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BULLETIN BIOLOGIQUE
DE LA FRANCE ET DE LA BELGIQUE
TOME LVI
1922
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L BARINGHEN (Paris).
Ge: BON (Paris). ,
Dore ten CAULLERY ee
PAU JULIN (Liège).
ULLETIN BIOLOGIQUE
DE LA FRANCE
ET DE LA BELGIQUE
FONDÉ PAR
ALFRED GIARD.
Tome LVI
PARIS
Laboratoire d’Evolution des Étres organisés, 3, rue d'Ulm
Léon LHOMME, rue Corneille, 3.
LONDRES
DULAU & Ce, 34-36 Margaret str. Cavendish sq,
TABLE
BUGNION (E tudes relatives à l'anatomie et à l'embryo-
logie dés Vers luisants ou Lampyrides (avec 36 figures dans le
texte) . ‘
CADET (L ).— HO on de Curtilla TER (Orth. des
lidæ) (avec 1 figure dans le texte) 1
DER VILLE (H.). — Note sur léclosion je Tétri icines (OLD.
locustidæ) . PR
FAUREÉ-FRÉMIET (E.). — te Ne ñe croissance ge one
‘de Vorticellides (avec 14 figures dans le texte) SANT AUTRE
GRASSÉ (P.-P.).— Etude biologique sur le Criquet égyptien
{avec 7 figures dans le texte) . CHAR ER C PUERT LE. QE AA EUR
HOVASSE (R}). — Contribution à l'étude des chromosomes
20 f figures et 2 planches). ; .
PÉREZ (Cn.). — Observations sur la A dE cr tas
d'un Scyphistome (3 4 figures dans le texte)
PICARD (F.). — Contribution à l'étude des parasites “ 7
brassiccæ . ee a se US RER AP ON AE GA EE
RABAUD (Er ). — Le contraste entre le régime alimentaire des
adultes et celui des larves chez divers Insectes.
ROMIEU (Marc). — Observations histologiques, no ohnioues
et spectroscopiques sur le pigment vert du nr (avec la
planche V et 1 figure dans le texte)
ROUBAUD (E.). — Etude sur le sommeil d' Éiye pré- Ac al
des Muscides (avec 5 figures dans le texte et 1 planche). TE
WINTREBERT (P.) — La voûte palatine des Salamandridæ
(avec 33 figures dans le texte et 1 planche) PR Te
CERN DISONS 0) ie A ME NE ER A TI ER OS ES 454 et
Pages
Le tome LVI a été publié en 4+ fascicules
sortis des presses aux dates ci-après :
Fascicure 1 (pages 1 à 139), 15 avril 1922.
Fascrcure 2 (pages 141 à 274), 4er juin 1922.
FascicuLe 3 (pages 275 à 454), 30 septembre 1922,
Fasciaue 4 (pages 455 à 597), le 10 décembre 1922.
À SDS PETER EEE 1
E. BUGNION
ÉTUDES RELATIVES A
L’ANATOMIE ET A L'EMBRYOLOGIE
DES VERS LUISANTS OÙ LAMP YRIDES
ANATOMIE
Les Lampyrides ont, au point de vue de la structure anato-
mique, quelques particularités qui leur sont propres et qui,
par là-même, méritent de retenir notre attention.
IL. — Il y a tout d'abord les mandibules canaliculées des
larves et, d'une manière générale, la disposition des pièces
buccales.
Vivant aux dépens de petits Escargots et de Limaces, les
larves des Lampyrides ont des mandibules très acérées, cour-
bées en forme de faucilles, traversées par un canal.
Enfonçant ses deux crocs dans la chair de sa victime, la
petite ogresse instille sous la peau de celle-ci un liquide bru-
nâtre qui, sécrété par l'estomac, est tout à la fois toxique, stu-
péfiant et digestif.
L'Escargot qui a reçu cette injection est non seulement tué
par l’action de ce virus, mais encore partiellement digéré et
transformé bientôt en un bouillon semi liquide.
Destiné à l'alimentation de notre larve, ce « bouillon nutritif »
est absorbé par elle au moyen d’une bouche garnie de poils,
s'imbibant par capillarité, et surtout par l’action d'un pharynx
bivalve, qui pourvu de muscles dilatateurs et constricteurs,
remplit les fonctions d’une pompe aspirante.
[IL y a done chez ces larves trois appareils à distinguer :
1° les mandibules canaliculées, exclusivement destinées à
l'injection du virus ;
2% Ja bouche garnie de poils destinée à l'absorption de l'ali-
ment liquide :
F2 £. BUGNION
3° le pharynx bivalve qui, actionné par les muscles, est
l'agent principal de la succion (').
Découvert par Menerr (1886) chez la larve du Lampyre noc-
tiluque, entrevu par Fasre (1909) chez celle du même insecte,
décrit plus exactement par R. Vocez (1912-1915) et K. Happon
Fig. 1. — Phausis Delarouseei. — Tête de la larve. Vue dorsale. X 50 (P).
Les maxilles et le labium ont été enlevés. La langue (bifide dans cette
espèce), les houppes (paraglosses ?) et le pharynx se voient vaguement par
transparence. Le rôle des organes velus désignés sous le nom de houppes
est vraisemblablement de filtrer le liquide toxique (refoulé par le gésier)
au moment où il pénèlre dans les canaux des mandibules (?)
(!) Les larves des Fourmis-lions et des Dytiques, qui ont, elles aussi, des man-
dibules traversées par un canal, différent de celles des Lampyrides, en ce que
les canaux mandibulaires servent successivement aux deux usages : l'injection
du virus et l’absorption de l'aliment.
() Les figures marquées (P) à la suite de l'explication ont été copiées à l'encre
de Chine, d’après les originaux de l'auteur, par L. Planet, dessinateur à Saint-
Cloud ; les figures marquées (B) sont entièrement de la main de l’auteur,
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES-VERS LUISANTS ë
(1915), cet appareil complexe se retrouve presque identique
(d’après mes observations) chez la larve du Phausis Delarouzeei
Duval (observée à Aix-en-Provence), chez celle du Pelania
mauritanica L. (capturée aux Baux, reçue également de Mas-
,
Fig. 2. — Phausis Delarouseer. Tête de la larve. Vue ventrale.
X 48 (P).
cara par l'aimable entremise du D' A. Cros), chez celle du
grand Lampyre de Ceylan, Lamprophorus tenebrosus Walker
(rapportée de Peradenyia) et chez celle de Luciola lusitanica
Charp. (capturée à Grasse Le 16 avril 1917 par Mme Bucniow-
LaGouarDE, reçue en nombre de Menton en avril 1921, par
l’obligeante entremise de R. PouriErs, directeur de l’Insecta-
rium de la Station agricole).
Les croquis ci-joints (fig. 1-3), empruntés à la larve du Ver
4 E. BUGNION
luisant provençal, donneront au lecteur une idée approximative
de la tête de cet insecte et plus spécialement de son appareil
buccal si intéressant à tous égards. La figure 4 (coupe sagittale
Fig. 3. — Phausis Delarouzeei, larve. — La mandibule droite, avec le
labre, les houppes, la langue et le pharynx. X 68 (P).
On voit par transparence, à la face profonde du labre, les sillons (formés
par les lames ciliées) destinés à déverser le liquide Loxique dans les reces-
sus latéraux de la fente buccale.
de la tête de la larve de Pelania) fait voir d'autre part la posi-
tion du pharynx et des faisceaux musculaires qui en dépendent.
IL. — Une deuxième particularité des Lampyrides est que, au
lieu d’être placés à l'intérieur de la tête, les ganglions céré-
broïides et sous-æsophagiens se trouvent chez la larve, en arrière
de celle-ci. L'anneau nerveux formé par lesdits ganglions et
ANATOMIE EL EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 6]
Fig. 4. — Pelania mauritanica. — Larve de 35 millimètres.
Coupe sagittale de la tête. X 50 (P).
4 langue, 2 labre avec les lames ciliées, 3 dilatateur supérieur du
pharynx faisceaux antérieurs), #4 emplacement du ganglion frontal, 5 dila-
tateur supérieur (faisceaux postérieurs), 6 bord postérieur de la tête, 7
emplacement des ganglions cérébroïdes, 8 palpe labial, 9 palpigère du
labium, 10 dilatateur inférieur, 12 œsophage,
6 E. BUGNION
Fig. 5. — Phausis Delarouzeri. — La
tête de la larve, avec l’œsophage, le
gésier, les ganglions cérébroïdes, sous-
œsophagiens, pro et mésothoraci-
ques. X 16 (P).
par les connectifs qui les
unissent (traversé comme
toujours par l’œsophage) se
voit, lorsqu'on dissèque,
dans la région comprise en-
tre la tête et le thorax ou
même, le plus souvent, à
l'intérieur du prothorax.
La figure 5, empruntée
à la larve du Ver luisant
provençal, est à cet égard
suffisamment démonstra-
tive.
La cause de cette anoma-
lie peut être indiquée sans
trop de peine. L'appareil
de succion exigeant une
musculature très dévelop-
pée, le cerveau a reculé en
arrière de la capsule cépha-
lique, afin que les dilata-
teurs du pharynx puissent
prendre des insertions plus
étendues. La coupe dessi-
née ci-dessus (fig. 4) mon-
tre, à l'appui de cette ma-
nière de voir, les dilatateurs
supérieurs attachés non seu-
lement à la partie de la
capsule qui représente le
clypeus, mais sur toute la
longueur de la lame sus-cé-
phalique (dessinée fig. 1),
soit, en d’autres termes, sur
toute la partie de la capsule
comprise entre le labre et
le trou occipital. L'espace
vide, visible sur notre
coupe en arrière de la tête,
1
L]
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS
4
était chez l'insecte vivant, occupé par les ganglions cérébroï-
des. La figure 32, empruntée à un Lampyre nouveau-né, est
à cet égard, plus explicite.
Fig. 6. — Phausis Delarouseei, larve. — Le système respiratoire pré-
paré sous l’eau salée, avec la chaîne ganglionnaire, le tube digestif, les
organes lobulés et les quatre organes lumineux larvaires. X 7 1/2 (P).
HE. — Le tube digestif de la larve (fig. 6 et 7) mérite lui
aussi, de retenir notre attention. L'œsophage, filiforme. de cali-
bre égal, offre, lorsque la tête est rétractée (rentrée à l’intérieur
E:
/
BUGNION
ablement femelle, eaplurée aux Baux dans la Provence,
Pelania mauritanica. — Larve de 39 millimètres, prob
Le tube digestif avec l’une des anses malpighiennes, la chaine gan
me
Fig.7.
lionnaire et les organes lobulés. X 4 (P).
[bx
D
du thorax), une sinuo-
sité bien accusée.
Le gésier, qui lui fait
suite, est un organe
ovoiïde, de couleur
blanchâtre, caracté-
risé surtout par ses
parois très musculeu-
ses. Spécialement des-
tiné à refouler dans
les canaux mandibu-
laires la liqueur toxi-
que sécrétée par l’es-
tomac, il peut se
distendre et se con-
tracter tour à tour,
comme une poire de
caoutchouc. L’aspira-
tion du liquide ren-
fermé dans l’estomac
se produit naturelle-
ment au moment où
la paroi est distendue,
tandis que le refoule-
ment vers la cavité
buccale s'effectue au
moment où la paroi
se contracte. Le gésier
du Lampyre noctilu-
que ayant été étudié
par Vocez (1915), Je
ne le décris pas à nou-
veau.
L'estomac de cou-
leur jaunâtre, recour-
bé en forme de cor-
nue, relativement vo-
lumineux, présente de
nombreux plis qui,
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 9
proéminents à l'intérieur, augmentent la surface de sécré-
tion. Son épithélium montre sur les parties saillantes de:
belles cellules « en massues » et, dans les interstices, des
cellules plus surbaissées. À sa surface se voient quelques
fibres longitudinales très clairsemées. L'intestin, court et
étroit, n'offre à signaler qu'une succession de renflements et
d'étranglements dus à la présence des fibres annulaires conte-
nues dans ses parois.
IV. — Les tubes de Malpighi ont une disposition qui leur est
propre (fig. 7). Tandis que chez les Insectes en général, ces
tubes se terminent par un bout libre terminé en cul-de-sac, Les
vaisseaux malpighiens des Lampyrides (au nombre de quatre
chez la larve et chez l'adulte) sont de part et d'autre anasto-
mosés par paires, de manière à former deux anses, une droite
et une gauche, à peu près de même longueur. Observées d'abord
chez la larve de Pelania, les anses malpighiennes ont été pré-
parées dès lors, au cours de dissections multiples, chez Lam-
pyris noctiluca, Phausis Delarouzeei et Luciola lusitanica, tant
dans la phase larvaire qu’à l’âge adulte. La présence de cordons
malpighiens disposés en forme d'anses peut être considérée
comme un caractère spécial de la famille des Lampyrides.
Voy. Bucexion, 1920. 4.
V. — Papilles anales (fig. 8). Les larves des Lampyrides
portent dans la région anale deux groupes de papilles qui,
formées de prolongements du tégument, peuvent, au gré de
l'animal, saillir au dehors ou se retirer à l’intérieur. Ces papilles,
dont la surface est hérissée de petits crocs, jouent, lorsqu'elles
se dévaginent, le rôle d’un organe adhésif, utilisé entre autres
dans le mouvement de reptation (") ; elles constituent au surplus
un appareil de nettoyage et servent à débarrasser la surface
des corps étrangers qui y adhèrent. Considérée isolément,
la papille anale peut être comparée à un doigt de gant minus-
cule dont le bout ouvert est inséré sur la marge de l'anus, tandis
que le bout fermé, retenu par une fibre musculaire, est plus ou
moins profondément retiré à l’intérieur.
(‘) Ayant eu, en avril.1921, l’occasion d'observer une larve de Luciole (ZL. lusi-
tanica) qui immergée dans une cuvette de Pétri rampait sur le fond du vase,
j'ai vu, qu’à chaque mouvement de reptation, l’insecte étend l’abdomen et, fai-
sant saillir ses papilles, prend appui sur elles, tandis que, l'instant d’après, il fait
rentrer ées organes et replie le bout du corps,
10 E. BUGNION
Chaque papille offre ainsi une partie interne (invaginée)
et une partie externe (superficielle). Tandis que, sur la partie
interne, les crocs se trouvent en dedans et ont leur pointe dirigée
en arrière, ces mêmes aspérités sont, sur la partie externe,
placées en dehors et ont leur pointe dirigée en avant. Entre les
deux parties se trouve une fente circulaire qui est en commu-
Fig. 8. — Phausis Delarouseei. — Le bout postérieur de la larve avec
les papilles anales évaginées. Vue ventrale. X 27.
1, douzième sternite, 2, treizième sternite (atrophié).
nication avec la cavité abdominale et dans laquelle le sang
peut affluer. C’est done, comme le montre Le schéma ci-joint
(fig. 9), la contraction de la fibre musculaire qui produit l’inva-
gination de la papiile et la presse abdominale (qui par la pres-
sion du sang) produit la dévagination. Les fibres musculaires
ayant leur insertion fixe à la face profonde des téguments
(11° et 12° anneaux), c'est dans une fente étroite comprise entre
les téguments et l'intestin anal que les papilles invaginées vont
se loger. Représentées par Targioni Tozzerni (1866) à l’aide de
figures empruntées à la larve du Lampyre noctiluque, les
#
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 11
papilles anales se retrouvent presque identiques chez Phausis,
Luciola et vraisemblablement chez les larves des Lampyrides
en général.
VI. — Le système respiraloire comprend 9 paires de stig-
mates dont une thoracique placée
dans l'interstice du pro- et du méso-
thorax et 8 abdominales situées au
côté ventral sur les pièces latérales
ou épimères. À chaque stigmate ré-
pond une trachée initiale qui, après
un trajet très court, se divise en qua-
tre ou cinq rameaux. On distingue
entre autres (fig. 6, 13 et 14).
1. Deux branches anastomotiques
longitudinales, une externe à peu
près droite et une interne incurvée,
relativement volumineuses, reliant
les trachées initiales les unes aux
autres, prolongées en avant jusqu’à
la tête ;
2. Une branche anastomotique
transverse, appliquée à la face pro-
fonde de la paroi ventrale, donnant
des ramifications aux anneaux du
ventre et aux ganglions nerveux ;
3. Une branche dorsale qui, lon-
geant le tergite correspondant,
fournit des trachéoles aux tégu-
ments, aux muscles, au vaisseau
dorsal et aux cellules péricardi-
ques.
4. Des branches viscérales qui,
dirigées de dehors en dedans, se
portent au canal digestif et aux
anses malpighiennes. Faciles à pré-
parer, les branches viscérales sont
dd DEN D D SD ED ><
LES
Fig. 9.— Phausis ou Lampy-
ris, larve. — Schéma destiné
à expliquer le mécanisme des
papilles anales. En haut, la
fibre musculaire qui retire la
papille dans la cavité du corps.
Des deux côtés, la fente liné-
aire qui donne accès au sang
(P).
assez longues, pour qu'on puisse, sans les rompre, rejeter
le canal alimentaire en dehors de l'abdomen (fig. 6).
VIT, — Beaucoup plus abondant chez la larve que chez
12 E. BUGNION
l'adulte, le {issu graisseux est (sauf dans quelques régions)
formé de petites boules représentant chacune un amas de cel-
lules juxtaposées (fig. 10). De couleur blanche ou jaunâtre, par-
fois légèrement teinté de rose, ce tissu est (notamment chez
les larves) étalé en forme de lames indépendantes les unes
Fig. 10. — Phausis Delarouseei, larve. — Partie d’une coupe transverse.
Liquide de Gilson, hémalun-éosine. X 195 (P).
{ cuticule, 2 épiderme, 3 boules du tissu graisseux remplies de grains
éosinophiles, 4 sang coagulé.
des autres. Les petites boules sont, dans chacune des lames,
supportées par une membrane et disposées sur une assise. Ilya
en dessous des tergites une première lame graisseuse composée
de deux feuillets, comprenant dans son épaisseur le vaisseau
dorsal etles cellules péricardiques. Une deuxième lame entoure
le tube digestif et se replie autour de lui; indépendante de la
première et notablement plus épaisse, elle s'en sépare aisé-
ment, lorsqu'on dissèque. Une troisième lame tapisse la cavité
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS
du corps. Passant sous le
conduit alimentaire, elle
cache dans son épaisseur
la chaine des ganglions
nerveux. Difficiles à pré-
parer chez les espèces de
petite taille, les lames du
corps graisseux se distin-
guent aisément chez les
larves de Pelania. dont
certains exemplaires
(appartenant vraisem-
blablement au sexe ® }ne
mesurent pas moins de
40 millimètres.
VILLE. — Compris dans
un dédoublement de la
lame graisseuse superti-
cielle, le vaisseau dorsal
peut être reconnu sans
-pélne grâce aux deux
trainées de cellules péri-
cardiques de couleur bru-
nâtre qui l'accompa-
enent (fig. 11). Les ven-
tuiculites au nombre de
8 ou 9, sont maintenus
en place par des rameaux
trachéens à direction
transverse et par des
fibres musculaires, trans-
verses elles aussi, ten-
dues des tergites aux pa-
.rois du vaisseau. Ces
fibres, qui m'avaient paru
tout d'abord appartenir
au type lisse, se sont
montrées vaguement
striées chez les larves
L
13
Portion du vaisseau dorsal et de l'aorte, avec les cellules péricardiques.
— Pelania mauritanica, larve. -
F5 a
Fig.
“2e
Préparation légèrement teintée par l’hémalun. Glycérine gélatinée phénolée. Photogravure. )
14 Ë. BUGNION
de grande taille (Pe/ania mauritanica). Une aorte, à peu près
rectiligne, de calibre uniforme, prolonge le vaisseau dorsal
?
=
<>
{ E 4
ER
j
© |}
sl
DRE KE
g
Fig. 12. — Pelania mauritanca, larve. —
Cellules péricardiques accolées aux fibres
musculaires et aux trachées. Hémalun.
Préparation au baume. >< 400 (P).
{
dès son bout anté-
rieur situé au niveau
du premier segment
abdominal jusqu'à
l'anneau nerveux cé-
rébro-sous-æsopha-
gien.
Les valvules et les
ostioles n'ont pas été
observées.
Les cellules péri-
cardiques forment des
trainées bossuées,
épaissies sur un point,
rétrécies sur un au-
tre, longeant les fibres
musculaires, atta-
chées, parait-il, à cel-
les-ci (fig. 12). Les
unes, plus petites, ne
montrent qu’un ou
deux noyaux, les au-
tres plus volumineu-
ses, contiennent des
noyaux multiples, vi-
sibles sur les prépara-
tions faiblement tein-
tées à l’'hémalun. Peut-
être les gros éléments
résultent-ils du fusion-
nement desplus petits.
Les cellules péricardi- .
ques sont entourées
d'une membrane, qui, lorsque le cytoplasme se rétracte, appa-
rait distinctement. La couleur brunâtre caractéristique de ces
cellules parait être attachée aux granulations très fines qui s’y
trouvent en SUSPENSION.
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 45
IX. — Les organes lumineux se présentent sous deux aspects
différents, suivant qu'il s'agit de linsecte adulte ou de sa
Fig. 13. — Phausis Delarouseei. —Femelle adulte. Le tube digestif, la
chaîne ganglionnaire, le système trachéen et les organes lumineux, pré-
parés sous l’eau salée. x 10 (P).
larve. Beaucoup plus développés à l’âge adulte chez la femelle
que chez le mâle, ces organes forment, dans les genres Lam-
pyris et Phausis, les deux larges écharpes bien connues de
46 E. BUGNION
tout le monde, placées au côté
de l'abdomen.
Fig. 14. — Phausis Mulsanti. — Fe-
melle adulte longue de 44 miilimè-
tres. Le tube digestif, la chaîne gan-
glionnaire, le système trachéen et les
organes lumineux, préparés sous l'eau
salée. X 12 (P).
ventral des segments 6 et 7
Moins apparents que ces
écharpes, les organes phos-
phorescents larvaires sont
de petits corps ovoïdes ou
arrondis, de couleur blan-
châtre, flottant dans la ca-
vité du corps, retenus seu-
lement par les trachées.
Réduits chez Lampyris
noctiluca à deux masses
ovoïdes situées au bout du
corps (dans l’avant-dernier
anneau), ces organes sont
au nombre de quatre chez :
Phausis Delarouzeei et pro-
bablement au nombre de
seize chez Phausis Mulsanti
(Voy. Bucniox, 1920, p. 16).
Ces deux Phausis diffèrent
encore en ce que chez Dela-
rouzeei les quatre feux lar-
vaires persistent chez l’ima-
ge © etcontinuent de briller
d’un vif éclat en même
tempsque les écharpes, tan-
dis que chez Mulsanti, quel-
ques-uns des organes larvai-
res semblent sujets à s’atro-
phier. Il est en effet excep-
tionnel d'observer chez la
femelle adulte de cette es-
pèce un nombre de points
lumineux latéraux (hérités
de la larve) supérieur à
huit ou dix (*).
(t) Une atrophie partielle des organes lumineux larvaires paraît (à en juger
par le mémoire de Wielowiejsky 1882) se produire aussi chez l'imago © du
Phausis spdendidula.
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 17
Appendus aux troncs trachéens longitudinaux, les organes
lumineux larvaires se trouvent, chez Phausis Delarouzeei, les
antérieurs, à la jonction des segments { et 2 de IPS les
postérieurs, à la jonction des segments 5 et 6 (fig. 13).
< TM
CAE
Coupe transversale de la larve au niveau du
2e segment de l'abdomen. X 40.
4 tergile, 2 globes du corps graisseux. 3 estomac (segment postérieur), 4 organes lumineux
larvaires antérieurs, 5 ganglion nerveux :
Fig. 15. — Phausis Delarouseei.
Chez Phausis Mulsanti, la prenuère paire se trouve au niveau
du métathorax, les sept autres sur les côtés de l'abdomen,
dans les intervalles des stigmates (fig. 14).
Le tissu des écharpes lumineuses est chez l'adulte Q (Lam-
2
22
18 E. BUGNION
pyris et Phausis, fig. 16) divisé en deux zones, l’une superfi-
cielle, claire, douée du pouvoir photogénique, l’autre profonde,
Coupe transverse au niveau du 7e segment
Femelle adulte.
de l’abdomen. X 42
1 écharpe lumineuse, 2 sa partie profonde infiltrée de concrétions, 3 œnocyles, 4 inlestin,
5 oviductes, 6 globes du corps graisseux.
Phausis Delarouseet.
1108
14.
1
i
opaque, infiltrée de nombreux granules d'urate d'ammoniaque
(guanine), caractérisée parsa couleur d'un blane de craie.
Le tissu des organes lumineux larvaires est uniformément
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 19
composé de cellules polygonales, disposées sans ordre, sans
inclusions d’urates ou autres corps analogues (fig. 17).
Un autre fait important à signaler est que, chez Le Lampyre
adulte, l'épiderme profondément modifié au niveau des écharpes,
ne forme à la surface du tissu photogène qu'un revêtement très
mince (de manière à ne pas intercepter la lumière), tandis que,
au niveau des organes lumineux larvaires, le tégument con-
serve sa structure habituelle. Chez Lampyris, par exemple,
Fig. 17. — Phausis Delarouseei, larve. — Coupe transverse de l’un des
organes lumineux larvaires antérieurs. % 400.
À gauche se voient deux boules graisseuses et la trachée attenante à
l'organe lumineux.
j'ai observé nettement à la face superficielle des organes Ilumi-
neux larvaires un épiderme doublé de logettes sous-cutanées.
La larve du Phausis Delarouzeei présente cependant au
niveau des organes lumineux, au côté dorsal, quatre taches
pâles (privées de pigment).
Organes lumineux du sexe male. —Les larves du sexe G'ont,
d'une manière générale, des organes lumineux aussi bien
développés que ceux des larves Q. Ce n'est pas par une
luminosité plus faible, mais par sa taille plus petite et par son
20 E. BUGNION
corps plus aplati (moins dodu) que la larve G se distingue de
la ©. Les organes lumineux larvaires persistent d’ailleurs chez
les nymphes des deux sexes (Voyez Bugnion, 1920, & p.10); s'ils
sont destinés à s'atrophier, c'est seulement à l’époque de la
métamorphose que s'effectue ce changement.
Le mâle du Lampyris noctiluca émet à l'âge adulte une
luminosité très faible due, semble-t-il, à la persistance des
lumignons larvaires (7).
Le mâle du Phausis Delarouzeer est, d’après mes observa-
tions, presque entièrement obscur. J'ai une fois seulement
observé un sujet G qui attiré par la présence d’une femelle,
s'étant posé près d'elle, m'a semblé briller un peu. Le P. Dela-
rouzeet œ, montre cependant, à l'opposé du Mulsanti, deux
taches claires sous l'abdomen. Ces taches placées au niveau des
segments 5 et 6 répondent semble-t-1laux écharpes lumineuses
de la ©, situées au niveau des sternites 6 et 7.
Le mâle du Phausis Mulsanti émet d’après (Kiesenwetter,
1850, p. 224 et 1851, p. 588) une luminosité très faible, mais
cependant apparente. C'est aux Bains de La Preste (Pyr.-0r.)
que le g‘ de cette espèce a été découvert par Kiesen wetter.
Les deux sexes ont été observés quelque temps après dans les
Basses-Alpes, à Toulouse et dans l'Allier.
Le male du Phausis .splendidula L., espèce répandue en
Allemagne, en Alsace et en Belgique, possède d'autre part, au
dire de tous les observateurs, un pouvoir éclairant des plus
intense, si bien que volant le soir auprès des arbres (par
exemple dans la région rhénane), ces insectes ont été pris
maintes fois pour des Lucioles. Les organes lumineux du splen-
didula &, étudiés par Koelliker et Max Schultze (1864-65) ont,
d’après ces auteurs, l'aspect des plaques ventrales de la Q.
Les Lucioles diffèrent des Vers luisants, en ce que, à l'opposé
de ceux-ci, ce sont les sujets mâles qui émettent la lumière la
plus brillante. Les écharpes phosphorescentes qui occupent,
chez le mâle, toute la largeur des segments ventraux 5 et 6 de
l'abdomen, se réduisent chez la femelle à deux plaques plus
petites placées à droite et à gauche du 5° anneau ventral.
(‘) Les mâles du g. Lampyris ne montrent au côté ventral de l’abdomen pas
de taches claires comparables à celles des mâles des Phausis splendidula et
Delarouseei.
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 21
La larve (L. lusitanica Charp.) a d’après mes observations,
deux lumignons très faibles situés, comme ceux de la larve du
L. noctiluca, dans les recessus latéraux de lavant dernier
anneau.
Le tissu photogène de la Luciole adulte diffère de celui des
Lampyris et des Phausis en ce qu'il est formé de nombreux
lobules disposés chacun autour d’un rameau trachéen perpen-
diculaire à la surface. Ces rameaux décrits par Targiont Tozzerri
(1866), par Euery (1884) et plus récemment par Geirez (1915),
se détachent en grand nombre d'une sorte de coussinet qui,
placé à la face profonde de l'écharpe lumineuse, est essen-
tiellement constitué par des trachées. :
Pour ce qui est de l'anatomie microscopique du tissu photo-
gène, ne pouvant traiter à fond un sujet aussi complexe, Je
renvoie le lecteur à l'ouvrage déjà cité de Grirez, dans lequel
les terminaisons ultimes des trachées et des nerfs sont très
exactement décrites.
VIL. — Appareil génital mäle.— Les organes lobulés (fig. 6-7)
sont deux petits corps de forme oblongue, caractérisés à l’état
frais par leur teinte rose, mesurant 1 millimètre 1/2 chez les
grandes larves de Pelania mauritanica (4 millimètre environ
chez les larves du Lampyris noctiluca).
Placés des deux côtés de la partie postérieure (rétrécie) de
l'estomac, ces organes (encore assez énigmatiques) sont cons-
titués par deux substances : la substance corticale et les lobules
(fig. 18-19).
Formée de cellules irrégulières, bourrée de grains éosimo-
philes, la substance corticale est, non seulement étalée à la sur-
face, mais pénètre également à l'intérieur.
Les /obules, au nombre de 25 à 30, offrent un bout arrondi
placé au voisinage de la surface et une extrêmité conique qui
s'ouvre à l'intérieur dans une fente de sécrétion. Un canal
excréteur très délié, dirigé vers le bout du corps, se dégage
d'autre part de cette fente.
Coloré en violet par l'hémalun, le tissu des lobules se pré-
sente chez les larves jeunes comme une sorte de syneytium
semé de nombreux noyaux arrondis. À la naissance du cône se
voit une zone pâle caractérisée par ses noyaux allongés et clair-
semés, à direction transverse (appartenant peut-être à Ja cap-
22 E. BUGNION
sule). On remarque d'autre part, chez les larves plus âgées,
qu'au lieu de constituer un syncytium uniforme, le tissu du
lobule est divisé cà et là en masses arrondies ou ovalaires,
semblables à des spermatogemmes en voie de division.
L'idée la plus plausible est que les organes lobulés des larves
Fe
4%
EX Ne
tr
+
CP
y ea
se
LP
FS
lobulés. X 80 (B).
nn
En?
Le
La
,
«
Lampyris noctiluca, larve. — Coupe longitudinale de Fun des corps
18.
Fig.
sont des ébauches testiculaires qui, à peu près inertes durant la
phase larvaire, atteignent dans la période nymphale un déve-
loppement des plus rapide. Des coupes transverses emprun-:
tées à une nymphe G de Phausis Delarouzeei ont montré en
ANATOMIE ET KMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 23
effet, en lieu et place des organes lobulés, des masses glandu-
laires beaucoup plus grandes, occupant presque toute la lar-
geur du corps, accolées l'une à l'autre au côté dorsal du bout
V7
TR
FA]
LE y
"2 (0m)
NEA
x
Pelania mauritanica, larve de 37° millimètres. Coupe de deux lobules
d'un organe lobulé. Liquide de Gilson. Hématum-éosine X 400 (B).
198
Fig.
postérieur de l'estomac, renfermant déjà des faisceaux sper-
matiques constitués de toutes pièces (fig. 20).
Le seul fait qui pourrait laisser subsister un certain doute est
que les organes eu question existent, semble-t-il, chez des larves
des deux sexes. C’est mêème.chez de grosses larves de Lampyris
noctiluca longues de 25 millimètres (reçues de Paris le 30 sep-
24 FE. BUGNION
tembre 1918 par l’aimable entremise de J. d'Aleman, dissé-
quées les premiers jours d'octobre) appartenant très probable-
ment au sexe ®, que les organes lobulés ont été observés en
Iveau
,.
— Nymphe mâle. Coupe transverse au n
des testicules. X 40 (P).
zeet.
Phausis Delarou
20.
Fig.
premier lieu. Des larves de Pelania mauritanica exceptionnel-
lement dodues, longues de 39 à 40 millimètres, disséquées en
1919, ont montré elles aussi des corps lobulés typiques. La
présence des mêmes organes a été constatée dès lors, non seu-
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 25
lement chez les larves G reconnaissables à leur corps plus
étroit, mais chez toutes les larves choisies au hasard dans les
genres Lampyris, Phausis, Pelania et Luciola.
Nous verrons tout à l'heure que les organes lobulés peuvent
ètre reconnus également chez l'embryon et existent vraisem-
blablement, à l’époque de la naissance dans les deux sexes.
Quant à la destination nltérieure de ces formations chez la ©,
une circonstance qui complique leur étude est que la durée de
la phase larvaire se prolonge, semble-t-il, fort souvent au delà
d'un an. Ainsi, par exemple, dans le cas rapporté ci-dessus
(la métamorphose du Lampyris noctiluca se faisant normale-
ment en juin ou juillet) il est clair que les larves reçues
de Paris le 30 septembre auraient, si elles avaient vécu, attendu
l’année suivante (juin-juillet) pour se transformer en nymphes
et ensuite en imagos. Des larves de Pelania mauritanica
(reçues de Mascara) ont donné lieu à des observations du
même genre. Quelques-unes de ces larves gardées en captivité,
dans un bocal garni de terre humide, richement alimentées au
moyen de petits Escargots, vécurent 18 mois et plus et finirent
par mourir, sans être parvennes à se transformer.
Peut-être faut-il penser à un état maladif de ces insectes ?
J'ai constaté en effet, en disséquant ces grosses larves de Lam-
pyris et Pelania, qu'au lieu du sang clair habituel, lincision
des téguments laissait écouler un liquide crémeux comparable
à du pus.
Observé au microscope, ce liquide a fait voir : {° une quantité
considérable de gouttelettes opaques de nature graisseuse ;
2° des leucocytes relativement en petit nombre ; 3° (chez quel-
ques-uns de mes sujets) de petites Anguillules, elles aussi, en
petit nombre.
Les larves de Lampyrides sont sujettes, comme on voit, à une
altération du sang en rapport, paraît-il avec la présence de
parasites.
Mais est-ce cette altération qui, dans certaines circonstances,
empêche la métamorphose de se produire ? Est-ce cet état mor-
bide qui, chez les grosses larves © âgées de plus d’une année,
empêche les ovaires de se former ?
Ne pouvant, dans l’état actuel de cette étude, répondre à des
questions aussi complexes, je me borne à constater : 1° que
26 E. BUGNION
toutes les larves de Lampyris, Pelania et Phausis disséquées
jusqu'à ce jour (plus spécialement les larves de grande taille
paraissant appartenir au sexe @) m'ont montré deux corps
lobulés semblables à des ébauches testiculaires, alors que, mal-
Fig. 21.— Phausis Delarouzeet, adulte mâle.— Appareil génital interne et
armure copulatrice. Vue ventrale. X33.— Les testicules accolés l’un à l'autre
entourés de leurs capsules graisseuses, se voient au haut de la figure (P).
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 27
gré le grand nombre des sujets examinés, je n'ai réussi jus-
qu'ici à discerner des ébauches ovariques chez aucune de mes
larves. Les ovaires les plus jeunes que j’ai eu l’occasion d'étudier
ont été observés chez une nymphe néoformée (âgée de 2 à
3 Jours).
Chez le adulte (fig. 21) les deux testicules sont, de même
que chez la nymphe, attachés l’un à l’autre. De couleur jau-
nâtre, à cause de la capsule adipeuse qui les entoure, ils se
trouvent au niveau du bout postérieur de l'estomac, au côté
dorsal de ce dernier. Leurs lobules, invisibles de l’extérieur,
beaucoup moins apparents que chez les larves, difficiles à
isoler sans rupture, répondent par leur nombre à ceux des
organes larvaires. Les canaux déférents, fortement dilatés dans
leur partie proximale, jouant le rôle de réservoirs, sont (avant
la pariade) d'ordinaire remplis de spermies. L'appareil est
complété par deux vésicules ou glandes (?) de forme sphéroïde,
par quatre glandes de forme allongée (deux longues et deux
courtes, débouchant ensemble dans le carrefour génital) et par
le conduit éjaculateur qui, prenant origine au bout postérieur
de ce carrefour, va s'ouvrir d'autre part à la base du pénis.
VIIL. — Appareil génital de la femelle. — [ne nymphe de
Phausis Delarouzeei âgée de 2 ou 3 jours (disséquée le 7 avril
1916) m'a montré une structure de l’ovaire qui, à ma connais-
sance, n'avait pas encore été décrite. Au lieu de commencer,
comme chez les Coléoptères en général, par un germigène atté-
nué en pointe, chacune des gaines ovigères offrait à son extré-
mité une grosse boule jaunâtre remplie de granulations (boule
nutritive) sans aucune trace de ligament suspenseur (fig. 22).
A ce segment relativement volumineux (diamètre 390 4) succé-
daient dans chaque gaine, trois chambres ovulaires de grandeur
inégales, disposées en chapelet, aboutissant à l’oviducte. Tan-
dis que, chez la nymphe jeune, les boules nutritives sont rela-
tivement énormes, on trouve 15 jours plus tard (nymphe dissé-
quée Le 23 avril) des boules nutritives beaucoup plus petites et
des ovules beaucoup plus gros (fig. 23). L'absorption de la
substance nourricière par les œufs en voie de développement
explique le développement rapide de ces derniers.
Le nombre des gaines ovigères étant de 24 environ pour
chaque ovaire, il y a vers la fin de la nymphose au moins
28 E. BUGNION
48 œufs mürs (ceux des chambres postérieures, plus avancés
que les autres). À ce nombre vient s'ajouter une proportion
Fig. 22. — Phausis Delarouseei. — Ovaire d'une nymphe très jeune
disséquée sous l’eau salée le 7 avril 1916. X 80 (P).
variable d’œufs provenant des chambres moyennes et parfois
des antérieures. La femelle néoformée se trouve ainsi en pos-
session de 80 à 100 œufs mûrs à peu près de même grosseur,
descendus dans les oviductes à l’époque de l’éclosion (). La
(‘) Le dénombrement (fait avant la ponte) des œufs contenus dans les oviductes
a donné pour Phausis Delarouzeei des nombres compris entre 63 et 132, pour
Luciola lusitanica, dans un cas particulier, un total de 140.
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 29
pariade s’effectuant bientôt après (à la fin de mai ou aux
premiers jours de juin), la ponte s’effectuant générale-
ment en une fois, les œufs incomplètement développés des
chambres moyennes et antérieures s’atrophient peu à peu et
se résorbent. C'est donc dans les oviductes distendus en forme
Fig. 23. — Phausis Delarouzeei. — Ovaire d'une nymphe plus âgée
(15 jours environ) disséquée le 20 mai 1917. X 30 (P).
de sacs que se trouve désormais la provision des œufs mûrs
(fig. 24). Refoulés par ces deux sacs, les ovaires occupent à ce
moment une place si réduite (à la base du thorax) qu'on a, au
premier abord, quelque peine à les trouver.
Des dispositions presfue ic ci ont été observées chez
Lampyris et Luciola.
30 E. BUGNION
IX. — Les /équments des larves du Lampyris noctiluca et du
Pelania maurilanica ont une structure intéressante étudiée
déjà, chez le premier de ces insectes, par Wielowiesky (1882),
par Henneguy (1904), et plus récemment par Vogel (1915).
Les coupes perpendiculaires à la surface (Lamp. noctiluca)
Fig. 24. — Phausis Delarouzeei. — Femelle adulte disséquée sous l’eau
salée. Les deux oviductes remplis d'œufs mürs (intacts). X 9 (P).
font voir dans l'épaisseur de la peau une rangée de logettes
eo) )
quadrilatères, exactement alignées, en rapport avec un poil
(fig. 25). Ce poil court et épais, implanté sur un petit tuber-
cule, est incliné et incurvé.
Plongeant dans la cavité de la logetfe, le poil forme à l'inté-
5 e) 20
rieur de celle-ci un bulbe pluricellulaire, jouant le rôle de
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 31
matrix, montrant sur la coupe deux ou trois noyaux bien dis-
tincts. Dans la plupart des loges se voient au surplus quelques
cellules rondes (leucocytes) flottant dans la lymphe et quelques
cellules plates appliquées contre les parois. Celles-ei teintées
en rose par l'éosine, sont de nature cuticulaire.
C'est plus spécialement sur les tergites et sur le manchon
cutané destiné à engainer la tête que ces formations s’observent.
Vue de face (dans les régions pourvues de logettes sous-
cutanées), la peau du Lampyre présente sur un fond de teinte
brune un grand nombre de cercles à peu près juxtaposés,
Fig. 25. — Lampyris noctiluca, larve à peu près müre. Coupe perpen-
diculaire des téguments au niveau d’un tergite. X 400 (B;.
limités chacun par un bord plus foncé. Chaque cercle répond
à l’opercule chitineux (pigmenté) d’une logette. Ces oper-
cules sont ronds, tandis que les contours des logettes (observés
sur une coupe tangentielle plus profonde) sont irrégulièrement
polyédriques.
Au centre de chaque opercule se voit un pore transparent
au-dessus duquel le poil est implanté.
Tandis que Ja larve du Pelania mauritanica à des logettes
sous-cutanées semblables à celles du Lampyre noctiluque, on
ne voit chez Phausis Delarouzeei, rien de semblable. La larve
de cette dernière espèce présente simplement des poils assez
32 f. BUGNION
clairsemés, d’épaisseurs diverses, implantés sur de petits tuber-
cules.
En sus des tubercules pilifères, la peau des Lampyrides
offre (spécialement chez les larves) des milliers de rugosités
beaucoup plus petites et plus serrées qui, vues à un fort gros-
sissement donnent lieu à un dessin très régulier. Ces aspérités
microscopiques recouvrent non seulement les parties pigmen-
tées dans tous les intervalles laissés libres par les poils, mais
encore les parties membraneuses telles que la ligne blanche
médiane et les parties du tégument repliées à l'intérieur. Lége-
rement rembrunies, elles se montrent en tels cas comme un
pointillé grisàtre sur un fond pâle.
Quelques observations relatives au développement des loget-
tes sous-cutanées ont été ajoutées à la fin de cet article.
EMBRYOLOGIE
Après avoir étudié la structure anatomique des Lampyrides,
j'ai éprouvé le désir d'étendre mes investigations au développe-
ment embryologique de ces Insectes. Il importait en effet de
surprendre, si possible à leur début, les dispositions partieu-
lières qui s’observent chez le Lampyre déjà formé.
Une occasion favorable s'offrit à moi l’année dernière.
Ayant, grâce à l'amabilité de M. le D’ W. Nicani, reçu les
22 et 25 juin 1920, puis de nouveau le 3 juillet, des Lampyres
vivants (L. Bezuer) cet Q@, capturés à Montredon près Mar-
seille, j'eus bientôt la chance d'assister à la pariade et, quel-
ques jours après, d'obtenir plusieurs pontes (”).
Instruit par des essais précédents (?), j'avais eu la précaution
de faire pondre les femelles sur un lit de mousse verte légère-
ment humectée.
(:) Le Lampyris Bellieri Reiche (1858) se distingue du noctiluca par sa couleur
générale d'un brun plus clair et par la teinte rose de ses parties membraneuses,
surtout au côté ventral. Mes exemplaires ont été vérifiés, d’après ceux de la col-
lection BourGgoïs, par M. Béxaro préparateur au Muséum.
(2) Des essais pratiqués en 1918 sur des pontes de Phausis Delarouzeei m'avaient
appris à mes dépens que les œufs laissés sur la terre humide (placés dans des
Loites closes) se couvrent de moisissures qui font, en peu de temps, périr les
embryons.
ANATOMIE EL EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 33
La mousse chargée d'œufs ayant été placée dans un cristal-
lisoir et protégée contre la dessiccation au moyen d'un enton-
noir de verre retourné le col en haut, j'eus la satisfaction de
voir la plupart des germes venir à bien.
[ importe parait-il, pour que l’ineubation réussisse, que
Fig. 26. — Lampyris Bellieri. — Embryon de 2 millimètres
(âgé de 15 jours environ) observé à Aix le 14 juillet 1920. X 40 (P).
, A . » » * x
L'ébauche de la tête larvatre à élé empruntée à un autre embryon du
même âge.
l'embryon bénéficie tout à la fois d’une aération suffisante, d’un
degré convenable d'humidité et peut-être aussi de la lumière.
La chaleur nécessaire est assurée d’ailleurs par la saison (fin
juin à mi-juillet) dans laqualle se fait la ponte. L'oxygène qui
3
34 Ë. BUGNION
émane de la mousse verte pendant le jour à peut-être une
action favorable. J'ai remarqué en effet que les œufs déposés
sur de la mousse flétrie réussissent beaucoup moins bien que
les œufs déposés sur de la mousse verte récemment cueillie.
Les œufs des Lampyrides étant sphériques, leur coque abso-
lument opaque, on ne peut guère songer à orienter le germe de
manière à se servir du micro-
tome. Il faut recourir à l’ex-
traction de lembryon.
L'extraction est dans les
deux premières semaines, une
opération assez chanceuse.
Le procédé qui m'a le mieux
réussi consiste à placer l'œuf
dans une goutte d’eau formo-
lée à 7 0/0 additionnée d’éo-
sine ét, en travaillant sous la
loupe montée >< 16, à déchi-
rer la coque au moyen de
deux aiguilles. Le formol raf-
fermit quelque peu les tissus
de l'embryon, tandis que l'éo-
sine aide à distinguer les pre-
miers linéaments du germe
au milieu des débris du vitel-
lus.
Bien que les embryons très
jeunes (8-15 jours) subissent
presque toujours des déchiru-
res, J'airéussi cependant, après
plusieurs essais infructueux, à
Fig. 27. — Lampyris Bellieri. — isoler le 6 juillet un embryon
Embryon de 3 millimètres,
observé dans l'eau salée. X 29 (P).
à peuprès reconnaissable (long
de 1 1/2 millimètre) et, le
1% juillet, un germe de 2 millimètres absolument intact
(fig. 26).
Les Jours suivants, l'extraction des embryons étant devenue
bien plus facile ensuite de la résorption graduelle du vitellus,
je parvins à en isoler plusieurs longs de 2 1/2 à 3 millimètres
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 30
(fig. 27). Je réussis enfin, après une période d'incubation qui
peut être évaluée à 30 jours ('), àextraire des coques de petites
larves blanches longues de 4 à 5 millimètres, à peu près à
terme. L'éclosion naturelle ayant commencé les jours suivants,
je pus, dès ce moment voir un grand nombre de jeunes larves
qui, ayant revêtu déjà leur livrée grisätre, marchaient lente-
ment sur le fond du récipient, cherchant leur chemin au milieu
des brins de mousse.
Reprenons l'étude des diverses phases. Laissant de côté l'em-
bryon de 1 1/2 millimètre dont la partie antérieure était lésée,
je décrirai d'abord le germe de 2 nullimètres obtenu le
14 juillet.
Encore étalé sur le vitellus, l'embryon de cette phase se dis-
tingue des sujets plus avancés par sa forme élargie et ramassée
(fig. 26). Le nombre des segments est,sans compter la tête, de
douze, comme chez la larve. Limités des deux côtés par des bords
très nets, ces segments sont dans la zone médiane plus difficiles
à distinguer les uns des autres. On voit en revanche l’ébauche de
la chaine nerveuse qui, sans-compter les centres cérébroïdes et
sous-æsophagiens, comprend onze paires de ganglions relati-
vement volumineux, rapprochés les uns des autres, unis par
des connectifs courts et épais. Seul le dernier segment est privé
de ganglions.
Aux trois anneaux thoraciques répondent trois paires de
pattes encore peu développées, repliées en dessous du corps.
Dans les parties latérales se voient par transparence de
petites saillies coniques (futurs épimères) au niveau desquelles
s'ouvrent déjà les stigmates. Il y a, comme chez la larve, neuf
paires de stigmates, dont une thoracique, placée à la Jone-
tion du pro et du mésothorax, et huit abdominales situées sur
les segments 4-11 au côté ventral.
Dans l'intervalle compris entre les parties latérales et la
chaine des ganglions se montre de part et d'autre, sur la pré-
(‘) Newport (1857), qui le premier, semble-t-il, réussit à élever les œufs de
Lampyre noctüluque (en Angleterre), évalue la durée moyenne de l'incubaïñon à
45 jours.
Vogel (1905(, au cours d'observations faites à Tübingen, évalue la durée de
l'incubation (L. noctiluca) à 27-30 jours, quand l'été est très chaud (1911), à
36 jours, quand l'été est tempéré (1912) et à 47 jours quand l'été est froid.
Dubois (1898), au cours d'observations faites à Lyon, a obtenu lui aussi des
résultats assez semblables.
36 É. BUGNION
paration fraiche, une zone opaque remplie de gouttes grais-
seuses. Ces deux bandes opaques tendent dans les jours sui-
vants à s’'éclaircir.
Ces préliminaires posés, j aborde la formation de la tête,
étude pour laquelle Fembryon de 2 millimètres fournit des
données très instructives.
La tête de la jeune larve se forme aux dépens de deux parties,
l’une postérieure (segment postcéphalique) seule apparente au
côté dorsal et qui placée en avant du segment prothoracique,
forme le bord antérieur de l'embryon (fig. 26), l’autre anté-
rieure (future tête larvaire) rejetée en dessous, placée au eôté
ventral. Peut-être, en usant des aiguilles avec prudence; pour-
rait-on réussir à relever le segment antérieur, de manière à
pouvoir le dessiner en avant du postérieur, dans la position
qu'il occupera plus tard. Craignant toutefois de détériorer une
préparation aussi précieuse, je n’ai pas essayé de faire cette
opération sur mon sujet et ai simplement laissé le segment
antérieur en place (en dessous du segment postcéphalique).
L’ébauche de la tête larvaire qui est représentée sur la figure
a été empruntée à un autre embryon qui, exactement du même
âge, avait été Lésé au moment de l'extraction.
Examinons de plus près la signification de ces ébauches.
Le segment postcéphalique renferme deux masses opaques qui,
placées en tête de la chaîne nerveuse, représentent manifeste-
ment les centres cérébroïdes et sous-æsophagiens de cette
chaine. C’est donc afin de former ces centres en arrière de leur
place habituelle que l'ébauche céphalique postérieure s'est, au
début de la phase embryonnaire, détachée de l’antérieure.
C'est, en d'autres termes, parce que la capsule céphalique devait
être entièrement occupée par le pharynx et par ses muscles,
que ladite ébauche s'est constituée isolément.
Aussi larges que Le thorax dans la phase qui nous occupe, les
parties latérales du segment postcéphalique s'amincissent dans
la suite et finissent par disparaitre. Peut-être ces bourrelets
latéraux ont-ils pour mission de former le manchon musculo-
membraneux relativement très épais, d’une importance phy-
siologique considérable, qui, dans la phase larvaire, attache la
tête au prothorax.
L'’ébauche antérieure engendre la tête larvaire dans son
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 31
ensemble. Très courte chez l'embryon de 2 millimètres, la cap-
sule céphalique s'allonge peu à peu, dans les phases ultérieu-
res, jusqu’à l'époque de l'éclosion. Les bourgeons encore peu
différenciés qui la surmontent représentent, comme nous en
aurons bientôt la preuve, les antennes et les pièces buccales
en formation.
La pièce atténuée en pointe qui se voit sur la ligne médiane
est probablement la gaine de la langue [bifide dans le g. Phau-
sis, la langue est simple, en forme de triangle allongé, chez
Lampyris|. Les bourgeons placés un peu obliquement qui se
trouvent des deux côtés de cette pièce répondent aux deux
mandibules, tandis que les bourgeons latéraux formeront les
antennes. Les embryons plus âgés montrent ces mêmes
organes divisés en deux articles. Dans un plan plus profond
se voient deux bourgeons doubles destinés à former tes maxil-
les et leurs palpes. Plus profondément encore se montre sur
la ligne médiane le rudiment du labium reconnaissable à son
extrémité bifide.
Tandis que, chez les embryons plus jeunes, les appendices
buccaux sont vraisemblablement disposés en série des deux
côtés de l'ouverture orale, ces pièces sont chez notre sujet
rangées sur une ligne à direction transverse. Cette ligne, à
peu près droite, interrompue seulement par une légère échan-
crure, répond au bord antérieur de la tête. |
Semblables à des papilles digitiformes, les huit bourgeons
céphaliques sont dirigés en avant. Bien qu'à peu près dia-
phanes, essentiellement constitués par la cuticule et sa marier,
ces bourgeons cachent dans leur partie basale une ébauche
organique des plus active. Les embryons plus âgés de quel-
ques jours montrent en effet à l’intérieur de chaque gaine cuti-
culaire l’appendice correspondant (antenne, mandibule ete.)
parfaitement reconnaissable et relativement très avancé.
En arrière de la ligne sur laquelle les bourgeons céphali-
ques sont insérés, se voient sur les deux bords les cornées des
ocelles (déjà un peu convexes) et, un peu plus en dedans, les
taches pigmentaires correspondantes, de couleur brunâtre, dis-
posées en demi-lunes.
L'embryon représenté fig. 27, âgé d'environ 29 Jours, est
caractérisé par sa forme plus allongée et plus étroite. Sa lon-
38 E. BUGNION
sueur étant de 3 millimètres, alors que le diamètre de l'œuf
est seulement de ! 1/3, il est nécessairement courbé en arc de
cercle à l’intérieur.
Le corps s'est rétréci en suite Aa rapprochement des lames
ventrales ; les pattes, devenues plus longues, proéminent des
deux côtés. La cuticule qui se détache de leur surface annonce
une mue prochaine. Au bout posté'ieur se voient par transpa-
rence à travers le pygidium, les papilles anales déjà formées
(constituant ensemble un organe adhésif). |
Un fait important à relever est que le segment postcépha-
lique s’est effacé. Les formations diverses (cerveau, manchon
museulo-membraneux) auxquelles ledit segment à donné lieu
sont cachées désormais sous le bord du pronotum.
La tête larvaire, qui s’est redressée d'elle-même, se trouve
maintenant au bout du corps. Bien qu'assez semblable à celle
de l'embryon de 2 millimètres, elle diffère cependant par la
différenciation plus avancée des appendices. Ces organes,
désormais faciles à reconnaitre, sont, à l'instar des pattes,
enfermés dans des gaines cuticulaires qui, à peu près détachées,
proéminant en avant des pièces buccales, sont destinées à dis-
paraitre.
Dessinée à un grossissement de 100, la figure 28 (vue dor-
sale) donne une idée assez exacte de ces parties. C'est tout
d’abord, sur la ligne médiane, la langue (simple chez Lampy-
ris) richement garnie de poils, des deux côtés de la langue, Les
mandibules avec les canaux qui les traversent, plus en dehors
les antennes composées de deux articles avec les organes sen-
soriels (bâtonnet et vésicule) insérés à leur sommet. Dans un
plan plus profond apparaissent les palpes maxillaires déjà
composés de quatre articles et au côté ventral (visible si lon
retourne la préparation) l’extrémité antérieure bilobée du
labium avec les palpes (formés de deux articles) qui la sur-
montent.
Dérivées de la cuticule des bourgeons embryonnaires, les
gaines déjà à demi détachées comprennent : sur la ligne
médiane ; le prolongement de forme conique qui répondait au
bout de la langue ; des deux côtés : les gaines des mandibules
des antennes ; dans un plan plus profond : les gaines des
maxilles reconnaissables au léger sillon qui les divise, enfin,
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 39
au côté ventral : lagaine bilobée qui surmonte le labium.
Les taches pigmentaires qui répondent aux ocelles sont
devenues plus grandes ; elles ont une teinte noire plus accusée.
Les lentilles ocellaires, déjà entièrement formées, proéminent
nettement à la surface.
On constate enfin, en comparant la figure 26 (embryon de
2 mm.) avec la figure 27 (embryon de 3 mm.), que la tête à
subi un changement considérable en passant d'une phase à
l'autre. Les pièces buccales qui, chez l'embryon de 2 millimètres,
Fig. 28. -- Lampyris Bellieri. — Embryon de 3 millimètres. La tête
larvaire avec les pièces buccales et les antennes déjà retirées de leurs
gaines. X 400 (P). |
étaient à l'état d’ébauches à l’intérieur des bourgeons, se sont
en peu de jours entièrement différenciées.
Prenant part à la mue générale qui se prépare, les gaines
cuticulaires, derniers vestiges des bourgeons primitifs des
appendices, seront d'ici quelques jours (un peu avant le moment
de l’éclosion) entièrement détachées et rejetées par la larve
avec les autres parties de sa dépouille.
La larve nouvelle éclose (fig. 29) longue de 5 millimètres, se
distingue surtout par sa forme plus allongée et par l'aspect
« achevé » de ses parties superficielles qui n'étant plus recou-.
40 E.
BUGNION
vertes par l'enveloppe embryonnaire, montrent dans toute
leur élégance, leurs plus minutieux détails.
La couleur qui, au moment de l’éclosion était (à l'exception
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Fig. 29. — Lampyris Bellieri.
— Jeune larve prête à éclore,
longue de 5 millimètres. X
40 (P).
des deux taches ocellaires) entiè-
rement blanche, est au bout de
quelques heures, devenue d’un
gris Jjaunâtre. Une bande claire
longeant la ligne médiane répond
à l'emplacement du vaisseau
dorsal.
La larve se meut lentement à
l’aide de ses petites pattes. La
tête portée par un col long et
flexible s'incline de côté et d’au-
tres comme si elle explorait le
terrain au moyen des ocelles et
des antennes.
Un appareil qui mérite plus
spécialement de retenir l’atten-
tion est celui des papilles anales
(fig. 30).
Tandis que, chez la larve plus
avancée (Lampyris et Phausis)
les papilles anales ont, en suite
de divisions répétées, pris une
disposition complexe, les papil-
les du nouveau-né présentent
un aspect beaucoup plus simple.
On peut distinguer deux plans,
un dorsal formé de papilles lon-
gues et un ventral formé de
papilles courtes. Les papilles
de chaque plan étant divisées en
deux groupes, il y a : 1° Les
groupes dorsaux droit et gauche
composés chacun de quatre papilles (bifurquées chez Lampyris)
et 2° les groupes ventraux droit et qauche composés chacun de
deux papilles (bifurquées elles aussi), soit, chez Lampyris, seize
papilles dorsales et huit ventrales,
ANATOMIE ET EMBRYOLOUIE DES VERS LUISANTS 41
Chez Phausis Delarouzeer (nouveau-né, fig. 36) il y a un étage
dorsal formé de quatre papilles bi ou trifurquées, et un étage
ventral formé de quatre papilles plus courtes, à peine bifur-
quées à leur sommet. De nouvelles divisions se produisant dans
la suite, l'appareil papillaire des larves plus âgées présénte
l'aspect compliqué représenté figure 8.
Chez la Luciole (L. lusitanica), les papilles anales ont une
disposition plus simple encore (plus typique) en ce sens que,
même chez les larves plus âgées, on n’observe pas de compli-
£ ? . . 4 ’ T
Fig. 30. — Lampyris Bellieri. — Nouveau-né. Vue ventrale du bout
postérieur avec les papilles anales évaginées. >< 80 (P).
cations nouvelles. Il y a donc, durant toute la phase larvaire,
un plan dorsal formé de quatre papilles bifurquées et un plan
ventral formé de quatre papilles simples, comme chez le
nouveau-né du genre Phausis.
Le procédé qui m'a le mieux réussi pour observer les papil-
les anales du nouveau-né est de placer la larve sur le porte-
objet dans une goutte d'eau, de la couvrir d’une lamelle et de
changer celle-ci d’un poids, par exemple de 10 grammes.
La pression suffit d'ordinaire pour faire sortir les papilles.
42 Ë. BUGNION
SE
FESENSSS
RE
Fig. 31. — Lampyris Bellieri. — Niscères
d’un embryon de 3 millimères préparés
dans l'eau salée éosinée, étalés sur Île
porte objet. >x< 40 (P),
Les deux petits corps représentés à droite
et à gauche du bout postérieur de l'estomac
sont ies organes lobulés (ébauches des testi-
cules) déjà visibles chez l'embryon.
Si l’on désire fixer la larve
avec ses papilles évagi-
nées,onimmerge le porte-
objet (toujours chargé
de son poids) dans une
cuvette de Petri remplie
de liquide de Bouin ou
d'eau formolée à 8 0/0 et
laisse la mort se pro-
duire. La larve restant à
plat, au cours de la fixa-
tion, ce procédé convient
aussi, si l’on se propose
de faire des coupes.
Dissection des em-
bryons. —Les embryons
de 3 à 4 millimètres peu-
vent être disséqués sans
trop de peine. L'insecte
ayant été placé sur le
porte-objet dans une
goutte d’eau salée éosi-
née, on cherche à dé-
chirer les téguments et
à les détacher à coups
d'aiguilles, tout en res-
pectant les viscères le
mieux possible. La figure
31, empruntée à un em-
brvon de 3 millimètres,
donne des résultats obte-
nus, une idée . assez
exacte. La tête, encore
surmontée des gaines
des pièces buccales et
des antennes répond à
celle qui à été dessinée
fig. 28. A droite se voit
la à
chaine nerveuse,
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 43
gauche le tube intestinal, entre deux le vaisseau dorsal avec
les cellules péricardiques.
Le cerveau est refoulé en arrière de la capsule, ainsi que
le ganglion sous-æsophagien. Après ces deux centres (qui for-
ment avec leurs connectifs un anneau traversé par l’œsophage)
viennent les trois ganglions thoraciques relativement volumi-
neux, rapprochés les uns des autres, puis les huit ganglions
abdominaux notablement plus petits, à l'exception du dernier
(g. génital) qui est de nouveau un peu plus gros. La longueur
totale de Ia chaine est de 2 millimètres.
Le tube intestinal comprend, comme chez la larve plus âgée,
le pharynx, l'œsophage, le gésier, l'estomac et l'intestin. Le
pharyax (invisible sur notre sujet) sera tout à l’henre étudié
sur une coupe. L'œsophage, encore très court, est à peu près
filiforme (sans dilatations).
Un petit ganglion est accolé à sa surface, intercalé sans doute
sur le trajet du récurrent.
Le gésier relativement allongé, est déjà revêtu des fibres
spiroïdes qui lui sont propres.
L’estomac est, à cause de la minceur de ses parois, difficile
à isoler sans déchirures. Les préparations intactes le montrent
sous l’aspect d’un sac volumineux, en forme de cornue, rempli
d'un liquide brun. Ce liquide qui s’accumule chez l'embryon
constituera, chez la larve nouvelle éclose, une première provi-
sion de suc toxique.
L'intestin, un peu plus long que l'estomac, nous intéresse
surtout à cause des tubes malpighiens qui s'y déversent. Ces
tubes montrent en effet la disposition en forme d'anses qui
caractérise les Lampyrides : La longueur de chacune des anses
(calculée d'après la figure dessinée à la chambre claire) est chez
notre sujet de { millimètre 1/2. Il ressort de cette observation
que les anses malpighiennes des Lampyrides ne résultent pas
(comme on aurait pu le supposer) d'une anastomose secondaire
se produisant chez la larve, mais apparaissent déjà sous cette
forme chez l'embryon.
Remarquons encore à propos de la figure 31, que les organes
lobulés sont eux aussi bien apparents dans cette phase. Ayant
constaté la présence de ces petits corps chez tous les embryons
(4) o8eydosæ ‘Ly ‘xnoutiaquatu-o[n2snu uoqoueuu ‘9 ‘xu4ieud ‘€F “INOMYJUI 119}
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ejerp ‘+ ‘eIuoa uorsues ‘€ ‘(sanongque XNB99 SIEJ) xu{ieyd np anomgdns 1n9J8JeTIP ‘Z ‘S9DI[IO SOUL S9S 9948 9IQE[ *F
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E. BUGNION
Roches <
44
=
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS
QE]
examinés (au nombre de 5 ou 6) j'ai tout lieu de croire qu'ils
existent, à ce moment, dans les deux sexes.
Coupes sagiltales. — Ges coupes ont été faites sur quatre
sujets nouveau-nés, dont deux fixés par le liquide alcoolique
de Bouin et deux par le liquide Gilson, après section préalable
en deux tronçons. Les blocs de paraffine ont été coupés au
microtome à une épaisseur de 4 divisions = 0,01 millimètre.
Les coupes ont été collées au moyen d'eau albumineuse
(1/2 blanc d'œuf filtré pour 200 centimètres cubes d’eau). Cette
eau a été, au cours du collage, maintenue à 40°, afin de pouvoir
s'en servir pour étaler les coupes. La coloration en bloc (à
l'hémalun-éosine) n’avant pas pénétré assez avant, une 2° colo-
ration a été faite sur les porte-objets avec les mêmes colorants.
La coupe de la tête (fig. 32) fait voir la fente buccale, com-
prise entre le labre et la langue, avec les lames cihiées qui la
traversent et, dans un plan plus profond, l'espace sous-lingual
et le labium.
Le pharynx forme un coude très accusé (déjà signalé par
R. Vocez et K. Happox). Les faisceaux du dilatateur supérieur,
tendus de la capsule céphalique à la valve supérieure du pha-
ryux, sont divisés en deux groupes, l’un antérieur inséré sur la
valve supérieure en avant du coude de cet organe, l’autre pos-
térieur inséré en arrière du coude. Ë
Dans l’interstice des faisceaux antérieurs droit et gauche (sur
la ligne médiane) se trouve le ganglion frontal, relié par le
nerf récurrent aux ganglions cérébroïdes.
Placés au niveau du pronotum, en arrière de la capsule cépha-
lique, les ganglions cérébroïdes présentent une partie centrale
(substance ponctuée) de nature fibrillaire et une zone corticale
constituée par des cellules. Dans l'espace compris entre locer-
put et Le cerveau se voit un amas de cellules graisseuses, jouant
le rôle d’un coussinet protecteur à l'égard des ganglions, au
moment où la tête se retire dans son manchon. En arrière du
cerveau se voit le ganglion sous-æsophagien, avec le connectif
correspondant, et plus en arrière encore, le ganglion prothora-
cique (très rapproché du précédent).
Les dispositions observées sur la larve plus avancée (fig. 4,
empruntée à Pelania mauritanica) se retrouvent, comme on
voit, identiques chez l'insecte nouveau-né. C’est même ce der-
46 Ë. BUGNION
nier qui se prête le mieux à cette étude, la larve jeune (faible-
ment chitinisée) se laissant trancher au microtome bien plus
aisément que la larve plus âgée.
Empruntée au bout postérieur du corps la coupe dessinée
fig. 33 nous intéresse en ceci qu'elle montre l’un des organes
lumineux déjà constitué de toutes pièces. Ces organes, au nom-
bre de deux chez.la larve de Lampyris, se trouvent dans les
parties latérales de l'avant-dernier segment du corps. Plus rap-
prochés du côté ventral que du dorsal, ils offrent deux masses
ovoïides longues de 0m, au moment de l’éclosion, formées
de petites cellules polygonales disposées sans ordre. À Fopposé
Fig. 33. — Lampyris Bellieri nouveau-né. -- Coupe sagittale du bout
du corps au niveau de l’un des organes lumineux larvaires. X 112 (B).
des cellules graisseuses dont le noyau retient fortement lhé-
malun et dont le cytoplasme est bourré de grains éosino-
philes, les éléments photogènes ont un petit noyau rond fai-
blement coloré en violet et un cytoplasme rose-lilas sans
granules bien apparents. Il faut un grossissement très fort pour
parvenir à distinguer les granules d’une petitesse extrême
auxquels (à ce qu'on suppose) la fonction photogénique est
attachée.
Les cellules du tissu graisseux et celles des organes lumineux
étant en somme très différentes, 11 me parait peu probable que
ces derniers organes tirent leur origine du corps graisseux.
J'incline plutôt à penser que les organes phosphorescents des
E
—
ANATOMIE ET EMBRKYOLOGIE DES VERS LUISANTS
larves se forment d’invaginations ectodermiques semblables
à celles qui engendrent les stigmates et les trachées. On
constate en effet chez les larves qui ont des organes lumineux
multiples flottant librement dans l'abdomen (eg. Phausis) que
lesdites formations sont appendues aux trachées et ont, avec
celles-ci, des connexions très intimes: Chez Le Phausis Mulsanti
dont les organes lumineux larvaires sont parait-il au nombre
de 16, il y à une relation directe entre ce chiffre et celui des
stigmates de l'abdomen. Quant aux écharpes lumineuses qui
caractérisent la femelle adulte (Lampyris et Phausis), mon
idée est qu’elles se forment, au cours de la période nynrphale,
de cellules détachées de la couche profonde de l’épiderme.
Je suis done entièrement d'accord avec le prof R. Dusois qui,
en suite de ses nombreux travaux sur la genèse du tissu éclai-
rant (1898, 1913, 1914), est parvenu à prouver que les cellules
photogéniques procédent, tant chez l'embryon que chez la
nymphe, d'une différenciation de certains éléments de Pépi-
derme.
La figure 33 (empruntée au nouveau-né) nous intéresse
encore au point de vue de l’origine du corps graisseux. Tandis
que chez les larves âgées de quelques mois, le corps graisseux
est (sauf dans certaines régions) constitué par des globes plu-
ricellulaires [chaque globe comprend un certain nombre de
cellules polyédriques exactement juxtaposées!, les coupes pra-
tiquées sur Le nouveau-né montrent dans la cavité du corps, à
la place du futur tissu graisseux, des cellules ovoïdes ou angu-
leuses isolées les unes des autres. Ainsi dans la figure 33,
toutes les cellules dessinées à l'intérieur du corps, à part celles
de l'organe lumineux, sont manifestement des cellules graisseu-
ses en formation.
Comment cette donnée étant acquise, faut-il se représenter
le développement des boules graisseuses ?
On peut faire deux suppositions. Ou bien les éléments les
plus voisins s'unissent et se soudent les uns aux autres, où
bien une cellule d'abord unique se divise successivement en
plusieurs cellules-filles qui restent réunies en une masse. Ce
second mode est, d'après mes observations, le plus plausible.
On ne voit pas en effet, sur des larves plus âgées, des éléments
de cette sorte s’accoler les uns aux autres, tandis que lon
48 E. BUGNION
observe sur toutes les coupes, des cellules graisseuses en voie
de division, par exemple, sur les sujets jeunes, des cellules à
deux noyaux. La conclusion qui s'impose est que les boules
graisseuses des Lampvrides dérivent d'éléments unicellulaires,
primitivement indépendants les uns des autres. C’est peu à peu
également que la cellule graisseuse se modifie et qu'à un eyto-
plasme d'apparence homogène succède, chez la larve plus
avancée, un corps cellulaire chargé de granulations éosino-
philes et vaguement divisé en une sorte de réseau.
Une dernière observation se rapporte au développement des
logettes de la peau. Nous avons vu ci-dessus que, chez le Lam
Fig. 34. — Lampyris Bellieri, nouveau-né. — Coupe perpendiculaire des
téguments. X 400 (B).
pyre noctiluque, la peau de la larve présente une structure par-
ticulière. Il y a en dessous de la couche chitineuse pigmentée,
dans certaines régions du corps, une zone constituée par des
logettes juxtaposées, disposées sur un plan, en rapport chacune
avec un poil épais incliné et incurvé. Ces logettes, qui vues
d’en haut offrent un contour arrondi, se montrent sur la coupe
exactement quadrangulaires. Elles ont en effet, en sus du pla-
fond légèrement bombé sur lequel le poil s'implante, un
plancher horizontal et deux parois latérales (mitoyennes) abor-
dant le plancher à peu près à angle droit.
Quelle est l’origine de ces logettes ? Quelle est leur significa-
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 49
tion morphologique ? L'étude des coupes pratiquées sur le
Lampyre nouveau-né permet de répondre d'une manière satis-
faisante à ces questions. |
Un premier fait à noter est que, dans la phase qui nous
occupe, les logettes sont, au niveau de leurs futurs planchers,
encore largement ouvertes, si bien que les cellules graisseuses
sous-Jacentes proéminent Hbrement à l'intérieur.
Très instructive à cet égard, la figure 34 rend compte égale-
ment du développement des logettes. Il y à des travées cellu-
laires qui se défachent de l’épiderme de distance en distance,
des deux eôtés des plaques sur lesquelles les poils sont
implantés. Traversant la fente Iymphatique sous-cutanée, ces
travées s'enfoncent dans la profondeur du côté du corps grais-
seux. Les cellules constitutives de ces travées ayant la propriété
d'engendrer des cuticules, on voit apparaître dans chacune de
ces æloisons une lame homogène, faiblement chitinisée ‘offrant
les caractères des cuticules) qui, si l’on traite par l’éosine, se
colore en rose pâle. Quelques cellules plates persistent çà et
là sur les faces libres de ces lames.
Les cloisons en voie de formation diffèrent d'ailleurs suivant
qu'elles sont encore à mi-hauteur ou qu'elles ont vtteint leur
hauteur définitive. Les cloisons arrêtées à mi-chemin. (fig, 34)
se terminent par un bourrelet (en forme de massue sur la
coupe) au-dessus duquel sont, le plus souvent. appliqués deux
noyaux. Les cloisons qui ont atteint le niveau du plancher
portent, au heu dun bourrelet, deux plaques horizontales
insérées à angle droit, l'une à droite et l'autre à gauche.
La manière dont se forment les planchers des logettes s'ex-
plique dès lors aisément. Il suffit que les plaques horizontales
s'accroissent quelque peu et s'unissent les unes aux autres. Ce
processus, en vertu duquel les planchers des logettes se consti-
tuent (refoulant en dessous les cellules du corps graisseux)
s'effectue d'ordinaire dans le cours des premiers mois.
Très minces à leur début, les cloisons latérales et Les plan-
chers s épaississent dans la suite et forment autour des logettes
de vraies capsules.
Un détail qui m'a frappé est que le nombre des leucocytes
contenus dans les logettes s’accroit avec l'âge d’une manière
manifeste. Je me rappelle une larve déjà grandelette chez
A
+
50 E. BUGNION
laquelle plusieurs logettes renfermaient 12 à 20 de ces cellules.
Une prolifération des leucocytes à l’intérieur des logettes
parait néanmoins fort peu probable. Les planchers des logettes
offrant fréquemment, même chez les larves de grande taille,
des solutions de continuité très évidentes, il faut plutôt admet-
tre, dans Les cas de cette sorte, une migration des cellules ron-
des contenues dans le sang.
Les logettes sous-cutanées du Lampyre noctiluque disparais-
sent à l’époque où la larve se change en nymphe. Devenue
beaucoup plus mince, la peau de l’imago n'en montre plus.
Nouveaux essais d'élevage. — Keprenant en 1921 les essais
d'élevage commencés en 1920, je m adressai celte fois au Ver
Tuisant provençal (Phausis Delarouzeei) espèce qui fait sa poute
à la fin de mai ou au commencement de jun.
Ayant, daus la période comprise entre le 28 mai et Le 10 juin,
placé quelques couples de ces Phausis sous des entonnoirs
garnis de mousse, j'eus la satisfaction d'observer le 7 juillet
la première éclosion des jeunes larves. J'en obtins du 8 au
10 juillet une quarantaine.
L'incubation avait duré de 36 à 38 Jours.
Plus petit que celui du Lampyris Bellieri, le nouveau-né du
Phausis Delarouzeei mesure environ 4 millimètres (fig. 35). I
se distingue d'ailleurs du précédent par sa couleur plus pâle,
d'un gris jaunâtre, et par sa forme plus élargie. La tête, relati-
vement petite, est portée par un col musculo-membraneux
long et flexible. |
La pigmentation du nouveau né étant encore peu accusée, le
corps est assez transparent pour que le système trachéen puisse
être observé à travers les téguments, sans qu'il soit nécessaire
de disséquer. Les sujets montés dans la glycérine gélatinée phé-
nolée donnent à cet égard des résultats très favorables. Ce
liquide de consistance sirupeuse (lorsqu'on l'emploie à peu
près froid) offre, à l'opposé des essences, l'avantage de ne pas
pénétrer dans les trachées et de ne pas en chasser l'air.
La figure 36 (vue dorsale du bout du corps) est spécialement
destinée à faire voir la disposition des papilles anales. Ces
organes ayant été décrits page 41, il est inutile d'y revenir.
Le Phausis Delarouzeer nouveau-né a, comme le jeune
ANATOMIE EL EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS ol
Lampyre, des organes lumineux déjà formés. Ayant, dans la
soirée du {{ juillet, examiné quelques larves de cette espèce
+
Fig. 35. — Phausis Delarouseei, nouveau-né long de 4
cérine gélatinée phénolée. Photogravure. X 30
écloses dans la matinée [ces larves posées sur un brin de mousse
avaient été enfermées dans un tubei je vis distinctement de
52 _ Æ. BUGNION
petits points lumineux s'allumer dans la nuit à l'intérieur du
récipient. Répétée le 13 juillet en présence d'autres personnes,
Ja même expérience donna des résultats encore plus démons-
tratifs. S'aidant d’une loupe à court foyer, les divers observa-
teurs réussirent à discerner dans l'obscurité les points éclai-
Fig. 36. — Phausis Delarou£seei, nouveau-né asphyxié par immersion
(légèrement comprimé). Vue dorsale du bout du corps. Glycérine géla-
tinée phénolée. X 72. Le groupe ventral des papilleganales se voit vague-
ment par transparence (B).
rants disposés par paires, au nombre de quatre pour chaque
larve, plus ou moins distincts suivant la position occupée par
celle-ci.
L'élevage des œufs de Phausis Delarouzeei n'avait, à ma con-
naissance, pas encore été tenté. «
La Luciole, Aix-en-Provence, novembre 1921.
ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE DES VERS LUISANTS 53
OUVRAGES CITÉS
4850. KixsewwerrTer, H von. — Si{ettiner entom. Zeit., p. 224.
1851. — Ann. Soc. ent. France, p 587.
1857. Newport, — On the natural History of the Glowworm (Lampyris noc-
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1866. TarGion: Tozzerri, À. — Come sia fat to l'organo che fa lume nella
Luceciola volante. Hem. Soc. ital. Se. nat., vol. 1, Milano. — Bull. Soc.
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1882. Wiezowiessxy, H. von. — Sludien über die Lampyriden. Zeits. f. 1viss.
Zool., vol. 31.
1884. Emery, C. — Unters. über Luciola italica. Zeits. f. wiss. Zool.,
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1856. Meixerr, F. — Gjennemborede Kindbakke hos Lampyris og Drilus-
Larverne. Ent. Tidskrift, VIT. Kjôbenhavn.
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Frs Ti. XLV,:pra3:
F. PICARD
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
DES
PARASITES DE « PIERIS BRASSICZÆ » L.
SOMMAIRE
I. PARASITES: DE LA CHENILLE.
1. Apanteles glomeratus L.
2. Hyperparasites d'Apanteles glomeralus :, Tetrastichus rapo WI ;
Dibrachys boucheanus Ralzb.; Eutelus mediterraneus Mayr. ;
Habrorytus sp ? : les Hemiteles.
3. Anilastus ebeninus Gray. et ses parasites. Angitia sp ?
4. Compsilura concinnata Meig.
II. PARASITES DE LA CHRYSALIDE.
1. Pteromalus puparum L.
2. Dibrachys sp?
3. Pimplainstigator F.
III CONSIDERATIONS GENERALES.
4. Rapports des parasites avec leur hôte.
2. Rapports des parasites entre eux. Le coparasitisme et lhyperpa-
rasitisme.
3. Le déterminisme de la ponte. La nutrition aux dépens de lhôte.
4. L'accouplement. La reproduction chez les femelles vierges.
Le comportement et l'adaptation.
©
Il est peu d'insectes parasites qui aient été aussi étudiés que
ceux qui vivent aux dépens de la Piéride du chou. IT peut donc
sembler inutile et présomptueux d'entreprendre de nouvelles
recherches à leur sujet. Mais la plupart des naturalistes qui
s'en sont occupés se sont bornés au point de vue descriptif.
sans essayer d'en extraire quoi que ce soit de général, ce qui
n’était pas le but que je me proposais.
D'autre part, mes observations m'ont fourni un nombre con-
sidérable de faits qui avaient échappés à mes prédécesseurs,
tels que ce curieux phénomène du guet chez le Pteromalus
puparum, la parthénogénèse thélytoque d’un Hemiteles,
- PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » DD
l'étrange et inutile attirance du Tetrastichus rapo par les che-
nilles de Piérides saines, la série de réflexes déclanchant la
ponte chez le Pimpla instiqator, la reproduction parthénogéné-
tique et la nutrition aux dépens de l'hôte chez des Hyménoptè-
res où on ne les connaissait pas. J'ai ajouté, d'ailleurs, plu -
sieurs espèces à la liste des ennemis de l’'Apanteles : Eutelus
medilerraneus, Hemiteles longicauda et Habrocytus sp ?, et une
autre à ceux de la Piéride, un Dibrachys qui, fait inattendu,
est endoparasite, contrairement à son congénère le Dibra-
chys boucheanus. On voit donc que le sujet Le plus rebattu peut
encore donner des résultats nouveaux pour qui l’'aborde avec
des préoccupations nouvelles.
Je me suis limité volontairement à l'étude des Piérides con-
finées sur un très petit territoire consistant dans les cultures de
Crucifères voisines de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier. Les
interactions des parasites entre eux et avec la Piéride consti-
tuant le principal objet de ces recherches, il était nécessaire
de m'en tenir à des espèces réagissant effectivement les unes
sur les autres, et par conséquent groupées sur un espace res-
treint.
L'exposé de ce travail comprendra trois parties. Dans la pre-
mière, j'étudierai les parasites de la chenille et leurs hyperpa-
rasites ; dans la seconde, ceux de la chrysalide. Ces deux caté-
gories sont en effet bien tranchées, car les espèces qui éclosent
de la nymphe dérivent d'œufs qui yontété pondus, et celles qui
se développent dans la larve ne passent pas dans la chrysalide.
La Compsilura concinnala fait parfois exception, car un grand
nombre de ses larves ne sortent de la Piéride qu'un peu après
sa métamorphose. Quant aux insectes qui pondent dans l'œuf,
notamment le Pol/ynema ovulorum, ils faisaient défaut dans le
consortium qui fait l’objet de ces observations.
La troisième partie sera consacrée à la discussion d’un cer-
tain nombre d'idées générales suggérées par les faits exposés
dans les deux premiers chapitres ().
(t) J'adresse mes remerciements à M. Je D' Masr, de Gênes, pour avoir bien
voulu m'aider de ses lumières dans l'identification des Chalcidiens, et à
MM. Gnassé et SuIRe, pour m'avoir adressé à Paris, lors de mon départ de Mont-
pellier, à l'automne de 1921, du matériel qui m'a permis de mettre au point quel-
ques observations, :
56 F. PICARD
LL — PARASITES DE LA CHENILLE
1.-— Apanteles glomeratus IL.
Ce Braconide est le plus important des parasites de la che-
nille de Pieris brassicæ. Gomme il est extrèmement répandu,
son étude à été poursuivie, depuis Réauuur, par une foule
d'observateurs et je puis done être assez bref sur son compte.
En négligeant les travaux anciens, la biologie de l’Apanteles
a été reprise dans ces dernières années, en Italie par Marre
(1907), en Allemagne par AbLer (1918-1920), en France par
Gaurier (1918-1919), en Angleterre par Garex8y (1919). Les don-
nées fournies par ces auteurs ne différent que par des détails
très secondaires, et mes propres observations me permettent de
les confirmer. Il y a lieu seulement de ne pas tenir compte des
publications fantaisistes de Fasre qui prétend que l’Apanteles
pond dans les œufs du Pieris, et de celles de J£6ex (1918) qui lui
fait accoler son œuf extérieurement à la peau de la chenille et
qui explique la rapidité du développement embryonnaire par la
nécessité où est la larve d’éclore avant la mue de son hôte.
J'ai observé la ponte à maintes reprises, sur de très petites
chenilles. Le stade le plus favorable est celui qui suit immédia-
tement l’éclosion et pendant lequel les jeunes larves de Pieris,
comme celles dé beaucoup de Lépidoptères, dévorent la coque
de leur œuf. Aprer (1920) prétend même que c'ést à ce moment
précis seulement que la ponte est possible, parce que, dès que la
petite chenille a mangé du chou, elle crache du jus de plante
sur le Braconide qui fuit. Il y a là de l’exagération. J'ai pu
m'assurer que l’Apanteles est encore susceptible de déposer
son œuf sur des Piérides de quelques jours. C’est un insecte
robuste qui maitrise parfaitement les chenilles en train de
se nourrir et reste insensible à leurs réactions défensives.
MarreLzut est plus près de la vérité en affirmant que l’Apan-
teles glomeratus pond dans des chenilles de 1 à 2 jours et qu'il
peut même déposer ses œufs dans des individus âgés de 5 jours
lorsqu'il y est forcé. Sans mettre en doute ce dernier fait, je Le
tiens pour exceptionnel, car, dans mes observations, des che-
hilles de 5 jours ont laissé le Braconide complètement indiffé-
PARASITES DE « PIKRIS BRASSICÆ » 57
rent. Mais je lai vu pondre très souvent aussi bien sur des
chenilles de 2 ou 3 jours ayant mangé que sur celles qui
venaient d'éclore et étaient occupées à ronger leur coque.
En ce qui concerne la ponte dans l'œuf admise par FaBre, je
n'ai jamais vu les œufs de Preris exercer une attirance sur les
Apanteles, mème lorsque leur teinte, virant au gris, annonce
l’imminence de l’éclosion. Gautier dit cependant que la ponte
dans l'œuf peut se produire exceptionnellement lorsque l'insecte
est privé de chenilles, mais que dans ce cas les œufs n’éclosent
pas, ou donnent des chenilles indemnes. Il est possible que
Fasre ait généralisé une observation accidentelle, sans prendre
la peine d'observer la suite du développement. |
L'Apanteles est apte à pondre dès qu'il est éclos. Aussitôt
qu'il se trouve en présence de chenilles de taille convenable,
il s'y porte rapidement, les maîtrise brutalement, et, courbant
son abdomen entre ses jambes postérieures, perce le corps de
sa victime avec sa tarière. L'opération ne dure que quelques
secondes pendant lesquelles la chenille reste immobile.
La description de Marrezrt, qui insiste sur les attitudes timi-
des du Braconide et les tentatives prudentes et répétées qui
précèdent la ponte, ainsi que sur les secousses et les réactions
défensives de la Piéride, ne correspond pas à ce que j'ai vu: la
chenille reste passive où à peu près devant l'attaque brusquée
de l'Apanteles qui n'a jamais besoin de s’y reprendre à plusieurs
fois pour arriver à ses fins. Dès que la ponte est terminée,
l'Apanteles se traine sur le côté à plusieurs reprises en frottant
son abdomen à la feuille de chou, et essuie sa tarière.
L’adulte apparaît dès la fin de mars à Montpellier, et ses
générations se succèdent jusqu à l'automne, la rapidité du déve-
loppement étant proportionnelle à la température. Tout le
cycle s'accomplit en trois semaines dans le gros de l'été. Les
derniers individus de l’année qui sortent des chenilles en
novembre, passent l'hiver dans leur cocon, non à l'état de nym-
phe, mais de larve, pourse métamorphoser seulement à la fin de
l'hiver. En été, au contraire, la nymphose à lieu trois jours
environ après le filage du cocon. La larve, décrite en détails,
notamment par SEuraT, est bien connue. Le stade le plus
jeune, en particulier, est remarquable par son énorme vésicule
caudale et l'absence de trachées.
à
58 c F. PICARD
On sait que les Pieris parasitées ne se distinguent des autres
ni par leur aspect ni par leur comportement. Peut-être pour-
rait-on admettre qu’elles quittent le chou pour vagabonder un
peu plus tôt que les chenilles saines, ear la sortie des À panteles
se produit souvent un peu avant que la chenille ait atteint toute
sa taille, mais la différence est bien faible et provient sans
doute de l’amaigrissement dû au parasite. Le mode de perce-
ment de la peau de l’hôte a été exactement décrit par tous les
auteurs, sauf par Fagse qui prétend que toutes les larves sor-
tent par une fente latérale commune. En réalité, la chenille est
perforée, surtout sur les flancs, d'autant de trous qu'il y à de
parasites, mais ces ouvertures se ressèrent aussitôt après leur
passage de sorte qu’elles deviennent presqu'invisibles et que la
chenille ne perd pas une goutte de sang. Le filage de la sote
commence dès que la larve est engagée dans l'ouverture et bien
avant qu'elle ait terminé sa sortie.
Les cocons sont, comme on le sait, agglomérés en un amas
recouvert d’une enveloppe commune. Le nombre des larves
pouvant cohabiter dans une même chenille est très variable : 11
est en général de 18 à 25, mais peut monter jusqu’à 45 et des-
cendre jusqu'à 1. La chenille, après la sortie de ses parasites,
languit sans s’écarter des cocons, ne s’alimente plus, et meurt
après un maximum de huit jours. :
Avec la majorité des auteurs, je n'ai jamais vu de telles che-
nilles se chrysalider. Cependant Réaumur (1736, t. IT, p. 420)
dit, en parlant des larves de Piéris parasitées par l’Apanteles :
« Quelques-unes même, malgré toutes les playes qui leur
« avaient été faites pour donner des sorties à tant de vers, se
« métamorphosèrent en crisalides, mais en crisalides qui péri-
« rent bientôt ». Marrezu, GauriER et d'autres admettent que
=
les chenilles meurent sans aucune exception avant de se chrysa-
lider. Garev8y (1919) est pourtant d’un avis opposé et tend à
donner raison à Réauuur. D'après lui la chenille peut parfois se
nymphoser lorsque le nombre des parasites est petit. Un imdi-
vidu aurait même donné l'adulte. De toute façon. ce dernier cas
ne peut qu'être très exceptionnel.
L'Apanteles qlomeratus.attaque non seulement toute les espè-
ces du genre Pieris, mais celles de beaucoup d'autres Lépidop.
tères de toutes les familles : Aporia cralægi, Vanessa urticæ,
PARASITES DE «€ PIERIS BRASSICÆ » 59
Macroglossa stellatarum, Smerinthus populi, Zygæna ephialtes,
Bembecia hylæiformis, Lymantria monacha et dispar, Euproc-
his chrysorrhea, Notodonta sic-zaq, Abraxas grossulariata, Phy-
galia pedaria.
Mais beaucoup de ces hôtes sont accidentels. Même en ce qui
concerne les Pieris, Gautier admet que l’on ne trouve guère
que 2 0/0 de Preris rapae attaqués contre 95 0/0 de Pieris bras-
sicæ (). Cependant l’Apanteles jlomeratus fut introduit dans
l'Amérique du Nord dans le but de combattre Pieris rapæ et
remplit son rôle efficacement. Le même Apanteles est aussi le
principal parasite d’Aporia cratægi, du moins à Montpellier, et
c'est l'espèce désignée par R\rzeBure sous le nom de Microgas-
ter cratæqi. L'Apanteles spurius, très abondant également chez
l’Aporia, ne pond jamais, à ma connaissance, dans P. brassicæ,
bien qu'il aieété cité parmi ses hôtes. En 1920, lors d’une inva-
sion exceptionnelle d’A. cratægi, j'observai une très forte pro-
portion de ces chenilles attaquées par À. spurius, tandis que
les Piérides d'un champ de choux, presque contigu, s’en mon-
trèrent constamment indemnes.
En résumé, À. glomeratus, sans être spécifique, est avant tout
un parasite des Preris et genres voisins {Aporia). Ses autres
hôtes, à part peut-être Abraxas grossulariata, sont des hôtes
de fortune. Il en est sûrement ainsi pour les Vanesses, car sur
le même mur où un nombre immense de Piérides parasitées
venaient se fixer, deux chenilles de Vanesses : Pyrameis cardui
et Polygonia egea, vivant sur la Pariétaire, restèrent complè-
tement indemnes d'Apanteles qlomeratus, quoique parasitées par
une autre espèce du même genre.
2. — Hyperparasites d'Apanteles glomeratus
L'Apanteles glomeralus étant très abondant sert de proie à
un grand nombre d'autres insectes. Les Fourmis, Cremastogas-
(‘) L'opinion de Cuénor (Les moyens de défense dans la série animale, p. 83),
d’après laquelle l’immuuité relative de Pieris rapae serait due à l'homochromie,
n'est pas soutenable, l’Apanteles pondant dans les petites chenilles qui, chez
rapae comme chez brassicae, sont de la même teinte grise et nullement homo-
chromes avec la feuille de chou. P. rapae est moins parasitée simplement parce
que les œufs de cette espèce sont éparpillés et non asglomérés comme ceux de
P. brassicae.
60 F. PIOARD
ter etautres, détruisent une grande quantité de ses nymphes.
Les Hyménoptères parasites qui l’attaquent sont nombreux et
comprennent à Montpellier les espèces suivantes :
Tetrastichus rapo WIk.
Dibrachys boucheanus Ratz.
Eutelus mediterraneus Mavr.
Habrocytus Sp ?
Hemiteles fulvipes Grav.
Hemiteles longicauda Thoms.
IL est à remarquer que tous ces hyperparasites pondent dans
le cocon du Braconide et qu'aucun n'atteimt sa larve tant
qu'elle est dans le corps de la Piéride. Si l’on en croit MaRTELLI,
il faut faire exception pour le Tetrastichus rapo, mais je ne
l'ai vu déposer son œufet se développerque dans les cocons de
l’Apanteles. |
Tetrastichus rapo WIk.
Ce très petit Chalcidien, d’un vert-bleu métallique, est pro-
bablement le mème que le Diplolepis microgastri décrit par
Boucaé comme sortant des cocons de l’Apanteles glomeratus.
Cependant Mas est d'avis que l'espèce de Boucné peut tout
aussi bien être rapportée au Dibrachys boucheanus, de sorte
que, dans le doute, il vaut mieux adopter le nom de
WALKER.
On connait actuellement trois hôtes de ce Tetrastichus, tous
trois parasites des Pieris. Marrezui l'a obtenu d'Apanteles qlome-
ratus et d'Anilastus ebeninus, et je l'ai également élevé dans
les cocons de ces deux insectes. Récemment Gavwrier et RIEL
(1921) ont signalé son parasitisme aux dépens de l’Apanteles
rubecula Marsh., ennemi de la chenille de Pieris rapa.
Les femelles de Tetrastichus ne s’accouplent qu'une fois ;
mais le mâle Les harcèle sans cesse. I ne semble pas faire de
différence entre les femelles vierges et celles qui ont été fécon-
dées, cas fréquent chez les Chalcidiens, et qui contraste avec ce
qui se passe chez les Ichneumonides tels que les Pimpla. Dès
qu'une femelle est dans son voisinage, il se juche sur son tho-
rax, la caresse des pattes et des antennes, puis recule de temps
PARASITES DE & PIERIS BRASSICÆH » 61
à autre pour tenter un rapprochement toujours refusé. Ces
importunités continuelles du mäle dérangent beaucoup les
femelles pendant qu'elles sont occupées à pondre,
L'étude de la ponte et du mode de parasitisme m'a donné
beaucoup de, mal, car, mes observations me mettant en désac-
cord avec mes prédécesseurs, J'ai dû instituer des expériences
aussi nombreuses et variées que possible afin de vérifier ma
façon de comprendre les faits.
J'exposerai d'abord les observations de mes devanciers et je
donnerai ensuite ma propre manière de voir.
SeurAT (1899) à très vraisemblablement étudié cette espèce,
sous le nom de Diplolepis microgastri. D'après lui ce Chalei-
dien pond ses œufs, à travers la peau des chenilles de Pieris
brassicæ, dans les jeunes larves d’Apanteles qlomeratus, alors
que celles-èi sont très petites et n’ont pas encore de trachées
visibles. Cet auteur a observé des larves d'Apanteles renfermant
une vingtaine d'œufs de l'hyperparasite. Le Chalcidien ne sort
de l'hôte que quand celui-ci a filé son cocon ; à ce moment il
dévore tout, sauf la peau, et opère sa nymphose dans la coque
de sa victime.
Marrezu (1907) ne cite pas l’auteur français, et arrive à des
conclusions analogues. Pour lui, le Tetrastichus rapo, qui pond
dans les chenilles de 12 à 20 millimètres, choisit celles qui
hébergent des larves d'Apanteles où d'Antlastus et les recon-
naît avec une grande facilité. Le Tetrastichus perfore done avec
sa tarière, d’abord la peau du Pieris et ensuite celle de la
larve sous-jacente. La larve du Te/rastichus ne nuit pas à
l'hôte dans lequel il vit tant que celui-ci se trouve dans le corps
de la Piéride, de sorte que les larves d'Apanteles peuvent
atteindre leur complet développement dans la chenille, en
sortir et filer leur cocon ; de même l’Anélastus parvient à filer
le sien. L'œuvre destructrice des larves de Tetrastichus ne s’ac-
complit que quand l'hôte est proche de la nymphose. Alors
les Chalcidiens sortent de la dépouille de leur victime, restent
dans son cocon et y terminent leur évolution. Marrezut est en
désaccord avec Seurar sur un point : 1l dit que le nombre des
larves de Tetrastichus susceptibles de vivre dans un Apanteles
est en moyenne de 3 et ne peut dépasser 4, tandis que Seurar
a observé une vingtaine d'œufs dans les jeunes larves du Bra-
62 F. PICARD
conide. Mes constatations donnent raison à MARTEL, mais il
faut compter avec la concurrence vitale.
Gaurier et Riez (1921) admettent aussi que le Tetrastichus rapo
dépose ses œufs dans la larve de l’Apanteles rubecula à travers
le corps de la chenille de Pieris rap. L'adulte sort beaucoup
plus tard, lorsque l’Apanteles a filé son cocon.
Convaincu de l'exactitude des faits décrits par ces divers
auteurs, je me suis acharné à les vérifier sans pouvoir y parve-
nir, et la série d'expériences suivante m'a conduit à une con-
ception très différente du mode de parasitisme de Tetrastichus
rapo :
fe série d'expériences. Ponte dans les petites chenilles para-
sitées. — Des petites chenilles sont livrées, le jour même de
leur éclosion, à des Apanteles qui y déposèrent leur œufs.
Deux ou trois Jours après, elles sont mises en présence d’une
douzaine de Tetrastichus rapo femelles. Celles-ci les abordent
aussitôt de telle façon qu’il semble bien que la proie leur con-
vient. La ponte parait cependant fort difficile par suite des
réactions violentes des chenilles sur le compte desquelles je
reviendrai. Ce n'est souvent qu'au bout d’une heure, et quel-
quefois bien davantage, que le Tetrastichus, juché sur le dos de
sa victime, parvient à enfoncer sa tarière et à la maintenir assez
longtemps pour donner l'impression que l'œuf a été déposé.
Néanmoins, après une cohabitation de 24 heures, pendant
laquelle j'ai assisté de visu à de très nombreuses piqûres, je
considère que la totalité, ou du moins la grande majorité, des
chenilles apantélisées à dû recevoir la ponte de l’hyperpa-
rasite.
Le lot parasité, et supposé hyperparasité, est ensuite nourri
sur feuilles de chou. Petit à petit, dans Les jours qui suivent,
une mortalité, qui devient de plus en plus forte, s’observe dans
l'élevage. Certaines chenilles résistent 5 jours, d’autres 8 ou 10,
mais aucune ne dépasse une douzaine de jours. Je dissèque à
mesure la presque totalité des Piérides mortes ; dans chacune
d'elles je retrouve les larves primaires de l'A panteles avec leur
vésicule anale. Beaucoup sont encore vivantes elles n'ont pas
encore de trachées et tous leurs organes sont visibles par trans-
parence, de sorte qu'il serait très facile d'y déceler Pœuf ou la
larve du Tetrastichus. Mais aucune ne renferme ni œufs ni lar-
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 63
ves du Chalciden, et il n’en existe pas non plus dans les orga-
nes ni dans la cavité générale de la chenille.
‘Cette expérience fut recommencée plusieurs fois de suite avec
des variantes. Parfois la durée séparant la ponte du Braconide
de celle du Tetrastichus fut espacée de quelques jours, d’autres
fois les chenilles furent livrées aux Chalcidiens au sortir de
l’étreinte des Apanteles. Dans tous les lots le résultat fut le
même : toutes les chenilles moururent en un temps plus ou
moins long, et, disséquées vivantes ou mortes, aucune ne pré-
senta le moindre T'etrastichus à quelque stade que ce fut.
® série d'expériences. Ponte dans de jeunes chenilles indem-
nes. — Une centaine d’œufs de Pieris sont déposés dans un
tube avec quelques Tetrastichus qui restent indifférents. Dès
que les chenilles éclosent, et pendant qu’elles mangent leur
coque, les Chalcidiens se portent sur elles et font des tentati-
ves de ponte, absolument comme pour les chenilles apantéli-
sées. À ma grande surprise, Je les vois persévérer et parvenir
à enfoncer leur tarière dans tous les individus du lot, et je puis
me convaincre que contrairement aux affirmations de MarTeLuI,
le Tetrastichus ne fait aucune différence entre les individus
indemnes et ceux qui sont parasités. Cinq jours après, toutes Les
chenilles de cette ponte sont mortes; aucune d’entre elles,
après dissection, ne recèle d'œufs ni de larves du Chalcidien.
De petites chenilles de deux jours sont exposées aux Tetrasti-
chus. Elles sont piquées et meurent au bout de 5, 8 ou 10 jours.
Aucune n’est parasitée.
3° série d'expériences. Chenilles de grande taille. — Des che-
nilles arrivées à la fin de leur croissance sont isolées dans un
récipient contenant une quinzaine de femelles de Tefrastichus,
ou davantage, par chenille. Les Chalcidiens se portent instan -
tanément sur leur dos. Ils subissent donc très fortement leur
attirance, comme celle des petites ; mais ici ils n'ont à engager
aucune lutte ; les grosses chenilles réagissent à peine et se lais-
sent piquer presque passivement. Aussi les Hyménoptères
s’occupent-ils sans relâche à enfoncer leur tarière sur toutes
les régions du corps.
Au bout d’un certain temps les chenilles ainsi piquées sont
presque complètement paralysées. Quelques-unes le sont
encore le lendemain et meurent au bout de 24 heures. D’autres
64 F. PICARD
se rétablissent et se transforment le surlendemain en chrysa-
lides qui donneront des papillons. :
Les autres sont ouvertes, mortes ou vivantes, et ne renfer-
ment pas d'œufs du Tefrastichus.
D'autres essais sont faits en se servant de chenilles un peu
moins grosses, où en diminuant le nombre des agresseurs.
Dans ce dernier cas, la paralysie est moins complète et la Pié-
ride s’en remet promptement. Mais de toute facon, la totalité
des chenilles est trouvée indemne à l’autopsie.
4e série d'expériences. Ponte dans les cocons d'Apanteles. —
Je donne à des Tetraslichus des amas de cocons d’Apanteles.
Ils s'y promènent lentement, les palpent des antennes, abais-
sent leur tarière et l'enfoncent verticalement à la manière des
Chalcidiens.
Huit jours après, j'ouvre un certain nombre de éocons expéri-
mentés.J'ytrouvedes larves d’Apanteles mortes, en pleine décom-
position ; leurs tissus sontremplacés parun liquide sanieux d’une
teinte brune, malodorant et contenant une ou plusieurs larves
de Chalcidiens qui ne peuvent appartenir qu'au Tetrastichus.
Ces larves, qui sont bien vivantes et remuent les mandibules,
flottent dans le liquide, et l'ont voit par transparence que leur
tube digestif est rempli de la même sanie dans laquelle elles
sont plongées. Des adultes de T. rapo sortirent des cocons
réservés par un trou de très petit calibre, ce qui leva tous les
doutes.
Un grand nombre de pontes furent ainsi observées dans les
cocons d’Apanteles. La dissection me montra toujours des lar-
ves de Tetrastichus, tantôt solitaires, tantôt grégaires au nom-
bre de deux ou trois, mais en tout cas /oujours endoparasites,
ayant tué leur victime, et se gorgeant du liquide en putréfac-
lion dans lequel elles flottent. Il est donc: très facile de les dis-
tinguer des larves de Dibrachys qui vivent aussi dans les cocons
d’'Apanteles, mais qui sont ecloparasites, ne tuent pas leur proie
et en aspirent les sues frais. Les larves de Tetrastichus furent
observées aussi dans les nymphes de l'Apanteles dont elles
occasionnent la mort et la décomposition comme elles le font
chez la larve.
La nymphe de Tetrastichus rapo, qui se trouve placée à nu,
comme la plupart des nymphes de Chalcidiens, dans le cocon
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆH » 65
de l'hôte, est facile à distinguer de celle du Dibrachys bouchea-
nus par sa taille plus petite, la position de ses pattes en moin-
dre extension, ete.
Les succès constants de ces expériences de ponte dans les
cocons contrastent avec les insuccès de toutes les tentatives
pour obtenir le développement dans les chenilles de quelque
taille que ce soit, apantélisées ou non.
5° série d'expériences. Ponte dans les cocons d'Antlastus. —
J'offre aux Tetrastichus les tonnelets contenant le cocon de
l'Anilastus ebeninus. Is sont acceptés et piqués comme les
cocons d’Apantelies. Quelques jours après, plusieurs de ces ton-
nelets sont ouverts ; ils contiennent une larve ou une nymphe
morte pleine d'un liquide putride dans lequel sont plongées de
12 à 15 larves de Tetrastichus bien vivantes, avec l'intestin
rempli du fluide brunâtre dans lequel elles nagent. Les cocons
non disséqués donnent issue par la suite, par un trou circulaire,
à des Tetrastichus adultes.
Nous savons que Marrezur admet que le Chalcidien pond
dans l'Anélastus à travers la peau de la Piéride vivante. Il dit
cependant que la larve de l'Ichneumonide peut être atteinte
quelquefois quand elle à complètement dévoré l’intérieur de
l'hôte et que le tégument de celui-ci a pris une teinte enfumée.
Mes expériences montrent que c'est la règle. On ne peut pas
parler d’hyperparasitisme véritable dans ce cas, c’est-à-dire de
parasites emboités l’un dans l’autre et tous deux vivants. La
peau de la chenille au moment de la ponte n'est plus qu'une
enveloppe sèche et correspond au cocon de l’Apanteles.
En résumé, je crois pouvoir tirer de ces cinq séries d'expé-
riences les conclusions suivantes :
1° Les chenilles apantélisées ou non, grandes ou petites,
exercent une puissante attraction sur le Te/rashichus rapo qui
les perce de sa tarière avec ardeur. Rien ne nous autorise à
penser, comme le prétend Marrezt, que le Chaleidien choisit
celles qui sont parasitées, ni qu'il les reconnait avec facilité.
2° Aucune des chenilles piquées, parasitées ou non, n'a per-
mis le développement du Tetrastichus, n1 dans ses tissus, ni
dans ceux du parasite. Le venin du térébrant les fait périr à
coup sûr lorsqu'elles sont petites, et même lorsqu'elles sont
grosses si Les piqûres sont multipliées,
66 F. PICARD
3° Le Tetrastichus pond dans les parasites de la chenille
(Apanteles et Antwlaslus) mais seulement lorsqu'ils ont filé leur
cocon et que la chenille est morte. Il {ue son hôte rapidement
et se développe dans son cadavre putréfié.
Ces conclusions, basées sur un grand nombre d'expériences
que chacun peut répéter, sont donc fort opposées à la manière
de voir de Seurar, de Manrezrt et de Gautier et Riez, et je ne
me dissimule pas qu'il est troublant d’être en contradiction
avec quatre naturalistes dont la bonne foi ne saurait être sus-
pectée.
Ce l’est d'autant plus que j'ai parfaitement vu le Tetrastichus
enfoncer sa tarière dans les chenilles. On peut se demander si
mes prédécesseurs, ayant offert des chenilles apantélisées au
Tetrastichus et l'ayant vu piquer, ne s'en seraient pas tenu là
et n'auraient pas admis, sans plus ample informé, que les adul-
tes qu'ils voyaient sortir des cocons provenaient d'œufs pondus
dans la Piéride. J'étais disposé moi-même à le croire, jusqu'à
ce que j'aie vu, d'une part que les chenilles ainsi piquées mou-
raient en peu de temps, et d'autre part que les chenilles indem-
nes étaient perforées avec autant d'ardeur que les parasitées.
D'ailleurs il faudrait expliquer ce que Seurar aurait pu prendre
pour des œufs, car il dit nettement avoir vu une vingtaine
d'œufs de Diplolepis dans le corps de très jeunes larves d’Apan-
teies n'ayant pas encore de trachées.
Je me suis demandé si l'on ne pourrait pas concilier toutes
les observations. Le Terrastichus est, somme toute, polyphage,
puisqu'on lui connait trois hôtes : deux Braconides, les Apante-
les glomeratus et rubecula, et un Ichneumonide, l'Antlastus ebe-
ninus. Il parait sollicité par des attirances complexes puisqu'il
pique les cocons des parasites et aussi les chenilles, depuis
leur sortie de l'œuf jusqu’à la chrysalidation. Ne pourrait-on
pas admettre qu'il infeste les Apanteles, tantôt dans le cocon
après leur sortie comme je l'ai observé, tantôt dans la chenille,
comme le veulent les auteurs précitées ? Mes échecs provien-
draient alors de ce que je n'aurais pas su saisir le stade conve-
nable et qu'au lieu de très petites chenilles apantélisées, âgées
de quelques jours, j'aurais dû en offrir de grosses, contenant
des larves de Braconide plus évoluées.
Cette manière de voir est possible et je serai très disposé à
PARASITES DE © PIERIS BRASSICAÆ » 67
l’admettre si des observations ultérieures la vérifient, mais elle
se heurte à deux grosses objections : 1° elle ne cadre pas avec
les observations de Seurar qui a décrit la ponte comme se fai-
sant dans de jeunes chenilles renfermant de très petites larves
n'ayant pas encore de trachées visibles, ce qui n’est pas le cas
des chenilles moyennes et grosses, chez lesquelles Iles Apante-
les se trouvent à des stades plus avancés.
20 Nous savons qu'Apanteles et Anilastus sont tués dans leur
cocon par le parasite et que celui-ci se nourrit d’une bouillie
putride. Si donc le Tetrastichus se développait dans la chenille
aux dépens des mêmes parasites, la même mort rapide survien-
drait, et en admettant que le Chalcidien put poursuivre son
évolution, c'est du corps de la chenille qu'il surgirait à l’état
adulte, et SeuraT, MarTezi, etc. disent qu'ils vivent dans la
larve d'Apanteles sans la tuer, ce qui permet à celle-ci de
sortir pour filer son cocon. C'est à ce moment seulement que le
Braconide périt
Or j'ai toujours observé qu'une mort prompte était l'apanage
de tout Apanteles dès qu'il était parasité. J’ignore si c’est Le fait
du venin maternel ou des mandibules larvaires, mais j'imcline
plutôt vers la première solution après avoir constaté les ter-
ribles effets de ce venin paralysant sur les chenilles de Pieris.
Je considère donc comme tout à fait impossible qu'une larve
jeune d’Apanteles parasitée par leTetrastichus rapo puisse sur-
vivre assez longtemps pour filer son cocon.
Ou bien il faudrait admettre une double évolution : celle
que jai vue, avec ponte dans le cocon, du type rapide, et mor-
telle pour l'hôte, et une seconde, compatible avec la description
de Seurar et de MarreLui, avec ponte dans la chenille, du type
lent, l'œuf, par exemple, éclosant tardivement, ou la petite
larve attendant pour se nourrir l'issue au dehors de sa proie.
À vrai dire, on peut théoriquement concevoir que l'œuf ou la
jeune larve puissent évoluer différemment suivant le milieu dans
lequel ils sont plongés. Il ne me semble pas possible de tout
concilier sans être acculé à cette hypothèse. Mais on doit
avouer qu'elle touche à la limite de la vraisemblance et que, si
des recherches futures la confirmaient, la biologie du Tetrasti-
chus rapo serait plus surprenante encore qu'elle ne parait.
De toute facon je ne puis qu'exposer le résultat de mes pro-
68 É F. PICARD
pres observations, et sans vouloir nier les faits relatés par
d’autres, je dois reconnaitre qu'ils cadrent bien mal avec ce que
j'ai constaté. Toutefois, même en admettant un développement
possible dans les jeunes larves d’Apanteles, 11 n'en demeure
pas moins établi que les Piérides saines exercent une attirance
aussi forte que les parasitées et sont piquées de la même façon,
fait extrêmement suggestif qui avait échappé à tous les obser-
vateurs.
IL est nécessaire maintenant d’éclaircir certaines questions qui
se posent à la suite de mes expériences :
J'ai dit que ni œufs ni larves de Tetrastichus n'avaient été
trouvés dans les autopsies pratiquées sur les chenilles piquées.
Ce fait peut s'expliquer de deux facons : ou bien l’insecte pond
effectivement lorsqu'il enfonce sa tarière, et l'œuf est ensuite
résorbé par phagocytose On sait que le fait a été vérifié par
Tiusercare dans le cas de Limneria validum pondant dans
des chenilles ne convenant pas à son développement, et c'est
une des voies par lesquelles le parasitisme aboutit à la spéci-
ficité.
Ou bien, au contraire, le Tetrastichus ne pond pas. Fexpli-
querai à propos du Pimpla inshiqator, que certaines exeitations
peuvent déclancher le réflexe de l'érection de la tarière et dela
perforation de l’hôte, sans provoquer l'évacuation de l'œuf. Il
peut en être ainsi dans le cas présent et il est très admissible
que l'odeur du Pieris incite l’insecte à piquer, mais non à
pondre. Des chenilles ouvertes peu après la piqûre ne m'ont
rien montré, mais l’œuf peut m'avoir échappé.
Les manœuvres de l’insecte donnent, 1l est vrai, l'impres-
sion d'une ponte effective : la femelle recourbe l'abdomen, en
touche la chenille de la pointe, puis le relève et le maintient
horizontal, tandis que la tarière reste verticale ; elle est enfon-
cée progressivement, parfois à demi, parfois jusqu à la base,
avec de petits coups saccadés pendant la montée ou la descente,
suivis de torsion de l’abdomen, comme chez beaucoup de Chal-
cidiens, par exemple les Pteromalus, lorsque l'œuf s'engage
dans le gorgceret.
On sait qu'un grand nombre de térébrants entomophages,
et spécialement de Chalcidiens, utilisent leur appareil perforant
pour faire sourdre des gouttelettes du sang de leur proie et
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 69
s’en nourrir. On pourrait done se demander si la piqûre des
chenilles n'est pas, chez le Tetrastichus, exclusivement en rap-
port avec l'alimentation de l'adulte. J'ai vu, en effet, des Tetras-
tichus rapo s'abreuver du sang que leur tarière avait fait écou-
ler ; mais ce fut très exceptionnellement, deux fois, je crois, sur
plusieurs centaines d'observations. J'ai même été surpris de la
rareté de cette pratique chez cet insecte, alors que chez les
Pieromalus, les Pimpla, ete., elle est continuelle. Ce n’est donc
certainement pas un besoin nutritif qui incite les Tetrastichus à
piquer les Piérides. Ce geste est inutile, le plus souvent, et
résulte d’une invincible attraction vraisemblablement olfac-
tive.
Un autre point à élucider est la mort des chenilles piquées.
Cette mort, avons-nous vu, se produit quelquefois de suite,
parfois de 5 à 12 jours plus tard, lorsqu'il s’agit de jeunes
Piérides ; quant aux grosses, elles ne périssent qu'en cas de
piqûres multipliées. La mortalité est la même chez les chenilles
indemnes et chez celles qui sont apantélisées, et la cause n'en
peut être cherchée dans de mauvaises conditions d'éducation.
En effet certaines chenilles meurent immédiatement, et d'ailleurs
les élevages de Piérides à partir de l'œuf sont très faciles à
réussir, même lorsqu'on les a soumises à la ponte de l’Apan-
teles.
Le venin du Chalcidien est donc seul responsable. On sait
que les térébrants sont munis d’un appareil venimeux, mais ce
n’est que depuis peu d'années qu'un certain nombre d’observa-
tions éparses ont été faites sur son efficacité ; par exemple chez
Sycosoter Lavagnei par LacarensTEIN et moi-même, et chez Elas-
mus flabellatus, par Suvesrri. Le venin de Tetrastichus rapo
est doué de propriétés paralysantes. Les jeunes chenilles
piquées paraissent plongées dans une torpeur complète ; après
le départ de l'Hyménoptère, elles demeurent étendues sur
leur feuille, dans une totale inertie. Au bout d’une demi-heure,
on observe quelques faibles mouvements dans la partie posté-
rieure du corps, mais la tête et le thorax restent rigides, et ce
n’est qu'une heure ou deux après que la Piéride est capable de
se déplacer. De grosses chenilles piquées un très grand nombre
de fois restèrent en torpeur jusqu à leur mort.
Lorsque la paralysie rétrocède, ce qui est le cas des chenilles
70 FR, PICARD
de tout âge modérément piquées, la mort n’en est pas moins
fatale, du moins chez les jeunes. Rien n'est plus surprenant,
chez le Chalcidien, que cette invincible impulsion qui l’incite à
tuer des familles entières de petites chenilles, sans utilité pour
lui ni pour sa descendance.
Je n'ai pas encore décrit la facon dont le Tetrastichus rapo
aborde les chenilles de Piéride, et ce n’est pas ce qu'il y a de
moins étonnant dans son comportement. Quand les femelles
sont mises en présence de chenilles de deux ou trois jours,
elles se promènent au milieu d'elles avec les apparences d’une
erande circonspection, et donnent l'impression d’un dompteur
creulant au milieu d’une troupe d'animaux dangereux. Elles
les palpent des antennes, presque sans les’effleurer, et se rap-
prochent avec lenteur, reculent et avancent alternativement,
posant une patte l’une après l’autre et cherchant à grimper
sur leur dos, le plus souvent par derrière. Au moindre attou-
chement les chenilles réagissent violemment : elles tournent
et détendent la partie antérieure du corps, frappant le Chalei-
dien comme d’un coup de bélier. Atteint ou non, celui-ci
bondit en arrière, s'immobilise un instant et recommence ses
lentes manœuvres d'approche ; parfois la Piéride le saisit avec
ses mandibules et le secoue en le mordant aux ailes ou à l'abdo-
men ; d'autres fois, elle dégorge sur lui la nourriture qu'elle
vient d’ingurgiter, et le Tetrastichus, avant la tête ou les ailes
engluées, doit procéder à une toilette complète.
Ce n’est donc qu'à force de temps et de précautions que le
Chalcidien parvient à se jucher sur le dos de la chenille, géné-
ralement sur les derniers segments. Très doucement il abaisse
sa tarière et va la faire pénétrer. Presque toujours la chenille
se secoue alors avec force, l'arme est rengainée et tout est à:
recommencer. Quelquefois quand tout va bien, un mâle surgit
qui compromet la réussite en sautant sur la femelle et l’impor-
tunant de ses caresses. On conçoit done qu'il faut de la patience
pour assister à l'enfoncement de la tarière. Le Tetrastichus Y
parvient par son obstination, mais au bout d'une heure ou
davantage, et après avoir été battu, chassé, inondé de vomisse-
ment à plusieurs reprises.
Le parasite donne donc l'illusion de se conduire comme sl
savait à quelles difficultés il devra se heurter. Sa cireonspec-
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 71
tion, ses gestes mesurés font l'impression d'une adaptation
admirable à la chasse du vigoureux gibier que représente la
petite chenille pour un être aussi frêle. Et cependant c’est en
pure perte que joue le mécanisme de cette belle adaptation. La
vive attraction produite par la proie, tous ces mouvements qui
semblent si bien calculés, toute cette obstination n'aboutissent
qu'à un simulacre vain, qu'à la piqûre et à la mort des jeunes
Piérides sans objet ni profit pour l'opérateur.
Dans certaines circonstances le Tefrastichus parvient à ses
inutiles fins avec plus de facilité : lorsque les Piérides sont à
l'approche de la première mue, leur immobilité relative ne leur
permet que des réactions plus limitées, et la tarière peut être
enfoncée sans que son possesseur soit aussi exposé aux outrages
habituels. De même les grosses chenilles réagissent beaucoup
moins que les petites, d'autant que leur taille, loin d’être une
sauvegarde pour elles, ne leur permet plus d’attemdre aisément
leur agresseur. Aussi sont-elles lardées de coups multipliés et
peuvent-elles succomber comme les petites.
Un insecte du même genre, le Tetrastichus xanthomelænx,
pond, comme on sait, dans les œufs de la Galéruque de l'Orme.
En observant cette espèce, j'ai vu que les femelles sont très
exclusives et pourchassent sans merci les autres individus qui
tentent de s'établir sur l’amas d'œufs qu'elles s'occupent à
exploiter. Le T. rapo ne se comporte pas ainsi; plusieurs
femelles peuvent pondre en commun sur le même cocon
d'Apanteles où d'Anulastus, des quantités peuvent se jucher
côte à côte sur le dos d’une grosse chenille, au point de le
rendre tout bleu, et perforer son tégument de concert. Je n'ai
jamais surpris entre elles la moindre marque d'hostilité.
Le Tetrastichus rapo mérite-t-il véritablement le nom de
parasite ? Cela dépend du sens que l'on donne à ce mot. Si
l'on admet avee Cauzcery (') que le parasitisme peut être défini
la condition de vie normale et nécessaire d’un organisme qui
se nourrit aux dépens d'un autre sans le détruire (du moins
brutalement ou rapidement), et c'est je pense l'opinion la plus
généralement adoptée, il est certain que le Tetrastichus n'est
pas uu parasite. Les seuls insectes étudiés dans ce mémoire
‘) Cauzzery (M.). Le parasitisme et la symbiose. Paris, Doin, 4921,
Ï
12 F. PICARD
nous offrent des variétés fort marquées de parasitisme : L’Apan-
teles qui flotte dans la cavité générale de la Piéride et ne la
fait périr qu'après sa sortie, la Comp:ilura qui vit confinée dans
l'intestin de l'hôte et permet sa chrysalidation, le Dibrachys
dont la larve suce de l'extérieur les humeurs de celle . de
l’Apanteles maintenue vivante et fraiche pendant quelque
temps, sont trois types divers de parasites, mais dont l'existence
est compatible en tout cas avec une certaine survie de l’hôte.
I n'en est pas de même du Tetrastichus rapo ; 1 se nourrit dès
le début d’une substance organique morte et putréfiée, et c’est
un nécrophage au même titre que les consommateurs de chairs
corrompues tels que les larves de Nécrophores, de Lucilia et de
Calliphora, que nul ne qualifie de parasites (‘). Il y a cependant
une différence, c’est que la mort de l'hôte est produite ici par
l’exploiteur, et, comme, après tout, la survivance des Piérides
n'est pas longue lorsqu'elles sont attaquées par le Pteromalus
puparum où par les Pimpla, il est bien difficile de dire où
s'arrête le parasitisme et où commence la nécrophagie. J'ai
fait remarquer ailleurs, et je ne suis pas le premier, qu'il n’y a
vraiment pas de distinction essentielle entre la vie larvaire de
certains Hyménoptères dits prédateurs, Sphégiens et autres, et
celle des ectoparasites tels que les Dibrachys, les Bracon ou les
Polysphincta. Les premiers transportent, il est vrai, leur proie
après l'avoir paralysée, mais ce n'est pas le cas de certains
Pompiles ni des Scolies, qui la laissent sur place, et, quant à la
paralysie, elle est fréquente chez les térébrants.
Pour toutes ces raisons, il est préférable de continuer à lais-
ser un certain vague à la notion de parasitisme, comme on le fait
habituellement, car ses modalités sont si nombreuses et telle-
ment reliées les unes aux autres par des intermédiaires, qu'il
nest guère possible de séparer des catégories bien tranchées.
Dibrachys boucheanus Ratzb.
Le Dibrachys boucheanus (= cavus WNIk.) est l'ennemi le
plus important de l'Apanteles glomeratus. C'est peut-être . le
Chalcidien le plus polyphage que l’on puisse rencontrer et il a
(*) La larve de Tetrastichus brevicornis, parasite de Perrisia œnophila, est
également nécrophage (Marcaar, Ann. Soc, Entom., 1900),
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 13
été obtenu d'une foule d'hôtes appartenant aux Lépidoptères,
Hyménoptères, Coléoptères, ete. Ses victimes les plus fréquentes
sont des Microlépidoptères comme Tinea granella, Sitotroga
cerealella, Hyponomeuta malinella, Cydia pomonella, Argyres-
thia nitidella, Galleria ete, des Diptères (Tachina), un Coléop-
tère, le Charancon du blé, et, parmi les Hyménoptères, des
Lophyres (Lophyrus pini et similis), des Apiaires (Megachile
argentata), divers Apanteles et Microgaster et l’Hemuateles socialrs.
On remarque qu'il est tantôt parasite primaire, comme chez
les Lépidoptères et chez les Lophyres, tantôt hyperparasite
comme chez beaucoup de Braconides et d'Ichneumonides.
STEARNS (1919) l’a obtenu aux Etats-Unis d’un Macrocentrus
parasite lui-même de Cydia molesta, chenille vivant dans les
Pêches. Il est probable qu'il peut attaquer aussi bien le Cydia
lui-même que ses parasites, puisqu'on l'a vu pondre en France
sur une chenille voisine, le Cydia pomonella.
Sa larve est toujours ectophage, de sorte que le Dibrachys
ne dépose ses œufs que sur des victimes, larves ou nymphes,
enfermées dans un cocon ou protégées par une enveloppe
quelconque. Il ne pond dans l’Apanteles que lorsque celui-ci
est sorti de la chenille et a filé sa coque. C’est évidemment à
lui que fait allusion Marsnazz {) en parlant d'un Pteromalus
hyperparasite des Apanteles. Mais il s’est complètement mépris
sur ses mœurs lorsqu'il écrit : « Ces derniers (les Pteroma-
« lus), en raison de leur petitesse, sont sociaux et vivent en
« famille, au nombre de plusieurs individus dans la même
« coque. Si incroyable que paraisse le fait, on ne peut douter
« que ces petits Hyménoptères soient doués de la faculté de
« choisir une chenille déjà piquée par un Apanteles et de diri-
« ger leur tarière à travers ses téguments de manière à
« atteindre infailliblement le corps des parasites sous-jacents ».
Ils ne sont doués de rien de semblable, et pondent simple-
ment dans les cocons de l'Apanteles, de la même façon que
dans ceux d’une Tenthrède ou d'un Tinéide.
Lorsqu'une femelle de Dibrachys boucheanus rencontre un
amas de cocons d'Apanteles glomeratus, elle y pénètre et s’en-
fouit au milieu d'eux. Elle y demeure ainsi fort longtemps,
(t) MarsmaLz. Les Braconides, 1 vol , p. 403, in Species des Hyménoptères
d'Axnré, t. IV.
+
=
F. PICARD
tantôt pondant, tantôt immobile sur Le tas ou cachée dans l'enve-
loppe de soie.
Lors de la ponte, l'insecte se campe sur un cocon, place sa
tarière perpendiculairement à l'abdomen, les deux valves res“
tant horizontales. La tarière s'enfonce entièrement, puis l’abdo-
men subit des torsions à droite et à gauche pendant plusieurs
minutes. Ensuite la femelle semble procéder à un tassage par
de petits mouvements du gorgeret. Celui-ci peut de nouveau
redescendre sans être retiré de l’orifice et on assiste à une nou-
velle torsion de l’abdomen, après laquelle la tarière est remise
en place. Ce processus correspond vraisemblablement au
dépôt de deux œufs consécutifs.
L'œuf se trouve simplement posé à plat dans le cocon sur
la peau d’une larve ou d'une nymphe bien vivante. On en
observe souvent deux l’un près de l’autre, quelquefois davan-
tage. La couleur de cet œuf est d'un blanc translucide, sa
dimension d'un quart de millimètre environ, et sa forme très
légèrement incurvée. Sa longueur est trois fois et demie supé-
rieure à sa plus grande largeur, et il est deux fois plus large
à un pôle qu'à l’autre.
On peut trouver, dans un cocon livré à une seule femelle, à
la fois des œufs’ non éclos et des larves assez grosses ; la ponte
est donc très espacée, car huit jours après son début, alors que
certains cocons renferment des larves déjà bien développées,
on rencontre encore des œufs, soit sur la même victime, soit
sur une autre. On observe aussi parfois des larves très petites
côte-à-côte avec une autre ayant toute sa taille. Les premières
sont destinées à donner des adultes nains ou même à périr, si
la plus âgée a épuisé trop vite la réserve alimentaire, ce qui
arrive souvent.
La larve du Dibrachys boucheanus est blanche et rebondie
quand elle à terminé son repas. Elle est ectoparasite pendant
toute son existence et se nourrit en enfonçant sa tête sous la
peau d'un Braconide par un trou produit à l’aide des mandi-
bules. Elle ne tue pas sa proie qui se conserve fraiche pendant
plusieurs jours. Elle se distingue en cela de celle du Tetrasti-
chus rapo, vivant en endophage aux dépens d'une larve tuée et
décomposée.
Les nymphes d’Apanteles recoivent les pontes comme les
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 75
larves, et sont également dévorées et vidées entièrement. Que
leur ennemi soit solitaire ou multiple, toute leur substance est
utilisée, hormis la peau qui est refoulée à un bout du cocon,
lors de la métamorphose du Chalcidien. Les nymphes sur le
point de devenir adultes et dont les téguments sont déjà durcis
ne peuvent convenir au développement du rbrachys, mais
celui-ci ne possède aucun discernement spécial lui permettant
de distinguer à quel stade est sa proie. Cest ainsi qu'un Dibra-
chys pondit le 1° juin sur un amas de cocons d’où sortirent
les Apanteles adultes quatre jours après. Ce fait doit se pro-
duire très fréquemment, car l'état de larve dans le cocon et de
nymphe immature ne dure pas longtemps chez l’Apanteles qglo-
meralus, du moins en été.
Le Dibrachys adulte sort de la coque en la perçant d’un trou
rond à l'emporte pièce, du calibre de son corps, et non en décou-
pant une caloite terminale comme le légitime occupant.
MarreLit n'a pas observé de parthénogénèse chez cette espèce.
J'ai été plus heureux et obtenu la ponte de toutes Les femelles
vierges mises en expérience, avec production exclusive de
mâles. Un ensemble de trois femelles non fécondées fournit
un total de 122 mâles.
La fécondité est grande et parait égaler celle de Pteromalus
puparum. Une seule femelle fécondée produisit 124 individus
des deux sexes, avec grande prédominance de femelles, ce qui
est la règle générale. Le développement est rapide en été ; de
l’œuf à l'adulte, le cycle évolutif exige de 18 à 21 jours en juim-
juillet. La larve, comme c’est le cas fréquent chez les ectopara-
sites qui absorbent de la nourriture fraiche, accomplit sa crois-
sance en très peu de jours. En juin, 7 jours après la ponte,
j'observai des larves déjà assez grosses; ayant presque terminé
leur repas ; 10 jours après le dépôt de l'œuf, je notai la pre-
mière nymphose. On voit donc, puisqu'il faut soustraire le
temps nécessaire à l'œuf pour éclore, que la période de nutri-
tion de la larve est extrêmement courte.
L'adulte peut vivre plusieurs semaines, surtout s'il est ali-
menté d’eau sucrée, et il peut pondre pendant très longtemps.
J'ai vu quelques femelles appliquant étroitement leur bouche à la
surface d’un cocon, dans l'attitude d'un hyménoptère qui aspire
un liquide. Trop occupé par d’autres observations, je n’ai pas
76 F. PICARD
eu le loisir de suivre le fait de près. S'il était reconnu exact, il
est probable qu'on s'apercevrait que le sang de l’Apanteles
parvient à la surface par le moyen d’un tube secrété autour
de la tarière, comme LicarensreN la mis en lumière pour
l'Aabrocytus cionicida et Trouveror pour l'Habrobracon Johan-
sennt ; mais ce n'est qu'une supposition qui demanderait con-
firmation.
Habrocytus Sp. ?
J'ai trouvé le 11 juin quelques individus d’un Chaleidien
différent du PMibrachys boucheanus et pondant sur des amas de
cocons d'Apanteles. Il ressemblait extérieurement beaucoup à
un Pteromalus, et quoiqu'il paraisse rare, du moins à Montpel-
lier, on peut se demander s'il ne serait pas responsable, tout
aussi bien que le Dibrachys, de l'erreur qu'ont commis certains
auteurs, en considérant le Pteromalus puparum comme hyper-
parasite de l’Apanteies qlomeratus.
Ce Chalecidien, soumis au D' Masr, de Gênes, fut rangé par
lui, mais avec doute, dans le genre Habrocytus, groupement
d’ailleurs un peu artificiel. Cet Habrocytus a des mœurs qui
semblent très voisines de celles du Dibrachys. C’est un parasite
externe qui pond dans les cocons d'Apanteles de la même
manière que le précédent, et son développement dure une
vingtaine de jours. Il néglige les chrysalides de Pieris qui lui
sont fournies.
Eutelus mediterraneus Mayr.
Cette espèce fut trouvée en train de pondre sur un amas de
cocons d'Apanteles fixé contre un mur, le 10 juin, et mise en
élevage. Le 30 juin, j'obtins.l'éclosion d'adultes, avec une pro-
portion de deux femelles pour un mâle, comme c’est fréquem-
ment le cas chez beaucoup de Chalcidiens.
Le parasitisme de cet insecte aux dépens de l'Apanteles qlo-
meratus est fort inattendu : « cette espèce, m'éerit M. Masr, a
« été obtenue de galles. C'est un fait bien étrange qu elle soit
«_ issue des cocons d’'Apanteles, S'agit-il d'une sous-espèce bio-
logique ? »
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 77
Le temps m'a manqué pour vérilier cette hypothèse en
offrant d'autres proies à mes individus. DE GAULLE, dans son cata-
logue, cite en effet cet Eutelus comme parasite de Dryomyia
Lichtensteini, Diptère produisant des galles sur les feuilles du
Quercus ilex, et très commun dans le midi. Masi lui-même le
cite de Cecidomyia mediterranea, mais aussi de Prays oleella
et d'Hyponomeuta malinella, c'est-à-dire de deux Tinéides nul-
lement gallicoles. L'Eutelus mediterraneus n'est pas un insecte
très répandu et par conséquent ses mœurs ne sont pas encore
très connues. Il s’agit peut-être d’un polyphage très ubiquiste
comme le Dibrachys boucheanus, quoique beaucoup moins
commun.
L'Habrocytus et l'Eutelus n'avaient en tout cas qu'une part
insignifiante dans la diminution du nombre des Apanteles, du
moins dans la petite zone où j'ai fait mes observations.
Les Hemiteles.
Deux espèces d'Hemiteles se sont montrées abondantes dans
les cocons d’Apanteles de la région que j'ai explorée. La plus
importante de beaucoup est l'Hemiteles fulvipes Grav., espèce
répandue partout, et signalée par tous les auteurs qui se sont
occupés de ce sujet, en particulier par Marrezur. C'est d’ailleurs
une espèce polyphage, connue aussi pour parasiter d'autres
Apanteles (notamment À. spurius) et divers Microgaster. Elle
attaque aussi des Tenthrèdes, comme Blennocampa pusilla, et
même, parait-il, des œufs d’Araignées. Enfin, d'après BieneLr,
elle se développerait aussi aux dépens de Pyrameis atalanta,
mais il faudrait savoir si ce n’est pas comme hyperparasite.
C'est en tout cas l’un des plus redoutables destructeurs
d'Apanteles glomeratus. I abonde partout où 1l y a des cocons
entassés, les parcourt de la démarche preste si particulière
aux Hemiteles, et y pond constamment. Il s'immobilise sur un
cocon, le palpe avec ses antennes, courbe son abdomen et
enfonce sa tarière un peu obliquement pendant plusieurs minu-
tes. Ensuite, il s'envole, fait sa toilette, absorbe du sirop et
revient à sa ponte, souvent après un intervalle de cinq minu-
tes seulement. Un grand nombre d'œufs sont ainsi déposés
dans la même journée.
18 F. PICARD
C'est un parasite solitaire, et, d’après Manrezur, la femelle
qui ne dépose qu'un œuf dans chaque cocon, sait reconnaitre
ceux dans lesquels elle à déjà pondu. D'après ce que nous ont
appris d’autres Hyménoptères, notamment les Prmpla, il n'ya
pas lieu de s'arrêter à cette hypothèse; 1} est infiniment proba-
ble qu'une des larves détruit les autres, comme c'est le cas chez
une foule de parasites.
La vie de l’adulte est très courte, du moins en captivité,
même pour les individus bien approvisionnés d’eau sucrée ;
elle n'a guère dépassé une huitaine de jours dans mes éleva-
ges, mais les femelles pondent sans arrêt, jusqu'à la veille de
leur mort, de sorte que leur fécondité est grande et qu'elles
peuvent fournir jusqu'à 60 ou 70 descendants. Marreurt donne,
comme durée du développement en Italie, 30 jours en mars-
avril, 23 jours en mai-juin. J'ai trouvé des chiffres sensiblement
inférieurs à Montpellier : 16 jours et même 13 jours seulement
en Juin, à partir du début de la ponte.
Les femelles vierges de l'Hemiteles fulvipes donnent exclusi-
vement des mâles et rentrent donc dans le cas le plus commu-
nément observé chez les Hyménoptères.
J'ai trouvé une seconde espèce d'Hemuteles pondant dans les
cocons d’Apanteles qlomeratus. Elle est beaucoup moins répan-
due que la précédente dont elle se distingue au premier coup
d'œil par ses ailes tachetées de brun. Elle appartient au groupe
de l’A. areator et se rapproche surtout beaucoup de l'Hemite-
les bicolorinus, espèce polyphage et déjà signalée comme para-
site de Maicrogaster. Mais elle ma paru s'en écarter par le
second segment de l'abdomen entièrement rouge et la longueur
de sa tarière qui atteint celle de l'abdomen. Je crois done
devoir la rattacher à une espèce d'Angleterre et du nord de
l’Europe, l'Hemiteles longicauda Thoms., qui n’était pas encore
connue de France, et qu’on a vu éclore de coques d’Apanteles
en Angleterre (1).
C’est vers les premiers jours de juin que j'ai commencé à
(t) Je me suis basé sur les deseriptions données par Morrey dans ses Brilish
Ichneumons (t. Il) et n'ai pas vu l’Æemiteles longicauda en nature, cet insecte
ne paraissant pas exister au Muséum ni dans les collections parisiennes que j'ai
pu consulter. L'identification certaine de l'espèce n’est pas sans importance, à
cause de sa thélytoquie, qui peut ne pas se relrouver chez les formes voisines
constituant le groupe de l’areator.
PARASITES DE (© PIERIS BRASSICÆ » 1
observer l’Hemiteles longicauda. Plusieurs femelles transpor-
tées au laboratoire, et approvisionnées de cocons frais, pondi-
rent très bien en captivité. L'insecte est encore plus agile que
l'Hemiteles fuloines ; 1 court continuellement en agitant les
antennes et parfois les ailes et passe sans cesse de l'eau sucrée,
dont 1l est friand, à ses amas de cocons. Il enfonce sa tarière à
peu près de la même façon que les Pimpla, et, pour tout le
reste, se comporte comme le fuloipes.
Un fait domine la biologie de cet insecte, c'est qu'il est doué
de thélytoquie. Les mâles doivent être très rares car je n’en ai
pas obtenu en élevage et n'en ai pas rencontré dans la nature.
Les individus que je récoltai au dehors ne produisirent que
des femelles et j ai tout lieu de croire qu'ils n'étaient pas fécon-
dés. Leur progéniture, en effet, qui ne l'était certainement pas,
ne pondit aussi que des œufs femelles. C'est ainsi qu'une
femelle, mise à pondre le 4 juin, donna naissance à deux
femelles adultes le 19 et à une troisième le 20 juin. Ces trois
femelles mises en élevage dans le même récipient, et certaine-
ment vierges, pondirent à partir du 21 et les jours suivants.
Leur descendance globale se composa de 12 femelles seulement,
écloses du 5 au 9 juillet.
Cette parthénogénèse ne donnant que des femelles est très
remarquable chez un Ichneumonide, surtout dans un genre où
d’autres espèces sont arrhénotoques. On pourrait la rapprocher
de la thélytoquie de certaines Tenthrèdes. Il ÿ aurait sans doute
tous les cas possibles chez les Hemiteles, car Waurrixé (1918)
parle, sans en préciser l'espèce ni donner de références, d’He-
miteles qui produiraient parthénogénétiquement aussi bien des
femelles que des mâles. |
Comme on a pu le voir par l'exemple que j'ai eité, le déve-
loppement de l'Hemiteles longicauda est aussi rapide que celui
du fulvipes, et n’exige qu'une quinzaine de jours en juin et
juillet. Par contre la fécondité est beaucoup moindre, puisque
la première femelle, quoique munie d’un très grand nombre de
cocons, ne laissa que trois descendants, et que ceux-ci ne pro-
duisirent en tout que douze femelles, soit une moyenne de
quatre pour chacun. Quant à la vie de l’adulte. elle est particu-
lièrement brève en captivité et varia de 5 à 7 jours dans mes
éducations.
80 F. PICARD
Enfin une troisième espèce d'Hemiteles à ailes non tachetées,
à abdomen taché de brun et à allures vives, fut obtenue une
seule fois des cocons d’Apanieles.
3. Anilastus ebeninus Grav.
L'Anidastus” ebeninus Grav. est un Ichneumonide fort
répandu ; il attaque de jeunes chenilles de Lépidoptères variés,
notamment celles de Dasychira, Orqyra, Gonopteryx et Hypo-
nomeuta, mais il se développe surtout très fréquemment aux
dépens de Pieris Brassicæ. Ge fut, à Montpellier en 1921, l’en-
nemi le plus effectif de la larve, après l’Apanteles qglomreratus.
J'ai élevé une quantité considérable de chenilles parasitées,
surtout à partir du milieu de mai, et chtenu beaucoup d’adul-
tes. Par contre c’est le seul Hyménoptère que je n’aie pu par-
venir à faire reproduire en captivité, tant à cause du manque
de Piérides au stade convenable au moment voulu, que parce
que les individus bien nourris à l'eau sucrée, et traités comme
les Apanteles et les Pimpla parurent beaucoup plus fragiles et
périrent au bout de peu de jours sans avoir pondu.
Cependant Marrezni, qui l’a trouvé fort communément dans
l'Italie du sud, dit avoir observé la ponte qui s'effectue sur des
chenilles de 3 à 4 millimètres.
C'est après la troisième mue que la larve de Piéride parasi-
tée cesse de s’alimenter et finit par se fixer sur la feuille ou sur
un support du voisinage; puis elle se distend et meurt. À ce
moment la larve solitaire d’'Anilastus qu’elle renferme devient
sarcophage et dévore tous les organes sauf les trachées et le
tégument. La peau de la victime se rétracte et prend l'aspect
de tonnelet si caractéristique des chenilles parasitées par les
Campoplégines. L'Anidastus file alors un eocon à l’intérieur de
cette dépouille.
Seurar a étudié la larve de cette espèce. Elle possède à l’état
jeune un long appendice caudal, et est formée de 14 segments
y compris la tête.
La sortie du barillet s'effectue par un orifice antérieur, dor-
sal ou latéral. La durée du développement est de trois semai-
nes en été, d'un mois au début du printemps, et l'hivernage a
lieu dans le tonnelet sous forme de larve et de nymphe.
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » S1
L'Anilastus ebeninus est la proie d'hyperparasites qui, pour
la plupart, attaquent aussi l’Apanteles glomeratus. Tels sont le
Pesomachus instabilis Fürst. et le Tetrastichus rapo Walk.,
cités par Marrezur. Cet auteur a observé aussi le Mesochorus
semirufus Holm.
Je n'ai retrouvé à Montpellier, parmi ces ennemis de l’Axi-
lastus, que le Tetrastichus rapo, dont j'ai décrit longuement ia
biologie et que j'ai toujours vu pondre dans le cocon de l'Ich-
neumonide, à travers la peau desséchée de la larve, et toujours
se développer aux dépens du cadavre. Je ne suis done, comme
je l'ai dit, pas d'accord sur ce point avec MarTezut, qui admet
que c'est à travers le corps de la chenille jeune que le Tetrasti-
chus atteint l’Anilasfus qui parviendrait cependant à filer son
cocon.
En revanche j'ai observé un autre parasite de l'Anvlastus ebe-
ninus, le Pimpla alternans Grav. La chose peut surprendre car
les Pimpla sont avant tout des parasites de chrysalides et c'est
le cas de l'alternans que j'ai vu éclore bien souvent de chrysa-
lides de Conchylis ambiquella. Mais on a déjà cité quelques faits
d'hyperparasitisme concernant les Pimpla, mème sur des
espèces de leur propre genre. Le P. alternans pond très certai-
nement dans le tonnelet contenant la nymphe de Flchneumo-
nide, car ces insectes n'attaquent pas les chenilles vivantes. En
tout cas c’est de ce tonnelet que j'ai vu sortir l'adulte.
L'Antlastus n'est pas le seul insecte sous l'action duquel les
chenilles de Lépidoptères meurent en se renflant en barillet.
Certaines Tachinaires produisent le même effet et aussi beau-
coup d’'Ichneumonides de la tribu des Campoplégines, teis que
les Limnieria et autres. J'ai d'ailleurs obtenu, à la fin de mai,
l'éclosion, hors d'un tonnelet se distinguant en rien de ceux
produits par l'Anilastus, d’un autre Ichneumonide du même
groupe, appartenant au genre Angilia et qui me semble très
voisin de l’Angitia majalis ürav. Cet Angitia ne joue d’ailleurs
qu’un rôle négligeable dans la destruction de la Piéride, et son
développement parait calqué sur celui de lPAnilastus.
K. PICARD
(w2)
LAS]
4. Compsilura concinnata Meig.
Les Tachinaires susceptibles de se développer aux dépens de
Pieris brassicæ sont assez nombreuses. On peut citer en parti-
culier Compsilura concinnata Meig., Masicera sylvatica Fall.,
Blepharidea vulgaris Fall., Tricholyqa major et Parasetigena
segregala. La plupart de ces espèces ont été bien étudiées et
l’on sait que chacune d’eiles diffère des autres par un compor-
tement qui lui est propre. C'est ainsi que Masicera sylvatica
dépose ses œufs sur la feuille qui sert de nourriture à la che-
nille et que celle-ci s’infestera en les avalant; 7richolyga
major accole sa ponte à l'extérieur des téguments de sa victime,
tandis que Blepharidea vulgaris % dépose des larves ou des
œufs prêts à éclore. Quant à Compsilura concinnata, seule
espèce trouvée dans le groupement de parasites que j'ai étudié,
elle introduit ses œufs ou ses larves dans l'intérieur du corps
de lhôte.
Je n'ai obtenu qu'un petit nombre d'exemplaires de cette
Mouche (‘). Son rôle dans le consortium exploitant la Piéride a
donc été très limité, et comme, d'autre part, sa biologie est
bien élucidée depuis les travaux de Towxsexb et de PaNTEL, Je
puis être bref sur Son compte. On sait que la larve passe son
existence dans l'intestin de la chenille, entre l’épithélum et la
membrane péritrophique. Sa respiration est d'abord cutanée,
mais, dans une-seconde période de son existence, elle s’accole
à un stigmate de la Piéride, sans sortir de l'intestin, mais en
repoussant la paroi très amincie de celui-ci. Enfin, avant de
s'empuper, elle devient sarcophage et, après avoir dévoré tous
les tissus de sa proie, elle en sort pour se nymphoser 1mmé-
diatement.
Le plus souvent, c’est de la chrysalide, et non de la larve,
que sort la Tachinaire. Mais la Mouche peut vivre dans des
chenilles apantélisées et dans ce cas son développement se
(:} Du moins durant la belle saison, mais les chrysalides qui passent l'hiver se
montrèrent parasitées dans une forte proportion. La Compsilura, Tachinaire des
plus polyphages, répartit sa ponte en été sur toutes sortes de chenilles, mais à
l'automne son choix est plus limité et elle se rabat plus exclusivement sur les
Piérides, Dans ce cas, la sortie hors de la chrysalide est beaucoup plus tardive.
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 85
termine avant la chrysalidation. C'est ainsi que, le 30 mai, des
larves d’Apanteles sortirent des flancs d'une Piéride ; celle-ci
resta vivante, comme c’est la règle, près de l’amas de cocons,
et, Six jours après, le 5 juin, donna issue à une larve de Com-
psilura qui se transforma de suite.
Ce double parasitisme chez une même chenille est un fait
curieux, et semble contredire d'autres observations d'après les-
quelles deux espèces parasites ne pourraient cohabiter quand
l’une d'elles est solitaire. IL faut d'abord remarquer que Comp-
silura concinnate n’est pas toujours un parasite solitaire, car on
peut observer quelquefois deux ou trois larves chez le même
hôte et que, surtout, il n’y à ni concurrence ni rencontre pos-
sible entre les Braconides plongés dans la cavité générale et le
Diptère confiné dans l'intestin. Celui-ci ne devient sarcophage
qu'à la fin de sa croissance, après que les Apanteles sont sortis.
