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Full text of "Bulletin d'archéologie et de statistique de la Drôme"

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SOCIÉTÉ DÉPARTEMENTALE 



D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE 



DE LA DROME. 



Tomk VI.— 1871. 






SOCIÉTÉ DÉPARTEMENTALE 



D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE 



DE LA DROME. 



Tomk VI.— 1871. 



VALENCE, IMPRIMERIE DE CHENEVIER ET CHAVET. 



BULLETIN 



DE 



LA SOCIÉTÉ(pÉPARTEMENTALÇJ 

D'ARCHEOLOGIE 



ET 



DE STATISTIQUE 



DE LA DROME. 



» ¥ « 



Colligite ne pereant. 



TOME SIXIÈME. 






VALENCE 

AD SECRÉTARIAT DE LA SOCIÉTÉ. 

1871 



T 




ÉTÏMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 5 

ÉTYMOLOGIES DES NOMS DE LIEU 

DU DÉPARTEMENT DE LA DROME. 

(Suite. - Voir Bulletin, R." 9, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19.) 



S v. 

Nom» de lieu empruntés a ceux de lu Divinité, 

de» fondateur* ou potteiteurt, 

de» animaux, de» bol», de» arbre» 9 de» prairie», 

de» marais; 

a la nature ou a la configuration du soi; 

non» omit dan» le» paragraphe» qui précèdent * 

étymologle» hypothétique» % 

formel latine» de» non» Intraduisible»* 

(Serre.) 



Le nom cTAllan (al lan, la lande, le bois) est emprunté à 
une racine commune aux langues celtique et germanique. 
« Land, dit Chevallet (t. I", p. 556), est un mot germanique 
qui signifie terre , soit que les Gallo-Romains l'aient employé 
par dérision dans le sens de terre inculte, comme ils ont fait 
pour les mots rosse, hère, lippe, soit qu'ils aient voulu dési- 
gner par la dénomination tudesque elle-même ces vastes dé- 
serts que les diverses peuplades germaniques faisaient autour 
du pays qu'elles habitaient pour se garantir des incursions des 
tribus voisines (César, VI, XXIII). » Dans le XII« s., land avait 
aussi le sens de bois : pour les Francs, il correspondait au 
pagus romain et au gan des peuples du Rhin, comme dans 
Zeeland, Holland. Ce mot était devenu lond en ang. s., Iwnd 
en suéd. et en ancien norrique : le changement de voyelle était 
commun dans les divers idiomes d'une langue, et se repro- 
duisait souvent à l'époque où la forme précise des noms était 
rarement fixée par l'écriture; aussi retrouvc-t-on presqu'indif- 



6 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

fé rem ment dans les anciens actes Alandum et AUmdum, et 
Alond dans le XVI« siècle. 

Lawn, en br., en irl. et en éc, voulait dire territoire, plaine 
(comme le planus latin), bois et quelquefois lieu consacré, 
église l . En lisant le Cartulaire de Redon, on voit que dans les 
anciens documents on traduisait indifféremment le lann bre- 
ton par lanna et par landa. Depuis deux ou trois siècles, le 
nom d'ALLAN a repris son ancienne forme celtique : le contraire 
a eu lieu pour le pays des Landes, appelé autrefois pays des 
Lannes, et dont Dax était la capitale. Allan est donc l'équi- 
valent des noms suivants : la Lande, Lalarme, Alemps; pour 
al lemps (voir Lens) ; Allamps; Allanche;Alan (Haute-Garonne); 
Alain (Meurlhe), Alanum, en 836, Alannum, en 968; Ar- 
Icmdes*, famille du Valentinois connue depuis 4330 (or, al, 
ann sont trois formes différentes bretonnes de l'article le; un 
village situé près de Louèche, à 1396 mètres, est appelé Ar~ 
bignon ou Albinen, le mont); Aulan, Bosous Aulanae, en 
41 10 s, bois qui s'étendait autrefois dans la vallée de l'Isère en 
amont de Grenoble ; al est devenu au, comme dans la langue 
française au pour à le, et aux pour als (animaux , chevaux, 
etc.). 

Le nom cTAllan parait n'avoir rien de commun avec celui des 
Alains, dont l'établissement dans nos pays, vers 440, est très- 
problématique , puisqu'on ne sait pas si Prosper Tyro a voulu 
dire qu'ils se fixèrent sur les bords du Rhône ou de la Loire 4 . 

Alançon, Alanson ou la Bastie-d'Alençon, est un château fort 



(1) Dictionnaire celto-breton. 

(2) Les d'Arlandes ont fait construire à Châteauneuf-du-Rhône , dans le 
XVI* s., une maison qui est un des beaux types de l'architecture de 
l'époque : on voit encore, sculptées sur plusieurs cheminées, leurs armes , 
composées d'une étoile et d'un croissant renversé. Zbuss, p. 131, 132, 817; 
— À. de Courson, Histoire des peuples bretons, t. II, p. 110. 

(3) Cartulaires de S t- Hugues, p. 96. — Pour Aulan, voir aussi le J IV. 

(4) J. de Pétigny , Étude sur ï époque mérovingienne , t. II , p. 65 ; — 
Morin, VArmorique au cinquième siècle, p. 52; — Jules Olivier, Revue 
du Dauphiné, t. III, p. 15; — Album du Dauphiné, t. III, p. 96. 



ÉTYMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DBÔME. 7 

en ruines, détruit dans les guerres de religion et situé sur le 
penchant d'une montagne , à huit kilomètres au nord-est de 
Taulignan. On y a trouvé récemment deux petits canons aban- 
donnés sans cloute après le siège ; ils ont été acquis par 
H. Morin , de Dieulefit , et leur forme élégante rappelle les plus 
gracieux modèles du XVI* siècle. L'église A'Alançon, dans la- 
quelle on a conservé jusqu'en 1398 les reliques de saint Martin 
des Ormeaux < , paraît avoir été détruite en même temps que le 
château. 

Le fief d'ALANçoN aurait primitivement appartenu aux Adhé- 
mar, d'après un acte faux de 833 (Cart. de Montélimar, p. 41) ; 
dans le XIV e s., il était la propriété des Poitiers; dans le XV«s., 
il passa aux Bolonhe, Bologne ou Boulogne; dans le XVII* s., 
aux Berger, d'Orange, et en 1721, époque à laquelle il com- 
prenait trente-quatre familles seulement, aux des Armands, 
connus dans la seigneurie de Grignan depuis le XIII e siècle. 
Le nom latin était castrum Alansonis ou Alançonis et quelque- 
fois Àlensonis ; on trouve ces diverses formes dans les actes des 
XIV e et XVe s., notamment dans le Cartulaire de Die, p. 188. 
Les mots Balma de Becone, item Alansi, qu'on lit dans un acte 
de 1332 (Gallia christicma , t. XVI, preuves, p. 130), parais- 
sent s'appliquer au hameau de la Baume-de-la-Lance , sur la 
montagne de ce nom , à quatre kilomètres au levant A'Alançon; 
cette montagne est appelée Alencia en 1351 2 ; elle est en 
grande partie couverte de belles forêts. 

Je ne sais si la Baume-la-£ance et la Bâtie-la-Zimci sont le 
même fief. Le premier appartenait en 1334 aux Poitiers et en 
1444 aux de Vesc; le second appartenait en 1540 aux Bologne, 
qui le vendirent en 1657 aux Durand de Pontaujard. 

Lans, lens, temps, lant, lent sont des mots qui voulaient 
dire bois, forêt (lempna, lemna, lemnia, en b. 1.). De même 
que le substantif lance , mot gaulois qui s'est conservé sous les 
formes de lans , en br.; lang, en irl.; lann y en éc, lans et lens 



(1) L'abbé Nadal, Histoire hagiologique du diocèse de Valence, p. 186. 

(2) À. Lacroix, L'arrondissement de Montélimar, t. I", p. 274. 



8 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

paraissent dériver du sanscrit lanka , branche d'arbre * : dans 
le principe, la lance était une branche dont le bout était durci 
au feu. Cette racine a fourni un nombreux contingent à l'ono- 
matologie française; on peut citer, outre la montagne de la 
Lance (Alencia), qui ne doit pas son nom, comme le disent 
quelques personnes , au fer d'une lance , auquel elle ne res- 
semble guère, divers villages appelés Lans ou le Lans, Lans- 
le-Bois, le Villars-de- Lans (Isère), bourg entouré de belles 
forêts, Lancium et Lanceurn, en latin; Lancey et la Combe- 
de-Lcmcey (Isère) , villages entourés de bois ou touchant à des 
bois , Lanceum en 1080 et plus tard Lancium, Lantium, etc. 2 ; 
la Condamine-de-Zansa, près de. Gigors, mentionnée dans un 
acte de 1300 [Cari, de Léoncel, p. 311); Lansac, Lansargues; 
la forêt de Lante (Drome); le bois de Lens (Gard); Lens-Les- 
tang, dont il sera question plus loin; et enfin les diminutifs 
Lançon , Lanson et les Lançons. 

Lançon, près d'Aix, se nommait Alantio et Alanzo dans le 
XI« s. et plus tard Alcmçon*. Avant sa décapitation, c'était 
l'équivalent exact de notre château A'Alançon, dont le nom 
est porté par une famille anciennement établie à Taulignan. 
La première syllabe A'Alançon représente soit la préposition à , 
soudée au mot qui la suit (on aura dit aller à Lançon, puis à 
Alançon), soit l'article celtique al, le, comme dans Allan. 
Alançon est donc rigoureusement le diminutif de la Lance (la 
forêt). 

Quant à Alcmçon (Orne), les historiens disent que vers 441 
des Alains se fixèrent dans le pays et fondèrent une colonie , à 
laquelle ils donnèrent leur nom , ce que je n'ai pas pu vérifier. 

Alex ou Allex , canton de Crest , commune sur laquelle les 



v (1) Diodobe de Sicile, V, 30; — A. de Chevallet, t. I", p. 278; — 

/ Pictbt,* Origines, t. I* r , p. 198; t. II, p. 208; — Roget, baron de Bello- 

guet, t. I", p. 110. 

(2) Cartidaire de Saint-Hugues, p. 147, 533. — La finale ey, dit Houzé , 
p. Il et 62, représente une idée de pluralité, de collectivité. 

(3) Carluîairc de Saint- Victor de Marseille. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DHAME. 9 

d'Urre ont eu des droits seigneuriaux dans le XV« s., était un 
fief des évoques et plus tard du chapitre de Valence. Allex , 
car telle est la forme actuelle, est appelé Alisium en 1157; 
Âleis en 1200 ; Alesium en 1238 ; plus tard Alesium et Aleœvum. 
Ce nom a beaucoup d'analogie avec Alise (Côte-d'Or); Alesia 
dans César et dans Plutarque ; Alexia dans Florus; Alisiia sur 
une inscription trouvée à Alise même; Alisia sur les triens mé- 
rovingiens; Alesia en 843 1 ; — Alaise (Doubs) , Alesia et Alasia 
dans les XI* et XII e s.; — Aliseium, où l'on battait monnaie sous 
les Mérovingiens; — Alisincum entre Autun et Decise; — 
Aliso, en Allemagne ; — Alisium, dans l'ancienne Étrurie; — 
AXewwv, cité par Homère; — AXxwia, en Sicile, mentionnée 
par Strabon ; — AXeotat , en Laconie , dont parle Pausanias ; 
— Alisay (Eure), Alisiacum; — peut-être avec Alissas (Ar- 
dèche), Alissacium en 1393 [Car t. de Montélimar, p. 213) , dont 
la racine est suivie d'une terminaison péjorative; — Novalaise, 
près de Chambéry, que M. Fivel traduit par nova Alesia, nou- 
velle Alesia , par opposition à l'ancienne Alesia, qui aurait oc- 
cupé le plateau élevé et escarpé sur lequel se trouvent les 
ruines du château de Montbel 2 ; — et peut-être aussi avec 
l'abbaye de la Novalaise (Piémont), Novalieiae en 789 s et plus 
tard Novalisia , fondée vers 480 , détruite en 875 et en 906 , et 
reconstruite définitivement en 916; ainsi qu'avec Nollieux 
(Loire ) , Novalesia dans les actes latins 4 . 

Toutes ces Alesia, dit H. de Saint-Andéol 5 , attestent un nom 
générique et nullement un nom propre; mais ici commence 



(1) De Barthélémy, Revue archéologique, septembre 1863 , p. 380. — 
Alesia a été changée en Alise, comme ecclesia en église; Avenio en Avi- 
gnon; Venetia en Venise, etc. — Je ne parle pas à'Alais (Gard), appelé 
Alesto sur une monnaie mérovingienne; Alesium en 1120; Alest en 1190 et 
en 1200, etc. (JHct. topographique du Gard.) 

(2) Fivel, V Alesia de César, près de Novalaise, en Savoie, 1866. 

(3) Cartulaires de Saint- Hugues , p. 35 et 476; — Dépéry, Histoire ha- 
giologique du diocèse de Gap , p. 379 et 400. 

(4) Revue du Lyonnais , août 1868 , p. 14. 

(5) Ce qu'est l'Alaise de Novalaise, p. 39. 



\ 

V 

1 



40 société d'archéologie et de statistique. 

mon embarras, et je ne puis que résumer les diverses opinions 
émises jusqu'à ce jour. H. Diefenbach, dans la réponse qu'il 
a bien voulu m'adresser, et Gluck rattachent le nom i'Alesia à 
celui de l'arbre appelé auneou verne, aliso, en t. et en esp.; 
olsza, en pol.; else et eller, en al.; ell, en ang. s.; oels, en 
bohémien et en silésien, qui paraissent dériver du sanscrit 
alka, arbre. On peut aussi rapprocher ces noms de celui de 
Y alisier, el$, en al.; oelsche, en tudesque. 

M. Pictet 1 pense qu' Alisia ou Âlesia représente l'irlandais 
Ailech, nom d'un ancien dun ou fort dans le comté de London- 
derry, qui paraît dériver à' ail, rocher, en anc. irl. et en éc. 
(v. § !«-, v.o Aleyrac), et rappelle une idée de hauteur ou de 
montagne dans les idiomes néo-celtiques ; ce qui conviendrait 
à Alesia et à Allex, adossé à un coteau que couronnent les 
ruines d'un château fort. La terminaison , d'après M. Pictet , 
serait un simple suffixe de dérivation. Ne pourrait-on pas tra- 
duire aussi ce nom par al lech ou al leach , la pierre , le rocher, 
en celtique; ce qui s'appliquerait à Alise, plateau entouré de 
rochers escarpés ? V. le g I« r , v.° Lesches. 

M. Chotin croit q\ï Allex a pour racine al, haut (v. g I«r, v.° 
Aleyrac) et aisia ou hesia, maison, domaine, en h. 1.; aise, 
aice, en roman (v. g !««■, v.o Eyzahut); ce qui rendrait ce nom 
synonyme de Hauteville et conviendrait à Allex. 

Il est probable que, malgré leur grande ressemblance, tous 
les noms qui précèdent ne doivent pas être traduits par les 
mômes radicaux, et qu'il faut prendre en considération le pays 
dans lequel ils se trouvent et la langue qu'on y a parlée. 

Alixan , près du Bourg-du-Péage , appartenait déjà , dans le 
XI« s., aux évêques de Valence. Ce village est appelé villa quaï 
dicilur Alexiano en 827; castellum de Alixiano dans le XI e s.; 
Alexianum en 1160, 4195, 1246 et 1285; Aleisan en 4194; 
Alexanum en 1294, etc. 2 ; la prononciation locale de ce nom 



(1) Pictet, Origines, t. I", p. 227; - Mohbis, p. 28; - Houzé, p. 13. 

(2) Giraud, Preuves, t. I", p. 44; t. II, p. Il et 79; - Cartulaire de 
Léoncel, t. I", p. 59 et 132. 



ÉTYMOLOGIES DES NOUS DE LIEU DE LÀ DHÔME. M 

est Alissan et non pas Alix an. 11 parait emprunté à celui de la 
personne qui a possédé la villa antérieure au village ; on trouve 
le nom de Guigo Alexii à Die en 1288 (Cartulaire, p. 131) ; 
plusieurs femmes ou filles des Dauphins s'appelaient Alix ou 
Alexie, et ces noms viennent soit de celui A* Alexis (aXsfroç, 
protecteur; aXeÇetv, défendre), soit des noms tudesques Alix , 
Aalis, Aalizia, que Forstemann i rattache à alis, étranger. Le 
mot Alexiana ou Alixiana villa est devenu Alixan. 

Les Allobroges habitaient sur la rive droite de l'Isère; 
Gluck 2 , le b.°° de Belloguet (t. I», p. 101) et Zeuss (p. 226) 
traduisent leur nom par étrangers, littéralement (venus d'un) 
autre pays; ail, autre, étranger, en k., en br. et en irl., et brô, 
pays, contrée , en k. et en br.; bruach , bord, frontière , en éc; 
c'est l'opposé du mot kenbrog, compatriote. MM. H. Martin et 
Thierry * l'expliquent par haut pays (ail brô), c'est-à-dire ha- 
bitants des montagnes; mais la première opinion me parait 
préférable. 

Ambel , sur une haute montagne à l'extrémité nord du canton 
de Crest, appartenait dans le XVI e s. à la famille de Viennois. 
Ce nom est écrit Ambel et Anbel dans les actes des XII* et XIII« 
s., excepté dans un document de 1288 (Cart. de Léoncel, p. 
275) qui mentionne des constructions faites in monte qui vo- 
catur Amberc; d'un autre côté, Ambel, près de Corps (Isère), 
situé dans un pays très-montagneux, est appelé Ambillœ en 
783 {Cart. de St-Hugues, p. 42, 45). On comprend mon em- 
barras en présence de ces trois formes diverses. Amb parait 
avoir eu le sens de hauteur, montagne, point saillant, comme 
dans «|ipr) et a^wv, en gr.; umbo, eu 1.; amba, montagne 
fortifiée, en abyssin, est un nom commun à plusieurs pics 
élevés; anbha, grand, en irl. (Belloguet, t. I« r , p. 209), est 
entré dans la composition de plusieurs noms gaulois. En Alle- 
magne, diverses localités s'appellent Amberg (sur le mont); 



(1) Altdeutsches Namenbuch, t. I", 69. 

(2) Die bei Cxsar Keltischen Namen, p. 26. 
(3; Histoire des Gaulois, 6* éd., t. I", p. 122. 



42 société d'archéologie et de statistique. 

Ambach et Ampach (sur le ruisseau}; la forme Amberc de 
l'acte de 1288 n'est-elle pas le résultat d'une altération? C'est 
possible. 

Ambonil , près de Loriol , commune composée d'une centaine 
d'habitants, dont les maisons sont éparses dans un vallon où 
plusieurs ruisseaux courent au travers des prairies, a appar- 
tenu au chapitre de Valence, aux Guillaumont (XVII e s.), ori- 
ginaires du Vélay, fixés plus tard à Carpentras, et aux Lancelin 
de la Rollière, dont la dernière représentante, Madame de Va- 
chon, est morte en 1863. M. Delacroix (p. 40) pense que la voie 
romaine passait au pied du coteau de Fontgrand et que le nom 
A* Ambonil rappelle celui de la mutatio A'Umbunum ou Umbe- 
num, qui en était très-rapprochée , ce qui est fort douteux, à 
cause de la finale il. Je n'ai rien de mieux à proposer ; on peut 
signaler comme un simple rapprochement le sanscrit ambu et 
ambas , eau; ambonidi, amas d'eau (Burnouf , p. 45). Un acte 
de 1230 mentionne le territoire A 9 Ambonil [Bulletin, 1869, 
p. 43). 

Ancone, près de Montélimar, Ancona dans tous les actes 
latins, n'est connu que depuis le XIII e s. Ce fief, appelé cas- 
trum de Ancona, en 1336, appartenait aux Adhémar, mais 
relevait des comtes de Valentinois. En 1450 , Guichard de Pra- 
contal céda au Dauphin (Louis XI) une maison à Valence dite 
du Palais et reçut en échange le fief A'Ancone. Cette famille 
devait son nom (de Prato Comitali) à un pré acquis du comte 
de Valentinois , dit H. Lacroix (t. I er , p. 156) , et elle le donna 
à une terre importante située entre Montélimar et le Rhône , 
dont une partie, appelée autrefois Château-saWiér, à cause des 
sables dus au voisinage du Roubion , appartenait dans le XVII« 
s. aux C lave y son. Les Pracontal , s'étant fixés en Bourgogne 
par suite d'un brillant mariage, vendirent en 1735 et 1738 le 
château de Pracontal et le fief d'Ancone à François de la Coste, 
seigneur de Maucune , conseiller au Parlement de Grenoble , 
dont la petite-fille a épousé le vicomte Lerebours, de Paris. 

Ancone doit sans doute son origine à des cabanes de pêcheurs 
et à des écuries destinées à abriter des équipages de bateaux ; 
on y établit plus tard un péage. Ce nom , comme celui A' An- 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DfiÔME. 43 

cône (Italie), dont les monnaies représentaient un coude (a*pui>v), 
est emprunté à un radical qui signifie anse , golfe , rade , angle ; 
on le retrouve dans a-pwt, épaule (anka, en s. c. t., Burnouf , 
p. 66) ; a-ptea, anse ; a-pwov , courbure; orpwpa , ancre de vaisseau 
{ancora, en 1.); uncus, crochet, hameçon, en 1.; ancon , 
anse, havre, en esp.; hang, crochet, en al. (hanger, celui qui 
accroche, le bourreau), du sanscrit anka, crochet, ank, 
courber (Pictet, t. II, p. 7). 

Le nom d'ANCONE est dû à une anse ou courbure du Rhône , 
qui a souvent changé de lit. Une partie du village qui était au 
couchant de l'agglomération actuelle et près du château dont 
on voit les ruines dans une tle, a été emportée vers 1755. Ce 
nom rappelle ceux de Crommeuse, Curva Mosa, courbure de 
la Meuse; Crombeke, courbure du ruisseau; de la Voulte (Àr- 
dèche) , et de la Voulte (Haute-Loire), bourgs construits auprès 
d'un détour (volta) du Rhône et de l'Allier, des Anses de Sa- 
vasse, près de Montélimar, où se trouvait un péage, dont l'em- 
pereur Charles IV accorda la confirmation à Gaucher Adhémar 
en 1356 (Cart. de Montélimar, p. 150). 

Andance (Ardèche), Andancia, en latin, a commencé par 
quelques maisons bâties ad anscvm Rhodani , à Y anse ou à une 
courbe du Rhône , ou ante ansam ; notons aussi que le latin 
ante correspond au celtique ande, devant, auprès; Andance 
est la reproduction presque littérale d'onde ansa, près de 
Y anse. Le latin ansa a peut-être été emprunté à la gracieuse 
courbe que forme le cou du cygne , oiseau appelé hansa en 
sanscrit. Andancette est séparé par le Rhône à f Andance , dont 
il est le diminutif : ce petit village faisait partie du comté 
d'Albon. (V. le§I«*.) 

On retrouve encore le même mot dans le nom d'Anse , près 
d'un vaste contour formé par la Saône, Ansa Paulini à l'époque 
romaine l , et dans celui d'Ancelles (Ansellx) , port sur la Saône, 
près de Mâcon, qui est le diminutif d'Anse. 



(1) La leçon Asa Paulini me parait fautive; - on lit Ansa dans un acte 
de 885 et un autre de 892 {Cart. de Saint-Hugues, p. Il et 73). 



44 société d'abchêologie et de statistique. 

Anneyron , près de Saint* Valiier, est appelé * in villa Ana- 
rioni » dans une charte de Charles-le-Chauvc (IX* s), men- 
tionnée par Mille * ; in Anarone en 907 (Giraud , Preuves , 1. I«, 
p. 26) ; in villa Anaironae dans le X« s. 2 ; ad Anayron en 1250 
(Valbonnays, t. I«r, p. 42); parrochia Anneyronis en 1461. Ce 
nom, comme ceux A'Anet (Eure-et-Loir), Anetum en 1104; 
Ânneux (Nord), Anneus en 1096; Alneus en 1148; Aulneisen 
HS3 (Mannier, p. 286); Annay; Alnay et Aunay; Aulnoy et 
Aunoy; Onay, près de Romans (Alnaïvwm dans le XI e s.) , est 
emprunté à celui de l'arbre appelé aune ou verne (alnus, en 
1.; elni, en scand.). La forme primitive devait être Alnaron; la 
lettre / a disparu depuis longtemps , comme dans Y Anetum de 
1104, et dans le mot awnetum, lieu planté d'aunes, en b. 1. 
Les deux premières syllabes d'ÀNNEYRON équivalent au nom 
A' Aunay et paraissent combinées avec ron 9 ruisseau, cours 
d'eau ; ron/ne en brabançon ; run dans la Suisse allemande ( v. 
le § III, v.o Rhône). La villa du X« s. à laquelle le village doit 
sou origine était située près du ruisseau des Aunes, comme 
YAnnebec du Calvados (bec, bach, ruisseau). Armeyron faisait 
partie du comté d'Albon (v. le § I er et Onay, Vernaison). 

Aouste ou Aoste , près de Crest , Augusta Vocontiorum , Au- 
gusta, était une des colonies militaires établies chez les Vo- 
conces sous Auguste. Son nom , qui figure dans les itinéraires, 
est analogue à ceux é'Augst, Augsbourg, Aoste (Isère) , Augusta 
dans le XII e s., où l'on a trouvé aussi beaucoup d'antiquités 
romaines et qui a été érigé en comté, en 1725, sous le nom 
à* Aouste, en faveur de Sébastien de Guille. Dans le XII e s., le 
fief d' Aouste (Drome) appartenait partie aux seigneurs de 
Crest et partie aux évoques de Die ; plus tard , il passa aux Poi- 
tiers et revint ensuite aux évêques. 

Artemonay ou Arthemonay, près de Saint-Donat , entouré de 
collines boisées, est ainsi désigné : villa que dicitur Artemo- 
naico, Artemoniaco, Artemonaïco dans les X« et XI« s. (Giraud , 



(1) Abrégé chronologique de V histoire de Bourgogne. 

(2) L'abbé Chevalier, Cartulaire de Saint- André-le-Bas, p. 237. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 45 

Preuves, t. I er , p. 81, 141, et t. II, p. 40) ; villa Artemonii dans 
le XI e s. (idem, t. III, p. 83); parrochia Ârtemonaïci en 
1146 (idem, t. I er , p. 199). Ce fief appartenait dans le XVII* s. 
aux Monier de Rochechinard et dans le XVIII e s. aux de Loulle , 
dont la famille s'est éteinte vers 1820. M. Pictet pense que la 
forme primitive devait être Artemonacum , domaine à'Artemon 
(v. le § I er , v.° Aleyrac). Ce nom, qui existait déjà chez les 
Grecs cinq siècles avant J. C, était commun chez les Ro- 
mains, et a été porté par deux saints de la primitive église. Il 
paraît être d'origine orientale , comme ceux d'Artaban , Arta- 
baze , etc. On peut aussi rapprocher la finale aïeum ou aicum 
des formes latines, du mot aicium, domaine, en b. 1.; ce qui 
conserve à ce nom la signification de domaine à'Artemon (v. le 
§ I« r , v.o Eyzahut). 

Aubres, pfès de Nyons, castrum de Arboribus en 1284 (Val- 
bonnays, t. II , p. 118), Arbores, devait son nom aux arbres ou 
aux bois qu'on y rencontrait. Arboreta, arborea, arboretum, 
en b. 1.; arboie et arbrières, en v. fr., avaient le sens de bois 
(aubre, arbre, en prov.). Ce fief a appartenu aux Montauban 
et aux de Baux, princes d'Orange (XIII s.), aux Caderousse 
(XIV e s.), aux Gérard ou des Gérards (1479-1617) , aux Grillet 
(1635) ; aux Castellane d'Ampus , aux Lauris et enfin aux Gal- 
léan, ducs de Gadagne (1789). 

Aurel, près de Saillans, Âurellum en 1193, castrum de 
Aurello en 1200 et 1210 [Car t. de Die, passim), était un fief 
des évéques de Die. Je ne sais si ce village a été baptisé par un 
Aurelius quelconque ou s'il doit son nom soit aux pyrites de 
fer qu'on y rencontre et qu'on a pu prendre pour du minerai 
d'or, soit à un ancien radical qui veut dire bord , frontière , 
limite, et qu'on retrouve dans ora, en 1.; opoç, en gr.; or, oir, 
en éc. et en irl.; oreria, en b. L; orée, ouraille, en v. fr.; orlo , 
en it. (d'où le mot ourlet). 

Telle est sans doute l'étymologie du nom de Pont cTOreuxe , 
sur le ruisseau de Valcroissant , entre Die et Luc, où les Pro- 
testants , commandés par Dupuy-Montbrun , taillèrent en pièces 
les Catholiques en 1575. D'après la tradition populaire, le Pont 
d'Oreille devrait son nom aux mutilations opérées par les vain- 



46 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

queurs sur les morts; cette tradition est erronée. Des titres 
authentiques, dit M. Long (p. 132), prouvent qu'il était, bien 
longtemps auparavant, appelé Pons AeAuricula. Il est probable 
que le nom primitif était Pont de Y Or aille ou de YOuraille (de 
la limite), qu'on a traduit par erreur, sans doute, par Pons de 
Awimla. Ce lieu, dit H. Vallentin, indiquait peut-être la li- 
mite des possessions des anciens comtes de Die d'avec celles des 
évoques de cette ville. 

Barbiêres, dans le canton du Bourg-du-Péage , est appelé 
terra de Barberia en 1046 et en 1057 (Giraud , Preuves, t. I*»-, 
p. 84, et t. III , p. 36) ; Barberia, Barbeira et Barbera dans les 
XII e et XIH« s.; mandamentum Barberiwrum en 1294 [Cart. de 
Léoncel, p. 286). Ce fief a appartenu à la maison de Bérenger 
(1258), aux Poitiers (XIV* s.), aux seigneurs de Rochefort 
(Sanson) , aux Beaumont-d'Autichamp (XV«, XVK et XVII e s.) , 
aux Frère et enfin aux Michel du Sozey (XVIII e s.). V. le § I e ', 
v.o Rochefort. 

Ce nom , de même que ceux de Barbeyracs , qui dépendait 
du fief d'Alançon (Drome) ; de Saint-Michel de Barbiêres (de 
Barbayris), près de Montmirail; du bois de Barbiêres, près de 
Chantemerle (Tain) ; du bois de Barbarais, près de Geyssans ; 
du fief des Barbiêres, près de Vif (Isère), qui appartenait en 
1700 à Jacques Tuléron ; du bois de Barbaras dans les com- 
munes de Bouchet (dont le nom veut dire aussi bois) et de 
Suze-la-Rousse * ; de Barbeyras , près du Cheylard (Ardèche ) ; 
de Barbière , commune de Saint-Paul-trois-Châteaux ; de Bar- 



(1) On a trouvé dans le quartier de Barbaras beaucoup de tombes en 
pierre , de poteries et une mosaïque. Ces terres formaient un flef , qualifié 
quelquefois de baronnie , acquis en 1527 par Pierre de la Baume-Suze de 
Jean de Poitiers ( Saint- Vallier). — L. de Laincel, Voyage humouristique , 
p. 46 et 258. Dans les XIII e et XIV* s., Barbaras appartenait aux de Baux, 
princes d'Orange (Pithon-Cnrt, t. IV, p. 318). 

Il est fort possible que le quartier où Ton a construit l'église de Bar- 
bara, près d'Allan, portât déjà ce nom, qui, alors, ne serait pas dû à 
celui de l'abbaye de l'Ile-Barbe (Barbara), dont dépendait le prieuré 
d'Àllan. 



ÉTTM0L0GIES DES NOMS DE UEO DE LA DRÔME. 47 

beyrargues (Hérault), Barbaranicse et Barbayrcmum dans les 
XII e et XIII e s.; de la forêt de Barbairoux (Hautes -Alpes), etc., 
veut dire bois, broussailles. Il vient du même radical que bar- 
barellum, bois très-épais, en b. 1.; (barbarica silva, en 1.) , dé- 
rivant de barbarus, inculte, sauvage, et paraît n'avoir rien de 
commun avec les barbares ou Sarrasins. 

Barnave, près de Luc, castrum de Bamavâ dans les XII e et 
XIII e s., a appartenu aux Hévouillon , qui le vendirent eu 1327 à 
Tévêque de Die, aux de Lers de Jony (XVIfc s.) et aux du Vi- 
vier, de Veaunes (1789). Ce village paraît avoir emprunté son 
nom à celui de son fondateur ou possesseur, Bam ou Barno , 
qui est d'origine germanique; on le retrouve dans celui de 
Caius Julius Barnaeus, affranchi de Caius, qui habitait Flo- 
rence à l'époque romaine, et dans ceux de Barnefredus et 
Barnoïnus ; qui habitaient Vienne dans le X e s.; de Barnardus; 
de Bamerius ou Barnier, etc. Ce nom voulait dire guerrier ou 
défenseur 1 . 

Il est difficile de bien préciser la signification de la finale 
ave; c'est peut-être une simple désinence , commune dans les 
noms gaulois (Zeuss, p. 746), analogue à la syllabe ek ou ac, 
donnant au mot le sens de domaine de Bam; peut-être faut-il 
la traduire par cours d'eau? Af, av, aw, awe, awen, éve, éwe 
sont des mots romans, empruntés à des radicaux celtiques et 
germaniques qui veulent dire ruisseau; H. Cocheris 2 les rat- 
tache au sanscrit av, se mouvoir, qui a formé avi , le vent, 
avani, la rivière, etc.; ce qui donne à Barnave, comme au 
nom de Barnaue , cité par Pott , p. 488 , le sens de ruisseau ou 
torrent de Barn. Barnave est en effet près d'un torrent qui dé- 
borde à la suite des pluies d'orage ; la première partie de ce 
nom est la même que ceux de Barneville et Varneville (Nor- 
mandie) , traduits par maison de Barn ou Varn. Citons aussi , 
mais comme un simple rapprochement , le mot basque borna , 
vallée, combe. 



(1) De Coston , Origine des noms propres , p. 436. 
(?) L'écho de la Sorbonne, 12 décembre 1868. 

Tome VI. — 1871. 



J8 • SOCIÉTÉ D f ARGHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

La mutatio appelée Batiana, Bancianis et Vanciana dans 
les itinéraires, était au quartier de Banse ou Bance, près de 
Cliousclat. On y a trouvé une colonne milliaire, des restes de 
voie romaine, des médailles et d'autres antiquités 1 . Bance est 
appelé ecclesia de Bmûanis dans un acte de 1179 2 ; ce qui 
prouve que l'altération du nom est relativement moderne. Si 
l'emplacement de la mutatio romaine est certain , il n'en est 
pas de même de l'étymologie de son nom. M. Péan voit dans 
Vanciana et dans Bancianis l'anusvara ou le son nasalisé de 
Batiana, qui pourrait dériver de vat, entourer, clore, en s. c. 
t., d'où vata et vatia, enclos, enceinte retranchée, maison 
fortifiée (Burnouf, p. 561 et 575); vadd, muraille, rempart, 
en goth.; ivant, en t.; vand, en al. et en holl.; banse, grange , 
en ang. s. La Vanciana de la Drome a beaucoup de ressem- 
blance avec les noms de Vencia, Vence, dans le Var, pays où 
l'on adorait Mars Vincius ou Vintius; de Ventia, où les Allo- 
broges se défendirent héroïquement contre les troupes ro- 
maines, etc., qui sont peut-être synonymes de castrum ou lieu 
fortifié. La finale ana est sans doute un suffixe. 

Le quartier de la Batanne est situé entre Saint-Marcel et le 
Bourg-du-Péage. Dans le XI* s., il était occupé par une forêt de 
1300 hectares appelée Baïana et Baïna et qui appartenait aux 
seigneurs de Pisançon 3 . Une branche de la famille de Lattier, 
qui habitait Valence , a joint à son nom celui de Bayanne. On 
le retrouve dans celui de Bayanne, qui touche aux bois de 
Souspierre (Drome); de Bayasse (Hautes-Alpes); de Baïona, 
au-dessus de Satilieu (Ardèche), mentionné dans un acte de 
996; de Frè-Bayon, canton de Vaison, où Germélie fonda, en 
610, un monastère dans un lieu sauvage et boisé; de Bayonne, 
près de Grignan , dans un quartier autrefois couvert de bois ; 
c'était un fief qui a appartenu aux Bolonhe ou Boulogne (XVI« 
s.) et plus tard aux comtes de Grignan; de Bayard ou Bayart 



(1) D. r Long, Recherches, etc., p. 20. 

(2) L'abbé Chevalier, Cari, de Saint-Ghaffre , p. 33. 

(3) Giraud, Preuves, l M partie, p. 46. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 49 

(Isère) (car le chevalier signait avec un d ou t indifféremment), 
où Pierre du Terrail fit construire un château ou une tour en 
1404*; du Grand et du Petit Bayard, près de Neufchàtel 
(Suisse), etc. 

Tous ces noms veulent dire bois , forêt ; ils sont suivis de suf- 
fixes, dont il* est difficile de bien déterminer la signification et 
qui sont peut-être empruntés à l'étendue, à l'aspect, à la qua- 
lité ou à la position de ces bois; asse (dans Bayasse) est une 
terminaison péjorative; ard (dans Bayard) est une finale com- 
mune dans le haut Dauphiné; elle peut être une simple dési- 
nence, ou le radical à'arduus, ardu, escarpé, ardhas, en 
sanscrit. La racine de ces noms est bay ou baye, qu'on retrouve 
dans les noms de famille du Bay (de Saint-Péray ) , du Bayet 
ou Dubayet, etc.; il parait avoir la même origine que les mots 
laia, laya (qu'on trouve dans un acte de 983), leya, lia, en 
enb. 1.; lea, lee, lye, en ang. s.; lies, en rus.; lias, en pol. 
(Pott, 387), bois, qu'on retrouve notamment dans le nom de 
Saint-Germain-en-La7/e , et dans layette, caisse ou cassette, en 
v. fr. 

Bacrières ou Beaurières , canton de Luc , est appelé locus de 
Burreriis et de Beureriis dans le XIV e s. Ce fief a appartenu 
aux comtes de Die; vers 1189, il passa, par succession, à 
Raymond d'Agoult, dont les descendants le vendirent en 1603 à 
Pierre d'Armand, baron de Luz; vers 4660, il fut acquis par 
les de Ponnat, barons de Gresse, aujourd'hui fixés à Paris. Ce 
nom est synonyme de borie, ferme, domaine, en langued. 
(d'où Laborie, la Boriette, Boérie, etc.), boria et boheira, en 
b. 1., dont le radical est bur, maison, en t., commun en com- 



(l) Salvaing de Boissieu, De l'usage des fiefs, 1664, p. 217. 

Le nom de Bayard a été commun à plusieurs familles dauphinoises ; il 
était l'équivalent de Bois ou Boishaut; fiontoux de Bayart habitait Charpey 
en 1284, et Chabert de Bayart, Âllevard à la même époque. Plus ancien- 
nement , il parait avoir été un surnom ou nom personnel synonyme de 
Roux; Martinus Baiardus habitait Chartres en 1080; on disait un cheval 
bayard (tai-brun). Ce mot, devenu bajo, en it., et bayo, en esp., se rat- 
tache au latin badins , bai. 



20 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

position, dit Forstemann (p. 88), sous les formes suivantes : 
buri, buria, buron, boer, etc. Boriaire, en Languedoc, veut 
dire fermier ou mattre-valet d'une borie; ce nom correspond à 
ceux de Bauer, Beurmann et Burmann. Tous ces mots parais- 
sent se rattacher au sanscrit pur a, maison et ville. 

Beau voisin, près du Buis, castrum de Bello Vioinio en 1293, 
de Bello Vincvno en 1347 (Valbonnays, t. I«% p. 35, t. II, p. 
166) , a été donné en 1317 par R. de Hévouillon au Dauphin; 
dans le X Ville s., ce fief a appartenu aux d'Agoult et à la du- 
chesse de Montpezat. La Bessée, dans le Vercors, comme la 
Baissade, Bessède, Bessay et peut-être Bézaudun (v. le § I«f), 
rappellent des bois de bouleaux (Houzé, p. 13). Ces noms sont 
empruntés à la forme néo-celtique bezô, bouleau, en br.; be- 
zula, en corn, (bès, en langued.), provenant d'une forme plus 
ancienne bedw, en k.; bedu, en gall.; beth et beith, en irl., 
qui ont la même racine que le latin betula (Pictet, t. I er , p. 
217; Belloguet, 1. I«, p. 148). 

Bésignan , près du Buis , castrum de Besignano en 1293 et en 
1317 (Valbonnays, t. I er , p. 35, t. II, p. 166), Besinhanum en 
1375 {Car t. de Montélimar, p. 177) , a été donné en 1317 par 
R. de Mévouillon au Dauphin. En 1331, ce fief appartenait déjà 
à une famille de Bésignan, tombée en quenouille, en 1550, 
dans les d'Autane ou d'Aultane; vers 1660, il passa aux Guy 
Pape; un demi-siècle après environ, aux d'Autane et aux Taxis 
du Poet, d'Orpierre, et, en 1766, il fut acquis par Joseph- 
Justin-Constantin Duclaux, dont la famille, déjà établie à 
Nyons dans le XIV« s., s'est divisée en plusieurs branches, 
notamment celle des Bésignan, des Chausan (éteinte à Nyons 
en 1828), des Làrochette (éteinte à Voiron en 1811), des Mar- 
ville (à Valence), et a produit un grand nombre d'officiers et 
de magistrats. 

En 1792, Pierre-Charles- Joseph-Marie Duclaux, qualifié de 
marquis de Bésignan, fils de l'acquéreur du fief, donna le 
signal de la contre-révolution. Réuni à quelques royalistes 
exaltés, il soutint dans son château, qui fut brûlé, un siège 
en règle contre les troupes commandées par le général d'Al- 
bignac. H. Delacroix, p. 431, et M. Rochas, 1. I«, p. 335 , ont 



ÉTTMOLOGIES DES KOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 24 

raconté cet épisode romanesque d'une époque si féconde en 
événements. 

Le village de Bésignan est adossé à une colline dominée par 
les ruines du château féodal (celui de H. Duclaux était dans le 
bas). Ce nom, d'après H. Maunier et M. Mowat, serait em- 
prunté à celui d'un fondateur ou d'un possesseur et correspond 
& ceux de Besancourt (court, maison); Bezencourt; Bezmghem 
( hem , ham , hameau) ; Bézigny (Seine-et-Marne) ; Basiniacum , 
en 1.; Basignan (Gers); Bazincourt; Bazenville, etc., c'est-à- 
dire maison , domaine de Bazo , Bazin ou Bazen , noms com- 
muns du V e au XII e s., et auxquels Ferguson (p. 181) donne le 
sens de guerrier {basa etbisa, combattre, en ancien norrique). 
L'a et l'e permutent souvent, comme dans pater, père, mater, 
mère, etc., et la forme primitive devait être Baziniama villa. 

Blacons, à deux kilomètres au midi de la Roche, canton de 
Grignan, était un fief dont il ne reste plus qu'un château fort 
en ruines, perché sur une montagne. Il est appelé Blacos, 
Blacoz, Blacosum et Blaoozium dans les actes des XIII e et XIV e 
s. Il a donné son nom à une famille représentée en 1213 par 
Ponce, seigneur de Blacons (de Blacoso), qui prêta hommage 
à R. de Hévouillon 1 ; — en 1232 par Bertrandus et Willermus 
de Blacos 2 ; — en 1278 par Dalmace de Blacons (de Blacoso) et 
par Guillaume de Blacons , qui prêta hommage au seigneur de 
Hontauban; -— en 1357 par Bertrand de Blacoz, bailli de la 
baronnie de Grignan *. Dans le XV e s., les Blacons tombèrent 
en quenouille dans une branche de la famille de Forets ou 
Forest , représentée en 1445 par Antoine et Pierre , maîtres de 
la monnaie de Romans : les enfants nés de cette union conser- 
vèrent les deux noms, à peu près synonymes. 



(1) L'abbé Chevalier, Inventaire de 1346, p. 238. 

(2) Gallia christiana, t. XVI, Preuves, p. 213; — Car lui aire de Die, 
p. 92. D'après une ancienne tradition de famille, Thibaud de Blacons, qui 
se distingua à la victoire de Las Navas (1212) et dont il est question dans 
les Chroniques de Tolède, appartenait aux Blacons du Dauphiné. 

(3) I/abbé Fillbt, Histoire de Grignan. 



22 société d'ahchéologie et de statistique. 

Vers 1560, Hector de Forest de Blàcows, appelé souvent 
M ira bel par les historiens, fils de Pierre et de Marie de Vcsc 
de Montjoux, épousa Françoise de Mirabel, fille unique de 
Claude, seigneur de Mirabel , près de Crest, et joignit son nom 
aux siens ; il donna en outre celui de Blacons au fief du Devez , 
qui dépendait de la seigneurie de Mirabel , que les Blacons ont 
possédé jusqu'à la Révolution et qui appartient aujourd'hui 
à la famille de Gailhard. 

Par son testament du 8 avril 1576 , Françoise de Mirabel , 
issue sans doute de Pontius de Mirabel , qui fit en 1913 une do- 
nation à l'abbaye de Léoncel [Cartulaire, p. 78) , institua pour 
héritier son mari, à condition qu'il porterait son nom et ses 
armes, qui étaient d'azur-à trois miroirs (allusion au nom de 
Mirabel) et un chapeau de triomphe : sa volonté n'a pas été 
exécutée par ses descendants. En 1592, Hector épousa en se- 
condes noces Louise de Priam, fille du seigneur de Condillac , 
dont la famille se disait issue du dernier roi d'Uion l , et, vers 
1630, la dernière des Forest de Blacons, Jeanne, fille d'A- 
lexandre , se maria avec Pierre d'Armand , baron de Luz. Ses 
descendants , qui réunissaient les noms de trois familles , 
étaient seigneurs de Condillac, Espenel, Blacons (près de 
Crest) et en partie de Mirabel. Charles-Jacques, marquis de 
Blacons, épousa, vers 1750, Madeleine de Calvière de Bou- 
coiran , héritière pour partie des Durand de Pontaujard et des 
Alrics de Cornillan , qui lui apporta le marquisat deRousset, 
comprenant aussi les fiefs de Saint-Pan talis, le Pègue, Ven- 
terol , Noveysan et Truinas. Leur fils, Henri-François-Lucretius 
d'Armand de Forest, marquis de Blacons, député aux États- 
Généraux, mort en 1805, avait' deux sœurs, Mesdames d'A- 
goult et de Vallier, et une fille unique, Madame la comtesse 
d'Andigné. 

Il n'est pas étonnant que de pareils enchevêtrements de 
noms, de ramilles et d'armoiries aient induit en erreur Guy 



1) De Goston, Origines des noms, p. SOI. 



ÉTITMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DltÔME. 23 

Allard* et Jules Ollivier 2 . Ce dernier a cru à tort que Pierre 
et Hector de Forest de Blacons, appelés souvent Mirabel, qui 
ont joué un rôle important dans les guerres de religion , de- 
vaient leur nom à Blacons , près de Crest , tandis qu'ils le lui 
ont donné, et que leurs ancêtres étaient les défenseurs et les 
feudataires des évêques de Die, tandis qu'en réalité ils rele- 
vaient des Adhéinar de Grignan. Dans la crainte de commettre 
moi-même quelque erreur, j'ai demandé l'année dernière à une 
des personnes de cette famille des renseignements complé- 
mentaires, que je n'ai point encore reçus; je dois une partie de 
ceux que j'ai cités à l'extrême obligeance de H. Lacroix. 

Il est d'autant plus difficile de ne pas s'égarer dans le laby- 
rinthe relatif aux divers seigneurs du fief de Blacons, que les 
documents sont souvent en contradiction entre eux, sans doute 
par suite de prétentions rivales , basées sur des droits féodaux 
et coseigneuriaux. Il y avait encore , dans la commune de la 
Roche-Saint-Secret, outre le fief de Blacons (réuni pour la 
justice à celui de Pontaujard ) , celui de la Bâtie-Bikcons ( réuni 
à celui de la Buisse). Ces deux derniers furent vendus en 1547 
par les Forest de Blacons et les de Vesc de Comps aux de Se* 
guins , de Valréas , pour le prix de cinq cents écus d'or sol ; en 
1563, ils passèrent aux Meilleuret ou Heilloret, issus des de Se- 
guins, et dans le XVII e s. aux de Vesc de Bécone, qui les pos- 
sédaient en 1789. La Bblie-Blacons et la Buisse s'étendaient 
sur les deux rives du Lez , au couchant de Blacons. 

Quant à Blacons, il paraît avoir appartenu, dans le XIII« s., 
à Ponce de Blacons et aux de Vesc, qui relevaient des Poitiers ; 
dans le XVI« s., aux de Vesc, aux Faure de Bologne et aux 
Forest de Blacons, par indivis; il fut vendu aux Pingre, origi- 
naires de Picardie, avec réserve expresse du nom de Blacons, 
par Jean d'Armand, baron de Luz, et acquis en 1643 des Pin- 
gré , pour 5,200 livres , par Jacques de Durand , seigneur de 
Pontaujard, dont la famille est tombée en quenouille, dans le 
siècle dernier, dans les d'Agoult et les Cal vi ères. Par lettres pa- 



(1) Guy Allard, Dictionnaire du Dauphiné, v.° Mirabel. 

(2) Album du Dauphiné, t. II, p. 78. 



24 société d'archéologie et de statistique. 

tentes du roi datées du mois de décembre 1652, le nom du fief 
de Blacons avait été changé, en celui de Riconnières. 

Blacons, la Blache, la Blachère, la Blachette, Blachou signi- 
fient chênaie (blacha, blachia , en b. 1.). Raymond de Baux fut 
surnommé Blacachi ou Blacas (jeune chêne), à cause de sa 
force et de sa belle venue (1176). Les montagnes qui entourent 
Blacons Sont en partie couvertes de bois de chênes : la racine 
de ce nom, particulier au Dauphiné et à la Provence, pourrait 
bien être ligurienne. Pour Boideleau, voir Laux. 

Bonlieu , près de Marsanne, Bonus Locus, doit son nom à un 
monastère fondé par la maison de Poitiers en 1171. Ce fief a 
appartenu aux Poitiers, aux Adhémar de Grignan (1447) et 
aux Brunîer de Marsanne, qui le vendirent en 1784 aux Martin- 
Delaporte; v. Marsan/ne. 

Boochet (Bouschet dans le XVII e s.), près de Saint-Paul, 
commune autrefois presque entièrement couverte de bois, que 
des vignes ont remplacés, était appelé Bosquetum en 1262 
(Cart. de Montélimar, p. 36), Boschetum en 1443, Buschetum, 
Boquetum , Bossetum. Ce nom a la même racine que les sui- 
vants : Montboucher (v. le g I cp ), le Bouchage, le Bouchaud, 
les Bouches, le Bouchet, Ambouchet (commune du Grand-Serre), 
qui veut dire près du bois [am, près du, en ail.), et que les 
mots boscus, bouchellui, boichettus, parc, bois, hallier, en 
b. 1.; bouchet et bouchière, en v. fr.; busch, en t. et en ail.; 
bosch, en hol.; bosco, en it. On retrouve l'idée de bois dans le 
nom de divers quartiers de Boucliet , tels que Grcvnd-Bosquet , 
Blaches, Taillades, Garrigues, Ba/rbaras. 

Il y avait, dans cette commune, une abbaye de femmes 
fondée à la fin du XII e s. et réunie au monastère d'Aiguebellc 
(Annales, 1. 1«, p. 88, 144). Ce fief a appartenu aux Adhémar 
de Grignan (XII e s.) , à l'abbaye d'Aiguebelle et au collège 
d'Annecy d'Avignon; cependant, dans le XVII* s., les la 
Baume-Suze prenaient le titre de seigneurs de Bouchet. 

Le nom du hameau des Boullgons, près de Luc, rappelle le 
relai qui figure dans l'itinéraire de Jérusalem sous la dénomi- 
nation de Bologatae ou Vologatae, et qui, à trois ou quatre 
kilomètres près, est à la même distance de Luc (d. r Long, p. 
143). Je n'ai pu traduire ces noms. 



ÉTYHOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 25 

Boutantes, dans les plus hautes montagnes du Royanais, est 
appelé vallis de Bovanti en 1192 et Bovantium en 1220 et 1265 
(Cari, de Léoncel). C'est là que fut fondé, en 1144, un couvent 
de Chartreux, auquel le fief de Bouvantes appartenait. Ce nom 
indique que les premiers habitants de cette contrée élevaient 
des bœufs; il en est de même de Bouvières, près de Bour- 
deaux, Bouveriae en 1383, qui appartenait en 1642 à Henri du 
Pilhon et en 1766 à Emé de Guiffrey, comte de Marcieu; de 
Bowerans, Bouvignies, Bouvines, etc. : v. la Vache. Les rues 
Bouverie et Mièvrerie, à Montélimar, étaient en grande partie 
formées par des étables. Pour le fief de la Bretonnière, près de 
Murais, dont le nom est emprunté à celui d'un fondateur, et 
qui a appartenu notamment aux Bovet et aux de Rostaing, 
voyez le Bull, arch., 1870, p. 423. 

Brette, près de la Hotte, castrum de Breta en 1332, appar- 
tenait déjà, dans le XV« s., à une branche des d'Urre, à laquelle 
il avait donné son nom , et dont la dernière représentante , 
Marie d'Urre , épousa en 1675 H. de Vesc de Béconne, dont les 
descendants possédaient ce fief en 1789. Le nom de Brettes a la 
même racine que bret , qui , dans le dialecte du haut Dauphiné , 
veut dire gorge, défilé, passage entre des montagnes : on la 
retrouve dans l'anc. ail. : bretten, fendre , diviser, couper; d'où 
les mots brett, planche, brettmayer , maître charpentier (qui 
est aussi un nom d'homme), etc. Brette est dans une gorge 
dominée par de hautes montagnes. 

Le Buis, castrum de Buxo en 1293, 1317, 1378, fut donné 
en 1293 par R. de Mévouillon au Dauphin , qui le lui laissa sous 
certaines conditions; ce bourg a appartenu aux Dauphins et au 
Domaine; le roi en gratifia en 1575 François de la Baume- 
Suze; en 1642, il fut compris dans le duché-pairie de Valenti- 
nois, donné au prince de Monaco. Le Buis, comme la Suisse , 
près Blacons; la Buisse (Isère) , Buria dans le XI e s.; la Buisse- 
rate, buis arrachés (rath, reuth, défrichement, en t.); la 
Buissière, etc., doit son nom à buorus, buis, en L; twÇoç, en 
gr.; buœus, buxa , buxeria, en b. 1., voulaient dire aussi brous- 
sailles, buissons : on appelait autrefois buissons les bois qui 
avaient moins de 30 ou 40 arpents. 



2t> SOCIÉTÉ D'A&CHÉOLOGIE ET DK STATISTIQUE. 

La Calmbtte, sur la commune de Réauville , était un fief qui 
appartenait» dans le XIII e s., aux Adhémar de Grignan; dans 
le XVII» s., il passa aux de Ferre, gentilshommes verriers; à 
l'époque de la révocation de l'Édit de Nantes , l'un d'eux se ré- 
fugia en Angleterre, où ses descendants existent encore. Une 
autre branche, restée au château de la Calmette, est éteinte, 
je crois, depuis une trentaine d'années. Cet ancien manoir ap- 
partient aujourd'hui à M. Adrien de la Bruyère : voir la Lan. 
Le nom de la Calmette, Calma dans les anciens actes, veut 
dire chaume, terre inculte, broussailles. V. Charmes, La- 
champ et Lâchait. Pour Cerzon , v. la Chcvrce. 

Chabrillan, près de Crest, est appelé Chabrillanum en 1283 ; 
Chabreillamm en 1292; Caprillarwm en 1332 et en 1348; Cha- 
breillom en 1421. Cet ancien fief des Poitiers, après avoir fait 
partie du domaine du roi, fut cédé, en 1450, à la famille de 
Moreton par le dauphin Louis, en échange de la coseigneurie 
de Pierrelatte, et érigé en marquisat, en 1679, en faveur de 
Joseph de Moreton. Chabrillan a donné son nom à une ancienne 
famille représentée en 1283 par Aynard, en 1338 par Rebutel 
et Artaud, et à laquelle parait avoir appartenu Mathieu de 
Chabreillan , qui habitait Die en 1230; elle avait dans ses armes 
une tète de chèvre, et s'est éteinte dans le XVI e s. Les Moreton 
de Chabrillan ont depuis longtemps une haute position de for- 
tune et des alliances magnifiques. 

Le nom de Chabrillan est analogue à ceux de Chabrignac 
(Corrèze), Cabrianecum sur une monnaie mérovingienne, 
Chabrinhacum en 1333, ancien fief des de Geoffre ou de 
Geouffre; Chevrières ( Isère ) , de Capriliis; Chevreuse, près de 
Paris, Caprosa, ainsi appelé à cause des chevreuils ou chè- 
vres sauvages qui peuplaient son territoire; Saint-Michel-de- 
Chabrillanoux (Ardèche) ; Chabrières, qui paraît avoir été un 
nom de quartier et a été porté par Chatbertus délia Chabraria , 
qui habitait Die en 1168 [Cart., p. 29); Humbertus de Cha- 
brieyras, qui vivait en 1303 (Cart. de Léoncel, p. 320), et la fa- 
mille de Chabrières, qui habitait Valence dans le XVfc s.; ano- 
blie en 1648, elle s'est éteinte, vers 1840, dans les Sallmard; 
v. g I«-, v.o Peyrins. Elle avait, dans le chef de son écu, une 
chèvre issante d'or. 



ÉTIMOLOGIES DES «OMS DE LIEU DE LA DRÔME. 27 

Ces noms rappellent d'anciennes chèvreries (cabiieras, en 
prov.) ou des quartiers spécialement destinés à l'éducation des 
chèvres. Le latin capra, chèvre (cabra et chabra, en prov.; 
gavr, en br.), qui a beaucoup de dérivés dans notre langue, se 
rattache au s. c. t. kampra, agile (Pictet, t. !«-, p. 368). La 
finale illan de Chabrillan représente le suffixe latin ilis , qui 
donne au radical un sens adjectif (Chevallet, t. II, p. 361), et 
la terminaison ignac de Chabrignac représente Yignie du Hai- 
naut, qui indique la collectivité, comme dans Vergnie, la Ver- 
naie 1 . 

Chalançon, près delà Hotte, est appelé ecclesia de Calancom 
en 1127, de Chalcmcone en 1200, 1232, 1268 et 1479. C'est le 
même nom que celui de Chalamon (Ardèche) , ecclesia Calan- 
conis en 1179; de Chalançon (Haute-Loire); de Clialancon , 
près du Bourg-Saint -Andéol; il a la même racine que ceux de 
Chalamont, près de Lyon, Calamons et Cal ornons (montagne 
du bois); la Chartreuse-de-CAa/ais (Isère), Calesium, qui est 
entourée de belles forêts ; Chaillol, près de Chalançon, Chai- 
liol, montagne et forêt des Hautes-Alpes; Chaillot, Chalon 
(Isère), Calonum en 1022; Chaillac, Chaillans , Chailly, etc. 
Us dérivent tous d'un radical celtique, qu'on retrouve dans 
caill et koill, bois, forêt, en irl., et dans chalaye, bois, brous- 
sailles, en dialecte d'Auvergne; peut-être ont-ils une origine 
commune avec cala , pique , tige , branche , en sanscrit 2 ? Voir 
Jaillans. La finale ancon de Chalançon peut être traduite par 
le k. cmg ou eng , grand (v. le g IV, v.° Aulan) ou être l'équi- 
valent de Yingen ou angen (champ, domaine) germanique; ce 
qui donnerait au nom le sens de grand bois ou de domaine du 
bois. 

Isoard était seigneur de Chalançon en 1268 [Inventaire de 
1346, p. 237) ; ce fief appartenait, dans le XVII* s., aux Simiane 
deTruchenu, et, dans le XVIII* s., aux Villeneuve- Vence. 



(1) Chotin, Études sur le Hainaut , p. 29. 

(2) Pictet, Origines, t. II, p. 206; — Burnouf, p. 640; — Zeuss, p. 
630, 636,783. 



28 société d'archéologie et de statistique. 

Chamaloc , près de Die , est appelé bastia de Chamalosco en 
1203 et 1293 , et castrum de Camalosco en 1299 {Ccvrt. de Die ; 
— Valbonnays, t. II, p. 90). Ce fief appartenait déjà, dans le 
XIII e s., aux évoques de Die; il fut ensuite possédé par Aymar 
du Périer (XVI* s.) et par les d'Armand (XVIIe et XVIII* s.) , 
mais sans doule à titre de coseigneurie , puisque, d'après Guy 
Allard , les évêques en étaient seigneurs dans le XVIfc s. 

Ce nom est unique en France , et je ne puis le traduire d'une 
manière positive; on trouve carna, lit, dans Isidore, d'où 
cama, gîte des animaux , en esp. et en port., et kamm, hau- 
teur, flanc de montagne, en tud. (Morris, p. 49); mais com- 
ment y souder la finale loscus , et quel sens lui donner ? Je 
laisse cette énigme , sans pouvoir la deviner. 

Chanos, prè3 de Tain, est appelé villa Canoscus, Cannos- 
chus, Chanoscus et Chawnoscus dans les actes des X« et XI« s. *. 
Ce fief a appartenu aux seigneurs de Clérieu, aux Poitiers 
(XV» et XVI« s.) et aux Lacroix de Saint-Vallier, qui le possé- 
daient encore en 1789. Le nom de Chanos a la même racine 
que ceux de Chanoz (Ain), ager Casnensis dans le X« s.; le 
Chaney, Channay, le Chanois, le Chanoy, Chanousse (toutes 
ces finales, dit Houzé (p. 11 et 62), indiquent la pluralité, la 
collectivité; ce qui donne à cçs mots le sens de bois de chênes ; 
Chanas, Chômât, Chartes, le Chénois , ChénaÂs; peut-être 
Chenavéras , près de Saint-Montant (Ardèche) , et Chenavari , 
qui domine Rochemaure [Canavarruni dans les anciens actes , 
maison ou domaine des chênes; v. g IV, v.° Véronne); le Ches- 
noy, le Quesnoy, Sannois, etc. 

Ces noms proviennent d'un double courant résultant de deux 
formes primitives servant à nommer le chêne; ce substantif, 
qu'on écrivait caisne et chaisne dans les XII e et XHI* s. (Che- 
vallet, t. II, p. 101) , vient du b. 1. c'asnus, qu'on trouve dans 
un texte de 867 et que M. de Belloguet (t. I er , p. 218) considère 
comme celtique et compare avec kasnaidh, bois fendu, en éc. 



(1) Giraud, Preuves, t. I", p. 61. 98, 141, 193, 205; — t. II, p. 8; — 
t. III, p. 81 et 83. 



ÉTYMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DBÔME. 29 

et en irl. Il paraît provenir d'un thème plus ancien , cassan ou 
cAissin, dont il sera question au mot Châssis (bois de chênes). 
La Chesnaye, Chesnoy, Casseneuil, Quesnay, le Quesne, Ques- 
noy viennent de Casnus; il en est de même du nom primitif 
de Chanoz (Ain) , Casnensis ager dans le X e siècle. 

Mais l'ancienne forme du Chanos qui nous occupe ( Chanoscus 
ou Canoscus du X e au XV e s.) ne permet pas de la rattacher à 
Casnus. Il faut voir dans ce nom le résultat d'une modification 
de tann, chêne, en breton (d'où dérivent tan, tanner, tan- 
neur, etc.), qu'on prononçait tchann, comme dans le nord de 
la France et dans la Belgique on prononce, suivant les diverses 
aptitudes des habitants, chien, tchien, tien, quien (M. Houzé, 
p. 4, 12). De même que Chanos, la Chanaye (Cassania, en 1., 
v. Châssis) et Chanes (de quercu, en 1.) , villages voisins de 
Mâcon , doivent leur nom à des chênes. La terminaison oscus 
était commune dans les noms de lieu gaulois et surtout en Dau- 
phiné et en Provence. Elle équivalait aux autres finales celti- 
ques asc, esc, isc, use (Zeuss, p. 775), ainsi qu'à ac ou acum, 
et servait à adjectiver les substantifs. Osca voulait dire aussi 
clos , domaine , terre cultivée , en b. 1. 

Le chêne, si célèbre dans la Gaule par le culte que lui ren- 
daient les Druides, dit Sauvages , étant un de nos aïbres indi- 
gènes les plus répandus , a dû recevoir différents noms , selon 
les divers dialectes, et ces noms, autrefois communs et appel- 
latifs, sont devenus noms propres de lieu , à mesure que leur 
signification a été perdue et oubliée. Outre le nom de Chcmos , 
on trouve dans la Drome ceux de Blacons, Échanos, Der bières, 
les Garrigues , le Roure et Treschenu , empruntés au chêne. 

Chantenerle, castrum de Cantamerulis , Cantamerulum , est 
un nom commun à deux villages ; l'un est situé près de Tain , 
et M. de Gallier (Bulletin, 1870, p. 323 et 331) vient de nous 
faire connaître les noms des nombreux seigneurs à qui il a ap- 
partenu à partir de 1164; l'autre, qui est près deGrignan, a 
été possédé par les Adhémar de Grignan (XII e et XIII e s.) , les 
des Armands (XIV e s), les Adhémar, Madame de Romieu 
(d'Arles), née de Fréteau (1743), et enfin par le comte duMuy. 

Ce nom est analogue à ceux de Chanteperdriœ , Chcmt- 



30 société d'akcbéologie et de statistique. 

alouette, Chanteraine (Chantegrenouille , rana, en 1.), etc. 
M. Houzé (p. 17) leur a consacré plusieurs pages. 

La Charce, près de Remuzat, est appelé locus Carceris en 
1269 (Inventaire de 1346 , p. 918) et dans d'autres actes locus 
de Carcere, de Car ce, parce que, dit M. l'abbé Isnard 1 , ce 
pays est comme emprisonné dans une couronne de montagnes. 
Je crois que la traduction de Charce en Carcer (prison) est le 
résultat d'une erreur faite par un clerc peu lettré , et qui s'est 
perpétuée d'âge en âge. La Charce est un nom semblable ou 
analogue à ceux de la Charce , prés de Saint-Geoires (Isère) , 
Charce (Maine-et-Loire) , Sarceium; Charcey; Sarcey (Rhône) , 
Sarçaïcus; Sarcé; Sarcy (Marne), Sarceium; Sercy (Saône-et- 
Loire), Sarciacum et Serciacum; Serche; Sercey ; Cercey; 
Cerçay (Indre-et-Loire), Sarçayum; Cercy ; Cersay. Saint- 
Victor (Ardèche) est appelé, dans les actes du Xl« s., Sanctus 
Victor de Chaarceio et de Jaharceu\; cette dernière forme per- 
met de rattacher à cette série de noms ceux de Jarcieux (Isère) 
et de Jarcy. Sarçon , Sarzon ou Serçon , près de Réauville (dimi- 
nutif du radical), domaine qui appartient aujourd'hui aux 
Trappistes, était, dans le XVI e s., un fief des Bologne ou Bo- 
lonhe. 

Tous ces noms ont la même racine que sarçal , broussailles , 
bois taillis, en v. fr.; sarça et sarceda, en port.; zarza, en 
esp.; elle paraît empruntée au basque zartzia et sargoya, qui 
ont le même sens 3 . En Espagne , la zarzuela est une pièce na- 
tionale, analogue aux opéras-comiques; elle doit son nom au 
château royal de Zarzuela, dans lequel on inaugura, sous Phi- 
lippe IV, les représentations de ce genre. Les finales ey, eium 
rappellent une idée de bois (Houzé, p. H, 62). Cerca veut dire 
clos, parc, domaine, en b. 1. La famille de Rivière , du Comtat, 
à laquelle cherchent à se rattacher les Rivière de la Mure 4 , 



(1) Bulletin archéologique, 1866, p. 271. 

(2) Giraud, Preuves, t. III, p. 23, 49, 51. 

(3) Diez , Étymologisches Worterbuch , p. 548 ; — Pott , p. 438. 

(4) Pitho.n-Curt , t. III, p. 63, 78; — Borel d'Hauterive , Annuaire de 
la noblesse, 1861, p. 206. 



ÉTYMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 34 

reçut en 1166 du comte de Provence le fief de la Charce, 
qu'elle posséda jusqu'au XVI« s.; dans le XVII* s., il passa à 
une branche des la Tour, celle des Gouvernet , qui le fit ériger 
en marquisat en 1619 ; César, fils de René, forma alors le ra- 
meau de la Charce auquel appartenait Philis de la Tour-la- 
Charce , la Jeanne Darc du Dauphiné * . 

Charmes , près de Saint-Donat , est appelé Calmen en 995 ; 
Chalmum vers 1100; Chalme en 1174; Chalmen en 1283 et 
dans les XIV« et XV* s. 2 . Ce fief a appartenu aux d'Hauterive 
(XH« s.), aux Baternay (XV* s.); en 1602, Antoine d'Hostun 
l'acheta de Françoise de Baternay; en 1652, cette ancienne 
baronnie fut érigée en comté en faveur de Jacques Coste , pré- 
sident au Parlement, et passa, par succession, aux Bérenger 
du Gua, qui le vendirent aux Chabrières de Peyrins peu de 
temps avant 1789. 

