourvus encore de leur gangue mucilagineuse. Il fixe moins 
bien toutefois que le liquide de FLemminc. 

Après chacun de ces fixateurs, et principalement après les 
deux premiers, un lavage très soigné est indispensable, sous 
peine de voir ultérieurement les coupes s’effriter sur le rasoir. 

B. Inclusion. — L'inclusion n’est nécessaire que pour les 
embryons entiers ou les œufs. Chez les têtards et les adultes, 
il est souvent préférable d'étudier des membranes minces, 
telles que l'épiderme ou le péritoine étalées simplement sur 
lame, ou entre lamelles, aussitôt après lavage. L'inclusion des 
embryons se fait selon Les procédés habituels. Celle des œufs 
exige quelques précautions indispensables. La déshydratation 
ne doit pas dépasser 10 minutes. Le milieu de transition à 
employer ensuite est le toluène. Il faut éviter le xvlol après 
lequel il devient difficile d'obtenir de bonnes coupes. On y 
laisse les œufs de 8 à 10 minutes en changeant le liquide au 
moins une fois. Le bain de paraffine maintenu à 50° ne doit 
pas non plus dépasser la même durée. Il est inutile de chan- 
ger de bain. On oriente ensuite rapidement les œufs suivant le 
résultat désiré. I ne reste plus qu'à refroidir brusquement les 
blocs. 

Les coupes sont faites à 5, rarement à 3 4. Îl arrive fré- 
quemment que les rubans de coupe s’électrisent sur le rasoir ce 
qui risque de les faire perdre. On remédie à cet mconvénient 
en les recevant contre le tranchant même du rasoir avec une 
bande de papier, ou bien en coupant les blocs dans une salle 
dont l'air est très chargé d'humidité, et sans doute rendu ainsi 
conducteur. 

Jamais il ne nous à été nécessaire de collodionner nos cou- 
pes une à une sur le rasoir, par contre, chaque fois qu'une série 
montre, une fois collée sur lame par un des procédés courants 
(albumine ou gélatine), des œufs brisés ou fendillés, nous la 
collodionons avant la coloration. On évite ainsi la perte de 
petits fragments d'œufs, qui, mal étalés, n’adhèrent pas à la 
lame et s'en iraient au premier lavage. Si la solution de 
collodion est suffisamment étendue, la mince pellicule qui en 
résulte ne gène aucunement pendantles traitements ultérieurs. 


ÉTUDE DÉS CHROMOSOMES 153 


C. Coloration. — L'hématoxyline de HeibenNaai, employée 
après la liqueur de Girson est très utile pour les ovocytes pos- 
sédant encore leur vésicule germinative. Elle devient mal utili- 
sable par la suite du développement de lœuf, la teinte qu'elle 
confère au vitellus étant la même que celle des éléments chro- 
matiques. 

Après les fixateurs chromiques, il est cependant préférable 
d'utiliser les couleurs d’aniline. La Safranine associée au Vert 
lumière (Lichtgrün) suivant la méthode de BExra donne les 
colorations les plus pratiques. Elle permet de distinguer 
très facilement les chromosomes des plaquettes vitellines, la 
teinte qu'elle donne à celles-ci étant beaucoup plus pâle. Le 
violet de Gentiane associé à l’éosine ou à l'orange nous a rendu 
aussi de bons services pour la coloration des membranes, après 
étalement. 


2. Technique spéciale des numérations 


Les préparations une fois obtenues, bien fixées et clairement 
colorées, il s'agit d'effectuer le dénombrement des chromo- 
somes. 

À. Choix des mitoses. — Le cas le plus simple est celui des 
membranes étalées : à l’aide d’un objectif faible, les mitoses 
sont repérées. On en fait d’abord un premier tri, simplement 
en considérant leur taille. Ne peuvent être utilisées pratique- 
ment que celles dont le fuseau achromatique dépasse une quin- 
zaine de:2, de longueur. En dessous de ce chiffre, le tassement 
des chromosomes est généralement tel qu'il est souvent impos- 
sible, même après une bonne fixation d'en donner un nombre 
approximatif. C’est pourquoi l'épiderme des larves, ou le péri- 
toine constituent un bon matériel d'étude, leurs mitoses étant 
d'assez forte taille. Les autres cinèses somatiques — érythro- 
cytes exceptés — sont généralement trop petites. 

La forme des segments à une importance beaucoup plus 
grande. Elle doit être aussi peu compliquée que possible, 
sinon, même avec de grosses mitoses, la numération devient 
incertaine. C'est ainsi qu'il est toujours difficile, parfois impos- 
sible de décider, en présence d'un élément en forme de chiffre 3, 


154 R. HOVASSE 


si l’on a affaire à un seul élément contourné, ou bien à deux 
anses en V accolées par une de leurs branches. À plus forte 
raison si les segments chromatiques sont tordus ou retordus 
plusieurs fois. 

Le critérium de la forme va nous guider dans le choix de la 
période mitosique la plus favorable à l'étude. Pendant la pro- 
phase, les chromosomes sont très tordus, et même dans les 
figures très grosses, on s'expose de ce fait à ne pouvoir arriver 
qu à un chiffre incertain. À mesure que l’on se rapproche de 
la métaphase, la torsion devient de moins en moins gênante, les 
segments prennent une forme massive et régulière. C'est le 
moment propice aux numérations, car bientôt survient la divi- 
sion longitudinale, et souvent les moitiés des chromosomes se 
séparent plus ou moins, rendant à nouveau le résultat incertain. 
Parfois la division longitudinale ne se constate que tardive- 
ment et la plaque équatoriale, surtout s'il est possible de la 
voir en projection horizontale, permet une numération relati- 
vement facile. Les anaphases en vue polaire sont utilisables 
également, mais seulement quand les couronnes filles sont 
encore au début du retour polaire. Par la suite elles se tassent et 
les éléments deviennent indistincts. 

L'opération se complique quand on opère sur coupes, la cer- 
titude devient tout de suite plus faible, sauf quand le plan 
équatorial des mitoses étudiées se trouve coïncider avec Ie plan 
de la préparation, et qu'il n’y a de segments chromatiques que 
sur une seule coupe. Par contre cette méthode permet seule 
d'étudier les mitoses de maturation de l’œuf. Celles-ci, en 
raison de leur taille considérable, du nombre peu élevé des 
chromosomes, dont la forme est d’ailleurs massive, consti- 
tuent un matériel de choix pour les numérations, bien qu’elles 
exigent ultérieurement un travail supplémentaire de recon- 
stitution. 

B. Ætude des mitoses. —La division favorable une fois repérée, 
il faut l’étudier, et à cet eftet disposer d'un excellent système 
optique, puissamment éclairé. Nous avons utilisé trois objectifs 
différents, deux Apochromats de Zeiss (1 mm. 5 et 2 mm., ce 
dernier d'ouv. num. — 1,40) (') et un Achromatique puissant de 


(t) Pour obtenir de ce dernier objectif son maximum de rendement, rappelons 
qu'il faut l’employer avec un condenseur d'ouverture numérique de 4,40, et en 


ÉTUDE DÉS CHROMOSOMES 155 


Sriassnie (1/18, ouv. num. 1,30). Ce dernier objectif, malgré 
une correction moins parfaite, nous a été très utile en raison du 
peu de profondeur de son champ, permettant ainsi facilement 
de distinguer des objets non exactement sur le même plan. 
L'usage de l'éclairage oblique et de lumière monochromatique, 
bleue ou verte, nous a été d’un grand secours. 

A l’aide d’un appareil à dessiner, la mitose est mise en place 
sur le papier. On passe ensuite à l'étude de chaque chromosome 
en particulier, sans jamais s'inquiéter du nombre total avant 
que ce travail ne soit parfaitement terminé. Sinon, 1l est très 
difficile de ne pas se laisser guider, dans les cas difficiles, par 
une idée préconçue. DezLa VALLE qui a, lui aussi, été gèné par 
cette difficulté d'ordre subjectif, recommande de dessiner la 
même figure deux ou trois fois de suite, à intervalles d'au moins 
un mois et de confronter ensuite les dessins obtenus. Le pro- 
cédé est excellent, il mène à la certitude dans les cas faciles à 
interpréter, mais là où existe une difficulté, elle subsiste iden- 
tique, même après trois études successives. Il est donc indispen- 
sable d'éliminer les divisions où existe une difficulté d'interpré- 
tation. ; 

Suivons maintenant à titre d'exemple, les opérations qu'exige 
une numération dans le cas moyennement compliqué offert par 
une figure d'émission de globules polaires. La mitose dont il 
s'agit dessine un ellipsoïde de révolution autour d’un grand 
axe d’une quarantaine de 2, le petit axe approchant de 20 mi- 
crons. Les coupes suivant la longueur du fuseau sont généra- 
lement au nombre de trois ou quatre. 

L'émission polaire une fois repérée, on vérifie que la série 
est complète. En même temps, afin de pouvoir effectuer plus 
tard une reconstitution, on détermine l’ordre de superposition 
des coupes. On arrive à savoir ainsi que, à une coupe donnée, 
celle qui succède sur la lame en allant vers la droite, était dans 
l’œuf placée par-dessus ou par-dessous. 

Cecifait on dessine chaque coupe ainsi qu'il a été dit, en se 
bornant à tracer les contours des éléments chromatiques, du 
fuseau, et de l'extérieur de l'œuf. Puis par de légers déplace- 
ments de la vis micrométrique, on cherche quels sont les élé- 


interposant une goutte d'huile de cèdre entre la lentille supérieure de celui-ci et 
la préparation. 


156 R. HOYASSE 


ments qui affleurent les plans de coupe. On les ombre alors, 
différemment suivant qu'ils sont en haut ou en bas de la coupe. 
Ce travail fait, pour chaque coupe, on compare les dessins deux 
à deux et on étudie les correspondances. Comme la forme des 
éléments y est régulière et massive, ce travail est relativement 
facile. Le tout une fois terminé, et alors seulement on effectue 
le dénombrement. Un doute peut subsister sur un ou plusieurs 
éléments. On détermine alors deux nombres possibles, l’un 
maximum, l'autre minimum. 

Dans ces mêmes divisions polaires le travail peut être sim- 


RTS Mig. is Anaphase de première 

émission polaire. Une seule coupe 

Fig. |. — Vue polaire d’une cou- est figurée. Remarquer la corres- 

ronne anaphasique de la première pondance des chromosomes deux 
émission polaire. à deux de couronne à couronne. 


plifié, si la coupe est normale au fuseau et qu'il n'y à de seg- 
ments chromatiques que sur une coupe (fig. D. Si l’on a affaire 
à des anaphases, on effectue à la fois la numération sur les deux 
couronnes filles, et l’on à ainsi une vérification particulière- 
ment facile, quand au début de lanaphase, les deux séries de 
chromosomes se correspondent parfaitement d'une couronne à 
l’autre, même à la division 1 (contra Denonxe) (fig. Il). 

La numération chez les œufs parthénogénétiques. — Dans 
les cas que nous venons d'envisager, nous avons cherché seule- 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 157 


ment à obtenir le maximum de certitude dans nos numéra- 
tions, quitte à laisser de côté les figures qui ne nous paraissaient 
pas assez nettes. Le problème qui se pose à propos des 
embryons parthénogénétiques est un peu différent. Etant donné 
un embryon, il s'agit de savoir quel est le nombre de ses chro- 
mosomes, quelles que soient les mitoses auxquelles on a affaire. 
Dans ces conditions, il est impossible Le plus souvent d'obtenir 
autre chose qu'une approximation. On cherche à déterminer 
avec la plus grande sûreté possible le nombre minimum et le 


Fig. IE — Bouquet anaphasique dans une blastula parthénogénétique. 
Une seule coupe dessinée (sur deux). 


nombre maximum. Si l'erreur relative dépasse 1/5, on ne tient 
pas compte de sa numération, quitte à ne pouvoir utiliser l’em- 
bryon en question. 

La valeur des résultats varie d’ailleurs beaucoup pendant le 
cours du développement. Chez le tout jeune embryon, où les 
fuseaux de division sont très longs, les chromosomes sont tou- 
jours fins et contournés. Il est impossible de tirer parti des 
métaphases, même en vues polaires. Un seul stade permet la 
numération, c'est l'anaphase (fig. ID). Au moment du retour 
polaire, les anses chromatiques très allongées se trouvent ser- 


> 
“ 


158 R. HOVASSE 


rées du côté de l'équateur par le retour des enclaves vitellines 
sur l’ancien territoire du fuseau. Au contraire les sphères attrac- 
tives devenues très larges, se vacuolisant complètement sous 
l’action des fixateurs, semblent constituer une zone déprimée 
où les anses s’épanouissent comme un bouquet. On peut en 
dénombrer alors facilement les éléments sur les coupes bien 
parallèles à l'axe du fuseau. I y a cependant toujours une 
erreur, car presque Jamais nous n'avons obtenu le même nom- 
bre sur les deux couronnes filles ('). 

À partir de la gastrula, les chromosomes redeviennent mas- 
sifs, au moins à la métaphase, et la valeur des résultats rede- 
vient très bonne. 

D. Utilisation de la relation nucléo-plasmatique et des autres 
relations nucléaires. — On sait en quoi consiste la relation 
nucléoplasmatique (K/P relation) : à un noyau de taille déter- 
minée correspond un territoire cytoplasmique également déter- 
miné. D'autre part Bovenr (190%) à montré que la surface du 
noyau de l’oursin est proportionnelle au nombre de chromo- 
somes qu'il renferme. Chez les Batraciens, G. Herrwié (1913) 
admet que c'est plutôt avec le volume qu'a lieu la proportion- 
nalité. Il est donc possible, par une simple mesure du diamè- 
tre d’un noyau, où même d'une cellule, de connaitre approxi- 
mativement le nombre de segments chromatiques qu'il renferme. 
La méthode est pratiquement très utile, mais seulement pour 
des embryons avancés en âge. Plus tôt dans le développement, 
elle est absolument incertaine, et même dangereuse. Néanmoins, 
elle rend de grands services, principalement quand on dispose 
d’embryons témoins normalement fécondés, avec lesquels on 


peut effectuer une comparaison. 


3. Pratique de la parthénogénèse par piqûre 


Les écrits de BaraiLzzon, de Hercawr, l'ouvrage de DerAGe et 
GoLpscnmipr, ont contribué à vulgariser ce procédé. Nous avons 
appliqué la technique même de Baraizrow, telle qu'il nous l’a 
apprise lui-même. Nous en avons seulement modifié un détail 


(‘) Au point que nous en venous à douter de la régularité du partage des 
anses filles, au moins au début de la segmentation. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMRS 159 


eh rapport avec nos besoins. Il nous fallait le plus grand nom- 
bre de segmentations possibles. BaTaILLON arrive à ce résultat 
par ses œufs «au cyanure » obtenus de la façon suivante. 

Les œufs pris dans l'utérus sont plongés dans une solution de 
cyanure de potassium à 0,8 0/0 ; on les y soumet pendant troïs 
heures à un secouage modéré et inimterrompu. Leur gangue 
se dissout. Is sont ensuite lavés dans l'eau physiologique, on 
les y conserve. Puis après les avoir souillés de sang on les 
pique. Plus des deux tiers se segmentent. 

En raison de la fragilité des œufs nus, ce procédé ne nous 
a pas donné de très bons résultats, la mortalité des larves, déjà 
très élevée après le procédé ordinaire est accrue par celui-ci. 
Nous avons cherché alors à améliorer la technique des inocu- 
lations, sur les œufs munis encore de leur gangue. La coagula- 
tion du sang nous a paru responsable du petit nombre des déve- 
loppements obtenus en badigeonnant simplement les œufs avec 
le sang recueilli à une plaie. Nous avons cherché à rendre le 
sang incoagulable. Le procédé qui nous à donné les meilleurs 
résultats s’est trouvé être celui de Deezexe. À l’aide d'une fine 
canule de verre on pique un are aortique de gretouille, puis on 
enfonce la canule dans le vaisseau d'environ un centimètre en 
amont de la plaie. La première goutte de sang qui s'écoule est 
rejetée, Le reste est incoagulable. On laisse déposer des glo- 
bules, on enlève Le plasma, et avant de piquer chaque œuf on 
trempe la pointe du stylet dans lamas de globules. Nous arri- 
vons ainsi à inoculer plus d'œufs qu'avec la méthode du cya- 
nure ; le seul inconvénient du procédé est qu'il augmente là 
proportion des clivages en trois (?). 

Le sang de tortue donne aussi de bons résultats, mais 11 est 
d'un maniement plus difficile, se coagulant plus facilement. La 
pulpe de rate de Cobaye, que BATAILLON préconise, ne nous à 
pas semblé préférable au sang. On observe du reste de grosses 
différences dans les résultats. d'une grenouille à l’autre, ce qui 
tient sans doute à l'épaisseur de la gangue, plus ou moins grande 
suivant les individus. 

Les embryons obtenus sont toujours plus fragiles que les 
fécondés. Il faut leur maintenir une eau fraiche et aérée, ne 


(1) Pour explication de ce terme, voir plus bas, p. 197. 


160 BR. HOVASSE 


jamais les détacher des récipients où ils sont fixés : on détériore 
ainsi presque toujours la gangue, léclosion est prématurée et 
le têtard ne survit pas. Dès que les larves se nourrissent, nous 
leur avons fourni soit des épinards très cuits, soit de l’amidon 
mêlé de pulpe de têtard. Ces deux sortes d'aliments réussissent 
très bien avec les larves normalement fécondées. Malgré tous 
nos soins, en deux saisons d'élevage, après avoir piqué près de 
190.000 œufs nous n'avons obtenu que 2 têtards qui aient 
vécu jusqu'à leur métamorphose, sans la dépasser ni l'un ni 
l’autre. 


SECONDE PARTIE 


La variation du nombre des chromosomes. 


CHAPITRE II 


LA LOI DE CONSTANCE DU NOMBRE DES 
CHROMOSOMES ET LA VARIATION 


Telle qu'elle est formulée plus haut, la 101 de constance n'a 
pas été acceptée par tous les auteurs. Dès 189%, Von RaTa, puis 
Hæcker (1899) remarquent que le nombre normal ne se trouve 
pas toujours absolument constant. HearwiG (1896) parle même 
de sa variabilité. Si bien que Boveri (190%) atténue la rigidité 
de son premier énoncé en écrivant que le nombre est partout 
le même «ou à peu près le mème ». Depuis lorsil a été fréquem- 
ment signalé des cas de variabilité. Paoro Dezra Varce (4909) 
consacre à cette question un important travail tant bibliogra- 
phique que eytologique. Il relève dans la littérature toutes Les 
données concernant le nombre des chromosomes, et en arrive 
ainsi à constater que souvent des auteurs différents étudiant une 
même espèce animale lui trouvent chacun un nombre différent 
de chromosomes, mais n’en concluent pas moins le plus sou- 
vent à la constance du nombre. Quand lécart trouvé ainsi est 
trop considérable pour être négligé, plutôt que de suspecter la 
loi, on fait intervenir une hypothèse nouvelle, ou bien on crée 
une nouvelle variété. Presque toujours, dans les cas d’obser- 
vations bien faites, /e nombre des chromosomes, dans les 
mitoses, n'est pas trouvé constant, mais oscille entre des limites 
déterminées 

Il dénombre pour sa part avec le plus grand soin, 40 cinèses 
dans le péritoine de larves de Salamandre. Les chiffres obtenus, 


162 R. HOVASSE 


ordonnés suivant leur fréquence, lui fournissent une courbe 
binômiale caractéristique, le nombre donné comme constant 
étant celui de fréquence maximum. | 

La loi de constance est donc une loi approximative, résultat 
dont il fait ressortir l'incompatibilité avec l'hypothèse de lindi- 
vidualité. 

Violemment critiqué par de nombreux auteurs, en première 
ligne par E.-B. Wiison qui lui oppose la fixité du nombre par 
lui constatée chez de nombreux Insectes, particulièrement 
Hémiptères, Pœuvre remarquable de l’auteur italien n’a pas eu 
tout le succès qu'on en pouvait attendre. Rares sont les cytolo- 
gistes qui en font mention, tant se trouve enracinée dans les 
esprits la croyance du contraire. KrimueL (1910) puis plus récem- 
ment R. Haxce (cf. p.164: ont cependant confirmé ses recherches. 


1. La variation chez « Rana Temporaria » (L.) 


L'étude du nombre des chromosomes chez Les embryons et 
larves parthénogénétiques de grenouille nous ayant montré une 
importante variabilité, nous l'avons attribuée tout d’abord à un 
état pathologique spécial à ces ébauches, admettant nous-mêème 
implicitement la loi de constance, malgré les discordances des 
auteurs touchant le nombre des chromosomes de l'animal con- 
sidéré. Nous résumons 1e en un tableau l’opinion des principaux 
auteurs qui ont étudié soit Rana lemporaria — soit des espèces 
voisines (À. escutenta, R. pipiens). 


Nombre 
diploïde 12 16 16 à 20 24 25 et 26 26 
admis. 
Espèce BR. temp. | . escul. | R. temp. | R.temp. |R. pipiens| AR. sp, ? 


Auteurs : A. De- |C. Cuampy|Carnoy et! Vou Rarx Levy Go.b- 
HORNE LEBRUN SCHMIDT 
Date : 1910-1911 1913 1899 et 1894 4915 1920 
(1) 1901 


BATAILLON | SWINGLE 
1910 1917 


(‘) Le chiffre de A. Deuonxe résulte vraisemblablement d'une erreur d’inter- 
prétation. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 163 


Dans le but de vérifier cette hypothèse nous avons alors 
effectué comparativement une série de numérations, soit des 
mitoses de maturation pendant les deux divisions de réduction, 
soit sur des mitoses somatiques dans des gastrulas obtenues aux 
dépens d'œufs normalement fécondés. 

Nos résultats sont consignés dans Les {rois tableaux éi-joints. 


[. — Prophases, métaphases et anaphases de division (nombre haploïide) 
nl Gi | a " dr) Sn 
Nombre Se 3 7 GE + 5 
ces = 5 = 12 & 2: 14 5 ra 
segments = = 21 [es us Le 2 | 
Fréquence. : il 1 2 9 2 2? 3 Il { 
I — HMétaphases de seconde émission polaire (nombre haploïde) 


Nombre 10 11 11 12 à 13 14 15 | 
AHÉqUENCO NAN 2. 3 2 6 2 1 
IT. — Wifoses somatiques d'embryon (1) 
Nombre | 19 à 21 22 24 à 26 26 26 à 30 | 50 à 36 34 
Fréquence. .: | l 1 I 1 l 2 il 


La variation existe donc ici indéniablement. 

La planche [ renferme dessinées quelques-unes des figures 
dénombrées ici. 

Lévy etSwineze ont indiqué chez là grenouille un dimorphisme 
sexuel chromosomien, le mâle avant 25 chromosomes, la 
femelle 26. R. Gozpscamir ne l’a pas retrouvé. Il ne nous sem- 


ble pas non plus exister. 


(1) Ce dernier tablean n’a pas été destiné à renseigner sur Ja fréquence de la 
variation, mais seulement sur sa grandeur absolue, nous avons choisi parmi les 
cinèses examinées celles nous paraissant indiquer les variations les plus consi- 
dérables. 


164 R. HOVASSE 


2. La variation du nombre et son mécanisme 
présumé. 


On a fait de nombreuses hypothèses pour expliquer les cas 
de variation constatés çà et là, toutes ayant pour but de sauve- 
garder la loi de constance, et du même coup de respecter 
l'hypothèse de lndividualité. Sans vouloir exposer toutes ces 
hypothèses que l’on trouvera examinées dans DeLra Vazce (1909) 
nous nous bornerons à envisager les plus importantes. 

Le plus souvent on a expliqué la variation par des ruptures 
ou des fusions de chromosomes, se produisant pendant les 
diverses phases de la mitose, ou bien par des irrégularités de 
fonctionnement de celle-ci, ou enfin comme le fait Wison 
par l'existence de chromosomes surnuméraires, ici présents, là 
absents. 

Fusions ou ruptures de chromosomes.— L'étude des éléments 
sénitaux des Insectes a montré que dans des cas bien partieu- 
liers, où les chromosomes se présentent avec des formes diffé- 
rentes et bien reconnaissables, il existerait de telles associa- 
tions ou scissions plus ou moins durables, les éléments ’con: 
sidérés pouvant par la suite se séparer ou se ressouder à nou- 
veau. RogerTsoN (1917) qui a étudié ces faits avec une attention 
particulière dans une partie du groupe des Orthoptères, y voit 
une des causes de la variabilité de ce groupe, en même temps 
qu'une possibilité d'explication de la Variation des Espèces. 

Hance R. (1918), tant chez Sus scrofa que chez une plante, 
OEnothera scintillans, Yun des mutants dérivés de l'OEnothera 
Lamarckiana, observe une certaine variabilité dans les cellules 
somatiques et en fournit la même explication, le « breacking 
up » de certains chromosomes : la variation à toujours lieu en 
plus du nombre normal et la somme des longueurs des chromo- 
somes resterait à peu près la même. La même explication est 
fournie par Marcyaz dans un récent travail sur le nombre des 
chromosomes (1920) où toutes Les données acquises sur lensem- 
ble du règne végétal sont passées en revue ("). 

Pour notre part, nous avons constaté (1919, travail de 1914) 


() Nous n'avons pas eu ce travail sous les veux et le citons d’après de ZLitar- 
dière (1921). 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 165 


des cas de fusion indéniable des chromosomes au moment de la 
maturation des éléments sexuels femelles de la Grenouille. 
L'ensemble des chromosomes se tasse sur la plage où apparait 
plus tard le premier fuseau de maturation, en un bloc d'aspect 
plus ou moins irrégulier où les composants sont parfaitement 
indistinets. Si la figure observée ne marque pas une sorte d'im- 
passe, et tout porte à croire le contraire, les chromosomes de 
la première figure de maturation doivent ensuite dériver de ce 
bloc. 

Est-il possible de trouver de ces faits une explication physico- 
chimique ? I nous faudrait tout d'abord décider si les chromo- 
somes sont homogènes ou possèdent une structure quelconque. 
Un nombre considérable de faits ont été signalés en faveur de 
cette dernière hypothèse, il sort du cadre de ce travail d’en dis- 
cuter la valeur. Nous nous bornerons à faire à ce point de vue 
quelques remarques. 

Presque toutes les observations faites à ce sujet proviennent 
de matériel fixé (!), c'est-à-dire où l’action des réactifs à très 
bien pu faire apparaitre une structure inexistante. 

Que l'on se remémore à ce propos les interminables diseus- 
sions auxquelles ont donné lieu les questions de structure du 
protoplasme tant que l'on s’est borné à l’étudier après fixation. 

IL semble que le plus souvent les chromosomes soient fotale- 
ment homogènes ; ceci est certainement vrai pour les éléments 
chromatiques des Batraciens. Les cas où on leur a décrit une 
structure sont extrèmement particuliers. Prenons à titre d’exem- 
ple un travail récent de Bozzes Lee (1920), où il est décrit chez 
les chromosomes du Triton une structure tout à fait compliquée. 
[l'est curieux de remarquer que cette structure n'est bien visible 
qu'à partir de l’anaphase ; d'autre part qu'elle ne se constate en 
toute perfection qu'après fixation par un liquide qui en raison 
de sa richesse en acide acétique est loin d'être parfait au point 
de vue cytologie fine, le Hiquide de Bouix. Ce qu'il faut retenir de 
la description, c'est l'existence de: vacuoles incolores plus ou 
moins nombreuses garnissant la masse du chromosone et des- 
sinant dans'sa substance chromatique des figures plus ou moins 


(‘) Le filament chromatique des noyaux des glandes salivaires du Chironome 
et quelques cas analogues exceptés. 


166 R. HOVASSE 


compliquées (Voir également à ce point de vue les excellentes 
figures données par Borzes Lez dans son mémoire de 1913). 

Il n'y a là rien qui ne s'observe dans la dissolution de toute 
substance colloïdale dans l’un de ses solvants. S'il s’agit de 
gélatine par exemple, se dissolvant dans l’eau chaude, on cons- 
tate qu'elle s’2mbibe, c'est-à-dire se gonfle par absorption du sol- 
vant, et que sa masse devient vacuolaire, chaque vacuole ren- 
fermant une solution de gélatine dans l’eau, le restant de la 
masse étant une solution d’eau dans la gélatine. Si la tempéra- 
ture augmente, les vacuoles grandissent et finalement la 
masse entière devient une solution d'apparence homogène. 

Or nous verrons plus bas (p. 204) que l'anaphase apparait 
comme une dissolution de la substance des chronosomes dans 
le suc nucléaire. 

Il nous semble donc que lanalogie est frappanté, et qu'elle 
nous permet de considérer la structure des chromosomes comme 
le plus souvent inexistante. Nous admettrons à la base de nos 
raisonnements théoriques la notion d'homogénéité des chromo- 
somes, au moins au début de la mitose, et dans le cas bien 
défini des Batraciens, que nous ‘avons étudié le plus particuliè- 
rement. 

S'il en est ainsi, la rupture des chromosomes est due, ou bien 
à des actions mécaniques et ne peut alors être considérée que 
comme un accident, ou bien à des actions physiques, dues, 
tantôt aux chromosomes, tantôt au milicu, et n'étant alors sensi- 
bles que pour certains chromosomes; ce qui plaiderait en faveur 
d’une différence de propriétés physico-chimiques entre ceux-ci 
et les autres éléments, hypothèse vraisemblable comme nous 
le verrons. La fusion des chromosomes exige de son côté soit 
une identité des propriétés physico-chimiques des conjoints, 
soit une affinité chimique entre eux, soit enfin des conditions 
physiques particulières. Ces dernières peuvent certainement 
se réaliser, dans un système où les variations sont si nom- 
breuses, autant externes qu'internes. 

Quoi qu'il en soit la variation ainsi comprise est inconcihable 
avec la thèse de Bover, à une conception particulière de 
laquelle elle conduit : / y aurait individualité non pas des élé- 
ments, mais de leur substance. On comprend ainsi que cette 
individualité puisse se conserver dans le noyau au repos. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 167 


DELLA VALLE rapporte à ce point de vue une expérience inté- 
ressante et fort suggestive. Il est possible de faire cristalliser 
plusieurs fois une solution, mélange de plusieurs variétés d’hé- 
moglobine, sans qu'il y ait par le mélange altération de l'une 
des substances : à chaque cristallisation on retrouve ces varié- 
tés avec leurs formes cristallines caractéristiques. 

Des faits tirés de l'étude cytologique des hybrides végétaux 
viennent appuyer également cette manière de voir. R. pe Lirar- 
DiÈRE (1921) en cite un particulièrement intéressant. Il s'agit 
d'une Fougère hybride, Polypodium Schneideri, chez laquelle, 
à chaque division cellulaire, on retrouve à la télophase des 
chromosomes de deux aspects différents, se rapprochant de 
ceux de l’un ou de l’autre parent (P. aureum et P. vulqare, 
forma cornubiense). Ils subissent là chacun une alvéolisation 
différente et asynchrone. 

La possibilité de l'existence de plusieurs variétés de chroma- 
tine dans le même noyau parait donc démontrée. Cependant, 
elle ne semble pas générale. 

IL semble assuré que, chez certains représentants de la 
classe des Insectes, surtout chez les formes où le nombre des 
segments chromatiques est peu élevé, on retrouve toujours un 
certain nombre d'éléments affectant les uns avec les autres des 
différences de taille et de forme, ce qu'il est impossible de 
séparer de l'hypothèse de différences physico-chimiques cor- 
respondantes. Comme exemple typique, il nous suffira de rap- 
peler les chromosomes de Drosophila ampelophila {cf. p. 149). 

Dans d'autrestypes, beaucoup plus nombreux, répandus dans 
la plupart des groupes zoologiques, il existe des éléments par- 
ticuliers qui se retrouvent dans toutes les divisions avec les 
mêmes caractères différentiels. Il faut bien reconnaitre qu'ils 
sont tout à fait à part, ainsi que l'indique le terme d'Hétéro- 
chromosomes qu'on leur applique souvent. Nous ne reviendrons 
pas ici sur leur étude, dont nous avons déjà dit quelques 
mots (p. 147). Nous nous bornons à citer à titre d'exemple, 
d'après KiæeiNerr (1909) une plaque équatoriale de spermato- 
gonie d'Helir hortensis (fig. V, A). Deux chromosomes se dis- 
tinguent nettement par leur taille tout à fait exceptionnelle, 
cinq ou six fois celle de tous les autres. Nous avons retrouvé 
nous-même ces deux chromosomes particuliers dans toutes les 


168 BR. HOVASSE 


divisions de l'animal que nous ayons examinées (plus d’une 
centaine) depuis le plus jeune âge jusqu'à l'adulte. Nous asso- 
cions à la figure de KceiNerr un de nos dessins représentant en 
vue latérale l'anaphase d’une mitose intestinale tirée d'un tout 
jeune Hélix (fig. IV, B). En raison de leur retard sur les autres 
éléments, les deux chromosomes spéciaux sont particulièrement 
nets. Les petits éléments sont de taille variable, oscillant 
autour d’une moyenne beaucoup plus petite. Il y a certame- 
ment là au moins deux sortes de chromatines distinets. 

Mais de tels cas ne sont pas extrêmement communs. Le plus 
souvent, et il semble bien que ce soit le cas de la Grenouille, 
il ne semble pas qu’il existe de ces chromosomes spéciaux. 

Nous figurons ie1 (PI TT, fig. 14), trois métaphases en vue 


Fig. IV. — En À mélaphase d'une spermalogonie d’Aelix hortensis, d'après 
KLeINeRT (vue polaire). Remarquer les deux gros chromosomes. 


En B anaphase dans une cellule de l'intestin chez un jeune le la même 
espèce. On retrouve les deux gros chromosomes X 2900. 


polaire, tirées d’un même embryon parthénogénétique, ayant le 
nombre réduit de chromosomes. Elles sont dessinées avecle plus 
grand soin au même grossissement. Les éléments chromatiques 
ont été ensuite isolés et ordonnés suivant leur taille, les dia- 
grammes ci-contre représentent Le résultat (fig. V). 

On voit immédiatement que les chromosomes forment ainsi 
une série à peu près continue, et qui dans son ensemble cons- 
titue une courbe à deux concavités successives orientées en sens 
inverse. C'est là une courbe typique de distribution ou de 
mérite selon le nom que lui donnent les statisticiens. Elle carac- 
térise la variation ffuctuante : Le plus grand nombre des élé- 
ments est voisin de la taille movenne, ceux qui s'en écartent 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 169 


le plus sont les moins nombreux, et d'autant moins que leur 
écart est plus considérable (1). C'est la raison pour laquelle il y 
a toujours ainsi un élément plus petit que tous les autres et 
un plus grand, fait qui a certainement souvent impressionné 
beaucoup de chercheurs et leur à fait établir des correspondan- 
ces inexistantes entre chromosomes de figures différentes. On 
remarquera que le nombre des chromosomes les plus grands ou 


les plus petits n'est pas le. même dans les trois figures et que 


Tale des hirosomel x 6000 


8 


6 


OU 72 076 01, 
Chromosmes. 


Fig V : 
ig. V. — Diagramme obtenu en ordonnant par leur taille les chromosomes . 
des divisions figurées en planche : fig. 14 1, IE, HE. 


[e] 4 6 
NE 4 Orane des 


dans le détail Les trois courbes ne se correspondent pas du tout. 
Enfin le fait de la continuité des courbes semble prouver 
l'identité de substance des divers chromosomes. S'il se produit 
une diminution du nombre par fusion, ou une augmentation par 
rupture, 1] nous est impossible de la considérer autrement que 


{*} On trouvera dans le travail de DEcLa VaLze (1912) un long développement 
sur le même sujet (p. 127 à 142), les courbes théoriques calculées y sont rappro- 
chées des courbes expérimentales, la concordance est remarquable. 


170 R. HOVASSE 


comme un simple accident. La constatation en sera du reste 
impossible ; la longueur totale des chromosomes, seul caractère 
qui pourrait à la rigueur être utilisé dans ce but (Hance) est . 
constamment variable, même dans deux divisions ayant le même 
nombre d'éléments. 

Quant aux chromosomes surnuméraires que E.-B. Wirson a 
signalé dans une seule espèce animale, Metapodius sp ?, il 
semble bien que l’on puisse les considérer chez cet Acantocé- 
phale, en raison de leur continuité à travers les lignées cellu- 
laires, comme représentant une variété particulière de chroma- 
tine. 

Enfin les irrégularités de fonctionnement des mitoses sont 
également des faits exceptionnels, qui n'ont pas d'autre carac- 
tère que celui d'accidents. 

En résumé, tous les arquments invoqués pour expliquer la 
variation, là où elle n'existe que rarement, ne valent que pour 
des cas particuliers, n'ont aucune valeur d'explication générale. 
Ils sont incapables de rendre compte du fait de la variation nor- 
male, physiologique, telle que Derca Vare l'a constatée chez 
la Salamandre, telle que nous la constatons nous-même chez la 
Grenouille. 

Au lieu de chercher à rattacher les faits de variation à une 
loi de constance reconnue imparfaite, au lieu de les considérer 
comme des exceptions, nous verrons qu'il faut faire l'inverse, et 
considérer la constance du nombre comme cas particulier d’une 
loi de variation. 


TROISIÈME PARTIE 


La régulation du nombre des chromosomes. 


CHAPITRE II 


LE NOMBRE DES CHROMOSOMES 
CHEZ LES INDIVIDUS PARTHÉNOGÉNÉTIQUES 


1. Parthénogénèse naturelle. 


Si comme l’a prétendu Boven, les segments chromatiques 
sont des individus bien définis, il est intéressant de les suivre 
dans l’évolution d'êtres provenant d’un œuf parthénogénéti- 
ques, c'est-à-dire développé aux dépens d’un seul pronucléus, 
ne possédant ainsi que le nombre réduit de segments chroma- 
tiques, et de voir comment ils se comportent dans ces condi- 
tions anormales. Si le nombre reste identique pendant le déve- 
loppement et jusqu’à l'adulte, il y aura là un bel argument en 
faveur de la thèse de Boven. De là vient tout l'intérêt qui s'est! 
attaché à ce problème en parthénogénèse, tant naturelle qu’ar- 
tificielle. 

Des difficultés techniques accompagnent la plupart des tra- 
vaux cytologiques entrepris en parthénogénèse naturelle : c’est 
en effet le groupe des Arthropodes où ce mode particulier de 
développement semble le plus répandu. L'enveloppe chiti- 
neuse des ovocytes d'une part, la petitesse des éléments chro- 
matiques, surtout chez les adultes, d'autre part, compliquent 
les recherches. Il ne faut donc pas s'étonner des opinions 
contradictoires qui ont été émises successivement sur la ques- 
tion. 

C’est chez les Hyménoptères que lon possède les résultats 


479 BR. HOVASSI 


les plus intéressants. On sait que chez l’Abeille, les œufs qui 
donnent naissance à des mâles se développent sans féconda- 
tion. PerrunkewiTsCa (1901) à d’abord annoncé que le nombre 
des chromosomes passe dans l'œuf directement de 8 à 16, par 
une véritable régulation. Mais le fait fut contesté, et Meves 
(1909) étudiant avec soin la spermatogénèse tout à fait particu- 
lière des faux bourdons, donna 16 comme nombre réduit. 
Cependant tous deux ont signalé çà et là dans les larves par- 
thénogénétiques des îlots de cellules avec 32 et parfois même 
le double de chromosomes. 

Presque simultanément en 1913 deux auteurs Nacarseim et 
ARMBRUSTER Ont repris la question, le premier chez l'abeille, le 
second chez une Osmi:. Tous deux arrivent aux mêmes résul- 
tats, leur interprétation seule différant quelque peu. 

Dans l'œuf vierge de l'abeille comme celui de l'Osmie, le 
pronucléus femelle renferme 8 chromosomes, puis, au début dela 
segmentation parthénogénétique qui doit donner naissance au 
mâle, selon l'hypothèse de DziErzox, ce nombre se double. L'ébau- 
che évolue avec 16 éléments. Mais le nombre ne reste tel que 
dans la région génitale. Les cellules somatiques se développent 
avec 32 ou même 64 chromosomes au bout d'un certain temps. 
Ceci est donc conforme aux données de PrrruNkewiTse. Les 
spermatides n'ont pas moins de 6 chromosomes, c’est-à-dire 
que, ainsi que l’a déerit Meves, il n’y à pas de réduction numé- 
rique au cours des divisions de maturation. Mais, pendant la 
transformation en spermatozoïdes, les 16 chromosomes se 
soudent deux à deux, et finalement il n'y a plus dans l'élément 
sexuel mûr que 8 chromosomes. Il en résulte pour les œufs 
fécondés, après l’amphimixie un noyau à 16 éléments. Par la 
suite il peut se présenter également des doublements et cer- 
taines cellules ont aussi jusqu’à 64 chromosomes (Cf. le schéma 
donné p. 321). NacursnEeIm interprète ces faits par l'existence de 
chromosomes complexes bi- ou tétravalents dans l'œuf et qui 
par la suite du développement deviendraient univalents ARu- 
BRUSTER admet par contre une auloréqulation par multiplication 
spontanée des éléments chromatiques. 

Quoiqu'il en soit, le nombre des segments ne reste pas ce 
qu'il était dans le pronucléus femelle avant le développement, 
et augmente sans l'intervention d'un spermatozoïde. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 173 


Le cas des Hyménoptères ne paraît pas isolé, il semble en 
être ainsi dans un groupe de Vertébrés, chez les Oiseaux. 

On sait depuis longtemps que les œufs non fécondés de ces 
animaux présentent fréquemment un début de segmentation 
pendant leur trajet dans les voies génitales. Lécaizon (1910) à 
étudié cette parthénogénèse rudimentaire chez l'œuf de Poule. 
Il à constaté que la segmentation au moins dans les stades 
avancés se ferait avec Le nombre somatique de chromosomes. 
Le fait nest pas incontestable et nous + reviendrons, Par 
contre le nombre ne se conserve tel, que dans un petit nombre 
de mitoses normales. Presque toujours il apparait des mitoses 
pluripolaires et LÉcAILLON y reconnait jusqu'à 100 chromoso- 
mes. Là tout du moins il y à une augmentation du nombre 
incontestable. 


2. Parthénogénèse expérimentale. 


Ici, plus encore qu'en parthénogenèse naturelle Les résultats 
ont été longtemps contradictoires. 

Chez l'Oursin DeLace, à la suite de ses expériences de Méro- 
gonie puis de parthénogénèse (1901) signale une autorégula- 
tion du nombre, se produisant de très bonne heure au cours 
du développement, puisqu'elle s'observe dès le stade à 4 blas- 
tomères. Sa technique très simple, étude d'œufs ou de larves 
colorées et montées #n foto dans le baume, ou la glycérine, lui 
permet de vérifier ce fait sur un nombre considérable d'œufs. 
Il compte de 16 à 19 éléments au lieu de 9 qui serait le nombre 
réduit de l’espèce considérée « chez des dizaines d'œufs sur la 
plaque équatoriale vue de face, sur des centaines sur la plaque 
vue de profil ». Le fait semble done indéniable. On ne peut 
regretter que deux choses, c'est que DELAGE n'ait pas insisté sur 
le nombre trouvé dans les mêmes conditions sur les œufs 
fécondés, et que d'autre part il n'ait pas indiqué s'il constatait 
la régulation sur tous les œufs qui lui passaient sous les yeux. 

A l'époque où ses résultats furent publiés, les biologistes 
étaient presque tous partisans des idées de Bover. Un désac- 
cord aussi complet avec la Loi présumée de l’Individualité fut 
violemment attaquée par tous ses partisans. On admit que 


12 


174 R. HOVASSE 


Decace s'était trompé, et avait confondu le nombre réduit et le 
nombre double. Bien qu'appartenant à la même espèce, les 
oursins qu'étudiait Bovert ont en effet non pas 9 mais F8 chro- 
mosomes au nombre réduit. 

Ce n'est que plusieurs années plus tard que Driesca (1908) 
reprend la même étude, non plus en cherchant à compter les 
chromosomes, mais en mesurant simplement les diamètres 
nucléaires de ses larves parthénogénétiques, et en les compa- 
rant avec ceux de larves fécondées. Sur 110 gastrulas obte- 
nues, 1l observe : 


56 larves à noyaux de taille normale. 
A6  » » » petite. 
PES » » : <udoubie; 


Etant donnée la relation nucléoplasmatique, ?{ faut admettre 
que la régulation est un fait chez l'oursin, quelque soit le nom- 
bre n, la parthénogénèse fournit des larves à n, 2n et 4n. Il 
semble donc bien que l'opinion de Derace ait été exacte (°). 

Depuis lors, malgré des travaux cytologiques importants effec- 
tués, sur le même matériel par Boveri, puis tout récemment 
par Hercanr, Vera Dancuakorr, ayant trait aux premiers stades 
de la segmentation, on n’est pas parvenu à constater directe- 
ment le phénomène. 

Cas de la Grenouille. — Baranron (1902) nous fournit les 
premières données concernant le nombre. Elles ont trait à des 
embryons obtenus par les solutions salines. « Le nombre parait 
plus près de 12 que de 24 ». Mais le matériel est défectueux, 
les cinèses normales étant l’exception. 

À. Deuorxe (1910) trouve le nombre réduit chez des têtards 
obtenus par piqüres et fixés au bout de 2 et 6 jours. L'année 
suivante une larve plus âgée lui confirme cette donnée. 

BaraizLoN (1911) arrive aux mêmes résultats : « Au moins 
jusqu'aux ébauches de 17 heures, il n'y a pas régulation du 
nombre ». 

Ce sont Hexxecuy et Bracaer qui les premiers (1911) donnent 


(1) Le travail de Drigsca semble être passé totalement inaperçu, malgré toute son 
importance. Il n’est pas cité par Deace, dont cependant il confirme les travaux. 
I n'est cité par aucun auteur, pas même par PauLa HeRrrwiG dans sa revue criti- 
que de la parthénogenèse (Haploide und Diploide Parthenogenese. Biolog. 
Zentralbl. T. XL 1920). 


ÉTUDE DÉS CHROMOSOMÉES 175 


l'affirmation du contraire. Les résultats du premier sont pré- 
sentés sur une petite note peu explicite (Année biologique, 
1911, p. 66). Y. Derace et M. Gocpscamira (1912) (!) rapportent 
‘galement une communication verbale d'HexxeeuY disant que 
rien ne distingue, au point de vue des chromosomes les têtards 
normaux des parthénogénétiques. Bracaer étudiant un têtard 
de 18 jours « arrive à douter que le nombre soit le même dans 
toutes les cellules, mais est certain que dans de nombreux eas 
il est de beaucoup supérieur à 20 ». 

J. Los, qui réussit à amener à l'âge adulte des têtards 
obtenus par piqûre cherche à trancher Ia question et confie 


Fig VE. — Cellule de l’épiderme caudal d'un embryon parthénogénétique en 
division : 23 chromosomes. Dans le cytoplasme les filaments d'Eperru 
(chondriosomes ou tonofibrilles). 


l'étude cytologique de son matériel à R. Gocpscamibr. Celui-ci 
conclue à la régulation, avec certaines réserves tout d’abord 
(in Los, 1918). Un travail définitif (1920) affirme nettement la 
régulation, au moins pour les grenouilles du sexe mâle. Il 
n'arrive pas à dénombrer les chromosomes des femelles. 

Dans les spermatogonies, les nombres observés oscillent 
autour de 24. Une seule plaque équatoriale lui permet une 
numération certaine : il y compte 26 segments. La moitié de 
ce nombre se retrouve dans les spermatocytes, sous forme des 
dyades de la première division de réduction, dyades dont il à 
observé la formation par conjugaison longitudinale des seg- 


(t) Y. DeLace et M. GozpswirH. La parthénogenèse naturelle et expérimentale, 
Paris, 1913. 


176 R. HOVASSE 


ments. Rapprochant ces faits positifs de résultats négatifs enre- 
gistrés par Denonxe et Baraizzox, il se demande si la régulation 
n'est pas condition sine qua non de la survie des têtards. 
Recherches personnelles. — Indépendamment de R. Gozp- 
scHmuoT, dont, en raison des difficultés dues à la guerre, nous 
n'avons connu le travail définitif qu'en juin 1921, nous avons 
abordé le problème par une première étude d'embryons et de 
larves âgées, en laissant de côté les premiers stades de là 
segmentation. Notre élevage de 1920 ne nous à permis d’étu- 
dier que 11 embryons et têtards d'âges variés compris entre 
4 et 50 jours. 

Les deux premiers étudiés sont venus confirmer les données 


Fig. VIL — Vue polaire d’une métaphase tirée de l’épiderme d’un embryon 
parth. Tous les chromosomes présentent la division longitudinale. 


de Hexnecuy, BracHer et GoLpscamipr. Il s'agit de têtards de 50 
et de 14 jours, tous deux d'apparence normale. Ils ont tous 
deux le nombre diploïde de segments, compris entre 22 et 27 
(8 numérations approximatives, 4 certaines) (Fig. VI). La taille 
des noyaux dans les divers tissus y est la même que dans les 
têtards normalement fécondés. Le plus âgé présente des ébau- 
ches génitales avec des ovules primordiaux parfaitement nor- 
males, comme taille et comme aspect. Restaient 9 têtards tous 
anormaux. Les deux plus jeunes, âgés de 4 jours et aussi les 
plus anormaux, sont segmentés incomplètement, c'est-à-dire, 
proviennent sans doute d'un œuf segmenté en trois lors du 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 177 


premier clivage. Ils ont aussi le nombre double, mais avec des 
écarts considérables. Nos numérations les plus certaines, au 
nombre de 7, donnent des chiffres compris entre 15 et 28 élé- 
ments (Fig. VID. La taille des noyaux au repos oscille dans de 
larges limites : de 5 à 16 y dans une même région embryo- 
naire (plaques latérales). Quelques divisions sont irréguliè- 
res, enfin les dégénérescences nucléaires sont abondantes. Ces 
deux cas d'apparence pathologiques, nous ont semblé, à pre- 
mière approximation, indiquer des troubles résultant d’une 
régulation défectueuse. 

Les sept derniers têtards ont tous le nombre haploïde, avec 
de 8 à 13 éléments chromatiques (19 numérations presque 
toutes certaines) (Fig. VII). 

Pendant la saison 1921, nous avons opéré sur des bases plus 
vastes, et en fin de compte sommes arrivés à des résultats plus 
importants. 80.000 œufs ont été piqués environ. Plus d’un mil- 


Fig. VIT. — Métaphase épidermique d'un embryon non régularisé, âgé de 
6 jours. 


lier fixés et étudiés à tous les stades du développement. Un sep- 
tième seulement de ces ébauches à pu être utilisé pour une 
étude du nombre. Le déchet considérable est dû à de nom- 
breuses causes, soit que dans certains œufs la segmentation 
ait été arrêtée de bonne heure, tout de suite après les premiers 
sillons, où beaucoup plus tard et que l’on ait seulement sous 
les yeux des embryons morts, inutilisables pour une étude pré- 
cise, soit qu'il n'y ait que des sillons superticiels, et que la 
segmentation ait été entièrement irrégulière, soit enfin que les 
mitoses ne nous aient permis que des numérations par trop 
approximatives. 


178 R. HOVASSE 


Cent quarante embryons et larves ont pu servir, uniquement 
pour la numération. Sur toutes ces ébauches, 65 sont restées 
en possession du stock haploïde, 75 ont reconstitué le nombre 
2n et sur ces derniers, 14 présentent des nombres aberrants. 

Nous donnons dans le tableau ci-contre, le détail de tous les 
embryons et larves étudiés (). 

Ainsi done se trouve expliquée la contradiction inhérente 
aux affirmations des auteurs. Comme nous l'avons fait remar- 
quer déjà (1920), on comprend que dans la controverse Boveni- 
DeLace chacun des deux auteurs ait pu également avoir raison. 
[ls n’ont eu que le tort de généraliser immédiatement la portée 
de leurs résultats, et de considérer leurs opinions comme 
inconciliables à priorr. 

Sans le secours d'aucun spermatozoïde, le nombre de chromo- 
somes des ébauches parthénogénétiques, qu’elles soient d'abeille, 
d'oursin ou de grenouille, peut parfaitement être le méme que 
celui des individus normalement fécondés. Il y a autoréqulation, 
mais, chez la grenouille et l’oursin, elle n'est pas du tout obli- 
gatoire : tantôt elle s'effectue bien, tantôt elle se fait mal, enfin 
elle peut ne pas se faire du tout. 


(5) Nous avons fait figurer sur ce tableau quelques embryons où nous avons 
seulement pu effectuer des mesures nucléaires. [ls ne sont pas compris dans les 
chiffres donnés dans le texte. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 471 


Numération des chromosomes chez les embryons et larves parthénogénétiques 


a 
Te Nombres 
Nature | Age des Nos Nes 0 
: ; - 2N | 
de la ébau- de des de chromosomes! N | on! 7 ] Dar ut 
iqaüre ches sétie œufs observés ou et de N 
prq ï re tailles nucléaires 


Saison 1920 


Sang 8 jours Il I 1218: 1 Gastrula irrégul. 
grenouille 2 12, 12042: il » 
» 10 jours Il | il | 8, 9, 12. 1 » 
k 2 AIR IDE | » 
» 8 jours! I ‘1 14, 15 à 17, 19, 1 » 
25, 30. 
À 2 DA19 09400087 | » 
» 12 jours IV 4 et 2 | Pas de numéra- 29 Branchies extern. 
al tion, taille 
ss moyenne 6 LL. 
» 15 jours V 1 LATE Elo 10129 » hydro- 
12. pique. 
» 18 jours! VI I 12400) frites Tétard normal. 
» 50 Jours] VIII { DOMOTRO SANTE 1 Tétard normal. 
29 ou 23,23 ou Pattes posté- 
24, 24 à 26, 25. rieures. Mem- 
Tailles nucl. : bre ant. à une 
Ga Ju. seule palette. 
Saison 1921 
Sang gr.| 12 h. 9 1 D DO UE 4 < NouN], Troubles nuel. 
» 9 h. 10 D TANT 1 fusion avec ma- 
tériel étranger. 
» » 4 ID: h Un bloc inoculé 
» » il > 120: 1 en division. 
» » 3 4 ou 25. 1 : 
» 14 h.30 15 4 12 ou 13. 1 Un crythrocyte 
» 19 h 11 1 (248 1 reconnaissable. 
» 9 106-125 il 
» 3 12,168 14 Division anapha. 
» 4 20, 20, 19. 1 sique. 
Pulpe 
cobaye | 20 h. 24 3 26? 23? 1 
Sang gr.| 18 h. 27 1 14, 16. 1 
» 2 >MS8;26" { 
» 4 > 20. ! 
S.tortue| 24 h. 29 (l 19/4 AE AIT? 4 
» 3 la MANS 2507 Net 2N 
» 4 MM 1 
S. gren.| #h.10]: 45 4 11. 1 Divisions irrégu- 
S. tortue! 93 h. 49 1 44. Il lières. 
» 2 9. 1 
» 4 10, 15. 1 
» » 49, 1 26, >> 24 1 
» 2 DoADSE 1 
» 3 MAPS; 1 Une figure à huit 
» 4 24. 1 pôles (matériel 
» 49, 1 ANS 1 | étranger). 
S. gr. 1h 52 2 DEMI TS M0) c 
29 à 28, 21 à 25. 1 
» 3 A0 155142) Al 


180 R. HOVASSE 


Numération des chromosomes chez les embryons et larves parthénogénétiques (Suite) 


Nature | Age des Nos Nos noce Z 9N 
de la ébau- de des N | 2N Observations 
Hat Tel den s chromosomes et deN 

piqüre | ches série œufs PARU 

a | | —————— | —————————— EE) A A — 

Saison 1921 
S. gr 4 13, 162 1 
» 592, 1 15 © 1 
» 4 j. 1/2 53 1 120: 1 
» 2 19,225: 1 
» 3 23? 1 
» 4 > 920,24, 26. 1 
Lymphe 
gr. 16 h, 60, 1 o. 1 
» 2 11 1 
» % 20, 20, 19 l 
Sort MAR 62 1 12, 12. 4 
» 62, 1 19, 43. 
» 2 26, 25 1 
» IINe 63 1 12, 8 1 CNE? 
» 1980 6% 1 12. il 
» 2 13 1 
» 64, 3 120184843400) 
Leuco- 
cytesgr.| 7 h. 50 65 2 > 24. 1 
Sang gr.| 24 h. 66 3 46, > 24,143, N et2N 
» 4 10, 12. 1 
» 66, il 10/19; 1 
» 2 DO MDD 1 
» 4 44, 45. 1 
» 66, 2 23 l 
» 3 115042 { 
Lymphe gr. | 21 h. 68 SAONE 
2 >1222b0 Net 2N 
» 3 >220130%7 1 
» 4 8,9,16,18, > 20. Net2N 
Leucoc. 
cobaye | 16h 69, l GMA: 1 
» 2 11,12, 13 coupl.| 1 Division long. 
» 3 20, 26, 28. 1 anaphasique. 
» 16 h 71 1 15 1167 1 
» AE 1 14 à 16 ? sl Fusion avec ma- 
Sang gr.| 49 h T5 1 13, 14. 1 tériel inoculé. 
» 2 22, 26. 1 
» 3 12/43 1 
» 4 417, 19, 28. 1 
» ANNE 15 1 27. 30,132, 33,36. >92N 
» 2 9,05 00,18 4040, < N 
6 ou 7. 
» 3 DAMES { 
» 18 h. 76, n 12, 13 1 
» 24 h. W I 12° l 
» 2 TOM 1 
» 3 16, 19. > N 
» 4 AM MIE G { 
Erythro- 
cytes gr.| 29 h 79 3 25, 
» 4 29, 26 1 
» 79, 1 8, 13. fl 
» 3 475191, 24 1 
» 4 11,1%. il 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 


181 


Numération des chromosomes chez les embryons et larves parthénogénétiques (Suite) 


Nature [Age des 


Nos 
de 
série 


Nos 
des 


œufs 


Nombres 


de chromosomes 


observés ou 


tailles nucléaires 


2N 


£ 2N 


et de N 


—————— | —————…—…—…— | me | | —— | À | ————— 


de la | ebau- 
piqûre | ehes 
Erythro- 
cytes gr. 
» 


Sang gr.| à jours 
Erythro- 


cytes gr.| 4 jours 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

Sang gr | 148 h 

» 

» 

» 

» 17h 

» 9 jours 
Leucoc. 

tortue | 20 h. 
Pulpe 
tétard G.| 6 jours 

» 

» 

» 

» 

» 

Sang gr.| 7 jours 
Erythro. 
Tortue | 20 h. 

» 

» 20 h. 
S. tortue| 7 jours 

» 

Sang gr | 7 jours 

» 

» 7 jours 
S. tortue » 

» » 
Sang gr | 46 b. 
S. torlue| 8 jours 

» 

» 

Sang gr.| 52 h. 

» 6 jours 

» 

» 6 jours 


101, 


104, 

103 

106 
106, et ; 


107 
114 


115 


115, 
116 
117 
118 
119 
119, 
120 
421 


199 


æ 19 


ET CO US 


= de bd 90 NO de 


1 et 


CES 


Le 
æ 
= 9 = + NO == 19 = He 19 19 


Saison 1921 


42 ou 15. 
12 ou 13, 
> 26. 


14. 

14,-14,°96: 
0307260 
Diamètres nucl. 


Id. 
Id. 
ldee> "257 
Id. 

13, 43. 

8, 9, 45 

15 

24. 

Don 

19 

ae 


HN ou 12/4 0Na 
43 

12, > 24, tailles 
nucléaires va- 
riables. 
Tailles nucléair. 


30, 40. 


425 

23, 24, 26. 
20,> 24,28, 30. 
14. 

12 2Sou1413: 
APM 


43, 

18 et > 20. 
D C4 

13 


Pet. et gr. noy. 


> 


Lèn be => fee 


= 


Net _>2N 
> 2N 


Net >N 


N el 2N 


Observations 


Mal conformé, 
» 
» 
Bien conformé. 
Mal conformé. 
Hémisegmenté, 
Id 


Aucun de viable 


Abondantes dé- 
générescences 
nucléaires. 
OEuf au cyanure 


Bien conformé. 


Non viable. 


Bien conforme, 


OEuf à KCy. 
I 


d. Divi- 
sions très irré- 
gulières. 

Id 


Non viables. 
) 


) 
Viable. 
Non viable.Corde 

énorime. 
Non viable. 


Viable ? 
Non viable. 
Non viable. 


» 
Non viable. 
» 


182 


R. HOVASSE 


Numération des chromosomes chez les embryons et larves parthénogénétiques (Suite) 


£ Nombres 
Nature |Age des| Nos Nes Ro Ë » 
de la ébau- de des De cube Nu 2N Fr Observations 
piqûre | ches série œufs tes nues 
| 
Saison 1921 
Sang gr. 2 et 3 | Petits noyaux. 2 
» 122, il 12, 14. 1 
Pulpe 
Rate 
Cobaye | 8 jours | 1923, 3 et # | Gros novau. F) Non viables. 
Sang gr.|15 h. 30| 124 2 De 80 à 100, > 4N |Morula ayant plus 
>W70P0> 100! de 100 cellules. 
» 8 jours | 125 4 et 2 | 10 ou 11, 11 ou| 2 
19° 
Sang 1 Viable. 
Tortue | 7 jours | 4127 à > 20, > 22: 
CT 7 jours | 129 1 11, > 20. Tailles N et 2N| Non viable. 
nucl. variées. 
Leuc. gr. 
8 jours | 138 l Gros noyaux. 1 Non viable. Dé- 
Lymphe générescences 
ren Ours: l 223. nombreuses. 
Erythro. 
gren. | 7 jours 136 1 MAO 
Lymphe 
gren. | 8 jours | 439 { Petits et gros : 
noyaux. N æt 2N|] Non viab'es::: 
Sang gr.| 8 jours | 141 il Gros noyaux. 1 » Ê 
» 13 jours| , 142 1 à 4 | 24, 26, 28, 38. 
Diam.  nucl 
variés, 4 » 
» 7 jours | 143 1 23? Grosnoyaux 1 » 
» 6 jours | 144 1 > 20 » 1 » 
» 9 jours 145 1 » 1 » 
Leuc.gr.|12 jours] 147 1 21 à 25 » { Viable 
Sang gr.|25 joure| 148 1 MN EAN pe 1 ? 
» [84 jours! 149 1 Taille nucléaire l Début de la mé- 
constante 6 à tamorphose. 
Ju N22 22. Queue début de 
régression. 
» 64 jours! 150 1 > 22 l Début des pattes 
antérieures. 
Total général ; 71 + T1 + 16 = 158 
Total des régularisés : 71 + 14 — 85 soit 53,7 0/0 
Total des non régularisès : 71 + 2 = 73 soit 46,3 0/0 


CHAPITRE IV 


LA RÉGULATION DU NOMBRE 
DES CHROMOSOMES 


1. Caractères de la régulation. 


Comme nous l'avons indiqué plus haut, la régulation du 
nombre constatée chez l'abeille mâle fournit des cellules ayant 
un nombre assez varié de chromosomes, puisqu'il y en a tantôt 
16 comme dans les glandes génitales, tantôt deux ou quatre 
fois autant. En est-il de même chez la grenouille ? 

Le nombre des cellules en division est toujours faible par 
rapport à celui des cellules au repos, la numération ne peut 
donc renseigner entièrement à cet égard. Néanmoins nous 
avons étudié un grand nombre de mitoses sur un même têtard. 
Dans les cas dits normaux de régulation, il ne nous est jamais 
arrivé de trouver une seule cellule où ne se constate pas 
approximativement le nombre 2 ». Du reste la méthode de 
mesure des diamètres nucléaires, ailleurs inférieure à celle des 
numérations nous permet ici de trancher la question. Dans un 
têtard bien régularisé, par exemple dans le premier têtard de 
50 jours que nous avons obtenu (Tétard, VIII, 1920. Pattes 
postérieures visibles, membres antérieurs formés d'une palette 
indivise), les variations du diamètre nucléaire sont comprises 
entre les mêmes limites que celles observées dans les mêmes 
tissus chez le témoin fécondé du même âge. La muqueuse 
intestinale nous fournit dans les deux cas des noyaux avant de 
6 à 9 microns. Dans les cellules du foie, les diamètres varient 
entre 6 et 8, 5 microns. 

Nous avons retrouvé sans aucune erceplion la même concor- 
dance dans tous Les tissus observés. 

La régulation du nombre est donc totale, elle se trouve réalisée 


184 R. HOVASSE 


dans toutes les cellules de l'individu, que rien au point de vue 
cytologique ne permet de distinguer d’un autre normalement 
fécondé. Elle n’est done pas entièrement comparable à celle 
observée chez l'abeille, où elle n’est pas totale. 


2. Epoque de la régulation. 


Etant donné ce caractère mème de généralité, on peut à 
priori penser que la régulation doit être précoce chez la Gre- 
nouille. En fait au bout de 7 heures d'évolution, à la tempéra- 
ture de 13°, une morula (65, œuf 2) ayant une vingtaine de 
blastomères nous donne le nombre diploïde, approximativement 
sur 4 métaphases, certainement sur deux anaphases, où nous 
comptons 29 à 98, 91 à 25, 97 à ? éléments (une couronne 
polaire n'a pu être dénombrée . La régulation y est donc Indé- 
niable et parait déjà totale. Nous ne l'avons pas constatée plus 
tôt, en raison des difficultés techniques que présente l’étude des 
divisions au cours des trois premiers clivages. Il est possible 
qu'elle soit parfois encore plus précoce. 

Cependant, si l’on compare le nombre des embryons non 
réqularisés au nombre total des embryons, successivement dans 
les stades jeunes, par exemple entre 7 et 24 heures d'évolution, 
puis, à des ages plus avancés, au-dessus de 4 jours et Jusqu'à 
8 jours, on obtient des chiffres totalement différents. 


tmbryons jeunes : Non régularisés Nombre total — 47/74, 
soit 63 0/0. 
a âgés et larves : Non régularisés/Nombre total — 


73 soit 36,9 0/0. 

ee nombre des réqularisés augmente donc avec l’äge des 
embryons. Reste à savoir à quoi est due l’augmentation. N'est- 
elle pas simplement sou par une plus grande mortalité des 
embryons non régularisés ? 

Mortalité des embryons parthénogénétiques. — Elle est tou- 
jours très élevée, incomparablement plus que celle des témoins 
fécondés. Ceux-ci, sans aucune précaution spéciale, quelle que 
soit la nourriture qu'on leur fournit, arrivent presque tous à la 
métamorphose, quiest le seul moment vraiment critique de leur 
élevage. Au contraire, la mortalité est toujours considérable 


ÉTUDE DES CHROMOSOMHS 1S5 


chez les embryons parthénogénétiques, qui meurent à tous les 
stades du développement, mais surtout avant la gastrulation. 
Ceux pour lesquels cette période critique arrive à se passer 
normalement, éelosent généralement presque tous, à moins 
qu'une cause extérieure ne viennent les altérer (infection myce- 
Bienne, par exemple). À l'éclosion, on distingue immédiate- 
ment.ceux qui vont survivre de ceux qui sont condamnés. Ceux- 
ci présentent en effet toutes sortes de malformations, sont 
hydropiques, ont l'appendice caudal réduit, en cuiller, présen- 
tent une courbure anormale de leur axe antéropostérieur, enfin 
présentent une atrophie de certaines régions. 

Les individus qui dans nos élevages ont vécu le plus long- 
temps, avaient le nombre diploïde (4 têtards ayant respective- 
ment 18, 50, 64 et 84 jours d'évolution). Malgré une apparence 
normale, leur taille était plus faible que celle des témoins, leur 
croissance d'abord normale au début s’est ralentie par la suite, 
au point que nous avons fixé les deux premiers craignant de 
les trouver morts et imutilisables. 

Les deux plus âgés ont commencé leur métamorphose. Au 
moment de sa fixation le premier avait déjà ses pattes posté- 
rieures bien développées. Il ne prenait plus de nourriture. 
À l'examen microscopique, nous avons constaté une répartition 
inusitée des réserves de graisses. Il n'y en a aucune trace 
dans le foie ; le pancréas en est au contraire bourré, et il sem- 
ble que l'on assiste à l'établissement de cette réserve, dans 
laquelle les parasomes, si caractéristiques de la cellule pan- 
créatique des Batraciens semblent jouer un rôle actif. 

Sommes-nous là en présence d'une anomalie, ou comme nous 
l'a suggéré M. le Professeur PReNanr, de l'expression d'une 
fonction larvaire particulière spéciale du pancréas, peut-être 
en relation avec la Métamorphose, nous n'avons pu le décider. Le 
dernier têtard seul est arrivé à sortir ses pattes antérieures, sans 
toutefois dépasser la métamorphose. L'exemple de Lors, la réus- 
site de son élevage, nous parait dûe à une espèce de Grenouille 
plus résistante que À. {em poraria pendant sa phase larvaire. Quoi- 
qu'il en soit, le fait que les numérations de R. Gozpscawior ont 
montré que les grenouilles de Lors avaient le nombre diploïde, 
joint à cette constatation que nos têtards les moins anormaux 
avaient le même nombre, nous invite à penser qu'il n'y a pas 


186 BR. HOVASSE 


une simple coïncidence, et qu'il parait y avoir une relation 
entre la survie des têtards et leur nombre de chromosomes, 
sans préjuger du reste du sens de cette relation : il est en effet 
à priori aussi vraisemblable que le nombre normal de chromo- 
somes détermine un état optimum, ou bien que ce soit cet état 
optimum qui détermine l'existence du nombre diploïde. 

Mais, en admettant même ce fait comme démontré, rien ne 
nous prouve qu'il explique la mortalité des embryons. Exami- 
nons à ce point de vue les jeunes ébauches, en cherchant 
une relation entre leur état et la régulation. On trouve 
des embryons d’allure anormale, et qui cependant ont leur 
nombre Zn, et mversement, il en est qui ont l'apparence tout à 
fait normale, et dont le nombre est haploïde. Il semble plutôt 
que Ja mortalité dans les premiers stades soit tout à fait indépen- 
dante du nombre des chromosomes, et ne soit pas due à une 
insuffisance de chromatine, puisque le phénomène de régula- 
tion ne semble pas du tout y remédier, pas plus que l’abon- 
dance plus ou moins grande de matériel nucléaire introduite 
parle stylet/(: 

Des œufs fécondés normalement, qui ont été piqués immé- 
diatement avant le gonflement de leur gangue ont montré 
des troubles de segmentation et une mortalité beaucoup 
plus considérable que normalement, bien qu'inférieure à celle 
des embryons parthénogénétiques. On peut donc admettre que 
pour une grande part, la mortalité des embryons est due à la 
piqûre brutale de l'œuf et aux troubles qui en résultent, pro- 
voqués soit par des déplacements de substances, pendant ou 
après la piqüre (extra-ovats), soit par l'introduction du « maté- 
riel étranger » (") et des perturbations qu'il ne peut manquer d'en 
résulter. À l'examen microscopique, on constate facilement ces 
dernières : segmentations partielles provenant d'un premier cli- 
vage en trois, manque de noyaux actifs dans certains blastomè- 
res pourvus seulement d’asters accessoires, divisions anorma- 
les provoquées par le matériel étranger. Qu'on ajoute à ceci Les 
causes accessoires de mortalité dont la principale est linfec- 
tion de l’œuf, on pourra comprendre la mortalité des élevages, 


(!) Pour explication ; ef, p. 194. 


WTUDE DES CHROMOSOMES A5? 


problème très complexe et que la simple observation des faits 
ne permet pas de solutionner définitivement (*). 

Si cependant nous n'arrivons pas à ce résultat, nous consta- 
tons avec une netteté parfaite que, au moins jusqu'à l'âge de 
8 jours, la mortalité est sensiblement la mème chez les embryons 
à nombre haploïde et à, nombre diploïde. Nous ne pouvons donc 
expliquer ainsi la variation de notre pourcentage, et l’augmen- 
tation du nombre des embryons régularisés. 

Une seule hypothèse nous semble alors admissible, c'est que 
le phénomène de régulation se continue, au moins pendant le 
début de la segmentation, aux phases morula et blastula. 


(:) Il est en effet inséparable de celui des causes de la parthénogénèse par 
piqûre. On sait que deux: théories importantes ont tenté d’élucider ce problème, 
La plus récente est celle d'HerLanr, théorie que l’on peut qualifier de mécanaiste 
(1913). D'après elle, la segmentation de l'œuf parthénogénétique est due à la for- 
mation d’asters accessoires développés au contact du matériel inoculé (pour 
explication de ce terme, voir p. 19%) et qui permettent à la division du pronu- 
cleus femelie de s’accomplir régulièrement ou à peu près. De sa plus ou moins 
grande régularité dépendrail celle de la segmentation, et le développement plus 
ou moins parfait de l’ébauche. 

L'autre théorie est celle de Baraizzon (1912 et 1916), qui attribue le déclanche- 
ment de la segmentation à un phénomène de catalyse provoqué par le matériel 
inoculé, matériel dont la partie active serait purement nucléaire, d'où le nom de 
caryocatalyse donné à sa théorie. 

D'après la première thèse, on interprètera la mortalité des ébauches simple- 
ment par des imperfections des clivages initiaux, laissant de plus ou moins grands 
territoires anucléés ou pourvus de plusieurs noyaux. Nous avons donné une 
grosse importance aux facteurs mécaniques, auxquels nous attribuons la plupart 
des morts précoces. Mais ils n’expliquent certainement pas tout : la mortalité des 
tétards bien conformés, d'apparence normale, qui cependant ne dépassent pas la 
métamorphose. 

L'hypothèse de BaraiLLon, est plus prudente dans son imprécision. Il semble 
bien qu'à ces têtards normaux, en faisant abstraction de tout préconcept finaliste, 
il manque quelque chose Si le fait de leur régulation au point de vue nombre 
des chromosomes semble quelque peu opposé à l'hypothèse d’un déficit de la 
chromatine nucléaire et partant à celle de la caryocatalyse, il n’en reste pas moins 
à considérer l’idée d'une catalyse initiale et d’un facteur catalysant introduit, 
comme fort suggestive. À ce point de vue signalons l'intérêt présenté par un 
récent travail de M. PRenanrT (C. À. Soc. Biol., t. 85, 1921, p. 808). L'auteur 
constate la présence d'un oxydase dans le cytoplasme des spermatozoïdes de 
Prosobranches, alors que la même diastase fait totalement défaut chez les éléments 
femelles de ces Mollusques. C'est la première constatation rigoureuse venant 
appuyer l'idée déjà ancienne d’un apport de diastases par le spermatozoïde dans 
la fécondation normale. Etant donnée la richesse en diastases du cytoplasma 
des globules blancs, on peut se demander si le rôle des éléments inoculés par le 
stylet en parthénogénèse expérimentale ne consisterait pas en un apport de 
diastases, rôle catalytique qui se concilierait aisément avec l'hypothèse de 
BATAILLON. 

Selon l'abondance ou la qualité de ces catalÿseurs on comprendrait la mortalité 
plus cu moms grande daus tel ou tel cas, et en tout cas indépendante de la 
quantité de chromatine. 


1SS PR, HOVASSH 


Réqulations anormales. — L'étude des régulations anormales 
vient du reste confirmer cette hypothèse. Un premier groupe 
d'ébauches, présente en effet une régulation qui est certaine - 
ment tardive, en raison de son manque de généralité. 


Fig, IX. — A, portion de la région inférieure de la corde dorsale. Les noyaux 
de droite sont plus de deux fois aussi gros que ceux de gauche. B et C, 
noyaux de la région vitelline. Une portion de cette même région où la 
laille des noyaux est inconstante X 300. 


Etudions comme exemple un têtard de 8 jours, d'aspect exté- 
rieur normal, chez lequel la majorité des cellules présente le 
nombre de chromosomes haploïde. L'épiderme est presque tout 


ig. X. — Embryon hypochromatique. Vue polaire d'une division. 
5 chromosomes divisés longitudinalement x 1000. 


entier constitué par des cellules ayant n chromosomes: L’axe 
nerveux, au niveau du cerveau présente sur sa moitié droite 
une zone importante avec de gros noyaux, ayant 2n chromoso- 


ÉTUDE DÉS CHROMOSOMÉS 184 


mes (fig. IX, A). Dans la masse de cellules vitellines de la 
région intestinale, du côté gauche cette fois, on trouve de même 
un ilot à noyaux diploïdes (id. B) entouré de toutes parts par 
des noyaux haploïdes (id. C). On retrouve les mêmes ilots çà 
et là, dans diverses régions ; on les reconnait facilement, même 
au faible grossissement, par suite de la densité des noyaux, plus 
forte là où se trouve le stock haploïde. Dans une région de cel- 
lules vitellines nous avons trouvé mème une zône où, malgré 
l'apparence normale des mitoses, les diamètres nucléaires 


Fig. XI — Embryon hyperchromalique. Deux dessins successifs d'une 
métaphase en vue oblique. Approximativement 80 chromosomes. 


oscillent d'une taille à Fautre avec tous les intermédiaires 
(fig. IX, D). 

Deux autres sortes d'anomalies, observées plus exceptionnel- 
lement que les précédentes, ont trait à des nombres soit plus 
petits, soit plus élevés que les nombres n où 2n. 

Deux blastulas de 16 et 19 heures nous montrent un exemple 
du premier cas. L’une est particulièrement nette à cet égard : 
la majeure partie de ses cellules présente un nombre très faible 
de chromosomes, variant de 3 jusqu'à 9 (fig. X). Le reste de 
Pébauche, incomplètement segmenté parait avoir le nombre n. 
Dans la région normale le nombre des cellules est beaucoup 


15 


190 R. HOVASSHE 


plus élevé qu'ailleurs. La longueur des fuseaux est plus faible 
que celle des fuseaux haploïdes. 

L'exemple d'embryons à nombre plus grand que 2n nous 
est offert par une autre blastula du même âge (15 h. 30 d’évo- 
lution) qui présente des noyaux en division dans lesquels le 
nombre des éléments chromatiques s'élève à 8 ou 9 fois le 
nombre n. Sur la métaphase représentée ici seulement par 
2 coupes (fig. XI) on compte de 80 à 100 segments. La taille 
et l’aspect de ceux-ci est normale, il n’y à parmi eux aucun 
bloc chromatique informe pouvant nous faire penser qu'il y à 
mélange avec de la chromatine introduite par le stylet. La 
dimension des fuseaux est élevée, mais sa longueur ne paraît 
pas directement proportionnelle au nombre des chromosomes. 
Le nombre des blastomères est à peine inférieur à celui des 
autres ébauches du même âge. | 

L'existence de ces ébauches anormales est particulièrement 
intéressante au point de vue de la Biologie (Générale : elle 
marque l'identité probable du mécanisine régulateur dans les 
différents groupes, puisque, au moins pour ce qui concerne les 
ébauches à nombre de chromosomes plus grand que normal, 
la même anomalie se présente chez les Oursins (cf. p.174), chez 


les Hyménoptères (p. 172) et chez lé Oiseaux (p. 173). 


CHAPITRE V 


LE MÉCANISME RÉGULATEUR (1 PARTIE) 


1. Historique. Cas de l’oursin. Cas de la grenouille 


E.-B. Wirsox, à qui nous devons les premières recherches 
cytologiques importantes sur les œufs parthénogénétiques de 
l'Oursin (1901), à signalé l'existence chez certains œufs d’un 
stade dit #270naster, caractérisé par un centre d'irradiation très 
important, qui ne se divise pas et autour duquel, régulièrement 
et cycliquement, à quatre ou cinq reprises, les chromosomes se 
segmentent, finissant ainsi par atteindre un nombre considérable. 
Bovert (1905) revoit les monasters et Les prend pour base d’une 
explication du doublement des chromosomes dans certains cas 
qu’il considère du reste comme exceptionnels. Herzanr (1914) et 
Bracner (1916) ont repris plus récemment la même idée, et 
expliquent ainsi la possibilité d'une régulation. 

Imagimons en effet qu’un traitement parthénogénétique con- 
venable soit appliqué à l'œuf avant que le monaster n'ait fonc- 
tionné : la segmentation donnera naissance à un embryon 
ayant le nombre réduit. Si l’on retarde le moment d'action 
du même traitement, on pourra déclancher la segmentation 
après seulement que le jeu du monaster aura doublé le nombre, 
ou même quil laura quadruplé. On obtiendra ainsi des 
embryons ayant le nombre normal ou même un nombre dou- 
ble de celui-ci, c'est-à-dire ce qui se constate en réalité. 

Drissca (1904) à accepté cette hypothèse, telle que la donnait 
déjà Boveri, mais en doutant qu'elle parvienne à expliquer 
toujours la régulation. Pour lui en effet, et cet avis parait aussi 
celui de Wirson, le monaster est un état pathologique. Il se 
demande comment expliquer par lui le nombre assez considé- 
rable des larves régularisées et leur caractère sain. 

Il nous semble également possible de faire à cette hypothèse 


{09 R. HOVASSE 


de la régulation par lintermédiaire des monasters, plusieurs 
reproches. 

Cytologiquement on a toujours constaté que ce stade marque 
une impasse, que les œufs à monasters n'évoluent pas plus loin. 
C'est tout du moins ce qu'il ressort du travail de Wirsow, de 
celui de Boveri, de ceux plus récents de Vera Daxcaakorr (1916) 
et de HEerzanr (1919), c'est-à-dire de tous ceux qui ont étudié 
la question. L'hypothèse nous semble donc tout d'abord quel- 
que peu gratuite. 

D'autre part, à l'aide des méthodes de parthénogénèse 
employées chez l’oursin, toutes #éthcdes à deux temps (Méthode 
de Lors, de Decae), il ne s'écoule jamais entre ceux-ci un inter- 
valle suffisant pour que un ou plusieurs cycles monastériens 
puissent s’accomplir. On n'arrive pas non plus à comprendre, 
étant donnée la régularité que l’on connaît aux cycles astériens, 
que l'on puisse avoir dans le même élevage, autre chose qu'une 
seule variété d'embryons, soit à #, soit à ?n, soit à un plus 
grand nombre de segments. L'expérience de Daiesca (p. 174) 
donne, nous le savons, des résultats tout autres puisque côte à 
côte, on obtient des embryons à #, 2n, {n, et intermédiaires. 

L'hypothèse de Bovert ne nous semble donc pas suffisante 
chez l’oursin. | 

Chez la grenouille, BarTaiLzon à retrouvé les monasters, 
HerLanr les a étudiés, et a décrit là les mêmes phénomènes que 
chez l'oursin : des cycles astériens réguliers par l'intermédiaire 
desquels le nombre s'élève régulièrement. Peut-on les invo- 
quer pour expliquer la régulation ? | 

D'après HErLanT le cycle monastérien se décrit avec la même 
vitesse que celui d'une mitose normale. À notre température 
d'expérience (voisine de 13°) la première division n'a lieu qu'au 
bout de 4 heures, la deuxième au bout de 5 à 6 heures. Géné- 
ralement au bout de 7 heures, les noyaux sont en division et 
vont donner 8 blastomères. Suivons la marche des phénomènes 
quand il se forme un monaster. À heures après l'activation, 1l 
est au repos avec Le nombre 2n de chromosomes. Que pour 
une raison qu'il faudrait du reste préciser, le monaster fasse 
place à un diaster, et on aura au bout de 6 heures, de 5 heures 
même en prenant le chiffre le plus bas, et après seulement, 
2 blastomères avant 2n chromosomes. À 7 heures, nous 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 193 


n’aurons pas plus de 4 blastomères qui ne commenceront pas 
encore à se diviser, En d'autres termes il doit exister, dans l'hy- 
pothèse du monaster, un retard initial, facile à percevoir, en 
raison de sa durée, qui doit être d'au moins deux heures. En 
fait, tous les retards que l’on observe ne dépassent pas une 
demi-heure. D'autre part nous savons que l'examen des coupes 
révèle au bout de 7 heures une morula aussi avancée que dans 
le cas normal, bien que ses noyaux soient régularisés. Nous 
nous sommes bornés ici au cas normal le plus favorable à l'hy- 
pothèse de Bovert, si nous faisons le mème raisonnement pour 
cet œuf étudié plus haut ayant une centaine de chromosomes, 
ilne devrait pas au bout de 15 h. 30 avoir plus de 16 blasto- 
mères alors qu'il en à au moins cinq fois autant. 

Du reste, contre-partie de l'argument précédent, il existe 
dans nos élevages des œufs chez lesquels la segmentation s'est 
faite manifestement en retard sur celle des autres œufs, ce qui 
se reconnait facilement, à la taille des éléments, en retard d'un 
clivage. Chez ces œufs il nous est arrivé de trouver parfois le 
nombre diploïde, mais tout aussi bien le nombre réduit. 

Par l'étude des croisements hétérogènes réalisés avec des 
spermatozoïdes irradiés, et qui constituent parfois un véritable 
procédé de parthénogénèse, G. Henrwié (1918) arrive, bien que 
moins explicitement, à une conelusion analogue ("). [obtient 
aussi deux sortes de larves ayant le nombre n et le nombre 2n 
(établis par des mesures nucléaires). Dans une expérience où il 
est certain dene pas avoir d’amphimixie, utilisant des spermato- 
zoïdes irradiés pendant 4 h. 30 au mésothorium, 1l ne reconnait 
pas de retard au début du développement des régularisés, et 
repousse également l'hypothèse des monasters. 

L'hypothèse de Boveu-Herzanr ne nous semble done pas devoir 
étre maintenue, tout du moins sous une forme aussi absolue. 
Qu'il arrive à la suite d’une einèse avortée un doublement du 
nombre dans une cellule, cela nous parait très vraisemblable, 

{!) Dans certaines expériences G. HenrwiG reconnait l'existence d'un retard 
initial, et constate que les œufs qui le présentent régularisent leur nombre de 
chromosomes. Rien ne lui prouve qu'il n’a pas eu là amphimixie : il opère 
en effet avec des spermatozoïdes peu altérès. Seule l'expérience que nous 
donnons dans le texte lui semble certaine à ce point de vue. Cependant PauLa 
HerrwiG dans la revue “itée plus haut (p.174, note 1) et que nous ne connaissons 


que depuis peu, dépassant les conclusions de son frère, ne tient pas compte de 
ses restrictions, et insiste beaucoup plus que lui sur l'hypothèse du monaster. 


194 R. HOVASSE 


mais l'explication n’est pas générale et ne s'applique que dans 
des cas particuliers et sans doute aussi exceptionnels. 

Dans le travail de Lécaizrox, cité plus haut, et où l’auteur 
admet tout d'abord que la segmentation s'effectue avec le nom- 
bre diploïde, il semble au premier abord qu'il y ait régulation 
indéniable. En réalité, comme nous l'avons indiqué, le premier 
fait est discutable. Lécaizzox l'interpète en supposant une 
absence de réduction numérique pendant la maturation des 
œufs vierges, hypothèse qui semble contredite par la consta- 
tation suivante. 

SONNENBRODT (1908) qui étudie avec soin la maturation de la 
poule donne comme nombre réduit 11 ou 12, c'est-à-dire jus- 
tement le nombre que LécaizLoN considère comme diploïde. 
Comme d'autre part ce dernier auteur ne nous parle pas 
d'étude de témoins fécondés, le fait reste à vérifier. Par contre 
le second fait, indéniable celui-là, d'une augmentation du nom- 
bre jusqu'à des chiffres voisins de 100 est intéressant à consi- 
dérer. L'auteur indique que l'augmentation est en rapport avec 
l'existence de figures pluripolaires, sans parler explicitement 
d'une relation de cause à effet entre la cinèse déréglée et le 
nombre élevé de segments. Remarquons simplement qu'une 
mitose pluripolaire ne peut causer une augmentation du nom- 
bre dans une cellule fille, qu'au détriment d'une autre cellule. 
On devrait donc trouver, à côté des blastomères ayant le nom- 
bre augmenté, d'autres l'ayant diminué. LécaizLon ne semble 
pas l'avoir recherché. Nous ne reviendrons pas sur ce méca- 
nisme, qui n'est non plus pas une impossibilité, mais ne doit 
fonctionner que dans des cas exceptionnels et pathologiques. 
Pas plus que le précédent il ne saurait expliquer la régulation 
totale et physiologique des œufs de Grenouille. 


2. Le matériel étranger (!) 


Avant d'aborder le mécanisme de la régulation du nombre, 
il convient d'envisager deux causes que l'on peut invoquer 
pour expliquer le phénomène de la Régulation. 


{‘) Nous employons ce terme vague de préférence à tout autre parce qu'il ne 
préjuge en rien de la nature active, cytoplasmique ou nucléaire, de ce que le sty- 
let de platine introduit dans l'œuf. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 195 


On sait qu'en parthénogénèse naturelle il arrive que le 
second globule polaire ne soit pas émis par l’œuf, mais se 
refusionne avec le noyau femelle, selon l'exemple classique de 
l’Artemia étudiée par Brater (1899), phénomène que plus 
récemment Bücaxer (1911) a constaté chez l'étoile de mer, en 
parthénogénèse expérimentale cette fois. G. Herrwie (1918) 
invoque cet exemple pour comprendre la régulation dans les 
expériences relatées plus haut. 

BATAILLON a répondu lui-même à cette question et recherché 
le second globule polaire sur ses coupes. Il l'y a toujours 
retrouvé. Nous l’avons pour notre part constaté à deux repri- 
ses; c'est un travail difficile et c'est ce qui explique ce petit 
nombre. Mais, il est un autre argument plus important que 
nous pouvons faire valoir : c'est la variation du pourcentage 
des œufs régularisés au cours du développement qui exclut 
l'idée de l'autofécondation initiale. On sait d'autre part que 
chez l’oursin, les deux globules polaires sont émis avant que 
soit appliqué le traitement parthénogénétique. 

BaTaiLLoN a montré que la piqüre de l'œuf occasionnée par le 
stylet de platine n'agissait pas comme simple traumatisme phy- 
sique, mais introduisait dans l’œuf un certain matériel étranger, 
sans lequel Le développement est totalement impossible. 

N'y aurait-il pas contribution directe de ce matériel au dou- 
blement du nombre par suite d’une fusion de ce matériel avec 
le pronucléus femelle, à condition que ce soit un produit d’ori- 
gine nucléaire. ? 

A priori on peut s'attendre à ce phénomène : les expériences 
de croisement hétérogène type Sphærechinus X< Chætopterus, 
montrent à Gopzewsky qu'il peut dans ce cas y avoir amphi- 
mixie avec augmentation du nombre, sans préjuger du reste 
de ce qui se passera par la suite. On sait d’autre part que 
l'augmentation du nombre à lieu chez l'oursin, les insectes ou 
la poule sans la moindre amphimixie; on peut donc s'attendre 
tout aussi bien à une non-contribution. 

Faisons tout d'abord connaissance avec le matériel étranger, 
sans nous inquiéter de son rôle en tant que déclancheur du 
développement. 

BarTaiLLox l'a présenté comme un noyau de leucocyte, et l’a 
pris pour base de son hypothèse de la caryocatalyse (1912). II 


196 R. HOVASSE 


lui est arrivé même de le retrouver presque intact à l’extrêémité 
de la trainée pigmentée qui marque l’emplacement de la piqûre 
(1919). Le plus souvent il s’agit d’un ou de plusieurs blocs chro- 
matiques sans forme bien reconnaissable, qui s'entourent d'un 
srand nombre d'asters accessoires. Il nous est arrivé de retrou- 
ver dans nos œufs des érythrocytes parfaitement reconnaissa- 
bles (fig. XID), dont le cytoplasma semble parfois en voie de 
dissolution dans l'œuf, le noyau étant en pyenose. Nous figu- 


Fig. XIL -- Matériel inoculé en voie de division ? En À un érythrocyte de 
grenouille au même grossissement, à titre de comparaison. Remarquer 
l'identité de taille existant entre cet élément et celui compris en B dans 
le matériel inoculé X 900. 


rons un de ces groupes où l'on reconnait très nettement au 
moins deux érythrocytes. À titre de comparaison nous avons 
dessiné un de ces éléments normaux en À, au même grossisse- 
ment. Nous avons également observé un noyau de leucocyte 
parfaitement reconnaissable à sa forme en bissac, et entouré 
d’une zone cytoplasmique acidophile où se retrouvent d'autres 
blocs en voie de dissolution (PI. T, fig. 11). 

Comme l'indique BarazLox, souvent le matériel étranger est, 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 197 


lors du premier clivage isolé du reste de l'ébauche par un sillon 
spécial (division en 3) (Fig. XHT). Néanmoins le reste de l'œuf 
évolue parfaitement et peut aboutir à une blastula partielle, 
accolée au blastomère isolé, qui est incapable de développe- 
ment. Il n'y a donc certainement pas d’amphimixie. On con- 
state que, au cours du clivage le matériel ne disparait pas : 
nous l'avons retrouvé au bout de 24 heures à peu près intact 
isolé sur un blastomère spécial. 

Nous ajouterons à la constatation de Baraizon que dans les 
blastulas partielles il peut y avoir ou non régulation. 

BaTaiLLon fait valoir un argument d'ordre physiologique cette 
fois : Les œufs de Bufo fécondés par du sperme de Rana tempo- 
raria ne se développent jamais plus loin que la blastula. Or 
dans ce cas 11 y à amphimixie. Comme 
au contraire les œufs piqués par du 
sang de grenouille sont capables de 
se développer parfois très longtemps, 
il lui parait que ce fait n’est possible 
que s’il n’y a pas eu amphimixie. 

Il y a cependant des exceptions in- 
téressantes. Tout d'abord, :il arrive 
que, sous l'influence des asters acces- 
soires dont il est toujours entouré, le Fig: XIE — OEuf parthéno- 

NF SEC sie NE génétique divisé en trois. 
matériel étranger se divise, tout à fait Romarauerl'extreéovatour 
irrégulièrement d'ailleurs. La divi- l'emplacement de la pi- 
sion ; simple séparation mécanique de dure X 18. 
sa masse, fournit deux ou plusieurs fragments qui peuvent 
même s'isoler sur des blastomères spéciaux. 

Parfois les divisions du bloc chromatique se produisent entre 
un nombre considérable de pôles. Il arrive, principalement 
quand l'évolution de l'œuf est déjà avancée (blastula ayant 
15 ou 16 heures d'évolution), que des chromosomes se répar- 
tissent sur ces fuseaux compliqués, associés à des blocs infor 
mes (Fig. XIV). Cette transformation est-elle susceptible de se 
continuer et de mener à des cellules normale, le fait parait 
bien improbable et nous pensons plutôt que la chromatine 
étrangère doit finir par être éliminée, comme Goprewsky le 
signale chez l'oursin dans les fécondations hétérogènes. 

Nous avons constaté sur une morula de 16 heures une figure 


198$ R. FOVASSE 


intéressante à ce point de vue (Fig. XV). Le retour polaire est 
achevé presque complètement mais contrairement à ce qui a 
lieu normalement, Les enclaves ne sont pas revenues sur l’équa- 
teur du fuseau, dont Les fibres achromatiques sont encore ren- 
flées en forme de tonnelet. Tandis que sur Ia moitié de la figure 
représentée à droite, les anses chromatiques ont l'aspect nor- 
mal, à l’exception d'une seule située dans la couronne supé- 


Fig. XIV. — Division irrégulière du matériel iñoculé. Remarquer la présence 
de blocs informes et de sortes de chromosomes La figure comporte 
encore 3 autres pôles dans un autre plan X 500. 


rieure et qui est beaucoup plus épaisse que les autres, la partie 
gauche du fuseau est occupée dans la région de l'équateur par 
une série de blocs chromatiques dont certains s’étirent plus ou 
moins vers les pôles. IL y a certainement là un reste de 
matériel étranger, peut-être éliminé par la cellule, mais dont 
cependant certains éléments semblent prendre part à la divi- 
sion au même titre que les segments normaux. Aucun des 
autres noyaux de l’ébauche ne semble présenter le même phé- 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 199 


nomène. Si donc, comme cela semble le plus normal, la figure 
dénote une amphimixie antérieure, celle-ci n'a pas eu lieu au 
début de la segmentation, mais plutôt tardivement, dans un 
seul blastomère. À moins qu'il n’y ait eu formation de novo de 
chromatine en rapport avec le caryoplasme du noyau inoculé, 
hypothèse moins vraisemblable que la précédente. 


Fig. XV. — Anaphase montrant à côté de chromosomes normaux des blocs 
informes ou des chromosomes provenant du matériel inoculé. 


Nous avons observé par contre un autre cas où l’amphimixie 
semble s'être produite de bonne heure dans le développement. 
Une blastula partielle, du même àge que la précédente nous a 
montré dans la plus grande partie de ses éléments une série de 
troubles de segmentation qui rappellent ceux de l'œuf précé- 
dent avec en plus un caractère de généralité assez prononcé, 


200 HR. HOVASSE 


Presque toutes les divisions sont irrégulières soit parce que le 
nombre de leurs pôles est plus élevé que d'habitude (3,4 et 
plus), soit parce que les éléments chromatiques normaux sont 
en faible proportion, étant accompagnés par des blocs anor- 
maux plus ou moins gros. Le nombre des chromosomes des 
.mitoses à peu près normales est inférieur au nombre »#. Enfin 
les noyaux au repos présentent eux-mêmes des particularités 
curieuses. Certains montrent un volumineux nucléole très 
chromatique qui ne se trouve jamais dans les autres œufs 
(Fig. XVI, A), d’autres plus rares possèdent deux parties dis- 
tinctes par l'aspect que leur 
a donné le fixateur : l’une plus 
foncée, occupée par un réseau 
à mailles fines, complètement 
dépourvue de blocs chroma- 
tiques. Au contraire ceux-e1 
abondent dans la partie voi- 
sine beaucoup plus claire, et 
dont le réseau est à grandes 

mailles (Fig. XVE, B). Il sem- 
Mig. AVE Noyaus éxceplonnels Ve US én euieisse ie dite 
provenant d'un œuf où il y a eu LR : Hu 
fusion du pronueléus avec le maté- tement l'existence d'une ditié- 
riel étranger. En A nucléole excep- rence de composants. Sans au- 
de pen M AM œun doute possible l'œuf en 
question à dû de très bonne 
heure avoir son matériel nucléaire fusionné à celui qu'a 
introduit le stylet, et bien qu'il s'agisse de matériel provenant 
de la même espèce — l'œuf a été piqué avec du sang de Gre- 
nouille —, il y à incompatibilité entre Les substances chromati- 
ques de ces éléments. 

Quoiqu'il en soit, il ne semble pas que le fait soit commun. 
Si l'amphimixie existe dans certains cas exceptionnels, elle n'a 
pas d'influence sur le nombre des segments chromatiques. 


A cette restriction près, le matériel étranger ne joue aucun 
rôle direct, sans préjuger, bien entendu de son rôle possible 
de catalyseur. 


CHAPITRE VI 


LE MÉCANISME RÉGULATEUR 
(SECONDE PARTIE) 


1 L'augmentation de la chromatine nucléaire 
dans les noyaux haploides 


À. Noyaur géants et division anaphylactique. — La régu- 
lation s’effectuant encore au moins pendant le début de la seg- 
mentation, nous avons cherché à en surprendre le mécanisme. 
Dans cette voie nous n'avons recueilli que peu de documents. 


Fig. XVII. — Noyau géant. 


mais assez importants cependant pour nous permettre de choisir 
entre les diverses possibilités théoriques, celle qui répond le 
mieux aux faits. 

Le premier document est du domaine de la pathologie cellu- 
laire, et a trait aux noyaux géants que nous avons signalés 
en 1920. Ces noyaux (fig. XVII), se rencontrent dans des 


202 BR. HOVASSE 


conditions assez diverses, mais généralement dans des œufs ou 
des portions d'œufs périclitant nettement. Ils semblent s'être 
formés aux dépens des noyaux ordinaires qui ont grossi, sans 
se diviser, jusqu’à devenir énormes. Ils sont extrêmement char- 
gés en chromatine et représentent certainement la substance de 
très nombreux noyaux. Nous avons pensé tout d'abord que ces 
éléments étaient en rapport avec le matériel étranger inoculé 
dans l’œuf. Il n’en est certainement rien, nous les avons obser- 
vés également chez des embryons obtenus à l’aide de solution 
salines hypotoniques, c’est-à-dire dans un cas où il n’y a euaucun 
matériel figuré introduit dans l'œuf. Ils semblent plutôt compa- 
rables aux noyaux qui accompagnent les monasters, avec cette 
différence que n’en ayant jamais trouvé manifestant une acti- 
vité mitotique quelconque, nous pensons que leur grossisse- 
ment a dû être continu. En tout cas ils nous montrent une aug- 
mentation certaine de la quantité de chromatine du noyau. 

Le deuxième et dernier document à trait à un phénomène 
plus normal. Un embryon de 16 heures d'évolution, ayant le 
nombre haploïde de chromosomes, montre, au moment du 
retour polaire, une division anaphasique particulièrement pré- 
coce et nette (fig. XVIIT). 

Avant déjà étudié des centaines de divisions au même stade 
et qui ne présentaient rien d’analogue, le fait nous a quelque 
peu surpris. Nous avons repris nos préparations dans un but de 
vérification en y recherchant les mêmes figures. Aucun œuf 
régularisé ne nous à montré rien de semblable, mème tout à 
fait à la fin de la division. Par contre nous avons retrouvé un 
clivage anaphasique dans un autre œuf non régularisé (°) (PI. 
Il, fig. 15). Une couronne anaphasique en vue polaire montre 
avec une grande netteté ses anses divisées, mais beaucoup plus 
intimement appariées que dans la première. Il s'agit aussi 
d'une anaphase moins avancée. 

Nous avons done deux cas dans lesquels par une seconde 
division au cours de la même mitose, le nombre des anses 
se trouve doublé. On pourrait imaginer facilement que les 
anses résultant de la division se séparent les unes des autres, 

() Nous croyons également l'avoir constaté chez un de nos œufs à nombre très 


faible de chromosomes, mais nous n'avons pu décider avec certitude s'il s'agit 
d’une division anaphasique ou d’un clivage prophasique précoce (fig. X). 


ÉTUDE DES CHROMOSOMÉS 3203 


et l’on aurait une cellule avec le nombre normal d'anses chro- 
matiques, telle serait tout au moins, l'hypothèse la plus simple 
qui vienne à l'esprit. Reste à savoir ce que vont devenir ces 
anses anaphasiques pendant la fin de la division. 

B. La t‘lophase dans les miloses de segmentation de l'œuf de 
grenouille. — Les anses chromatiques arrivant à l'extrémité du 
fuseau, dans la zone vacuolaire et très large primitivement qui 
représente l'emplacement des sphères attractives devenues 
indistinctes (PI. IL, fig. 13), sont très écartées les unes des autres, 


Fig. XVII. — Division anaphasique £ans un œuf ayant le nombre réduit. 
éloignées souvent de plusieurs microns, On les voit alors se gon- 
fler chacune pour son propre compte (fig. XIX). Bientôt elles 
sont devenues de petits cordons irréguliers qui conservent la 
longueur primitive des chromosomes, mais perdent leur aspect 
massif. Ce sont des vacuoles allongées remplies d’un liquide 
clair qui peu à peu devient acidophile. Elles sont bordées par 
une paroi encore épaisse. Le gonflement continue ; la paroi des 
vacuoles s’amineit de plus en plus, présentant cependant çà 
et là des parties qui restent épaisses et vivement safranophiles ; 


204 R. HOVASSE 


résidus chromatiques qui disparaissent ensuite progressive- 
ment. Si l'on a sous les yeux une coupe transversale de l'ana- 
phase, on peut compter avec une netteté parfois très grande 
autant de vacuoles qu'il y avait de chromosomes précédemment 
(PI. I, fig. 16 A), chaque vacuole étant complètement dépour- 
vue de corps figurés dans son intérieur. De plus en plus elles 
tendent à prendre la forme sphérique, mais se gênent mutuel- 
lement les unes les autres, et il en résulte des fusions (fig. 16 B). 
Le nombre des masses diminue progressivement, finalement 
il n'y en a plus qu’une, irrégulière, boursouflée, ne ren- 
fermant rien dans son intérieur qu'un liquide qui se colore 


Fig. XIX. — Début de télophase X 1000. 


difficilement, et limitée extérieurement par une membrane 
extrêmement tenue : C’est le noyau au repos (fig. 16 C). 

La télophase est donc ici avec une netteté particulière, une 
véritable dissolution de la substance chromatique, non pas à 
l’intérieur d’une membrane nucléaire reformée à l’avance, mais 
une dissolution dans le mélange caryoplasme-cytoplasme, et 
dont résulte la formation de la membrane, qui semble n'être en 
fin de compte qu'une pellicule de tension superficielle entre 
deux milieux non miscibles (1). 


{t) Considérer la membrane nucléaire comme une simple pellicule de tension 
superficielle peut sembler discutable. On connaît en effet des cas où la membrane 
nucléaire au lieu d’être une simple pellicule présente une épaisseur indéniable, 
et peut même être colorée à l’aide d’une technique appropriée. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 20 


On sait tout le parti qu'a voulu tirer au point de vue théori- 
que A. Denonxe des divisions anaphasiques constatées par lui 
dans les éléments sexuels et somatiques de certaines Annélides, 
et à la suite desquelles il aurait suivi les anses divisées et appa- 
riées pendant tout Le repos mitosique, pour les voir se séparer 
ensuite sur le fuseau de la division suivante. 

üen de semblable ici, la disparition des anses chromatiques 
est complète. Du mème coup la division  anaphasique se 
dépouille de son caractère de finalité apparente. Le nombre des 
chromosomes résultant de la division anaphasique dans nos 
gastrulas parthénogénétiques ne peut rien signifier directe- 
ment, concernant celui qui apparaitra au début de la division 
suivante. Par contre, ce que la division anaphasique prouve 
parfaitement, de même que précédemment les noyaux géants, 
c'est un excès indéniable de la quantité de chromatine nucléaire 
par rapport aux autres noyaux à # éléments, excès qui dénote 
en toute évidence que chez certains œufs à nombre haploïde 
son augmentation a été plus rapide que chez les autres, et 
surtout que chez les œufs régularisés. Cet excès se traduit à 
l’anaphase par un doublement du nombre, qui n'a en Iui-même 
aucune importance immédiate puisque les éléments qu'il four- 
nit disparaissent ensuite, mais qui vient nous renseigner sur la 
richesse du noyau en chromatine. 


2. Possibilité physico-chimique de l'augmentation 
de la chromatine nucléaire chez les noyaux haploides 


A. Les réserves de chromatine de l'œuf.— On sait que pendant 
la durée de la segmentation de l'œuf, la masse des noyaux ne 
cesse de s’accroitre, sans doute aux dépens de Ia masse eyto- 


Le fait s'explique facilement au point de vue physique par la loi de l’adsorption. 
D'après Gisss, si un corps dissous abaisse la tension superficielle d’un solvant, il 
tend à s’accumuler à sa surface C’est l’adsorption positive. Or l'accumulation 
peut aller jusqu’à determiner la précipitation du corps dissous, à la surface, sous 
la forme d’une membrane plus ou moins épaisse. A titre d'exemple, citons le cas 
du violet de gentiane et d'autres colorants analogues qui abaissent la tension super- 
ficielle de l’eau et dont les solutions aqueuses se recouvrent à la longue d’une 
‘telle membrane, bien connue des histologistes. 

Comme le noyau est une solution complexe, il est très possible qu'il s'accumule 
à sa surface, dans des conditions certainement très particulières, mais que l’on 
peut prévoir à l’avance, une membrane ayant une origine analogue. 


14 


206 ‘ R: HOVASSE 


plasmique (Gopzewsky 1908). Il semble que la quantité d'acide 
nucléique, composé le mieux défini parmi les produits nucléai- 
res, doive augmenter proportionnellement dans l'œuf, vraisem- 
blablement par suite d'une synthèse. Or il est possible de 
caractériser chimiquement l'acide en question, par exemple en 
dosant son Phosphore ou son Azote purique. Masixe (1910) puis 
SCHAKELL (1911) se sont livrés tous deux à cette étude chez 
l’oursin, obtenant indépendemimnent l'un de l'autre des résul- 
tats concordants. Masixe effectue Les dosages ci-dessus indiqués 
tantôt avant la fécondation, tantôt après elle et avant la segmen- 
lation, tantôt enfin chez l'embryon ayant de 500 à 1.000 éléments. 
Ses résultats sont particulièrement curieux. En effet la fécon- 
dation qui double cependant le volume nucléaire, n'augmente 
que de 1/8 la quantité d'acide nucléique de l'œuf. À partir de 
là, cette quantité reste constante pendant tout le début de la 
segmentation (‘), elle ne semble augmenter que très tard La 
conclusion qui se dégage de son travail est que, pendant toute 
la première segmentation, l'œuf n'effectue aucune synthèse de 
chromatine, l'acide nucléique qu'il utilise pour augmenter sa 
masse nucléaire, existe déjà dans l'œuf non segmenté où elle 
est vraisemblablement contenue dans le cytoplasma. D'après 
ces chiffres il est facile de connaître relativement la valeur de 
cette réserve cytoplasmique. En effet après la fécondation le 
noyau de l’œuf se trouvant doublé, on peut admettre qu'il ren- 
ferme autant d'acide nucléique que le noyau mâle, soit égale- 
ment 1/8 de la masse totale. Les 3/4 de Ia masse totale se 
trouvent donc dans le cytoplasme. Sous quel état S'y trou- 
vent-ils ? 

B. Solubilité de la chromatine dans le cyloplasme.— La chro- 
matine des histologistes n’est pas un composé chimique nette- 
ment défini. Il est malaisé de dire à quel produit elle corres- 
pond exactement. 

Après fixation, 1l semble que la chromatine soit constituée 
tantôt par un nucléoprotéide, tantôt par une nucléine, tantôt 
enfin par de l'acide nucléique, selon l’activité chimique plus ou 
moins grande des réactifs employés. La chromatine du matériel 


() FauRé-Frémier à fait également une constatation analogue chez l'Ascaris 
(Arch. Anal. Microsce., t. 15, 1913), 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 207 


frais serait un nucléoprotéide qui se dissocierait par la fixation 
en ses éléments, selon le schéma de Kossez (Nucléoprotéide 
— Albumine + Nucléine. Nucléine = Albumine + Acide nucléi- 
que).-Tous ces composés sont au moins légèrement solubles 
en milieu alcalin. Or, on sait que telle est la réaction normale 
du protoplasme. 

On connaît du reste un certain nombre de faits, où l'on peut 
interpréter comme une dissolution très fente la disparition de 
fragments de chromosomes dans le cytoplasme. Tel par exem- 
ple la disparition chez l'Ascaris des fragments de chromosomes 
qui s'éliminent du novau pendant les divisions de diminution 
(transformation de cellules de la lignée germinales en cellules 
somatiques). 

Il faut donc admettre que la chromatine est, au moins sous 
une faible part, soluble dans le cytoplasme. Il y a là une pro- 
priété très intéressante à considérer. 

Au point de vue théorique en effet, une solubilité faible de la 
chromatine dans le cytoplasme parait nécessaire pour com- 
prendre au début de la cinèse la lenteur de l'apparition des 
chromosomes ainsi que celle de leur disparition à la télophase. 
Suivons à ce point de vue l'exposé de Decra Vazze (1912). Au 
moment de la mitose, la chromatine forme une phase distinete 
vis-à-vis du protoplasma cinétique, c’est-à-dire avec le mélange 
cytoplasme-caryoplasme. Entre les mitoses, elle est dissoute 
dans le caryoplasme, forme donc une phase homogène avee lui, 
distincté du reste du cytoplasme. 

Quelle est l’origine de cette différence ? IL s'arrête à cette 
hypothèse qu'elle doit consister en un élément X, substance per- 
turbatrice de l'équilibre intercinétique, qui, augmentant dans 
la cellule, détermine en même temps un accroissement de là 
solubilité du caryoplasme dans le cytoplasme. Il en résulte 
tout d’abord le gonflement du noyau, puis progressivement 
l'apparition de la chromatine qui se sépare en une phase dis- 
tincte, étant moins soluble dans le mélange que dans le caryo- 
plasme seui. La membrane se dissipe ensuite dès que le 
mélange eyto-caryoplasme a atteint la même concentration 
dans le noyau et en son voisinage immédiat. Enfin la dispa- 
rition de l’élément perturbateur dans la deuxième partie de 
la mitose produit des phénomènes inverses qui rendent compte 
de la dissolution télophasique. 


205 R. HOVASSE 


La chromatine, peu soluble dans le cytoplasme, doit s'y trou- 
ver en toute vraisemblance sous forme figurée. 

C. La chromatine uwitracytoplasmique où cytochromatine. — 
Par des méthodes purement cytologiques cette fois, on à pu 
mettre en évidence dans le cytoplasme des œufs vierges une 
certaine quantité de chromatine. Jaxixa Bury (1913) à ainsi 
reconnu dans le cytoplasme de l'œuf d'oursin des corps figurés 
ayant les caractères de coloration de la chromatine. Au cours de 
la segmentation elle à pu suivre ces éléments et les voir diminuer . 


Fig. XX. — Disparition de la vésicule germinalive dans le cytoplasma de 
l'œuf, En À accomplissement du phénomène. En B son résultat. 


progressivement pour enfin disparaitre. Vera Daxcnakorr (1916) 
a retrouvé ces mêmes formations qu'elle considère également 
comme de la chromatine extranucléaire. L'auteur semble igno- 
rer les recherches de Masix6, ce qui donne encore plus de 
valeur à ses constatations (!). 

Chez la grenouille, BaraiLLox à trouvé il y a déjà longtemps 
(1905) chez des œufs se divisant après activation par les solu- 
{ions salines, des granulations intracytoplasmiques qui lui ont 


(:) HerLanr (1919) a contesté Jes observations de DaNcaakorr, sans du reste 
apporter la preuve du contraire. 


ÉTUDE DES. CHROMOSOMES 209 


paru être de la chromatine formée de nov0o dans l'œuf. Rien de 
surprenant qu'il s'agisse là aussi de chromatine normalement 
présente dans le cytoplasme. Nous avons nous-mêmes constaté 
en suivant la disparition de la vésicule germinative lors de la 
maturation des mêmes œufs (fig. XX) que le contenu de 
l'énorme vésicule devenu une masse pâteuse très basophile se 
déverse à un moment donné dans le cytoplasme où il finit 
par disparaitre. Il ne subsiste de l'énorme noyau qu’une toute 
petite plage renfermant les chromosomes et sur laquelle s’or- 
ganiseront les fuseaux de figures polaires. Sans admettre que 
toute la masse déversée soit de la chromatine (elle est consti- 
tuée surtout par des nucléoles), il est vraisemblable qu'elle en 
renferme au moins une certaine quantité, qui, si elle n’est pas 
l'origine même de la chromatine cytoplasmique contribuera tou- 
jours à en accroitre la masse. 

Telles étaient nos connaissances sur cette question de la chro- 
matine extranueléaire au moment de la rédaction de ce travail : 
tout récemment (1921) deux travaux importants sont venus les 
enrichir. Le premier à trait justement au matériel qui nous 
intéresse directement ici : FauRé-Frémiët et pu ViviER DE STREEL 
analysant chimiquement l'œuf de Rana temporaria y reconnais- 
sent l'existence de nucléoprotéides dans le cytoplasme, sous 
la forme de tablettes vitellines. Dans un second travail Fauré- 
FRrémier seul, retrouve ces mêmes nucléoprotéides sous forme 
analogue dans l’œuf de Sabellaria alveolata. L'existence de chro- 
matine dans le cytoplasma des œufs paraît donc avoir une cer- 
taine généralité, qui vient incontestablement à l’appui de notre 
exposé. L'existence de cette chromatine extranucléaire sous 
forme fiqurée, à l’état de plaquettes vitellines présente égale- 
ment un gros intérêt. 

D. L'équilibre Cylochromatine — Caryochromatine. — Etant 
donnée la solubilité de la chromatine dans le cytoplasme, la 
présence de ces plaquettes nous indique une saturation du cyto- 
plasme vis-à-vis de la chromatine qui v est contenue. D'autre 
part ainsi que J. Bury l’a constaté directement chez lOursin, 
cette saturation va sans cesse diminuant, en même temps que 
l'œuf quise segmente activement, augmente sa masse nucléaire. 

IL nous semble que ces deux variations en sens inverse 
diminution de la chromatine dans le cytoplasme, augmentation 


210 R. HOVASSE 


de Ja chromatine nucléaire, ne sont autre chose que /4 mani- 
festation d'un équilibre en voie d'établissement entre les deux 
portions de la chromatine de l'œuf. 

Berraecor et Juxércrisca (1) ont montré que si l’on dissout une 
même substance dans deux solvants non miscibles, par exem- 
ple de l'Iode dans l’eau et le sulfure de carbone, le rapport des 
En de la substance dissoute dans les deux milieux 


est constant : = — K. C'est là un cas particulier de la loi de 


Fe 
Distribution, qui se désigne sous le nom de Loi de partage. 

Cette relation simple se complique quand il se produit soit 
une combinaison entre la substance dissoute et l'un seulement 
des solvants, soit quand le corps dissout se présente dans l’un 
des solvants avec un état moléculaire différent de celui présenté 
à l’intérieur de l’autre. Dans ces cas particuliers, seuls entrent 
en ligne de compte dans létablissement de l'équilibre les 
À Ant non combinées où non transformées. La relation 

— 1 

molécules combinées ou transformées (?). 