Toute chance de conflit est done écartée.
Panrez (1910) à fait une observation semblable à Ia mienne,
à propos de laquelle il écrit : « S'il cohabite chez Pieris avec
« des Microgastériens, il peut arriver que ces Hyménoptères
« plus précoces abandonnent l’hôte encore vivant mais épuisé,
« tandis que Compsilura est encore au stade 1. Dans ce cas,
« elle accélère sa double mue et accomplit sa sarcophagie sur
« la chenille, au lieu d'attendre la chrysalidation, comme c’est
« le cas normal chez cet hôte ». La manière de voir de PANTEL
ne me parait pas à l'abri de toute critique, car on ne conçoit
pas clairement par quel mécanisme la sortie de l’Apanteles
peut accélérer le développement de la Mouche. On accepterait
à la rigueur, quoique difficilement, une influence des larves
du Braconide tant qu'elles demeurent dans l'hôte, mais PANTeL
fait remarquer au contraire que ce n’est qu'à partir de l'instant
ou elles abandonnent la chenille, que Compsilura évolue plus
rapidement. IL me semble que le seul fait objectivement con-
staté, à savoir la sortie hors de la chenille, et non de la chry-
salide, peut s’interpréter d'une manière très simple : Les 4 pan-
Leles viennent à l'extérieur très peu avant la nymphose de leur
victime ; celle-ci languit alors sans se transformer. La Compsi-
lura est bien forcée de vivre dans cette chenille qui ne se méta-
morphose pas, et elle la quitte six jours après l'issue des
Apanteles, dans mon observation, vraisemblablement à la
54 F, PICARD
même époque où elle serait sortie de la Chrysalide, si son
hôte avait été normal.
La facon de voir de PAxrez ne me parait pas soutenable non
plus, lorsqu'il prétend que la durée du développement de
Compsilura concinnata dépend de la nature, de l'hôte, et que
son évolution se modèle sur celle de la chenille qu'il héberge.
Elle ne serait que de quelques semaines chez les Acronycta et
les Vanessa, tandis qu'elle pourrait atteindre plusieurs mois
chez les Pieris. I dit, en effet, avoir observé en mars la sortie
du Diptère, hors de chrysalides récoltées en novembre.
Cette manière d'expliquer les faits par une propriété remar-
quable que posséderait le parasite d'adapter son cycle à chacun
de ses hôtes, repose sur une confusion regrettable. La larve de
Tachinaire ne peut évoluer en plusieurs mois chez des chenil-
les de Pieris dont la croissance ne dure qu’un mois ; dans le cas
cité, il s'agit de l’hibernation dans la chrysalide. La durée de
l'évolution est la même, pour une saison donnée, dans une
Vanesse ou dans une Piéride, mais il ne peut y avoir d'hiber-
nation chez les Vanesses dont beaucoup: passent l'hiver à
l'état d'imago. En réalité la longueur du eyele dépend de la
température et non pas de l'hôte, et le froid ralentit ou arrête
l’évolution, comme chez tous les parasites et même tous les
insectes.
Dans mes élevages poursuivis au printemps et en été, le
développement de la Tachinaire aux dépens des Piérides à tou-
jours été rapide. La sortie hors de la chrysalide s'est effectuée
le plus souvent le jour mème de la nymphose, parfois le len-
demain ou le surlendemain. Le long séjour dans la nympbhe,
signalé par PantTez, dépend donc bien de l'abaissement de la
température. Le stade de pupe est court et ne dure que 9 jours
au mois de juin.
On peut noter encore, à propos de cette espèce, que les
femelles de Punpla instigator pondent dans les chrysalides
contenant une larve de Compsilura, comme dans celles qui sont
remplies de Pteromalus. Dans le premier cas la chrysalide
meurt, tous ses organes étant dévorés, après la sortie de la
Tachinaire, et l'œuf de Pimpla ne peut se développer, s'iln'est
lui-même mangé.
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆH » 85
Il — PARASITES DE LA CHRYSALIDE
1. Pteromalus puparum |.
Le Pteromalus puparum est le plus important des parasites
de la chrysalide de Püieris brassicæ et son action destructrice ne
le cède qu'à celle de l'Apanteles qlomeratus. Le genre Ptero-
malus renfermé un grand nombre d'espèces très voisines les
unes des autres, aussi ont-elles été très fréquemment confon-
dues. Ce fait explique que le Pteromalus puparum ait été cité
comme parasite d'insectes très divers, alors qu'en réalité il
semble bien n’attaquer que les nymphes de Rhopalocères et
en particulier celles de Piérides, de Vanesses et de Papilo.
Je l'ai obtenu en très grande abondance de Pieris brassicæ
récoltés au dehors, et je l'ai fait pondre au laboratoire dans
des Pieris napi et des Pyrameis cardui. On lui connait encore
les hôtes suivants : Pieris daplidice en Russie, Polygonia C.
album, Vanessa antiopa, Papilhio machaon (nr Gaurce) et V.
polychloros (RATzEBURG).
Ronpani le donne aussi comme parasite de Safurnia pyri,
mais il l’a sans doute confondu avec P{eromalus communis ou
quelque autre espèce. Briscake l'indique comme hyperparasite
d'Apanteles qlomeratus et RartzesurG de Microgaster crataeqi,
qui est la même espèce, erreur reproduite par Gaurier (1919).
Il y a eu certainement confusion avec les Chalcidiens qui pon-
dent dans les cocons d’Apanteles, soit le Dibrachys boucheanus,
soit l’Habrocytus que j'ai observé dans les mêmes conditions,
ce dernier surtout pouvant être très facilement confondu avec un
Pteromalus. Quant au parasitisme du Pteromalus puparum aux
dépens des Rhodites rosæ et eglanteriæ, signalé par Kircuner,
du Lophyrus rufus, d'après Rarzesurc, d'Asphondylia verbasci
et de Cecidomytia sarothammi d'après Briscure, 1 apparait
comme peu-probable, et, de toute facon, demanderait confir-
mation.
Mes expériences me permettent, en tout cas, d'éliminer
l’'Apanteles glomeratus de la liste de ses hôtes. De nombreux
Pteromalus puparum furent mis, à maintes reprises, en pré-
sence de cocons d’Apantelrs, Aucun d'eux ne fit jamais même
Sû F. PICARD
le simulacre d'y enfoncer sa tarière. D'ailleurs, alors que mes
‘terrains de chasse me fournissaient en abondance des chrysali-
des de Pieris parasitées par ce Pteromalus aucun des cocons
d'Apanteles récoltés dans les mêmes lieu ne m'en donna Jamais
un seul individu.
On sait, d'autre part, que beaucoup de Chalcidiens sont très
peu spécialisés dans Le choix de leurs victimes mais ce ne sem-
ble pas être le cas de cette espèce. Les nymphes d'Hétérocères
ne paraissent même pas lui convenir. Des chrysalides de Bom-
byx neustria semblèrent cependant exercer une certaine atti-
rance ; dans un très petit nombre de cas, en captivité, j'ai pu
voir quelques femelles privées de toute autre proie essayant de
les percer de leur tarière, ce qui provoquait de violentes
secousses de la nymphe. Mais ces tentatives furent rares et ne
donnèrent aucun résultat, soit à cause des secousses, soit à
cause de l'épaisseur des téguments. Il en fut de même de
Diloba cæruleocephala, dont la chrysalide réagit cependant
beaucoup moins. Malgré une exposition très longue à de nom-
breux Pteromalus, toutes les chrysalides de Bombyx et de
Diloba expérimentées donnèrent leurs papillons. Je doute done
beaucoup que le Pteromalus puparum, qui ne pond que dans
les nymphes, puisse être, comme le prétend Ronpani, parasite
de Saturnia pyri à téguments si épais et protégé par un cocon
des plus durs.
Le Pteromalus, qui est un parasite grégaire, accomplit tout
son développement dans l'intérieur de la chrysalide de Pueris.
L'adulte vient au dehors en pratiquant avec ses mandibules
une ouverture circulaire dans le tégument de la nymphe. Cet
orifice, œuvre d'un seul individu, est utilisé le plus souvent par
tous les occupants qui sortent les uns derrière les autres, tan-
tôt sans interruption, tantôt avec des intervalles espacés de plu-
sieurs heures où même d’un jour ou deux. Quelquefois aussi,
deux ou même trois orifices de sortie sont creusés indépendam-
ment par autant d'adultes, mais l'ouverture unique est Le eas le
plus fréquent. Elle est placée d'ailleurs en un point quelcon-
que de la chrysalide, peut être un peu plus souvent dans la
région des ptérothèques.
L'accouplement se produit aussitôt après la sortie de la
chrysalide. Il ne semble pas qu'il ait jamais lieu dans l'inté-
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 87
rieur de celle-ci, bien que les adultes puissent y séjourner un
certain temps avant de venir à l'extérieur. La plupart des
mâles restent groupés sur la dépouille nymphale autour de
l'ouverture et se jettent sur Les femelles à mesure de leur appa-
rition, comme Ragaun l'a vu chez Monodontomerus dentipes,
qui vit en parasite dans les cocons de Zygæna occilanica.
Les préliminaires de l’accouplement, différents de ceux de
l'Apanteles, rappellent ceux d'un autre Braconide que j'ai
observé, l'Habrobracon Johansenni, parasite de la Teigne des
pommes de terre. Le mâle se campe sur le thorax de la femelle,
étend ses ailes et les fait vibrer, caresse la tête et les antennes
de sa compagne, et se glisse rapidement en arrière, cherchant
à mettre l'extrémité de son abdomen en contact avec l'ouver-
ture génitale de la femelle. Il recommence plusieurs: fois
ces manœuvres, jusqu'à ce qu'ait lieu l’accouplement qui ne
dure que quelques secondes.
La femelle ne se laisse féconder qu'une seule fois. Elle sup-
porte ensuite passivement les manœuvres préliminaires des
mâles, mais sans accepter un nouveau rapprochement. Les
femelles que l’on trouve au dehors se sont presque toujours
accouplées. Les mâles, qui sont très ardents, sont susceptibles
au contraire de féconder un grand nombre de femelles. Ils
sont d’ailleurs incapables de distinguer les femelles vierges
des autres et se précipitent sur toutes avec acharnement, quel-
quefois un grand nombre ensemble. Soixante mâles, mis en
présence de quatre ou cinq femelles, se jetèrent sur elles, se
grimpant mutuellement sur Le dos, formant un groupe roulant
à terre et ne laissant aucun repos aux femelles.
L'ardeur génésique des mâles est telle qu'une nichée d’entre
eux, née d’une femelle vierge, s'acharna dès l’éclosion sur le
cadavre de la mère, morte quinze jours auparavant; cette
dépouille cependant ne les retint pas longtemps.
Les femelles restent indifférentes en présence des chenilles
de Pieris tant au repos qu'en mouvement ; elles ne sont attirées
que par celles qui approchent de la nymphose. On sait qu à ce
moment la chenille tisse sous elle une sorte de petit tapis de
soie très léger, sur lequel elle s'immobilise après s'être entou-
rée d'une fine ceinture.Ce stade dure parfois jusqu’à 24 heures
88 F. PICARD
avant la mue chrysalidaire (). Lorsqu'un Pteromalus rencontre
une telle chenille dans ses allées et venues, il se passe un phé-
nomène fort singulier qu'aucun auteur ne paraît avoir remar-
qué. Le Chalcidien s'arrête soudain vers la limite du tapis
soyeux et il ne s’écarte plus de la Piéride. Tout se passe comme
s'il guettait l'instant de la métamorphose pour se précipiter
sur sa victime et la transpercer. Et, en effet, dès que la peau de
la larve est dépouillée et que la chrysalide en surgit, en proie
encore aux derniers soubresauts, le Peromalus s'élance, se
campe sur la nymphe et se met à y enfoncer sa tarière.
Sur un mur où les Pieris se rendaient en foule et se chrysa-
lidaient, les Pteromalus abondaïent et passaient au milieu des
chenilles sans se détourner de leur chemin. Mais dès que l’un
d'eux rencontrait une larve fixée, 1l s’arrêtait et son guet
commençait. Toutes les Piérides immobilisées étaient flanquées
de un à cinq de ces factionnaires bougeant à peine et ne s'oc-
cupant pas les uns des autres. Il est difficile de les écarter de
leur future victime : une feuille, portant une chenille prête à la
nymphose et un Pteromalus montant la garde, fut cueillie sans
précautions spéciales et transportée à la main dans mon labora-
toire situé à plus d’un kilomètre, et mise en bocal, sans que le
Chalcidien ait tenté de s'enfuir, tandis que le mème insecte ne
fut pas resté cinq secondes sur une feuille sans Preris dont on
eut rompu le pétiole.
Ce comportement remarquable ne laisse pas d’impressionner
les esprits les moins portés à faire la part de la finalité dans
l'explication des actes des insectes : le Preromalus néglige les
chenilles ordinaires, il reconnait celles qui vont se métamor-
phoser, les guette avec patience, pendant des heures, et s'élanee
pour pondre dès qu'apparait la chrysalide. Il est bien difficile
de ne pas être tenté de voir là un merveilleux instinct prééta-
bli et de trouver une explication du fait en dehors de tout fina-
lisme. Me basant sur la réussite de mes expériences sur les
Pimpla, qui mettent indubitablement en lumière le rôle de
l’'odorat dans le mécanisme de la ponte chez cet Ichneumo-
nide, je me suis demandé tout d’abord si la perception des
odeurs n’interviendraient pas aussi dans cet instinet des Pfero-
(") En été, aux approches des premiers froids, il peut durer plusieurs jours.
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 89
malus. I se peut qu'une Piéride aux approches de la nymphose
ne dégage pas les mêmes effluves qu'auparavant, et que la fac-
tion, puis la ruée subite sur la chrysalide, soient sous la
dépendance de l'olfaction. J'ai donc badigeonné de sang de
chrysalide fraiche des chenilles accompagnées de leurs fac-
{ionnaires, mais sans succès. Ceux-ci continuèrent de monter
la garde sans se porter sur la Piéride ainsi traitée.
Le mécanisme est donc d'un autre ordre etje ne prétends pas
l'expliquer entièrement. Il ne s’agit cependant à coup sûr que
d’une suite de réflexes déterminés par les circonstances exté-
rieures. Le contact du tapis de soie rencontré sur sa route
inhibe certainement le Pteromalus et l'arrête net. Il parait
guetter, mais ne guette rien : ilest immobilisé par la présence de
la soie. Cette influence n’est pas niable, car on la retrouve
dans le comportement de Dibrachys boucheanus. Mis dans un
flacon, cet insecte erre de côté et d'autre jusqu’à ce qu'il ren-
contre la couverture de soie qui enveloppe les amas de cocons
de l’Apanteles. Il y pénètre et ne la franchit plus. Même en
dehors des moments consacrés à la ponte, il demeure sur le tas
de cocons ou sur le bord de la couche soyeuse qui les envi-
ronne, immobile, sans jamais le dépasser.
Ragaup (1914) a constaté la même action inhibitrice de la soie
sur la larve d’un Lépidoptère qui vit dans les chardons, le
Myeloïs cribrella : « Là, dit-il, il file autour de lui une game
« de forme et de dimensions variables. IE y demeure pres-
« qu'immobile et y demeurerait indéfiniment si je n'interve-
« nais en détruisant la gaine. Le contact de celle-ci provoque,
« en effet, un arrêt des mouvements tel qu'une chenille restera
« facilement immobile pendant des heures, enroulée autour
« de fils de soie enchevêtrés entre ses pattes. L'inhibition se
« produit à fortiori si la chenille est enfermée dans une toile,
« même légère. La toile détruite, la chenille recouvre son
« activité ».
Le phénomène est peut-être susceptible de généralisation. On
pourrait rechercher S'il n'intervient pas chez le Monodonto-
merus æreus et les Pleromalus qui hivernent dans les bourses
d'Euproctis chrysorrhea et si, pour certains insectes qui ne se
débattent pas dans les toiles d'Araignées, le contact de la soie
ne serait pas inhibiteur.
90 F: PICARD
La chrysalide de Pieris est utilisée par le Pteromalus adulte
à la fois pour sa ponte et pour son alimentation. Après avoir
enfoncé sa tarière en un point quelconque du tégument, le
parasite recule et suce la goutte de sang qui s'écoule de la
blessure.
La ponte qui s'opère de la même façon, c'est-à-dire en pla-
cant la tarière à angle droit avec le corps et en l’enfonçant pro-
gressivement jusqu'à la base, peut avoir lieu aussi bien dans des
chrysalides du jour que dans celles qui sont près de donner
l’imago. Les secousses de sa victime sont insuffisantes pour lui
faire lâcher prise.
En captivité, le P/eromalus quitte rarement sa chrysalide,
mème pendant les intervalles de repos entre lesquels ül
s'occupe alternativement à lécher Le sang qu'il a fait sourdre et
à déposer de nouveaux œufs.
D'après Marre, les femelles seraient ennemies entre elles,
et leur rivalité serait surtout marquée au moment de la ponte.
C'est pure imagination : on rencontre très souvent plusieurs
Pleromalus enfonçant à la fois leur tarière dans la même
chrysalide et totalement indifférents les uns aux autres; j'ai
toujours observé le même fait dans mes élevages. J'ai livré
quelquefois une seule nymphe à une centaine de femelles.
Elle était alors entièrement recouverte par les Pteromalus qui
la lardaient de coups de tarière. Parfois certains d’entre eux
étaient gènés par les déplacements des voisins, mais aucun ne
manifestait la moindre hostilité. Il en est de même d'ailleurs
des factionnaires multiples qui montent leur garde sans se
pourchasser réciproquement.
[Lest juste de dire que l'inimitié entre femelles peut se ren-
contrer chez d’autres Chalcidiens. Je l’ai observée chez le Tetras-
hchus ranthomelænæ. Une femelle grimpée sur une ponte de
Galéruque n'entolère pas l'exploitation par un autre de ses con-
génères ; elle le repousse à coup de tète et de mandibules, et
l'établissement de ses œufs est continuellement troublé par ces
combats. Mais rien de pareil n'existe dans le cas du Pteromalus
puparur.
La fécondité de cet insecte est considérable, mais il est diffi-
eile de connaître exactement le nombre d'œufs pondus par cha-
que individu. Les chrysalides récoltées dans la nature ne don-
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 91
nent aucun renseignement, parce que plusieurs femelles
pondent généralement dans la même chrysalide et que tout
porte à croire que le même Pteromalus répartit Le plus souvent
ses œufs dans plusieurs victimes.
En captivité, au contraire, il est facile d'isoler les femelles
dès leur éclosion, mais retrouver tous Les œufs après la ponte,
dans la chrysalide, est impraticable. Il faut donc se baser sur le
nombre d'adultes issus d'une seule femelle. On s'aperçoit alors
que ce nombre est indépendant de celui des œufs pondus, jusqu'à
un certain point, et que deux femelles pondant dans une même
chrysalide donnent moins d'individus qu'une seule ayant plu-
sieurs nymphes à sa disposition. En réalité toutes les larves ne
viennent pas à bien quand elles sont en surnombre, soit qu'elles
manquent de nourriture, soit qu'elles soient tuées par leurs
compagnes. Une chrysalide ne peut guère nourrir beaucoup
plus d’une centaine de larves, et le maximum observé fut 122.
Mais les possibilités de ponte sont au moins doubles, et j'ai
obtenu d’une seule pondeuse 212 individus éclos de deux chry-
salides. IE m'a semblé que les femelles auxquelles on offrait
des proies multiples s’occupaient exclusivement à peupler
Fune d’entre elles, pour ne se porter qu'ensuite sur la seconde,
sans revenir à la première. Dans mes élevages, il n'y eut
jamais plus de deux chrysalides exploitées, mais il est proba-
ble qu'il n'en est pas de même dans la nature où les femelles
ont beaucoup plus de chances d’être dérangées.
in élevage Les femelles fécondées donnent toujours un nom-
bre important de descendants, de 60 à 100 environ, même lors-
qu'elles n'ont qu'une nymphe à leur disposition. Les chrysali-
des récoltées au dehors donnent au contraire une quantité bien
plus variable d'adultes, de 4 à 122, sur 26 observations, avec
une moyenne de 36 seulement. Une chrysalide est donc rare-
ment exploitée à fond, comme en captivité, ce qui ne doit pas
surprendre, puisque le Chalcidien est soumis à bien plus d’aléas
et peut être détruit ou forcé de se déplacer avant d'avoir vidé
ses ovaires.
Les mâles sont moins abondants que les femelles. Dans une
statistique portant sur 927 individus, j'ai obtenu 576 femelles
et 351 mâles, soit un peu plus d’un tiers de mâles. Cette pro-
portion plus grande de femelles se retrouve presque constam-
92 F. PIGARD
ment dans chaque chrysalide prise en: particulier. 26 nymphes
capturées au dehors donnèrent dans 22 cas plus de femelles que
de mâles (dont 4 fois des femelles seules), et dans quatre cas
seulement plus de mâles que de femelles (dont une fois
64 mâles sans une femelle).
Les élevages en laboratoire en partant de femelles fécondées
donnèrent des résultats analogues. Dans un cas, cependant, la
descendance d'un Pteromalus fut de 58 mâles pour 3 femelles
seulement.
L’échelonnement des éclosions est plus grand au dehors que
dans les éducations d'individus séparés, ce qui tend encore à
prouver que plusieurs Pteromalus exploitent normalement la
même chrysalide, fait que l'observation directe des pondeuses
n'a d'ailleurs démontré.
Les femelles non fécondées sont susceptibles de se repro-
duire. On sait que chez beaucoup d'insectes, l’accouplement
déclanche la ponte qui la suit presqu'immédiatement. Tel est
le cas des Drosophiles, d'après Guyéxor, de PAthorimæa oper-
culella et d'Hesperophanes qriseus d’après mes observations.
Les femelles restées vierges conservent alors fort longtemps
leurs œufs dans leurs ovaires et finissent par les évacuer vers
le terme de leur existence. Il n'en est pas ainsi chez Pteromalus
puparum ; les femelles viergés commencent à pondre le jour
même ou tout au plus le lendemain de leur éclosion, tout
comme celles qui se sont accouplées.
Les œufs de ces femelles parthénogénétiques donnent exclu-
sivement des mâles. D’autres auteurs, notamment MARTELLI,
l'ont déjà observé. Seul Abzer prétend avoir obtenu, dans quel-
ques cas, un petit nombre de femelles issues d'œufs non
fécondés. Ce fait serait extrêmement intéressant, surtout si on
le considère du point de vue des idées les plus généralement
admises sur le déterminisme du sexe. Il n'aurait d’ailleurs rien
d'invraisemblable, car la chose a été établie sans conteste pour
un Braconide, le Lysiphlebus tritici, et c'est en partie dans le
but de le vérifier que j'avais tout d'abord entrepris l'étude du
Pleromalus puparum. Mais dans aucune de mes éducations il
n'est apparu une seule femelle provenant d’un œuf vierge.
Force m'est done bien d'admettre que le Peromalus puparum
rentre dans le cas le plus fréquemment constaté chez les Hymé-
PARASITES DE © PIERIS BRASSICÆH » 935
noptères et qu'il est constamment doué de parthénogénèse
arrhénotoque. Ou s'il y a des exceptions, elles doivent être
extrêmement rares.
Cette arrhénotoquie peut ne pas sembler en rapport avec la
proportion des sexes : puisqu'on constate, dans les éelosions,
environ un mâle pour deux femelles, beaucoup de celles-ei
devraient échapper à la fécondation et produire des mâles par
parthénogénèse. D'où abondance plus grande de mâles, ce qui
est inconciliable avec nos prémisses. En réalité la grande majo-
rité des femelles s'accouple, car un mâle suffit pour plusieurs
d’entre elles, et toûtes celles qui sont récoltées au dehors ne
sont certainement plus vierges et produisent en captivité des
individus des deux sexes.
IL est certain que les femelles échappant au mâle sont rares
dans la nature, et une seule fois j'ai obtenu 64 mâles d’une
chrysalide, ce qui ne peut guère s'expliquer que par la parthé-
nogénèse, mais d’autres auteurs ont constaté le même cas,
notamment Maurice Girarp (') : « Les nichées d'adultes ainsi
«_éclos, dit-il, offrent parfois les deux sexes mélangés, parfois
« un seul, mâle ou femelle, fait que nous retrouvons pour
« beaucoup de Psychides, et qui est peut-être un moyen natu-
« rel d'éviter Les unions consanguines ». Il est inutile d'insister
sur tout ce que cette hypothèse présente d’ingénieux.
La fécondité des vierges est aussi grande que celle des femel-
les fécondées ; elle parait même parfois plus considérable. Là
encore le nombre d'individus se développant dans une ehrysa-
Hide ne dépend pas seulement du nombre d'œufs pondus, mais
du volume de cette chrysalide. Une nymphe de Pieris napi
fournit 77 mâles, tandis qu'avec celles plus grande de Pieris
brassicæ j'ai pu obtenir jusqu'à 212 & parthénogénétiques tous
fils de la même mère. Ce chiffre est supérieur à tous ceux qui
furent constatés dans la descendance des femelles accouplées.
Il ne faut pas en conclure à une plus grande fertilité des vier-
ges, mais, la taille des mâles étant plus petite, une chrysalide
() Maurice Girarv. Trailé d'Entomologie, t. HI, 1885, p, 34. — M. Girarp dit
que le Pteromalus puparum se développe dans la chenille de la Piéride du
chou et qu'il en peut sortir plus de mille individus du corps d’une grosse che-
nille. Il est vrai que, page 39, il fait éclore le même insecte des chrysalides de
Pieris brassicae et rapae et de nos Vanesses indigènes,
Ca
9% F,. PICARD
de taille donnée peut nourrir un nombre plus grand de larves
mâles que de larves des deux sexes en majorité femelles.
La durée du cycle évolutif est variable suivant la saison ; en
juin elle est de 17 jours, dont trois pour le développement de
l'œuf, Au printemps (avril-mai) et à l’automne, la rapidité est
moindre et varie, suivant l’époque, de 25 à 30 jours (!). Pendant
la belle saison, la larve se métamorphose dès qu'elle à atteint
toute sa taille, mais à l'approche des froids, les larves qui ont
terminé leur croissance passent l'hiver immobiles sous le tégu-
ment de La chrysalide et ne se transforment en nymphes qu'à
la fin de mars. Les premières éclosions d'adultes peuvent avoir
lieu dans les derniers jours du même mois ou au début d'avril.
2. Dibrachys sp.”
Une chrysalide de Pieris récoltée sur un mur bordant un
champ de choux, donna issue à un très grand nombre d'indi-
vidus d’un Chalcidien différent du Pteromalus puparum, et
appartenant incontestablement au genre Prbrachys. Mais tous
ces adultes étaient des mâles, ce qui en rendait la détermina-
tion spécifique très épineuse. D’après M. Mas, il s'agirait peut-
être de Dibrachys chsiocampæ Fitch.
Le Dibrachys parasite de Pieris est certainement très voisin
du Dibrachys boucheanus des Apanteles. Mais le mâle diffère à
première vue par ses antennes festacées à articles marginés de
noir. Il ne peut être question d'une variété de la même espèce,
car sa biologie est radicalement différente. J'ai déjà dit que le
D. boucheanus ne pond jamais dans des chrysalides de Preris,
ce qui se conçoit puisque sa larve est ectoparasite, et que mal-
gré sa grande polyphagie, il est limité, pour le choix de ses
hôtes, à ceux qui sont inclus dans un cocon ou abrités d’une
facon quelconque. Il n’en est pas de mème de espèce de la
Piéride ; elle est endophage et sa larve est plongée dans les
tissus de sa victime, tout comme celle du Pferomalus.
IL est extrêmement suggestif de rencontrer deux modes de
vie aussi opposés dans deux espèces du même genre ne se dis-
.
() Des élevages faits à l’étuve, pendant l'hiver, m'ont démontré que le eyele
est très régulièrement de 25 jours à une température constante de 22°,
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 95
tinguant guère que par une légère différence de coloration des
antennes, et si voisines morphologiquement que M. Mast se
demandait en m'écrivant, s'il ne s'agirait pas simplement de
deux variétés. L'endophagie ne peut s'établir sans s'accom-
pagner de modifications diverses, en particulier dans l'appareil
respiratoire.
On connaît un autre exemple analogue, c'est celui du Den-
drosoter protuberans Nees, endoparasite de Scolylus intricatus
d’après Seurar, alors que toutes les autres espèces de Dendroso-
ter dont les mœurs sont connues ont des larves ectophages. Le
fait est d'autant plus surprenant que l’ectoparasitisme est cons-
tant chez tous les Braconides cyclostomes (Bracon, Habrobracon,
Cœloides, Spathius, Sycosoter, Hecubolus, Doryctes, etc.) à
l'exception de la tribu des Rhogadidés. Il demanderait à être
confirmé, mais le cas des deux Dibrachys nous prouve qu'il
n'a rien d'invraisemblable.
La nichée n'étant composée que de mâles, il y à tout lieu de
penser qu'il s'agissait d'une ponte parthénogénétique. Malgré
toutes mes recherches, je n'ai pu trouver aucun autre chrysa-
lide attaquée par la même espèce, de sorte que la femelle
m'est inconnue et que je n'ai pu faire aucun élevage. Cet
exemple montre combien on doit être prudent dans la détermi-
nation des Chaleidiens et à quel point des formes qui paraissent
à peine distinctes morphologiquement peuvent différer par
leur biologie. Il montre aussi que l’ectophagie et l'endophagie,
si éloignées qu'elles nous paraissent, peuvent s'observer l’une
près de l’autre chez des espèces très affines, et se sont établies
indépendamment dans des groupes de parasites de toute sorte,
sans aucun rapport de parenté.
CauLzerY (1921) à fait remarquer combien, chez les insectes,
la vie parasitaire retentit peu sur l’organisation de l'adulte. Le
cas présent en est un frappant exemple : deux larves dont l’une,
extérieure à l'hôte, respire par des stigmates et aspire les
humeurs de sa victime par une blessure faite au tégument,
tandis que l’autre, plongée dans la cavité générale, est doute
d'une respiration purement cutanée, donneront cependant des
imagos presqu'identiques.
96 F. PICARD
3. Pimpla instigator. F.
Plusieurs espèces de Pimpla ont été signalées comme se
développant dans la chrysalide de Pieris brassicæ, notamment
Pimpla examinator F. par Ronban, Pimpla brassicariæ Poda
(= varicornis F.) par Scamicoknerca et P. instigator par divers
auteurs. Je n'ai trouvé que cette dernière espèce à Montpel-
lier ; Maurezur n'en a observé aucune dans l’Italie du sud.
Pimpla instigator passe pour très polyphage. On l’a citée
comme parasite des nymphes d'une foule de Lépidoptères,
mais aussi de quelques Coléoptères et Tenthrèdes. MarTEezLt,
Mouey (1918) et quelques autres auteurs citent parmi ses vic-
times : les Lépidoptères Aporia, Spilosoma, Dasychira, Orgyia,
Dendrolimus, Lymantria, Euproctis, Dicranura, Phalera;
Diloba, Panolis, Polia, Cosmia, Selenia, OEnophtira, Clysia :
les Coléoptères Pissodes et Oryctes, et parmi les Hyménopte-
res, Trichiosoma, Pleronus salicis, perspicillaris et dimidiatus.
Cependant j'ai pu constater que toutes les chrysalides ne
conviennent pas aussi bien à la ponte que celle des Piérides.
Des nymphes de Bombyx neustria livrées à mes femelles de
Pampla instigator n'ont jamais reçu d'œufs. Parfois un Pempla
essayait de les transpercer de sa tarière, mais celle-ci glissait
sans pénétrer, et malgré un long séjour dans les bocaux d’éle-
vage, aucun Bombyx ne fut parasité. Il peut en être autre-
ment dans les conditions naturelles où les Pimpla, agrippées
au cocon trouvent peut-être un meilleur point d'appui que
dans mes récipients. J'ai noté aussi, dans une note prélimi-
naire, mes insuccès avec Pyrameis cardui, à cause des vibra-
tions très rapides de l'abdomen qui se produisent chez cette
chrysalide au moindre frôlement. Le Pimpla est tellement
secoué et roulé de tout côté, qu'il ne peut arriver à faire péné-
trer sa tarière, et cela, non seulement lorsque la nymphe de
Vanesse est déposée horizontalement, mais surtout quand elle
est suspendue dans sa position normale. Je concluais que, dans
la nature, le Pimpla instigqator devait bien rarement parvenir
à pondre dans une Vanesse du Chardon. À vrai dire, j'ai
obtenu depuis quelques résultats positifs. Des Pimpla, se cram-
ponnant à des chrysalides de Pyrameis suspendues par la
PARASITES DE © PIERIS BRASSICÆ » 97
queue, parvinrent à se maintenir sans lâcher prise malgré les
soubresauts qui Les ballotaient en tout sens, et à faire pénétrer
leur oviscapte. Mais ce ne fut pas sans de grandes difficultés,
et le Pampla instigator est mal adapté à pondre dans certaines
chrysalides.
Par contre les nymphes de Pieris, à téguments peu épais el
fixées solidement à des surfaces planes par la pointe de l'abdo-
men et leur ceinture médiane, sont d'une exploitation com-
mode, malgré les mouvements qu'elles effectuent pendant la
piqûre. Aussi sont-elles très parasitées par le Pimpla instiqa-
tor, à Montpellier du moins.
L'élevage de Pimpla instigator ne présente aucune difficulté,
je lai réussi simplement en plaçant des adultes, parfois en
grand nombre, dans des flacons de 3 à 400 grammes, bouchés
par un tampon d’ouate. La seule précaution à prendre est de
leur assurer une nourriture abondante en eau sucrée, dont ils
sont fort friands. L'absorption du sang des chrysalides ne Les
empêche pas de lécher le sirop de sucre, etils y sont occupés
à peu près constamment dans l'intervalle des actes reproduc-
teurs. Ils deviennent très peu farouches au bout de quelques
jours et viennent boire les liquides sucrés ou piquer leur proie
jusqu entre les doigts de l'observateur.
Dans ces conditions, ces insectes se maintiennent longtemps
en vie, même dans un étroit espace, de 18 à 25 jours en mai-
juin, durée qui n'est probablement pas dépassée en liberté. Il
est facile d'obtenir des pontes en fournissant chaque jour les
chrysalides nécessaires.
D'après BerraoumiEu, l’accouplement des [chneumonides
serait très mystérieux et presqu'impossible à observer : « Gra-
« VENHORST, dit-il, qui, pendant 30 ans, a capturé près de cent
« mille Ichneumonides, affirme n'avoir jamais rencontré un cas
« d'accouplement ». Le fait n’est pas surprenant, car les femel-
les de ces insectes ne sont fécondées qu'une fois, et générale-
ment aussitôt après l’éclosion ; l'observation dans la nature ne
peut donc fournir aucune indication à ce sujet.
Mais en captivité, du moins pour les Pimpla, rien n’est plus
aisé que d'assister au rapprochement des sexes. Le mäle fond
immédiatement sur toute femelle vierge introduite dans le réci-
pient où il se trouve, la maintient des pattes antérieures et
7l
98 F. PICARD
s'accouple sans aucune manœuvre préliminaire. L'immobilité
des deux conjoints est complète sauf dans les deux dernières
secondes où l'abdomen du mâle est agité de petites secousses.
La séparation a lieu au bout de 20 secondes lorsqu'il s'agit d’un
mâle reposé, de 30 à 50 secondes lorsque le même individu a
possédé plusieurs femelles à peu d'intervalles.
Un même male, en effet, est susceptible de recommencer
l'acte sexuel plusieurs fois par jour et même à une demi-heure
de distance. Les femelles, au contraire, ne s'accouplent qu'une
fois ; c'est un cas très fréquent chez les Hyménoptères, et nous
l'avons déjà observé chez le Pferomalus puparum. Mais chez le
Pimpla instigator, la particularité consiste en ce fait que dès
qu'une femelle est fécondée, elle n'exerce plus aucune atti-
rance vis-à-vis des mâles. Autant ceux-ci bondissent sur la
femelle vierge qui leur est livrée, autant ils restent indifférents
vis-à-vis de celle qui s'est accouplée.
L’ardeur génitale des mâles et l'absence totale de propriétés
attractives des femelles fécondées sont illustrées par l’observa-
tion suivante : Deux mâles furent placés ensemble dans un
bocal d'élevage dont aucune femelle n’était vierge. Ils se pré-
cipitèrent l’un sur l'autre et tentèrent ensemble avec insistance
un vain accouplement. Chacun d'eux exerçait done sur son
compagnon une attraction plus forte que Les femelles, dont ils
ne s’occupèrent nullement.
J'ai dit que les Pimpla récoltées en plein air étaient toujours
técondées, car l'acte sexuel s'accomplit peu après leur éclosion.
J'ai cependant noté l'exception d’une femelle vierge prise au
vol dans un endroit où les mâles abondaient et qui s'accoupla
au laboratoire. Il est probable qu'elle n’était éclose que depuis
peu d'instants.
ScHeviIREW avait déjà remarqué que les femelles de Pimpla ne
s'accouplent jamais plusieurs fois et il les appelle wninuplæ,
par opposition aux Hyménoptères multinuptæ qui subissent
plusieurs fois Les approches du mâle. Le genre Theronia (par
exemple T. atalantæ Poda), très voisin du genre Pampla, appar-
tient à cette seconde catégorie, qui est peu nombreuse.
La ponte a lieu exclusivement dans les chrysalides. On peut
se demander à quelles hallucinations JEGEN (1918) a été en
proie, lorsqu'il dit que les œufs de Pimpla instigator sont dépo-
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 9y
sés dans le corps de la larve et que l’oviposition n'est pas bor-
née aux jeunes individus, la ponte se poursuivant pendant une
quinzaine. D'après cet auteur facétieux, de 14 à 100 œufs sont
déposés dans le corps d’un seul hôte. IL serait inutile et cruel
d'insister.
Le Ponpla instigator manifeste la plus grande indifférence
vis-à-vis des chenilles de Pieris de toute taille, même, contrai-
rement au Pteromalus puparum, vis-à-vis de celles que Fimmi-
nence de la métamorphose a immobilisées. Au contraire, mis
en présence d’une nymphe, il s'y campe aussitôt, l’'embrassant
de ses pattes, ramène fortement son abdomen en avant et
enfonce le gorgeret de sa tarière perpendiculairement au tégu-
ment de la victime, en le guidant avec les deux valves. L’ovis-
capte ne pénètre le plus souvent qu'à moitié et la ponte a lieu
en peu d'instants. Pendant cette opération, la chrysalide se
débat assez violemment et, lorsqu'elle est déposée après avoir
été détachée de son support, ses secousses peuvent la faire
glisser et gèner l'Ichneumonide. Celui-ci ne lâche pas prise et,
tout secoué qu'il est, finit par déposer son œuf. Dans les condi-
tions naturelles la ponte est beaucoup plus facile puisque la
chrysalide est fixée par sa ceinture et sa pointe postérieure et
que ses déplacements sont des plus limités.
Pas plus que chez les Pferomalus, on n'observe chez les
Pimpla la moindre hostilité entre les femelles concurrentes
pendant la ponte. Souvent deux ou même trois femelles se
fixent sur la même chrysalide et dégainent leur tarière. Chacune
opère comme un somnambule qui n'aurait pas conscience de
son entourage ; deux individus pressés l'un contre l’autre, dans
une position incommode, leurs pattes s'enchevêtrant, s'en
tirent du mieux qu'ils peuvent, mais sans chercher à se chasser
mutuellement.
Il faut savoir que la larve de Ponpla est strictement solitaire
et que quelque soit le nombre d'œufs pondus dans un chrysa-
hide, une seule larve s’y développera. J'ai observé jusqu'x
1 pontes, provenant d'une ou de plusieurs femelles, dans une
même nymphe dont il ne sortit qu'un adulte. Ce fait, reposant
sur de très nombreuses expériences, est sans exception, et l’on
voit combien cette aménité des Pimpla entre elles est préjudicia-
ble à l'espèce. IL est inutile de dire que la femelle ne distingue
100 F. PICARD
en aucune sorte une chrysalide ayant déjà recu une ponte,
mème la sienne propre. d’un exemplaire indemne. On pourra
voir le même individu pondre deux fois dans Ia même nymphe
à quelques minutes d'intervalle.
Cette absence d’inimitié pendant la ponte est d'autant plus
remarquable que lIchneumonide se conduit tout autrement
lorsqu'il se nourrit. Lors de l’absorption du sirop, chaque indi-
vidu chasse ses congénères qui s'approchent de sa gouttelette,
soit en les repoussant à coup de tête, soit en les écartant bru-
talement par un mouvement latéral de ses pattes postérieures.
Cette combativité pendant le repas contraste d’une façon frap-
pante avec la mansuétude au moment de loviposition, acte
autrement important pour les destinées de la race.
J'ai pu mettre en lumière par quelques expériences très faci-
les à réaliser, le fait que l'acte de la ponte, chez Pimpla, qui
semble si complexe de prime abord, consiste en une suite de
réflexes qu'il est facile de déclancher.
Si l’on offre aux femelles, au lieu d'une nymphe vivante, la
dépouille dont le papillon s’est libéré, celle-ci ne les attire
aucunement. Mais la même dépouille enduite légèrement de
sang frais de chrysalide, les excite autant que leur proie habi-
tuelle. Toutes les femelles de l'élevage s'y jettent à la fois, se
bousculent pour y trouver place et y plongent leur tarière.
Quelques instants après, le sang sèche et la vieille défroque est
laissée de côté.
Mais on peut faire mieux; en recommençant l'expérience
avec un cylindre ou une papillotte de papier n'ayant n1 la cou-
leur, ni la forme, et seulement très approximativement la taille
d'une chrysalide de Pieris, aucune attirance n'est constatée.
Par contre, le même objet à la surface duquel on étale une
goutte de sang de nymphe déclanche aussitôt le réflexe. Les
Pimpla S'y campent sur toutes les faces disponibles, en aussi
grand nombre que possible, y prennent la position de ponte et
le lardent de coups de tarière. En peu de temps le papier est
criblé de trous, mais, là encore, l'attraction cesse dès que les
effluves excitantes s'évanouissent par suite du dessèchement de
l’enduit sanguin.
Ces expériences furent répétées un grand nombre de fois
devant diverses personnes, et toujours couronnées d'un suecès
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆH » 101
immédiat : le jeu de la tarière est un simple réflexe déterminé
par une violente sensation olfactive.
La vue ne prend aucune part à l'acte de ponte : une feuille
sur laquelle est collée une chrysalide est présentée à une Pim-
pla par la face opposée ; aussitôt celle-ci transperce la chrysa-
lide, invisible pour elle, à travers la feuille. Mais en réalité, la
percée de la victime, qui sera suivie, tantôt du dépôt de l'œuf,
tantôt de l'absorption du sang, n’est que le premier temps du
phénomène. 11 y a un second temps qui est l'émission de l'œuf
elle-même et qui parait dépendre d’une sensation tactile, celle
de vide et de plein. En effet, pas plus les chrysalides vides que
les papillottes de papier ne reçurent jamais un seul œuf après
avoir été transpercées.
Le Pimpla instigator utilise aussi ses victimes pour sa pro-
pre nourriture, comme beaucoup d’autres Hyménoptères para-
sites. Mais le jeu de la tarière, dans le cas de succion de sang,
est très différent de ce qu'il est dans la ponte. Avant de se nour-
rir, la femelle enfonce le gorgeret jusqu'à la base et laboure
l'intérieur de la chrysalide à plusieurs reprises, par des mou-
vements d'avant en arrière de l'abdomen, en se relevant sur
ses pattes et s’aplatissant sur le ventre alternativement. Il est
donc très facile, en voyant un Pimpla piquer, de savoir s'il va
sucer où pondre un œuf, car nous avons vu que dans ce dernier
cas, la tarière n’est souvent plongée qu'à demi et toujours
maintenue verticale.
La blessure est souvent agrandie avec les mandibules et le
sang qui s'en échappe est lapé jusqu'à ce que la nymphe soit
aplatie et vidée. Une femelle peut fort bien sucer ainsi et tuer
une chrysalide dans laquelle elle vient de pondre quelques
instants auparavant, fait sans doute embarrassant pour les par-
tisans de l'instinct parfaitement adapté. Dans mon élevage de
Pimpla, 1 était nécessaire de retirer immédiatement les chry-
salides qui venaient de recevoir des pontes afin de les sous-
traire à la voracité des adultes.
Un fait assez particulier, et que je ne crois pas avoir encore été
signalé, c’est la part que prennent les mâles à ces festins. Ils
ne peuvent eux-mêmes perforer les nymphes, mais profitent
des plaies faites par les femelles et se montrent aussi friands
de sang que celles-ci, L'abondance des sues d’origine animale
102 ÿ F. PICARD
n'empêche d’ailleurs pas les deux sexes de se gorger de liqui-
des sucrés chaque fois qu’on en met à leur disposition. |
La parthénogénèse est possible chez Pimpla instigator, et ce
mode de reproduction m'a toujours donné des mâles ; c’est
donc le cas ordinaire des Hyménoptères. Cependant tout ne se
passe pas comme pour le Pteromalus puparum. Chez ce Chal-
cidien les femelles non fécondées ne se distinguent en rien par
leur comportement de celles qui se sont accouplées. Chez Pim-
pla, au contraire, les femelles vierges paraissent beaucoup
moins attirées que les autres par les chrysalides et elles peu-
vent souvent rester plusieurs jours sans pondre, dédaignant Les
proies offertes, ou ne s'en servant que pour leur nourriture.
Cependant j'ai obtenu de nombreuses pontes, qui toutes fourni-
rent des mâles.
Comme le développement des mâles est fort rapide, et s’effec-
tue quelquefois en 16 jours seulement (juin-juillet), de l'œuf à
l'adulte, leurs mères vivaient encore au moment de leur éclo-
sion et J'ai pu accoupler l’une d’elles avec son fils. Cette vierge
déflorée par son propre fils produisit alors de nouveaux descen-
dants des deux sexes, dont elle était à La fois la mère et la
grand-mère. De semblables expériences furent tentées avec suc-
cès en Amérique par Surra sur Melittobia acasta Walk. et sur
Schedius hivoanæe Moward. Mais, dans ce dernier cas, il fallut
conserver Ja femelle au froid aussitôt après la ponte de ses pre-
miers œufs, pour obtenir la survie nécessaire ; c’est tout à fait
inutile dans le cas de Pimpla instigator. Le tels essais peu-
vent avoir un intérêt pratique ; ils permettront, par exemple,
de tenter l'élevage d’un Hyménoptère parasite dont on n'aurait
obtenu qu'une seule femelle. On la ferait pondre tout d’abord,
puis féconder par le premier fils éelos.
SCHEVIREW, qui à expérimenté sur plusieurs espèces de Pim-
pla, dont linstigator, admet aussi que les mâles proviennent
d'œufs non fécondés. Il applique à ces insectes la théorie de
Dzerzox et prétend que la femelle peut pondre des œufs de l’un
ou l’autre sexe à volonté, comme Fasre l'avait décrit pour les
Osmies. Il constata qu'en fournissant à des Pimpla des chrysa-
lides de grande taille, par exemple de Sphinx, Smerinthus,
(Grast'opacha, etc., on obtenait exclusivement des femelles, tan-
dis que les petites, comme celles de Panohs, Vanessa
PARASITES DE & PIERIS BRASSICÆ » 103
levana, etc., fournissaient seulement des mâles ; Les chrysalides
de taille ermdiiie comme celles de 5 brassicæ, don-
naient les deux sexes avec prédominance de mâles.
Le fait est fort probable et s'accorderait avec ce que l’on sait
de La ponte des Abeilles et des Osmies. Mais comme il nous est
impossible d'admettre, à la suite de Fagre et de ScaeviRew, que
l’Hyménoptère choisisse volontairement le sexe de son œuf, il
resterait à trouver le mécanisme du phénomène. Dans le cas du
Pimpla, qui embrasse les chrysalides avec ses pattes, on peut
se demander si, l’'écartement plus grand de celles-ci ne déter-
mine pas des contractions musculaires différentes. Cette hypo-
thèse n'est pas absolument satisfaisante, car on ne voit guère
comment la position d'appendices dépendant du thorax peut
agir sur les muscles du réceptacle séminal. Il s’agit sans doute
d'un réflexe dont le déterminisme est bien difficile à mettre en
évidence expérimentalement.
Les chrysalides de Preris récoltées au dehors me fournirent
plus de Pempla femelles que de mâles ; les pontes en captivité
sur les mêmes chrysalides donnèrent une grande majorité de
mâles. Ce dernier fait confirme les observations de SCHEVIREW,
tandis que le premier ne les infirme qu'en apparence. Les
mâles se développent en moyenne plus rapidement que les
femelles et, par conséquent, éclosent plus tôt, notamment au
début du printemps. La plupart devaient être déjà sortis avant
ma récolte.
La durée du cycle évolutif est variable et dépend avant tout
de la température. Les mâles provenant d'œufs pondus au
début de juin furent adultes en 16 à {7 jours pour la plupart,
en 24 ou même 25 jours pour une minorité. Les femelles ont
un développement un peu plus long ; il varie à la même épo-
que entre 20 et 26 jours. L'hiver se passe sous forme de larves
et de nymphes dans les chrysalides. |
La longueur de la vie de l'adulte captif et bien nourri est
de 18 à 26 jours en été ; elle compte donc à peu près pour la
moitié du cycle total.
104 F. PICARD
III. — CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
J'ai exposé successivement, dans les lignes qui précèdent. le
comportement de chacun des insectes qui vivent à Montpellier
aux dépens de la Piéride du chou et celui de leurs hyperpara-
sites. Mais 1l ne suffit pas de considérer chacune de ces espèces
isolément : elles sont groupées en un consortium exploitant la
Piéride et tout ce qui touche l’une d'elles retentira sur les
autres membres de l'association. Il est bien évident que toute
cause de diminution des Apanteles pourra, non seulement faire
augmenter le nombre des Pieris, mais encore celui des Antlas-
tus, des Pteromalus et des Pimpla et diminuer celui des Dibra-
chys, des Tetrastichus et des Hemiteles. IL est bien évident aussi
que dans chaque région existe un groupement différent, qui
néanmoins arrive à maintenir son équilibre vaille que vaille.
En Italie, Marrezu n’a pas observé le Pempla instigalor, dont
Pinfluence sur la diminution des chrysalides est si grande à
Montpellier : en revanche d’autres parasites étaient présents,
Hemitleles melanarius, Bassus albosignatus. que je n'ai pas
rencontrés. Ailleurs encore se montrera le Pol/ynema ovulorum
qui se développe dans les œufs du Lépidoptère, entrant ainsi en
compétition avec tous les autres exploitants, et de l'abondance
duquel pourra dépendre, par conséquent, dans certaines loca-
lités, la fréquence de tous ses concurrents.
Il est done nécessaire d'étudier les interactions réciproques de
ces espèces ; non pas de toutes celles qui sont connues comme
parasites de Pieris brassicæ, car elles ne coexistent pas dans le
mème lieu, et l'on arriverait ainsi à des conceptions abstraites
s'écartant de la réalité, mais de celles que j'ai trouvées réunies
dans le territoire restreint sur lequel ont porté mes Investiga-
tions ; les données concrètes ainsi recueillies seront générali-
sées par la suite avec plus de profit.
Il sera utile ensuite de réunir et de comparer entre eux les
faits épars fournis par chaque espèce en ce qui concerne le
mode d’accouplement, le déterminisme de la ponte, la parthé-
nogénèse, etc., faits sans grande portée lorsqu'ils restent isolés,
mais qui s'éclairent mutuellement en étant groupés. On pourra
Jeter alors un coup d'œil en arrière et chercher à se rendre
PARASITES DE ( PIERIS BRASSICÆ » 105
compte si les actes si nombreux que comporte la vie de tous
ces insectes ont tous leur utilité, s'ils réalisent dans chaque cas
la meilleure adaptation possible ou s'ils ne sont parfois que le
résultat de réflexes ou la réponse à des impulsions sans rela-
tions avec le bien de l’individu ou celui de la race.
1. Rapports des parasites avec leur hôte
Le Pieris brassicæ est toujours et partout un Lépidoptère
très parasité. La cause profonde, qui est l'attraction qu'il
exerce vis-à-vis de beaucoup d'espèces, échappe plus ou moins
à notre analyse. Mais on peut cependant remarquer que plu-
sieurs faits concourent à multiplier les chances de parasitisme
aux dépens de cet insecte :
1° Les espèces qui subissent l'attirance de la Piéride sont
toutes plus ou moins polyphages. C'est une condition excel-
lente pour leur persistance et leur multiplication, car elles
peuvent se maintenir en cas de disparition ou de diminution
temporaire de la Piéride dans leur voisinage, sous l'influence
de conditions météorologiques ou d'absence de nourriture. Elles
donneront de nouveaux essaims dès que la Piéride reparaitra.
Encore faut-il que ces parasites, tout polyphages qu’ils sont,
soient attirés par la Piéride autant ou davantage que par leurs
autres hôtes, faute de quoi, pour peu que ces nouvelles proies
se missent à abonder dans les alentours, la Piéride serait
délaissée.
Or nous voyons que le Pimpla instigator, Le Pteromalus pupa-
rum, VAnilastus et l'Apanteles, c'est-à-dire les quatre plus
grands destructeurs faisant partie de notre groupement, sont
tous quatre polyphages, mais qu'aucun autre insecte ne parait
leur convenir au même degré que notre Pieris. I suffit de rap-
peler par exemple ce que j'ai dit du comportement du Pimpla
vis-à-vis des autres chrysalides. L'Apanteles passe communé-
ment pour l'ennemi par excellence de la chenille du chou, et
nous savons que ce n'est guère qu'occasionnellement qu’on le
rencontre dans un certain nombre de ses hôtes.
L'exemple de l’Apanteles glomeratus est très bon pour faire
ressortir l’influence de la polyvphagie sur le maintien d’un para-
106 F. PICARD
site chez son hôte dominant. À Montpellier, l'activité de ce Bra-
conide cessant avant celle de sa victime, la plupart des Piéri-
des qui se développent à l'automne échappent à son emprise.
Mais, en revanche, un grand nombre d'adultes se retrouvent
dès le printemps prêts à engager la lutte. Il ne s’agit pas seule-
ment de ceux qui ont passé la mauvaise saison dans un cocon,
mais des individus qui ont hiverné dans le corps de l’Aporia
cralægt et en sont sortis dès les premiers jours d'avril. L’Aporia
eralæqi a donc une influence doublement favorable : d'abord en
multipliant le nombre des agresseurs du Pieris brassicæ au
début du printemps, ensuite en servant de réserve à l’Apante-
les en cas de disparition momentanée de lPhôte principal. Un
des champs de choux que j’observais, peuplé de Piérides para-
sitées, était voisin d’une petite pépinière d'arbres fruitiers
qu'exploitaient des chenilles d’Aporia décimées, elles aussi,
par l’Apanteles. On conçoit donc très bien qu'en cas de cessa-
tion momentanée de la culture des choux dans ces parages,
V’Apanteles eut reparu dans les Piérides dès la reprise de cette
culture, avec une rapidité étonnante pour qui n'aurait pas
observé l’Aporia.
2° Les générations de Pieris brassicæ ehevauchent l’une sur
l’autre de telle sorte qu’on rencontre à toute époque tous les
stades de l’insecte. Ceci est vrai surtout dans le midi. D’après
Picrér, 11 n'y aurait en Suisse que deux générations en année
normale, et la première apparait très tard. On pourrait en
compter au moins trois à Montpellier, mais il n’est guère pos-
sible de les distinguer. On voit voler des papillons dès la fin de
mars et on en rencontre tous les jours jusqu’à la fin d'octobre ;
en tout temps coexistent des œufs, des larves de tout âge et des
chrysalides. Des chenilles grandes et moyennes se rencontraient
encore le 1° décembre, et elles se chrysalidèrent. On peut
noter à ce sujet, que les larves de cette espèce ne sont pas
aussi frileuses que le dit Picrer ; d’après cet observateur, les
chenilles de Pieris peuvent hiverner à la condition que la tem-
pérature ne descende pas au-dessous de 0°. Or on rencontrait à
Montpellier, à la fin de novembre, de nombreuses chenilles
très bien portantes, malgré des gelées très dures au début du
mois, dont l’une atteignit — 6°. Il est vrai que les gelées ne
durent Jamais que quelques heures dans la matinée et que
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ « 107
pendant l'après-midi, le thermomètre dépasse toujours 0°,
même dans les jours les plus froids des hivers rigoureux. |
Ces conditions se retruovent chez peu de Lépidoptères et
elles sont évidemment excellentes pour des parasites doués de
beaucoup de générations (plus que l'hôte) et ne pondant que
dans un stade déterminé du développement. C’est le cas de
notre tétrade de parasites importants : Apanteles, Anilastus
Pteromalus et Pimpla, et aussi des ennemis secondaires
Dibrachys sp.?, Compsilura, Angitia, ete. Tous accomplissent
leur cycle plus vite que la Piéride () et comme ils ont besoin
d'un stade précis : chenille venant d’éclore (Apanteles), jeune
chenille (Anilastus), chrysalide{Pimpla, Pleromalus, Dibrachys),
ils ne pullulent que parce qu’à quelque moment qu'éelosent les
adultes, ils trouvent ce qui leur est nécessaire.
__ 3° La Piéride est très parasitée, enfin et surtout parce qu’elle
est très abondante et que ses individus sont groupés en colo-
nies compactes et concentrés sur le même point (). Leurs
qualités attractives se multiplient par là mème, du fait que les
émanations odorantes, l’attirance visuelle, etc., agissent plus
puissamment, et surtout parce que tout parasite éclos dans un
de ces groupements, trouvant à pondre sur place, æ'a pas ten-
dance à le quitter.
Ayant eu besoin, à une certaine période, de chenilles indem-
nes, je ne pus m'en procurer, toutes celles que je récoltais dans
les cultures de choux contenant, à ce moment, des larves
d'Apanteles où d’'Anilastus. Un lot de Pieris, rencontré en
pleine garrigue sur des crucifères spontanées, me fut apporté
et reconnu non parasité. Cette immunité d'une centaine d'indi-
vidus environ provenait, dans ce cas, de l'isolement de cette
petite colonie. Elle ne se fut jamais rencontrée chez des che-
nillés qui hantent les Crucifères cultivées dont 65 0/0 en
moyenne contiennent des Apanteles.
GiarD (1908) avait remarqué que les chenilles de Pieris bras-
sicæ qui se nourrissent sur Le Câprier et sur le Cakile maritima
sont indemnes de tout parasite. Le fait a été confirmé par Mar-
(:) L’Apanteles, par exemple, qui est l'espèce dont le développement est le plus
lent, gagne au moins sur son hôte tout le temps que la Piéride passe à l'état
d'œuf.
2) Voir E. Rapaun : la Vie et la mort des espèces.
108 F. PICARD
TELLI (1910) (*) en ce qui concerne le Câprier : aucune des che-
nilles récoltées sur cette plaute ne contenait d’Ani/astus et une
seule sur 21{ contenait des Apanteles (?). Ces cas d’immunité
(surtout en ce qui concerne le Cakile) peuvent tenir à l'isolement
des colonies. Mais on peut les interpréter comme provenant de
l'influence du végétal dont l'odeur peut éloigner les parasites,
et la comparaison avec l'{cerya purchasi est très instructive.
Cette Cochenille est respectée par le Novius cardinalis quand
elle est établie sur le Spartium junceum, et la Coccinelle ne
dévore même pas en captivité les /cerya recueillies sur le
Genêt d'Espagne (:).
On a souvent tendance à considérer l'action de la plupart
des parasites comme cyclique : l'hôte se multipliant d’une
génération à l’autre en progression arithmétique, le parasite
se multiplie suivant une progression géométrique. Il arrive un
moment, généralement lors d'une année où les dégâts sont
maximums, où tous Les individus hôtes sont parasités, et l’année
suivante on assistera à une disparition complète de l'espèce
nuisible. Puis le parasite disparaissant en même temps, faute
de victimes l'hôte recommencera à croitre Jusqu'à ce que son
ennemi parvienne à le dépasser. Ce schéma est loin de corres-
pondre à la majorité des cas : Il est exact pour la Galéruque
de l’'Orme et le Tetrastichus xanthomelænæ, mais ne rend pas
compte des faits en ce qui concerne la Piéride du chou.
Picrer explique en partie l'abondance des Piérides en Suisse
en 1917 par l’absence presque complète des 4 panteles en 1916.
Je n’ai jamais rien observé de semblable dans l'Hérault. J'ai
toujours remarqué, au contraire, que la proportion de chenil-
les parasitées par le Braconide se maintenait sensiblement la
même d’une année à l’autre, et oscillait autour de 65 07/0.
L’Apanteles n'agit donc pas d'une façon cyclique ; son action
modératrice est continue. Il en est de même, d’ailleurs, des
Anilastus, Pimpla, Pteromalus, ete. L'ensemble de ces parasi-
{1} Qui se garde de citer Grarn L'absence complète de références bibliographi-
ques est regrettable chez certains auteurs italiens.
() I serait intéressant de vérifier s'il en est de même des Pieris rap et napr
lorsqu'ils attaquent la capucine.
(*) M. Pouruter m'a fait remarquer ce fait curieux lors de mon passage à l’[n-
sectarium de Menton.
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 109
tes ne parvient pas à se multiplier suffisamment pour détruire
toutes les Piérides et Les faire disparaitre pendant un certain
temps. Aussi celles-ci sont-elles tous les ans fort abondantes à
Montpellier.
IL est certain que le Preromalus à lui seul, par exemple, ne
suffirait pas pour détruire la Piéride, puisque les chrysalides
attaquées, récoltées dans la nature, renferment une moyenne
de 36 individus. Or une seule Piéride pond environ 120 œufs.
On voit done qu à la génération suivante l'avantage serait pour
le Lépidoptère, quoique la fécondité théorique du Pteromalus
soit plus grande, puisqu'en captivité on peut lui faire pondre
de 100 à 200 œufs. ;
Mais, si l’on considère tous les parasites en bloc, on est sur-
pris que leur action combinée soit insaffisante pour exterminer
les Pieris. J'ai dit que 65 0/0 des chenilles mouraient du fait de
l'Apanteles. Mais cette statistique s'entend des chenilles restées
vivantes à leur dernière mue, car une dime importante à été
prélevée sur les chenilles moyennes par l’Anvd/astus ebeninus.
Quant aux individus restants, qui se chrysalident, bien peu doi-
vent échapper aux efforts combinés du Pimpla inshiqator et du
Pteromalus puparum, d'autant que d’autres causes de destruc-
tion interviennent, en particulier les mycoses chez les chrysali-
des d'hiver, les Fourmis qui dévorent des chrysalides en été, et
une grosse Araignée du genre Ségestrie, qui hante les trous des
murs et tue les chenilles qui passent à sa portée.
La fécondité réunie des quatre Hyménoptères que je viens de
citer est assez grande pour utiliser toutes les chenilles ou tou-
tes Les chrysalides, mais il suffit que, sur les 120 œufs pon-
dus par une Piéride, deux seulement parviennent à donner le
papillon pour qu'une nouvelle ponte de 120 œufs soit fournie à
la génération suivante, et les deux chrysalides nécessaires
seront épargnées par le simple jeu du hasard. P/eromalus et
Pimpla, en parcourant leur terrain de chasse, laisseront de côté
de rares exemplaires plus écartés ou mieux abrités, et, 1l suffit
qu'il en reste 2 sur 120.
D'autre part la proportion des Pieris est rétablie dans les
cultures maraichères d’une année à l’autre par les causes sui-
vantes :
a) Les chenilles ayant vécu isolées loin des jardins sur des
110 F. PICARD
Crucifères sauvages, sont généralement indemnes. Les papil-
lons qu'elles produisent volent assez loin et retournent aux
choux cultivés dont l'attirance est plus massive.
b, Près de mes champs d'observation étaient des Câpriers
pouvant fournir un abri à des nichées saines, essaimant
ensuite sur des Crucifères voisines.
c) La durée de l'activité des Preris ne coïncide pas exactement
avec celle de tous ses parasites. C’est ainsi qu'en 1921 on trou-
vait à Montpellier des chenilles de toute taille, encore vers le
1 décembre. Deux cents imdividus recueillis au cours de
novembre furent trouvés sains, à l'exception de quatre d’entre
eux qui contenaient des Apanteles. On peut donc considérer les
chenilles de larrière-saison comme pratiquement à l'abri du
Braconide, à Montpellier du moins, car en juin le même éle-
vage de 200 chenilles eut donné de 120 à 130 individus para-
sités.
Il n'en est pas de même pour le Pteromalus qui pondait
encore à Montpellier le 29 novembre, ce qui corrigeait, au
désavantage de la Piéride, le défaut d'Apanteles, car le Chalei-
dien trouvait ainsi plus de chrysalides à peupler.
Les cas d'alternances régulières d'invasions et de disparitions
d’un insecte phytophage sont faciles à concevoir sous l’action
d'un parasite unique et spécifique, qui rétrocède brusquement
faute de proie après avoir infesté tous les individus de l'espèce
hôte; mais nous savons que les ennemis de la Piéride sont
multiples et polyphages. La diminution du Lépidoptère n'en-
traine pas la leur; il n'y à pas d’action cyclique possible,
d'autant moins qu'il existe plusieurs parasites d'importance
presqu'égale et que si l'un vient à disparaitre momentanément,
les autres n'en prendront que plus d'extension.
Ces considérations nous expliquent que les parasites ne
réduisent pas sensiblement le nombre des Piérides d’une année
à l’autre, et que la diminution qui s’observe, assez rarement
d'ailleurs, chez celles-ci peut dépendre plutôt de causes climaté
riques, mais elles ne doivent pas nous faire concevoir l'efficacité-
de ces entomophages comme nulle ou insignifiante. Pour s'en
rendre compte, il suffit d'imaginer ce que deviendrait la culture
des Crucifères, si les 120 œufs de chaque ponte produisaient
120 papillons à chaque génération, au lieu qu'environ 118
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » au
‘d’entre eux soient arrètés à un moment quelconque de leur
évolution. S'il y a encore des choux, nous le devons aux Apan-
teles, aux Pteromalus et à leurs émules.
Il est à remarquer que l'Anilastus est le seul qui réduise la
période de dégâts de la Piéride. Les autres, Apanteles, Compst-
lura et à plus forte raison Pimpla, Pleromalus, ete., n'ont
d'action qu'en limitant préventivement le nombre d'individus
de la génération future. Il en est de mème, soit dit en passant,
de tous les hyperparasites de l'Apanteles: les Piérides de la
génération actuelle n'en retirent aucun bénéfice.
2. Rapports des parasites entre eux. Le coparasitisme
et l'hyperparasitisme.
Nous devons examiner maintenant les actions que les para-
sites exercent les uns sur les autres. Tout ce que laisse une
espèce est autant de profit pour les autres, et plus lApanteles
sera rare, plus le Pteromalus et le Pimpla auront de chrysa-
lides à leur disposition. Sachant ce que le Braconide détruit, il
ne serait donc pas exact, s'il disparaissait, de supposer accru
d'autant le nombre des Piérides, car les autres Hyménoptères
rétabliraient l’équilibre. Cet équilibre qui se maintient tant bien
que mal, d'une année à l'autre, se retrouve à peu près partout,
quel que soit l'ensemble des espèces parasites agissant en com-
mun. Je n'ai pas trouvé le Polynema ovulorum dans lassocia-
tion que j'ai étudiée. Là où on le rencontre, il est évident que
tout ce qui est à son actif doit être porté au passif des exploi-
teurs de la chenille et de la chrysalide, sans que le résultat final
soit sensiblement modifié.
Les parasites produisent un effet destructif global, mais ils
agissent indépendamment. Contrairement à Vaffirmation de
certains auteurs, aucun d’entre eux ne sait reconnaitre les vic-
times déjà parasitées, soit par d'autres espèces, soit par la leur,
soit par eux-mêmes dans une ponte précédente ; toutes mes
observations sont décisives sur ce point. L'hostilité entre
femelles de même espèce, que j'ai notée très vive chez le
Tetrastichus ranthomelænæ, ne s'observe chez aucun des exploi-
teurs de la Piéride. Il arrive donc très fréquemment que Île
même hôte recoit des pontes variées et en surnombre. Ceci
412 F. PICARD
nous amène à considérer les faits de coparasitisme et à en
suivre les résultats. Il faut distinguer deux cas :
a) Les parasites appartiennent à une espèce grégaire, c’est-
à-dire que plusieurs larves se développent dans la même vic-
time ; telestle Pteromalus puparum. Nous savons que plusieurs
femelles peuplent fréquemment une seule chrysalide ; mais
qu'une nymphe reçoive la ponte d'un individu, de deux ou
davantage, le résultat sera toujours le même : une centaine de
larves au maximum se développeront. Le coparasitisme est donc
désavantageux pour le Preromalus et concourt à diminuer son
efficacité.
b) Les parasites ont des larves solitaires ; c'est-à-dire qu'une
deuxième larve de même espèce est condamnée à périr du fait
du premier occupant. C'est le cas des Pimpla. Le coparasitisme,
très fréquent chez Pempla instigalor, puisque j'ai vu pondre
jusqu'à 7 œufs dans la même chrysalide, est encore plus désa-
vantageux à l'Hyménoptère que dans le cas précédent.
Mais les cas les plus intéressants à considérer sont ceux où
deux espèces différentes déposent leurs œufs dans le mème
individu. Si les deux parasites sont grégaires, ils peuvent
coexister. MaRTELLI, par exemple, à vu sortir en Italie, de la
même chrysalide, des Hemaiteles melanarius, espèce grégaire,
et des Pteromalus puparum. Si les deux parasites sont solitai-
res, un seul triomphera. Si l’un est solitaire et le second gré-
gaire, le premier aura toujours l'avantage.
J’ai fait de très nombreuses expériences portant sur ce der-
nier cas. Tantôt des chrysalides portant un œuf de Pimpla
reçurent la ponte de P'eromalus, le même jour ou les jours sui-
vants, tantôt des chrysalides peuplées par des Pteromalus
furent ensuite soumises à une ou plusieurs Pimpla. De toute
façon, un seul individu de Pémpla instigator se développa.
C'était à prévoir puisqu un parasite n'est solitaire que parce que
sa larve ne tolère pas la présence d’autres convives, et non par
un instinct de prévoyance maternelle.
I arrive aussi que le Pimpla instigator pond dans une chry-
salide contenant un Compsilura. La mort de sa progéniture est
alors certaine, car la Tachinaire, prête à se nymphoser à ce
moment, est sur le point de dévorer tous les organes du Pieris
et sans doute aussi l'œuf ou la larve de Prmpla.
PARASITES DE & PIERIS BRASSICE » 115
Comme je l'ai noté déjà, la présence simultanée de Compsi-
lura concinnata et d'Apanteles dans une même chenille n’est
pas une exception à cette règle, puisque la Tachinaire n’est pas
à proprement parler solitaire et que, vivant dans l'intestin, elle
n'est jamais en contact avec le Braconide. Elle pourrait sans
doute entrer en concurrence avec lui, comme avec le Pimpla,
lors de sa phase ultime de sarcophagie, mais celle-ci n’a lieu
qu'après la sortie des larves d’Apanteles (1).
L'influence des hyperparasites vient encore compliquer beau-
coup les rapports réciproques entre tous ces insectes. Leur
action destructrice est extrêmement efficace sur l'Apanteles,
presqu’autant que celle du Braconide sur la Piéride. La pius
grande part en revient au Dibrachys boucheanus et à V'Heri-
teles fulvipes, en troisième lieu au Tetrastichus rapo. L'action
de l'Eutelus, de l'Habrocytus et de l'Hemiteles longicauda est
de minime importance. Un autre facteur primordial de diminu-
tion de l'Apanteles est la présence de Fourmis de plusieurs
espèces qui mangent les larves. Les amas de cocons collés aux
murs ne sont pas très attaqués, mais J'ai observé que les Four-
mis détruisaient environ la moitié de ceux qui étaient placés
sur les feuilles des arbres. Dès que l’une d'elles à dépisté un
amas, il est exploité Jusqu'à la dernière larve qu'il contient : la
soie des cocons est découpée à l’aide des mandibules, la larve
ou nymphe en est extraite et dévorée jusqu'à la dernière par-
celle, ainsi, le plus souvent, que la chenille mourante qui lan-
guit à côté. Ce rôle malfaisant des Fourmis, qui revient surtout
au Cremastogaster scutellaris, est compensé dans une certaine
mesure par la destruction de quelques chrysalides de Pieris,
choisies aussi parmi celles qui se fixent au feuillage. Mais les
Apanteles sont attaqués dans de plus fortes proportions.
Üne notion exacte de l'efficacité des hyperparasites est diffi-
cile à acquérir, car ils se font concurrence, de mêrne que les
parasites primaires. Certains d'entre eux peuvent en attaquer
d’autres et devenir ainsi des parasites tertiaires. C'est ainsi que
le Dibrachys pond aussi bien dans les cocons contenant déjà des
Hemiteles que dans les autres, et que sa larve s’accommode de
(1) J'ai observé aussi, en hiver, une chrysalide hébergeant à la fois des P1e-
romalus puparum et une larve de Compsilura. Ce cas est fort intéressant, mais,
étant unique, ne permet pas d’en tirer une conclusion,
8
114 F. PICARD
sa nouvelle proie. Il en est certainement de même du Tetrasti-
chus rapo, bien que je n’en aie pas de preuves directes, mais
comme l’Anifastus Jui convient au même degré que l'Apanteles,
et qu'il se nourrit de larves putrétiées, 11 n’est pas douteux que
l’'Hemuteles fulvipes ne soit fréquemment sa victime.
Ce terme d'hyperparasite n a d'ailleurs qu’un intérêt prati-
que. Il est nécessaire de connaitre, en zoologie économique,
les espèces détruisant les parasites utiles, afin, surtout, de pou-
voir les éliminer lors d’une tentative d’acclimatation de ceux-ci.
Mais la notion d'hyperparasitisme n'a pas grande signification
du point de vue biologique. Le même insecte est tantôt parasite
direct et tantôt hyperparasite. Tel est le cas du Dibrachys bou-
cheanus dont la biologie est déterminée avant tout par l’ecto-
parasitisme de la larve et sa vie à l'abri sous un couvert quel-
conque, un cocon par exemple. Il pond indifféremment sur des
chenilles ayant filé, sur des Tenthrèdes, des Braconides, des
larves de charançons protégées par l'enveloppe du grain, etc. Sa
larve a exactement le même genre de vie lorsqu'elle suce exté-
rieurement un Lophyre enfermé dans sa coque, ou un Apanteles
qui se trouve dans les mêmes conditions. Dans le premier cas
cependant, c’est un parasite direct et dans le second un hyper-
parasite. Cette distinction est basée sur le comportement de
l'hôte et non du Dribrachys et peu importe à celui-ci la facon
dont sa victime à véeu avant son attaque.
Il en est de même d’une foule d'Iyménoptères, et en parti-
culier de tous les hyperparasites qui vivaient à Montpellier
dans mon terrain d'observation aux dépens de l’Apanteles.
Tous ne l’attaquent que lorsqu'il est libéré de sa chenille ; ils
se conduisent donc comme des parasites quelconques, ceux qui
pondent sur les nymphes de Lépidoptères par exemple, et ne
méritent à aucun titre d'être distingués par un nom spécial,
sauf du point de vue utilitaire. l
Bien différentes sont les espèces pondant dans le. corps
d'autres insectes lorsque ceux-ei sont plongés eux-mêmes dans
les tissus d’un hôte vivant. Il y à là une sorte d’emboitement
successif de plusieurs parasites, qui mérite un nom spécial.
On pourrait les désigner sous le nom de synarthroparasites, par
opposition à ceux de la première catégorie, le$ plus nombreux
d'ailleurs et les moins intéressants, rentrant dans le cas des
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 115
parasites ordinaires et que l’on peut tout au plus séparer sous
le nom de parasites secondaires ou deutéroparasites. M
demeure entendu que le Tetrastichus rapo, pondant dans
l’'Anilastus lorsque la chenille est réduite à sa peau qui ne
constitue qu'une enveloppe, doit être considéré comme un deu-
téroparasite.
Rien n'est plus fréquent que ces Hyménoptères à mœurs
mixtes, du type du Dibrachys boucheanus, se comportant tantôt
en parasites primaires, tantôt en secondaires. Ceci montre bien
par quelle voie une espèce peut devenir hyperparasite : l'étape
n'est ni longue, ni difficile à franchir. I arrive très souvent,
par exemple, qu'un insecte se développe indifféremment aux
dépens d'une chenille ou des ennemis de celle-ci : tel est le
Pteromalus égreqius qui pond aussi bien dans l'Euproctis chry-
sorrhea que dans son parasite Apanteles lacteicolor. Tel est
encore le Monodontomerus æreus, dont la larve vit dans des
chrysalides diverses et parfois dans les Tachinaires qui les
attaquent, et le Schedius huvanæ, étudié par Howaro et Fiske
(1911) qui pond normalement dans les œufs de Lymantria
dispar, mais s'’accommode fort bien de la larve d'Anastatus
hifasciatus lorsqu'il la rencontre dans un œuf qu'elle à déjà
dévoré.
Le comportement des Pimpla jette une Ilumière particulière-
ment vive sur la facilité avec laquelle un parasite primaire
peut devenir hyperparasite. La plupart de leurs espèces pon-
dent dans les chrysalides de Lépidoptères. Mais si celles-ci,
déjà parasitées contiennent la nymphe d’un autre térébrant,
voire même d'un autre Pimpla, elle devient la proie du nouvel
occupant. HowarDo et Fiske ont signalé des cas d’hyperparasi-
isme du Pimpla inshiqalor introduit en Amérique, aux dépens
d'une espèce indigène, le Pimpla inquisitoriella. J'ai moi-même
obtenu l’éclosion, hors d'un tonnelet d'Anilastus ebeninus, du
Pimpla alternans qui vit normalement dans des Lépidoptères
variés. Ce parasitisme aux dépens d'espèces du même genre
rappelle les relations existant entre Les Psithyres et les Bour-
dons, et les mœurs de certains Pompiles (P. pectinipes) qui
deviennent parasites d’autres espèces du même genre,
416 F. PICARD
3. Le déterminisme de la ponte.
La nutrition aux dépens de l'hôte
La ponte est chez les insectes, et en particulier chez les
Hyménoptères, l’acte le plus important, et autour duquel tout
le comportement est orienté. Le déterminisme de la ponte
parait, à première vue, échapper à l'analyse par suite d’une
trop grande complication. Cependant certains instincts, parais-
sant autrefois très compliqués, ont pu être ramenés à une simple
suite de réflexes. L'instinct des Hyménoptères paralyseurs, si
l'on en croit FABre, serait d'une perfection et d’une complexité
défiant nos moyens d'investigation. Nous savons aujourd'hui
qu'il ne consiste qu'en coups d’aiguillons portés au hasard, et
Ragaup a démontré qu'un Mellinus paralyse sa Mouche par
suite d’un réflexe très simple et très facile à reproduire à
volonté.
Je crois avoir montré, par des expériences aisées à répéter,
que l'acte de la ponte, chez le Pempla inshigator peut être
décomposé en deux réflexes, le premier purement olfactif, con-
ditionnant l'érection de la tarière et la perforation du tégument
de l'hôte, le second d’origine tactile présidant à l'émission de
l'œuf (‘). I ne s'ensuit pas qu'il en soit ainsi pour toutes les
autres espèces, notamment pour l'Habrocytus cionicida étudié
par LicarexsTeiN (1921), quoique cet auteur n'ait pas prouvé que
l’'odorat n’intervienne pas dans une certaine mesure. IL est fort
possible que la vue joue un rôle dans certains cas, mais il n'en
demeure pas moins acquis que chez les Pimpla, un acte qui
paraît fort complexe peut être déelanché, aussi souvent qu'on
le désire, par des excitants à la disposition de l’'expérimenta-
teur.
Quelle que puisse être l'importance des autres sens, notam-
ment de la vision, l'odorat d’abord, le tact en second lieu, me
paraissent jouer chez les insectes un rôle prépondérant dans la
ponte et ses préliminaires. J'ai déjà insisté, à propos des insec-
tes du Figuier, sur l'importance de l’odorat en ce qui concerne le
( Mes expériences sur les Pimpla sont à comparer avec les observations de
P. Marcuaz sur le T'etrastichus (Lygellus) epilachnae Giard, qu'il à vu pondre
dans les dépouilles nymphales d'£rochomus quadripustulatus.
PARASITES DE © PIERIS BRASSICÆ » 117
choix de l'hôte, végétal ou animal. La Teigne des Pommes de
terre, par exemple, est attirée par l'odeur de certaines plantes,
à l'exclusion de certaines autres. Mais, chez le Punpla, le rôle
des sensations olfactives est plus précis : non seulement elles
guident l'Hyménoptère vers ses victimes, mais elles déclan-
chent le jeu de la tarière. Les Mouches qui lâchent leurs œufs
sous l'influence d'une odeur spécifique, loin des substances
convenant aux larves, présentent un cas intéressant de réflexe
pur et dont on pourrait user comme moyen de destruction.
Les réflexes tactiles interviennent en second lieu, chez les
Pimpla, pour l'émission de l'œuf. Leur rôle est très considéra -
ble chez une foule d'insectes. Je l'ai mis en lumière chez la
Teigne des Pommes de terre et chez l’AHesperophanes du
Figuier. I est vraisemblable que le toucher est le sens direc-
teur dans le comportement de l’Habrocytus décrit par LicaTens-
TEIN.
L'étude précise du mécanisme de la ponte chez un plus grand
nombre d'espèces, et surtout l’expérimentation, viendront sans
doute préciser nos connaissances. Des causes accessoires, dans
bien des cas, doivent se surajouter à celles dont il vient d'être
question. Chez certains insectes, l'excitation mécanique produite
par l’accouplement a pour effet de hâter l'évacuation des œufs;
Guyénor l’a observé chez les Drosophiles, et moi-même chez
Phthorimæa et chez Hesperophanes griseus. Mais, chez beaucoup
d'Hyménoptères, ce facteur ne doit pas entrer en ligne de
compte, puisque chez les Pteromalus, les Dibrachys, les Hemi-
teles et bien d'autres, les femelles vierges se comportent
comme les autres, sans subir de retard dans l'évacuation de
leur ponte.
Quoi qu'il en soit, le cas du Pimpla suffit pour nous prouver
que les instincts passant pour les plus complexes sont accessi-
bles à nos moyens d'investigation et résolubles en une suite de
réflexes parfois faciles à mettre en évidence.
Au déterminisme de la ponte, se relie le problème plus
général de l’attirance des insectes par certains végétaux et ani-
maux. En ce qui concerne les parasites, nous voyons qu'ils
peuvent subir une attraction, non seulement du fait des orga-
nismes qui servent de proie, mais d'autres qui leur sont inuti-
les. Ces attirances sont parfois très précises et ne sont sans
118 F, PICARD
doute pas plus adaptatives que l'attraction exercée sur l'Homme
par le tabac ou les liqueurs alcooliques. Le Tetrastichus est
attiré par les cocons d’Apanteles et d’Anilastus, mais violem-
ment aussi par des chenilles indemnes sur lesquelles il dépense
en pure perte sa force musculaire.
La plupart des parasites ne subissent d’excitation vis-à-vis
de leur proie, qu'à un stade unique de lPévolution de celle-ci.
Les chenilles de Pieris laissent indifférents les Pimpla et le
Pteromalus puparum ; celui-ci n’est retenu auprès d'elles qu’à
l'instant exact de l’immobilisation, et il est subitement incité à
pondre par lapparition de la nymphe. J’ai déjà fait remarquer
qu'à l'action de la proie pouvait se mêler linfluence attirante
ou répulsive du végétal nourricier, comme dans le cas du
Câprier pour les ennemis des Pieris, ou du Spartium pour le
Novius cardinalis.
L'emploi de la tarière pour la nutrition des femelles se relie
aussi, dans une certaine mesure, à l'acte de la ponte. La nutri-
tion aux dépens de l'hôte a été découverte par P. Marcuaz chez
Tetrastichus ranthomelænae. Elle à été observée depuis par
beaucoup d'auteurs, surtout chez des Chalcidiens ; c'est certai-
nement un phénomène très général, presque normal, pourrait-
on dire. Je l'ai notée, en effet, chez des Chalcidiens, comme le
Pteromalus puparum, et plus rarement chez le Tetrastichus
rapo ; chez des Braconides comme l'Habrobracon Johansenn ;
et chez des Ichneumonides, comme le Pimpla instigator où elle
se rencontre même chez les mâles. Il faudrait y voir, d'après
Roupaub (1917), qui l’a très bien étudiée chez Nasonia brevicor-
nis, Chalcidien parasite des pupes de Muscides, l’origine adap-
tative de l’oviscapte. L'exercice de la ponte, quoique solidaire
de l’acte nourricier, serait subordonné à celui-ci, et en dérive-
rait secondairement. Tel n’est pas l’avis de Licarexstein (1921).
Ce naturaliste à observé que l'Habrocytus cionicida parvient à
aspirer le sang de sa larve de Cionus enfermée dans un cocon
en sécrétant le Tong de sa tarière un manchon de mucus qui se
solidifie et fonctionne comme puits artésien. Ce fait a été con-
firmé par Trouveror (1921) chez un Braconide, l’'Habrobracon
Johansenni, qui se comporte de la même façon chez Phthori-
maea operculella (). D'après Licarexsren cet instinct est trop
(t) L'FJabrobracon ne sécrète de tube que lorsqu'il pique le Tinéide à travers
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 119
compliqué pour être primitif et ne saurait avoir précédé celui
de la ponte dans les larves de Cionus. La chose parait certaine,
mais l'argument n'est pas sans réplique, car si nous admettons
que la sécrétion du tube est un perfectionnement secondaire-
ment acquis par l'Habrocytus et V'Habrobracon, 1 ne s’en suivra
pas que le fait général de la nutrition à l’aide de l'oviscapte ne
puisse être considéré comme primitif.
D'un autre côté, si l’on concède volontiers à Rousaub que l'in-
térêt individuel se trouve à l'origine des actes complexes des
insectes, ou, pour mieux dire, que ceux-ci sont le jouet d’im-
pulsions ne concordant pas toujours avec l'intérêt de leur des-
cendance, cet auteur n’explique pas quel pouvait être le mode
de ponte du Chalcidien avant qu'il ne fut amené secondaire-
ment à se servir de sa tarière à cet effet. Peut-être ses larves
étaient-elles végétariennes, mais nous l'ignorons. Il existe
d'ailleurs des Chalcidiens à larves phytophages, mais ce régime
est-il primitif ou récent? Et nous n'en connaissons aucun
parmi eux qui attaque des proies animales pour satisfaire ses
appétits d'adultes.
En réalité, toutes les hypothèses sont également probables,
et 1l est aussi vain d'espérer reconstituer la phylogénie de l'ins-
tinct que celle des formes, à l'aide d’une mise en série des cas
rencontrés dans la nature actuelle. On trouve certainement
beaucoup de térébrants dont l'adulte utilise l'hôte pour ses
besoins propres; on en voit aussi quelques-uns qui n’en font
rien, et tel m'a semblé l’Apanteles glomeratus; du moins je ne
l'ai jamais surpris en train d’absorber les humeurs d’une che-
nille. Le Tefrastichus rapo ne suce jamais les Apanteles en
cocons qui sont ses hôtes véritables ; en revanche je lai vu,
quoique très rarement, boire le sang des Pieris qui ne peuvent
constituer une proie pour sa progéniture. Quel était donc, chez
lui, le rôle primitif de la tarière? Le comportement des insec-
tes est dominé par un complexe de réponses à des attractions
innées dont il est bien difficile de sonder l’origine première.
On conçoit très bien un Hyménoptère attiré par le goût d’une
proie, prenant l'habitude de la percer pour s’en nourrir, puis,
son cocon ; il peut aussi puiser le sang directement en attaquant des chenilles
nues, comme je m'en suis assuré,
120 F. PICARD
secondairement, y laissant son œuf; mais on conçoit aussi la
marche inverse, celle de l’insecte humant la gouttelette de
sang qui perle hors de l’orifice de ponte, puis dominé par l’at-
trait de cette nourriture au point de perforer des proies en
dehors de tout besoin reproducteur. Les deux cas ont pu se pro-
duire, et rien ne nous empêche non plus d'imaginer que les
deux attractions n'aient coexisté dès le début chez certaines
espèces.
Ces réserves ne diminuent pas l'intérêt des remarques de
Rousaup sur l’influence de la satisfaction des besoins de l’adulte
sur des actes qui paraissent eu premier abord dirigés unique-
ment en vue du bien-être de la descendance.
4. L'accouplement. La reproduction
chez les femelles vierges
Le mode d’accouplement et les circonstances qui accompa-
gnent cet acte ne manquent pas d'intérêt et ne sont pas les
mêmes chez toutes les espèces que j'ai observées. |
Chez certaines d’entre elles, le mâle se livre à des prélimi-
naires ayant sans doute pour effet de disposer la femelle à subir
ses approches. C’est le cas de tous les Chalcidiens que j'ai étu-
diés, Pteromalus puparum, Dibrachys boucheanus, Tetrastichus
rapo. Le mâle se juche sur le thorax de la femelle, se porte en
avant, lui caresse la tête de ses pattes antérieures et de ses
antennes, en faisant vibrer ses ailes, et recule vivement, en
recourbant la pointe de son abdomen sous celui de sa compa-
gne. [Il renouvelle ces manœuvres jusqu’à ce que l'union soit
effective.
Un Braconide, l'Hahrobracon Johansenni, se comporte comme
les Chalcidiens et je n'ai trouvé aucune différence dans sa
façon de procéder, tandis qu’il s'écarte à ce point de vue des
autres Braconides étudiés.
Ces derniers, Apanteles et Microgaster, forment, au contraire,
avec les Ichneumonides (Pimpla) un groupe chez lequel tout
espèce de préliminaires est exclue. Le mâle bondit sur la
femelle qu'il maîtrise de ses pattes et s'accouple à l'instant. Les
mâles de Microgaster alvearius demeurent sur le gâteau formé
par l'ensemble des cocons et les parcourent en les palpant des :
PARASITES DE «€ PIERIS BRASSICÆ » 121
antennes et en faisant vibrer leurs ailes. Dès qu'une femelle
sort, tous les mâles se précipitent, la saisissent et s’'empilent
sur son corps ; l’un d’eux, plus favorisé la possède, et la femelle
est abandonnée.
D'un autre point de vue, on peut aussi classer les térébrants
parasites en deux catégories, suivant que les mâles continuent
à obséder les femelles déjà fécondées, et c'est le cas des Chal-
cidiens de mes élevages, de l’Apanteles et de l'Habrobracon, ou
qu'elles leur deviennent indifférentes dès qu'elles se sont accou-
plées, comme chez les Pimpla, le Microgaster alvearius, le
Sycosoter Lavagnei et d'un parasite de Zygæna occitanica, le
Monodontomerus dentipes, étudié par Ragaup (1910).
Les mâles de la première catégorie ne semblent pas en
mesure de distinguer les femelles vierges des femelles fécon-
dées, quoique celles-ci refusent toute nouvelle approche, et
ils sont extrêmement gênants pour leurs compagnes, grimpant
continuellement sur leur dos et les dérangeant même pendant
la ponté, fait qui s’observe au plus haut degré chez le T'etras-
tichus rapo. La femelle ne chasse pas le mâle, mais elle reste
passive et la pénétration des organes copulateurs ne peut s’ef-
fectuer.
Dans la seconde catégorie, au contraire, et c’est très net chez
Pimpla instigator, dès l'instant qu'une femelle s’est accouplée
et quelque soit le nombre de jours écoulés depuis ce moment,
aucun mâle ne lui accorde la plus légère attention. J'ai même
cité deux mâles vierges esquissant entre eux un simulacre d'ac-
couplement, alors que les femelles fécondées, en société des-
quelles ils se trouvaient, ne les attiraient en aucune façon.
Mais les femelles de ces deux catégories ont ceci de commun
qu'elles ne s'accouplent qu'une fois et méritent le nom d'uni-
nuplæ dorné pour cette raison aux Pimpla par SCHEVIREW. Si
l’on en croit cet auteur, les T'heronia. genre très voisin des
Pimpla, seraient susceptibles de recevoir plusieurs fois les
approches du mâle, aussi les a-t-1l qualifiées de #zuwltinupta.
Je ne connais pas d’autres Hyménoptères multinuptæ que les
Theronia, tandis que les accouplements multiples sont extrê-
mement fréquents chez les Coléoptères et les Lépidoptères.
J'ai constaté que l’Altise de la vigne peut s’accoupler une ou
plusieurs fois par jour pendant trois mois.
192 F. PICARD
La faculté que possèdent les mâles de reconnaître la virgi-
nité des femelles chez les Pimpla échappe à notre analyse ;
on peut soupçonner qu'elle est sous la dépendance de l’odorat.
Les Pünpla adultes exhalent une odeur très pénétrante surtout
marquée chez les individus éclos depuis peu ; mais elle n'entre
pas en jeu, car elle est identique chez Les deux sexes, et ne dis-
parait pas après l’accouplement. D'autre part l’attirance ne
réside pas dans une odeur ou tout autre propriété fugace qui
s'évanouirait peu après l'éclosion et décélerait aux mâles, à la.
vérité, les femelles fraichement sorties du cocon plutôt que les
vierges. En effet, des femelles non fécondées âgées de 20 Jours,
furent acceptées par des mâles, c'est-à-dire vers la fin de leur
existence. [l y a donc bien véritablement une propriété attrac-
tive qui disparait seulement, et pour toujours, à l'instant précis
du rapprochement sexuel.
J'ai remarqué qu’un fort éclairage artificiel agissait comme
un excitant génésique puissant sur les mâles de plusieurs espè-
ces. Le fait est très marqué, entre autres, chez Apanteles qlo-
meratus, Habrobracon Johansenni et Tetrastichus rapo. Chez ces
Hyménoptères, et chez d'autres, un bocal maintenu à l'obscurité
ou soumis à un éclairement modéré contient des adultes au
repos ; il est porté brusquement à quelques centimètres d’une
lampe électrique, et aussitôt tous les mâles s'agitent, poursui-
vent les femelles et recommencent sans arrêt les manœuvres
préliminaires à l'accouplement. Les femelles des mêmes espèces
voient leur instinct de ponte excité par la lumière électrique et
se portent à nouveau sur des victimes délaissées auparavant,
lorsqu'elles se trouvaient dans l'ombre.
J'ai recherché si la parthénogénèse était possible chez pres-
que tous les Hyménoptères qui font l’objet de ce travail et je
l'ai constatée chez presque toutes les espèces expérimentées,
c'est-à-dire chez Preromalus puparum, Dibrachys boucheanus,
Apanteles glomeratus, Pimpla instiqator, Hemiteles fulvipes et
Hemiteles longicauda. Elle existe indubitablement aussi chez le
Dibrachys parasite de la chrysalide de Pieris, car on ne peut
guère interpréter autrement l'éclosion des mâles que j'ai obtenue.
La parthénogénèse est donc un phénomène qui apparaît de
plus en plus comme général chez les Hyménoptères. Peut-être
même est-il constant. À vrai dire il doit se présenter assez
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 193
raremeut dans la nature, puisque les femelles que l'on capture
au dehors sont presque toujours fécondées et que leur progé-
niture est presque toujours des deux sexes. Les mâles, surtout
chez les Chalcidiens, sont souvent moins nombreux que les
femelles. Mais on conçoit que celles-ci trouvent la plupart du
temps à s'accoupler, puisqu'elles ne le font qu'une fois et que
les mâles sont susceptibles de renouveler l'acte sexuel à de
nombreuses reprises. On obtient de temps à autre des éclo-
sions de nichées composées exclusivement de mâles, et beau-
coup de naturalistes l'avaient observé très anciennement sans
en soupçonner la cause.
Il est extrêmement probable que Le cas de l’Abeille, c'est-à-
dire arrhénotoquie exclusive chez la femelle vierge, avec œufs
femelles fécondés et œufs mâles non fécondés chez la femelle
accouplée, se retrouve chez la grande majorité des Hyménop-
tères, et il en est certainement ainsi chez les Osmies. On ne
connaissait guère, jusqu'à présent, comme faisant exception,
que certaines Tenthrèdes (Nematus, Dineura, Eriocampa, ete.)
chez lesquelles la femelle vierge est thélytoque. La thélytoquie
que j'ai observée chez l'Hemaiteles longicauda est donc remar-
quable en ce qu'elle rapproche le mode de reproduction de cet
insecte de celui des Tenthrèdes, et l'éloigne des autres Ichneu-
monides qui, comme les Pimpla, sont arrhénotoques. Il s'écarte
même, à ce point de vue, d’un insecte du même genre dont
les mœurs sont identiques, l’Æ/emaiteles fulvipes, dout la virginité
s'accompagne d'arrhénotoquie.
Un cas très aberrant, et assez embarrassant pour la théorie
chromosomienne du sexe (‘), est celui d'un Braconide parasite
des Pucerons, le Lysiphlebus tritici, doué normalement de par-
thénogénèse arrhénotoque, mais dont quelques œufs non fécon-
dés sont parfois femelles. C'est ainsi que, d’après Hunrer, sur
392 individus sans père, 339 furent mâles et 13 furent femelles.
Les observations de Hunter, que confirment d'ailleurs celles de
Wessrer sur le même insecte, sont à rapprocher de celles
d'Apcer, beaucoup plus anciennes sur Pleromalus puparum.
Contrairement à cet auteur, je n'ai jamais rencontré de femel-
les dans la descendance des vierges de cette espèce, mais il
(‘) Des explications ont cependant déjà été fournies.
124 F. PICARD
n'est pas impossible que le fait se produise exceptionnellement.
Enfin Suira a noté, chez Melittobia acasta, un mode de ponte
parthénogénétique très différent de ce que l’on connaît chez
les autres Hyménoptères. Chez cet insecte, la femelle fécondée
ne produit qu'un pourcentage très faible de mâles. Lorsqu'elle
ne s'est pas accouplée, elle retient les œufs qui auraient donné
normalement des femelles et ne pond que le très petit nombre
qui produit ordinairement des mâles. J'ai observé, au contraire,
chez Dibrachys. Pteromalus, ete., que la fécondité de femelles
n'était nullement diminuée par le défaut d’accouplement. On
n'imagine pas nettement par quel mécanisme le Melittobia peut
retenir des œufs dont le sexe serait prédéterminé, indépendam-
ment même de la pénétration du spermatozoïde, et l'étude de
cet insecte, d’ailleurs indigène en France, mériterait d’être
reprise.
5. Comportement et adaptation.
Jamais instinct n'a failli à ses promesses, dit FABRE dans ses
souvenirs entomologiques ; pensée consolante sans doute pour
le papillon qui se brûle les ailes à la flamme d’une lampe, mais
qui ne satisfait qu'un nombre de naturalistes de jour en jour
plus restreint. Sans se croire finalistes, cependant, beaucoup
de zoologistes, surtout à l'étranger, paraissent admettre qu'un
acte instinctif ne saurait être mal adapté, et que tout comporte-
ment, non pas même nuisible, mais inutile à l'espèce, est
condamné à disparaitre. Cette opinion répandue surtout chez
les peuples d'éducation germanique ou anglo-saxonne, où les
idées darwiniennes ont encore une grande influence, est bien
voisine du finalisme. Elle est basée, en effet, sur un mode de
raisonnement très simple, qui fut le leit-motiv de toute la
seconde »hase, de la vie de Darwin et que l’on retrouve à cha-
que page de ses écrits, en particulier dans sa correspondance.
En présence d'un organe, d'un ornement, d'une différence
sexuelle, d'un comportement quelconque, Darwin se deman-
dait uniquement quelle pouvait en être l'utilité. I la trouvait
toujours, fût-ce en se torturant esprit, et considérait dès lors
le problème comme résolu. L'organe ou l'acte instinctif en
question étant utile, avait été maintenu par la sélection natu-
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 495
relle. Donc pour Darwix et ses disciples, comme pour FaBre et
Bervaron De Sanr-Pierre, un instinct ne peut faillir à ses pro-
messes, sous peine de disparition.
Il n’est pas question d'accumuler ici tous les exemples con-
traires à cette conception, mais je ne crois pas sans intérêt de
terminer ce travail sur Les parasites de Ia Piéride en montrant
ce qu’on en peut extraire du point de vue de l'adaptation de
l'instinct.
Certains faits sont impressionnants ; ils paraissent si bien
calculés, si bien adaptés à une fin qu'on a peine à croire à leur
inutilité. Lorsqu'on observe le comportement du Tetrastichus
rapo en présence des chenilles de Pieris, ses précautions, son
allure prudente, son avance et ses reculs, sa tarière dégainée
avec une lenteur infinie, puis rentrée subitement au moindre
mouvement de la proie, son obstination durant des heures, à
revenir vers une Piéride qui l’a chassé, secoué et mordu, il ne
semble pas possible d’écarter l'hypothèse d’un comportement
merveilleusement adapté à la lutte avec un adversaire dont on
ne peut triompher que par la patience et la ruse. Nous savons
cependant que ce long et émouvant combat est livré en pure
perte. La Piéride sera piquée et sa mort en sera la consé-
quence, mais elle ne profitera en aucune façon au meurtrier et
à sa progéniture. Voilà done un insecte à vie courte et à énergie
limitée, qui en gaspille une bonne part en des gestes fatigants
et vains, gestes dont la précision est bien faite pour 1llusion-
ner quiconque n'en aura pas observé les résultats.
Un autre instinct mal adapté, et qui aurait dù disparaitre
depuis longtemps, est celui de ces mâles d'uninuptæ, Plero-
malus, Tetrastichus, Apanteles, etc., qui importunent leurs
compagnes déjà fécondées. On ne saurait croire à quel pot
cette facon de faire est nuisible aux femelles et les gène dans
l'exercice de la reproduction. L'une d’entre elles, surtout chez
les Tetrastichus, a-t-elle enfoncé sa tarière, qu'un mâle l’assaille
et la lui fait rentrer; elle trouve avec beaucoup de peine un
nouveau point favorable, l'agression d'un second mâle l’en
chasse, et le fait se renouvelle plusieurs fois. Cet instinct, nui-
sible à la femelle, inutile au mâle puisqu'un nouveau coït est
impossible à obtenir, n’a cependant pas disparu. On le conçoit
d'autant moins qu'il n’existe pas chez les Pempla et beaucoup
126 F. PICARD
d'autres espèces. Il s’observe chez les Apanteles, mais pas chez
les Microgaster qui sont si voisins. Il persiste chez les Ptrroma-
lus, mais ne se rencontre pas chez d’autres Chalcidiens comme
les Monodontomerus.
Le fait de se nourrir aux dépens de la victime destinée aux
larves peut passer pour utile, en ce sens qu'il économise le
temps et permet à la femelle de se sustenter et de déposer sa
ponte au même endroit. Mais lorsqu'on voit d'aveugles Pimpla
pondre un œuf dans une chrysalide, puis, aussitôt après, la
labourer à coups d'oviscapte et en exprimer le sang au point
de la vider et de l'aplatir, on est naturellement conduit à penser
que les réflexes divers auxquels obéissent les Pimpla ne sont
pas combinés de la façon la plus favorable possible pour l’ave-
nir de la race.
Le Tetrastichus xanthomelvnæ montre de la jalousie vis-
à-vis de ses congénères et défend vigoureusement contre eux
l’amas d'œufs de Galéruques sur lequel il est juché. Cet
instinct parait utile puisqu'il évite que plusieurs œufs soient
déposés dans une proie qui ne peut en nourrir qu'un seul, et
assure en même temps la survivance du plus apte. Mais le
Tetrastichus rapo, le Dibrachys boucheanus, :e Pteromalus pupa-
rum, le Pimpla instigator font fi de la concurrence et leur man-
suétude est telle que trois Pimpla, par exemple, chevauchent
à la fois la même chrysalide, et quoique gènés mutuellement,
y déposent trois œufs dont deux périront.
Les sens des Hyménoptères ne manquent pas de finesse, si
l’on en juge par les mâles de Pimpla insligator ou de Micro-
gasler alvearius qui ne çonfondent jamais les femelles vierges
et celles qui furent accouplées. Cependant aucun sens ne pré-
vient les femelles que leur proie est déjà parasitée, et ç'eut été
d’un intérêt adaptatif autrement plus considérable. Bien plus,
la même Prmpla ira pondre une seconde fois dans une Piéride
qu'elle à quittée quelques instants auparavant, restreignant
d'autant sa progéniture, et condamnant ses enfants à se dévo-
rer'entre EUX.
De même rien n'avertit Le Dibrachys boucheanus qu'il pond
dans des cocons contenant des nymphes d’Apanteles trop
anciennes, et que ses larves périront ainsi d'inanition, ni non
PARASITES DE € PIERIS BRASSICÆ » 127
plus le Pimpla instigator que la chrysalide qui Fattire recèle
un Compsilura prèt à tuer l'œuf qu'il va y déposer.
Un grand nombre d'instincts paraissent adaptatifs ; souvent
ils répondent à une excitation n'ayant rien à voir avec le but
utilitaire que nous leur assignons. Tel est le curieux cas des
Pteromalus factionnaires, en expectative devant la chenille
étendue sur son tapis de soie et ligottée par sa ceinture. Ils
semblent faire le guet, prêts à bondir sur la nymphe, dès
qu'elle surgira, et ils bondissent effectivement. L'illusion fina-
liste tient ici à ce que nous considérons l'acte isolément sans
faire de comparaisons. Mais si nous rapprochons de ce fait
celui de Myeloëïs cribrella immobilisée par le contact de Ia soie,
peut-être aussi celui du P/eromalus egregius hivernant dans les
bourses soyeuses d'Euproctis chrysorrhea, une lueur soudaine
surgit, celle de l'effet inhibiteur de la soie, et ce qui nous sem-
ble adapté pour le Pteromaius puparum, nous apparait sans
conteste comme inutile dans le cas du Myeloïs.
Certains actes des insectes sont considérés comme ayant un
but finaliste, et, en effet, ils paraissent utiles ; nul ne prétend
évidemment que tous les instincts soient nuisibles. Mais le
mécanisme qui les détermine n'a aucun rapport avec la fin
qu'on leur attribue et ce n’est que par hasard que lanimal en
tire profit. Un naturaliste, par ailleurs excellent observateur,
mais imbu d'idées qui n'ont plus cours en France, A. Prerer,
nous en fournit un exemple typique. À propos de chenilles de
Pieris nées à l'arrière saison et surprises par l'abaissement de
la température, il dit en effet : « Cependant, ces dernières ont
essayé de lutter contre le froid en tissant le 31 octobre, sur la
« face inférieure d’une feuille, un réseau de fils de soie derrière
lequel elles se sont retirées ; mais cette précaution, absolu-
=
=
A
#
=
=
ment anormale pour cette espèce, ne Les a pas empêchées de
« périr ».
Ce n'est là, peut-être qu'une simple facon de parler. Mais
elle est absolument vicieuse, et un zoologiste qui consacre sa
vie à l'étude de la biologie des insectes, laisse douter, en s’ex-
primant ainsi, de la façon dont il conçoit le mécanisme des phé-
nomènes naturels. À qui fera-t-on admettre, en effet, qu'une
chenille essaye de lutter contre le froid et qu’elle tisse une toile
dans ce but, ce qui nécessiterait chez l’insecte une connaissance
128 F, PICARD
approfondie de la non conductibilité de la soie vis-à-vis de la
chaleur. Et si on ne veut le faire admettre à personne, pourquoi
le dire ?
L'origine du fait observé par Picrer est cependant très sim-
ple. Le filage n’est pas un acte anormal chez les Pieris ; elles
filent toutes et lorsqu'on les renferme dans un étroit bocal où
elles sont forcées de se maintenir les unes près des autres et de
stationner longtemps au même endroit, les parois du récipient
sont bientôt tapissées de toiles, quelque soit la température.
Celle-ci n’est donc pour rien dans le phénomène qui est plutôt
sous la dépendance du confinement. On sait, d'autre part, que
toutes les réactions des invertébrés diminuent d'intensité avec
le froid, et il en est ainsi, en particulier, de la rapidité de leurs
mouvements. Quand l’abaissement atteint un certain degré, les
chenilles restent presque immobiles en un point de la feuille et
se trouvent confinées, comme elles l’étaient danse bocal. L'en-
trecroisement des fils de soie se produit dans les mêmes condi-
tions. Ce n’est donc pas pour se garantir du froid cu’elles res-
tent immobiles sous une toile ; c’est l’action du froid qui les a
immobilisées, et c'est leur immobilisation qui les a fait tisser.
Mais, là encore, l’explication finaliste provient de ce que le
fait est considéré isolément. Vient-on à Le comparer avec le phé-
nomène du bocal, on voit que le tissage, par hasard utile dans
un cas, est indifférent dans l’autre ; mais ici aussi bien que là,
le mécanisme de sa production est le même, et mdépendant de
tout but utilitaire.
Les instincts sont plus ou moins mal adaptés; l’insecte se
débrouille comme il peut et maintient sa race tant bien que
mal, tout en étant entrainé par des tendances dont beaucoup
lui sont défavorables. Jouet d’impulsions inéluetables, obéissant
à des réflexes variés, soumis à des attirances de toutes sortes,
il y satisfait en dehors de toute finalité, et les comportements
les plus nuisibles, tant qu’ils sont compatibles avec une miséra-
ble survie de l’espèce, né paraissent guère donner prise à la
sélection.
}
PARASITES DE « PIERIS BRASSICÆ » 129
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LS OREGT ET
L'ÉCLOSION DU
OUR PILE CRYLLOTALPA L.
(Orthopt. Gryllidæ)
Après les recherches d'Heymoxs (1895), de ne Peyerimaorr
(1901) et de Carpe pe Baizron (1919 et 1920) sur l'organe utilisé
par les larves d'Orthoptères pour rompre la coquille de l'œuf
au moment de l’éclosion, il faut s'attendre à rencontrer, dans
les groupes encore inexplorés, des appareils de rupture plus
ou moins conformes aux types décrits.
À côté de l'intérêt que présente en elle-même, au double
point de vue anatomique et physiologique, la question de l’ap-
pareil de rupture, il en est un autre d’une portée plus géné-
rale, suscité par l'étude comparée des divers groupes et des
individus d'un même groupe. Quel est l'appareil de rupture
propre à chaque groupe, et, dans un groupe déterminé, l’appa-
reil est-il construit sur un type unique? Les recherches effec-
tuées Jusqu'ici ne permettent pas de donner une réponse défi-
nitive, elles sont rares et très incomplètes. Il est intéressant, …
malgré tout, de noter dès maintenant l'analogie qui rapproche
Psocides et Phasgonurides et, d'autre part, la divergence qui
sépare ces derniers des Gryllides, leurs plus proches voisins.
Chez le S/enopsocus cruciatus L., dit ne Peyentmnorr, l'organe
«est constitué par une crête mince et dentelée qui occupe toute
la partie médiane de la tête, depuis le sommet du front jusqu'à
l'épistome » (7. c., p. 149).
Chez les Phasgonurides (Leptophyes punctatissima Bosc.,
Phaneroptera quadripunctata Br., Meconema thalassina ve Grer,
Anisoplera dorsale Larr., Conocephaloides nilidulus Scor., Pho-
lhidoptera qriseoaptera ve Grer, Uromenus rugosicollis Rame.),
l'appareil est également situé sur le front de la larve; € il
se présente sous la forme d'une lame de longueur variable.
152 D'ICADE
s'étendant, à la facon d’une crête, du vertex à la base du
labre » (Cappe DE BaizLox, 1919, p. 12533). ;
L'appareil des Gryllides est, au contraire, d’un type tout à
fait différent. Carpe DE Baizcon l’a étudié chez l'Acheta campes-
tris L, le Gryllus domesticus L, le Gryllomorpha dalmatina
Ocsk. et le Gryllomorpha uclensis Paxr. ; il n'est plus situé sur
le front, mais sur les bords du labre. La membrane amniotique
« revêt le labre d’une sorte de sac aplati dans le sens dorso-
ventral et rendu partiellement rigide par suite de l’épaississe-
ment de ses parois latérales. La partie rigide constitue l’appa-
reil de rupture. L'organe affecte la forme d’un U dont l’une
des branches, et plus souvent les deux, sont garnies de dents
robustes dirigées vers l'extérieur » (/. c., p. 1233-1234).
Le nombre des Gryllides étudiés est insuffisant pour permet-
tre d’énoncer une loi générale sur l'appareil de rupture du
groupe, d'autant plus que les espèces observées appartiennent
à des sous-familles de Gryllides très voisines.
Impossible, cependant, de ne pas souligner à la fois et l’umi-
formité du type d'appareil et sa variété. Chez tous les Gryllides
mentionnés, il a la forme d’un U et il est situé sur le labre ;
mais tantôt une branche de l'U porte seule des dents, tantôt
les deux. Bien plus, la physiologie de l'organe diffère d'un
Gryllide à Vautre. S'il faut en croire Carpe pe BAizLoN, « seul
le Nemobius sylvestris possède un organe fonctionnant comme
un appareil de rupture proprement dit; chez les autres, son
rôle est secondaire dans le mécanisme de l’éclosion » (4. €.,
p. 1234).
Ces variations observées chez des genres voisins laissent
entrevoir la possibilité de divergences plus grandes entre les
appareils de genres éloignés. et il est permis de se demander
ce que devient l'appareil dans les groupes extrêmes d'une
même famille.
Voici une première réponse fournie par la sous-famille des
Curtillines que certains auteurs considèrent non seulement
comme un groupe extrème, mais même comme un groupe aber-
rant de la famille des Gryllides (1). L'appareil de rupture du
{‘) Hansen (Die Fossilen Inseklen, Leipzig, 1908). pour se conformer aux
données de la paléoutolouie, va jusqu'à séparer les Curtitlines des Gryllides.
divise l'ordre des Orthoptères en deux sous-ordres : celui des Locustoides et
ECLOSION DU CURTILLA CRYLLOTALPA 133
Curtilla gryllotalpa (”) est situé sur le front de la larve, comme
celui des Phasgonurides.
Il à la forme d’une mince lame, longue de 0,24 mm. et dres-
sée dans le plan sagittal, perpendiculairement à la surface du
chorion. Le bord de cette lame n'est pas, comme chez les
Phasgonurides, denticulé, mais seulement sinueux.
DDR CONr (ES
Fig. 1. — Curtilla gryllotalpa L. Larve au moment de léclosion; elle
porte sur le front l'appareil de rupture /r.
Dans les coupes transversales, la lame prend la forme d'une
dent aiguë, à base faiblement élargie, et reposant sur la mem-
brane amniotique à peine épaissie. A l'opposé de celle des Phas-
gonurides, 1 semble bien qu'elle ne soit pas formée de deux
lames accolées, mais d'une seule ; car l'examen de la lame ?n
loto, aussi bien que les coupes transversales, ne laissent voir ni
feuillets séparés, ni points de soudure entre les feuillets.
Qu'il s'agisse là d'un appareil de rupture, il est légitime de
celui des Acridioides, et, parmi les Locustoides, il compte les Locustides, les
Gryllides, les Gryllotalpides et les Tridactylides (D’après Berese, Gli Insetti, KE,
p. 204). |
1) Matériel ob'igeamment fourni par M, Cuéxor, de la Faculté des Sciences de
Nancy,
154 L.. CADET
le conclure de toutes les observations faites par les auteurs
désignés au début de cette note; il faudrait, toutefois, pour
l’affirmer, l'observation directe de l’éclosion et l'examen de la
coquille après la sortie de la larve ; des observations ultérieu-
res permettront de combler cette lacune.
Jusqu'à preuve du contraire, il est permis de considérer la
lame que porte sur le front la larve du Curtilla gryllotalpa,
comme un appareil de rupture. Cet appareil s'écarte notable-
ment de celui des Gryllides et se rapproche, au contraire, net-
tement de celui des Phasgonurides par sa situation et par sa
forme ; 1l présente cependant une structure plus simple chez
les Curtillines que chez les Phasgonurides.
Lille, août 1920.
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NOTE SUR
L'ÉCLOSION DES “ TÉTRICINES ”
(Orthopt. Locustidæ).
Les travaux d'Heyuons (1895) sur les Forficula, de pe PEeyerin-
more (1901) sur les Psoques, et, tout récemment, ceux de
Cappe DE Baizron (1919, 1920) sur les Locustiens et les Grillo-
niens, ont établi l'existence, chez ces Insectes. d'un organe des-
tiné à faciliter à la jeune larve la rupture de la coquille de
l'œuf au moment de l’éclosion.
La note présente apporte une contribution nouvelle à l'étude
de l'appareil de rupture des Orthoptères ; elle a pour objet le
groupe des Téfricines.
Dans un mémoire très important, Hancock (1902) à déjà
recueilli sur ces Locustides un bon nombre de faits se rappor-
tant à l'éclosion: ce sont précisément les observations de
l’auteur américain qui ont été l’occasion des recherches résu-
mées Ici.
Après avoir décrit, avec croquis à l'appui, la forme de l’œuf
des Tettigides et signalé la pointe qui surmonte son extrémité
supérieure, Haxcock fait la remarque suivante : « The young
larvæ emerge from the attenuated extremity, or anterior pole,
the head being thus directed in the later embryological stages.
It more often happens that he egqg splits lengthiwoise during the
escape of the larva » (p. 20). A la fin du mémoire, une note
complémentaire porte ce titre : « Appearance of the eggshells
demonstrating that the embryo breaks the shell longitudinally
to escape » ; en voici la substance : « On taking the empty eggs
up (Paratettix) 1 found that the larvæ in escaping had burst
the shell in most cases on two sides /ongitudinally, the poin-
ted end of the eggs being directed upward » (p. 181).
Hancock mentionne, sans chercher à l'expliquer, le fait de la
136 H. DERVILLE
déchirure longitudinale de la coquille de l'œuf. Il est clair,
cependant, qu'un phénomène aussi constant suppose l'inter-
vention d'une cause unique, agissant toujours de la même
manière. Ou bien il existe dans la coquille une ligne de moin-
dre résistance suivant laquelle s'effectue la déchirure, ou bien
la larve possède un organe capable de provoquer la rupture
de la coquille en un point quelconque de sa surface.
Les observations faites sur le Tetrix Kiefferi Sauccy donnent
la valeur relative de ces deux hypothèses.
L'œuf du T. Kiefferi, de couleur jaunâtre, mesure 2,7 mm.
de longueur sur 0,5 mm. de diamètre. Il est cylindrique, fai-
blement arqué ; son extrémité inférieure est arrondie, son extré-
mité supérieure, effilée et terminée par une pointe grêle, non
rigide.
Comme l’a observé Haxcock, les œufs sont déposés vertica-
lement dans le sol, la pointe en haut.
Le développement de l'embryon demande environ trente
jours. À l'approche de l'éclosion, il est facile de distinguer, à
travers la coquille distendue (!), Les contours de la jeune larve
dont les yeux, fortement pigmentés, forment deux taches som-
bres immédiatement au-dessous de la pointe de l'œuf. Au bord
concave de la coquille correspond la face ventrale de l'em-
bryon (?). L'appareil micropylaire est situé, sur le bord convexe
de l'œuf, à quelque distance de son extrémité inférieure (*).
(} L’œuf, à ce stade, est notablement plus gros qu'au moment de la ponte ; de
2,7 min. sa longueur est passée à 2,9 mm. et son diamètre à atteint 0,9 mm. au
lieu 0,7 de mm. Indépendamment de la transparence qu'acquiert l'œuf de presque
tous les Insectes lorsqu'il est maintenu en milieu humide, lœut des Locustides
présente, au moment de l’éclosion, une particularité qui facilite singulièrement
le passage de la lumière à travers sa coquille. Celle-ci se dédouble, comme à
l'ordinaire, en deux lames : une lame interne ou endochorion, transparente,
molle, susceptible de se dilater, et uné lame externe ou exochorion, de couleur
sombre et inextensible. Au cours du développement de l'embryon, l’endochorion
s'étire, se distend ; l’exochorion, au contraire, se fragmente en plaques de
dimensions variables qui parfois se détachent de la coquille et laissent à décou-
vert l’endochorion parfaitement transparent.
(2) Les Phasgonurides, à l'exception des Phanéroptérines, oftrent la disposition
inverse.
(#) La structure de la coquille rend assez difficile l’étude de lappareil micro-
pylaire, surtout au moment de l’éclosion. Vu par la face extérieure, le chorion
apparait divisé en polygones réguliers, à contours parfois interrompus et à sur-
face parsemée de points plus ou moins grossiers et disposés sans ordre ; ces
polygones sont les surfaces d’empreinte laissées par les cellules folliculaires qui
ont sécrété la coquille, En prétant attention, on découvre, dans la région dorsale
ÉCLOSION DES TÉTRICINES 137
Pour se rendre compte s'il existe dans le chorion une région
de moindre résistance, il est nécessaire de recourir aux
coupes.
Les coupes transversales pratiquées dans l’œuf au niveau de
la tête de l'embryon, à l'endroit où s'opère la rupture de la
coquille, montrent un chorion de structure identique sur toute
sa surface (!). È
Partout l'endochorion forme une couche uniforme, blanchà-
tre, finement granuleuse. Il est recouvert d’un exochorion de
- couleur fauve, morcelé en petites plaques creusées d'un grand
nombre de cavités internes sans communication apparente avec
l'extérieur. Un examen attentif montre que la paroi qui sépare
les champs polygonaux est incomplète en plus d'un point, ce
qui explique l'aspect discontinu présenté par les contours de
chaque polygone dans la vue de face. Sur le plancher de
l’alvéole, se dressent, tantôt verticalement, tantôt plus ou
moins inclinés, de nombreux piliers de chorionine dont la pro-
Jection donne l'explication des points grossiers signalés plus
haut. Cloisons et piliers supportent une lame de chorionine
formant plafond au-dessus de chaque alvéole, ce qui donne à
l'ensemble l'aspect d'une galerie à multiples colonnettes entre
lesquelles l'air peut circuler librement (?). La surface exté-
rieure du chorion est perforée d'une multitude de petites eavi-
tés presque toutes obstruées par des concrétions calcaires () ; la
présence de ces concrétions ne permet pas de découvrir l’ostiole
de l'œuf, certains polygones déformés par un étirement longitudinal et d'sposés
en rosace autour d'un point central où se trouve un micropyle. L'orifice du
micropyle donne accès dans un canal très court qui s'enfonce obliquement dans
l'épaisseur du chorion pour venir déboucher, à l'intérieur de l'œuf, au sommet
d'une petite élevure.
(:) La coupe transversale de l'aiguille qui surmonte le pôle céphalique de l’œuf
permet d'assigner à cet appenidice un rôle important dans les échanges gazeux
qui doivent assurer la vie de l’ermbryon au cours de son développement. L'axe
de l'aiguille est constitué par un prolongement de l’endochorion dont la section,
en forme de croix, est poreuse au centre et dans l'épaisseur des quatre bras. La
structure quadranuulaire de l'aiguille est masquée à l'extérieur par des alvéoles
très profonds, creusés dans l'exochorion qui recouvre l'axe central ; la section
transversale de l'ensemble est cylindrique Cet appendice est à rapprocher. tant
pour sa structure que pour sa fonelion prob ble, de celui qui surmonte l'œuf des
Mécopodines et des Gryllacrines (Capre be BalLLoN, L. e., p 103 et 119).
(*} Une disposilion analogue, mais plus réguliere, a été signalée chez le Pla-.
lystolus surcularius \Ephippigerinæ).
(5) Traitée par l'acide sulfurique dilué, la coquille du 7. Xïefferi donne lieu,
après évaporalion, à la formation de nombreuses aiguilles de gypse.
138 H. DERVILLÉ
qui, dans les œufs de même structure, fait communiquer l’al-
véole avec l'extérieur.
Si l'hypothèse d'une ligne de moindre résistance, préexistant
dans le chorion, ne peut être acceptée pour expliquer la déchi-
rure longitudinale de la coquille, il ne reste plus qu'à exami-
ner s'il existe ou non, chez la larve prête à éclore, un organe
adapté à cet effet. Si cet organe existe, on peut dès maintenant
prévoir que son rôle sera singulièrement facilité par la pré-
sence, dans la coquille, de granulations calcaires, — dont
l'abondance même rend le chorion très friable, — et par le
morcellement de l'exochorion consécutif au développement de
la larve.
L'étude de l'éclosion n'est pas sans difficultés. Placé dans un
milieu trop humide, l'œuf crève en un point quelconque de sa
surface, sans le concours de la larve ; en milieu sec, il perd ses
propriétés optiques et ne se laisse plus traverser par la lumière.
Le mieux est de disposer les œufs, à découvert, à la surface
d'un cristallisoir rempli de sable légèrement humide; à défaut
d'autre signe, le mouvement des veux, — toujours visibles à
travers la coquille, — avertira de l’imminence de léclosion.
Il est aisé de constater, dans ces conditions, que la tête sort
la première de l’œuf et le front en avant. En examinant celui-ci
de profil, on découvre, sur la ligne médio-frontale et dans le
plan sagittal, une rangée de denticules, qui, selon toute vrai-
semblance, appartiennent à un appareil de rupture.
Le dépouillement de l’amnios, qui suit de près l'éclosion,
permet de compléter ces données. Quand la dépouille franchit
le vertex et commence à glisser sur le front de l'insecte, elle
ne se plisse pas, mais descend tout d'une pièce Jusqu'au niveau
des mandibules; preuve qu'elle est renforcée dans la région
frontale, au moins sur la ligne médiane.
L'examen de la dépouille au microscope fait découvrir,
au-dessus du labre, entre les gaines rembrunies des antennes,
une lame de couleur grisâätre aux contours mal définis, qui
porte en son mileu, disposées sur une seule ligne, dix à vingt
denticules à pointe orientée vers le bas ; cette lame denticulée
constitue l'appareil de rupture (1).
(‘} La moyenne est de dix dents ; mais il n’est pas rare de trouver, dans l’inter-
valle laissé entre les dents principales, des dents supplémentaires ou à peine
ébauchées.
ÉCLOSION DES TÉTRICINES 139
Dans les coupes transversales de la tête, la section de la lame
prend la forme d'un croissant légèrement épaissi et muni, au
centre, d'une épine courte et robuste dont la direction générale
est perpendiculaire à la surface du chorion.
Ainsi qu'il a été dit plus haut, il est difficile de voir fonc-
tionner l'appareil; mais l'état de la coquille après l'éclosion ne
laisse aucun doute sur l'efficacité de son action : toutes les
coquilles sont fendues longitudinalement sur la face ventrale,
dans la région supérieure et au niveau de la tête ; il n'en faut
pas davantage pour conclure à la valeur fonctionnelle de l'or-
gane de rupture.
La larve des Tétricines possède donc un organe destiné à lui
faciliter la sortie de l’œuf au moment de l’éclosion. L'organe
est construit sur le type de celui des Phasgonurides avec.cette
différence qu'au lieu d’être constitué par une lame dentelée
continue, il ne comprend qu'une rangée de denticules insérées
directement sur la membrane amniotique. Sa résistance, beau-
coup plus faible que celle de l'organe des Phasgonurides est,
par ailleurs, parfaitement porportionnée à la faiblesse de l’en-
veloppe de l’œuf, que le morcellement de l'exochorion et la
présence d'un dépôt calcaire abondant rendent mince et fria-
ble. Des recherches ultérieures diront si cette conclusion doit
ètre restreinte au groupe des Téfricines ou étendue à toute la
famille des Locustides.
La Louvesc, juillet 1920.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
4949. Carre pe BaïzLon (P.). — Sur l'existence, chez les Locustiens el les
Grilloniens, d’un organe servant à la ruplure du chorion au moment de
l’éclosion. C. R. Acad. Sce., t. CLXVIIT.
1920 Carre De BaizLoN (P.). — Contribution anatomique et physiologique à
l'étude de la reproduction chez les Locustiens et les Grilloniens. 1. La
ponte et l’éclosion chez les Locustiens. La Cellule, t. XXXT.
1902. Hancock (J.-L.). — The Tettigidæ of North America. Chicago.
1895. Heymoxs (R.). — Die Embryonalentwickelung von Dermapteren und
Orthopteren unter besonderer Berücksichtigung der Keimblätterbildung.
Monographisch bearbeitet. lena.
1901. Peveriumorr (P: pe). — Le mécanisme de léclosion chez les Psoques.
Ann. Soc. Ent. Fr., 1. EXX.
LAVAL. — IMPRIMERIE BARNÉOUD.
R. HOVASSE
Agrégé de l'Université,
Préparateur à la Sorbonne.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
DES CHROMOSOMES
Variation du nombre
et régulation en parthénogenèse
(Avec 20 figures dans le texte et 2 planches)
SOMMAIRE
Pages
A VANT-PROPOS. 145
PREMIÈRE PARTIE.
INTRODUCTION. — Zes chromosomes. — Exposé historique des
hypothèses auxquelles ils ont donné cours. Leur importance
dans le monde biologique actuel 1.1" 445
CHAPITRE PREMIER. — Techniques. — 1. Technique générale,
préparations des objets d'étude. 2. Technique spéciale des numé- :
rations. Etude des mitoses. La numération chez les embryons
parthénogénétiques. 3. Pratique de la Parthénogénèse par piqüre. 151
SECONDE PARTIE —LA VARIATION DU NOMBRE DES CHROMOSOMES.
CHAPITRE II. — La loi de constance du nombre et la Varia-
tion. — 4 Historique. 2. La variation chez ana temporaria.
3. La variation du nombre et son mécanisme présumé. Fusions
SRUDLUrES MHELCTOMOMANES MENT. EL, ANR OS TAGÉ
TROISIÈME PARTIE. — LA RÉGULATION DU NOMBRE DES CHROMO-
SOMES.
CHAPITRE IT, — Le nombre des chromosomes chez les individus
parthénogénétiques. — 1. Parthénogénèse naturelle. 2. Par-
thénogénèse expérimentale. Cas de l’oursin, Cas de la grenouille.
Recherches personnelles. . SEA RL RP 1 à
CHAPITRE IV. — La régulation du nombre des chromosomes. —
1. Ses caractères, 2. Epoque à laquelle elle se produit. Mortalité
des embryons parthénogénétiques. 3. Régulations anormales. 183
10
149 R. HOVASSE
CHAPITRE V., — Le mécanisme régulateur (première partie). —
1. Historique. Cas de l’oursin. Cas de la grenouille. 2. Le maté-
reMétranser se... 1° SMART PRE RP ES
CHAPITRE Vi.-- Le mécanisme régulateur (deuxième partie). —
J. L'augmentation de la chromatine nucléaire dans les noyaux
haploides. Noyaux géants el division anaphasique. La télophase
dans les mitoses de segmentation. 2. Possibilités physico-chimi-
ques de l'augmentation. Les réserves de chromatine de l'œuf
Solubilité de la chromatine dans le cytoplasme. La chromatine
cytoplasmique où eylochromatine. L'équilibre eytochromatine-
caryochromatine. 3. Relations entre l'augmentation de la chro-
maline et celle du nombre. La division longitudinale normale
et le nombre, 4. La division anaphasique et la régulation. Les
régulations anormales et l'absence de régulation
Pages
194
201
OUATRIÈME PARTIE. — RÉGULATION ET VARIATION DU NOMBRE DES
CHROMOSOMES.
CHAPITRE VII, — L'équilibre des chromatines, mécanisme réqu-
lateur du nombre. — 1. L'équilibre eyto-caryochromatine et la
varialion du nombre. 2. Signification du déséquilibre initial,
Cause de la Téculattonts 610 SIN CREME
CHAPITRE VIII. — Conclusions. — Régulalion, varialion et indi-
vidualité des chromosomes # 7455 40 Een
RESUME DES /RÉSULTATEX SE 0 UNE NAN VERRE
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE BAS Cr SET AN RIT LEE MAR PEUR
EXPLICATION DES PLANCHES.
AVANT-PROPOS
Les résultats très importants auxquels sont arrivés Les recher-
ches de Parthénogénèse exnérimentale depuis le début du
siècle, et surtout dans les dernières années qui ont précédé Ja
guerre, ont ouvert au chercheur une voie nouvelle.
Elève de M. BaraLLon, témoin de ses recherches pendant
trois ans, initié par lui à la pratique de sa méthode, nous étions
mieux placés que quiconque pour nous y engager. Mis au cou-
rant des techniques cytologiques par un petit travail sur la
maturation de l'œuf de Grenouille, nous avons été amenés à
orienter nos recherches sur le même matériel, du eôté eytolo-
gique. Nous nous sommes laissé guider là par M. Cavuzcery, et
tout de suite, nous avons laissé de côté la parthénogénèse pro-
prement dite pour ne la considérer, que comme une Expé-
rience qui place dans des conditions particulières ces éléments
nucléaires si spéciaux, si énigmatiques même, que sont Îles
chromosomes.
A ces deux Maïîtres va toute notre sa au premier,
parce que, tout en nous initiant, il a su nous communiquer un
peu de sa passion pour les recherches de laboratoire ; au second,
parce qu’il nous a indiqué le point précis à étudier, et surtout
parce qu'il nous a fait connaitre l’œuvre de Paoco DELLA VALLE,
œuvre qui a été pour nous rien moins qu'une révélation. Nous
avons été séduit par l'effort qu'y fait l’auteur — que cette
guerre meurtrière ne nous à malheureusement pas permis de
connaître — pour donner des phénomènes cytologiques une
véritable explication scientifique. Avec lui, nous avons essayé
de rompre avec les faciles explications anthropomorphiques ou
finalistes, qui, impressionnent l’imagination, mais ne satisfont
pas la raison.
C'est là aussi une voie nouvelle, mais difficile, parce qu'elle
chemine aux confins de la Biologie et de la Chimie Physique,
où elle commence seulement à être tracée. Mais croyons-nous,
144 R. HOVASSÉ
elle a cet avantage immense de ne pas avoir de bornes à
l'horizon.
La première partie de ce travail a été entreprise à laide
d'une bourse Commerey, qu'il nous soit permis de rendre hom -
mage à la mémoire de F. Houssay, à ce moment Doyen de la
Faculté des Sciences, qui nous l’a fait obtenir, et a eu l'amabi-
lité de nous accueillir dans son laboratoire de l'Ecole Normale
Supérieure.
Nos plus sincères remerciements vont à M. Pruvor, qui nous
à fait l'honneur d'accepter la Présidence de notre thèse, enfin
à MM. Cauizery, Pérez et RaBauD, qui ont bien voulu accepter
notre travail dans le Bulletin biologique.
PREMIÈRE PARTIE
INTRODUCTION
Les chromosomes. Exposé historique des hypothèses
auxquelles ils ont donné cours. Leur importance dans le
monde biologique actuel.
Quels que soient les agents fixateurs qu'il emploie, la tech-
nique de coloration qu'il suive, le eytologiste met presque tou-
jours en évidence dans les cellules en cours de division des
éléments de forme variable : bâtonnets droits ou diversement
contournés, granules qui se caractérisent en fixant énergique-
ment les matières colorantes dités basiques telles que Le carmin,
l’'hématoxyline, ou le vert de méthyle. Etudiant une série de
stades de division cellulaire, il constate que ces éléments par-
ticulièrement colorables, ces chromosomes, ainsi qu'il les
nomme, par le mécanisme compliqué de la mitose, se séparent
chacun en deux moitiés et que chacune de celles-e1 passe dans
une des cellules filles.
Si un doute -lui est venu touchant la réalité objective de ces
formations dans les cellules vivantes, ce doute disparait aisé-
ment : des cellules aussi transparentes que les globules san-
guins du Triton, étudiées sur le vif lui permettent de suivre les
chromosomes dans toutes les phases de la division. Photo-
graphiant une cellule vivante en mitose, à l’aide de lumière
ultra-violette, il retrouve d’ailleurs sur sa plaque les éléments
que lui montraient ses préparations fixées et colorées.
Que notre cytologiste soit enfin doublé d'un chimiste, et qu'il
arrive à trouver dans la chromatine, substance même des chro-
mosomes, une proportion inusitée de Phosphore, qu'il obtienne
par leur désintégration moléculaire des produits aussi spéciaux
que les bases puriques et pyrimidiques, il n'en faudra pas plus
pour qu'il se laisse influencer par tout cet ensemble de faits. I]
446 FR. HOVASSE
considérera les chromosomes comme éléments particuliers et
sera prêt, un peu de finalismesaidant, à les tenir comme sus-
ceptibles de jouer un rôle privilégié dans la physiologie cellu-
laire. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner du grand nombre
des chercheurs qui s’en sont occupés, pas plus que des résul-
tats auxquels est parvenue aujourd'hui leur étude, résultats
souvent élevés à la dignité de lois, et sur l'acquisition des-
quels on nous permettra de revenir brièvement (1).
Dès 1881, FLemminé compte les chromosomes dans les mitoses
épidermiques de la Salamandre, et en trouve 24 avec certitude
dans 23 figures différentes. RaBz confirme ses observations
qu'appuie également le botaniste SrrassBurGER. Tous trois en
arrivent ainsi à admettre avec plus ou moins de réserves la
constance du nombre des chromosomes dans chacun des objets
étudiés. Il faut aller cependant jusqu'en 1890 pour que Boven
généralise leurs résultats sous forme d’une loi qu'il formule
ainsi : « Pour chaque espèce, le nombre des chromosomes est
constant, é’est-à-dire que dans les figures mitotiques de cellules
homologues, ?/ s'en trouve toujours le même nombre ».
Van BENEDEN publiant en 1883 un travail d'ensemble sur la
maturation de l'œuf et la fécondation de l’Ascaris megaloce-
phala, constate le premier que les deux pronucléi, mâle et
femelle, apportent à l'œuf la même quantité de chromosomes.
C'est Le point de départ d’une série d'hypothèses, émises pres-
que simultanément par Roux, Koezuiker, HERrTwi6, et surtout
WEissmMAnNN, faisant de Ja chromatine la substance hérédi-
laire.
Van BENEDEN dans le même travail remarque que les chro-
mosomes de la première division de l'œuf dérivent immédiate-
ment de ceux des pronucléi ; d'emblée il généralise, admet qu'il
en est de même dans chaque cellule du corps. Dans tout
noyau, une moitié des chromosomes provient des éléments
apportés par le spermatozoïde et est ainsi d'origine purement
paternelle, tandis que l’autre moitié est strictement maternelle,
dérivant des éléments de lovotide. Cette idée de la continuité
(t) Le résumé historique que nous faisons ici a élé réduit à l'indispensable de
mème les références bibliographiques qui s'y rapportent. Le lecteur désireux de
faire plus ample connaissance avec la question pourra se reporter à Frex (1906)
où il trouvera une abondante bibliographie, ou aux petits ouvrages de CAuLLERY
(1913) ou de Bracner (1915).
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 117
des chromatines paternelles et maternelles se trouve complétée
par une hypothèse de Raëz (1885). Comparant l’un à l’autre un
noyau en prophase et un noyau en anaphase, il est frappé de
l'analogie de la disposition des chromosomes dans ces deux
cas, et il en conclut à la persistance des chromosomes dans le
noyau au repos.
C'est alors que Boverr, à la suite de longues et minutieuses
recherches sur de nombreux matériaux, encadre ses résultats
personnels et ceux de ses devanciers par une hypothèse beau-
coup plus générale, qu'il s'efforce de transformer en loi : « Les
éléments chromatiquea sont des individus véritables conservant
méme celle Individualité dans le noyau au repos ».
L'ensemble de tous ces résultats : Constance du nombre,
Valeur héréditaire de la chromatine, Persistance des chromo-
somes dans le noyau au repos, et surtout /ndividualité des chro-
mosomes ; toutes les controverses auxquelles ils ont donné lieu,
ont attiré sur les segments chromatiques l'attention d’un nom-
bre toujours plus grand de chercheurs, si bien qu'à l'heure
actuelle il est bien peu d'espèces animales ou végétales dont Ja
forme et le nombre des éléments chromatiques n'aient été
étudiés.
Tout ceci n'a pas manqué de porter des fruits. Les glandes
génitales des Insectes à la suite des travaux d’HenkiNe (1891)
et de nombreux autres par la suite, ont montré qu'il existe
dans beaucoup d'espèces, et principalement chez les Orthop-
tères, Hémiptères et Coléoptères, un nombre de chromosomes
différent chez le mâle et chez la femelle. Diflérence qui tient
le plus souvent à l'existence d’un ou plusieurs éléments surnu-
méraires, semblant caractériser l’un des sexes. Un grand nom-
bre de biologistes ont été ainsi amenés à donner à ces éléments
spéciaux la valeur de déterminants sexuels. Devant les diffi-
cultés que soulève une pareille hypothèse, le prudent eytolo-
giste qu'est Wissox sans regarder comme tels les chromosomes
surnuméraires les considère « comme un anneau dans une
chaine de facteurs, grâce auxquels le sexe est déterminé ».
L'importance de cet anneau que les réactifs colorants rendent
perceptible à nos sens apparait comme très grande pour tous
les biologistes qui s'intéressent au problème ardu de la Sexua-
lité ; c’est même la première fois qu'il apparaît dans ce domaine
R. HOVASSE
un fait d'une clarté aussi saisissante, comme le fait remarquer
Bracuer (1916).
L'impression produite par cette découverte a été d'autant
plus considérable qu'elle à été regardée comme une démons-
tration d'hypothèses formulées sur l’hérédité à la suite de la
redécouverte faite en 1900 de lois de l'hybridation dues une
trentaine d’années auparavant au moine Autrichien Menper.
Voiei brièvement en quoi consistent ces lois. Soient deux
variétés d'une même espèce de Pois, différant l’une de l’autre
par un caractère tel que la couleur des fleurs, ici rouge, là
blanche. Effectuons le croisement de ces pois. Nous obtenons
une première génération dite hybride, dans laquelle tous les
individus se ressemblent (fleurs rouges dans le eas particulier).
Croisons à nouveau entre eux ces hybrides. La nouvelle géné-
ration nous fournit trois sortes d'individus, en proportion rigou-
reuserent définie : 1/4 du type paternel, 1/4 du type maternel,
ces deux portions étant pures, c’est-à-dire redonnant par la
suite constamment leur variété, sans modifications. Le reste est
du type hybride, et redonne, à la génération suivante la même
descendance en trois portions dissemblables (1). Tout se passe
comme si les caractères des parents restaient unis dans les cel-
lules des hybrides pour se disjoindre ensuite au moment de la
formation des gamètes, chacun de ceux-ci ne renfermant qu'un
seul caractère, étant pur, suivant le langage de Mexoez. Du
croisement de ces gamètes résultera une répartition des pro-
duits de seconde génération selon les proportions indiquées
plus haut.
Si l’on compare maintenant le comportement des carac-
tères, à ce que lon sait de celui des chromosomes au cours
des divisions dites de Maturation sexuelle, on ne peut manquer
d'être frappé de l'analogie qui existe là ; l'hypothèse des Unités
représentatives, telle qu’elle à été formulée par Surrox (1902)
apparaît comme loute naturelle.
Reprenons le cas précédent en faisant cette supposition
qu'un individu-chromosome existant dans les éléments sexuels
de chaque parent avant le premier croisement, représente le
{‘} Les résultats expérimentaux sont moins simples, par suite de l’analogie
d'aspect que présentent généralement les hybrides avec l’un des denx parents
suivant qu'il y a dominance mâle ou femelle,
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 149
caractère origine de la différence d'aspect entre le père et la
mère. Appelons ? et M ces éléments, et qualifions Les d’Aomo-
logques. La fécondation faite, la segmentation répartit dans tou-
tes les cellules de chaque hybride, à la fois P et M. Dans les
glandes génitales, au moment où se prépare la réduction numé-
rique, admettons, avec la majorité des cytologistes, que les élé-
ments homologues P et M s'accolent longitudinalement au stade
synapsis, pour former le couple PM. Sur le fuseau de la pre-
mière division de maturation le couple se dissocie en ses élé-
ments : ? et M passent chacun à un pôle du fuseau. On obtient
donc deux cellules dissemblables. La seconde division de matu-
ration ne fait que doubler leur nombre en respectant cette dis-
semblance. On obtient en fin de compte deux groupes de deux
éléments renfermant l'un P et l’autre À. Du croisement de ces
deux variétés de gamètes d'un sexe avec d'autres également
dissemblables, résultent trois combinaisons possibles, que l'on
peut représenter comme le produit algébrique : PM. PM —
PP + 9PM + MM. Soit done une moitié du type PM hybride,
et 1/4 de chaque type pur P ou M.
Nous retrouvons donc ainsi le résultat obtenu plus haut expé-
rimentalement.
La. grande simplicité de cette hypothèse, le fait qu'elle
a permis de rendre compte même de certaines anomalies
de croisement, lui ont conquis une grande faveur, qui à
rejailli sur l'hypothèse de l'Individualité. Une école de bio-
logistes américains a même tenté durant ces dernières années
d’en élargir encore le cadre. Mor6a, poursuivant des recher-
ches extrêmement poussées dans le domaine de l'hérédité sur
la mouche du vinaigre, Drosophila ampelophila, parvient à inter-
préter tous ses résultats expérimentaux par des considérations
sur les chromosomes de l’animal. Ceux-ci sont au nombre de
4 paires de tailles très différentes. Il répartit les caractères
héréditaires très nombreux de cette mouche en 4 groupes dont
l'importance variée parait proportionnelle à la masse relative
de chaque paire d'éléments. Bien plus, à l'aide d’une méthode
compliquée, appuyée sur d'autres hypothèses accessoires, les
auteurs américains sont arrivés à dresser des sortes de plans
des chromosomes où chaque caractère a sa place marquée.
Cest là le point culminant de l’échafaudage bâti sur les chro-
150 R. HOVASSE
mosomes, échafaudage d'une importance théorique considéra-
ble. Cependant la construction, quand on l’étudie de près, paraît
encore bien problématique : les hypothèses y chevauchent
nombreuses, appuyées les unes sur les autres, paraissant se
démontrer mutuellement, le support commun à toutes étant
l'hypothèse de Boven, l’Individualité des éléments chromati-
ques.
De nombreux auteurs ont déjà fait ressortir la faiblesse de
l'édifice, en en critiquant presque chaque pierre. Sans vouloir
citer toutes leurs critiques, ce qui dépasse singulièrement le
cadre de cette étude, nous nous bornerons à parler de celles
ayant trait aux deux hypothèses sur lesquelles nos recherches
personnelles nous permettent de formuler une opinion. Une
étude du nombre de chromosomes dans les cellules d'individus
normaux de Grenouille rousse, Ranatemporaria(L.) nousmènera
à discuter la valeur de la loi de Constance du nombre, tandis
que l'observation du comportement des chromosomes chez les
embryons parthénogénétiques du même antmal, nous permçéttra
d'aborder l'hypothèse de l'Individualité.
CHAPITRE PREMIER
TECHNIQUE GÉNÉRALE ET SPÉCIALE
DES NUMÉRATIONS DE CHROMOSOMES.
PRATIQUE
DE LA PARTHÉNOGÉNEÉSE PAR PIQURE
Le dénombrement des chromosomes dans une cellule en
division est toujours une opération longue et délicate, n'abou-
tissant à une certitude que dans une minorité de cas. Avant de
l’entreprendre l'observateur doit s'assurer qu’il opère dans les
meilleures conditions possibles, tant pour ce qui concerne les
objets étudiés que pour les moyens d'observation dont il dis-
pose. L'opération une fois entreprise, pendant toute sa durée,
il lui faut enfin se tenir en garde contre lui-même, afin de
rendre aussi négligeable que possible ce facteur subjectif que
les astronomes et physiciens qualifient d'équation personnelle.
1. Technique générale, préparation des objets d'étude.
A. Fixation. — Nous avons utilisé trois fixateurs princi-
paux. Le liquide de Fremmixé, solution forte, nous a rendu de
bons services pour la fixation des embryons avancés et celle
des larves. Utilisé également pour les œufs vierges ou au
début de la segmentation, il produit d'excellentes fixations de
la couche corticale, mais ne pénètre Jamais au centre de l’œuf.
Le fixateur chromo-acétique, préconisé par BATaILLON con-
vient à merveille pour le travail courant : il pénètre parfaite-
ment tous les œufs, et si les éléments chromatiques ne sont pas
toujours aussi nettement distincts qu'avec le précédent, il à au
moins le mérite de permettre presque toujours l'obtention de
coupes en série parfaites, ce qui est indispensable, au moins
pour l'étude des premiers stades de Fa segmentation.
152 R. HOVASSE
De bons résultats ont été obtenus également par l'emploi du
liquide de GiLzsoN, pour ce qui concerne les œufs non mürs, non
pourvus encore de leur gangue mucilagineuse. Il fixe moins
bien toutefois que le liquide de FLemminc.
Après chacun de ces fixateurs, et principalement après les
deux premiers, un lavage très soigné est indispensable, sous
peine de voir ultérieurement les coupes s’effriter sur le rasoir.
B. Inclusion. — L'inclusion n’est nécessaire que pour les
embryons entiers ou les œufs. Chez les têtards et les adultes,
il est souvent préférable d'étudier des membranes minces,
telles que l'épiderme ou le péritoine étalées simplement sur
lame, ou entre lamelles, aussitôt après lavage. L'inclusion des
embryons se fait selon Les procédés habituels. Celle des œufs
exige quelques précautions indispensables. La déshydratation
ne doit pas dépasser 10 minutes. Le milieu de transition à
employer ensuite est le toluène. Il faut éviter le xvlol après
lequel il devient difficile d'obtenir de bonnes coupes. On y
laisse les œufs de 8 à 10 minutes en changeant le liquide au
moins une fois. Le bain de paraffine maintenu à 50° ne doit
pas non plus dépasser la même durée. Il est inutile de chan-
ger de bain. On oriente ensuite rapidement les œufs suivant le
résultat désiré. I ne reste plus qu'à refroidir brusquement les
blocs.