Ce nom et ceux de la Calmette, la Chalmette, la Chcmme, la 
Chaumette, la Chomette, etc., ont la même racine que calmus, 
calma, chalm, chalma, chawma, enb. 1. (calrneilh, en prov.), 
chaumes, terre inculte, hermes, broussailles, et quelquefois 
chaumière, du 1. calamus, chaume, roseau (xaXotjjLoç, en gr., 
kalama et kala/mba, en s. c. t.; Burnouf, p. 148). Calamitas , 
calamité, en L, désignait dans le principe un orage qui détrui- 
sait les blés. Dans Chalmen, l est devenu r, comme dans orme, 
pour ulmus , titre, pour titulus, etc. 

De calma vient aussi le nom de Chomérac (Ardèche), Cal- 
meracum dans les anciens actes (la finale eracum, d'origine 
celtique, équivaut à Yière français, comme dans chaumière, 
Chevrières , Âsnière , ColomUère) ; ainsi que celui de Chauméane, 
Chaumiane ou Chomiane , près de Crest , traduit mal à propos , 
je crois, par Calma Media dans un acte de 1486. Iane ou éane 



(1) Le 8 juin 1866, M. Auzias a donné communication à l'Académie del- 
phinale d'anciens actes établissant que l'héroïne de sa province et son père 
ne portaient pas le nom de du Pin. 

(2) Giraud, Preuves, t. I", p. 32; t. III, p. 149; — Cari, de Saint- 
Hugues, p. 127, 135, 146; — Inventaire de 1346, p. 45; — Guy àllaud , 
v.° Chalmen. 



32 société d'archéologie et de statistique. 

me parait être une simple terminaison adjective , équivalente à 
Yiac ou ac d'origine celtique, à l'anus latin, à Yignan ou ignies 
français, etc.; v. Taulignan, g IV (Houzé, p. 67; Quicherat, 
p. 35). Chaumiane serait une variante de chaumine, chaumière, 
en v. fr. V. Lachamp. 

En i486, François de Viennois vendit à Jordanon d'Urre le 
château de Divajeu et le fief de Chaumiane; en 1600, il appar- 
tenait à Daniel de Glanne d'Urre, qui le vendit en 1613 à An- 
toine de Moreton de Ghabrillan , dont la famille le possédait en 
1789. 

Le village de Charols, canton de Harsanne, repose sur un 
massif de rochers dont le pied est baigné par le Roubion; il 
domine une vallée encadrée par un demi-cercle de montagnes l . 
Il est appelé Carrovolis en 956 et en 957 2 ; Carrovolum dans le 
XI e s.; Caravolsium et Chara/ools en 1332 3 ; locus de Charolis 
en 1378 4 ; Chairovals dans le XIV e ^s. 5 , et Charroux en 1556. 
Ce flef , après avoir appartenu aux Poitiers et aux chevaliers de 
Sain t-Jean-de- Jérusalem, faisait partie de la commanderie du 
Poët-Laval. 

En présence des diverses formes du nom de Charols, on 
comprend l'embarras et l'incertitude du traducteur. La pre- 
mière partie paraît avoir le sens de rocher ou de maison, cair 
ayant cette double signification en celtique (v. le g IV, v.° Cha- 
rens); car et caër (où kaër) , pierre et maison, en br., entrent 
dans la composition de beaucoup de noms, tels que Cargoët , 
maison ou rocher du bois; Carhaix, maison ou colonie d'Aé- 
tius; Carentoir (pour car en touer) , maison du couvreur ou de 
l'ardoisier; Caragoude, roche aiguë (agoude pour acuta), etc. 
Le nom entier actuel rentre dans la même catégorie que ceux 
de Charolks (Cadrella dans le XI e s.); Corolles (Manche); 



(1) Lacroix, L'arrondissement de Alonlélimar, t. II. 

(2) L'abbé Chevalier , Chart . S. Theofredi , p. 6 et 8. 

(3) Gallia christiana, t. XVI; Preuves, p. 130. 

(4) Cari, de Montélimar, p. 185. 

(5) Lacroix, L'arrondissement de Montélimar, t. II. 



ETTM0L0G1ES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME 33 

Corroie (Gers) ; Cayrol ( Aveyron) ; dans lesquels la finale parait 
être un diminutif ou un simple suffixe , comme dans Peyrol 
(Gers), Peyrole (Tarn), etc.; mais je ne puis expliquer par 
aucun mot connu le Volum ou Volsiwn des formes anciennes 1 . 

Charpey, dans le canton du Bourg-du-Péage , est appelé Car- 
piacum dans le XI e s.; Carpei en 4097 et en 1262; Charpei en 
«94; Charpeium ou Charpeyum en 1242, 1277, 1284 et 1332; 
Charpey en 1240 2 . Cet ancien fief des Poitiers, acquis par 
Guillaume de Roussillon, seigneur du Bouchage 3 , entra plus 
tard dans le domaine du roi ; Jean de Lattier l'acheta en 1494 
(Archives départementales) ; en 1533 , il appartenait , momen- 
tanément sans doute , à André de Thcys (idem) , puisqu'en 1546 
les Lattier le possédaient; vers le milieu du XVII e s. la branche 
des seigneurs de Charpey tomba en quenouille dans les Cler- 
mont-Chaste , et , dans le siècle suivant , le fief de Charpey passa 
aux Caillebot de la Salle, de Normandie (aujourd'hui repré- 
sentés par les comtes du Parc ) , par suite du mariage de Marie- 
Charlotte de Clermont-Chaste- Roussillon , qui épousa en 1750 
le marquis de la Salle, lieutenant général. 

Les noms de Charpey ; les Charpeyses dans la Valloire ; Char- 
peney (Isère), Charpenetum dans le XI« s.; Charpenay, près 
de Chabeuil, dont il est question dans un acte de 1282; la 
Charpène de Murz (Isère) , mentionnée dans un acte de 1276 ; 
Char pieux; Cha/rpy; les Char pênes; Charpenède; Charpeise; 
Carpineto (Corse) ; le Charmeil; le Charmoy, Charmeium et 
Carmeium dans les XII e et XIII e s.; Charmes (Ardèche), appelé 
le Charme en 1395, annoncent des bois de charmes ou dans les- 
quels le charme dominait. Les finales ey, ay, oy, ède rappellent 
presque toujours des bois (Houzé, p. 12). 



(1) M. Houzé (page 33) publie une savante étude sur les noms dans les- 
quels entre la racine car ou cair (maison ou rocher). — WoIq était un 
nom d'h. tud., qu'on retrouve dans WoUmar, et Volcius, un nom d'h. latin. 

(2) Giraud, Preuves, passim; — Car t. de Léoncel, p. 61 et 120; — 
Gallia, p. 129; - Valbonnays, t. H, p. 162. 

(3) André du Chesne , p. 65. 

Tome VI.— 1871. 3 



3<i SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Ces noms sont empruntés à celui du charme , carpinus , en 
L; charpe, en v. fr.; carpe, en esp.; carpino , en it.; carmus et 
cha/rmus, en b. 1.; charpe, dans le dialecte du Berry ; charme a 
formé le substantif charmille. Comme cet arbre était spéciale- 
ment employé au cbarronnage, il paraît avoir donné son nom à 
carbat et carbad, char, en gall.; caArb, en irl.; à carpentum, 
en L, d'où s'est formé charpentier, etc. Voir Zeuss, p. 81 et 87. 

Le vaste pré de Cinq -Sols, sur la montagne qui domine 
Hostun, était imposé autrefois pour une redevance de cinq sols 
au profit du seigneur. 

Une partie du terrain qui s'étend de Tain à l'Isère s'appelle la 
plaine des Châssis ; il y a un demi-siècle , elle était presqu'eu- 
tièrement couverte de bois taillis essence cbêne ; des vignes les 
ont aujourd'hui remplacés en partie. Ce nom , commun à divers 
quartiers du Dauphiné , a beaucoup de similaires empruntés à 
la même racine, notamment Cassagnc, Cassaigne, Chassagne, 
Cassagnac, Chassagnac , le Casse, Citasse, Casseml, Chasse- 
neuil, Chasselay (lay, laye, bois), Chaœsey, Chassieux, Vau- 
chassis (vallée des chênes), etc. 

Il a la même origine que casse et chasse , chêne , en roman et 
en prov.; cassou, en béarnais. Ces mots, ainsi que le b. 1. cas- 
nus, chêne, paraissent être le résidu d'un primitif celtique, 
cassan ou cassin (voir Chanos). On le retrouve dans les anciens 
noms qui ont conservé leur forme primordiale , tels que Cas- 
sinogilum (X e s.), Casseuil, près de la Réole 1 ; Cassmiacus 
(VII« s.) , Chasnay (Nièvre) ; Cassinomagus , cité dans la table 
Théodosienne , aujourd'hui Chassenon; Cassinus Mons (Italie) , 
sur lequel était un bois de chênes consacré à Apollon , lorsque 
saint Benoit s'y retira dans le VI« siècle et y fonda le monastère 
du Mont'Cassin ; Cassanaticum et Chassanalicum en 1108, 
Chassenaticum en 12502, aujourd'hui Sassenage (Isère); Chas- 
sagniaoam (980), aujourd'hui Chassagny (Rhône), etc. Le 



(1) De Saint-Amans, Mémoires des antiquaires, t. TU, p. 149; — Bladê, 
Pierre de Lobanner, etc., p. 62. 

(2) Cariulaire de Saint-Hugues , p. 150. 



ÉTÏMOLOGIES DES NOMS DE LltV DE LA DRÔME. 35 

radical primitif de tous ces noms (et du substantif châssis) 
pourrait bien être le sanscrit kaœa, bois, forêt (le cbêne étant 
considéré comme l'arbre par excellence), suivi de la termi- 
naison latine anus, si commune dans l'onomatologie de la 
France (v. Houzé, p. 67). La villa Cassedono, qui touchait au 
quartier des Châssis, est mentionnée dans deux actes du X« s. 
(Giraud, Preuves, t. I er , p. 310). 

Chaudebonne , près de la Motte , appartenait , dans les XVI e et 
XVII« s., aux du Pilhon, ensuite aux d'Urre; dans le XVIII* s., 
auxÉmé de Marcieu, et, en 1789, à M. de Fourville, ainsi que 
Bouvières et Les te lion. Ce nom est traduit par Casabone dans 
une bulle de Lucius III du 11 mai 1183 , mais je crois que c'est 
par suite d'une de ces erreurs si communes dans les actes 
émanant de la cour de Rome. Il est difficile d'admettre que casa 
(maison) se soit changé en chaude; il parait plus naturel de 
traduire Chaudebonne par calida bona , chaude maison , chaud 
domaine; ce village est abrité et adossé à une colline. Bona ou 
bonna, construction, bourgade, domaine, entre dans la for- 
mation de plusieurs noms de lieu gallo-romains, tels que Julio- 
bona, Âugustobona, Bonna, aujourd'hui Bonn, etc. *. Chaude- 
bonne est analogue à Caudecoste, Caudeval, etc. 

Le nom de la Chaudière , près de Saillans , Caldaria en 1308 
et en 1401, est synonyme de Ghaufour; autrefois, dans le 
Lyonnais , on disait chaulctier et chaudier pour chaufournier ; 
ce fief appartenait aux Grammont. Pour Chaumixme, voir 
Charmes. 

Chauvac, près de Remuzat, Chauviacum en 1314, Chovacum 
en 1334, est synonyme de Chauviac (Corrèze), Calviacum; 
Calviac (Lot), Calviacum, c'est-à-dire domaine de Calvus , 
nom d'homme commun chez les Romains : du diminutif Cal- 
vinus dérivent Chauvigny (Calvmiacum) ; Calvignac , Cau- 
mgnaCj etc. Le 1. calvus se rattache au s. c. t. kalvâta, chauve. 
Chauvac a appartenu aux Montauban (XIII e s.) , aux Dauphins , 



(1) B.-DE Belloguet, t. I", p. 223; — Bial, p. 187; — Zeuss, p. 1123; 
- Houzé, Revue archéologique, septembre 1869, p. 219. 



36 SOCIÉTÉ D f ÂRGHÉOL06IE et de statistique. 

aux Montbrison (XIV« s.) et aux Achard de Ferrus (XVII* et 
XVIII* s.). 

Chevalette , Gort et Ubrieux , dans la commune du Buis , 
faisaient partie des nombreux fiefs composant le duché de Va- 
lentinois et qui appartenaient au prince de Monaco. Chevalette 
est le môme nom , sauf une légère variante , que celui de Che- 
vallet ou Chevallele , porté par un petit fief situé près de Sainte- 
Colombe, canton d'Orpierre (Hautes-Alpes), acheté en 1897 par 
Balthazar Abel ou Abeli, dont les ancêtres avaient habité l'Italie 
et plus anciennement l'Espagne 1 . De lui est issu H. d'Abel de 
Chevallet, né en 1812 , mort à Paris en 1858 , après avoir publié 
un ouvrage très-savamment écrit sur l'Origine et la formation 
de la langue française (3 vol. in-8°). 

Le grand-père de ce philologue éminenl a donné son adhé- 
sion à l'assemblée de Vizille sous les noms d'Abbel de Chevallete, 
qu'on traduisait par cava valleta, vallée encaissée, profonde. 
Dans certains dialectes italiens ca est une contraction de casa ; 
ce qui donnerait à ces deux fiefs le sens de domaine de la 
vallée. 

Clérieu ou Clérieux , près de Romans , est appelé Clariacum 
en 1052, 1091, 1101 et 1124 (Giraud, passim; Cart. de Saint- 
Hugues) ; Clairiacum en 1095 et en 1355; Clcvreyurn en 1312; 
Cleriaoum en 1416. Ce fief, important à cause de ses dépen- 
dances , appartenait déjà , dans le X* s., à la famille de Clérieu ; 
dans le XI V* s., il passa aux Poitiers-Saint-Vallier, et en 1594 
aux Lacroix de Chevrières, plus tard marquis de Saint- Val lier 2 . 

Chorier 3 pense que Clérieu doit son nom à un fondateur ou 
possesseur romain appelé Clcurus ou Clarius ; ce mot , adjectivé 
avec la finale celtique ac ( pour ek) , a donné la forme Cla- 
riacum , qui veut dire domaine de Clarus ou Clarius. Clérieu 
était déjà un centre d'agglomération à l'époque gallo-romaine. 



(t) A. Rochas, Biographie, t. I", p. 235. 

(2) M. de Gallier vient de publier une histoire, aussi complète qu'inté- 
ressante , de la baronnie de Clérieu et des fiefs qui en ont dépendu. 

(3) Hùtoire du Dauphiné, t. I er , p. 203. 



ÉTYMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 37 

En 1870, des travaux nécessités par la plantation d'une vigne 
ont mis à découvert , près du cimetière dit de Saint-Michel , 
des vases funéraires et d'autres objets gallo-romains. Le nom 
de Claria figure sur une inscription déposée au musée de Lyon , 
et celui de Clarimus sur des briques trouvées à Lyon , à Vienne, 
à Uriage et à Aix. 

Les noms analogues sont Cléry (Loiret) , Clariacum dans les 
anciens actes, peut-être le Clarucco des monnaies mérovin- 
giennes; Cleri (Eure), Cleriacvm; Clair ac (Hérault), Clairia- 
cu/rn; Clérey (Aube), Clartacum et Clareium; Claracq (Basses- 
Pyrénées) , Claracum , etc. L'a de Clarus a été changé en é 
dans Clérieu, comme dans Clermont, Clerval, etc. Beaucoup 
de villages de la Drome doivent, comme Clérieu , leur nom à 
d'anciens possesseurs , notamment Bésignan , Chauvac , Genis- 
sieu, Grignan, Marsanne , Mazenc, Percip, Propiac, ainsi que 
la ville de Romans. 

Le Cognier est le nom d'un quartier situé entre Valence et 
Alixan ; c'était autrefois un domaine très-important qui appar- 
tenait à l'abbaye de Léoncel. Il est appelé Cormer; grangia de 
Cognerio en 1165; le Couners, le Courier, le Coogner et le Coing 
dans le XIII* s. (Cwrt. de Léoncel); grangia del Coygne en 1306 
(Valbonnays, t. II, p. 128). De même que le hameau des Cog- 
nets, près de Condorcet (Drome) ; Cognières, Cotonariœ (Houzé , 
p. 78); Cogné (Eure-et-Loir), Coonicum en 1190, Coigneum en 
1234; Cogners, le Cognet, etc., ce domaine doit son nom à 
l'arbre appelé coigner dans le XVfc s. (d'après Littré) et aujour- 
d'hui cognassier, qui dérive du latip cotoneus malus. Plusieurs 
actes anciens mentionnent le bois du Coing, près du Cognier. 

La Condamine , la Condomine et la Contamine sont des noms 
communs à plusieurs quartiers du Dauphiné. Ils correspondent 
au b. 1. Condamina et Condomina, qui désignaient primitive- 
ment une terre seigneuriale ; ils sont formés de dominium , 
domaine, uni au préfixe con, pourewm, qui représente une 
idée d'amplification ou d'agrégation, comme dans condominus, 
co-seigneur. Les Condamines 1 , qui, dans le principe, étaient 



(t) Dominium a été changé en famine, comme domina en dame. 



38 société d'ahchéologie et de statistique. 

souvent indivises entre plusieurs seigneurs , ont été , plus tard , 
concédées à des vassaux pour être défrichées. 

Condillac , dans le canton de Marsanne , est appelé castrum 
CondUiaoi dans un acte suspect ou faux de 1099 (Ccurt. de Mon- 
télimar, p. 48); Condiliacum en 1237; Condilacum et Condil- 
hacwm en 1360 [idem, p. 157 et 159). Ce fief , d'après la pré- 
tendue charte de 1099 , aurait été inféodé par les Adhémar à 
Pierre d'Espenel; en 1277, il appartenait à Guillaume Adhémar 
et plus tard à l'abbaye de Gruas ; en 1360 ,»il passa aux évêques 
de Valence (Ccurt. de Montélimar, p. 159) , qui le cédèrent , en 
1453 , à la famille de Priam. Vers 1600 , une Priam l'apporta , 
par mariage , aux de Forest de Blacons , qui l'ont possédé jus- 
qu'en 1789. 

J'ai déjà donné l sur Condillac et les Priam des détails trop 
longs pour les reproduire ici. Quant aux eaux gazeuses, voici 
comment elles ont été découvertes. Le 16 juin 1845, des groupes 
de iidèles se rendaient de tous les lieux voisins à l'église de La- 
champ , pour assister à la consécration d'une chapelle élevée 
en honneur de saint Régis. Quelques-unes de ces personnes 
firent halte au pied du mont Givode , et aperçurent un mince 
filet d'eau coulant sur le bord desséché du torrent. L'une d'elles 
en recueillit une gorgée dans le creux de sa main , la but et se 
récria sur sa saveur toute particulière. La nouvelle de cette dé- 
couverte se répandit de suite dans le village de Lachamp , et la 
plupart des pèlerins allèrent sur les bords de la Lène pour vé- 
rifier l'exactitude du récit qu'ils entendaient. Les eaux reçurent 
d'abord dans le pays le nom de Saint-Régis* auquel Mathieu 
(de la Drome), qui acheta la source, substitua quelques années 
après celui de Reine des eaux de table. 

Le nom de Condillac parait emprunté à un radical commun 
aux langues celtiques et germaniques ; on le retrouve , peut-êPre, 



(1) Origine des noms propres, p. 202 et 461. — M. de Gallier (Bulletin 
archéologique, 1870, p. 63) a fait connaître l'histoire de la maison forte 
de Condillac, près de Clérieu (Drome), qui appartenait aussi à la famille 
de Priam. 



ÉTTM0L0GIES DES NOMS DE LIEU DE LA MÔME. 39 

dans le mot condita, qui déjà, dans le VI« s., désignait une di- 
vision territoriale 1 ; dans les noms de Candé et de Condé, 
confluent , qu'on rencontre dans plusieurs provinces (Condate 
dans les anciens actes , de l'ancien breton kendatt , confluent) ; 
dans le mot canton , coin, angle , du XI1I« au XVI« s. (comme 
la rue des Quatorze-Cantons, à Valence), et quartier de ville 
ou de pays, dans le XVII e s.; kant, coin , angle , formé par des 
rivières ou des montagnes, limite, bord, en tud., en bol., en 
dan. et en suéd.; kante, en ail.; kent, en ang. sax., comme le 
comté de Kent , qui forme un coin ou angle opposé à celui de 
la Cornouaille; kant, en br.; cantus, contenus, coin, quartier, 
pays, territoire, en b. 1., qui a le même sens que khend, en 
hindoustani , et kund , en indo-anglais. 

La permutation des voyelles et des consonnes de la même 
série étant très-fréquente , on peut regarder les noms suivants 
comme rigoureusement équivalents : Candas , Condat , Candé, 
Condé ; — Candiac , Candeil , Candillac , Candilly, Cantillac , 
Ca/ntigny , Condillac , Contilly, Contigny; — CanUAn, Canton, 
Condon (Ain) ; Condeloc , Ccmdeluoc et Condeleu étaient , dans 
le IXe s., de petites paroisses de Bretagne. Mus et illa sont des 
diminutifs gaulois et latins assez communs dans les noms 
d'bomme et de femme, tels queToutillus,Tasgillus, Domitilla, 
Flaccilla, etc.; ce qui donnerait à Condillac la signification de 
petit coin , petit canton , petit territoire , soit à cause de la posi- 
tion de ce modeste village, caché dans des replis de montagnes, 
ou du peu d'étendue qu'avait primitivement ce fief , représenté 
aujourd'hui par une commune de deux cents âmes 2 . 

Condorcet, près de Nyons, appelé Condorcetium dans deux 
actes faux ou suspects de 980 et de 1141 (Pithon-Curt , t. I« , 



(1) Condita peut se rattacher aussi à conditum, magasin, entrepôt, venant 
de condere, fonder. 

(2) Cette traduction est due à MM. Mowat et Péan; elle est préférable à 
celle que je proposais, tout en la considérant comme très-hypothétique , 
et d'après laquelle la seconde partie du nom , au lieu de représenter un 
diminutif, aurait été le mot ibérien ou ligurien ili, village. 



40 société d'archéologie et de statistique. 

p. 280) , desquels il résulterait que les Caritat étaient comtes de 
Condorcet; Condorcesium en 1291 et 1309; Condorcessmm en 
1388, est formé de deux racines : la première est commune 
entre ce nom et celui de Condillac; on pourrait la traduire par 
confluent , Condorcet étant adossé à une colline au pied de la- 
quelle deux petits torrents réunissent leurs eaux. Quant à la 
seconde, on la retrouve dans une série de noms, tels qu' Or çay, 
Or cet, Orcemont, Orcevaux , Ors, Orsan, Orsay, Orsel, Urçay, 
Ursel , etc.; mais elle reste à l'état d'énigme. Peut-être quelques- 
uns de ces villages rappellent-ils le souvenir des ours? Condorcet 
n'a d'autre similaire que Condors (Aveyron) , dont il parait être 
le diminutif. 

Abstraction faite des deux actes de 980 et 1141 , Condorcet 
appartenait, dans les XIII e et XIV e s., aux princes de Baux 
(Pithon-Curt , t. I«\ p. 45; t. IV, p. 318 et 326) et, dans le XV e 
s., à Imbert de Baternay, favori de Louis XI, et aux Poitiers, 
seigneurs d'AUan (Lacroix, t. I« p , p. 100); en 1552, Sébas- 
tienne de Poitiers l'apporta à Henri de Caritat, son mari, dont 
les descendants le possédèrent jusqu'en 1789. 

Confoulent ou Coufoulent était un petit fief situé au confluent 
de l'Isère et du Rhône. Il appartenait, en 1586, à Pierre de 
Mottes , et dans le siècle dernier à une branche de la famille 
Bancel, venue, dit-on, d'Italie, anoblie en 1685 par une charge 
de conseiller au Parlement (Bulletin, 1870, p. 320) , et aujour- 
d'hui représentée par MM. de Gailhard. M. Désiré Bancel , député 
de Lyon, est issu d'une autre branche. Conflans, près de Tain, 
est une ancienne demeure seigneuriale qui doit son origine et 
son nom à Jean de Conflans , favori de Louis XI , originaire de 
Saintonge; cette terre appartient à M. le commandant Degros i. 
Le nom de Conflans rentre dans la classe de ceux dont l'étymo- 
logie paraît être en contradiction avec leur position topogra- 
phique. 

La Coucourde, dans le canton de Marsanue, date du règne de 



(I) Pour l'histoire des seigneurs de Confions, voyez l'article publié par 
M. de Gallier dans le Bulletin archéologique, 1870, p. 77. 



ÉTÏM0L0GIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 44 

Louis XIV, et a commencé, dit-on, par une auberge située sur 
la grande route et ayant pour enseigne : à la courge d'or, cou- 
cour de, en patois dauphinois, du latin cucurbita : Coucourdier , 
terrain planté de courges , est le nom d'une rue de Montélimar. 

Curnier , près de Nyons , se trouve dans l'angle formé par le 
confluent de l'Eygues et d'un autre cours d'eau : ce village est 
appelé castrum Curneerii et Cornerii en 1293 (Valbonnays, t. 
II, p. 166 et 169; — Inventaire de 1346, p. 421) ; Curneerium 
en 1317. Ce fief a appartenu aux Mévouillon (XIII e s.), aux 
Dauphins (XIV* s.) , aux de Baux, à Imbert de Baternay (1478), 
aux princes d'Orange; en 1789, c'était la propriété des Rai- 
mond de Mourmoiron , marquis de Hodène , qui habitaient le 
Comtat. 

Curnier est peut-être le Cornierium dont il est question dans 
le Cartulaire de Saint- Victor, à la date de 1035. Ce nom parait 
emprunté à un radical qui a le sens de coin , angle , confluent , 
quartier, pointe, cap, corne; on le retrouve dans presque 
toutes les langues de l'Europe; de l'autre côté du Rhin il est 
commun en composition sous la forme de horn , qui veut dire 
aussi rocher aigu, aiguille (Forstemann, p. 47, 71, 111). La 
Cornouaille (Cornwall , coin ou corne des Gaulois , des étran- 
gers) est ainsi appelée parce que les Anglo-Saxons considéraient 
comme des étrangers les indigènes qui s'y étaient réfugiés. 
Corneria et cornerium , en b. 1.; cornière, cornaut, en v. ft\; 
corner, en anc. ang., signifient coin, angle; telle est la signi- 
fication de la rue Cornerie à Valence; la rue Corneroche, à 
Montélimar, devait son nom à une roche ou pierre servant de 
chasseroue à un coin ou à un angle. 

Derrières, dans le canton de Marsanne , est un village dont 
la fondation ne paraît pas remonter à plus de trois siècles ; il a 
sans doute emprunté son nom au quartier sur lequel on l'a 
construit, et qui le devait lui-môme à des chênes. Il est formé 
du môme radical que derf ou derw , chône , en br. (derwek , 
denuenek, chênaie); derw, en gall.; dero et deru, en anc. 
corn.; dervum et dervus , en b. 1. (dervée , chênaie , en v. fr.) ; 
on le retrouve dans dAru, taru, bois, arbre, en s. c. t. (derevjo 



I 



42 société d'archéologie et de statistique. 

et dcvrwo, en russe et en illyrien l . Le chêne semble avoir été 
désigné ainsi comme l'arbre par excellence; les dervones ou 
dervonae fatae, qui devaient leur nom aux chênes, étaient les 
dryades gauloises. 

Le sanscrit dâru désignait quelquefois aussi le pin ou le sa- 
pin 2 , appelé derb ou darb, en dialecte suisse 3 , mot qui entre 
dans la formation de divers noms de lieu de ce pays, cités par 
M. Gatschet, et peut-être dans ceux de Derbon et de Derbous- 
sières , dans les hautes montagnes de Lus-la-Croix-Haute , et 
de la forêt de Durbon, qui en est peu éloignée : c'est au milieu 
de ces magnifiques sapins que fut fondée, dans le XII 6 s., la 
chartreuse de Durbon y domus Durboms, dont le nom repro- 
duit à peu près exactement ceux de Dorbons , Dorbeins et Dor- 
bein cités par Gatschet. 

On peut donner d'autres exemples de cette double significa- 
tion du même radical dans les langues indo-européennes , no- 
tamment tann , chêne , en breton , et tanne, sapin , en allemand ; 
elle est due sans doute à ce que les descendants des Aryas n'a- 
vaient pas conservé une idée bien précise de l'arbre que dési- 
gnait le mot racine dont ils se servaient , et qu'ils l'ont appliqué 
de préférence aux arbres ou à la forêt situés près de leurs 
maisons. 

Quant à l'étymologie de Derbières, elle ne peut pas être dou- 
teuse ; les chênes abondent encore sur son territoire ; la termi- 
naison ière indique un produit du sol, comme dans Rosières, 
Fromentière, Avenière. Les noms similaires sont : la forêt de 
Derf (Champagne), Dervensis saltus; Moûtier-en-Zter (Haute- 
Marne), Dervensis pagus; Darbières et le bois des Darboussières 
(Ardèche); le Serre-Ztarfam, près deCharpey; Derboux (Vau- 
cluse) , ancien fief des Mont dragon , appelé castrum de Darbusiis 
en 1236 ; Darbosum en 1284 : la finale de Derboux a le même 
sens que celle de Derbières, osus rappelant en latin une idée de 
pluralité , comme dans herbosus , spinosus , petrosus , etc. 



(î) et (2) Pictet, t. I €r , p. 214; — Zeuss, p. 8; — Diefenbach, p. 318; 
- Jal , Glossaire nautique. 
(3) Ortsetymologische Forchungen, p. 193. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIED DE LA DRÔHE. 43 

Le Devez, le Devois, la Devèze sont des noms communs à 
divers quartiers de la Drome ; ils ont la même racine que de- 
vesia, devesiwm, devesum, en b. L, lieu dans lequel il est dé- 
fendu de faire paître les troupeaux : on disait, dans le XII« s., 
choses devées, pour choses défendues. 

Die , Dea Vocontiorum , Augusta Dea : Dia et Diia dans les 
Xlfc et XIII" s., devint , sous Auguste , une colonie romaine, et 
plus tard un fief appartenant aux évéques ; on y a trouvé beau- 
coup d'antiquités. MM. Long i et Greppo 2 pensent que Die a pu 
exister avant la conquête sous le nom de Dea Andarta , déesse 
Andarta, divinité protectrice des Voconces, connue par plu- 
sieurs inscriptions toutes trouvées à Die. Les Romains, suivant 
leur habitude , ont ou substitué peu à peu au culte d' Andarta 
celui de Cybèle, la grande déesse, qui devint à Die, comme à 
Lyon , l'objet d'une vénération toute particulière , ou toléré , en 
y ajoutant le nom de l'empereur Auguste , le culte de la déesse 
Andarta Augusta considérée comme inoffensive 3. 

Cette divinité paraît être d'origine orientale , si l'on en juge 
d'après son nom, identique avec celui de YAntarta du pays de 
Chet, déesse syrienne, récemment découverte sur les monu- 
ments de l'Egypte 4 . Quelques auteurs l'assimilent cependant à 
l'Andrastê ou Andatê, déesse de la victoire chez les peuples de 
la Grande-Bretagne, dont il est question dans Dion Cassius 
(LXII,6et7). 

Dieulefit est appelé castrum de Dieu-le-fit en 1269 (Valbon- 
nays, t. II, p. 162); locus Deirfecit en 1329 et 1435; Dioulophés 
en 1332 (Gallia, t. XVI, Preuves, p. 130); castrum de Deofedt 
en 1360. Un acte faux de 833 (Court., p. 11) gratifie de ce fief 
un Adhémar et Pilhon-Curt (t. III , p. 436) en donne la co- 



(1) Recherches sur les antiquités romaines du pays des VocotUiens, p. 107. 

(2) Eaux thermales de la Gaule , p. 190. 

(3) Allmer , Bull, arch., 1867 , p. 455. 

(4) Rocet de Belloguet, t. 111, p. 262; — de Rougé, Revue archéolo- 
gique, avril 1866, p. 273. - Voir encore : Belloguet , t. I", p. 119, 210; 
— Diefenbach, p. 230; — Zeuss, p. 78; — Taylor, p. 226; — Pictet» 
Revue archéologique, juillet 1868, p. 15. 



H société d'archéologie et de statistique. 

seigneurie à Guy de Vaesc (Vesc) , qui vivait dans la première 
moitié du XII e s.; ce qui paraît très-douteux. En 1369 et en 
1381, Dieulefit appartenait, pour partie au moins, aux che- 
valiers de Saint-Jean- de-Jérusalem et relevait des Poitiers; 
d'après l'acte de 1332, les Poitiers le possédaient à charge 
d'hommage en faveur de l'évoque de Valence; en 1438, Ray- 
mond de Vesc (de Vaesco) en était coseigneur (Cart. de D%c, p. 
158) , et la branche des Vesc , seigneurs de Comps , éteinte dans 
les Leriget de Lafaye , l'a possédé jusque dans le siècle dernier. 
Ce fief passa alors aux Chabrillan, qui, en 1760, plaidaient 
contre les consuls de Dieulefit en reconnaissance de leurs droits, 
qu'ils tenaient, disaient-ils, de tous les précédents seigneurs du 
lieu. 

M. Robin, curé de Dieulefit, mort en 1869, avait fait de lon- 
gues et patientes recherches sur l'histoire des communes du 
canton; mais il n'a jamais rien découvert relativement au nom 
et à l'origine de Dieulefit, où Ton a trouvé des antiquités ro- 
maines, et qui est construit presqu'au pied de la montagne de 
Dieu-grâce, autre nom mystique rappelant ceux de Dieudonné, 
Dieulivol, Dieulidon, Dieulouard (Meurthe) , dont les anciennes 
formes, Deulewart (1163), Dieulewart (1270), signifient : Dieu 
le garde , et enfin Yezd-Khâst (Perse) , qui veut dire : Dieu l'a 
voulu. Ce nom de Dieulefit pourrait avoir été donné par le 
prieur de la commanderie du Poët-Laval , lors des premières 
constructions élevées dans cette localité, dont il était déjà sei- 
gneur, du moins pour partie , en 1269. 

Notons en passant que dans presque toutes les langues indo- 
européennes le mot Dieu est emprunté au sanscrit daïvas , 
dont la racine est div, briller; ce qui prouve que la vue du 
soleil a fourni la première idée de la divinité * . 

Divajeu, sur un coteau, près de Crest, est appelé de Deo 
Adiuva dans le XI« s.; Dévalua en 1145, 1178, 1193, 1198, 
1214, 1219 et 1238; Devajuda et Divajuda en 1201 ; Dievajua 



(1) Muller, Nouvelles leçons , t. II, p. 162; - Pictet, t. II, p. 653; 

JRNOUF . D. 329. 



Burnouf , p. 329. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DBÔME. 45 

en 1245 ; DiefAdjua dans YInv. de 1277 , p. 10 ; de D&iadjutorio 
en 1274, 1334, 1378 ^ Quant à la forme Devavia d'un acte de 
1146, donnée dans le Gallia, Preuves, p. 186 , elle est le ré- 
sultat d'une erreur, et le même acte, imprimé dans le Car t. de 
Die, p. 34 , porte Devajua. Quelques-unes des Preuves du Gallia 
contiennent des noms altérés; ainsi, dans un acte de 1332 (p. 
129) on lit Vannavesium pour Vau/navesium ; Befaudunum 
pour Besaudunum ; Conils pour Tomls ; Rochani pour Rollani 
(la Bâtie-Rolland) ; Baudcmia pour Vaudania (la Vaudaine ou 
Valdaine). 

Divajed, de même que Dieulefit, parait être un nom mysti- 
que, synonyme de Diusajude, fief des Basses-Pyrénées, appelé 
Ostau de Dius-Ayde en 1385. On doit le traduire par diva ajuda, 
divine aide, divin secours; ajuda, aide, en prov. et en port.; 
ayuda, en esp.; ajuto, en it., du latin adjutare, aider: la 
forme Deiadjutorium est une modification latine du nom pri- 
mitif; il rappelle sans doute, m'écrit M. Chotin (de Tournai), à 
qui je dois cette explication , quelque chapelle consacrée à la 
Vierge , honorée dans certains endroits sous le nom de Notre- 
Dame de bon secours; la chapelle de Divajeu est cependant 
placée sous l'invocation de Saint-Biaise. 

Dans le XII« s., Divajeu appartenait partie à Arnaud , seigneur 
de Crest , et partie à l'évêque de Die ; il passa aux Poitiers et 
en 1277 aux Adhémar de Grignan ; en 1486 , François de Vien- 
nois vendit à Jourdain ou Jourdanon d'Urre , dont la branche 
tomba en quenouille dans les de Glanne et plus tard les Horier, 
le château de Divajeu et le fief de Chaumiane; dans le XVII« s., 
ce ch&teau appartenait aux Sibeud de Saint-Ferréol , issus d'un 
notaire de Sinard (1334) et établis plus tard à Die; enfin, dans 
le XVIII e s., Divajeu, Chaumiane et Lambres étaient la pro- 
priété des Latlier de Bayanne. 

Échanos ou Eschanos, Échenos sont des noms communs à 
plusieurs quartiers de la Drome ; ils veulent dire près des chênes 



(1) Oiraud, Preuves, t. ;III, p. 45; — Valbonnays, t. I", p. 121; — 
Cari, de Die, p. 4, 9, 24, 34; — Cart. de Léoncel, p. 52, 68; — Cart. de 
Montélimar, p. 183; — Inventaire de 1346, p. 219. 



46 SOCIÉTÉ D f ARCHÉOL06IE et de statistique. 

(y. Chanos); le radical est précédé du vieuxmot es, contraction 
de en les, dans les, près des, qu'on retrouve dans ès-science , 
ès-mains/étc, et dans les noms de lieu Échannay, Échenoz, 
Esquermoy, Estaneux (tan, chêne), etc. 

Je crois que le nom cTÉchevis , Eschavis dans le Pouillé de 
Die (XIV« s.), Eschavisium en 1496, peut être traduit d'une 
manière analogue et signifie : dans le creux , dans la vallée. Il 
s'est formé du latin cavus, comme cwam, cavi/n, chœue, cave, 
lieu creux, tranchée, en y. fr.; chavia, dans le dialecte de Na- 
mur ; dans le XIII* s., on disait chesne chevé, pour chêne creux ; 
Chevroche (Nièvre) est appelé cava roca et cava rupes dans les 
actes latins; quewette, petite vallée, dans le Hainaut (Chotin , 
p. 387). La vallée cTÉchevis, encaissée dans de hautes mon- 
tagnes, faisait partie du marquisat du Pont-en-Royans , qui 
appartenait aux Sassenage et en dernier lieu aux Bérenger, qui 
les représentent. La finale is désignait peut-être la Vernaison , 
qui coule au fond de la vallée ; Chcms devrait donc être traduit 
par rivière encaissée, cavus rivus : pour is, cours d'eau, v. 
Isère, g III. Je propose l'étymologie à'Échevis comme une hypo- 
thèse. 

M. Houzé a bien voulu appeler mon attention sur Épaone, qui , 
d'après lui, doit être placé à Albon. Examen fait de la question, 
je suis de son avis , et je crois que M. Delacroix (p. 65) est dans 
l'erreur, lorsqu'il place Épaone à Épinouse. Charvet * , Chorier, 
Hacé 2 , Lacroix, Berthin, Dessaix ont soutenu avec raison 
qu'Alton (v. le § 1er) représente l'antique Épaone. Je me bor- 
nerai donc à résumer les motifs donnés par ces auteurs. 

Épaone, dit saint Avit, était un point central pour les vingt- 
cinq prélats du royaume de Bourgogne , lorsqu'il les engagea , 
en 517, à se rendre in parochiâ Epaonensi, qui appartenait alors 
à l'église de Vienne ; les empereurs en gratifièrent plus tard le 
comte Abbon {Abbo cornes) ; en 831, sur la demande d'Abbon , 
le vicus Épaonis fut restitué à l'église de Vienne par Louis-le- 



(1) Histoire de F Église de Vienne, p. 118 et 643. 

(2) Guide de Saint- Rambert à Voiron, p. 34. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 47 

Débonnaire. Cet acte mentionne deux églises ruinées sous le 
vocable de Saint-André et de Saint-Romain ; or, l'église d'Albon 
est consacrée à saint Romain, et l'on voit dans cette paroisse 
les ruines de l'ancienne église de Saint- André. 

Un acte , fait vers 860 , caractérise mieux encore la position 
d'ÉPAONE. Arlulfus donne à l'église de Vienne des biens qu'il 
possède dans le Viennois, in agro Ebbaonensi, in villa et loco 
ubi àicitur Anarioni (Armairon, à 3 kil. d'Albon). Enfin, d'après 
un acte passé vers 887 *, Barnoin cède villam Mentulam et 
aliam villam nomine Ebbaonem ; or, Hentula est Hantaille , à 3 
kil. d'Albon. 

On s'explique facilement comment I'Épaone du VI e s. est de- 
venu YEbbaone du IX e s.; mais le changement ÏÏEbbaone en 
Albon est plus difficile à comprendre. Est-il dû au souvenir du 
comte Abbon qui avait possédé ce fief ? A-t-on substitué à un 
ancien nom qui n'offrait peut-être plus aucune signification un 
autre nom qui en différait peu et dérivait d'un radical qui a 
fourni un contingent considérable à l'onomatologie de la pro- 
vince 2 ? Je signale le problème sans pouvoir le résoudre. 

On a voulu rattacher le nom d'ÉPAONE à celui A'Épona , déesse 
des chevaux et des palfreniers , dont il est question sur plusieurs 
inscriptions trouvées dans les Gaules. Il est emprunté au ra- 
dical celtique épo, cheval (tarcoç, en grec) , commun en com- 
position dans les noms d'homme 3 . Je crois que c'est une 



(1) H. de Valois , p. 608. 

(2) V. le { I", v.° Albon. M. Péan (Revue du Lyonnais, mai 1867, p. 365) 
pense que les radicaux primitifs d'Albain, Alpe, etc., étaient ar ben, ar 
pen, le mont. Ar (le) est devenu al, comme dans Alvernia pour Arvernia 
(Auvergne). V. Archiane, au g 111. Arpenaz (Savoie) a conservé l'ancienne 
forme du nom , dont Aliénas ou Aubenas (Ardèche) est une forme mo- 
derne. Pour compléter ce qui est relatif à Albon , disons qu'il s'appelait 
Albonnum en 1052 (Giraud, t. III, p. 6) et castrum Albionis en 1079 et 1107 
(Hist. des Comtes de Forez, p. 127, 145; Charvet, p. 661), et qu'il est peu 
probable que ce soit YAlbenno et ÏAlbinno des triens mérovingiens. Les 
noms tfAups (Var) et Aps (Ardèche) étaient castrum de Alpibus dans le 
XIV s. (CarL de Montélimar, p. 147). 

(3) Pictet, Origines, t. I", p. 346; - Revue arch., 1864, p. 311 ; 1865 , 
p. 109; — Bellogubt, t. I* r , p. 79, 232; — Dibfenbach, p. 336. 



48 société d'archéologie et de statistique. 

erreur : cette traduction, très-naturelle, quand il s'agit d'ap- 
pellations individuelles, qui devaient être souvent empruntées 
aux chevaux par les Gaulois , comme elles le sont encore par 
les peuples modernes 1 , ne me paraît guère applicable à Épàone 
et ne permet pas d'expliquer les lettres ao de ce mot. 

Epaona ou Epauna était aussi le nom d'un bourg voisin d'A- 
gaune (Valais) où fut martyrisée la légion tbébaine en 302. 
Abstraction faite du préfixe , dont nous parlerons plus tard , on 
peut l'identifier avec les suivants : Arpavon (Drome) , locus de 
Arpaone, en 1., qui veut dire le mont; Montpahon, fief que les 
princes de Baux possédaient en Provence dans le XIV* s.; Mont- 
paon (Aveyron) et Monspao ou Monspavo , aujourd'hui M ont- 
pont (Dordogne) , qui offrent l'idée de montagne deux fois ré- 
pétée ; Ponet , sur un coteau , près de Die , Paonetum en 1210 , 
diminutif du radical ; Bans , sur une hauteur, près de Givors , 
appelé in Baone en 875 et apud Baonem vers 1097 2 ; Baon 
(Yonne), les Baons (Seine-Inférieure) , Banon (Basses- Alpes) . 

Ces noms paraissent formés du même radical celtique que 
Bannes, Baynes, Penne, Vans, etc. (v. le § I er , v.° Ben), qui 
veulent dire montagne. Comme le son de Ya se rapprochait 
beaucoup de celui de Yè, on employait souvent ces deux lettres 
l'une pour l'autre (pater, père , etc.) ; aussi les noms de Baon , 
Paon sont synonymes de ceux de Béon et de Péon, communs à 
plusieurs villages situés sur des hauteurs , et Béon (Yonne) est 
appelé in Baione en 519. 

Eb, ep, ev étaient des préfixes celtiques qui voulaient dire 
sur le, près du; ils correspondaient à Yup angl. et scand., 
qu'on trouve dans Upton, Upsal, Upland; à l'èirf grec, em- 
prunté au sanscrit api, sur, au-dessus 8 . Épaone représente 
donc exactement les noms de Swrmont, Swrjoux, Ober-Alpe, 



(1) De Coston , Origine des noms, p. 376, 389. 

(2) Cart. de Saint- André-le- Bas , p. 217; — Cart. de Saint-Hugues, p. 
50. — La permutation des lettres b et p a lieu fréquemment. 

(3) Meidinger, p. 32; — Burnouf, p. 34; — Morris, p. 34. — Citons 
encore Ètyoç , hauteur, en grec. 



ÉTÏM0L0G1ES DES NOMS DE LIEU DE LA DBÔME. 49 

Oberstevn ; ce qui convient à la position à'Albon , dont l'ancien 
château dominait la plaine de la Valloire , et à celle à'Êpône , 
près de Mantes , village construit en amphithéâtre et près du- 
' quel existe un dolmen. 

Épinouse ou Êpinouze , près de Moras , est appelé Spinosa en 
999 1 , Espinosa en 1267 2 ; ce village n'a donc rien de commun 
avec YEbbaone de 887; quoi qu'en dise Delacroix (p. 68), son 
nom est synonyme à'Èpinaie, Espinasse, Espinous, qui sont 
aussi des mots usités dans divers dialectes. Le fief d'ÉPiNousE 
appartenait , dans le siècle dernier, au président de Murât. 

Êrôme, près de Tain, est appelé Èraume et Èrazme en 1266 , 
d'après un inventaire plus récent * , et apud Heramen en 1470 
(Archives dép.). Cet ancien fief des Dauphins, après avoir fait 
partie de la baronnie de Serves, a passé aux Lacroix de Saint- 
Vallicr, qui l'ont possédé jusqu'en 1789. M. Chotin pense 
(fï Heramen est une altération ou une mauvaise lecture à'Ere- 
mum ou Heremum, lieu herme, inculte; ^p^oç, en gr.; era, 
en b. 1.; irana, en s. c. t., qui ont pour racine, de même qu'er- 
mite, ermitage, etc., ira, terre, en s. c. t. (vre, en irl.; erde, 
en ail., etc.; v. le g !««-, v.° Aleyrac). Dans un acte de 1058 4 , 
on mentionne l'église de Saint- Julien ad Heremum, aujour- 
d'hui Lerms, arr. de Vienne. Érôme est situé au pied d'une 
chaîne de collines en grande partie incultes. 

Evroles , près de Nyons , paraît être le lieu appelé l'église de 
Sainte-Marie de Arrolas, diocèse de Die , dans une bulle de Lu- 
cius III, du 11 mai 1183. C'est le mot provençal airola, champ , 
domaine , jardin ; airal, en lang.; airie, en dialecte du nord ; 
ayrale, ayrallium, herme, aire, en b. 1., dérivant du latin 
wrea, qu'on retrouve dans le nom des villages appelés Ayrolles, 
Avrel, Eyres et Araules. Dans les XVII e et XVIII« siècles, le 
fief d'ËYROLES appartenait aux Bertrand de Pellissier. V. Aleyrac, 



er. 



(I) et (2) Charvet, p. 271 ; — Inventaire de 1346, p. 68. 

(3) A. Caise, Cartulaire de Saint- Vallier, p. 19. 

(4) L'abbé Chevalier, Cartulaire de Saini-André-le-Bas , p. 2C5. 

Tome VI. — 1871. 4 



50 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Espeluche parait avoir fait partie , dans le XII* siècle , des 
possessions des Adhémar ; en 4338 , cette terre appartenait à 
Louis de Poitiers et à Giraud Adhémar; ce dernier céda ses 
droits à Pierre de Vesc , qui , en 1344, devint seul seigneur de 
ce fief : ses descendants, qui ont formé plusieurs branches, 
l'ont possédé jusqu'en 1789 (voir Lau). Dans les XIV* et XV e s., 
le nom latin était indifféremment Spelucha et Speluchia 9 et 
quelquefois Espeluca. 

Il paraît avoir plusieurs similaires en France; on peut citer 
Espeluche (Dordogne) , Speluca, Spelucha, Speluchia et Espc- 
luchia x ; la Speluque, ancien ermitage de la commune de 
Montfort (Gard); Speluca en 1085 et en 1246 2; YEspeluque et 
les Espeluques, grottes du dép. du Gard; Espalimgue, com- 
mune de Laruns (Basses-Pyrénées); Spelunca en 1484, et Spe- 
loncato (Corse). Ces noms paraissent empruntés aux mots spe- 
lunca ou spelaeum, grotte, caverne (a^Xu-fÇ, airijXatov, en 
gr.) : en b. 1. spelaeum voulait dire aussi cellule, ermitage. 
Telle paraît être la véritable signification du nom d'EsPELUCHE , 
près de Montélimar, dont l'origine serait due à quelque ermi- 
tage ou chapelle. Peut-être même cet ermitage (dont il ne reste 
pas de trace) avait-il été creusé dans la montagne rocailleuse 
qui est à deux ou trois cents mètres du village. 

Espenel, près de Saillans, Spennel en 1210, Espenellum en 
1274 et en 1332, a appartenu aux Poitiers , aux de Lers (XV« s.), 
aux Darbon, appelés souvent Dalbon (XV1« s.), et en dernier 
lieu aux Grammont. Ce nom, comme celui d'Êpinouse, est dû 
à des broussailles et paraît être un diminutif de Spina. 

Eyneux , près de Romans , a appartenu aux de Lionne , aux 
Tallard, aux Sassenage et aux Bérenger : il est appelé Aymuec 
en 1273 et Emuscum dans le XIV« s. Peut-être ces formes bi- 
zarres sont-elles empruntées aux noms d'h. tudesques Émè, 
Aymé ou Aymon, communs dans le moyen âge? Pour Eyrolcs, 



(1) V.* de Gourgues, Noms anciens de lieu du département de la Dor- 
dogne, p. 115. 

(2) Gartulaire de Saint-Victor, t. I er , p. 593, et t. II, p. 639. 



ÉTYM0L0G1ES DES NOMS DE LIEU DE LÀ DBÔME. 51 

v. Èrâme. Les Faures, les Faunes, la Farge rappellent des 
forges ou fabriques, et Ferrassières et Ferrières, des mines de 
fer. 

Fay d'Albon, villa F axa en 1058, Faynum en 1461 , a ap- 
partenu aux Saint- Vallier , aux Valernaud (1688) et aux de 
Murât. Ce nom , comme ceux de la Fate , la Fayette , le Fay et , 
la Fayolle, les Faysses, la F âge, le Faget, etc., vient de fagus, 
hêtre ou fayard ; ?<zy6<; , en gr. ; fav et fao , en br. ; fagia , feigna , 
faïa, en b. 1.; fay et fau, en prov. L'arbre qui produit des 
faines (fagus) et celui qui produit des glands (ç^c) , paraissent 
avoir emprunté leur nom au sanscrit bagh, manger (ça^av) , 
parce que sans doute les premiers habitants avaient souvent 
recours à ces fruits. 

Félines est un nom commun à neuf villages de France : 
Félines , près de Bourdeaux , qui a appartenu à Jarenton 
(1295) , dont les descendants ont pris le nom de leur fief (Ar- 
chives, E. 796), aux Poitiers (XIV« s.) et aux Clermont-Mon- 
toison (XVIII* s.), s'appelait de Filinis en 1178, Felinas en 
1332, Fellinum en 1339, de Felims en 1360. Le nom latin de 
Félines (Ardèche) était de Felims, et celui de Félines (Hérault), 
Fellinae et Felinae du IX e au XII e siècle. Il paraît dériver de 
figlina, poterie, en 1. Figlmae était une mutatio située au nord 
de Saint- Vallier, sur l'emplacement de laquelle on trouve beau- 
coup de débris de poteries. 

La commune de Fiance y est au midi de celle de Valence , 
mais aucune agglomération de maisons ne porte ce nom, et 
l'église de la paroisse est à Portes. Fiancey est aussi le nom d'un 
village situé entre la Paillasse et Livron ; il parait fondu dans le 
même moule que celui de Fiançayes ou Fiansayes, ancienne 
paroisse qui occupait la partie méridionale de la commune de 
Chatuzanges. 

Il est question de cette dernière localité, sous le nom de Fin- 
zaàas, dans deux actes qui paraissent être du XI e s. *; elle est 



(1) Giraud, Preuves, t. I w , p. 213; - t. II, p. 66; — t. III, p. 115. — 
C'est par erreur que dans le t. 1 er on a écrit Cruzaias , et dans le t. III , 
Cinzaias. 



52 société d'archéologie et de statistique. 

aussi appelée Finzaiae en 1195 , Finçayes en 1280 , Finzaias en 
1293 J et enfin locus Finsayarum en 1525, époque à laquelle 
elle appartenait aux Beaumont, seigneurs de Barbières; depuis, 
ces deux fiefs paraissent avoir toujours été possédés par la 
même personne 2 . Quant aux deux Fiancey, situés à sept ou 
huit kilomètres l'un de l'autre, on peut être embarrassé quel- 
quefois pour savoir auquel doivent être attribués les noms 
latins ; mais comme la commune a remplacé l'ancienne paroisse 
de Sain t-Ger vais, dont l'église (aujourd'hui en ruines) était près 
de la Vache, c'est en général à celui-ci qu'il faut les appliquer. 
On trouve Finciacum en 1157 3 , Finzeum en 1179 4 , Fynsey en 
1360 et Finceassium en 1483 (Arch. dép.), et quelquefois Fin- 
saïsiurn; quant à la forme Frcunciacum de l'acte de 1238, je 
la considère comme le résultat d'une erreur de lecture, dont on 
trouve d'assez nombreux exemples dans le volume publié par 
H. Hauréau. 

On voit la grande ressemblance présentée par les anciens 
noms de Fiançayes et de Fiancey , auxquels on peut comparer 
celui de Fonzaicum, localité inconnue des environs de Ro- 
mans, dont il est question dans un acte du XI e s. (Giraud , t. 
III, p. 11) et qu'on appelle Fonzanwm dans le 1. I«-, p. 139 : 
la véritable forme pourrait bien être Finzaïçum et désigner 
Fiança yes. 

Tous ces noms sont lettre morte pour moi , et je ne puis les 
traduire. Us paraissent avoir la même racine, probablement 
celtique, que VenUa (des Allobroges) , Vence (Vencia et Ven- 
tium); Vincey (Vosges), Vinciacus; Vençay , près de Tours 
(Venciacus, Vençaium, Ventiacum),, et peut-êlre que le Mars 
Vincius ou Vintius, honoré en Provence. (On peut citer aussi 
vinceium, oseraie, en b. 1.) Fiancey, près Valence, a appar- 



(1) Cartulaire de Léoncel, t. 1", p. 64, 245, 282. 

(2) Ed 1634, Louis de Basemont était qualifié de seigneur de Fiansayes. 

(3) Gallia, t. XVI, Preuves, p. 104. 

(4) Cartulaire de Saint- Victor, t. !•', p. 9; — Idem de Sainl-Chaffre , 
p. 33. 



ÉTYMOLOGIES DES «OMS DE LIEU DE LA MOME. 53 

tenu aux évoques (XIII e s.); à Guillaume, bâtard de Poitiers; 
à François d'Urre (1 464) ; aux de Silve ou de Sylvc (Silvio dans 
les actes latins) dans le XVI« s., et aux de Rostaing (XVII* et 
XVIUe s.); mais les de Bressac y possédaient aussi des droits 
féodaux. 

Flandaines ou Flandène était un château fort et un fief im- 
portant situé près de Saint- Jean-en-Royans. Dans le Xl« s., il 
appartenait déjà à une famille de ce nom , que Guy Allard dit 
éteinte depuis 1474 { ; en 1374, Louis de Poitiers le céda , ainsi 
que Saint-Nazaire , à Charles de Poitiers-Saint-Vallier ; dans le 
XVI* s., il passa aux de Lionne 2 ; dans le XVII* s., aux Gara , 
et, dans le XVIII* s., il fut compris dans la duché-pairie d'Hos- 
tun-Tallard. Le nom latin était de Flandenas en 1138; de Flan- 
dinis dans le XI e s. et en 1108; de Flandenis en 1132 (M. Giraud , 
1. 111, p. 124, 140, 46, 119, 152). On le retrouve dans celui 
de Flanclina, sœur de Rogus, qui habitait Noyarey (Isère) en 
H 10 (Cart. de Saint-Hugues, p. 155); il rappelle celui de 
Flandus, qui habitait Voreppe en 1231 (Inv. de 1346, p. 133). 

Comme on ne rencontre pas en France de nom analogue , il 
est probable qu'il a été altéré. La forme primitive était peut-être 
Blandaine ou Blandène, qui rappelle les noms de lieu Blan- 
din, Blandainville , Blanddgnac , etc., qu'on peut traduire par 
maison de Bland ou Blanchis. Ce dernier nom veut dire doux , 
caressant; le premier est tudesque et veut dire blond (Fcr- 
guson, p. 397); Flmdina, sœur de Rogus, aurait eu un nom 
synonyme de Blandinc ou de Flavie. 

Fourcinet , près de Luc , est un diminutif de fourc ou fowrcq, 
angle formé par deux chemins (carrefour, quatre angles) , pas- 
sage, gorge; força, en h. 1.; furca, en 1.; furgge, en dialecte 
suisse. L'entrée de la petite vallée de Fourcinet est fermée par 
deux rochers qui ne laissent qu'un étroit passage au cours du 
torrent. V. § I* r , v.° Boche four chat. 



(1) Anne de Flandènes, femme de Cbarles de Charbonncau , est morte à 
Hontélimar en 1673. 

(2) L'abbé Vincent, Lettres historiques sur le Royans, p. 189. 



34 société d'archéologie et de statistique. 

Le Fraisse ou le Fraysse , près de Grignan , et le Fangeat for- 
maient, vers 1600, un seul tènement d'environ 280 hectares; 
il appartenait, d'après M. Devez, à la branche des de Vesc 
d'Espeluche. Dans le XVIII e s. M. Gallet de Coulange, comme 
abbé commendataire d'Aiguebelle , se qualifiait de seigneur de 
Réauville, de Montjoyer et du Fraysse. Ce nom , comme ceux 
de Fragnols, Fraissinet, Frayol, Fresnoy, Frasne, Frasse, 
Frachon, Freschet, Frenolet, Fraisnet, et un grand nombre 
d'autres, est emprunté à celui du frêne, fraocirvus, en 1.; frais- 
sinus, frassinus, frasnea, en b. L; fraisse , fraîche, frau, en 
prov. 

La fontaine de N. D. de Frénau, qui domine Marsanne, est 
appelée Frénault {ault pour altus , haut) dans un acte de 1487. 
Ce nom n'a rien de commun avec celui de la déesse des ma- 
riages, Frea Nondina, de M. Mésangère, dont M. Delacroix 
(p. S37) a accueilli avec trop de facilité les rêveries mytho- 
logiques. 

Deux énormes pièces de canon, sur lesquelles on remarque 
des caractères russes et l'aigle à deux têtes, sont debout, 
comme deux colonnes , de chaque côté de la porte de l'église 
de N. D. de Frénau. Voici l'origine de ce bizarre ex-voto : le 8 
septembre i 855 , quatre prélats , accompagnés d'un grand nom- 
bre de prêtres et de douze ou quinze mille pèlerins ou curieux , 
étaient réunis à Marsanne en honneur de la pose de la première 
pierre de la nouvelle église. Vers midi, au moment où nos 
héroïques soldats s'élançaient dans Sébastopol, un des offi- 
ciants, M.s r Thibaut, évêque de Montpellier, suivant une ver- 
sion, M. le curé Belle, suivant une autre version, après une 
éloquente prière adressée à la Keine du ciel, pour qu'elle voulût 
bien protéger nos armées , ajouta qu'au moment où il parlait 
nous devions peut-être à sa puissante intercession le succès de 
nos armes en Crimée. Dans le but de consacrer le souvenir de 
cette prédiction si heureusement réalisée, M. de Montluisant, 
de Marsanne , alors capitaine d'artillerie , a obtenu du Gouver- 
nement le don de ce singulier trophée venu de Sébastopol. 

Genissieu , près de Romans , fut donné en 696 par Ephibius à 
l'église de Vienne , et vers 907 au monastère de Saint-Barnard ; 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIED DE LA DRÔME. 55 

il fut acquis en 1658 par M. de Lionne et en 1709 par M. de 
Chabod ou de Chaboud (Bull, arch., 1867, p. 138), qui le légua 
à sa veuve, née Lattier de Bayanne, et , vers 1750 , par Bally ou 
Bailly de Bourchenu (v. Triors). 

Les noms étaient Geniciacum en 696 , 887 et 1060 ; Gvneciacum 
en 909; Giniciacum en 995, 1068 et 1100; Genetiacum vers 
1149; Jeniceu vers 1164 *. MM. Houzé et Péan pensent, avec 
raison je crois , que ce nom est synonyme de ceux de Saint- 
Genis ou Seànt-Geniès , si communs en France; Saint-Genix 
(Savoie) est appelé Sanctus Genesius en 1023 5 . Ils sont em- 
pruntés à ceux de Ginecius ou de Genesius; ce dernier a été 
porté par six saints de la primitive église , dont trois étaient nés 
en Auvergne. L'un d'eux , notaire et greffier, fut martyrisé à 
Arles dans le III e s.; un autre était évoque de Lyon en 659. 
Gënissieu veut donc dire domaine de Genesius; ce nom paraît 
dériver de gwen, gwin, gin, blanc, beau, en br., suivi de la 
terminaison adjective es ou os. 

Gensac et par altération Jansac, près de Luc, fut acquis en 
1227 par révoque de Die, du sire de Mévouillon; en 1329, il 
appartenait à Guigues de Morges ; en 1558, Anne Brotin l'ap- 
porta en dot à Georges d'Urne, son mari; il passa par mariage 
aux Monteynard; dans le siècle dernier, ce fief appartenait aux 
Gilbert, qui en portaient le nom et qui sont, je crois, éteints. 
Les anciennes formes étaient Genzac en 1200; Gensac et Gen- 
sacum en 1227 ; Genciacum et Gentiacum dans le XIV« s. Ce 
nom est commun à huit villages du midi de la France; l'un 
d'eux est sans doute la colonia Gencianica des environs de 
Marseille, dont il est question dans un document de 818 3 ; c'est 
presque le même nom que celui de la forêt de Gensiac, au le- 
vant de Mon tf roc (Drome). Il veut dire domaine de Gens, Genz 
ou Gentius; ce dernier nom était commun chez les Romains; 



(1) Oibaud, Preuves, t. 1 er , p. 27, 28, 87, 25, 143, 40, et t. M, p. 74, 
144, 148. 

(2) Cartulaire de Saint- André, p. 155. 

(3) Cartulaire de Saint-Victor, t. II , p. 638. 



5fi SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

d'après Pline , Gentius aurait découvert les propriétés thérapeu- 
tiques de la gentiane; il voulait dire bien né (gentem habere, 
avoir de la naissance); de là les mots gentil, gentilhomme, etc. 
Gentius, de Divajeu, vivait dans le XI* s., et Gentio d'Urre , en 
1193. 

G iG ors , au nord de Crest , adossé à une montagne , a appar- 
tenu aux Poitiers (1163, 1421); aux de Gigord, qui habitent, 
depuis deux ou trois siècles , les environs de Largentières ; aux 
d'Arbalestier (XVII* s.) , aux de Roux et aux Clerc de la Devèze 
(XVIII* s.) Ce village est appelé castrum de Gigorz en 1163 et 
1165 (Cart. de Die, p. 20 et 38) ; Gigorz en 1169, 1185, 1214 
fCart. de Léoncel); de Gigoriis en 1210; Guigorcium en 1297 ; 
Gigorcium en 1332; Gigortium. — Gigors (Basses -Alpes) se 
nommait Jugornae et Jugurnae dans le XI* s. (Cart. de Saint- 
Victor), et plus tard Gigorniae, Gigornz et Gigorz. Je n'ai pas 
trouvé d'autre nom analogue ; aussi , en présence de ces diverses 
formes, je ne sais comment le traduire. M. Mannier incline pour 
un radical ligurien; M. Chotin, pour un nom d'homme : ceux 
de Wig, Wuigo, Wigo, Gigo, Guigo étaient communs en Dau- 
phiné dans les X*, XI* et XII* s.; mais je ne puis expliquer ni 
la finale ors, ni la forme Jugornae. Mon embarras est le même 
en présence du mot 1. jugum , hauteur, montagne , que rap- 
pelle la première partie de Jugurnae. 

Glandage, près de Châtillon , a appartenu aux Artaud (XIII* 
s.) , à Claude de Theys (1500) , aux de Lhère ou de Laire de 
Guiffrey (XVI* et XVII* s.) et aux Simiane-Esparron (XVIII* s.). 
Ce nom, castrum de Glandagio en 1224, paraît rappeler un 
droit de glandage (glandagium) concédé par les anciens sei- 
gneurs. D'après Dalloz 1 , ce mot était employé très-souvent 
dans le sens de dépaissancc ou panage ; ce qui explique com- 
ment on rencontre peu de chênes à Glandage. Quant à la haute 
montagne du Glandas, près de Die, où il y a de vastes pâtu- 
rages, on n'y trouve que des hêtres , des pins et des sapins. 

Gougne , près de Dieulefit, est un village en voie de formation ; 



(I) Dalloz, Répertoire, t. XXV, N.° 1547. 



ÉTYMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 57 

la première maison a été construite , il n'y a pas un siècle , par 
un nommé Gougse : ce mot, en v. fr., veut dire joue, et par 
extension joufflu, comnte gogne et gognard; il vient du s. c. t. 
gona, groin (Burnouf , p. 233). 

Gouvernet , près du Buis , a appartenu aux Hévouillon , aux 
Dauphins, aux Olivier (XiV« et XVc s.) et aux Sylve ou Silvc , 
auxquels ont succédé les la Tour, par suite du mariage de Ma- 
deleine de Sylve avec Pierre de la Tour (1510) : ses descendants 
ont conservé ce fief jusqu'en 1789. Le nom était Uouvernetum 
et Governet en 1284 (Valbonnays, t. II, p. 118, 169), bastida de 
Governeto en 1293 (Inventaire de 1346, p. 221). Ce nom , dit 
M. Péan, signifie probablement lieu ou domaine des vcrnes. 
Gau, gotv, gowe, gouw sont des radicaux germaniques et sans 
doute celtiques, très-communs en composition avec le sens de 
pays , territoire , domaine ; ils correspondent au -tf ou ^ata grec , 
au gavia s. c. t. (Pictet, t. II, p. 15, 63, 405) et au ghaia et 
ghia hébreu (Gesenius, 209). Gouvernet serait un nom analogue 
à ceux de Gauville, Gaiivilliers , Gouville, Landecourt , Lande- 
ville, que le nom du village de Maison-des-Champs (Aube) tra- 
duit textuellement. Gouvernet est, en effet, dans un vallon d'où 
sortent beaucoup de sources et où les vernes sont très-abon- 
dants. 

Grane , canton de Crest (sud), a appartenu aux Poitiers (XIV e 
et XV e s.), aux d'Urre et aux Grimaldi, ducs de Valentinois 
(1642, 1789). Ou rencontre la forme unique Grana en 1173, 
1277, 1332 , 1449. Ce nom , comme ceux de Granoux (probable- 
ment formé de granosus, fertile en grains) ; Grcvnieu, Granicae 
en 902 (la terminaison ions ou ica est purement géographique) ; 
Graincourt (grani curtis), Grainville, Graney, paraît venir de 
granum, grain, céréales; greim, en br.; gran y en irl. Granea, 
grange, en b. I., a dû se modifier en Grana, Grane. M. Dela- 
croix (p. 514) dit que le blé est la principale production de la 
commune ; ce qui ne l'empêche pas de donner asile à Tétymo- 
logie de Hésangère, d'après lequel Grane doit son nom à Gra/nëe 9 
nymphe des bois. 

Grignan appartenait déjà , dans le Xlfc s., à une branche des 
Àdhémar; en 1732, Madame de Simianc, fille du dernier Adhé- 



58 société d'archéologie et de statistique. 

mar Castellane , vendit le comté de Grignan au maréchal de 
Félix du Muy, pour le prix de 436,841 livres déléguées aux 
créanciers *. 