Comme nous ne savons pas, à tout prendre, si la chromatine 
se trouve exactement sous la même forme dans le cytoplasme 
et le noyau, il est bon de s'attendre à une complication plus 
srande (*). Il existe du reste une autre cause de divergence avec 
la loi de partage. Nos solvants sont des colloïdes (*), la sub- 
stance dissoute en est également un. Or la diffusion des colloï- 
des dans les colloïdes est extrêmement lente, et, même en 


devient : — K', ou x et y représentent les nombres des 


invoquant les mouvements du cytoplasme qui doivent la favo- 
riser, il semble que l'état d'équilibre sera très long à atteindre. 
Le facteur /emps, qui n'a qu'un rôle accessoire dans un équili- 
bre de solutions ordinaires devient important dans notre maté- 


() BerTueLor et JuNGLFEIscH, Ann. de Chim. et Phys., T. 26, 1872. 

{*) Pour plus de détails, voir les Traités de Chimie Physique. 

() Il est probable que tel est bien le cas, puisque, au moment de la division, 
quand le noyau est disparu, et que, dans la cellule, le milieu caryo-cytoplasme 
est devenu l'unique phase continue, les formes figurées des chromosomes el des 
plaquettes vitellines ne sont pas identiques. 

(‘) C'est-à-dire des milieux hétérogènes. Cependant, élant donnée l'existence 
d'une phase continue, il semble que l’on puisse faire abstraction des phases dis- 
versées qu’elle tient en suspension, et, malgré leur importance puisque la taille 
de leurs granules varie de la micelle colloïdale jusqu’à la plaquette vitellioe, 
adimeltre que, rapidité en moins, tout se passe approximativement comme en 
ruileu homogène, 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 2141 


riel biologique. D'autre part, la masse nucléaire augmente sans 
cesse, soit entre les divisions, soit par leur effet : l'un des deux 
milieux considérés ne cesse de croître en importance. IF en 
résulte que l'équilibre ne peut être que relatif, au moins dans 
les conditions normales ; il l'est d'autant plus que la segmenta- 
tion est plus rapide. Pour plus de simplicité dans notre exposé, 
nous y négligeons cette complication et raisonnons comme si la 
masse nucléaire était fixe, ce qui du reste n’altère pas la mar- 
che des phénomènes considérés. 

Ces restrictions faites, il semble que nous puissions envisa- 
ger sur ces bases la possibilité d'une relation entre les deux 
chromatines et comprendre ainsi par ce mécanisme purement 
physique, qui s'applique d'ailleurs aussi bien à l'œuf parthéno- 
génétique qu'à l'œuf fécondé, une augmentation de la chroma- 
tine du novau au repos. 

IL est important cependant de faire ici une distinction. La 
relation décrite se conçoit facilement, si elle se passe entre les 
deux chromatines, tant qu’elles se trouvent dans deux milieux 
non miscibles, c'est-à-dire entre les périodes de division. Que 
va-t-il se passer pendant la mitose ? 

Au moment de la prophase un important change 2ment se pro- 
duit (cf. p.207). On voit se séparer un nouveau milieu sous la 
forme des chromosomes, tandis que le eytoplasme et le caryo- 
plasme deviennent miscibles, phénomène qui à pour consé- 
quence la disparition de la membrane nucléaire. Les chromo- 
somes apparaissent ainsi, constitués vraisemblablement par une 
phase riche en chromatine tenant en dissolution une quantité 
variable de karyo-cytoplasme, comme nous autorise à le pen- 
ser l'existence du substratum achromalique, maintes fois attri- 
bué aux chromosomes (1). 

Dans ce nouveau système, Æaryocyloplasne saturé de chro- 
matine, chromatine saturée de karyocytoplasme, il ne semble 
pas que l'on puisse envisager, au point de vue théorique, une 
augmentation quelconque de la chromatine des chromosomes 
aux dépens de celle du milieu qui les entoure, en admettant, 
qu'il n'y à pas en même temps synthèse de chromatine (cf. 


(*) Remarquons qu'il s’agit parfois sans doute aussi d’une albumine ou d'une 
histone séparée du nucléoprotéide primitif par l’action du réactif fixateur (cf, 
p.207). 


212 R. HOVASSE 

p.206) et que les conditions extérieures restent les mêmes. 
Nous sommes en présence d'un cas analogue à celui d’un cristal 
placé dans sa solution saturée, à température constante. 

En fait il semble bien qu'il en soit ainsi. Nous avons conservé 
pendant 2'mois (du 18 février au 20 avril 1921), à une tempé- 
vature inhibant la ponte (de + 1° à + 5°), des grenouilles 
ayant leurs œufs dans lutérus. Pendant tout ce temps leur 
figure d'émisson du second globule polaire est restée en méta- 
phase, et les chromosomes fixés après cette longue période se 
sont montrés identiques à ceux tirés des figures normales. 

La métaphase, sinon une grande partie de la mitose, 
correspond donc à une phase d'équilibre rigoureusement sta- 
ble, pendant lequel les échanges de chromatine font défaut. 

Cependant, cet état ne se réalise pas brusquement: nous pou- 
vons prévoir une période de transition, au début de la prophase, 
au moins pendant tout le temps qu'il existe encore une mem- 
brane nucléaire. IL est vraisemblable que alors, la possibilité 
des échanges doit subsister, de plus en plus restreinte à mesure 
que l’on se rapproche de la métaphase. Il est même possible, 
étant donnés les mouvements du cytoplasme, exagérés à ce 
moment par le développement des asters, que cette possi- 
bilité d'augmentation ne soit pas négligeable (Cf. plus bas, 
p. 215). 

Cet exposé théorique nous amène donc au point même où 
nous ont amené les faits. L'augmentation de chromatime 
s’observe et se conçoit assez facilement. Reste à envisager ses 
relations avec l'augmentation du nombre des chromosomes dans 
l'œuf parthénogénétique. 


‘) 


5. La division longitudinale normale et le nombre 
des chromosomes 


La constatation d'une division anaphasique dans certaines de 
nos ébauches à nombre haploïde, division qui ne semble difté- 
ie la division longitudinale normale, 


nous amène à envisager le mécanisme de celle-ci. Sans vouloir 


rer que par son époque ( 


reprendre complètement cette question développée abondam- 
ment par Dezca Vase (/. €. p. 212 et suiv.) nous nous bornons 
à indiquer les résultats auxquels il parvient. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 213 


_ Les chromosomes doivent être soumis à la /o2 de taille limite, 
c'est-à-dire que, une fois une certaine taille maxima atteinte, 
ces éléments se divisent en deux nouveaux, suivant une direc- 
tion constante, déterminée sans doute par leur structure 
moléculaire, et certainement pour des raisons purement physi- 
ques. 

La plupart des formations cellulaires sont soumises à cette 
loi : il en est ainsi, par exemple, pour les grains de vitellus, 
les éléments des fibrilles musculaires, les cristaux de Reinke, 
les chondriosomes et les leucites végétaux. 

Rappelons à ce point de vue une expérience de physique qui 
montre l’existence de cette loi dans le domaine inorganique. 

Si l’on verse du Mercure progressivement sur une surface de 
verre ou de porcelaine strictement polie et horizontale, on 
forme une goutte qui est d'abord sphérique, sa tension super- 
ficielle étant suffisante pour équilibrer l’action de la pesanteur. 
À mesure que la taille de la goutte augmente, la surface crois- 
sant moins vite que le volume, et que la masse qui lui est pro- 
portionnelle, la tension superficielle ne peut plus équilibrer 
l’autre force : la goutte se déprime. On arrive ainsi à une taille 
limite à partir de laquelle, quelles que soient les précaution 
prises, la goutte ne pourra plus grossir, elle se divisera en deux 
ou plusieurs autres. On voit par cette expérience qu'une varia- 
tion continue de l'énergie de surface (produit de l'élément de 
surface par la tension superficielle) peut se traduire obligatoi- 
rement par une variation discontinue de la surface du système. 
L'expérience est grossière, elle ne donne qu'une image simple ; 
il faut penser que la division des chromosomes provient d’un 
mécanisme analogue mais cependant plus compliqué (ef. Dezra 
Vanne: lc): 

Dans de telles conditions, le nombre des chromosomes 
dépend d’une certaine relation existant entre la quantité abso- 
lue de chromatine nucléaire et la valeur de la taille moyenne 
des éléments chromatiques. Par exemple, si un noyau renferme 
100 p° de chromatine, et que la taille moyenne d’un segment 
chromatique soit de 10 2°, il renfermera 10 chromosomes. Dou- 


blant la quantité de chromatine, on doublera le nombre (DeLra 
VaLe 1909). 


914 R. HOVASSE 


Q 


Le nombre apparait ainsi comme résultant du quotient à 


où ( représente la quantité totale de la chromatine nucléaire, 
q la quantité correspondant à la taille moyenne d’un élément. 

Cuampy (1913) à objecté que dans de telles conditions deux 
noyaux, également colorables à l'état de repos, mais de 
tailles distinctes, devraient avoir des nombres distincts de 
segments alors que l'on constate qu'ils ont le même nombre 
approximativement. DecLa Vale à répondu à une objec- 
tion analogue de Neuec en faisant ressortir l'impossibilité de 
vérification inhérente à l'affirmation ci-dessus : il faudrait pou- 
voir compter le nombre des chromosomes que fournira à la 
division suivante Le noyau dont on trouve sur sa coupe colorée 
le volume aberrant. Quoi qu'il en soit, si nous substituons la 
notion de concentration de la chromatine à celle de sa quantité 
absolue, l’objection tombe d'elle-même. 

Nous admettrons donc l'hypothèse de DELLa Var. 

Appliquons-la dans Le détail. L'augmentation de taille qui 
détermine en fin de compte la division n’est pas une augmenta- 
tion absolue, puisque, ainsi que nous l'avons vu (p. 212), au 
moins à partir du moment où disparait la membrane nucléaire, 
la quantité de chromatine de chaque segment chromatique est 
fixée. Or la division longitudinale à ce moment précis n'est 
faite que dans un petit nombre de cas : le plus souvent ce n’est 
que plus tard qu'elle s'effectue. C'est donc à une augmentation 
relative selon certaines directions, au détriment des autres qu'il 
faut la rapporter. C’est le raccourcissement causé par la tension 
superficielle du chromosome qui intervient, et, d'un chromo- 
some initial long et grêle, en fait un court et épais. La taille 
limite aimsi atteinte, 1i se divise. 

Par l'application de ces considérations théoriques, nous allons 
maintenant chercher à expliquer l'augmentation du nombre 
en tant que dépendance directe de l'équilibre cyto-caryochro- 
matine. 


4. La division anaphasique. La régulation 


Supposons que l'augmentation de la quantité de chromatine 
Suppo e l’aug tat le la quantité de chromati 
nucléaire ait été particulièrement importante, surtout tout à 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 215 


fait au début de la mitose, favorisée peut-être par le dévelop- 
pement des asters. La division transversale étant très précoce, 
il se peut que le raccourcissement amène les éléments chroma- 
fiques pour la seconde fois à leur taille limite, avant la fin de 
la mitose : une division anaphasique a leu. 

Deux cas peuvent se présenter alors. Si l'équilibre cyto- 
chromatine-karyochromatine est voisin de sa réalisation ou 
réalisé, il y aura plutôt diminution qu'augmentation de la quan- 
tité de chromatine. L'excès qui s’est signalé en quelque sorte 
lors de la mitose précédente par le clivage anaphasique ne sera 
pas conservé. Il réapparaitra à la prophase un nombre d'élé- 
ments à peu près normal, qui, s'il n'intervient pas d'autres fac 
teurs (cf. p. 217), se conservera. 

IL est cependant possible que l'excès de chromatine ne dis- 
paraisse pas en une seule division, et que au contraire, ce 
résultat ne soit atteint qu'après plusieurs mitoses. La période de 
diminution progressive de l'excès de chromatine se traduira par 
deux phénomènes perceptibles, un retard de plus en plus con- 
sidérable des deux divisions longitudinales, normale et anapha- 
sique, avec finalement disparition de la seconde. 

Au moment où l'excès est maximum, on peut prévoir que le 
premier clivage sera très précoce, si précoce même qu'il pourra 
passer inaperçu et que l’on aura l'illusion d’une apparition 
des chromosomes sous forme de couples. Coïncidence d'autant 
plus frappante qu'il ÿ aura en même temps une division ana- 
phasique et disparition à la télophase des chromosomes par 
paires. L'idée d’une continuité entre ces couples viendra ainsi 
facilement à lesprit. 

Si au contraire l'équilibre est loin de sa réalisation, la quan- 
tité de chromatine ne cessera de s'accroitre aussi bien pen- 
dant Le repos mitotique et avant l'apparition des chromosomes 
qu'après leur formation et avant la disparition de la membrane 
nucléaire. Le nombre de chromosomes appareissant au début 
de la prophase sera tout d'abord plus élevé que celui ayant 
apparu lors de la mitose précédente, 1l pourra y avoir encore 
une fois division anaphasique, jusqu'à ce que l'équilibre soit 
près de sa réalisation, et que par ce fait la quantité de chroma- 
tine du noyau soit suffisante pour déterminer l'apparition d'un 
nombre de chromosomes correspondant à cet équilibre. Le nom- 


216 R. HOVASSE 


bre ainsi régularisé se conservera pour les raisons que nous 
avons appliquées plus haut à Fembryon normal. 

Remarquons, et nous reviendrons plus loin sur cette ques- 
tion, qu'une diminution de la vitesse de segmentation doit faci- 
liter de beaucoup la régulation, si elle n'est pas conditionnée 
par un facteur qui en même temps ralentit la diffusion de la 
nue dans l'œuf, et diminue ainsi la vitesse d’établisse- 
ment de l'équilibre. 

[l'est donc possible de concevoir ainsi le réa be en du 
nombre diploïde chezles embryons parthénogénétiques, si l'on 
admet que la segmentation y a débuté par un déséquilibre 
caryo-cytochromatique. | 

Les régulations anormales et l'absence de régulation. — 
L'hypothèse précédente ne va pas sans soulever quelques dif- 
ficultés. Il semble en effet qu'avec elle, la régulation doive 
être obligatoire. Comment eu effet concevoir que certains œufs 
puissent subsister avec Le nombre haploïde, sans qu'aucune 
régulation n’intervienne ? 

Pour ce qui est tout d'abord des régulations anormales, dans 
lesquelles on a tantôt 7 tantôt 2», tantôt des nombres inférieurs 
ou supérieurs, ou même intermédiaires, il est assez facile d’in- 
terpréter leur cas. La réserve de chromatine cytoplasmique, se 
trouvant sous forme figurée, peut très bien ne pas être répartie 
également dans tout le protoplasme de l'œuf. Au hasard des 
clivages, il pourra s'en trouver plus ou moins dans telle ou 
telle région de l’ébauche. Dans une région particulièrement 
pauvre, la réserve s'épuisera de bonne heure, avant l'établisse- 
ment de la synthèse de chromatine, et si la segmentation conti- 
nue, le nombre diminuera (‘). Les deux œufs hypochromatiques 
que nous avons étudiés (cf. p. 189) sont intéressants à ce point de 
vue. Dans les deux cas, c’est la région animale qui renferme 
des cellules à petit nombre de chromosomes. La région du pôle 
végétatif a été isolée dans l’un, par un clivage, lors de lappa- 
rition du premier sillon, séparant la presque totalité de ce pôle. 


(‘) Remarquons qu'il ne semble exister, dans ces œufs hypochromatiques, 
aucune relation entre la quantité de chromatine et la division cellulaire, ou, tout 
du moins, que l'on ne peut considérer la chromatine comme un excitant de la 
division cellulaire, les régions dans lesquelles les noyaux ont très peu de chro- 

mosomes ayant au contraire plus de cellules, en vertu de la relation K/P et le 
manque de chromatine n'enrayant pas du tout la marche de la segmentation. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 917 


Les figures de division les pius voisines de cette région sont au 
moins haploïdes. 

Dans une région riche en chromatine, on aura beaucoup de 
chromosomes, la régulation pourra mème être dépassée. 

Cependant pour ce qui concerne les œufs dans lequel le nom- 
bre est très élevé, plusieurs fois Le nombre #, par exemple, il 
ne semble pas que l'explication soit aussi simple. Le cytoplasme 
étant saturé de chromatine, et renfermant ainsi la plus grande 
partie de sa réserve sous forme figurée, la concentration de 
cytochromatine est constante. Il en résulte que Le nombre 
des chromosomes est limité supérieurement d’une façon absolue. 
Le nombre considérable de chromosomes constaté directement 
correspond-il à cette limite, c'est-à-dire à l’équilibre réalisé, on 
pourrait le savoir, semble-t-il, en comparant ce nombre à celui 
à partir duquel l'évolution des monasters s'arrête. Quoi qu'il en 
soit, le cas nous semble difficile à comprendre aussi simple- 
ment que les autres. Nous croyons qu'il est nécessaire pour en 
arriver là, de faire intervenir la vitesse de segmentation qui en 
temps ordinaire rompt constamment l'équilibre en train de 
s'accomplir, et qui dans ces œufs exceptionnels aurait été beau- 
coup plus lente qu'ailleurs, et aurait permis à l'équilibre de se 
réaliser plus ou moins complètement. Nous avons du reste 
remarqué un léger retard dans l'évolution de l'œuf excep- 
tionnellement hyperchromatique signalé (p. 190). 

Nous avons admis implicitement dans le raisonnement précé- 
dent que la quantité de chromatine en réserve dans le cytoplasme 
était toujours le même. Le fait est certainement inexact, il faut 
envisager également la possibilité de sa variation dans les deux 
sens. Naturellement le nombre s’en ressentira. 

Telle est l'interprétation qui nous parait expliquer le mieux 
le cas des œufs qui ne se régularisent pas, leur réserve étant 
insuffisante. (!) 

Cette raison n’est cependant pas valable au début de la seg- 
mentation. En effet, si petite que soit la quantité de chromatine 
cytoplasmique, étant donnée le peu de solubilité de la chroma- 
üne dans le cytoplasme, elle suffira largement à saturer ce 
milieu. Le déséquilibre initial sera toujours le même au moins 


{'} Voir également à ce point de vue la note (1) de la page 220, 


JS H. HOVASSÉ 


pendant un certain temps. Mais si ce temps est insuffisant pour 


que se produise la régulation — nous savons qu'elle n'est 
pas toujours instantanée — elle ne sera plus possible par la 


suite ; l'œuf gardera son stock haploïde sans jamais parvenir à 
le doubler. 

Une augmentation de vitesse de la segmentation (') pourrait 
jouer-là aussi un certain rôle, son résultat étant inverse de celui 
que nous avons assigné à sa diminution, et contribuant à empê- 
cher la régulation. 

Nous arrivons ainsi à concevoir que, les conditions initiales 
du développement n'étant pas les mêmes, leurs faibles varia- 
tions puissent conditionner des variations ultérieures du nom- 
bre. Suivant que la quantité de chromatine du pronueléus 
femelle joue le rôle principal, ou que ce rôle revienne ailleurs 
à celle du cytoplasme, conséquemment l'équilibre cyto-caryo- 
plasmique s’établira en respectant le nombre, ou bien en le 
modifiant dans un sens ou dans l'autre. 

Malgré la rigidité apparente de la loi physique, nous aperce- 
vons que son application à l'être vivant aurait pu permettre de 
prévoir la même série de nuances que l'observation parvient à 
constater. 


{') Si la vitesse d'établissement de l'équilibre ne varie pas proportionnellement. 


QUATRIÈME PARTIE 


Régulation et Variation 


CHAPITRE VII 


L'ÉQUILIBRE DES CHROMATINES. 
MÉCANISME RÉGULATEUR DU NOMBRE 


1. L'équilibre caryo-cytochromatine et la variation 
du nombre 


La régulation, telle que nous venons de l’examiner, apparait 
en fin de compte comme n'étant pas autre chose qu'une varia- 
ion exceptionnelle, dans un seul sens, commandée par un désé- 
quilibre particulier. 

Le mécanisme même qui nous a permis de comprendre la 
régulation, en tant que cas particulier, va nous permettre de 
concevoir comment s'effectue maintenant le phénomène général 
de variation. 

Prenons le cas de l'œuf normal, dont l’évolution ne com- 
mence par aucun déséquilibre. Une cause agira seule ici : l'aug- 
mentation de la masse nucléaire. Dès qu'une irrégularité quel- 
conque se produira dans ce phénomène : vitesse plus ou moins 
grande de la segmentation, abondance plus ou moins grande 
de la quantité des plaquettes de nucléoprotéides dans tel ou 
tel blastomère,.….. il en résultera des variations de la quantité 
de chromatine nucléaire, positives ou négatives suivant les cas. 
Par suite il apparaitra à la prophase un nombre plus où moins 
élevé que le nombre normal. 

La réserve de nucléoprotéides une fois épuisée, la synthèse 
de chromatine doit s'établir dans chaque cellule, aux dépens 


32() hR. HOVASSE 


des apports alimentaires. Selon les variations de ceux-ci, on 
comprendra la variation du nombre. 

Il est très admissible que dans certains tissus, ou même dans 
certains organismes, la régularité de la synthèse de chromatine 
soit très grande. Si la segmentation y est lente; les différences 
d'équilibre auront le temps de se compenser. On comprendra 
que le nombre des chomosomes Y reste approximativement 
fixe. 

Un autre facteur important à considérer pour expliquer le cas 
particulier de la fixité du nombre est la taille moyenne des 
chromosomes, ou d'une façon plus précise la valeur du quo- 


ï Q On : ; . 
tient : F. (!), quantité totale de chromatine/taille moyenne d'un 


élémert. Plus la valeur de ce quotient se rapprochera de 
l'unité, et plus le nombre sera fixe. En d’autres termes, plus 
petit sera le nombre et plus grand sera la taille des éléments, 
plus nous nous rapprocherons de la fixité absolue, voulue par 
la loi de constance. 

Réciproquement, la variation sera d'autant plus grande que 
le nombre sera grand et la taille des éléments petite. On s'éloi- 
gnera alors de plus en plus de la prétendue loi, qui, en fin de 
compte, ne doit s'appliquer en toute rigueur qu'aux ecas parti- 
culiers envisagés ci-dessus. 


2, Signification de l'équilibre cyto-caryochromatine 


La conception d'un déséquilibre physique entre les deux 
portions extra et intranucléaires de la chromatine au début 
du développement de nos œufs, nous à permis de fournir une 
explication du phénomène de la régulation et nous à amenés à 
interpréter de même la variation physiologique du nombre des 
chromosomes. 


{) A propos de ce quotient, signalons une difficulté qui le concerne. Dans le 
début de la segmentation, au moins jusqu’au début de la gastrulation, la taille 
moyenne des chromosomes parait bien être la même pour les embryons haploi- 
des que pour les diploïdes (Cf. fig. 12 et 143, pl. IH). Plus tard, c’est-à dire 
quand il semble que la régulation est devenue impossible, il n’en est plus de 
même : la taille moyenne est beaucoup plus forte chez les ébauches haploïdes 
(Cf. fig. VIT et VIIL, ou bien fig. 1, 2... et 14 des pl.). Il semble qu'il y ait alors 
à peine plus de chromatine dans les tétards diploïdes, que dans ceux qui ont 
encore leur nombre réduit. 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 291 


Il nous reste maintenant à nous demander quelle est la rai- 
son d'être de ce déséquilibre, dont le concept peut paraitre 
quelque peu finaliste, si l'on pense à linterpréter comme le 
résultat évident d'une adaptation de l'œuf à la fécondation, 
ou, ce qui est presque identique, comme un manque d’adapta- 

tion à la parthénogénèse chez un organisme où cette dernière 
n'est pas normale. 

Laissons pour un instant le cas particulier de la grenouille et 
reprenons celui de l'abeille dont nous avons déjà parlé (cf p.172). 
lei, les mêmes œufs évoluent côte à côte, pondus par la même 
femelle dans des cellules voisines du même rayon de cire. Les 
uns sont fécondés, les autres parthénogénétiques. 

Au bout d’un certain temps, que les noyau.r initiaux aient ou 
non résulté d'une amphimirie, les cellules somatiques évoluent 
avec 32 ou parfois 64 chromosomes comme Findique le schéma 
suivant simplifié d'après Nacnrsuern. 


A Germen. évol. avec 16 — (ronie 16 —> Cyte 16 — Sperm. S. 
= Parth. $ chr.—> pass. à 16€ 
XSoma. Evolue avec 32 où 64 chrom. 
A SomMa. Evolue avec 32 ou 64 chrom. 
> Fécondé => 16 chr ———* 
MGerm. évol. avec 32,  Gonie 146 — Cyte —> 8 Ovotide 8. 


f mûr 8 chr. 


Il est certain qu'ici aussi il existe un déséquilibre initial, si 
considérable qu'il se fait sentir même chez l'œuf fécondé, et que 
par la suite l'équilibre s'établit, le même dans les deux sortes 
d'embrvyons, ainsi que l'indique le même nombre de chromo- 
somes. Ceci ne veut du reste pas dire que le spermatozoïde n'ait 
ici aucun rôle, nous savons au contraire que généralement 
seuls les œufs fécondés donnent des femelles, selon la règle 
de DziErzoN. 

Le terme d'adaptation appliqué ici manquerait vraiment 
de sens. Il nous semble qu'il en est de mème chez la gre- 
nouille. 

Nous pensons que le nombre normal des chromosomes corres- 
pond ici à un certain état d'équilibre optimum déterminé par des 
conditions physico-chimiques particulières mhérentes à Ta com - 
position des éléments de l'œuf et des cellules qui en dérivent. 


Ce n’est sans doute pas le seul état d'équilibre possible 
l'exemple des espèces ou variétés animales ou végétales chez 


292 h. HOVASSE 


lesquelles Le nombre des chromosomes diffère par exemple du 
simple au double, ou d’un multiple de », comme chez l’Ascaris 
du cheval (2N — 2 ou 4) ou Sa/vinia natans (2N = 8,16 ou 48). 
(De LrirarDière (1921), nous engage à priori à la prudence. Cepen- 
dant nous avons vu (cf. p. 185), que les embryons chez lesquels 
le nombre est différent de 27 ne semblent pas être viables. Il 
ne nous parait pas téméraire d'admettre provisoirement que 
l'équilibre correspondant au nombre 2» est le seul qui se con- 
cilie avec la vie normale de la Grenouille rousse. 

L'existence de cet état physique optimum explique alors, 
tout aussi bien l'amplitude peu élevée généralement de la varia- 
tion, que le retour au nombre normal quand, naturellement ou 
expérimentalement il a été produit une variation de nombre 
d'une grosse importance, comme tel est le cas habituel en par- 
thénogénèse (1). 

L'état optimum considéré réalise alors un véritable mécanisme 
régulateur du nombre, établi sur les bases physico-chimiques d'un 
équilibre de partage. 


(‘) Le principe très général de Le Cnareuier (1884), ou du déplacement de 
l'équilibre mobile, s'appliquerait donc également ici. 


CHAPITRE VII 


RÉGULATION. VARIATION ET 
L'INDIVIDUALITÉ DES CHROMOSOMES. RÉSUMÉ 
DES RÉSULTATS 


Laissant de côté le cas particulier des hétérochromosomes ou 
des autres variétés spéciales de chromosomes, qui correspon- 
dent, sinon à des individus figurés, tout du moins à des sub- 
stances chimiques distinctes, et auxquelles les hypothèses 
précédentes s'appliquent, 27 est totalement impossible de con- 
culier soit la Régulation du nombre, soit sa Variation avec la thèse 
de Boveni. 

Pour ce dernier, les chromosomes sont des individus, vivant 
et se divisant activement dans les cellules, existant même pen- 
dant les repos cinétiques. Leur nombre est définitivement fixé à 
partir de la fécondation. Si un seul pronucléus se divise comme 
dans les œufs parthénogénétiques, sa descendance ne pourra 
avoir un seul chromosome de plus que lui, exception étant 
faite pour des cas exceptionnels, pathologiques, ou, une cinèse 
ayant avorté après division des chromosomes, les éléments fils 
demeurent côte à côte. 

Pour Decza VALLE comme pour nous, les chromosomes sont 
des formations transitoires, apparaissant à la prophase par une 
sorte de cristallisaton d’une substance chimique, obéissant 
comme toutes celles-ci aux lois physiques de la matière brute, 
et ainsi disparaissant à la telophase par une dissolution totale- 
ment dépourvue de mystère. Le nombre de ces éléments est 
soumis à la variation fluctuante, comme tous les détails morpho- 
logiques d'un être vivant. Un seul pronucléus se divisant dans 
des conditions expérimentales ou naturelles, ses chromosomes 
subissent une augmentation, conséquence directe d'une loi phy- 
sique. . 

Cependant si ces hypothèses permettent bien de rendre 
compte des phénomènes observés par nous, où par d'autres 
sur des sujets analogues, permettent-elles aussi d'expliquer ceux 


294 R. HOVASSE 


qui ont le plus influé sur lesprit de Boverr et l'ont amené à 
son hypothèse. 

Nous nous bornerons à étudier le cas si remarquable de l’As- 
caris megalocephala. Boven suit, tout d'abord après la fécon- 
dation normale, et chez certains noyaux à vrai dire peu nom- 
breux, les chromosomes pendant la phase de repos nucléaire, 
constatant ainsi la continuité nécessaire à sa théorie, entre les 
chromosomes de deux mitoses successives. La même observation 
a été refaite depuis par de nombreux auteurs. Elle est facile à 
interpréter par une dissolution incomplète dans le suc nucléaire, 
soit que la solution se rapproche de sa saturation, soit que la 
vitesse de segmentation lui enlève le temps de s’accomplir. Ce 
dernier argument est sans doute le préférable, car sur les figu- 
res même de Bovert on constate que presque toujours la dis- 
solution est complète, donnant souvent naissance à autant de 
vacuoles qu’il y a de chromosomes, ce qui s'explique tout sim- 
plement en suivant la marche de la télophase (cf. p.203). 

Des anomalies de nombre s'observent fréquemment au cours 
de la segmentation. [Il trouve ainsi depuis 3 jusqu'à 7 anses 
chromatiques, ce qu'il explique, le fait parait bien prouvé, par 
un fonctionnement irrégulier des figures d'émission polaire, ou 
bien par la fécondation anormale d’un œuf possédant 2 chro- 
mosomes après réduction (type bivalens), par un spermatozoïde 
n’en ayant qu'un (type univalens). 

Ce qui étonne Boven, c’est de constater alors que ces nom- 
bres anormaux se conservent parfaitement durant toute la seg- 
mentation. 

Si l'on compare l’un à l’autre les volumes du caryoplasme et 
du eytoplasme successivement chez l'œuf d’Ascaris et chez celui 
de Grenouille, on trouve les deux quotients approximatifs :1/280 
pour le premier ; {/100.000 pour le second. On conçoit sans 
peine que la quantité de chromatine du noyau dans le premier 
cas ait, dans l'équilibre final cytocaryoplasmique, plus d'impor- 
tance que dans le second. On peut comprendre que les œufs 
hyperchromatiques gardent leur excès initial de cette sub- 
stance. D'autre part il ne semble pas v avoir de réserve de 
chromatine sous forme figurée dans Le cytoplasme, rien d’éton- 
nant à ce que l'embryon hybride uni >< hivoalens ne reforme 


pas un noyau à 2». 


ÉTUDE DES CHROMOSOMES 295 


Tout aussi bien que l'hypothèse de Boven, celle de DeLra 
Vazze, complétée par la nôtre permet de comprendre ces faits. 
Elle permet d'en comprendre d’autres devant lesquels l'ndivi- 
dualité ne peut que s'incliner, la Variation et Ja Régulation du 
nombre (1). 

Elle n’est encore qu'une hypothèse que nous nous sommes 
efforcés de rendre le plus possible conforme aux faits, les imper- 
fections, les points faibles ne lui manquent pas, mais elle à le 
mérite, croyons-nous d'être totalement étrangère aux préoccu- 
pations vitalistes ou finalistes, elle reste done ainsi sur la seule 
voie vraiment scientifique qui puisse mener à la compréhension 
des phénomènes 


RÉSUMÉ DES RÉSULTATS 


1. — Chez la grenouille (Rana temporaria 1.) normalement 
fécondée, le nombre des segments chromatiques n’est pas cons- 
tant, mais varie entre des limites étendues, aussi bien dans les 
cellules génitales que dans les éléments somatiques. 

2. — Les embryons et larves du même animal, obtenus par 
parthénogénèse expérimentale (procédé BarTaizLon) possèdent 
un nombre de chromosomes qui, tantôt reste le même que celui 


(:) Les conclusions que nous donnonsici sont absolument opposées, pour ce qui 
concerne le nombre et l’Individualhté des chromosomes, à celles auxquelles par- 
vient R. de Lrraroière dans son important travail sur les chromosomes des Fou- 
gères (1921). 

Cet auteur, s'appuyant principalement sur des observations faites sur le vif et 
qui lui ont montré un réseau à l’intérieur des noyaux au repos, chez une espèce 
de Fougère (cf. sa fig. 13), considère la permanence des chromosomes dans le 
noyau au repos comme un fait établi, et conclut à leur Individuelité. Même eu 
admettant comme démontrée la permanence des chromosomes dans tous les 
noyaux par lui observés, il n’en reste pas moins vrai qu'il existe de nombreux 
cas où, indiscutablement le noyau est optiquement vide, même à l’ultramicro- 
scope. Sans vouloir revenir sur ce qui a été dit de la Grenouille, nous citerons à 
titre d'exemple lAscaris (cf. par ex. Faure-Fremer, 1913), On trouvera dans 
Borrazzi, 1913 (Das Protoplasma und die Kôrpersafte. Premier vol du Æandbuch 
der vergleichende Physiologie. Haxs WINTERSTEIN) un exposé critique de la ques- 
tion (structure du noyau au repos). 

Pour démontrer l’inexistence de la Variation du nombre, l'auteur se base sur la 
permanence des chromosomes. Bien qu'il reconnaisse lui-même que son maté- 
riel ne semble pas très favorable à l'étude des chromosomes il donne à ses 
conclusions une portée générale. On nous permettra de mettre en doute ce der- 
nier point. 


296 R. HOVASSE 


du pronucléus, tantôt se régularise, devenant égal à celui des 
œufs re Poondéss 

3. — La régulation se produit tout au début de la segmenta- 
tion, elle est totale, c’est-à-dire que toutes les cellules de l’ébau- 
che, normalement régularisée possèdent le nombre 2n. 

4. — Elle présente une série d'anomalies, tout à fait compa- 
rables à celles offertes dans les mêmes conditions par d’autres 
œufs parthénogénétiques, soit chez l’oursin, soit chez l'abeille, 
ou même la poule. 

5. — La non émission du second globule polaire, pas plus 
que le matériel introduit dans l’œuf par la piqûre n’ont d'action 
directe sur elle. 

6. — Elle n'est pas due à un doublement du nombre dans 
lequelles chromosomes possèderaient un rôle actif, mais semble 
l'expression d'un mécanisme purement physique d'équilibre 
de partage entre la chromatine du noyau et une cytochroma- 
line existant dans le cytoplasma. 


7. — Le même mécanisme permet de comprendre la varia- 
tion du nombre au même titre que sa régulation. 
8. — La variation du nombre et son Autorégulation sont 


totalement incompatibles avec Fhypothèse de lPindividualité 
des chromosomes, tout du moins si on lui laisse le sens que lui 
a donné Bovent. 


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LAVAL. — IMPRIMERIE BARNÉOUD. 


Etienne RABAUD 


LE CONTRASTE 
ENTRE LE RÉGIME ALIMENTAIRE 
DES LARVES ET CELUI DES ADULTES 


CHEZ DIVERS INSECTES 


SOMMAIRE 
L. — Les femelles des Sphégiens vivent sur les fleurs et pondent sur de la 
chair vivante. Les hypothèses explicatives du contraste .  . . . 230 
IL. — Le contraste n’est pas spécial aux Sphégiens. Comportement des 


femelles de Satyres et de divers autres Papillons. La comparaison conduit 
à poser exactement le problème : le régime de la larve dirige t-il le com- 
portement de l'adulte? . . .{. PA INRA 
IT. Données multiples conduisant à la négative. La Teigne des pommes de 
terre; Myelois cribrella ; cas des Vésicenls pondant sur les fleurs ; cas des 
Tachinaires pondant sur les feuilles ; cas des Braconides; cas de Tetra- 
stichus rapo. Cas des Criquels et des Vésicants pondant dans le sol. La 


femelle subit une attraction sans rapport avec le régime de la larve 234 
IV. Les Hyménoptères vulnérants se Aid de fi même manière, Faits 
démonstratifs. . : ET FACE 


V. Les femelles ontun double régime : le ‘contraste est moins marqué chez 
les Sphégiens que chez d’autres insectes. Changement d'état physiolo- 
gique chez les femelles ; son indépendance vis-à-vis du régime des larves. 
Certaines femelles quittent, au moment de pondre. la substance que 
mangeraient leurs larves. Cas des Calliphora, Lucilia, ete. L' «intérêt 
individuel », solution incomplète du problème. Il s’agit d’une attraction 
pure et simple ; les conséquences en sont quelconques : ce sont souvent 
des complications inutiles ou nuisibles du comportement ; ces conséquences 
n’influent jamais surele détereminismé Lt RS 0 NOR 


Depuis longtemps, les naturalistes observateurs insistent sur 
le fait que les femelles de nombreux Hyménoptères sphégiens 
donnent à leurs larves un régime carnivore, tandis qu’elles 
mêmes se nourrissent du pollen ou du suc des fleurs. L'insis- 
tance desnaturalistesse traduit souvent en formules admiratives, 
touchant ce « merveilleux instinct » qui conduit la mère à dis- 


CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES 231 


poser ses œufs justement sur la substance nécessaire au 
développement ultérieur des larves. Les formules admiratives 
_tiennent alors lieu d'analyse et d'explication. Impressionnés 
par le contraste, les naturalistes se substituent aux animaux 
qu’ils observent et, croyant se borner à raconter, imaginent 
une interprétation toute arbitraire. Loin de soupçonner le pro- 
blème qui se pose devant eux, ils admettent sans discussion 
que les femelles, obéissant à une impulsion supérieure, se com- 
portent au mieux des intérêts de leur progéniture, sachant pré- 
cisément ce qu'il lui faut, et le sachant sans l'avoir jamais 
appris. 

Quelques observateurs, toutefois, bien que ne cessant d’ad- 
mirer, cherchent à connaître les influences qui ont conduit ces 
femelles à se comporter ainsi. Le contraste étant donné, ils 
essayent de le réduire. Comment y parvenir? Comment remon- 
ter aux origines et retrouver le complexus d'influences qui l'ont 
déterminé ? Toute hypothèse à cetégard ne sera-t-elle pas gra- 
tuite, aussi peu solide que la simple narration subjective et 
simpliste dictée par une admiration sans critique ? D’aucuns 
émettent l’idée que l'adulte se souvient de la nourriture qu'il 
prit au cours de sa vie larvaire. Peut-être, en effet, se souvient-il. 
Nous l’ignorons et ne possédons aucun moyen de nous éclairer 
à ce sujet. L'hypothèse est entièrement invérifiable ; elle ne 
suggère aucune recherche d'aucune sorte; elle ne découle 
nécessairement d'aucun fait ; nous ne pouvons donc la retenir. 
Et d'ailleurs, dans la mesure où elle a un sens, cette hypothèse 
en implique toute une série d'autres : sont-ce les adultes flori- 
coles qui ont, un jour, changé de régime ? sont-ce, au con- 
traire, les larves qui ont adopté le régime carnivore ? à quelles 
influences les uns ou les autres ont-ils obé1? Si ce sont les 
larves qui ont changé, faut-il supposer qu'elles menaient jadis 
une vie libre, comme les larves de Tenthrèdes, puisque, deve- 
nues carnivores, elles ont perdu leurs pattes? En conséquence, 
les adultes, se souvenant de la conformation des larves d’où ils 
proviennent, auraient désormais pondu les œufs sur des proies 
vivantes. Si ce sont, au contraire, les adultes qui ont changé de 
régime, que n’ont-ils simplement déposé leurs œufs sur les 
fleurs ? 

Nous remonterions ainsi d’une question à l’autre, et le ferions ‘ 


232 E. RABAUD 


sans profit. La recherche des origines nous conduit tout droit 
vers un passé que nous n'avons pas vécu et dont les vestiges 
sont véritablement trop insuffisants. Le présent, par contre, 
nous met en face d'une étude immédiatement abordable, celle 
du déterminisme des phénomènes actuels. 


Il 


Examinons donc le contraste entre Le régime des adultes et 
celui des larves, si remarquable chez les Sphégiens, ne sortons 
pas de ce fait actuel et tâächons de l’analyser : la solution qui 
interviendra nous montrera peut-être l'inanité des questions 
d’origine. 

Aussi longtemps que nous contemplerons les Sphégiens à 
l'exclusion de tous les autres animaux, nous demeurerons 
devant le même problème, sans recueillir aucune donnée 
susceplible de nous éclairer un peu. Elargissant alors le champ 
de nos recherches, essayons de recueillir, ici ou là, des rensei- 
gnements précis. Aussitôt, une première constatation s'offre à 
nous : le contraste qui nous parait si remarquable chez les 
Pompiles, les Ammophiles, les Sphex et tant d’autres, ne leur 
est pas spécial. Ce contraste nous frappe, parce que nous le 
jugeons radical et que tout un drame l’accompagne. D'une part, 
nous n'apercevons rien de commun entre le régime herbivore 
et le carnivore ; d’autre part, nous attribuons une importance 
exceptionnelle à la capture d’une proie, aux coups de dard, à 
la paralysie, à l'enfouissement, à La ponte. Mais, au fond, le 
problème se réduit strictement à l'opposition qui existe entre 
deux moments de la vie des adultes, celui où äls mangent et 
celui où ils pondent, deux moments qui correspondent à deux 
régimes différents. | 

Aïnsi réduite à ses traits essentiels, l'opposition se retrouve 
chez bien d'autres Insectes que les Sphex; elle se retrouve, 
en particulier, chez divers Papillons. Fréquemment, par exem- 
ple, on aperçoit des Satyres butiner sur les fleurs etpondre sur 
l'herbe. Dès Le printemps, les femelles de l’un des plus com- 
muns d'entre eux, Epinephele jurtina, volent souvent en nom- 


CONTRASTE DE RÊGIMES ALIMENTAIRES 233 


bre le long des haies envahies par des Æubus en fleurs. Elles 
vont d'une fleur à l’autre, allongeant leur trompe et aspirant 
les sucs; de temps à autre, elles gagnent la prairie voisine, se 
rapprochent du sol et pondent sur les feuilles de Graminées. 
Les chenilles mangeront ces feuilles, — qui ne sauraient 
servir de nourriture aux Papillons adultes. Tout se passe à 
coup sûr, comme si le comportement des femelles aboutissait à 
donner aux chenilles la nourriture qui leur convient. Ce 
comportement ne diffère par aucun trait essentiel de celui 
d'une Ammophile, d'un Pompile, d'un Sphex, d’un Pélopée : 
sans être tout à fait du même ordre, l'écart des deux régimes 
est aussi marqué dans l’un et l’autre cas. La différence la plus 
importante réside, semble-t-il, en ceci que la chenille, larve très 
mobile, est capable de se transporter vers une plante nourri- 
cière, ce que ne peut faire la larve d'Hyménoptère. Par suite, 
il n'est pas indispensable que le Papillon femelle dépose pré- 
cisément ses œufs sur la plante même qui convient aux che- 
nilles. En fait, bien des Papillons pondent sur des substrats 
variés qui n'entrent nullement dans le régime alimentaire des 
chenilles : celles-ci se déplacent? 

On est alors conduit à se demander d'où provient cette diffé- 
rence entre les comportements, et comment il se fait que cer- 
taines femelles donnent à leurs larves la nourriture qu'il leur 
faut, tandis que d'autres ne paraissent nullement influencées 
par le régime nécessaire à leur progéniture. Présenté sous ce 
biais, le problème ne comporte pas de solution, car son énoncé 
ne renferme aucune donnée positive. En affirmant, à priori, que 
certaines femelles pondent de manière à donner aux larves un 
régime approprié, nous supposons le problème résolu, sans 
apporter aueun élément de preuve à l'appui de notre supposi- 
tion. Du même coup, nous nous privons des moyens d'effectuer la 
moindre recherche et, notamment, d'examiner si la femelle est 
vraiment guidée par les besoins ultérieurs de sa progéniture. 

Au contraire, une solution apparait si nous posons le pro- 
blème en termes tout autres. Nous gardant d'affirmer ce que 
nous ignorons, nous nous demandons si, indépendamment de 
son régime propre, l’adulte est réellement mené par la néces- 
sité de fournir aux larves un régime déterminé ; ou si, au con- 
traire, ce comportement de l'adulte est exclusivement guidé 


234 E. RABAUD 


par les influences actuelles, sans qu'intervienne la nécessité de 
donner aux larves un certain régime plutôt qu'un autre. 


Il 


Envisageant ainsi le problème, nous apercevons aussitôt de 
multiples données conduisant à conclure que l'adulte pond sur 
les substrats qui l’attirent, indépendamment de ce qui en pourra 
résulter pour les larves. 

La nature du substrat importe peu. 

Lorsque, par exemple, la femelle pond sur une plante, e'est-à- 
dire sur un substrat « comestible », il advient parfois que cette 
plante ne convient pas aux larves ou, du moins, n’est pas celle 
qui attire le plus fortement ces larves. F. Picarp a montré que 
si la Teigne des Pommes de terre est fortement attirée par 
Solanum tuberosum, elle pond néanmoins sur d'autres plantes 
qui n'attirent pas nécessairement les chenilles, ou même les 
repoussent : Cynoglossum pictum et Verbascum sinuatum ("). 
Pour ma part, j'ai montré que la femelle de Myelois cribrella 
pond, le plus souvent, sur Crrsium lanceolatum, mais que la 
chenille, mise en présence de capitules de Cirsium et de Car- 
duus est plus fortement attirée par le second que par le pre- 
mier (?). 

Et ce n'est encore rien. Bien d'autres Insectes pondent sur 
des végétaux qui, non seulement n’exercent pas sur les larves 
l'attraction maximum, mais ne les attirent pas du tout et ne ser- 
vent pas à leur alimentation. Plusieurs Vésicants déposent leurs 
œufs sur les fleurs : Macrosiagon tricuspidatus, Nemognatha 
chrysomelina, Leptopalpus rostratus, ete. Mème, l'attraction que 
ces Insectes subissent parait limitée à certaines fleurs : N. chry- 
somelina pond plus spécialement sur Echinops spinosum, et 
L. rostratus sur Centaure apullata. Mais, quelle que soit l'affinité 
de l’Insecte adulte pour ces plantes, la larve ({riongulin) ne se 
nourrit d'aucunes de leurs parties ; attirée par les divers 


(!) F. Picarn, La Teigne des Pommes de terre. Phthorimæa operculella. 
Annales des Epiphyties, 1913. 

() ET. Rapaup. Ethologie et comportement de diverses larves endophytes. 
Myelvis cribrella et quelques autres chenilles des capitules de Carducées. Bul. 
sc. Fr.-Belge 


19 
© 
ce 


CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES 


Insectes qui se posent sur les fleurs (!) cette larve s'accroche 
à eux. Souvent, ces Insectes sont des Abeilles ou des Guêpes, 
quitransportent le triongulin dans leur nid; souvent aussi ce 
sont des Diptères où des Coléoptères, auxquels le triongulin 
demeure attaché, incapable de se nourrir et, partant, de se 
développer. 

Outre les Vésicants, diverses Mouches parasites (Tachinaires) 
se comportent d’une manière analogue. Elles répandent leurs 
œufs sur les feuilles, que leurs larves ne mangent pas. Celles-ci 
ne se développent que dans le corps des chenilles ; il faut done 
que, mangeant les feuilles sur lesquelles sont répandus les 
œufs de Tachinaires, une chenille avale un ou plusieurs d’entre 
eux. Les Hyménoptères braconides, parasites externes de diver- 
ses larves, pondent aussi sur les plantes, sans être spécialement 
attirées par celles qui renferment déjà une larve capable de 
servir d’aliment (?). | 

Sans nul doute, toutes ces femelles subissent une influence 
actuelle n'impliquant aucune vue prophétique. Et il en est 
encore ainsi lorsque les femelles pondent, non plus sur une 
plante, mais sur un animal. Les larves de Tetrastichus rapo, 
par exemple, ne se développent que si elles sont pondues dans 
les cocons d’Apanteles, parasites des chenilles de Pieris bras- 
sicæ, ou dans des larves déjà fort développées, encore incluses 
dans une chenille. Néanmoins, la femelle de T. rapo pique 
indistinctement toutes les chenilles de Preris, jeunes ou âgées, 
renfermant ou non des Apanteles ; et comme la piqüre tue la 
chenille, la manœuvre de la femelle est fréquemment sans 
résultat utile (*). 

L'ensemble de tous ces cas tend à évoquer un phénomène 
d'ordre général que, par une première approximation, nous 
pouvons ramener à ceci : la femelle qui pond n’est nullement 
dirigée par les nécessités ultérieures des larves. 

Rien, au surplus, n’exprime mieux la généralité du phéno- 
mène que le comportement de toutes les femelles qui enfouis- 
sent leurs œufs dans le sol. Ce sont les femelles de divers Cri- 


{) Et, probablement par les mouvements de ces Insectes. 

(2?) PicarD et RaBaup, Sur le parasitisme externe des Braconides. Bul. Soc. ent. 
Fr., 1914. 

(5) F. Prcaro, Sur la biologie de Tetrastichus rapo. Bul. Soc. ent. Fr., 1921. 


236 E. RABAUD 


quets, celles de plusieurs Vésicants (Me/oë, Zonabris, Cerocoma, 
Lydus, Cantharis). Une fois écloses les larves ne trouvent, évi- 
demment, à leur portée aucun aliment ; elles ne continuent de 
vivre que si, se déplacant, elles rencontrent des matériaux 
qu’elles puissent manger. La rencontre peut être facile pour les 
Criquets, qui rongent les plantes ; elle l'est moins pour les trion- 
gulins, dont le régime alimentaire parait assez strictement 
limité au miel de divers Hyménoptères. Enfouissant leurs œufs 
dans le sol, les femelles des Vésicants placent donc leur progé- 
niture dans les conditions les plus défavorables, et lon ne 
saurait dire qu'elles leur préparent un régime alimentaire. Et 
elles ne le préparent pas; alors qu'il leur suffirait, pour le faire, 
de pondre là même où les larves se nourrissent. 

Lorsqu'un Meloë, en effet, pond dans le sol, l'évidence 
s'impose que les besoins ultérieurs de sa progéniture ne guide 
point la femelle au moment où elle pond ; sans aucun doute elle 
subit une attraction purement actuelle, que nulle subtilité ne 
parviendra à faire passer comme un avantage pour la mère ou 
pour les descendants. Ceux-ci ne survivront que si, se dépla- 
çant, ils rencontrent un nid d'Hyménoptères dans lequel ils 
puissent pénétrer : bien qu’étant des larves libres, ils auraient 
bénéfice à naitre tout près des substances dont ils vivent. 
C'est d’ailleurs ainsi que procèdent d’autres Coléoptères, égale- 
ment parasites des Abeilles, tel Trichodes umbellatarum, qui 
pond directement dans les nids des Hyménoptères. Ce compor- 
tenrent si simple pourrait aussi bien être celui de tous les Vési- 
cants ('). 


IV 


Ces faits nous ramènent directement au cas des Hyménoptères 
vulnérants. Leurs femelles, comme celles des autres Insectes 
subissent une attraction : elles mangent ou pondent ; mais, en 
aucun cas, l’attraction n'est liée aux nécessités, médiates ou 
immédiates, de la descendance. 

La preuve de cette attraction est fournie par les observations 
multipliées de Marcuar, des PEcknau, de Ferro, de Rougaun, 


(1) Aug. Cros. Le Trichodes umbellatarum, ses mœurs, son évolution. Bull. 
Mus. Hist. Nat., 1908. 


CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES 237 


de Picao, d’'Ancerz et les miennes, qui montrent que les femelles 
de Sphégiens se nourrissent aux dépens des proies qu'elles 
capturent. Les Ammophiles qui malaxent la nuque des chenilles 
ne cherchent nullement à comprimer un ganglion nerveux, 
comme Fagre l'a cru ; elles mordent avec énergie, pendant une 
demi-heure au moins, et lèchent les régions mordues. Bien 
mieux, au cours même du trajet qu'elles effectuent en trans- 
portant leur victime, elles s'arrêtent, malaxent et lèchent à 
nouveau ('). Les Pompiles lèchent aussi les Araignées qu'ils 
capturent et paralysent. Ferro à même vu Priocnemis pusillus 
capturer une Araignée, la mâchonner et l’'abandonner ensuite 
sans avoir pondu (?). Sphex subfuscatus, qui capture et paralyse 
des Criquets, se borne parfois à laper les liquides qu'ils dégor- 
gent et laisse La victime sur place (5). Bembex oculata lape 
également les sucs que dégorgent les Mouches capturées, ou 
même les malaxe fortement et les vide (*).. De mème proce- 
dent les Cerceris avec les Halictes (*), les Philanthes avec les 
Abeilles. Touchant les Philanthes, FABRe a prétendu qu'ils 
avaient soin d'enlever le miel que contenaient leurs proies, parce 
qu'il serait un poison pour les larves. Mais MarcHaL fait très 
justement remarquer que les Ammophiles malaxent et lèchent 
les chenilles qui, cependant, ne renferment pas de miel ; et 
Picarp (*) apporte la preuve formelle que la manœuvre du Phi- 
lanthe n’est nullement provoquée par le souei des larves, puis- 
que ce Sphégien tue etlèche des Abeillesqu'il abandonne ensuite. 
Les Meilines, de leur côté, capturent des Mouches, qu’elles 
malaxent et vident (°) ; et les Guêpes, qui donnent à leurs larves 
les Mouches réduites en pâtée, en absorbent une partie (*). 


(!) P. Marcuar, Etude sur l'instinct de l'Ammophila affinis. Arch. zool. exp. et 
gén., 1892. 

() Cu. Ferro, Nouvelles observations sur l'instinct des Pompilides. Actes de 
la Soc. linn. de Bordeaux, 1897. 

(*) Cu. Feurox, Notes détachées sur l'instinct des Hyménoptères mellifères et 
ravisseurs, 2 série. Ann. Soc. ent. Fr., 1902. 

(‘) Cu. Ferrox, Observations sur l'instinct des Bembex. Actes de la Soc. linn. 
de Bordeaux, 1900. 1 

(6) P. Mancuaz, Etude sur l'instinct de Cerceris ornata. Arch. de z0ol. exp. el 
gén., 1887. 

(5) F. Picaro, Note sur l'instinct du Ph lanthe apivore. #. J. N., 1905. 

(7) Et. Ragauo, Note suc l'instinct de Mellinus arvensis et ses rapports avec 
celui des autres Sphégiens. Bul. biol. Fr. Belg., 1917. 

(8) J. H. Faure (Souvenirs entomologiques, 4 série) a vu l'Odynerus nidulalor 
en captivité malaxer et lécher les larves de Zina populi, puis les abandonner. 

16 


938 E. RABAUD 


Des faits très analogues existent en dehors des Sphégiens et 
des Guêpes. P. Marcnaz a observé deux Chalcidiens qui se nour- 
rissent des substances même sur lesquelles ils pondent, léchant 
le liquide qui s'écoule de la blessure faite par la tarière. L'un, 
Tetrastichus xanthomelzænæ, pond dans les œufs de la Galeruque 
de l’Orme ; il pique à diverses reprises le même œuf, lèche 
chaque fois, mais ne pond pas nécessairement après chaque 
piqûre. L'autre, Aphelinus mytilaspidis, pique les Cochenilles 
et procède d'une manière très analogue ; lui aussi pique plu- 
sieurs fois la même Cochenille et ne dépose, pourtant, qu'un 
œuf (‘). S. Doten, a fait des observations confirmatives (?). Em. 
Roupaun, de son côté, montre que Nasonia brericornis ponc- 
tionne à plusieurs reprises les pupes de Diptères et absorbe le 
liquide qui s'écoule de la ponction ; celle-ci est souvent effec- 
tuée bien avant que les œufs soient mürs et que la ponte soit 
possible. Bien mieux, N. brevicornis pond fréquemment dans 
des pupes à parois extrêmement épaisses et telles que les lar- 
ves n'en pourront sortir (*). Enfin, J. L. Licarenste (*), puis 
TrouveLor (*) viennent de montrer qu'un Hyménoptère chalei- 
dien, Habrocytus cionicida, parasite des larves d’un Charançon, 
Cionus thapsi, et un Hyménoptère braconide, Habrobracon 
johansenni se nourrissent également aux dépens des proies 
dans lesquelles ils déposent leurs œufs. 


V 


Ainsi, les faits sont nombreux et probants ; ils permettent 
d'affirmer que les femelles ne pondent pas de manière à pla- 
cer leurs larves dans les conditions données : Les femelles ont 
un double régime, et c’est l’un d'eux qu’elles imposent à leurs 


(1) P. Marcaz, a) Observations biologiques sur un parasite de la Galéruque 

de l'Orme, T'etrastichus xanthomcelænce. Bul. Soc. ent. Fr., 1905. 
b) La ponte des Aphelinus et l'intérêt individuel dans les actes liés à 

la conservation de l’espèce. C. À. Acad. Sc., 1909. 

(>) S. Doren, Agr. exp. Station of the University of Nevada, 1912. 

(8) E. Roupaup, Observations biologiques sur Nasonia brevicornis, Bul. Scient. 
Fr. Belg., 1916-17. 

(3) J. L. LicurensreiN, Sur la biologie d’un Chalcidien. C. 2. Acad. Se., 1921. 

() B. TrouveLor, Observations biologiques sur l’Aabrobracon johansenni. Soc. 
biol., 1921. 


CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES 23) 


larves. Même, elles leur imposent un régime beaucoup trop 
strict qui ne répond à aucun avantage réel. Les Pompiles, les 
Sphex, les Anmophiles, tous les Vulnérants, et de nombreux 
Hyménoptères parasites poursuivent une proie déterminée, 
mais leurs larves vivraient aussi bien sur d’autres proies. Fapre 
l’a montré en ce qui concerne les Bembezx, les Ammophiles, Les 
Philanthes, les Cerceris dont les larves se développent sur des 
proies très variées, ef je l'ai confirmé pour ee qui est spéciale- 
ment d'Animoplhila heydeni (). 

En réalité, le contraste entre le régime alimentaire des larves 
et celui de l'adulte est beaucoup moins évident pour les Sphé- 
giens qu'il ne l'est pour d’autres Insectes. À ceux-ci, personne 
ne prend garde ; sans Surprise aucune, on constate le compor- 
tement dés Vésicants, et l'on ne remarque pas l'opposition radi- 
cale entre la larvé qui vit de miel et la ponte effectuée dans le 
sol ou sur une fleur : ces complications inutiles et absurdes ne 
choquent pas. Parce quelles sont absurdes, les natura- 
listes les admirent sans se poser à leur sujet les questions qu'ils 
se posent au sujet des Sphégiens. Tandis que l« instinct » des 
Sphégiens adultes léchant les fleurs et pondant sur de la chair 
vivante leur paraît digne d'attention, l'instinet des Vésicants 
adultes déposant les œufs dans les conditions Les plus défa- 
vorables ne les retient pas, leur attention se détourne sur les 
larves : en toute occasion l'admiration masque le phénomène. 

Sa généralité aurait dû cependant frapper les observateurs. 
Le phénomène se réduit à un état physiologique très caractérisé 
des femelles qui vont pondre, état tel, que ces femelles subis- 
sent l’attraction de substances diverses. Cette attraction n’a 
aucun rapport nécessaire ni avec le régime habituel de la 
femelle, ni avec celui de la larve. Parfois la femelle ou la larve, 
ou toutes les deux, prennent pour aliment les substances attrac- 
tives ; mais l'éventualité contraire se produit : il faut done cons- 
tater l'attraction, sans plus. 

Et cette indépendance de l'état physiologique de la femelle 
vis-à-vis de tout régime met, précisément, cette attraction en 
plein relief. Quelques faits, du reste, la souligneraient au 


(:) Er. Rasaun, Observations et expériences sur 4”mophila heydeni. Bul. Soc. 
Zool. Fr., 199. 


240 E. RABAUD 


besoin. Outre les cas où la femelle enfouit ses œufs dans le sol, 
alors que les larves ne seront pas attirées par la plante voisine, 
il convient de rappeler ceux où la femelle pond sur un végétal 
qui n'attire par les larves, qui, mème, les repousse. Le fait est 


d'autant plus remarquable, que ce défaut d'attraction — ou 
cette répulsion — n'implique nullement que la plante serait 


un mauvais aliment pour la larve. F. Picarp () a montré, 
notamment, que la Teigne des Pommes de terre pond sur Ver- 
bascum sinuatum et que les chenilles, aussitôt nées, abandon:- 
nent cette plante : quelques individus, cependant, la mangent 
et se développent aussi bien que s'ils prenaient un autre ali- 
ment. 

En d’autres circonstances, au moment de pondre, la femelle 
s'éloigne des substances dont ellé se nourrit, dont se nourris- 
sent également ses larves, et va déposer ses œufs sur un substrat 
quelconque. Ainsi procèdent Meloë majalis et M. tuccius : sans 
être exclusivement mellivores, les adultes mangent le miel des 
Osmies, que mangent aussi les larves : mais la femelle va pondre 
dans le sol (?). Le comportement parait franchement absurde 
et cette absurdité même implique l'intervention d’une influence 
strictement actuelle, dans laquelle l'intérêt des larves n’entre 
pour aucune part. | 

Cette influence actuelle ressort encore du comportement de 
tous les animaux qui viennent Ss'abattre et pondre sur un sub- 
strat, en fonction de l'odeur qu'il dégage. Les Calliphora vomi- 
toria, Lucilia cwsar, Sarcophaga, etc., viennent indistinctement 
sur la viande ou sur diverses plantes(Arum crinitum, À. dracun- 
culus, Stapelia hirsuta, S. variegata, divers Chenopodium) à 
fumet cadavérique. Elles déposent leurs œufs ou leurs larves ; 
mais le développement n'a lieu que si le dépôt est effectué sur 
la viande. Cette dernière éventualité est, peut-être, la plus fré- 
quente, non parce que la femelle sait discerner un « bon » sub- 
strat d'un «mauvais », mais parce que les plantes à odeur cada- 
vérique sont moins répandues que les cadavres d'animaux. 

Mais que l'œuf pondu puisse ou non se développer, que la 
femelle trouve ou non un aliment, et quel que soit l'animal 


(t) F. Picarp, op. cit. 
() Aug. Cnos, Mœurs el évolution de HMeloë majalis. Bul. Soc. Hist. nat. Af. 
du N., 1912. 


CONTRASTE TE RÉGIMES ALIMENTAIRES 241 
dont il s'agisse, l'attraction qui s'exerce est tout à fait imdépen- 
dante de l'effet qui en pourra retentir sur l'individu ou sa 
lignée. Divers auteurs, cherchant à lever la contradiction qui 
semble exister parfois entre le régime de l’adulte et celui des 
larves, insistent précisément sur le fait que les femelles se 
nourrissent aux dépens des proies qu'elles capturent : ils en 
concluent que ces femelles obéissent à « l'intérêt individuel ». 
Avec MarcHas, avec Rougau et d'autres, j'ai cru un instant que 
la solution du problème se trouvait vraiment là. Sans doute, il 
est plus rationnel, beaucoup plus satisfaisant pour l'esprit, de 
penser que l'adulte se comporte en fonction de son intérêt pro- 
pre, en dehors de toute influence occulte qui le guiderait en fonc- 
tion de l’avenir. Sans doute encore, faire appel à l'intérêt mdi- 
viduel, c'est demeurer dans le domaine des données positives 
et faire ressortir les relations de l’animal avec les cireons- 
tances extérieures. Toutefois, l’ « intérèt individuel » ne corres- 
pond qu’à une analyse incomplète ; nous ne verrons le phé- 
nomène tout entier qu'en poursuivant l'analyse jusqu'au bout. 

Et, dès lors, on aperçoit que ce qui domine le comportement 
des femelles, ce n'est pas l «intérêt individuel »; c'est une attrac- 
tion pure et simple qui mène ces femelles vers un substrat 
quelconque, indépendamment des conséquences : ce substrat 
pourra servir d’aliment aux femelles, aux larves ou aux deux à 
la fois, et il ne s’ensuivra pas que ce régime soit le meilleur 
ou le seul possible ; ce substrat pourra, tout aussi bien, n'être 
pas comestible. 

Cette attraction, invincible et strictement actuelle, a une con- 
séquence immédiate d’une tout autre nature, qu'il importe de 
souligner pour lui donner son exacte valeur : fréquemment elle 
détermine, dans le comportement des organismes, d’extrèmes 
complications, sans aucun profit pour l'individu — et, partant, 
pour l'espèce — même nuisibles, généralement. Elle les déter- 
mine de plusieurs manières, deux au moins. 

Souvent, d'une part, cette attraction est assez strictement 
spécifique ; la femelle subit l'influence d’un certain substrat plus 
fortement qu'elle ne subit l'influence d’autres substrats. C'est 
Agrotis segelum attirant spécialement diverses Ammophiles, ce 
sont les Araignées, et certaines Araignées, attirant les Pompi- 
les, les Criquets attirant Les Sphex, les Abeilles attirant les Phi- 


249 E. RABAUD 


lantes, etc. Tous ces Insectes volent, marchent, vont, viennent, 
jusqu'au moment où ils rencontrent leur proie spéciale, Certes, 
si cette proie est rare et que la rencontre se fasse attendre, ces 
Insectes finissent par obéir à l'attraction de proies plus ou 
moins analogues ; encore faut-il dire que lanalogie demeure 
assez étroite. Dans tous les cas, 1l s'ensuit une grande dépense 
d'énergie, car tout Le temps utilisé en marches et contre-marches 
représente un travail considérable. Ce travail a-t-il, au moins, 
un résultat, sinon indispensable, simplement utile ? Nous 
savons bien que non, puisque les larves se nourriraient et se 
développeraient aussi bien avec des proies toutes différentes : 
et de là ressort la complète inutilité du travail effectué. En 
conséquence, l'attraction que subissent les femelles entraîne 
une dépense d'énergie inutile et devient, par là même, vérita- 
blement nocive. 

D'autre part, les complications du comportement des larves 
de Vésicants aboutissent à un résultat analogue. Que les œufs 
soient pondus sur les fleurs ou dans le sol, il en résulte pour 
les larves — outre une dépense d'énergie — un très grand danger. 
Qu'elles s’accrochent aux Insectes qui passent, ou qu'elles se 
déplacent par leurs moyens propres, elles ne réussissent que 
dans un nombre restreint de cas à gagner un nid d’Abeilles ou 
de Guêpes. Beaucoup d’entre elles périssent, à coup sûr. En 
présence de ce résultat incontestable, et d'ailleurs évident, 
l'admiration des naturalistes ne connaît plus de bornes. Sans 
doute, disent-1ls un grand nombre de larves disparait, mais ces 
pertes, que rend possible une ponte surabondante, ont leur 
contre-partie dans la persistance de l’espèce. 

N'est-ce pas, tout de même, un détour singulier que de 
déposer des larves sur un substrat quelconque, alors qu'il 
serait tout aussi simple de les déposer là où elles trouve- 
raient des aliments ? Aucun obstacie ne s'oppose à un tel com- 
portement, puisqu'il est précisément celui d’un certain nombre 
d'Insectes. Au surplus, le détour d'une ponte surabondante, 
supposée nécessaire pour perpétuer l'espèce, aboutit simple- 
ment à une perte de substance. Toutes ces larves qui meurent 
prématurément représentent autant d'énergie dépensée sans 
aucun profit ; et l’on se rend bien compte du peu qu'il faudrait 
pour que cette perte, déjà nocive à un certain degré, le devienne 


to 
ne 
ce 


CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES 


irrémédiablement. Pour tout dire, Le raisonnement qui consiste 
à représenter la multiplicité des œufs comme une compensation 
aux difficultés du développement est un raisonnement propre- 
ment absurde. Selon toute vraisemblance, la marche des évé- 
nements doit se reconstituer d’une toute autre manière. 

Bien évidemment, si des animaux soumis à de telles compli- 
cations ne pondaient qu'un petit nombre d'œufs, leur lignée 
disparaitrait rapidement ; la plus grande fécondité augmente 
alors les chances de vivre et, par suite, la complication perd 
un peu de sa nocivité. Mais on ne peut dire que cette fécondité 
soit un avantage ; elle ne supprime pas linutilité du travail 
accompli, ni l'énorme destruction de matière : cette fécondité 
n'est que le moindre mal ; elle limite, dans une faible mesure, 
le dommage occasionné par l'attraction qui éloigne la femelle 
d'un substrat capable de servir d'aliment aux larves. 

Aïnsi, en examinant dans leur ensemble les processus qui 
aboutissent à une sorte d'opposition entre le régime alimentaire 
des larves et celui des adultes, on ne trouve rien que le jeu nor- 
mal de l'activité générale des organismes en fonction du milieu, 
leur constitution étant donnée. Inéluctablement entrainés et 
déterminés par les influences les plus diverses, dont les effets 
varient avec les états physiologiques, les organismes vont ici 
ou là. Le résultat est simple ou compliqué, suffisant ou nuisible, 
en aucun cas ce résultat n influe sur le déterminisme. 


6 mars 1922. 


Charles PÉREZ 


OBSERVATIONS SUR 


LA MULTIPLICATION GEMMIPARE 


D'UN SCYPHISTOME 


1. Circonstances de récolte et conditions d'élevage. 


Pendant mon séjour de l'été 1920 au Laboratoire maritime 
de Wimereux, j'ai eu l’occasion d'observer des Scyphistomes 
vivant fixés sur la tunique d’Ascidies, Ciona intestinalis Flem., 
récoltées elles-mêmes sur les portes du bassin à flot de Bou- 
logne-sur-mer. Cette association n'a évidemment rien de néces- 
saire. Je noterai cependant qu'à la même époque MM. CauLzery 
et Mesniz ont observé également, à l'anse Saint-Martin, près 
de Cherbourg, des Scyphistomes sur la tunique d'une Ascidie, 
et que, dans le vivier de la Station Biologique de Roscoff, des 
Scyphistomes s’observent aussi fréquemment sur les Aserdia 
mentula O.F. Müller. 

Les Scyphistomes en question formaient sur la tunique une 
population très dense, dont les individus se signalaïient immé- 
diatement par l'extrême diversité de leur taille. De toute évi- 
dence il ne s'agissait point là d'un groupement de frères de 
même âge, résultant de la fixation simultanée de tout un essaim 
de planulas. Les individus les plus petits se faisaient d’ailleurs 
remarquer par de fréquentes irrégularités de nombre, de dis- 
tribution ou de taille de leurs tentacules, caractère en opposi- 
tion avec l’uniformité ordinaire du type des polypes directement 
issus de larves nageuses. J’ai tout de suite pensé qu'il s’agis- 
sait d'une population de polypes en voie de multiplication par 
bourgeonnement et dont les tailles diverses correspondaïent à 
autant de générations issues les unes des autres. L'observation 
prolongée n'a pas tardé à confirmer cette impression; et j'ai pu 
suivre en élevage le détail des processus de blastogénèse. 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 245 


Les circonstances naturelles de la récolte facilitaient particu- 
lièrement l'observation. De petits segments de tunique, épais 
d'environ 1 millimètre et porteurs de Scyphistomes, furent 
prélevés au rasoir et déposés à plat sur le fond de boîtes de 
Pétri. Les polypes purent ainsi être élevés et nourris, comme 
je l'ai décrit dans un travail antérieur (Ch. Pérez, 1921). Jai 
utilisé comme nourriture des débris de tissus variés : intestin 
de Ciona, foie de divers Mollusques ou Crabes, ou bien encore 
gonophores de Tubularia. 1 peut y avoir intérêt, à certains 
égards, à faire alterner des repas diversement colorés, tels que 
foie jaune et gonophores rouges ; l'aliment coloré réalise en 
effet, pour les régions endodermiques qui l'ont englobé, une 
sorte de teinture qui persiste plusieurs jours et ne s’atténue que 
peu à peu. On peut, par ce moyen très simple, constater par 
exemple que la substitution de teinte après un nouveau repas 
ne s'étend pas à un bourgeon, indice de la non pénétration des 
aliments à partir de la cavité gastrale du parent ; on peut aussi 
noter à partir de quel moment et dans quelle mesure un jeune 
bourgeon dont la bouche est ouverte commence à prendre de la 
nourriture extérieure. 

La séparation des supports dans des récipients distincts, la 
forme particulière de chaque fragment de tunique, permettaient 
de suivre, par continuité de jour en jour, des individus exacte- 
ment repérés, et de les observer à de multiples reprises sans les 
endommager, ni troubler en quoi que ce soit leur existence. 
Les observations furent poursuivies du 25 août jusqu’au 5 octo- 
bre ; un grand nombre d'individus furent suivis et dessinés cha- 
eun au moins une fois par Jour ; précaution nécessaire en raison 
des rapides modifications de formes qui peuvent parfois se pro- 
duire en quelques heures, et qui feraient douter de l'identité 
d'un polype en l'absence de dessins sériés et de repères précis. 
Chaque individu fut désigné dans mes notes par une lettre ; 
telle est la signification des majuscules accompagnant les figures 
et auxquelles ne correspond dans les légendes aucune expli- 
cation. 

Etant donné que les Scyphistomes de mes élevages ont été 
fréquemment et abondamment nourris, 1l est possible que les 
processus de bourgeonnement aient été accrus d'intensité, de fré- 
quence et que les étapes du phénomène en aient été accélérées. 


246 CH. PÉREZ 


Mais je ne crois pas qu'il y ait eu perturbation véritable dans 
l'allure morphologique des faits. En effet, après que mes éle- 
vages eurent déjà duré un certain temps, une nouvelle récolte 
d'Asecidies fut faite dans la station naturelle, et un examen 
immédiat des Scyphistomes qu'elles portaient me fournit un 
grand nombre de stades variés, exactement superposables aux 
dessins déjà consignés dans mes notes. Les faits qui vont être 
décrits correspondent done bien, sous réserve d'un changement 
possible de vitesse, à ceux qui se produisent spontanément 
dans les circonstances ordinaires. 


2. Formation de stolons pédieux et de crampons de 
consolidation. 


Un phénomène particulièrement manifeste dans la popula- 
tion de Scyphistomes était la poussée fréquente de stolons sur 
la région mférieure des polypes (fig. 1). Constitués par une 


Fig. 1. — Divers aspects de Scyphistomes porteurs de stolons pédieux x 15. 


simple évagination des deux couches épithéliales de la paroi du 
corps, ces stolons débutent comme une simple voussure, et 


1 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 24 


s'étirent ensuite en un cône aigu dont le sommet se prolonge 
par un filament cylindrique grêle, légèrement renflé à son 
extrémité hbre en une sorte de bouton glutineux, et dont la 
forme rappelle souvent celle d'une baguette de tambour. Sans 
avoir bien entendu la mobilité et la contractilité rapide des 
- tentacules, ces stolons sont flexibles et susceptibles de mouve- 
ments lents de nutation dans leur méridien d'insertion ou de 
rotation autour de l’axe du polype. Ils ont l'air de palper leur 
champ de déplacement, et se fixent éventuellement d'une 
manière temporaire, en épatant sur un support de rencontre 
leur bouton terminal. Ils peuvent aussi se rétracter en se 


Fig. 2. — I, Polype à deux stolons, vu par la face orale. 


Il, Cas exceptionnel, trois stolons parallèles insérés côte à côte. 


ramassant vers leur base d'insertion et raccourcissant leur fila- 
ment distal. C’est généralement après s'être ainsiraccourcis qu'ils 
se fixent définitivement, au voisinage plus immédiat du pied 
primitif du Scyphistome et constituent des crampons supplé- 
mentaires renforçant l'adhérence du polype à son support (fig.27, 
28, p. 266, 267). 

IL est possible que l’activité de cette rhizomanie ait été rendue 
plus intense par les conditions spéciales de l'élevage : les petits 
fragments de tunique isolés en boîtes de Pétri constituaient 
des supports insuffisamment fixes, fréquemment agités au cours 
des observations ou des opérations de nourrissage. On conçoit 
que cette agitation ait pu provoquer des réactions tendant à 


248 CH. PÉREZ 


consolider la fixation, réactions d’une efficacité d’ailleurs illu- 
soire dans les conditions où elles se produisaient. Mais le pro- 
cessus de stolonisation est certainement naturel ; je l'ai observé 
sur des Scyphistomes venant d'être récoltés dans leur station 
naturelle ; 11 correspond exactement à celui que L. Acassiz a 


Fig. 3. — Stolon bifurqué. 


figuré autrefois (1860) pour les Scyphistomes d'Aurelia flavi- 
dula Péron et Lesueur, et que Hérouarb a plus récemment 
décrit (1909-11) chez les Seyphistomes de Chrysaora isosceles 
Esch. observés à Roscoff. 

Le même polype peut pousser simultanément plusieurs sto- 
lons. en règle générale dans des directions variées (fig. 2, /). 


Fig. 4. — Stolon issu d’un bourgeon, et ramifié en croix. 
La figure 2, /1, représente un cas exceptionnel : trois stolons 
identiques partent presque du même point, et un quatrième 
commence à pousser dans une autre direction. 

Presque toujours les stolons sont simples, sans aucune rami- 
fication, Parfois cependant ïl$ se bifurquent un peu avant leur 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 249 


extrémité (fig. 3, 19 p.261). La figure 4 montre un stolon bifur- 
qué en croix, en forme de VW, et qui est lui-même issu d’un 
bourgeon. 

IL arrive assez fréquemment qu'après s'être fixé par son 
extrémité distale, lé stolon se contracte en augmentant de dia- 
mètre et attire à lui sa région d'insertion sur le polype. dont 
le pied primitif s'étire en cédant à cette traction ; aussi n'est-il 
pas rare d'observer des Scyphistomes dont le calice s'évase au 
sommet d'une arche de pont dont les deux culées sont seules 


Fig. 5. — Polype dont la partie pédieuse forme nn arceau entre la fixation 
primitive (1) et la fixation nouvelle (Il) de l'extrémité d’un stolon. 


fixées au support (fig. 5). Ces polypes qui ont l'air de faire le 
grand écart sont peut-être parfois en train de changer de posi- 
tion, par une sorte de marche arpenteuse qu'Hérouarb à déjà 
signalée. La substitution d'une nouvelle région pédieuse à 
l’ancienne comporte naturellement dans la région basilaire du 
calice un remaniement morphallactique qu'il serait intéressant 
d'étudier en détail. Mais souvent le processus s'arrête là, et le 
polype conserve longtemps sa double fixation. 

La figure 6 montre un cas un peu aberrant du phénomène 


250 CH: PÊREZ 


précédent. Un stolon exceptionnellement trapu s'était déve- 
loppé le 5 septembre, ressemblant plutôt à un bourgeon : le 


Fig. 6. — Deux aspects successifs du polype E, le 5 et le 6 septembre. 


lendemain cette protubérance s'était tout simplement infléchie 
vers le bas et largement fixée au support par son extrémité libre. 


Fig. 7. — Deux aspects ultérieurs du polype E, le 10 et le {1 septembre. 
Poussée puis rétraction d'un stolon. 


Le 8 septembre la nouvelle région de fixation se prolongea en 
un stolon digitiforme flottant qui alla s’allongeant jusqu’au 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 251 


10 septembre (fig. 7). Le 11 ce stolon flottant s'était rétracté 
vers sa base d'insertion et le 12 il s'était presque complètement 
effacé. Ce polype E fut suivi encore jusqu'au 16 septembre, 
sans présenter aucune modification nouvelle digne d’être notée. 


3. Allures diverses du bourgeonnement. 


Outre la poussée des stolons, les Scyphistomes se multi- 
pliaient abondamment par la formation de bourgeons. Bien que 
les processus ne soient pas toujours absolument distincts, on 
peut dire en principe que les bourgeons naissent sur la paroi 
latérale du calice à un niveau plus élevé que les stolons stéri- 
les (fig. 8); et dans les cas les plus simples un jeune bourgeon 


Fig. 8. — Contraste entre la première ébauche d’un stolon stérile s 
et d’un bourgeon D. 


se distingue de l’amorce d’un stolon en ce qu'il prend assez 
rapidement la forme d’une figue, pédiculée à son insertion 
sur le parent (fig. 8). 

Le bourgeon peut continuer à évoluer ainsi, ouvrir à son 
sommet l’orifice buccal, et développer successivement ses pre- 
miers tentacules (fig. 25, page 265). Et si la disposition topo- 
graphique du support autour du parent s’y prête, le bourgeon 
peut se fixer directement par un point diamétralement opposé 
à la bouche et qui représente morphologiquement sa région 
pédieuse. Tel est le cas du polype B (fig. 9), où le bourgeon 
en forme de pipe s'est fixé d’une façon précoce en se posant 
simplement sur une saillie voisine du support. 


252 CH. PÉREZ 


En règle générale la fixation est beaucoup plus tardive. Le 
bourgeon précise et régularise sa forme, et il évolue jusqu à 
une étape assez avancée, tenant toujours au parent par un pont 
d'union qui s'étrangle et s’étire de plus en plus, ne constituant 
bientôt qu’un filament extrèmement grêle, qui ne conduit évi- 


Fig. 9, — Fixation précoce et directe d’un bourgeon 
te) x te) 
par appui sur le support. 


demment plus aucun échange nutritif entre Les deux polypes 
nés l’un de l’autre, et qui permet au bourgeon de tourner 
librement autour de son point d'attache dans les attitudes les 
plus variées (fig. 19, page 261). Quand le bourgeon commence 
à se rendre lui-même solidaire d’un support voisin, c'est en 
poussant personnellement un stolon, directement opposé à la 
fixation au parent, et qui nait un peu au-dessus de l'extrémité 
inférieure figurant le pied du bourgeon. Ce stolon peut n'appa- 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 953 


Fig. 10. — Fixation d'un bourgeon par un stolon apparu tardivement, 
après l’étranglement du pédicule du bourgeon. 


raîitre que postérieurement à l’étranglement du pédicule d’un 
bourgeon en forme de figue (fig. 10, fig. 18, p. 260). 


Fig. 11. — Deux aspects à 20 heures d'intervalle, d’un polype où s'ébauchent 
à peu près simultanément un bourgeon ogival n, el le stolon qui le pro- 
longe distalement «. 

17 


254% CH« PÉREZ 


Mais le plus souvent il y a ébauche simultanée du bourgeon 
et de son stolon distal (fig. 11). Dans ce cas au lieu de pren- 
dre rapidement, par étranglement basilaire, une forme de 
figue, l’ébauche commune se présente sous forme d’une saillie 
de forme conique ou ogivale, largement insérée sur la paroi 
latérale du parent, et se prolongeant bientôt à son sommet par 
une longue digitation grêle. L'ensemble rappelle assez l’ébau- 
che d’un simple stolon stérile ; elle en diffère surtout par son 
embase plus élargie et son insertion plus élevée par rapport au 
calice du parent. 

Le bourgeon se précise ensuite par un remaniement de forme 


Fig. 12. — Deux aspects, à 20 heures d'intervalle, de la différenciation 
d’un bourgeon né simultanément avec son stolon. 


de l’ébauche ; un renflement qui fait de plus en plus saillie 
vers le haut (c’est-à-dire vers le côté oral du parent) attire à 
lui la plus grande partie des tissus épithéliaux de l'ébauche, et 
se transforme en un cône au sommet duquel la bouche s'ouvre 
bientôt comme l’orifice d’un cratère (fig. 12 ; fig. 20, page 262). 
Puis la région orale s’aplatit et le bourgeon se tasse en une 
sorte de pot cylindrique ou globuleux, avant même que ne 
commencent à s'annoncer les premiers tentacules. Le pont 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 255 


d'union avec le parent se marque par une constriction de plus 
en plus nette et la partie distale de l’ébauche commune primi- 
tive persiste à. l’état de stolon du bourgeon. 

La précocité de la formation du stolon n'entraine d’ailleurs 
aucunement la précocité de la fixation du bourgeon auquel il 
appartient. Celui-ci peut au contraire atteindre un stade assez 


Fig. 143. — Trois polypes fixés en des points voisins et dessinés 
aun même instant, phase d'extension commune des stolons. 


avancé d'organisation (fig. 13), et présenter, au nombre près des 
tentacules, l'aspect d’un petit Scyphistome achevé, alors qu'il est 
encore flottant, simplement réuni au polype producteur par le 
pont primitif, qui lui permet de tourner en tous sens ; le stolon 
palpe autour de lui, comme ceux des polypes adultes ; suivant 
les moments 1l s’allonge ou se raccourcit ; il se fixe temporai- 


256 _ CH. PÉREZ 


rement, puis se libère, se refixe ailleurs. Finalement la fixation 
décisive du bourgeon peut se faire non par le stolon, mais par 
le sommet mousse de la terminaison inférieure, qui marque 
morphologiquementle véritable pied primitif du nouvel individu. 

La poussée d’un stolon n’est donc, pas plus pour le bour- 
geon que pour le polype adulte, la préparation immédiate et 
certaine d’une fixation. Il est bien manifeste dans les élevages 
que suivant des conditions de milieu que je ne puis définir 
d'une façon plus précise, des polypes voisins allongent ou 
rétractent leurs stolons d'une manière simultanée et comme par 
épidémie. 

Une fois la fixation définitive opérée, la séparation d’avec le 
parent ne s'ensuit pas forcément. Le pont d'union peut persis- 
ter sous forme d'un long fil étiré presque imperceptible 
(fig. 13), qui n'a évidemment plus aucune signification, mais 
qui est encore assez résistant pour surmonter longtemps les 
tractions auxquelles il est soumis de la part des deux individus. 
Toutes les fois que la rupture prochaine s'annonce, dans un 
pont d'union moins étiré, on peut constater que l’étranglement 
localisé qui va la déterminer est situé au voisinage immédiat de 
la paroi du polype générateur. 


4. Orientation des bourgeons. Ordre de poussée 
des tentacules. | 


Dans un petit nombre de cas où le bourgeon s’ébauche rela- 
tivement très bas sur la colonne pédieuse du parent, il peut y 
avoir ambiguïté sur la situation morphologique exacte de ce 
bourgeon. Mais dans la grande généralité des cas iln’y a pas de 
doute ; le bourgeon est une évagination d’une des poches per- 
radiales ; et, quand il est lui-même assez évolué pour que l'on 
puisse fixer la situation de ses plans de symétrie, on constate 
que parent et bourgeon sont tous deux homothétiques (fig. 14, 
H, R). 

Chez les jeunes polypes issus de la fixation des planulas, on 
sait que les tentacules naissent régulièrement par cycles, les 
tentacules d’un même ordre poussant simultanément. Les bour- 
geons présentent au contraire à cet égard une constante dissy- 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 257 


métrie, le côté proximal par rapport au parent étant toujours, 
dans les stades jeunes, en retard par rapport au côté distal. Un 


Fig. 14. — Divers bourgeons supposés vus en projection sur le plan 
de fixation du parent, et montant l’ordre de poussée des tentacules 


mamelon unique apparaît d’abord au delà de la bouche 
(fig. 14) ; d’après ce que nous venons de dire de la situation 


Fig. 45. — Trois bourgeons de la figure 14, représentés à un stade 
plus avancé. 


958 CH. PÉREZ 


homothétique du bourgeon et du parent, c'est Famorce du ten- 
tacule perradial distal du bourgeon. Bientôt après s'indiquent 
simultanément les deux tentacules perradiaux adjacents au 
premier ; et tandis que le quatrième se fait attendre, deux petits 
mamelons naissent à leur tour dans les intervalles des trois pre- 
miers tentacules. On passe ainsi par des étapes successives à 
1, 3, puis 5 tentacules (fig. 14), le bourgeon présentant non 
point encore la symétrie axiale, mais une symétrie bilatérale 
par rapport au plan défini par l'axe du parent et le point d’in- 


Fig. 16, — Deux aspects du polype X à 22 heures d'intervalle. 
Bourgeon aux stades à trois et à cinq tentacules. 


sertion du bourgeon, plan qui est perradial à la fois pour les 
deux individus. C'est généralemen à ce moment que pousse le 
tentacale perradial proximal, donnant un stade à 6 tentacules, 
puis deux nouveaux de part et d'autre de lui, par lesquels se 
complète à son tour le eyele des interradiaux. Jusque-là s'est 
conservée la symétrie bilatérale, marquée d’abord nettement 
par le nombre et la distribution des tentacules, ensuite recon- 
naissable encore à la plus grande longueur des tentacules dis- 
taux ; mais elle s'oblitère peu à peu ; c'est en principe, au stade 
à $ tentacules, que se fait la régularisation de leur longueur 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOMÉ 259 


et de leurs angles d'écart, assurant l'installation définitive de 
la symétrie axiale. Les figures 14 et 15 représentent diverses 
étapes, les polypes étant représentés d'une manière en quelque 


à jo 


Fig. 17. — Trois stades successifs du polype V, de 24 en 24 heures. 


sorte diagrammatique, vus par la face orale et tels qu'ils se 
projettent sur le plan du support ; Les figures.16 et 17 donnent 
des aspects perspectifs. 


5. Histoire monographique de quelques individus. 


A la description générale qui précède et qui résume l’ensem- 
ble des observations, j'ajouterai l'histoire sommaire de cer- 
tains individus. Ce sera un moyen de préciser par quelques 
exemples l'allure des processus et d'en fixer quelques données 
chronologiques. 

Le polype A est suivi à partir du 2 septembre. À ce moment 
il présente inférieurement deux points de fixation distincts 
(fig. 18) et porte, outre un stolon digitiforme flottant, un bour- 


260 CH. PÊREZ 


geon 4, eu forme de figue, à pédicule déjà étranglé, et se pro- 
longeant Jui-même par un stolon grêle Le bourgeon s’insère 
sur la partie inférieure d’une poche perradiale, assez près d’un 
plan interradial. À 15 heures le polype est nourri avec des 
gonophores de Tubularia. Le lendemain, rassasié, il est à demi 
contracté ; la couleur rouge est restreinte à son endoderme 
propre, le bourgeon ayant au contraire une teinte jaune pâle, 
indice persistant d'un repas de Ciona antérieur au début des 
observations. La bouche est ouverte, entourée des trois pre- 
miers tentacules. Si l'on provoque une contraction plus énergi- 


que, on voit que le pédicule d'union s’insère un peu latérale- 


Fig. 18. — Le polype A, le 2 septembre à 15 heures et le 3 septembre 
à 10 heures. 


ment sur le bourgeon, comme le tuyau d'une pipe sur le 
fourneau. Dès le 4, le pédicule d'union est très étranglé et la 
continuité endodermique y parait abolie. 

Au cours des journées suivantes le bourgeon précise sa 
forme comme il à déjà été dit, pousse un second stolon, puis le 
rétracte ; Le 5 septembre il a 8 tentacules alternativement plus 
longs et plus courts, avee mamelons intercalaires annonçant les 
tentacules suivants, et un stolon particulièrement allongé ; le 
bourgeon pivote autour de son pédicule d'union. Le 6 septem- 
bre égalisation des tentacules (fig. 19); essai d’alimentation 
avec du cæcum hépatique d’Asteracanthion rubens ; le polvpe 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 261 


en avale, mais rejette l'aliment au cours de la nuit suivante ; le 
bourgeon n'a rien absorbé. Le 9, repas de Ciona : Le 14, repas 
de Tubularia. Le 15, le bourgeon 4,, s’est fixé à côté du parent, 
auquel il tient toujours par un mince filet d'union presque 
imperceptible, mais qui persistera encore longtemps sans se 
rompre. Le parent À, qui commence à pousser des stolons 
trapus (fig. 20), porte l’ébauche en forme de figue d’un second 
bourgeon 4, qui correspond sans doute à la poche perradiale 


Fig. 19. — Le polype A, le 6 septembre à 11 heures. Stolon bifurqué en Y. 


diamétralement opposée à celle qui avait donné le premier. Sa 
première annonce avait échappé à l'observation, mais s'était 
certainement précisée vers le 13, car la petite figue est exclusi- 
vement jaune (Ciona) et tranche par là sur la couleur rouge du 
parent, nourri la veille avec des Tubularia. Mais au cours de la 
journée du 16 une partie des tissus du parent, avec de l'endo- 
derme rouge, sont entrainés et incorporés dans le bourgeon. qui 
s'atténue d'autre part à son extrémité libre en un stolon grêle, et 
commence à se fixer. Le 17 (fig. 20) cette fixation s’est raffer- 


262 CH. PÉREZ we 


Fig. 20. — Le polype A, le 15 septembre à 14 heures et le 17 septembre 
à 11 heures. Le bourgeon à, est caché derrière A. 


mie sur une tige de Gonothyræa dressée sur le fragment de 
tunique qui forme support général ; le bourgeon se délimite en 


Fig. 21. — Le polype A, le 20 septembre à 41 h, 30. / 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 263 


un cône dressé précisément aux dépens des tissus entraînés en 
dernier lieu (endoderme rouge), et ouvre sa bouche. Le parent 
lui-même consolide sa fixation. | 

Au cours de la journée et de la nuit du 18 septembre, les 
polypes sont transportés de Wimereux à Paris, puis de Paris à 
Royan. L'agitation du voyage en chemin de fer à pour résultat 
de désagréger le morceau de tunique, à moitié décomposé ; 


Fig. 22. — Le polype A, le 21 septembre à 9 heures, £ débris de tunique, 
restes de la fixation primitive. 


des vestiges granuleux en subsistent seuls adhérents au pied 
de À et de a;,et marquent ainsi les points de fixation primitifs ; 
a, à maintenant 16 tentacules ; il tient toujours à A par un 
tractus filiforme ; 4, a évolué en pincant son pédicule d’umion ; 
il porte une dizaine de tentacules et un long stolon flottant. 
Le 19, repas de foie de Crabe (Eriphia spinifrons) ; le 20, À et 
ses bourgeons sont isolés dans la concavité d'une valve de 
coquille d'Huitre (') (fig. 21). 


{!} On rencontre communément, rejetées sur les plages de la région de Royan, 


264 ; CH. PÉREZ 


Le 21 septembre à, a fixé sur l'Huitre un de ses stolons 
(fig. 22); a, a également fixé le sien, et se hälant sur ce point 
de fixation il a au contraire étiré son pédicule d’union avec À ; 
a, à poussé un long stolon grêle. Le lendemain (fig. 23) 4, s'est 
complètement rapproché de son point de fixation qui est devenu 
son pied ; le stolon de a, commence à se fixer. Au cours des 
journées suivantes un remaniement transforme 4,, qui tend à 
se libérer des débris de tunique qui marquent sa fixation pre- 
mière et acquérir comme nouveau pied le point de fixation de 


Fig. 23. — Le polype A, le 22 septembre à 10 heures. 


son stolon (fig. 24). À [a fin de septembre, retour à Paris ; 
après quelques jours d'abandon les observations sont reprises 
le 20 octobre ; c'est seulement alors que les deux bourgeons 
apparaissent définitivement libérés de leurs dernières attaches 
avec leur parent A. l 

Le polype G est suivi à partir du 6 septembre. Pendant plu- 
sieurs jours il ne présente rien de spécial à noter qu'un stolon 
basilaire flottant. Le 11 septembre un premier bourgeon g, 
s'indique nettement, en forme de figue. Le 12 (fig. 25) ce bour- 


des coquilles d'Huitres qui ont longtemps séjourné dans des vases noires et sont 
inprégnées de sulfure de fer; elles ont pris une couleur d'ardoise foncée et se 
prêtent particulièrement bien à cet isolement de petits animaux hyalins. 


MULTIPLICATION GEMMIPAIE D'UN SCYPHISTOME 265 


Fig. 24 — Le polype A, le 24 septembre à 9 h. 30. 


geon a ouvert sa bouche et pousse son premier tentacule ; du 
côté opposé un stolon à base renflée parait annoncer un autre 
bourgeon ; mais il se rétracte et se résorbe presque complète 


Fig. 25. — Le polype G, le 12 septembre à 10 h. 30, et le 19 septembre 
à 15 heures. 


266 CH. PÉREZ 


ü 


Fig. 26. — Le polype G, le 20 septembre à 14 heures. 
Le support n'a pas été figuré. 


ment au cours des journées suivantes. Après un repas de Tubu- 
laria, donné le 14, ce bourgeon 9: réapparait le 16 sous forme 


Fig. 27. — Le polype G, le 21 septembre à 10 heures, 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOMÉ 267 


d’une excroissance ogivale : Le 19 il se précise, ouvre sa bouche 
et se prolonge distalement par un stolon court et épais (fig. 25) ; 
9 qui à bien évolué pendant ce temps pousse aussi un stolon 
qui s’allonge beaucoup le lendemain (fig. 26) ; le parent G con- 
solide d'autre part sa fixation par la poussée, dans sa région 
pédieuse, de plusieurs stolons et crampons polymorphes. Du 
20 au 24 les bourgeons complètent leur nombre de tentacules 
(fig. 27 et 28) ; le 25, g,, en à une dizaine, dont un, perradial 


Fig. 28. — Le polype G, le 22 septembre à 11 heures. 
Diagramme isolé de g1. Le support n’a pas été figuré. 


distal, bifurqué et des moignons intercalaires ; 9, en a sept mé- 
gaux et de petits moignons. 

Le polype K est suivi à partir du 10 septembre. Il présente 
alors (fig. 29) un stolon perradial à base élargie, qui prend le 
lendemain une forme de figue, et se fixe d’une manière précoce 
le jour suivant par sa partie distale en s’infléchissant simple- 
ment vers le support. Le 14 repas de Tubularia ; le bourgeon 
k, au lieu de se différencier d’une facon normale, se condense 
à son point de fixation (fig. 29, Z/1) et étire au contraire, en un 
fil très grêle son pédicule d'union; le 19 il est complètement 
séparé (fig. 30) et forme une sorte de petit sac dressé, à quelque 


268 CH. PÉREZ 


distance du pied du parent. Suivi jusqu'au 26 septembre, ce 
bourgeon persista sous la même forme sans présenter aucune 
différenciation notable ; il fut ensuite perdu de vue. Cette sta- 
gnation d'un bourgeon détaché d’une façon trop précoce con- 
traste avec l’évolution rapide des bourgeons normaux, dont on 
a vu plus haut des exemples et qui restent unis au parent par 


Fig. 29. -- Trois états successifs du polype K, les 10, 11 Æt 12 septembre 
à 10 h. 30. 


un pont de tissus capable de continuer pendant quelques jours 
à leur amener des éléments nutritifs. Entre le 16 et le 26 sep- 
tembre le polype K donna d'autre part un second bourgeon #,, 
celui-là normal, à cela près qu'il poussa simultanément deux 
premiers tentacules (fig. 30, V1); l’évolution ultérieure montra 
qu'il s'agissait du tentacule perradial distal et d'un perradial 
adjacent (fig. 30, V1). 


(eæ, 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 269 


6. — Anomalies diverses. 


. 


Au cours de cet élevage de Scyphistomes, j'ai eu Foccasion 
d'observer, comme dans un élevage antérieur de Cyanea capil- 
lata Esch., de multiples anomalies. Les plus fréquentes sont des 
ramifications de tentacules, qui peuvent se produire à divers 
niveaux. Nous en avons déjà rencontré une dans l’histoire du 


Fig. 30. — Elats ultérieurs du polype K et de ses bourgeons. IV, le 16 sep- 
tembre à 41 heures. V, le 19 à 16 heures. VI, le 23 à 44 h.30. VIT, le 25 à 
14 h. 30. VILLE, k1 le 26 à 9 h. 


polype G (fig. 27, 28, p. 266). La figure 31 en montre des exem- 
ples variés allant de la simple ramification accessoire jusqu'au 
dédoublement complet d’un tentacule, deux files de cellules 
endodermiques de soutien étant simplement juxtaposées, dans 
un manchon unique d’ectoderme, au voisinage de la base d'in- 
sertion. 

18 


270 CH. PÉREZ 


Une anomalie plus curieuse est celle du polype C, remarquée 
à partür du 3 septembre et que montrent les figures 32 et 33. 
Dans la région supérieure du calice, peu au-dessous de l’in- 
sertion de la couronne tentaculaire, une des poches perradiales 
s’évagine en une protubérance latérale imperforée qui porte à 
son sommet trois tentacules. Détaché de sa fixation primitive, 
ce polype fut isolé en boite de Pétri et suivi jusqu'au 10 sep- 
tembre. Il présenta pendant cet intervalle diverses alternatives 
de poussée ou de rétraction de stolons, conduisant à une fixation 


Fig. 31. — Divers cas de ramification de lentacules. 


En D, dédoublement complet d'un tentacule perradial. 


nouvelle et multiple sur le fond de Ia boite de Pétri. Mais pen- 
dant tout cet intervalle, 1l n’y eut aucune modification notable 
de la protubérance anormale, que les figures 32 et 33 montrent 
simplement”à diverses phases d'extension. Il s’agit done bien 
là d'une monstruosité et, non d'un début de bourgeonnement; 
on ne doit pas non plus interpréter cette anomalie comme un 
simple déplacement d'insertion des tentacules corrrespondants 
à la poche perradiale intéressée ; celle-ci porte en effet au bord 
marginal du calice quatre tentacules insérés deux en situation 
régulière, et deux autres un peu en dedans, du côté de la 


bouche. 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 


Enfin Ja figure 34 représente un Scyphistome réalisant d'une 
manière presque parfaite le type de symétrie hexamère. On 
sat que certaines Scyphoméduses, l'Auwrelia aarita Lam. en 


# ne \out J êl {1 0) 


Fig. 32. — Trois aspecls successifs du polype C, porteur d’une anomalie 
latérale æ: p, pied primitif; #, nouvelles fixations. 1, 3 septembre à 
14 heures ; Il, 4 septembre à 14 heures ; IT, 6 septembre à 11 heures. 


particulier, sont connues pour présenter fréquemment des cas 
d'hypomérie ou d'hypermérie (BazLowirz). Comme je l'écrivais 
dans une note sur les Cyanea,ilest bien vraisemblable que les 
individus adultes anormaux qui ont été observés provenaient 


272 ‘ CH. PÉREZ 


de Scyphistomes présentant exactement la même anomalie. Le 
cas actuel vient à l'appui de cette opinion : la strobilation de 
ce polype eût évidemment donné naissance à des méduses 
hexamères comme lui. 


7.— Position systématique des Scyphistomes étudiés. 


Il est malaisé de déterminer, sous la forme Scyphistome, 
l'espèce que l’on à entre les mains. Par l'allure de ses stolons 
multiples et polymorphes, la forme que j'ai étudiée rappelle 
particulièrement celle que L.'Acassiz a figurée (1860, pl. XI 4) 
en la rapportant à l'Awrelia flavidula Péron et Lesueur. Par 


Fig. 33. — Deux aspects ultérieurs du polype C. 
IV, le 7 septembre à 10 heures ; V, le 10 septembresà 10 heures. 


MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 273 


une singulière coïncidence, une des figures de cet auteur (/414., 
pl. XI, fig. 25, c,) montre dans un polype en voie de strobila- 
tion une anomalie presque identique à celle que j'ai signalée 
plus haut (ig. 32 et 33). Au contraire, les processus que J'ai 
observés diffèrent par certains détails de ceux que HHérouarD à 
étudiés chez les Seyphistomes de Roscoff, qu'il rapporte à la 
Chrysaora isosceles Esch.; en particulier, chez ces derniers, 1l 
ne parait pas y avoir coexistence de stolons stériles avec des 
bourgeons, ni de bourgeons en forme de figue, naissant directe- 
ment sur le parent et sans rapport avec un stolon. Aussi ai-je 


Fig. 34. — Scyphisltome à {vpe hexamère. 
5 JP YP 


émis dansiune note préliminaire (1921), l'hypothèse que les 
Scyphistomes faisant l’objet de mon étude pouvaient se rap- 
porter à l'Aurelia aurila Lam., commune sur nos côtes. Depuis, 
j'ai observé sur la tunique servant de support des kystes qui 
me paraissent tout à fait analogues aux kystes pédieux que 
HérouarD et Hapz ont fait connaître chez Les Scyphistomes de 
Chrysaora. Malgré les différences de détail rappelées plus haut, 
il ne serait pas impossible que les Scyphistomes des écluses 
de Boulogne fussent spécifiquement identiques à ceux des bacs 
et du vivier de Roscoff. 

Je ferai en terminant une remarque. Le Scyphistome est 


974 CH. PÊREZ 


généralement considéré comme une simple forme jeune de la 
Méduse. Cette manière de voir procède des premières décou- 
vertes qui furent faites sur Le cycle évolutif des Acalèphes; et 
elle se justifie si l'on veut à la fois par la taille microscopique 
du Scyphistome, comparés aux grandes dimensions de la 
Méduse, et par le fait que ce polype succède immédiatement à 
la planula issue de la segmentation de l'œuf. Mais les progrès 
de nos connaissances ont montré que Le Scyphistome n'est nul- 
lementune simple forme transitoire (comme le sont les vraies 
formes larvaires) intercalée entre l'œuf et la méduse. Après 
chaque saison de strobilation, il réapparait sous sa forme simple 
jusqu'à la saison suivante ; 1l peut se multiplier par bourgeon- 
nement, donner des statoblastes qui reproduiront aussi sa forme 
caractéristique. Il constitue donc une phase particulière du 
cycle évolutif de l'espèce, phase essentiellement caractérisée 
par la diversité des processus de multiplication asexuée, et qui 
est homologue du polype colonial des Hydrozoaires. C'est à 
celte forme polype, acquérant alors, avec la maturité sexuelle, 
des dimensions notables, que se réduit le cycle des Lucer- 
naires. 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 


AGaAssiz (L.). — Contributions to the Natural History of the United States 
of America, t HI, Boston, 1860. 

3ALLOWITZ (E.). — Ueber Hypomerie und Hypermerie bei Aurelia aurita Lam. 
Arch. f. Entwichl. mech., t. VIII, 1899. 

Hapzr (J.). — Ueber die Podozysten der Scyphopolypen. Biolog. Central- 
blatt, t. XXXIT, 1912 (52-60, 4 fig.). 

Hérouarp (E.). — Existence de statoblastes chez le Scyphistome. €. A. 
Acad®Se. Paris; +: GEXV,14907. 

— Sur un Acraspède sans méduse, Zæniolhydra roscoffensis Ibid. 
t. CXLVIT, 1908. 

— Sur les cycles évolutifs d’un Scyphistome. Zbèd.,t. CXLVHT, 1909. 

— Sur le mode de fixation au sol des Scyphistomes par des tonofibrilles 
Bull. Soc. Zool. France, t. XXXVI, 1911 (15-19, 3 fig.). 

Pérez (Cn.). — Un élevage de Scyphistomes de Cyanea capillata. Bull. 
Biol.France et Belgique, &. LIV, 1920-21 (168-178, pl. 3-4. 

— Processus de multiplication par bourgeonnement chez un Scyphistome. 
Bull. Soc. Zool. France,1i. XLV, 1921. 


LAVAL. — IMPRIMERIE BARNÉOUD. 


Rd 


EE F4 


RER ET 


EXPLICATION DE LA PLANCHE I 


Fig. 4 et2. — Les deux coupes se rapportent à une même prophase d’embryon 
fécondé, au stade du bouchon d'Ecker. Les parties non hachurées des 
chromosomes correspondent aux points affleurant le plan de coupe. On peut 
compter de 30 à 33 chromosomes. Le grossissement est indiqué par une 
échelle (Projection d’un micromètre objectif au même grossissement). 

Fig. 3, 4et5. — Trois métaphases en vue polaire ayant trait à un embryon 
analogue. On remarquera en 3 la torsion prophasique qui subsiste encore 
sur plusieurs chromosomes, on y comptera 25 éléments. Il y en a 32 sur 
la figure 4 et seulement 22 en 5. 

Fig. 6. — Vue oblique d’une métaphase de {re émission polaire. Dessin com- 
biné d’après deux coupes. On compte 143 éléments. ” 

Fig. 7 et 8. — Deux vues polaires de métaphases de 2 émission polaire. 
12 chromosomes en 7,14 en 8. Remarquer la division longitudinale percep- 
tible sur un grand nombre de chromosomes. 

Fig. 9 et 10. — Deux coupes d’une même métaphase de second globule 
polaire. Un des éléments marqué a est à cheval sur les deux coupes. 

I y a ainsi 14 chromosomes tous divisés longitudinalement. 

Fig. 11. — Matériel étranger introduit par le stylet. On distingue la traînée 
pigmentaire, le noyau en bissac provenant sans doute d’un leucocyte, 
entouré de cytoplasme qui ne se mélange pas avec celui de l'œuf, et 
qui renferme des blocs chromatiques de signification inconnue. 


Bulletin biologique. Tome LVI. PLANCHE 


Étude des chromosomes chez R. temporaria. 


R. Hovasse. A4 Nat. del. 


T 


th dv 
Fe = 
CLEA AT S) . 
LR 

er » 


EXPLICATION DE LA PLANCHE II 


Fig. 12 et 13. — Deux anaphases provenant de deux œufs du même âge 
(16 heures d'évolution) dont l’un a le stock haploïde, l’autre le nombre 
double. Une seule coupe a été représentée dans les deux cas. Le grossis- 
sement est le même. 

Fig. 44, 1, IL, IE. — Trois métaphases d’un embryon de 6 jours, provenant 
de la même région des plaques'latérales. Les chromosomes en nombre de 15 
(D), 12 (I), 45 (HD) ont été ordonnés suivant leur taille et ont servi à cons- 
truire le diagramme donné dans le texte (Fig. V, p. 69). 

Fig. 15. — Vue polaire d'une couronne d’anaphase sur laquelle se distingue 
la division anaphasique. De 1% à 17 anses dont trois seulement ne parais- 
sent pas divisées. Peut-être proviennent-elles d'ailleurs, au moins pour ce 
qui concerne les deux le plus à droite, d’un couple dissocié. 

Fig. 16. — Obtenue en groupant trois stades de plus en plus avancés de la 
télophase (A, B, C). On compte facilement en A 12 vacuoles correspon- 
dant aux 142 chromosomes de l’anaphase précédente, En B les vacuoles 
ont conflué, en partie tout au moins. Enfin en C le noyau au repos est 
reformé. 


Bulletin biologique. Tome LVI. PLancnE Il 


Étude des chromosomes chez R. temporaria. 
R. Hovasse. Ad Nat. del. 


P. WINTREBERT 


LA VOUTE PALATINE 
DES SALAMANDRIDÆ 


Son évolution avant, pendant et après la métamorphose, 
suivant les conditions biologiques. 


(Avec la planche IH) 


SOMMAIRE 
Pages 
DNTE NON EG € VOIR SL POP SUCRES PRES ARE TON PR A SA A RE LE em LA AC Dr fr 


PREMIÈRE PARTIE 
Les faits 


J HISTORIQUE --". - RER EATIO 
II. L\ VOUTE PALATINE de SA a PA n Faure 285 
1. Jeune larve de 20 mu. (fig. 4), p. 285. — 2, Jeune larve de 
25 mm. (fig. 2), p. 287. — 3. Larve de 56 mm. (fig. 3 et 4), 

p. 288. — 4. Larve de 57 mm. (fig. 5 et 6) au début de la 
métamorphose, p. 292. — 5. Larve de 65 mm. (fig. 7 et 8) au 
début de la métamorphose, p. 296. — 6. Larve de 59 min. 

(fig. 9 et 10) en pleine métamorphose externe, p. 300. — 

7. Larve de 61 mm. (fig. 11,12, 13) au dernier liers de la méta- 
morphose externe, p. 303. — 8. Larve de 69 mm. (fig. 14, 15, 

16, 17) aux trois quarts de la mélamorphose externe, p 306. — 

9. Larve de 62 mm. :fig. 18 19, 20, 21) à la fin de la méta- 
morphose externe, p. 309. — 10. Jeune Salamandre à létat 
parfait de 70 mm. (fig. 22 à 25), p. 314. — 141. Salamandra 

maculosa corsica, adulte de 47 em. 5, p. 326. 
III LA VOUTE PALATINE d'Amblystoma is Green et d’A{m- 
blystoma opacum Grav.. . . 326 
A. Larves normales en bonne santé, p. 327. — 12. Jeune Axolotl 
de 20 mm. (fig. 27), p. 327. — 13. Jeune Axolotl de 28 mm. 
(fig. 28), p. 328. — 14. Axolotl de 6 mois, de 9 cent. (fig. 29 et 
30), p. 331. — 15. Axolotl mâle de 17 cm. (fig. 31 et pl. [IL A), 
p. 335. — 16. Axolotl femelle de 6 ans et 22 cm. (fig. 32 et 33), 
P. 538. 
B. Axolotls en etat de misère physiologique, p. 344. — 17. Axo- 
lotl femelle de 19 em. morte de maladie (fig. 34), p. 345. — 
18. Axolotl de 45 cm. réfractaire à la métamorphose (fig. 35), 
19 


276 P. WINTREBERT 


p- 346. -— 19. Jeune Axolot] de 9 cm. réfractaire à la métamor- 
phose (fig. 36), p.347. — 20. Petit Axolot] de 82 mm. mort d’ina- 
nition (fig. 31), p. 349. 21. Jeune Axolotl de 9 cm. réfrac- 


taire à la métamorphose, mort d'inanition (fig. 38 et 39),p. 352. 

CG. La métamorphose chez Amblystoma tigrinum, p. 355. — 
22. Jeune Axolotl de 41 cm. à la fin de la métamorphose externe 
(fig. 40), p. 356. — 23. Jeune Amblystome de 11 cm. nouvelle- 
ment métamorphosé (fig. #1), p. 358. — 24. Jeune Amblystome 
de 15 em. ayant acquis sa parure terrestre depuis 3 semaines 
(fig. 42 et 43), p. 361. 

D. Les demi-Amblystomes branchiés, p.365. — 25. Demi-Amblys- 
tome branchié de 17 cm. (fig. 43 et #4), p. 367. — 25 bis. Id. 
(pl. HTC), p. 371. — 26 Zd. de 13 cm. 5, p. 372. 

E. Les Amblystomes parfaits, p 372. — 27. Amblystoma tigri- 
num femelle de 16cm 5 (fig. 46 et 47), p. 372. — 28. /d. mâle 
de 49 cm. (fig. 48, 49, 50, 51 et pl. LED), p. 382. — 29. Amblys- 
toma opacum adulte de 13 em. 7 (fig. 52), p. 884. 


DEUXIÈME PARTIE 
Considérations générales et conclusions 


I. L'ARNC DENTÉ INTERNE DE LA VOUTE PALATINE CHEZ LES 
LARVES DE SALAMANDRIDOE. Il n’est à l’état normal Ua que 
de deux os, le vomer et le ptérygo-palatin è 

II. LE PALATIN N'EXISTE PAS CHEZ LES SALAMANDRIDOE A L'ÉTAT 
PARFAIT . URSS ONE ANNEES 

III. LES GHANGEMENTS | D'ASPEC T DE L’ARC VOMÉRO-PTÉRYGO- 
PALATIN SUIVANT L’AGE A L'ÉTAT LARVAIRE 

IV. LA DISPARITION DE LA TIGE ET DE LA PALETTE DENTÉE PTÉ. 
RYGO-PALATINE AU DÉBUT DE LA MÉTAMORPHOSE. L 

V. LE MODE D'ÉDIFICATION DU VOMER DÉFINITIF (lig. 53) . 

VI. LE MODE DE FORMATION DU PTÉRYGOIDE OSSEUX DÉFINITIF. 

VII LA CONFORMATION DES DENTS ET LE MÉCANISME DE LEUR 
CHUTE PENDANT LA MÉTAMORPHOSE 2 . 5 

VIII. LA DISPARITION DE L’AUTOSTYLIE A LÉPODUE DE LA. MÉTA- 
MORPHOSE, 

IX. LA SIGNI*ICATION PHYL ee E DE L'APPAREIL DENTÉ PTÉ- 
RYGO-PALATIN- SR LUS à 

X. LES RAPPORTS ENTRE LA STRUCTURE DE LA VOUTE PALATINE 
ET LES CONDITIONS DE VIE CHEZ LES SALAMANDRIDÆ. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 271 


INTRODUCTION 


Ce travail ne vise pas à la description de la voûte palatine 
chez un grand nombre d'espèces ; il tend seulement à la mieux 
connaître chez quelques animaux. Il à trait spécialement à l’évo- 
lution, tant ontogénique que phylogénique, de Farc denté interne 
voméro-ptérygo-palatin, chez deux espèces de Salamandridæ, 
Salamandra maculosa Laur.et Amblystoma tigrinum Green. La 
première est prise comme type des Salamandridæ mécodontes 
à dents vomériennes disposées, à l’état adulte, sur une apophyse 
longitudinale. La seconde représente les Salamandridæ léchrio- 
dontes pourvus, dans la forme parfaite, d’un bord vomérien denté 
transversal ; sa larve est universellement connue sous le nom 
d'Axolotl. Des savants éminents, Cuvier (1837), Owen (1866), 
Friepreica et GEGENBAUR (1849), O. Herrwic (1874), Wiepersaim 
(1877), Parker (1877), ont décrit les caractères de l’architec- 
ture cranienne dans les différents groupes d’Urodèles, mais il 
m'a paru qu'avec les techniques actuelles il y avait grand intérêt 
à reprendre l’une des questions traitées, l’étude de l'arc denté 
interne, considéré comme représentant la mâchoire supérieure 
primitive, parce que cette question touche aux points les plus 
importants de l'anatomie comparée et de la phylogénie des 
Vertébrés. 