Les coupes sont faites à 5, rarement à 3 4. Îl arrive fré-
quemment que les rubans de coupe s’électrisent sur le rasoir ce
qui risque de les faire perdre. On remédie à cet mconvénient
en les recevant contre le tranchant même du rasoir avec une
bande de papier, ou bien en coupant les blocs dans une salle
dont l'air est très chargé d'humidité, et sans doute rendu ainsi
conducteur.
Jamais il ne nous à été nécessaire de collodionner nos cou-
pes une à une sur le rasoir, par contre, chaque fois qu'une série
montre, une fois collée sur lame par un des procédés courants
(albumine ou gélatine), des œufs brisés ou fendillés, nous la
collodionons avant la coloration. On évite ainsi la perte de
petits fragments d'œufs, qui, mal étalés, n’adhèrent pas à la
lame et s'en iraient au premier lavage. Si la solution de
collodion est suffisamment étendue, la mince pellicule qui en
résulte ne gène aucunement pendantles traitements ultérieurs.
ÉTUDE DÉS CHROMOSOMES 153
C. Coloration. — L'hématoxyline de HeibenNaai, employée
après la liqueur de Girson est très utile pour les ovocytes pos-
sédant encore leur vésicule germinative. Elle devient mal utili-
sable par la suite du développement de lœuf, la teinte qu'elle
confère au vitellus étant la même que celle des éléments chro-
matiques.
Après les fixateurs chromiques, il est cependant préférable
d'utiliser les couleurs d’aniline. La Safranine associée au Vert
lumière (Lichtgrün) suivant la méthode de BExra donne les
colorations les plus pratiques. Elle permet de distinguer
très facilement les chromosomes des plaquettes vitellines, la
teinte qu'elle donne à celles-ci étant beaucoup plus pâle. Le
violet de Gentiane associé à l’éosine ou à l'orange nous a rendu
aussi de bons services pour la coloration des membranes, après
étalement.
2. Technique spéciale des numérations
Les préparations une fois obtenues, bien fixées et clairement
colorées, il s'agit d'effectuer le dénombrement des chromo-
somes.
À. Choix des mitoses. — Le cas le plus simple est celui des
membranes étalées : à l’aide d’un objectif faible, les mitoses
sont repérées. On en fait d’abord un premier tri, simplement
en considérant leur taille. Ne peuvent être utilisées pratique-
ment que celles dont le fuseau achromatique dépasse une quin-
zaine de:2, de longueur. En dessous de ce chiffre, le tassement
des chromosomes est généralement tel qu'il est souvent impos-
sible, même après une bonne fixation d'en donner un nombre
approximatif. C’est pourquoi l'épiderme des larves, ou le péri-
toine constituent un bon matériel d'étude, leurs mitoses étant
d'assez forte taille. Les autres cinèses somatiques — érythro-
cytes exceptés — sont généralement trop petites.
La forme des segments à une importance beaucoup plus
grande. Elle doit être aussi peu compliquée que possible,
sinon, même avec de grosses mitoses, la numération devient
incertaine. C'est ainsi qu'il est toujours difficile, parfois impos-
sible de décider, en présence d'un élément en forme de chiffre 3,
154 R. HOVASSE
si l’on a affaire à un seul élément contourné, ou bien à deux
anses en V accolées par une de leurs branches. À plus forte
raison si les segments chromatiques sont tordus ou retordus
plusieurs fois.
Le critérium de la forme va nous guider dans le choix de la
période mitosique la plus favorable à l'étude. Pendant la pro-
phase, les chromosomes sont très tordus, et même dans les
figures très grosses, on s'expose de ce fait à ne pouvoir arriver
qu à un chiffre incertain. À mesure que l’on se rapproche de
la métaphase, la torsion devient de moins en moins gênante, les
segments prennent une forme massive et régulière. C'est le
moment propice aux numérations, car bientôt survient la divi-
sion longitudinale, et souvent les moitiés des chromosomes se
séparent plus ou moins, rendant à nouveau le résultat incertain.
Parfois la division longitudinale ne se constate que tardive-
ment et la plaque équatoriale, surtout s'il est possible de la
voir en projection horizontale, permet une numération relati-
vement facile. Les anaphases en vue polaire sont utilisables
également, mais seulement quand les couronnes filles sont
encore au début du retour polaire. Par la suite elles se tassent et
les éléments deviennent indistincts.
L'opération se complique quand on opère sur coupes, la cer-
titude devient tout de suite plus faible, sauf quand le plan
équatorial des mitoses étudiées se trouve coïncider avec Ie plan
de la préparation, et qu'il n’y a de segments chromatiques que
sur une seule coupe. Par contre cette méthode permet seule
d'étudier les mitoses de maturation de l’œuf. Celles-ci, en
raison de leur taille considérable, du nombre peu élevé des
chromosomes, dont la forme est d’ailleurs massive, consti-
tuent un matériel de choix pour les numérations, bien qu’elles
exigent ultérieurement un travail supplémentaire de recon-
stitution.
B. Ætude des mitoses. —La division favorable une fois repérée,
il faut l’étudier, et à cet eftet disposer d'un excellent système
optique, puissamment éclairé. Nous avons utilisé trois objectifs
différents, deux Apochromats de Zeiss (1 mm. 5 et 2 mm., ce
dernier d'ouv. num. — 1,40) (') et un Achromatique puissant de
(t) Pour obtenir de ce dernier objectif son maximum de rendement, rappelons
qu'il faut l’employer avec un condenseur d'ouverture numérique de 4,40, et en
ÉTUDE DÉS CHROMOSOMES 155
Sriassnie (1/18, ouv. num. 1,30). Ce dernier objectif, malgré
une correction moins parfaite, nous a été très utile en raison du
peu de profondeur de son champ, permettant ainsi facilement
de distinguer des objets non exactement sur le même plan.
L'usage de l'éclairage oblique et de lumière monochromatique,
bleue ou verte, nous a été d’un grand secours.
A l’aide d’un appareil à dessiner, la mitose est mise en place
sur le papier. On passe ensuite à l'étude de chaque chromosome
en particulier, sans jamais s'inquiéter du nombre total avant
que ce travail ne soit parfaitement terminé. Sinon, 1l est très
difficile de ne pas se laisser guider, dans les cas difficiles, par
une idée préconçue. DezLa VALLE qui a, lui aussi, été gèné par
cette difficulté d'ordre subjectif, recommande de dessiner la
même figure deux ou trois fois de suite, à intervalles d'au moins
un mois et de confronter ensuite les dessins obtenus. Le pro-
cédé est excellent, il mène à la certitude dans les cas faciles à
interpréter, mais là où existe une difficulté, elle subsiste iden-
tique, même après trois études successives. Il est donc indispen-
sable d'éliminer les divisions où existe une difficulté d'interpré-
tation. ;
Suivons maintenant à titre d'exemple, les opérations qu'exige
une numération dans le cas moyennement compliqué offert par
une figure d'émission de globules polaires. La mitose dont il
s'agit dessine un ellipsoïde de révolution autour d’un grand
axe d’une quarantaine de 2, le petit axe approchant de 20 mi-
crons. Les coupes suivant la longueur du fuseau sont généra-
lement au nombre de trois ou quatre.
L'émission polaire une fois repérée, on vérifie que la série
est complète. En même temps, afin de pouvoir effectuer plus
tard une reconstitution, on détermine l’ordre de superposition
des coupes. On arrive à savoir ainsi que, à une coupe donnée,
celle qui succède sur la lame en allant vers la droite, était dans
l’œuf placée par-dessus ou par-dessous.
Cecifait on dessine chaque coupe ainsi qu'il a été dit, en se
bornant à tracer les contours des éléments chromatiques, du
fuseau, et de l'extérieur de l'œuf. Puis par de légers déplace-
ments de la vis micrométrique, on cherche quels sont les élé-
interposant une goutte d'huile de cèdre entre la lentille supérieure de celui-ci et
la préparation.
156 R. HOYASSE
ments qui affleurent les plans de coupe. On les ombre alors,
différemment suivant qu'ils sont en haut ou en bas de la coupe.
Ce travail fait, pour chaque coupe, on compare les dessins deux
à deux et on étudie les correspondances. Comme la forme des
éléments y est régulière et massive, ce travail est relativement
facile. Le tout une fois terminé, et alors seulement on effectue
le dénombrement. Un doute peut subsister sur un ou plusieurs
éléments. On détermine alors deux nombres possibles, l’un
maximum, l'autre minimum.
Dans ces mêmes divisions polaires le travail peut être sim-
RTS Mig. is Anaphase de première
émission polaire. Une seule coupe
Fig. |. — Vue polaire d’une cou- est figurée. Remarquer la corres-
ronne anaphasique de la première pondance des chromosomes deux
émission polaire. à deux de couronne à couronne.
plifié, si la coupe est normale au fuseau et qu'il n'y à de seg-
ments chromatiques que sur une coupe (fig. D. Si l’on a affaire
à des anaphases, on effectue à la fois la numération sur les deux
couronnes filles, et l’on à ainsi une vérification particulière-
ment facile, quand au début de lanaphase, les deux séries de
chromosomes se correspondent parfaitement d'une couronne à
l’autre, même à la division 1 (contra Denonxe) (fig. Il).
La numération chez les œufs parthénogénétiques. — Dans
les cas que nous venons d'envisager, nous avons cherché seule-
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 157
ment à obtenir le maximum de certitude dans nos numéra-
tions, quitte à laisser de côté les figures qui ne nous paraissaient
pas assez nettes. Le problème qui se pose à propos des
embryons parthénogénétiques est un peu différent. Etant donné
un embryon, il s'agit de savoir quel est le nombre de ses chro-
mosomes, quelles que soient les mitoses auxquelles on a affaire.
Dans ces conditions, il est impossible Le plus souvent d'obtenir
autre chose qu'une approximation. On cherche à déterminer
avec la plus grande sûreté possible le nombre minimum et le
Fig. IE — Bouquet anaphasique dans une blastula parthénogénétique.
Une seule coupe dessinée (sur deux).
nombre maximum. Si l'erreur relative dépasse 1/5, on ne tient
pas compte de sa numération, quitte à ne pouvoir utiliser l’em-
bryon en question.
La valeur des résultats varie d’ailleurs beaucoup pendant le
cours du développement. Chez le tout jeune embryon, où les
fuseaux de division sont très longs, les chromosomes sont tou-
jours fins et contournés. Il est impossible de tirer parti des
métaphases, même en vues polaires. Un seul stade permet la
numération, c'est l'anaphase (fig. ID). Au moment du retour
polaire, les anses chromatiques très allongées se trouvent ser-
>
“
158 R. HOVASSE
rées du côté de l'équateur par le retour des enclaves vitellines
sur l’ancien territoire du fuseau. Au contraire les sphères attrac-
tives devenues très larges, se vacuolisant complètement sous
l’action des fixateurs, semblent constituer une zone déprimée
où les anses s’épanouissent comme un bouquet. On peut en
dénombrer alors facilement les éléments sur les coupes bien
parallèles à l'axe du fuseau. I y a cependant toujours une
erreur, car presque Jamais nous n'avons obtenu le même nom-
bre sur les deux couronnes filles (').
À partir de la gastrula, les chromosomes redeviennent mas-
sifs, au moins à la métaphase, et la valeur des résultats rede-
vient très bonne.
D. Utilisation de la relation nucléo-plasmatique et des autres
relations nucléaires. — On sait en quoi consiste la relation
nucléoplasmatique (K/P relation) : à un noyau de taille déter-
minée correspond un territoire cytoplasmique également déter-
miné. D'autre part Bovenr (190%) à montré que la surface du
noyau de l’oursin est proportionnelle au nombre de chromo-
somes qu'il renferme. Chez les Batraciens, G. Herrwié (1913)
admet que c'est plutôt avec le volume qu'a lieu la proportion-
nalité. Il est donc possible, par une simple mesure du diamè-
tre d’un noyau, où même d'une cellule, de connaitre approxi-
mativement le nombre de segments chromatiques qu'il renferme.
La méthode est pratiquement très utile, mais seulement pour
des embryons avancés en âge. Plus tôt dans le développement,
elle est absolument incertaine, et même dangereuse. Néanmoins,
elle rend de grands services, principalement quand on dispose
d’embryons témoins normalement fécondés, avec lesquels on
peut effectuer une comparaison.
3. Pratique de la parthénogénèse par piqûre
Les écrits de BaraiLzzon, de Hercawr, l'ouvrage de DerAGe et
GoLpscnmipr, ont contribué à vulgariser ce procédé. Nous avons
appliqué la technique même de Baraizrow, telle qu'il nous l’a
apprise lui-même. Nous en avons seulement modifié un détail
(‘) Au point que nous en venous à douter de la régularité du partage des
anses filles, au moins au début de la segmentation.
ÉTUDE DES CHROMOSOMRS 159
eh rapport avec nos besoins. Il nous fallait le plus grand nom-
bre de segmentations possibles. BaTaILLON arrive à ce résultat
par ses œufs «au cyanure » obtenus de la façon suivante.
Les œufs pris dans l'utérus sont plongés dans une solution de
cyanure de potassium à 0,8 0/0 ; on les y soumet pendant troïs
heures à un secouage modéré et inimterrompu. Leur gangue
se dissout. Is sont ensuite lavés dans l'eau physiologique, on
les y conserve. Puis après les avoir souillés de sang on les
pique. Plus des deux tiers se segmentent.
En raison de la fragilité des œufs nus, ce procédé ne nous
a pas donné de très bons résultats, la mortalité des larves, déjà
très élevée après le procédé ordinaire est accrue par celui-ci.
Nous avons cherché alors à améliorer la technique des inocu-
lations, sur les œufs munis encore de leur gangue. La coagula-
tion du sang nous a paru responsable du petit nombre des déve-
loppements obtenus en badigeonnant simplement les œufs avec
le sang recueilli à une plaie. Nous avons cherché à rendre le
sang incoagulable. Le procédé qui nous à donné les meilleurs
résultats s’est trouvé être celui de Deezexe. À l’aide d'une fine
canule de verre on pique un are aortique de gretouille, puis on
enfonce la canule dans le vaisseau d'environ un centimètre en
amont de la plaie. La première goutte de sang qui s'écoule est
rejetée, Le reste est incoagulable. On laisse déposer des glo-
bules, on enlève Le plasma, et avant de piquer chaque œuf on
trempe la pointe du stylet dans lamas de globules. Nous arri-
vons ainsi à inoculer plus d'œufs qu'avec la méthode du cya-
nure ; le seul inconvénient du procédé est qu'il augmente là
proportion des clivages en trois (?).
Le sang de tortue donne aussi de bons résultats, mais 11 est
d'un maniement plus difficile, se coagulant plus facilement. La
pulpe de rate de Cobaye, que BATAILLON préconise, ne nous à
pas semblé préférable au sang. On observe du reste de grosses
différences dans les résultats. d'une grenouille à l’autre, ce qui
tient sans doute à l'épaisseur de la gangue, plus ou moins grande
suivant les individus.
Les embryons obtenus sont toujours plus fragiles que les
fécondés. Il faut leur maintenir une eau fraiche et aérée, ne
(1) Pour explication de ce terme, voir plus bas, p. 197.
160 BR. HOVASSE
jamais les détacher des récipients où ils sont fixés : on détériore
ainsi presque toujours la gangue, léclosion est prématurée et
le têtard ne survit pas. Dès que les larves se nourrissent, nous
leur avons fourni soit des épinards très cuits, soit de l’amidon
mêlé de pulpe de têtard. Ces deux sortes d'aliments réussissent
très bien avec les larves normalement fécondées. Malgré tous
nos soins, en deux saisons d'élevage, après avoir piqué près de
190.000 œufs nous n'avons obtenu que 2 têtards qui aient
vécu jusqu'à leur métamorphose, sans la dépasser ni l'un ni
l’autre.
SECONDE PARTIE
La variation du nombre des chromosomes.
CHAPITRE II
LA LOI DE CONSTANCE DU NOMBRE DES
CHROMOSOMES ET LA VARIATION
Telle qu'elle est formulée plus haut, la 101 de constance n'a
pas été acceptée par tous les auteurs. Dès 189%, Von RaTa, puis
Hæcker (1899) remarquent que le nombre normal ne se trouve
pas toujours absolument constant. HearwiG (1896) parle même
de sa variabilité. Si bien que Boveri (190%) atténue la rigidité
de son premier énoncé en écrivant que le nombre est partout
le même «ou à peu près le mème ». Depuis lorsil a été fréquem-
ment signalé des cas de variabilité. Paoro Dezra Varce (4909)
consacre à cette question un important travail tant bibliogra-
phique que eytologique. Il relève dans la littérature toutes Les
données concernant le nombre des chromosomes, et en arrive
ainsi à constater que souvent des auteurs différents étudiant une
même espèce animale lui trouvent chacun un nombre différent
de chromosomes, mais n’en concluent pas moins le plus sou-
vent à la constance du nombre. Quand lécart trouvé ainsi est
trop considérable pour être négligé, plutôt que de suspecter la
loi, on fait intervenir une hypothèse nouvelle, ou bien on crée
une nouvelle variété. Presque toujours, dans les cas d’obser-
vations bien faites, /e nombre des chromosomes, dans les
mitoses, n'est pas trouvé constant, mais oscille entre des limites
déterminées
Il dénombre pour sa part avec le plus grand soin, 40 cinèses
dans le péritoine de larves de Salamandre. Les chiffres obtenus,
162 R. HOVASSE
ordonnés suivant leur fréquence, lui fournissent une courbe
binômiale caractéristique, le nombre donné comme constant
étant celui de fréquence maximum. |
La loi de constance est donc une loi approximative, résultat
dont il fait ressortir l'incompatibilité avec l'hypothèse de lindi-
vidualité.
Violemment critiqué par de nombreux auteurs, en première
ligne par E.-B. Wiison qui lui oppose la fixité du nombre par
lui constatée chez de nombreux Insectes, particulièrement
Hémiptères, Pœuvre remarquable de l’auteur italien n’a pas eu
tout le succès qu'on en pouvait attendre. Rares sont les cytolo-
gistes qui en font mention, tant se trouve enracinée dans les
esprits la croyance du contraire. KrimueL (1910) puis plus récem-
ment R. Haxce (cf. p.164: ont cependant confirmé ses recherches.
1. La variation chez « Rana Temporaria » (L.)
L'étude du nombre des chromosomes chez Les embryons et
larves parthénogénétiques de grenouille nous ayant montré une
importante variabilité, nous l'avons attribuée tout d’abord à un
état pathologique spécial à ces ébauches, admettant nous-mêème
implicitement la loi de constance, malgré les discordances des
auteurs touchant le nombre des chromosomes de l'animal con-
sidéré. Nous résumons 1e en un tableau l’opinion des principaux
auteurs qui ont étudié soit Rana lemporaria — soit des espèces
voisines (À. escutenta, R. pipiens).
Nombre
diploïde 12 16 16 à 20 24 25 et 26 26
admis.
Espèce BR. temp. | . escul. | R. temp. | R.temp. |R. pipiens| AR. sp, ?
Auteurs : A. De- |C. Cuampy|Carnoy et! Vou Rarx Levy Go.b-
HORNE LEBRUN SCHMIDT
Date : 1910-1911 1913 1899 et 1894 4915 1920
(1) 1901
BATAILLON | SWINGLE
1910 1917
(‘) Le chiffre de A. Deuonxe résulte vraisemblablement d'une erreur d’inter-
prétation.
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 163
Dans le but de vérifier cette hypothèse nous avons alors
effectué comparativement une série de numérations, soit des
mitoses de maturation pendant les deux divisions de réduction,
soit sur des mitoses somatiques dans des gastrulas obtenues aux
dépens d'œufs normalement fécondés.
Nos résultats sont consignés dans Les {rois tableaux éi-joints.
[. — Prophases, métaphases et anaphases de division (nombre haploïide)
nl Gi | a " dr) Sn
Nombre Se 3 7 GE + 5
ces = 5 = 12 & 2: 14 5 ra
segments = = 21 [es us Le 2 |
Fréquence. : il 1 2 9 2 2? 3 Il {
I — HMétaphases de seconde émission polaire (nombre haploïde)
Nombre 10 11 11 12 à 13 14 15 |
AHÉqUENCO NAN 2. 3 2 6 2 1
IT. — Wifoses somatiques d'embryon (1)
Nombre | 19 à 21 22 24 à 26 26 26 à 30 | 50 à 36 34
Fréquence. .: | l 1 I 1 l 2 il
La variation existe donc ici indéniablement.
La planche [ renferme dessinées quelques-unes des figures
dénombrées ici.
Lévy etSwineze ont indiqué chez là grenouille un dimorphisme
sexuel chromosomien, le mâle avant 25 chromosomes, la
femelle 26. R. Gozpscamir ne l’a pas retrouvé. Il ne nous sem-
ble pas non plus exister.
(1) Ce dernier tablean n’a pas été destiné à renseigner sur Ja fréquence de la
variation, mais seulement sur sa grandeur absolue, nous avons choisi parmi les
cinèses examinées celles nous paraissant indiquer les variations les plus consi-
dérables.
164 R. HOVASSE
2. La variation du nombre et son mécanisme
présumé.
On a fait de nombreuses hypothèses pour expliquer les cas
de variation constatés çà et là, toutes ayant pour but de sauve-
garder la loi de constance, et du même coup de respecter
l'hypothèse de lndividualité. Sans vouloir exposer toutes ces
hypothèses que l’on trouvera examinées dans DeLra Vazce (1909)
nous nous bornerons à envisager les plus importantes.
Le plus souvent on a expliqué la variation par des ruptures
ou des fusions de chromosomes, se produisant pendant les
diverses phases de la mitose, ou bien par des irrégularités de
fonctionnement de celle-ci, ou enfin comme le fait Wison
par l'existence de chromosomes surnuméraires, ici présents, là
absents.
Fusions ou ruptures de chromosomes.— L'étude des éléments
sénitaux des Insectes a montré que dans des cas bien partieu-
liers, où les chromosomes se présentent avec des formes diffé-
rentes et bien reconnaissables, il existerait de telles associa-
tions ou scissions plus ou moins durables, les éléments ’con:
sidérés pouvant par la suite se séparer ou se ressouder à nou-
veau. RogerTsoN (1917) qui a étudié ces faits avec une attention
particulière dans une partie du groupe des Orthoptères, y voit
une des causes de la variabilité de ce groupe, en même temps
qu'une possibilité d'explication de la Variation des Espèces.
Hance R. (1918), tant chez Sus scrofa que chez une plante,
OEnothera scintillans, Yun des mutants dérivés de l'OEnothera
Lamarckiana, observe une certaine variabilité dans les cellules
somatiques et en fournit la même explication, le « breacking
up » de certains chromosomes : la variation à toujours lieu en
plus du nombre normal et la somme des longueurs des chromo-
somes resterait à peu près la même. La même explication est
fournie par Marcyaz dans un récent travail sur le nombre des
chromosomes (1920) où toutes Les données acquises sur lensem-
ble du règne végétal sont passées en revue (").
Pour notre part, nous avons constaté (1919, travail de 1914)
() Nous n'avons pas eu ce travail sous les veux et le citons d’après de ZLitar-
dière (1921).
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 165
des cas de fusion indéniable des chromosomes au moment de la
maturation des éléments sexuels femelles de la Grenouille.
L'ensemble des chromosomes se tasse sur la plage où apparait
plus tard le premier fuseau de maturation, en un bloc d'aspect
plus ou moins irrégulier où les composants sont parfaitement
indistinets. Si la figure observée ne marque pas une sorte d'im-
passe, et tout porte à croire le contraire, les chromosomes de
la première figure de maturation doivent ensuite dériver de ce
bloc.
Est-il possible de trouver de ces faits une explication physico-
chimique ? I nous faudrait tout d'abord décider si les chromo-
somes sont homogènes ou possèdent une structure quelconque.
Un nombre considérable de faits ont été signalés en faveur de
cette dernière hypothèse, il sort du cadre de ce travail d’en dis-
cuter la valeur. Nous nous bornerons à faire à ce point de vue
quelques remarques.
Presque toutes les observations faites à ce sujet proviennent
de matériel fixé (!), c'est-à-dire où l’action des réactifs à très
bien pu faire apparaitre une structure inexistante.
Que l'on se remémore à ce propos les interminables diseus-
sions auxquelles ont donné lieu les questions de structure du
protoplasme tant que l'on s’est borné à l’étudier après fixation.
IL semble que le plus souvent les chromosomes soient fotale-
ment homogènes ; ceci est certainement vrai pour les éléments
chromatiques des Batraciens. Les cas où on leur a décrit une
structure sont extrèmement particuliers. Prenons à titre d’exem-
ple un travail récent de Bozzes Lee (1920), où il est décrit chez
les chromosomes du Triton une structure tout à fait compliquée.
[l'est curieux de remarquer que cette structure n'est bien visible
qu'à partir de l’anaphase ; d'autre part qu'elle ne se constate en
toute perfection qu'après fixation par un liquide qui en raison
de sa richesse en acide acétique est loin d'être parfait au point
de vue cytologie fine, le Hiquide de Bouix. Ce qu'il faut retenir de
la description, c'est l'existence de: vacuoles incolores plus ou
moins nombreuses garnissant la masse du chromosone et des-
sinant dans'sa substance chromatique des figures plus ou moins
(‘) Le filament chromatique des noyaux des glandes salivaires du Chironome
et quelques cas analogues exceptés.
166 R. HOVASSE
compliquées (Voir également à ce point de vue les excellentes
figures données par Borzes Lez dans son mémoire de 1913).
Il n'y a là rien qui ne s'observe dans la dissolution de toute
substance colloïdale dans l’un de ses solvants. S'il s’agit de
gélatine par exemple, se dissolvant dans l’eau chaude, on cons-
tate qu'elle s’2mbibe, c'est-à-dire se gonfle par absorption du sol-
vant, et que sa masse devient vacuolaire, chaque vacuole ren-
fermant une solution de gélatine dans l’eau, le restant de la
masse étant une solution d’eau dans la gélatine. Si la tempéra-
ture augmente, les vacuoles grandissent et finalement la
masse entière devient une solution d'apparence homogène.
Or nous verrons plus bas (p. 204) que l'anaphase apparait
comme une dissolution de la substance des chronosomes dans
le suc nucléaire.
Il nous semble donc que lanalogie est frappanté, et qu'elle
nous permet de considérer la structure des chromosomes comme
le plus souvent inexistante. Nous admettrons à la base de nos
raisonnements théoriques la notion d'homogénéité des chromo-
somes, au moins au début de la mitose, et dans le cas bien
défini des Batraciens, que nous ‘avons étudié le plus particuliè-
rement.
S'il en est ainsi, la rupture des chromosomes est due, ou bien
à des actions mécaniques et ne peut alors être considérée que
comme un accident, ou bien à des actions physiques, dues,
tantôt aux chromosomes, tantôt au milicu, et n'étant alors sensi-
bles que pour certains chromosomes; ce qui plaiderait en faveur
d’une différence de propriétés physico-chimiques entre ceux-ci
et les autres éléments, hypothèse vraisemblable comme nous
le verrons. La fusion des chromosomes exige de son côté soit
une identité des propriétés physico-chimiques des conjoints,
soit une affinité chimique entre eux, soit enfin des conditions
physiques particulières. Ces dernières peuvent certainement
se réaliser, dans un système où les variations sont si nom-
breuses, autant externes qu'internes.
Quoi qu'il en soit la variation ainsi comprise est inconcihable
avec la thèse de Bover, à une conception particulière de
laquelle elle conduit : / y aurait individualité non pas des élé-
ments, mais de leur substance. On comprend ainsi que cette
individualité puisse se conserver dans le noyau au repos.
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 167
DELLA VALLE rapporte à ce point de vue une expérience inté-
ressante et fort suggestive. Il est possible de faire cristalliser
plusieurs fois une solution, mélange de plusieurs variétés d’hé-
moglobine, sans qu'il y ait par le mélange altération de l'une
des substances : à chaque cristallisation on retrouve ces varié-
tés avec leurs formes cristallines caractéristiques.
Des faits tirés de l'étude cytologique des hybrides végétaux
viennent appuyer également cette manière de voir. R. pe Lirar-
DiÈRE (1921) en cite un particulièrement intéressant. Il s'agit
d'une Fougère hybride, Polypodium Schneideri, chez laquelle,
à chaque division cellulaire, on retrouve à la télophase des
chromosomes de deux aspects différents, se rapprochant de
ceux de l’un ou de l’autre parent (P. aureum et P. vulqare,
forma cornubiense). Ils subissent là chacun une alvéolisation
différente et asynchrone.
La possibilité de l'existence de plusieurs variétés de chroma-
tine dans le même noyau parait donc démontrée. Cependant,
elle ne semble pas générale.
IL semble assuré que, chez certains représentants de la
classe des Insectes, surtout chez les formes où le nombre des
segments chromatiques est peu élevé, on retrouve toujours un
certain nombre d'éléments affectant les uns avec les autres des
différences de taille et de forme, ce qu'il est impossible de
séparer de l'hypothèse de différences physico-chimiques cor-
respondantes. Comme exemple typique, il nous suffira de rap-
peler les chromosomes de Drosophila ampelophila {cf. p. 149).
Dans d'autrestypes, beaucoup plus nombreux, répandus dans
la plupart des groupes zoologiques, il existe des éléments par-
ticuliers qui se retrouvent dans toutes les divisions avec les
mêmes caractères différentiels. Il faut bien reconnaitre qu'ils
sont tout à fait à part, ainsi que l'indique le terme d'Hétéro-
chromosomes qu'on leur applique souvent. Nous ne reviendrons
pas ici sur leur étude, dont nous avons déjà dit quelques
mots (p. 147). Nous nous bornons à citer à titre d'exemple,
d'après KiæeiNerr (1909) une plaque équatoriale de spermato-
gonie d'Helir hortensis (fig. V, A). Deux chromosomes se dis-
tinguent nettement par leur taille tout à fait exceptionnelle,
cinq ou six fois celle de tous les autres. Nous avons retrouvé
nous-même ces deux chromosomes particuliers dans toutes les
168 BR. HOVASSE
divisions de l'animal que nous ayons examinées (plus d’une
centaine) depuis le plus jeune âge jusqu'à l'adulte. Nous asso-
cions à la figure de KceiNerr un de nos dessins représentant en
vue latérale l'anaphase d’une mitose intestinale tirée d'un tout
jeune Hélix (fig. IV, B). En raison de leur retard sur les autres
éléments, les deux chromosomes spéciaux sont particulièrement
nets. Les petits éléments sont de taille variable, oscillant
autour d’une moyenne beaucoup plus petite. Il y a certame-
ment là au moins deux sortes de chromatines distinets.
Mais de tels cas ne sont pas extrêmement communs. Le plus
souvent, et il semble bien que ce soit le cas de la Grenouille,
il ne semble pas qu’il existe de ces chromosomes spéciaux.
Nous figurons ie1 (PI TT, fig. 14), trois métaphases en vue
Fig. IV. — En À mélaphase d'une spermalogonie d’Aelix hortensis, d'après
KLeINeRT (vue polaire). Remarquer les deux gros chromosomes.
En B anaphase dans une cellule de l'intestin chez un jeune le la même
espèce. On retrouve les deux gros chromosomes X 2900.
polaire, tirées d’un même embryon parthénogénétique, ayant le
nombre réduit de chromosomes. Elles sont dessinées avecle plus
grand soin au même grossissement. Les éléments chromatiques
ont été ensuite isolés et ordonnés suivant leur taille, les dia-
grammes ci-contre représentent Le résultat (fig. V).
On voit immédiatement que les chromosomes forment ainsi
une série à peu près continue, et qui dans son ensemble cons-
titue une courbe à deux concavités successives orientées en sens
inverse. C'est là une courbe typique de distribution ou de
mérite selon le nom que lui donnent les statisticiens. Elle carac-
térise la variation ffuctuante : Le plus grand nombre des élé-
ments est voisin de la taille movenne, ceux qui s'en écartent
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 169
le plus sont les moins nombreux, et d'autant moins que leur
écart est plus considérable (1). C'est la raison pour laquelle il y
a toujours ainsi un élément plus petit que tous les autres et
un plus grand, fait qui a certainement souvent impressionné
beaucoup de chercheurs et leur à fait établir des correspondan-
ces inexistantes entre chromosomes de figures différentes. On
remarquera que le nombre des chromosomes les plus grands ou
les plus petits n'est pas le. même dans les trois figures et que
Tale des hirosomel x 6000
8
6
OU 72 076 01,
Chromosmes.
Fig V :
ig. V. — Diagramme obtenu en ordonnant par leur taille les chromosomes .
des divisions figurées en planche : fig. 14 1, IE, HE.
[e] 4 6
NE 4 Orane des
dans le détail Les trois courbes ne se correspondent pas du tout.
Enfin le fait de la continuité des courbes semble prouver
l'identité de substance des divers chromosomes. S'il se produit
une diminution du nombre par fusion, ou une augmentation par
rupture, 1] nous est impossible de la considérer autrement que
{*} On trouvera dans le travail de DEcLa VaLze (1912) un long développement
sur le même sujet (p. 127 à 142), les courbes théoriques calculées y sont rappro-
chées des courbes expérimentales, la concordance est remarquable.
170 R. HOVASSE
comme un simple accident. La constatation en sera du reste
impossible ; la longueur totale des chromosomes, seul caractère
qui pourrait à la rigueur être utilisé dans ce but (Hance) est .
constamment variable, même dans deux divisions ayant le même
nombre d'éléments.
Quant aux chromosomes surnuméraires que E.-B. Wirson a
signalé dans une seule espèce animale, Metapodius sp ?, il
semble bien que l’on puisse les considérer chez cet Acantocé-
phale, en raison de leur continuité à travers les lignées cellu-
laires, comme représentant une variété particulière de chroma-
tine.
Enfin les irrégularités de fonctionnement des mitoses sont
également des faits exceptionnels, qui n'ont pas d'autre carac-
tère que celui d'accidents.
En résumé, tous les arquments invoqués pour expliquer la
variation, là où elle n'existe que rarement, ne valent que pour
des cas particuliers, n'ont aucune valeur d'explication générale.
Ils sont incapables de rendre compte du fait de la variation nor-
male, physiologique, telle que Derca Vare l'a constatée chez
la Salamandre, telle que nous la constatons nous-même chez la
Grenouille.
Au lieu de chercher à rattacher les faits de variation à une
loi de constance reconnue imparfaite, au lieu de les considérer
comme des exceptions, nous verrons qu'il faut faire l'inverse, et
considérer la constance du nombre comme cas particulier d’une
loi de variation.
TROISIÈME PARTIE
La régulation du nombre des chromosomes.
CHAPITRE II
LE NOMBRE DES CHROMOSOMES
CHEZ LES INDIVIDUS PARTHÉNOGÉNÉTIQUES
1. Parthénogénèse naturelle.
Si comme l’a prétendu Boven, les segments chromatiques
sont des individus bien définis, il est intéressant de les suivre
dans l’évolution d'êtres provenant d’un œuf parthénogénéti-
ques, c'est-à-dire développé aux dépens d’un seul pronucléus,
ne possédant ainsi que le nombre réduit de segments chroma-
tiques, et de voir comment ils se comportent dans ces condi-
tions anormales. Si le nombre reste identique pendant le déve-
loppement et jusqu’à l'adulte, il y aura là un bel argument en
faveur de la thèse de Boven. De là vient tout l'intérêt qui s'est!
attaché à ce problème en parthénogénèse, tant naturelle qu’ar-
tificielle.
Des difficultés techniques accompagnent la plupart des tra-
vaux cytologiques entrepris en parthénogénèse naturelle : c’est
en effet le groupe des Arthropodes où ce mode particulier de
développement semble le plus répandu. L'enveloppe chiti-
neuse des ovocytes d'une part, la petitesse des éléments chro-
matiques, surtout chez les adultes, d'autre part, compliquent
les recherches. Il ne faut donc pas s'étonner des opinions
contradictoires qui ont été émises successivement sur la ques-
tion.
C’est chez les Hyménoptères que lon possède les résultats
479 BR. HOVASSI
les plus intéressants. On sait que chez l’Abeille, les œufs qui
donnent naissance à des mâles se développent sans féconda-
tion. PerrunkewiTsCa (1901) à d’abord annoncé que le nombre
des chromosomes passe dans l'œuf directement de 8 à 16, par
une véritable régulation. Mais le fait fut contesté, et Meves
(1909) étudiant avec soin la spermatogénèse tout à fait particu-
lière des faux bourdons, donna 16 comme nombre réduit.
Cependant tous deux ont signalé çà et là dans les larves par-
thénogénétiques des îlots de cellules avec 32 et parfois même
le double de chromosomes.
Presque simultanément en 1913 deux auteurs Nacarseim et
ARMBRUSTER Ont repris la question, le premier chez l'abeille, le
second chez une Osmi:. Tous deux arrivent aux mêmes résul-
tats, leur interprétation seule différant quelque peu.
Dans l'œuf vierge de l'abeille comme celui de l'Osmie, le
pronucléus femelle renferme 8 chromosomes, puis, au début dela
segmentation parthénogénétique qui doit donner naissance au
mâle, selon l'hypothèse de DziErzox, ce nombre se double. L'ébau-
che évolue avec 16 éléments. Mais le nombre ne reste tel que
dans la région génitale. Les cellules somatiques se développent
avec 32 ou même 64 chromosomes au bout d'un certain temps.
Ceci est donc conforme aux données de PrrruNkewiTse. Les
spermatides n'ont pas moins de 6 chromosomes, c’est-à-dire
que, ainsi que l’a déerit Meves, il n’y à pas de réduction numé-
rique au cours des divisions de maturation. Mais, pendant la
transformation en spermatozoïdes, les 16 chromosomes se
soudent deux à deux, et finalement il n'y a plus dans l'élément
sexuel mûr que 8 chromosomes. Il en résulte pour les œufs
fécondés, après l’amphimixie un noyau à 16 éléments. Par la
suite il peut se présenter également des doublements et cer-
taines cellules ont aussi jusqu’à 64 chromosomes (Cf. le schéma
donné p. 321). NacursnEeIm interprète ces faits par l'existence de
chromosomes complexes bi- ou tétravalents dans l'œuf et qui
par la suite du développement deviendraient univalents ARu-
BRUSTER admet par contre une auloréqulation par multiplication
spontanée des éléments chromatiques.
Quoiqu'il en soit, le nombre des segments ne reste pas ce
qu'il était dans le pronucléus femelle avant le développement,
et augmente sans l'intervention d'un spermatozoïde.
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 173
Le cas des Hyménoptères ne paraît pas isolé, il semble en
être ainsi dans un groupe de Vertébrés, chez les Oiseaux.
On sait depuis longtemps que les œufs non fécondés de ces
animaux présentent fréquemment un début de segmentation
pendant leur trajet dans les voies génitales. Lécaizon (1910) à
étudié cette parthénogénèse rudimentaire chez l'œuf de Poule.
Il à constaté que la segmentation au moins dans les stades
avancés se ferait avec Le nombre somatique de chromosomes.
Le fait nest pas incontestable et nous + reviendrons, Par
contre le nombre ne se conserve tel, que dans un petit nombre
de mitoses normales. Presque toujours il apparait des mitoses
pluripolaires et LÉcAILLON y reconnait jusqu'à 100 chromoso-
mes. Là tout du moins il y à une augmentation du nombre
incontestable.
2. Parthénogénèse expérimentale.
Ici, plus encore qu'en parthénogenèse naturelle Les résultats
ont été longtemps contradictoires.
Chez l'Oursin DeLace, à la suite de ses expériences de Méro-
gonie puis de parthénogénèse (1901) signale une autorégula-
tion du nombre, se produisant de très bonne heure au cours
du développement, puisqu'elle s'observe dès le stade à 4 blas-
tomères. Sa technique très simple, étude d'œufs ou de larves
colorées et montées #n foto dans le baume, ou la glycérine, lui
permet de vérifier ce fait sur un nombre considérable d'œufs.
Il compte de 16 à 19 éléments au lieu de 9 qui serait le nombre
réduit de l’espèce considérée « chez des dizaines d'œufs sur la
plaque équatoriale vue de face, sur des centaines sur la plaque
vue de profil ». Le fait semble done indéniable. On ne peut
regretter que deux choses, c'est que DELAGE n'ait pas insisté sur
le nombre trouvé dans les mêmes conditions sur les œufs
fécondés, et que d'autre part il n'ait pas indiqué s'il constatait
la régulation sur tous les œufs qui lui passaient sous les yeux.
A l'époque où ses résultats furent publiés, les biologistes
étaient presque tous partisans des idées de Bover. Un désac-
cord aussi complet avec la Loi présumée de l’Individualité fut
violemment attaquée par tous ses partisans. On admit que
12
174 R. HOVASSE
Decace s'était trompé, et avait confondu le nombre réduit et le
nombre double. Bien qu'appartenant à la même espèce, les
oursins qu'étudiait Bovert ont en effet non pas 9 mais F8 chro-
mosomes au nombre réduit.
Ce n'est que plusieurs années plus tard que Driesca (1908)
reprend la même étude, non plus en cherchant à compter les
chromosomes, mais en mesurant simplement les diamètres
nucléaires de ses larves parthénogénétiques, et en les compa-
rant avec ceux de larves fécondées. Sur 110 gastrulas obte-
nues, 1l observe :
56 larves à noyaux de taille normale.
A6 » » » petite.
PES » » : <udoubie;
Etant donnée la relation nucléoplasmatique, ?{ faut admettre
que la régulation est un fait chez l'oursin, quelque soit le nom-
bre n, la parthénogénèse fournit des larves à n, 2n et 4n. Il
semble donc bien que l'opinion de Derace ait été exacte (°).
Depuis lors, malgré des travaux cytologiques importants effec-
tués, sur le même matériel par Boveri, puis tout récemment
par Hercanr, Vera Dancuakorr, ayant trait aux premiers stades
de la segmentation, on n’est pas parvenu à constater directe-
ment le phénomène.
Cas de la Grenouille. — Baranron (1902) nous fournit les
premières données concernant le nombre. Elles ont trait à des
embryons obtenus par les solutions salines. « Le nombre parait
plus près de 12 que de 24 ». Mais le matériel est défectueux,
les cinèses normales étant l’exception.
À. Deuorxe (1910) trouve le nombre réduit chez des têtards
obtenus par piqüres et fixés au bout de 2 et 6 jours. L'année
suivante une larve plus âgée lui confirme cette donnée.
BaraizLoN (1911) arrive aux mêmes résultats : « Au moins
jusqu'aux ébauches de 17 heures, il n'y a pas régulation du
nombre ».
Ce sont Hexxecuy et Bracaer qui les premiers (1911) donnent
(1) Le travail de Drigsca semble être passé totalement inaperçu, malgré toute son
importance. Il n’est pas cité par Deace, dont cependant il confirme les travaux.
I n'est cité par aucun auteur, pas même par PauLa HeRrrwiG dans sa revue criti-
que de la parthénogenèse (Haploide und Diploide Parthenogenese. Biolog.
Zentralbl. T. XL 1920).
ÉTUDE DÉS CHROMOSOMÉES 175
l'affirmation du contraire. Les résultats du premier sont pré-
sentés sur une petite note peu explicite (Année biologique,
1911, p. 66). Y. Derace et M. Gocpscamira (1912) (!) rapportent
‘galement une communication verbale d'HexxeeuY disant que
rien ne distingue, au point de vue des chromosomes les têtards
normaux des parthénogénétiques. Bracaer étudiant un têtard
de 18 jours « arrive à douter que le nombre soit le même dans
toutes les cellules, mais est certain que dans de nombreux eas
il est de beaucoup supérieur à 20 ».
J. Los, qui réussit à amener à l'âge adulte des têtards
obtenus par piqûre cherche à trancher Ia question et confie
Fig VE. — Cellule de l’épiderme caudal d'un embryon parthénogénétique en
division : 23 chromosomes. Dans le cytoplasme les filaments d'Eperru
(chondriosomes ou tonofibrilles).
l'étude cytologique de son matériel à R. Gocpscamibr. Celui-ci
conclue à la régulation, avec certaines réserves tout d’abord
(in Los, 1918). Un travail définitif (1920) affirme nettement la
régulation, au moins pour les grenouilles du sexe mâle. Il
n'arrive pas à dénombrer les chromosomes des femelles.
Dans les spermatogonies, les nombres observés oscillent
autour de 24. Une seule plaque équatoriale lui permet une
numération certaine : il y compte 26 segments. La moitié de
ce nombre se retrouve dans les spermatocytes, sous forme des
dyades de la première division de réduction, dyades dont il à
observé la formation par conjugaison longitudinale des seg-
(t) Y. DeLace et M. GozpswirH. La parthénogenèse naturelle et expérimentale,
Paris, 1913.
176 R. HOVASSE
ments. Rapprochant ces faits positifs de résultats négatifs enre-
gistrés par Denonxe et Baraizzox, il se demande si la régulation
n'est pas condition sine qua non de la survie des têtards.
Recherches personnelles. — Indépendamment de R. Gozp-
scHmuoT, dont, en raison des difficultés dues à la guerre, nous
n'avons connu le travail définitif qu'en juin 1921, nous avons
abordé le problème par une première étude d'embryons et de
larves âgées, en laissant de côté les premiers stades de là
segmentation. Notre élevage de 1920 ne nous à permis d’étu-
dier que 11 embryons et têtards d'âges variés compris entre
4 et 50 jours.
Les deux premiers étudiés sont venus confirmer les données
Fig. VIL — Vue polaire d’une métaphase tirée de l’épiderme d’un embryon
parth. Tous les chromosomes présentent la division longitudinale.
de Hexnecuy, BracHer et GoLpscamipr. Il s'agit de têtards de 50
et de 14 jours, tous deux d'apparence normale. Ils ont tous
deux le nombre diploïde de segments, compris entre 22 et 27
(8 numérations approximatives, 4 certaines) (Fig. VI). La taille
des noyaux dans les divers tissus y est la même que dans les
têtards normalement fécondés. Le plus âgé présente des ébau-
ches génitales avec des ovules primordiaux parfaitement nor-
males, comme taille et comme aspect. Restaient 9 têtards tous
anormaux. Les deux plus jeunes, âgés de 4 jours et aussi les
plus anormaux, sont segmentés incomplètement, c'est-à-dire,
proviennent sans doute d'un œuf segmenté en trois lors du
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 177
premier clivage. Ils ont aussi le nombre double, mais avec des
écarts considérables. Nos numérations les plus certaines, au
nombre de 7, donnent des chiffres compris entre 15 et 28 élé-
ments (Fig. VID. La taille des noyaux au repos oscille dans de
larges limites : de 5 à 16 y dans une même région embryo-
naire (plaques latérales). Quelques divisions sont irréguliè-
res, enfin les dégénérescences nucléaires sont abondantes. Ces
deux cas d'apparence pathologiques, nous ont semblé, à pre-
mière approximation, indiquer des troubles résultant d’une
régulation défectueuse.
Les sept derniers têtards ont tous le nombre haploïde, avec
de 8 à 13 éléments chromatiques (19 numérations presque
toutes certaines) (Fig. VII).
Pendant la saison 1921, nous avons opéré sur des bases plus
vastes, et en fin de compte sommes arrivés à des résultats plus
importants. 80.000 œufs ont été piqués environ. Plus d’un mil-
Fig. VIT. — Métaphase épidermique d'un embryon non régularisé, âgé de
6 jours.
lier fixés et étudiés à tous les stades du développement. Un sep-
tième seulement de ces ébauches à pu être utilisé pour une
étude du nombre. Le déchet considérable est dû à de nom-
breuses causes, soit que dans certains œufs la segmentation
ait été arrêtée de bonne heure, tout de suite après les premiers
sillons, où beaucoup plus tard et que l’on ait seulement sous
les yeux des embryons morts, inutilisables pour une étude pré-
cise, soit qu'il n'y ait que des sillons superticiels, et que la
segmentation ait été entièrement irrégulière, soit enfin que les
mitoses ne nous aient permis que des numérations par trop
approximatives.
178 R. HOVASSE
Cent quarante embryons et larves ont pu servir, uniquement
pour la numération. Sur toutes ces ébauches, 65 sont restées
en possession du stock haploïde, 75 ont reconstitué le nombre
2n et sur ces derniers, 14 présentent des nombres aberrants.
Nous donnons dans le tableau ci-contre, le détail de tous les
embryons et larves étudiés ().
Ainsi done se trouve expliquée la contradiction inhérente
aux affirmations des auteurs. Comme nous l'avons fait remar-
quer déjà (1920), on comprend que dans la controverse Boveni-
DeLace chacun des deux auteurs ait pu également avoir raison.
[ls n’ont eu que le tort de généraliser immédiatement la portée
de leurs résultats, et de considérer leurs opinions comme
inconciliables à priorr.
Sans le secours d'aucun spermatozoïde, le nombre de chromo-
somes des ébauches parthénogénétiques, qu’elles soient d'abeille,
d'oursin ou de grenouille, peut parfaitement être le méme que
celui des individus normalement fécondés. Il y a autoréqulation,
mais, chez la grenouille et l’oursin, elle n'est pas du tout obli-
gatoire : tantôt elle s'effectue bien, tantôt elle se fait mal, enfin
elle peut ne pas se faire du tout.
(5) Nous avons fait figurer sur ce tableau quelques embryons où nous avons
seulement pu effectuer des mesures nucléaires. [ls ne sont pas compris dans les
chiffres donnés dans le texte.
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 471
Numération des chromosomes chez les embryons et larves parthénogénétiques
a
Te Nombres
Nature | Age des Nos Nes 0
: ; - 2N |
de la ébau- de des de chromosomes! N | on! 7 ] Dar ut
iqaüre ches sétie œufs observés ou et de N
prq ï re tailles nucléaires
Saison 1920
Sang 8 jours Il I 1218: 1 Gastrula irrégul.
grenouille 2 12, 12042: il »
» 10 jours Il | il | 8, 9, 12. 1 »
k 2 AIR IDE | »
» 8 jours! I ‘1 14, 15 à 17, 19, 1 »
25, 30.
À 2 DA19 09400087 | »
» 12 jours IV 4 et 2 | Pas de numéra- 29 Branchies extern.
al tion, taille
ss moyenne 6 LL.
» 15 jours V 1 LATE Elo 10129 » hydro-
12. pique.
» 18 jours! VI I 12400) frites Tétard normal.
» 50 Jours] VIII { DOMOTRO SANTE 1 Tétard normal.
29 ou 23,23 ou Pattes posté-
24, 24 à 26, 25. rieures. Mem-
Tailles nucl. : bre ant. à une
Ga Ju. seule palette.
Saison 1921
Sang gr.| 12 h. 9 1 D DO UE 4 < NouN], Troubles nuel.
» 9 h. 10 D TANT 1 fusion avec ma-
tériel étranger.
» » 4 ID: h Un bloc inoculé
» » il > 120: 1 en division.
» » 3 4 ou 25. 1 :
» 14 h.30 15 4 12 ou 13. 1 Un crythrocyte
» 19 h 11 1 (248 1 reconnaissable.
» 9 106-125 il
» 3 12,168 14 Division anapha.
» 4 20, 20, 19. 1 sique.
Pulpe
cobaye | 20 h. 24 3 26? 23? 1
Sang gr.| 18 h. 27 1 14, 16. 1
» 2 >MS8;26" {
» 4 > 20. !
S.tortue| 24 h. 29 (l 19/4 AE AIT? 4
» 3 la MANS 2507 Net 2N
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S. gren.| #h.10]: 45 4 11. 1 Divisions irrégu-
S. tortue! 93 h. 49 1 44. Il lières.
» 2 9. 1
» 4 10, 15. 1
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» 2 DoADSE 1
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» 4 24. 1 pôles (matériel
» 49, 1 ANS 1 | étranger).
S. gr. 1h 52 2 DEMI TS M0) c
29 à 28, 21 à 25. 1
» 3 A0 155142) Al
180 R. HOVASSE
Numération des chromosomes chez les embryons et larves parthénogénétiques (Suite)
Nature | Age des Nos Nos noce Z 9N
de la ébau- de des N | 2N Observations
Hat Tel den s chromosomes et deN
piqüre | ches série œufs PARU
a | | —————— | —————————— EE) A A —
Saison 1921
S. gr 4 13, 162 1
» 592, 1 15 © 1
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» 3 115042 {
Lymphe gr. | 21 h. 68 SAONE
2 >1222b0 Net 2N
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» 4 8,9,16,18, > 20. Net2N
Leucoc.
cobaye | 16h 69, l GMA: 1
» 2 11,12, 13 coupl.| 1 Division long.
» 3 20, 26, 28. 1 anaphasique.
» 16 h 71 1 15 1167 1
» AE 1 14 à 16 ? sl Fusion avec ma-
Sang gr.| 49 h T5 1 13, 14. 1 tériel inoculé.
» 2 22, 26. 1
» 3 12/43 1
» 4 417, 19, 28. 1
» ANNE 15 1 27. 30,132, 33,36. >92N
» 2 9,05 00,18 4040, < N
6 ou 7.
» 3 DAMES {
» 18 h. 76, n 12, 13 1
» 24 h. W I 12° l
» 2 TOM 1
» 3 16, 19. > N
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Erythro-
cytes gr.| 29 h 79 3 25,
» 4 29, 26 1
» 79, 1 8, 13. fl
» 3 475191, 24 1
» 4 11,1%. il
ÉTUDE DES CHROMOSOMES
181
Numération des chromosomes chez les embryons et larves parthénogénétiques (Suite)
Nature [Age des
Nos
de
série
Nos
des
œufs
Nombres
de chromosomes
observés ou
tailles nucléaires
2N
£ 2N
et de N
—————— | —————…—…—…— | me | | —— | À | —————
de la | ebau-
piqûre | ehes
Erythro-
cytes gr.
»
Sang gr.| à jours
Erythro-
cytes gr.| 4 jours
»
»
»
»
»
»
»
Sang gr | 148 h
»
»
»
» 17h
» 9 jours
Leucoc.
tortue | 20 h.
Pulpe
tétard G.| 6 jours
»
»
»
»
»
Sang gr.| 7 jours
Erythro.
Tortue | 20 h.
»
» 20 h.
S. tortue| 7 jours
»
Sang gr | 7 jours
»
» 7 jours
S. tortue »
» »
Sang gr | 46 b.
S. torlue| 8 jours
»
»
Sang gr.| 52 h.
» 6 jours
»
» 6 jours
101,
104,
103
106
106, et ;
107
114
115
115,
116
117
118
119
119,
120
421
199
æ 19
ET CO US
= de bd 90 NO de
1 et
CES
Le
æ
= 9 = + NO == 19 = He 19 19
Saison 1921
42 ou 15.
12 ou 13,
> 26.
14.
14,-14,°96:
0307260
Diamètres nucl.
Id.
Id.
ldee> "257
Id.
13, 43.
8, 9, 45
15
24.
Don
19
ae
HN ou 12/4 0Na
43
12, > 24, tailles
nucléaires va-
riables.
Tailles nucléair.
30, 40.
425
23, 24, 26.
20,> 24,28, 30.
14.
12 2Sou1413:
APM
43,
18 et > 20.
D C4
13
Pet. et gr. noy.
>
Lèn be => fee
=
Net _>2N
> 2N
Net >N
N el 2N
Observations
Mal conformé,
»
»
Bien conformé.
Mal conformé.
Hémisegmenté,
Id
Aucun de viable
Abondantes dé-
générescences
nucléaires.
OEuf au cyanure
Bien conformé.
Non viable.
Bien conforme,
OEuf à KCy.
I
d. Divi-
sions très irré-
gulières.
Id
Non viables.
)
)
Viable.
Non viable.Corde
énorime.
Non viable.
Viable ?
Non viable.
Non viable.
»
Non viable.
»
182
R. HOVASSE
Numération des chromosomes chez les embryons et larves parthénogénétiques (Suite)
£ Nombres
Nature |Age des| Nos Nes Ro Ë »
de la ébau- de des De cube Nu 2N Fr Observations
piqûre | ches série œufs tes nues
|
Saison 1921
Sang gr. 2 et 3 | Petits noyaux. 2
» 122, il 12, 14. 1
Pulpe
Rate
Cobaye | 8 jours | 1923, 3 et # | Gros novau. F) Non viables.
Sang gr.|15 h. 30| 124 2 De 80 à 100, > 4N |Morula ayant plus
>W70P0> 100! de 100 cellules.
» 8 jours | 125 4 et 2 | 10 ou 11, 11 ou| 2
19°
Sang 1 Viable.
Tortue | 7 jours | 4127 à > 20, > 22:
CT 7 jours | 129 1 11, > 20. Tailles N et 2N| Non viable.
nucl. variées.
Leuc. gr.
8 jours | 138 l Gros noyaux. 1 Non viable. Dé-
Lymphe générescences
ren Ours: l 223. nombreuses.
Erythro.
gren. | 7 jours 136 1 MAO
Lymphe
gren. | 8 jours | 439 { Petits et gros :
noyaux. N æt 2N|] Non viab'es:::
Sang gr.| 8 jours | 141 il Gros noyaux. 1 » Ê
» 13 jours| , 142 1 à 4 | 24, 26, 28, 38.
Diam. nucl
variés, 4 »
» 7 jours | 143 1 23? Grosnoyaux 1 »
» 6 jours | 144 1 > 20 » 1 »
» 9 jours 145 1 » 1 »
Leuc.gr.|12 jours] 147 1 21 à 25 » { Viable
Sang gr.|25 joure| 148 1 MN EAN pe 1 ?
» [84 jours! 149 1 Taille nucléaire l Début de la mé-
constante 6 à tamorphose.
Ju N22 22. Queue début de
régression.
» 64 jours! 150 1 > 22 l Début des pattes
antérieures.
Total général ; 71 + T1 + 16 = 158
Total des régularisés : 71 + 14 — 85 soit 53,7 0/0
Total des non régularisès : 71 + 2 = 73 soit 46,3 0/0
CHAPITRE IV
LA RÉGULATION DU NOMBRE
DES CHROMOSOMES
1. Caractères de la régulation.
Comme nous l'avons indiqué plus haut, la régulation du
nombre constatée chez l'abeille mâle fournit des cellules ayant
un nombre assez varié de chromosomes, puisqu'il y en a tantôt
16 comme dans les glandes génitales, tantôt deux ou quatre
fois autant. En est-il de même chez la grenouille ?
Le nombre des cellules en division est toujours faible par
rapport à celui des cellules au repos, la numération ne peut
donc renseigner entièrement à cet égard. Néanmoins nous
avons étudié un grand nombre de mitoses sur un même têtard.
Dans les cas dits normaux de régulation, il ne nous est jamais
arrivé de trouver une seule cellule où ne se constate pas
approximativement le nombre 2 ». Du reste la méthode de
mesure des diamètres nucléaires, ailleurs inférieure à celle des
numérations nous permet ici de trancher la question. Dans un
têtard bien régularisé, par exemple dans le premier têtard de
50 jours que nous avons obtenu (Tétard, VIII, 1920. Pattes
postérieures visibles, membres antérieurs formés d'une palette
indivise), les variations du diamètre nucléaire sont comprises
entre les mêmes limites que celles observées dans les mêmes
tissus chez le témoin fécondé du même âge. La muqueuse
intestinale nous fournit dans les deux cas des noyaux avant de
6 à 9 microns. Dans les cellules du foie, les diamètres varient
entre 6 et 8, 5 microns.
Nous avons retrouvé sans aucune erceplion la même concor-
dance dans tous Les tissus observés.
La régulation du nombre est donc totale, elle se trouve réalisée
184 R. HOVASSE
dans toutes les cellules de l'individu, que rien au point de vue
cytologique ne permet de distinguer d’un autre normalement
fécondé. Elle n’est done pas entièrement comparable à celle
observée chez l'abeille, où elle n’est pas totale.
2. Epoque de la régulation.
Etant donné ce caractère mème de généralité, on peut à
priori penser que la régulation doit être précoce chez la Gre-
nouille. En fait au bout de 7 heures d'évolution, à la tempéra-
ture de 13°, une morula (65, œuf 2) ayant une vingtaine de
blastomères nous donne le nombre diploïde, approximativement
sur 4 métaphases, certainement sur deux anaphases, où nous
comptons 29 à 98, 91 à 25, 97 à ? éléments (une couronne
polaire n'a pu être dénombrée . La régulation y est donc Indé-
niable et parait déjà totale. Nous ne l'avons pas constatée plus
tôt, en raison des difficultés techniques que présente l’étude des
divisions au cours des trois premiers clivages. Il est possible
qu'elle soit parfois encore plus précoce.
Cependant, si l’on compare le nombre des embryons non
réqularisés au nombre total des embryons, successivement dans
les stades jeunes, par exemple entre 7 et 24 heures d'évolution,
puis, à des ages plus avancés, au-dessus de 4 jours et Jusqu'à
8 jours, on obtient des chiffres totalement différents.
tmbryons jeunes : Non régularisés Nombre total — 47/74,
soit 63 0/0.
a âgés et larves : Non régularisés/Nombre total —
73 soit 36,9 0/0.
ee nombre des réqularisés augmente donc avec l’äge des
embryons. Reste à savoir à quoi est due l’augmentation. N'est-
elle pas simplement sou par une plus grande mortalité des
embryons non régularisés ?
Mortalité des embryons parthénogénétiques. — Elle est tou-
jours très élevée, incomparablement plus que celle des témoins
fécondés. Ceux-ci, sans aucune précaution spéciale, quelle que
soit la nourriture qu'on leur fournit, arrivent presque tous à la
métamorphose, quiest le seul moment vraiment critique de leur
élevage. Au contraire, la mortalité est toujours considérable
ÉTUDE DES CHROMOSOMHS 1S5
chez les embryons parthénogénétiques, qui meurent à tous les
stades du développement, mais surtout avant la gastrulation.
Ceux pour lesquels cette période critique arrive à se passer
normalement, éelosent généralement presque tous, à moins
qu'une cause extérieure ne viennent les altérer (infection myce-
Bienne, par exemple). À l'éclosion, on distingue immédiate-
ment.ceux qui vont survivre de ceux qui sont condamnés. Ceux-
ci présentent en effet toutes sortes de malformations, sont
hydropiques, ont l'appendice caudal réduit, en cuiller, présen-
tent une courbure anormale de leur axe antéropostérieur, enfin
présentent une atrophie de certaines régions.
Les individus qui dans nos élevages ont vécu le plus long-
temps, avaient le nombre diploïde (4 têtards ayant respective-
ment 18, 50, 64 et 84 jours d'évolution). Malgré une apparence
normale, leur taille était plus faible que celle des témoins, leur
croissance d'abord normale au début s’est ralentie par la suite,
au point que nous avons fixé les deux premiers craignant de
les trouver morts et imutilisables.
Les deux plus âgés ont commencé leur métamorphose. Au
moment de sa fixation le premier avait déjà ses pattes posté-
rieures bien développées. Il ne prenait plus de nourriture.
À l'examen microscopique, nous avons constaté une répartition
inusitée des réserves de graisses. Il n'y en a aucune trace
dans le foie ; le pancréas en est au contraire bourré, et il sem-
ble que l'on assiste à l'établissement de cette réserve, dans
laquelle les parasomes, si caractéristiques de la cellule pan-
créatique des Batraciens semblent jouer un rôle actif.
Sommes-nous là en présence d'une anomalie, ou comme nous
l'a suggéré M. le Professeur PReNanr, de l'expression d'une
fonction larvaire particulière spéciale du pancréas, peut-être
en relation avec la Métamorphose, nous n'avons pu le décider. Le
dernier têtard seul est arrivé à sortir ses pattes antérieures, sans
toutefois dépasser la métamorphose. L'exemple de Lors, la réus-
site de son élevage, nous parait dûe à une espèce de Grenouille
plus résistante que À. {em poraria pendant sa phase larvaire. Quoi-
qu'il en soit, le fait que les numérations de R. Gozpscawior ont
montré que les grenouilles de Lors avaient le nombre diploïde,
joint à cette constatation que nos têtards les moins anormaux
avaient le même nombre, nous invite à penser qu'il n'y a pas
186 BR. HOVASSE
une simple coïncidence, et qu'il parait y avoir une relation
entre la survie des têtards et leur nombre de chromosomes,
sans préjuger du reste du sens de cette relation : il est en effet
à priori aussi vraisemblable que le nombre normal de chromo-
somes détermine un état optimum, ou bien que ce soit cet état
optimum qui détermine l'existence du nombre diploïde.
Mais, en admettant même ce fait comme démontré, rien ne
nous prouve qu'il explique la mortalité des embryons. Exami-
nons à ce point de vue les jeunes ébauches, en cherchant
une relation entre leur état et la régulation. On trouve
des embryons d’allure anormale, et qui cependant ont leur
nombre Zn, et mversement, il en est qui ont l'apparence tout à
fait normale, et dont le nombre est haploïde. Il semble plutôt
que Ja mortalité dans les premiers stades soit tout à fait indépen-
dante du nombre des chromosomes, et ne soit pas due à une
insuffisance de chromatine, puisque le phénomène de régula-
tion ne semble pas du tout y remédier, pas plus que l’abon-
dance plus ou moins grande de matériel nucléaire introduite
parle stylet/(:
Des œufs fécondés normalement, qui ont été piqués immé-
diatement avant le gonflement de leur gangue ont montré
des troubles de segmentation et une mortalité beaucoup
plus considérable que normalement, bien qu'inférieure à celle
des embryons parthénogénétiques. On peut donc admettre que
pour une grande part, la mortalité des embryons est due à la
piqûre brutale de l'œuf et aux troubles qui en résultent, pro-
voqués soit par des déplacements de substances, pendant ou
après la piqüre (extra-ovats), soit par l'introduction du « maté-
riel étranger » (") et des perturbations qu'il ne peut manquer d'en
résulter. À l'examen microscopique, on constate facilement ces
dernières : segmentations partielles provenant d'un premier cli-
vage en trois, manque de noyaux actifs dans certains blastomè-
res pourvus seulement d’asters accessoires, divisions anorma-
les provoquées par le matériel étranger. Qu'on ajoute à ceci Les
causes accessoires de mortalité dont la principale est linfec-
tion de l’œuf, on pourra comprendre la mortalité des élevages,
(!) Pour explication ; ef, p. 194.
WTUDE DES CHROMOSOMES A5?
problème très complexe et que la simple observation des faits
ne permet pas de solutionner définitivement (*).
Si cependant nous n'arrivons pas à ce résultat, nous consta-
tons avec une netteté parfaite que, au moins jusqu'à l'âge de
8 jours, la mortalité est sensiblement la mème chez les embryons
à nombre haploïde et à, nombre diploïde. Nous ne pouvons donc
expliquer ainsi la variation de notre pourcentage, et l’augmen-
tation du nombre des embryons régularisés.
Une seule hypothèse nous semble alors admissible, c'est que
le phénomène de régulation se continue, au moins pendant le
début de la segmentation, aux phases morula et blastula.
(:) Il est en effet inséparable de celui des causes de la parthénogénèse par
piqûre. On sait que deux: théories importantes ont tenté d’élucider ce problème,
La plus récente est celle d'HerLanr, théorie que l’on peut qualifier de mécanaiste
(1913). D'après elle, la segmentation de l'œuf parthénogénétique est due à la for-
mation d’asters accessoires développés au contact du matériel inoculé (pour
explication de ce terme, voir p. 19%) et qui permettent à la division du pronu-
cleus femelie de s’accomplir régulièrement ou à peu près. De sa plus ou moins
grande régularité dépendrail celle de la segmentation, et le développement plus
ou moins parfait de l’ébauche.
L'autre théorie est celle de Baraizzon (1912 et 1916), qui attribue le déclanche-
ment de la segmentation à un phénomène de catalyse provoqué par le matériel
inoculé, matériel dont la partie active serait purement nucléaire, d'où le nom de
caryocatalyse donné à sa théorie.
D'après la première thèse, on interprètera la mortalité des ébauches simple-
ment par des imperfections des clivages initiaux, laissant de plus ou moins grands
territoires anucléés ou pourvus de plusieurs noyaux. Nous avons donné une
grosse importance aux facteurs mécaniques, auxquels nous attribuons la plupart
des morts précoces. Mais ils n’expliquent certainement pas tout : la mortalité des
tétards bien conformés, d'apparence normale, qui cependant ne dépassent pas la
métamorphose.
L'hypothèse de BaraiLLon, est plus prudente dans son imprécision. Il semble
bien qu'à ces têtards normaux, en faisant abstraction de tout préconcept finaliste,
il manque quelque chose Si le fait de leur régulation au point de vue nombre
des chromosomes semble quelque peu opposé à l'hypothèse d’un déficit de la
chromatine nucléaire et partant à celle de la caryocatalyse, il n’en reste pas moins
à considérer l’idée d'une catalyse initiale et d’un facteur catalysant introduit,
comme fort suggestive. À ce point de vue signalons l'intérêt présenté par un
récent travail de M. PRenanrT (C. À. Soc. Biol., t. 85, 1921, p. 808). L'auteur
constate la présence d'un oxydase dans le cytoplasme des spermatozoïdes de
Prosobranches, alors que la même diastase fait totalement défaut chez les éléments
femelles de ces Mollusques. C'est la première constatation rigoureuse venant
appuyer l'idée déjà ancienne d’un apport de diastases par le spermatozoïde dans
la fécondation normale. Etant donnée la richesse en diastases du cytoplasma
des globules blancs, on peut se demander si le rôle des éléments inoculés par le
stylet en parthénogénèse expérimentale ne consisterait pas en un apport de
diastases, rôle catalytique qui se concilierait aisément avec l'hypothèse de
BATAILLON.
Selon l'abondance ou la qualité de ces catalÿseurs on comprendrait la mortalité
plus cu moms grande daus tel ou tel cas, et en tout cas indépendante de la
quantité de chromatine.
1SS PR, HOVASSH
Réqulations anormales. — L'étude des régulations anormales
vient du reste confirmer cette hypothèse. Un premier groupe
d'ébauches, présente en effet une régulation qui est certaine -
ment tardive, en raison de son manque de généralité.
Fig, IX. — A, portion de la région inférieure de la corde dorsale. Les noyaux
de droite sont plus de deux fois aussi gros que ceux de gauche. B et C,
noyaux de la région vitelline. Une portion de cette même région où la
laille des noyaux est inconstante X 300.
Etudions comme exemple un têtard de 8 jours, d'aspect exté-
rieur normal, chez lequel la majorité des cellules présente le
nombre de chromosomes haploïde. L'épiderme est presque tout
ig. X. — Embryon hypochromatique. Vue polaire d'une division.
5 chromosomes divisés longitudinalement x 1000.
entier constitué par des cellules ayant n chromosomes: L’axe
nerveux, au niveau du cerveau présente sur sa moitié droite
une zone importante avec de gros noyaux, ayant 2n chromoso-
ÉTUDE DÉS CHROMOSOMÉS 184
mes (fig. IX, A). Dans la masse de cellules vitellines de la
région intestinale, du côté gauche cette fois, on trouve de même
un ilot à noyaux diploïdes (id. B) entouré de toutes parts par
des noyaux haploïdes (id. C). On retrouve les mêmes ilots çà
et là, dans diverses régions ; on les reconnait facilement, même
au faible grossissement, par suite de la densité des noyaux, plus
forte là où se trouve le stock haploïde. Dans une région de cel-
lules vitellines nous avons trouvé mème une zône où, malgré
l'apparence normale des mitoses, les diamètres nucléaires
Fig. XI — Embryon hyperchromalique. Deux dessins successifs d'une
métaphase en vue oblique. Approximativement 80 chromosomes.
oscillent d'une taille à Fautre avec tous les intermédiaires
(fig. IX, D).
Deux autres sortes d'anomalies, observées plus exceptionnel-
lement que les précédentes, ont trait à des nombres soit plus
petits, soit plus élevés que les nombres n où 2n.
Deux blastulas de 16 et 19 heures nous montrent un exemple
du premier cas. L’une est particulièrement nette à cet égard :
la majeure partie de ses cellules présente un nombre très faible
de chromosomes, variant de 3 jusqu'à 9 (fig. X). Le reste de
Pébauche, incomplètement segmenté parait avoir le nombre n.
Dans la région normale le nombre des cellules est beaucoup
15
190 R. HOVASSHE
plus élevé qu'ailleurs. La longueur des fuseaux est plus faible
que celle des fuseaux haploïdes.
L'exemple d'embryons à nombre plus grand que 2n nous
est offert par une autre blastula du même âge (15 h. 30 d’évo-
lution) qui présente des noyaux en division dans lesquels le
nombre des éléments chromatiques s'élève à 8 ou 9 fois le
nombre n. Sur la métaphase représentée ici seulement par
2 coupes (fig. XI) on compte de 80 à 100 segments. La taille
et l’aspect de ceux-ci est normale, il n’y à parmi eux aucun
bloc chromatique informe pouvant nous faire penser qu'il y à
mélange avec de la chromatine introduite par le stylet. La
dimension des fuseaux est élevée, mais sa longueur ne paraît
pas directement proportionnelle au nombre des chromosomes.
Le nombre des blastomères est à peine inférieur à celui des
autres ébauches du même âge. |
L'existence de ces ébauches anormales est particulièrement
intéressante au point de vue de la Biologie (Générale : elle
marque l'identité probable du mécanisine régulateur dans les
différents groupes, puisque, au moins pour ce qui concerne les
ébauches à nombre de chromosomes plus grand que normal,
la même anomalie se présente chez les Oursins (cf. p.174), chez
les Hyménoptères (p. 172) et chez lé Oiseaux (p. 173).
CHAPITRE V
LE MÉCANISME RÉGULATEUR (1 PARTIE)
1. Historique. Cas de l’oursin. Cas de la grenouille
E.-B. Wirsox, à qui nous devons les premières recherches
cytologiques importantes sur les œufs parthénogénétiques de
l'Oursin (1901), à signalé l'existence chez certains œufs d’un
stade dit #270naster, caractérisé par un centre d'irradiation très
important, qui ne se divise pas et autour duquel, régulièrement
et cycliquement, à quatre ou cinq reprises, les chromosomes se
segmentent, finissant ainsi par atteindre un nombre considérable.
Bovert (1905) revoit les monasters et Les prend pour base d’une
explication du doublement des chromosomes dans certains cas
qu’il considère du reste comme exceptionnels. Herzanr (1914) et
Bracner (1916) ont repris plus récemment la même idée, et
expliquent ainsi la possibilité d'une régulation.
Imagimons en effet qu’un traitement parthénogénétique con-
venable soit appliqué à l'œuf avant que le monaster n'ait fonc-
tionné : la segmentation donnera naissance à un embryon
ayant le nombre réduit. Si l’on retarde le moment d'action
du même traitement, on pourra déclancher la segmentation
après seulement que le jeu du monaster aura doublé le nombre,
ou même quil laura quadruplé. On obtiendra ainsi des
embryons ayant le nombre normal ou même un nombre dou-
ble de celui-ci, c'est-à-dire ce qui se constate en réalité.
Drissca (1904) à accepté cette hypothèse, telle que la donnait
déjà Boveri, mais en doutant qu'elle parvienne à expliquer
toujours la régulation. Pour lui en effet, et cet avis parait aussi
celui de Wirson, le monaster est un état pathologique. Il se
demande comment expliquer par lui le nombre assez considé-
rable des larves régularisées et leur caractère sain.
Il nous semble également possible de faire à cette hypothèse
{09 R. HOVASSE
de la régulation par lintermédiaire des monasters, plusieurs
reproches.
Cytologiquement on a toujours constaté que ce stade marque
une impasse, que les œufs à monasters n'évoluent pas plus loin.
C'est tout du moins ce qu'il ressort du travail de Wirsow, de
celui de Boveri, de ceux plus récents de Vera Daxcaakorr (1916)
et de HEerzanr (1919), c'est-à-dire de tous ceux qui ont étudié
la question. L'hypothèse nous semble donc tout d'abord quel-
que peu gratuite.
D'autre part, à l'aide des méthodes de parthénogénèse
employées chez l’oursin, toutes #éthcdes à deux temps (Méthode
de Lors, de Decae), il ne s'écoule jamais entre ceux-ci un inter-
valle suffisant pour que un ou plusieurs cycles monastériens
puissent s’accomplir. On n'arrive pas non plus à comprendre,
étant donnée la régularité que l’on connaît aux cycles astériens,
que l'on puisse avoir dans le même élevage, autre chose qu'une
seule variété d'embryons, soit à #, soit à ?n, soit à un plus
grand nombre de segments. L'expérience de Daiesca (p. 174)
donne, nous le savons, des résultats tout autres puisque côte à
côte, on obtient des embryons à #, 2n, {n, et intermédiaires.
L'hypothèse de Bovert ne nous semble donc pas suffisante
chez l’oursin. |
Chez la grenouille, BarTaiLzon à retrouvé les monasters,
HerLanr les a étudiés, et a décrit là les mêmes phénomènes que
chez l'oursin : des cycles astériens réguliers par l'intermédiaire
desquels le nombre s'élève régulièrement. Peut-on les invo-
quer pour expliquer la régulation ? |
D'après HErLanT le cycle monastérien se décrit avec la même
vitesse que celui d'une mitose normale. À notre température
d'expérience (voisine de 13°) la première division n'a lieu qu'au
bout de 4 heures, la deuxième au bout de 5 à 6 heures. Géné-
ralement au bout de 7 heures, les noyaux sont en division et
vont donner 8 blastomères. Suivons la marche des phénomènes
quand il se forme un monaster. À heures après l'activation, 1l
est au repos avec Le nombre 2n de chromosomes. Que pour
une raison qu'il faudrait du reste préciser, le monaster fasse
place à un diaster, et on aura au bout de 6 heures, de 5 heures
même en prenant le chiffre le plus bas, et après seulement,
2 blastomères avant 2n chromosomes. À 7 heures, nous
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 193
n’aurons pas plus de 4 blastomères qui ne commenceront pas
encore à se diviser, En d'autres termes il doit exister, dans l'hy-
pothèse du monaster, un retard initial, facile à percevoir, en
raison de sa durée, qui doit être d'au moins deux heures. En
fait, tous les retards que l’on observe ne dépassent pas une
demi-heure. D'autre part nous savons que l'examen des coupes
révèle au bout de 7 heures une morula aussi avancée que dans
le cas normal, bien que ses noyaux soient régularisés. Nous
nous sommes bornés ici au cas normal le plus favorable à l'hy-
pothèse de Bovert, si nous faisons le mème raisonnement pour
cet œuf étudié plus haut ayant une centaine de chromosomes,
ilne devrait pas au bout de 15 h. 30 avoir plus de 16 blasto-
mères alors qu'il en à au moins cinq fois autant.
Du reste, contre-partie de l'argument précédent, il existe
dans nos élevages des œufs chez lesquels la segmentation s'est
faite manifestement en retard sur celle des autres œufs, ce qui
se reconnait facilement, à la taille des éléments, en retard d'un
clivage. Chez ces œufs il nous est arrivé de trouver parfois le
nombre diploïde, mais tout aussi bien le nombre réduit.
Par l'étude des croisements hétérogènes réalisés avec des
spermatozoïdes irradiés, et qui constituent parfois un véritable
procédé de parthénogénèse, G. Henrwié (1918) arrive, bien que
moins explicitement, à une conelusion analogue ("). [obtient
aussi deux sortes de larves ayant le nombre n et le nombre 2n
(établis par des mesures nucléaires). Dans une expérience où il
est certain dene pas avoir d’amphimixie, utilisant des spermato-
zoïdes irradiés pendant 4 h. 30 au mésothorium, 1l ne reconnait
pas de retard au début du développement des régularisés, et
repousse également l'hypothèse des monasters.
L'hypothèse de Boveu-Herzanr ne nous semble done pas devoir
étre maintenue, tout du moins sous une forme aussi absolue.
Qu'il arrive à la suite d’une einèse avortée un doublement du
nombre dans une cellule, cela nous parait très vraisemblable,
{!) Dans certaines expériences G. HenrwiG reconnait l'existence d'un retard
initial, et constate que les œufs qui le présentent régularisent leur nombre de
chromosomes. Rien ne lui prouve qu'il n’a pas eu là amphimixie : il opère
en effet avec des spermatozoïdes peu altérès. Seule l'expérience que nous
donnons dans le texte lui semble certaine à ce point de vue. Cependant PauLa
HerrwiG dans la revue “itée plus haut (p.174, note 1) et que nous ne connaissons
que depuis peu, dépassant les conclusions de son frère, ne tient pas compte de
ses restrictions, et insiste beaucoup plus que lui sur l'hypothèse du monaster.
194 R. HOVASSE
mais l'explication n’est pas générale et ne s'applique que dans
des cas particuliers et sans doute aussi exceptionnels.
Dans le travail de Lécaizrox, cité plus haut, et où l’auteur
admet tout d'abord que la segmentation s'effectue avec le nom-
bre diploïde, il semble au premier abord qu'il y ait régulation
indéniable. En réalité, comme nous l'avons indiqué, le premier
fait est discutable. Lécaizzox l'interpète en supposant une
absence de réduction numérique pendant la maturation des
œufs vierges, hypothèse qui semble contredite par la consta-
tation suivante.
SONNENBRODT (1908) qui étudie avec soin la maturation de la
poule donne comme nombre réduit 11 ou 12, c'est-à-dire jus-
tement le nombre que LécaizLoN considère comme diploïde.
Comme d'autre part ce dernier auteur ne nous parle pas
d'étude de témoins fécondés, le fait reste à vérifier. Par contre
le second fait, indéniable celui-là, d'une augmentation du nom-
bre jusqu'à des chiffres voisins de 100 est intéressant à consi-
dérer. L'auteur indique que l'augmentation est en rapport avec
l'existence de figures pluripolaires, sans parler explicitement
d'une relation de cause à effet entre la cinèse déréglée et le
nombre élevé de segments. Remarquons simplement qu'une
mitose pluripolaire ne peut causer une augmentation du nom-
bre dans une cellule fille, qu'au détriment d'une autre cellule.
On devrait donc trouver, à côté des blastomères ayant le nom-
bre augmenté, d'autres l'ayant diminué. LécaizLon ne semble
pas l'avoir recherché. Nous ne reviendrons pas sur ce méca-
nisme, qui n'est non plus pas une impossibilité, mais ne doit
fonctionner que dans des cas exceptionnels et pathologiques.
Pas plus que le précédent il ne saurait expliquer la régulation
totale et physiologique des œufs de Grenouille.
2. Le matériel étranger (!)
Avant d'aborder le mécanisme de la régulation du nombre,
il convient d'envisager deux causes que l'on peut invoquer
pour expliquer le phénomène de la Régulation.
{‘) Nous employons ce terme vague de préférence à tout autre parce qu'il ne
préjuge en rien de la nature active, cytoplasmique ou nucléaire, de ce que le sty-
let de platine introduit dans l'œuf.
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 195
On sait qu'en parthénogénèse naturelle il arrive que le
second globule polaire ne soit pas émis par l’œuf, mais se
refusionne avec le noyau femelle, selon l'exemple classique de
l’Artemia étudiée par Brater (1899), phénomène que plus
récemment Bücaxer (1911) a constaté chez l'étoile de mer, en
parthénogénèse expérimentale cette fois. G. Herrwie (1918)
invoque cet exemple pour comprendre la régulation dans les
expériences relatées plus haut.
BATAILLON a répondu lui-même à cette question et recherché
le second globule polaire sur ses coupes. Il l'y a toujours
retrouvé. Nous l’avons pour notre part constaté à deux repri-
ses; c'est un travail difficile et c'est ce qui explique ce petit
nombre. Mais, il est un autre argument plus important que
nous pouvons faire valoir : c'est la variation du pourcentage
des œufs régularisés au cours du développement qui exclut
l'idée de l'autofécondation initiale. On sait d'autre part que
chez l’oursin, les deux globules polaires sont émis avant que
soit appliqué le traitement parthénogénétique.
BaTaiLLoN a montré que la piqüre de l'œuf occasionnée par le
stylet de platine n'agissait pas comme simple traumatisme phy-
sique, mais introduisait dans l’œuf un certain matériel étranger,
sans lequel Le développement est totalement impossible.
N'y aurait-il pas contribution directe de ce matériel au dou-
blement du nombre par suite d’une fusion de ce matériel avec
le pronucléus femelle, à condition que ce soit un produit d’ori-
gine nucléaire. ?
A priori on peut s'attendre à ce phénomène : les expériences
de croisement hétérogène type Sphærechinus X< Chætopterus,
montrent à Gopzewsky qu'il peut dans ce cas y avoir amphi-
mixie avec augmentation du nombre, sans préjuger du reste
de ce qui se passera par la suite. On sait d’autre part que
l'augmentation du nombre à lieu chez l'oursin, les insectes ou
la poule sans la moindre amphimixie; on peut donc s'attendre
tout aussi bien à une non-contribution.
Faisons tout d'abord connaissance avec le matériel étranger,
sans nous inquiéter de son rôle en tant que déclancheur du
développement.
BarTaiLLox l'a présenté comme un noyau de leucocyte, et l’a
pris pour base de son hypothèse de la caryocatalyse (1912). II
196 R. HOVASSE
lui est arrivé même de le retrouver presque intact à l’extrêémité
de la trainée pigmentée qui marque l’emplacement de la piqûre
(1919). Le plus souvent il s’agit d’un ou de plusieurs blocs chro-
matiques sans forme bien reconnaissable, qui s'entourent d'un
srand nombre d'asters accessoires. Il nous est arrivé de retrou-
ver dans nos œufs des érythrocytes parfaitement reconnaissa-
bles (fig. XID), dont le cytoplasma semble parfois en voie de
dissolution dans l'œuf, le noyau étant en pyenose. Nous figu-
Fig. XIL -- Matériel inoculé en voie de division ? En À un érythrocyte de
grenouille au même grossissement, à titre de comparaison. Remarquer
l'identité de taille existant entre cet élément et celui compris en B dans
le matériel inoculé X 900.
rons un de ces groupes où l'on reconnait très nettement au
moins deux érythrocytes. À titre de comparaison nous avons
dessiné un de ces éléments normaux en À, au même grossisse-
ment. Nous avons également observé un noyau de leucocyte
parfaitement reconnaissable à sa forme en bissac, et entouré
d’une zone cytoplasmique acidophile où se retrouvent d'autres
blocs en voie de dissolution (PI. T, fig. 11).
Comme l'indique BarazLox, souvent le matériel étranger est,
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 197
lors du premier clivage isolé du reste de l'ébauche par un sillon
spécial (division en 3) (Fig. XHT). Néanmoins le reste de l'œuf
évolue parfaitement et peut aboutir à une blastula partielle,
accolée au blastomère isolé, qui est incapable de développe-
ment. Il n'y a donc certainement pas d’amphimixie. On con-
state que, au cours du clivage le matériel ne disparait pas :
nous l'avons retrouvé au bout de 24 heures à peu près intact
isolé sur un blastomère spécial.
Nous ajouterons à la constatation de Baraizon que dans les
blastulas partielles il peut y avoir ou non régulation.
BaTaiLLon fait valoir un argument d'ordre physiologique cette
fois : Les œufs de Bufo fécondés par du sperme de Rana tempo-
raria ne se développent jamais plus loin que la blastula. Or
dans ce cas 11 y à amphimixie. Comme
au contraire les œufs piqués par du
sang de grenouille sont capables de
se développer parfois très longtemps,
il lui parait que ce fait n’est possible
que s’il n’y a pas eu amphimixie.
Il y a cependant des exceptions in-
téressantes. Tout d'abord, :il arrive
que, sous l'influence des asters acces-
soires dont il est toujours entouré, le Fig: XIE — OEuf parthéno-
NF SEC sie NE génétique divisé en trois.
matériel étranger se divise, tout à fait Romarauerl'extreéovatour
irrégulièrement d'ailleurs. La divi- l'emplacement de la pi-
sion ; simple séparation mécanique de dure X 18.
sa masse, fournit deux ou plusieurs fragments qui peuvent
même s'isoler sur des blastomères spéciaux.
Parfois les divisions du bloc chromatique se produisent entre
un nombre considérable de pôles. Il arrive, principalement
quand l'évolution de l'œuf est déjà avancée (blastula ayant
15 ou 16 heures d'évolution), que des chromosomes se répar-
tissent sur ces fuseaux compliqués, associés à des blocs infor
mes (Fig. XIV). Cette transformation est-elle susceptible de se
continuer et de mener à des cellules normale, le fait parait
bien improbable et nous pensons plutôt que la chromatine
étrangère doit finir par être éliminée, comme Goprewsky le
signale chez l'oursin dans les fécondations hétérogènes.
Nous avons constaté sur une morula de 16 heures une figure
198$ R. FOVASSE
intéressante à ce point de vue (Fig. XV). Le retour polaire est
achevé presque complètement mais contrairement à ce qui a
lieu normalement, Les enclaves ne sont pas revenues sur l’équa-
teur du fuseau, dont Les fibres achromatiques sont encore ren-
flées en forme de tonnelet. Tandis que sur Ia moitié de la figure
représentée à droite, les anses chromatiques ont l'aspect nor-
mal, à l’exception d'une seule située dans la couronne supé-
Fig. XIV. — Division irrégulière du matériel iñoculé. Remarquer la présence
de blocs informes et de sortes de chromosomes La figure comporte
encore 3 autres pôles dans un autre plan X 500.
rieure et qui est beaucoup plus épaisse que les autres, la partie
gauche du fuseau est occupée dans la région de l'équateur par
une série de blocs chromatiques dont certains s’étirent plus ou
moins vers les pôles. IL y a certainement là un reste de
matériel étranger, peut-être éliminé par la cellule, mais dont
cependant certains éléments semblent prendre part à la divi-
sion au même titre que les segments normaux. Aucun des
autres noyaux de l’ébauche ne semble présenter le même phé-
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 199
nomène. Si donc, comme cela semble le plus normal, la figure
dénote une amphimixie antérieure, celle-ci n'a pas eu lieu au
début de la segmentation, mais plutôt tardivement, dans un
seul blastomère. À moins qu'il n’y ait eu formation de novo de
chromatine en rapport avec le caryoplasme du noyau inoculé,
hypothèse moins vraisemblable que la précédente.
Fig. XV. — Anaphase montrant à côté de chromosomes normaux des blocs
informes ou des chromosomes provenant du matériel inoculé.
Nous avons observé par contre un autre cas où l’amphimixie
semble s'être produite de bonne heure dans le développement.
Une blastula partielle, du même àge que la précédente nous a
montré dans la plus grande partie de ses éléments une série de
troubles de segmentation qui rappellent ceux de l'œuf précé-
dent avec en plus un caractère de généralité assez prononcé,
200 HR. HOVASSE
Presque toutes les divisions sont irrégulières soit parce que le
nombre de leurs pôles est plus élevé que d'habitude (3,4 et
plus), soit parce que les éléments chromatiques normaux sont
en faible proportion, étant accompagnés par des blocs anor-
maux plus ou moins gros. Le nombre des chromosomes des
.mitoses à peu près normales est inférieur au nombre »#. Enfin
les noyaux au repos présentent eux-mêmes des particularités
curieuses. Certains montrent un volumineux nucléole très
chromatique qui ne se trouve jamais dans les autres œufs
(Fig. XVI, A), d’autres plus rares possèdent deux parties dis-
tinctes par l'aspect que leur
a donné le fixateur : l’une plus
foncée, occupée par un réseau
à mailles fines, complètement
dépourvue de blocs chroma-
tiques. Au contraire ceux-e1
abondent dans la partie voi-
sine beaucoup plus claire, et
dont le réseau est à grandes
mailles (Fig. XVE, B). Il sem-
Mig. AVE Noyaus éxceplonnels Ve US én euieisse ie dite
provenant d'un œuf où il y a eu LR : Hu
fusion du pronueléus avec le maté- tement l'existence d'une ditié-
riel étranger. En A nucléole excep- rence de composants. Sans au-
de pen M AM œun doute possible l'œuf en
question à dû de très bonne
heure avoir son matériel nucléaire fusionné à celui qu'a
introduit le stylet, et bien qu'il s'agisse de matériel provenant
de la même espèce — l'œuf a été piqué avec du sang de Gre-
nouille —, il y à incompatibilité entre Les substances chromati-
ques de ces éléments.
Quoiqu'il en soit, il ne semble pas que le fait soit commun.
Si l'amphimixie existe dans certains cas exceptionnels, elle n'a
pas d'influence sur le nombre des segments chromatiques.
A cette restriction près, le matériel étranger ne joue aucun
rôle direct, sans préjuger, bien entendu de son rôle possible
de catalyseur.
CHAPITRE VI
LE MÉCANISME RÉGULATEUR
(SECONDE PARTIE)
1 L'augmentation de la chromatine nucléaire
dans les noyaux haploides
À. Noyaur géants et division anaphylactique. — La régu-
lation s’effectuant encore au moins pendant le début de la seg-
mentation, nous avons cherché à en surprendre le mécanisme.
Dans cette voie nous n'avons recueilli que peu de documents.
Fig. XVII. — Noyau géant.
mais assez importants cependant pour nous permettre de choisir
entre les diverses possibilités théoriques, celle qui répond le
mieux aux faits.
Le premier document est du domaine de la pathologie cellu-
laire, et a trait aux noyaux géants que nous avons signalés
en 1920. Ces noyaux (fig. XVII), se rencontrent dans des
202 BR. HOVASSE
conditions assez diverses, mais généralement dans des œufs ou
des portions d'œufs périclitant nettement. Ils semblent s'être
formés aux dépens des noyaux ordinaires qui ont grossi, sans
se diviser, jusqu’à devenir énormes. Ils sont extrêmement char-
gés en chromatine et représentent certainement la substance de
très nombreux noyaux. Nous avons pensé tout d'abord que ces
éléments étaient en rapport avec le matériel étranger inoculé
dans l’œuf. Il n’en est certainement rien, nous les avons obser-
vés également chez des embryons obtenus à l’aide de solution
salines hypotoniques, c’est-à-dire dans un cas où il n’y a euaucun
matériel figuré introduit dans l'œuf. Ils semblent plutôt compa-
rables aux noyaux qui accompagnent les monasters, avec cette
différence que n’en ayant jamais trouvé manifestant une acti-
vité mitotique quelconque, nous pensons que leur grossisse-
ment a dû être continu. En tout cas ils nous montrent une aug-
mentation certaine de la quantité de chromatine du noyau.
Le deuxième et dernier document à trait à un phénomène
plus normal. Un embryon de 16 heures d'évolution, ayant le
nombre haploïde de chromosomes, montre, au moment du
retour polaire, une division anaphasique particulièrement pré-
coce et nette (fig. XVIIT).
Avant déjà étudié des centaines de divisions au même stade
et qui ne présentaient rien d’analogue, le fait nous a quelque
peu surpris. Nous avons repris nos préparations dans un but de
vérification en y recherchant les mêmes figures. Aucun œuf
régularisé ne nous à montré rien de semblable, mème tout à
fait à la fin de la division. Par contre nous avons retrouvé un
clivage anaphasique dans un autre œuf non régularisé (°) (PI.
Il, fig. 15). Une couronne anaphasique en vue polaire montre
avec une grande netteté ses anses divisées, mais beaucoup plus
intimement appariées que dans la première. Il s'agit aussi
d'une anaphase moins avancée.
Nous avons done deux cas dans lesquels par une seconde
division au cours de la même mitose, le nombre des anses
se trouve doublé. On pourrait imaginer facilement que les
anses résultant de la division se séparent les unes des autres,
() Nous croyons également l'avoir constaté chez un de nos œufs à nombre très
faible de chromosomes, mais nous n'avons pu décider avec certitude s'il s'agit
d’une division anaphasique ou d’un clivage prophasique précoce (fig. X).
ÉTUDE DES CHROMOSOMÉS 3203
et l’on aurait une cellule avec le nombre normal d'anses chro-
matiques, telle serait tout au moins, l'hypothèse la plus simple
qui vienne à l'esprit. Reste à savoir ce que vont devenir ces
anses anaphasiques pendant la fin de la division.
B. La t‘lophase dans les miloses de segmentation de l'œuf de
grenouille. — Les anses chromatiques arrivant à l'extrémité du
fuseau, dans la zone vacuolaire et très large primitivement qui
représente l'emplacement des sphères attractives devenues
indistinctes (PI. IL, fig. 13), sont très écartées les unes des autres,
Fig. XVII. — Division anaphasique £ans un œuf ayant le nombre réduit.
éloignées souvent de plusieurs microns, On les voit alors se gon-
fler chacune pour son propre compte (fig. XIX). Bientôt elles
sont devenues de petits cordons irréguliers qui conservent la
longueur primitive des chromosomes, mais perdent leur aspect
massif. Ce sont des vacuoles allongées remplies d’un liquide
clair qui peu à peu devient acidophile. Elles sont bordées par
une paroi encore épaisse. Le gonflement continue ; la paroi des
vacuoles s’amineit de plus en plus, présentant cependant çà
et là des parties qui restent épaisses et vivement safranophiles ;
204 R. HOVASSE
résidus chromatiques qui disparaissent ensuite progressive-
ment. Si l'on a sous les yeux une coupe transversale de l'ana-
phase, on peut compter avec une netteté parfois très grande
autant de vacuoles qu'il y avait de chromosomes précédemment
(PI. I, fig. 16 A), chaque vacuole étant complètement dépour-
vue de corps figurés dans son intérieur. De plus en plus elles
tendent à prendre la forme sphérique, mais se gênent mutuel-
lement les unes les autres, et il en résulte des fusions (fig. 16 B).
Le nombre des masses diminue progressivement, finalement
il n'y en a plus qu’une, irrégulière, boursouflée, ne ren-
fermant rien dans son intérieur qu'un liquide qui se colore
Fig. XIX. — Début de télophase X 1000.
difficilement, et limitée extérieurement par une membrane
extrêmement tenue : C’est le noyau au repos (fig. 16 C).
La télophase est donc ici avec une netteté particulière, une
véritable dissolution de la substance chromatique, non pas à
l’intérieur d’une membrane nucléaire reformée à l’avance, mais
une dissolution dans le mélange caryoplasme-cytoplasme, et
dont résulte la formation de la membrane, qui semble n'être en
fin de compte qu'une pellicule de tension superficielle entre
deux milieux non miscibles (1).
{t) Considérer la membrane nucléaire comme une simple pellicule de tension
superficielle peut sembler discutable. On connaît en effet des cas où la membrane
nucléaire au lieu d’être une simple pellicule présente une épaisseur indéniable,
et peut même être colorée à l’aide d’une technique appropriée.
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 20
On sait tout le parti qu'a voulu tirer au point de vue théori-
que A. Denonxe des divisions anaphasiques constatées par lui
dans les éléments sexuels et somatiques de certaines Annélides,
et à la suite desquelles il aurait suivi les anses divisées et appa-
riées pendant tout Le repos mitosique, pour les voir se séparer
ensuite sur le fuseau de la division suivante.
üen de semblable ici, la disparition des anses chromatiques
est complète. Du mème coup la division anaphasique se
dépouille de son caractère de finalité apparente. Le nombre des
chromosomes résultant de la division anaphasique dans nos
gastrulas parthénogénétiques ne peut rien signifier directe-
ment, concernant celui qui apparaitra au début de la division
suivante. Par contre, ce que la division anaphasique prouve
parfaitement, de même que précédemment les noyaux géants,
c'est un excès indéniable de la quantité de chromatine nucléaire
par rapport aux autres noyaux à # éléments, excès qui dénote
en toute évidence que chez certains œufs à nombre haploïde
son augmentation a été plus rapide que chez les autres, et
surtout que chez les œufs régularisés. Cet excès se traduit à
l’anaphase par un doublement du nombre, qui n'a en Iui-même
aucune importance immédiate puisque les éléments qu'il four-
nit disparaissent ensuite, mais qui vient nous renseigner sur la
richesse du noyau en chromatine.
2. Possibilité physico-chimique de l'augmentation
de la chromatine nucléaire chez les noyaux haploides
A. Les réserves de chromatine de l'œuf.— On sait que pendant
la durée de la segmentation de l'œuf, la masse des noyaux ne
cesse de s’accroitre, sans doute aux dépens de Ia masse eyto-
Le fait s'explique facilement au point de vue physique par la loi de l’adsorption.
D'après Gisss, si un corps dissous abaisse la tension superficielle d’un solvant, il
tend à s’accumuler à sa surface C’est l’adsorption positive. Or l'accumulation
peut aller jusqu’à determiner la précipitation du corps dissous, à la surface, sous
la forme d’une membrane plus ou moins épaisse. A titre d'exemple, citons le cas
du violet de gentiane et d'autres colorants analogues qui abaissent la tension super-
ficielle de l’eau et dont les solutions aqueuses se recouvrent à la longue d’une
‘telle membrane, bien connue des histologistes.
Comme le noyau est une solution complexe, il est très possible qu'il s'accumule
à sa surface, dans des conditions certainement très particulières, mais que l’on
peut prévoir à l’avance, une membrane ayant une origine analogue.
14
206 ‘ R: HOVASSE
plasmique (Gopzewsky 1908). Il semble que la quantité d'acide
nucléique, composé le mieux défini parmi les produits nucléai-
res, doive augmenter proportionnellement dans l'œuf, vraisem-
blablement par suite d'une synthèse. Or il est possible de
caractériser chimiquement l'acide en question, par exemple en
dosant son Phosphore ou son Azote purique. Masixe (1910) puis
SCHAKELL (1911) se sont livrés tous deux à cette étude chez
l’oursin, obtenant indépendemimnent l'un de l'autre des résul-
tats concordants. Masixe effectue Les dosages ci-dessus indiqués
tantôt avant la fécondation, tantôt après elle et avant la segmen-
lation, tantôt enfin chez l'embryon ayant de 500 à 1.000 éléments.
Ses résultats sont particulièrement curieux. En effet la fécon-
dation qui double cependant le volume nucléaire, n'augmente
que de 1/8 la quantité d'acide nucléique de l'œuf. À partir de
là, cette quantité reste constante pendant tout le début de la
segmentation (‘), elle ne semble augmenter que très tard La
conclusion qui se dégage de son travail est que, pendant toute
la première segmentation, l'œuf n'effectue aucune synthèse de
chromatine, l'acide nucléique qu'il utilise pour augmenter sa
masse nucléaire, existe déjà dans l'œuf non segmenté où elle
est vraisemblablement contenue dans le cytoplasma. D'après
ces chiffres il est facile de connaître relativement la valeur de
cette réserve cytoplasmique. En effet après la fécondation le
noyau de l’œuf se trouvant doublé, on peut admettre qu'il ren-
ferme autant d'acide nucléique que le noyau mâle, soit égale-
ment 1/8 de la masse totale. Les 3/4 de Ia masse totale se
trouvent donc dans le cytoplasme. Sous quel état S'y trou-
vent-ils ?
B. Solubilité de la chromatine dans le cyloplasme.— La chro-
matine des histologistes n’est pas un composé chimique nette-
ment défini. Il est malaisé de dire à quel produit elle corres-
pond exactement.
Après fixation, 1l semble que la chromatine soit constituée
tantôt par un nucléoprotéide, tantôt par une nucléine, tantôt
enfin par de l'acide nucléique, selon l’activité chimique plus ou
moins grande des réactifs employés. La chromatine du matériel
() FauRé-Frémier à fait également une constatation analogue chez l'Ascaris
(Arch. Anal. Microsce., t. 15, 1913),
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 207
frais serait un nucléoprotéide qui se dissocierait par la fixation
en ses éléments, selon le schéma de Kossez (Nucléoprotéide
— Albumine + Nucléine. Nucléine = Albumine + Acide nucléi-
que).-Tous ces composés sont au moins légèrement solubles
en milieu alcalin. Or, on sait que telle est la réaction normale
du protoplasme.
On connaît du reste un certain nombre de faits, où l'on peut
interpréter comme une dissolution très fente la disparition de
fragments de chromosomes dans le cytoplasme. Tel par exem-
ple la disparition chez l'Ascaris des fragments de chromosomes
qui s'éliminent du novau pendant les divisions de diminution
(transformation de cellules de la lignée germinales en cellules
somatiques).
Il faut donc admettre que la chromatine est, au moins sous
une faible part, soluble dans le cytoplasme. Il y a là une pro-
priété très intéressante à considérer.
Au point de vue théorique en effet, une solubilité faible de la
chromatine dans le cytoplasme parait nécessaire pour com-
prendre au début de la cinèse la lenteur de l'apparition des
chromosomes ainsi que celle de leur disparition à la télophase.
Suivons à ce point de vue l'exposé de Decra Vazze (1912). Au
moment de la mitose, la chromatine forme une phase distinete
vis-à-vis du protoplasma cinétique, c’est-à-dire avec le mélange
cytoplasme-caryoplasme. Entre les mitoses, elle est dissoute
dans le caryoplasme, forme donc une phase homogène avee lui,
distincté du reste du cytoplasme.
Quelle est l’origine de cette différence ? IL s'arrête à cette
hypothèse qu'elle doit consister en un élément X, substance per-
turbatrice de l'équilibre intercinétique, qui, augmentant dans
la cellule, détermine en même temps un accroissement de là
solubilité du caryoplasme dans le cytoplasme. Il en résulte
tout d’abord le gonflement du noyau, puis progressivement
l'apparition de la chromatine qui se sépare en une phase dis-
tincte, étant moins soluble dans le mélange que dans le caryo-
plasme seui. La membrane se dissipe ensuite dès que le
mélange eyto-caryoplasme a atteint la même concentration
dans le noyau et en son voisinage immédiat. Enfin la dispa-
rition de l’élément perturbateur dans la deuxième partie de
la mitose produit des phénomènes inverses qui rendent compte
de la dissolution télophasique.
205 R. HOVASSE
La chromatine, peu soluble dans le cytoplasme, doit s'y trou-
ver en toute vraisemblance sous forme figurée.
C. La chromatine uwitracytoplasmique où cytochromatine. —
Par des méthodes purement cytologiques cette fois, on à pu
mettre en évidence dans le cytoplasme des œufs vierges une
certaine quantité de chromatine. Jaxixa Bury (1913) à ainsi
reconnu dans le cytoplasme de l'œuf d'oursin des corps figurés
ayant les caractères de coloration de la chromatine. Au cours de
la segmentation elle à pu suivre ces éléments et les voir diminuer .
Fig. XX. — Disparition de la vésicule germinalive dans le cytoplasma de
l'œuf, En À accomplissement du phénomène. En B son résultat.
progressivement pour enfin disparaitre. Vera Daxcnakorr (1916)
a retrouvé ces mêmes formations qu'elle considère également
comme de la chromatine extranucléaire. L'auteur semble igno-
rer les recherches de Masix6, ce qui donne encore plus de
valeur à ses constatations (!).
Chez la grenouille, BaraiLLox à trouvé il y a déjà longtemps
(1905) chez des œufs se divisant après activation par les solu-
{ions salines, des granulations intracytoplasmiques qui lui ont
(:) HerLanr (1919) a contesté Jes observations de DaNcaakorr, sans du reste
apporter la preuve du contraire.
ÉTUDE DES. CHROMOSOMES 209
paru être de la chromatine formée de nov0o dans l'œuf. Rien de
surprenant qu'il s'agisse là aussi de chromatine normalement
présente dans le cytoplasme. Nous avons nous-mêmes constaté
en suivant la disparition de la vésicule germinative lors de la
maturation des mêmes œufs (fig. XX) que le contenu de
l'énorme vésicule devenu une masse pâteuse très basophile se
déverse à un moment donné dans le cytoplasme où il finit
par disparaitre. Il ne subsiste de l'énorme noyau qu’une toute
petite plage renfermant les chromosomes et sur laquelle s’or-
ganiseront les fuseaux de figures polaires. Sans admettre que
toute la masse déversée soit de la chromatine (elle est consti-
tuée surtout par des nucléoles), il est vraisemblable qu'elle en
renferme au moins une certaine quantité, qui, si elle n’est pas
l'origine même de la chromatine cytoplasmique contribuera tou-
jours à en accroitre la masse.
Telles étaient nos connaissances sur cette question de la chro-
matine extranueléaire au moment de la rédaction de ce travail :
tout récemment (1921) deux travaux importants sont venus les
enrichir. Le premier à trait justement au matériel qui nous
intéresse directement ici : FauRé-Frémiët et pu ViviER DE STREEL
analysant chimiquement l'œuf de Rana temporaria y reconnais-
sent l'existence de nucléoprotéides dans le cytoplasme, sous
la forme de tablettes vitellines. Dans un second travail Fauré-
FRrémier seul, retrouve ces mêmes nucléoprotéides sous forme
analogue dans l’œuf de Sabellaria alveolata. L'existence de chro-
matine dans le cytoplasma des œufs paraît donc avoir une cer-
taine généralité, qui vient incontestablement à l’appui de notre
exposé. L'existence de cette chromatine extranucléaire sous
forme fiqurée, à l’état de plaquettes vitellines présente égale-
ment un gros intérêt.
D. L'équilibre Cylochromatine — Caryochromatine. — Etant
donnée la solubilité de la chromatine dans le cytoplasme, la
présence de ces plaquettes nous indique une saturation du cyto-
plasme vis-à-vis de la chromatine qui v est contenue. D'autre
part ainsi que J. Bury l’a constaté directement chez lOursin,
cette saturation va sans cesse diminuant, en même temps que
l'œuf quise segmente activement, augmente sa masse nucléaire.
IL nous semble que ces deux variations en sens inverse
diminution de la chromatine dans le cytoplasme, augmentation
210 R. HOVASSE
de Ja chromatine nucléaire, ne sont autre chose que /4 mani-
festation d'un équilibre en voie d'établissement entre les deux
portions de la chromatine de l'œuf.
Berraecor et Juxércrisca (1) ont montré que si l’on dissout une
même substance dans deux solvants non miscibles, par exem-
ple de l'Iode dans l’eau et le sulfure de carbone, le rapport des
En de la substance dissoute dans les deux milieux
est constant : = — K. C'est là un cas particulier de la loi de
Fe
Distribution, qui se désigne sous le nom de Loi de partage.
Cette relation simple se complique quand il se produit soit
une combinaison entre la substance dissoute et l'un seulement
des solvants, soit quand le corps dissout se présente dans l’un
des solvants avec un état moléculaire différent de celui présenté
à l’intérieur de l’autre. Dans ces cas particuliers, seuls entrent
en ligne de compte dans létablissement de l'équilibre les
À Ant non combinées où non transformées. La relation
— 1
molécules combinées ou transformées (?).
Comme nous ne savons pas, à tout prendre, si la chromatine
se trouve exactement sous la même forme dans le cytoplasme
et le noyau, il est bon de s'attendre à une complication plus
srande (*). Il existe du reste une autre cause de divergence avec
la loi de partage. Nos solvants sont des colloïdes (*), la sub-
stance dissoute en est également un. Or la diffusion des colloï-
des dans les colloïdes est extrêmement lente, et, même en
devient : — K', ou x et y représentent les nombres des
invoquant les mouvements du cytoplasme qui doivent la favo-
riser, il semble que l'état d'équilibre sera très long à atteindre.
Le facteur /emps, qui n'a qu'un rôle accessoire dans un équili-
bre de solutions ordinaires devient important dans notre maté-
() BerTueLor et JuNGLFEIscH, Ann. de Chim. et Phys., T. 26, 1872.
{*) Pour plus de détails, voir les Traités de Chimie Physique.
() Il est probable que tel est bien le cas, puisque, au moment de la division,
quand le noyau est disparu, et que, dans la cellule, le milieu caryo-cytoplasme
est devenu l'unique phase continue, les formes figurées des chromosomes el des
plaquettes vitellines ne sont pas identiques.
(‘) C'est-à-dire des milieux hétérogènes. Cependant, élant donnée l'existence
d'une phase continue, il semble que l’on puisse faire abstraction des phases dis-
versées qu’elle tient en suspension, et, malgré leur importance puisque la taille
de leurs granules varie de la micelle colloïdale jusqu’à la plaquette vitellioe,
adimeltre que, rapidité en moins, tout se passe approximativement comme en
ruileu homogène,
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 2141
riel biologique. D'autre part, la masse nucléaire augmente sans
cesse, soit entre les divisions, soit par leur effet : l'un des deux
milieux considérés ne cesse de croître en importance. IF en
résulte que l'équilibre ne peut être que relatif, au moins dans
les conditions normales ; il l'est d'autant plus que la segmenta-
tion est plus rapide. Pour plus de simplicité dans notre exposé,
nous y négligeons cette complication et raisonnons comme si la
masse nucléaire était fixe, ce qui du reste n’altère pas la mar-
che des phénomènes considérés.
Ces restrictions faites, il semble que nous puissions envisa-
ger sur ces bases la possibilité d'une relation entre les deux
chromatines et comprendre ainsi par ce mécanisme purement
physique, qui s'applique d'ailleurs aussi bien à l'œuf parthéno-
génétique qu'à l'œuf fécondé, une augmentation de la chroma-
tine du novau au repos.
IL est important cependant de faire ici une distinction. La
relation décrite se conçoit facilement, si elle se passe entre les
deux chromatines, tant qu’elles se trouvent dans deux milieux
non miscibles, c'est-à-dire entre les périodes de division. Que
va-t-il se passer pendant la mitose ?
Au moment de la prophase un important change 2ment se pro-
duit (cf. p.207). On voit se séparer un nouveau milieu sous la
forme des chromosomes, tandis que le eytoplasme et le caryo-
plasme deviennent miscibles, phénomène qui à pour consé-
quence la disparition de la membrane nucléaire. Les chromo-
somes apparaissent ainsi, constitués vraisemblablement par une
phase riche en chromatine tenant en dissolution une quantité
variable de karyo-cytoplasme, comme nous autorise à le pen-
ser l'existence du substratum achromalique, maintes fois attri-
bué aux chromosomes (1).
Dans ce nouveau système, Æaryocyloplasne saturé de chro-
matine, chromatine saturée de karyocytoplasme, il ne semble
pas que l'on puisse envisager, au point de vue théorique, une
augmentation quelconque de la chromatine des chromosomes
aux dépens de celle du milieu qui les entoure, en admettant,
qu'il n'y à pas en même temps synthèse de chromatine (cf.
(*) Remarquons qu'il s’agit parfois sans doute aussi d’une albumine ou d'une
histone séparée du nucléoprotéide primitif par l’action du réactif fixateur (cf,
p.207).
212 R. HOVASSE
p.206) et que les conditions extérieures restent les mêmes.
Nous sommes en présence d'un cas analogue à celui d’un cristal
placé dans sa solution saturée, à température constante.
En fait il semble bien qu'il en soit ainsi. Nous avons conservé
pendant 2'mois (du 18 février au 20 avril 1921), à une tempé-
vature inhibant la ponte (de + 1° à + 5°), des grenouilles
ayant leurs œufs dans lutérus. Pendant tout ce temps leur
figure d'émisson du second globule polaire est restée en méta-
phase, et les chromosomes fixés après cette longue période se
sont montrés identiques à ceux tirés des figures normales.
La métaphase, sinon une grande partie de la mitose,
correspond donc à une phase d'équilibre rigoureusement sta-
ble, pendant lequel les échanges de chromatine font défaut.
Cependant, cet état ne se réalise pas brusquement: nous pou-
vons prévoir une période de transition, au début de la prophase,
au moins pendant tout le temps qu'il existe encore une mem-
brane nucléaire. IL est vraisemblable que alors, la possibilité
des échanges doit subsister, de plus en plus restreinte à mesure
que l’on se rapproche de la métaphase. Il est même possible,
étant donnés les mouvements du cytoplasme, exagérés à ce
moment par le développement des asters, que cette possi-
bilité d'augmentation ne soit pas négligeable (Cf. plus bas,
p. 215).
Cet exposé théorique nous amène donc au point même où
nous ont amené les faits. L'augmentation de chromatime
s’observe et se conçoit assez facilement. Reste à envisager ses
relations avec l'augmentation du nombre des chromosomes dans
l'œuf parthénogénétique.
‘)
5. La division longitudinale normale et le nombre
des chromosomes
La constatation d'une division anaphasique dans certaines de
nos ébauches à nombre haploïde, division qui ne semble difté-
ie la division longitudinale normale,
nous amène à envisager le mécanisme de celle-ci. Sans vouloir
rer que par son époque (
reprendre complètement cette question développée abondam-
ment par Dezca Vase (/. €. p. 212 et suiv.) nous nous bornons
à indiquer les résultats auxquels il parvient.
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 213
_ Les chromosomes doivent être soumis à la /o2 de taille limite,
c'est-à-dire que, une fois une certaine taille maxima atteinte,
ces éléments se divisent en deux nouveaux, suivant une direc-
tion constante, déterminée sans doute par leur structure
moléculaire, et certainement pour des raisons purement physi-
ques.
La plupart des formations cellulaires sont soumises à cette
loi : il en est ainsi, par exemple, pour les grains de vitellus,
les éléments des fibrilles musculaires, les cristaux de Reinke,
les chondriosomes et les leucites végétaux.
Rappelons à ce point de vue une expérience de physique qui
montre l’existence de cette loi dans le domaine inorganique.
Si l’on verse du Mercure progressivement sur une surface de
verre ou de porcelaine strictement polie et horizontale, on
forme une goutte qui est d'abord sphérique, sa tension super-
ficielle étant suffisante pour équilibrer l’action de la pesanteur.
À mesure que la taille de la goutte augmente, la surface crois-
sant moins vite que le volume, et que la masse qui lui est pro-
portionnelle, la tension superficielle ne peut plus équilibrer
l’autre force : la goutte se déprime. On arrive ainsi à une taille
limite à partir de laquelle, quelles que soient les précaution
prises, la goutte ne pourra plus grossir, elle se divisera en deux
ou plusieurs autres. On voit par cette expérience qu'une varia-
tion continue de l'énergie de surface (produit de l'élément de
surface par la tension superficielle) peut se traduire obligatoi-
rement par une variation discontinue de la surface du système.
L'expérience est grossière, elle ne donne qu'une image simple ;
il faut penser que la division des chromosomes provient d’un
mécanisme analogue mais cependant plus compliqué (ef. Dezra
Vanne: lc):
Dans de telles conditions, le nombre des chromosomes
dépend d’une certaine relation existant entre la quantité abso-
lue de chromatine nucléaire et la valeur de la taille moyenne
des éléments chromatiques. Par exemple, si un noyau renferme
100 p° de chromatine, et que la taille moyenne d’un segment
chromatique soit de 10 2°, il renfermera 10 chromosomes. Dou-
blant la quantité de chromatine, on doublera le nombre (DeLra
VaLe 1909).
914 R. HOVASSE
Q
Le nombre apparait ainsi comme résultant du quotient à
où ( représente la quantité totale de la chromatine nucléaire,
q la quantité correspondant à la taille moyenne d’un élément.
Cuampy (1913) à objecté que dans de telles conditions deux
noyaux, également colorables à l'état de repos, mais de
tailles distinctes, devraient avoir des nombres distincts de
segments alors que l'on constate qu'ils ont le même nombre
approximativement. DecLa Vale à répondu à une objec-
tion analogue de Neuec en faisant ressortir l'impossibilité de
vérification inhérente à l'affirmation ci-dessus : il faudrait pou-
voir compter le nombre des chromosomes que fournira à la
division suivante Le noyau dont on trouve sur sa coupe colorée
le volume aberrant. Quoi qu'il en soit, si nous substituons la
notion de concentration de la chromatine à celle de sa quantité
absolue, l’objection tombe d'elle-même.
Nous admettrons donc l'hypothèse de DELLa Var.
Appliquons-la dans Le détail. L'augmentation de taille qui
détermine en fin de compte la division n’est pas une augmenta-
tion absolue, puisque, ainsi que nous l'avons vu (p. 212), au
moins à partir du moment où disparait la membrane nucléaire,
la quantité de chromatine de chaque segment chromatique est
fixée. Or la division longitudinale à ce moment précis n'est
faite que dans un petit nombre de cas : le plus souvent ce n’est
que plus tard qu'elle s'effectue. C'est donc à une augmentation
relative selon certaines directions, au détriment des autres qu'il
faut la rapporter. C’est le raccourcissement causé par la tension
superficielle du chromosome qui intervient, et, d'un chromo-
some initial long et grêle, en fait un court et épais. La taille
limite aimsi atteinte, 1i se divise.
Par l'application de ces considérations théoriques, nous allons
maintenant chercher à expliquer l'augmentation du nombre
en tant que dépendance directe de l'équilibre cyto-caryochro-
matine.
4. La division anaphasique. La régulation
Supposons que l'augmentation de la quantité de chromatine
Suppo e l’aug tat le la quantité de chromati
nucléaire ait été particulièrement importante, surtout tout à
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 215
fait au début de la mitose, favorisée peut-être par le dévelop-
pement des asters. La division transversale étant très précoce,
il se peut que le raccourcissement amène les éléments chroma-
fiques pour la seconde fois à leur taille limite, avant la fin de
la mitose : une division anaphasique a leu.
Deux cas peuvent se présenter alors. Si l'équilibre cyto-
chromatine-karyochromatine est voisin de sa réalisation ou
réalisé, il y aura plutôt diminution qu'augmentation de la quan-
tité de chromatine. L'excès qui s’est signalé en quelque sorte
lors de la mitose précédente par le clivage anaphasique ne sera
pas conservé. Il réapparaitra à la prophase un nombre d'élé-
ments à peu près normal, qui, s'il n'intervient pas d'autres fac
teurs (cf. p. 217), se conservera.
IL est cependant possible que l'excès de chromatine ne dis-
paraisse pas en une seule division, et que au contraire, ce
résultat ne soit atteint qu'après plusieurs mitoses. La période de
diminution progressive de l'excès de chromatine se traduira par
deux phénomènes perceptibles, un retard de plus en plus con-
sidérable des deux divisions longitudinales, normale et anapha-
sique, avec finalement disparition de la seconde.
Au moment où l'excès est maximum, on peut prévoir que le
premier clivage sera très précoce, si précoce même qu'il pourra
passer inaperçu et que l’on aura l'illusion d’une apparition
des chromosomes sous forme de couples. Coïncidence d'autant
plus frappante qu'il ÿ aura en même temps une division ana-
phasique et disparition à la télophase des chromosomes par
paires. L'idée d’une continuité entre ces couples viendra ainsi
facilement à lesprit.
Si au contraire l'équilibre est loin de sa réalisation, la quan-
tité de chromatine ne cessera de s'accroitre aussi bien pen-
dant Le repos mitotique et avant l'apparition des chromosomes
qu'après leur formation et avant la disparition de la membrane
nucléaire. Le nombre de chromosomes appareissant au début
de la prophase sera tout d'abord plus élevé que celui ayant
apparu lors de la mitose précédente, 1l pourra y avoir encore
une fois division anaphasique, jusqu'à ce que l'équilibre soit
près de sa réalisation, et que par ce fait la quantité de chroma-
tine du noyau soit suffisante pour déterminer l'apparition d'un
nombre de chromosomes correspondant à cet équilibre. Le nom-
216 R. HOVASSE
bre ainsi régularisé se conservera pour les raisons que nous
avons appliquées plus haut à Fembryon normal.
Remarquons, et nous reviendrons plus loin sur cette ques-
tion, qu'une diminution de la vitesse de segmentation doit faci-
liter de beaucoup la régulation, si elle n'est pas conditionnée
par un facteur qui en même temps ralentit la diffusion de la
nue dans l'œuf, et diminue ainsi la vitesse d’établisse-
ment de l'équilibre.
[l'est donc possible de concevoir ainsi le réa be en du
nombre diploïde chezles embryons parthénogénétiques, si l'on
admet que la segmentation y a débuté par un déséquilibre
caryo-cytochromatique. |
Les régulations anormales et l'absence de régulation. —
L'hypothèse précédente ne va pas sans soulever quelques dif-
ficultés. Il semble en effet qu'avec elle, la régulation doive
être obligatoire. Comment eu effet concevoir que certains œufs
puissent subsister avec Le nombre haploïde, sans qu'aucune
régulation n’intervienne ?
Pour ce qui est tout d'abord des régulations anormales, dans
lesquelles on a tantôt 7 tantôt 2», tantôt des nombres inférieurs
ou supérieurs, ou même intermédiaires, il est assez facile d’in-
terpréter leur cas. La réserve de chromatine cytoplasmique, se
trouvant sous forme figurée, peut très bien ne pas être répartie
également dans tout le protoplasme de l'œuf. Au hasard des
clivages, il pourra s'en trouver plus ou moins dans telle ou
telle région de l’ébauche. Dans une région particulièrement
pauvre, la réserve s'épuisera de bonne heure, avant l'établisse-
ment de la synthèse de chromatine, et si la segmentation conti-
nue, le nombre diminuera (‘). Les deux œufs hypochromatiques
que nous avons étudiés (cf. p. 189) sont intéressants à ce point de
vue. Dans les deux cas, c’est la région animale qui renferme
des cellules à petit nombre de chromosomes. La région du pôle
végétatif a été isolée dans l’un, par un clivage, lors de lappa-
rition du premier sillon, séparant la presque totalité de ce pôle.
(‘) Remarquons qu'il ne semble exister, dans ces œufs hypochromatiques,
aucune relation entre la quantité de chromatine et la division cellulaire, ou, tout
du moins, que l'on ne peut considérer la chromatine comme un excitant de la
division cellulaire, les régions dans lesquelles les noyaux ont très peu de chro-
mosomes ayant au contraire plus de cellules, en vertu de la relation K/P et le
manque de chromatine n'enrayant pas du tout la marche de la segmentation.
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 917
Les figures de division les pius voisines de cette région sont au
moins haploïdes.
Dans une région riche en chromatine, on aura beaucoup de
chromosomes, la régulation pourra mème être dépassée.
Cependant pour ce qui concerne les œufs dans lequel le nom-
bre est très élevé, plusieurs fois Le nombre #, par exemple, il
ne semble pas que l'explication soit aussi simple. Le cytoplasme
étant saturé de chromatine, et renfermant ainsi la plus grande
partie de sa réserve sous forme figurée, la concentration de
cytochromatine est constante. Il en résulte que Le nombre
des chromosomes est limité supérieurement d’une façon absolue.
Le nombre considérable de chromosomes constaté directement
correspond-il à cette limite, c'est-à-dire à l’équilibre réalisé, on
pourrait le savoir, semble-t-il, en comparant ce nombre à celui
à partir duquel l'évolution des monasters s'arrête. Quoi qu'il en
soit, le cas nous semble difficile à comprendre aussi simple-
ment que les autres. Nous croyons qu'il est nécessaire pour en
arriver là, de faire intervenir la vitesse de segmentation qui en
temps ordinaire rompt constamment l'équilibre en train de
s'accomplir, et qui dans ces œufs exceptionnels aurait été beau-
coup plus lente qu'ailleurs, et aurait permis à l'équilibre de se
réaliser plus ou moins complètement. Nous avons du reste
remarqué un léger retard dans l'évolution de l'œuf excep-
tionnellement hyperchromatique signalé (p. 190).
Nous avons admis implicitement dans le raisonnement précé-
dent que la quantité de chromatine en réserve dans le cytoplasme
était toujours le même. Le fait est certainement inexact, il faut
envisager également la possibilité de sa variation dans les deux
sens. Naturellement le nombre s’en ressentira.
Telle est l'interprétation qui nous parait expliquer le mieux
le cas des œufs qui ne se régularisent pas, leur réserve étant
insuffisante. (!)
Cette raison n’est cependant pas valable au début de la seg-
mentation. En effet, si petite que soit la quantité de chromatine
cytoplasmique, étant donnée le peu de solubilité de la chroma-
üne dans le cytoplasme, elle suffira largement à saturer ce
milieu. Le déséquilibre initial sera toujours le même au moins
{'} Voir également à ce point de vue la note (1) de la page 220,
JS H. HOVASSÉ
pendant un certain temps. Mais si ce temps est insuffisant pour
que se produise la régulation — nous savons qu'elle n'est
pas toujours instantanée — elle ne sera plus possible par la
suite ; l'œuf gardera son stock haploïde sans jamais parvenir à
le doubler.
Une augmentation de vitesse de la segmentation (') pourrait
jouer-là aussi un certain rôle, son résultat étant inverse de celui
que nous avons assigné à sa diminution, et contribuant à empê-
cher la régulation.
Nous arrivons ainsi à concevoir que, les conditions initiales
du développement n'étant pas les mêmes, leurs faibles varia-
tions puissent conditionner des variations ultérieures du nom-
bre. Suivant que la quantité de chromatine du pronueléus
femelle joue le rôle principal, ou que ce rôle revienne ailleurs
à celle du cytoplasme, conséquemment l'équilibre cyto-caryo-
plasmique s’établira en respectant le nombre, ou bien en le
modifiant dans un sens ou dans l'autre.
Malgré la rigidité apparente de la loi physique, nous aperce-
vons que son application à l'être vivant aurait pu permettre de
prévoir la même série de nuances que l'observation parvient à
constater.
{') Si la vitesse d'établissement de l'équilibre ne varie pas proportionnellement.
QUATRIÈME PARTIE
Régulation et Variation
CHAPITRE VII
L'ÉQUILIBRE DES CHROMATINES.
MÉCANISME RÉGULATEUR DU NOMBRE
1. L'équilibre caryo-cytochromatine et la variation
du nombre
La régulation, telle que nous venons de l’examiner, apparait
en fin de compte comme n'étant pas autre chose qu'une varia-
ion exceptionnelle, dans un seul sens, commandée par un désé-
quilibre particulier.
Le mécanisme même qui nous a permis de comprendre la
régulation, en tant que cas particulier, va nous permettre de
concevoir comment s'effectue maintenant le phénomène général
de variation.
Prenons le cas de l'œuf normal, dont l’évolution ne com-
mence par aucun déséquilibre. Une cause agira seule ici : l'aug-
mentation de la masse nucléaire. Dès qu'une irrégularité quel-
conque se produira dans ce phénomène : vitesse plus ou moins
grande de la segmentation, abondance plus ou moins grande
de la quantité des plaquettes de nucléoprotéides dans tel ou
tel blastomère,.….. il en résultera des variations de la quantité
de chromatine nucléaire, positives ou négatives suivant les cas.
Par suite il apparaitra à la prophase un nombre plus où moins
élevé que le nombre normal.
La réserve de nucléoprotéides une fois épuisée, la synthèse
de chromatine doit s'établir dans chaque cellule, aux dépens
32() hR. HOVASSE
des apports alimentaires. Selon les variations de ceux-ci, on
comprendra la variation du nombre.
Il est très admissible que dans certains tissus, ou même dans
certains organismes, la régularité de la synthèse de chromatine
soit très grande. Si la segmentation y est lente; les différences
d'équilibre auront le temps de se compenser. On comprendra
que le nombre des chomosomes Y reste approximativement
fixe.
Un autre facteur important à considérer pour expliquer le cas
particulier de la fixité du nombre est la taille moyenne des
chromosomes, ou d'une façon plus précise la valeur du quo-
ï Q On : ; .
tient : F. (!), quantité totale de chromatine/taille moyenne d'un
élémert. Plus la valeur de ce quotient se rapprochera de
l'unité, et plus le nombre sera fixe. En d’autres termes, plus
petit sera le nombre et plus grand sera la taille des éléments,
plus nous nous rapprocherons de la fixité absolue, voulue par
la loi de constance.
Réciproquement, la variation sera d'autant plus grande que
le nombre sera grand et la taille des éléments petite. On s'éloi-
gnera alors de plus en plus de la prétendue loi, qui, en fin de
compte, ne doit s'appliquer en toute rigueur qu'aux ecas parti-
culiers envisagés ci-dessus.
2, Signification de l'équilibre cyto-caryochromatine
La conception d'un déséquilibre physique entre les deux
portions extra et intranucléaires de la chromatine au début
du développement de nos œufs, nous à permis de fournir une
explication du phénomène de la régulation et nous à amenés à
interpréter de même la variation physiologique du nombre des
chromosomes.
{) A propos de ce quotient, signalons une difficulté qui le concerne. Dans le
début de la segmentation, au moins jusqu’au début de la gastrulation, la taille
moyenne des chromosomes parait bien être la même pour les embryons haploi-
des que pour les diploïdes (Cf. fig. 12 et 143, pl. IH). Plus tard, c’est-à dire
quand il semble que la régulation est devenue impossible, il n’en est plus de
même : la taille moyenne est beaucoup plus forte chez les ébauches haploïdes
(Cf. fig. VIT et VIIL, ou bien fig. 1, 2... et 14 des pl.). Il semble qu'il y ait alors
à peine plus de chromatine dans les tétards diploïdes, que dans ceux qui ont
encore leur nombre réduit.
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 291
Il nous reste maintenant à nous demander quelle est la rai-
son d'être de ce déséquilibre, dont le concept peut paraitre
quelque peu finaliste, si l'on pense à linterpréter comme le
résultat évident d'une adaptation de l'œuf à la fécondation,
ou, ce qui est presque identique, comme un manque d’adapta-
tion à la parthénogénèse chez un organisme où cette dernière
n'est pas normale.
Laissons pour un instant le cas particulier de la grenouille et
reprenons celui de l'abeille dont nous avons déjà parlé (cf p.172).
lei, les mêmes œufs évoluent côte à côte, pondus par la même
femelle dans des cellules voisines du même rayon de cire. Les
uns sont fécondés, les autres parthénogénétiques.
Au bout d’un certain temps, que les noyau.r initiaux aient ou
non résulté d'une amphimirie, les cellules somatiques évoluent
avec 32 ou parfois 64 chromosomes comme Findique le schéma
suivant simplifié d'après Nacnrsuern.
A Germen. évol. avec 16 — (ronie 16 —> Cyte 16 — Sperm. S.
= Parth. $ chr.—> pass. à 16€
XSoma. Evolue avec 32 où 64 chrom.
A SomMa. Evolue avec 32 ou 64 chrom.
> Fécondé => 16 chr ———*
MGerm. évol. avec 32, Gonie 146 — Cyte —> 8 Ovotide 8.
f mûr 8 chr.
Il est certain qu'ici aussi il existe un déséquilibre initial, si
considérable qu'il se fait sentir même chez l'œuf fécondé, et que
par la suite l'équilibre s'établit, le même dans les deux sortes
d'embrvyons, ainsi que l'indique le même nombre de chromo-
somes. Ceci ne veut du reste pas dire que le spermatozoïde n'ait
ici aucun rôle, nous savons au contraire que généralement
seuls les œufs fécondés donnent des femelles, selon la règle
de DziErzoN.
Le terme d'adaptation appliqué ici manquerait vraiment
de sens. Il nous semble qu'il en est de mème chez la gre-
nouille.
Nous pensons que le nombre normal des chromosomes corres-
pond ici à un certain état d'équilibre optimum déterminé par des
conditions physico-chimiques particulières mhérentes à Ta com -
position des éléments de l'œuf et des cellules qui en dérivent.
Ce n’est sans doute pas le seul état d'équilibre possible
l'exemple des espèces ou variétés animales ou végétales chez
292 h. HOVASSE
lesquelles Le nombre des chromosomes diffère par exemple du
simple au double, ou d’un multiple de », comme chez l’Ascaris
du cheval (2N — 2 ou 4) ou Sa/vinia natans (2N = 8,16 ou 48).
(De LrirarDière (1921), nous engage à priori à la prudence. Cepen-
dant nous avons vu (cf. p. 185), que les embryons chez lesquels
le nombre est différent de 27 ne semblent pas être viables. Il
ne nous parait pas téméraire d'admettre provisoirement que
l'équilibre correspondant au nombre 2» est le seul qui se con-
cilie avec la vie normale de la Grenouille rousse.
L'existence de cet état physique optimum explique alors,
tout aussi bien l'amplitude peu élevée généralement de la varia-
tion, que le retour au nombre normal quand, naturellement ou
expérimentalement il a été produit une variation de nombre
d'une grosse importance, comme tel est le cas habituel en par-
thénogénèse (1).
L'état optimum considéré réalise alors un véritable mécanisme
régulateur du nombre, établi sur les bases physico-chimiques d'un
équilibre de partage.
(‘) Le principe très général de Le Cnareuier (1884), ou du déplacement de
l'équilibre mobile, s'appliquerait donc également ici.
CHAPITRE VII
RÉGULATION. VARIATION ET
L'INDIVIDUALITÉ DES CHROMOSOMES. RÉSUMÉ
DES RÉSULTATS
Laissant de côté le cas particulier des hétérochromosomes ou
des autres variétés spéciales de chromosomes, qui correspon-
dent, sinon à des individus figurés, tout du moins à des sub-
stances chimiques distinctes, et auxquelles les hypothèses
précédentes s'appliquent, 27 est totalement impossible de con-
culier soit la Régulation du nombre, soit sa Variation avec la thèse
de Boveni.
Pour ce dernier, les chromosomes sont des individus, vivant
et se divisant activement dans les cellules, existant même pen-
dant les repos cinétiques. Leur nombre est définitivement fixé à
partir de la fécondation. Si un seul pronucléus se divise comme
dans les œufs parthénogénétiques, sa descendance ne pourra
avoir un seul chromosome de plus que lui, exception étant
faite pour des cas exceptionnels, pathologiques, ou, une cinèse
ayant avorté après division des chromosomes, les éléments fils
demeurent côte à côte.
Pour Decza VALLE comme pour nous, les chromosomes sont
des formations transitoires, apparaissant à la prophase par une
sorte de cristallisaton d’une substance chimique, obéissant
comme toutes celles-ci aux lois physiques de la matière brute,
et ainsi disparaissant à la telophase par une dissolution totale-
ment dépourvue de mystère. Le nombre de ces éléments est
soumis à la variation fluctuante, comme tous les détails morpho-
logiques d'un être vivant. Un seul pronucléus se divisant dans
des conditions expérimentales ou naturelles, ses chromosomes
subissent une augmentation, conséquence directe d'une loi phy-
sique. .
Cependant si ces hypothèses permettent bien de rendre
compte des phénomènes observés par nous, où par d'autres
sur des sujets analogues, permettent-elles aussi d'expliquer ceux
294 R. HOVASSE
qui ont le plus influé sur lesprit de Boverr et l'ont amené à
son hypothèse.
Nous nous bornerons à étudier le cas si remarquable de l’As-
caris megalocephala. Boven suit, tout d'abord après la fécon-
dation normale, et chez certains noyaux à vrai dire peu nom-
breux, les chromosomes pendant la phase de repos nucléaire,
constatant ainsi la continuité nécessaire à sa théorie, entre les
chromosomes de deux mitoses successives. La même observation
a été refaite depuis par de nombreux auteurs. Elle est facile à
interpréter par une dissolution incomplète dans le suc nucléaire,
soit que la solution se rapproche de sa saturation, soit que la
vitesse de segmentation lui enlève le temps de s’accomplir. Ce
dernier argument est sans doute le préférable, car sur les figu-
res même de Bovert on constate que presque toujours la dis-
solution est complète, donnant souvent naissance à autant de
vacuoles qu’il y a de chromosomes, ce qui s'explique tout sim-
plement en suivant la marche de la télophase (cf. p.203).
Des anomalies de nombre s'observent fréquemment au cours
de la segmentation. [Il trouve ainsi depuis 3 jusqu'à 7 anses
chromatiques, ce qu'il explique, le fait parait bien prouvé, par
un fonctionnement irrégulier des figures d'émission polaire, ou
bien par la fécondation anormale d’un œuf possédant 2 chro-
mosomes après réduction (type bivalens), par un spermatozoïde
n’en ayant qu'un (type univalens).
Ce qui étonne Boven, c’est de constater alors que ces nom-
bres anormaux se conservent parfaitement durant toute la seg-
mentation.
Si l'on compare l’un à l’autre les volumes du caryoplasme et
du eytoplasme successivement chez l'œuf d’Ascaris et chez celui
de Grenouille, on trouve les deux quotients approximatifs :1/280
pour le premier ; {/100.000 pour le second. On conçoit sans
peine que la quantité de chromatine du noyau dans le premier
cas ait, dans l'équilibre final cytocaryoplasmique, plus d'impor-
tance que dans le second. On peut comprendre que les œufs
hyperchromatiques gardent leur excès initial de cette sub-
stance. D'autre part il ne semble pas v avoir de réserve de
chromatine sous forme figurée dans Le cytoplasme, rien d’éton-
nant à ce que l'embryon hybride uni >< hivoalens ne reforme
pas un noyau à 2».
ÉTUDE DES CHROMOSOMES 295
Tout aussi bien que l'hypothèse de Boven, celle de DeLra
Vazze, complétée par la nôtre permet de comprendre ces faits.
Elle permet d'en comprendre d’autres devant lesquels l'ndivi-
dualité ne peut que s'incliner, la Variation et Ja Régulation du
nombre (1).
Elle n’est encore qu'une hypothèse que nous nous sommes
efforcés de rendre le plus possible conforme aux faits, les imper-
fections, les points faibles ne lui manquent pas, mais elle à le
mérite, croyons-nous d'être totalement étrangère aux préoccu-
pations vitalistes ou finalistes, elle reste done ainsi sur la seule
voie vraiment scientifique qui puisse mener à la compréhension
des phénomènes
RÉSUMÉ DES RÉSULTATS
1. — Chez la grenouille (Rana temporaria 1.) normalement
fécondée, le nombre des segments chromatiques n’est pas cons-
tant, mais varie entre des limites étendues, aussi bien dans les
cellules génitales que dans les éléments somatiques.
2. — Les embryons et larves du même animal, obtenus par
parthénogénèse expérimentale (procédé BarTaizLon) possèdent
un nombre de chromosomes qui, tantôt reste le même que celui
(:) Les conclusions que nous donnonsici sont absolument opposées, pour ce qui
concerne le nombre et l’Individualhté des chromosomes, à celles auxquelles par-
vient R. de Lrraroière dans son important travail sur les chromosomes des Fou-
gères (1921).
Cet auteur, s'appuyant principalement sur des observations faites sur le vif et
qui lui ont montré un réseau à l’intérieur des noyaux au repos, chez une espèce
de Fougère (cf. sa fig. 13), considère la permanence des chromosomes dans le
noyau au repos comme un fait établi, et conclut à leur Individuelité. Même eu
admettant comme démontrée la permanence des chromosomes dans tous les
noyaux par lui observés, il n’en reste pas moins vrai qu'il existe de nombreux
cas où, indiscutablement le noyau est optiquement vide, même à l’ultramicro-
scope. Sans vouloir revenir sur ce qui a été dit de la Grenouille, nous citerons à
titre d'exemple lAscaris (cf. par ex. Faure-Fremer, 1913), On trouvera dans
Borrazzi, 1913 (Das Protoplasma und die Kôrpersafte. Premier vol du Æandbuch
der vergleichende Physiologie. Haxs WINTERSTEIN) un exposé critique de la ques-
tion (structure du noyau au repos).
Pour démontrer l’inexistence de la Variation du nombre, l'auteur se base sur la
permanence des chromosomes. Bien qu'il reconnaisse lui-même que son maté-
riel ne semble pas très favorable à l'étude des chromosomes il donne à ses
conclusions une portée générale. On nous permettra de mettre en doute ce der-
nier point.
296 R. HOVASSE
du pronucléus, tantôt se régularise, devenant égal à celui des
œufs re Poondéss
3. — La régulation se produit tout au début de la segmenta-
tion, elle est totale, c’est-à-dire que toutes les cellules de l’ébau-
che, normalement régularisée possèdent le nombre 2n.
4. — Elle présente une série d'anomalies, tout à fait compa-
rables à celles offertes dans les mêmes conditions par d’autres
œufs parthénogénétiques, soit chez l’oursin, soit chez l'abeille,
ou même la poule.
5. — La non émission du second globule polaire, pas plus
que le matériel introduit dans l’œuf par la piqûre n’ont d'action
directe sur elle.
6. — Elle n'est pas due à un doublement du nombre dans
lequelles chromosomes possèderaient un rôle actif, mais semble
l'expression d'un mécanisme purement physique d'équilibre
de partage entre la chromatine du noyau et une cytochroma-
line existant dans le cytoplasma.
7. — Le même mécanisme permet de comprendre la varia-
tion du nombre au même titre que sa régulation.
8. — La variation du nombre et son Autorégulation sont
totalement incompatibles avec Fhypothèse de lPindividualité
des chromosomes, tout du moins si on lui laisse le sens que lui
a donné Bovent.
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Etienne RABAUD
LE CONTRASTE
ENTRE LE RÉGIME ALIMENTAIRE
DES LARVES ET CELUI DES ADULTES
CHEZ DIVERS INSECTES
SOMMAIRE
L. — Les femelles des Sphégiens vivent sur les fleurs et pondent sur de la
chair vivante. Les hypothèses explicatives du contraste . . . . 230
IL. — Le contraste n’est pas spécial aux Sphégiens. Comportement des
femelles de Satyres et de divers autres Papillons. La comparaison conduit
à poser exactement le problème : le régime de la larve dirige t-il le com-
portement de l'adulte? . . .{. PA INRA
IT. Données multiples conduisant à la négative. La Teigne des pommes de
terre; Myelois cribrella ; cas des Vésicenls pondant sur les fleurs ; cas des
Tachinaires pondant sur les feuilles ; cas des Braconides; cas de Tetra-
stichus rapo. Cas des Criquels et des Vésicants pondant dans le sol. La
femelle subit une attraction sans rapport avec le régime de la larve 234
IV. Les Hyménoptères vulnérants se Aid de fi même manière, Faits
démonstratifs. . : ET FACE
V. Les femelles ontun double régime : le ‘contraste est moins marqué chez
les Sphégiens que chez d’autres insectes. Changement d'état physiolo-
gique chez les femelles ; son indépendance vis-à-vis du régime des larves.
Certaines femelles quittent, au moment de pondre. la substance que
mangeraient leurs larves. Cas des Calliphora, Lucilia, ete. L' «intérêt
individuel », solution incomplète du problème. Il s’agit d’une attraction
pure et simple ; les conséquences en sont quelconques : ce sont souvent
des complications inutiles ou nuisibles du comportement ; ces conséquences
n’influent jamais surele détereminismé Lt RS 0 NOR
Depuis longtemps, les naturalistes observateurs insistent sur
le fait que les femelles de nombreux Hyménoptères sphégiens
donnent à leurs larves un régime carnivore, tandis qu’elles
mêmes se nourrissent du pollen ou du suc des fleurs. L'insis-
tance desnaturalistesse traduit souvent en formules admiratives,
touchant ce « merveilleux instinct » qui conduit la mère à dis-
CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES 231
poser ses œufs justement sur la substance nécessaire au
développement ultérieur des larves. Les formules admiratives
_tiennent alors lieu d'analyse et d'explication. Impressionnés
par le contraste, les naturalistes se substituent aux animaux
qu’ils observent et, croyant se borner à raconter, imaginent
une interprétation toute arbitraire. Loin de soupçonner le pro-
blème qui se pose devant eux, ils admettent sans discussion
que les femelles, obéissant à une impulsion supérieure, se com-
portent au mieux des intérêts de leur progéniture, sachant pré-
cisément ce qu'il lui faut, et le sachant sans l'avoir jamais
appris.
Quelques observateurs, toutefois, bien que ne cessant d’ad-
mirer, cherchent à connaître les influences qui ont conduit ces
femelles à se comporter ainsi. Le contraste étant donné, ils
essayent de le réduire. Comment y parvenir? Comment remon-
ter aux origines et retrouver le complexus d'influences qui l'ont
déterminé ? Toute hypothèse à cetégard ne sera-t-elle pas gra-
tuite, aussi peu solide que la simple narration subjective et
simpliste dictée par une admiration sans critique ? D’aucuns
émettent l’idée que l'adulte se souvient de la nourriture qu'il
prit au cours de sa vie larvaire. Peut-être, en effet, se souvient-il.
Nous l’ignorons et ne possédons aucun moyen de nous éclairer
à ce sujet. L'hypothèse est entièrement invérifiable ; elle ne
suggère aucune recherche d'aucune sorte; elle ne découle
nécessairement d'aucun fait ; nous ne pouvons donc la retenir.
Et d'ailleurs, dans la mesure où elle a un sens, cette hypothèse
en implique toute une série d'autres : sont-ce les adultes flori-
coles qui ont, un jour, changé de régime ? sont-ce, au con-
traire, les larves qui ont adopté le régime carnivore ? à quelles
influences les uns ou les autres ont-ils obé1? Si ce sont les
larves qui ont changé, faut-il supposer qu'elles menaient jadis
une vie libre, comme les larves de Tenthrèdes, puisque, deve-
nues carnivores, elles ont perdu leurs pattes? En conséquence,
les adultes, se souvenant de la conformation des larves d’où ils
proviennent, auraient désormais pondu les œufs sur des proies
vivantes. Si ce sont, au contraire, les adultes qui ont changé de
régime, que n’ont-ils simplement déposé leurs œufs sur les
fleurs ?
Nous remonterions ainsi d’une question à l’autre, et le ferions ‘
232 E. RABAUD
sans profit. La recherche des origines nous conduit tout droit
vers un passé que nous n'avons pas vécu et dont les vestiges
sont véritablement trop insuffisants. Le présent, par contre,
nous met en face d'une étude immédiatement abordable, celle
du déterminisme des phénomènes actuels.
Il
Examinons donc le contraste entre Le régime des adultes et
celui des larves, si remarquable chez les Sphégiens, ne sortons
pas de ce fait actuel et tâächons de l’analyser : la solution qui
interviendra nous montrera peut-être l'inanité des questions
d’origine.