Les anciennes formes de ce nom sont aussi nombreuses 
qu'embarrassantes à concilier entre elles; les voici : Grai- 
gnanum, 1247, 1296, 1309; Gragnhcmum,i%ll, 1341; Grexjn- 
hemum , 1277 , 1341 , 1378; Grasinanum et Gresinawum, 1290 ; 
Grainhanwn, 1309; Graynhanum, 1342, 1352, 1375, 1392; 
Graynhan, 1400; Gremhcvnum, 1492; Grigncmum et Grinia- 
num dans les XV* et XVI« s. 2 . On trouve encore, mais sans 
indication de date ou de source, Gradignanum et Grcvigna*. 

Ne pouvant résoudre le problème , j'ai comparé ces diverses 
formes avec d'autres noms analogues, tels que : Aquœgrani 
(Aix-la-Chapelle); Grinincum et Griniacum (Grasse) ; Grinwibus 
et Grinnes, stations romaines situées près du Rhin; Granencum 
vers 1100 (Saint-Romans — Isère); Griniacum, qui, à l'épo- 
que romaine , désignait le territoire situé en face de Vienne , 
de l'autre côté du Rhône , et sur lequel se trouvaient les Gri- 
niacenses ou Grenencenses monast&ria, presque tous consacrés 
par saint Avit, et que rappelle le nom du bourg de Grigny* ; 
et enfin Gragnano en 905 , et Gradanum en 1115, aujourd'hui 
Grézan, commune de Nismes 5 . 

Cette comparaison n'a guère élucidé la question, et, après 
avoir protesté contre l'Apollon Gryneus de Mésangère , qui n'a 
jamais eu de temple à Grignan , je me borne à faire de simples 



(1) Aubenas, Histoire de Madame de Sévigné, p. 509. 

(2) Cartulaire de Montélimar; — Valbonnays; — Inventaire de 1 346 ; 
— Gallia, etc. — On regarde comme faux l'acte de 833 dans lequel on lit 
la forme moderne de Grignanum. 

(3) L'abbé Nadal, Essai historique sur les Adhémar, p. 14; — Pithon- 
Curt , t. IV. — Pour l'histoire de Grignan , voir aussi : l'abbé Fillet , 
Histoire des Adhémar de Grignan, 1870. 

(4) Guy àllard , t. I ,r , p. 598; — Mer met, Histoire de la ville de Vienne , 
t. II, p. 73; — Monfalcon, Histoire de la ville de Lyon, t. I €r , p. 50 ; — 
Boitel, Album du Lyonnais, t. II, p. 19. 

(5) Dictionnaire topographique du département du Gard, p. 103. 



ÉTÏMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 59 

rapprochements de mots pouvant peut-être convenir à quel- 
qu'un des noms, sans s'appliquer aux autres. Dérivent-ils, 
comme Grane, du radical grm, céréales? Rappellent-ils le 
culte de l'Apollon ou Dieu-Soleil des Gaulois, appelé Gtamtus 
sur plusieurs inscriptions , et qu'on croit avoir été invoqué spé- 
cialement à Aquaegrani , où il était identifié avec la vertu des 
eaux ? On retrouve le radical qui a formé son nom dans greian , 
soleil , en kimr.; grian et greine, en gall. et en irl.; dans Greine- 
Knocke (collines du soleil), sur lesquelles les Irlandais célé- 
braient des fêtes solaires; dans ghrina, chaleur solaire, et 
ghrini, soleil, en sanscrit 1 . De ghrina paraît dériver krinn, 
sec, aride , desséché, en br. (et sans doute en celtique), duquel 
pourrait bien s'être formé quelqu'un des douze Grigny ou 
Grignan. 

MM. Houzé, Mannier et Péan inclinent pour rattacher Grignan 
à un nom d'homme, et c'est l'hypothèse la plus vraisemblable. 
On devrait alors le traduire par maison ou domaine de Granim, 
et la forme primitive aurait été Grcmiarw (villa) ou Granianus 
(fundus) , peu éloignée de Graignanum et Gragnhanum ; v. g 
I«-, v.o Geyssans. Le nom de Grcmius était assez commun chez 
les Romains et dans le midi de la Gaule. Un le retrouve notam- 
ment à Arles, sur un monument dédié à Lucius Grcmius*; à 
Lyon, sur deux inscriptions s'appliquant à un marchand de vin 
et à un potier ; une autre mentionne le nom de femme Grania *. 

Plusieurs quartiers s'appellent I'Have et les Hâves : ce nom 
vient du b. 1. haya ou haga, bois, parc, clos; hag, en t. et en 
ail.-, haya et hagi, en scand., désignaient l'enceinte de terre , 
plantée de bois vif, dans laquelle se retranchaient les Nor- 
mands ; c'est de là que dérive le mot haie. 



(1) Am. Thierry, histoire des Gaulois, 6 # éd., 1. 1", p. 101; — Pictet, 
t. H, p. 309 et 670; — Diefenbach, p. 363; — Muller, Nouvelles leçons sur 
la science du langage, t. II, p. 93; — A. Maury, Croyances et légendes de 
l'antiquité, p. 243; — Burnouf, p. 233. 

(2) Mém. des antiq., t. IX , p. 235. 

(3) Alphonse de Boissieu , Inscriptions antiques de Lyon , p. 400 , 433 ,511. 



00 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Le coteau de I'Hermitage doit son nom à un Ermitage cons- 
truit en 1225 par Henri-Gaspard de Sterimberg, à son retour de 
la croisade faite contre les Albigeois 1 . 

Hostun appartenait, dans le XIII e s., aux évèques de Valence 
et à plusieurs autres coseigneurs, notamment aux A' Hostun, 
qui relevaient des Dauphins {Inv. de 1346, p. 48, 50); plus 
tard, cette famille posséda seule ce fief, qui passa à la branche 
des //osf un-Claveyson et ensuite à celle des //osfam-TaUard. En 
1712, le mandement A'Hostun, qui comprenait dix paroisses, 
fut érigé en duché-pairie en faveur du maréchal d 1 Hostun- 
Tallard; le duc A' Hostun, petit-fils de ce dernier, mourut sans 
enfant en 1755, et les fiefs qui composaient son duché passèrent 
à sa cousine germaine, la marquise de Sassenage, née de Sas- 
senage, morte en 1787, laissant cinq filles, dont Tune a épousé 
le marquis de Bérenger 2 . 

Hostun était appelé Augustidimum en 1057; Ostedwnum , 
1174, 1210, 1437; Austeun, 1189; Osteunum, Osteu , 1231; 
Augustidinum , 1238 ; Osteun, 1246 , 1248; Austheduwum, 1334 ; 
Austudunwm , 1336 ; Hostodunum , 1371 ; Hostedunum, Hosteu , 
Austun , Autun 8 . Ce nom , comme celui A'Antun (Augusto- 
dunum, en 1.; Austun, dans le XVcs.), veut dire colline ou 
camp d'Auguste (v. § W, v.° Tain); mais l'histoire est muette 
sur le parrain de ce village. 

Jaillans, canton du Bourg-du-Péage , a appartenu aux du 
Puy-Montbrun (1700) et à Madame Leriget de la Faye (1766). 
Ce village est appelé Jalhanum en 1215 ; Jaillans en 1236 ; 
Jailhas en 1240 ; Jallas en 1251 ; Jallians en 1280 (Giraud ; — 



(1) A. du Boys, Album du Dauphiné, t. Il, p. 124; — Rey, Monographie 
viticole du coteau de l' H ermitage, p. 4. — La surface de ce coteau est 
d'environ cent hectares et produit à peu près deux mille cinq cents hec- 
tolitres de vin. L'ermite se nommait probablement Sterenberg y montagne 
des étourneaux , en tudesque. 

(2) A. de Taillas, Notice historique sur l'ancienne communauté de Tal- 
lard, 1868. 

(3) Girattd; — Vart. de Léoncel; — Invent, de 1346; — Valbonnays; — 
Arch. départementales; — Duchesne, etc. 



ETTM0L0G1ES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME 6J 

Cart. de Léoncel). D'après Delacroix (p. 430) , l'église primitive 
aurait été construite en 777 sur le lieu où fut tuée une bête fé- 
roce qui désolait le pays, alors couvert de bois ! . 

Le nom de Jaillans , ainsi que ceux de la Jaille , la Jaillette , 
Jailleux (Isère) , Jalliacum , Jaillères; le fief des Jailles (Hautes- 
Alpes) t qui appartenait aux Sinard ; le Jaillet, au N. E. de Tau- 
lignan ; Jailly (Nièvre) , Jaliacum dans le X e s.; Jaillon et Jalès 
(Ardèche); Caillaux, les Caillais , la Caille, Cailly, etc., vient 
d'un radical qui veut dire bois : on le retrouve dans caill et 
coill, en irl. (bois, forêt); guqilen, bâton; gaule, jalon, en 
corn.; gualen, en br.; jalière et jala, bois taillis, en prov. (v. 
I V, v.» Chalancon; — Houzé, p. 107; — Zeuss, p. 301). Pour 
Jansac , voir Gensac. 

Le Jas est un nom commun à beaucoup de quartiers situés 
dans la partie montagneuse de la Droine ; la grande Jasse est 
près de la MoUe-Chalancon. Il rappelle le lieu où l'on faisait 
parquer et coucher les troupeaux. De même que le b. 1. jacia , 
jassium, jassile, il se rattache au 1. jacere. Pontaujas ou Pon- 
taujard est un ancien fief situé près de Taulignan : il a appar- 
tenu aux Poitiers (1332) , aux Blacons et aux Borrel ou Borel 
(XVI e s.) , aux Durand de Pontaujard (XVII e s.). L'un d'eux fit 
construire, vers 1700, à Montélimar un hôtel, acquis plus tard 
par M.g r de Condorcet , évêque de Gap et de Lisieux ; le cardinal 
de Bernis l'habita pendant son exil ; il appartenait à H. le mar- 
quis du Puy-Montbrun-Rochefort , décédé en 1871, après avoir 
transmis légalement son nom , qui allait s'éteindre avec lui , à 
ses deux petits-fils , MM. de Cotton et de Rocher de Labaume 
(7 avril 1867). 

L'ancien manoir. seigneurial de Pontaujard, qui doit la pre- 
mière partie de sou nom à un pont sur le Lez , est aujourd'hui 
la propriété de M. Descours; mais il a perdu son cachet pri- 



(t) D'après la tradition locale, cette bête était une jaille; ce mot, qui 
désigne, en dialecte dauphinois, une espèce de loup-garou ou d'animal 
féroce et dangereux , parait dériver de gwall ou gual , méchant , nuisible , 
en br.; gwwl, en gall. (maltis en latin). 



62 société d'archéologie et de statistique. 

mitif par suite de nouvelles constructions. Les Durand sont 
tombés en quenouille, dans le siècle dernier, dans les d'Agoult, 
les des Alrics de Cornillan et les de Calvières (v. Blacons). 

En 1332, Pontaujard est appelé Pons Aujwrt et ad Pontem 
Augart (Inv. de 1346, p. 76) ; dans les anciens actes on trouve 
souvent Pons al Jars ou ad Jcvrrum; dans Pithon-Curt, Pon- 
twujwd, et sur la carte de TEtat-Major, Pont au Jas. Cette der- 
nière forme paraît trop moderne pour être prise comme le 
type primordial de ce nom , assez difficile à traduire. Vient-il 
de jard, gard, jardin , clos, ou de jars, oie (garz , en br.) ? Ou 
bien, ce qui est beaucoup plus probable, l'a-t-on emprunté 
à un membre ou à un homonyme de la famille Aujard, du 
Graisivaudan , éteinte en 1484. Ce nom, formé de la même ra- 
cine qxx'Auger et Augier, et dont Augardis , qui habitait Chartres 
en 1101, est une variante, figure sous le nom demansusde Au- 
jardà, situé près du Buis, dans une charte de 1060 ! , que H. le 
commandant Howat a eu l'obligeance de me signaler. Plusieurs 
hameaux du haut Dauphiné s'appellent aussi Aujard et les Au- 
gears : Aujarde de Sassenage testa en 1261 (Irw. de 1346, p. 109). 

La Jonchère , qui domine un petit cours d'eau , près de Mey- 
mans, était un château fort, démantelé, vers 1575, par le ca- 
pitaine Beauregard. Ce fief, qui avait appartenu aux Forcst ou 
Forets, issus de maîtres de la monnaie de Romans, en 1445, 
passa, par suite de mariage, aux du Puy-Montbrun , aux Pape 
de Saint-Auban , aux Leriget de la Faye et aux la Tour-du-Pin. 
Jonchéres, près de Luc , a appartenu aux d'Agoult (XIV e s.) et 
plus tard aux évêques de Die. Ces noms sont dus aux joncs qui 
poussent dans ces quartiers. 

Saint-Donat est sans doute d'origine romaine : son nom était 
Jovïnziedx , vicus Jovinziacus en 894 2 , époque à laquelle il était 
appelé aussi Saint-Donat. Ce bourg a appartenu aux évoques 
de Grenoble, au baron de Faussigny (1315), à Humbert H, à 



(i) Cartulaire de Saint- Victor, t. II, p. 7t. 

(2) J. Marion, Cartulaire de Saint- Hugues, p. 65; — J. Olmvier, Album 
du Dauphiné , t. IV, p. 157. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 63 

la maison de Saluées (1428), aux prieurs de Saint-Donat, à 
René de Baternay (1526) ; il fut acquis en 4602, avec Charmes , 
Marges, etc., par Antoine d'Hostun* et fit partie du comté de 
Charmes, possédé par les Coste, Bérenger et Chabrières de 
Peyrins. Le nom de Jovinziacus parait emprunté à celui de 
Jupiter, auquel on y avait sans doute consacré un temple. 

Laborel, près de Séderon, a appartenu aux Gruel (XV* et 
XVI« s.), aux la Tour-Gouvernet (1606) et aux Achard de Ferrus 
de Sainte-Colombe (XVIII e s.). Ce village est appelé Laborellum 
en 1317 (Valbonnays, t. II, p. 166); ce nom, de même que 
celui de Laborie , parait dérivé du b. 1. laboria , terre nouvelle- 
ment défrichée ou travaillée. 

Lachamp, canton de Marsanne, appartenait aux Adhémar 
(XlVe s.) et aux abbés de Cruas. Ce village est appelé Calma en 
1179 et Lachau dans les actes des XVb et XVII» s. Les noms 
latins de Lachau , canton de Séderon , étaient Calma en 1209 , 
1217, 1289 (Valbonnays, t. I*, p. 19; t. II, p. 52) et Chalma 
dans Y Inventaire de 1277. Lachamp et Lachau signifient donc 
chaume, terre inculte, hermes ou chaumière (v. Charmes, § 
V). L'article a fini par s'incorporer avec le substantif, comme 
dans les noms de Loriol (§ IV), Larnage (§ V). Lachau a appar- 
tenu aux Mévouillon , aux Adhémar (du XIII e au XV« s.) , aux 
du Puy-Hontbrun , aux Piégros ou Puygros et aux la Tour- 
Montauban. 

Ladreit ou Ladrevt , nom commun à plusieurs quartiers et à 
diverses familles du Dauphiné et surtout du Vivarais , rappelle 
une exposition au midi; c'est peut-être une altération d'en- 
drech, endroit, bon côté d'une chose, ou de drech, droit, en 
face du soleil. C'est le contraire à'Ubac ou Lubac (pour I'Ubac) , 
exposé au nord [obag, en catalan; bacio, en it.), peut-être 
à'opacus, sombre, ombragé. Ubac désigne quelquefois les champs 
écartés, par opposition à curtiL 

Saint-Christophe de Laris, près du Grand-Serre, de Laricio, 
de Bosco , en 1., vient de loriot , mélèze (learach , en éc). 



(1) Léon Gontibr, Notice sur Saint-Donat, p. 70, 83, 84. 



64 SOCIÉTÉ 0'iRGHÉOLOGlE ET DE STATISTIQUE. 

Larnage, près de Tain, a appartenu aux sires de Clérieu 
(XII e s.), aux Poitiers-Saint-Vallier (XIV e s.) , aux Brunier, qui 
prirent le nom de Larnage (du XV* au XVH« s.); aux d'Urre 
et aux la Forêt de Divonne. Ce fief fut acquis en 1758 par le 
bisaïeul de H. Hure de Larnage, ancien maire de Tain, décédé 
en 1870. Les anciens noms sont : Lamaggium dans le XI e s. 
(Giraud, t. III, p. 45) ; Larnatacwn en 1120 (Cart. de Saint- 
André, p. 142) ; Lwrnatge en 1192 et 1195 [Cart. de Léoncel , p. 
51); Larnage en 1192 et 1209 (id., p. 53); Larnagium en 1470. 

Ce nom paraît dérivé d'un primitif arenaticum, sablonneux 
(arena, sable). C'est aussi l'avis de H. Houzé : ce mot , dit- il , 
est devenu Arnaticwn ou Arnatge, par la chute de Yi faible; 
c'est ainsi que missaticum a fait message; auraticum (Saura, 
air, vent), orage; viaticvm, voyage; Uriatvcum, Uriage; Casse- 
naticum, Sassenage; on retrouve le t dans deux anciennes 
formes du nom, auquel s'est soudé, à une époque fort an- 
cienne, l'article le, comme dans Loriot. C'est d'autant plus pro- 
bable qu'il existe à Larnage une carrière de kaolin, résultant 
de la décomposition d'un amas considérable de feldspath, qu'on 
a£pu assimiler au sable blanc. Déjà, en 1695, il servait à, la 
fabrication des pipes (Arch. de l'Isère, B. 1397). 

La Lau , Laux et Hontaut , commune du canton de Remuzat , 
qui formait autrefois deux paroisses et appartenait à Raymond 
de Montferrand (1330) et aux de Manent (XVII* et XVIII* s.) ; 
le Lau, ancien fief de l'Armagnac, qui a peut-être donné son 
nom à la famille de M.g* du Lau d'AUemans, évoque de Gre- 
noble en 1789; le Lau (Hautes- Alpes), etc., sont empruntés à 
un radical qui veut dire bois. Le coteau à l'extrémité duquel 
est bâti Montélimar et qui était autrefois en grande partie cou- 
vert de bois, que des vignes ont remplacés , est appelé nemus de 
Laus en 1405 (CarPulaire, p. 235) ; bois de Laux dans les XVI* 
et XVlIe s., et aujourd'hui Boidelau et souvent Boideleau, faute 
de connaître l'étymologie. l/xw et low signifient colline boisée , 
en ang. sax.; lo, loh, bois, forêt, en anc. ail.; loo, en holl. 1 ; 



(1) Bowdicth, Suffolk sumames, p. 224, 417; — Gatschet, p. 193; — 
Taylor, p. 477; — Pott , p. 387, 510; — Lower , English surnames, p. 48. 



KTYMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 65 

lucus, en latin; lei et ley, en anc. ang.; laya, laia, leya, en 
b. 1.; lée et laye, en anc. fr., comme dans Saint-Germain-en- 
Laye. 

La Lau ou la Lo , près de Montélimar, était une gentilhom- 
mière construite dans le XV« ou XVI» s.; elle avait donné son 
nom à une branche des de Vesc , représentée aujourd'hui par 
la famille de la Bruyère , qui a quitté les environs de Reims , 
peu avant 4789, pour s'établir à Montélimar. 

Laveyron , près de Saint- Vallier, est appelé parrochia Ixivey- 
ronis en 1363; ce nom a peut-être la même étymologie que 
laveria, lavia, carrière, pierre , en b. 1.; lavière, en prov., et 
le substantif l<we. 

Lemps, près de Remuzat, de Lencio en 1273; Leyns en 1266 ; 
Lens en 1284 (An;, de 1346, p. 223; Valbonnays, t. II, p. 118) , 
après avoir appartenu aux Dauphins et au domaine du Roi , a 
été acquis en 1591 par Jacques de la Tour-Gouvernet. Ce nom 
a la même origine que ceux de : Lemps (Ardèche) , Lenlum et 
Lens dans les anciens actes ; le Gr&ni-Lemps (Isère) , Leemps 
en 1107 (Cart. de Saint-Hugues, p. 2); Ims-Lestang, appelé 
aussi Petil-Lens, Lent en 1055 [Cart. de Saint-André, p. 265) , 
et plus tard Lencium et Lentum; le bois de Lens (Gard) ; Lent , 
près de Trévoux; Lentiol (Isère), diminutif du radi«al; ils 
signifient bois , forêt (v. § V, y.°Âllan). Il y avait à LEns-Lestang 
un vaste étang, depuis longtemps desséché ; ce fief a appartenu 
de 1574 à 1789 aux de Murât, qui le firent ériger en marquisat 
en 1643. 

Livron , qui appartenait aux évêques de Valence et plus tard 
au chapitre , est appelé castrum Liberonù en 1157, 1210, 1218, 
1238, 1301; Livron en 1220; de Livro en 1233; Libero , Libro- 
mam, Livronium. On retrouve le nom de Livron dans l'Hé- 
rault, dans le Tarn-et-Garonne et dans les Basses-Pyrénées 
(Lwro dans le XII e s.). Il paraît avoir la même origine que 
celui du château de Libron, commune de Béziers; dans cer- 
tains noms de lieu, tels qxx'Arausio, Vasio, Libero, m'a écrit 
M. Mowat, les finales sont de simples suffixes; l'o de Libero a 
été ajouté pour adjectiver le thème liber, à la manière Kiacum. 
Livron serait donc l'équivalent de Livry, nom commun à six 

Tome VI. — 1871. 5 



60 SOCIÉTÉ D f ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

villages , dont l'un est appelé en 675 Liberiacum, domaine ou 
demeure d'un homme libre (v. du Cange , v« liberi homines) f 
ou appelé Liber. Liverdun (Meurthe), Liberdunum en 864, 
synonyme de Libermont (Oise), est formé du même radical. 
Dans le IX e s., une villa, située près de Tain, était appelée 
Libertas (Giraud, t. III, p. 113). 

M. Mowat , dont je partage l'opinion , est donc de l'avis des 
beaux esprits de la Réforme ; ils disaient en 1575 que le nom 
latin de Livron annonçait la liberté et le triomphe de leur cause, 
puisque Henri III, à la tète d'une armée de dix-huit mille 
hommes, assiégea vainement ce bourg pendant plus de sept 
mois et lui fit donner trois assauts, sans pouvoir s'en rendre 
maître. 

Luc a appartenu aux d'Agoult (1306) ; aux d'Urre (1478) ; à 
Claude de Theys (1556) ; aux d'Armand (1645) ; aux de Gilbert 
et aux de Morard ( XVIIIe s.) . Ce bourg s'appelait Lucus Augusti 
à l'époque romaine et Lucum en 1279. Le nom de Luc ou le 
Luc est commun à une douzaine de villages; on le rattache au 
mot lucus, bois ou bois sacré (v. Lau). Lucq (Basses-Pyrénées) 
était appelé , dans le XI« s., Sanctus Vincentius de sylva bona. 

Lus-la-Croix-Haute était une baronnie , vendue en 1660 par 
les d'Armand aux Jarente , plus tard Jarente d'Orgeval, qui la 
possédaient encore en 1789; cependant, en 1740, les d'Arba- 
lestier étaient qualifiés de barons de Lus. Cette paroisse est ap- 
pelée de Lunis en 1224 (Cart. de Die, p. 69), dans le Pouillé.de 
Die, p. 44, et en 1436 (Gallia, p. 136); Lunae dans Aymar du 
Rivail (XVI e s.); Lueium dans Valbonnays (Préface) et Lux 
dans Guy Allard. 

L'ancienne et la nouvelle forme du nom de Lus rappellent 
l'idée d'un cours d'eau. D'après M. Péan 1 , le duché de Lan- 
castre doit son nom à la Lan ou Lun ( Luna dans les anciens 
documents). 11 a déjà été question, aux mots Lène et Lionne, 
g III, de ce radical, qu'on trouve dans les noms de Lunas 
( Dordogne et Hérault ) , Lunan , qui sont sur des cours d'eau ; 



(I) Revue du Lyonnais, novembre 1866, p. 384. 



ÉTÏMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DBÙME. 67 

Lunneren, sur la Reuss , que Bochat ( t. III , p. 489) traduit par 
rivière rapide (v. g III , v.° Rhône). Aymar du Rivail (éd. Macé, 
p. 189) dit que le torrent de Lunel, où Ton pêche d'excellents 
poissons , a donné son nom au village de Lunae (Lus). 

La forme moderne Lus (Lucium) a la même étymologie que 
luchy louch, loch, lac, étang, marais, cours d'eau , en br., en 
irl. et en éc; luck, en anc. ail. (Polt , p. 51 et 408; — Bello- 
guet, t. I , p. US). V. Bez, § III. Cette traduction peut s'appli- 
quer à Lus, tout faisant supposer que la vallée de Lus a été 
occupée autrefois par un lac ou un vaste marais. 

Malissart, près de Chabeuil, veut dire mauvais essart ou 
issart. Essartum , exartum, essertv/m , sartum, en b; 1. (du 1. 
exertaré), désignaient une terre ou un bois nouvellement dé- 
friché. Essartier, Issautier, Essautier, Eyssauticr (exartarius, 
exaterius, en b. 1.) était l'homme qui essartait. 

Marches, canton du Bourg-du-Péage, a appartenu aux Poi- 
tiers, qui le donnèrent en 1360 à Bertrand de Taulignan; ses 
descendants le vendirent en 1330 à Louis de Sauvain : il fut 
acquis en 1582 par Bon de Broé et vendu en 1612 par François 
de Broé, conseiller au Parlement de Paris, à Claude de Lattier, 
seigneur de Charpey; jusqu'en 1789 , ces deux seigneuries ap- 
partinrent toujours à la même personne. Ce village est appelé 
Marcha en 924 et en 1057; Marchas en 1195 et en 1240; cas- 
trum de Marchis en 1220 , 1270 et 1324; de Marchiis en 1234 
et 1355; les Marches en 1374 (Giraud). Ce nom, comme ceux 
de Marcheville et Marchepurg (maison et bourg de la frontière); 
du Pont-de-Mars , sur la limite du Vivarais et du Velay ; du 
château des Marches , sur la frontière du Dauphiné et de la 
Savoie, etc., est emprunté à un radical commun à presque 
toutes les langues indo-européennes. On le retrouve dans mark, 
frontière, séparation, en ail., angl., holl., suéd.; marcha et 
rrwrcho, en tud.; mcwca, en it. et en esp.; marca et marchia , 
en b. 1.; margo, en 1.; marga , en s. c. t. (Burnouf, p. 494), etc. 

Les anciens peuples laissaient entre leurs territoires récipro- 
ques une vaste étendue de terrain inculte qui servait de rempart 
et de défense naturelle; de là le nom de la province de la 
Marche , des Marches de Brandebourg , d'Ancone , d'Espagne , 



68 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

etc. Les gouverneurs ou commandants des marches furent ap- 
pelés marquiones , marcheuses, marchisii, en b. 1.; marquis , 
en fr.; ma/rggrave et markgraf, en tud. et en ail., etc. Il est 
difficile de savoir si Marches, connu déjà en 924, servait de 
limite à de petits peuples gaulois, ou séparait les possessions 
des évêques de Valence et des anciens comtes du Valentinois , 
dont le premier connu était Geilon ou Gélin (920). 

Marges , près de Saint-Donat , arrière-fief de la baronnie de 
Clérieu , a appartenu aux Alleman et aux Poitiers-Saint-Vallier 
(XIV e s.); auxMontchenu (1500); auxBaternay, qui le vendirent 
en 1602 à Antoine d'Hostun K II faisait partie du comté de 
Charmes , qui a appartenu aux Coste , aux Bérenger et aux Cha- 
brières de Peyrins (XVIII e s.). Le château était la propriété des 
de la Font, éteints vers 1710 dans les Jacquemet de Saint- 
Georges, originaires de Pontarlier, représentés par leà familles 
Molière de Florans et Monier de la Sizeranne. Les anciennes 
formes étaient : Marjai en 1266; Marjays en 1296; Marjais en 
1336 ; Margays en 1342 et 1378 ; Margesium en 1526 ; Marjais 
dans Guy Allard (XVII e s.) ; Marjayz dans Y Inventaire de 1277 
(N.° 168) 2 . Ce nom, comme ceux de Margerie, la Margelle, 
Margens, Margicourt, Margival, les Maries , Mar lieux , Marley, 
etc., ont pour racine marga, marne, en 1.; mœrgila, en b. L; 
mergel, en ail.; maria, en éc. et en irl.; mari, en br. V. Merley. 

Il y a , dans la Drome , deux Marnas : l'un , sur la commune 
de Mercurol, est appelé villa Marniaca en 960 , forme qui rap- 
pelle le nom de Marnhiac, qu'on rencontre dans le Velay ; villa 
a Marnatis et Marnamm dans le XI e s.; Marnau dans le XII e 
s., et, plus tard, Saint-Pierre de Marnas (v. Giraud, passim). 
Ce nom, de même que ceux de Mamans (Isère), Marnant 
en 1070; Marnières, les Marnettes , Marnaval 9 vient du b. 1. 
marna. 

L'autre Marnas, situé près de Saint-Vallier, est appelé ecclesia 



(1) Léon Goxtier, Notice sur Saint-Donat , p. 85. 

(2) Cart. de Léoncel et de Montélimar; — Jnv. de 1346, p. 90; — Val- 
bonnays, t. II, p. 440; — Usage des fiefs, p. 120. 



BTTHOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 69 

de Madernatis vers 1058 (Cart. de Saint-Chafpre , p. 15); de 
Maernatz en 1179 [idem, p. 33) ; Marnas en 1373; Mamasium 
en 1470. La première forme de ce nom se rapproche beaucoup 
de ceux de Madrona et Materna, la Marne, ainsi appelée, dit- 
on, à cause des collines marneuses au pied desquelles elle 
coule, el de Madronas (VI« s.), aujourd'hui Marnes (Deux- 
Sèvres) , qui paraissent celtiques et que je ne puis expliquer. 

Marïgnac , qui appartenait aux évèques ou au chapitre de Die 
et aux de Silvestre, appelé Marinhac en 1178, Marignac en 
1193 et en 1246, est un nom commun à six villages. De même 
que Marigny (Mariniacum, Marignacum) , commun à vingt- 
deux villages, il est emprunté soit au nom d'un fondateur 
appelé Marinus, soit à une mare ou à un marais [mara, en b. 
1.; de mare, mer, en 1.; var et vari, eau, en s. c. t. — V. Moras, 
g V) . Marignane est sur les bords d'un vaste étang : Marimont 
( Heurthe) est la traduction de son ancien nom Moersberg (1398), 
montagne du marais. Pour ignac, voyez Tauligncm, g IV. 

Marsane ou Marsanne a appartenu aux Adhémar (XIII« s.), 
aux Poitiers (1333, 1431) et aux Adhémar de Grignan (1447), 
qui reçurent ce fief du Dauphin ; en 1508 , Catherine Adhémar 
l'apporta à Jacques Brunier, seigneur de Larnage, son mari. 
Dans le siècle dernier, leurs descendants s'étaient fixés à Nancy. 
En 1784 , Alexandre Adhémar de Monteil de Brunier, comte de 
Marsane, premier gentilhomme du feu roi de Pologne, etc., et 
Jean-Charles-Alexandre de Brunier d' Adhémar de Monteil, 
marquis d'Hendicourt , etc., vendirent, pour le prix de 181,000 
livres, les fiefs de Marsanne , Bonlieu , la Laupie et les domaines 
qui en dépendaient. L'acquéreur était M. Julien Martin-Dela- 
porte , de Lyon , secrétaire du Roi et receveur des finances à 
Montélimar. 

M. l'abbé Vincent, dans sa Notice sur Marsanne, dit que 
cette mutation eut lieu par suite de circonstances inutiles à 
signaler. Je ne sais à quels événements il fait allusion ; ils sont 
aujourd'hui inconnus dans le pays. Il existait à Montélimar une 
autre famille de Marsane, sur laquelle j'ai donné quelques détails 
dans mes Études étymologiques, p. 13; elle avait été, je crois, 
anoblie par Louis XI , alors dauphin ; on la trouve mentionnée 
dans l'acte faux de 1099 du Cartulaire de Montélimar. 



70 société d'archéologie et de statistique. 

Marsanne est appelé Marsana en 1458, 4332, 4338 et 1405; 
j'avais pensé d'abord que ce nom dérivait du radical mardi ou 
mars , limite (V. Marches) , mais il me paraît beaucoup plus 
naturel de le rattacher au nom d'homme Marcianvs, commun 
à l'époque romaine. On l'a retrouvé à Uriage, sur une plaque 
de plomb, à Vaison et à Aouste, sur des tombeaux 1 ; Mar- 
cianus habitait le Dauphiné en 739 2 ; dans le X e s., près du 
Perthuis (Vaucluse), il existait une villa Marciana, et, dans le 
IX e s., il y en avait une de ce nom près de Marseille 3 ; telle a 
dû être la première forme du mot Marsan ne, où les Romains 
avaient des établissements, car on trouve souvent des antiquités 
dans la plaine qui est au levant de ce bourg. 

Les noms analogues sont : Mont- de -Marsa/n, (Martiani); 
Marsan (Marsanum), ancien fief des Montesquiou; Marsannay 
(Marcennacum dans le Vie s.); Marsac (Corrèze), Marcieu 
(Isère), Marsas (Gironde) et Marsat (Puy-de-Dôme), appelés 
Marciacum (domaine de Martius), d'après M. Quicherat, p. 36. 
Ce nom ne paraît rien avoir de commun avec le mare sanum 
ou mara sana, marais assaini , desséché , de M. Pilot 4 , ni avec 
Martis Anna, ou déesse des années, proposé par le mythologue 
ou mythomane M. Mésengère (Delacroix, p. 537). 

Marsas, près de Saint-Donat, a appartenu aux Àlleman 
(XlVe s.) , aux Loras (XV« et XVIe s.) et aux Lacroix de Saint- 
Vallier 5 . Ce village est appelé Marzas dans le XI* s. et Marsas 
en 4461 . Je ne sais si la forme primitive de ce nom était , comme 
pour Marsas (Gironde), Marciacum, ou s'il faut le rattacher à 
mars ou march , frontière : v. Marches. 

Le fief de Maulcune ou Maucune, près de Saint- Vallier, appar- 
tenait aux de Lestrade (XVIe s.) et aux de Blanc de Chapteuil , 
du Vivarais; vers 4660 , Madeleine l'apporta en dot à Louis de 



(1) Mém. des antiq., t. VIII, p. 293; t. XVI, p. 137; — D/ Long, p. 13G, 
198, 199, 201. 

(2) Cari, de Saint-Hugues, p. 39. 

(3) Cari, de Saint-Victor de Marseille , t. II , p. 636. 

(4) Album du Dauphiné, t. H, p. 60. 

P) V. M. de Gallier, Bull, arch., 1870, p. 83. 



ETÏMOLOG1ES DES «OMS DE LIEU DE LA DRÔME. 74 

Simiane de Montbivos , son mari ; Laurent de la Coste, receveur 
en l'Élection de Montéliinar, Tacheta , vers 1720, 55,000 livres 
imputables sur plus forte somme qui lui était due (Archives , 
E. 540) ; plus tard, il appartint à Charles Popon, subdélégué à 
Romans. La branche des de la Goste-Maucune est tombée en 
quenouille, vers 1810, dans la famille Lerebours, appartenant 
au Parlement de Paris , et celle des de la Coste du Vivier, qui a 
produit trois généraux et un préfet de Marseille, a quitté le 
pays vers 1830. Mawune est peut-être l'équivalent de malus 
wgnus, mauvais coin, mauvais quartier, en b. 1. 

Châteauneuf-de-MAZENC a longtemps appartenu aux Poitiers ; 
en 1419, Louis de Poitiers le légua à Lancelot, son bâtard; il 
passa , en peu de temps , aux Clermont , aux d'Urfé , à Etienne 
de Vesc (1490), aux de Renard (1600), aux d'Yse de Saléon 
(1660) et au marquis de Piolenc (1751) ; en 1769 , les créanciers 
de ce dernier le firent vendre judiciairement ; il fut acquis , 
pour 260,000 livres, par M. de Ravel des Grottes, originaire 
de Marseille i . 

Les anciens noms de ce village étaient castrum novum Dal- 
matiense en 1187 (Ccvrt. de Die, p. 47); Dalmacensis en 1258 
( Cart. de Montélvmcur , p. 34) ; Dalmaceni en 1291 (idem, p. 74) 
et en 1416; Dalmaseni en 1332 ; Dalmassani en 1336 ; Dalma- 
ceni en 1353 et en 1393; Dalmasene en 1464; Damasceni 
(Pouillé de Die, p. 52); de Mazan, Damascm et de Mazens 
dans le XVI« s. 

Les formes les plus récentes m'avaient fait songer d'abord à 
masa , mas, maison, en b. 1., précédé de l'article dal (du) ; 
mais il me parait plus naturel de rattacher le nom de ce cas- 
trum à celui d'un Dalmacius ou Dalmatius qui en aurait été le 
fondateur ou le propriétaire. Ce nom, emprunté à celui de la 
Dalmaiie, existait déjà à l'époque romaine et était commun en 
Dauphiné dans le moyen âge. Delmatius 9 neveu de l'empereur 
Constantin, passa à Saillans en 337, et Dalmata habitait Die 



(l) Pour les ancieus seigneurs , voyez : De Coston, Notice sur Château- 
neuf-de-Mazenc; — Lacroix, L'arrondissement de Montélimar, t. II. 



72 société d'archéologie et de statistique. 

dans le V* ou le Vie s. (Delacroix, p. 491 ; - d. r Long , p. 57, 
88, 197). On trouve le nom de Dalmacius à Romans et à Die 
dans les XI e et XII e s.; Saint-Ztatwnas , près de Fréjus, était 
appelé Sanctus Dalmacius en 1313. 

Le parrain de Châteauneuf appartenait probablement à la 
piême famille que Guillaume Dalmas , de Châteauneuf Dal- 
macen, tuteur d'Aymar de Poitiers, seigneur de Taulignan, 
qui vivait en 1351 *. Son nom a été adjectivé pour différencier 
son manoir d'avec les nombreux Châteauneuf, et dénaturé 
quand on a cessé de comprendre celui de Dalmacenus. C'est 
ainsi que Domitianum (domaine de Donrice ou Domitien) est 
devenu Daumazan, Domazan et Domézain 2 . Dalmacius avait 
construit (probablement dans le XII e s.) son château sur une 
hauteur au pied de laquelle les Romains ont eu des établisse- 
ments , car on y a trouvé beaucoup de médailles et d'antiquités. 

Mercurol, près de Tain, a appartenu aux Poitiers-Saint- 
Vallier (XIV e s.), aux Claveyson, tombés en quenouille dans 
les d'Hostun , et ceux-ci dans les de Lionne , et enfin aux d'Urre 
de Blanchelaine (XVIIIe s.). Ce village est appelé Mercurrol en 
1195; castellum Mercuriolum en 1064 (Giraud) ; Mercurollium 
en 1460. D'après Guy Àllard, il doit son nom à un temple 
consacré à Mercure, dont le culte, en Dauphiné, est attesté 
par plusieurs inscriptions. On peut citer, comme noms simi- 
laires, le Mercou (Gard), castrum de Mercurio en 1121 ; Jfer- 
curey; Mercœur (Corrèze), Mercœ^ius; Mercu/riolus , près de 
Tours, mentionné dans une charte de 908, etc. 

Le fief du Merley, à uu kilomètre de Clérieu, fut vendu en 
1753, pour 125,000 francs, par H. de Ponnat au marquis de 
Saint- Vallier ; ce dernier y fit construire un vaste et beau châ- 
teau , qui fut pillé et brûlé en 1792 3 . Ce nom, comme ceux de 
Merlange (ange , ingen, champ), le Merleau, la Merlière, etc., 
parait dériver de mer la, maria, marne, en b. 1.; marie, 



(1) L'abbé Fillet, Histoire des Adhémar de Grignan. 

(2) Houzé, Revue arch., février 1867, p. 100. 

(3) De Gallier, Bxdletin arclh, 1869, p. 367. 



ÉTYM0L0GIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 73 

marlay, en v. fr. La terminaison ey a souvent remplacé Yiac 
celt., comme dans Vevey, Viviacum. V. Marges. 

Mêvouillon ou Mévolhon, près de Séderon, dominé par un 
fort inexpugnable , était la capitale d'un petit état comprenant 
trente-cinq paroisses, dont l'empereur Frédéric donna en 1166 
et 1178 la souveraineté à Raymond de Mêvouillon. En 1293, 
Raymond, dit le Jexme, un de ses descendants, se reconnut 
vassal du Dauphin, qui, en 1317, réunit ce fief à ses états 1 . 
En 1858, la baronnie de Mêvouillon fut acquise du Domaine 
par Pierre Bon, et, en 1593, elle fut vendue, pour 15,714 
livres, à René de la Tour-Gouverne t (Rochas, t. II, p. 33 et 
38) , dont les descendants la possédaient encore en 1789. Vers 
1590, René de la Tour acheta beaucoup d'autres fiefs; ce qui 
prouve que les chefs protestants avaient intérêt à faire et à en- 
tretenir la guerre civile. 

Les anciennes formes du nom de Mêvouillon étaient Medul- 
lium en 1095; Medullio en 1178 et en 1286; Medulio en 
1293; Medulium; Medillio; Médullion; Méoullion; Meuillon; 
Méouillon; Mèvoillon; Mévolhon^. Le nom de ce bourg paraît 
emprunté à celui des Medulli , petit peuple gaulois qui , d'après 
Strabon 3 , occupait les montagnes dominant le pays des Ca- 
vares, qui habitaient eux-mêmes la contrée comprise entre le 



(1) Valbonnays, t. I* r , p. 35; t. II, p. 165; — Pilot, Album du Dau- 
phtné, t. III, p. 10*2; — Delacroix, p. 540. — D'après M. Pilot, les Mê- 
vouillon s'éteignirent vers 1317; cependant, une branche des Grolée, qui 
en descendait par les femmes , en prit le nom dans le XV e s. — La famille 
Mévolhon on de Mévolhon , de Sisteron , doit probablement ce nom à cette 
circonstance qu'elle sortait du bourg de Mêvouillon. Un de ses membres , 
Jean-Antoine-Pierre Mévolfwn, député du Tiers-État à la Constituante, a 
obtenu en 1811 le titre de baron. 

Çl)Garl. de St-Victor; - Inventaire de 1346, p. 3 et 221; - Val- 
bonnays, t. II, p. 61; — de Laplank, Histoire de Sisteron, t. I, p. 401 
et 285. 

(3) Livre IV, t. I", p. 305, de l'éd. Tardieu, 1867; — v. Macé, Aymar 
du Rivait, p. 219. — D'autres auteurs placent les Medulli en Savoie , autour 
de Miolans, près de Cbambéry; ce village était appelé Miolanum et Meio- 
lanum en 1120 (Cari, de St-André, p. 143). 



74 société d'archéologie et de statistique. 

Rhône , les Alpes , la Durance et l'Isère. Il y avait aussi des 
Medulli dans le Mèdoc. Ce nom offre beaucoup d'analogie avec 
ceux de Madec, Madoc, Matic, Matoc, Matauc, Médoc, portés 
par d'anciens Bretons , et qui signifient bon , serviable , bien- 
faisant (maith, en éc. et en irl.; mitis, doux, en 1.; madu> en 
s. c. t.; — Burnouf, 488, 802). Le nom des Medulli était un 
diminutif qui correspondait à celui de Modelée. 

Miscon, près de Luc, a appartenu auxd'Agoult (4306), aux 
de Lhère (1565) , aux Guillaumont (XV1I« s.) , aux Corréard- 
Dupuy de Marne et aux du Combeau (XVIII* s.). Ce village est 
appelé bastida de Miscone en 1279 ; M. Houzé croit que le nom 
de Miscon est une forme relativement moderne de Matisco ; le 
t tombant souvent entre deux voyelles, comme dans Laigné 
(Sarthe) , Latiniacum; Nailly (Yonne), Nataliacum; Marigny 
(Indre-et-Loire), Matriniacum , etc. Misco ou Matisco serait 
alors synonyme de Matisco, Mascon, aujourd'hui Mdcon (Saône- 
et-Lôire, Côte-d'or, Deux-Sèvres), que Bial (p. 195) explique 
par mad ou mat, bon, secourable, en celt., et esk, isk, uisge, 
cours d'eau, c'est-à-dire (le bourg de) la bonne rivière. Quant 
à Miscon, ce nom lui aurait été ou transporté par suite d'émi- 
gration, ou donné par antiphrase, comme celui de Bonneval, 
qui en est peu éloigné, les vallées de Miscon et de Bonneval 
étant souvent ravagée^ par des torrents et des ravins. Cette 
étymologie est très-hypothétique. 

Moltères, de Moleriis en 1332, appartenait au chapitre de 
Die. C'est le môme nom que ceux de la Molière, les Molières , 
Moulières (de Moleriis du X e ou XIII e s.), communs dans le 
Gard et l'Hérault , la Molère. Ils dérivent soit de celui du cons- 
tructeur de la première maison de ces villages ou hameaux * , 
soit de leur position auprès d'une carrière de pierres meulières 
(moleriae) ou d'un moulin. 



(!) M. Cénac-Moncaut, dans un article sur Molière (Le Pays du 7 janvier 
1860), dit que Molier et Molière sont des noms propres très-répandus entre 
Toulouse et Bordeaux , qui signifient meunier (molinarius , en 1.; monier, 
en anc. dialecte dauphinois). Molier et mollier, en y. fr.; molarius , en b. 
1., veulent dire carrier, tailleur de meules. 



KTÏMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔHE. 75 

Montanègues ou Montanègre ( montagne noire) , près de Saint- 
Nazaire-le-Désert , était un fief dont la carte de Cassini n'indique 
pas l'emplacement. Il appartenait en 1300 à Jean d'Ancezune 
ou de Sahune; dans le XV** s., aux Brotin ou Brutin (Brutinus) ; 
en 1558, un mariage le fit passer à une branche des d'Urre, 
éteinte en 1748, qui portait le titre de marquis de Montanègre. 
Ce marquisat, comprenant aussi Gumiane, Guisans, etc., fut 
acquis, vers 1760, par Jacques de Verdeilhan, seigneur des 
Fourniels, fermier général , dont la veuve le possédait en 1789. 

Moras , canton du Grand-Serré , a appartenu aux Dauphins , 
au Roi (1349), à Aimar de Roussi lion (1364), à Louis, bâtard 
de Bourbon (1466) , à Galéas Visconti (1522) , au seigneur de 
Saint-Vallier (1540) et aux Murât de Lestang (1574), qui ie possé- 
daient encore en 1789 K II s'appelait Moras en 995, 1009 , 1147, 
1268 et 1272, et Morasium en 1474. Ce bourg est situé sur un 
coteau qui domine de vastes marais en partie desséchés. 

Mours, canton de Romans, près des marais que formaient 
les eaux de la Savasse, appelé Mors et Murs du XI e au XIV« s., 
a appartenu, dans le X Ville s., aux Calignon et aux Chabrières 
de Peyrins, qui leur ont succédé. 

Les noms de Moras et Mours veulent dire marais ; il en est de 
même de ceux de Moras (Isère), sur les bords d'un lac; Mo- 
restel (Isère), Morestelluni , sur un coteau dominant des marais 
(pour estel, v. Étoile, g IV) ; Morey, Moreium en 1159; Moirans 
(Isère) , le Morginnwrn de la table de Peutinger, Moirencum 
dans le moyen âge, sur les bords de la Morge, dont le nom , 
qu'on retrouve en Suisse, vient de muorag, marécageux, en 
patois allemand 2 ; Moircms (Jura), près d'un lac; le Mouroux , 
les Moures, etc. Ils ont la même racine que mora, morus , 
marais, en b. 1.; rnor, moro^s, mors, muor, en tud.; moor> en 
ang.; moer, en flamand; mot, mer, en br., etc. 

On appelle tour de Narbonne un vaste et haut donjon carré 
dominant Montélimar, et qui parait avoir été construit dans le 



(1) Lacroix, Bulletin arch., 1868, p. 367. 

(2) Gatschet, Ortsetymologische Forchungen, p. 65. 



76 société d'archéologie et de statistique. 

XIII e ou le XI V« s.; il en est fait mention dans un acte de 1378 
(Cartulaire , p. 187, 190, 257). Ce nom rappelle sans doute les 
droits exercés par les comtes de Toulouse , ducs de Narbonne ; 
un acte de 1210, fait à Hontélimar, est revêtu du sceau de 
Raymond VI , duc de Narbonne (Car t. de Saint-Chaffre , p. 39) ; 
Raymond V, duc de Narbonne et comte de Toulouse, concéda , 
dans le XII e s., des privilèges à l'abbaye de Léoncel (Cart., p. 
8, 10, 17), etc. 

Les Nonières , près de Châtillon , qui appartenaient , dans le 
siècle dernier, aux Simiane; les Nonières (Ardèche), de No- 
neriis , Nonères , rappellent peut-être des redevances du neu- 
vième ou nones (nona, nonagium, en b. L), imposées aux 
personnes auxquelles on concédait ces terres; ou le nom d'h. 
tud. Nonno ou Nunno, avec la terminaison ières, donnant à 
Nonnières le sens de domaine de Nonno. 

Odefred , près de Montjoux, canton de Dieulefit, était un fief 
dont le nom, emprunté à celui d'un homme d'outre-Rhin, 
voulait dire riche ami, puissant ami. Il appartenait aux Adhé- 
mar, aux du Puy (1399) , aux Poitiers , aux des Isnards (X VI« 
et XVII e s.) et au marquis de Montjoux (XVIII e s.). 

Omblèze , canton de Crest-Nord , est dans une gorge profonde , 
formée par des montagnes à pic ; ce fief a appartenu à l'évoque 
(1450) et aux la Baume-Pluvinel (XVII e et XVIII e s.) ; il est ap- 
pelé ad collem Umblicis en 1173 et 1185 (Cart. de Léoncel) ; 
Urnblese en 1192 et 1242; de Umblesiis dans le Pouillé de Die, 
p. 48; Humbleziae en 1464. Ce nom, qu'on ne retrouve dans 
aucun autre département, est une énigme pour moi. Omblèze 
est au pied de la montagne A'Arnbel; ces deux noms paraissent 
avoir quelque analogie. 

Onay , près de Romans , Alnaïcum dans le XI e s. (Giraud , 
Preuves, t. I er , p. 197), Aunay en 1483, de même qn'Aunaye, 
Launay, etc., doit son nom à des aunes ou vernes. V. Ârmeyron. 

Orcinas , dans les montagnes qui entourent Dieulefit, appar- 
tenait en 1541 à Jean de Clion et plus tard aux de Lattier ; il 
s'appelait Orcinassium dans le XV e s. Je ne sais si ce village" 
doit son nom à des ours , comme Orcières (Hautes-Alpes) , 
autrefois Ourcières, ou à un fondateur appelé Ursio, ou au mot 



ÉTYM0L0GIES DES NOMS DE LIEU DE LA DBÔME. 77 

ors, limite, frontière, en provençal. Pour Orsoles, v. Ursolis, 
et pour Oreille, v. Aurel. 

Ourches, canton de Cr est- Sud, a appartenu aux Poitiers, aux 
Berlion, qui étaient aussi seigneurs de Véronne ; dans le XV e s., 
Marguerite Berlion apporta ce fief à Antoine cTUrre, son mari ; 
Aimar, son quatrième fils, forma la branche des d'Urre de 
Berlion, tombée en quenouille, vers 4600, dans les More ton 
de Chabrillan , qui le possédaient encore en 1789; il fut compris 
dans l'érection de Chabrillan en marquisat, en 1674. 

Les anciens noms d'OcacHES sont Orcha en 1192, 1215, 1232 , 
1332; Orchanum en 1284, 1303 et 1450; Orchianum en 1292 
et 1324 * ; Orcharap en 1421 (A. Duchesne) , mais cette dernière 
forme parait altérée; Orca dans Columbi, p. 167. On rencontre 
le même nom dans la Meuse et dans la Meurthe ; il a beaucoup 
d'analogie avec ceux A'Orches (Côte-d'Or et Vienne), Orchies 
(Nord) et Orques (Sarthe), dont on retrouve la racine dans la 
.première partie de ceux d'Orgawialu et d'Orgatoilo qu'on lit 
sur des triens mérovingiens (A. de Barthélémy, p. 19); mais 
Tétymologie de ces divers noms est douteuse. Peut-être dé- 
rivent-ils d'un radical qu'on retrouve dans orch, frontière, 
limite, en kimr. (Taylor, p. 171), ors, en prov., correspondant 
au 1. arca, bout, extrémité; Ourches serait alors synonyme 
de Marches. 

La Paillasse , petit village , près de Valence , où il y avait un 
relai de poste , et par conséquent des entrepôts de pailles , ne 
parait pas remonter au delà de trois ou quatre siècles. De même 
que la Paillette, près de Dieulefit, qui appartenait, dans le 
XV1II« s. , aux Rigot de Montjoux , Palharès, Pailler ey 9 Pailliers, 
la Paillonne, la Pmllotte, Padlleyrols (Gard), Palliairols en 
1243, etc., il dérive du 1. palea, paille; pala etpalas, en s. c. t. 
Il en est de même de pailler, grange, en v. fr., aujourd'hui 
amas de pailles; pailleul, paMoeul, mur ou bâtiment construit 
avec de la paille ou de la boue, en v. fr. Ces villages ont dû 
commencer par des maisons construites en torchis ou établies 
sur des terrains produisant beaucoup de paille. 



(1) Cart. de Léoncel, passim; — Gallia, t. XVI, Preuves, p. 129. 



78 société d'archéologie et de statistique. 

Parnans, près de Romans, a appartenu aux Bressieu (XV e s.), 
aux Claveyson (XVIe s.), aux Boffin (XVII e s.), et en dernier 
lieu aux Bailly ou Bally de Montcarra et de Bourchcnu. Ce 
village est appelé Parthenis villa en 696; Parnans, Parnantium 
et Pernantum dans le XI e s., et Pernanz en H96 *. Ce nom a 
beaucoup d'analogie avec ceux de Pernes (Vaucluse)* Paterne 
dans le IX e s.; de Payerne (Suisse), Paterniacum en 918 et en 
1014, que M. Gatschet , p. 92, rattache au nom d'homme Pater- 
nus, et de Perno (Italie), Paternum. 

Les formes les plus anciennes sont celles qui se rapprochent 
le plus des radicaux primitifs : il est probable que Parnans, 
Parthenis villa en 696, et Parthenay (Partheneum et Parte- 
niacum) doivent leur nom à Parthenus, emprunté au grec 
TCzpdévoç, pur, virginal, chaste; c'était un nom emblématique 
porté par trois saints qui vivaient dans les premiers siècles de 
l'Église. Quant h Pernes, il paraît avoir pour parrain Paternus. 
Perna, pernada, en b. 1., veulent dire domaine, parc, enclos, 
et ont peut-être le même radical que le sanscrit parna, feuillage, 
parnasiy cabinet de verdure, pâmasse. 

Sur la cime d'un rocher qui surmonte la montagne escarpée 
au pied de laquelle est placé le village de Barbières , se dressent 
les ruines imposantes du château de Pellafol ou Pelafol. De 
même que la tour d'Albon et beaucoup d'autres donjons des XI e 
et XII e s. 2 , ce château n'avait pas de porte; une fenêtre, à 
laquelle on arrivait par une échelle, en tenait lieu. Vers 1574, 
il fut pris , sans doute par famine , et démantelé par le capitaine 
Beauregard 3 , hypothétique ancêtre du duc de Persigny. Il a 
appartenu à l'évoque de Valence, en 1238 (Gallia, Preuves, 
p. 114), aux seigneurs de Rochefort-Samson , tombés en que- 
nouille en 1380 dans les Beaumont d'Autichamp. En 1606 , 
Claude Frère, premier président, obligea Gaspard de Beaumont, 



(1) Giraud , Preuves, t. l w , p. 27, 33, 181, et t. III, p. 65, 170. 

(2) De Caumont, Abécédaire <F archéologie , p. 305. 

(3) Probablement Esprit Michel, anobli en 1584, plutôt que Pierre Fialin, 
dont parle M. Rochas, t. I tr , p. 383. 



ÉTfHOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LÀ DRÔME. 79 

son débiteur, à lui céder à bas prix les terres de PellafoL Bar- 
bières, Fiançayes, etc. Les de Lionne 1 l'ont possédé jusque 
vers 1700 , époque à laquelle il fut acquis , ainsi que Barbières et 
Fiançayes, par les Michel du Sozey. V. § 1, v.° Roche fort. 

Pellafol ou Pelafol est appelé Pellafolum en 1238 et 1295 
{Gallia, p. 114); Pelafol et Pellafort dans une charte transcrite 
par M. Giraud (t. II, p. 33), et qui parait être du XII* s.; Pelle- 
fol en 1392 2 . Il y a, dans le canton de Mens (Isère) , un village 
qui porte le même nom; il est adossé à une haute montagne et 
a 9% mètres d'altitude. Il avait donné son nom à une famille 
du Trièves, citée par Guy Allard, et qui paraît avoir pour pre- 
mier auteur connu Arbertus de Pellafollo, qui vivait en 1183 
(Car t. de Die, p. 37); elle ne possédait cependant pas le châ- 
teau ; il appartenait aux Montorsier, et un arrêt rendu par le 
Parlement en 1425 ordonna de le raser. 

Son nom est très-souvent écrit Pellafort dans les actes du 
XV« s., ainsi que dans un Mémoire de 159 pages publié, vers 
1738, par M. de Ponnat contre M.g r de Cosnac, évêque de Die. 
Telle devrait être la véritable orthographe du nom de cette 
famille, qui existait encore en 1823. 

Il y a au-dessus de Bellecombe, canton du Buis, un château 
fort en ruines appelé Pennafol par Guy Allard ; Penafol dans 
Y Annuaire du Dauphiné pour 1789, p. 144; Pennafort, par 
M. l'abbé Isnard [Bull, arch., 1866, p. 54) ; castrum Penne 
Fortis en 1334, et de Penna Forte en 1284 (Valbonnays, t. II , 
p. 118). En 1294, Pénafort appartenait à Hugues Adhémar; en 
1330 et 1450, aux Rémuzac ou Rérausat; dans le XVI e s., aux 
de Ferras, tombés en quenouille dans les Achard (Pithon-Curt , 
t. 1er, p. 398; — Guy Allard, t. 1«, p. 4). 

En 1591, Jacques de la Tour-Gouverne t acheta ce fief de 
Pennafol, ainsi que celui de Tarendoi , qui en était peu éloigné. 
Enfin , il existe près de Draguignan un quartier appelé Penna- 
fort , Penna Fortis, en 1., et telle devait être la forme primitive 



(1) Peut-être est-ce Pellafol (Isère)? 

(2) D. r Long, Revue numismatique , 1844, p. 430. 



80 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

du Pennàfol de la Drome , qui veut dire montagne fortifiée , de 
même que Montfort. V. § I er , v.° Béwivay. 

On peut citer d'autres exemples du changement de la lettre r 
en l, notamment autel pour altare; crible pour cribrum; pè- 
lerin pour peregrinis, et probablement Poifol (Nièvre) pour 
Poyfort ou Puyfort, montagne fortifiée; Mont fol, près des 
sources de la Loire, à 1,601 mètres d'altitude , et Saint-Jullien- 
Ae-Montfol, près du Grand-Serre, de Monte Folio, vers 1100 
(Giraud, t. III, p. 74), et en 1300 (Valbonnays, t. II, p. 86) , 
pour de Monte Forte. Quand on a cessé de comprendre ce nom , 
et sans doute par suite de quelque susceptibilité locale , Mont fol 
a été changé en Montsage, Mons Sapientis en 1527 (Arch. dép.). 

Si Pellafol , pour Pellafort, qui doit être sa véritable forme , 
n'est pas une altération de Pennafort , la première partie du 
mot représente le pela ou pelum du b. L, château , fort, cita- 
delle, correspondant kpeel, enanc. angl., commun, dit Taylor 
(p. 262), dans l'onomatologie de la Grande-Bretagne, comme 
Ferté (firmitas) , en France; pill, en kimr.; pile, en angl.; 
jnllis, en lithuanien; x6Xiç, ville, en gr.; palli, en s. c. t., etc. 
Le radical parait être le même que celui de pal, pieu, en tud. 
et en pol.; palitz, en r.; palus, en 1.; peul, en br.; palatin, 
arbre , en s. c. t.; pal , protéger, défendre , dans la même langue 
(Burnouf, p. 402). Palatium, palais, désignait primitivement 
un lieu palissade, fortifié , comme en b. 1. V. Bâtie, \ IV. Pel- 
lafol veut donc dire château fort. 

Pelonne, canton de Remuzat, appartenait aux Tolon-Sainte- 
Jalle (XVI e s.) et aux Blégier de Taulignan (XVIIIe s.); le nom 
de ce village parait dû aux rochers à pic qui sont auprès et qui 
ont quelque ressemblance avec des piliers ou aiguilles ; voir le 
Pilhon. 

Dans le § I er , v.° Poè'f-en-PERCip , appelé Poyetum dum 
Percipia en 1293 (Invent. <fe!346, p. 221), j'avouais mon im- 
puissance à traduire la dernière partie de ce nom. Je crois 
qu'il faut en chercher l'origine dans un acte de 1060, d'après 
lequel Domna Percipia, femme de Raimond et mère de Ru- 
pert , évêque de Gap , donna à l'église de Saint-Victor de Mar- 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEC DE LA DBÔME. 84 

seille la moitié d'une manse dans le territoire du Poët 1 , Poie- 
tum, en 1. C'est donc le Poët de Dame ou de Domina Percipia : 
ces deux mots ont été altérés et sont devenus méconnaissables. 
Ils rappellent le nom des Âix-d Angillon , Hayae Domni Gilonis. 
Le Poët a appartenu aux de Baux (1348-1410). 

Le Petit-Paris, canton de la Motte-Chalancon , appartenait 
en 1278 à Isoard des Aix; Raymond d'Agoult le vendit en 1281 
à Arnaud , pour 94 livres ; en 1300 , il appartenait à Jean d'An- 
cezune ou de Sahune , et , en 1490 , à Jean Brotin (Johanes Bru- 
tini, dominus Parisii) ; en 1858, Anne Brotin l'apporta en dot 
à Georges d'Urre , son mari , dont les descendants réunirent 
au nom de Brotin le titre de marquis de Hontanègre; cette 
branche s'éteignit en 1748 (Pithon-Curt , t. III, p. 596). Vers 
1760, ce fief, ainsi que Gumiane, Guisans, etc., faisait partie 
du marquisat de M ontanègre, acquis par Jacques de Verdeilhan , 
seigneur des Fourniels; il était plutôt appelé Paris que le 
Petit-Paris {Parisius dans le XIV* s.; Pouillé de Die, p. 47). 

Sept villages portent le nom de Petit-Paris; cinq d'entre eux 
sont près de la capitale et doivent probablement cette appel- 
lation à leur position agréable ou à une enseigne , comme la 
rue du Petit-Paris à Montélimar. Le village qui nous occupe , 
perdu dans de hautes montagnes , ne pourrait l'avoir reçue que 
par antiphrase. L'addition de l'adjectif, qui paraît moderne , 
vient du peu d'importance de cette localité. Peut-être, comme 
Pariset, près de Grenoble, Parisio en 1091 (Cart. de Saint- 
André, p. 277) , Parisius dans les trois siècles suivants (Inv. de 
1346), et Sa\nt-Parize (Nièvre) , est-elle due à un nom d'homme 
ou à une altération de celui de sanctus Patricius, appelé saint 
Paris , Parise et Parize, qui vivait en 700. 

Le Pilhon , près de Luc , est au pied d'une montagne cylindro- 



.(l) Cartulaire de Saint- Victor, t. II, p. 72. Ces lignes étaient déjà 
écrites , lorsque j'ai reçu une lettre de M. le commandant Mowat , ainsi 
qu'une note non signée mise à la poste à Voreppe , et Tenant peut-être du 
couvent de Chalais; elles me donnent la solution du problème étymo- 
logique : je n'en remercie pas moins de leur obligeance mes bienveillants 
collaborateurs. 

Tome VI. — 1872. 6 



82 société d'archéologie et de statistique. 

conique qu'on a pu comparer h un pilier. Ce fief a appartenu à 
une famille de ce nom , connue depuis Willelmus dal Pillon , 
qui vivait en 1246 (Cart. de Léoncel, p. 145) ; mais les d'Agoult 
en étaient coseigneurs. La part des du Pilhon passa , par suite 
de mariage , aux Chabestan en 1433 l . En 1597 , elle appartenait 
à du Roux de Montauban, et, dans le XVIII* s., les de Ponnat , 
barons de Gresse, étaient seigneurs de ce fief. 

Il est appelé castrum dal Pilhon en 1246 ; de Alpillone en 
1293 (Cart. de Die, p. 129); de Alpilione en 1299; Arpillio dans 
le XI Ve s.; Pillonum en 1430. Le nom proprement dit est pré- 
cédé de l'article al, le (ar, en breton) ; c'est le même que celui 
du village appelé les Pilles ou les Piles , près de Nyons , cas- 
trum de Pilis en 1222, 1252, 1291, et locus Pilwrum en 1427 
(Arch. dép.; — Inv. de 1346). Il est construit entre deux ro- 
chers escarpés et très-resserrés qui forment un détroit ; ce qui 
en faisait une position importante, et appartenait aux Gandelin 
(1450, 1550) et aux Fortia, dont une branche, qui en portait 
le nom, le vendit vers 1750 à M. d'Andrée. 

Ce nom , comme ceux de Pelorme (v. ci-dessus) , des Piles 
(Gard), ad Pilas en 1203, du Saint-Pilon, en Provence, sur 
un rocher à pic surmonté par une chapelle ; du Pillon , près de 
Nantes, non loin d'un peulven, etc., ont la même racine que 
pilier; elle est commune à presque toutes les langues indo- 
européennes et paraît avoir eu, par extension , le sens de mon- 
tagne; on la retrouve dans le nom des rochers du Pilate, près 
du Righi; du mont Pilât (Loire), probablement le mons PUetus 
d'une charte de 984, etc. 



(t) Pithon-Curt , t. I er , p. 315, et t. II, p. 413. — V. aussi Guy àllard. 

Le dernier marquis du Pilhon habitait Die en 1789. On cite encore de 
lui une réponse facétieuse : 11 avait un acte à passer avec Jean G. de R., 
qui devait sa noblesse à une charge de trésorier de France et tenait beau- 
coup à cette distinction de fraîche date ; aussi le notaire avait-il mis devant 
son nom la qualification de messire. — Puisque tous accordez à l'un des 
contractants le titre de messire Jean, dit-il, donnez-moi celui de Virgou- 
leuse du Pilhon, ou je ne signe pas votre acte. (Les poires dites Virgou- 
leuses doivent leur nom au village de Virgoulée, près de Limoges.) 



ÉTTMOLOGIKS DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 83 

Plaisians, près du Buis, a appartenu d'abord à plusieurs 
coseigneurs (1216) ; aux barons de Mévouillon , aux Dauphins 
(1317); aux de Baux; aux Poi tiers-Saint- Vallier, qui le cédèrent 
en 1489 aux la Baume-Suze , à Barthélémy d'Orcel (1713) et aux 
Canet , marquis de Marignane (1789) . C'est peut-être le Plan- 
cianum de 789 (Cart. de Saint-Hugues, p. 41), altéré par le 
copiste, la forme Plassianum paraissant plus probable; Pla- 
zianum en 1216, 1293 et 1296 ( Valbonnays, t. K p. 17, 35, 
et t. II, p. 119); Plasianum en 1302; Playsianum en 1339 
(idem, t. II, p. 387); Plaissans dans le XVI« s. Ce nom, 
comme ceux de Plaissans, le Plessiel, la Plaisse, le Plessis 
(Plesseiwrn et Plasseium ; on en compte une soixantaine) , veut 
dire parc , enclos , lieu de chasse ou de plaisance. De même 
que plesse, plessée, plessié, plessis, plesseiz, en v. fr.; plessa , 
plesseium, plecticiwn, en b. 1., ils rappellent des clôtures 
faites avec des branches plessées (plexae) , pliées , entrelacées : 
ces mots ont la même racine que rcXéxetv, en gr.; flechte, en 
tud.; plesti, en anc. slave. 

Ponet ou PoNNET-Saint-Auban , bâti sur le flanc d'un coteau , 
près de Die, a appartenu aux évêques, aux d'Urre (XV* s.) et 
aux Moreton de Chabrillan (XVII e et XVIII* s.). U est appelé 
villa Pacnetum en 1210 ; Paonet en 1221 ( Cart. de Die , p. 40 , 
61); Paunetum en 1486. Ce nom paraît être synonyme de 
Serret, Monceau , Montelier. V. Épaone. 