Je me suis servisoit d'animaux frais intacts ou partiellement 
dépouillés au préalable de leurs parties molles par la morsure de 
Jeunes têtards ou de Chironomes, soit d'animaux conservés dans 
l'alcool. J'ai étudié par la dissection, sous le microscope binocu- 
laire, à des grossissements variant de 8 à 35 fois, les troiséléments 
osseux, cartilagineux et fibreux dont se compose appareil 
voméro-ptérygo-palatin; j'ai examiné sa constitution, ses rap- 
ports, ses modifications suivant l’âge, aux différents temps de la 
métamorphose, à différentes époques de la forme parfaite, et sui- 
vant diverses conditions biologiques imposées aux animaux. A 
l'étude des deux espèces citées, chez lesquelles j'ai suivi l’évo- 
lution morphologique de l'arc denté, je joins l’observation d'un 
Amblystoma punctatum Grav. adulte, dont la structure de la 
voûte palatine complète heureusment celle des espèces précé- 


278 P. WINTREBERT 


dentes et aide à la compréhension générale de la base du crâne 
chez les Urodèles. 

C'est dans les manifestations de la métamorphose que j'ap- 
porte le plus de documents nouveaux, pour la raison que les 
changements métaboliques effectués dans l’arcade dentée interne 
n'ont encore fait l’objet d'aucune description complète. Les 
auteurs classiques, gènés par l’absence de renseignements, 
persuadés qu’il existe un palatin isolé chez la larve, ont voulu à 
tout prix marquer sa position chez l'adulte et lui ont assigné, 
suivant les groupes d'Urodèles, une place différente. Or 7/ 
n'existe pas de palatin isolé chez la larve normale et la région 
palatine du ptérygo-palatin disparait totalement pendant la 
métamorphose. Ges résultats n'ont été obtenus qu'en mettant 
constamment en parallèle l'observation biologique et l'observa- 
tion anatomique. [ls soulignent combien les anatomistes auraient 
intérêt à connaître la manière de vivre des animaux qu'ils 
étudient. Ce n’est que dans des cas pathologiques ou à la suite 
d'un jeûne prolongé que le palatin de la larve se divise et forme 
deux os séparés, un ptérygoïde et un palatin. Il apparait done 
comme nécessaire d'observer les structures en fonction des con- 
ditions de vie. Disséquer des animaux qui meurent au cours 
d'un élevage, sans se préoccuper de la cause de leur mort et 
de leurs antécédents, c’est risquer de prendre une disposition 
morbide pour la conformation régulière, c'est se mettre dans 
le cas d'attribuer à certains organes modifiés une valeur inexacte, 
et de donner à leurs différentes parties une appellation illégitime. 
L'anatomie d’un être témoigne à la fois de sa constitution spéci- 
fique et de son état biologique. 

Les Urodèles sont les seuls Verlébrés terrestres quimanquent de 
palatin. L'absence de cet os n'est pas une singularité sans 
importance ; elle est, au contraire, liée à une conformation spé- 
ciale de la tête que j'ai fait ressortir en 4940, en même temps que 
J'insistais sur le caractère primitif de l'arc denté interne de la 
larve. Dans le travail actuel j'apporte, à l'appui de ces premiè- 
res conclusions, de nouveaux arguments. [ls tendent à prouver 
l'impossibilité de faire descendre les Urodèles des Stégocéphales 
et l'obligation de faire remonter directement leur origine aux 
Poissons. Les travaux récents sur Lysorophus tricarinatus (Sol- 
las, 1920) confirment ce point de vue en établissant la présence 


, 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 27) 


d'un ancêtre des Urodèles dans le Carbonifère supérieur et le 
Permien de l'Illinois, du Texas et d'Oklahoma, à côté des 
Stégocéphales. 

Le mémoire est divisé en deux parties. Dans la première, après 
un historique où les opinions des auteurs classiques sont expo- 
sées, je passe à la description des documents que j'ai recueillis. 
Chez Salamandra maculosa, j'ai suivi pas à pas la série des 
phénomènes de croissance et de métamorphose. Chez Ambly- 
stoma tigrinum j'ai entrepris une étude plus variée. J’examine 
d'abord l'arc denté primitif chez les larves en bonne santé, aux 
différents âges, puis je montre les effets de la régression 
osseuse consécutive aux maladies cachectiques et au jeûne pro- 
longé. J’analyse ensuite les changements opérés pendant la 
métamorphose et spécialement à Ja fin des transformations de la 
parure externe. Je décris dans un chapitre spécial la constitution 
de la voûte palatine chez les « demi-Amblystomes branchiés » 
que j'ai obtenus par voie expérimentale, en arrêtant les change- 
ments métaboliques à mi-chemin de la métamorphose définitive, 
et Je termine cette première partie par l'exposé de la structure 
du palais chez les Amblystomes parfaits. 

La seconde partie est consacrée à la mise en œuvre des docu- 
ments exposés dans la première. Elle est divisée en dix cha- 
pitres ; Les faits y sont groupés d'une manière synthétique, sui- 
vant leur nature, et comparés entre eux, dans le but de soute- 
nir les conclusions générales qui se dégagent du travail. 


PREMIÈRE PARTIE 


LES FAITS 


I. — Historique 


On peut grouper en deux catégories Les opinions divergentes 
des auteurs qui se sont occupés de la voûte palatine des Uro- 
dèles. Chacune de ces catégories correspond à une époque 
scientifique déterminée et dépend à la fois de la mentalité des 
savants à cette époque et de leur méthode de travail. Cuvier et 
ses contemporains utilisaient surtout la dissection comme 


280 À P. WINTREBERT 


moyen technique et étudiaient spécialement l'anatomie des for- 
mes adultes. Plus tard, dans la seconde moitié du xix° siècle, à 
la suite de Kôcukrer et d'O. Herrwie, les savants se sont adon- 
nés aux recherches microscopiques chez les embryons. Par la 
méthode des coupes, ils ont amassé de très nombreux éléments 
d'information sur le développement du squelette; mais ils 
avaient dans les moindres résultats de leurs investigations 
morphologiques une confiance aveugle et s’'inquiétaient fort peu 
de l’état physiologique que présentaient les animaux avant leur 
fixation ou leur mort. Aussi, en ce qui concerne la voûte pala- 
tine des Urodèles, ont-ils commis des erreurs. D'autre part, 
se jugeant mieux informés quet Cuvier, ils ont entrepris de 
réformer ses conceptions. 

Cuvier, dans ses Leçons d’Anatomie comparée, dit en décri- 
vant la tête de la Salamandre terrestre (2° édit., 1837, p. 568) : 
« Les vomers forment le plancher des narines et donnent cha- 
eun une pointe grèle qui marche en arrière sous le sphénoïde, 
parallèlement à sa correspondante. Ces os, le long de leur atta- 
che au sphénoïde, portent les deux rangées longitudinales des 
dents du palais des Salamandres. 1! n'y a point de palatins ». 
Pour l’Axolotl, Cuvier (p. 571) n'indique pas non plus de pala- 
tin interposé entre les vomers et les pterygoïdiens ; « ceux-ci, 
élargis et presque membraneux le long de leur attache avec le 
tympanique, atteignent ces vomers et portent aussi en avant et 
à leur bord externe un petit groupe de dents ». Il insiste aussi 
(p. 572) sur l’absence de palatins chez Amphiuma tridactylum : 
« Les maxillaires forts et épais se terminent par une pointe 
libre en arrière; entre eux, en dessous, sont deux os longs, 
d'abord unis sur la ligne médiane, puis séparés par une lon- 
gue pointe du sphénoïde, et que l'on nommerait les palatins, 
si par analogie avec ce que nous avons observé dans les gen- 
res précédents on ne devait pas leur conserver le nom de 
vomers ». Cependant il est indécis quand il s’agit de la Syrène 
(p. 575) : «ces plaques, dont nous avons vu les analogues dans 
l'axolotl, peuvent être considérées avec égale raison comme 
des vestiges ou de vomers, ou de palatins, ou même de ptéry- 
goïdiens ». D’autre part il n'a pas toujours donné un avis 
catégorique sur la valeur des os de la voûte palatine chez les 
Salamandres adultes ; voici en effet comment il s'exprime sur 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 281 


l’Axolotl dans,les « Ossements fossiles » (1824, p. 415) : « à 
la place de ces os larges et fixes que j'ai appelés vomers ou 


palatins, ete. ». 
Pour les successeurs de Cuvier il ne fait pas doute que chez 


l'adulte les os postérieurs de la voûte palatine ne soient des pté- 
rygoïdes mais ils n'osent se prononcer sur la signification 
réelle des os antérieurs. Owen (1866, p. 88) hésite même sur 
le nom à donner aux os antérieurs chez l’Axolotl : «Two bones 
attached to the anterior and outer part of the basicranial bone, 
and wich may be regarded either as vomerine or palatal ... » 

O. Herrwie (1874, p. 114) prend nettement parti contre 
Cuvier et Owen qui n’ont décrit que deux os au palais des Uro- 
dèles. Il attribue leurs résultats chez l’Axolotl à ce qu'ils n’ont 
observé que de jeunes animaux et se trouve d'accord avec 
Frispreica et GEGENBAUR (1849) pour affirmer que l’arc denté 
interne de cette larve est composé de trois os. Du reste, en 
général, ces trois os, le vomer, le palatin, le ptérygoïde, sont 
présents chez tous les Urodèles comme chez tous les Amphi- 
biens. La larve ne possède d’abord que deux os, un vomer, un 
ptérygo-palatin; mais plus tard, sauf chez Proteus et Meno- 
branchus, ce dernier se divise en deux. On trouve à cette règle 
des exceptions et quelques variantes. Aïnsi chez Siren, le pté- 
rygoïde manque. Chez les Dérotrèmes, Amplhiuna, Menopoma, 
Cryptobranchus, et chez Plethodon glutinosus, le palatin dis- 
paraît. Chez Triton le palatin soudé au ptérygoïde au temps 
larvaire (fig. 33, PL. D) l’est au vomer à l’état adulte (fig. 5 
et 22). Par contre, chez Sa/amandra maculosa adulte (p. 17, 
fig. 23, 24, 36, PL. 1) le palatin se rencontre isolé; c’est un 
_petit os denté qui prolonge l’apophyse du vomer au-dessous de 
la table osseuse du parasphénoïde. 0. Herrwie (p. 114, 115, fig. 3 
a suivi Le début de la métamorphose chez Sal/amandra macu- 
losa, sur des larves de 63, 66, 69 millimètres; il a remarqué 
que c'est à ce moment seulement, de même que chez Triton 
(p. 116, fig. 33 et 4), que le palatin se sépare du ptérygoïde ; 
mais cette séparation, due nettement chez ces animaux à la 
métamorphose, ne le fait pas douter un instant que le palatin 
ne s'isole pendant la vie larvaire chez Amblystoma. 

Mais bien qu'il n’ait pas vu les modifications ultimes du pala- 
tin il déclare péremptoirement que « besonders das Palatinum 


282 P. WINTREBERT 


weiter nach der Mittellinie des Schädels und nach rückwärts 
wandert ». 

Il montre nettement le processus de résorption osseuse du 
vomer limité au bord antéro-externe tandis que le bord posté- 
rieur, siège d’une néoformation dentaire, recule. 

WaiepersaeIm (1877) suit généralement O0. Herrwie dans sa 
facon de concevoir et de désigner les os de la voûte buccale ; 
il les décrit chez un nombre considérable d'espèces. Pour lui, 
comme pour O. Herrwie les Axolotls âgés ont un palatin et un 
ptérygoïde séparés (p. 460), et cependant les figures 31 et 44 
représentent des Axolotis presque adultes qui ont encore un 
ptérygo-palatin sans division. Pourtant il n'est pas de son avis 
en ce qui concerne Arblystoma punclatum ; car tandis 
qu'O. Herrwie considère les Dérotrèmes adultes comme dépour- 
vus de palatin, il observe chez celui ci une séparation en deux. 
de la lisière postérieure du vomer et regarde comme palatin la 
partie externe placée derrière la choane. Il admet aussi la pré- 
sence du palatin chez Salamandra maculosa, à la partie pos- 
térieure de l'apophyse dentée. [l introduit dans l'explication 
des faits anatomiques quelques considérations biologiques; 
ainsi il admet que chez Triton viridescens (p. 467, fig. 136) le 
ptérygoïdien massif forme un appui résistant contre lequel la 
mâchoire inférieure vient écraser fes Coléoptères, les Saute- 
relles et les Cloportes dont l'animal se nourrit. À propos des 
Salamandridæ  léchriodontes, observant qu'un ptérygoïde 
osseux manque aux animaux pourvus de dents sphénoïdales, il 
estime que le développement de la plaque dentée nouvelle 
doublant le parasphénoïde, résulte d’une excitation spéciale de 
la muqueuse palatine médiane comprimée par les aliments en 
l'absence des ptérygoïdes, et il suggère, pour vérifier cette hypo- 
thèse, d'extirper ces os chez les Salamandridæ léchriodontes qui 
eu sont pourvus. Il conçoit une évolution du type léchriodonte 
primitif à dents vomériennes transversales (Amblystoma) vers 
le type mécodonte à dents vomériennes longitudinales (Sala- 
mandra, Triton) par l'allongement progressif du voméro-palatin, 
selon la série: Gyrinophilus, Anaïdes, Ranodon, Desmogna- 
thus (p. 526-530). 

Parker (1877) connait le travail de WiepensneIn et adopte 
sa nomenclature. Dans un premier travail, il dit étudier « all 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 283 


the morphological changes on metamorphoses undergone by 
a tailed Amphibian » en prenant comme types Siredon et Sei- 
ronota; mais s'il décrit longuement le développement larvaire 
et l'état adulte de ces animaux il ne suit nullement les trans- 
formations de leur voûte palatine pendant la métamorphose. 
IL voit d’abord le palatin né derrière le vomer s'étendre vers 
le cartilage carré en formant une aile ptérygoïdienne, comme 
chez Proteus, Menobranchus et les Dipneustes ; mais il constate 
ensuite sa séparation de l'aile ptérygoïdienne chez l’Axolotl 
(Axolotl de 58 mm. de long, PI. 24, fig. 1,2, 3, 4; PI. 25, fig. 1, 
2; PI. 26, fig. 1, 2, 3, 4). Il le reconnait encore comme un os 
distinet chez l’Amblystome (PI. 24, fig. 6) et Le figure circons- 
crivant en arrière la narine interne et se dirigeant vers le maxil- 
laire. Ainsi, de longitudinal chez la larve, le palatin a tourné 
chez l'adulte à angle droit « like à railway signal » (p. 566); et 
devenu transversal il se trouve maintenant le « bony counter- 
part » du cartilage antorbital. Chez Proteus, l'état larvaire per- 
siste. Chez Seironota (Salamandrina) perspicillata, Xe vomer et le 
palatin d'un côté naissent d’une lamelle osseuse commune ; puis 
leur union cesse au dernier stade de la vie larvaire ; mais elle 
se reproduit de nouveau chez l'adulte (PI. 29, fig. 5). Seulement 
ici le palatin n'est plus une languette transversale dentée atta- 
chée au maxillaire et en‘rapport avec le cartilage antorbital ; 
il devient un prolongement denté postérieur et filiforme du 
vomer, orienté dans Le sens longitudinal, sous le parasphénoïde. 

Parker, dans ses travaux ultérieurs (4882) sur le dévelop- 
pement de la tête des Urodèles, maintient ses conceptions 
premières. Le palatin est toujours présent chez l'adulte des 
Urodèles; seulement sa position n'est pas fixe; il est placé 
différemment suivant les groupes, sans que l’auteur indique du 
reste le mode de son déplacement ; on le trouve soit à la partie 
antérieure, soit à la partie postérieure du vomer et, dans ce der- 
nier cas, soit en dehors, soit du côté de la ligne médiane. Chez 
Sieboldia maxima et chez Menopomal n’est plus situé comme 
chez les Salamandridæ dans la région postérieure du vomer, 
mais attaché à sa partie antéro-externe dentée (PL 37, fig. 1 ; 
PI. 38, fig. 2). Il décrit et figure une larve de Triton cristatus 
(p.102; PL 40, fig. VIT), au commencement de la métamorphose, 
chez qui les palatins, isolés des ptérygoïdes, sont accolés à la 


284 | P. WINTREBERT 


partie postérieure du vomer; mais je ne comprends pas qu'il 
qualifie plus loin de « ménopomien » le palais du Triton à ce 
stade puisqu'il a figuré précédemment (PI. 38, fig. 2) le pala- 
tin de Menopoma à la partie antéro-externe du vomer. Il trouve 
enfin que le palatin du Triton adulte forme le long prolonge- 
ment denté postérieur du vomer ; mais, de même que Wiepers- 
HEIM, il n'indique sur Le voméro-palatin (PL. 41, fig. Il) aucune 
trace de suture qui puisse marquer la limite des deux os. 

La genèse des os de la voûte palatine a été résumée par 
Gaurp (1906, p. 68$) ; je renvoie le lecteur à son travail pour 
la description particulière de chaque pièce osseuse et le mode 
de sa formation. Je rappelle qu'O. Herrwie (4874) a décrit 
trois manières différentes pour les os de se développer : 1° par 
l'union de socles dentaires supportant des dents durables et 
fonctionnelles, remplacées aussitôt tombées (bords dentés des os 
qui forment les mâchoires et la voûte palatine) ; 2° par l'union 
de socles dentaires supportant des dents qui n’ont qu'une exis- 
tence éphémère, ne sont pas remplacées et laissent après leur 
chute une plaquette osseuse durable (processus palatin des pré- 
maxillaire et maxilla're, tablettes osseuses du vomer et de la 
partie dentée du ptérygo-palatin) ; 3° par l'ossification directe 
du chorion muqueux sans participation des dents (tige et aile 
ptérygoidiennes, parasphénoïde). Cet auteur n’a observé que le 
début de la métamorphose du vomer chez S'alamandra maculata, 
mais 11 a nettement saisi le mode suivant lequel s'effectue la 
première phase de son remaniement et qui consiste en la pro- 
duction de nouvelles dents à son bord interne tandis qu'à son 
bord externe, les dents tombent en découvrant une plaquette 
osseuse née de l'union des socles dentaires (1874, p. 115, Taf. I, 
tig. 3 et 4). Mais d'autre part, comme on le verra au cours de 
ce travail (Voir Ie partie, chap. ID), le vomer adulte ne se forme 
pas seulement, comme celui de la larve, par l’union de socles 
dentaires ; son ossification a une double origine, dentaire et 
membraneuse. 

Le ptérygoïde cartilagineux des Urodèles étudié d'abord par 
WiepersueIM (1877), puis par Sronr‘(1879) et par WinsLow 
(1898;, ne suit pas la direction oblique en avant et en dedans 
de l'arc osseux voméro-ptérygo-palatin ; il s'oriente au contraire 
en dehors vers la pointe du maxillaire supérieur et, à son maxi- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 285 


mum de développement (Ranodon) s'unit au cartilage antéor- 
bital L'arcade formée par cette union ressemble à l’anse car- 
tilagineuse latérale du crâne des Anoures. Celle-ci est beau- 
coup mieux développée et plus complète ; aussi la plupart des 
auteurs la considèrent-ils comme représentant l'état primitif 
dont le ptérygoïde cartilagineux des Urodèles n'est qu'une 
forme dégradée. Gaurr (1893-1901-1906) va même plus loin 
et regarde ce dernier comme une formation secondaire en rai- 
son de sa naissance tardive, de son émiettement chez Triton, 
de son absence chez les Perennibranches. Comme preuve du 
bien fondé de leur interprétation, les auteurs tirent argument de 
la conformation de la base du crâne chez les Stégocéphales et 
particulièrement chez les Protritons (Branchiosauriens); ils 
montrent les ressemblances qu'elle présente avec celle des 
Anoures et combien elle diffère de celle des Urodèles qui en 
sont fort éloignés et s'en distinguent par la dégénérescence 
presque complète des massifs osseux latéraux de la tête. 

Depuis 1910 ({a-g) je combats cette conception et lui oppose 
celle de l’origine primitive des Urodèles, origine remontant direc- 
tement aux Poissons, comme on peut estimer qu'en dérivent 
aussi les Stégocéphales. Les Amphibiens auraient done une 
origine polyphylétique ; et même, en raison de la disposition 
de leur appareil voméro-ptérygo-palatin larvaire, les Urodèles 
seraient plus près de la souche originelle que Les Stégocéphales 
de la leur. Cette interprétation est fondée sur l'observation 
des trois éléments, osseux, cartilagineux et fibreux de larc 
denté interne, ainsi qu'en témoignent les faits épars dans la 
première partie de ce travail et qui ont été groupés au cha- 
pitre IX de la deuxième partie. 


II. — La voûte palatine de Salamandra maculosa Laur. 


Nous allons suivre les modifications de l’arcade dentée interne 
au cours de son développement et de sa métamorphose, sur des 
larves de plus en plus âgées. 


N°1 (fig. 1). Jeune larve de 9 cent. de long. — Elle montre à 
la base du crâne cartilagineux 4 plaquettes osseuses. Au centre, 
le parasphénoïde (p) de forme à peu près quadrilatère 


286 P. WINTREBERT 


comble déjà l’espace situé entre les régions ethmoïdale en avant, 
occipitale en arrière, et les deux trabécules latéralement; il est 
encore distant de l'extrémité antérieure de la chorde dorsale 
(c) incluse dans le cartilage cranien. Devant le plancher nasal 
on voit la partie dentale du prémaxillaire gauche (pr) qui 
porte des dents. En arrière de lui et sur les côtés du parasphé- 


Fig. 4. — Face ventrale du crâne du n°0 { (Larve de Salamandra maculosa 
de 2 em.). Côté gauche légèrement relevé. €, chorde dorsale ; ch, choane ; 
fo, fenêtre ovale : p, parasphénoïde ; pr, prémaxillaire ; p{, ptérygo-pala- 
tin ; v, vomer. 


noïde le vomer (0) et Le ptérygo palatin (pt) sont présents ; ils 
sont disposés l’un derrière l'autre sur une ligne oblique en 
arrière et en dehors. Le vomer est une petite plage osseuse d'as- 
pect triangulaire, à base postérieure, dont les côtés sont légè- 
rement concaves en dedans; appliqué sur le plan nasal il 
porte 17 dents disposées sur deux ettrois rangées. Le ptérygo- 
palatin (pt) est une languette allongée ; son extrémité antérieure, 
coudée en dedans, porte 6 dents et repose sur le trabécule car- 


LA VOUTÉ PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 987 


tilagineux du crâne à côté du parasphénoïde (p), tandis que son 
extrémité postérieure légèrement élargie repose sur la partie 
du carré qui avoisine l'articulation de la mâchoire inférieure. La 
région moyenne de la languette ptérygoïdienne passe comme 
un pont au-dessous de la fosse orbito-temporale. Le maxil- 
laire supérieur n'est pas encore développé. Sur la figure 1 les 
dents sont dirigées en haut et en dehors parce que le côté gau- 
che est vu légèrement abaissé; en réalité leur pointe est orien- 
tée en haut et en dedans vers le centre de la cavité buccale, 
comme nous l'allons voir sur la larve suivante. 


N°2 (fig. 2). Jeune larve de 25 mull. de long. — Le développe- 
ment est manifestement plus avancé que celui de la larve pré- 
cédente : le parasphénoïde est plus étendu ; les vomer et ptérygo- 
palatin sont plus allongés:; cependant le maxillaire supérieur 
est toujours absent. La plaquette vomérienne a 13 dents; la 
région palatine en porte 6 qui sont un peu plus longues que 
les dents vomériennes ; l’étalement de l'aile ptérygoïdienne sur 
le carré est plus considérable que chez la larve n° 1. La figure 2 
montre l’ensemble du crâne vu par la face ventrale; le crâne 
conservé dans l'alcool à 70° semble s'être un peu rétréci dans 
le sens transversal sous l'influence de la déshydratation, mais il 
indique bien l'orientation en bas et en dedans des dents de 
l’arcade interne ; le cartilage latéro-nasal et l'extrémité anté- 
rieure du trabécule élargi (4r) sur lesquels sont appliquées les 
plaquettes dentées regardent dans le même sens; l’aile ptéry- 
goïdienne (pp) n'est pas non plus sur un plan horizontal; car 
le carré (ca) sur lequel elle s attache se dirige non seulement 
en dehors et en avant, mais aussi en bas, de sorte que la face 
dorsale du ptérygo-palatin, qui est du reste légèrement con- 
cave du côté des muscles masticateurs, regarde à la fois en 
dehors et en haut. 

On aperçoit par transparence les processus nasaux des pré- 
maxillaires (pr) qui montent comme des manches de râteaux 
à la surface externe du crâne et l’on remarque sur la mâchoire 
inférieure la présence de deux os dentés, le dental (d), antéro- 
externe, dontles dents dirigées vers le haut s'opposent aux dents 
des prémaxillaires, et l’operculaire (0), appelé encore splénial, 
situé à la face interne du cartilage de Meckel (2) et dont les dents 


288 P. WINTREBERT 


placées en regard de celles de l’arcade palatine interne, bien que 
distantes de celles-ci, ont leurs pointes tournées à la fois en 
dedans et en haut. 


Fig. 2. -— Crâne du no 2 (Larve de S. m. de 25 millimètres) vu par la face 
ventrale. c, chorde dorsale; c, carré; d, dental; fo, fenêtre ovale: 
m, cartilage de Meckel; 0, splénial ; pm, prémaxillaire ; pp, ptérygo-pala- 
tin ; ps, parasphénoïde ; p. VZI, orifice du nerf palatin de la VIIe paire ; 
tr, trabécule ; v, vomer. 


N°3 (fig. 3 et 4). Larve de 50 mallimètres, arrivée au terme 
de la vie larvaire. — Elle présente certains caractères qui indi- 
quent une métamorphose prochaine ; les nombreuses lamelles 
branchiales se sont un peu épaissies et raccourcies ; on cons- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 289 


tate en outre le long du dos et surtout au devant et au dessus 
du premier segment des membres, l'apparition de taches blance- 
jaunâtres. Cependant les limbes de la queue, bien étalés, ne pré- 
sentent aucun signe de régression et l’on ne peut dire que la 
larve est en période de transformation. La tête a une longueur 
de 8 mm. 5; sa largeur au niveau des articulations de la 
mâchoire inférieure estde 8 millimètres ; le tronc mesuré depuis 
la tête jusqu'à une ligne transversale passant sur la face ventrale, 
au devant du cloaque, derrière la racine des membres posté- 
rieurs, est long de 22 millimètres; la queue est longue de 
26 millimètres. La figure 3 montre la voûte buccale intacte, tour- 
née vers le haut, après qu'on a sectionné latéralement, des 
deux côtés, la mâchoire inférieure, (m) et enlevé le plancher de 
la bouche On voit en avant les deux arcades dentées, anté- 
rieure ou externe (am), postérieure ou interne (v, p{), enfouies 
dans la muqueuse, de laquelle émergent seulement les 
pointes des dents ; toutes deux sont concaves en arrière, mais 
la courbe de l’antérieure est de plus grand rayon que celle de 
la postérieure. L’arcade antérieure, maxillaire, est entourée 
d'un bourrelet muqueux saillant; celui-ci est souligné eu 
arrière et sur les côtés nar une rainure profonde, mais seu- 
lement séparé du rebord cutané, dans sa moitié antérieure 
proéminente, par un sillon peu aceusé. La rainure postérieure 
maxillo-vomérienne présente, sur la ligne médiane, une fosse 
centrale qui marque sous la muqueuse la place de la glande 
internasale ; sur les côtés, elle conduit à l'ouverture postérieure 
des fosses nasales ou choane (ch). La lèvre supérieure, adossée 
en avant au bourrelet muqueux qui entoure le prémaxillaire 
et tombant à peine au-dessous de lui, s'en sépare largement 
sur les côtés, dans la région du maxillaire proprement dit, en 
formant un récessus latéro-buccal. 

Les angles de la bouche ne mènent pas directement dans la 
cavité buccale ; au point de réunion des lèvres et en dedans 
d’elles existe, en effet, une large valvule triangulaire (v/), à 
pointe antérieure libre, à base postérieure réunissant les coins de 
la bouche, qui lors du rapprochement des mâchoires, s'étale 
sur les côtés de la voûte palatine et du maxillaire en se logeant 
dans le recessus labio-maxillaire, mais qui se dresse verticale- 
ment, comme un rideau, quand la gueule s'ouvre; elle limite 


290 P. WINTREBERT 


ainsi latéralement l’étendue de l’orifice buccal et le réduit 
à la largeur de la partie dentée des ares osseux. Les valvules 
latérales transforment la fente buccale très large en un goulot 
étroit qui facilite la saisie des proies par aspiration. La prise 
habituelle des aliments, parce mécanisme d'aspiration, est com- 
mun à La plupart des larves d'Urodèles ; nous retrouverons 
plus loin chez lAxolotl des valvules semblables. 

La tête est large de 8 millimètres au niveau des articulations 
quadrato-maxillaires ; mais les dimensions transversales de 
l'arc denté maxillaire ne sont que de 5 millimètres. La lon- 
gueur de la tête mesurée du museau jusqu'à l'extrémité pos- 
térieure des condyles ex-occipitaux est de 8 mm. 2; la tête: 


Fig. 3. — Vote palatine du n° 3 ‘Larve de S. m. de 56 millimètres) après 
section de la mächoire inférieure, mi: am, arcade dentée maxillaire ; 
ch, choane ; {s, lèvre supérieure; m, cartilage de Meckel ; pp, ptérygo- 
palatin ; v, vomer ; w/, valvule latérale. 


des larves de Salamandridæ est presque aussi large que lon- 
gue. Derrière la rangée des dents fonctionnelles externes de 
l’are maxillaire se trouvent une à deux rangées de-dents plus 
basses de remplacement. 

A la voute buccale d’une larve intacte on ne voit du vomer 
(e) et du ptérygo-palatin {pp) que les dents qui percent la 
muqueuse de leur pointe d'émail colorée en brun. Le contour 
des plaquettes dentées a été cependant indiqué schématique- 
ment sur la figure 3. pour montrer la topographie d'ensemble 
des os. On observe que l’espace intermaxillo-vomérien, est 
beaucoup plus large en arrière, où il contient la choane qu'en 
avant. Les bases postérieures des vomers et les bords posté- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 291 


rieurs des choanes sont à peu près sur la même ligne trans- 
versale. 

Par la dissection on prend complète connaissance de l'arc 
denté interne (fig. 4). On enlève d’un bloc le vomer et le pté- 
rygo-palatin avecles plans sus et sous-Jacents ; on débarrasse 
ensuite les os de la muqueuse qui les recouvre, puis on étudie 


Om 


Fig. 4 — Appareil voméro-ptérygo-palatin droit du n° 3, vu par la face 
ventrale. ao, cartilage antéorbital; ca, carré ; ch, choane ; pp, ptérygo- 
palatin ; pt, ptérygoïde cartilagineux ; tr, trabécule ; v, vomer. 


leur constitution et les rapports qu'ils présentent avec les par- 
ties cartilagineuses du crâne. Comme dans les jeunes stades 
larvaires, le vomer (v) est un os mince, plat, allongé, triangu- 
laire, dont le grand axe, dirigé en avant et en dedans, est légè- 
rement concave du côté de La ligne médiane; long d’un milli- 
mètre et demi environ, il porte à sa face ventrale un grand 
nombre de dents (35); celles-ci sont disposées en son centre 
20 


292 P. WINTREBERT 


sur 2, 3 et 4 rangées et laissent libres les bords interne et 
externe. La face supérieure du vomer adhère fortementau car- 
tilage nasal et son bord postérieur est uni par des ligaments à 
la partie antérieure dentée du ptérygo-palatin (pp). 

Celui-ci a, dans son ensemble, l'aspect d'une hachette dont 
la lame dirigée en avant et en dedans porte 5 à 6 dents, tandis 
que le manche, élargi en arrière, est dépourvu de dents. Il 
mesure à millimètres environ de longueur. Au niveau du raccord 
entre la lame et le manche existe une portion rétrécie, ou col, 
qui est la partie la plus fragile de l'os, celle qui se rompt la 
première quand on pèse fortement sur sa région moyenne ; 
mais elle ne présente sur la larve normale aucune solution de 
continuité. Les deux extrémités sont appuyées sur des plans 
cartilagineux profonds ; l’antérieure, dentée, repose sur la partie 
antérieure du trabécule et sur la languette antéorbitaire (ao) qui 
se porte en dehors et en avant, derrière la choane ; elle adhère à 
ces plans cartilagineux et se trouve d'autre part reliée par des 
liens fibreux à la fois au vomer en avant et au bord latéral ex- 
terne du parasphénoïde en dedans. L’aile postérieure ptéry- 
goïdienne s'appuye sur la face ventrale du carré (ca) et lui est 
adhérente dans presque toute sa largeur. Au-dessus d'elle, une 
languette cartilagineuse digitiforme, émanée du carré, la dou- 
ble; mais elle n’a pas tout à fait la même direction ; elle se 
dirige en effet d'abord en avant puis légèrement en dehors 
tandis que l’os ptérygo-palatin a son grand axe orienté en avant 
et en dedans; cette languette est le ptérygoïde cartilagineux 
(pt) la pointe finit au niveau du tiers antérieur du ptérygo- 
palatin. 


N° 4 (fig. 5 et 6). Larve de 57 millimètres au début de la 
métamorphose.—Les trois branchies sont déjà très réduites ; elles 
offrent l'aspect de palettes épaisses, digitées à leur extrémité 
et sur leur pourtour ; mais les digitations ne dépassent pas en 
longueur la largeur de la palette qui les porte. Les taches 
jaunes sont très apparentes sur tout le corps. Les limbes de la 
queue sont fanés et leur hauteur réduite de plus de moitié. La 
tête est large de 8 millimètres, longue de 8 mm. 5; la tête et Le 
trone mesurent 30 millimètres, la queué 27 millimètres. 

Sur la voûte buccale (fig. 5), on réconnait les éléments déjà 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 293 


décrits chez la larve précédente; cependant les valvules des 
coins de la bouche (v/) ne $'avancent plus aussi loin au devant 
des choanes et leur pointe antérieure ne va que jusqu'à la 
pointe des maxillaires. Le contour antérieur du museau est plus 
arrondi et devient plus proéminent; la fosse internasale (/t) qui se 
trouve à la partie médiane du sillon intermaxillo-vomérien est 
plus ouverte et plus large que chez le n°3. Les dents vomé- 
riennes sont nombreuses; on en compte 23; elles sont parfois 
distribuées sur 4 et 5 rangs transversaux. Derrière Ja ligne qui 
réunit les parties postérieures des choanes on aperçoit un groupe 
de trois petites dents, et plus loin de chaque côté deux dents plus 


Fig. 5. — Vote palatine du n°0 4 (Larve de S. m, de 57 millimètres) au 
début de Ja métamorphose ; am, arc denté maxillaire ; ch, choane ; m, 
cartilage de Meckel: fi, fosse internasale ; pp, dents ptérygo-palatines ; 
ps, région du parasphénoïde : », vomer : v{, valvule latérale. 


fortes et plus saillantes. Les contours des plaquettes osseuses 
vomériennes (») sous-jacentes à la muqueuse ont été schémati- 
quement indiqués sur la figure 5, mais non ceux du ptérygo-pala- 
tin (pp). La figure 6 montre l'ensemble de l'appareil voméro- 
ptérygo-palatin du côté gauche, débarrassé de la muqueuse ; 
il mesure 5 mm. 3 de longueur totale. Le vomer (v) a une lon- 
gueur de { mm. 5. En avant et en dehors de la région dentée 
triangulaire, couverte de dents, se trouve un feuillet osseux très 
mince dépourvu de socles dentaires. La plaquette dentée à un 
bord interne plus concave et son extrémité antérieure est plus 
rapprochée de la ligne médiane qu'avant le début de la méta- 
morphose, 


294 P. WINTREBERT 


O. Herrwi6, Le premier qui ait constaté la disposition du vomer 
à ce stade (1874, p. 115, PL I, fig. 3 et À) en a conclu avec rai- 
son que la lamelle antéro-externe résulte d’un processus de 
résorption dentaire. Au niveau de la région postéro-interne de 
l'os on aperçoit quatre petites dents isolées; en avant et plus 


Fig. 6. — Appareil voméro-ptérygo-palatin gauche du n° 4 vu par la face 
ventrale ; ca, cartilage carré ; ch, choane ; pp, ptérygo-palatin : pf, pté- 
rygoïde cartilagineux ; gm?, ligament quadralo-maxillaire interne ; »v, 
vomer. 


en dehors deux dents se trouvent sur le pourtour même de los 
comme si leurs socles venaient de se souder à la plaquette 
osseuse. Deux opinions peuvent être émises sur la signification 
des dents isolées; on peut les considérer comme des dents en 
régression où comme des dents de nouvelle formation. Je pense 


©? 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 29 


que la dernière interprétation est juste ; elle est dans le sens 
des idées d'O. Herrwi6, qui n’a pas suivi plus loin la métamor- 
phose de Salamandra, mais quia fait remarquer expressément 
le développement actif des dents en arrière du vomer pen- 
dant qu'elles se résorbent en avant. 

Les dents isolées sont situées derrière la ligne transv ersale des 
choanes, en un endroit par conséquent où du vomer ne parvient 
pas au temps larvaire; de plus elles sont placées du côté interne 
de la base du vomer, et c'est en effet vers la ligne médiane, 
comme nous le verrons plus tard, que le vomer va se dévelop- 
per. D'autre part, malgré que ces dents isolées soient situées 
dans le territoire occupé précédemment par la plaque dentée 
ptérygo-palatine, il ne semble pas légitime de les prendre pour 
des dents palatines séparées de leur support osseux ; on trouve 
en effet plus loin deux dents palatines encore attachées à leur 
support; elles sont beaucoup plus longues et plus puissantes 
que les dents accolées au bord postérieur du vomer. 

Le ptérygo-palatin (pp) est long de 3 mm. 4 environ ; comme 
le vomer, il présente des phénomènes de remaniement. La 
palette palatine antérieure est en évidente régression ; du côté 
droit comme du côté gauche elle n’est plus qu'une bande osseuse 
mince et étroite, portant deux longues dents à sa partie externe 
et postérieure; ces dents tiennent peu à leur support et peuvent 
en être facilement séparées. Il est probable que les autres dents 
palatines sont tombées avant la régression de leur piédestal 
osseux par l'effet d’une simple poussée mécanique. La tige du 
col est extrêmement mince, étroite, onduleuse et flexible, et l’on 
remarque que l'aile ptérygoïdienne a subi un amincissement 
considérable; elle présente une souplesse élastique qui lui 
permet après une courbure de reprendre sa position normale. 
ILsemble qu'à la plaquette osseuse dure et cassante de la larve se 
soit substituée une lamelle fibreuse partiellement calcifiée, 
flexible, mais résistante. 

Au-dessus du ptérygoïde osseux se trouve le ptérygoïde carti- 
lagineux; :l a l'aspect d'une tige digitiforme dont l’extrémité 
antérieure dirigée en dehors croise la tige osseuse ptérygo-pala- 
time dirigée en dedans; il présente la particularité, exceptionnelle 
chez Salamandra, de n'être pas rattaché au carré par une base 
cartilagineuse ; le prolongement s'amincit dans le sens dorso- 


296 P. WINTREBERT 


ventral en se rapprochant du cartilage carré et disparait avant 
d'y parvenir. Cet isolement du ptérygoïde est fréquent chez 
Triton cristatus (Srôur, 1879). Je lai rencontré sur d’autres 
larves de Salamandra,en dehors de la période de transformation, 
et parfois d’un côté seulement de la tête : on ne peut donc con- 
sidérer l'isolement du ptérygoïde cartilagineux comme le résul- 
tat d’un processus de régression métabolique. Nous verrons plus 
loin qu'il présente au contraire une croissance très vive pendant 
la métamorphose. 

La figure 6 signale encore de façon schématique la présence, 
en dehors des ptérygoides, d’un ligament et d’une aponévrose ; 
ces faisceaux fibreux forment la paroi interne de la loge tem- 
porale qui contient les muscles masticateurs. Le ptérygoïde 
cartilagineux est manifestement inclus dans un dédoublement 
de la paroi aponévrotique de la loge et l’on constate aussi que 
le bord inférieur et externe du ptérygoïde osseux reçoit l’attache 
d’un grand nombre de faisceaux fibreux. Le bord inférieur de 
la loge forme une corde très puissante, ligament quadrato- 
maxillaire interne (gm1), qui réunit, en passant en dedans des 
muscles masticateurs, l'extrémité articulaire du carré à la ponte 
du maxillaire supérieur. Un autre ligament quadrato-maxil- 
laire passe en dehors de ceux-ci et circonscrit la loge mastica- 
trice du côté jugal. Nous étudierons spécialement sur l’Amblys- 
tome la disposition de ces ligaments qu'il est important de 
connaître si l'on veut comparer avec profit la tête des Urodèles 
à celle des autres Vertébrés. 


N°5 (fig. 7 et 8). Larve de 65 millimètres, au début de la 
métamorphose. — Les phénomènes extérieurs de la métamor- 
phose sont un peu moins accentués que chez le n° 4, et pour- 
tant la dissection de la voûte palatine démontre que le rema- 
niement des os est poussé plus loin que chez la larve précédente. 
Il n'y a donc pas de succession chronologique rigoureuse dans 
les événements et leur suite dépend vraisemblablement de l’état 
de fonctionnement des divers appareils au moment où les hor- 
mones qui déterminent Ia transformation sont mises en cireula- 
tion. J'ai précédemment montré (1907) comment l'inutilisation 
anticipée et l’atrophie, provoquée par le défaut d'usage, des or- 
ganes transitoires de la larve, avant la métamorphose, avaient 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 297 


pour conséquence une accélération de leur régression et bou- 
leversaient l'ordre habituel des changements présentés par l’ani- 
mal. Il n'va donc pas lieu de s'étonner ici que, par rapport à la 
larve précédente, la métamorphose de la voûte palatine soit plus 
avancée, malgré que lhabitus extérieur soit moins modifié. Les 
lamelles branchiales raccoureies, mais encore minces et effilées, 
entourent de tous côtés la tige axiale des branchies et les lim- 
bes de la queue ont conservé la moitié de leur hauteur. 


Fig. 7. — Voüte palatine du n0 5 (Larve de $. m. de 65 millimètres au début 
de la métamorphose); am, arc denté maxillaire ; ch, choane ; fi, fosse 
internasale ; m, cartilage de Meckel sectionné : r, recessus labio-maxil- 
laire ; », bourrelet vomerien ; v{, valvule latérale ; I-IV, dents d’âge dé- 
croissant. 


Des 65 millimètres de longueur totale, 36 appartiennent à 
la tête et au tronc, 29 à la queue. La tête est large de 9 mm. 5, 
longue de 10 millimètres. La voûte palatine présente certains 
caractères nouveaux. La région faciale du crâne s’allonge ; l’ou- 
verture des choanes se porte en arrière ; la fosse muqueuse imter- 
nasale s'élargit ; les valvules qui réunissent les coins de la bou- 
che diminuent de longueur et sont presque réduites à leur région 
basale. Les bourrelets muqueux qui encadrent la partie dentée 
des arcs osseux, externe et interne, sont tuméfiés et deviennent 


298 P. WINTREBERT 


plus saillants qu'auparavant. Les dents de remplacement de l'ar- 
cade maxillaire sont disposées sur 1 et 2 rangées, mais ne devien- 
nent visibles derrière les dents fonctionnelles que grâce à une 
pression opérée de bas en haut sur la muqueuse gonflée. 

On arrache des fragments du bourrelet muqueux situé en 
arrière des dents implantées sur Le processus dental des maxil- 
laires et on examine un groupe de dents de différents âges 
(fig. 7). La dent I est complète ; longue de 0 mm. 4, elle com- 
prend une pointe d’émail, un cône creux de dentine, reposant 
sur un socle globuleux de cément; celui-ci était déjà fixé par un 
côté au processus dental du prémaxillaire, dont il a été arraché 
pendant l’ablation de la muqueuse. La dent IT n’a formé que 
la moitié du socle dentaire ; la dent HI ne possède aucun socle 
et la dent IV est réduite à une pointe de dentine revêtue d’émail. 
Je renvoie au travail d'O. Herrwié (1874) pour plus amples 
renseignements. 

La place du vomer (») est nettement marquée à la voûte buc- 
cale par’une saillie blanchâtre de la muqueuse qui le recouvre 
et sur laquelle tranchent, comme des points foncés, les pointes 
brunes des dents; celles-ci dépassent la ligne transverse qui 
joint les bords postérieurs des choanes (A), mais la saillie 
muqueuse se prolonge encore un peu en arrière et en dedans 
de la région dentée donnant à l’ensemble du bourrelet muqueux 
vomérien l'aspect d'un croissant à concavité dirigée vers la 
ligne médiane. 

La dissection très attentive des arcs dentés internes donne 
les résultats suivants (fig. 8): les vomers (+) sont de petites 
lamelles osseuses allongées et fragiles présentant deux plages 
d'aspect différent, l'une interne, garnie de dents, l'autre 
externe, dépourvue de dents, plus large en avant qu'en arrière, 
mais prolongée presque jusqu'à l'extrémité postérieure. Le 
long du bord interne on trouve dans la muqueuse des dents 
isolées de tout âge, fait qui prouve une activité très vive du 
développement osseux par néoformation dentaire ; l'absence 
de dents le long du bord externe et sur la plage voisine est au 
contraire l'indice d’une régression et d’une chute des dents de 
ce côté (0. Herrwie, 1874). Les tablettes vomériennes isolées 
ont une longueur de { mm. 75. La plupart des dents qui sont 
implantées sur elles sont mal fixées ettombent au moindre choc. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 299 


Les ptérygo-palatins (pp) sont divisés en plusieurs fragments, 
3 à droite, 2 à gauche; ces fragments distants les uns des 
autres, inclus dans un tissu fibreux ne résultent pas du bris 
accidentel de la pièce osseuse, mais d’une décalcilicalion com- 
plète en certains endroits. Le fragment antérieur est très étroit ; 


Fig. 8. — Appareils voméro-ptérygo-palatins du no 3 vus par la face ven- 
trale et dont les ailes ptérygoïdiennes ont été rapprochées ; ca, cartilage, 
carré ; ch. choane: pp, plérygo-palatin ; pt, ptérygoide cartilagineux 
gmi, ligament quadralo-maxillaire interne : v, vomer. 


il est dépourvu de dent à droite ; 1l porte une seule dent à gau- 
che; il se prolonge en arrière par une épine osseuse. Du col 
même de l'os il ne reste rien à gauche et seulement un petit 
fragment à droite. O. Herrwie a décrit (p. 115) et figuré (fig. 4, 
Taf. 1) chez une larve de 66 millimètres un stade un peu plus 


300 P. WINTREBERT 


précoce où les plaquettes antérieures pourvues de nombreuses 
dents sont déjà séparées des ptérygoïdes. 

Les ailes ptérygoïdiennes (pp), extrèmement minces et fragi- 
les, sont crénelées sur leurs bords latéraux ; elles ont 2 mm. 25 
de longueur; elles figurent un triangle dont la pointe anté- 
rieure est tournée plus en dehors que n'était précédemment la 
région correspondante de l'aile ptérygoïdienne. Au-dessus de 
celle-ci, le ptérygoïde cartilagineux (pt) est intact; son extré- 
mité antérieure, orientée vers la pointe du maxillaire supérieur, 
dépasse toujours en dehors le sommet du ptérygoïde osseux. 


Fig. 9. — Voüte palatine du no 6 (Larve de S. m. de 59 millimètres, en 
pleine métamorphose externe). am, are denté maxillaire ; fi, fosse inter- 
nasale ; m, cartilage de Meckel coupé ; x, place des narines ; v, bourre- 
let vomérien; v/, valvule latérale. 


N° 6 (Fig. 9 et 10). Larve de 59 mm. 5 en pleine métamor- 
phose externe. — Le tronc et la tête mesurent 32 mm. 5, la 
queue 27 millimètres de long, la tête est large de 9 millimètres. 
Les branchies sont réduites à l’état de moignons charnus 
munis de digitations courtes et épaisses; le limbe inférieur 
n'est qu'un liseré; le limbe dorsal à perdu les deux tiers de sa 
hauteur. Le museau allongé (fig. 9) est tronconique, la fosse 
internasale est plus large encore que chez le n° 5; les reces- 
sus labio-maxillaires, très visibles encore sur la larve précé- 
dente (7, fig. 7), ont disparu ; les valvules des coins de la bou- 
che sont à la fin de leur régression. Les paupières sont appa- 
rentes et, de chaque côté du museau, se dessinent les saillies 
(n) sur lesquelles s'ouvriront les narines. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDAÆ 301 


Les maxillaires grandissent et s'étendent derrière les choa- 
nes, qui ont elles-mêmes reculé. Un large espace sépare mainte- 
nant les saillies muqueuses vomériennes gauche et droite (o) du 
bourrelet maxillaire. Les saillies vomériennes ont l'aspect de 
deux triangles à bords latéraux curvilignes, à sommet anté- 


Fig. 10. — Appareil voméro-ptérygo-palatin du n° 6, disséqué en place sur 
l’aponévrose sus-jacente ethmo-orbito-temporale, et vu par la face ven- 
trale. ap, artère palatine ; ca, cartilage carré; ck, choane ; pp, ptérygo- 
palatin ; pt, plérygoïde cartilagineux vu par transparence : gmi, ligament 
quadrato-maxillaire interne ; v, vomer. 


rieur et à base postérieure. Cependant malgré que leur élargis- 
sement postérieur semble indiquer un travail actif de remanie- 
ment on ne constate pas la présence de dents dans la partie la 
plus reculée et la plus large des bourrelets muqueux. 
L'appareil ptérygo-vomérien gauche, enlevé d'un seul bloc 


302 P. WINTREBERT 


par une section profonde des cartilages sus-jacents, débar- 
rassé soigneusement de la muqueuse et, pour le ptérygoïde, 
des faisceaux fibreux quile recouvrent, mesure en tout 5 mm.2; 
il se compose, ainsi que le montre la figure 10, de deux lamel- 
les osseuses principales, le vomer (+) et le ptérygoide (pp), 
séparées par un large espace et orientées dans des sens diffé- 
rents. En effet le cartilage carré portant en arrière son extré- 
mité distale, entraine en dehors la pointe antérieure du ptéry- 
goïde. Les lames osseuses adhèrent profondément à une aponé- 
vrose sus-jJacente, qui couvre à la fois le territoire ethmo-nasal 
et la région orbitaire. L'artère palatine, issue de la carotide 
externe, court le long du parasphénoïde à la surface de cette 
aponévrose ; elle donne diverses branches latérales externes qui 
se rendent aux territoires osseux en transformation. L'aile ptéry- 
goïdienne réduite à l’état de feuille mince et flexible ne diffère 
guère de celle de la larve précédente; elle a 2 millimètres de 
long. En avant de son sommet, deux bâtonnets à peine calcifiés 
sont tout ce qui reste de la tige osseuse étroite qui formait chez 
la larve le col du ptérygo-palatin. Plus en avant, on ne voit 
plus trace de la palette dentée antérieure. Au-dessus du ptéry- 
goïde osseux la lamelle cartilagineuse ptérygoïdienne naît de 
la moitié interne du carré et sa pointe antérieure ne dépasse 
pas le bord externe de l'os en avant. 

Le vomer n'a que 1 mm. 5 de longueur, à gauche; à droite, 
il est un peu plus long (1 mm. 7). Les deux vomers ont le 
même aspect et présentent 2 plages distinctes, l’une interne 
dentée, l’autre externe sans dent; cette dernière est à la fois 
creusée de trous et déchiquetée sur le bord. L'ensemble de l'os 
dessine vaguement un trangle à sommet antérieur dont les 
bords latéraux font une courbe concave en dedans. On trouve 
dans la muqueuse à sa partie postérieure et interne quelques 
dents isolées; certaines de ces dents, très petites et de déve- 
loppement récent, démontrent par leur présence que laccrois- 
sement de l'os se poursuit vers l'arrière et du côté de la ligne 
médiane. Ces dents postérieures (fig. 10) sont d'autant plus 
petites, et par conséquent plus jeunes, qu'elles se trouvent pla- 
cées, dans le bourrelet muqueux, plus loin de la plaquette 


osseuse. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 303 


N°7 (fig. 11, 12, 13). Larrve de 61 mm. 5, au dernier tiers de 
la métamorphose externe. — Dimensions : tronc et tète 33 nilli- 
mètres de long ; queue 28 mm. 5 ; tête large de 8 millimètres, lon- 
gue de 8 mm. 5. Les branchies ne sont plus constituées que par 
3 courtes palettes à peine incisées sur leur pourtour; la 2° bran- 
chie un peu plus longue que les deux autres a 2 millimètresde lon- 
gueur ; elle est triangulaire ; sa base placée en avant, large de 
1 mm. 4, montre 4 digitations longues de 0 mm. 3 environ. Les 
limbes de la queue sont fort réduits; l'inférieur n’est plus qu'un 


Fig. 411. — Vouüte palatine du n0 7 (Larve de S. m. de 61 mm. 5 au der- 
nier tiers de la métamorphose externe). ca, cartilage carré ; ch, choane ; 
fi, fosse internasale ; m, cartilage de Meckel sectionné ; v, bourrelet 
vomérien. 


liseré, sauf vers la pointe où il s'étale un peu ; le limbe dorsal 
plus large, épaissi et fané, est enroulé sur lui-même ; déroulé, il 
mesure 0 mm. 75 de hauteur; il s'étale au bout de la queue. 
Sur une coupe transversale, faite à 3 millimètres de la pointe, on 
compte 2 mm. 75 de hauteur totale, 0 mm. 75 pour le limbe 
dorsal, 1 mm. 6 pour la tige axiale, 0 mm. 4 pour le limbe 
ventral. 

La figure 11 montre combien la valvule des coins de la bou- 
che (v/) est réduite et combien le bourrelet muqueux vomérien 
(v) s'étend à la fois en arrière et vers la ligne médiane; la conca- 
vité de sa courbure interne est moins accusée ; on trouve plus 
de sa moitié postérieure derrière la ligne transverse des choanes, 


304 P. WINTREBERT 


La figure 12 indique que Ë vomer, en tant que plaquette 
osseuse, est très réduit ({ mm. 4 de longueur environ à droite et 
à gauche) par rapport à l état totale de la région dentaire ; 
en effet, on trouve maintenant derrière lui une zone de dents 
isolées presque aussi longue que son territoire propre et qui 
constitue un lieu de: obonaion osseuse très caractérisé. Les 
dents les plus élevées, les plus complètement formées de cette 
zone sont sur le point de réunir leurs socles et de s'unir à la 
tablette vomérienne ; les dents les plus petites sont les plus 
postérieures et doivent être considérées comme nées les der- 
nières. Le bourrelet muqueux ne cesse pas avec les dernières 
dents (fig. 11); il se prolonge plus loin, sur une ligne paral- 
lèle à l’axe médian et l’on aperçoit nettement, en enlevant la 
muqueuse boursouflée, une membrane fibreuse épaisse ayant 
l’aspect d'une languette étroite qui lui sert de soubassement ; 
cette membrane fibreuse, au même titre que le gonflement 
muqueux superficiel, signale la place où, comme nous aurons 
l'occasion de le constater chez des larves plus avancées, vont 
se développer des dents nouvelles. 

Du côté interne de la plaquette vomérienne, se trouvent aussi 
quelques dents isolées dans la muqueuse, mais du côté externe, 
au-dessous de la tablette osseuse et en dehors d’elle, on ne 
constate la présence d'aucune dent. Les dents implantées sur, 
l'os dans la région voisine du bord interne sont placées sur 
2 rangs en avant et en arrière ; sur 3 rangs au centre ; les dents 
antérieures sont Les plus longuesetles plus fortes ; les dents pos- 
térieures sont les plus courtes. 

Des bords du vomer partent en rayonnant dans toutes les 
directions d'épais faisceaux fibreux (f) qui au microscope se 
montrent la continuation directe des travées directrices de l’ossi 
fication conjonctive, et constituent par conséquent dans l'os des 
fibres de Sharpey. Il semble done que la tablette vomérienne 
soit formée de deux parties : l'une superficielle née de la réunion 
des socles dentaires, l’autre profonde résultant d’une ossification 
de nature purement conjonctive. La lamelle profonde ne serait 
ainsi qu'une région calcifiée de la membrane fibreuse qui couvre 
tout Le plancher cartilagineux ethmo-nasal, et qui, comme nous 
l'avons vu, se prolonge sous les dents de nouvelle formation jus- 
qu'à l'extrémité postérieure du bourrelet muqueux ; cependant 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 305 


il est hors de doute que cette ossification membraneuse, si 
si elle existe, reste localisée autour de chaque dent. 

Le ptérygoide osseux (fig. 13), seul reste du ptérygo-palatin 
larvaire n’a que { mm. 60 de longueur ; il a l'aspect d'un trian- 
gle équilatéral dont les bords latéraux sont découpés ; le bord 
postérieur n’est qu'ondulé. Les découpures sont la trace 
d’un remaniement actif. Vu par la tranche, l'os est dans son 
ensemble légèrement concave en dehors et en haut, du côté 


Fig. 12. — Vomer gauche et Fig. 13. — Apparéfl ptérygôïdien gauche 
dents néoformées de sa ré- du n0.7, vu par la face ventrale. ca, 
gion interne et postérieure, cartilage carré; m, allache de quelques 

vus par la face ventrale chez fibres musculaires ptérygoïdiennes; pp, 
le no 7; di, dent néoformée ptérygoide osseux ; pt, ptérygoide carti- 
interne ; /, faisceaux fibreux lagineux ; gmi, ligament quadrato- 
issus dé la plaquette osseuse ; maxillaire interne. 


v, tablette vomérienne ex- 
terne, dépourvue de dents. 


de la loge des muscles masticateurs. Sa face supérieure montre 
une légère crête transversale, qui correspond au bord antérieur 
du cartilage carré et qui la divise en 2 fosses séparées. Le 
bord interne, juste devant Le carré, s’épaissit et se recourbe vers 
le haut en côtoyant la base du ptérygoïde cartilagineux. 

Le ptérygoïde cartilagineux (p{) s’insère sur le carré dans le 
quart distal de sa moitié interne ; il est situé entre le ptérygoïde 
osseux sur lequel il repose ventralement et contre lequel il est 
intimement appliqué et là paroi interne de la loge temporale 


306 P. WINTREBERT 


qui se dédouble et lui donne une gaine fibreuse. Il a l’aspect 
d'une baguette aplatie dans le sens dorso-ventral, extrême- 
ment mince en son milieu, mais plus épaisse à son extrémité 
antérieure. 

Le ligament quadrato-maxillaire interne (gnu) etles faisceaux 
fibreux inférieurs qui forment la paroïinterne de la loge mastica- 
trice adhèrentintimement au bordexterne du ptérygoïde osseux. 
On remarque l'insertion de fibres musculaires ptérygoïdiennes 
sur la paroi de la loge masticatrice dans l'angle externe (m) 
que fait la base du ptérygoïde cartilagineux avec le carré. 


24 CE 


Fig. 44. — Aspect de la tête et de la queue du n° 8 (Larve de S. m., aux 
trois quarts de sa métamorphose externe). A, face dorsale de la tête ; B, 
région branchiale gauche vue par dessus ; G, région latérale gauche de 
l'extrémité caudale. 


No 8 (fig. 14, 15, 16, 17). Larve de 69 millimètres, arrivée 
L'aspect de Pani- 


aux trois quarts de la métamorphose externe. 
mal est, à part la présence de moignons branchiaux persistants, 
celui d'une Salamandre terrestre ; Les grandes taches jaunes tran- 
chent nettement sur le fond noir bleu de la peau (fig. 1%) ; un 
piqueté très fin de points clairs parsème les régions foncées et 
les territoires jaunes présentent une série de petits cercles Jau- 
nes à bordure brun noirâtre, isolés, ou pressés les uns contre 
les autres. La tête et le tronc mesurent 38 millimètres, la queue 
31 millimètres. La tête à 9 millimètres de large et de long : son 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 307 


contour, vu par dessus, marque nettement (A), de chaque côté 
d'une proéminence faciale antérieure, deux petites tubérosités 
au sommet desquelles s'ouvrent les narines ; deux pans coupés 
sen détachent en arrière, surplombés par le relief des yeux 
garnis de paupières ; les côtés de la tête sont ensuite paral- 
lèles à l'axe médian jusqu'à la région branchiale, qui se dirige 
obliquement en arrière et en dedans jusqu’à l’étranglement cer- 
vical. Sur le pan coupé branchial se détachent trois branchies 
(fig. 14, 4) très atrophiées, incisées sur leurs bords, dont la 
plus longue, la postérieure a 2 millimètres. Les fentes bran- 


Fig. 45. — Voüte palatine du n0 8. bm, bourrelet maxillaire ; bo, bourrelet 
vomérien ; ch, choane ; 50, saillie orbitaire ; w/, valvule des coins de la 
bouche. 


chiales sont fermées et l'orifice opereulaire ventral est obturé 
de sorte qu'aucune communication n'existe plus entre le pha- 
rynx et l'extérieur par la région cervicale ; un pli cutané ventral 
très prononcé, saillant en arrière, fait à la tète un demi collier 
qui la limite en arrière. 

Sur la queue (fig. 14, C) les limbes ont disparu ; il ne reste 
au-dessus etau-dessous de la tige charnue centrale, aplatie dans 
le sens latéral, que deux liserés cutanés. La hauteur totale de la 
queue dans le tiers postérieur est de 3 millimètres environ. 

Si l’on ouvre la bouche (fig. 15) on voit que le bourrelet 
muqueux de la mâchoire supérieure se prolonge sans interrup- 

21 


308 P. WINTREBERT 


tion jusqu'aux coins de l'ouverture et que les lèvres sont main- 
tenant intimement appliquées contre l’are denté maxillaire. La 
rangée des dents dépasse en arrière la ligne transverse des 
choanes. Ces modifications déjà visibles chez les n°* 6 et 7 sont 
ici plus apparentes. La valvule interlabiale (v/)a presque disparu. 

Les deux bourrelets vomériens se sont joints en avant ; ils 
figurent un fer à cheval dont les branches, larges dans la moitié 
antérieure, finissent en pointe en arrière. Les dents dont on 
n'aperçoit que les pointes brunes bordent son versant interne. 


Fig. 17. — Ptérygoïde droit du 

Fig. 16. — Vomer droit du n°8, vu no 8, vu par la face ventrale ; 

par la face ventrale; /, faisceaux ca, cartilage carré ; pp. pléry- 

fibreux qui s'échappent de sa goïde osseux ; pf, ptérygoïide car- 

lamelle externe ; s, trace laissée tilagineux ; gmi, ligament qua- 
par la chute des dents. drato-maxillaire interne. 


Leur distribution s’est modifiée dans Le sens antéro-postérieur ; les 
plus antérieures sont au niveau transversal des choanes, les autres 
se succèdent en arrière sur deux rangs jusque sur la ligne trans- 
verse qui réunit les coins de la bouche ; les pointes des bourre- 
lets dépourvues de dents se prolongent même un peu plus loin 
de chaque côté de la ligne médiane. 

La lamelle osseuse du vomer est d’un seul tenant (fig. 16) ; qua- 
drilatère, allongée d'avant en arrière ; elle mesure { mm. 5 de 
longueur ; son bord latéral interne est presque rectiligne ; son 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 309 


bord externe, irrégulier présente l'insertion d’un grand nom- 
bre de faisceaux fibreux très résistants. Les dents les plus hautes 
sont antérieures ; beaucoup de dents de la rangée externe ont 
été arrachées dans l’ablation pourtant ménagée de la muqueuse ; 
elles laissent sur la plaquette osseuse, la base de leurs socles 
(s) arrondie et légèrement surélevée ; en effet, la rupture de la 
dent s'effectue au milieu du socle. Alors que le cône d'ivoire et 
d'émail garde sa rigidité, etque la base de la dent reste encore 
encroûtée de calcaire, le haut et le milieu du socle de cément 
se décalcifient rapidement, deviennent mous et flexible, formés 
seulement de tissu fibreux. 

Comme chez le n° 7, on trouve dans la muqueuse en dedans et 
surtout en arrière du vomer des dents isolées dont les plus jeu- 
nes sont les plus éloignées de la tablette osseuse. Des faisceaux 
fibreux relient la partie externe de celle-ci à la membrane 
fibreuse périvomérienne. 

Le ptérygoïde, seul reste du ptérygo-palatin, a l'aspect (fig. 17) 
d'un triangle à base postérieure, à sonnmet tourné vers le maxil- 
laire supérieur ; il est long, comme le vomer, de 1 mm. 5. 
Aucune dent n'est visible au-devant de lui dans la muqueuse. 
Son bord interne tend, comme chez le n° 7, à entourer la base 
du ptérygoïde cartilagineux. 

L'extrémité antérieure de celui-ci pointe en dedans de l'os, au 
lieu d’être placée, comme précédemment (fig. 8 et 13), en dehors 
de lui et ceci parait être le signe d’un remaniement propre du 
ptérygoïde osseux (Voir p. 405). 


N° 9 (fig. 18, 19, 20, 21). Larve de 62 millimètres à la fin 
de la métamorphose externe. — L'aspect général est presque 
semblable à celui de la larve précédente. Cependant la queue 
moins aplatie latéralement présente une forme plus eylindri- 
que et les branchies (fig. 18) devenues de simples excroissances 
sont encore plus réduites ; les tiges branchiales antérieure et 
moyenne sont soudées et leur pourtour n’est pas échancré; la 
3° branchie est une palette isolée à 4 digitations distales, mesu- 
rant en tout { mm. 5 de longueur. La fermeture des fentes 
branchiales et operculaire est accomplie depuis le stade précé- 
dent (n° 8). Les dimensions en longueur des principales régions 
du corps sont les suivantes : tête et trone 35 millimètres, 


310 P. WINTREBERT 


queue 27. D'autres Salamandres arrivées à la fin de la méta- 
morphose ont, soit 66 millimètres de longueur totale, dont 
35 millimètres au devant du cloaque, soit 64 millimètres en 
tout, dont 35 précèdent le cloaque. On voit donc que les difé- 
rences de longueur de ces Salamandres élevées ensemble 
dans les mêmes conditions ne portent que sur la longueur 
de la queue. Il est intéressant au point de vue biologique 
de noter que les jeunes Salamandres de ce stade meurent 
noyées quand elles ne peuvent trouver un appui qui leur per- 
mette de tenir la tète au-dessus de l’eau et de respirer l'air 
atmosphérique librement et sans effort. Les branchies, la peau 
sont donc, à ce stade, des lieux d’hématose insuffisants. 


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7 
8p 
Fig. 18. — Aspect des branchies droites chez le n° 9 (Larve de S: m. 


de 62 millimètres, à la fin de la métamorphose externe) ; bam, bran- 
chies antérieure et moyenne soudées ; bp, branchie postérieure. 


La figure 19 montre l'aspect de la voûte palatine avant toute 
dissection et, en pointillé, la place des ptérygoïdes osseux (pp) 
et des faisceaux quadrato-maxillaires externe et interne 
(gmi, gme), la limite du maxillaire supérieur (»s) et la dispo- 
sition des languettes cartilagineuses antéorbitaires (ao). La 
tête mesure 8 mm. 5 de largeur, sur 9 millimètres de longueur. 
Les surfaces articulaires des carrés sont portées en arrière, mais 
se dirigent aussi vers le bas. La tête s'allonge par suite du déve- 
loppement antéro-postérieur des capsules nasales. À l'endroit 
où finissent les pointes du maxillaire supérieur le bourrelet 
muqueux maxillaire (bm) présente une échancrure interne très 
nette ; au-devant de celle-ci passe la baguette cartilagineuse 
antorbitale (ao) qui borde le bord postérieur de la choane et 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ al1 


se dirige transversalement vers le trabécule dont elle émane. 

Le fer à cheval du bourrelet muqueux vomérien ouvert en 
arrière allonge encore ses branches. Les dents y sont toujours 
uniquement placées sur Le pourtour interne ; elles se rejoignent 
en avant, comme il advenait déjà sur la larve précédente 
(fig. 15), et ne vont pas encore en arrière jusqu'au bout des 
branches du bourrelet. En avant, celui-ci mesure en largeur 
2 nullimètres environ ; sa longueur est de 3 millimètres. 


Onm. 


Fig 19. — Voüte palatine du n0 9; 4, muscles adducteurs de la mâchoire 
inférieure ; ao, cartilage antéorbital ; bm, bourrelet muqueux de l'arc 
maxillaire: bv, bourrelet vomérien ; ca, surface articulaire du cartilage 


2 


carré ; ch, choane; d, muscle dépresseur de la mâchoire “mférieure ; 
fi, fosse internasale ; pp, ptérygoide osseux ; ps, limite antérieure du 
parasphénoïde; gme. qmi, ligaments quadrato-maxillaires externe et 
interne ; w/, reste de la valvule du coin de la bouche. 


Disséqué, le vomer droit du n°9 (fig. 20, À) est long de 1 mm. 5. 
Un autre vomer du côté droit (fig. 20, B) a été préparé sur une 
Salamandre de mème âge, ayant une tête large de 8 mm. 25 et 
longue de 8 mm. 59 ; ilest un peu moins long (1 mm. 4) mais son 
aspect général ne diffère que par les détails de celui du vomer 
de la larve n° 9. La bordure interne est seule dentée ; elle 
l’est sur 2 rangs ; la lamelle externe, convexe en dehors chez 


312 P. WINTREBERT 


À, avec un prolongement antérieur, est largement échancrée et 
trouée chez B. Les plaques osseuses sont situées dans la partie 
antérieure du bourrelet muqueux (b) dont les limites sont repré- 
sentées par une ligne pointillée ; derrière elles on trouve dans 
la muqueuse des dents isolées comme chez les larves précéden- 
tes.On voit, chez À, deux dents réunies par leurs socles à une 
petite lamelle osseuse commune, Les dents isolées les plus lon- 


Fig. 20. — Vomers droits du n° 9 (A) et d’une larve de même stade (B) vus 
par la face ventrale; D, bourrelet muqueux limité par un pointillé ; dp, 
série des dents nouvelles postérieures ; m/f, membrane fibreuse épaissie, 
sous choriale ; v, plaquette externe du vomer. 


gues et les plus complètes sont toutes près du vomer et derrière 
lui; plus loin on ne rencontre que des dents sans socle. La pla- 
quette vomérienne semble s'être déplacée en dedans, mais si l’on 
tient compte qu'elle s’édifie sans cesse par sa partie interne et 
postérieure et régresse en même temps par sa partie antérieure 
et externe, on reconnait que la migration n'est qu'apparente et 
qu'en réalité l'os actuel est un vomer nouveau et non pas le 
vomer de la larve qui s'est déplacé. Le vomer et les dents de 
nouvelle formation reposent sur une membrane fibreuse épaisse, 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 313 


sous choriale(#f), située au centre du bourrelet muqueux et 
qui ne se prolonge pas en arrière aussi loin que l’extrémité de 
celui-ci. 

Le ptérygoïde droit est vu par la face dorsale sur la figure 
21 ;il est représenté non sur l'animal où la face dorsale regarde 
en dehors, mais tel qu'on l’observe quand l'os repose sur un 
plan horizontal. Il est plus large (1 mm. 70) que long (1 mm. 50) ; 
le recourbement de son bord interne autour du bord interne du 
ptérygoïde cartilagineux est très net; on remarque aussi l’état 
crénelé du bord externe à peine concave en dehors. 

Les régions de la muqueuse placées sous les ptérygoïdes 
osseux ne sont pas boursouflées comme celles qui recouvrent 


Fig. 21. — Plérygoïde droit du n0 9, vu par la face dorsale ; angles a, anté- 
rieur, e, externe, à, interne, p, bord postérieur. 


la région de formation des vomers; encore faut-il considérer 
que la saillie muqueuse vomérienne répond seulement à la 
partie du vomer qui est en période actuelle de remaniement et 
qu'elle ne comprend pas la région du bouclier osseux qui cou- 
vrira plus tard en avant le plancher nasal; cependant, dès 
maintenant, la lame membraneuse qui s'ossifiera dans la suite 
existe et se prolonge jusqu'aux apophyses palatines des pré- 
maxillaire et maxillaire. 

Le ptérygoïde cartilagineux s'avance rapidement à la fin de 
la métamorphose vers la pointe du maxillaire ; 1l ne l’atteint 
pas encore chez le n° 9; 1l la dépasse beaucoup chez la Sala- 
mandre parfaite, comme nous le verrons chez le n° 10. Sa pro- 


314% P. WINTREBERT 


lifération est done tardive dans la métamorphose comme fut 
tardive sa naissance dans l’ontogenèse. 

Le cartilage carré présente, au contraire, dès le début de la 
transformation, une conversion en arrière de son extrémité 
articulaire externe autour de ses attaches craniennes qui se 
ramollissent tout en demeurant fixes. Son axe est maintenant 
dirigé en arrière et en dehors, et l’on peut considérer qu'il a 
acquis chez le n° 9 son orientation définitive. 

La limite antérieure du parasphénoïde sur la ligne médiane 
a été marquée sur la figure 19 (ps); elle se trouve à l'union du 
tiers postérieur avec les deux tiers antérieurs de l’espace situé 
entre le pourtour arrière des choanes et les dents antérieures 
des prémaxillaires. 


No 10 (fig. 22-95). Jeune Salamandre à l’état parfait, longue 
de 70 mm. — La tête mesure 10 millimètres de longueur; elle 
a 10 millimètres de largeur au niveau des articulations de la 
màchoire inférieure ; le tronc et la queue, qui ont la même lon- 
gueur, mesurent chacun 30 millimètres. Les branchies sont com- 
plètement résorbées ; les limbes de la queue ont disparu. La 
robe est celle de l’animal terrestre. 

Si, après avoir ouvert la bouche, on fend horizontalement 
les joues, par une section commençant aux coins de la fente 
buccale, finissant en arrière des articulations du maxillaire 
inférieur et, qu'après avoir ainsi largement découvert la voûte 
palatine, on la dépouille de sa muqueuse, on aperçoit les vomers, 
les ptérygoïdes ainsi que les ligaments, les aponévroses, les 
museles avec lesquels ces os sont en relation. L'aspect de la pré- 
paration est celui de la figure 22. 

La forme générale du vomer fo) est bien connue (Hertwig 
1874, PL I, fig. 25; Wiedersheim 1877, PI. XXII, fig. 73) ;al 
est composé de deux régions, lune antérieure large, étalée 
comme un bouclier concave vers l’intérieur de la bouche, entre 
l'arc denté maxillaire et le parasphénoïde, l’autre allongée en 
une apophyse postérieure et interne qui porte les dents. La table 
osseuse finit en arrière juste au-dessous du cartilage anté-orbi- 
taire. Son bord postérieur, échaneré en demi-cercle dans sa partie 
moyenne, encadre le pourtour antérieur de la choane et s’effile 
en dehors le long du processus palatin du maxillaire ; aboutit en 


“ 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 315 


dedans à l’apophyse dentée. Son bord interne comprend deux 
parties obliques séparées par un angle saillanten dedans (ai), qui 
touche l'angle correspondant du vomer opposé ; en avant de cet 


angle, le bord interne oblique, en dehors, circonserit le cavum 


Fig. 22. — Voüûte palatine (côté droit) du n° 10 (jeune Salamandra maculosa 
de 70 millimètres à l’état parfait), après ablation de la muqueuse; a, mus- 
cles adducteurs de la mâchoire inférieure : ai, angle interne du vomer; 
ao, cartilage antéorbitaire ; apm, apophyse palatine du maxillaire ; ap, 
anneau fibreux périorbitaire : aso, aponévrose sous orbitaire ; €, colu- 
melle ; ca, cartilage carré (surface articulaire); ce, carotide externe; 
ch, choane ; ci, carotide interne ; 4. muscle dépresseur de la mâchoire 
inférieure ; gi, glande intermaxillaire; À VIT, nerf hyo-mandibulaire de 
la VIIe paire; ol, occipital latéral; os, orbitosphénoïde; pp, ptérygoïde 
osseux: ps, parasphénoïde; p VII, nerf palatin de la VII paire; 
qgme, ligament quadrato-maxillaire externe; gmi, ligament quadrato- 
maxillaire interne ; », récessus cutané temporal ; rb, musele rétracteur du 
bulbe oculaire ; v, vomer. 


internasale ; en arrière de cet angle le bord interne, oblique 
en dehors, porte une rangée de dents à laquelle fait directe- 
ment suite la rangée des dents implantées sur l’apophyse 


316 “ P. WINTREBERT 


postérieure. Son bord externe sinueux s’adosse au bord interne 
des apophyses palatines prémaxillaire et maxillaire. 
L'apophyse dentée (fig. 22 et 23) semble une excroissance 
née de l'angle postéro-interne du vomer ; mais nous l’avons 
vu naitre de la réunion de dents isolées, développées sur place, 


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Fig. 23. — Vomer gauche du n° 10. A, vomer entier, vu par la face ventrale ; 
p VIT. nerf palatin de la VIT: paire. B, région moyenne de l’apophyse dentée 
vue par son bordinterne: #1. place où deux dents ont été luxées. C, une dent 
luxée. 


l’une derrière l’autre (fig. 12, 20), comme si la présence de la 
5 ) / 

dent précédente conditionnait la naissance de la dent suivante. 

Elle ne résulte done ni d'un bourgeonnement de la table vomé- 

rienne, ni de la formation simultanée d’ébauches dentaires dis- 

jointes, disséminées sur son parcours, et qui deviendraient 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 347 


ensuite confluentes. Son mode de formation est très spécial, 
les dents qui l'édifient : 4) naissant isolément; 4) dans le voi- 
sinage des ébauches dentaires précédentes, et c) seulement 
dans une direction donnée. | 

Les dents serrées l’une contre l’autre Le long du bord interne 
de l’apophyse (fig. 23) ont leur pointe orientée en bas et en 
dedans et non en bas et en dehors comme 0. Herrwi6 (4874) le 
figure (fig. 36, PL. I). On peut distinguer deux régions dans 
l’apophyse : l'une antérieure, concave en dedans, l’autre posté- 
rieure concave en dehors. La première, un peu plus large que 
la seconde, est plus verticale ; ses dents sont dirigées presque 
directement en bas; sa face interne est intimement appliquée 
contre le bord du parasphénoiïide et de l’orbitosphénoïde. Elle 
présente une gouttière longitudinale au-dessus des racines des 
dents, dans laquelle le nerf palatin de la VIT paire (p. VII) 
passe et se trouve conduit dans la région nasale sur la face dor- 
sale du bouclier vomérien. La région postérieure de l’apophyse 
présente, par rapport à la première, une torsion, qui tourne sa 
face interne en bas et les pointes des dents en dedans ; sa face 
dorsale n’est pas comme celle de la région antérieure au con- 
tact du parasphénoïde, mais distante de celui-ci et, particuliè- 
rement à son extrémité, elle en est séparée parle muscle rétrac- 
teur du globe oculaire qui prend insertion à la face ventrale 
du parasphénoïde (fig. 22, r). La terminaison de l’apophyse est 
libre dans la muqueuse; elle se fait sur la ligne transversale qui 
joint les surfaces articulaires des carrés (ca), en dedans du trou 
de sortie du nerf palatin de la VII paire et de l’anse que fait la 
carotide externe (ce) en se continuant par l'artère palatine (ap), 
juste au-dessous de l'endroit où la carotide interne (c2) passe 
dans le crâne. 

O. Herrwic (1874) et Wieoersuein (1877) considèrent le vomer 
comme formé de deux os, le vomer et Le palatin. Leur soudure 
se ferait à l'union des régions antérieure et postérieure de l’apo- 
physe dentfée, à l'endroit marqué par un trait pointillé sur la 
figure 23,1. Mais j'ai enlevé le vomer du n° 10 en totalité sans 
apercevoir, même après l’action d'une lessive de potasse, 
aucune trace de suture et nous avons vu d'autre part que la 
région palatine du ptérygo-palatin ne se séparait de l'aile ptéry- 
goïdienne (fig.8,10)que pour disparaitre par régression. Cepen- 


318 P. WINTREBERT 


dant l'apophyse est fragile : elle casse facilement à l'endroit 
marqué sur la figure 23 À quand, en maintenant,le bouclier, 
on la soulève par la pointe; cet endroit correspond au milieu 
de S denté du bord interne (fig. 22), au lieu même où les 
auteurs cités ont figuré (0. Herrwic. PL. I, fig. 23, 24, 36: Wir- 
DERSHEIM, PI. XXIII, fig. 72, S. atra) la division de l'os en 
vomer et palatin. Il y a done lieu de penser que ces savants 
ont pris un trait de cassure pour l'indice d’une suture. Cuvier 
(1824, PI. 25) figure les vomers de S'alamandra maculosa 
démunis de leur apophyse dentée. 

Le dessin B de la figure 23 montre un fragment grossi de 
la région antérieure de l'apophyse vu par sa face interne. On y 
observe que la longueur du socle de cément est double de celle 
du cône de dentine et d’émail ; le fond du socle est englobé 
dans une masse osseuse commune qui forme comme un trot- 
toir Interne et sa partie moyenne est adossée et en partie soudée 
sur son côté externe à un mur qui la soutient. En C (fig. 23) est 
dessinée une dent luxée qui montre la base de son socle ouverte. 
Toutes ces dents n’ont qu'une pointe d’émail ; celles à deux 
pointes que figure O. Herrwi (1874, fig. 1, PL INT) n’appartien- 
nent pas au vomer ; ce sont des dents maxillaires. 

Dans la région du bouclier et dans la région terminale de 
l’apophyse où les dents ont une direction en dedans plus pro- 
noncée, les socles dentaires s’allongent beaucoup et prennent 
l’aspect de tubes alignés côte à côte sur la partie interne de la 
table osseuse. Les dents se développent, en dedans du vomer ; 
car, pendant l’ablation de la muqueuse, on a enlevé deux ettrois 
rangées de jeunes dents isolées dont les plus courtes étaient 
aussi les plus internes. | 

Le bouclier vomérien n’est pas seulement une table osseuse 
qui protège la région nasale contre la pression des aliments 
introduits dans la cavité buccale : il maintient encore par sa pré- 
sence une distance fixe entre Parc denté maxillaire et la table 
médiane du parasphénoïde. Il contribue donc à empêcher une 
déformation de la partie antérieure du crâne par suite de 
compression transversale ; il est appuyé solidement par son 
bord externe contre les apophyses palatines des maxillaire et 
prémaxillaire ; en dedans c’est par une crête de sa face dorsale 
qu'ilest arc-bouté contre le parasphénoïde. Cette crète est cons- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 319 


tituée, au niveau de l’apophyse, parle bord externe de Ia gout- 
tière où passe le nerf palatin de la VIT paire et se prolonge sur 
le bouclier par un saillant situé à la limite externe des socles 
dentaires. Le conduit palatin débouche à la face inférieure du 
cartilage nasal entre ces deux lignes d'appuiau parasphénoïde : 
celle de l'apophyse, et celle de la table vomérienne ; ces deux 
lignes, comme le bord latéral du parasphénoïde qu'elles enca- 
drent, forment par leur réunion un angle ouvert en dedans, sail- 
lant du côté de l’attache du cartilage antorbitaire au trabécule 
cranien. Grâce à cet emboitement du coin latéral du parasphé- 
noïde par le vomer, celui-ci est fixé dans sa position. Du côté du 
bord externe quelques sinuosités du vomer, encastrées dans des 
sinuosités inverses de l’arc denté, contribuent de même à 
maintenir les os en place. Le vomer joue ainsi dans l’architec- 
ture du palais le rôle d'une pièce Imtermédiaire qui permet à 
la boîte cranienne de résister aux poussées latérales et anté- 
rieures exercées sur le museau ; etsi l’on réfléchit qu'il s'étend 
en arrière sur les côtés de la choane sous le cartilage antorbi- 
tal à la place même où chez les Anoures le palatin forme une 
poutre transverse entre le maxillaire et le parasphénoïde, on 
comprend que la présence chez les Urodèles d'un palatin déve- 
loppé le long du cartilage anté-orbital n’ajouterait rien à la 
structure du crâne de ces animaux au point de vue de sa conso- 
hidation, tandis que la présence d’un palatin est au contraire 
une nécessité chez les Anoures où le vomer est réduit à l’état 
d'une plaquette isolée, développée comme un ilot sur le plan- 
cher nasal (Voir p. 390). 

Le ptérygoïde osseux (fig. 22, 24, 25) dans sa forme défini- 
tive est très différent de celui de la larve et, malgré que les 
processus de sa transformation soient plus difficiles à suivre et 
à analyser que ceux du vomer, son remaniement n’en est pas 
moins manifeste, ainsi qu'on en peut juger par la comparaison 
des figures 13, 17, 21 avec les figures 22, 24, 95. La feuille 
osseuse qui constituait au-dessous de la loge orbito-temporale 
l'aile postérieure et plane du ptérygo-palatin s’est d'abord limi- 
tée, après la régression de la palette palatine et de la tige pté- 
rygoidienne, à une plaquette triangulaire en rapport avec la 
région des muscles masticateurs et la face ventrale du carré ; 
puis cette plaquette a changé son orientation en ce sens que son 


320 P. WINTREBERT 


sommet antérieur oblique en dedans s’est tourné en dehors 
(fig. 10,17). Ce changement de direction est dû en partie au 
transport en arrière de l'extrémité articulaire du carré (Gawpr, 
1906, p. 703) (fig. 10) et en partie aux modifications propres de 
l'os (fig. 17). Celui-ci au lieu de passer en pont au-dessous de la 
fosse orbito-temporale s'applique maintenant d'une manière 
étroite à la loge aponévrotique des muscles adducteurs de la 


7 LL} - 
y |. 


Fig. 24. — Disposition de la partie inférieure de la loge temporale droite chez 
le n° 40. a, muscles adducteurs de la mâchoire inférieure ; ca, cartilage 
carré (surface articulaire); lo, loge orbitaire ; /f, loge temporale ; "”, 
maxillaire supérieur ; pp, ptérygoïde osseux ; pt, ptérygoide cartilagineux ; 
gme, gmi, ligaments quadrato-maxillaires externe, interne ; r, partie anté- 
rieure de la loge temporale où s’invagine le recessus cutané. 


mâchoire (a, fig. 22 et 24); il se moule pour ainsi dire sur elle 
et sur la tige du ptérygoïde cartilagineux interposée entre elle 
et lui. Par suite de ce changement d'orientation, le ptérygoïde 
osseux incline davantage en bas son, bord externe et fait avec 
le parasphénoïde un angle d'environ 45°, de sorte qu'il cons- 
titue sur les côtés de la voüte palatine une sorte de joue 
osseuse. 

L'aspect général du ptérygoïde s'est modifié et on le remar- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 321 


que aisément sur l'os isolé (pp, fig. 25) et sur les os en place 
(pp, fig. 22 et 24). 

La partie moyenne de son bord postérieur se prolénge en 
arrière ; elle contourne maintenant la face postérieure du carré 
en produisant un angle nouveau. L'angle externe se trouve près 
de l'articulation maxillaire et se met en relation à ce niveau 
avec l'os carré d'origine enchondrale, bien qu'on n’observe pas 
encore d'union entre les deux os de membrane et de cartilage. 
L'angle interne vient au contact du parasphénoïde, ainsi que la 
plus grande partie du bord postéro-interne, dont l'épaisseur est 
grande. Il s'établit de cette façon entre le ptérygoïde et le 
bras latéral saillant du parasphénoïde une véritable articulation 
et, dans la profondeur, le processus basal du carré présente 
une fonte du cartilage et se sépare du crâne cartilagineux. On 
sait depuis Srôr (1879) qu'une fissure se produit chez Triton 
cristatus entre le processus otique et la capsule de l'oreille. 
Mais, d’après Gaupe (1906, p. 704), le processus basal resterait 
uni à la base du crâne. Il n’en est rien chez Salamandra macu- 
losa, et, de plus, le processus antérieur doit aussi subir un 
ramollissement, car le carré présente chez la jeune salamandre 
une mobilité légère et complète sur le crâne. 

L’angle antérieur du ptérygoïde se trouve en contact intime. 
avec la loge aponévrotique des masticateurs, juste au-dessus du 
ligament quadrato-maxillaire interne qui en constitue le faisceau 
fibreux inférieur le plus puissant. Mais ce n’est que progressive- 
ment qu'il acquiert cette situation et les changements graduels 
de sa position vis-à-vis de ce faisceau sont le meilleur moyen 
de mesurer le changement d’orientation de l'os ; ainsi, chez la 
larve n° 7, fig. 13, le sommet antérieur est distant du bord du 
ligament ; de plus, l'extrémité du ptérygoïde cartilagineux se 
trouve interposée entre ce bord et lui; plus tard, chez la larve 
n°8, le ptérygoide cartilagineux se place en dedans de la pointe 
osseuse et il garde cette position dans la forme définitive. 

Les bords latéraux du ptérygoïde sont échancrés ; le bord 
externe est mince, écailleux, légèrement crénelé ; le bord interne 
épais, massif et résistant, se recourbe vers le haut autour du 
ptérygoïde cartilagineux et s'enroule mème autour de lui dans 
sa région postérieure (fig. 25). 

Les faces ventrale et dorsale, la première tournée en dedans, 


322 P. WINTREBERT 


l'autre en dehors, montrent manifestement deux territoires 
(fig. 24 et 25), un postérieur moulé sur la face ventrale du 
carré, l’autre antérieur, qu'on peut appeler « masticateur » et 
qui se trouve en contact. avec le ptérygoïde cartilagineux. 
Celui-ci est logé dans une gouttière de l'os si profonde qu'il sem- 
ble s’y être imprimé par pression au stade où l'aile ptérygoi- 
dienne, en partie décalcifiée, était devenue malléable. La gout- 


Fig. 25. — Rapports des ptérygoïdes osseux et cartilagineux droits avec les 
faisceaux fibreux avoisinants; même disposition que la fig. 24 sauf que le 
ptérygoïde osseux a été renversé en dehors et montre sa face dorsale. f, 
fibres du ligament quadrato-maxillaire pénétrant le ptérygoïde osseux ; 
m, maxillaire : pp, ptérygoide osseux; pt. ptérygoide cartilagineux: pte, 
faisceaux fibreux ptérygoïdiens externes ; ptm, faisceaux fibreux ptérygo- 
maxillaires ; gme, gmi, ligaments quadrato-maxillaires externe, interne. 


tière fait saillie sur la face ventrale (fig.24) mais, sur la face dor- 
sale, quand la tige cartilagineuse est en place, l'ensemble des 
ptérygoides osseux et cartilagineux offre une surface plane. 

Le ptérygoïde cartilagineux ne présente au contact de l'os 
aucune trace d’ossification ; il n’est du reste pas à son contact 
direct, car il est entouré par une gaine fibreuse et contenu pour 
ainsi dire dans la paroi de la loge temporale. Par contre, quel- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 323 


ques faisceaux fibreux de cette paroi situés au-dessus du liga- 
ment quadrato-maxillaire interne pénètrent le bord externe du 
ptérygoïde osseux (f, fig. 25) et semblent jouer dans sa texture 
le rôle de fibres de Sharpey ; mais la plupart des faisceaux de la 
loge temporale passent au-dessus de lui ; 1ls forment couvercle 
au-dessus de la gouttière où est logé le ptérygoïde cartilagi- 
neux et vont en dedans et en avant compléter la gaine aponé- 
vrotique des muscles adducteurs de la mâchoire ; parvenus au 
devant de ceux-ci ils renforcent le fascia prétemporal (fig. 24) 
qui sépare la loge temporale (//) de la loge orbitaire (/0). 

Le ptérygoïde cartilagineux, né sur la partie antéro-interne 
du carré qui voisine le milieu de sa longueur (fig. 24), est une 
tige étroite dirigée en avant et en dehors, beaucoup plus longue 
que le ptérygoïde osseux, à la face dorsale duquel elle est située. 
Elle le dépasse en avant, et se recourbe en dehors à son 
extrémité antérieure. Cette disposition, en crochet, n'a encore 
été signalée chez aucun Urodèle. Il est admis en effet, depuis 
Wispersuelm (1877, p. 474), que le ptérygoïde cartilagineux des 
Urodèles après s'être dirigé en avant et en dehors vers le maxil- 
laire se termine librement près de lui sauf chez Ranodon 
(fig. 69 et 70), où 1l rejoint le cartilage antéorbitaire en passant 
le long de la face interne du maxillaire supérieur. [ei, chez Sala- 
mandra maculosa, la tige cartilagineuse serait assez longue pour 
toucher le maxillaire et courir le long de sa faceinterne ; pour- 
tant elle suit un autre trajet. Après avoir quitté la gouttière du 
ptérygoïde osseux (fig 24), elle s'appuye sur la paroi fibreuse 
interne de la loge masticatrice, accompagne quelque temps Le 
ligament quadrato-maxillaire interne au-dessus duquel elle est 
placée, puis, arrivée à l’endroit où finit la loge temporale et où 
commence la loge orbitaire, elle est arrètée par Le fascia prétem- 
poral qui sépare les deux loges et se recourbe en dehors. Elle 
semble au premier abord se diriger vers le maxillaire supé- 
rieur auquel prend insertion le fascia prétemporal ; mais elle 
monte en tournant dans l'interstice orbito-temporal et se trouve 
située au-dessus du maxillaire quand elle aboutit à la face 
externe de la loge temporale (fig. 26). 

La tige cartilagineuse en montant dans le fascia prétemporal 
vient se mettre en contact avec l'anneau fibreux périorbitaire 
et s’unit à lui par des fibres nombreuses. Au niveau de la 


g 


© 


A 
4 


ï 


324 P. WINTREBERT | 


région la plus convexe de sa courbe elle envoie aussi quelques 
fibres au maxillaire supérieur (lg. 25, plm).Ces fibres sont situées 
au-dessus de celles qui constituent le très fort ligament qua- 
drato-maxillaire interne dont les faisceaux s'étalent en bouquet 
sur l’apophyse palatine du maxillaire depuis sa pointe jusqu’à 
l’attache du vomer (fig. 22) ; elles sont faibles et peu résistantes 
par rapport à celles-ci et ne dépassent guère en avant la région 
des dents les plus postérieures ; aucune d'elles ne peut être 


SN NS js à 
N DD mr 


Fig. 26. — Face latérale droite de la tête du no 40 montrant, dans le sens ver- 
tical, le trajet du ptérygoïde cartilagineux ; dans la dissection, le ligament 
quadrato-maxillaire externe gme, Le ptéryg oïde osseux pp et le ptéryeoide 
cartilagineux ont été secltionnés à mi-longueur de la fosse temporale; à, 
IE adducteur de la mâchoire MReMeUE ; ao, cartilage antorbital ; apo, 
anneau fibreux péri-orbilaire ; &te, aponévrose temporale externe ; ca, 
surface articulaire du cartilage carré ; esci, cul-de-sac conjonctival de Ja 
paupière inférieure ; /cse, limite du cul-de-sac conjonctiv al de la paupière 
supérieure ; M, maxillaire supérieur ; p, pupille ; ; pi, paupière inférieure ; 
pp, ptérygoïde osseux ; ps, paupière supérieure ; p{, ptérygoïde cartlilagi- 
neux ; gme, gqmi, ligaments quadrato-maxillaires externe, interne. 


suivie, comme celles du ligament quadrato-maxillaire interne, 
jusqu'au cartilage antorbital et la pointe du vomer. Mais, par 
contre, l'extrémité recourbée en arrière du crochet cartilagineux, 
émet des fibres nombreuses qui renforcent la paroi externe de 
la loge temporale (fig. 24 et 26, ate) et qui s’éparpillent depuis 
le ligament quadrato-maxillaire externe jusqu'à mi-hauteur de 
la région temporale. 


Le cartilage antorbital (fig. 22 et 26, ao)est une languette apla- 


— 


ro 
cr 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 3 


tie dorso-ventralement, tendue entre l'orbito-sphénoïde et lapo- 
-physe montante du maxillaire supérieur. Elle adhère intimement 
à la face interne de celle-ci et se recourbe vers le haut en s’éta- 
lant, pour se continuer avec la paroi cartilagineuse externe du 
sac nasal ; au niveau de son attache maxillaire elle est assez 
intimementunie à l'anneau fibreux périorbitaire et au cul-de-sac 
conjonctival de la paupière inférieure ; ceux-ci en arrière d’elle 
reposent tous deux sur la face dorsale de lapophyse palatine 
du maxillaire. Elle reçoit aussi du côté de la voute palatine 
l'insertion de quelques fibres émanées du ligament quadrato- 
maxillaire interne, mais elle est tout à fait distante de la tige 
cartilagineuse ptérygoïdienne à laquelle elle n’est reliée que 
d'une manière tout à fait indirecte par les adhérences que 
toutes deux contractent avec le ligament quadrato-maxillaire 
interne et l'anneau fibreux périorbitaire 

Nous avons parlé jusqu'à présent de la loge temporale 
comme si elle ne contenait que les muscles adducteurs de la 
mâchoire inférieure ; elle présente cependant dans sa région 
ventrale deux compartinients distincts (fig. 22et 24) : l’un posté- 
rieur et interne rempli par les muscles (a), l’autre antérieur et 
externe occupé par un recessus cutané (7), développé dans 
l'angle de la fente buccale. Quand la mâchoire est abaissée le : 
recessus disparait, la peau est déplissée ; mais au moment de 
la fermeture de la bouche, la peau, adhérente à la face externe 
des tendons adducteurs, les suit dans leur ascension et forme 
entre les ligaments quadrato-maxillaires un cul-de-sac profond. 
Cette fosse cutanée n’est développée chez Salamandra maculosa 
qu'en avant et en dehors des muscles ; nous verrons chez Ambly- 
stoma qu'elle entoure de chaque côté la moitié antérieure des 
muscles adducteurs ; c'est sa présence et l'allongement du maxil- 
laire pendant la métamorphose qui déterminent ici les rapports 
du ligament quadrato-maxillaire interne mi, fig. 22). Nous ne 
voyons pas en effet ce ligament arriver directement à la pointe 
du maxillaire : il en est écarté par le recessus cutané ; ses fais- 
ceaux se dirigent donc vers la partie moyenne de ne 
palatine puis retournent en arrière vers la pomte maxillaire ; 
ces fibres récurrentes constituent la partie renforcée antérieure 
la plus ventrale de la loge temporale ; c’est au-dessus d'elles 
que le ptérygoïde cartilagineux dessine son crochet (fig. 24). 


326 P. WINTREBERT 


N° 11. Salamandra maculosa (variété corsica), mâle adulte 
de 17 cm.5.— La tête et le tronc ont une longueur de 9 cm. 7, 
la queue est longue de 7 cm. 8. L'apophyse dentée du vomer 
présente la disposition spéciale à cette variété : une courbe anté- 
rieure de petit rayon et très prononcée, concave en dedans, en 
demi-anneau, une région moyenne rectiligne, adossée sur la 
ligne médiane à celle du côté opposé, une région postérieure 
coudée brusquement en dehors. 

Le ptérygoïde osseux n’est pas mobile sur le parasphénoïde 
mais au contraire soudé à lui ; 1l est soudé aussi en arrière au 
squameux et fait corps en dehors avec l'os carré ; le quadratum 
est enclos dans une sorte de cadre osseux qui l'immobilise. L’au- 
tostylie est de nouveau constituée, après une phase de mobi- 
lité du carré commençant à la métamorphose et se prolongeant 
pendant la jeunesse de la forme parfaite ; mais elle n’a plus la 
même signification ; elle est secondaire et consécutive aux sou- 
dures osseuses qui s'établissent entre les os de revétement. En 
raison de ces données, seul le type larvaire de continuité de sub- 
stance cartilagineuse mérite la désignation de protostylique, 
attribuée par Gnécory (1904) et Kerr Graram (1908) à la forme 
la plus primitive d'attache du palato-carré au crâne. 

Le ptérygoïde cartilagineux a la même disposition et les mêmes 
rapports que chez la jeune Salamandre n° 10; il est cependant 
moins indépendant des faisceaux fibreux du ligament quadrato- 
maxillaire interne et du fascia prétemporal au milieu des- 
quels il se trouve comme noyé ; ses connexions avec l'anneau 
fibreux périorbitaire au-dessus du maxillaire supérieur sont très 
intimes. Le maxillaire s'étend plus loin que chez la jeune 
Salamandre terrestre, en une tige rigide, dont la pointe arrive 
jusqu’au tiers postérieur de la loge temporale; le ligament 
quadrato-maxillaire externe, ou jugal, est donc très court. 


III. — La voûte palatiné d'Amblystoma tigrinum 
et d'Amblystoma opacum 


J'étudie dans ce chapitre la voûte palatine d’Axolotls soit à diffé- 
rentsstades de la vie larvaire, soit au cours de la métamorphose, 
et la voûte palatine d'Amblystomes. L'observation de chaque 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 327 


animal est exposée séparément; elle comprend, comme celle de 
chaque exemplaire de Sa/amandra maculosa, plusieurs étapes, 
l'examen de la voûte buecale avant toute intervention, la dissec- 
tion des os de l'arc denté interne, la notation des connexions 
qu'ils présentent entre eux et avec les organes de la région, la 
préparation des éléments cartilagineux et fibreux de l'appareil 
voméro-ptérygo-palatin. Dans la révision des premiers stades je 
passe rapidement sur les faits connus et j'insiste particulièrement 
sur l'enchainement des dispositions successives que prennent 
avec l’âge les diverses parties de l’appareil. Je me suis attaché 
particulièrement à montrer l'influence des conditions biologi- 
ques sur la constitution de l’arc denté, en procédant par voie 
expérimentale. D'un côté je décris des larves normales, c'est-à- 
dire bien nourries et n'ayant jamais souffert, et de l’autre J'ex- 
pose l’état d'Axolotls morts de maladie ou soumis à un jeûne 
prolongé. Ayant de plus réussi à arrêter la métamorphose à mi- 
chemin (WinrreBerr, 1908) par la remise à l'eau d’Axolotls 
qu'une exposition forcée à l'air, selon le procédé de Maria vox 
Caauvix (1885), avait incités à se transformer, je montre que 
ces demi Amblystomes ne possèdent à la voûte palatine que des 
os incomplètement développés, des demi-vomers et des ptéry- 
goides peu étendus. 


; 
A. — Larres normales, en bonne santé 


N° 12 (fig. 27). Jeune Axoloul de 9 millimètres de long. — Le 
erâne a une longueur de 4 millimètres ; sa base est représentée 
figure 26. On y reconnait les os suivants : le parasphénoïde 
médian (ps); les plaquettes vomériennes dentées appuyées sur 
le cartilage nasal (e) ; les ptérygo-palatins, larges et dentés en 
avant, terminés en pointe et dépourvus de dents en arrière (pp) ; 
les prémaxillaires (pm) au devant de la région nasale, garnis de 
nombreuses dents et d’un processus prénasal qu'on aperçoit par 
transparence et qui se dresse comme une épine au devant de la 
région olfactive. Les maxillaires ne sont pas encore nés. Les pté- 
rygo-palatins sont appliqués par la partie interne de leur pla- 
quette dentée sur le tubercule cranien correspondant, à l'en- 
droit même où ils sont nés: ils formentavecles vomers l'ébauche 


328 P,. WINTREBERT 


d’un arc denté dont chacune des moitiés est oblique en avant et 
en dedans. 


N° 13 (fig. 28). Jeune Axololl de 98 nuillimètres de lon- 
queur. — La tête longue de 6 millimètres, est représentée 
(fig. 28) vue par la face dorsale. La mâchoire inférieure, légère- 
ment abaissée, montre deux os dentés : le dentaire (d) et le splé- 


Fig. 27. — Base du crâne du n°12 (Jeune Axolotl de 20 millimètres de long) ; 
an, arc neural de la première vertèbre ; ce, chorde dorsale; c@, cartilage 
carré; ce, cartilage ethmo-nasal; fo, fenêtre ovale; A, cérato-hyal; ”, 
cartilage de Meckel ; pm, prémaxillaire ; pp. ptérygo-palalin ; ps, para- 
sphénoïde ; fr, trabécule cranien ; v, vomer. 


nial (sp) placés l'un en dehors, l’autre en dedans du cartilage 
de Meckel (7). La mâchoire supérieure ne comprend encore 
que le prémaxillaire (p), il a l'aspect d'un rateau à dents nom- 
breuses dont le manche s'élève au contact du cartilage cranien 
en dedans du frontal (f). L'arc denté interne de la voûte pala- 
tine est au complet ; 


composé du vomer (v) en avant, du pté- 
rygo-palatin (pp) en arrière, il est facilement visible sur la face 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 329 


dorsale du crâne en raison de l'absence du maxillaire supérieur 
et du manque d'éléments osseux au niveau de la partie latérale 
et postérieure de la boîte cartilagineuse du crâne. L’ablation 
du globe oculaire et des muscles masticateurs laisse largement 
ouverte la fosse orbito-temporale. On aperçoit au fond de celle- 


Fig. 28. — Face dorsale du crâne du n° 43 (Jeune Axolotl de 28 millimètres 
de long); c, chorde dorsale ; ca, cartilage carré ; ce, cartilage ethmoïdal ; 
co, condyle occipital ; d, dental; fr, frontal; m. cartilage de Meckel: 5, 
région otique ; pa, pariétal; pm, prémaxillaire ; pp, ptérygo-palatin ; sp, 
splénial ; v, vomer. 


ci la face dorsale des deux os ; on reconnait qu'ils sont placés 
l’un derrière l’autre, orientés suivant une ligne oblique en avant 
et en dedans, partant de la région moyenne du carré et aboutis- 
sant en avant près de la ligne médiane. 

Le vomer (») est une plaquette triangulaire de à sommet 
antérieur qui porte 15 dents à droite, 16 dents à gauche ; à droite, 


330 P. WINTREBERT 


la plus grande dent se trouve isolée en avant; deux dents sui- 
vent, puis viennent les autres dents placées transversalement 
sur 3 rangs. L'os est étroit:ment appliqué sur le cartilage ethmo- 
nasal et de haut l’on n’aperçoit directement que sa partie pos- 
téro-externe ; il est rattaché en arrière par des faisceaux fibreux 
au ptérygo-palatin. Celui ci est une lame osseuse allongée, légè- 
rement étranglée vers Le milieu, élargie à ses extrémités ; elle 
s’insère en avant sur le trabécule cranien près du plan nasal ; 
elle adhère en dedans au bord du parasphénoïde, et s'attache en 
arrière à la face ventrale du carré ; sa partie moyenne est libre. 
La palette antérieure, quadrangulaire, située dans l'axe longi- 
tudinal de l'os, est plantée de dents nombreuses ; partout ail- 
leurs les dents manquent. Les faces de la lame ne regardent 
pas directement en haut ou en bas ; mais la face dorsale est 
orientée en haut et en dehors et la face ventrale, en bas et en 
dedans, de sorte que Le bord interne est plus élevé que le bord 
externe. 

Les dents de l'arc palatin ne sont pas toutes dirigées dans le 
même sens; la plupart tournent leur pointe vers le centre de la 
cavité buccale, mais beaucoup sont inclinées en d’autres sens, 
soit en bas et en arrière, soit en bas et en dehors. 

Les dents antérieures de la mâchoire inférieure sont dirigées 
vers le haut et appartiennent au dentaire ; elles s’engrènent 
avec celles du prémaxillaire qui sont dirigées vers le bas ; mais 
les dents postérieures du dentaire ne trouvent dans la mâchoire 
supérieure aucune dent qui leur corresponde. Les dents les 
plus antérieures du splénial commencent en arrière du plan 
transversal qui passe derrière les prémaxillaires ; elles sont for- 
tes etlongues, et se dirigent non seulement en haut mais en 
dedans, vers l’are denté de la voûte palatine ; pourtant, dans le 
rapprochement des mâchoires, elles sont loin de toucher les 
dents de cet are ; en outre, de grosses dents existent encore sur le 
splénial en arrière du plan transversal passant par les dernières 
dents de la palette ptérygo-palatine. Dès ce stade on doit done 
conclure des faits observés que Les dents ne s'opposent pas direc- 
tement les unes aux autres dans l'acte de la mastication, qu'elles 
ne sont pas disposées de manière à mâcher l'aliment, mais 
qu'elles saisissent et retiennent la proie dans la cavité 
buccale, Les deux pièces de l'arc denté interne sont solidaires 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆH 331 


l’une de autre dans le maintien de l’animal capturé qui cher- 
che à se dégager ; car elles sont réunies par des ligaments ; 
de plus la liaison solide du ptérygo-palatin au carré d'une part, 
au parasphénoïde de l'autre, empêche tout le système palatin 
d'être arraché par traction. La longue apophyse prénasale du 
prémaxillaire joue un rôle analogue à celui de l'aile ptérygoi- 
dienne ; elle ancre fortement l’os dans le masif facial et lui 
permet de résister aux efforts que fait la proie pour se dégager. 
Celle-ci est aspirée par étapes et l’on voit dans les aquariums 
des larves engloutir peu à peu leurs congénères par ce méca- 
nisme après les avoir saisies par la queue. 


N° 14 (fig. 29 et 30). Axolotl de 6 mois, long de 9 centimè- 
tres. — La tête est aussi longue que large (15 mm.) ; la lon- 
gueur du tronc est de 3 cent. 5, celle de la queue 4 cent. L’as- 
pect de la voûte palatine est rendu dans son ensemble sur la 
figure 29. Le bourrelet muqueux de l'arc denté maxillaire a été 
conservé, mais la muqueuse à été extirpée à l'endroit du palais 
pour découvrir les pièces de Parc denté interne et montrer leurs 
rapports avec les organes avoisinants. La fente buccale est très 
large quand la bouche est fermée ; c’est le cas de l'Axolotl des- 
siné, dont la mâchoire inférieure a été sectionnée au ras de ses 
articulations avec les carrés, un peu plus haut cependant à 
droite qu'à gauche. Mais la fente buccale ne conduit pas seule- 
ment entre les arcs maxillaires ; car ceux-ci ne s'étendent que 
sur la partie médiane de la fente et à peine sur les deux tiers de 
sa largeur; de chaque côté d'eux, comme chez la larve de Sala- 
mandre (fig. 3, 7, etc.), se trouvent des récessus labio-maxillai- 
res ou jugaux, dans lesquels viennent se loger, au moment du 
rapprochement des mâchoires, les valvules des coins de la 
bouche ; quand la gueule s'ouvre les joues tendues entre les 
mâchoires deviennent verticales, les valvules se déplissent, 
tirées, abaissées comme des rideaux par les maxillaires infé- 
rieurs ; l'ouverture buccale se limite sur les côtés, s’arrondit, 
prend l'aspect d'un goulot à travers lequel Les proies peuvent 
être atlirées dans la bouche par aspiration. 

Le vomer (v) est une palette très allongée, triangulaire à base 
postérieure, formant avec celle du côté opposé, qu’elle touche 
presque sur la ligne médiane, un arceau très surbaissé; il 


332 P. WINTREBERT 


côtoye par la partie moyenne de son bord interne le pan coupé 
antéro-externe du parasphénoïde (ps), tandis qu'il se trouve 
séparé de l'arc denté maxillaire et de son bourrelet muqueux 
par un large sillon ; sa base postérieure s’adosse à la plaquette 
ptérygo-palatine (pp), en dedans de la choane (ch); les dents 
implantées sur lui se groupent (fig. 30) en 3 et À rangées trans- 
versales, sauf au niveau de son extrémité antérieure étroite qui 


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Fig. 29. — Voüte palatine du n0 14 (Axolotl de 6 mois long de 9 ceñtimè- 
tres), dont la muqueuse a été enlevée en arrière du bourrelet maxillaire 
(bm); le parasphénoïide (ps) transparent laisse voir une partie du cer- 
veau; a, muscles adducteurs de la mâchoire inférieure ; bm, bourrelet 
muqueux maxillaire; ca, cartilage carré; ce, carotide externe; CA, 
choane; d, dépresseur de la mâchoire inférieure ; k. hypophyse ; ci, caro- 
tide interne ; /, lèvre supérieure ; », cartilage de Merkel: ms, maxillaire 
supérieur , pm, prémaxillaire ; pp, ptérygo-palatin; ps, parasphénoïde ; 
p VI, nerf palalin de la Vile paire ; 7, recessus labio-maxillaire ; ©, 
vomer ; v{, valvule latérale du coin de la bouche. 


ne porte que 2? rangées; elles remplissent presque toute la face 
ventrale et ne laissent libre qu'un léger rebord à son pourtour. 
Le vomer adhère fortement par sa face dorsale au cartilage 
ethmo-nasal (ce), par son bord interne au parasphénoïde (ps), 
par sa base postérieure au ptérygo-palatin (pp). 

Celui-ci a l'aspect d'une hache, à lame antérieure tournée vers 
le parasphénoïde, à manche élargi en arrière et inséré sur la 
partie moyenne du carré (ca). Les dents sont implantées sur deux 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRID Æ 333 


et trois rangées à la partie externe de la plaquette antérieure, 
dans l'axe de la tige étroite qui constitue le manche et dans 
le prolongement de l’arceau denté du vomer; la partie interne 
de la plaquette, dépourvue de dent, s'allonge au-dessous du 
trabéeule cranien (#r) et du cartilage antorbital (40), jusqu'au 
parasphénoïde; elle adhère très fortement à ces organes. La 
tige, fort rétrécie en largeur, est moins fragile qu'elle ne parait, 


Fig. 30. — Appareil voméro-ptérygo-palatin droit du no 44 (Voir fig. 29) vu 
par la face ventrale ; &o, cartilage antéorbital ; ca, cartilage carré; ce, 
cartilage ethmo-nasal ; ch, choane; pp, plérygo-palatin ; ps, parasphé- 
noide ; pt, ptérygoide cartilagineux ; gme, qgmi, ligaments quadrato- 
maxillaire externe, interne ; tr, trabécule ; v, vomer. 


car elle est plus épaisse que les extrémités. L'aile ptér ygoti- 
dienne s'étend vers la surface articulaire du carré ; elle recou- 
vre en dedans le processus ptérygoïdien cartilagineux, encore 
peu développé, qui naît du quadratum dans sa partie interne 
vers le milieu de sa longueur, et qui croit en avant, parallè- 
lement au trabécule. . 

Les deux bords du ptérygo-palatin sont courbes; l'interne 


334 P. WINTREBERT 


circonserit avec le carré et le trabécule cranien un espace, 
qui est la Fenestra palatinalis où médiopalatinalis (gaumen- 
erube de Boas, 1914); en dehors de l’externe, se trouve la loge 
des muscles masticateurs; celle-ci n’est pas limitée en dehors 
par un pont osseux quadrato-maxillaire comme chez la plupart 
des Stégocéphales et chez les Anoures; elle n’est encadrée que 
par deux ligaments quadrato-maxillaires, l’un interne, l’autre 
externe qui vont de la pointe du maxillaire supérieur au carré 
(gme, gui, lig. 30) et qui en raison de leurs rapports et de leurs 
homologies pourraient être désignés sous le nom de quadrato- 
jugal et de ptérygo-maxillaire. La loge ainsi délimitée n’en 
représente pas moins, chez les larves et chez les adultes des 
Urodèles, la partie inférieure de la fosse temporale, la Fenestra 
basi temporalis (untereschläfenôffnung de Boas). Le ligament 
interne (gmi) prolonge en bas et en dehors le bord externe de 
l'os ptérygo-palatin; l'aile ptérygoïdienne osseuse dans sa par- 
tie postérieure, et le ptérygoïde cartilagineux, renforcent la 
gaine fibreuse masticatrice. 

Les fenêtres palatine et temporale des larves d'Urodèles ne 
correspondent cependant pas exactement aux fenêtres de même 
nom que l’on rencontre dans les groupes de Vertébrés terres- 
tres. Chez ceux-ci, le processus antérieur ou ptérygoïdien 
du palato-quadratum, ainsi que le ptérygoide osseux, se dirigent 
en avant et en dehors vers le maxillaire, tandis que chez elles il 
s'oriente en avant et en dedans vers le parasphénoïde. Il résulte 
de cette disposition qu'ici la pointe du maxillaire et la palette 
dentée du ptérygoïde sont distantes l’une de l'autre; l'intervalle 
considérable qui les sépare est comblé par des faisceaux fibreux. 
Les Urodèles parvenus à l’état parfait montrent dans la confor- 
mation de la base du crâne une structure moins différente de 
celle des autres vertébrés grâce à l'application plus étroite de 
l'aile ptérygoïdienne à la loge musculaire des adducteurs et à 
l'orientation de son extrémité antérieure vers la pointe du 
maxillaire. 


No 14 bis. Un Axololl du même dge ayant 8 centimètres de 
long montre avec quelques variantes les mêmes dispositions. Le 
vomer n'est pas partout couvert de dents ; il n'a pas de rebord 
externe ; mais il possède, comme le ptérygoïde, une petite tablette 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 335 


interne nue el adossée au parasphénoïde. Les extrémités anté- 
rieures des deux vomers, séparées par un intervalle notable, 
sont réunies par un ligament ; une membrane fibreuse épaisse 
réunit aussi le bord externe de cet os à l'arc denté maxillaire. 
Quant au ptérygo-palatin, son aile postérieure est mince, 
transparente, manifestement plus frazile que la palette anté- 
rieure. 


N°15 (fig. 31 et PI. HI A). Axolotl adulte mûle de 17 c.de long. 
— Queue longue de 85 millimètres. Tête longue de 19 millimè- 
tres, large de 20 millimètres. La disposition des os est assez dif- 
férente, dans le détail, de celle qu'elle présente à un stade plus 
Jeune. Le vomer (v) (fig. 31) est une plaquette dentée quadrangu- 
laire allongée, de 4millimètres de longueur sur 1 millimètre de 
large ; il présente un arceau de dents fortes et longues alignées sur 
un seul rang, qui traverse en diagonale sa face inférieure, allant 
de l’angle antéro-interne à l’angle postéro-externe. Entre l'état 
signalé chez le n° 14 et la disposition trouvée ici un changement 
considérable s'est donc produit, en rapport avec l'âge. La réduc- 
tion de nombre des rangées de dents se fait progressivement. 
O. HerrwiG (1874, p. 114) a signalé que déjà chez les larves 
d'Axolotl de 4 centimètres de longueur, les plus âgées qu'il ait 
examinées, les rangées de dents, primitivement au nombre de 
quatre, sont: réduites à deux. Le bord interne du vomer est 
échancré et dans l'échancrure s'avance un coin saillant du bord 
antéro-externe du parasphénoïde; le bord externe, comme l’en- 
semble de l'os et comme l’arceau denté, est convexe en dehors 
vers l'arc maxillaire. 