Aussi longtemps que nous contemplerons les Sphégiens à
l'exclusion de tous les autres animaux, nous demeurerons
devant le même problème, sans recueillir aucune donnée
susceplible de nous éclairer un peu. Elargissant alors le champ
de nos recherches, essayons de recueillir, ici ou là, des rensei-
gnements précis. Aussitôt, une première constatation s'offre à
nous : le contraste qui nous parait si remarquable chez les
Pompiles, les Ammophiles, les Sphex et tant d’autres, ne leur
est pas spécial. Ce contraste nous frappe, parce que nous le
jugeons radical et que tout un drame l’accompagne. D'une part,
nous n'apercevons rien de commun entre le régime herbivore
et le carnivore ; d’autre part, nous attribuons une importance
exceptionnelle à la capture d’une proie, aux coups de dard, à
la paralysie, à l'enfouissement, à La ponte. Mais, au fond, le
problème se réduit strictement à l'opposition qui existe entre
deux moments de la vie des adultes, celui où äls mangent et
celui où ils pondent, deux moments qui correspondent à deux
régimes différents. |
Aïnsi réduite à ses traits essentiels, l'opposition se retrouve
chez bien d'autres Insectes que les Sphex; elle se retrouve,
en particulier, chez divers Papillons. Fréquemment, par exem-
ple, on aperçoit des Satyres butiner sur les fleurs etpondre sur
l'herbe. Dès Le printemps, les femelles de l’un des plus com-
muns d'entre eux, Epinephele jurtina, volent souvent en nom-
CONTRASTE DE RÊGIMES ALIMENTAIRES 233
bre le long des haies envahies par des Æubus en fleurs. Elles
vont d'une fleur à l’autre, allongeant leur trompe et aspirant
les sucs; de temps à autre, elles gagnent la prairie voisine, se
rapprochent du sol et pondent sur les feuilles de Graminées.
Les chenilles mangeront ces feuilles, — qui ne sauraient
servir de nourriture aux Papillons adultes. Tout se passe à
coup sûr, comme si le comportement des femelles aboutissait à
donner aux chenilles la nourriture qui leur convient. Ce
comportement ne diffère par aucun trait essentiel de celui
d'une Ammophile, d'un Pompile, d'un Sphex, d’un Pélopée :
sans être tout à fait du même ordre, l'écart des deux régimes
est aussi marqué dans l’un et l’autre cas. La différence la plus
importante réside, semble-t-il, en ceci que la chenille, larve très
mobile, est capable de se transporter vers une plante nourri-
cière, ce que ne peut faire la larve d'Hyménoptère. Par suite,
il n'est pas indispensable que le Papillon femelle dépose pré-
cisément ses œufs sur la plante même qui convient aux che-
nilles. En fait, bien des Papillons pondent sur des substrats
variés qui n'entrent nullement dans le régime alimentaire des
chenilles : celles-ci se déplacent?
On est alors conduit à se demander d'où provient cette diffé-
rence entre les comportements, et comment il se fait que cer-
taines femelles donnent à leurs larves la nourriture qu'il leur
faut, tandis que d'autres ne paraissent nullement influencées
par le régime nécessaire à leur progéniture. Présenté sous ce
biais, le problème ne comporte pas de solution, car son énoncé
ne renferme aucune donnée positive. En affirmant, à priori, que
certaines femelles pondent de manière à donner aux larves un
régime approprié, nous supposons le problème résolu, sans
apporter aueun élément de preuve à l'appui de notre supposi-
tion. Du même coup, nous nous privons des moyens d'effectuer la
moindre recherche et, notamment, d'examiner si la femelle est
vraiment guidée par les besoins ultérieurs de sa progéniture.
Au contraire, une solution apparait si nous posons le pro-
blème en termes tout autres. Nous gardant d'affirmer ce que
nous ignorons, nous nous demandons si, indépendamment de
son régime propre, l’adulte est réellement mené par la néces-
sité de fournir aux larves un régime déterminé ; ou si, au con-
traire, ce comportement de l'adulte est exclusivement guidé
234 E. RABAUD
par les influences actuelles, sans qu'intervienne la nécessité de
donner aux larves un certain régime plutôt qu'un autre.
Il
Envisageant ainsi le problème, nous apercevons aussitôt de
multiples données conduisant à conclure que l'adulte pond sur
les substrats qui l’attirent, indépendamment de ce qui en pourra
résulter pour les larves.
La nature du substrat importe peu.
Lorsque, par exemple, la femelle pond sur une plante, e'est-à-
dire sur un substrat « comestible », il advient parfois que cette
plante ne convient pas aux larves ou, du moins, n’est pas celle
qui attire le plus fortement ces larves. F. Picarp a montré que
si la Teigne des Pommes de terre est fortement attirée par
Solanum tuberosum, elle pond néanmoins sur d'autres plantes
qui n'attirent pas nécessairement les chenilles, ou même les
repoussent : Cynoglossum pictum et Verbascum sinuatum (").
Pour ma part, j'ai montré que la femelle de Myelois cribrella
pond, le plus souvent, sur Crrsium lanceolatum, mais que la
chenille, mise en présence de capitules de Cirsium et de Car-
duus est plus fortement attirée par le second que par le pre-
mier (?).
Et ce n'est encore rien. Bien d'autres Insectes pondent sur
des végétaux qui, non seulement n’exercent pas sur les larves
l'attraction maximum, mais ne les attirent pas du tout et ne ser-
vent pas à leur alimentation. Plusieurs Vésicants déposent leurs
œufs sur les fleurs : Macrosiagon tricuspidatus, Nemognatha
chrysomelina, Leptopalpus rostratus, ete. Mème, l'attraction que
ces Insectes subissent parait limitée à certaines fleurs : N. chry-
somelina pond plus spécialement sur Echinops spinosum, et
L. rostratus sur Centaure apullata. Mais, quelle que soit l'affinité
de l’Insecte adulte pour ces plantes, la larve ({riongulin) ne se
nourrit d'aucunes de leurs parties ; attirée par les divers
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Myelvis cribrella et quelques autres chenilles des capitules de Carducées. Bul.
sc. Fr.-Belge
19
©
ce
CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES
Insectes qui se posent sur les fleurs (!) cette larve s'accroche
à eux. Souvent, ces Insectes sont des Abeilles ou des Guêpes,
quitransportent le triongulin dans leur nid; souvent aussi ce
sont des Diptères où des Coléoptères, auxquels le triongulin
demeure attaché, incapable de se nourrir et, partant, de se
développer.
Outre les Vésicants, diverses Mouches parasites (Tachinaires)
se comportent d’une manière analogue. Elles répandent leurs
œufs sur les feuilles, que leurs larves ne mangent pas. Celles-ci
ne se développent que dans le corps des chenilles ; il faut done
que, mangeant les feuilles sur lesquelles sont répandus les
œufs de Tachinaires, une chenille avale un ou plusieurs d’entre
eux. Les Hyménoptères braconides, parasites externes de diver-
ses larves, pondent aussi sur les plantes, sans être spécialement
attirées par celles qui renferment déjà une larve capable de
servir d’aliment (?). |
Sans nul doute, toutes ces femelles subissent une influence
actuelle n'impliquant aucune vue prophétique. Et il en est
encore ainsi lorsque les femelles pondent, non plus sur une
plante, mais sur un animal. Les larves de Tetrastichus rapo,
par exemple, ne se développent que si elles sont pondues dans
les cocons d’Apanteles, parasites des chenilles de Pieris bras-
sicæ, ou dans des larves déjà fort développées, encore incluses
dans une chenille. Néanmoins, la femelle de T. rapo pique
indistinctement toutes les chenilles de Preris, jeunes ou âgées,
renfermant ou non des Apanteles ; et comme la piqüre tue la
chenille, la manœuvre de la femelle est fréquemment sans
résultat utile (*).
L'ensemble de tous ces cas tend à évoquer un phénomène
d'ordre général que, par une première approximation, nous
pouvons ramener à ceci : la femelle qui pond n’est nullement
dirigée par les nécessités ultérieures des larves.
Rien, au surplus, n’exprime mieux la généralité du phéno-
mène que le comportement de toutes les femelles qui enfouis-
sent leurs œufs dans le sol. Ce sont les femelles de divers Cri-
{) Et, probablement par les mouvements de ces Insectes.
(2?) PicarD et RaBaup, Sur le parasitisme externe des Braconides. Bul. Soc. ent.
Fr., 1914.
(5) F. Prcaro, Sur la biologie de Tetrastichus rapo. Bul. Soc. ent. Fr., 1921.
236 E. RABAUD
quets, celles de plusieurs Vésicants (Me/oë, Zonabris, Cerocoma,
Lydus, Cantharis). Une fois écloses les larves ne trouvent, évi-
demment, à leur portée aucun aliment ; elles ne continuent de
vivre que si, se déplacant, elles rencontrent des matériaux
qu’elles puissent manger. La rencontre peut être facile pour les
Criquets, qui rongent les plantes ; elle l'est moins pour les trion-
gulins, dont le régime alimentaire parait assez strictement
limité au miel de divers Hyménoptères. Enfouissant leurs œufs
dans le sol, les femelles des Vésicants placent donc leur progé-
niture dans les conditions les plus défavorables, et lon ne
saurait dire qu'elles leur préparent un régime alimentaire. Et
elles ne le préparent pas; alors qu'il leur suffirait, pour le faire,
de pondre là même où les larves se nourrissent.
Lorsqu'un Meloë, en effet, pond dans le sol, l'évidence
s'impose que les besoins ultérieurs de sa progéniture ne guide
point la femelle au moment où elle pond ; sans aucun doute elle
subit une attraction purement actuelle, que nulle subtilité ne
parviendra à faire passer comme un avantage pour la mère ou
pour les descendants. Ceux-ci ne survivront que si, se dépla-
çant, ils rencontrent un nid d'Hyménoptères dans lequel ils
puissent pénétrer : bien qu’étant des larves libres, ils auraient
bénéfice à naitre tout près des substances dont ils vivent.
C'est d’ailleurs ainsi que procèdent d’autres Coléoptères, égale-
ment parasites des Abeilles, tel Trichodes umbellatarum, qui
pond directement dans les nids des Hyménoptères. Ce compor-
tenrent si simple pourrait aussi bien être celui de tous les Vési-
cants (').
IV
Ces faits nous ramènent directement au cas des Hyménoptères
vulnérants. Leurs femelles, comme celles des autres Insectes
subissent une attraction : elles mangent ou pondent ; mais, en
aucun cas, l’attraction n'est liée aux nécessités, médiates ou
immédiates, de la descendance.
La preuve de cette attraction est fournie par les observations
multipliées de Marcuar, des PEcknau, de Ferro, de Rougaun,
(1) Aug. Cros. Le Trichodes umbellatarum, ses mœurs, son évolution. Bull.
Mus. Hist. Nat., 1908.
CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES 237
de Picao, d’'Ancerz et les miennes, qui montrent que les femelles
de Sphégiens se nourrissent aux dépens des proies qu'elles
capturent. Les Ammophiles qui malaxent la nuque des chenilles
ne cherchent nullement à comprimer un ganglion nerveux,
comme Fagre l'a cru ; elles mordent avec énergie, pendant une
demi-heure au moins, et lèchent les régions mordues. Bien
mieux, au cours même du trajet qu'elles effectuent en trans-
portant leur victime, elles s'arrêtent, malaxent et lèchent à
nouveau ('). Les Pompiles lèchent aussi les Araignées qu'ils
capturent et paralysent. Ferro à même vu Priocnemis pusillus
capturer une Araignée, la mâchonner et l’'abandonner ensuite
sans avoir pondu (?). Sphex subfuscatus, qui capture et paralyse
des Criquets, se borne parfois à laper les liquides qu'ils dégor-
gent et laisse La victime sur place (5). Bembex oculata lape
également les sucs que dégorgent les Mouches capturées, ou
même les malaxe fortement et les vide (*).. De mème proce-
dent les Cerceris avec les Halictes (*), les Philanthes avec les
Abeilles. Touchant les Philanthes, FABRe a prétendu qu'ils
avaient soin d'enlever le miel que contenaient leurs proies, parce
qu'il serait un poison pour les larves. Mais MarcHaL fait très
justement remarquer que les Ammophiles malaxent et lèchent
les chenilles qui, cependant, ne renferment pas de miel ; et
Picarp (*) apporte la preuve formelle que la manœuvre du Phi-
lanthe n’est nullement provoquée par le souei des larves, puis-
que ce Sphégien tue etlèche des Abeillesqu'il abandonne ensuite.
Les Meilines, de leur côté, capturent des Mouches, qu’elles
malaxent et vident (°) ; et les Guêpes, qui donnent à leurs larves
les Mouches réduites en pâtée, en absorbent une partie (*).
(!) P. Marcuar, Etude sur l'instinct de l'Ammophila affinis. Arch. zool. exp. et
gén., 1892.
() Cu. Ferro, Nouvelles observations sur l'instinct des Pompilides. Actes de
la Soc. linn. de Bordeaux, 1897.
(*) Cu. Feurox, Notes détachées sur l'instinct des Hyménoptères mellifères et
ravisseurs, 2 série. Ann. Soc. ent. Fr., 1902.
(‘) Cu. Ferrox, Observations sur l'instinct des Bembex. Actes de la Soc. linn.
de Bordeaux, 1900. 1
(6) P. Mancuaz, Etude sur l'instinct de Cerceris ornata. Arch. de z0ol. exp. el
gén., 1887.
(5) F. Picaro, Note sur l'instinct du Ph lanthe apivore. #. J. N., 1905.
(7) Et. Ragauo, Note suc l'instinct de Mellinus arvensis et ses rapports avec
celui des autres Sphégiens. Bul. biol. Fr. Belg., 1917.
(8) J. H. Faure (Souvenirs entomologiques, 4 série) a vu l'Odynerus nidulalor
en captivité malaxer et lécher les larves de Zina populi, puis les abandonner.
16
938 E. RABAUD
Des faits très analogues existent en dehors des Sphégiens et
des Guêpes. P. Marcnaz a observé deux Chalcidiens qui se nour-
rissent des substances même sur lesquelles ils pondent, léchant
le liquide qui s'écoule de la blessure faite par la tarière. L'un,
Tetrastichus xanthomelzænæ, pond dans les œufs de la Galeruque
de l’Orme ; il pique à diverses reprises le même œuf, lèche
chaque fois, mais ne pond pas nécessairement après chaque
piqûre. L'autre, Aphelinus mytilaspidis, pique les Cochenilles
et procède d'une manière très analogue ; lui aussi pique plu-
sieurs fois la même Cochenille et ne dépose, pourtant, qu'un
œuf (‘). S. Doten, a fait des observations confirmatives (?). Em.
Roupaun, de son côté, montre que Nasonia brericornis ponc-
tionne à plusieurs reprises les pupes de Diptères et absorbe le
liquide qui s'écoule de la ponction ; celle-ci est souvent effec-
tuée bien avant que les œufs soient mürs et que la ponte soit
possible. Bien mieux, N. brevicornis pond fréquemment dans
des pupes à parois extrêmement épaisses et telles que les lar-
ves n'en pourront sortir (*). Enfin, J. L. Licarenste (*), puis
TrouveLor (*) viennent de montrer qu'un Hyménoptère chalei-
dien, Habrocytus cionicida, parasite des larves d’un Charançon,
Cionus thapsi, et un Hyménoptère braconide, Habrobracon
johansenni se nourrissent également aux dépens des proies
dans lesquelles ils déposent leurs œufs.
V
Ainsi, les faits sont nombreux et probants ; ils permettent
d'affirmer que les femelles ne pondent pas de manière à pla-
cer leurs larves dans les conditions données : Les femelles ont
un double régime, et c’est l’un d'eux qu’elles imposent à leurs
(1) P. Marcaz, a) Observations biologiques sur un parasite de la Galéruque
de l'Orme, T'etrastichus xanthomcelænce. Bul. Soc. ent. Fr., 1905.
b) La ponte des Aphelinus et l'intérêt individuel dans les actes liés à
la conservation de l’espèce. C. À. Acad. Sc., 1909.
(>) S. Doren, Agr. exp. Station of the University of Nevada, 1912.
(8) E. Roupaup, Observations biologiques sur Nasonia brevicornis, Bul. Scient.
Fr. Belg., 1916-17.
(3) J. L. LicurensreiN, Sur la biologie d’un Chalcidien. C. 2. Acad. Se., 1921.
() B. TrouveLor, Observations biologiques sur l’Aabrobracon johansenni. Soc.
biol., 1921.
CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES 23)
larves. Même, elles leur imposent un régime beaucoup trop
strict qui ne répond à aucun avantage réel. Les Pompiles, les
Sphex, les Anmophiles, tous les Vulnérants, et de nombreux
Hyménoptères parasites poursuivent une proie déterminée,
mais leurs larves vivraient aussi bien sur d’autres proies. Fapre
l’a montré en ce qui concerne les Bembezx, les Ammophiles, Les
Philanthes, les Cerceris dont les larves se développent sur des
proies très variées, ef je l'ai confirmé pour ee qui est spéciale-
ment d'Animoplhila heydeni ().
En réalité, le contraste entre le régime alimentaire des larves
et celui de l'adulte est beaucoup moins évident pour les Sphé-
giens qu'il ne l'est pour d’autres Insectes. À ceux-ci, personne
ne prend garde ; sans Surprise aucune, on constate le compor-
tement dés Vésicants, et l'on ne remarque pas l'opposition radi-
cale entre la larvé qui vit de miel et la ponte effectuée dans le
sol ou sur une fleur : ces complications inutiles et absurdes ne
choquent pas. Parce quelles sont absurdes, les natura-
listes les admirent sans se poser à leur sujet les questions qu'ils
se posent au sujet des Sphégiens. Tandis que l« instinct » des
Sphégiens adultes léchant les fleurs et pondant sur de la chair
vivante leur paraît digne d'attention, l'instinet des Vésicants
adultes déposant les œufs dans les conditions Les plus défa-
vorables ne les retient pas, leur attention se détourne sur les
larves : en toute occasion l'admiration masque le phénomène.
Sa généralité aurait dû cependant frapper les observateurs.
Le phénomène se réduit à un état physiologique très caractérisé
des femelles qui vont pondre, état tel, que ces femelles subis-
sent l’attraction de substances diverses. Cette attraction n’a
aucun rapport nécessaire ni avec le régime habituel de la
femelle, ni avec celui de la larve. Parfois la femelle ou la larve,
ou toutes les deux, prennent pour aliment les substances attrac-
tives ; mais l'éventualité contraire se produit : il faut done cons-
tater l'attraction, sans plus.
Et cette indépendance de l'état physiologique de la femelle
vis-à-vis de tout régime met, précisément, cette attraction en
plein relief. Quelques faits, du reste, la souligneraient au
(:) Er. Rasaun, Observations et expériences sur 4”mophila heydeni. Bul. Soc.
Zool. Fr., 199.
240 E. RABAUD
besoin. Outre les cas où la femelle enfouit ses œufs dans le sol,
alors que les larves ne seront pas attirées par la plante voisine,
il convient de rappeler ceux où la femelle pond sur un végétal
qui n'attire par les larves, qui, mème, les repousse. Le fait est
d'autant plus remarquable, que ce défaut d'attraction — ou
cette répulsion — n'implique nullement que la plante serait
un mauvais aliment pour la larve. F. Picarp () a montré,
notamment, que la Teigne des Pommes de terre pond sur Ver-
bascum sinuatum et que les chenilles, aussitôt nées, abandon:-
nent cette plante : quelques individus, cependant, la mangent
et se développent aussi bien que s'ils prenaient un autre ali-
ment.
En d’autres circonstances, au moment de pondre, la femelle
s'éloigne des substances dont ellé se nourrit, dont se nourris-
sent également ses larves, et va déposer ses œufs sur un substrat
quelconque. Ainsi procèdent Meloë majalis et M. tuccius : sans
être exclusivement mellivores, les adultes mangent le miel des
Osmies, que mangent aussi les larves : mais la femelle va pondre
dans le sol (?). Le comportement parait franchement absurde
et cette absurdité même implique l'intervention d’une influence
strictement actuelle, dans laquelle l'intérêt des larves n’entre
pour aucune part. |
Cette influence actuelle ressort encore du comportement de
tous les animaux qui viennent Ss'abattre et pondre sur un sub-
strat, en fonction de l'odeur qu'il dégage. Les Calliphora vomi-
toria, Lucilia cwsar, Sarcophaga, etc., viennent indistinctement
sur la viande ou sur diverses plantes(Arum crinitum, À. dracun-
culus, Stapelia hirsuta, S. variegata, divers Chenopodium) à
fumet cadavérique. Elles déposent leurs œufs ou leurs larves ;
mais le développement n'a lieu que si le dépôt est effectué sur
la viande. Cette dernière éventualité est, peut-être, la plus fré-
quente, non parce que la femelle sait discerner un « bon » sub-
strat d'un «mauvais », mais parce que les plantes à odeur cada-
vérique sont moins répandues que les cadavres d'animaux.
Mais que l'œuf pondu puisse ou non se développer, que la
femelle trouve ou non un aliment, et quel que soit l'animal
(t) F. Picarp, op. cit.
() Aug. Cnos, Mœurs el évolution de HMeloë majalis. Bul. Soc. Hist. nat. Af.
du N., 1912.
CONTRASTE TE RÉGIMES ALIMENTAIRES 241
dont il s'agisse, l'attraction qui s'exerce est tout à fait imdépen-
dante de l'effet qui en pourra retentir sur l'individu ou sa
lignée. Divers auteurs, cherchant à lever la contradiction qui
semble exister parfois entre le régime de l’adulte et celui des
larves, insistent précisément sur le fait que les femelles se
nourrissent aux dépens des proies qu'elles capturent : ils en
concluent que ces femelles obéissent à « l'intérêt individuel ».
Avec MarcHas, avec Rougau et d'autres, j'ai cru un instant que
la solution du problème se trouvait vraiment là. Sans doute, il
est plus rationnel, beaucoup plus satisfaisant pour l'esprit, de
penser que l'adulte se comporte en fonction de son intérêt pro-
pre, en dehors de toute influence occulte qui le guiderait en fonc-
tion de l’avenir. Sans doute encore, faire appel à l'intérêt mdi-
viduel, c'est demeurer dans le domaine des données positives
et faire ressortir les relations de l’animal avec les cireons-
tances extérieures. Toutefois, l’ « intérèt individuel » ne corres-
pond qu’à une analyse incomplète ; nous ne verrons le phé-
nomène tout entier qu'en poursuivant l'analyse jusqu'au bout.
Et, dès lors, on aperçoit que ce qui domine le comportement
des femelles, ce n'est pas l «intérêt individuel »; c'est une attrac-
tion pure et simple qui mène ces femelles vers un substrat
quelconque, indépendamment des conséquences : ce substrat
pourra servir d’aliment aux femelles, aux larves ou aux deux à
la fois, et il ne s’ensuivra pas que ce régime soit le meilleur
ou le seul possible ; ce substrat pourra, tout aussi bien, n'être
pas comestible.
Cette attraction, invincible et strictement actuelle, a une con-
séquence immédiate d’une tout autre nature, qu'il importe de
souligner pour lui donner son exacte valeur : fréquemment elle
détermine, dans le comportement des organismes, d’extrèmes
complications, sans aucun profit pour l'individu — et, partant,
pour l'espèce — même nuisibles, généralement. Elle les déter-
mine de plusieurs manières, deux au moins.
Souvent, d'une part, cette attraction est assez strictement
spécifique ; la femelle subit l'influence d’un certain substrat plus
fortement qu'elle ne subit l'influence d’autres substrats. C'est
Agrotis segelum attirant spécialement diverses Ammophiles, ce
sont les Araignées, et certaines Araignées, attirant les Pompi-
les, les Criquets attirant Les Sphex, les Abeilles attirant les Phi-
249 E. RABAUD
lantes, etc. Tous ces Insectes volent, marchent, vont, viennent,
jusqu'au moment où ils rencontrent leur proie spéciale, Certes,
si cette proie est rare et que la rencontre se fasse attendre, ces
Insectes finissent par obéir à l'attraction de proies plus ou
moins analogues ; encore faut-il dire que lanalogie demeure
assez étroite. Dans tous les cas, 1l s'ensuit une grande dépense
d'énergie, car tout Le temps utilisé en marches et contre-marches
représente un travail considérable. Ce travail a-t-il, au moins,
un résultat, sinon indispensable, simplement utile ? Nous
savons bien que non, puisque les larves se nourriraient et se
développeraient aussi bien avec des proies toutes différentes :
et de là ressort la complète inutilité du travail effectué. En
conséquence, l'attraction que subissent les femelles entraîne
une dépense d'énergie inutile et devient, par là même, vérita-
blement nocive.
D'autre part, les complications du comportement des larves
de Vésicants aboutissent à un résultat analogue. Que les œufs
soient pondus sur les fleurs ou dans le sol, il en résulte pour
les larves — outre une dépense d'énergie — un très grand danger.
Qu'elles s’accrochent aux Insectes qui passent, ou qu'elles se
déplacent par leurs moyens propres, elles ne réussissent que
dans un nombre restreint de cas à gagner un nid d’Abeilles ou
de Guêpes. Beaucoup d’entre elles périssent, à coup sûr. En
présence de ce résultat incontestable, et d'ailleurs évident,
l'admiration des naturalistes ne connaît plus de bornes. Sans
doute, disent-1ls un grand nombre de larves disparait, mais ces
pertes, que rend possible une ponte surabondante, ont leur
contre-partie dans la persistance de l’espèce.
N'est-ce pas, tout de même, un détour singulier que de
déposer des larves sur un substrat quelconque, alors qu'il
serait tout aussi simple de les déposer là où elles trouve-
raient des aliments ? Aucun obstacie ne s'oppose à un tel com-
portement, puisqu'il est précisément celui d’un certain nombre
d'Insectes. Au surplus, le détour d'une ponte surabondante,
supposée nécessaire pour perpétuer l'espèce, aboutit simple-
ment à une perte de substance. Toutes ces larves qui meurent
prématurément représentent autant d'énergie dépensée sans
aucun profit ; et l’on se rend bien compte du peu qu'il faudrait
pour que cette perte, déjà nocive à un certain degré, le devienne
to
ne
ce
CONTRASTE DE RÉGIMES ALIMENTAIRES
irrémédiablement. Pour tout dire, Le raisonnement qui consiste
à représenter la multiplicité des œufs comme une compensation
aux difficultés du développement est un raisonnement propre-
ment absurde. Selon toute vraisemblance, la marche des évé-
nements doit se reconstituer d’une toute autre manière.
Bien évidemment, si des animaux soumis à de telles compli-
cations ne pondaient qu'un petit nombre d'œufs, leur lignée
disparaitrait rapidement ; la plus grande fécondité augmente
alors les chances de vivre et, par suite, la complication perd
un peu de sa nocivité. Mais on ne peut dire que cette fécondité
soit un avantage ; elle ne supprime pas linutilité du travail
accompli, ni l'énorme destruction de matière : cette fécondité
n'est que le moindre mal ; elle limite, dans une faible mesure,
le dommage occasionné par l'attraction qui éloigne la femelle
d'un substrat capable de servir d'aliment aux larves.
Aïnsi, en examinant dans leur ensemble les processus qui
aboutissent à une sorte d'opposition entre le régime alimentaire
des larves et celui des adultes, on ne trouve rien que le jeu nor-
mal de l'activité générale des organismes en fonction du milieu,
leur constitution étant donnée. Inéluctablement entrainés et
déterminés par les influences les plus diverses, dont les effets
varient avec les états physiologiques, les organismes vont ici
ou là. Le résultat est simple ou compliqué, suffisant ou nuisible,
en aucun cas ce résultat n influe sur le déterminisme.
6 mars 1922.
Charles PÉREZ
OBSERVATIONS SUR
LA MULTIPLICATION GEMMIPARE
D'UN SCYPHISTOME
1. Circonstances de récolte et conditions d'élevage.
Pendant mon séjour de l'été 1920 au Laboratoire maritime
de Wimereux, j'ai eu l’occasion d'observer des Scyphistomes
vivant fixés sur la tunique d’Ascidies, Ciona intestinalis Flem.,
récoltées elles-mêmes sur les portes du bassin à flot de Bou-
logne-sur-mer. Cette association n'a évidemment rien de néces-
saire. Je noterai cependant qu'à la même époque MM. CauLzery
et Mesniz ont observé également, à l'anse Saint-Martin, près
de Cherbourg, des Scyphistomes sur la tunique d'une Ascidie,
et que, dans le vivier de la Station Biologique de Roscoff, des
Scyphistomes s’observent aussi fréquemment sur les Aserdia
mentula O.F. Müller.
Les Scyphistomes en question formaient sur la tunique une
population très dense, dont les individus se signalaïient immé-
diatement par l'extrême diversité de leur taille. De toute évi-
dence il ne s'agissait point là d'un groupement de frères de
même âge, résultant de la fixation simultanée de tout un essaim
de planulas. Les individus les plus petits se faisaient d’ailleurs
remarquer par de fréquentes irrégularités de nombre, de dis-
tribution ou de taille de leurs tentacules, caractère en opposi-
tion avec l’uniformité ordinaire du type des polypes directement
issus de larves nageuses. J’ai tout de suite pensé qu'il s’agis-
sait d'une population de polypes en voie de multiplication par
bourgeonnement et dont les tailles diverses correspondaïent à
autant de générations issues les unes des autres. L'observation
prolongée n'a pas tardé à confirmer cette impression; et j'ai pu
suivre en élevage le détail des processus de blastogénèse.
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 245
Les circonstances naturelles de la récolte facilitaient particu-
lièrement l'observation. De petits segments de tunique, épais
d'environ 1 millimètre et porteurs de Scyphistomes, furent
prélevés au rasoir et déposés à plat sur le fond de boîtes de
Pétri. Les polypes purent ainsi être élevés et nourris, comme
je l'ai décrit dans un travail antérieur (Ch. Pérez, 1921). Jai
utilisé comme nourriture des débris de tissus variés : intestin
de Ciona, foie de divers Mollusques ou Crabes, ou bien encore
gonophores de Tubularia. 1 peut y avoir intérêt, à certains
égards, à faire alterner des repas diversement colorés, tels que
foie jaune et gonophores rouges ; l'aliment coloré réalise en
effet, pour les régions endodermiques qui l'ont englobé, une
sorte de teinture qui persiste plusieurs jours et ne s’atténue que
peu à peu. On peut, par ce moyen très simple, constater par
exemple que la substitution de teinte après un nouveau repas
ne s'étend pas à un bourgeon, indice de la non pénétration des
aliments à partir de la cavité gastrale du parent ; on peut aussi
noter à partir de quel moment et dans quelle mesure un jeune
bourgeon dont la bouche est ouverte commence à prendre de la
nourriture extérieure.
La séparation des supports dans des récipients distincts, la
forme particulière de chaque fragment de tunique, permettaient
de suivre, par continuité de jour en jour, des individus exacte-
ment repérés, et de les observer à de multiples reprises sans les
endommager, ni troubler en quoi que ce soit leur existence.
Les observations furent poursuivies du 25 août jusqu’au 5 octo-
bre ; un grand nombre d'individus furent suivis et dessinés cha-
eun au moins une fois par Jour ; précaution nécessaire en raison
des rapides modifications de formes qui peuvent parfois se pro-
duire en quelques heures, et qui feraient douter de l'identité
d'un polype en l'absence de dessins sériés et de repères précis.
Chaque individu fut désigné dans mes notes par une lettre ;
telle est la signification des majuscules accompagnant les figures
et auxquelles ne correspond dans les légendes aucune expli-
cation.
Etant donné que les Scyphistomes de mes élevages ont été
fréquemment et abondamment nourris, 1l est possible que les
processus de bourgeonnement aient été accrus d'intensité, de fré-
quence et que les étapes du phénomène en aient été accélérées.
246 CH. PÉREZ
Mais je ne crois pas qu'il y ait eu perturbation véritable dans
l'allure morphologique des faits. En effet, après que mes éle-
vages eurent déjà duré un certain temps, une nouvelle récolte
d'Asecidies fut faite dans la station naturelle, et un examen
immédiat des Scyphistomes qu'elles portaient me fournit un
grand nombre de stades variés, exactement superposables aux
dessins déjà consignés dans mes notes. Les faits qui vont être
décrits correspondent done bien, sous réserve d'un changement
possible de vitesse, à ceux qui se produisent spontanément
dans les circonstances ordinaires.
2. Formation de stolons pédieux et de crampons de
consolidation.
Un phénomène particulièrement manifeste dans la popula-
tion de Scyphistomes était la poussée fréquente de stolons sur
la région mférieure des polypes (fig. 1). Constitués par une
Fig. 1. — Divers aspects de Scyphistomes porteurs de stolons pédieux x 15.
simple évagination des deux couches épithéliales de la paroi du
corps, ces stolons débutent comme une simple voussure, et
1
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 24
s'étirent ensuite en un cône aigu dont le sommet se prolonge
par un filament cylindrique grêle, légèrement renflé à son
extrémité hbre en une sorte de bouton glutineux, et dont la
forme rappelle souvent celle d'une baguette de tambour. Sans
avoir bien entendu la mobilité et la contractilité rapide des
- tentacules, ces stolons sont flexibles et susceptibles de mouve-
ments lents de nutation dans leur méridien d'insertion ou de
rotation autour de l’axe du polype. Ils ont l'air de palper leur
champ de déplacement, et se fixent éventuellement d'une
manière temporaire, en épatant sur un support de rencontre
leur bouton terminal. Ils peuvent aussi se rétracter en se
Fig. 2. — I, Polype à deux stolons, vu par la face orale.
Il, Cas exceptionnel, trois stolons parallèles insérés côte à côte.
ramassant vers leur base d'insertion et raccourcissant leur fila-
ment distal. C’est généralement après s'être ainsiraccourcis qu'ils
se fixent définitivement, au voisinage plus immédiat du pied
primitif du Scyphistome et constituent des crampons supplé-
mentaires renforçant l'adhérence du polype à son support (fig.27,
28, p. 266, 267).
IL est possible que l’activité de cette rhizomanie ait été rendue
plus intense par les conditions spéciales de l'élevage : les petits
fragments de tunique isolés en boîtes de Pétri constituaient
des supports insuffisamment fixes, fréquemment agités au cours
des observations ou des opérations de nourrissage. On conçoit
que cette agitation ait pu provoquer des réactions tendant à
248 CH. PÉREZ
consolider la fixation, réactions d’une efficacité d’ailleurs illu-
soire dans les conditions où elles se produisaient. Mais le pro-
cessus de stolonisation est certainement naturel ; je l'ai observé
sur des Scyphistomes venant d'être récoltés dans leur station
naturelle ; 11 correspond exactement à celui que L. Acassiz a
Fig. 3. — Stolon bifurqué.
figuré autrefois (1860) pour les Scyphistomes d'Aurelia flavi-
dula Péron et Lesueur, et que Hérouarb a plus récemment
décrit (1909-11) chez les Seyphistomes de Chrysaora isosceles
Esch. observés à Roscoff.
Le même polype peut pousser simultanément plusieurs sto-
lons. en règle générale dans des directions variées (fig. 2, /).
Fig. 4. — Stolon issu d’un bourgeon, et ramifié en croix.
La figure 2, /1, représente un cas exceptionnel : trois stolons
identiques partent presque du même point, et un quatrième
commence à pousser dans une autre direction.
Presque toujours les stolons sont simples, sans aucune rami-
fication, Parfois cependant ïl$ se bifurquent un peu avant leur
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 249
extrémité (fig. 3, 19 p.261). La figure 4 montre un stolon bifur-
qué en croix, en forme de VW, et qui est lui-même issu d’un
bourgeon.
IL arrive assez fréquemment qu'après s'être fixé par son
extrémité distale, lé stolon se contracte en augmentant de dia-
mètre et attire à lui sa région d'insertion sur le polype. dont
le pied primitif s'étire en cédant à cette traction ; aussi n'est-il
pas rare d'observer des Scyphistomes dont le calice s'évase au
sommet d'une arche de pont dont les deux culées sont seules
Fig. 5. — Polype dont la partie pédieuse forme nn arceau entre la fixation
primitive (1) et la fixation nouvelle (Il) de l'extrémité d’un stolon.
fixées au support (fig. 5). Ces polypes qui ont l'air de faire le
grand écart sont peut-être parfois en train de changer de posi-
tion, par une sorte de marche arpenteuse qu'Hérouarb à déjà
signalée. La substitution d'une nouvelle région pédieuse à
l’ancienne comporte naturellement dans la région basilaire du
calice un remaniement morphallactique qu'il serait intéressant
d'étudier en détail. Mais souvent le processus s'arrête là, et le
polype conserve longtemps sa double fixation.
La figure 6 montre un cas un peu aberrant du phénomène
250 CH: PÊREZ
précédent. Un stolon exceptionnellement trapu s'était déve-
loppé le 5 septembre, ressemblant plutôt à un bourgeon : le
Fig. 6. — Deux aspects successifs du polype E, le 5 et le 6 septembre.
lendemain cette protubérance s'était tout simplement infléchie
vers le bas et largement fixée au support par son extrémité libre.
Fig. 7. — Deux aspects ultérieurs du polype E, le 10 et le {1 septembre.
Poussée puis rétraction d'un stolon.
Le 8 septembre la nouvelle région de fixation se prolongea en
un stolon digitiforme flottant qui alla s’allongeant jusqu’au
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 251
10 septembre (fig. 7). Le 11 ce stolon flottant s'était rétracté
vers sa base d'insertion et le 12 il s'était presque complètement
effacé. Ce polype E fut suivi encore jusqu'au 16 septembre,
sans présenter aucune modification nouvelle digne d’être notée.
3. Allures diverses du bourgeonnement.
Outre la poussée des stolons, les Scyphistomes se multi-
pliaient abondamment par la formation de bourgeons. Bien que
les processus ne soient pas toujours absolument distincts, on
peut dire en principe que les bourgeons naissent sur la paroi
latérale du calice à un niveau plus élevé que les stolons stéri-
les (fig. 8); et dans les cas les plus simples un jeune bourgeon
Fig. 8. — Contraste entre la première ébauche d’un stolon stérile s
et d’un bourgeon D.
se distingue de l’amorce d’un stolon en ce qu'il prend assez
rapidement la forme d’une figue, pédiculée à son insertion
sur le parent (fig. 8).
Le bourgeon peut continuer à évoluer ainsi, ouvrir à son
sommet l’orifice buccal, et développer successivement ses pre-
miers tentacules (fig. 25, page 265). Et si la disposition topo-
graphique du support autour du parent s’y prête, le bourgeon
peut se fixer directement par un point diamétralement opposé
à la bouche et qui représente morphologiquement sa région
pédieuse. Tel est le cas du polype B (fig. 9), où le bourgeon
en forme de pipe s'est fixé d’une façon précoce en se posant
simplement sur une saillie voisine du support.
252 CH. PÉREZ
En règle générale la fixation est beaucoup plus tardive. Le
bourgeon précise et régularise sa forme, et il évolue jusqu à
une étape assez avancée, tenant toujours au parent par un pont
d'union qui s'étrangle et s’étire de plus en plus, ne constituant
bientôt qu’un filament extrèmement grêle, qui ne conduit évi-
Fig. 9, — Fixation précoce et directe d’un bourgeon
te) x te)
par appui sur le support.
demment plus aucun échange nutritif entre Les deux polypes
nés l’un de l’autre, et qui permet au bourgeon de tourner
librement autour de son point d'attache dans les attitudes les
plus variées (fig. 19, page 261). Quand le bourgeon commence
à se rendre lui-même solidaire d’un support voisin, c'est en
poussant personnellement un stolon, directement opposé à la
fixation au parent, et qui nait un peu au-dessus de l'extrémité
inférieure figurant le pied du bourgeon. Ce stolon peut n'appa-
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 953
Fig. 10. — Fixation d'un bourgeon par un stolon apparu tardivement,
après l’étranglement du pédicule du bourgeon.
raîitre que postérieurement à l’étranglement du pédicule d’un
bourgeon en forme de figue (fig. 10, fig. 18, p. 260).
Fig. 11. — Deux aspects à 20 heures d'intervalle, d’un polype où s'ébauchent
à peu près simultanément un bourgeon ogival n, el le stolon qui le pro-
longe distalement «.
17
254% CH« PÉREZ
Mais le plus souvent il y a ébauche simultanée du bourgeon
et de son stolon distal (fig. 11). Dans ce cas au lieu de pren-
dre rapidement, par étranglement basilaire, une forme de
figue, l’ébauche commune se présente sous forme d’une saillie
de forme conique ou ogivale, largement insérée sur la paroi
latérale du parent, et se prolongeant bientôt à son sommet par
une longue digitation grêle. L'ensemble rappelle assez l’ébau-
che d’un simple stolon stérile ; elle en diffère surtout par son
embase plus élargie et son insertion plus élevée par rapport au
calice du parent.
Le bourgeon se précise ensuite par un remaniement de forme
Fig. 12. — Deux aspects, à 20 heures d'intervalle, de la différenciation
d’un bourgeon né simultanément avec son stolon.
de l’ébauche ; un renflement qui fait de plus en plus saillie
vers le haut (c’est-à-dire vers le côté oral du parent) attire à
lui la plus grande partie des tissus épithéliaux de l'ébauche, et
se transforme en un cône au sommet duquel la bouche s'ouvre
bientôt comme l’orifice d’un cratère (fig. 12 ; fig. 20, page 262).
Puis la région orale s’aplatit et le bourgeon se tasse en une
sorte de pot cylindrique ou globuleux, avant même que ne
commencent à s'annoncer les premiers tentacules. Le pont
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 255
d'union avec le parent se marque par une constriction de plus
en plus nette et la partie distale de l’ébauche commune primi-
tive persiste à. l’état de stolon du bourgeon.
La précocité de la formation du stolon n'entraine d’ailleurs
aucunement la précocité de la fixation du bourgeon auquel il
appartient. Celui-ci peut au contraire atteindre un stade assez
Fig. 143. — Trois polypes fixés en des points voisins et dessinés
aun même instant, phase d'extension commune des stolons.
avancé d'organisation (fig. 13), et présenter, au nombre près des
tentacules, l'aspect d’un petit Scyphistome achevé, alors qu'il est
encore flottant, simplement réuni au polype producteur par le
pont primitif, qui lui permet de tourner en tous sens ; le stolon
palpe autour de lui, comme ceux des polypes adultes ; suivant
les moments 1l s’allonge ou se raccourcit ; il se fixe temporai-
256 _ CH. PÉREZ
rement, puis se libère, se refixe ailleurs. Finalement la fixation
décisive du bourgeon peut se faire non par le stolon, mais par
le sommet mousse de la terminaison inférieure, qui marque
morphologiquementle véritable pied primitif du nouvel individu.
La poussée d’un stolon n’est donc, pas plus pour le bour-
geon que pour le polype adulte, la préparation immédiate et
certaine d’une fixation. Il est bien manifeste dans les élevages
que suivant des conditions de milieu que je ne puis définir
d'une façon plus précise, des polypes voisins allongent ou
rétractent leurs stolons d'une manière simultanée et comme par
épidémie.
Une fois la fixation définitive opérée, la séparation d’avec le
parent ne s'ensuit pas forcément. Le pont d'union peut persis-
ter sous forme d'un long fil étiré presque imperceptible
(fig. 13), qui n'a évidemment plus aucune signification, mais
qui est encore assez résistant pour surmonter longtemps les
tractions auxquelles il est soumis de la part des deux individus.
Toutes les fois que la rupture prochaine s'annonce, dans un
pont d'union moins étiré, on peut constater que l’étranglement
localisé qui va la déterminer est situé au voisinage immédiat de
la paroi du polype générateur.
4. Orientation des bourgeons. Ordre de poussée
des tentacules. |
Dans un petit nombre de cas où le bourgeon s’ébauche rela-
tivement très bas sur la colonne pédieuse du parent, il peut y
avoir ambiguïté sur la situation morphologique exacte de ce
bourgeon. Mais dans la grande généralité des cas iln’y a pas de
doute ; le bourgeon est une évagination d’une des poches per-
radiales ; et, quand il est lui-même assez évolué pour que l'on
puisse fixer la situation de ses plans de symétrie, on constate
que parent et bourgeon sont tous deux homothétiques (fig. 14,
H, R).
Chez les jeunes polypes issus de la fixation des planulas, on
sait que les tentacules naissent régulièrement par cycles, les
tentacules d’un même ordre poussant simultanément. Les bour-
geons présentent au contraire à cet égard une constante dissy-
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 257
métrie, le côté proximal par rapport au parent étant toujours,
dans les stades jeunes, en retard par rapport au côté distal. Un
Fig. 14. — Divers bourgeons supposés vus en projection sur le plan
de fixation du parent, et montant l’ordre de poussée des tentacules
mamelon unique apparaît d’abord au delà de la bouche
(fig. 14) ; d’après ce que nous venons de dire de la situation
Fig. 45. — Trois bourgeons de la figure 14, représentés à un stade
plus avancé.
958 CH. PÉREZ
homothétique du bourgeon et du parent, c'est Famorce du ten-
tacule perradial distal du bourgeon. Bientôt après s'indiquent
simultanément les deux tentacules perradiaux adjacents au
premier ; et tandis que le quatrième se fait attendre, deux petits
mamelons naissent à leur tour dans les intervalles des trois pre-
miers tentacules. On passe ainsi par des étapes successives à
1, 3, puis 5 tentacules (fig. 14), le bourgeon présentant non
point encore la symétrie axiale, mais une symétrie bilatérale
par rapport au plan défini par l'axe du parent et le point d’in-
Fig. 16, — Deux aspects du polype X à 22 heures d'intervalle.
Bourgeon aux stades à trois et à cinq tentacules.
sertion du bourgeon, plan qui est perradial à la fois pour les
deux individus. C'est généralemen à ce moment que pousse le
tentacale perradial proximal, donnant un stade à 6 tentacules,
puis deux nouveaux de part et d'autre de lui, par lesquels se
complète à son tour le eyele des interradiaux. Jusque-là s'est
conservée la symétrie bilatérale, marquée d’abord nettement
par le nombre et la distribution des tentacules, ensuite recon-
naissable encore à la plus grande longueur des tentacules dis-
taux ; mais elle s'oblitère peu à peu ; c'est en principe, au stade
à $ tentacules, que se fait la régularisation de leur longueur
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOMÉ 259
et de leurs angles d'écart, assurant l'installation définitive de
la symétrie axiale. Les figures 14 et 15 représentent diverses
étapes, les polypes étant représentés d'une manière en quelque
à jo
Fig. 17. — Trois stades successifs du polype V, de 24 en 24 heures.
sorte diagrammatique, vus par la face orale et tels qu'ils se
projettent sur le plan du support ; Les figures.16 et 17 donnent
des aspects perspectifs.
5. Histoire monographique de quelques individus.
A la description générale qui précède et qui résume l’ensem-
ble des observations, j'ajouterai l'histoire sommaire de cer-
tains individus. Ce sera un moyen de préciser par quelques
exemples l'allure des processus et d'en fixer quelques données
chronologiques.
Le polype A est suivi à partir du 2 septembre. À ce moment
il présente inférieurement deux points de fixation distincts
(fig. 18) et porte, outre un stolon digitiforme flottant, un bour-
260 CH. PÊREZ
geon 4, eu forme de figue, à pédicule déjà étranglé, et se pro-
longeant Jui-même par un stolon grêle Le bourgeon s’insère
sur la partie inférieure d’une poche perradiale, assez près d’un
plan interradial. À 15 heures le polype est nourri avec des
gonophores de Tubularia. Le lendemain, rassasié, il est à demi
contracté ; la couleur rouge est restreinte à son endoderme
propre, le bourgeon ayant au contraire une teinte jaune pâle,
indice persistant d'un repas de Ciona antérieur au début des
observations. La bouche est ouverte, entourée des trois pre-
miers tentacules. Si l'on provoque une contraction plus énergi-
que, on voit que le pédicule d'union s’insère un peu latérale-
Fig. 18. — Le polype A, le 2 septembre à 15 heures et le 3 septembre
à 10 heures.
ment sur le bourgeon, comme le tuyau d'une pipe sur le
fourneau. Dès le 4, le pédicule d'union est très étranglé et la
continuité endodermique y parait abolie.
Au cours des journées suivantes le bourgeon précise sa
forme comme il à déjà été dit, pousse un second stolon, puis le
rétracte ; Le 5 septembre il a 8 tentacules alternativement plus
longs et plus courts, avee mamelons intercalaires annonçant les
tentacules suivants, et un stolon particulièrement allongé ; le
bourgeon pivote autour de son pédicule d'union. Le 6 septem-
bre égalisation des tentacules (fig. 19); essai d’alimentation
avec du cæcum hépatique d’Asteracanthion rubens ; le polvpe
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 261
en avale, mais rejette l'aliment au cours de la nuit suivante ; le
bourgeon n'a rien absorbé. Le 9, repas de Ciona : Le 14, repas
de Tubularia. Le 15, le bourgeon 4,, s’est fixé à côté du parent,
auquel il tient toujours par un mince filet d'union presque
imperceptible, mais qui persistera encore longtemps sans se
rompre. Le parent À, qui commence à pousser des stolons
trapus (fig. 20), porte l’ébauche en forme de figue d’un second
bourgeon 4, qui correspond sans doute à la poche perradiale
Fig. 19. — Le polype A, le 6 septembre à 11 heures. Stolon bifurqué en Y.
diamétralement opposée à celle qui avait donné le premier. Sa
première annonce avait échappé à l'observation, mais s'était
certainement précisée vers le 13, car la petite figue est exclusi-
vement jaune (Ciona) et tranche par là sur la couleur rouge du
parent, nourri la veille avec des Tubularia. Mais au cours de la
journée du 16 une partie des tissus du parent, avec de l'endo-
derme rouge, sont entrainés et incorporés dans le bourgeon. qui
s'atténue d'autre part à son extrémité libre en un stolon grêle, et
commence à se fixer. Le 17 (fig. 20) cette fixation s’est raffer-
262 CH. PÉREZ we
Fig. 20. — Le polype A, le 15 septembre à 14 heures et le 17 septembre
à 11 heures. Le bourgeon à, est caché derrière A.
mie sur une tige de Gonothyræa dressée sur le fragment de
tunique qui forme support général ; le bourgeon se délimite en
Fig. 21. — Le polype A, le 20 septembre à 41 h, 30. /
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 263
un cône dressé précisément aux dépens des tissus entraînés en
dernier lieu (endoderme rouge), et ouvre sa bouche. Le parent
lui-même consolide sa fixation. |
Au cours de la journée et de la nuit du 18 septembre, les
polypes sont transportés de Wimereux à Paris, puis de Paris à
Royan. L'agitation du voyage en chemin de fer à pour résultat
de désagréger le morceau de tunique, à moitié décomposé ;
Fig. 22. — Le polype A, le 21 septembre à 9 heures, £ débris de tunique,
restes de la fixation primitive.
des vestiges granuleux en subsistent seuls adhérents au pied
de À et de a;,et marquent ainsi les points de fixation primitifs ;
a, à maintenant 16 tentacules ; il tient toujours à A par un
tractus filiforme ; 4, a évolué en pincant son pédicule d’umion ;
il porte une dizaine de tentacules et un long stolon flottant.
Le 19, repas de foie de Crabe (Eriphia spinifrons) ; le 20, À et
ses bourgeons sont isolés dans la concavité d'une valve de
coquille d'Huitre (') (fig. 21).
{!} On rencontre communément, rejetées sur les plages de la région de Royan,
264 ; CH. PÉREZ
Le 21 septembre à, a fixé sur l'Huitre un de ses stolons
(fig. 22); a, a également fixé le sien, et se hälant sur ce point
de fixation il a au contraire étiré son pédicule d’union avec À ;
a, à poussé un long stolon grêle. Le lendemain (fig. 23) 4, s'est
complètement rapproché de son point de fixation qui est devenu
son pied ; le stolon de a, commence à se fixer. Au cours des
journées suivantes un remaniement transforme 4,, qui tend à
se libérer des débris de tunique qui marquent sa fixation pre-
mière et acquérir comme nouveau pied le point de fixation de
Fig. 23. — Le polype A, le 22 septembre à 10 heures.
son stolon (fig. 24). À [a fin de septembre, retour à Paris ;
après quelques jours d'abandon les observations sont reprises
le 20 octobre ; c'est seulement alors que les deux bourgeons
apparaissent définitivement libérés de leurs dernières attaches
avec leur parent A. l
Le polype G est suivi à partir du 6 septembre. Pendant plu-
sieurs jours il ne présente rien de spécial à noter qu'un stolon
basilaire flottant. Le 11 septembre un premier bourgeon g,
s'indique nettement, en forme de figue. Le 12 (fig. 25) ce bour-
des coquilles d'Huitres qui ont longtemps séjourné dans des vases noires et sont
inprégnées de sulfure de fer; elles ont pris une couleur d'ardoise foncée et se
prêtent particulièrement bien à cet isolement de petits animaux hyalins.
MULTIPLICATION GEMMIPAIE D'UN SCYPHISTOME 265
Fig. 24 — Le polype A, le 24 septembre à 9 h. 30.
geon a ouvert sa bouche et pousse son premier tentacule ; du
côté opposé un stolon à base renflée parait annoncer un autre
bourgeon ; mais il se rétracte et se résorbe presque complète
Fig. 25. — Le polype G, le 12 septembre à 10 h. 30, et le 19 septembre
à 15 heures.
266 CH. PÉREZ
ü
Fig. 26. — Le polype G, le 20 septembre à 14 heures.
Le support n'a pas été figuré.
ment au cours des journées suivantes. Après un repas de Tubu-
laria, donné le 14, ce bourgeon 9: réapparait le 16 sous forme
Fig. 27. — Le polype G, le 21 septembre à 10 heures,
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOMÉ 267
d’une excroissance ogivale : Le 19 il se précise, ouvre sa bouche
et se prolonge distalement par un stolon court et épais (fig. 25) ;
9 qui à bien évolué pendant ce temps pousse aussi un stolon
qui s’allonge beaucoup le lendemain (fig. 26) ; le parent G con-
solide d'autre part sa fixation par la poussée, dans sa région
pédieuse, de plusieurs stolons et crampons polymorphes. Du
20 au 24 les bourgeons complètent leur nombre de tentacules
(fig. 27 et 28) ; le 25, g,, en à une dizaine, dont un, perradial
Fig. 28. — Le polype G, le 22 septembre à 11 heures.
Diagramme isolé de g1. Le support n’a pas été figuré.
distal, bifurqué et des moignons intercalaires ; 9, en a sept mé-
gaux et de petits moignons.
Le polype K est suivi à partir du 10 septembre. Il présente
alors (fig. 29) un stolon perradial à base élargie, qui prend le
lendemain une forme de figue, et se fixe d’une manière précoce
le jour suivant par sa partie distale en s’infléchissant simple-
ment vers le support. Le 14 repas de Tubularia ; le bourgeon
k, au lieu de se différencier d’une facon normale, se condense
à son point de fixation (fig. 29, Z/1) et étire au contraire, en un
fil très grêle son pédicule d'union; le 19 il est complètement
séparé (fig. 30) et forme une sorte de petit sac dressé, à quelque
268 CH. PÉREZ
distance du pied du parent. Suivi jusqu'au 26 septembre, ce
bourgeon persista sous la même forme sans présenter aucune
différenciation notable ; il fut ensuite perdu de vue. Cette sta-
gnation d'un bourgeon détaché d’une façon trop précoce con-
traste avec l’évolution rapide des bourgeons normaux, dont on
a vu plus haut des exemples et qui restent unis au parent par
Fig. 29. -- Trois états successifs du polype K, les 10, 11 Æt 12 septembre
à 10 h. 30.
un pont de tissus capable de continuer pendant quelques jours
à leur amener des éléments nutritifs. Entre le 16 et le 26 sep-
tembre le polype K donna d'autre part un second bourgeon #,,
celui-là normal, à cela près qu'il poussa simultanément deux
premiers tentacules (fig. 30, V1); l’évolution ultérieure montra
qu'il s'agissait du tentacule perradial distal et d'un perradial
adjacent (fig. 30, V1).
(eæ,
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 269
6. — Anomalies diverses.
.
Au cours de cet élevage de Scyphistomes, j'ai eu Foccasion
d'observer, comme dans un élevage antérieur de Cyanea capil-
lata Esch., de multiples anomalies. Les plus fréquentes sont des
ramifications de tentacules, qui peuvent se produire à divers
niveaux. Nous en avons déjà rencontré une dans l’histoire du
Fig. 30. — Elats ultérieurs du polype K et de ses bourgeons. IV, le 16 sep-
tembre à 41 heures. V, le 19 à 16 heures. VI, le 23 à 44 h.30. VIT, le 25 à
14 h. 30. VILLE, k1 le 26 à 9 h.
polype G (fig. 27, 28, p. 266). La figure 31 en montre des exem-
ples variés allant de la simple ramification accessoire jusqu'au
dédoublement complet d’un tentacule, deux files de cellules
endodermiques de soutien étant simplement juxtaposées, dans
un manchon unique d’ectoderme, au voisinage de la base d'in-
sertion.
18
270 CH. PÉREZ
Une anomalie plus curieuse est celle du polype C, remarquée
à partür du 3 septembre et que montrent les figures 32 et 33.
Dans la région supérieure du calice, peu au-dessous de l’in-
sertion de la couronne tentaculaire, une des poches perradiales
s’évagine en une protubérance latérale imperforée qui porte à
son sommet trois tentacules. Détaché de sa fixation primitive,
ce polype fut isolé en boite de Pétri et suivi jusqu'au 10 sep-
tembre. Il présenta pendant cet intervalle diverses alternatives
de poussée ou de rétraction de stolons, conduisant à une fixation
Fig. 31. — Divers cas de ramification de lentacules.
En D, dédoublement complet d'un tentacule perradial.
nouvelle et multiple sur le fond de Ia boite de Pétri. Mais pen-
dant tout cet intervalle, 1l n’y eut aucune modification notable
de la protubérance anormale, que les figures 32 et 33 montrent
simplement”à diverses phases d'extension. Il s’agit done bien
là d'une monstruosité et, non d'un début de bourgeonnement;
on ne doit pas non plus interpréter cette anomalie comme un
simple déplacement d'insertion des tentacules corrrespondants
à la poche perradiale intéressée ; celle-ci porte en effet au bord
marginal du calice quatre tentacules insérés deux en situation
régulière, et deux autres un peu en dedans, du côté de la
bouche.
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME
Enfin Ja figure 34 représente un Scyphistome réalisant d'une
manière presque parfaite le type de symétrie hexamère. On
sat que certaines Scyphoméduses, l'Auwrelia aarita Lam. en
# ne \out J êl {1 0)
Fig. 32. — Trois aspecls successifs du polype C, porteur d’une anomalie
latérale æ: p, pied primitif; #, nouvelles fixations. 1, 3 septembre à
14 heures ; Il, 4 septembre à 14 heures ; IT, 6 septembre à 11 heures.
particulier, sont connues pour présenter fréquemment des cas
d'hypomérie ou d'hypermérie (BazLowirz). Comme je l'écrivais
dans une note sur les Cyanea,ilest bien vraisemblable que les
individus adultes anormaux qui ont été observés provenaient
272 ‘ CH. PÉREZ
de Scyphistomes présentant exactement la même anomalie. Le
cas actuel vient à l'appui de cette opinion : la strobilation de
ce polype eût évidemment donné naissance à des méduses
hexamères comme lui.
7.— Position systématique des Scyphistomes étudiés.
Il est malaisé de déterminer, sous la forme Scyphistome,
l'espèce que l’on à entre les mains. Par l'allure de ses stolons
multiples et polymorphes, la forme que j'ai étudiée rappelle
particulièrement celle que L.'Acassiz a figurée (1860, pl. XI 4)
en la rapportant à l'Awrelia flavidula Péron et Lesueur. Par
Fig. 33. — Deux aspects ultérieurs du polype C.
IV, le 7 septembre à 10 heures ; V, le 10 septembresà 10 heures.
MULTIPLICATION GEMMIPARE D'UN SCYPHISTOME 273
une singulière coïncidence, une des figures de cet auteur (/414.,
pl. XI, fig. 25, c,) montre dans un polype en voie de strobila-
tion une anomalie presque identique à celle que j'ai signalée
plus haut (ig. 32 et 33). Au contraire, les processus que J'ai
observés diffèrent par certains détails de ceux que HHérouarD à
étudiés chez les Seyphistomes de Roscoff, qu'il rapporte à la
Chrysaora isosceles Esch.; en particulier, chez ces derniers, 1l
ne parait pas y avoir coexistence de stolons stériles avec des
bourgeons, ni de bourgeons en forme de figue, naissant directe-
ment sur le parent et sans rapport avec un stolon. Aussi ai-je
Fig. 34. — Scyphisltome à {vpe hexamère.
5 JP YP
émis dansiune note préliminaire (1921), l'hypothèse que les
Scyphistomes faisant l’objet de mon étude pouvaient se rap-
porter à l'Aurelia aurila Lam., commune sur nos côtes. Depuis,
j'ai observé sur la tunique servant de support des kystes qui
me paraissent tout à fait analogues aux kystes pédieux que
HérouarD et Hapz ont fait connaître chez Les Scyphistomes de
Chrysaora. Malgré les différences de détail rappelées plus haut,
il ne serait pas impossible que les Scyphistomes des écluses
de Boulogne fussent spécifiquement identiques à ceux des bacs
et du vivier de Roscoff.
Je ferai en terminant une remarque. Le Scyphistome est
974 CH. PÊREZ
généralement considéré comme une simple forme jeune de la
Méduse. Cette manière de voir procède des premières décou-
vertes qui furent faites sur Le cycle évolutif des Acalèphes; et
elle se justifie si l'on veut à la fois par la taille microscopique
du Scyphistome, comparés aux grandes dimensions de la
Méduse, et par le fait que ce polype succède immédiatement à
la planula issue de la segmentation de l'œuf. Mais les progrès
de nos connaissances ont montré que Le Scyphistome n'est nul-
lementune simple forme transitoire (comme le sont les vraies
formes larvaires) intercalée entre l'œuf et la méduse. Après
chaque saison de strobilation, il réapparait sous sa forme simple
jusqu'à la saison suivante ; 1l peut se multiplier par bourgeon-
nement, donner des statoblastes qui reproduiront aussi sa forme
caractéristique. Il constitue donc une phase particulière du
cycle évolutif de l'espèce, phase essentiellement caractérisée
par la diversité des processus de multiplication asexuée, et qui
est homologue du polype colonial des Hydrozoaires. C'est à
celte forme polype, acquérant alors, avec la maturité sexuelle,
des dimensions notables, que se réduit le cycle des Lucer-
naires.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
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of America, t HI, Boston, 1860.
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Bull. Soc. Zool. France,1i. XLV, 1921.
LAVAL. — IMPRIMERIE BARNÉOUD.
Rd
EE F4
RER ET
EXPLICATION DE LA PLANCHE I
Fig. 4 et2. — Les deux coupes se rapportent à une même prophase d’embryon
fécondé, au stade du bouchon d'Ecker. Les parties non hachurées des
chromosomes correspondent aux points affleurant le plan de coupe. On peut
compter de 30 à 33 chromosomes. Le grossissement est indiqué par une
échelle (Projection d’un micromètre objectif au même grossissement).
Fig. 3, 4et5. — Trois métaphases en vue polaire ayant trait à un embryon
analogue. On remarquera en 3 la torsion prophasique qui subsiste encore
sur plusieurs chromosomes, on y comptera 25 éléments. Il y en a 32 sur
la figure 4 et seulement 22 en 5.
Fig. 6. — Vue oblique d’une métaphase de {re émission polaire. Dessin com-
biné d’après deux coupes. On compte 143 éléments. ”
Fig. 7 et 8. — Deux vues polaires de métaphases de 2 émission polaire.
12 chromosomes en 7,14 en 8. Remarquer la division longitudinale percep-
tible sur un grand nombre de chromosomes.
Fig. 9 et 10. — Deux coupes d’une même métaphase de second globule
polaire. Un des éléments marqué a est à cheval sur les deux coupes.
I y a ainsi 14 chromosomes tous divisés longitudinalement.
Fig. 11. — Matériel étranger introduit par le stylet. On distingue la traînée
pigmentaire, le noyau en bissac provenant sans doute d’un leucocyte,
entouré de cytoplasme qui ne se mélange pas avec celui de l'œuf, et
qui renferme des blocs chromatiques de signification inconnue.
Bulletin biologique. Tome LVI. PLANCHE
Étude des chromosomes chez R. temporaria.
R. Hovasse. A4 Nat. del.
T
th dv
Fe =
CLEA AT S) .
LR
er »
EXPLICATION DE LA PLANCHE II
Fig. 12 et 13. — Deux anaphases provenant de deux œufs du même âge
(16 heures d'évolution) dont l’un a le stock haploïde, l’autre le nombre
double. Une seule coupe a été représentée dans les deux cas. Le grossis-
sement est le même.
Fig. 44, 1, IL, IE. — Trois métaphases d’un embryon de 6 jours, provenant
de la même région des plaques'latérales. Les chromosomes en nombre de 15
(D), 12 (I), 45 (HD) ont été ordonnés suivant leur taille et ont servi à cons-
truire le diagramme donné dans le texte (Fig. V, p. 69).
Fig. 15. — Vue polaire d'une couronne d’anaphase sur laquelle se distingue
la division anaphasique. De 1% à 17 anses dont trois seulement ne parais-
sent pas divisées. Peut-être proviennent-elles d'ailleurs, au moins pour ce
qui concerne les deux le plus à droite, d’un couple dissocié.
Fig. 16. — Obtenue en groupant trois stades de plus en plus avancés de la
télophase (A, B, C). On compte facilement en A 12 vacuoles correspon-
dant aux 142 chromosomes de l’anaphase précédente, En B les vacuoles
ont conflué, en partie tout au moins. Enfin en C le noyau au repos est
reformé.
Bulletin biologique. Tome LVI. PLancnE Il
Étude des chromosomes chez R. temporaria.
R. Hovasse. Ad Nat. del.
P. WINTREBERT
LA VOUTE PALATINE
DES SALAMANDRIDÆ
Son évolution avant, pendant et après la métamorphose,
suivant les conditions biologiques.
(Avec la planche IH)
SOMMAIRE
Pages
DNTE NON EG € VOIR SL POP SUCRES PRES ARE TON PR A SA A RE LE em LA AC Dr fr
PREMIÈRE PARTIE
Les faits
J HISTORIQUE --". - RER EATIO
II. L\ VOUTE PALATINE de SA a PA n Faure 285
1. Jeune larve de 20 mu. (fig. 4), p. 285. — 2, Jeune larve de
25 mm. (fig. 2), p. 287. — 3. Larve de 56 mm. (fig. 3 et 4),
p. 288. — 4. Larve de 57 mm. (fig. 5 et 6) au début de la
métamorphose, p. 292. — 5. Larve de 65 mm. (fig. 7 et 8) au
début de la métamorphose, p. 296. — 6. Larve de 59 min.
(fig. 9 et 10) en pleine métamorphose externe, p. 300. —
7. Larve de 61 mm. (fig. 11,12, 13) au dernier liers de la méta-
morphose externe, p. 303. — 8. Larve de 69 mm. (fig. 14, 15,
16, 17) aux trois quarts de la mélamorphose externe, p 306. —
9. Larve de 62 mm. :fig. 18 19, 20, 21) à la fin de la méta-
morphose externe, p. 309. — 10. Jeune Salamandre à létat
parfait de 70 mm. (fig. 22 à 25), p. 314. — 141. Salamandra
maculosa corsica, adulte de 47 em. 5, p. 326.
III LA VOUTE PALATINE d'Amblystoma is Green et d’A{m-
blystoma opacum Grav.. . . 326
A. Larves normales en bonne santé, p. 327. — 12. Jeune Axolotl
de 20 mm. (fig. 27), p. 327. — 13. Jeune Axolotl de 28 mm.
(fig. 28), p. 328. — 14. Axolotl de 6 mois, de 9 cent. (fig. 29 et
30), p. 331. — 15. Axolotl mâle de 17 cm. (fig. 31 et pl. [IL A),
p. 335. — 16. Axolotl femelle de 6 ans et 22 cm. (fig. 32 et 33),
P. 538.
B. Axolotls en etat de misère physiologique, p. 344. — 17. Axo-
lotl femelle de 19 em. morte de maladie (fig. 34), p. 345. —
18. Axolotl de 45 cm. réfractaire à la métamorphose (fig. 35),
19
276 P. WINTREBERT
p- 346. -— 19. Jeune Axolot] de 9 cm. réfractaire à la métamor-
phose (fig. 36), p.347. — 20. Petit Axolot] de 82 mm. mort d’ina-
nition (fig. 31), p. 349. 21. Jeune Axolotl de 9 cm. réfrac-
taire à la métamorphose, mort d'inanition (fig. 38 et 39),p. 352.
CG. La métamorphose chez Amblystoma tigrinum, p. 355. —
22. Jeune Axolotl de 41 cm. à la fin de la métamorphose externe
(fig. 40), p. 356. — 23. Jeune Amblystome de 11 cm. nouvelle-
ment métamorphosé (fig. #1), p. 358. — 24. Jeune Amblystome
de 15 em. ayant acquis sa parure terrestre depuis 3 semaines
(fig. 42 et 43), p. 361.
D. Les demi-Amblystomes branchiés, p.365. — 25. Demi-Amblys-
tome branchié de 17 cm. (fig. 43 et #4), p. 367. — 25 bis. Id.
(pl. HTC), p. 371. — 26 Zd. de 13 cm. 5, p. 372.
E. Les Amblystomes parfaits, p 372. — 27. Amblystoma tigri-
num femelle de 16cm 5 (fig. 46 et 47), p. 372. — 28. /d. mâle
de 49 cm. (fig. 48, 49, 50, 51 et pl. LED), p. 382. — 29. Amblys-
toma opacum adulte de 13 em. 7 (fig. 52), p. 884.
DEUXIÈME PARTIE
Considérations générales et conclusions
I. L'ARNC DENTÉ INTERNE DE LA VOUTE PALATINE CHEZ LES
LARVES DE SALAMANDRIDOE. Il n’est à l’état normal Ua que
de deux os, le vomer et le ptérygo-palatin è
II. LE PALATIN N'EXISTE PAS CHEZ LES SALAMANDRIDOE A L'ÉTAT
PARFAIT . URSS ONE ANNEES
III. LES GHANGEMENTS | D'ASPEC T DE L’ARC VOMÉRO-PTÉRYGO-
PALATIN SUIVANT L’AGE A L'ÉTAT LARVAIRE
IV. LA DISPARITION DE LA TIGE ET DE LA PALETTE DENTÉE PTÉ.
RYGO-PALATINE AU DÉBUT DE LA MÉTAMORPHOSE. L
V. LE MODE D'ÉDIFICATION DU VOMER DÉFINITIF (lig. 53) .
VI. LE MODE DE FORMATION DU PTÉRYGOIDE OSSEUX DÉFINITIF.
VII LA CONFORMATION DES DENTS ET LE MÉCANISME DE LEUR
CHUTE PENDANT LA MÉTAMORPHOSE 2 . 5
VIII. LA DISPARITION DE L’AUTOSTYLIE A LÉPODUE DE LA. MÉTA-
MORPHOSE,
IX. LA SIGNI*ICATION PHYL ee E DE L'APPAREIL DENTÉ PTÉ-
RYGO-PALATIN- SR LUS à
X. LES RAPPORTS ENTRE LA STRUCTURE DE LA VOUTE PALATINE
ET LES CONDITIONS DE VIE CHEZ LES SALAMANDRIDÆ.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 271
INTRODUCTION
Ce travail ne vise pas à la description de la voûte palatine
chez un grand nombre d'espèces ; il tend seulement à la mieux
connaître chez quelques animaux. Il à trait spécialement à l’évo-
lution, tant ontogénique que phylogénique, de Farc denté interne
voméro-ptérygo-palatin, chez deux espèces de Salamandridæ,
Salamandra maculosa Laur.et Amblystoma tigrinum Green. La
première est prise comme type des Salamandridæ mécodontes
à dents vomériennes disposées, à l’état adulte, sur une apophyse
longitudinale. La seconde représente les Salamandridæ léchrio-
dontes pourvus, dans la forme parfaite, d’un bord vomérien denté
transversal ; sa larve est universellement connue sous le nom
d'Axolotl. Des savants éminents, Cuvier (1837), Owen (1866),
Friepreica et GEGENBAUR (1849), O. Herrwic (1874), Wiepersaim
(1877), Parker (1877), ont décrit les caractères de l’architec-
ture cranienne dans les différents groupes d’Urodèles, mais il
m'a paru qu'avec les techniques actuelles il y avait grand intérêt
à reprendre l’une des questions traitées, l’étude de l'arc denté
interne, considéré comme représentant la mâchoire supérieure
primitive, parce que cette question touche aux points les plus
importants de l'anatomie comparée et de la phylogénie des
Vertébrés.
Je me suis servisoit d'animaux frais intacts ou partiellement
dépouillés au préalable de leurs parties molles par la morsure de
Jeunes têtards ou de Chironomes, soit d'animaux conservés dans
l'alcool. J'ai étudié par la dissection, sous le microscope binocu-
laire, à des grossissements variant de 8 à 35 fois, les troiséléments
osseux, cartilagineux et fibreux dont se compose appareil
voméro-ptérygo-palatin; j'ai examiné sa constitution, ses rap-
ports, ses modifications suivant l’âge, aux différents temps de la
métamorphose, à différentes époques de la forme parfaite, et sui-
vant diverses conditions biologiques imposées aux animaux. A
l'étude des deux espèces citées, chez lesquelles j'ai suivi l’évo-
lution morphologique de l'arc denté, je joins l’observation d'un
Amblystoma punctatum Grav. adulte, dont la structure de la
voûte palatine complète heureusment celle des espèces précé-
278 P. WINTREBERT
dentes et aide à la compréhension générale de la base du crâne
chez les Urodèles.
C'est dans les manifestations de la métamorphose que j'ap-
porte le plus de documents nouveaux, pour la raison que les
changements métaboliques effectués dans l’arcade dentée interne
n'ont encore fait l’objet d'aucune description complète. Les
auteurs classiques, gènés par l’absence de renseignements,
persuadés qu’il existe un palatin isolé chez la larve, ont voulu à
tout prix marquer sa position chez l'adulte et lui ont assigné,
suivant les groupes d'Urodèles, une place différente. Or 7/
n'existe pas de palatin isolé chez la larve normale et la région
palatine du ptérygo-palatin disparait totalement pendant la
métamorphose. Ges résultats n'ont été obtenus qu'en mettant
constamment en parallèle l'observation biologique et l'observa-
tion anatomique. [ls soulignent combien les anatomistes auraient
intérêt à connaître la manière de vivre des animaux qu'ils
étudient. Ce n’est que dans des cas pathologiques ou à la suite
d'un jeûne prolongé que le palatin de la larve se divise et forme
deux os séparés, un ptérygoïde et un palatin. Il apparait done
comme nécessaire d'observer les structures en fonction des con-
ditions de vie. Disséquer des animaux qui meurent au cours
d'un élevage, sans se préoccuper de la cause de leur mort et
de leurs antécédents, c’est risquer de prendre une disposition
morbide pour la conformation régulière, c'est se mettre dans
le cas d'attribuer à certains organes modifiés une valeur inexacte,
et de donner à leurs différentes parties une appellation illégitime.
L'anatomie d’un être témoigne à la fois de sa constitution spéci-
fique et de son état biologique.
Les Urodèles sont les seuls Verlébrés terrestres quimanquent de
palatin. L'absence de cet os n'est pas une singularité sans
importance ; elle est, au contraire, liée à une conformation spé-
ciale de la tête que j'ai fait ressortir en 4940, en même temps que
J'insistais sur le caractère primitif de l'arc denté interne de la
larve. Dans le travail actuel j'apporte, à l'appui de ces premiè-
res conclusions, de nouveaux arguments. [ls tendent à prouver
l'impossibilité de faire descendre les Urodèles des Stégocéphales
et l'obligation de faire remonter directement leur origine aux
Poissons. Les travaux récents sur Lysorophus tricarinatus (Sol-
las, 1920) confirment ce point de vue en établissant la présence
,
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 27)
d'un ancêtre des Urodèles dans le Carbonifère supérieur et le
Permien de l'Illinois, du Texas et d'Oklahoma, à côté des
Stégocéphales.
Le mémoire est divisé en deux parties. Dans la première, après
un historique où les opinions des auteurs classiques sont expo-
sées, je passe à la description des documents que j'ai recueillis.
Chez Salamandra maculosa, j'ai suivi pas à pas la série des
phénomènes de croissance et de métamorphose. Chez Ambly-
stoma tigrinum j'ai entrepris une étude plus variée. J’examine
d'abord l'arc denté primitif chez les larves en bonne santé, aux
différents âges, puis je montre les effets de la régression
osseuse consécutive aux maladies cachectiques et au jeûne pro-
longé. J’analyse ensuite les changements opérés pendant la
métamorphose et spécialement à Ja fin des transformations de la
parure externe. Je décris dans un chapitre spécial la constitution
de la voûte palatine chez les « demi-Amblystomes branchiés »
que j'ai obtenus par voie expérimentale, en arrêtant les change-
ments métaboliques à mi-chemin de la métamorphose définitive,
et Je termine cette première partie par l'exposé de la structure
du palais chez les Amblystomes parfaits.
La seconde partie est consacrée à la mise en œuvre des docu-
ments exposés dans la première. Elle est divisée en dix cha-
pitres ; Les faits y sont groupés d'une manière synthétique, sui-
vant leur nature, et comparés entre eux, dans le but de soute-
nir les conclusions générales qui se dégagent du travail.
PREMIÈRE PARTIE
LES FAITS
I. — Historique
On peut grouper en deux catégories Les opinions divergentes
des auteurs qui se sont occupés de la voûte palatine des Uro-
dèles. Chacune de ces catégories correspond à une époque
scientifique déterminée et dépend à la fois de la mentalité des
savants à cette époque et de leur méthode de travail. Cuvier et
ses contemporains utilisaient surtout la dissection comme
280 À P. WINTREBERT
moyen technique et étudiaient spécialement l'anatomie des for-
mes adultes. Plus tard, dans la seconde moitié du xix° siècle, à
la suite de Kôcukrer et d'O. Herrwie, les savants se sont adon-
nés aux recherches microscopiques chez les embryons. Par la
méthode des coupes, ils ont amassé de très nombreux éléments
d'information sur le développement du squelette; mais ils
avaient dans les moindres résultats de leurs investigations
morphologiques une confiance aveugle et s’'inquiétaient fort peu
de l’état physiologique que présentaient les animaux avant leur
fixation ou leur mort. Aussi, en ce qui concerne la voûte pala-
tine des Urodèles, ont-ils commis des erreurs. D'autre part,
se jugeant mieux informés quet Cuvier, ils ont entrepris de
réformer ses conceptions.
Cuvier, dans ses Leçons d’Anatomie comparée, dit en décri-
vant la tête de la Salamandre terrestre (2° édit., 1837, p. 568) :
« Les vomers forment le plancher des narines et donnent cha-
eun une pointe grèle qui marche en arrière sous le sphénoïde,
parallèlement à sa correspondante. Ces os, le long de leur atta-
che au sphénoïde, portent les deux rangées longitudinales des
dents du palais des Salamandres. 1! n'y a point de palatins ».
Pour l’Axolotl, Cuvier (p. 571) n'indique pas non plus de pala-
tin interposé entre les vomers et les pterygoïdiens ; « ceux-ci,
élargis et presque membraneux le long de leur attache avec le
tympanique, atteignent ces vomers et portent aussi en avant et
à leur bord externe un petit groupe de dents ». Il insiste aussi
(p. 572) sur l’absence de palatins chez Amphiuma tridactylum :
« Les maxillaires forts et épais se terminent par une pointe
libre en arrière; entre eux, en dessous, sont deux os longs,
d'abord unis sur la ligne médiane, puis séparés par une lon-
gue pointe du sphénoïde, et que l'on nommerait les palatins,
si par analogie avec ce que nous avons observé dans les gen-
res précédents on ne devait pas leur conserver le nom de
vomers ». Cependant il est indécis quand il s’agit de la Syrène
(p. 575) : «ces plaques, dont nous avons vu les analogues dans
l'axolotl, peuvent être considérées avec égale raison comme
des vestiges ou de vomers, ou de palatins, ou même de ptéry-
goïdiens ». D’autre part il n'a pas toujours donné un avis
catégorique sur la valeur des os de la voûte palatine chez les
Salamandres adultes ; voici en effet comment il s'exprime sur
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 281
l’Axolotl dans,les « Ossements fossiles » (1824, p. 415) : « à
la place de ces os larges et fixes que j'ai appelés vomers ou
palatins, ete. ».
Pour les successeurs de Cuvier il ne fait pas doute que chez
l'adulte les os postérieurs de la voûte palatine ne soient des pté-
rygoïdes mais ils n'osent se prononcer sur la signification
réelle des os antérieurs. Owen (1866, p. 88) hésite même sur
le nom à donner aux os antérieurs chez l’Axolotl : «Two bones
attached to the anterior and outer part of the basicranial bone,
and wich may be regarded either as vomerine or palatal ... »
O. Herrwie (1874, p. 114) prend nettement parti contre
Cuvier et Owen qui n’ont décrit que deux os au palais des Uro-
dèles. Il attribue leurs résultats chez l’Axolotl à ce qu'ils n’ont
observé que de jeunes animaux et se trouve d'accord avec
Frispreica et GEGENBAUR (1849) pour affirmer que l’arc denté
interne de cette larve est composé de trois os. Du reste, en
général, ces trois os, le vomer, le palatin, le ptérygoïde, sont
présents chez tous les Urodèles comme chez tous les Amphi-
biens. La larve ne possède d’abord que deux os, un vomer, un
ptérygo-palatin; mais plus tard, sauf chez Proteus et Meno-
branchus, ce dernier se divise en deux. On trouve à cette règle
des exceptions et quelques variantes. Aïnsi chez Siren, le pté-
rygoïde manque. Chez les Dérotrèmes, Amplhiuna, Menopoma,
Cryptobranchus, et chez Plethodon glutinosus, le palatin dis-
paraît. Chez Triton le palatin soudé au ptérygoïde au temps
larvaire (fig. 33, PL. D) l’est au vomer à l’état adulte (fig. 5
et 22). Par contre, chez Sa/amandra maculosa adulte (p. 17,
fig. 23, 24, 36, PL. 1) le palatin se rencontre isolé; c’est un
_petit os denté qui prolonge l’apophyse du vomer au-dessous de
la table osseuse du parasphénoïde. 0. Herrwie (p. 114, 115, fig. 3
a suivi Le début de la métamorphose chez Sal/amandra macu-
losa, sur des larves de 63, 66, 69 millimètres; il a remarqué
que c'est à ce moment seulement, de même que chez Triton
(p. 116, fig. 33 et 4), que le palatin se sépare du ptérygoïde ;
mais cette séparation, due nettement chez ces animaux à la
métamorphose, ne le fait pas douter un instant que le palatin
ne s'isole pendant la vie larvaire chez Amblystoma.
Mais bien qu'il n’ait pas vu les modifications ultimes du pala-
tin il déclare péremptoirement que « besonders das Palatinum
282 P. WINTREBERT
weiter nach der Mittellinie des Schädels und nach rückwärts
wandert ».
Il montre nettement le processus de résorption osseuse du
vomer limité au bord antéro-externe tandis que le bord posté-
rieur, siège d’une néoformation dentaire, recule.
WaiepersaeIm (1877) suit généralement O0. Herrwie dans sa
facon de concevoir et de désigner les os de la voûte buccale ;
il les décrit chez un nombre considérable d'espèces. Pour lui,
comme pour O. Herrwie les Axolotls âgés ont un palatin et un
ptérygoïde séparés (p. 460), et cependant les figures 31 et 44
représentent des Axolotis presque adultes qui ont encore un
ptérygo-palatin sans division. Pourtant il n'est pas de son avis
en ce qui concerne Arblystoma punclatum ; car tandis
qu'O. Herrwie considère les Dérotrèmes adultes comme dépour-
vus de palatin, il observe chez celui ci une séparation en deux.
de la lisière postérieure du vomer et regarde comme palatin la
partie externe placée derrière la choane. Il admet aussi la pré-
sence du palatin chez Salamandra maculosa, à la partie pos-
térieure de l'apophyse dentée. [l introduit dans l'explication
des faits anatomiques quelques considérations biologiques;
ainsi il admet que chez Triton viridescens (p. 467, fig. 136) le
ptérygoïdien massif forme un appui résistant contre lequel la
mâchoire inférieure vient écraser fes Coléoptères, les Saute-
relles et les Cloportes dont l'animal se nourrit. À propos des
Salamandridæ léchriodontes, observant qu'un ptérygoïde
osseux manque aux animaux pourvus de dents sphénoïdales, il
estime que le développement de la plaque dentée nouvelle
doublant le parasphénoïde, résulte d’une excitation spéciale de
la muqueuse palatine médiane comprimée par les aliments en
l'absence des ptérygoïdes, et il suggère, pour vérifier cette hypo-
thèse, d'extirper ces os chez les Salamandridæ léchriodontes qui
eu sont pourvus. Il conçoit une évolution du type léchriodonte
primitif à dents vomériennes transversales (Amblystoma) vers
le type mécodonte à dents vomériennes longitudinales (Sala-
mandra, Triton) par l'allongement progressif du voméro-palatin,
selon la série: Gyrinophilus, Anaïdes, Ranodon, Desmogna-
thus (p. 526-530).
Parker (1877) connait le travail de WiepensneIn et adopte
sa nomenclature. Dans un premier travail, il dit étudier « all
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 283
the morphological changes on metamorphoses undergone by
a tailed Amphibian » en prenant comme types Siredon et Sei-
ronota; mais s'il décrit longuement le développement larvaire
et l'état adulte de ces animaux il ne suit nullement les trans-
formations de leur voûte palatine pendant la métamorphose.
IL voit d’abord le palatin né derrière le vomer s'étendre vers
le cartilage carré en formant une aile ptérygoïdienne, comme
chez Proteus, Menobranchus et les Dipneustes ; mais il constate
ensuite sa séparation de l'aile ptérygoïdienne chez l’Axolotl
(Axolotl de 58 mm. de long, PI. 24, fig. 1,2, 3, 4; PI. 25, fig. 1,
2; PI. 26, fig. 1, 2, 3, 4). Il le reconnait encore comme un os
distinet chez l’Amblystome (PI. 24, fig. 6) et Le figure circons-
crivant en arrière la narine interne et se dirigeant vers le maxil-
laire. Ainsi, de longitudinal chez la larve, le palatin a tourné
chez l'adulte à angle droit « like à railway signal » (p. 566); et
devenu transversal il se trouve maintenant le « bony counter-
part » du cartilage antorbital. Chez Proteus, l'état larvaire per-
siste. Chez Seironota (Salamandrina) perspicillata, Xe vomer et le
palatin d'un côté naissent d’une lamelle osseuse commune ; puis
leur union cesse au dernier stade de la vie larvaire ; mais elle
se reproduit de nouveau chez l'adulte (PI. 29, fig. 5). Seulement
ici le palatin n'est plus une languette transversale dentée atta-
chée au maxillaire et en‘rapport avec le cartilage antorbital ;
il devient un prolongement denté postérieur et filiforme du
vomer, orienté dans Le sens longitudinal, sous le parasphénoïde.
Parker, dans ses travaux ultérieurs (4882) sur le dévelop-
pement de la tête des Urodèles, maintient ses conceptions
premières. Le palatin est toujours présent chez l'adulte des
Urodèles; seulement sa position n'est pas fixe; il est placé
différemment suivant les groupes, sans que l’auteur indique du
reste le mode de son déplacement ; on le trouve soit à la partie
antérieure, soit à la partie postérieure du vomer et, dans ce der-
nier cas, soit en dehors, soit du côté de la ligne médiane. Chez
Sieboldia maxima et chez Menopomal n’est plus situé comme
chez les Salamandridæ dans la région postérieure du vomer,
mais attaché à sa partie antéro-externe dentée (PL 37, fig. 1 ;
PI. 38, fig. 2). Il décrit et figure une larve de Triton cristatus
(p.102; PL 40, fig. VIT), au commencement de la métamorphose,
chez qui les palatins, isolés des ptérygoïdes, sont accolés à la
284 | P. WINTREBERT
partie postérieure du vomer; mais je ne comprends pas qu'il
qualifie plus loin de « ménopomien » le palais du Triton à ce
stade puisqu'il a figuré précédemment (PI. 38, fig. 2) le pala-
tin de Menopoma à la partie antéro-externe du vomer. Il trouve
enfin que le palatin du Triton adulte forme le long prolonge-
ment denté postérieur du vomer ; mais, de même que Wiepers-
HEIM, il n'indique sur Le voméro-palatin (PL. 41, fig. Il) aucune
trace de suture qui puisse marquer la limite des deux os.
La genèse des os de la voûte palatine a été résumée par
Gaurp (1906, p. 68$) ; je renvoie le lecteur à son travail pour
la description particulière de chaque pièce osseuse et le mode
de sa formation. Je rappelle qu'O. Herrwie (4874) a décrit
trois manières différentes pour les os de se développer : 1° par
l'union de socles dentaires supportant des dents durables et
fonctionnelles, remplacées aussitôt tombées (bords dentés des os
qui forment les mâchoires et la voûte palatine) ; 2° par l'union
de socles dentaires supportant des dents qui n’ont qu'une exis-
tence éphémère, ne sont pas remplacées et laissent après leur
chute une plaquette osseuse durable (processus palatin des pré-
maxillaire et maxilla're, tablettes osseuses du vomer et de la
partie dentée du ptérygo-palatin) ; 3° par l'ossification directe
du chorion muqueux sans participation des dents (tige et aile
ptérygoidiennes, parasphénoïde). Cet auteur n’a observé que le
début de la métamorphose du vomer chez S'alamandra maculata,
mais 11 a nettement saisi le mode suivant lequel s'effectue la
première phase de son remaniement et qui consiste en la pro-
duction de nouvelles dents à son bord interne tandis qu'à son
bord externe, les dents tombent en découvrant une plaquette
osseuse née de l'union des socles dentaires (1874, p. 115, Taf. I,
tig. 3 et 4). Mais d'autre part, comme on le verra au cours de
ce travail (Voir Ie partie, chap. ID), le vomer adulte ne se forme
pas seulement, comme celui de la larve, par l’union de socles
dentaires ; son ossification a une double origine, dentaire et
membraneuse.
Le ptérygoïde cartilagineux des Urodèles étudié d'abord par
WiepersueIM (1877), puis par Sronr‘(1879) et par WinsLow
(1898;, ne suit pas la direction oblique en avant et en dedans
de l'arc osseux voméro-ptérygo-palatin ; il s'oriente au contraire
en dehors vers la pointe du maxillaire supérieur et, à son maxi-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 285
mum de développement (Ranodon) s'unit au cartilage antéor-
bital L'arcade formée par cette union ressemble à l’anse car-
tilagineuse latérale du crâne des Anoures. Celle-ci est beau-
coup mieux développée et plus complète ; aussi la plupart des
auteurs la considèrent-ils comme représentant l'état primitif
dont le ptérygoïde cartilagineux des Urodèles n'est qu'une
forme dégradée. Gaurr (1893-1901-1906) va même plus loin
et regarde ce dernier comme une formation secondaire en rai-
son de sa naissance tardive, de son émiettement chez Triton,
de son absence chez les Perennibranches. Comme preuve du
bien fondé de leur interprétation, les auteurs tirent argument de
la conformation de la base du crâne chez les Stégocéphales et
particulièrement chez les Protritons (Branchiosauriens); ils
montrent les ressemblances qu'elle présente avec celle des
Anoures et combien elle diffère de celle des Urodèles qui en
sont fort éloignés et s'en distinguent par la dégénérescence
presque complète des massifs osseux latéraux de la tête.
Depuis 1910 ({a-g) je combats cette conception et lui oppose
celle de l’origine primitive des Urodèles, origine remontant direc-
tement aux Poissons, comme on peut estimer qu'en dérivent
aussi les Stégocéphales. Les Amphibiens auraient done une
origine polyphylétique ; et même, en raison de la disposition
de leur appareil voméro-ptérygo-palatin larvaire, les Urodèles
seraient plus près de la souche originelle que Les Stégocéphales
de la leur. Cette interprétation est fondée sur l'observation
des trois éléments, osseux, cartilagineux et fibreux de larc
denté interne, ainsi qu'en témoignent les faits épars dans la
première partie de ce travail et qui ont été groupés au cha-
pitre IX de la deuxième partie.
II. — La voûte palatine de Salamandra maculosa Laur.
Nous allons suivre les modifications de l’arcade dentée interne
au cours de son développement et de sa métamorphose, sur des
larves de plus en plus âgées.
N°1 (fig. 1). Jeune larve de 9 cent. de long. — Elle montre à
la base du crâne cartilagineux 4 plaquettes osseuses. Au centre,
le parasphénoïde (p) de forme à peu près quadrilatère
286 P. WINTREBERT
comble déjà l’espace situé entre les régions ethmoïdale en avant,
occipitale en arrière, et les deux trabécules latéralement; il est
encore distant de l'extrémité antérieure de la chorde dorsale
(c) incluse dans le cartilage cranien. Devant le plancher nasal
on voit la partie dentale du prémaxillaire gauche (pr) qui
porte des dents. En arrière de lui et sur les côtés du parasphé-
Fig. 4. — Face ventrale du crâne du n°0 { (Larve de Salamandra maculosa
de 2 em.). Côté gauche légèrement relevé. €, chorde dorsale ; ch, choane ;
fo, fenêtre ovale : p, parasphénoïde ; pr, prémaxillaire ; p{, ptérygo-pala-
tin ; v, vomer.
noïde le vomer (0) et Le ptérygo palatin (pt) sont présents ; ils
sont disposés l’un derrière l'autre sur une ligne oblique en
arrière et en dehors. Le vomer est une petite plage osseuse d'as-
pect triangulaire, à base postérieure, dont les côtés sont légè-
rement concaves en dedans; appliqué sur le plan nasal il
porte 17 dents disposées sur deux ettrois rangées. Le ptérygo-
palatin (pt) est une languette allongée ; son extrémité antérieure,
coudée en dedans, porte 6 dents et repose sur le trabécule car-
LA VOUTÉ PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 987
tilagineux du crâne à côté du parasphénoïde (p), tandis que son
extrémité postérieure légèrement élargie repose sur la partie
du carré qui avoisine l'articulation de la mâchoire inférieure. La
région moyenne de la languette ptérygoïdienne passe comme
un pont au-dessous de la fosse orbito-temporale. Le maxil-
laire supérieur n'est pas encore développé. Sur la figure 1 les
dents sont dirigées en haut et en dehors parce que le côté gau-
che est vu légèrement abaissé; en réalité leur pointe est orien-
tée en haut et en dedans vers le centre de la cavité buccale,
comme nous l'allons voir sur la larve suivante.
N°2 (fig. 2). Jeune larve de 25 mull. de long. — Le développe-
ment est manifestement plus avancé que celui de la larve pré-
cédente : le parasphénoïde est plus étendu ; les vomer et ptérygo-
palatin sont plus allongés:; cependant le maxillaire supérieur
est toujours absent. La plaquette vomérienne a 13 dents; la
région palatine en porte 6 qui sont un peu plus longues que
les dents vomériennes ; l’étalement de l'aile ptérygoïdienne sur
le carré est plus considérable que chez la larve n° 1. La figure 2
montre l’ensemble du crâne vu par la face ventrale; le crâne
conservé dans l'alcool à 70° semble s'être un peu rétréci dans
le sens transversal sous l'influence de la déshydratation, mais il
indique bien l'orientation en bas et en dedans des dents de
l’arcade interne ; le cartilage latéro-nasal et l'extrémité anté-
rieure du trabécule élargi (4r) sur lesquels sont appliquées les
plaquettes dentées regardent dans le même sens; l’aile ptéry-
goïdienne (pp) n'est pas non plus sur un plan horizontal; car
le carré (ca) sur lequel elle s attache se dirige non seulement
en dehors et en avant, mais aussi en bas, de sorte que la face
dorsale du ptérygo-palatin, qui est du reste légèrement con-
cave du côté des muscles masticateurs, regarde à la fois en
dehors et en haut.
On aperçoit par transparence les processus nasaux des pré-
maxillaires (pr) qui montent comme des manches de râteaux
à la surface externe du crâne et l’on remarque sur la mâchoire
inférieure la présence de deux os dentés, le dental (d), antéro-
externe, dontles dents dirigées vers le haut s'opposent aux dents
des prémaxillaires, et l’operculaire (0), appelé encore splénial,
situé à la face interne du cartilage de Meckel (2) et dont les dents
288 P. WINTREBERT
placées en regard de celles de l’arcade palatine interne, bien que
distantes de celles-ci, ont leurs pointes tournées à la fois en
dedans et en haut.
Fig. 2. -— Crâne du no 2 (Larve de S. m. de 25 millimètres) vu par la face
ventrale. c, chorde dorsale; c, carré; d, dental; fo, fenêtre ovale:
m, cartilage de Meckel; 0, splénial ; pm, prémaxillaire ; pp, ptérygo-pala-
tin ; ps, parasphénoïde ; p. VZI, orifice du nerf palatin de la VIIe paire ;
tr, trabécule ; v, vomer.
N°3 (fig. 3 et 4). Larve de 50 mallimètres, arrivée au terme
de la vie larvaire. — Elle présente certains caractères qui indi-
quent une métamorphose prochaine ; les nombreuses lamelles
branchiales se sont un peu épaissies et raccourcies ; on cons-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 289
tate en outre le long du dos et surtout au devant et au dessus
du premier segment des membres, l'apparition de taches blance-
jaunâtres. Cependant les limbes de la queue, bien étalés, ne pré-
sentent aucun signe de régression et l’on ne peut dire que la
larve est en période de transformation. La tête a une longueur
de 8 mm. 5; sa largeur au niveau des articulations de la
mâchoire inférieure estde 8 millimètres ; le tronc mesuré depuis
la tête jusqu'à une ligne transversale passant sur la face ventrale,
au devant du cloaque, derrière la racine des membres posté-
rieurs, est long de 22 millimètres; la queue est longue de
26 millimètres. La figure 3 montre la voûte buccale intacte, tour-
née vers le haut, après qu'on a sectionné latéralement, des
deux côtés, la mâchoire inférieure, (m) et enlevé le plancher de
la bouche On voit en avant les deux arcades dentées, anté-
rieure ou externe (am), postérieure ou interne (v, p{), enfouies
dans la muqueuse, de laquelle émergent seulement les
pointes des dents ; toutes deux sont concaves en arrière, mais
la courbe de l’antérieure est de plus grand rayon que celle de
la postérieure. L’arcade antérieure, maxillaire, est entourée
d'un bourrelet muqueux saillant; celui-ci est souligné eu
arrière et sur les côtés nar une rainure profonde, mais seu-
lement séparé du rebord cutané, dans sa moitié antérieure
proéminente, par un sillon peu aceusé. La rainure postérieure
maxillo-vomérienne présente, sur la ligne médiane, une fosse
centrale qui marque sous la muqueuse la place de la glande
internasale ; sur les côtés, elle conduit à l'ouverture postérieure
des fosses nasales ou choane (ch). La lèvre supérieure, adossée
en avant au bourrelet muqueux qui entoure le prémaxillaire
et tombant à peine au-dessous de lui, s'en sépare largement
sur les côtés, dans la région du maxillaire proprement dit, en
formant un récessus latéro-buccal.
Les angles de la bouche ne mènent pas directement dans la
cavité buccale ; au point de réunion des lèvres et en dedans
d’elles existe, en effet, une large valvule triangulaire (v/), à
pointe antérieure libre, à base postérieure réunissant les coins de
la bouche, qui lors du rapprochement des mâchoires, s'étale
sur les côtés de la voûte palatine et du maxillaire en se logeant
dans le recessus labio-maxillaire, mais qui se dresse verticale-
ment, comme un rideau, quand la gueule s'ouvre; elle limite
290 P. WINTREBERT
ainsi latéralement l’étendue de l’orifice buccal et le réduit
à la largeur de la partie dentée des ares osseux. Les valvules
latérales transforment la fente buccale très large en un goulot
étroit qui facilite la saisie des proies par aspiration. La prise
habituelle des aliments, parce mécanisme d'aspiration, est com-
mun à La plupart des larves d'Urodèles ; nous retrouverons
plus loin chez lAxolotl des valvules semblables.
La tête est large de 8 millimètres au niveau des articulations
quadrato-maxillaires ; mais les dimensions transversales de
l'arc denté maxillaire ne sont que de 5 millimètres. La lon-
gueur de la tête mesurée du museau jusqu'à l'extrémité pos-
térieure des condyles ex-occipitaux est de 8 mm. 2; la tête:
Fig. 3. — Vote palatine du n° 3 ‘Larve de S. m. de 56 millimètres) après
section de la mächoire inférieure, mi: am, arcade dentée maxillaire ;
ch, choane ; {s, lèvre supérieure; m, cartilage de Meckel ; pp, ptérygo-
palatin ; v, vomer ; w/, valvule latérale.
des larves de Salamandridæ est presque aussi large que lon-
gue. Derrière la rangée des dents fonctionnelles externes de
l’are maxillaire se trouvent une à deux rangées de-dents plus
basses de remplacement.
A la voute buccale d’une larve intacte on ne voit du vomer
(e) et du ptérygo-palatin {pp) que les dents qui percent la
muqueuse de leur pointe d'émail colorée en brun. Le contour
des plaquettes dentées a été cependant indiqué schématique-
ment sur la figure 3. pour montrer la topographie d'ensemble
des os. On observe que l’espace intermaxillo-vomérien, est
beaucoup plus large en arrière, où il contient la choane qu'en
avant. Les bases postérieures des vomers et les bords posté-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 291
rieurs des choanes sont à peu près sur la même ligne trans-
versale.
Par la dissection on prend complète connaissance de l'arc
denté interne (fig. 4). On enlève d’un bloc le vomer et le pté-
rygo-palatin avecles plans sus et sous-Jacents ; on débarrasse
ensuite les os de la muqueuse qui les recouvre, puis on étudie
Om
Fig. 4 — Appareil voméro-ptérygo-palatin droit du n° 3, vu par la face
ventrale. ao, cartilage antéorbital; ca, carré ; ch, choane ; pp, ptérygo-
palatin ; pt, ptérygoïde cartilagineux ; tr, trabécule ; v, vomer.
leur constitution et les rapports qu'ils présentent avec les par-
ties cartilagineuses du crâne. Comme dans les jeunes stades
larvaires, le vomer (v) est un os mince, plat, allongé, triangu-
laire, dont le grand axe, dirigé en avant et en dedans, est légè-
rement concave du côté de La ligne médiane; long d’un milli-
mètre et demi environ, il porte à sa face ventrale un grand
nombre de dents (35); celles-ci sont disposées en son centre
20
292 P. WINTREBERT
sur 2, 3 et 4 rangées et laissent libres les bords interne et
externe. La face supérieure du vomer adhère fortementau car-
tilage nasal et son bord postérieur est uni par des ligaments à
la partie antérieure dentée du ptérygo-palatin (pp).
Celui-ci a, dans son ensemble, l'aspect d'une hachette dont
la lame dirigée en avant et en dedans porte 5 à 6 dents, tandis
que le manche, élargi en arrière, est dépourvu de dents. Il
mesure à millimètres environ de longueur. Au niveau du raccord
entre la lame et le manche existe une portion rétrécie, ou col,
qui est la partie la plus fragile de l'os, celle qui se rompt la
première quand on pèse fortement sur sa région moyenne ;
mais elle ne présente sur la larve normale aucune solution de
continuité. Les deux extrémités sont appuyées sur des plans
cartilagineux profonds ; l’antérieure, dentée, repose sur la partie
antérieure du trabécule et sur la languette antéorbitaire (ao) qui
se porte en dehors et en avant, derrière la choane ; elle adhère à
ces plans cartilagineux et se trouve d'autre part reliée par des
liens fibreux à la fois au vomer en avant et au bord latéral ex-
terne du parasphénoïde en dedans. L’aile postérieure ptéry-
goïdienne s'appuye sur la face ventrale du carré (ca) et lui est
adhérente dans presque toute sa largeur. Au-dessus d'elle, une
languette cartilagineuse digitiforme, émanée du carré, la dou-
ble; mais elle n’a pas tout à fait la même direction ; elle se
dirige en effet d'abord en avant puis légèrement en dehors
tandis que l’os ptérygo-palatin a son grand axe orienté en avant
et en dedans; cette languette est le ptérygoïde cartilagineux
(pt) la pointe finit au niveau du tiers antérieur du ptérygo-
palatin.
N° 4 (fig. 5 et 6). Larve de 57 millimètres au début de la
métamorphose.—Les trois branchies sont déjà très réduites ; elles
offrent l'aspect de palettes épaisses, digitées à leur extrémité
et sur leur pourtour ; mais les digitations ne dépassent pas en
longueur la largeur de la palette qui les porte. Les taches
jaunes sont très apparentes sur tout le corps. Les limbes de la
queue sont fanés et leur hauteur réduite de plus de moitié. La
tête est large de 8 millimètres, longue de 8 mm. 5; la tête et Le
trone mesurent 30 millimètres, la queué 27 millimètres.
Sur la voûte buccale (fig. 5), on réconnait les éléments déjà
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 293
décrits chez la larve précédente; cependant les valvules des
coins de la bouche (v/) ne $'avancent plus aussi loin au devant
des choanes et leur pointe antérieure ne va que jusqu'à la
pointe des maxillaires. Le contour antérieur du museau est plus
arrondi et devient plus proéminent; la fosse internasale (/t) qui se
trouve à la partie médiane du sillon intermaxillo-vomérien est
plus ouverte et plus large que chez le n°3. Les dents vomé-
riennes sont nombreuses; on en compte 23; elles sont parfois
distribuées sur 4 et 5 rangs transversaux. Derrière Ja ligne qui
réunit les parties postérieures des choanes on aperçoit un groupe
de trois petites dents, et plus loin de chaque côté deux dents plus
Fig. 5. — Vote palatine du n°0 4 (Larve de S. m, de 57 millimètres) au
début de Ja métamorphose ; am, arc denté maxillaire ; ch, choane ; m,
cartilage de Meckel: fi, fosse internasale ; pp, dents ptérygo-palatines ;
ps, région du parasphénoïde : », vomer : v{, valvule latérale.
fortes et plus saillantes. Les contours des plaquettes osseuses
vomériennes (») sous-jacentes à la muqueuse ont été schémati-
quement indiqués sur la figure 5, mais non ceux du ptérygo-pala-
tin (pp). La figure 6 montre l'ensemble de l'appareil voméro-
ptérygo-palatin du côté gauche, débarrassé de la muqueuse ;
il mesure 5 mm. 3 de longueur totale. Le vomer (v) a une lon-
gueur de { mm. 5. En avant et en dehors de la région dentée
triangulaire, couverte de dents, se trouve un feuillet osseux très
mince dépourvu de socles dentaires. La plaquette dentée à un
bord interne plus concave et son extrémité antérieure est plus
rapprochée de la ligne médiane qu'avant le début de la méta-
morphose,
294 P. WINTREBERT
O. Herrwi6, Le premier qui ait constaté la disposition du vomer
à ce stade (1874, p. 115, PL I, fig. 3 et À) en a conclu avec rai-
son que la lamelle antéro-externe résulte d’un processus de
résorption dentaire. Au niveau de la région postéro-interne de
l'os on aperçoit quatre petites dents isolées; en avant et plus
Fig. 6. — Appareil voméro-ptérygo-palatin gauche du n° 4 vu par la face
ventrale ; ca, cartilage carré ; ch, choane ; pp, ptérygo-palatin : pf, pté-
rygoïde cartilagineux ; gm?, ligament quadralo-maxillaire interne ; »v,
vomer.
en dehors deux dents se trouvent sur le pourtour même de los
comme si leurs socles venaient de se souder à la plaquette
osseuse. Deux opinions peuvent être émises sur la signification
des dents isolées; on peut les considérer comme des dents en
régression où comme des dents de nouvelle formation. Je pense
©?
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 29
que la dernière interprétation est juste ; elle est dans le sens
des idées d'O. Herrwi6, qui n’a pas suivi plus loin la métamor-
phose de Salamandra, mais quia fait remarquer expressément
le développement actif des dents en arrière du vomer pen-
dant qu'elles se résorbent en avant.
Les dents isolées sont situées derrière la ligne transv ersale des
choanes, en un endroit par conséquent où du vomer ne parvient
pas au temps larvaire; de plus elles sont placées du côté interne
de la base du vomer, et c'est en effet vers la ligne médiane,
comme nous le verrons plus tard, que le vomer va se dévelop-
per. D'autre part, malgré que ces dents isolées soient situées
dans le territoire occupé précédemment par la plaque dentée
ptérygo-palatine, il ne semble pas légitime de les prendre pour
des dents palatines séparées de leur support osseux ; on trouve
en effet plus loin deux dents palatines encore attachées à leur
support; elles sont beaucoup plus longues et plus puissantes
que les dents accolées au bord postérieur du vomer.
Le ptérygo-palatin (pp) est long de 3 mm. 4 environ ; comme
le vomer, il présente des phénomènes de remaniement. La
palette palatine antérieure est en évidente régression ; du côté
droit comme du côté gauche elle n’est plus qu'une bande osseuse
mince et étroite, portant deux longues dents à sa partie externe
et postérieure; ces dents tiennent peu à leur support et peuvent
en être facilement séparées. Il est probable que les autres dents
palatines sont tombées avant la régression de leur piédestal
osseux par l'effet d’une simple poussée mécanique. La tige du
col est extrêmement mince, étroite, onduleuse et flexible, et l’on
remarque que l'aile ptérygoïdienne a subi un amincissement
considérable; elle présente une souplesse élastique qui lui
permet après une courbure de reprendre sa position normale.
ILsemble qu'à la plaquette osseuse dure et cassante de la larve se
soit substituée une lamelle fibreuse partiellement calcifiée,
flexible, mais résistante.
Au-dessus du ptérygoïde osseux se trouve le ptérygoïde carti-
lagineux; :l a l'aspect d'une tige digitiforme dont l’extrémité
antérieure dirigée en dehors croise la tige osseuse ptérygo-pala-
time dirigée en dedans; il présente la particularité, exceptionnelle
chez Salamandra, de n'être pas rattaché au carré par une base
cartilagineuse ; le prolongement s'amincit dans le sens dorso-
296 P. WINTREBERT
ventral en se rapprochant du cartilage carré et disparait avant
d'y parvenir. Cet isolement du ptérygoïde est fréquent chez
Triton cristatus (Srôur, 1879). Je lai rencontré sur d’autres
larves de Salamandra,en dehors de la période de transformation,
et parfois d’un côté seulement de la tête : on ne peut donc con-
sidérer l'isolement du ptérygoïde cartilagineux comme le résul-
tat d’un processus de régression métabolique. Nous verrons plus
loin qu'il présente au contraire une croissance très vive pendant
la métamorphose.
La figure 6 signale encore de façon schématique la présence,
en dehors des ptérygoides, d’un ligament et d’une aponévrose ;
ces faisceaux fibreux forment la paroi interne de la loge tem-
porale qui contient les muscles masticateurs. Le ptérygoïde
cartilagineux est manifestement inclus dans un dédoublement
de la paroi aponévrotique de la loge et l’on constate aussi que
le bord inférieur et externe du ptérygoïde osseux reçoit l’attache
d’un grand nombre de faisceaux fibreux. Le bord inférieur de
la loge forme une corde très puissante, ligament quadrato-
maxillaire interne (gm1), qui réunit, en passant en dedans des
muscles masticateurs, l'extrémité articulaire du carré à la ponte
du maxillaire supérieur. Un autre ligament quadrato-maxil-
laire passe en dehors de ceux-ci et circonscrit la loge mastica-
trice du côté jugal. Nous étudierons spécialement sur l’Amblys-
tome la disposition de ces ligaments qu'il est important de
connaître si l'on veut comparer avec profit la tête des Urodèles
à celle des autres Vertébrés.
N°5 (fig. 7 et 8). Larve de 65 millimètres, au début de la
métamorphose. — Les phénomènes extérieurs de la métamor-
phose sont un peu moins accentués que chez le n° 4, et pour-
tant la dissection de la voûte palatine démontre que le rema-
niement des os est poussé plus loin que chez la larve précédente.
Il n'y a donc pas de succession chronologique rigoureuse dans
les événements et leur suite dépend vraisemblablement de l’état
de fonctionnement des divers appareils au moment où les hor-
mones qui déterminent Ia transformation sont mises en cireula-
tion. J'ai précédemment montré (1907) comment l'inutilisation
anticipée et l’atrophie, provoquée par le défaut d'usage, des or-
ganes transitoires de la larve, avant la métamorphose, avaient
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 297
pour conséquence une accélération de leur régression et bou-
leversaient l'ordre habituel des changements présentés par l’ani-
mal. Il n'va donc pas lieu de s'étonner ici que, par rapport à la
larve précédente, la métamorphose de la voûte palatine soit plus
avancée, malgré que lhabitus extérieur soit moins modifié. Les
lamelles branchiales raccoureies, mais encore minces et effilées,
entourent de tous côtés la tige axiale des branchies et les lim-
bes de la queue ont conservé la moitié de leur hauteur.
Fig. 7. — Voüte palatine du n0 5 (Larve de $. m. de 65 millimètres au début
de la métamorphose); am, arc denté maxillaire ; ch, choane ; fi, fosse
internasale ; m, cartilage de Meckel sectionné : r, recessus labio-maxil-
laire ; », bourrelet vomerien ; v{, valvule latérale ; I-IV, dents d’âge dé-
croissant.
Des 65 millimètres de longueur totale, 36 appartiennent à
la tête et au tronc, 29 à la queue. La tête est large de 9 mm. 5,
longue de 10 millimètres. La voûte palatine présente certains
caractères nouveaux. La région faciale du crâne s’allonge ; l’ou-
verture des choanes se porte en arrière ; la fosse muqueuse imter-
nasale s'élargit ; les valvules qui réunissent les coins de la bou-
che diminuent de longueur et sont presque réduites à leur région
basale. Les bourrelets muqueux qui encadrent la partie dentée
des arcs osseux, externe et interne, sont tuméfiés et deviennent
298 P. WINTREBERT
plus saillants qu'auparavant. Les dents de remplacement de l'ar-
cade maxillaire sont disposées sur 1 et 2 rangées, mais ne devien-
nent visibles derrière les dents fonctionnelles que grâce à une
pression opérée de bas en haut sur la muqueuse gonflée.
On arrache des fragments du bourrelet muqueux situé en
arrière des dents implantées sur Le processus dental des maxil-
laires et on examine un groupe de dents de différents âges
(fig. 7). La dent I est complète ; longue de 0 mm. 4, elle com-
prend une pointe d’émail, un cône creux de dentine, reposant
sur un socle globuleux de cément; celui-ci était déjà fixé par un
côté au processus dental du prémaxillaire, dont il a été arraché
pendant l’ablation de la muqueuse. La dent IT n’a formé que
la moitié du socle dentaire ; la dent HI ne possède aucun socle
et la dent IV est réduite à une pointe de dentine revêtue d’émail.
Je renvoie au travail d'O. Herrwié (1874) pour plus amples
renseignements.
La place du vomer (») est nettement marquée à la voûte buc-
cale par’une saillie blanchâtre de la muqueuse qui le recouvre
et sur laquelle tranchent, comme des points foncés, les pointes
brunes des dents; celles-ci dépassent la ligne transverse qui
joint les bords postérieurs des choanes (A), mais la saillie
muqueuse se prolonge encore un peu en arrière et en dedans
de la région dentée donnant à l’ensemble du bourrelet muqueux
vomérien l'aspect d'un croissant à concavité dirigée vers la
ligne médiane.
La dissection très attentive des arcs dentés internes donne
les résultats suivants (fig. 8): les vomers (+) sont de petites
lamelles osseuses allongées et fragiles présentant deux plages
d'aspect différent, l'une interne, garnie de dents, l'autre
externe, dépourvue de dents, plus large en avant qu'en arrière,
mais prolongée presque jusqu'à l'extrémité postérieure. Le
long du bord interne on trouve dans la muqueuse des dents
isolées de tout âge, fait qui prouve une activité très vive du
développement osseux par néoformation dentaire ; l'absence
de dents le long du bord externe et sur la plage voisine est au
contraire l'indice d’une régression et d’une chute des dents de
ce côté (0. Herrwie, 1874). Les tablettes vomériennes isolées
ont une longueur de { mm. 75. La plupart des dents qui sont
implantées sur elles sont mal fixées ettombent au moindre choc.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 299
Les ptérygo-palatins (pp) sont divisés en plusieurs fragments,
3 à droite, 2 à gauche; ces fragments distants les uns des
autres, inclus dans un tissu fibreux ne résultent pas du bris
accidentel de la pièce osseuse, mais d’une décalcilicalion com-
plète en certains endroits. Le fragment antérieur est très étroit ;
Fig. 8. — Appareils voméro-ptérygo-palatins du no 3 vus par la face ven-
trale et dont les ailes ptérygoïdiennes ont été rapprochées ; ca, cartilage,
carré ; ch. choane: pp, plérygo-palatin ; pt, ptérygoide cartilagineux
gmi, ligament quadralo-maxillaire interne : v, vomer.
il est dépourvu de dent à droite ; 1l porte une seule dent à gau-
che; il se prolonge en arrière par une épine osseuse. Du col
même de l'os il ne reste rien à gauche et seulement un petit
fragment à droite. O. Herrwie a décrit (p. 115) et figuré (fig. 4,
Taf. 1) chez une larve de 66 millimètres un stade un peu plus
300 P. WINTREBERT
précoce où les plaquettes antérieures pourvues de nombreuses
dents sont déjà séparées des ptérygoïdes.
Les ailes ptérygoïdiennes (pp), extrèmement minces et fragi-
les, sont crénelées sur leurs bords latéraux ; elles ont 2 mm. 25
de longueur; elles figurent un triangle dont la pointe anté-
rieure est tournée plus en dehors que n'était précédemment la
région correspondante de l'aile ptérygoïdienne. Au-dessus de
celle-ci, le ptérygoïde cartilagineux (pt) est intact; son extré-
mité antérieure, orientée vers la pointe du maxillaire supérieur,
dépasse toujours en dehors le sommet du ptérygoïde osseux.
Fig. 9. — Voüte palatine du no 6 (Larve de S. m. de 59 millimètres, en
pleine métamorphose externe). am, are denté maxillaire ; fi, fosse inter-
nasale ; m, cartilage de Meckel coupé ; x, place des narines ; v, bourre-
let vomérien; v/, valvule latérale.
N° 6 (Fig. 9 et 10). Larve de 59 mm. 5 en pleine métamor-
phose externe. — Le tronc et la tête mesurent 32 mm. 5, la
queue 27 millimètres de long, la tête est large de 9 millimètres.
Les branchies sont réduites à l’état de moignons charnus
munis de digitations courtes et épaisses; le limbe inférieur
n'est qu'un liseré; le limbe dorsal à perdu les deux tiers de sa
hauteur. Le museau allongé (fig. 9) est tronconique, la fosse
internasale est plus large encore que chez le n° 5; les reces-
sus labio-maxillaires, très visibles encore sur la larve précé-
dente (7, fig. 7), ont disparu ; les valvules des coins de la bou-
che sont à la fin de leur régression. Les paupières sont appa-
rentes et, de chaque côté du museau, se dessinent les saillies
(n) sur lesquelles s'ouvriront les narines.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDAÆ 301
Les maxillaires grandissent et s'étendent derrière les choa-
nes, qui ont elles-mêmes reculé. Un large espace sépare mainte-
nant les saillies muqueuses vomériennes gauche et droite (o) du
bourrelet maxillaire. Les saillies vomériennes ont l'aspect de
deux triangles à bords latéraux curvilignes, à sommet anté-
Fig. 10. — Appareil voméro-ptérygo-palatin du n° 6, disséqué en place sur
l’aponévrose sus-jacente ethmo-orbito-temporale, et vu par la face ven-
trale. ap, artère palatine ; ca, cartilage carré; ck, choane ; pp, ptérygo-
palatin ; pt, plérygoïde cartilagineux vu par transparence : gmi, ligament
quadrato-maxillaire interne ; v, vomer.
rieur et à base postérieure. Cependant malgré que leur élargis-
sement postérieur semble indiquer un travail actif de remanie-
ment on ne constate pas la présence de dents dans la partie la
plus reculée et la plus large des bourrelets muqueux.
L'appareil ptérygo-vomérien gauche, enlevé d'un seul bloc
302 P. WINTREBERT
par une section profonde des cartilages sus-jacents, débar-
rassé soigneusement de la muqueuse et, pour le ptérygoïde,
des faisceaux fibreux quile recouvrent, mesure en tout 5 mm.2;
il se compose, ainsi que le montre la figure 10, de deux lamel-
les osseuses principales, le vomer (+) et le ptérygoide (pp),
séparées par un large espace et orientées dans des sens diffé-
rents. En effet le cartilage carré portant en arrière son extré-
mité distale, entraine en dehors la pointe antérieure du ptéry-
goïde. Les lames osseuses adhèrent profondément à une aponé-
vrose sus-jJacente, qui couvre à la fois le territoire ethmo-nasal
et la région orbitaire. L'artère palatine, issue de la carotide
externe, court le long du parasphénoïde à la surface de cette
aponévrose ; elle donne diverses branches latérales externes qui
se rendent aux territoires osseux en transformation. L'aile ptéry-
goïdienne réduite à l’état de feuille mince et flexible ne diffère
guère de celle de la larve précédente; elle a 2 millimètres de
long. En avant de son sommet, deux bâtonnets à peine calcifiés
sont tout ce qui reste de la tige osseuse étroite qui formait chez
la larve le col du ptérygo-palatin. Plus en avant, on ne voit
plus trace de la palette dentée antérieure. Au-dessus du ptéry-
goïde osseux la lamelle cartilagineuse ptérygoïdienne naît de
la moitié interne du carré et sa pointe antérieure ne dépasse
pas le bord externe de l'os en avant.
Le vomer n'a que 1 mm. 5 de longueur, à gauche; à droite,
il est un peu plus long (1 mm. 7). Les deux vomers ont le
même aspect et présentent 2 plages distinctes, l’une interne
dentée, l’autre externe sans dent; cette dernière est à la fois
creusée de trous et déchiquetée sur le bord. L'ensemble de l'os
dessine vaguement un trangle à sommet antérieur dont les
bords latéraux font une courbe concave en dedans. On trouve
dans la muqueuse à sa partie postérieure et interne quelques
dents isolées; certaines de ces dents, très petites et de déve-
loppement récent, démontrent par leur présence que laccrois-
sement de l'os se poursuit vers l'arrière et du côté de la ligne
médiane. Ces dents postérieures (fig. 10) sont d'autant plus
petites, et par conséquent plus jeunes, qu'elles se trouvent pla-
cées, dans le bourrelet muqueux, plus loin de la plaquette
osseuse.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 303
N°7 (fig. 11, 12, 13). Larrve de 61 mm. 5, au dernier tiers de
la métamorphose externe. — Dimensions : tronc et tète 33 nilli-
mètres de long ; queue 28 mm. 5 ; tête large de 8 millimètres, lon-
gue de 8 mm. 5. Les branchies ne sont plus constituées que par
3 courtes palettes à peine incisées sur leur pourtour; la 2° bran-
chie un peu plus longue que les deux autres a 2 millimètresde lon-
gueur ; elle est triangulaire ; sa base placée en avant, large de
1 mm. 4, montre 4 digitations longues de 0 mm. 3 environ. Les
limbes de la queue sont fort réduits; l'inférieur n’est plus qu'un
Fig. 411. — Vouüte palatine du n0 7 (Larve de S. m. de 61 mm. 5 au der-
nier tiers de la métamorphose externe). ca, cartilage carré ; ch, choane ;
fi, fosse internasale ; m, cartilage de Meckel sectionné ; v, bourrelet
vomérien.
liseré, sauf vers la pointe où il s'étale un peu ; le limbe dorsal
plus large, épaissi et fané, est enroulé sur lui-même ; déroulé, il
mesure 0 mm. 75 de hauteur; il s'étale au bout de la queue.
Sur une coupe transversale, faite à 3 millimètres de la pointe, on
compte 2 mm. 75 de hauteur totale, 0 mm. 75 pour le limbe
dorsal, 1 mm. 6 pour la tige axiale, 0 mm. 4 pour le limbe
ventral.
La figure 11 montre combien la valvule des coins de la bou-
che (v/) est réduite et combien le bourrelet muqueux vomérien
(v) s'étend à la fois en arrière et vers la ligne médiane; la conca-
vité de sa courbure interne est moins accusée ; on trouve plus
de sa moitié postérieure derrière la ligne transverse des choanes,
304 P. WINTREBERT
La figure 12 indique que Ë vomer, en tant que plaquette
osseuse, est très réduit ({ mm. 4 de longueur environ à droite et
à gauche) par rapport à l état totale de la région dentaire ;
en effet, on trouve maintenant derrière lui une zone de dents
isolées presque aussi longue que son territoire propre et qui
constitue un lieu de: obonaion osseuse très caractérisé. Les
dents les plus élevées, les plus complètement formées de cette
zone sont sur le point de réunir leurs socles et de s'unir à la
tablette vomérienne ; les dents les plus petites sont les plus
postérieures et doivent être considérées comme nées les der-
nières. Le bourrelet muqueux ne cesse pas avec les dernières
dents (fig. 11); il se prolonge plus loin, sur une ligne paral-
lèle à l’axe médian et l’on aperçoit nettement, en enlevant la
muqueuse boursouflée, une membrane fibreuse épaisse ayant
l’aspect d'une languette étroite qui lui sert de soubassement ;
cette membrane fibreuse, au même titre que le gonflement
muqueux superficiel, signale la place où, comme nous aurons
l'occasion de le constater chez des larves plus avancées, vont
se développer des dents nouvelles.
Du côté interne de la plaquette vomérienne, se trouvent aussi
quelques dents isolées dans la muqueuse, mais du côté externe,
au-dessous de la tablette osseuse et en dehors d’elle, on ne
constate la présence d'aucune dent. Les dents implantées sur,
l'os dans la région voisine du bord interne sont placées sur
2 rangs en avant et en arrière ; sur 3 rangs au centre ; les dents
antérieures sont Les plus longuesetles plus fortes ; les dents pos-
térieures sont les plus courtes.
Des bords du vomer partent en rayonnant dans toutes les
directions d'épais faisceaux fibreux (f) qui au microscope se
montrent la continuation directe des travées directrices de l’ossi
fication conjonctive, et constituent par conséquent dans l'os des
fibres de Sharpey. Il semble done que la tablette vomérienne
soit formée de deux parties : l'une superficielle née de la réunion
des socles dentaires, l’autre profonde résultant d’une ossification
de nature purement conjonctive. La lamelle profonde ne serait
ainsi qu'une région calcifiée de la membrane fibreuse qui couvre
tout Le plancher cartilagineux ethmo-nasal, et qui, comme nous
l'avons vu, se prolonge sous les dents de nouvelle formation jus-
qu'à l'extrémité postérieure du bourrelet muqueux ; cependant
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 305
il est hors de doute que cette ossification membraneuse, si
si elle existe, reste localisée autour de chaque dent.
Le ptérygoide osseux (fig. 13), seul reste du ptérygo-palatin
larvaire n’a que { mm. 60 de longueur ; il a l'aspect d'un trian-
gle équilatéral dont les bords latéraux sont découpés ; le bord
postérieur n’est qu'ondulé. Les découpures sont la trace
d’un remaniement actif. Vu par la tranche, l'os est dans son
ensemble légèrement concave en dehors et en haut, du côté
Fig. 12. — Vomer gauche et Fig. 13. — Apparéfl ptérygôïdien gauche
dents néoformées de sa ré- du n0.7, vu par la face ventrale. ca,
gion interne et postérieure, cartilage carré; m, allache de quelques
vus par la face ventrale chez fibres musculaires ptérygoïdiennes; pp,
le no 7; di, dent néoformée ptérygoide osseux ; pt, ptérygoide carti-
interne ; /, faisceaux fibreux lagineux ; gmi, ligament quadrato-
issus dé la plaquette osseuse ; maxillaire interne.
v, tablette vomérienne ex-
terne, dépourvue de dents.
de la loge des muscles masticateurs. Sa face supérieure montre
une légère crête transversale, qui correspond au bord antérieur
du cartilage carré et qui la divise en 2 fosses séparées. Le
bord interne, juste devant Le carré, s’épaissit et se recourbe vers
le haut en côtoyant la base du ptérygoïde cartilagineux.
Le ptérygoïde cartilagineux (p{) s’insère sur le carré dans le
quart distal de sa moitié interne ; il est situé entre le ptérygoïde
osseux sur lequel il repose ventralement et contre lequel il est
intimement appliqué et là paroi interne de la loge temporale
306 P. WINTREBERT
qui se dédouble et lui donne une gaine fibreuse. Il a l’aspect
d'une baguette aplatie dans le sens dorso-ventral, extrême-
ment mince en son milieu, mais plus épaisse à son extrémité
antérieure.
Le ligament quadrato-maxillaire interne (gnu) etles faisceaux
fibreux inférieurs qui forment la paroïinterne de la loge mastica-
trice adhèrentintimement au bordexterne du ptérygoïde osseux.
On remarque l'insertion de fibres musculaires ptérygoïdiennes
sur la paroi de la loge masticatrice dans l'angle externe (m)
que fait la base du ptérygoïde cartilagineux avec le carré.
24 CE
Fig. 44. — Aspect de la tête et de la queue du n° 8 (Larve de S. m., aux
trois quarts de sa métamorphose externe). A, face dorsale de la tête ; B,
région branchiale gauche vue par dessus ; G, région latérale gauche de
l'extrémité caudale.
No 8 (fig. 14, 15, 16, 17). Larve de 69 millimètres, arrivée
L'aspect de Pani-
aux trois quarts de la métamorphose externe.
mal est, à part la présence de moignons branchiaux persistants,
celui d'une Salamandre terrestre ; Les grandes taches jaunes tran-
chent nettement sur le fond noir bleu de la peau (fig. 1%) ; un
piqueté très fin de points clairs parsème les régions foncées et
les territoires jaunes présentent une série de petits cercles Jau-
nes à bordure brun noirâtre, isolés, ou pressés les uns contre
les autres. La tête et le tronc mesurent 38 millimètres, la queue
31 millimètres. La tête à 9 millimètres de large et de long : son
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 307
contour, vu par dessus, marque nettement (A), de chaque côté
d'une proéminence faciale antérieure, deux petites tubérosités
au sommet desquelles s'ouvrent les narines ; deux pans coupés
sen détachent en arrière, surplombés par le relief des yeux
garnis de paupières ; les côtés de la tête sont ensuite paral-
lèles à l'axe médian jusqu'à la région branchiale, qui se dirige
obliquement en arrière et en dedans jusqu’à l’étranglement cer-
vical. Sur le pan coupé branchial se détachent trois branchies
(fig. 14, 4) très atrophiées, incisées sur leurs bords, dont la
plus longue, la postérieure a 2 millimètres. Les fentes bran-
Fig. 45. — Voüte palatine du n0 8. bm, bourrelet maxillaire ; bo, bourrelet
vomérien ; ch, choane ; 50, saillie orbitaire ; w/, valvule des coins de la
bouche.
chiales sont fermées et l'orifice opereulaire ventral est obturé
de sorte qu'aucune communication n'existe plus entre le pha-
rynx et l'extérieur par la région cervicale ; un pli cutané ventral
très prononcé, saillant en arrière, fait à la tète un demi collier
qui la limite en arrière.
Sur la queue (fig. 14, C) les limbes ont disparu ; il ne reste
au-dessus etau-dessous de la tige charnue centrale, aplatie dans
le sens latéral, que deux liserés cutanés. La hauteur totale de la
queue dans le tiers postérieur est de 3 millimètres environ.
Si l’on ouvre la bouche (fig. 15) on voit que le bourrelet
muqueux de la mâchoire supérieure se prolonge sans interrup-
21
308 P. WINTREBERT
tion jusqu'aux coins de l'ouverture et que les lèvres sont main-
tenant intimement appliquées contre l’are denté maxillaire. La
rangée des dents dépasse en arrière la ligne transverse des
choanes. Ces modifications déjà visibles chez les n°* 6 et 7 sont
ici plus apparentes. La valvule interlabiale (v/)a presque disparu.
Les deux bourrelets vomériens se sont joints en avant ; ils
figurent un fer à cheval dont les branches, larges dans la moitié
antérieure, finissent en pointe en arrière. Les dents dont on
n'aperçoit que les pointes brunes bordent son versant interne.
Fig. 17. — Ptérygoïde droit du
Fig. 16. — Vomer droit du n°8, vu no 8, vu par la face ventrale ;
par la face ventrale; /, faisceaux ca, cartilage carré ; pp. pléry-
fibreux qui s'échappent de sa goïde osseux ; pf, ptérygoïide car-
lamelle externe ; s, trace laissée tilagineux ; gmi, ligament qua-
par la chute des dents. drato-maxillaire interne.
Leur distribution s’est modifiée dans Le sens antéro-postérieur ; les
plus antérieures sont au niveau transversal des choanes, les autres
se succèdent en arrière sur deux rangs jusque sur la ligne trans-
verse qui réunit les coins de la bouche ; les pointes des bourre-
lets dépourvues de dents se prolongent même un peu plus loin
de chaque côté de la ligne médiane.
La lamelle osseuse du vomer est d’un seul tenant (fig. 16) ; qua-
drilatère, allongée d'avant en arrière ; elle mesure { mm. 5 de
longueur ; son bord latéral interne est presque rectiligne ; son
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 309
bord externe, irrégulier présente l'insertion d’un grand nom-
bre de faisceaux fibreux très résistants. Les dents les plus hautes
sont antérieures ; beaucoup de dents de la rangée externe ont
été arrachées dans l’ablation pourtant ménagée de la muqueuse ;
elles laissent sur la plaquette osseuse, la base de leurs socles
(s) arrondie et légèrement surélevée ; en effet, la rupture de la
dent s'effectue au milieu du socle. Alors que le cône d'ivoire et
d'émail garde sa rigidité, etque la base de la dent reste encore
encroûtée de calcaire, le haut et le milieu du socle de cément
se décalcifient rapidement, deviennent mous et flexible, formés
seulement de tissu fibreux.
Comme chez le n° 7, on trouve dans la muqueuse en dedans et
surtout en arrière du vomer des dents isolées dont les plus jeu-
nes sont les plus éloignées de la tablette osseuse. Des faisceaux
fibreux relient la partie externe de celle-ci à la membrane
fibreuse périvomérienne.
Le ptérygoïde, seul reste du ptérygo-palatin, a l'aspect (fig. 17)
d'un triangle à base postérieure, à sonnmet tourné vers le maxil-
laire supérieur ; il est long, comme le vomer, de 1 mm. 5.
Aucune dent n'est visible au-devant de lui dans la muqueuse.
Son bord interne tend, comme chez le n° 7, à entourer la base
du ptérygoïde cartilagineux.
L'extrémité antérieure de celui-ci pointe en dedans de l'os, au
lieu d’être placée, comme précédemment (fig. 8 et 13), en dehors
de lui et ceci parait être le signe d’un remaniement propre du
ptérygoïde osseux (Voir p. 405).
N° 9 (fig. 18, 19, 20, 21). Larve de 62 millimètres à la fin
de la métamorphose externe. — L'aspect général est presque
semblable à celui de la larve précédente. Cependant la queue
moins aplatie latéralement présente une forme plus eylindri-
que et les branchies (fig. 18) devenues de simples excroissances
sont encore plus réduites ; les tiges branchiales antérieure et
moyenne sont soudées et leur pourtour n’est pas échancré; la
3° branchie est une palette isolée à 4 digitations distales, mesu-
rant en tout { mm. 5 de longueur. La fermeture des fentes
branchiales et operculaire est accomplie depuis le stade précé-
dent (n° 8). Les dimensions en longueur des principales régions
du corps sont les suivantes : tête et trone 35 millimètres,
310 P. WINTREBERT
queue 27. D'autres Salamandres arrivées à la fin de la méta-
morphose ont, soit 66 millimètres de longueur totale, dont
35 millimètres au devant du cloaque, soit 64 millimètres en
tout, dont 35 précèdent le cloaque. On voit donc que les difé-
rences de longueur de ces Salamandres élevées ensemble
dans les mêmes conditions ne portent que sur la longueur
de la queue. Il est intéressant au point de vue biologique
de noter que les jeunes Salamandres de ce stade meurent
noyées quand elles ne peuvent trouver un appui qui leur per-
mette de tenir la tète au-dessus de l’eau et de respirer l'air
atmosphérique librement et sans effort. Les branchies, la peau
sont donc, à ce stade, des lieux d’hématose insuffisants.
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8p
Fig. 18. — Aspect des branchies droites chez le n° 9 (Larve de S: m.
de 62 millimètres, à la fin de la métamorphose externe) ; bam, bran-
chies antérieure et moyenne soudées ; bp, branchie postérieure.
La figure 19 montre l'aspect de la voûte palatine avant toute
dissection et, en pointillé, la place des ptérygoïdes osseux (pp)
et des faisceaux quadrato-maxillaires externe et interne
(gmi, gme), la limite du maxillaire supérieur (»s) et la dispo-
sition des languettes cartilagineuses antéorbitaires (ao). La
tête mesure 8 mm. 5 de largeur, sur 9 millimètres de longueur.
Les surfaces articulaires des carrés sont portées en arrière, mais
se dirigent aussi vers le bas. La tête s'allonge par suite du déve-
loppement antéro-postérieur des capsules nasales. À l'endroit
où finissent les pointes du maxillaire supérieur le bourrelet
muqueux maxillaire (bm) présente une échancrure interne très
nette ; au-devant de celle-ci passe la baguette cartilagineuse
antorbitale (ao) qui borde le bord postérieur de la choane et
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ al1
se dirige transversalement vers le trabécule dont elle émane.
Le fer à cheval du bourrelet muqueux vomérien ouvert en
arrière allonge encore ses branches. Les dents y sont toujours
uniquement placées sur Le pourtour interne ; elles se rejoignent
en avant, comme il advenait déjà sur la larve précédente
(fig. 15), et ne vont pas encore en arrière jusqu'au bout des
branches du bourrelet. En avant, celui-ci mesure en largeur
2 nullimètres environ ; sa longueur est de 3 millimètres.
Onm.
Fig 19. — Voüte palatine du n0 9; 4, muscles adducteurs de la mâchoire
inférieure ; ao, cartilage antéorbital ; bm, bourrelet muqueux de l'arc
maxillaire: bv, bourrelet vomérien ; ca, surface articulaire du cartilage
2
carré ; ch, choane; d, muscle dépresseur de la mâchoire “mférieure ;
fi, fosse internasale ; pp, ptérygoide osseux ; ps, limite antérieure du
parasphénoïde; gme. qmi, ligaments quadrato-maxillaires externe et
interne ; w/, reste de la valvule du coin de la bouche.
Disséqué, le vomer droit du n°9 (fig. 20, À) est long de 1 mm. 5.
Un autre vomer du côté droit (fig. 20, B) a été préparé sur une
Salamandre de mème âge, ayant une tête large de 8 mm. 25 et
longue de 8 mm. 59 ; ilest un peu moins long (1 mm. 4) mais son
aspect général ne diffère que par les détails de celui du vomer
de la larve n° 9. La bordure interne est seule dentée ; elle
l’est sur 2 rangs ; la lamelle externe, convexe en dehors chez
312 P. WINTREBERT
À, avec un prolongement antérieur, est largement échancrée et
trouée chez B. Les plaques osseuses sont situées dans la partie
antérieure du bourrelet muqueux (b) dont les limites sont repré-
sentées par une ligne pointillée ; derrière elles on trouve dans
la muqueuse des dents isolées comme chez les larves précéden-
tes.On voit, chez À, deux dents réunies par leurs socles à une
petite lamelle osseuse commune, Les dents isolées les plus lon-
Fig. 20. — Vomers droits du n° 9 (A) et d’une larve de même stade (B) vus
par la face ventrale; D, bourrelet muqueux limité par un pointillé ; dp,
série des dents nouvelles postérieures ; m/f, membrane fibreuse épaissie,
sous choriale ; v, plaquette externe du vomer.
gues et les plus complètes sont toutes près du vomer et derrière
lui; plus loin on ne rencontre que des dents sans socle. La pla-
quette vomérienne semble s'être déplacée en dedans, mais si l’on
tient compte qu'elle s’édifie sans cesse par sa partie interne et
postérieure et régresse en même temps par sa partie antérieure
et externe, on reconnait que la migration n'est qu'apparente et
qu'en réalité l'os actuel est un vomer nouveau et non pas le
vomer de la larve qui s'est déplacé. Le vomer et les dents de
nouvelle formation reposent sur une membrane fibreuse épaisse,
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 313
sous choriale(#f), située au centre du bourrelet muqueux et
qui ne se prolonge pas en arrière aussi loin que l’extrémité de
celui-ci.
Le ptérygoïde droit est vu par la face dorsale sur la figure
21 ;il est représenté non sur l'animal où la face dorsale regarde
en dehors, mais tel qu'on l’observe quand l'os repose sur un
plan horizontal. Il est plus large (1 mm. 70) que long (1 mm. 50) ;
le recourbement de son bord interne autour du bord interne du
ptérygoïde cartilagineux est très net; on remarque aussi l’état
crénelé du bord externe à peine concave en dehors.
Les régions de la muqueuse placées sous les ptérygoïdes
osseux ne sont pas boursouflées comme celles qui recouvrent
Fig. 21. — Plérygoïde droit du n0 9, vu par la face dorsale ; angles a, anté-
rieur, e, externe, à, interne, p, bord postérieur.
la région de formation des vomers; encore faut-il considérer
que la saillie muqueuse vomérienne répond seulement à la
partie du vomer qui est en période actuelle de remaniement et
qu'elle ne comprend pas la région du bouclier osseux qui cou-
vrira plus tard en avant le plancher nasal; cependant, dès
maintenant, la lame membraneuse qui s'ossifiera dans la suite
existe et se prolonge jusqu'aux apophyses palatines des pré-
maxillaire et maxillaire.
Le ptérygoïde cartilagineux s'avance rapidement à la fin de
la métamorphose vers la pointe du maxillaire ; 1l ne l’atteint
pas encore chez le n° 9; 1l la dépasse beaucoup chez la Sala-
mandre parfaite, comme nous le verrons chez le n° 10. Sa pro-
314% P. WINTREBERT
lifération est done tardive dans la métamorphose comme fut
tardive sa naissance dans l’ontogenèse.
Le cartilage carré présente, au contraire, dès le début de la
transformation, une conversion en arrière de son extrémité
articulaire externe autour de ses attaches craniennes qui se
ramollissent tout en demeurant fixes. Son axe est maintenant
dirigé en arrière et en dehors, et l’on peut considérer qu'il a
acquis chez le n° 9 son orientation définitive.
La limite antérieure du parasphénoïde sur la ligne médiane
a été marquée sur la figure 19 (ps); elle se trouve à l'union du
tiers postérieur avec les deux tiers antérieurs de l’espace situé
entre le pourtour arrière des choanes et les dents antérieures
des prémaxillaires.
No 10 (fig. 22-95). Jeune Salamandre à l’état parfait, longue
de 70 mm. — La tête mesure 10 millimètres de longueur; elle
a 10 millimètres de largeur au niveau des articulations de la
màchoire inférieure ; le tronc et la queue, qui ont la même lon-
gueur, mesurent chacun 30 millimètres. Les branchies sont com-
plètement résorbées ; les limbes de la queue ont disparu. La
robe est celle de l’animal terrestre.
Si, après avoir ouvert la bouche, on fend horizontalement
les joues, par une section commençant aux coins de la fente
buccale, finissant en arrière des articulations du maxillaire
inférieur et, qu'après avoir ainsi largement découvert la voûte
palatine, on la dépouille de sa muqueuse, on aperçoit les vomers,
les ptérygoïdes ainsi que les ligaments, les aponévroses, les
museles avec lesquels ces os sont en relation. L'aspect de la pré-
paration est celui de la figure 22.
La forme générale du vomer fo) est bien connue (Hertwig
1874, PL I, fig. 25; Wiedersheim 1877, PI. XXII, fig. 73) ;al
est composé de deux régions, lune antérieure large, étalée
comme un bouclier concave vers l’intérieur de la bouche, entre
l'arc denté maxillaire et le parasphénoïde, l’autre allongée en
une apophyse postérieure et interne qui porte les dents. La table
osseuse finit en arrière juste au-dessous du cartilage anté-orbi-
taire. Son bord postérieur, échaneré en demi-cercle dans sa partie
moyenne, encadre le pourtour antérieur de la choane et s’effile
en dehors le long du processus palatin du maxillaire ; aboutit en
“
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 315
dedans à l’apophyse dentée. Son bord interne comprend deux
parties obliques séparées par un angle saillanten dedans (ai), qui
touche l'angle correspondant du vomer opposé ; en avant de cet
angle, le bord interne oblique, en dehors, circonserit le cavum
Fig. 22. — Voüûte palatine (côté droit) du n° 10 (jeune Salamandra maculosa
de 70 millimètres à l’état parfait), après ablation de la muqueuse; a, mus-
cles adducteurs de la mâchoire inférieure : ai, angle interne du vomer;
ao, cartilage antéorbitaire ; apm, apophyse palatine du maxillaire ; ap,
anneau fibreux périorbitaire : aso, aponévrose sous orbitaire ; €, colu-
melle ; ca, cartilage carré (surface articulaire); ce, carotide externe;
ch, choane ; ci, carotide interne ; 4. muscle dépresseur de la mâchoire
inférieure ; gi, glande intermaxillaire; À VIT, nerf hyo-mandibulaire de
la VIIe paire; ol, occipital latéral; os, orbitosphénoïde; pp, ptérygoïde
osseux: ps, parasphénoïde; p VII, nerf palatin de la VII paire;
qgme, ligament quadrato-maxillaire externe; gmi, ligament quadrato-
maxillaire interne ; », récessus cutané temporal ; rb, musele rétracteur du
bulbe oculaire ; v, vomer.
internasale ; en arrière de cet angle le bord interne, oblique
en dehors, porte une rangée de dents à laquelle fait directe-
ment suite la rangée des dents implantées sur l’apophyse
316 “ P. WINTREBERT
postérieure. Son bord externe sinueux s’adosse au bord interne
des apophyses palatines prémaxillaire et maxillaire.
L'apophyse dentée (fig. 22 et 23) semble une excroissance
née de l'angle postéro-interne du vomer ; mais nous l’avons
vu naitre de la réunion de dents isolées, développées sur place,
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Fig. 23. — Vomer gauche du n° 10. A, vomer entier, vu par la face ventrale ;
p VIT. nerf palatin de la VIT: paire. B, région moyenne de l’apophyse dentée
vue par son bordinterne: #1. place où deux dents ont été luxées. C, une dent
luxée.
l’une derrière l’autre (fig. 12, 20), comme si la présence de la
5 ) /
dent précédente conditionnait la naissance de la dent suivante.
Elle ne résulte done ni d'un bourgeonnement de la table vomé-
rienne, ni de la formation simultanée d’ébauches dentaires dis-
jointes, disséminées sur son parcours, et qui deviendraient
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 347
ensuite confluentes. Son mode de formation est très spécial,
les dents qui l'édifient : 4) naissant isolément; 4) dans le voi-
sinage des ébauches dentaires précédentes, et c) seulement
dans une direction donnée. |
Les dents serrées l’une contre l’autre Le long du bord interne
de l’apophyse (fig. 23) ont leur pointe orientée en bas et en
dedans et non en bas et en dehors comme 0. Herrwi6 (4874) le
figure (fig. 36, PL. I). On peut distinguer deux régions dans
l’apophyse : l'une antérieure, concave en dedans, l’autre posté-
rieure concave en dehors. La première, un peu plus large que
la seconde, est plus verticale ; ses dents sont dirigées presque
directement en bas; sa face interne est intimement appliquée
contre le bord du parasphénoiïide et de l’orbitosphénoïde. Elle
présente une gouttière longitudinale au-dessus des racines des
dents, dans laquelle le nerf palatin de la VIT paire (p. VII)
passe et se trouve conduit dans la région nasale sur la face dor-
sale du bouclier vomérien. La région postérieure de l’apophyse
présente, par rapport à la première, une torsion, qui tourne sa
face interne en bas et les pointes des dents en dedans ; sa face
dorsale n’est pas comme celle de la région antérieure au con-
tact du parasphénoïde, mais distante de celui-ci et, particuliè-
rement à son extrémité, elle en est séparée parle muscle rétrac-
teur du globe oculaire qui prend insertion à la face ventrale
du parasphénoïde (fig. 22, r). La terminaison de l’apophyse est
libre dans la muqueuse; elle se fait sur la ligne transversale qui
joint les surfaces articulaires des carrés (ca), en dedans du trou
de sortie du nerf palatin de la VII paire et de l’anse que fait la
carotide externe (ce) en se continuant par l'artère palatine (ap),
juste au-dessous de l'endroit où la carotide interne (c2) passe
dans le crâne.