Ponsas, près de Saint- Vallier , a appartenu à Humbert Pilât, 
secrétaire du dernier Dauphin , et en dernier lieu aux Lacroix 
de Saint-Vallier. Il doit son nom à un ponceau établi sur un 
petit cours d'eau et était appelé Ponsanis en 1363 ; Ponsas en 
1470. Pontaiœ , près de Die, a reçu sans doute le sien d'un pont 
sur la Drome ; il est ainsi désigné dans un acte de 1246 : actum 
apud Pontais, ultra pontem, etc. (Cart. de Léoncel, p. 145) ; 
Pontaisium en 1274 ; Ponteiz en 1421. En 1288 , ce fief appar- 
tenait à Aymar de Poitiers, qui donnait à ses vassaux une 
charte d'affranchissement; il passa aux Poitiers-Saint- Vallier, 
qui, vers 1508, le vendirent, ainsi que Quint et Eygluy, à 
Charles d'Hostun. Jacques de la Tour-Gouverne t l'acheta en 
1582 , et, dans le siècle suivant , il passa aux la Baume-Pluvinel , 
qui le possédaient en 1789. Pour Pontaujard , voyez Jas. 



84 société d'archéologie et de statistique. 

Le PoNT-de-Barret , canton de Dieulefit , appelé Smemta dans 
le X« s. (y. le § III) , doit son nom à un pont sur le Roubion ; il 
y avait probablement une barrière pour assurer le péage : de 
là le mot Bwrret. Ce village , où Ton a trouvé des antiquités 
romaines , est appelé ad Pontum en 957 et villa de Ponte en 
1179 (Cwt. de Samt-Chaffre , p. 7, 26 , 33). Il a appartenu aux 
Adhémar (XII* s.) ; aux d'Urre (XVI* s.); dans le XVII* s., il 
était indivis entre les Marcel de Blain du Poët et les de Saint- 
Ferréol de Saint-Pons. Ceux-ci ont pour premier auteur connu 
Albert de Saint-Ferréol, notaire à Hanas , de 1444 à 1472; dans 
le XVII* s., Alexandre, fixé en Hollande, écrivait à ses parents 
qu'il avait fait dresser sa généalogie, et qu'elle remontait à 
sanctus Ferreolus, martyrisé à Besançon en 211. Cette famille, 
aujourd'hui établie à Grasse, habitait Montélimar et avait formé 
les branches dites de Saint-Pons , du Mas , de la Mure , Mon- 
ta uban. V. mes Études étymologiques, p. 26. 

Portes, sur la grande roule, près de Valence, s'appelait 
locus AePortis eu 1100, 1258 et 1374, et Portes, canton de 
Montélimar, Portae et de Portis. Il existe en outre une douzaine 
d'autres villages de ce nom. Dans le XV e s., les d'Urre (qui 
possédaient le second de ces fiefs dans le siècle suivant) étaient 
qualifiés de seigneurs de Portes, qui parait être le premier. 
Les de Budos, à la famille desquels appartenait Louise de 
Budos, dame d'Étoile, dans le XVII e s. (v. le § IV), étaient 
seigneurs et plus tard marquis de Portes, mais ce fief était 
celui de Portes-Bertrand , près de Vallon (Ardèche). Portes-lès- 
Valence, qui paraît avoir été longtemps réuni à Fiancey, a ap- 
partenu aux de Dorne (XVIfr s.) , aux Lescot , aux Baronnat et 
aux de Rostaing. 

L'autre village de Portes fut inféodé en 1215 par Lambert 
Adhémar à Hugues de Mirabel , son porte-enseigne : Guillaume, 
un de ses descendants, le possédait en 1316; ce qui n'empêchait 
pas les Adhémar de prêter hommage aux Poitiers , notamment 
en 1283, et de prendre comme ces derniers, dans le XIV e s., la 
qualification de seigneurs de Portes. En 1507, ce fief appartenait 
aux d'Urre. Dans le XVlh s., il passa aux de Lattier, qui le 
possédaient encore en 1789 et dont la famille , sur laquelle j'ai 



ÉTIMOLOGIES DES NOMS DE LIED DE LA DRÔME. 85 

donné des détails dans mes Études étymologiques, p. 15 , ne 
tardera pas à s'éteindre. 

Dans cet opuscule, j'indiquais les motifs qui, dans le moyen 
âge, faisaient souvent préférer à la route longeant le Rhône 
celle qui passait à la Baume-de-Transit, Grignan, la Touche, 
Portes, Châteauneuf et Charols, où Ton assure que Louis XIII 
a couché. A Charols, elle bifurquait dans la direction de Crest 
et dans celle de Loriol par Harsanne. En 1584 , il existait de- 
puis longtemps à Châteauneuf un pont sur le Jabron pour faci- 
liter le passage des voyageurs qui suivaient le chemin royal. 
On est étonné aujourd'hui en voyant le mauvais état des routes 
du territoire de Portes, coupé par de hautes collines, que ce 
village doive son nom, ainsi que plusieurs autres, notamment 
Portes (Gard), sur la voie romaine de Nismes au Puy, appelé 
castrum de Portis en 1102, à un mot indiquant un lieu de pas- 
sage, et, cependant, rien n'est plus vrai. 

En b. 1., on appelait porta , portagium, portatico le droit de 
péage perçu à la porte des villes, des bourgs, ou aux barrières 
établies à cet effet par certains seigneurs ; ces mots venaient 
de ce qu'on portait presque toutes les marchandises à dos de 
mulet à cause du mauvais état des routes. Port, dans les Py- 
rénées, a conservé le sens de passage, défilé, comme dans 
Saint -Jean-Pied-de -Port; il correspond au pforte ail. et au 
phorta tud. et a beaucoup d'analogie avec furt , gué , passage , 
en ail.; ford, en angl.; d'où : Francfort, Oxford, passage des 
Francs, des bœufs. 

A diverses époques, Propiac, près du Buis, a appartenu à 
des coseigneurs , notamment à Raimbaud Jeoffroi (Gaufridus) 
en 1383; aux Hévouillon (1293); au Dauphin (1317); aux évo- 
ques de Vaison (XIII e €t XIV* s.) ; aux de Rainoard , Vincens de 
Savoillans et d'Albert (XVI e s.) ; aux Vincens de Mauléon et de 
Cheilus (XVII« et XVIIIe s.) , et en dernier lieu à M. de Girard 
ou Girard. Ce village s'appelait Propiacvm en 1216, 1317 et 
1336; Prupiacum en 1317; Propriacim en 1317, et Propiac 
en 13461. 

(1) Valbonnats, t. 1", p. 118; t. II, p. 166, 1Ç9; - Inv. de 1346, p. 221. 



86 société d'archéologie et de statistique. 

Ce nom paraît signifier domaine de Probus : la forme pri- 
mitive devait être Probiacum ; le changement du b en p a lieu 
très-souvent, lorsqu'un mol passe d'une langue dans une autre. 
Il est analogue à ceux de Florac, Floriavum, domaine de 
Florus; Flaviac, Séverac, domaine de Flavius, de Severus, et 
rappelle celui de Clèrieu, Clariacum. On trouve le nom de 
Probus dans les anciennes annales de la province; le prêtre 
Probus fut envoyé par l'archevêque d'Embrun au concile d'Or- 
léans en 581 (Guy Allard, t. II , p. 424). 

Les traductions de Propiac par propè aquas ou ^opitia aqua, 
qu'on a proposées, ne me paraissent pas possibles. L'ancien 
village, aujourd'hui en ruines, m'écrit M. Harre (du Buis), était 
au levant du village actuel, à mi-côte, et à deux kilomètres 
des sources minérales, qui surgissent à l'opposé , au quartier de 
Salins. C'est dans ces ruines que fut inaugurée, il y a près d'un 
siècle, la secte des illuminés du midi, sous la présidence 
active du docteur Nicolas (de Chàlillon), élève et ami de Mes- 
mer, et avec l'appui de Condorcet. 

L'ancien pont de Quart , au sud de Die , a été ainsi appelé , 
dit le D. r Long (p. 93), parce qu'il se trouvait au quatrième 
mille , et la vallée de Quint , parce qu'elle était ad quintam 
lapidem de la même ville. Ce mandement, qui comprenait six 
paroisses, est désigné sous le nom de Quint dans les actes 
des XII e et XIII e s. Ce fief paraît avoir eu les mêmes seigneurs 
que Pontmœ. Il existait une famille noble de ce nom, repré- 
sentée dans le XIII e s. par Adémar et Gyraud de Quint (Cart. 
de Léoncel, p. 142). 

Reculais, près de Romans, Reculeysium en ISIS, est un 
petit village dont l'origine ne parait pas ancienne. Dans le XVII e 
s., il appartenait aux Monier de Rochechinard, et , dans le XVIII e 
s., aux de Loulle, éteints en 1817 dans la personne d'un ancien 
conseiller au Parlement. Ce village , perdu à l'extrémité d'une 
vallée sinueuse, parait devoir son nom à sa position dans un 
lieu reculé, écarté, comme le Reculet, le Reculey, Reculas, etc. 
« La ville d'Abbeville , dit une ordonnance de 1399, est assise 
en un reculet de mer. » 

Reilhanette, canton de Séderon , appartenait, dans les XIII e 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DBÔME. 87 

et XI V« s., aux du Puy, branche des du Puy-Montbrun ; dans le 
XV e s., aux d'Agoult et de Justas; dans le XVI e s., aux G lan- 
de vés, et dans les XVII e et XVIII e s., aux Rolland de Cantelmes 
ou Cantelmi. Les noms latins étaient Rellania en 1302 et 1317 ; 
Reyllania en 1306 ; Relliana en 1317 (Valbonnays, t. II , p. 119, 
166, 169). On Ta appelé plus tard Reilhanette pour le diffé- 
rencier sans doute de Reillanne (Reliana , Rilhona , Reilana), 
qui en est peu éloigné , et dont la population est trois fois plus 
considérable 1 . 

Ces noms , comme ceux de Reillac , Reilhac (Dordogne) , 
Relhacum et Rilhaou/m, Reillaguet, etc., sont synonymes de 
couture (cultwa) et rappellent des terres nouvellement défri- 
chées par des raies ou sillons de charrue. Ils dérivent de relha, 
soc de charrue, en b. 1. (et en port.), qui , de même que rail , 
raie, barreau, en angl.; reihe y en ail.; r exile , reillon, raillon, 
flèche, dard, en v. fr.; reiller, labourer, reille, laboureur, en 
roman , a la même racine que raji , raie , rangée , file , en sans- 
crit (Burnouf , p. 538). 

Remuzat a peut-être appartenu à une famille de ce nom 
connue depuis le XIII e s. et éteinte vers 1550 , et plus tard aux 
de Laval (XIV e s.) et aux de Rivière (XV« et XVI« s.). Les noms 
latins étaient Remusiacum en 1173; Ramusatum en 1359 et 
1269; Remusacum en 1398 et 1313 2 . Dans diverses villes du 
midi il y avait des familles Rémusat, notamment à Montélimar 
en 1375 et en 1394; à Sisteron en 1337 ; à Montpellier en 1450 ; 
à Marseille en 1365 : Louis Rémusat, consul d'Aix en 1604 , est 
un des ancêtres de M. Charles de Rémusat, ancien ministre. 

La forme la plus exacte paraît avoir été Ramusatum, lieu 
boisé; du 1. ramus, rameau, branche, qui a fourni beaucoup 
de dérivés et de noms de lieu, tels que le Ramage; Ramecourt , 
Ramicourt et Ramonville (maison du bois); Ramillies et /?a- 
mousies (bois taillis) , etc. Le changement de Y a en e est fré- 
quent; on peut citer père, mère, frère, qu'on écrivait en latin 



(1) La famille de ReUlanne a pour armes : d'azur au soc ou reille d'argent. 

(2) Gallia, Preuves , p. 37; - Inventaire de 1346, p. 218, 229, 239. 



88 société d'abchéologie et de statistique. 

avec un a. L'ancien Rémuzat était de l'autre côté de l'Ouïe, sur 
le penchant de la montagne. 

Rioms ou Rions , canton du Buis , sur le flanc d'un coteau , a 
été donné en» 1284 par Randonne, fille de Draconet de Mon- 
ta uban, à Ronsolin ou Rocelin , son fils; dans le XI V« s., il ap- 
partenait aux de Rosse t, et , dans le XYI« s., aux Rosans et aux 
de Lhomme; en 1601, il fut acheté par Jacques de la Tour- 
Gouvernet, et dans le XVIII e s., il passa aux d'Albert de Rions , 
originaires de Provence. Ce village était appelé Rionia et de 
Rionis en 1060; castrum Rionis en 1284; idem Riomis en 1296 ; 
idem Ryomis en 1291 ; idem Rihomis dans le XIV« s. *. En 1393 , 
Duranus de Riomis habitait Montélimar (Car t., p. 213). 

Ce nom parait être le même que Riom (Puy-de-Dôme et 
Cantal) ; Rion (Landes et Saône-et-Loire) ; Rions (Gironde) ; 
Rians (Cher et Var) ; Ruoms (Ardèche) , dont le territoire est en 
partie composé de rochers qui sont dans le désordre le plus 
singulier ; il a une physionomie celtique , et probablement la 
forme primitive a été la même que celle de Riom, Rkomagus 
dans le VI« s., et plus tard Riomum, que Gluck 2 traduit par 
champ ou domaine du roi, comme Réauville, Konigsfeld et 
Ricodunin (dunin = dunim), où Ton frappait des monnaies 
mérovingiennes. MM. Quicherat, p. 49, et Houzé, p. 89, expli- 
quent très-bien comment Ricomagus a pu se contracter en Riom. 

L'emplacement sur lequel a été construite, vers 840, l'abbaye 
de Saint-Rarnard de Romans se nommait Conquerius* et dé- 
pendait du territoire de Génissieux. La ville naissante auprès 
du monastère est appelée Rotmanensis ecclesia en 967 (Car t., 
Preuves, t. III, p. 109); Rornanensis basilica ou ecclesia en 
995, 1030, 1050 et 1072 (idem, t. 1er, p. 25, 31, 58, 137) ; apud 
Rotmanos en 1095 (Cart. de Saint-Hugues, p. 55); Rotmcmwn 



(D Cart. de Saint Victor, t. II, p. 71, 72; - Valbonnays, t. II, p. 118 ; 
- Inventaire de 1346, p. 218, 224, 239. 

(2) Die bei Caesar Keltischen Namen, p. 123. 

(3) Conquerius, comme Conqueirac (Gard), Concayrac en 1256, Conque- 
reuil, le Conquet, Conques , etc., paraissent dériver de conca ou concha , 
synonyme de comba , vallée , en b. 1.; conc, baie, rade abritée, en breton. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LÀ DBÔME. 89 

en 1120 (Cart. de Saint-Victor, N.°» 810 et 811) ; Rotomanum 
en H33 (Cart. de Saint-André, p. 167); Romans en 1179, 1183 
et 1201 (Cart. de Die, p. 31, 37 et 26) ; Rotmas en 1261 (Cart. de 
Léoncel, p. 207), etc. On voit combien il y a peu de fixité dans 
la forme du nom. 

D'après l'éminent historien de sa ville natale , M. Giraud , il 
aurait été emprunté à celui de Rotman, qui donna à saint Bar- 
nard le terrain sur lequel fut construit le monastère. Cet auteur 
explique (Preuves, 1. 1«*, p. 327 à 330, et t. III, p. 109) pour- 
quoi le nom de Romans a fini par prévaloir sur celui de Rotmans, 
et pour quels motifs le bienfaiteur n'a pas pu perpétuer le sou- 
venir de sa libéralité. Suivant M. l'abbé Chevalier (Bull, wrch., 
1866, p. 332), Romans devrait son nom à une église dédiée à 
Saïnt-Romans , qui existait déjà en 995. 

Rotman, Rodman, Hrodman sont des noms germaniques 
qui veulent dire illustre guerrier (Pott, p. 207, 242; — Fer- 
guson, p. 373). Comme fief, Romans appartenait indivisément 
au chapitre de Saint-Barnard et aux Dauphins ; à ces derniers 
succédèrent les rois de France et les ducs de Valentinois (1642). 

Romeyer, près de Die, où l'on a trouvé des antiquités ro- 
maines, était un fief du chapitre. Il est appelé Romeier en 1145 , 
1168, 1178, 1183 et 1214; Romeer en 1200; Romeranwn en 
1203; Romearium en 1208 et 1231 (Cart. de Die, passim; — 
Gallia, Preuves, p. 205). Quelques personnes ont pensé que ce 
village devait son nom à un établissement romain. Il me paraît 
plus naturel de le rattacher, de même que ceux de Fons Ro- 
mevia, près de Murs (Vaucluse) , mentionné dans un acte de 
1035 (Cart. de Saint-Victor, t. II, p. 432) ; Romeries (Nord), qui 
vient àzrwneriae, ronces, broussailles (Mannier, p. 304); Ro- 
mi-guières, Roumiguières , etc., au même radical que rome , 
ronces, broussailles, en v. fr.; roumegoux, touffe de ronces, 
en auvergnat; romengueria, en b. 1., du 1. rubetum, ronce. 

Rottier, près de la Hotte, appartenait, 'dans le X Ville s., 
aux Bouvard de Roussieu et de Saint-Lambert. Il s'appelait 
Roterium et Rioterium, en 1., et quelquefois Routier dans les 
anciens actes. Ce nom, comme celui de Reiïha/nette , annonce 
une culture, un défrichement. De même que ceux de la Rote , 



90 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Rotes, les Rotovrs , les Rotours, la Roue, Routier, les Routieux , 
il dérive du même radical que rotten, roden, reuten, ans- 
rottm, défricher, extirper, déraciner, en ail.; router, en v. fr.; 
rotia, rodum, rhotum, rothus, défrichement, en b. 1. Ces 
noms, comme ceux de Sart, Essart, rappellent des terrains 
incultes concédés, moyennant une faible redevance, par des 
seigneurs ou des couvents à leurs serfs ou vassaux. Ceux-ci 
y étaient appelés ruptarii (rupteurs de terre, roturiers; de rup- 
\ira, action de rompre). Voir Royans. 

Plus tard, le mot roturier devint un terme collectif sous 
lequel on désignait tous ceux qui payaient des redevances ou 
rotures territoriales, dont les nobles étaient exempts. 

Roussas, canton de Grignan, appartenait déjà dans le XII e s. 
aux Adhémar à titre de seigneurie ou de coseigneurie ; ce- 
pendant, en 1250, Bertrand prenait le titre de seigneur de 
Rossas 1 , et, en 1278, Jourdan (Jordanus) le prenait également 
(Jnv. de 1346, p. 239). En 1330 et en 1342, G. Fabre est qua- 
lifié de seigneur de Russacum et de Rocetum , et , en 1547 , 
Michel Franchessin ou Francessin , marchand de Mon t é lima r, 
de seigneur de Rossas (Cart., p. 102, 121). Dans le XVIIe s., ce 
fief avait passé aux Perdeyer, du Diois , dont le manoir était 
près de Henglon : sous Louis XIV, cette famille s'éteignit dans 
celle de Philibert, appelé aussi Hontauquier et Cadet de Cha- 
rence , lieutenant de Lesdiguières , qui joignit à son nom celui 
de Perdeyer, et dont la postérité s'est éteinte vers 1800. Sous 
Louis XV, le fief de Roussas fut vendu 38,000 livres par Laurent 
de Philibert de Perdeyer à François-Antoine de Bertet , d'Avi- 
gnon. 

Roussas est appelé Rossas en 1219 (Cart. de Saint-Chaffre , 
p. 41); Rossanum en 1278 (Inv. de 1346, p. 239); Rossatium 
en 1291 (Valbonnays, t. II, p. 59), et souvent Rossas dans le 
XVIIe s. Il a ses similaires dans Rossas, près de la Motte, et 
Roussas , près de Valdrôme. On prétend qu'il doit son nom aux 
terrains rouge&tres qui composent en grande partie le territoire 



(1) Statuts de Visan, p. 126. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DBÔME. 1M 

de la commune. Les montagnes des Rousses, dans l'Oisans, 
sont formées par des roches ocreuses , et la Croix-Rousse , qui 
domine Lyon , doit son nom à la couleur de la pierre de Couzon , 
qui entrait dans la construction d une croix élevée en 1560. 

Rousset, à l'autre extrémité du canton de Grignan, a appar- 
tenu aux Adbémar ; aux des Alrics de Cornillan à dater du XV e 
s.; en 1690, l'un d'eux fit ériger par le Pape en marquisat 
Rousset et divers fiefs voisins ; son fils , le marquis de Rousset , 
mourut sans enfant en 1737 ; le marquisat passa entre les mains 
des Calvière et, par mariage, entre celles des Blacons. V. 
Blacons, § V. Ce village est appelé Rossetum en 1495 et 1498, 
et son nom a probablement, la même origine que celui de Bous- 
sieux. 

Roussieux, près de Rémuzat, a appartenu aux Dauphins 
(XIII« et XlVe g.) ; aux Chabestan (XV« s.) ; aux Bouvard (XVI* 
et XVIIe s.), et aux Achard de Ferrusde Sainte-Colombe (XVIII e 
s.). Ce village est appelé Rosseu en 1366 (toi;, de 1346, p. 223) ; 
Rosseum en 1273; Rossevium et Rossevurn en 1284 (Valbonnays, 
t. H, p. 118). 

Il est difficile de savoir si ce nom , ainsi que ceux de Rousset , 
Roussay, Rousseix, le Roussey (Rosseyum et Roceium) , le 
Russey, Rousset, près de Màcon (Rotiacurn), etc., viennent de 
la couleur rousse ou rouge&tre du territoire ; du breton ros ou 
ross, commun en composition, tertre couvert de fougères ou 
de bruyères, bouquet de bois, que Pictet , t. I« r , p. 193 , rattache 
au sanscrit rohi , arbre , plante ; ou de rhos ou ros , marais , 
lieu plein, roseaux, en gall. et en corn. (Taylor, p. 284, 482). 
M. Cocheris 1 pense que Roussay , Roussey, Rousseix, les 
Rousses sont des altérations de ronces. 

D'après Guy Allard , le Royannais ou pays de Royans contenait 
vingt-quatre paroisses. Vers 1040, ce pays, ou au moins une 
partie, appartenait à Ismidon, prince de Royans, de qui sont 
issus les Sassenage et les marquis de Bérenger. Flotte de 
Royans , descendante d'Ismidon , apporta en 1230 à Guillaume 



(1) Lècho de la Sorbome du 26 Janvier 1868. 



92 société d'archéologie et de statistique. 

de Poitiers, son mari, Saint-Jean, Saint-Nazaire et plusieurs 
autres fiefs, qui passèrent plus tard aux la Baume-d'Hostun. En 
1712, ils furent compris, avec huit autres, dans l'érection 
d'Hostun en duché-pairie en faveur du maréchal de Tallard. 

Le Pont-en-RoYANS (Isère), qui comprenait une partie du 
Royannais, formait un mandement composé de neuf paroisses. 
C'était une principauté indépendante qui appartenait aux Sas- 
senage l : en 1339 , les Bérenger-Sassenage , qui en héritèrent , 
furent obligés de se reconnaître vassaux du Dauphin ; en 1617 , 
ils firent ériger en marquisat cette importante seigneurie. 

Déjà, dans le IX* s., il existait, au nord-ouest de Romans, 
un ager ou pagus (canton , mandement) appelé Roionensis , 
Rogiacensis , Roianensis ager, Roionum, Roionis, in Rogione , 
Roian en 844 , 967, et dans plusieurs actes des X« et XI e s. 2 . 
Il s'est conservé dans le nom du quartier des Royons , près de 
Clérieu. Celui du Royons ou Royannais apparaît pour la pre- 
mière fois dans l'histoire vers 1040 , sous la forme de in Roia- 
nensis partibus ; on trouve ensuite pagus Royanus en 1050; ad 
balmas de Roianis vers 1070; in pago Roianensi vers 1110, et , 
à partir de cette époque, Royamm, AeRoyanis, de Roimis, 
Roians*. 

Je ne sais si les deux ager ou pagus indiqués ci-dessus n'en 
faisaient primitivement qu'un seul , portant le même nom ori- 
ginaire , resté plus tard presque identique , ainsi qu'on peut le 
voir; à tel point que M. Giraud a désigné le même ager des 
Royons par Roionensis dans le t. I er , p. 206 et 314 , et par Roiane 
dans le t. III, p. 86. Quant à l'étymologie de ce nom, j'en suis 
réduit à de simples conjectures. 



(1) N. Chômer, Histoire généalogique de la maison de Sassenage, p. 49, 
52; — Cart. de Saint- Hugues , p. 77; — Salvaing de Boissieu, De Vusage 
des fiefs, p. 99. 

(2) Baluze, Capitularia, t. H, p. 956, éd. de 1772; — Giraud, Preuves, 
t. II, p. 110; t. III, p. 86, 109; t. I", p. 130, 49; t. II, p. 43; — Cart. de 
Saint-André, p. 71. 

(3) Cart. de Saint- Hugues, p. 77; — Giraud, 1. 1", p. 44; t. III, p. 53; 
- Cart. de Léoncel , p. 168 , 187. 



ETTM0L0GUS DES NOMS DE LIEU DE LA D1ÔME. 93 

Est-il emprunté à celui de là capitale des Vertacomicori , 
comme le suppose , mais sans aucune preuve, M. Long, p. 182 ? 
Ou à celui d'une divinité topique , Mars Hudianus , dont le nom 
nous est révélé par deux inscriptions * ? Ou bien encore à ceux 
de Roicm, Roiant, Roen, anciens noms d'homme bretons, et 
probablement gaulois, qui veulent dire aussi roi , chef de clan 
(raja et rajan, en sanscrit) ? 

Est-ce , comme le prétend Chorier, un souvenir de Rhodan , 
chef lombard, qui assiégea Valence vers 880 ? C'est peu probable. 

Vient- il, comme Rottier, d'un. radical commun en compo- 
sition en Allemagne et en France ? On le retrouve , avec le sens 
de défrichement, sous les formes de roid, roit, reut, en tud. 
(Forstemann, p. 78); roy, roye, rote, roue, rode, en v. fr. 
Roy a, en b. 1., rappelle la division d'un champ en deux rotes, 
royons, soles ou labours, et désigne aussi un chemin; roya 
terrae, fonds de terre, domaine. La fondation de Roybon 
(Isère), villa nova Roy bonis, remonte à 1294, époque à laquelle 
le Dauphin accorda des franchises à tous ceux qui défriche- 
raient un quartier de la forêt de Chambaran. Roybon veut dire 
bonne culture. 

H. Mannier me cite, à l'appui de cette hypothèse pour Rotans, 
le village de Royon (Pas-de-Calais), que H. Herbaville traduit 
par défrichement. C'est aussi l'opinion de M. Chotin. On peut 
rapprocher ce nom de ceux de Roy cm (Char.-Inf.) et de Roujm 
(Hérault), castrum de Roycrno, Roiano et Rojano dans le 

Xlle S. 

Les noms de Rotans et de Royons, donnés primitivement à, 
des terres nouvellement défrichées, auraient été peut-être 
plus tard appliqués à un territoire assez étendu. Royomnais et 
Roymné, qui sont des noms de famille, désignaient dans le 
principe des gens originaires du Royans ou Royannaù. 

Roynac, près de Marsanne, au pied d'une montagne dominée 



(1) De Coston, Origine des noms, p. 269; — àllmer, Bull, arch., 1868, 
p. 235. — Rudianus est un mot gaulois qui veut dire très-puissant , très- 
fort, ainsi que je chercherai à rétablir dans une seconde édition. 



94 société d'archéologie et de statistique. 

par un château fort en ruines, fut inféodé en 1283 par Aymar 
de Poitiers à Hugues Adhémar; dans les XIV e et XV« s. les Poi- 
tiers et les Adhémar prenaient les uns et les autres la qualifi- 
cation de seigneurs de Roynac, ce qui parait être la conséquence 
de cette inféodation. Ce fief appartint ensuite aux Grolée-Mé- 
vouillon ; aux la Baume-d'Hostun , qui le payèrent 3,500 écus en 
1515; aux d'Urre en 1648; François de Beaumont, marquis de 
Brison, le recueillit en 1715 dans la succession de François 
d'Urre, et vers 1783 il fut acquis par Alexandre de Montlovier, 
conseiller à la Cour des comptes. Louis de Poitiers brûla , en 
1376, Roynac, dont le château fut encore démantelé en 4561. 

Ce village était appelé Roermae en 1159; Roenac en 1234; 
Romaxum en 1332; Roenacum en 1333; Roynacum en 1336; 
Royna en 1356; Roynacws en 1360; Ruynat et Ruinât dans les 
X\I« et XVIIe s. (c'est la prononciation patoise actuelle de ce 
nom). 

Roynac parait se rattacher à la langue celtique, mais il est 
difficile de savoir s'il a été emprunté au nom de son fondateur, 
ou si c'est la contraction d'une forme plus ancienne. Dans le 
premier cas , on peut le rapprocher de l'ancien nom d'homme 
breton Roinoc, qui paraît être l'adjectif de Roen et Roicm, roi, 
chef de clan (V. Royans). C'est peut-être l'origine du nom de la 
famille Ruine, Ruyne ou Ruina, qui habitait Die dans le XHI« s. 
et de celui de Guillaume Royn, ou Ruyns, évoque de Grenoble 
en 1302 i. 

Dans le second cas, Roynac rentrerait dans la même catégorie 
de noms que Rognac (B.-du-Rh.), Rodinnag dans le X e s., Roi- 
gnac en 1400; Rouan (Loir-et-Cher), Rothomagum; Pont-de- 
Ruan (Indre-et-L.), Rotomovic sur les monnaies mérovingiennes 
et Rotomago dans le XL* s.; Rouen, Rotomagus, etc., dont la 
signification est assez difficile à déterminer. La forme patoise 
Ruinât est une altération locale due sans doute à la ruine et à 
l'incendie de ce village en 1376. 



(1) Cari, de Die, p. 44; — Cart. de Léoncel, p. 120; — Gallia, Preuves, 
p. 129; — Cari, de Montélimar, p. 151. 



ÉTTMOLOGIBS DBS If OMS 1>B LIEU DE LA DRÔME. 95 

D'après H. Grandgagnage (de Liège), Rochefort-SAMSON, dont 
il a déjà été question au g 1 v.°Rochefort, et les autres châteaux 
appelés aussi Sahson auraient reçu ce nom symbolique pour 
caractériser la force de leur position. Quelques-uns avaient pu 
aussi peut-être le tenir de leur fondateur. On le rencontre à 
Vienne et à Tain dans les IX e et X e s., et saint Samson était 
abbé de Dol en 564. 

Ghâteau-SARRAsiN , près de Montélimar, était une maison 
forte, construite pour résister à un coup de main, qui appar- 
tenait aux de Mons, seigneurs de Savasse. Elle fut achetée vers 
1709 par Jean Geoffre et reconstruite dans le style italien par 
son fils ou son petit-fils. Ce château , appelé depuis cette époque 
Serre-de-Parc (coteau du parc), a été acquis vers 1846 par 
M. Deserre ou de Serre. 

Le nom de Sarrasin ne me parait rien avoir de commun avec 
le séjour des Sœrrasins en Dauphiné. M. Devais a démontré 1 que 
le castrum Cerrucium de la charte de 847 est Castellus et non 
pas Cas tel-Sammn , appelé primitivement Villa longa : son 
nom moderne de Castellum Sarracenum apparaît pour la pre- 
mière fois en 1162. Ce bourg le devait aux créneaux appelés 
moucharabis ou mâchicoulis , empruntés par notre architecture 
militaire à celle des Sarrasins et qu'on a appelée scvrrasine, 
comme la herse mobile suspendue sur la porte d'un château 
fort. D'après une tradition de la famille de Geoffre de Cha- 
brignac, la tour de Château-SARRASiN était surmontée de mâchi- 
coulis. Cette antique construction devait très-probablement son 
nom au genre d'architecture qui la caractérisait. Pour Sasse- 
nage, v. Châssis. 

Saulces, près de Loriol, est un village remontant seulement 
à Louis XIV ; il a commencé par une auberge , construite sur la 
grande route , et a pris le nom du quartier sur lequel il se trouve. 
C'est aussi celui d'une famille qui a produit plusieurs marins 
distingués , issus de Jacques Desaulces , châtelain de Mirmande 
en 1719. 



(1) Mémoires lus à la Sor bonne en 1867, p. 135, 153. 



96 société d'archéologie et de statistique. 

Le nom latin devait être Salices, saules. Salix correspond à 
salaha en anc. ail., sait en irl., du sanscrit sala, arbre et eau 
(Pictet, 1. 1, p. 194), dans le sens d'arbre aquatique. Ce radical 
a contribué à la formation de beaucoup de noms , notamment : 
le Smlcy, Saucède, la Salcette (Salceia, Saliceia, Saulaie, en 
b. 1.), le Saulchois , le Saulçois, Sauzade, Sauzay, Sauzède, la 
Sauziére, et Sàuzbt, près de Montélimar. 

Ce dernier village était appelé castrum Sausiae en 1163 (sau- 
zaia, sauzaium, saulaie, en b. 1.); castrum de Sauze en 1190 
(sauze, saule, en prov.); Saucetum en 1291 , 1324, 1355, 1404; 
Smsai en 1336; Sozet en 1421. On a trouvé souvent des anti- 
quités romaines à Sauzet, où Louis XI a séjourné, lorsqu'il 
était dauphin. Ce fief a appartenu à beaucoup de familles , soit 
en totalité , soit comme coseigneurie ; il en est question dans 
la Notice de H. l'abbé Vincent ; ce sont notamment les Adhémar, 
les Poitiers et les Arthaud (Xlle, XIII* et XIV* s.); en 1296, 
Guillaume des Artaud céda au comte de Poitiers ses droits 
pour 2,000 livres. En 1421 , le roi succéda aux Poitiers ; en 1444, 
Louis XI donna Sauzet à Antoine d'Hostun; en 1537 il fut acheté 
par François de Horeton-Chabrillan ; en 1563 par Jean Albert, 
seigneur de Montlahuc, pour 8,000 livres, et en 1591 par le 
seigneur de Blacons ; enfin, en 1641 , il fut compris dans le duché- 
pairie de Valentinois, donné au prince de Monaco. 

Savasse, près de Montélimar, sur un plateau élevé et adossé 
à une montagne, a appartenu en commun aux Poitiers et aux 
Adhémar (XII e , XIII e et XI V« s.); mais les derniers devaient 
prêter hommage aux premiers. En 1360, Aymar de Poitiers 
établit à Savasse une cour dont la juridiction comprenait trente- 
huit paroisses {Cart., p. 287). Ce village fut assiégé en 1271 et 
saccagé à la fin du XIV e s. par les troupes de Roger Raymond 
de Turenne; dans les XVI« et XVII e s., c'était un fief des de 
Mons , et en dernier lieu des princes de Monaco , comme ducs 
de Valentinois. Le quartier appelé Pré-de-SAVASSE , au couchant 
de Montélimar, doit son nom à ce qu'il appartenait aux de 
Mons de Savasse. 

Ce village est appelé Savassia dans l'acte suspect ou faux de 
1099, et en 1237, 1277, 1287, 1291 , 1334 et 1336. Ce nom paraît 



ÉTIMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 97 

avoir pour racine sav, save ou sao, hauteur, montagne, en br. 
et sans doute en celt., d'où saven, terrasse, plateau, et savyn, 
pays montagneux, en kimr. Ce radical est suivi de la termi- 
naison péjorative provençale asse (accia en it.) : la montagne 
de Savasse est presqu'inculte et hérissée de rochers. Ce nom est 
synonyme de celui de Savas (Isère et Ardèche), situés dans des 
pays montagneux, de même que Savel (Drome et Isère), qui 
paraissent être des diminutifs. Savel, près de Saillans, Savellum, 
appartenait en 1789 au marquis de Grammont. Sauve, et quel- 
quefois save, souve , signifiaient forêt , bois , en v. fr., du 1. silva. 

L'addition du nom de Saint-SecRET, faite à celui de la. Roche, 
parait être le résultat d'une altération (v. le g 1). Ce village est 
appelé Ruppis sancti Segreti en 1277 (Inv. de 1346, p. 238). Il 
n'y a pas de saint de ce nom , mais on trouve celui de sancta 
Sigrata ou Sigrada, qui habitait Soissons en 676 : il veut dire 
victorieuse compagne ou conseillère , en tudesque. Cette sainte 
est appelée vulgairement Ségréte, Ségrauz, Ségros ; elle a donné 
son nom aux villages de SsànterSégros (Côte-d'Or) , Sainte-Se^e 
(Somme), et très-probablement à celui de la Roche -Saint - 
Secret. 

Valence était la capitale des Segalauni, dont le nom, d'après 
M. Houzé, p. 87, veut dire joyeux guerriers, joyeux combattants. 
Il a pour racine laouen, gai , joyeux, en br.; louen et lowen en 
corn.; lawen en gall. (Zeuss, p. 124) : de là les noms d'homme 
Laouen, Laouenek, Laouenoch, et celui de Cat laouen, synonyme 
de Segalauni et duquel paraît dériver celui des Catalauni, altéré 
en passant dans la langue latine. 

La première partie du nom des Segalauni a pour racine seg, 
seig, sieg, sigh , rappelant une idée de courage , de force , de 
victoire : on la retrouve dans beaucoup de noms germains , tels 
que Segaldus ou Sigaldus (Ségaud, Sigaud), vainqueur véné- 
rable ; Ségimer ou Sigimer, vainqueur illustre, et dans Seighion, 
guerrier; seich, combat, seagh, courage, en irl.; sigh, briser, 
s'élancer, en éc, du sanscrit sahya, fort, vigoureux, sahas, 
force K Sego et segu entrent dans la formation de beaucoup de 

(1) Pictet, t. II, p. 197; — Belloguet, 1. 1, p. 241 ; — Houzé, p. 87; — 
Burnouf, p. 702; — Gluck, Keltischen Namen, p. 152. 

Tome VI. — 1872. • 7 



98 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

noms gaulois (sege et segi dans les noms ibériens), notamment 
dans celui des Segusiawi, ou plutôt Segusiavi *, dont la termi- 
naison av paratt être ethnique, et qui avaient pour capitale 
Feurs (Loire); des Segobrigii en Provence; de Segodunum, 
Rodez; Segustero, Sisterou, et de Segusio, Suze. 

Le fief de la Sizeranne ou Cizeranne, sur un monticule près 
de Meymans, appartenait déjà en 4513 à la famille de Chastaing, 
issue de monnayeurs de Romans, éteinte à la fin du siècle 
dernier dans la personne de Madame de Rostaing. En 1828, 
M. Charles et H. Henri Monier (qui a obtenu plus tard un siège 
au sénat et le titre de comte) ont été autorisés à joindre à leur 
nom celui de de la Sizeranne 2 . 

C'était primitivement celui d'un quartier dans lequel se trou- 
vaient un cours d'eau et une forêt : il est appelé nemus de Soiseir 
ranas en 1194; de Soseiravies en 1262; aqua que vocatur Cese- 
rana en 1245 3 . Il paraît analogue à ceux de Sizérénas (Hautes- 
Alpes) et de Cizerin, ancien fief situé près de Corenc (Isère) qui 
appartient aujourd'hui à H. Pilot , et qui était autrefois la pro- 
priété d'une famille de ce nom, éteinte depuis longtemps, et 
dont les premiers membres connus étaient Ubaudus de Sicze- 
rino (1274), Arthaudus de Cizerino (1275) et Amedeus de Cize- 
rino (1299)— Inv. de 1346, p. 106. On peut citer encore Sisery 
(Yonne), Ciseray en 1399, et Saiserais (Meurthe), Sasiriacaen 
923 et Sasiriacwm en 942. 

Les anciennes formes du nom qui nous occupe paraissent 
altérées et sont intraduisibles. H. Houzé pense avec raison, je 
crois , qu'il est emprunté à celui d'un possesseur ; il doit en être 
de même de Sizerenas et de Cizerin; les noms d'homme ger- 
maniques Siger, Sigger, Siggaer, Sigar, Siggeir, Segar (vic- 
torieux guerrier; V. Segalaunï) étaient communs dans les pre- 
miers siècles du moyen âge , et on trouve celui de Sigerius à 



(1) Mémoires des antiq., t. 18, p. 267 et 343; — Revue arch., septembre 
1869, p. 184. 

(2) L'article relatif aux la Sizeranne y publié en 1866 dans la Revue nobi- 
liaire , p. 322 , contient plusieurs erreurs. 

■ 3) Cari, de Léoncel, p. 59, 13». 207. 



"1 



ÉTYMOLOGIES DES NOUS DE LIEU DE LA DRÔME. 99 

Marseille en 1060 { . Sigerana ou Sigerina villa (domaine de 
Siger) est devenu Sizeranne ou Cizerin. 

Le nom de Suze est commun à quatre villages de France et à 
une ville du Piémont. SuzE-la-Rousse (Drome) est construit au 
pied d'un monticule sur lequel se dresse un château grandiose 
et majestueux. On croit que le bourg gallo-romain était à Saint- 
Bach , qui en est très-rapproché , et où l'on a trouvé beaucoup 
d'antiquités. Cet ancien fief des princes de Baux passa aux 
Saluées, par suite du mariage d'Hugues avec Marguerite de 
Baux , dite la Rousse 2 , qui eut lieu en 1392. Antoinette de Saluées, 
sa fille , l'apporta à Louis de la Baume , qu'elle épousa en 1426 : 
les la Bmme-Suze le firent ériger en comté en 1572 et l'ont 
conservé jusqu'en 1789. Le château appartient aujourd'hui au 
marquis des Isnards , dont la grand-mère était sœur du dernier 
des la Baume-Suze. 

Les anciens noms de Suze font défaut ; je ne connais que celui 
de Suza, mentionné dans les actes de 1392 et de 1413. 

Suze , sur une hauteur près de Crest , a appartenu aux évêques 
de Die (XIII« s.), aux Adhémar, à charge d'hommage en faveur 
des Poitiers (XIV« et XV e s.), et aux Clermont-Montoison, qui le 
possédaient en 1789 et prenaient, en 1567, la qualification de 
seigneurs de Suze la vieille et la jeune. Ce village est appelé 
Seusia en 1165; Secusia en 1178 et 1228; Seuza ou Seusa en 
1201, 1210, 1228, 1332; Sequsia en 1290; Secusia vêtus en 
1316; Seusa la viella et Seusa la novella en 1332; manda- 
mentum Secussiarum en 1383 *. 

La Suze (Sarthe) se nommait Secusa en 1044, Seuza en 1097 
et Suza en 1146; Suze (Piémont), Segusiwn dans le VI« s.; Se- 



(1) Cart. de St- Victor, t. II, p. 631. 

(2) On a prétendu que Marguerite devait ce surnom à la couleur de ses 
cheveux et l'aurait donné à son fief. M. Pilot (Le Dauphiné du 22 mai 1870) 
dit qu'elle était appelée la Rousse parce qu'elle était dame de Suze-la- 
Rousse, Suza la Rossa en 1392 et en 1413. Le marquis de Laincel ( Voyage 
kumouristique , p. 31) pense que cette épithète vient des carrières de 
pierres rousses qui ont servi à bâtir le bourg de Suze. 

(3) Cart. de Die, p. 20, 25, 51; — Cart. de Léoncel, p. 33, 277; — Vàl- 
bonnays, t. I, p. 122; — Gallia, Preuves , p. 129; — Archives départ. 



400 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

cusium dans le XI e ; et enfin Suzon, commune de Bouquet (Gard), 
Segusto sur une inscription romaine i . 

On voit que le nom moderne est une contraction dé l'ancien, 
qui rappelait une idée de force, de courage, de combat , comme 
dans la première partie de celui des Segalauni, et dans ceux de 
Siger et de Valence : il correspond à celui de Ferté (firmitas), 
commun en France. 

Tarendoi , ancien château fort situé dans le canton du Buis , 
a appartenu aux Montauban (XIII« s.), aux Dauphins (XI V« s.) 
et en dernier lieu, de même que Bellecombe et Pennafort, aux 
d'Albert de Rions et aux de Soissan. Il est appelé Terendos 
(sans doute pour Terendol) en 1284 (Valbonnays, t. II, p. 118); 
Cerrendol dans YInv. de 1346, et Tarendolium en 1376. L'éty- 
mologie de ce nom m'est inconnue. 

Tersane, parrochia Tersane en 1827 (Arch. dép.), dépendait 
du mandement d'Hauterives et appartenait aux mêmes sei- 
gneurs. La paroisse ne paraît pas remonter au delà du XV e s. 
Ce village doit sans doute son nom à une redevance du tiers 
(tersana, en b. 1.) du produit des terres données à bail ou à 
redevance. Dans le XIII« s., on appelait tertia ou tierce le tiers 
des terres que les Burgondes avaient laissé aux vaincus. 

Tetssières, près de Dieulefit, a appartenu aux Artaud (XIII* 
s.) ; aux Poitiers (XIV» s.) ; aux d'Urre et aux Bologne, qui pa- 
raissent l'avoir possédé simultanément, comme coseigneurs 
(XVe, XVI« et XVII e s.) ; aux Durand de Pontaujard et aux 
Rigod de Montjoux (XVIII e s.). Les noms latins étaient castrum 
de TaÀseriis en 1284; Teysseriae; Tesseriae; de même que ceux 
de Teissières (Cantal et Aveyron), Teissière, près de Hazan 
(Vaucluse), et peut-être Teyssieu, Teyssières paraît dériver d'un 
mot qui signifie redevance , tribut , taxe , et qui est suivi du 
suffixe ière. On en retrouve le radical dans le vieux mot dau- 



(1) Dictionnaire topographique, p. 241. Le nom de la proYince de Susiane, 
de la ville deSuse, en Perse, et celai de Suzanne viennent de schouschan, 
lis, en hébreu, devenu aoîiaov en grec. 



ÉTTMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔHE. 404 

phinois tayssc 1 , impôt; taxe, tassa, en it., primitivement 
tribut (-riÇtç, en grec) ; tessara, redevance, en b. 1. On pourrait 
le traduire aussi par maison de Teyssier ou du tisserand. 

Tr esc he nu, près de Chàtillon , a appartenu aux Claret, tombés 
en quenouille dans les Siraiane, vers 1585; ceux-ci Font con- 
servé jusqu'en 4789. Ce village est appelé ecclesia de Tribus 
Chanutis dans Boyer de Sainte-Marthe, p. 381; Treschenu dans 
divers actes des XVJe et XVII e s. Ce nom est assez difficile à ex- 
pliquer ; on ne sait s'il veut dire trois chênes, au delà du chêne, 
ou pays des chênes. V. Tricastin. 

Les noms analogues sont : Trébosc, au delà du bois (trans 
boscum) ; Trabuech , commune de Lus-la-Croix-Haute , au delà 
du Buech; Très-le-Puy, près de Luc, au delà du mont; Tres- 
clèoux (Hautes-Alpes), de Tribus Cliviis en 1231 (Gallia, 
Preuves, p. 208); Trescleux, trois coteaux, d'après la forme 
latine , ou au delà du coteau (V. Cléon , g I er ) ; Trescoussoux , 
cantons de Remuzat et de Luc, trois coteaux ou au delà du 
coteau (cos, cous, rocher, montagne , en dialecte languedocien) 2 , 
qui a formé le nom de Coussal , sur une hauteur près de Fay- 
d'Àlbon , et de Coussaut, ancien prieuré situé sur un coteau, 
près d'Alixan , appelé Cozau en 1165 et 1192; Cossaut en 1240; 
Cossau en 1275 (V. le Cartulaire de Léoncel). 

On peut citer encore la rue Très-Cloître , à Grenoble , appelée 
Tra-lo-Clotre dans le XIV« s., et Traclottre dans le XVIIe s., 
parce qu'elle est au delà du cloître de l'église de Notre-Dame 
(la cathédrale), et la rue Très-Monnaie, à Lyon, qui est au delà 
de l'hôtel des monnaies. 

Le pays des Tricastins, dont la capitale, Augusta Tricasti- 
norum, prit, vers le V« s., le nom de Saint-Paul, était habité , . 
à l'époque romaine , par les Tricastini : on croit que ce bourg 
est le Neomagus des itinéraires; v. Nions, § IV. Le nom de 
trois châteaux, ajouté à celui de Saint-Paul, est dû à une in- 



(1) Dans un hommage rendu en 1359 à Isnard d'Agoult, seigneur de 
Valdrôme, on Ht ces mots : « les cens, servis, taysses, vingtains, etc. » 

(2) Cénac-Moncaub , Histoire des peuples et des états pyrénéens, t. I", 
p. 600. 



402 société d'archéologie et de statistique. 

terprétation erronée du mot Tricastinwn, très-souvent changé 
en TricastHnum dans les actes , bulles et sur les monnaies du 
moyen Âge. Cette forme a fait supposer ensuite qu'elle était due 
à trois forts ou châteaux construits dans le pays (castra). 

Le nom des Tricastins paraît formé de deux radicaux celti- 
ques; on retrouve le premier dans tré, tref, tréo, village, pays, 
paroisse, clan, en br.; tri, en angl. sax., etc.; v. Trappe, § IV; 
dans le nom des Treviri , pays ou tribu des guerriers ; des Tri- 
corii, pays ou tribu des Montagnards (ils habitaient le Trièves 
et le Devoluy ; v. Vercors , § I er ) ; des Tncassii , dont Troyes 
était la capitale, pays ou tribu des chasseurs, des guerriers 1 , 
et beaucoup d'autres cités par Taylor 2 . 

La seconde partie du nom des Tricàstini est plus difficile à 
traduire; on retrouve le radical cast dans Cast, bourg du 
Finistère, et dans Chatte, autrefois Chaste, village de l'Isère; 
Costa en 1068, «00, 1188, 1273 (Giraud, pr., 1. 1<», p. 39, 105; 
— Cart. de Samt-Hugues, p. 242) ; mais que signifie-t-il ? Je ne 
puis que le comparer avec castan et kistin, ch&taigner, en 
kimr. et en br., dont la racine, commune à presque toutes les 
langues indo-europ., a fourni un nom de la Drome : Mont- 
châtain, près de Claveyson ; Mons Castagnus en 1111 [Cart. de 
Saint-Hugues, p. 146); kasta ou ghasta, bois, forêt, en sans- 
crit. Dans ces hypothèses hasardées , j'en conviens , Tricastinum 
voudrait dire pays des châtaigners ou des bois. 

Triors, près de Romans, ancienne dépendance de l'abbaye 
de Saint-Barnard , a appartenu aux Clermont-Chaste (XV e s.), 
qui le vendirent en ISIS à Jean Odde; Humbert, un de ses 
descendants, mort en 1611, le légua à Sébastien de Lionne, 
contrôleur général des gabelles à sel du Dauphiné; en 1667, 



(1) Cass, emporté, vif, irascible, en éc. et en irl.; — cass, chasse, en 
cambrien ; — kassiaw et keissaw , chasser, chercher, poursuivre (Zeuss 
p. 97, 1095); — du s. c. t. kas f poursuivre, frapper, tuer (Burnouf, p., 
151, 204). 

(2) P. 228 ; — V. aussi : Pictet , t. II, p. 291 ; — Gluck , p. 39 ; — Die- 
fexbach, Celtica, p. 146. 



ÉTIMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DRÔME. 403 

Charles de Lionne, connu sous le nom d'abbé de Lesseins, fit 
construire un château au sud de l'ancien manoir ; il mourut 
insolvable en 1701. Triors, Génissieu et Saint- Paul furent 
acquis en 1709 , pour le prix de 60,000 livres , par Cbabod (ou 
Chaboud?) de la Serre, qui légua sa fortune à Anne de Lattier 
de Bayanne, sa femme. 

En 1757, Jean-Pierre Bailly ou Bally de Bourchenu, marquis 
de Valbonnays, acheta le fief de Triors. Il fit démolir le château 
construit par Charles de Lionne et le remplaça par celui qui 
existe aujourd'hui. C'est un des plus vastes et des plus beaux 
de la province ; aussi il coûta une somme énorme , et il était 
à peine terminé en 1789. Son fils unique , président à la Chambre 
des comptes, mourut sans enfant en 1790, et la terre de Triors 
passa par héritage, en 1801, à Joseph-Marc de Gratet, comte 
du Bouchage. Ses descendants le possèdent encore aujourd'hui. 

Triors est appelé Triornium vers le X e s.; Triors en 1062; 
Triorz ou Trior tz dans plusieurs actes des XI e et XII« s. J ; 
Triaux dans le Pouillé de Vienne (Bull, arch., 1867, p. 167) ; 
Trioux en 1517 (Arch. dép.); Triol en 1656. Il est difficile de 
traduire ce nom , que la plupart des gens du pays prononcent 
Triols, comme celui des Triols, près de Chabeuil, et qu'on ne 
retrouve nulle autre part en France. 

La forme Triornium pourrait être celtique , et la première 
partie, tri, avoir le sens de pays, territoire, comme dans Tri- 
castini; mais je ne puis expliquer la seconde , orn ou ornium. 
Les formes modernes, Triaux, Trioux, Triol, se rapprochent 
beaucoup de trieu, trie, trye, terre en friche, pâturage, en 
roman du nord, qui dérivent de treis, en tud.; driesch, en 
dialecte ail.; dresch, en anc. holl., qui ont le même sens 2 . Pour 
Ubac, voir Ladreit. 

Urrieux , château fort en ruines situé près du Buis , caslrum 
de Ubriliis en 1317 (Valbonnays, t. II, p. 166), fut donné en 
1317 par Raymond de Hévouillon au Dauphin; en 1789, il 
appartenait au prince de Monaco. Étymologie inconnue. 



(1) Giiuud, Preuves, t. I", p. 97, 131; t. III, p. 140, 143, 151, 152. 

(2) Porstemann, p. 58, 112, 278; - Mànnier, p. 157; — Ciiotin, //at- 
naut , p. 27. 



J04 société d'ahcbéolocie et de statistique. 

Ursolis, mansio romaine située à peu de distance de Saint- 
Vallier, s'appelait Or soles, lorsque sanctus Valerius, évêque de 
Viviers, y mourut vers §10. En 891, l'ancien nom était déjà 
remplacé par celui du saint qu'on y vénérait, et le bourg était 
appelé vicus Sancti Valerii i. Je ne sais si Ursolis venait d'J7r- 
seolus, Ursulus ou Ursio, noms d'homme communs à l'époque 
romaine, ou iïurceoli, poteries : Ursolis serait alors l'équi- 
valent de Félines (Figlinae). 

La Vache, près de Valence, locus de Vacd en 1361, appar- 
tenait aux Poitiers dans les XHI«, XIV« et XV» s., et à Diane 
de Poitiers dans le XVI e s. En 1654, ce fief et les domaines 
importants qui en dépendaient furent acquis d'André de 
Chastelier par le conseiller de Bressac , issu d'une famille de 
notaires de ce village. Les Bressac y firent construire un des 
beaux châteaux de la province : le président au Parlement 
n'avait qu'une fille , mariée vers 1810 avec le comte de Mac- 
Carthy, d'origine irlandaise. Son fils unique est décédé il y a 
quelques années, complètement ruiné; la terre de la Vache, qui 
ne formait guère que le tiers de sa fortune, bien qu'elle valût 
environ un million, a été adjugée judiciairement en 1849 à 
H. Robichon, descendant de l'industriel qui, vers 1750, a fait 
construire à Givors les premières verreries, et auquel ses neveux 
ont succédé. 

Vachères, canton de Die , appartenait , dans le XIII e s., à une 
famille appelée Vacheires en 1244 (Cart. de Léoncel, p. 135) et 
en 1339 aux Poitiers. Dans le XV e s., il passa aux Grammont , 
qui le possédaient encore en 1789. Le château de Vachères est 
la propriété de H. Labretonnière. 

La Vacherie doit son nom à une vacherie que les moines de 
Léoncel avaient établie dans cet endroit ; ce fief appartenait en 
1789 aux la Baume-Pluvinel. 

Vassieux, près de la Chapelle, dont les évoques de Die étaient 
coseigneurs, a appartenu , pour l'autre partie, aux d'Urre (XIV e 



(1) À. Caisb, Histoire de Saint- Voilier, p. 8 et 12. — Beaucoup d'auteurs 
placent Ursolis à Roussillon. 



ÉTTMOLOGIES DBS NOMS DE LIEU DE LA DlÔME. 405 

et XV« s.); aux la Baume- Suze et aux Planchette de Piégon, 
qui l'ont vendue en 1589 à Gabriel-Marie de Séguins , représenté 
aujourd'hui par le marquis de Séguins- Vassieux , de Carpentras, 
et en dernier lieu aux Bardonnenche. Vassieux est appelé Va- 
civum , Vacinum et Vaciu , du XIII» au XVI« s. (Cart. de Léoncel, 
p. 135, 254; — Pomllé de Die, p. 48). 

Les quatre noms qui précèdent, et beaucoup d'autres, tels 
que Vachellerie, Vacquerie, Vacqueyras, Vachette, etc., sont 
empruntés à des vacheries. En b. L, vacivus désigne les veaux 
et les produits des vaches; c'est de là que dérive le nom de 
Vassieux, analogue au campo Vaccino, champ des vaches ou 
marché aux bestiaux de Rome, et à Vassin (Suisse), villa Vaoins 
dans le XI« s. V. Bornantes, Chabrillan. Le latin vacca se 
rattache à vaça, vache, en sanscrit. 

La Valdaine ou Vaudaine (Valdania et Vaudania) était un pays 
comprenant une quarantaine de paroisses , énumérées dans des 
lettres patentes du 13 octobre 1449, presque toutes situées dans 
les vallées du Jabron et du Roubion, et dont Hontélimar était la 
plus importante (Delacroix, p. 218). Ce nom est emprunté au 
tud. wald, bois, forêt, dont le pluriel parait avoir été walden, 
qu'on retrouve dans Waldenfels, Waldenbur gh , rocher et bourg 
des bois (walda et gualda en b. 1., saltus en 1.) : Waldner, 
forestier, est un nom d'h. ail. Les villages de la Valdaine dont 
le nom doit être traduit aussi par bois sont Alançon, Blacons, 
et Montboucher. 

Les noms analogues sont Vaudaine ou Voudène dans les 
montagnes de l'Oisans ; le bois de Vaudaine au-dessus de Domène 
(Isère), que H. de Saint- Andéol * traduit par vallée des damnés, 
à cause du séjour des Sarrasins dans ces contrées ; la Valdens 
(Isère) ; Saint-Geoires en Vaudaine (Isère) , Sanctus Georgius ou 
Georius in Valdena, Vaudania, de Vaudanis; la chapelle Vau- 
danne (Valdana), en Suisse , qui , d'après M. Gatschet , p. 94 , 
doit son nom à des bois ; la forêt de Gaudaine ou Ga/udi/ne , entre 



(1) Rechercha sur les Sarrasins dans le Graisivaudan , p. 27 et 30 , ma- 
nuscrit. 



J06 société d'ahchéologie et de statistique. 

Paris et Orléans , et peut-être le Graisivaudan , dont la première 
partie , comme celui de Grenoble (Gratianopolis), est un souvenir 
de l'empereur Gratien. 

D'après M. Allmer, Valence fut primitivement sans doute une 
colonie militaire amenée du dehors et une de celles qu'Auguste 
s'attribue sur l'inscription d'Ancyre; son nom purement romain 
favorise peu l'hypothèse d'une cité d'indigènes promue d'emblée 
à la civitas. Ce savant épigraphiste ajoute (Bull, arch., 1870, p. 
233) que le nom de Valentia a peut-être été donné à la colonie 
en souvenir de la valeur romaine qui par la victoire de Fabius, 
remportée au point de jonction de l'Isère et du Rhône, avait 
livré tout le pays aux Romains. Taylor, p. 470, fait remarquer 
que les Romains aimaient à donner à leurs colonies des noms 
de bon augure : il cite Plaisance; Vicence (de vincere, vaincre); 
Faenza ou Faventia (de favere, favoriser) , et Valence (de va- 
lentia, vaillance, force, courage; bala, force et fort, en s. c. t., 
Burnouf, p. 461). 

Le nom de Valence est commun à dix villes ou villages de 
France et à une ville d'Espagne, appelée aussi Valentia à 
l'époque romaine. Il est à peu près synonyme de Férié (fir- 
ntitas), si commun dans certaines provinces. 

Depuis une époque très-reculée, les évoques de Valence 
réunissaient le pouvoir spirituel au pouvoir temporel. Ils firent 
confirmer leurs droits souverains sur la ville et les fiefs qui 
leur appartenaient par Frédéric I» en 1157 et Frédéric II en 
1238 i. De leur côté, les Poitiers, comtes de Valentinois, qui 
ont possédé une cinquantaine de bourgs ou villages en Dauphiné 
et en Vivarais , et dont Crest paraît avoir été la principale rési- 
dence, avaient obtenu des empereurs des concessions, sinon 
semblables, du moins analogues. Cette rivalité entre deux voisins 
puissants donna lieu à une longue suite de querelles et de 
combats. 

En 1334, le comte, par suite de la médiation du Pape, se 



(1) De Catellan, Les antiquités de l'église de Valence, p. 282, 325; — 
Gallia, Preuves, p. 103, 114. 



ÉTVKOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DBÔME. 407 

reconnut vassal de l'évêque (Gallia, Preuves, p. 128), ce qui 
n'empêcha pas une guerre, dite des épiscopaux, d'éclater onze 
ans après. Les évêques conservèrent leur pouvoir souverain 
jusque vers le milieu du XV« s. Us firent avec Louis XI, en 
1456, un traité, qui leur laissa, entr'autres droits féodaux, celui 
de faire rendre la justice à Valence et dans leurs divers fiefs. Le 
tribunal des évêques portait le nom de bailliage épiscopal , et 
les jugements étaient rendus par un juge-mage K 

La création, en 1636, d'un présidial à Valence porta un 
grand coup au bailliage épiscopal, auquel elle enleva une 
partie de ses attributions et par suite de ses revenus. Plusieurs 
évêques , et surtout M.e r de Léberon , eurent de fréquents dé- 
mêlés avec les officiers du présidial et ceux de la sénéchaussée. 
Les prétentions des parties et l'origine de leurs droits sont lon- 
guement discutées dans plusieurs mémoires imprimés en 1785 , 
presque au moment où la Révolution allait faire disparaître à 
jamais ces derniers débris du pouvoir féodal expirant 2 . Pour 
Vassieux , voir Vacherie. 

Venterol, près de Nyons, dont une partie dépendait de 
l'ordre de Saint- Jean -de- Jérusalem, a appartenu, dans le XII« 
s., aux Isoard, comtes de Die, et aux Àdhémar de Grignan ; 
dans le XIV« s., aux Dauphins; dans les XV«, XVI« et XVII* s., 
aux d'Urre de Brotin; plus tard, aux Philibert de Perdeyer, 
aux des Al ries de Cornillan, aux d'Àgoult et aux Blacons 
(1789). Les Bologne prenaient, en même temps que les d'Urre, 
la qualification de seigneurs de Venterol. 

Les noms latins étaient Ventairolium en 1284 ; Venteyrolium 
en 1276, 1313 et 1314; Ventayrolium en 1302; Venter eolum 
en 1375 (Valbonnays, t. H, p. 118 et 119; — Inventaire de 
1346 , p. 54). Comme le vent souffle avec violence sur le terri- 
toire de cette commune , on prétend que ce village doit son 



(t) On devait écrire maje , du 1. major, parce qu'il jugeait en appel pour 
les flefe dépendant de l'évéché. 

(2) V. aussi le travail intéressant de M. Lacroix sur les diverses justices 
du Dauphiné; il est inséré dans le premier volume des Archives départe- 
mentales. (Préface et série B , de N.* 1 à N.° 15.) 



408 société d'abchéologie et de statistique. 

nom à cette particularité ; ce qui me parait très-douteux. Je 
crois plutôt que la première partie de ce nom, qui est aussi 
celui d'un village des Basses- Alpes, appelé Venterolium et Yen- 
tairol dans les anciens actes , est emprunté à un radical , pro- 
bablement celtique, qu'on retrouve dans beaucoup de noms de 
lieu du midi de la France. 

Tels sont : Ventabren, Ventadour, Ventaillac, Ventajou, 
Ventalon, Ventavon, Ventelon, Ventenac, Ventenat, etc. Ce 
radical paraît être le même que celui qu'on rencontre dans 
plusieurs noms gaulois, tels que Vindalium , près d'Avignon; 
Vindomagus ou Vendomagus , ville de la Narbonnaise ; Vindilis, 
aujourd'hui Belle-Ile; Vindinum de Cénomans (Le Mans); Vin- 
donissa des Helvètes ; Vindicalium , nom primitif de Thueyts 
(Ardèche) , d'après M. Rouchier ; Vindocinum , Vendôme , etc. 
Je ne l'ai pas retrouvé dans les idiomes néo-celtiques, si ce 
n'est dans le breton gwint, hauteur (Belloguet, t. I er , p. 212). 

Il paraît se rattacher au sanscrit pvnda, hauteur, monceau, 
maison, qu'on retrouve dans le nom du Pinde; dans le dimi- 
nutif pindila, digue, chaussée (Burnouf, p. 411); dans vindhia 
et bindhia, montagne, en hindoustani; bant et pant, en corn, 
et enkimr.; penta, montagne, en dialecte corse, etc. V. Bè- 
nivay, g I crl . La seconde partie du nom, airolium, veut dire 
champ, domaine, jardin. V. Eyroles. Venterol peut donc être 
traduit par champ ou domaine de la hauteur : le village est , 
en effet , adossé à un coteau , de même que le hameau de Ven- 
terol , situé à un kilom. au couchant de Clansayes. 

Vercheny, près de Saillans, a peut-être appartenu à une 
famille de ce nom dont les membres connus sont Giraud de 
Veirechaene (1202) ; Àtenold de Verrechaeine (1245) ; Ponce de 
Veirechayne (1266); en 1374, il faisait partie des nombreux 
fiefs des Poitiers ; Jean de Poitiers le vendit en 1528 à Louis de 
Salvaing, et, en 1717, il fut compris dans le marquisat de 
Soyans, érigé en faveur de M. de la Tour-Montauban. 



(1) Wanty muraille, construction, en tud.; wand, en ail.; vdta, enclos, 
en sanscrit. — Wand t cours d'eau, en scand. — Wende, limites, fron- 
tières, en tud. 



ÉTTMOLOfllES DES NOMS DE LIEU DE LA DKÔME. 409 

Les anciennes formes de ce nom sont ecclesia de Vevre- 
chaene en 4192; Veirechenee en 1210; Verachayna (XHfc s.); 
Vieux-Chenet en 1374 et en 1528 *, et quelquefois Vêtus Che- 
netum. La seconde partie du nom, empruntée à celui du 
chêne, a peu varié ; mais la première est plus difficile à pré- 
ciser. La forme veire, qui est la plus ancienne et la plus com- 
mune , se retrouve dans les noms de lieu suivants : le Grand- 
Vaire, le Petit- Vaire, Vaire 9 Veirarmae, aujourd'hui Vérannes, 
Vayrac, Vayres, Vayrac, Vayrans, Veyres, là Veyrie, etc. 

Ici le doute commence, et je ne sais trop comment traduire 
ce mot. Peut-être a-t-il la même origine que la Fare et Vérone 
(§ IV), maison, hameau, venant d'un primitif far a ou vara? 
L'a a souvent été changé en ai ou ei, comme dans ala, aile; 
amare, aimer; clarus, clair; granum, grain, etc. Vercheny 
serait alors l'équivalent de Villechêne, maison du chêne. 

Vernàison est un quartier situé sur la rive gauche de l'Isère , 
en aval de Romans : il est appelé villa Vernatio en 995 et Ver- 
nasio en 1078 (Giraud , Preuves, 1. 1**, p. 33 et 200). Cependant, 
Delacroix (p. 459) et H. Nadal 2 disent , d'après je ne sais quel 
document, que ce lieu s'appelait Commerci ou Commiers» 
lorsqu'on y fonda, dans le XII e s., un couvent de religieuses 
cisterciennes, détruit par les Protestants. En 1616, les reli- 
gieuses en firent construire, à Valence, un autre, qui sert de 
caserne de gendarmerie. 

Ce nom est emprunté à celui du verne, suivi d'une termi- 
naison analogue à celle de Vernade , Vernède , Vergnoles , 
Vernoy, Vernhette, Vernoux (Vernoscum dans le XI«s.), Ver- 
nègues , près d'Arles , qui avait conservé un des articles celti- 
ques (al, ar, le) dans sa forme latine iïAlvernicwm. Le nom de 
Y Auvergne (Alvernia, Arvernia) parait avoir la même étymo- 
logie 3 . Il est d'origine celtique et correspond au latin alnus , 



(1) Cartulaire de Die, p. 39, 51, 55; — Cartulaire de Léoncel, p. 231. 

(2) Histoire hagiologique du diocèse de Valence, p. 608; — Gatellan , 
p. 269. 

(3) D.' Gluck, Die bei Caesar Kellischen Namen, p. 9. 



440 société d'archéologie et de statistique. 

aulne ou aime (v. Armeyrori). De même que gwern, verne, en 
br. et en gall.; fearn, en éc. et en irl., il pourrait se rattacher 
à varcma, arbre, en sanscrit. 