Le ptérygo-palatin (pp) est un os long de 10 millimètres envi- 
ron qui, comme une poutre solide élargie à ses extrémités, 
traverse le fond de la fosse orbito-temporale. Ses faces ne sont 
pas horizontales, mais placées de telle sorte que la face ventrale 
regarde en dedans et en bas vers l’axe de la cavité buccale. La 
tige qui forme sa partie moyenne est étroite, mais elle ne man- 
que pas d'épaisseur et se raccorde par un col large à la plaquette 
dentée antérieure ; celle-ci ne présente, comme le vomer, qu'un 
seul rang de dents fortes qui sont pressées les unes contre les 
autres dans le sens longitudinal et dont Les socles sont transver- 
salement étalés ; ces dents sont implantées sur Le bord externe 


épaissi. 


336 P. WINTREBERT 


L'aile ptérvgoïdienne s'étend loin en arrière sur la face ven- 
trale du carré (ca) et descend en dehors jusqu’à la surface arti- 
culaire de celui-ei; son bord externe est mince ; il est même irré- 


(he jt 
Ornm, 7 2 


Fig. 31. — Appareil voméro-ptérygo-palatin droit du n0 45 (Aæxolotl adulte 
mâle de 17 centimètres). à, ligne pointillée indiquant la limite antérieure 
des muscles adducteurs de la màchoire ; @o, cartilage antéorbital ; ca, 
cartilage carré: ch, choane; À VII, nerf hyomandibulaire de la Vile paire; 
mp, faisceaux musculaires quadrato-ptérygoïdiens : ms, maxillaire supé- 
rieur ; 0e, cercle pointillé de projection verticale du globe oculaire ; os, 
orbitosphénoïde ; pm, prémaxillaire ; pp, plérygo-palatin : ps, parasphé- 
noïde ; p VIE, nerf palatin du facial ; #r, trabécule cartilagineux : sg, squa- 
meux ; ©, vomer. 


gulièrement échancré devant le carré, à l'endroit où passe dans 
la loge des masticateurs le faisceau quadrato-ptérygoïdien (mp) ; 
celui-ci est composé de fibres musculaires qui prennent inser- 
tion sur le carré, à la base du ptérygoïde cartilagineux et sur 
Ja face dorsale de l'aile ptérygoïdienne. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 3937 


Le ptérygoïde cartilagineux a été figuré sur le dessin 
malgré qu'il soit peu visible par transparence. [ suit le bord 
interne du ptérygo-palatin, presque parallèle au trabécule cra- 
nien (4) jusqu'à mi-chemin de la fenêtre médio-palatine, c'’est- 
à-dire jusqu'à la région plus spécialement orbitaire de la fosse 
orbito temporale; il reste donc dans le territoire masticateur. 

En avant de ce territoire se trouve la région orbitaire ; celle- 
ci n'est pas absolument localisée au voisinage de l'œil; car les 
insertions des muscles oculaires, et particulièrement celle du 
rétracteur du bulbe, débordent sur les régions voisines; mais 
l'œil en est Le centre et la question se pose de connaitre d’une 
manière exacte sa situation topographique. Précédemment, Kes- 
TEVEN (1916), étudiant les relations des ptérygoïdes et du para- 
sphénoïde chezles Vertébrés, a émis l’assertion que le ptérygoïde 
des Amphibiens est toujours postéro-latéral, ou latéral c’est-à- 
dire externe par rapport à l'orbite, tandis qu’il lui est au con- 
traire interne chez les Reptiles. Cette conclusion, en ce qui con- 
cerne les Amphibiens, n'est conforme à la réalité que pour les 
Anoures ; chez les Urodèles, par contre, /e ptéryqoïde n'est jamais 
situé en dehors de l'œil. Le ptérygo-palatin des larves passe au- 
Jessous de lui et plutôt en dedans de son pôle inférieur, ainsi 
qu'on le voit sur la figure 30 (æ) où l’on a tracé en pointillé la 
projection verticale du pourtour oculaire; d'autre part le ptéry- 
goïde des Ambiystomes reste confiné à la région masticatrice, 
ainsi que nous le verrons plus loin (fig. 45). Chez la larve un stylet 
enfoncé verticalement à l'entrée du nerf optique traverse la 
voûte buccale en dedans de la tige osseuse ptérvgo-palatine, mais 
la plus grande partie de l’œil est située en dehors d'elle et l’on 
doit admettre que le ptérygo-palatin passe au-dessous du globe 
oculaire et non en dehors de lui. 

La boutonnière formée par les ligaments quadrato-maxillai- 
res interne et externe n’encadre pas seulement les tendons et la 
partie ventrale des muscles adducteurs de la mâchoire ; en 
avant de la ligne (a) qui marque la limite des museles se 
trouve un espace triangulaire qui n’est pas comblé par les mas- 
ticateurs ; 1l correspond en haut à la partie externe du globe 
oculaire, et, en bas, à la muqueuse quitapisse l’arrière-fond du 
recessus labio-maxillaire (voir fig. 29). 

Le cartilage antorbitaire (ao) a l'aspect d'une jambe dirigée, 


338 P. WINTREBERT 


transversalement, du trabécule dont elle émane vers la pointe 
maxillaire qu'elle n’atteint pas. Elle se termine librement par 
une languette coudée vers l'avant, ayant l'aspect d’un pied et 
ne présente aucun lien qui la réunisse au maxillaire ; elle 
n'adhère pas non plus au bord postérieur de la choane qu'elle 
encadre ; mais bien qu'elle soit libre de connexions fibreuses elle 
est cependant entourée d’une gaine faite de toutes les fibres qui 
comblent l’espace ptérygo-maxillaire et qui se rendent du car- 
tilage carré à la région nasale. La base de la languette cartila- 
gineuse émanée du trabécule eranien (fr), soutient manifeste- 
ment la palette ptérygo-palatine dentée contre les pressions que 
celle-ci subit de la part des aliments. Derrière la racine de la 
jambe, le trabécule cartilagineux s'ossitie et forme l'orbito- 
sphénoïde (os). 


N° 16 (fig. 32 et 33). Axolotl femelle de 6 ans de 99 centimètres 
de long. — Le tronc et la tête ont une longueur de 10 em. 5; la 
queue est longue de 11 em. 5. La longueur de la tête, depuis le 
museau jusqu à la partie postérieure des condyles occipitaux est 
inférieure à sa largeur : 21 millimètres pour 23 millimètres ; 
mais cette vieille larve a les deux premières vertèbres soudées 
au crâne et le massif crânio-vertébral entier forme une pièce lon- 
gue de 29 millimètres. Le ptérygo-palatin possède une longueur 
de 12 millimètres ; le vomer atteint 5 millimètres. 

L'ensemble de la voûte palatine subit par suite de l’âge quel- 
ques modifications. Nous avons vu d’abord dans les stades jeunes 
(fig. 27, 28, 30) toute la surface du vomer et de la palette anté- 
rieure du ptérygo-palatin, plantée de dents, sur plusieurs ran- 
gées ; nous avons observé ensuite que la palette dentée ptérygo- 
palatine laissait dépourvue de dents la languette osseuse qui 
touche le parasphénoïde (ps, fig. 30) et que le vomer se garnis- 
sait sur son pourtour d'une marge non dentée (fig. 31). Nous 
voyons donc que les dents ne se développent plus sur toute 
l'étendue des plaquettes, que leur nombre diminue, que leur 
implantation se localise et qu'elles finissent par s'aligner sur un 
seul rang. Ici les dents, hautes et puissantes sont rejetées sur le 
bord externe du vomer et du ptérygo-palatin, adossées à une 
saillie de ce bord qui leur constitue une véritable rampe de 
soutien analogue à celle que forment pour les dents de l’are 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 339 


maxillaire les processus dentaires. Les dents vomériennes et 
palatines sont si hautes que leur pointe se trouve presque au 
même niveau horizontal que la pointe des dents maxillaires. 


SNS, 


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= — PU 
Fig. 32. — Voüte palatine du côlé droit chez le n° 16 fAzxolotl femelle de 


6 ans et 22 centimètres de long) vue par la face ventrale, débarrassée 
de la muqueuse ; le muscle rétracteur du bulbe oculaire est enlevé: «. 
muscles adducteurs de la mâchoire inférieure; ao, cartilage antorbital à 
sa naissance sur le trabécule ; €, columelle ; d, muscle dépresseur de la 
mâchoire inférieure; X VIT, nerf hyomandibulaire ; »p, faisceau mus- 
culaire quadrato-ptérygoidien; ms, maxillaire supérieur ; os, orbito- 
sphénoïde ; pm, prémaxillaire ; pp, ptérygo-palatin: ps, parasphénoïde ; 
p VIL nerf palatin du facial: gme, qgmi, ligaments quadrato-maxillaires 
externe, interne ; , recessus labio-maxillaire ; », vomer ; ol, débris de la 
valvule labio-latérale. 


Les régions dentées de l'arc interne sont pourvues, comme 


les maxillaire et prémaxillaire d’un processus interne palatin 
23 


340 P. WINTREBERT 


fort étendu et les deux arcs osseux, l'interne et l'externe, sont 
unis par une membrane fibreuse très résistante. 

La ligne des dents de l'arc voméro-ptérygo-palatin ne forme 
pas un arceau régulier comme chez la larve précédente (fig. 
31) ; en effet, la série des dents postérieures du vomer revient 
brusquement en dedans et en arrière figurant une courbe de plus 
petit rayon que celle des dents antérieures ; et de plus les dents 
ptérygo-palatines ne continuent pas cette courbe serrée, mais de 
nouveau sont implantées suivant un arc de plus grand rayon, de 
sorte que l'ensemble des dents figure un accent circonflexe. On 
compte sur les vomers 22 à 25 dents 7 à 8 sur les ptérygo- 
palatins. 

La tige ptérygo palatine est étroite mais compacte, épaisse 
et résistante ; elle semble se bifurquer à ses extrémités et 
encadrer entre ses prolongements latéraux la plus grande par- 
tie des palettes dentée, en avant, ptérygoïdienne en arrière ; 
cependant la branche externe de la bifurcation postérieure est 
interrompue avant d atteindre le carré par une échancrure sem- 
blable à celle que nous avons déjà remarquée sur l'Axolotl pré- 
cédent (fig. 31). La palette dentée palatine est perforée d'un or1- 
fice qui donne passage au nerf palatin de la VII paire, dont on 
aperçoit en arrière sur le parasphénoïde la sortie du crâne; 
derrière le carré passent le nerf hyomandibulaire et le nerf du 
muscle dépresseur de la mâchoire, appartenant toas deux au 
facial. La lame osseuse ptérygo-palatine regarde du côté buceal, 
en bas et en dedans. 

Du ptérygoïde et du carré montent vers le maxillaire supé- 
rieur et le cartilage ethmo nasal une série de faisceaux fibreux 
superficiels dont on peut distinguer trois groupes : 4) un externe 
puissant, formant le ligament quadrato-maxillaire interne ou 
ptérygo-maxillaire, b) un moyen se perdant dans l'intervalle qui 
sépare les deux ares dentés et contribuant à former la membrane 
fibreuse qui les réunit, c) un interne qui suit la tige osseuse pté- 
rygo-palatine, passe au-dessus de la plaquette dentée, se pro- 
longe jusqu'au-dessus du vomer et s’insère depuis le pourtour 
de la choane jusqu'au parasphénoïde. Cette expansion interne 
s'étend aussi en profondeur et nous apercevons sur la figure 33 
les rapports de sa partie profonde. 

La figure 33 représente le côté gauche de la voüte palatime 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 341 


du même animal ; le vomer (») et le ptérygo-palatin (pp) ont été 
soulevés et réclinés du côté de la ligne médiane ; au-dessus d'eux 
on aperçoit les expansions habituelles du crâne cartilagineux, la 
tige ptérygoïdienne (p#), la jambe antéorbitaire (ao), le cartilage 
ethmo-nasal (ce). Ce. dernier touche le maxillaire en dehors 


y) 
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je 


57) 
LA 
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RSA) -V 
Fr 4 ic 


Onm.1 2 


Fig. 33. — Région plérygo-palaline profonde du côté gauche chez le n° 16 
(voir fig. 32) vue par la face ventrale après qu'on a récliné en dedans les 
os ptérygo-palatin et vomer : a, museles adducteurs de la mâchoire infé- 
rieure; @o, cartilage antorbital ; ca, cartilage antorbital ; ce, cartilage 
ethmo-nasal; c4, choane : d, muscle dépresseur de la mâchoire infé- 
rieure ; mp, muscle quadrato-ptérygoïdien ; ms, maxillaire supérieur ; 08, 
orbito-sphénoïde : pp, plérygo-palatin ; pt, ptérygoïde cartilagineux ; gme, 
gmi, ligaments quadrato-maxillaires externe, interne ; rb, rétracteur du 
bulbe oculaire; v, partie postérieure du vomer sectionnée ; ol, valvule 
labio-latérale. 


tandis que ni le ptérygoïde cartilagineux n1 la jambe antéor- 
bitaire ne vont jusqu à lui. Le pied de cette dernière, plongé au 
milieu des fibres quadrato-maxillaires et quadrato-ethmoïdales 
est, comme celui de l’Axolotl précédent (n° 15), absolument 
indépendant; en incisant sa gaine aponévrotique on le trouve 
libre d'attache ; mais il n’en est pas de même pour l’extrémité 


[JL 
= 
La 


P. WINTREBERT 


antérieure du ptérygoïde cartilagineux. Celle-ci, renflée en 
bouton, est au contraire un véritable rendez-vous de faisceaux 
fibreux qui s’entrecroisent ; beaucoup y prennent relai. On 
reconnait aux fibres deux directions principales qui se croisent 
à angle presque droit. Le plus grand nombre suit l'orientation 
de l'arc denté interne au-dessus duquel elles sont situées ; par- 
tes du carré près de la surface articulaire, elles vont vers l'in- 
sertion du cartilage antéorbitaire sur le trabécule et l’orbito- 
sphénoïde; les autres émanant du renflement cartilagineux, 
semblent plus spécialement continuer la tige cartilagineuse et 
se dirigent en avant et en dehors ; elles passent au-dessus des 
trousseaux fibreux superficiels du ligament quadrato-maxillaire 
qui vont à la choane et à la mâchoire, s’adossent aux fibres du 
fascia prétemporal, contournent avec lui la partie antérieure de 
la loge temporale et vont enfin se joindre aux faisceaux fibreux 
qui constituent la paroi externe de cette loge. Cette expansion 
fibreuse suit le même trajet que le crochet antérieur du ptéry- 
goïde cartilagineux chez la Salamandre adulte (n° 10 et 11, 
fig. 24 et 26) mais elle est beaucoup moins puissante que l’ex- 
pansion fibro-cartilagineuse de cette dernière. 

Du reste on ne peut généraliser à tous les Axolotls âgés la des- 
cription précédente du ptérygoïde cartilagineux ; car parmi les 
larves étudiées quelques-unes seulement possèdent une dispo- 
sition semblable ; la plupart des tiges ptérygoïdiennes ne pré- 
sentent pas de renflement terminal et finissent librement au 
milieu des faisceaux qui vont du ptérygoïde osseux à la région de 
la choane. Il arrive mème qu'une larve présente un type différent 
du côté droit et du côté gauche. C’est le cas du vieil Axolotl en 
ce moment examiné ; du côté droit, en effet (fig. 32), la tige 
ptérygoïdienne après s'être dégagée du ptérygoïde osseux 
plonge entre les faisceaux conjonctifs qui vont à la choane ; 
elle se dirige vers la pointe du maxillaire qu’elle n’atteint pas et 
se termine sans contracter de connexions fibreuses. La tige est 
ici plus longue que du côté gauche ; elle reste intimement appli- 
quée à la surface de la loge temporale et suit en somme la même 
direction que l'expansion fibreuse externe que nous avons signa- 
lée dans l'étude du ptérygoïde gauche, celle de la première partie 
du crochet cartilagineux de la Salamandre arrivée à l’état par- 
fait (n° 10). On constate donc une tendance manifeste du ptéry- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 343 


goïde cartilagineux à acquérir, à la fin de son développement 
larvaire, une direction et des rapports différents de ceux de 
l'appareil osseux ptérygo-palatin. Il n'en est pas de même au 
début de sa croissance. Né de la partie interne du carré, il suit 
d’abord le bord interne du ptérygoïde osseux et se dirige direc- 
tement en avant, parallèlement au trabécule cranien ; c'est au 
moment où il aboutit à la partie antérieure de l'aile ptérygoi- 
dienne qu'il se tourne en dehors ; ce changement d'orientation 
peut être souligné par un coude assez brusque ainsi que Wins- 
LOW (1898, p. 157, fig. 9 et 10) l’a déjà signalé. Il importe de 
remarquer que si la naissance du ptérygoïde cartilagineux est 
tardive, son orientation en dehors l’est encore davantage et ne 
commence à s'effectuer qu'au dernier temps de la croissance 
larvaire. Il semble aussi que l'appareil osseux ptérygo-palatin 
larvaire, tôt établi dans l’ontogénie, soit fixé dans son état chez 
la larve, et que le ptérygoïde cartilagineux, tard venu, indé- 
pendant du premier, représente une étape plus avancée du 
développement ; car, par l'orientation de son extrémité vers Le 
maxillaire avant la métamorphose, 1l parait devancer les mo- 
difications que subira plus tard le ptérygoïde osseux et antici- 
per en quelque sorte sur les événements de la transformation. 

En réalité 1l n'en est rien et, si l’on suit attentivement les 
connexions du ptérygoïde cartilagineux, on reconnait qu’en- 
globé dans la paroi interne de la loge temporale dès sa nais- 
sance, il en subit le sort. IL se porte en avant jusqu'à ce qu'il 
trouve devant lui la cloison qui sépare la fosse orbitaire de la 
fosse temporale. Il est alors empêché d'aller plus loin dans 
cette direction et se trouve forcé d’obliquer en dehors le long 
du fascia prétemporal. Celui-ci prend insertion sur le maxil- 
laire ;: le ptérygoïde cartilagineux le suit; il semble attiré vers 
l'os alors qu'il est simplement forcé de s'orienter de son 
côté. IL est plus ou moins long et s'arrête souvent chez les 
Urodèles avant d'atteindre le maxillaire, comme chez Amblys- 
toma ligrinum. Parfois aussi il est assez long pour se placer 
à son contact ; cependant il ne prend pas nécessairement cette 
position juxtamaxillaire et il continue parfois de tourner dans 
la paroi de la loge temporale au devant des muscles mastica- 
teurs, jusqu à venir sur leur face externe, comme chez Salaman- 
dra maculosa (fig. 24, 25). 


344 P. WINTREBERT 


On ne peut plus dire après cette observation qu'il tend à récu- 
pérer par son trajet final un état primitif qu'il aurait perdu par 
dégénérescence, état qui consisterait en sa réunion avec le car- 
tilage antorbital et en la constitution d'une arcade cartilagi- 
neuse quadrato-ethmoïdale semblable à celle des Anoures. On 
est au contraire conduit à admettre que le ptérygoïde cartilagi- 
neux primitivement solidaire du ptérygo-palatin osseux trouve 
devant lui, en raison de son apparition tardive, des dispositions 
anatomiques établies qu'il ne peut vaincre. Celles-ci comman- 
dent son orientation. Il suit la paroi de la loge temporale dans 
laquelle il est engagé et tourne avec elle au devant des muscles 
adducteurs de la mâchoire, soit en s’arrêtant en arrière de la 
pointe du maxillaire (type Amblystoma tigrinum), soit en lon- 
geant la face interne de celui-ci (type Ranodon), soit en passant 
au-dessus de lui sur la face externe de la tête (type Sa/aman- 
dra). Il arrive, du reste, que sur son trajet le ptérygoïde carti- 
lagineux contracte des adhérences avec les trousseaux fibreux 
qui l'entourent et qui semblent alors prendre insertion sur lui; 
et particulièrement on remarque qu'il présente assez souvent, 
comme ici, chez le vieil Axolotl n° 16 (fig. 33), une adhérence 
avec les fibres temporales antérieures qui naturellement con- 
tournent en dehors la loge des muscles adducteurs. 


B. — Axolotis en état de misère physiologique. 


Le lot d'Axolotls dont je décris ici la voûte palatine se com- 
pose d'animaux en mauvais état de santé, arrivés au terme de 
leur développement larvaire. Le premier (n° 17), vivant dans 
la pleine eau d'un grand aquarium, a subi une émaciation gra- 
duelle par suite de maladie. Les autres (n° 18 à 21) ont servi 
de matériel pour une expérience d'incitation artificielle à la 
métamorphose selon Le procédé d'assèchement graduel de Maria 
vON Cuauvin (1885) et se sont montrés ré/ractaires à la métamor- 
phose. Les mauvaises conditions qui leur furent imposées 
pendant plusieurs mois, en particulier la contrainte de vivre 
plus qu'à moitié hors de l’eau, déterminèrentun amaïgrissement 
progressif, puis un état de cachexie qui, pour trois d'entre eux, 
(ns 18, 20, 21) aboutit à la mort. Après l'examen de l’Axolotl 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 345 


malade en pleine eau, les observations des animaux réfractai- 
res sont données dans l'ordre croissant des lésoins osseuses. 


N°17 (fig. 34). Axolotl femelle de 19 centimètres de long, 
malade, très amaigrie, morte en aquarium couverte de Saprolé- 
gnées. Tête longue de 21 millimètres, large de 22 millimètres. 
La longueur du ptérygo-palatin est de 8 mm.5 ; celle du vomer 


Fig. 34 — Appareil ptérygo-palatin droit du n° 17 (Azxolotl femelle malade 
de 19 centimètres de long). Vu par la face ventrale ; @«o, cartilage antorbi- 
tal ; ce, cartilage ethmo-nasal ; ca, cartilage carré ; ch, choane ; mp, fais- 
ceau musculaire quadrato-ptérygoïdien; #»$s, maxillaire supérieur; pp, 
ptérygo-palatin; pt, ptérygoide cartilagineux: pév, faisceau fibreux 
ptérygovomérien; gme, qgmi, ligaments quadrato-maxillaires externe, 
interne ; v, vomer. 


de 4 millimètres. Ces deux os ont subi une régression très 
avancée, le dernier surtout, car il est séparé en deux fragments, 
un postérieur petit allongé transversalement, un antérieur plus 
long, tous deux portant des dents ; mais ces dents sont facile- 


346 P. WINTREBERT 


ment luxées et il suffit pour les détacher d'enlever la muqueuse 
sans précaution. La solution de continuité qui sépare les deux 
fragments n’est pas rectiligne, mais découpée en jeu de patience. 
Toute la plaquette osseuse est amincie. La place même des dents, 
un peu plus rapprochée du bord externe que du bord interne de 
la palette, est normale pour les dimensions de l'animal et l’état 
de sa croissance ; elle est intermédiaire entre la situation des 
dents chez le n° 15 (fig. 31) et la position qu'elles occupent chez 
le n° 16 (fig. 32). 

Le ptérygo-palatin présente aussi des traces évidentes de 
résorption : a) sur la palette dentée antérieure échancrée en 
avant, portant des dents plus petites, en plus petit nombre que 
chez une larve normale, isolées de tout soutien osseux à leur 
partie externe ; à) sur la tige très grêle qui constitue sa portion 
moyenne ; c) sur l'aile ptérygoïdienne dont le bord externe est 
erénelé, denticulé, tandis que les bords interne et postérieur 
restent intacts. 

Le ptérygoïde cartilagineux n’est pas touché par la régres- 
sion ; il est remarquablement long et présente dans sa partie 
terminale l'orientation et les connexions fibreuses que nous 
avons signalées du côté gauche chez le n° 16 (fig. 33). Comme 
chez celui-ci deux faisceaux de fibres profondes s'insèrent sur 
lui (fig. 34), un faisceau ptérygo-vomérien interne large et étalé, 
un faisceau prétemporal plus étroit qui tourne en dehors et 
fait partie de la paroi fibreuse de la loge temporale. 


N° 18 (fig. 35). Arolotl de 15 centimètres, réfractaire à la méta- 
morphose, mort d’inanition. — Très maigre, il x des branchies 
très atrophiées. Cependant les limbes de la queue, recroquevil- 
lés, persistent et les palmures interdigitales sont présentes. L'ap- 
pareil ptérygo-vomérien long en tout de 13 millimètres a un pté- 
rygo-palatin de 9 millimètres et un vomer de 4 millimètres. Les 
deux os sontamincis ; leur largeur est réduite par une régression 
qui entame et découpe les bords. Les dents vomériennes 
sont situées sur une seule rangée au milieu de la palette osseuse 
comme il est normal à cet âge (n° 15, fig. 31). Les dents 
ptérygo-palatines disposées sur un seul rang sont à leur place 
régulière pour le degré de croissance de la larve. Mais toutes 
les dents sont petites et tiennent à peine à leur piédestal osseux ; 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 347 


en effet l’ablation prudente de la muqueuse à suffi pour en 
déchausser quelques-unes. 

Les palettes dentées reposent sur une membrane fibreuse 
épaisse très apparente et l’on voit un grand nombre de fibres 
décaleifiées sortir des feuillets osseux à l'endroit des bords 
échancrés !fs). 

La tige ptérygoïdienne persiste étroite et fragile et, comme 


Fig. 35. — Arc osseux voméro-ptérygo-palatin du n° 18 (Axolotl de 15 
centimètres « réfractaire » à la metamorphose) vu par la face ventrale; 
fs, fibres de Sharpey décalcifiées sortant de l'os et passant dans la mem- 
brane fibreuse voisine ; pp, ptérygo-palatin ; v, vomer. 


chez le n° 17, l'aile du ptérygoïde n'est entamée que sur son 
bord externe, mince et flexible ; le bord interne, qui couvre le 
ptérygoïde cartilagineux reste épais. 


N° 19 (fig. 36). Jeune Axolotl de 9 centimètres, réfractaire à la 
métamorphose. — La tête large de 10 millimètres a une longueur 
de 9 mm. 5. Le vomer à 2 mm. 75 de long et le ptérygo-palatin 


348 P. WINTREBERT 


6 millimètres de longueur ; tous deux ont subi une régression 
plus avancée que Les os de la larve précédente. Le vomer (v) porte 
deux rangées de dents ainsi qu'en témoigne la figure A où la 
muqueuse à été laissée en place. En B, l'os se présente à décou- 
vert ; toutes les dents internes sont restées dans la muqueuse, 
ainsi que trois dents de la rangée externe. La plaquette a été ron- 
gée en dehors et son bord interne est très frangé. 


Fig. 36. — Bourrelet muqueux vomérien (A) et arc osseux voméro-ptérygo- 
palatin (à) du côté droit chez le n° 19, vus par la face ventrale (4xolotl 
de 9 centimètres « réfractaire » à la métamorphose); L, ligament décal- 
cu qui réunit la région palatine (pp 1) à la région ptérygoïdienne (pp 
2) ;7, trait de rupture de l'aile ptérygoïdienne au cours de son isolement ; 
v, vomer. 


L'altération du ptérygo palatin est fort intéressante. La tige 
moyenne, grèle, est complètement décalcifiée en un point de son 
parcours (/) ; l'os est ainsi composé de deux parties : l’une 
antérieure, que l’on pourrait appeler palatin, l’autre posté- 
rieure qui pourrait être nommée ptérygoïde ; les deux parties 
sont unies par un ligament (/) qui représente la partie mem- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 349 


braneuse précédemment ossifiée. La palette antérieure porte sur 
son bord externe encore épais plusieurs dents dont quelques- 
unes sont longues ; son bord antérieur est entamé profondé- 
ment tandis que son bord postéro-interne plus épais est intact. 

L'aile ptérygoïdienne, feuillet osseux fragile, s’est brisée sui- 
vant le trait marque » pendant qu'on opérait son ablation : 
la ligne irrégulière de séparation passe juste en avant de l’atta- 
che de l'os au cartilage carré. La plage externe de l'aile plus 
amincie que la région interne, présente un bord très anfractueux. 
Des deux contreforts postérieurs qui partent de la tige moyenne, 
l'interne est présent, tandis que l’externe est comme sectionné 
à son point de départ. 


No 20 (fig .37). Petit Axolotl réfractaire de 89 millimètres mort 
d'inanition. — Il est maigre, possède des branchies très rédui- 
tes et des limbes caudaux très atrophiés. Le repli latéral de la 
lèvre supérieure est diminué. Le vomer est moins touché que 
le ptérygo-palatin, car il est entier. Il possède deux rangées de 
dents dont les socles tiennent assez bien sur la plaquette osseuse 
et une troisième rangée située plus en dedans qui a été enlevée 
avec la muqueuse ; la bordure interne, dépourvue de dents sur 
la figure 37 est donc en réalité plus étroite qu'il n'est indiqué 
sur le dessin. Le bord postérieur est entamé et l’on ne voit 
en dehors des dents aucun trottoir osseux. 

Le ptérygo-palatin est très atteint. La tige moyenne, en com- 
plète régression, n’est plus représentée que par quelques débris 
épars. On a enlevé pour les dénombrer tout l'appareil ptérygo- 
palatino-vomérien d’une seule pièce avec tous ses éléments 
osseux, fibreux et cartilagineux et l’on a disséqué ces différen- 
tes parties en respectant l’élément fibreux qui les réunit, 

La plaquette dentée présente deux rangées de dents, mais la 
plupart de celles qui constituent la rangée interne n'adhèrent 
pas à l'os ; les dents extrêmes de Ia rangée la plus haute, les 
antérieures et les postérieures sont facilement luxées ; Le feuillet 
osseux très mince est réduit de largeur. 

L’aile ptérygoïdienne isolée présente une partie interne pres- 
que intacte comme chez les Axelotls précédents, mais toute une 
région externe trouée, déchiquetée en jeu de patience. 

Le ptérygoïde cartilagineux, par contre, ne semble pas souffrir 


350 P. WINTREBERT 


du mauvais état général de l’Axolotl; il est mème long pour 
l'âge de la larve. De la gaine aponévrotique qui l'entoure et 
de son bord interne portent des fibres ligamenteuses qui, se 
dirigeant en avant et en dedans, vont s'insérer au bord du 
parasphénoïde, aux cartilages antorbital et nasal; elles passent 
au-dessus des plaquettes dentées pala tine etvomérienne et cons- 


Fig. 37. — Appareil voméro-ptérygo-palatin droit du n° 20 (A4xolotl de 
& cm. ?, «réfractaire» à La métamorphose)vu par la face ventrale ; pp, 
ptérygo-palatin; pt, ptérygoide cartilagineux ; gmi, ligament quadrato- 
maxillaire interne ; sppv, substratum fibreux de l'are ptérygo-palatino- 
vomérien ; v, vomer. 


tituent leur plan de soutènement, celui d'où elles tirent leurs 
travées directrices d'ossification (voir n° 18, fig. 35). Le fait de 
la pénétration des fibres de ce plan à l'intérieur des plaquettes 
est en faveur de la conception que celles-ci ne résultent pas 
seulement de la réunion de socles dentaires comme le pense 
O. Herrwi6, mais qu'elles proviennent aussi d'une ossification 
membraneuse profonde qui double et consolide l'os issu de la 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 351 


muqueuse. Pour prendre une décision sur cette question, des 
recherches histologiques sont nécessaires; cependant je note- 
rai dès à présent que le remaniement du vomer au cours de 
la métamorphose démontre avec évidence que deux processus 
entrent en jeu pour l'édification du vomer définitif, un processus 
d'édification dentaire, et un processus d'ossification membra- 
neuse qui intervient spécialement pour la formation du bou- 
clier vomérien (Voir p. 398). 

Dans cet état très avancé de régression du ptérygo-palatin 
ny a-t-il pas une part qui revienne à la métamorphose”? La 
question doit se poser, car tout a été mis en œuvre chez les 
larves dites « réfractaires », pour la provoquer. Je pense que la 
réponse doit être négative ; sans doute la métamorphose com- 
mence par des phénomènes de régression, mais ils ont une tout 
autre allure, comme on le verra par la suite et, dès qu'elle est 
déclenchée elle imprime aux os des modifications caractéristi- 
ques. Ces modifications seraient ici d'autant plus apparentes 
que le terrain est pour ainsi dire « préparé » par la régression à 
subir une histolyse rapide. Cependant les os régressés des Axo- 
lotls réfractaires n'ont pas l'aspect « métabolique ». Le vomer 
devrait présenter un foisonnement dentaire très intense de son 
bord interne, accompagné d'une décalcification et d’une chute 
rapide des dents à son bord externe ; au contraire nous 
voyons qu'en dehors il garde ses dents, tandis qu'il régresse et 
perd ses dents du côté de la ligne médiane. Le bord externe de 
l'aile ptérygoïdienne est déchiqueté, percé d’orifices ; des lan- 
guettes pointues forment des caps avancés qui protègent des 
golfes profonds. On ne rencontre pas ce mode d’érosion pen- 
dant la métamorphose ; l’histolyse s’y produit d'une façon beau- 
coup plus régulière et réduit l’os également, sur les diffé- 
rentes parties de son bord externe (Voir fig. 4! et 42 D). Si le 
début de la transformation s'était produit, les pointes osseuses, 
les aspérités auraient disparu ; le bord aurait été nivelé. De 
plus la métamorphose ne fragmente pas seulement la tige et 
la région dentée du ptérygo-palatin, elle fait se résoudre aussi 
et s'évanouir tout l'appareil fibreux qui sert de substratum à 
ces pièces osseuses. Il ne s’agit plus d’une simple décalcification 
mais d'un remaniement complet des os de membrane, #16m- 
brane comprise ; or nous constatons chez les Axolotls réfrac- 


352 P. WINTREBERT 


taires la persistance de la membrane sous les os raréfiés, c'est- 
à-dire l'organisation même de la larve. 


N° 21 (fig. 38 et 39). Jeune Axolotl réfractaire de 9 centi- 
mètres, mort d'inanition. — La tête a 13 mm. 5 de longueur et de 
largeur. Les branchies, les limbes caudaux, les palmures inter- 
digitales sont atrophiés mais présents. La forme de la tête, l’as- 
pect de la robe, l'allure générale de la larve n'indiquent aucun 
changement métabolique et cependant /4 substance osseuse 
dentée de la voûte palaline à presque complètement disparu. 


QOrm. 7 2 


Fig. 38. — Ptérygoïdes rongés par une raréfaction osseuse très prononcée 
chez le no 21 (Axolotl de 9 centimètres «réfractaire» à lamétamorphose) 
vus par la face ventrale. D, droit ; G, gauche; ai, angle antéro-interne; e, 
angle externe : pê. angle postéro-interne. 


À la place du vomer et de la plaquette antérieure du pté- 
rygo-palatin, on ne trouve plus que quelques noyaux osseux 
épars dans une membrane fibreuse témoin qui garde la forme 
des os évanouis et survit à leur disparition. Dans la muqueuse 
gonflée qui recouvre cette membrane sont enfouies un petit 
nombre de dents isolées. De la tige ptérygo-palatine il n'existe 
plus trace. 

La raréfaction osseuse se poursuit sur l'aile ptérygoïdienne 
(fig. 38) dont la région externe est entièrement découpée, 
percée d’orifices, tandis que le bord interne garde encore une 
certaine épaisseur surtout du côté droit. L'angle antérieur, 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 353 


pointu (ai), se dirige en dedans suivant l'orientation normale du 
ptérygo-palatin larvaire ; l'angle externe (e) est déchiqueté par 
la régression ; l'angle postéro-interne (p2) est arrondi et cor- 
respond à la région la plus résistante de la lame osseuse. 

La régression osseuse ne se limite pas à la voûte palatine ; 
elle s'étend à tous les os de l'organisme et elle envahit spécia- 
lement les maxillaires ; la simple ablation de la muqueuse qui 
les recouvre suffit à arracher toutes les dents qu'ils portent 
(fig. 39, »2s); le processus dental ainsi découvert montre la 
trace des dents disparues sous l’aspect de petits cratères qui 
représentent la base des socles dentaires restés adhérents à 
l'os (sd); le mur externe auquel les dents étaient adossées a 
diminué de hauteur et $’est en grande partie décalcifié. 

La rupture des dents se produit au milieu du socle et toutes 
celles qui tombent, qu'elles appartiennent à l'arc denté interne 
(fig. 34, 35, 36) ou à l'arc maxillaire, présentent la même 
décalcification des deux tiers supérieurs du cément qui est 
ramolli, de coloration bleuâtre, et peut être courbé par pression. 
Nous avons déjà remarqué chez Salamandra maculosa que 
le mécanisme de la chute des dents était identique pendant la 
métamorphose et nous verrons plus loim qu'il se reproduit 
pendant la transformation chez Amblystoma hijrinum. Ce qui 
différencie, à ce point de vue, la régression cachectique de la 
régression métabolique, ce n’est pas tant la manière dont les 
dents tombent que /e lieu où elles tombent. Ülez la larve, le 
vomer reste en place. Au cours de la métamorphose, le bord 
interne de cet os se reconstitue constamment par la réunion de 
dents nouvelles, en dedans eten arrière des dents précédentes ; 
c'est au niveau du bord externe, et non plus à l'endroit du 
bord interne, comme au temps larvaire, que la chute des dents 
s'effectue, laissant à nu une plaquette osseuse nasale. 

L’Axolotl en question (n° 21) n’est pas seulement remar- 
quable par l'état avancé de sa résorption osseuse, mais aussi par 
la disposition des éléments cartilagineux et fibreux de l'appareil 
voméro-ptérygo-palatin. D'un côté, le cartilage antéorbital (ao, 
fig. 39) tourne légèrement en dehors autour de la choane (ch) 
et se met en relation par un petit lien fibreux avec la capsule 
nasale, en dedans du maxillaire qu'il n’atteint pas; c'est le 
prélude, en quelque sorte, de relations beaucoup plus impor- 


354 P. WINTREBERT 


tantes qui uniront les deux cartilages au temps de la métamor- 
phose. D'un autre côté, la tige cartilagineuse ptérygoïdienne 
(pt) est très développée chez cet animal ; elle est large à sa 
base et sur la plus grande partie de son trajet qui est presque 
parallèle au trabécule cranien, puis présente un bouton au voi- 


Fig. 39. — Aspect et connexions du ptérygoïde cartilagineux droit chez le 
no 21 (voir fig. 38), après ablation de l'arc osseux et de son substratum 
membraneux ; @o, cartilage anté-orbital ; ca, cartilage carré (surlace 
articulaire pour la mâchoire inférieure): ce, cartilage ethmo-nasal ; #5, 
maxillaire supérieur ; ps, parasphénoïde ; pt, ptérygoide cartilagineux ; 
ge. ligament quadrato-ethmoïdal ; gme, gmi, ligaments quadrato-maxil- 
laires externe, interne ; sd, socle dentaire ; {r, trabécule. 


sinage de sa terminaison et finit par une petite expansion coni- 
que dirigée nettement en dehors. La tige est placée comme 
d'habitude dans une gaine fibreuse dépendant de la paroi 
interne de la loge temporale ; elle se dirige droit en avant appli- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 355 


quée à la face dorsale du ptérygoïde osseux jusqu’à £e qu’elle 
bute contre le fascia prétemporal ; elle ne le perfore pas et ne 
pénètre pas dans la loge orbitaire, mais s'incline en dehors 
comme la paroi antérieure de la loge temporale. Peut-être, 
avant de se détourner de ce côté, stationne-t-elle un moment 
sur place, cherchant sa voie et produit-elle alors le renflement 
qui avoisine sa terminaison, peut-être, en raison des difficultés 
qu'elle rencontre alors dans sa croissance et des phénomènes 
d'irritation qui en sontla conséquence contracte-t-elle, avee Les 
plans fibreux profonds de Parc denté interne qu’elle ne peut 
accompagner, les adhérences qui la rattachent à la base du car- 
tilage antorbital ? Mais ensuite, elle se dirige franchement en 
dehors le long du fascia prétemporal ; de ce côté aussi elle adhère 
par son bord aux fibres de la paroi temporale antérieure qui 
contournent la ;oge au-dessus des fibres quadrato-maxillaires 
et se perdent à sa face externe. 

Sur la figure 39, la gaine du ptérygoïde cartilagineux est 
ouverte jusqu au bouton antérieur. La paroi fibreuse temporale 
située en dehors de lui est composée de fibres puissantes aux- 
quelles se mêlent des fibres superficielles émanées du carré. 
Celles-ci se rendent au plancher nasal autour de la choane 
(ge) en passant au-dessous de la loge orbitaire ; mais, comme 
un peu plus bas les fibres du ligament quadrato-maxillaire 
interne, et au même titre que les fibres profondes voisines 
de la tige ptérygoïdienne elles font partie, en arrière, de la 
loge temporale. Celle-ci finit, en arrière et en dedans, à l'at- 
tache interne du ptérygoïde sur le cartilage carré et l'aponé- 
vrose figurée en dedans de la tige ptérygoïdienne (fig. 39) 
est l'aponévrose sous-orbitaire prolongée entre la gaine de la 
tige et le parasphénoïde (ps). 


C. — La mélamorphose d’'Amblystoma higrinum. 


Les trois larves étudiées ici sont parvenues à un stade déjà 
avancé de la transformation. Celle-ci a été obtenue par le pro- 
cédé d’assèchement graduel de Maria von Caauvix (1885) ; c'est dire 
qu'elle a été provoquée artificiellement par des conditions défa- 
vorables à la persistance de la vie larvaire et au maintien d’un 
état de santé florissant. [L n'y a donc pas lieu de s'étonner que 


24 


356 P. WINTREBERT 


chez ces larves on constate des phénomènes de régression 
osseuse plus prononcée que chez Salamandra maculosa dont la 
métamorphose est naturelle. Il est possible qu'au cours d'une 
métamorphose spontanée d'Amblystoma tigrinum le vomer 
conserve pendant son remaniement une plus grande étendue 
et que le cycle des dents qui reconstruisent à tout moment son 
bord denté soit moins éphémère que chez les larves observées. 
Mais l'allure générale de la transformation ne peut être affectée 
profondément par les circonstances spéciales qui président à 
sa mise en train et l'on peut considérer qu’à part la raréfaction 
osseuse, dont l'importance peut varier, les événements suivent 
leur marche régulière ; ils sont en effet identiques dans leur 
ensemble à ceux qui se passent chez S'alamandra maculosa. 

C'est par la partie interne et postérieure que le vomer s'étend; 
sa région antéro-externe, au contraire, se dégarnit des dents 
qui sont implantées sur elle, puis la mince plaquette osseuse 
restante régresse à son tour pendant que l'os se construit plus 
loin du côté opposé par la formation de dents nouvelles. À 
la fin de la métamorphose externe, alors que l'animal a 
pris l'aspect d'un Amblystome, le vomer n'est plus constitué que 
par une petite languette disposée presque transversalement 
en arrière et en dedans de la choane, munie d'une ou de deux 
rangées de dents. À ce moment, aucune partie du bouclier 
vomérien n'est encore formée et il est évident qu'il sera consti- 
tué en dernier lieu par ossification membraneuse directe, car 
les néo-formations dentaires restent localisées à la région pos- 
térieure. 


N°22 (fig, 40 et PI. [II B). Jeune Axolotl de 11 c. à la fin de la 
métamorphose externe. — La tête avec ses parties molles a une 
longueur de 14 millimètres ; elle est aussi large que longue. 
Le trone possède 46 millimètres et la queue 50 millimètres de 
longueur. Les limbes caudaux, les palmures interdigitales ont 
disparu. Les branchies sont encore extérieurement visibles des 
deux côtés de la tête sous forme de petits moignons (A, fig. 40). 
L'opercule est en train de se fermer mais une large fente per- 
met encore l’accès dans le pharynx. | 

A l'ouverture de la bouche, on constate entre les choanes un 
gonflement transversal de la muqueuse qui a l'aspect d'un 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 357 


accent circonflexe concave en arrière dont chacune des bran- 
ches passe derrière la choane correspondante; le sommet 
médian de l'accent se trouve un peu en avant de la ligne trans- 
versale joignant les pourtours antérieurs des orifices nasaux, Le 
long des branches on voit poindre des extrémités brunes de 
dents, sur trois rangées. 

On enlève d'un seul bloc tout l'appareil fibro-muqueux vomé- 
rien du côté gauche au ras de la capsule nasale (B, fig. 40). En 
le disséquant sous le binoculaire, on découvre dans la région 


Fig. 40. — Axolotl no 22, de 11 centimètres, à la fin de la métamorphose 
externe. À, Aspect de la région cervico-branchiale droite, B. Muqueuse 
vomérienne, languette osseuse dentée et dents isolées du côté gauche. C. 
Dents à socle fibreux. D. fragment de la membrane fibreuse prévomérienne 
avec grains et débris osseux. @. branchie antérieure : a/, alvéole muqueuse 
d’une dent tombée; ch, choane ; /, place des dents à socle entièrement 
fibreux ; m, branchie moyenne : mu, muqueuse buccale ; p, branchie pos- 
térieure ; p VZT, ramifications du nerf palatin de la VIIe paire ; s0, sillon 
operculaire. 


moyenne et postérieure de la saillie une languette osseuse trans- 
versale de 3 mm. 4 de long, constituée par l’union de socles 
dentaires ; effilée en pointe dans sa moitié externe où elle ne 
supporte qu'une rangée de dents, cette languette supporte 
en dedans, où elle est plus large, une double rangée de socles 
dentaires ; seulement les dents de la rangée antérieure enlevées 
avec la muqueuse n'ont laissé sur l'os que leur base excavée. 
En tirant en arrière le bord postérieur de la saillie muqueuse 
(mu) on entraine des dents de toutes dimensions, dont les plus 
petites sont les plus postérieures, et l'on dilacère les puits mu- 


398 P. WINTREBERT 


queux par lesquels les dents plantées sur la languette osseuse 
passaient leurs pointes; on fait aussi tomber quelques dents 
isolées déjà hautes qui, en quittant la muqueuse, y laissent une 
alvéole (a/). On n'aperçoit, par contre, aucune petite dent en 
avant de la plaquette osseuse et ce fait prouve que le dévelop- 
pement de l'os s'effectue seulement en arrière, là où est loca- 
lisé le foyer de néoformation dentaire. 

Le vomer régresse en avant. Cette régression est attestée par 
la présence sous le chorion muqueux, de débris osseux, grains, 
paillettes, filaments, qui parsèment le plan fibreux profond 
situé en dedans et en avant de la choane. Un fragment de ce 
plan fibreux, grossi 40 fois, est figuré en D (fig. 40) : c’est un 
lacis de faisceaux conjonctifs, présentant de place en place de 
petites lamelles osseuses irrégulières, que des fibres traversent 
en tous sens de part en part. 

Toutes les dents trouvées ont leur pointe dure d'ivoire et 
d'émail ; mais, par contre, aucune n’est complètement ossifiée 
de la pointe à la base; en effet, même les dents implantées 
par leur base sur la languette osseuse vomérienne n'ont pas 
toute la hauteur de leur socle ossifiée ; elles ne sont pas rigides 
et peuvent être courbées; la partie moyenne du socle n’est pas 
calcifiée. À côté de la languette osseuse, en dedans d’elle en 
particulier (b), se trouvent des dents hautes qui semblent com- 
plètement développées et dont cependant le socle est enfière- 
ment fibreux (U, fig. 40); elles ont l'air de petites poires ; leur 
base est souple, résistante, élastique, incrustée dans une petite 
cuvette du plan aponévrotique sous muqueux. 

Il n'existe aucune trace de la plaquette dentée ptérygo-pala- 
tine, ni de la tige intermédiaire. L'aile ptérygoïdienne est au 
contraire persistante, mais amincie et échancrée du côté externe. 
Certes elle es tremaniée ; mais elle ne présente nullement l’as- 
pect d'os en dentelle que nous avons remarqué chez les Axo- 
lotls émaciés (fig. 38) et se rapproche beaucoup par sa forme 
de celle de l'animal suivant (fig. 41, D). 


No 23 (fig. 41). Jeune Amblystome de 11 centimètres nouvel- 
lement métamorphosé. — Les moignons branchiaux sont recou- 
verts par un opercule cutané très mince facile à rompre ; aucune 
communication n'existe plus dans la région cervicale entre le 


LA VOUTÉ PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 399 


pharynx et l'extérieur. L'aspect est celui d'un Amblystome. Plus 
de palmures ni de limbes. Le museau étroit, anguleux en avant, 
présente des angles latéraux au sommet desquels s'ouvrent les 
narines. Les paupières sont en bourrelet et ne couvrent l'œil 
que d'une manière encore imparfaite. La tête large de 12 mil- 
limètres est longue de 12 mm. 5. 

L'aspect de la voûte palatine est à peu près le même que 


Fig 41. — Axolotl n° 23, de 11 centimètres, nouvellement métamorphose. 
A. Lambeau muqueux isolé de la région vomérienne ; ch. place de la 
choane ; $, saillie muqueuse transversale. B. Dents à socles entièrement 
fibreux dela 2 rangée, implantées sur une membrane fibreuse. C. Plaquette 
vomérienne de 4 millimètre de long (v). D. Ptérygoides ostéo-fibreux; @e, 
angle antéro-externe ; ?, angle interne ; p, angle postérieur. 


celui de l'animal précédent : les mêmes gonflements de la 
muqueuse s'apercoivent (+) piquetés superficiellement de poin- 
tes dentaires brunes (A, fig. 41). On saisit mal par la dissection 
les limites du vomer en place. Les dents sont bien nettement 
alignées sur trois rangées au niveau du bord postérieur de la 
capsule nasale, mais elles ne sont pas cimentées par une tablette 


360 P. WINTREBERT 


osseuse ; en passant sous elles dans la profondeur une fine lame 
de scalpel et en détachant avec elles la lame fibreuse épaisse 
sur laquelle elles reposent, on voit que celle-ci se continue vers 
l'arc denté maxillaire, sans qu'on puisse exactement marquer 
ses limites ; le contour du fragment À est donc tracé d’une 
manière artificielle et approximative. 

La régression osseuse est chez cet Amblystome poussée 
plus loin encore que chez le précédent et cependant il est plus 
avancé que lui dans le développement de la forme définitive. 
On ne rencontre dans la partie antérieure de la saillie vomé- 
rienne droite qu'une petite Jlamelle osseuse (CG, fig. 41) d'origine 
dentaire, plus une série de dents isolées, à socles ossifiés à leur 
base. La deuxième rangée de dents a des socles entièrement 
fibreux implantés sur une aponévrose où l'on trouve quelques 
grains osseux (B, fig. 41). La rangée postérieure n’a pas de 
socle et les pointes n'arrivent pas toutes à la surface de la 
muqueuse. La petite lamelle osseuse se trouve au milieu de la 
saillie vomérienne ; elle n’a que 1 millimètre de long et porte 
5 dents; mais même ces dents réunies par leur base ont le 
haut du socle fibreux, non calcifié. Il n'existe pas de petites 
dents, de dents jeunes, en dehors de la rangée postérieure de 
la saillie muqueuse. Les boucliers vomériens ne sont pas 
encore constitués. 

À la place de la plaquette dentée ptérygo-palatine qui a dis- 
paru complètement, on ne remarque pas, comme chez les 
Axolotls cachectiques (fig. 34, 37, 39), une aponévrose témoin ; 
os et faisceaux ligamenteux se sont évanouis du même coup; 
il ne s’agit plus ici d’une simple raréfaction osseuse, mais d’une 
transformation anatomique réelle. 

Les ailes ptérygoïdiennes sont très reconnaissables, faciles à 
limiter et à isoler (D, fig. 41): pourtant ce ne sont plus des os 
à proprement parler, mais plutôt des lamelles ostéo-fibreuses 
minces, transparentes et élastiques ; elles sont à la fois résistan- 
tes etflexibles. Leur aspect est celui d'un triangle à bord externe 
échancré. L'angle antérieur n’est pas seulement tourné en avant 
comme sur la figure, mais à 45° en dehors; l'angle postérieur 
fissuré s’appuye sur la marge de l'articulation du suspenseur, 
où 1l est en rapport avec l'os carré. L'angle interne épais 
recouvre la région la plus interne du cartilage carré. Les bords 


< 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 351 


externe et postérieur sont minces ; l'interne, épais, se recourbe 
en haut et en dedans, comme chez la Salamandre, autour du 
ptérygoïde cartilagineux. Les faces ne sont plus planes, mais 
la dorsale est légèrement concave en haut et en dehors, non 
seulement à cause de la formation de la gouttière qui loge le 
ptérygoïde cartilagineux, mäis encore parce que le ptérygoïde 
osseux s'applique de plus en plus sur la masse convexe des 
muscles masticateurs ; cette face dorsale de l'aile ptérygoidienne, 
regarde davantage en dehors que chez la larve ; l'os forme 
maintenant sur le côté de la bouche une véritable joue osseuse 
qui protège les muscles adducteurs de la mâchoire inférieure 
. contre la pression des aliments. 


No 24 (fig. 42 et 43). Jeune Amblystome de 15 centimètres 
ayant acquis sa parure terrestre depuis trois semaines environ. — 
Les branchies, recouvertes par l’opercule cutané qui ne laisse 
aucun passage vers le pharynx, ne sont plus extérieurement 
délimitées que par trois lignes foncées (A, fig. 42) qui des- 
cendent dans la fissure latéro-cervicale. Tête large de 13 mm. 5, 
longue de 14 millimètres. Paupières complètement formées. 

Les saillies vomériennes dentées (s, B, fig. 42) ont à peu près 
le même aspect que chez les deux Amblystomes précédents. 
On ne trouve pas de bouclier vomérien mais seulement, sur tout 
le territoire agrandi du plancher nasal, une lame fibreuse épaisse 
dont les fibres présentent, surtout au voisinage de la saillie 
dentée, une incrustation de paillettes osseuses. Sous la saillie 
dentée qui présente 3 et même, en dedans, 4 rangées transver- 
sales de dents, on ne rencontre de plaquette osseuse qu'au niveau 
de la partie moyenne et antérieure ; ce sont donc les dents les 
plus anciennes qui présentent des socles osseux, et les socles 
osseux des dents moyennes de la rangée antérieure sont seuls 
confluents. 

Si l’on examine à un grossissement de 40 diamètres les dents 
réunies par leur base (C, fig. 42), on reconnait qu'elles ne sont 
pas rigides du haut en bas ; le cône de dentiné (d) et la calotte 
d'émail brun (e) sont durs, le bas du socle est ossifié (0) et il 
existe des contreforts osseux qui montent sur le côté des socles, 
surtout entre les dents ; mais la partie élevée des socles (f) est 
fibreuse. Les points d'ossification de la dentine et du cément 


362 P. WINTREBERT 


sont donc ici tout à fait distants. De plus la plaquette osseuse 
faite de la jonction des socles n'est pas rigide et cassante, mais 
légèrement malléable et flexible ; les socles osseux ne sont done 
pas tous soudés par leurs bases et ne constituent pas un os 
unique, d’une seule venue ; cependant ils tiennent fortement 
à la lame fibreuse sous-jacente et sont solidement agglomérés 
entre eux par du tissu fibreux, Peut-être faut-il, pour que 


Fig. 42. — Jeune Amblystome de 15 centimètres n°0 24. A. Région opercu- 
laire droite ; /, ligne foncée, dernière trace, sur l'opercule cutané, d’un pédi- 
cule branchial B. Lambeaux des régions vomériennes droite et gauche, 
enlevés au ras des capsules nasales et sur lesquels on a marqué schémali- 
quement la saillie muqueuse (s), la position de la plaquette osseuse (0), la 
place des dents antérieures isolées à socle osseux (4s) et des dents pos- 
térieures jeunes (dj) ; ch, choane ; go, grains osseux ; s, saillie muqueuse. 
C. Dents de la plaquette osseuse; d, dentine; e, émail; f, socle fibreux ; 
m, membrane fibreuse ; 0. base osseuse du socle. D. Ptérygoïde droit; &e, 
angle antéro-externe ; ?, angle interne; p, angle postéro-externe. 


l'os soit définitivement constitué, qu'une ossification de la mem- 
brane fibreuse sous-jacente vienne consolider lunion fragile 
des socles dentaires ? Cette conception semble appuyée par la 
constatation que le bouclier vomérien n'est pas encore édifié et 
par le fait qu'aucune dent ne se rencontre pour le former, en 
avant de la saillie dentée. 

IL yauraitainsi deux processus combinés qui entreraient en jeu 


: 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 363 


dans la construction du vomer adulte, un processus de forma- 
tion dentaire, tel que l’a exposé O. Herrwic (1874) pour le déve- 
loppement du vomer chez la larve, et un processus d’ossification 
membraneuse qui édificrait à la fois le bouclier vomérien et le 
soubassement du territoire denté. 

Ce n’est que rarement qu'on rencontre dans les dents plus 
jeunes de la 2 rangée une ébauche de socle osseux ; en tout cas 
toutes les dents de cette rangée et des rangées postérieures, plus 
petites encore, s'enlèvent avec la muqueuse, de même que 
chez le n° 22 (B, fig. 40). 

La palette dentée ptérygo-palatine a disparu sans laisser de 
trace ; il ne s’agit pas d’une décalcification simple, car comme 
chez les n° 22 et 23, le substratum fibreux sur lequel elle 
reposait s'est résorbé. 

Le ptérygoïde est un os plus épais et plus rigide que celui des 
jeunes Amblystomes précédents (D, fig. 42); cependant son 
aspect général n’est guère différent de celui du n° 23 (D, fig. 41) et 
il offre comme lui la figure d’un V largement ouvert en dehors ; 
mais les branches du V sont plus larges et plus puissantes ; la 
postérieure recouvre plus complètement la face ventrale du 
carré en débordant légèrement sur les faces voisines et la 
branche antérieure présente une gouttière longitudinale plus 
accusée pour loger la tige ptérygoïdienne cartilagineuse. La 
région interne des branches est épaisse ‘tandis que le bord 
externe estifragile et crénelé. L’extrémité antérieure reste 
pointue tandis que l'extrémité postérieure s’est sensiblement 
élargie. 

Une véritable articulation existe dans l'épaisseur du processus 
basal du carré entre Le ptérygoiïde et le parasphénoïde et le sus- 
penseur est légèrement mobile sur le crâne comme chez la 
jeune Salamandre (n° 10). 

La dissection profonde des appareils fibreux et cartilagineux 
placés sur la voûte palatine au-dessus des formations osseuses 
révèle, par rapport à la disposition constatée chez l’Axolotl 
(fig. 30.31, 33, 39), des différences marquées. Le plancher nasal 
cartilagineux est devenu d’une minceur extrême dans les régions 
où il sera plus tard recouvert par le bouclier osseux vomérien ; 
il se produit à ce niveau, par suite de l'agrandissement et des 
modifications que subissent les capsules nasales, un remanie- 


36% P. WINTREBERT 


ment de tous les éléments qui constituent la paroi palatine. Ce 
remaniement parait sur Le point d’être terminé, mais il est bien 
évident que la feuille osseuse du vomer ne peut être édifiée 
qu'en harmonie avec les transformations en train de se réaliser 
et qu'en raison de ses caractères de rigidité et de fixité, elle doit 
être considérée comme une formation d'achèvement. Nous avons 
vu en effet combien son développement était retardé chez la 
Salamandre, comme il l’est ici chez l'Amblystome. 

Le cartilage antorbital (fig. 43) s'est allongé en dehors et vient 


Fig. 43. — Région terminale antérieure du ptérygoide cartilagineux chez le 
n° 24; vue ventrale ; &o, cartilage antéorbital ; ap, artère palatine ; A, 
choane ; ms, maxillaire supérieur; os, orbitosphénoïde ; ps, parasphénoïde ; 
pt. ptérygoide cartilagineux ; ÿ VII, nerf palalin de la VIle paire ; gme, 
gmi, ligaments quadralo-maxillaires externe, interne ; gv, ligament qua- 
drato-vomérien sectionné. 


se mettre en contact étroit avee le maxillaire: son extrémité 
libre qui avait l'aspect d'un pied chez l'Axolotl vieux (fig. 33) et 
qui, chez l’Axolotl réfractaire n° 21 (fig. 39), se raccordait par 
un lien fibreux avec le cartilage nasal, s’est développée en un 
éventail cartilagineux qui s'étale de la pointe du maxillaire à la 
face interne Ge son apophyse montante. 

Le ptérygoïde cartilagineux (fig. 43), dirigé en dehors, s'est 
avancé vers la pointe du maxillaire, qu'il n’atteint pas. Cette évo- 
lution n'est pas spéciale au n° 24; elle a été constatée sur les 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 365 


trois jeunes Amblystomes; mais chez Les deux précédents l'extré- 
inité de la tige cartilagineuse s'est montrée libre tandis que chez 
celui-cielle se continue par deux petits faisceaux fibreux. Après 
avoir incisé longitudinalement le paquet de fibres ligamenteuses 
constituant le ligament quadrato-maxillaire interne on décou- 
vre le bout du ptérygoïde. Partant de son extrémité, deux liens 
fibreux vont, l’un à la face interne du maxillaire au-dessus du 
trottoir palatin, c'est-à-dire à l'endroit où finit le cartilage antor- 
bital, l’autre à la face externe de la loge temporale, au-dessus 
du ligament quadrato-maxillaire externe, après avoir contourné 
la paroi antérieure de la loge. La disposition de ce dernier 
est semblable à celle du crochet cartilagineux de Salamandra 
(fig. 26) et de certains faisceaux ligamenteux que l’on rencontre 
chez les Axolotls âgés (fig. 33) ou simplement arrivés à la fin de 
leur développement larvaire (fig. 44, 39). 

La régression osseuse n’est pas binitée aux os de la voñte pala- 
tine. [l en était de même chez les Axolotls « réfractaires » 
(fig. 39) profondément émaciés. Mais ici la décalciiication se 
limite aux os qui se transforment ou subissent un allongement 
rapide. C'est ainsi que les maxillaires supérieurs, chez les 
trois sujets n°* 22, 23 et 24, ont une pointe légèrement flexible et 
que le mur externe du processus dental, devenu souple et 
fibreux, se laisse déformer par la pince; de plus une ablation 
un peu brutale de la muqueuse suffit à arracher leurs dents dont 
le socle est’ fibreux. Le prémaxillaire est plus dur que le 
maxillaire, mais il présente une calcification incomplète, car ses 
dents peuvent être courbées sur leur socle par un instrument 
rigide. 

Le maxillaire s’est allongé. Pourtant sa pointe ne dépasse 
guère le bord postérieur des choanes et du vomer et à première 
vue ne semble pas aller plus loin que chez l’Axolotl (fig. 30, 
31, 32, 33). Mais il faut remarquer que la capsule nasale s’est 
beaucoup allongée et que, malgré cet allongement, le maxillaire 
l’encadre toujours en dehors. 


D. — Les demi-Amblystomes branchiés. 


Ces animaux ont été obtenus par la remise à l’eau d’Axolotls 
incités à la métamorphose par Le procédé d’assèchement graduel 


366 P, WINTREBERT \ 


de Mania von Cnauvix (1885) et déjà parvenus à une transfor- 
mation presque complète de leur parure externe. Les limbes 
de la queue, les palmures interdigitales ont disparu; la peau 
lisse, tigrée de brun et de vert sur fond gris foncé, a pris sa 
couleur définitive; cependant les fentes branchiales ne sont 
pas fermées et les branchies persistent encore sous l'aspect de 
moignons dont le pourtour irrégulier marque quelques inci- 
sures. Les animaux replacés en pleine eau, fraiche (12° envi- 
ron) et courante, juste au moment où ils sont devenus 
capables de vivre à l'air, s’y trouvent fort à l'aise, mangent 
abondamment, et prennent rapidement un aspect florissant. Ils 
respirent d'abord presque uniquement par la peau; car ils 
montent rarement à la surface de l’eau pour aspirer de l'air, 
mais bientôt sur les moignons branchiaux des houppes nouvel- 
les de filaments se forment, et les animaux donnent alors à pre- 
mière vue l'impression d'Amblystomes qui auraient conservé 
les branchies des Axolotls. Ces demi-Amblystomes ne sont pas 
des organismes instables, mais au contraire des élres dont la 
forme est absolument firée ; les os de la voûte palatine sont 
durs, rigides; les socles dentaires bien calcifiés ne fléchissent 
aucunement sous une pression et tous les autres caractères sont 
permanents. Les deux animaux dont nous déerivons le palais 
sont du reste presque identiques et le même traitement a 
provoqué chez eux, au même moment, l'arrêt des processus 
métaboliques. Ceux-ci suivent donc une marche régulière et 
s'effectuent dans un ordre précis. Nous avons vu que ce sont 
des changements de milieu qui ont déterminé le début et la fin 
des transformations ; mais le mécanisme intime par lequel ces 
changements agissent n'a pas été élucidé. Cependant l'étendue 
de la transformation partielle peut être mesurée par les dimen- 
sions que présente le vomer à la voûte palatine. Cet os se 
développe tout en surface et 1l est facile de comparer sa forme 
et son étendue à celles du vomer chez un Amblystome parfait. 
Nous avons suivi les diverses phases du recul de la saillie 
dentée chez Salamandra maculosa et constaté sa disposition 
chez des Axolotis parvenus au terme de la métamorphose. Il 
est facile de reconnaitre que le recul du bord postérieur denté 
_du vomer n'est pas aussi prononcé chez les deux demi-Amblys- 
tomes décrits que chez les jeunes Amblystomes n°° 22, 33, 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 367 


24 (fig. 40, 41, 42) et que la position du bord denté reste chez 
eux intermédiaire (fig. 4%) entre celle qu'offre le vomer de 
l’Axolotl (fig. 31,32) et celle de l'Amblystome parfait (fig. 46). 


N° 25 (fig. 44 et 45). Dena-Ambhlystome branchié de 17 centi- 
. mètres. — La tête a 20 millimètres de longueur et de largeur. 
La comparaison des voûtes palatines chez la larve et chez cet 
animal est facilitée par l'observation des figures 29 et 4%. La 


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Fig. 44. — Vote palatine du demi-Amblystome branchié n° 25, après abla- 
tion de la muqueuse ; a, muscles adducleurs de la mâchoire inférieure ; ca, 
cartilage carré; ch, choane ; d, dentaire: gi, glande intermaxillaire ; 
m, cartilage de Meckel : ns, maxillaire supérieur ; pm, prémaxillaire ; pp, 
ptérygoïde osseux ; ps, parasphénoïde ; p VZZ, nerf palatin de la Vite paire ; 
gmi, ligament quadrato-maxillaire interne ; rb, rétracleur du bulbe : », 
vomer. 


première différence qui frappe les yeux est la disparition chez 
le demi-Amblystome du récessus labio-jugal et de la valvule 
qui ferme les coins de la bouche. La peau est maintenant appli- 
quée sur l’arc denté externe dans toute la longueur de celui-ci, 
alors qu'elle ne l'était chez l'Axolotl que dans son tiers anté- 
rieur ; il n'y a pas de repli labial. Aux angles de la bouche, juste 
derrière la pointe du maxillaire supérieur, existe un enfonce- 
ment cutané très profond ; il entoure la partie terminale des 


368 P. WINTREBERT 


muscles adducteurs de la mâchoire inférieure et déborde en 
arrière, à la fois en dehors et en dedans, le bord antérieur de 
la saillie musculaire. La préparation de la figure 44 ne montre 
que la place de cette fosse cutanée qui à été enlevée ; mais la 
figure 52 indique sa disposition chez À. opacum, disposition en 
tout semblable à celle qui existe chez A. tigrinum. Chez Sala- 
mandra maculosa Venfoncement est antéro-externe seulement 
(fig. 22) tandis qu'il entoure ici en fer à cheval la moitié anté- 
rieure des muscles adducteurs ; la raison en est que dans le 
premier genre l'arc maxillaire est plus long et se porte plus 
loin en dehors que dans le second, et qu'ainsi le bas de la loge 
temporale est placé, dans sa partie la plus antérieure, en dedans 
de la pointe maxillaire. 

Les deux vomers (fig. 44) ont l'aspect de deux petits drapeaux, 
adossés par le sommet de la hampe sur la ligne médiane, tandis 
que le voile est déployé du côté de l’are maxillaire. La hampe, 
nettement concave en dedans et en arrière porte une rangée 
de dents alignées. Chaque os forme un feuillet rigide et cas- 
sant ayant 3 millimètres dans le sens antéro-postérieur ; sa 
face ventrale est concave du côté de la cavité buccale. Le 
bord denté, long de 5 millimètres porte 25 à 26 dents ; 1l est 
oblique en arrière et én dehors; sa pointe externe passe der- 
rière la choane; sa partie moyenne est dépassée en arrière par 
une lame, saillante au-dessus des dents, et qui semble le prolon- 
gement du feuillet osseux antérieur. Cette lame a l'aspect d'un 
soc de charrue à pointe tournée en arrière et en dehors (fig. 45) ; 
elle commence en dehors et court d’abord le long de la hampe 
en s'élargissant, puis présente une échancrure profonde con- 
cave en dehors dans laquelle passe le nerf palatin de la VII 
paire et finit en dedans par un bord légèrement convexe qui 
s'adosse au bord antéro-latéral correspondant du parasphé- 
noïde ; elle bute contre celui-ci quand on comprime transver- 
salement la région nasale. 

Le bord latéral du parasphénoïde (fig. 44) présente, à partir 
du carré, trois parties: l’une, légèrement concave en dehors, suit 
le trabécule cranien jusqu’au vomer; la seconde courte présente 
une concavité externe qui s'oppose à la lame du vomer que nous 
venons de décrire ; la troisième enfin est de nouveau en retrait 
du côté de la ligne médiane, et se trouve séparée de la seconde 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 369 


par un angle ; elle est en rapport avec un rebord.de la face dor- 
sale du vomer, placé à la limite des socles dentaires, etqui cons- 
titue pour cet os une nouvelle surface d'appui. On assiste jei 
au début de la superposition du parasphénoïde et du vomer, 
superposition qui devient plus étendue chez l'Amblystome 
(fig. 46 et 51). 

La ligne de suture entre le parasphénoïde et le vomer n'est 
pas conformée de la même façon chez le demi-Amblystome et 
chez l'Amblystome ; chez celui-ci elle est presque droite (fig. 46) 


Omm 2 2 


Fig. 45. — Vomer droit du n° 25 (voir fig. 4) vu par la face ventrale; ch, 

— place de la choane ; ep, échanerure par laquelle passe le nerf palatin de 

‘la VITe paire; s, boutoir en soc de charrue s’appuyant sur le parasphé- 
noïde ; sp, sillons de la face dorsale vus par transparence où sont logées 
les ramifications du nerf palatin. 


tandis que chez le premier elle présente un angle saillant en 
dehors. 

Les bords internes des vomers sont à peu près rectilignes 
(fig. 44-45) et très obliques en avant et en dehors; ils sont à 
peu près à angle droit l’un de l’autre et interceptent entre eux 
et les prémaxillaires un espace, le cavum internasale, très large, 
qui contient la glande intermaxillaire (gi, fig. 44). Le bord 
antérieur n'est pas partout au contact de l'apophyse palatine 
des maxillaire et prémaxillaire ; il est convexe et ce n'est 
qu'au sommet de sa convexité qu'il touche le maxillaire ; il est. 
séparé de l'arc denté externe, sur les autres points, par un ruban 


370 P. WINTREBERT 


fibreux. La partie postérieure du bord se sépare nettement du 
maxillaire et découvre le cartilage nasal en venant aboutir sur 

le pourtour antérieur de la choane. Le bord externe est échan- 

cré largement par celle-ci etse prolonge sur l'apophyse dentée 

qui circonscrit en arrière l’orifice nasal. 

La tige dentée qui constitue la hampe du vomer ne 
forme pas toute la région postérieure de l'os ; celle-e1 se divise, 
comme nous l'avons dit précédemment, en bord denté, inférieur, 
et boutoir d'appui contre le parasphénoïde, supérieur. On ne 
trouve sur le bord denté qu'une rangée de dents fonctionnelles 
adossées et soudées à la face dorsale ou postérieure d’une lan- 
guette qui leur sert de soutien ; mais derrière cette rangée 
on rencontre dans la muqueuse une série de deux rangées de 
dents plus jeunes, dents de remplacement. La rangée des dents 
fonctionnelles et Le mur osseux qui les soutient ne présentent pas 
seulement une concavité postéro-interne ; leur partie externe 
qui borde la choane esquisse une sinuosité en sens inverse, 
concordant avec le pourtour convexe de celle-ci. Les socles den- 
taires très allongés se disposent parallèlement les uns aux 
autres et finissent loin sur la face dorsale ainsi que le montre 
la figure 45. Le feuillet vomérien présente sur sa face dorsale 
un bouquet de quelques sillons qui partent de l’échancrure 
postérieure et qui contiennent les ramifications du nerf pala- 
tin de la VII paire. 

Les dents sont implantées sur les maxillaire et prémaxillaire 
d’une manière aussi solide que sur les vomers ; en arrière des 
dents, soudées au mur externe du processus dental, on distingue 
deux et trois rangées de dents plus petites, enfouies pour la plu- 
part dans la muqueuse. L'apophyse palatine du prémaxillaire 
est très réduite au niveau du cavum internasale. 

Le ptérygoïde est la seule partie qui reste du ptérygo-palatin 
larvaire ; il a, grossièrement et à première vue, l'aspect d’un fer 
à cheval dont l'extrémité convexe est tournée vers le parasphé- 
noïde tandis que les deux branches dirigées en dehors s'appli- 
quent, l'antérieure à la paroi de la loge temporale, la posté- 
rieure à la face ventrale du quadratum ; la partie distale de cette 
dernière branche fait corps avec l'os carré d'origine enchondrale, 
situé près de la surface articulaire. L'ouverture du fer à cheval 
ptérygoïdien laisse voir le passage de fibres ligamenteuses exter- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 371 


nes puissantes et superlicielles qui se rendent au maxillaire et 
à la pointe externe du vomer et, plus près de son fond, des 
fibres qui, passant au-dessus de la branche ptérygoïdienne anté- 
rieure, constituent plus particulièrement la paroi interne de la 
loge temporale. 

Comme chez les jeunes Amblystomes décrits (n° 23 et 24), 
les ptérygoïdes, articulés avec les saillants latéraux du para- 
sphénoïde dans la région basale du carré, s'inclinent à 45° sur 
la table parasphénoïdienne en se dirigeant en bas eten dehors 
et forment dans la partie la plus reculée de la bouche de véri- 
tables joues osseuses. De plus le ptérygoïde est convexe vers 
la cavité buccale et non seulement chacune de ses branches 
est concave en dehors, l’antérieure pour former la gouttière 
qui contient le ptérygoïde cartilagineux, la postérieure pour 
entourer la face ventrale du carré, mais les deux branches sont 
aussi légèrement rapprochées l’une de l'autre du côté extérieur, 
et la bande qui les réunit est légèrement convexe vers l’inté- 
rieur de la bouche. 

Ainsi qu ilest connu, le cartilage carré se dirige de plus en plus 
en arrière à mesure que s'effectuent les processus de métamor- 
phose. Par rapport à sa position chez l'Axolotl (fig. 30, 31, 32) 
la surface articulaire a reculé chez le demi-Amblystome ; 
l'axe du suspenseur à dépassé la ligne transversale et se dirige 
en dehors et en arrière (fig. 44), mais l'obliquité en arrière est 
ici beaucoup moins prononcée que chez l'Amblystome parfait 
(fig. 46). La mobilité du cartilage sur le crâne persiste depuis + 
la métamorphose. 1 n'y a pas d'autostylie osseuse secondaire. 
Tous les éléments ostéo-fibreux anciens de l'appareil denté pté- 
ryg0-palatin ont disparu. Le ptérygoïde cartilagineux se termine 
sans atteindre le maxillaire, au-dessus des trousseaux fibreux 
qui vont du carré à la mâchoire. 


N° 25 bis (PI. IT, C). Deri-Amblystome branchié müle de 
17 c. 8. — Mèmes caractères que ceux du n° %5, sauf que le 
bord denté du vomer montre une ligne brisée, le tiers interne 
transversal étant raccordé aux deux tiers externes obliques par 
un angle de 135° environ. 


N° 26. Denu-Amblystome branchié de 13 cm. 5. — Tête lon- 


25 


312 P. WINTREBERT 


gue de 15 millimètres, large de 14 mm. 5. Bien que plus petit, 
cet animal est, au point de vue des processus de métamorphose 
qu’il a subis, un peu plus avancé que le précédent. Les bords 
dentés des vomers forment par rapport à ceux du précédent 
une arcade surbaïissée dont le sommet ne dépasse pas la ligne 
transversale passant par les pourtours antérieurs des choanes ; 
ils portent 16 dents à gauche, 19 dents à droite. Les bords 
antérieurs des vomers sont sur tout leur parcours au contact 
direct avec les apophyses palatines de l'arc denté maxillaire. 
Les ptérygoides et tous les autres éléments sont disposés comme 
chez le n° 25. 


E. — Les Amblystomes parfaits. 


Je décris la voûte palatine de deux A. tigrinum et d’un 
A. opacum. On considère généralement que le bord denté du 
vomer est transversal dans la première espèce, légèrement 
oblique en arrière et en dedans dans la seconde. Je trouve con- 
forme à la description classique l’état du vomer chez celle-er, 
mais chez les A. {igrinum de ma collection, le bord postérieur 
de cet os n'atteint pas la ligne transversale et reste oblique en 
avant et en dedans. Après l'étude des demi-Amblystomes, qui 
nous montre la possibilité d'un arrêt d'extension du vomer au 
cours de la transformation, quand sous l'empire de cireonstan- 
ces de milieu celle-ci ne va pas jusqu'au bout, je me demande 
si sous la même apparence extérieure, les Amblystomes ne peu- 
vent présenter, en rapport avec les conditions biologiques qui 
ont présidé à leur transformation, une série d'états constitution 
nels allant de la demi-métamorphose à la métamorphose com- 
plète. 


N° 97 (fig. 46 et 47). Amblystoma tigrinum femelle de 
16 cm. 5 de long. — La tête à 18 millimètres de large au 
niveau des articulations des maxillaires inférieurs et une lon- 
gueur de 18 mm. 5; le trone a 7 em. 2 environ et la queue, 
une longueur à peu près égale à celle du tronc, 7 em. 5. 

A. Disposition générale des os. — La dissection du palais 
(fig. 46) montre les os de l’arc denté interne transformés. Ils 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 373 


ont modifié leurs rapports entre eux et avec les organes voisins. 
Deux os sont toujours présents, l’un en avant, l’autre en arrière: 
l’antérieur est un vomer; mais la partie palatine du ptérygo- 


MA 


. pm. ni? 
7 
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No 77 LACS 
V NAZZ de qe Ü 
N VA & \ 


GTA 


L OC} Lur ju, cl. e. IX On LIEN 
Fig. 46. — Voüte palatine du n9 27 (Amblystoma figrinum définitif de 


16 cm. 5 de long) après l’ablation de la muqueuse ; a, muscles adducteurs 
de la mâchoire inférieure; ap, artère palatine: 40, cartilage antorbital ; 
e, columelle ; ca, cartilage carré (surface articulaire); ce, carotide externe ; 
ch, choane ; ci, çavum internasale: cl, partie cartilagineuse de la capsule 
labyrinthique : en, cartilage nasal: d, muscle dépresseur, abaïisseur de la 

- mâchoire inférieure ; À, cartilage cérato-hyal; 4 VII, nerf hyomandibu- 
laire ; ns, maxillaire supérieur ; nd, nerf du musele dépresseur ; oc, os 
carré ; oct, orifice de la carotide interne : os, orbito-sphénoïde ; pi, plan- 
cher cartilagineux internasal ; pp, plérygoïde osseux ; ps, parasphénoïde ; 
p VII, nerf palatin du facial ; gme, gmi, ligaments quadrato-maxillaires 
externe, interne ; », vomer. 


374 P. WINTREBERT 


palatin avant disparu, l'os postérieur n'est.plus qu'un ptéry- 
goïde. Examinons d’abord leur position réciproque. Le vomer 
qui chez la larve n'est qu'une plaquette isolée sur le plancher 
nasal, amarrée seulement en arrière au ptérygo-palatin, remplit 
maintenant tout l’espace compris entre l’arc denté maxillaire et 
le parasphénoïde, sauf sur la ligne médiane au niveau du cavum 
unternasale (ci), où se trouve logée la glande intermaxillaire. 

Le ptérygoïde tourne sa partie antérieure vers le maxillaire ; 
il s’en rapproche sans l’atteindre. Tandis que chez l’Axolotl 
(fig. 28 à 33) l'angle antérieur de aile ptérygoïdienne, prolon- 
gée par la palette palatine, se dirigeait vers la base du cartilage 
antorbital, chez l’Amblystome, la branche antérieure du ptéry- 
goïde se dirige en avant et en dehors et fait avec la direction 
primitive de l'os un angle de 70° environ. Sans doute la partie 
distale du cartilage carré, à la face ventrale duquel reste appli- 
quée la branche postérieure du ptérygoïde, a reculé de telle sorte 
que le suspenseur est orienté maintenant en arrière et en dehors 
et l’on doit penser que ce changement de direction est pour 
beaucoup dans celui de la branche ptérygoïdienne antérieure, 
mais l'examen de l’os prouve, en outre, qu'il s’est réellement 
modifié et que, comme le vomer, il s’est adapté à des circonstan- 
ces nouvelles. L'organisation de la base du crâne chez l'adulte 
parfait consacre la prévalence de l'arc denté maxillaire sur l'arc 
denté primitif; celui-ci perd son individualité et, après la 
disparition de quelques-unes de ses parties, dispose ses éléments 
remaniés et persistants vers l’arc externe. 

B. Etude spéciale des os. — Examinons maintenant les caractè- 
res particuliers du vomer et du ptérygoïde; nous verrons ensuite 
la disposition des éléments fibreux et cartilagineux qui leur sont 
annexés. | 

1° Le vomer (fig. 46). — Le vomer est une table osseuse, d’as- 
pect irrégulièrement quadrilatère, courbé sur ses faces dorsale 
et ventrale, de manière à former une voûte concave du côté de 
la cavité buccale. Il est situé d'avant en arrière entre les apo- 
physes palatines des prémaxillaire et maxillaire et le parasphé- 
noïde et, dans le sens transversal, entre le cavum internasale 
et l'ouverture de la choane. Sa plus grande largeur transver- 
sale est de 6 mm. 5; sa plus grande longueur, mesurée sur le 
bord interne en ligne droite, est de 4 mm. 5. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 319 


Son bord antérieur ou antéro-externe, curviligne, court der- 
rière la mâchoire ; il présente quelques échancrures qui lais- 
sent à découvert le cartilage nasal, mais s’appuye nettement 
par le reste de son trajet sur le trottoir palatin de l'arc maxil- 
laire. C'est vers son milieu qu'est située la ligne de suture 
entre les deux os de la mâchoire supérieure. 

Le bord postérieur porte les dents ; celles-ci sont alignées en 
une seule rangée et vont sans interruption de l'extrémité 
interne à l'extrémité externe du vomer; leurs pointes sont diri- 
gées en bas et en arrière ; Leurs socles longs et parallèles sont 
adossés et soudés par leur partie antérieure à un rempart osseux 
saillant en bas qui continue et termine la face ventrale concave 
de l'os. Au-dessus de la région moyenne de ce rempart et des 
dents qu'il porte, se trouve une lame triangulaire, saillante en 
arrière, qui vient se mettre au contact du parasphénoïde : c’est 
une lame suturale, une apophyse d'appui qui bute contre 
le parasphénoïde en cas de compression latérale de la tête. 
Le bord postérieur peut donc être considéré comme dédoublé 
en une région inférieure, le bord denté, et une région dorsale, 
l'aphophyse triangulaire d'appui parasphénoïdien. Celle-ci cor- 
respond à la saillie, en soc de charrue, que nous avons décrite 
chez les demi-Amblystomes (fig. 44 et 45), saillie plus pronon- 
cée, plus apparente chez eux, parce que le bord denté, transporté 
moins loin en arrière, la laisse plus largement à découvert. On 
retrouve ici, de même que chez eux, en dehors de la saillie d’ar- 
rêt, une échancrure qui donne passage au nerf palatin de la 
VIT paire et, plus loin, une lamelle sinueuse étroite qui va en 
s’amincissant jusqu'au bout externe et pointu du bord denté. 
Le bord postérieur, par ses sinuosités, peut être divisé en deux 
parties : l’une externe, formée des 2/5 de la longueur, concave 
vers l'avant et bordant le pourtour postérieur de la choane, 
l’autre un peu plus longue, concave en arrière, et qui peut elle- 
même être divisée en deux régions suivant que les dents se trou- 
vent au-dessous de l’apophyse d’appui contre le parasphénoïde, 
ou placées sur la languette triangulaire interne sous-jacente à 
cet os. Le parasphénoïde, en effet, dépasse en avant le bord 
postérieur du vomer en se superposant à lui et ne se termine 
qu'au delà de son angle interne. 

Le bord denté est beaucoup plus transversal que celui des 


376 P. WINTREBERT 


demi-Amblystomes. Si par exemple on réunit par une ligne 
droite chez les différents sujets les extrémités des bords dentés 
et qu'on continue cette ligne jusqu’à l’axe médian longitudinal, 
on reconnait que l'angle ouvert en arrière que fait la ligne 
avec cet axe est de 55° seulement chez le demi-Amblystome 
n° 25 tandis qu'il est de 80° environ chez l'Amblystome ici décrit. 

En arrière des dents fonctionnelles soudées par leur socle au 
rempart vomérien postérieur se trouvent dans la muqueuse buc- 
cale deux rangées au moins de dents jeunes qui sont les dents 
de remplacement. Le bout interne du bord denté ne se pro- 
longe pas tout à fait jusqu'à La ligne médiane et ne va pas jus- 
qu'au contact de l’os opposé ; le bout externe très pointu ne va 
pas non plus jusqu'au contact de la pointe maxillaire, mais lui 
est rattaché par un fort ligament. Du reste cette extrémité est 
presque enfouie dans les trousseaux ligamenteux qui, partis du 
carré, accompagnent le ligament quadrato-maxillaire interne et 
viennent s'attacher à son bord postérieur. 

Le bord interne, oblique en dehors et en avant, présente deux 
incurvations concaves en dedans d’inégale longueur ; la posté- 
rieure, très petite, découvre la région médiane antérieure du 
parasphénoïde ; celle-ci est très étroite en raison de la longueur 
des pans coupés latéraux qui rétrécissent en avant la largeur de 
la table osseuse. La courbe antérieure du bord, beaucoup plus 
longue, encadre la glande intermaxillaire placée dans le cavum 
internasale. Entre celle-ci et le parasphénoïde se voit le bord 
antérieur du plancher cartilagineux internasal. L'ensemble des 
deux bords internes figure une sorte de calice à deux renfle- 
ments superposés. 

Le bord externe du vomer forme une grande échancrure qui 
encadre la choane en avant, en arrière bt en dedans ; quittant le 
maxillaire à mi-longueur de celui-ci, il aboutit à la choane au 
milieu de son pourtour antérieur et découvre ainsi entre celle-ci 
et le maxillaire un coin du plancher nasal cartilagineux; der- 
rière la choane, il suit le rempart vomérien qui sert de support 
aux dents de l’apophyse externe, 

Pour terminer la description du vomer j'ajouterai qu'il existe 
sur sa face ventrale concave une vallée assez profonde placée à 
la jonction du large bouclier et du rempart denté et que la face 
dorsale présente ; 1° quelques sillons partant en gerbe de l’échan- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 911 


crure postérieure qui donne passage au nerf palatin et qui con- 
tiennent justement les rameaux de ce nerf; 2 une arête sail- 
lante, située à la limite antérieure des socles dentaires internes, 
qui, au devant du butoir vomérien postérieur, continue le 
contact du vomer avec le parasphénoïde. 

20 Le plérygoide. — Le ptérygoïde est un os en fer à che- 
val (fig. 46-47) dont Les deux branches tournées en dehors sont 
réunies en dedans sous la base du cartilage carré. Sa longueur 
totale, mesurée au niveau de l'ouverture du fer à cheval, est 


de 6 mm. 5, Il est disposé de manière à présenter une face ven- 


Fig. 47. — Ptérygoïde gauche isolé du ne 27 (Voir fig. 46). A. face ventrale ; 
B. face dorsale ; ae, angle antéro-externe ; à, région interne ; pe, angle 
postéro-externe. 


trale tournée du côté de la cavité buccale et une face dorsale 
appliquée en dehors sur la loge temporale. Son inclinaison vers 
le bas est plus grande que celle du ptérygo-palatin larvaire ; 
dans l’ensemble il fait un angle de 45° environ sur l'horizontale 
représentée par la table du parasphénoïde. L’aile ptérygoï- 
dienne larvaire est plane (fig. 30, 31, 32) ; c'est à peine si son 
bord interne se recourbe pour envelopper le ptérygoïde cartila- 
gineux ; chacune des deux branches du ptérygoïde définitif pré- 
sente au contraire chez l'animal parfait une concavité dorsale 
marquée (fig. 47 B). La postérieure appliquée sur la face ven- 


318 P. WINTREBERT 


trale du carré, contourne sa face postérieure et vient au contac 
du squameux ; son tiers externe est soudé à l'os carré (fig. 46). 
L'antérieure présente le long de son bord interne une gouttière 
profonde, en demi-doigt de gant, qui loge le ptérygoïde cartila- 
gineux. La région interne d'union des deux branches forme 
autour de la base du carré un demi-collier très épais qui enserre 
sa face ventrale et une partie de ses faces antérieure et posté- 
rieure. On voit (fig. 47) dans la partie des branches qui borde 
l'ouverture en fer à cheval un feuillet osseux plus mince, reste 
de la plage externe de laile ptérygoïdienne larvaire; cette plage 


Fig. 48. — Vomer gauche du n° 28 (Amblystoma figrinum définitif de 49 cen- 
timètres de long) posé à plat sur une surface horizontale et vu par la face 
ventrale; a, angle antérieur; ae, angle antéro-externe; ch, place de la 
choane ; e, angle externe ; à, angle interne. 


montrait déjà chez la larve âgée ‘une régression très nette (com- 
parer la fig. 30 aux figures 31 et 32), régression qui s’accentue 
par l'effet des mauvaises conditions physiologiques (fig. 31-37). 
Pendant la métamorphose elle s'échancre davantage encore, 
mais d'une manière plus régulière, plus uniforme, jusqu’à ne 
plus former qu'un mince rebord dans la concavité du fer à 
cheval. 

Un examen comparé des aspects que présente le ptérygoïde 
au cours de la métamorphose (fig. 41 et 42, D) et chez l'Am- 
blystome (fig. 47) permet de constater les processus de rema- 
niement dont il est le siège et l’ordre dans lequel ils se pro- 
duisent. A la fin des phénomènes de transformation qui 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 319 


changent l’habitus externe (fig. 41) la branche antérieure du 
ptérygoide est encore dirigée en avant ; les deux branches du 
fer à cheval sont encore écartées au maximum ; elles forment 
un angle obtus de 110° environ. À ce moment Ja différence 
d'orientation entre le ptérygoide osseux et le ptérygoïde carti- 
lagineux est flagrante. En effet, comme les auteurs l'ont déjà 
signalé (WixsLow, 1888) le ptérygoide cartilagineux ne suit pas 
à la fin de son développement larvaire l'orientation en avant 
et en dedans du ptérygo-palatin osseux; il se dégage en avant 
de l'aile ptérygoidienne, il s'incline en dehors (fig. 32, 34, 39); 
il accentue avec la croissante cette orientation vers le maxil- 
laire et au début de la métamorphose (fig. 43) contourne en 
avant la loge temporale ; mais à ce moment la branche anté- 
rieure du ptérygoïde osseux n'a pour ainsi dire pas encore 
modifié sa direction. Par contre, la métamorphose terminée, 
les deux branches du compas ptérygoïdien se sont rapprochées ; 
elles ne font plus entre elles qu'un angle de 80° environ. L’ex- 
trémité de la branche antérieure est de plus légèrement courbée 
en dehors pour s'appliquer plus intimement à la paroi de la 
loge temporale. Le déplacement de cette extrémité est mise en 
valeur par la comparaison des figures 30, 31, 32 d'une part 
qui permettent d'apprécier chez la larve d’Amblystoma Vinter- 
valle qui sépare la tige ptérygo-palatine osseuse du ligament 
quadrato-maxillaire interne, et des figures 46 et 50 d'autre 
part, qui indiquent que l'extrémité du ptérygoïde osseux défini- 
tif est au contact de ce ligament. Il est encore souligné par les 
positions successives que prennent au cours du développement 
et de la métamorphose les ptérygoïdes osseux et cartilagineux ; 
en effet, l'extrémité de celui-ci est à la fin de la vie larvaire et 
pendant les premiers temps de la métamorphose (fig. 13, 32, 34 
et 37), en dehors de la tige ptérygoïdienne osseuse, tandis qu'à 
la fin de la métamorphose (fig. 17, 46 et 50) elle se trouve au-des- 
sus de sa partie interne ; les deux ptérygoïdes osseux et cartilagi- 
neux se croisent chez la larve ; ils deviennent parallèles dans 
leur région antérieure chez l'adulte parfait. 

Le collier osseux ptérygoiïdien interne qui enserre la base du 
cartilage carré vient en contact intime avec le parasphénoïde. 
Les mouvements légers de circumduction qui avaient été recon- 
nus au cartilage carré pendant la métamorphose n'existent plus. 


380 P. WINTREBERT 


Il s’est produit une autostylie osseuse secondaire par rappro- 
chement et soudure des os de revêtement en présence. 

GC. Etude spéciale des éléments cartilagineur et fibreux. 
L'étude des appareils cartilagineux et fibreux de la voûte pala- 
tine montre, comme celle de l'appareil osseux, que les proces- 
sus de métamorphose ont eu pour effet de consolider l’are 
denté maxillaire, en remaniant à son pret les dispositions lar- 
vaires. Le cartilage antorbital vient au contact du maxillaire en 
s'élargissant à son extrémité externe comme nous l'avons déjà 
vuchezl'Amblystome jeune (fig.43),et par une expansion antéro- 


(HR PR, EEE 
Omm. 1 22 


Fig. 49. — Ptérygoide gauche du no 28 (Voir fig. 48). A, face ventrale ; B, 
face dorsale ; ae, angle antéro-externe ; 2, région interne ; pe, angle pos- 
téro-externe. 


externe il se raccorde au plancher nasal en formant la paroi 
dorso-latérale de la choane (ao, fig. A6 et 51). Mais de plus le 
cartilage antorbital n'est plus transversal ; il se dirige mainte- 
nant en dehors et en avant. Cette orientation nouvelle semble 
signifier quil suit l’évolution de la capsule nasale et que celle-ci 
en sétendant ne recule pas, mais porte au contraire’ le 
museau en avant. Le fait est confirmé par l'augmentation de la 
distance qui sépare la base du cartilage antorbital des pré- 
maxillaires. (Comparer les fig. 32 et 46). L’attache interne du car- 
tilage antorbital s’est du reste modifiée ; elle ne se fait plus au 
ras du parasphénoïde, sur le trabécule, mais sur une apophyse 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 381 


de l'orbito sphénoïde, saillante en dehors, qui porte le cartilage 
comme sur un piédestal (fig. 46 et 51). 

La tige cartilagineuse ptérygoidienne ne présente pas du 
côté, de la pointe maxillaire d’autres rapports que ceux que nous 
avons déjà décrits chez l’Amblystome jeune (fig. 43). Elle finit : 
très tof sa croissance ; son extrémité se termine souvent libre- 


nl V. 


LS 


NS X 


Fig 50. — Région ptérygoïdienne de la voüte palatine du no 28 (voir fig. 48 
et 49) vue par la face ventrale; 4, muscles adducteurs de la mâchoire 
inférieure ; ca, cartilage cairé; mt, mâchoire inférieure ; ms, maxillaire 
supérieur ; pp, ptérygoide osseux : gme, gini, ligaments quadrato-maxillai- 
res externe, inlerne; v, vomer. 


ment dans la paroi antérieure de la loge temporale sans attein- 
dre le maxillaire (fig. 46 et 50) et présente parfois quelques liens 
fibreux sans grande solidité que l’on peut suivre vers l'insertion 
du cartilage antorbital au maxillaire et vers la paroi externe de 
la loge temporale. Nous avons vu précédemment combien le 
remaniement de l'extrémité antérieure du ptérygoïde osseux 


382 P. WINTREBERT 


et son transport en dehors étaient tardifs eu égard à la précocité 
des dispositions prises par le ptérygoïde cartilagineux. 

Aucun élément fibreux de la membrane ptérygo-palatine dont 
la tige ptérygoïdienne et la palette dentée représentent une 
ossification localisée, ni du ligament allant du bord interne du 
ptérygoïde cartilagineux à la base du cartilage antorbital en 
doublant ia lamelle osseuse, ne peut être retrouvé. Toutes les 
parties de l'appareil ptérygo-palatin qui passaient en diagonale 
au-dessous de la fosse orbitale ont disparu. Le bord interne du 
ptérygoide marque maintenant une limite précise entre les par - 
lies orbitaire et masticatrice de la fosse orbito-temporale. 

C'est du côté externe, maxillaire, que sont reportés les liga- 
ments. Les cordes quadrato-maxillaires interne et externe qui 
limitent en bas la loge temporale sont remarquablement solides 
et puissantes ; l’externe est nettement renforcée. Dans l'ouver- 
ture du fer à cheval ptérygoiïdien la paroi temporale interne se 
montre composée de faisceaux conjonctifs épais (fig. 46, 50). 
L'ouverture même est fermée par la corde quadrato-maxillaire 
interne. Celle-ci ne va pas seulement jusqu'à la pointe du 
maxillaire, mais s’insère en dedans d'elle sur l’apophyse palatine 
de cet os. Ces faisceaux palatins recouvrent l’attache au maxil- 
laire du cartilage antorbital (fig. 50). Au-dessus d'eux d’autres 
faisceaux quadrato-vomériens vont s’insérer en se dirigeant en 
dedans à l’apophyse dentée post-choanale du vomer (fig. 46, 
50, 51), déjà fixée au maxillaire par un ligament transversal. 


N° 28 (fig. 48, 49, 50, 51 et PL IT D). Amblystoma tigrinum 
male de 19 c. — La queue a 9 cm. 5 de long. La tête a 19 mil- 
limètres de large et 20 millimètres de long. L'architecture de la 
voûte palatine ne diffère que par quelques détails de celle de 
l’animal précédent. Les figures en donnent une idée assez com- 
plète pour qu'il soit inutile de faire un long exposé ; elles ont 
du reste déjà servi à compléter la description du n° 27. 

Le vomer a un bord postérieur denté presque transversal ; il 
fait avec la ligne médiane un angle, ouvert en arrière, de 
85° environ (fig. 51) Isolé (fig. 48) et comparé au vomer d'un 
demi-Amblystome branchié, il montre une extension du bord 
denté beaucoup plus étendue en arrière par rapport au bord 
interne de la choane, en même temps qu'un développement 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 383 


plus grand de l’apophyse post-choanale, Celle-ci mise à part, 
le bouclier vomérien est aussi large que long tandis que celui 
du demi-Amblystome est nettement plus développé en largeur 
qu'en longueur. On remarque aussi que l'apophyse d'appui sur 
le parasphénoïde, continuation de la face dorsale au delà du 


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Fig. 51. — Région vomérienne dela voute palatine du no 28 (Voir fig. 48, 49,50) 
vue par la face ventrale ; ao, cartilage antéorbital ; ch, choane ; ci, cavum 
internasale; cn, cartilage nasal: ms, maxillaire supérieur ; os, orbito- 
sphénoïde : pm, prémaxillaire ; ps, parasphénoïde ; gme, gmi, ligaments 
quadrato-maxillaires externe, interne ; gv, ligament quadrato-vomérien ; 
v, vomer. 


bord denté est naturellement moins apparente et moins lon- 
gue chez l'Amblystome que chez le demi-Amblystome, parce 
que le bord denté du premier a reculé davantage : elle présente 
de plus une ligne d'appui légèrement concave en dedans 
(fig. 48 et 51) tandis qu'elle est convexe chez le demi-Ambly- 
stome. L’angle du bord latéral du parasphénoïde est arrondi au 


384 P. WINTREBERT 


lieu d’être angulaire et la partie antérieure ou « vomérienne » 
de ce bord est presque rectiligne au lieu de présenter un saillant 
en dehors (fig. 44). On peut penser que, dans ces conditions, 
une pression faite sur le devant du museau risque de luxer le 
vomer en arrière : il n’en est rien; car le vomer est retenu en 
arrière par l’apophyse, saillante en dehors, de l’orbito-sphé- 
noïde, qui donne insertion au cartilage antorbital. 

Les ptérygoïdes (fig. 49 et 50) ont à peu près la même forme 
que ceux du n° 27. Un trait pointillé sur la figure 50 limite la 
partie dorsale de la branche postérieure qui est confondue, dans 
la profondeur, avec l'os carré d’origine enchondrale. Les appa- 
reils ligamenteux et cartilagineux ne présentent rien de parti- 
culier. ‘ 

N° 29 (fig. 52). Amblystoma punctatum adulte de 137 malli- 
mètres de long. — La tête a 12 mm. 5 de largeur et 13 mil- 
limètres de longueur; le tronc a A9 mm. 5 et la queue 
75 millimètres de long. La dissection de la voûte palatine 
révèle deux faits importants : 

1° Le vomer est d'une seule pièce. X1 n’est pas composé de 
deux fragments comme le dit Wrenersuein (4877, p. 463). Le 
bord denté postérieur présente bien derrière la choane une 
région non dentée, de 1 millimètre de longueur environ, mais 
on n’y voit, même après éclaircissement du vomer dans une 
lessive de potasse, aucune trace de soudure entre lapophyse 
dentée et le reste du bouclier vomérien. Il n’est donc pas justi- 
fié de considérer celle-ci comme représentant le palatin. 

2 Le ptérygoïide cartilagineux court manifestement le long 
de l'apophyse palatine du maxillaire vers l'insertion maxillairc 
du cartilage antorbital. Wieversueim décrit un ptérygoïde carti- 
lagineux long mais qui n’atteint pas le maxillaire (fig. 76 et 77, 
PI. XXIIT). Les deux cartilages ne s'unissent pas ici comme chez 
Ranodon par un pont de même substance mais ils sont liés mani- 
festement par un tractus ligamenteux. Celui-ci est visible sur 
la figure 52; mais il a été rendu plus apparent qu'il ne l’est dans 
sa disposition réelle par l’isolement, à distance de l’apophyse 
palatine, des parties cartilagineuses et fibreuse. Pour mettre à 
découvert la tige ptérygoïdienne, j'ai reséqué toutes les fibres 
superficielles du ligament quadrato-maxillaire interne, tant 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 385 


celles qui vont à la pointe de la mâchoire que celles qui s’insèrent 
à son processus palatin, et le’ trousseau fibreux quadrato- 
vomérien qui se rend à l'apophyse dentée post-choanale du 


OS 
MAILLE Ê S 


a 


Zasees 


Fig. 52. — Voüte palatine du n029 (Amblystoma opacum adulte de 43 em. 7 
de long), du côté droit, vue par la face ventrale ; a, muscles adducteurs 
de la mâchoire inférieure: @o, cartilage antorbital; «, columelle ; ca, 
os carré (surface articulaire); ci. cavum internasale ; ch, choane; ms, 
maxillaire supérieur : 0, aponévrose sous-orbitaire ; os, orbito-sphénoïde ; 
pj, fibres ptérygo-jugales; pm, prémaxillaire ; pp, plérygoide osseux ; pé, 
ptérygoïde cartilagineux; ps, parasphénoïde ; p VZI, nerf palatin du facial ; 
gmi, ligament quadrato-maxillaire interne ; gv, ligament quadrato-vomé- 
rien sectionné ; 7, récessus cutané temporal ; r6, muscle rétracteur du 
bulbe oculaire ; v, vomer. 


vomer. J'ai mis ainsi à nu les fibres les plus profondes du liga- 
ment qui composent la paroi antérieure de la loge temporale 
et J'ai observé que du ptérygoïde cartilagineux, au niveau de 
la pointe du maxillaire, à l'endroit où, cessant d'être appliqué 


386 P. WINTREBERT 


sur l’aponévrose prétemporale, il forme un coude saillant, par- 
tent aussi quelques fibres ptérygo-jugales (p7) qui se dirigent 
en dehors sur un plan plus élevé que la mâchoire et vont ren- 
forcer l’aponévrose temporale externe. L'analogie de position 
de ces fibres avec le crochet cartilagineux de Salamandra macu- 
losa est complète. Ainsi donc nous trouvons ie la confirmation 
que deux voies sont ouvertes chez les S'a/amandridæ à V’exten- 
sion du ptérygoïde cartilagineux : 1° la voie juxta-mazillaire 
qui le mène à la rencontre du cartilage antorbital et 2° la voie 
circumtemporale qui le conduit à la face externe des muscles 
adducteurs de la mâchoire Imférieure. 

La loge temporale circonserite à sa partie inférieure par la 
boutonnière quadrato-maxillaire ne contient pas seulement les 
muscles adducteurs mais encore, au devant d'eux, un recessus 
cutané très profond, figuré sur la préparation (fig. 52) ; la peau 
est adhérente aux muscles ; elle pénètre dans la loge quand la 
bouche est fermée, elle en sort en faisant disparaitre le réces- 
sus quand la bouche est ouverte. On voit sur la figure que, 
dans le premier état, la fosse cutanée entoure de chaque côté la 
saillie musculaire, dans sa moitié antérieure. 

Le vomer et le ptérygoïde osseux ont un aspect général diffé- 
rent de celui d’A. figrinum ; ils ont été déjà décrits par WiE- 
DERSHEIM. En l'absence de documents personnels sur leur 
disposition larvaire et leurs modifications pendant la métamor- 
phose je n'entreprendrai pas de donner leur description, 
mon but étant surtout de suivre l’évolution de la voûte pala- 
tine au cours du développement. Je signalerai cependant, en 
terminant, que le suspenseur est absolument immobile chez cet 
animal adulte, comme chez la Salamandra maculosa âgée 
n° 11, comme chez les Amblystomes définitifs, par suite de la 
coaptation et de la soudure des os qui entourent le cartilage 
carré et son attache à la boîte crantenne. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 387 


DEUXIÈME PARTIE 
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS 


Après avoir exposé les faits j’entreprends ici de les utiliser 
pour l'éclaircissement ou la solution de quelques problèmes 
d’Anatomie comparée, d'évolution ontogénique et de phylo- 
génie. Des observations précédentes je tire les arguments qui 
mettent en valeur les résultats ét soutiennent les conclusions. 
Cette seconde partie est divisée en dix chapitres dont chacun 
traite une question précise, que les documents recueillis éelai- 
rent d'un Jour nouveau. 


I. — L’arc denté interne de la voûte palatine chezles larves 
de Salamandridæ n'est formé que de deux os : le vomer 
et le ptérygo-palatin. 


La présence de trois os, nommés vomer, palatin, ptéry- 
goïde à la voûte palatine deslarves de Salamnandridæ, en dehors 
de la métamorphose, est un cas pathologique (voir n°° 18 à 22, 
p. 346 à 355). Les larves normales en bonne santé, qui n'ont 
subi au cours de leur développement aucune cerise de jeûne ou 
de maladie (fig. 30, 31, 32), possèdent un ptérygo-palatin d'une 
seule pièce. Les Axolotls émaciés, tels ceux, par exemple, qui 
meurent naturellement au cours d’un élevage, présentent au 
contraire, par suite d'une régression osseuse, une fragmentation 
du ptérygo-palatin (fig. 34 à 39). 

La régression des os sous l'influence d’un état de misère 
physiologique est un phénomène banal. Ce qui l’est moins, 
c'est de constater, dans le cas particulier du ptérygo-palatin, que 
cette régression aboutit à la division de l'os ; et pourtant le résul- 
tat est fort naturel puisqu'il s’agit d’une pièce osseuse mince et 
étroite. Mais ce qui surprend avec raison, c'est de voir l’una- 
nimité avec lequel les plus éminents anatomistes et embryo- 
logistes, FRisoneicu et GecenBaur (1848), O. Henrwic (4874), 
WiepersHeIM (1877), Parker (4877) et tous les auteurs classiques 


ont décrit et figuré trois os à l’are denté interne des Urodèles. 
26 


388 P. WINTREBERT 


Une conclusion générale doit être tirée de ce fait en ee qui 
concerne la méthode à employer dans les recherches anatomi- 
ques. Avant de comparer entre eux des groupes différents d’ani- 
maux, il convient de S'assurer qu'on possède pour chaque espèce 
la structure qui correspond à l’état physiologique normal. C'esf 
une vérité aujourd'hui reconnue qu'il n’est pas possible de se 
désintéresser du mode de vivre des êtres dont on entreprend 
justement de décrire l'anatomie ; mais savoir leurs mœurs, sans 
les observer en vie, est absolument insuffisant. On ne doit pas 
seulement être au courant de l’éthologie générale de l'espèce 
considérée ; il importe encore de connaître les antécédents parti- 
culiers de l'animal qu'on étudie. Îl en est de l'anatomie macrosco- 
pique comme de lhistologie ; si l'on désire établir une correspon- 
dance entre l’état des organes et leur fonctionnement, si l’on 
veut surtout éviter de confondre les {types morbides avec le type 
normal, il faut être informé des conditions de vie et de mort 
du spécimen examiné. L'anatomiste doit être un biologiste. 


II. — Le palatin n'existe pas chez les Salamandridæ 
à l'état parfait 


Cette assertion est conforme à l'opinion de Cuvier (1837) 
basée sur l'étude de Salamandra maculosa: mais cet auteur 
n'avait pas observé l’état larvaire, ni suivi les modifications de 
l'arc denté primitif au cours de la métamorphose. Les auteurs 
allemands et anglais qui, comme nous l'avons vu au chapitre 
précédent, ont décrit chez la larve un palatin séparé, se sont 
pour la plupart, abstenus de suivre les processus de transforma- 
tion. Quelques-uns (0. Herrwie, Parker) en ont observé le 
début ; ils ont constaté qu'à ce moment le ptérygo-palatin est 
divisé en deux parties, un palatin et un ptérygoïde; mais 
n'ayant pas poussé plus loin leurs investigations, ils n'ont pas 
vu que cette séparation n’était que la première étape de la dis- 
parition complète du palatin. Imbus de l’idée théorique qu'ils 
devaient le retrouver chez l'adulte ils se sont ingéniés, comme 
les autres anatomistes qui n'avaient rien observé des processus 
métaboliques, à le joindre au vomer et à lui donner, suivant les 
groupes, des positions diverses 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 389 


La conclusion qui se dégage nettement de l'étude de la méta- 
morphose chez Salamandra maculosa (ig. 3 à 26) et chez 
Amblystoma tigrinum (fig. A0, 41, 42) est que la région anté- 
rieure dentée du ptérygo-palatin larvaire disparait en totalité et 
que, par conséquent, le vomer de l'adulte ne peut être considéré 
comme un voméro-palatin. L'examen des vomers isolés de Ia 
forme parfaite chez Sal/amundra maculosa (Kg. 23), chez Ambly- 
stoma punctatum (fig. 52) et chez Amblystoma ligrinum (fig. 46, 
48, 51) ne m'a jamais permis de voir dans la continuité de l'os 
la trace d'une suture ou d'une soudure, malgré les affirmations 
d'O. Herrwie (1874, PL I, fig. 23, 24, 36) et de Wienersaeim 
(1877, fig. 72, PL XXII) pour la première espèce, de Wieper- 
suEIM (1877, p. 463, fig. 77) pour la seconde, de Parker (1877, 
PI XXIV, fig. 6) pour la troisième. Jai seulement observé, 
en les extirpant, qu'ils étaient fragiles et présentaient un lieu de. 
moindre résistance au niveau des apophyses dentées ; or c’est 
justement l'extrémité de celles-ci qui a été resardée comme 
palatin. 

IL n’est pas douteux que le palatin soit représenté dans la 
pièce ptérygo-palatine unique de la larve et même celle-ci, eu 
égard à son dév eloppement, mériterait mieux le nom de palatss 
ptérygoïde: que celui qu'on lui donne habituellement ; elle nait 
en effet comme’ un palatin derrière le vomer et ne s’adjoint 
_qu'ensuite une queue ptérygoïdenne. D'ailleurs la série des os 
qui, chez les Poissons, constitue la partie palatine du palato- 
carré, à laquelle correspond l'arc interne denté des Urodèles, 
comporte un palatin distinct. Mais la voûte palatine des Sala- 
mandridæ adultes n’est pas bâtie suivant la même architecture 
que celle de la larve. L'are denté primitif perd'au temps de Ja 
. métamorphose son individualité ; il se fragmente et ses élé- 
ments ne viennent plus qu'au second plan, chez la\ forme ter- 
restre, dans la constitution de la mâchoire supérièure. L'are 
maxillaire devient prévalent et Les pièces transformées de l'arc 
primitif, orientées en dehors, lui sont en quelque sorte subor- 
données. 

Un chapitre spécial (IV) est consacré à la manière dont le 
palatin disparait pendant la métamorphose ; j'y renvoie le lec- 
teur. Un autre (chapitre V) traite de l'édification du vomer nou- 
veau. On y verra que les débris du palatin remanié ne peuvent 


390 P. WINTREBERT 


même pas être considérés comme se joignant au vomer pour cons- 
tituer un os unique construit avec des matériaux venus de deux 
sources différentes ; car le palatin est résorbé, ses dents tom- 
bent et ne s'incorporent pas au feuillet osseux en formation, 
qui est lui-même en état perpétuel de rénovation. On peut afñr- 
mer que rien ne reste du vomer larvaire et que tout le vomer 
adulte est bâti de novo. Le palatin ne participe pas à son déve- 
loppement, ou s'il Le fait, ce n’est que d'une façon absolument 
indirecte, par la reprise dans le sang de substances utiles à 
l'édification d’une pièce osseuse quelconque. 

Un court aperçu de la structure des voûtes palatines chez 
les Amphibiens est utile pour essayer de comprendre la signi- 
fication et le rôle du palatin, ou du moins de l'os qu'on appelle 
palatin, chez les Anoures et les Gymnophiones, et faire appré- 
cier les causes de sa présence où de son absence dans l’ar- 
chitecture cranienne. Le palatin des Anoures, des Gymnophio- 
nes et d’un certain nombre de Stégocéphales est un os 
transversal passant derrière la choane, étendu du parasphé- 
noïde en dedans, au maxillairé supérieur en dehors. Il sert 
manifestement de contrefort à celui-ci et l’aide à résister aux 
pressions latérales qui s'exercent à sa surface externe. Ce rôle 
de soutien est particulièrement efficace chez les Anoures où le 
vomer adulte est à l’état d’ilot denté sur le plancher nasal, loin 
du contact des maxillaires. Chez les Urodèles, le vomer est 
constitué de telle sorte qu'il remplace le palatin. Appuyé sur le 
parasphénoïde et même sur l'orbitosphénoïde en dedans 
(fig. 22, 51 et 52), sur les processus palatins des prémaxillaire 
et maxillaire en dehors, il a l’aspect d'un large bouclier qui s in- 
tercale entre ces os et les maintient dans leur position réci- 
proque. Il s'étend en arrière autour de la choane, qu'il encadre 
de tous côtés, sauf du côté externe chez Amblystoma (fig. 51 et 
52), sauf du côté postérieur chez Salamandra (fig. 22). De plus, 
son bord postérieur se trouve placé au-dessous du cartilage 
antorbital le long duquel chez les Anoures le palatin est dis- 
posé. Il sert ainsi d'arc-boutant au maxillaire et empêche les 
déformations du museau en cas de compression transversale. 

Il fait plus encore. Par l'extension en avant de son bouclier 
le long des légères sinuosités du processus prémaxillaire et par 
la disposition spéciale de son apophyse postérieure d'appui 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 291 


contre le parasphénoïde (fig. 22 et 46) et l’orbitosphénoïde 
(fig--51), il s'oppose aux pressions et résiste aux chocs portés 
sur le devant de la tête ; il contribue ainsi largement à la con- 
solidation de la base du crâne. Tandis que les Anoures, sans bou- 
clier vomérien, appuient les extrémités des maxillaires supé- 
rieurs sur le massif postérieur de la tête par l'intermédiaire 
des quadrato-jugaux et des ptérygoides, les Urodèles, sans 
quadrato-jugaux, etsans contact des ptérygoïdes avec les maxil- 
laires, supportent Les pressions antérieures grâce à la présence 
de larges vomers qui transmettent ces pressions à la table 
parasphénoïdienne médiane. Quant aux déplacements des maxil- 
laires en avant par traction, les cordes ligamenteuses quadrato- 
maxillaires interne et externe, qui entourent la loge temporale 
(fig. 22 et 46) et sont situées dans la position même des qua- 
drato-jugaux et des-ptérygoïdes des Anoures, s’y opposent avec 
autant d'efficacité que ces os eux-mêmes. 

Le vomer des Urodèles adultes ne remplace donc pas seule- 
ment le palatin dans son rôle d’arc-boutant transverse post- 
choanal, il permet encore à la tête de résister aux pressions 
antérieures sans être soutenue par des massifs latéraux puis- 
sants. Enfin il remplit encore une troisième fonction : celle de 
protéger la capsule cartilagineuse du plancher nasal contre le 
heurt des proies saisies. 