O. Herrwic (1874) et Wieoersuein (1877) considèrent le vomer
comme formé de deux os, le vomer et Le palatin. Leur soudure
se ferait à l'union des régions antérieure et postérieure de l’apo-
physe dentfée, à l'endroit marqué par un trait pointillé sur la
figure 23,1. Mais j'ai enlevé le vomer du n° 10 en totalité sans
apercevoir, même après l’action d'une lessive de potasse,
aucune trace de suture et nous avons vu d'autre part que la
région palatine du ptérygo-palatin ne se séparait de l'aile ptéry-
goïdienne (fig.8,10)que pour disparaitre par régression. Cepen-
318 P. WINTREBERT
dant l'apophyse est fragile : elle casse facilement à l'endroit
marqué sur la figure 23 À quand, en maintenant,le bouclier,
on la soulève par la pointe; cet endroit correspond au milieu
de S denté du bord interne (fig. 22), au lieu même où les
auteurs cités ont figuré (0. Herrwic. PL. I, fig. 23, 24, 36: Wir-
DERSHEIM, PI. XXIII, fig. 72, S. atra) la division de l'os en
vomer et palatin. Il y a done lieu de penser que ces savants
ont pris un trait de cassure pour l'indice d’une suture. Cuvier
(1824, PI. 25) figure les vomers de S'alamandra maculosa
démunis de leur apophyse dentée.
Le dessin B de la figure 23 montre un fragment grossi de
la région antérieure de l'apophyse vu par sa face interne. On y
observe que la longueur du socle de cément est double de celle
du cône de dentine et d’émail ; le fond du socle est englobé
dans une masse osseuse commune qui forme comme un trot-
toir Interne et sa partie moyenne est adossée et en partie soudée
sur son côté externe à un mur qui la soutient. En C (fig. 23) est
dessinée une dent luxée qui montre la base de son socle ouverte.
Toutes ces dents n’ont qu'une pointe d’émail ; celles à deux
pointes que figure O. Herrwi (1874, fig. 1, PL INT) n’appartien-
nent pas au vomer ; ce sont des dents maxillaires.
Dans la région du bouclier et dans la région terminale de
l’apophyse où les dents ont une direction en dedans plus pro-
noncée, les socles dentaires s’allongent beaucoup et prennent
l’aspect de tubes alignés côte à côte sur la partie interne de la
table osseuse. Les dents se développent, en dedans du vomer ;
car, pendant l’ablation de la muqueuse, on a enlevé deux ettrois
rangées de jeunes dents isolées dont les plus courtes étaient
aussi les plus internes. |
Le bouclier vomérien n’est pas seulement une table osseuse
qui protège la région nasale contre la pression des aliments
introduits dans la cavité buccale : il maintient encore par sa pré-
sence une distance fixe entre Parc denté maxillaire et la table
médiane du parasphénoïde. Il contribue donc à empêcher une
déformation de la partie antérieure du crâne par suite de
compression transversale ; il est appuyé solidement par son
bord externe contre les apophyses palatines des maxillaire et
prémaxillaire ; en dedans c’est par une crête de sa face dorsale
qu'ilest arc-bouté contre le parasphénoïde. Cette crète est cons-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 319
tituée, au niveau de l’apophyse, parle bord externe de Ia gout-
tière où passe le nerf palatin de la VIT paire et se prolonge sur
le bouclier par un saillant situé à la limite externe des socles
dentaires. Le conduit palatin débouche à la face inférieure du
cartilage nasal entre ces deux lignes d'appuiau parasphénoïde :
celle de l'apophyse, et celle de la table vomérienne ; ces deux
lignes, comme le bord latéral du parasphénoïde qu'elles enca-
drent, forment par leur réunion un angle ouvert en dedans, sail-
lant du côté de l’attache du cartilage antorbitaire au trabécule
cranien. Grâce à cet emboitement du coin latéral du parasphé-
noïde par le vomer, celui-ci est fixé dans sa position. Du côté du
bord externe quelques sinuosités du vomer, encastrées dans des
sinuosités inverses de l’arc denté, contribuent de même à
maintenir les os en place. Le vomer joue ainsi dans l’architec-
ture du palais le rôle d'une pièce Imtermédiaire qui permet à
la boîte cranienne de résister aux poussées latérales et anté-
rieures exercées sur le museau ; etsi l’on réfléchit qu'il s'étend
en arrière sur les côtés de la choane sous le cartilage antorbi-
tal à la place même où chez les Anoures le palatin forme une
poutre transverse entre le maxillaire et le parasphénoïde, on
comprend que la présence chez les Urodèles d'un palatin déve-
loppé le long du cartilage anté-orbital n’ajouterait rien à la
structure du crâne de ces animaux au point de vue de sa conso-
hidation, tandis que la présence d’un palatin est au contraire
une nécessité chez les Anoures où le vomer est réduit à l’état
d'une plaquette isolée, développée comme un ilot sur le plan-
cher nasal (Voir p. 390).
Le ptérygoïde osseux (fig. 22, 24, 25) dans sa forme défini-
tive est très différent de celui de la larve et, malgré que les
processus de sa transformation soient plus difficiles à suivre et
à analyser que ceux du vomer, son remaniement n’en est pas
moins manifeste, ainsi qu'on en peut juger par la comparaison
des figures 13, 17, 21 avec les figures 22, 24, 95. La feuille
osseuse qui constituait au-dessous de la loge orbito-temporale
l'aile postérieure et plane du ptérygo-palatin s’est d'abord limi-
tée, après la régression de la palette palatine et de la tige pté-
rygoidienne, à une plaquette triangulaire en rapport avec la
région des muscles masticateurs et la face ventrale du carré ;
puis cette plaquette a changé son orientation en ce sens que son
320 P. WINTREBERT
sommet antérieur oblique en dedans s’est tourné en dehors
(fig. 10,17). Ce changement de direction est dû en partie au
transport en arrière de l'extrémité articulaire du carré (Gawpr,
1906, p. 703) (fig. 10) et en partie aux modifications propres de
l'os (fig. 17). Celui-ci au lieu de passer en pont au-dessous de la
fosse orbito-temporale s'applique maintenant d'une manière
étroite à la loge aponévrotique des muscles adducteurs de la
7 LL} -
y |.
Fig. 24. — Disposition de la partie inférieure de la loge temporale droite chez
le n° 40. a, muscles adducteurs de la mâchoire inférieure ; ca, cartilage
carré (surface articulaire); lo, loge orbitaire ; /f, loge temporale ; "”,
maxillaire supérieur ; pp, ptérygoïde osseux ; pt, ptérygoide cartilagineux ;
gme, gmi, ligaments quadrato-maxillaires externe, interne ; r, partie anté-
rieure de la loge temporale où s’invagine le recessus cutané.
mâchoire (a, fig. 22 et 24); il se moule pour ainsi dire sur elle
et sur la tige du ptérygoïde cartilagineux interposée entre elle
et lui. Par suite de ce changement d'orientation, le ptérygoïde
osseux incline davantage en bas son, bord externe et fait avec
le parasphénoïde un angle d'environ 45°, de sorte qu'il cons-
titue sur les côtés de la voüte palatine une sorte de joue
osseuse.
L'aspect général du ptérygoïde s'est modifié et on le remar-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 321
que aisément sur l'os isolé (pp, fig. 25) et sur les os en place
(pp, fig. 22 et 24).
La partie moyenne de son bord postérieur se prolénge en
arrière ; elle contourne maintenant la face postérieure du carré
en produisant un angle nouveau. L'angle externe se trouve près
de l'articulation maxillaire et se met en relation à ce niveau
avec l'os carré d'origine enchondrale, bien qu'on n’observe pas
encore d'union entre les deux os de membrane et de cartilage.
L'angle interne vient au contact du parasphénoïde, ainsi que la
plus grande partie du bord postéro-interne, dont l'épaisseur est
grande. Il s'établit de cette façon entre le ptérygoïde et le
bras latéral saillant du parasphénoïde une véritable articulation
et, dans la profondeur, le processus basal du carré présente
une fonte du cartilage et se sépare du crâne cartilagineux. On
sait depuis Srôr (1879) qu'une fissure se produit chez Triton
cristatus entre le processus otique et la capsule de l'oreille.
Mais, d’après Gaupe (1906, p. 704), le processus basal resterait
uni à la base du crâne. Il n’en est rien chez Salamandra macu-
losa, et, de plus, le processus antérieur doit aussi subir un
ramollissement, car le carré présente chez la jeune salamandre
une mobilité légère et complète sur le crâne.
L’angle antérieur du ptérygoïde se trouve en contact intime.
avec la loge aponévrotique des masticateurs, juste au-dessus du
ligament quadrato-maxillaire interne qui en constitue le faisceau
fibreux inférieur le plus puissant. Mais ce n’est que progressive-
ment qu'il acquiert cette situation et les changements graduels
de sa position vis-à-vis de ce faisceau sont le meilleur moyen
de mesurer le changement d’orientation de l'os ; ainsi, chez la
larve n° 7, fig. 13, le sommet antérieur est distant du bord du
ligament ; de plus, l'extrémité du ptérygoïde cartilagineux se
trouve interposée entre ce bord et lui; plus tard, chez la larve
n°8, le ptérygoide cartilagineux se place en dedans de la pointe
osseuse et il garde cette position dans la forme définitive.
Les bords latéraux du ptérygoïde sont échancrés ; le bord
externe est mince, écailleux, légèrement crénelé ; le bord interne
épais, massif et résistant, se recourbe vers le haut autour du
ptérygoïde cartilagineux et s'enroule mème autour de lui dans
sa région postérieure (fig. 25).
Les faces ventrale et dorsale, la première tournée en dedans,
322 P. WINTREBERT
l'autre en dehors, montrent manifestement deux territoires
(fig. 24 et 25), un postérieur moulé sur la face ventrale du
carré, l’autre antérieur, qu'on peut appeler « masticateur » et
qui se trouve en contact. avec le ptérygoïde cartilagineux.
Celui-ci est logé dans une gouttière de l'os si profonde qu'il sem-
ble s’y être imprimé par pression au stade où l'aile ptérygoi-
dienne, en partie décalcifiée, était devenue malléable. La gout-
Fig. 25. — Rapports des ptérygoïdes osseux et cartilagineux droits avec les
faisceaux fibreux avoisinants; même disposition que la fig. 24 sauf que le
ptérygoïde osseux a été renversé en dehors et montre sa face dorsale. f,
fibres du ligament quadrato-maxillaire pénétrant le ptérygoïde osseux ;
m, maxillaire : pp, ptérygoide osseux; pt. ptérygoide cartilagineux: pte,
faisceaux fibreux ptérygoïdiens externes ; ptm, faisceaux fibreux ptérygo-
maxillaires ; gme, gmi, ligaments quadrato-maxillaires externe, interne.
tière fait saillie sur la face ventrale (fig.24) mais, sur la face dor-
sale, quand la tige cartilagineuse est en place, l'ensemble des
ptérygoides osseux et cartilagineux offre une surface plane.
Le ptérygoïde cartilagineux ne présente au contact de l'os
aucune trace d’ossification ; il n’est du reste pas à son contact
direct, car il est entouré par une gaine fibreuse et contenu pour
ainsi dire dans la paroi de la loge temporale. Par contre, quel-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 323
ques faisceaux fibreux de cette paroi situés au-dessus du liga-
ment quadrato-maxillaire interne pénètrent le bord externe du
ptérygoïde osseux (f, fig. 25) et semblent jouer dans sa texture
le rôle de fibres de Sharpey ; mais la plupart des faisceaux de la
loge temporale passent au-dessus de lui ; 1ls forment couvercle
au-dessus de la gouttière où est logé le ptérygoïde cartilagi-
neux et vont en dedans et en avant compléter la gaine aponé-
vrotique des muscles adducteurs de la mâchoire ; parvenus au
devant de ceux-ci ils renforcent le fascia prétemporal (fig. 24)
qui sépare la loge temporale (//) de la loge orbitaire (/0).
Le ptérygoïde cartilagineux, né sur la partie antéro-interne
du carré qui voisine le milieu de sa longueur (fig. 24), est une
tige étroite dirigée en avant et en dehors, beaucoup plus longue
que le ptérygoïde osseux, à la face dorsale duquel elle est située.
Elle le dépasse en avant, et se recourbe en dehors à son
extrémité antérieure. Cette disposition, en crochet, n'a encore
été signalée chez aucun Urodèle. Il est admis en effet, depuis
Wispersuelm (1877, p. 474), que le ptérygoïde cartilagineux des
Urodèles après s'être dirigé en avant et en dehors vers le maxil-
laire se termine librement près de lui sauf chez Ranodon
(fig. 69 et 70), où 1l rejoint le cartilage antéorbitaire en passant
le long de la face interne du maxillaire supérieur. [ei, chez Sala-
mandra maculosa, la tige cartilagineuse serait assez longue pour
toucher le maxillaire et courir le long de sa faceinterne ; pour-
tant elle suit un autre trajet. Après avoir quitté la gouttière du
ptérygoïde osseux (fig 24), elle s'appuye sur la paroi fibreuse
interne de la loge masticatrice, accompagne quelque temps Le
ligament quadrato-maxillaire interne au-dessus duquel elle est
placée, puis, arrivée à l’endroit où finit la loge temporale et où
commence la loge orbitaire, elle est arrètée par Le fascia prétem-
poral qui sépare les deux loges et se recourbe en dehors. Elle
semble au premier abord se diriger vers le maxillaire supé-
rieur auquel prend insertion le fascia prétemporal ; mais elle
monte en tournant dans l'interstice orbito-temporal et se trouve
située au-dessus du maxillaire quand elle aboutit à la face
externe de la loge temporale (fig. 26).
La tige cartilagineuse en montant dans le fascia prétemporal
vient se mettre en contact avec l'anneau fibreux périorbitaire
et s’unit à lui par des fibres nombreuses. Au niveau de la
g
©
A
4
ï
324 P. WINTREBERT |
région la plus convexe de sa courbe elle envoie aussi quelques
fibres au maxillaire supérieur (lg. 25, plm).Ces fibres sont situées
au-dessus de celles qui constituent le très fort ligament qua-
drato-maxillaire interne dont les faisceaux s'étalent en bouquet
sur l’apophyse palatine du maxillaire depuis sa pointe jusqu’à
l’attache du vomer (fig. 22) ; elles sont faibles et peu résistantes
par rapport à celles-ci et ne dépassent guère en avant la région
des dents les plus postérieures ; aucune d'elles ne peut être
SN NS js à
N DD mr
Fig. 26. — Face latérale droite de la tête du no 40 montrant, dans le sens ver-
tical, le trajet du ptérygoïde cartilagineux ; dans la dissection, le ligament
quadrato-maxillaire externe gme, Le ptéryg oïde osseux pp et le ptéryeoide
cartilagineux ont été secltionnés à mi-longueur de la fosse temporale; à,
IE adducteur de la mâchoire MReMeUE ; ao, cartilage antorbital ; apo,
anneau fibreux péri-orbilaire ; &te, aponévrose temporale externe ; ca,
surface articulaire du cartilage carré ; esci, cul-de-sac conjonctival de Ja
paupière inférieure ; /cse, limite du cul-de-sac conjonctiv al de la paupière
supérieure ; M, maxillaire supérieur ; p, pupille ; ; pi, paupière inférieure ;
pp, ptérygoïde osseux ; ps, paupière supérieure ; p{, ptérygoïde cartlilagi-
neux ; gme, gqmi, ligaments quadrato-maxillaires externe, interne.
suivie, comme celles du ligament quadrato-maxillaire interne,
jusqu'au cartilage antorbital et la pointe du vomer. Mais, par
contre, l'extrémité recourbée en arrière du crochet cartilagineux,
émet des fibres nombreuses qui renforcent la paroi externe de
la loge temporale (fig. 24 et 26, ate) et qui s’éparpillent depuis
le ligament quadrato-maxillaire externe jusqu'à mi-hauteur de
la région temporale.
Le cartilage antorbital (fig. 22 et 26, ao)est une languette apla-
—
ro
cr
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 3
tie dorso-ventralement, tendue entre l'orbito-sphénoïde et lapo-
-physe montante du maxillaire supérieur. Elle adhère intimement
à la face interne de celle-ci et se recourbe vers le haut en s’éta-
lant, pour se continuer avec la paroi cartilagineuse externe du
sac nasal ; au niveau de son attache maxillaire elle est assez
intimementunie à l'anneau fibreux périorbitaire et au cul-de-sac
conjonctival de la paupière inférieure ; ceux-ci en arrière d’elle
reposent tous deux sur la face dorsale de lapophyse palatine
du maxillaire. Elle reçoit aussi du côté de la voute palatine
l'insertion de quelques fibres émanées du ligament quadrato-
maxillaire interne, mais elle est tout à fait distante de la tige
cartilagineuse ptérygoïdienne à laquelle elle n’est reliée que
d'une manière tout à fait indirecte par les adhérences que
toutes deux contractent avec le ligament quadrato-maxillaire
interne et l'anneau fibreux périorbitaire
Nous avons parlé jusqu'à présent de la loge temporale
comme si elle ne contenait que les muscles adducteurs de la
mâchoire inférieure ; elle présente cependant dans sa région
ventrale deux compartinients distincts (fig. 22et 24) : l’un posté-
rieur et interne rempli par les muscles (a), l’autre antérieur et
externe occupé par un recessus cutané (7), développé dans
l'angle de la fente buccale. Quand la mâchoire est abaissée le :
recessus disparait, la peau est déplissée ; mais au moment de
la fermeture de la bouche, la peau, adhérente à la face externe
des tendons adducteurs, les suit dans leur ascension et forme
entre les ligaments quadrato-maxillaires un cul-de-sac profond.
Cette fosse cutanée n’est développée chez Salamandra maculosa
qu'en avant et en dehors des muscles ; nous verrons chez Ambly-
stoma qu'elle entoure de chaque côté la moitié antérieure des
muscles adducteurs ; c'est sa présence et l'allongement du maxil-
laire pendant la métamorphose qui déterminent ici les rapports
du ligament quadrato-maxillaire interne mi, fig. 22). Nous ne
voyons pas en effet ce ligament arriver directement à la pointe
du maxillaire : il en est écarté par le recessus cutané ; ses fais-
ceaux se dirigent donc vers la partie moyenne de ne
palatine puis retournent en arrière vers la pomte maxillaire ;
ces fibres récurrentes constituent la partie renforcée antérieure
la plus ventrale de la loge temporale ; c’est au-dessus d'elles
que le ptérygoïde cartilagineux dessine son crochet (fig. 24).
326 P. WINTREBERT
N° 11. Salamandra maculosa (variété corsica), mâle adulte
de 17 cm.5.— La tête et le tronc ont une longueur de 9 cm. 7,
la queue est longue de 7 cm. 8. L'apophyse dentée du vomer
présente la disposition spéciale à cette variété : une courbe anté-
rieure de petit rayon et très prononcée, concave en dedans, en
demi-anneau, une région moyenne rectiligne, adossée sur la
ligne médiane à celle du côté opposé, une région postérieure
coudée brusquement en dehors.
Le ptérygoïde osseux n’est pas mobile sur le parasphénoïde
mais au contraire soudé à lui ; 1l est soudé aussi en arrière au
squameux et fait corps en dehors avec l'os carré ; le quadratum
est enclos dans une sorte de cadre osseux qui l'immobilise. L’au-
tostylie est de nouveau constituée, après une phase de mobi-
lité du carré commençant à la métamorphose et se prolongeant
pendant la jeunesse de la forme parfaite ; mais elle n’a plus la
même signification ; elle est secondaire et consécutive aux sou-
dures osseuses qui s'établissent entre les os de revétement. En
raison de ces données, seul le type larvaire de continuité de sub-
stance cartilagineuse mérite la désignation de protostylique,
attribuée par Gnécory (1904) et Kerr Graram (1908) à la forme
la plus primitive d'attache du palato-carré au crâne.
Le ptérygoïde cartilagineux a la même disposition et les mêmes
rapports que chez la jeune Salamandre n° 10; il est cependant
moins indépendant des faisceaux fibreux du ligament quadrato-
maxillaire interne et du fascia prétemporal au milieu des-
quels il se trouve comme noyé ; ses connexions avec l'anneau
fibreux périorbitaire au-dessus du maxillaire supérieur sont très
intimes. Le maxillaire s'étend plus loin que chez la jeune
Salamandre terrestre, en une tige rigide, dont la pointe arrive
jusqu’au tiers postérieur de la loge temporale; le ligament
quadrato-maxillaire externe, ou jugal, est donc très court.
III. — La voûte palatiné d'Amblystoma tigrinum
et d'Amblystoma opacum
J'étudie dans ce chapitre la voûte palatine d’Axolotls soit à diffé-
rentsstades de la vie larvaire, soit au cours de la métamorphose,
et la voûte palatine d'Amblystomes. L'observation de chaque
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 327
animal est exposée séparément; elle comprend, comme celle de
chaque exemplaire de Sa/amandra maculosa, plusieurs étapes,
l'examen de la voûte buecale avant toute intervention, la dissec-
tion des os de l'arc denté interne, la notation des connexions
qu'ils présentent entre eux et avec les organes de la région, la
préparation des éléments cartilagineux et fibreux de l'appareil
voméro-ptérygo-palatin. Dans la révision des premiers stades je
passe rapidement sur les faits connus et j'insiste particulièrement
sur l'enchainement des dispositions successives que prennent
avec l’âge les diverses parties de l’appareil. Je me suis attaché
particulièrement à montrer l'influence des conditions biologi-
ques sur la constitution de l’arc denté, en procédant par voie
expérimentale. D'un côté je décris des larves normales, c'est-à-
dire bien nourries et n'ayant jamais souffert, et de l’autre J'ex-
pose l’état d'Axolotls morts de maladie ou soumis à un jeûne
prolongé. Ayant de plus réussi à arrêter la métamorphose à mi-
chemin (WinrreBerr, 1908) par la remise à l'eau d’Axolotls
qu'une exposition forcée à l'air, selon le procédé de Maria vox
Caauvix (1885), avait incités à se transformer, je montre que
ces demi Amblystomes ne possèdent à la voûte palatine que des
os incomplètement développés, des demi-vomers et des ptéry-
goides peu étendus.
;
A. — Larres normales, en bonne santé
N° 12 (fig. 27). Jeune Axoloul de 9 millimètres de long. — Le
erâne a une longueur de 4 millimètres ; sa base est représentée
figure 26. On y reconnait les os suivants : le parasphénoïde
médian (ps); les plaquettes vomériennes dentées appuyées sur
le cartilage nasal (e) ; les ptérygo-palatins, larges et dentés en
avant, terminés en pointe et dépourvus de dents en arrière (pp) ;
les prémaxillaires (pm) au devant de la région nasale, garnis de
nombreuses dents et d’un processus prénasal qu'on aperçoit par
transparence et qui se dresse comme une épine au devant de la
région olfactive. Les maxillaires ne sont pas encore nés. Les pté-
rygo-palatins sont appliqués par la partie interne de leur pla-
quette dentée sur le tubercule cranien correspondant, à l'en-
droit même où ils sont nés: ils formentavecles vomers l'ébauche
328 P,. WINTREBERT
d’un arc denté dont chacune des moitiés est oblique en avant et
en dedans.
N° 13 (fig. 28). Jeune Axololl de 98 nuillimètres de lon-
queur. — La tête longue de 6 millimètres, est représentée
(fig. 28) vue par la face dorsale. La mâchoire inférieure, légère-
ment abaissée, montre deux os dentés : le dentaire (d) et le splé-
Fig. 27. — Base du crâne du n°12 (Jeune Axolotl de 20 millimètres de long) ;
an, arc neural de la première vertèbre ; ce, chorde dorsale; c@, cartilage
carré; ce, cartilage ethmo-nasal; fo, fenêtre ovale; A, cérato-hyal; ”,
cartilage de Meckel ; pm, prémaxillaire ; pp. ptérygo-palalin ; ps, para-
sphénoïde ; fr, trabécule cranien ; v, vomer.
nial (sp) placés l'un en dehors, l’autre en dedans du cartilage
de Meckel (7). La mâchoire supérieure ne comprend encore
que le prémaxillaire (p), il a l'aspect d'un rateau à dents nom-
breuses dont le manche s'élève au contact du cartilage cranien
en dedans du frontal (f). L'arc denté interne de la voûte pala-
tine est au complet ;
composé du vomer (v) en avant, du pté-
rygo-palatin (pp) en arrière, il est facilement visible sur la face
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 329
dorsale du crâne en raison de l'absence du maxillaire supérieur
et du manque d'éléments osseux au niveau de la partie latérale
et postérieure de la boîte cartilagineuse du crâne. L’ablation
du globe oculaire et des muscles masticateurs laisse largement
ouverte la fosse orbito-temporale. On aperçoit au fond de celle-
Fig. 28. — Face dorsale du crâne du n° 43 (Jeune Axolotl de 28 millimètres
de long); c, chorde dorsale ; ca, cartilage carré ; ce, cartilage ethmoïdal ;
co, condyle occipital ; d, dental; fr, frontal; m. cartilage de Meckel: 5,
région otique ; pa, pariétal; pm, prémaxillaire ; pp, ptérygo-palatin ; sp,
splénial ; v, vomer.
ci la face dorsale des deux os ; on reconnait qu'ils sont placés
l’un derrière l’autre, orientés suivant une ligne oblique en avant
et en dedans, partant de la région moyenne du carré et aboutis-
sant en avant près de la ligne médiane.
Le vomer (») est une plaquette triangulaire de à sommet
antérieur qui porte 15 dents à droite, 16 dents à gauche ; à droite,
330 P. WINTREBERT
la plus grande dent se trouve isolée en avant; deux dents sui-
vent, puis viennent les autres dents placées transversalement
sur 3 rangs. L'os est étroit:ment appliqué sur le cartilage ethmo-
nasal et de haut l’on n’aperçoit directement que sa partie pos-
téro-externe ; il est rattaché en arrière par des faisceaux fibreux
au ptérygo-palatin. Celui ci est une lame osseuse allongée, légè-
rement étranglée vers Le milieu, élargie à ses extrémités ; elle
s’insère en avant sur le trabécule cranien près du plan nasal ;
elle adhère en dedans au bord du parasphénoïde, et s'attache en
arrière à la face ventrale du carré ; sa partie moyenne est libre.
La palette antérieure, quadrangulaire, située dans l'axe longi-
tudinal de l'os, est plantée de dents nombreuses ; partout ail-
leurs les dents manquent. Les faces de la lame ne regardent
pas directement en haut ou en bas ; mais la face dorsale est
orientée en haut et en dehors et la face ventrale, en bas et en
dedans, de sorte que Le bord interne est plus élevé que le bord
externe.
Les dents de l'arc palatin ne sont pas toutes dirigées dans le
même sens; la plupart tournent leur pointe vers le centre de la
cavité buccale, mais beaucoup sont inclinées en d’autres sens,
soit en bas et en arrière, soit en bas et en dehors.
Les dents antérieures de la mâchoire inférieure sont dirigées
vers le haut et appartiennent au dentaire ; elles s’engrènent
avec celles du prémaxillaire qui sont dirigées vers le bas ; mais
les dents postérieures du dentaire ne trouvent dans la mâchoire
supérieure aucune dent qui leur corresponde. Les dents les
plus antérieures du splénial commencent en arrière du plan
transversal qui passe derrière les prémaxillaires ; elles sont for-
tes etlongues, et se dirigent non seulement en haut mais en
dedans, vers l’are denté de la voûte palatine ; pourtant, dans le
rapprochement des mâchoires, elles sont loin de toucher les
dents de cet are ; en outre, de grosses dents existent encore sur le
splénial en arrière du plan transversal passant par les dernières
dents de la palette ptérygo-palatine. Dès ce stade on doit done
conclure des faits observés que Les dents ne s'opposent pas direc-
tement les unes aux autres dans l'acte de la mastication, qu'elles
ne sont pas disposées de manière à mâcher l'aliment, mais
qu'elles saisissent et retiennent la proie dans la cavité
buccale, Les deux pièces de l'arc denté interne sont solidaires
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆH 331
l’une de autre dans le maintien de l’animal capturé qui cher-
che à se dégager ; car elles sont réunies par des ligaments ;
de plus la liaison solide du ptérygo-palatin au carré d'une part,
au parasphénoïde de l'autre, empêche tout le système palatin
d'être arraché par traction. La longue apophyse prénasale du
prémaxillaire joue un rôle analogue à celui de l'aile ptérygoi-
dienne ; elle ancre fortement l’os dans le masif facial et lui
permet de résister aux efforts que fait la proie pour se dégager.
Celle-ci est aspirée par étapes et l’on voit dans les aquariums
des larves engloutir peu à peu leurs congénères par ce méca-
nisme après les avoir saisies par la queue.
N° 14 (fig. 29 et 30). Axolotl de 6 mois, long de 9 centimè-
tres. — La tête est aussi longue que large (15 mm.) ; la lon-
gueur du tronc est de 3 cent. 5, celle de la queue 4 cent. L’as-
pect de la voûte palatine est rendu dans son ensemble sur la
figure 29. Le bourrelet muqueux de l'arc denté maxillaire a été
conservé, mais la muqueuse à été extirpée à l'endroit du palais
pour découvrir les pièces de Parc denté interne et montrer leurs
rapports avec les organes avoisinants. La fente buccale est très
large quand la bouche est fermée ; c’est le cas de l'Axolotl des-
siné, dont la mâchoire inférieure a été sectionnée au ras de ses
articulations avec les carrés, un peu plus haut cependant à
droite qu'à gauche. Mais la fente buccale ne conduit pas seule-
ment entre les arcs maxillaires ; car ceux-ci ne s'étendent que
sur la partie médiane de la fente et à peine sur les deux tiers de
sa largeur; de chaque côté d'eux, comme chez la larve de Sala-
mandre (fig. 3, 7, etc.), se trouvent des récessus labio-maxillai-
res ou jugaux, dans lesquels viennent se loger, au moment du
rapprochement des mâchoires, les valvules des coins de la
bouche ; quand la gueule s'ouvre les joues tendues entre les
mâchoires deviennent verticales, les valvules se déplissent,
tirées, abaissées comme des rideaux par les maxillaires infé-
rieurs ; l'ouverture buccale se limite sur les côtés, s’arrondit,
prend l'aspect d'un goulot à travers lequel Les proies peuvent
être atlirées dans la bouche par aspiration.
Le vomer (v) est une palette très allongée, triangulaire à base
postérieure, formant avec celle du côté opposé, qu’elle touche
presque sur la ligne médiane, un arceau très surbaissé; il
332 P. WINTREBERT
côtoye par la partie moyenne de son bord interne le pan coupé
antéro-externe du parasphénoïde (ps), tandis qu'il se trouve
séparé de l'arc denté maxillaire et de son bourrelet muqueux
par un large sillon ; sa base postérieure s’adosse à la plaquette
ptérygo-palatine (pp), en dedans de la choane (ch); les dents
implantées sur lui se groupent (fig. 30) en 3 et À rangées trans-
versales, sauf au niveau de son extrémité antérieure étroite qui
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Fig. 29. — Voüte palatine du n0 14 (Axolotl de 6 mois long de 9 ceñtimè-
tres), dont la muqueuse a été enlevée en arrière du bourrelet maxillaire
(bm); le parasphénoïide (ps) transparent laisse voir une partie du cer-
veau; a, muscles adducteurs de la mâchoire inférieure ; bm, bourrelet
muqueux maxillaire; ca, cartilage carré; ce, carotide externe; CA,
choane; d, dépresseur de la mâchoire inférieure ; k. hypophyse ; ci, caro-
tide interne ; /, lèvre supérieure ; », cartilage de Merkel: ms, maxillaire
supérieur , pm, prémaxillaire ; pp, ptérygo-palatin; ps, parasphénoïde ;
p VI, nerf palalin de la Vile paire ; 7, recessus labio-maxillaire ; ©,
vomer ; v{, valvule latérale du coin de la bouche.
ne porte que 2? rangées; elles remplissent presque toute la face
ventrale et ne laissent libre qu'un léger rebord à son pourtour.
Le vomer adhère fortement par sa face dorsale au cartilage
ethmo-nasal (ce), par son bord interne au parasphénoïde (ps),
par sa base postérieure au ptérygo-palatin (pp).
Celui-ci a l'aspect d'une hache, à lame antérieure tournée vers
le parasphénoïde, à manche élargi en arrière et inséré sur la
partie moyenne du carré (ca). Les dents sont implantées sur deux
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRID Æ 333
et trois rangées à la partie externe de la plaquette antérieure,
dans l'axe de la tige étroite qui constitue le manche et dans
le prolongement de l’arceau denté du vomer; la partie interne
de la plaquette, dépourvue de dent, s'allonge au-dessous du
trabéeule cranien (#r) et du cartilage antorbital (40), jusqu'au
parasphénoïde; elle adhère très fortement à ces organes. La
tige, fort rétrécie en largeur, est moins fragile qu'elle ne parait,
Fig. 30. — Appareil voméro-ptérygo-palatin droit du no 44 (Voir fig. 29) vu
par la face ventrale ; &o, cartilage antéorbital ; ca, cartilage carré; ce,
cartilage ethmo-nasal ; ch, choane; pp, plérygo-palatin ; ps, parasphé-
noide ; pt, ptérygoide cartilagineux ; gme, qgmi, ligaments quadrato-
maxillaire externe, interne ; tr, trabécule ; v, vomer.
car elle est plus épaisse que les extrémités. L'aile ptér ygoti-
dienne s'étend vers la surface articulaire du carré ; elle recou-
vre en dedans le processus ptérygoïdien cartilagineux, encore
peu développé, qui naît du quadratum dans sa partie interne
vers le milieu de sa longueur, et qui croit en avant, parallè-
lement au trabécule. .
Les deux bords du ptérygo-palatin sont courbes; l'interne
334 P. WINTREBERT
circonserit avec le carré et le trabécule cranien un espace,
qui est la Fenestra palatinalis où médiopalatinalis (gaumen-
erube de Boas, 1914); en dehors de l’externe, se trouve la loge
des muscles masticateurs; celle-ci n’est pas limitée en dehors
par un pont osseux quadrato-maxillaire comme chez la plupart
des Stégocéphales et chez les Anoures; elle n’est encadrée que
par deux ligaments quadrato-maxillaires, l’un interne, l’autre
externe qui vont de la pointe du maxillaire supérieur au carré
(gme, gui, lig. 30) et qui en raison de leurs rapports et de leurs
homologies pourraient être désignés sous le nom de quadrato-
jugal et de ptérygo-maxillaire. La loge ainsi délimitée n’en
représente pas moins, chez les larves et chez les adultes des
Urodèles, la partie inférieure de la fosse temporale, la Fenestra
basi temporalis (untereschläfenôffnung de Boas). Le ligament
interne (gmi) prolonge en bas et en dehors le bord externe de
l'os ptérygo-palatin; l'aile ptérygoïdienne osseuse dans sa par-
tie postérieure, et le ptérygoïde cartilagineux, renforcent la
gaine fibreuse masticatrice.
Les fenêtres palatine et temporale des larves d'Urodèles ne
correspondent cependant pas exactement aux fenêtres de même
nom que l’on rencontre dans les groupes de Vertébrés terres-
tres. Chez ceux-ci, le processus antérieur ou ptérygoïdien
du palato-quadratum, ainsi que le ptérygoide osseux, se dirigent
en avant et en dehors vers le maxillaire, tandis que chez elles il
s'oriente en avant et en dedans vers le parasphénoïde. Il résulte
de cette disposition qu'ici la pointe du maxillaire et la palette
dentée du ptérygoïde sont distantes l’une de l'autre; l'intervalle
considérable qui les sépare est comblé par des faisceaux fibreux.
Les Urodèles parvenus à l’état parfait montrent dans la confor-
mation de la base du crâne une structure moins différente de
celle des autres vertébrés grâce à l'application plus étroite de
l'aile ptérygoïdienne à la loge musculaire des adducteurs et à
l'orientation de son extrémité antérieure vers la pointe du
maxillaire.
No 14 bis. Un Axololl du même dge ayant 8 centimètres de
long montre avec quelques variantes les mêmes dispositions. Le
vomer n'est pas partout couvert de dents ; il n'a pas de rebord
externe ; mais il possède, comme le ptérygoïde, une petite tablette
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 335
interne nue el adossée au parasphénoïde. Les extrémités anté-
rieures des deux vomers, séparées par un intervalle notable,
sont réunies par un ligament ; une membrane fibreuse épaisse
réunit aussi le bord externe de cet os à l'arc denté maxillaire.
Quant au ptérygo-palatin, son aile postérieure est mince,
transparente, manifestement plus frazile que la palette anté-
rieure.
N°15 (fig. 31 et PI. HI A). Axolotl adulte mûle de 17 c.de long.
— Queue longue de 85 millimètres. Tête longue de 19 millimè-
tres, large de 20 millimètres. La disposition des os est assez dif-
férente, dans le détail, de celle qu'elle présente à un stade plus
Jeune. Le vomer (v) (fig. 31) est une plaquette dentée quadrangu-
laire allongée, de 4millimètres de longueur sur 1 millimètre de
large ; il présente un arceau de dents fortes et longues alignées sur
un seul rang, qui traverse en diagonale sa face inférieure, allant
de l’angle antéro-interne à l’angle postéro-externe. Entre l'état
signalé chez le n° 14 et la disposition trouvée ici un changement
considérable s'est donc produit, en rapport avec l'âge. La réduc-
tion de nombre des rangées de dents se fait progressivement.
O. HerrwiG (1874, p. 114) a signalé que déjà chez les larves
d'Axolotl de 4 centimètres de longueur, les plus âgées qu'il ait
examinées, les rangées de dents, primitivement au nombre de
quatre, sont: réduites à deux. Le bord interne du vomer est
échancré et dans l'échancrure s'avance un coin saillant du bord
antéro-externe du parasphénoïde; le bord externe, comme l’en-
semble de l'os et comme l’arceau denté, est convexe en dehors
vers l'arc maxillaire.
Le ptérygo-palatin (pp) est un os long de 10 millimètres envi-
ron qui, comme une poutre solide élargie à ses extrémités,
traverse le fond de la fosse orbito-temporale. Ses faces ne sont
pas horizontales, mais placées de telle sorte que la face ventrale
regarde en dedans et en bas vers l’axe de la cavité buccale. La
tige qui forme sa partie moyenne est étroite, mais elle ne man-
que pas d'épaisseur et se raccorde par un col large à la plaquette
dentée antérieure ; celle-ci ne présente, comme le vomer, qu'un
seul rang de dents fortes qui sont pressées les unes contre les
autres dans le sens longitudinal et dont Les socles sont transver-
salement étalés ; ces dents sont implantées sur Le bord externe
épaissi.
336 P. WINTREBERT
L'aile ptérvgoïdienne s'étend loin en arrière sur la face ven-
trale du carré (ca) et descend en dehors jusqu’à la surface arti-
culaire de celui-ei; son bord externe est mince ; il est même irré-
(he jt
Ornm, 7 2
Fig. 31. — Appareil voméro-ptérygo-palatin droit du n0 45 (Aæxolotl adulte
mâle de 17 centimètres). à, ligne pointillée indiquant la limite antérieure
des muscles adducteurs de la màchoire ; @o, cartilage antéorbital ; ca,
cartilage carré: ch, choane; À VII, nerf hyomandibulaire de la Vile paire;
mp, faisceaux musculaires quadrato-ptérygoïdiens : ms, maxillaire supé-
rieur ; 0e, cercle pointillé de projection verticale du globe oculaire ; os,
orbitosphénoïde ; pm, prémaxillaire ; pp, plérygo-palatin : ps, parasphé-
noïde ; p VIE, nerf palatin du facial ; #r, trabécule cartilagineux : sg, squa-
meux ; ©, vomer.
gulièrement échancré devant le carré, à l'endroit où passe dans
la loge des masticateurs le faisceau quadrato-ptérygoïdien (mp) ;
celui-ci est composé de fibres musculaires qui prennent inser-
tion sur le carré, à la base du ptérygoïde cartilagineux et sur
Ja face dorsale de l'aile ptérygoïdienne.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 3937
Le ptérygoïde cartilagineux a été figuré sur le dessin
malgré qu'il soit peu visible par transparence. [ suit le bord
interne du ptérygo-palatin, presque parallèle au trabécule cra-
nien (4) jusqu'à mi-chemin de la fenêtre médio-palatine, c'’est-
à-dire jusqu'à la région plus spécialement orbitaire de la fosse
orbito temporale; il reste donc dans le territoire masticateur.
En avant de ce territoire se trouve la région orbitaire ; celle-
ci n'est pas absolument localisée au voisinage de l'œil; car les
insertions des muscles oculaires, et particulièrement celle du
rétracteur du bulbe, débordent sur les régions voisines; mais
l'œil en est Le centre et la question se pose de connaitre d’une
manière exacte sa situation topographique. Précédemment, Kes-
TEVEN (1916), étudiant les relations des ptérygoïdes et du para-
sphénoïde chezles Vertébrés, a émis l’assertion que le ptérygoïde
des Amphibiens est toujours postéro-latéral, ou latéral c’est-à-
dire externe par rapport à l'orbite, tandis qu’il lui est au con-
traire interne chez les Reptiles. Cette conclusion, en ce qui con-
cerne les Amphibiens, n'est conforme à la réalité que pour les
Anoures ; chez les Urodèles, par contre, /e ptéryqoïde n'est jamais
situé en dehors de l'œil. Le ptérygo-palatin des larves passe au-
Jessous de lui et plutôt en dedans de son pôle inférieur, ainsi
qu'on le voit sur la figure 30 (æ) où l’on a tracé en pointillé la
projection verticale du pourtour oculaire; d'autre part le ptéry-
goïde des Ambiystomes reste confiné à la région masticatrice,
ainsi que nous le verrons plus loin (fig. 45). Chez la larve un stylet
enfoncé verticalement à l'entrée du nerf optique traverse la
voûte buccale en dedans de la tige osseuse ptérvgo-palatine, mais
la plus grande partie de l’œil est située en dehors d'elle et l’on
doit admettre que le ptérygo-palatin passe au-dessous du globe
oculaire et non en dehors de lui.
La boutonnière formée par les ligaments quadrato-maxillai-
res interne et externe n’encadre pas seulement les tendons et la
partie ventrale des muscles adducteurs de la mâchoire ; en
avant de la ligne (a) qui marque la limite des museles se
trouve un espace triangulaire qui n’est pas comblé par les mas-
ticateurs ; 1l correspond en haut à la partie externe du globe
oculaire, et, en bas, à la muqueuse quitapisse l’arrière-fond du
recessus labio-maxillaire (voir fig. 29).
Le cartilage antorbitaire (ao) a l'aspect d'une jambe dirigée,
338 P. WINTREBERT
transversalement, du trabécule dont elle émane vers la pointe
maxillaire qu'elle n’atteint pas. Elle se termine librement par
une languette coudée vers l'avant, ayant l'aspect d’un pied et
ne présente aucun lien qui la réunisse au maxillaire ; elle
n'adhère pas non plus au bord postérieur de la choane qu'elle
encadre ; mais bien qu'elle soit libre de connexions fibreuses elle
est cependant entourée d’une gaine faite de toutes les fibres qui
comblent l’espace ptérygo-maxillaire et qui se rendent du car-
tilage carré à la région nasale. La base de la languette cartila-
gineuse émanée du trabécule eranien (fr), soutient manifeste-
ment la palette ptérygo-palatine dentée contre les pressions que
celle-ci subit de la part des aliments. Derrière la racine de la
jambe, le trabécule cartilagineux s'ossitie et forme l'orbito-
sphénoïde (os).
N° 16 (fig. 32 et 33). Axolotl femelle de 6 ans de 99 centimètres
de long. — Le tronc et la tête ont une longueur de 10 em. 5; la
queue est longue de 11 em. 5. La longueur de la tête, depuis le
museau jusqu à la partie postérieure des condyles occipitaux est
inférieure à sa largeur : 21 millimètres pour 23 millimètres ;
mais cette vieille larve a les deux premières vertèbres soudées
au crâne et le massif crânio-vertébral entier forme une pièce lon-
gue de 29 millimètres. Le ptérygo-palatin possède une longueur
de 12 millimètres ; le vomer atteint 5 millimètres.
L'ensemble de la voûte palatine subit par suite de l’âge quel-
ques modifications. Nous avons vu d’abord dans les stades jeunes
(fig. 27, 28, 30) toute la surface du vomer et de la palette anté-
rieure du ptérygo-palatin, plantée de dents, sur plusieurs ran-
gées ; nous avons observé ensuite que la palette dentée ptérygo-
palatine laissait dépourvue de dents la languette osseuse qui
touche le parasphénoïde (ps, fig. 30) et que le vomer se garnis-
sait sur son pourtour d'une marge non dentée (fig. 31). Nous
voyons donc que les dents ne se développent plus sur toute
l'étendue des plaquettes, que leur nombre diminue, que leur
implantation se localise et qu'elles finissent par s'aligner sur un
seul rang. Ici les dents, hautes et puissantes sont rejetées sur le
bord externe du vomer et du ptérygo-palatin, adossées à une
saillie de ce bord qui leur constitue une véritable rampe de
soutien analogue à celle que forment pour les dents de l’are
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 339
maxillaire les processus dentaires. Les dents vomériennes et
palatines sont si hautes que leur pointe se trouve presque au
même niveau horizontal que la pointe des dents maxillaires.
SNS,
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Fig. 32. — Voüte palatine du côlé droit chez le n° 16 fAzxolotl femelle de
6 ans et 22 centimètres de long) vue par la face ventrale, débarrassée
de la muqueuse ; le muscle rétracteur du bulbe oculaire est enlevé: «.
muscles adducteurs de la mâchoire inférieure; ao, cartilage antorbital à
sa naissance sur le trabécule ; €, columelle ; d, muscle dépresseur de la
mâchoire inférieure; X VIT, nerf hyomandibulaire ; »p, faisceau mus-
culaire quadrato-ptérygoidien; ms, maxillaire supérieur ; os, orbito-
sphénoïde ; pm, prémaxillaire ; pp, ptérygo-palatin: ps, parasphénoïde ;
p VIL nerf palatin du facial: gme, qgmi, ligaments quadrato-maxillaires
externe, interne ; , recessus labio-maxillaire ; », vomer ; ol, débris de la
valvule labio-latérale.
Les régions dentées de l'arc interne sont pourvues, comme
les maxillaire et prémaxillaire d’un processus interne palatin
23
340 P. WINTREBERT
fort étendu et les deux arcs osseux, l'interne et l'externe, sont
unis par une membrane fibreuse très résistante.
La ligne des dents de l'arc voméro-ptérygo-palatin ne forme
pas un arceau régulier comme chez la larve précédente (fig.
31) ; en effet, la série des dents postérieures du vomer revient
brusquement en dedans et en arrière figurant une courbe de plus
petit rayon que celle des dents antérieures ; et de plus les dents
ptérygo-palatines ne continuent pas cette courbe serrée, mais de
nouveau sont implantées suivant un arc de plus grand rayon, de
sorte que l'ensemble des dents figure un accent circonflexe. On
compte sur les vomers 22 à 25 dents 7 à 8 sur les ptérygo-
palatins.
La tige ptérygo palatine est étroite mais compacte, épaisse
et résistante ; elle semble se bifurquer à ses extrémités et
encadrer entre ses prolongements latéraux la plus grande par-
tie des palettes dentée, en avant, ptérygoïdienne en arrière ;
cependant la branche externe de la bifurcation postérieure est
interrompue avant d atteindre le carré par une échancrure sem-
blable à celle que nous avons déjà remarquée sur l'Axolotl pré-
cédent (fig. 31). La palette dentée palatine est perforée d'un or1-
fice qui donne passage au nerf palatin de la VII paire, dont on
aperçoit en arrière sur le parasphénoïde la sortie du crâne;
derrière le carré passent le nerf hyomandibulaire et le nerf du
muscle dépresseur de la mâchoire, appartenant toas deux au
facial. La lame osseuse ptérygo-palatine regarde du côté buceal,
en bas et en dedans.
Du ptérygoïde et du carré montent vers le maxillaire supé-
rieur et le cartilage ethmo nasal une série de faisceaux fibreux
superficiels dont on peut distinguer trois groupes : 4) un externe
puissant, formant le ligament quadrato-maxillaire interne ou
ptérygo-maxillaire, b) un moyen se perdant dans l'intervalle qui
sépare les deux ares dentés et contribuant à former la membrane
fibreuse qui les réunit, c) un interne qui suit la tige osseuse pté-
rygo-palatine, passe au-dessus de la plaquette dentée, se pro-
longe jusqu'au-dessus du vomer et s’insère depuis le pourtour
de la choane jusqu'au parasphénoïde. Cette expansion interne
s'étend aussi en profondeur et nous apercevons sur la figure 33
les rapports de sa partie profonde.
La figure 33 représente le côté gauche de la voüte palatime
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 341
du même animal ; le vomer (») et le ptérygo-palatin (pp) ont été
soulevés et réclinés du côté de la ligne médiane ; au-dessus d'eux
on aperçoit les expansions habituelles du crâne cartilagineux, la
tige ptérygoïdienne (p#), la jambe antéorbitaire (ao), le cartilage
ethmo-nasal (ce). Ce. dernier touche le maxillaire en dehors
y)
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Onm.1 2
Fig. 33. — Région plérygo-palaline profonde du côté gauche chez le n° 16
(voir fig. 32) vue par la face ventrale après qu'on a récliné en dedans les
os ptérygo-palatin et vomer : a, museles adducteurs de la mâchoire infé-
rieure; @o, cartilage antorbital ; ca, cartilage antorbital ; ce, cartilage
ethmo-nasal; c4, choane : d, muscle dépresseur de la mâchoire infé-
rieure ; mp, muscle quadrato-ptérygoïdien ; ms, maxillaire supérieur ; 08,
orbito-sphénoïde : pp, plérygo-palatin ; pt, ptérygoïde cartilagineux ; gme,
gmi, ligaments quadrato-maxillaires externe, interne ; rb, rétracteur du
bulbe oculaire; v, partie postérieure du vomer sectionnée ; ol, valvule
labio-latérale.
tandis que ni le ptérygoïde cartilagineux n1 la jambe antéor-
bitaire ne vont jusqu à lui. Le pied de cette dernière, plongé au
milieu des fibres quadrato-maxillaires et quadrato-ethmoïdales
est, comme celui de l’Axolotl précédent (n° 15), absolument
indépendant; en incisant sa gaine aponévrotique on le trouve
libre d'attache ; mais il n’en est pas de même pour l’extrémité
[JL
=
La
P. WINTREBERT
antérieure du ptérygoïde cartilagineux. Celle-ci, renflée en
bouton, est au contraire un véritable rendez-vous de faisceaux
fibreux qui s’entrecroisent ; beaucoup y prennent relai. On
reconnait aux fibres deux directions principales qui se croisent
à angle presque droit. Le plus grand nombre suit l'orientation
de l'arc denté interne au-dessus duquel elles sont situées ; par-
tes du carré près de la surface articulaire, elles vont vers l'in-
sertion du cartilage antéorbitaire sur le trabécule et l’orbito-
sphénoïde; les autres émanant du renflement cartilagineux,
semblent plus spécialement continuer la tige cartilagineuse et
se dirigent en avant et en dehors ; elles passent au-dessus des
trousseaux fibreux superficiels du ligament quadrato-maxillaire
qui vont à la choane et à la mâchoire, s’adossent aux fibres du
fascia prétemporal, contournent avec lui la partie antérieure de
la loge temporale et vont enfin se joindre aux faisceaux fibreux
qui constituent la paroi externe de cette loge. Cette expansion
fibreuse suit le même trajet que le crochet antérieur du ptéry-
goïde cartilagineux chez la Salamandre adulte (n° 10 et 11,
fig. 24 et 26) mais elle est beaucoup moins puissante que l’ex-
pansion fibro-cartilagineuse de cette dernière.
Du reste on ne peut généraliser à tous les Axolotls âgés la des-
cription précédente du ptérygoïde cartilagineux ; car parmi les
larves étudiées quelques-unes seulement possèdent une dispo-
sition semblable ; la plupart des tiges ptérygoïdiennes ne pré-
sentent pas de renflement terminal et finissent librement au
milieu des faisceaux qui vont du ptérygoïde osseux à la région de
la choane. Il arrive mème qu'une larve présente un type différent
du côté droit et du côté gauche. C’est le cas du vieil Axolotl en
ce moment examiné ; du côté droit, en effet (fig. 32), la tige
ptérygoïdienne après s'être dégagée du ptérygoïde osseux
plonge entre les faisceaux conjonctifs qui vont à la choane ;
elle se dirige vers la pointe du maxillaire qu’elle n’atteint pas et
se termine sans contracter de connexions fibreuses. La tige est
ici plus longue que du côté gauche ; elle reste intimement appli-
quée à la surface de la loge temporale et suit en somme la même
direction que l'expansion fibreuse externe que nous avons signa-
lée dans l'étude du ptérygoïde gauche, celle de la première partie
du crochet cartilagineux de la Salamandre arrivée à l’état par-
fait (n° 10). On constate donc une tendance manifeste du ptéry-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 343
goïde cartilagineux à acquérir, à la fin de son développement
larvaire, une direction et des rapports différents de ceux de
l'appareil osseux ptérygo-palatin. Il n'en est pas de même au
début de sa croissance. Né de la partie interne du carré, il suit
d’abord le bord interne du ptérygoïde osseux et se dirige direc-
tement en avant, parallèlement au trabécule cranien ; c'est au
moment où il aboutit à la partie antérieure de l'aile ptérygoi-
dienne qu'il se tourne en dehors ; ce changement d'orientation
peut être souligné par un coude assez brusque ainsi que Wins-
LOW (1898, p. 157, fig. 9 et 10) l’a déjà signalé. Il importe de
remarquer que si la naissance du ptérygoïde cartilagineux est
tardive, son orientation en dehors l’est encore davantage et ne
commence à s'effectuer qu'au dernier temps de la croissance
larvaire. Il semble aussi que l'appareil osseux ptérygo-palatin
larvaire, tôt établi dans l’ontogénie, soit fixé dans son état chez
la larve, et que le ptérygoïde cartilagineux, tard venu, indé-
pendant du premier, représente une étape plus avancée du
développement ; car, par l'orientation de son extrémité vers Le
maxillaire avant la métamorphose, 1l parait devancer les mo-
difications que subira plus tard le ptérygoïde osseux et antici-
per en quelque sorte sur les événements de la transformation.
En réalité 1l n'en est rien et, si l’on suit attentivement les
connexions du ptérygoïde cartilagineux, on reconnait qu’en-
globé dans la paroi interne de la loge temporale dès sa nais-
sance, il en subit le sort. IL se porte en avant jusqu'à ce qu'il
trouve devant lui la cloison qui sépare la fosse orbitaire de la
fosse temporale. Il est alors empêché d'aller plus loin dans
cette direction et se trouve forcé d’obliquer en dehors le long
du fascia prétemporal. Celui-ci prend insertion sur le maxil-
laire ;: le ptérygoïde cartilagineux le suit; il semble attiré vers
l'os alors qu'il est simplement forcé de s'orienter de son
côté. IL est plus ou moins long et s'arrête souvent chez les
Urodèles avant d'atteindre le maxillaire, comme chez Amblys-
toma ligrinum. Parfois aussi il est assez long pour se placer
à son contact ; cependant il ne prend pas nécessairement cette
position juxtamaxillaire et il continue parfois de tourner dans
la paroi de la loge temporale au devant des muscles mastica-
teurs, jusqu à venir sur leur face externe, comme chez Salaman-
dra maculosa (fig. 24, 25).
344 P. WINTREBERT
On ne peut plus dire après cette observation qu'il tend à récu-
pérer par son trajet final un état primitif qu'il aurait perdu par
dégénérescence, état qui consisterait en sa réunion avec le car-
tilage antorbital et en la constitution d'une arcade cartilagi-
neuse quadrato-ethmoïdale semblable à celle des Anoures. On
est au contraire conduit à admettre que le ptérygoïde cartilagi-
neux primitivement solidaire du ptérygo-palatin osseux trouve
devant lui, en raison de son apparition tardive, des dispositions
anatomiques établies qu'il ne peut vaincre. Celles-ci comman-
dent son orientation. Il suit la paroi de la loge temporale dans
laquelle il est engagé et tourne avec elle au devant des muscles
adducteurs de la mâchoire, soit en s’arrêtant en arrière de la
pointe du maxillaire (type Amblystoma tigrinum), soit en lon-
geant la face interne de celui-ci (type Ranodon), soit en passant
au-dessus de lui sur la face externe de la tête (type Sa/aman-
dra). Il arrive, du reste, que sur son trajet le ptérygoïde carti-
lagineux contracte des adhérences avec les trousseaux fibreux
qui l'entourent et qui semblent alors prendre insertion sur lui;
et particulièrement on remarque qu'il présente assez souvent,
comme ici, chez le vieil Axolotl n° 16 (fig. 33), une adhérence
avec les fibres temporales antérieures qui naturellement con-
tournent en dehors la loge des muscles adducteurs.
B. — Axolotis en état de misère physiologique.
Le lot d'Axolotls dont je décris ici la voûte palatine se com-
pose d'animaux en mauvais état de santé, arrivés au terme de
leur développement larvaire. Le premier (n° 17), vivant dans
la pleine eau d'un grand aquarium, a subi une émaciation gra-
duelle par suite de maladie. Les autres (n° 18 à 21) ont servi
de matériel pour une expérience d'incitation artificielle à la
métamorphose selon Le procédé d'assèchement graduel de Maria
vON Cuauvin (1885) et se sont montrés ré/ractaires à la métamor-
phose. Les mauvaises conditions qui leur furent imposées
pendant plusieurs mois, en particulier la contrainte de vivre
plus qu'à moitié hors de l’eau, déterminèrentun amaïgrissement
progressif, puis un état de cachexie qui, pour trois d'entre eux,
(ns 18, 20, 21) aboutit à la mort. Après l'examen de l’Axolotl
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 345
malade en pleine eau, les observations des animaux réfractai-
res sont données dans l'ordre croissant des lésoins osseuses.
N°17 (fig. 34). Axolotl femelle de 19 centimètres de long,
malade, très amaigrie, morte en aquarium couverte de Saprolé-
gnées. Tête longue de 21 millimètres, large de 22 millimètres.
La longueur du ptérygo-palatin est de 8 mm.5 ; celle du vomer
Fig. 34 — Appareil ptérygo-palatin droit du n° 17 (Azxolotl femelle malade
de 19 centimètres de long). Vu par la face ventrale ; @«o, cartilage antorbi-
tal ; ce, cartilage ethmo-nasal ; ca, cartilage carré ; ch, choane ; mp, fais-
ceau musculaire quadrato-ptérygoïdien; #»$s, maxillaire supérieur; pp,
ptérygo-palatin; pt, ptérygoide cartilagineux: pév, faisceau fibreux
ptérygovomérien; gme, qgmi, ligaments quadrato-maxillaires externe,
interne ; v, vomer.
de 4 millimètres. Ces deux os ont subi une régression très
avancée, le dernier surtout, car il est séparé en deux fragments,
un postérieur petit allongé transversalement, un antérieur plus
long, tous deux portant des dents ; mais ces dents sont facile-
346 P. WINTREBERT
ment luxées et il suffit pour les détacher d'enlever la muqueuse
sans précaution. La solution de continuité qui sépare les deux
fragments n’est pas rectiligne, mais découpée en jeu de patience.
Toute la plaquette osseuse est amincie. La place même des dents,
un peu plus rapprochée du bord externe que du bord interne de
la palette, est normale pour les dimensions de l'animal et l’état
de sa croissance ; elle est intermédiaire entre la situation des
dents chez le n° 15 (fig. 31) et la position qu'elles occupent chez
le n° 16 (fig. 32).
Le ptérygo-palatin présente aussi des traces évidentes de
résorption : a) sur la palette dentée antérieure échancrée en
avant, portant des dents plus petites, en plus petit nombre que
chez une larve normale, isolées de tout soutien osseux à leur
partie externe ; à) sur la tige très grêle qui constitue sa portion
moyenne ; c) sur l'aile ptérygoïdienne dont le bord externe est
erénelé, denticulé, tandis que les bords interne et postérieur
restent intacts.
Le ptérygoïde cartilagineux n’est pas touché par la régres-
sion ; il est remarquablement long et présente dans sa partie
terminale l'orientation et les connexions fibreuses que nous
avons signalées du côté gauche chez le n° 16 (fig. 33). Comme
chez celui-ci deux faisceaux de fibres profondes s'insèrent sur
lui (fig. 34), un faisceau ptérygo-vomérien interne large et étalé,
un faisceau prétemporal plus étroit qui tourne en dehors et
fait partie de la paroi fibreuse de la loge temporale.
N° 18 (fig. 35). Arolotl de 15 centimètres, réfractaire à la méta-
morphose, mort d’inanition. — Très maigre, il x des branchies
très atrophiées. Cependant les limbes de la queue, recroquevil-
lés, persistent et les palmures interdigitales sont présentes. L'ap-
pareil ptérygo-vomérien long en tout de 13 millimètres a un pté-
rygo-palatin de 9 millimètres et un vomer de 4 millimètres. Les
deux os sontamincis ; leur largeur est réduite par une régression
qui entame et découpe les bords. Les dents vomériennes
sont situées sur une seule rangée au milieu de la palette osseuse
comme il est normal à cet âge (n° 15, fig. 31). Les dents
ptérygo-palatines disposées sur un seul rang sont à leur place
régulière pour le degré de croissance de la larve. Mais toutes
les dents sont petites et tiennent à peine à leur piédestal osseux ;
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 347
en effet l’ablation prudente de la muqueuse à suffi pour en
déchausser quelques-unes.
Les palettes dentées reposent sur une membrane fibreuse
épaisse très apparente et l’on voit un grand nombre de fibres
décaleifiées sortir des feuillets osseux à l'endroit des bords
échancrés !fs).
La tige ptérygoïdienne persiste étroite et fragile et, comme
Fig. 35. — Arc osseux voméro-ptérygo-palatin du n° 18 (Axolotl de 15
centimètres « réfractaire » à la metamorphose) vu par la face ventrale;
fs, fibres de Sharpey décalcifiées sortant de l'os et passant dans la mem-
brane fibreuse voisine ; pp, ptérygo-palatin ; v, vomer.
chez le n° 17, l'aile du ptérygoïde n'est entamée que sur son
bord externe, mince et flexible ; le bord interne, qui couvre le
ptérygoïde cartilagineux reste épais.
N° 19 (fig. 36). Jeune Axolotl de 9 centimètres, réfractaire à la
métamorphose. — La tête large de 10 millimètres a une longueur
de 9 mm. 5. Le vomer à 2 mm. 75 de long et le ptérygo-palatin
348 P. WINTREBERT
6 millimètres de longueur ; tous deux ont subi une régression
plus avancée que Les os de la larve précédente. Le vomer (v) porte
deux rangées de dents ainsi qu'en témoigne la figure A où la
muqueuse à été laissée en place. En B, l'os se présente à décou-
vert ; toutes les dents internes sont restées dans la muqueuse,
ainsi que trois dents de la rangée externe. La plaquette a été ron-
gée en dehors et son bord interne est très frangé.
Fig. 36. — Bourrelet muqueux vomérien (A) et arc osseux voméro-ptérygo-
palatin (à) du côté droit chez le n° 19, vus par la face ventrale (4xolotl
de 9 centimètres « réfractaire » à la métamorphose); L, ligament décal-
cu qui réunit la région palatine (pp 1) à la région ptérygoïdienne (pp
2) ;7, trait de rupture de l'aile ptérygoïdienne au cours de son isolement ;
v, vomer.
L'altération du ptérygo palatin est fort intéressante. La tige
moyenne, grèle, est complètement décalcifiée en un point de son
parcours (/) ; l'os est ainsi composé de deux parties : l’une
antérieure, que l’on pourrait appeler palatin, l’autre posté-
rieure qui pourrait être nommée ptérygoïde ; les deux parties
sont unies par un ligament (/) qui représente la partie mem-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 349
braneuse précédemment ossifiée. La palette antérieure porte sur
son bord externe encore épais plusieurs dents dont quelques-
unes sont longues ; son bord antérieur est entamé profondé-
ment tandis que son bord postéro-interne plus épais est intact.
L'aile ptérygoïdienne, feuillet osseux fragile, s’est brisée sui-
vant le trait marque » pendant qu'on opérait son ablation :
la ligne irrégulière de séparation passe juste en avant de l’atta-
che de l'os au cartilage carré. La plage externe de l'aile plus
amincie que la région interne, présente un bord très anfractueux.
Des deux contreforts postérieurs qui partent de la tige moyenne,
l'interne est présent, tandis que l’externe est comme sectionné
à son point de départ.
No 20 (fig .37). Petit Axolotl réfractaire de 89 millimètres mort
d'inanition. — Il est maigre, possède des branchies très rédui-
tes et des limbes caudaux très atrophiés. Le repli latéral de la
lèvre supérieure est diminué. Le vomer est moins touché que
le ptérygo-palatin, car il est entier. Il possède deux rangées de
dents dont les socles tiennent assez bien sur la plaquette osseuse
et une troisième rangée située plus en dedans qui a été enlevée
avec la muqueuse ; la bordure interne, dépourvue de dents sur
la figure 37 est donc en réalité plus étroite qu'il n'est indiqué
sur le dessin. Le bord postérieur est entamé et l’on ne voit
en dehors des dents aucun trottoir osseux.
Le ptérygo-palatin est très atteint. La tige moyenne, en com-
plète régression, n’est plus représentée que par quelques débris
épars. On a enlevé pour les dénombrer tout l'appareil ptérygo-
palatino-vomérien d’une seule pièce avec tous ses éléments
osseux, fibreux et cartilagineux et l’on a disséqué ces différen-
tes parties en respectant l’élément fibreux qui les réunit,
La plaquette dentée présente deux rangées de dents, mais la
plupart de celles qui constituent la rangée interne n'adhèrent
pas à l'os ; les dents extrêmes de Ia rangée la plus haute, les
antérieures et les postérieures sont facilement luxées ; Le feuillet
osseux très mince est réduit de largeur.
L’aile ptérygoïdienne isolée présente une partie interne pres-
que intacte comme chez les Axelotls précédents, mais toute une
région externe trouée, déchiquetée en jeu de patience.
Le ptérygoïde cartilagineux, par contre, ne semble pas souffrir
350 P. WINTREBERT
du mauvais état général de l’Axolotl; il est mème long pour
l'âge de la larve. De la gaine aponévrotique qui l'entoure et
de son bord interne portent des fibres ligamenteuses qui, se
dirigeant en avant et en dedans, vont s'insérer au bord du
parasphénoïde, aux cartilages antorbital et nasal; elles passent
au-dessus des plaquettes dentées pala tine etvomérienne et cons-
Fig. 37. — Appareil voméro-ptérygo-palatin droit du n° 20 (A4xolotl de
& cm. ?, «réfractaire» à La métamorphose)vu par la face ventrale ; pp,
ptérygo-palatin; pt, ptérygoide cartilagineux ; gmi, ligament quadrato-
maxillaire interne ; sppv, substratum fibreux de l'are ptérygo-palatino-
vomérien ; v, vomer.
tituent leur plan de soutènement, celui d'où elles tirent leurs
travées directrices d'ossification (voir n° 18, fig. 35). Le fait de
la pénétration des fibres de ce plan à l'intérieur des plaquettes
est en faveur de la conception que celles-ci ne résultent pas
seulement de la réunion de socles dentaires comme le pense
O. Herrwi6, mais qu'elles proviennent aussi d'une ossification
membraneuse profonde qui double et consolide l'os issu de la
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 351
muqueuse. Pour prendre une décision sur cette question, des
recherches histologiques sont nécessaires; cependant je note-
rai dès à présent que le remaniement du vomer au cours de
la métamorphose démontre avec évidence que deux processus
entrent en jeu pour l'édification du vomer définitif, un processus
d'édification dentaire, et un processus d'ossification membra-
neuse qui intervient spécialement pour la formation du bou-
clier vomérien (Voir p. 398).
Dans cet état très avancé de régression du ptérygo-palatin
ny a-t-il pas une part qui revienne à la métamorphose”? La
question doit se poser, car tout a été mis en œuvre chez les
larves dites « réfractaires », pour la provoquer. Je pense que la
réponse doit être négative ; sans doute la métamorphose com-
mence par des phénomènes de régression, mais ils ont une tout
autre allure, comme on le verra par la suite et, dès qu'elle est
déclenchée elle imprime aux os des modifications caractéristi-
ques. Ces modifications seraient ici d'autant plus apparentes
que le terrain est pour ainsi dire « préparé » par la régression à
subir une histolyse rapide. Cependant les os régressés des Axo-
lotls réfractaires n'ont pas l'aspect « métabolique ». Le vomer
devrait présenter un foisonnement dentaire très intense de son
bord interne, accompagné d'une décalcification et d’une chute
rapide des dents à son bord externe ; au contraire nous
voyons qu'en dehors il garde ses dents, tandis qu'il régresse et
perd ses dents du côté de la ligne médiane. Le bord externe de
l'aile ptérygoïdienne est déchiqueté, percé d’orifices ; des lan-
guettes pointues forment des caps avancés qui protègent des
golfes profonds. On ne rencontre pas ce mode d’érosion pen-
dant la métamorphose ; l’histolyse s’y produit d'une façon beau-
coup plus régulière et réduit l’os également, sur les diffé-
rentes parties de son bord externe (Voir fig. 4! et 42 D). Si le
début de la transformation s'était produit, les pointes osseuses,
les aspérités auraient disparu ; le bord aurait été nivelé. De
plus la métamorphose ne fragmente pas seulement la tige et
la région dentée du ptérygo-palatin, elle fait se résoudre aussi
et s'évanouir tout l'appareil fibreux qui sert de substratum à
ces pièces osseuses. Il ne s’agit plus d’une simple décalcification
mais d'un remaniement complet des os de membrane, #16m-
brane comprise ; or nous constatons chez les Axolotls réfrac-
352 P. WINTREBERT
taires la persistance de la membrane sous les os raréfiés, c'est-
à-dire l'organisation même de la larve.
N° 21 (fig. 38 et 39). Jeune Axolotl réfractaire de 9 centi-
mètres, mort d'inanition. — La tête a 13 mm. 5 de longueur et de
largeur. Les branchies, les limbes caudaux, les palmures inter-
digitales sont atrophiés mais présents. La forme de la tête, l’as-
pect de la robe, l'allure générale de la larve n'indiquent aucun
changement métabolique et cependant /4 substance osseuse
dentée de la voûte palaline à presque complètement disparu.
QOrm. 7 2
Fig. 38. — Ptérygoïdes rongés par une raréfaction osseuse très prononcée
chez le no 21 (Axolotl de 9 centimètres «réfractaire» à lamétamorphose)
vus par la face ventrale. D, droit ; G, gauche; ai, angle antéro-interne; e,
angle externe : pê. angle postéro-interne.
À la place du vomer et de la plaquette antérieure du pté-
rygo-palatin, on ne trouve plus que quelques noyaux osseux
épars dans une membrane fibreuse témoin qui garde la forme
des os évanouis et survit à leur disparition. Dans la muqueuse
gonflée qui recouvre cette membrane sont enfouies un petit
nombre de dents isolées. De la tige ptérygo-palatine il n'existe
plus trace.
La raréfaction osseuse se poursuit sur l'aile ptérygoïdienne
(fig. 38) dont la région externe est entièrement découpée,
percée d’orifices, tandis que le bord interne garde encore une
certaine épaisseur surtout du côté droit. L'angle antérieur,
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 353
pointu (ai), se dirige en dedans suivant l'orientation normale du
ptérygo-palatin larvaire ; l'angle externe (e) est déchiqueté par
la régression ; l'angle postéro-interne (p2) est arrondi et cor-
respond à la région la plus résistante de la lame osseuse.
La régression osseuse ne se limite pas à la voûte palatine ;
elle s'étend à tous les os de l'organisme et elle envahit spécia-
lement les maxillaires ; la simple ablation de la muqueuse qui
les recouvre suffit à arracher toutes les dents qu'ils portent
(fig. 39, »2s); le processus dental ainsi découvert montre la
trace des dents disparues sous l’aspect de petits cratères qui
représentent la base des socles dentaires restés adhérents à
l'os (sd); le mur externe auquel les dents étaient adossées a
diminué de hauteur et $’est en grande partie décalcifié.
La rupture des dents se produit au milieu du socle et toutes
celles qui tombent, qu'elles appartiennent à l'arc denté interne
(fig. 34, 35, 36) ou à l'arc maxillaire, présentent la même
décalcification des deux tiers supérieurs du cément qui est
ramolli, de coloration bleuâtre, et peut être courbé par pression.
Nous avons déjà remarqué chez Salamandra maculosa que
le mécanisme de la chute des dents était identique pendant la
métamorphose et nous verrons plus loim qu'il se reproduit
pendant la transformation chez Amblystoma hijrinum. Ce qui
différencie, à ce point de vue, la régression cachectique de la
régression métabolique, ce n’est pas tant la manière dont les
dents tombent que /e lieu où elles tombent. Ülez la larve, le
vomer reste en place. Au cours de la métamorphose, le bord
interne de cet os se reconstitue constamment par la réunion de
dents nouvelles, en dedans eten arrière des dents précédentes ;
c'est au niveau du bord externe, et non plus à l'endroit du
bord interne, comme au temps larvaire, que la chute des dents
s'effectue, laissant à nu une plaquette osseuse nasale.
L’Axolotl en question (n° 21) n’est pas seulement remar-
quable par l'état avancé de sa résorption osseuse, mais aussi par
la disposition des éléments cartilagineux et fibreux de l'appareil
voméro-ptérygo-palatin. D'un côté, le cartilage antéorbital (ao,
fig. 39) tourne légèrement en dehors autour de la choane (ch)
et se met en relation par un petit lien fibreux avec la capsule
nasale, en dedans du maxillaire qu'il n’atteint pas; c'est le
prélude, en quelque sorte, de relations beaucoup plus impor-
354 P. WINTREBERT
tantes qui uniront les deux cartilages au temps de la métamor-
phose. D'un autre côté, la tige cartilagineuse ptérygoïdienne
(pt) est très développée chez cet animal ; elle est large à sa
base et sur la plus grande partie de son trajet qui est presque
parallèle au trabécule cranien, puis présente un bouton au voi-
Fig. 39. — Aspect et connexions du ptérygoïde cartilagineux droit chez le
no 21 (voir fig. 38), après ablation de l'arc osseux et de son substratum
membraneux ; @o, cartilage anté-orbital ; ca, cartilage carré (surlace
articulaire pour la mâchoire inférieure): ce, cartilage ethmo-nasal ; #5,
maxillaire supérieur ; ps, parasphénoïde ; pt, ptérygoide cartilagineux ;
ge. ligament quadrato-ethmoïdal ; gme, gmi, ligaments quadrato-maxil-
laires externe, interne ; sd, socle dentaire ; {r, trabécule.
sinage de sa terminaison et finit par une petite expansion coni-
que dirigée nettement en dehors. La tige est placée comme
d'habitude dans une gaine fibreuse dépendant de la paroi
interne de la loge temporale ; elle se dirige droit en avant appli-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 355
quée à la face dorsale du ptérygoïde osseux jusqu’à £e qu’elle
bute contre le fascia prétemporal ; elle ne le perfore pas et ne
pénètre pas dans la loge orbitaire, mais s'incline en dehors
comme la paroi antérieure de la loge temporale. Peut-être,
avant de se détourner de ce côté, stationne-t-elle un moment
sur place, cherchant sa voie et produit-elle alors le renflement
qui avoisine sa terminaison, peut-être, en raison des difficultés
qu'elle rencontre alors dans sa croissance et des phénomènes
d'irritation qui en sontla conséquence contracte-t-elle, avee Les
plans fibreux profonds de Parc denté interne qu’elle ne peut
accompagner, les adhérences qui la rattachent à la base du car-
tilage antorbital ? Mais ensuite, elle se dirige franchement en
dehors le long du fascia prétemporal ; de ce côté aussi elle adhère
par son bord aux fibres de la paroi temporale antérieure qui
contournent la ;oge au-dessus des fibres quadrato-maxillaires
et se perdent à sa face externe.
Sur la figure 39, la gaine du ptérygoïde cartilagineux est
ouverte jusqu au bouton antérieur. La paroi fibreuse temporale
située en dehors de lui est composée de fibres puissantes aux-
quelles se mêlent des fibres superficielles émanées du carré.
Celles-ci se rendent au plancher nasal autour de la choane
(ge) en passant au-dessous de la loge orbitaire ; mais, comme
un peu plus bas les fibres du ligament quadrato-maxillaire
interne, et au même titre que les fibres profondes voisines
de la tige ptérygoïdienne elles font partie, en arrière, de la
loge temporale. Celle-ci finit, en arrière et en dedans, à l'at-
tache interne du ptérygoïde sur le cartilage carré et l'aponé-
vrose figurée en dedans de la tige ptérygoïdienne (fig. 39)
est l'aponévrose sous-orbitaire prolongée entre la gaine de la
tige et le parasphénoïde (ps).
C. — La mélamorphose d’'Amblystoma higrinum.
Les trois larves étudiées ici sont parvenues à un stade déjà
avancé de la transformation. Celle-ci a été obtenue par le pro-
cédé d’assèchement graduel de Maria von Caauvix (1885) ; c'est dire
qu'elle a été provoquée artificiellement par des conditions défa-
vorables à la persistance de la vie larvaire et au maintien d’un
état de santé florissant. [L n'y a donc pas lieu de s'étonner que
24
356 P. WINTREBERT
chez ces larves on constate des phénomènes de régression
osseuse plus prononcée que chez Salamandra maculosa dont la
métamorphose est naturelle. Il est possible qu'au cours d'une
métamorphose spontanée d'Amblystoma tigrinum le vomer
conserve pendant son remaniement une plus grande étendue
et que le cycle des dents qui reconstruisent à tout moment son
bord denté soit moins éphémère que chez les larves observées.
Mais l'allure générale de la transformation ne peut être affectée
profondément par les circonstances spéciales qui président à
sa mise en train et l'on peut considérer qu’à part la raréfaction
osseuse, dont l'importance peut varier, les événements suivent
leur marche régulière ; ils sont en effet identiques dans leur
ensemble à ceux qui se passent chez S'alamandra maculosa.
C'est par la partie interne et postérieure que le vomer s'étend;
sa région antéro-externe, au contraire, se dégarnit des dents
qui sont implantées sur elle, puis la mince plaquette osseuse
restante régresse à son tour pendant que l'os se construit plus
loin du côté opposé par la formation de dents nouvelles. À
la fin de la métamorphose externe, alors que l'animal a
pris l'aspect d'un Amblystome, le vomer n'est plus constitué que
par une petite languette disposée presque transversalement
en arrière et en dedans de la choane, munie d'une ou de deux
rangées de dents. À ce moment, aucune partie du bouclier
vomérien n'est encore formée et il est évident qu'il sera consti-
tué en dernier lieu par ossification membraneuse directe, car
les néo-formations dentaires restent localisées à la région pos-
térieure.
N°22 (fig, 40 et PI. [II B). Jeune Axolotl de 11 c. à la fin de la
métamorphose externe. — La tête avec ses parties molles a une
longueur de 14 millimètres ; elle est aussi large que longue.
Le trone possède 46 millimètres et la queue 50 millimètres de
longueur. Les limbes caudaux, les palmures interdigitales ont
disparu. Les branchies sont encore extérieurement visibles des
deux côtés de la tête sous forme de petits moignons (A, fig. 40).
L'opercule est en train de se fermer mais une large fente per-
met encore l’accès dans le pharynx. |
A l'ouverture de la bouche, on constate entre les choanes un
gonflement transversal de la muqueuse qui a l'aspect d'un
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 357
accent circonflexe concave en arrière dont chacune des bran-
ches passe derrière la choane correspondante; le sommet
médian de l'accent se trouve un peu en avant de la ligne trans-
versale joignant les pourtours antérieurs des orifices nasaux, Le
long des branches on voit poindre des extrémités brunes de
dents, sur trois rangées.
On enlève d'un seul bloc tout l'appareil fibro-muqueux vomé-
rien du côté gauche au ras de la capsule nasale (B, fig. 40). En
le disséquant sous le binoculaire, on découvre dans la région
Fig. 40. — Axolotl no 22, de 11 centimètres, à la fin de la métamorphose
externe. À, Aspect de la région cervico-branchiale droite, B. Muqueuse
vomérienne, languette osseuse dentée et dents isolées du côté gauche. C.
Dents à socle fibreux. D. fragment de la membrane fibreuse prévomérienne
avec grains et débris osseux. @. branchie antérieure : a/, alvéole muqueuse
d’une dent tombée; ch, choane ; /, place des dents à socle entièrement
fibreux ; m, branchie moyenne : mu, muqueuse buccale ; p, branchie pos-
térieure ; p VZT, ramifications du nerf palatin de la VIIe paire ; s0, sillon
operculaire.
moyenne et postérieure de la saillie une languette osseuse trans-
versale de 3 mm. 4 de long, constituée par l’union de socles
dentaires ; effilée en pointe dans sa moitié externe où elle ne
supporte qu'une rangée de dents, cette languette supporte
en dedans, où elle est plus large, une double rangée de socles
dentaires ; seulement les dents de la rangée antérieure enlevées
avec la muqueuse n'ont laissé sur l'os que leur base excavée.
En tirant en arrière le bord postérieur de la saillie muqueuse
(mu) on entraine des dents de toutes dimensions, dont les plus
petites sont les plus postérieures, et l'on dilacère les puits mu-
398 P. WINTREBERT
queux par lesquels les dents plantées sur la languette osseuse
passaient leurs pointes; on fait aussi tomber quelques dents
isolées déjà hautes qui, en quittant la muqueuse, y laissent une
alvéole (a/). On n'aperçoit, par contre, aucune petite dent en
avant de la plaquette osseuse et ce fait prouve que le dévelop-
pement de l'os s'effectue seulement en arrière, là où est loca-
lisé le foyer de néoformation dentaire.
Le vomer régresse en avant. Cette régression est attestée par
la présence sous le chorion muqueux, de débris osseux, grains,
paillettes, filaments, qui parsèment le plan fibreux profond
situé en dedans et en avant de la choane. Un fragment de ce
plan fibreux, grossi 40 fois, est figuré en D (fig. 40) : c’est un
lacis de faisceaux conjonctifs, présentant de place en place de
petites lamelles osseuses irrégulières, que des fibres traversent
en tous sens de part en part.
Toutes les dents trouvées ont leur pointe dure d'ivoire et
d'émail ; mais, par contre, aucune n’est complètement ossifiée
de la pointe à la base; en effet, même les dents implantées
par leur base sur la languette osseuse vomérienne n'ont pas
toute la hauteur de leur socle ossifiée ; elles ne sont pas rigides
et peuvent être courbées; la partie moyenne du socle n’est pas
calcifiée. À côté de la languette osseuse, en dedans d’elle en
particulier (b), se trouvent des dents hautes qui semblent com-
plètement développées et dont cependant le socle est enfière-
ment fibreux (U, fig. 40); elles ont l'air de petites poires ; leur
base est souple, résistante, élastique, incrustée dans une petite
cuvette du plan aponévrotique sous muqueux.
Il n'existe aucune trace de la plaquette dentée ptérygo-pala-
tine, ni de la tige intermédiaire. L'aile ptérygoïdienne est au
contraire persistante, mais amincie et échancrée du côté externe.
Certes elle es tremaniée ; mais elle ne présente nullement l’as-
pect d'os en dentelle que nous avons remarqué chez les Axo-
lotls émaciés (fig. 38) et se rapproche beaucoup par sa forme
de celle de l'animal suivant (fig. 41, D).
No 23 (fig. 41). Jeune Amblystome de 11 centimètres nouvel-
lement métamorphosé. — Les moignons branchiaux sont recou-
verts par un opercule cutané très mince facile à rompre ; aucune
communication n'existe plus dans la région cervicale entre le
LA VOUTÉ PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 399
pharynx et l'extérieur. L'aspect est celui d'un Amblystome. Plus
de palmures ni de limbes. Le museau étroit, anguleux en avant,
présente des angles latéraux au sommet desquels s'ouvrent les
narines. Les paupières sont en bourrelet et ne couvrent l'œil
que d'une manière encore imparfaite. La tête large de 12 mil-
limètres est longue de 12 mm. 5.
L'aspect de la voûte palatine est à peu près le même que
Fig 41. — Axolotl n° 23, de 11 centimètres, nouvellement métamorphose.
A. Lambeau muqueux isolé de la région vomérienne ; ch. place de la
choane ; $, saillie muqueuse transversale. B. Dents à socles entièrement
fibreux dela 2 rangée, implantées sur une membrane fibreuse. C. Plaquette
vomérienne de 4 millimètre de long (v). D. Ptérygoides ostéo-fibreux; @e,
angle antéro-externe ; ?, angle interne ; p, angle postérieur.
celui de l'animal précédent : les mêmes gonflements de la
muqueuse s'apercoivent (+) piquetés superficiellement de poin-
tes dentaires brunes (A, fig. 41). On saisit mal par la dissection
les limites du vomer en place. Les dents sont bien nettement
alignées sur trois rangées au niveau du bord postérieur de la
capsule nasale, mais elles ne sont pas cimentées par une tablette
360 P. WINTREBERT
osseuse ; en passant sous elles dans la profondeur une fine lame
de scalpel et en détachant avec elles la lame fibreuse épaisse
sur laquelle elles reposent, on voit que celle-ci se continue vers
l'arc denté maxillaire, sans qu'on puisse exactement marquer
ses limites ; le contour du fragment À est donc tracé d’une
manière artificielle et approximative.
La régression osseuse est chez cet Amblystome poussée
plus loin encore que chez le précédent et cependant il est plus
avancé que lui dans le développement de la forme définitive.
On ne rencontre dans la partie antérieure de la saillie vomé-
rienne droite qu'une petite Jlamelle osseuse (CG, fig. 41) d'origine
dentaire, plus une série de dents isolées, à socles ossifiés à leur
base. La deuxième rangée de dents a des socles entièrement
fibreux implantés sur une aponévrose où l'on trouve quelques
grains osseux (B, fig. 41). La rangée postérieure n’a pas de
socle et les pointes n'arrivent pas toutes à la surface de la
muqueuse. La petite lamelle osseuse se trouve au milieu de la
saillie vomérienne ; elle n’a que 1 millimètre de long et porte
5 dents; mais même ces dents réunies par leur base ont le
haut du socle fibreux, non calcifié. Il n'existe pas de petites
dents, de dents jeunes, en dehors de la rangée postérieure de
la saillie muqueuse. Les boucliers vomériens ne sont pas
encore constitués.
À la place de la plaquette dentée ptérygo-palatine qui a dis-
paru complètement, on ne remarque pas, comme chez les
Axolotls cachectiques (fig. 34, 37, 39), une aponévrose témoin ;
os et faisceaux ligamenteux se sont évanouis du même coup;
il ne s’agit plus ici d’une simple raréfaction osseuse, mais d’une
transformation anatomique réelle.
Les ailes ptérygoïdiennes sont très reconnaissables, faciles à
limiter et à isoler (D, fig. 41): pourtant ce ne sont plus des os
à proprement parler, mais plutôt des lamelles ostéo-fibreuses
minces, transparentes et élastiques ; elles sont à la fois résistan-
tes etflexibles. Leur aspect est celui d'un triangle à bord externe
échancré. L'angle antérieur n’est pas seulement tourné en avant
comme sur la figure, mais à 45° en dehors; l'angle postérieur
fissuré s’appuye sur la marge de l'articulation du suspenseur,
où 1l est en rapport avec l'os carré. L'angle interne épais
recouvre la région la plus interne du cartilage carré. Les bords
<
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 351
externe et postérieur sont minces ; l'interne, épais, se recourbe
en haut et en dedans, comme chez la Salamandre, autour du
ptérygoïde cartilagineux. Les faces ne sont plus planes, mais
la dorsale est légèrement concave en haut et en dehors, non
seulement à cause de la formation de la gouttière qui loge le
ptérygoïde cartilagineux, mäis encore parce que le ptérygoïde
osseux s'applique de plus en plus sur la masse convexe des
muscles masticateurs ; cette face dorsale de l'aile ptérygoidienne,
regarde davantage en dehors que chez la larve ; l'os forme
maintenant sur le côté de la bouche une véritable joue osseuse
qui protège les muscles adducteurs de la mâchoire inférieure
. contre la pression des aliments.
No 24 (fig. 42 et 43). Jeune Amblystome de 15 centimètres
ayant acquis sa parure terrestre depuis trois semaines environ. —
Les branchies, recouvertes par l’opercule cutané qui ne laisse
aucun passage vers le pharynx, ne sont plus extérieurement
délimitées que par trois lignes foncées (A, fig. 42) qui des-
cendent dans la fissure latéro-cervicale. Tête large de 13 mm. 5,
longue de 14 millimètres. Paupières complètement formées.
Les saillies vomériennes dentées (s, B, fig. 42) ont à peu près
le même aspect que chez les deux Amblystomes précédents.
On ne trouve pas de bouclier vomérien mais seulement, sur tout
le territoire agrandi du plancher nasal, une lame fibreuse épaisse
dont les fibres présentent, surtout au voisinage de la saillie
dentée, une incrustation de paillettes osseuses. Sous la saillie
dentée qui présente 3 et même, en dedans, 4 rangées transver-
sales de dents, on ne rencontre de plaquette osseuse qu'au niveau
de la partie moyenne et antérieure ; ce sont donc les dents les
plus anciennes qui présentent des socles osseux, et les socles
osseux des dents moyennes de la rangée antérieure sont seuls
confluents.
Si l’on examine à un grossissement de 40 diamètres les dents
réunies par leur base (C, fig. 42), on reconnait qu'elles ne sont
pas rigides du haut en bas ; le cône de dentiné (d) et la calotte
d'émail brun (e) sont durs, le bas du socle est ossifié (0) et il
existe des contreforts osseux qui montent sur le côté des socles,
surtout entre les dents ; mais la partie élevée des socles (f) est
fibreuse. Les points d'ossification de la dentine et du cément
362 P. WINTREBERT
sont donc ici tout à fait distants. De plus la plaquette osseuse
faite de la jonction des socles n'est pas rigide et cassante, mais
légèrement malléable et flexible ; les socles osseux ne sont done
pas tous soudés par leurs bases et ne constituent pas un os
unique, d’une seule venue ; cependant ils tiennent fortement
à la lame fibreuse sous-jacente et sont solidement agglomérés
entre eux par du tissu fibreux, Peut-être faut-il, pour que
Fig. 42. — Jeune Amblystome de 15 centimètres n°0 24. A. Région opercu-
laire droite ; /, ligne foncée, dernière trace, sur l'opercule cutané, d’un pédi-
cule branchial B. Lambeaux des régions vomériennes droite et gauche,
enlevés au ras des capsules nasales et sur lesquels on a marqué schémali-
quement la saillie muqueuse (s), la position de la plaquette osseuse (0), la
place des dents antérieures isolées à socle osseux (4s) et des dents pos-
térieures jeunes (dj) ; ch, choane ; go, grains osseux ; s, saillie muqueuse.
C. Dents de la plaquette osseuse; d, dentine; e, émail; f, socle fibreux ;
m, membrane fibreuse ; 0. base osseuse du socle. D. Ptérygoïde droit; &e,
angle antéro-externe ; ?, angle interne; p, angle postéro-externe.
l'os soit définitivement constitué, qu'une ossification de la mem-
brane fibreuse sous-jacente vienne consolider lunion fragile
des socles dentaires ? Cette conception semble appuyée par la
constatation que le bouclier vomérien n'est pas encore édifié et
par le fait qu'aucune dent ne se rencontre pour le former, en
avant de la saillie dentée.
IL yauraitainsi deux processus combinés qui entreraient en jeu
:
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 363
dans la construction du vomer adulte, un processus de forma-
tion dentaire, tel que l’a exposé O. Herrwic (1874) pour le déve-
loppement du vomer chez la larve, et un processus d’ossification
membraneuse qui édificrait à la fois le bouclier vomérien et le
soubassement du territoire denté.
Ce n’est que rarement qu'on rencontre dans les dents plus
jeunes de la 2 rangée une ébauche de socle osseux ; en tout cas
toutes les dents de cette rangée et des rangées postérieures, plus
petites encore, s'enlèvent avec la muqueuse, de même que
chez le n° 22 (B, fig. 40).
La palette dentée ptérygo-palatine a disparu sans laisser de
trace ; il ne s’agit pas d’une décalcification simple, car comme
chez les n° 22 et 23, le substratum fibreux sur lequel elle
reposait s'est résorbé.
Le ptérygoïde est un os plus épais et plus rigide que celui des
jeunes Amblystomes précédents (D, fig. 42); cependant son
aspect général n’est guère différent de celui du n° 23 (D, fig. 41) et
il offre comme lui la figure d’un V largement ouvert en dehors ;
mais les branches du V sont plus larges et plus puissantes ; la
postérieure recouvre plus complètement la face ventrale du
carré en débordant légèrement sur les faces voisines et la
branche antérieure présente une gouttière longitudinale plus
accusée pour loger la tige ptérygoïdienne cartilagineuse. La
région interne des branches est épaisse ‘tandis que le bord
externe estifragile et crénelé. L’extrémité antérieure reste
pointue tandis que l'extrémité postérieure s’est sensiblement
élargie.
Une véritable articulation existe dans l'épaisseur du processus
basal du carré entre Le ptérygoiïde et le parasphénoïde et le sus-
penseur est légèrement mobile sur le crâne comme chez la
jeune Salamandre (n° 10).
La dissection profonde des appareils fibreux et cartilagineux
placés sur la voûte palatine au-dessus des formations osseuses
révèle, par rapport à la disposition constatée chez l’Axolotl
(fig. 30.31, 33, 39), des différences marquées. Le plancher nasal
cartilagineux est devenu d’une minceur extrême dans les régions
où il sera plus tard recouvert par le bouclier osseux vomérien ;
il se produit à ce niveau, par suite de l'agrandissement et des
modifications que subissent les capsules nasales, un remanie-
36% P. WINTREBERT
ment de tous les éléments qui constituent la paroi palatine. Ce
remaniement parait sur Le point d’être terminé, mais il est bien
évident que la feuille osseuse du vomer ne peut être édifiée
qu'en harmonie avec les transformations en train de se réaliser
et qu'en raison de ses caractères de rigidité et de fixité, elle doit
être considérée comme une formation d'achèvement. Nous avons
vu en effet combien son développement était retardé chez la
Salamandre, comme il l’est ici chez l'Amblystome.
Le cartilage antorbital (fig. 43) s'est allongé en dehors et vient
Fig. 43. — Région terminale antérieure du ptérygoide cartilagineux chez le
n° 24; vue ventrale ; &o, cartilage antéorbital ; ap, artère palatine ; A,
choane ; ms, maxillaire supérieur; os, orbitosphénoïde ; ps, parasphénoïde ;
pt. ptérygoide cartilagineux ; ÿ VII, nerf palalin de la VIle paire ; gme,
gmi, ligaments quadralo-maxillaires externe, interne ; gv, ligament qua-
drato-vomérien sectionné.
se mettre en contact étroit avee le maxillaire: son extrémité
libre qui avait l'aspect d'un pied chez l'Axolotl vieux (fig. 33) et
qui, chez l’Axolotl réfractaire n° 21 (fig. 39), se raccordait par
un lien fibreux avec le cartilage nasal, s’est développée en un
éventail cartilagineux qui s'étale de la pointe du maxillaire à la
face interne Ge son apophyse montante.
Le ptérygoïde cartilagineux (fig. 43), dirigé en dehors, s'est
avancé vers la pointe du maxillaire, qu'il n’atteint pas. Cette évo-
lution n'est pas spéciale au n° 24; elle a été constatée sur les
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 365
trois jeunes Amblystomes; mais chez Les deux précédents l'extré-
inité de la tige cartilagineuse s'est montrée libre tandis que chez
celui-cielle se continue par deux petits faisceaux fibreux. Après
avoir incisé longitudinalement le paquet de fibres ligamenteuses
constituant le ligament quadrato-maxillaire interne on décou-
vre le bout du ptérygoïde. Partant de son extrémité, deux liens
fibreux vont, l’un à la face interne du maxillaire au-dessus du
trottoir palatin, c'est-à-dire à l'endroit où finit le cartilage antor-
bital, l’autre à la face externe de la loge temporale, au-dessus
du ligament quadrato-maxillaire externe, après avoir contourné
la paroi antérieure de la loge. La disposition de ce dernier
est semblable à celle du crochet cartilagineux de Salamandra
(fig. 26) et de certains faisceaux ligamenteux que l’on rencontre
chez les Axolotls âgés (fig. 33) ou simplement arrivés à la fin de
leur développement larvaire (fig. 44, 39).
La régression osseuse n’est pas binitée aux os de la voñte pala-
tine. [l en était de même chez les Axolotls « réfractaires »
(fig. 39) profondément émaciés. Mais ici la décalciiication se
limite aux os qui se transforment ou subissent un allongement
rapide. C'est ainsi que les maxillaires supérieurs, chez les
trois sujets n°* 22, 23 et 24, ont une pointe légèrement flexible et
que le mur externe du processus dental, devenu souple et
fibreux, se laisse déformer par la pince; de plus une ablation
un peu brutale de la muqueuse suffit à arracher leurs dents dont
le socle est’ fibreux. Le prémaxillaire est plus dur que le
maxillaire, mais il présente une calcification incomplète, car ses
dents peuvent être courbées sur leur socle par un instrument
rigide.
Le maxillaire s’est allongé. Pourtant sa pointe ne dépasse
guère le bord postérieur des choanes et du vomer et à première
vue ne semble pas aller plus loin que chez l’Axolotl (fig. 30,
31, 32, 33). Mais il faut remarquer que la capsule nasale s’est
beaucoup allongée et que, malgré cet allongement, le maxillaire
l’encadre toujours en dehors.
D. — Les demi-Amblystomes branchiés.
Ces animaux ont été obtenus par la remise à l’eau d’Axolotls
incités à la métamorphose par Le procédé d’assèchement graduel
366 P, WINTREBERT \
de Mania von Cnauvix (1885) et déjà parvenus à une transfor-
mation presque complète de leur parure externe. Les limbes
de la queue, les palmures interdigitales ont disparu; la peau
lisse, tigrée de brun et de vert sur fond gris foncé, a pris sa
couleur définitive; cependant les fentes branchiales ne sont
pas fermées et les branchies persistent encore sous l'aspect de
moignons dont le pourtour irrégulier marque quelques inci-
sures. Les animaux replacés en pleine eau, fraiche (12° envi-
ron) et courante, juste au moment où ils sont devenus
capables de vivre à l'air, s’y trouvent fort à l'aise, mangent
abondamment, et prennent rapidement un aspect florissant. Ils
respirent d'abord presque uniquement par la peau; car ils
montent rarement à la surface de l’eau pour aspirer de l'air,
mais bientôt sur les moignons branchiaux des houppes nouvel-
les de filaments se forment, et les animaux donnent alors à pre-
mière vue l'impression d'Amblystomes qui auraient conservé
les branchies des Axolotls. Ces demi-Amblystomes ne sont pas
des organismes instables, mais au contraire des élres dont la
forme est absolument firée ; les os de la voûte palatine sont
durs, rigides; les socles dentaires bien calcifiés ne fléchissent
aucunement sous une pression et tous les autres caractères sont
permanents. Les deux animaux dont nous déerivons le palais
sont du reste presque identiques et le même traitement a
provoqué chez eux, au même moment, l'arrêt des processus
métaboliques. Ceux-ci suivent donc une marche régulière et
s'effectuent dans un ordre précis. Nous avons vu que ce sont
des changements de milieu qui ont déterminé le début et la fin
des transformations ; mais le mécanisme intime par lequel ces
changements agissent n'a pas été élucidé. Cependant l'étendue
de la transformation partielle peut être mesurée par les dimen-
sions que présente le vomer à la voûte palatine. Cet os se
développe tout en surface et 1l est facile de comparer sa forme
et son étendue à celles du vomer chez un Amblystome parfait.
Nous avons suivi les diverses phases du recul de la saillie
dentée chez Salamandra maculosa et constaté sa disposition
chez des Axolotis parvenus au terme de la métamorphose. Il
est facile de reconnaitre que le recul du bord postérieur denté
_du vomer n'est pas aussi prononcé chez les deux demi-Amblys-
tomes décrits que chez les jeunes Amblystomes n°° 22, 33,
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 367
24 (fig. 40, 41, 42) et que la position du bord denté reste chez
eux intermédiaire (fig. 4%) entre celle qu'offre le vomer de
l’Axolotl (fig. 31,32) et celle de l'Amblystome parfait (fig. 46).
N° 25 (fig. 44 et 45). Dena-Ambhlystome branchié de 17 centi-
. mètres. — La tête a 20 millimètres de longueur et de largeur.
La comparaison des voûtes palatines chez la larve et chez cet
animal est facilitée par l'observation des figures 29 et 4%. La
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Fig. 44. — Vote palatine du demi-Amblystome branchié n° 25, après abla-
tion de la muqueuse ; a, muscles adducleurs de la mâchoire inférieure ; ca,
cartilage carré; ch, choane ; d, dentaire: gi, glande intermaxillaire ;
m, cartilage de Meckel : ns, maxillaire supérieur ; pm, prémaxillaire ; pp,
ptérygoïde osseux ; ps, parasphénoïde ; p VZZ, nerf palatin de la Vite paire ;
gmi, ligament quadrato-maxillaire interne ; rb, rétracleur du bulbe : »,
vomer.
première différence qui frappe les yeux est la disparition chez
le demi-Amblystome du récessus labio-jugal et de la valvule
qui ferme les coins de la bouche. La peau est maintenant appli-
quée sur l’arc denté externe dans toute la longueur de celui-ci,
alors qu'elle ne l'était chez l'Axolotl que dans son tiers anté-
rieur ; il n'y a pas de repli labial. Aux angles de la bouche, juste
derrière la pointe du maxillaire supérieur, existe un enfonce-
ment cutané très profond ; il entoure la partie terminale des
368 P. WINTREBERT
muscles adducteurs de la mâchoire inférieure et déborde en
arrière, à la fois en dehors et en dedans, le bord antérieur de
la saillie musculaire. La préparation de la figure 44 ne montre
que la place de cette fosse cutanée qui à été enlevée ; mais la
figure 52 indique sa disposition chez À. opacum, disposition en
tout semblable à celle qui existe chez A. tigrinum. Chez Sala-
mandra maculosa Venfoncement est antéro-externe seulement
(fig. 22) tandis qu'il entoure ici en fer à cheval la moitié anté-
rieure des muscles adducteurs ; la raison en est que dans le
premier genre l'arc maxillaire est plus long et se porte plus
loin en dehors que dans le second, et qu'ainsi le bas de la loge
temporale est placé, dans sa partie la plus antérieure, en dedans
de la pointe maxillaire.
Les deux vomers (fig. 44) ont l'aspect de deux petits drapeaux,
adossés par le sommet de la hampe sur la ligne médiane, tandis
que le voile est déployé du côté de l’are maxillaire. La hampe,
nettement concave en dedans et en arrière porte une rangée
de dents alignées. Chaque os forme un feuillet rigide et cas-
sant ayant 3 millimètres dans le sens antéro-postérieur ; sa
face ventrale est concave du côté de la cavité buccale. Le
bord denté, long de 5 millimètres porte 25 à 26 dents ; 1l est
oblique en arrière et én dehors; sa pointe externe passe der-
rière la choane; sa partie moyenne est dépassée en arrière par
une lame, saillante au-dessus des dents, et qui semble le prolon-
gement du feuillet osseux antérieur. Cette lame a l'aspect d'un
soc de charrue à pointe tournée en arrière et en dehors (fig. 45) ;
elle commence en dehors et court d’abord le long de la hampe
en s'élargissant, puis présente une échancrure profonde con-
cave en dehors dans laquelle passe le nerf palatin de la VII
paire et finit en dedans par un bord légèrement convexe qui
s'adosse au bord antéro-latéral correspondant du parasphé-
noïde ; elle bute contre celui-ci quand on comprime transver-
salement la région nasale.
Le bord latéral du parasphénoïde (fig. 44) présente, à partir
du carré, trois parties: l’une, légèrement concave en dehors, suit
le trabécule cranien jusqu’au vomer; la seconde courte présente
une concavité externe qui s'oppose à la lame du vomer que nous
venons de décrire ; la troisième enfin est de nouveau en retrait
du côté de la ligne médiane, et se trouve séparée de la seconde
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 369
par un angle ; elle est en rapport avec un rebord.de la face dor-
sale du vomer, placé à la limite des socles dentaires, etqui cons-
titue pour cet os une nouvelle surface d'appui. On assiste jei
au début de la superposition du parasphénoïde et du vomer,
superposition qui devient plus étendue chez l'Amblystome
(fig. 46 et 51).
La ligne de suture entre le parasphénoïde et le vomer n'est
pas conformée de la même façon chez le demi-Amblystome et
chez l'Amblystome ; chez celui-ci elle est presque droite (fig. 46)
Omm 2 2
Fig. 45. — Vomer droit du n° 25 (voir fig. 4) vu par la face ventrale; ch,
— place de la choane ; ep, échanerure par laquelle passe le nerf palatin de
‘la VITe paire; s, boutoir en soc de charrue s’appuyant sur le parasphé-
noïde ; sp, sillons de la face dorsale vus par transparence où sont logées
les ramifications du nerf palatin.
tandis que chez le premier elle présente un angle saillant en
dehors.
Les bords internes des vomers sont à peu près rectilignes
(fig. 44-45) et très obliques en avant et en dehors; ils sont à
peu près à angle droit l’un de l’autre et interceptent entre eux
et les prémaxillaires un espace, le cavum internasale, très large,
qui contient la glande intermaxillaire (gi, fig. 44). Le bord
antérieur n'est pas partout au contact de l'apophyse palatine
des maxillaire et prémaxillaire ; il est convexe et ce n'est
qu'au sommet de sa convexité qu'il touche le maxillaire ; il est.
séparé de l'arc denté externe, sur les autres points, par un ruban
370 P. WINTREBERT
fibreux. La partie postérieure du bord se sépare nettement du
maxillaire et découvre le cartilage nasal en venant aboutir sur
le pourtour antérieur de la choane. Le bord externe est échan-
cré largement par celle-ci etse prolonge sur l'apophyse dentée
qui circonscrit en arrière l’orifice nasal.
La tige dentée qui constitue la hampe du vomer ne
forme pas toute la région postérieure de l'os ; celle-e1 se divise,
comme nous l'avons dit précédemment, en bord denté, inférieur,
et boutoir d'appui contre le parasphénoïde, supérieur. On ne
trouve sur le bord denté qu'une rangée de dents fonctionnelles
adossées et soudées à la face dorsale ou postérieure d’une lan-
guette qui leur sert de soutien ; mais derrière cette rangée
on rencontre dans la muqueuse une série de deux rangées de
dents plus jeunes, dents de remplacement. La rangée des dents
fonctionnelles et Le mur osseux qui les soutient ne présentent pas
seulement une concavité postéro-interne ; leur partie externe
qui borde la choane esquisse une sinuosité en sens inverse,
concordant avec le pourtour convexe de celle-ci. Les socles den-
taires très allongés se disposent parallèlement les uns aux
autres et finissent loin sur la face dorsale ainsi que le montre
la figure 45. Le feuillet vomérien présente sur sa face dorsale
un bouquet de quelques sillons qui partent de l’échancrure
postérieure et qui contiennent les ramifications du nerf pala-
tin de la VII paire.
Les dents sont implantées sur les maxillaire et prémaxillaire
d’une manière aussi solide que sur les vomers ; en arrière des
dents, soudées au mur externe du processus dental, on distingue
deux et trois rangées de dents plus petites, enfouies pour la plu-
part dans la muqueuse. L'apophyse palatine du prémaxillaire
est très réduite au niveau du cavum internasale.
Le ptérygoïde est la seule partie qui reste du ptérygo-palatin
larvaire ; il a, grossièrement et à première vue, l'aspect d’un fer
à cheval dont l'extrémité convexe est tournée vers le parasphé-
noïde tandis que les deux branches dirigées en dehors s'appli-
quent, l'antérieure à la paroi de la loge temporale, la posté-
rieure à la face ventrale du quadratum ; la partie distale de cette
dernière branche fait corps avec l'os carré d'origine enchondrale,
situé près de la surface articulaire. L'ouverture du fer à cheval
ptérygoïdien laisse voir le passage de fibres ligamenteuses exter-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 371
nes puissantes et superlicielles qui se rendent au maxillaire et
à la pointe externe du vomer et, plus près de son fond, des
fibres qui, passant au-dessus de la branche ptérygoïdienne anté-
rieure, constituent plus particulièrement la paroi interne de la
loge temporale.
Comme chez les jeunes Amblystomes décrits (n° 23 et 24),
les ptérygoïdes, articulés avec les saillants latéraux du para-
sphénoïde dans la région basale du carré, s'inclinent à 45° sur
la table parasphénoïdienne en se dirigeant en bas eten dehors
et forment dans la partie la plus reculée de la bouche de véri-
tables joues osseuses. De plus le ptérygoïde est convexe vers
la cavité buccale et non seulement chacune de ses branches
est concave en dehors, l’antérieure pour former la gouttière
qui contient le ptérygoïde cartilagineux, la postérieure pour
entourer la face ventrale du carré, mais les deux branches sont
aussi légèrement rapprochées l’une de l'autre du côté extérieur,
et la bande qui les réunit est légèrement convexe vers l’inté-
rieur de la bouche.
Ainsi qu ilest connu, le cartilage carré se dirige de plus en plus
en arrière à mesure que s'effectuent les processus de métamor-
phose. Par rapport à sa position chez l'Axolotl (fig. 30, 31, 32)
la surface articulaire a reculé chez le demi-Amblystome ;
l'axe du suspenseur à dépassé la ligne transversale et se dirige
en dehors et en arrière (fig. 44), mais l'obliquité en arrière est
ici beaucoup moins prononcée que chez l'Amblystome parfait
(fig. 46). La mobilité du cartilage sur le crâne persiste depuis +
la métamorphose. 1 n'y a pas d'autostylie osseuse secondaire.
Tous les éléments ostéo-fibreux anciens de l'appareil denté pté-
ryg0-palatin ont disparu. Le ptérygoïde cartilagineux se termine
sans atteindre le maxillaire, au-dessus des trousseaux fibreux
qui vont du carré à la mâchoire.
N° 25 bis (PI. IT, C). Deri-Amblystome branchié müle de
17 c. 8. — Mèmes caractères que ceux du n° %5, sauf que le
bord denté du vomer montre une ligne brisée, le tiers interne
transversal étant raccordé aux deux tiers externes obliques par
un angle de 135° environ.
N° 26. Denu-Amblystome branchié de 13 cm. 5. — Tête lon-
25
312 P. WINTREBERT
gue de 15 millimètres, large de 14 mm. 5. Bien que plus petit,
cet animal est, au point de vue des processus de métamorphose
qu’il a subis, un peu plus avancé que le précédent. Les bords
dentés des vomers forment par rapport à ceux du précédent
une arcade surbaïissée dont le sommet ne dépasse pas la ligne
transversale passant par les pourtours antérieurs des choanes ;
ils portent 16 dents à gauche, 19 dents à droite. Les bords
antérieurs des vomers sont sur tout leur parcours au contact
direct avec les apophyses palatines de l'arc denté maxillaire.
Les ptérygoides et tous les autres éléments sont disposés comme
chez le n° 25.
E. — Les Amblystomes parfaits.
Je décris la voûte palatine de deux A. tigrinum et d’un
A. opacum. On considère généralement que le bord denté du
vomer est transversal dans la première espèce, légèrement
oblique en arrière et en dedans dans la seconde. Je trouve con-
forme à la description classique l’état du vomer chez celle-er,
mais chez les A. {igrinum de ma collection, le bord postérieur
de cet os n'atteint pas la ligne transversale et reste oblique en
avant et en dedans. Après l'étude des demi-Amblystomes, qui
nous montre la possibilité d'un arrêt d'extension du vomer au
cours de la transformation, quand sous l'empire de cireonstan-
ces de milieu celle-ci ne va pas jusqu'au bout, je me demande
si sous la même apparence extérieure, les Amblystomes ne peu-
vent présenter, en rapport avec les conditions biologiques qui
ont présidé à leur transformation, une série d'états constitution
nels allant de la demi-métamorphose à la métamorphose com-
plète.
N° 97 (fig. 46 et 47). Amblystoma tigrinum femelle de
16 cm. 5 de long. — La tête à 18 millimètres de large au
niveau des articulations des maxillaires inférieurs et une lon-
gueur de 18 mm. 5; le trone a 7 em. 2 environ et la queue,
une longueur à peu près égale à celle du tronc, 7 em. 5.
A. Disposition générale des os. — La dissection du palais
(fig. 46) montre les os de l’arc denté interne transformés. Ils
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 373
ont modifié leurs rapports entre eux et avec les organes voisins.
Deux os sont toujours présents, l’un en avant, l’autre en arrière:
l’antérieur est un vomer; mais la partie palatine du ptérygo-
MA
. pm. ni?
7
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No 77 LACS
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L OC} Lur ju, cl. e. IX On LIEN
Fig. 46. — Voüte palatine du n9 27 (Amblystoma figrinum définitif de
16 cm. 5 de long) après l’ablation de la muqueuse ; a, muscles adducteurs
de la mâchoire inférieure; ap, artère palatine: 40, cartilage antorbital ;
e, columelle ; ca, cartilage carré (surface articulaire); ce, carotide externe ;
ch, choane ; ci, çavum internasale: cl, partie cartilagineuse de la capsule
labyrinthique : en, cartilage nasal: d, muscle dépresseur, abaïisseur de la
- mâchoire inférieure ; À, cartilage cérato-hyal; 4 VII, nerf hyomandibu-
laire ; ns, maxillaire supérieur ; nd, nerf du musele dépresseur ; oc, os
carré ; oct, orifice de la carotide interne : os, orbito-sphénoïde ; pi, plan-
cher cartilagineux internasal ; pp, plérygoïde osseux ; ps, parasphénoïde ;
p VII, nerf palatin du facial ; gme, gmi, ligaments quadrato-maxillaires
externe, interne ; », vomer.
374 P. WINTREBERT
palatin avant disparu, l'os postérieur n'est.plus qu'un ptéry-
goïde. Examinons d’abord leur position réciproque. Le vomer
qui chez la larve n'est qu'une plaquette isolée sur le plancher
nasal, amarrée seulement en arrière au ptérygo-palatin, remplit
maintenant tout l’espace compris entre l’arc denté maxillaire et
le parasphénoïde, sauf sur la ligne médiane au niveau du cavum
unternasale (ci), où se trouve logée la glande intermaxillaire.
Le ptérygoïde tourne sa partie antérieure vers le maxillaire ;
il s’en rapproche sans l’atteindre. Tandis que chez l’Axolotl
(fig. 28 à 33) l'angle antérieur de aile ptérygoïdienne, prolon-
gée par la palette palatine, se dirigeait vers la base du cartilage
antorbital, chez l’Amblystome, la branche antérieure du ptéry-
goïde se dirige en avant et en dehors et fait avec la direction
primitive de l'os un angle de 70° environ. Sans doute la partie
distale du cartilage carré, à la face ventrale duquel reste appli-
quée la branche postérieure du ptérygoïde, a reculé de telle sorte
que le suspenseur est orienté maintenant en arrière et en dehors
et l’on doit penser que ce changement de direction est pour
beaucoup dans celui de la branche ptérygoïdienne antérieure,
mais l'examen de l’os prouve, en outre, qu'il s’est réellement
modifié et que, comme le vomer, il s’est adapté à des circonstan-
ces nouvelles. L'organisation de la base du crâne chez l'adulte
parfait consacre la prévalence de l'arc denté maxillaire sur l'arc
denté primitif; celui-ci perd son individualité et, après la
disparition de quelques-unes de ses parties, dispose ses éléments
remaniés et persistants vers l’arc externe.
B. Etude spéciale des os. — Examinons maintenant les caractè-
res particuliers du vomer et du ptérygoïde; nous verrons ensuite
la disposition des éléments fibreux et cartilagineux qui leur sont
annexés. |
1° Le vomer (fig. 46). — Le vomer est une table osseuse, d’as-
pect irrégulièrement quadrilatère, courbé sur ses faces dorsale
et ventrale, de manière à former une voûte concave du côté de
la cavité buccale. Il est situé d'avant en arrière entre les apo-
physes palatines des prémaxillaire et maxillaire et le parasphé-
noïde et, dans le sens transversal, entre le cavum internasale
et l'ouverture de la choane. Sa plus grande largeur transver-
sale est de 6 mm. 5; sa plus grande longueur, mesurée sur le
bord interne en ligne droite, est de 4 mm. 5.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 319
Son bord antérieur ou antéro-externe, curviligne, court der-
rière la mâchoire ; il présente quelques échancrures qui lais-
sent à découvert le cartilage nasal, mais s’appuye nettement
par le reste de son trajet sur le trottoir palatin de l'arc maxil-
laire. C'est vers son milieu qu'est située la ligne de suture
entre les deux os de la mâchoire supérieure.
Le bord postérieur porte les dents ; celles-ci sont alignées en
une seule rangée et vont sans interruption de l'extrémité
interne à l'extrémité externe du vomer; leurs pointes sont diri-
gées en bas et en arrière ; Leurs socles longs et parallèles sont
adossés et soudés par leur partie antérieure à un rempart osseux
saillant en bas qui continue et termine la face ventrale concave
de l'os. Au-dessus de la région moyenne de ce rempart et des
dents qu'il porte, se trouve une lame triangulaire, saillante en
arrière, qui vient se mettre au contact du parasphénoïde : c’est
une lame suturale, une apophyse d'appui qui bute contre
le parasphénoïde en cas de compression latérale de la tête.
Le bord postérieur peut donc être considéré comme dédoublé
en une région inférieure, le bord denté, et une région dorsale,
l'aphophyse triangulaire d'appui parasphénoïdien. Celle-ci cor-
respond à la saillie, en soc de charrue, que nous avons décrite
chez les demi-Amblystomes (fig. 44 et 45), saillie plus pronon-
cée, plus apparente chez eux, parce que le bord denté, transporté
moins loin en arrière, la laisse plus largement à découvert. On
retrouve ici, de même que chez eux, en dehors de la saillie d’ar-
rêt, une échancrure qui donne passage au nerf palatin de la
VIT paire et, plus loin, une lamelle sinueuse étroite qui va en
s’amincissant jusqu'au bout externe et pointu du bord denté.
Le bord postérieur, par ses sinuosités, peut être divisé en deux
parties : l’une externe, formée des 2/5 de la longueur, concave
vers l'avant et bordant le pourtour postérieur de la choane,
l’autre un peu plus longue, concave en arrière, et qui peut elle-
même être divisée en deux régions suivant que les dents se trou-
vent au-dessous de l’apophyse d’appui contre le parasphénoïde,
ou placées sur la languette triangulaire interne sous-jacente à
cet os. Le parasphénoïde, en effet, dépasse en avant le bord
postérieur du vomer en se superposant à lui et ne se termine
qu'au delà de son angle interne.
Le bord denté est beaucoup plus transversal que celui des
376 P. WINTREBERT
demi-Amblystomes. Si par exemple on réunit par une ligne
droite chez les différents sujets les extrémités des bords dentés
et qu'on continue cette ligne jusqu’à l’axe médian longitudinal,
on reconnait que l'angle ouvert en arrière que fait la ligne
avec cet axe est de 55° seulement chez le demi-Amblystome
n° 25 tandis qu'il est de 80° environ chez l'Amblystome ici décrit.
En arrière des dents fonctionnelles soudées par leur socle au
rempart vomérien postérieur se trouvent dans la muqueuse buc-
cale deux rangées au moins de dents jeunes qui sont les dents
de remplacement. Le bout interne du bord denté ne se pro-
longe pas tout à fait jusqu'à La ligne médiane et ne va pas jus-
qu'au contact de l’os opposé ; le bout externe très pointu ne va
pas non plus jusqu'au contact de la pointe maxillaire, mais lui
est rattaché par un fort ligament. Du reste cette extrémité est
presque enfouie dans les trousseaux ligamenteux qui, partis du
carré, accompagnent le ligament quadrato-maxillaire interne et
viennent s'attacher à son bord postérieur.
Le bord interne, oblique en dehors et en avant, présente deux
incurvations concaves en dedans d’inégale longueur ; la posté-
rieure, très petite, découvre la région médiane antérieure du
parasphénoïde ; celle-ci est très étroite en raison de la longueur
des pans coupés latéraux qui rétrécissent en avant la largeur de
la table osseuse. La courbe antérieure du bord, beaucoup plus
longue, encadre la glande intermaxillaire placée dans le cavum
internasale. Entre celle-ci et le parasphénoïde se voit le bord
antérieur du plancher cartilagineux internasal. L'ensemble des
deux bords internes figure une sorte de calice à deux renfle-
ments superposés.
Le bord externe du vomer forme une grande échancrure qui
encadre la choane en avant, en arrière bt en dedans ; quittant le
maxillaire à mi-longueur de celui-ci, il aboutit à la choane au
milieu de son pourtour antérieur et découvre ainsi entre celle-ci
et le maxillaire un coin du plancher nasal cartilagineux; der-
rière la choane, il suit le rempart vomérien qui sert de support
aux dents de l’apophyse externe,
Pour terminer la description du vomer j'ajouterai qu'il existe
sur sa face ventrale concave une vallée assez profonde placée à
la jonction du large bouclier et du rempart denté et que la face
dorsale présente ; 1° quelques sillons partant en gerbe de l’échan-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 911
crure postérieure qui donne passage au nerf palatin et qui con-
tiennent justement les rameaux de ce nerf; 2 une arête sail-
lante, située à la limite antérieure des socles dentaires internes,
qui, au devant du butoir vomérien postérieur, continue le
contact du vomer avec le parasphénoïde.
20 Le plérygoide. — Le ptérygoïde est un os en fer à che-
val (fig. 46-47) dont Les deux branches tournées en dehors sont
réunies en dedans sous la base du cartilage carré. Sa longueur
totale, mesurée au niveau de l'ouverture du fer à cheval, est
de 6 mm. 5, Il est disposé de manière à présenter une face ven-
Fig. 47. — Ptérygoïde gauche isolé du ne 27 (Voir fig. 46). A. face ventrale ;
B. face dorsale ; ae, angle antéro-externe ; à, région interne ; pe, angle
postéro-externe.
trale tournée du côté de la cavité buccale et une face dorsale
appliquée en dehors sur la loge temporale. Son inclinaison vers
le bas est plus grande que celle du ptérygo-palatin larvaire ;
dans l’ensemble il fait un angle de 45° environ sur l'horizontale
représentée par la table du parasphénoïde. L’aile ptérygoï-
dienne larvaire est plane (fig. 30, 31, 32) ; c'est à peine si son
bord interne se recourbe pour envelopper le ptérygoïde cartila-
gineux ; chacune des deux branches du ptérygoïde définitif pré-
sente au contraire chez l'animal parfait une concavité dorsale
marquée (fig. 47 B). La postérieure appliquée sur la face ven-
318 P. WINTREBERT
trale du carré, contourne sa face postérieure et vient au contac
du squameux ; son tiers externe est soudé à l'os carré (fig. 46).
L'antérieure présente le long de son bord interne une gouttière
profonde, en demi-doigt de gant, qui loge le ptérygoïde cartila-
gineux. La région interne d'union des deux branches forme
autour de la base du carré un demi-collier très épais qui enserre
sa face ventrale et une partie de ses faces antérieure et posté-
rieure. On voit (fig. 47) dans la partie des branches qui borde
l'ouverture en fer à cheval un feuillet osseux plus mince, reste
de la plage externe de laile ptérygoïdienne larvaire; cette plage
Fig. 48. — Vomer gauche du n° 28 (Amblystoma figrinum définitif de 49 cen-
timètres de long) posé à plat sur une surface horizontale et vu par la face
ventrale; a, angle antérieur; ae, angle antéro-externe; ch, place de la
choane ; e, angle externe ; à, angle interne.
montrait déjà chez la larve âgée ‘une régression très nette (com-
parer la fig. 30 aux figures 31 et 32), régression qui s’accentue
par l'effet des mauvaises conditions physiologiques (fig. 31-37).
Pendant la métamorphose elle s'échancre davantage encore,
mais d'une manière plus régulière, plus uniforme, jusqu’à ne
plus former qu'un mince rebord dans la concavité du fer à
cheval.
Un examen comparé des aspects que présente le ptérygoïde
au cours de la métamorphose (fig. 41 et 42, D) et chez l'Am-
blystome (fig. 47) permet de constater les processus de rema-
niement dont il est le siège et l’ordre dans lequel ils se pro-
duisent. A la fin des phénomènes de transformation qui
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 319
changent l’habitus externe (fig. 41) la branche antérieure du
ptérygoide est encore dirigée en avant ; les deux branches du
fer à cheval sont encore écartées au maximum ; elles forment
un angle obtus de 110° environ. À ce moment Ja différence
d'orientation entre le ptérygoide osseux et le ptérygoïde carti-
lagineux est flagrante. En effet, comme les auteurs l'ont déjà
signalé (WixsLow, 1888) le ptérygoide cartilagineux ne suit pas
à la fin de son développement larvaire l'orientation en avant
et en dedans du ptérygo-palatin osseux; il se dégage en avant
de l'aile ptérygoidienne, il s'incline en dehors (fig. 32, 34, 39);
il accentue avec la croissante cette orientation vers le maxil-
laire et au début de la métamorphose (fig. 43) contourne en
avant la loge temporale ; mais à ce moment la branche anté-
rieure du ptérygoïde osseux n'a pour ainsi dire pas encore
modifié sa direction. Par contre, la métamorphose terminée,
les deux branches du compas ptérygoïdien se sont rapprochées ;
elles ne font plus entre elles qu'un angle de 80° environ. L’ex-
trémité de la branche antérieure est de plus légèrement courbée
en dehors pour s'appliquer plus intimement à la paroi de la
loge temporale. Le déplacement de cette extrémité est mise en
valeur par la comparaison des figures 30, 31, 32 d'une part
qui permettent d'apprécier chez la larve d’Amblystoma Vinter-
valle qui sépare la tige ptérygo-palatine osseuse du ligament
quadrato-maxillaire interne, et des figures 46 et 50 d'autre
part, qui indiquent que l'extrémité du ptérygoïde osseux défini-
tif est au contact de ce ligament. Il est encore souligné par les
positions successives que prennent au cours du développement
et de la métamorphose les ptérygoïdes osseux et cartilagineux ;
en effet, l'extrémité de celui-ci est à la fin de la vie larvaire et
pendant les premiers temps de la métamorphose (fig. 13, 32, 34
et 37), en dehors de la tige ptérygoïdienne osseuse, tandis qu'à
la fin de la métamorphose (fig. 17, 46 et 50) elle se trouve au-des-
sus de sa partie interne ; les deux ptérygoïdes osseux et cartilagi-
neux se croisent chez la larve ; ils deviennent parallèles dans
leur région antérieure chez l'adulte parfait.
Le collier osseux ptérygoiïdien interne qui enserre la base du
cartilage carré vient en contact intime avec le parasphénoïde.
Les mouvements légers de circumduction qui avaient été recon-
nus au cartilage carré pendant la métamorphose n'existent plus.
380 P. WINTREBERT
Il s’est produit une autostylie osseuse secondaire par rappro-
chement et soudure des os de revêtement en présence.
GC. Etude spéciale des éléments cartilagineur et fibreux.
L'étude des appareils cartilagineux et fibreux de la voûte pala-
tine montre, comme celle de l'appareil osseux, que les proces-
sus de métamorphose ont eu pour effet de consolider l’are
denté maxillaire, en remaniant à son pret les dispositions lar-
vaires. Le cartilage antorbital vient au contact du maxillaire en
s'élargissant à son extrémité externe comme nous l'avons déjà
vuchezl'Amblystome jeune (fig.43),et par une expansion antéro-
(HR PR, EEE
Omm. 1 22
Fig. 49. — Ptérygoide gauche du no 28 (Voir fig. 48). A, face ventrale ; B,
face dorsale ; ae, angle antéro-externe ; 2, région interne ; pe, angle pos-
téro-externe.
externe il se raccorde au plancher nasal en formant la paroi
dorso-latérale de la choane (ao, fig. A6 et 51). Mais de plus le
cartilage antorbital n'est plus transversal ; il se dirige mainte-
nant en dehors et en avant. Cette orientation nouvelle semble
signifier quil suit l’évolution de la capsule nasale et que celle-ci
en sétendant ne recule pas, mais porte au contraire’ le
museau en avant. Le fait est confirmé par l'augmentation de la
distance qui sépare la base du cartilage antorbital des pré-
maxillaires. (Comparer les fig. 32 et 46). L’attache interne du car-
tilage antorbital s’est du reste modifiée ; elle ne se fait plus au
ras du parasphénoïde, sur le trabécule, mais sur une apophyse
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 381
de l'orbito sphénoïde, saillante en dehors, qui porte le cartilage
comme sur un piédestal (fig. 46 et 51).
La tige cartilagineuse ptérygoidienne ne présente pas du
côté, de la pointe maxillaire d’autres rapports que ceux que nous
avons déjà décrits chez l’Amblystome jeune (fig. 43). Elle finit :
très tof sa croissance ; son extrémité se termine souvent libre-
nl V.
LS
NS X
Fig 50. — Région ptérygoïdienne de la voüte palatine du no 28 (voir fig. 48
et 49) vue par la face ventrale; 4, muscles adducteurs de la mâchoire
inférieure ; ca, cartilage cairé; mt, mâchoire inférieure ; ms, maxillaire
supérieur ; pp, ptérygoide osseux : gme, gini, ligaments quadrato-maxillai-
res externe, inlerne; v, vomer.
ment dans la paroi antérieure de la loge temporale sans attein-
dre le maxillaire (fig. 46 et 50) et présente parfois quelques liens
fibreux sans grande solidité que l’on peut suivre vers l'insertion
du cartilage antorbital au maxillaire et vers la paroi externe de
la loge temporale. Nous avons vu précédemment combien le
remaniement de l'extrémité antérieure du ptérygoïde osseux
382 P. WINTREBERT
et son transport en dehors étaient tardifs eu égard à la précocité
des dispositions prises par le ptérygoïde cartilagineux.
Aucun élément fibreux de la membrane ptérygo-palatine dont
la tige ptérygoïdienne et la palette dentée représentent une
ossification localisée, ni du ligament allant du bord interne du
ptérygoïde cartilagineux à la base du cartilage antorbital en
doublant ia lamelle osseuse, ne peut être retrouvé. Toutes les
parties de l'appareil ptérygo-palatin qui passaient en diagonale
au-dessous de la fosse orbitale ont disparu. Le bord interne du
ptérygoide marque maintenant une limite précise entre les par -
lies orbitaire et masticatrice de la fosse orbito-temporale.
C'est du côté externe, maxillaire, que sont reportés les liga-
ments. Les cordes quadrato-maxillaires interne et externe qui
limitent en bas la loge temporale sont remarquablement solides
et puissantes ; l’externe est nettement renforcée. Dans l'ouver-
ture du fer à cheval ptérygoiïdien la paroi temporale interne se
montre composée de faisceaux conjonctifs épais (fig. 46, 50).
L'ouverture même est fermée par la corde quadrato-maxillaire
interne. Celle-ci ne va pas seulement jusqu'à la pointe du
maxillaire, mais s’insère en dedans d'elle sur l’apophyse palatine
de cet os. Ces faisceaux palatins recouvrent l’attache au maxil-
laire du cartilage antorbital (fig. 50). Au-dessus d'eux d’autres
faisceaux quadrato-vomériens vont s’insérer en se dirigeant en
dedans à l’apophyse dentée post-choanale du vomer (fig. 46,
50, 51), déjà fixée au maxillaire par un ligament transversal.
N° 28 (fig. 48, 49, 50, 51 et PL IT D). Amblystoma tigrinum
male de 19 c. — La queue a 9 cm. 5 de long. La tête a 19 mil-
limètres de large et 20 millimètres de long. L'architecture de la
voûte palatine ne diffère que par quelques détails de celle de
l’animal précédent. Les figures en donnent une idée assez com-
plète pour qu'il soit inutile de faire un long exposé ; elles ont
du reste déjà servi à compléter la description du n° 27.
Le vomer a un bord postérieur denté presque transversal ; il
fait avec la ligne médiane un angle, ouvert en arrière, de
85° environ (fig. 51) Isolé (fig. 48) et comparé au vomer d'un
demi-Amblystome branchié, il montre une extension du bord
denté beaucoup plus étendue en arrière par rapport au bord
interne de la choane, en même temps qu'un développement
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 383
plus grand de l’apophyse post-choanale, Celle-ci mise à part,
le bouclier vomérien est aussi large que long tandis que celui
du demi-Amblystome est nettement plus développé en largeur
qu'en longueur. On remarque aussi que l'apophyse d'appui sur
le parasphénoïde, continuation de la face dorsale au delà du
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Fig. 51. — Région vomérienne dela voute palatine du no 28 (Voir fig. 48, 49,50)
vue par la face ventrale ; ao, cartilage antéorbital ; ch, choane ; ci, cavum
internasale; cn, cartilage nasal: ms, maxillaire supérieur ; os, orbito-
sphénoïde : pm, prémaxillaire ; ps, parasphénoïde ; gme, gmi, ligaments
quadrato-maxillaires externe, interne ; gv, ligament quadrato-vomérien ;
v, vomer.
bord denté est naturellement moins apparente et moins lon-
gue chez l'Amblystome que chez le demi-Amblystome, parce
que le bord denté du premier a reculé davantage : elle présente
de plus une ligne d'appui légèrement concave en dedans
(fig. 48 et 51) tandis qu'elle est convexe chez le demi-Ambly-
stome. L’angle du bord latéral du parasphénoïde est arrondi au
384 P. WINTREBERT
lieu d’être angulaire et la partie antérieure ou « vomérienne »
de ce bord est presque rectiligne au lieu de présenter un saillant
en dehors (fig. 44). On peut penser que, dans ces conditions,
une pression faite sur le devant du museau risque de luxer le
vomer en arrière : il n’en est rien; car le vomer est retenu en
arrière par l’apophyse, saillante en dehors, de l’orbito-sphé-
noïde, qui donne insertion au cartilage antorbital.
Les ptérygoïdes (fig. 49 et 50) ont à peu près la même forme
que ceux du n° 27. Un trait pointillé sur la figure 50 limite la
partie dorsale de la branche postérieure qui est confondue, dans
la profondeur, avec l'os carré d’origine enchondrale. Les appa-
reils ligamenteux et cartilagineux ne présentent rien de parti-
culier. ‘
N° 29 (fig. 52). Amblystoma punctatum adulte de 137 malli-
mètres de long. — La tête a 12 mm. 5 de largeur et 13 mil-
limètres de longueur; le tronc a A9 mm. 5 et la queue
75 millimètres de long. La dissection de la voûte palatine
révèle deux faits importants :
1° Le vomer est d'une seule pièce. X1 n’est pas composé de
deux fragments comme le dit Wrenersuein (4877, p. 463). Le
bord denté postérieur présente bien derrière la choane une
région non dentée, de 1 millimètre de longueur environ, mais
on n’y voit, même après éclaircissement du vomer dans une
lessive de potasse, aucune trace de soudure entre lapophyse
dentée et le reste du bouclier vomérien. Il n’est donc pas justi-
fié de considérer celle-ci comme représentant le palatin.
2 Le ptérygoïide cartilagineux court manifestement le long
de l'apophyse palatine du maxillaire vers l'insertion maxillairc
du cartilage antorbital. Wieversueim décrit un ptérygoïde carti-
lagineux long mais qui n’atteint pas le maxillaire (fig. 76 et 77,
PI. XXIIT). Les deux cartilages ne s'unissent pas ici comme chez
Ranodon par un pont de même substance mais ils sont liés mani-
festement par un tractus ligamenteux. Celui-ci est visible sur
la figure 52; mais il a été rendu plus apparent qu'il ne l’est dans
sa disposition réelle par l’isolement, à distance de l’apophyse
palatine, des parties cartilagineuses et fibreuse. Pour mettre à
découvert la tige ptérygoïdienne, j'ai reséqué toutes les fibres
superficielles du ligament quadrato-maxillaire interne, tant
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 385
celles qui vont à la pointe de la mâchoire que celles qui s’insèrent
à son processus palatin, et le’ trousseau fibreux quadrato-
vomérien qui se rend à l'apophyse dentée post-choanale du
OS
MAILLE Ê S
a
Zasees
Fig. 52. — Voüte palatine du n029 (Amblystoma opacum adulte de 43 em. 7
de long), du côté droit, vue par la face ventrale ; a, muscles adducteurs
de la mâchoire inférieure: @o, cartilage antorbital; «, columelle ; ca,
os carré (surface articulaire); ci. cavum internasale ; ch, choane; ms,
maxillaire supérieur : 0, aponévrose sous-orbitaire ; os, orbito-sphénoïde ;
pj, fibres ptérygo-jugales; pm, prémaxillaire ; pp, plérygoide osseux ; pé,
ptérygoïde cartilagineux; ps, parasphénoïde ; p VZI, nerf palatin du facial ;
gmi, ligament quadrato-maxillaire interne ; gv, ligament quadrato-vomé-
rien sectionné ; 7, récessus cutané temporal ; r6, muscle rétracteur du
bulbe oculaire ; v, vomer.
vomer. J'ai mis ainsi à nu les fibres les plus profondes du liga-
ment qui composent la paroi antérieure de la loge temporale
et J'ai observé que du ptérygoïde cartilagineux, au niveau de
la pointe du maxillaire, à l'endroit où, cessant d'être appliqué
386 P. WINTREBERT
sur l’aponévrose prétemporale, il forme un coude saillant, par-
tent aussi quelques fibres ptérygo-jugales (p7) qui se dirigent
en dehors sur un plan plus élevé que la mâchoire et vont ren-
forcer l’aponévrose temporale externe. L'analogie de position
de ces fibres avec le crochet cartilagineux de Salamandra macu-
losa est complète. Ainsi donc nous trouvons ie la confirmation
que deux voies sont ouvertes chez les S'a/amandridæ à V’exten-
sion du ptérygoïde cartilagineux : 1° la voie juxta-mazillaire
qui le mène à la rencontre du cartilage antorbital et 2° la voie
circumtemporale qui le conduit à la face externe des muscles
adducteurs de la mâchoire Imférieure.
La loge temporale circonserite à sa partie inférieure par la
boutonnière quadrato-maxillaire ne contient pas seulement les
muscles adducteurs mais encore, au devant d'eux, un recessus
cutané très profond, figuré sur la préparation (fig. 52) ; la peau
est adhérente aux muscles ; elle pénètre dans la loge quand la
bouche est fermée, elle en sort en faisant disparaitre le réces-
sus quand la bouche est ouverte. On voit sur la figure que,
dans le premier état, la fosse cutanée entoure de chaque côté la
saillie musculaire, dans sa moitié antérieure.
Le vomer et le ptérygoïde osseux ont un aspect général diffé-
rent de celui d’A. figrinum ; ils ont été déjà décrits par WiE-
DERSHEIM. En l'absence de documents personnels sur leur
disposition larvaire et leurs modifications pendant la métamor-
phose je n'entreprendrai pas de donner leur description,
mon but étant surtout de suivre l’évolution de la voûte pala-
tine au cours du développement. Je signalerai cependant, en
terminant, que le suspenseur est absolument immobile chez cet
animal adulte, comme chez la Salamandra maculosa âgée
n° 11, comme chez les Amblystomes définitifs, par suite de la
coaptation et de la soudure des os qui entourent le cartilage
carré et son attache à la boîte crantenne.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 387
DEUXIÈME PARTIE
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS
Après avoir exposé les faits j’entreprends ici de les utiliser
pour l'éclaircissement ou la solution de quelques problèmes
d’Anatomie comparée, d'évolution ontogénique et de phylo-
génie. Des observations précédentes je tire les arguments qui
mettent en valeur les résultats ét soutiennent les conclusions.
Cette seconde partie est divisée en dix chapitres dont chacun
traite une question précise, que les documents recueillis éelai-
rent d'un Jour nouveau.
I. — L’arc denté interne de la voûte palatine chezles larves
de Salamandridæ n'est formé que de deux os : le vomer
et le ptérygo-palatin.
La présence de trois os, nommés vomer, palatin, ptéry-
goïde à la voûte palatine deslarves de Salamnandridæ, en dehors
de la métamorphose, est un cas pathologique (voir n°° 18 à 22,
p. 346 à 355). Les larves normales en bonne santé, qui n'ont
subi au cours de leur développement aucune cerise de jeûne ou
de maladie (fig. 30, 31, 32), possèdent un ptérygo-palatin d'une
seule pièce. Les Axolotls émaciés, tels ceux, par exemple, qui
meurent naturellement au cours d’un élevage, présentent au
contraire, par suite d'une régression osseuse, une fragmentation
du ptérygo-palatin (fig. 34 à 39).
La régression des os sous l'influence d’un état de misère
physiologique est un phénomène banal. Ce qui l’est moins,
c'est de constater, dans le cas particulier du ptérygo-palatin, que
cette régression aboutit à la division de l'os ; et pourtant le résul-
tat est fort naturel puisqu'il s’agit d’une pièce osseuse mince et
étroite. Mais ce qui surprend avec raison, c'est de voir l’una-
nimité avec lequel les plus éminents anatomistes et embryo-
logistes, FRisoneicu et GecenBaur (1848), O. Henrwic (4874),
WiepersHeIM (1877), Parker (4877) et tous les auteurs classiques
ont décrit et figuré trois os à l’are denté interne des Urodèles.
26
388 P. WINTREBERT
Une conclusion générale doit être tirée de ce fait en ee qui
concerne la méthode à employer dans les recherches anatomi-
ques. Avant de comparer entre eux des groupes différents d’ani-
maux, il convient de S'assurer qu'on possède pour chaque espèce
la structure qui correspond à l’état physiologique normal. C'esf
une vérité aujourd'hui reconnue qu'il n’est pas possible de se
désintéresser du mode de vivre des êtres dont on entreprend
justement de décrire l'anatomie ; mais savoir leurs mœurs, sans
les observer en vie, est absolument insuffisant. On ne doit pas
seulement être au courant de l’éthologie générale de l'espèce
considérée ; il importe encore de connaître les antécédents parti-
culiers de l'animal qu'on étudie. Îl en est de l'anatomie macrosco-
pique comme de lhistologie ; si l'on désire établir une correspon-
dance entre l’état des organes et leur fonctionnement, si l’on
veut surtout éviter de confondre les {types morbides avec le type
normal, il faut être informé des conditions de vie et de mort
du spécimen examiné. L'anatomiste doit être un biologiste.
II. — Le palatin n'existe pas chez les Salamandridæ
à l'état parfait
Cette assertion est conforme à l'opinion de Cuvier (1837)
basée sur l'étude de Salamandra maculosa: mais cet auteur
n'avait pas observé l’état larvaire, ni suivi les modifications de
l'arc denté primitif au cours de la métamorphose. Les auteurs
allemands et anglais qui, comme nous l'avons vu au chapitre
précédent, ont décrit chez la larve un palatin séparé, se sont
pour la plupart, abstenus de suivre les processus de transforma-
tion. Quelques-uns (0. Herrwie, Parker) en ont observé le
début ; ils ont constaté qu'à ce moment le ptérygo-palatin est
divisé en deux parties, un palatin et un ptérygoïde; mais
n'ayant pas poussé plus loin leurs investigations, ils n'ont pas
vu que cette séparation n’était que la première étape de la dis-
parition complète du palatin. Imbus de l’idée théorique qu'ils
devaient le retrouver chez l'adulte ils se sont ingéniés, comme
les autres anatomistes qui n'avaient rien observé des processus
métaboliques, à le joindre au vomer et à lui donner, suivant les
groupes, des positions diverses
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 389
La conclusion qui se dégage nettement de l'étude de la méta-
morphose chez Salamandra maculosa (ig. 3 à 26) et chez
Amblystoma tigrinum (fig. A0, 41, 42) est que la région anté-
rieure dentée du ptérygo-palatin larvaire disparait en totalité et
que, par conséquent, le vomer de l'adulte ne peut être considéré
comme un voméro-palatin. L'examen des vomers isolés de Ia
forme parfaite chez Sal/amundra maculosa (Kg. 23), chez Ambly-
stoma punctatum (fig. 52) et chez Amblystoma ligrinum (fig. 46,
48, 51) ne m'a jamais permis de voir dans la continuité de l'os
la trace d'une suture ou d'une soudure, malgré les affirmations
d'O. Herrwie (1874, PL I, fig. 23, 24, 36) et de Wienersaeim
(1877, fig. 72, PL XXII) pour la première espèce, de Wieper-
suEIM (1877, p. 463, fig. 77) pour la seconde, de Parker (1877,
PI XXIV, fig. 6) pour la troisième. Jai seulement observé,
en les extirpant, qu'ils étaient fragiles et présentaient un lieu de.
moindre résistance au niveau des apophyses dentées ; or c’est
justement l'extrémité de celles-ci qui a été resardée comme
palatin.
IL n’est pas douteux que le palatin soit représenté dans la
pièce ptérygo-palatine unique de la larve et même celle-ci, eu
égard à son dév eloppement, mériterait mieux le nom de palatss
ptérygoïde: que celui qu'on lui donne habituellement ; elle nait
en effet comme’ un palatin derrière le vomer et ne s’adjoint
_qu'ensuite une queue ptérygoïdenne. D'ailleurs la série des os
qui, chez les Poissons, constitue la partie palatine du palato-
carré, à laquelle correspond l'arc interne denté des Urodèles,
comporte un palatin distinct. Mais la voûte palatine des Sala-
mandridæ adultes n’est pas bâtie suivant la même architecture
que celle de la larve. L'are denté primitif perd'au temps de Ja
. métamorphose son individualité ; il se fragmente et ses élé-
ments ne viennent plus qu'au second plan, chez la\ forme ter-
restre, dans la constitution de la mâchoire supérièure. L'are
maxillaire devient prévalent et Les pièces transformées de l'arc
primitif, orientées en dehors, lui sont en quelque sorte subor-
données.
Un chapitre spécial (IV) est consacré à la manière dont le
palatin disparait pendant la métamorphose ; j'y renvoie le lec-
teur. Un autre (chapitre V) traite de l'édification du vomer nou-
veau. On y verra que les débris du palatin remanié ne peuvent
390 P. WINTREBERT
même pas être considérés comme se joignant au vomer pour cons-
tituer un os unique construit avec des matériaux venus de deux
sources différentes ; car le palatin est résorbé, ses dents tom-
bent et ne s'incorporent pas au feuillet osseux en formation,
qui est lui-même en état perpétuel de rénovation. On peut afñr-
mer que rien ne reste du vomer larvaire et que tout le vomer
adulte est bâti de novo. Le palatin ne participe pas à son déve-
loppement, ou s'il Le fait, ce n’est que d'une façon absolument
indirecte, par la reprise dans le sang de substances utiles à
l'édification d’une pièce osseuse quelconque.
Un court aperçu de la structure des voûtes palatines chez
les Amphibiens est utile pour essayer de comprendre la signi-
fication et le rôle du palatin, ou du moins de l'os qu'on appelle
palatin, chez les Anoures et les Gymnophiones, et faire appré-
cier les causes de sa présence où de son absence dans l’ar-
chitecture cranienne. Le palatin des Anoures, des Gymnophio-
nes et d’un certain nombre de Stégocéphales est un os
transversal passant derrière la choane, étendu du parasphé-
noïde en dedans, au maxillairé supérieur en dehors. Il sert
manifestement de contrefort à celui-ci et l’aide à résister aux
pressions latérales qui s'exercent à sa surface externe. Ce rôle
de soutien est particulièrement efficace chez les Anoures où le
vomer adulte est à l’état d’ilot denté sur le plancher nasal, loin
du contact des maxillaires. Chez les Urodèles, le vomer est
constitué de telle sorte qu'il remplace le palatin. Appuyé sur le
parasphénoïde et même sur l'orbitosphénoïde en dedans
(fig. 22, 51 et 52), sur les processus palatins des prémaxillaire
et maxillaire en dehors, il a l’aspect d'un large bouclier qui s in-
tercale entre ces os et les maintient dans leur position réci-
proque. Il s'étend en arrière autour de la choane, qu'il encadre
de tous côtés, sauf du côté externe chez Amblystoma (fig. 51 et
52), sauf du côté postérieur chez Salamandra (fig. 22). De plus,
son bord postérieur se trouve placé au-dessous du cartilage
antorbital le long duquel chez les Anoures le palatin est dis-
posé. Il sert ainsi d'arc-boutant au maxillaire et empêche les
déformations du museau en cas de compression transversale.
Il fait plus encore. Par l'extension en avant de son bouclier
le long des légères sinuosités du processus prémaxillaire et par
la disposition spéciale de son apophyse postérieure d'appui
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 291
contre le parasphénoïde (fig. 22 et 46) et l’orbitosphénoïde
(fig--51), il s'oppose aux pressions et résiste aux chocs portés
sur le devant de la tête ; il contribue ainsi largement à la con-
solidation de la base du crâne. Tandis que les Anoures, sans bou-
clier vomérien, appuient les extrémités des maxillaires supé-
rieurs sur le massif postérieur de la tête par l'intermédiaire
des quadrato-jugaux et des ptérygoides, les Urodèles, sans
quadrato-jugaux, etsans contact des ptérygoïdes avec les maxil-
laires, supportent Les pressions antérieures grâce à la présence
de larges vomers qui transmettent ces pressions à la table
parasphénoïdienne médiane. Quant aux déplacements des maxil-
laires en avant par traction, les cordes ligamenteuses quadrato-
maxillaires interne et externe, qui entourent la loge temporale
(fig. 22 et 46) et sont situées dans la position même des qua-
drato-jugaux et des-ptérygoïdes des Anoures, s’y opposent avec
autant d'efficacité que ces os eux-mêmes.