Vesc , près de Dieulefit , a donné son nom à une famille qui a 
pour premier auteur connu Guy, seigneur de la Bâtie-de-Fiesc 
(de Vaesco) en M50. Pithon-Curt (t. III, p. 486) a donné la 
généalogie de cette famille , une des plus anciennes et des plus 
considérables du Dauphiné , à cause du grand nombre de fiefs 
qu'elle a possédés : d'après Guy Àllard , elle a formé douze 
branches ; je les crois toutes éteintes : Mesdames du Puy-Mont- 
brun et d'Isoard de Chénerilles , mortes il y a quelques années , 
ont été les dernières à porter le nom de Vesc. 

Ce village était appelé bastida de Vaesco en 1170 et 1198; 
Vaescum en 1210, 1278, 1332 et 1435, et plus tard Vescum et 
Vesc. Il est probable que le nom de la Bâtie-de- Vaesc est dû 
à un domaine appartenant à l'évèque de Die , dans le diocèse 
duquel elle était située , et que les seigneurs du village de Vesc 
lui rendaient primitivement hommage. Plus tard, lorsque 
Tévêché de Die fut réuni à celui de Valence (1275), c'est à 
l'évèque de cette dernière ville que les de Vesc étaient tenus 
d'hommager, notamment en 1351 et en 1455. La branche aînée 
s'éteignit dans le XVI« s., et Vesc, dont la seigneurie appar- 
tenait aussi pour partie aux Clermont et aux Hontjoux , passa 
aux des Alrics; en 1789, il appartenait aux Moreton de Cha- 
brillan, seigneurs de Dieulefit. 

Le mot episcopus (d'èxi cxfaetv , regarder sur, inspecter) est 
un de ceux qui ont éprouvé le plus d'altérations : il est devenu 
bischof, en ail.; obispo , en esp.; bispo, en port.; bispe, dans 
les coutumes d'Albi (1220); escop, en br.; vescovo et vesco , en 
it.; vesque, en roman 1 . De cette dernière forme dérivent Ves- 
queville et Vesquerie (maison de l'évèque), et les noms d'h. 
Vesque, Veske et Vesco, dont Vaesc est une variante. La Vesque 
est un domaine situé sur la commune de Puygiron et qui paraît 
avoir appartenu à la famille de Vesc. 



(1) Dans le testament de Guigue Alleman, seigneur d'Uriage en 1275, 
on lit : le vesque de Greynovol (l'évèque de Grenoble). 



ÉTYM0L0GIBS DES NOMS DE LIEU DE LA DBÔME. 144 

Vinsobres , près de Nyons , a appartenu à un grand nombre 
de coseigneurs : d'après Guy Allard , en 1281 ils étaient vingt ; 
en 1330, la directe de cette terre fut attribuée au Dauphin, au- 
quel le Pape et le comte de Valentinois la contestaient. Depuis 
cette époque, il y a eu les Durfort (4400) ; les d'Urre (du XV* 
au XVIIe s.); les deVéronne (XV* s.); deCornillan (XV* s.); 
Sainte-Jalle (XV* s.) ; des Alrics (XVI« s.), et les Roquard, qui 
succédèrent à cette branche (XVII e s.); Tolon (XVI« s.) ; Amieu 
de Feautrier, auxquels succédèrent les d'Agoult (XVIII e s.). 

En 1789, les coseigneurs étaient Madame de Montpezat, 
MM. Moreau de Véronne et Jean-Baptiste Doize ou Doyze, capi- 
taine et chevalier de Saint-Louis , du Bourg-Saint- Andéol , qua- 
lifié de comte de Vinsobres. Son père avait réalisé une fortune 
considérable à l'époque de la banque de Law et acheté une 
charge de secrétaire du Roi ; il laissa plusieurs fils , tous morts 
sans postérité : l'un d'eux était qualifié de seigneur de Pigeron , 
près de Vinsobres; un autre, président à la Chambre des 
comptes de Grenoble, fut tué, vers 1760, par une tuile qui 
lui tomba sur la tête pendant la procession de la Fête-Dieu ; le 
comte de Vinsobres mourut vers 1792, laissant pour héritiers 
MM. de Lespinasse et Fabry. 

Vinsobres est appelé castrum de Vmsobrus en 1263 , 1284 , 
1314 et 1378 ; de Vinsobris en 1339 ; de Vinsobrio en 1284 et 
1342; de Vinesobriis en 1349 *. Ce village, construit sur le 
penchant d'un coteau, produit du vin excellent (Delacroix, p. 
643). Suarès, dans sa Chorographia , s'exprime ainsi en jouant 
sur le nom de Vinsobres : 

Son territoire porte un vin doux et picquant; 
Vinsobre ou Sobre- Vin , prenez-le sobrement. 

C'est, je crois, par vigne que doit être traduite la première 
partie du nom de Vinsobres; la seconde parait être soit une 
altération d'o&ra, œuvre, travail; ouvrée (mesure de super- 
ficie), en b. 1., prov. et it.; soit le mot prov. sobre, au-dessus ; 



Ct) Guiffrey, Histoire de la réunion du Dauphiné, p. 237. 



442 société d'archéologie et de statistique. 

supra, en 1. Dans le premier cas, obra donnerait une idée de 
collectivité au mot vigne , idée rappelée par la forme plurielle 
latine de Vinsobriis et le substantif vignobles (vmoblium, en 
b. 1.); le s serait alors purement euphonique, comme dans 
vas-y, offres-en, etc.; dans le second, Vinsobres serait l'équi- 
valent de Weinsberg, coteau des vignes; Vignemont. Pictet, 
t. 1er, p. 254, prétend que le 1. vinum vient du sanscrit véna 
(boisson) aimée , agréable. 

Le nom du domaine de Vinsobres , au nord de Ch&teauneuf- 
de-Mazenc , vient de ce qu'il appartenait aux d'Urre , seigneurs 
de Vinsobres. 

D'après le D.* Long, les limites de la contrée occupée par les 
Voconces seraient indiquées au moyen d'une ligne passant par 
Grenoble, Saint-Nazaire , Crest, Grignan, Vaison , Forcalquier, 
Sisteron et Gap. C'est donc un pays essentiellement monta- 
gneux ; ce qui n'empêche pas Bullet de traduire ce nom par : 
« habitants des fertiles campagnes » , en inventant deux mots 
qui n'existent pas en celtique (voes, campagnes; con, bonnes). 

Le nom latin des Voconces était Vocontiei, sur deux inscriptions 
des marbres capitolins , des années de Rome 630 et 633 , et plus 
tard Vocontii. Il parait avoir la même origine que beaucoup de 
noms d'homme gaulois , dans lesquels elle a le sens de glorieux, 
illustre 1 . Tels sont Voconius, qui habitait Die à l'époque romaine 
(D.r Long, p. 414); Vocusianus, Voecio, Voculus, Forum Voconii, 
station romaine près de Fréjus; Wocon, Wuocon, Rinwocon, 
Judwocon, Catwocon, Catguocaun, anciens noms bretons, qu'on 
peut traduire par chef, combattant, guerrier illustre ; Jamwocon, 
fer ou épée illustre, et peut-être celui dé Bonet Boccon, qui habi- 
tait Romans en 1245 2 . M. Pictet les rattache à la même racine 



(1) Zeuss, p. 152, 791 ; — Pictet, Rev. arch., 1864, p. 308. 

(2) Cart. de Léoncel, p. 138. C'est probablement de lui que sont issus 
Charles Bocon, châtelain de Chàteauneuf-de-Galaure en 1624; François 
Bocon, sieur de la Merlière, trésorier de France en 1707; Adrien Bocon de 
la Merlière, colonel, tué à Warbourg en 1760; Félicien Bocon de la Mer- 
lière, sacré évêque d'Àpt en 1752; Laurent Bocon de la Merlière, seigneur 
de Saint- Véran, près de Saint-Marcellin, et Constance Bocon de la Merlière, 



ÉTÏMOLOGIES DES NOMS DE LIEU DE LA DHÔME. 443 

que gogoni, glorifier, gogoned et gogonaul, glorieux, illustre, 
en ni. et en kimr. 

La finale tiei ou tii, du nom 'des Vocontii, était ou un simple 
suffixe, comme dans celui des Brigantii , des Helvctii , des Nan- 
tuates, des Carnutes, etc., ou bien rappelait une idée de collec- 
tivité, de contrée, de territoire, empruntée peut-être au mot 
ti ou ty, maison, domaine, enbr. etengall. (tigh> teagh,enéc. 
et en irl.), qui pourrait dériver du sanscrit xi, maison et de- 
meurer (Burnouf, p. 197). 

Dans cette hypothèse, les Vocontiens ou Voconces auraient 
formé primitivement un clan, dont le nom était emprunté à 
celui du chef de la famille ou de la tribu. 

Volvent, près de la Hotte, où Ton récolte du miel excellent, 
est situé sur un plan incliné du levant au couchant. Ce fief, 
appelé Volventum en 1158, appartenait en 1640 à Reynaud 
de Montauban et dans le XVIIIe s. aux Bernard de Volvent , 
tombés en quenouille, en 1796, dans les Garnier de Labarreyre. 
H. Hannier pense que ce nom, qu'on ne rencontre nulle autre 
part en France, est analogue à ceux de Heurtevent, Hewtebise, 
Quatre-vents ; il conviendrait à Volvent, où le vent souffle ou 
vole avec violence, et rappelle le nom d'Auriple, g 1. On peut 
le rapprocher aussi de l'expression rivus ou aqua volvens, 
ruisseau , ravin , cours d'eau , commune en Dauphiné dans les 
actes des X e , XI« et XII e s., et qu'on rencontre souvent dans les 
Cartulaires. Le nom de Volvent reproduirait alors l'accusatif ad 
aqunm volventem , près d'un ruisseau. On le retrouve dans la 
forme latine de Vowoent (Vendée), Volventum et Volvens vers 
1030 i. 

B.on de COSTON. 



née vers 1795, qui a Joué, dit-on, un rôle historico-religieux sur la mon- 
tagne de la Salette, le 19 septembre 1846. Elle est morte à Charnècles (Isère) 
vers 1866. 
(1) Revue numismatique, 1847, p. 31. 



Tome VI. — 1872. 8 



444 société d'archéologie et de statistique. 

UNE INSCRIPTION 

A OLÉON-D'ANDEAN, 
(lettre de m. allmer.) 



> ¥ « 



A deux kilomètres du village de Cléon-d'Andran, sur le che- 
min de Saint- G er vais et non loin du Roubion, affluent du 
Rhône, un propriétaire nommé Chalons (François) découvrit, 
il y a quelques années , un cippe en pierre de grès de 1 « 30 
de haut sur 0» 60 de large et 0™ 30 d'épaisseur, servant au- 
jourd'hui de jambage à la porte d'un appendice à sa maison 
d'habitation. 

Plusieurs curieux, au moment de la découverte de ce monu- 
ment, voulurent le voir et lire l'inscription qu'il porte en lettres 
de m 05 de hauteur, placées sur 7 lignes, distantes de m 05 
l'une de l'autre. Mais aucun ne prit la peine de la publier, que 
je sache du moins. 

En visitant cette année la pierre tumulaire , avec M. l'abbé 
Rimet, curé de la paroisse, nous relevâmes l'inscription avec 
soin, pour la soumettre à M. Allmer, le savant épïgraphiste 
dauphinois. 

Je transcris ici sa réponse , avec la certitude d'être agréable 
aux lecteurs du Bulletin : 

« Lyon, le 26 octobre 1871. 

* Monsieur et ami, 

> Je réponds de mon mieux à la demande d'explications que 
vous voulez bien me faire sur une nouvelle inscription décou- 
verte dans votre département : 



UNE IKSCRIPTIOK A CLÉOK-D'àHDIUN . 445 

» Cippe eu pierre de grès privé de sa base, mais encore 
pourvu de son couronnement. 

D M 

ATTICINI A 
VENT IN F 
ATtCIANV s 
ET MATERN 
ATIVS PATR* 

OPTIMO 

» LA et l'N du mot ATTICIANI de la 2« ligne, l'N et 11 de la 
dernière syllabe du mot AVENTINI de la 3«, le second T et lï 
du mot ATTICIANVS à la 4« forment des monogrammes. 

» Dits Mambus Atticiani, Aven Uni filii, Âtticianus et Mater- 
natius patri optimo. 

» Au point de vue de l'histoire générale, de celle qui s'occupe 
particulièrement des grands événements politiques , cette ins- 
cription est absolument sans intérêt; mais, au point de vue de 
l'histoire locale , elle constate que déjà au premier, au deuxième 
ou , au plus tard , au troisième siècle de notre ère , à l'endroit 
où existe aujourd'hui le village de Cléon-d'Andran , il y avait 
un noyau, plus ou moins important, de population, peut-être 
un viens, peut-être une simple villa. Il est à remarquer que les 
personnes nommées dans l'épitaphe, et qui certainement n'é- 
taient pas des esclaves, ne sont désignées que par des sur- 
noms. L'on peut présumer que le cippe qui porte cette épitaphe 
faisait partie d'un monument sépulcral plus considérable où se 
lisait, sur une inscription principale, le nom de famille, que 
cette circonstance dispensait de répéter sur chacun des tom- 
beaux particuliers qui en dépendaient. » 

Je signalerai encore à M. Allmer une autre inscription inédite 

placée dans la façade du moulin de Propiac , canton du Buis , 

portant : 

I O M 

M DOMITVS 

FESTVS 

EX VOTO 



H 6 SOCIÉTÉ I) ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

VINGT ET UNIÈME SÉANCE. 

(31 août 1871.) 



PRÉSIDENCE DE M. DE G ALLIER. 



MM. Vallcntin, Bonnet, vice-présidents; M. de Berlhe, mem- 
bre du Comité de publication; MM. Thannaron, de Coston, 
Jacquemet, et les abbés Isnard et Perrossier s'excusent par 
lettres de ne pouvoir assister à la séance. 

M. le Président rappelle en quelques mots les événements qui 
ont interrompu les travaux de la Société, et qui, amenant la 
suppression probable des allocations du département et de 
l'État , vont restreindre ses ressources budgétaires. 

D'un autre côté le temps fait défaut pour publier, comme à 
l'ordinaire, quatre livraisons en 1871. 

Une note de l'imprimerie fait connaître les dépenses occa- 
sionnées pari acomposition en quatre livraisons et en volumes, 
et la discussion s'engage sur le mode le plus économique à 
adopter. 

M. de Coston et M. l'abbé Perrossier défendent la publication 
trimestrielle par d'excellents arguments, et plusieurs membres 
se rangent à leur opinion. Toutefois, afin de ne pas perdre 
Tannée 1871, il est convenu que, par exception , les quatre li- 
vraisons seront réunies en un volume. 

En même temps, une commission est chargée d'étudier le 
mode le plus économique pour la publication du Bulletin à 
l'avenir. 

Après l'admission de M. Charras fils, négociant à Nyons, 
comme membre titulaire, et de MM. Barelle, curé de Ribiers, 
et de M. Falavel, notaire à Saint-Marcellin , comme membres 
correspondants 9 la séance est terminée par le compte-rendu de 
quelques découvertes archéologiques à Chatuzanges, à Am- 
bonil et à Propiac, et par l'annonce de la mise en vente du 
2 e volume de Y Histoire de Dauphiné de Chorier, réimprimé 
avec autant d'art que de goût par MM. Chenevier et Chavet. 



CHRONIQUE. 447 



CHRONIQUE. 



-frojeSo*"- 



Dans son rapport au Conseil général, M. le Préfet, après avoir 
rappelé l'impulsion donnée aux études historiques dans son 
département par diverses publications récentes, ajoutait : 

« A une époque où Ton recherche avec un si noble zèle & 
répandre l'instruction populaire , la Société d'archéologie, par 
son exemple, par ses réunions et par ses écrits, doit forcément 
prêter un utile concours à l'œuvre complexe de l'enseignement. 
Par elle, en effet, la géographie et l'histoire, en commençant 
par la commune pour arriver au département, à la province, à 
la nation elle-même, deviendront pratiques et profitables ; les 
monuments seront expliqués et décrits , l'organisation munici- 
pale étudiée, les patois conservés, les coutumes recueillies. 

» Tout, en un mot, deviendra sous sa main l'objet d'une 
leçon, d'une conférence ou d'un article, comme elle l'a prouvé 
déjà par les cinq volumes parus de son Bulletin. 

» Ces considérations m'ont porté à maintenir au budget le 
chiffre des allocations antérieures. » 

Le Conseil général n'a pas cru pouvoir continuer l'allocation 
demandée. 

La Société a terminé l'impression du Cartulaire de Saint- 
Pierre du Bourg, et les membres titulaires en recevront les der- 
nières feuilles avec la présente livraison. Il sera tenu à la dispo- 
sition des membres correspondants moyennant une faible 
somme, non encore fixée. 

Il n'a pas été possible , sans de nouveaux frais , de varier la 
composition de la l re livraison, à cause du volume projeté pour 
1871 ; mais les articles de la 2« seront plus nombreux, et ceux 
de la 3* encore plus. 

Plusieurs membres delà Société, par suite des événements 
de 1870-71 , ont changé de résidence et leur adresse est inconnue 
au secrétaire, qui ne peut leur envoyer ni le Bulletin, ni les 
communications utiles. Je les prie instamment de me tenir en 
relation constante avec eux. 



1J8 société d'archéologie et de statistique. 

Ouvrages reçus pendant l'année 1§71. 



Sigillographie du diocèse de Gap, par Joseph Roman, avocat. 
Grenoble, 1870, Maison ville et Jourdan, 1 vol. in-4°, avec plan- 
ches. Magnifique ouvrage, offert par l'auteur, membre de la 
Société. 

Armée du Rhin, ses épreuves, la chute de Metz, Notes 
cursives, du lieutenant-colonel de Montluisant, commandant la 
réserve d'artillerie du 6« corps. Montélimar, 1871, Bourron, 
1 vol. in-8°. Intéressante publication, offerte par l'auteur, mem- 
bre de la Société. 

Modifications apportées par la loi du 5 mai 1869 dans le ser- 
vice des enfants assistés du département du Rhône, par M. E. 
Fayard. Lyon, 1871 , Giraudier, 1 vol. in-8°, offert par l'auteur, 
membre de la Société. 

Réponses aux délibérations de la commission départementale 
en date des 15, 18 et 19 novembre 1870 sur les enfants assistés, 
les secours à domicile et la société de chanté maternelle, par le 
même auteur. Lyon , 1871, L. Perrin, br. in-8°. 

Petites notes ardéchoises, par A. Mazon. Privas, 1870, Roure, 
1 vol. in-8°. Hommage de l'auteur, membre de la Société. 

Le suffrage universel et la future loi électorale, par M. V. 
Grand. Paris, 1871, Lachaud, br. in-12. 

Élections municipales de 1871 à Marseille. Nos Édiles, par le 
même auteur, membre de la Société. Marseille, 1871 , Sanial, 
br. in-8°. 

Notice sur V établissement tliermal de Vais (Ardèche) , ses 
bains, ses sources, ses environs. Marseille, 1870. M. Olive, br. 
in-12. 

Revue des sociétés savantes des départements, 5 e série, 1. 1, 
juin, juillet 1870 ; t. II, août, septembre 1870, 3 liv. in-8<>. 

Bulletin de l'Académie delphinale, 3 e série, t. 5, 1869. Greno- 
ble, 1870, Prudhomme, 1 vol. in-8°. 

Annales de la Société littéraire, scientifique et a/rtistique 
d'Apt (Vaucluse), 5e année, 1867-68. Apt, 1871, J. S. Jean, 1 
vol. in-8°. 



CHROMQUE. 449 

Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, 
publié sous la direction du docteur Selim-Ernest Maurin , t. 31 
et 32. Marseille,1870-71, Cayer et O, 2 vol. in-8". 

Mémoires de la Société de statistique, sciences et arts du dépar- 
tement des Deux-Sèvres, 2« série, t. X, 1870. Niort, Clouzot, 1 
vol. in-8°. 

Bulletin de la même Société, N.°» 5 à , 2 liv. in-8<>. 

Société d'agriculture, des belles- lettres , sciences et arts de 
Rochefort. Travaux. Années 1866-67-68 et 69. Rochefort, 1870, 
Thèse , 1 vol. in-8°. 

Mémoires de V Académie du Gard, nov. 1868, août 1869. 
Nîmes, 1870, Clavel-Ballivet, 1 vol. in-8°. 

Annales de la Société académique d'architecture de Lyon, t. 
II, exercice 1869-70. Lyon, 1871, L. Perrin, 1 vol. in-8°. 

Journal mensuel des travaux de l'Académie nationale agri- 
cole, manufacturière et commerciale et de la Société française 
de statistique universelle, sous la direction de M. P. Aymar- 
Bression, 2 liv., décembre 1870, octobre 1871. 

Annales de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles- 
lettres du département d'Indre-et-Loire, 109 e année, t. XLIX, 
avril, mai, juin, juillet , août, septembre, octobre, novembre et 
décembre 1870. Tours, 1870, Ladevèze , 7 liv. in-8°. 

Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, t. X, 1868- 
69 et 70, 2 liv. in-8°, les dernières du volume. 

Parmi les publications récentes , je signalerai Le nouveau 
trésor des Fins d'Annecy, Lettre à M. Louis Revon , par Gustave 
Vallier. Annecy, 1871, L. Thesio, br. in-8<>. 

Inventaire des archives des Dauphins de Viennois à Saint- 
André de Grenoble en 1346, publié d'après les registres origi- 
nauœ, avec table chronologique et alphabétique, par M. l'abbé 
C.-M.-J. Chevalier, correspondant du Ministère de l'instruction 
publique, membre de la Société. Nogent-le-Ro trou, 1871, Com- 
mandeur, 1 vol. in-8°. — Utile publication. 

Cartulaire municipal de la ville de Montélimar {Drame) , 
publié (Faprès les documents originaux, par l'abbé C.-M.-J. 
Chevalier. Montélimar, 1871 , Bourron, 1 vol. in-8°. 



120 société d'archéologie et de statistique. 

Ordonnances des rois de France et autres souverains relatives 
au Dauphiné, précédées d'un catalogue des registres de Van- 
cienne Chambre des comptes de cette province, publiées par 
C.-M.-J. Chevalier. Colmar, 1871, Hoffman, 1 vol. in-8<>. 

Les imprimeurs de notre Bulletin ont terminé depuis plu- 
sieurs mois leur réimpression du 2« volume de l'Histoire de 
Dauphmé de N. Chorier. Il serait vivement à désir-er que les 
archéologues et les bibliophiles de la province fissent à cette 
œuvre l'accueil qu'elle mérite , afin d'encourager les éditeurs 
à compléter leur entreprise en réimprimant le 1 er volume. 

L'Académie française, dans sa séance du 23 novembre 1871, a 
décerné le prix Thérouanne à M. Victor de Saint-Genis pour son 
Histoirede Savoie. «M. de Saint-Genis, dit le rapporteur, en retra- 
çant l'histoire de Savoie, depuis ses plus lointaines origines, n'a 
rien négligé pour qu'après tant d'essais analogues, dont il 
rappelle lui-môme le souvenir, son œuvre ne manquât pas de 
nouveauté. Il y est parvenu par une recherche, une étude très- 
patientes, très-intelligentes des documents originaux. Il porte, 
du reste, avec aisance , sans en être alourdi , sa riche érudition 
locale. Son exposition est facile, vive, rapide, trop rapide môme 
en certains endroits : ce qui en fait le principal caçpctère, c'est 
une grande liberté de jugement, comme d'expression, et, même 
dans les saillies , où elle s'emporte quelquefois , la constante 
honnêteté d'un esprit sagement libéral. Bien des événements y 
sont racontés ou résumés, bien des personnages décrits et 
appréciés ; mais ce qui y tient le plus de place , c'est le peuple 
de Savoie lui-môme, dont l'historien s'applique à bien faire 
connaître, d'époque en époque , les mœurs, les sentiments, les 
aspirations, les progrès dans la vie sociale.... » 

Malgré toutes nos épreuves , il y a donc quelque espoir encore 
de ranimer le feu sacré des lettres et des sciences, et nos chers 
collègues nous seconderont comme toujours dans la mission 
qui incombe à la Société d'archéologie de la Drôme de maintenir 
sa bonne renommée. 

A. LACROIX. 



m 




DESCRIPTION DE VALENCE 



PAR 



Clavde ROGIER 



E donne in extenfo la defcription de Valence par 
Claude Rcxher, inférée dans le regiftre des délibéra- 
tions de la Municipalité, & de laquelle M. Nadal 
navoit donné quvn extrait dans fon excellente Hiftoire 
de PVniverfité valentinoife. 

ç/L moi, novice en cette matière , la leâure du document 
préfentoit des difficultés, que j'ai levées avec le concours 
bienveillant de MM. l'abbé Chevalier, Lacroix, archivifte, 
& Roberti, prof effeur d' hiftoire. On verra par ce docu- 
ment que che\ Claude Rogier, cet homme de bien, le f avoir 
(d'vne érudition toute moderne) étoit à la hauteur du 
dévouement avec lequel il préfervoit Valence de la conta- 
gion de lapefie & des horreurs de la famine. Il a prodigué 
à notre cité les tréfors de fon efprit & de fon cœur; que fa 
mémoire vive donc parmi nous. 

J'aurois voulu pouvoir donner vn plus grand nombre 
de notes ; mais les circonftances préfentes & douloureufes 
m'enlèvent complètement le goût des recherches hiftoriques. 

GVILLEMINET. 



Tome VI. - 4872. 9 



DESCRIPTION 
DE LA CITÉ DE VALLENCE 

EN DAVLPHINÉ. 



ALLENCE, cité fort ancienne, eft en la 
Gaule Narbonnoife , laquelle contient cinq 
provinces, fellon l'auâeur de la Notice de 
l'empire romain. La première retient le 
nom de Narbonne, colonie des Romains, 
appelée première Narbonnoife. L'aultre a prins ce mefrne 
nom, & eft dicte féconde Narbonnoife, de laquelle Aix eft 
métropolle & aufii colonie des Romains, par eux nommée 
Aquce Sextice. La tierce eft èz Alpes Maritimes, & la qua- 
trième èz Alpes Graïes & Pennines. La métropolle de cefte 
cy eft Mouftiers en Tarantoife , jadis nommée Civitas Ceu- 
tronum; & celle des Alpes Maritimes eft Embrun, qui 
retient prefque le nom : Ebreduntiorum. La cinquiefme eft 
la Viennoife, où font quatre cités principalles, félon Ammian 
Marcelin, au quinziefme livre, dont Vallence en eft vne qui 
dépend de Vienne, comme plufieurs aultres, car les évefques 
d'Arles, d'Orange, de Vezon & de Carpentras font foubs- 
efcripts au fécond concile d'Arles comme eftant de la pre- 
mière Viennoife. Ce concile fut tenu au temps de l'empereur 
Gonftantin I". Mais defpuis, Arles a efté faitte métropolle, 
dont vient que Vienne n'a retenu que fix cités fous elle , 



DESCRIPTION DE YÀLENCE. 423 

qu'auparavant en avoyt treize. Narbonne eft la première 
métropolle en celle Gaule, laquelle, au commencement, 
n'eftoit que vne province. Mais les empereurs romains Payant 
peu à peu lefpartie, en firent cinq d'vne, & au temps que 
la Gaule Narbonnoife eftoit répartie en cinq provinces , elles 
eftoient fous vn vicaire ou lieutenant du grand gouverneur 
des Gaules, nommé prefeêtus prœtorio Galliarum. La loy 
quinziefme, au tittre de Paganis, dans le Gode Théo^olien, 
s'adreffe au vicaire des cinq provinces, & les évefques qui 
furent affemblés au premier concile de Vallence & de Turin 
efcrivirent aux aultre* évefques des Gaules & des cinq pro- 
vinces. Ainfi Ton voit que nommant les cinq provinces, 
lors eftoit lignifiée la Gaule Narbonnoife, laquelle n'eft 
contenue en la defcription que Céfar faiét des Gaules au 
commencement de fes Commentaires, car elle eftoit déjà 
province des Romains. En la Notice de V empire romain, 
le fufdit lieutenant eft nommé vicaire des fept provinces. Et 
auffy le pape Boniface I er efcrit fa féconde épiftre aux évefques 
des Gaules & des fept provinces, en faifant mention du 
clergé de Vallence, qui fe plaignoient de Tévefque, nommé 
Maximius. 

Mais ce fut après le premier concile tenu en ladifte cité , 
que fait conje&urer que aux cinq premières jà nommées 
furent adjouftées les deux qui font nommées dans la confti- 
tution de ceft empereur Conftantin, qui fe teint à Arles 
quelque temps. Là eft efcrit que Petronius, préfet des Gau- 
les, avoyt ordonné fept provinces avant que Coilftantin lift 
icelle conftitution, où n'eft faifte mention des cinq. Toutes- 
fois, elles femblent affez fpécifiées depuis que les deux plus 
éloignées d'Arles y font nommées l . 

(i) Les cinq provinces étaient donc : première Narbonnoife, deuxième 
Narbonnoife, Alpes Maritimes, Alpes Graies & Pcnnines, Viennoife; & les 
fept provinces étoient : première Narbonnoife, deuxième Narbonnoife, 
Alpes Maritimes, Viennoife, première Aquitanique , deuxième Aquitanique, 
Novempopuianie. 



424 société d'archéologie et de statistique. 

Par ce que deffus appert comme Vallence eft en la Gaule 
Narbonnoife ; voyons maintenant qui ont efté ceux par les- 
quels premièrement a efté peuplée & habitée. Ghofe difficile 
à favoir, car Pline efcrit au quatrieûne chapitre du troifiefme 
livre que Vallence eft in Agro Cavarutn; mais Ptolémée la 
met in Segalaunis, qu'il faift voifins des Cavares , nommés 
par lui Cavari '. Et femble auffi qu'il faille ainfi lire dans 
Strabon, car les Cavares tenoient la plus grande part des 
terres qui font entre la Durance & la Drôme, fur la rivière 
du Rhône, à ce qu'on peut comprendre de la defcription de 
Ptolémée; car, félon ceft autheur, Cavaillon, Avignon & 
Orange eftoient à eux, & vne ville qui s'appelloyt Acutio, 
eftant, comme il eft vraifemblable , la où eft aujourd'huy 
Monthélhimard . Car encore y voit-on des ruines en vne 
vieille porte nommée Agu a . Il ne fault mettre en difficulté 



(i) M. l'abbé Rouchier {Hijl. du Vivarai$ 9 I, p. 83) conjecture que 
l'Helvie, qui, félon lui, comprenoit d'abord tout le département de l'Ardè- 
che, fut morcelée en trois zones par Gratien , lorfqu'il érigea en civitas le 
vicus de Grenoble, au détriment de la cité de Vienne, qu'il dédommagea 
en lui donnant vn morceau de l'Helvie; l'autre zone, du Doux à l'Érieu, 
forma le diftricl des Ségalaunes, & le relie fut confervé aux Helviens. Ce- 
pendant Ptolémée, qui eft bien antérieur à Gratien, nous montre déjà 
Valence capitale des Ségalaunes, avec vn lambeau du territoire des Cavares 
s'étendant de l'Hère au Roubion. En réalité, l'Helvie n'embraûoit primiti- 
vement que cette partie du département de l'Ardèche bornée par l'Érieu ; 
la feclion comprife entre l'Érieu & le Doux formoit le territoire féga- 
laune ; enfin , la partie au nord du Doux étoit allobroge : M. Allmer m'écrit 
qu'il en a des preuves. Valence, comme le dit formellement Pline, & 
comme le donne à entendre Strabon , étoit fur le territoire des Cavares , 
lequel s'étendoit de la Durance à l'Hère. Au temps de Ptolémée, elle fut faite 
capitale des Segalauni de l'Érieu & du Doux, avec ce lambeau de territoire 
cavare allant de l'Ifère au Roubion. Comme c'étoit vne colonie romaine, on 
peut la qualifier, quoique d'vne façon difgracieufe, de ville cavaro-romaine , 
& plus tard chef-lieu des Ségalaunes. Cavares paroît fignifier hommes de 
la vallée , ou des grottes creufées dans le flanc des collines. 

(2) Puifqu'on trouvoit des ruines antiques à la porte de l'Âgu, le doute 
n'eft plus poflible; l'antique Acufio fe trouvoit certainement près de Monté- 



DESCRIPTION DE VALENCE. 425 

que le nom de Vallence eft romain, & qu'il a efté donné à 
d'autres colonies. Et à ce nous fert l'authorité de Paterculus, 
qui, faifant difcours des colonies romaines, nomme entre 
autres celle qui fut eftorée Pan cinquiefine après le confulat 
de Torquatus & Sempronius , & depuis reftaurée , Tan que 
L. Quintus & E. Domitius eftoient confuls. Comme efcript 
T. Livius, au XXXV e livre, cefte colonie eft en Italie & fut 
appelée Vibo Valent ta. En Efpaigne il y en a vne autre, de 
laquelle eft faicle mention au cinquante-rinquiefme livre de 
l'abrégé dudit Tite-Live, & en la loi dernière de cenjtbus au 
Digefte. Pline , au cinquiefine livre , chapitre I er , met en la 
Mauritanie vne autre colonie nommée BanafaV aient ia. En- 
core treuve-t-on dans les autheurs qu'ont efcript au temps 
de l'empire romain d'autres lieux qui portent le nom de Val- 
lence. Et pour ce, Strabon ne faift mention de Vallence ains 
de Durio; &, au contraire, Pline, Ptolémée &Anthonin 
nomment Vallence & n'efcrivent rien de Durio ; dont l'on 
peut conjefturer que Vallence a efté conftruite des ruines 
de Durio ', ou bien que ceux qui vindrent en cefte cité de 



limar , entre le Roubion & le Jabron. Obfcrvons que chez nous la plupart 
des villes anciennes font près ou non loin du confluent de deux rivières : 
Avignon, Orange, Montélimar, Valence, Genève, Grenoble, Saint-Nazaire 
(Ventia), &c. Il eft donc bien vraifemblable qu'Aeria étoit le nom grec de 
l'antique Livron, qui appartient au confluent de la Drôme avec le Rhône. 
(i) Aymar du Rivail dit au contraire que ce fut Tournon qui fut édifié 
avec les ruines de Durio. Jean Péliffon prétend que Valence, a où Ton 
voyoit bien que les pierres avoient fervi auparavant, » fin conftruite avec 
les débris d'vne antique cité gauloife s'élevant fur l'emplacement du village 
de Mauves; qu'il y avoit là vn pont gaulois, dont les matériaux furent trans- 
portés par les Romains pour faire à Valence vn autre pont, bientôt renverfé 
par le fleuve, & donnant à vne place le nom de Pontpiéry pour Pont- Péri.— 
Pour tout ceci, il faut remarquer d'abord qu'il n'eft pas jufte, comme le 
fait M. de Gallier, d'après M. Macé (Bulletin archéoL de la Drôme, 5" année, 
p. 3o8), de reprocher vne méprife à Aymar du Rivail, qui, comme le 
finge de la fable, auroit pris pour vne ville Durio, laquelle ne feroit en 
réalité que la Durance. Loin de là , le texte grec , par l'article féminin qu'il 



426 société d'archéologie et de statistique. 

Durio, envoyés par les Romains, y apportarent ce nom de 
Vallence : car c'eft vne colonie, comme dift eft, & eft deçà 
PIfère en allant vers les Allobroges; comme auffi Strabon 
ne met pas Durio dans le confluent. Bien efcrit-il que Quin- 
tus Fabius Maximius -Emilianus y fit baftir vn trophée & 
deux temples. Aujourd'huy en ce confluent eft vn chafteau 
qui autrefois a efté ruiné par le commandement du roy faint 
Loys, félon qu'en efcrit le lire de Juinville. Aucuns ont 
voulu dire que Romus, feiziefme roy des Gaules, fils du roy 
Allobrox (comme dit Jehan le Maire), fonda la ville de 
Vallence près le Rofne, qui, par interprétation, n'eft autre 
chofe à dire que Roma. Et fans doute eft erroné de dire que 
Valentin, Valens ou Valentinien, empereurs, Payent fondé, 
veu que longtemps auparavant eft fai&e mention dudid 
Vallence es bons autheurs. Préfuppofant donc pour chofe 
plus certaine , comme dift eft , que ladiâe cité de Vallence a 
efté colonie romaine eftorée depuis le temps d'Augufte , à 
laquelle ont les empereurs toujours commandé jufqu'à ce 
que les Goths & Bourguignons entrarent es Gaules ; car le 



place au devant de Durio, démontre formellement qu'il s'agit d'vne ville. 
Cependant, comme il n'eft pas probable que Strabon ait voulu mentionner 
vne ville d'vne façon auffi incidente, on doit admettre que la leçon eft vi- 
cieufe, & que Doriona doit être remplacé par Araufiona, Orange. Quant 
au château & aux remparts de Tournon , ils ont très-bien pu être conftruits 
avec les ruines de leur voifine, l'antique Tegna, Tain. Quant à Valence, 
elle étoit ceinte d'vne muraille & de tours romaines, qui furent démolies 
par les incursions des barbares. Au moyen âge, & avec ces pierres qui 
avoient déjà fervi, on releva fur les mêmes fondations l'enceinte avec fes 
tours, & enfuite on jeta en avant vne féconde enceinte avec demi-lunes , le 
tout figuré fur le plan de Belleforefts (i575). François I er , voulant la for- 
tifier davantage, fit ouvrir des tranchées dans les faubourgs Saint- Vincent, 
Sainte-Catherine & Saint- Victor, mais s'arrêta, & ne lai (Ta ainfi que des 
vertiges; & enfin la citadelle fut conftruite fous Henri III, en i582. Ce 
dernier travail emporta probablement les reftes du cirque ou théâtre ro- 
main, grand cire au moyen âge, actuellement couvent de Sainte -Claire. 



DESCRIPTION DE VALENCE. 427 

premier concile des évefques tenu en la cité de Vallence fut 
en Tan de grâce de Notre Seigneur 364, eftant confuls 
Gratian, pour la troifiefme fois, & Flavius Egnitius, comme 
efcrivent les évefques qui y furent affemblés. Par ainfi, les 
Vallentinois obéiffoyent en ce temps aux Romains , & la loi 
huitième, au titre de annonis & tributis, dans le code de 
Juftinien, fe treuve avoir efté fai&e par Valentinien, Théo- 
dofe , empereurs , eftant pour lors Valentinien en celle cité 
de Vallence. Et la loi cent feptante-troifiefme, au titre de de 
curionibus, dans le code Théodofien, fut faifte en mefme 
année, & citée par lefdi&s empereurs. En Tan 415, Sigilbert 
raconte que Vallence fut prinfe par les Goths, & que les 
Bourguignons avoient paffé le Rhin Tan 41 3. Tefmoins 
Profper & Caffiodore , que nous faid croire que Vallence a 
efté pluftôt fubjefte aux Goths qu'aux Bourguignons, & fi 
ils l'ont tenue, ce feroit au temps de Gondebaud; car Avitus, 
archevefque de Vienne, lui a dédié le dialogue qu'il a efcrit 
contre les Ariens , & Ado , qui fut auffi archevefque de 
Vienne, efcrit en fa Cronique que faint Apolinar, évefque de 
Vallence, fut frère dudiâ Avitus. Et entre les lois que ce roy 
fift , il y en a vne touchant le cours des monnoies de fon 
royaume, faifant mention de Vallence. L'on treuve auffi, 
félon Grégoire de Tours, que les Lombards entreprindrent 
de revenir au royaume de Gontrand, & eftant fous la charge 
de trois capitaines, favoireft : Amo, Zaban & Rhodanus, 
firent trois bandes : Amo alla vers Embrun -, Zaban paffa 
à Die & vint affiéger Vallence ; & Rhodan alla affiéger Gre- 
noble-, lefquels furent défai&s par Mummolus, ayant efté 
affiégée ladide Vallence du temps du roy Gontrand. Ce roy, 
en Tan 24 de fon règne, fift affembler vn concile pour con- 
firmer les donations que lui, fa femme Auftrechilde & fes 
deux filles Clodeguelle & Clotilde avoyent fai&es à l'églife de 
Saint-Marcellin & Saint-Symphorien, qui font deux bourgs 
en Viennoife. En ce concile eftoyent les archevefques de 



^ 



428 société d'archéologie et de statistique. 

Vienne , Lyon & d'Arles , & prefque tous les fuffragants ; 
celui de Vallence fe nommoit Regnoaldus, lequel fe treuva 
auffi au premier concile de Mafcon , que le roy Gondran fit 
convoquer, & au fécond de Lyon, fous le mefme roy 
(iondran, l'an 22 de fon règne. Et depuis, ce roy fift tenir 
vn autre concile à Mafcon , où il y eut vn grand nombre 
d'évefques, entre autres eftoit ce fufditRegnoaldus, évefque 
de Vallence, qui avoit fuccédé à Maximus Eonius, comme 
on peut le voir par les fubfcriptions du premier concile de 
Lyon au fixiefme an du règne de Gondran , après la mort 
duquel les Vallentinois obéirent à Childebert , fils de Sigibert, 
roy de Metz. Faut aufli préfuppofer que Charles-le-Chauve, 
roy de France & empereur, donna à Bofo, frère de fa 
femme, avec couronne royale qui l'empara de la Bourgogne. 
Le fils duquel, appelé Loys, fut eflu roy dans la ville de 
Vallence par les archevefques de Lyon , d'Arles, d' Ambrun 
& de Vienne , par l'autorité du pape Eftienne , en l'an 890 , 
comme récite Paradin en la forme de l'éleftion. 

Et pour continuer l'hiftoire de Vallence , fe treuve qu'en 
l'an mil cent cinquante-fept , l'empereur Frédéric I er , roy de 
Bourgongne, donna plufieurs privilèges à l'églife de Vallence, 
comme avoyent fait fes prédécelfeurs empereurs, vfant de 
ces mots : confiderantes eam incongrue Vallentiam appelari, 
nifi ex imperialis munificentiœ benefictts & prœrogativa 
dignitatis plurimum eam valere conjlaret. 

Toutesfois , ladifte cité dépendoit du royaume d'Arles du 
temps que ceux de la lignée de Bofo régnèrent. Et celui qui 
a fai£t la généalogie des Dauphins de Viennois met au com- 
mencement qu'en l'an 11 35, après la mort de Bofo, roy 
d'Arles & de Vienne, les Dauphins commencèrent d'avoir le 
gouvernement de ce pays. Toutesfois, ce fut longtemps après 
la mort de Bofo dernier, car il fut faift moyne par le com- 
mandement de Othon I er , qui mourut en g33. 

Lequel pays du Dauphiné, à la parfin, a efté remis au 
roy de France, dans lequel Vallence fe treuve à préfent. 



DESCRIPTION DE VALENCE. 429 

Se treuve auffi par les antiquités de Vallence que icelle 
ville a efté réduite au Chriftianiûne par la prédication de 
trois martirs, favoir : Félix, prebfte, Fortunat & Achiilée, 
diacres, qui avoyent efté mandés par Irénée, évefque de 
Lyon , de Polycarpe le difciple; lefquels , fous le prince Au- 
rélien & duc Cornélian, ont efté martirifés & enfevelis en 
vn lieu auquel depuis a efté baftye vne églife fous le nom de 
Saint- Félix. 

Ladide cité de Vallence eft fituée en lieu fertile, abondant 
en terres, vignes & prez. Du cofté d'orient elle a à préfent les 
ruynes de l'églife Saint-Félix & de la Madelaine, avec jardins 
& prez y joignant, lefquels s'arroufent de Peau desfontaynes 
appelées du Charan , lefquelles font faiétes en voulte telle- 
ment que vng homme peult aller droiét partout dedans, & 
l'vne d'icelles entre fi advant qu'on n'a fceu treuver le fond 
ou fource d'icelle, & plufieurs ont tenu qu'elles ont été 
faiftes par Jules Céfar. Du cofté de l'occident, en descen- 
dant , elle a le fleuve du Rofne tant renommé, par le moyen 
duquel y a grand commerce en ladi&e ville de Vallence de 
toute marchandife, même la négociation du fel y eft fort 
fréquente, y ayant grenier dudiâ: fel, & à vne lieue dudift 
Vallence ou environ, l'Ifère entre dans le Rofne, lequel lieu 
eft appelé, félon aucuns, Confoulens, qu'a efté illuftré par 
la viâoire de Fabius /Emilianus * . Du cofté du feptentrion , 



(i) Rogier fixe avec raifon l'emplacement de la bataille fur la rive gauche 
de l'Ifère. En effet: i° la lutte a eu lieu, félon Pline, fur les bords de 
l'Ifère, apud I/aram; 2° puifque Strabon, dans le paragraphe qui com- 
mence par ces mots : « on traverfe la Durance à Cavaillon », & qui finit 
par ceux-ci : « mais à partir deTIfèrejufqu'à Vienne, » mentionne & cette 
bataille & fes monuments commémoratife; il afligne donc à ceux-ci impli- 
citement la rive gauche de l'Ifère; 3° la topographie s'oppofe à ce que la 
lutte ait eu lieu fur la rive droite; il y a là trop de bois & trop de maré- 
cages; 4 les deux ponts qui fervirent au paflage des Gaulois ne dévoient 
pas fe trouver côte à côte, car le pont fixe eût fauve alors vne partie des 
fuyards, ce qui n'arriva pas. Selon Paul Orofe, abréviateur en ceci de Tite- 



430 société d'archéologie et de statistique. 

elle a les ruynes de Téglife de Saint- Vincent, plufieurs jar- 
dins & prez qui s'arroufent des fontaynes eftant près dudicl 
lieu. Du cofté méridional , elle a les ruynes de l'abbaye de 
Saint-Rufs, laquelle eftoit baftie avec grand artifice : les 
cloiftres eftoient battis à piliers de marbre de diverfes cou- 



Live, Bituit, roi des Arvernes (Auvergne) & allié des AJlobroges, prépa- 
roit, en 121 avant J.-C, la guerre avec grand appareil : il étoit donc 
Vagrefleur. Vn feul pont ne lui fuffifoit pas pour faire franchir le Rhône à 
fes Auvergnats, ajoute Orofe. Ce pont fixe étoit probablement à Mauves, 
près Tournon, puifque Jean Péliflon, en i565, aflure que dans fa jeunefle 
on en difcernoit encore les arches au fond de Peau. Bituit fit donc jeter vn 
pont de bateaux en deffous du confluent de l'Ifère, afin d'épargner à vne 
partie de fes troupes la traverfée de cette rivière. Puis, toujours félon 
Orofe , il accumula d'vne façon inconsidérée la maffe de fon armée, évaluée 
à 200,000 hommes, & ce devoit être à Confolens, fur ce plateau qui defcend 
en pente douce vers le bois Forcheron. Fabius fe préfente inopinément à 
lui : ce qu'il n'eût pu faire s'il avoit été obligé de traverfer l'Ifère. Bituit 
voit avec dédain s'avancer cette troupe de 3o,ooo Romains, eftimant que ce 
nombre fuffiroit à peine à la curée de fes chiens de guerre. Mais les Ro- 
mains, longeant les bords de l'Ifère, précipitent les Arvernes & les AJlo- 
broges fur leur pont de bateaux, qui fe rompt & les engloutit. Pour qu'vne 
pareille catastrophe puiffe fe produire , il faut que les fuyards foient placés 
dans l'alternative ou de refter fur le territoire occupé par l'ennemi ou de fe 
jeter fur le fleuve, ainfi que nous le voyons par la Béréfina, Leipfik & Sadowa. 
Si les Arvernes euflent été mis en déroute fur la rive droite, ils n'avoient 
qu'à jouer des jambes dans le pays des Allobroges, leurs alliés, les Romains 
n'étant pas allez nombreux pour les cerner complètement. Après fa victoire, 
le conful romain fit élever à Confolens même la tour portant va trophée 
des armes prifes, & deux temples, l'vn, celui d'Hercule par exemple, faifant 
face à l'Ifère, & l'autre, celui de Mars, faifant face au Rhône. 

Au moment où j'écris, on vient de découvrir dans les fondations de la 
Banque de France vne frife courbe en pierre blanche de Saint-Paul ; par la 
courbure on pourra déterminer fi elle n'appartenoit pas au Panthéon , plus 
tard Notre-Dame de la Rjonde; mais, par cette qualité de matériaux, je vois 
maintenant que le trophée de Fabius , qui , félon Strabon , étoit en pierre 
blanche, n'étoit pas extrait des carrières de Cru (Toi , mais bien de celles de 
Saint-Paul ou d'autres analogues. Remarquons, pour terminer, que les 
Gaulois n'étoient pas aufli barbares qu'on veut bien le dire, puifqu'ils 
favoient édifier des ponts fixes fur vn fleuve aufli confidérable que celui du 
Rhône. 



DESCUPTION DE VÀLEHCE. 434 

leurs, aux chapiteaux defquels eftoient taillées les figures du 
vieil & nouveau Teftament & Apocalypfe , commençant à 
la création du monde & fuyvant ordre par ordre *. Dudid 
codé , auffi en tirant au levant , y a la fontayne de Contant , 
de laquelle s'arroufent les prez eftant à Pentour d'icelle ville, 
fur le bord de laquelle apparaiffent certaynes marques & 
veftiges qui monftrent quelque édifice fuperbe autrefois y 
avoir efté conftruit a . Dans icelle ville y a plufieurs belles 
fontaynes, puis moulins, places publiques, comme il eft 
notoyre. Ladifte ville eft aflize en belle playne, cynde & 
environnée de deux grandes murailles ayant plufieurs tours 
efmynentes, efgalement féparées, & fouloit eftre embellie de 
plufieurs efglifes à préfent ruinées, favoir : de Saint-Apoli- 
nard, Saint- Jehan, la Ronde, anciennement appelée Pan- 
théon, Saint-Martin, Saint- Jacques , les Cordeliers & les 
Jacobins, dans lefquels Jacobins y a encore le pourtraitt 
d'vn géant appelé Buart, de haulteur de quinze coudées, 
avec plufieurs offements d'iceluy. 

A ladifte ville, en defcendant du cofté feptentrional , eft 
conjoint le Bourg, avec vne belle églife, à préfent ruinée, 
appelée Saint-Pierre, que Charlemagne, comme on did, 
fonda en l'honneur dudiét faint Pierre, & eft en icelle églife 
ou ruyne d'icelle vn trou 3 par lequel, comme on dit, on va 



(i) Combien cette perte eft à déplorer! Valence auroiteu à l'île de l'Épar- 
vière fon cloître de Saint-Trophime. M. Clavaire, qui tient la ferme de 
l'Eparvière, bâtie fur l'emplacement de l'abbaye, m'a affirmé avoir vu dans 
fon enfance des chapiteaux fculptés. 

(2) C'eft de ce palais que le quartier nommé la P allât a tiré fon nom. Au 
domaine du Pallat il y avoit des murs très-épais qu'on a fait rafer. La 
fontaine du Contant, appelée aujourd'hui Mal-Content, eft celle qui prend 
fa fource non loin du pied oriental de la colline des Baumes , à vn carre- 
four de plufieurs chemins. 

(3) Rabelais s'exprime ainfi à ce fujet : « Épiftemon mena Pantagruel à 
» Valence en Daulphiné; mais il veit qu'il n'y avoit grand exercice, & que 
» les marroufies de la ville battoyent les efcholiers, dont eut defpit ; & vng 



J32 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DB STATISTIQUE. 

foubs Rofne; hors ladide ville fouloit auffi avoir plufieurs 
églifes, comme de Saint-Vincent, Saint-Félix, la Madelaine, 
Saint-Viftor & le Mont de Calvaire , & l'abbaye de Saint- 
Rufs, chef d'ordre, comme di& eft, dans laquelle églife 
Saint-Félii y avoit vn monument d'vn chevalier romain & 
de fa femme , avec l'épitaphe deflus, en pierre de chuin polie, 
de telle forte que s'en fuit : 

DM 

MEMORIAE AETER 

PETRONI CASTI VET 

MISSI HONESTA 

MISSIONE EX LEG PRIM 

MIN EX OPTIONE PROCON 

DVCENAR 
ET VITALINAE FLORAT CON 

IVGI EIVS 
VIVI SIBI PONENS CVRAVER 
ET SVB ASSIA DEDICAVERVNT « 



«beau dimanche, qbe tout le monde dançoit publiquement, vn efcholier 
« voulut fe mettre en dance, ce que ne permirent lefdi&s marroufles; quoy 
» voyant Pantagruel , leur bailla à tous la chafle jufques au bord du Rhofne, 
» & les vouloit faire tous noyer. Mais ils fe mu (Tarent ( cachèrent ) contre 
» terre comme taulpes, bien demie lieue foubs le Rhofne. Le pertuys 
» encore y apparoyft ». Ce fouterrain alloit fans doute de la crypte de 
l' églife aux eaux du Rhofne, en paiTant fous le rempart. 

(i) « Aux dieux mânes & à la mémoire éternelle de Petronius Caftus, vété- 
ran, qui obtint vn congé honorable de la première légion Minervia, félon 
le choix du procurateur ducénaire, & de Vitalina Floratina, fon époufe; 
de leur vivant ils ont élevé cette pierre , & Pont dédiée fous l'afcia. » ( Afcia, 
inftrument qui fervoit à tailler les pierres; celles qui étoient réfervées aux 
fépultures étoient confacrées auffitôt qu'on les tailloit, afin de n'être pas 
deftinées à vn vfage profane.) 

Si l'on peut interpréter ainfi la féconde infcription tumulaire : A T. 
Pompeius Hilarius Luerius, vétéran, T. Pompeius Bajfus, à fon père y nous 
aurions deux infcriptions de vétérans. Valence, comme le montre M. Allmer, 
étoit vne colonie militaire de vétérans , fondée par Augufle & mentionnée 
dans fon teftament (infcription d'Ancyre). {Bulletin de la Société d'archéo- 
logie de la Drôme y 5 e année, p. 233, & Errata, p. 257.) 



DESCRIPTION DE VALENCE. 433 

Dans Péglife ci-deffus mentionnée de Saint -Apolinard 
eftant dans la ville de Valence, d'icelle églife du codé de 
révefché, tnaifon de Févefque, y a telle infcription : 

T. POMPEIO 

HILARI LVER VE 

T. POMPEIVS BASSVS 

ET PATRI SIBI 

Outre ce , en Tan 1 5 1 2 , hors la porte Saint-Félix , en vne 
vigne fur le béai venant des fontaynes des Faventines , fut 
treuvé vng fépulchre de pierre de chuin, couvert dVne pierre 
efpeffe dVn pied & demy, & en iceluy y avoit ces mots : 
D. IVSTINA.M. La pierre duquel fépulchre avec ladite 
infcription eft au logis du Daulphin , &, comme Ton dit, fut 
treuvé dedans le corps dVne femme ayant en chafcune des 
aureilles vne bague d'or, defquelles en vne eftoit enclofe vne 
efineraude & en l'autre vne turquoife caffée, & bientôt 
après qu'elle fut découverte fut réduite en pouldre. Auprès 
d'icelle femme , du cofté de la telle , fut treuvé vne lampe 
de verre, & du cofté des pieds, vne taffe en verre criftallin. 

Au portail de la porte Saulnière de ladifte cité de Vallence, 
Ton voit vne pierre ayant telle infcription : 

D M 

VINDAVSCIA 

IIVS AELLANV 

CONIVGI SANT 

SIMAE 

Ladide ville eft décorée dVn fiége épifcopal, eftant à 
préfent évefque & comte d'icelle meffire Jehan de Montluc, 
confeiller du confeil privé du roy & fuperintendant de fes 
finances , ayant efté huit fois ambaffadeur foubs le roy Fran- 
çois premier de ce nom & foubs le roy Henry, & à préfent 
au royaume de Pologne, foubs le roy Charles très-chreftien , 



434 société d'archéologie et de statistique. 

qu'eft la neuvième légation. En ladifte ville y a vniverfité 
ancienne & renommée , à préfent illuftrée par Jacques Cujas 
& François Roaldès, dofteurs ès-droits, perfonnages excel- 
lents qui y lifent avec grande affluence d'efcolliers de toutes 
parts, outre les autres dofteurs ordinaires:- comme aufli 
elle eft abondante en grains , vins , fruits & beftial , ayant 
auprès plufieurs collynes fort fertiles, & aufli à Tentour 
plufieurs bons villages defquels toute abondance vient en 
ladifte ville. Le roy François premier de ce nom avoit 
délibéré la fortifier, comme de ce en apparoiflent encore 
les marques & veftiges près & dehors ladiéte ville. 
• Et pour mettre fin à la defcription de Vallence n'avons 
voulu obmettre ce que doftement en vers latins en a efcrit 
maiftre Pierre Gillibert, conseiller du roy en fon parlement 
de Daulphiné , cy après inférés , bien qu'on efpère qu'en bref 
fera mife en lumière plus ample defcription , non feulement 
de Vallence, mais de tout le pays de Daulphiné, par vn 
favant perfonnage affez cogneu & renommé. 

Et ainfi a efté di&é par M. Claude Rogier, dofteur en 
droit, régent en ladi&e vniverfité , & advocat de la maifon 
confulaire délégué , commis 'par le confeil de ladiéte ville de 
Vallence & par les doâeurs du collège de ladi&e vniverfité, 
ayant prins mémoires de plufieurs dodeurs dudift collège, 
& de plufieurs citoyens de ladifte ville; eftant confuls Sy- 
mon Roux , Pierre Chaponay, Jehan Chanteperdrix , Jacques 
Nodin, lefquels de Tannée de leur confulat ont fait defcrire 
& peindre ladi&e cité de Vallence , Tan mil cinq cent feptante- 
deux. 

Ce font les vers latins dudift fieur Gillibert , confeiller : 

Extremum hune, o Phœbe, mihi concède laborem, 
Itympamus refidts diuturnaJUentia pleâri , 
Vtytaquejam puero mihi /axa petantur. 



DESCRIPTION DE VALENCE. 435 

Vos quoque quœ fontes, quœjiagna biverticis 
Incolitis mu/ce, facrum infpirate furorem , 
Q/Ludiat , vt meritet (Cantata Valentia) laudes. 
Vrbsprifca Allobrogum, duplici circondata muro, 
Et cujus duplices cinguntfua tnœnia colles, 
Veftiti colles nemorum viridante coronâ, 
Et quos pampineis veftis, Pater aime, racemis, 
Vlanitie porre&a cava, quœfpeétat vtrutnque 
Vel glacie rigidum, vel fronde virere cacumen; 
Clara fitu , gemini quant cingunt vndique montes, 
Et quam prœcipiti Rhodanus celer alluit vnda , 
Qui tacitos curfus Ifarœque meatus, 
Sorbens, latifluo , pr opérons fe , gurgtte pandit. 
Sic montes inter mediosftant theffala Tempe 
^Deliciis celebrata fuis, quœ Peneus altè 
Irrigat , atque vndas nemorofa valle recurvans 
Fluminibus Jlagnans variis, pleno amne redundat. 
SMargine gramineo Rhodani prœtexere ripas 
Vnapoteft , viridi redimitq Valentia campo. 
Htc circumpofita falices vmbracula prœbent, 
Etfeffos nautas pallenti fronde coronant. 
Seujuvat irriguis curas deponere pratis l , 
Vndique prata virent , vitreis refonantia rivis, 
Quœ detonfa femel , rurfùs fua graminafundunt , 
Largiùs interdùm terna quoque falce recumbunt. 
Si tibi fons gelidus,fontisfi argenteus humor 
Quœritur, vna dabit fontes vberrima facros 
Vrbs hœc, virgineis turgens fcatet vndique lymphis. 
Seu portis exire juvat , mox currere cernes 
Fontibus implexos fontes, rivifque revinâos 



(i) On voyoit alors dans l'intérieur de la haute & de la baffe ville des 
jardins, des ruifleaux & des prairies. 



436 société d'archéologie et de statistique. 

l^ivos, & laticum nexosfimul ire liquores. 
Q/lmbitus vrbis habet grata hœc tibi commoda,feu tu 
tDefeJJbs artus cupias contingere fonte , 
Seu durant faliente fitim rejtinguere rivo. 
Floricomofque dehinc hortosfruticefque videbis 
Vomorum & nimio nutantes pondère rantos. 
Hic netnus vnafacit, /parfis per colla capillis, 
Et luâtus rénovât malèfaucia Phylis, 
Denfa comas, miferi fignum lacrymabile amoris, 
Seu Phylis fit ntœfta gravi fub cortice claufa, 
Seujlammas laqueo vitamque hic ruperit amens, 
Hœc nucibus tanten eft avidis prœlarga colonis. 
Sedfatis eft agri nunc hœc cecinijfeferacis, 
Commoda cunéta negant tenues efferre cantœnœ. 
Vive ergo innumeris ornata Valentia donis, 
Quœfemper cultuque bono, cœloque falubri , 
Hïncprocul exfangues potis es depellere morbos. 
ÎNjim licet Kic rapidis ftrident aquilonibus aurœ 
U^jibila verrentes, fudum tanten aéra ducunt 
*Protinus & nitido cœlo loca cunâa ferenant , 
*Orbs dontibus populoquefrequens, vrbs vna camœnis 
Grata domus,ftudiis celebrata Valentia fedes. 

TRADVCTION. 

Permets-moi, 6 Phébus, cet effort fuprême; fecouons enfin lefilence de 
mon luth endormi , & foulons de nouveau les cimes fi chères à mon enfance. 
Et vous, Mufes, qui habitez les fources & les étangs du Parnafle au double 
fommet, infpirez-moi vn pieux enthoufiafme, & que Valence, par mes 
vers, reçoive ce légitime tribut de mes louanges. 

C'eft vne ville antique des Allobroges, ceinte d'vn double rempart; fa 
double rangée de collines environne fes murs; collines couronnées d'vn 
vert diadème de forêts, & revêtues des pampres de ta vigne, ô Bacchus 
bien fiai fan t. 

Cette ville repofe dans vne plaine enfoncée qui, de part & d'autre, con- 
temple vne double chaîne de montagnes tantôt verdoyantes & tantôt blanches 
de frimas; elle eft renommée par fon fite; de tous côtés les monts l'en ferrent. 



DESCRIPTION DE VALENCE. 437 

Le Rhône impétueux la baigne de fon onde rapide, car, après avoir 
abforbé la Saône taciturne & l'If ère turbulente , il déroule en toute hâte 
vne plus grande mafle de flots. 

Ainfi fe préfente, au milieu des montagnes, ladélicieufe & célèbre vallée 
de Tempe la theflalienne , dont les profondeurs font arrofées par le Peneus, 
qui promène dans la vallée ombreufe vn cours fi nu eux , & qui , grofli par 
pluûeurs rivières, finit par couler à pleins bords. 

Avec fes rives verdoyantes , Valence eft la feule à embellir les berges du 
Rhône d'vne guirlande de verdure : là, les faules fe groupant forment 
des falles d'ombre, & couvrent de leur pâle feuillage le nautonier qui fe 
repofe. 

Si dans la ville tu veux endormir tes inquiétudes auprès de l'humide 
prairie, tu le peux; partout autour de toi murmurent les ruifleaux de 
criflal & verdi fient ces prés qui , premièrement fauchés, donnent vne féconde 
coupe, & parfois même s'offrent généreufement à la troifième. 

Si tu es en quête d'vne fraîche & argentine fontaine , tu l'obtiendras de 
ce fol généreux qui fourd de toutes parts en ondes virginales. 

Viens- tu à franchir les portes de la cité, auffitôt fous tes yeux la fource • 
sVnit à la fource , les canaux s'entrelacent , & leurs eaux réunies naviguent 
de conferve. 

Tels font les agréments que t'offrent nos environs, foit que tu veuilles 
te délaffer auprès des fources, ou bien étancher ta foif dans le mi fléau qui 
danfe. Là font des vergers couverts de fruits , de fleurs & de branches 
ployant fous vn fardeau trop lourd. 

A elle feule Phylis (l'amandier) forme vne forêt; profondément atteinte, 
elle épaifïït fa chevelure , figne lamentable d'vn amour malheureux ; & bien 
qu'elle foit triftement enfermée dans fa prifon d'écorce, & que, dans fon 
égarement , elle ait ici terminé fa flamme par le fatal lacet , cependant elle 
n'en prodigue pas moins fes amandes au campagnard avide. 

Mais je me fuis aflez appefanti fur les avantages de ce fertile terroir, la 
faiblefle de ma mufe ne me permet pas de ne rien oublier. 

Salut donc, ô Valence, ville fi fortunée, qui , par la bonne culture de tes 
champs & la falubrité de ton ciel, éloignes de nous les pâles maladies; il 
eft vrai qu'ici vne bife violente fiffle en fe jouant des nuages ; cependant , 
grâce à cette bife, le ciel reprend bien vite fa férénité, qui fe communique 
à toute la nature. Salut, cité riche en citoyens & en édifices, féjour favori 
des mufes, fiége d'vne vniverfité célèbre. 



Cette defcription de Valence ainfi que la pièce de vers qui l'accompagne, 
font tirées du regiilre des délibérations municipales, où elles ont été inférées 
par ordre du confeil communal; tout cela préfuppofe vne aflez grande élé- 
vation de fentiments & d'idées. Apprenons à mieux connaître nos ancêtres , 
&, afin de nous en rendre dignes, exigeons davantage de nous-mêmes. 

Tome VI. — 487Ï. 40 



438 SOCIÉTÉ I> ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

RECHERCHES 

SUR 

LES ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE 

DE LA VILLE DE VALENCE. 

■ 

Suite. - Voir Bulletin, H.- 6, 7, 8, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19. 



Hôpital de la Magdeleine, dit des Repenties. 

Au feizième fiècle , un homme de bien réfolut de confacrer 
en bonnes œuvres fa fortune , qui était confidérable pour 
Tépoque. Il avait nom Pierre Morel. Il était « originaire 
dud. Valence & dofteur agrégé en jcelle Univerfité. » A 
ce titre, il fonda le premier collège qui ait été ouvert dans 

notre ville « S'enfuit la fondation, dotation & éreétion 

perpétuelle du collège ez droifts canon & civil en l'Uni- 
verfité générale féant à Valence au pays de Dauphiné '. 
Il affeéta fa maifon, fa bibliothèque, fes meubles & toutes 
fes propriétés au logement & à l'entretien de douze jeunes 
gens de la province qui viendroient à Valence pour y étu- 
dier le droit en V Univerfité L'établiffement reçut le 

nom de collège royal delphinal a . » 

Sous ce nom de maifon du colliége roial delphal , fe 
trouve indiquée au çadaftre de 1 547 une maifon fife en la 
rue de la Peyrollerie, près la place de la Pierre, qui eft 
aujourd'hui la propriété de M. lle Thomas, par héritage de 
M . Méfongère-Cleyrac , fon oncle. 



(1) Teftament de M. P. Morel, aux archives de la Préfecture. — Pièces 
de l'Univerfité , D. 2. 

(2) M. l'abbé Nadal , Hift. de V Univerfité de Valence, p. 41. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 439 

Pierre Morel était auffi « chanoine des églifes cathédrale 
de Valence & collégiales Saint-Pierre du Bourg-lès-Valence 
& Saint- Barnard de Romans»; ce font les titres qu'il prend 
dans fon teftament. Le premier établiffement dont notre 
ville lui fut redevable fut une maifon de refuge pour les filles 
repenties : « L'a&e de cette fondation eft du 19 janvier 
1541 x . » Il affeda une maifon & un jardin à cet établiffe- 
ment. Son teftament en fait mention, rappelant qu'il les 
« avoit donnés pour l'hofpital des femmes vefves & filles 
qui fe retireront de lubricité & pauvres jaflinières appelé 
de la Magdeleine. » 

Ainfi , cet hôpital avait une double deftination : il devait 
recevoir, comme dans nos refuges , les filles de mauvaife vie 
revenues à de bons fentiments; & de là ce nom de Magde- 
leine & de Repenties ; &, comme dans une maifon d'accou- 
chement, les pauvres femmes jaflinières (jacentes, en cou- 
ches). C'était pourvoir à un double befoin. 

Pierre Morel mérite la reconnaiflance des habitants de 
Valence , & fa mémoire devrait y être confervée par un té- 
moignage public. G'eft un devoir pour nous de la tirer de 
l'oubli. 

Nous fommes fans renfeignements fur les fervices qu'a 
rendus cet établiffement; nous voyons feulement, par divers 
aétes de cette époque, qu'il était nominativement compris 
dans les difpofitions teftamentaires faites en faveur des éta- 
bliffements charitables. 

J'ai cherché l'emplacement qu'il occupait. Il m'était in- 
diqué par un afte du 17 avril i557, qui eft une « recog* 6 , 
en faveur du Redeur\le la chapelle de Saint-Jacques fondée 
en l'églize cathédralle de Valence, d'une penfion de 12 
florins fur une maifon en la Rivière , proche la confrairie 



(1) Regiftre de la Chambre des Comptes de Dauphiné. — Archives de la 
Préfecture. 



440 société d'archéologie et de statistique. 

des TrefpafTez , confron. de B. la rue de Noftre-Dame, du 
V. le jardin des Repenties, un viol ou fentier public entre 
deux. » (Aftes reçus Noyeri No. ro , cotté Terrier, ooo \) 
Je l'ai trouvé dans la 62 e ifle du cadaftre, fous le N.° 
5940, avec cette indication : « Atix filles repenties, — 
mai/on & jardin qui va de rue à autre ». Une note du 
1 3 mars 1 694 ajoute : « Sert à prêt d'hofpital defpuis quel- 
ques années aux pauvres paffants mendiants. » Sous le 
N.° 5g58, était un jardin dans led. viol des filles repenties 
« venant auffi de P. Morel & donné au collège de l'Uni- 
verfité* ». 