Les Urodèles sont les seuls Vertébrés qui manquent de pala- 
lin ; mais nous voyons que l’absence de cette pièce osseuse ne 
peut, au point de vue de l'architecture cranienne, être considérée 
isolément ; elle est liée à une conformation générale de la tête, 
connue depuis longtemps et que j'ai précédemment mise en 
relief (WinrreBerr, 1910) pour prouver que ces animaux ne peu- 
vent avoir pour ancêtres Les Protritons. 

L'idée de retrouver, après le bouleversement considérable 
opéré par la métamorphose, le palatin larvaire longitudinal 
tourné en dehors à angle droit «like a railway signal » (Parker, 
1877, p. 566) semble aujourd’hui puérile et cependant, la plu- 
part des auteurs modernes ne sont pas éloignés de croire que 
le palatin de l’are denté interne des Poissons et des larves 
d’Urodèles est l'homologue de celui qui chez les autres Verté- 
brés est disposé transversalement. Ce qui a contribué à accrédi- 
ter cette idée, c’est l'opinion qu'ont eu jusqu'à présent les 


399 P. WINTREBERT 


anatomistes sur la valeur et la signification de l’arcade latérale 
cartilagineuse du crâne chez les Anoures. Ils ont jugé qu'elle 
représentait chez les Amphibiens un état primitif, probablement 
réalisé chez les Stégocéphales et d'où était dérivé par régression 
le ptérygoïde cartilagineux des Urodèles. Dans cette conception, 
le cartilage antéorbitaire n'est plus que la partie transversale 
antérieure de jonction qui ramène l'arcade, déviée en dehors, 
vers la région ethmoïdale médiane et en conséquence Le pala- 
tin parallèle, à ce cartilage, fait ainsi toujours partie de l’anse 
ptérygo-palatine primitive. Nous verrons plus loin qu'il y a lieu 
de considérer comme aberrante la disposition de cette arcade 
chez les Anoures et la raison pour laquelle le ptérygoïde cartila- 
gineux des Urodèles ne suit pas la direction de l'arc ptéry go- 
palatin osseux. Nous verrons que celui-ci doit être considéré 
comme représentant vraiment la région palatine du palato- 
carré des Poissons. Pour l'instant je désire attirer l'attention sur 
les caractères qui distinguent le palatin transversal des Verté- 
brés terrestres du palatin longitudinal des Poissons, et sur le 
danger qu'il y à à continuer d'appeler d’un même nom ces deux 
formations. D'ailleurs une révision générale des dénominations 
anciennes desos de la base du crâne s'impose si l’on veut établir 
entre les groupes des comparaisons rigoureuses. À mon avis, le, 
palatin transversal appliqué sur Le cartilage antéorbital et le pala- 
tin longitudinal des Poissons et des larves d'Urodèles n’ont de 
commun que le nom et ce nom, donné par des auteurs qui 
n'avaient à leur disposition que peu de renseignements sur 
l'évolution ontogénique et jugeaient surtout d’après la confor- 
mation de l'adulte, signifie seulement une certaine analogie de 
situation des deux os dans une même région de la base du crâne. 

La plupart des savants pensent encore aujourd'hui que la. 
place du palatin est marquée entre le ptérygoïde et le vomer ; 
ainsi (rooprica (in Socras, 4920, p. 507) consulté sur la significa- 
cation d'un os trouvé chez Lysorophus tricarinatus (fig. 20, 
31 Bet 32, Sozras), placé transversalement entre l'orbito-sphé- 
noïde et le maxillaire et qui est supposé être un palatin, répond 
qu'il est possible de considérer la partie postérieure du vomer 
comme le palatin. Cette suggestion me parait la conséquence de 
l'idée acceptée jusqu'ici par tous Les anatomistes que le palatin 
fait corps avec le vomer dans la forme définitive des Urodèles. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 393 


L'auteur ajoute qu'il serait possible de considérer los en ques- 
tion comme un transverse. Mais pourquoi ne serait-il pas un pala- 
tin, non dans le sens d’un palatin larvaire, intermédiaire au 
ptérygoïde et au vomer et faisant partie intégrante de l'arc denté 
interne, mais d’un palatin d'adulte semblable à celui des Anou- 
res, transversal et tout à fait différent, comme origine, du précé- 
dent ? 

L'idée de la nécessité pour un palatin d’être placé entre le 
ptérygoïde et le vomer ressort encore de ces lignes de Soras 
(p: 507) : The additionnal information afforded by sections ren- 
ders possible another interpretation by which the palatine 
nature of the bone is retained, for its base is found to occupy 
its proper place as the middle member of the pterygoïde vomer 
series », La même confusion est faite par cet auteur entre le 
palatin larvaire, qui chez les Urodèles actuels fait partie du pté- 
rygo-palatin. et le palatin transversal de l'adulte définitif. Les 
caractères que l’on peut assigner à celui-ci sont : 1° d’être placé 
en contact intime avec le cartilage antorbital et, comme celui- 
ci, d'être étendu transversalement entre l’orbito-sphénoïde, 
ossification enchondrale du trabécule cranien, et le maxillaire 
supérieur (fig. 43) ; 2 d’être situé dans le sens antéro-posté- 
rieur derrière la choane. Or ces caractères sont ceux de l'os en 
litige chez Lysorophus. En effet, d’après la figure 31 B, il n'est 
pas sur le même plan que le ptérygoïde et le vomer, mais 
au-dessus d'eux, superposé au ptérygoïde et par conséquent 
en rapport en dedans avec l’orbito-sphénoïde ; en outre; il pré- 
sente une échancrure antérieure, de courbe arrondie, dispo- 
sée comme pour circonscrire Le pourtour postérieur de la 
choane, ainsi qu'on le voit sur le palatin d'/chthyophis gluti- 
nosus. Le transverse s’il existait serait placé plus en arrière et 
n'aurait pas de rapport avec la choane. 

Ce qui facilite la confusion entre le palätin larvare « inter- 
voméro-ptérygoidien » et le palatin « antorbital » c’est que l’ex- 
trémité interne de ce dernier est justement placée au-dessus de 
l'endroit où chez la larve des Urodèles se trouve l’interstice 
entre le vomer et Le ptérygo-palatin (fig. 4, 31, 32) et où finit 
chez l’adulte (fig. 22, fig. 46) la partie postérieure du bouclier 
vomérien, de sorte qu'il est aisé d'imaginer que tout en gar- 
dant ses rapports internes le palatin larvaire s’est orienté vers 


CPE P. WINTREBERT 


le maxillaire. Seulement l’histoire de la métamorphose nous 
montre que, chez les Urodèles actuels, le palatin larvaire s’éva- 
nouit et qu'aucune formation osseuse nouvelle ne s'établit 
autour du cartilage antorbital. I ne paraît pas en être de même 
chez Lysorophus ; 11 possède un « palatin » ; mais les caractères 
de cet os post-choanal semblent assez nets pour qu'on le diffé- 
rencie nettement du palatin larvaire et qu'on lui attribue la 
dénomination de palatin antorbital ou plus simplement d'os 
antorbital. 

Une autre remarque doit être faite. 11 se peut que les deux 
€ palatins » existent en même temps chez Lysorophus. Le vrai 
palatin serait alors fusionné avec le ptérygoïde comme chez 
les larves d’'Urodèles. Certains faits militent en faveur de 
cette hypothèse : 1° L’os appelé ptérygoïde est à peine distant 
du parasphénoïde (fig. 32 de Socras) ; il se dirige en tout cas en 
avant et en dedans et s'applique nettement sur lui à son extré- 
mité : il s'y trouve en contact avec le vomer. 2 Le vomer n’a 
pas le caractère d'un os d'Urodèle définitif ; son bouclier vomé- 
rien est peu étendu et surtout ne vient pas au contact du maxil- 
laire ; 1l ressemble à un vomer de vieil Axolotl (fig. 32), placé au 
contact du parasphénoïde en dedans, à distance du maxillaire 
en dehors et portant ses dents sur le bord externe; il en est 
différent en ce que son bord interne vient au contact du bord 
interne de l’os opposé, au devant d’un parasphénoïde plus court 
et surtout moins large en avant que chez Amblystoma. La dis- 
position du vomer me semble très caractéristique. Lysorophus 
aurait done à la fois un are denté interne ressemblant à celui 
des larves d'Urodèles et un os antéorbital. Rien ne démontre- 
rait mieux la nécessité d'une distinction entre les deux os appelés 
palatins. 

Si l'animal est considéré comme un fouisseur de vase, la pré- 
sence d’un os antéorbital se comprend ; car en l'absence d'un 
vomer étalé entre l'arc maxillaire et le parasphénoïde, comme 
chez les Urodèles parfaits, cetos soutient avec efficacité la 
pointe libre du maxillaire quand la tête est comprimée latéra- 
lement. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDAÆ 399 


III. — Les changements d'aspect de l'arc voméro-ptérygo- 
palatin larvaire suivant l’âge. 


/ 


A. Chez l'Axolotl. — Les vomers et les palettes dentées des 
ptérygo-palatins, d'origine dentaire (0. Henrwie, 1874), sont 
d'abord plantées de dents sur toute leur surface (fig. 27 et 28) ; 
puis ils présentent une localisation des dents sur une partie 
seulement de leur étendue. La diminution de la région dentée 
s'opère dans le sens transversal et non dans le sens longitudi- 
nal, de sorte qu'à la fin de la vie larvaire, lorsqu'il n'existe plus 
qu'une rangée de dents, celles-ci sont alignées en direction 
antéro-postérieure et tiennent encore toute la longueur des 
lamelles osseuses. À quel moment commence la limitation du 
nombre des dents fonctionnelles ? Ce moment vient plus tôt 
pour la plaquette ptérygo-palatine (n° 4, fig. 29 et 30, Axolotl 
de 6 mois long de 9 centimètres et n° 4 bis, Axolotl de 8 centi- 
mètres) que pour le vomer. La réduction du nombre des dents 
qui restent implantées sur l'os par leur socle osseux se fait par 
étapes progressives; les dents se placent sur trois rangs, puis sur 
deux et enfin sur un seul rang. C’est Le bord interne des os qui se 
. dégarnit le plus vite ; il est libéré d'une manière plus précoce 
et plus rapide pour le ptérygo-palatin que pour le vomer ; mais 
tandis que sur le premier les dents se rassemblent sur le bord 
externe (fig. 30 et 31), les dents du second se placent au milieu 
de la lamelle osseuse (fig. 31, Axolotl de 17 centimètres de 
long) ; ce n'est qu'à un âge fort avancé (n° 6, Axolotl de 22 cen- 
timètres, fig. 32) qu'on les voit reléguées à leur tour sur le 
bord externe. Le vomer possède alors l'aspect allongé et trian- 
gulaire de Ia lame d’une faulx; son bord externe épais, sail- 
lant du côté de la cavité buccale, forme un rempart auquel 
s adossent et se soudent les parties latérales externes des socles 
dentaires. Sur la palette ptérygo-palatine, un mur semblable 
soutient en dehors l’unique rangée des dents. Les dents distri- 
buées sur un seul rang sont beaucoup plus longues que n'étaient, 
à un stade moins avancé, les dents nombreuses implantées sur 
plusieurs rangs; leurs pointes arrivent à peu près au même 
niveau horizontal que les pointes des dents maxillaires. Les 


396 P. WINTREBERT 


dents de remplacement, plus petites, sont placées dans la 
muqueuse à la partie interne des dents fonctionnelles. 

IL est intéressant de constater que chez Les vieux Axolotls les 
plages osseuses dépourvues de dents sont internes par rapport à 
la rangée dentaire, et cela malgré la présence des dents de rem- 
placement de ce même côté de la plage osseuse libre. Cette obser- 
vation est d'autant plus importante à retenir qu'au moment de 
la métamorphose le vomer nouveau se construit par la réunion 
de socles dentaires à son bord interne, tandis que les dents 
tombent en dehors laissant hibre et inoccupé un large trottoir 
osseux du côté du maxillaire 

B. Chez la larve de Salamandre. — Cette larve n’est pas néo- 
ténique : aussi l’évolution de croissance des os de l'arc denté 
interne est-elle poussée moins loin que chez l'Axolotl. Le vomer 
et la palette dentée du ptérygoïde présentent encore, au seuil 
de la métamorphose (fig. 4) plusieurs rangées de dents ; de plus, 
les plages osseuses libres sont fort restreintes, surtout sur Le 
vomer, où elles ne forment encore qu'une marge étroite autour 
des dents centrales, au seuil de la métamorphose. Cependant 


aussitôt que celle-ei a commencé, l'aspect change et O0. Herrwie 


(4874) à nettement vu que les dents tombent du côté externe 
où elles laissent à nu une plaquette osseuse comme le montre 
la figure 6, tandis qu'elles se multiplient en dedans, où elles 
construisent un nouvel os. 


IV. — La disparition de la tige et de la palette dentée 
ptérygo=palatines au début de la métamorphose. 


La désagrégation des régions antérieure et moyenne du pté- 
rygo-palatin (fig. 4) est, avec le remaniement du vomer (Voir V) 
le phénomène le plus né et le plus caractéristique de la 
transformation (fig. 6, 8, 10, 13). La régression osseuse s’effec- 
tue rapidement, Elle . déjà terminée chez Salamandra macu- 
losa (fig. 10), quand les changements externes ne sont encore 
réalisés qu'à moitié. Ses phases sont schématiquement représen- 
tées sur la figure 53, en même temps que les transformations 
des organes voisins. Elle atteint simultanément la palette et la 
tige, qui d'abord se rétrécissent et deviennent plus minces. La 
lamelle interne, dépourvue de dents, est rongée en premier 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 397 


lieu ; ses bords deviennent anfractueux. La partie externe plus 
épaisse, qui porte les dents, résiste davantage, mais les dents 
tombent bientôt et l'aiguille restante du bord externe se délite 
à son tour. La tige moyenne, devenue grèle (fig. 6, 8 et 10) se 
sépare de l'aile ptérygoïdienne et se fragmente souvent en plu- 
sieurs morceaux avant de disparaitre. 

On ne rencontre dans le territoire palatin aucune ébauche de 
dent nouvelle. Leur absence fait contraste avec la présence de 
dents Jeunes à la partie postéro-interne du vomer (fig. 6). Mais 
le vomer étant très voisin, la question se pose de savoir si les 
dents palatines ne passent pas dans la saillie muqueuse vomé- 
rienne, si elles n'y acquièrent pas une nouvelle vigueur pour être 
finalement incorporées au vomer. Il n’en est rien (V. p. 295). 

Les dents vomériennes que l’on trouve au contact de la 
palette ptérÿgo-palatine en régression sont toutes jeunes ; leur 
socle n'est pas encore formé. D'autre part les dents palatines 
tombent hors de la muqueuse avant la disparition de la palette 
elle-même. On ne peut donc considérer en aucune facon qu'il y 
ait reprise par le vomer de débris persistants du palatin. L'idée 
d'une fusion des deux os larvaires pour l'établissement d’un 
voméro-palatin d'une seule pièce, sur lequel on ne pourrait 
plus distinguer exactement les deux parties constituantes, doit 
être abandonnée ; a fortiori doit-on laisser de côté celle d’un 
rapprochement des deux lamelles osseuses dont on pourrait 
chez l'adulte reconnaitre encore la limite, ainsi que l'ont admis 
O. HerrwiG, Wieoersueim et Parker. Rien ne reste du palatin, ni 
même du vomer anciens. En effet, comme nous allons le voir, 
même si les dents palatines se joignaient aux premières dents 
nouvelles de la saillie vomérienne, elles ne formeraient pas 
encore le vomer définitif ; car la plaquette dentée vomérienne 
subit chez la Salamandre, par exemple (comparer la fig. 5 aux 
fig. 15, 19 et 22), en émigrant vers la ligne médiane, un per- 


P 


place définitive, 1l y a longtemps que les dents palatines lar- 


@œ- OQ 


tuel remaniement et avant l’arrivée du bord denté à sa 


vaires comme les dents vomériennes contemporaines du début 
de la métamorphose, auraient disparu. 

Ainsi le vomer de l'adulte est constitué tout entier de maté- 
rlaux nouveaux et le palatin ne prend pas plus de part à sa for- 
mation que n'importe quelle substance nutritive fournie par le 
reste de l'organisme. 


398 P. WINTREBERT 


V. — Le mode d’édification du vomer adulte au cours 
de la métamorphose 


Dans l'étude des processus par lesquels se transforme la 
voûte palatine les résultats les plus intéressants sont fournis par 
l'étude du vomer; car son remaniement est à la fois plus 
étendu et plus facile à suivre que celui du ptérygoïde, isolé 
de sa partie palatine. C'est un os d'origine dentaire (0. Herr- 
wi6, 4874). Par suite de sa position superficielle et de son 
origine, toutes les modifications qu'il présente affectent la 
muqueuse ; celle-ci se gonfle, se tuméfie et marque par une 
saillie la place du remaniement dentaire. La saillie formée est 
bien localisée et correspond exactement au vomer sous-jacent, 
ainsi que le prouvent les dissections. Par la simple ouverture 
de la bouche, pratiquée de jour en jour sur le même animal 
vivant, on peut donc suivre les modifications de lieu et l'ex- 
tension de la saillie muqueuse et connaître ainsi la marche des 
changements qui atteignent la partie dentée du vomer. 

J'ai décrit et figuré chez Sa/amandra maculosa la suite de 
ces changements (fig. 5, 7, 11, 15, 19) et j'ai établi les relations 
de la muqueuse tuméfiée avec les dents qu'elle contient et l'os 
sous-jacent en formation (fig. 6, 8, 10, 12, 16, 20). J'ai procédé 
de même pour Arnblystoma tigrinum; mais je n'ai assisté chez 
cette espèce qu'aux derniers stades de la transformation 
(tig. 40, 41, 42). La figure 53 montre la chronologie des évé- 
nements qui se passent au niveau de la voûte palatine et donne 
les rapports des organes à chaque étape de la métamorphose. 
Voici les résultats auxquels j'ai abouti. Il y a lieu de considé- 
rer dans la formation du vomer deux processus 

1° le déplacement du bord denté et de la plaquette osseuse 
qui résulte de l'union des socles dentaires ; - 

2° l'édification définitive de l'os en tant que pièce osseuse : 
complète possédant à la fois une région dentée et une lame 
dépourvue de dent, lame très étendue qui est le bouclier vomé- 
rien. 

Fait important, ces deux processus ne sont pas simultanés ; 
il se succèdent dans le temps au point qu'ils peuvent marquer 
le moment de la métamorphose. Il y a donc intérêt à prendre 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 399 


Fig. 53. — Diagramme de l’évolution de l’appareil voméro-ptérygo palalin, 
du carré et du cartilage antorbital, au cours de la métamorphose de Sala- 
mandra maculosa, Laur. (Vue ventrale de la voùüte palaline du côté 
droit) : 40 à la fin de la période larvaire (voir la description du n° 4); 
29 au début de la métamorphose (n° 5): 3° au milieu des transforma- 
tions externes (n0 6); 40 à la fin de la métamorphose externe (n° 9); 
)0 après la métamorphose (no 10, forme parfaite jeune). — La ligne 
transversale pointillée marque l'extrémité antérieure du vomer larvaire 
avant la mélamorphose. La ligne pleine transversale postérieure seclionne 
le carré, sur chaque dessin, à distance égale de sa jonction antérieure au 
trabécule crânien : @o, cartilage antorbital : apd, apophyse dentée du 
vomer adulte; ca, cartilage carré ; ch, choane; dn, dent vomérienne de 
nouvelle formation ; ms, maxillaire supérieur ; os, orbito-sphénoïde ; 
pp, ptérygo-palalin ; ps, parasphénoïde ; pt, ptérygoiïde cartilagineux ; 
tr, labécule crânien. 


400 P, WINTREBERT 


chacun d'eux comme phénomène caractéristique d’une étape 
et à diviser la période de transformation en deux parties : 1° /e 
stade de migration du bord denté; 2% le stade d'ossification 
générale définitive. | 

À. Stade de migration du bord denté. — Ce stade est contem- 
porain des changements de rapport qui ont lieu entre le vomer 
et les organes voisins et des phénomènes de remaniement qui 
affectent ceux-ci; il coexiste avec les modifications de: la 
capsule nasale. Il est facile de comprendre que le temps de 
ces remaniements profonds ne peut être pour le vomer qu'une 
période de préparation ; mais le mode de cette préparation est 
tout à fait particulier. En effet, si d’un lot de Salamandres ayant 
commencé au même moment leur transformation on distrait 
chaque jour un spécimen pour suivre la marche des événements, 
on s'aperçoit que la saillie muqueuse, placée d’abord comme 
le vomer de la larve (fig. 3) près de la choane et du bourrelet 
muqueux de l'arc maxillaire, se porte en dedans et s'étend 
progressivement en arrière. On constate sur le bord interne de 
la saillie la présence de dents nombreuses qui montrent leur 
pointe brune et l'on ne remarque de dents en aucun autre 
endroit ; la série des figures 5, 7, 9, 11, 15, 19 permet de suivre 
le déplacement graduel et le changement d’aspect du gonfle- 
ment muqueux. La dissection de la muqueuse permet de dénom- 
brer toutes les dents, les plus jeunes qui ne pointent pas encore 
à la surface et les plus âgées qui sont apparentes à l'extérieur, 
et de noter leur position réciproque ; toujours les premières sont 
situées dans la partie la plus avancée de la saillie muqueuse, 
c'est-à-dire à son côté, interne et postérieur, tandis que les secon- 
des se trouvent vers l'avant et plus près du centre de la tuméfac- 
tion. C’est à ce niveau que l’on découvre la plaquette vomérienne 
constituée par les socles unis des dents les plus développées 
(fig. 6, 8, 10, 12, 16, 20). La migration de la saillie vomérienne 
continue jusqu'à ce que le bord denté soit arrivé à la place qu'il 
occupe chez l'adulte. 

Chez Amblystoma tigrinum, la comparaison des figures 41, À 
et 42, B, avec les figures 29, 31 et 32, montrent le chemim 
parcouru par le foyer muqueux de néoformation dentaire. 

La plaquette vomérienne-croit en dimension dans le sens de 
la migration de la saillie muqueuse, c’est-à-dire sur son côté 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 404 


interne et postérieur, par apposition et soudure de socles den- 
taires nouveaux et se désagrège au même moment sur sa par- 
tie antérieure etexterne par la chute des dents les plus vieilles 
et le délitement de leurs socles unis. Le début de ce processus 
a été vu par O. HerrwiG chez Salamandra maculosa. S'éten- 
dant ainsi d’un côté, diminuant de l’autre, la lamelle vomé- 
rienne est le siège d’un renouvellement constant de matériaux. 
La durée des dents est courte, Le cycle de leur vie est bref ; aussi 
la lamelle osseuse reste-t-elle toujours petite. Elle est particuliè- 
rement étroite chez Amblystoma figrinum (fig. 40, A1, 42). 

On se rend compte aisément que le transport de l'appareil 
vomérien n'est qu'une apparence ; la plaquette osseuse en effet 
n'est jamais la même à des moments différents de la transfor- 
mation et malgré qu’elle puisse garder longtemps des dimen- 
sions et une forme semblables, elle se trouve en réalité, à cha- 
que changement de situation, composée de parties nouvelles. 
Les dents apparaissent isolément, grandissent, s’adjoignent un 
socle de cément, se réunissent entre elles et se soudent à la 
lamelle osseuse en l’allongeant de leur côté ; puis elles dégé- 
nèrent et tombent ; leurs socles se décalcifient et le piédestal 
osseux formé de leur jonction s’'évanouit à son tour ; mais tou- 
tes les modifications successives d'une dent s'effectuent sur place 
et c'est le processus même de foisonnement dentaire qui s'é- 
tend ; plus loin des dents jeunes effectuent un cycle identi- 
que et bâtiront une nouvelle lame osseuse transitoire. Ce qui 
est remarquable, c'est que les dents naissent dans un sens seu- 
lement et justement dans la direction voulue pour l'édification 
future de l’apophyse dentée. En sens opposé on rencontre par- 
fois dans la muqueuse de vieilles dents luxées et l’on constate 
entre la muqueuse et la lame aponévrotique sous-jacente, et 
semble-t-il dans l'épaisseur même de celle-ci, de petits débris 
osseux, grains, paillettes, petits fragments de lamelle, qui 
paraissent provenir de la désagrégation de la plaquette vomé- 
rienne (fig. 40 B et D, fig. 42 B). 

La topographie des éléments qui composent l'appareil vomé- 
rien en transformation peut s'établir ainsi (fig. 20). Dans la 
saillie muqueuse (b) dont les limites sont marquées par un poin- 
tillé on peut définir plusieurs régions ; sa partie postérieure, la 
plus étroite, la dernière née, ne montre encore à la dissection 


402 P. WINTREBERT 


aucune trace de dents ; son extrémité même n'est qu'un bour- 
souflement superficiel sans aucune participation du tissu sous- 
muqueux ; mais en avant on remarque l'apparition d’un sou- 
bassement fibreux (#1) qui s'étend, au delà, à tout Le territoire 
de néoformation dentaire. Les dents naissent un peu plus avant 
que l'extrémité postérieure de cette membrane fibreuse ; elles 
sont placées particulièrement sur le bord interne du gonflement 
muqueux (fig. 19) et croissent en hauteur à mesure qu’on se rap- 
proche de sa base antérieure où se trouve la plaquette vomé- 
rienne. Celle-ci qui résulte de leur fusion comprend elle-même 
deux territoires, l’un interne, dentaire, où les dents peuvent être 
implantées sur 2 et 3 rangées, l’autre externe, dépourvu de 
dents, siège d'une régression qui découpe ses bords (fig. 20 B) 
et le perce de trous (fig. 10 et 20 B). On voit parfois assez net- 
tement sur la région qui avoisine les dents en place, la trace 
des dents tombées ; Les bases de leurs socles restent visibles 
sous l'aspect de petites cuvettes cratériformes à bords sur- 
élevés (fig. 16). 

En raison de la marche très régulière des processus de 
foisonnement dentaire dans un sens connu et déterminé il 
est possible d'apprécier, chez un animal donné, à quelle phase 
du stade de « migration du bord denté » il est parvenu ; il suf- 
fit de connaitre l'endroit du vomer larvaire et la place que doit 
occuper l'apophyse dentée de l’adulte pour mesurer à peu près 
exactement, grâce au trajet déjà parcouru et le chemin qui 
reste à parcourir, le degré de transformation auquel la voûte 
palatine est arrivée. 

Si l’on cherche à établir une correspondance chronologique 
entre les phénomènes de remaniement vomérien et les phéno- 
mènes extérieurs, on voit que l'animal a pris la parure adulte 
avant que Le stade de « migration » soit terminé: ainsi la figure 14 
indique qne Salamandra maculosa n° 8, à part la persistance de 
résidus branchiaux, présente un aspect terrestre, caractérisé par 
l'éclat des taches jaunes et les saillies glanduleuses de la peau, 
alors que la voûte palatine (fig. 15) n’est encore qu'à moitié 
de sa transformation; quand les branchies ne sont plus qu'à 
l’état de petits moignons, l'extrémité des saillies vomériennes 
n'a pas encore atteint en arrière sa place définitive (fig. 18 et 
19). Le retard de la transformation vomérienne sur le change- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 403 


ment de l'habitus extérieur est encore bien plus prononcé chez 
Amblystoma ligrinum, comme le montre la figure 42, où 
l'on voit (A) l'opercule branchial fermé, les branchies dis- 
parues, alors que le gonflement muqueux n’a pas atteint 
sa position transversale définitive et qu'il ne contient encore 
qu'une lamelle osseuse extrêmement exiguë. On peut donc assu- 
rer que la fin du stade de «€ migration vomérienne » est posté- 
rieure à la fin de Ia métamorphose externe. 

La régularité avec laquelle recule le bord denté, en corres- 
pondance avec les phénomènes de transformation externe et 
l'état général de l'animal est mise en valeur par son arrêt en 
cours de route chez les Amblystomes remis à l’eau à la fin de 
la métamorphose externe et chez qui, par ce procédé, on a fait 
cesser les processus de métamorphose (fig. 41 et 45). 

B. Stade dossification définitive. — Après que Les changements 
externes se sont accomplis, le vomer, dont le bord denté est 
arrivé à sa place définitive, n'est encore constitué que par la 
réunion de quelques socles dentaires (fig. 40, 41, 42); mais 
dans toute la région où il va s’édifier, on remarque la présence 
d’une membrane fibreuse épaisse, parsemée de grains osseux 
au voisinage de la plaquette dentaire, dont les contours indécis 
marquent à peu près l'étendue du bouclier vomérien (fig. A1, 
42). Très rapidement, alors que les remaniements des organes 
sous-Jacents sont terminés, cette membrane se précise et s'ossifie 
en même temps que le bord denté se complète et se consolide 
(n° 10, fig. 22). Je n'ai malheureusement pu suivre cette phase 
aussi complètement que le stade de migration: je puis seule- 
ment affirmer qu'elle est très rapide ; car la jeune salamandre 
terrestre (n° 10, fig. 22, 25) qui montre définitivement cons- 
titué le bouclier vomérien, n’est pas beaucoup plus longue 
(70 millimètres) que la larve n° 9/62 millimètres) en cours de 
métamorphose, dont le vomer est encore au stade de migra- 
tion (fig. 19 et 20 A). 

Mais ce qui ressort sans conteste de cette étude c'est que 
l'origine du vomer adulte n’est pas la même que celle du vomer 
larvaire ; celui-ci ne dérive que d'une formation dentaire ; /e 
premier provient à la fois d'une néoformation dentaire et d'une 
ossificalion membraneuse; en effet, à aucun moment, on ne 
voit de dent ébauchée sur tout le territoire du bouclier vomé- 


27 


40% P. WINTREBERT 


rien ; toute la région du foisonnement dentaire est reléguée à 
la partie postérieure de la plaquette vomérienne et l’on ne ren- 
contre à sa partie antérieure que des débris osseux résultant 
de sa désagrégation. 

IL est aussi fort intéressant de noter, au point de vue de la 
marche générale des événements, que l'établissement des lon- 
gues apophyses dentées de S'alamandra maculosa (fig. 22 et 23) 
ne procède pas d'ébauches disjointes et multiples, disséminées 
sur le trajet de l'organe, et qui en grandissant simultanément 
deviendraientconfluentes, mais résulte de l'extension de proche 
en proche, dans un sens déterminé, d’un foyer de néoformation 
dentaire, comme si la présence d'un tissu osseux, déjà constitué 
dans le voisinage, était nécessaire à l'élaboration d'une dent 
nouvelle. ; 

Le déplacement si curieux du foyer d'activité dentaire est 
très spécial. On ne peut guère le comparer à l'extension d'une 
ébauche ou d'un bourgeon ; car ceux-ci s'étendent en conser- 
vant une attache avec leur base, d’où ils reçoivent leurs éléments 
constitutifs et les matériaux qui servent à leur croissance. 
Ici, au contraire, nous trouvons au sein d’un même territoire, 
d'un côté la vie, l’organisation, le développement intensif, de 
l’autre, la régression, la mort, la dissémination des fragments 
de destruction et leur reprise partielle par l'organisme. Cepen- 
dant, à la réflexion, il n'y a rien dans ces processus différents 
et simultanés qui soit plus surprenant que l'intrication côte à 
côte dans un organe, au cours de la métamorphose, d'éléments 
qui croissent et d'éléments qui disparaissent. La particularité 
la plus digne de remarque au niveau du vomer, pendant la 
phase de migration du bord denté, parait consister dans la 
localisation stricte, au même moment, des phénomènes d’histo- 
genèse et des phénomènes d’histolyse en des points opposés de 
l'os et dans la succession, dans le temps, des deux processus au 
même endroit. 

Mais c'est aussi parce que le vomer est une pièce osseuse 
superficielle et mince, dont le bord denté est issu d’un fover 
muqueux de néoformation dentaire apparent à l'extérieur, que 
l’on peut déceler sur lui, avec autant de facilité et de précision, 
les modes de sa transformation. 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 405 


VI. — La formation du ptérÿygoidé osseux définitif. 


La figure 53 indique le moment et le mode des transforma- 
tions du ptérygoïde osseux dans leur rapport avec les autres 
modifications de la voûte palatine. 

Après la disparition de sa palette dentée et de sa tige moyenne 
(voir ch. IV) le ptérygo-palatin larvaire, réduit à l'aile ptéry- 
goïdienne, subit un remaniement inportant; pourtant ce rema- 
niement est moins prononcé que celui du vomer et surtout il 
ne se traduit à l'extérieur par aucun phénomène. Aucune 
saillie muqueuse ne l'accompagne et il faut comparer attentive- 
ment les aspects de l'os aux divers moments de la vie larvaire 
de la métamorphose et de adulte, pour apprécier Les change- 
ments dont il est le siège. Il n'est pas d'origine dentaire, mais 
tout entier construit par une ossification membraneuse directe 
(O. Hgrrwie, 14874). On constate cependant, comme pour le 
vomer, qu'il existe deux stades distincts dans sa transformation : 
1° un stade de préparalion pendant lequel l'os régresse et 
s'amincit et 2 un stade d'achèvement ou d'ossification défini- 
tive pendant lequel Ia forme nouvelle de los est établie. Mais 
tandis que le vomer manifeste extérieurement dans la première 
phase une activité de renouvellement très intense, par la pro- 
gression régulière et ordonnée de sa plaquette dentée, Le ptéry- 
goïde ne présente guère à ce moment, au point de vue macros- 
copique du moins, que de légères modifications de l'aspect 
et des proportions de ses différentes parties. [Il en est tout 
autrement si, au lieu de considérer le ptérygoïde en luismême 
isolé de l'organisme, on envisage le déplacement du ptéry- 
goïde par rapport aux organes de la voüte palatine. En effet 
il est inséré par sa base postérieure sur la face ventrale du 
quadratum (fig. 8) et l'extrémité distale de celui-ci se porte 
en arrière dès le début de la métamorphose. Les ptérygoïdes, 
tant osseux que cartilagineux du même côté, prennent donc 
ensemble, et de concert avec lui, une nouvelle orientation. 
L'extrémité antérieure du ptérygoïde osseux, tournée en dedans 
chez la larve (fig. 2, 4, 29 à 32), se porte en dehors. Ce fait, 
déjà connu, ressort clairement de lexamen des préparations, 
de Salamandra maculosa (fig. 8,10). Déjà, pendant la disparition 


406 P. WINTREBERT 


des régions antérieure et moyenne du ptérygo-palatin larvaire, 
disparition très précoce, on peut surprendre le recul simul- 
tané des extrémités distales du carré et des ptérygoïdes ; cha- 
cune de leurs parties tourne autour de l’attache, devenue 
mobile du quadratum au crâne, suivant un segment de cercle 
qui à comme rayon la distance qui la sépare de cette attache. 
Seulement, le quadratum est à l’état larvaire presque transver- 
sal, tandis que l'angle antérieur du ptérygoïde osseux est dirigé 
en dedans ; aussi la surface articulaire du carré se dirige-t-elle 
en arrière, tandis que l'extrémité antérieure du ptérygoïde 
commence par se dévier en dehors. Le déplacement est si 
précoce qu’il semble débuter avant même que la tige 
osseuse ptérygoïdienne ne soit rompue (fig. 6) et l’on peut se 
demander jusqu'à quel point la rotation en dehors et en 
arrière de l'aile ptérygoïdienne n’est pas en cause dans la 
rupture de cette tige, rendue fragile par la régression (comparer 
les fig. 4 et 6). Ce qui donne à cette opinion quelque vraisem- 
blance, c'est la position presque transversale que prennent cer- 
tains fragments antérieurs isolés, disposés comme s'ils résul- 
taient du bris d'une courbure saillante en dehors ; mais il est 
plus probable que cette orientation des fragments est consécu- 
tive à la fragmentation; car, sous l'os de membrane décalcifié, 
reste la membrane et celle-ci demeurant encore quelque temps 
en rapport avec l'aile ptérygoïdienne, peut entrainer en dehors 
les morceaux épars. 

La pointe antérieure du ptérygoïde et la plaquette vomé- 
rienne émigrent en sens inverse, l’une en dehors, l’autre en 
dedans (fig. 10) ; l'intervalle qui les sépare augmente de plus 
en plus. 

Pendant ce temps, l'aile ptérygoïdienne subit dans sa sub- 
stance quelques légers changements ; elle s’amineit ; ses bords 
deviennent crénelés, sa pointe irrégulière. En dedans du ptéry- 
coide cartilagineux, et surtout au niveau de l’attache de celui-ci 
sur le carré, on remarque un léger recourbement vers le haut 
du bord interne de l'os qui tend à entourer ou du moins à épau- 
ler le cartilage du côté de la ligne médiane (fig. 13). 

Les rapports entre Les extrémités antérieures des ptérygoïdes 
osseux et cartilagineux sont intéressants à noter parce qu'ils 
montrent le moment où commence le changement propre 


LA VOUTR PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 407 


d'orientation de la pièce osseuse. À plus de moitié de la méta- 
morphose externe la pointe du ptérygoïde osseux est encore 
en dedans de l'extrémité du ptérygoide cartilagineux (fig. 13). 
Vers la fin des changements de la parure, la pointe osseuse, 
régularisée dans sa forme, passe en dehors de celle-ci (fig. 17). 
Cependant même à ce moment l'aspect général de los n’est 
guère modifié (fig. 21); il a conservé sa forme triangulaire ; il 
est un peu moins plat et ébauche une légère concavité de sa 
face dorsale ; son bord interne épaissi monte en dedans de la 
base du ptérygoïde cartilagineux ; voilà à quoi se réduisent ses 
changements chez Sa/amandra maculosa à la fin du «stade de 
préparation ». La larve d’Amblystoma tigrinum qui reste à 
l’état d’Axolotl présente à un âge un peu avancé quelques-unes 
de ces modifications, ce qui tendrait à démontrer qu'elles ne 
sont pas essentiellement d’origine métabolique ; ainsi le ptéry- 
goïde vieux acquiert un bord interne plus épais, qui se relève le 
long du ptérygoïde cartilagineux ; celui-ci s'imprime sur la face 
dorsale de l'os dans une gouttière peu profonde (fig. 32, 36, 37) 
et, d'autre part, le bord externe aminci peut présenter des phé- 
nomènes de régression (fig. 31, 32). Mais au cours de la méta- 
morphose, après la fin des changements externes,, quand les 
branchies sont déjà recouvertes par l’opercule et que toute com- 
munication cervicale du pharynx avec l'extérieur a disparu 
(fig. 41 D et 42 D), on trouve les ptérygoïdes osseux très amin- 
cis, décalcifiés, et déjà profondément modifiés. Malgré qu'à 
cette époque le vomer ne soit encore qu'une petite plaquette 
dentée (fig. 41 À, C; 42, B), nous observons que commence, 
pour les ptérygoïdes, la seconde période de la transformation : 
le stade d'achèvement ou d’ossification définitive. 

Il est probable sans que je puisse l’affirmer que ce deuxième 
stade est préparé par l’organisation d'uné membrane fibreuse 
aux lieu et place où se produira l'ossification ultérieure ; en 
tout cas celle-ci ne se fait que lorsque Les organes voisins ont 
accompli leur remaniement et en particulier quand le quadra- 
tum a terminé son transport en arrière. Les changements sont 
particulièrement apparents chez Amblystoma tigrinum: ils ont 
été décrits à propos du n° 24 (p. 363); on peut les apprécier 
rapidement par la comparaison des figures 41 D et 42 D avec 


les figures 46, 47 et 49. Après la période des transformations 


408 P, WINTREBERT 


externes, au début de l'ossification nouvelle des ptérygoides, 
l'ouverture entre Les branches antérieure et postérieure corres- 
pond à un angle de 110° environ; cette ouverture n’est plus 
que de 80° chez l'Amblystome parfait. Le décroisement des 
extrémités antérieures des ptérygoïdes osseux et cartilagineux 
et leur orientation parallèle vers Le maxillaire est aussi l’un des 
signes les plus caractéristiques du remaniement ptérygoï- 
dien ; la branche postérieure du ptérygoïde pouvant être con- 
sidérée comme fixe à cause de son attache au quadratum, on 
devait supposer que la diminution d'ouverture du compas pté- 
rygoïdien résultait du seul déplacement de la branche anté- 
rieure ; le décroisement des extrémités vient prouver le bien 
fondé de cette opinion (fig. 53). 

Nous trouvons donc dans les phénomènes observés pendant 
la métamorphose sur le ptérygoïde la confirmation des faits 
constatés sur le vomer, et il parait justifié de concevoir que le 
remaniement de ces os superficiels s’accomplit en deux temps : 
1° l’un de préparation, correspondant à la transformation des 
organes voisins, où le bord denté du vomer émigre à sa place 
définitive, où le ptérygoïde transporté passivement s’aminceit et 
régresse, 2 l’autre d'achèvement, caractérisé par l'ossification 
directe d'une membrane fibreuse sous-muqueuse, qui a pris au 
préalable les dimensions et la forme de los définitif. 


VII -- La conformation des dents et le mécanisme de leur 
chute pendant la métamorphose. 


À. La formation des dents vomériennes a été étudiée au point 
de vue macroscopique chez Amblystoma ligrinum pendant le 
stade de « migration du bord denté ». La distribution de la 
substance osseuse le long de la dent paraît intéressante à noter. 
Aucune des dents formées, chez les trois Axolotls (n°22, 23, 24) 
parvenus à la fin de la métamorphose externe, n'est complète- 
ment ossifiée ; toutes, même celles qui par la réunion de leurs 
socles forment une petite plaquette osseuse (fig. 40 B; 41 B, 
42 CO) ont la partie supérieure du socle fibreuse ; toutes sont flexi- 
bles à mi-hauteur et peuvent être pliées par une pression por- 
tée sur la pointe. Les plaquettes ne sont donc constituées que 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 409 


par la jonction des bases osseuses ; du reste, elles sont extrè- 
mement minces et étroites et ne comprennent qu'un petit nom- 
bre de dents généralement alignées sur une seule rangée trans- 
versale. En avant des plaquettes, les dents, déjà vieilles, tombent ; 
en arrière, les dents naissent et grandissent, mais sont encore 
isolées les unes des autres ; leur socle est presque complè- 
tement fibreux et leur base, à peine ossifiée, ne s'étale pas 
encore pour se joindre à la base des dents voisines. D'autre 
part, le cône de dentine et d’émail est toujours la première 
partie et parfois la seule développée. Dans ces conditions, 
il semble légitime de penser que les dénts implantées sur 
les plaquettes sont encore en état de croissance ou seu- 
lement au maximum de leur ossification et l’on doit considérer 
que chacune des régions ossifiées, cône de dentine et d'émail 
d’une part, base osseuse du socle d'autre part, non seule- 
ment dérive d'un centre d'ossification distinct, mais que l'ossi- 
fication de la partie haute du cément se produit à partir du 
bas et en dernier lieu, et que la formation de tissu ossifié 
subit un temps d'arrêt pendant le développement de la partie 
supérieure du socle. On voit même des dents situées en 
dedans de la plaquette osseuse et presqu'au même niveau 
transversal qu'elle (fig. 40, B et C) qui sont dépourvues de toute 
ossification du socle et s'implantent directement sur la mem- 
brane fibreuse : celle-ci sertit leur base, et l’enclave dans une 
sorte de petite alvéole (fig. 40, C). 

On est donc endroit de se demander si l'ossification des socles 
qui commence par la base n'aurait pas pour origine une ossifi- 
cation membraneuse directe. À cette question, la réponse est 
négative. Il est avéré par l'étude du n° 19 (fig. 42, C) que l’ossi- 
fication de la base des dents implantées sur la membrane 
fibreuse reste exclusivement limitée à la région dentaire elle- 
même et qu'elle ne s'étend pas à la membrane de soutien et, 
d'autre part, on rencontre des dents isolées qui sont déjà 
munies d'une base osseuse, On aboutit donc à cette conclusion 
que tout le tissu osseux construit au cours de la première 
période de remaniement ou de préparation, c’est-à-dire pendant 
le stade de la « migration du bord denté » est bien d'origine 
exclusivement dentaire. La dent n’est pas d’une seule venue 
au point de vue de l'ossification ; mais il est indéniable que la 


410 P. WINTREBERT 


caleification de sa base, malgré l’interposition entre celle-ci et 
le cône de dentine d’une partie uniquement fibreuse, Jui appar- 
tient en propre. L'ossification de la membrane fibreuse placée 
au-dessous des dents est un phénomène ultérieur surajouté. 

O. Henrwie (4874) à signalé chez Rana, Salamandra, Tri- 
ton, une zone fibreuse de séparation, très étroite, entre la 
couronne et le socle de cément ; mais ilindique qu’elle n'existe 
pas chez l’Axolotl. Les dents en train de se résorber qu'il a 
examinées (PI. V, fig. 2 et 3, p. 114) se décalcifient par la base 
en laissant intacte la plaquette osseuse sous-jacente. 

B. Le mécanisme de la chute des dents est facile à saisir. Les 
dents âgées ont une pointe saillante au-dessus de la muqueuse, 
exposée aux chocs et à la pression des aliments ; quand elles 
sont réunies aux dents voisines, implantées sur un piédestal 
osseux, encroûtées de calcaire sur une partie de leur hauteur, 
(ig. 42, C) les chocs les courbent sans les déraciner ; mais si les 
socles sont presque entièrement décalcifiés, les dents devenues 
indépendantes de leurs voisines, isolées dans leur implantation 
sur l'os auquel elles ne tiennent plus que par leur fond, sont 
luxées au moindre heurt. L'ablation, même prudente, de la 
muqueuse au moment de la dissection arrache toujours de la 
plaquette une certaine quantité de dents âgées ; elles se rom- 
pent au bas de leur socle fibreux, en laissant sur l'os un léger 
rebord arrondi (fig. 16). 

Le phénomène de la persistance de la plaquette osseuse, 
sous-jacente aux dents tombées, suggère encore, malgré le tra- 
vail d'O. HerrwiG (1874) l’idée d’une indépendance originelle 
entre la dent et son piédestal, mais la question qui pourrait 
être reprise utilement dans le sens des rapports étroits qui 
lient les états anatomiques et biologiques ne peut être résolue 
que par des recherches histologiques. 

Dans la régression osseuse provoquée chez les larves par la 
maladie ou la privation de nourriture, les phénomènes de décal- 
cification réduisent la dent fonctionnelle à un état semblable à 
celui des dents formées dans la première période de la méta- 
morphose (n° 17 à 21); mais dans ces cas l’intercalation d'une 
partie fibreuse décalcifiée entre deux régions osseuses est 
secondaire. L'intérêt des observations faites à l’époque de la 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ #11 
transformation est de montrer que cette conformation des dents 
peut être primitive. 


VIII. — La disparition de l'autostylie à l'époque de la 
métamorphose et chez le jeune animal parfait. 


Le problème de l’autostylie des Urodèles n'est abordé ici 
que d’une manière incidente et mériterait des recherches plus 
complètes. J'apporte seulement quelques indications. Elles ten- 
dent à démontrer que l’autostylie larvaire, au sens d’une conti- 
nuité de substance cartilagineuse entre le suspenseur et le crâne, 
cesse d’exister au moment de la métamorphose. La mobilité 
dont fait preuve le quadratum à sa base est en rapport avec le 
recul de sa partie distale; elle explique comment celle-ci se 
déplace suivant un are dé cercle dontle rayon est constitué par la 
tige même du suspenseur. Déjà Srônr (4879) avait montré chez 
Triton cristatus que l’attache au crâne du pilier otique subis- 
sait une fonte au moment de la transformation ; mais Gaupp 
(14906) affirme que le processus basal reste uni à la base du 
crâne. Les observations que j'ai faites sur Salamandra (n° 10) 
et Amblystoma tigrinum (n° 22, 23, 2%) prouvent au contraire 
que le pilier basilaire présente une fente articulaire entre les os 
ptérygoïde et parasphénoïde. Chez la jeune Salamandre n° 10 
le carré jouit encore d'une mobilité très nette, comme au 
moment de la métamorphose. 

Cette mobilité est transitoire ; elle n'existe plus chez la Sala- 
mandre adulte (n° 11). La fixation nouvelle du suspenseur tient 
essentiellement à l’adossement et à la superposition des os de 
revêtement qui entourent son attache au crâne. [s'agit done 1ci 
d'une autostylie osseuse secondaire. Les mêmes constatations ont 
été faites chez Amblystoma tigrinum (n% 27 et 28) et chez 
Amblystoma opacum (n° 29). Il y a lieu de désigner par 
des termes différents l'autostylie vraie primitive et l'autostylie 
secondaire et je me rallie à l’idée de Grecory (1904) et de 
Kerr Granam (1908) qui proposent de donner le nom de pro- 
tostylie à la première, 


412 P. WINTREBERT 


IX. — La signification phylogénique de l'appareil denté 
pterygo-palatin. 


L'appareil ptérygo-palatin considéré dans son ensemble est 
constitué par plusieurs éléments, une pièce osseuse, une tige car- 
tilagineuse, un substratum fibreux (Voir fig. 33 et 34), et si l’on 
veut comprendre sa valeur au point de vue phylétique il importe 
de rassembler toutes les données que fournit l'étude de ses par- 
ties constituantes. Wiepensaeim et Parker(1877) ont entrepris, les 
premiers, l'étude systématique de la tête des Urodèles, mais ils 
se sont attachés surtout à la description du squelette cartilagi- 
neux et osseux et ont mis au second plan l'étude de l'élément 
fibreux. Il est cependant facile de montrer l'importance des 
ligaments dans la comparaison des squelettes craniens des Ver- 
tébrés mférieurs ; Le plus grand nombre des os est d’origine mem- 
braneuse : un territoire osseux décalcifié devient un ligament 
résistant, malléable et souple, et, d'autre part, des ligaments 
en s'ossifiant peuvent devenir rigides et constituer de solides 
points d'appui. Si l'on juge de ce point de vue la tête des Uro- 
dèles, on s'aperçoit qu'elle est beaucoup moins différente de 
celle des autres Amphibiens qu'elle nelle parait quand on fait 
abstraction de l'élément fibreux : en effet, les ligaments qua- 
drato-maxillaires très puissants qui encadrent le débouché infé- 
rieur de la loge temporale tiennent lieu des quadrato-jugaux et 
des ptérygoïdes des Anoures et des Stégogéphales, Et d’au- 
tre part, il ne semble pas légitime de considérer que l'absence 
des os représentés par ces ligaments dans la tête des Urodèles 
prouve un état de dégénérescence de celle-ci vis-à-vis de celle 
des Stégocéphales (Moon, Watson) ; un examen plus complet 
démontre qu'elle est seulement bâtie sur un autre plan (Winrre- 
BeRT, 1910); en effet à la diminution de résistance des massifs 
latéraux correspond une augmentation compensatrice de soli- 
dité de la partie centrale et plus particulièrement du parasphé- 
noïde, pour laquelle on ne peut parler de régression ; et si l'on 
veut quand même faire dériver les Urodèles des Branchiosau- 
riens on est obligé d'admettre une transformation tout à fait 
insolite du crâne de ces derniers. Ainsi par la seule étude 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 413 


de l'architecture eranienne générale on est conduit à penser 
que les Urodèles ne peuvent provenir des Stégocéphales. 

Mais l'étude de l'appareil ptérygo-palatin larvaire des Uro- 
dèles permet d'aller plus loin et d'affirmer qu'ils ont des carac- 
tères primitifs qui manquent aux Protritons. [Is possèdent en 
effet dans cet appareil larvaire un rappel de la région palatine 
du palato-carré des Poissons. Les deux formations sont orien- 
tées d'une facon semblable, en avant et en dedans, vers la 
région ethmoïdale médiane. Sans doute l'arc denté interne 
ptérygo-palatin est représenté surtout par une pièce osseuse, 
d'origine à la fois dentaire et membraneuse, et elle n’est pas 
soutenue par un substratum cartilagineux complet; mais ne 
doit-on pas penser que le développement précoce du squelette 
osseux à déterminé ici, comme chez les Dipneustes (Lepidosi- 
ren, Protopterus), la réduction du squelette cartilagineux ? 

J'ai suivi pas à pas aux différents âges larvaires chez Ambly- 
stoma tigrinum (Noir ch. I) le développement et fa croissance 
de l'are denté osseux ; je n'v reviendrai pas; mais Je résume- 
rai l'évolution du ptérygoiïde cartilagineux et de l'élément 
fibreux ptérygoïdien. à | 


l. — Le ptérygoïide cartilagineux. 


A. Chez la larve. — Le ptérygoïde cartilagineux né tardive- 
ment, bien après le développement du ptérygo palatin osseux 
(fig. 28 et 30), comme une excroissance de la partie interne du 
cartilage carré, s'applique immédiatement à la face dorsale de 
l'aile ptérygoïdienne (fig. 30) ; il y est placé près son bord interne 
et pendant la plus grande partie de la vie larvaire chez Salaman- 
dra (fig. 4 et 6), se dirige en avant sous l'aspect d'une tige 
digitiforme, située à distance du trabécule cranien, mais presque 
parallèle à lui. Chez l'Axolotl, pendant longtemps il conserve 
la même direction vers l'avant (fig. 30,31), mais chez les larves 
âgées (fig. 32), arrivé sur La face dorsale du ptérygoïde osseux 
au milieu de sa longueur, il se coude brusquement en dehors, 
croise la tige ptérygoïdienne et s'oriente vers le maxillaire (fig. 
34 et 53). Celui-ci se développe aussi tardivement (fig. 26, 27, 
28); mais quand se produit le changement d'orientation de la 
tige cartilagineuse, il est déjà bien développé (fig. 31, 32). Ue 


414 P. WINTREBERT 


changement brusque de direction a déjà été nettement signalé 
et figuré chez quelques espèces (WixsLow, 1898. PI. IT, fig. 9 
et 20) mais on ne s’est pas préoccupé de chercher sa cause et 
sa signification. 

Les dissections du ptérygoïde cartilagineux montrent qu'il 
est inclus dans une gaine fibreuse émanée de la paroi interne 
de la loge temporale, contre laquelle il est comprimé à sa nais- 
sance par le ptérygoïde osseux. Dans sa croissance tardive, il 
trouve devant lui, sur son chemin, des structures déjà réalisées 
qui lui font obstacle et qu'il ne peut vaincre. Il chemine 
d'abord en avant. jusqu’à la partie antérieure de la loge tem- 
porale, libre dans la gaine fibreuse qui l'entoure ; mais à cet 
endroit il est arrêté par le fascia prétemporal qui sépare cette 
loge de la région orbitaire. Il ne pénètre pas dans celle-ci, 
mais dévié en dehors il suit vers le maxillaire la cloison apo- 
névrotique interorbito-temporale A l'endroit de sa rencontre 
avec celle-ci on observe souvent la formation d’un renflement, 
d'un bouton (fig. 33, 39), comme si le ptérygoïde, empêché de 
continuer sa marche en avant, se développait sur place en lar- 
geur et en épaisseur; parfois le globule cartilagineux marque 
en effet l'extrémité de la tige (fig. 33); d’autres fois, celle-ei 
après s être renflée pousse un prolongement (fig. 39); mais ce 
prolongement est alors nettement dirigé en dehors. La plupart 
du temps les tiges cartilagineuses, sans changer de diamètre, 
s’orientent franchement et d'emblée versla pointe du maxillaire 
(fig. 32, 34). 

L'extrémité du ptérygoïde cartilagineux est généralement 
libre au milieu des trousseaux fibreux qui l'entourent, ainsi que 
l'a montré Wieversaem ; et il n’est pas rare, en incisant la 
gaine tout le long de la tige, de voir que celle-ci s'énuelée 
d'elle-même de son enveloppe. Dans cette manière indépen- 
dante de se comporter vis-à-vis des tissus qu'elle trouve sur son 
passage le ptérygoïde cartilagineux se rapproche beaucoup du 
cartilage antéorbital, qu'on s'étonne aussi de trouver sans 
aucune adhérence dans les tissus fibreux où il est plongé. 

Mais cette indépendance n'est pas toujours complète et le 
ptérygoïde cartilagineux, en certains points de son parcours, 
contracte des connexions fibreuses avec les organes avoisinants. 
À vrai dire, le résultat des investigations ne porte pas à penser 


Or 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 41 


que ces connexions sont essentielles, ni même normales, mais 
plutôt qu'elles sont formées par des adhérences éventuelles de 
la tige avec les faisceaux fibreux de la gaine ; en effet, c'est sur- 
tout aux endroits où celle-ci change de direction, etsur les ren- 
flements de son trajet, que l’on observe des insertions liga- 
menteuses et l'on doit penser que ces dernières sont produites 
par irvitation au moment d'un stationnement prolongé du 
ptérygoïde devant un obstacle. 

Cette interprétation s’appuye sur des faits nombreux récol- 
tés chez l'Axolotl. C'est ainsi que des faisceaux fibreux partent 
généralement de la partie interne de la tige près de son coude 
vers le maxillaire (fig. 34, 39) et se rendent à la base du car- 
tilage antorbital et au plancher nasal en passant au-dessus de 
la palette dentée ptérygo-palatime et du vomer ; ces faisceaux 
fibreux sont simplement des fibres ligamenteuses quadrato- 
ethmoïdales (fig. 31 et 32) qui ont pris relai sur la tige ptéry- 
goïdienne : les mêmes connexions internes existent, peut-être 
plus solides encore, lorsque le ptérygoïde se termine par un 
bouton derrière le fascia prétemporal (fig. 33). 

Quand l'extrémité de la tige déviée en dehors arrive 
au-dessus du ligament quadrato-maxillaire interne (fig. 34, 39) 
au milieu des trousseaux fibreux qui contournent en avant la 
loge temporale, elle adhère encore à quelques-uns des fais- 
ceaux qui passent sur la face externe de la loge; mais, même 
quand elle se condense en bouton devant le fascia prétempo- 
ral (fig. 33), elle s'attache aux fibres de la paroi temporale anté- 
rieure et semble être ainsi le point de départ d'une bande 
fibreuse qui va rejoindre le ligament quadrato-maxillaire 
externe (gme). Ainsi nous constatons que le ptérygoïde carti- 
lagineux, au cours de la vie larvaire, peut s'unir éventuelle- 
ment : {° aux fibres qui forment le substratum fibreux sous- 
jacent aux pièces osseuses de l’arc denté interne ; 2° aux fibres 
antérieures de la loge temporale qui se dirigent en dehors vers 
le ligament quadrato-maxillaire externe. 

B. Au cours de la métamorphose le ptérygoïde cartilagineux 
présente une croissance très vive. Nous allons résumer son 
évolution chez Amblystoma tigrinum, chez Salamandra macu- 
losa et chez Amblystoma opacum. 

19 Amblystoma tigrinum. A la fin de la métamorphose 


416 P, WINTREBERT 


externe, l'extrémité de la tige cartilagineuse se trouve très rap- 
prochée de la pointe du maxillaire (fig. 43); elle envoie deux 
petits faisceaux fibreux ; l’antérieur se porte à la face interne 
du maxillaire et n’est probablement que l’un des faisceaux du 
ligament quadrato-maxillaire interne (gmi) adhérent à la tige ; 
l’autre qui ne représente vraisemblablement aussi qu'une atta- 
che secondaire, contourne en avant la loge temporale et rejoint 
le ligament quadrato-maxillaire externe. Chez l'adulte parfait 
on ne trouvé pas le ptérygoïde cartilagineux développé plus 
avant (fig. 46). On voit ainsi que si sa croissance est rapide 
dans la première phase de Ia métamorphose, elle reste limitée 
à cette période où s'effectuent les remaniements profonds de 
la tête et où les cartilages craniens en général (capsule nasale, 
cartilage antorbital, ptérygoïde, carré) montrent une grande 
activité de développement. | 

20 Salamandra maculosa. — Les liens fibreux que nous venons 
de reconnaître à l'extrémité du ptérygoïde chez A. figrinum 
nous montrent Les deux voies par lesquelles latige cartilagineuse 
peut se frayer un chemin à la fin de sa croissance : la voie 
juxtamaxillaire et la voie circumtemporale. La première voie 
est connue depuis les travaux de Wiepersaein (1877) ; c'est la 
seule qu'il ait indiquée et tous les auteurs ont adopté sa 
manière de voir. Pour lui, le ptérygoïde, plus où moins déve- 
loppé, plus ou moins long, tend toujours à rejoindre, à la face 
interne du maxillaire, le cartilage antorbital, comme il le fait 
chez Ranodon (PI. XXII, fig. 69 et 70) et à constituer avec lui 
une arcade cartilagineuse complète. C’est la voie suivie par le 
ptérygoïde d’'Amblystoma punclatum, comme nous le verrons 
plus loin, mais la tige cartilagineuse de Sa/amandra maculosa 
prend la voie circumtemporale. Le diagramme de la figure 53 
résume les phases successives de son évolution àu cours de la 
métamorphose (p. 399). | 

Sortie de la gouttière du ptérygoïde osseux (fig. 24) elle se 
dirige d’abord en avant, appliquée contre la paroi interne de la 
loge temporale et placée parallèlement au-dessus de la corde 
quadrato-maxillaire interne ; arrivée au devant de cette loge, 
elle bute contre le fascia prétemporal tendu derrière la loge 
orbitaire (/0), mais qui présente à ce niveau une courbure con- 
cave en arrière et un trajet récurrent vers la pointe maxillaire, 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDAÆ 417 


En effet le maxillaire s’est beaucoup allongé et la partie anté- 
rieure de la loge temporale, avec le recessus cutané qu’elle con- 
tient (fig. 22), se trouve placée en dedans de lui. La tige car- 
tilagineuse se dirige non seulement en dehors, mais en haut 
de telle facon qu'elle ne rencontre pas la face interne du maxil- 
laire supérieur, mais passe au-dessus de lui pour aboutir sur la 
face externe de la tête. En cet endroit, elle adhère intimement 
à l'anneau fibreux périorbitaire (fig. 26) et, suivant son pour- 
tour postérieur, elle monte, se dirige en arrière et se termine 
au milieu des faisceaux fibreux de la paroi temporale externe 
avec lesquels elle est en intime connexion. 

À l'endroit de la première courbe du crochet cartilagineux 
(fig. 25) on remarque sur lui l'adhérence de quelques fibres 
(p{m) faisant indubitablement partie de l'expansion profonde 
du ligament quadrato-maxillaire mterne (ma). 

3° Amblystoma opacum.— Le ptérygoïde cartilagineux se coni- 
porte suivant le type Ranodon (fig. 52) de Waienersaeim. Cet 
auteur indique qu'il se termine près de la pointe du maxillaire 
(1877, PI. XXIIL, fig. 76 et 71), sans l'atteindre; je trouve au 
contraire qu'il longe sa face interne après s'être coudé manifes- 
tement au niveau de la pointe de cet os. Il avait suivi jusque-là 
le plan oblique en avant et en dehors de la paroi temporale 
antérieure ; il s'en dégage et, côtoyant le maxillaire, 1l se pro- 
longe jusqu'à la hauteur de l'apophyse dentée du vomer où il 
s’unit par, un ligament à la corne postérieure du cartilage 
antorbital; au niveau du coude maxillaire il prend adhé- 
rence à quelques faisceaux qui font partie de la loge tempo- 
rale et aboutissent, en la contournant, sur sa face externe. 


IL — Le substratum fibreux ptérygoïdien. 


Le substratum fibreux de l'appareil ptérygo-palatin lar- 
vaire est très développé; il est renforcé par des fibres qua- 
drato-ethmoïdales (fig. 31, 32) qui se rendent du carré au pour- 
tour de la choane et du vomer et-qui parfois font escale sur le 
bord interne du ptérygoïde eartilagineux (p#o, fig: 84 et fig. 39). 
L'appareil fibreux est surtout visible en cas de décalcification 
avancée chez les larves cachectiques (fig. 37), dans les parties 
où l'arc dénté interne est régressé. Au moment de la métamor- 


418 ‘  P. WINTREBERT 


phose toute trace de ce substratum membraneux disparait dans 
la région du vomer et de lapalette antérieure du ptérygo-pala- 
tin; les ligaments quadrato-ethmoïdaux et vomériens s’éva- 
nouissent aussi (fig. 30, 31, 32). Chez l'adulte aucun ligament 
ne traverse plus la fosse orbitaire en diagonale en se dirigeant 
en dedans. Toutes les fibres émanées du carré se dirigent en 
avant ou en dehors (fig. 46, 50), se rendant à la pointe du maxil- 
laire, à son apophyse palatine et à l'extrémité de l’apophyse 
dentée du vomer. 


III. — Conclusion. 


De ces faits ressort une interprétation nouvelle des rapports 
présentés par le ptérygoïde cartilagineux. S'il ne suit pas la 
face dorsale de l’are osseux primitif c’est qu'en raison de sa 
croissance tardive il trouve devant lui des plans fibreux qui 
l'en empêchent: né sur la partie interne du carré, inclus dès sa 
naissance dans la paroi interne de la loge temporale, 1l ren- 
contre bientôt devant lui le fascia prétemporal qui l’oblige a 
se courber en dehors; au cours de la métamorphose il s’al- 
longe vivement et prend soit la voie juxta-maxillaire (Ranodon, 
Amblystoma punctatun), soit la voie circumtemporale (Sala- 
mandra maculosa). Forcé dès la période larvaire, par la pré- 
sence du fascia prétemporal, à se dévier en dehors au lieu de 
suivre la face dorsale du ptérygo-palatin osseux, il ne tend nul- 
lement à reconstituer, comme le pensent les auteurs classiques, 
l’arcade cartilagineuse des Anoures considérée comme primi- 
tive, parce qu’elle est complète et que le type structural du 
crâne des Anoures ressemble à celui des Stégocéphales. Le pté- 
rygoide cartilagineux des Urodèles n’est pas une formation 
secondaire comme le pense Gaurr (1906, p. 738). L'appareil 
ptérygo-palatin des larves d’Urodèles, avec tous ses éléments, 
osseux, fibreux, cartilagineux, est au contraire une formation 
primitive, directement apparentée à l’anse ptérygo-palatine du 
palato-carré des Poissons, dont il conserve les rapports et l’orien- 
tation. L'anse latérale des Anoures qui réunit l'extrémité dis- 
tale du carré au processus maxillaire postérieur est un dérivé 
aberrant du palato-carré primitif, une formation secondaire ou 
si l’on veut plus évoluée, qui semble en rapport avec l'appari- 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 419 


tion précoce dans l’ontogénie de l'arc denté maxillaire. Les 
larves des Stégocéphales et spécialementdes Protritons (Bran- 
chiosauriens) ont dès leur jeune âge un are maxillaire complet; 
aussi semblent-elles déjà plus éloigées des Poissons osseux que 
les larves d'Urodèles qui possèdent, avant l'apparition du 
maxillaire supérieur, un arc interne denté fonctionnel voméro- 
ptérygo-palatin. C'est seulement au cours de la métamorphose 
que ce dernier perd son unité et que ses éléments remaniés 
s'organisent, comme chez la plupart des Vertébrés terrestres, 
de façon à soutenir en dehors l’are denté maxillaire, devenu 
prévalent. 

Le trajet suivi par le ptérygoïde cartilagineux des Urodèles, à la 
fin de la vie larvaire, entre la loge tempor ca et la loge orbitaire, 
derrière le fascia prétemporal, suggère la manière dont a pu 
se former chez les Vertébrés l’arcade cartilagineuse du type 
maxillaire aux dépens de l’anse cartilagineuse du type ptérygo- 
palatin. Mais en raison de la conformation tout à fait particu- 
lière de leur base du crâne, largement développée dans sa partie 
médiane, réduite sur ses parties latérales, les Urodèles adultes 
ne réalisent que d’une manière le plus souvent imparfaite 
l’arcade cartilagineuse complète du type maxillaire 

Les faits recueillis dans l’ontogénie des Salamandridæ, rap- 
prochés de ceux qui montrent dans le crâne des Urodèles 
adultes une architecture tout à fait spéciale, inclinent à penser 
que l'origine des Amphibiens est polyphylétique, en ce sens que 
les Urodèles et les Stégocéphales proviennent de souches diffé- 
rentes. 

La grande ancienneté de la souche des Urodèles semble être 
admise aujourd’hui par les Paléontologistes depuis les derniers 
travaux parus sur Lysorophus tricarinatus (Sorras, 4920). Les 
travaux d’embryologie sur la voûte palatine des Salamandridæ 
que j'ai effectués en 1910 m'avaient conduit, indépendamment 
de toute étude paléontologique à la même conclusion. A cette 
époque la place de Lysorophus dans la classification êtait fort 
discutée, et je n'avais trouvé dans la littérature aucune forme 
d'Amphibien fossile dont la base du crâne, assez bien conser- 
vée, rappelât sans conteste la disposition larvaire des Urodèles. 
Les documents paléontologiques récents sont venus confirmer 


aujourd'hui les conclusions que J'avais tirées uniquement de 
28 


,20 P, WINTREBERT 


l'Embryologie et de l'Anatomie comparées des formes vivantes. 

Au point de vue général de la valeur que l'on peut attribuer 
aux travaux d'ontogénie pour l'étude de la phylogénie, 1l im- 
porte de remarquer que les déceptions éprouvées parles savants 
qui ont cherché chez les embryons la trace des dispositions 
ancestrales, tiennent, en grande partie, à ce qu'ils n'ont pas 
tenu suffisamment compte de l'influence très considérable du 
milieu sur les organismes en développement. Cette influence 
est aujourd'hui unanimement admise. Il est entendu qu'on ne 
peut avoir confiance dans les données d'une ontogénie que s'il 
est à présumer, par l'étude des divers faciès contemporains des 
formes fossiles, que les générations successives du groupement 
étudié ont vécu dans des conditions semblables d'existence. 
C’est le cas pour les Urodèles et c’est la raison pour laquelle 
il est légitime d'accorder quelque créance aux faits recueillis 
dans leur développement, pour la découverte de leur filiation 
(WinrregerT, 1921). 


X. — Les rapports entre la structure de la voüte palatine 
et les conditions de la vie chez les Salamandridæ 


Ces rapports ont été étudiés chez Amblystoma tigrinum 
(Wurregsert, 4922 a). J'ai cherché à mettre en lumière : 

a) l'influence du jeûne prolongé et de la cachexie sur la 
voûte palatine d'Axolotls de 10 à 15 cent. | 

b) l'influence, sur la marche des transformations que subit 
la vouüte palatine au cours de la métamorphose, d'une remise à 
l’eau de jeunes Amblystomes obtenus par le procédé d’assè- 
chement graduel de Maria vox Caauvix (4885). 

1° Etat de l'arc denté interne d’Axolotls en état de misère phy- 
siologique (N° 17 à 21, fig. 24 à 39). — Une régression osseuse 
plus oumoins avancée accompagne l’inanition et la cachexie. 
Elle s’observe à la fois sur le vomer et sur le ptérygo-palatin. 
Ce sont surtout les parties internes des régions dentées, dispo- 
sées en feuillets lamelleux dépourvus de dents, la tige du pté- 
rygoïde et le bord externe de l'aile ptérygoïdienne, qui sont 
atteints. Les feuillets osseux s’amincissent, se découpent sur 
les bords, se percent en leur centre d’orifices irréguliers. La 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 494 


raréfaction est parfois si prononcée qu’elle les réduit à l’état de 
dentelle osseuse (fig. 38). La tige ptérygoidienne diminue 
d'épaisseur, devient grêle, fragile, se rompt au plus léger choc 
ou se fragmente par le seul progrès de la décalcification. La 
palette dentée palatine est, par ce mécanisme, séparée de l'aile 
ptérygoïdienne et, si l’on ne prète attention aux conditions bio - 
logiques défavorables qui ont provoqué la division, on peut con- 
sidérer celle-ci comme le résultat d’un isolement normal et 
tardif du palatin et du ptérygoïde (Frigpreic et GEGENBAUER, 
1849; O. Herrwie, 1874; Wigoxnsnelm, Parker, 1877). La 
régression peut être poussée très loin. Chez l’Axolotl n° 2% 
(fig. 37) par exemple, larve morte d’inanition après plusieurs 
mois d'assèchement graduel, la tige ptérygoïdienne est morce- 
lée en quatre tronçons. Le vomer de son côté peut être divisé 
en deux fragments (fig. 34) ; c’est le cas d’un Axolotl mort en 
aquarium d'une longue maladie et couvert de Saprolégnées 
(n° 21). Les dents implantées sur les plaquettes osseuses se 
décalcifient et tombent ; les murs saillants auxquels elles s’ados- 
sent diminuent de hauteur et disparaissent. La décalcification 
commence à l'union du socle de cément et du cône de dentine ; 
elle s'étend vers Le bas du socle mais respecte généralement la 
couronne, de sorte qu’en appuyant sur celle-ci on ploye la dent 
au niveau de la partie moyenne de son socle fibreux. La sim- 
ple ablation de la muqueuse arrache les dents qui sont décalei- 
fiées jusqu'à la base. 

Au cours de la métamorphose le remaniement des os s'ac- 
compagne aussi d'une régression considérable de la substance 
osseuse, mais cette régression à une allure très spéciale qui 
empêche de la confondre avec celle qui résulte de linanition. 
Elle est ordonnée et se produit à temps, d’une façon régulière ; 
elle commence toujours au même endroit, de la même manière et 
se poursuit suivant une règle immuable : sans doute elle peut 
être plus ou moins prononcée suivant l’état de vigueur ou d’af- 
faiblissement des individus (comparer le cas des Salamandres 
vigoureuses (fig. 8, 10, 12, 16, 20) avec celui des Amblysto- 
mes affaiblis) (fig. 40, 41, 42), mais, dans des circonstances iden- 
tiques, elle s'accomplit sur chacune des pièces osseuses en un lieu 
déterminé, suivant un ordre prévu. Par exemple, elle n’atteint 
le vomer que du côté externe, tandis que son côté interne est 


499 P. WINTREBERT 


un foyer de néoformation dentaire ; dans l’inanition au con- 
traire, c'est surtout la partie interne qui est rongée. La pla- 
quette dentée ptérygo-palatine s'évanouit rapidement et pour 
toujours pendant la transformation, tandis qu'elle persiste 
déchiquetée dans les cachexies. La membrane fibreuse qui la 
supporte persiste avec elle, tandis qu'elle disparait au cours de la 
transformation. L’aile ptérygoïdienne ne subit jamais dans la 
métamorphose une régression aussi prononcée que dans l'ina- 
nition extrème, poussée jusqu’à la mort (comparer la fig. 38 aux 
fig. 41 et 42 D) ; mais, dans ce dernier cas, los reste en place 
tandis qu'il s'oriente différemment pendant la métamorphose. 
De plus à l’ordre défini et comme tracé d'avance des proces- 
sus métaboliques s'oppose par contraste la fantaisie des régres- 
sions causées par la cachexie ; chez un animal c'est le vomer qui 
est le plus atteint (n° 21); chez un autre c'est la palette 
ptérygo-palatine; chez un troisième la tige ptérygoïdienne est 
morcelée en premier lieu et laile ptérygoïdienne est découpée 
en jeu de patience, tandis que le vomer est peu touché. 

20 Les demi-Amblystomes branchés (n° 25-26, fig. 44 et 45). — 
Il s'agit de jeunes Amblystomes qui ont acquis la parure terres- 
tre (perte des limbes caudaux, des palmures interdigitales, 
transformation du revêtement cutané devenu lisse brillant et 
tigré, régression très avancée des branchies arrivées à l’état 
de moignons à peine incisés sur les bords) et qui ont été brus- 
quement remis dans le milieu aquatique, qu'on les avait forcés 
de quitter pour provoquer chez eux la métamorphose. Plongés 
dans une eau courante et fraiche(12°C.),ces animaux ont grandi 
et sont devenus adultes ; ils ont régénéré des branchies; mais 
ils ont conservé tous les autres caractères qu'on leur avait 
reconnus au moment de la remise à l’eau. Il était intéressant 
de voir chez eux l’état de la voûte palatine et, en raison de la 
« migration » progressive de leur bord denté pendant la 
période des remaniements (voir chap. V), d'examiner les 
vomers pour tenter d'apprécier le degré de la métamorphose 
auquel ils sont restés. 

L'étude des vomers effectuée chez les trois demi-Amblystomes 
observés (25, 25 bis, 26) montre que leur bord denté est loin 
d'être transversal (fig. 44, PL HD ; il est oblique en avant et en 
dedans de telle sorte que la ligne droite qui joint les extrémi- 


19 
CS 


LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 4 


tés du bord, prolongée du eôté de la ligne médiane, fait avec 
celle-ci un angle ouvert en arrière d'environ 55°. L’angle obtenu 
par le même procédé chez lAmblystome est de 75° à 85° (fig. 46 
et51). On peut ainsi juger que la série des phases par les- 
quelles la région dentée du vomer effectue sa « migration » 
en arrière, pour prendre chez l'adulte une position presque 
transversale (comparer les figures de la larve 31, 32, 40 B, 
Ai À, 42 B et de l’adulte 46, 51), a été interrompue un peu plus 
tard qu’en son milieu. Il ne s'agit pas pour les vomers, ni 
pour les autres organes, d'une position instable, sujette à chan- 
gement dans le milieu donné aux animaux, mais d’un état per- 
manent ; les « demi-vomers » sont rigides, durs, cassants, com- 
plètement ossifiés et les dents qu'ils portent sont solides et 
calcifiées sur toute la hauteur. 

Conclusion. — Voici donc deux faits d'observation et d’expé- 
rience qui tous deux montrent le retentissement considérable 
du milieu et des conditions de vie sur Amblystoma tigrinum et 
particulièrement sur le système osseux de la voûte palatine. 
Le premier, la régression osseuse, consécutive à un état de 
misère physiologique, modifie l'aspect des os minces et plats 
de l'arc denté interne et détermine fréquemment leur division. 
La scission du ptérygo-palatin est particulièrement rapide et 
fréquente. La méconnaissance de la cause pathologique qui la 
provoque à entrainé des anatomistes éminents à considérer à 
tort la présence d’un palatin isolé comme normale à la voûte 
palatine des larves d’Urodèles (voir ch. D. 

Le deuxième fait souligne d’abord l’action d'arrêt du milieu 
aquatique sur la marche des processus métaboliques provo- 
qués par la mise à l'air forcé, alors que l'incitation à Ia méta- 
morphose obtenue par ce procédé prouvait déjà l'influence pro- 
fonde du milieu aérien sur l'organisme des Axolotls. Il mon- 
tre ensuite, par les résultats presque identiques réalisés chez Les 
deux animaux soumis au même régime, la marche régulière 
et l’ordonnancement précis des phénomènes de transformation. 
Il tend enfin à prouver ,par la stabilisation d'une phase donnée 
de la métamorphose, que celle-ci ne doit pas être entendue 
comme une suite inéluctable de modifications qui s’enchainent 
nécessairement et aboutissent fatalement à Ia forme par- 
faite, mais comme une série d'étapes représentant chacune 


424 P. WINTREBERT 


un état constitutionnel défini, viable, ayant son équilibre propre 
et ses corrélations distinctes. 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 


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INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 425 


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426 P. WINTREBERT 


palatine et les conditions de la vie chez les Salamandridæ. Congrès de 
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1918. Zirrez (Broïzr und Scucosser).— Grundzuge der Palæontologie, AbtIT, 
Vertebrata. 


ERRATUM 


Page 275, 27e ligne, lire : Amblystoma punctatum Grav., au lieu de : 
Amblystoma opacum Gray. 

Page 276, 17e ligne, lire : Amblystoma punctatum, au lieu de : 
Amblystoma opacum. 

Page 399, 4e ligne, lire : droit) : 40 à la fin de la période larvaire (voir 
description du n° 3) au lieu de n° 4; 5e ligne, lire : 20 au début de la méta- 
morphose (n° 4) au lieu de (n° 5). 


E. FAURÉ-FREMIET 


Préparateur au Collège de France. 


LE CYCLE DE CROISSANCE 


DES 


COLONIES DE VORTICELLIDES 


Introduction 


On sait que l'accroissement pondéral d’un organe donné, 
représenté en fonction du temps, s'exprime presque toujours 
par une courbe en S; le coefficient d’accroissement par unité de 
temps est done variable ; d’abord très faible, il passe par un 
maximum, puistend vers zéro. En d'autres termes, la croissance 
d’un organe est limitée (). 

Avec J. Dracorc et M. J. pu Vivier DE STREEL nous avons cher- 
ché, dans le cas d’un organe tel que le poumon fœtal du Mou- 
ton, que l'on peut considérer schématiquement comme formé 
de deux tissus, si le tissu conjonetif et le tissu épithélal possé- 
daient la même loi de croissance, et nous avons constaté qu'il 
n'en est rien. 

Dans ce cas, en effet, il semble bien que le tissu conjonctif 
s’accroisse, comme l'organe tout entier, suivant une courbe en 
S satisfaisant à l’équation de Robertson : 


(1) Log — = K (4 — 4) À). 


Objectivant la comparaison souvent proposée avec certaines 
réactions chimiques, nous avons supposé que la masse de sub- 
stance collagène élaborée par les cellules conjonctives, consti- 
tuait un obstacle croissant à la nutrition et à la croissance de 
celles-ci. 

(‘) La croissance totale d’un organisme obéit à une loi analogue, mais dans le 
cas des Mammifères p. ex. on sait que la courbe générale peut être décomposée 


en plusieurs courbes élémentaires qui constituent autant de « cycles de crois- 
sance » 


() æ étant le poids au temps #4, A est le poids final, /, le temps correspondant 


à - et K une constante. 


428. E. MAURÉ-FREMIET 


En ce qui concerne le tissu épithélial au contraire, nous avons 
trouvé une courbe en apparence illimitée qui s'exprimerait assez 
bien, tout au moins dans sa première partie, par l'équation : 

(2) log x — at — b. 

in examinant de plus près les valeurs réelles de +, on cons- 
tate cependant : 1° que l'accroissement du tissu épithélial dépend, 
dans une certaine mesure, de l'accroissement de l'organe tout 
entier et ne s'exprime exactement que par l'équation suivante 
dans laquelle on introduit le poids total du poumon P, soit : 

SR ER EEE 

(3) \/ 100 5 — at + b 

ce qui donne : 


x = AGP + B2P + CP + DP 


et 2°, que cette courbe d'accroissement continu subit en réalité 
un brusque arrêt, correspondant à une modification profonde 
des cellules épithéliales, et mettant probablement en évidence 
l'importance des phénomènes de régulation dans le cas de la 
croissance fœtale d'un organisme complexe ('). 

La question des € cycles de croissance » caractérisés par la 
courbe en $ apparait donc, chez les organismes supérieurs, sin- 
gulièrement compliquée par les interactions de tissus et d'’or- 
ganes. " 

Malgré la complexité des phénomènes de l'histogenèse, on 
peut, considérant le cycle de croissance d'un organe ou d'un 
individu, se demander quelle est la part qui revient aux inter- 
actions de cellule à cellule et de tissu à tissu, et celle qui 
revient à la cellule elle-même, à sa capacité propre d'évolution. 
Les récentes recherches, effectuées sur des cellules libres telles 
que les Infusoires ciliés, permettent ici d'espérer quelques 
résultats. 

On sait en effet que la notion d'un cycle vital, se terminant 
par la sénescence et la mort lorsque aucun phénomène sexuel 
tel que la conjugaison n'intervient, a dù être abandonnée, et que 
les magnifiques résultats des travaux de Mauras ont dû rece- 


{'} Cette transformation, que nous avons comparée à une métamorphose, se pro- 
duit en effet au moment même où d’autres organes tels que le pancréas et le foie 
subissent d'importantes transformations histophysiologiques comme l'a montré 
ARoN. 


€ 


LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 429 


voir une autre interprétation ; mais les travaux de GRreG6ory, 
Wooprurr, etc. démontrent l'existence, chez les Infusoires, de 
variations rythmiques, indépendantes des conditions du milieu, 
dans l'intensité des phénomènes de la division; et par dessus ce 
rythme, qui dépend uniquement semble-t-il de phénomènes cel- 
lulaires internes, Wooprurr et BatrseLz ont découvert un cycle, 
caractérisé par un remaniement profond de l'appareil nucléaire, 
par les phénomènes d'endomirie. Bien que les recherches de 
Rogerrson tendent à montrer l'existence d’une « substance X » 
sécrétée par les Infusoires et capable d'agir surles « catalyseurs 
de croissance », il semble que ces rythmes et ces cycles soient 
indépendants non seulement des conditions de milieu, mais 
encore des relations intercellulaires. Or les variations périodiques 
de l’activité de la division peuvent être comparées à des « cycles 
de croissance ». 

Certains Infusoires coloniaux se présentent dans des conditions 
particulièrement favorables à l'étude analytique de ces cycles. 

En effet, si l’on considère une colonie de Zoothamnium ou 
d’Epistylis, on doit remarquer : 1° que les divers individus dont 
elle est constituée ne présentent entre eux que des rapports de 
continuité plus ou moins directe ; et 2° que la masse totale des 
individus étant très petite (‘) par rapport au milieu liquide 
incessamment renouvelé, ne peut modifier celui-ci suffisamment 
pour en subir le contre-coup. Cependant la croissance de ces 
colonies est toujours limitée et ne dépasse guère huit à dix géné- 
rations, quel que soit le mode d'existence de l'espèce considérée. 

D'autre part, le simple examen d’une de ces colonies et des 
ramifications dichotomiques du pédicule nous donne la généa- 
logie exacte de chaque individu monocellulaire de génération n, 
et il est possible de suivre avec une précision schématique la 
descendance d'un individu quelconque pendant le développe- 
ment de ladite colonie. 

On peut donc suivre parallèlement chaque lignée, non seule- 
ment en ce qui concerne la croissance et la multiplication de la 
masse protoplasmique (les différents individus étant générale- 
ment égaux), mais encore en ce qui regarde l'accroissement de 
la masse sécrétée constituant le pédicule. 

(‘) Les Vortlicellides coloniales habitent généralément des eaux courantes ou 


renouvelées ou bien encore se trouvent fixées sur des organismes mobiles tels que 
des Insectes aquatiques par exemple. 


430 E. FAURÉ-FREMIET 


I. -- Croissance de la masse cellulaire 


Si nous considérons une colonie de Vorticellides quelconque, 
nous pouvons, par le seul examen des ramifications dichotomi- 
ques du pédicule commun, déterminer le nombre exact des 
divisions cellulaires, ou, ce qui revient au même, le nombre 
exact des individus formés par bipartition à chaque génération. 

Si nous prenons un individu comme unité de poids, et une 
génération comme unité de temps, nous pouvons construire avee 
des valeurs numériques comparables pour des espèces diffé- 
rentes la courbe de croissance de la masse cellulaire totale de la 
colonie. Plusieurs cas peuvent être distingués. 


À. — Colonties dichotomiques régulières. 


Ce cas est fréquent chez les £paistylis et les Zoothamnium. 

Tous les individus se divisent régulièrement et l’on peut 
admettre en conséquence que dans l’espace d’une génération 
la masse cellulaire est doublée ; l'accroissement du nombre 
total des individus ou du poids cellulaire total se fait donc sui- 
vant une progression géométrique dont la raison est 2. Consi- 
déré en fonction du temps cet accroissement donne une courbe 
logarithmique telle que : 


(2) log x = at — b. 
Un tel mode d’accroissement est donc en apparence limité ; 


on le rencontre chez Epistylis plicatilis, Campanella umbella- 
ria, Zoothamnium parasila, eic. 


B. — Colonies dichotomiques inéqales. 


Un cas typique est fourni par l'Epistylis arenicolæ. La colonie 
peut atteindre 8 générations mais il existe en quelque sorte une 
lignée principale suivant laquelle chaque division sépare deux 
individus à descendance inégale, l’un donnant un nouveau tron- 
con axial et l'autre un rameau latéral ou de deuxième ordre 
moins développé; la première ou la deuxième division sur un 


LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 431 


rameau latéral donne à son tour naissance à deux individus dont 
l’un ne se divise pas et donne 
seulement un petit rameau 
pédonculaire de troisième 
ordre, tandis que l'autre con- 
tinue le rameau de deuxième | 
ordre, se divise et donne nais- L 
sance à deux individus, l’un 
ne se divisant pas et l’autre se 
divisant encore. 
Le nombre des générations 
fournies par les rameaux latt- 
raux ou de deuxième ordre 
diminue graduellement à me- 
sure que ceux-ci appartien- 
nent à des générations plus 
élevées; il est toujours infé- 
rieur à celui fourm par le seg- 
ment correspondant de Ja 
lignée principale (fig. 1). 
L'augmentation du nombre 
total des individus n'est pas 
régulière dans ce cas; elle 
peut d’ailleurs différer légère- 
ment d'une colonie à l’autre, 
mais l'exemple suivant peut 
être donné comme assez typique 


Fig. 1. — Æpistylis arenicolæ (Sp. 
nov.). Schéma d’une colonie. 


CÉRÉTANONS NN AR EST ART NET EVENE VIP 
Nombre total des individus . . 2 4 8 14 91 27 32 33 
30 
20 
10 


EE ES PE EN | 


I IT TIT IV V NE NET EVITI 

Fig. 2. — Epistylis arenicolæ (Sp. nov.). Courbe de croissance protoplasmi- 
que. Les générations sont portées en abcisses, le nombre des individus en 
ordonnées. 


439 E. FAURÉ-FREMIET 


Ces chiffres montrent que, si l’on prend une génération comme 
unité de temps, la courbe de croissance totale dessine un S 
(fig. 2), l'augmentation du nombre des individus passant par un 
maximum de la IV® à la Ve génération et tendant ensuite vers 
une limite. C'est précisément la forme des courbes de croissance 
qui relèvent de l'équation de RoBERTSON : 


(1) log —— = K (4 — 4). 


L'Epistylis Perrieri montre un autre cas de croissance cellu- 
laire. Chez cette remarqua- 
ble espèce (fig. 3) les quatre 
ou cinq premières généra- 
tions donnent des dichoto- 
mies régulières et la courbe 
de croissance est d’abord 
une courbe logarithmique 
du type (2) (fig. 4); mais il 
ne se différencie pas un 
rameau principal, et aux 
générations suivantes c'est 
chaque branche déjà for- 
mée qui devient une lignée 
principale, de laquelle se 
détache à chaque division 
un rameau de second ordre 
portant un individu qui ne 
se divise plus; laugmen- 
tation du nombre des imdi- 
vidus suit dès lors une pro- 
Fig. 3. — Epistylis Perrieri. Schéma ‘éression arithmétique qui, 
d’une colonie. x : 

tracée en fonction du temps, 

donne une droite en apparence indéfinie; c’est ce que montrent 


les chiffres de l'exemple suivant : 

Générations "2 2e NI MIEINV VON IE NVIEN RER 

Nombre total des individus. 2 4 8 16 26 40 56 72 88 104 120 
Chez Carchesiun polypinum nous trouvons un cas intermé- 

diaire entre les deux précédents ; il se forme plusieurs lignées 

principales d’ailleurs mégales (fig. 5). Le nombre total des indi- 


LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICÉLLIDES 433 


vidus varie diversement d'une colonie à l’autre, mais la courbe 
de croissance est en S (fig. 6) et indique la tendance vers une 
limite après une période de croissance maxima comme le mon- 
tre l'exemple suivant qui se rapporte à une petite colonie : 


CÉnÉrTANONSN re. LC NUt EEE, CT UETT IIIEEN VW VH 
Nombre total des mdividus:.7 20074, 09 418 1399 98/99 


110 


100 


90 


80 


70 


60 


50 


LR MATE S HÉPRNS NV FN MEN NOTE VELL, PIX IX PIEXT 
Fig. 4. — £pistylis Perrieri. Croissance proloplasmique. 


Dans les trois exemples précédents nous avons continué d’ad- 
mettre par convention, pour le tracé des courbes, que l'intervalle 
de temps compris entre deux divisions sur une lignée quelcon- 
que demeure constant, une génération étant prise comme une 
unité ; il est possible que cette affirmation soit inexacte. En effet, 
si l'on évalue la durée d’une colonie en générations, il faudrait 
admettre que le temps n’a pas la même valeur pour les différents 
individus qui la composent puisque dans un même intervalle 
et toutes conditions égales d’ailleurs, les uns continuent de s'ac- 


134 E. FAURÉ-FREMIET 


croitre et de se diviser tandis que les autres semblent frappés 
d'un arrèt de développement. 

Ce résultat paradoxal nous oblige donc à admettre que l'ac- 
croissement des différents individus n’est pas nécessairement le 
même dans l'unité de temps, qu'il peut devenir presque nul pour 
quelques-uns, et que, dans l’ensemble, le coefficient de croissance 
individuel diminue progressivement avec l’âge de la colonie. 

Des mesures faites en temps réels donneraient peut-être 


Fig. 5, — Carchesium polypinum. Schéma d'une colonie. 


d’ailleurs un résultat global analogue avec les colonies réguliè- 
rement dichotomiques, dont la croissance devrait être, 27 appa- 
rence, indéfinie. 

En d’autres termes, si nous mesurions l'accroissement de la 
masse cellulaire totale d’une colonie de Vorticellide en fonction 
du temps réel, ?/ serait possible que dans tous les cas nous 
trouvions une courbe en S, comparable à une période du rythme 


de Wooprurr et BAITSELL. 
Si, au contraire, nous nous contentons d’estimer la durée, 


LE CYCLE DE CROISSANCE DÉS CÔLONIÉS DE VORTICELLIDES 435 
-toujours limitée d’ailleurs, de ces mêmes colonies par le nom- 
bre des générations, nous trouvons des croissances logarithmi- 
ques d'allures indéfinies, et d’autres, de forme plus complexe, 
tendant vers une limite. Nous retrouvons ainsi les deux types 
de croissance que l’on peut rencontrer chez les tissus embryon- 
naires d'animaux supérieurs, mais nous saisissons une des moda- 
lités de l'un de ces types. 

En effet, chez les colonies où la croissance cellulaire s'effectue 
suivant l'équation (1), nous voyons que deux cellules sœurs nées 
d'une même bipartition n'ont pas nécessairement la même 
valeur; que l’une peut s’accroitre plus vite que l’autre ; que 
l'une peut s’accroitre comme la cellule mère initiale et se diviser 
ensuite, alors que l’autre peut ne pas s'accroitre du tout et ne 


I IT IIT 1" À VI VII 


Fig. 6. — Carchesium polypinum. Croissance protoplasmique. 


pas se diviser ; c'est alors la proportion croissante des individus 
dépourvus d’accroissement propre qui fait tendre la eroissance 
totale de la colonie vers une limite, et qui permet de considérer 
la colonie toute entière comme l'expression objective d'un « cycle 
de croissance » cellulaire. 


II. — Croissance de la masse sécrétée (pédicule). 


Le pédicule des Vorticellides est essentiellement constitué 
par une substance solide, très résistante à l’action des bases for- 
tes, se présentant sous la forme de tigelles ou de longues baguet- 
tes réunies en un faisceau cylindrique ou tubulaire, et sécrétée 
par la région postérieure de l'individu, au niveau d’une bor- 
dure en brosse circulaire que j'ai décrite sous le nom de « sco- 


pula ». 
29. 


436 E. FAUÜRÉ-FRÉMIE!T 


La nature de cette substance est indéterminée ; elle a été com- 
parée à de la chitine{Fauré-Fremier) tandis que Scarôper la con- 
sidère comme albuminoïde. C’est la même substance, ou une 
autre très analogue, qui sécrétée cette fois par la région anté- 
rieure du corps, au-dessous de la collerette, constitue les coques 
des Vaginicola, Cothurnia, ete. | 

La substance du pédicule est colorable par le rouge Congo ; 
lorsque la sécrétion a lieu dans une solution de ce colorant, 
non toxique, la partie sécrétée prend une teinte tout particuliè- 
rement intense ; cette particularité permet de démontrer, dans 
le cas du pédicule, que la zone de sécrétion est au contact 
immédiat de la « scopula » et que l’accroissement du pédoncule 
se fait uniquement en ce point. 

Le diamètre du pédicule représente d'autre part le diamètre 
de la scopula. 

Dans le cas où le pédicule est contractile, les tigelles de sub- 
stances chitinoïdes forment un faisceau annulaire, un tube, dont 
la lumière centrale est occupée par un prolongement du corps 
cellulaire plus ou moins différencié, et de structure plus ou 
moins complexe. Le fait général de la sécrétion d'une substance 
inerte s’accroissant uniquement au niveau de la scopula 
demeure la règle dans ce cas. 

Si l’on examine les diverses ramifications successives d’un 
même pédicule colonial, on constate que chaque segment com- 
pris entre deux divisions dichotomiques peut différer du précé- 
dent par son diamètre, sa longueur et sa densité apparente. 
On en peut conclure que la substance pédieulaire n’est point 
sécrétée de manière quantitativement constante par les individus 
de diverses générations successives : nousdistinguerons ici encore 
plusieurs cas. 


À. — La densité apparente du pédicule diminue progressivement. 


Ce cas est extrêmement fréquent chez les Epistylis et les Oper- 
cularia. La souche pédiculaire et les branches des premières 
dichotomies sont formées par une substance compacte, absor- 
bant très fortement le rouge Congo (fig. 7), souvent opaque ou 
naturellement colorée en jaune brunâtre. Les branches de IT 
et [Ve générations sont plus claires ; celles des dernières géné- 


LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONÏIES DE VORTICELLIDES 431 


rations sont absolument transparentes, à peine colorables, et Ja 
striation longitudinale, traduisant l'existence d'un faisceau de 
fibres ou de tigelles, peut disparaitre entièrement; les branches 
ultimes sont alors constituées par une simple gaine résistante 
entourant une substance très hydratée (?). 

Comme il ne semble pas exister au point de vue microchimi- 
que de différence qualitative essentielle entre la substance qui 
constitue les branches basilaires ou terminales du style, on peut 
admettre que la quantité de substance solide diminue progres- 
sivement; les mesures étantimpossibles, nous dirons seulement 
que la « densité apparente » du pédicule diminue peu à peu. 


Fig. 7. — Pédicule d'£Zpistylis parasita (Var). coloré par le rouge Congo. 


Chez les diverses espèces qui se rangent dans cette première 
catégorie la croissance totale du pédicule peut être directement 
proportionnelle au nombre desdichotomies, la longueur moyenne 
de chaque branche variant très peu ; elle peut aussi être plus 
rapide, la longueur des branches augmentant nettement pour 
les avant-dernières générations. Si les dichotomies sont régu- 
lières on aura, en nommant L la longueur totale des éléments 
pédiculaires et / la longueur moyenne des branches de chaque 


génération : 
L —7/ + 2/ + A4! + 8/7 + 16/7" etc. 


(‘} L'alcool fort contracte et déforme ces extremités pédiculaires. 


438 E. FAURÉ-FREMIET 


Si d'autre part le diamètre ne varie pas, on pourra prendre 
les valeurs de L à chaque génération pour construire la courbe 
de croissance du pédicule tout entier. 

L'Epistyhis plicatilis donnerait alors la courbe ei-jointe (fig. 8) 


© 


Co 


= 


[°ù] 


co 


bo 


re 


D EE] 
DR ATTS ATOT TV OR MN EVIL AN NID 
Fig. 8. — Epistylis plicatilis. Croissance de la masse pédonculaire. 


montrant un accroissement volumétrique de plus en plus rapide, 
correspondant assez bien à l'expression : 
(4) Van 

si l’on appelle V Le volume pédonculaire total, et G une généra- 
tion de nombre »; mais on peut estimer que, en réalité, la 
masse de substance pédiculaire sécrétée augmente d’abord rapi- 
dement pour diminuer ensuite et tendre vers une limite, la 
courbe d’accroissement devenant ainsi une courbe en $. 


LE CYCLE DK CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 45 


B. — Le diamètre du pédicule diminue progressivement. 


Ce cas se présente avec les grands ÆEpastylis : E. Perrier, 
E. galea, Campanella umbellaria, ete. etchez les Zoothammum 
Cienkowskii : arbuscula, parasita, ete. 

Chez Campanella, cette décroissance de diamètre est particu- 
lièrement sensible, car le style est creux ; or, tandis que le dia- 
mètre extérieur diminue, le diamètre intérieur, celui de la 
lumière augmente. La surface de section occupée par les 
tigelles chitinoïdes peut alors diminuer, entre la base du style 
et les dernières dichotomies, dans le rapport de 2,2 à 1,0 (fig. 9). 

Dans ce cas, même si la longueur de chaque branche du 


A B 
Fig. 9. — Campanella umbellaria. A) Section du pédicule basilaire. 
B: Section d’un rameau pédiculaire ter- 
minal, 


pédicule varie très peu d’une génération à l’autre, l’accroisse- 
ment de la masse totale n’est plus directement proportionnel 
au nombre des dichotomies ; cet accroissement, figuré en fonc- 
tion du nombre des générations s'élève d'abord rapidement, 
mais au lieu de continuer suivant une courbe logarithmique, il 
tend vers une droite. 

La diminution de l’épaisseur du pédicule ne peut pas être 
indéfinie et la courbe de croissance totale du style est limitée 
par cette impossibilité. 


C. — Le diamètre et la lonqueur des branches pédiculaires 


diminuent progressivement. 


Un certain nombre d'Epistylis et d'Opercularia rentrent dans 
cette catégorie. L'accroissement de la masse totale du style 


440 E. FAURÉ-FREMIET 


ramifié est d’abord rapide ; ilse ralentit ensuite progressivement, 
et s'exprime à peu près, en fonction du nombre de générations, 
par une ligne à double courbure, par un courbe en $. 

Un cas très remarquable est fourni par l’Opercularia race- 
mosa. Chez cette forme régulièrement dichotomique, les pre- 
mières divisions donnent naissance à quatre ou huit lignées à 
croissance pédiculaire maxima ; toutes les lignées séparées de 
celles-ci par bipartition ayant une croissance pédiculaire de plus 


Fig. 40. — Opercularia racemosa. Schéma d’un rameau. 


en plus faible, chaque division sépare toujours deux individus 
dont l’un secrète une branche pédiculaire moins longue que celle 
de l’autre, et, si l'on étalait dans un plan (fig. 10) toutes les 
ramifications d’une de ces branches principales, on obtiendrait 
d'un côté une lignée à croissance maxima, de l'autre une 
lignée à croissance minima et, entre deux, tous les intermé- 
diaires. Etant donné la régularité de cette décroissance, on 
peut déterminer la longueur moyenne des branches du pédicule 
pour chaque génération, et multiplier celle-ci par la surface de 
section correspondante. On obtient ainsi les éléments néces- 


LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 441 


saires pour connaître les variations successives de la masse 
pédiculaire totale. Dans ces conditions, la courbe de croissance 
en fonction du nombre des générations est encore une ligne à 
double courbure, en forme de S. L’accroissement moyen aug- 
mente d'abord assez rapidement, puis il se ralentit peu à peu 
et tend vers une limite (fig. 11). 


D. — Le pédicule se ramufie par dichotomies incomplètes 
ou inégales. 


Nous retrouvons lei le cas déjà étudié pour les espèces qui 
donnent une lignée principale et des rameaux secondaires de 


deuxième et de troisième 
ordre, ces derniers portant 
des individus qui ne se divi- 
sent plus. 

La courbe de croissance 
totale du style, difficile à 
déterminernumériquement, 
semble bien être encore 
dans ce cas une ligne à 
double courbure, l’accrois- 
sement moyen passant par 
un maximum et tendant en- 
suite vers une limite. 


En résumé, la courbe de 
croissance totale du pédi- 
cule, tracée en fonction du 
nombre des générations, 
varie beaucoup suivant l’es- 
pèce considérée. 


[2E] 


I IL III TV à 


Fig. 41. — Operculariaracemosa. Crois- 
sance de la masse pédonculaire. 


Mais si l'on lient compte de la densité de ce pédicule à ses 
divers étages, on peut admettre que d’une manière absolument 
générale, la croissance augmente d’abord assez rapidement, 
puis se ralentit et s'arrête ; il existe donc un cycle de sécrétion 
en ce qui concerne la substance du pédicule. 


CS 
Æ- 
1° 


E. FAURÉ"FREMIET 


III. — Interprétation des faits. 


Les faits précédents montrent que la durée d'une colonie de 
Vorticellides est limitée, et que son développement peut s'ex- 
primer par un cycle de sécrétion pédonculaire, et par un cycle 
de croissance cellulaire ou, si l'on veut, protoplasmique. 
Lorsque la croissance de la colonie arrive à son terme, et par- 
fois même avant cela, des individus se séparent du pédicule 
commun, mènent quelque temps une vie libre, et vont se fixer 
ailleurs et fonder une nouvelle colonie. Nous reviendrons tout 
à l'heure sur les caractères cytologiques de ces individus migra- 
teurs. 


A. — Le cycle de sécrélion pédiculaire. 


Chez certaines espèces telles que Campanella umbellaria, on 
constate, lorsque un individu migrateur se prépare à quitter 
son pédicule colonial, l'apparition dans la région postérieure 
du corps, au-dessus de la scopula, de granulations particu- 
lières. Très colorables, assez résistantes, tout à fait distinctes 
de certaines substances lipoïdes de réserve qui peuvent appa- 
raîitre de temps à autre, ces granulations peuvent être compa- 
rées à des « grains de sécrétion ». Ces grains disparaissent 
après la fixation de l'individu migrateur; on n'en retrouve 
jamais chez les individus des diverses générations suivantes 
tant qu'ils demeurent fixés (fig. 12). 

IL est possible que ces « grains de sécrétion » soient en rap- 
port avec la sécrétion du pédicule ; il est certain qu'ils ne sont 
pas constitués par la substance pédiculaire elle-même : on peut 
donc faire l'hypothèse qu'ils représentent une substance active, 
un ferment ou proferment. Leur apparition exprimerait done la 
« mise en charge » de l'individu sécréteur tout à fait compa- 
rable à celle d’une cellule glandulaire (‘). 

Mais cette mise en charge n'a lieu qu'au début de Ia forma- 
tion de la colonie ; c’est donc un phénomène périodique qui ne 
se reproduit qu'après un certain nombre de générations. La 


(") Le chondriome ne semble jouer aucun rôle dans l'élaboration de ces grains, 


LE CYCLE Dä CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 443 


substance active supposée, formée par l'individu migrateur 
souche de la colonie, suffirait done pour l'élaboration de toute 
la masse de substance, chitine ou autre, constituant le pédi- 
cule colonial. 

Ni l'on poursuit cette hypothèse, il faut admettre que la 
quantité initiale de substance active supposée invariable, est en 
quelque sorte diluée au fur et à mesure de la multiplication des 
individus, dans une masse protoplasmique de plus en plus 
grande. En d’autres termes sa concentration diminuera pen- 
dant toute la durée du eyele de croissance cellulaire, et pour 


Fig. 12. — Campanella umbellaria. Coupe de la région basale d’un indi- 
vidu migrateur montrant les « grains de sécrétion ». 


chaque individu la masse de substance active diminuera de 
moitié après chaque division. Si nous désignons par Q, la masse 
initiale de substance active, la masse Q pour un individu de 
génération # sera donnée, dans le cas d’une division régulière- 
ment dichotomique par la relation : 


(5) log Q = Q, — KG. 


Inversement, la masse totale de substance transformable 
soumise à l'action du ferment supposé peut s’accroitre propor- 
tionnellement à la quantité des substances ingérées, c’est-à- 


ESS 
= 
Æ= 


E. FAURÉE-FREMIET 


dire proportionnellement au nombre des individus, ou suivant 
une équation de la forme | 


(2) log Q — KGn — b 


cette masse de substance transformable demeurant sensiblement 
constante pour chaque individu. | 

Il se peut alors, jusqu’à ce que la dilution de la substance 
active atteigne une certaine valeur, que cette substance soit en 
excès par rapport à la masse transformable, et la masse formée 
croitra comme cette dernière à chaque génération ; mais la 
masse de la substance active interviendra lorsque pour une 
dilution plus grande, c’est la substance transformable qui se 
trouvera en excès; la masse formée pourra donc décroître à 
chaque génération à partir de ce stade. Il apparaît ainsi que la 
sécrétion de la substance formée, chitine ou autre, qui cons- 
titue le pédicule présentera un maximum, et que la courbe de 
croissance du pédicule colonial devra être représentée par une 
courbe en S de la forme (1), ce qui est conforme aux faits cités 
plus haut. 

Le cas de l'Opercularia racemosa signalé au paragraphe C 
demande un complément d'interprétation ; on a vu en eftet que 
dans les colonies de cette espèce, Les diverses lignées cellulaires 
ont un pouvoir sécréteur différent, et que chaque division 
sépare deux cellules dont l’une forme une branche pédiculaire 
plus longue que celle formée par l’autre. On est done tenté 
d'admettre que, toutes choses étant égales d’ailleurs, le partage 
de la masse de substance active ne s’est pas fait également entre 
les deux cellules issues de chaque bipartition ; la division cel- 
lulaire serait donc inégale. 


B. — Le cycle de croissance cellulaire. 


L'hypothèse d’une substance active produite à l'origine de 
la colonie et progressivement diluée dans une masse protoplas- 
mique croissante pourrait être appliquée à quelque autre sub- 
stance, ferment digestif par exemple, dont l’action sur les mgesta 
pourrait diminuer à partir d'une certaine dilution. Il est cepen- 
dant probable que les conditions qui régissent et limitent le 
cycle de croissance cellulaire sont beaucoup plus complexes ; 


L4 


LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 445 


d'ailleurs, l'étude du cycle de croissance cellulaire demanderait 
à être précisée non plus en fonction du nombre des générations 
mais en fonction du /emips réel. J’insisterai seulement ici sur 
l’inégale aptitude à la division de deux individus issus d’une 
même bipartition. 

Si nous reprenons l'exemple de l'Eprstylis arenicolæ, dont la 
colonie montre une lignée principale, de laquelle se détache à 
chaque génération un rameau, et si nous caractérisons par le 
nombre de ses descendants chaque individu formé sur la lignée 
principale par bipartition, nous obtenons par exemple le schéma 
suivant : 


RTL UnS au 
l'a7/19/ 19/8 /5/ 3/1 


Individu initial — 35 


Chaque bipartition sépare donc sur la lignée principale deux 
individus dont la « puissance de multiplication » est différente. 

La même remarque peut être faite à l'égard des rameaux qui 
pourront nous donner les schémas suivants : 


s DS A | 
1/37 9/1 
1°" rameau 8 


DNS LE A ie 
ISA 


1 1 
_3/9/1 
à 7 

CRC EU 
Kai 

1 1 /1 

2 


° rameau 43 


3° rameau 7 


On doit admettre, la taille des différents individus étant sen- 
siblement constante, que la « puissance de multiplication » 
d'un individu donné exprime la « puissance d’accroissement » 
de sa masse protoplasmique. On peut alors résumer sous une 
autre forme les faits précédents en disant : 

1° que l'accroissement à partir d’un individu donné est tou- 
jours limité, 

et 2° que, à chaque division, la « puissance d'accroissement » 


416 E. FAURÉ-FREMIET 


peut être inégalement partagée entre deux individus d'apparence 
semblable. 


C. — Les divisions cellulaires au cours du « cycle de croissance » 
d'une colonie de Vorticellides. 


La discussion des faits précédemment exposés fait songer, aussi 
bien en ce qui concerne l'accroissement de la masse protoplas- 
mique totale qu’en ce qui concerne l'accroissement de la masse 
sécrétée du pédicule colonial, à l'existence d’un ou de plusieurs 
« facteurs » actifs présents dès l’origine, pouvant se diluer dans 
la masse protoplasmique au cours de son accroissement total, 
et pouvant se partager inégalement au cours d'une bipartition 
cellulaire. 

L'examen attentif des divers individus d’une colonie et des 
différents stades de la division n'apporte pas de renseigne- 
ments bien précis sur les divisions en quelque sorte « différen- 
tielles » qui séparent deux individus de valeur inégale. Il semble 
bien cependant que, dans quelques cas particuliers, certains 
détails cytologiques viennent illustrer cette supposition. 

Chez des Vorticellides non coloniales, telles que les Lage- 
nophrys, la division sépare deux individus dont l'un demeure 
dans la thèque primitive, tandis que l’autre, pourvu d’une 
ceinture ciliée locomotrice, émigre et va se fixer et sécréter une 
autre thèque ailleurs. Or cet individu migrateur présente dans 
son cytoplasma des granulations particulières colorables in 
vivo, et, d'autre part, le macronueleus ne se partage pas égale- 
ment entre les deux individus, filles, car l’une de ses moitiés, 
de forme un peu différente, est moins riche en nucléoles que 
l'autre. 

Chez les Vorticellides coloniales, on peut observer, lorsqu'il 
existe une lignée principale, quelque chose d’analogue. Chez 
le Zoothamnium Cienkowskii décrit par Môümws et que j'ai 
observé au Croisic, la multiplication des individus se fait à 
très peu de choses près comme chez l'Epistylis arenicolæ ; mais 
il semble que chaque division survenant sur la lignée princi- 
pale sépare deux individus dont l’un, celui précisément qui 
continuera cette lignée, possède un macronucleus un peu plus 
gros que l’autre, lequel donnera un rameau latéral et une des- 


LÉ CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 441 


cendance plus limitée. Le rapport nucléoplasmique pourrait 
donc être différent chez ces deux individus ; malheureusement 
la difficulté des mesures sur un noyau en forme de boudin 
arqué rend cette hypothèse difficilement vérifiable. 


IV. — Fermeture du cycle et reproduction de la colonie. 


On sait que, chez les Vorticellides coloniales, un individu 
peut quitter son pédicule après avoir acquis une ceinture ciliée 


sub-équatoriale dite « ceinture 
locomotrice ». Ce phénomène 
peut se produire à un moment 
quelconque sous l'influence 
d’une cause externe venant par 
exemple modifier lesconditions 
de milieu (aération insuffisante 
par exemple, etc.); mais il 
peut aussi se produire sponta- 
nément. 

Ce sont ces individus migra- 
teurs qui assurent la multipli- 
cation de l'espèce et la forma- 
tion de colonies nouvelles 
lorsque la colonie arrive au 
terme de sa croissance. C'est 
précisément chez ces individus 
migrateurs que l’on peut obser- 
ver dans le cas de certaines 
espèces, telles que Campanella 
umbellaria, Yapparition, dans 
la région postérieure du corps 
de l'individu, des « grains de 
sécrétion » cités plus haut. 

Chez Zoothamnium  Cien- 
kowskii et Z. arbuscula, on 


Fig. 13. — Zoothamnium Cienkow- 
skii. Schéma d’une colonie avec 
les macrozoiïdes. 


observe, le plus souvent au voisinage de l'axe principal, de gros 
individus que quelques auteurs ont confondus avec des ma- 
crogamètes ; MôBius a montré que ce sont des individus 


448 E. FAURÉ-FREMIET 


migrateurs, c’est-à-dire des individus reproducteurs mais non 
sexués, que l’on peut nommer « macrozoïdes ». 

Chez Z. Cienkowsku, les macrozoïdes se forment par la crois- 
sance sans division d'individus qui au nombre de un, deux ou 
quatre, constituent à eux seuls un court rameau de second ordre, 
ou d'individus situés à l’aisselle d’un rameau normal de deuxième 
ordre. Ce sont presque toujours des individus de troisième ou 
quatrième génération au moins ; généralement d'autres macro- 
zoïdes se forment plus haut, deux ou trois générations après. 

Les macrozoïdes ne sécrètent jamais qu'un très court rameau 
pédiculaire, et leur position à l’aisselle d’un rameau de second 
ordre, ou sur l'axe principal, mais à peu de distance au-dessus 
de l’un de.ces rameaux, indique qu'ils résultent d’une biparti- 
tion survenue très rapidement après la précédente : l’existence 
de groupes de deux, ou de rosettes de quatre macrozoïdes, 
montre que l'individu primitif peut encore se diviser une ou 
deux fois, mais jamais davantage. Le volume d’un macrozoïde 
atteint environ quatre fois le volume d’un individu ordinaire ; 
le macronucleus s'accroît dans une proportion bien plus consi- 
dérable et forme un boudin contourné de fort diamètre ; la 
relation nucléoplasmique est donc sensiblement plus forte (!) 
chez les macrozoïdes que chez les individus ordinaires ; le 
micronucleus au contraire ne semble pas varier. 

Au moment où les macrozoïdes quittent la colonie, leur forme 
se modifie profondément, et devient discoïde ; la ceinture loco- 
motrice est très développée. Toutes les inelusions alimentaires 
sont expulsées, le cytoplasma est clair sauf dans la région pos- 
térieure finement granuleuse ; la vésicule contractile est volu- 
mineuse et entourée de plusieurs vacuoles adventices ; on cons- 
tate enfin que la scopula s’est beaucoup élargie et que son 
diamètre atteint environ 17 2, c'est-à-dire le diamètre ordinaire 
de la base d’un pédicule colonial. 

La durée de la vie libre menée par l'individu migrateur n’est 
pas connue, mais 1l est certain que, en se fixant, le macrozoïde 
devient la souche d’une nouvelle colonie. 

Il serait tout particulièrement intéressant de savoir quelles 


(*) Rappelons que les mesures exactes sont rendues impossibles par la forme du 


macronucleus,. 


LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICÉLLIDES 449 


transformations physico-chimiques accompagnent la formation 
des macrozoïdes ; les résultats de quelques essais micro-chi- 
miques sont demeurés négatifs. Quoi qu'il en soit, les faits 
observés chez Campanella umbellaria et Zoothamnium Cien- 
kowskii montrent que, en dehors des divisions différentielles qui 
existent chez certaines espèces, la formation des individus 
migrateurs peut être caractérisée par d'importantes modifica- 


Fig. 14 — Zoothamnium Cienkowskii. Un individu ordinaire et un macro- 
zoïde en voie de croissance. Aspect du macronucleus et du micronucleus. 


tions ; il est d’ailleurs possible que ce phénomène soit beau- 
coup plus général que nos moyens d'observation ne le font sup- 
poser. } 


ŸV. — Conclusion, 


Comment faut-il interpréter l'apparition des individus migra- 
teurs au cours du cycle de croissance d’une colonie de Vorti- 
cellides ? 