Le vomer des Urodèles adultes ne remplace donc pas seule-
ment le palatin dans son rôle d’arc-boutant transverse post-
choanal, il permet encore à la tête de résister aux pressions
antérieures sans être soutenue par des massifs latéraux puis-
sants. Enfin il remplit encore une troisième fonction : celle de
protéger la capsule cartilagineuse du plancher nasal contre le
heurt des proies saisies.
Les Urodèles sont les seuls Vertébrés qui manquent de pala-
lin ; mais nous voyons que l’absence de cette pièce osseuse ne
peut, au point de vue de l'architecture cranienne, être considérée
isolément ; elle est liée à une conformation générale de la tête,
connue depuis longtemps et que j'ai précédemment mise en
relief (WinrreBerr, 1910) pour prouver que ces animaux ne peu-
vent avoir pour ancêtres Les Protritons.
L'idée de retrouver, après le bouleversement considérable
opéré par la métamorphose, le palatin larvaire longitudinal
tourné en dehors à angle droit «like a railway signal » (Parker,
1877, p. 566) semble aujourd’hui puérile et cependant, la plu-
part des auteurs modernes ne sont pas éloignés de croire que
le palatin de l’are denté interne des Poissons et des larves
d’Urodèles est l'homologue de celui qui chez les autres Verté-
brés est disposé transversalement. Ce qui a contribué à accrédi-
ter cette idée, c’est l'opinion qu'ont eu jusqu'à présent les
399 P. WINTREBERT
anatomistes sur la valeur et la signification de l’arcade latérale
cartilagineuse du crâne chez les Anoures. Ils ont jugé qu'elle
représentait chez les Amphibiens un état primitif, probablement
réalisé chez les Stégocéphales et d'où était dérivé par régression
le ptérygoïde cartilagineux des Urodèles. Dans cette conception,
le cartilage antéorbitaire n'est plus que la partie transversale
antérieure de jonction qui ramène l'arcade, déviée en dehors,
vers la région ethmoïdale médiane et en conséquence Le pala-
tin parallèle, à ce cartilage, fait ainsi toujours partie de l’anse
ptérygo-palatine primitive. Nous verrons plus loin qu'il y a lieu
de considérer comme aberrante la disposition de cette arcade
chez les Anoures et la raison pour laquelle le ptérygoïde cartila-
gineux des Urodèles ne suit pas la direction de l'arc ptéry go-
palatin osseux. Nous verrons que celui-ci doit être considéré
comme représentant vraiment la région palatine du palato-
carré des Poissons. Pour l'instant je désire attirer l'attention sur
les caractères qui distinguent le palatin transversal des Verté-
brés terrestres du palatin longitudinal des Poissons, et sur le
danger qu'il y à à continuer d'appeler d’un même nom ces deux
formations. D'ailleurs une révision générale des dénominations
anciennes desos de la base du crâne s'impose si l’on veut établir
entre les groupes des comparaisons rigoureuses. À mon avis, le,
palatin transversal appliqué sur Le cartilage antéorbital et le pala-
tin longitudinal des Poissons et des larves d'Urodèles n’ont de
commun que le nom et ce nom, donné par des auteurs qui
n'avaient à leur disposition que peu de renseignements sur
l'évolution ontogénique et jugeaient surtout d’après la confor-
mation de l'adulte, signifie seulement une certaine analogie de
situation des deux os dans une même région de la base du crâne.
La plupart des savants pensent encore aujourd'hui que la.
place du palatin est marquée entre le ptérygoïde et le vomer ;
ainsi (rooprica (in Socras, 4920, p. 507) consulté sur la significa-
cation d'un os trouvé chez Lysorophus tricarinatus (fig. 20,
31 Bet 32, Sozras), placé transversalement entre l'orbito-sphé-
noïde et le maxillaire et qui est supposé être un palatin, répond
qu'il est possible de considérer la partie postérieure du vomer
comme le palatin. Cette suggestion me parait la conséquence de
l'idée acceptée jusqu'ici par tous Les anatomistes que le palatin
fait corps avec le vomer dans la forme définitive des Urodèles.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 393
L'auteur ajoute qu'il serait possible de considérer los en ques-
tion comme un transverse. Mais pourquoi ne serait-il pas un pala-
tin, non dans le sens d’un palatin larvaire, intermédiaire au
ptérygoïde et au vomer et faisant partie intégrante de l'arc denté
interne, mais d’un palatin d'adulte semblable à celui des Anou-
res, transversal et tout à fait différent, comme origine, du précé-
dent ?
L'idée de la nécessité pour un palatin d’être placé entre le
ptérygoïde et le vomer ressort encore de ces lignes de Soras
(p: 507) : The additionnal information afforded by sections ren-
ders possible another interpretation by which the palatine
nature of the bone is retained, for its base is found to occupy
its proper place as the middle member of the pterygoïde vomer
series », La même confusion est faite par cet auteur entre le
palatin larvaire, qui chez les Urodèles actuels fait partie du pté-
rygo-palatin. et le palatin transversal de l'adulte définitif. Les
caractères que l’on peut assigner à celui-ci sont : 1° d’être placé
en contact intime avec le cartilage antorbital et, comme celui-
ci, d'être étendu transversalement entre l’orbito-sphénoïde,
ossification enchondrale du trabécule cranien, et le maxillaire
supérieur (fig. 43) ; 2 d’être situé dans le sens antéro-posté-
rieur derrière la choane. Or ces caractères sont ceux de l'os en
litige chez Lysorophus. En effet, d’après la figure 31 B, il n'est
pas sur le même plan que le ptérygoïde et le vomer, mais
au-dessus d'eux, superposé au ptérygoïde et par conséquent
en rapport en dedans avec l’orbito-sphénoïde ; en outre; il pré-
sente une échancrure antérieure, de courbe arrondie, dispo-
sée comme pour circonscrire Le pourtour postérieur de la
choane, ainsi qu'on le voit sur le palatin d'/chthyophis gluti-
nosus. Le transverse s’il existait serait placé plus en arrière et
n'aurait pas de rapport avec la choane.
Ce qui facilite la confusion entre le palätin larvare « inter-
voméro-ptérygoidien » et le palatin « antorbital » c’est que l’ex-
trémité interne de ce dernier est justement placée au-dessus de
l'endroit où chez la larve des Urodèles se trouve l’interstice
entre le vomer et Le ptérygo-palatin (fig. 4, 31, 32) et où finit
chez l’adulte (fig. 22, fig. 46) la partie postérieure du bouclier
vomérien, de sorte qu'il est aisé d'imaginer que tout en gar-
dant ses rapports internes le palatin larvaire s’est orienté vers
CPE P. WINTREBERT
le maxillaire. Seulement l’histoire de la métamorphose nous
montre que, chez les Urodèles actuels, le palatin larvaire s’éva-
nouit et qu'aucune formation osseuse nouvelle ne s'établit
autour du cartilage antorbital. I ne paraît pas en être de même
chez Lysorophus ; 11 possède un « palatin » ; mais les caractères
de cet os post-choanal semblent assez nets pour qu'on le diffé-
rencie nettement du palatin larvaire et qu'on lui attribue la
dénomination de palatin antorbital ou plus simplement d'os
antorbital.
Une autre remarque doit être faite. 11 se peut que les deux
€ palatins » existent en même temps chez Lysorophus. Le vrai
palatin serait alors fusionné avec le ptérygoïde comme chez
les larves d’'Urodèles. Certains faits militent en faveur de
cette hypothèse : 1° L’os appelé ptérygoïde est à peine distant
du parasphénoïde (fig. 32 de Socras) ; il se dirige en tout cas en
avant et en dedans et s'applique nettement sur lui à son extré-
mité : il s'y trouve en contact avec le vomer. 2 Le vomer n’a
pas le caractère d'un os d'Urodèle définitif ; son bouclier vomé-
rien est peu étendu et surtout ne vient pas au contact du maxil-
laire ; 1l ressemble à un vomer de vieil Axolotl (fig. 32), placé au
contact du parasphénoïde en dedans, à distance du maxillaire
en dehors et portant ses dents sur le bord externe; il en est
différent en ce que son bord interne vient au contact du bord
interne de l’os opposé, au devant d’un parasphénoïde plus court
et surtout moins large en avant que chez Amblystoma. La dis-
position du vomer me semble très caractéristique. Lysorophus
aurait done à la fois un are denté interne ressemblant à celui
des larves d'Urodèles et un os antéorbital. Rien ne démontre-
rait mieux la nécessité d'une distinction entre les deux os appelés
palatins.
Si l'animal est considéré comme un fouisseur de vase, la pré-
sence d’un os antéorbital se comprend ; car en l'absence d'un
vomer étalé entre l'arc maxillaire et le parasphénoïde, comme
chez les Urodèles parfaits, cetos soutient avec efficacité la
pointe libre du maxillaire quand la tête est comprimée latéra-
lement.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDAÆ 399
III. — Les changements d'aspect de l'arc voméro-ptérygo-
palatin larvaire suivant l’âge.
/
A. Chez l'Axolotl. — Les vomers et les palettes dentées des
ptérygo-palatins, d'origine dentaire (0. Henrwie, 1874), sont
d'abord plantées de dents sur toute leur surface (fig. 27 et 28) ;
puis ils présentent une localisation des dents sur une partie
seulement de leur étendue. La diminution de la région dentée
s'opère dans le sens transversal et non dans le sens longitudi-
nal, de sorte qu'à la fin de la vie larvaire, lorsqu'il n'existe plus
qu'une rangée de dents, celles-ci sont alignées en direction
antéro-postérieure et tiennent encore toute la longueur des
lamelles osseuses. À quel moment commence la limitation du
nombre des dents fonctionnelles ? Ce moment vient plus tôt
pour la plaquette ptérygo-palatine (n° 4, fig. 29 et 30, Axolotl
de 6 mois long de 9 centimètres et n° 4 bis, Axolotl de 8 centi-
mètres) que pour le vomer. La réduction du nombre des dents
qui restent implantées sur l'os par leur socle osseux se fait par
étapes progressives; les dents se placent sur trois rangs, puis sur
deux et enfin sur un seul rang. C’est Le bord interne des os qui se
. dégarnit le plus vite ; il est libéré d'une manière plus précoce
et plus rapide pour le ptérygo-palatin que pour le vomer ; mais
tandis que sur le premier les dents se rassemblent sur le bord
externe (fig. 30 et 31), les dents du second se placent au milieu
de la lamelle osseuse (fig. 31, Axolotl de 17 centimètres de
long) ; ce n'est qu'à un âge fort avancé (n° 6, Axolotl de 22 cen-
timètres, fig. 32) qu'on les voit reléguées à leur tour sur le
bord externe. Le vomer possède alors l'aspect allongé et trian-
gulaire de Ia lame d’une faulx; son bord externe épais, sail-
lant du côté de la cavité buccale, forme un rempart auquel
s adossent et se soudent les parties latérales externes des socles
dentaires. Sur la palette ptérygo-palatine, un mur semblable
soutient en dehors l’unique rangée des dents. Les dents distri-
buées sur un seul rang sont beaucoup plus longues que n'étaient,
à un stade moins avancé, les dents nombreuses implantées sur
plusieurs rangs; leurs pointes arrivent à peu près au même
niveau horizontal que les pointes des dents maxillaires. Les
396 P. WINTREBERT
dents de remplacement, plus petites, sont placées dans la
muqueuse à la partie interne des dents fonctionnelles.
IL est intéressant de constater que chez Les vieux Axolotls les
plages osseuses dépourvues de dents sont internes par rapport à
la rangée dentaire, et cela malgré la présence des dents de rem-
placement de ce même côté de la plage osseuse libre. Cette obser-
vation est d'autant plus importante à retenir qu'au moment de
la métamorphose le vomer nouveau se construit par la réunion
de socles dentaires à son bord interne, tandis que les dents
tombent en dehors laissant hibre et inoccupé un large trottoir
osseux du côté du maxillaire
B. Chez la larve de Salamandre. — Cette larve n’est pas néo-
ténique : aussi l’évolution de croissance des os de l'arc denté
interne est-elle poussée moins loin que chez l'Axolotl. Le vomer
et la palette dentée du ptérygoïde présentent encore, au seuil
de la métamorphose (fig. 4) plusieurs rangées de dents ; de plus,
les plages osseuses libres sont fort restreintes, surtout sur Le
vomer, où elles ne forment encore qu'une marge étroite autour
des dents centrales, au seuil de la métamorphose. Cependant
aussitôt que celle-ei a commencé, l'aspect change et O0. Herrwie
(4874) à nettement vu que les dents tombent du côté externe
où elles laissent à nu une plaquette osseuse comme le montre
la figure 6, tandis qu'elles se multiplient en dedans, où elles
construisent un nouvel os.
IV. — La disparition de la tige et de la palette dentée
ptérygo=palatines au début de la métamorphose.
La désagrégation des régions antérieure et moyenne du pté-
rygo-palatin (fig. 4) est, avec le remaniement du vomer (Voir V)
le phénomène le plus né et le plus caractéristique de la
transformation (fig. 6, 8, 10, 13). La régression osseuse s’effec-
tue rapidement, Elle . déjà terminée chez Salamandra macu-
losa (fig. 10), quand les changements externes ne sont encore
réalisés qu'à moitié. Ses phases sont schématiquement représen-
tées sur la figure 53, en même temps que les transformations
des organes voisins. Elle atteint simultanément la palette et la
tige, qui d'abord se rétrécissent et deviennent plus minces. La
lamelle interne, dépourvue de dents, est rongée en premier
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 397
lieu ; ses bords deviennent anfractueux. La partie externe plus
épaisse, qui porte les dents, résiste davantage, mais les dents
tombent bientôt et l'aiguille restante du bord externe se délite
à son tour. La tige moyenne, devenue grèle (fig. 6, 8 et 10) se
sépare de l'aile ptérygoïdienne et se fragmente souvent en plu-
sieurs morceaux avant de disparaitre.
On ne rencontre dans le territoire palatin aucune ébauche de
dent nouvelle. Leur absence fait contraste avec la présence de
dents Jeunes à la partie postéro-interne du vomer (fig. 6). Mais
le vomer étant très voisin, la question se pose de savoir si les
dents palatines ne passent pas dans la saillie muqueuse vomé-
rienne, si elles n'y acquièrent pas une nouvelle vigueur pour être
finalement incorporées au vomer. Il n’en est rien (V. p. 295).
Les dents vomériennes que l’on trouve au contact de la
palette ptérÿgo-palatine en régression sont toutes jeunes ; leur
socle n'est pas encore formé. D'autre part les dents palatines
tombent hors de la muqueuse avant la disparition de la palette
elle-même. On ne peut donc considérer en aucune facon qu'il y
ait reprise par le vomer de débris persistants du palatin. L'idée
d'une fusion des deux os larvaires pour l'établissement d’un
voméro-palatin d'une seule pièce, sur lequel on ne pourrait
plus distinguer exactement les deux parties constituantes, doit
être abandonnée ; a fortiori doit-on laisser de côté celle d’un
rapprochement des deux lamelles osseuses dont on pourrait
chez l'adulte reconnaitre encore la limite, ainsi que l'ont admis
O. HerrwiG, Wieoersueim et Parker. Rien ne reste du palatin, ni
même du vomer anciens. En effet, comme nous allons le voir,
même si les dents palatines se joignaient aux premières dents
nouvelles de la saillie vomérienne, elles ne formeraient pas
encore le vomer définitif ; car la plaquette dentée vomérienne
subit chez la Salamandre, par exemple (comparer la fig. 5 aux
fig. 15, 19 et 22), en émigrant vers la ligne médiane, un per-
P
place définitive, 1l y a longtemps que les dents palatines lar-
@œ- OQ
tuel remaniement et avant l’arrivée du bord denté à sa
vaires comme les dents vomériennes contemporaines du début
de la métamorphose, auraient disparu.
Ainsi le vomer de l'adulte est constitué tout entier de maté-
rlaux nouveaux et le palatin ne prend pas plus de part à sa for-
mation que n'importe quelle substance nutritive fournie par le
reste de l'organisme.
398 P. WINTREBERT
V. — Le mode d’édification du vomer adulte au cours
de la métamorphose
Dans l'étude des processus par lesquels se transforme la
voûte palatine les résultats les plus intéressants sont fournis par
l'étude du vomer; car son remaniement est à la fois plus
étendu et plus facile à suivre que celui du ptérygoïde, isolé
de sa partie palatine. C'est un os d'origine dentaire (0. Herr-
wi6, 4874). Par suite de sa position superficielle et de son
origine, toutes les modifications qu'il présente affectent la
muqueuse ; celle-ci se gonfle, se tuméfie et marque par une
saillie la place du remaniement dentaire. La saillie formée est
bien localisée et correspond exactement au vomer sous-jacent,
ainsi que le prouvent les dissections. Par la simple ouverture
de la bouche, pratiquée de jour en jour sur le même animal
vivant, on peut donc suivre les modifications de lieu et l'ex-
tension de la saillie muqueuse et connaître ainsi la marche des
changements qui atteignent la partie dentée du vomer.
J'ai décrit et figuré chez Sa/amandra maculosa la suite de
ces changements (fig. 5, 7, 11, 15, 19) et j'ai établi les relations
de la muqueuse tuméfiée avec les dents qu'elle contient et l'os
sous-jacent en formation (fig. 6, 8, 10, 12, 16, 20). J'ai procédé
de même pour Arnblystoma tigrinum; mais je n'ai assisté chez
cette espèce qu'aux derniers stades de la transformation
(tig. 40, 41, 42). La figure 53 montre la chronologie des évé-
nements qui se passent au niveau de la voûte palatine et donne
les rapports des organes à chaque étape de la métamorphose.
Voici les résultats auxquels j'ai abouti. Il y a lieu de considé-
rer dans la formation du vomer deux processus
1° le déplacement du bord denté et de la plaquette osseuse
qui résulte de l'union des socles dentaires ; -
2° l'édification définitive de l'os en tant que pièce osseuse :
complète possédant à la fois une région dentée et une lame
dépourvue de dent, lame très étendue qui est le bouclier vomé-
rien.
Fait important, ces deux processus ne sont pas simultanés ;
il se succèdent dans le temps au point qu'ils peuvent marquer
le moment de la métamorphose. Il y a donc intérêt à prendre
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 399
Fig. 53. — Diagramme de l’évolution de l’appareil voméro-ptérygo palalin,
du carré et du cartilage antorbital, au cours de la métamorphose de Sala-
mandra maculosa, Laur. (Vue ventrale de la voùüte palaline du côté
droit) : 40 à la fin de la période larvaire (voir la description du n° 4);
29 au début de la métamorphose (n° 5): 3° au milieu des transforma-
tions externes (n0 6); 40 à la fin de la métamorphose externe (n° 9);
)0 après la métamorphose (no 10, forme parfaite jeune). — La ligne
transversale pointillée marque l'extrémité antérieure du vomer larvaire
avant la mélamorphose. La ligne pleine transversale postérieure seclionne
le carré, sur chaque dessin, à distance égale de sa jonction antérieure au
trabécule crânien : @o, cartilage antorbital : apd, apophyse dentée du
vomer adulte; ca, cartilage carré ; ch, choane; dn, dent vomérienne de
nouvelle formation ; ms, maxillaire supérieur ; os, orbito-sphénoïde ;
pp, ptérygo-palalin ; ps, parasphénoïde ; pt, ptérygoiïde cartilagineux ;
tr, labécule crânien.
400 P, WINTREBERT
chacun d'eux comme phénomène caractéristique d’une étape
et à diviser la période de transformation en deux parties : 1° /e
stade de migration du bord denté; 2% le stade d'ossification
générale définitive. |
À. Stade de migration du bord denté. — Ce stade est contem-
porain des changements de rapport qui ont lieu entre le vomer
et les organes voisins et des phénomènes de remaniement qui
affectent ceux-ci; il coexiste avec les modifications de: la
capsule nasale. Il est facile de comprendre que le temps de
ces remaniements profonds ne peut être pour le vomer qu'une
période de préparation ; mais le mode de cette préparation est
tout à fait particulier. En effet, si d’un lot de Salamandres ayant
commencé au même moment leur transformation on distrait
chaque jour un spécimen pour suivre la marche des événements,
on s'aperçoit que la saillie muqueuse, placée d’abord comme
le vomer de la larve (fig. 3) près de la choane et du bourrelet
muqueux de l'arc maxillaire, se porte en dedans et s'étend
progressivement en arrière. On constate sur le bord interne de
la saillie la présence de dents nombreuses qui montrent leur
pointe brune et l'on ne remarque de dents en aucun autre
endroit ; la série des figures 5, 7, 9, 11, 15, 19 permet de suivre
le déplacement graduel et le changement d’aspect du gonfle-
ment muqueux. La dissection de la muqueuse permet de dénom-
brer toutes les dents, les plus jeunes qui ne pointent pas encore
à la surface et les plus âgées qui sont apparentes à l'extérieur,
et de noter leur position réciproque ; toujours les premières sont
situées dans la partie la plus avancée de la saillie muqueuse,
c'est-à-dire à son côté, interne et postérieur, tandis que les secon-
des se trouvent vers l'avant et plus près du centre de la tuméfac-
tion. C’est à ce niveau que l’on découvre la plaquette vomérienne
constituée par les socles unis des dents les plus développées
(fig. 6, 8, 10, 12, 16, 20). La migration de la saillie vomérienne
continue jusqu'à ce que le bord denté soit arrivé à la place qu'il
occupe chez l'adulte.
Chez Amblystoma tigrinum, la comparaison des figures 41, À
et 42, B, avec les figures 29, 31 et 32, montrent le chemim
parcouru par le foyer muqueux de néoformation dentaire.
La plaquette vomérienne-croit en dimension dans le sens de
la migration de la saillie muqueuse, c’est-à-dire sur son côté
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 404
interne et postérieur, par apposition et soudure de socles den-
taires nouveaux et se désagrège au même moment sur sa par-
tie antérieure etexterne par la chute des dents les plus vieilles
et le délitement de leurs socles unis. Le début de ce processus
a été vu par O. HerrwiG chez Salamandra maculosa. S'éten-
dant ainsi d’un côté, diminuant de l’autre, la lamelle vomé-
rienne est le siège d’un renouvellement constant de matériaux.
La durée des dents est courte, Le cycle de leur vie est bref ; aussi
la lamelle osseuse reste-t-elle toujours petite. Elle est particuliè-
rement étroite chez Amblystoma figrinum (fig. 40, A1, 42).
On se rend compte aisément que le transport de l'appareil
vomérien n'est qu'une apparence ; la plaquette osseuse en effet
n'est jamais la même à des moments différents de la transfor-
mation et malgré qu’elle puisse garder longtemps des dimen-
sions et une forme semblables, elle se trouve en réalité, à cha-
que changement de situation, composée de parties nouvelles.
Les dents apparaissent isolément, grandissent, s’adjoignent un
socle de cément, se réunissent entre elles et se soudent à la
lamelle osseuse en l’allongeant de leur côté ; puis elles dégé-
nèrent et tombent ; leurs socles se décalcifient et le piédestal
osseux formé de leur jonction s’'évanouit à son tour ; mais tou-
tes les modifications successives d'une dent s'effectuent sur place
et c'est le processus même de foisonnement dentaire qui s'é-
tend ; plus loin des dents jeunes effectuent un cycle identi-
que et bâtiront une nouvelle lame osseuse transitoire. Ce qui
est remarquable, c'est que les dents naissent dans un sens seu-
lement et justement dans la direction voulue pour l'édification
future de l’apophyse dentée. En sens opposé on rencontre par-
fois dans la muqueuse de vieilles dents luxées et l’on constate
entre la muqueuse et la lame aponévrotique sous-jacente, et
semble-t-il dans l'épaisseur même de celle-ci, de petits débris
osseux, grains, paillettes, petits fragments de lamelle, qui
paraissent provenir de la désagrégation de la plaquette vomé-
rienne (fig. 40 B et D, fig. 42 B).
La topographie des éléments qui composent l'appareil vomé-
rien en transformation peut s'établir ainsi (fig. 20). Dans la
saillie muqueuse (b) dont les limites sont marquées par un poin-
tillé on peut définir plusieurs régions ; sa partie postérieure, la
plus étroite, la dernière née, ne montre encore à la dissection
402 P. WINTREBERT
aucune trace de dents ; son extrémité même n'est qu'un bour-
souflement superficiel sans aucune participation du tissu sous-
muqueux ; mais en avant on remarque l'apparition d’un sou-
bassement fibreux (#1) qui s'étend, au delà, à tout Le territoire
de néoformation dentaire. Les dents naissent un peu plus avant
que l'extrémité postérieure de cette membrane fibreuse ; elles
sont placées particulièrement sur le bord interne du gonflement
muqueux (fig. 19) et croissent en hauteur à mesure qu’on se rap-
proche de sa base antérieure où se trouve la plaquette vomé-
rienne. Celle-ci qui résulte de leur fusion comprend elle-même
deux territoires, l’un interne, dentaire, où les dents peuvent être
implantées sur 2 et 3 rangées, l’autre externe, dépourvu de
dents, siège d'une régression qui découpe ses bords (fig. 20 B)
et le perce de trous (fig. 10 et 20 B). On voit parfois assez net-
tement sur la région qui avoisine les dents en place, la trace
des dents tombées ; Les bases de leurs socles restent visibles
sous l'aspect de petites cuvettes cratériformes à bords sur-
élevés (fig. 16).
En raison de la marche très régulière des processus de
foisonnement dentaire dans un sens connu et déterminé il
est possible d'apprécier, chez un animal donné, à quelle phase
du stade de « migration du bord denté » il est parvenu ; il suf-
fit de connaitre l'endroit du vomer larvaire et la place que doit
occuper l'apophyse dentée de l’adulte pour mesurer à peu près
exactement, grâce au trajet déjà parcouru et le chemin qui
reste à parcourir, le degré de transformation auquel la voûte
palatine est arrivée.
Si l’on cherche à établir une correspondance chronologique
entre les phénomènes de remaniement vomérien et les phéno-
mènes extérieurs, on voit que l'animal a pris la parure adulte
avant que Le stade de « migration » soit terminé: ainsi la figure 14
indique qne Salamandra maculosa n° 8, à part la persistance de
résidus branchiaux, présente un aspect terrestre, caractérisé par
l'éclat des taches jaunes et les saillies glanduleuses de la peau,
alors que la voûte palatine (fig. 15) n’est encore qu'à moitié
de sa transformation; quand les branchies ne sont plus qu'à
l’état de petits moignons, l'extrémité des saillies vomériennes
n'a pas encore atteint en arrière sa place définitive (fig. 18 et
19). Le retard de la transformation vomérienne sur le change-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 403
ment de l'habitus extérieur est encore bien plus prononcé chez
Amblystoma ligrinum, comme le montre la figure 42, où
l'on voit (A) l'opercule branchial fermé, les branchies dis-
parues, alors que le gonflement muqueux n’a pas atteint
sa position transversale définitive et qu'il ne contient encore
qu'une lamelle osseuse extrêmement exiguë. On peut donc assu-
rer que la fin du stade de «€ migration vomérienne » est posté-
rieure à la fin de Ia métamorphose externe.
La régularité avec laquelle recule le bord denté, en corres-
pondance avec les phénomènes de transformation externe et
l'état général de l'animal est mise en valeur par son arrêt en
cours de route chez les Amblystomes remis à l’eau à la fin de
la métamorphose externe et chez qui, par ce procédé, on a fait
cesser les processus de métamorphose (fig. 41 et 45).
B. Stade dossification définitive. — Après que Les changements
externes se sont accomplis, le vomer, dont le bord denté est
arrivé à sa place définitive, n'est encore constitué que par la
réunion de quelques socles dentaires (fig. 40, 41, 42); mais
dans toute la région où il va s’édifier, on remarque la présence
d’une membrane fibreuse épaisse, parsemée de grains osseux
au voisinage de la plaquette dentaire, dont les contours indécis
marquent à peu près l'étendue du bouclier vomérien (fig. A1,
42). Très rapidement, alors que les remaniements des organes
sous-Jacents sont terminés, cette membrane se précise et s'ossifie
en même temps que le bord denté se complète et se consolide
(n° 10, fig. 22). Je n'ai malheureusement pu suivre cette phase
aussi complètement que le stade de migration: je puis seule-
ment affirmer qu'elle est très rapide ; car la jeune salamandre
terrestre (n° 10, fig. 22, 25) qui montre définitivement cons-
titué le bouclier vomérien, n’est pas beaucoup plus longue
(70 millimètres) que la larve n° 9/62 millimètres) en cours de
métamorphose, dont le vomer est encore au stade de migra-
tion (fig. 19 et 20 A).
Mais ce qui ressort sans conteste de cette étude c'est que
l'origine du vomer adulte n’est pas la même que celle du vomer
larvaire ; celui-ci ne dérive que d'une formation dentaire ; /e
premier provient à la fois d'une néoformation dentaire et d'une
ossificalion membraneuse; en effet, à aucun moment, on ne
voit de dent ébauchée sur tout le territoire du bouclier vomé-
27
40% P. WINTREBERT
rien ; toute la région du foisonnement dentaire est reléguée à
la partie postérieure de la plaquette vomérienne et l’on ne ren-
contre à sa partie antérieure que des débris osseux résultant
de sa désagrégation.
IL est aussi fort intéressant de noter, au point de vue de la
marche générale des événements, que l'établissement des lon-
gues apophyses dentées de S'alamandra maculosa (fig. 22 et 23)
ne procède pas d'ébauches disjointes et multiples, disséminées
sur le trajet de l'organe, et qui en grandissant simultanément
deviendraientconfluentes, mais résulte de l'extension de proche
en proche, dans un sens déterminé, d’un foyer de néoformation
dentaire, comme si la présence d'un tissu osseux, déjà constitué
dans le voisinage, était nécessaire à l'élaboration d'une dent
nouvelle. ;
Le déplacement si curieux du foyer d'activité dentaire est
très spécial. On ne peut guère le comparer à l'extension d'une
ébauche ou d'un bourgeon ; car ceux-ci s'étendent en conser-
vant une attache avec leur base, d’où ils reçoivent leurs éléments
constitutifs et les matériaux qui servent à leur croissance.
Ici, au contraire, nous trouvons au sein d’un même territoire,
d'un côté la vie, l’organisation, le développement intensif, de
l’autre, la régression, la mort, la dissémination des fragments
de destruction et leur reprise partielle par l'organisme. Cepen-
dant, à la réflexion, il n'y a rien dans ces processus différents
et simultanés qui soit plus surprenant que l'intrication côte à
côte dans un organe, au cours de la métamorphose, d'éléments
qui croissent et d'éléments qui disparaissent. La particularité
la plus digne de remarque au niveau du vomer, pendant la
phase de migration du bord denté, parait consister dans la
localisation stricte, au même moment, des phénomènes d’histo-
genèse et des phénomènes d’histolyse en des points opposés de
l'os et dans la succession, dans le temps, des deux processus au
même endroit.
Mais c'est aussi parce que le vomer est une pièce osseuse
superficielle et mince, dont le bord denté est issu d’un fover
muqueux de néoformation dentaire apparent à l'extérieur, que
l’on peut déceler sur lui, avec autant de facilité et de précision,
les modes de sa transformation.
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 405
VI. — La formation du ptérÿygoidé osseux définitif.
La figure 53 indique le moment et le mode des transforma-
tions du ptérygoïde osseux dans leur rapport avec les autres
modifications de la voûte palatine.
Après la disparition de sa palette dentée et de sa tige moyenne
(voir ch. IV) le ptérygo-palatin larvaire, réduit à l'aile ptéry-
goïdienne, subit un remaniement inportant; pourtant ce rema-
niement est moins prononcé que celui du vomer et surtout il
ne se traduit à l'extérieur par aucun phénomène. Aucune
saillie muqueuse ne l'accompagne et il faut comparer attentive-
ment les aspects de l'os aux divers moments de la vie larvaire
de la métamorphose et de adulte, pour apprécier Les change-
ments dont il est le siège. Il n'est pas d'origine dentaire, mais
tout entier construit par une ossification membraneuse directe
(O. Hgrrwie, 14874). On constate cependant, comme pour le
vomer, qu'il existe deux stades distincts dans sa transformation :
1° un stade de préparalion pendant lequel l'os régresse et
s'amincit et 2 un stade d'achèvement ou d'ossification défini-
tive pendant lequel Ia forme nouvelle de los est établie. Mais
tandis que le vomer manifeste extérieurement dans la première
phase une activité de renouvellement très intense, par la pro-
gression régulière et ordonnée de sa plaquette dentée, Le ptéry-
goïde ne présente guère à ce moment, au point de vue macros-
copique du moins, que de légères modifications de l'aspect
et des proportions de ses différentes parties. [Il en est tout
autrement si, au lieu de considérer le ptérygoïde en luismême
isolé de l'organisme, on envisage le déplacement du ptéry-
goïde par rapport aux organes de la voüte palatine. En effet
il est inséré par sa base postérieure sur la face ventrale du
quadratum (fig. 8) et l'extrémité distale de celui-ci se porte
en arrière dès le début de la métamorphose. Les ptérygoïdes,
tant osseux que cartilagineux du même côté, prennent donc
ensemble, et de concert avec lui, une nouvelle orientation.
L'extrémité antérieure du ptérygoïde osseux, tournée en dedans
chez la larve (fig. 2, 4, 29 à 32), se porte en dehors. Ce fait,
déjà connu, ressort clairement de lexamen des préparations,
de Salamandra maculosa (fig. 8,10). Déjà, pendant la disparition
406 P. WINTREBERT
des régions antérieure et moyenne du ptérygo-palatin larvaire,
disparition très précoce, on peut surprendre le recul simul-
tané des extrémités distales du carré et des ptérygoïdes ; cha-
cune de leurs parties tourne autour de l’attache, devenue
mobile du quadratum au crâne, suivant un segment de cercle
qui à comme rayon la distance qui la sépare de cette attache.
Seulement, le quadratum est à l’état larvaire presque transver-
sal, tandis que l'angle antérieur du ptérygoïde osseux est dirigé
en dedans ; aussi la surface articulaire du carré se dirige-t-elle
en arrière, tandis que l'extrémité antérieure du ptérygoïde
commence par se dévier en dehors. Le déplacement est si
précoce qu’il semble débuter avant même que la tige
osseuse ptérygoïdienne ne soit rompue (fig. 6) et l’on peut se
demander jusqu'à quel point la rotation en dehors et en
arrière de l'aile ptérygoïdienne n’est pas en cause dans la
rupture de cette tige, rendue fragile par la régression (comparer
les fig. 4 et 6). Ce qui donne à cette opinion quelque vraisem-
blance, c'est la position presque transversale que prennent cer-
tains fragments antérieurs isolés, disposés comme s'ils résul-
taient du bris d'une courbure saillante en dehors ; mais il est
plus probable que cette orientation des fragments est consécu-
tive à la fragmentation; car, sous l'os de membrane décalcifié,
reste la membrane et celle-ci demeurant encore quelque temps
en rapport avec l'aile ptérygoïdienne, peut entrainer en dehors
les morceaux épars.
La pointe antérieure du ptérygoïde et la plaquette vomé-
rienne émigrent en sens inverse, l’une en dehors, l’autre en
dedans (fig. 10) ; l'intervalle qui les sépare augmente de plus
en plus.
Pendant ce temps, l'aile ptérygoïdienne subit dans sa sub-
stance quelques légers changements ; elle s’amineit ; ses bords
deviennent crénelés, sa pointe irrégulière. En dedans du ptéry-
coide cartilagineux, et surtout au niveau de l’attache de celui-ci
sur le carré, on remarque un léger recourbement vers le haut
du bord interne de l'os qui tend à entourer ou du moins à épau-
ler le cartilage du côté de la ligne médiane (fig. 13).
Les rapports entre Les extrémités antérieures des ptérygoïdes
osseux et cartilagineux sont intéressants à noter parce qu'ils
montrent le moment où commence le changement propre
LA VOUTR PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 407
d'orientation de la pièce osseuse. À plus de moitié de la méta-
morphose externe la pointe du ptérygoïde osseux est encore
en dedans de l'extrémité du ptérygoide cartilagineux (fig. 13).
Vers la fin des changements de la parure, la pointe osseuse,
régularisée dans sa forme, passe en dehors de celle-ci (fig. 17).
Cependant même à ce moment l'aspect général de los n’est
guère modifié (fig. 21); il a conservé sa forme triangulaire ; il
est un peu moins plat et ébauche une légère concavité de sa
face dorsale ; son bord interne épaissi monte en dedans de la
base du ptérygoïde cartilagineux ; voilà à quoi se réduisent ses
changements chez Sa/amandra maculosa à la fin du «stade de
préparation ». La larve d’Amblystoma tigrinum qui reste à
l’état d’Axolotl présente à un âge un peu avancé quelques-unes
de ces modifications, ce qui tendrait à démontrer qu'elles ne
sont pas essentiellement d’origine métabolique ; ainsi le ptéry-
goïde vieux acquiert un bord interne plus épais, qui se relève le
long du ptérygoïde cartilagineux ; celui-ci s'imprime sur la face
dorsale de l'os dans une gouttière peu profonde (fig. 32, 36, 37)
et, d'autre part, le bord externe aminci peut présenter des phé-
nomènes de régression (fig. 31, 32). Mais au cours de la méta-
morphose, après la fin des changements externes,, quand les
branchies sont déjà recouvertes par l’opercule et que toute com-
munication cervicale du pharynx avec l'extérieur a disparu
(fig. 41 D et 42 D), on trouve les ptérygoïdes osseux très amin-
cis, décalcifiés, et déjà profondément modifiés. Malgré qu'à
cette époque le vomer ne soit encore qu'une petite plaquette
dentée (fig. 41 À, C; 42, B), nous observons que commence,
pour les ptérygoïdes, la seconde période de la transformation :
le stade d'achèvement ou d’ossification définitive.
Il est probable sans que je puisse l’affirmer que ce deuxième
stade est préparé par l’organisation d'uné membrane fibreuse
aux lieu et place où se produira l'ossification ultérieure ; en
tout cas celle-ci ne se fait que lorsque Les organes voisins ont
accompli leur remaniement et en particulier quand le quadra-
tum a terminé son transport en arrière. Les changements sont
particulièrement apparents chez Amblystoma tigrinum: ils ont
été décrits à propos du n° 24 (p. 363); on peut les apprécier
rapidement par la comparaison des figures 41 D et 42 D avec
les figures 46, 47 et 49. Après la période des transformations
408 P, WINTREBERT
externes, au début de l'ossification nouvelle des ptérygoides,
l'ouverture entre Les branches antérieure et postérieure corres-
pond à un angle de 110° environ; cette ouverture n’est plus
que de 80° chez l'Amblystome parfait. Le décroisement des
extrémités antérieures des ptérygoïdes osseux et cartilagineux
et leur orientation parallèle vers Le maxillaire est aussi l’un des
signes les plus caractéristiques du remaniement ptérygoï-
dien ; la branche postérieure du ptérygoïde pouvant être con-
sidérée comme fixe à cause de son attache au quadratum, on
devait supposer que la diminution d'ouverture du compas pté-
rygoïdien résultait du seul déplacement de la branche anté-
rieure ; le décroisement des extrémités vient prouver le bien
fondé de cette opinion (fig. 53).
Nous trouvons donc dans les phénomènes observés pendant
la métamorphose sur le ptérygoïde la confirmation des faits
constatés sur le vomer, et il parait justifié de concevoir que le
remaniement de ces os superficiels s’accomplit en deux temps :
1° l’un de préparation, correspondant à la transformation des
organes voisins, où le bord denté du vomer émigre à sa place
définitive, où le ptérygoïde transporté passivement s’aminceit et
régresse, 2 l’autre d'achèvement, caractérisé par l'ossification
directe d'une membrane fibreuse sous-muqueuse, qui a pris au
préalable les dimensions et la forme de los définitif.
VII -- La conformation des dents et le mécanisme de leur
chute pendant la métamorphose.
À. La formation des dents vomériennes a été étudiée au point
de vue macroscopique chez Amblystoma ligrinum pendant le
stade de « migration du bord denté ». La distribution de la
substance osseuse le long de la dent paraît intéressante à noter.
Aucune des dents formées, chez les trois Axolotls (n°22, 23, 24)
parvenus à la fin de la métamorphose externe, n'est complète-
ment ossifiée ; toutes, même celles qui par la réunion de leurs
socles forment une petite plaquette osseuse (fig. 40 B; 41 B,
42 CO) ont la partie supérieure du socle fibreuse ; toutes sont flexi-
bles à mi-hauteur et peuvent être pliées par une pression por-
tée sur la pointe. Les plaquettes ne sont donc constituées que
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 409
par la jonction des bases osseuses ; du reste, elles sont extrè-
mement minces et étroites et ne comprennent qu'un petit nom-
bre de dents généralement alignées sur une seule rangée trans-
versale. En avant des plaquettes, les dents, déjà vieilles, tombent ;
en arrière, les dents naissent et grandissent, mais sont encore
isolées les unes des autres ; leur socle est presque complè-
tement fibreux et leur base, à peine ossifiée, ne s'étale pas
encore pour se joindre à la base des dents voisines. D'autre
part, le cône de dentine et d’émail est toujours la première
partie et parfois la seule développée. Dans ces conditions,
il semble légitime de penser que les dénts implantées sur
les plaquettes sont encore en état de croissance ou seu-
lement au maximum de leur ossification et l’on doit considérer
que chacune des régions ossifiées, cône de dentine et d'émail
d’une part, base osseuse du socle d'autre part, non seule-
ment dérive d'un centre d'ossification distinct, mais que l'ossi-
fication de la partie haute du cément se produit à partir du
bas et en dernier lieu, et que la formation de tissu ossifié
subit un temps d'arrêt pendant le développement de la partie
supérieure du socle. On voit même des dents situées en
dedans de la plaquette osseuse et presqu'au même niveau
transversal qu'elle (fig. 40, B et C) qui sont dépourvues de toute
ossification du socle et s'implantent directement sur la mem-
brane fibreuse : celle-ci sertit leur base, et l’enclave dans une
sorte de petite alvéole (fig. 40, C).
On est donc endroit de se demander si l'ossification des socles
qui commence par la base n'aurait pas pour origine une ossifi-
cation membraneuse directe. À cette question, la réponse est
négative. Il est avéré par l'étude du n° 19 (fig. 42, C) que l’ossi-
fication de la base des dents implantées sur la membrane
fibreuse reste exclusivement limitée à la région dentaire elle-
même et qu'elle ne s'étend pas à la membrane de soutien et,
d'autre part, on rencontre des dents isolées qui sont déjà
munies d'une base osseuse, On aboutit donc à cette conclusion
que tout le tissu osseux construit au cours de la première
période de remaniement ou de préparation, c’est-à-dire pendant
le stade de la « migration du bord denté » est bien d'origine
exclusivement dentaire. La dent n’est pas d’une seule venue
au point de vue de l'ossification ; mais il est indéniable que la
410 P. WINTREBERT
caleification de sa base, malgré l’interposition entre celle-ci et
le cône de dentine d’une partie uniquement fibreuse, Jui appar-
tient en propre. L'ossification de la membrane fibreuse placée
au-dessous des dents est un phénomène ultérieur surajouté.
O. Henrwie (4874) à signalé chez Rana, Salamandra, Tri-
ton, une zone fibreuse de séparation, très étroite, entre la
couronne et le socle de cément ; mais ilindique qu’elle n'existe
pas chez l’Axolotl. Les dents en train de se résorber qu'il a
examinées (PI. V, fig. 2 et 3, p. 114) se décalcifient par la base
en laissant intacte la plaquette osseuse sous-jacente.
B. Le mécanisme de la chute des dents est facile à saisir. Les
dents âgées ont une pointe saillante au-dessus de la muqueuse,
exposée aux chocs et à la pression des aliments ; quand elles
sont réunies aux dents voisines, implantées sur un piédestal
osseux, encroûtées de calcaire sur une partie de leur hauteur,
(ig. 42, C) les chocs les courbent sans les déraciner ; mais si les
socles sont presque entièrement décalcifiés, les dents devenues
indépendantes de leurs voisines, isolées dans leur implantation
sur l'os auquel elles ne tiennent plus que par leur fond, sont
luxées au moindre heurt. L'ablation, même prudente, de la
muqueuse au moment de la dissection arrache toujours de la
plaquette une certaine quantité de dents âgées ; elles se rom-
pent au bas de leur socle fibreux, en laissant sur l'os un léger
rebord arrondi (fig. 16).
Le phénomène de la persistance de la plaquette osseuse,
sous-jacente aux dents tombées, suggère encore, malgré le tra-
vail d'O. HerrwiG (1874) l’idée d’une indépendance originelle
entre la dent et son piédestal, mais la question qui pourrait
être reprise utilement dans le sens des rapports étroits qui
lient les états anatomiques et biologiques ne peut être résolue
que par des recherches histologiques.
Dans la régression osseuse provoquée chez les larves par la
maladie ou la privation de nourriture, les phénomènes de décal-
cification réduisent la dent fonctionnelle à un état semblable à
celui des dents formées dans la première période de la méta-
morphose (n° 17 à 21); mais dans ces cas l’intercalation d'une
partie fibreuse décalcifiée entre deux régions osseuses est
secondaire. L'intérêt des observations faites à l’époque de la
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ #11
transformation est de montrer que cette conformation des dents
peut être primitive.
VIII. — La disparition de l'autostylie à l'époque de la
métamorphose et chez le jeune animal parfait.
Le problème de l’autostylie des Urodèles n'est abordé ici
que d’une manière incidente et mériterait des recherches plus
complètes. J'apporte seulement quelques indications. Elles ten-
dent à démontrer que l’autostylie larvaire, au sens d’une conti-
nuité de substance cartilagineuse entre le suspenseur et le crâne,
cesse d’exister au moment de la métamorphose. La mobilité
dont fait preuve le quadratum à sa base est en rapport avec le
recul de sa partie distale; elle explique comment celle-ci se
déplace suivant un are dé cercle dontle rayon est constitué par la
tige même du suspenseur. Déjà Srônr (4879) avait montré chez
Triton cristatus que l’attache au crâne du pilier otique subis-
sait une fonte au moment de la transformation ; mais Gaupp
(14906) affirme que le processus basal reste uni à la base du
crâne. Les observations que j'ai faites sur Salamandra (n° 10)
et Amblystoma tigrinum (n° 22, 23, 2%) prouvent au contraire
que le pilier basilaire présente une fente articulaire entre les os
ptérygoïde et parasphénoïde. Chez la jeune Salamandre n° 10
le carré jouit encore d'une mobilité très nette, comme au
moment de la métamorphose.
Cette mobilité est transitoire ; elle n'existe plus chez la Sala-
mandre adulte (n° 11). La fixation nouvelle du suspenseur tient
essentiellement à l’adossement et à la superposition des os de
revêtement qui entourent son attache au crâne. [s'agit done 1ci
d'une autostylie osseuse secondaire. Les mêmes constatations ont
été faites chez Amblystoma tigrinum (n% 27 et 28) et chez
Amblystoma opacum (n° 29). Il y a lieu de désigner par
des termes différents l'autostylie vraie primitive et l'autostylie
secondaire et je me rallie à l’idée de Grecory (1904) et de
Kerr Granam (1908) qui proposent de donner le nom de pro-
tostylie à la première,
412 P. WINTREBERT
IX. — La signification phylogénique de l'appareil denté
pterygo-palatin.
L'appareil ptérygo-palatin considéré dans son ensemble est
constitué par plusieurs éléments, une pièce osseuse, une tige car-
tilagineuse, un substratum fibreux (Voir fig. 33 et 34), et si l’on
veut comprendre sa valeur au point de vue phylétique il importe
de rassembler toutes les données que fournit l'étude de ses par-
ties constituantes. Wiepensaeim et Parker(1877) ont entrepris, les
premiers, l'étude systématique de la tête des Urodèles, mais ils
se sont attachés surtout à la description du squelette cartilagi-
neux et osseux et ont mis au second plan l'étude de l'élément
fibreux. Il est cependant facile de montrer l'importance des
ligaments dans la comparaison des squelettes craniens des Ver-
tébrés mférieurs ; Le plus grand nombre des os est d’origine mem-
braneuse : un territoire osseux décalcifié devient un ligament
résistant, malléable et souple, et, d'autre part, des ligaments
en s'ossifiant peuvent devenir rigides et constituer de solides
points d'appui. Si l'on juge de ce point de vue la tête des Uro-
dèles, on s'aperçoit qu'elle est beaucoup moins différente de
celle des autres Amphibiens qu'elle nelle parait quand on fait
abstraction de l'élément fibreux : en effet, les ligaments qua-
drato-maxillaires très puissants qui encadrent le débouché infé-
rieur de la loge temporale tiennent lieu des quadrato-jugaux et
des ptérygoïdes des Anoures et des Stégogéphales, Et d’au-
tre part, il ne semble pas légitime de considérer que l'absence
des os représentés par ces ligaments dans la tête des Urodèles
prouve un état de dégénérescence de celle-ci vis-à-vis de celle
des Stégocéphales (Moon, Watson) ; un examen plus complet
démontre qu'elle est seulement bâtie sur un autre plan (Winrre-
BeRT, 1910); en effet à la diminution de résistance des massifs
latéraux correspond une augmentation compensatrice de soli-
dité de la partie centrale et plus particulièrement du parasphé-
noïde, pour laquelle on ne peut parler de régression ; et si l'on
veut quand même faire dériver les Urodèles des Branchiosau-
riens on est obligé d'admettre une transformation tout à fait
insolite du crâne de ces derniers. Ainsi par la seule étude
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 413
de l'architecture eranienne générale on est conduit à penser
que les Urodèles ne peuvent provenir des Stégocéphales.
Mais l'étude de l'appareil ptérygo-palatin larvaire des Uro-
dèles permet d'aller plus loin et d'affirmer qu'ils ont des carac-
tères primitifs qui manquent aux Protritons. [Is possèdent en
effet dans cet appareil larvaire un rappel de la région palatine
du palato-carré des Poissons. Les deux formations sont orien-
tées d'une facon semblable, en avant et en dedans, vers la
région ethmoïdale médiane. Sans doute l'arc denté interne
ptérygo-palatin est représenté surtout par une pièce osseuse,
d'origine à la fois dentaire et membraneuse, et elle n’est pas
soutenue par un substratum cartilagineux complet; mais ne
doit-on pas penser que le développement précoce du squelette
osseux à déterminé ici, comme chez les Dipneustes (Lepidosi-
ren, Protopterus), la réduction du squelette cartilagineux ?
J'ai suivi pas à pas aux différents âges larvaires chez Ambly-
stoma tigrinum (Noir ch. I) le développement et fa croissance
de l'are denté osseux ; je n'v reviendrai pas; mais Je résume-
rai l'évolution du ptérygoiïde cartilagineux et de l'élément
fibreux ptérygoïdien. à |
l. — Le ptérygoïide cartilagineux.
A. Chez la larve. — Le ptérygoïde cartilagineux né tardive-
ment, bien après le développement du ptérygo palatin osseux
(fig. 28 et 30), comme une excroissance de la partie interne du
cartilage carré, s'applique immédiatement à la face dorsale de
l'aile ptérygoïdienne (fig. 30) ; il y est placé près son bord interne
et pendant la plus grande partie de la vie larvaire chez Salaman-
dra (fig. 4 et 6), se dirige en avant sous l'aspect d'une tige
digitiforme, située à distance du trabécule cranien, mais presque
parallèle à lui. Chez l'Axolotl, pendant longtemps il conserve
la même direction vers l'avant (fig. 30,31), mais chez les larves
âgées (fig. 32), arrivé sur La face dorsale du ptérygoïde osseux
au milieu de sa longueur, il se coude brusquement en dehors,
croise la tige ptérygoïdienne et s'oriente vers le maxillaire (fig.
34 et 53). Celui-ci se développe aussi tardivement (fig. 26, 27,
28); mais quand se produit le changement d'orientation de la
tige cartilagineuse, il est déjà bien développé (fig. 31, 32). Ue
414 P. WINTREBERT
changement brusque de direction a déjà été nettement signalé
et figuré chez quelques espèces (WixsLow, 1898. PI. IT, fig. 9
et 20) mais on ne s’est pas préoccupé de chercher sa cause et
sa signification.
Les dissections du ptérygoïde cartilagineux montrent qu'il
est inclus dans une gaine fibreuse émanée de la paroi interne
de la loge temporale, contre laquelle il est comprimé à sa nais-
sance par le ptérygoïde osseux. Dans sa croissance tardive, il
trouve devant lui, sur son chemin, des structures déjà réalisées
qui lui font obstacle et qu'il ne peut vaincre. Il chemine
d'abord en avant. jusqu’à la partie antérieure de la loge tem-
porale, libre dans la gaine fibreuse qui l'entoure ; mais à cet
endroit il est arrêté par le fascia prétemporal qui sépare cette
loge de la région orbitaire. Il ne pénètre pas dans celle-ci,
mais dévié en dehors il suit vers le maxillaire la cloison apo-
névrotique interorbito-temporale A l'endroit de sa rencontre
avec celle-ci on observe souvent la formation d’un renflement,
d'un bouton (fig. 33, 39), comme si le ptérygoïde, empêché de
continuer sa marche en avant, se développait sur place en lar-
geur et en épaisseur; parfois le globule cartilagineux marque
en effet l'extrémité de la tige (fig. 33); d’autres fois, celle-ei
après s être renflée pousse un prolongement (fig. 39); mais ce
prolongement est alors nettement dirigé en dehors. La plupart
du temps les tiges cartilagineuses, sans changer de diamètre,
s’orientent franchement et d'emblée versla pointe du maxillaire
(fig. 32, 34).
L'extrémité du ptérygoïde cartilagineux est généralement
libre au milieu des trousseaux fibreux qui l'entourent, ainsi que
l'a montré Wieversaem ; et il n’est pas rare, en incisant la
gaine tout le long de la tige, de voir que celle-ci s'énuelée
d'elle-même de son enveloppe. Dans cette manière indépen-
dante de se comporter vis-à-vis des tissus qu'elle trouve sur son
passage le ptérygoïde cartilagineux se rapproche beaucoup du
cartilage antéorbital, qu'on s'étonne aussi de trouver sans
aucune adhérence dans les tissus fibreux où il est plongé.
Mais cette indépendance n'est pas toujours complète et le
ptérygoïde cartilagineux, en certains points de son parcours,
contracte des connexions fibreuses avec les organes avoisinants.
À vrai dire, le résultat des investigations ne porte pas à penser
Or
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 41
que ces connexions sont essentielles, ni même normales, mais
plutôt qu'elles sont formées par des adhérences éventuelles de
la tige avec les faisceaux fibreux de la gaine ; en effet, c'est sur-
tout aux endroits où celle-ci change de direction, etsur les ren-
flements de son trajet, que l’on observe des insertions liga-
menteuses et l'on doit penser que ces dernières sont produites
par irvitation au moment d'un stationnement prolongé du
ptérygoïde devant un obstacle.
Cette interprétation s’appuye sur des faits nombreux récol-
tés chez l'Axolotl. C'est ainsi que des faisceaux fibreux partent
généralement de la partie interne de la tige près de son coude
vers le maxillaire (fig. 34, 39) et se rendent à la base du car-
tilage antorbital et au plancher nasal en passant au-dessus de
la palette dentée ptérygo-palatime et du vomer ; ces faisceaux
fibreux sont simplement des fibres ligamenteuses quadrato-
ethmoïdales (fig. 31 et 32) qui ont pris relai sur la tige ptéry-
goïdienne : les mêmes connexions internes existent, peut-être
plus solides encore, lorsque le ptérygoïde se termine par un
bouton derrière le fascia prétemporal (fig. 33).
Quand l'extrémité de la tige déviée en dehors arrive
au-dessus du ligament quadrato-maxillaire interne (fig. 34, 39)
au milieu des trousseaux fibreux qui contournent en avant la
loge temporale, elle adhère encore à quelques-uns des fais-
ceaux qui passent sur la face externe de la loge; mais, même
quand elle se condense en bouton devant le fascia prétempo-
ral (fig. 33), elle s'attache aux fibres de la paroi temporale anté-
rieure et semble être ainsi le point de départ d'une bande
fibreuse qui va rejoindre le ligament quadrato-maxillaire
externe (gme). Ainsi nous constatons que le ptérygoïde carti-
lagineux, au cours de la vie larvaire, peut s'unir éventuelle-
ment : {° aux fibres qui forment le substratum fibreux sous-
jacent aux pièces osseuses de l’arc denté interne ; 2° aux fibres
antérieures de la loge temporale qui se dirigent en dehors vers
le ligament quadrato-maxillaire externe.
B. Au cours de la métamorphose le ptérygoïde cartilagineux
présente une croissance très vive. Nous allons résumer son
évolution chez Amblystoma tigrinum, chez Salamandra macu-
losa et chez Amblystoma opacum.
19 Amblystoma tigrinum. A la fin de la métamorphose
416 P, WINTREBERT
externe, l'extrémité de la tige cartilagineuse se trouve très rap-
prochée de la pointe du maxillaire (fig. 43); elle envoie deux
petits faisceaux fibreux ; l’antérieur se porte à la face interne
du maxillaire et n’est probablement que l’un des faisceaux du
ligament quadrato-maxillaire interne (gmi) adhérent à la tige ;
l’autre qui ne représente vraisemblablement aussi qu'une atta-
che secondaire, contourne en avant la loge temporale et rejoint
le ligament quadrato-maxillaire externe. Chez l'adulte parfait
on ne trouvé pas le ptérygoïde cartilagineux développé plus
avant (fig. 46). On voit ainsi que si sa croissance est rapide
dans la première phase de Ia métamorphose, elle reste limitée
à cette période où s'effectuent les remaniements profonds de
la tête et où les cartilages craniens en général (capsule nasale,
cartilage antorbital, ptérygoïde, carré) montrent une grande
activité de développement. |
20 Salamandra maculosa. — Les liens fibreux que nous venons
de reconnaître à l'extrémité du ptérygoïde chez A. figrinum
nous montrent Les deux voies par lesquelles latige cartilagineuse
peut se frayer un chemin à la fin de sa croissance : la voie
juxtamaxillaire et la voie circumtemporale. La première voie
est connue depuis les travaux de Wiepersaein (1877) ; c'est la
seule qu'il ait indiquée et tous les auteurs ont adopté sa
manière de voir. Pour lui, le ptérygoïde, plus où moins déve-
loppé, plus ou moins long, tend toujours à rejoindre, à la face
interne du maxillaire, le cartilage antorbital, comme il le fait
chez Ranodon (PI. XXII, fig. 69 et 70) et à constituer avec lui
une arcade cartilagineuse complète. C’est la voie suivie par le
ptérygoïde d’'Amblystoma punclatum, comme nous le verrons
plus loin, mais la tige cartilagineuse de Sa/amandra maculosa
prend la voie circumtemporale. Le diagramme de la figure 53
résume les phases successives de son évolution àu cours de la
métamorphose (p. 399). |
Sortie de la gouttière du ptérygoïde osseux (fig. 24) elle se
dirige d’abord en avant, appliquée contre la paroi interne de la
loge temporale et placée parallèlement au-dessus de la corde
quadrato-maxillaire interne ; arrivée au devant de cette loge,
elle bute contre le fascia prétemporal tendu derrière la loge
orbitaire (/0), mais qui présente à ce niveau une courbure con-
cave en arrière et un trajet récurrent vers la pointe maxillaire,
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDAÆ 417
En effet le maxillaire s’est beaucoup allongé et la partie anté-
rieure de la loge temporale, avec le recessus cutané qu’elle con-
tient (fig. 22), se trouve placée en dedans de lui. La tige car-
tilagineuse se dirige non seulement en dehors, mais en haut
de telle facon qu'elle ne rencontre pas la face interne du maxil-
laire supérieur, mais passe au-dessus de lui pour aboutir sur la
face externe de la tête. En cet endroit, elle adhère intimement
à l'anneau fibreux périorbitaire (fig. 26) et, suivant son pour-
tour postérieur, elle monte, se dirige en arrière et se termine
au milieu des faisceaux fibreux de la paroi temporale externe
avec lesquels elle est en intime connexion.
À l'endroit de la première courbe du crochet cartilagineux
(fig. 25) on remarque sur lui l'adhérence de quelques fibres
(p{m) faisant indubitablement partie de l'expansion profonde
du ligament quadrato-maxillaire mterne (ma).
3° Amblystoma opacum.— Le ptérygoïde cartilagineux se coni-
porte suivant le type Ranodon (fig. 52) de Waienersaeim. Cet
auteur indique qu'il se termine près de la pointe du maxillaire
(1877, PI. XXIIL, fig. 76 et 71), sans l'atteindre; je trouve au
contraire qu'il longe sa face interne après s'être coudé manifes-
tement au niveau de la pointe de cet os. Il avait suivi jusque-là
le plan oblique en avant et en dehors de la paroi temporale
antérieure ; il s'en dégage et, côtoyant le maxillaire, 1l se pro-
longe jusqu'à la hauteur de l'apophyse dentée du vomer où il
s’unit par, un ligament à la corne postérieure du cartilage
antorbital; au niveau du coude maxillaire il prend adhé-
rence à quelques faisceaux qui font partie de la loge tempo-
rale et aboutissent, en la contournant, sur sa face externe.
IL — Le substratum fibreux ptérygoïdien.
Le substratum fibreux de l'appareil ptérygo-palatin lar-
vaire est très développé; il est renforcé par des fibres qua-
drato-ethmoïdales (fig. 31, 32) qui se rendent du carré au pour-
tour de la choane et du vomer et-qui parfois font escale sur le
bord interne du ptérygoïde eartilagineux (p#o, fig: 84 et fig. 39).
L'appareil fibreux est surtout visible en cas de décalcification
avancée chez les larves cachectiques (fig. 37), dans les parties
où l'arc dénté interne est régressé. Au moment de la métamor-
418 ‘ P. WINTREBERT
phose toute trace de ce substratum membraneux disparait dans
la région du vomer et de lapalette antérieure du ptérygo-pala-
tin; les ligaments quadrato-ethmoïdaux et vomériens s’éva-
nouissent aussi (fig. 30, 31, 32). Chez l'adulte aucun ligament
ne traverse plus la fosse orbitaire en diagonale en se dirigeant
en dedans. Toutes les fibres émanées du carré se dirigent en
avant ou en dehors (fig. 46, 50), se rendant à la pointe du maxil-
laire, à son apophyse palatine et à l'extrémité de l’apophyse
dentée du vomer.
III. — Conclusion.
De ces faits ressort une interprétation nouvelle des rapports
présentés par le ptérygoïde cartilagineux. S'il ne suit pas la
face dorsale de l’are osseux primitif c’est qu'en raison de sa
croissance tardive il trouve devant lui des plans fibreux qui
l'en empêchent: né sur la partie interne du carré, inclus dès sa
naissance dans la paroi interne de la loge temporale, 1l ren-
contre bientôt devant lui le fascia prétemporal qui l’oblige a
se courber en dehors; au cours de la métamorphose il s’al-
longe vivement et prend soit la voie juxta-maxillaire (Ranodon,
Amblystoma punctatun), soit la voie circumtemporale (Sala-
mandra maculosa). Forcé dès la période larvaire, par la pré-
sence du fascia prétemporal, à se dévier en dehors au lieu de
suivre la face dorsale du ptérygo-palatin osseux, il ne tend nul-
lement à reconstituer, comme le pensent les auteurs classiques,
l’arcade cartilagineuse des Anoures considérée comme primi-
tive, parce qu’elle est complète et que le type structural du
crâne des Anoures ressemble à celui des Stégocéphales. Le pté-
rygoide cartilagineux des Urodèles n’est pas une formation
secondaire comme le pense Gaurr (1906, p. 738). L'appareil
ptérygo-palatin des larves d’Urodèles, avec tous ses éléments,
osseux, fibreux, cartilagineux, est au contraire une formation
primitive, directement apparentée à l’anse ptérygo-palatine du
palato-carré des Poissons, dont il conserve les rapports et l’orien-
tation. L'anse latérale des Anoures qui réunit l'extrémité dis-
tale du carré au processus maxillaire postérieur est un dérivé
aberrant du palato-carré primitif, une formation secondaire ou
si l’on veut plus évoluée, qui semble en rapport avec l'appari-
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 419
tion précoce dans l’ontogénie de l'arc denté maxillaire. Les
larves des Stégocéphales et spécialementdes Protritons (Bran-
chiosauriens) ont dès leur jeune âge un are maxillaire complet;
aussi semblent-elles déjà plus éloigées des Poissons osseux que
les larves d'Urodèles qui possèdent, avant l'apparition du
maxillaire supérieur, un arc interne denté fonctionnel voméro-
ptérygo-palatin. C'est seulement au cours de la métamorphose
que ce dernier perd son unité et que ses éléments remaniés
s'organisent, comme chez la plupart des Vertébrés terrestres,
de façon à soutenir en dehors l’are denté maxillaire, devenu
prévalent.
Le trajet suivi par le ptérygoïde cartilagineux des Urodèles, à la
fin de la vie larvaire, entre la loge tempor ca et la loge orbitaire,
derrière le fascia prétemporal, suggère la manière dont a pu
se former chez les Vertébrés l’arcade cartilagineuse du type
maxillaire aux dépens de l’anse cartilagineuse du type ptérygo-
palatin. Mais en raison de la conformation tout à fait particu-
lière de leur base du crâne, largement développée dans sa partie
médiane, réduite sur ses parties latérales, les Urodèles adultes
ne réalisent que d’une manière le plus souvent imparfaite
l’arcade cartilagineuse complète du type maxillaire
Les faits recueillis dans l’ontogénie des Salamandridæ, rap-
prochés de ceux qui montrent dans le crâne des Urodèles
adultes une architecture tout à fait spéciale, inclinent à penser
que l'origine des Amphibiens est polyphylétique, en ce sens que
les Urodèles et les Stégocéphales proviennent de souches diffé-
rentes.
La grande ancienneté de la souche des Urodèles semble être
admise aujourd’hui par les Paléontologistes depuis les derniers
travaux parus sur Lysorophus tricarinatus (Sorras, 4920). Les
travaux d’embryologie sur la voûte palatine des Salamandridæ
que j'ai effectués en 1910 m'avaient conduit, indépendamment
de toute étude paléontologique à la même conclusion. A cette
époque la place de Lysorophus dans la classification êtait fort
discutée, et je n'avais trouvé dans la littérature aucune forme
d'Amphibien fossile dont la base du crâne, assez bien conser-
vée, rappelât sans conteste la disposition larvaire des Urodèles.
Les documents paléontologiques récents sont venus confirmer
aujourd'hui les conclusions que J'avais tirées uniquement de
28
,20 P, WINTREBERT
l'Embryologie et de l'Anatomie comparées des formes vivantes.
Au point de vue général de la valeur que l'on peut attribuer
aux travaux d'ontogénie pour l'étude de la phylogénie, 1l im-
porte de remarquer que les déceptions éprouvées parles savants
qui ont cherché chez les embryons la trace des dispositions
ancestrales, tiennent, en grande partie, à ce qu'ils n'ont pas
tenu suffisamment compte de l'influence très considérable du
milieu sur les organismes en développement. Cette influence
est aujourd'hui unanimement admise. Il est entendu qu'on ne
peut avoir confiance dans les données d'une ontogénie que s'il
est à présumer, par l'étude des divers faciès contemporains des
formes fossiles, que les générations successives du groupement
étudié ont vécu dans des conditions semblables d'existence.
C’est le cas pour les Urodèles et c’est la raison pour laquelle
il est légitime d'accorder quelque créance aux faits recueillis
dans leur développement, pour la découverte de leur filiation
(WinrregerT, 1921).
X. — Les rapports entre la structure de la voüte palatine
et les conditions de la vie chez les Salamandridæ
Ces rapports ont été étudiés chez Amblystoma tigrinum
(Wurregsert, 4922 a). J'ai cherché à mettre en lumière :
a) l'influence du jeûne prolongé et de la cachexie sur la
voûte palatine d'Axolotls de 10 à 15 cent. |
b) l'influence, sur la marche des transformations que subit
la vouüte palatine au cours de la métamorphose, d'une remise à
l’eau de jeunes Amblystomes obtenus par le procédé d’assè-
chement graduel de Maria vox Caauvix (4885).
1° Etat de l'arc denté interne d’Axolotls en état de misère phy-
siologique (N° 17 à 21, fig. 24 à 39). — Une régression osseuse
plus oumoins avancée accompagne l’inanition et la cachexie.
Elle s’observe à la fois sur le vomer et sur le ptérygo-palatin.
Ce sont surtout les parties internes des régions dentées, dispo-
sées en feuillets lamelleux dépourvus de dents, la tige du pté-
rygoïde et le bord externe de l'aile ptérygoïdienne, qui sont
atteints. Les feuillets osseux s’amincissent, se découpent sur
les bords, se percent en leur centre d’orifices irréguliers. La
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 494
raréfaction est parfois si prononcée qu’elle les réduit à l’état de
dentelle osseuse (fig. 38). La tige ptérygoidienne diminue
d'épaisseur, devient grêle, fragile, se rompt au plus léger choc
ou se fragmente par le seul progrès de la décalcification. La
palette dentée palatine est, par ce mécanisme, séparée de l'aile
ptérygoïdienne et, si l’on ne prète attention aux conditions bio -
logiques défavorables qui ont provoqué la division, on peut con-
sidérer celle-ci comme le résultat d’un isolement normal et
tardif du palatin et du ptérygoïde (Frigpreic et GEGENBAUER,
1849; O. Herrwie, 1874; Wigoxnsnelm, Parker, 1877). La
régression peut être poussée très loin. Chez l’Axolotl n° 2%
(fig. 37) par exemple, larve morte d’inanition après plusieurs
mois d'assèchement graduel, la tige ptérygoïdienne est morce-
lée en quatre tronçons. Le vomer de son côté peut être divisé
en deux fragments (fig. 34) ; c’est le cas d’un Axolotl mort en
aquarium d'une longue maladie et couvert de Saprolégnées
(n° 21). Les dents implantées sur les plaquettes osseuses se
décalcifient et tombent ; les murs saillants auxquels elles s’ados-
sent diminuent de hauteur et disparaissent. La décalcification
commence à l'union du socle de cément et du cône de dentine ;
elle s'étend vers Le bas du socle mais respecte généralement la
couronne, de sorte qu’en appuyant sur celle-ci on ploye la dent
au niveau de la partie moyenne de son socle fibreux. La sim-
ple ablation de la muqueuse arrache les dents qui sont décalei-
fiées jusqu'à la base.
Au cours de la métamorphose le remaniement des os s'ac-
compagne aussi d'une régression considérable de la substance
osseuse, mais cette régression à une allure très spéciale qui
empêche de la confondre avec celle qui résulte de linanition.
Elle est ordonnée et se produit à temps, d’une façon régulière ;
elle commence toujours au même endroit, de la même manière et
se poursuit suivant une règle immuable : sans doute elle peut
être plus ou moins prononcée suivant l’état de vigueur ou d’af-
faiblissement des individus (comparer le cas des Salamandres
vigoureuses (fig. 8, 10, 12, 16, 20) avec celui des Amblysto-
mes affaiblis) (fig. 40, 41, 42), mais, dans des circonstances iden-
tiques, elle s'accomplit sur chacune des pièces osseuses en un lieu
déterminé, suivant un ordre prévu. Par exemple, elle n’atteint
le vomer que du côté externe, tandis que son côté interne est
499 P. WINTREBERT
un foyer de néoformation dentaire ; dans l’inanition au con-
traire, c'est surtout la partie interne qui est rongée. La pla-
quette dentée ptérygo-palatine s'évanouit rapidement et pour
toujours pendant la transformation, tandis qu'elle persiste
déchiquetée dans les cachexies. La membrane fibreuse qui la
supporte persiste avec elle, tandis qu'elle disparait au cours de la
transformation. L’aile ptérygoïdienne ne subit jamais dans la
métamorphose une régression aussi prononcée que dans l'ina-
nition extrème, poussée jusqu’à la mort (comparer la fig. 38 aux
fig. 41 et 42 D) ; mais, dans ce dernier cas, los reste en place
tandis qu'il s'oriente différemment pendant la métamorphose.
De plus à l’ordre défini et comme tracé d'avance des proces-
sus métaboliques s'oppose par contraste la fantaisie des régres-
sions causées par la cachexie ; chez un animal c'est le vomer qui
est le plus atteint (n° 21); chez un autre c'est la palette
ptérygo-palatine; chez un troisième la tige ptérygoïdienne est
morcelée en premier lieu et laile ptérygoïdienne est découpée
en jeu de patience, tandis que le vomer est peu touché.
20 Les demi-Amblystomes branchés (n° 25-26, fig. 44 et 45). —
Il s'agit de jeunes Amblystomes qui ont acquis la parure terres-
tre (perte des limbes caudaux, des palmures interdigitales,
transformation du revêtement cutané devenu lisse brillant et
tigré, régression très avancée des branchies arrivées à l’état
de moignons à peine incisés sur les bords) et qui ont été brus-
quement remis dans le milieu aquatique, qu'on les avait forcés
de quitter pour provoquer chez eux la métamorphose. Plongés
dans une eau courante et fraiche(12°C.),ces animaux ont grandi
et sont devenus adultes ; ils ont régénéré des branchies; mais
ils ont conservé tous les autres caractères qu'on leur avait
reconnus au moment de la remise à l’eau. Il était intéressant
de voir chez eux l’état de la voûte palatine et, en raison de la
« migration » progressive de leur bord denté pendant la
période des remaniements (voir chap. V), d'examiner les
vomers pour tenter d'apprécier le degré de la métamorphose
auquel ils sont restés.
L'étude des vomers effectuée chez les trois demi-Amblystomes
observés (25, 25 bis, 26) montre que leur bord denté est loin
d'être transversal (fig. 44, PL HD ; il est oblique en avant et en
dedans de telle sorte que la ligne droite qui joint les extrémi-
19
CS
LA VOUTE PALATINE DES SALAMANDRIDÆ 4
tés du bord, prolongée du eôté de la ligne médiane, fait avec
celle-ci un angle ouvert en arrière d'environ 55°. L’angle obtenu
par le même procédé chez lAmblystome est de 75° à 85° (fig. 46
et51). On peut ainsi juger que la série des phases par les-
quelles la région dentée du vomer effectue sa « migration »
en arrière, pour prendre chez l'adulte une position presque
transversale (comparer les figures de la larve 31, 32, 40 B,
Ai À, 42 B et de l’adulte 46, 51), a été interrompue un peu plus
tard qu’en son milieu. Il ne s'agit pas pour les vomers, ni
pour les autres organes, d'une position instable, sujette à chan-
gement dans le milieu donné aux animaux, mais d’un état per-
manent ; les « demi-vomers » sont rigides, durs, cassants, com-
plètement ossifiés et les dents qu'ils portent sont solides et
calcifiées sur toute la hauteur.
Conclusion. — Voici donc deux faits d'observation et d’expé-
rience qui tous deux montrent le retentissement considérable
du milieu et des conditions de vie sur Amblystoma tigrinum et
particulièrement sur le système osseux de la voûte palatine.
Le premier, la régression osseuse, consécutive à un état de
misère physiologique, modifie l'aspect des os minces et plats
de l'arc denté interne et détermine fréquemment leur division.
La scission du ptérygo-palatin est particulièrement rapide et
fréquente. La méconnaissance de la cause pathologique qui la
provoque à entrainé des anatomistes éminents à considérer à
tort la présence d’un palatin isolé comme normale à la voûte
palatine des larves d’Urodèles (voir ch. D.
Le deuxième fait souligne d’abord l’action d'arrêt du milieu
aquatique sur la marche des processus métaboliques provo-
qués par la mise à l'air forcé, alors que l'incitation à Ia méta-
morphose obtenue par ce procédé prouvait déjà l'influence pro-
fonde du milieu aérien sur l'organisme des Axolotls. Il mon-
tre ensuite, par les résultats presque identiques réalisés chez Les
deux animaux soumis au même régime, la marche régulière
et l’ordonnancement précis des phénomènes de transformation.
Il tend enfin à prouver ,par la stabilisation d'une phase donnée
de la métamorphose, que celle-ci ne doit pas être entendue
comme une suite inéluctable de modifications qui s’enchainent
nécessairement et aboutissent fatalement à Ia forme par-
faite, mais comme une série d'étapes représentant chacune
424 P. WINTREBERT
un état constitutionnel défini, viable, ayant son équilibre propre
et ses corrélations distinctes.
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ERRATUM
Page 275, 27e ligne, lire : Amblystoma punctatum Grav., au lieu de :
Amblystoma opacum Gray.
Page 276, 17e ligne, lire : Amblystoma punctatum, au lieu de :
Amblystoma opacum.
Page 399, 4e ligne, lire : droit) : 40 à la fin de la période larvaire (voir
description du n° 3) au lieu de n° 4; 5e ligne, lire : 20 au début de la méta-
morphose (n° 4) au lieu de (n° 5).
E. FAURÉ-FREMIET
Préparateur au Collège de France.
LE CYCLE DE CROISSANCE
DES
COLONIES DE VORTICELLIDES
Introduction
On sait que l'accroissement pondéral d’un organe donné,
représenté en fonction du temps, s'exprime presque toujours
par une courbe en S; le coefficient d’accroissement par unité de
temps est done variable ; d’abord très faible, il passe par un
maximum, puistend vers zéro. En d'autres termes, la croissance
d’un organe est limitée ().
Avec J. Dracorc et M. J. pu Vivier DE STREEL nous avons cher-
ché, dans le cas d’un organe tel que le poumon fœtal du Mou-
ton, que l'on peut considérer schématiquement comme formé
de deux tissus, si le tissu conjonetif et le tissu épithélal possé-
daient la même loi de croissance, et nous avons constaté qu'il
n'en est rien.
Dans ce cas, en effet, il semble bien que le tissu conjonctif
s’accroisse, comme l'organe tout entier, suivant une courbe en
S satisfaisant à l’équation de Robertson :
(1) Log — = K (4 — 4) À).
Objectivant la comparaison souvent proposée avec certaines
réactions chimiques, nous avons supposé que la masse de sub-
stance collagène élaborée par les cellules conjonctives, consti-
tuait un obstacle croissant à la nutrition et à la croissance de
celles-ci.
(‘) La croissance totale d’un organisme obéit à une loi analogue, mais dans le
cas des Mammifères p. ex. on sait que la courbe générale peut être décomposée
en plusieurs courbes élémentaires qui constituent autant de « cycles de crois-
sance »
() æ étant le poids au temps #4, A est le poids final, /, le temps correspondant
à - et K une constante.
428. E. MAURÉ-FREMIET
En ce qui concerne le tissu épithélial au contraire, nous avons
trouvé une courbe en apparence illimitée qui s'exprimerait assez
bien, tout au moins dans sa première partie, par l'équation :
(2) log x — at — b.
in examinant de plus près les valeurs réelles de +, on cons-
tate cependant : 1° que l'accroissement du tissu épithélial dépend,
dans une certaine mesure, de l'accroissement de l'organe tout
entier et ne s'exprime exactement que par l'équation suivante
dans laquelle on introduit le poids total du poumon P, soit :
SR ER EEE
(3) \/ 100 5 — at + b
ce qui donne :
x = AGP + B2P + CP + DP
et 2°, que cette courbe d'accroissement continu subit en réalité
un brusque arrêt, correspondant à une modification profonde
des cellules épithéliales, et mettant probablement en évidence
l'importance des phénomènes de régulation dans le cas de la
croissance fœtale d'un organisme complexe (').
La question des € cycles de croissance » caractérisés par la
courbe en $ apparait donc, chez les organismes supérieurs, sin-
gulièrement compliquée par les interactions de tissus et d'’or-
ganes. "
Malgré la complexité des phénomènes de l'histogenèse, on
peut, considérant le cycle de croissance d'un organe ou d'un
individu, se demander quelle est la part qui revient aux inter-
actions de cellule à cellule et de tissu à tissu, et celle qui
revient à la cellule elle-même, à sa capacité propre d'évolution.
Les récentes recherches, effectuées sur des cellules libres telles
que les Infusoires ciliés, permettent ici d'espérer quelques
résultats.
On sait en effet que la notion d'un cycle vital, se terminant
par la sénescence et la mort lorsque aucun phénomène sexuel
tel que la conjugaison n'intervient, a dù être abandonnée, et que
les magnifiques résultats des travaux de Mauras ont dû rece-
{'} Cette transformation, que nous avons comparée à une métamorphose, se pro-
duit en effet au moment même où d’autres organes tels que le pancréas et le foie
subissent d'importantes transformations histophysiologiques comme l'a montré
ARoN.
€
LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 429
voir une autre interprétation ; mais les travaux de GRreG6ory,
Wooprurr, etc. démontrent l'existence, chez les Infusoires, de
variations rythmiques, indépendantes des conditions du milieu,
dans l'intensité des phénomènes de la division; et par dessus ce
rythme, qui dépend uniquement semble-t-il de phénomènes cel-
lulaires internes, Wooprurr et BatrseLz ont découvert un cycle,
caractérisé par un remaniement profond de l'appareil nucléaire,
par les phénomènes d'endomirie. Bien que les recherches de
Rogerrson tendent à montrer l'existence d’une « substance X »
sécrétée par les Infusoires et capable d'agir surles « catalyseurs
de croissance », il semble que ces rythmes et ces cycles soient
indépendants non seulement des conditions de milieu, mais
encore des relations intercellulaires. Or les variations périodiques
de l’activité de la division peuvent être comparées à des « cycles
de croissance ».
Certains Infusoires coloniaux se présentent dans des conditions
particulièrement favorables à l'étude analytique de ces cycles.
En effet, si l’on considère une colonie de Zoothamnium ou
d’Epistylis, on doit remarquer : 1° que les divers individus dont
elle est constituée ne présentent entre eux que des rapports de
continuité plus ou moins directe ; et 2° que la masse totale des
individus étant très petite (‘) par rapport au milieu liquide
incessamment renouvelé, ne peut modifier celui-ci suffisamment
pour en subir le contre-coup. Cependant la croissance de ces
colonies est toujours limitée et ne dépasse guère huit à dix géné-
rations, quel que soit le mode d'existence de l'espèce considérée.
D'autre part, le simple examen d’une de ces colonies et des
ramifications dichotomiques du pédicule nous donne la généa-
logie exacte de chaque individu monocellulaire de génération n,
et il est possible de suivre avec une précision schématique la
descendance d'un individu quelconque pendant le développe-
ment de ladite colonie.
On peut donc suivre parallèlement chaque lignée, non seule-
ment en ce qui concerne la croissance et la multiplication de la
masse protoplasmique (les différents individus étant générale-
ment égaux), mais encore en ce qui regarde l'accroissement de
la masse sécrétée constituant le pédicule.
(‘) Les Vortlicellides coloniales habitent généralément des eaux courantes ou
renouvelées ou bien encore se trouvent fixées sur des organismes mobiles tels que
des Insectes aquatiques par exemple.
430 E. FAURÉ-FREMIET
I. -- Croissance de la masse cellulaire
Si nous considérons une colonie de Vorticellides quelconque,
nous pouvons, par le seul examen des ramifications dichotomi-
ques du pédicule commun, déterminer le nombre exact des
divisions cellulaires, ou, ce qui revient au même, le nombre
exact des individus formés par bipartition à chaque génération.
Si nous prenons un individu comme unité de poids, et une
génération comme unité de temps, nous pouvons construire avee
des valeurs numériques comparables pour des espèces diffé-
rentes la courbe de croissance de la masse cellulaire totale de la
colonie. Plusieurs cas peuvent être distingués.
À. — Colonties dichotomiques régulières.
Ce cas est fréquent chez les £paistylis et les Zoothamnium.
Tous les individus se divisent régulièrement et l’on peut
admettre en conséquence que dans l’espace d’une génération
la masse cellulaire est doublée ; l'accroissement du nombre
total des individus ou du poids cellulaire total se fait donc sui-
vant une progression géométrique dont la raison est 2. Consi-
déré en fonction du temps cet accroissement donne une courbe
logarithmique telle que :
(2) log x = at — b.
Un tel mode d’accroissement est donc en apparence limité ;
on le rencontre chez Epistylis plicatilis, Campanella umbella-
ria, Zoothamnium parasila, eic.
B. — Colonies dichotomiques inéqales.
Un cas typique est fourni par l'Epistylis arenicolæ. La colonie
peut atteindre 8 générations mais il existe en quelque sorte une
lignée principale suivant laquelle chaque division sépare deux
individus à descendance inégale, l’un donnant un nouveau tron-
con axial et l'autre un rameau latéral ou de deuxième ordre
moins développé; la première ou la deuxième division sur un
LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 431
rameau latéral donne à son tour naissance à deux individus dont
l’un ne se divise pas et donne
seulement un petit rameau
pédonculaire de troisième
ordre, tandis que l'autre con-
tinue le rameau de deuxième |
ordre, se divise et donne nais- L
sance à deux individus, l’un
ne se divisant pas et l’autre se
divisant encore.
Le nombre des générations
fournies par les rameaux latt-
raux ou de deuxième ordre
diminue graduellement à me-
sure que ceux-ci appartien-
nent à des générations plus
élevées; il est toujours infé-
rieur à celui fourm par le seg-
ment correspondant de Ja
lignée principale (fig. 1).
L'augmentation du nombre
total des individus n'est pas
régulière dans ce cas; elle
peut d’ailleurs différer légère-
ment d'une colonie à l’autre,
mais l'exemple suivant peut
être donné comme assez typique
Fig. 1. — Æpistylis arenicolæ (Sp.
nov.). Schéma d’une colonie.
CÉRÉTANONS NN AR EST ART NET EVENE VIP
Nombre total des individus . . 2 4 8 14 91 27 32 33
30
20
10
EE ES PE EN |
I IT TIT IV V NE NET EVITI
Fig. 2. — Epistylis arenicolæ (Sp. nov.). Courbe de croissance protoplasmi-
que. Les générations sont portées en abcisses, le nombre des individus en
ordonnées.
439 E. FAURÉ-FREMIET
Ces chiffres montrent que, si l’on prend une génération comme
unité de temps, la courbe de croissance totale dessine un S
(fig. 2), l'augmentation du nombre des individus passant par un
maximum de la IV® à la Ve génération et tendant ensuite vers
une limite. C'est précisément la forme des courbes de croissance
qui relèvent de l'équation de RoBERTSON :
(1) log —— = K (4 — 4).
L'Epistylis Perrieri montre un autre cas de croissance cellu-
laire. Chez cette remarqua-
ble espèce (fig. 3) les quatre
ou cinq premières généra-
tions donnent des dichoto-
mies régulières et la courbe
de croissance est d’abord
une courbe logarithmique
du type (2) (fig. 4); mais il
ne se différencie pas un
rameau principal, et aux
générations suivantes c'est
chaque branche déjà for-
mée qui devient une lignée
principale, de laquelle se
détache à chaque division
un rameau de second ordre
portant un individu qui ne
se divise plus; laugmen-
tation du nombre des imdi-
vidus suit dès lors une pro-
Fig. 3. — Epistylis Perrieri. Schéma ‘éression arithmétique qui,
d’une colonie. x :
tracée en fonction du temps,
donne une droite en apparence indéfinie; c’est ce que montrent
les chiffres de l'exemple suivant :
Générations "2 2e NI MIEINV VON IE NVIEN RER
Nombre total des individus. 2 4 8 16 26 40 56 72 88 104 120
Chez Carchesiun polypinum nous trouvons un cas intermé-
diaire entre les deux précédents ; il se forme plusieurs lignées
principales d’ailleurs mégales (fig. 5). Le nombre total des indi-
LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICÉLLIDES 433
vidus varie diversement d'une colonie à l’autre, mais la courbe
de croissance est en S (fig. 6) et indique la tendance vers une
limite après une période de croissance maxima comme le mon-
tre l'exemple suivant qui se rapporte à une petite colonie :
CÉnÉrTANONSN re. LC NUt EEE, CT UETT IIIEEN VW VH
Nombre total des mdividus:.7 20074, 09 418 1399 98/99
110
100
90
80
70
60
50
LR MATE S HÉPRNS NV FN MEN NOTE VELL, PIX IX PIEXT
Fig. 4. — £pistylis Perrieri. Croissance proloplasmique.
Dans les trois exemples précédents nous avons continué d’ad-
mettre par convention, pour le tracé des courbes, que l'intervalle
de temps compris entre deux divisions sur une lignée quelcon-
que demeure constant, une génération étant prise comme une
unité ; il est possible que cette affirmation soit inexacte. En effet,
si l'on évalue la durée d’une colonie en générations, il faudrait
admettre que le temps n’a pas la même valeur pour les différents
individus qui la composent puisque dans un même intervalle
et toutes conditions égales d’ailleurs, les uns continuent de s'ac-
134 E. FAURÉ-FREMIET
croitre et de se diviser tandis que les autres semblent frappés
d'un arrèt de développement.
Ce résultat paradoxal nous oblige donc à admettre que l'ac-
croissement des différents individus n’est pas nécessairement le
même dans l'unité de temps, qu'il peut devenir presque nul pour
quelques-uns, et que, dans l’ensemble, le coefficient de croissance
individuel diminue progressivement avec l’âge de la colonie.
Des mesures faites en temps réels donneraient peut-être
Fig. 5, — Carchesium polypinum. Schéma d'une colonie.
d’ailleurs un résultat global analogue avec les colonies réguliè-
rement dichotomiques, dont la croissance devrait être, 27 appa-
rence, indéfinie.
En d’autres termes, si nous mesurions l'accroissement de la
masse cellulaire totale d’une colonie de Vorticellide en fonction
du temps réel, ?/ serait possible que dans tous les cas nous
trouvions une courbe en S, comparable à une période du rythme
de Wooprurr et BAITSELL.
Si, au contraire, nous nous contentons d’estimer la durée,
LE CYCLE DE CROISSANCE DÉS CÔLONIÉS DE VORTICELLIDES 435
-toujours limitée d’ailleurs, de ces mêmes colonies par le nom-
bre des générations, nous trouvons des croissances logarithmi-
ques d'allures indéfinies, et d’autres, de forme plus complexe,
tendant vers une limite. Nous retrouvons ainsi les deux types
de croissance que l’on peut rencontrer chez les tissus embryon-
naires d'animaux supérieurs, mais nous saisissons une des moda-
lités de l'un de ces types.
En effet, chez les colonies où la croissance cellulaire s'effectue
suivant l'équation (1), nous voyons que deux cellules sœurs nées
d'une même bipartition n'ont pas nécessairement la même
valeur; que l’une peut s’accroitre plus vite que l’autre ; que
l'une peut s’accroitre comme la cellule mère initiale et se diviser
ensuite, alors que l’autre peut ne pas s'accroitre du tout et ne
I IT IIT 1" À VI VII
Fig. 6. — Carchesium polypinum. Croissance protoplasmique.
pas se diviser ; c'est alors la proportion croissante des individus
dépourvus d’accroissement propre qui fait tendre la eroissance
totale de la colonie vers une limite, et qui permet de considérer
la colonie toute entière comme l'expression objective d'un « cycle
de croissance » cellulaire.
II. — Croissance de la masse sécrétée (pédicule).
Le pédicule des Vorticellides est essentiellement constitué
par une substance solide, très résistante à l’action des bases for-
tes, se présentant sous la forme de tigelles ou de longues baguet-
tes réunies en un faisceau cylindrique ou tubulaire, et sécrétée
par la région postérieure de l'individu, au niveau d’une bor-
dure en brosse circulaire que j'ai décrite sous le nom de « sco-
pula ».
29.
436 E. FAUÜRÉ-FRÉMIE!T
La nature de cette substance est indéterminée ; elle a été com-
parée à de la chitine{Fauré-Fremier) tandis que Scarôper la con-
sidère comme albuminoïde. C’est la même substance, ou une
autre très analogue, qui sécrétée cette fois par la région anté-
rieure du corps, au-dessous de la collerette, constitue les coques
des Vaginicola, Cothurnia, ete. |
La substance du pédicule est colorable par le rouge Congo ;
lorsque la sécrétion a lieu dans une solution de ce colorant,
non toxique, la partie sécrétée prend une teinte tout particuliè-
rement intense ; cette particularité permet de démontrer, dans
le cas du pédicule, que la zone de sécrétion est au contact
immédiat de la « scopula » et que l’accroissement du pédoncule
se fait uniquement en ce point.
Le diamètre du pédicule représente d'autre part le diamètre
de la scopula.
Dans le cas où le pédicule est contractile, les tigelles de sub-
stances chitinoïdes forment un faisceau annulaire, un tube, dont
la lumière centrale est occupée par un prolongement du corps
cellulaire plus ou moins différencié, et de structure plus ou
moins complexe. Le fait général de la sécrétion d'une substance
inerte s’accroissant uniquement au niveau de la scopula
demeure la règle dans ce cas.
Si l’on examine les diverses ramifications successives d’un
même pédicule colonial, on constate que chaque segment com-
pris entre deux divisions dichotomiques peut différer du précé-
dent par son diamètre, sa longueur et sa densité apparente.
On en peut conclure que la substance pédieulaire n’est point
sécrétée de manière quantitativement constante par les individus
de diverses générations successives : nousdistinguerons ici encore
plusieurs cas.
À. — La densité apparente du pédicule diminue progressivement.
Ce cas est extrêmement fréquent chez les Epistylis et les Oper-
cularia. La souche pédiculaire et les branches des premières
dichotomies sont formées par une substance compacte, absor-
bant très fortement le rouge Congo (fig. 7), souvent opaque ou
naturellement colorée en jaune brunâtre. Les branches de IT
et [Ve générations sont plus claires ; celles des dernières géné-
LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONÏIES DE VORTICELLIDES 431
rations sont absolument transparentes, à peine colorables, et Ja
striation longitudinale, traduisant l'existence d'un faisceau de
fibres ou de tigelles, peut disparaitre entièrement; les branches
ultimes sont alors constituées par une simple gaine résistante
entourant une substance très hydratée (?).
Comme il ne semble pas exister au point de vue microchimi-
que de différence qualitative essentielle entre la substance qui
constitue les branches basilaires ou terminales du style, on peut
admettre que la quantité de substance solide diminue progres-
sivement; les mesures étantimpossibles, nous dirons seulement
que la « densité apparente » du pédicule diminue peu à peu.
Fig. 7. — Pédicule d'£Zpistylis parasita (Var). coloré par le rouge Congo.
Chez les diverses espèces qui se rangent dans cette première
catégorie la croissance totale du pédicule peut être directement
proportionnelle au nombre desdichotomies, la longueur moyenne
de chaque branche variant très peu ; elle peut aussi être plus
rapide, la longueur des branches augmentant nettement pour
les avant-dernières générations. Si les dichotomies sont régu-
lières on aura, en nommant L la longueur totale des éléments
pédiculaires et / la longueur moyenne des branches de chaque
génération :
L —7/ + 2/ + A4! + 8/7 + 16/7" etc.
(‘} L'alcool fort contracte et déforme ces extremités pédiculaires.
438 E. FAURÉ-FREMIET
Si d'autre part le diamètre ne varie pas, on pourra prendre
les valeurs de L à chaque génération pour construire la courbe
de croissance du pédicule tout entier.
L'Epistyhis plicatilis donnerait alors la courbe ei-jointe (fig. 8)
©
Co
=
[°ù]
co
bo
re
D EE]
DR ATTS ATOT TV OR MN EVIL AN NID
Fig. 8. — Epistylis plicatilis. Croissance de la masse pédonculaire.
montrant un accroissement volumétrique de plus en plus rapide,
correspondant assez bien à l'expression :
(4) Van
si l’on appelle V Le volume pédonculaire total, et G une généra-
tion de nombre »; mais on peut estimer que, en réalité, la
masse de substance pédiculaire sécrétée augmente d’abord rapi-
dement pour diminuer ensuite et tendre vers une limite, la
courbe d’accroissement devenant ainsi une courbe en $.
LE CYCLE DK CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 45
B. — Le diamètre du pédicule diminue progressivement.
Ce cas se présente avec les grands ÆEpastylis : E. Perrier,
E. galea, Campanella umbellaria, ete. etchez les Zoothammum
Cienkowskii : arbuscula, parasita, ete.
Chez Campanella, cette décroissance de diamètre est particu-
lièrement sensible, car le style est creux ; or, tandis que le dia-
mètre extérieur diminue, le diamètre intérieur, celui de la
lumière augmente. La surface de section occupée par les
tigelles chitinoïdes peut alors diminuer, entre la base du style
et les dernières dichotomies, dans le rapport de 2,2 à 1,0 (fig. 9).
Dans ce cas, même si la longueur de chaque branche du
A B
Fig. 9. — Campanella umbellaria. A) Section du pédicule basilaire.
B: Section d’un rameau pédiculaire ter-
minal,
pédicule varie très peu d’une génération à l’autre, l’accroisse-
ment de la masse totale n’est plus directement proportionnel
au nombre des dichotomies ; cet accroissement, figuré en fonc-
tion du nombre des générations s'élève d'abord rapidement,
mais au lieu de continuer suivant une courbe logarithmique, il
tend vers une droite.
La diminution de l’épaisseur du pédicule ne peut pas être
indéfinie et la courbe de croissance totale du style est limitée
par cette impossibilité.
C. — Le diamètre et la lonqueur des branches pédiculaires
diminuent progressivement.
Un certain nombre d'Epistylis et d'Opercularia rentrent dans
cette catégorie. L'accroissement de la masse totale du style
440 E. FAURÉ-FREMIET
ramifié est d’abord rapide ; ilse ralentit ensuite progressivement,
et s'exprime à peu près, en fonction du nombre de générations,
par une ligne à double courbure, par un courbe en $.
Un cas très remarquable est fourni par l’Opercularia race-
mosa. Chez cette forme régulièrement dichotomique, les pre-
mières divisions donnent naissance à quatre ou huit lignées à
croissance pédiculaire maxima ; toutes les lignées séparées de
celles-ci par bipartition ayant une croissance pédiculaire de plus
Fig. 40. — Opercularia racemosa. Schéma d’un rameau.
en plus faible, chaque division sépare toujours deux individus
dont l’un secrète une branche pédiculaire moins longue que celle
de l’autre, et, si l'on étalait dans un plan (fig. 10) toutes les
ramifications d’une de ces branches principales, on obtiendrait
d'un côté une lignée à croissance maxima, de l'autre une
lignée à croissance minima et, entre deux, tous les intermé-
diaires. Etant donné la régularité de cette décroissance, on
peut déterminer la longueur moyenne des branches du pédicule
pour chaque génération, et multiplier celle-ci par la surface de
section correspondante. On obtient ainsi les éléments néces-
LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 441
saires pour connaître les variations successives de la masse
pédiculaire totale. Dans ces conditions, la courbe de croissance
en fonction du nombre des générations est encore une ligne à
double courbure, en forme de S. L’accroissement moyen aug-
mente d'abord assez rapidement, puis il se ralentit peu à peu
et tend vers une limite (fig. 11).
D. — Le pédicule se ramufie par dichotomies incomplètes
ou inégales.
Nous retrouvons lei le cas déjà étudié pour les espèces qui
donnent une lignée principale et des rameaux secondaires de
deuxième et de troisième
ordre, ces derniers portant
des individus qui ne se divi-
sent plus.
La courbe de croissance
totale du style, difficile à
déterminernumériquement,
semble bien être encore
dans ce cas une ligne à
double courbure, l’accrois-
sement moyen passant par
un maximum et tendant en-
suite vers une limite.
En résumé, la courbe de
croissance totale du pédi-
cule, tracée en fonction du
nombre des générations,
varie beaucoup suivant l’es-
pèce considérée.
[2E]
I IL III TV à
Fig. 41. — Operculariaracemosa. Crois-
sance de la masse pédonculaire.
Mais si l'on lient compte de la densité de ce pédicule à ses
divers étages, on peut admettre que d’une manière absolument
générale, la croissance augmente d’abord assez rapidement,
puis se ralentit et s'arrête ; il existe donc un cycle de sécrétion
en ce qui concerne la substance du pédicule.
CS
Æ-
1°
E. FAURÉ"FREMIET
III. — Interprétation des faits.
Les faits précédents montrent que la durée d'une colonie de
Vorticellides est limitée, et que son développement peut s'ex-
primer par un cycle de sécrétion pédonculaire, et par un cycle
de croissance cellulaire ou, si l'on veut, protoplasmique.
Lorsque la croissance de la colonie arrive à son terme, et par-
fois même avant cela, des individus se séparent du pédicule
commun, mènent quelque temps une vie libre, et vont se fixer
ailleurs et fonder une nouvelle colonie. Nous reviendrons tout
à l'heure sur les caractères cytologiques de ces individus migra-
teurs.
A. — Le cycle de sécrélion pédiculaire.
Chez certaines espèces telles que Campanella umbellaria, on
constate, lorsque un individu migrateur se prépare à quitter
son pédicule colonial, l'apparition dans la région postérieure
du corps, au-dessus de la scopula, de granulations particu-
lières. Très colorables, assez résistantes, tout à fait distinctes
de certaines substances lipoïdes de réserve qui peuvent appa-
raîitre de temps à autre, ces granulations peuvent être compa-
rées à des « grains de sécrétion ». Ces grains disparaissent
après la fixation de l'individu migrateur; on n'en retrouve
jamais chez les individus des diverses générations suivantes
tant qu'ils demeurent fixés (fig. 12).
IL est possible que ces « grains de sécrétion » soient en rap-
port avec la sécrétion du pédicule ; il est certain qu'ils ne sont
pas constitués par la substance pédiculaire elle-même : on peut
donc faire l'hypothèse qu'ils représentent une substance active,
un ferment ou proferment. Leur apparition exprimerait done la
« mise en charge » de l'individu sécréteur tout à fait compa-
rable à celle d’une cellule glandulaire (‘).
Mais cette mise en charge n'a lieu qu'au début de Ia forma-
tion de la colonie ; c’est donc un phénomène périodique qui ne
se reproduit qu'après un certain nombre de générations. La
(") Le chondriome ne semble jouer aucun rôle dans l'élaboration de ces grains,
LE CYCLE Dä CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 443
substance active supposée, formée par l'individu migrateur
souche de la colonie, suffirait done pour l'élaboration de toute
la masse de substance, chitine ou autre, constituant le pédi-
cule colonial.
Ni l'on poursuit cette hypothèse, il faut admettre que la
quantité initiale de substance active supposée invariable, est en
quelque sorte diluée au fur et à mesure de la multiplication des
individus, dans une masse protoplasmique de plus en plus
grande. En d’autres termes sa concentration diminuera pen-
dant toute la durée du eyele de croissance cellulaire, et pour
Fig. 12. — Campanella umbellaria. Coupe de la région basale d’un indi-
vidu migrateur montrant les « grains de sécrétion ».
chaque individu la masse de substance active diminuera de
moitié après chaque division. Si nous désignons par Q, la masse
initiale de substance active, la masse Q pour un individu de
génération # sera donnée, dans le cas d’une division régulière-
ment dichotomique par la relation :
(5) log Q = Q, — KG.
Inversement, la masse totale de substance transformable
soumise à l'action du ferment supposé peut s’accroitre propor-
tionnellement à la quantité des substances ingérées, c’est-à-
ESS
=
Æ=
E. FAURÉE-FREMIET
dire proportionnellement au nombre des individus, ou suivant
une équation de la forme |
(2) log Q — KGn — b
cette masse de substance transformable demeurant sensiblement
constante pour chaque individu. |
Il se peut alors, jusqu’à ce que la dilution de la substance
active atteigne une certaine valeur, que cette substance soit en
excès par rapport à la masse transformable, et la masse formée
croitra comme cette dernière à chaque génération ; mais la
masse de la substance active interviendra lorsque pour une
dilution plus grande, c’est la substance transformable qui se
trouvera en excès; la masse formée pourra donc décroître à
chaque génération à partir de ce stade. Il apparaît ainsi que la
sécrétion de la substance formée, chitine ou autre, qui cons-
titue le pédicule présentera un maximum, et que la courbe de
croissance du pédicule colonial devra être représentée par une
courbe en S de la forme (1), ce qui est conforme aux faits cités
plus haut.
Le cas de l'Opercularia racemosa signalé au paragraphe C
demande un complément d'interprétation ; on a vu en eftet que
dans les colonies de cette espèce, Les diverses lignées cellulaires
ont un pouvoir sécréteur différent, et que chaque division
sépare deux cellules dont l’une forme une branche pédiculaire
plus longue que celle formée par l’autre. On est done tenté
d'admettre que, toutes choses étant égales d’ailleurs, le partage
de la masse de substance active ne s’est pas fait également entre
les deux cellules issues de chaque bipartition ; la division cel-
lulaire serait donc inégale.
B. — Le cycle de croissance cellulaire.
L'hypothèse d’une substance active produite à l'origine de
la colonie et progressivement diluée dans une masse protoplas-
mique croissante pourrait être appliquée à quelque autre sub-
stance, ferment digestif par exemple, dont l’action sur les mgesta
pourrait diminuer à partir d'une certaine dilution. Il est cepen-
dant probable que les conditions qui régissent et limitent le
cycle de croissance cellulaire sont beaucoup plus complexes ;
L4
LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 445
d'ailleurs, l'étude du cycle de croissance cellulaire demanderait
à être précisée non plus en fonction du nombre des générations
mais en fonction du /emips réel. J’insisterai seulement ici sur
l’inégale aptitude à la division de deux individus issus d’une
même bipartition.
Si nous reprenons l'exemple de l'Eprstylis arenicolæ, dont la
colonie montre une lignée principale, de laquelle se détache à
chaque génération un rameau, et si nous caractérisons par le
nombre de ses descendants chaque individu formé sur la lignée
principale par bipartition, nous obtenons par exemple le schéma
suivant :
RTL UnS au
l'a7/19/ 19/8 /5/ 3/1
Individu initial — 35
Chaque bipartition sépare donc sur la lignée principale deux
individus dont la « puissance de multiplication » est différente.
La même remarque peut être faite à l'égard des rameaux qui
pourront nous donner les schémas suivants :
s DS A |
1/37 9/1
1°" rameau 8
DNS LE A ie
ISA
1 1
_3/9/1
à 7
CRC EU
Kai
1 1 /1
2
° rameau 43
3° rameau 7
On doit admettre, la taille des différents individus étant sen-
siblement constante, que la « puissance de multiplication »
d'un individu donné exprime la « puissance d’accroissement »
de sa masse protoplasmique. On peut alors résumer sous une
autre forme les faits précédents en disant :
1° que l'accroissement à partir d’un individu donné est tou-
jours limité,
et 2° que, à chaque division, la « puissance d'accroissement »
416 E. FAURÉ-FREMIET
peut être inégalement partagée entre deux individus d'apparence
semblable.
C. — Les divisions cellulaires au cours du « cycle de croissance »
d'une colonie de Vorticellides.
La discussion des faits précédemment exposés fait songer, aussi
bien en ce qui concerne l'accroissement de la masse protoplas-
mique totale qu’en ce qui concerne l'accroissement de la masse
sécrétée du pédicule colonial, à l'existence d’un ou de plusieurs
« facteurs » actifs présents dès l’origine, pouvant se diluer dans
la masse protoplasmique au cours de son accroissement total,
et pouvant se partager inégalement au cours d'une bipartition
cellulaire.
L'examen attentif des divers individus d’une colonie et des
différents stades de la division n'apporte pas de renseigne-
ments bien précis sur les divisions en quelque sorte « différen-
tielles » qui séparent deux individus de valeur inégale. Il semble
bien cependant que, dans quelques cas particuliers, certains
détails cytologiques viennent illustrer cette supposition.
Chez des Vorticellides non coloniales, telles que les Lage-
nophrys, la division sépare deux individus dont l'un demeure
dans la thèque primitive, tandis que l’autre, pourvu d’une
ceinture ciliée locomotrice, émigre et va se fixer et sécréter une
autre thèque ailleurs. Or cet individu migrateur présente dans
son cytoplasma des granulations particulières colorables in
vivo, et, d'autre part, le macronueleus ne se partage pas égale-
ment entre les deux individus, filles, car l’une de ses moitiés,
de forme un peu différente, est moins riche en nucléoles que
l'autre.
Chez les Vorticellides coloniales, on peut observer, lorsqu'il
existe une lignée principale, quelque chose d’analogue. Chez
le Zoothamnium Cienkowskii décrit par Môümws et que j'ai
observé au Croisic, la multiplication des individus se fait à
très peu de choses près comme chez l'Epistylis arenicolæ ; mais
il semble que chaque division survenant sur la lignée princi-
pale sépare deux individus dont l’un, celui précisément qui
continuera cette lignée, possède un macronucleus un peu plus
gros que l’autre, lequel donnera un rameau latéral et une des-
LÉ CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 441
cendance plus limitée. Le rapport nucléoplasmique pourrait
donc être différent chez ces deux individus ; malheureusement
la difficulté des mesures sur un noyau en forme de boudin
arqué rend cette hypothèse difficilement vérifiable.
IV. — Fermeture du cycle et reproduction de la colonie.
On sait que, chez les Vorticellides coloniales, un individu
peut quitter son pédicule après avoir acquis une ceinture ciliée
sub-équatoriale dite « ceinture
locomotrice ». Ce phénomène
peut se produire à un moment
quelconque sous l'influence
d’une cause externe venant par
exemple modifier lesconditions
de milieu (aération insuffisante
par exemple, etc.); mais il
peut aussi se produire sponta-
nément.
Ce sont ces individus migra-
teurs qui assurent la multipli-
cation de l'espèce et la forma-
tion de colonies nouvelles
lorsque la colonie arrive au
terme de sa croissance. C'est
précisément chez ces individus
migrateurs que l’on peut obser-
ver dans le cas de certaines
espèces, telles que Campanella
umbellaria, Yapparition, dans
la région postérieure du corps
de l'individu, des « grains de
sécrétion » cités plus haut.
Chez Zoothamnium Cien-
kowskii et Z. arbuscula, on
Fig. 13. — Zoothamnium Cienkow-
skii. Schéma d’une colonie avec
les macrozoiïdes.
observe, le plus souvent au voisinage de l'axe principal, de gros
individus que quelques auteurs ont confondus avec des ma-
crogamètes ; MôBius a montré que ce sont des individus
448 E. FAURÉ-FREMIET
migrateurs, c’est-à-dire des individus reproducteurs mais non
sexués, que l’on peut nommer « macrozoïdes ».
Chez Z. Cienkowsku, les macrozoïdes se forment par la crois-
sance sans division d'individus qui au nombre de un, deux ou
quatre, constituent à eux seuls un court rameau de second ordre,
ou d'individus situés à l’aisselle d’un rameau normal de deuxième
ordre. Ce sont presque toujours des individus de troisième ou
quatrième génération au moins ; généralement d'autres macro-
zoïdes se forment plus haut, deux ou trois générations après.
Les macrozoïdes ne sécrètent jamais qu'un très court rameau
pédiculaire, et leur position à l’aisselle d’un rameau de second
ordre, ou sur l'axe principal, mais à peu de distance au-dessus
de l’un de.ces rameaux, indique qu'ils résultent d’une biparti-
tion survenue très rapidement après la précédente : l’existence
de groupes de deux, ou de rosettes de quatre macrozoïdes,
montre que l'individu primitif peut encore se diviser une ou
deux fois, mais jamais davantage. Le volume d’un macrozoïde
atteint environ quatre fois le volume d’un individu ordinaire ;
le macronucleus s'accroît dans une proportion bien plus consi-
dérable et forme un boudin contourné de fort diamètre ; la
relation nucléoplasmique est donc sensiblement plus forte (!)
chez les macrozoïdes que chez les individus ordinaires ; le
micronucleus au contraire ne semble pas varier.
Au moment où les macrozoïdes quittent la colonie, leur forme
se modifie profondément, et devient discoïde ; la ceinture loco-
motrice est très développée. Toutes les inelusions alimentaires
sont expulsées, le cytoplasma est clair sauf dans la région pos-
térieure finement granuleuse ; la vésicule contractile est volu-
mineuse et entourée de plusieurs vacuoles adventices ; on cons-
tate enfin que la scopula s’est beaucoup élargie et que son
diamètre atteint environ 17 2, c'est-à-dire le diamètre ordinaire
de la base d’un pédicule colonial.
La durée de la vie libre menée par l'individu migrateur n’est
pas connue, mais 1l est certain que, en se fixant, le macrozoïde
devient la souche d’une nouvelle colonie.
Il serait tout particulièrement intéressant de savoir quelles
(*) Rappelons que les mesures exactes sont rendues impossibles par la forme du
macronucleus,.
LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICÉLLIDES 449
transformations physico-chimiques accompagnent la formation
des macrozoïdes ; les résultats de quelques essais micro-chi-
miques sont demeurés négatifs. Quoi qu'il en soit, les faits
observés chez Campanella umbellaria et Zoothamnium Cien-
kowskii montrent que, en dehors des divisions différentielles qui
existent chez certaines espèces, la formation des individus
migrateurs peut être caractérisée par d'importantes modifica-
Fig. 14 — Zoothamnium Cienkowskii. Un individu ordinaire et un macro-
zoïde en voie de croissance. Aspect du macronucleus et du micronucleus.
tions ; il est d’ailleurs possible que ce phénomène soit beau-
coup plus général que nos moyens d'observation ne le font sup-
poser. }
ŸV. — Conclusion,
Comment faut-il interpréter l'apparition des individus migra-
teurs au cours du cycle de croissance d’une colonie de Vorti-
cellides ?
Nous pouvons résumer l’ensemble des faits exposés ici en
disant que la croissance totale d’une colonie est limitée, et
s'effectue, le plus généralement, suivant une courbe en S typique
450 1 E. FAURÉ-FREMIET
(équation de Rogerrson). Dans ces conditions, nous pouvons
interpréter la vie d'une colonie comme un « cycle de croissance ».
Les relations intercellulaires, ou l’action réciproque des diffé-
rents individus les uns sur les autres, pouvant être considérées
comme négligeables dans une telle colonie, nous avons estimé
d'autre part que les raisons de ce cycle de croissance doivent
être cherchées dans les phénomènes protoplasmiques, intracel-
lulaires par conséquent.
Un premier point doit être retenu ; pendant toute l’évolution
d’une colonie, l'alimentation de chaque individu se poursuit
d'une manière constante aux dépens d’un milieu qui peut être
considéré comme inépuisable en raison de sa grande masse.
On n'aurait donc aucune raison de chercher la cause d'un
ralentissement de la croissance dans une variation de la quan-
tité d'énergie chimique utilisable (*).
C'est donc le pouvoir d'utilisation de l’énergie extérieure qui
diminue progressivement pour chaque individu.
Nous avons fait l'hypothèse, en ce qui concerne la sécrétion
du pédicule, que l'individu migrateur, élément initial d'un
cycle de croissance, possède une certaine masse d’un corps
actif, tel qu'un ferment capable de réaliser la synthèse de la
substance pédonculaire ; cette masse étant partagée également
ou inégalement entre les nouveaux individus à chaque division
se dilue progressivement dans une masse protoplasmique
croissante. On peut supposer que la masse présente dans l’in-
dividu initial est en excès par rapport aux substances transfor-
mables, tandis que, chez un individu de génération », ce sont
les substances transformables qui seront en excès par rapport
à la petite fraction restante de la substance active. La masse
de substance produite devra donc croître d’abord proportion-
nellement à la masse de substance transformable, puis à partir
d’une certaine limite, proportionnellement à la masse de sub-
stance active ; la courbe représentative sera bien en forme deS,
l'accroissement d'abord progressif tendant vers une limite après
avoir passé par un maximum.
(') Rappelons ici que le problème se pose différemment quand on étudie les pre-
miers stades de développement d’un œuf Considéré comme un système fermé,
renfermant une quantilé déterminée d'énergie chimique (réserves vitellines) qui
se dégrade régulièrement au cours des processus respiratoires.
LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORLICELLIDES 451
La même hypothèse peut être faite pour expliquer la syn-
thèse progressive de la matière vivante, c'est-à-dire l’accroisse-
ment protoplasmique ; cependant aucune base expérimentale
ne permet d'étayer ces suppositions. Nous pouvons alors rendre
compte des faits tout en éliminant les hypothèses sur la nature
du « pouvoir d'utilisation » de l'énergie extérieure, en consi-
dérant globalement ce pouvoir comme une quantité finie Q,
existant chez l'individu initial et partagée à chaque génération
de sorte que un individu de génération Gn en possède une frac-
ton (!) Q» donnée par la relation (5) :
los Qn — 0, = KGr.
La dilution progressive de Q dans une masse protoplasmique
croissante, ou ce qui revient au même sa réduction progressive
dans chaque individu de génération nouvelle, rend bien compte
de la croissance totale limitée d’une colonie, c'est-à-dire de cette
sorte de dégradalion qui caractérise un cycle. Le début d’un
‘cycle nouveau, c’est-à-dire la formation, la différenciation de
chaque individu migrateur, constitue inversement une phase
de récupération, et il faut admettre d’après ce qui a été ditque
cette « récupération » de Q est un phénomène essentiellement
discontinu. ; |
IL est possible de se représenter les causes protoplasmiques
d'un cycle de croissance sous un jour tout différent, en consi-
dérant Ia notion des constantes cellulaires établie par Mayen
et SCHAEFFER. L ;
On sait, d'après les travaux de ces auteurs, que les valeurs
quantitatives d'un certain nombre de constituants cellulaires
(p. ex. eau, acides gras, cholestérine, etc.) sont en rapports
numériques constants avec la masse totale de la cellule consi-
dérée. Ces rapports sont caractéristiques pour une espèce cellu-
laire donnée (pratiquement pour un issu donné) ; ce sont des
constantes caractéristiques étroitement liées entre elles.
Mais l'étude expérimentale des premiers phénomènes du
développement de l'œuf a montré d'autre part que la compo-
sition d'une cellule varie au cours des phénomènes de la divi-
sion ; il existe en un mot un « cycle cellulaire » compris entre
{‘) Dans le cas d'un partage égal de Q à chaque division : le partage mmégal
qu'il faut admettre dans certains cas complique seulement cette relation.
30
E. FAURÉ-FREMIET
rs
Qt
[7
[l
deux divisions successives, et caractérisé par des variations
périodiques de la composition physico-chimique cellulaire.
Les constantes de Mayer et ScnAërreR ne sont donc, bien
entendu, que des valeurs moyennes caractéristiques d’une quan-
üté de tissus constituée ordinairement par Æ 1 à 15.10 éléments
cellulaires (*).
Leur existence signifie que les variations de la composition
qui accompagnent un eyele cellulaire sont comprises entre
certaines limites bien définies, et se reproduisent avec une fré-
quence déterminée. Elles représentent bien un « état d’équili-
bre » statistique.
L'équilibre défini par les constantes cellulaires est caracté-
ristique d'un tissu à l'état adulte et l'étude des tissus en voie de
développement (poumon fœtal par exemple) montre au con-
traire une variation continuelle de Ja composition de ces tissus.
Dans un tissu en voie de développement ou de différenciation
il n'y à plus de constante cellulaire que si l’on considère sépa-
rément chaque point de ce développement ; en d’autres termes,
une série continue d'équilibres successifs se réalise pendant
toute la durée d'un cycle.
IL est logique d'étendre cette notion au cycle d’une colonie
de Vorticellides, et d'admettre à partir de l'individu fondateur,
ou élément initial, une variation continue de la composition
cellulaire (?).
Mais rien n’autoriserait l'affirmation que tous les états suc-
cessifs correspondants à des compositions physico-chimiques
différentes soient également compatibles avec le fonctionne-
ment normal de la cellule. On peut au contraire supposer que
le fonctionnement normal ne soit possible qu'entre certai-
nes limites des variations de l’état interne, c'est-à-dire, pour
une série d'états d'équilibre compris entre l’état imitial et un
état ultérieur déterminé (°). La fermeture du cycle de crois-
sance ou, ce qui est la même chose, le début d’un cycle nou-
veau, serait donc caractérisée par le retour à l’état initial. Dans
(1) Les différents dosages pouvant être faits sur des quantités de tissu variant
de 4 à 45 grammes.
(2) On peut imaginer par exemple que la vitesse de formation ou de destruc-
üon de trois constituants protoplasmiques æ, y, s soit légèrement différente ; les
rapports entre leurs quantités absolues varieront à chaque instant considéré.
(#) L'état final pouvant dans ce cas se confondre avec la mort.
LE CYCLE DE CROISSANCE DES COLONIES DE VORTICELLIDES 453
cette interprétation la quantité finie Q dont nous avons parlé
plus haut ne représenterait plus une sorte de masse susceptible
de partage à chaque génération cellulaire. Un élément de la
colonie, de génération x étant parvenu à l’état limite, Q repré-
senterait la variation nécessaire pour ramener cet élément à
l'état initial, caractéristique de l'élément initial. Cette varia-
tion représente un certain travail, l'utilisation d'une certaine
quantité d'énergie, ef Q pourrait être comparé à une sorte de
quantum d'énergie biologique.
Remarquons encore une fois que la colonie considérée est un
système ouvert recevant continuellement de l'énergie chimique ;
la discontinuité représentée par Q ne peut donc être cherchée
que dans l’utilisation de cette énergie extérieure. H y aurait en
d’autres termes, au moins deux formes de travail possible pour
un élément de colonie : ou bien un travail d'accroissement
entrainant une variation progressive de la composition physico-
chimique, c’est à-dire une dégradation progressive dont la limite
se confondrait avec la mort ; ou bien un travail de « récupéra-
tion » entrainant le retour à l’état physico-chimique initial.
L'étude énergétique de la croissance autotrophe du Têtard
de la Grenouille nous avait déjà conduit à l'idée analogue d’une
alternance normale de deux modes de travail, la quantité
d'énergie transformée demeurant constante.
OUVRAGES REÇUS
G. P. Frers. — /eredity of head form in Man. — La Haye, Marlinus Nij-
hoff, 1921. 1 vol. 192 p., avee nombreuses tables et des diagrammes.
L'auteur a étudié, au point de vue mendélien, les indices céphaliques de
3.600 personnes appartenant à 360 familles environ. L'étude met en relief
des faits de segrégation. des variations héréditaires, des différenees de eom-
position héréditaire des indices céphaliques des parents; elle montre aussi
que dans beaucoup de familles les indices des enfants sont inférieurs ou
supérieurs à ceux des parents. La brachycéphalie est plus ou moins domi-
nante sur la dolichocéphalie.
On note de nombreuses variations non héréditaires.
L'auteur cherche à ramener les ne oo aux IRÉDEES en Cours, Sans
d’ailleurs beaucoup insister.
Il convient surtout de signaler orie duantité de doeuments qu'ap:
porte Frets. On n'en saurait contester ni l'intérêt n1 lutilité. Pour tirer des
conclusions valables relatives aux. faits héréditaires chez l’homme, les docu-
ments de ce genre ne seront jamais assez nombreux. Tous les travaux
analogues méritent encouragement, et il faut remercier les travailleurs qui
consentent à les élaborer.
ETIENNE R4Bau».
L'un des Directeurs, Gérant : Er. RaBaun.
LAVAL. — IMPRIMERIE BARNÉOUD.
PLANCHE fl
EXPLICATION DE LA PLANCHE NI
Photographies sans retouche de la voüle palatine d’'Amblystoma tigrinum
Green à différentes étapes du développement ; le maxillaire inférieur et
les arcs viscéraux ont été sectionnés d’un côté et le plancher de la bouche
récliné du côté opposé.
A. — Axolotl adulte müle de 17 cent. (No 15, fig. 31, p.336). Dents vomé-
riennes et dents plérygo-palalines en une seule rangée longitudinale, les
premières au milieu de la lamelle osseuse, les secondes sur le bord externe
de la plaquette dentée ; récessus labio-maxillaire visible à droite; maxil-
laire inférieur, plancher buceal, langue, ares hyoïdien et branchiaux intaets
du même côté; au centre, en arrière, orifice glottique X 1 1/4.
B. — Jeune Amblystome de 11 cent., à la fin de la métamorphose externe
(No 29, fig. 40, p. 357). Bourrelcts vomériens larges, saillants, réunis sur
la ligne médiane et figurant un accent circonflexe concave en arrière ;
leur partie antérieure dentée a acquis une posilion semblable à celle que
présentent à l’état permanent les bords vomériens dertés des demi-Ambly-
stomes branchiés. X 1 1/4.
C. — Demi-Amblystome branchié de 17 cent (No 95 bis, p.371). Les tiers
internes des bords vomériens dentés, au contact sur la ligne médiane,
forment une crête transversale au devant de la ligne interchoanale anté-
rieure, tandis que les deux tiers externes des bords dentés. obliqués en
arrière et en dehors, inclinés de 450 environ sur l'axe longitudinal du
corps, finissent de chaque côté derrière Ja choane. Récessus labio-maxil-
laire disparu ; la peau s'applique au bord externe du maxillaire supérieur.
Cavum internasale étendu et profond. L'échancrure visible au bout‘du
museau est accidentelle. X 1 1/3.
D. — Amblystome de 19 cent. (No 28, fig. 48, 49, 50, 51, p. 378 à 383). Bord
vomérien denté très saillant, presque transversal, dessinant une légère
sinuosité en S, la partie antérieure étant concave en dedans et en arrière, la
partie externe, concave en dehors et en avant, encadrant le pourtour pos-
térieur de la choane. Les deux bords dentés, presque au contact sur la ligne
médiane, faisant chacun avec l’axe du corps un angle ouvert en arrière
de 850 environ, figurent ensemble un toit surbaissé. X 2.
Bulletin Biologique, Tome LVI.
De WinTREBERT, phot.
Voûte palatine des Salamandridæ.
PLANCHE
II
E. ROUBAUD
ETUDES SUR
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL
DES MUSCIDES
Les Cycles d’Asthénie et l’Athermobiose
réactivante spécifique.
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS.
I. LA DIAPAUSE D'HIVER CÉDANT AU FROID CIHEZ LES MUSCIDES.
1. Les données actuelles sur l'hibernation larvaire ou nymphale.
2. Le froid et les arrêts spontanés d'évolution Jarvaire ou nymphale.
Observations et Expériences.
3. Discussion des résultats. Le rythme hivernal cédant au froid et les
influences réactivantes diverses. Muscides Aomodynames et hétérody-
names.
IT. LA DIAPAUSE D'HIVER AU POINT DE VUE PHYSIOLOGIQUE. SA NATURE
ET SES CAUSES.
1. Intoxication et asthénie héréditaire cyclique chez les Muscides hété-
rodynames. Épuisement el rajeunissement périodique des générations.
a. Diapause hivernale el excrélion :
Réactivation des larves d'hiver de Hydæa en l'absence du froid.
Manifestations extérieures et réalisation expérimentale de l’as-
thénie spécifique d'hibernation. Expériences diverses d’into-
xication inhibitrice.
Démonstration, par la eryoscopie, de la surcharge physiolo-
gique des larves hibernantes.
b. Caractère héréditaire cyclique de l’asthénie chez les Muscides hété-
rodynames. Le rajeunissement périodique.
2. L'asthénobiose cyclique et l'athermobiose réactivante spécifique.
3. L'athermobiose et la distribution géographique des Muscides.
ILI. L'ASTHÉÈNIE SPÉCIFIQUE ET LA QUESTION DES MÉTAMORPHOSES.
IV. CYCLES OU RYTHMES ASTHÉNIQUES ET INFLUENCES RÉACTIVANTES
DANS LA NATURE.
1. Vie latente, fatigue et intoxication.
2. Hibernation et athermobiose réactivante.
3. Estivation et anhydrobiose réactivante.
Remplacement des effets réactivants de l’athermobiose par ceux
de l'anliydrobiose. Exemples tirés de Hydæa platyptera.
CONCLUSIONS.
456 E, ROUBAUD
AVANT-PROPOS
Comment hivernent les Mouches communes ?
C'est en m'attachant à l'examen de cette question, qui s’ins-
crivait si naturellement au programme de la Fondation Zaha-
roff pour l'Etude des Mouches, que j'ai été amené aux recher-
ches qui font l’objet de ce Mémoire.
Le « sommeil d'hiver » larvaire ou nymphal de ces Insectes,
pour autant qu'il avait pu être constaté, n'était Jusqu'ici conçu
que comme un simple phénomène d’engourdissement provo-
qué par le froid : explication simple et logique, valable
semble-t-il pour la plupart des organismes hivernants. Je
n'ai pas tardé cependant à reconnaitre que, pour nombre
de Mouches vulgaires hivernant à l’état de larves ou de
pupes, le froid n’est pour rien dans le déterminisme du som-
meil hivernal : tout au contraire, comme on le verra dans le
cours de ces recherches, c'est lui l'agent actif du Réveil printa-
nier. Sans l'hiver, le sommeil hivernal risquerait de se prolon-
ger indéfiniment jusqu à la mort. Les espèces endormies, à
une continuelle température d’été ne verraient pas la fin de la
léthargie mystérieuse qui les frappe. C’est Le froid qui met trève
à l’enchantement imprévu planant sur leur destinée: c’est
l'hiver qui combat la torpeur et fait cesser le sommeil d'hiver !
Constatation imprévue et singulière dont j'ai déjà brièvement
énoncé ailleurs (!) les termes principaux! Le caractère si par-
ticulier, en quelque sorte paradoxal du fait appelait pour son
interprétation une étude attentive, une comparaison avec les
différents phénomènes d’hibernation connus dans le monde
vivant. C’est l’ensemble des données auxquelles je suis par-
venu que je présente dans ce Mémoire.
D'un cas en apparence très isolé, très spécial, j'ai été amené
à la conception de phénomènes d’une très grande généralité
biologique et sur la nature desquels les faits étudiés chez les
Mouches projettent souvent une lumière un peu inattendue. Je
ne saurais me flatter sans doute de donner des phénomènes
en question une explication physiologique intime ; les faits
(!) C. R. Acad. des Sciences, avril 1922
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 457
d'arrêt momentané des énergies vitales sont aussi obscurs que
tout ce qui concerne la vie manifestée elle-même. Néanmoins,
dans le déterminisme des différents processus inhibiteurs du
métabolisme, observés chez les êtres vivants, on peut relever
des traits d'incontestable similitude avec ceux que nous offrent
les Muscides. Il m'a paru digne d'intérêt de rapprocher en une
même doctrine toutes les identités que nous pouvons saisir entre
ces phénomènes de vie sommeillante, dont les formes et Les
caractères, dans Ja nature entière, offrent une infinie variété.
Le lien entre ces processüs n'apparait pas toujours. Je voudrais
cependant montrer comment on peut concevoir son existence.
I
LA DIAPAUSE D'HIVER CÉDANT AU FROID,
CHEZ LES MUSCIDES
4. Données actuelles sur l'hibernation larvaire ou
nymphale des Muscides.
L'hibernation des mouches communes sous la forme adulte
est un fait bien connu. Rare chez la Mouche domestique, chez
le Stomoxe, qui sont des espèces recherchant la chaleur des
habitations ou des étables, et susceptibles de conserver une
activité de ponte toute l’année à température favorable, elle
est au contraire habitude courante pour d'autres espèces comme
la Mouche bleue de la viande, les Pollenia, la Mouche des bes-
tiaux M. corvina, etc., espèces susceptibles de passer l'hiver
en état de vie plus ou moins ralentie sous l'influence du froid.
Très souvent, dans les campagnes, les pièces froides des habi-
tations sont envahies par des essaims denses de mouches hiver-
nantes appartenant à ces différentes espèces. Il suffit d’un peu
de chaleur pour leur redonner l’activité.
Si ces faits sont bien connus pour les mouches adultes, en
revanche l'hibernation des espèces communes, sous la forme
de larves ou de pupes, ne parait avoir réellement attiré l'at-
tention que dans ces dernières années, où elle a fait l’objet
d'un assez grand nombre de recherches. Mise en doute par
certains auteurs : G. Hewirr (*), Moxcxtox Copeman, et AUSTEN (?),
(:) The House-fly.
C) Repts. Loc. Gov. Board Publ. Health and Med. Subj. N. S. n°102. Ex, Aer,
Appl. Entom. B, t. II, p. 88.
458 ; E. ROUBAUD
H. Lyon ('), l'hibernation de la Mouche domestique (M. domes-
tica) sous la forme de larves ou de pupes a, au contraire, été
reconnue comme probable par Howaro et Hurcuison (?), par Skin-
ner (*), par Dove (*), par Granan-Surrn (°); comme certaine par
Kisuur (°), J. Legenpre (°), par Mc Donxez et Easrwoop (*); mais
non par KoBayasui (*).
Dans les cas où l’hibernation de cette espèce à l’état larvaire
ou nymphal a été nettement constatée, elle ne parait le plus
souvent qu'exceptionnelle. Il s’agit là, certainement, d'un phé-
nomène plutôt rare, ce qui explique qu'il ait été longtemps dis-
cuté. Certains auteurs (Me Donxez et Easrwoon, le Japonais
Kogayasni en Corée) notent que les pupes d'hiver de la mou-
che domestique éelosent rapidement lorsqu'on les place à la
chaleur. C'est donc bien un simple arrêt du développement
provoqué par le froid.
Pour le Stomoxe (Stomozxys calcitrans), mouche piqueuse des
écuries, les données concordent avec celles qui ont trait à la
mouche domestique. L’hibernation sous la forme de pupes ou
de larves, au sein des tas de fumiers, est reconnue par Hewitr,
F. C. Bisnopp ("°), GRanau-Suiru, Kogayasar. La pupe de cette
mouche, qui normalement évolue en quelques jours, peut passer
plusieurs mois en état d’hibernation mais elle éclot dès que la
température redevient favorable.
L'hibernation larvaire ou nymphale des Mouches Sarcopha-.
ges communes (Sarcophaga, Lucilia, Calliphora) a fait l'objet.
d'observations précises de la part de Granam-Suira. Dans lim-
portant travail que cet auteur à naguère consacré à la Biologie
des mouches vulgaires, il est noté qu'un grand nombre d'espè-
ces, en dehors de la Mouche diner et du Stomoxe, pas-
sent l'hiver au stade pupal, plus rarement sous forme de larves
() Psyche, &. XXII, 4 août 1915, p. 140
(2?) U. S. Dept. ÀAgric., Farmers”. ste 851, août 1917.
(3) £r atom. News., Philadelphie, t. XXIV, juillet 1913.
{‘) JE. Econ. Entom. Concordia, t. IX, n° 6, déc. 1916.
(‘) Obs. on Habits and Paras. of Common Flies. Parasitology, t. VII, n° #, juin
1916, pp. 440-544
(5) Some Winter Obs. of Muscid Flies. Ohio Jl. Sci. Columbus, t. XVII, n° 8,
juin 1917, sc. Æev. Appl. Entom. B, 1917.
(‘) Revue d'Hygiène et de Police sanitaire, t. XXXIX, n° 1, janv. 1917.
() A note of the mode of Existence of Flies during Winter. J!. R. Army Med.
Corps, t' XXIX, ne 1, juill. 1917, p. 98:
(*) Overwintering of Flies. Japan Medice. World., t. 1, n° 3, 15 juill. 1921.
(1°) The Stable Fly {/.S. Dept. Agric. Farmers’Bull. 540. Washington, 1913.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 459
qui se pupifient au premier printemps. Parmi les espèces
diverses étudiées, dont la liste est donnée, qui jouissent de cette
particularité, figurent notamment Calliphora erythrocephala et
vomitoria, Sarcophaga melanura, S. carnaria, Lucilia cϾsar,
L. sericata, toutes espèces se développant sur la viande et les
cadavres. Pour l'observateur anglais, l'éclosion des pupes d'hiver
de ces mouches ne pourrait se produire qu'à partir d’une tem-
pérature critique déterminée, variable suivant les espèces. Lors-
que cette température peut être atteinte, même en plein hiver
les mouches éclosent, sans doute aux dépens de pupes formées
dès l’automne.
Dans un travail ultérieur (')}, le même observateur signale
l’éclosion souvent très précoce des mouches bleues, dès le
début du printemps. Lorsque la température est favorable,
on voit ces espèces apparaître brusquement en quantités
considérables, dès la fin de l'hiver aussi bien qu’à une époque
plus avancée de la saison. C'est là, en effet, une particularité
éthologique digne de remarque, dont nous trouverons l’ex-
plication dans le cours de cette étude, et qui distingue ces
espèces de la mouche domestique et du Stomoxe : ces dernières
formes sont toujours relativement rares au début de la saison ;
leur abondance augmente, pour les raisons que nous imdique-
rons plus loin, au fur et à mesure que la saison s’avance.
J. LeceNnre, dans le travail précédemment cité, a constaté
également l’activité plus précoce des mouches sarcophages.
Elles pondent plus tôt que la mouche domestique et, dès le
mois de mai, leurs larves se rencontrent déjà nombreuses, alors
que celles de la mouche domestique sont encore rares. L’au-
teur note la transformation en pupes le 10 décembre, en plein
hiver, de larves de Calliphora récoltées par lui le 22 octobre.
Deux de ces pupes ont donné des imago le 12 février suivant.
LecenDre estime que c’est Le plus souvent à l’état de larves ou
de pupes que se fait la conservation des espèces sarcophages
d'une année à l’autre.
Enfin Kisuiuck, aux Etats-Unis, a constaté également par des
élevages que Lucilia sericata, L. cœsar, L. sylvarum, Phormia
(:) Further observations on the habits and Parasites of Common flies. Parasi-
tologu, t. XI, oct, 4919,
460 E. ROUBAUD
regina, les Calliphora, Cynomyia cadaverina hivernaient sous
la forme de larves ou de pupes.
Les mêmes observations ont été faites pour différentes espè-
ces d'Anthomyides saprophages ou coprophages. Ainsi, la petite
mouche des maisons Fannia canicularis à été rencontrée par
Mec Doxxezz et Easrwoon, en plein hiver, sous la forme de larves
ou de pupes vivantes. Ces dernières, placées à la chaleur, se
sontimmédiatement pupifiées et l’éclosion n’a pas tardé à se pro-
duire. GRanAm-SuirH, Kogayasai mentionnent également l’hiber-
nation de cette espèce aux stades préimaginaux. Lesne('), dans
ses observations récentes sur la faune entomologique des fosses
d'aisance de la région parisienne, a rencontré des larves et des
pupes de Fannia incisurata et de F. scalaris, Anthomyides voi-
sins de la précédente espèce, aux mois de janvier.et de mars,
engrande abondance.
Dans toutes les observations qui précèdent, l'hibernation des
larves ou des pupes de mouches est toujours envisagée comme
un phénomène en liaison déterminante directe avec le froid.
Nulle part nous ne voyons formuler même l'hypothèse que
ce sommeil d'hiver préimaginal puisse relever d’une autre
cause que de l’abaissement de la température. Cependant,
dans un autre groupe de Muscides, Les Tachinaires, mouches à
larves parasites, des observations ont été faites, d’après les-
quelles l’engourdissement hivernal des pupes apparait bien
comme indépendant du refroidissement de la température, et
suscité par des influences internes, à la vérité très obscures.
Il convient, en effet, dans cet historique, de réserver une place à
part aux observations du R. Père PanTez qui touchent de très
près au sujet qui nous intéresse. Dans ses belles Etudes sur les
Diptères à larves Entomobies (), l’auteur signale les curieux
faits suivants : « Lorsqu'on recueille en nombre des pupes d'une
même espèce et sensiblement de même âge, il arrive fréquem-
ment que le lot se partage en deux parties : quelques exemplai-
res évoluent rapidement et la mouche parait après quelques
Jours, ou tout au plus après quelques semaines ; les autres évo-
luent lentement et c'est seulement l’année suivante, en général
( Etude des Mouches et formes voisines. Travaux de la Fondation Zaharoff.
Bull Must Hist Nat.) n°41991, p. 53.
() L — Caractères parasitiques aux points de vue biologique, éthologique et
histologique. La Cellule, t. XXVI, 1e nov. 1909,
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 461
au printemps, que la mouché éclot. Le développement nym-
phal se trouve ainsi dédoublé en un type rapide ou ordinaire et
un type lent; celui-ci répond manifestement à une adaptation
biologique dont le but est d'assurer la conservation de l'espèce
pendant la saison rigoureuse et peut recevoir Le. nom de type
d'hivernage. à
« On observe ce double type de nymphose chez Bigonichæta
setipennis, Cyrtophlebia ruricola, Thririon Hahdayanum, Gym-
nosorña rotundatum et, probablement, on le retrouvera chez
beaucoup d'espèces, peut-être chez la totalité des espèces adap-
tées à un seul hôte ou à un petit nombre d'hôtes (monophages ou
oligophages). Par contre nous n’avons observé qu'un type simple
bien qu'éminemment élastique, chez Compsilura, espèce poly-
phage par excellence. La nymphose d'hivernage apparait ainsi
comme le moyen qui permet aux parasites oligophages d’atten-
dre annuellenrent Le retour de leurs hôtes de nécessité.
« Considéré en lui-même, ce dédoublementest une particula-
rité biologique fort remarquable. On ne voit pas bien pourquoi,
sur la totalité des individus correspondant à une même date d’em-
pupage et soumis aux mêmes conditions actuelles, quelques-uns
sont frappés, à l'exclusion des autres, d’un ralentissement d'évo-
lution à la suite duquel on aura deux dates d’éclosion si distan-
tes. Chez plusieurs de nos espèces, nous avons constaté soit une
nymphose rapide (Meigenia, Blepharidia), soit une nymphose
lente (Hyria, Siphona, Tach. N) qui font probablement partie
d'un cycle dédoublé, dont le terme complémentaire est à décou-
VrIr ».
L'auteur signale aussi que l'existence de ce double type de
nymphose, qu'il avait sommairement signalé dès 1902 chez Mei-
genia, a été confirmé pour Thrixion, en 1906, par TavarEs, et pour
Tachina larvarum par Niezsex, en 1909. Ces observations mettent
nettement en évidence l'existence, chez les Muscides, de phéno-
mènes de ralentissement métabolique coïncidant avec l’hiber-
nation, mais dépendant de causes internes, non précisées. Nous
trouverons dans l'exposé de nos propres recherches l’explica-
tion physiologique des faits énigmatiques qui ont intrigué
Panrez et dont l'interprétation ne lui est apparue qu'à un point
de vue finaliste.
J'ajouterai, pour clore cet exposé, que d’autres larves de Dip-
462 E. ROUBAUD
tères parasites, celles des Anthraciens par exemple, sont depuis
longtemps connues comme des larves subissant un arrêt d’évo-
lution hivernal. Mais nous sommes ici dans un groupe de Dip-
tères différent des Muscides et je ne saurais m'y arrêter plus
longuement, pour le présent.
2. Le froid et les arrêts spontanés d'Evolution larvaire
ou nymphale. Observations et Expériences.
Dès 1916 et 1917, j'avais pu, en étudiant l’éthologie du Chal-
eidien Ptéromalide Nasonia brevicornis Ashm., parasite des
pupes de Muscides, observer chez cet Hyménoptère une par-
ticularité curieuse : tandis qu’en été certaines pupes de Phornaia
azurea, parasitées dans les conditions naturelles, donnaientissue
normalement à des Chalcidiens adultes, d’autres pupes, prove-
nant des mêmes lots, ne mettaient point en liberté de parasites,
malgré la chaleur de l'été. Ces pupes, si on les ouvrait, se mon-.
traient cependant occupées par des larves mûres ou des nym-
phes de Nasonia, demeurant dans cet état sans poursuivre leur
évolution. Il s'agissait là des formes hibernantes, déjà vues par
Girauzr et Sanpers. J'ai pu observer, à leur sujet, que la cessa-
tion ou l'interruption de l'activité métabolique n'étaient nulle-
ment liées au froid de l'hiver, et que la température de létuve
(25° C.) était impuissante à réactiver l'évolution. [Il ne s'agissait
pas non plus d'hypnodie due à l’anhydrobiose, car l'arrêt se
manifestait même en milieu humide.
Quelques années plus tard, étudiant vers la fin d'octobre les
larves de Muscides présentes dans les fumiers, à l'approche de
l'hiver, j'obtenais dans les fumiers de lapins une quantité de lar-
vesactives et mûres de Mydæa platyptera qui, placées à la tem-
pérature du laboratoire, n'évoluaient pas en nymphes. A la
même époque, M. Wollman, poursuivant ses recherches sur les
mouches aseptiques, me faisait connaître que vers le mois d'oc-
tobre les larves des Muscides sarcophages (Calliphora, Lucilia)
qu'il éduquait aseptiquement sur cervelle stérilisée cessaient de
se transformer. Il était impossible, malgré la température de
l'étuve, d'en obtenir l’éclosion au cours de l'hiver. Les larves
mûres et repues, après s'être conservées sans subir de nym-
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 463
phose pendant un temps prolongé, finissaient par mourir, ou
bien les pupes formées n'évoluaient pas.
Ces intéressantes observations inédites de M. WozLman, jointes
aux faits qui avaient déjà attiré mon attention personnelle, m'ont
incité à étudier de plus près la question. Au mois d'octobre der-
nier, je pus me procurer, grâce à l'obligeance de M. Pérann,
un certain nombre de larves de Lucia sericata et de Sarco-
phaga dont il avait obtenu le développement, à l’Institut Pas-
teur, sur de la viande de mouton, en vue de recherches sur le
cycle évolutif des Sarcosporidies. Les mouches mères, venues
du dehors, avaient déposé leurs œufs sur cette viande exposée
dans un cristallisoir, sur fond de sable. Le développement, aidé
par une température encore élevée, s'était effectué en quel-
ques jours ; mais, tandis que certaines pupes avaient pu se
former, beaucoup de larves prêtes à la nymphose et ayant
cessé de s'alimenter s'étaient enfouies sans transformations
au sein de la couche de sable. Bien que la température fut
encore à cette saison favorable aux éclosions, ni les pupes déjà
formées, ni les larves n'achevèrent leurs transformations. J’ai
reconnu plus tard que les larves nôn transformées étaient
toutes des larves de L. sericata. Quant aux pupes, elles cor-
respondaient à Sarcophaga falculata Pand.
Dès ce moment, il était facile de se rendre compte que la stase
hibernale constatée chez Les larves ou les pupes des espèces sar-
cophages, n'était nullement liée, dans nombre de cas, aux
actions de température; mais qu'il s'agissait certainement de
ces arrêts rythmiques de développement, de causes obscures,
déjà définis à des stades divers chez certains insectes et que
l’on peut, avec Waeerer et Hexxecuy, englober dans l’appella-
tion générale de diapauses (). Enfin, reprenant l'étude des lar-
ves hibernantes de Mydæa platyptera dans Les fumiers de lapins,
j'ai pu, par les expériences comparatives dont je donne le détail
ci-après, confirmer et généraliser cette notion, en même temps
qu'en aborder linterprétation du point du vue physiologique.
() Le terme de diapause (desrausis : arrèl) a été utilisé par WuegLer pour
désigner une phase de la blastokinèse. HENNEGuY, dans son Traité des Insectes,
applique cette appellation à tous les phénomènes d'arrêl métabolique observés
chez les Insectes, mais en les différenciant suivant le stade, en diapauses embryon-
paires, larvaires, nymphales. Ce terme ne laisse en rien présumer la nature ou
les causes physiologiques des phénomènes.
464 E. ROUBAUD
Je donnerai d'abord le résumé des principales expériences
effectuées. Puis je discuterai, d’après les données acquises, la
nature du phénomène envisagé dans les différents types de
Muscides observés.
À. — Expériences démontrant l'absence de rythme d'inactivité
hivernale chez les Mouches domestiques (M. domestica) ou chez
le Slomoxe (Stomoxys calcitrans L.) et l'influence déterminante
du froid dans le sommeil d'hiver larvaire ou nymphal de ces
espèces.
1. A. — Durant tout l'hiver de 1920-21, et de 1921-22 ont été éduquées, à
l'étuve à 20-250 C., en générations successives, des centaines de mouches
domestiques. La durée de l’évolution (une quinzaine de jours) ne s’est jamais
ralentie, les générations se succédant sans interruption avec la même activité.
Durant tout l'hiver 1921-1922 des St. calcitrans ont élé éduqués à l’étuve
à 20-250 C.en générations successives évoluant en 15 à 18 jours; il n'a été
observé aucun ralentissement ni aucune interruption de l’activité biologique.
2. A. — Des larves et des pupes de Sf. calcitrans, provenant des géné-
rations d'étuve, ont été soumises pendant 3 semaines, dans le courant de
janvier, à une température moyenne inférieure à 100 C. L'évolution, suspen-
due par l’action du froid, a repris normalement dès que les larves ont été
remises à température favorable. L’abaissement de température a seul pro-
voqué la période correspondante d'inactivité.
3. A. — Un lot de fumier de lapin provenant du dehors et déposé avant
l'hiver, est placé le 6 mars à la (empérature du laboratoire (temp. 18-200 C.
le jour, inférieure à 120 C. la nuit). Le 30 mars 5 mouches domestiques, le
2 avril 2 stomoxes éclosent du lot de fumier.
Cette dernière expérience confirme la possibilité de l'hiber-
nation larvaire ou nymphale des mouches domestiques et du
Stomoxe, dans les conditions naturelles. Le caractère excep-
tionnel pour ces Muscides de ce mode de conservation de l’es-
pèce d’une année à l’autre, ressort, d'autre part, de la rareté des
individus issus au cours de cette expérience, le même lot de
fumier ayant fourni, par contre, une centaine de larves hiver-
nantes de Mydæa platyptera.
B. — Expériences démontrant l'existence d'un rythme d'inac-
lioité hivernale indépendant du froid, mais cédant aux exci-
tants mécaniques ou physiques el au froid prolongé, chez les
larves de Lucilia sericata.