La Rivière , Riparia (dans le latin de ce temps) , était , 
comme nous l'avons déjà dit, ce quartier, populeux & im- 
portant à cette époque, qui s'étendait entre le Rhône & 
Téminence fur laquelle eft bâtie la ville , d'où lui eft venu le 
nom de Baffe- Ville. Il était fort peuplé & très-bien habité. 
Là demeuraient les principaux marchands qui faifaient le 
commerce du fel; plufieurs chanoines & dignitaires du 
chapitre y avaient leur habitation 3 . Outre les grands mo- 
naftères qui y étaient étgjriis , les Jacobins , les Capucins & 
l'abbaye de Soyons, on y comptait les quatre hôpitaux de 
Saint- Eft ien ne, du Saint- Efprit, de la Magdeleine & des 
Orphelines. 

La Magdeleine fe trouvait au viol des Repenties & lui 
avait fans doute valu ce nom. 

Ce viol était une rue parallèle à celle des Jacobins , car les 
maifons N. 08 5g32 & 5g33 « perçoient de ladite rue des 
Jacobins jufques au viol des Repenties ». Elle allait de la 
rue du Petit- Paradis à « la rue d'Anticquité noumée la rue 
N.^-Dame » parce qu'il s'y trouvait une maifon, appar- 



(1) Aux archives Saint- Apollinaire, fol. 1798. 

(2) Cadaftre, 62* iûe. 

(3) Voir la défignation du cadaftre. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 44J 

tenant à Thony Morel , « où eft depeyn&e la figure de la 
facrée Vierge Marie 1 ». Elle traverfait de PEU à l'Oueft 
les jardins qui occupent ces terrains. On ne ly trouve plus 
maintenant ; c'était une de ces rues de la Rivière qui ont 
difparu dans les transformations qu'a fubies ce quartier. 
De la même manière a difparu la rue des Boutiques, qui 
féparait le clos des Jacobins de celui des Capucins, allant 
de la rue Piffantour jufqu'au Rhône, où fe trouvaient les 
magafins ou boutiques qui fervaient d'entrepôt du fel ap- 
porté par la navigation ; & la rue du Diable ou d 1 Enfer, 
qui , d'après le Répertoire , « commençoit à la fin de celle 
de Piffantour, à travers le béai, & fouloit traverfer le jardin 
des Capucins ». Une note ajoute : « Ils ont fermé. » Il y 
avait aufli, au midi de ce quartier, une rue fans nom, 
« traverfant de la rue N/ 6 -Dame en la rue de la Pef- 
cherie* ». Avant d'atteindre la rue de la Pefcherie, elle 
rencontrait dans ces mêmes jardins une rue de Paradis, 
en correfpondance avec celle du Petit- Paradis, « fins au 
pontet du béai des eaux procédant des fontaines Saint- 
Eftienne 3 ». Celle-ci aufli n'exifte plus. Il y avait même 
« entre le pré claux & le jardin cy deffoubz ugne fonteyne 
au-deffous du chemyn ou rue laquelle a une placette 
au-devant appartenant à la communauté de Valence 4 ». 
Enfin, & comme annexe de nos hôpitaux fans doute, une 
rue dite des Apothicaires, dont on trouve cette indication 
dans les archives du chapitre Saint-Apollinaire : « In car- 
reriâ Appoticorum ripariae Valent. 5 . » En effet, ce grand 
tènement devait avoir été découpé en plufieurs ifles afin d'y 



(i) 63 - ifle. — Fol. 211 du cadaftre. 

(2) Cadaftre, 65 a ifle, fol. 212 au verfo, 

(3) Ibid., fol. 2i3. 

(4) Ibid., fol. 2 1 3 , verfo. 

(5) Arch., fol. i3. 



442 société d'abchéologie et de statistique. 

faciliter la circulation & remplacement des habitations. 
Mais toutes ces rues ont difparu , à mefure que le mouve- 
ment s'y eft ralenti. L'induftrie horticole s'en eft emparée & 
a complètement effacé les traces qui nous auraient permis 
de retrouver remplacement de nos hôpitaux. 

L'hôpital de la Magdeleine dut fubir une transformation 
lors de la création de l'Hôpital Général, car nous lifons, dans 
une délibération du Bureau des pauvres, du 16 novembre 
i683, au fujet de cet établiffement , « que Ton mettra dans 
la maifon dite des Repenties & dans une autre qu'on 
choifira les veuves & filles qui ne mendient pas , mais qui 
font dans la néceffité, pour les y faire travailler & fubfifter 
de leur travail foubs la conduite des dames de la Congré- 
gation Et afin que le vice ne demeure pas impuni & 

le libertinage autorifé par l'impunité, les créatures publi- 
ques & de mauvaife vie feront enfermées dans ledit Hô- 
pital Général 1 . » 

Déjà, à la date du 12 décembre 1682 , nous trouvons une 
délibération analogue : « Propofé auffy qu'il y a plufieurs 
filles mal famées & fcandaleufes & qu'il feroit néceffaire 
de donner quelque ordre pour les faire fermer, conclu d 
que M. le Grand -Vicaire avec M. le Re&eur font priés 
d'aller voir à l'hôpital pour chercher un endroit dans icel- 
luy, pour y mettre lefd. filles & y faire, les réparations 
néceffaires*. » 

On peut conjefturer de ces mefures que l'Hôpital Général 
était chargé des moyens de répreflion, & les Repenties, 
ainfi que l'indique ce nom, d'ouvrir un afile à celles qui 
librement & volontairement fe retireraient du vice. 

Par là, ce dernier établiffement reffemblerait à celui du 
Refuge qui exifte actuellement dans notre ville avec la 



(1) Aux archives de l'hôpital. 

(2) Ibidem. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 443 

même deftination & les mêmes moyens. Cependant , il n'y a 
entre eux aucune filiation. Celui-ci ne remonte qu'à l'année 
1821. Il dépend d'une communauté religieufe, fous le nom 
de N. D. de Charité, dont le fondateur eft le P. Jean- 
Eudes, millionnaire apoftolique, qui en fit le premier éta- 
bliffement dans la ville de Caen, en 1641. La maifon de 
Valence a d'abord occupé un bâtiment contigu à l'hôpital , 
fur la place Pont-Péri. En i85o, elle a été transférée dans 
le local, plus vafte & plus convenable, qu'elle occupe, près 
de la gare du chemin de fer. 

L'hôpital de la Magdeleine dut difparaître dans l'union 
de nos hôpitaux. 

L'hôpital Saint-Jean. 

« 

« L'hôpital Saint -Jean, ou autrement Hôtel-Dieu, eft 
très-ancien & d'un temps immémorié, n'apparaiiïant pas 
d'un titre de fondation '. » 

Cette note, que je rencontre dans un doffier des archives 

de l'hôpital, eft bien laconique-, mais elle confirme ce que 

l'importance progreffive de cet hôpital nous autorife à con- 
jecturer de fon ancienneté & du rang qu'il a tenu parmi nos 

autres établiffements. Non-feulement c'eft un des plus an- 
ciens, mais c'eft celui qui a été confervé, alors que les autres 
fe fondaient dans une union qui les a abforbés, ou difpa- 
raiffaient par la force des chofes. Peut-être remonte-t-il à 
l'époque où l'églife Saint-Jean avait le titre de cathédrale & 
fut-il une fondation des évêques, qui voulaient fe conformer 
aux décrets du concile de Nicée en inftallant cet a fi le pour 
les pauvres auprès de leur palais épifcopal; dans ce cas, il 
remonterait au IV e fiècle. L'hiftoire des conciles de Valence 
nous apprend qu'en 374 l'églife de cette ville avait saint 



(1) Aux archives de l'hôpital, B. 102. 



444 société d'archéologie et de statistique. 

Émilien pour évêque. La fondation d'un hôpital ferait une 
infpiration digne d'un faint. Plus probablement, ne re- 
monte-t-il pas au delà du IX fiècle, & fut-il provoqué, 
comme tant d'autres, par le concile d'Aix-la-Chapelle & 
par les ftatuts de Louis- le- Débonnaire. La chronologie de 
nos évêques indique, vers cette époque (de 85g à 890) 1 , 
Ratbert, frère du roi Bofon; il y avait pour lui plus d'une 
raifon charitable & politique à attacher le nom de fa famille 
à une pareille fondation. 

Je ne donne ces conje&ures que pour ce qu'elles valent. 

Toujours eft-il que le nom d 1 Hôtel-Dieu qui fut donné à 
cet hôpital Saint-Jean & qu'il a confervé jufqu'à ces der- 
niers temps , prouve cette ancienneté d'origine & fa prépon- 
dérance fur nos autres hôpitaux. Mais , ce n'eft qu'au XV e 
fiècle que nous en trouvons une mention avec date certaine. 
Un teftament du 5 juillet 1482 contient un legs en faveur 
de l'hôpital Saint- Jean. C'eft l'aéte authentique le plus an- 
cien à notre connaiffance. Il eft mentionné dans le Réper- 
toire des archives du chapitre Saint-Apollinaire, fol. 1514. 
Les archives de la mairie nous donnent , du 1 6 avril 1 47 1 , 
une délibération « où il fut conclu que l'arche où étoient 
les papiers de l'hôpital Saint-Jean feroit dépofée dans la 
chapelle de Notre-Dame deQuerci, au-deffous du clocher 
de l'églife Saint-Jean a ; » &, du 10 avril 1499, autre dé- 
libération « où il fut conclu qu'on feroit réparer le cou- 
vert de l'hôpital Saint-Jean , qu'on y mettroit de nouveaux 
bois ; & on donna charge à François Miftral d'acheter vingt 
groffes d'ardoifes. » — Une réparation aufli majeure ferait 
fuppofer que ce bâtiment remontait à une antiquité déjà 
reculée, & des archives que l'on confervait avec tant de 
foins tétnoignent de l'importance de cet établiffement. 

(1) LEftat politique de la province de Dauphiné, par Nicolas Chômer, 
t. II, p. i3g. 

(2) Fol. 273. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 445 

Ce font là, avec une date certaine, les témoignages les 
plus anciens que nous ayons trouvés de l'exiftence de cet 
hôpital. De nombreux dons & legs, mentionnés dans le 
Répertoire des archives du chapitre de Saint-Apollinaire , 
difent affez en quelle vénération il était tenu , & toutes les 
redevances qui font payées à nos établiffements charitables 
infcrivent toujours l'hôpital Saint- Jean en première ligne \ 

Dans les comptes que rend, pour Tannée i552, M. re 
Geranton Crofatj , majeur chorier de l'églife cathédrale de 
Valence, figure une « penfion de 10 gros u d., valant 16 
florins 8 d., fur le Refteur des hojpitaux neufs de Saint- 
Jean 2 ; » & , dans une autre liaffe qui contient les comptes 
de i557, eft une « penfion de 10 gros 10 d. fur le Rec- 
teur de Yhq/pital neuf de Saint-Jean 3 . » Cette expreflion 
d'hôpital neuf ne s'applique évidemment, à cette date, 
qu'à quelques réparations confidérables ou reconftruftions 
faites à l'hôpital Saint-Jean. Nous avons vu qu'à la fin du 
XV e fiècle fes bâtiments étaient déjà délabrés de vétufté. 
C'était bien inconteftablement le plus ancien & par con- 
séquent le plus refpe&able de nos établiffements chari- 
tables. 

Dans les délibérations du Bureau des pauvres, — délibé- 
rations dont il exifte à l'hôpital un regiftre remontant au 
I er mai 1587, — H e ft fouvent queftion des réparations que 
néceffitaient les hôpitaux de Valence : ce font des toits à re- 
faire, des pans de mur qui tombent à réparer, des planchers 
à rétablir, etc., autant d'indices d'une certaine ancienneté 
dès cette date. 

Ce Bureau des pauvres, qui a précédé le Bureau de 
bienfaisance & les Commiffions adminiftratives des hofpices, 



(1) Fol. i558, 1592, 1600, 1869, 1932. 

(2) Fol. 60. 

(3) Fol. 71. 



446 société d'archéologie et de statistiqce. 

car il s'occupait également des pauvres affiliés en ville & 
dans les hôpitaux ; ce Bureau des pauvres avait une véri- 
table importance. Il était préfidé par l'évêque, dont l'au- 
torité, comme on fait, s'étendait fur les chofes civiles, ad- 
miniftratives & politiques de ce temps , non moins que fur 
les affaires fpirituelles de fon diocèfe. En faifaient partie le 
doyen du chapitre, le prieur de Saint- Félix, des chanoines 
de la cathédrale & de Saint-Ruf -, le commiffaire du Roy, 
lieutenant principal & particulier en la fénéchauffée & juge 
préfidial; le procureur du Roy audit fiége; les confuls de la 
ville; plufieurs nobles & notables, parmi lefquels j'ai relevé 
les noms de MM. rei de Sucy, Desjacques, de la Lombar- 
dière, de Breffac, Desblains, de Ferraillon, Ferrotin , Ber- 
geron, Teiffonnier, Viret, etc. Le dernier procès - verbal , 
infcrit au regiftre E. 4, eft en date du 22 oftobre 1791. Le 
Bureau général eft préfidé par M. Marbos, évêque du dé- 
partement. Le précédent était du 7 avril 1790 : M. Marbos 
y affiliait comme curé du Bourg. Ces délibérations nous 
fourniffent des indications les plus précifes & les plus fûres 
fur cette adminiftration. 

Il ferait befoin qu'elles fuffent déchiffrées par un paléo- 
graphe. Ce n'eft qu'à partir de 1643 que l'écriture en de- 
vient lifible. Notre collègue, M. l'abbé Perroffier, a inven- 
torié ces regiftres, &, dans une table très-foigneufement 
annotée, il nous a donné une analyfe de ces délibérations. 
Le Bureau des pauvres était réuni à fon de cloche-, il fe 
tenait à Yhojpital Saint- Jehan. A partir du i ep mai 1642 , 
on a écrit YHoftel-Dieu Saint -Jan. 

L'hôpital Saint-Jean devait être au voifinage de l'églife 
de ce nom. Une rue de l'Hôpital, qui conduit de la rue 
Saint-Félix à l'églife, & le bâtiment connu fous le nom de 
l'Hôtel-Dieu l'indiquent affez. — Le cadaftre de 1547 P r ^" 
cife fa pofition. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 447 

Emplacement de l'hôpital Saint-Jean. 

« La 2 1 e ifle commence à la mayfon & four de Vincent 
Lhermet, boulangier, faifant carré au-devant le puys de 

la Marignette , rue de PHerberie, — par lad. rue à 

l'entrée de la Farnerie, vis-à-vis la maifon de M. Aymar 

Meffonnier, — & par lad. Farnerie au viol qui entre 

dans le fymetière de Saint-Jehan , & par le fymetière allant 
à THoftel- Dieu finir 1 » 

Si nous fuivons les indications du cadaftre, nous trouvons 
au N.° 5o8o , fous le nom des a hoirs de Fran. Decombes, 
— eftable avec écurie, fenière & cour au viol de la Ma- 
rignette qui ne perce pas »; N.° 5o8i, « François Ricou, 
mayfon faifant carré au fortir dud. viol. » 

Il y avait donc un cul-de-fac entre les rues Saint-Jean & 
Farnerie. Il a difparu \ mais beaucoup de Valentinois doi - 
vent fe rappeler avoir vu ce cul-de-fac, dans lequel était 
fitué Thôtel Blachon , avant les conftru&ions qui ont rem- 
placé cet hôtel , lequel était dans fon temps un des princi- 
paux de Valence. 

Au N.° 5084, venait la « mayfon de M. Jacques du 
Moulin faifant carré au fortir de THerberie , entrant à celle 
de la Farnerie. » 

N. 08 5o85, 5o86 & 5087. Trois maifons. — Puis vien- 
nent, N.° 5o88, « Eftable en lad. rue », avec cette note : 
les hofpitaux, &, N.° 5o8g, « Eftable & jardin ou court 
en lad. rue. Les hofpitaux pofsèdent. » 

N.° 5090. Maifon de M. Auguftin Ferraudin, bourgeois, 
en lad. rue de la Farnerie. 

N. 08 5ogi & 5092. Maifons en lad. rue de la Farnerie. 



(1) Fol. 246. 



448 société d'archéologie et de statistique. 

N.° 5093. Maifon faifant carré en lad. Farnerie & au viol 
qui entre au cymetière Saint-Jehan. 

N.° 5094. Jacob Savynas, marchand, mayfon faifant 
carré dans led. cymetière. 

N.° 5095. « Hqftel-Dieu de Saint-Jehan qui perce de 
rue à rue avec fes cours & jardins , — tire en carrure 200 
toifes. » 

N.° 5096. « Mayfon d'Anthe Yven », &, N.° 5097, 
« hoirs de Mathieu Chabrières, mayfon faifant carré au- 
devant le puits de la Marinette qui eft la dernière de lad. 
ifle. » 

Tous les Valentinois fe reconnaîtront dans ces indications 
fi précifes. On peut encore les fuivre toutes pas à pas & 
maifon par maifon. 

D'après cela, conftatons que Y Hqftel-Dieu de Saint- 
Jehan, qui occupait le même emplacement que la com- 
munauté des Dames Trinitaires , dite 'encore V Hôtel-Dieu, 
avait fa façade principale du côté de l'églife & fon entrée par 
le viol du cimetière ; fur la rue Farnerie , ce n'était qu'une 
« eftable avec cour & jardin ». 

Œuvres anciennement exercées à l'hôpital Saint -Jean. 

Dans une note fur Y état des hôpitaux de la ville de Va- 
lence, note qui eft fans date, mais qu'on répute devoir être 
de l'année 1728, on lit : « Il y a deux hôpitaux dans la ville 
de Valence: le premier, qui eft Y Hôtel-Dieu, pour les ma- 
lades de l'un & de l'autre fexe , fous le nom de Saint-Jean; 
l'autre eft un Hôpital Général , n'ayant pas d'autre nom , 
où l'on enferme les pauvres de lad. ville, & furtout les 
vieux de tout fexe, les enfants trouvés & autres, & les 
filles orphelines. Il y a a&uellement plus de fix- vingts 
pauvres dans ce dernier hôpital, — On reçoit aufli dans 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. J49 

led. Hôtel-Dieu les foldats malades de tous les régiments 
qui paffent ou qui font en quartier dans lad. ville '. » 

Voilà donc la deftination de ces deux établiffements : F Hô- 
pital Général , hofpice pour les vieillards & les orphelins ; 
l'hôpital Saint -Jean ou Hôtel- Dieu pour les malades de 
l'un & de l'autre fexe & pour les foldats. 

Les délibérations du Bureau des pauvres nous renfei- 
gneront fur ces différentes œuvres. 

Celle du 2 1 février 1 782 nous apprend que « l'Adminis- 
tration nourrit & entretient de linge, chauffure & vête- 
ments dans la maifon des valides (Hôpital Général) i3o 
pauvres adolefcents ou vieillards des deux fexes *, elle fait 
allaiter & nourrir à la campagne jufqu'à 80 enfants à 4 
francs par mois le chacun, à qui elle fournit la layette. 

» Elle a (à l' Hôtel-Dieu) 20 pauvres malades en moyenne, 
fervis par quatre fœurs & deux domeftiques. 

» Pour le fervice des foldats malades , elle retire un prix 
de journée. » 

Il eft configné dans une autre délibération (du 4 juillet 
1781) que « l'Hôtel- Dieu ne peut fuffire aux pauvres ma- 
lades de la ville & aux foldats. Le local eft trop refferré , 
pas affez aéré; les falles trop petites (une maifon à trois 
étages, qu'on peut dire en vétufté). Toute efpèce de ma- 
ladies y eft confondue. Point de cours où les convalefcents 
puiffent prendre l'air. Nulles commodités pour le fervice 
de la maifon. 

» Il eft affligeant pour la ville & l'Adminiftration de voir 
qu'il eft des circonftances de foule où les malades de la 
ville font reflerrés & quelquefois mis dehors pour donner 
de la place aux foldats. » 

Ces inconvénients graves ont motivé les changements de 
local & d'adminiftration qui fe font opérés plus tard. 



(1) Aux archives de l'hôpital , B. 102. 



450 société d'archéologie et de statistique. 

Du 24 juin 1777. — « Monfeigneur (c'était Mgr. de 
Grave qui préfidait la féance) a inftruit le Bureau que 
M. le Commiffaire des guerres demandoit de la part du 
Roy qu'il y eût quarante lits deftinés au fervice des ma- 
lades de rétabliffement militaire qui alloit être fait dans 
cette ville \ Sur quoi il a propofé que, le nombre total 
des lits dans PHôtel-Dieu étant a&uellement beaucoup au- 
deffous , il feroit à propos d'offrir, comme le zèle du Bureau 
le prefcrit , tous les fervices qui pourront être rendus pro- 
portionnellement aux befoins , & , cependant , de former 
un plan qui réunit dans un feul & même hôpital tant le 
fervice des malades militaires que celui des citoyens aufli 
malades & autres fecours que l'hôpital doit donner aux 
vieillards & orphelins. — Sur quoi, le Bureau a unanime- 
ment délibéré de prier Monfeigneur d'avifer aux moyens 
de procurer cette réunion d'œuvres » 

Du 9 décembre 1690. — « Propofé par M. le Doyen qu'il 
a été mis aud. hôpital divers pauvres étrangers & autres 
qui font une charge extraordinaire , — a efté délibéré que 
aucun pauvre étranger & autre ne pourra être reçu aud. 
Hôpital Général que fa réception n'ait été délibérée au 
Bureau » 

Du 6 mars 1782. — « Le Bureau, ouï le rapport de l'un 
des membres, a arrêté qu'à l'avenir il ne fera reçu de 
vieillards des deux fexes dans cette maifon que ceux qui 
feront nés à Valence ou au Bourg & leurs mandements & 
qui auront atteint l'âge de 70 ans. » — C'eft ce qui eft 
•encore pratiqué depuis cette époque. 

Du 2 feptembre 161 2. — « S'il plaît au Bureau advouer 
les réparations faites , notamment aud. hôpital Saint- 



(1) C'était l'école d'artillerie dont il était queftion. Le régiment de Toul- 
Artillerie nous fut envoyé de Befançon. Il arriva à Valence le 1 3 juillet de 
la même année 1777. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE 454 

Jehan, eftant nécefiaire d'agrandir la chambre où font 
logées les femmes malades qui eft fort petite, & font fort 
preffées , y ayant prefque toujours plus de femmes & filles 
malades que de places. » 

En ce qui regarde les enfants, dans la féance du i er fep- 
tembre i658, « il fut propofé par led. s. r Teyflier, re&eur, 
que depuis longtemps on a pris garde que les enfants qui 
font reçus aud. hôpital meurent fort jeunes, quoiqu'on 
prenne tout le foin poflible à les élever, croyant , par l'avis 
de plufieurs perfonnes, que cela vient de ce que lefd. 
jeunes enfants étant dans led. hôpital auquel il y a fouf- 
france des malades , y contractent des maux qui leur cous- 
tent la vie. Pour éviter lequel mal il demande quel moyen 
il y peut avoir & s'il fera trouvé à propos d'acquérir quel- 
que maifon proche & commode pour loger lefd. enfants. 
— Conclud que MM. les Confuls, avec lefd. fleurs Rec- 
teur & Breffac , font priés de voir quelle maifon fera com- 
mode pour loger lefd. enfants & en faire la pache , pour 
les prix , paches & conditions qu'ils trouveront bon eftre. » 

Dix-huit ans après, le 9 août 1676, « fur la propofition 
qu'il feroit néceffaire d'acquérir les maifons des fleurs 
Marnas & Mouchillon pour y loger les jeunes enfants & 
les féparer des vieux & des malades ; — a elle conclud qu'il 
fera examiné fi lefd. acquifltions feroient advantageufes ou 
non, pour ce faire le rapport au premier Bureau y eftre 
délibéré. » 

Le i3 février 1677. — Acquifition de la maifon Marnas 
au prix de 3 00 francs. 

Le 3 mars 1682. — Acquifition d' « une efcurie joignant 
led. hôpital qui eftoit de Phoyrie de feu Raymond Mou- 
chillon , moyennant le prix & fomme de 3oo livres. » 

Quant aux filles de mauvaife vie , voici une délibération 

qui les concerne.. Elle eft du 17 mars 1647. « Et fur 

la propofition que le s. r de Saint- Donat, l'un des curés 



452 société d'archéologie et de statistique. 

fervant à l'églife Saint- Jean , ayant fait mettre dans l'hôpital 
quelques filles mal vivantes pour tafcher de les convertir, 
elles ne veulent fouffrir d'être refferrées & fe battent jour- 
nellement , & menacent de maltraiter la gardienne, qui ne 
fert que de défordre & fcandale dans cette maifon; — a 
efté conclud que celles qui ne font de la ville feront forties 
& chaffées, avec défenfe de revenir, à peine du fouet, & 
celles qui font de la ville feront encore gardées dans led. 
hôpital, jufqu'à ce qu'on ait donné autre lieu propre pour 
les contenir. » 
Ces diverfes délibérations nous donnent une idée de la 

i 

manière dont les chofes étaient préfentées au Bureau des 
pauvres ; elles prouvent que tous les fervices : hommes , 
femmes, vieillards, enfants, militaires, étrangers de paf- 
fage, filles publiques étaient réunis à l'hôpital Saint-Jean. 

Service de l'hôpital. 

L'afliftance des malades a toujours requis le concours des 
femmes. Ce n'eft que par leurs foins affe&ueux & délicats 
que les foufifrances peuvent être foulagées ; ce n'eft que par 
leur dévouement complet & continuel que l'on peut pour- 
voir aux néceffités fi diverfes & fi exigeantes de ce fervice. 
Aufli voit-on toujours les femmes les plus vertueufes s'offrir 
& fe confacrer à cette œuvre la plus méritoire de la charité. 
Le fentiment chrétien , foutenu par les pratiques pieufes , a 
fait naître ces admirables congrégations religieufes qui , 
fous des noms divers , exercent le même office dans nos hô- 
pitaux & rivalifent de foins auprès de nos malades. Les 
Sœurs hofpitalières , dignes émules des Sœurs enfeignantes, 
ont accepté cette part qui doit leur procurer le plus de mé- 
rites devant Dieu & le plus de reconnaiffance de la part des 
hommes. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 453 

On fait que c'eft à faint Vincent de Paul que Ton doit 
d'avoir appliqué à ces œuvres extérieures le zèle les reli- 
gieuses, jufque-là enfermées dans les cloîtres & abforbées 
dans la vie contemplative. Cette heureufe innovation a fin- 
gulièrement multiplié les bienfaits de la charité chrétienne. 

Elles font nombreufes les congrégations qui , à l'exemple 
des Sœurs de la Charité, fe font vouées au fervice des pau- 
vres. Jufqu'à ce XVII e fiècle, qui, fous tant de rapports, 
eft une des gloires de la France, le fervice des hôpitaux était 
fait par des mercenaires, fous la direction du Bureau des 
pauvres. Des dames charitables lui prêtaient un concours 
précieux; nous en avons la preuve dans plufieurs de fes 
délibérations. Voici en quels termes nous la trouvons con- 
fignée : 

« Du 28 mars i635, après midy, dans l'hofpital Saint- 
Jehan de Valence, en la Chambre du Bureau des pauvres 

convoqué à fon de cloche, où étoient préfens , a 

efté propofé par led. s. r de Vermanton, refteur fufd., qu'a- 
près la mort de feue Mad. 6 de la Tourrette, Madame de 
Breffac , avec l'affiftance de honnefte Catherine Peyroufe , 

a pris le foin de voir les pauvres malades Sur quoy, 

il eft unanimement conclud & deflibéré que led. Refteur 
eft requis, avec l'afliftance des trois Confuls ou l'un d'eux, 

de remercier lad. dame de Breffac & de la prier & 

fupplier de continuer la même charité à l'avenir » 

« Du 2 décembre i652 Sur ce qui a été propofé 

que Mad. e Desblains & Mad. e de Dorne, qui ont cy-devant 
efté nommées & priées de prendre foin des pauvres comme 
dames de la charité, requièrent en être déchargées, a efté 
conclud que lefd. dames font fuppliées de continuer leur 

charité envers les pauvres & de plus font fuppliées de 

vifiter fouvent l'hôpital pour y prendre foing » 

« Du 12 février 1662. Propofé par led. s/ de Laftic, 

Tome VI. — 1872. il 



454 société d'archéologie et de statistique. 

re&eur, que Madame Desblains, qui avoit eu la bonté 
d'accepter le foin de l'adminiftration des pauvres comme 
dame charitable, eft décédée depuis quelques jours; il 
feroit néceffaire d'en nommer une autre à fa place ; — con- 
clud que led. s/ Refteur eft prié de jeter les yeux fur une 
autre dame pour avoir le même foin, & avec l'advis & 
approbation de Mond. Seigneur — (Mgr. de Cofnac pré- 
fidait le Bureau) — fera eilevée & nommée à lad. charge 
fans autre délibération \ » 

En i665 , on fongea à appeler les Frères de la charité à 
prendre la direction de notre hôpital. Une délibération du 
Bureau des pauvres nous l'apprend : « Mond. Seigneur — 
(c'était encore Mgr. de Cofhac qui préfidait la féance) — 
a remontré à l'aflemblée que pour le bien & advantage de 
céans , il feroit à propos de donner la direction aux Frères 
de la charité, à l'exemple des villes bien policées; & pour 
cet effet, ayant propofé aux Frères de fe vouloir eftablir, 
ils ont témoigné qu'à la confidération de Mond. Seigneur 
ils le feroient; & ainfi, il feroit à propos de conclure que 
led. établiffement fera fait Le Bureau conclud unani- 
mement pour cette bonne œuvre qui eft jugée très- 

avantageufe pour cette maifon a » 

Ces Frères de la charité, qui étaient-ils, & d'où feraient- 
ils venus ? Je ne fâche que les Hofpitaliers de Saint-Jean-de- 
Dieu qui foient connus fous ce nom , qui leur fut donné en 
1602, lorfqu'ils eurent reçu le fervice de Y Hôpital de la 
Charité de Paris. Quoi qu'il en foit, voici deux délibéra- 
tions poftérieures établiffant qu'ils ne font point venus à 
Valence. Je n'en ai point trouvé qui prouve le contraire. 

La première eft du 27 oâobre 1669. « Propofé par 

led. fieur de La Gloftre , reâeur, qu'en fuite des conven- 



(1) Regiftre du Bureau des pauvres, — Aux archives de l'hôpital. 

(2) Délibération du 6 avril i665. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 455 

tions faites avec les R. P. de la charité , le R. P. Pro- 
vincial eftant venu en cette ville & ayant vu l'eftat auquel 
eft l'hôpital Saint-Jean de cette ville , auquel il veut loger 
cinq religieux, il ne Ta pas trouvé en eftat & a demandé 
qu'on faffe faire plufieurs réparations aud. hôpital & qu'on 
achète la maifon du s. r de Marquet pour y loger deux reli- 
gieufes pour fervir les femmes, & d'acheter auffi l'eftable 
du s. r Mouchelon joignant le jardin dud. hôpital ; ce qui l'a 
obligé de convoquer cette affemblée pour délibérer cela & 
fur ce qui doit eftre fait » 

Ces exigences ne furent pas acceptées par le Bureau, 
car trois années plus tard (du 12 janvier 1673) vient une 
autre délibération, où il fut « propofé qu'il feroit advanta- 
geux aux pauvres d'eftablir des filles pour le foin du fer- 
vice des hôpitaux ; — conclud qu'il fera fait aéte aux Pères 
de la charité , avec lefquels il a efté traité pour lad. conduite, 
de fatisfaire à leur contrat, & faute de le faire de la part 
defd. pour que led. traité demeurera comme non advenu. » 

On dut en revenir aux anciens errements, jufqu'à ce 
qu'on pût confier rétabliflement à des Sœurs hofpitalières. 

Ce n'eft qu'en l'année i683 que « quatre des Sœurs Tri- 
nitairçs établies en communauté dans le diocèfe de Lyon 
furent appelées pour régir & adminiftrer l' Hôtel-Dieu de 
Valence 1 . » D'après le contrat paffé le i5 juin i683, « il 
fut convenu qu'elles feroient établies par l'Adminiftration 
de l'hôpital Saint-Jean , autrement dit Hôtel-Dieu , & fti- 
pendiées au nombre de quatre Sœurs & deux fervantes à 
fix fols par jour la chacune » 

C'était une Sœur Adrian qui, la première , prit poffeffion 
de Tétabliffement. Elle mourut le 20 janvier 1688 & fut 
remplacée par la Sœur Chirat a , avec qui fut paffé, le 22 



(1) Mémoire adreffé à M. le Procureur général. 

(2) Traité du 22 juin 1693. Aux archives de l'hôpital, A. 1. 



456 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE £T DE STATISTIQUE. 

juin 1693, un nouveau contrat, par lequel « l'Adminiftra- 
tion donne auxd. Sœurs l'entreprife à forfait dud. Hôtel- 
Dieu 1 . » 

La communauté des Sœurs Trinitaires n'exiftait pas en- 
core à Valence. Elle fe rattache à Tordre fondé en 1 199 par 
faint Jean de Matha & faint Félix de Valois pour le rachat 
des captifs. La maifon de Lyon, qui avait détaché quelques- 
unes de fes pieufes filles pour occuper notre Hôtel- Dieu, 
continua jufqu'en 1 703 à remplir ainfi le rôle de maifon- 
mère , lui envoyant les fujets néceflaires au fervice. A cette 
date, la maifon de Valence cefla d'être fous cette dépen- 
dance; elle forma dès lors fes novices & fe fournit entière- 
ment à la direftion de l'évêque de Valence a . Mgr. Milon 
follicita en leur faveur des lettres patentes qui confirmèrent 
ces difpofitions. 

Ces lettres patentes, qui font du mois de mai 1727, « 

autorifent les Sœurs dans la direction dud. Hôtel-Dieu ; 

leur donnent pouvoir de s'aflbcier d'autres filles, de 

former entre elles une communauté entière, foumife aux 

ordres & autorité des Evêques » C'eft ainfi que cet 

établiflement eft devenu maifon-mère pour les nombreufes 
maifons qu'elles ont fondées dans les diocèfes de Digne, de 
Mende, de Viviers, de Grenoble, du Puy, d'Alger, etc. 3 . 



Hôpital Général. 

A cette même époque où les Sœurs Trinitaires venaient 
prendre le fervice de l'Hôtel- Dieu, on créait dans notre 



(1) Délibération du Bureau des pauvres du 7 mai 1688. 

(2) M. l'abbé Nadal, Hifloire hagiologique, p. 675. 

(3) Ibid.j p. 679. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. J37 

ville un hôpital général , « pour y loger, enfermer & nourrir 
les pauvres mendiants & invalides , natifs des lieux , ou qui 
y auroient demeuré pendant un an ; comme aufli les enfants 
orphelins, ou nés de pauvres mendiants, tous lefquels 
pauvres y feront inftruits à la piété & religion chrétienne 
& aux métiers dont ils pourront fe rendre capables , fans 
qu'il leur foit permis de vaguer, ni d'aller de ville en ville , 
fous quelque prétexte que ce foit l . » 

Cette inftitution , dont Pédit de 1 662 ordonnait l'établif- 
fement dans toutes les villes du royaume , avait pour but ce 
problème fi difficile à réfoudre, l'extinftion de la mendicité. 
D'autre part, on pourfuivait la réforme des hôpitaux. Cette 
réforme était devenue néceffaire. 

« L'union des petits hôpitaux d'une même ville entr'eux , 
dit M. Martin Doify; celle des hôpitaux impuiffants de 
diverfes communes limitrophes; la création de nouveaux 
centres hofpitaliers formés des débris d'anciennes maifons 
où Phofpitalité n'était plus exercée depuis longtemps, de- 
viennent une mefure générale Des établiflements 

deftinés à recevoir des malades & des pauvres ont été 
érigés en bénéfices ; d'autres tombaient en ruines ; d'autres 
étaient réduits à des revenus fi modiques qu'ils fuffifaient 
à peine à leur entretien.... Une réforme était jugée indif- 

penfable Louis XIV y a mis le fceau de fa puiflance 

& de cet efprit de généralifation qui était en lui a » 

La multiplicité des hôpitaux était un véritable abus. — 
Nous avons vu combien il en avait été créé dans notre 
ville; il y en avait quatre ouverts en même temps : c'étaient 
l'hôpital Saint- Jean, l'hôpital Saint- André, l'hôpital Saint- 
Efprit en la rivière & l'hôpital des Repenties 3 . Des rede- 



(1) Articles pour TeflabliJJement de VHofpital Général. Bureau des pau- 
vres. — 10 novembre i683. 

(2) Diâ. d'économie charitable, t. IV, col. 984. 

(3) Répert. des arch. Saint-Apoll., fol. 1932. 



4 58 société d'abchéologie et de statistique. 

vances étaient payées tous les ans aux quatre hqfpitaux de 
Valence par Meffieurs du chapitre *. — Des legs, des dons 
importants étaient faits à ces quatre hôpitaux. Les archives 
du chapitre nous en mentionnent un grand nombre. 

L'efprit de la réforme ce fut la tendance à la fufion des 
revenus des hôpitaux pour créer des établiffements plus im- 
portants. « Tantôt ce font des établiffements divers d'une 
ville qui font groupés entre eux ; tantôt ce font des établif- 
fements trop peu importants exiftant dans les paroiffes ru- 
rales ou dans des communes limitrophes des villes qui font 
unis aux hôpitaux ou Hôtels-Dieu des cités. Les léproferies, 
dont l'utilité a ceffé , font invariablement fondues dans ces 
hôpitaux a . »C'eft de conformité à cet édit, qui remonte à 
i56i , & qui fut renouvelé par une déclaration royale du 
12 décembre 1698, que notre Hôtel-Dieu Saint-Jean, le 
plus ancien & le plus important de nos hôpitaux (quand 
on voulait le caraftérifer on difait : le grand hôpital 3 ), 
abforba les trois autres alors exiftant dans notre ville, 
auxquels avaient déjà été unis antérieurement ceux dont 
nous avons perdu la trace. C'eft par l'effet de cette mefure 
qu'il eft dit dans cet arrêt d'union « que l'Hôtel-Dieu de 
Valence jouira des biens & revenus de la maladrerie de 
la même ville, & de ceux des hôpitaux de Mirmande, 
Allex, Alixan, Chabeuil, Chabrillan, Livron; & des 
hôpitaux ou maladreries de Marfanne, Grane, Loriol , 
Montelier, Beaumont & la Baume-d Hoftun , autrement 
Saint-Naçaire 4 ». 

Mgr. Daniel de Cofnac, qui fut le promoteur de l'Hôpital 
Général , fit pour cet établiffement l'acquiûtion de la maifon 



(1) Voir aux comptes & penfions (Répert. des arch. St. Apollin.), fol. 122. 

(2) Diâ. d'écon. charit, col. 982. 

(3) Délibération du i tr feptembre i658. 

(4) Ibid.j col. 1025. Bureau des pauvres, 17 février 1698. Lettres patentes 
de 1756. Réponfe des re&eurg, A. 1. 



ETABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE YALEKCE. J5<.) 

dite les Grandes Boutiques, ainii que de fes jardins , vergers 
& autres appartenances, & en fit donation au Bureau des 
pauvres * . 

Ces grandes boutiques étaient des fabriques de draperies 
établies fur le cours d'eau qui vient des Grenouillières. Le 
parcellaire le dit très-pofitivement : « La grand boutique 
de draperie, avec fes cours & jardin, qui fait deux carrés, 
l'un dans le béai des Enclofes ou Teinéturiers , l'autre fur 
le chemin qui va au Siry 2 . » 

C'eft au lieu dit le Cire, qui avait anciennement dépendu 
de Pabbaye de Saint- Ruf 3 , & qui eft actuellement occupé 
par le monaftère de Sainte-Claire. L'hôpital eft encore en 
pofTeffion d'une partie de ces terrains. 

Monfeigneur, qui deftinait cet hôpital aux pauvres de la 
ville & du Bourg, y mit pour condition « que les fonds & 
revenus de l'hôpital particulier dud. Bourg feront affeétés 
& unis aux hôpitaux de Valence 4 ». Ce qui fut fait. — 
On y affe&a également diverfes fommes données aux hôpi- 
taux ou dues par la ville: On provoqua des quêtes & des 
legs pieux; & l'on fit un règlement, lequel fut confirmé par 
les lettres patentes données en 1687 5 . 

En conféquence, on fit un « rolle des pauvres tant de la 

ville que du Bourg qui dévoient y être conduits & 

enfermés-, &, attendu que pour procurer une par- 
faite exécution de l'eftabliffement dud. Hôpital Général , il 
eft néceffaire d'établir un nombre fuffifant de relieurs & 
autres officiers pour la conduite dud. hôpital, Taffemblée 
a unanimement nommé pour re&eurs eccléfiaftiques, pour 



(1) Tableau progrej/if des biens des pauvres. Aux arch. de l'hôp., B. 102. 
Délibération du 12 novembre 1694. 

(2) 66* iûe, N. 8 6o38. 

(3) Inventaire de Saint-Ruf, fol. i3 & 14. 

(4) Délibération du 16 novembre 168 3. 

(5) Aux arch. de l'hôp., A. 1 . 



J60 société d'abcdéologie et de statistique. 

lad. ville & Bourg, MM. le Doyen, le Prévôt & l'Abbé de 
Saint- Félix de Téglife cathédrale, & M. le Prieur du Bourg ; 
&pour re&eurs laïques, MM. de Bovet, juge-mage, Fer- 
rotin, Rouveure, advocat, & Petit, pour le Bourg; lefquels 
eftant icy préfents, ont accepté lefd. charges pour les exercer 
à la faveur defd. articles,.... en conformité des ordres du 
roy, & pour le bien & advantage du publiq; & ledit efta- 
bliflement commencera au premier janvier prochain l ». 

L'Hôpital Général n'était cependant qu'une annexe de 
l'Hôtel-Dieu Saint- Jean. Celui-ci, « fitué au cœur de la 
ville , & ne pouvant contenir tous les différents pauvres & 
les malades, » continua à recevoir les malades civils & mili- 
taires ; les infirmes & les enfants furent transférés dans le 
nouveau local, « plus fpacieux, ayant plufieurs courans 
d'eau, & fitué fous les murs; » par conféquent réputé plus 
fain. 

L'hôpital de Valence fe compofait ainfi des deux établiffe- 
ments. Les lettres patentes de 1756 fe fondent fur ce fait : 

« A ces caufes, & voulant contribuer de notre part 

à ce qui peut affurer aux pauvres & aux malades l'afiis- 
tance & les fecours qu'ils trouvent dans les deux maifons 
de l'Hôpital Général de la ville de Valence, de l'avis de 
notre confeil, & de notre grâce fpéciale, pleine puiffance 
& autorité royale, nous avons approuvé, loué, confirmé 
& autorifé, & par ces préfentes, fignées de notre main, 
approuvons, louons, confirmons & autorifons l'établiffe- 
ment en laditte ville de Valence de l'Hôpital Général des 
malades, compofé de deux maifons, lune fous le nom 
d Hôtel-Dieu , & Vautre fous celui d'Hôpital Général.... 

» Donné à Verfailles, au mois de juin, l'an de grâce mil 



(1) Articles pour Vétablijf. de THôp. Gén. Bureau des pauvres, du 10 
novembre i683. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. J6J 

fept cent cinquante-fix , & de notre règne le quarante-unième. 
Signé, Louis. 

» Enregiftré au greffe civil du Parlement de Dauphiné, 
enfuite de l'arrêt de la Cour de ce jour 23 juin l'jb'j x . » 

Service de l'Hôpital Général. 

Les Sœurs de la Trinité continuèrent la régie de l'Hôtel- 
Dieu , comme elles l'avaient reçue par le contrat paffé le 1 5 
juin i683, renouvelé le i5 juillet 1693, confirmé par lettres 
patentes de 1727, modifié en 1769, en 1774 & en 1782, 
fuivant que les circonftances, rendant ce traité plus ou 
moins onéreux , pouvaient y nécefliter quelques modifica- 
tions. Le foin de T Hôpital Général fut confié, comme autre- 
fois l'hôpital Saint-Jean , à des dames de charité fécondées 
par des domeftiques à gages. Le regiftre du Bureau nous 
en fournit plufieurs preuves : 

« Propofé par Mond. Seigneur qu'il eft néceffaire 

d'établir à l'Hôpital Général trois fervantes, favoir : deux 
pour la cuifine & une pour avoir foin à faire dévider la 
foie; — conclud que la Marceline & la Rulat ferviront 
dans la cuifine pour fix écus de gages la chacune, à com- 
mencer depuis la Saint- Jean dernier, & qu'on prendra de 
même la Mazérat à femblables gages, à commencer du jour 
de fon entrée; & outre ce, elles feront entretenues d'habits 
comme les autres pauvres a 

» Sur la propofition qui a efté faite par la dam, l,e 

Chaléon que mademoiselle de Deaux offre de venir dans cet 
hôpital pour avoir foin & direftion des pauvres, & confer- 



(1) Lettres patentes de 1756. Aux archives de l'hôpital» férié A, 1, N.° 2. 

(2) Délibération du 3o aouft 1687. 



J02 SOCIÉTÉ D'AKCHÉOLOOIE ET DE STATISTIQUE. 

vation des biens d'icelluy; — a efté délibéré que ladite offre 
cft acceptée, & lad. dam. lle de Deaux a efté remerciée de 
cette charité, & ordonné qu'il luy fera baillé les clefe & 
effets dud. hôpital, & à ces fins, l'inventaire qui en a efté 
faift fera vérifié en préfence de lad. dam. ,le de Deaux \ 

» Une dam. ,le Aymar, fille d'un confeiller au Pré- 

fidial , demande à y paffer fes jours, pour travailler effica- 
cement à fon falut 2 ». Ces dames étaient qualifiées 

dames diredrices. C'eft Texpreflion que l'on trouve dans 
cette délibération. 

» M. le Curé de Saint- Apollinaire a dit que, fuivant 

la prière qui lui avoit été faite, & à M. le Curé du Bourg, 
au dernier Bureau général, de chercher des fujets d'hon- 
nête famille qui euffent reçu telle éducation de piété, de 
modeftie & de travail à faire efpérer qu'elles fe voueroient 
avec fuccès au fervice de l'Hôpital Général, & pourroient 
y acquérir l'efprit de zèle & de charité qui animent les 
Sœurs directrices, dont le petit nombre aftuel ne fauroit 
fuffire à tous les foins qu'exigent les divifions d'âge, de 
fexe & d'occupations des pauvres qui y font entretenus, 
— ils auroient jeté les yeux fur les deux filles aînées du 
s.'Gafpard Dideron, bourgeois de cette ville, paroiffe de 
Saint- Apollinaire , qu'ils préfentent, de leur confentement 
& de celui de leurs parents, pour entrer dans cette maifon 
& y paffer tel temps d'épreuve convenable. 

» M. le Lieutenant général a ajouté qu'il y a dans la 
maifon même une fille noble, âgée d'environ 28 ans, qui y 
a été élevée, fur la nomination du s/ Curé de Saint-Didier, 
à l'une des places fondées par M. Reboulet, bienfaiteur, 
qui aide depuis environ dix ans le fervice des pauvres & 
foulage de tout fon pouvoir la follicitude des direftrices, 



(1) Délibération du 10 o&obre 1687. 

(2) Délibération du 3i janvier 1758. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 463 

fuivant les témoignages favorables de la Sœur Chanas, 
fupérieure , étant actuellement chargée de la falle à filature 
de laine & coton des jeunes enfants, pour laquelle le fervice 
de direâion manqueroir, — qu'elle demande de s'attacher 
à la charité de cette maifon pour y reconnaître avec tout le 
zèle dont elle eft capable les bontés qu'elle y a éprouvées. 

» Sur quoy il a été délibéré , à la pluralité des voix , 

» Que la damoifelle Daliffieux fera fur le champ plus 
particulièrement admife à fa probation pour tel temps que 
le Bureau trouvera à propos, fur les inftruftions qu'il 
prendra de fa conduite & de l'utilité dont elle fera au fer- 
vice des pauvres, tant de la part des relieurs de femaine 
que de la fupérieure; — & que les deux filles aînées du s. r 
Dideron entreront auffi gratuitement aux épreuves nécef- 
faires à la forme des règlements ou ufages de l'hôpital l 

» Il a été repréfenté que le décès de damoifelle Ro- 

falie Dideron , qui étoit entrée en probation dans cette mai- 
fon enfuite de la délibération du grand Bureau des 2 & 9 
mai dernier, a provoqué les demandes de deux fujets de 
famille qui défireroient l'une & l'autre de fe vouer au fervice 
des pauvres & à la direction de cette maifon, s'il plaifoit 
au Bureau de les agréer 

» Sur quoy il a été délibéré, à la pluralité des voix, que 
lefd. damoifelles Breynat & Mariton font admifes gratui- 
tement en probation des œuvres & offices des Sœurs direc- 
trices, à la forme des règlements & ufages de cette mai- 
fon a . » 

Les termes de ces délibérations nous font connaître cette 
inftitution des dames charitables de Valence , directrices de 
l'Hôpital Général. Ce n'était point un ordre religieux, quoi- 



(1) Délibération du 9 mai 1781. 

(2) Délibération du 5 foptembre 1781. 



464 société d'archéologie et de statistique. 

qu'on leur donnât le nom de Sœurs, car nous voyons qu'elles 
dépendaient entièrement de PAdminift ration. C'était le Bu- 
reau des pauvres qui délibérait fur leur admiffion; c'était 
encore lui qui les admettait définitivement , après un temps 
d'épreuves y ou , comme on difait , « de probation de piété , 
mœurs exemplaires, aptitude au fervice des pauvres, & 
autres œuvres de charité à pratiquer à l'hôpital. » Les 
dames directrices étaient appelées à en rendre témoignage , 
&, lorfqu'U était favorable, « lefd. propofantes font préfen- 
tées par M. le Curé de la cathédrale & la Supérieure de 
cette maifon à Monfeigneur, pour être reçues avec les céré- 
monies accoutumées au nombre des Sœurs directrices , fur 
le confentement & la prière du Bureau , qui leur promet & 
affure leur entretien en fanté & en maladie dans la maifon , 
en y fervant avec les Sœurs cy-devant reçues, & à perpétuité, 
de tout leur pouvoir les membres fouffrants du Sauveur. . . » 

Nous trouvons ces détails dans la délibération du 17 
janvier 1783. 

On peut les affimiler à ces perfonnes pieufes qui, fans 
appartenir à une congrégation religieufe, en font les œuvres 
les plus méritoires. C'eft de la forte que font encore à préfent 
conduits plufieurs hôpitaux de Lyon & de Paris. 

Mais en 1787 on confia l'Hôpital Général à une congré- 
gation religieufe, celle des Sœurs du Saint-Sacrement. 

« M. de Chantemerle (vicaire général de Monfei- 
gneur de Grave) a préfenté au Bureau les Sœurs Sainte- Pé- 
lagie & Saint-Jérôme, de la congrégation des filles de Bouf- 
fieu-le-Roy en Vivarais, qui fe font rendues en cette ville, de 
l'ordre du Seigneur Évêque , enfuite de délibération fur ce 
tenue, lefquelles ont été agréées, la première en qualité de 
fupérieure, la féconde en qualité d'hofpitalière, pour la di- 
rection de la maifon ; — & a été délibéré que lançon vention 
verbale faite avec elles & M. de Saint-Pierre, vicaire géné- 
ral, tiendroit ; — qu'en conféquence, les frais de leur voyage 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE YALENCE. J65 

feront payés par le tréforier, fur leur quittance, & qu'il 
leur fera payé auffi à la chacune annuellement 80 livres 

pour leur veftiaire & autres befoins * . » 

Six jours après, une troifième Sœur venait fe joindre à 
elles*. 

Œuvres de l'Hôpital Général. 

Dans la « déclaration de tous les biens, revenus & charges 
des pauvres & hôpitaux de la ville de Valence en Dauphiné, 
faite en exécution des lettres patentes du Roi , fur le décret 
de TAffemblée nationale des i3 & 18 novembre 1789 3 , » il 
eft dit qu' « à l'Hôpital Général font retirés, nourris & entre- 
tenus les vieillards, les enfants des deux fexes retirés de 
nourrice , & les infirmes 

» Ses revenus étoient de 7,01 7 livres, réduites à 6,783, 

par fuite de la réduftion du denier 20 au denier 5o Ses 

charges s'élevoient à 10,294 livres, dont : 

» 2, 190 livres pour 20 malades , à dix fols par jour; 

» 657 livres pour quatre directrices & douze fervantes, à 
fix fols par jour ; 

» 5,475 livres pour la nourriture de 100 pauvres, à rai- 
fon de trois fols par jour ; 

» 1,1 35 livres pour 26 enfants expofés, à raifon de deux 
fols fix deniers par jour. » 

Cet état nous donne la nomenclature des œuvres princi- 
pales. 

Il en était une autre affez importante qui y avait été ratta- 



(i) Délibération du i w août 1787. 

(2) Délibération du 6 août 1787. 

(3) Aux archives de l'hôpital, doflier B. 102. 



466 société d'archéologie et de statistique. 

chée, & dont l'hiftorique préfente un véritable intérêt : c'eft 
celle connue à cette époque fous le nom d'hôpital des Or- 
phelines, Cet établiffement , auquel on avait donné à tort le 
nom d'hôpital, était ce que nous défignons fous le nom 
d'orphelinat : ce n'était point une maifon deftinée à recevoir 
des malades , c'était un afile pour l'entretien & l'éducation 
de jeunes filles pauvres. 

« La fondation des orphelines fut commencée en i65i, 
par les bienfaits du s. r Ferandin, chanoine & confeiller-clerc 
au Préfidial 1 ». L'évêque, Mgr. Charles Gelas deLéberon, 
troifième du nom, qui occupait le fiége épifcopal de Valence, 
la prit fous fa proteftion & la confacra par un règlement 
très-détaillé. On y lit que « les pauvres filles orphelines 
feront à l'advenir dirigées par des veuves ou par des filles 
avancées en âge, d'une. probité & fageffe reconnues, que 

Nous &nos fucceffeurs auront choifies Ne pouvant 

qu'approuver les bonnes intentions de quelques vertueufes 
perfonnes qui les élevoient à la piété , les aidoient par leurs 
aumônes, & follicitoient les charités des fidèles en leur 

faveur * » On voit dans ces quelques lignes tout 

l'efprit & la portée de l'œuvre. 

Les reffources lui arrivèrent, comme à toutes ces œuvres, 
que les femmes prennent fous leur patronage. Mad. e Ifabelle 
de Corbeau & M. Humbert, doyen du chapitre, lui léguè- 
rent chacun 3oo livres; M. Hatton, chanoine de Saint- 
Apollinaire , une maifon , rue du 3 e Cartalet ; un autre 
chanoine, François Mournas, & Mad. ,le de Feraillon lui 
firent auffi des dons importants 3 . En i658, M. l'abbé Ser- 
vien , camérier fecret du Pape & ambaffadeur à Turin , par 
un aéte de donation, lui appliqua une fomme de 3o,ooo 



(x) Tableau progreffif des biens des pauvres. Arch. de l'hôpit. 

(2) Ibid., Règlem., E. IV, i. 

(3) Ibid., B. IV, i. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 467 

livres. Alors, Mgr. de Cofnac, « jugeant qu'il feroit avanta- 
geux que les orphelines qui font préfentement fous la conduite 
des perfonnes féculières fiiflent fous la direction de nos chères 
filles les religieufes de la Vifitation de Sainte-Marie, » rendit, 
le 24 e jour du mois d'août 1659, une ordonnance d'union 
« de tous & chacun des biens qui appartiennent auxd. 
orphelines, en quoi qu'ils puiffent confifter, à nofd. filles de 
de la Vifitation , auxquelles nous enjoignons de fe charger 
duement defd. biens & de recevoir les trois orphelines qui 
font préfentement fous la conduite de lad. congrégation x . » 

Elles furent placées , au nombre de feize , dans une maifon 
contiguë au couvent de la Vifitation. Un nouveau règlement 
leur fut impofé. L'œuvre avait pris de l'importance. 

Elle devait en prendre encore davantage, car plufieurs 
maifons, rue Saint- Félix & place Saint- Jean, devinrent fa 
propriété a . 

Mais, après plufieurs années, « n'étant pas poffible aux 
Dames de la Vifitation de continuer cette direftion fans fe 
diftraire , en quelque façon , de leurs exercices ordinaires , & 
n'y ayant point dans la ville d'autre communauté régulière 
où l'on pût les recevoir, on fut obligé de les mettre dans une 
maifon particulière 3 . » 

Le même M. Hatton, s'étant mis à la tête de cette œuvre, 
la transféra dans une maifon près Saint- Apollinaire , rue 
Côte- Saint- Eftève, qu'il acheta dans la difcufïion Boffin, 
au prix de i,238 livres, — c'eft la maifon que la ville tient 
& fait réparer aujourd'hui pour les Ecoles chrétiennes , — 
« où recueillant quelques nouveaux dons & y ajoutant de 
fon patrimoine , il acheta encore le domaine du Pêcher, au 



(1) Ord. d'union , A. IV, 1. 

(2) B. IV, 2. 

(3) Bureau des pauvres, 26 mars 1695. 



468 société d'archéologie et de statistique. 

mandement de Châteauneuf, & laiffa le refte de fon bien à 
cet hôpital 1 . » 

Cette vente du domaine du Pêcher, confentie par M. le 
chanoine de Miftral, au prix de i5,i65 livres, eft autorifée 
par délibération du Bureau des pauvres du i3 février 1684. 

Dix ans plus tard (le 26 mars i6g5) Mgr. de Champigny 
fait une vifite à l'établiffement des filles orphelines & conftate, 
dans un rapport inféré au regiftre , qu'elles font « au nom- 
bre de 24, âgées de 10 jufqu'à 38 ans; que lad. maifon n'a 
pas la clôture qui convient à une communauté de filles. Les 

refteurs des hôpitaux, pour rentrer dans l'efprit de la 

fondation, requièrent qu'elles foient transférées à 

l'Hôpital Général. » — Suit l'ordonnance de l'évêque, qui 
ordonne cette tranflation , & le procès-verbal d'inftallation , 
en date du 2 avril 1695 a . — Cette œuvre des orphelines y 
exifte toujours : les jeunes filles qui y font encore aujour- 
d'hui reçues & élevées datent de cette fondation. 

Cette union devait être profitable à l'hôpital, qui reçut 
en conflitution de rentes des legs & des dons assez confi- 
dérables , que le Bureau des pauvres appliqua aux befoins 
généraux de L'hôpital. Le domaine du Pêcher, qui eft en- 
core en fa pofTeflion, eft le plus important des immeubles 
qui conftituent fa dotation. C'eft donc pour l'établiffement 
un afte de juftice & de reconnaiffance de continuer le bien- 
fait de cet orphelinat. 

Ainfi que nous l'avons vu dans l'afte de fondation, l'Hô- 
pital Général était une efpèce de dépôt de mendicité : les 
pauvres y étaient logés, nourris & enfermés. Cette condition 
fut fans doute ce qui donna lieu au choix qui fut fait de cet 
établiffement pour fervir de prifon de détention. 

Au XVII e fiècle, notre pays, qui s'était fignalé par la 



(1) Tableau progreffif des biens des pauvres. 

(2) Aux archives de l'hôpital. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 469 

vivacité des attaques des réformés contre les populations 
catholiques, vit fe produire, à la fuite de la révocation de 
l'Édit de Nantes, uneréaétion, dont la religion doit être la 
première à déplorer les violences commifes en fon nom. 
« L'hiftoire du proteftantifme français a publié une longue 
lifte de proteftants fugitifs qui, dans les années i685, 1686 
& 1687, furent arrêtés avant d'avoir franchi la frontière du 

Dauphiné, & ramenés devant le Parlement de Grenoble 

Celui-ci les condamnait à être enfermés dans cet hôpital, 
comme on avait accoutumé de condamner aux mines & aux 
galères * » 

Les mémoires du temps affirment qu'il y en avait à la 
fois plus de cinquante, &, ce qu'il y a de plus regrettable, 
accufent les employés de violences & de cruautés. 

Ce qui ne peut être compris, c'eft que des inftitutions de 
bienfaifance aient été converties en moyens de torture , en 
inftruments de perfécution. 

Dans l'Hôpital Général, les hommes & les femmes vali- 
des étaient occupés à des travaux manuels, parmi lefquels 
le dévidage de la foie était une des principales occupations a . 
Ils y étaient reçus fur une délibération du Bureau des 
pauvres, enfuite d'informations 3 . L'un des refteurs était 
nommé par le Bureau de femaine pour vifiter l'établiffement, 
infpeéter fes travaux, & « pour être pourvu aux abus qui 
pourroient être ainfi aperçus 4 ». 

Tranjlation de V Hôpital Général. 

Une délibération du confeil municipal, en date du 1 1 
janvier 1778, nous apprend les premières tentatives de ce 



(1) Hiftoire du proteftantifme français, t. VII, p. i35; t. VIII, p. 297. 
— Hiftoire de VÉdit de Nantes, t. III \ p. 970. — Hiftoire des Églifes réfor- 
mées de France, t. I, p. 273. 

(2) Délibérations du 3o août 1687 & du 12 juillet 1780. 

(3) Délibérations du 9 décembre 1690, des 24 février & 17 avril 1779. 
14) Règlement du 12 mars 1780. 

Tome VI. — 1872. 12 



470 Société d'archéologie et de statistique. 

déplacement & les motifs fur lefquels on s'appuyait pour le 

folliciter. « A été propofé que MM. les Re&eurs 

& Adminiftrateurs des pauvres & hôpitaux de cette ville, 
toujours occupés du bien de leur adminiftration , défiroient 
pouvoir transférer & réunir l'Hôpital Général & celui de 
l'Hôtel-Dieu dans le couvent des RR. PP. Minimes , dont 
la fuppreffion a été ordonnée par la commiffion des Régu- 
liers, ce qui forme une occafion favorable de faire l'acquifi- 
tion de ce couvent , qui fe trouve dans un emplacement des 
plus vaftes, dans une pofition bien ouverte & fur un des 
côtés de la ville (c'était le couvent aftuel de la Vifitation), 
fans être dominé par aucun des bâtiments extérieurs, & fon 
local invite à l'exécution de ce projet, qui a pour principal 
objet l'économie qui doit réfulter de la réunion de deux éta- 
bliffements dans un feul, & de parer aux grands inconvé- 
nients qui fe rencontrent dans la pofition de l'Hôpital Géné- 
ral & le peu de local de l'Hôtel- Dieu ; que l'économie qu'on 
fe propofe eft évidente : une feule marmite au lieu de deux ; 
économie réelle pour les lumières en chandelles & huiles; 
des leffives moins difpendieufes; moins de linge; moins de 
provifions en tout genre ; deux pharnjacies réunies en une 
feule, beaucoup moins chère; moins de feux pour une feule 
maifon que pour deux; moins de Sœurs; moins de domes- 
tiques ; enfin , moins de frais pour entretenir un feul bâti- 
ment que pour deux, dont un eft en très-mauvais* état ; une 
feule chapelle & une feule facriftie au lieu de deux; que, 
d'ailleurs, l'Hôpital Général eft très-malfain & mal diftri- 
bué; les bâtiments exigent des réparations & reconftruâions 
confidérables ; que l' Hôtel-Dieu, quoiqu'en meilleur état, 
eft trop refferré , & les falles , qui ne font point affez claires , 
ne fuffifent pas, à beaucoup près, pour les malades des deux 
fexes de la ville & les foldats ; que le prix du couvent des 
RR. PP. Minimes fe compenfera à peu près avec celui que 
Ton retirera de la vente des deux hôpitaux , & qui procurera 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALENCE. 474 

encore une économie du montant des réparations & recons- 
tructions que Ton feroit obligé de faire pour mettre ces deux 
maifons en état; que, dans ces circonftances, MM. les 
Refteurs & Adminiftrateurs demandent à être autorifés par 
la ville à faire Tacquifition de ce couvent, & à y réunir les 
deux établiffements l . » 

Cette délibération était motivée par celles du Bureau des, 
pauvres des 24 juin & 8 feptembre 1777. Un avis favorable 
fut donné par Padminiftration municipale, & les lettres 
patentes néceffaires pour Tacquifition & les ventes projetées 
avaient été follicitées par le Bureau 3 . Ce projet, combattu 
par d'affez vives oppofitions , dut être abandonné 3 . 

En 1 782 fut prife une nouvelle délibération par laquelle 
« il a été unanimement délibéré & arrêté que , pour le plus 
grand avantage des pauvres, les malades de l'Hôtel- Dieu 
feront transférés en cette maifon de T Hôpital Général, où il 
leur fera conftruit des falles néceffaires fui van t les plans qui 
en feront dreffés 4 » 

La penfée de Tadminiftration était toujours de diminuer 
les charges , en Amplifiant le fervice & retranchant les rou- 
ages fuperflus. 

<c Les défordres de la Révolution fufpendirent ces projets, 

mais ne les firent pas abandonner La première penfée 

de Tadminiftration , au retour de Tordre , dut donc être de 
fuivre les vues de fes devanciers 

» La maifon des Minimes avait reçu dans cet intervalle 

» 

une deftination particulière. Celle des Capucins fixa l'atten- 
tion de la commiffion adminiftrative : placée fur le bord du 
Rhône, dans une fituation riante, dont la vue s'étend au 



(1) Archives de la mairie. 

(2) Délibération du 7 avril 1778. 

(3) Délibération du confeil municipal du 29 mars 1778. 

(4) Délibération du 2 octobre 1782. 



472 société d'archéologie et de statistique. 

loin fur le fleuve & fur les campagnes de l'Ardèche, d'un 
abord facile, également à portée de la ville & du Bourg, 
pourvue de plufieurs cours, de vaftes jardins & de plufieurs 
ruiffeaux, dont les eauxfe diftribuent par des pompes à tous 
les étages & à toutes les falles. Le Gouvernement, bien ren- 
feigné fur ces avantages, après toutes les formalités d'ufage, 
autorifa l'échange de ce couvent avec la maifon de l'Hôpital 
Général, & Tadminiftration y fut immédiatement trans- 
férée '. » 

Un arrêté de M. le Préfet, du 3 thermidor an XI (21 
juillet i8o3), autorifait cette tranflation. Une délibération de 
la commiflion adminiftrative, en date du 1 8 vendémiaire an 
XII (1 1 o&obre i8o3), conftate cette prife de poffeflîon. 

« Convoqués pour la première fois dans le ci-devant 

monaftère des Capucins, il a été fur le champ 

procédé à la vifite de cet édifice, où fe trouvent transférés 
en ce moment tous les pauvres de 1' Hôpital Général 

» La commiflion a remarqué avec le plaifir le plus vif 

Theureufe pofition du nouvel hôpital, tout à la fois à la 
ville & à la campagne; la folidité de fes édifices; les commo- 
dités qui s'y trouvent; les reffources précieufes qu'offre un 
vafte jardin pour utilifer les bras de plufieurs indigents; 
l'abondance des eaux qui le traverfent, dont on peut tirer le 
plus grand parti pour augmenter les revenus de l'indigence 
par des établiffements utiles 

» Confidérant que le beau jour de cette première aflem- 
blée doit être confacré à la joie & aux expreflions de la jufte 
reconnaiffance due à l'auteur d'un aufli grand bienfait ; ont 
délibéré : 

» Que l'arrêté du Préfet du département, du 3 thermidor 
an XI, d'après lequel s'eft opérée la tranflation de l'Hôpital 



(1) Mémoire de la comm. adm. du n mars 1818, p. 21 & 23. 



ÉTABLISSEMENTS DE BIENFAISANCE DE VALEIKCE. 473 

Général dans lemonaftère des Capucins, fera tranfcrit en 
entier dans le regiftre des délibérations; 

» Délèguent les citoyens Réallier- Dumas & Paquet pour 
préfenter au Préfet le procès-verbal de cette première féance, 
avec les clefs de l'ancienne maifon de P Hôpital Général, & 
les chargent particulièrement de lui demander fon portrait , 
au nom des pauvres, pour être placé dans la falie du bureau 
d'adminiftration , & y perpétuer la mémoire de l'heureufe 
tranflation qui vient de s'achever & les juftes fentiments de 
gratitude dont la commiffion eft pénétrée pour fon auteur *. » 

Le couvent des Capucins était devenu propriété natio- 
nale; il était fans affeftation à aucun fervice public. L'échange 
des deux établiffements fe fit, entre la Nation & la com- 
miffion des hofpices, le 27 meffidor an XII (16 juillet 1804), 
moyennant une foui te de 40 francs payée par l'hôpital. 

C'eft à M. Descorches de Sainte-Croix, préfet du dépar- 
tement de la Drôme , que l'on doit le fuccès de cette négo- 
ciation. 

Il ne ceffa pas, pendant toute la durée de fon adminilt ra- 
tion (du 2 décembre 1800 au 6 avril 181 5) de prendre le 
plus vif intérêt à l'hôpital & aux befoins des pauvres. La 
reconnaiffance publique ne doit pas l'oublier. 

Vnion de V Hôtel-Dieu à V Hôpital Général. 