Nous pouvons résumer l’ensemble des faits exposés ici en 
disant que la croissance totale d’une colonie est limitée, et 
s'effectue, le plus généralement, suivant une courbe en S typique 


450 1 E. FAURÉ-FREMIET 


(équation de Rogerrson). Dans ces conditions, nous pouvons 
interpréter la vie d'une colonie comme un « cycle de croissance ». 

Les relations intercellulaires, ou l’action réciproque des diffé- 
rents individus les uns sur les autres, pouvant être considérées 
comme négligeables dans une telle colonie, nous avons estimé 
d'autre part que les raisons de ce cycle de croissance doivent 
être cherchées dans les phénomènes protoplasmiques, intracel- 
lulaires par conséquent. 

Un premier point doit être retenu ; pendant toute l’évolution 
d’une colonie, l'alimentation de chaque individu se poursuit 
d'une manière constante aux dépens d’un milieu qui peut être 
considéré comme inépuisable en raison de sa grande masse. 
On n'aurait donc aucune raison de chercher la cause d'un 
ralentissement de la croissance dans une variation de la quan- 
tité d'énergie chimique utilisable (*). 

C'est donc le pouvoir d'utilisation de l’énergie extérieure qui 
diminue progressivement pour chaque individu. 

Nous avons fait l'hypothèse, en ce qui concerne la sécrétion 
du pédicule, que l'individu migrateur, élément initial d'un 
cycle de croissance, possède une certaine masse d’un corps 
actif, tel qu'un ferment capable de réaliser la synthèse de la 
substance pédonculaire ; cette masse étant partagée également 
ou inégalement entre les nouveaux individus à chaque division 
se dilue progressivement dans une masse protoplasmique 
croissante. On peut supposer que la masse présente dans l’in- 
dividu initial est en excès par rapport aux substances transfor- 
mables, tandis que, chez un individu de génération », ce sont 
les substances transformables qui seront en excès par rapport 
à la petite fraction restante de la substance active. La masse 
de substance produite devra donc croître d’abord proportion- 
nellement à la masse de substance transformable, puis à partir 
d’une certaine limite, proportionnellement à la masse de sub- 
stance active ; la courbe représentative sera bien en forme deS, 
l'accroissement d'abord progressif tendant vers une limite après 
avoir passé par un maximum. 


(') Rappelons ici que le problème se pose différemment quand on étudie les pre- 
miers stades de développement d’un œuf Considéré comme un système fermé, 
renfermant une quantilé déterminée d'énergie chimique (réserves vitellines) qui 
se dégrade régulièrement au cours des processus respiratoires. 


LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORLICELLIDES 451 


La même hypothèse peut être faite pour expliquer la syn- 
thèse progressive de la matière vivante, c'est-à-dire l’accroisse- 
ment protoplasmique ; cependant aucune base expérimentale 
ne permet d'étayer ces suppositions. Nous pouvons alors rendre 
compte des faits tout en éliminant les hypothèses sur la nature 
du « pouvoir d'utilisation » de l'énergie extérieure, en consi- 
dérant globalement ce pouvoir comme une quantité finie Q, 
existant chez l'individu initial et partagée à chaque génération 
de sorte que un individu de génération Gn en possède une frac- 


ton (!) Q» donnée par la relation (5) : 


los Qn — 0, = KGr. 


La dilution progressive de Q dans une masse protoplasmique 
croissante, ou ce qui revient au même sa réduction progressive 
dans chaque individu de génération nouvelle, rend bien compte 
de la croissance totale limitée d’une colonie, c'est-à-dire de cette 
sorte de dégradalion qui caractérise un cycle. Le début d’un 
‘cycle nouveau, c’est-à-dire la formation, la différenciation de 
chaque individu migrateur, constitue inversement une phase 
de récupération, et il faut admettre d’après ce qui a été ditque 
cette « récupération » de Q est un phénomène essentiellement 
discontinu. ; | 

IL est possible de se représenter les causes protoplasmiques 
d'un cycle de croissance sous un jour tout différent, en consi- 
dérant Ia notion des constantes cellulaires établie par Mayen 
et SCHAEFFER. L ; 

On sait, d'après les travaux de ces auteurs, que les valeurs 
quantitatives d'un certain nombre de constituants cellulaires 
(p. ex. eau, acides gras, cholestérine, etc.) sont en rapports 
numériques constants avec la masse totale de la cellule consi- 
dérée. Ces rapports sont caractéristiques pour une espèce cellu- 
laire donnée (pratiquement pour un issu donné) ; ce sont des 
constantes caractéristiques étroitement liées entre elles. 

Mais l'étude expérimentale des premiers phénomènes du 
développement de l'œuf a montré d'autre part que la compo- 
sition d'une cellule varie au cours des phénomènes de la divi- 
sion ; il existe en un mot un « cycle cellulaire » compris entre 


{‘) Dans le cas d'un partage égal de Q à chaque division : le partage mmégal 
qu'il faut admettre dans certains cas complique seulement cette relation. 
30 


E. FAURÉ-FREMIET 


rs 
Qt 
[7 


[l 
deux divisions successives, et caractérisé par des variations 
périodiques de la composition physico-chimique cellulaire. 

Les constantes de Mayer et ScnAërreR ne sont donc, bien 
entendu, que des valeurs moyennes caractéristiques d’une quan- 
üté de tissus constituée ordinairement par Æ 1 à 15.10 éléments 
cellulaires (*). 

Leur existence signifie que les variations de la composition 
qui accompagnent un eyele cellulaire sont comprises entre 
certaines limites bien définies, et se reproduisent avec une fré- 
quence déterminée. Elles représentent bien un « état d’équili- 
bre » statistique. 

L'équilibre défini par les constantes cellulaires est caracté- 
ristique d'un tissu à l'état adulte et l'étude des tissus en voie de 
développement (poumon fœtal par exemple) montre au con- 
traire une variation continuelle de Ja composition de ces tissus. 
Dans un tissu en voie de développement ou de différenciation 
il n'y à plus de constante cellulaire que si l’on considère sépa- 
rément chaque point de ce développement ; en d’autres termes, 
une série continue d'équilibres successifs se réalise pendant 
toute la durée d'un cycle. 

IL est logique d'étendre cette notion au cycle d’une colonie 
de Vorticellides, et d'admettre à partir de l'individu fondateur, 
ou élément initial, une variation continue de la composition 
cellulaire (?). 

Mais rien n’autoriserait l'affirmation que tous les états suc- 
cessifs correspondants à des compositions physico-chimiques 
différentes soient également compatibles avec le fonctionne- 
ment normal de la cellule. On peut au contraire supposer que 
le fonctionnement normal ne soit possible qu'entre certai- 
nes limites des variations de l’état interne, c'est-à-dire, pour 
une série d'états d'équilibre compris entre l’état imitial et un 
état ultérieur déterminé (°). La fermeture du cycle de crois- 
sance ou, ce qui est la même chose, le début d’un cycle nou- 
veau, serait donc caractérisée par le retour à l’état initial. Dans 


(1) Les différents dosages pouvant être faits sur des quantités de tissu variant 
de 4 à 45 grammes. 

(2) On peut imaginer par exemple que la vitesse de formation ou de destruc- 
üon de trois constituants protoplasmiques æ, y, s soit légèrement différente ; les 
rapports entre leurs quantités absolues varieront à chaque instant considéré. 

(#) L'état final pouvant dans ce cas se confondre avec la mort. 


LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 453 


cette interprétation la quantité finie Q dont nous avons parlé 
plus haut ne représenterait plus une sorte de masse susceptible 
de partage à chaque génération cellulaire. Un élément de la 
colonie, de génération x étant parvenu à l’état limite, Q repré- 
senterait la variation nécessaire pour ramener cet élément à 
l'état initial, caractéristique de l'élément initial. Cette varia- 
tion représente un certain travail, l'utilisation d'une certaine 
quantité d'énergie, ef Q pourrait être comparé à une sorte de 
quantum d'énergie biologique. 

Remarquons encore une fois que la colonie considérée est un 
système ouvert recevant continuellement de l'énergie chimique ; 
la discontinuité représentée par Q ne peut donc être cherchée 
que dans l’utilisation de cette énergie extérieure. H y aurait en 
d’autres termes, au moins deux formes de travail possible pour 
un élément de colonie : ou bien un travail d'accroissement 
entrainant une variation progressive de la composition physico- 
chimique, c’est à-dire une dégradation progressive dont la limite 
se confondrait avec la mort ; ou bien un travail de « récupéra- 
tion » entrainant le retour à l’état physico-chimique initial. 

L'étude énergétique de la croissance autotrophe du Têtard 
de la Grenouille nous avait déjà conduit à l'idée analogue d’une 
alternance normale de deux modes de travail, la quantité 
d'énergie transformée demeurant constante. 


OUVRAGES REÇUS 


G. P. Frers. — /eredity of head form in Man. — La Haye, Marlinus Nij- 
hoff, 1921. 1 vol. 192 p., avee nombreuses tables et des diagrammes. 


L'auteur a étudié, au point de vue mendélien, les indices céphaliques de 
3.600 personnes appartenant à 360 familles environ. L'étude met en relief 
des faits de segrégation. des variations héréditaires, des différenees de eom- 
position héréditaire des indices céphaliques des parents; elle montre aussi 
que dans beaucoup de familles les indices des enfants sont inférieurs ou 
supérieurs à ceux des parents. La brachycéphalie est plus ou moins domi- 
nante sur la dolichocéphalie. 

On note de nombreuses variations non héréditaires. 

L'auteur cherche à ramener les ne oo aux IRÉDEES en Cours, Sans 
d’ailleurs beaucoup insister. 

Il convient surtout de signaler orie duantité de doeuments qu'ap: 
porte Frets. On n'en saurait contester ni l'intérêt n1 lutilité. Pour tirer des 
conclusions valables relatives aux. faits héréditaires chez l’homme, les docu- 
ments de ce genre ne seront jamais assez nombreux. Tous les travaux 
analogues méritent encouragement, et il faut remercier les travailleurs qui 
consentent à les élaborer. 

ETIENNE R4Bau». 


L'un des Directeurs, Gérant : Er. RaBaun. 


LAVAL. — IMPRIMERIE BARNÉOUD. 


PLANCHE fl 


EXPLICATION DE LA PLANCHE NI 


Photographies sans retouche de la voüle palatine d’'Amblystoma tigrinum 
Green à différentes étapes du développement ; le maxillaire inférieur et 
les arcs viscéraux ont été sectionnés d’un côté et le plancher de la bouche 
récliné du côté opposé. 

A. — Axolotl adulte müle de 17 cent. (No 15, fig. 31, p.336). Dents vomé- 
riennes et dents plérygo-palalines en une seule rangée longitudinale, les 
premières au milieu de la lamelle osseuse, les secondes sur le bord externe 
de la plaquette dentée ; récessus labio-maxillaire visible à droite; maxil- 
laire inférieur, plancher buceal, langue, ares hyoïdien et branchiaux intaets 
du même côté; au centre, en arrière, orifice glottique X 1 1/4. 

B. — Jeune Amblystome de 11 cent., à la fin de la métamorphose externe 
(No 29, fig. 40, p. 357). Bourrelcts vomériens larges, saillants, réunis sur 
la ligne médiane et figurant un accent circonflexe concave en arrière ; 
leur partie antérieure dentée a acquis une posilion semblable à celle que 
présentent à l’état permanent les bords vomériens dertés des demi-Ambly- 
stomes branchiés. X 1 1/4. 

C. — Demi-Amblystome branchié de 17 cent (No 95 bis, p.371). Les tiers 
internes des bords vomériens dentés, au contact sur la ligne médiane, 
forment une crête transversale au devant de la ligne interchoanale anté- 
rieure, tandis que les deux tiers externes des bords dentés. obliqués en 
arrière et en dehors, inclinés de 450 environ sur l'axe longitudinal du 
corps, finissent de chaque côté derrière Ja choane. Récessus labio-maxil- 
laire disparu ; la peau s'applique au bord externe du maxillaire supérieur. 
Cavum internasale étendu et profond. L'échancrure visible au bout‘du 
museau est accidentelle. X 1 1/3. 

D. — Amblystome de 19 cent. (No 28, fig. 48, 49, 50, 51, p. 378 à 383). Bord 
vomérien denté très saillant, presque transversal, dessinant une légère 
sinuosité en S, la partie antérieure étant concave en dedans et en arrière, la 
partie externe, concave en dehors et en avant, encadrant le pourtour pos- 
térieur de la choane. Les deux bords dentés, presque au contact sur la ligne 
médiane, faisant chacun avec l’axe du corps un angle ouvert en arrière 
de 850 environ, figurent ensemble un toit surbaissé. X 2. 


Bulletin Biologique, Tome LVI. 


De WinTREBERT, phot. 


Voûte palatine des Salamandridæ. 


PLANCHE 


II 


E. ROUBAUD 


ETUDES SUR 
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 
DES MUSCIDES 


Les Cycles d’Asthénie et l’Athermobiose 
réactivante spécifique. 


SOMMAIRE 


AVANT-PROPOS. 
I. LA DIAPAUSE D'HIVER CÉDANT AU FROID CIHEZ LES MUSCIDES. 

1. Les données actuelles sur l'hibernation larvaire ou nymphale. 

2. Le froid et les arrêts spontanés d'évolution Jarvaire ou nymphale. 
Observations et Expériences. 

3. Discussion des résultats. Le rythme hivernal cédant au froid et les 
influences réactivantes diverses. Muscides Aomodynames et hétérody- 
names. 

IT. LA DIAPAUSE D'HIVER AU POINT DE VUE PHYSIOLOGIQUE. SA NATURE 
ET SES CAUSES. 

1. Intoxication et asthénie héréditaire cyclique chez les Muscides hété- 
rodynames. Épuisement el rajeunissement périodique des générations. 
a. Diapause hivernale el excrélion : 

Réactivation des larves d'hiver de Hydæa en l'absence du froid. 
Manifestations extérieures et réalisation expérimentale de l’as- 
thénie spécifique d'hibernation. Expériences diverses d’into- 
xication inhibitrice. 
Démonstration, par la eryoscopie, de la surcharge physiolo- 
gique des larves hibernantes. 
b. Caractère héréditaire cyclique de l’asthénie chez les Muscides hété- 
rodynames. Le rajeunissement périodique. 

2. L'asthénobiose cyclique et l'athermobiose réactivante spécifique. 

3. L'athermobiose et la distribution géographique des Muscides. 

ILI. L'ASTHÉÈNIE SPÉCIFIQUE ET LA QUESTION DES MÉTAMORPHOSES. 

IV. CYCLES OU RYTHMES ASTHÉNIQUES ET INFLUENCES RÉACTIVANTES 
DANS LA NATURE. 

1. Vie latente, fatigue et intoxication. 

2. Hibernation et athermobiose réactivante. 

3. Estivation et anhydrobiose réactivante. 

Remplacement des effets réactivants de l’athermobiose par ceux 
de l'anliydrobiose. Exemples tirés de Hydæa platyptera. 
CONCLUSIONS. 


456 E, ROUBAUD 


AVANT-PROPOS 


Comment hivernent les Mouches communes ? 

C'est en m'attachant à l'examen de cette question, qui s’ins- 
crivait si naturellement au programme de la Fondation Zaha- 
roff pour l'Etude des Mouches, que j'ai été amené aux recher- 
ches qui font l’objet de ce Mémoire. 

Le « sommeil d'hiver » larvaire ou nymphal de ces Insectes, 
pour autant qu'il avait pu être constaté, n'était Jusqu'ici conçu 
que comme un simple phénomène d’engourdissement provo- 
qué par le froid : explication simple et logique, valable 
semble-t-il pour la plupart des organismes hivernants. Je 
n'ai pas tardé cependant à reconnaitre que, pour nombre 
de Mouches vulgaires hivernant à l’état de larves ou de 
pupes, le froid n’est pour rien dans le déterminisme du som- 
meil hivernal : tout au contraire, comme on le verra dans le 
cours de ces recherches, c'est lui l'agent actif du Réveil printa- 
nier. Sans l'hiver, le sommeil hivernal risquerait de se prolon- 
ger indéfiniment jusqu à la mort. Les espèces endormies, à 
une continuelle température d’été ne verraient pas la fin de la 
léthargie mystérieuse qui les frappe. C’est Le froid qui met trève 
à l’enchantement imprévu planant sur leur destinée: c’est 
l'hiver qui combat la torpeur et fait cesser le sommeil d'hiver ! 

Constatation imprévue et singulière dont j'ai déjà brièvement 
énoncé ailleurs (!) les termes principaux! Le caractère si par- 
ticulier, en quelque sorte paradoxal du fait appelait pour son 
interprétation une étude attentive, une comparaison avec les 
différents phénomènes d’hibernation connus dans le monde 
vivant. C’est l’ensemble des données auxquelles je suis par- 
venu que je présente dans ce Mémoire. 

D'un cas en apparence très isolé, très spécial, j'ai été amené 
à la conception de phénomènes d’une très grande généralité 
biologique et sur la nature desquels les faits étudiés chez les 
Mouches projettent souvent une lumière un peu inattendue. Je 
ne saurais me flatter sans doute de donner des phénomènes 
en question une explication physiologique intime ; les faits 


(!) C. R. Acad. des Sciences, avril 1922 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 457 


d'arrêt momentané des énergies vitales sont aussi obscurs que 
tout ce qui concerne la vie manifestée elle-même. Néanmoins, 
dans le déterminisme des différents processus inhibiteurs du 
métabolisme, observés chez les êtres vivants, on peut relever 
des traits d'incontestable similitude avec ceux que nous offrent 
les Muscides. Il m'a paru digne d'intérêt de rapprocher en une 
même doctrine toutes les identités que nous pouvons saisir entre 
ces phénomènes de vie sommeillante, dont les formes et Les 
caractères, dans Ja nature entière, offrent une infinie variété. 
Le lien entre ces processüs n'apparait pas toujours. Je voudrais 
cependant montrer comment on peut concevoir son existence. 


I 


LA DIAPAUSE D'HIVER CÉDANT AU FROID, 
CHEZ LES MUSCIDES 


4. Données actuelles sur l'hibernation larvaire ou 
nymphale des Muscides. 


L'hibernation des mouches communes sous la forme adulte 
est un fait bien connu. Rare chez la Mouche domestique, chez 
le Stomoxe, qui sont des espèces recherchant la chaleur des 
habitations ou des étables, et susceptibles de conserver une 
activité de ponte toute l’année à température favorable, elle 
est au contraire habitude courante pour d'autres espèces comme 
la Mouche bleue de la viande, les Pollenia, la Mouche des bes- 
tiaux M. corvina, etc., espèces susceptibles de passer l'hiver 
en état de vie plus ou moins ralentie sous l'influence du froid. 
Très souvent, dans les campagnes, les pièces froides des habi- 
tations sont envahies par des essaims denses de mouches hiver- 
nantes appartenant à ces différentes espèces. Il suffit d’un peu 
de chaleur pour leur redonner l’activité. 

Si ces faits sont bien connus pour les mouches adultes, en 
revanche l'hibernation des espèces communes, sous la forme 
de larves ou de pupes, ne parait avoir réellement attiré l'at- 
tention que dans ces dernières années, où elle a fait l’objet 
d'un assez grand nombre de recherches. Mise en doute par 
certains auteurs : G. Hewirr (*), Moxcxtox Copeman, et AUSTEN (?), 


(:) The House-fly. 
C) Repts. Loc. Gov. Board Publ. Health and Med. Subj. N. S. n°102. Ex, Aer, 
Appl. Entom. B, t. II, p. 88. 


458 ; E. ROUBAUD 


H. Lyon ('), l'hibernation de la Mouche domestique (M. domes- 
tica) sous la forme de larves ou de pupes a, au contraire, été 
reconnue comme probable par Howaro et Hurcuison (?), par Skin- 
ner (*), par Dove (*), par Granan-Surrn (°); comme certaine par 
Kisuur (°), J. Legenpre (°), par Mc Donxez et Easrwoop (*); mais 
non par KoBayasui (*). 

Dans les cas où l’hibernation de cette espèce à l’état larvaire 
ou nymphal a été nettement constatée, elle ne parait le plus 
souvent qu'exceptionnelle. Il s’agit là, certainement, d'un phé- 
nomène plutôt rare, ce qui explique qu'il ait été longtemps dis- 
cuté. Certains auteurs (Me Donxez et Easrwoon, le Japonais 
Kogayasni en Corée) notent que les pupes d'hiver de la mou- 
che domestique éelosent rapidement lorsqu'on les place à la 
chaleur. C'est donc bien un simple arrêt du développement 
provoqué par le froid. 

Pour le Stomoxe (Stomozxys calcitrans), mouche piqueuse des 
écuries, les données concordent avec celles qui ont trait à la 
mouche domestique. L’hibernation sous la forme de pupes ou 
de larves, au sein des tas de fumiers, est reconnue par Hewitr, 
F. C. Bisnopp ("°), GRanau-Suiru, Kogayasar. La pupe de cette 
mouche, qui normalement évolue en quelques jours, peut passer 
plusieurs mois en état d’hibernation mais elle éclot dès que la 
température redevient favorable. 

L'hibernation larvaire ou nymphale des Mouches Sarcopha-. 
ges communes (Sarcophaga, Lucilia, Calliphora) a fait l'objet. 
d'observations précises de la part de Granam-Suira. Dans lim- 
portant travail que cet auteur à naguère consacré à la Biologie 
des mouches vulgaires, il est noté qu'un grand nombre d'espè- 
ces, en dehors de la Mouche diner et du Stomoxe, pas- 
sent l'hiver au stade pupal, plus rarement sous forme de larves 


() Psyche, &. XXII, 4 août 1915, p. 140 
(2?) U. S. Dept. ÀAgric., Farmers”. ste 851, août 1917. 
(3) £r atom. News., Philadelphie, t. XXIV, juillet 1913. 
{‘) JE. Econ. Entom. Concordia, t. IX, n° 6, déc. 1916. 

(‘) Obs. on Habits and Paras. of Common Flies. Parasitology, t. VII, n° #, juin 
1916, pp. 440-544 

(5) Some Winter Obs. of Muscid Flies. Ohio Jl. Sci. Columbus, t. XVII, n° 8, 
juin 1917, sc. Æev. Appl. Entom. B, 1917. 

(‘) Revue d'Hygiène et de Police sanitaire, t. XXXIX, n° 1, janv. 1917. 

() A note of the mode of Existence of Flies during Winter. J!. R. Army Med. 
Corps, t' XXIX, ne 1, juill. 1917, p. 98: 

(*) Overwintering of Flies. Japan Medice. World., t. 1, n° 3, 15 juill. 1921. 

(1°) The Stable Fly {/.S. Dept. Agric. Farmers’Bull. 540. Washington, 1913. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 459 


qui se pupifient au premier printemps. Parmi les espèces 
diverses étudiées, dont la liste est donnée, qui jouissent de cette 
particularité, figurent notamment Calliphora erythrocephala et 
vomitoria, Sarcophaga melanura, S. carnaria, Lucilia cϾsar, 
L. sericata, toutes espèces se développant sur la viande et les 
cadavres. Pour l'observateur anglais, l'éclosion des pupes d'hiver 
de ces mouches ne pourrait se produire qu'à partir d’une tem- 
pérature critique déterminée, variable suivant les espèces. Lors- 
que cette température peut être atteinte, même en plein hiver 
les mouches éclosent, sans doute aux dépens de pupes formées 
dès l’automne. 

Dans un travail ultérieur (')}, le même observateur signale 
l’éclosion souvent très précoce des mouches bleues, dès le 
début du printemps. Lorsque la température est favorable, 
on voit ces espèces apparaître brusquement en quantités 
considérables, dès la fin de l'hiver aussi bien qu’à une époque 
plus avancée de la saison. C'est là, en effet, une particularité 
éthologique digne de remarque, dont nous trouverons l’ex- 
plication dans le cours de cette étude, et qui distingue ces 
espèces de la mouche domestique et du Stomoxe : ces dernières 
formes sont toujours relativement rares au début de la saison ; 
leur abondance augmente, pour les raisons que nous imdique- 
rons plus loin, au fur et à mesure que la saison s’avance. 

J. LeceNnre, dans le travail précédemment cité, a constaté 
également l’activité plus précoce des mouches sarcophages. 
Elles pondent plus tôt que la mouche domestique et, dès le 
mois de mai, leurs larves se rencontrent déjà nombreuses, alors 
que celles de la mouche domestique sont encore rares. L’au- 
teur note la transformation en pupes le 10 décembre, en plein 
hiver, de larves de Calliphora récoltées par lui le 22 octobre. 
Deux de ces pupes ont donné des imago le 12 février suivant. 
LecenDre estime que c’est Le plus souvent à l’état de larves ou 
de pupes que se fait la conservation des espèces sarcophages 
d'une année à l’autre. 

Enfin Kisuiuck, aux Etats-Unis, a constaté également par des 
élevages que Lucilia sericata, L. cœsar, L. sylvarum, Phormia 


(:) Further observations on the habits and Parasites of Common flies. Parasi- 
tologu, t. XI, oct, 4919, 


460 E. ROUBAUD 


regina, les Calliphora, Cynomyia cadaverina hivernaient sous 
la forme de larves ou de pupes. 

Les mêmes observations ont été faites pour différentes espè- 
ces d'Anthomyides saprophages ou coprophages. Ainsi, la petite 
mouche des maisons Fannia canicularis à été rencontrée par 
Mec Doxxezz et Easrwoon, en plein hiver, sous la forme de larves 
ou de pupes vivantes. Ces dernières, placées à la chaleur, se 
sontimmédiatement pupifiées et l’éclosion n’a pas tardé à se pro- 
duire. GRanAm-SuirH, Kogayasai mentionnent également l’hiber- 
nation de cette espèce aux stades préimaginaux. Lesne('), dans 
ses observations récentes sur la faune entomologique des fosses 
d'aisance de la région parisienne, a rencontré des larves et des 
pupes de Fannia incisurata et de F. scalaris, Anthomyides voi- 
sins de la précédente espèce, aux mois de janvier.et de mars, 
engrande abondance. 

Dans toutes les observations qui précèdent, l'hibernation des 
larves ou des pupes de mouches est toujours envisagée comme 
un phénomène en liaison déterminante directe avec le froid. 
Nulle part nous ne voyons formuler même l'hypothèse que 
ce sommeil d'hiver préimaginal puisse relever d’une autre 
cause que de l’abaissement de la température. Cependant, 
dans un autre groupe de Muscides, Les Tachinaires, mouches à 
larves parasites, des observations ont été faites, d’après les- 
quelles l’engourdissement hivernal des pupes apparait bien 
comme indépendant du refroidissement de la température, et 
suscité par des influences internes, à la vérité très obscures. 
Il convient, en effet, dans cet historique, de réserver une place à 
part aux observations du R. Père PanTez qui touchent de très 
près au sujet qui nous intéresse. Dans ses belles Etudes sur les 
Diptères à larves Entomobies (), l’auteur signale les curieux 
faits suivants : « Lorsqu'on recueille en nombre des pupes d'une 
même espèce et sensiblement de même âge, il arrive fréquem- 
ment que le lot se partage en deux parties : quelques exemplai- 
res évoluent rapidement et la mouche parait après quelques 
Jours, ou tout au plus après quelques semaines ; les autres évo- 
luent lentement et c'est seulement l’année suivante, en général 

( Etude des Mouches et formes voisines. Travaux de la Fondation Zaharoff. 
Bull Must Hist Nat.) n°41991, p. 53. 


() L — Caractères parasitiques aux points de vue biologique, éthologique et 
histologique. La Cellule, t. XXVI, 1e nov. 1909, 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 461 


au printemps, que la mouché éclot. Le développement nym- 
phal se trouve ainsi dédoublé en un type rapide ou ordinaire et 
un type lent; celui-ci répond manifestement à une adaptation 
biologique dont le but est d'assurer la conservation de l'espèce 
pendant la saison rigoureuse et peut recevoir Le. nom de type 
d'hivernage. à 

« On observe ce double type de nymphose chez Bigonichæta 
setipennis, Cyrtophlebia ruricola, Thririon Hahdayanum, Gym- 
nosorña rotundatum et, probablement, on le retrouvera chez 
beaucoup d'espèces, peut-être chez la totalité des espèces adap- 
tées à un seul hôte ou à un petit nombre d'hôtes (monophages ou 
oligophages). Par contre nous n’avons observé qu'un type simple 
bien qu'éminemment élastique, chez Compsilura, espèce poly- 
phage par excellence. La nymphose d'hivernage apparait ainsi 
comme le moyen qui permet aux parasites oligophages d’atten- 
dre annuellenrent Le retour de leurs hôtes de nécessité. 

« Considéré en lui-même, ce dédoublementest une particula- 
rité biologique fort remarquable. On ne voit pas bien pourquoi, 
sur la totalité des individus correspondant à une même date d’em- 
pupage et soumis aux mêmes conditions actuelles, quelques-uns 
sont frappés, à l'exclusion des autres, d’un ralentissement d'évo- 
lution à la suite duquel on aura deux dates d’éclosion si distan- 
tes. Chez plusieurs de nos espèces, nous avons constaté soit une 
nymphose rapide (Meigenia, Blepharidia), soit une nymphose 
lente (Hyria, Siphona, Tach. N) qui font probablement partie 
d'un cycle dédoublé, dont le terme complémentaire est à décou- 
VrIr ». 

L'auteur signale aussi que l'existence de ce double type de 
nymphose, qu'il avait sommairement signalé dès 1902 chez Mei- 
genia, a été confirmé pour Thrixion, en 1906, par TavarEs, et pour 
Tachina larvarum par Niezsex, en 1909. Ces observations mettent 
nettement en évidence l'existence, chez les Muscides, de phéno- 
mènes de ralentissement métabolique coïncidant avec l’hiber- 
nation, mais dépendant de causes internes, non précisées. Nous 
trouverons dans l'exposé de nos propres recherches l’explica- 
tion physiologique des faits énigmatiques qui ont intrigué 
Panrez et dont l'interprétation ne lui est apparue qu'à un point 
de vue finaliste. 

J'ajouterai, pour clore cet exposé, que d’autres larves de Dip- 


462 E. ROUBAUD 


tères parasites, celles des Anthraciens par exemple, sont depuis 
longtemps connues comme des larves subissant un arrêt d’évo- 
lution hivernal. Mais nous sommes ici dans un groupe de Dip- 
tères différent des Muscides et je ne saurais m'y arrêter plus 
longuement, pour le présent. 


2. Le froid et les arrêts spontanés d'Evolution larvaire 
ou nymphale. Observations et Expériences. 


Dès 1916 et 1917, j'avais pu, en étudiant l’éthologie du Chal- 
eidien Ptéromalide Nasonia brevicornis Ashm., parasite des 
pupes de Muscides, observer chez cet Hyménoptère une par- 
ticularité curieuse : tandis qu’en été certaines pupes de Phornaia 
azurea, parasitées dans les conditions naturelles, donnaientissue 
normalement à des Chalcidiens adultes, d’autres pupes, prove- 
nant des mêmes lots, ne mettaient point en liberté de parasites, 
malgré la chaleur de l'été. Ces pupes, si on les ouvrait, se mon-. 
traient cependant occupées par des larves mûres ou des nym- 
phes de Nasonia, demeurant dans cet état sans poursuivre leur 
évolution. Il s'agissait là des formes hibernantes, déjà vues par 
Girauzr et Sanpers. J'ai pu observer, à leur sujet, que la cessa- 
tion ou l'interruption de l'activité métabolique n'étaient nulle- 
ment liées au froid de l'hiver, et que la température de létuve 
(25° C.) était impuissante à réactiver l'évolution. [Il ne s'agissait 
pas non plus d'hypnodie due à l’anhydrobiose, car l'arrêt se 
manifestait même en milieu humide. 

Quelques années plus tard, étudiant vers la fin d'octobre les 
larves de Muscides présentes dans les fumiers, à l'approche de 
l'hiver, j'obtenais dans les fumiers de lapins une quantité de lar- 
vesactives et mûres de Mydæa platyptera qui, placées à la tem- 
pérature du laboratoire, n'évoluaient pas en nymphes. A la 
même époque, M. Wollman, poursuivant ses recherches sur les 
mouches aseptiques, me faisait connaître que vers le mois d'oc- 
tobre les larves des Muscides sarcophages (Calliphora, Lucilia) 
qu'il éduquait aseptiquement sur cervelle stérilisée cessaient de 
se transformer. Il était impossible, malgré la température de 
l'étuve, d'en obtenir l’éclosion au cours de l'hiver. Les larves 
mûres et repues, après s'être conservées sans subir de nym- 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 463 


phose pendant un temps prolongé, finissaient par mourir, ou 
bien les pupes formées n'évoluaient pas. 

Ces intéressantes observations inédites de M. WozLman, jointes 
aux faits qui avaient déjà attiré mon attention personnelle, m'ont 
incité à étudier de plus près la question. Au mois d'octobre der- 
nier, je pus me procurer, grâce à l'obligeance de M. Pérann, 
un certain nombre de larves de Lucia sericata et de Sarco- 
phaga dont il avait obtenu le développement, à l’Institut Pas- 
teur, sur de la viande de mouton, en vue de recherches sur le 
cycle évolutif des Sarcosporidies. Les mouches mères, venues 
du dehors, avaient déposé leurs œufs sur cette viande exposée 
dans un cristallisoir, sur fond de sable. Le développement, aidé 
par une température encore élevée, s'était effectué en quel- 
ques jours ; mais, tandis que certaines pupes avaient pu se 
former, beaucoup de larves prêtes à la nymphose et ayant 
cessé de s'alimenter s'étaient enfouies sans transformations 
au sein de la couche de sable. Bien que la température fut 
encore à cette saison favorable aux éclosions, ni les pupes déjà 
formées, ni les larves n'achevèrent leurs transformations. J’ai 
reconnu plus tard que les larves nôn transformées étaient 
toutes des larves de L. sericata. Quant aux pupes, elles cor- 
respondaient à Sarcophaga falculata Pand. 

Dès ce moment, il était facile de se rendre compte que la stase 
hibernale constatée chez Les larves ou les pupes des espèces sar- 
cophages, n'était nullement liée, dans nombre de cas, aux 
actions de température; mais qu'il s'agissait certainement de 
ces arrêts rythmiques de développement, de causes obscures, 
déjà définis à des stades divers chez certains insectes et que 
l’on peut, avec Waeerer et Hexxecuy, englober dans l’appella- 
tion générale de diapauses (). Enfin, reprenant l'étude des lar- 
ves hibernantes de Mydæa platyptera dans Les fumiers de lapins, 
j'ai pu, par les expériences comparatives dont je donne le détail 
ci-après, confirmer et généraliser cette notion, en même temps 
qu'en aborder linterprétation du point du vue physiologique. 


() Le terme de diapause (desrausis : arrèl) a été utilisé par WuegLer pour 
désigner une phase de la blastokinèse. HENNEGuY, dans son Traité des Insectes, 
applique cette appellation à tous les phénomènes d'arrêl métabolique observés 
chez les Insectes, mais en les différenciant suivant le stade, en diapauses embryon- 
paires, larvaires, nymphales. Ce terme ne laisse en rien présumer la nature ou 
les causes physiologiques des phénomènes. 


464 E. ROUBAUD 


Je donnerai d'abord le résumé des principales expériences 
effectuées. Puis je discuterai, d’après les données acquises, la 
nature du phénomène envisagé dans les différents types de 
Muscides observés. 


À. — Expériences démontrant l'absence de rythme d'inactivité 
hivernale chez les Mouches domestiques (M. domestica) ou chez 
le Slomoxe (Stomoxys calcitrans L.) et l'influence déterminante 
du froid dans le sommeil d'hiver larvaire ou nymphal de ces 
espèces. 

1. A. — Durant tout l'hiver de 1920-21, et de 1921-22 ont été éduquées, à 
l'étuve à 20-250 C., en générations successives, des centaines de mouches 
domestiques. La durée de l’évolution (une quinzaine de jours) ne s’est jamais 
ralentie, les générations se succédant sans interruption avec la même activité. 

Durant tout l'hiver 1921-1922 des St. calcitrans ont élé éduqués à l’étuve 
à 20-250 C.en générations successives évoluant en 15 à 18 jours; il n'a été 
observé aucun ralentissement ni aucune interruption de l’activité biologique. 

2. A. — Des larves et des pupes de Sf. calcitrans, provenant des géné- 
rations d'étuve, ont été soumises pendant 3 semaines, dans le courant de 
janvier, à une température moyenne inférieure à 100 C. L'évolution, suspen- 
due par l’action du froid, a repris normalement dès que les larves ont été 
remises à température favorable. L’abaissement de température a seul pro- 
voqué la période correspondante d'inactivité. 

3. A. — Un lot de fumier de lapin provenant du dehors et déposé avant 
l'hiver, est placé le 6 mars à la (empérature du laboratoire (temp. 18-200 C. 
le jour, inférieure à 120 C. la nuit). Le 30 mars 5 mouches domestiques, le 
2 avril 2 stomoxes éclosent du lot de fumier. 

Cette dernière expérience confirme la possibilité de l'hiber- 
nation larvaire ou nymphale des mouches domestiques et du 
Stomoxe, dans les conditions naturelles. Le caractère excep- 
tionnel pour ces Muscides de ce mode de conservation de l’es- 
pèce d’une année à l’autre, ressort, d'autre part, de la rareté des 
individus issus au cours de cette expérience, le même lot de 
fumier ayant fourni, par contre, une centaine de larves hiver- 
nantes de Mydæa platyptera. 


B. — Expériences démontrant l'existence d'un rythme d'inac- 
lioité hivernale indépendant du froid, mais cédant aux exci- 
tants mécaniques ou physiques el au froid prolongé, chez les 
larves de Lucilia sericata. 

1. B. — ACTION NÉGATIVE DE LA CHALEUR SEULE. — 2 larves, müres depuis 


le milieu d'Octobre, sont placées le 10 novembre à l’étuve à 20-220 C. Ces lar- 
ves restent sans se nymphoser jusqu’en décembre où elles meurent, 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAÏ 465 


2. B. — AGrTION NÉGATIVE DE LA LUMIÈRE. — Une larve müre d'Octobre est 
soumise le 17 novembre à un éclairement intensif de lampe Nernst pendant 
2 heures, le 21, pendant 4 heures. Elle est ensuite placée à l'étuve à 20-290 C. 
Mort sans (ransformalion en fin décembre. 

3. B. — AGrioN POSITIVE DES BRÛLURES. — Une larve d'Octobre est placée 
le 10 novembre à l’étuve à 20-220 C.sans résultats. Le 20 Novembre on brüle 
la larve en deux endroits de l'abdomen à l’aide d’un fil de platine rougi. Le 
23 novembre cette larve se nymphose : éclosion normale le 3 décembre : 
L. sericata ©. 

4. B. — AcriON POSITIVE DE LA SAIGNÉE. — Une larve d'Octobre est saignée 
par piqûre à la pipette de verre effilée, le 12 novembre, puis placée le 14 à 
l’étuve à 20-220 C. Nymphose le 17 au matin. Eclosion le 25 novembre : 
L. sericata ©, légèrement atrophiée. 

9. B. — ACTION POSITIVE D'UNE TEMPÉRATURE ÉLEVÉE SUCCÉDANT BRUSQUEMENT 
AU FROID. — Une larve d'Octobre est placée à 00 C. le 14 novembre pendant 
6 heures, puis elle est portée à 450 C. pendant 35 minutes, On la reporte 
ensuite à 20-220 C. Nymphose le 17 au matin. Eclosion normale le 24: 
® Lucilia sericata. 


6. B. — AGrTiON POSITIVE D'UN CHAUFFAGE BRUSQUE A TEMPÉRATURE ÉLEVÉE 
SANS REFROIDISSEMENT PRÉALABLE — Une larve d'Octobre est portée brusque- 


ment le 17 novembre à 450 C. pendant 30 minutes. Puis on la place à l’étuve 
à 20-220 C. Nymphose le 19 Eclosion normale le 98 : © sericata. 

7. B.— ACTION POSITIVE DE LA CENTRIFUGATION. — Une larve d'octobre est sou- 
mise le 17 novembre à la centrifugation pendant 2 minutes (centrifuge élec- 
trique Jouan, vitesse moyenne). Elle est ensuite placée à l’étuve à 20-290 C. 
Nymphose le 20. Eclosion normale le 30 novembre : L. sericata ©. 

8. B. — ACTION NÉGATIVE DU FROID LIMITÉ À QUELQUES JOURS. — Une larve 
d'Octobre est placée à 00 C. du i5 au 17 novembre. Puis elle est portée à la 
température du laboratoire (max. 180 C.). Pas d’éclosion. 

9. B. — ACTION POSITIVE DU FROID PROLONGÉ. — Une larve d'Octobre est 
placée à la glacière (+ 40 C.) du 8 décembre au 3 janvier. Le 3 janvier elle 
est progressivement réchauffée puis mise à l’étuve à 20-220 C. Nymphose le 6. 
Eclosion normale le 17 janvier : L. sericata ©. 

10. B. — ACTION POSITIVE DES VARIATIONS HYGROMÉTRIQUES. — Une larve 
d'Octobre est placée à létuve le 10 novembre sur du sable bien sec. Ce sable 
est humidifié le 15 à différentes reprises. La larve se nymphose le 23. Eclo- 
sion normale le 3 décembre: L. sericata ©. 


Ces expériences font ressortir l’insensibilité de la larve hiver- 
nante de Lucilia sericata à l'action uniforme d'une température 
d'été. Cette larve ne reprend son évolution que si on la soumet 
à des existants brusques : actions mécaniques (piqûres, brü- 
lures, centrifugation) ou physiques (chauffage brutal succédant 
ou non au froid, variations d'humidité) ; elle est également réac- 
tivée par l’action prolongée d’une basse température, tandis que 
la même température n'agissant que pendant peu de jours est 
sans action. 


466 E. ROUBAUD 


C. — Expériences démontrant l'existence d'un rythme d'inactivité 
hivernale indépendant du froid, mais ne cédant qu'au froid, 
chez la pupe de Sarcophaga faleulata. 


1. G. — AGrION NÉGATIVE DE LA CHALEUR ET DE L'HUMIDITÉ. — 2 pupes 
d'Octobre de Sarcophaqu falculata sont placées à létuve à 20-220 C. le 
10 Novembre. On humidifie de temps à autre le sable sec sur lequel elles 
reposent. Pas d’éclosion. 

ACTION NÉGATIVE DES EXCITANTS BRUSQUES. — 2. C. — 1 pupe d'Octobre est 
placée brusquement à 00 C. du 14 au 17 novembre, puis replacée à la tem- 
pérature du laboratoire. Pas d’éclosion. 

3 C. — 1 pupe d'Octobre est placée à 00 C. du 14 au 17 novembre, puis 
chauffée brusquement à 450 C. pendant une minute et remise à la tempéra- 
ture du laboratoire. Pas d’éclosion. 

4. GC. — 1 pupe d'Octobre est portée brusquement à 450 C. pendant 
30 minutes, puis mise à l’étuve à 20-220 C. Pas d'éclosion 

9. C. — 1 pupe d'Octobre est centrifugée le 17 novembre pendant 2 minu- 
tes, puis le 17 décembre pendant 10 minutes. Elle est portée, dans l'inter- 
valle et après l’opération, à l'étuve à 20-220 C. Pas d’éclosion. 

6. GC. — 1 pupe d'Octobre est soumise le 17 novembre à un éclairement 
brusque de lampe Nernst pendant 2 heures ; le 21 pendant 4 heures (lumière 
froide). Elle est placée à l’étuve à 20-290 C. Pas d’éclosion. 

7 GC — 1 pupe d'Octobre est piquée et saignée légèrement à l'abdomen 
le 19 novembre, puis placée à l’étuve à 20-22 jusqu’au {er janvier, et mise à 
la température du laboratoire à cette date. Pas d’éclosion. 


8. C. — 1 pupe d'Octobre subit le 19 novembre des brülures au fil de pla- 
tine rougi, puis est placée à l’étuve à 20-220 C. Pas d’éclosion. 
9. C — 1 pupe d'Octobre est plongée le T décembre dans HCI concentré 


pendant une minute, puis lavée à l’eau et placée à l'étuve à 20-220 C. Pas 
d'éclosion. 

10. C. = 1 pupe d'Octobre est portée le 21 novembre à l'étuve à 600 C. 
pendant 30 secondes, puis placée à 20-220 C. Le 6 décembre elle est reportée 
à 580 C. pendant 5 minutes puis remise à 20-220 C. jusqu’au 24 janvier, Pas 
d’éclosion. 

11. C.-- Une pupe est plongée brusquement le 17 décembre dans l'alcool 
à 900 puis lavée à l’eau et placée à l'étuve à 20-220 C. jusqu'au 24 janvier. 
Morte à cette date, 

12. C. Une pupe est plongée le 7 décembre alternativement dans l'eau 
à 600 C. (10 secondes) puis dans l'eau froide (12 C.). Elle est ensuite placée 
à l'éluve à 20-220 C. Pas d’éclosion. 

13. C. — Une pupe est portée brusquement le 6 décembre à 830 C. pen- 
dant { minute puis placée à l'étuve à 22° C. jusqu’au 24 janvier. Pas 
d’éclosion. 


ACTION POSITIVE D'UN ABAISSEMENT THERMIQUE PROLONGÉ. — 14. C. — Une 
pupe est placée à la glacière (0 à + 40 C.) du 8 décembre au 3 janvier, 
puis à celle date mise à 20-220 C. Æclosion normale le 16 mars. 

15. GC. — Une pupe est placée à la gläcière (0 à + 40 C.) du 8 décem- 
bre au 3 janvier, puis portée brusquement à 680 C. pendant 45 secondes. Elle 
est ensuile placée à l’éluve à 20-220 C. £closion normale le 16 mars. 

16 C. — La pupe 10. C. est placée à partir du 24 janvier à la tempéra- 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 467 


ture du laboratoire où elle subit les effets du refroidissement nocturne 
(max. diurne + 18°, min. noct. + 5° C.). £Eclosion normale le 40 mai. 

17 C. — Le 24 janvier, la pupe 13. C. est placée à la même tempéralure 
du laboratoire (max. 18, min. + 5). Elle subit le 20 mars l’action d’un 
mélange réfrigérant à — 140 C. pendant 24 heures, puis, jusqu’en mai, les 
variations thermiques no males du laboratoire. £elosion normale le 11 mai. 

18. C. — Deux pupes sont placées le 24 janvier, au froid prolongé à la 
glacière (+ 40 C.) du 24 janvier au 46 mars, puis à celle date placées à la tem- 
pérature du laboratoire. L'une, provenant de l'expérience 12 ci-dessus, 
atteinte ultérieurement par des moisissures n'éclôt pas. La seconde, prove- 
nant de l’expérience 5 (centrifugalion) présente une éclosion normale te 
2 juin (La température moyenne du laboratoire, peu élevée en mars avril, 
depuis le 49 mai a été voisine de 25° C.). 


Ces expériences montrent que le sommeil hivernal des pupes 
de Sarcophaga falculata ne peut être brisé n1 par les excitants 
mécaniques, ni par les excitants physiques, ou chimiques. Seules 
de basses températures, continues ou non, agissant pendant 
un temps prolongé, ramènent le développement suspendu 
pour des causes internes indépendantes du froid de l'hiver. 


D. — Expériences démontrant l'existence d'un rythme d'inactivité 
hivernale indépendant du froid, mais ne cédant qu'au froid, 
chez les larves de Mydæa platyptera (Anthomytide). 


1. D. — ACTION NÉGATIVE DE LA CHALEUR. — Des larves, hivernant à l’exté- 
rieur depuis l'automne dans les fumiers de lapin, sont placées le 10 janvier 
à l’étuve à 200 C., dans leur milieu originel, très humide. Quoique mobiles 
et actives, ces larves müres ne prennent aucune nourriture et restent sans 
se transformer jusque vers la fin de février où quelques pupifications se 
produisent de façon irrégulière, se poursuivant jusque vers le 15 mars. Le 
plus grand nombre des larves ne se transforment pas malgré la chaleur. 

2. D. — ACTION NÉGATIVE DES EXCITANTS BRUSQUES. — Des larves provenant 
du même milieu sont partagées en 3 lots. L’un des lots est soumis à la centri- 
fugation pendant 5 minutes; le 2 lot, porté à 560 C pendant minute, puis 
replacé à la température de l’étuve ; les larves du 3e lot sont saignées, ou 
brülées au fil de platine. Aucune nymphose n'apparaît dans ces différents 
lots jusqu’à l’époque (fin mars) où la transformation se produit aussi pour 
les larves de l'extérieur. 

ACTION POSITIVE DU FROID PROLONGÉ. — 3. D, — Des larves provenant du 
fumier extérieur el ayant subi l'action normale du froid, 2 mois de plus 
environ que les larves de 1 2. sont placées le 6 mars à la température de 
laboratoire (max. 180 C. le jour, min. + 5 la nuit). De nombreuses pupes 
se forment quelques jours plus tard, surtout abondantes vers le 15 mars. 
Toutes les larves du lot sont nymphosées à la date du {er avril: Eclosions 
normales. 

4. D. — Des larves, restant non transformées du lot 1 2, sont mainte- 
nues à la température de l’éluve (20° C.), jusqu'au 30 mars. A cette date, les 
larves sont placées à la température du laboratoire (max. 180, min. + 5) 
pour subir les effets du refroidissement nocturne. Deux pupes se forment 


468 E. ROUBAUD # 


le 44 mai, les autres se nymphosent irrégulièrement dans les jours qui sui- 
vent; la dernière larve donne une pupe le 30 mai. Aucune de ces pupes tar- 
divement formées n'éclôt. 

3. D, — Des larves provenant de ponte expérimentale de deuxième géné- 
ration, datant du 7 avril, mûres et ayant cessé de s’alimenter vers le 20 mai. 
sont placées le 29 mai à la glacière (+ 50 C.) jusqu’au 19 juin (3 semaines). 
La Nymphose apparaît à la fin de Septembre, mais elle n’est pas générale, 
la durée du refroidissement n’ayant pas été suffisamment prolongée. 

APPARITION SPONTANÉE DE LA DIAPAUSE D'HIVER DÈS LE DÉBUT DU PRINTEMPS 
ET À LA CHALEUR DE L'ÉTUVE, CHEZ LES LARVES MURES DE DEUXIÈME GÉNÉRATION. 
ABSENCE DE DIAPAUSE CHEZ LES LARVES DE ÎT@ GÉNÉRATION POST-HIVERNALE. 

L'éducation dans le milieu normal (excréments de lapins) de Mydaea 
platyptera a été réalisée en série continue. 

6. D. — A. — {re génération. — Des mouches adultes provenant des 
nymphes de février du lot 4 D. ont été mises en élevage à l’étuve à 200 C. 
De pontes obtenues le 15 mars, sont issues des larves de 1re génération post- 
hivernale qui se nymphosent le 23 mars et donnent des imago le 2 avril. 
D’autres pontes obtenues le 8 mars évoluent également sans arrêt don: 
nant des adultes le 26 mars. 

B. — 2e génération. — Les mouches provenant de cette {re génération, 


élevées à l’étuve donnent des pontes les 7, 13, 20, 26, 28, 30 avril. Ces œufs. 


sont l’origine de larves de 2e génération qui évoluent plus lentement, à la 
même température que ci-dessus. Les premières larves ayant cessé de s’ali- 
menter n'aparaissent que le 22 mai. Quelques-unes sont encore en cours 
d'alimentation le 24 juin. Aucune nymphose ne se produit. L'évolution de 
cette 2 génération reste latente malgré la chaleur (25 à 300 C.). Vers le 
milieu de juillet quelques nymphoses abortives apparaissent ; peu à peu 
quelques unes des larves maintenues à l’étuve sans subir l’action du froid se 
pupifient mais le plus grand nombre des pupes formées ne parviennent 
pas à l’éclosion. Les larves restantes meurent sans évoluer dans le cours 
de l'été. 

ACTION NULLE DES EXCITANTS BRUSQUES SUR LES LARVES DE 2€ GÉNÉRATION A 
L'ORIGINE DE LEUR DIAPAUSE. 

7. D. — Le 29 mai, différents lots de larves müres de 2e génération ayant 
commencé leur diapause, sont soumis à des excitations diverses : piqüres, 
saignées, brülures, chauffage brusque à 600 C. pendant 4 minute à 2 repri- 
ses, chocs mécaniques multiples. Aucune larve ne se transforme en pupes. 
Les excitants sont également inefficaces chez les larves au 3e stade non 
mûres. 

On pouvait penser que le froid était capable de déterminer un ralentisse- 
ment durable de Pactivité chez des larves de {re génération. L'expérience 
suivante montre que non. 

9. D. — Des larves de {re génération à des stades divers de la croissance 
ont été placées à la glacière (+ 40 GC.) les 21 et 22 mars. Au sortir de la 
glacière, replacées à l’étuve, l’évolution se poursuit sans arrêt, avec nym- 
phose et éclosion au début d'avril. 


Ces expériences et observations mettent nettement en évi- 
dence l'existence, chez Mydæa platyptera, d'un rythme d'arrêt 
métabolique, indépendant du froid de l'hiver dans son déter- 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 469 


minisme d'apparition. Cet arrêt, précédé d’un ralentissement 
plus ou moins marqué de la croissance larvaire, survient à la 
fin de la période d'alimentation chez les larves de la deuxième 
génération d'été ou post-hivernale. Seul le froid prolongé, 
s'exerçant où non de façon continue, peut faire reprendre le 
développement. Les excitants brusques sont sans action. 


3. Discussion des Résultats. Le Rythme hivernal cédant au 
froid et les influences réactivantes diverses. Muscides 
homodynames et hétérodynames. 


Dans leur ensemble, les expériences ci-dessus font manifes- 
tement ressortir un premier fait. C’est que le sommeil d'hiver 
des larves de Lucilia sericata, de Sarcophaga falculata, de 
Mydæa platyptera n'est nullement lié, dans son déterminisme 
immédiat, au froid de l'hiver. I n’est pas plus lié à l'hiver 
que notre sommeil nocturne à la nuit. L'évolution de ces espè- 
ces s'arrête bien avant que les froids ne fassent sentir leur 
influence. L'inhibition se produit pour les unes (L. sericata, 
Mydæa), sous la forme de larves müres et ayant cessé de 
s'alimenter, sous celle de pupes tout récemment formées pour 
la troisième espèce. Cet arrêt, dont nous discuterons plus loin Les 
causes physiologiques intimes, se présente avec la valeur d’une 
périodicité normale dans le cycle annuel des espèces. Par là, 
on peut présumer tout de suite de son caractère obligatoire. 

Le sommeil hivernal des larves et des pupes dont il s’agit est 
donc bien différent, dans sa nature, de celui qui peut affecter occa- 
sionnellement les larves et les pupes de la Mouche domestique 
ou du Stomoxe. S'il arrive que ces dernières hivernent sous la 
forme larvaire ou nymphale, c’est ici le froid qui représente 
la raison déterminante du phénomène. Ce sommeil est avant 
tout lié au froid; il cède immédiatement aux élévations de 
température. Il n'apparait d’ailleurs comme aucunement néces- 
saire, n1 même utile à l'espèce. Les expériences d'élevage en 
séries, été comme hiver, nous montrent en effet que la mouche 
des maisons et le Stomoxe sont doués d'une activité de 
reproduction et de développement continue à toute époque de 
l’année et peuvent parfaitement se passer de sommeil d'hiver, 


470 E, ROUBAUD 


C'est la raison pour laquelle ces espèces se rencontrent toute 
l'année dans les habitations ou les étables chaudes, comme 
nombre d'auteurs l'ont constaté. C'est aussi la raison pour 
laquelle ces mouches, obligées de se cantonner en hiver dans de 
rares endroits favorables à leur développement continu (ordu- 
res ou fumiers en locaux chauïtés), diminuent forcément de 
nombre au cours des mois froids; ce n’est que progressive- 
ment, lorsque les mois chauds réapparaissent, qu’on les voit 
se répandre de nouveau à l'extérieur où les lieux de dévelop- 
pement sont plus nombreux et plus étendus (fumiers d'écurie, 
ordures, etc., en plein air), et se multiplier rapidement pour 
atteindre vers la fin de l'été leur maximum d'abondance. 

Tout au contraire, les espèces douées d’un rythme d'hiber- 
nation larvaire où nymphal, à caractère obligatoire, passent 
l'hiver, quelles que soient ses conditions de température, à 
l'état de latence physiologique et se montrent, dès le printemps, 
lorsque les influences déterminantes de l’éclosion ont pu se 
faire sentir, en nombre aussi considérable que dans le cours 
de l’été. Ce sont, en effet, les individus provenant des pontes de 
cette période de l’année qui se manifestent à l’état imaginal au 
printemps, sans avoir eu à subir de diminution marquée dans 
leur nombre. Ainsi s'expliquent les faits observés par GRaHAM 
Surra relativement à l’abondance précoce des Calliphores. 

Ces remarques nous amènent à distinguer parmi les Muscides, 
deux catégories biologiques essentielles. IL y a des espèces, 
comme la Mouche domestique, le Stomoxe, les Drosophi- 
les, etc., dont les générations successives, quel que soit leur 
nombre, sont douées d’une activité physiologique constante, et 
obéissant toute l’année aux influences thermiques. Le froid peut 
provoquer une suspension momentanée de cette activité, un 
sommeil hivernal, non obligatoire, non nécessaire, qui cède 
immédiatement à une élévation de température. Lorsque la 
moyenne thermique est maintenue favorable, les générations 
de ces espèces actives se succèdent indéfiniment, été comme 
hiver, avec la même continuité, au moins dans leurs conditions 
naturelles d'alimentation larvaire. J'ai attribué à ces espèces 
douées d’une infatigable énergie évolutive le qualificatif d'Ao- 
modynames (?), afin de marquer les facultés de développement 


(1) GC. R, Acad. des Sciences, avril 1922. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 471 


identiques de toutes leurs générations. De telles espèces sont 
bien faites pour devenir innombrables. Seules, les rigueurs de 
l'hiver qui entravent plus ou moins leur développement, en 
atténuant la multiplicité de leurs lieux de ponte, apportent une 
restriction, heureuse au point de vue humain, à leur inépui- 
sable fécondité. 

Je distinguerai au contraire sous le terme d'hétérodynames les 
espèces étudiées plus haut, comme la Mouche Verte, le Sarco- 
phage, l'Anthomyide Mydeæa platypteraou encore les Tachinaires 
entomobies citées par Pantel, dontles générations successives du 
même cycle annuel présentent une activité biologique dissem- 
blable. À une ou plusieurs générations douées d’évolution rapide, 
sensibles au froid comme à la chaleur, à tous leurs stades évolu- 
tifs, et obéissant normalement à ces influences retardantes ou 
accélérantes de l’activité métabolique, succède une génération 
dont l’activité se montre brusquement suspendue par une 
période de diapause obligatoire, au cours de laquelle l'organisme 
échappe complètement aux influences thermiques accélératrices 
du développement. 

Cette période d'inertie, nous la voyons affecter tantôt la larve 
ayant achevé sa croissance, tantôt la nymphe au début de sa 
transformation (pronymphe). Ce sont bien des espèces Léréto- 
dynames, c'est-à-dire dont la puissance évolutive diffère suivant 
les générations. 

Nous n'envisageons point encore ici l'explication du phéno- 
mène, mais ssmplementnous constatons les faits. Au point de vue 
physiologique, nous apercevons d'ailleurs des différences dans la 
facon de se comporter des différentes espèces frappées d'inertie. 
Nos expériences montrent en effet que des trois types spécifiques 
étudiés, seule la larve de Lucilia sericata à réagi par une 
reprise sub-immédiate du développement aux excitations pro- 
voquées. La saignée, les brülures, la centrifugation, les varia- 
tions d'humidité, Y'action brusque du chauffage à une tempéra- 
ture élevée, incompatible avec la vie normale, ont déterminé 
chez cette larve les transformations nymphales et l’éclosion 
rapide que l’action d’une température d'été continue (20-22°C) 
était impuissante à réaliser. Au contraire, la pupe de Sarcophaga 
falculata, la larve de Mydæa platyptera se sont montrées com- 
plètement insensibles à ces influences excitatrices, 


19 


479 E. ROUBAUD 


On voit donc que les phénomènes d'arrêt qui affectent spon- 
tanément ces Muscides, n'ont pas la mème valeur, exactement, 
pour toutes Les espèces. S'agit-il de différences de nature ? Nous 
pensons que non, mais il y a des différences d'intensité dans le 
phénomène lui-même, des variations dans la profondeur ou le 
degré de l'inertie qui le caractérise. La torpeur est plus ou 
moins intense, suivant les espèces ; dans les cas légers, comme 
chez L. sericata, cette torpeur cède à une simple excitation. Il 
est frappant de constater, dans ces cas, que la larve, organisme 
complexe, obéit aux excitants comme l’ovule dans la parthéno- 
génèse expérimentale : [Il y à réactivation chez la première, 
comme il y a chez le second ac/ivalion du développement. 

La réactivation des larves en diapause de Lucilia sericata par 
des excitants artificiels : brülures, saignées, centrifugation, 
chaleur, ete., ne produit pas immédiatement d'action apparente. 
Les larves excitées ne manifestent pas tout de suite leur sensi- 
bilisation. Elles demeurent inertes comme les témoins. Mais la 
nymphose survient après un délai qui, dans les expériences 
relatées plus haut, variait de 2 à 5 jours pour la même tempé- 
rature d'incubation. Il y a donc un retard physiologique, dans 
une certaine mesure comparable à la période de latence ou 
temps perdu de la contraction musculaire expérimentale. 

Pour bien se représenter la valeur de ce emps perdu dans la 
rupture apparente de la diapause, 1l est nécessaire de rappeler 
que la larve hivernante se trouve au stade précis de la larve (asti- 
cot) müre, c'est-à-dire prête à la nymphose et ayant cessé de s’ali- 
menter. Dans les conditions ordinaires des transformations de 
l'asticot, chez Les Muscides, la nymphose survient après un délai 
qui, à la température de 20 à 22C., n'excède guère deux jours 
après la cessation complète de la période d'alimentation, cette 
dernière étant marquée par la disparition des matières nutritives 
du tractus intestinal et la coloration cireuse uniforme de la 
larve. Or, c’est à ce stade que se manifeste la diapause obliga- 
toire chez la larve de L. sericata. On devrait donc s'attendre à 
voir apparaitre la pupification, dans ce délai de 24 à 48 heures 
au maximum après l'excitation réactivante. Cependant, le plus 
souvent, l'apparition de la pupe a été postérieure à ce délai. Le 
retard, peu important dans l'espèce qui nous occupe, s'est mon- 
tré beaucoup plus marqué, comme nous allons le voir, dans les 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAI, 413 


espèces qui, ne réagissant pas aux excitants précités, ont mani- 
festé la rupture de leur diapause sous l'influence du froid. 

Si, en effet, la réactivation des larves ou des pronymphes de 
nos Musecides en diapause d'hiver, par des agents ercitants, de 
nature mécanique, physique ou chimique, n'a donné de résultat 
que pour L. sericata, en revanche /outes les espèces ont pu 
être réactivées en faisant agir le froid, non plus sous la forme 
d’exeitant brusque et temporaire, mais sous celle d’une influence 
ménagée, prolongée. H est nécessaire de revenir sur ces résul- 
tats très particuliers. 

La larve de la mouche verte (L. sericata) soumise à la gla- 
cière au voisinage de + 4° C. pendant 26 jours (Exp. 9 B), puis 
replacée progressivement à l'incubateur à 20° C., s'est pupifiée 
normalement trois jours plus tard. Nous revoyons done ici se 
manifester le léger temps perdu des expériences d’exeitation 
artificielle. 

Le froid soutenu a eu raison de la diapause. Au contraire 
un froid même plus intense (0°), ayant agi de facon brusque 
pendant 3 jours (Exp. 8 B), n’a pas réussi à réactiver la larve. 
Nous retrouvons des faits comparables avec les deux autres 
espèces. Chez Sarcophaga falcuiata et Mydæa platyptera, 
le froid prolongé a seul été capable de briser la torpeur hiver- 
nale ; un froid brüsque, même très intense, agissant pendant peu 
de jours, n’a pu réactiver les organismes hivernants, pas plus 
que les autres agents d’excitation physiologique: brusque. 

Nous notons, en effet, pour Sarcophaga falculata VYinflu- 
ence nulle d’un refroidissement brusque à 0° pendant 3 jours, 
suivi où non de réchauffement à haute température (Exp. 2 et 
3 C). Par contre, la réactivation survient, avec éelosion normale, 
dans les expér. 14 et {5 C où la pro-nymphe a subi l’action de 
la glacière prolongée pendant 26 jours, exactement en même 
temps que la larve de L. sericata de l’exp. 9 B. Tandis que cette 
dernière s’est nymphosée trois jours après la cessation du refroi- 
dissement et a donné un adulte 11 jours plus tard, les pupes de 
S. falculata de la même expérience n’ont manifesté leur éclo- 
sion que 73 jours plus tard, pour la même température d'incu- 
bation. Le temps perdu de l’éclosion sur l’action réactivante est 
donc ici de près de deux mois et denu. 

Dans l'exp. 18 C la période de temps perdu s’est élevée à 


FES 
TS 


E. ROUBAUD 


19 jours, les pupes étant placées au laboratoire à une tempé- 
rature un peu moindre que les précédentes, après la période 
de refroidissement réactivant. 

La continuité des basses températures n'est d’ailleurs pas 
nécessaire pour réactiver le développement. Il suffit des refroi- 
dissements nocturnes. Ainsi, dans les exp. 16 Cet 17 C nous 
voyons des pupes, ayant subi sans résultats l’action de réchauf- 
fements brusques, placées le 24 janvier à la simple tempéra- 
ture du laboratoire où elles sont soumises la nuit seulement à 
des abaissements thermiques allant jusqu'au minimum de + 5, 
éclore à un jour d'intervalle, près de 4 mois après le début de 
la période de refroidissement intermittent. L'action d’un refroi- 
dissement brusque à — 13°C. pendant 24 heures chez la pupe 
17 C ne s’est fait sentir que par un retard de 24 heures sur 
l’éclosion, par rapport à la pupe 16 C. Sans ce léger retard 
l’éclosion des deux pupes eût été simultanée. 


On pouvait se demander si les larves de Mydæa, ou les 
pupes de Sarcophaga falculata, qui normalement n’ont pas 
réagi aux excitants brusques, ne manifesteraient pas une sensi- 
bilité nouvelle à l'égard de ces excitants, une fois réactivées 
par l'influence antérieure du froid. Les expériences ci-après, réa- 
lisées sur ce sujet, montrent en effet que les larves de Mydæa 
platyptera, lorsqu'elles ont subi l'action réactivante du froid, 
réagissent par une nymphose plus ou moins rapide aux exci- 
tations brusques auxquelles on les soumet. Toutefois, la réponse 
est loin d'offrir la régularité que l’on observe pour les larves 
de L. sericata soumises, sans avoir supporté l’action du froid, 
à des excitants analogues. 

Exp. — Le 16 mars, 4 larves de Mydizæa ayant subi l'action 
normale du froid au dehors, depuis le mois d'octobre, sont sai- 
gnées par piqüres : une des larves se pupifie À heures plus 
tard, la deuxième le 21 mars, les deux autres larves meurent de 
l'opération. 

À la même date, 4 larves sont touchées au fil de platine 
rouge, 6 larves sont portées à 70° C. pendant 40 secondes. 
4 heures plus tard apparait la première pupe, 3 nouvelles pupes 
se forment le 20, 2 autres le 22. Les 4 autres larves meurent. 

Des larves témoins, beaucoup se pupifient à peu près vers le 


. LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 47) 


même temps, mais d'autres ne sont point encore transformées 
le 30 mars. 

Il semble done bien que les larves ont effectivement 
réagi aux excitations par une nymphose légèrement plus 
précoce que dans les conditions ordinaires. On peut admettre 
qu'une fois réactivées par les basses températures prolongées, 
les larves reprennent une excitabilité qui leur permet de réa- 
gir aux excitants comme les larves de L. sericata. 


Dans la nature, les phénomènes de diapause des espèces 
hétérodynames se trouvent coïncider avec la saison froide. Le 
réveil survient au printemps, souvent d’une façon très précoce. 
Si les expériences précitées ne mettaient pas en évidence l’action 
des basses températures dans le déterminisme du phénomène 
de réactivation, on pourrait penser que ce réveil printanier 
est dû à des influences excitatrices particulières propres à la 
saison. C’est sous cet aspect, qu’au début de ces recherches, 
m'était apparue la question ; aussi, avant d’avoir pu mettre en 
évidence laction réactivante des périodes de refroidissement 
très antérieures, avais-je pensé à des actions exercées par les 
radiations thermiques ou lumineuses. L'éclosion des pupes des 
expériences 14 et 15 C., qui avaient été placées en flacons opa- 
ques et en chambre noire à l'abri des radiations lumineuses 
extérieures, ma montré qu'il n'en était rien. En comparant 
attentivement les résultats de toutes les expériences réalisées, 
on se rend compte que seules sont parvenues à l’éclosion les 
pupes qui ont pu subir les effets du refroidissement continu ou 
discontinu, pendant un temps prolongé. | 

On pouvait penser également que la vie latente des larves ou 
des pupes hivernantes était liée à l’anhydrobiose. Mais l’action 
de l'humidité sur les pupes de Sarcophaga s’est montrée inapte 
à provoquer l’évolution; quant aux larves de Mydæa platyptera 
cette question ne se posait pas pour elles. Ces larves hivernent 
en effet dans un compost très humide ; elles recherchent pendant 
toute leur période de diapause les parties Les plus aqueuses de 
la masse stercorale où elles évoluent. On voit donc que la déshy- 
dratation n'est pas en jeu dans le déterminisme de ces arrêts 
évolutifs saisonniers des larves ou desnymphes de Muscides (?). 


(:) Nous verrons plus loin que, pour Mydæa platyptera Yinfluence de 


476 E. ROUBAUD 


Ce sont des phénomènes dépendant uniquement de causes inter- 
nes, d’un état physiologique particulier d’allure rythmique. Cet 
état se présente, de plus, comme affectant théoriquement l'orga- 
nisme d'une façon définitive, si ce dernier ne subit pas les effets 
réactivants nécessaires. Les espèces hétérodynames, arrêtées 
obligatoirement dans leur évolution par ces influences mysté- 
rieusés qui planent sur leur destinée, verraient celle-ci plus ou 
moins irrémédiablement compromise si ces conditions réacti- 
vantes se trouvaient écartées de leurs circonstances éthologi- 
ques normales, 


Il 


LA DIAPAUSE D'HIVER AU POINT DE VUE 
PHYSIOLOGIQUE. SA NATURE ET SES CAUSES 


1.Intoxication et asthénie héréditaire cyclique chez les Mus- 
cides hétérodynames. Epuisement et rajeunissement pério- 
dique des générations. 


a) Diapause hivernale et excrétion. — Après avoir établi la 
nature rythmique des phénomènes d'arrêt constatés chez les 
Muscides hétérodynames, après avoir fait ressortir l’indépen- 
dance de ces phénomènes à l'égard de l’abaissement de tempé- 
rature hivernal considéré comme agent déterminant, il nous 
faut maintenant tenter de pénétrer plus avant dans l’expli- 
cation physiologique de tels processus et d'interpréter s'il est 
possible le rôle quasi-mystérieux du froid dans la réactivation 
printanière des espèces. 

En étudiant comparativement, au point de vue anatomique et 
histologique, les larves ou les pronymphes frappées de stase 
hivernale, j'ai été frappé tout de suite des différences présentées 
par les organes d’excrétion de ces organismes, avant ou après la 
période d'hibernation. 

On sait que chez les Muscides l’excrétion urinaire à pour siège 
essentiel deux types d'organes principaux: les tubes dé Malpi- 


l’anbydrobiose n'est cependant pas négligeable, mais qu'elle se pose sous 
un tout autre aspect que celui d'une influence inhibitrice, cd 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL AIT 


ghi, servant à l’excrétion et à l'évacuation, et le Tissu adipeux 
qui sert de rein d'accumulation surtout au moment de la nym- 
phose. Dans ce dernier organe, les urates se déposent sous l'as- 
pect de granules plus où moins volumineux, ayant une affinité 
particulière pour les colorants de la chromatine ; ce sont les 
pseudo-nuclei de Bercese, dont Ca. Pérez (!) a montré la nature 
exacte et la destinée au cours de la nymphose, chez la mouche à 


Fig. 1. — Cellules adipeuses d’une pronymphe hivernante de Sarcophaga 
f'alculata Pand., montrant les volumineux granules d’excrétion (pseudo- 
nuclei), chargeant le cytoplasme. 


viande. Etudiant les phénomènes histologiques de la métamor- 
phose, chez cette espèce, il a constaté que les pseudo-nucler 
apparaissent dans le corps adipeux avec le début de la nym- 
phose, augmentant progressivement d'abondance chez la nym- 
phe jeune tandis que [a voie malpighienne d'élimination des 
urates se trouve supprimée. | 

La mouche à viande est une forme hétérodyname. L'étude 
des nymphes hibérnantes de cette mouche, au point de vue de 
la destinée des urates pendant la phase d'hibernation, serait inté- 
ressante à entreprendre. On y constaterait certainement des 
phénomènes comparables à ceux que j'ai observés chez Sarco- 
phaga falculata, et Mydæa platyptera. 


(t) Arch. Zool. Ezxp., t. XLIV, Fév, 1910, 


478 E. ROUBAUD 


Des coupes faites sur les pronymphes de la première espèce, 
au mois d'octobre, avant la période d’hibernation, montrent une 
quantité énorme de globules d’urates dans les cellules adipeuses 
(fig. 1). Ceséléments sont surchargés de produits d’excrétion qui 
se présentent sous l'aspect de globoïdes basophiles, parfois volu- 
mineux. Chez des pupes au même stade examinées après plu- 
sieurs mois d'hiver, à la température du laboratoire, l'abondance 
de ces globoïdes se montre très diminuée. C'est là une observa- 
tion faite pour surprendre : on pouvait penser que pendant une 
période de jeûne aussi prolongée, l'organisme nymphal, astreint 
à se nourrir de ses réserves, etne pouvant excréter à l'extérieur, 
aurait vu les urates s’accumuler bien davantage dans ses tissus. 
Rappelons, à ce sujet, que chez les Hyménoptères SémicHon (°) 
n'a point vu non plus les urates augmenter au cours de la vie 
ralentie ou des métamorphoses, tandis qu'il observe l’augmen- 
tation de ces produits chez des larves soumises au jeûne avant 
la période de repos. 

C’est surtout chez la larve de Mydæa platyptera, dont J'ai pu 
me procurer des exemplaires en abondance, que j'ai fait les 
observalicns les plus suivies (?). Chez les larves prêtes à la 
nymphose de la génération de printemps, larves qui évoluent 
sans subir d'arrêt obligatoire, Le tissu adipeux se montre chargé 
de pseudo-nuclei (PI. L fig. {), accumulés de préférence dans 
certaines cellules particulières et non dans la généralité des 
cellules comme pour les Muscides précédents. Le corps proto- 
plasmique de ces éléments d’excrétion présente des sphérules 
d'urates inclus dans toute sa masse. 

La disposition est la même chez la larve mûre de la généra- 
tion hivernante, avant qu'elle ait subi l'action réactivante du 
froid. Le-tissu est également riche en urates, accumulés parti- 
culièrement dans certaines cellules spéciales auxquelles ils con- 
fèrent à l'état frais une coloration plus sombre. Si lon examine 
les mêmes larves, au sortir d’un séjour de trois semaines à la 
glacière (-- 5° C.), on ne voit plus qu'un petit nombre de glo- 
bules d’excrétion dans les cellules. La plupart ont déjà disparu. 

(‘) Recherches morphologiques et biologiques sur quelques Mellifères solitaires. 
Thèse Fac. des Sciences, Paris, 1906. 
(2) Je suis heureux d'adresser ici mes remerciements à mon excellent collabo- 


rateur M. Descazeaux, qui a bien voulu m'assister dans la préparation histolo- 
gique de ce travail. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 479 


Mais, si l'examen porte, cette fois, sur des larves hivernantes 
âgées, ayant subi depuis cinq mois l’action normale du refroi- 
dissement hivernal, qui se trouvent par suite à la fin de leur 


Fig %. — Schéma de l'organisation digestive d'une larve de Mydæa pla- 
ypter a, montrant les tubes de Malpighi de la paire antérieure hypertro- 
phiés par les urates, surtout dans leur partie distale P. 


période d'hibernation et prètes à reprendre leur évolution sus- 
pendue, on note cette fois une disparition presque totale des 
grains d'excrétion dans les éléments adipeux (PI. I, fig. 2). 


480 E. ROUBAUD 


La plupart des cellules grasses sont absolument vides de pro- 
nuclei, et, quand il en subsiste, ce ne sont plus que des gra- 
nules extrêmement réduits, localisés au centre de la cellule, 
dans le voisinage immédiat du noyau. Aïnsi, loin de voir les 
urates augmenter à la suite d’une très longue période de jeûne, 
on constate au contraire, chez les larves hivernantes, la remise 
en mouvement de ces éléments et leur élimination presque com- 
plète de l'intimité des tissus. La période de repos hivernal 
apparait donc immédiatement, d'après ce que nous venons de 
dire, comme une période d'épuration physiologique, au cours 
de laquelle l'organisme larvaire se débarrasse du trop plein 
des matériaux d’excrétion qui le surchargeaient. 

Cette constatation est encore appuyée et confirmée par l'exa- 
men des tubes de Malpighi. La partie distale de ces éléments 
(fig. 2, P), est couramment le siège d'une accumulation de 
sphérules d'urates. Les tubes de la paire antérieure, surtout, 
dans plus des deux tiers de leur longueur, sont distendus et 
transformés en boyaux épais qui apparaissent de couleur 
blanche, par la concentration dans leur lumière des sphérules 
d’excrétion. Mais, tandis que chez la larve de la première 
génération, prête à la nymphose, l'hypertrophie maxima de 
ces organes ne dépasse guère trois fois le diamètre moyen des 
tubes normaux, chez la larve ayant achevé sa période d’'hiber- 
nation l’hypertrophie peut être deux fois plus marquée que 
chez la précédente. La charge des tubes de Malpighi en 
grains d’excrétion varie done dans des proportions inverses de 
celle que l’on constate dans le corps gras ; d'où l’on doit raison- 
nablement conclure que pendant l'hiver ces organes se char- 
gent aux dépens des urates fixés dans les cellules de ce tissu. 

On peut préciser davantage le mode de fonctionnement des 
tubes de Malpighi au cours de la période d'hibernation. Si l'on 
examine une larve de Mydæa, larve mûre de la deuxième géné- 
ration, immédiatement au sortir d'un séjour de trois semaines 
à la glacière, on note qu'une grande partie des tubes de Malpi- 
ghi a perdu sa charge en urates (fig. 3). La portion distale des 
tubes antérieurs est en partie vide de son contenu et plus ou 
moins distendue etflétrie. Le fonctionnement propre de l'appareil 
excréteur s'est donc poursuivi d'une façon intense malgré le 
froid ; il s’est produit une évacuation utile du contenu déjà 


LÉ SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 481 


excrété, qui a été éliminé de l'organisme, en même temps qu’une 
remise en mouvement des excreta fixés dans les cellules adi- 
peuses. Ramenée à la chaleur la larve ne tarde pas à remplir à 
nouveau ses tubes de Malpighi et même à les surcharger de 
façon intense, parce qu'alors elle vit de ses réserves et produit 
de nouveaux excreta. | | 

La période de refroidissement est donc une période de repos 
et de décharge, nécessaire dans cette intoxication générale, 
une période de détente réalisée grâce au fonctionnement continu 


Fig. 3. — Portion de la partie distale des lubes de Malpighi antérieurs, 
vide de son contenu en urates, chez une larve de Wydæa au sortir d'un 
séjour de trois semaines à la glacière. 


des organes urinaires, desquels dépend le retour à la vie, 
de l'espèce. C’est à la suite de ce repos préparatoire accompa- 
gné d'épuration que l'énergie fonctionnelle des tubes de 
Malpighi peut elle-même reprendre ‘une vigueur nouvelle ; 
l’épithélium excréteur, s'il est alors ramené à une température 
d'activité générale, va fonctionner encore de façon plus intense 
de manière à assurer l’épuration complète de l’organisme. 
Le phénomène comprend donc deux temps principaux. Tout 
d'abord des échanges d’excrétion, s’exerçant au cours de l’in- 
tervention même de la période de refroidissement, et aboutis- 


482 E. ROUBAUD 


sant à une décharge partielle de l'organisme dont l’activité 
métabolique, source constante de matériaux nouveaux d’excré- 
tion, est alors réduite au minimum. Cette épuration partielle 
permet une tonification nouvelle, une reprise des énergies phy- 
siologiques Celle-ci se manifeste au cours de la seconde période, 
celle qui suit la phase d'intervention du froid, par une exerétion 
plus active qui compense la production accrue des excreta 
chez l'organisme ramené à température d'activité. 

Réactivation des larves d'hiver de Mydæa en l'absence du 
froid. — L'exactitude de cette double interprétation et la néces- 
sité de l'intervention du froid comme facteur d'épuration réac- 
tivante initiale ‘apparaissent nettement lorsqu'on étudie des 
larves en arrêt physiologique d'hiver, de Mydæa, qui ont été 
soustraites à cette influence. On peut voir en effet certaines de 
ces larves, au bout de plusieurs mois de vie latente à la cha- 
leur, se nymphoser, ce qui démontre que l'organisme a réussi 

) ) e) ? 
malgré l’absence de période froide, à réaliser cependant son 
épuration physiologique grâce à l'intervention de conditions 
particulières, sur lesquelles nous aurons lieu de revenir de 
facon spéciale (v. page 536). 

Mais, toutes les larves en diapause ne sont pas aptes à 
reprendre ainsi leur développement sans avoir subi l'action 
d'une température basse. Il n’y en a qu'un petit nombre, ce qui 
donne au phénomène de la réactivation à la chaleur, pour 
cette espèce de Muscide, un caractère exceptionnel. De plus, 
les individus adultes qui ont réussi à se former à haute tempé- 
rature sont plus ou moins dégénérés ou de condition physiolo- 
gique défectueuse, comme le montre l'observation e1-après. 

OgservarioN., — Durant le courant de l'été une centaine de larves de géné- 
ration hivernante ont été conservées à la température de l’étuve (20-250 C.) 
sans êlre jamais exposées à une température inférieure à 18° C. Le 20 juin 
la moyenne thermique a été élevée vers 300 C. jusqu'au 12 juillet, puis à 
cette date les larves ont été ramenées à la température du laboratoire. A 
partir du 8 juillet, quelques pupes formées sans le secours du froid ont 
donné des individus adulles : une vingtaine de mouches ont ainsi pu par-: 
venir à l’éclosion dans un milieu en partie desséché. Les autres larves et 
les pupes formées, conservées à la même température d'été, n'ont point 
poursuivi leur évolution et au début d'Octobre aucune n'est plus trouvée en 
vie dans les récipients d'élevage. 


Ces individus hivernants de Mydæa platyptera,réactivés excep- 
tionnellement sans le secours du froid, manifestent des malfor- 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 483 


mations nombreuses : atrophie des ailes, pouvant aller jusqu'à 
l'absence complète de tout rudiment alaire apparent, pattes 
déformées (fig. 4) ou rudimentaires. 

Même chez les individus bien conformés, l'épuisement des 
réserves se traduit par la réduction du corps gras. Les mâles 
sont plus rares que les femelles (4 G observés sur 15 ©); ils 
sont, de plus, retardés dans leur développement sexuel. Les tes- 


Fig. 4. — Malformations des pattes antérieures chez deux exemplaires de 
-Mydæa platyptera hivernants, nés sans le concours du froid. 1, tarse 
rétrocufvé ramené vers le haut de la patte ; 2, tibia et tarse exagérement 
raccourcis, disparition des griffes et déformation complète du membre 
chez un individu monoptère. La comparaison des tarses T, au même 
grossissement dans les deux cas, précise l'étendue des malformations. 


ticules, au moment de l’éclosion sont atrophiés, et le retard 
dans la maturation sexuelle se traduit par l'iraptitude complète 
à l'accouplement pendant la première semaine, alors que les 
individus éclos à la faveur du froid s'accouplent dès leur nais- 
sance. Ces mäles arriérés ne sont cependant point stériles. Con- 
venablement alimentés, ils finissent par acquérir, au bout d'une 
dizaine de jours en moyenne, une maturité génitale normale, 
ainsi que les femelles de même condition. J'ai pu obtenir et 


484 E: ROUBAUD 


suivre la descendance de ces femelles : elle évolue normale- 
ment, suivant la loi d'accélération qui caractérise la génération 
non hivernante, mais cette descendance est longue à se mani- 
fester. 

Les exceptions constatées pour Mydæa platyptera à la règle 
de l'intervention obligatoire du froid dans le cyele évolutif de 
l'espèce, ne font, comme on le voit, que confirmer la nécessité 
de cette intervention pour le maintien de conditions biologiques 
favorables à l'existence de ce Muscide. 

L'épuration physiologique qui doit réactiver les larves hiver- 
nantes n’est efficacement possible qu’en l'absence de chaleur. 
Aussi voit-on le thermotropisme des larves hivernantes de 
Mydæa devenir franchement négatif, alors qu'avant leur période 
d'inertie elles évoluent normalement dans les parties chaudes 
des fumiers. L'épuration par le froid de ces larves hivernantes 
nécessite également une hydratation constante. Aussi ces larves 
se maintiennent-elles constamment dans les parties les plus 
humides des tas de fumier, pendant toute la durée de leur 
période d'inertie. Par là, ce processus d'hibernation ne sau- 
rait être confondu avec les processus d'anhydrobiose que nous 
étudierons plus loin. 

Nous obtenons, d’après cet ensemble de constatations, 
l'explication du rôle réactivant particulier exercé par le froid 
prolongé sur ces larves en arrêt d'évolution. Et nous com- 
prenons aussi la sigmfication de cette période de ‘emps 
perdu plus ou moins longue, parfois fort longue, qui sépare 
la phase où l'intervention réactivante s'est fait sentir, de 
la reprise manifestée de l’évolution. Cette période de temps pérdu 
apparent, est au contraire une période d'activité excrétrice 
intense, la seule forme d'activité qui soit alors permise à l’orga- 
nisme, et qui lui permet d'achever son épuration, malgré la for- 
mation de produits de désassimilation nouveaux. L'examen, à 
l'état frais, de l’épithélium excréteur des tubes de Malpighi, 
traduit nettement la suractivité fonctionnelle qui incombe à ces 
organes au cours de la période d'inertie apparente de l’hiberna- 
tion. Si l’on examine l'épithélium excréteur, dans la partie 
proximale des tubes, chez une larve de Mydæa de première 
génération, non hivernante, cet épithélium apparait coloré en 
Jaune orangé vif par des pigments ; les tubes sont pleins, soli- 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 485 


des, présentant les habituelles bosselures (fig. 5, 1. Au eon- 
traire, chez une larve ayant achevé sa période d'hibernation 
(fig. 5, I), les tubes sont flétris, décolorés, la teinte devenue 
jaune terne ou brunâtre, les bosselures sont peu marquées; on 
a nettement l'impression d'un organe fatigué par une période 
prolongée d'activité intensive. 

On saisit donc nettement la nature précise des phénomènes 
considérés. L'arrêt métabolique rythmique correspond à des 
nécessités d’'excrétion. Les larves ou les nymphes d'hiver à évo- 


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Fig. 5. — Aspect comparé des tubes de Malphigi chez des larves de Mydæa 


de conditions diverses. [, larve de génération non hivernante, IT, larve 
ayant subi l’épuration physiologique, examinée à la fin de la période d’hi- 
bernation, IE, larve prête à l'hibernation, n'ayant pas encore subi l’ac- 
tion du froid. 


lution suspendue de nos Muscides ne sont autre chose que des 
organismes surintoxiqués par les produits d’excrétion urinaire 
qui les encombrent. Cet état latent d'intoxication se traduit par 
une sorte de dépression physiologique, de torpeur où d’asthénie 
spécitique, que l’hibernation doit combattre. 

Manifestations extérieures et réalisation expérimentale de 
l’asthénie spécifique d'hibernation. Expériences diverses d’into- 
æicalion inhbitrice — VL'intoxication profonde dont l'orga- 
nisme des larves hivernantes est le siège se révèle, en effet, 
extérieurement par une sensibilité nerveuse moindre, en 
même temps que par un ralentissement marqué de la crois- 
sance. Ces effets sont surtout visibles chez les larves de Mydæa. 


486 Ë. ROUBAUD 


platyptera. Mème à la chaleur, les larves hibernantes de ce 
Muscide sont peu mobiles; elles ne se déplacent guère sponta- 
nément et restent le plus souvent inertes dans le compost 
humide d’'excréments d'herbivores en décomposition où on les 
rencontre. Les mouvements de ces larves sont plus lents que 
ceux des larves d'été à la même température. Elles ne répon- 
dent pas aussi nettement aux excitations diverses. 

Les larves de Lucilia sericata, malgré la diapause, manifestent 
une excitabilité plus marquée que les précédentes. Elles réagis- 
sent franchement et vigoureusement aux piqûres, se déplacent 
aussi de façon plus vive, à température favorable. Or, ces mêmes 
Jarves traduisent aussi un état d'intoxication beaucoup moins 
profond : L'asthénie spécifique peut être en effet vaincue chez 
ces larves par les excitants brusques, tandis qu’elle ne peut 
l'être chez les larves de Mydæa. Nous voyons donc iei s'éclairer 
la nature de ces différences physiologiques : état d'intoxication 
accentué, paralysant complètement les ressources énergétiques 
de l'organisme, chez les unes ; état d’asthénie plus superficiel 
et cédant à des secousses nerveuses brusques chez les autres. 

Cette conception d'un état d'intoxication provoquant une 
asthénie plus ou moins profonde, nous pouvons d’ailleurs la 

vérifier directement par la voie expérimentale. Si l'arrêt méta- 

bolique est bien dû à une intoxication générale, on est, en effet, 
fondé à penser que toute cause nouvelle d'intoxication surve- 
nant chez des larves avant subi l'épuration physiologique hiver- 
nale et prêtes à la nymphose, devra détruire les effets réacti- 
vants de cette désintoxication et provoquer un nouvel arrêt de 
développement. On peut également penser que par une intoxi- 
cation artificielle on déterminera chez des larves d'espèces à 
développement continu (homodynames), une diapause expéri- 
mentale plus ou moins prolongée, équivalant physiologiquement 
à la diapause normale des espèces hétérodynames. 

Pour vérifier ces hypothèses, je me suis adressé à des larves 
mûres de Mydxa platyptera, de première et de seconde généra- 
tion, ainsi qu'à des larves, prêtes à la nymphose, de la mouche 
domestique. Comme ces larves müres ne s'alimentent plus, il 
était impossible de songer à les intoxiquer par la voie digestive. 
J'ai dû faire usage de poisons respiratoires, d'une toxicité rela- 
tivement faible pour les larves et se rapprochant de l'intoxica- 


o° 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 487 
tion par le gaz carbonique ou l’oxyde de carbone. Les anesthé- 
siants ordinaires (éther, chloroforme) sont trop toxiques; le gaz 
carbonique, d'élimination trop rapide. L'emploi du gaz d'éclai- 
rage, mélangé à l'air à la pression normale, m'a donné satisfac- 
tion. Les expériences ci-après ont été réalisées. 


I. — Expériences démontrant la prolongation de la torpeur 
hivernale sous l'influence de l'intoxication gazeuse. 
à . 
L'expérience suivante a été réalisée avec des larves d'hiver 
de Mydæa platyptera ayant subi l'action normale du froid et 
prêtes à la nymphose. 


Deux larves ont été choisies parmi un lot dont tous les représentants ser- 
vant de témoins ont été trouvés pupifiés le 2 avril. 

La larve no 1, est soumise le 30 mars à une asphyxie partielle au gaz 
d'éclairage, en tube de verre bouché. Au bout de 2 heures, la larve complè- 
tement inerte, mais présentant des pulsations cardiaques conservées, est 
replacée dans son milieu ordinaire. Cette larve, le lendemain, a repris loute 
son activité, mais la nymphose est retardée jusqu’au 13 avril, soit d'environ 
deux semaines sur les témoins. L’adulte éclot normal le 27 avril. 

La larve no 2 est soumise le 1er avril pendant 3 heures aux mêmes condi- 
tions d'intoxication par le gaz. Le 20 avril, cette larve n’est pas encore lrans- 
formée. Elle subit à celte date une réintoxication prolongée pendant 4 heu- 
res. La nymphose a lieu le 5 mai, après un retard de plus d'un mois sur 
Les témoins. L'adulte éclot normal le 18 mai. 


On voit par ces expériences qu'il est effectivement possible de 
prolonger l’arrêt métabolique des larves hivernantes, par des 
intoxications nouvelles succédant à la période de désintoxication 
hivernale. [action du gaz n’est évidemment pas identique à 
l’action intoxicante spécifique, de nature urinaire, qui provoque 
l'asthénie d'hiver des larves de Muscides. Mais elle permet des 
effets expérimentaux fout à fait semblables en suscitant, par une 
voie artificielle, des phénomènes physiologiques (intoxication) 
analogues à ceux qui la provoquent. Il est frappant de constater 
que pour chacune des larves expérimentées, l'action intoxicante 
a déterminé une prolongation à peu près semblable de la 
période diapausique, soit d'environ une quinzaine de Jours, à 
deux reprises différentes pour la larve n°2 qui à subi deux into- 
xications successives. [Il est permis de penser que par des rém- 


‘)°» 
De) 


488 E. ROUBAUD 


toxications répétées la diapause eut pu être prolongée pendant 
beaucoup plus longtemps encore. 

J'ai réalisé comparativement les mêmes essais, sur des larves 
d'été de Mydæa, c'est-à-dire de la génération qui ne subit pas 
la diapause, et sur des larves de mouches domestiques, Mus- 
cide homodyname sans générations diapausiques. On pouvait 
se demander, en effet, si le mème processus d'intoxication par- 
tielle ne: déterminerait pas chez ces larves l'apparition d’une 
période d'inertie correspondant à la diapause normale d'hiver 
des formes précédentes. Les résultats ont été les suivants : 


IL — Expériences démontrant l'apparihion d'une période d'ar- 
rét métabolique par intoxication arfficielle chez des Muscides 
non hivernants. 


Exp. 1. — Une larve müre d'été de Hydæa est soumise le 17 avril à 
l’intoxication par le gaz pendant une heure. La nymphose a lieu le 18 avril 
(retard de 48 heures sur les témoins). 

Exp. II. — Une larve müre d'été de Hydæa est soumise le 17 avril pen- 
dant 45 minutes à l’intoxication par le gaz. Le 20 avril elle subit-une nou- 
velle intoxication pendant uné heure. La pupe se forme le 22 (retard de 
4 jours sur les témoins). 

Exp. III. — Une larve müre de Mouche domestique est soumise le 
4er avril à l'intoxication par le gaz pendant une heure, La nymphose sur- 
vient le 3 avril (retard de 48 heures sur les témoins). 

Exp 1V.— Deux larves müres de Mouche domestique sont soumises 
le 4er avril à l'intoxication par ie gaz pendant une heure, puis placées à t ne 
température inférieure à 159 C. pendant 48 heures, à l’étuve à250 C le 4 avril. 
La nymphose a eu lieu les 5 el 6 avril (Retard de % à 5 jours sur les témoins). 


On voit, par ces expériences, qu'il est possible effectivement 
de susciter chez des larves à développement sub-continu une 
période d'arrêt expérimental, correspondant physiologiquement 
à la diapause normale d'hiver. Cette période est d’ailleurs très 
courte et n'excède pas 48 heures dans les conditions où, pour 
les larves précédentes, Le délai obtenu atteignait une quinzaine 
de jours. La brièveté de cette période artificielle est liée au 
fonctionnement intensif de l'appareil excréteur. Ces faits mon- 
trent, et nous Le vérifierons plus loin, à l’aide de données diver- 
ses, que les larves des générations affectées par une torpeur 
d'hibernation sont bien normalement intoxiquées d'une facon 
profonde, ce qui ne leur permet pas de triompher aussi rapide- 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 489 


ment que les autres des influences nouvelles d'intoxication que 
l’on fait agir sur elles. 

Une expérience supplémentaire que j'ai réalisée comparati- 
vement sur des larves de même génération, les unes ayant déjà 
atteint leur période de diapause, les autres encore en cours de 
développement et n'ayant pas ceïsé de s'alimenter, témoigne 
encore nettement, au surplus, de la sensibilité particulière aux 
intoxications offerte par ces larves en cours de torpeur diapau- 
sique. J'ai placé, dans le même tube, des larves de Mydæa au 
troisième stade, mais n'ayant pas encore cessé leur alimenta- 
tion, et des larves ayant cessé de s’alimenter depuis déjà plus 
d'une semaine, ce phénomène caractérisant l'avènement de la 
diapause d'intoxication. Les unes et les autres ont été soumises 
pendant deux heures à l’action du gaz d'éclairage. Les larves 
en cours de diapause se sont montrées complètement inertes à 
la fin de l'expérience et restèrent dans cet état pendant plus de 
6 heures, tandis que les larves encore en cours de croissance 
n'ont jamais perdu la mobilité et étaient redevenues très actives, 
déjà deux heures après le retour à Pair libre. 

J'ai pu également constater que les larves en asthénie d’hi- 
bernation sont beaucoup plus sensibles que Les autres à l’action 
des anesthésiques (éther, chloroforme). 

La torpeur affectant normalement les larves des générations 
hivernantes étant liée, pour nous, à la surcharge en produits 
d'excrétion non éliminés, il était permis de penser qu’en donnant 
à des larves de Muscides homodynamesune alimentation azotée 
exclusive facilitant la surproduction des urates, on déterminerait 
également chez ces larves, au moment de la nymphose, une 
surcharge toxique propre à suspendre plus ou moins longtemps 
les phénomènes métaboliques. C'est bien en effet ce que vérifie 
l'expérience suivante. 


Ml. — Expérience démontrant l'apparition d'une période d'ar- 
rét métabolique liée à la surcharge urinaire, chez la larve de 
Mouche domestique soumise à l'alimentation carnivore exclu- 
sive. 

Un lot de larves de Mouche domestique ont été nourries, à partir de l'œuf, 
sur testicule de rat (1). La croissance s'effectue normalement. Les larves 


() Je dois les larves qui ont servi à cette expérience à l’obligeance de M. Des- 


490 E. ROUBAUD 


mûres abandonnent le milieu alimentaire le 24 juin. Placées à l'étuve à 
250 C. ces larves restent mobiles, sans s’alimenter ; elles ne se pupifient que 
de trois àcing jours plus tard. L’éclosion survient le huitième jour. 

Des larves témoins nourries sur leur milieu ordinaire, le crottin de cheval, 
se nymphosent douce heures après la fin de l’alimentation..L’éclosion sur- 
vient le septième jour. 


On voit donc que le régime carnivore pur, engendre chez la 
larve de mouche domestique, un arrêt anormal de l’évolution 
au moment de la nymphose. Cette période d’inhibition ne peut- 
correspondre qu'à des nécessités d’excrétion urinaire; elle ne 
peut pas être attribuée à une insuffisance en matériaux alimen- 
taires hydrocarbonés car les larves ont refusé de s’alimenter 
sur le crottin mis au moment de l’expérience à leur disposition. 


a) Démonstration, par la Cryoscopie, de la surcharge physio- 
logique des larves hibernantes. — On peut encore, au surplus, 
vérifier d’une autre manière les conceptions que nous avons 
émises au sujet de la nature de la diapause chez les larves ou 
les pupes d'hiver, et sur le rôle du froid dans leur réactiva- 
tion ultérieure. 

Si les phénomènes d'arrêt de développement spontané, dont 
les larves en cours de diapause hivernale sont le siège, ont bien 
leur origine immédiate dans la surcharge excrétrice, s'il s'agit 
bien en somme d’une intoxication générale de l’organisme par 
une accumulation excessive d'éléments de désassimilation, on 
est fondé à penser que l'étude cryoscopique du sang ou des 
humeurs, doit révéler chez les hivernants des modifications 
liées à un accroisement anormal de la concentration molécu- 
laire. | 

Pour soumettre cette conception au contrôle de l'expérience, 
je me suis adressé aux larves de Mydiwa platyplera. Le sang 
de ces larves était prélevé dans des tubes capillaires, par 
piqûre, et le point de congélation du liquide obtenu, immédia- 
tement étudié après la ponction. Les résultats ont été les 
suivants : 


cazeaux, qui à également constaté, chez des larves de Stomoxe nourries sur un 
milieu riche en azote (cervelle), un retard, dans l’évolution nymphale, de 3 à 
4 jours sur les témoins (crottin de cheval), malgré une croissance très active, 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 494 
Points de congélation notés : 


Larves de génération de printemps 
(nonhivernante) n'ayant pas achevé 


I de’s'ahimenter. @u) 7 ANR : \ — 708 à — 80 C. 
Larve de la génération hivernante 
n'ayant pas achevé de s’alimenter. ( — 120 C. 
IL Larves hivernantes müres, n'ayant 
pas subi l’action du froid . . . — 120 à — 140 C. 


[IT Larves hivernantes müres, ayant 

- subi l’action de la glacière pen- 

dant 8 jours, et examinées 
ASourenius dre der TOR — 70 C. 


Ces expériences démontrent effectivement que la concentration 
moléculaire du plasma sanguin est beaucoup plus grande chez 
les larves hivernantes n'ayant pas subi l’action du froid, que 
chez les larves des générations d'été, à développement rapide, 
non affectées par la diapause. Elles établissent, de plus, qu'a- 
près un court séjour à la glacière, la concentration du milieu san- 
guin s'abaisse notablementet se rapproche de celleobservée chez 
les larves des générations rapides avant la cessation de l’ali- 
mentation. Tout se passe comme si l'organisme subissait les 
effets, d'abord d’une déshydratation correspondant à la diapause, 
puis d'une réhydratation progressive. Ainsi se vérifient les 
effets de la décharge physiologique réalisée grâce à l’interven- 
tion d’une période de vie à basse température. 


b) Caractère héréditaire cyclique de l'asthénie spécifique 
chez les Muscides hétérodynames. Le rajeunissement rythmique 
des générations. — Nous voyons désormais s’éclairer nettement 
la nature physiologique des différences évolutives constatées 
entre les Muscides homo et hétérodynames. Les premiers, 
comme nous l'avons dit, ont une puissance génératrice continue : 
les générations successives, quelle que soit la rapidité du déve- 
loppement, parfois si intense chez la Mouche domestique, ne 
s'épuisent jamais: leur activité évolutive ne paraît point se 
ralentir et les individus tard venus dans la saison ne supportent 
point les conséquences du labeur physiologique excessif des 
générations précédentes. La reproduction intensive est donc 
permise à ces espèces, dont le fonctionnement parfaitement réglé 
de l'appareil excréteur prévient les tares séniles, l'épuisement 
et l’asthénie, dans les générations les plus tardives. 


492 É. ROUBAUD 


Tout autres sont les espèces hétérodynames, auxquelles leurs 
imperfections organiques ne permettent qu'une activité biolo- 
gique intermittente. Il y a désharmonie entre la puissance mul- 
tiplicatrice de ces espèces et leurs facultés physiologiques d’ex- 
crétion. Précocement surchargées par les poisons qu'entraine le 
fonctionnement normal de leur activité, ces espèces lèguent à 
leurs générations tardives un patrimoine héréditaire d’intoxica- 
tion qui les conduit rapidement à l'impuissance, à l’incapaeité 
de développement. C'est alors que survient la diapause, coïnei- 
dant pour nos régions assez exactement avec l'hiver, circons- 
tance heureuse, mais non voulue, qui permet aux générations 
épuisées de se refaire par une longue période de repos. Cette 
période de détente n’est pas seulement utilisée au bénéfice de 
l'organisme qui la subit ; elle l'est encore au moins à celui de la 
génération suivante. L'épuration physiologique prolongée à 
laquelle est soumise la génération larvaire où nymphale en dia- 
pause, va permettre en effet le rajeunissement de celle qui pro- 
cédera de cette génération réactivée. 

J'ai pu démontrer le bien fondé de cette conception en réa- 
lisant l'éducation expérimentale suivie de l'Anthomyide Mydcea 
platyptera, à partir des larves en asthénie d'hiver. Des larves 
hivernantes, ayant subi l’action du froid dans les conditions natu- 
relles en novembre et décembre, ontété placées en janvier à la 
température d'été. Certaines d’entre elles se sont nymphosées 
dans le courant de février, donnant, en une quinzaine de jours, 
des mouches adultes quise sont accouplées normalement et ont 
produit des pontes au début de mars. 

La génération issue de ces pontes (génération normale d'été) 
a manifesté une rapidité de développement très grande, tradui- 
sant bien les effets du rajeunissement physiologique. Cette 
génération, en effet, à 22° C. à évolué en dir-huit jours, avec 
huit jours de vie larvaire. Des œufs pondus le 8 mars ont 
donné des adultes le 26 mars. Une autre ponte effectuée le 15 
a donné des pupes le 23 mars et des adultes Le 2 avril. 

Les mouches provenant de cette génération d'été, à dévelop- 
pement rapide, ont donné des œufs de nouvelle génération à 
partir du 7 avril. Nous avons obtenu des pontes les 7, 13, 22, 
27, 28, 50 avril. Les larves issues de ces pontes, quoique édu- 
quées dans les mêmes conditions et à la même température 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 493 


d’étuve (22° C.) que les précédentes, ont manifesté, dès le début, 
un ralentissement notable de la croissance. Les premières lar- 
ves müres, ayant cessé de s’alimenter, n'ont été vues que le 
22 mai, pour la génération du 7 avril. La croissance de ces lar- 
ves à donc duré plus d’un mois, environ 45 jours au lieu de 8. 
La génération du 13 n'avait pas encore achevé sa croissance en 
50 jours. Des larves en cours d'alimentation ont été encore ren- 
contrées le 24 juillet, soit près de trois mois après la dernière 
ponte. Ici d’ailleurs il est possible que les médiocres qualités 
nutritives d'un milieu n'ayant pas été renouvelé, aient un peu 
influencé le retard évolutif. 

Les larves müres de cette deuxième génération se montrent 
affectées d’asthénie spécifique provoquant l'arrêt de l’évolution. 
Elles ne sé nymphosent pas mais Aivernent, même au cours du 
printemps et à une température d'été (de 25 à 35° C.). En deux 
mois et demi, nous avons donc réalisé expérimentalement le 
cycle complet des générations d'une année et nous sommes, au 
printemps, ramené aux larves hivernantes. 

Ainsi, l’Anthomyide Mydæa platyptera doit être considéré 
comme un Muscide à deux générations annuelles. La première 
génération, issue des mouches qui ont subi l’épuration d’hiver, 
est une génération dont le développement continu, exception- 
nellement rapide, traduit bien les effets héréditaires de cette 
désintoxication. C'est une génération rajeunie dont l’activité bio- 
logique n'est pas suspendue au cours de son développement. 
Mais, cette continuité même dans l’agtivité biologique, si elle 
est sans effets sur cette génération elle-même, pèse lourdement 
sur la suivante à laquelle elle lègue des tares de fatigue précoce 
et d'intoxication. 

Par le ralentissement général de son activité métabolique, 
précédant l’arrêt total qui survient au moment de la nymphose, 
la deuxième génération dénote, en effet, un état asthénique pro- 
gressif. C'est une génération prématurément épuisée par l’ef- 
fort métabolique de la génération antérieure. Le caractère héré- 
ditaire cyclique de cette asthénie ne saurait être mis en doute, 
puisque les conditions de milieu et de nutrition restent les” 
mêmes pour les deux générations. 

La nécessité où se trouve la génération asthénique de traver- 
ser une période de refroidissement prolongé, pour retrouver 


40% \ E. ROUBAUD 


son énergie évolutive, doit limiter normalement à deux le 
nombre des générations annuelles de ce Muscide. Il n’est 
cependant pas impossible qu'exceptionnellement un petit 
nombre d'individus de la génération asthénique parviennent à 
reprendre leur développement avant l'hiver, donnant naissance 
à une génération active tardive. On rencontre, en effet, à la 
fin de septembre, des larves de Mydæa à développement actif, 
non hivernantes ; mais, rien ne permet d'affirmer que ces larves 
accélérées tardives proviennent réellement d’une génération 
asthénique, ayant accompli son développement à la suite 
d’une période d’estivation, indépendamment du froid. On doit 
plutôt penser que la fécondité des individus issus de l'hiver 
se maintient pendant tout le cours de l'été, et que ces géné- 
rations actives d’arrière saison procèdent de pontes tardives de 
femelles écloses au printemps. 

On ne possède guère d'indications actuellement sur le nom- 
bre de générations annuelles présenté par les autres espèces de 
Muscides hétérodynames, notamment les Lucilies, les Sarco- 
phages et les Calliphores. Il est possible que ce nombre, au 
minimum de deux, ne soit pas absolument fixe pour les espèces 
et que des variations se produisent dans l’époque des manifes- 
tations de l’asthénie préhivernale ; que l'arrêt total de l’évolu- 
tion se manifeste tantôt sur la larve même, tantôt sur la pro- 
nymphe de la même espèce. Les conditions d'alimentation, plus 
ou moins riches en matières azotées, peuvent influer directement 
sur la production des urates et modifier sensiblement le degré 
d'intoxication des générations diverses. Il y a ici matière à 

recherches ultérieures. 

Pour une espèce donnée, considérée en général, l'époque des 
manifestations inhibitrices parait varier notablement comme 
celle du réveil. Mais ces variations peuvent dépendre de l'épo- 
que des pontes et des conditions de développement antérieures. 
C'est ainsi que, dans un même lot de larves hivernantes de 
Mydæa platyptera provenant d’un tas de fumier soumis au 
froid de l'hiver, les unes ont déjà donné naissance à des adul- 
tes au début de mars, tandis que d’autres sont encore à l'état 
de larves à la fin de ce mois. Les divergences constatées par 
PanTEL pour un lot de pupes de tachinaires recueillies à une même 
époque sont plus saisissantes encore. Les unes se transforment 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 495 


en quelques jours, tandis que les autres subissent la diapause 
hivernale. Il y a là un fait un peu troublant au premier abord 
et qui peut donner prise aux conceptions téléologiques : pour 
nous ces différences sont dues à ce qu'il ne s'agit pas d'une seule 
génération de la même mouche, mais du mélange de plusieurs 
générations de mouches différentes. Nos expériences nous per- 
mettent d'affirmer que des larves issues de la même ponte et 
soumises à des conditions de développement identiques ne 
différent pas sensiblement les uns des autres dans les condi- 
tions de leurs manifestations d'asthénie. 

Si l'on rassemble les données auxquelles nous sommes par- 
venus, on voitainsi le mystérieux disparaitre peu à peu devant 
l'étude des phénomènes. Il ne subsiste plus que la constatation 
d'une harmonie établie au mieux des intérêts de l’espèce, entre 
les circonstances de saison et les particularités physiologiques 
spéciales des différentes générations. Cette harmonie, si remar- 
quable lorsque les espèces sont livrées aux conditions natu- 
relles, peut être aisément déformée par les conditions expéri- 
mentales. 

Nous voyons en effet, chez Mydæa platyptera élevée en série 
continue, à l'étuve, l’ « hibernation » apparaître à la deuxième 
génération sans aucun rapport avec l'hiver, dès le milieu du 
printemps. Par le chauffage continu, c’est-à-dire par la suppres- 
sion de la période de refroidissement hivernal, j'obtiens la con- 
servation à l’état de larves, à la fin de mai, des individus hiver- 
nants provenant de l'automne précédent. Les larves de l'hiver 
passé et celles de l'hiver futur peuvent être ainsi réunies dans 
le même moment (fin mai) au laboratoire, sans qu'aucune consi- 
dération de saison ou d'époque de l’année intervienne obli- 
gatoirement dans l'existence de ces générations. 


2. L’Asthénobiose cyclique 
et l'Athermobiose réactivante spécifique. 


Les phénomènes de léthargie ou de vie latente cyclique qui 
affectent les générations héréditairement intoxiquées des Musci- 
des hétérodynames, peuvent être distingués sous le qualificatif 
général de phénomènes d’asthénobiose. Ils sont caractérisés, 
nous l'avons vu, par un état de dépression générale de l'organisme 


496 E. ROUBAUD 


larvaire ou nymphal, état d’asthénie lié à une surcharge en 
matériaux toxiques et qui proscrit l'achèvement de l’évolution. 
Cette période d'asthénobiose survient dans la vie de l'espèce 
comme une manifestation de sénilité précoce, vouant théorique- 
ment à la mort, sans espoir de descendance, les individus qui 
en sont frappés, si les circonstances propres au rajeunissement 
de ces individus n'interviennent pas. C'est là un hiatus grave, 
une imperfection essentielle dans le cycle annuel des espèces. 

Pendant la période d'asthénobiose, la continuité du eyele se 
trouve subordonnée tout entière au fonctionnement des organes 
excréteurs ; et ce dernier nous le voyons lui-même placé sous 
la dépendance des conditions d’abaissement de température 
extérieure. I faut le froid, pour réactiver l'évolution. À tempé- 
rature d'été continue la vie de l'espèce se trouverait irrémédia- 
blement compromise 

Nous connaissons déjà les secrets de cette intervention réac- 
tivante. Les expériences montrent tout d’abord que Le froid n'agit 
pas à la manière d’un excitant brusque. Un froid, même très. 
intense, n'est pas susceptible de déterminer la reprise de l’évo- 
lution s'il ne se fait sentir que pendant quelques heures. Il faut 
un refroidissement de longue durée, au minimum de trois semai-: 
nes, semble-t-il, d'après nos expériences, pour réactiver l’or- 
ganisme D'autre part, il ne parait pas nécessaire que le refroi- 
dissement atteigne le voisinage de 0°, ni qu'il se fasse sentir 
d’une façon continue. Nous avons vu qu'il suffit pour réactiver 
la pupe en asthénobiose de S'arcophaga falculata, de faire agir 
sur elle une. température inférieure à 15° C. au moins pendant 
la nuit, mais pendant un temps prolongé. 

Ce n'est donc pas, en propres termes, le froid qui intervient, 
mais l'absence de chaleur. faut que l'organisme astreint à une 
période d'épuration physiologique, soit maintenu au-dessous des 
limites de température qui conviennent à sa vie active. Nous 
avons fait comprendre pourquoi. A basse température, en effet, 
les échanges de nutrition sontextrèmement ralentis. Le fonction- 
nement rénal seul persistant, assure au mieux la désintoxication 
nécessaire, puisque la production urinaire est rendue très faible. 
Tandis qu'au-dessus de 15° C. les larves ou les pupes consomment 
rapidement leurs propres réserves et produisent en retour de 
nouvelles quantités de matériaux d’excrétion, il devient dès 


LE SOMMEIL, D'HIVER PRÉ-[IMAGINAL 497 


lors impossible aux organes, sur lesquels repose le mécanisme 
de l'épuration, de réaliser celle-ci dans des conditions satisfai- 
santes. Sans cesse de nouvelles quantités d’urates viennent 
dt la place des quantités extraites de l'organisme. L'épu- 
ration physiologique est rendue impossible, ou elle est alors si 
lente que l'organisme épuise les réserves indispensables à la 
nymphose avant d'avoir pu reprendre son évolution. Aussi 
voyons-nous les pupes de Mydæ&a platyptera formées de façon 
tardive, à la suite d'un séjour prolongé des larves hibernantes 
à l'étuve, mourir toutes peu de temps après leur transformation 
(Exp. 4 D). De même font la plupart des larves maintenues à 
l'étuve de la deuxième génération (Exp. 6 D, B). 

L'épuration réactivante des larves ou pupes de Muscides en 
asthénobiose ne peut donc être réalisée, dans les conditions 
normales, qu'à la faveur d’une période prolongée d’'athermo- 
biose, c'est-à-dire de vie sans chaleur, condition indispensable 
permettant de réaliser la suppression quasi totale des échanges 
nutritifs, tandis que le mécanisme de l'excrétion subsiste et se 
renforce progressivement. Au cours de cette période d’ather- 
mobiose, la vie de l’insecte, maintenu à une température infé- 
rieure à celle qui permet l’activité des échanges, n’est plus 
qu'une vie rénale, une vie d’excrétion. Par là nous apparait le 
caractère indispensable de cette phase biologique : L’athermo- 
biose, par son mécanisme épurateur, intervient dans le cycle des 
espèces hétérodynames comme le réactivant spécifique de lévo- 
lution suspendue. L'hibernation obligatoire correspond à une 
cure d'excrétion. 

Mais nous avons vu que la période d’athermobiose peut être 
remplacée, chez les larves faiblement intoxiquées de Lucilia 
sericata, par l'intervention de facteurs expérimentaux d'excita- 
tion. Les deux mécanismes de réactivation, l’un naturel, Fautre 
artificiel, pourra:ent sembler très éloignés l’un de l'autre comme 
mode d'action. Ils ne le sont cependant qu'en apparence. Dans 
l’un comme dans l’autre cas l’asthénobiose est rompue par la 
reprise de l’excitabilité générale, la fin de la dépression physio- 
logique. Les excitants brusques agissent en coup de fouet, gal- 
vanisant les énergies vascillantes et faisant céder la torpeur sous 
des influences d'irritabilité qui paraissent pouvoir se ramener à 
des modifications brusques des concentrations moléculaires 


498 E. ROUBAUD 


internes. L’athermobiose parvient au même résultat, mais d’une 
façon plus lente, plus insensible ; l'organisme, lentement désin- 
toxiqué, revient lentement aussi à ses énergies premières, sous 
des influences d'épuration qui se ramènent aussi, comme le 
démontre l'étude cryoscopique, à des modifications de concen- 
tration intérieure. Et c'est au cours de la longue période de 
temps perdu qui suit l'intervention de la phase réactivante, que 
peu à peu s'opère la reprise tonique de l’organisme. 