1. B. — ACTION NÉGATIVE DE LA CHALEUR SEULE. — 2 larves, müres depuis
le milieu d'Octobre, sont placées le 10 novembre à l’étuve à 20-220 C. Ces lar-
ves restent sans se nymphoser jusqu’en décembre où elles meurent,
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAÏ 465
2. B. — AGrTION NÉGATIVE DE LA LUMIÈRE. — Une larve müre d'Octobre est
soumise le 17 novembre à un éclairement intensif de lampe Nernst pendant
2 heures, le 21, pendant 4 heures. Elle est ensuite placée à l'étuve à 20-290 C.
Mort sans (ransformalion en fin décembre.
3. B. — AGrioN POSITIVE DES BRÛLURES. — Une larve d'Octobre est placée
le 10 novembre à l’étuve à 20-220 C.sans résultats. Le 20 Novembre on brüle
la larve en deux endroits de l'abdomen à l’aide d’un fil de platine rougi. Le
23 novembre cette larve se nymphose : éclosion normale le 3 décembre :
L. sericata ©.
4. B. — AcriON POSITIVE DE LA SAIGNÉE. — Une larve d'Octobre est saignée
par piqûre à la pipette de verre effilée, le 12 novembre, puis placée le 14 à
l’étuve à 20-220 C. Nymphose le 17 au matin. Eclosion le 25 novembre :
L. sericata ©, légèrement atrophiée.
9. B. — ACTION POSITIVE D'UNE TEMPÉRATURE ÉLEVÉE SUCCÉDANT BRUSQUEMENT
AU FROID. — Une larve d'Octobre est placée à 00 C. le 14 novembre pendant
6 heures, puis elle est portée à 450 C. pendant 35 minutes, On la reporte
ensuite à 20-220 C. Nymphose le 17 au matin. Eclosion normale le 24:
® Lucilia sericata.
6. B. — AGrTiON POSITIVE D'UN CHAUFFAGE BRUSQUE A TEMPÉRATURE ÉLEVÉE
SANS REFROIDISSEMENT PRÉALABLE — Une larve d'Octobre est portée brusque-
ment le 17 novembre à 450 C. pendant 30 minutes. Puis on la place à l’étuve
à 20-220 C. Nymphose le 19 Eclosion normale le 98 : © sericata.
7. B.— ACTION POSITIVE DE LA CENTRIFUGATION. — Une larve d'octobre est sou-
mise le 17 novembre à la centrifugation pendant 2 minutes (centrifuge élec-
trique Jouan, vitesse moyenne). Elle est ensuite placée à l’étuve à 20-290 C.
Nymphose le 20. Eclosion normale le 30 novembre : L. sericata ©.
8. B. — ACTION NÉGATIVE DU FROID LIMITÉ À QUELQUES JOURS. — Une larve
d'Octobre est placée à 00 C. du i5 au 17 novembre. Puis elle est portée à la
température du laboratoire (max. 180 C.). Pas d’éclosion.
9. B. — ACTION POSITIVE DU FROID PROLONGÉ. — Une larve d'Octobre est
placée à la glacière (+ 40 C.) du 8 décembre au 3 janvier. Le 3 janvier elle
est progressivement réchauffée puis mise à l’étuve à 20-220 C. Nymphose le 6.
Eclosion normale le 17 janvier : L. sericata ©.
10. B. — ACTION POSITIVE DES VARIATIONS HYGROMÉTRIQUES. — Une larve
d'Octobre est placée à létuve le 10 novembre sur du sable bien sec. Ce sable
est humidifié le 15 à différentes reprises. La larve se nymphose le 23. Eclo-
sion normale le 3 décembre: L. sericata ©.
Ces expériences font ressortir l’insensibilité de la larve hiver-
nante de Lucilia sericata à l'action uniforme d'une température
d'été. Cette larve ne reprend son évolution que si on la soumet
à des existants brusques : actions mécaniques (piqûres, brü-
lures, centrifugation) ou physiques (chauffage brutal succédant
ou non au froid, variations d'humidité) ; elle est également réac-
tivée par l’action prolongée d’une basse température, tandis que
la même température n'agissant que pendant peu de jours est
sans action.
466 E. ROUBAUD
C. — Expériences démontrant l'existence d'un rythme d'inactivité
hivernale indépendant du froid, mais ne cédant qu'au froid,
chez la pupe de Sarcophaga faleulata.
1. G. — AGrION NÉGATIVE DE LA CHALEUR ET DE L'HUMIDITÉ. — 2 pupes
d'Octobre de Sarcophaqu falculata sont placées à létuve à 20-220 C. le
10 Novembre. On humidifie de temps à autre le sable sec sur lequel elles
reposent. Pas d’éclosion.
ACTION NÉGATIVE DES EXCITANTS BRUSQUES. — 2. C. — 1 pupe d'Octobre est
placée brusquement à 00 C. du 14 au 17 novembre, puis replacée à la tem-
pérature du laboratoire. Pas d’éclosion.
3 C. — 1 pupe d'Octobre est placée à 00 C. du 14 au 17 novembre, puis
chauffée brusquement à 450 C. pendant une minute et remise à la tempéra-
ture du laboratoire. Pas d’éclosion.
4. GC. — 1 pupe d'Octobre est portée brusquement à 450 C. pendant
30 minutes, puis mise à l’étuve à 20-220 C. Pas d'éclosion
9. C. — 1 pupe d'Octobre est centrifugée le 17 novembre pendant 2 minu-
tes, puis le 17 décembre pendant 10 minutes. Elle est portée, dans l'inter-
valle et après l’opération, à l'étuve à 20-220 C. Pas d’éclosion.
6. GC. — 1 pupe d'Octobre est soumise le 17 novembre à un éclairement
brusque de lampe Nernst pendant 2 heures ; le 21 pendant 4 heures (lumière
froide). Elle est placée à l’étuve à 20-290 C. Pas d’éclosion.
7 GC — 1 pupe d'Octobre est piquée et saignée légèrement à l'abdomen
le 19 novembre, puis placée à l’étuve à 20-22 jusqu’au {er janvier, et mise à
la température du laboratoire à cette date. Pas d’éclosion.
8. C. — 1 pupe d'Octobre subit le 19 novembre des brülures au fil de pla-
tine rougi, puis est placée à l’étuve à 20-220 C. Pas d’éclosion.
9. C — 1 pupe d'Octobre est plongée le T décembre dans HCI concentré
pendant une minute, puis lavée à l’eau et placée à l'étuve à 20-220 C. Pas
d'éclosion.
10. C. = 1 pupe d'Octobre est portée le 21 novembre à l'étuve à 600 C.
pendant 30 secondes, puis placée à 20-220 C. Le 6 décembre elle est reportée
à 580 C. pendant 5 minutes puis remise à 20-220 C. jusqu’au 24 janvier, Pas
d’éclosion.
11. C.-- Une pupe est plongée brusquement le 17 décembre dans l'alcool
à 900 puis lavée à l’eau et placée à l'étuve à 20-220 C. jusqu'au 24 janvier.
Morte à cette date,
12. C. Une pupe est plongée le 7 décembre alternativement dans l'eau
à 600 C. (10 secondes) puis dans l'eau froide (12 C.). Elle est ensuite placée
à l'éluve à 20-220 C. Pas d’éclosion.
13. C. — Une pupe est portée brusquement le 6 décembre à 830 C. pen-
dant { minute puis placée à l'étuve à 22° C. jusqu’au 24 janvier. Pas
d’éclosion.
ACTION POSITIVE D'UN ABAISSEMENT THERMIQUE PROLONGÉ. — 14. C. — Une
pupe est placée à la glacière (0 à + 40 C.) du 8 décembre au 3 janvier,
puis à celle date mise à 20-220 C. Æclosion normale le 16 mars.
15. GC. — Une pupe est placée à la gläcière (0 à + 40 C.) du 8 décem-
bre au 3 janvier, puis portée brusquement à 680 C. pendant 45 secondes. Elle
est ensuile placée à l’éluve à 20-220 C. £closion normale le 16 mars.
16 C. — La pupe 10. C. est placée à partir du 24 janvier à la tempéra-
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 467
ture du laboratoire où elle subit les effets du refroidissement nocturne
(max. diurne + 18°, min. noct. + 5° C.). £Eclosion normale le 40 mai.
17 C. — Le 24 janvier, la pupe 13. C. est placée à la même tempéralure
du laboratoire (max. 18, min. + 5). Elle subit le 20 mars l’action d’un
mélange réfrigérant à — 140 C. pendant 24 heures, puis, jusqu’en mai, les
variations thermiques no males du laboratoire. £elosion normale le 11 mai.
18. C. — Deux pupes sont placées le 24 janvier, au froid prolongé à la
glacière (+ 40 C.) du 24 janvier au 46 mars, puis à celle date placées à la tem-
pérature du laboratoire. L'une, provenant de l'expérience 12 ci-dessus,
atteinte ultérieurement par des moisissures n'éclôt pas. La seconde, prove-
nant de l’expérience 5 (centrifugalion) présente une éclosion normale te
2 juin (La température moyenne du laboratoire, peu élevée en mars avril,
depuis le 49 mai a été voisine de 25° C.).
Ces expériences montrent que le sommeil hivernal des pupes
de Sarcophaga falculata ne peut être brisé n1 par les excitants
mécaniques, ni par les excitants physiques, ou chimiques. Seules
de basses températures, continues ou non, agissant pendant
un temps prolongé, ramènent le développement suspendu
pour des causes internes indépendantes du froid de l'hiver.
D. — Expériences démontrant l'existence d'un rythme d'inactivité
hivernale indépendant du froid, mais ne cédant qu'au froid,
chez les larves de Mydæa platyptera (Anthomytide).
1. D. — ACTION NÉGATIVE DE LA CHALEUR. — Des larves, hivernant à l’exté-
rieur depuis l'automne dans les fumiers de lapin, sont placées le 10 janvier
à l’étuve à 200 C., dans leur milieu originel, très humide. Quoique mobiles
et actives, ces larves müres ne prennent aucune nourriture et restent sans
se transformer jusque vers la fin de février où quelques pupifications se
produisent de façon irrégulière, se poursuivant jusque vers le 15 mars. Le
plus grand nombre des larves ne se transforment pas malgré la chaleur.
2. D. — ACTION NÉGATIVE DES EXCITANTS BRUSQUES. — Des larves provenant
du même milieu sont partagées en 3 lots. L’un des lots est soumis à la centri-
fugation pendant 5 minutes; le 2 lot, porté à 560 C pendant minute, puis
replacé à la température de l’étuve ; les larves du 3e lot sont saignées, ou
brülées au fil de platine. Aucune nymphose n'apparaît dans ces différents
lots jusqu’à l’époque (fin mars) où la transformation se produit aussi pour
les larves de l'extérieur.
ACTION POSITIVE DU FROID PROLONGÉ. — 3. D, — Des larves provenant du
fumier extérieur el ayant subi l'action normale du froid, 2 mois de plus
environ que les larves de 1 2. sont placées le 6 mars à la température de
laboratoire (max. 180 C. le jour, min. + 5 la nuit). De nombreuses pupes
se forment quelques jours plus tard, surtout abondantes vers le 15 mars.
Toutes les larves du lot sont nymphosées à la date du {er avril: Eclosions
normales.
4. D. — Des larves, restant non transformées du lot 1 2, sont mainte-
nues à la température de l’éluve (20° C.), jusqu'au 30 mars. A cette date, les
larves sont placées à la température du laboratoire (max. 180, min. + 5)
pour subir les effets du refroidissement nocturne. Deux pupes se forment
468 E. ROUBAUD #
le 44 mai, les autres se nymphosent irrégulièrement dans les jours qui sui-
vent; la dernière larve donne une pupe le 30 mai. Aucune de ces pupes tar-
divement formées n'éclôt.
3. D, — Des larves provenant de ponte expérimentale de deuxième géné-
ration, datant du 7 avril, mûres et ayant cessé de s’alimenter vers le 20 mai.
sont placées le 29 mai à la glacière (+ 50 C.) jusqu’au 19 juin (3 semaines).
La Nymphose apparaît à la fin de Septembre, mais elle n’est pas générale,
la durée du refroidissement n’ayant pas été suffisamment prolongée.
APPARITION SPONTANÉE DE LA DIAPAUSE D'HIVER DÈS LE DÉBUT DU PRINTEMPS
ET À LA CHALEUR DE L'ÉTUVE, CHEZ LES LARVES MURES DE DEUXIÈME GÉNÉRATION.
ABSENCE DE DIAPAUSE CHEZ LES LARVES DE ÎT@ GÉNÉRATION POST-HIVERNALE.
L'éducation dans le milieu normal (excréments de lapins) de Mydaea
platyptera a été réalisée en série continue.
6. D. — A. — {re génération. — Des mouches adultes provenant des
nymphes de février du lot 4 D. ont été mises en élevage à l’étuve à 200 C.
De pontes obtenues le 15 mars, sont issues des larves de 1re génération post-
hivernale qui se nymphosent le 23 mars et donnent des imago le 2 avril.
D’autres pontes obtenues le 8 mars évoluent également sans arrêt don:
nant des adultes le 26 mars.
B. — 2e génération. — Les mouches provenant de cette {re génération,
élevées à l’étuve donnent des pontes les 7, 13, 20, 26, 28, 30 avril. Ces œufs.
sont l’origine de larves de 2e génération qui évoluent plus lentement, à la
même température que ci-dessus. Les premières larves ayant cessé de s’ali-
menter n'aparaissent que le 22 mai. Quelques-unes sont encore en cours
d'alimentation le 24 juin. Aucune nymphose ne se produit. L'évolution de
cette 2 génération reste latente malgré la chaleur (25 à 300 C.). Vers le
milieu de juillet quelques nymphoses abortives apparaissent ; peu à peu
quelques unes des larves maintenues à l’étuve sans subir l’action du froid se
pupifient mais le plus grand nombre des pupes formées ne parviennent
pas à l’éclosion. Les larves restantes meurent sans évoluer dans le cours
de l'été.
ACTION NULLE DES EXCITANTS BRUSQUES SUR LES LARVES DE 2€ GÉNÉRATION A
L'ORIGINE DE LEUR DIAPAUSE.
7. D. — Le 29 mai, différents lots de larves müres de 2e génération ayant
commencé leur diapause, sont soumis à des excitations diverses : piqüres,
saignées, brülures, chauffage brusque à 600 C. pendant 4 minute à 2 repri-
ses, chocs mécaniques multiples. Aucune larve ne se transforme en pupes.
Les excitants sont également inefficaces chez les larves au 3e stade non
mûres.
On pouvait penser que le froid était capable de déterminer un ralentisse-
ment durable de Pactivité chez des larves de {re génération. L'expérience
suivante montre que non.
9. D. — Des larves de {re génération à des stades divers de la croissance
ont été placées à la glacière (+ 40 GC.) les 21 et 22 mars. Au sortir de la
glacière, replacées à l’étuve, l’évolution se poursuit sans arrêt, avec nym-
phose et éclosion au début d'avril.
Ces expériences et observations mettent nettement en évi-
dence l'existence, chez Mydæa platyptera, d'un rythme d'arrêt
métabolique, indépendant du froid de l'hiver dans son déter-
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 469
minisme d'apparition. Cet arrêt, précédé d’un ralentissement
plus ou moins marqué de la croissance larvaire, survient à la
fin de la période d'alimentation chez les larves de la deuxième
génération d'été ou post-hivernale. Seul le froid prolongé,
s'exerçant où non de façon continue, peut faire reprendre le
développement. Les excitants brusques sont sans action.
3. Discussion des Résultats. Le Rythme hivernal cédant au
froid et les influences réactivantes diverses. Muscides
homodynames et hétérodynames.
Dans leur ensemble, les expériences ci-dessus font manifes-
tement ressortir un premier fait. C’est que le sommeil d'hiver
des larves de Lucilia sericata, de Sarcophaga falculata, de
Mydæa platyptera n'est nullement lié, dans son déterminisme
immédiat, au froid de l'hiver. I n’est pas plus lié à l'hiver
que notre sommeil nocturne à la nuit. L'évolution de ces espè-
ces s'arrête bien avant que les froids ne fassent sentir leur
influence. L'inhibition se produit pour les unes (L. sericata,
Mydæa), sous la forme de larves müres et ayant cessé de
s'alimenter, sous celle de pupes tout récemment formées pour
la troisième espèce. Cet arrêt, dont nous discuterons plus loin Les
causes physiologiques intimes, se présente avec la valeur d’une
périodicité normale dans le cycle annuel des espèces. Par là,
on peut présumer tout de suite de son caractère obligatoire.
Le sommeil hivernal des larves et des pupes dont il s’agit est
donc bien différent, dans sa nature, de celui qui peut affecter occa-
sionnellement les larves et les pupes de la Mouche domestique
ou du Stomoxe. S'il arrive que ces dernières hivernent sous la
forme larvaire ou nymphale, c’est ici le froid qui représente
la raison déterminante du phénomène. Ce sommeil est avant
tout lié au froid; il cède immédiatement aux élévations de
température. Il n'apparait d’ailleurs comme aucunement néces-
saire, n1 même utile à l'espèce. Les expériences d'élevage en
séries, été comme hiver, nous montrent en effet que la mouche
des maisons et le Stomoxe sont doués d'une activité de
reproduction et de développement continue à toute époque de
l’année et peuvent parfaitement se passer de sommeil d'hiver,
470 E, ROUBAUD
C'est la raison pour laquelle ces espèces se rencontrent toute
l'année dans les habitations ou les étables chaudes, comme
nombre d'auteurs l'ont constaté. C'est aussi la raison pour
laquelle ces mouches, obligées de se cantonner en hiver dans de
rares endroits favorables à leur développement continu (ordu-
res ou fumiers en locaux chauïtés), diminuent forcément de
nombre au cours des mois froids; ce n’est que progressive-
ment, lorsque les mois chauds réapparaissent, qu’on les voit
se répandre de nouveau à l'extérieur où les lieux de dévelop-
pement sont plus nombreux et plus étendus (fumiers d'écurie,
ordures, etc., en plein air), et se multiplier rapidement pour
atteindre vers la fin de l'été leur maximum d'abondance.
Tout au contraire, les espèces douées d’un rythme d'hiber-
nation larvaire où nymphal, à caractère obligatoire, passent
l'hiver, quelles que soient ses conditions de température, à
l'état de latence physiologique et se montrent, dès le printemps,
lorsque les influences déterminantes de l’éclosion ont pu se
faire sentir, en nombre aussi considérable que dans le cours
de l’été. Ce sont, en effet, les individus provenant des pontes de
cette période de l’année qui se manifestent à l’état imaginal au
printemps, sans avoir eu à subir de diminution marquée dans
leur nombre. Ainsi s'expliquent les faits observés par GRaHAM
Surra relativement à l’abondance précoce des Calliphores.
Ces remarques nous amènent à distinguer parmi les Muscides,
deux catégories biologiques essentielles. IL y a des espèces,
comme la Mouche domestique, le Stomoxe, les Drosophi-
les, etc., dont les générations successives, quel que soit leur
nombre, sont douées d’une activité physiologique constante, et
obéissant toute l’année aux influences thermiques. Le froid peut
provoquer une suspension momentanée de cette activité, un
sommeil hivernal, non obligatoire, non nécessaire, qui cède
immédiatement à une élévation de température. Lorsque la
moyenne thermique est maintenue favorable, les générations
de ces espèces actives se succèdent indéfiniment, été comme
hiver, avec la même continuité, au moins dans leurs conditions
naturelles d'alimentation larvaire. J'ai attribué à ces espèces
douées d’une infatigable énergie évolutive le qualificatif d'Ao-
modynames (?), afin de marquer les facultés de développement
(1) GC. R, Acad. des Sciences, avril 1922.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 471
identiques de toutes leurs générations. De telles espèces sont
bien faites pour devenir innombrables. Seules, les rigueurs de
l'hiver qui entravent plus ou moins leur développement, en
atténuant la multiplicité de leurs lieux de ponte, apportent une
restriction, heureuse au point de vue humain, à leur inépui-
sable fécondité.
Je distinguerai au contraire sous le terme d'hétérodynames les
espèces étudiées plus haut, comme la Mouche Verte, le Sarco-
phage, l'Anthomyide Mydeæa platypteraou encore les Tachinaires
entomobies citées par Pantel, dontles générations successives du
même cycle annuel présentent une activité biologique dissem-
blable. À une ou plusieurs générations douées d’évolution rapide,
sensibles au froid comme à la chaleur, à tous leurs stades évolu-
tifs, et obéissant normalement à ces influences retardantes ou
accélérantes de l’activité métabolique, succède une génération
dont l’activité se montre brusquement suspendue par une
période de diapause obligatoire, au cours de laquelle l'organisme
échappe complètement aux influences thermiques accélératrices
du développement.
Cette période d'inertie, nous la voyons affecter tantôt la larve
ayant achevé sa croissance, tantôt la nymphe au début de sa
transformation (pronymphe). Ce sont bien des espèces Léréto-
dynames, c'est-à-dire dont la puissance évolutive diffère suivant
les générations.
Nous n'envisageons point encore ici l'explication du phéno-
mène, mais ssmplementnous constatons les faits. Au point de vue
physiologique, nous apercevons d'ailleurs des différences dans la
facon de se comporter des différentes espèces frappées d'inertie.
Nos expériences montrent en effet que des trois types spécifiques
étudiés, seule la larve de Lucilia sericata à réagi par une
reprise sub-immédiate du développement aux excitations pro-
voquées. La saignée, les brülures, la centrifugation, les varia-
tions d'humidité, Y'action brusque du chauffage à une tempéra-
ture élevée, incompatible avec la vie normale, ont déterminé
chez cette larve les transformations nymphales et l’éclosion
rapide que l’action d’une température d'été continue (20-22°C)
était impuissante à réaliser. Au contraire, la pupe de Sarcophaga
falculata, la larve de Mydæa platyptera se sont montrées com-
plètement insensibles à ces influences excitatrices,
19
479 E. ROUBAUD
On voit donc que les phénomènes d'arrêt qui affectent spon-
tanément ces Muscides, n'ont pas la mème valeur, exactement,
pour toutes Les espèces. S'agit-il de différences de nature ? Nous
pensons que non, mais il y a des différences d'intensité dans le
phénomène lui-même, des variations dans la profondeur ou le
degré de l'inertie qui le caractérise. La torpeur est plus ou
moins intense, suivant les espèces ; dans les cas légers, comme
chez L. sericata, cette torpeur cède à une simple excitation. Il
est frappant de constater, dans ces cas, que la larve, organisme
complexe, obéit aux excitants comme l’ovule dans la parthéno-
génèse expérimentale : [Il y à réactivation chez la première,
comme il y a chez le second ac/ivalion du développement.
La réactivation des larves en diapause de Lucilia sericata par
des excitants artificiels : brülures, saignées, centrifugation,
chaleur, ete., ne produit pas immédiatement d'action apparente.
Les larves excitées ne manifestent pas tout de suite leur sensi-
bilisation. Elles demeurent inertes comme les témoins. Mais la
nymphose survient après un délai qui, dans les expériences
relatées plus haut, variait de 2 à 5 jours pour la même tempé-
rature d'incubation. Il y a donc un retard physiologique, dans
une certaine mesure comparable à la période de latence ou
temps perdu de la contraction musculaire expérimentale.
Pour bien se représenter la valeur de ce emps perdu dans la
rupture apparente de la diapause, 1l est nécessaire de rappeler
que la larve hivernante se trouve au stade précis de la larve (asti-
cot) müre, c'est-à-dire prête à la nymphose et ayant cessé de s’ali-
menter. Dans les conditions ordinaires des transformations de
l'asticot, chez Les Muscides, la nymphose survient après un délai
qui, à la température de 20 à 22C., n'excède guère deux jours
après la cessation complète de la période d'alimentation, cette
dernière étant marquée par la disparition des matières nutritives
du tractus intestinal et la coloration cireuse uniforme de la
larve. Or, c’est à ce stade que se manifeste la diapause obliga-
toire chez la larve de L. sericata. On devrait donc s'attendre à
voir apparaitre la pupification, dans ce délai de 24 à 48 heures
au maximum après l'excitation réactivante. Cependant, le plus
souvent, l'apparition de la pupe a été postérieure à ce délai. Le
retard, peu important dans l'espèce qui nous occupe, s'est mon-
tré beaucoup plus marqué, comme nous allons le voir, dans les
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAI, 413
espèces qui, ne réagissant pas aux excitants précités, ont mani-
festé la rupture de leur diapause sous l'influence du froid.
Si, en effet, la réactivation des larves ou des pronymphes de
nos Musecides en diapause d'hiver, par des agents ercitants, de
nature mécanique, physique ou chimique, n'a donné de résultat
que pour L. sericata, en revanche /outes les espèces ont pu
être réactivées en faisant agir le froid, non plus sous la forme
d’exeitant brusque et temporaire, mais sous celle d’une influence
ménagée, prolongée. H est nécessaire de revenir sur ces résul-
tats très particuliers.
La larve de la mouche verte (L. sericata) soumise à la gla-
cière au voisinage de + 4° C. pendant 26 jours (Exp. 9 B), puis
replacée progressivement à l'incubateur à 20° C., s'est pupifiée
normalement trois jours plus tard. Nous revoyons done ici se
manifester le léger temps perdu des expériences d’exeitation
artificielle.
Le froid soutenu a eu raison de la diapause. Au contraire
un froid même plus intense (0°), ayant agi de facon brusque
pendant 3 jours (Exp. 8 B), n’a pas réussi à réactiver la larve.
Nous retrouvons des faits comparables avec les deux autres
espèces. Chez Sarcophaga falcuiata et Mydæa platyptera,
le froid prolongé a seul été capable de briser la torpeur hiver-
nale ; un froid brüsque, même très intense, agissant pendant peu
de jours, n’a pu réactiver les organismes hivernants, pas plus
que les autres agents d’excitation physiologique: brusque.
Nous notons, en effet, pour Sarcophaga falculata VYinflu-
ence nulle d’un refroidissement brusque à 0° pendant 3 jours,
suivi où non de réchauffement à haute température (Exp. 2 et
3 C). Par contre, la réactivation survient, avec éelosion normale,
dans les expér. 14 et {5 C où la pro-nymphe a subi l’action de
la glacière prolongée pendant 26 jours, exactement en même
temps que la larve de L. sericata de l’exp. 9 B. Tandis que cette
dernière s’est nymphosée trois jours après la cessation du refroi-
dissement et a donné un adulte 11 jours plus tard, les pupes de
S. falculata de la même expérience n’ont manifesté leur éclo-
sion que 73 jours plus tard, pour la même température d'incu-
bation. Le temps perdu de l’éclosion sur l’action réactivante est
donc ici de près de deux mois et denu.
Dans l'exp. 18 C la période de temps perdu s’est élevée à
FES
TS
E. ROUBAUD
19 jours, les pupes étant placées au laboratoire à une tempé-
rature un peu moindre que les précédentes, après la période
de refroidissement réactivant.
La continuité des basses températures n'est d’ailleurs pas
nécessaire pour réactiver le développement. Il suffit des refroi-
dissements nocturnes. Ainsi, dans les exp. 16 Cet 17 C nous
voyons des pupes, ayant subi sans résultats l’action de réchauf-
fements brusques, placées le 24 janvier à la simple tempéra-
ture du laboratoire où elles sont soumises la nuit seulement à
des abaissements thermiques allant jusqu'au minimum de + 5,
éclore à un jour d'intervalle, près de 4 mois après le début de
la période de refroidissement intermittent. L'action d’un refroi-
dissement brusque à — 13°C. pendant 24 heures chez la pupe
17 C ne s’est fait sentir que par un retard de 24 heures sur
l’éclosion, par rapport à la pupe 16 C. Sans ce léger retard
l’éclosion des deux pupes eût été simultanée.
On pouvait se demander si les larves de Mydæa, ou les
pupes de Sarcophaga falculata, qui normalement n’ont pas
réagi aux excitants brusques, ne manifesteraient pas une sensi-
bilité nouvelle à l'égard de ces excitants, une fois réactivées
par l'influence antérieure du froid. Les expériences ci-après, réa-
lisées sur ce sujet, montrent en effet que les larves de Mydæa
platyptera, lorsqu'elles ont subi l'action réactivante du froid,
réagissent par une nymphose plus ou moins rapide aux exci-
tations brusques auxquelles on les soumet. Toutefois, la réponse
est loin d'offrir la régularité que l’on observe pour les larves
de L. sericata soumises, sans avoir supporté l’action du froid,
à des excitants analogues.
Exp. — Le 16 mars, 4 larves de Mydizæa ayant subi l'action
normale du froid au dehors, depuis le mois d'octobre, sont sai-
gnées par piqüres : une des larves se pupifie À heures plus
tard, la deuxième le 21 mars, les deux autres larves meurent de
l'opération.
À la même date, 4 larves sont touchées au fil de platine
rouge, 6 larves sont portées à 70° C. pendant 40 secondes.
4 heures plus tard apparait la première pupe, 3 nouvelles pupes
se forment le 20, 2 autres le 22. Les 4 autres larves meurent.
Des larves témoins, beaucoup se pupifient à peu près vers le
. LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 47)
même temps, mais d'autres ne sont point encore transformées
le 30 mars.
Il semble done bien que les larves ont effectivement
réagi aux excitations par une nymphose légèrement plus
précoce que dans les conditions ordinaires. On peut admettre
qu'une fois réactivées par les basses températures prolongées,
les larves reprennent une excitabilité qui leur permet de réa-
gir aux excitants comme les larves de L. sericata.
Dans la nature, les phénomènes de diapause des espèces
hétérodynames se trouvent coïncider avec la saison froide. Le
réveil survient au printemps, souvent d’une façon très précoce.
Si les expériences précitées ne mettaient pas en évidence l’action
des basses températures dans le déterminisme du phénomène
de réactivation, on pourrait penser que ce réveil printanier
est dû à des influences excitatrices particulières propres à la
saison. C’est sous cet aspect, qu’au début de ces recherches,
m'était apparue la question ; aussi, avant d’avoir pu mettre en
évidence laction réactivante des périodes de refroidissement
très antérieures, avais-je pensé à des actions exercées par les
radiations thermiques ou lumineuses. L'éclosion des pupes des
expériences 14 et 15 C., qui avaient été placées en flacons opa-
ques et en chambre noire à l'abri des radiations lumineuses
extérieures, ma montré qu'il n'en était rien. En comparant
attentivement les résultats de toutes les expériences réalisées,
on se rend compte que seules sont parvenues à l’éclosion les
pupes qui ont pu subir les effets du refroidissement continu ou
discontinu, pendant un temps prolongé. |
On pouvait penser également que la vie latente des larves ou
des pupes hivernantes était liée à l’anhydrobiose. Mais l’action
de l'humidité sur les pupes de Sarcophaga s’est montrée inapte
à provoquer l’évolution; quant aux larves de Mydæa platyptera
cette question ne se posait pas pour elles. Ces larves hivernent
en effet dans un compost très humide ; elles recherchent pendant
toute leur période de diapause les parties Les plus aqueuses de
la masse stercorale où elles évoluent. On voit donc que la déshy-
dratation n'est pas en jeu dans le déterminisme de ces arrêts
évolutifs saisonniers des larves ou desnymphes de Muscides (?).
(:) Nous verrons plus loin que, pour Mydæa platyptera Yinfluence de
476 E. ROUBAUD
Ce sont des phénomènes dépendant uniquement de causes inter-
nes, d’un état physiologique particulier d’allure rythmique. Cet
état se présente, de plus, comme affectant théoriquement l'orga-
nisme d'une façon définitive, si ce dernier ne subit pas les effets
réactivants nécessaires. Les espèces hétérodynames, arrêtées
obligatoirement dans leur évolution par ces influences mysté-
rieusés qui planent sur leur destinée, verraient celle-ci plus ou
moins irrémédiablement compromise si ces conditions réacti-
vantes se trouvaient écartées de leurs circonstances éthologi-
ques normales,
Il
LA DIAPAUSE D'HIVER AU POINT DE VUE
PHYSIOLOGIQUE. SA NATURE ET SES CAUSES
1.Intoxication et asthénie héréditaire cyclique chez les Mus-
cides hétérodynames. Epuisement et rajeunissement pério-
dique des générations.
a) Diapause hivernale et excrétion. — Après avoir établi la
nature rythmique des phénomènes d'arrêt constatés chez les
Muscides hétérodynames, après avoir fait ressortir l’indépen-
dance de ces phénomènes à l'égard de l’abaissement de tempé-
rature hivernal considéré comme agent déterminant, il nous
faut maintenant tenter de pénétrer plus avant dans l’expli-
cation physiologique de tels processus et d'interpréter s'il est
possible le rôle quasi-mystérieux du froid dans la réactivation
printanière des espèces.
En étudiant comparativement, au point de vue anatomique et
histologique, les larves ou les pronymphes frappées de stase
hivernale, j'ai été frappé tout de suite des différences présentées
par les organes d’excrétion de ces organismes, avant ou après la
période d'hibernation.
On sait que chez les Muscides l’excrétion urinaire à pour siège
essentiel deux types d'organes principaux: les tubes dé Malpi-
l’anbydrobiose n'est cependant pas négligeable, mais qu'elle se pose sous
un tout autre aspect que celui d'une influence inhibitrice, cd
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL AIT
ghi, servant à l’excrétion et à l'évacuation, et le Tissu adipeux
qui sert de rein d'accumulation surtout au moment de la nym-
phose. Dans ce dernier organe, les urates se déposent sous l'as-
pect de granules plus où moins volumineux, ayant une affinité
particulière pour les colorants de la chromatine ; ce sont les
pseudo-nuclei de Bercese, dont Ca. Pérez (!) a montré la nature
exacte et la destinée au cours de la nymphose, chez la mouche à
Fig. 1. — Cellules adipeuses d’une pronymphe hivernante de Sarcophaga
f'alculata Pand., montrant les volumineux granules d’excrétion (pseudo-
nuclei), chargeant le cytoplasme.
viande. Etudiant les phénomènes histologiques de la métamor-
phose, chez cette espèce, il a constaté que les pseudo-nucler
apparaissent dans le corps adipeux avec le début de la nym-
phose, augmentant progressivement d'abondance chez la nym-
phe jeune tandis que [a voie malpighienne d'élimination des
urates se trouve supprimée. |
La mouche à viande est une forme hétérodyname. L'étude
des nymphes hibérnantes de cette mouche, au point de vue de
la destinée des urates pendant la phase d'hibernation, serait inté-
ressante à entreprendre. On y constaterait certainement des
phénomènes comparables à ceux que j'ai observés chez Sarco-
phaga falculata, et Mydæa platyptera.
(t) Arch. Zool. Ezxp., t. XLIV, Fév, 1910,
478 E. ROUBAUD
Des coupes faites sur les pronymphes de la première espèce,
au mois d'octobre, avant la période d’hibernation, montrent une
quantité énorme de globules d’urates dans les cellules adipeuses
(fig. 1). Ceséléments sont surchargés de produits d’excrétion qui
se présentent sous l'aspect de globoïdes basophiles, parfois volu-
mineux. Chez des pupes au même stade examinées après plu-
sieurs mois d'hiver, à la température du laboratoire, l'abondance
de ces globoïdes se montre très diminuée. C'est là une observa-
tion faite pour surprendre : on pouvait penser que pendant une
période de jeûne aussi prolongée, l'organisme nymphal, astreint
à se nourrir de ses réserves, etne pouvant excréter à l'extérieur,
aurait vu les urates s’accumuler bien davantage dans ses tissus.
Rappelons, à ce sujet, que chez les Hyménoptères SémicHon (°)
n'a point vu non plus les urates augmenter au cours de la vie
ralentie ou des métamorphoses, tandis qu'il observe l’augmen-
tation de ces produits chez des larves soumises au jeûne avant
la période de repos.
C’est surtout chez la larve de Mydæa platyptera, dont J'ai pu
me procurer des exemplaires en abondance, que j'ai fait les
observalicns les plus suivies (?). Chez les larves prêtes à la
nymphose de la génération de printemps, larves qui évoluent
sans subir d'arrêt obligatoire, Le tissu adipeux se montre chargé
de pseudo-nuclei (PI. L fig. {), accumulés de préférence dans
certaines cellules particulières et non dans la généralité des
cellules comme pour les Muscides précédents. Le corps proto-
plasmique de ces éléments d’excrétion présente des sphérules
d'urates inclus dans toute sa masse.
La disposition est la même chez la larve mûre de la généra-
tion hivernante, avant qu'elle ait subi l'action réactivante du
froid. Le-tissu est également riche en urates, accumulés parti-
culièrement dans certaines cellules spéciales auxquelles ils con-
fèrent à l'état frais une coloration plus sombre. Si lon examine
les mêmes larves, au sortir d’un séjour de trois semaines à la
glacière (-- 5° C.), on ne voit plus qu'un petit nombre de glo-
bules d’excrétion dans les cellules. La plupart ont déjà disparu.
(‘) Recherches morphologiques et biologiques sur quelques Mellifères solitaires.
Thèse Fac. des Sciences, Paris, 1906.
(2) Je suis heureux d'adresser ici mes remerciements à mon excellent collabo-
rateur M. Descazeaux, qui a bien voulu m'assister dans la préparation histolo-
gique de ce travail.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 479
Mais, si l'examen porte, cette fois, sur des larves hivernantes
âgées, ayant subi depuis cinq mois l’action normale du refroi-
dissement hivernal, qui se trouvent par suite à la fin de leur
Fig %. — Schéma de l'organisation digestive d'une larve de Mydæa pla-
ypter a, montrant les tubes de Malpighi de la paire antérieure hypertro-
phiés par les urates, surtout dans leur partie distale P.
période d'hibernation et prètes à reprendre leur évolution sus-
pendue, on note cette fois une disparition presque totale des
grains d'excrétion dans les éléments adipeux (PI. I, fig. 2).
480 E. ROUBAUD
La plupart des cellules grasses sont absolument vides de pro-
nuclei, et, quand il en subsiste, ce ne sont plus que des gra-
nules extrêmement réduits, localisés au centre de la cellule,
dans le voisinage immédiat du noyau. Aïnsi, loin de voir les
urates augmenter à la suite d’une très longue période de jeûne,
on constate au contraire, chez les larves hivernantes, la remise
en mouvement de ces éléments et leur élimination presque com-
plète de l'intimité des tissus. La période de repos hivernal
apparait donc immédiatement, d'après ce que nous venons de
dire, comme une période d'épuration physiologique, au cours
de laquelle l'organisme larvaire se débarrasse du trop plein
des matériaux d’excrétion qui le surchargeaient.
Cette constatation est encore appuyée et confirmée par l'exa-
men des tubes de Malpighi. La partie distale de ces éléments
(fig. 2, P), est couramment le siège d'une accumulation de
sphérules d'urates. Les tubes de la paire antérieure, surtout,
dans plus des deux tiers de leur longueur, sont distendus et
transformés en boyaux épais qui apparaissent de couleur
blanche, par la concentration dans leur lumière des sphérules
d’excrétion. Mais, tandis que chez la larve de la première
génération, prête à la nymphose, l'hypertrophie maxima de
ces organes ne dépasse guère trois fois le diamètre moyen des
tubes normaux, chez la larve ayant achevé sa période d’'hiber-
nation l’hypertrophie peut être deux fois plus marquée que
chez la précédente. La charge des tubes de Malpighi en
grains d’excrétion varie done dans des proportions inverses de
celle que l’on constate dans le corps gras ; d'où l’on doit raison-
nablement conclure que pendant l'hiver ces organes se char-
gent aux dépens des urates fixés dans les cellules de ce tissu.
On peut préciser davantage le mode de fonctionnement des
tubes de Malpighi au cours de la période d'hibernation. Si l'on
examine une larve de Mydæa, larve mûre de la deuxième géné-
ration, immédiatement au sortir d'un séjour de trois semaines
à la glacière, on note qu'une grande partie des tubes de Malpi-
ghi a perdu sa charge en urates (fig. 3). La portion distale des
tubes antérieurs est en partie vide de son contenu et plus ou
moins distendue etflétrie. Le fonctionnement propre de l'appareil
excréteur s'est donc poursuivi d'une façon intense malgré le
froid ; il s’est produit une évacuation utile du contenu déjà
LÉ SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 481
excrété, qui a été éliminé de l'organisme, en même temps qu’une
remise en mouvement des excreta fixés dans les cellules adi-
peuses. Ramenée à la chaleur la larve ne tarde pas à remplir à
nouveau ses tubes de Malpighi et même à les surcharger de
façon intense, parce qu'alors elle vit de ses réserves et produit
de nouveaux excreta. | |
La période de refroidissement est donc une période de repos
et de décharge, nécessaire dans cette intoxication générale,
une période de détente réalisée grâce au fonctionnement continu
Fig. 3. — Portion de la partie distale des lubes de Malpighi antérieurs,
vide de son contenu en urates, chez une larve de Wydæa au sortir d'un
séjour de trois semaines à la glacière.
des organes urinaires, desquels dépend le retour à la vie,
de l'espèce. C’est à la suite de ce repos préparatoire accompa-
gné d'épuration que l'énergie fonctionnelle des tubes de
Malpighi peut elle-même reprendre ‘une vigueur nouvelle ;
l’épithélium excréteur, s'il est alors ramené à une température
d'activité générale, va fonctionner encore de façon plus intense
de manière à assurer l’épuration complète de l’organisme.
Le phénomène comprend donc deux temps principaux. Tout
d'abord des échanges d’excrétion, s’exerçant au cours de l’in-
tervention même de la période de refroidissement, et aboutis-
482 E. ROUBAUD
sant à une décharge partielle de l'organisme dont l’activité
métabolique, source constante de matériaux nouveaux d’excré-
tion, est alors réduite au minimum. Cette épuration partielle
permet une tonification nouvelle, une reprise des énergies phy-
siologiques Celle-ci se manifeste au cours de la seconde période,
celle qui suit la phase d'intervention du froid, par une exerétion
plus active qui compense la production accrue des excreta
chez l'organisme ramené à température d'activité.
Réactivation des larves d'hiver de Mydæa en l'absence du
froid. — L'exactitude de cette double interprétation et la néces-
sité de l'intervention du froid comme facteur d'épuration réac-
tivante initiale ‘apparaissent nettement lorsqu'on étudie des
larves en arrêt physiologique d'hiver, de Mydæa, qui ont été
soustraites à cette influence. On peut voir en effet certaines de
ces larves, au bout de plusieurs mois de vie latente à la cha-
leur, se nymphoser, ce qui démontre que l'organisme a réussi
) ) e) ?
malgré l’absence de période froide, à réaliser cependant son
épuration physiologique grâce à l'intervention de conditions
particulières, sur lesquelles nous aurons lieu de revenir de
facon spéciale (v. page 536).
Mais, toutes les larves en diapause ne sont pas aptes à
reprendre ainsi leur développement sans avoir subi l'action
d'une température basse. Il n’y en a qu'un petit nombre, ce qui
donne au phénomène de la réactivation à la chaleur, pour
cette espèce de Muscide, un caractère exceptionnel. De plus,
les individus adultes qui ont réussi à se former à haute tempé-
rature sont plus ou moins dégénérés ou de condition physiolo-
gique défectueuse, comme le montre l'observation e1-après.
OgservarioN., — Durant le courant de l'été une centaine de larves de géné-
ration hivernante ont été conservées à la température de l’étuve (20-250 C.)
sans êlre jamais exposées à une température inférieure à 18° C. Le 20 juin
la moyenne thermique a été élevée vers 300 C. jusqu'au 12 juillet, puis à
cette date les larves ont été ramenées à la température du laboratoire. A
partir du 8 juillet, quelques pupes formées sans le secours du froid ont
donné des individus adulles : une vingtaine de mouches ont ainsi pu par-:
venir à l’éclosion dans un milieu en partie desséché. Les autres larves et
les pupes formées, conservées à la même température d'été, n'ont point
poursuivi leur évolution et au début d'Octobre aucune n'est plus trouvée en
vie dans les récipients d'élevage.
Ces individus hivernants de Mydæa platyptera,réactivés excep-
tionnellement sans le secours du froid, manifestent des malfor-
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 483
mations nombreuses : atrophie des ailes, pouvant aller jusqu'à
l'absence complète de tout rudiment alaire apparent, pattes
déformées (fig. 4) ou rudimentaires.
Même chez les individus bien conformés, l'épuisement des
réserves se traduit par la réduction du corps gras. Les mâles
sont plus rares que les femelles (4 G observés sur 15 ©); ils
sont, de plus, retardés dans leur développement sexuel. Les tes-
Fig. 4. — Malformations des pattes antérieures chez deux exemplaires de
-Mydæa platyptera hivernants, nés sans le concours du froid. 1, tarse
rétrocufvé ramené vers le haut de la patte ; 2, tibia et tarse exagérement
raccourcis, disparition des griffes et déformation complète du membre
chez un individu monoptère. La comparaison des tarses T, au même
grossissement dans les deux cas, précise l'étendue des malformations.
ticules, au moment de l’éclosion sont atrophiés, et le retard
dans la maturation sexuelle se traduit par l'iraptitude complète
à l'accouplement pendant la première semaine, alors que les
individus éclos à la faveur du froid s'accouplent dès leur nais-
sance. Ces mäles arriérés ne sont cependant point stériles. Con-
venablement alimentés, ils finissent par acquérir, au bout d'une
dizaine de jours en moyenne, une maturité génitale normale,
ainsi que les femelles de même condition. J'ai pu obtenir et
484 E: ROUBAUD
suivre la descendance de ces femelles : elle évolue normale-
ment, suivant la loi d'accélération qui caractérise la génération
non hivernante, mais cette descendance est longue à se mani-
fester.
Les exceptions constatées pour Mydæa platyptera à la règle
de l'intervention obligatoire du froid dans le cyele évolutif de
l'espèce, ne font, comme on le voit, que confirmer la nécessité
de cette intervention pour le maintien de conditions biologiques
favorables à l'existence de ce Muscide.
L'épuration physiologique qui doit réactiver les larves hiver-
nantes n’est efficacement possible qu’en l'absence de chaleur.
Aussi voit-on le thermotropisme des larves hivernantes de
Mydæa devenir franchement négatif, alors qu'avant leur période
d'inertie elles évoluent normalement dans les parties chaudes
des fumiers. L'épuration par le froid de ces larves hivernantes
nécessite également une hydratation constante. Aussi ces larves
se maintiennent-elles constamment dans les parties les plus
humides des tas de fumier, pendant toute la durée de leur
période d'inertie. Par là, ce processus d'hibernation ne sau-
rait être confondu avec les processus d'anhydrobiose que nous
étudierons plus loin.
Nous obtenons, d’après cet ensemble de constatations,
l'explication du rôle réactivant particulier exercé par le froid
prolongé sur ces larves en arrêt d'évolution. Et nous com-
prenons aussi la sigmfication de cette période de ‘emps
perdu plus ou moins longue, parfois fort longue, qui sépare
la phase où l'intervention réactivante s'est fait sentir, de
la reprise manifestée de l’évolution. Cette période de temps pérdu
apparent, est au contraire une période d'activité excrétrice
intense, la seule forme d'activité qui soit alors permise à l’orga-
nisme, et qui lui permet d'achever son épuration, malgré la for-
mation de produits de désassimilation nouveaux. L'examen, à
l'état frais, de l’épithélium excréteur des tubes de Malpighi,
traduit nettement la suractivité fonctionnelle qui incombe à ces
organes au cours de la période d'inertie apparente de l’hiberna-
tion. Si l’on examine l'épithélium excréteur, dans la partie
proximale des tubes, chez une larve de Mydæa de première
génération, non hivernante, cet épithélium apparait coloré en
Jaune orangé vif par des pigments ; les tubes sont pleins, soli-
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 485
des, présentant les habituelles bosselures (fig. 5, 1. Au eon-
traire, chez une larve ayant achevé sa période d'hibernation
(fig. 5, I), les tubes sont flétris, décolorés, la teinte devenue
jaune terne ou brunâtre, les bosselures sont peu marquées; on
a nettement l'impression d'un organe fatigué par une période
prolongée d'activité intensive.
On saisit donc nettement la nature précise des phénomènes
considérés. L'arrêt métabolique rythmique correspond à des
nécessités d’'excrétion. Les larves ou les nymphes d'hiver à évo-
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Fig. 5. — Aspect comparé des tubes de Malphigi chez des larves de Mydæa
de conditions diverses. [, larve de génération non hivernante, IT, larve
ayant subi l’épuration physiologique, examinée à la fin de la période d’hi-
bernation, IE, larve prête à l'hibernation, n'ayant pas encore subi l’ac-
tion du froid.
lution suspendue de nos Muscides ne sont autre chose que des
organismes surintoxiqués par les produits d’excrétion urinaire
qui les encombrent. Cet état latent d'intoxication se traduit par
une sorte de dépression physiologique, de torpeur où d’asthénie
spécitique, que l’hibernation doit combattre.
Manifestations extérieures et réalisation expérimentale de
l’asthénie spécifique d'hibernation. Expériences diverses d’into-
æicalion inhbitrice — VL'intoxication profonde dont l'orga-
nisme des larves hivernantes est le siège se révèle, en effet,
extérieurement par une sensibilité nerveuse moindre, en
même temps que par un ralentissement marqué de la crois-
sance. Ces effets sont surtout visibles chez les larves de Mydæa.
486 Ë. ROUBAUD
platyptera. Mème à la chaleur, les larves hibernantes de ce
Muscide sont peu mobiles; elles ne se déplacent guère sponta-
nément et restent le plus souvent inertes dans le compost
humide d’'excréments d'herbivores en décomposition où on les
rencontre. Les mouvements de ces larves sont plus lents que
ceux des larves d'été à la même température. Elles ne répon-
dent pas aussi nettement aux excitations diverses.
Les larves de Lucilia sericata, malgré la diapause, manifestent
une excitabilité plus marquée que les précédentes. Elles réagis-
sent franchement et vigoureusement aux piqûres, se déplacent
aussi de façon plus vive, à température favorable. Or, ces mêmes
Jarves traduisent aussi un état d'intoxication beaucoup moins
profond : L'asthénie spécifique peut être en effet vaincue chez
ces larves par les excitants brusques, tandis qu’elle ne peut
l'être chez les larves de Mydæa. Nous voyons donc iei s'éclairer
la nature de ces différences physiologiques : état d'intoxication
accentué, paralysant complètement les ressources énergétiques
de l'organisme, chez les unes ; état d’asthénie plus superficiel
et cédant à des secousses nerveuses brusques chez les autres.
Cette conception d'un état d'intoxication provoquant une
asthénie plus ou moins profonde, nous pouvons d’ailleurs la
vérifier directement par la voie expérimentale. Si l'arrêt méta-
bolique est bien dû à une intoxication générale, on est, en effet,
fondé à penser que toute cause nouvelle d'intoxication surve-
nant chez des larves avant subi l'épuration physiologique hiver-
nale et prêtes à la nymphose, devra détruire les effets réacti-
vants de cette désintoxication et provoquer un nouvel arrêt de
développement. On peut également penser que par une intoxi-
cation artificielle on déterminera chez des larves d'espèces à
développement continu (homodynames), une diapause expéri-
mentale plus ou moins prolongée, équivalant physiologiquement
à la diapause normale des espèces hétérodynames.
Pour vérifier ces hypothèses, je me suis adressé à des larves
mûres de Mydxa platyptera, de première et de seconde généra-
tion, ainsi qu'à des larves, prêtes à la nymphose, de la mouche
domestique. Comme ces larves müres ne s'alimentent plus, il
était impossible de songer à les intoxiquer par la voie digestive.
J'ai dû faire usage de poisons respiratoires, d'une toxicité rela-
tivement faible pour les larves et se rapprochant de l'intoxica-
o°
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 487
tion par le gaz carbonique ou l’oxyde de carbone. Les anesthé-
siants ordinaires (éther, chloroforme) sont trop toxiques; le gaz
carbonique, d'élimination trop rapide. L'emploi du gaz d'éclai-
rage, mélangé à l'air à la pression normale, m'a donné satisfac-
tion. Les expériences ci-après ont été réalisées.
I. — Expériences démontrant la prolongation de la torpeur
hivernale sous l'influence de l'intoxication gazeuse.
à .
L'expérience suivante a été réalisée avec des larves d'hiver
de Mydæa platyptera ayant subi l'action normale du froid et
prêtes à la nymphose.
Deux larves ont été choisies parmi un lot dont tous les représentants ser-
vant de témoins ont été trouvés pupifiés le 2 avril.
La larve no 1, est soumise le 30 mars à une asphyxie partielle au gaz
d'éclairage, en tube de verre bouché. Au bout de 2 heures, la larve complè-
tement inerte, mais présentant des pulsations cardiaques conservées, est
replacée dans son milieu ordinaire. Cette larve, le lendemain, a repris loute
son activité, mais la nymphose est retardée jusqu’au 13 avril, soit d'environ
deux semaines sur les témoins. L’adulte éclot normal le 27 avril.
La larve no 2 est soumise le 1er avril pendant 3 heures aux mêmes condi-
tions d'intoxication par le gaz. Le 20 avril, cette larve n’est pas encore lrans-
formée. Elle subit à celte date une réintoxication prolongée pendant 4 heu-
res. La nymphose a lieu le 5 mai, après un retard de plus d'un mois sur
Les témoins. L'adulte éclot normal le 18 mai.
On voit par ces expériences qu'il est effectivement possible de
prolonger l’arrêt métabolique des larves hivernantes, par des
intoxications nouvelles succédant à la période de désintoxication
hivernale. [action du gaz n’est évidemment pas identique à
l’action intoxicante spécifique, de nature urinaire, qui provoque
l'asthénie d'hiver des larves de Muscides. Mais elle permet des
effets expérimentaux fout à fait semblables en suscitant, par une
voie artificielle, des phénomènes physiologiques (intoxication)
analogues à ceux qui la provoquent. Il est frappant de constater
que pour chacune des larves expérimentées, l'action intoxicante
a déterminé une prolongation à peu près semblable de la
période diapausique, soit d'environ une quinzaine de Jours, à
deux reprises différentes pour la larve n°2 qui à subi deux into-
xications successives. [Il est permis de penser que par des rém-
‘)°»
De)
488 E. ROUBAUD
toxications répétées la diapause eut pu être prolongée pendant
beaucoup plus longtemps encore.
J'ai réalisé comparativement les mêmes essais, sur des larves
d'été de Mydæa, c'est-à-dire de la génération qui ne subit pas
la diapause, et sur des larves de mouches domestiques, Mus-
cide homodyname sans générations diapausiques. On pouvait
se demander, en effet, si le mème processus d'intoxication par-
tielle ne: déterminerait pas chez ces larves l'apparition d’une
période d'inertie correspondant à la diapause normale d'hiver
des formes précédentes. Les résultats ont été les suivants :
IL — Expériences démontrant l'apparihion d'une période d'ar-
rét métabolique par intoxication arfficielle chez des Muscides
non hivernants.
Exp. 1. — Une larve müre d'été de Hydæa est soumise le 17 avril à
l’intoxication par le gaz pendant une heure. La nymphose a lieu le 18 avril
(retard de 48 heures sur les témoins).
Exp. II. — Une larve müre d'été de Hydæa est soumise le 17 avril pen-
dant 45 minutes à l’intoxication par le gaz. Le 20 avril elle subit-une nou-
velle intoxication pendant uné heure. La pupe se forme le 22 (retard de
4 jours sur les témoins).
Exp. III. — Une larve müre de Mouche domestique est soumise le
4er avril à l'intoxication par le gaz pendant une heure, La nymphose sur-
vient le 3 avril (retard de 48 heures sur les témoins).
Exp 1V.— Deux larves müres de Mouche domestique sont soumises
le 4er avril à l'intoxication par ie gaz pendant une heure, puis placées à t ne
température inférieure à 159 C. pendant 48 heures, à l’étuve à250 C le 4 avril.
La nymphose a eu lieu les 5 el 6 avril (Retard de % à 5 jours sur les témoins).
On voit, par ces expériences, qu'il est possible effectivement
de susciter chez des larves à développement sub-continu une
période d'arrêt expérimental, correspondant physiologiquement
à la diapause normale d'hiver. Cette période est d’ailleurs très
courte et n'excède pas 48 heures dans les conditions où, pour
les larves précédentes, Le délai obtenu atteignait une quinzaine
de jours. La brièveté de cette période artificielle est liée au
fonctionnement intensif de l'appareil excréteur. Ces faits mon-
trent, et nous Le vérifierons plus loin, à l’aide de données diver-
ses, que les larves des générations affectées par une torpeur
d'hibernation sont bien normalement intoxiquées d'une facon
profonde, ce qui ne leur permet pas de triompher aussi rapide-
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 489
ment que les autres des influences nouvelles d'intoxication que
l’on fait agir sur elles.
Une expérience supplémentaire que j'ai réalisée comparati-
vement sur des larves de même génération, les unes ayant déjà
atteint leur période de diapause, les autres encore en cours de
développement et n'ayant pas ceïsé de s'alimenter, témoigne
encore nettement, au surplus, de la sensibilité particulière aux
intoxications offerte par ces larves en cours de torpeur diapau-
sique. J'ai placé, dans le même tube, des larves de Mydæa au
troisième stade, mais n'ayant pas encore cessé leur alimenta-
tion, et des larves ayant cessé de s’alimenter depuis déjà plus
d'une semaine, ce phénomène caractérisant l'avènement de la
diapause d'intoxication. Les unes et les autres ont été soumises
pendant deux heures à l’action du gaz d'éclairage. Les larves
en cours de diapause se sont montrées complètement inertes à
la fin de l'expérience et restèrent dans cet état pendant plus de
6 heures, tandis que les larves encore en cours de croissance
n'ont jamais perdu la mobilité et étaient redevenues très actives,
déjà deux heures après le retour à Pair libre.
J'ai pu également constater que les larves en asthénie d’hi-
bernation sont beaucoup plus sensibles que Les autres à l’action
des anesthésiques (éther, chloroforme).
La torpeur affectant normalement les larves des générations
hivernantes étant liée, pour nous, à la surcharge en produits
d'excrétion non éliminés, il était permis de penser qu’en donnant
à des larves de Muscides homodynamesune alimentation azotée
exclusive facilitant la surproduction des urates, on déterminerait
également chez ces larves, au moment de la nymphose, une
surcharge toxique propre à suspendre plus ou moins longtemps
les phénomènes métaboliques. C'est bien en effet ce que vérifie
l'expérience suivante.
Ml. — Expérience démontrant l'apparition d'une période d'ar-
rét métabolique liée à la surcharge urinaire, chez la larve de
Mouche domestique soumise à l'alimentation carnivore exclu-
sive.
Un lot de larves de Mouche domestique ont été nourries, à partir de l'œuf,
sur testicule de rat (1). La croissance s'effectue normalement. Les larves
() Je dois les larves qui ont servi à cette expérience à l’obligeance de M. Des-
490 E. ROUBAUD
mûres abandonnent le milieu alimentaire le 24 juin. Placées à l'étuve à
250 C. ces larves restent mobiles, sans s’alimenter ; elles ne se pupifient que
de trois àcing jours plus tard. L’éclosion survient le huitième jour.
Des larves témoins nourries sur leur milieu ordinaire, le crottin de cheval,
se nymphosent douce heures après la fin de l’alimentation..L’éclosion sur-
vient le septième jour.
On voit donc que le régime carnivore pur, engendre chez la
larve de mouche domestique, un arrêt anormal de l’évolution
au moment de la nymphose. Cette période d’inhibition ne peut-
correspondre qu'à des nécessités d’excrétion urinaire; elle ne
peut pas être attribuée à une insuffisance en matériaux alimen-
taires hydrocarbonés car les larves ont refusé de s’alimenter
sur le crottin mis au moment de l’expérience à leur disposition.
a) Démonstration, par la Cryoscopie, de la surcharge physio-
logique des larves hibernantes. — On peut encore, au surplus,
vérifier d’une autre manière les conceptions que nous avons
émises au sujet de la nature de la diapause chez les larves ou
les pupes d'hiver, et sur le rôle du froid dans leur réactiva-
tion ultérieure.
Si les phénomènes d'arrêt de développement spontané, dont
les larves en cours de diapause hivernale sont le siège, ont bien
leur origine immédiate dans la surcharge excrétrice, s'il s'agit
bien en somme d’une intoxication générale de l’organisme par
une accumulation excessive d'éléments de désassimilation, on
est fondé à penser que l'étude cryoscopique du sang ou des
humeurs, doit révéler chez les hivernants des modifications
liées à un accroisement anormal de la concentration molécu-
laire. |
Pour soumettre cette conception au contrôle de l'expérience,
je me suis adressé aux larves de Mydiwa platyplera. Le sang
de ces larves était prélevé dans des tubes capillaires, par
piqûre, et le point de congélation du liquide obtenu, immédia-
tement étudié après la ponction. Les résultats ont été les
suivants :
cazeaux, qui à également constaté, chez des larves de Stomoxe nourries sur un
milieu riche en azote (cervelle), un retard, dans l’évolution nymphale, de 3 à
4 jours sur les témoins (crottin de cheval), malgré une croissance très active,
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 494
Points de congélation notés :
Larves de génération de printemps
(nonhivernante) n'ayant pas achevé
I de’s'ahimenter. @u) 7 ANR : \ — 708 à — 80 C.
Larve de la génération hivernante
n'ayant pas achevé de s’alimenter. ( — 120 C.
IL Larves hivernantes müres, n'ayant
pas subi l’action du froid . . . — 120 à — 140 C.
[IT Larves hivernantes müres, ayant
- subi l’action de la glacière pen-
dant 8 jours, et examinées
ASourenius dre der TOR — 70 C.
Ces expériences démontrent effectivement que la concentration
moléculaire du plasma sanguin est beaucoup plus grande chez
les larves hivernantes n'ayant pas subi l’action du froid, que
chez les larves des générations d'été, à développement rapide,
non affectées par la diapause. Elles établissent, de plus, qu'a-
près un court séjour à la glacière, la concentration du milieu san-
guin s'abaisse notablementet se rapproche de celleobservée chez
les larves des générations rapides avant la cessation de l’ali-
mentation. Tout se passe comme si l'organisme subissait les
effets, d'abord d’une déshydratation correspondant à la diapause,
puis d'une réhydratation progressive. Ainsi se vérifient les
effets de la décharge physiologique réalisée grâce à l’interven-
tion d’une période de vie à basse température.
b) Caractère héréditaire cyclique de l'asthénie spécifique
chez les Muscides hétérodynames. Le rajeunissement rythmique
des générations. — Nous voyons désormais s’éclairer nettement
la nature physiologique des différences évolutives constatées
entre les Muscides homo et hétérodynames. Les premiers,
comme nous l'avons dit, ont une puissance génératrice continue :
les générations successives, quelle que soit la rapidité du déve-
loppement, parfois si intense chez la Mouche domestique, ne
s'épuisent jamais: leur activité évolutive ne paraît point se
ralentir et les individus tard venus dans la saison ne supportent
point les conséquences du labeur physiologique excessif des
générations précédentes. La reproduction intensive est donc
permise à ces espèces, dont le fonctionnement parfaitement réglé
de l'appareil excréteur prévient les tares séniles, l'épuisement
et l’asthénie, dans les générations les plus tardives.
492 É. ROUBAUD
Tout autres sont les espèces hétérodynames, auxquelles leurs
imperfections organiques ne permettent qu'une activité biolo-
gique intermittente. Il y a désharmonie entre la puissance mul-
tiplicatrice de ces espèces et leurs facultés physiologiques d’ex-
crétion. Précocement surchargées par les poisons qu'entraine le
fonctionnement normal de leur activité, ces espèces lèguent à
leurs générations tardives un patrimoine héréditaire d’intoxica-
tion qui les conduit rapidement à l'impuissance, à l’incapaeité
de développement. C'est alors que survient la diapause, coïnei-
dant pour nos régions assez exactement avec l'hiver, circons-
tance heureuse, mais non voulue, qui permet aux générations
épuisées de se refaire par une longue période de repos. Cette
période de détente n’est pas seulement utilisée au bénéfice de
l'organisme qui la subit ; elle l'est encore au moins à celui de la
génération suivante. L'épuration physiologique prolongée à
laquelle est soumise la génération larvaire où nymphale en dia-
pause, va permettre en effet le rajeunissement de celle qui pro-
cédera de cette génération réactivée.
J'ai pu démontrer le bien fondé de cette conception en réa-
lisant l'éducation expérimentale suivie de l'Anthomyide Mydcea
platyptera, à partir des larves en asthénie d'hiver. Des larves
hivernantes, ayant subi l’action du froid dans les conditions natu-
relles en novembre et décembre, ontété placées en janvier à la
température d'été. Certaines d’entre elles se sont nymphosées
dans le courant de février, donnant, en une quinzaine de jours,
des mouches adultes quise sont accouplées normalement et ont
produit des pontes au début de mars.
La génération issue de ces pontes (génération normale d'été)
a manifesté une rapidité de développement très grande, tradui-
sant bien les effets du rajeunissement physiologique. Cette
génération, en effet, à 22° C. à évolué en dir-huit jours, avec
huit jours de vie larvaire. Des œufs pondus le 8 mars ont
donné des adultes le 26 mars. Une autre ponte effectuée le 15
a donné des pupes le 23 mars et des adultes Le 2 avril.
Les mouches provenant de cette génération d'été, à dévelop-
pement rapide, ont donné des œufs de nouvelle génération à
partir du 7 avril. Nous avons obtenu des pontes les 7, 13, 22,
27, 28, 50 avril. Les larves issues de ces pontes, quoique édu-
quées dans les mêmes conditions et à la même température
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 493
d’étuve (22° C.) que les précédentes, ont manifesté, dès le début,
un ralentissement notable de la croissance. Les premières lar-
ves müres, ayant cessé de s’alimenter, n'ont été vues que le
22 mai, pour la génération du 7 avril. La croissance de ces lar-
ves à donc duré plus d’un mois, environ 45 jours au lieu de 8.
La génération du 13 n'avait pas encore achevé sa croissance en
50 jours. Des larves en cours d'alimentation ont été encore ren-
contrées le 24 juillet, soit près de trois mois après la dernière
ponte. Ici d’ailleurs il est possible que les médiocres qualités
nutritives d'un milieu n'ayant pas été renouvelé, aient un peu
influencé le retard évolutif.
Les larves müres de cette deuxième génération se montrent
affectées d’asthénie spécifique provoquant l'arrêt de l’évolution.
Elles ne sé nymphosent pas mais Aivernent, même au cours du
printemps et à une température d'été (de 25 à 35° C.). En deux
mois et demi, nous avons donc réalisé expérimentalement le
cycle complet des générations d'une année et nous sommes, au
printemps, ramené aux larves hivernantes.
Ainsi, l’Anthomyide Mydæa platyptera doit être considéré
comme un Muscide à deux générations annuelles. La première
génération, issue des mouches qui ont subi l’épuration d’hiver,
est une génération dont le développement continu, exception-
nellement rapide, traduit bien les effets héréditaires de cette
désintoxication. C'est une génération rajeunie dont l’activité bio-
logique n'est pas suspendue au cours de son développement.
Mais, cette continuité même dans l’agtivité biologique, si elle
est sans effets sur cette génération elle-même, pèse lourdement
sur la suivante à laquelle elle lègue des tares de fatigue précoce
et d'intoxication.
Par le ralentissement général de son activité métabolique,
précédant l’arrêt total qui survient au moment de la nymphose,
la deuxième génération dénote, en effet, un état asthénique pro-
gressif. C'est une génération prématurément épuisée par l’ef-
fort métabolique de la génération antérieure. Le caractère héré-
ditaire cyclique de cette asthénie ne saurait être mis en doute,
puisque les conditions de milieu et de nutrition restent les”
mêmes pour les deux générations.
La nécessité où se trouve la génération asthénique de traver-
ser une période de refroidissement prolongé, pour retrouver
40% \ E. ROUBAUD
son énergie évolutive, doit limiter normalement à deux le
nombre des générations annuelles de ce Muscide. Il n’est
cependant pas impossible qu'exceptionnellement un petit
nombre d'individus de la génération asthénique parviennent à
reprendre leur développement avant l'hiver, donnant naissance
à une génération active tardive. On rencontre, en effet, à la
fin de septembre, des larves de Mydæa à développement actif,
non hivernantes ; mais, rien ne permet d'affirmer que ces larves
accélérées tardives proviennent réellement d’une génération
asthénique, ayant accompli son développement à la suite
d’une période d’estivation, indépendamment du froid. On doit
plutôt penser que la fécondité des individus issus de l'hiver
se maintient pendant tout le cours de l'été, et que ces géné-
rations actives d’arrière saison procèdent de pontes tardives de
femelles écloses au printemps.
On ne possède guère d'indications actuellement sur le nom-
bre de générations annuelles présenté par les autres espèces de
Muscides hétérodynames, notamment les Lucilies, les Sarco-
phages et les Calliphores. Il est possible que ce nombre, au
minimum de deux, ne soit pas absolument fixe pour les espèces
et que des variations se produisent dans l’époque des manifes-
tations de l’asthénie préhivernale ; que l'arrêt total de l’évolu-
tion se manifeste tantôt sur la larve même, tantôt sur la pro-
nymphe de la même espèce. Les conditions d'alimentation, plus
ou moins riches en matières azotées, peuvent influer directement
sur la production des urates et modifier sensiblement le degré
d'intoxication des générations diverses. Il y a ici matière à
recherches ultérieures.
Pour une espèce donnée, considérée en général, l'époque des
manifestations inhibitrices parait varier notablement comme
celle du réveil. Mais ces variations peuvent dépendre de l'épo-
que des pontes et des conditions de développement antérieures.
C'est ainsi que, dans un même lot de larves hivernantes de
Mydæa platyptera provenant d’un tas de fumier soumis au
froid de l'hiver, les unes ont déjà donné naissance à des adul-
tes au début de mars, tandis que d’autres sont encore à l'état
de larves à la fin de ce mois. Les divergences constatées par
PanTEL pour un lot de pupes de tachinaires recueillies à une même
époque sont plus saisissantes encore. Les unes se transforment
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 495
en quelques jours, tandis que les autres subissent la diapause
hivernale. Il y a là un fait un peu troublant au premier abord
et qui peut donner prise aux conceptions téléologiques : pour
nous ces différences sont dues à ce qu'il ne s'agit pas d'une seule
génération de la même mouche, mais du mélange de plusieurs
générations de mouches différentes. Nos expériences nous per-
mettent d'affirmer que des larves issues de la même ponte et
soumises à des conditions de développement identiques ne
différent pas sensiblement les uns des autres dans les condi-
tions de leurs manifestations d'asthénie.
Si l'on rassemble les données auxquelles nous sommes par-
venus, on voitainsi le mystérieux disparaitre peu à peu devant
l'étude des phénomènes. Il ne subsiste plus que la constatation
d'une harmonie établie au mieux des intérêts de l’espèce, entre
les circonstances de saison et les particularités physiologiques
spéciales des différentes générations. Cette harmonie, si remar-
quable lorsque les espèces sont livrées aux conditions natu-
relles, peut être aisément déformée par les conditions expéri-
mentales.
Nous voyons en effet, chez Mydæa platyptera élevée en série
continue, à l'étuve, l’ « hibernation » apparaître à la deuxième
génération sans aucun rapport avec l'hiver, dès le milieu du
printemps. Par le chauffage continu, c’est-à-dire par la suppres-
sion de la période de refroidissement hivernal, j'obtiens la con-
servation à l’état de larves, à la fin de mai, des individus hiver-
nants provenant de l'automne précédent. Les larves de l'hiver
passé et celles de l'hiver futur peuvent être ainsi réunies dans
le même moment (fin mai) au laboratoire, sans qu'aucune consi-
dération de saison ou d'époque de l’année intervienne obli-
gatoirement dans l'existence de ces générations.
2. L’Asthénobiose cyclique
et l'Athermobiose réactivante spécifique.
Les phénomènes de léthargie ou de vie latente cyclique qui
affectent les générations héréditairement intoxiquées des Musci-
des hétérodynames, peuvent être distingués sous le qualificatif
général de phénomènes d’asthénobiose. Ils sont caractérisés,
nous l'avons vu, par un état de dépression générale de l'organisme
496 E. ROUBAUD
larvaire ou nymphal, état d’asthénie lié à une surcharge en
matériaux toxiques et qui proscrit l'achèvement de l’évolution.
Cette période d'asthénobiose survient dans la vie de l'espèce
comme une manifestation de sénilité précoce, vouant théorique-
ment à la mort, sans espoir de descendance, les individus qui
en sont frappés, si les circonstances propres au rajeunissement
de ces individus n'interviennent pas. C'est là un hiatus grave,
une imperfection essentielle dans le cycle annuel des espèces.
Pendant la période d'asthénobiose, la continuité du eyele se
trouve subordonnée tout entière au fonctionnement des organes
excréteurs ; et ce dernier nous le voyons lui-même placé sous
la dépendance des conditions d’abaissement de température
extérieure. I faut le froid, pour réactiver l'évolution. À tempé-
rature d'été continue la vie de l'espèce se trouverait irrémédia-
blement compromise
Nous connaissons déjà les secrets de cette intervention réac-
tivante. Les expériences montrent tout d’abord que Le froid n'agit
pas à la manière d’un excitant brusque. Un froid, même très.
intense, n'est pas susceptible de déterminer la reprise de l’évo-
lution s'il ne se fait sentir que pendant quelques heures. Il faut
un refroidissement de longue durée, au minimum de trois semai-:
nes, semble-t-il, d'après nos expériences, pour réactiver l’or-
ganisme D'autre part, il ne parait pas nécessaire que le refroi-
dissement atteigne le voisinage de 0°, ni qu'il se fasse sentir
d’une façon continue. Nous avons vu qu'il suffit pour réactiver
la pupe en asthénobiose de S'arcophaga falculata, de faire agir
sur elle une. température inférieure à 15° C. au moins pendant
la nuit, mais pendant un temps prolongé.
Ce n'est donc pas, en propres termes, le froid qui intervient,
mais l'absence de chaleur. faut que l'organisme astreint à une
période d'épuration physiologique, soit maintenu au-dessous des
limites de température qui conviennent à sa vie active. Nous
avons fait comprendre pourquoi. A basse température, en effet,
les échanges de nutrition sontextrèmement ralentis. Le fonction-
nement rénal seul persistant, assure au mieux la désintoxication
nécessaire, puisque la production urinaire est rendue très faible.
Tandis qu'au-dessus de 15° C. les larves ou les pupes consomment
rapidement leurs propres réserves et produisent en retour de
nouvelles quantités de matériaux d’excrétion, il devient dès
LE SOMMEIL, D'HIVER PRÉ-[IMAGINAL 497
lors impossible aux organes, sur lesquels repose le mécanisme
de l'épuration, de réaliser celle-ci dans des conditions satisfai-
santes. Sans cesse de nouvelles quantités d’urates viennent
dt la place des quantités extraites de l'organisme. L'épu-
ration physiologique est rendue impossible, ou elle est alors si
lente que l'organisme épuise les réserves indispensables à la
nymphose avant d'avoir pu reprendre son évolution. Aussi
voyons-nous les pupes de Mydæ&a platyptera formées de façon
tardive, à la suite d'un séjour prolongé des larves hibernantes
à l'étuve, mourir toutes peu de temps après leur transformation
(Exp. 4 D). De même font la plupart des larves maintenues à
l'étuve de la deuxième génération (Exp. 6 D, B).
L'épuration réactivante des larves ou pupes de Muscides en
asthénobiose ne peut donc être réalisée, dans les conditions
normales, qu'à la faveur d’une période prolongée d’'athermo-
biose, c'est-à-dire de vie sans chaleur, condition indispensable
permettant de réaliser la suppression quasi totale des échanges
nutritifs, tandis que le mécanisme de l'excrétion subsiste et se
renforce progressivement. Au cours de cette période d’ather-
mobiose, la vie de l’insecte, maintenu à une température infé-
rieure à celle qui permet l’activité des échanges, n’est plus
qu'une vie rénale, une vie d’excrétion. Par là nous apparait le
caractère indispensable de cette phase biologique : L’athermo-
biose, par son mécanisme épurateur, intervient dans le cycle des
espèces hétérodynames comme le réactivant spécifique de lévo-
lution suspendue. L'hibernation obligatoire correspond à une
cure d'excrétion.
Mais nous avons vu que la période d’athermobiose peut être
remplacée, chez les larves faiblement intoxiquées de Lucilia
sericata, par l'intervention de facteurs expérimentaux d'excita-
tion. Les deux mécanismes de réactivation, l’un naturel, Fautre
artificiel, pourra:ent sembler très éloignés l’un de l'autre comme
mode d'action. Ils ne le sont cependant qu'en apparence. Dans
l’un comme dans l’autre cas l’asthénobiose est rompue par la
reprise de l’excitabilité générale, la fin de la dépression physio-
logique. Les excitants brusques agissent en coup de fouet, gal-
vanisant les énergies vascillantes et faisant céder la torpeur sous
des influences d'irritabilité qui paraissent pouvoir se ramener à
des modifications brusques des concentrations moléculaires
498 E. ROUBAUD
internes. L’athermobiose parvient au même résultat, mais d’une
façon plus lente, plus insensible ; l'organisme, lentement désin-
toxiqué, revient lentement aussi à ses énergies premières, sous
des influences d'épuration qui se ramènent aussi, comme le
démontre l'étude cryoscopique, à des modifications de concen-
tration intérieure. Et c'est au cours de la longue période de
temps perdu qui suit l'intervention de la phase réactivante, que
peu à peu s'opère la reprise tonique de l’organisme.
On pourrait se demander comment s'effectue, chez les pupes
en diapause, l’épuration physiologique nécessaire, puisqu'à ce
moment les phénomènes histolytiques ont déjà commencé leur
cours. Mais, précisément, chez Les larves de Muscides, comme l’a
montré Pérez, les tubes de Malpighi ne subissent pas l'histolyse.
Ils se conservent et passent à l'adulte. [ls peuvent done jouer
leur rôle épurateur, mais sans éliminer au dehors les produits
excrétés. Ils fonctionnent alors comme reins d'accumulation.
L'athermobiose et la distribution géographique des Muscides
hétérodynames.— La subordination physiologique des Muscides
affectés d’asthénobiose cyclique, à une période d’athermobiose
réactivante, pose la question de savoir si le facteur hiver n’m-
tervient pas obligatoirement dans le problème de la distribu-
tion géographique des Muscides hétérodynames. C'est là un
aspect indirect, mais intéressant cependant, de la question qui
nous occupe. Il semble bien, en effet, que les espèces dont le
cycle évolutif est obligatoirement lié à l'action du froid,
“doivent être écartées, pour cette seule cause, des régions où
il n’y à pas d'hiver.
C'est sans doute la raison pour laquelle nos mouches à viande
Calliphora erythrocephala et C. romitoria, de même que le Sar-
cophage ordinaire de nos régions S. carnaria, ne se rencontrent
pas dans les régions équatoriales et tropicales, en dehors des
localités d'altitude élevée. Nous voyons, au contraire, abon-
der partout dans ces régions, comme dans les régions froides,
les Muscides homodynames comme la Mouche domestique et
le Stomoxe, qui ne sont pas asservis à une période d'ather-
mobiose réactivante.
Et cependant, d'autres espèces hétérodynames, comme
Lucilia sericata, existent indifféremment dans les régions
froides ou dans les pays tropicaux. Mais nous avons vu que
Li SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 499
l'asthénie cyclique affectant cette espèce est peu intense et
cède facilement aux interventions réactivantes. D'autre part,
le gel n'est pas nécessaire pour favoriser la reprise de l’évo-
lution. L'athermobiose peut se restreindre à une moyenne
thermique peu inférieure à 15° C., au moins pour certaines
espèces comme Sarcophaqga falculata, espèce rencontrée dans
des régions sans hiver rigoureux puisque Bôrrener () la
signale de Tunisie. Dans beaucoup de contrées tropicales
la moyenne nocturne, pendant les saisons sèches, peut réa-
liser aisément labaissement thermique nécessité par ces
espèces. La coexistence dans nos régions et en Afrique tropi-
cale du Sarcophaqga nurus (hœæmorrhoïdalis) est liée ainsi sans
doute aux faibles exigences d’athermobiose de cette forme.
Inversement, nombre d'espèces répandues dans les régions
tropicales ne fréquentent point les nôtres : ainsi, les Chrysomyia
(Pycnosoma), espèces apparentées aux Lucilies et vivant de Ja
même manière qu'elles, à l’état de larves sarcophages. On ne
peut penser quil s'agisse là de formes homodynames, à repro-
duction continue toute l’année ; l'abondance de ces mouches
est en effet beaucoup moindre pendant la saison sèche (froide)
que pendant la saison des pluies ou saison chaude. Cette cons-
tatation porte à penser que ces espèces traversent également
une période d'arrêt métabolique ou d’asthénobiose cyclique.
Mais peut-être la réactivation n'est-elle plus subordonnée ici à
une période d'athermobiose ; peut-être intervient-il, dans la vie
de ces espèces, un phénomène équivalent d’estivation sur lequel
nous aurons à revenir, dépendant ou non du desséchement ou
de l’anhydrobiose.
IT
L'ASTHÉNIE SPÉCIFIQUE
ET LA QUESTION DES MÉTAMORPHOSES
Les phénomènes d'arrêt cyclique du métabolisme étudiés
chez nos Muscides méritent une attention particulière si l'on se
(!) Deutsche Ent. Zeutsch., 1913, p.15.
500 : E." ROUBAUD
place au point de vue théorique, si discuté et si obscur, du
déterminisme de la métamorphose. Ce n’est pas ici le lieu de
s'étendre d'une façon spéciale sur ce sujet ; mais, si l’on se rend
compte que l'intervention des facteurs asthéniques ou inhibi-
teurs, qui suspendent le cycle évolutif de nos Muscides, porte
souvent sur le moment même où doivent apparaitre les
premiers phénomènes de la métamorphose, on saisit tout-de
suite l'intérêt nouveau qui s'attache à leur connaissance pré-
cise. Ces facteurs, susceptibles chez la larve de Lucia sericata,
de Mydæa platyptera de suspendre complètement ou de retar-
der pendant un temps prolongé l'apparition des transformations
nymphales, doivent apparaître, sinon comme déterminants
directs, au moins comme régulateurs spécifiques de la méta-
morphose et peuvent nous éclairer de façon précieuse sur les
origines physiologiques et le déterminisme intime de ce phé-
nomène. |
IL faut remarquer tout de suite que la diapause d'hibernation
chez nos Muscides ne porte pas, chez toutes les espèces, sur le
même stade évolutif. Pour les deux espèces précédentes, elle se
présente précisément à la période où l'on devrait voir se
produire les processus initiaux de l’histolyse, c’est-à-dire à la
phase du déclenchement, sur laquelle plane le mystère le plus
complet. Pour d’autres espèces, comme Sarcophaga falculata,
les Calliphores, les nombreuses espèces de Tachinaires notées
par Panrez, l'arrêt ne se déclare que beaucoup plus tard, après
les premières manifestations de la nymphose. Que les causes
soient identiques cela ne saurait faire de doute, mais le moment
varie et l'intérêt biologique du premier cas nous parait le plus
évident.
S'il faut avec KoROTNEFF, DE BRUYNE, KARAWAIEW, TERRE, ANGLAS,
Bercese, BATAILLON, Giarp et nombre d'auteurs, chercher dans
certaines perturbations physiologiques résultant de l’inanition,
de l’asphyxie, l’origine des phénomènes de nécrobiose d’où
procèdent les transformations caractérisant les métamorphoses,
que peut-on penser de nos larves d'hiver de Mydca où de Luci-
lia, larves müres et repues, en mêmes conditions physiologiques
que les larves prêtes à la nÿmphose et qui cependant ne se
transforment point ? Si les conditions physiologiques d'inanition
ou d’asphyxie interviennent dans le déterminisme des métamor-
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 501
phoses, elles ne sauraient nous apparaitre que comme facteurs
secondaires, surajoutés et non vraiment déterminants. Qu'il
s'agisse, à l'origine des processus de transformation, de phéno-
mènes lytiques ou phagocytaires, comment se fait-il que chez
ces larves d'hiver, même placées à une température d'été, exci-
tables et mobiles, la vie larvaire se prolonge ainsi, d'une façon
quasi indéfinie sans qu'apparaissent les processus de nécrobiose,
alors que ceux-ci surviennent si rapidement, en moins de quinze
Jours, chez les larves au même stade des générations esti-
vales? On sent très bien que dans la solution de cette question
réside tout le problème de la métamorphose.
Ur, nous avons montré que la caractéristique physiologique
des larves hibernantes réside dans leur état d’asthénobiose pro-
voqué par une intoxication latente ; et, que la reprise des pro-
cessus évolutifs est liée à une réactivation, c'est-à-dire au réta-
blissement par épuration physiologique de l'excitabilité générale.
L'étude de la réactivation, par les excitants brusques, des
larves de Lucilia sericata, présente ici un intérêt tout parti-
culier. Elle nous montre en elfet, chez ces larves, l'activation
qui déclenche la métamorphose comme subordonnée aux
mêmes influences que celles dont les expériences de Lors, de
Derace, de Giarp, de BaraizLon, ete. ont fait ressortir la généra-
lité dans la parthénogénèse ovulaire. Il me semble qu'en rap-
prochant ces données expérimentales des faits morphologi-
ques connus à l'heure actuelle sur le développement et Les
métamorphoses des insectes, on peut se représenter assez nette-
ment la nature des phénomènes de la métamorphose et les
influences immédiates qui conditionnent celle-ci.
Si l’on se reporte aux faits morphologiques de la métamor-
phose, établis, depuis la découverte par Wisuanx du rôle des
disques imaginaux, par les nombreux auteurs qui ont corrigé
et précisé ses observations, en particulier par CH. Pérez, on peut
dire que ce qui domine l'histoire des Insectes Holométaboles,
c'est l'emboitement de deux embryologies distinctes dans un
seul et même organisme.
L’embryogénie larvaire, édifiée chez les Insectes holométa-
boles, comme l’exprime Lam&erk, suivant un sens adaptatif parti-
culier, s’est différenciée sous des influences vraisemblablement
néogénétiques de croissance et de nutrition active. Mais, à l’in-
502 E+ ROUBAUD
térieur de l'organisme larvaire ainsi différencié en un être à
part, de nutrition et de croissance, nous trouvons très précoce-
ment ébauché et frappé d'inertie l'organisme imaginal. Ce
dernier demeure à l’état embryonnaire jusqu'à la fin de la
croissance larvaire, où il entre en activité brusque de dévelop-
pement pour des raisons inconnues. Or, nos recherches sur
L. sericata et M. platyptera montrent que ces raisons ne sont
pas liées, au moins immédiatement, à un affaiblissement particu-
lier de l'organisme larvaire, mais au contraire à une exaltation
brusque de l'activité embryogénique imaginale soumise à des
influences d’excitation générale liées à la désintoxication.
La larve est un complexe biologique, un cænchium au sens
de Giarp, comprenant l'organisme larvaire bien développé et
différencié, et l'organisme embryonnaire imaginal emboité. Ces
deux individualités, indépendantes par leur nature morphologi-
que, sont reliées entre elles par des liens de dépendance phy-
siologique étroits, comme les gonades le sont par rapport à l'or-
ganisme général. Il s'établitentre ces deux organismes larvaire
et imaginal résultant du conflit de deux adaptations et de deux
hérédités différentes, des actions de concurrence biologique
qui sont tout le problème de la métamorphose. Au débui,
l'organisme imaginal est inhibé, frappé de diapause à l'inté-
rieur de l'organisme larvaire plus actif; et les raisons de ce
maintien à l’état latent nous sommes en droit, d'après les
observations que nous avons rapportées, de les considérer
comme liées à des actions d'intoxication.
Rien ne démontre mieux, en effet, l'indépendance morpholo-
gique et la dépendance physiologique réciproque des deux orga-
nismes unis dans le complexe larvaire, que les phénomènes
observés chez nos larves hivernantes. Pendant toute la période
d'asthénobiose et d'épuration physiologique, nous voyons l'or-
ganisme larvaire réussir à conserver très longtemps son indivi-
dualité aux dépens de l'organisme imaginal inhibé dans son
développement. C'est seulement lorsqu'à la suite du fonction-
nement persistant des organes d’excrétion la décharge des
matériaux toxiques a pu se réaliser, que nous voyons l'organisme
imaginal reprendre brusquement une activité biologique sus-
pendue depuis l’origine. La reprise de cette activité marque, dès
lors, Le déclin rapide de l'organisme larvaire.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 503
Ce sont done les conditions physiologiques internes de la
larve, qui régissent elles-mêmes la durée de la vie larvaire, par
l’entrave plus où moins prolongée qu'elles exercent sur les
manifestations métaboliques imaginales. Tant que lembryon
imaginal reste dominé par les conditions inhibitrices internes,
facteurs d'intoxication résultant du métabolisme larvaire lui-
même, nous voyons la larve maintenir l'intégrité de son exis-
tence individuelle, et cela dans des limites très éloignées, pou-
vant aller jusqu'au terme théorique de la mort naturelle après
des mois de vie sans métamorphoses, à température d'été.
Mais dès que les conditions intérieures deviennent favorables
à la reprise de l'activité imaginale, alors très rapidement cet
organisme embryonnaire en croissance provoque la destruction
de celui qui l’abrite.
Le déclenchement des métamorphoses résulte donc d’une
rupture d'équilibre entre les facteurs de concurrence des deux
organismes, emboités l'un dans l’autre en vertu du conflit d'in-
fluences héréditaires néo et palingénétiques. Les métamor-
phoses ne sont pour nous que la conséquence d’un dualisme
embryologique, d'un processus d’embryogénèse diphasique, de
diontogénèse comme on pourrait l'appeler, dans lequel deux
différenciations individuelles se font jour successivement au
sein d'une même entité morphologique apparente.
Dans la mise en train de la métamorphose, un fait doit
appeler immédiatement l'attention. C'est que les transforma-
tions ne surviennent que lorsque la larve ne peut plus s'accroi-
tre. Nous retrouvons ici une application nouvelle du vieux prin-
cipe formulé par H. Spencer, de l’antagonisme entre la genèse
et la croissance, entre la genèse et le développement. Au point
de vue qui nous occupe, cette constatation peut s’interpréter
comme la conséquence d'une diminution des sécrétions actives
de lorganisme larvaire, dont le métabolisme s’est atténué par
le vieillissement; ce qui se formulerait de la façon suivante :
L'équilibre d'intoxication qui maintient à l'état latent, dans l’or-
ganisme larvaire, l'embryon imaginal emboiîté, ne peut être
rompu que lorsque le premier est parvenu au terme de sa
différentiation et a achevé son alimentation.
On pourrait penser, en effet, que si la mise en activité de l’em-
bryon imaginal ne dépend que des conditions de désintoxication
34
504 E. ROUBAUD
du milieu intérieur larvaire, ou d’excitants brusques extérieurs,
il serait facile de provoquer expérimentalement chez des larves
de tout stade, par le jeûne ou des excitants appropriés, des pro-
cessus au moins partiels de métamorphose. Or, si l’on tente l’ex-
périence, comme Je l'ai réalisé sur des larves de mouches soumises
d'abord au jeûne, puis à l’action d'excitants brusques, on n’ob-
tient que des résultats négatifs. Il est facile de comprendre les
raisons de ces échecs. Elles sont de même nature que celles qui
entravent la reprise du développement chez des larves en asthé-
nobiose soumises à l'action de la chaleur. C’est que le jeûne,
dans un organisme en cours de croissance active, loin de sus-
citer une décharge en matériaux de désassimilation, une épura-
tion physiologique du milieu intérieur, tendrait plutôt à accroi-
tre la production des urates, par la consommation active des
réserves. En fait, chez les larves de mouches soumises au jeûne,
même mortes d’inanition, les tubes de Malpighi se montrent
surchargés d'urates comme chez les larves en cours d’alimen-
tation active. Ce n’est donc que chez des larves ayant à peu
près terminé leur croissance, n'ayant plus de besoins alimentai-
res impérieux à satisfaire, que les processus d'épuration libé-
rant l'organisme imaginal de sa torpeur, vont pouvoir se réa-
liser. L'expérience suivante le démontre.
Exp. — J'ai pris des larves de mouche domestique au troi-
sième stade, prêtes à la maturité quoique encore en cours d’ali-
mentation. Je les ai. soumises pendant 48 heures au jeûne
absolu, en milieu humide, à une température de 20° C. Puis ces
larves ont été placées à 0° pendant 10 minutes. Rendues com-
plètement inertes par ce refroidissement brusque elles ont été
portées brusquement à la température de 35° C. Moins de deux
heures après, une nymphose s'est manifestée. La pupe, anor-
male, de petite taille, n'aurait sans doute pas pu donner nais-
sance à un adulte, mais le processus de déclenchement de la
métamorphose n’en a pas moins été obtenu, précocement, par
des excitants artificiels.
Des nymphoses anormales portant sur des larves demeurées
naines par défaut d'alimentation peuvent être fréquemment
obtenues, on le sait, chez les insectes, mais toujours à la condi-
tion que l'organisme larvaire ait atteint sensiblement le terme
de ses facultés propres de croissance, et de différenciation his-
tologique.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 505
Tous ces faits confirment l'identité des processus qui imter-
viennent dans la libération de l'organisme imaginal, aussi bien
à l'époque normale de la nymphose, que lorsque celle-ci se
trouve brusquement suspendue par une période d'asthénobiose
plus ou moins prolongée. La réactivation de l'embryon imaginal
n'est possible que lorsque l'organisme larvaire vieilli, a cessé
d’avoir une vie vraiment active, un métabolisme de croissance.
A ce moment, son action dominante sur le deuxième orga-
nisme s'afténue. C’est alors seulement que l'équilibre d'’into-
xication inhibitrice peut être rompu par voie d'épuration phy-
siologique, de manière à permettre les manifestations de la
deuxième ontogénèse qui se greffe sur la première. Ces phé-
nomènes rentrent dans le cadre des phénomènes de concur-
rence. Ils sont de même nature que ceux qui président à la
maturation génitale, manifestation tardive de l'ontogénèse qui
survient également lorsque la croissance de l'organisme soma-
tique tend vers ses fins. Nous indiquerons plus loin, à propos
de l'hibernation des Anophèles, des faits qui appuient entière-
ment cette conception.
L'asthénobiose d'intoxication qui frappe à l'intérieur de l'or-
ganisme larvaire en cours de croissance, l'organisme embryon-
naire imaginal, n'est en effet qu'un cas particulier de ces mani-
festations physiologiques réversibles qui affectent si souvent
les dualismes morphologiques comme les associations parasi-
tares. On ne peut mieux comparer le complexe biologique
larvaire d’un Insecte holométabole qu’au cœnobium parasito-
logique constitué, par exemple, par une larve de Diptère ou d’Hy-
ménoptère entomobie, et son hôte. Différents auteurs, en parti-
culier PanrTez, ont déjà insisté sur l’asthénie particulière que
manifestent, presque toujours, à leur tout premier stade évolutif,
les larves de Tachinaires endo-parasites. Au début de leur intro-
duction dans l'hôte elles sont lentes et paresseuses, et cet état
latent ne peut résulter que du conflit parasitaire, Les réactions
humorales de l'hôte créant un milieu toxique contre lequel il
leur faut réagir, ainsi que contre les conditions asphyxiques.
En particulier, lorsque les parasites ont réussi à triompher de ces
dernières, la croissance s'établit rapidement et Les conditions
du complexe se trouvent inversées : le parasite détruit son
hôte. C'est le tableau fidèle de ce qui se produit chez les
506 E. ROUBAUD
Insectes holométaboles, caractérisés par leur particularité de
dualisme embryogénique : la première ontogénèse asservit
d’abord la seconde ; mais, ultérieurement, les conditions qui
maintiennent en état de latence l'embryogénèse imaginale dis-
paraissant, la deuxième ontogénèse se réalise aux dépens de la
première |
Ainsi, nous sommes amenés à concevoir le déclenchement des
métamorphoses chez les Insectes comme résultant d'une inver-
sion dans les conditions toxiques du milieu larvaire, d’abord
inhibitrices pour le développement imaginal. La métamorphose
nous apparait comme la conséquence d'une désintoxication plus
ou moins brusque, liée avant tout à l'achèvement de la croissance
de l'organisme larvaire, dont les organes d’excrétion, jusqu'alors
insuffisants, surchargés par une activité métabolique intense,
peuvent désormais mieux assurer l’épuration physiologique
obligatoire. Chez des organismes surintoxiqués héréditairement,
comme les larves de la génération d'hiver de nos Muscides,
cette période de désintoxication dure longtemps ; l'organisme
imaginal, à l’état embryonnaire, a subi profondément, comme
l'organisme larvaire tout entier dont les manifestations biolo-
giques sont lentes, les effets de l’intoxication héréditaire. I ne
peut retrouver son activité métabolique normale qu'après un
long délai d'épuration. Chez des organismes moins profondé-
ment intoxiqués, au contraire, comme les larves d'Insectes qui
ne subissent pas la diapause, le délai d'épuration peut-être très
court, mais il n en existe pas moins. On retrouve toujours, en
effet, entre le moment où la larve cesse de manger et celui où
elle se transforme, une période de repos plus ou moins longue
au cours de laquelle l'organisme procède à sa rénovation inté-
rieure.
C'est, dans beaucoup de cas, d'abord l'évacuation du contenu
intestinal, puis la mise en charge rapide du corps adipeux,
puisant largement dans le milieu sanguin à la fois les substan-
ces de réserve et les produits urinaires. Très souvent, en effet,
comme chez les Muscides, d’après les observations de BERLESE,
reprises et conçues sous leur forme exacte par Cu. Pérez, c'est à
ce moment que les urates, en s’'accumulant dans ïes éléments
adipeux, traduisent directement l’activité dépurative complexe
de ce tissu qui s'exerce sur le milieu intérieur.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 507
On ne saurait, d’ailleurs, mesurer la désintoxication du milieu
intérieur des larves, à l'abondance relative des urates dans les
cellules adipeuses. [l y a des cas, comme chez les Glossines, où,
à la nymphose, on ne relève pas la présence de produits d’éli-
mination urinaire dans ces cellules. Mais dans ce cas, très par-
ticulier comme je l'ai indiqué dans un précédent travail (?),
l'apparition des processus de la nymphose n’en est pas moins
marquée par une modification importante du milieu intérieur :
le‘plasma intestinal s'extravase en grande quantité dans la cavité
du corps, diluant ainsi les éléments toxiques du milieu, et con-
tribuant directement à sa rénovation.
La remise en mouvement de l’activité embryonnaire imagi-
nale, consécutive à ces périodes de désintoxication intérieure,
se ramène sans doute à des excitations cellulaires liées aux
changements de concentration moléculaire du milieu, dues à
l'élimination des produits de surcharge. Le fonctionnement
épurateur réalise des conditions de déshydratation intérieures
qui réagissent sur les éléments embryonnaires d’une manière
excitatrice. Nous sommes ici ramenés à ces influences tonoga-
miques dont Giard a montré la grande généralité dans les moda-
lités diverses de reprises de l’activité. C'est donc à des actions
excitatrices que se relient, en dernière analyse, les processus
d'athermobiose et ceci nous fait mieux comprendre comment,
dans certains cas, ces processus peuvent être remplacés par
des excitations directes d'une autre nature (excitants mécani-
ques etc.).
Quel que soit le processus, dans les modalités diverses qui
le caractérisent, on doit reconnaître que le déclenchement brus-
que de l'activité imaginale, c’est-à-dire l'apparition des phéno-
mènes de la nymphose, se trouve toujours subordonné à l’épu-
ration physiologique d'un milieu primitivement surchargé par
les produits d’une activité de croissance intensive, à laquelle à
succédé une inertie métabolique relative. Et ce qui renforce
encore cette conception du rôle capital joué dans le déclenche-
ment de la métamorphose par Les organes d’excrétion, c'est que
ceux-ci, pendant la période où la croissance est achevée et l'or-
ganisme larvaire repu, conservent toute leur activité fonction-
(!) Annales de l'Institut Pasteur, t. XXXII, n° 8, août 1919.
508 E. ROUBAUD
nelle ; ils travaillent à plein rendement, même chez les larves
surintoxiquées, pendant la phase d’asthénobiose naturelle ou
provoquée.
Cette interprétation n’est nullement incompatible avec l'ob-
servation faite par nombre d'auteurs que les conditions de jeûne
ou d'asphyxie peuvent favoriser la métamorphose. Ces influences,
lorsqu'elles s’exercent sur l'organisme larvaire en fin de crois-
sance, hâtent l’atténuation de ses énergies métaboliques, dimi-
nuent ses sécrétions toxiques dominantes pour l'embryon ima-
ginal. Mais, si l’on soumet des larves prêtes à la nymphose à
des conditions qui accroissent au contraire la toxicité de leur
milieu intérieur, on ne les voit point se métamorphoser. Nous
en avons déjà indiqué plus haut des exemples, en soumettant
des larves de Mydæa à l’action de gaz toxiques. Si l’on soumet
de même ces larves, ou celles de la mouche domestique, à une
anhydrobiose intensive, elles meurent lentement, sans commen-
cer même à se pupifier.
On pourrait démontrer aussi que les phénomènes de mue ou de
rénovation épithéliale correspondent également à des crises ou
cures de désintoxication. Le liquide exuvial qui est excrété abon-
damment sur toute la périphérie du corps et renferme des pro-
duits d'élimination, traduit la nécessité d'une élimination supplé-
mentaire de produits toxiques ou de surcharge, phénomène suivi
d’une activité de croissance nouvelle. Le processus des mues,
qui s'accompagne aussi de périodes d'asthénie temporaires,
relève essentiellement, selon nous, de l'insuffisance fonction-
nelle des organes urinaires au cours des périodes de grand
métabolisme.
Il serait permis d’objecter à nos conceptions sur le détermi-
nisme de la métamorphose le fait que, dans l'organisme larvaire
en voie de destruction, tousles organes ne subissent pas les effets
de la nécrobiose, et que ceux qui sont atteints par les proces-
sus histolytiques ne le sont pas tous au même moment. Si la
métamorphose est bien provoquée par le réveil de l’organisme
imaginal embryonnaire, rappelé à l’activité par une phase de
désintoxication antécédente, si la destruction larvaire a pour
cause directe l’action toxique exercée sur les organes de la larve
par l'embryon imaginal en développement, on ne voit pas bien
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 509
pourquoi cette action toxique ne porte que sur certaines caté-
gories d'organes et non sur tous.
Mais cette objection n'est qu'apparente. Il est de fait que les
phénomènes d’histolyse ne s’observent pas simultanément sur
tous les organes larvaires. Il en est même qui subsistent inté-
gralement pendant toute la métamorphose et passent à l'imago
sans subir d'autres transformations qu'un remaniement sur
place : tels les tubes de Malpighi, comme l’a établi Pérez chez
les Muscides. Mais les organes larvaires ne sont pas tous au
même degré de spécialisation, et ce qui disparait précisément,
comme le constate cet auteur, ce sont les organes les plus spé-
cialisés de la larve. Or cette spécialisation accentuée, définitive
et irréversible, indice d’une évolution terminée, est aussi la
marque de la vétusté. Ces organes mûrs ne peuvent plus suppor-
ter les conditions de milieu nouvelles qui leur sont faites, dès
l’avènement de la nouvelle embryogénèse, et disparaissent par
conséquent les premiers, tandis que les organes dont la crois-
sance ou la différenciation ne sont pas encore définitives résis-
tent, en se modifiant plus ou moins, aux conditions de la vie
imaginale.
Aïnsi, à la lumière des faits révélés par l'étude des phéno-
mènes d'asthénobiose chez les Muscides, nous sommes amenés
à définir la métamorphose comme une crise d'embryogénèse
imaginale, consécutive à une phase d'épuration physiologique
antécédente, chez un organisme à évolution diontogénétique
(embryogénèse diphasique).
On peut comprendre de la même manière, également, le
mécanisme des phénomènes de progénèse ou de pœædogénèse,
qui sont, comme l’a remarqué Giard, toujours caractérisés par
un arrêt de développement. fci, l’'embryogénèse imaginale se
trouve entravée, dans son apparition, par une crise plus précoce
de maturité génitale, dont les manifestations liées aux mêmes
causes sans doute que la précédente, provoquent à l'égard de
l'embryon imaginal les mêmes effets inhibiteurs toxiques que
l’'embryogénèse larvaire. Dans ces conditions, l'embryon
imaginal, devancé dans son développement par celui des
gonades, demeure à l’état latent, permettant ainsi à l'organisme
larvaire, non détruit, de subsister indéfiniment comme le fait
celui de nos larves de Muscides en cours d’asthénobiose. Nous
510 E. ROUBAUD
verrons, par le cas des Culicides hivernants, que l'activité des
gonades obéit, en effet, aux mèmes influences d'inhibition toxi-
que que l'embryogénèse imaginale elle-même (V. page 530).
Ces conceptions relatives à la métamorphose des Insectes
peuvent-elles dépasser le cadre relativement spécial de ces
organismes et être étendues à la série zoologique ? Nous pen-
sons que oui, et qu’elles se vérifieront dans tous les cas où l’évo-
lution des organismes comporte des ‘phénomènes d’histolyse
suivis d'organogénèse ou d’ontogénèse nouvelles. La métamor-\
phose, qu'il s'agisse des larves d'Echinodermes ou de Bryo-
zoaires, des tétards d’Ascidies ou de Batraciens, suppose
toujours des phénomènes d’embryogénèse ou d’organogénèse à
plusieurs phases. La phase qui doit donner naissance à l'orga-
nisme définitif, nous la voyons également survenir chez un
organisme larvaire dont la croissance active est achevée, et
dont les fonctions excrétrices sont intactes. La crise de nouvelle
ontogénèse nous apparaît comme vraisemblablement toujours
subordonnée à une phase antécédente de désintoxication dyna-
mogène.
L'existence de sécrétions particulières, comme celles de la
thyroïde, activantes de la métamorphose chez les batraciens,
n'enlève rien à cette conception générale. Ces sécrétions entrent
en jeu comme première conséquence des manifestations méta-
boliques imaginales ; ce sont en effet, comme pour les insectes,
les sécrétions actives de l'organisme embryonnaire définitif,
réveillé de sa torpeur, qui provoquent la nécrobiose des organes
appelés à disparaître.
IV
CYCLES ASTHÉNIQUES
ET INFLUENCES RÉACTIVANTES DANS LA NATURE
L'étude des phénomènes d'arrêt cyclique de l’activité méta-
bolique, liés à l'intoxication héréditaire, chez les Muscides, nous
a amené à comparer, d’après les données qui se dégagent de ces
recherches, les différents phénomènes de vie latente ou d’arrèt de
développement spontanés, observés dans la nature, suivant le
”
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 511
cycle des individus ou celui des espèces. Cette comparaison per-
met, comme on le verra, d'établir des liens instructifs entre des
phénomènes jusqu'ici conçus généralement comme indépendants
les uns des autres, et jette quelque lumière sur la nature et
les causes encore obscures d’un certain nombre d’entre eux.
1. Vie latente, Fatigue et Intoxications.
On peut faire ressortir tout d'abord que la plupart des pro-
cessus de vie latente, en dehors de ceux qui sont directement
provoqués par le froid, se ramènent à des processus asthéni-
ques liés à la fatigue, à l’épuisement précoce et à l'intoxication
superficielle, chez des organismes, des organes, ou des éléments
histologiques aptes à un rajeunissement ultérieur. Nos concep-
tions à ce sujet, issues d'une comparaison attentive avec les
phénomènes observés chez les Muscides, sont voisines de celles
qui ont fait l’objet de développements récents de la part de
Ca. Capo (!). En particulier, dans ses expériences sur la Sénes-
cence et le Rajeunissement des Planaires (°), cet auteur arrive
à des conclusions identiques aux nôtres. Il montre que la sénes-
cence, caractérisée par une diminution du métabolisme résultant
de l'accumulation de substances gènantes, peut aboutir chez les
organismes inférieurs à la vie ralentie. Les anesthésiques,
l'alcool, qui exercent sur les éléments vivants une action toxique,
ont des effets d'autant plus marqués sur les individus que leur
métabolisme est moins actif : moins les organismes sont atteints
de sénilité, plus ils résistent à l’action des toxiques.
Les expériences relatées précédemment, dans lesquelles j'ai
soumis les larves asthéniques de Muscides à des actions sur-
intoxicantes, m'ont conduit exactement, comme on l'a vu, aux
mêmes conclusions. L'action des gaz toxiques, du chloroforme,
de l’éther est beaucoup: plus rapide, contrairement à ce que
l’on pourrait penser, sur les larves en état de vie ralentie, à
la période d’asthénobiose, que sur les larves en activité d’évolu-
tion. Les organismes qui déjà subissent les effets d’une intoxi-
cation spécifique, sont plus sensibles que les autres à des into-
(!) Senescence and Rejuvenescence. The University of Chicago Press (Analyse
in Année bioloyique).
{?) Arch. Ent. Mech., t. 31, 1941,
512 E. ROUBAUD
xications surajoutées. Ainsi, le sommeil d'hiver de nos larves
de Muscides doit bien être conçu comme une forme de sénes-
cence, un résultat de fatigue cyclique ; il ne diffèrerait done
point fondamentalement dans son essence des phénomènes
de fatigue et de sommeil journaliers.
Nombre de phénomènes d'arrêt métabolique apparaissent sous
la dépendance initiale de la déshydratation. Ce sont les phéno-
mènes d’'anhydrobiose de Giard. En allant au fond des choses,
on peut se demander si ce ralentissement des processus vitaux
sous l'influence de la privation d’eau, n’est pas en rapport avec
une concentration anormale et plus ou moins toxique du milieu
intérieur, résultant d’une déshydration exagérée de l'organisme.
Mais, très souvent, ainsi que nous le montrerons plus loin,
l’'anhydrobiose ne provoque pas directement la vie latente.
Celle-ci survient en raison de conditions physiologiques internes
qui sont évidemment de même nature que celles qui provoquent
les arrêts spontanés hivernaux. Dans les deux cas, il s’agit pour
nous de phénomènes liés à la concentration toxique du milieu
intérieur, surchargé par les éléments d’excrétion. Tower a
constaté, par exemple, chez les Coléoptères du qg. Leptinotarsa,
que ces insectes, aussi bien lorsqu'ils hivernent que lors-
qu'ils estivent, se déshydratent. Le sommeil qui les affecte au
cours de l'été ou de l'hiver est donc physiologiquement de
nature semblable et provoqué par des conditions internes
de surcharge analogues à celles que l'étude cryoscopique nous
a permis de déceler chez nos Muscides hibernants. La vie
latente d’été, comme celle d'hiver, semblent se ramener, en
dernière analyse, à une asthénie provoquée par la concentra-
tion anormale du milieu intérieur, une intoxication provo-
quée par l'accumulation des éléments de désassimilation qui
paralyse les échanges vitaux des organismes. Cette explication,
qui semble plausible, rattache intimement les phénomènes dia-
pausiques provoqués par la sécheresse à ceux provoqués par
le froid. Nous aurons d’ailleurs lieu d'établir l'identité de ces
deux catégories de processus, en faisant ressortir l’analogie
étroite des effets réactivants de l’athermobiose et de l’anhydro-
biose.
L'asthénobiose ou vie latente provoquée par les intoxications
propres des organismes représente physiologiquement un phé-
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 513
nomène très voisin de la léthargie provoquée par l'intoxication
paralysante, dont font usage nombre d'hyménoptères prédateurs
pour l'approvisionnement de leurs nidifications. L'action neuro-
toxique du venin des Odynères, des Ammophiles, etc., agit sur
les proies de manière à immobiliser plus ou moins complètement
ces dernières, déterminant une asthénie d'intensité variable, mais
favorable à leur conservation prolongée à l'état vivant. La seule
différence c'est qu'ici les effets toxiques, agissant d'une façon
élective sur les éléments nerveux, ne permettent pas, le plus
souvent, à l'organisme intoxiqué par le venin de récupérer son
énergie ultérieurement. On voit parfois cependant survenir une
reprise partielle de l’activité après le choc paralysant initial.
Expérimentalement, on peut, par l'injection de substances
plus ou moins toxiques dans la cavité du corps des insectes,
déterminer l'apparition de phénomènes d'asthénie variables,
allant jusqu'à la léthargie complète, plus ou moins défini-
tive. Fabre a déjà montré que l'injection d'acides au niveau
des ganglions déterminait des actions paralysantes. J'ai réalisé
par des injections d’aldéhyde et d’acide formique, d’acide lac-
tique, d'acide acétique dans le corps de chenilles, d'Orthop-
tères, de Diptères, d'Hyménoptères variés, des expériences de
même nature. L'action de l'acide lactique, qui est un produit nor-
mal de l’activité métabolique, etqui intervient notamment dans la
fatigue, comme l’un des excreta de la contraction musculaire est,
au point de vue qui nous occupe, surtout intéressante à envisa-
ger ; mais ses effets ne sont pas différents de ceux des autres
produits organiques précédents, également fréquents dans
l'organisme des insectes. J’ai obtenu avec l'aldéhyde formi-
que, sur des chenilles de Noctuelles, de Chelonia, de Piéri-
des etc. des intoxications déterminant la léthargie immédiate
et complète, avec réveil intégral au bout de un à quatre Jours.
Tous ces exemples confirment l'identité des processus spon-
tanés de ralentissement métabolique, chez les larves hibernantes,
avec les processus d'intoxication ou de fatigue. Nous trouverons
encore, en nous adressant aux Insectes, d'autres arguments en
faveur de cette thèse. La raison immédiate du ralentissement
des phénomènes vitaux dans les actions toxiques ou anesthé-
siantes, semble résulter, avant tout, des entraves apportées au
mécanisme des oxydations. Ur, or peut facilement, par l'asphyxie,
514 E. ROUBAUD
la privation d'oxygène, déterminer chez les larves de Mus-
cides des phénomènes de léthargie, avec conservation prolon-
gée des pulsations cardiaques, malgré la mort apparente. Une
larve en diapause de Mydæa platyptera, immergée pendant
48 heures dans de l’eau privée d'air, présentait encore le cin-
quième Jour des mouvements cardiaques perceptibles, malgré
une inertie générale absolue.
Les conditions asphyxiques jouent évidemment un très grand.
rôle dans le métabolisme des parasites internes, et chez les
larves d'insectes parasites ce rôle peut être aisément observé,
en particulier chez les larves de Diptères. PanTEL (‘), dans
son beau mémoire sur les Diptères à Larves Entomobies, cons-
tate que le premier stade est toujours un stade de vie pares-
seuse et de croissance lente. C'est au second et au troisième
stade surtout, que s'accélère le métabolisme. Or, le plus souvent,
à ce stade les parasites manifestent des besoins respiratoires
intenses et, dans nombre de cas, ils se mettent en rapport direct
avec l'air extérieur en perforant les téguments ou les trachées
de l'hôte. En étudiant le développement larvaire des tachi-
naires africains du genre Roubaudia, parasites de larves de
guêpes (Belonogaster icaria, etc.), J'ai constaté que, très lent au
début, ce développement s'accélère lorsque les orifices stigma-
tiques thoraciques, d'abord non fonctionnels, de la larve hôte,
entrent en service : à ce moment le parasite se fixe aux trachées
de l'hôte et sa torpeur disparait pour faire place à une activité
intense. KEiziN (*) a noté des faits de même nature dans ses
recherches sur le développement larvaire des Pollenia para-
sites des vers de terre. On pourrait multiplier ces exemples. Ils
tendent tous vers la même notion.
Un aspect très particulier de la question, mais qui plaide
toujours en faveur de la même thèse, résulte du pouvoir anti-
bactérien et de la protection normale contre les germes de
putréfaction qui s’observe souvent chez les insectes en crise
d'intoxication. Metchmikoff, en étudiant la mort naturelle du ver
à soie (+) a insisté sur la rareté des bactéries dans l’organisme de
evue Zool. afric., t. IV, juillet 1914, p. 126.
eBull., t. XLIX, nos 1-9, 1945.
nn. I. Pasteur, t. XXIX, oct. 1915.
à» Q
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL d15
ces insectes, intoxiqués par leurs urines. Chez 75 0/0 des papil-
lons morts naturellement, les tissus et le tube digestif ne ren-
fermaient auéun microbe. J'ai examiné nombre de papillons
d'espèces diverses, diurnes ou nocturnes, frappés ou non de mort
naturelle et j ai constaté très souvent une grande résistance de
leurs tissus à la décomposition microbienne. Cette résistance me
parait en rapport avec la surcharge normale de ces organismes
en matériaux d’excrétion. Les injections d'aldéhyde ou d'acide
formique, d'acide lactique, protègent manifestement les insectes
inoculés, contre la décomposition microbienne après la mort,
et j'ai insisté sur les effets protecteurs des produits formiques
contenus dans le venin des hyménoptères paralyseurs, s'ajou-
tant à l'action neurotoxique propre de ce venin pour la bonne
conservation des proies. Il ne s’agit pas là d’une action microbi-
cide, de nature diastasique, incluse dans les humeurs car en
milien humide la décomposition s'effectue. C’est la concentra-
tion anormale du milieu intérieur qui s'oppose au développe-
ment des germes protéolytiques.
La protection normale des tissus contre les bactéries de la
putréfaction, très fréquente chez les insectes après la mort, peut
donc être interprétée comme le résultat d’une surcharge en
matériaux d’excrétion. Or on peut constater, effectivement, chez
les larves ou nymphes de Muscides en asthénie d'hiver, une
remarquable protection des tissus, post-mortem, contre la
putréfaction, surtout si ces larves sont placées en milieu sec.
J'ai pratiqué des coupes histologiques dans des pupes de Sar-
cophaga falculata, mortes depuis plus de deux mois ; ces pupes
ne montraient aucune trace de décomposition bactérienne des
tissus, et certains éléments histologiques, en particulier les cel-
lules grasses, étaient encore très reconnaissables, malgré la
pycnose nucléaire et les altérations morphologiques secon-
daires. On pourrait sans doute rapporter cette conservation asep-
tique, au fait mis en évidence par Wozcuax (') que les mouches
se stérilisent au moment de leur nymphose. Mais, chez des lar-
ves hivernantes de Mydæa platyptera, tuées à l’éther et conser-
vées en milieu humide, même en flacon bouché et souillé de
() CG. R. Acad. des Sciences, t. CLXXII, p. 1924; p. 298, et Ann. 1. Pasleur,
t. XXXV, 1921, p. 431.
516 E. ROUBAUD
bactéries, j'ai constaté également la conservation prolongée des
issus, sans intervention de putréfaction bactérienne. Rap-
pelons à ce sujet que les graines en état de vie latente sont
également préservées des bactéries putréfiantes.
Tous ces faits convergent vers la même thèse : les ralen-
tissements vitaux, les diapauses chez des organismes en puis-
sance de développement sont sous la dépendance d'une concen-
tration anormale de produits toxiques, paralysant les échanges
de croissance de ces organismes.
Les phénomènes de ralentissement métabolique apparaissent
le plus souvent, dans la vie des individus comme dans celle des
espèces, sous la forme de rythmes de fatigue, survenant en
apparence, parfois, sous la dépendance des conditions de tem-
pérature extérieures, mais qu'une observation attentive montre
fréquemment indépendants de ces conditions. Les végétaux des _
climats doux qui passent par une phase de vié sommeillante ana-
logue à celle de l'hibernation pour les plantes des climats froids,
démontrent bien que la température n'a aucun rôle dans le
ralentissement périodique de leur activité. Ce sont des influen-
ces autogènes qui déterminent ces rythmes. Dans nos régions
même, beaucoup de plantes vivaces voient leur végétation active
se ralentir progressivement à la fin de lPété et à l’automne, en
vertu d’un rythme acquis, qui n’est point directement subor-
donné au froid. Nous reviendrons sur ces faits un peu plus loin.
Chez les organismes monocellulaires, des successions ryth-
miques d'activité et d'inertie dépendant uniquement de causes
internes et qui se présentent pour nous comme des manifestations
cycliques de fatigue, d'intoxication par les produits résultant
d'une activité métaboliqueintense, peuvent également être mis en
évidence. On connait les phénomènes de dépression, c'est-à-dire
d'abaissement du pouvoir de multiplication, qui caractérisent les
cultures de paramécies. Wooprurre et ses collaborateurs, MeTaL-
NIKOFF dans ses belles recherches sur l’immortalité des orga-
nismes unicellulaires (‘), ont bien mis en évidence l'allure
rythmique, d'ailleurs irrégulière, de ces dépressions. À des
périodes de multiplication active, succèdent soudain des phases
(ty) Ann. TL. Pasteur, t. XXXIII, 1919, p. 817.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 517
où la multiplication s'arrête presque complètement pour repren-
dre ensuite de façon intense. La périodicité n'est point fixe;
d'autre part elle ne dépend point des saisons. Ces phéfomènes
nous apparaissent comme relevant de conditions toxiques,
‘épuisement, où de fatigue, liées elles-mêmes au métabolisme
des infusoires, beaucoup plus qu'au développement bactérien
selon les conceptions d'Enriques et de Barrsezz (!). Les phéno-
mènes d'endomyxie ne seraient-ils point l'expression de cet état
de fatigue, aboutissant à des cinèses abortives semblables à
celles qui caractérisent les ovules lors de la formation des
globules polaires ?
Les phénomènes d'enkystement, dont le déterminisme est si
obscur chez les protozoaires, et qui sont, d’une façon courante,
conçus comme en rapport avec les mauvaises conditions du
milieu, nous semblent également pouvoir être rapportés fré-
quemment à des actions spontanées d'intoxication ou d'épuise-
ment cycliques. Nous voyons ces processus se présenter sou-
vent, en effet, comme suite à une activité de multiplication
intense, et l’on peut se demander si ce n’est point là
même une règle constante. Chez les Infusoires parasites du
tube digestif : Opalina, Balantidium, Nyctotherus, chez les
Collinia lAnoplophyra) des Asellides, Brumrr (°) a noté que
l'enkystement succède à une crise de multiplication intensive, à
des épidémies de division. Aussi interprète-t-1l, avec juste raison
pensons-nous, ces processus d'enkystement comme le résultat
d'une dégénérescence sénile incomplète, indépendante des
conditions de nutrition, voire même de la toxicité du milieu exté-
rieur. Tel qu'ilse présente en effet chez ces organismes, l’enkys-
tement nous paraît bien dépendre de causes d'épuisement
internes, d’asthénie consécutive à une multiplication exagérée
qui aboutit à une inertie obligatoire. Il est possible même que
cette période d’asthénobiose kystique ne puisse être rompue
qu'à la faveur d’une période de réactivation par le froid ou par
la sécheresse, ce qui expliquerait les difficultés de l’infestation
expérimentale signalées par Bruupr pour les Anoplophrya
d'Asellides.
{) Pour la Bibliographie de ces questions je renvoie à l’étude si documentée
qu'ont fait récemment paraitre dans ce Bulletin Cnarrox et Péraro (Les Nécollel-
lidæ, ce Bull., t. LV, 20 juillet 1921).
(2) Arch. de Parasit., t. XVI, 1913.
)1S E: ROUBAUD
L'’enkystement, chez les amibes, pourrait bien aussi relever
des mêmes causés. Chez l’amibe dysentérique humaine, dont
les manifestations métaboliques, en raison de leur importance
pathologique, méritent d'attirer l'attention d’une façon particeu-
lière, nous ne voyons pas se former de kystes aux dépens des
amibes en période ‘active (phase histolytica de Maruis et Mer-
cer ‘). Cette période, qui caractérise l’'amibe hémophage des
crises de dysenterie, correspond précisément à une phase de
métabolisme intensif, où l’amibe phagocyte activement, provo-
quant les phénomènes hémorrhagiques et inflammatoires des
muqueuses. C’est uniquement chez l’amibe à l'état végétatif
(phase tetragena des deux auteurs), amibe à métabolisme atté-
nué, qui s'observe dans les intervalles des crises, dans les infec-
tions chroniques ou latentes, que l’on constate la propriété
d'enkystement. Or, 1l semble bien que, cette forme végétative
letragena, forme torpide, aux actions pathogènes réduites,
représente, par rapport à la précédente, ‘une forme en état de
dépression, épuisée par la suractivité précédente et surtout
dominée par les réactions défensives de l'organisme hôte. Les
générations amibiennes du type fetragena sont pour nous des
générations asthéniques frappées d'intoxications partielles ; leur
état de dépreseion aboutit à l'asthénobiose kystique, au cours
de laquelle survient encore une double division nucléaire termi-
nale, dernière manifestation, à l’intérieur du kyste, de l'activité
multiplicatrice à son déclin. |
Nombre de flagellés intestinaux, parasites d'insectes, produi-
sent des kystes dans Le rectum de leur hôte Or, dans cette par-
tie du tube digestif, ils se trouvent directement en contact avec
les excreta toxiques, les produits urinaires expulsés des tubes
de Malpighi. On voit done naturellement iei l’enkystement pro-
céder de l'intoxication exercée par le milieu. Cependant il ne
semble pas que ce soit la seule toxicité du milieu qui détermine
ce phénomène. Les épidémies de division, qui engendrent direc-
tement la fatigue, l’asthénie kystique, paraissent bien avant tout
nécessaires. On trouve en effet, dans le même milieu rectal, des
formes actives, qui résistent aux actions toxiques extérieures.
Mais l’activité de multiplication de ces formes se traduit par la
(, Mars et Mercier L’amibe de la dysenterie. Bull. 1. Pasteur, t. XIV, 15 nov.
1916.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 519
diminution de la taille et l’atrophie ou la dégénérescence des fla-
gelles ; c’est toujours aux dépens de ces formes de petite taille
(monadiens de CuarTrox), et non des grandes formes végétatives
flagellées, que se produisent les kystes. L'enkystement apparaît
donc bien encore ici comme la coñséquence même de l'épui-
sement dû à une suractivité métabolique des générations anté-
cédentes.
Chez les trypanosomides sanguicoles qui évoluent chez les
invertébrés, une forme trypanosomienne libre et mobile, analo-
gue à celle du sang, devient, très souvent, l'équivalent physiolo-
gique du kyste. C'est la forme de transmission à l'extérieur de
ces flagellés, et il est à remarquer que les véritables kystes sem-
blent en effet manquer dans Le cycle évolutif, chez l’Invertébré,
des Trypanosomes du sang de vertébrés. A leur place apparais-
sent de petits trypanosomes semblables à ceux du sang, qui
surviennent à la fin de l'évolution chez l'hôte intermédiaire
(trypanosomes métacycliques de Bruuer, que l’on peut appeler,
plus simplement, trypanosomesterminaux ou télotrypanosomes).
Ces trypanosomes qui ne s’enkystent pas, n’en représentent
pas moins des formes végétatives latentes ayant épuisé chez
l'invertébré leur pouvoir multiplicateur. On les trouve, par
exemple, dans l'hvpopharynx des Glossines, fixés aux parois de
l'organe, attendant leur inoculation au mammifère. Les trypa-
nosomides terminaux ne paraissent pas se multiplier directe-
ment : on ne les rencontre pas en état de division. Leur inertie
métabolique est donc sensiblement comparable à celle des orga-
nismes enkystés. Ce sont des individus d’attente. Or, ils procè-
dent d’une longue évolution préalable des flagellés dans l’intes-
tin ou le milieu salivaire, évolution caractérisée encore par une
multiplication toujours excessivement intense. Les trypanoso-
mes de fin de cycle, aptes à la transmission, peuvent done être
considérés comme de petits individus asthéniques, condamnés
à l’inertie par la suractivité des générations dont ils procèdent.
Le passage de ces individus dans un milieu biologique tout dif-
férent (milieu sanguin du vertébré) devient indispensable à leur
réactivation ; ils y subissent l'excitation physiologique (tono-
gamique) propre à la reprise du développement.
ILest à remarquer, d'autre part, que cette période de latence,
ou de repos physiologique, favorise la reprise ultérieure de
3ù
520 E. ROUBAUD
leur énergie dans le milieu sanguin. Nous avons montré, en
effet, que chez les glossines, seules les formes trypanosomiennes
terminales sont susceptibles de s'adapter au sang du vertébré,
tandis que les formes flagellées actives, en cours de multipli-
cation intensive, ne le sont pas. Les trypanosomes à flagelle
interne que nous avons fait connaitre chez certains flagellés
d'insectes non piqueurs et auxquels CHATTON a réservé le nom
de trypanoides, apparaissent avec la même valeur d'orga-
nismes télocycliques au repos. Ce sont, pour CHATToN aussi (),
des stades de repos génétique Ss’intercalant dans une longue
série de divisions scissipares.
Les phénomènes de sporulation, si répandus chez les bacté-
ries, les champignons, se rattachent également pour nous aux
mêmes influences d’épuisement et d'intoxication résultant de
suractivité métabolique. Les spores apparaissent dans les cul-
tures déjà anciennes, après un certain temps de dévelop-
pement actif, plutôt semble-t-il pour des raisons internes que
sous la dépendance simple de la souillure du milieu : ce n’est
pas en effet une propriété générale puisque beaucoup d’espèces
ne sporulent pas et que cette propriété peut disparaitre dans
les conditions expérimentales (Bactéridie charbonneuse).
Nombre d'auteurs, avec Herrwi6, ont défini les ovules des
organismes pluricellulaires comme des éléments en état de
dépression. On peut, en effet, se demander si l’asthénie ovulaire
ne correspond pas, elle aussi, suivant notre thèse, à un état de
fatigue dérivé d’une suractivité métabolique antécédente. L’ac-
tivité intense de l’ovogénèse, survenant le plus souvent à une
époque déjà tardive de l’évolution individuelle des organismes,
le haut degré de différenciation qui affecte les éléments ovu-
laires, parlent nettement en faveur de cette conception, qui est
également celle de Cnirp. Les phénomènes de réduction peu-
vent être d'ailleurs interprétés, selon nous, comme le signe de la
sénescence: l'émission des globules polaires ne dénote-t-elle
pas l'épuisement des facultés kinétiques, la fin d’un processus
de multiplication intensive aboutissant à des divisions aborti-
ves ? Egalement l'accumulation des réserves traduit le ralentis-
sement du métabolisme actif.
La période d'inertie de l'ovule mûr, avant la fécondation,
(1) C. R. Soc. de Biol., t. LXXIV, 31 mai 1913.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 521
représente donc pour cet élément un état d'asthénobiose, en
tous points comparable à celui qui affecte les organismes lr-
vaires où nymphaux des Muscides ; aussi ne doit-on pas être
surpris de voir que les mêmes excitations expérimentales pro-
duisent dans les deux cas les mêmes phénomènes d'activation.
Comment agissent, sur les ovules unicellulaires d'Echinodermes
comme sur les larves pluricellulaires de Muscides, ces excita-
tions réactivantes qui déterminent la reprise du métabolisme ?
Il s'agit de phénomènes liés à l'irritabilité générale, mais sur la
nature desquels il serait imprudent de hasarder des hypothèses.
Mieux vaut se demander avec Baraizzox (*) si ce n'est pas là tout
le problème de la Biologie cellulaire. On peut dire seulement
que l’ovule isolé de l'Oursin, comme l'embryon imaginal chez
la larve de Lucilie, répondent aux excitations par le dévelop-
pement, de la même manière que le muscle réagit aux exci-
tants électriques par la contraction
De même que l'inertie de l'embryon imaginal, au sein de l’or-
ganisme larvaire des Insectes métaboles, nous est apparue
comme la conséquence d'une foxasthénie déterminée par les
produits dérivés du métabolisme de l'organisme dominant, de
même l'état de latence ou d’indifférenciation des éléments
appelés à la reproduction, dans l'organisme des végétaux
plur:cellulaires-ou des Métazoaires, s'explique pour les mêmes
causes. Eléments des gonades, bourgeons et tubercules des
plantes, gemmules des éponges, bourgeons des Hydraires et des
Bryozoaires, statoblastes etc., peuvent être conçus comme des
parties végétatives asthéniques, dominées par l'organisme géné-
ral. Nous sommes complètement d'accord avec les conceptions
de Caizp sur ce sujet.
En résumé, tous les phénomènes de vie non manifestée qui
ne sont pas directement provoqués par Le froid ou la sécheresse,
se présentent à nous comme des processus d’asthénie ou d’into-
xication superficielle, subordonnés à une suractivité métabo-
lique concurrente. Examinons maintenant comment se pré-
sentent dans la nature les principales modalités d'inertie
métabolique saisonnière et comparons ces processus aux phéno-
mèênes d'asthénobiose hivernale que nous avons fait connaitre
chez les Muscides.
(') Annales de l'Institut Pasteur, Mémoires du Jubilé Metchnikoff, 1921, p. 106.
522. E. ROUBAUD
2. Hibernation et Athermobiose réactivante.
C'est énoncer une formule bien banale que d’assimiler l'hi-
bernation dans la nature à un repos ou à un sommeil provoqué
par le froid. Il y a là une vérité d'observation si courante que le
plus souvent elle masque l'observation des phénomènes d'arrêt
dans leur interprétation réelle. Si, en effet, Le froid de l'hiver agit
souvent de manière à ralentir les phénomènes vitaux, dans cer-
tains cas cependant les processus de latence hivernale sont, dans
leur origine, indépendants des conditions de température exté-
rieure et résultent de causes internes. Ils apparaissent alors plus
ou moins comme des rythmes, coïncidant souvent avec la période
hivernale mais sans lui être obligatoirement liés au point de
vue causal. On peut admettre qu'au moins dans beaucoup de
cas ces rythmes ont leur origine dans l'adaptation des organis-
mes au cycle des saisons, et dans la fixation, sous une forme
héréditaire, des modifications physiologiques périodiques que
ce cycle entraine.
Lorsque le cycle évolutif voit son ralentissement dépendre
uniquement de l'influence actuelle du refroidissement hivernal,
. cette hibernation peut être indifférente pour l'espèce, c'est-à-
dire sans caractère particulièrement nécessaire au point de vue
physiologique. C'est le cas, par exemple, pour l’hibernation
éventuelle des mouches domestiques et du stomoxe sous la
forme adulte, phénomène utile dans certaines circonstances
mais qui ne parait pas indispensable. Mais, lorsque les phé-
nomènes d'arrêt saisonnier se fixent en périodicité physiolo-
gique, la période d’hibernation tend à devenir obligatoire ou
spécifique, c'est-à-dire que les organismes ne peuvent pas impu-
nément rompre leur périodicité naturelle d'activité ou de repos.
La phase d'inertie hivernale doit être respectée, pour que se
ménagent les énergies de développement ultérieures.
Laissant de côté les phénomènes d’hibernation relatifs à la
végétation et que l’on peut, en partie au moins, avec Giard:
rattacher aux processus d’anhydrobiose provoqué par le gel,
nous n'envisagerons ici que les cas où les effets du sommeil
et les influences réactivantes sont sous la dépendance bien
nette du refroidissement hivernal.
TS TS TS TU SI
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 523
La léthargie qui frappe nombre de batraciens, de reptiles,
voire même de mammifères (rongeurs, insectivores, plantigra-
des) tend à se manifester comme un rythme lié aux alternances
saisonnières qui ont imprimé dans la physiologie des espèces
des modifications cycliques durables. Aussi voit-on la torpeur
apparaître chez les Marmottes sans le froid, et celle des Ver-
tébrés à sang froid résister au chauffage artificiel. Ces phénomè-
nes d'hibernation qui succèdent à une accumulation importante
de matières de réserve et, par suite, à un travail physiologique
intensif, se manifestent bien comme liés à un état de fatigue
général et d'intoxication, dans lequel les conditions asphyxiques
sont peut-être dominantes. On sait qu'en léthargie le sang
de la Marmotte renferme une teneur en Co? plus grande
qu'en activité. D'autre part l’excrétion rénale est intense et
continue pendant le sommeil. La période du réveil est au con-
traire marquée par une reprise active du métabolisme, se tra-
duisant fréquemment par l'exercice précoce de la reproduc-
tion. La phase d'athermobiose, dans la vie de ces organismes
hibernants, se présente enfin, comme chez nos Muscides, avec
le caractère d'un repos obligatoire, car si on soumet les hiber-
nants à une reprise d'activité artificielle au cours de cette
période, les réserves étant consommées l'organisme ne parvient
pas à supporter le long délai qui le sépare de l'activité prin-
tanière.
Chez les Vertébrés supérieurs qui ne sont pas soumis à la
léthargie en hiver, des modifications physiologiques ne se font
pas moins sentir au cours de cette période. Chez l'homme, la
saison froide est caractérisée par un ralentissement général
du fonctionnement des glandes, et l'apparition du printemps
ramène, comme on sait, une activité nouvelle, accompagnée
d'une élimination marquée de substances d’excrétion. Les con-
ditions de température paraissent ici manifester directement
leur influence, d'une façon d’ailleurs obscure, sur la physiologie
de l'organisme.
Ces influences de la saison sur la physiologie générale de
l'être humain, peuvent avoir un retentissement intéressant sur
les protozoaires parasites du sang comme les Hématozoaires du
Paludisme.Marchoux (") a insisté naguère sur la guérison spon-
{t) Bull. Soc. Path. exot.,t. IX, n°1, 9 janv. 1918, p, 1-3
E. ROUBAUD
Cr
Lo
Ex
tanée du paludisme à P/. præcox, l'agent de la fièvre tropicale,
sous le climat français en hiver ; il interprète ce phénomène
comme la conséquence de réactions humorales. Lenz (!), Schæ-
del (?) ont, d'autre part, fait ressortir que les maxima des rechu-
tes malariennes, dans nos pays, s observent pendant le prin-
temps et l'été, tandis qu’en hiver les fièvres rétrocèdent. Il y
aurait là, selon ces auteurs, un fait d'adaptation du Plasmodium,
dans l’organisme humain, à la période de vie active des Ano-
phèles.
Ces constatations sont exactes et j'ai pu les vérifier sur moi-
même. Pendant l'hiver le PI. de la tierce bénigne demeure en
général, dans l’année qui suit l'infection, en période de latence; il
reprend son activité schizogonique dès le printemps, ramenant
les accès palustres. Il est difficile de dire si c'est là un rythme
spontané d'évolution de la part du parasite, ou un résultat des
réactions humorales déterminées chez l'hôte par les saisons.
Les deux causes interviennent simultanément sans doute. Il est
probable qu'il s’agit d’un rythme naturel, ou mieux d’un cycle
dans la succession des périodes d'activité et d’inertie chez le
protozoaire, orienté dans le sens indiqué par les actions humo-
rales saisonnières. Quoi qu'il en soit, Les saisons exercent direc-
tement ou non sur le’métabolisme des P/asmodium dans le
sang humain une influence apparente indéniable.
Les phénomènes de succession cyclique saisonnière, si discu-
tés depuis LAvERAN, qui caractérisent les deux formes parasitai-
res de la tierce Le P/. vivax etle P/. prœcox, peuvent, selon nous,
recevoir également une interprétation simple et logique qui
découle de tout ce que nous avons dit dans cette étude. On peut,
en effet, les concevoir comme la conséquence des réactions de
concurrence existant, dans le même organisme, entre deux para-
sites caractérisés tous deux par des périodes d’asthénobiose
cyclique obligatoire. Le P/. præcox, dont l’individualité spéci-
fique ne nous parait pas à démontrer si l’on considère tous Les
caractères qui le différencient, à la fois chez l’homme et chez
l'hôte intermédiaire, manifeste son activité schizogonique sur-
tout en été et en automne. Au contraire, le P/. vivax, apparu
dès le printemps, le premier en activité, suspend ses manifes-
(!) Münch. med. Wochensrhr., t. LXIV, n° 42 920 mars 1917.
(2) Biol. Centralbl., t XXXVIIIV, n° 4 av. 1918.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 525
tations schizogoniques précisément pendant l'été et l'automne,
pour les reprendre à la fin de l'automne et au début de lhi-
ver. Il y a là simple alternance de deux périodicités. Ceci tient
pour nous à ce que le P/. præcor, lorsqu'il est associé à l’autre
parasite, domine ce dernier pendant toute la période estivo-
automnale de grand métabolisme. Les générations automnales
du præcox entrent alors en période d’asthénobiose, conséquence
directe de l'épuisement qui suit cette activité intense. A ce
moment le deuxième parasite (vivar), plus précoce mais dominé
jusqu'alors par son associé plus actif, retrouve son métabo-
lisme normal caractérisé par une schizogénèse intensive. Cette
activité cesse bientôt après, au cours de l'hiver, la phase sub-
séquente d’asthénobiose ou d'inertie devenant alors obligatoire
pour lui comme pour le précédent. Ces manifestations suc-
cessives et cycliques d'activité et de repos chez les parasites
du paludisme concordent nettement avec ce que nous avons dit,
plus haut, des périodes asthéniques cycliques chez les proto-
zoaires.
C'est dans le domaine des Insectes surtout, que les rythmes
d'inactivité autogènes, indépendants du froid comme détermi-
nant immédiat, quoique affectant l'allure apparente d'un som-
meil hivernal, peuvent être le plus facilement mis en évidence.
Ces périodes d’arrêt sont couramment désignées sous le terme
général et vague de diapauses, qui n’établit point de distinetion
entre les processus spontanés d’inhibition et ceux qui dérivent
directement de l’engourdissement provoqué par le froid. Les
deux ordres de faits sont cependant essentiellement différents,
puisque les premiers rélèvent de causes internes. Il est néces-
saire de les distinguer, en substituant, dans ce dernier cas, au
terme de diapause celui d’asthénobiose, qui nous parait mieux
correspondre à la nature physiologique des phénomènes. Les
processus d'asthénobiose soumis à une période réactivante
d’athermobiose, tels que nous les avons décrits chez les Musci-
des, nous semblent en effet devoir se retrouver d’une facon
extrêmement générale chez les insectes, ainsi qu'on peut le
pressentir d’après les exemples que nous allons rapporter, et
dont nous nous sommes efforcé de dégager les données les plus
caractéristiques en faveur de la thèse qui nous occupe.
026 E. ROUBAUD
Chez les espèces n'ayant qu’un cycle annuel, le sommeil ryth-
mique spontané peut apparaître au stade de larve, de nympbhe,
voire mème à l'état d'œuf.
Le Papillon, Porthesia similis hiverne sous la forme de che-
nille, dans un cocon. A. Picrer (!) a constaté que par un échauf-
fement brusque on pouvait faire cesser cette hibernation lar-
vaire, et provoquer la reprise de l’évolution. Il a obtenu le
même résultat en ouvrant les cocons d’hibernation eten extrayant
les chenilles. Nous sommes donc ici en présence de phénomènes
d'arrêt spontané du métabolisme, justiciables de l'intervention
des excitants brusques au même titre que l'asthénobiose larvaire
de Lucilia sericata. |
Ce qui prouve bien, d'autre part, que le sommeil larvaire du
papillon est lié à des causes internes de même nature que celles
dont nous avons fait l'étude, c'est que le raccourcissement de
l’'hibernation obtenu par excitation artificielle prolonge d'autant
la période nymphale, d’après les observations de Picrer. Il est
clair que la période d'épuration obligatoire manifeste ici son
influence en rendant nécessaire un délai supplémentaire de la
nymphose.
Nombre de Lépidoptères passant l'hiver à l’état de nymphes,
comme les Saturnides, les Sphingides, les Bombyciens, n’éclo-
sent qu'au début de l'été, longtemps après que les influences
calorifiques printanières, susceptibles de déterminer l’éclosion
se sont fait sentir. Le Bombyx lanestris hiverne sous la forme
nymphale dès le mois d'août, ayant encore trois mois de tempé-
rature suffisante pour permettre une éclosion qui n'apparait
cependant qu'en avril de l’année suivante. Un grand nombre
d'Insectes : Coléoptères vésicants, Hyménoptères, Tenthrédiens,
Bembéciens, Mellifères, ete., font de même. Tower dans ses belles
observations sur les Chrysomélides du G. Leptinotarsa a constaté
que ces insectes hivernent ou estivent quelles que soient les con-
ditions, d'une façon en quelque sorte irrésistible.
Burgeff (?}, chez les Zygènes, a noté que les larves peuvent
passer tantôt un, tantôt deux hivers en repos physiologique et
que l’éclosion est plus précoce chez les larves de cette deuxième
catégorie. Cette double condition d'évolution est tout à fait com-
(t) Bull. Soc. Lepid., Genève, t. II, 1924.
(2?) Zeils. wiss. Inscht. Biol. t. VI, 1910,
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL ‘ 527
parable à celle que Panrez observe chez les Tachinaires. Nul
doute qu'une étude attentive de tous ces phénomènes ne
montre leur identité avec les phénomènes d’asthénobiose des
Museides.
La diapause embryonnaire des Vers à soie, qui a fait l'objet
d'études expérimentales précises, rentre absolument dans Île
cadre des phénomènes d’asthénie liés à une intoxication pré-
coce, que nous avons étudiés chez les larves et Nymphes de
Muscides. Ces phénomènes n’ont été bien étudiés que chez les
œufs des races univoltines. Il est vraisemblable qu'ils ont leur
correspondant également à un stade quelconque de la vie des
polyvoltines, l’asthénobiose se manifestant alors comme un phé-
_nomène d'intoxication héréditaire cyclique, affectant une généra-
tion donnée. Quoi qu'il en soit, chez l'embryon des races univol-
tines, c’est-à-dire à une seule génération annuelle, on observe
une intéressante particularité dont l'interprétation est jusqu'ici
demeurée tout à fait obscure, bien que le phénomène en lui-
même ait donné lieu à de multiples recherches expérimentales.
Dans ces races univoltines, la ponte survient en juillet et le déve-
loppement embryonnaire commence immédiatement après le
dépôt de l'œuf. Mais, après la formation des membranes
embryonnaires et d’une bandelette germinative à 16 métamères,
qui survient trois ou quatre jours après la ponte, le développe-
ment embryonnaire s'arrête complètement jusqu'au printemps
suivant, où il se poursuit alors sans arrêt ainsi que toute la suite
de l’évolution de l’Insecte. De nombreux expérimentateurs (”)
ont montré qu'en soumettant ces œufs inhibés dans leur déve-
loppement à l’action d'agents divers, mécaniques, physiques ou
chimiques (brossage, malaxage, action des acides concentrés,
chauffage brusque, étincelles électriques, etc.) on pouvait les
voir reprendre leur évolution. Ducraux, en particulier, à établi
que la chaleur continue de l'étuve est impuissante à réaliser
l’éclosion, tandis qu'au contraire le froid de l'hiver est indispen-
sable à la reprise du développement. Des œufs de vers à soie
maintenus, à partir de la ponte, à une température de 20° C.
n’éclosent pas, tandis que des œufs fraichement pondus, placés
pendant 45 jours à la glacière, puis portés dans une chambre
(‘} On trouvera dans le Traité d'HexxeGuy une bibliographie détaillée de la
question, sur laquelle je ne puis insister.
D28 E. ROUBAUD
modérément chauffée, au lieu de demeurer en repos (ous l'hiver
éclosent rapidement. \
On saisit immédiatement, d’après ces résultats expérimentaux,
l'identité qui existe entre les phénomènes d'arrêt évolutif
embryonnaire des Vers à soie et ceux que nous avons étudiés
chez les Muscides. La seule différence porte sur l’époque des
manifestations de la diapause. Très précoce chez le Ver à soie,
elle se produit à l’intérieur de la coque ovulaire, affectant /e
développement embryonnaire larvaire ; chez nos Museides, au
contraire, nous la voyons apparaître beaucoup plus tardivement ;
elle affecte ici, non plus l'embryon larvaire, mais l'embryon
imaginal, à la fin de la vie larvaire. La réaction de l'œuf
embryonné du Ver aux excitants brusques que l’on fait agir sur
lui, est tout à fait superposable à celle que nous avons décelée
chez nos larves de Lucilia sericata. Quant à l'influence réacti-
vante du froid, de l’'athermobiose, identique dans les deux caté-
gories d'insectes, elle signe indiscutablement la nature physio-
logique semblable de ces différents processus inhibiteurs. Les
phénomènes étudiés chez les Muscides éclairent par conséquent
le mystère profond qui entourait jusqu'ici les faits observés
dans le cas isolé du Ver à soie. Les uns et les autres doivent
être rapportés à des processus d’asthénobiose liés à l’intoxica-
tion excétrice, la période d’athermobiose se manifestant, dans
les deux cas, comme une période d'épuration réactivante obli-
gatoire, de cure d'élimination.
Le rôle joué par l’hérédité toxique dans les phénomènes obser-
vés chez l'embryon du Ver à soie, avant toute éclosion, est évi-
dent. La compréhension de ces phénomènes est grandement
éclairée, au point de vue physiologique, si l’on en rapproche
certaines observations faites par Mercanixorr chez les papillons
adultes, qui renforcent singulièrement les déductions physiolo-
giques précédentes, en montrant que l’organisme des parents
est effectivement surintoxiqué par les produits urinaires.
L’une des dernières études du grand biologiste fut en effet
consacrée à la Mort Naturelle des Papillons du Mürier (!). IL y
démontrait que ces papillons, incapables de se nourrir, ne
vivent qu'une quinzaine de jours en moyenne et meurent
() Ann. I. Pasteur, t. XXIX, art. 1915.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 529
atteints de paralysie progressive, le plus souvent sans pré-
senter aucun indice d'infections microbiennes.
Après une étude minutieuse des causes de la mort naturelle
de ces insectes, l’auteur arrive à la conelusion qu'il s’agit d’une
. tatoricalion urinaire, produite par la rétention spontanée de
l'urine, laquelle n’est plus évacuée quelques jours après l’éclo-
sion. MercaniKorr remarque que le liquide urinaire des papillons
subit une concentration de plus en plus marquée vers la fin de
la vie de l'insecte, et il l’attribue à la résorption d’une partie
du liquide toxique qui amènerait l'empoisonnement.