La queftion de la réunion des deux hôpitaux fut auffitôt 
reprife. 

Le férvice militaire demandait 70 lits, & l'Hôtel-Dieu 
n'en pouvait contenir plus de 40, en partie gccupés par les 
civils. On fe plaignait qu'il était « étroit, mal aéré, malfain, 
fans aifances, fans jardin, fans eaux, au centre de la ville, 



;' Aux archives de l'hôpital . 



474 société d'archéologie et de statistique. 

percé fur des rues étroites & malpropres, où Ton ne pouvait 
faire un panfement fans lumière, même en plein jour.... x . » 

Différentes lettres du préfet & du maire (de 1 804 à 1 8 1 3) a 
en provoquaient l'union au nouvel hôpital par mefure 
d'hygiène & d'économie. Cette union, vivement pourfuivie 
par la commiflion adminiftrative , fut enfin prononcée. Un 
procès-verbal, du 1 1 juillet 18 18, conftate cette tranflation 
de l'HÔtel-Dieu à l'hôpital. 

Une vente des bâtiments de l'Hôtel-Dieu fut paffée, en 
18 19, à la ville, qui en céda la propriété aux Dames Trini- 
taires. Cet arrangement fe fit au moyen d'un échange de 
créances qui liquida tous les comptes, & laiflfa à l'hôpital 
un capital de 14,414 fr. 78 c, pour lequel la ville lui paie 
une rente de 700 francs. 

Les Dames Trinitaires demeurèrent propriétaires de cette 
maifon, où elles étaient établies. Elles en ont reconftruit & 
confidérablement agrandi les bâtiments, dans lefquels fe 
trouvent, avec le noviciat & le perfonnel nombreux de la 
communauté, tel que le comporte une maifon-mère aufli 
importante, l'école normale, les écoles de filles & les falles 
d'afile fi floriffantes qu'elles dirigent. 

G'eft en raifon de ce premier établiffement qu'elles font 
connues & défignées dans notre ville fous le nom de Sœurs 
de l'Hôtel-Dieu. 

F. DUPRÉ DE LOIRE. 



(1) Mémoire de la comm. a'dminift., p. 25. 

(2) Aux archives de l'hôpital. 



NOTICES RELATIVES AUX GUERRES DE RELIGION. 475 



NOTICES 

RELATIVES AUX GUERRES DE RELIGION 

TIRÉES DES 
ARCHIVES DU COUVENT DE SAINT-FRANÇOIS DE MONTÉLIMAR 

MISES EH ORDRE 

par E. ARNAUD 9 

d'après le manuscrit de I. VÀLLENTIN, 4e lontélimar. 

Voir Bulletin, 16-, 17-, 18-, 19- liv., p. 110, 212, 366, 453. 

159 S 

■ 

— On trouve noble Jacques d'Urre, seigneur d'Our- 

ches et de Saint-Gervais. 

19 avril. — Christophe de la Reue icy ministre. Noble Guil- 
laume Saint-Ferréol , 8/ du Mas , mandement de Châteauneuf- 
du-Mazenc , sans autre titre. 

30 avril. — Edit de Nantes. Notre ministre Charnier fut un 
des députés. 

28 juillet. — Noble Pierre de Marcel , coseigneur de Savasse, 
conseiller du roy au conseil établi à Die. 

I5M 

■ 

20 février. — Pardevant Bougés , dame Lucrèce de Pérez , 
veufve de haut et puissant seigneur M. e Jacques Pape , seigneur 
de Saint-Auban , Aland et autres lieux , baron de Sahune et 
Montréal, mère et tutrice de haut, etc., Guy Pape, leur fils, 
héritier du père , poursuivant les procès de la générale discus- 
sion des biens de sondit feu mary et ayant moult procès sur les 
bras, vend à un de Sahune, au prix de mille écus, la pension 
de 50 écus. Fait au Montélimar dans sa maison. 

2 apv. — Pardevant Jaire teste Zacharie Menuret, marchand 
et consul ; lègue 25 écus aux çauvres de la religion prêt, ré- 
formée. 



J76 société d'archéologie et de statistique. 

12 juin. — Procuration de la veufve du S. r du Poët pour 
exiger sur les tailles le reste de la pension de 416 écus par ledit 
feu du Poët, acquise du roy ou ses commis sur les tailles 
diœcesis vivariensis. 

21 juin. — Capitaine R. Rigot , commandant du château, où 
il y a garnison. 

27 aoust. — Sieur Pierre de Marsanne commande icy. 

27 sept. — Pardevant Barthélémy Sablon , le consistoire as- 
semblé dans la maison consulaire baille le prix fait pour bâtir 
le temple. 

(16 juin 1604. — Quittance après l'ouvrage fini. Mille livres 
de rente données au consistoire par M. de Lesdiguières. ) 

1 er nov. — Paix publiée. 

1 1 1 nov. — Commissaires (exécuteurs de redit de Nantes) ar- 
'rivent. 

14 nov. — Eglises , messes rétablies. 

2 déc. — Teste en catholique Marie Sautel et élit chez nous , 
étant l'exercice de la religion catholique rétabli depuis peu. 

— Le corps catholique du Montélimar fit prêche à 

Anconne dans le cimetière, où l'on fit des cabanes , le carême 
à un Cordelier de la Fère, et eut 5 écus de rétribution et appa- 
remment autant du chapitre. Lesdits catholiques assemblés et 
délibérant en nostre église du Montélimar y firent faire des 
bancs. 

teoo 

12 may. — Visite de M. de Léberon, évêque de Valence, au 
Montélimar. 

mot 

10 janv. — Montélimar fait instance pour n'avoir pour gou- 
verneur M. de Gouvernet. 
2 avril. — Bail d'écoles catholiques au Montélimar. 

teo* 

31 mars. — Sommation au S. r Répara de laisser faire selon 
l'usage à tel jour des Rameaux l'office en sa maison. 



NOTICES RELATIVES AUX GUERRES DE RELIGION. 477 



— En exécution des édits de pacification, ensuite de 

l'ordonnance des commissaires députés le 12 novembre 1589, 
on bâtit ecclesia sancte crucis ! on rétablit, ut licuit ! le service di- 
vin, les huguenots alors restés les maîtres , suivant un règlement 
provisionnel de ladite ordonnance qui portoit que donec émissent 
des cloches et les eussent fait mettre à leur temple dans le délay 
àeuxpréfix, ils se serviront présentement de la cloche del'horloge, 
le firent, et pour cet effect on leur accorda un passage à travers 
l'église tout proche du grand autel. Ils obtindrent que l'horloge 
professerait leur religion, qu'ils en auroient le choix et quil 
auroit à sa liberté claves ecclesiœ. 

toos 

— Cotes imposées aux huguenots pour le ministre 



Cante. 

toto 

11 oct. — Testament.de M. de Lesdiguières. 

tôt* 

27 juillet. — Jean Valançon de Montélimar passe procuration 
pour son fils au nombre des proposants. 

11118 

21 janv. — Louage de maison icy pour les écoles du corps 
catholique. 
31 juilL — 2 e testament de M. de Lesdiguières. 

tut * 

20 juin. — Les huguenots entreprirent, sous prétexte de l'or- 
donnance de 1589, de se rendre maîtres absolus ecclesix de S. te - 
Croix , perçants muros ecclesiœ à coups de marteaux à l'endroit 
Sacelli sancti Michaêlis pour y faire une porte malgré les protes- 
tations faictes pendant que les chanoines étoient occupés au 
service divin. Ainsi les huguenots devinrent maîtres de l'église, 
profanant la sainte Eucharistie et enlevant les vases sacrés. (Tiré 
de l'acte capitulaire du 20 juin 1617 et de la requête ensuite 
présentée aux commissaires députés pour l'exercice de l'édit de 
Nantes.) 



478 société d'archéologie et de statistique. 

— Jeûne universel indiqué dans les églises prétendues 

réformées et quid. 

te** 

7 juin. — Peste icy. 

21 juin. — 3 e testament de M. de Lesdiguières. 

1 er déc. — Il conste par la déposition des témoins et la l re en- 
quête que nous fîmes faire auxdits mois et an (la plus part des 
témoins ayant vu notre couvent en état) qu'il y eut deux démo- 
litions dudit couvent, dont l'une fut en 1562 environ, dit Jaq. 
Jame, notaire, aagé d'environ 73 et plus (un autre de 80 ans en 
dit de môme), aux troubles de religion, où les prétendus réformés 
brûlèrent les images et abbatirent des autels, et après en 1567 
il y eut nouveaux troubles, et pour lors ils abbatirent notre 
église et autres de ladite ville, pillèrent et dérobèrent ce qu'ils 
avoient laissé et n'avoient pu emporter la première fois, rom- 
pirent les clochers, démolirent résterre l'église, cloîtres et cham- 
bres, emportèrent les matériaux, autels et tombes, dont quelques 
unes firent barder des salles basses, pillèrent et ravagèrent tous 
les papiers, instruments et documents, et nous fûmes contraints 
d'habiter ailleurs jusqu'au temps de paix et faire des couverts 
pour faire le service divin ; que les conseils se faisoient antea 
dans la salle du couvent ; qu'ils se servirent de la plus grande 
partie de nos matériaux pour construire la citadelle (dit un autre) , 
et faire une nouvelle enceinte. Ils se servirent môme des maté- 
riaux de plusieurs maisons proche le château qu'ils démolirent 
et qui nous faisoient censés et pensions. Nos Pères après des 
moyens de quelques gardiens bâtirent 3 petites chambres. — Un 
autre rapporte avoir ouï dire (il y avoit environ 45 ans) et veu 
qu'après la prise de "Montélimar par les P. R. ils brûlèrent nos 
reconnaissances et documents , en ayant un gros monceau fait 
dans ledit couvent et qu'un nommé Pansier, huguenot , les faisoit 
brûler et les remuoit dans le feu avec un gros bâton, disant : 
« Gomme ces fagots font bon feu. » — Un autre aagé de 4 vingts 
ans dit que ce fut le S. r de Mouvans en 1567 qui démolit cloître 
et église, et y mit le feu , et que luy le vit étant tune sur le toît à 



NOTICES RELATIVES AUX GOERBES DE RELIGION. 479 

la vue au devant de notre église (c'est icy Louis Couvier, charpen- 
tier); il adjoute que longtemps après le ministre a prêché quelque 
temps dans ladite église. — Un autre aagé d'environ 68 ans dit 
avoir veu l'église et couvent en bon état, et qu'environ 1567 que 
luy déposant étoit jeune garçon d'environ 1 2 à 1 3 ans et du temps 
du S. r de M ou vans, les huguenots qui commandoient dans la 
ville, il vit tout démolir et raser, brûler les papiers, ornements 
de l'église. — Ils disent tous que notre couvent étoit des plus 
beaux du Dauphiné , logeant quantité de religieux et ultra grands 
seigneurs et même le roy quand ils passoient. En tout 9 témoins. 

Notre requête au roy pour avoir les deniers de M." du 

consistoire. 

111*8 

19 août. — Le S/ de Doullets étoit capitaine, gouverneur et 
châtelain du Montélimar, et M. le comte de Viriville gouverneur 
en 1627. 

28 août, 25 et 26 sept. — Les trois codiciles du testament de 
M. de Lesdiguières. 
Légat de l'intérêt de 9000 1. 
28 sept. — Sa mort. 

10*3 

5 dêc. — Transaction sur les 9000 livres entre les catholiques 
et les huguenots. 

tes* 

5 may. — Maison de Pracontal où demeuroient les Jésuites 
et où sô tenoient les écoles. Louée de nouveau au corps catho- 
lique,- mais ny écoles ny Jésuites s'y tiendront. 



27 juin. — Nouvelle vente d'autre partie du cimetière de 
Notre Dame du Temple par le commandeur. 



26 may. — Délibération et vente de maison par le consistoire. 

1648 

15 janv. — 2 e enquête et commissaire de Parlement où il est 
dit que tout fut démoli dai^ les troubles de la province arrivés 



480 société d'archéologie et de statistique. 

environran 1 570, 14 témoins. Un de 70 ans dit qu'il y a environ 55 
ans qu' il a veu les ruines restantes de notre église , la voûte et mu- 
raille du côté du midy n'étant plus en état , et que du côté de bise 
il y en avoit encore eu égard du grand chemin qui est à présent et 
une muraille neuve faite depuis environ 2 ou 3 mois de la distance 
d'environ un pas, joignant néanmoins les angles de l'ancien 
bâtiment de l'église ; il y avoit tout le long encore des murailles 
de la hauteur en quelques endroits d'une toise et demi, et que le 
débris, qui étoit au delà de ladite muraille, occupant le lieu où 
étoit olim ecclesia, étoit en si grande quantité, qu'il y avoit en 
certain endroit plus de 5 toises d'hauteur ; dit avoir veu faire le 
prêche où est nunc ecclesia nostra, qui est un peu au delà le 
plassage de l'ancienne église à parte meridiei ; qu'il a veu que 
Mathieu Villete qui commandoit les dizains fit emporter plu- 
sieurs des pierres de taille dans la maison où est nunc M. le 
jeune Peytier, advocat, le tout il y a 55 ans environ ; que ledit 
Villete tune avoit été commis pour l'entière démolition des mu- 
railles restantes de l'église, commandant tour à tour les habi- 
tants par dizaine, catholiques ou non, sous peine de l'amende ; 
les faisant aussi venir au prêche ibidem comme les huguenots.... 
Jacques Monteil , olim notaire et procureur , nunc huissier de 
l'élection, ayant environ 64 ans, dit qu'environ l'an 1588, luy fort 
jeune, Villete, qui étoit tailleur, estropié des deux jambes, por- 
tant un bonnet rond noir et ayant semper un gros bâton, commis 
pour conduire les dizains et faire démolir les hautes et vieilles 
masures qui étoient restées de la grande démolition de la grande 
église des Gordeliers, en faisoit porter les pierres à un plassage 
qu'on disoit appartenir à M. de Basemond, abbé d' Aiguebelle , 
où l'on en fit un gros monceau. . . . Autre aagé de 78 ans dit qu'en 
1 59 1 ou y2 , il y restoit plusieurs pans de murailles de notre église 
à parte boreœ et occasus et pluribus aliis in locis ; que le clocher 
avoit adhuc circiter 4 toises d'hauteur, qui fut démoli le tout par 
Villete, et que lorsque ce débris se faisoit (dit ledit Jacq. Beau- 
teac, bourgeois) , la trêve fut faite , lors du traité de Baugency 
entre les 2 partis ; tune le reste de l'église et chambres fuerant 
anteà presque toutes ruinées parles prétendus réformés, duquel 
débris il a veu porter quantité de tombereaux au château, où partie 



NOTICES RELATIVES AUX GUERRES DE RELIGION. 48* 

fut employée à la construction d'une enceinte faite audit château, 
qui est nunc la citadelle, par lesdits religionnaires. Pierres 
de taille, pierres du clocher, marches des degrés du clocher, 
dérobées par les particuliers huguenots ou servant avec autre 
débris à faire la muraille neuve de la citadelle ; quelque peu 
employé à rebâtir quelque partie de nos chambres (dit M. de 
Monts de Savasse , aagé de 65 ans et commandeur de la comman- 
derie de la Fronquière en Quercy) , démolir lesdits débris après 
1591 ou 92 du depuis. 

23 sept. — Les huguenots enlevèrent un religieux avec son 
habit qu'on leur fit restituer. Les catholiques rétablis à Monté- 
limar du temps de Louis 13. Ils ne faisoient que la 10 e partie et 
après ils surpassèrent le nombre des huguenots. Ils chantoient 
les psaumes par les rues et boutiques et une fois derrière l'église 
à haute voix pendant qu'on chantoit une messe nouvelle. C'est 
ce qu'on représenta à M.« r l'évêque, ladite année le 30 octobre, 
M. le doyen Thomas Adam. 

tes» 

14 juill. — Adrien Charnier i et Pierre Chiron, ministres icy. 
Peu après leur prêche , vont au camp de l'Éternel près Château- 
double. 

19 sept. — Chiron fit un prêche à Montélimar pour consoler 
ses frères sur la mort de M. Charnier 2 . 

tes* 

12 juill. — Requête ou factum tendante à la démolition du 
temple de Montélimar présentée au Parlement par le prieur 
Faure de Saint-Marcel au nom du clergé de Valence à l'occasion 
d'Amabile Chauvin, relapse de Sauzet, et receu au prêche par 
Pierre Chiron , ministre , et le consistoire du Montélimar, com- 
posé des S.™ Teaurier, Cornet, Gruas, Chauvin, Pellapra et 



(1) Fils du grand Daniel Charnier, et figé de plus de 90 ans. 

(2) Il s'agit ici de Moïse Charnier, petit-fils d'Adrien Charnier , et arrière- 
petit-fils du célèbre Daniel Charnier. Il fut rompu vif à Montélimar pour 
avoir assisté au combat de Bourdeaux. 



482 SOCIÉTÉ D* ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Vial, qui furent tous interdits par arrêt du Parlement du 12 
juillet 1684 ; Ghiron banni du royaume pour 10 ans, à peine de 
3000 livres d'amende, interdit semper de son ministère dans le 
royaume et treize cahiers de ses sermons séditieux , signés de sa 
main , brûlés au milieu de la place par la main du bourreau 
(on le tenoit en prison à Grenoble et on avoit mis le sceau du 
roy chez luy) ; le consistoire fut supprimé et le nommé Bayle 
renvoyé absous ; le reste des anciens et le ministre condamné 
chacun à ses dépens et chacun à 100 livres, partie amende, par- 
tie aumônes applicables à la restauration de Sainte-Croix et de 
Saint-Marcel; touts ministres et proposants obligés flans 15 
jours à sortir pour semper de Montélimar et de sa juridiction. La- 
dite Amabile, qu'on avoit eu soin de faire évader, fut condamnée 
à une amende honorable Montilii et à un bannissement perpé- 
tuel du royaume. Jean Chauvin et Louise Blancard, qui , par 
mauvais traitement, avoient contraint leur fille après son abju- 
ration à aller au prêche, bannis pour 15 ans du royaume, avec 
pareille amende et aumône et à leur dépens du procès ; l'exercice 
de la religion de Calvin défendu pour semper de Montélimar et 
sa juridiction, démolition du temple jusqu'aux fondements par 
leurs soins dans un mois après l'arrêt signifié , aliàs se fera à 
leurs dépens et ordonne d'y mettre une croix au milieu. 

21 nov. — 2 e arrêt. Donne tous les revenus du consistoire 
(on les leur a ensuite ôtés par arrêt du conseil) à l'hôpital du 
Montélimar avec les matériaux restants de la démolition et l'ar- 
gent provenu de la vente des autres , ordonne de remettre au 
recteur touts les livres de compte du consistoire et touts les 
papiers concernant ses droits, biens meubles ou immeubles, 
argent , dettes à jour et de retrouver leur cloche, qu'ils avoient 
descendue incognito. 

2 déc. — 3 e arrêt. Les huguenots ne tirant pas les fonde- 
ments ou n'en transportant pas les matériaux hors de la ville, 
leur ordonne de le faire et d'exécuter le premier arrêt selon sa 
forme et teneur, le tout dans 15 jours (aliàs ou le fera à leurs 
frais) et qu'on érige la croix de pierre au milieu ; que les 2 
pierres où sont gravées des inscriptions , entre autres celle qui 
porte une fondation de 29000 livres en faveur dudit consistoire, 



NOTICES RELATIVES AUX GUERRES DE RELIGION. 483 

et défend toute assemblée autrement qu'à la forme des édits et 
déclarations du roy. 

On trouva chez ledit Chiron un roolle de ceux qui le 22 
décembre 1656 avoient fourni pour la subvention de leurs frères 
de la vallée de Piedmont. 

Il se fit à Savasse des prières publiques , quoique l'usage de 
la religion y fût interdit. 

tes* 

24 juin. — Quittance pour la nourriture des musiciens à la 
bénédiction de la croix. 



484 société d'archéologie et de statistique. 



NOTICE HISTORIQUE 

SUR 

LE COUVENT DE SAINTE-GLAIRE 

DE ROMANS, 

Par le D. r Ulysse CHEVALIER. 
(Suite. — Voir la 18* livr.,p. 289; 19* livr., p. 400. 



Elles possédaient un saint-sacrement, et toutes les fois qu'elles 
pouvaient avoir un prêtre connu et fidèle à l'église romaine, 
elles le priaient de se rendre chez elles pour offrir le saint 
sacrifice de la messe *. Un jour, un prêtre arriva le matin, 
accompagné de deux autres ecclésiastiques. Ce prêtre parut 
devant l'autel, et ses deux compagnons le revêtirent des vête- 
ments sacerdotaux. Après avoir célébré la messe , il s'échappa 
sans rien dire aux religieuses. Mais combien fut grand l'éton- 
nement de celles-ci et quels regrets elles ressentirent quand 
elles apprirent que ce prêtre qu'elles avaient à peine eu le temps 
de voir n'était autre que Mgr d'Aviau, leur saint archevêque 2 . 



(1) La messe fut célébrée à Romans pendant les plus mauvais jours de 
la Révolution, tantôt dans une maison , tantôt dans une autre : elle fut 
même dite, à peu près sans interruption à l'hôpital général, grâce au 
dévouement de l'aumônier directeur, l'abbé Bossan. Les tracasseries de 
l'intolérance furent plus grandes sous le Directoire que pendant le règne 
delà Terreur. C'est alors qu'eurent lieu à Romans des visites domiciliaires 
pour rechercher les prêtres réfractaires. Mais, par l'effet du bon esprit de 
la population et de la modération des autorités locales, les perquisitions 
n'eurent jamais aucun résultat, entre autres celle faite avec un grand 
déploiement de force dans la nuit du 27 juillet 1798. Quant au serment 
politique qu'on aurait exigé des mêmes religieuses, on n'en trouve aucune 
trace dans les registres municipaux. 

(2) Charles-François d'Aviau du Bois-Sanzay, né le 7 avril 1731, fut 
nommé vers la fin de 1789 archevêque de Vienne. Son siège ayant été 



LE GOUTENT DE SAINTE-CLAIRE DE ROMANS. 485 

Dès que la liberté des cultes eut été rendue , les oratoires 
secrets furent prohibés. Il fallut donc que les religieuses se 
rendissent à l'église paroissiale pour entendre la messe et faire 
leurs autres actes de dévotion : ce qui leur fit désirer de rentrer 
dans leur chère clôture. Il ne fallait pas songer à leur ancien 
monastère : la proximité des eaux y avait fixé des industries , 
telles que des mégisseries, des tanneries, des teintureries *. Un 
ancien chanoine, M. Machon 2 , avait recommandé à ses héri- 
tiers, MM. Charles, de mettre sa maison à la disposition des 
anciennes sœurs Clarisses , si elles désiraient s'y établir. C'était 
un vaste bâtiment situé rue du Fuseau, où elles entrèrent le 
5 août 1805 , ayant à leur tête leur ancienne abbesse, la R. M. 
Faure , alors âgée de 85 ans. De vingt-deux qu'elles étaient en 
1792, il n'en restait plus que onze : sept étaient décédées , une 
s'occupait de la fondation d'un monastère à Valence, trois autres 
ne rentrèrent pas. Le 1 er septembre, après les vêpres de la 
paroisse, le clergé vint en chappe et en surplis, accompagné 
d'une foule nombreuse, pour bénir le nouveau monastère , où, 
après les appropriations les plus indispensables , ces religieuses 
s'étaient imposé la clôture au sein de la plus grande pauvreté , à 
laquelle subvenaient seulement une pension de 164 fr. accordée 



supprimé et lui-même ayant été dénoncé , il erra longtemps en proscrit , 
sous un faux nom, dans diverses localités de son ancien diocèse. Enfin il 
fut, en 1802, transféré sur le siège archiépiscopal de Bordeaux. Par une 
circulaire datée du 18 août 1792, Mgr d'Aviau avait donné aux religieuses 
des avis propres à régler leur conduite, tant intérieure qu'extérieure, pour 
le temps où elles cesseraient de s'acquitter en commun de toutes les obli- 
gations que leur règle , les constitutions et les coutumes leur avaient im- 
posées. 

(1) Après la vente du couvent, en 1792, la chapelle devint une mégis- 
serie, puis une tannerie. En 1812 et en 1852 on y creusa des fosses pour 
la préparation des cuirs. Ces travaux mirent au Jour une grande quantité 
d'ossements, qui furent soigneusement recueillis et portés au cimetière de 
la paroisse, et non Jetés dans l'Isère, comme l'a dit H. L. F. Guérin dans 
son Auréole de Sainte-Claire. 

(2) M. Gaspard Machon, ancien chanoine, est décédé le 9 avril 1804, âgé 
de 84 ans. 

Tome VI. — 1872. 43 



486 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique. 

par le Gouvernement impérial et les secours d'un vertueux cha- 
noine '. 

Le 10 septembre 1805, l' évoque de Valence transmit au 
préfet, avec un avis favorable, une pétition tendant à obtenir de 
Sa Majesté une chapelle domestique en faveur des anciennes 
Glarisses de Romans. Cette demande fut immédiatement trans- 
mise au ministre des cultes , en réclamant de sa bienveillance 
une autorisation « qui ne pouvait avoir aucun inconvénient. » 
Grâce à la bonne entente des autorités et au bon vouloir du 
Gouvernement, cette autorisation ne se fit pas longtemps atten- 
dre, comme le témoignent les pièces suivantes : 

« Valence , le 16 frimaire an XIV (8 décembre 180b). 

» Le Préfet du département de la Drôme. 

» N'ayant point oublié l'intérêt que porte Madame de Bressac 2 
» au succès de la demande de Madame Marie-Claire Brenier, 
» ci-devant religieuse 3 , d'être autorisée d'avoir une chapelle 
» domestique dans la maison qu'elle occupe à Romans, je 
» m'empresse d'avoir l'honneur de l'informer qu'il reçoit à 
>i l'instant l'avis de S. Exe. le Ministre des cultes que S. M. a 
» bien voulu sanctionner cette permission par un décret daté 
» du camp de Brunau (Haute Autriche) , du 10 brumaire an 
» XIV. * 



(1) M. François Duportroox, ancien maître de chœur du chapitre de 
Saint-Barnard, décédé le 11 octobre 1815, à l'âge de 80 ans. 

(2) La famille de Bressac , fixée à Valence , s'est alliée plusieurs fois à 
des familles romanaises. Marie-Anne de Bressac s'unit à Philippe Duvivier , 
président à la Chambre des Comptes; elle se remaria, le 15 avril 1701, 
avec Gérard de Lally et fut mère du célèbre et infortuné Lally de Tol- 
lendal , gouverneur général des Indes. Marie-Françoise de Bressac épousa 
Ferdinand-Bruno Duvivier de Fay, seigneur de Veaunes , capitaine au régi- 
ment Royal-Vaisseaux. 

(3) Fille de Louis Brenier, ancien officier, et de Claire Àlland ; elle avait 
fait profession en 1752, à l'âge de 17 ans. 



LE COUVERT DE SAINTE-CUIRE DE ROKAlfS. 487 

« Valence, le 24 frimaire an XIV (16 décembre 1805). 
» Madame, 
» J'ai l'honneur de vous adresser de la part de Monsieur 

w 

» l'Evêque une permission pour faire célébrer les saints mys- 
» tères dans la chapelle domestique de votre maison. Le Préfet 
» se félicite d'en avoir obtenu l'agrément de S. M. I. et R., 
» puisque cet établissement procurera à vous , Madame , et à 
» vos chères co-associées des consolations bien douces à vos 
» cœurs et contribuera à nourrir votre édifiante piété. 

» J'ai l'honneur d'être , etc. 

» Brisson, chanoine, secrétaire épiscopal. » 

« François Bécherel , par la miséricorde divine et par l'au- 
torité du Saint-Siège apostolique évêque de Valence , vu le 
décret impérial du 10 brumaire an XIV, à nous adressé par 
S. Exe. le Ministre des cultes dans sa lettre du 11 frimaire, 
par lequel S. M. I., sur notre demande, en conformité de 
l'art. 44. des articles organiques de la convention du 26 
messidor an IX, permet de faire dire la messe dans la cha- 
pelle domestique dépendant de la maison occupée à Romans 
par Madame Glaire Brenier, ci-devant religieuse de Sainte- 
Claire, nous avons autorisé et autorisons par les présentes 
la célébration de la messe dans ladite chapelle, aux termes 
et conformément aux règles prescrites par les saints canons 
et les ordonnances synodales de notre diocèse pour la célé- 
bration de la messe dans ces sortes d'édifices consacrés à 
Dieu; n'entendant qu'il ne soit en rien dérogé auxdites 
règles à ce sujet. Nous recommandons expressément à ladite 
dame Claire Brenier de tenir ladite chapelle dans un état de 
décence digne de la sainteté des cérémonies qui y seront 
exercées. 

» t François , évêque de Valence *. » 



(1) François Bécherel, ancien évoque constitutionnel de la Manche, 
nommé par l'empereur évêque de Valence, le 5 juillet 1802. Il est mort 
dans cette ville , le 21 juin 1815. 



488 société d'archéologie et de statistique. 

La rumeur publique ayant appris au préfet qu'une réunion 
nombreuse, une sorte de corporation, occupait la maison de 
Madame Brenier, ce magistrat écrivit, le 20 février 1806, au 
maire de Romans pour l'inviter à visiter cette maison dans le 
plus grand secret et à constater ses observations. 

M. Dochier, maire de Romans , répondit au préfet par le 
procès-verbal suivant : 

« Du lundi 24 février 1806 , à quatre heures de l'après-midi, 
nous nous sommes rendu, avec toutes les précautions requises, 
dans la maison où M me Brenier, ex-religieuse, à obtenu la per- 
mission d'une chapelle domestique. Parvenu à la porte de 
ladite maison, seul, nous nous sommes annoncé en notre 
qualité de maire ; sur le champ les portes nous ont été ouvertes 
avec empressement et il nous a paru que cette visite n'a faii de 
la peine à personne. Arrivé dans une salle , plusieurs dames se 
sont présentées couvertes d'un voile noir; nous leur avons 
demandé quel était le costume qu'elles portaient : elles nous 
ont répondu qu'elles usaiéht les habits des ci-devant religieuses 
de Sainte -Claire qu'elles avaient autrefois, et aux questions 
qui leur ont été faites, en conformité de la lettre de M. le Préfet, 
elles nous ont donné les réponses suivantes : 

» La maison où nous sommes appartient, par acte public, à 
D. lle Julie Chiéze *, fille majeure, sans père et sans mère. La 
D. l,e Chiéze a loué cette maison à des ex-religieuses de Sainte- 
Claire, dont les noms suivent : 

Jeanne Faure, âgée de 85 ans. 

Marie-Françoise Vallet 74 

Claire Brenier 71 

Anne Roux 68 

Françoise Châtain 60 

Régis Châtain 50 

Anne Giraud 40 

Anne Roland Garagnol .... 45 

Angélique Champon 36 



(1) Plus tard, l'acte de vente, fat fait par M. Ferdinand Charles, aux 
noms des sœurs Suzanne Châtain et Marie-Anne Champon, pour le prix de 
2,000 fr. 



LE COUVENT DE SAINTE-CLAIRE DE ROUANS. 489 

Françoise François 60 ans. 

Jeanne Gravoulet 50 

Angèle Duc 50 

»jDix de ces dames sont sorties du monastère de Romans , 
une de celui de Grenoble. Elles n'ont point de domestiques; 
elles font tous les travaux de ménage (une servante, qui habite 
hors de] la maion , fait les commissions) ; elles vivent avec la 
plus grande économie; leurs ressources consistent dans la pen- 
sion qu'elles reçoivent du Gouvernement et dans le produit de 
quelques petits travaux. Quatre personnes sont venues chercher 
un asile dans cette maison : * 

Madeleine Chabert, âgée de . . 26 ans. 

Rose Chabert 21 

Euphrosine ^Mossan 21 

Laurence François 45 

» Ces personnes payent une pension. Les motifs qui les ont 
conduites dans cette retraite sont la piété et le désir de vivre loin 
du monde. Tout ce qu'on y voit est édifiant; il y règne une 
paix profonde; on ne s'aperçoit pas à l'extérieur qu'elles existent. 
» Ces dames m'ont déclaré qu'elles n'ont point l'intention de 
former une association religieuse ; qu'elles se conforment tou- 
jours aux lois et aux ordres du Gouvernement ; étant presque 
toutes âgées ou infirmes , elles n'ont d'autre but que de se sou- 
lager les unes les autres et de mourir en paix. 

» J'ai parcouru la maison ; on lui a donné la forme extérieure 
d'une retraite. L'intérieur a été réparé pour loger les personnes 
qui l'habitent. J'estime que ces réparations ont coûté environ 
4,000 fr. Ces fonds viennent ou des économies domestiques ou 
des dons des parents. Il ne m'est parvenu aucun bruit au sujet 
de cette réunion. 
» Ainsi fait et dressé à Romans, ledit jour 24 février 1806. 

« Signé : Dochier, maire *. » 



(1) Dochier (Jean-Baptiste), avocat, Jurisconsulte, né le 6 octobre 1743. Il 
a été juge au tribunal du district (1790), membre de l'Assemblée législative 
(1791), juge au tribunal de cassation (1793), maire de Romans (1805-1806). 
Il est mort dans cette ville, le 28 décembre 1828, laissant une somme de 
300 fr. aux religieuses du couvent de Sainte-Glaire. 



J90 société d'archéologie et de statistique. 

Malgré ce bienveillant rapport , évidemment arrangé de ma- 
nière à tranquilliser une autorité ombrageuse , le ministre des 
cultes, par sa lettre du 14 juillet 1807, informe le préfet que 
l'administration ne pouvait tolérer la réunion d'anciennes Cla- 
risses de Romans qu'autant qu'elles auraient reçu une exis- 
tence légale , après avoir consenti à se conformer aux statuts 
des Clarisses de la ville du Puy, approuvés par un décret. Les 
religieuses de Romans ayant refusé d'adopter ces statuts, sous 
prétexte quelles n'avaient point de local, le préfet, en consé- 
quence de ce refus , prit un arrêté en date du 17 novembre par 
lequel il leur interdisait de porter l'habit religieux , de vivre en 
corporation et de recevoir des prétendantes ou novices. Les 
vieilles ou anciennes Clarisses étaient autorisées toutefois à 
finir paisiblement leurs jours ensemble. 

Chargé de signifier le présent arrêté et de prendre de nou- 
velles informations , le maire de Romans dressa, les 19 , 20 et 
22 novembre, un rapport rédigé dans un esprit à la fois bien- 
veillant et sceptique ; et , parlant pour elles , il fait connaître 
que les dames Clarisses, pénétrées de respect et d'obéissance 
pour les lois , l'auguste chef de l'empire et tous ceux qui exer- 
cent son autorité, acceptent d'esprit et de cœur le décret im- 
périal du 25 janvier 1807, qui a pour but de les consacrera 
l'instruction gratuite des filles pauvres; qu'elles demandent un 
délai pour préparer le local destiné à recevoir ces élèves , 
avouant qu'elles n'avaient pas d'abord senti la portée de la 
demande qui leur avait été faite, et qu'elles prient le Gouverne- 
ment de vouloir bien oublier un moment d'erreur, et , pour 
donner une preuve de leur obéissance et de leur bonne volonté, 
elles s'empressent de signer individuellement la pétition sui- 
vante, à l'effet de rester unies. 

« N..., Clarisse de la Maison de Romans, a l'honneur de 
vous exposer qu'elle a déclaré à M. le Maire de cette ville et 
qu'elle déclare à vous, M. le Préfet, qu'elle veut se conformer 
au décret impérial du 25 janvier 1807, relatif aux dames de 
Sainte-Claire du Puy; en conséquence, elle vous prie de lui 
permettre de continuer à rester avec ses compagnes dans leur 
Maison de Romans pour se rendre les secours mutuels que 



LE COUTENT DE SAINTE-CLAIBE DE ROMANS. J9J 

leur âge, leurs infirmités et leur indigence exigent, à l'offre 
qu'elle fait de se conformer aux lois et au décret précité. 

» Signé : N... » 

En envoyant ces pétitions, au nombre de dix-neuf (deux sui- 
virent quelques jours après), le maire dit qu'il a remarqué chez 
toutes ces religieuses beaucoup de vertus, un peu d'entêtement, 
très-peu de lumières , et qu'elles inspirent plus de pitié que de 
colère. 

Par une dépêche du 14 décembre 1807, le Ministre des cultes , 
après avoir exprimé sa satisfaction sur la manière dont le maire 
de Romans s'était acquitté de sa mission , autorisa le préfet à 
appliquer aux Clarisses de cette ville les dispositions du décret 
du 25 janvier 1807, à condition qu'elles s'occuperont sans délai 
de recevoir les jeunes personnes auxquelles elles doivent donner 
l'instruction gratuite. 

En conséquence , les Clarisses firent , le 2 janvier 1808 , l'ou- 
verture d'une école gratuite, en présence de M. le curé de 
Saint-Barnard et des personnes généreuses qui avaient fourni 
le mobilier de la salle. A cette occasion , le maire écrivit confi- 
dentiellement au préfet : « L'instruction publique ne retirera 
qu'un médiocre avantage de l'école gratuite que ces dames vien- 
nent d'ouvrir. Il y en a parmi elles qui n'ont ni l'âge ni les 
moyens nécessaires; peut-être y en a-t-il qui manquent de 
bonne volonté; mais aucune d'elles ne manque des vertus que 
leur état exige. » 

Les statuts signés par les Clarisses n'ayant pas été copiés 
littéralement sur ceux de leurs sœurs du Puy, l'évêque de 
Valence leur écrivit , le 4 février 1808, une lettre très-sévère 
pour leur reprocher de s'être permis des changements dans un 
objet d'une si grande importance. Il attribuait cette hardiesse à 
leur ignorance ou plutôt à une mauvaise direction. Il leur fait 
savoir que si elles veulent mettre leur volonté à la place du 
Gouvernement, il leur retirera sa protection. Enfin, il leur 
envoie tout copiés les statuts des Clarisses du Puy ; il les invite 
à les signer, à les faire revêtir des formes légales et à les 
adresser au préfet. 



492 société d'archéologie et de statistique. 

Voici en quoi consistaient ces statuts : 

« Art. 1 er . Les dames de Sainte-Claire se proposent de don- 
ner gratuitement l'instruction aux filles pauvres de la ville de 
Romans et des environs. 

» Art. 2. Elles sont gouvernées dans l'intérieur de leur mai- 
son par une supérieure, qu'elles élisent à la pluralité des voix 
et à laquelle elles donnent le nom i'abbesse ; elle est assistée par 
quatre d'entre elles, élues aussi à la pluralité des voix , appelées 
discrètes. 

» Art. 3. Elles ont des sœurs appelées converses , qui n'ont 
point de part au gouvernement, qui les servent pour les affaires 
extérieures de la maison, et qu'elles traitent avec charité et 
amitié. 

» Art. 4. Le temps de probation pour celles qu'elles reçoi- 
vent parmi elles est d'une année dans l'intérieur de la maison. 

» Art. 5. Chaque dame, avant d'être engagée, peut disposer 
de ses biens en faveur de ses parents ou en conserver la pro- 
priété; elle peut recueillir les successions ou héritages qui 
pourraient lui échoir; mais dès qu'une fille est agrégée dans la 
maison , l'usufruit qui en proviendrait doit être versé dans la 
masse pour subvenir aux besoins communs. 

» Art. 6. Les daâes de Sainte-Claire sont soumises pour 
le spirituel à l'évoque diocésain et pour le temporel aux magis- 
trats civils. 

» Ainsi arrêté par les dames Clarisses , réunies dans la ville 
de Romans, le 26 janvier 1808, pour être présenté à M. le maire 
de ladite ville , avec prière de transmettre la présente à M. le 
préfet de la Drôme, et ont toutes lesdites dames Clarisses 
signé individuellement : 

» Marie - Françoise Vallet, Claire Brenier, Marianne 
Revous, Marthe Châtain, Suzanne Châtain, Félicité 
Giraud, Marie- Victoire Champron, Marguerite Duc, 
Virginie Correard, Euphrosine Mossan, Marianne 
Chabert, Françoise Chotain, Florence Chirouze, 
Sophie Délaye, Laurence François, Anne Roland, 
Françoise François , Jeanne Gravoulet , Marguerite 
Vienet, Catherine Baude. 



LE GOUTENT DE SAINTE-CLAIRE DE ROMANS. 493 

» Vu par nous , maire de la ville de Romans , le 8 février 1808. 

» Signé : Dochier, maire. 

» Nous certifions que les statuts ci-dessus sont conformes à 
ceux que le Gouvernement a donnés aux dames de Sainte-Claire 
du Puy. 

» A Valence, le 13 février 1808. 

» Signé : J. F. Bécherel , évêque. » 

En conséquence , le préfet prit un arrêté , le 18 février, por- 
tant approbation provisoire de l'association religieuse des dames 
de Sainte-Claire qui a pour but de se consacrer à l'instruction 
gratuite des jeunes filles pauvres; ce qui fut approuvé, le 29, 
par le Ministre des cultes. 

Au commencement de r année 1813 , la communauté de 
Sainte-Glaire fut sur le point de se dissoudre ou du moins de 
quitter la ville. Nous ignorons les motifs vrais de cette dé- 
termination. La correspondance suivante en laisse entrevoir 
quelques-uns. 

(A continuer.) Ulysse CHEVALIER, 

Docteur-médecin. 



J94 société d'archéologie et de statistique. 



NÉCROLOGIES. 



M. TRACOL (Louis-François-Achille), 

architecte à Valence, 

membre titulaire. 



Né à Saint-Péray, en 1814, d'une famille peut-être valen- 
tinoise , car on trouve souvent ce nom dans les actes des notaires 
de la ville au XVc siècle , M. Tracol fit ses études au lycée de 
Tournon, avec beaucoup de succès, de 1826 à 1830. 

En 1840, il travaillait sous la direction de M. de Montricher 
aux études du chemin de fer de Paris à Marseille, et il entra la 
même année à l'École centrale des arts et manufactures. 

Il s'était constamment fait remarquer parmi les meilleurs 
élèves de l'école et obtint le numéro 3 aux examens de sortie et 
le diplôme d'ingénieur. 

Employé des ponts et chaussées de 1843 à 1850, il fit construire 
les digues du Rhône h Tournon , et quitta cette administration, 
sur sa demande, pour se consacrer à l'architecture. 

C'est à lui que nous devons une foule de constructions de la 
ville et des environs : la maison Anselme, Rue Neuve, les hauts- 
fourneaux de Soyons, la verrerie de Valence, le château de 
Crozat, pour le baron du Bay, et les maisons Céas, Dumien, Bret, 
Viriville et Meyer, qui inaugurent parmi nous le genre décoratif, 
si négligé depuis la maison des Têtes, le Pendentif et l'escalier 
Dupré-Latour. 

Artiste chrétien surtout; M. Tracol a excellé dans l'architec- 
ture religieuse : les restaurations de l'église d'Allex et les églises 
de Loriol, de Villeneuve-de-Berg et d'Arcens, de Guilherand, 
de Gervans, de la Teppe et de Saint-Joseph surtout rendront 
chère sa mémoire à tous ceux qui aiment à retrouver dans nos 
temples les beautés artistiques unies au sentiment de la foi, la 
simplicité à l'élégance, le naturel à la grâce. 

On lui doit aussi les temples protestants de Loriol, de Beau- 



NÉCROLOGIES. 4 95 

chastel , de Saint-Péray et de Combovin , ainsi que plus de vingt 
maisons d'école. 

Le plan de celle de Montvendre figura à Paris , à l'exposition 
universelle, sur la demande de H. le Recteur de l'académie de 
Grenoble, et a mérité les honneurs de la reproduction dans les 
journaux d'architecture. 

Simple dans ses goûts , studieux , modeste , M. Tracol était un 
homme d'honneur, et tout le monde acceptait sans hésitation ses 
décisions et ses conseils sages et désintéressés. 

Architecte d'arrondissement depuis 1870 , il est décédé le 31 
janvier 1872, emportant les regrets de sa famille honorable et 
l'estime de ses collègues de la Société d'archéologie et de ses 
concitoyens. 

Mais les monuments qu'il a construits perpétueront sa 
mémoire. 



H. DE PERSIGNY, 

membre correspondant. 

Né à Saint-Gemain-Lespinasse (Loire), le 11 janvier 1808, 
M. Jean-Gilbert-Victor Fialin, descendait , selon ses biographes, 
d'une famille dauphinoise. Effectivement, les anciens protocoles 
des notaires valentinois du XV« siècle renferment des actes 
nombreux relatifs aux nobles Fialin, capitaines de Grane et. 
marchands de Valence, à l'exemple des Gênas, des Seytres, des 
Palmier et de quelques autres dont la noblesse n'a jamais été 
contestée. 

Successivement militaire, publiciste, député en 1849, ministre 
de l'intérieur et sénateur en 1852, ambassadeur à Londres en 
18S8, ministre de l'intérieur pour la seconde fois en 1860 , duc 
en 1863 et président du Conseil général de la Loire, M. de Per- 
signy a tenu une large place dans les conseils et les actes du 
second empire. Mais nous laissons à d'autres le soin d'étudier et de 
juger sa vie politique, pour constater uniquement la remarquable 
impulsion imprimée par lui à l'étude sérieuse de nos archives 
publiques si longtemps oubliées. 



496 société d'archéologie et de statistique. 

Un ordre religieux , qui a rendu à l'histoire d'éminents ser- 
vices, avait , au XVIII* siècle , entrevu l'immense utilité des 
anciens documents pour entretenir chez ses élèves le goût des 
études solides, et dans ce but il avait doté chaque monastère 
d'un bibliothécaire, d'un archiviste, d'un historiographe et d'un 
écolâtre, dont les visiteurs généraux transmettaient les décou- 
vertes et les observations à un bureau littéraire unique. 

La Révolution ne permit pas aux Bénédictins de recueillir les 
fruits d'un semblable plan, et c'était M. de Persigny qui devait, 
en 1861 , le reprendre et le mener à bonne fin avec des éléments 
laïques. 

La presse et l'opinion publique accueillirent favorablement 
son projet ; les conseils généraux votèrent les allocations néces- 
saires pour l'exécuter, et les archivistes départementaux se mi- 
rent à l'œuvre avec un admirable zèle. 

En nous restreignant ici à la Drôme , combien de personnes 
avaient pu se rendre compte , avant la publication de son Inven- 
taire sommaire, des ressources que le dépôt départemental 
offrait à l'érudition? — Deux ou trois à peine, et cependant 
pour saisir la physionomie véritable du passé,. il faut l'étudier 
dans les titres contemporains , et pour cela il est indispensable 
que des érudits patients et laborieux secouent d'abord la pous- 
sière des chartiers monastiques ou des greffes judiciaires et 
classent, de façon à les retrouver toujours facilement, les titres 
authentiques sur lesquels les historiens asseoient leurs narrations. 

Combien ne sera pas plus merveilleux encore le résultat de 
l'œuvre de M. de Persigny lorsque des tables générales mettront 
dans chaque département toutes les archives publiques de la 
France au service des travailleurs sérieux qui voudront élucider 
un point quelconque de nos annales ! 

Ces considérations nous laissent espérer qu'au milieu même 
de nos regrettables divisions politiques il restera toujours. un 
champ neutre sur lequel on pourra rendre justice à chacun , le 
champ des études historiques et littéraires. 

Or, sur ce terrain-là M. de Persigny peut attendre patiem- 
ment la sentence de l'avenir : elle lui sera favorable. 



NÉCROLOGIES. 497 

M. Pierre-Louis-Élizabeth-Alfred JACQUIER de TERREBASSE, 

membre correspondant. 

Au mois de décembre dernier, dans son château de Ville-sous- 
Anjou (Isère), s'éteignait, à l'âge de 70 ans, un des plus savants 
et des plus habiles explorateurs de l'histoire de notre province. 
Né à Lyon, le 16 du même mois, en Tannée 1801, d'une famille 
d'origine dauphinoise , M. de Terrebasse fit à Paris d'excellentes 
études et publiait, à l'âge de 27 ans , la meilleure histoire que 
nous ayons du chevalier sans peur et sans reproche , arrivée 
aujourd'hui à sa 5 e édition et devenue en quelque sorte classique. 

trois fois élu député de l'Isère, de 1834 à 1842, membre du 
Conseil général pour le canton de Roussillon et maire de sa 
commune pendant 40 ans, il ne demanda jamais rien pour lui- 
même et poussa l'indépendance jusqu'à défendre à ses amis de 
solliciter pour lui une distinction, que les gouvernements se fus- 
sent honorés de lui accorder spontanément. 

« La politique , je ne m'en occupe plus , disait-il souvent ; j'ai 
c vu tant et de si tristes choses que je veux m'asseoir sur un ri- 
« vage si élevé que les agitations des partis ne pourront m'attein- 
« dre ; au milieu de mes livres je me sens fort ; ce sont des 
« amis sur lesquels je compte ; personne ne peut me les enlever, 
« et avec eux je brave les mauvaises passions. » 

* Oui , a dit fort éloqueminent sur sa tombe H. le président 
Fabre , il aimait les livres , les imprimeurs , les éditeurs et les 
libraires ; les livres furent en quelque sorte la passion de sa jeu- 
nesse ; il passa cinquante ans de sa vie à composer une des plus 
riches bibliothèques particulières de la province. Il connut 
Crozet et Reuouard , les bibliophiles de la Restauration ; il fut 
lié avec Charles Nodier et Brunet , dont les noms appartiennent 
à l'histoire bibliographique ; il s'honorait particulièrement de 
l'amitié de MM. Paulin Paris et Léon Rénier, membres de l'Aca- 
démie des inscriptions et belles-lettres ; il recevait chez lui fa- 
milièrement Louis Perrin , le typographe célèbre de Lyon , le 
docteur de Brye, son médecin et son ami, un des bibliophiles et 
des collectionneurs les plus délicats; Girard, son éditeur de 
Vienne, homme modeste, dont les connaissances en quelque 



498 société d'archéologie et de STATISTIQUE . 

sorte instinctives des antiques étaient un objet d'étonnement 
pour lui. » 

M. Sa vigne , imprimeur à Vienne , confirme les mêmes rensei- 
gnements et ajoute : Tous ceux qui ont pu connaître et apprécier 
M. de Terrebasse rendront hommage à son beau et noble carac- 
tère , aux charmes de sa conversation , à l'autorité de sa parole 
sincère et convaincue. Savant modeste , il ne faisait pas parade 
de son savoir; sa bienveillance était sans bornes pour ceux qui 
avaient son estime et dont il appréciait le mérite ; esprit distin- 
gué, homme du monde, il possédait les vertus de la famille et 
les qualités du cœur qui sont l'apanage des hommes d'élite. 

Ses connaissances profondes, les précieux documents im- 
primés et manuscrits de sa riche bibliothèque, dont il savait 
tirer parti avec tant de discernement, lui permettaient d'être pro- 
digue vis-à-vis des érudits et d'éviter à tous ceux qui le consul- 
taient de longues et pénibles recherches. 

Depuis 4850, H. de Terrebasse a plus particulièrement étudié 
l'histoire de notre province, et H. le président Fabre a très-exac- 
tement caractérisé en peu de mots ses excellentes publications : 
c Tousses travaux, dit-il, portent la forte empreinte de ce robuste 
esprit; sa science a quelque chose de mathématique dans sa 
précision : rien de hasardé, une critique sûre, des investigations 
judicieuses; il n'avançait que des faits certains, irrécusables, et 
recherchait la vérité historique dans sa plus scrupuleuse et sa 
plus pure acception ; avec cela un style vigoureux , clair et con- 
cis, frappé comme une médaille antique dans toute sa pureté, 
modèle de style historique, évitant le faux brillant, recherchant 
avec une noble et mâle simplicité l'expression propre, le mot 
technique : telles sont les solides qualités qui recommandent ses 
écrits et qui les rendent impérissables. » 

Un de ses biographes a fait remarquer que M. de Terrebasse 
était dans une situation exceptionnelle pour tout juger saine- 
ment, cultivant les lettres par goût et sans aucun but d'intérêt 
et jouissant par l'indépendance de sa fortune du rare avantage de 
pouvoir travailler d'inspiration , à son heure , à sa volonté , et 
non point à celle d'un libraire. Mais ces conditions avantageuses 
en apparence ont été le partage d'un assez bon nombre d'histo- 



NÉCROLOGIES. 499 

riens qui n'en sont pas moins restés partiaux et rivés à une co- 
terie, à un parti quelconque. D'où il est permis de conclure 
qu'en histoire comme en éloquence le cœur simple et droit, 
l'esprit sage et modéré peuvent avec un grand travail autant et 
plus pour l'immortalité de l'écrivain que les faveurs de la for- 
tune et les ressources de l'imagination. 

Au surplus , l'historien de Bayard était comme son héros un 
chrétien sans peur et sans reproche, un homme juste et intègre, 
équitable envers tous , mais nullement dupe des supercheries 
de la vanité ou de la passion ; le Tombeau de Narcissa et la Rela- 
tion des principaux événements delà vie de Salvmng de Bois- 
sieu sont là pour l'attester. 

La Biographie du Dauphiné a donné une liste des principales 
publications et éditions de M. de Terrebasse: Géra/rd de Rouœ- 
sillon, le roman de Prusse, les histoires de Palanus et du che- 
valier PaiHs, la chronique d'Aimar du Rivail, etc. 

Il a depuis lors préparé les Inscriptions antiques de Vienne en 
deux parties, l'une pour le moyen âge, qui est son œuvre , et l'au- 
tre pour l'époque romaine, due à la science profonde de M. Ail- 
mer, Tépigraphiste dévoué qui aujourd'hui encore parcourt la 
province, oubliant les douleurs recueillies en des travaux ex- 
cessifs , afin de réunir le plus de matériaux possible sur une épo- 
que lointaine et très-peu connue de notre histoire. 

D'après M. Sa vigne, cette publication, dont la première par- 
tie est seule imprimée , s'achève en ce moment et sera bientôt 
livrée à l'impression. Elle formera quatre volumes, accompagnés 
d'un atlas, contenant le foc simile de plus de 1000 inscriptions. 
Le môme auteur la définit ainsi : « C'est l'histoire de Vienne , 
de r Allobrogie , du Dauphiné , des monuments et des hommes 
de toutes les époques , histoire écrite d'après des documents in- 
édits sur le texte des inscriptions ; c'est une longue série de dis- 
sertations consciencieusement étudiées, offrant le charme et l'in- 
térêt que la plume élégante et facile de H. de Terrebasse savait 
jeter sur les matières les plus ardues , les plus arides de l'éru- 
dition et de l'histoire *. » 



(1) Journal de Vienne du 24 déc. 1871. 



200 société d'archéologie et db statistique. 

Les lecteurs du Bulletin savent parfaitement que la partie 
confiée à M. AUmer sera traitée avec non moins d'esprit et avec 
une égale érudition. 

M. de Terrebasse , au témoignage de M. Sa vigne , laisse encore 
des manuscrits en grande partie achevés et d'une importance 
capitale : une Histoire du roi Bozon et une Histoire des Dauphins 
de Viennois. Nous avons lieu d'espérer avec lui que ces travaux 
ne seront pas perdus pour la science et que H. Emile Giraud , 
notre cher et honoré président , se fera l'interprète de nos vœux 
auprès de la famille du regretté défunt. Il résulte de tous ces 
détails que la vie de l'écrivain consciencieux a été constamment 
remplie par l'étude et par les fonctions gratuites administratives. 
Atteint d'une maladie de l'estomac depuis plus de deux ans , il 
dépérissait de jour en jour ; mais l'esprit demeurait vigoureux 
et l'intelligence complètement lucide. Entouré des soins les plus 
touchants, il a pu avant de mourir revoir son gendre et son fils 
récompensés de leur bravoure devant l'ennemi, et jouir de son 
vivant de la considération et de l'estime de tous les érudits de 
la province. 

Et pendant que l'homme intègre pouvait s'endormir du der- 
nier sommeil sans le moindre remords, les sociétés savantes dont 
il faisait la gloire ont aussitôt gravé son nom à côté de ceux de 

Chorier, de Valbonnay s , de Salvaing de Boissieu de tous 

ceux qui ont aimé une province gouvernée par des chefs illus- 
tres, pleine de faits historiques mémorables, dotée d'excellentes 
coutumes , remarquable par le caractère de ses habitants , par 
le courage de ses guerriers , le talent de ses écrivains et de ses 
artistes , toutes choses qui justifient une prédilection pour le 
pays natal , au témoignage de Silvio Pellico : Vi sono quvndi ad 
ogmmo ragioni d'anna/re con qualche predilezione la nativa 
provincia, la nativa citta, U nativo borgo *. 



(1) D'après Y Armoriai du Dauphiné, auquel il a collaboré, M. de Terre- 
basse était fils de Louis Jacquier, anobli en 1814, sous-préfet de Meaux en 
1816, et de Françoise-Élizabeth du Bessey de Contenson. 

Sa terre de Ville-sous- Anjou, avec Terrebasse, Saint-Romain, Vernioz, 



NÉCROLOGIES. 204 



M. LE CHANOINE JOUVE. 



En 1866, « grâce à l'impulsion donnée par quelques hommes 
» de zèle et de goût , au nombre desquels il serait superflu de 
' » nommer M. Jouve , une Société archéologique s'organisait à 
» VaIence,etM.le chanoine en était élu vice-président i. » 

La vérité est que le rôle de M. Jouve fut alors entièrement 
passif. Il accepta le titre de vice-président que lui donnait 
l'arrêté préfectoral d'organisation provisoire et que les premières 
élections lui conservèrent. Sa démission remonte aux élections 
de 1868, et son contingent au Bulletin se réduit à un projet de 
statue à Mgr Milon, à une courte notice sur la chapelle des 
prisons neuves et sur le nouveau clocher de Valence. 

Cela dit, nous reconnaîtrons facilement avec H. l'abbé Per- 
rossier « qu'avant la naissance de notre Société H. le chanoine 
» Jouve en remplissait à lui seul le rôle et les fonctions, étudiant 
» et signalant nos monuments, compulsant nos bibliothèques 
» et nos archives, recherchant et publiant les titres et les débris 
» de notre passé. Lorsqu'en 1857, la Société archéologique de 
» France, si habilement et si savamment dirigée de ville en 
» ville par son illustre chef, M. de Caumont, vint tenir ses assises 
» solennelles à Valence, elle trouva dans H. le chanoine Jouve 
» un pilote et un guide aussi sûr qu'éclairé. Chargé de Torga- 
» nisation matérielle du congrès, il s'acquitta de cette tâche 
» avec zèle et intelligence ; il en défraya à lui seul presque 



Saint- Allon, Vitrieu, Assieu et Surieu avaient été acquises, en 1790, d' André- 
Julien Rigod. 

Il laisse de Hélanie Dupuis, d'une famille de l'Anjou: 

1° Alfred-Humbert de Terrebasse, licencié en droit; 

2° Élizabeth-Phélise de Terrebasse, mariée, le 25 novembre 1862, à Es- 
prit-Boniface Lionel marquis de Castellane , de la branche de Norante , l'aî- 
née des quatre qui subsistent encore. 

(1) Notice de M. l'abbé Perrossier dans le Journal de Montélimar, du 9 
mars 1872, sous le titre : Nécrologie : M. le chanoine Jouve. 

Tome VI. — 1874. 44 



202 société d'abchéoixkib et de statistique. 

» toutes les séances et sa profonde érudition intervint dans la 
» plupart des questions du programme ; il obtint pour nos 
» monuments diocésains quelques allocations et fut créé par 
» H. de Caumont inspecteur régionnaire du département de la 
» Drôme, au nom de la Société française d'archéologie, pour la 
» conservation des monuments historiques. » Ce dernier ren- 
seignement n'est pas entièrement exact : en effet, le Dictionnaire 
d'esthétique chrétienne, publié chez M. l'abbé Migne en 1856, 
qualifie H. le chanoine Jouve inspecteur de la même Société 
Quant au congrès archéologique de Valence, il suffit d'en lire 
r les comptes-rendus pour se convaincre des minces résultats 

} obtenus alors en histoire et même en archéologie. Cette réunion 

d'hommes instruits fut un éclair dans le ciel trop calme de notre 
ville, et, les séances finies, chacun reprit ses habitudes de 
paresse ou de travail; aucun lien, aucune relation n'avaient été 
établis entre eux. 
Le grand tort de M. le chanoine Jouve a été précisément de 
i n'avoir ni su ni voulu créer d'école qui conservât les vraies 

traditions de l'art et de la science, alors qu'autour de lui plu- 
sieurs jeunes gens laborieux et bien doués l'auraient volontiers 
agréé pour mattre. H. l'abbé Perrossier a parfaitement donné 
la raison de cet isolement. « Comme la plupart des philosophes 
» et des penseurs, M. Jouve était absolu dans ses vues et systé- 
i matique sur bien des points. » A l'appui de son dire l'érudit 
biographe cite Y Exposition canonique des droits et des devoirs 
dans la hiérarchie ecclésiastique, condamnée par Me r Chatrousse 
dans un mandement remarquable, non publié à cause de la 
soumission de l'auteur; une brochure sur la Basilique Saint- 
Pierre de Rome, dont il critique avec sévérité l'ensemble et les 
détails, disant son mot à Michel- Ange, à Raphaël et à toute la 
Renaissance avec très-peu d'égards ; et son projet d'ériger à 
Mg r Milon une statue dans sa ville épiscopale , projet froidement 
accueilli par le public et rejeté par la Société d'archéologie elle- 
même. 

Comme prédicateur, il parut avec succès dans quelques 
grandes chaires : à Saint-Eustache (Paris), où il fit ses premières 
armes, à Lyon, à Genève, à Arles, à Châlons-sur-Saône , à 



NÉCROLOGIES. 203 

Avignon, etc. « Jusqu'à la fin de ses jours, H. l'abbé Jouve a 
)> cultivé la chaire, et il ne se passait guère d'année qu'il ne 
» fût retenu pour quelque station importante d'avent ou de 
» carême. » 

En musique et en architecture , il appartenait à l'école dite 
gothique. « Son idéal était le moyen âge , avec ses mœurs si 
» chrétiennes, ses institutions et ses œuvres où tout respire la 
» foi la plus ardente et la piété la plus vive ; avec ses arts 
» tout imprégnés pour ainsi dire de l'esprit religieux et les 
» innombrables monuments dont cet âge de foi admirablement 
* féconde avait semé toute la surface de l'Europe chrétienne. » 

Afin de mieux se rendre compte de ces divers monuments 
chrétiens, il parcourut tour à tour la France, l'Italie, l'Allema- 
gne, l'Angleterre et la Belgique et consigna une bonne partie de 
ses appréciations dans son Dictionnaire d'esthétique, véritable 
encyclopédie sur la matière , « un des monuments les plus 
» considérables élevés à la gloire des arts dont le christianisme 
» a été l'inspirateur et le promoteur *. » 

Travailleur infatigable, il a publié de nombreux articles dans 
le Bulletin monumental, Y Institut catholique de Lyon, l'Union 
desprovmces, les An/nales archéologiques de Didron, le Courrier 
de la Drôme, la Revue des bibliothèques paroissiales d'Avignon, 
YAwrwavre de la Drôme, les Armales littéraires, religieuses et 
philosophiques d'Aico, la Voix de la vérité, VAmi des familles, 
de Valence, dont il présidait le comité de publication, et la 
Revue de Vart chrétien. 

M. Jouve joignait aux qualités du style un talent varié et uni- 
versel qui lui a permis de traiter avec succès la littérature , la 
musique, le droit canon et les questions sociales, comme au 
congrès de Troyes , où il aborda celle de l'enseignement primaire, 
et dans L'hypocrisie du vocabulaire libéral et révolutionnaire, 
discours destiné au congrès de Malines , où « des circonstances 
» imprévues l'empêchèrent de se rendre. » Des études profondes 
sur la musique et le plain-chant l'avaient préparé à la compo- 



(l) Annuaire de l'Institut des provinces, pour 1866, p. 389 et suit. 



204 société d'abchéologie et de statistique. 

sition , et Ton a de lui trois messes , divers motets et un Lauda 
Sion qui lui valurent les suffrages les plus flatteurs et le portrait 
de Rossini, envoyé par l'illustre maestro en témoignage de sym- 
pathie. 

Sa première messe en ut, exécutée à Lyon , à Valence et à 
Paris , le fut aussi à Munich, en présence de la cour de Bavière ; 
celle en ré se distingue par la simplicité et la distinction tout 
ensemble de la phrase mélodique, par son allure recueillie et 
pourtant aisée , par la clarté, la liaison, la substance de la con- 
texture harmonique, par un rithme toujours convenable et l'ac- 
cord de l'harmonie avec les paroles. Pareil accueil a été fait à la 
messe en si bémol. 

Il a aussi donné des recueils de cantiques , motets et d'an- 
tiennes, chez l'éditeur Repos. 

Si la liste des publications du chanoine Jouve suffit pour jus- 
tifier sa renommée, une seule, indépendamment de Y Exposition 
canonique , a eu les honneurs d'une critique raisonnée et mor- 
dante : La statistique monumentale de la Drame *. Aussi tra- 
vaillait-il à mettre les deux ouvrages à l'abri des reproches 
qu'ils avaient soulevés à l'origine. La mort ne lui a pas permis 
de voir la fin de sa Statistique : seul son traité de droit cano- 
nique a pu être achevé. 

M. Jouve (Esprit-Gustave), né au Buis le 1<* juin 1805 et 
décédé à Valence le 20 février, avait suivi pendant trois ans le 
cours de droit à la faculté d'Aix lorsqu'il entra au séminaire 
d'Avignon et de Saint-Sulpice à Paris. Diacre en 1828, il reçut 
la prêtrise à |24 ans , fut vicaire à Saint-Jean de Valence pen- 
dant quelques mois , secrétaire de Méf de la Tourette , membre 
du conseil épiscopal , chanoine titulaire en 1839 et doyen du 
chapitre en 1868. 

« Il nous laisse le souvenir de ses vertus privées et d'une 
» érudition qui le place au premier rang des savants dont le 
» département de la Drôme peut s'honorer. Archéologue et 



(1) Voir dans le Journal de Montélimar des 11, 18 et 25 janvier, 1", 22 et 
29 février et 7 mars 1868 les articles de M. l'abbé Perrossier sur cet ouvrage. 



NÉCROLOGIES. 205 

» musicien distingué, H. l'abbé Jouve a fait de nombreux ou- 
» vrages qui témoignent de son amour pour les lettres et les 
» arts. 

» C'était aussi un ami sûr et dévoué. Regretté de tous ceux 
» qui l'ont connu, estimé de tous les honnêtes gens, il laissera 
-> dans la Drôme le souvenir de ses vertus , de sa piété et de la 
» science qu'il tenait de Dieu K » 

On trouve dans la Biographie du Dauphiné le titre exact des 
publications de M. le chanoine Jouve , à l'exception toutefois de 
Y Aperçu historique sur Vorigi/ne et remploi des vitrauœ peints 
dans les églises, in-8°, Aix, 1841 ; de la Statistique monvr 
mentale de la Drôme, in-8°, Valence, 1867 ; du Mouvement 
liturgique en France cm XIX e siècle, in-8°, Paris, 1860, du 
Discours su/r l'hypocrisie du langage libéral et révolution/noire, 
in-8°, Valence, 1871, et des Notes archéologiques sur quelques 
églises du diocèse de Lyon, 1864. 

De nos jours il n'est permis qu'aux intelligences exception- 
nellement organisées de faire la part de l'étude et celle d'une 
société qui exige des individus une activité incessante et sans 
bornes. M. l'abbé Jouve avait encore une troisième part à foire, 
celle de son ministère. « Ce n'est pas seulement un amateur de 
» premier ordre, écrivait H. Horel de Voleine, c'est aussi un 
» digne prêtre , rempli d'érudition *. » 

D'après ses dernières volontés , sa modeste fortune doit être 
uniquement consacrée à des œuvres chrétiennes; quant à sa 
bibliothèque , il en a légué une bonne part à ses amis et à la 
ville de Valence. 

A. LACROIX. 



(1) Notice biographique sur M. l'abbé Jouve par M. Huz, dans l'Ordre et la 
Liberté du 23 février 1872. 

(2) Annuaire de V Institut des provinces , 1866. 



"s. 



206 société d'archéologie et de statistique. 



CHRONIQUE. 



. Je constaterai ici pour mémoire seulement la découverte , en 
ces derniers temps, d'un stèle, écrit en grec, défendant l'entrée 
du temple de Jérusalem , et celle d'un papyrus contenant , en 
langue cophte , plusieurs fragments du concile de Nicée ; ces 
faits généraux , fort intéressants d'ailleurs, ne doivent pas dé- 
tourner notre attention des antiquités particulières à notre 
région, si riche encore en objets mal étudiés jusqu'ici. 

Aussi ai -je accueilli avec une grande satisfaction la note sui- 
vante de M. Justin Brun-Durand , un de nos chers et dévoués 
collègues : 

« M. (Juirimand, président du tribunal de Die, qui joint à 
une science profonde du droit de grandes connaissances philo- 
logiques et archéologiques , m'a fait l'honneur de me commu- 
niquer diverses notes relatives à. un bloc de pierre conservé à 
Luc, notes fort intéressantes pour notre Société. 