On pourrait se demander comment s'effectue, chez les pupes 
en diapause, l’épuration physiologique nécessaire, puisqu'à ce 
moment les phénomènes histolytiques ont déjà commencé leur 
cours. Mais, précisément, chez Les larves de Muscides, comme l’a 
montré Pérez, les tubes de Malpighi ne subissent pas l'histolyse. 
Ils se conservent et passent à l'adulte. [ls peuvent done jouer 
leur rôle épurateur, mais sans éliminer au dehors les produits 
excrétés. Ils fonctionnent alors comme reins d'accumulation. 

L'athermobiose et la distribution géographique des Muscides 
hétérodynames.— La subordination physiologique des Muscides 
affectés d’asthénobiose cyclique, à une période d’athermobiose 
réactivante, pose la question de savoir si le facteur hiver n’m- 
tervient pas obligatoirement dans le problème de la distribu- 
tion géographique des Muscides hétérodynames. C'est là un 
aspect indirect, mais intéressant cependant, de la question qui 
nous occupe. Il semble bien, en effet, que les espèces dont le 
cycle évolutif est obligatoirement lié à l'action du froid, 

“doivent être écartées, pour cette seule cause, des régions où 
il n’y à pas d'hiver. 

C'est sans doute la raison pour laquelle nos mouches à viande 
Calliphora erythrocephala et C. romitoria, de même que le Sar- 
cophage ordinaire de nos régions S. carnaria, ne se rencontrent 
pas dans les régions équatoriales et tropicales, en dehors des 
localités d'altitude élevée. Nous voyons, au contraire, abon- 
der partout dans ces régions, comme dans les régions froides, 
les Muscides homodynames comme la Mouche domestique et 
le Stomoxe, qui ne sont pas asservis à une période d'ather- 
mobiose réactivante. 

Et cependant, d'autres espèces hétérodynames, comme 
Lucilia sericata, existent indifféremment dans les régions 
froides ou dans les pays tropicaux. Mais nous avons vu que 


Li SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 499 


l'asthénie cyclique affectant cette espèce est peu intense et 
cède facilement aux interventions réactivantes. D'autre part, 
le gel n'est pas nécessaire pour favoriser la reprise de l’évo- 
lution. L'athermobiose peut se restreindre à une moyenne 
thermique peu inférieure à 15° C., au moins pour certaines 
espèces comme Sarcophaqga falculata, espèce rencontrée dans 
des régions sans hiver rigoureux puisque Bôrrener () la 
signale de Tunisie. Dans beaucoup de contrées tropicales 
la moyenne nocturne, pendant les saisons sèches, peut réa- 
liser aisément labaissement thermique nécessité par ces 
espèces. La coexistence dans nos régions et en Afrique tropi- 
cale du Sarcophaqga nurus (hœæmorrhoïdalis) est liée ainsi sans 
doute aux faibles exigences d’athermobiose de cette forme. 

Inversement, nombre d'espèces répandues dans les régions 
tropicales ne fréquentent point les nôtres : ainsi, les Chrysomyia 
(Pycnosoma), espèces apparentées aux Lucilies et vivant de Ja 
même manière qu'elles, à l’état de larves sarcophages. On ne 
peut penser quil s'agisse là de formes homodynames, à repro- 
duction continue toute l’année ; l'abondance de ces mouches 
est en effet beaucoup moindre pendant la saison sèche (froide) 
que pendant la saison des pluies ou saison chaude. Cette cons- 
tatation porte à penser que ces espèces traversent également 
une période d'arrêt métabolique ou d’asthénobiose cyclique. 
Mais peut-être la réactivation n'est-elle plus subordonnée ici à 
une période d'athermobiose ; peut-être intervient-il, dans la vie 
de ces espèces, un phénomène équivalent d’estivation sur lequel 
nous aurons à revenir, dépendant ou non du desséchement ou 
de l’anhydrobiose. 


IT 


L'ASTHÉNIE SPÉCIFIQUE 
ET LA QUESTION DES MÉTAMORPHOSES 


Les phénomènes d'arrêt cyclique du métabolisme étudiés 
chez nos Muscides méritent une attention particulière si l'on se 


(!) Deutsche Ent. Zeutsch., 1913, p.15. 


500 : E." ROUBAUD 


place au point de vue théorique, si discuté et si obscur, du 
déterminisme de la métamorphose. Ce n’est pas ici le lieu de 
s'étendre d'une façon spéciale sur ce sujet ; mais, si l’on se rend 
compte que l'intervention des facteurs asthéniques ou inhibi- 
teurs, qui suspendent le cycle évolutif de nos Muscides, porte 
souvent sur le moment même où doivent apparaitre les 
premiers phénomènes de la métamorphose, on saisit tout-de 
suite l'intérêt nouveau qui s'attache à leur connaissance pré- 
cise. Ces facteurs, susceptibles chez la larve de Lucia sericata, 
de Mydæa platyptera de suspendre complètement ou de retar- 
der pendant un temps prolongé l'apparition des transformations 
nymphales, doivent apparaître, sinon comme déterminants 
directs, au moins comme régulateurs spécifiques de la méta- 
morphose et peuvent nous éclairer de façon précieuse sur les 
origines physiologiques et le déterminisme intime de ce phé- 
nomène. | 

IL faut remarquer tout de suite que la diapause d'hibernation 
chez nos Muscides ne porte pas, chez toutes les espèces, sur le 
même stade évolutif. Pour les deux espèces précédentes, elle se 
présente précisément à la période où l'on devrait voir se 
produire les processus initiaux de l’histolyse, c’est-à-dire à la 
phase du déclenchement, sur laquelle plane le mystère le plus 
complet. Pour d’autres espèces, comme Sarcophaga falculata, 
les Calliphores, les nombreuses espèces de Tachinaires notées 
par Panrez, l'arrêt ne se déclare que beaucoup plus tard, après 
les premières manifestations de la nymphose. Que les causes 
soient identiques cela ne saurait faire de doute, mais le moment 
varie et l'intérêt biologique du premier cas nous parait le plus 
évident. 

S'il faut avec KoROTNEFF, DE BRUYNE, KARAWAIEW, TERRE, ANGLAS, 
Bercese, BATAILLON, Giarp et nombre d'auteurs, chercher dans 
certaines perturbations physiologiques résultant de l’inanition, 
de l’asphyxie, l’origine des phénomènes de nécrobiose d’où 
procèdent les transformations caractérisant les métamorphoses, 
que peut-on penser de nos larves d'hiver de Mydca où de Luci- 
lia, larves müres et repues, en mêmes conditions physiologiques 
que les larves prêtes à la nÿmphose et qui cependant ne se 
transforment point ? Si les conditions physiologiques d'inanition 
ou d’asphyxie interviennent dans le déterminisme des métamor- 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 501 


phoses, elles ne sauraient nous apparaitre que comme facteurs 
secondaires, surajoutés et non vraiment déterminants. Qu'il 
s'agisse, à l'origine des processus de transformation, de phéno- 
mènes lytiques ou phagocytaires, comment se fait-il que chez 
ces larves d'hiver, même placées à une température d'été, exci- 
tables et mobiles, la vie larvaire se prolonge ainsi, d'une façon 
quasi indéfinie sans qu'apparaissent les processus de nécrobiose, 
alors que ceux-ci surviennent si rapidement, en moins de quinze 
Jours, chez les larves au même stade des générations esti- 
vales? On sent très bien que dans la solution de cette question 
réside tout le problème de la métamorphose. 

Ur, nous avons montré que la caractéristique physiologique 
des larves hibernantes réside dans leur état d’asthénobiose pro- 
voqué par une intoxication latente ; et, que la reprise des pro- 
cessus évolutifs est liée à une réactivation, c'est-à-dire au réta- 
blissement par épuration physiologique de l'excitabilité générale. 

L'étude de la réactivation, par les excitants brusques, des 
larves de Lucilia sericata, présente ici un intérêt tout parti- 
culier. Elle nous montre en elfet, chez ces larves, l'activation 
qui déclenche la métamorphose comme subordonnée aux 
mêmes influences que celles dont les expériences de Lors, de 
Derace, de Giarp, de BaraizLon, ete. ont fait ressortir la généra- 
lité dans la parthénogénèse ovulaire. Il me semble qu'en rap- 
prochant ces données expérimentales des faits morphologi- 
ques connus à l'heure actuelle sur le développement et Les 
métamorphoses des insectes, on peut se représenter assez nette- 
ment la nature des phénomènes de la métamorphose et les 
influences immédiates qui conditionnent celle-ci. 

Si l’on se reporte aux faits morphologiques de la métamor- 
phose, établis, depuis la découverte par Wisuanx du rôle des 
disques imaginaux, par les nombreux auteurs qui ont corrigé 
et précisé ses observations, en particulier par CH. Pérez, on peut 
dire que ce qui domine l'histoire des Insectes Holométaboles, 
c'est l'emboitement de deux embryologies distinctes dans un 
seul et même organisme. 

L’embryogénie larvaire, édifiée chez les Insectes holométa- 
boles, comme l’exprime Lam&erk, suivant un sens adaptatif parti- 
culier, s’est différenciée sous des influences vraisemblablement 
néogénétiques de croissance et de nutrition active. Mais, à l’in- 


502 E+ ROUBAUD 


térieur de l'organisme larvaire ainsi différencié en un être à 
part, de nutrition et de croissance, nous trouvons très précoce- 
ment ébauché et frappé d'inertie l'organisme imaginal. Ce 
dernier demeure à l’état embryonnaire jusqu'à la fin de la 
croissance larvaire, où il entre en activité brusque de dévelop- 
pement pour des raisons inconnues. Or, nos recherches sur 
L. sericata et M. platyptera montrent que ces raisons ne sont 
pas liées, au moins immédiatement, à un affaiblissement particu- 
lier de l'organisme larvaire, mais au contraire à une exaltation 
brusque de l'activité embryogénique imaginale soumise à des 
influences d’excitation générale liées à la désintoxication. 

La larve est un complexe biologique, un cænchium au sens 
de Giarp, comprenant l'organisme larvaire bien développé et 
différencié, et l'organisme embryonnaire imaginal emboité. Ces 
deux individualités, indépendantes par leur nature morphologi- 
que, sont reliées entre elles par des liens de dépendance phy- 
siologique étroits, comme les gonades le sont par rapport à l'or- 
ganisme général. Il s'établitentre ces deux organismes larvaire 
et imaginal résultant du conflit de deux adaptations et de deux 
hérédités différentes, des actions de concurrence biologique 
qui sont tout le problème de la métamorphose. Au débui, 
l'organisme imaginal est inhibé, frappé de diapause à l'inté- 
rieur de l'organisme larvaire plus actif; et les raisons de ce 
maintien à l’état latent nous sommes en droit, d'après les 
observations que nous avons rapportées, de les considérer 
comme liées à des actions d'intoxication. 

Rien ne démontre mieux, en effet, l'indépendance morpholo- 
gique et la dépendance physiologique réciproque des deux orga- 
nismes unis dans le complexe larvaire, que les phénomènes 
observés chez nos larves hivernantes. Pendant toute la période 
d'asthénobiose et d'épuration physiologique, nous voyons l'or- 
ganisme larvaire réussir à conserver très longtemps son indivi- 
dualité aux dépens de l'organisme imaginal inhibé dans son 
développement. C'est seulement lorsqu'à la suite du fonction- 
nement persistant des organes d’excrétion la décharge des 
matériaux toxiques a pu se réaliser, que nous voyons l'organisme 
imaginal reprendre brusquement une activité biologique sus- 
pendue depuis l’origine. La reprise de cette activité marque, dès 
lors, Le déclin rapide de l'organisme larvaire. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 503 


Ce sont done les conditions physiologiques internes de la 
larve, qui régissent elles-mêmes la durée de la vie larvaire, par 
l’entrave plus où moins prolongée qu'elles exercent sur les 
manifestations métaboliques imaginales. Tant que lembryon 
imaginal reste dominé par les conditions inhibitrices internes, 
facteurs d'intoxication résultant du métabolisme larvaire lui- 
même, nous voyons la larve maintenir l'intégrité de son exis- 
tence individuelle, et cela dans des limites très éloignées, pou- 
vant aller jusqu'au terme théorique de la mort naturelle après 
des mois de vie sans métamorphoses, à température d'été. 

Mais dès que les conditions intérieures deviennent favorables 
à la reprise de l'activité imaginale, alors très rapidement cet 
organisme embryonnaire en croissance provoque la destruction 
de celui qui l’abrite. 

Le déclenchement des métamorphoses résulte donc d’une 
rupture d'équilibre entre les facteurs de concurrence des deux 
organismes, emboités l'un dans l’autre en vertu du conflit d'in- 
fluences héréditaires néo et palingénétiques. Les métamor- 
phoses ne sont pour nous que la conséquence d’un dualisme 
embryologique, d'un processus d’embryogénèse diphasique, de 
diontogénèse comme on pourrait l'appeler, dans lequel deux 
différenciations individuelles se font jour successivement au 
sein d'une même entité morphologique apparente. 

Dans la mise en train de la métamorphose, un fait doit 
appeler immédiatement l'attention. C'est que les transforma- 
tions ne surviennent que lorsque la larve ne peut plus s'accroi- 
tre. Nous retrouvons ici une application nouvelle du vieux prin- 
cipe formulé par H. Spencer, de l’antagonisme entre la genèse 
et la croissance, entre la genèse et le développement. Au point 
de vue qui nous occupe, cette constatation peut s’interpréter 
comme la conséquence d'une diminution des sécrétions actives 
de lorganisme larvaire, dont le métabolisme s’est atténué par 
le vieillissement; ce qui se formulerait de la façon suivante : 
L'équilibre d'intoxication qui maintient à l'état latent, dans l’or- 
ganisme larvaire, l'embryon imaginal emboiîté, ne peut être 
rompu que lorsque le premier est parvenu au terme de sa 
différentiation et a achevé son alimentation. 

On pourrait penser, en effet, que si la mise en activité de l’em- 
bryon imaginal ne dépend que des conditions de désintoxication 

34 


504 E. ROUBAUD 


du milieu intérieur larvaire, ou d’excitants brusques extérieurs, 
il serait facile de provoquer expérimentalement chez des larves 
de tout stade, par le jeûne ou des excitants appropriés, des pro- 
cessus au moins partiels de métamorphose. Or, si l’on tente l’ex- 
périence, comme Je l'ai réalisé sur des larves de mouches soumises 
d'abord au jeûne, puis à l’action d'excitants brusques, on n’ob- 
tient que des résultats négatifs. Il est facile de comprendre les 
raisons de ces échecs. Elles sont de même nature que celles qui 
entravent la reprise du développement chez des larves en asthé- 
nobiose soumises à l'action de la chaleur. C’est que le jeûne, 
dans un organisme en cours de croissance active, loin de sus- 
citer une décharge en matériaux de désassimilation, une épura- 
tion physiologique du milieu intérieur, tendrait plutôt à accroi- 
tre la production des urates, par la consommation active des 
réserves. En fait, chez les larves de mouches soumises au jeûne, 
même mortes d’inanition, les tubes de Malpighi se montrent 
surchargés d'urates comme chez les larves en cours d’alimen- 
tation active. Ce n’est donc que chez des larves ayant à peu 
près terminé leur croissance, n'ayant plus de besoins alimentai- 
res impérieux à satisfaire, que les processus d'épuration libé- 
rant l'organisme imaginal de sa torpeur, vont pouvoir se réa- 
liser. L'expérience suivante le démontre. 

Exp. — J'ai pris des larves de mouche domestique au troi- 
sième stade, prêtes à la maturité quoique encore en cours d’ali- 
mentation. Je les ai. soumises pendant 48 heures au jeûne 
absolu, en milieu humide, à une température de 20° C. Puis ces 
larves ont été placées à 0° pendant 10 minutes. Rendues com- 
plètement inertes par ce refroidissement brusque elles ont été 
portées brusquement à la température de 35° C. Moins de deux 
heures après, une nymphose s'est manifestée. La pupe, anor- 
male, de petite taille, n'aurait sans doute pas pu donner nais- 
sance à un adulte, mais le processus de déclenchement de la 
métamorphose n’en a pas moins été obtenu, précocement, par 
des excitants artificiels. 

Des nymphoses anormales portant sur des larves demeurées 
naines par défaut d'alimentation peuvent être fréquemment 
obtenues, on le sait, chez les insectes, mais toujours à la condi- 
tion que l'organisme larvaire ait atteint sensiblement le terme 
de ses facultés propres de croissance, et de différenciation his- 
tologique. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 505 


Tous ces faits confirment l'identité des processus qui imter- 
viennent dans la libération de l'organisme imaginal, aussi bien 
à l'époque normale de la nymphose, que lorsque celle-ci se 
trouve brusquement suspendue par une période d'asthénobiose 
plus ou moins prolongée. La réactivation de l'embryon imaginal 
n'est possible que lorsque l'organisme larvaire vieilli, a cessé 
d’avoir une vie vraiment active, un métabolisme de croissance. 
A ce moment, son action dominante sur le deuxième orga- 
nisme s'afténue. C’est alors seulement que l'équilibre d'’into- 
xication inhibitrice peut être rompu par voie d'épuration phy- 
siologique, de manière à permettre les manifestations de la 
deuxième ontogénèse qui se greffe sur la première. Ces phé- 
nomènes rentrent dans le cadre des phénomènes de concur- 
rence. Ils sont de même nature que ceux qui président à la 
maturation génitale, manifestation tardive de l'ontogénèse qui 
survient également lorsque la croissance de l'organisme soma- 
tique tend vers ses fins. Nous indiquerons plus loin, à propos 
de l'hibernation des Anophèles, des faits qui appuient entière- 
ment cette conception. 

L'asthénobiose d'intoxication qui frappe à l'intérieur de l'or- 
ganisme larvaire en cours de croissance, l'organisme embryon- 
naire imaginal, n'est en effet qu'un cas particulier de ces mani- 
festations physiologiques réversibles qui affectent si souvent 
les dualismes morphologiques comme les associations parasi- 
tares. On ne peut mieux comparer le complexe biologique 
larvaire d’un Insecte holométabole qu’au cœnobium parasito- 
logique constitué, par exemple, par une larve de Diptère ou d’Hy- 
ménoptère entomobie, et son hôte. Différents auteurs, en parti- 
culier PanrTez, ont déjà insisté sur l’asthénie particulière que 
manifestent, presque toujours, à leur tout premier stade évolutif, 
les larves de Tachinaires endo-parasites. Au début de leur intro- 
duction dans l'hôte elles sont lentes et paresseuses, et cet état 
latent ne peut résulter que du conflit parasitaire, Les réactions 
humorales de l'hôte créant un milieu toxique contre lequel il 
leur faut réagir, ainsi que contre les conditions asphyxiques. 
En particulier, lorsque les parasites ont réussi à triompher de ces 
dernières, la croissance s'établit rapidement et Les conditions 
du complexe se trouvent inversées : le parasite détruit son 
hôte. C'est le tableau fidèle de ce qui se produit chez les 


506 E. ROUBAUD 


Insectes holométaboles, caractérisés par leur particularité de 
dualisme embryogénique : la première ontogénèse asservit 
d’abord la seconde ; mais, ultérieurement, les conditions qui 
maintiennent en état de latence l'embryogénèse imaginale dis- 
paraissant, la deuxième ontogénèse se réalise aux dépens de la 
première | 

Ainsi, nous sommes amenés à concevoir le déclenchement des 
métamorphoses chez les Insectes comme résultant d'une inver- 
sion dans les conditions toxiques du milieu larvaire, d’abord 
inhibitrices pour le développement imaginal. La métamorphose 
nous apparait comme la conséquence d'une désintoxication plus 
ou moins brusque, liée avant tout à l'achèvement de la croissance 
de l'organisme larvaire, dont les organes d’excrétion, jusqu'alors 
insuffisants, surchargés par une activité métabolique intense, 
peuvent désormais mieux assurer l’épuration physiologique 
obligatoire. Chez des organismes surintoxiqués héréditairement, 
comme les larves de la génération d'hiver de nos Muscides, 
cette période de désintoxication dure longtemps ; l'organisme 
imaginal, à l’état embryonnaire, a subi profondément, comme 
l'organisme larvaire tout entier dont les manifestations biolo- 
giques sont lentes, les effets de l’intoxication héréditaire. I ne 
peut retrouver son activité métabolique normale qu'après un 
long délai d'épuration. Chez des organismes moins profondé- 
ment intoxiqués, au contraire, comme les larves d'Insectes qui 
ne subissent pas la diapause, le délai d'épuration peut-être très 
court, mais il n en existe pas moins. On retrouve toujours, en 
effet, entre le moment où la larve cesse de manger et celui où 
elle se transforme, une période de repos plus ou moins longue 
au cours de laquelle l'organisme procède à sa rénovation inté- 
rieure. 

C'est, dans beaucoup de cas, d'abord l'évacuation du contenu 
intestinal, puis la mise en charge rapide du corps adipeux, 
puisant largement dans le milieu sanguin à la fois les substan- 
ces de réserve et les produits urinaires. Très souvent, en effet, 
comme chez les Muscides, d’après les observations de BERLESE, 
reprises et conçues sous leur forme exacte par Cu. Pérez, c'est à 
ce moment que les urates, en s’'accumulant dans ïes éléments 
adipeux, traduisent directement l’activité dépurative complexe 
de ce tissu qui s'exerce sur le milieu intérieur. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 507 


On ne saurait, d’ailleurs, mesurer la désintoxication du milieu 
intérieur des larves, à l'abondance relative des urates dans les 
cellules adipeuses. [l y a des cas, comme chez les Glossines, où, 
à la nymphose, on ne relève pas la présence de produits d’éli- 
mination urinaire dans ces cellules. Mais dans ce cas, très par- 
ticulier comme je l'ai indiqué dans un précédent travail (?), 
l'apparition des processus de la nymphose n’en est pas moins 
marquée par une modification importante du milieu intérieur : 
le‘plasma intestinal s'extravase en grande quantité dans la cavité 
du corps, diluant ainsi les éléments toxiques du milieu, et con- 
tribuant directement à sa rénovation. 

La remise en mouvement de l’activité embryonnaire imagi- 
nale, consécutive à ces périodes de désintoxication intérieure, 
se ramène sans doute à des excitations cellulaires liées aux 
changements de concentration moléculaire du milieu, dues à 
l'élimination des produits de surcharge. Le fonctionnement 
épurateur réalise des conditions de déshydratation intérieures 
qui réagissent sur les éléments embryonnaires d’une manière 
excitatrice. Nous sommes ici ramenés à ces influences tonoga- 
miques dont Giard a montré la grande généralité dans les moda- 
lités diverses de reprises de l’activité. C'est donc à des actions 
excitatrices que se relient, en dernière analyse, les processus 
d'athermobiose et ceci nous fait mieux comprendre comment, 
dans certains cas, ces processus peuvent être remplacés par 
des excitations directes d'une autre nature (excitants mécani- 
ques etc.). 

Quel que soit le processus, dans les modalités diverses qui 
le caractérisent, on doit reconnaître que le déclenchement brus- 
que de l'activité imaginale, c’est-à-dire l'apparition des phéno- 
mènes de la nymphose, se trouve toujours subordonné à l’épu- 
ration physiologique d'un milieu primitivement surchargé par 
les produits d’une activité de croissance intensive, à laquelle à 
succédé une inertie métabolique relative. Et ce qui renforce 
encore cette conception du rôle capital joué dans le déclenche- 
ment de la métamorphose par Les organes d’excrétion, c'est que 
ceux-ci, pendant la période où la croissance est achevée et l'or- 
ganisme larvaire repu, conservent toute leur activité fonction- 


(!) Annales de l'Institut Pasteur, t. XXXII, n° 8, août 1919. 


508 E. ROUBAUD 


nelle ; ils travaillent à plein rendement, même chez les larves 
surintoxiquées, pendant la phase d’asthénobiose naturelle ou 
provoquée. 

Cette interprétation n’est nullement incompatible avec l'ob- 
servation faite par nombre d'auteurs que les conditions de jeûne 
ou d'asphyxie peuvent favoriser la métamorphose. Ces influences, 
lorsqu'elles s’exercent sur l'organisme larvaire en fin de crois- 
sance, hâtent l’atténuation de ses énergies métaboliques, dimi- 
nuent ses sécrétions toxiques dominantes pour l'embryon ima- 
ginal. Mais, si l’on soumet des larves prêtes à la nymphose à 
des conditions qui accroissent au contraire la toxicité de leur 
milieu intérieur, on ne les voit point se métamorphoser. Nous 
en avons déjà indiqué plus haut des exemples, en soumettant 
des larves de Mydæa à l’action de gaz toxiques. Si l’on soumet 
de même ces larves, ou celles de la mouche domestique, à une 
anhydrobiose intensive, elles meurent lentement, sans commen- 
cer même à se pupifier. 

On pourrait démontrer aussi que les phénomènes de mue ou de 
rénovation épithéliale correspondent également à des crises ou 
cures de désintoxication. Le liquide exuvial qui est excrété abon- 
damment sur toute la périphérie du corps et renferme des pro- 
duits d'élimination, traduit la nécessité d'une élimination supplé- 
mentaire de produits toxiques ou de surcharge, phénomène suivi 
d’une activité de croissance nouvelle. Le processus des mues, 
qui s'accompagne aussi de périodes d'asthénie temporaires, 
relève essentiellement, selon nous, de l'insuffisance fonction- 
nelle des organes urinaires au cours des périodes de grand 
métabolisme. 


Il serait permis d’objecter à nos conceptions sur le détermi- 
nisme de la métamorphose le fait que, dans l'organisme larvaire 
en voie de destruction, tousles organes ne subissent pas les effets 
de la nécrobiose, et que ceux qui sont atteints par les proces- 
sus histolytiques ne le sont pas tous au même moment. Si la 
métamorphose est bien provoquée par le réveil de l’organisme 
imaginal embryonnaire, rappelé à l’activité par une phase de 
désintoxication antécédente, si la destruction larvaire a pour 
cause directe l’action toxique exercée sur les organes de la larve 
par l'embryon imaginal en développement, on ne voit pas bien 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 509 


pourquoi cette action toxique ne porte que sur certaines caté- 
gories d'organes et non sur tous. 

Mais cette objection n'est qu'apparente. Il est de fait que les 
phénomènes d’histolyse ne s’observent pas simultanément sur 
tous les organes larvaires. Il en est même qui subsistent inté- 
gralement pendant toute la métamorphose et passent à l'imago 
sans subir d'autres transformations qu'un remaniement sur 
place : tels les tubes de Malpighi, comme l’a établi Pérez chez 
les Muscides. Mais les organes larvaires ne sont pas tous au 
même degré de spécialisation, et ce qui disparait précisément, 
comme le constate cet auteur, ce sont les organes les plus spé- 
cialisés de la larve. Or cette spécialisation accentuée, définitive 
et irréversible, indice d’une évolution terminée, est aussi la 
marque de la vétusté. Ces organes mûrs ne peuvent plus suppor- 
ter les conditions de milieu nouvelles qui leur sont faites, dès 
l’avènement de la nouvelle embryogénèse, et disparaissent par 
conséquent les premiers, tandis que les organes dont la crois- 
sance ou la différenciation ne sont pas encore définitives résis- 
tent, en se modifiant plus ou moins, aux conditions de la vie 
imaginale. 

Aïnsi, à la lumière des faits révélés par l'étude des phéno- 
mènes d'asthénobiose chez les Muscides, nous sommes amenés 
à définir la métamorphose comme une crise d'embryogénèse 
imaginale, consécutive à une phase d'épuration physiologique 
antécédente, chez un organisme à évolution diontogénétique 
(embryogénèse diphasique). 

On peut comprendre de la même manière, également, le 
mécanisme des phénomènes de progénèse ou de pœædogénèse, 
qui sont, comme l’a remarqué Giard, toujours caractérisés par 
un arrêt de développement. fci, l’'embryogénèse imaginale se 
trouve entravée, dans son apparition, par une crise plus précoce 
de maturité génitale, dont les manifestations liées aux mêmes 
causes sans doute que la précédente, provoquent à l'égard de 
l'embryon imaginal les mêmes effets inhibiteurs toxiques que 
l’'embryogénèse larvaire. Dans ces conditions, l'embryon 
imaginal, devancé dans son développement par celui des 
gonades, demeure à l’état latent, permettant ainsi à l'organisme 
larvaire, non détruit, de subsister indéfiniment comme le fait 
celui de nos larves de Muscides en cours d’asthénobiose. Nous 


510 E. ROUBAUD 


verrons, par le cas des Culicides hivernants, que l'activité des 
gonades obéit, en effet, aux mèmes influences d'inhibition toxi- 
que que l'embryogénèse imaginale elle-même (V. page 530). 

Ces conceptions relatives à la métamorphose des Insectes 
peuvent-elles dépasser le cadre relativement spécial de ces 
organismes et être étendues à la série zoologique ? Nous pen- 
sons que oui, et qu’elles se vérifieront dans tous les cas où l’évo- 
lution des organismes comporte des ‘phénomènes d’histolyse 
suivis d'organogénèse ou d’ontogénèse nouvelles. La métamor-\ 
phose, qu'il s'agisse des larves d'Echinodermes ou de Bryo- 
zoaires, des tétards d’Ascidies ou de Batraciens, suppose 
toujours des phénomènes d’embryogénèse ou d’organogénèse à 
plusieurs phases. La phase qui doit donner naissance à l'orga- 
nisme définitif, nous la voyons également survenir chez un 
organisme larvaire dont la croissance active est achevée, et 
dont les fonctions excrétrices sont intactes. La crise de nouvelle 
ontogénèse nous apparaît comme vraisemblablement toujours 
subordonnée à une phase antécédente de désintoxication dyna- 
mogène. 

L'existence de sécrétions particulières, comme celles de la 
thyroïde, activantes de la métamorphose chez les batraciens, 
n'enlève rien à cette conception générale. Ces sécrétions entrent 
en jeu comme première conséquence des manifestations méta- 
boliques imaginales ; ce sont en effet, comme pour les insectes, 
les sécrétions actives de l'organisme embryonnaire définitif, 
réveillé de sa torpeur, qui provoquent la nécrobiose des organes 
appelés à disparaître. 


IV 


CYCLES ASTHÉNIQUES 
ET INFLUENCES RÉACTIVANTES DANS LA NATURE 


L'étude des phénomènes d'arrêt cyclique de l’activité méta- 
bolique, liés à l'intoxication héréditaire, chez les Muscides, nous 
a amené à comparer, d’après les données qui se dégagent de ces 
recherches, les différents phénomènes de vie latente ou d’arrèt de 
développement spontanés, observés dans la nature, suivant le 


” 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 511 


cycle des individus ou celui des espèces. Cette comparaison per- 
met, comme on le verra, d'établir des liens instructifs entre des 
phénomènes jusqu'ici conçus généralement comme indépendants 
les uns des autres, et jette quelque lumière sur la nature et 
les causes encore obscures d’un certain nombre d’entre eux. 


1. Vie latente, Fatigue et Intoxications. 


On peut faire ressortir tout d'abord que la plupart des pro- 
cessus de vie latente, en dehors de ceux qui sont directement 
provoqués par le froid, se ramènent à des processus asthéni- 
ques liés à la fatigue, à l’épuisement précoce et à l'intoxication 
superficielle, chez des organismes, des organes, ou des éléments 
histologiques aptes à un rajeunissement ultérieur. Nos concep- 
tions à ce sujet, issues d'une comparaison attentive avec les 
phénomènes observés chez les Muscides, sont voisines de celles 
qui ont fait l’objet de développements récents de la part de 
Ca. Capo (!). En particulier, dans ses expériences sur la Sénes- 
cence et le Rajeunissement des Planaires (°), cet auteur arrive 
à des conclusions identiques aux nôtres. Il montre que la sénes- 
cence, caractérisée par une diminution du métabolisme résultant 
de l'accumulation de substances gènantes, peut aboutir chez les 
organismes inférieurs à la vie ralentie. Les anesthésiques, 
l'alcool, qui exercent sur les éléments vivants une action toxique, 
ont des effets d'autant plus marqués sur les individus que leur 
métabolisme est moins actif : moins les organismes sont atteints 
de sénilité, plus ils résistent à l’action des toxiques. 

Les expériences relatées précédemment, dans lesquelles j'ai 
soumis les larves asthéniques de Muscides à des actions sur- 
intoxicantes, m'ont conduit exactement, comme on l'a vu, aux 
mêmes conclusions. L'action des gaz toxiques, du chloroforme, 
de l’éther est beaucoup: plus rapide, contrairement à ce que 
l’on pourrait penser, sur les larves en état de vie ralentie, à 
la période d’asthénobiose, que sur les larves en activité d’évolu- 
tion. Les organismes qui déjà subissent les effets d’une intoxi- 
cation spécifique, sont plus sensibles que les autres à des into- 


(!) Senescence and Rejuvenescence. The University of Chicago Press (Analyse 
in Année bioloyique). 
{?) Arch. Ent. Mech., t. 31, 1941, 


512 E. ROUBAUD 


xications surajoutées. Ainsi, le sommeil d'hiver de nos larves 
de Muscides doit bien être conçu comme une forme de sénes- 
cence, un résultat de fatigue cyclique ; il ne diffèrerait done 
point fondamentalement dans son essence des phénomènes 
de fatigue et de sommeil journaliers. 

Nombre de phénomènes d'arrêt métabolique apparaissent sous 
la dépendance initiale de la déshydratation. Ce sont les phéno- 
mènes d’'anhydrobiose de Giard. En allant au fond des choses, 
on peut se demander si ce ralentissement des processus vitaux 
sous l'influence de la privation d’eau, n’est pas en rapport avec 
une concentration anormale et plus ou moins toxique du milieu 
intérieur, résultant d’une déshydration exagérée de l'organisme. 
Mais, très souvent, ainsi que nous le montrerons plus loin, 
l’'anhydrobiose ne provoque pas directement la vie latente. 
Celle-ci survient en raison de conditions physiologiques internes 
qui sont évidemment de même nature que celles qui provoquent 
les arrêts spontanés hivernaux. Dans les deux cas, il s’agit pour 
nous de phénomènes liés à la concentration toxique du milieu 
intérieur, surchargé par les éléments d’excrétion. Tower a 
constaté, par exemple, chez les Coléoptères du qg. Leptinotarsa, 
que ces insectes, aussi bien lorsqu'ils hivernent que lors- 
qu'ils estivent, se déshydratent. Le sommeil qui les affecte au 
cours de l'été ou de l'hiver est donc physiologiquement de 
nature semblable et provoqué par des conditions internes 
de surcharge analogues à celles que l'étude cryoscopique nous 
a permis de déceler chez nos Muscides hibernants. La vie 
latente d’été, comme celle d'hiver, semblent se ramener, en 
dernière analyse, à une asthénie provoquée par la concentra- 
tion anormale du milieu intérieur, une intoxication provo- 
quée par l'accumulation des éléments de désassimilation qui 
paralyse les échanges vitaux des organismes. Cette explication, 
qui semble plausible, rattache intimement les phénomènes dia- 
pausiques provoqués par la sécheresse à ceux provoqués par 
le froid. Nous aurons d’ailleurs lieu d'établir l'identité de ces 
deux catégories de processus, en faisant ressortir l’analogie 
étroite des effets réactivants de l’athermobiose et de l’anhydro- 
biose. 

L'asthénobiose ou vie latente provoquée par les intoxications 
propres des organismes représente physiologiquement un phé- 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 513 


nomène très voisin de la léthargie provoquée par l'intoxication 
paralysante, dont font usage nombre d'hyménoptères prédateurs 
pour l'approvisionnement de leurs nidifications. L'action neuro- 
toxique du venin des Odynères, des Ammophiles, etc., agit sur 
les proies de manière à immobiliser plus ou moins complètement 
ces dernières, déterminant une asthénie d'intensité variable, mais 
favorable à leur conservation prolongée à l'état vivant. La seule 
différence c'est qu'ici les effets toxiques, agissant d'une façon 
élective sur les éléments nerveux, ne permettent pas, le plus 
souvent, à l'organisme intoxiqué par le venin de récupérer son 
énergie ultérieurement. On voit parfois cependant survenir une 
reprise partielle de l’activité après le choc paralysant initial. 
Expérimentalement, on peut, par l'injection de substances 
plus ou moins toxiques dans la cavité du corps des insectes, 
déterminer l'apparition de phénomènes d'asthénie variables, 
allant jusqu'à la léthargie complète, plus ou moins défini- 
tive. Fabre a déjà montré que l'injection d'acides au niveau 
des ganglions déterminait des actions paralysantes. J'ai réalisé 
par des injections d’aldéhyde et d’acide formique, d’acide lac- 
tique, d'acide acétique dans le corps de chenilles, d'Orthop- 
tères, de Diptères, d'Hyménoptères variés, des expériences de 
même nature. L'action de l'acide lactique, qui est un produit nor- 
mal de l’activité métabolique, etqui intervient notamment dans la 
fatigue, comme l’un des excreta de la contraction musculaire est, 
au point de vue qui nous occupe, surtout intéressante à envisa- 
ger ; mais ses effets ne sont pas différents de ceux des autres 
produits organiques précédents, également fréquents dans 
l'organisme des insectes. J’ai obtenu avec l'aldéhyde formi- 
que, sur des chenilles de Noctuelles, de Chelonia, de Piéri- 
des etc. des intoxications déterminant la léthargie immédiate 
et complète, avec réveil intégral au bout de un à quatre Jours. 
Tous ces exemples confirment l'identité des processus spon- 
tanés de ralentissement métabolique, chez les larves hibernantes, 
avec les processus d'intoxication ou de fatigue. Nous trouverons 
encore, en nous adressant aux Insectes, d'autres arguments en 
faveur de cette thèse. La raison immédiate du ralentissement 
des phénomènes vitaux dans les actions toxiques ou anesthé- 
siantes, semble résulter, avant tout, des entraves apportées au 
mécanisme des oxydations. Ur, or peut facilement, par l'asphyxie, 


514 E. ROUBAUD 


la privation d'oxygène, déterminer chez les larves de Mus- 
cides des phénomènes de léthargie, avec conservation prolon- 
gée des pulsations cardiaques, malgré la mort apparente. Une 
larve en diapause de Mydæa platyptera, immergée pendant 
48 heures dans de l’eau privée d'air, présentait encore le cin- 
quième Jour des mouvements cardiaques perceptibles, malgré 
une inertie générale absolue. 

Les conditions asphyxiques jouent évidemment un très grand. 
rôle dans le métabolisme des parasites internes, et chez les 
larves d'insectes parasites ce rôle peut être aisément observé, 
en particulier chez les larves de Diptères. PanTEL (‘), dans 
son beau mémoire sur les Diptères à Larves Entomobies, cons- 
tate que le premier stade est toujours un stade de vie pares- 
seuse et de croissance lente. C'est au second et au troisième 
stade surtout, que s'accélère le métabolisme. Or, le plus souvent, 
à ce stade les parasites manifestent des besoins respiratoires 
intenses et, dans nombre de cas, ils se mettent en rapport direct 
avec l'air extérieur en perforant les téguments ou les trachées 
de l'hôte. En étudiant le développement larvaire des tachi- 
naires africains du genre Roubaudia, parasites de larves de 
guêpes (Belonogaster icaria, etc.), J'ai constaté que, très lent au 
début, ce développement s'accélère lorsque les orifices stigma- 
tiques thoraciques, d'abord non fonctionnels, de la larve hôte, 
entrent en service : à ce moment le parasite se fixe aux trachées 
de l'hôte et sa torpeur disparait pour faire place à une activité 
intense. KEiziN (*) a noté des faits de même nature dans ses 
recherches sur le développement larvaire des Pollenia para- 
sites des vers de terre. On pourrait multiplier ces exemples. Ils 
tendent tous vers la même notion. 

Un aspect très particulier de la question, mais qui plaide 
toujours en faveur de la même thèse, résulte du pouvoir anti- 
bactérien et de la protection normale contre les germes de 
putréfaction qui s’observe souvent chez les insectes en crise 
d'intoxication. Metchmikoff, en étudiant la mort naturelle du ver 
à soie (+) a insisté sur la rareté des bactéries dans l’organisme de 


evue Zool. afric., t. IV, juillet 1914, p. 126. 
eBull., t. XLIX, nos 1-9, 1945. 
nn. I. Pasteur, t. XXIX, oct. 1915. 


à» Q 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL d15 


ces insectes, intoxiqués par leurs urines. Chez 75 0/0 des papil- 
lons morts naturellement, les tissus et le tube digestif ne ren- 
fermaient auéun microbe. J'ai examiné nombre de papillons 
d'espèces diverses, diurnes ou nocturnes, frappés ou non de mort 
naturelle et j ai constaté très souvent une grande résistance de 
leurs tissus à la décomposition microbienne. Cette résistance me 
parait en rapport avec la surcharge normale de ces organismes 
en matériaux d’excrétion. Les injections d'aldéhyde ou d'acide 
formique, d'acide lactique, protègent manifestement les insectes 
inoculés, contre la décomposition microbienne après la mort, 
et j'ai insisté sur les effets protecteurs des produits formiques 
contenus dans le venin des hyménoptères paralyseurs, s'ajou- 
tant à l'action neurotoxique propre de ce venin pour la bonne 
conservation des proies. Il ne s’agit pas là d’une action microbi- 
cide, de nature diastasique, incluse dans les humeurs car en 
milien humide la décomposition s'effectue. C’est la concentra- 
tion anormale du milieu intérieur qui s'oppose au développe- 
ment des germes protéolytiques. 

La protection normale des tissus contre les bactéries de la 
putréfaction, très fréquente chez les insectes après la mort, peut 
donc être interprétée comme le résultat d’une surcharge en 
matériaux d’excrétion. Or on peut constater, effectivement, chez 
les larves ou nymphes de Muscides en asthénie d'hiver, une 
remarquable protection des tissus, post-mortem, contre la 
putréfaction, surtout si ces larves sont placées en milieu sec. 
J'ai pratiqué des coupes histologiques dans des pupes de Sar- 
cophaga falculata, mortes depuis plus de deux mois ; ces pupes 
ne montraient aucune trace de décomposition bactérienne des 
tissus, et certains éléments histologiques, en particulier les cel- 
lules grasses, étaient encore très reconnaissables, malgré la 
pycnose nucléaire et les altérations morphologiques secon- 
daires. On pourrait sans doute rapporter cette conservation asep- 
tique, au fait mis en évidence par Wozcuax (') que les mouches 
se stérilisent au moment de leur nymphose. Mais, chez des lar- 
ves hivernantes de Mydæa platyptera, tuées à l’éther et conser- 
vées en milieu humide, même en flacon bouché et souillé de 


() CG. R. Acad. des Sciences, t. CLXXII, p. 1924; p. 298, et Ann. 1. Pasleur, 
t. XXXV, 1921, p. 431. 


516 E. ROUBAUD 


bactéries, j'ai constaté également la conservation prolongée des 
issus, sans intervention de putréfaction bactérienne. Rap- 
pelons à ce sujet que les graines en état de vie latente sont 
également préservées des bactéries putréfiantes. 

Tous ces faits convergent vers la même thèse : les ralen- 
tissements vitaux, les diapauses chez des organismes en puis- 
sance de développement sont sous la dépendance d'une concen- 
tration anormale de produits toxiques, paralysant les échanges 
de croissance de ces organismes. 


Les phénomènes de ralentissement métabolique apparaissent 
le plus souvent, dans la vie des individus comme dans celle des 
espèces, sous la forme de rythmes de fatigue, survenant en 
apparence, parfois, sous la dépendance des conditions de tem- 
pérature extérieures, mais qu'une observation attentive montre 
fréquemment indépendants de ces conditions. Les végétaux des _ 
climats doux qui passent par une phase de vié sommeillante ana- 
logue à celle de l'hibernation pour les plantes des climats froids, 
démontrent bien que la température n'a aucun rôle dans le 
ralentissement périodique de leur activité. Ce sont des influen- 
ces autogènes qui déterminent ces rythmes. Dans nos régions 
même, beaucoup de plantes vivaces voient leur végétation active 
se ralentir progressivement à la fin de lPété et à l’automne, en 
vertu d’un rythme acquis, qui n’est point directement subor- 
donné au froid. Nous reviendrons sur ces faits un peu plus loin. 

Chez les organismes monocellulaires, des successions ryth- 
miques d'activité et d'inertie dépendant uniquement de causes 
internes et qui se présentent pour nous comme des manifestations 
cycliques de fatigue, d'intoxication par les produits résultant 
d'une activité métaboliqueintense, peuvent également être mis en 
évidence. On connait les phénomènes de dépression, c'est-à-dire 
d'abaissement du pouvoir de multiplication, qui caractérisent les 
cultures de paramécies. Wooprurre et ses collaborateurs, MeTaL- 
NIKOFF dans ses belles recherches sur l’immortalité des orga- 
nismes unicellulaires (‘), ont bien mis en évidence l'allure 
rythmique, d'ailleurs irrégulière, de ces dépressions. À des 
périodes de multiplication active, succèdent soudain des phases 


(ty) Ann. TL. Pasteur, t. XXXIII, 1919, p. 817. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 517 


où la multiplication s'arrête presque complètement pour repren- 
dre ensuite de façon intense. La périodicité n'est point fixe; 
d'autre part elle ne dépend point des saisons. Ces phéfomènes 
nous apparaissent comme relevant de conditions toxiques, 

‘épuisement, où de fatigue, liées elles-mêmes au métabolisme 
des infusoires, beaucoup plus qu'au développement bactérien 
selon les conceptions d'Enriques et de Barrsezz (!). Les phéno- 
mènes d'endomyxie ne seraient-ils point l'expression de cet état 
de fatigue, aboutissant à des cinèses abortives semblables à 
celles qui caractérisent les ovules lors de la formation des 
globules polaires ? 

Les phénomènes d'enkystement, dont le déterminisme est si 
obscur chez les protozoaires, et qui sont, d’une façon courante, 
conçus comme en rapport avec les mauvaises conditions du 
milieu, nous semblent également pouvoir être rapportés fré- 
quemment à des actions spontanées d'intoxication ou d'épuise- 
ment cycliques. Nous voyons ces processus se présenter sou- 
vent, en effet, comme suite à une activité de multiplication 
intense, et l’on peut se demander si ce n’est point là 
même une règle constante. Chez les Infusoires parasites du 
tube digestif : Opalina, Balantidium, Nyctotherus, chez les 
Collinia lAnoplophyra) des Asellides, Brumrr (°) a noté que 
l'enkystement succède à une crise de multiplication intensive, à 
des épidémies de division. Aussi interprète-t-1l, avec juste raison 
pensons-nous, ces processus d'enkystement comme le résultat 
d'une dégénérescence sénile incomplète, indépendante des 
conditions de nutrition, voire même de la toxicité du milieu exté- 
rieur. Tel qu'ilse présente en effet chez ces organismes, l’enkys- 
tement nous paraît bien dépendre de causes d'épuisement 
internes, d’asthénie consécutive à une multiplication exagérée 
qui aboutit à une inertie obligatoire. Il est possible même que 
cette période d’asthénobiose kystique ne puisse être rompue 
qu'à la faveur d’une période de réactivation par le froid ou par 
la sécheresse, ce qui expliquerait les difficultés de l’infestation 
expérimentale signalées par Bruupr pour les Anoplophrya 
d'Asellides. 


{) Pour la Bibliographie de ces questions je renvoie à l’étude si documentée 
qu'ont fait récemment paraitre dans ce Bulletin Cnarrox et Péraro (Les Nécollel- 
lidæ, ce Bull., t. LV, 20 juillet 1921). 

(2) Arch. de Parasit., t. XVI, 1913. 


)1S E: ROUBAUD 


L'’enkystement, chez les amibes, pourrait bien aussi relever 
des mêmes causés. Chez l’amibe dysentérique humaine, dont 
les manifestations métaboliques, en raison de leur importance 
pathologique, méritent d'attirer l'attention d’une façon particeu- 
lière, nous ne voyons pas se former de kystes aux dépens des 
amibes en période ‘active (phase histolytica de Maruis et Mer- 
cer ‘). Cette période, qui caractérise l’'amibe hémophage des 
crises de dysenterie, correspond précisément à une phase de 
métabolisme intensif, où l’amibe phagocyte activement, provo- 
quant les phénomènes hémorrhagiques et inflammatoires des 
muqueuses. C’est uniquement chez l’amibe à l'état végétatif 
(phase tetragena des deux auteurs), amibe à métabolisme atté- 
nué, qui s'observe dans les intervalles des crises, dans les infec- 
tions chroniques ou latentes, que l’on constate la propriété 
d'enkystement. Or, 1l semble bien que, cette forme végétative 
letragena, forme torpide, aux actions pathogènes réduites, 
représente, par rapport à la précédente, ‘une forme en état de 
dépression, épuisée par la suractivité précédente et surtout 
dominée par les réactions défensives de l'organisme hôte. Les 
générations amibiennes du type fetragena sont pour nous des 
générations asthéniques frappées d'intoxications partielles ; leur 
état de dépreseion aboutit à l'asthénobiose kystique, au cours 
de laquelle survient encore une double division nucléaire termi- 
nale, dernière manifestation, à l’intérieur du kyste, de l'activité 
multiplicatrice à son déclin. | 

Nombre de flagellés intestinaux, parasites d'insectes, produi- 
sent des kystes dans Le rectum de leur hôte Or, dans cette par- 
tie du tube digestif, ils se trouvent directement en contact avec 
les excreta toxiques, les produits urinaires expulsés des tubes 
de Malpighi. On voit done naturellement iei l’enkystement pro- 
céder de l'intoxication exercée par le milieu. Cependant il ne 
semble pas que ce soit la seule toxicité du milieu qui détermine 
ce phénomène. Les épidémies de division, qui engendrent direc- 
tement la fatigue, l’asthénie kystique, paraissent bien avant tout 
nécessaires. On trouve en effet, dans le même milieu rectal, des 
formes actives, qui résistent aux actions toxiques extérieures. 
Mais l’activité de multiplication de ces formes se traduit par la 


(, Mars et Mercier L’amibe de la dysenterie. Bull. 1. Pasteur, t. XIV, 15 nov. 
1916. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 519 


diminution de la taille et l’atrophie ou la dégénérescence des fla- 
gelles ; c’est toujours aux dépens de ces formes de petite taille 
(monadiens de CuarTrox), et non des grandes formes végétatives 
flagellées, que se produisent les kystes. L'enkystement apparaît 
donc bien encore ici comme la coñséquence même de l'épui- 
sement dû à une suractivité métabolique des générations anté- 
cédentes. 

Chez les trypanosomides sanguicoles qui évoluent chez les 
invertébrés, une forme trypanosomienne libre et mobile, analo- 
gue à celle du sang, devient, très souvent, l'équivalent physiolo- 
gique du kyste. C'est la forme de transmission à l'extérieur de 
ces flagellés, et il est à remarquer que les véritables kystes sem- 
blent en effet manquer dans Le cycle évolutif, chez l’Invertébré, 
des Trypanosomes du sang de vertébrés. A leur place apparais- 
sent de petits trypanosomes semblables à ceux du sang, qui 
surviennent à la fin de l'évolution chez l'hôte intermédiaire 
(trypanosomes métacycliques de Bruuer, que l’on peut appeler, 
plus simplement, trypanosomesterminaux ou télotrypanosomes). 

Ces trypanosomes qui ne s’enkystent pas, n’en représentent 
pas moins des formes végétatives latentes ayant épuisé chez 
l'invertébré leur pouvoir multiplicateur. On les trouve, par 
exemple, dans l'hvpopharynx des Glossines, fixés aux parois de 
l'organe, attendant leur inoculation au mammifère. Les trypa- 
nosomides terminaux ne paraissent pas se multiplier directe- 
ment : on ne les rencontre pas en état de division. Leur inertie 
métabolique est donc sensiblement comparable à celle des orga- 
nismes enkystés. Ce sont des individus d’attente. Or, ils procè- 
dent d’une longue évolution préalable des flagellés dans l’intes- 
tin ou le milieu salivaire, évolution caractérisée encore par une 
multiplication toujours excessivement intense. Les trypanoso- 
mes de fin de cycle, aptes à la transmission, peuvent done être 
considérés comme de petits individus asthéniques, condamnés 
à l’inertie par la suractivité des générations dont ils procèdent. 
Le passage de ces individus dans un milieu biologique tout dif- 
férent (milieu sanguin du vertébré) devient indispensable à leur 
réactivation ; ils y subissent l'excitation physiologique (tono- 
gamique) propre à la reprise du développement. 

ILest à remarquer, d'autre part, que cette période de latence, 
ou de repos physiologique, favorise la reprise ultérieure de 


3ù 


520 E. ROUBAUD 


leur énergie dans le milieu sanguin. Nous avons montré, en 
effet, que chez les glossines, seules les formes trypanosomiennes 
terminales sont susceptibles de s'adapter au sang du vertébré, 
tandis que les formes flagellées actives, en cours de multipli- 
cation intensive, ne le sont pas. Les trypanosomes à flagelle 
interne que nous avons fait connaitre chez certains flagellés 
d'insectes non piqueurs et auxquels CHATTON a réservé le nom 
de trypanoides, apparaissent avec la même valeur d'orga- 
nismes télocycliques au repos. Ce sont, pour CHATToN aussi (), 
des stades de repos génétique Ss’intercalant dans une longue 
série de divisions scissipares. 

Les phénomènes de sporulation, si répandus chez les bacté- 
ries, les champignons, se rattachent également pour nous aux 
mêmes influences d’épuisement et d'intoxication résultant de 
suractivité métabolique. Les spores apparaissent dans les cul- 
tures déjà anciennes, après un certain temps de dévelop- 
pement actif, plutôt semble-t-il pour des raisons internes que 
sous la dépendance simple de la souillure du milieu : ce n’est 
pas en effet une propriété générale puisque beaucoup d’espèces 
ne sporulent pas et que cette propriété peut disparaitre dans 
les conditions expérimentales (Bactéridie charbonneuse). 

Nombre d'auteurs, avec Herrwi6, ont défini les ovules des 
organismes pluricellulaires comme des éléments en état de 
dépression. On peut, en effet, se demander si l’asthénie ovulaire 
ne correspond pas, elle aussi, suivant notre thèse, à un état de 
fatigue dérivé d’une suractivité métabolique antécédente. L’ac- 
tivité intense de l’ovogénèse, survenant le plus souvent à une 
époque déjà tardive de l’évolution individuelle des organismes, 
le haut degré de différenciation qui affecte les éléments ovu- 
laires, parlent nettement en faveur de cette conception, qui est 
également celle de Cnirp. Les phénomènes de réduction peu- 
vent être d'ailleurs interprétés, selon nous, comme le signe de la 
sénescence: l'émission des globules polaires ne dénote-t-elle 
pas l'épuisement des facultés kinétiques, la fin d’un processus 
de multiplication intensive aboutissant à des divisions aborti- 
ves ? Egalement l'accumulation des réserves traduit le ralentis- 
sement du métabolisme actif. 

La période d'inertie de l'ovule mûr, avant la fécondation, 


(1) C. R. Soc. de Biol., t. LXXIV, 31 mai 1913. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 521 


représente donc pour cet élément un état d'asthénobiose, en 
tous points comparable à celui qui affecte les organismes lr- 
vaires où nymphaux des Muscides ; aussi ne doit-on pas être 
surpris de voir que les mêmes excitations expérimentales pro- 
duisent dans les deux cas les mêmes phénomènes d'activation. 
Comment agissent, sur les ovules unicellulaires d'Echinodermes 
comme sur les larves pluricellulaires de Muscides, ces excita- 
tions réactivantes qui déterminent la reprise du métabolisme ? 
Il s'agit de phénomènes liés à l'irritabilité générale, mais sur la 
nature desquels il serait imprudent de hasarder des hypothèses. 
Mieux vaut se demander avec Baraizzox (*) si ce n'est pas là tout 
le problème de la Biologie cellulaire. On peut dire seulement 
que l’ovule isolé de l'Oursin, comme l'embryon imaginal chez 
la larve de Lucilie, répondent aux excitations par le dévelop- 
pement, de la même manière que le muscle réagit aux exci- 
tants électriques par la contraction 

De même que l'inertie de l'embryon imaginal, au sein de l’or- 
ganisme larvaire des Insectes métaboles, nous est apparue 
comme la conséquence d'une foxasthénie déterminée par les 
produits dérivés du métabolisme de l'organisme dominant, de 
même l'état de latence ou d’indifférenciation des éléments 
appelés à la reproduction, dans l'organisme des végétaux 
plur:cellulaires-ou des Métazoaires, s'explique pour les mêmes 
causes. Eléments des gonades, bourgeons et tubercules des 
plantes, gemmules des éponges, bourgeons des Hydraires et des 
Bryozoaires, statoblastes etc., peuvent être conçus comme des 
parties végétatives asthéniques, dominées par l'organisme géné- 
ral. Nous sommes complètement d'accord avec les conceptions 
de Caizp sur ce sujet. 

En résumé, tous les phénomènes de vie non manifestée qui 
ne sont pas directement provoqués par Le froid ou la sécheresse, 
se présentent à nous comme des processus d’asthénie ou d’into- 
xication superficielle, subordonnés à une suractivité métabo- 
lique concurrente. Examinons maintenant comment se pré- 
sentent dans la nature les principales modalités d'inertie 
métabolique saisonnière et comparons ces processus aux phéno- 
mèênes d'asthénobiose hivernale que nous avons fait connaitre 
chez les Muscides. 


(') Annales de l'Institut Pasteur, Mémoires du Jubilé Metchnikoff, 1921, p. 106. 


522. E. ROUBAUD 


2. Hibernation et Athermobiose réactivante. 


C'est énoncer une formule bien banale que d’assimiler l'hi- 
bernation dans la nature à un repos ou à un sommeil provoqué 
par le froid. Il y a là une vérité d'observation si courante que le 
plus souvent elle masque l'observation des phénomènes d'arrêt 
dans leur interprétation réelle. Si, en effet, Le froid de l'hiver agit 
souvent de manière à ralentir les phénomènes vitaux, dans cer- 
tains cas cependant les processus de latence hivernale sont, dans 
leur origine, indépendants des conditions de température exté- 
rieure et résultent de causes internes. Ils apparaissent alors plus 
ou moins comme des rythmes, coïncidant souvent avec la période 
hivernale mais sans lui être obligatoirement liés au point de 
vue causal. On peut admettre qu'au moins dans beaucoup de 
cas ces rythmes ont leur origine dans l'adaptation des organis- 
mes au cycle des saisons, et dans la fixation, sous une forme 
héréditaire, des modifications physiologiques périodiques que 
ce cycle entraine. 

Lorsque le cycle évolutif voit son ralentissement dépendre 
uniquement de l'influence actuelle du refroidissement hivernal, 
. cette hibernation peut être indifférente pour l'espèce, c'est-à- 
dire sans caractère particulièrement nécessaire au point de vue 
physiologique. C'est le cas, par exemple, pour l’hibernation 
éventuelle des mouches domestiques et du stomoxe sous la 
forme adulte, phénomène utile dans certaines circonstances 
mais qui ne parait pas indispensable. Mais, lorsque les phé- 
nomènes d'arrêt saisonnier se fixent en périodicité physiolo- 
gique, la période d’hibernation tend à devenir obligatoire ou 
spécifique, c'est-à-dire que les organismes ne peuvent pas impu- 
nément rompre leur périodicité naturelle d'activité ou de repos. 
La phase d'inertie hivernale doit être respectée, pour que se 
ménagent les énergies de développement ultérieures. 

Laissant de côté les phénomènes d’hibernation relatifs à la 
végétation et que l’on peut, en partie au moins, avec Giard: 
rattacher aux processus d’anhydrobiose provoqué par le gel, 
nous n'envisagerons ici que les cas où les effets du sommeil 
et les influences réactivantes sont sous la dépendance bien 
nette du refroidissement hivernal. 


TS TS TS TU SI 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 523 


La léthargie qui frappe nombre de batraciens, de reptiles, 
voire même de mammifères (rongeurs, insectivores, plantigra- 
des) tend à se manifester comme un rythme lié aux alternances 
saisonnières qui ont imprimé dans la physiologie des espèces 
des modifications cycliques durables. Aussi voit-on la torpeur 
apparaître chez les Marmottes sans le froid, et celle des Ver- 
tébrés à sang froid résister au chauffage artificiel. Ces phénomè- 
nes d'hibernation qui succèdent à une accumulation importante 
de matières de réserve et, par suite, à un travail physiologique 
intensif, se manifestent bien comme liés à un état de fatigue 
général et d'intoxication, dans lequel les conditions asphyxiques 
sont peut-être dominantes. On sait qu'en léthargie le sang 
de la Marmotte renferme une teneur en Co? plus grande 
qu'en activité. D'autre part l’excrétion rénale est intense et 
continue pendant le sommeil. La période du réveil est au con- 
traire marquée par une reprise active du métabolisme, se tra- 
duisant fréquemment par l'exercice précoce de la reproduc- 
tion. La phase d'athermobiose, dans la vie de ces organismes 
hibernants, se présente enfin, comme chez nos Muscides, avec 
le caractère d'un repos obligatoire, car si on soumet les hiber- 
nants à une reprise d'activité artificielle au cours de cette 
période, les réserves étant consommées l'organisme ne parvient 
pas à supporter le long délai qui le sépare de l'activité prin- 
tanière. 

Chez les Vertébrés supérieurs qui ne sont pas soumis à la 
léthargie en hiver, des modifications physiologiques ne se font 
pas moins sentir au cours de cette période. Chez l'homme, la 
saison froide est caractérisée par un ralentissement général 
du fonctionnement des glandes, et l'apparition du printemps 
ramène, comme on sait, une activité nouvelle, accompagnée 
d'une élimination marquée de substances d’excrétion. Les con- 
ditions de température paraissent ici manifester directement 
leur influence, d'une façon d’ailleurs obscure, sur la physiologie 
de l'organisme. 

Ces influences de la saison sur la physiologie générale de 
l'être humain, peuvent avoir un retentissement intéressant sur 
les protozoaires parasites du sang comme les Hématozoaires du 
Paludisme.Marchoux (") a insisté naguère sur la guérison spon- 


{t) Bull. Soc. Path. exot.,t. IX, n°1, 9 janv. 1918, p, 1-3 


E. ROUBAUD 


Cr 
Lo 
Ex 


tanée du paludisme à P/. præcox, l'agent de la fièvre tropicale, 
sous le climat français en hiver ; il interprète ce phénomène 
comme la conséquence de réactions humorales. Lenz (!), Schæ- 
del (?) ont, d'autre part, fait ressortir que les maxima des rechu- 
tes malariennes, dans nos pays, s observent pendant le prin- 
temps et l'été, tandis qu’en hiver les fièvres rétrocèdent. Il y 
aurait là, selon ces auteurs, un fait d'adaptation du Plasmodium, 
dans l’organisme humain, à la période de vie active des Ano- 
phèles. 

Ces constatations sont exactes et j'ai pu les vérifier sur moi- 
même. Pendant l'hiver le PI. de la tierce bénigne demeure en 
général, dans l’année qui suit l'infection, en période de latence; il 
reprend son activité schizogonique dès le printemps, ramenant 
les accès palustres. Il est difficile de dire si c'est là un rythme 
spontané d'évolution de la part du parasite, ou un résultat des 
réactions humorales déterminées chez l'hôte par les saisons. 
Les deux causes interviennent simultanément sans doute. Il est 
probable qu'il s’agit d’un rythme naturel, ou mieux d’un cycle 
dans la succession des périodes d'activité et d’inertie chez le 
protozoaire, orienté dans le sens indiqué par les actions humo- 
rales saisonnières. Quoi qu'il en soit, Les saisons exercent direc- 
tement ou non sur le’métabolisme des P/asmodium dans le 
sang humain une influence apparente indéniable. 

Les phénomènes de succession cyclique saisonnière, si discu- 
tés depuis LAvERAN, qui caractérisent les deux formes parasitai- 
res de la tierce Le P/. vivax etle P/. prœcox, peuvent, selon nous, 
recevoir également une interprétation simple et logique qui 
découle de tout ce que nous avons dit dans cette étude. On peut, 
en effet, les concevoir comme la conséquence des réactions de 
concurrence existant, dans le même organisme, entre deux para- 
sites caractérisés tous deux par des périodes d’asthénobiose 
cyclique obligatoire. Le P/. præcox, dont l’individualité spéci- 
fique ne nous parait pas à démontrer si l’on considère tous Les 
caractères qui le différencient, à la fois chez l’homme et chez 
l'hôte intermédiaire, manifeste son activité schizogonique sur- 
tout en été et en automne. Au contraire, le P/. vivax, apparu 
dès le printemps, le premier en activité, suspend ses manifes- 


(!) Münch. med. Wochensrhr., t. LXIV, n° 42 920 mars 1917. 
(2) Biol. Centralbl., t XXXVIIIV, n° 4 av. 1918. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 525 


tations schizogoniques précisément pendant l'été et l'automne, 
pour les reprendre à la fin de l'automne et au début de lhi- 
ver. Il y a là simple alternance de deux périodicités. Ceci tient 
pour nous à ce que le P/. præcor, lorsqu'il est associé à l’autre 
parasite, domine ce dernier pendant toute la période estivo- 
automnale de grand métabolisme. Les générations automnales 
du præcox entrent alors en période d’asthénobiose, conséquence 
directe de l'épuisement qui suit cette activité intense. A ce 
moment le deuxième parasite (vivar), plus précoce mais dominé 
jusqu'alors par son associé plus actif, retrouve son métabo- 
lisme normal caractérisé par une schizogénèse intensive. Cette 
activité cesse bientôt après, au cours de l'hiver, la phase sub- 
séquente d’asthénobiose ou d'inertie devenant alors obligatoire 
pour lui comme pour le précédent. Ces manifestations suc- 
cessives et cycliques d'activité et de repos chez les parasites 
du paludisme concordent nettement avec ce que nous avons dit, 
plus haut, des périodes asthéniques cycliques chez les proto- 
zoaires. 


C'est dans le domaine des Insectes surtout, que les rythmes 
d'inactivité autogènes, indépendants du froid comme détermi- 
nant immédiat, quoique affectant l'allure apparente d'un som- 
meil hivernal, peuvent être le plus facilement mis en évidence. 
Ces périodes d’arrêt sont couramment désignées sous le terme 
général et vague de diapauses, qui n’établit point de distinetion 
entre les processus spontanés d’inhibition et ceux qui dérivent 
directement de l’engourdissement provoqué par le froid. Les 
deux ordres de faits sont cependant essentiellement différents, 
puisque les premiers rélèvent de causes internes. Il est néces- 
saire de les distinguer, en substituant, dans ce dernier cas, au 
terme de diapause celui d’asthénobiose, qui nous parait mieux 
correspondre à la nature physiologique des phénomènes. Les 
processus d'asthénobiose soumis à une période réactivante 
d’athermobiose, tels que nous les avons décrits chez les Musci- 
des, nous semblent en effet devoir se retrouver d’une facon 
extrêmement générale chez les insectes, ainsi qu'on peut le 
pressentir d’après les exemples que nous allons rapporter, et 
dont nous nous sommes efforcé de dégager les données les plus 
caractéristiques en faveur de la thèse qui nous occupe. 


026 E. ROUBAUD 


Chez les espèces n'ayant qu’un cycle annuel, le sommeil ryth- 
mique spontané peut apparaître au stade de larve, de nympbhe, 
voire mème à l'état d'œuf. 

Le Papillon, Porthesia similis hiverne sous la forme de che- 
nille, dans un cocon. A. Picrer (!) a constaté que par un échauf- 
fement brusque on pouvait faire cesser cette hibernation lar- 
vaire, et provoquer la reprise de l’évolution. Il a obtenu le 
même résultat en ouvrant les cocons d’hibernation eten extrayant 
les chenilles. Nous sommes donc ici en présence de phénomènes 
d'arrêt spontané du métabolisme, justiciables de l'intervention 
des excitants brusques au même titre que l'asthénobiose larvaire 
de Lucilia sericata. | 

Ce qui prouve bien, d'autre part, que le sommeil larvaire du 
papillon est lié à des causes internes de même nature que celles 
dont nous avons fait l'étude, c'est que le raccourcissement de 
l’'hibernation obtenu par excitation artificielle prolonge d'autant 
la période nymphale, d’après les observations de Picrer. Il est 
clair que la période d'épuration obligatoire manifeste ici son 
influence en rendant nécessaire un délai supplémentaire de la 
nymphose. 

Nombre de Lépidoptères passant l'hiver à l’état de nymphes, 
comme les Saturnides, les Sphingides, les Bombyciens, n’éclo- 
sent qu'au début de l'été, longtemps après que les influences 
calorifiques printanières, susceptibles de déterminer l’éclosion 
se sont fait sentir. Le Bombyx lanestris hiverne sous la forme 
nymphale dès le mois d'août, ayant encore trois mois de tempé- 
rature suffisante pour permettre une éclosion qui n'apparait 
cependant qu'en avril de l’année suivante. Un grand nombre 
d'Insectes : Coléoptères vésicants, Hyménoptères, Tenthrédiens, 
Bembéciens, Mellifères, ete., font de même. Tower dans ses belles 
observations sur les Chrysomélides du G. Leptinotarsa a constaté 
que ces insectes hivernent ou estivent quelles que soient les con- 
ditions, d'une façon en quelque sorte irrésistible. 

Burgeff (?}, chez les Zygènes, a noté que les larves peuvent 
passer tantôt un, tantôt deux hivers en repos physiologique et 
que l’éclosion est plus précoce chez les larves de cette deuxième 
catégorie. Cette double condition d'évolution est tout à fait com- 


(t) Bull. Soc. Lepid., Genève, t. II, 1924. 
(2?) Zeils. wiss. Inscht. Biol. t. VI, 1910, 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL ‘ 527 


parable à celle que Panrez observe chez les Tachinaires. Nul 
doute qu'une étude attentive de tous ces phénomènes ne 
montre leur identité avec les phénomènes d’asthénobiose des 
Museides. 

La diapause embryonnaire des Vers à soie, qui a fait l'objet 
d'études expérimentales précises, rentre absolument dans Île 
cadre des phénomènes d’asthénie liés à une intoxication pré- 
coce, que nous avons étudiés chez les larves et Nymphes de 
Muscides. Ces phénomènes n’ont été bien étudiés que chez les 
œufs des races univoltines. Il est vraisemblable qu'ils ont leur 
correspondant également à un stade quelconque de la vie des 
polyvoltines, l’asthénobiose se manifestant alors comme un phé- 
_nomène d'intoxication héréditaire cyclique, affectant une généra- 
tion donnée. Quoi qu'il en soit, chez l'embryon des races univol- 
tines, c’est-à-dire à une seule génération annuelle, on observe 
une intéressante particularité dont l'interprétation est jusqu'ici 
demeurée tout à fait obscure, bien que le phénomène en lui- 
même ait donné lieu à de multiples recherches expérimentales. 
Dans ces races univoltines, la ponte survient en juillet et le déve- 
loppement embryonnaire commence immédiatement après le 
dépôt de l'œuf. Mais, après la formation des membranes 
embryonnaires et d’une bandelette germinative à 16 métamères, 
qui survient trois ou quatre jours après la ponte, le développe- 
ment embryonnaire s'arrête complètement jusqu'au printemps 
suivant, où il se poursuit alors sans arrêt ainsi que toute la suite 
de l’évolution de l’Insecte. De nombreux expérimentateurs (”) 
ont montré qu'en soumettant ces œufs inhibés dans leur déve- 
loppement à l’action d'agents divers, mécaniques, physiques ou 
chimiques (brossage, malaxage, action des acides concentrés, 
chauffage brusque, étincelles électriques, etc.) on pouvait les 
voir reprendre leur évolution. Ducraux, en particulier, à établi 
que la chaleur continue de l'étuve est impuissante à réaliser 
l’éclosion, tandis qu'au contraire le froid de l'hiver est indispen- 
sable à la reprise du développement. Des œufs de vers à soie 
maintenus, à partir de la ponte, à une température de 20° C. 
n’éclosent pas, tandis que des œufs fraichement pondus, placés 
pendant 45 jours à la glacière, puis portés dans une chambre 


(‘} On trouvera dans le Traité d'HexxeGuy une bibliographie détaillée de la 
question, sur laquelle je ne puis insister. 


D28 E. ROUBAUD 


modérément chauffée, au lieu de demeurer en repos (ous l'hiver 
éclosent rapidement. \ 

On saisit immédiatement, d’après ces résultats expérimentaux, 
l'identité qui existe entre les phénomènes d'arrêt évolutif 
embryonnaire des Vers à soie et ceux que nous avons étudiés 
chez les Muscides. La seule différence porte sur l’époque des 
manifestations de la diapause. Très précoce chez le Ver à soie, 
elle se produit à l’intérieur de la coque ovulaire, affectant /e 
développement embryonnaire larvaire ; chez nos Museides, au 
contraire, nous la voyons apparaître beaucoup plus tardivement ; 
elle affecte ici, non plus l'embryon larvaire, mais l'embryon 
imaginal, à la fin de la vie larvaire. La réaction de l'œuf 
embryonné du Ver aux excitants brusques que l’on fait agir sur 
lui, est tout à fait superposable à celle que nous avons décelée 
chez nos larves de Lucilia sericata. Quant à l'influence réacti- 
vante du froid, de l’'athermobiose, identique dans les deux caté- 
gories d'insectes, elle signe indiscutablement la nature physio- 
logique semblable de ces différents processus inhibiteurs. Les 
phénomènes étudiés chez les Muscides éclairent par conséquent 
le mystère profond qui entourait jusqu'ici les faits observés 
dans le cas isolé du Ver à soie. Les uns et les autres doivent 
être rapportés à des processus d’asthénobiose liés à l’intoxica- 
tion excétrice, la période d’athermobiose se manifestant, dans 
les deux cas, comme une période d'épuration réactivante obli- 
gatoire, de cure d'élimination. 

Le rôle joué par l’hérédité toxique dans les phénomènes obser- 
vés chez l'embryon du Ver à soie, avant toute éclosion, est évi- 
dent. La compréhension de ces phénomènes est grandement 
éclairée, au point de vue physiologique, si l’on en rapproche 
certaines observations faites par Mercanixorr chez les papillons 
adultes, qui renforcent singulièrement les déductions physiolo- 
giques précédentes, en montrant que l’organisme des parents 
est effectivement surintoxiqué par les produits urinaires. 

L’une des dernières études du grand biologiste fut en effet 
consacrée à la Mort Naturelle des Papillons du Mürier (!). IL y 
démontrait que ces papillons, incapables de se nourrir, ne 
vivent qu'une quinzaine de jours en moyenne et meurent 


() Ann. I. Pasteur, t. XXIX, art. 1915. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 529 


atteints de paralysie progressive, le plus souvent sans pré- 
senter aucun indice d'infections microbiennes. 

Après une étude minutieuse des causes de la mort naturelle 
de ces insectes, l’auteur arrive à la conelusion qu'il s’agit d’une 
. tatoricalion urinaire, produite par la rétention spontanée de 
l'urine, laquelle n’est plus évacuée quelques jours après l’éclo- 
sion. MercaniKorr remarque que le liquide urinaire des papillons 
subit une concentration de plus en plus marquée vers la fin de 
la vie de l'insecte, et il l’attribue à la résorption d’une partie 
du liquide toxique qui amènerait l'empoisonnement. 

Cette interprétation peut prêter à discussion, mais le phéno- 
mène important à retenir pour nous, celui de l'intoxication 
générale de linsecte par ses matériaux d’excrétion, ne parait 
guère douteux d'après l'ensemble des faits mis en évidence 
par Mercanikorr. Il s'agit bien d'insectes intoxiqués d’une 
façon profonde par défaut d'élimination urinaire, et cette intoxi- 
cation profonde doit se transmettre nécessairement à la des- 
cendance des papillons. L'œuf, au moins dans les races univol- 
tines, se présente déjà, dès sa genèse, comme frappé 
d'intoxication héréditaire par les substances d’excrétion qui 
provoquent la mort naturelle des parents. Il est donc peu 
propre, dès l’origine, à un développement rapide : aussi 
voit-on bientôt l’évolution embryonnaire s'arrêter après la 
ponte, dans les générations univoltines. Nous retrouvons donc 
ici, avec quelques variantes d'ordre secondaire, exactement les 
mêmes phénomènes qui caractérisent l’évolution des Muscides 
hétérodynames, dans la génération héréditairement intoxiquée 
qui procède d’une ou plusieurs générations suractives, physio- 
logiquement épurées. 

Les raisons de l'intoxication progressivement mortelle des 
papillons de Vers à soie sont attribuées par Mercankorr à la 
fonte du corps gras et aux modifications d'ordre autophagique 
qui se font sentir dans le milieu sanguin. Ce dernier liquide, 
très abondant chez la chenille, est consommé partiellement 
au cours de la nymphose et le papillon adulte n’en renferme 
qu'une petite quantité. 

Comme les papillons ne prennent aucune nourriture, aucun 
liquide, il est permis de penser qu'ils doivent subir au cours 
de leur vie, malgré sa brièveté, une déperdition en eau impor- 


230 E. ROUBAUD 


tante. Cette déshydratation progressive doit amener une éli- 
mination plus difficile des produits urinaires et elle est certai- 
nement la cause première de l’anurie et de la concentration de 
plus en plus grande du liquide urinaire, constatée par 
Mercaxiorr. L'anhydrobiose doit donc 2pso facto aboutir à un 
accroissement progressif de la toxicité du milieu sanguin, et 
c’est là, selon nous, ce qui détermine chez le papillon lappa- 
rition précoce des phénomènes d'intoxication dont l’aboutisse- 
ment réalise ce que l’auteur appelle la mort naturelle. 

Chez certains insectes, les diapauses ou arrêts de dévelop- 
pement rythmique spontanés péuvent s'étendre à une ou plu- 
sieurs années. Ainsi, Lyda stellata qui normalement évolue en 
nymphe en trois semaines, au mois de mai, peut présenter un 
cycle bisannuel et demeurer alors tout une année sous la forme 
nymphale. Les Coléoptères vésicants Epicauta vittata, d'après 
Rixey, Mylabris Schreibersi d'après Künckez, restent plusieurs 
années à l’état de pseudo-chrysalides. De même encore certains 
papillons, comme le Sphinx du troëne, certains Mellifères comme 
l'Anthidium sticticum étudié par Ferro. L'indépendance de 
ces phénomènes de ralentissement évolutif, à l'égard des ryth- 
mes saisonniers et du froid d’un seul hiver, est ici manifeste ; 
ils ne paraissent pas non plus pouvoir être rapportés à des 
actions d'anhydrobiose. Il faut, selon nous, les envisager comme 
la conséquence de rythmes d’asthénie nécessitant une période 
prolongée de désintoxication, de rajeunissement obligatoire, 
réalisée à la faveur de phases successives d’athermobiose, à 
cheval sur plusieurs hivers. 


Dans les exemples que nous avons jusqu'ici passés en revue, 
chez les Insectes, la phase d’asthénie rythmique survient au 
cours de la vie de tous les individus, dans toutes les générations. 
Le rajeunissement périodique est individuel. Mais il existe éga- 
lement des cas dans lesquels la nécessité de la période de 
rajJeunissement hivernal ne se manifeste qu'à un moment donné 
dans le cycle des générations successives. Les phénomènes 
rentrent alors exactement dans le cadre que nous avons tracé 
pour nos formes hétérodynames de Muscides. 

Des recherches récentes, auxquelles je consacrerai un 


A 


Mémoire ultérieur, m'ont amené à reconnaître que l’hiberna- 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 531 


tion des Culicides femelles {C. pipiens, Anopheles maculipennis) 
doit être considérée comme un phénomène d’asthénobiose cycli- 
que déterminant l’arrèt de l'activité reproductrice. Les généra- 
tions d’arrière-saison subissent les effets d’une intoxication 
héréditaire, qui se traduit par le développement de la graisse 
et l'inhibition des gonades. La période d’athermobiose hiver- 
nale réalise la cure excrétrice qui permet la réactivation des 
ovaires, comme elle permet chez les larves asthéniques de 
Muscides, celle de l'embryon imaginal. 

Nombre de formes d’invertébrés doués de reproduction par- 
thénogénétique intensive (parthénogénèse cyclique) pendant la 
saison chaude, voient apparaître, comme indice d’épuisement ou 
de ralentissement métabolique à l'approche de l'hiver, la repro- 
duction sexuée. C'est pendant la phase d'œuf d'hiver, que se 
manifeste la période d’athermobiose, dont la nécessité dans le 
rajeunissement obligatoire est démontrée par la constance avec 
laquelle elle se manifeste, sous une forme semblable, dans des 
groupes très différents, précédant une suractivité métabolique 
explosive, manifestée par l’agamogénèse. Je rappellerai à ce 
sujet le cas des Pucerons, des Rotifères, des Cladocères. 

Pour les premiers, au moins, sur lesquels on possède des 
données précises, l'épuisement, manifesté par le ralentisse- 
ment de l’activité métabolique et l'apparition de la reproduc- 
tion sexuée, n'est pas lié à l'influence du froid, mais, d’après les 
expériences de Ky8er et de BazBiant et celles plus récentes de 
L. GRecory, à celle de l'alimentation. L'interruption de la 
parthénogénèse commence avec les modifications de la sève à 
l'approche de l'hiver et l'on peut se demander si ce ne sont 
point des modifications de nature toxique, de cette dernière, qui 
agissent effectivement sur les insectes en question, comme ori- 
gine de la sénescence productrice de sexualité. Si les végétaux, 
à la fin de la saison chaude, doivent la suspension spontanée 
de leur activité à un rythme de fatigue, les effets de celui-ci 
doivent se traduire sur la qualité de la sève et par suite sur 
les insectes qui s’en nourrissent. Quoi qu'il en soit, le Cycle 
parthénogénétique ou cycle de métabolisme actif des pucerons, 
suspendu à l'approche de l'hiver, ne reprend qu'après une 
période d’athermobiose subie par l'œuf et vraisemblablement 
obligatoire. 


532 E. ROUBAUD à 


Chez les Cynipides gallicoles à parthénogénèse cyclique, on 
retrouve des phénomènes qui cadrent entièrement avec les 
précédents. Les recherches d’Apzer sur les Cynips du chêne 
ont établi que les formes parthénogénétiques procèdent de 
galles d'hiver, et les sexuées de galles d'été. Comme dans le 
cas des pucerons, les générations douées d'un métabolisme 
intense se traduisant par la reproduction agame sont donc bien 
celles qui surviennent après la période d’athermobiose réacti- 
vante, et leur éclosion est parfois très précoce. 

La durée de développement de ces générations suractives 
peut d’ailleurs être très longue. Pour la forme dénommée 
Biorhiza renum, par exemple, le développement de la géné- 
ration parthénogénétique qui procède à l'automne de la généra- 
tion sexuée, exige plusieurs années (3 ans). IL s'agit donc bien 
là de générations asthéniques au début de leur évolution, et 
qui doivent à de longues périodes d’athermobiose nécessitant 
plusieurs hivers leur réactivation ultérieure. Ces effets réacti- 
vants s'expriment par une reprise intense du métabolisme 
permettant la parthénogénèse. 

Chez d’autres Cynipides, comme le Cynips calicis étudié par 
BeuEriNck, forme à deux générations alternantes non parthéno- 
génétiques, la génération d'hiver est encore une génération à 
développement ralenti, qui passe souvent deux saisons froides. 
La réactivation du métabolisme, après l'hiver, se traduit non 
par la parthénogénèse, mais par une fécondité plus grande : 
les femelles de cette génération pondent en effet de 700 à 
800 œufs, tandis que celles de la génération d'été n’en produi- 
sent qu'une trentaine. 

C'est à une même catégorie de phénomènes de suractivité 
métabolique, succédant à une période d’athermobiose, qu'il 
convient, pensons-nous, de rapporter également le détermi- 
nisme de la polyembryonie chez certains hyménoptères. Les 
belles recherches de Marcuaz sur l'Encyrtus fuscicollis mon- 
trent que l’œuf de ce Chalcidien, pondu en juillet-août dans 
l'œuf de l'Hyponomeute, commence à se développer avant 
l'hiver pour subir bientôt une période d'arrêt hivernal. Mais, 
au mois d'avril, le développement reprend, manifestant une 
exaltation si intense qu'elle se traduit par une explosion brus- 
que d’agamogénèse, suivant le processus si particulier de la 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 033 


fragmentation polyembryonique. Les relations existant entre la 
période de repos obligatoire ou d’athermobiose et cette sou- 
daine expansion multiplicatrice ne sauraient être mises en doute. 
On peut se demander seulement si les effets réactivants de la 
diapause ne sont pas accrus ici ou même directement provo- 
qués par les modifications moléculaires du milieu-hôte, lequel 
subit les effets réactivants post-hivernaux. Il est vraisemblable 
que les chenilles hivernantes de l'Hyponomeute doivent subir, 
au cours de leur période d’athermobiose, des modifications 
osmotiques marquées du milieu intérieur, en rapport avec 
l'épuration excrétrice d'hiver, et susceptibles de retentir direc- 
tement sur la blastogénèse du parasite. 

La reprise d’une activité si intense qu'elle se manifeste par 
un développement ontogénique multiple, après la période 
d'athermobiose obligatoire, peut permettre d'expliquer la genèse 
de la polyembryonie chez l'Encyrtus. Mais pour d’autres 
espèces, non hivernantes, comme le Polyqnotus, cette inter- 
prétation ne saurait intervenir. Il faut alors penser que l’évo- 
lution de ce dernier, trouve dans les excitations mécaniques 
subies par l'œuf, le remplacement des influences réactivantes 
hivernales. 

On pourrait multiplier à l'infini les exemples que nous venons 
de donner. Des observations attentives démontreront sans aucun 
doute la très grande généralité, dans la série animale, de ces 
processus d’inhibition spontanée de l’activité biologique, coïnci- 
dant plus ou moins, en apparence, avec la saison froide, sans 
être provoquée par elle. Les faits que nous avons rapportés 
suffisent à faire entrevoir la fréquence des phénomènes que nous 
caractérisons comme des phénomènes d’asthénie rythmique, ou 
cyclique (‘). [ls nous montrent également avec quelle cons- 
tance la période de froid intervient comme facteur réactivant 
obligatoire des énergies biologiques suspendues. L'intervention 
d'une phase d’athermobiose, utilisée comme agent spécifique de 
rajeunissement, se trouve fixée fréquemment d'une manière 
nécessaire dans le cyele des individus ou des espèces. Les faits 
constatés chez les Muscides se laissent ainsi entrevoir comme 
des phénomènes, dans leur essence, d'une très grande généralité. 


(‘) Le rythme étant conçu comme une périodicité individuelle, le cyele comme 
une périodicité dans les générations. 


534 E. ROUBAUD 


Estivation et anhydrobiose réactivante. 


Un autre grand facteur naturel inhibiteur des activités méta- 
boliques est la déshydratation. Comme la suppression de la 
chaleur, la suppression de l’eau aboutit à un ralentissement 
fréquent des phénomènes vitaux, sur la nature physiologique 
duquel nous avons déjà insisté. L'anhydrobiose permet d’expli- 
quer a priori les arrêts d’estivation, comme l’athermobiose ceux 
de l'hibernation. Mais il faut encore iei distinguer entre les effets 
apparents et les effets réels. Comme pour les phénomènes 
d'inhibition en rapport avec les périodes d'athermobiose, la 
question se pose, en effet, de savoir si les phénomènes de ralen- 
tissement métabolique liés en apparence à l'anhydrobiose ne 
relèvent pas, avant tout, de rythmes mhibiteurs spécifiques, 
auxquels le desséchement donne une simple garantie de mani- 
festations, sans les provoquer directement. Dans nombre de 
cas il en paraît bien être ainsi. 

De même que l’action du froid peut provoquer des arrêts 
biologiques, en quelque sorte fortuits, sans nécessité réelle pour 
l'espèce, de même le desséchement accidentel peut suspendre 
l’activité de certains organismes, temporairement et sans que 
cette inhibition provoquée présenter de caractère obligatoire. 
C’est ainsi que Giarp(') provoque à volonté chez les larves de 
Syrphides, ou de Sciara medullaris le ralentissement des phéno- 
mènes vitaux, en les soumettant au desséchement. MarcxaL (?) 
fait de même avec les larves de Cécidomyies, accélérant ou 
retardant l’évolution de l’espèce en faisant varier Les conditions 
d'humidité. 

Mais, dans nombre de cas aussi, on peut constater que la 
réponse de l'organisme aux influences déshydratantes s'est 
fixée dans le cycle biologique d’une manière obligatoire, sous 
forme d’arrêts spontanés de l'évolution qui peuvent être com- 
plètement indépendants, dans leurs causes, de la sécheresse 
extérieure. Si, par exemple, l'arrêt hivernal de la végétation 
sous nos climats peut être rattaché, avec GiarD, aux phénomènes 


{!) C. R. Acad des Sciences, 26 mai 1902. 
(*) Ann. Soc Entom. France, LXVI, p. 1-105 et LXXV, p. 5-27. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 530 


d'anhydrobiose, le gel étant physiologiquement synonyme de 
déshydratation, il est incontestable, d'autre part, que le ralentis- 
sement de l’activité végétale précède de beaucoup l'apparition 
du froid ou de la sécheresse hivernale. On sait d'ailleurs que 
des plantes adaptées à un rythme saisonnier donné conservent 
pendant plus ou moins longtemps leur périodicité, lorsqu'on les 
place dans des conditions de climat différentes. Ces phéno- 
mènes de repos spontané autogène des plantes, en hiver, se 
ramènent également pour nous à des phénomènes d’asthénie, 
liés à l'encombrement de l'organisme par les matériaux de 
désassimilation. Cette période d'inertie rythmique apparait 
comme obligatoire. 

Dans les graines, l'embryon subit un arrêt de développe- 
ment qui est tout à fait comparable à celui que nous observons, 
par exemple, dans l'œuf du ver à soie ou dans les pupes asthé- 
niques de nos Muscides. Cet arrêt embryonnaire, dans la graine, 
n'est nullement lié à la déshydratation du sol; il dépend de 
causes internes. Il en est de même pour l'arrêt évolutif des 
tubercules ou des bulbes. 

De même que les arrêts évolutifs nécessitant une phase réacti- 
vante d’athermobiose sont devenus obligatoires pour certains 
organismes, de même les arrêts observés chez d’autres paraissent 
très souvent liés, d’une manière nécessaire, à une phase plus ou 
‘moins prolongée de desséchement ou d’anhydrobiose. Dans ce 
cas, bien que l'inhibition apparente ne soit pas provoquée par 
la déshydratation, celle-ci devient indispensable pour en garan- 
tir l'efficacité d'action physiologique. Nombre de graines, par 
exemple, ne sont pas douées de pouvoir germinatif au moment 
de leur formation. Elles ne germent qu'après un temps de 
repos à sec plus ou moins prolongé. On trouve chez les animaux 
des exemples tout à fait analogues de déshydratation obliga- 
toire. C’est le cas notamment pour certains Crustacés Bran- 
chiopodes (Branchipes, Apus) dont l’œufne peut se développer 
que s'il a subi les effets d'un séjour prolongé à l’état sec 
(SiezBoLo, Braver). D’après Howanp (") les œufs du Moustique de 
la fièvre jaune, Stegomyia, (Aëdes) fasciata se développent 
mieux lorsqu'ils ont été desséchés pendant quelque temps. Les 

(1) The Yellow-fever Mosquito U. S. Dept. Agric Farmer's Bull. 547, Washing- 


ton, 1913. 
36 


536 E. ROUBAUD 


expériences de Bacor (') démontrent le même fait. Il est vrai- 
semblable que les nombreuses espèces d’Aëdines dont Les 
œufs subissent une période prolongée de séjour à l’état sec, 
d'après les observations de Howarp, Dyar et Kxas en Amérique, 
celles de EcxsTEIN et BressLat en Alsace, sont liées obligatoi- 
rement aux influences de desséchement des œufs. Sans doute 
les curieux phénomènes d’anhydrobiose qui caractérisent le 
cycle de ces singuliers Coccides simulant des perles que sont 
les Marçgarodes sont-ils également obligatoires. 

Les exemples d’arrêt métabolique spontané nécessitant la 


garantie d'une période d'anhydrobiose sont vraisemblablement 


très nombreux dans la nature. De même que l’athermobiose 
peut être caractérisée comme un facteur réactivant spécifique 
pour certains organismes, de même l’anhydrobiose, dans 
les cas que nous soulignons, doit être également envisagée 
comme un facteur réactivant spécifique. Les deux influences, 
celle du froid et celle de la sécheresse, se confondent exacte- 
ment dans le mécanisme de leur intervention, qui est iden- 
tique. Ce sont en effet l’une et l’autre des processus inhibiteurs 
de l’activité métabolique. À ce titre, même lorsqu'ils ne déter- 
minent pas directement les arrêts évolutifs, ils sont aptes à 
unposer aux organismes asthéniques, dont le métabolisme 
s'est déjà ralenti de Iui-même, la phase de repos absolu qui 
est indispensable à la reprise ultérieure d’une activité accrue. 
L'absence de chaleur (athermobiose) comme l'absence d’eau 
(anhydrobiose), proscrivant nécessairement toute reprise d’ac- 
tivité prématurée, condamnent obligatoirement l'organisme à 
une inertie prolongée, au cours de laquelle il va pouvoir se 
réacliver pour reprendre ultérieurement une énergie nouvelle 
de développement. Aussi les effets physiologiques de cette réac- 
tivation apparaissent-ils aussi semblables que le mécanisme 
physiologique qui les garantit. 

Nous voyons, par exemple, chez les Apus et les Branchipes, 
la suractivité métabolique qui succède au desséchement se 
traduire par les mêmes phénomènes de parthénogénèse cyclique 
que l’on observe chez les pucerons ou les Daphnies, après la 
période d’athermobiose. Cette identité frappante dans les résul- 


("} Rept. Yellow-fever Commission, mars 1916. 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 537 


tats plaide manifestement en faveur de la similitude des effets 
physiologiques qui ies provoquent. Nous allons en donner un 
exemple topique emprunté encore à nos larves de Muscides. 
Remplacement des effets réactivants de l'athermobiose, par 
ceux de l’anhydtrobiose. Exemples tirés de Mydæa platyptera. 
— L'étude attentive de l’Anthomyide à larves hivernantes, 
Mydæa platyptera, auquel nous avons fait si fréquemment 
appel, dans le cours de cette étude, nous permet encore d'ap- 
porter en faveur de cette thèse une documentation nouvelle. 
Nous avons montré précédemment que les larves asthéniques 
de ce Muscide peuvent, dans certains cas, sans subir l’action 
du froid, se réactiver spontanément et donner naissance à une 
génération active, au même titre que celles qui ont subi la 
période réactivante normale d'athermobiose (V. page 482 et 
Obs. 6 D, p. 468). Or j'ai pu constater que cette réactivation 
sans le froid des larves hivernantes, nécessitait l'intervention 
d'une période de sécheresse normalement contraire aux condi- 
tions biologiques des larves. C'est lorsque le milieu toujours 
humide où vivaient ces larves, maintenues à température d'été, 
fut devenu en partie desséché, à la suite d'une évaporation 
intense, que les larves en asthénobiose ont pu manifester la 
reprise de leur évolution. Les larves maintenues en milieu tou- 
jours humide, ne se sont pas transformées. Gelles qui ont été 
soumises au desséchement partiel, ont donné, en l'absence du 
froid, une proportion notable de mouches adultes. 
L'expérience ci-après, qui a porté sur des larves asthéniques 
n'ayant subi qu'une période d’athermobiose insuffisamment 
prolongée pour permettre la réactivation, montre nettement 
que l’anhydrobiose a pu substituer efficacement ses effets à ceux 
du froid pour permettre le développement suspendu des larves. 


xp. À. — Un lot de larves de #ydæa de génération hivernante a été sou- 
mis à la glacière (+ 50 C ) pendant 20 jours, puis, à partir du 19 juin, placé 
à la température du laboratoire, le milieu restantconstamment très humide. 
Résultat : le 15 octobre une seule pupe viable s’est formée ; les autres larves 
sont encore vivantes mais incapables de se transformer. Une seule mouche 
adulte a été obtenue. 

Exe. B. — Un lot de larves de Yydæa de génération hivernante a été 
soumis à la glacière (+ 50 C.) pendant 10 jours, puis, à partir du 3 juillet 
placé à la température du laboratoire. Le milieu se dessèche progressive- 
ment de façon complète. Au début d'octobre on trouve plus de 80 0/0 des 
larves transformées en pupes ou en mouches adultes. Un petit nombre de 


538. E. ROUBAUD 


larves seulement n'ont pas été aptes à poursuivre leur évolution et sont 
mortes des suites du desséchement. 

L'anhydrobiose peut donc exercer sur ce Muscide, dont les 
larves sont particulièrement hygrophiles et recherchent les 
parties les plus humides du substratum, des effets réactivants 
analogues à ceux du froid, moins parfaits puisqu'un grand 
nombre de pupes ne peuvent parvenir à se développer, mais 
suffisants cependant pour permettre l'éclosion de quelques 
mouches adultes. L’estivation peut être substituée partielle- 
ment, dans le cyele de cette espèce, à l'hibernation. 

Si l'on cherche à comprendre le mécanisme d’action de l’an- 
hydrobiose dans les expériences précédentes, on arrive à la 
conception suivante : 

Le desséchement n’est éviderament pour rien dans la sus- 
pension de l'évolution de la mouche qui est un phénomène 
d'asthénie spontané. Mais l’anhydrobiose, qui est une condition 
contraire à la biologie normale de l'organisme larvaire hygro- 
phile, agit sur lui en gênant ses échanges métaboliques nor- 
maux, diminuant par suite la consommation spontanée des 
réserves et la production des urates. L'organisme en souf- 
france vit d’une vie moins active, et la production continue des 
éléments de désassimilation se trouve de cette manière atté- 
nuée. La tâche des organes d’excrétion, dans un milieu déjà sur- 
chargé, se trouve ainsi facilitée, et l'épuration réactivante, au 
bout d'un certain temps rendue possible. Physiologiquement 
done, en enrayant plus ou moins la formation des urates, l’an- 
hydrobiose parvient exactement au même résultat que l'ather- 
mobiose. L'un et l’autre processus étant des processus d'arrêt 
de l’activité métabolique, leurs conséquences physiologiques 
peuvent ainsi plus ou moins se compenser, et, suivant les cir- 
constances, le froid peut substituer ses effets réactivants à ceux 
de la sécheresse, ou réciproquement. 


Ainsi, l’athermobiose et l’anhydrobiose se présentent à nous 
comme deux moyens parallèles, mis au service des organismes 
pour assurer, par le repos métabolique obligatoire, le rajeu- 
nissement des individus on des espèces. Lorsque ces facteurs 
deviennent ainsi obligatoires, non seulement ce n'est plus 
le froid, ni la sécheresse qui provoquent les arrêts apparents 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 539 


du développement, mais ce sont eux au contraire qui devien- 
nent les agents indispensables du réveil ultérieur. Il faut en 
effet distinguer entre les effets immédiats et les effets lointains 
de ces facteurs sur les organismes. 

L'effet immédiat est celui d'une entrave à l’activité métabo- 
lique. Chez les organismes déjà spontanément ralentis cet effet 
ne se manifeste pas de façon apparente ; il n’en subsiste pas 
moins et c'est cette entrave immédiate, appuyant l'inhibition 
spontanée, qui garantit les effets lointains d’une réactivation 
ultérieure. Celle-ci, de même nature pour les deux facteurs, est 
liée à l'épuration physiologique. 

Le départ entre les influences réactivantes d’anhydrobiose 
ou d’athermobiose n'est d'ailleurs pas toujours facile à établir. 
Aussi nombre de phénomènes d'arrêt métabolique survenant 
en dehors de l'hiver sont-ils fréquemment rapportés à des 
phénomènes d’anhydrobiose, alors qu'ils pourraient être tout 
aussi bien conçus, sans doute, comme subordonnés à des 
rythmes nécessitant l'influence réactivante du froid. 

L’Aypnodie, qui affecte souvent, pendant l'été et l'hiver, le 
développement de certains Coléoptères vésicants doués d’un 
cycle pluriannuel, est rapportée d'ordinaire à l'anhydrobiose. 
Mais on pourrait, avec autant de raison semble-tl, envisager 
ce phénomène d'inertie de plusieurs années comme résultant 
dé l'insuffisance d’une seule période d'athermobiose hivernale 
pour réactiver l'évolution. Les observations récentes de 
MarcaaL (') sur la double hypnodie des Margarodes montrent 
que, pour certaines espèces au moins, l'une des phases d’hyp- 
nodie peut se confondre avec l'hibernation. Giarn (?) cite 
comme exemple des effets de l’anhydrobiose un retard de près 
d'une année observé dans l’évolution d'un Hyménoptère Chal- 
cidien, Lygellus epilachnæ. Un tube renfermant des nymphes 
de Coccimelles parasitées par cet hyménoptère resta tout l'hiver 
dans une chambre chauffée. En juillet, l'examen du contenu 
de ce tube montra des larves et des nymphes encore vivantes du 
Chalcidien, qui n’avaient pas repris leur évolution. 

Cette observation, rapportée par Grarp aux effets retardants 
de l’anhydrobiose, me parait au contraire devoir être inter- 


{‘) C. Rendus Acad. des Sciences, 2% avril 1922. 
(?) C. R. Soc. Biol., 25 juillet 1896. 


D40 E. ROUBAUD 


prétée uniquement dans le sens de la suppression des effets 
réactivants de l’athermobiose. Elle est tout à fait comparable 
aux observations que j'ai faites en 1917 sur l'hibernation du 
Chalcidien Nasonia brevicornis. Dans ces observations, les effets 
inhibiteurs de l’anhydrobiose doivent être exclus de l’interpré- 
tation, puisque, dans le même tube et suivant les mêmes condi- 
tions de milieu, d’autres Chalcidiens de Ia même espèce ont évo- 
lué normalement à là même saison. Il s’agit là, uniquement, 
de phénomènes de diapause hivernale, subordonnés obligatoire- 
ment à l’action réactivante des basses températures de l'hiver. 

Il convient de remarquer, à cesujet, que chez ces deux Hymé- 
noptères parasites la période d’inhibition du développement 
survient sans époque absolument fixe, tantôt chez les larves 
mûres, tantôt chez les nymphes. Sans doute aussi, n’est-elle pas 
non plus constante dans sa durée, suivant les individus. Des 
variations doivent exister selon l'intensité plus ou moins grande 
de la surcharge excrétrice et, partant, suivant le degré d’as- 
thénie des individus. Ce sont vraisemblablement ces différences 
dans le degré d’asthénie qui permettent d'expliquer les grandes 
variations que l’on observe, chez certains Cynipides, dans la 
durée de développement des générations d'hiver. 

Chez nos Muscides hivernant dans des conditions d’asthéno- 
biose, nous avons relevé, pour Mydæa platyptera, des varia- 
tions analogues, mais d'amplitude à vrai dire peu élevée. Au 
contraire, les pupes de Sarcophaqga falculata nous ont offert 
une égalité frappante dans la marche de leur évolution réac- 
tivée par le froid. Nous avons vu survenir les éclosions, exacte- 
ment le même jour, pour des pupes soumises aux mêmes con- 
ditions de température, après une période de latence de plus 
de sept mois. Ceci indique que le degré d’asthénie des indi- 
vidus provenant d’une même ponte est ici à peu près semblable, 
et que le processus de la décharge excrétrice réactivante s’ac- 
complit avec la même efficacité lorsque les conditions sont tout 
à fait identiques. 

Puisque les périodes d’athermobiose ou d’anhydrobiose se 
présentent à nous comme exerçant sur les organismes inhibés 
des effets réactivants analogues, nous sommes fondé à penser 
que le mécanisme intime de cette réactivation est, dans les deux 
cas, de même nature. Il faut, comme nous l’avons dit, envisager 


. LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 541 


dans les deux catégories de processusles phénomènes de décharge 
excrétrice comme les déterminants réels de la réactivation. 

Nous avons vu que chez les insectes hibernants, d’après les 
observations faites sur nos larves de Muscides comme sur l'œuf 
du Ver à soie, la période d’athermobiose intervient de manière à 
garantir les conditions de la décharge urinaire, de la désintoxi- 
cation générale, en empêchant l'organisme à la fois d'user ses 
réserves et de se surintoxiquer par une production nouvelle de 
matériaux d’excrétion. La nécessité de l’épuration physiologi- 
que d'hiver, chez d'autres organismes hivernants que les Insectes 
(rongeurs, batraciens, etc.), ne paraït pas douteuse. Les phéno- 
mènes de calcification hibernale signalés par Grarp (') chez de 
nombreux organismes, Bryozoaires, Ascidies, Helix, ete.…., se 
présentent pour nous comme traduisant des conditions de sur- 
charge excrétrice qui se manifestent, au début de l'hiver, par 
une élimination de calcaire préparant les voies à d'autres phé- 
nomènes d'épuration hivernaux. 

Les observations récentes de Scaurre (?) relatives au Mus- 
aide Hydromyza livens montrent également que, chez cet 
insecte, survient à l'approche de l'hiver une élimination de 
calcaire qui imprègne la paroi de la pupe d'hiver. Cette élimina- 
tion correspond, pour nous encore, à des phénomènes cyceliques 
de surcharge excrétrice qui déterminent directement l'arrêt 
d'hiver. Le calcaire est en effet un produit normal d’excrétion 
malpighienne chez certains types de Diptères ; il peut être 
expulsé au moment de la mue nymphale, comme l'indique 
Kæizi (*) dans un travail récent. L’excrétion uniquement hiver- 
nale de ce produit, chez la pupe d'Hydromyza livens, corres- 
pond bien à la nécessité d'une décharge prémonitoire des 
organes d'excrétion, chez un organisme en état de surcharge par 
des matériaux de désassimilation gênants ou toxiques. 

Chez les organismes en anhydrobiose, nous sommes amenés 
également à penser, d’après tout ce que nous avons dit, que 
les conditions de la réactivation sont toujours liées à des phé- 
nomènes internes d’excrétion ou de désintoxication. Au cours 
de cette période, en effet, les conditions physiologiques des 
organismes se trouvent exactement correspondre à celles de 

1) C. R. Soc. Biol., 5 novembre 1898, 


(1) 
(2) Zool Anzgeig, LI, 1921. 
(5) Quaterly Journ. Miscrosc. Science, t. LXV, IV, octobre 1921, 


542 E. ROUBAUD 


\ 


l’athermobiose. Tout métabolisme étant interdit par l'absence 
d'eau, aussi bien que par le froid, les éléments vivants 
se trouvent donc dans des conditions d'inertie parfaites, per- 
mettant le déplacement lent par voie de dialyse et le triage 
physiologique des produits qui encombrent l’organisme. Ces 
substances sont entrainées ou fixées dans des régions où elles 
cessent d’être une entrave à l'activité vitale, lorsque celle-ci 
se sera de nouveau manifestée. 

L'épuration physiologique garantie par l'anhydrobiose, qui 
place les organismes dans un état de repos plus ou moins 
absolu, explique, par exemple, la lente préparation que doi- 
vent subir les graines avant d’être aptes à une germination 
active, l'impulsion de développement, souvent exagérée, qui se 
manifeste à la suite d’un long desséchement chez les Apus et 
les Branchipes, etc. 

À ces influences d' épuration préparatoires, les conditions de 
l’anhydrobiose joignent également, comme on sait, les excita- 
tions tonogamiques dues à la réhydratation. Mais ces excitations, 
on le conçoit, seront d'autant plus effectives que l’organisme 
aura mieux pu rétablir, par une stase d'épuration prolongée, son 
irritabilité générale. Ainsi s'explique que ces influences d’exci- 
tation n’agissent bien, par exemple dans le forçage artificiel des 
plantes, que lorsque la période de repos s’est déjà mamifestée. 

Les actions excitantes de réhydratation brusque, qui jouent 
un très grand rôle dans la réactivation métabolique des orga- 
nismes à l'état latent, spores ou graines, végétaux au repos, 
parasites enkvstés ou non, à changements d'hôtes, etc..., ne 
doivent peut-être leur intervention réactivante qu'à l'existence 
préalable d’une phase d'inertie, accompagnée de modifications 
moléculaires d'épuration physiologique, permettant la reprise 
de lirritabilité. De même que le muscle ne réagit pas en tout 
temps aux actions électriques, qu'il passe par des périodes 
d'inexcitabilité consécutives à la contraction, et dont la succes- 
sion est particulièrement frappante pour le muscle cardiaque, 
de même les organismes ou les éléments susceptibles d’asthé- 
nobiose ne sont-ils, sans doute, aptes à la réactivation que 
lorsque leur période d'inertie à pu s'établir spontanément et 
se développer dans des conditions déterminées. 

Bien qu'en apparence, un exposé aussi divers nous ait écarté 


LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL . 043 


de notre sujet originel, il nous a paru cependant digne d'inté- 
rèêt de rapprocher, dans un même cadre de comparaison, tous 
ces phénomènes si variés soient-ils, et dont les liens de nature 
et de cause n'apparaissent point toujours nettement. Peut-être 
les investigations ultérieures bénéficieront-elles de cet essai 
synthétique, inspiré par l’étude attentive des curieux phéno- 
mènes présentés par les Muscides. 


CONCLUSIONS 


Nous avons établi, au cours de cette étude, que certaines 
espèces de Muscides présentent, à l'approche ou non de l'hiver, 
des phénomènes particuliers d'arrêt de l'évolution qui portent 
tantôt sur la vie larvaire terminale, tantôt sur la période pronym- 
phale. Ces espèces passent, en effet, par une périodecritique de 
surcharge urinaire, qui les astreint à des nécessités d'excrétion. 

Nous avons montré que les phénomènes d'inhibition qui 
caractérisent ces insectes correspondent, en effet, à des mani- 
festations cycliques d'épuisement, d’asthénie générale liées à 
une accumulation exagérée des produits d’excrétion résultant 
de l’activité métabolique antécédente. Ces processus d'arrêt 
spontané d'activité évolutive peuvent ainsi être rapportés à 
des manifestations biologiques particulières auxquelles nous 
avons donné le nom de processus d’asthénobiose. Il faut enten- 
dre, sous cette dénomination, non seulement les périodes de 
diapause affectant l’évolution de certains types d'insectes, mais, 
très généralement aussi, l’ensemble des processus de vie latente 
spontanée qui s'observent dans les deux règnes. Dans la très 
grande majorité des cas, en effet, les processus inhibiteurs qui 
affectent la vie des organismes, des éléments histologiques ou 
des tissus embrvonnaires, des gamètes ou des éléments de 
reproduction asexuée, peuvent être rapportés à des phénome- 
nes d'intoxication superficielle, de dépresion ou de sénescence. 
L’asthénobiose se manifeste, tantôt sous forme de périodicité 
rythmique individuelle plus ou moins précise, tantôt, comme 
chez nos larves ou pupes de Muscides, sous forme de périodi- 
cité cyclique dans la succession des générations. 

Les organismes ou les éléments en asthénobiose sont astreints, 
pour pouvoir reprendre leur activité évolutive, à subir des 


& 


D44 E. ROUBAUD 


influences réactivantes qui peuvent être de natures diverses. 
Mais le processus le plus fondamental de cette reprise d'acti- 
vité consiste vraisemblablement dans une épuration physiolo- 
gique préalable. 

Chez un grand nombre d'organismes hivernants, comme les 
larves ou les nymphes de nos Muscides et sans doute d’un 
grand nombre d'insectes dont l’activité métabolique précédant 
les métamorphoses est intense, la période.d’asthénobiose néces- 
site souvent, pour être rompue, l'intervention d’une période plus 
ou moins prolongée d’athermobiose. Au cours de cette phase de 
vie à température peu élevée, ces organismes éliminent lente- 
ment, sans consommer leurs réserves et produire de nouveaux 
excreta, Le trop plein de ceux qui les encombrent. Ainsi s’expli- 
que l'intervention du froid dans le cycle des insectes hiyernants, 
comme facteur de rajeunissement et d'épuration spécifique. 

Dans d'autres cas, et c'est surtout le fait des organismes 
estivants, nous voyons l’anhydrobiose se substituer à l'ather- 
mobiose, pour produire des effets réactivants identiques. Ces 
deux facteurs : la déshydratation et l'absence de chaleur, par 
eux-mêmes facteurs inhibiteurs, peuvent devenir, en favorisant 
les processus d’excrétion chez les organismes en latence, des 
facteurs inattendus de réactivation. En imposant aux orga- 
nismes une inactivité métabolique complète, ils leur per- 
mettent une épuration physiologique progressive favorisant la 
reprise de l’irritabilité générale. 

Les organismes ou les éléments frappés de latence ne repren- 
nent, semble-t-il, Leur activité qu’à la suite d’une phase d’épura- 
tion physiologique. Mais, très généralement aussi, lorsque l'ir- 
ritabilité générale s'est rétablie, la reprise de l’activité 
métabolique nécessite encore des impulsions excitatrices. Les 
actions de réhydratation brusque, ou influences tonogamiques, 
se retrouvent d’une façon quasi-constante à l’origine des manifes- 
tations de réveil de la vie sommeillante. Les Muscides astreints 
à des périodes d’asthénobiose hivernale n'échappent point à 
cette Loi générale : on doit voir dans les phénomènes de décharge 
urinaire qui s'accomplissent pendant leur phase d'hibernation, 
et dans les modifications de concentration moléculaire que ces 
phénomènes imposent à leur organisme, l'origine première de 
la réactivation spontanée qui affecte les éléments embryonnai- 
res imaginaux et provoque la reprise de l’évolution. 


Pierre P. GRASSE. 


ÉTUDE BIOLOGIQUE 


SURILE 
CRIQUET EÉGYPTIEN 


ORTHACANTHACRIS ÆGYPTIA (L.) 


Dans ce travail, qui contient malheureusement de nom- 
breuses lacunes, je me suis attaché à l'étude de quelques 
points particuliers. J'ai pu suivre le cycle évolutif de lOrtha- 
canthacris ægyptia (L.), cycle bien différent de celui de la 
plupart de nos autres Criquets. 

L'étude biologique de ce gros Insecte, admirable maté- 
riel, a été bien négligée. Les systématiciens lui consacrent 
à peine quelques lignes. Tarçroni-Tozzerri est le seul qui se 
soit accupé sérieusement de lui et les faits quil rapporte 
ne cadrent pas parfaitement avec ceux que nous avons 
observés. 


Répartition géographique. 


L'Orthacanthacris ægyplia a une aire de répartition immense. 
En Europe, Bouvar le signale dans toute l'Espagne, TarGtoni- 
Tozzerr: l'indique comme étant commun en Italie et en Dal- 
matie ; on le trouve en Sardaigne (AubiNET-SERVILLE, etc...), en 
Sicile (BRISOUT DE BARNEVILLE). 

En France, il est strictement localisé au Midi. D'après 
les auteurs, sa limite septentrionale serait marquée par la 
ligne Bordeaux-Montélimar, mais on peut affirmer que cet 
Insecte est rare en dehors de la zone de l'Olivier. À Bordeaux, 
où jai eu l’occasion de faire de nombreuses chasses entomolo- 
giques, je ne l'ai jamais rencontré ; à Floirac, où Brown l'in- 
dique, je l'ai cherché en vain ; à Toulouse, il est fort rare : 


546 : PIERRE P. GRASSÉ 


Marquer n'en possédait qu'un exemplaire venant de cette 
région. Tout cela pour bien préciser que O. ægyptia à 
chez nous son habitat, avant tout, dans la région méditerra- 
néenne, dont il s’écarte assez peu. 

Hourserr l'a signalé en Bretagne (Saint-Malo), mais cette 
trouvaille est le fait d’une importation par bateau. Les 
quelques exemplaires rencontrés en Allemagne (Franconie, 
Thuringe, Mecklembourg) doivent avoir une origine analo- 
gue. J'ai étudié cette espèce à Montpellier, où elle est 
commune pendant toute l’année ('). 

En Afrique, il est commun en Algérie (Lrcas), en Egypte, au 
Maroc (1, Bozivar). Il s'éloigne beaucoup du rivage méditerra- 
néen : on le trouve au Cameroun (Zacner) sous un climat équa- 
torial. 

En Asie, son aire de répartition est très étendue ; 1l est aussi 
commun en Asie Mineure, qu'au Turkestan où il est signalé 
dans lä Province de Ferghana par 1. V. Vassinrev. M. Dvornit- 
CHENKO indique les autres Locustiens (2) qui y vivent en sa com- 
pagnie, ce sont Dociostaurus maroccanus (Thunb.), Oedaleus 
nigrofasciatus (de Geer), Docostaurus Kraussi, Calliptamus 
talicus L., qui habitent tous, à l'exception de Dociostaurus 
Kraussi, le midi de la France. Enfin, certains auteurs le don- 
nent ‘comme vivant dans l'Inde ; je n’ai pas pu me procurer le 
travail de Kirsy sur les Orthoptères de ce pays. 

Aïnsi, la répartition géographique du « Criquet égyptien » 
est extrêmement vaste, ce qui est Loin d’être la règle pour les 
Insectes de grande taille, habituellement beaucoup plus loca- 
lisés que Les petites formes (Cas de la faune microscopique). 

À cet égard, les Orthoptères font nettement exception et se 
montrent dans l’ensemble très largement répartis. — Caractère 
propre aux groupes anciens. 

Le Criquet égyptien existerait donc dans l'Ancien Continent, 
des régions équatoriales au 45° de latitude Nord. Cette limite 
septentrionale coïncidant, à peu près, avec la ligne Bordeaux- 
Montélimar. 