Cette interprétation peut prêter à discussion, mais le phéno-
mène important à retenir pour nous, celui de l'intoxication
générale de linsecte par ses matériaux d’excrétion, ne parait
guère douteux d'après l'ensemble des faits mis en évidence
par Mercanikorr. Il s'agit bien d'insectes intoxiqués d’une
façon profonde par défaut d'élimination urinaire, et cette intoxi-
cation profonde doit se transmettre nécessairement à la des-
cendance des papillons. L'œuf, au moins dans les races univol-
tines, se présente déjà, dès sa genèse, comme frappé
d'intoxication héréditaire par les substances d’excrétion qui
provoquent la mort naturelle des parents. Il est donc peu
propre, dès l’origine, à un développement rapide : aussi
voit-on bientôt l’évolution embryonnaire s'arrêter après la
ponte, dans les générations univoltines. Nous retrouvons donc
ici, avec quelques variantes d'ordre secondaire, exactement les
mêmes phénomènes qui caractérisent l’évolution des Muscides
hétérodynames, dans la génération héréditairement intoxiquée
qui procède d’une ou plusieurs générations suractives, physio-
logiquement épurées.
Les raisons de l'intoxication progressivement mortelle des
papillons de Vers à soie sont attribuées par Mercankorr à la
fonte du corps gras et aux modifications d'ordre autophagique
qui se font sentir dans le milieu sanguin. Ce dernier liquide,
très abondant chez la chenille, est consommé partiellement
au cours de la nymphose et le papillon adulte n’en renferme
qu'une petite quantité.
Comme les papillons ne prennent aucune nourriture, aucun
liquide, il est permis de penser qu'ils doivent subir au cours
de leur vie, malgré sa brièveté, une déperdition en eau impor-
230 E. ROUBAUD
tante. Cette déshydratation progressive doit amener une éli-
mination plus difficile des produits urinaires et elle est certai-
nement la cause première de l’anurie et de la concentration de
plus en plus grande du liquide urinaire, constatée par
Mercaxiorr. L'anhydrobiose doit donc 2pso facto aboutir à un
accroissement progressif de la toxicité du milieu sanguin, et
c’est là, selon nous, ce qui détermine chez le papillon lappa-
rition précoce des phénomènes d'intoxication dont l’aboutisse-
ment réalise ce que l’auteur appelle la mort naturelle.
Chez certains insectes, les diapauses ou arrêts de dévelop-
pement rythmique spontanés péuvent s'étendre à une ou plu-
sieurs années. Ainsi, Lyda stellata qui normalement évolue en
nymphe en trois semaines, au mois de mai, peut présenter un
cycle bisannuel et demeurer alors tout une année sous la forme
nymphale. Les Coléoptères vésicants Epicauta vittata, d'après
Rixey, Mylabris Schreibersi d'après Künckez, restent plusieurs
années à l’état de pseudo-chrysalides. De même encore certains
papillons, comme le Sphinx du troëne, certains Mellifères comme
l'Anthidium sticticum étudié par Ferro. L'indépendance de
ces phénomènes de ralentissement évolutif, à l'égard des ryth-
mes saisonniers et du froid d’un seul hiver, est ici manifeste ;
ils ne paraissent pas non plus pouvoir être rapportés à des
actions d'anhydrobiose. Il faut, selon nous, les envisager comme
la conséquence de rythmes d’asthénie nécessitant une période
prolongée de désintoxication, de rajeunissement obligatoire,
réalisée à la faveur de phases successives d’athermobiose, à
cheval sur plusieurs hivers.
Dans les exemples que nous avons jusqu'ici passés en revue,
chez les Insectes, la phase d’asthénie rythmique survient au
cours de la vie de tous les individus, dans toutes les générations.
Le rajeunissement périodique est individuel. Mais il existe éga-
lement des cas dans lesquels la nécessité de la période de
rajJeunissement hivernal ne se manifeste qu'à un moment donné
dans le cycle des générations successives. Les phénomènes
rentrent alors exactement dans le cadre que nous avons tracé
pour nos formes hétérodynames de Muscides.
Des recherches récentes, auxquelles je consacrerai un
A
Mémoire ultérieur, m'ont amené à reconnaître que l’hiberna-
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 531
tion des Culicides femelles {C. pipiens, Anopheles maculipennis)
doit être considérée comme un phénomène d’asthénobiose cycli-
que déterminant l’arrèt de l'activité reproductrice. Les généra-
tions d’arrière-saison subissent les effets d’une intoxication
héréditaire, qui se traduit par le développement de la graisse
et l'inhibition des gonades. La période d’athermobiose hiver-
nale réalise la cure excrétrice qui permet la réactivation des
ovaires, comme elle permet chez les larves asthéniques de
Muscides, celle de l'embryon imaginal.
Nombre de formes d’invertébrés doués de reproduction par-
thénogénétique intensive (parthénogénèse cyclique) pendant la
saison chaude, voient apparaître, comme indice d’épuisement ou
de ralentissement métabolique à l'approche de l'hiver, la repro-
duction sexuée. C'est pendant la phase d'œuf d'hiver, que se
manifeste la période d’athermobiose, dont la nécessité dans le
rajeunissement obligatoire est démontrée par la constance avec
laquelle elle se manifeste, sous une forme semblable, dans des
groupes très différents, précédant une suractivité métabolique
explosive, manifestée par l’agamogénèse. Je rappellerai à ce
sujet le cas des Pucerons, des Rotifères, des Cladocères.
Pour les premiers, au moins, sur lesquels on possède des
données précises, l'épuisement, manifesté par le ralentisse-
ment de l’activité métabolique et l'apparition de la reproduc-
tion sexuée, n'est pas lié à l'influence du froid, mais, d’après les
expériences de Ky8er et de BazBiant et celles plus récentes de
L. GRecory, à celle de l'alimentation. L'interruption de la
parthénogénèse commence avec les modifications de la sève à
l'approche de l'hiver et l'on peut se demander si ce ne sont
point des modifications de nature toxique, de cette dernière, qui
agissent effectivement sur les insectes en question, comme ori-
gine de la sénescence productrice de sexualité. Si les végétaux,
à la fin de la saison chaude, doivent la suspension spontanée
de leur activité à un rythme de fatigue, les effets de celui-ci
doivent se traduire sur la qualité de la sève et par suite sur
les insectes qui s’en nourrissent. Quoi qu'il en soit, le Cycle
parthénogénétique ou cycle de métabolisme actif des pucerons,
suspendu à l'approche de l'hiver, ne reprend qu'après une
période d’athermobiose subie par l'œuf et vraisemblablement
obligatoire.
532 E. ROUBAUD à
Chez les Cynipides gallicoles à parthénogénèse cyclique, on
retrouve des phénomènes qui cadrent entièrement avec les
précédents. Les recherches d’Apzer sur les Cynips du chêne
ont établi que les formes parthénogénétiques procèdent de
galles d'hiver, et les sexuées de galles d'été. Comme dans le
cas des pucerons, les générations douées d'un métabolisme
intense se traduisant par la reproduction agame sont donc bien
celles qui surviennent après la période d’athermobiose réacti-
vante, et leur éclosion est parfois très précoce.
La durée de développement de ces générations suractives
peut d’ailleurs être très longue. Pour la forme dénommée
Biorhiza renum, par exemple, le développement de la géné-
ration parthénogénétique qui procède à l'automne de la généra-
tion sexuée, exige plusieurs années (3 ans). IL s'agit donc bien
là de générations asthéniques au début de leur évolution, et
qui doivent à de longues périodes d’athermobiose nécessitant
plusieurs hivers leur réactivation ultérieure. Ces effets réacti-
vants s'expriment par une reprise intense du métabolisme
permettant la parthénogénèse.
Chez d’autres Cynipides, comme le Cynips calicis étudié par
BeuEriNck, forme à deux générations alternantes non parthéno-
génétiques, la génération d'hiver est encore une génération à
développement ralenti, qui passe souvent deux saisons froides.
La réactivation du métabolisme, après l'hiver, se traduit non
par la parthénogénèse, mais par une fécondité plus grande :
les femelles de cette génération pondent en effet de 700 à
800 œufs, tandis que celles de la génération d'été n’en produi-
sent qu'une trentaine.
C'est à une même catégorie de phénomènes de suractivité
métabolique, succédant à une période d’athermobiose, qu'il
convient, pensons-nous, de rapporter également le détermi-
nisme de la polyembryonie chez certains hyménoptères. Les
belles recherches de Marcuaz sur l'Encyrtus fuscicollis mon-
trent que l’œuf de ce Chalcidien, pondu en juillet-août dans
l'œuf de l'Hyponomeute, commence à se développer avant
l'hiver pour subir bientôt une période d'arrêt hivernal. Mais,
au mois d'avril, le développement reprend, manifestant une
exaltation si intense qu'elle se traduit par une explosion brus-
que d’agamogénèse, suivant le processus si particulier de la
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 033
fragmentation polyembryonique. Les relations existant entre la
période de repos obligatoire ou d’athermobiose et cette sou-
daine expansion multiplicatrice ne sauraient être mises en doute.
On peut se demander seulement si les effets réactivants de la
diapause ne sont pas accrus ici ou même directement provo-
qués par les modifications moléculaires du milieu-hôte, lequel
subit les effets réactivants post-hivernaux. Il est vraisemblable
que les chenilles hivernantes de l'Hyponomeute doivent subir,
au cours de leur période d’athermobiose, des modifications
osmotiques marquées du milieu intérieur, en rapport avec
l'épuration excrétrice d'hiver, et susceptibles de retentir direc-
tement sur la blastogénèse du parasite.
La reprise d’une activité si intense qu'elle se manifeste par
un développement ontogénique multiple, après la période
d'athermobiose obligatoire, peut permettre d'expliquer la genèse
de la polyembryonie chez l'Encyrtus. Mais pour d’autres
espèces, non hivernantes, comme le Polyqnotus, cette inter-
prétation ne saurait intervenir. Il faut alors penser que l’évo-
lution de ce dernier, trouve dans les excitations mécaniques
subies par l'œuf, le remplacement des influences réactivantes
hivernales.
On pourrait multiplier à l'infini les exemples que nous venons
de donner. Des observations attentives démontreront sans aucun
doute la très grande généralité, dans la série animale, de ces
processus d’inhibition spontanée de l’activité biologique, coïnci-
dant plus ou moins, en apparence, avec la saison froide, sans
être provoquée par elle. Les faits que nous avons rapportés
suffisent à faire entrevoir la fréquence des phénomènes que nous
caractérisons comme des phénomènes d’asthénie rythmique, ou
cyclique (‘). [ls nous montrent également avec quelle cons-
tance la période de froid intervient comme facteur réactivant
obligatoire des énergies biologiques suspendues. L'intervention
d'une phase d’athermobiose, utilisée comme agent spécifique de
rajeunissement, se trouve fixée fréquemment d'une manière
nécessaire dans le cyele des individus ou des espèces. Les faits
constatés chez les Muscides se laissent ainsi entrevoir comme
des phénomènes, dans leur essence, d'une très grande généralité.
(‘) Le rythme étant conçu comme une périodicité individuelle, le cyele comme
une périodicité dans les générations.
534 E. ROUBAUD
Estivation et anhydrobiose réactivante.
Un autre grand facteur naturel inhibiteur des activités méta-
boliques est la déshydratation. Comme la suppression de la
chaleur, la suppression de l’eau aboutit à un ralentissement
fréquent des phénomènes vitaux, sur la nature physiologique
duquel nous avons déjà insisté. L'anhydrobiose permet d’expli-
quer a priori les arrêts d’estivation, comme l’athermobiose ceux
de l'hibernation. Mais il faut encore iei distinguer entre les effets
apparents et les effets réels. Comme pour les phénomènes
d'inhibition en rapport avec les périodes d'athermobiose, la
question se pose, en effet, de savoir si les phénomènes de ralen-
tissement métabolique liés en apparence à l'anhydrobiose ne
relèvent pas, avant tout, de rythmes mhibiteurs spécifiques,
auxquels le desséchement donne une simple garantie de mani-
festations, sans les provoquer directement. Dans nombre de
cas il en paraît bien être ainsi.
De même que l’action du froid peut provoquer des arrêts
biologiques, en quelque sorte fortuits, sans nécessité réelle pour
l'espèce, de même le desséchement accidentel peut suspendre
l’activité de certains organismes, temporairement et sans que
cette inhibition provoquée présenter de caractère obligatoire.
C’est ainsi que Giarp(') provoque à volonté chez les larves de
Syrphides, ou de Sciara medullaris le ralentissement des phéno-
mènes vitaux, en les soumettant au desséchement. MarcxaL (?)
fait de même avec les larves de Cécidomyies, accélérant ou
retardant l’évolution de l’espèce en faisant varier Les conditions
d'humidité.
Mais, dans nombre de cas aussi, on peut constater que la
réponse de l'organisme aux influences déshydratantes s'est
fixée dans le cycle biologique d’une manière obligatoire, sous
forme d’arrêts spontanés de l'évolution qui peuvent être com-
plètement indépendants, dans leurs causes, de la sécheresse
extérieure. Si, par exemple, l'arrêt hivernal de la végétation
sous nos climats peut être rattaché, avec GiarD, aux phénomènes
{!) C. R. Acad des Sciences, 26 mai 1902.
(*) Ann. Soc Entom. France, LXVI, p. 1-105 et LXXV, p. 5-27.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 530
d'anhydrobiose, le gel étant physiologiquement synonyme de
déshydratation, il est incontestable, d'autre part, que le ralentis-
sement de l’activité végétale précède de beaucoup l'apparition
du froid ou de la sécheresse hivernale. On sait d'ailleurs que
des plantes adaptées à un rythme saisonnier donné conservent
pendant plus ou moins longtemps leur périodicité, lorsqu'on les
place dans des conditions de climat différentes. Ces phéno-
mènes de repos spontané autogène des plantes, en hiver, se
ramènent également pour nous à des phénomènes d’asthénie,
liés à l'encombrement de l'organisme par les matériaux de
désassimilation. Cette période d'inertie rythmique apparait
comme obligatoire.
Dans les graines, l'embryon subit un arrêt de développe-
ment qui est tout à fait comparable à celui que nous observons,
par exemple, dans l'œuf du ver à soie ou dans les pupes asthé-
niques de nos Muscides. Cet arrêt embryonnaire, dans la graine,
n'est nullement lié à la déshydratation du sol; il dépend de
causes internes. Il en est de même pour l'arrêt évolutif des
tubercules ou des bulbes.
De même que les arrêts évolutifs nécessitant une phase réacti-
vante d’athermobiose sont devenus obligatoires pour certains
organismes, de même les arrêts observés chez d’autres paraissent
très souvent liés, d’une manière nécessaire, à une phase plus ou
‘moins prolongée de desséchement ou d’anhydrobiose. Dans ce
cas, bien que l'inhibition apparente ne soit pas provoquée par
la déshydratation, celle-ci devient indispensable pour en garan-
tir l'efficacité d'action physiologique. Nombre de graines, par
exemple, ne sont pas douées de pouvoir germinatif au moment
de leur formation. Elles ne germent qu'après un temps de
repos à sec plus ou moins prolongé. On trouve chez les animaux
des exemples tout à fait analogues de déshydratation obliga-
toire. C’est le cas notamment pour certains Crustacés Bran-
chiopodes (Branchipes, Apus) dont l’œufne peut se développer
que s'il a subi les effets d'un séjour prolongé à l’état sec
(SiezBoLo, Braver). D’après Howanp (") les œufs du Moustique de
la fièvre jaune, Stegomyia, (Aëdes) fasciata se développent
mieux lorsqu'ils ont été desséchés pendant quelque temps. Les
(1) The Yellow-fever Mosquito U. S. Dept. Agric Farmer's Bull. 547, Washing-
ton, 1913.
36
536 E. ROUBAUD
expériences de Bacor (') démontrent le même fait. Il est vrai-
semblable que les nombreuses espèces d’Aëdines dont Les
œufs subissent une période prolongée de séjour à l’état sec,
d'après les observations de Howarp, Dyar et Kxas en Amérique,
celles de EcxsTEIN et BressLat en Alsace, sont liées obligatoi-
rement aux influences de desséchement des œufs. Sans doute
les curieux phénomènes d’anhydrobiose qui caractérisent le
cycle de ces singuliers Coccides simulant des perles que sont
les Marçgarodes sont-ils également obligatoires.
Les exemples d’arrêt métabolique spontané nécessitant la
garantie d'une période d'anhydrobiose sont vraisemblablement
très nombreux dans la nature. De même que l’athermobiose
peut être caractérisée comme un facteur réactivant spécifique
pour certains organismes, de même l’anhydrobiose, dans
les cas que nous soulignons, doit être également envisagée
comme un facteur réactivant spécifique. Les deux influences,
celle du froid et celle de la sécheresse, se confondent exacte-
ment dans le mécanisme de leur intervention, qui est iden-
tique. Ce sont en effet l’une et l’autre des processus inhibiteurs
de l’activité métabolique. À ce titre, même lorsqu'ils ne déter-
minent pas directement les arrêts évolutifs, ils sont aptes à
unposer aux organismes asthéniques, dont le métabolisme
s'est déjà ralenti de Iui-même, la phase de repos absolu qui
est indispensable à la reprise ultérieure d’une activité accrue.
L'absence de chaleur (athermobiose) comme l'absence d’eau
(anhydrobiose), proscrivant nécessairement toute reprise d’ac-
tivité prématurée, condamnent obligatoirement l'organisme à
une inertie prolongée, au cours de laquelle il va pouvoir se
réacliver pour reprendre ultérieurement une énergie nouvelle
de développement. Aussi les effets physiologiques de cette réac-
tivation apparaissent-ils aussi semblables que le mécanisme
physiologique qui les garantit.
Nous voyons, par exemple, chez les Apus et les Branchipes,
la suractivité métabolique qui succède au desséchement se
traduire par les mêmes phénomènes de parthénogénèse cyclique
que l’on observe chez les pucerons ou les Daphnies, après la
période d’athermobiose. Cette identité frappante dans les résul-
("} Rept. Yellow-fever Commission, mars 1916.
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 537
tats plaide manifestement en faveur de la similitude des effets
physiologiques qui ies provoquent. Nous allons en donner un
exemple topique emprunté encore à nos larves de Muscides.
Remplacement des effets réactivants de l'athermobiose, par
ceux de l’anhydtrobiose. Exemples tirés de Mydæa platyptera.
— L'étude attentive de l’Anthomyide à larves hivernantes,
Mydæa platyptera, auquel nous avons fait si fréquemment
appel, dans le cours de cette étude, nous permet encore d'ap-
porter en faveur de cette thèse une documentation nouvelle.
Nous avons montré précédemment que les larves asthéniques
de ce Muscide peuvent, dans certains cas, sans subir l’action
du froid, se réactiver spontanément et donner naissance à une
génération active, au même titre que celles qui ont subi la
période réactivante normale d'athermobiose (V. page 482 et
Obs. 6 D, p. 468). Or j'ai pu constater que cette réactivation
sans le froid des larves hivernantes, nécessitait l'intervention
d'une période de sécheresse normalement contraire aux condi-
tions biologiques des larves. C'est lorsque le milieu toujours
humide où vivaient ces larves, maintenues à température d'été,
fut devenu en partie desséché, à la suite d'une évaporation
intense, que les larves en asthénobiose ont pu manifester la
reprise de leur évolution. Les larves maintenues en milieu tou-
jours humide, ne se sont pas transformées. Gelles qui ont été
soumises au desséchement partiel, ont donné, en l'absence du
froid, une proportion notable de mouches adultes.
L'expérience ci-après, qui a porté sur des larves asthéniques
n'ayant subi qu'une période d’athermobiose insuffisamment
prolongée pour permettre la réactivation, montre nettement
que l’anhydrobiose a pu substituer efficacement ses effets à ceux
du froid pour permettre le développement suspendu des larves.
xp. À. — Un lot de larves de #ydæa de génération hivernante a été sou-
mis à la glacière (+ 50 C ) pendant 20 jours, puis, à partir du 19 juin, placé
à la température du laboratoire, le milieu restantconstamment très humide.
Résultat : le 15 octobre une seule pupe viable s’est formée ; les autres larves
sont encore vivantes mais incapables de se transformer. Une seule mouche
adulte a été obtenue.
Exe. B. — Un lot de larves de Yydæa de génération hivernante a été
soumis à la glacière (+ 50 C.) pendant 10 jours, puis, à partir du 3 juillet
placé à la température du laboratoire. Le milieu se dessèche progressive-
ment de façon complète. Au début d'octobre on trouve plus de 80 0/0 des
larves transformées en pupes ou en mouches adultes. Un petit nombre de
538. E. ROUBAUD
larves seulement n'ont pas été aptes à poursuivre leur évolution et sont
mortes des suites du desséchement.
L'anhydrobiose peut donc exercer sur ce Muscide, dont les
larves sont particulièrement hygrophiles et recherchent les
parties les plus humides du substratum, des effets réactivants
analogues à ceux du froid, moins parfaits puisqu'un grand
nombre de pupes ne peuvent parvenir à se développer, mais
suffisants cependant pour permettre l'éclosion de quelques
mouches adultes. L’estivation peut être substituée partielle-
ment, dans le cyele de cette espèce, à l'hibernation.
Si l'on cherche à comprendre le mécanisme d’action de l’an-
hydrobiose dans les expériences précédentes, on arrive à la
conception suivante :
Le desséchement n’est éviderament pour rien dans la sus-
pension de l'évolution de la mouche qui est un phénomène
d'asthénie spontané. Mais l’anhydrobiose, qui est une condition
contraire à la biologie normale de l'organisme larvaire hygro-
phile, agit sur lui en gênant ses échanges métaboliques nor-
maux, diminuant par suite la consommation spontanée des
réserves et la production des urates. L'organisme en souf-
france vit d’une vie moins active, et la production continue des
éléments de désassimilation se trouve de cette manière atté-
nuée. La tâche des organes d’excrétion, dans un milieu déjà sur-
chargé, se trouve ainsi facilitée, et l'épuration réactivante, au
bout d'un certain temps rendue possible. Physiologiquement
done, en enrayant plus ou moins la formation des urates, l’an-
hydrobiose parvient exactement au même résultat que l'ather-
mobiose. L'un et l’autre processus étant des processus d'arrêt
de l’activité métabolique, leurs conséquences physiologiques
peuvent ainsi plus ou moins se compenser, et, suivant les cir-
constances, le froid peut substituer ses effets réactivants à ceux
de la sécheresse, ou réciproquement.
Ainsi, l’athermobiose et l’anhydrobiose se présentent à nous
comme deux moyens parallèles, mis au service des organismes
pour assurer, par le repos métabolique obligatoire, le rajeu-
nissement des individus on des espèces. Lorsque ces facteurs
deviennent ainsi obligatoires, non seulement ce n'est plus
le froid, ni la sécheresse qui provoquent les arrêts apparents
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 539
du développement, mais ce sont eux au contraire qui devien-
nent les agents indispensables du réveil ultérieur. Il faut en
effet distinguer entre les effets immédiats et les effets lointains
de ces facteurs sur les organismes.
L'effet immédiat est celui d'une entrave à l’activité métabo-
lique. Chez les organismes déjà spontanément ralentis cet effet
ne se manifeste pas de façon apparente ; il n’en subsiste pas
moins et c'est cette entrave immédiate, appuyant l'inhibition
spontanée, qui garantit les effets lointains d’une réactivation
ultérieure. Celle-ci, de même nature pour les deux facteurs, est
liée à l'épuration physiologique.
Le départ entre les influences réactivantes d’anhydrobiose
ou d’athermobiose n'est d'ailleurs pas toujours facile à établir.
Aussi nombre de phénomènes d'arrêt métabolique survenant
en dehors de l'hiver sont-ils fréquemment rapportés à des
phénomènes d’anhydrobiose, alors qu'ils pourraient être tout
aussi bien conçus, sans doute, comme subordonnés à des
rythmes nécessitant l'influence réactivante du froid.
L’Aypnodie, qui affecte souvent, pendant l'été et l'hiver, le
développement de certains Coléoptères vésicants doués d’un
cycle pluriannuel, est rapportée d'ordinaire à l'anhydrobiose.
Mais on pourrait, avec autant de raison semble-tl, envisager
ce phénomène d'inertie de plusieurs années comme résultant
dé l'insuffisance d’une seule période d'athermobiose hivernale
pour réactiver l'évolution. Les observations récentes de
MarcaaL (') sur la double hypnodie des Margarodes montrent
que, pour certaines espèces au moins, l'une des phases d’hyp-
nodie peut se confondre avec l'hibernation. Giarn (?) cite
comme exemple des effets de l’anhydrobiose un retard de près
d'une année observé dans l’évolution d'un Hyménoptère Chal-
cidien, Lygellus epilachnæ. Un tube renfermant des nymphes
de Coccimelles parasitées par cet hyménoptère resta tout l'hiver
dans une chambre chauffée. En juillet, l'examen du contenu
de ce tube montra des larves et des nymphes encore vivantes du
Chalcidien, qui n’avaient pas repris leur évolution.
Cette observation, rapportée par Grarp aux effets retardants
de l’anhydrobiose, me parait au contraire devoir être inter-
{‘) C. Rendus Acad. des Sciences, 2% avril 1922.
(?) C. R. Soc. Biol., 25 juillet 1896.
D40 E. ROUBAUD
prétée uniquement dans le sens de la suppression des effets
réactivants de l’athermobiose. Elle est tout à fait comparable
aux observations que j'ai faites en 1917 sur l'hibernation du
Chalcidien Nasonia brevicornis. Dans ces observations, les effets
inhibiteurs de l’anhydrobiose doivent être exclus de l’interpré-
tation, puisque, dans le même tube et suivant les mêmes condi-
tions de milieu, d’autres Chalcidiens de Ia même espèce ont évo-
lué normalement à là même saison. Il s’agit là, uniquement,
de phénomènes de diapause hivernale, subordonnés obligatoire-
ment à l’action réactivante des basses températures de l'hiver.
Il convient de remarquer, à cesujet, que chez ces deux Hymé-
noptères parasites la période d’inhibition du développement
survient sans époque absolument fixe, tantôt chez les larves
mûres, tantôt chez les nymphes. Sans doute aussi, n’est-elle pas
non plus constante dans sa durée, suivant les individus. Des
variations doivent exister selon l'intensité plus ou moins grande
de la surcharge excrétrice et, partant, suivant le degré d’as-
thénie des individus. Ce sont vraisemblablement ces différences
dans le degré d’asthénie qui permettent d'expliquer les grandes
variations que l’on observe, chez certains Cynipides, dans la
durée de développement des générations d'hiver.
Chez nos Muscides hivernant dans des conditions d’asthéno-
biose, nous avons relevé, pour Mydæa platyptera, des varia-
tions analogues, mais d'amplitude à vrai dire peu élevée. Au
contraire, les pupes de Sarcophaqga falculata nous ont offert
une égalité frappante dans la marche de leur évolution réac-
tivée par le froid. Nous avons vu survenir les éclosions, exacte-
ment le même jour, pour des pupes soumises aux mêmes con-
ditions de température, après une période de latence de plus
de sept mois. Ceci indique que le degré d’asthénie des indi-
vidus provenant d’une même ponte est ici à peu près semblable,
et que le processus de la décharge excrétrice réactivante s’ac-
complit avec la même efficacité lorsque les conditions sont tout
à fait identiques.
Puisque les périodes d’athermobiose ou d’anhydrobiose se
présentent à nous comme exerçant sur les organismes inhibés
des effets réactivants analogues, nous sommes fondé à penser
que le mécanisme intime de cette réactivation est, dans les deux
cas, de même nature. Il faut, comme nous l’avons dit, envisager
. LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL 541
dans les deux catégories de processusles phénomènes de décharge
excrétrice comme les déterminants réels de la réactivation.
Nous avons vu que chez les insectes hibernants, d’après les
observations faites sur nos larves de Muscides comme sur l'œuf
du Ver à soie, la période d’athermobiose intervient de manière à
garantir les conditions de la décharge urinaire, de la désintoxi-
cation générale, en empêchant l'organisme à la fois d'user ses
réserves et de se surintoxiquer par une production nouvelle de
matériaux d’excrétion. La nécessité de l’épuration physiologi-
que d'hiver, chez d'autres organismes hivernants que les Insectes
(rongeurs, batraciens, etc.), ne paraït pas douteuse. Les phéno-
mènes de calcification hibernale signalés par Grarp (') chez de
nombreux organismes, Bryozoaires, Ascidies, Helix, ete.…., se
présentent pour nous comme traduisant des conditions de sur-
charge excrétrice qui se manifestent, au début de l'hiver, par
une élimination de calcaire préparant les voies à d'autres phé-
nomènes d'épuration hivernaux.
Les observations récentes de Scaurre (?) relatives au Mus-
aide Hydromyza livens montrent également que, chez cet
insecte, survient à l'approche de l'hiver une élimination de
calcaire qui imprègne la paroi de la pupe d'hiver. Cette élimina-
tion correspond, pour nous encore, à des phénomènes cyceliques
de surcharge excrétrice qui déterminent directement l'arrêt
d'hiver. Le calcaire est en effet un produit normal d’excrétion
malpighienne chez certains types de Diptères ; il peut être
expulsé au moment de la mue nymphale, comme l'indique
Kæizi (*) dans un travail récent. L’excrétion uniquement hiver-
nale de ce produit, chez la pupe d'Hydromyza livens, corres-
pond bien à la nécessité d'une décharge prémonitoire des
organes d'excrétion, chez un organisme en état de surcharge par
des matériaux de désassimilation gênants ou toxiques.
Chez les organismes en anhydrobiose, nous sommes amenés
également à penser, d’après tout ce que nous avons dit, que
les conditions de la réactivation sont toujours liées à des phé-
nomènes internes d’excrétion ou de désintoxication. Au cours
de cette période, en effet, les conditions physiologiques des
organismes se trouvent exactement correspondre à celles de
1) C. R. Soc. Biol., 5 novembre 1898,
(1)
(2) Zool Anzgeig, LI, 1921.
(5) Quaterly Journ. Miscrosc. Science, t. LXV, IV, octobre 1921,
542 E. ROUBAUD
\
l’athermobiose. Tout métabolisme étant interdit par l'absence
d'eau, aussi bien que par le froid, les éléments vivants
se trouvent donc dans des conditions d'inertie parfaites, per-
mettant le déplacement lent par voie de dialyse et le triage
physiologique des produits qui encombrent l’organisme. Ces
substances sont entrainées ou fixées dans des régions où elles
cessent d’être une entrave à l'activité vitale, lorsque celle-ci
se sera de nouveau manifestée.
L'épuration physiologique garantie par l'anhydrobiose, qui
place les organismes dans un état de repos plus ou moins
absolu, explique, par exemple, la lente préparation que doi-
vent subir les graines avant d’être aptes à une germination
active, l'impulsion de développement, souvent exagérée, qui se
manifeste à la suite d’un long desséchement chez les Apus et
les Branchipes, etc.
À ces influences d' épuration préparatoires, les conditions de
l’anhydrobiose joignent également, comme on sait, les excita-
tions tonogamiques dues à la réhydratation. Mais ces excitations,
on le conçoit, seront d'autant plus effectives que l’organisme
aura mieux pu rétablir, par une stase d'épuration prolongée, son
irritabilité générale. Ainsi s'explique que ces influences d’exci-
tation n’agissent bien, par exemple dans le forçage artificiel des
plantes, que lorsque la période de repos s’est déjà mamifestée.
Les actions excitantes de réhydratation brusque, qui jouent
un très grand rôle dans la réactivation métabolique des orga-
nismes à l'état latent, spores ou graines, végétaux au repos,
parasites enkvstés ou non, à changements d'hôtes, etc..., ne
doivent peut-être leur intervention réactivante qu'à l'existence
préalable d’une phase d'inertie, accompagnée de modifications
moléculaires d'épuration physiologique, permettant la reprise
de lirritabilité. De même que le muscle ne réagit pas en tout
temps aux actions électriques, qu'il passe par des périodes
d'inexcitabilité consécutives à la contraction, et dont la succes-
sion est particulièrement frappante pour le muscle cardiaque,
de même les organismes ou les éléments susceptibles d’asthé-
nobiose ne sont-ils, sans doute, aptes à la réactivation que
lorsque leur période d'inertie à pu s'établir spontanément et
se développer dans des conditions déterminées.
Bien qu'en apparence, un exposé aussi divers nous ait écarté
LE SOMMEIL D'HIVER PRÉ-IMAGINAL . 043
de notre sujet originel, il nous a paru cependant digne d'inté-
rèêt de rapprocher, dans un même cadre de comparaison, tous
ces phénomènes si variés soient-ils, et dont les liens de nature
et de cause n'apparaissent point toujours nettement. Peut-être
les investigations ultérieures bénéficieront-elles de cet essai
synthétique, inspiré par l’étude attentive des curieux phéno-
mènes présentés par les Muscides.
CONCLUSIONS
Nous avons établi, au cours de cette étude, que certaines
espèces de Muscides présentent, à l'approche ou non de l'hiver,
des phénomènes particuliers d'arrêt de l'évolution qui portent
tantôt sur la vie larvaire terminale, tantôt sur la période pronym-
phale. Ces espèces passent, en effet, par une périodecritique de
surcharge urinaire, qui les astreint à des nécessités d'excrétion.
Nous avons montré que les phénomènes d'inhibition qui
caractérisent ces insectes correspondent, en effet, à des mani-
festations cycliques d'épuisement, d’asthénie générale liées à
une accumulation exagérée des produits d’excrétion résultant
de l’activité métabolique antécédente. Ces processus d'arrêt
spontané d'activité évolutive peuvent ainsi être rapportés à
des manifestations biologiques particulières auxquelles nous
avons donné le nom de processus d’asthénobiose. Il faut enten-
dre, sous cette dénomination, non seulement les périodes de
diapause affectant l’évolution de certains types d'insectes, mais,
très généralement aussi, l’ensemble des processus de vie latente
spontanée qui s'observent dans les deux règnes. Dans la très
grande majorité des cas, en effet, les processus inhibiteurs qui
affectent la vie des organismes, des éléments histologiques ou
des tissus embrvonnaires, des gamètes ou des éléments de
reproduction asexuée, peuvent être rapportés à des phénome-
nes d'intoxication superficielle, de dépresion ou de sénescence.
L’asthénobiose se manifeste, tantôt sous forme de périodicité
rythmique individuelle plus ou moins précise, tantôt, comme
chez nos larves ou pupes de Muscides, sous forme de périodi-
cité cyclique dans la succession des générations.
Les organismes ou les éléments en asthénobiose sont astreints,
pour pouvoir reprendre leur activité évolutive, à subir des
&
D44 E. ROUBAUD
influences réactivantes qui peuvent être de natures diverses.
Mais le processus le plus fondamental de cette reprise d'acti-
vité consiste vraisemblablement dans une épuration physiolo-
gique préalable.
Chez un grand nombre d'organismes hivernants, comme les
larves ou les nymphes de nos Muscides et sans doute d’un
grand nombre d'insectes dont l’activité métabolique précédant
les métamorphoses est intense, la période.d’asthénobiose néces-
site souvent, pour être rompue, l'intervention d’une période plus
ou moins prolongée d’athermobiose. Au cours de cette phase de
vie à température peu élevée, ces organismes éliminent lente-
ment, sans consommer leurs réserves et produire de nouveaux
excreta, Le trop plein de ceux qui les encombrent. Ainsi s’expli-
que l'intervention du froid dans le cycle des insectes hiyernants,
comme facteur de rajeunissement et d'épuration spécifique.
Dans d'autres cas, et c'est surtout le fait des organismes
estivants, nous voyons l’anhydrobiose se substituer à l'ather-
mobiose, pour produire des effets réactivants identiques. Ces
deux facteurs : la déshydratation et l'absence de chaleur, par
eux-mêmes facteurs inhibiteurs, peuvent devenir, en favorisant
les processus d’excrétion chez les organismes en latence, des
facteurs inattendus de réactivation. En imposant aux orga-
nismes une inactivité métabolique complète, ils leur per-
mettent une épuration physiologique progressive favorisant la
reprise de l’irritabilité générale.
Les organismes ou les éléments frappés de latence ne repren-
nent, semble-t-il, Leur activité qu’à la suite d’une phase d’épura-
tion physiologique. Mais, très généralement aussi, lorsque l'ir-
ritabilité générale s'est rétablie, la reprise de l’activité
métabolique nécessite encore des impulsions excitatrices. Les
actions de réhydratation brusque, ou influences tonogamiques,
se retrouvent d’une façon quasi-constante à l’origine des manifes-
tations de réveil de la vie sommeillante. Les Muscides astreints
à des périodes d’asthénobiose hivernale n'échappent point à
cette Loi générale : on doit voir dans les phénomènes de décharge
urinaire qui s'accomplissent pendant leur phase d'hibernation,
et dans les modifications de concentration moléculaire que ces
phénomènes imposent à leur organisme, l'origine première de
la réactivation spontanée qui affecte les éléments embryonnai-
res imaginaux et provoque la reprise de l’évolution.
Pierre P. GRASSE.
ÉTUDE BIOLOGIQUE
SURILE
CRIQUET EÉGYPTIEN
ORTHACANTHACRIS ÆGYPTIA (L.)
Dans ce travail, qui contient malheureusement de nom-
breuses lacunes, je me suis attaché à l'étude de quelques
points particuliers. J'ai pu suivre le cycle évolutif de lOrtha-
canthacris ægyptia (L.), cycle bien différent de celui de la
plupart de nos autres Criquets.
L'étude biologique de ce gros Insecte, admirable maté-
riel, a été bien négligée. Les systématiciens lui consacrent
à peine quelques lignes. Tarçroni-Tozzerri est le seul qui se
soit accupé sérieusement de lui et les faits quil rapporte
ne cadrent pas parfaitement avec ceux que nous avons
observés.
Répartition géographique.
L'Orthacanthacris ægyplia a une aire de répartition immense.
En Europe, Bouvar le signale dans toute l'Espagne, TarGtoni-
Tozzerr: l'indique comme étant commun en Italie et en Dal-
matie ; on le trouve en Sardaigne (AubiNET-SERVILLE, etc...), en
Sicile (BRISOUT DE BARNEVILLE).
En France, il est strictement localisé au Midi. D'après
les auteurs, sa limite septentrionale serait marquée par la
ligne Bordeaux-Montélimar, mais on peut affirmer que cet
Insecte est rare en dehors de la zone de l'Olivier. À Bordeaux,
où jai eu l’occasion de faire de nombreuses chasses entomolo-
giques, je ne l'ai jamais rencontré ; à Floirac, où Brown l'in-
dique, je l'ai cherché en vain ; à Toulouse, il est fort rare :
546 : PIERRE P. GRASSÉ
Marquer n'en possédait qu'un exemplaire venant de cette
région. Tout cela pour bien préciser que O. ægyptia à
chez nous son habitat, avant tout, dans la région méditerra-
néenne, dont il s’écarte assez peu.
Hourserr l'a signalé en Bretagne (Saint-Malo), mais cette
trouvaille est le fait d’une importation par bateau. Les
quelques exemplaires rencontrés en Allemagne (Franconie,
Thuringe, Mecklembourg) doivent avoir une origine analo-
gue. J'ai étudié cette espèce à Montpellier, où elle est
commune pendant toute l’année (').
En Afrique, il est commun en Algérie (Lrcas), en Egypte, au
Maroc (1, Bozivar). Il s'éloigne beaucoup du rivage méditerra-
néen : on le trouve au Cameroun (Zacner) sous un climat équa-
torial.
En Asie, son aire de répartition est très étendue ; 1l est aussi
commun en Asie Mineure, qu'au Turkestan où il est signalé
dans lä Province de Ferghana par 1. V. Vassinrev. M. Dvornit-
CHENKO indique les autres Locustiens (2) qui y vivent en sa com-
pagnie, ce sont Dociostaurus maroccanus (Thunb.), Oedaleus
nigrofasciatus (de Geer), Docostaurus Kraussi, Calliptamus
talicus L., qui habitent tous, à l'exception de Dociostaurus
Kraussi, le midi de la France. Enfin, certains auteurs le don-
nent ‘comme vivant dans l'Inde ; je n’ai pas pu me procurer le
travail de Kirsy sur les Orthoptères de ce pays.
Aïnsi, la répartition géographique du « Criquet égyptien »
est extrêmement vaste, ce qui est Loin d’être la règle pour les
Insectes de grande taille, habituellement beaucoup plus loca-
lisés que Les petites formes (Cas de la faune microscopique).
À cet égard, les Orthoptères font nettement exception et se
montrent dans l’ensemble très largement répartis. — Caractère
propre aux groupes anciens.
Le Criquet égyptien existerait donc dans l'Ancien Continent,
des régions équatoriales au 45° de latitude Nord. Cette limite
septentrionale coïncidant, à peu près, avec la ligne Bordeaux-
Montélimar.
() J'adresse ici mes meilleurs remerciements à M. Caoparo pour les renseigne-
ments qu'il m'a si obligesmment fournis et à M. Sue qui m'a procuré un très
abondant matériel.
(2) J’adopte la nouvelle nomenclature, d'après laquelle les Acridiens s'appellent
Locustiens.
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYTIPEN
Habitat.
O. ægyptia ne semble pas avoir un habitat bien déterminé.
On le rencontre partout; cependant il y a lieu de faire
remarquer que ce Criquet, à l’état adulte, est particulièrement
fréquent sur les arbres. Dans la garrigue, il est plutôt rare,
la flore arbustive de ce milieu assez spécial ne parait pas lui
convenir. En été, les adultes sont communs dans les vigno-
bles où, en raison de leur faible densité, ils ne se montrent
pas nuisibles. Ils demeurent sur la Vigne tant que celle-ci
conserve ses feuilles; lorsque les ceps sont dénudés, le Criquet
émigre vers les arbres à feuilles persistantes (Oliviers, Arbou-
siers, Pittosporum, etc...) etles prairies ; on le trouve aussi
sur les Palmiers. En général, surtout en hiver, il recherche les
lieux ensoleillés. Il n’est pas rare d’en voir dans les rues de
Montpellier, plaqués contre les murs et immobiles pendant des
heures. Je l'ai vu voler, à Palavas, à quelques cent mètres
de la mer; je l'ai pris au bord même de l’Etang de Thau et
de l'Etang de Vendres. Les larves sont particulièrement abon-
dantes dans les lieux herbus et secs.
Régime alimentaire.
L'O. ægyplia est un type parfait de polyphage. En élevage,
il mange du Chêne vert, de l'Orme, de l'Olivier, de la Vigne, il
refuse les Graminées. En été, je l'ai alimenté surtout avec
du Frêne dont il accepte très volontiers les jeunes feuilles et
en hiver avec du Nerprun. À l’état adulte, il porte de
préférence son choix sur le feuillage des arbres. TAarGroni-
Tozzern l’a signalé comme ennemi du tabac en Italie et en
Dalmatie ; plus récemment Zacuer l'indique comme étant nui-
sible à cette plante en Afrique et plus particulièrement au
Cameroun ; au Turkestan, il s'attaque aux cotonniers, mais
jamais il ne s’est montré vraiment dangereux.
J'ai examiné le contenu intestinal d’un très grand nombre
d'individus et dans l’un deux j'ai reconnu les débris de la cara-
pace chitineuse d’un Insecte; observation faite en février et
ed
548 PIERRE P. GRASSÉ
montrant que parfois ce Criquet n’est pas strictement végéta-
nent)
Variabilité.
Les individus capturés dans le Languedoc présentent une
variabilité extrèmement faible, tant au point de vue de la
taille que de la couleur. Chez quelques exemplaires, la
couleur foncière est le jaune plus ou moins sale. La taille de la
femelle oscille entre 50 et 65 millimètres, celle du mâle entre
30 et 55 mm. Ces mesures sont celles du corps. Les sexes
sont en nombre sensiblement égaux, sauf après la période de
grande ponte où les femelles deviennent prédominantes.
Cycle évolutif et Reproduction.
Le cycle évolutif d'Orthacanthacris ægyplia diffère profon-
dément de celui des autres Locustiens français, à tel point que
l’on peut dire, sans exagération, qu'il en est l'inverse (?), au
moins si l’on considère la majorité des cas, laissant de côté
les exceptions dont nous nous occuperons, en détail, plus
loin.
La plupart de nos espèces indigènes passent l'hiver à
l'état d'œufs et n’ont qu'une courte existence sous la forme
insecte (Larve et adulte). Orthacanthacris ægyptia au contraire,
hiverne à l’état adulte, sa vie sous cet état est très longue.
La comparaison de son cycle avec celui du Dociostaurus
maroccanus, par exemple, mettra bien en lumière les diffé-
rences :
Le Dociostaurus pond en juillet-août et V'éelosion n’a lieu
(!) Le tube digestif d'O. ægyptia est remarquablement pauvre en Protistes (au
moins dans la région de Montpellier). On ne peut y signaler qu'une flore bacté-
rienne banale et peu abondantee.
() Je prends connaissance après la rédaction de ce travail du magnifique
ouvrage de Caoparo sur les Orthoptères de France. — Cet auteur donne quelques
renseignements biologiques sur notre espèce. Ils coïncident avec nos observa-
tions personnelles ; cependant je dois faire remarquer que, dans le Languedoe,
les éclosions en a\ril sout rares et proviennent des pontes tardives effectuées à
l'entrée de la saison froide. — Dans ce cas, l’hivernage se fait à l’état d'œuf et
nous retombons alors dans la règle générale des Locustiens.
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE ÇRIQUET ÉGYPTIEN 549
qu'au printemps suivant; dans notre pays, pas avant avril. La
durée de la vie à l’état d'œuf dépasse largement 8 mois.
L'Orthacanthacris confie son oothèque au sol en mai-juin. Le
développement des œufs est immédiat et l'Insecte a atteint
toute sa taille vers la fin août ; il passe l'hiver et pond au prin-
temps ou à l'été suivant. La vie à l’état d'œuf dure à peine
quelques semaines.
L'accouplement. — Avant d'indiquer les particularités de
cet acte chez O. ægyptia, il est nécessaire de fournir quelques
détails sur la formation des gonades. Elle diffère beaucoup
de ce qui a été observé chez les autres Locustiens.
La spermatogenèse s'effectue rapidement ; en octobre les
jeunes mâles ont déjà leur réceptacle séminal bourré de
sperme; les spermatozoïdes sont groupés en faisceaux et
plantés comme des épingles sur une calotte de nature cyto-
plasmique (aucune trace d'appareil nucléaire n’est présentée
par cette formation). Cette calotte à la forme d'un béret
basque ; les têtes des spermatozoïdes sont fixées à la concavité
de cette cupule. Les auteurs qui ont étudié la spermato-
genèse des Locustiens n’ont pas suffisamment attiré l'attention
sur ce, spermatophore dont j'expliquerai prochainement, dans
un travail cytologique, la curieuse formation ("). Le sperma-
tozoïde est extrêmement long, la tête filiforme et rectiligne
mesure de 120 à 130 u, la queue dépasse 500 . Les mouve-
ments des spermatozoïdes d'un même faisceau sont synchrones,
il en résulte un déplacement total et très puissant du sperma-
tophore qui progresse la calotte en avant, tandis que le long
chevelu des queues décrit une courbe à nombreuses sinuosités.
Quelques auteurs ont décrit les organes génitaux annexes
des Locustiens, en particulier Fénarb, mais ils sé sont très peu
préoccupés du rôle de ces organes. Chez O. ægyptia mâle, au
point de jonction des deux canaux déférents, débouchent symé-
triquement 16 paires de tubes en cul-de-sac. FÉNaRD a bien vu que
deux de ces tubes jouent le rôle de vésicules séminales, ils sont
() Je puis indiquer dès maintenant que les spermatocytes de premier ordre
contiennent 22 autosomes et 1 hétérochromosome de très grande taille. On
retrouve facilement les spermatocytes de deuxième ordre à 11 et à 12 éléments
chromatiques. En somme la formule chromosomiale de notre espèce est celle
que l’on a déjà indiquée dans la famille des Locustiens.
550 PIERRE P. GRASSÉ
nettement plus longs que les autres et enroulés sur eux-mêmes
au sein d’une épaisse couche de tissu adipeux d’un beau jaune
orangé. Les autres paires de tubes diffèrent physiologique-
ment, et ceci n'avait pas été encore observé : quatre paires sont
d'un blanc laiteux, leur sécrétion est granuleuse et de nature
graisseuse; onze paires sont transparentes, leur sécrétion est
hyaline et de nature très probablement muqueuse. Ce point
sera d’ailleurs précisé dans l'étude cytologique dont on a déjà
parlé. Ces diverses sécrétions contribuent à la formation du
sperme. Les spermatozoïdes peuvent demeurer plusieurs
mois intacts dans les vésicules séminales.
L’ovogenèse, chez notre Criquet, suit une courbe de dévelop-
pement extrêmement différente de celle de la spermatogenèse.
Autant celle-ci est rapide, autant celle-là est lente.
L'élaboration des œufs débute avec la vie larvaire ; en hiver
elle est presque complètement suspendue, les ovaires se pré-
sentent comme une masse impaire, triangulaire, blanchâtre.
Les gaines ovigères sont alors très petites, elles restent
dans cet état jusqu'en Avril; à partir de ce mois, leur déve-
loppement s'accélère et devient rapide. Un seul œuf par
gaine atteint son développement complet et en moyenne une
seule gaine sur deux donne un œuf. Chaque ovaire fournit
une quarantaine d'œufs.
Chez la majorité des Locustiens la formation des gonades
marche de pair dans les deux sexes. C’est ce que j'ai pu
vérifier pour plusieurs espèces de Stenobothrus, mais cependant
la spermatogenèse est toujours achevée avant l’ovogenèse, qui
demande l'accumulation d’une grande quantité de substances de
réserve.
Dans notre espèce (Criquet égyptien) l’instinct sexuel, au
moins chez la femelle, n’est nullement en rapport avec l’état
des éléments reproducteurs. Celle-ci se prête aussi bien
à l’accouplement lorsque ses ovaires sont très petits que lors-
qu'ils ont atteint toute leur taille. Une fois de plus se vérifie,
chez l'Arthropode, l'indépendance qui existerait entre les
sonades et les caractères sexuels secondaires.
L'accouplement par lui-même ne présente rien de spécial et
ne diffère pas sensiblement de celui des autres Locustiens.
On n’observe pas de préludes à l’acte sexuel, le mâle se
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 551
hisse sur la femelle et s'y maintient à l'aide des pattes
antérieures et intermédiaires. Les membres postérieurs ne
jouent aucun rôle ; ils sont légèrement relevés, le tibia étant
replié sous le fémur. — Nous montrerons plus loin la grande
importance théorique de cette constatation.
Le fonctionnement des diverses pièces des armatures géni-
tales au cours de la copulation n'a pas été bien précisé. Mes
observations personnelles ont visé à combler cette lacune et
J'ai pu déterminer le rôle qui revient à chacune d'elles. La
plaque sous-génitale du mâle bascule le plus possible vers le
bas et ce mouvement s'accompagne d’une traction sur le capu-
chon inférieur, repli membraneux très développé, qui est ainsi
ramené en avant. Le pénis, organe sclérifié, bifide à l'apex, fait
alors saillie et est presque vertical, ses valves inférieures se
voient nettement et contribuent à le maintenir rigide. Toute
la région périanale est comprimée. La plaque sous-génitale du
mâle est passée sous celle de la femelle qui s'est quelque peu
abaissée.
Les valves de l’oviscapte conservent leurs rapports nor-
maux, mais l'oviscapte tout entier est légèrement ramené vers
le haut. L'ouverture vulvaire s'ouvre alors béante, le mâle
enfonce profondément son pénis dans le vagin. Le sperme
très visqueux s'écoule lentement et monte dans la spermathèque
de la femelle. Là, les spermatozoïdes abandonnent la calotte à
laquelle ils étaient fixés et deviennent ainsi libres dans la
lumière du tube. La calotte cytoplasmique est probablement
digérée par les voies génitales de la femelle.
Le sperme peut rester plusieurs mois dans la spermathèque
sans présenter aucune trace d’altération, l'abondante sécrétion
des glandes unicellulaires crée un milieu particulièrement favo-
rable à sa conservation. Le sperme qui provient des accouple-
ments automnaux se retrouve au printemps absolument intact.
La durée de l’accouplement est variable, elle est générale-
ment très longue. Il n'est pas rare de noter des copulations
persistant pendant plus de:36 heures. Le coït peut-être
interrompu et repris sans difficulté.
Mâles et femelles s’accouplent un grand nombre de fois au
cours de leur vie ; ous les accouplements observés ont eu lieu
à une température égale ou supérieure à 14° C.
37
552 PIERRE P. GRASSÉ
En octobre, débute une première période d’accouplement qui
dure jusqu'en novembre. Mais, par les journées ensoleillées
de décembre et de janvier, J'ai vu maintes fois des Criquets
accouplés. La deuxième période commence avec la deuxième
quinzaine de mars et peut s'étendre jusqu'au mois de juillet ;
à ce moment presque tous les mâles sont morts. On observe
d'ailleurs la diminution de leur nombre aussitôt après la période
de grande activité, qui comprend,mars et avril. Dans mes
élevages, le 8 juin tous les mâles avaient disparu, mais je dois
dire qu à cette date j'en ai encore trouvé dans la nature.
La ponte. — La copulation ne déclenche pas la ponte, il
n'existe pas de rapport évident entre ces deux actes, comme on
l’a constaté bien des fois chez les Insectes.
La femelle demeure seule pendant la ponte, aucun mâle ne
s'approche d'elle. Il y a là une grosse différence avec les
faits signalés chez Dociostaurus maroccanus et chez Schisto-
cerca tarlarica.
En élevage, la première ponte eut lieu au début de mai,
époque à laquelle les accouplements sont encore très nom-
breux.
Dans les cages, ilest assez difficile d'obtenir des pontes nor-
males. Le sol est constitué par de la terre mélangée à de petits
cailloux, par du sable et surtout par de la terre compacte. Cette
diversité de conditions n'empêcha pas la majorité des pontes
d'être anormales. Les œufs étaient déposés au hasard, par
petits paquets, à la surface du sol et enrobés dans une couche
plus ou moins épaisse de mucus spumeux. L'abdomen ne s'al-
longe pas au cours de ces pontes. La femelle semble tout sim-
plement se décharger d’un fardeau gênant.
Les pontes normales eurent lieu dans un sol ni trop compact
ni trop meuble; mais on ne peut pousser très loin les pré-
cisions, car on observe assez souvent des pontes en terrain
très dur et en terrain friable. La consistance du sol
Jouerait un rôle assez effacé, ce qui est surprenant. Croyant
qu'une sensation de contact sur les côtés de l'abdomen facilite-
rait l'émission des œufs, je recouvris, en partie, de petits
cailloux le sol d'une cage : les pontes ne furent pas plus nom-
breuses. Le déterminisme de l’acte demeure encore obscur ;
cependant les observations faites à plusieurs reprises permet-
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 553
tent d’entrevoir le rôle joué par d’autres facteurs. Certaines
femelles, avant de livrer leurs œufs au sol, creusent plusieurs
trous dans des milieux différant par leur état hygrométrique.
Tout se passe comme si la femelle appréciait cet état, par
un mécanisme totalement inconnu, et n'effectuait sa ponte que
lorsque le degré hygrométrique du sol est suffisamment élevé.
Dans mes élevages, les œufs se sont montrés très sensibles
à la dessiccation, celle-ci entravant tout développement.
Actuellement on peut admettre que les principaux facteurs
conditionnant la ponte sont le degré de consistance et l’état
hygrométique du sol. Le champ reste, d’ailleurs, ouvert à
l’expérimentation qui donnera sans doute la clef de cet intéres-
sant problème (1).
La femelle dont les œufs sont arrivés à maturité a un abdo-
men replet. Pour pondre, elle se campe solidement sur les
deux paires de pattes antérieures, comme chez Schistocerca
tartarica les membres postérieurs peuvent être relevés, leur
rôle est quasiment nul. Des femelles amputées de leur
troisième paire de pattes efflectuèrent des pontes normales. L’ab-
domen se recourbe et tâte le sol, tout comme ferait un doigt.
Les valves de l'oviscapte jouent le rôle de pioche, les paires
supérieures et inférieures s'écartant avec force et peu à peu
l'abdomen s'enfonce dans le sol. Le puits creusé est sensi-
blement plus long que l'abdomen, en effet celui-ci s'allonge
considérablement. L'allongement porte surtout sur les pre-
miers segments. Les derniers participent très peu à l'élon-
gation, observation déjà faite par La Baume chez Dociostaurus
maroccanus. SJ
Bien que la ponte soit relativement facile à observer, le
mécanisme qui provoque l'allongement de l'abdomen n'est pas
encore parfaitement expliqué. Kuoxckez D’Hercuzais (1894)
essaie de fixer dans leur attitude des femelles en train de
pondre, en leur injectant soit de l'alcool absolu, soit une solu-
tion de bichromate de potassium. J'ai refait cette expé-
(1) Carpe DE BAILLON arrive à des conclusions quelque peu différentes à propos
des Phasgonuridés : « Les Locustiens (Phasgonuridés) qui déposent leurs
œufs dans la terre semblent moias soucieux de l’état hygrométrique du sol que
de son degré de consistance ; ceux qui pondent dans les végélaux sont indiffé-
rents à l'espèce végétale, mais, comme les premiers, ils n’effectuent leurs pontes
qu'en milieu compact ».
554 PIERRE P. GRASSÉ
rience, non pas sur 0. ægyptia mais sur Calliptamus italicus ;
elle ne m'a pas paru concluante, la mort n’est pas immédiate,
l’Insecte se contracte plus ou moins, déformant assez sensi-
blement son abdomen; l'injection d’un liquide dans l’hœmo-
cœle d'un Criquet rend très difficile l’appréciation du rôle du
sang dans l'allongement de l'abdomen. Cependant . quels
que soient les inconvénients de l'expérience de Kunckez elle
n'en conserve pas moins quelque valeur. Elle permet en effet
de constater, en ponctionnant le tube digestif, la sortie d'une
certaine quantité d'air.
L'afflux sanguin dans la partie postérieure du Criquet ne
peut pas expliquer à lui seul la turgescence abdominale, comme
le prétend La Baume, dans son volumineux mémoire. La
quantité de sang chez le Criquet égyptien est plutôt faible.
On peut d’ailleurs accorder un rôle à cet afflux, mais pas le
principal. L’accumulation du sang dans l'abdomen est vrai-
semblablement provoquée par une contraction des muscles tho-
raciques ; extérieurement rien ne trahit cette contraction.
L'allongement de l'abdomen est, avant tout, dû à la dégluti-
tion d'air par l’Insecte. Le mécanisme de cet acte n’a pas
encore été décrit, je crois que les mouvements de l'hypopha-
rynx y tiennent le principal rôle. Pendant la ponte, les
pièces buccales sont presque immobiles, les palpes seuls
demeurent actifs. Ils doit y avoir également des contractions
de l’æsophage.
A priori, on comprend mal comment le gonflement du tube
digestif provoque un allongement de l'axe longitudinal alors
que l'axe transversal n’augmente pas d’une manière appré-
ciable. L'expérience cruciale consiste à insuffler de l'air dans
le tube digestif d’une femelle. On est surpris que KunNekEL
n'ait pas eu l'idée de la faire. Je l'ai facilement réalisée
il suffit d'introduire l'extrémité d’une pipette en verre dans la
bouche du Criquet, après avoir pratiqué un volet dans la tête
et dans l'articulation céphalo-thoracique, afin de pouvoir liga-
turer, au moyen d’un fil, l’œsophage sur la pipette. En souf-
flant doucement, on provoque une élongation de l'abdomen
portant surtout sur les premiers segments. Ainsi sont véri-
fiées Les vues de KunCKkEL.
La ponte par elle-même ne diffère pas de celles des autres
PU SP |
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 599
Locustiens et je n'ai rien de nouveau à ajouter. Le puits où
sont déposés les œufs est creusé comme chez les autres Cri-
quets. J’appelle l'attention, ainsi que Vayssière l'a fait dans
son mémoire sur Dociostaurus maroccanus, sur la courbure de
l’abdomen pendant le forage du trou ; elle est l'inverse de celle
qu'indique les anciens auteurs, c’est-à-dire que la concavité
est dorsale au lieu d’être ventrale, elle est d’ailleurs peu pro-
noncée. L'émission des œufs se fait alors que loviscapte est
au repos : l'œuf glisse entre la plaque sous-génitale et la paire
de valves inférieures. Le mucus qui accompagne la ponte est
sécrété par le boyau calicial qui, dans cette espèce, est extré-
mement développé.
Le nombre des œufs, dans une oothèque, est variable, en
moyenne on en compte de 30 à 50. La femelle opère sa
ponte le plus souvent en deux reprises, séparées par des inter-
valles plus ou moins longs. Tous les œufs mürs contenus
dans les gaines ovigères sont expulsés, à l'exception d'un oude
deux. Ils mesurent en moyenne 7 mm. 5 de long sur { mm. 5
de large, ils sont légèrement recourbés. Leur coque est for-
tement imprégnée de chitine dont les épaississements en saillie
dessinent un réseau d’hexagones. La ponte dure générale-
ment plus d'une heure, la femelle applique étroitement son
sternum sur le sol, les ailes sont appuyées et froissées contre
la terre. La sortie de l'abdomen se fait progressivement.
La femelle abandonne alors sa ponte, à laquelle elle peut
survivre pendant longtemps ; elle jouit d'une longévité plus
grande que le mâle.
Les faits que nous venons de décrire peuvent être considérés
comme normaux ; mais 1l y a des exceptions fort intéressantes.
Une femelle étudiée avec grand soin s’est comportée bien
différemment. Elle effectue en juillet, une ponte normale
dont je n'ai pu compter les œufs ; elle continue à s’alimenter
et ne présente jusqu'en octobre rien de particulier. Le
10 octobre, je recueille sur le sol de la cage où elle est isolée
un long boudin 5 em. 5 de long sur 8 mm. de diamètre
(Fig. 1) constitué par du mucus desséché et ne renfermant,
aucun œuf. Les glandes annexes de l’appareil génital peu-
vent done fonctionner à d’autres moments que pendant la
ponte. Cette fausse ponte n'a pas été encore signalée à ma
556 PIERRE P. GRASSÉ
connaissance. FaBre parle bien des pontes anormales de
l’'Acrida nasuta (L.) mais toutes contiennent des œufs, avec, il
est vrai, une proportion considérable de mucus. Cette fausse
ponte met en évidence l'indépendance, dans certains cas, des
glandes génitales proprement dites et des glandes annexes, en
particulier, du boyau calicial. La femelle continue à s’alimenter
et le 1% décembre elle dépose sur le sol cinquante œufs par-
faitement développés et enrobés dans une très faible épaisseur
de mucus. Je dois noter qu’elle s'était accouplée plusieurs fois
en octobre et novembre avec les diffé-
rents mâles qui lui furent offerts.
Sa ponte achevée, ses mouvements
deviennent très faibles, elle cesse de
manger. Elle est sacrifiée Le 3 décembre ;
son immobilité était alors presque com-
plète. Dans les ovaires, il ne reste qu'un
œuf. La vésicule séminale contient en
petit nombre des spermatozoïdes parais-
sant bien normaux. Le corps adipeux
n'est pas partout du beau jaune habi-
tuel; toute la région dorsale, celle qui
avoisine le cœur en particulier, est brune.
Cette coloration est due à la présence
Fig. 1. — Une fausse dans les cellules de gouttelettes graisseu-
ponte Gr er ses d’un brun foncé. Cette femelle a donc
vécu environ un an et demi. Sa vié génitale a été fort complexe
et montre qu'un intervalle extrêmement long peut s'étendre
entre les deux pontes. D'autre part, il est permis de se
demander si pendant ce long laps de temps un certain nombre
des gaines ovigères qui n'avaient pas donné naissance à des
œufs, n'ont pas poursuivi leur évolution et engendré à leur
tour des éléments reproducteurs. Le grand nombre des
œufs pondus (50) la première fois donne quelque vraisem-
blance à cette hypothèse. Nous verrons bientôt l'intérêt
biologique présenté par cette exceptionnelle évolution indivi-
duelle.
L'hivernage. — O. ægyptia hiverne, sous nos climats, à
l’état adulte, particularité qui se rencontre rarement chez les
Locustiens français. — Dans le Languedoc méditerranéen deux
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN D97
autres espèces paraissent hiverner normalement à l’état adulte :
Aeolopus strepens (Lat.) et Paratettix méridionalis (Rambur) (”).
Quelques observations faites sur la première espèce permet-
tent de dire que le cycle de ce Locustien se rapproche sensible-
ment de celui d'O. ægyplia. En effet, la ponte a lieu au
printemps peu de temps après l'hivernage, les œufs ne sont
mürs qu'à cette date; mais cette espèce possède peut-être bien
deux générations, la première adulte en juin-juillet, la deuxième
en octobre, c'est celle-ci qui hiverne. Paratettir méridionalis
se comporte peut-être également comme le Criquet égyptien, je
l'ai rencontré en grande abondance, en plusieurs points, au cœur
même de l'hiver; en été je l'ai cherché vainement dans les
mêmes gites. Aux environs de Montpellier, il n'est pas rare de
trouver au cours de la mauvaise saison Acrydium depressum
(Bris), Aeolopus thalassinus (F.) Acrotylus insubricus (Scop) et
divers Stenobothrus. En décembre J'ai recueilli un exem-
plaire de Locusta danica L. et un de Calephorus compressi-
cornis (Lat.)
Chez presque toutes ces espèces l'hivernage est plutôt excep-
tionnel, tandis qu'il est constant pour le Criquet égyptien, et
fait partie du cycle normal.
L'hivernage a lieu aussi, mais rarement, à l’état larvaire ;
sur une population hibernante dépassant trois cents individus,
j'ai compté seulement deux larves, toutes les deux du cin-
quième âge. Pendant l'hiver, le développement est arrêté. Un
des individus effectua, au début d'avril, sa mue qui fut anor-
male. Ces larves proviennent des pontes tardives émises par
certaines femelles, mais ne représentent pas une deuxième
génération. TanGioni-Tozzerri à pris ces éclosions tardives
pour des naissances anticipées ayant lieu en automne. Les
femelles issues des pontes déposées au printemps sont incapa-
bles de donner en automne une deuxième génération, leurs
ovaires ne sont pas développés. Les larves hibernantes sont les
sœurs des femelles adultes, mais proviennent de pontes faites
à l’arrière-saison. ‘On ne peut donc parler, au moins pour les
Criquets languedociens, d’une deuxième génération.
(‘) Il est intéressant de faire remarquer que le cycle d’O. ægyptia est compa-
rable à celui de certaias Grillons.
558 PIERRE P. GRASSÉ
Tancioni-Tozzerni fait allusion à des pontes livrées au sol en
automne et éclosant au printemps suivant. Je n'ai pas eu l'oc-
casion de faire des observations analogues. Cependant, celle
d'une femelle pondant au début de décembre autorise à
admettre les faits rapportés par l’auteur italien, mais cette
femelle ne provenait pas des pontes du printemps (lors de
sa dernière ponte elle avait une vingtaine de mois).
Les pontes automnales sont d'ailleurs exceptionnelles, tout au
moins dans le Languedoc méditerranéen; dans d’autres régions,
il n’en est peut-être pas de même; à cet égard l'étude des
Orthacanthacris vivant sous les tropiques serait particulière-
ment instructive.
On peut donc admettre qu’il n’existe en France qu'une seule
génération échelonnant sa ponte de telle sorte qu’il est possible
de rencontrer, à la même époque, des stades très différents.
Cependant il est bon d’insister pour bien marquer que l’évo-
lution de beaucoup la plus fréquente est celle qui a été imdi-
quée au début de ce travail (°).
Pendant l'hiver le Criquet égyptien n'est jamais complète-
ment inactif, il continue à s’alimenter, à se déplacer. En somme
on ne constate qu'un simple ralentissement de l’activité, mais
pas de repos total. Par les journées ensoleillées, 11 retrouve
toute sa vivacité et vole d’arbre en arbre en faisant claquer les
ailes. Cet insecte ne s'abrite pour ainsi dire point; nous revien-
drons sur ce sujet à propos de l'action de la chaleur.
Attitudes et réflexes.
O. ægyptia est habituellement orienté la tête dirigée vers le
haut; au repos, il se place suivant une direction qui se rap-
proche beaucoup de la verticale. il présente un géotropisme
négatif bien net.
(:) J.-H. Fasre, dans ses études sur les Criquets, décrit la biologie du Zocusta
Danica L. (= Pachytilus cinerascens), mais certains détails incitent à penser que
le célèbre entomologiste a confondu cette espèce avec ©. ægyptia. C'est ainsi
qu'il indique P. cinerascens comme se rencontrant « même au cœur de l'hiver »
ce qui est exact, mais assez exceptionnel; il note aussi le battement des ailes
comme si l’Insecte allait prendre le vol, etc...
D'ailleurs son fils Paul H. Favre, dans les Morceaux choisis extraits des Souve-
nirs Entomologiques donne une photographie (p. 248) d’un « Criquet cendré »
qui n'est qu'un O. ægyptia.
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 999
La progression sur un végétal est lente, le Criquet déplace
d'abord les deux premières paires de pattes, puis les membres
postérieurs, souvent maintenus soulevés. Ces membres, avant
de reprendre contact avec le substratum tâtonnent maladroite-
ment. La troisième paire de pattes fixée, les membres antérieurs
entrent à nouveau en action et ainsi de suite.
Pour manger, le Criquet saisit la feuille entre les membres
antérieurs et la porte au niveau des mandibules ; il l'attaque
par la tranche.
On peut immobiliser les Criquets G'et ® par le procédé de
Ragaup (Compressions latérales du thorax et pression sur le
sternum), mais on réalise plus facilement le même état en
pratiquant des tractions plus ou moins prolongées sur les
antennes. Les première et deuxième paires de pattes s’écartent,
les antennes sont parfois repliées en arrière et plus souvent
étendues en avant rectilignement. Certains individus agitent
spasmodiquement leurs membres pendant la période d’immo-
bilité dont la durée varie avec la température. À 13°, elle est
de 4 à 10 minutes, à une température plus élevée, elle diminue
beaucoup, elle est extrêmement difficile à obtenir lorsque l’on
opère au soleil. Ainsi que l'a bien démontré RaBaup, on ne doit
pas confondre cette immobilisation réflexe avec l'absence de
tout mouvement, comme on la constate parfois pendant plu-
sieurs heures chez notre Criquet.
O. ægyptid n’émet aucun son, au moins en captivité. On
observe très fréquemment des individus qui se campent sur les
membres antérieurs et battent violemment des ailes comme
s'ils allaient prendre leur vol. Celui-ci s'accompagne, surtout au
départ, d’un claquement dû à l’entrechoc des différentes pièces
de l'appareil alaire entre elles.
L'autotomie des pattes postérieures et la loi de Lessona. —
En 1868, le naturaliste italien Lessoxa énonçait la loi suivante :
« Le fait de la facile reproduction d’une partie enlevée est
en rapport avec un autre fait : la facilité de perdre cette par-
tie.» (°):
Il prenait les preuves de sa proposition dans la régénération
facile des pattes, de la mandibule inférieure, de la queue des
(‘) Lessoxa s'exprime plus loin ainsi : « Si reproducone certe parti in quegli
animali che facilmente le possono perdere ».
: fe
560 PIERRE P. GRASSÉ
Tritons, de fragments d’Actinies, de portions de la tête des Gas-
téropodes marins, des viscères des Holothuries, tous animaux
exposés à des pertes fréquentes de ces parties et à puissance
régénérative considérable. Darwin d’abord, puis WEismanNN
adoptèrent cette Loi et s’efforcèrent de la vérifier en multiphant
les exemples. Pour ces auteurs la régénération est une manifes-
tation de l'adaptation établie par sélection naturelle. Gran
accepta également la loi de Lessoxa et en trouva des applica-
tions dans Asterias richardi E. Perrier et Stolasterias neglecta
E. Perrier parasitées par un grand Myzostome (Myzostoma
asteriæ Maz) qui provoque une autotomie très fréquente des
bras. Chez ces Etoiles de mer on constate une puissance régé-
nérative très développée qui, pour Grarp, est aussi le résultat
d'une adaptation.
En 1895, Decace (') fit un examen critique de cette théorie et
souleva maintes objections, il cita en particulier la régénération
d'organes internes non soumis habituellement à des trauma-
tismes, celle du bec de la Cigogne de Kennel, etc., etc. Mais le
meilleur argument contre cette Loi lui échappa; il est fourni par
les Orthoptères sauteurs. La troisième paire de pattes de ces
Insectes s’autotomise avec la plus grande facilité, la moindre
pression sur les fémurs postérieurs provoque la chute de tout le
membre au niveau de la ligne de soudure fémoro-trochanté-
rienne, et cependant aucune régénération ne suit la suppres-
sion de cet appendice. [Il est bien difficile de concilier ce fait
avec la loi de Lessona.
BorpacE dans son excellent travail intitulé Recherches sur l'au-
lotomie et la régénération en vit très bien l’importance ; mais
au lieu de repousser la loi, il s’efforça de faire cadrer cette
exception avec elle. Son raisonnement peut se résumer ainsi :
les Orthoptères sauteurs dépourvus de leurs membres posté-
rieurs se trouvent en état manifeste d’infériorité vis-à-vis de
leurs congénères non mutilés; ils sont aussi mal armés que
possible dans la lutte pour la vie (en particulier, les Grillons
mâles). Si l'amputation des membres postérieurs a porté sur la
larve, celle-ci effectuera ses mues avec une extrême difficulté,
(!) T.-H. Morcan (1898-1902) porta un rude coup à la théorie par son étude sur
Eupagurus longicarpus qui régénère des membres non soumis à l’autotomie et
parfaitement protégés.
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 561
les adultes mutilés n'accompliront pas leurs fonctions géné-
siques. La sélection naturelle entre done en jeu : les individus
mutilés ne seront suivis d'aucune descendance. IL n'y a
pas eu d'adaptation possible et l'exception des. Orthoptères
sauteurs à la loi de Lessona n'est qu'une apparence trompeuse.
Malheureusement, ce très habile raisonnement n’est qu'un
raisonnement ; il ne correspond pas aux faits révélés par l’expé-
rience et l'observation. Avant de les exposer, je dois dire que je
partage pleinement la manière de voir de Bonpace vis-à-vis des
larves amputées ; chez elles, la mue devient quasiment impos-
Spa D 1" « =
DURS ee ES NON ud Ce Nes SŸ
es
Fig. 2. — Accouplement d'un © normal avec une © ayant subi l’autolomie
de la troisième paire de pattes.
sible, la suspension de l’'Insecte pendant cette opération (c'est
le cas d'O. ægyptia) étant réalisée le plus souvent à l’aide des
pattes postérieures. L’autotomie chez la larve est d’ailleurs
moins facile à provoquer que chez l'adulte, elle y est beaucoup
plus rare.
Voici les faits que j'ai observés : l’autotomie des membres
postérieurs d’O. ægyplia est soumise aux mêmes règles que
celle des autres Orthoptères sauteurs (1) (Ensifères et Locus-
(') 0. ægyptia offre quelquefois une rupture très spéciale du membre postérieur
qui se brise bien au niveau de la suture fémoro-trochantérienne, comme dans le
cas classique, mais aussi au niveau du tiers antérieur du tibia. Cette rupture
est spontanée. J'ai eu l’occasion d'observer deux fois ce phénomène chez le
Criquet égyptien, une fois chez Aeolopus strepens (Lat) et chez Tettigonia albi-
frons (E.)
562 PIERRE P. GRASSÉ
tidés). Dans la nature, on rencontre très souvent des individus
ayant perdu une ou deux pattes de la troisième paire. Il m'a
semblé que l’autotomie est plus fréquente chez la femelle que
chez le mâle; j'ai d’ailleurs eu l’occasion de faire une constata-
tion analogue sur le Chorthippus parallelus (Lett.).
Dans les cages d'élevage plus de la moitié des individus
était mutilée. Chez O. ægyptia, l'accouplement entre Insectes
mutilés n’est pas une rareté. [Il n'est pas plus difficile à réaliser
que celui des individus intacts. Tous les auteurs qui ont assisté
à la copulation des Orthoptères sauteurs sont unanimes à
remarquer l’inutilité des membres postérieurs au cours de cet
acte ; ceux du mâle, en particulier, sont presque toujours
relevés et ne lui servent pas à se maintenir sur la femelle, ce
rôle est dévolu aux deux premières paires. Les trois cas pos-
sibles se sont présentés à l'observation : ou le mâle seul, ou la
femelle seule (fig. 2) ou les deux conjoints sont amputés. La
mutilation portant sur un ou deux membres. Dans tousles cas la
durée de l'acte sexuel est normale et les Insectes le réalisent
facilement. Voilà un premier point établi et mon étonnement,
après mes multiples observations, fut très grand lorsque je lus
la réponse de J.-H. Fagre à une lettre de Borpace; le célèbre
naturaliste écrivait « je pense qu'ils (Criquets et Sauterelles)
seraient dans l'impossibilité d'accomplir ces fonctions (fonctions
génésiques) ». Comme quoi l’observation est toujours supé-
rieure au raisonnement.
Ce premier fait suffirait amplement à ruiner la théorie de
BornAce, mais il n’est pas le seul; en effet les femelles dépour-
vues de leur troisième paire de pattes sont capables de pondre.
La femelle dont j'ai rapporté tout au long l’histoire avait perdu
Ses membres postérieurs avant d'effectuer sa première ponte,
et celle-ci fut normale. J'ai d’ailleurs refait cette observation
sur d’autres individus. Dans le forage du trou le rôle des mem-
bres postérieurs est très effacé. VayssièRe le dit nettement
dans son mémoire sur le Dociostaurus maroccanus : « la troi-
sième paire, comme cela a déjà été fort bien observé, ne sert à
rien pendant la ponte ». Les figures données par Kunckez »'Her-
cuLAIs pour le Schistocerca tartarica sont très convaincantes à
cet égard.
Nous arrivons done à conclure que les Locustidæ mutilés
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 563
sont parfaitement capables de se reproduire et aussi aptes
que leurs congénères indemnes à engendrer une descendance.
D'autres constatations permettent d'arriver au même résultat
et d'étendre aux Ensifères cette conclusion. Il existe des Phas-
gonuridæ (Microcentrum retinerve, Barbitistes Ocskayi, etc.)
qui déposent leurs œufs sur les feuilles de divers végétaux, il
est bien évident que, dans ces espèces, l'absence des membres
postérieurs ne s'oppose pas à l'émission normale des œufs (').
Ces membres ont avant tout un rôle prépondérant dans le saut.
Dans la marche même, leur utilité est médiocre, comme nous
l’avons montré dans le paragraphe précédent. |
+ Ainsi, il ne peut plus être question d'expliquer l'exception
des Orthoptères sauteurs à la loi de Lessona par le simple jeu
de la sélection. Celle-ci n'entre pas en ligne de compte. Toutes
les subtilités imaginées pour éluder cette difficulté ne peuvent
s'opposer à l'observation de faits précis. Et désormais, il est
permis de se demander s'il n'est pas bon de se ranger à l'avis
de Derace et de T.-H. Morcan en abandonnant d’une façon défi-
nitive la proposition du naturaliste italien.
Influence du milieu.
Action de la chaleur. — Le 11 novembre un élevage est
placé dans une étuve à 30° où l'atmosphère est maintenue
humide. Mâles et femelles sont en égales proportions. Les
mâles ont leurs vésicules séminales bourrées de spermato-
zoïdes, les ovaires des femelles sont très petits. Les Insectes
sont nourris avec du Nerprun; on place également dans leur
cage un récipient contenant du son mélassé auquel je ne les ai
jamais vu toucher. Ils s’accommodent parfaitement de leur
nouveau mode de vie, ils consomment une quantité relative-
ment énorme de feuillage ; leur activité devient intense, en
revanche leur phototropisme est très atténué, peu d'individus
sont accrochés à la paroi de la cage tournée vers la lumière,
(1) Cependant, chez quelques autres espèces qui pondent dans les tiges, en par-
ticulier Conocephalus (Xiphidion, dorsalis (Lat) le rôle des pattes postérieures
dans la ponte semble être important (Carpe ne BarzLon). Chez Leplophyes punc-
tatissima (Bosc) qui pond dans des végélaux peu consistants, la troisième paire
joue un rôle moindre, l’insecte maintenant son ovipositeur entre les mandibules
au cours de l'émission des œufs.
564 PIERRE P. GRASSÉ
leur répartition par rapport à celle-ci devient assez quel-
conque (1).
En décembre, ont lieu des accouplements dont la durée est
sensiblement la même que celle des accouplements opérés
en conditions normales. Le 26 décembre, deux femelles sont
sacrifiées, l’une prise dans l'étuve l’autre dans la nature. Le
corps adipeux de la première est extrémement abondant, d'un
beau jaune orangé très vif ; beaucoup de sang. Celui de la
deuxième est bien moins développé, peu de sang baigne les
tissus dont la « sécheresse » est tout à fait frappante; mais,
chez l’une comme chez l’autre, les ovaires ont le même volume,
le même aspect. Des dissections faites dans des conditions sem-
blables le 10 janvier, les 5 et 28 février, le 25 mars fournissent
les mêmes résultats. L’accumulation des réserves, l’augmen-
tation du métabolisme ne provoquent donc pas le développe-
ment des ovocytes. Pour les gonades du Criquet, il y a done un
cycle fixé héréditairement et un changement de milieu de
quelques mois ne suffit pas à le modifier. Ce fait est à rappro-
cher de l’action de la chaleur sur le Ver à soie ; la race univol-
tine, soumise à une température élevée n’en devient pas pour
cela bivoltine. IL est intéressant de noter cette indépendance
des ovaires vis à-vis du métabolisme général de l’être. Dans le
cas particulier qui nous occupe quelle que soit l’intensité des
échanges la glande génitale conserve la même faculté d’élabo-
ration : ni augmentation ni diminution sensibles.
Un autre fait important a été nettement mis en évidence
par cet élevage à température élevée. À 30° la mortalité
devient très faible, on enregistre dans les quatre premiers
mois une seule mort, celle d’un mâle, soit environ 2 0/0
de la population étudiée. Si l'on compare ce chiffre à celui
que fournit la statistique des élevages faits à la température
d'un appartement (température légèrement supérieure à celle
du dehors), ont est frappé par l'énorme différence qui existe
entre eux. D'un côté 2 0/0, de l'autre 30 à 95 0/0. IL
était intéteressant d'étudier la mortalités dans la nature ; une
pareille enquête se heurte à des difficultés, cependant Les faits
constatés autorisent à dire que la mortalité y est également très
() La lumière reçue par la cage est plutôt faible et ce facteur joue aussi son
rôle dans ie phototropisme.
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 565
élevée. J'ai recueilli un grand nombre de Criquets plus ou
moins languissants et qui, laissés dans des conditions en tous
points analogues à celles où on les avait trouvés moururent très
peu de temps après leur capture. Les cadavres de Criquets se
rencontrent fréquemment dans la nature.
À quel facteur faut-il attribuer ces hécatombes? Vraisembla-
blement les changements brusques de température jouent le
rôle prépondérant ; quel que soit, d'ailleurs, le sens de la varia-
tion. Ainsi on constate une recrudescence de la mortalité lors
des premières chaleurs qui arrivent brutalement dans le
Languedoc.
Le Criquet est également assez sensible au froid, et, du reste
s’abrite mal; certains jours de grande pluie, j'en ai récolté
plusieurs sur des troncs de platane ruisselants d’eau. Ces
Insectes étaient presque inertes, mis en cage 1ls moururent
tous. M. Suire m'a signalé quelques individus complètement
gelés.
Dans la nature comme dans les cages d'élevage, Le Criquetne
meurt pas d'inanition, en effet, il continue à s’alimenter. La
dissection des cadavres décèle toujours l'existence de réserves
graisseuses.
En France, l'O. ægyptia n'est pas parfaitement adapté au
climat. Il serait fort intéressant de savoir si ce Criquet présente
une mortalité aussi élevée en Afrique et en particulier dans les
régions tropicales. La comparaison avec nos chiffres permettrait
de se rendre compte si la mort d’un aussi grand nombre d’in-
dividus est sous la dépendance étroite des variations climati-
ques.
A l’étuve, on constate, d’une manière inconstante, une modi-
fication dans la coloration. La couleur foncière devient plus
claire et tire nettement sur le jaunâtre, elle rappelle celle de
certains individus rencontrés dans la nature et que nous avons
signalés au début de cette étude. Ces formes, assez fréquentes
dans le Languedoc auraient peut-être bien été soumises à
une température plus élevée que les formes revêtant la livrée
habituelle.
Les individus élevés à 30° deviennent un peu visqueux au
toucher, les sécrétions hypodermiques, fortement augmentées
expliquent cet état particulier.
PIERRE P. GRASSÉ
La longévité des animaux soumis à la vie en milieu sur-
chauffé n’est pas sensiblement diminuée. Les mâles sont morts
au début de mai; en août les femelles continuent à vivre norma-
lement. En règle générale, l'élévation de température qui accé-
lère les échanges raccourcit la durée de la vie. C’est ainsi
que l’on peut augmenter le nombre des générations d'un grand
nombre d'êtres. Mais alors les gonades participent au dévelop-
pement général de l'animal, elles s’accroissent en même temps
que les autres organes. Et l’on peut admettre que l’augmenta-
tion de température ne modifie pas la longévité de PO. ægyptia
à cause. de la remarquable indépendance des gonades. Le rôle
des glandes génitales dans la durée de la vie des Arthropodes
est à coup sûr considérable et mériterait d'être étudié en grand
détail. | i
Action de la lumière; Pholotropisme. — Dans l'étude du
comportement des êtres vivants par rapport à la lumière, il est
de première importance d'opérer dans des conditions aussi
précises que possible et de réduire à leur minimum les
influences étrangères. La lumière est un complexe d'agents
physiques ; elle porte avec elle, outre l'énergie lumineuse, de
l'énergie calorifique, de le chimique. L'absorption de la
lumière s'accompagne d’une transformation de l'énergie lumi-
neuse en énergie calorifique. L'action de la lumière n’est pas
simple. Elle ne devrait donc pas servir de base pour l'étude
des tropismes, elle ne permet pas de dissocier suffisamment les
phénomènes. Cependant, comme il est facile d'en connaître la
direction, d'en faire varier l'intensité, elle demeure encore un
des agents physiques les plus maniables.
Dans l'analyse des tropismes, on s’est trop souvent servi de
statistiques globales négligeant les exceptions dont le comporte-
ment n'entre pas dans le cadre de la loi que l’on veut démon-
trer. Afin d'éviter cette cause d'erreurs innombrables, j'ai suivi
l’action de la lumière sur chaque individu pris isolément,
méthode laborieuse sans doute, mais éminemment précise et
rigoureuse.
Les mâles et les femelles du Criquet Egyptien présentent
pendant tout le cours de leur vie, un phototropisme positif.
Mes expériences ont été faites d'octobre à mars, période à
laquelle les males avaient accompli leur spermatogenèse ; les
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 567
femelles ne présentaient que des ovaires de petite taille bien
loin d’avoir atteint leur complet développement. L'état de la
glande génitale parait donc être, chez cette espèce, sans
importance dans le comportement vis à vis de la lumière.
La vitesse de réaction aux rayons lumineux varie avec les
individus. Tel Criquet se dirige vers la source lumineuse en un
temps très court, tel autre ne répondra à l'excitant qu'au bout
d'un long moment et ne progressera que très lentement. Un
important facteur intervient ici, c’est la température : à 120 Les
Criquets sont beaucoup plus sensibles à la lumière qu’à 25°, par
exemple. Cette action de la chaleur sur le phototropisme est à
rapprocher des faits observés par Rose sur les Copépodes
Planktoniques ; chez ces Crustacés la vitesse du renversement
phototropique croit régulièrement avec l'élévation de tempéra-
ture. [ci, le sens du tropisme n'est pas renversé, mais on cons-
tate une réponse beaucoup moins rapide, et beaucoup moins
nette à l’excitant. Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire, des
Orthacanthacris mis dans une étuve à 30° se montrent faible-
ment phototropiques.
IL existe donc un certain antagonisme entre les facteurs cha-
leur et lumière. L’élévation de température accélère les mou-
vements, accélère le métabolisme, mais diminue la sensibilité
à la lumière. Quelle «est la cause profonde de cette action
inhibitrice? Nous tâcherons d'en donner une explication aussi
satisfaisante que possible dans l’état actuel de nos connais-
sances.
Dans toutes les expériences que j'ai effectuées, j'ai tenu grand
compte du rôle que peut jouer l'intensité lumineuse dans le
comportement de l'Orthoptère, me souvenant de l'importance
capitale que LœB accorde à cette variable. J'ai opéré en
utilisant des sources lumineuses différentes : rayons solaires
directs, lumière solaire diffuse vive, lumière solaire diffuse
faible, lumière électrique. Les résultats obtenus ont toujours
été comparables entre eux. La vitesse de réaction atteint son
maximum avec les rayons solaires directs et son minimum avec
la lumière diffuse faible.
Entrons maintenant dans une analyse plus minutieuse des
faits. La plupart des expériences ont été réalisées en employant
un grand cylindre fermé, posé horizontalement sur une table ;
38
568 PIERRE P. GRASSÉ
une de ses extrémités est munie d’un grillage métallique. La
source lumineuse utilisée est une lampe électrique de 50 bou-
gies placée en face de la base grillagée à une distance telle de
celle-ci que l'on ne constate au niveau de la base aucune éléva-
tion de température appréciable avec un thermomètre sensible.
La paroi du cylindre est munie de fenêtres à volets permettant
de voir ce qui se passe à l’intérieur. Les Criquets sont mis un
par un dans l'appareil. On trace un graphique du chemin par-
couru par chaque individu dans sa marche vers la lumière.
Dans un très grand nombre de cas, le déplacement vers la
source lumineuse n'est pas immédiat. Il débute parfois vingt,
trente ou même quarante minutes après l'exposition à la
lumière (1), mais 4 a toujours lieu (le phototropisme est donc
indéniable), quelle que soit la position initiale de l’Insecte par
rapport à la direction de la lumière, que chaque moitié de
l’Insecte soit également ou inégalement éclairée.
Le chemin parcouru est assez rarement une ligne droite, les
graphiques ne m'offrent qu'une seule progression vraiment
faite ainsi. Dans les cas les plus simples, le Criquet décrit
dans le cylindre une spire où une portion de spire. La pro-
gression est fréquemment entrecoupée d’arrêts qui ne parais-
sent pas avoir leur cause dans un changement du milieu
extérieur. D'autres fois, l’Insecte décrit plusieurs boucles.
Certains tracés sont fort curieux, l'Orthoptère se dirige vers
la lumière et avant d'atteindre le grillage où il trouverait un
éclairement plus intense, exécute à droite ou à gauche une rota-
tion de 90°. Il est alors dans un éclairement parfaitement asy-
métrique, une de ses moitiés est fortement éclairée, l’autre ne
l'est pratiquement pas (fig. 3), le Criquet marque un temps
d'arrêt. La marche reprend mais vers le fond de la cage, puis
nouvelle rotation et enfin progression presque rectiligne vers
la source lumineuse. Le Criquet en question passe donc par
des alternatives de phototropisme positif, de phototropisme
négatif et enfin de phototropisme positif qui est définitif. La
figure 4 représente une progression également très intéres-
sante. La marche débute par un saut, puis tout en suivant une
(‘) Un mâle ne se dirigea vers la lumière qu'après une exposition de deux heu-
res, il mourut 48 heures après l'expérience.
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 569
ligne oblique par rapport à la direction de la lumière, l'Insecte
atteint le grillage, là, temps d'arrêt. Le Criquet recule ensuite,
Fig. 3. — Chemin suivi par une © Fig. 4. — Chemin suivi par un ©
adulte dans sa marche vers la adulte dans sa marche vers la
lumière . lumière 5 —2105.
GED AC
Les flèches placées en haut du dessin indiquent la direction des rayons
lumineux.
1.2, 3 arrêts marques par le Criquet au cours de sa progression.
tout en faisant face à la lumière, enfin 1l exécute une rotation
qui le place perpendiculairement aux rayons lumineux, il
reste un long moment dans cette position.
570 PIERRE P. GRASSÉ
Quelle que soit la durée de l'exposition à la lumière (cer-
taines de mes expériences ont duré plus de 72 heures) les
Criquets demeurent positifs. Cependant un nombre non négli-
geable d'individus s’éloignent quelque peu du grillage, corres-
pondant au maximum d'éclairement, et se placent perpendicu-
lairement à la direction du faisceau lumineux.
IL serait extrèmement facile de donner d’autres exemples de
ces marches capricieuses, mais je crois inutile de rapporter
d’autres cas, ceux-ci étant suffisamment typiques.
Une constatation fort importante s'impose lorsque l’on aug-
mente l'intensité lumineuse : les chemins suivis par les Cri-
quets s’écartent moins de la ligne droite, sans arriver à coïncider
avec elle. Les tracés les moins compliqués sont ceux que l’on
obtient en plaçant Le dispositif d'expérience à la lumière solaire
directe.
La question est alors de savoir si l’on doit considérer notre
Criquet comme faiblement ou fortement phototropique. Nous
notons que tous les Criquets () au bout d’un temps moyen
relativement court se sont approchés, autant que cela leur
est possible, dela source lumineuse. Une telle unanimité dans
le comportement implique, à mon avis, l'existence d’un photo-
tropisme bien développé qui ne se manifeste pas par une orien-
tation constante par rapport aux rayons lumineux, mais exerce
son action par une attraction fatale vers le maximum d’éelai-
rement. Attraction fatale, voilà bien le caractère fondamental
du tropisme ! L'Insecte ne va pas directement à la souree lumi-
neuse ; cette constatation peut-elle nous autoriser à ne pas con-
sidérer comme un tropisme ce mouvement? Personnellement,
je ne le crois pas. Il n'y a pas simple tactisme puisque, en fin
de compte, il y a une orientation vers le marimum de
lumière.
Mlle M. Gozpsuirn qui à étudié tout récemment le phototro-
pisme de plusieurs espèces marines (?) arrive à des conclusions
identiques à celles que j'exprime.
(t) J'ai observé cependant au cours de mes expériences la présence d'un ou deux
individus à peu près indifférents à la lumière.
@) Les espèces étudiées sont Convoluta roscoffensis, Mysis chamælæon, Copé-
podes planktoniques, Nauplii de Balanes, Zoë de Maia squinado. Elles présentent
toutes un phototropisme positif net.
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 971
Peut-on faire appel à la sensibilité différentielle pour expli-
quer les circuits compliqués décrits par notre insecte ? C’est
bien peu probable, en effet, et j’insiste sur ce point, les condi-
tions d'expérience demeurent constantes au cours de nos obser-
vations, l'intensité de l’excitant ne varie pas (autant que les
appareils de mesure nous permettent de l'affirmer). Nous nous
efforcerons de donner une solution, probablement provisoire, à
ce difficile problème.
Ragaup a bien montré les points faibles de la théorie de Lors.
J'ai repris quelques-unes de ses expériences et je suis arrivé à
des résultats identiques.
J'ai, en particulier, opéré le retournement du cylindre sur
un plan horizontal ; cette rotation de 180° à pour effet de
Fig. 5. — Retour vers la lumière d’une © adulte après le retournement
du cylindre. 8 — 2105.
1, 2,3: principales positions occupées successivement par le Criquet.
rendre l'extrémité la plus éclairée, la moins éclairée et réci-
proquement. L'’extrémité tournée vers la lumière est alors
munie d'un grillage métallique. Je ne tiens compte dans cette
expérience que des Criquets recevantun éclairement symétrique.
Presque tous ceux qui sont dans ce cas exécutent une rotation
de 180° et se dirigent vers l'extrémité du cylindre la plus
éclairée. Cependant certains individus se comportent différem-
ment; dès que le retournement du cylindre est accompli, ils
sautent brusquement vers la source lumineuse, effectuant un
bond presque horizontal (plus précisément un peu oblique en
avant) (fig. 5); mais arrêtés dans leur élan par le grillage, 1ls
512 PIERRE P. GRASSÉ
exécutent alors une rotation de 180° et se placent la face ven-
trale contre la toile métallique, verticalement.
Fig. 6. — Chemin suivi par une
femelle adulte dont on a verni
l’œil droit et les ocelles droit et
médian 9. —2105.
(L'insecte représenté vu par sa
face ventrale cheminait au pla-
fond du cylindre).
Dans ce cas particulier, on peut
faire intervenir à la rigueur une
action de la sensibilité différen-
tielle : l'intensité de l’excitant,
de par la rotation du cylindre
ayant été modifiée.
La théorie de Log ne peut pas
rendre compte de cette rotation
de 180° exécutée. par un animal
symétriquement éclairé. Il faut
chercher une autre explication.
Dans cette dernière expérience,
le retour vers la source lumi-
neuse, qu'il ait lieu par progres-
sion lente ou par saut brusque,
n’est pas toujours immédiat. L'ac-
tion de la lumière se fait atten-
dre parfois assez longtemps (1).
Bref, tant dans la progression
que dans la station au repos l'O.
æqyplia ne montre pas une ten-
dance à se placer dans un éclai-
rement égal pour ses deux moi-
tiés.
D'autres expériences n'ont pas
été plus favorables à la doctrine
du physiologiste américain. En
particulier, l’aveuglement par-
tiel. En pratiquant le vernissage
de l'œil droit, des ocelles droit
et médian on constate que les
Criquets ainsi traités ont un comportement vis-à-vis de la
(1) J'ai répété cette expérience sur de jeunes chenilles d’£phestia Kuehniella Z.
qui présentent un phototropisme négatif fort net (la progression vers la zone la
moins éclairée se fait ici en ligne droite). Les résultats obtenus sont absolument
superposables à ceux que j'ai décrits chez le Criquet. Après retournement du
cylindre les jeunes larves symétriquement éclairées exécutent une rotation de
180°,
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ËGYPTIEN 273
lumière qui ne diffère pas de celui des Criquets normaux. La
figure 6 représente le chemin suivi dans le cylindre par un
individu partiellement aveuglé. On peut présenter l'expérience
sous une autre forme, peut-être bien plus démonstrative :
dans l'appareil on place une population comprenant des indi-
vidus normaux, éborgnés et aveuglés. Les deux premières
catégories ont un comportement comparable, aussi bien dans
leur marche que dans leur station au repos. Les aveugles pré-
sentent une répartition tout à fait quelconque ; certains sont
accrochés à la paroi la plus éclairée, d’autres demeurent au
milieu de l'appareil, quelques-uns se sont dirigés vers la
région la plus sombre. Pour les Insectes dont la vision est
supprimée 1] n’y à plus de phototropisme.
Rapaub a constaté chez les Insectes aveuglés d'un côté le
fléchissement des pattes du côté opposé. Je n'ai pu faire la
même observation chez Orthacanthacris. Le tonus musculaire
n'est pas modifié d'une manière sensible par la suppression
unilatérale des sensations lumineuses.
Reste maintenant à interpréter cette série de faits ; la théorie
de Lors paraît bien être incapable d'en rendre compte d’une
facon ;satisfaisante. Tout récemment, Rapaup a formulé une
hypothèse qui s'accorde bien avec les faits, il dissocie deux
phénomènes qui jusqu'ici étaient réunis : le tonus musculaire
et les tropismes. Tous les deux sont des réflexes qui ne dépen-
dent pas des mêmes centres nerveux. Entre ces deux réflexes
un certain antagonisme existe parfois. En effet, la production
du tonus musculaire dépend de toute une série d’excitants aussi
bien internes qu'externes. L'action de ces excitants peut parfai-
tement s'opposer à celle de la lumière. C'est ainsi que l’accrois-
sement de la température diminue dans des proportions très
nettes Île phototropisme, tandis qu'elle augmente le tonus
musculaire ; le réflexe tropique trouve alors une grande résis-
tance à sa réalisation. On doit tenir aussi grand compte des
actions internes s'exerçant sur les tonus musculaires ; tous les
individus que nous soumettons à l'expérience sont différents
par leurs antécédents, quel que soit le soin pris à n'expérimen-
ter que sur des individus comparables. Aux différences physio-
logiques s'ajoutent les différences psychologiques. La mémoire
joue certainement son rôle et trouble le phototropisme dans
574 PIERRE P. GRASSÉ
des proportions qui ne sont probablement pas négligeables.
Trop d'auteurs n’ont pas tenu compte de ces facteurs, se désin-
téressant de parti pris des exceptions.
Nous avons dit que lorsque l'intensité lumineuse augmente
les chemins suivis par l’Insecte deviennent moms sinueux ; cette
constatation s'explique si l'on admet que les excitations déclen-
chées par la lumière l’emportent sur Les actions internes.
Aie
Fig. 7. — Chemin suivi par un © adulte dans sa marche vers une source de
chaleur.
Le trait noir pc représente la plaque chauffante.
D'autre part, chez O. ægyptia, le rapport des surfaces ocu-
laires à la surface totale du corps est petit. Il parait bien que
ce rapport a parfois une grande importance. C'est ainsi qu'il
nous permet de comprendre le comportement du Criquet ébor-
gné sensiblement le même que celui du Criquet nornial. La sup-
pression unilatérale de la lumière entraine une perte de sensa-
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET ÉGYPTIEN 75
tions, d’excitations insuflisante pour diminuer d'une façon
sensible les tonus musculaires du côté opposé et par consé-
quent ne modifie pas la marche de lInsecte.
En résumé, l'analyse du phototropisme nous à permis de
comprendre que toute une série d'actes dépend d'actions tro-
piques, d'actions internes de natures variées, de tonus muscu-
laires interférant entre eux. Ces interférences sont si complexes
qu'il y à peu d'espoir de rendre un compte exact du rôle précis
joué par chaque cause. La complexité même de ces phéno-
mènes explique celle des actes de l’animal, et où on ne pour-
rait voir que du hasard règne à coup sûr un rigoureux déter-
minisme.
Thermotropisme. — Pour l'étude de ce tropisme, j'aiutilisé une
cage cylindrique en toile métallique dont une extrémité est
tournée vers une plaque de tôle chauffée par un bec Bunsen
(HE x).
Le comportement des Insectes est étudié par la même
méthode que précédemment. Les expériences ont lieu dans une
pièce presque obscure de façon à supprimer autant que possible
l’action de la lumière.
L'Insevte présente un thermotropisme positif net, l'attraction
par la zone la plus chaude est très marquée et les chemins par-
courus par le Criquet pour atteindre cette zone sont sinueux et
capricieux. Tous s'écartent de la ligne droite.
Lorsque la température de la base du cylindre tournée
vers la plaque chauffante dépasse 40°, on assiste à un phéno-
mène curieux; l’Insecte est vivement attiré et se place rapide-
ment dans la zone à température maximum, mais au bout d’un
temps très court, il abandonne sa position, la chaleur l’incom-
mode ou, pour employer un autre langage, le sens du tropisme
est changé. Le Criquet va alors dans une région moins chaude
soit par le saut, soit par la marche. Mais l'attraction se fait à
nouveau sentir et l’Insecte revient dans la zone surchauffée
qu'il abandonne encore, ainsi se succède une série d'attractions
et de répulsions ; le Criquet décrit des cercles plus ou moins
réguliers (fig. 7).
Tout ce que nous avons dit au sujet du phototropisme peut-
être répété ici. Notons cependant que l’action des facteurs
576 PIERRE P. GRASSÉ
J
internes est particulièrement nette dans son opposition à la
marche directe de l'animal vers la source de chaleur.
Conclusion.
Au cours de cette étude nous avons montré :
1° Que le cycle évolutif d’'O. ægyptia est très particulier,
qu'il diffère notablement de celui des autres Criquets français.
L'hivernage est obligatoire pour l'élaboration des éléments
reproducteurs ;
20 Que l'allongement de l'abdomen au cours de la ponte est
dû à un afflux sanguin dans la région postérieure du corps et
à la déglutition d’une certaine quantité d'air, comme l'avait
bien vu KUNCKE:L ;
3° Que le fonctionnement des glandes génitales annexes n’est
pas toujours solidaire de celui des glandes génitalés propre-
ment dites ;
4 Que le développement des ovaires n’est pas sous la dépen-
dance immédiate ni du métabolisme général ni de la tempéra-
THE
5° Que la loi de Lessoxa ne peut pas s'appliquer aux Orthop-
tères sauteurs et que cette Loi est vraisemblablement une simple
vue de l'esprit. La régénération ne dépend ni de la fréquence
des inutilations, ni de l'adaption ;
6° Que la théorie de Loëg est incapable d'expliquer un grand
nombre de faits relatifs au comportement des êtres vivants vis-
à-vis de la lumière et de la chaleur ; que les tropismes sont des
phénomènes extrèmemeut complexes et qu'il y a bieu de distin-
guer l’action du tonus musculaire et celle de l’excitation ner-
veuse dépendant étroitement de l’excitant physique, autrement
dit de l’excitant tropique.
Montpellier, mai 1922.
ÉTUDE BIOLOGIQUE SUR LE CRIQUET EGYPTIEN. 977
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Afrikanische Tabakschädlinge. Berlin, 1920. Tropenpflanzser.
Note. — Nous n'avons pas cru utile d'indiquer ici la volumineuse biblio-
graphie relative aux tropismes. Nous nous sommes contentés de mentionner
les travaux les plus récents.
D' Marc ROMIEU
Préparateur d’histologie
à la Faculté de Médecine de Paris.
OBSERVATIONS HISTOLOGIQUES, HISTOCHIMIQUES
ET SPECTROSCOPIQUES
SUR LE PIGMENT VERT
DU CHÉTOPTÈRE
(Travail du laboratoire du professeur PRENANT)
Les premiers observateurs qui étudièrent le Chétoptère, ce
gros et curieux Polychète tubicole furent frappés par la teinte
d'un vert foncé que présente la partie moyenne du corps. Cette
teinte est due à un pigment qui colore l’épithélium intestinal.
Ray-LsnkesreR à proposé de donner à ce pigment le nom de
chétoptérine.
Malgré les travaux importants consacrés à l'étude de la
chétoptérine, comme le fait remarquer Manvoouz dans son tra-
vail de thèse, la question de sa nature et de son origne reste
encore entourée d’une grande obseurité.
Avant eu entre les mains un assez grand nombre d'échan-
tillons vivants de Chétoptères provenant de la baie de la
Hougue, j'ai pu faire quelques observations que j'ai réunies
dans le présent travail et qui viendront, je l'espère, jeter un
peu de lumière sur cette question, d'autant plus intéressante
qu’elle se rattache étroitement au problème imparfaitement
résolu de la chlorophylle animale.
Mes constatations, en effet, m'ont conduit à adopter une opi-
nion opposée à celle de Ravy-Lankesrer et de son élève
Mile NewBigix, et à considérer la chétoptérine comme une
chlorophylle légèrement modifiée d’origine alimentaire, par
conséquent comme un pigment extrinsèque.
Mentionné par Dicqueuare et par Cuvier, le Chétoptère fut
80 MARC ROMIEU
décrit pour la première fois par Rénier en 1804 dans un ouvrage
resté inédit, puis étudié ensuite par Czaparèoe. Cet auteur vit
que la teinte foncée de la partie moyenne du corps était due
à la présence de grains verts qu'il considéra comme un pigment
hépatique. Joxeux-LarFuiE au cours d’une bonne monographie
décrivit aussi les grains verts comme des pigments biliaires.
Mais les travaux les plus importants pour la question qui nous
occupe sont ceux de Rav-Lanxester (1897), de Mile NewgiGiN
(1898) et de Mac-Munx (1900). Ray-Lankesrir à la suite des
observations de Srokes et D'ENGELMANX nota les analogies spec-
trales entre la chétoptérine et la chlorophylle. Mais il ne put se
décider à admettre qu'il s'agissait de deux pigments étroite-
ment apparentés. Aussi insista-t-1l sur quelques différences
dans la position exacte et le nombre des bandes d'absorption,
le changement de coloration du pigment sous l'influence des
acides et des alcalis, sa résistance à la lumière solaire. Il proposa
de rapprocher la chétoptérine de la bonelline étudiée par
KRUKENBERG ainsi que de la pentacrinine et de l’antédonine,
découvertes par Mosecey. Pour lui, le pigment du Chétoptère
est un pigment intrinsèque produit par le métabolisme cellu-
laire qui n'a rien à voir avec le régime alimentaire de
l'animal.
Mile NewBiGiN dans son mémoire accuse les différences indi-
quées par Ray-Lankesrer entre la chétoptérine et la chloro-
phylle. |
Sil y a entre ces deux pigments quelques points de ressem-
blance, cette ressemblance est pour elle tout à fait superficielle
et elle nie toute parenté entre les deux pigments. Elle propose
de faire entrer la chétoptérine dans le groupe des extérochromes,
pigments en relation avec le tube digestif chez les Mollusques et
quelques autres Invertébrés, caractérisés par leur solubilité
dans l'alcool froid, leur fluorescence, leur spectre à 4 bandes.
Elle ne peut rien dire de leur fonction, mais les considère
comme d'origine intrinsèque et leur suppose une lointaine
analogie avec la bile qui est éliminée avec les fèces, comme
c'est Le cas chez la Patelle.
BRanpes dans un mémoire paru en 1897 estime que les grains
verts déerits par Rav-Laxkesrer dans les cellules intestinales du
Chétoptère ne sont point des grains de pigment, mais des orga-
LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 581
nismes végétaux analogues à ceux qui ont été décrits par
Branxbr, von GRarr, HaBenLanpr et lui-même chez un grand nom-
bre d'animaux sous Le nom de Palmella. Il conclut d’après Ia
planche de Rav-Lankesren qu'il s'agit de Zoochlorelles sym-
biotiques.
Enfin Mac-Munx (1900) au cours d'un travail consacré à l'étude
des glandes gastriques des Mollusques et des Décapodes pro-
pose de rapprocher la chétoptérinme des entérochlorophylles. Ce
sont les entérochromes de Mile Newgruin qu'il considère, contrai-
rement à cet auteur comme d'origine alimentaire. Il appuie sa
manière de voir sur des arguments d'ordre spectroscopique,
considérant ces pigments comme des chlorophylles modifiées.
Dans ces dernières années, je n'ai pas rencontré de travaux
consacrés au pigment du Chétoptère. Cet animal a bien fait
l'objet d’études histologiques mais seulement à d’autres points
de vue.
Nous voyons par ce résumé bibliographique combien sont
incertaines et peu concordantes les opinions émises en ce qui
concerne la chétoptérine : pour les premiers auteurs c’est un
pigment biliaire, pour Ray-Lawkesrer et Mile NewBiiN un pig-
ment intrinsèque qui n’a qu'une ressemblance superficielle avec
la chlorophylle, pour Mac-Muxx c’est un pigment comparable
à l’entérochlorophylle des Mollusques, pour Branoes les grains
verts sont des Zoochlorelles.
J’ai.cherché par des observations histologiques, histochimi-
ques et spectroscopiques à trancher entre ces opinions diverses
et j'ai été conduit à adopter une manière de voir analogue à
celle de Mac-Munx, mais pour des raisons tout autres. Cet
auteur n’a utilisé, en effet, que la méthode spectroscopique et
une partie au moins de son raisonnement ne me parait pas à
l'abri de toute critique.
Recherches personnelles : I. — Etude histologique.
L'histologie de l'intestin du Chétoptère est peu connue. Nous
n'avons guère que les figures et les descriptions assez som-
maires de Czaparèpe, de Joyeux-Larruie et de Bexuau dans le
mémoire de Ravy-Lankesrer. Aussi me suis-je appliqué à étu-
d82 MARC ROMIEU
dier avec soin les cellules intestinales de cet animal, ce qui
m'a permis d'observer des détails nouveaux.
Les auteurs sont d'accord pour déclarer que le pigment vert
se rencontre seulement dans la partie moyenne du tube diges-
tif. Or comme j ai pu m'en rendre compte sur des dissections,
opérations quine sont guère possibles qu'après fixation à cause
de l'abondance du mucus, le pigment se retrouve dans les
cellules intestinales depuis l'œsophage jusqu'à l'anus. Il est seu-
lement beaucoup plus abondant et existe dans toutes les
cellules dans la région moyenne du corps si nettement diffé-
renciée des régions antérieures et postérieures.
Cette région moyenne (12°, 13°, 14°, 15°, 16° segments de
Joyeux-LaFFuiE) possède en effet une coloration foncée d'un vert-
olive presque noir qui attire immédiatement l'attention, ce qui
explique que le pigment ait été considéré comme existant seu-
lement à ce niveau.
Sur des coupes vues à un faible grossissement on constate
que le pigment est surtout abondant dans la partie des cellules
qui avoisine la lumière intestinale. ë
a) Portion antérieure du tube digestif. — La première por-
tion du tube digestif est formée de cellules prismatiques hautes
à cils courts. Les cils existent chez le Chétoptère, comme j'ai
pu le constater, sur toute la longueur de l'intestin, de la bouche
à l'anus.
Dans cette première portion, les grains de pigment sont assez
rares et ils occupent la partie moyenne ou basale de la cel-
lule. Ils ont plutôt l'apparence de concrétions que de grains
arrondis et nettement individualisés tels qu’on les rencontre
dans la deuxième portion du tube digestif et ils frappent par
leur coloration pâle, jaunâtre.
En dehors de la paroi intestinale, j'ai retrouvé des grains
verts dans presque tous les tissus de la région antérieure mais
surtout dans les muscles et dans l’épiderme à hautes cellules
de la paroi convexe de cette région. C'est à ces grains que cette
paroi doit sa teinte générale d’un jaune verdâtre.
b) Porlion moyenne. — La paroi intestinale de la région
moyenne du corps est, nous l'avons vu, la partie la plus riche
en pigment. Dans cette région l'intestin s’élargit beaucoup
[a
Le
pour prendre lapparence boursouflée d'un côlon de Mammi-
LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE RP]
fère. La paroi du corps étant très mince à ce niveau laisse
apercevoir la coloration d’un vert très foncé de l'épithélium
intestinal.
Sur les coupes, on se rend compte que cette coloration est
due à des grains verts qui remplissent les cellules et sont sur-
tout abondants dans la portion la plus interne de celles-ci. On
voit de plus que le tube digestif présente des replis et des
épaississements qui donnent à la lumière un contour ondu-
leux. Ces ondulations sont produites en partie par des varia-
tions de la hauteur de l’épithélium suivant les points et il m'a
paru qu'on pouvait distinguer trois types parmi les cellules
intestinales. Les cellules à grains verts et à bordure ciliée, Les
cellules à grains verts sans bordure ciliée, les cellules dépour-
vues de grains.
Ces trois formes cellulaires correspondent très probablement
à trois étapes de la sécrétion. Elles sont le résultat de la trans-
formation de la cellule ciliée typique (PL V, fig. Let I).
Les cellules ciliées de la portion moyenne représentent la
forme la plus répandue. Je suis surpris que Benaau n'ait point
aperçu les cils qu'il ne figure pas dans la planche du Mémoire
de Ray-Lankesrer car ils sont très évidents. Ces cellules se pré-
sentent en général comme des prismes pentagonaux ou hexa-
gonaux très minces et très allongés. On s'en rend compte en
coupe transversale où elles forment une sorte de mosaïque dont
certains éléments plus petits se montrent disposés par grou-
pes et doivent sans doute être considérés comme des éléments
de remplacement.
Au niveau du 12° segment Les cellules ont jusqu’à 100 et 120 y
de hauteur sur une largeur qui atteint à peine 4 x à la base.
Le noyau occupe en général le quart inférieur de la cellule.
Souvent appliqué contre la paroi cellulaire, il estovoïde (4 p sur
10 environ) et se montre pauvre en chromatine, celle-ci n'étant
représentée que par quelques grains épars. On trouve par
contre le plus souvent un nucléole assez volumineux.
La cellule est surmontée par une ligne de grains basaux qui
donnent insertion à des cils très fins d'une longueur de 10 & envi-
ron. Ils sont animés sur le vivant de mouvements actifs diri-
gés d'avant en arrière, fort gracieux à observer et compara-
bles aux ondulations d’un champ de blé sous l'influence du vent.
30
D84 MARC ROMIEU
Au-dessous de la ligne des grains basaux s'étend une zone
de 5 à 6 p de hauteur, toujours vide de grains, qui se montre
striée longitudinalement. Cette zone répond aux racines ciliai-
res qui semblent tout d'abord avoir une disposition parallèle.
Une étude attentive montre qu'elles sont rassemblées en un
cône assez court mais dont la pointe très effilée vient s'appli-
quer contre la paroi et se poursuit jusque dans la région
nucléaire. C’est seulement au-dessous du eône radiculaire que
se montrent les grains colorés. Ces grains ont un caractère frap-
pant, celui d’être de taille à peu près uniforme dans une cel-
lule déterminée mais sont souvent de taille très différente
dans deux cellules voisines. Ils ne se présentent point fins et
dispersés, comme les a figurés Joyeux-LarruiE mais rassemblés
en trainées longitudinales par suite de l'étroitesse de la cellule
qui les contient. On peut les rencontrer dans toute la hauteur
de celle-ci même dans la partie inférieure, au-dessous du
noyau mais le plus souvent ils se trouvent accumulés dans la
moitié apicale où ils ne manquent que dans la zone occupée
par le cône radiculaire.
Les grains verts ont dans certaines cellules des dimensions très
minimes (1 u etau-dessous). Ils peuvent atteindre jusqu'à Aet5 u,
c'est-à-dire un diamètre à peine inférieur à la largeur de la
cellule. D'un vert tendre lorsqu'ils sont petits, ils présentent
lorsqu'ils sont plus gros une teinte très foncée d’un vert olive
presque noir. Les grains les plus volumineux, se montrent par-
fois composés à la façon de certaines sphérules vitellines et on
peut voir à leur intérieur des granulations plus fines. Ces grains
sont toujours très réfringents; le plus souvent parfaitement
arrondis, ils semblent entourés d’une sorte d’écorce plus forte-
ment colorée que leur centre.
À côté des cellules ciliées, on en trouve d’autres qui présen-
tent des caractères analogues, sont bourrées de grains verts
généralement assez volumineux mais différent des précédentes
par l'absence de bordure ciliée et de cône radiculaire. La cel-
lule se termine vers Ia lumière intestinale au niveau de la ligne
des grains basaux par un sommet pointu au-dessous duquel
s'observe un élargissement qui lui donne une forme générale
en massue à disposition inverse des cellules décrites sous le
nom de cellules claviformes par Bras dans l'intestin de la
LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 585
Pectinaire, la partie élargie de la massue se trouvant près de
la lumière intestinale et le pied vers la couche cellulo-mus-
culeuse.
On rencontre a côté de ces cellules d’autres formes assez sem-
blables mais dépourvues de grains verts. Elles apparaissent très
claires avec un cytoplasma alvéolaire peu colorable. Le noyau
est toujours situé vers le quart mférieur. Il est ovoïde et fort peu
chromatique. On a l'impression trè nette que ces cellules répon-
dent à la forme précédente vidée de ses grains.
Les trois variétés de cellules ci-dessus décrites répondent
sans nul doute à trois stades de la sécrétion. Il faut admettre
ici une interprétation comparable à celle que nous donne le
professeur PRexanr : « IL est plus vraisemblable que la phase.
sécrétoire de la cellule succède à l’état de différenciation ciliée
et qu à mesure que le produit de sécrétion se forme et s’éli-
mine, les cils se flétrissent et disparaissent ». Or ici la cellule
a déjà accumulé son produit de sécrétion avant qu'il y ait la
moindre trace de dégénérescence de la bordure ciliée.
c) Portion postérieure. — Dans la partie postérieure de l’in-
testin, j'ai trouvé des cellules ciliées présentant des grains plus
fins que dans la portion moyenne. Les cellules à grains se mon-
trent aussi plus rares mais elles ont les mêmes caractères.
La description de la cellule intestinale du Chétoptère don-
née ci-dessus diffère sensiblement des descriptions fort som-
maires données antérieurement. Ray-LankesTER ne figure ni la
bordure ciliée ni le cône radiculaire et il ne parle point de
trois formes cellulaires représentant les trois étapes de la
sécrétion.
Quant à Mac-Munx il n’a pu retrouver les grains verts par
suite sans doute de fixations défectueuses. Je dois dire toute-
fois que les tissus du Chétoptère, très mous et riches en eau,
sont difficiles à bien fixer. Le liquide de Hezcv seul m'a donné
d'excellents résultats.
II. — Etude histochimique.
Depuis les recherches de Rayx-Lankesrer et de Mlle NewBien,
on eonnait les principales réactions chimiques de la chétopté-
586 MARC ROMIEU
rine et c'est précisément sur elles que ces auteurs se sont
appuyés pour éloigner ce pigment de la chlorophylle.
La chétoptérine est un pigment d’un vert foncé soluble dans
l'alcool éthylique et méthylique et dans l’éther. J'ai constaté de
plus qu'il est soluble dans le toluène, la benzine, l’acétone, bien
plus encore dans le chloroforme mais se montre insoluble dans
l’éther de pétrole. La solution alcoolique, si elle est concentrée
est d’un jaune-brun tirant sur le vert; plus diluée elle est d’un
gris-vert ; très diluée d’un vert pur. Toutes les solutions mon-
trent une forte fluorescence d’un rouge-sang. Ce sont là des
caractères communs avec les solutions de chlorophylle.
Par l’adjonction d'acide chlorhydrique, la solution de ché-
toptérime passe d'abord au vert franc puis au bleu sans perdre
sa fluorescence rouge. Elle ne donne ni teinte brune, ni préci-
pité comme la chlorophylle pure. Avec une solution de chloro-
phylle d'Ulve préparée sans précaution spéciale, je n'ai pas eu
de teinte brune et il ne s’est formé un précipité qu'à la lon-
gue. Cette solution, traitée par HCI avec adjonction d’un excès
d'eau donne un précipité noir et devient d'un bleu franc tout
comme la chétoptérine traitée de 1a même facon. Ceci permet
de supposer que la chétoptérine est un dérivé acide de la chlo-
rophylle d'Algue.
Alors que la chlorophylle pure donne avec la potasse en solu-
tion concentrée une coloration brune suivie d'une réapparition
de la teinte verte, la chétoptérine donne une teinte brun-jaune
persistante. J’ai vu que si on emploie un grand excès de potasse,
il se forme un précipité brun-rouge soluble dans l’éther de
pétrole. Or WizzsTaTrer a montré qu’on n'obtient pas la « phase
brune » si la chlorophylle est allomérisée par un séjour pro-
longé dans l'alcool. En solution étendue, la potasse donne avec
la chétoptérine un précipité vert insoluble dans l'alcool,
l’éther et l’eau et un dérivé vert soluble caractérisé par son
spectre à deux bandes dans le rouge et sa solubilité dans
l'eau.
Si on constate quelques différences avec la chlorophylle dans
le comportement de la chétoptérine vis-à-vis des acides et des
bases, elle ne me paraissent pas suffisantes pour nier toute
parenté entre ces deux pigments. Il ne faut d’ailleurs com-
parer que des choses comparables et la chétoptérine n'est cer-
LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE D87
tainement pas de la chlorophylle pure. C’est un produit trans-
formé, peut-être une chlorophyllane résultant de l'action d’un
acide ou d'une diastase agissant en milieu acide.
Ce qui donne quelques raisons de le supposer, c’est la cons-
tatation faite par Mac-Munx au moyen du spectro-photomètre; si
on traite la chlorophylle par une petite quantité d'acide acéti-
que et qu'on laisse agir environ 24 heures, on obtient une
courbe qui coïncide absolument dans ses maxima et minima
avec celle de la chétoptérine. Or la chlorophylle d'Algue aci-
_difiée a précisément les réactions chimiques de la chétoptérine
vis-à-vis des acides et des alcalis.
Il me parait intéressant de signaler que j'ai pu obtenir, et je
crois être le premier à l'avoir fait, la chétoptérine cristallisée.
Par évaporation de la solution dans l'alcool à 95° entre lame et
lamelle, j'ai vu se former de superbes aiguilles d'un vert-éme-
raude isolées ou réunies en gerbes que je suis tenté de comparer
aux cristaux verts obtenus en 1880 par Boronie en desséchant
sous le miscroscope des sections de feuilles vertes humectées
d'alcool. BoroniNe avait considéré ses cristaux comme de la
chlorophylle eristallisée, mais Fsverr à montré qu'il s'agit d’un
mélange de dérivés issus des deux chlorophyllines sous l'in-
fluence d'une diastase, la chlorophyllase. Rien ne prouve que
les cristaux que J'ai observés correspondent à la même subs-
tance, mais je dois signaler que je ne les ai obtenus qu'après
l'action de l'alcool.
J'ai essayé comparativement sur des coupes d'intestin de
Chétoptère et sur des thalles d’Ulve Les réactions microchimi-
ques de la chlorophylle et J'ai eu des résultats semblables. La
réaction de Mayer ou de l'hypochlorine m'a donné un résultat
* positif. Quant à la réaction de Mousca, j'ai obtenu une décolora-
tion du pigment, mais je n'ai pu observer sa régénération.
Enfin j'ai essayé une autre réaction qui, si elle n’est pas
proprement histochimique m'a paru intéressante à tenter. J'ai
utilisé en la retournant la propriété découverte par EiseN8ERG que
possède la chlorophylle de teindre la graisse à la façon du
Soudan IIT et je me suis servi de la graisse comme réactif indi-
cateur. J'ai pu colorer divers corps gras et de façon superbe le
vitellus des œufs de l’Arénicole par une solution alcoolique
étendue de chétoptérine et cela en quelques secondes avec
588 MARC ROMIEU
une véritable électivité. J'ai vu de plus les gouttelettes hui-
leuses qu'on trouve en abondance dans l'intestin se teindre en
vert au contact du pigment. Par cette faculté de temdre les
huiles et les graisses la chétoptérine se rapproche encore de la
chlorophylle.
La chétoptérine se comporte aussi comme un colorant plas-
matique diffus et sous l'influence de l'alcool teint certaines parties
de la cellule. J’ai vu les grains basaux des cils colorés par elle.
Cette coloration gêne pour l'emploi des teintures histologiques
au point qu'il faut éliminer le plus possible le pigment par un
séjour prolongé dans l'alcool pour obtenir une bonne coloration
ultérieure.
La chétoptérine se rapproche aussi de la chlorophylle par sa
résistance relativement grande aux acides forts et sa sensibilité
à l’acide acétique glacial dans lequel elle se dissout. Des essais
comparatifs m'ont donné des résultats superposables.
Un point sur lequel insiste Mile NewBicin et Ray-LaNKkEsTER
est la résistance de la chétoptérine à l’action destructive de la
lumière. On sait que la chlorophylle au contraire se détruit
rapidement sous l'influence de l'oxygène de l'air, d'autant plus
rapidement que l’éclairement est plus intense. Or Würuser à
montré que la stabilité à la lumière est très différente suivant
les végétaux et que certains colloïdes ont un effet protecteur
puissant. J’ai constaté en effet que si la chétopterine offre une
grande résistance en solution alcoolique, l'effet destructif de la
lumière est au contraire rapide en solution dans la benzine. On
ne peut donc tirer argument de cette résistance pour séparer
les deux pigments.
On voit par tout ce qui précède que si la chétoptérine s’éloi-
gne de la chlorophylle pure par quelques réactions, elle a
cependant avec elle bien des points communs. Ses réactions
chimiques sont celles de la chlorophylle d’Algue traitée par un
acide. Ses solutions ont même teinte, même fluorescence rouge-
sang que la chlorophylle. Elle est soluble dans les mêmes
solvants ; comme elle, elle est sensible à l'acide acétique qui
la dissout facilement. Elle donne des réactions microchimiques
très voisines et, au moins dans certaines conditions, se montre
sensible à l’action destructive de la lumière.
LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 5 589
III. — Origine du pigment et nature des grains verts.
Déjà les observations qui précèdent permettent de supposer
que le pigment qui colore les grains verts des cellules intesti-
nales est la chlorophylle ou une modification légère de ce pig-
ment, telle que peut en donner un acide faible ou une diastase
agissant en milieu acide comparable à la chlorophyllase.
IL faut pour compléter la preuve rechercher la source du
pigment chlorophyllien qui charge les grains verts. IL était
logique de faire Fétude du contenu intestinal et de constater le
régime alimentaire du Chétoptère. De l'observation d'un assez
grand nombre d'individus, il résulte que le tube digestif con-
tient toujours des débris de thalle d’Algues vertes, des z0ospo-
res, et surtout des œufs de Chlorophycées amenés par la cir-
culation de l’eau dans le tube et le mouvement des cils de
l’épithelium intestinal. Ces débris sont à des états divers de
digestion.
Dans l'intestin postérieur on trouve les fèces se présentant
sous la forme de minuscules boudins que j'ai toujours vus for-
més de sable agglutiné, de Diatomées et de débris d'Algues
encore reconnaissables.
Il faut déduire de ces constatations que le Chétoptère est un
animal exclusivement herbivore, ce qui explique sa large bou-
che en entonnoir et l'absence complète de trompe et de
mâchoires. Les Chlorophycées qui forment le fond de la nour-
riture du Ver sont donc la source de la chlorophylle qui imprè-
gne les grains contenus dans les cellules intestinales.
En effet ces grains verts ne doivent pas, à mon sens, comme
l'ont fait les auteurs, être considérés comme des grains de pig-
ment pur ou imprégnant un substratum banal. Ce sont des
grains de sécrétion colorés, imprégnés par le pigment. Cette
hypothèse se trouve confirmée par le fait qu'il est possible de
décolorer ces grains par un séjour prolongé dans l'alcool, dans
l’éther ou dans l'acide acétique concentré et de les teindre
ensuite par la laque ferrique, par l’hématéine ou par les colo-
rants plasmatiques. Les grains verts du Chétoptère se colorent
en brun par l’acide osmique et en rouge orangé par le Sou-
dan [IT. Il est permis de supposer qu'ils possèdent une écorce
590 MARC ROMIEU
lipoïde qui est peut ètre Le solvant sur lequel se fixe la chloro-
phylle absorbée. Ces grains, très réfringents, montrent les
réactions colorantes des albuminoïdes et je crois qu’on doit les
considérer comme des grains de ferment. Les cellules à grains
verts rappellent quelque peu par leur morphologie les cellules
décrites par Brazil sous le nom de cellules à ferment chez la
Pectinaire. Elles rappellent encore bien plus les cellules que
j'ai rencontrées dans la partie moyenne du tube digestif des
Glycériens. Chez Glycera j'ai trouvé des cellules très allongées
qui sont des prismes étroits ressemblant par leur forme aux
cellules de l'intestin moyen du Chétoptère. Le noyau est situé
de même vers la base de la cellule qui est très étroite et mon-
tre des grains disposés en trainées. Ces grains qui sont sidéro-
philes rappellent absolument par leur aspect réfringent les
grains verts du Chétoptère, la coloration verte en moins, ce
qui semble explicable par un genre de vie différent, les Glycé-
riens étant carnivores. Les grains occupent de même la partie
apicale de la cellule où ils forment des files ou des amas très
comparables à ceux du Chétoptère. Ils doivent être sans doute
rapportés au même ferment qui est peut-être la trypsine dont
l'existence dans cette partie du tube digestif est maintenant
établie. Je n'ai pu voir de bordure ciliée comparable à celle
qui existe chez le Chétoptère pendant presque toute l’évolution
sécrétoire de la cellule. Ce détail mis à part, ces cellules sont
très semblables comme on peut s’en rendre compte par l’exa-
men de la pl. V, fig. [, Il et IT, et l'absence du pigment vert
chez les Glycériens est explicable par le genre de vie.
Une autre preuve que les grains verts représentent proba-
blement un ferment utilisé dans l'acte digestif, c’est que J'ai pu
assister à leur dissolution et à leur passage dans la lumière
intestinale. J'ai trouvé des cellules dont l'apparence avec ses
alvéoles arrondis ne laissait pas de doute à cet égard ; mais
dans certains cas les grains verts peuvent se retrouver intacts
dans la cavité digestive où j'ai pu observer leur présence. J'ai
même constaté une fois l'existence d'un Péritriche parasite de
l'intestin du Chétoptère, qui n’a je crois pas été signalé. dans
l’intérieur duquel j'aitrouvé des grains verts absorbés et encore
intacts. Mais je crois cette expulsion de grains accidentelle,
l'étude des cellules vides qui ont été décrites dans la première
LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 591
partie montre que les grains de sécrétion passent en général à
l’état dissous dans le milieu intestinal avec le pigment qui les
charge et qui se trouve ainsi expulsé comme chez la Patelle et
chez beaucoup d'autres Mollusques.
Quant à l'opinion de Branbes qui considère les grains verts
comme des Zoochlorelles, elle est à peine digne d’être discutée.
On peut en effet assister chez le Chétoptère à toutes Les phases
du developpement des grains verts depuis celle de grains
minuscules jusqu'à celle de sphérules de 4 à 5 v de diamètre,
mais à aucun moment il n'est possible d'y voir ni membrane
cellulosique, ni noyau, ni chromatophore bien délimité, ni
pyrénoïde, mi grains d’amidon. D'ailleurs Branpes a émis son
opinion sans recherche personnelle, sur le simple examen de
la planche de Ray-Lankesrer. Il se base sur l’existence des
Zoochlorelles chez un Polychète dans le mésentère intestinal.
Or j'ai pour ma part comparé mes préparations avec les plan-
ches et figures données par BRANDT, FAMINTZIN, SVEDELIUS ainsi
qu'avec les préparations de Zoochlorelles mises très aimable-
ment à ma disposition par M. le professeur MEesxiz et son
élève M. Lworr. De cette étude comparative, il résulte que
l'opinion de Branpes ne peut être soutenue un instant et qu'il
s'agit’bien ici de grains de sécrétion qui n’ont nullement une
morphologie cellulaire. Les Zoochlorelles ne sont du reste
connues que chez un seul Polychète comme l'indique le profes-
seur CAULLERY dans une étude d'ensemble.
Des considérations qui précèdent il résulte que le pigment
vert est une chlorophylle d’origine alimentaire fixée sur des
grains de zymogène par un phénomène comparable à l’adsorp-
tion.
J'ai fait une constatation qui me parait intéressante à ce point
de vue. En disséquant des Chétoptères, j'ai été frappé d'un
fait qui n’a point été signalé, c’est que la partie de l'intestin
qui précède immédiatement la portion moyenne du corps,
entre les 9° et 12° anneaux présente une teinte jaune chamois.
Les grains de pigment à ce niveau paraissent jaunes sur les
coupes. J'ai traité cette région par divers réactifs microchimi-
ques et j'ai obtenu sa coloration en violet-noir par l'iode et en
bleu fugace par l'acide sulfurique, ce qui contraste avec l'an-
neau suivant (13°) où la paroi est d'un vert-olive très foncé et ne
592 MARC ROMIEU
donne pas la même réaction. Me basant sur cette constatation,
je puis conclure qu'il s'agit là d'un carotinoïde fixé par les
grains des cellules intestinales dans la première portion du
tube digestif par un phénomène peut-être comparable à l'adsorp-
lion, en par là une sorte de chromatogramme naturel,
l’adsorption des carotinoïdes se faisant dans une partie plus
haute que celle des chlorophyllines. |
Ce fait explique peut-être la constatation faite par Mac-Munx
de l'absence des bandes du lipochrome dans le spectre de la
chétoptérine, contrairement à ce qui se passe pour les entéro-
chlorophylles. Or, la chétoptérine étant toujours préparée avec
la portion moyenne du tube digestif, le lipochrome a pu être
adsorbé en premier lieu, ce qui expliquerait son absence dans
la partie moyenne et par suite dans le spectre.
Il résulte de la série d'observations précédentes que la chétop-
térine est un pigment d’origine alimentaire fixé sur des
grains qui semblent être des concrétions excrétrices dans la
première portion, des grains de sécrétion dans la portion
moyenne et inférieure du tube digestif.
IV. — Etude spectroscopique.
Pour confirmer l’origine alimentaire du pigment vert, il m'a
paru intéressant de comparer le spectre d'absorption de la ché-
toptérine à celui d'une Algue, U/va lactuca dont les débris ser-
vent de nourriture à l'animal. Mac-Munx avait essayé de com-
parer le spectre du contenu intestinal à celui du pigment de la
paroi. Mais 11 y a là de graves causes d'erreur dues à la faible
quantité de ce contenu et à la facilité avec laquelle Les cellules
intestinales si longues et si fragiles et les grains qu'elles con-
tiennent peuvent être entrainés dans la lumière intestinale lors
du prélèvement. On a par suite un pigment mélangé dont
l'étude comparative ne peut suffire à entrainer la conviction.
En étudiant le spectre de l’Ulve, j'évitais cette cause d’erreur.
Les recherches spectroscopiques dont les résultats sont
exposées ci-après ont été faites en collaboration avec M. F. Ora-
Ton dans le laboratoire du professeur G. Boxnier à la Sorbonne.
Je remercie bien vivement M. Boxnier pour l'amabilité avec
LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 593
laquelle il à mis à ma disposition les ressources de son labo-
ratoire.
Nous nous sommes servis d’un spectroscope à vision directe
et nous avons utilisé des solutions dans la benzine examinées
sous une épaisseur d’un centimètre.
La chétoptérine nous à donné un spectre à cinq bandes
formé :
1° D'une double bande foncée dans le rouge, à gauche de C,
constituée par une ombre légère de } 726 à 709 uy et par une
bande beaucoup plus foncée de À 697 à 663 uy, la deuxième
persistant seule en solution étendue.
20 D'une ombre nette mais légère de À 618 à 602 uy située
entre Cet D.
3° D'une bande étroite et peu marquée de À 570 à 567 uy,
c'est-à-dire à droite de D qui n'apparait qu'en solution con-
centrée. Nous n'avons pu la retrouver sur deux solutions alcooli-
ques .et éthérées de chétoptérine.
4 D'une ombre assez faible entre À 545 et 539 uu, c'est-à-dire
à gauche de E.
5° D'une ombre large de À 513 à 498 nu. Enfin le bleu
reparaît vers À 498 uu, puis on a une zone d'absorption totale
à intensité progressive dans l’indigo et le violet.
La chlorophylle d'Ulve dissoute dans la benzine après traite-
ment par l'alcool à 95° nous a donné un spectre formé :
1° D'une large bande foncée dans le rouge de À 731 à
652 uu.
20 D'une ombre nette entre À 620 et 605 uu.
3° D'une ombre très légère de À 570 à 562, c’est-à-dire à
droite de D.
4° D'une bande plus foncée et plus large située entre À 545
et 536 uu.
5° D’une bande de À 523 à 496. Puis le bleu reparait et
l'absorption totale commence aux environs de À 486 nu.
Si on compare les deux spectres ci-dessus décrits et figurés
dans la planche hors-texte, on ne peut s'empêcher d’être frappé
de leur ressemblance. À part le dédoublement de la première
bande, d’ailleurs non signalé et qui ne se rencontre pas en solu-
tion alcoolique ou étherée où nous n'avons vu dans le rouge
qu'une large bande foncée située sur B et C, les bandes d’'ab-
594 MARC ROMIEU
sorption sont en même nombre, d'intensité comparable, elles
occupent une position semblable au point que la variation des
axes est de l'ordre des erreurs de mesure. On trouve de plus
dans la chlorophylle d'Ulve une particularité frappante de la
chétoptérine, c'est la présence de l'ombre légère située à la
droite de D qui, dans les deux cas, disparaît en solution
diluée. Quant au dédoublement de la bande située dans le
rouge, elle peut s'expliquer par des différences chimiques
légères comme peut en donner l’action d'une diastase agissant
en milieu acide. On sait en effet que l’action des acides et des
bases suffit pour modifier notablement le nombre et la position
des bandes, au point que le spectre de la chétoptérine et de la
chlorophylle d'Ulve sont bien plus semblables entre eux que
celui de la chétoptérine et de son dérivé alcalin ou acide qui
diffèrent non seulement par le nombre mais même par la
position des bandes d'absorption. Nous pouvons donc déclarer
qu'il y a coïncidence presque absolue des deux spectres, ce qui
plaide en faveur de la parenté des deux substances.
Il y à un fait plus probant encore que les auteurs ont passé
sous silence et qu'il nous a été donné de constater, c'est que la
chétoptérime en solution très diluée ne montre plus qu’une seule
bande foncée dans le rouge tout comme la chlorophylle. Cette
bande est la raie spécifique de CaaurTarD qui peut suffire pour
caractériser la chlorophylle.
Je dois dire aussi que nous avons recherché la réaction indi-
quée par CHaurarp et dont les conditions d'exécution ont été
bien définies par G. Berrranp et P. Taouas. Elle consiste à
traiter la solution par une faible quantité de potasse en chauf-
fant à l’ébullition. On constate alors un dédoublement de la
bande située dans le rouge. Nous n'avons pu obtenir cette réac-
lion, mais je tiens à souligner que Mlle Newmiin traitant la
chétoptérine par la potasse à obtenu un dérivé alcalin dont le
spectre offre un dédoublement de la bande spécifique située
dans le rouge. Il s’agit là d’une réaction très analogue à celle
de CHaAuUTARD.
On voit qu'il résulte de toutes ces constations spectroscopi-
ques que la chétoptérine est un pigment très voisin de la chlo-
rophylle d’Algue sinon tout-à-fait semblable et que c'est avec
quelque raison qu'on peut admettre l’origine alimentaire du
pigment vert.
LE PIGMENT VERT DU CHÉTOPTÈRE 595
Du reste Mac-Munx a fait une intéressante comparaison spec-
troscopique entre la chétoptérine et les entérochlorophylles. I
a noté une remarquable ressemblance entre ces divers pig-
ments et un parallélisme complet dans les changements pro-
duits dans les spectres par les réactifs. Les bandes se corres-
pondent non seulement par leur position mais par leur
intensité.
La connaissance de pigments verts animaux d'origine alimen-
taire est déjà ancienne et a contribué à détruire la notion fausse
de l'existence d’une chlorophylle animale dont Le champ ne
cesse de se restreindre. Pourrox a montré dès 1893 l’origine
alimentaire de la coloration verte des chenilles de certains
Piérides. BecquerEez et BronGniarT ont fait la même constatation
pour les Phyllies. Dasrre et FLoresco ont prouvé qu'il en était
encore de même pour l’héparochlorophylle du foie de l'Escargot
et leurs résultats ont été confirmés par d’autres méthodes
dans le travail récent de Vegcezzi. Il n’est donc nullement
téméraire malgré l’affirmation d’ABpernatnen de considérer la
chétoptérine comme une chlorophylle modifiée d’origine ali-
mentaire. Cet auteur après la lecture du mémoire de Mile New-
BIGIN avait déclaré : l'identité entre la chétoptérine et l’enté-
rochlorophylle est indémontrée et invraisemblable. Je erois
avoir prouvé qu'il en est autrement. à
Conclusions
Des constatations qui précèdent résultent les conclusions sui-
vantes :
1° Le pigment vert du Chétoptère se rencontre sur presque
toute la longueur du tube digestif. IL est le résultat de l’adsorp-
tion de la chlorophylle d’origine alimentaire par les grains de
sécrétion et d'excrétion des cellules intestinales.
2° Les cellules à grains verts sont des cellules ciliées présen-
tant un cône radiculaire. La bordure ciliée disparait lors du
passage de la sécrétion dans la cavité intestinale.
3 La chétoptérine, si elle se distingue de la chlorophylle
pure par quelques réactions s'en rapproche par d’autres. Ses
réactions chimiques coïncident avec celles de la chlorophylle
596 MARC ROMIEU
traitée par un acide. Ses solutions ont même teinte, même
fluorescence rouge-sang que la chlorophylle et elle est soluble
dans les mêmes solvants. Ses réactions microchimiques sont
très voisines et elle présente la même aptitude à teindre les
lipoïdes. L'action destructive de la lumière existe aussi, au
moins dans certaines conditions.
4° La chétoptérine est un pigment d’origine alimentaire
comme le prouve le genre de vie du Chétoptère qui se nourrit
de débris d’Algues vertes et de Diatomées.
5° Les grains verts n’ont rien de commun avec des Zoochlo-
relles. Ils doivent être considérés comme des grains de ferment
colorés par un pigment d'origine extrimsèque. La carotine serait
adsorbée dans la première portion du tube digestif.
6° La chétoptérine à un spectre presque exactement super-
posable à celui de l’Ulve dont les débris servent de nourriture
à l’animal. Elle présente la raie spécifique de Cnaaurarn qui
suffirait pour affirmer sa parenté avec la chlorophylle. Par son
spectre d'absorption et Les modifications qu'y apportent les réac-
tifs, elle se rapproche absolument des entérochlorophylles et
doit être classée dans ce groupe de pigments.
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Hermann, Paris, 1921.
OUVRAGES REÇUS .
|
Noxies José F. — Za Herencia mendeliana. Introduccion al estudio de
la genetica. Madrid, 1922 (in-8o, 271 p., 65 fig.). {
Ce volume, publié par les soins de la Junta para ampliacion de estudios
e investigaciones cientificas et qui reproduit une série de Conférences faites
en 1920 au Musée des Sciences Naturelles de Madrid, est un résumé clair et
substantiel des faits et doctrines constituant actuellement la génétique
L’auleur, qui a travaillé lui-même dans le département de Zoologie de l'Uni-
versité Columbia, à New-York. était bien placé en particulier pour rendre
compte des travaux et idées de Th. H. MorGan. Les deux derniers chapitres
sont consacrés à l'hérédité mendélienne chez l’homme et aux applica-
tions pratiques du mendélisme.
M. CAULLERY.
MicHAELsEN W. — (Jigochæten aus dem Rijksmuseum van Natuurlijke
Historie zu Leiden. — Capita Zoologica. Tome.l, fasc. 3 (72 p., 22 fig.)
(La Haye, Martin Nijhoff. 1922).
Komar Taku. — Séudies on two aberrant Ctenophores, Cœloplana and
Gastrodes Kyoto, 1922, 102 p., 9 pl.
Ce mémoire, publié séparément et très bien illustré, constitue d'abord
une monographie détaillée de Cæloplana (structure, biologie et dévelop-
pement). Le développement est décrit très complètement. D'accord avec
Krempe (cf. ce Bulletin, t. LIV, 1921), Komar montre que Cæloplana est indis-
culablement un Cténophore, adapté à la vie rampante. Structure, histo-
logie, développement sont également décisifs pour cette interprétation.
Cœloplana est représenté dans les eaux du Japon par trois espèces
(C. Wüilleyi, C. Mitsukurii, GC. Bocki) distinctes de celle étudiée par
Krewpr à Nya-Trang (Annam), GC. gonoctena
Gastrodes, parasite des Salpes, découvert par Korornerr, avait élé consi-
déré par celui-ci d’abord comme une larve de Méduse (Cunina) puis
comme une aclinie endoparasite. Conformément à l'hypothèse faite par
Heiner, Komaï y a reconnu un Cténophore, qui, à l'état adulte, a une orga-
nisation de Cydippide (avec organe aboral, huit côtes ciliées et deux tentacu-
les). Son pharynx s’est largement ouvert et sa surface interne s’est
étalée pour former la face ventrale de l'animal. (est à un stade de planula
entièrement ciliée que Gastrodes pénètre dans les Salpes, et ce stade mar-:
que pour Komai les affinités des Cténophores et des Cœlentérés (surtout des
Hydrozoaires\.
Komar, à la suite de Bourne et de MorTexsen, adopte dans les Cléno-
phores, un ordre des Platyctenea, comprenant actuellement les quatre
genres Ctenoplana, Cæloplana, Tjalfella et Gastrodes.
M. CAULLERY.
ERRATUM
Page 201, première ligne, au lieu de division anaphylactique, lire, divi-
sion anaphasique.
L'un des Directeurs, Gérant : Er. RaBaup.
LAVAL. —— IMPRIMERIE BARNÉOUD.
PLANCHE 1V
EXPLICATION DE LA PLANCHE IV
Fig. 4. — Fragment de tissu adipeux chargé d’urates d’une larve müre
de Mydæa platyptera, avant l'hibernation.
Fig. 2. — Fragment de tissu adipeux d'une larve de Mydæa platyptera,
après à mois d'hibernation normale. Il ne subsiste plus que quelques gra-
nules d’urates localisés au centre de la cellule, dans le voisinage du noyau.
Bulletin Biologique, Tome LVT. PLancue IV
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FIG. 1.
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FIG. 2.
Le sommeil d'hiver pré-imaginal.
EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE V
Fig. 1. — Cellules de l'épithélium intestinal du Chétoptère montrant la
bordure ciliée et les racines ciliaires. Une cellule située au milieu de la
figure possède des grains verts composés. A droite se trouve une cel-
lule vide sans bordure ciliée.
Stiass. oc. comp. 4. obj. imm. 1/12. Réduit de 1/3.
Fig. I. — Cellules à grains verts de l'intestin du Chétoptère (13e anneau).
L'une d’entre elles montre les racines ciliaires rassemblées en un cône
radiculaire.
Stiass. oc. comp. 4 obj. imm. 1/12. Réduit de 1/3.
Fig. LE. — Cellules à ferment de l'intestin moyen de (rlycera.
Stiass. oc. comp. 4. obj. imm. 1/12. Réduit de 1/5.
Lig. IV. — Spectres comparés de la chétoptérine et de la chlorophylle d'Ulve
en solution dans la benzine. Le spectre supérieur se rapporte à la chétop-
térine, l'inférieur à la chlorophylle.
Bulletin Biologique, Tome LVL. PLANGuE V
M. ROMIEU DEL.
Pigment vert du Chétoptère.
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