() J'adresse ici mes meilleurs remerciements à M. Caoparo pour les renseigne- 
ments qu'il m'a si obligesmment fournis et à M. Sue qui m'a procuré un très 
abondant matériel. 

(2) J’adopte la nouvelle nomenclature, d'après laquelle les Acridiens s'appellent 
Locustiens. 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYTIPEN 


Habitat. 


O. ægyptia ne semble pas avoir un habitat bien déterminé. 

On le rencontre partout; cependant il y a lieu de faire 
remarquer que ce Criquet, à l’état adulte, est particulièrement 
fréquent sur les arbres. Dans la garrigue, il est plutôt rare, 
la flore arbustive de ce milieu assez spécial ne parait pas lui 
convenir. En été, les adultes sont communs dans les vigno- 
bles où, en raison de leur faible densité, ils ne se montrent 
pas nuisibles. Ils demeurent sur la Vigne tant que celle-ci 
conserve ses feuilles; lorsque les ceps sont dénudés, le Criquet 
émigre vers les arbres à feuilles persistantes (Oliviers, Arbou- 
siers, Pittosporum, etc...) etles prairies ; on le trouve aussi 
sur les Palmiers. En général, surtout en hiver, il recherche les 
lieux ensoleillés. Il n’est pas rare d’en voir dans les rues de 
Montpellier, plaqués contre les murs et immobiles pendant des 
heures. Je l'ai vu voler, à Palavas, à quelques cent mètres 
de la mer; je l'ai pris au bord même de l’Etang de Thau et 
de l'Etang de Vendres. Les larves sont particulièrement abon- 
dantes dans les lieux herbus et secs. 


Régime alimentaire. 


L'O. ægyplia est un type parfait de polyphage. En élevage, 
il mange du Chêne vert, de l'Orme, de l'Olivier, de la Vigne, il 
refuse les Graminées. En été, je l'ai alimenté surtout avec 
du Frêne dont il accepte très volontiers les jeunes feuilles et 
en hiver avec du Nerprun. À l’état adulte, il porte de 
préférence son choix sur le feuillage des arbres. TAarGroni- 
Tozzern l’a signalé comme ennemi du tabac en Italie et en 
Dalmatie ; plus récemment Zacuer l'indique comme étant nui- 
sible à cette plante en Afrique et plus particulièrement au 
Cameroun ; au Turkestan, il s'attaque aux cotonniers, mais 
jamais il ne s’est montré vraiment dangereux. 

J'ai examiné le contenu intestinal d’un très grand nombre 
d'individus et dans l’un deux j'ai reconnu les débris de la cara- 
pace chitineuse d’un Insecte; observation faite en février et 


ed 


548 PIERRE P. GRASSÉ 


montrant que parfois ce Criquet n’est pas strictement végéta- 
nent) 


Variabilité. 


Les individus capturés dans le Languedoc présentent une 
variabilité extrèmement faible, tant au point de vue de la 
taille que de la couleur. Chez quelques exemplaires, la 
couleur foncière est le jaune plus ou moins sale. La taille de la 
femelle oscille entre 50 et 65 millimètres, celle du mâle entre 
30 et 55 mm. Ces mesures sont celles du corps. Les sexes 
sont en nombre sensiblement égaux, sauf après la période de 
grande ponte où les femelles deviennent prédominantes. 


Cycle évolutif et Reproduction. 


Le cycle évolutif d'Orthacanthacris ægyplia diffère profon- 
dément de celui des autres Locustiens français, à tel point que 
l’on peut dire, sans exagération, qu'il en est l'inverse (?), au 
moins si l’on considère la majorité des cas, laissant de côté 
les exceptions dont nous nous occuperons, en détail, plus 
loin. 

La plupart de nos espèces indigènes passent l'hiver à 
l'état d'œufs et n’ont qu'une courte existence sous la forme 
insecte (Larve et adulte). Orthacanthacris ægyptia au contraire, 
hiverne à l’état adulte, sa vie sous cet état est très longue. 
La comparaison de son cycle avec celui du Dociostaurus 
maroccanus, par exemple, mettra bien en lumière les diffé- 
rences : 

Le Dociostaurus pond en juillet-août et V'éelosion n’a lieu 


(!) Le tube digestif d'O. ægyptia est remarquablement pauvre en Protistes (au 
moins dans la région de Montpellier). On ne peut y signaler qu'une flore bacté- 
rienne banale et peu abondantee. 

() Je prends connaissance après la rédaction de ce travail du magnifique 
ouvrage de Caoparo sur les Orthoptères de France. — Cet auteur donne quelques 
renseignements biologiques sur notre espèce. Ils coïncident avec nos observa- 
tions personnelles ; cependant je dois faire remarquer que, dans le Languedoe, 
les éclosions en a\ril sout rares et proviennent des pontes tardives effectuées à 
l'entrée de la saison froide. — Dans ce cas, l’hivernage se fait à l’état d'œuf et 
nous retombons alors dans la règle générale des Locustiens. 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE ÇRIQUET ÉGYPTIEN 549 


qu'au printemps suivant; dans notre pays, pas avant avril. La 
durée de la vie à l’état d'œuf dépasse largement 8 mois. 

L'Orthacanthacris confie son oothèque au sol en mai-juin. Le 
développement des œufs est immédiat et l'Insecte a atteint 
toute sa taille vers la fin août ; il passe l'hiver et pond au prin- 
temps ou à l'été suivant. La vie à l’état d'œuf dure à peine 
quelques semaines. 

L'accouplement. — Avant d'indiquer les particularités de 
cet acte chez O. ægyptia, il est nécessaire de fournir quelques 
détails sur la formation des gonades. Elle diffère beaucoup 
de ce qui a été observé chez les autres Locustiens. 

La spermatogenèse s'effectue rapidement ; en octobre les 
jeunes mâles ont déjà leur réceptacle séminal bourré de 
sperme; les spermatozoïdes sont groupés en faisceaux et 
plantés comme des épingles sur une calotte de nature cyto- 
plasmique (aucune trace d'appareil nucléaire n’est présentée 
par cette formation). Cette calotte à la forme d'un béret 
basque ; les têtes des spermatozoïdes sont fixées à la concavité 
de cette cupule. Les auteurs qui ont étudié la spermato- 
genèse des Locustiens n’ont pas suffisamment attiré l'attention 
sur ce, spermatophore dont j'expliquerai prochainement, dans 
un travail cytologique, la curieuse formation ("). Le sperma- 
tozoïde est extrêmement long, la tête filiforme et rectiligne 
mesure de 120 à 130 u, la queue dépasse 500 . Les mouve- 
ments des spermatozoïdes d'un même faisceau sont synchrones, 
il en résulte un déplacement total et très puissant du sperma- 
tophore qui progresse la calotte en avant, tandis que le long 
chevelu des queues décrit une courbe à nombreuses sinuosités. 

Quelques auteurs ont décrit les organes génitaux annexes 
des Locustiens, en particulier Fénarb, mais ils sé sont très peu 
préoccupés du rôle de ces organes. Chez O. ægyptia mâle, au 
point de jonction des deux canaux déférents, débouchent symé- 
triquement 16 paires de tubes en cul-de-sac. FÉNaRD a bien vu que 
deux de ces tubes jouent le rôle de vésicules séminales, ils sont 


() Je puis indiquer dès maintenant que les spermatocytes de premier ordre 
contiennent 22 autosomes et 1 hétérochromosome de très grande taille. On 
retrouve facilement les spermatocytes de deuxième ordre à 11 et à 12 éléments 
chromatiques. En somme la formule chromosomiale de notre espèce est celle 
que l’on a déjà indiquée dans la famille des Locustiens. 


550 PIERRE P. GRASSÉ 


nettement plus longs que les autres et enroulés sur eux-mêmes 
au sein d’une épaisse couche de tissu adipeux d’un beau jaune 
orangé. Les autres paires de tubes diffèrent physiologique- 
ment, et ceci n'avait pas été encore observé : quatre paires sont 
d'un blanc laiteux, leur sécrétion est granuleuse et de nature 
graisseuse; onze paires sont transparentes, leur sécrétion est 
hyaline et de nature très probablement muqueuse. Ce point 
sera d’ailleurs précisé dans l'étude cytologique dont on a déjà 
parlé. Ces diverses sécrétions contribuent à la formation du 
sperme. Les spermatozoïdes peuvent demeurer plusieurs 
mois intacts dans les vésicules séminales. 

L’ovogenèse, chez notre Criquet, suit une courbe de dévelop- 
pement extrêmement différente de celle de la spermatogenèse. 
Autant celle-ci est rapide, autant celle-là est lente. 

L'élaboration des œufs débute avec la vie larvaire ; en hiver 
elle est presque complètement suspendue, les ovaires se pré- 
sentent comme une masse impaire, triangulaire, blanchâtre. 
Les gaines ovigères sont alors très petites, elles restent 
dans cet état jusqu'en Avril; à partir de ce mois, leur déve- 
loppement s'accélère et devient rapide. Un seul œuf par 
gaine atteint son développement complet et en moyenne une 
seule gaine sur deux donne un œuf. Chaque ovaire fournit 
une quarantaine d'œufs. 

Chez la majorité des Locustiens la formation des gonades 
marche de pair dans les deux sexes. C’est ce que j'ai pu 
vérifier pour plusieurs espèces de Stenobothrus, mais cependant 
la spermatogenèse est toujours achevée avant l’ovogenèse, qui 
demande l'accumulation d’une grande quantité de substances de 
réserve. 

Dans notre espèce (Criquet égyptien) l’instinct sexuel, au 
moins chez la femelle, n’est nullement en rapport avec l’état 
des éléments reproducteurs. Celle-ci se prête aussi bien 
à l’accouplement lorsque ses ovaires sont très petits que lors- 
qu'ils ont atteint toute leur taille. Une fois de plus se vérifie, 
chez l'Arthropode, l'indépendance qui existerait entre les 
sonades et les caractères sexuels secondaires. 

L'accouplement par lui-même ne présente rien de spécial et 
ne diffère pas sensiblement de celui des autres Locustiens. 
On n’observe pas de préludes à l’acte sexuel, le mâle se 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 551 


hisse sur la femelle et s'y maintient à l'aide des pattes 
antérieures et intermédiaires. Les membres postérieurs ne 
jouent aucun rôle ; ils sont légèrement relevés, le tibia étant 
replié sous le fémur. — Nous montrerons plus loin la grande 
importance théorique de cette constatation. 

Le fonctionnement des diverses pièces des armatures géni- 
tales au cours de la copulation n'a pas été bien précisé. Mes 
observations personnelles ont visé à combler cette lacune et 
J'ai pu déterminer le rôle qui revient à chacune d'elles. La 
plaque sous-génitale du mâle bascule le plus possible vers le 
bas et ce mouvement s'accompagne d’une traction sur le capu- 
chon inférieur, repli membraneux très développé, qui est ainsi 
ramené en avant. Le pénis, organe sclérifié, bifide à l'apex, fait 
alors saillie et est presque vertical, ses valves inférieures se 
voient nettement et contribuent à le maintenir rigide. Toute 
la région périanale est comprimée. La plaque sous-génitale du 
mâle est passée sous celle de la femelle qui s'est quelque peu 
abaissée. 

Les valves de l’oviscapte conservent leurs rapports nor- 
maux, mais l'oviscapte tout entier est légèrement ramené vers 
le haut. L'ouverture vulvaire s'ouvre alors béante, le mâle 
enfonce profondément son pénis dans le vagin. Le sperme 
très visqueux s'écoule lentement et monte dans la spermathèque 
de la femelle. Là, les spermatozoïdes abandonnent la calotte à 
laquelle ils étaient fixés et deviennent ainsi libres dans la 
lumière du tube. La calotte cytoplasmique est probablement 
digérée par les voies génitales de la femelle. 

Le sperme peut rester plusieurs mois dans la spermathèque 
sans présenter aucune trace d’altération, l'abondante sécrétion 
des glandes unicellulaires crée un milieu particulièrement favo- 
rable à sa conservation. Le sperme qui provient des accouple- 
ments automnaux se retrouve au printemps absolument intact. 

La durée de l’accouplement est variable, elle est générale- 
ment très longue. Il n'est pas rare de noter des copulations 
persistant pendant plus de:36 heures. Le coït peut-être 
interrompu et repris sans difficulté. 

Mâles et femelles s’accouplent un grand nombre de fois au 
cours de leur vie ; ous les accouplements observés ont eu lieu 
à une température égale ou supérieure à 14° C. 

37 


552 PIERRE P. GRASSÉ 


En octobre, débute une première période d’accouplement qui 
dure jusqu'en novembre. Mais, par les journées ensoleillées 
de décembre et de janvier, J'ai vu maintes fois des Criquets 
accouplés. La deuxième période commence avec la deuxième 
quinzaine de mars et peut s'étendre jusqu'au mois de juillet ; 
à ce moment presque tous les mâles sont morts. On observe 
d'ailleurs la diminution de leur nombre aussitôt après la période 
de grande activité, qui comprend,mars et avril. Dans mes 
élevages, le 8 juin tous les mâles avaient disparu, mais je dois 
dire qu à cette date j'en ai encore trouvé dans la nature. 

La ponte. — La copulation ne déclenche pas la ponte, il 
n'existe pas de rapport évident entre ces deux actes, comme on 
l’a constaté bien des fois chez les Insectes. 

La femelle demeure seule pendant la ponte, aucun mâle ne 
s'approche d'elle. Il y a là une grosse différence avec les 
faits signalés chez Dociostaurus maroccanus et chez Schisto- 
cerca tarlarica. 

En élevage, la première ponte eut lieu au début de mai, 
époque à laquelle les accouplements sont encore très nom- 
breux. 

Dans les cages, ilest assez difficile d'obtenir des pontes nor- 
males. Le sol est constitué par de la terre mélangée à de petits 
cailloux, par du sable et surtout par de la terre compacte. Cette 
diversité de conditions n'empêcha pas la majorité des pontes 
d'être anormales. Les œufs étaient déposés au hasard, par 
petits paquets, à la surface du sol et enrobés dans une couche 
plus ou moins épaisse de mucus spumeux. L'abdomen ne s'al- 
longe pas au cours de ces pontes. La femelle semble tout sim- 
plement se décharger d’un fardeau gênant. 

Les pontes normales eurent lieu dans un sol ni trop compact 
ni trop meuble; mais on ne peut pousser très loin les pré- 
cisions, car on observe assez souvent des pontes en terrain 
très dur et en terrain friable. La consistance du sol 
Jouerait un rôle assez effacé, ce qui est surprenant. Croyant 
qu'une sensation de contact sur les côtés de l'abdomen facilite- 
rait l'émission des œufs, je recouvris, en partie, de petits 
cailloux le sol d'une cage : les pontes ne furent pas plus nom- 
breuses. Le déterminisme de l’acte demeure encore obscur ; 
cependant les observations faites à plusieurs reprises permet- 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 553 


tent d’entrevoir le rôle joué par d’autres facteurs. Certaines 
femelles, avant de livrer leurs œufs au sol, creusent plusieurs 
trous dans des milieux différant par leur état hygrométrique. 
Tout se passe comme si la femelle appréciait cet état, par 
un mécanisme totalement inconnu, et n'effectuait sa ponte que 
lorsque le degré hygrométrique du sol est suffisamment élevé. 
Dans mes élevages, les œufs se sont montrés très sensibles 
à la dessiccation, celle-ci entravant tout développement. 

Actuellement on peut admettre que les principaux facteurs 
conditionnant la ponte sont le degré de consistance et l’état 
hygrométique du sol. Le champ reste, d’ailleurs, ouvert à 
l’expérimentation qui donnera sans doute la clef de cet intéres- 
sant problème (1). 

La femelle dont les œufs sont arrivés à maturité a un abdo- 
men replet. Pour pondre, elle se campe solidement sur les 
deux paires de pattes antérieures, comme chez Schistocerca 
tartarica les membres postérieurs peuvent être relevés, leur 
rôle est quasiment nul. Des femelles amputées de leur 
troisième paire de pattes efflectuèrent des pontes normales. L’ab- 
domen se recourbe et tâte le sol, tout comme ferait un doigt. 
Les valves de l'oviscapte jouent le rôle de pioche, les paires 
supérieures et inférieures s'écartant avec force et peu à peu 
l'abdomen s'enfonce dans le sol. Le puits creusé est sensi- 
blement plus long que l'abdomen, en effet celui-ci s'allonge 
considérablement. L'allongement porte surtout sur les pre- 
miers segments. Les derniers participent très peu à l'élon- 
gation, observation déjà faite par La Baume chez Dociostaurus 
maroccanus. SJ 

Bien que la ponte soit relativement facile à observer, le 
mécanisme qui provoque l'allongement de l'abdomen n'est pas 
encore parfaitement expliqué. Kuoxckez D’Hercuzais (1894) 
essaie de fixer dans leur attitude des femelles en train de 
pondre, en leur injectant soit de l'alcool absolu, soit une solu- 
tion de bichromate de potassium. J'ai refait cette expé- 


(1) Carpe DE BAILLON arrive à des conclusions quelque peu différentes à propos 
des Phasgonuridés : « Les Locustiens (Phasgonuridés) qui déposent leurs 
œufs dans la terre semblent moias soucieux de l’état hygrométrique du sol que 
de son degré de consistance ; ceux qui pondent dans les végélaux sont indiffé- 
rents à l'espèce végétale, mais, comme les premiers, ils n’effectuent leurs pontes 
qu'en milieu compact ». 


554 PIERRE P. GRASSÉ 


rience, non pas sur 0. ægyptia mais sur Calliptamus italicus ; 
elle ne m'a pas paru concluante, la mort n’est pas immédiate, 
l’Insecte se contracte plus ou moins, déformant assez sensi- 
blement son abdomen; l'injection d’un liquide dans l’hœmo- 
cœle d'un Criquet rend très difficile l’appréciation du rôle du 
sang dans l'allongement de l'abdomen. Cependant . quels 
que soient les inconvénients de l'expérience de Kunckez elle 
n'en conserve pas moins quelque valeur. Elle permet en effet 
de constater, en ponctionnant le tube digestif, la sortie d'une 
certaine quantité d'air. 

L'afflux sanguin dans la partie postérieure du Criquet ne 
peut pas expliquer à lui seul la turgescence abdominale, comme 
le prétend La Baume, dans son volumineux mémoire. La 
quantité de sang chez le Criquet égyptien est plutôt faible. 
On peut d’ailleurs accorder un rôle à cet afflux, mais pas le 
principal. L’accumulation du sang dans l'abdomen est vrai- 
semblablement provoquée par une contraction des muscles tho- 
raciques ; extérieurement rien ne trahit cette contraction. 

L'allongement de l'abdomen est, avant tout, dû à la dégluti- 
tion d'air par l’Insecte. Le mécanisme de cet acte n’a pas 
encore été décrit, je crois que les mouvements de l'hypopha- 
rynx y tiennent le principal rôle. Pendant la ponte, les 
pièces buccales sont presque immobiles, les palpes seuls 
demeurent actifs. Ils doit y avoir également des contractions 
de l’æsophage. 

A priori, on comprend mal comment le gonflement du tube 
digestif provoque un allongement de l'axe longitudinal alors 
que l'axe transversal n’augmente pas d’une manière appré- 
ciable. L'expérience cruciale consiste à insuffler de l'air dans 
le tube digestif d’une femelle. On est surpris que KunNekEL 
n'ait pas eu l'idée de la faire. Je l'ai facilement réalisée 
il suffit d'introduire l'extrémité d’une pipette en verre dans la 
bouche du Criquet, après avoir pratiqué un volet dans la tête 
et dans l'articulation céphalo-thoracique, afin de pouvoir liga- 
turer, au moyen d’un fil, l’œsophage sur la pipette. En souf- 
flant doucement, on provoque une élongation de l'abdomen 
portant surtout sur les premiers segments. Ainsi sont véri- 
fiées Les vues de KunCKkEL. 

La ponte par elle-même ne diffère pas de celles des autres 


PU SP | 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 599 


Locustiens et je n'ai rien de nouveau à ajouter. Le puits où 
sont déposés les œufs est creusé comme chez les autres Cri- 
quets. J’appelle l'attention, ainsi que Vayssière l'a fait dans 
son mémoire sur Dociostaurus maroccanus, sur la courbure de 
l’abdomen pendant le forage du trou ; elle est l'inverse de celle 
qu'indique les anciens auteurs, c’est-à-dire que la concavité 
est dorsale au lieu d’être ventrale, elle est d’ailleurs peu pro- 
noncée. L'émission des œufs se fait alors que loviscapte est 
au repos : l'œuf glisse entre la plaque sous-génitale et la paire 
de valves inférieures. Le mucus qui accompagne la ponte est 
sécrété par le boyau calicial qui, dans cette espèce, est extré- 
mement développé. 

Le nombre des œufs, dans une oothèque, est variable, en 
moyenne on en compte de 30 à 50. La femelle opère sa 
ponte le plus souvent en deux reprises, séparées par des inter- 
valles plus ou moins longs. Tous les œufs mürs contenus 
dans les gaines ovigères sont expulsés, à l'exception d'un oude 
deux. Ils mesurent en moyenne 7 mm. 5 de long sur { mm. 5 
de large, ils sont légèrement recourbés. Leur coque est for- 
tement imprégnée de chitine dont les épaississements en saillie 
dessinent un réseau d’hexagones. La ponte dure générale- 
ment plus d'une heure, la femelle applique étroitement son 
sternum sur le sol, les ailes sont appuyées et froissées contre 
la terre. La sortie de l'abdomen se fait progressivement. 
La femelle abandonne alors sa ponte, à laquelle elle peut 
survivre pendant longtemps ; elle jouit d'une longévité plus 
grande que le mâle. 

Les faits que nous venons de décrire peuvent être considérés 
comme normaux ; mais 1l y a des exceptions fort intéressantes. 
Une femelle étudiée avec grand soin s’est comportée bien 
différemment. Elle effectue en juillet, une ponte normale 
dont je n'ai pu compter les œufs ; elle continue à s’alimenter 
et ne présente jusqu'en octobre rien de particulier. Le 
10 octobre, je recueille sur le sol de la cage où elle est isolée 
un long boudin 5 em. 5 de long sur 8 mm. de diamètre 
(Fig. 1) constitué par du mucus desséché et ne renfermant, 
aucun œuf. Les glandes annexes de l’appareil génital peu- 
vent done fonctionner à d’autres moments que pendant la 
ponte. Cette fausse ponte n'a pas été encore signalée à ma 


556 PIERRE P. GRASSÉ 


connaissance. FaBre parle bien des pontes anormales de 
l’'Acrida nasuta (L.) mais toutes contiennent des œufs, avec, il 
est vrai, une proportion considérable de mucus. Cette fausse 
ponte met en évidence l'indépendance, dans certains cas, des 
glandes génitales proprement dites et des glandes annexes, en 
particulier, du boyau calicial. La femelle continue à s’alimenter 
et le 1% décembre elle dépose sur le sol cinquante œufs par- 
faitement développés et enrobés dans une très faible épaisseur 
de mucus. Je dois noter qu’elle s'était accouplée plusieurs fois 
en octobre et novembre avec les diffé- 
rents mâles qui lui furent offerts. 

Sa ponte achevée, ses mouvements 
deviennent très faibles, elle cesse de 
manger. Elle est sacrifiée Le 3 décembre ; 
son immobilité était alors presque com- 
plète. Dans les ovaires, il ne reste qu'un 
œuf. La vésicule séminale contient en 
petit nombre des spermatozoïdes parais- 
sant bien normaux. Le corps adipeux 
n'est pas partout du beau jaune habi- 
tuel; toute la région dorsale, celle qui 
avoisine le cœur en particulier, est brune. 
Cette coloration est due à la présence 
Fig. 1. — Une fausse dans les cellules de gouttelettes graisseu- 

ponte Gr er ses d’un brun foncé. Cette femelle a donc 
vécu environ un an et demi. Sa vié génitale a été fort complexe 
et montre qu'un intervalle extrêmement long peut s'étendre 
entre les deux pontes. D'autre part, il est permis de se 
demander si pendant ce long laps de temps un certain nombre 
des gaines ovigères qui n'avaient pas donné naissance à des 
œufs, n'ont pas poursuivi leur évolution et engendré à leur 
tour des éléments reproducteurs. Le grand nombre des 
œufs pondus (50) la première fois donne quelque vraisem- 
blance à cette hypothèse. Nous verrons bientôt l'intérêt 
biologique présenté par cette exceptionnelle évolution indivi- 
duelle. 

L'hivernage. — O. ægyptia hiverne, sous nos climats, à 
l’état adulte, particularité qui se rencontre rarement chez les 
Locustiens français. — Dans le Languedoc méditerranéen deux 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN D97 


autres espèces paraissent hiverner normalement à l’état adulte : 
Aeolopus strepens (Lat.) et Paratettix méridionalis (Rambur) (”). 

Quelques observations faites sur la première espèce permet- 
tent de dire que le cycle de ce Locustien se rapproche sensible- 
ment de celui d'O. ægyplia. En effet, la ponte a lieu au 
printemps peu de temps après l'hivernage, les œufs ne sont 
mürs qu'à cette date; mais cette espèce possède peut-être bien 
deux générations, la première adulte en juin-juillet, la deuxième 
en octobre, c'est celle-ci qui hiverne. Paratettir méridionalis 
se comporte peut-être également comme le Criquet égyptien, je 
l'ai rencontré en grande abondance, en plusieurs points, au cœur 
même de l'hiver; en été je l'ai cherché vainement dans les 
mêmes gites. Aux environs de Montpellier, il n'est pas rare de 
trouver au cours de la mauvaise saison Acrydium depressum 
(Bris), Aeolopus thalassinus (F.) Acrotylus insubricus (Scop) et 
divers Stenobothrus. En décembre J'ai recueilli un exem- 
plaire de Locusta danica L. et un de Calephorus compressi- 
cornis (Lat.) 

Chez presque toutes ces espèces l'hivernage est plutôt excep- 
tionnel, tandis qu'il est constant pour le Criquet égyptien, et 
fait partie du cycle normal. 

L'hivernage a lieu aussi, mais rarement, à l’état larvaire ; 
sur une population hibernante dépassant trois cents individus, 
j'ai compté seulement deux larves, toutes les deux du cin- 
quième âge. Pendant l'hiver, le développement est arrêté. Un 
des individus effectua, au début d'avril, sa mue qui fut anor- 
male. Ces larves proviennent des pontes tardives émises par 
certaines femelles, mais ne représentent pas une deuxième 
génération. TanGioni-Tozzerri à pris ces éclosions tardives 
pour des naissances anticipées ayant lieu en automne. Les 
femelles issues des pontes déposées au printemps sont incapa- 
bles de donner en automne une deuxième génération, leurs 
ovaires ne sont pas développés. Les larves hibernantes sont les 
sœurs des femelles adultes, mais proviennent de pontes faites 
à l’arrière-saison. ‘On ne peut donc parler, au moins pour les 
Criquets languedociens, d’une deuxième génération. 


(‘) Il est intéressant de faire remarquer que le cycle d’O. ægyptia est compa- 
rable à celui de certaias Grillons. 


558 PIERRE P. GRASSÉ 


Tancioni-Tozzerni fait allusion à des pontes livrées au sol en 
automne et éclosant au printemps suivant. Je n'ai pas eu l'oc- 
casion de faire des observations analogues. Cependant, celle 
d'une femelle pondant au début de décembre autorise à 
admettre les faits rapportés par l’auteur italien, mais cette 
femelle ne provenait pas des pontes du printemps (lors de 
sa dernière ponte elle avait une vingtaine de mois). 

Les pontes automnales sont d'ailleurs exceptionnelles, tout au 
moins dans le Languedoc méditerranéen; dans d’autres régions, 
il n’en est peut-être pas de même; à cet égard l'étude des 
Orthacanthacris vivant sous les tropiques serait particulière- 
ment instructive. 

On peut donc admettre qu’il n’existe en France qu'une seule 
génération échelonnant sa ponte de telle sorte qu’il est possible 
de rencontrer, à la même époque, des stades très différents. 
Cependant il est bon d’insister pour bien marquer que l’évo- 
lution de beaucoup la plus fréquente est celle qui a été imdi- 
quée au début de ce travail (°). 

Pendant l'hiver le Criquet égyptien n'est jamais complète- 
ment inactif, il continue à s’alimenter, à se déplacer. En somme 
on ne constate qu'un simple ralentissement de l’activité, mais 
pas de repos total. Par les journées ensoleillées, 11 retrouve 
toute sa vivacité et vole d’arbre en arbre en faisant claquer les 
ailes. Cet insecte ne s'abrite pour ainsi dire point; nous revien- 
drons sur ce sujet à propos de l'action de la chaleur. 


Attitudes et réflexes. 


O. ægyptia est habituellement orienté la tête dirigée vers le 
haut; au repos, il se place suivant une direction qui se rap- 
proche beaucoup de la verticale. il présente un géotropisme 
négatif bien net. 


(:) J.-H. Fasre, dans ses études sur les Criquets, décrit la biologie du Zocusta 
Danica L. (= Pachytilus cinerascens), mais certains détails incitent à penser que 
le célèbre entomologiste a confondu cette espèce avec ©. ægyptia. C'est ainsi 
qu'il indique P. cinerascens comme se rencontrant « même au cœur de l'hiver » 
ce qui est exact, mais assez exceptionnel; il note aussi le battement des ailes 
comme si l’Insecte allait prendre le vol, etc... 

D'ailleurs son fils Paul H. Favre, dans les Morceaux choisis extraits des Souve- 
nirs Entomologiques donne une photographie (p. 248) d’un « Criquet cendré » 
qui n'est qu'un O. ægyptia. 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 999 


La progression sur un végétal est lente, le Criquet déplace 
d'abord les deux premières paires de pattes, puis les membres 
postérieurs, souvent maintenus soulevés. Ces membres, avant 
de reprendre contact avec le substratum tâtonnent maladroite- 
ment. La troisième paire de pattes fixée, les membres antérieurs 
entrent à nouveau en action et ainsi de suite. 

Pour manger, le Criquet saisit la feuille entre les membres 
antérieurs et la porte au niveau des mandibules ; il l'attaque 
par la tranche. 

On peut immobiliser les Criquets G'et ® par le procédé de 
Ragaup (Compressions latérales du thorax et pression sur le 
sternum), mais on réalise plus facilement le même état en 
pratiquant des tractions plus ou moins prolongées sur les 
antennes. Les première et deuxième paires de pattes s’écartent, 
les antennes sont parfois repliées en arrière et plus souvent 
étendues en avant rectilignement. Certains individus agitent 
spasmodiquement leurs membres pendant la période d’immo- 
bilité dont la durée varie avec la température. À 13°, elle est 
de 4 à 10 minutes, à une température plus élevée, elle diminue 
beaucoup, elle est extrêmement difficile à obtenir lorsque l’on 
opère au soleil. Ainsi que l'a bien démontré RaBaup, on ne doit 
pas confondre cette immobilisation réflexe avec l'absence de 
tout mouvement, comme on la constate parfois pendant plu- 
sieurs heures chez notre Criquet. 

O. ægyptid n’émet aucun son, au moins en captivité. On 
observe très fréquemment des individus qui se campent sur les 
membres antérieurs et battent violemment des ailes comme 
s'ils allaient prendre leur vol. Celui-ci s'accompagne, surtout au 
départ, d’un claquement dû à l’entrechoc des différentes pièces 
de l'appareil alaire entre elles. 

L'autotomie des pattes postérieures et la loi de Lessona. — 
En 1868, le naturaliste italien Lessoxa énonçait la loi suivante : 

« Le fait de la facile reproduction d’une partie enlevée est 
en rapport avec un autre fait : la facilité de perdre cette par- 
tie.» (°): 

Il prenait les preuves de sa proposition dans la régénération 
facile des pattes, de la mandibule inférieure, de la queue des 


(‘) Lessoxa s'exprime plus loin ainsi : « Si reproducone certe parti in quegli 
animali che facilmente le possono perdere ». 


: fe 
560 PIERRE P. GRASSÉ 


Tritons, de fragments d’Actinies, de portions de la tête des Gas- 
téropodes marins, des viscères des Holothuries, tous animaux 
exposés à des pertes fréquentes de ces parties et à puissance 
régénérative considérable. Darwin d’abord, puis WEismanNN 
adoptèrent cette Loi et s’efforcèrent de la vérifier en multiphant 
les exemples. Pour ces auteurs la régénération est une manifes- 
tation de l'adaptation établie par sélection naturelle. Gran 
accepta également la loi de Lessoxa et en trouva des applica- 
tions dans Asterias richardi E. Perrier et Stolasterias neglecta 
E. Perrier parasitées par un grand Myzostome (Myzostoma 
asteriæ Maz) qui provoque une autotomie très fréquente des 
bras. Chez ces Etoiles de mer on constate une puissance régé- 
nérative très développée qui, pour Grarp, est aussi le résultat 
d'une adaptation. 

En 1895, Decace (') fit un examen critique de cette théorie et 
souleva maintes objections, il cita en particulier la régénération 
d'organes internes non soumis habituellement à des trauma- 
tismes, celle du bec de la Cigogne de Kennel, etc., etc. Mais le 
meilleur argument contre cette Loi lui échappa; il est fourni par 
les Orthoptères sauteurs. La troisième paire de pattes de ces 
Insectes s’autotomise avec la plus grande facilité, la moindre 
pression sur les fémurs postérieurs provoque la chute de tout le 
membre au niveau de la ligne de soudure fémoro-trochanté- 
rienne, et cependant aucune régénération ne suit la suppres- 
sion de cet appendice. [Il est bien difficile de concilier ce fait 
avec la loi de Lessona. 

BorpacE dans son excellent travail intitulé Recherches sur l'au- 
lotomie et la régénération en vit très bien l’importance ; mais 
au lieu de repousser la loi, il s’efforça de faire cadrer cette 
exception avec elle. Son raisonnement peut se résumer ainsi : 
les Orthoptères sauteurs dépourvus de leurs membres posté- 
rieurs se trouvent en état manifeste d’infériorité vis-à-vis de 
leurs congénères non mutilés; ils sont aussi mal armés que 
possible dans la lutte pour la vie (en particulier, les Grillons 
mâles). Si l'amputation des membres postérieurs a porté sur la 
larve, celle-ci effectuera ses mues avec une extrême difficulté, 

(!) T.-H. Morcan (1898-1902) porta un rude coup à la théorie par son étude sur 


Eupagurus longicarpus qui régénère des membres non soumis à l’autotomie et 
parfaitement protégés. 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 561 


les adultes mutilés n'accompliront pas leurs fonctions géné- 
siques. La sélection naturelle entre done en jeu : les individus 
mutilés ne seront suivis d'aucune descendance. IL n'y a 
pas eu d'adaptation possible et l'exception des. Orthoptères 
sauteurs à la loi de Lessona n'est qu'une apparence trompeuse. 

Malheureusement, ce très habile raisonnement n’est qu'un 
raisonnement ; il ne correspond pas aux faits révélés par l’expé- 
rience et l'observation. Avant de les exposer, je dois dire que je 
partage pleinement la manière de voir de Bonpace vis-à-vis des 
larves amputées ; chez elles, la mue devient quasiment impos- 


Spa D 1" « = 
DURS ee ES NON ud Ce Nes SŸ 


es 


Fig. 2. — Accouplement d'un © normal avec une © ayant subi l’autolomie 
de la troisième paire de pattes. 


sible, la suspension de l’'Insecte pendant cette opération (c'est 
le cas d'O. ægyptia) étant réalisée le plus souvent à l’aide des 
pattes postérieures. L’autotomie chez la larve est d’ailleurs 
moins facile à provoquer que chez l'adulte, elle y est beaucoup 
plus rare. 

Voici les faits que j'ai observés : l’autotomie des membres 
postérieurs d’O. ægyplia est soumise aux mêmes règles que 
celle des autres Orthoptères sauteurs (1) (Ensifères et Locus- 


(') 0. ægyptia offre quelquefois une rupture très spéciale du membre postérieur 
qui se brise bien au niveau de la suture fémoro-trochantérienne, comme dans le 
cas classique, mais aussi au niveau du tiers antérieur du tibia. Cette rupture 
est spontanée. J'ai eu l’occasion d'observer deux fois ce phénomène chez le 
Criquet égyptien, une fois chez Aeolopus strepens (Lat) et chez Tettigonia albi- 
frons (E.) 


562 PIERRE P. GRASSÉ 


tidés). Dans la nature, on rencontre très souvent des individus 
ayant perdu une ou deux pattes de la troisième paire. Il m'a 
semblé que l’autotomie est plus fréquente chez la femelle que 
chez le mâle; j'ai d’ailleurs eu l’occasion de faire une constata- 
tion analogue sur le Chorthippus parallelus (Lett.). 

Dans les cages d'élevage plus de la moitié des individus 
était mutilée. Chez O. ægyptia, l'accouplement entre Insectes 
mutilés n’est pas une rareté. [Il n'est pas plus difficile à réaliser 
que celui des individus intacts. Tous les auteurs qui ont assisté 
à la copulation des Orthoptères sauteurs sont unanimes à 
remarquer l’inutilité des membres postérieurs au cours de cet 
acte ; ceux du mâle, en particulier, sont presque toujours 
relevés et ne lui servent pas à se maintenir sur la femelle, ce 
rôle est dévolu aux deux premières paires. Les trois cas pos- 
sibles se sont présentés à l'observation : ou le mâle seul, ou la 
femelle seule (fig. 2) ou les deux conjoints sont amputés. La 
mutilation portant sur un ou deux membres. Dans tousles cas la 
durée de l'acte sexuel est normale et les Insectes le réalisent 
facilement. Voilà un premier point établi et mon étonnement, 
après mes multiples observations, fut très grand lorsque je lus 
la réponse de J.-H. Fagre à une lettre de Borpace; le célèbre 
naturaliste écrivait « je pense qu'ils (Criquets et Sauterelles) 
seraient dans l'impossibilité d'accomplir ces fonctions (fonctions 
génésiques) ». Comme quoi l’observation est toujours supé- 
rieure au raisonnement. 

Ce premier fait suffirait amplement à ruiner la théorie de 
BornAce, mais il n’est pas le seul; en effet les femelles dépour- 
vues de leur troisième paire de pattes sont capables de pondre. 
La femelle dont j'ai rapporté tout au long l’histoire avait perdu 
Ses membres postérieurs avant d'effectuer sa première ponte, 
et celle-ci fut normale. J'ai d’ailleurs refait cette observation 
sur d’autres individus. Dans le forage du trou le rôle des mem- 
bres postérieurs est très effacé. VayssièRe le dit nettement 
dans son mémoire sur le Dociostaurus maroccanus : « la troi- 
sième paire, comme cela a déjà été fort bien observé, ne sert à 
rien pendant la ponte ». Les figures données par Kunckez »'Her- 
cuLAIs pour le Schistocerca tartarica sont très convaincantes à 
cet égard. 

Nous arrivons done à conclure que les Locustidæ mutilés 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 563 


sont parfaitement capables de se reproduire et aussi aptes 
que leurs congénères indemnes à engendrer une descendance. 
D'autres constatations permettent d'arriver au même résultat 
et d'étendre aux Ensifères cette conclusion. Il existe des Phas- 
gonuridæ (Microcentrum retinerve, Barbitistes Ocskayi, etc.) 
qui déposent leurs œufs sur les feuilles de divers végétaux, il 
est bien évident que, dans ces espèces, l'absence des membres 
postérieurs ne s'oppose pas à l'émission normale des œufs ('). 
Ces membres ont avant tout un rôle prépondérant dans le saut. 
Dans la marche même, leur utilité est médiocre, comme nous 
l’avons montré dans le paragraphe précédent. | 
+ Ainsi, il ne peut plus être question d'expliquer l'exception 
des Orthoptères sauteurs à la loi de Lessona par le simple jeu 
de la sélection. Celle-ci n'entre pas en ligne de compte. Toutes 
les subtilités imaginées pour éluder cette difficulté ne peuvent 
s'opposer à l'observation de faits précis. Et désormais, il est 
permis de se demander s'il n'est pas bon de se ranger à l'avis 
de Derace et de T.-H. Morcan en abandonnant d’une façon défi- 
nitive la proposition du naturaliste italien. 


Influence du milieu. 


Action de la chaleur. — Le 11 novembre un élevage est 
placé dans une étuve à 30° où l'atmosphère est maintenue 
humide. Mâles et femelles sont en égales proportions. Les 
mâles ont leurs vésicules séminales bourrées de spermato- 
zoïdes, les ovaires des femelles sont très petits. Les Insectes 
sont nourris avec du Nerprun; on place également dans leur 
cage un récipient contenant du son mélassé auquel je ne les ai 
jamais vu toucher. Ils s’accommodent parfaitement de leur 
nouveau mode de vie, ils consomment une quantité relative- 
ment énorme de feuillage ; leur activité devient intense, en 
revanche leur phototropisme est très atténué, peu d'individus 
sont accrochés à la paroi de la cage tournée vers la lumière, 

(1) Cependant, chez quelques autres espèces qui pondent dans les tiges, en par- 
ticulier Conocephalus (Xiphidion, dorsalis (Lat) le rôle des pattes postérieures 
dans la ponte semble être important (Carpe ne BarzLon). Chez Leplophyes punc- 
tatissima (Bosc) qui pond dans des végélaux peu consistants, la troisième paire 


joue un rôle moindre, l’insecte maintenant son ovipositeur entre les mandibules 
au cours de l'émission des œufs. 


564 PIERRE P. GRASSÉ 


leur répartition par rapport à celle-ci devient assez quel- 
conque (1). 

En décembre, ont lieu des accouplements dont la durée est 
sensiblement la même que celle des accouplements opérés 
en conditions normales. Le 26 décembre, deux femelles sont 
sacrifiées, l’une prise dans l'étuve l’autre dans la nature. Le 
corps adipeux de la première est extrémement abondant, d'un 
beau jaune orangé très vif ; beaucoup de sang. Celui de la 
deuxième est bien moins développé, peu de sang baigne les 
tissus dont la « sécheresse » est tout à fait frappante; mais, 
chez l’une comme chez l’autre, les ovaires ont le même volume, 
le même aspect. Des dissections faites dans des conditions sem- 
blables le 10 janvier, les 5 et 28 février, le 25 mars fournissent 
les mêmes résultats. L’accumulation des réserves, l’augmen- 
tation du métabolisme ne provoquent donc pas le développe- 
ment des ovocytes. Pour les gonades du Criquet, il y a done un 
cycle fixé héréditairement et un changement de milieu de 
quelques mois ne suffit pas à le modifier. Ce fait est à rappro- 
cher de l’action de la chaleur sur le Ver à soie ; la race univol- 
tine, soumise à une température élevée n’en devient pas pour 
cela bivoltine. IL est intéressant de noter cette indépendance 
des ovaires vis à-vis du métabolisme général de l’être. Dans le 
cas particulier qui nous occupe quelle que soit l’intensité des 
échanges la glande génitale conserve la même faculté d’élabo- 
ration : ni augmentation ni diminution sensibles. 

Un autre fait important a été nettement mis en évidence 
par cet élevage à température élevée. À 30° la mortalité 
devient très faible, on enregistre dans les quatre premiers 
mois une seule mort, celle d’un mâle, soit environ 2 0/0 
de la population étudiée. Si l'on compare ce chiffre à celui 
que fournit la statistique des élevages faits à la température 
d'un appartement (température légèrement supérieure à celle 
du dehors), ont est frappé par l'énorme différence qui existe 
entre eux. D'un côté 2 0/0, de l'autre 30 à 95 0/0. IL 
était intéteressant d'étudier la mortalités dans la nature ; une 
pareille enquête se heurte à des difficultés, cependant Les faits 
constatés autorisent à dire que la mortalité y est également très 


() La lumière reçue par la cage est plutôt faible et ce facteur joue aussi son 
rôle dans ie phototropisme. 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 565 


élevée. J'ai recueilli un grand nombre de Criquets plus ou 
moins languissants et qui, laissés dans des conditions en tous 
points analogues à celles où on les avait trouvés moururent très 
peu de temps après leur capture. Les cadavres de Criquets se 
rencontrent fréquemment dans la nature. 

À quel facteur faut-il attribuer ces hécatombes? Vraisembla- 
blement les changements brusques de température jouent le 
rôle prépondérant ; quel que soit, d'ailleurs, le sens de la varia- 
tion. Ainsi on constate une recrudescence de la mortalité lors 
des premières chaleurs qui arrivent brutalement dans le 
Languedoc. 

Le Criquet est également assez sensible au froid, et, du reste 
s’abrite mal; certains jours de grande pluie, j'en ai récolté 
plusieurs sur des troncs de platane ruisselants d’eau. Ces 
Insectes étaient presque inertes, mis en cage 1ls moururent 
tous. M. Suire m'a signalé quelques individus complètement 
gelés. 

Dans la nature comme dans les cages d'élevage, Le Criquetne 
meurt pas d'inanition, en effet, il continue à s’alimenter. La 
dissection des cadavres décèle toujours l'existence de réserves 
graisseuses. 

En France, l'O. ægyptia n'est pas parfaitement adapté au 
climat. Il serait fort intéressant de savoir si ce Criquet présente 
une mortalité aussi élevée en Afrique et en particulier dans les 
régions tropicales. La comparaison avec nos chiffres permettrait 
de se rendre compte si la mort d’un aussi grand nombre d’in- 
dividus est sous la dépendance étroite des variations climati- 
ques. 

A l’étuve, on constate, d’une manière inconstante, une modi- 
fication dans la coloration. La couleur foncière devient plus 
claire et tire nettement sur le jaunâtre, elle rappelle celle de 
certains individus rencontrés dans la nature et que nous avons 
signalés au début de cette étude. Ces formes, assez fréquentes 
dans le Languedoc auraient peut-être bien été soumises à 
une température plus élevée que les formes revêtant la livrée 
habituelle. 

Les individus élevés à 30° deviennent un peu visqueux au 
toucher, les sécrétions hypodermiques, fortement augmentées 
expliquent cet état particulier. 


PIERRE P. GRASSÉ 


La longévité des animaux soumis à la vie en milieu sur- 
chauffé n’est pas sensiblement diminuée. Les mâles sont morts 
au début de mai; en août les femelles continuent à vivre norma- 
lement. En règle générale, l'élévation de température qui accé- 
lère les échanges raccourcit la durée de la vie. C’est ainsi 
que l’on peut augmenter le nombre des générations d'un grand 
nombre d'êtres. Mais alors les gonades participent au dévelop- 
pement général de l'animal, elles s’accroissent en même temps 
que les autres organes. Et l’on peut admettre que l’augmenta- 
tion de température ne modifie pas la longévité de PO. ægyptia 
à cause. de la remarquable indépendance des gonades. Le rôle 
des glandes génitales dans la durée de la vie des Arthropodes 
est à coup sûr considérable et mériterait d'être étudié en grand 
détail. | i 

Action de la lumière; Pholotropisme. — Dans l'étude du 
comportement des êtres vivants par rapport à la lumière, il est 
de première importance d'opérer dans des conditions aussi 
précises que possible et de réduire à leur minimum les 
influences étrangères. La lumière est un complexe d'agents 
physiques ; elle porte avec elle, outre l'énergie lumineuse, de 
l'énergie calorifique, de le chimique. L'absorption de la 
lumière s'accompagne d’une transformation de l'énergie lumi- 
neuse en énergie calorifique. L'action de la lumière n’est pas 
simple. Elle ne devrait donc pas servir de base pour l'étude 
des tropismes, elle ne permet pas de dissocier suffisamment les 
phénomènes. Cependant, comme il est facile d'en connaître la 
direction, d'en faire varier l'intensité, elle demeure encore un 
des agents physiques les plus maniables. 

Dans l'analyse des tropismes, on s’est trop souvent servi de 
statistiques globales négligeant les exceptions dont le comporte- 
ment n'entre pas dans le cadre de la loi que l’on veut démon- 
trer. Afin d'éviter cette cause d'erreurs innombrables, j'ai suivi 
l’action de la lumière sur chaque individu pris isolément, 
méthode laborieuse sans doute, mais éminemment précise et 
rigoureuse. 

Les mâles et les femelles du Criquet Egyptien présentent 
pendant tout le cours de leur vie, un phototropisme positif. 
Mes expériences ont été faites d'octobre à mars, période à 
laquelle les males avaient accompli leur spermatogenèse ; les 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 567 


femelles ne présentaient que des ovaires de petite taille bien 
loin d’avoir atteint leur complet développement. L'état de la 
glande génitale parait donc être, chez cette espèce, sans 
importance dans le comportement vis à vis de la lumière. 

La vitesse de réaction aux rayons lumineux varie avec les 
individus. Tel Criquet se dirige vers la source lumineuse en un 
temps très court, tel autre ne répondra à l'excitant qu'au bout 
d'un long moment et ne progressera que très lentement. Un 
important facteur intervient ici, c’est la température : à 120 Les 
Criquets sont beaucoup plus sensibles à la lumière qu’à 25°, par 
exemple. Cette action de la chaleur sur le phototropisme est à 
rapprocher des faits observés par Rose sur les Copépodes 
Planktoniques ; chez ces Crustacés la vitesse du renversement 
phototropique croit régulièrement avec l'élévation de tempéra- 
ture. [ci, le sens du tropisme n'est pas renversé, mais on cons- 
tate une réponse beaucoup moins rapide, et beaucoup moins 
nette à l’excitant. Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire, des 
Orthacanthacris mis dans une étuve à 30° se montrent faible- 
ment phototropiques. 

IL existe donc un certain antagonisme entre les facteurs cha- 
leur et lumière. L’élévation de température accélère les mou- 
vements, accélère le métabolisme, mais diminue la sensibilité 
à la lumière. Quelle «est la cause profonde de cette action 
inhibitrice? Nous tâcherons d'en donner une explication aussi 
satisfaisante que possible dans l’état actuel de nos connais- 
sances. 

Dans toutes les expériences que j'ai effectuées, j'ai tenu grand 
compte du rôle que peut jouer l'intensité lumineuse dans le 
comportement de l'Orthoptère, me souvenant de l'importance 
capitale que LœB accorde à cette variable. J'ai opéré en 
utilisant des sources lumineuses différentes : rayons solaires 
directs, lumière solaire diffuse vive, lumière solaire diffuse 
faible, lumière électrique. Les résultats obtenus ont toujours 
été comparables entre eux. La vitesse de réaction atteint son 
maximum avec les rayons solaires directs et son minimum avec 
la lumière diffuse faible. 

Entrons maintenant dans une analyse plus minutieuse des 
faits. La plupart des expériences ont été réalisées en employant 
un grand cylindre fermé, posé horizontalement sur une table ; 

38 


568 PIERRE P. GRASSÉ 


une de ses extrémités est munie d’un grillage métallique. La 
source lumineuse utilisée est une lampe électrique de 50 bou- 
gies placée en face de la base grillagée à une distance telle de 
celle-ci que l'on ne constate au niveau de la base aucune éléva- 
tion de température appréciable avec un thermomètre sensible. 
La paroi du cylindre est munie de fenêtres à volets permettant 
de voir ce qui se passe à l’intérieur. Les Criquets sont mis un 
par un dans l'appareil. On trace un graphique du chemin par- 
couru par chaque individu dans sa marche vers la lumière. 

Dans un très grand nombre de cas, le déplacement vers la 
source lumineuse n'est pas immédiat. Il débute parfois vingt, 
trente ou même quarante minutes après l'exposition à la 
lumière (1), mais 4 a toujours lieu (le phototropisme est donc 
indéniable), quelle que soit la position initiale de l’Insecte par 
rapport à la direction de la lumière, que chaque moitié de 
l’Insecte soit également ou inégalement éclairée. 

Le chemin parcouru est assez rarement une ligne droite, les 
graphiques ne m'offrent qu'une seule progression vraiment 
faite ainsi. Dans les cas les plus simples, le Criquet décrit 
dans le cylindre une spire où une portion de spire. La pro- 
gression est fréquemment entrecoupée d’arrêts qui ne parais- 
sent pas avoir leur cause dans un changement du milieu 
extérieur. D'autres fois, l’Insecte décrit plusieurs boucles. 
Certains tracés sont fort curieux, l'Orthoptère se dirige vers 
la lumière et avant d'atteindre le grillage où il trouverait un 
éclairement plus intense, exécute à droite ou à gauche une rota- 
tion de 90°. Il est alors dans un éclairement parfaitement asy- 
métrique, une de ses moitiés est fortement éclairée, l’autre ne 
l'est pratiquement pas (fig. 3), le Criquet marque un temps 
d'arrêt. La marche reprend mais vers le fond de la cage, puis 
nouvelle rotation et enfin progression presque rectiligne vers 
la source lumineuse. Le Criquet en question passe donc par 
des alternatives de phototropisme positif, de phototropisme 
négatif et enfin de phototropisme positif qui est définitif. La 
figure 4 représente une progression également très intéres- 
sante. La marche débute par un saut, puis tout en suivant une 


(‘) Un mâle ne se dirigea vers la lumière qu'après une exposition de deux heu- 
res, il mourut 48 heures après l'expérience. 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 569 


ligne oblique par rapport à la direction de la lumière, l'Insecte 
atteint le grillage, là, temps d'arrêt. Le Criquet recule ensuite, 


Fig. 3. — Chemin suivi par une © Fig. 4. — Chemin suivi par un © 
adulte dans sa marche vers la adulte dans sa marche vers la 
lumière . lumière 5 —2105. 

GED AC 


Les flèches placées en haut du dessin indiquent la direction des rayons 
lumineux. 
1.2, 3 arrêts marques par le Criquet au cours de sa progression. 


tout en faisant face à la lumière, enfin 1l exécute une rotation 
qui le place perpendiculairement aux rayons lumineux, il 
reste un long moment dans cette position. 


570 PIERRE P. GRASSÉ 


Quelle que soit la durée de l'exposition à la lumière (cer- 
taines de mes expériences ont duré plus de 72 heures) les 
Criquets demeurent positifs. Cependant un nombre non négli- 
geable d'individus s’éloignent quelque peu du grillage, corres- 
pondant au maximum d'éclairement, et se placent perpendicu- 
lairement à la direction du faisceau lumineux. 

IL serait extrèmement facile de donner d’autres exemples de 
ces marches capricieuses, mais je crois inutile de rapporter 
d’autres cas, ceux-ci étant suffisamment typiques. 

Une constatation fort importante s'impose lorsque l’on aug- 
mente l'intensité lumineuse : les chemins suivis par les Cri- 
quets s’écartent moins de la ligne droite, sans arriver à coïncider 
avec elle. Les tracés les moins compliqués sont ceux que l’on 
obtient en plaçant Le dispositif d'expérience à la lumière solaire 
directe. 

La question est alors de savoir si l’on doit considérer notre 
Criquet comme faiblement ou fortement phototropique. Nous 
notons que tous les Criquets () au bout d’un temps moyen 
relativement court se sont approchés, autant que cela leur 
est possible, dela source lumineuse. Une telle unanimité dans 
le comportement implique, à mon avis, l'existence d’un photo- 
tropisme bien développé qui ne se manifeste pas par une orien- 
tation constante par rapport aux rayons lumineux, mais exerce 
son action par une attraction fatale vers le maximum d’éelai- 
rement. Attraction fatale, voilà bien le caractère fondamental 
du tropisme ! L'Insecte ne va pas directement à la souree lumi- 
neuse ; cette constatation peut-elle nous autoriser à ne pas con- 
sidérer comme un tropisme ce mouvement? Personnellement, 
je ne le crois pas. Il n'y a pas simple tactisme puisque, en fin 
de compte, il y a une orientation vers le marimum de 
lumière. 

Mlle M. Gozpsuirn qui à étudié tout récemment le phototro- 
pisme de plusieurs espèces marines (?) arrive à des conclusions 
identiques à celles que j'exprime. 


(t) J'ai observé cependant au cours de mes expériences la présence d'un ou deux 
individus à peu près indifférents à la lumière. 

@) Les espèces étudiées sont Convoluta roscoffensis, Mysis chamælæon, Copé- 
podes planktoniques, Nauplii de Balanes, Zoë de Maia squinado. Elles présentent 
toutes un phototropisme positif net. 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 971 


Peut-on faire appel à la sensibilité différentielle pour expli- 
quer les circuits compliqués décrits par notre insecte ? C’est 
bien peu probable, en effet, et j’insiste sur ce point, les condi- 
tions d'expérience demeurent constantes au cours de nos obser- 
vations, l'intensité de l’excitant ne varie pas (autant que les 
appareils de mesure nous permettent de l'affirmer). Nous nous 
efforcerons de donner une solution, probablement provisoire, à 
ce difficile problème. 

Ragaup a bien montré les points faibles de la théorie de Lors. 
J'ai repris quelques-unes de ses expériences et je suis arrivé à 
des résultats identiques. 

J'ai, en particulier, opéré le retournement du cylindre sur 
un plan horizontal ; cette rotation de 180° à pour effet de 


Fig. 5. — Retour vers la lumière d’une © adulte après le retournement 
du cylindre. 8 — 2105. 


1, 2,3: principales positions occupées successivement par le Criquet. 


rendre l'extrémité la plus éclairée, la moins éclairée et réci- 
proquement. L'’extrémité tournée vers la lumière est alors 
munie d'un grillage métallique. Je ne tiens compte dans cette 
expérience que des Criquets recevantun éclairement symétrique. 
Presque tous ceux qui sont dans ce cas exécutent une rotation 
de 180° et se dirigent vers l'extrémité du cylindre la plus 
éclairée. Cependant certains individus se comportent différem- 
ment; dès que le retournement du cylindre est accompli, ils 
sautent brusquement vers la source lumineuse, effectuant un 
bond presque horizontal (plus précisément un peu oblique en 
avant) (fig. 5); mais arrêtés dans leur élan par le grillage, 1ls 


512 PIERRE P. GRASSÉ 


exécutent alors une rotation de 180° et se placent la face ven- 
trale contre la toile métallique, verticalement. 


Fig. 6. — Chemin suivi par une 
femelle adulte dont on a verni 
l’œil droit et les ocelles droit et 
médian 9. —2105. 

(L'insecte représenté vu par sa 
face ventrale cheminait au pla- 
fond du cylindre). 


Dans ce cas particulier, on peut 
faire intervenir à la rigueur une 
action de la sensibilité différen- 
tielle : l'intensité de l’excitant, 
de par la rotation du cylindre 
ayant été modifiée. 

La théorie de Log ne peut pas 
rendre compte de cette rotation 
de 180° exécutée. par un animal 
symétriquement éclairé. Il faut 
chercher une autre explication. 

Dans cette dernière expérience, 
le retour vers la source lumi- 
neuse, qu'il ait lieu par progres- 
sion lente ou par saut brusque, 
n’est pas toujours immédiat. L'ac- 
tion de la lumière se fait atten- 
dre parfois assez longtemps (1). 

Bref, tant dans la progression 
que dans la station au repos l'O. 
æqyplia ne montre pas une ten- 
dance à se placer dans un éclai- 
rement égal pour ses deux moi- 
tiés. 

D'autres expériences n'ont pas 
été plus favorables à la doctrine 
du physiologiste américain. En 
particulier, l’aveuglement par- 
tiel. En pratiquant le vernissage 
de l'œil droit, des ocelles droit 
et médian on constate que les 


Criquets ainsi traités ont un comportement vis-à-vis de la 


(1) J'ai répété cette expérience sur de jeunes chenilles d’£phestia Kuehniella Z. 
qui présentent un phototropisme négatif fort net (la progression vers la zone la 
moins éclairée se fait ici en ligne droite). Les résultats obtenus sont absolument 
superposables à ceux que j'ai décrits chez le Criquet. Après retournement du 
cylindre les jeunes larves symétriquement éclairées exécutent une rotation de 


180°, 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ËGYPTIEN 273 


lumière qui ne diffère pas de celui des Criquets normaux. La 
figure 6 représente le chemin suivi dans le cylindre par un 
individu partiellement aveuglé. On peut présenter l'expérience 
sous une autre forme, peut-être bien plus démonstrative : 
dans l'appareil on place une population comprenant des indi- 
vidus normaux, éborgnés et aveuglés. Les deux premières 
catégories ont un comportement comparable, aussi bien dans 
leur marche que dans leur station au repos. Les aveugles pré- 
sentent une répartition tout à fait quelconque ; certains sont 
accrochés à la paroi la plus éclairée, d’autres demeurent au 
milieu de l'appareil, quelques-uns se sont dirigés vers la 
région la plus sombre. Pour les Insectes dont la vision est 
supprimée 1] n’y à plus de phototropisme. 

Rapaub a constaté chez les Insectes aveuglés d'un côté le 
fléchissement des pattes du côté opposé. Je n'ai pu faire la 
même observation chez Orthacanthacris. Le tonus musculaire 
n'est pas modifié d'une manière sensible par la suppression 
unilatérale des sensations lumineuses. 

Reste maintenant à interpréter cette série de faits ; la théorie 
de Lors paraît bien être incapable d'en rendre compte d’une 
facon ;satisfaisante. Tout récemment, Rapaup a formulé une 
hypothèse qui s'accorde bien avec les faits, il dissocie deux 
phénomènes qui jusqu'ici étaient réunis : le tonus musculaire 
et les tropismes. Tous les deux sont des réflexes qui ne dépen- 
dent pas des mêmes centres nerveux. Entre ces deux réflexes 
un certain antagonisme existe parfois. En effet, la production 
du tonus musculaire dépend de toute une série d’excitants aussi 
bien internes qu'externes. L'action de ces excitants peut parfai- 
tement s'opposer à celle de la lumière. C'est ainsi que l’accrois- 
sement de la température diminue dans des proportions très 
nettes Île phototropisme, tandis qu'elle augmente le tonus 
musculaire ; le réflexe tropique trouve alors une grande résis- 
tance à sa réalisation. On doit tenir aussi grand compte des 
actions internes s'exerçant sur les tonus musculaires ; tous les 
individus que nous soumettons à l'expérience sont différents 
par leurs antécédents, quel que soit le soin pris à n'expérimen- 
ter que sur des individus comparables. Aux différences physio- 
logiques s'ajoutent les différences psychologiques. La mémoire 
joue certainement son rôle et trouble le phototropisme dans 


574 PIERRE P. GRASSÉ 


des proportions qui ne sont probablement pas négligeables. 
Trop d'auteurs n’ont pas tenu compte de ces facteurs, se désin- 
téressant de parti pris des exceptions. 

Nous avons dit que lorsque l'intensité lumineuse augmente 
les chemins suivis par l’Insecte deviennent moms sinueux ; cette 
constatation s'explique si l'on admet que les excitations déclen- 
chées par la lumière l’emportent sur Les actions internes. 


Aie 


Fig. 7. — Chemin suivi par un © adulte dans sa marche vers une source de 
chaleur. 
Le trait noir pc représente la plaque chauffante. 


D'autre part, chez O. ægyptia, le rapport des surfaces ocu- 
laires à la surface totale du corps est petit. Il parait bien que 
ce rapport a parfois une grande importance. C'est ainsi qu'il 
nous permet de comprendre le comportement du Criquet ébor- 
gné sensiblement le même que celui du Criquet nornial. La sup- 
pression unilatérale de la lumière entraine une perte de sensa- 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 75 


tions, d’excitations insuflisante pour diminuer d'une façon 
sensible les tonus musculaires du côté opposé et par consé- 
quent ne modifie pas la marche de lInsecte. 

En résumé, l'analyse du phototropisme nous à permis de 
comprendre que toute une série d'actes dépend d'actions tro- 
piques, d'actions internes de natures variées, de tonus muscu- 
laires interférant entre eux. Ces interférences sont si complexes 
qu'il y à peu d'espoir de rendre un compte exact du rôle précis 
joué par chaque cause. La complexité même de ces phéno- 
mènes explique celle des actes de l’animal, et où on ne pour- 
rait voir que du hasard règne à coup sûr un rigoureux déter- 
minisme. 

Thermotropisme. — Pour l'étude de ce tropisme, j'aiutilisé une 
cage cylindrique en toile métallique dont une extrémité est 
tournée vers une plaque de tôle chauffée par un bec Bunsen 
(HE x). 

Le comportement des Insectes est étudié par la même 
méthode que précédemment. Les expériences ont lieu dans une 
pièce presque obscure de façon à supprimer autant que possible 
l’action de la lumière. 

L'Insevte présente un thermotropisme positif net, l'attraction 
par la zone la plus chaude est très marquée et les chemins par- 
courus par le Criquet pour atteindre cette zone sont sinueux et 
capricieux. Tous s'écartent de la ligne droite. 

Lorsque la température de la base du cylindre tournée 
vers la plaque chauffante dépasse 40°, on assiste à un phéno- 
mène curieux; l’Insecte est vivement attiré et se place rapide- 
ment dans la zone à température maximum, mais au bout d’un 
temps très court, il abandonne sa position, la chaleur l’incom- 
mode ou, pour employer un autre langage, le sens du tropisme 
est changé. Le Criquet va alors dans une région moins chaude 
soit par le saut, soit par la marche. Mais l'attraction se fait à 
nouveau sentir et l’Insecte revient dans la zone surchauffée 
qu'il abandonne encore, ainsi se succède une série d'attractions 
et de répulsions ; le Criquet décrit des cercles plus ou moins 
réguliers (fig. 7). 

Tout ce que nous avons dit au sujet du phototropisme peut- 
être répété ici. Notons cependant que l’action des facteurs 


576 PIERRE P. GRASSÉ 
J 


internes est particulièrement nette dans son opposition à la 
marche directe de l'animal vers la source de chaleur. 


Conclusion. 


Au cours de cette étude nous avons montré : 

1° Que le cycle évolutif d’'O. ægyptia est très particulier, 
qu'il diffère notablement de celui des autres Criquets français. 
L'hivernage est obligatoire pour l'élaboration des éléments 
reproducteurs ; 

20 Que l'allongement de l'abdomen au cours de la ponte est 
dû à un afflux sanguin dans la région postérieure du corps et 
à la déglutition d’une certaine quantité d'air, comme l'avait 
bien vu KUNCKE:L ; 

3° Que le fonctionnement des glandes génitales annexes n’est 
pas toujours solidaire de celui des glandes génitalés propre- 
ment dites ; 

4 Que le développement des ovaires n’est pas sous la dépen- 
dance immédiate ni du métabolisme général ni de la tempéra- 
THE 

5° Que la loi de Lessoxa ne peut pas s'appliquer aux Orthop- 
tères sauteurs et que cette Loi est vraisemblablement une simple 
vue de l'esprit. La régénération ne dépend ni de la fréquence 
des inutilations, ni de l'adaption ; 

6° Que la théorie de Loëg est incapable d'expliquer un grand 
nombre de faits relatifs au comportement des êtres vivants vis- 
à-vis de la lumière et de la chaleur ; que les tropismes sont des 
phénomènes extrèmemeut complexes et qu'il y a bieu de distin- 
guer l’action du tonus musculaire et celle de l’excitation ner- 
veuse dépendant étroitement de l’excitant physique, autrement 
dit de l’excitant tropique. 


Montpellier, mai 1922. 


ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET EGYPTIEN. 977 


INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 


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7. BrisoutT DE BARNEvILLE. — Orthoptères de Sicile (Annales Soc. Ento, 
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8. Carre pe BaizLox. — La reproduction chez les Locustiens [. La Ponte el 


l'Eclosion. Thèse, Nancy, 1919. 

9. Corarr. — Recherches sur la conformation et le développement des 
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10. DecaGe(Y.). — La structure du protoplasma et les théories sur l’hérédité 

et les grands problèmes de la Biologie générale. Paris, 1895. 

11. DworniTenenxo (M.). — Nouvelles campagnes contre les Sauterelles. 
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42. FaBbe (J.-H.). - Souvenirs entomologiques. Les Acridiens, 6e série, 1899. 

13. Fénarn (A). — Recherches sur les organes complémentaires internes de 
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14. Giarp (A.). — Controverses transformistes. Paris, 1904. 

15. Grarniva (A.). — Funzionamente della armatura.genitale femminile e 
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15. Gounsmira (Mile M.). — Les-réactions phototropiques de quelques ani- 
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17. Hoëréerr {C.). — Le Criquet d'Egypte en Bretagne. Insecta, Rennes, 
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18. KuxckeL »'Hercuzais — @. Du rôle de l’air dans le mécanisme physiolo- 
gique de l’éclosion, de la mue et de la métamorphose chez les Acridides 
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49. Kunokec D'Hercurais. — D. Mécanisme physiologique de l’éclosion des 
mues et de la métamorphose chez les Insectes Orthoptères de la famille 
des Acridides (C. R. Ac. S., 1890). 

20. Kuncxez p'Hercuzais. — Mécanisme physiologique de la ponte chez les 
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21. La Baume. — Biologie der Marokkanischer Wandheuschrecke. In #ono- 
graphie sur angewandten Entomologie; Beihefte zur Zeitschrift fur 
angewandte Entomologie. Berlin, 1918. 


LAN 


578 PIERRE P. GRASSÉ 


22. LessonA (M.). — Sulla riproduzione della parti in molti animali. 
Lettera del professor Micueze Lesson4 al signor Paolo Lioy. Atti della 
Societa Italiana di Scienze Naturali. Milan, 1868, t. XI, p. 493. 
23. Lucas (H.). - Quelques remarques sur les Acridites qui habitent le Nord 
de l'Afrique (Ann. Soc. Ento., 1851). 


24. Marquer. — Histoire naturelle des Orthoptères du Languedoc Toulouse, 
1876. 

25. Rose (M.). — Recherches biologiques sur le Plankton, 3 note (Bulletin 
de l’Inst Océa., Monaco, 1921). 

26. Ragaup (E). — «&. Tropismes et tonus musculaire (€. R. Ac. S., 
t. CLXXIIT, 1921). ; 

27. RagauD (E.), — D. L'Immobilisation réflexe et l’activité normale des 


Arlhropodes (Bull. Biol. de la France-Belgique, t. LIT, 1919). 

28. Ragaup (E.). — c. Les Tropismes (Revue Scientifique, Paris, 1922). 

29. TarGioni Tozzerri (Ad.). — «a. Ortotteri agrari (Annali di Agricoltura. 
Rome, 1882). 

30. TarGioNt Tozzerri (Ad.). — b. Animali ed Insetti del Tabacco in herba e 
del Tabacco secco. Firenze-Roma, 1891. 

31. Vassiiev (1v.). —"Insectes et autres ennemis du colon dans la Province 
de Ferghana observés en 1914 (En Russe). 

(Mémoire du Bureau d'Entomologie et du Comité scientifique du 

ministère de l'Agriculture, Pétrograd, 19145). 

32. ZAcHER (F.). — Notizen über Schädlinge tropischer Kulturen-10 Aufsatz. 
Afrikanische Tabakschädlinge. Berlin, 1920. Tropenpflanzser. 


Note. — Nous n'avons pas cru utile d'indiquer ici la volumineuse biblio- 
graphie relative aux tropismes. Nous nous sommes contentés de mentionner 
les travaux les plus récents. 


D' Marc ROMIEU 
Préparateur d’histologie 
à la Faculté de Médecine de Paris. 


OBSERVATIONS HISTOLOGIQUES, HISTOCHIMIQUES 
ET SPECTROSCOPIQUES 


SUR LE PIGMENT VERT 
DU CHÉTOPTÈRE 


(Travail du laboratoire du professeur PRENANT) 


Les premiers observateurs qui étudièrent le Chétoptère, ce 
gros et curieux Polychète tubicole furent frappés par la teinte 
d'un vert foncé que présente la partie moyenne du corps. Cette 
teinte est due à un pigment qui colore l’épithélium intestinal. 
Ray-LsnkesreR à proposé de donner à ce pigment le nom de 
chétoptérine. 

Malgré les travaux importants consacrés à l'étude de la 
chétoptérine, comme le fait remarquer Manvoouz dans son tra- 
vail de thèse, la question de sa nature et de son origne reste 
encore entourée d’une grande obseurité. 

Avant eu entre les mains un assez grand nombre d'échan- 
tillons vivants de Chétoptères provenant de la baie de la 
Hougue, j'ai pu faire quelques observations que j'ai réunies 
dans le présent travail et qui viendront, je l'espère, jeter un 
peu de lumière sur cette question, d'autant plus intéressante 
qu’elle se rattache étroitement au problème imparfaitement 
résolu de la chlorophylle animale. 

Mes constatations, en effet, m'ont conduit à adopter une opi- 
nion opposée à celle de Ravy-Lankesrer et de son élève 
Mile NewBigix, et à considérer la chétoptérine comme une 
chlorophylle légèrement modifiée d’origine alimentaire, par 
conséquent comme un pigment extrinsèque. 

Mentionné par Dicqueuare et par Cuvier, le Chétoptère fut 


80 MARC ROMIEU 


décrit pour la première fois par Rénier en 1804 dans un ouvrage 
resté inédit, puis étudié ensuite par Czaparèoe. Cet auteur vit 
que la teinte foncée de la partie moyenne du corps était due 
à la présence de grains verts qu'il considéra comme un pigment 
hépatique. Joxeux-LarFuiE au cours d’une bonne monographie 
décrivit aussi les grains verts comme des pigments biliaires. 
Mais les travaux les plus importants pour la question qui nous 
occupe sont ceux de Rav-Lanxester (1897), de Mile NewgiGiN 
(1898) et de Mac-Munx (1900). Ray-Lankesrir à la suite des 
observations de Srokes et D'ENGELMANX nota les analogies spec- 
trales entre la chétoptérine et la chlorophylle. Mais il ne put se 
décider à admettre qu'il s'agissait de deux pigments étroite- 
ment apparentés. Aussi insista-t-1l sur quelques différences 
dans la position exacte et le nombre des bandes d'absorption, 
le changement de coloration du pigment sous l'influence des 
acides et des alcalis, sa résistance à la lumière solaire. Il proposa 
de rapprocher la chétoptérine de la bonelline étudiée par 
KRUKENBERG ainsi que de la pentacrinine et de l’antédonine, 
découvertes par Mosecey. Pour lui, le pigment du Chétoptère 
est un pigment intrinsèque produit par le métabolisme cellu- 
laire qui n'a rien à voir avec le régime alimentaire de 
l'animal. 

Mile NewBiGiN dans son mémoire accuse les différences indi- 
quées par Ray-Lankesrer entre la chétoptérine et la chloro- 
phylle. | 

Sil y a entre ces deux pigments quelques points de ressem- 
blance, cette ressemblance est pour elle tout à fait superficielle 
et elle nie toute parenté entre les deux pigments. Elle propose 
de faire entrer la chétoptérine dans le groupe des extérochromes, 
pigments en relation avec le tube digestif chez les Mollusques et 
quelques autres Invertébrés, caractérisés par leur solubilité 
dans l'alcool froid, leur fluorescence, leur spectre à 4 bandes. 
Elle ne peut rien dire de leur fonction, mais les considère 
comme d'origine intrinsèque et leur suppose une lointaine 
analogie avec la bile qui est éliminée avec les fèces, comme 
c'est Le cas chez la Patelle. 

BRanpes dans un mémoire paru en 1897 estime que les grains 
verts déerits par Rav-Laxkesrer dans les cellules intestinales du 
Chétoptère ne sont point des grains de pigment, mais des orga- 


LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 581 


nismes végétaux analogues à ceux qui ont été décrits par 
Branxbr, von GRarr, HaBenLanpr et lui-même chez un grand nom- 
bre d'animaux sous Le nom de Palmella. Il conclut d’après Ia 
planche de Rav-Lankesren qu'il s'agit de Zoochlorelles sym- 
biotiques. 

Enfin Mac-Munx (1900) au cours d'un travail consacré à l'étude 
des glandes gastriques des Mollusques et des Décapodes pro- 
pose de rapprocher la chétoptérinme des entérochlorophylles. Ce 
sont les entérochromes de Mile Newgruin qu'il considère, contrai- 
rement à cet auteur comme d'origine alimentaire. Il appuie sa 
manière de voir sur des arguments d'ordre spectroscopique, 
considérant ces pigments comme des chlorophylles modifiées. 

Dans ces dernières années, je n'ai pas rencontré de travaux 
consacrés au pigment du Chétoptère. Cet animal a bien fait 
l'objet d’études histologiques mais seulement à d’autres points 
de vue. 

Nous voyons par ce résumé bibliographique combien sont 
incertaines et peu concordantes les opinions émises en ce qui 
concerne la chétoptérine : pour les premiers auteurs c’est un 
pigment biliaire, pour Ray-Lawkesrer et Mile NewBiiN un pig- 
ment intrinsèque qui n’a qu'une ressemblance superficielle avec 
la chlorophylle, pour Mac-Muxx c’est un pigment comparable 
à l’entérochlorophylle des Mollusques, pour Branoes les grains 
verts sont des Zoochlorelles. 

J’ai.cherché par des observations histologiques, histochimi- 
ques et spectroscopiques à trancher entre ces opinions diverses 
et j'ai été conduit à adopter une manière de voir analogue à 
celle de Mac-Munx, mais pour des raisons tout autres. Cet 
auteur n’a utilisé, en effet, que la méthode spectroscopique et 
une partie au moins de son raisonnement ne me parait pas à 
l'abri de toute critique. 


Recherches personnelles : I. — Etude histologique. 


L'histologie de l'intestin du Chétoptère est peu connue. Nous 
n'avons guère que les figures et les descriptions assez som- 
maires de Czaparèpe, de Joyeux-Larruie et de Bexuau dans le 
mémoire de Ravy-Lankesrer. Aussi me suis-je appliqué à étu- 


d82 MARC ROMIEU 


dier avec soin les cellules intestinales de cet animal, ce qui 
m'a permis d'observer des détails nouveaux. 

Les auteurs sont d'accord pour déclarer que le pigment vert 
se rencontre seulement dans la partie moyenne du tube diges- 
tif. Or comme j ai pu m'en rendre compte sur des dissections, 
opérations quine sont guère possibles qu'après fixation à cause 
de l'abondance du mucus, le pigment se retrouve dans les 
cellules intestinales depuis l'œsophage jusqu'à l'anus. Il est seu- 
lement beaucoup plus abondant et existe dans toutes les 
cellules dans la région moyenne du corps si nettement diffé- 
renciée des régions antérieures et postérieures. 

Cette région moyenne (12°, 13°, 14°, 15°, 16° segments de 
Joyeux-LaFFuiE) possède en effet une coloration foncée d'un vert- 
olive presque noir qui attire immédiatement l'attention, ce qui 
explique que le pigment ait été considéré comme existant seu- 
lement à ce niveau. 

Sur des coupes vues à un faible grossissement on constate 
que le pigment est surtout abondant dans la partie des cellules 
qui avoisine la lumière intestinale. ë 

a) Portion antérieure du tube digestif. — La première por- 
tion du tube digestif est formée de cellules prismatiques hautes 
à cils courts. Les cils existent chez le Chétoptère, comme j'ai 
pu le constater, sur toute la longueur de l'intestin, de la bouche 
à l'anus. 

Dans cette première portion, les grains de pigment sont assez 
rares et ils occupent la partie moyenne ou basale de la cel- 
lule. Ils ont plutôt l'apparence de concrétions que de grains 
arrondis et nettement individualisés tels qu’on les rencontre 
dans la deuxième portion du tube digestif et ils frappent par 
leur coloration pâle, jaunâtre. 

En dehors de la paroi intestinale, j'ai retrouvé des grains 
verts dans presque tous les tissus de la région antérieure mais 
surtout dans les muscles et dans l’épiderme à hautes cellules 
de la paroi convexe de cette région. C'est à ces grains que cette 
paroi doit sa teinte générale d’un jaune verdâtre. 

b) Porlion moyenne. — La paroi intestinale de la région 
moyenne du corps est, nous l'avons vu, la partie la plus riche 
en pigment. Dans cette région l'intestin s’élargit beaucoup 


[a 
Le 


pour prendre lapparence boursouflée d'un côlon de Mammi- 


LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE RP] 


fère. La paroi du corps étant très mince à ce niveau laisse 
apercevoir la coloration d’un vert très foncé de l'épithélium 
intestinal. 

Sur les coupes, on se rend compte que cette coloration est 
due à des grains verts qui remplissent les cellules et sont sur- 
tout abondants dans la portion la plus interne de celles-ci. On 
voit de plus que le tube digestif présente des replis et des 
épaississements qui donnent à la lumière un contour ondu- 
leux. Ces ondulations sont produites en partie par des varia- 
tions de la hauteur de l’épithélium suivant les points et il m'a 
paru qu'on pouvait distinguer trois types parmi les cellules 
intestinales. Les cellules à grains verts et à bordure ciliée, Les 
cellules à grains verts sans bordure ciliée, les cellules dépour- 
vues de grains. 

Ces trois formes cellulaires correspondent très probablement 
à trois étapes de la sécrétion. Elles sont le résultat de la trans- 
formation de la cellule ciliée typique (PL V, fig. Let I). 

Les cellules ciliées de la portion moyenne représentent la 
forme la plus répandue. Je suis surpris que Benaau n'ait point 
aperçu les cils qu'il ne figure pas dans la planche du Mémoire 
de Ray-Lankesrer car ils sont très évidents. Ces cellules se pré- 
sentent en général comme des prismes pentagonaux ou hexa- 
gonaux très minces et très allongés. On s'en rend compte en 
coupe transversale où elles forment une sorte de mosaïque dont 
certains éléments plus petits se montrent disposés par grou- 
pes et doivent sans doute être considérés comme des éléments 
de remplacement. 

Au niveau du 12° segment Les cellules ont jusqu’à 100 et 120 y 
de hauteur sur une largeur qui atteint à peine 4 x à la base. 

Le noyau occupe en général le quart inférieur de la cellule. 
Souvent appliqué contre la paroi cellulaire, il estovoïde (4 p sur 
10 environ) et se montre pauvre en chromatine, celle-ci n'étant 
représentée que par quelques grains épars. On trouve par 
contre le plus souvent un nucléole assez volumineux. 

La cellule est surmontée par une ligne de grains basaux qui 
donnent insertion à des cils très fins d'une longueur de 10 & envi- 
ron. Ils sont animés sur le vivant de mouvements actifs diri- 
gés d'avant en arrière, fort gracieux à observer et compara- 
bles aux ondulations d’un champ de blé sous l'influence du vent. 

30 


D84 MARC ROMIEU 


Au-dessous de la ligne des grains basaux s'étend une zone 
de 5 à 6 p de hauteur, toujours vide de grains, qui se montre 
striée longitudinalement. Cette zone répond aux racines ciliai- 
res qui semblent tout d'abord avoir une disposition parallèle. 
Une étude attentive montre qu'elles sont rassemblées en un 
cône assez court mais dont la pointe très effilée vient s'appli- 
quer contre la paroi et se poursuit jusque dans la région 
nucléaire. C’est seulement au-dessous du eône radiculaire que 
se montrent les grains colorés. Ces grains ont un caractère frap- 
pant, celui d’être de taille à peu près uniforme dans une cel- 
lule déterminée mais sont souvent de taille très différente 
dans deux cellules voisines. Ils ne se présentent point fins et 
dispersés, comme les a figurés Joyeux-LarruiE mais rassemblés 
en trainées longitudinales par suite de l'étroitesse de la cellule 
qui les contient. On peut les rencontrer dans toute la hauteur 
de celle-ci même dans la partie inférieure, au-dessous du 
noyau mais le plus souvent ils se trouvent accumulés dans la 
moitié apicale où ils ne manquent que dans la zone occupée 
par le cône radiculaire. 

Les grains verts ont dans certaines cellules des dimensions très 
minimes (1 u etau-dessous). Ils peuvent atteindre jusqu'à Aet5 u, 
c'est-à-dire un diamètre à peine inférieur à la largeur de la 
cellule. D'un vert tendre lorsqu'ils sont petits, ils présentent 
lorsqu'ils sont plus gros une teinte très foncée d’un vert olive 
presque noir. Les grains les plus volumineux, se montrent par- 
fois composés à la façon de certaines sphérules vitellines et on 
peut voir à leur intérieur des granulations plus fines. Ces grains 
sont toujours très réfringents; le plus souvent parfaitement 
arrondis, ils semblent entourés d’une sorte d’écorce plus forte- 
ment colorée que leur centre. 

À côté des cellules ciliées, on en trouve d’autres qui présen- 
tent des caractères analogues, sont bourrées de grains verts 
généralement assez volumineux mais différent des précédentes 
par l'absence de bordure ciliée et de cône radiculaire. La cel- 
lule se termine vers Ia lumière intestinale au niveau de la ligne 
des grains basaux par un sommet pointu au-dessous duquel 
s'observe un élargissement qui lui donne une forme générale 
en massue à disposition inverse des cellules décrites sous le 
nom de cellules claviformes par Bras dans l'intestin de la 


LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 585 


Pectinaire, la partie élargie de la massue se trouvant près de 
la lumière intestinale et le pied vers la couche cellulo-mus- 
culeuse. 

On rencontre a côté de ces cellules d’autres formes assez sem- 
blables mais dépourvues de grains verts. Elles apparaissent très 
claires avec un cytoplasma alvéolaire peu colorable. Le noyau 
est toujours situé vers le quart mférieur. Il est ovoïde et fort peu 
chromatique. On a l'impression trè nette que ces cellules répon- 
dent à la forme précédente vidée de ses grains. 

Les trois variétés de cellules ci-dessus décrites répondent 
sans nul doute à trois stades de la sécrétion. Il faut admettre 
ici une interprétation comparable à celle que nous donne le 
professeur PRexanr : « IL est plus vraisemblable que la phase. 
sécrétoire de la cellule succède à l’état de différenciation ciliée 
et qu à mesure que le produit de sécrétion se forme et s’éli- 
mine, les cils se flétrissent et disparaissent ». Or ici la cellule 
a déjà accumulé son produit de sécrétion avant qu'il y ait la 
moindre trace de dégénérescence de la bordure ciliée. 

c) Portion postérieure. — Dans la partie postérieure de l’in- 
testin, j'ai trouvé des cellules ciliées présentant des grains plus 
fins que dans la portion moyenne. Les cellules à grains se mon- 
trent aussi plus rares mais elles ont les mêmes caractères. 

La description de la cellule intestinale du Chétoptère don- 
née ci-dessus diffère sensiblement des descriptions fort som- 
maires données antérieurement. Ray-LankesTER ne figure ni la 
bordure ciliée ni le cône radiculaire et il ne parle point de 
trois formes cellulaires représentant les trois étapes de la 
sécrétion. 

Quant à Mac-Munx il n’a pu retrouver les grains verts par 
suite sans doute de fixations défectueuses. Je dois dire toute- 
fois que les tissus du Chétoptère, très mous et riches en eau, 
sont difficiles à bien fixer. Le liquide de Hezcv seul m'a donné 
d'excellents résultats. 


II. — Etude histochimique. 


Depuis les recherches de Rayx-Lankesrer et de Mlle NewBien, 
on eonnait les principales réactions chimiques de la chétopté- 


586 MARC ROMIEU 


rine et c'est précisément sur elles que ces auteurs se sont 
appuyés pour éloigner ce pigment de la chlorophylle. 

La chétoptérine est un pigment d’un vert foncé soluble dans 
l'alcool éthylique et méthylique et dans l’éther. J'ai constaté de 
plus qu'il est soluble dans le toluène, la benzine, l’acétone, bien 
plus encore dans le chloroforme mais se montre insoluble dans 
l’éther de pétrole. La solution alcoolique, si elle est concentrée 
est d’un jaune-brun tirant sur le vert; plus diluée elle est d’un 
gris-vert ; très diluée d’un vert pur. Toutes les solutions mon- 
trent une forte fluorescence d’un rouge-sang. Ce sont là des 
caractères communs avec les solutions de chlorophylle. 

Par l’adjonction d'acide chlorhydrique, la solution de ché- 
toptérime passe d'abord au vert franc puis au bleu sans perdre 
sa fluorescence rouge. Elle ne donne ni teinte brune, ni préci- 
pité comme la chlorophylle pure. Avec une solution de chloro- 
phylle d'Ulve préparée sans précaution spéciale, je n'ai pas eu 
de teinte brune et il ne s’est formé un précipité qu'à la lon- 
gue. Cette solution, traitée par HCI avec adjonction d’un excès 
d'eau donne un précipité noir et devient d'un bleu franc tout 
comme la chétoptérine traitée de 1a même facon. Ceci permet 
de supposer que la chétoptérine est un dérivé acide de la chlo- 
rophylle d'Algue. 

Alors que la chlorophylle pure donne avec la potasse en solu- 
tion concentrée une coloration brune suivie d'une réapparition 
de la teinte verte, la chétoptérine donne une teinte brun-jaune 
persistante. J’ai vu que si on emploie un grand excès de potasse, 
il se forme un précipité brun-rouge soluble dans l’éther de 
pétrole. Or WizzsTaTrer a montré qu’on n'obtient pas la « phase 
brune » si la chlorophylle est allomérisée par un séjour pro- 
longé dans l'alcool. En solution étendue, la potasse donne avec 
la chétoptérine un précipité vert insoluble dans l'alcool, 
l’éther et l’eau et un dérivé vert soluble caractérisé par son 
spectre à deux bandes dans le rouge et sa solubilité dans 
l'eau. 

Si on constate quelques différences avec la chlorophylle dans 
le comportement de la chétoptérine vis-à-vis des acides et des 
bases, elle ne me paraissent pas suffisantes pour nier toute 
parenté entre ces deux pigments. Il ne faut d’ailleurs com- 
parer que des choses comparables et la chétoptérine n'est cer- 


LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE D87 


tainement pas de la chlorophylle pure. C’est un produit trans- 
formé, peut-être une chlorophyllane résultant de l'action d’un 
acide ou d'une diastase agissant en milieu acide. 

Ce qui donne quelques raisons de le supposer, c’est la cons- 
tatation faite par Mac-Munx au moyen du spectro-photomètre; si 
on traite la chlorophylle par une petite quantité d'acide acéti- 
que et qu'on laisse agir environ 24 heures, on obtient une 
courbe qui coïncide absolument dans ses maxima et minima 
avec celle de la chétoptérine. Or la chlorophylle d'Algue aci- 
_difiée a précisément les réactions chimiques de la chétoptérine 
vis-à-vis des acides et des alcalis. 

Il me parait intéressant de signaler que j'ai pu obtenir, et je 
crois être le premier à l'avoir fait, la chétoptérine cristallisée. 
Par évaporation de la solution dans l'alcool à 95° entre lame et 
lamelle, j'ai vu se former de superbes aiguilles d'un vert-éme- 
raude isolées ou réunies en gerbes que je suis tenté de comparer 
aux cristaux verts obtenus en 1880 par Boronie en desséchant 
sous le miscroscope des sections de feuilles vertes humectées 
d'alcool. BoroniNe avait considéré ses cristaux comme de la 
chlorophylle eristallisée, mais Fsverr à montré qu'il s'agit d’un 
mélange de dérivés issus des deux chlorophyllines sous l'in- 
fluence d'une diastase, la chlorophyllase. Rien ne prouve que 
les cristaux que J'ai observés correspondent à la même subs- 
tance, mais je dois signaler que je ne les ai obtenus qu'après 
l'action de l'alcool. 

J'ai essayé comparativement sur des coupes d'intestin de 
Chétoptère et sur des thalles d’Ulve Les réactions microchimi- 
ques de la chlorophylle et J'ai eu des résultats semblables. La 
réaction de Mayer ou de l'hypochlorine m'a donné un résultat 
* positif. Quant à la réaction de Mousca, j'ai obtenu une décolora- 
tion du pigment, mais je n'ai pu observer sa régénération. 

Enfin j'ai essayé une autre réaction qui, si elle n’est pas 
proprement histochimique m'a paru intéressante à tenter. J'ai 
utilisé en la retournant la propriété découverte par EiseN8ERG que 
possède la chlorophylle de teindre la graisse à la façon du 
Soudan IIT et je me suis servi de la graisse comme réactif indi- 
cateur. J'ai pu colorer divers corps gras et de façon superbe le 
vitellus des œufs de l’Arénicole par une solution alcoolique 
étendue de chétoptérine et cela en quelques secondes avec 


588 MARC ROMIEU 


une véritable électivité. J'ai vu de plus les gouttelettes hui- 
leuses qu'on trouve en abondance dans l'intestin se teindre en 
vert au contact du pigment. Par cette faculté de temdre les 
huiles et les graisses la chétoptérine se rapproche encore de la 
chlorophylle. 

La chétoptérine se comporte aussi comme un colorant plas- 
matique diffus et sous l'influence de l'alcool teint certaines parties 
de la cellule. J’ai vu les grains basaux des cils colorés par elle. 
Cette coloration gêne pour l'emploi des teintures histologiques 
au point qu'il faut éliminer le plus possible le pigment par un 
séjour prolongé dans l'alcool pour obtenir une bonne coloration 
ultérieure. 

La chétoptérine se rapproche aussi de la chlorophylle par sa 
résistance relativement grande aux acides forts et sa sensibilité 
à l’acide acétique glacial dans lequel elle se dissout. Des essais 
comparatifs m'ont donné des résultats superposables. 

Un point sur lequel insiste Mile NewBicin et Ray-LaNKkEsTER 
est la résistance de la chétoptérine à l’action destructive de la 
lumière. On sait que la chlorophylle au contraire se détruit 
rapidement sous l'influence de l'oxygène de l'air, d'autant plus 
rapidement que l’éclairement est plus intense. Or Würuser à 
montré que la stabilité à la lumière est très différente suivant 
les végétaux et que certains colloïdes ont un effet protecteur 
puissant. J’ai constaté en effet que si la chétopterine offre une 
grande résistance en solution alcoolique, l'effet destructif de la 
lumière est au contraire rapide en solution dans la benzine. On 
ne peut donc tirer argument de cette résistance pour séparer 
les deux pigments. 

On voit par tout ce qui précède que si la chétoptérine s’éloi- 
gne de la chlorophylle pure par quelques réactions, elle a 
cependant avec elle bien des points communs. Ses réactions 
chimiques sont celles de la chlorophylle d’Algue traitée par un 
acide. Ses solutions ont même teinte, même fluorescence rouge- 
sang que la chlorophylle. Elle est soluble dans les mêmes 
solvants ; comme elle, elle est sensible à l'acide acétique qui 
la dissout facilement. Elle donne des réactions microchimiques 
très voisines et, au moins dans certaines conditions, se montre 
sensible à l’action destructive de la lumière. 


LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 5 589 


III. — Origine du pigment et nature des grains verts. 


Déjà les observations qui précèdent permettent de supposer 
que le pigment qui colore les grains verts des cellules intesti- 
nales est la chlorophylle ou une modification légère de ce pig- 
ment, telle que peut en donner un acide faible ou une diastase 
agissant en milieu acide comparable à la chlorophyllase. 

IL faut pour compléter la preuve rechercher la source du 
pigment chlorophyllien qui charge les grains verts. IL était 
logique de faire Fétude du contenu intestinal et de constater le 
régime alimentaire du Chétoptère. De l'observation d'un assez 
grand nombre d'individus, il résulte que le tube digestif con- 
tient toujours des débris de thalle d’Algues vertes, des z0ospo- 
res, et surtout des œufs de Chlorophycées amenés par la cir- 
culation de l’eau dans le tube et le mouvement des cils de 
l’épithelium intestinal. Ces débris sont à des états divers de 
digestion. 

Dans l'intestin postérieur on trouve les fèces se présentant 
sous la forme de minuscules boudins que j'ai toujours vus for- 
més de sable agglutiné, de Diatomées et de débris d'Algues 
encore reconnaissables. 

Il faut déduire de ces constatations que le Chétoptère est un 
animal exclusivement herbivore, ce qui explique sa large bou- 
che en entonnoir et l'absence complète de trompe et de 
mâchoires. Les Chlorophycées qui forment le fond de la nour- 
riture du Ver sont donc la source de la chlorophylle qui imprè- 
gne les grains contenus dans les cellules intestinales. 

En effet ces grains verts ne doivent pas, à mon sens, comme 
l'ont fait les auteurs, être considérés comme des grains de pig- 
ment pur ou imprégnant un substratum banal. Ce sont des 
grains de sécrétion colorés, imprégnés par le pigment. Cette 
hypothèse se trouve confirmée par le fait qu'il est possible de 
décolorer ces grains par un séjour prolongé dans l'alcool, dans 
l’éther ou dans l'acide acétique concentré et de les teindre 
ensuite par la laque ferrique, par l’hématéine ou par les colo- 
rants plasmatiques. Les grains verts du Chétoptère se colorent 
en brun par l’acide osmique et en rouge orangé par le Sou- 
dan [IT. Il est permis de supposer qu'ils possèdent une écorce 


590 MARC ROMIEU 


lipoïde qui est peut ètre Le solvant sur lequel se fixe la chloro- 
phylle absorbée. Ces grains, très réfringents, montrent les 
réactions colorantes des albuminoïdes et je crois qu’on doit les 
considérer comme des grains de ferment. Les cellules à grains 
verts rappellent quelque peu par leur morphologie les cellules 
décrites par Brazil sous le nom de cellules à ferment chez la 
Pectinaire. Elles rappellent encore bien plus les cellules que 
j'ai rencontrées dans la partie moyenne du tube digestif des 
Glycériens. Chez Glycera j'ai trouvé des cellules très allongées 
qui sont des prismes étroits ressemblant par leur forme aux 
cellules de l'intestin moyen du Chétoptère. Le noyau est situé 
de même vers la base de la cellule qui est très étroite et mon- 
tre des grains disposés en trainées. Ces grains qui sont sidéro- 
philes rappellent absolument par leur aspect réfringent les 
grains verts du Chétoptère, la coloration verte en moins, ce 
qui semble explicable par un genre de vie différent, les Glycé- 
riens étant carnivores. Les grains occupent de même la partie 
apicale de la cellule où ils forment des files ou des amas très 
comparables à ceux du Chétoptère. Ils doivent être sans doute 
rapportés au même ferment qui est peut-être la trypsine dont 
l'existence dans cette partie du tube digestif est maintenant 
établie. Je n'ai pu voir de bordure ciliée comparable à celle 
qui existe chez le Chétoptère pendant presque toute l’évolution 
sécrétoire de la cellule. Ce détail mis à part, ces cellules sont 
très semblables comme on peut s’en rendre compte par l’exa- 
men de la pl. V, fig. [, Il et IT, et l'absence du pigment vert 
chez les Glycériens est explicable par le genre de vie. 

Une autre preuve que les grains verts représentent proba- 
blement un ferment utilisé dans l'acte digestif, c’est que J'ai pu 
assister à leur dissolution et à leur passage dans la lumière 
intestinale. J'ai trouvé des cellules dont l'apparence avec ses 
alvéoles arrondis ne laissait pas de doute à cet égard ; mais 
dans certains cas les grains verts peuvent se retrouver intacts 
dans la cavité digestive où j'ai pu observer leur présence. J'ai 
même constaté une fois l'existence d'un Péritriche parasite de 
l'intestin du Chétoptère, qui n’a je crois pas été signalé. dans 
l’intérieur duquel j'aitrouvé des grains verts absorbés et encore 
intacts. Mais je crois cette expulsion de grains accidentelle, 
l'étude des cellules vides qui ont été décrites dans la première 


LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 591 


partie montre que les grains de sécrétion passent en général à 
l’état dissous dans le milieu intestinal avec le pigment qui les 
charge et qui se trouve ainsi expulsé comme chez la Patelle et 
chez beaucoup d'autres Mollusques. 

Quant à l'opinion de Branbes qui considère les grains verts 
comme des Zoochlorelles, elle est à peine digne d’être discutée. 
On peut en effet assister chez le Chétoptère à toutes Les phases 
du developpement des grains verts depuis celle de grains 
minuscules jusqu'à celle de sphérules de 4 à 5 v de diamètre, 
mais à aucun moment il n'est possible d'y voir ni membrane 
cellulosique, ni noyau, ni chromatophore bien délimité, ni 
pyrénoïde, mi grains d’amidon. D'ailleurs Branpes a émis son 
opinion sans recherche personnelle, sur le simple examen de 
la planche de Ray-Lankesrer. Il se base sur l’existence des 
Zoochlorelles chez un Polychète dans le mésentère intestinal. 
Or j'ai pour ma part comparé mes préparations avec les plan- 
ches et figures données par BRANDT, FAMINTZIN, SVEDELIUS ainsi 
qu'avec les préparations de Zoochlorelles mises très aimable- 
ment à ma disposition par M. le professeur MEesxiz et son 
élève M. Lworr. De cette étude comparative, il résulte que 
l'opinion de Branpes ne peut être soutenue un instant et qu'il 
s'agit’bien ici de grains de sécrétion qui n’ont nullement une 
morphologie cellulaire. Les Zoochlorelles ne sont du reste 
connues que chez un seul Polychète comme l'indique le profes- 
seur CAULLERY dans une étude d'ensemble. 

Des considérations qui précèdent il résulte que le pigment 
vert est une chlorophylle d’origine alimentaire fixée sur des 
grains de zymogène par un phénomène comparable à l’adsorp- 
tion. 

J'ai fait une constatation qui me parait intéressante à ce point 
de vue. En disséquant des Chétoptères, j'ai été frappé d'un 
fait qui n’a point été signalé, c’est que la partie de l'intestin 
qui précède immédiatement la portion moyenne du corps, 
entre les 9° et 12° anneaux présente une teinte jaune chamois. 
Les grains de pigment à ce niveau paraissent jaunes sur les 
coupes. J'ai traité cette région par divers réactifs microchimi- 
ques et j'ai obtenu sa coloration en violet-noir par l'iode et en 
bleu fugace par l'acide sulfurique, ce qui contraste avec l'an- 
neau suivant (13°) où la paroi est d'un vert-olive très foncé et ne 


592 MARC ROMIEU 


donne pas la même réaction. Me basant sur cette constatation, 
je puis conclure qu'il s'agit là d'un carotinoïde fixé par les 
grains des cellules intestinales dans la première portion du 
tube digestif par un phénomène peut-être comparable à l'adsorp- 
lion, en par là une sorte de chromatogramme naturel, 
l’adsorption des carotinoïdes se faisant dans une partie plus 
haute que celle des chlorophyllines. | 

Ce fait explique peut-être la constatation faite par Mac-Munx 
de l'absence des bandes du lipochrome dans le spectre de la 
chétoptérine, contrairement à ce qui se passe pour les entéro- 
chlorophylles. Or, la chétoptérine étant toujours préparée avec 
la portion moyenne du tube digestif, le lipochrome a pu être 
adsorbé en premier lieu, ce qui expliquerait son absence dans 
la partie moyenne et par suite dans le spectre. 

Il résulte de la série d'observations précédentes que la chétop- 
térine est un pigment d’origine alimentaire fixé sur des 
grains qui semblent être des concrétions excrétrices dans la 
première portion, des grains de sécrétion dans la portion 
moyenne et inférieure du tube digestif. 


IV. — Etude spectroscopique. 


Pour confirmer l’origine alimentaire du pigment vert, il m'a 
paru intéressant de comparer le spectre d'absorption de la ché- 
toptérine à celui d'une Algue, U/va lactuca dont les débris ser- 
vent de nourriture à l'animal. Mac-Munx avait essayé de com- 
parer le spectre du contenu intestinal à celui du pigment de la 
paroi. Mais 11 y a là de graves causes d'erreur dues à la faible 
quantité de ce contenu et à la facilité avec laquelle Les cellules 
intestinales si longues et si fragiles et les grains qu'elles con- 
tiennent peuvent être entrainés dans la lumière intestinale lors 
du prélèvement. On a par suite un pigment mélangé dont 
l'étude comparative ne peut suffire à entrainer la conviction. 
En étudiant le spectre de l’Ulve, j'évitais cette cause d’erreur. 

Les recherches spectroscopiques dont les résultats sont 
exposées ci-après ont été faites en collaboration avec M. F. Ora- 
Ton dans le laboratoire du professeur G. Boxnier à la Sorbonne. 
Je remercie bien vivement M. Boxnier pour l'amabilité avec 


LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 593 


laquelle il à mis à ma disposition les ressources de son labo- 
ratoire. 

Nous nous sommes servis d’un spectroscope à vision directe 
et nous avons utilisé des solutions dans la benzine examinées 
sous une épaisseur d’un centimètre. 

La chétoptérine nous à donné un spectre à cinq bandes 
formé : 

1° D'une double bande foncée dans le rouge, à gauche de C, 
constituée par une ombre légère de } 726 à 709 uy et par une 
bande beaucoup plus foncée de À 697 à 663 uy, la deuxième 
persistant seule en solution étendue. 

20 D'une ombre nette mais légère de À 618 à 602 uy située 
entre Cet D. 

3° D'une bande étroite et peu marquée de À 570 à 567 uy, 
c'est-à-dire à droite de D qui n'apparait qu'en solution con- 
centrée. Nous n'avons pu la retrouver sur deux solutions alcooli- 
ques .et éthérées de chétoptérine. 

4 D'une ombre assez faible entre À 545 et 539 uu, c'est-à-dire 
à gauche de E. 

5° D'une ombre large de À 513 à 498 nu. Enfin le bleu 
reparaît vers À 498 uu, puis on a une zone d'absorption totale 
à intensité progressive dans l’indigo et le violet. 

La chlorophylle d'Ulve dissoute dans la benzine après traite- 
ment par l'alcool à 95° nous a donné un spectre formé : 

1° D'une large bande foncée dans le rouge de À 731 à 
652 uu. 

20 D'une ombre nette entre À 620 et 605 uu. 

3° D'une ombre très légère de À 570 à 562, c’est-à-dire à 
droite de D. 

4° D'une bande plus foncée et plus large située entre À 545 
et 536 uu. 

5° D’une bande de À 523 à 496. Puis le bleu reparait et 
l'absorption totale commence aux environs de À 486 nu. 

Si on compare les deux spectres ci-dessus décrits et figurés 
dans la planche hors-texte, on ne peut s'empêcher d’être frappé 
de leur ressemblance. À part le dédoublement de la première 
bande, d’ailleurs non signalé et qui ne se rencontre pas en solu- 
tion alcoolique ou étherée où nous n'avons vu dans le rouge 
qu'une large bande foncée située sur B et C, les bandes d’'ab- 


594 MARC ROMIEU 


sorption sont en même nombre, d'intensité comparable, elles 
occupent une position semblable au point que la variation des 
axes est de l'ordre des erreurs de mesure. On trouve de plus 
dans la chlorophylle d'Ulve une particularité frappante de la 
chétoptérine, c'est la présence de l'ombre légère située à la 
droite de D qui, dans les deux cas, disparaît en solution 
diluée. Quant au dédoublement de la bande située dans le 
rouge, elle peut s'expliquer par des différences chimiques 
légères comme peut en donner l’action d'une diastase agissant 
en milieu acide. On sait en effet que l’action des acides et des 
bases suffit pour modifier notablement le nombre et la position 
des bandes, au point que le spectre de la chétoptérine et de la 
chlorophylle d'Ulve sont bien plus semblables entre eux que 
celui de la chétoptérine et de son dérivé alcalin ou acide qui 
diffèrent non seulement par le nombre mais même par la 
position des bandes d'absorption. Nous pouvons donc déclarer 
qu'il y a coïncidence presque absolue des deux spectres, ce qui 
plaide en faveur de la parenté des deux substances. 

Il y à un fait plus probant encore que les auteurs ont passé 
sous silence et qu'il nous a été donné de constater, c'est que la 
chétoptérime en solution très diluée ne montre plus qu’une seule 
bande foncée dans le rouge tout comme la chlorophylle. Cette 
bande est la raie spécifique de CaaurTarD qui peut suffire pour 
caractériser la chlorophylle. 

Je dois dire aussi que nous avons recherché la réaction indi- 
quée par CHaurarp et dont les conditions d'exécution ont été 
bien définies par G. Berrranp et P. Taouas. Elle consiste à 
traiter la solution par une faible quantité de potasse en chauf- 
fant à l’ébullition. On constate alors un dédoublement de la 
bande située dans le rouge. Nous n'avons pu obtenir cette réac- 
lion, mais je tiens à souligner que Mlle Newmiin traitant la 
chétoptérine par la potasse à obtenu un dérivé alcalin dont le 
spectre offre un dédoublement de la bande spécifique située 
dans le rouge. Il s’agit là d’une réaction très analogue à celle 
de CHaAuUTARD. 

On voit qu'il résulte de toutes ces constations spectroscopi- 
ques que la chétoptérine est un pigment très voisin de la chlo- 
rophylle d’Algue sinon tout-à-fait semblable et que c'est avec 
quelque raison qu'on peut admettre l’origine alimentaire du 
pigment vert. 


LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 595 


Du reste Mac-Munx a fait une intéressante comparaison spec- 
troscopique entre la chétoptérine et les entérochlorophylles. I 
a noté une remarquable ressemblance entre ces divers pig- 
ments et un parallélisme complet dans les changements pro- 
duits dans les spectres par les réactifs. Les bandes se corres- 
pondent non seulement par leur position mais par leur 
intensité. 

La connaissance de pigments verts animaux d'origine alimen- 
taire est déjà ancienne et a contribué à détruire la notion fausse 
de l'existence d’une chlorophylle animale dont Le champ ne 
cesse de se restreindre. Pourrox a montré dès 1893 l’origine 
alimentaire de la coloration verte des chenilles de certains 
Piérides. BecquerEez et BronGniarT ont fait la même constatation 
pour les Phyllies. Dasrre et FLoresco ont prouvé qu'il en était 
encore de même pour l’héparochlorophylle du foie de l'Escargot 
et leurs résultats ont été confirmés par d’autres méthodes 
dans le travail récent de Vegcezzi. Il n’est donc nullement 
téméraire malgré l’affirmation d’ABpernatnen de considérer la 
chétoptérine comme une chlorophylle modifiée d’origine ali- 
mentaire. Cet auteur après la lecture du mémoire de Mile New- 
BIGIN avait déclaré : l'identité entre la chétoptérine et l’enté- 
rochlorophylle est indémontrée et invraisemblable. Je erois 
avoir prouvé qu'il en est autrement. à 


Conclusions 


Des constatations qui précèdent résultent les conclusions sui- 
vantes : 

1° Le pigment vert du Chétoptère se rencontre sur presque 
toute la longueur du tube digestif. IL est le résultat de l’adsorp- 
tion de la chlorophylle d’origine alimentaire par les grains de 
sécrétion et d'excrétion des cellules intestinales. 

2° Les cellules à grains verts sont des cellules ciliées présen- 
tant un cône radiculaire. La bordure ciliée disparait lors du 
passage de la sécrétion dans la cavité intestinale. 

3 La chétoptérine, si elle se distingue de la chlorophylle 
pure par quelques réactions s'en rapproche par d’autres. Ses 
réactions chimiques coïncident avec celles de la chlorophylle 


596 MARC ROMIEU 


traitée par un acide. Ses solutions ont même teinte, même 
fluorescence rouge-sang que la chlorophylle et elle est soluble 
dans les mêmes solvants. Ses réactions microchimiques sont 
très voisines et elle présente la même aptitude à teindre les 
lipoïdes. L'action destructive de la lumière existe aussi, au 
moins dans certaines conditions. 

4° La chétoptérine est un pigment d’origine alimentaire 
comme le prouve le genre de vie du Chétoptère qui se nourrit 
de débris d’Algues vertes et de Diatomées. 

5° Les grains verts n’ont rien de commun avec des Zoochlo- 
relles. Ils doivent être considérés comme des grains de ferment 
colorés par un pigment d'origine extrimsèque. La carotine serait 
adsorbée dans la première portion du tube digestif. 

6° La chétoptérine à un spectre presque exactement super- 
posable à celui de l’Ulve dont les débris servent de nourriture 
à l’animal. Elle présente la raie spécifique de Cnaaurarn qui 
suffirait pour affirmer sa parenté avec la chlorophylle. Par son 
spectre d'absorption et Les modifications qu'y apportent les réac- 
tifs, elle se rapproche absolument des entérochlorophylles et 
doit être classée dans ce groupe de pigments. 


BIBLIOGRAPHIE 

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LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 597 


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Lepidopterous larvæ are largely due to modified plant pigments 
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cellules ciliées et des éléments analogues. Arch. d'An. Micr., t. WI, 
1900. 


. Romteu (M.) et Ogaron (F.). — Etude spectroscopique comparative du 


pigment vert du Chéloptère et de la chlorophylle de l'Ulve, C. R. 
Ac: Se., t. CLXXIV, pp. 51-54, 1922. r 


. Tsverr. — Chlorophylle et pigments végétaux. Revue gen des Sc. Paris, 


t. XXII, pp. 11-148, 1912. 


. Vecezzi (Dr G.). — Recherches sur quelques pigments des Invertébrés : 


Hélicorubine, Hépatochlorophylle, Tétronérythrine. Thèse Sciences, 
Fribourg (Suisse), 1916. 


. Wurmser (R.). — Aecherches sur l’assimilalion chlorophyllienne, 


Hermann, Paris, 1921. 


OUVRAGES REÇUS  . 


| 


Noxies José F. — Za Herencia mendeliana. Introduccion al estudio de 
la genetica. Madrid, 1922 (in-8o, 271 p., 65 fig.). { 


Ce volume, publié par les soins de la Junta para ampliacion de estudios 

e investigaciones cientificas et qui reproduit une série de Conférences faites 
en 1920 au Musée des Sciences Naturelles de Madrid, est un résumé clair et 
substantiel des faits et doctrines constituant actuellement la génétique 
L’auleur, qui a travaillé lui-même dans le département de Zoologie de l'Uni- 
versité Columbia, à New-York. était bien placé en particulier pour rendre 
compte des travaux et idées de Th. H. MorGan. Les deux derniers chapitres 
sont consacrés à l'hérédité mendélienne chez l’homme et aux applica- 
tions pratiques du mendélisme. 

M. CAULLERY. 


MicHAELsEN W. — (Jigochæten aus dem Rijksmuseum van Natuurlijke 
Historie zu Leiden. — Capita Zoologica. Tome.l, fasc. 3 (72 p., 22 fig.) 
(La Haye, Martin Nijhoff. 1922). 


Komar Taku. — Séudies on two aberrant Ctenophores, Cœloplana and 

Gastrodes Kyoto, 1922, 102 p., 9 pl. 

Ce mémoire, publié séparément et très bien illustré, constitue d'abord 
une monographie détaillée de Cæloplana (structure, biologie et dévelop- 
pement). Le développement est décrit très complètement. D'accord avec 
Krempe (cf. ce Bulletin, t. LIV, 1921), Komar montre que Cæloplana est indis- 
culablement un Cténophore, adapté à la vie rampante. Structure, histo- 
logie, développement sont également décisifs pour cette interprétation. 
Cœloplana est représenté dans les eaux du Japon par trois espèces 
(C. Wüilleyi, C. Mitsukurii, GC. Bocki) distinctes de celle étudiée par 
Krewpr à Nya-Trang (Annam), GC. gonoctena 

Gastrodes, parasite des Salpes, découvert par Korornerr, avait élé consi- 
déré par celui-ci d’abord comme une larve de Méduse (Cunina) puis 
comme une aclinie endoparasite. Conformément à l'hypothèse faite par 
Heiner, Komaï y a reconnu un Cténophore, qui, à l'état adulte, a une orga- 
nisation de Cydippide (avec organe aboral, huit côtes ciliées et deux tentacu- 
les). Son pharynx s’est largement ouvert et sa surface interne s’est 
étalée pour former la face ventrale de l'animal. (est à un stade de planula 
entièrement ciliée que Gastrodes pénètre dans les Salpes, et ce stade mar-: 
que pour Komai les affinités des Cténophores et des Cœlentérés (surtout des 
Hydrozoaires\. 

Komar, à la suite de Bourne et de MorTexsen, adopte dans les Cléno- 
phores, un ordre des Platyctenea, comprenant actuellement les quatre 
genres Ctenoplana, Cæloplana, Tjalfella et Gastrodes. 

M. CAULLERY. 


ERRATUM 


Page 201, première ligne, au lieu de division anaphylactique, lire, divi- 
sion anaphasique. 


L'un des Directeurs, Gérant : Er. RaBaup. 


LAVAL. —— IMPRIMERIE BARNÉOUD. 


PLANCHE 1V 


EXPLICATION DE LA PLANCHE IV 


Fig. 4. — Fragment de tissu adipeux chargé d’urates d’une larve müre 
de Mydæa platyptera, avant l'hibernation. 


Fig. 2. — Fragment de tissu adipeux d'une larve de Mydæa platyptera, 
après à mois d'hibernation normale. Il ne subsiste plus que quelques gra- 
nules d’urates localisés au centre de la cellule, dans le voisinage du noyau. 


Bulletin Biologique, Tome LVT. PLancue IV 


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FIG. 2. 
Le sommeil d'hiver pré-imaginal. 


EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE V 


Fig. 1. — Cellules de l'épithélium intestinal du Chétoptère montrant la 
bordure ciliée et les racines ciliaires. Une cellule située au milieu de la 
figure possède des grains verts composés. A droite se trouve une cel- 
lule vide sans bordure ciliée. 

Stiass. oc. comp. 4. obj. imm. 1/12. Réduit de 1/3. 

Fig. I. — Cellules à grains verts de l'intestin du Chétoptère (13e anneau). 
L'une d’entre elles montre les racines ciliaires rassemblées en un cône 
radiculaire. 

Stiass. oc. comp. 4 obj. imm. 1/12. Réduit de 1/3. 


Fig. LE. — Cellules à ferment de l'intestin moyen de (rlycera. 
Stiass. oc. comp. 4. obj. imm. 1/12. Réduit de 1/5. 
Lig. IV. — Spectres comparés de la chétoptérine et de la chlorophylle d'Ulve 


en solution dans la benzine. Le spectre supérieur se rapporte à la chétop- 
térine, l'inférieur à la chlorophylle. 


Bulletin Biologique, Tome LVL. PLANGuE V 


M. ROMIEU DEL. 


Pigment vert du Chétoptère. 


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