» Trouvé à deux mètres environ de profondeur, lors de la 
reconstruction de la mairie de ce bourg, le bloc, de forme qua- 
drangulaire, est percé de quatre trous, creux ou bassins de 
grandeur différente et rangés dans l'ordre de leurs proportions 
de capacité. 

» Jugeant à première vue que ce pourrait bien être là un 
étalon de mesures gallo-romaines, H. Guirimarid chargea une 
personne de Luc de s'assurer de la contenance de chacun des 
bassins, et cette expérience ne fit que confirmer sa conjecture. 

» Sans être exactement la même que celle des mesures gallo- 
romaines , la contenance des trois plus grands trous se rap- 
prochait énormément de celle de l'amphore, du modius et du 
congius : 30 litres , 10 litres et 3 litres 75. Le quatrième bassin 
n'avait jamais été mesuré. 

» Une nouvelle expérience eut donc lieu quelque temps après, 
et celle-ci, faite dans les conditions les plus sérieuses par M. le 
Juge de paix et M. l'Agent-voyer cantonal de Luc, parait avoir 



CHRONIQUE. 207 

donné pleinement raison à M. Guirimand. Les capacités recon- 
nues en effet correspondent exactement 1° à celle l'amphore 
pour le 1<* bassin, soit 27 litres ou trois tnodii; 2° à celle du 
modius pour le 2 e , soit 9 litres ou 2 congii et 2/3; 3° à celle du 
congius pour le 3«, soit 3 litres 37 centilitres ou 6 sextarii ; 
4« enfin , à celle du sextarius pour le 4«, soit 56 centilitres. 

» Cela étant, la question peut être considérée comme tranchée, 
ce me semble, et le bloc de pierre signalé par le savant prési- 
dent du tribunal de Die est bien un étalon des mesures em- 
ployées autrefois dans l'un des marchés publics de Luc , l'an- 
cienne capitale des Vocon tiens. 

» Or, les monuments de ce genre sont , je crois , assez rares 
pour qu'il y ait intérêt à préserver celui-ci d'une ruine cer- 
taine. » 

J'aime à croire que H. le Maire de Luc ou quelque archéo- 
logue du voisinage , s'associant au vœu de notre Société , s'effor- 
cera de sauver de la destruction l'intéressant bloc de pierre 
signalé par M. le Président du tribunal de Die. 

Vers la fin de l'année dernière , M. Filliol, propriétaire au 
hameau de Sias, commune de la Roche-sur-le-Buis, découvrait, 
en travaillant son champ, une urne pleine de pièces de monnaie 
romaine, du module de nos pièces de 1 fr. ou de 50 c. 

Grâce à l'obligeance de M. Vachon , notaire au Buis , et sur- 
tout à l'érudition de M. de Berlhe , vérificateur de l'enregistre- 
ment à Valence , un de nos collègues, nous pouvons donner 
ici quelques détails sur ce petit trésor, composé de 218 pièces 
bien conservées , du poids total de 8 hectogrammes. 

Voici d'abord les renseignements fournis par M. de Berlhe 
sur les empereurs de l'époque correspondante à l'émission de 
ces pièces : 

Maximinus. — 235-238. — Commune. 
Paulina. — Rareté de 4« ordre (1). 
Maximus Cœsar. — Rareté de 4« ordre. 
Gordianus I, Africanus. — Rareté de 6 e ordre. 



(1) La rareté du 8* ordre est la plus grande. 



i 



208 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique. 

Gordianus II, Africanus. — Id. 

Balbinus. — 238. — Rareté de 2« ordre. 

Pupienus. — Rareté de 2« ordre. 

Gordianus III. — 238-244. — Commune. 

Tranquillina. — Rareté de 8 e ordre. 

Philippus I. — 244-249. — Commune. 

Otacilia. — Commune. 

Philippus IL — Commune. 

Marinus. — N'existe pas en argent. 

Jorapianus , monnaie coloniale. — N'existe pas en argent. 

Pacatianus. — Rareté de 8 e ordre. 

Spormanus, monnaie Coloniale. — Rareté de 8 € ordre. 

Trajanus Décrus. — 249-251 . — Commune. 

EtruscUla. — Commune. 

Herennius EPruscus. — Commune. 

Hostilianus. — Rareté de 2 e ordre. 

Trebonianus Gallus. — 251-253. — Commune. 

Volusianus, Caïus Vibius Ap/nius. — Commune. 

Mmilianus. — Rareté de i«* ordre. 

Cornelia Sivpera. — Rareté de 8* ordre. 

Valerianus, Publius Licinius. — 253-260. — Commune. 

Mariwiana. — Rareté de l» ordre. 

Gallimus, Publius Licinius. — 260-268. — Commune. 

Salonina. — Commune. 

Saloninus (Voir Herenius Etruscus Publius Licinius). — 

Commune. 
Postumus, Mardns. Cassianus , Latinius. — Commune. 

Dans les pièces de cette série l'argent représente à peine le 

1/4 du poids total. 
A dater du règne de Septime-Sévère on ne trouve plus de 

monnaies d'argent pur jusqu'à Dioclétien f c'est-à-dire de 193 à 

284, soit environ un siècle) ; de Gallien à Quietus il n'y a que 

du billon ; de Claude le Gothique à Dioclétien , il n'y a que du 

bronze saussé. 

M. de Berlhe a eu sous les yeux les empreintes de 80 de ces 
médailles et il y a reconnu : 



CHRONIQUE. 209 

Maximinus. 

Gordkmus III, avec les revers : Virtufo Augusti; Meurs Pro- 

pugn (ator) ; Jovi Statori. 
Philippus I, avec les revers : Mtermtas augg; seoulum novum ; 

félicitas impp. 
Otacilia. 
Philippus //, avec le revers : Liberahtas augg. (distribution 

d'argent aux troupes ). 
Trajcmus Decius , avec le revers : Adventus aug. 
Etr us cilla. 
Herewniu-s Etrusous. 

Treboniamis Gallus, avec le revers : Provident. 
Volusia/rvus. 

Valeria/rms , avec le revers : Jovi crescent. 
Gallienus , avec le revers : Germa/nia. 
Salonina, avec le revers : Pietas. 
Salomnus. 
Postumus. 
M. Vachon indique 50 Philippe, — 36 Gordien,— 23 Gallien, 

— 18 Decius , — 16 Gallus , — 18 Galerius , — 12 Valerianus , 

— 12 Salonina,— 8 Volusianus, — 7 Octacilla Severa,— 
5 Her. Etruscilla Augusta , — 3 Licinius , — 3 Posthumus , — 
2 Maximinus, — 1 Alexandre-Sévère, — 1 Antonin, — 1 Emi- 
lien , — 5 Ant. Gordianus Aug. — Ce trésor est à vendre. 

M. Jacques Guillemaud, un de nos membres correspondants, 
vient de publier dans la Revue archéologique (livr. de février 
1872) une étude intéressante sur le tombeau du roiClodomir 
à Vézeronce (Isère) , connu dans le pays sous le nom de Molard 
de Koenne. 

Or, molard, dans le langage des habitants signifie une éléva- 
tion de terre factice, ce que nous appelons un tumulus ; de plus, 
les Francs et Bourguignons donnaient au roi le nom de koewning. 

D'où il résulte clairement que le Molard de Koenne signifie le 
tumulus du roi (Clodomvr), le Rey argot du langage vulgaire 
actuel. 

M. Guillemaud exprime le vœu , auquel nous nous associons 



240 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE fit DE STATISTIQUE. 

de grand cœur, de voir fouiller sérieusement le Molard de 
Koenne, ou le tumulus du champ de bataille de Vézeronce, c'est-, 
à-dire le plus vieux monument de ce genre qu'on puisse assi- 
gner d'une façon certaine à un de nos rois. 

Outre les découvertes de sépultures faites au pied du coteau , 
le casque des tourbières de Saint-Didier, actuellement au musée 
de Grenoble , donne une grande actualité à l'étude de M. Guille- 
maud et aux fouilles qu'il propose. 



Ouvrages reçus pendant le 



Bulletin de la Société de statistique, sciences et a/rts du 
département des Deux-Sèvres, N.° 7-10. ' 

Mémoires de la même Société, contenant le cartulaire de 
l'abbaye royale de Notre-Dame des Chatelliers, 1 vol. in-8<>. 

Journal mensuel des travaux de l'académie nationale, dé- 
cembre 1871 , janvier et février 1872, 2 liv. in-8°. 

Procès-verbaux des séances de la Société des lettres, sciences 
et arts de VAveyron, du 1 er juillet 1868 au 5 juin 1870, 1 vol. 
in-8°. 

Société littéraire, scientifique et artistique d'Apt. Statuts et 
règlement. Broch. in-8°, 1871. 

Congrès archéologique de France, séances générales tenues à 
Lisieux, en 1870, 1 vol. in-8°. 

Mémoires de V Académie des sciences, belles-lettres et arts de 
Marseille, 1870-71 , 1 vol. in-8°. 

Répertoire des tra/oaMxde la Société de statistique de Marseille, 
1872,1 vol. in-8o. 

De la publicité légale , rapport à la même Société par M. 
Segond Cresp. 

Bulletin de V Académie delphinale, 1870, 1 vol in-8°. 

Société des antiquaires de la Morinie. — Bulletin historique , 
71, 72, 73, 74, 75 et 76 e livraisons, 3 broch. in-8°. 

Notes chronologico^historiques -sur Pévêché de Grenoble, de 
1151 à 1237, par M. Edmond Maignien ; Grenoble, 1870, Pru- 
dhomme, broch. in -8°. 



CHRONIQUE. 2\\ 

Revue des Sociétés savantes , octobre, novembre et décembre 
1870,1 vol. in-8o. 

Vart poétique d'Horace, avec une double traduction, par 
M. Vidal, instituteur à Hontélimar en Dauphiné, Avignon 1783, 
1 vol. in-12 (offert par M. Vaschalde, de Vais). 

Biographie historique des magistrats de l'ordre judiciaire et 
civil, des ecclésiastiques et des officiers des armées de terre et de 
mer qui sont nés ou qui ont résidé à Grignan depuis le XI e 
siècle jusqu'à nosjou/rs, par L. Devès, greffier de paix du canton 
de Grignan. Montélimar, 1872, Bourron, broch. in-8° de 84 p. 

Revue archéologique, février 1872, broch. in-8°. 

Association scientifique de France, bulletin hebdomadaire 
N.o217. 

L'enseignement commu/nal obligatoire, gratuit et laïque , par 
M. le docteur Dupré de Loire, Valence, 1872, Céas, broch. in-8° 
de 84 pages. 

Le Figaro du 21 mars annonce la publication très-prochaine 
d'un recueil de poésies remarquables, sous le titre de Patria, 
par M. Louis Galle t, membre correspondant de notre Société. 
Cet écrivain de la Drôme est l'auteur d'un opéra couronné, il y 
a' deux ans, à l'académie de musique. 

Un autre de nos compatriotes , M.. Léon Grandet (Barracand), 
vient aussi de livrer aux amis des lettres un volume de poésies, 
sous le titre de Jeannette (Paris, Alph. Lemerre, 1872), excel- 
lent poème, plein de charme, de fraîcheur et de patriotisme. 

Honneur à ceux qui travaillent à élever les cœurs et à sauver 
la littérature et l'honneur de la France. 

Au moment de clore cette chronique nous apprenons une 
douloureuse nouvelle : celle de la mort de M. le duc d'Uzès , 
correspondant de la Société. Nous lui consacrerons une notice 
dans la prochaine livraison . 

Même ajournement pour la grotte de Soyons qu'explorent en 
ce moment MM. de Lubac et Lepic. 

A. LACROIX. 



2J2 société d'archéologie et de statistique. 



TABLEAU DES MEMBRES 

DE LA SOCIÉTÉ DÉPARTEMENTALE 



D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE 

DE LA DROME, 



Président d'honneur. 

M. ANDRÉ, préfet de la Drôme. 

Présidents honoraires* 

M. le comte MONIER de la SIZERANNE, à Paris. 
M. GIRAUD (Emile) , ancien député , à Romans. 
Mgr GUEULETTE , évéque de Valence. 
M. FERLAY , préfet honoraire , à Valence. 

Membres fondateurs. 

MESSIEURS 

BAILLY, architecte du Gouvernement, à Paris. 
GIRAUD (Emile), ancien député, à Romans. 
LACROIX SAINT-PIERRE, ancien député, à Ghabeuil. 
MONIER de la SIZERANNE (le comte), à Paris. 
MORIN , ancien député , membre du conseil général. 
De MONTLUISANT, colonel d'artillerie, à Saint-Omer. 
MOTTET-D'AUBENAS, à Paris. 
LACROIX de P1ZANÇ0N (le marquis). 

Membres titulaires. 

MESSIEURS 

ALLÉOUD, notaire à Luc. 

ARNAUD, pasteur à Crest. 

AULAN (le marquis D'), à Aulan près Séderon. 

ARCES (le comte D'), à Mercurol. 

BEGOU (l'abbé), vicaire général à Valence. 

BELLON, maire de Charpey. 



TABLEAU DE LA SOCIÉTÉ. 2J3 

BERGER, procureur général à Riom. 
BERLHE (De), vérificateur de l'enregistrement à Valence. 
BERNARD, architecte à Valence. 
BERNARD , docteur-médecin à Montbrun. 
BERNAULT, président du tribunal de Bourgoin. 

BERNON (le baron Prudent De), ancien maître des requêtes au Conseil d'État. 
BERNON (le baron Just De), trésorier-payeur général de la Drôme. 
BESSON j)es BLAINS, maire d'Ambronay (Ain). 
BIMARD (le marquis De), à Chabeuil. 
BUCHE , notaire à Saint-Donat. 
BOISSON, percepteur à Mirabel. 
BONNET, docteur en médecine à Valence. 
BOTTU de VERGHÈRES , à Saint-Jean-de-Muzols. 
BOURRAS, conseiller de préfecture du Rhône. 
BOVET, notaire à Grest. 
BRUN-DURAND (Justin), à Grest. 
BRUYAS (Emile), à Lyon. 
CHARRÂS fils, négociant à Nyons. 
CHABRIÈRES- ARLES, banquier à Lyon. 
GHABRILLAN (le comte Fortuné De), à Paris. 
GHÂNSIERGUES du BORD (le baron De), à Saint- Paul -trois -Châteaux. 
CHAUFFEUR, architecte à Valence. 
GHARETON (le général), député , à Versailles. 
CHEVALIER (Ulysse), docteur en médecine à Romans. 
CHEVALIER (l'abbé C), correspondant du Ministère de l'instruction pu- 
blique, à Romans. 
CHEVALIER (Jules), vicaire à Montélimar. 
COLONJON (De), à Saint-Vailier. 
COSTON (le baron De), notaire à Montélimar. 
COUSTON (le général), au Puy-en-Velay. 
CHENEVIER (Antonin), imprimeur à Valence. 
GLAIRFOND, ancien notaire à Montelier. 
DÉRIARD , directeur de la verrerie , à Valence. 
DUMONTEIL , principal du collège de Crest. 
DUPORTROUX, à Romans. 

DUPRÉ DE LOIRE, docteur en médecine à Valence. 
DUVERNET, chef de division à la préfecture, à Valence. 
DUPRÉ-LATOUR, docteur en médecine à Valence. 
ÉPAILLY, architecte, inspecteur diocésain, à Valence. 
FORCHERON (Emile), juge à Valence. 
FRANGONNIÈRE (le général De), à Valence. 
FAURE-BIGUET, procureur de la République à Roanne. 
FLORANS (le comte De), à Tain. 

FAYOLLE (l'abbé), professeur au petit-séminaire de Valence. 
FAURE, vice-président du tribunal de Valence. 



244 société d'archéologie et de statistique. 

GALLIER (Anatole De), à Tain. 

GELLY de MONTGLA (le général), à Grenoble. 

GUICHARD , avocat à Valence. 

GUILLEMINET, professeur au collège de Valence. 

GILLY (Louis), à Valence. 

GARNIER (L'abbé Cyprien), professeur à Montélimar. 

HUGUENIN, négociant à Valence. 

HUGUES (l'abbé), professeur au petit-séminaire de Valence. 

ISNARD (l'abbé), curé de Tulette. 

JOHANYS , bibliothécaire à Valence. 

JASSOUD (l'abbé), desservant au Laris. 

JACQUEMET (Léon), employé au télégraphe de Valence. 

LACROIX , archiviste à Valence. 

LAMBERT, ex-maire de Gombovin. 

LAMORTE-FÉLINES, juge de paix à Die. 

LATUNE (Charles), à Crest. 

LAURENS , ex-maire de Die. 

LE BLANC (Fabius), à Nyons. 

LARNAGE (Vincent De GARC1N De), à Tain. 

LANTHEAUME, propriétaire au Pôcher-sur-Omblèze. 

MACHON (Henri), à Tain. 

MALENS, député , à Versailles. 

MARC-AUREL (Jules), à Valence. 

MARCELLIN, conseiller à la cour d'appel de Grenoble. 

MARCHAUD, agent-voyer d'arrondissement à Nyons. 

MARTIN , docteur en médecine à Grignan. 

MAURIN (Alcide), docteur en médecine à Crest. 

MONIER de la SIZERANNE (le vicomte Fernand), à Paris. 

MORIN-PONS, à Lyon. 

MONTROND (le baron De), maire de Recoubeau. 

MOUTIER (l'abbé), curé de Saint-Nazaire-en-Royans. 

MAZET (l'abbé), professeur au petit-séminaire de Valence. 

MONTCHENU (le vicomte De), à Montchenu. 

MARCIEU (le marquis De), à Crépol. 

MIRIBEL (le vicomte De), à Hauterives. 

NUGUES, banquier à Romans. 

NUGUES (Alphonse), à Romans. 

ODOARD (Henri), maire de Chantemerle. 

PAYAN, docteur en médecine à Valence. 

PAYAN-DUMOULIN (De), conseUler à la cour d'Aix. 

PAMPELONNE (De), ex-lieutenant de vaisseau, à Valence. 

PELOUX, ingénieur à Valence. 

PERROSSIER (l'abbé Cyprien), curé d'Égluy. 

PLAN-LACONDAMINE , à Die. 

PLANTA (De), à Montélimar. 



TABLEAU DE LA SOCIÉTÉ. 245 

PLAUCHE-BEÀUCAIRE, curé-archiprêtre à Romans. 

POINÇOT, agent-voyer en chef à Valence. 

PRUNIÈRKS (le comte De), à Valence. 

REY, notaire à Saillans. 

R1CHAUD, principal dn collège de Valence. 

ROBERT (Charles), à Paris. 

ROMAN , président du consistoire de Valence. 

ROSTAING (Charles De), à Vaieiice. 

ROBERT, avoué à Valence. 

S1ÈYES (le marquis De), à Valence. 

S1ÉVES (le vicomte De), à Beauchastel. 

SOULIER (l'abbé), curé de Vesc. 

SESTIER , notaire à Montélimar. 

SOLLIER, avocat à Valence. 

THIBAUD (l'abbé), curé de Mirmande. 

THANNARON , ancien maire du Bourg-lès- Valence. 

T AMP 1ER , négociant à Valence. 

TRACOL fils, architecte à Valence. 

VALLENTIN, juge à Montélimar. 

VERDET, négociant à Avignon. 

VIGNE (l'abbé), vicaire-général à Valence. 

VERTDPIER, à Crest. 

VEYRENC (l'abbé), curé de Propiac. 

Membres correspondants. 

MESSIEURS 
ALÈGRE (Léon), à Bagnols. 
ANSELME de PUISAYE (D'), à Avignon. 
ANDIGNÉ (le marquis D'), colonel d'état-major, à Condillac. 
BAUME-PLUV1NEL (le marquis De La), à Paris. 
BODFFIER (Amédée De), à Valence. 
BOUCHARDON (Gustave), maire d'Àrzai, à Bonne vaux. 
BÉRENGER (le marquis De), à Sassenage. 
BARELLE (l'abbé), curé de RLbiers. 
OAIZE (Albert), à Paris. 

CHAMPOLLION (Aimé), chef de bureau au Ministère de l'intérieur, à Paris. 
CHAPER (Eugène), député, à Versailles. 
CAIZE , inspecteur divisionnaire des douanes à Tarbes. 
Mgr DAVID, évoque de Saint-Brieuc. 
DUBOIS, juge de paix à Thueyts. 
FAYARD , conseiller à la cour de Lyon. 
FIVEL, architecte à Chambéry. 
FAUCHER (Paul De), à Bollène. 
FALAVEL, notaire à Saint-Marc eil in. 
GALLET (Louis), économe de l'hospice Beaujon à Paris. 



246 société d'aachéologie et de statistique. 

GRAND (Vincent), à Marseille. 

GONTIER (Léon), notaire à Pont-Chérui. 

GAR1EL, bibliothécaire à Grenoble. 

GRÉAU (Julien), à Troyes. 

GIRODET (Victor), directeur des contributions directes à Digne. 

GUILLEMAUD (Jacques), à Paris. 

GUEYFFIER , juge de paix à Bressieu. 

GARDETTE (La), doeteur en médecine au Cheylard. 

HELME, juge d'instruction à Embrun. 

LAINGEL (le marquis De), à Paris. 

LARROQUE (Louis De), avocat à Paris. 

Mgr LYONNET , archevêque d'Alby. 

LAFAYOLLE, juge de paix au Cheylard. 

MAIGNIEN (Edmond), à Grenoble. 

MAURIN (Léopold), à Marseille. 

MAISONNEUVE, à Paris. 

MONTS (le vicomte De), à La Côte-Saint- André. 

MASSÉ , professeur à la faculté de Grenoble. 

MAZON, à Paris. 

OLLIER de MARIGHARD , à Vallon. 

PILOT (Emmanuel), à Grenoble. 

PONCIN (le vicomte De), à Feurs. 

PEYROT, chef de division à la préfecture de Grenoble. 

PALLIAS (Honoré), à Lyon. 

RAYMONDON, architecte à Privas. 

REYNAUD (Horace), substitut à Roanne. 

ROUX, juge à Bourgoin. 

ROZIÉRES (Ernest De), à Garpentras. 

ROMAN (Joseph), avocat à Gap. 

ROUIN (Flavien), receveur des postes à Gap. 

ROCHER (Henri De), à Bollène. 

ROCHAS (Adolphe), à Paris. 

ROSSET (l'abbé), chanoine honoraire à Argelès. 

SAINT-GENIS (Victor De), conservateur des hypothèques à Civray. 

SALIN (Patrice), chef de bureau au Conseil d'État, à Paris. 

SA1NT-FERRÉ0L (le vicomte De), à Oriage. 

TERREBASSE (De), à Ville-sous-Anjou. 

TERRIS (l'abbé), professeur à Avignon. 

DZÈS (le duc D'), à Paris. 

VALLIER (Gustave), à Grenoble. 

VILLED1EU (Eugène De), au château de Berzème. 

VALSERRES (Jacques), rédacteur à Paris. 

VASCHALDE, directeur de l'établissement thermal de Vais. 

(La prochaine livraison donnera les noms des membres du bureau.) 



ESSAI HISTORIQUE SUE LA BARONIUE DE CLÉ RI EU. 247 

ESSAI HISTORIQUE 

SUR 

LA BARONNIE DE CLÉRIEU 

ET SUR 

LES FIEES QUI EN ONT DÉPENDU (i). 



FIEFS ET ARRIERE-FIEFS. 



CHAPITRE SECOND. 



Lie» arrlère-fleffc. 

(SUITE). 

— <x>:*:o« — 

Batemay, Villa in Basternaco, Baternaicum, Bastarnay, 
(285 habitants). 

Avant d'arriver à Charmes, en venant de Saint-Donat, on 
quitte la vallée de l'Herbasse pour s'enfoncer à gauche dans 
une autre vallée plus étroite, en suivant presque toujours les 
bords d'un torrent , par un chemin sablonneux , peu accessible 
aux voitures, où les piétons s'avancent avec peine. A deux kilo m. 
environ, on aperçoit à droite la tour carrée de Saint-Murys, 
adossée à des constructions plus récentes. Cet ancien manoir 
sur une colline dépendait, comme nous le verrons, de Mont- 
chenu. Le sol de la contrée est peu fertile et médiocrement 
boisé. Après une heure de marche , on côtoie la forêt de Bar, 
exploitée autrefois par les Méyerie ou la Mérie , nobles verriers 
originaires de Ponf-en-Royans , qui fondèrent ici au XV« siècle 



(i) .Voir 3* livraison, p. 273, V livr., p. 16,6- livr., p. 253, 8 B livr., p. 65, 
lflivr., p. 405, t2- livr., p. 39, 13- livr., p. 127, H* livr., p.,269, 15* livr., 
p. 360, 16- livr., p. 59, 18« livr., p. 306, 19* livr., p. 410. 

Tome VI. — 1872. 15 



248 société d'abchéologie et de statistique. 

l'établissement de la Combe-de-Ver, et l'on distingue le petit 
village de Baternay, mais on est encore séparé par une pente 
assez raide des quelques maisons groupées au-dessous de l'église. 
Cet édifice en forme de croix latine présente un chœur roman, 
le reste fut reconstruit par Imbert de Baternay ; à toutes les clés 
de voûte on remarque les armes de ce seigneur, d'or écartelé 
d'azur, entourées du collier de Saint-Michel , qu'il obtint en 
1490. Il n'y a qu'une nef; les faisceaux de colonnettes dépour- 
vues de chapiteaux se prolongent en nervures jusqu'aux clés de 
voûte, système architectural qui ne s'emploie que dans les cons- 
tructions de peu de portée. Une date est gravée au-dessus de 
la porte : L. M.CCCCC. XX. A côté de l'église, l'ancien château, 
de la même époque , en partie ruiné. Ce qui subsiste sert de 
presbytère. Remanié à l'intérieur, il n'offre de curieux que 
deux grandes fenêtres à ogive trilobée. Derrière le cimetière, 
le terrain redescend brusquement; sur le premier gradin, 
quelques bandes de prairies, des bouquets d'arbres entourent 
le village; un cirque de montagnes nues ferme l'horizon. Au 
milieu de cette thébaïde aride fut le nid féodal d'une race de 
hobereaux, transplantée par la faveur royale sur un plus grand 
théâtre, où elle ne brilla un moment que pour s'éteindre 
bientôt. 

Le prieuré, sous le vocable de Saint-Étienne , appartenait au 
chapitre de Romans. Le 27 novembre 942, Otrannus, prêtre, 
fit don de cette église à Saint-Barnard , s'en réservant l'usufruit 
à lui et à trois de ses parents , sous la censé de deux livres de 
cire à l'abbaye. Les clercs du prieuré de Saint-Vallier s'en em- 
parèrent par la violence; mais deux bulles des papes saint 
Léon IX (1050) et Urbain II (vers 1095) en ordonnèrent la 
restitution. Les noms de quelques-uns des prieurs nous ont été 
conservés : Jarenton de Claveyson en 1323, Pierre Bovis en 
1347, Guillaume de la Motte-de-Galaure en 1353 (I). 

Girard de Baternay, 1** du nom, chevalier, seigneur dudit 
lieu , rend le château au chapitre de Vienne le lendemain de la 

(t) Cartulaire de Saint-Barnard, N. M 2, 7, 131; — Inventaire des arSh. 
de Charmes, au château de Peyrins, comm. par M. Lacroix, archiviste du 
département. 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BÀRONME DE CLÉRIEU. 249 

fête de Saint-Georges (24 avril) 1255 , au nom du seigneur do- 
minant, Roger de Clérieu, qui en avait fait la reconnaissance 
quelques jours auparavant. Déjà le 7 janvier 1253 Silvion III de 
Clérieu s'était soumis pour cette place à la mouvance de 
l'église de Vienne. Ces actes furent renouvelés en 1273 par un 
autre Silvion de Clérieu. Ce qui n'empêchait pas Girard, dé* 
pendant de plusieurs suzerains, de reconnaître de son côté 
tenir Baternay en fief d'Àudebert, seigneur de CMteauneuf, 
ainsi que du seigneur de Hoirenc. On comprend les difficultés 
qui devaient naître d'une organisation aussi compliquée. Girard 
eut des contestations avec le prieur du lieu au sujet des acqui- 
sitions faites sur le mandement par cet ecclésiastique ou ses 
prédécesseurs. Elles furent réglées le 3 des calendes de mai 1269 
par la médiation de Bozon de Chftteauneuf , damoiseau. Girard, 
peut-être fils de Jordain , vivant en 1240 suivant l'abbé de Ma- 
rolles, eut pour femme Catherine, et pour enfants Guillaume, 
Hugues , Roland et probablement Agnès , religieuse à l'abbaye 
de Saint- André-le-Haut à Vienne (1). 

Guillaume de Baternay avait succédé à sou frère dès 1278. 
En 1288, il rendait hommage avec ses frères Roland et Hugon- 
net à Guillaume de Moirenc, seigneur de Châteauneuf-de-Ga- 
laure et Ratières. On lui connaît deux fils, Jordan, qui continua 
la lignée, et Bernard, qui entra dans l'ordre dauphinois de Saint- 
Antoine. En 1324 il possédait la commanderie d'Angleterre et 
l'année suivante il avait passé à celle de Marseille , sans doute 
plus importante (2). 

En 1308 Jordan de Baternay, 1 er du nom, de concert avec 
Hugues et Girard de Baternay, neveu dudit Hugues, renouvelle , 
à l'occasion de son investiture , l'hommage dû à Guillaume de 
Moirenc. Il parait que Baternay restait alors indivis entre plu- 
sieurs seigneurs de la même famille. Jordan eut de son mariage 



(1) Registres capitulaires de V église de Vienne, toi XL VII, XL VIII, XL IX, 
LUI; — Charvet, Histoire de l'église de Vienne, p. 397, 408; — Le même, 
Mémoires pour servir à l'histoire de l'abbaye royale de Saint- André-le-Haut 
de Vienne, publiés par M. P. Allut, p. 87; — Notes de Moulinet; — G. 
àllard, Généalogie manuscrite des Baternay, à la bibliothèque de Grenoble. 

(2) Moulinet. — Inventaire de Charmes. 



220 société d'archéologie et de statistique. 

avec noble Isabel de Surieu 1° Bernard , 2° Guillaume , père 
de Roland et Raimond , qui vivaient en 1347; il hommagea en 
1344, avec son frère aîné Bernard , à Geoffroy de Moirenc; 3° 
Catherine, mariée en 1314 à Amé des Prez de Crispol. Elle reçut 
en dot 200 livres viennoises. Peut-être est-ce cette Catherine 
de Bastarnay, domicella, dont on voit dans le cloître de l'église 
Saint-Donat la pierre tombale sans date , mais avec cette indi- 
cation « cujus anniversarius débet fieri ». On sait que la quali- 
fication de domicella pouvait s'appliquer aux femmes mariées 
et aux veuves, 

Bernard exerçait des droits dans le mandement de Montchenu. 
De son mariage avec Sibille de Limon, aliàs de la Cour, dont 
la famille avait des possessions au même lieu , il laissa Jordan , 
2 e du nom, coseigneur de Baternay, pour lequel il rendit hom- 
mage en 1351 à Geoffroy de Moirenc. L'année suivante il acheta 
la moitié du château, du consentement de Roland de Baternay, 
son cousin germain. En 1407 il se reconnaît le vassal d'Hugon- 
net de Montchenu , successeur des Moirenc dans les seigneuries 
de Châteauneuf-de-Galaure et de Ratières. Le 11 mai 1361 il est 
présent à l'hommage de Falques de Montchenu à Aymar de 
Bressieu pour Viriville et Thodure. On a quelques autres actes 
concernant ce Jordan. Le 25 mai 1381 il avait affermé à Micha- 
lon Baraton le four banal, avec le droit de prendre des bois 
pour cet usage, sous la censé de huit sétiers de seigle et de 
deux de froment ; d'autre part , le prieur faisait cuire son pain 
pour l'usage de sa maison et famille moyennant un sétier de 
froment et une émine de seigle. Mais le revenu dut être gran- 
dement réduit par la transaction de 1377, qui rendit les habi- 
tants libres , francs et immunes de moudre leur blé au moulin 
seigneurial. Jordan albergea les moulins de la Cour sur la ri- 
vière de Limone , jouxte le chemin de Montchenu à Limone, qui 
lui venaient sans doute de sa mère Sibille. Enfin ce fut lui qui 
acquit la terre de Marges de Constance Alleman , femme de 
François de Sassenage. Il avait épousé noble Eymare, fille de 
Pons de Nerpol , seigneur de Charmes, et de Loyse de Moirenc , 
qui reçut neuf cents florins d'or en dot et testa en 1369. Il se re- 
maria en 1375 à Élise Iserand , veuve de noble François d'Ay, 



ESSAI HISTORIQUE SDR LA BARONNIE DE CLÉR1EIJ. 224 

dit Papillon , et laissa de son premier mariage , entre autres en- 
fants, Joachim, qui lui succéda. 

Noble et puissant seigneur Joachim de Baternay, seigneur 
dudit lieu, de Marges et de Charmes par testament de son on- 
cle Arthaud de Nerpol , vivait encore en 1420. De son mariage 
avec Anne ou Agnès de Chavannes il eut Arthaud et plusieurs 
autres enfants. 

Arthaud de Baternay, seigneur de Baternay, Charmes et Mar- 
ges , assistait en 1458 au mariage d'Antoine du Palais avec Ca- 
therine de Chastellard , et ne vivait plus en 1478. Il épousa Ca- 
therine Gastonne ou de Gaste, Gastonis, qui lui donna une 
nombreuse postérité. 1° Antoine, l'aîné de la famille, eut pour 
sa part Baternay, passa en Normandie, où il se maria avec Renée 
de Houllefort, mais ne laissa que. deux filles, qui firent de 
grandes alliances : Marguerite épousa Jean d'Harcourt, seigneur 
de Saint-Aubin , et Catherine , François de Laval , seigneur de 
Marcilly et Saumoussay, de la maison de Montmorency. On a 
un albergement passé au nom d'Antoine par noble Antoine 
Farmer, son procureur fondé, à André Rigaud sur la paroisse de 
Baternay de la venaison et chasse des conils par le circuit d'une 
terre et bois voisins dudit André , d'une contenance de vingt 
sétérées, sous la censé de deux conils (lapins). Sans doute par 
arrangement de famille, le petit fief patrimonial revint au frère 
cadet ou tout au moins à sa descendance. 2° Imbert, dont l'éclat 
rejaillit sur tous les siens. 3° Jacques, mattre des requêtes, 
évêque de Valence et de Die du 11 décembre 1472 au 12 avril 
1473, après avoir été doyen du chapitre de Grenoble. 4° Cathe- 
rine , femme de Gaspard de Vallin. 5° Doucette, mariée à Gabriel 
Mâche de Solémieu. 6° Isabelle, abbesse du couvent de Sainte- 
Marie-des-Anges à Saint-Just-de-Claix. 7° Marie, femme de 
Charles TAlemand , coseigneur de Vaux. 8° Claude ou Clau- 
dine, qui épousa Raimond Jçan, seigneur de Saint-Murys près^ 
de Montchenu , et plusieurs autres filles mortes sans alliance (1). 

(1) Marolles, les Histoires des anciens comtes d'Anjou, 2 - partie, p. 29 
et suiv.; — G. àllard , Gén. des Baternay ; — Arch. du château de Peyrins ; 
— Inventaire de Charmes; — Notes de Moulinet; — Généalogie de Chas- 
tellard, ap. d'Hozier, pr., p. XII; — Brun-Durand, dans le Bulletin de 
la Société arch. de la Drôme , t. IV, p. 437. 



222 société d'abchéologie et de statistique. 

Magnifique et puissant seigneur Humbert ou plus communé- 
ment Imbert de Baternay, seigneur de Charmes et Marges, dont 
il hérita , baron du Bouchage , seigneur d'Ornacieu , Morestel , 
Brangues, Charpey, Colombiers, Saint -Laurent, Vaugris, 
Auberive sur le Rhône , qu'il dut à son mariage et au gain de 
ses procès, baron d'Anthon par vente de la maison de Saluces, 
comte de Fesenzac, seigneur de Peyrins et Beaum ont-Mont eux 
par don de la couronne , seigneur de Faramaus, acheté de M. 
de Miolans en 1 476 , de Montrésor et de Bridoré en Touraine et 
de Moulins en Berry, trois terres acquises en 1493 d'Antoine 
de Villequier, sans doute à cause du voisinage de la cour, rési- 
dant habituellement aux bords de la Loire , fut conseiller et 
chambellan du roi Louis XI, chevalier de l'Ordre et gouverneur 
du Mont-Saint-Michel. Le hasard le fit entrer dans la faveur 
royale par les mêmes moyens qui assurèrent à une autre 
époque la grandeur du connétable de Luynes. Cette fois, 
comme toujours , l'instinct de Louis XI ne l'égarait pas. Il ne 
pouvait choisir un instrument ni plus docile, ni plus approprié 
à ses desseins. Malgré l'antiquité de sa race , ce gentillfttre in- 
connu appartenait à cette catégorie d'hommes nouveaux que le 
prince soupçonneux se plaisait à faire surgir en face d'une 
féodalité redoutable. A la finesse traditionnelle chez les Dau- 
phinois Baternay joignait l'àpre convoitise du pouvoir et des 
richesses, qui impose facilement silence à tous les scrupules. 
Par ses rares aptitudes, ce campagnard, dont la jeunesse et 
l'activité s'étaient dépensées jusque-là dans les joies obscures 
de la chasse , se trouvait à la hauteur des intrigues compliquées 
auxquelles il allait être mêlé, en même temps qu'il se mon- 
trerait digne d'aborder d'importantes négociations. 11 était de 
cette trempe à la fois malléable et résistante qui fait les diplo- 
mates et les hommes d'État, et sa réputation fut à la hauteur 
de ses talents. Deux historiens , ses contemporains , le célèbre 
Comines, son ami, qui invoque son témoignage dans le pro- 
logue de ses mémoires, et Claude de Seyssel, archevêque de 
Turin, reflètent à cet égard l'opinion de leur temps. Toujours 
maître de lui-même, inaccessible à la pitié, mais sagement 
ennemi des cruautés inutiles , il ne se laissa jamais entraîner à 



ESSAI HISTORIQUE SDR LÀ BÀROIMIE DE GLÉRIEU. 223 

cette dangereuse ardeur du premier mouvement, dont Talley- 
rand se défiait à bon endroit, et prit quelquefois sur lui, 
comme à Bourges et à Perpignan, de tempérer les rigueurs de 
la politique de son souverain , qui , s'irritant d'abord de n'avoir 
pas été servilement obéi , ne tardait pas à reconnaître qu'on 
venait de lui épargner une faute peut-être irréparable. Ajoutons 
que ce serviteur avisé eut en toute occasion le mérite, rare alors» 
de garder une inébranlable fidélité à son bienfaiteur. 

« Louis XI, dit le P. Hilarion de Coste (1), estant à l'âge de 
» 30 ans sorty pour la dernière fois de la maison et de la cour 
» du roy Charles VII, son père, vint demeurer en Daufiné, où 
» il fut caressé et honoré de quelques gentilshommes qui le 
» regardoient desja comme le soleil levant de la France. Ceux 
» de la maison de Baternay furent des premiers qui luy offri- 
» rent leur service, et ce prince prit en amitié Imbert, sei- 
» gneur du Bouchage , fils du seigneur de Batarnay, dès qu'il 
» luy eust esté présenté par son père : car, comme nostre 
» Louis se retiroit en Daufiné et alloit de Moras à Romans, il 
» s'arresta en un vallon sous le chasteau de Bastarnay pour 
» prendre le frais et demanda quelque rafraischissement en 
» l'ardeur de la saison et en l'ennuy du chemin ; le seigneur de 
» Batarnay luy en fit apporter et luy vint faire la révérence : 
» il menoit avec luy Imbert, son fils, qui estoit encore jeune 
» homme et portoit un oiseau qu'il fit voler et prit quelque 
» perdreau. Le Dauphin y prit plaisir , luy commanda de le 
» venir trouver à Romans (2) et qu'il avoit envie de faire encore 
» voler cet oiseau ; il y alla , il pleut à ce prince, qui le demanda 



(1) Les éloges des Daufins, p. 48. 

(2) M. P. E. Giraud veut bien nous faire part à cet égard d'une conjecture 
qui présente tous les caractères de la vraisemblance. Le Dauphin n'a pas 
du donner rendez-vous à Romans , où il ne possédait pas d'habitation , 
mais au château de Peyrins , qui lui appartenait et où il résida souvent 
pendant son séjour en Dauphiné. On a de lui des ordonnances monétaires 
datées de Peyrins et une de Chalaire , maison forte très-rapprochée de ce 
village. (Morin-Pons, Numismatique féodale du Dauphiné, p. 372, 375.) 
C'est sans doute dans une excursion aux environs que Louis XI rencontra 
Imbert. 



224 société d'archéologie et de statistique. 

» à son père, et dès lors ne l'abandonna jusques à la mort , le 
» fit grand de bien et d'honneur, comme il estoit de vertu et de 
» mérite (1). » Lorsqu'en 1456 Antoine de Chabannes-Damp- 
martin pénétra en Dauphiné par les ordres de Charles VU pour 
se saisir de la personne du Dauphin , Louis se réfugia dans les 
états du duc de Bourgogne, emmenant avec lui Baternay, qui 
partagea sans doute cet exil de cinq années en Brabant et eut 
ainsi le temps de s'initier aux vues et aux projets % de son 
maître (2). 

Louis XI monta sur le trône en 1461. Mesurant ses faveurs 
bien plus à l'importance des services qu'il attendait qu'au gré 
de ses propres caprices, il s'appliqua à retenir auprès de lui 
par leurs penchants cupides les hommes habiles dont il savait 
former son entourage; mais sa joie se doublait quand il pouvait 
enrichir ses favoris des dépouilles de ceux qui avaient eu le 
malheur de l'offenser. Gabriel de Roussillon , seigneur du 
Bouchage, Brangues, Morestel, Charpey, Ornacieu, etc., ma- 
réchal de Dauphiné, avait soutenu très-énergiquement dans la 
province les intérêts de Charles Vil contre son fils. A l'avéne- 
ment du nouveau roi et par ordre de Guillaume de Vennac , 
lieutenant général en l'absence du gouverneur, il fut accusé 
de haute trahison , arrêté par Geoffroy Levraut , sénéchal de 
Valence, et renfermé dans le château de Beaurepaire, où il 
mourut en décembre 1461. Comme il ne laissait pas d'enfants 
de sa femme Béatrix de Poitiers-Saint- Vallier, la substitution 
établie par le testament de son père Guillaume de Roussillon 
se trouvait ouverte en faveur du petit-fils de ce dernier, Falques 
de Montchçnu , seigneur de. Châteauneuf-de-Galaure. Hais le 
lieutenant général s'était hâté de faire mettre les biens sous la 
main royale , comme l'on disait alors. Après s'être inutilement 
adressé au Parlement de Grenoble pour réclamer justice, 
Montchenu ne crut rien pouvoir imaginer de mieux que d'im- 
plorer l'appui de son vassal Baternay, alors simple écuyer 



(1) Voy. aussi Chômer, t. II , p. 461. 

(2) Chorieb, t. II, p. 460; — H. de Coste, Éloges des Daufins, p. 51. 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BARON ME DE CLÉRIEU. 225 

d'écurie du roi , quoique déjà puissant , qui , en homme dé- 
loyal, ne tint aucune de ses promesses et finit par obtenir pour 
lui-même la confiscation des seigneuries de la maison de Rous- 
sillon. Comprenant que le maintien de donations aussi peu 
motivées dépendait uniquement de la volonté royale , Imbert 
songea aux moyens de s'assurer d'une manière définitive du 
fruit de ses basses intrigues ; il osa demander la main de Geor- 
gette de Hontchenu , fille aînée de son suzerain , et réclamer, 
comme une partie de la dot, l'héritage des Roussillon , dont il 
s'était mis en possession. La violence suppléa naturellement au 
consentement paternel, sur lequel il n'y avait pas à compter, 
les mœurs du temps mettant d'ailleurs une très-grande dis- 
tance entre la fille de l'illustre maison de Hontchenu et le petit 
gentilhomme son vassal. Retenu en prison à Bordeaux, puis à 
Rayonne, menacé dans sa fortune, peut-être même dans sa 
vie , Falques se vit contraint de souscrire aux ordres iniques 
du roi , s'arrogeant , comme dans notre siècle Napoléon I er , le 
droit de disposer des héritières de son royaume. Ce mariage 
présenta jusqu'au bout tous les caractères d'un rapt : Baternay 
arriva en Dauphiné à la tète d'une compagnie d'archers de la 
garde du roi pour briser au besoin toute résistance , entraîna 
à l'église la triste fiancée , et , la cérémonie religieuse à peine 
terminée, l'emmena comme une captive au château de Char- 
mes. Cependant, dès qu'il fut rendu à la liberté, l'inflexible 
Montchenu multipliait les protestations et désavouait le ra- 
visseur pour son gendre. En vain celui-ci s'efforça-t-il de lui 
faire reproduire devant le Parlement de la province son con- 
sentement au mariage et sa renonciation aux biens dont il avait 
été frustré. Ces refus courageux d'un père lésé dans tous ses 
droits furent punis d'une détention nouvelle au château de 
Cornillon , d'où il ne put sortir qu'en signant encore une fois 
tout ce que Ton exigea , mais non sans remettre à un notaire 
un acte secret par lequel il déclarait n'obéir qu'à la force. De 
longues persécutions, ainsi que l'emprisonnement de son frère, 
Jean de Montchenu, accusé d'avoir tenu des propos contre le 
roi, obligèrent Falques à se retirer dans les étals du duc de 
Savoie, où la branche aînée de sa maison jetait un assez vif 



226 société d'archéologie et de statistique. 

éclat , mais se garda bien , à ce qu'il semble , de lui prêter 
aucun secours. Il habita quelque temps Belley, avec sa femme 
et ses enfants, dans une extrême misère. Chorier, qui ne se 
contente pas toujours de la vérité , place ici des détails roma- 
nesques, malheureusement fort peu d'accord avec les témoi- 
gnages des actes de ce long procès. * La noblesse de France 
» qui passoit par la Savoie et celle de Savoie même aidoient à 
» sa subsistance par leurs libéralités ; mais son plus grand se- 
» cours venoit de ses sujets. Il n'avoit eu que de la bonté pour 
» eux dans la plus grande prospérité de ses affaires ; dans leur 
» désordre ils n'avoient que du zèle pour lui et de l'ardeur à le 
» servir. Ils lui portoient les uns après les autres les choses 
» nécessaires à sa famille : ils partoient la nuit pour n'être pas 
» aperceus , et suivant des chemins écartés ils alloient où il 
» leur avoit donné avis qu'il les attendoit. Il se tenoit couvert 
» et ne pouvoit s'éloigner de la frontière dénué de tous biens... 
* Souvent il se travestissoit pour avoir le plaisir de les visiter 
» dans leurs maisons. Quand ces pensées lui ven oient, il s'ha- 
» billoit comme l'un d'eux , et l'habit de villageois lui servoit 
» de sauf-conduit. » Pour des raisons qui nous sont inconnues , 
peut-être à la suite de réclamations de son gendre auprès du 
duc de Savoie , Hontchenu fut contraint de changer de lieu 
d'çxil et passa en Bourgogne. Cependant, par surcroit de pré- 
cautions, Baternay avait obtenu le 20 septembre 1465 un arrêt 
du Parlement de Grenoble déclarant criminel de lèse-majesté 
le malheureux banni, qu'une procédure dérisoire avait fait citer 
par la voix du crieur public dans son manoir de Châteauneuf , 
d'où on le savait absent depuis si longtemps, et confisquant ses 
biens , que le roi attribua deux mois après à son favori. En 
4476, Louis XI, allant au Puy, séjourna à Lyon avec sa cour. 
Revenu en Bugey après de longues pérégrinations, Montchenu 
fut attiré dans cette ville par son beau-frère Guillaume de la 
Cueille, seigneur de Fleurac, et d'autres personnages en faveur, 
tels que Jean Héberge , évèque d'É vreux , Jean Daillon du Lude, 
gouverneur du Dauphiné, et Arthur de laForest, qui inter- 
vinrent dans cette négociation ; mais quand il voulut réclamer 
justice de son souverain , il fut reçu avec de si rudes paroles 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BARON NIE DE CLÉRIEU. 227 

que la peur le prit malgré ses lettres de sûreté et qu'il se jeta 
dans l'église de Notre-Dame de Confort , qui était alors un lieu 
d'asile. Là on ne lui laissa aucun repos, on lui remit sous les 
yeux les effets des redoutables colères auxquelles il se trouvait 
exposé; sa femme, vaincue par de longues années de souf- 
france, le suppliait de la sauver à tout prix elle et ses enfants 
de cette effroyable misère , qu'ils ne pouvaient plus endurer. 
Il fallut céder. Jean de Villiers de la Groslaye , évêque de 
Lombez, abbé de Saint-Denis, depuis cardinal et alors con- 
seiller au grand Conseil, raconte dans une enquête sur cette 
affaire tenue à Rouen et à Paris neuf ans plus tard sous l'autre 
règne que le roi dit à Montchenu que « aucunes fois Los vault 
)> bien l'or, et estoit parce que ledict de Montchenu se tenoit de 
» plus grant maison et lignée que Monsieur du Boschaige , car, 
» ainsi que le déposant sceut par la relation de ceux qui 
» estoient présents, le roy luy avoit dit qu'il ne devoit pas 
» estre mal content que Monsieur du Boschaige avoit espousé 
» sa fille , car s'il ne ïeust espousée , il luy en eust donné une 
» autre de plus grant lignée que la sienne, et pour ce luy dict 
» le roy que Los valoit aucunes fois l'or. » Louis XI , sachant 
s'adoucir à propos, s'engagea à donner à Montchenu un revenu 
de 600 livres tournois sur certaines places en Dauphiné et de 
retenir à son service le jeune Geoffroy de Montchenu. L'appoin- 
tement fut signé devant l'official de Lyon et ratifié le 3 avril 
• par le Parlement de Dauphiné séant pour cette fois à la Guillo- 
tière. Montchenu fut déchargé des amendes iniques qu'il avait 
encourues , rentra dans ses biens patrimoniaux , mais dut re- 
noncer définitivement à l'héritage de Gabriel de Roussillon en 
faveur de Baternay , obligé de payer une somme de 2,500 livres 
pour la dot de sa belle-sœur Catherine de Montchenu. Quant au 
vieillard qui avait lutté si longtemps avec une énergie toute ro- 
maine contre l'injustice et la mauvaise fortune, il ne put résister 
à la violence qu'il s'était imposée et mourut deux ans après cet 
accord, ordonnant par testament à son fils, s'il était homme de 
cœur, de consacrer sa vie à la revendication de biens qui appar- 
tenaient à sa maison. Le procès fut repris sous Charles VIII et 



228 société d'archéologie et de statistique. 

se prolongea jusqu'à ce que le crédit de Diane de Poitiers en 
obtint la solution en faveur de la lignée de Baternay (1). 

Pendant les événements que nous venons de raconter, Mon- 
seigneur du Bouchage , car le plus ordinairement on appelait 
ainsi Imbert (2) , fut mêlé aux secrets de la politique royale. 
Par une lettre de Louis XI, entraîné au siège de Liège après l'im- 
prudente équipée de Péronne , on voit que notre gentilhomme 
dauphinois avait été chargé par le grand maître de France 
d'exprimer leurs craintes et de réclamer des ordres pour la 
conduite à tenir. Quelques mois après , il est envoyé près du 
duc de Guyenne, frère du roi, pour le mettre en garde contre 
les promesses de Charles-le -Téméraire. Sa mission fut cou- 
ronnée d'un succès éphémère , et il assista comme témoin offi- 
ciel au serment solennel prêté par le prince dans la ville de 
Saintes sur la croix de Saint-Lo de se réconcilier avec son sou- 
verain. En 1471, il retournait auprès du même duc, que l'espoir 
d'épouser l'héritière de Bourgogne rejetait plus que jamais 
dans ses premières intrigues. Hais en vain employa-t-on les 
artifices les plus variés et les plus sublimes traits d'éloquence 
pour représenter que le danger est si grand d'enfreindre les 
serments sur la vraie croix comme de mourir mauvaisement au 
dedans l'an, ce qui est toujours infailliblement arrivé. « Les 
» filles de mondit duc de Bourgogne, observait d'ailleurs sour- 
» noisement le roi , ont été toutes malades du mal chaud , et 
» dit-on que la fille est bien malade et enflée , aucuns dient 



(1) Testament de Guillaume de Roussillon, seigneur du Bouchage, 9 
juin 1423, copie du XV* siècle, comm. par M. Henry Morin-Pons. — Lettres 
patentes dû roi Charles VIII annulant les arrêts et transactions en faveur 
d'Imbert de Baternay et évoquant la cause devant le Parlement de Dau- 
phiné, 3 février 1484 (1485 n. s.), id. — Examen affatur pour noble homme 
Ymbert de Baternay contre Geoffroy de Montchenu par-devant Pierre Salât , 
cons. r du Roy, président en son grant Conseil, mai 1485, expédition sur 
pareb. comm. par M. Emile Giraud. — Chômer, t. II , p. 459, 465. 

(2) Le Bouchage fut érigé en baronnie avec union des terres de Morestei 
et Brangues par lettres données à Àrmenonville , en juillet 1478, en faveur 
d'Imbert de Baternay. (Chômer, Estât politique, t. III, p. 32.) 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA B ABONNIE DE CLÉRIEU. 229 

» qu'elle est ni or te. Je ne suis pas sûr de la mort, mais je suis 
» bien certain de la maladie. * Ces excellentes raisons exposées 
sur toutes les faces par un homme qui pourtant s'y entendait 
ne produisirent qu'une médiocre impression sur l'âme de 
Guyenne , dont la mort seule empêcha l'alliance projetée. Sou- 
ple , adroit, sachant s'enquérir sans faire de bruit , Baternay se 
montrait d'ailleurs bon à tout. Louis XI, dont l'esprit était droit 
quand la passion ne l'aveuglait pas, et chez lequel on retrouvait 
le vieux sel gaulois des cent nouvelles nouvelles, peu favorable 
aux justiciards, détestait les longueurs et les détours de la 
chicane, et, songeant à réformer la justice dans ses états, cher- 
chait à connaître les lois des autres pays, t Je vous prie, écri- 
» vait-il à son confident en 1479, que vous envoyez quérir 
» devers vous le petit Fleurentin (Florentin) pour sçavoir les 
» coustumes de Fleurence et Venise , et le faites jurer de tenir 
» la chose secrette, afin qu'il vous la die mieux et qu'il le 
» mette bien par escrit. » On sait par Comines comment ces 
judicieux projets d'une législation commune à tout le royaume, 
déjà rêvés par Charles VII , échouèrent à travers les guerres, 
dans les difficultés d'un règne, trop agité pour permettre de 
réaliser de pareilles réformes. 

En 1474 il y avait eu à Bourges une émeute provoquée par 
l'établissement d'un nouvel impôt nommé le barrage, destiné 
à la réparation des murailles de la ville. Le roi , s'obstinant à 
voir dans ce qui n'était qu'une sédition de la populace un com- 
plot fomenté par de grands personnages et comme une résur- 
rection de la ligue du Bien Public , envoya du Bouchage, Pierre 
de Rohan , sieur de Gié, et Ives du Fou munis de pleins pou- 
voirs, conduisant des troupes, accompagnés d'une escorte de 
gens de justice , avec ordre d'arrêter les coupables à quelque 
rang qu'ils appartinssent , sans égard pour aucune des immu- 
nités si nombreuses à cette époque. Ses lettres sont pleines de 
soupçons, appelant avec une violence croissante les rigueurs 
sur la tête de quelques hommes considérables dans la ville. 
Hais ses commissaires, n'ayant pu trouver de sérieusement 
compromis que quatre ou cinq pauvres diables, qu'ils firent 
pendre devant leur porte , eurent grand peine à le convaincre 



230 société d'archéologie et de statistique. 

que leur tâche était terminée. L'année suivante, le Roussi H on, 
engagé à la couronne de France par Jean , roi d'Aragon , pour 
la somme de trois cent mille écus d'or, s'étant révolté , et Per- 
pignan ayant été réduit après un long siège, Baternay fut 
chargé de remplacer ses anciens collègues de Bourges accusés 
d'avoir accordé aux rebelles des conditions trop favorables. Se 
gardant bien de suivre aveuglément ses instructions, il s'ap- 
pliqua, comme ses prédécesseurs, aux moyens (Je pacifier le 
pays en se bornant à punir les chefs et en épargnant le peuple, 
qui pouvait être ramené à l'obéissance. Cependant , pour satis- 
faire son maître, il dressa une liste de suspects , qui ne semble 
pas avoir été utilisée. Vers le même temps, il fut un des acteurs 
dociles de cette trame si habilement ourdie par Louis XI contre 
son propre beau-frère le connétable , dont il redoutait la puis- 
sance et n'ignorait pas les trahisons. Ce fut Baternay et son 
compère Comines qui amenèrent les envoyés du connétable , 
lorsque se joua cette scène de comédie demeurée célèbre : 
Contay, le fidèle serviteur du duc de Bourgogne, caché der- 
rière un paravent , entendait les railleries sur le compte de son 
maître auxquelles les malheureux envoyés se laissaient aller 
pour complaire au roi. Cette imprudence acheva de décider la 
perte de cet homme dangereux. Imbert est au nombre de ceux 
qui le reçurent des mains du chancelier de Bourgogne et, 
comme on le dirait aujourd'hui , accomplirent les formalités de 
l'extradition. On le trouve parmi les négociateurs de l'entrevue 
de Picquigny, où se prépara la paix avec l'Angleterre , paix qui 
n'offrait pas de grande certitude des deux parts et derrière la- 
quelle ne cessèrent de s'agiter de menaçantes intrigues. Ainsi 
deux ans plus tard , en 1477, un messager acheté à prix d'or 
livrait la correspondance échangée entre le roi d'Angleterre et 
le duc de Bretagne , pleine de mauvais vouloir contre la France. 
Pris à l'improviste , le duc se vit contraint de s'humilier et de 
conclure un traité d'alliance juré sur la croix de Saint-Lo 
d'Angers, gagé indispensable des serments politiques de ce 
temps. Du Bouchage , délégué par son maître , assista à cette 
cérémonie. Toujours bien informé et à l'affût des bonnes occa- 
sions, il a la chance d'être un des premiers à apprendre au roi 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BARONNE DE CLÉRIEU. 234 

le résultat de la bataille de Morat et reçoit de lui une grati- 
fication de 900 marcs d'argent. Il fut un des agents les plus 
actifs de la trêve conclue en 1480 avec Maximilien d'Autriche , 
et , s'appuyant sur les engagements pris autrefois par le duc de 
Bourgogne Philippe-le-Bou , traita de la reddition à la France 
des places de Lille, Douay et Orchies. Le pape Sixte IV, redou- 
tant une invasion des Turcs en Italie , se prêtait aux désirs de 
paix du roi çt lui envoya comme légat son neveu , le cardinal 
de Saint-Pierre-ès-Liens, pour venir en aide aux négociateurs. 
Mais Maximilien cherchait à gagner du temps et à traîner les 
choses en longueur. Fort impatient de ces retards toujours re- 
naissants, Louis, qui aimait à rabaisser son monde, écrivait 
cyniquement à Baternay et son collègue Soliers : * Sanglantes 
» bestes que vous estes, n'adjoutez foy qu'à ce que vous verrez ; 
» ils vous mentent bien, mentez bien aussi. » Baternay, qui 
connaissait les boutades de son maître , ne se rebutait pas pour 
si peu et ne demandait qu'à faire preuve de zèle ; aussi , au 
premier signe du légat , alla-t-il arrêter et conduire à Châtcau- 
neuf-du-Pape l'archevêque de Rhodes , venu de Rome avec le 
cardinal et qui, loin de suivre les instructions de son chef, 
avait eu le tort de se laisser circonvenir par les ennemis de la 
France. 

Par les ressources de son intelligence, comme par son dédain 
pour la morale vulgaire, du Bouchage touchait en bien des 
points à Comines, avec lequel il resta très-lié, consentant à 
jouer ordinairement à côté de lui le second rôle. Dans la grande 
maladie que fil Louis XI en 1480, les deux amis le vouèrent à 
saint Claude. Cependant, notre politique consommé, un mo- 
ment inférieur à lui-même , faillit se perdre par excès de pré- 
voyance. Envoyé par le roi vers le Dauphin, tenu par méfiance 
au château d'Amboise , on eût dit presque plus en captif qu'en 
héritier de la couronne , a il le mena , dit Seyssel, un bien peu 
» d'espace et de temps hors de laditte ville et luy fit voler quel- 
le que perdreau pour le recréer, cuydant faire plaisir audit roy, 
» son maistre ; iceluy roy s'en courrouça aigrement , comme si 
» par ce moyen il luy avoit donné cœur de sortir et connoistre 
» le inonde. » Le vieillard avait grand peine à pardonner à son 



232 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATIStlQUE. 

favori d'avoir osé regarder au delà de son règne. Tout s'ar- 
rangea cependant, et le baron du Bouchage fut précisément un 
de ceux que le souverain mourant recommanda le plus vive- 
ment à son fils, « comme prudent homme et de bon conseil ». 
(Gaguin.) 

De nombreuses lettres et instructions secrètes du roi , 
adressées à son familier et conservées dans la collection Le- 
grand , ainsi que dans le fonds de Béthune à la bibliothèque de 
la rue Richelieu , prouvent l'étendue de la confiance qu'il lui 
accordait. Les plus grands personnages du temps, tels que le 
roi René et le cardinal de Saint-Pierre-ès-Liens , devenu plus 
tard le pape Jules II , sollicitaient Baternay comme le plus en 
état de soutenir leurs intérêts à la cour.de France. De même 
que toutes les personnalités énergiques , Louis XI est un véri- 
table écrivain; un seul coup de pinceau lui suffit. A côté 
d'Henri IV et dans une note bien différente il occupe une place 
à part dans cette longue série de princes du sang royal de 
France qui , sans avoir eu la maladresse d'y prétendre , ont 
su donner un tour original et piquant aux moindres billets 
tombés de leur plume. Sa correspondance nous le montre 
tout entier avec sa rudesse impitoyable , son abondance de 
vues, son bon sens bourgeois trop souvent troublé par des 
accès de défiance aiguë et des colères quelquefois grotesques. 
Hais , à l'exception de l'inimitable Comines , les hommes qu'il 
réunit autour de lui se contentaient de se montrer gens d'es- 
prit, suffisamment lettrés, capables au besoin de tourner un 
bon conte et surtout doués d'une profonde pénétration. Les 
lettres de du Bouchage venues jusqu'à nous témoignent de plus 
d'entente des affaires que de science ou de recherche du bien 
dire. D'année en année, Louis XI l'avait comblé de richesses. 
D'après Aymar du Rivail , il lui aurait donné sur la dot de sa 
femme Charlotte de Savoie cent mille pièces d'or, somme exor- 
bitante. Dès 1461, en montant sur le trône, il lui octroyait les 
revenus du château de Pèyrins , l'office de visiteur des gabelles 
en la sénéchaussée de Lyon , ainsi que les capitaineries de Blaye 
et de Dax, en 4463 des lettres pour recevoir les émoluments et 
profits relatifs à la confirmation des notaires en Dauphiné , en 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BÀRONIUE DE CLÉRIEL. 233 

4464 deux mille écus d'or sur les Juifs de la même province et 
la confiscation des biens de Mathieu Thaumassin , conseiller au 
Parlement de Grenoble, en 1468 la charge de chambellan, en 
1471 les seigneuries de Peyrins et de Beaumont-Monteux, en 
1474 les biens de Jean Portier, président en la Chambre des 
Comptes de Dauphiné, coupable de fidélité au roi Charles VII , 
en 1478 le gouvernement de la ville de Bourges. Mais la plus 
riche dépouille dont Imbert entra en possession fut le comté 
de Fezensac, qui avait appartenu à Jean Y, comte d'Armagnac, 
massacré dans la ville de Lectoure, en 1473, par les soldats 
français, malgré les termes de la foi jurée. De temps à autre , 
il se fit donner tout ce qui avait pu faire partie du comté de 
Fezensac et eut encore les seigneuries de Laverdun , Jegun , 
Lapiat , Castillon , Saint-Pau , foorède , Roquebrune , Taillian , 
etc., en Armagnac, dont il jouit durant tout le règne; mais il 
ne prit jamais le titre de comte de Fezensac et céda sans résis- 
tance lorsque tous ces biens furent restitués aux légitimes héri- 
tiers de la maison d'Armagnac. 

Fidèle en ceci aux instructions paternelles, Charles VIII 
continua à employer Baternay, qui, dès son avènement, lui 
rendit d'importants services. En effet, envoyé à Orléans pour 
empêcher le duc d'Orléans de s'emparer de la ville , ce seigneur 
convoqua l'assemblée des bourgeois et réussit à les maintenir 
dans le devoir, malgré les intrigues et les menaces des émis- 
saires du duc. Nous avons déjà dit, à l'article des Poitiers, com- 
ment il remplaça en qualité d'ambassadeur auprès de Fer- 
dinand , roi d'Espagne , son compatriote, le seigneur de Clérieu 
(1496), répara les erreurs de cet homme trop crédule et conclut 
une trêve entre les deux couronnes. Enfin , Louis XII le nomma 
gouverneur du Mont-Saint-Michel. Souvent absent, il avait 
sous ses ordres pour commander cette place son compatriote 
Gilles du Puy, auquel succéda Gabriel , frère de ce dernier. 

Il fut atteint de bonne heure de la pierre ou tout au moins 
de coliques néphrétiques , ce qui n'abrégea pas sa vie. La chro- 
nique scandaleuse nous apprend que cette circonstance amena 
à essayer sur un franc-archer de Meudon , condamné à mort et 
atteint du même mal, l'opération de la taille, tombée en désué- 

Tome VI. — 1872. 16 



234 société d'abchéologie et de statistique. 

tude depuis Gelse. Les médecins et chirurgiens de Paris remon- 
trèrent que « il seroit fort requis de veoir les lieux où lesdites 
)> maladies sont concréées dedans les corps humains , laquelle 
» chose ne pouvoit eslre mieux sceue que inciser le corps d'un 
» homme vivant. » Cette épreuve in anima vili réussit, et le 
criminel eut sa grâce. 

Baternay mourut le 42 mai 1523 au château de Montrésor, 
dont il avait fait sa principale résidence (1), et fut inhumé dans 
le chœur de l'église du faubourg de cette ville, où il avait fondé 
quelques années auparavant une collégiale et où fut désormais 
le tombeau de la famille. On y voyait jadis une haute sépulture 
de marbre noir enrichie tout autour et par dessus de figures 
gisantes de marbre blanc; celles de dessus représentaient Im- 
bert et sa femme, Georgette de Hontchenu, morte le 2 août 
1511 au château de Blois et rapportée à Montrésor. Tout a été 
brisé et détruit pendant la Révolution (2). 

D'Imbert et de sa femme sont venus : 1° Jean, mort avant son 
père sans postérité. 11 avait épousé en 1489 , selon Marolles , 
Françoise Dauphinc, fille et héritière d'Erard de l'Espinasse 
dit Bérault Dauphin, chevalier, seigneur de Combronde et de 



(1) A Paris, Imbert devait habiter, rue Saint- Honoré , l'hôtel du Bou- 
chage, possédé plus tard par les Joyeuse et vendu en 1616 par Catherine- 
Henriette de Lorraine au cardinal de Bérulle, qui sur cet emplacement 
fit bâtir le couvent de l'Oratoire. Voy. Millin , Antiquités nationales, t. Il , 
art. XIV, p. 2. 

(2) Marolles, Hist. des comtes d'Anjou; — Comines, éd. de M. 11 ' Dupont, 
t. 1", p. 357, 368, 378, 389, 397; t. II, p. 70, 71, 220, 575, 578, et t. III, 
p. 4; - idem, éd. Lenglet Dufresnoy, t. I", p. LXII, LXVII et LXVIII; 
t. H, p. 113, 121, 166, 228, 229, 288; t. III, p. 160, 372, 381, 453, 571, 
623, 626, 627, 631; t. IV, p. 427; - Gagcin, Compendium de geslis Fran- 
corum, éd. de 1521, fol. 288; - Duclos, Hist. de Louis XI, Paris, 1745, 
t. II, p. 214, 318 , 442, 476; t, III, p. 298, 307; t. IV, Preuves, p. 380, 413, 
414, 415, 421, 424, 442, 449. Cet historien a ignoré que Baternay et du 
Bouchage étaient le même personnage; — J. Le Laboureur, Add. aux 
mémoires de Castelnau, éd. de 1731, t. II, p. 519; — Le P. Daniel, Hist. 
de France, éd. de 1755, t. VII et VIII; — Barante, Hist. des ducs de Bour- 
gogne; — Touchard-Lafossb, Loire historique, t. IV, p. 230; — àthari 
Rivallu, De Allobrogibus , p. 525, 541. 



ESSAI HISTOlIQtJE SCB LA BARONNIE DE CLÉRIED. 235 

Jaligny, et d'Antoinette de Polignac , sa seconde femme. Hais, 
d'après Baluze et l'histoire généalogique des grands officiers de 
la Couronne, cette Françoise aurait été mariée à Guy d'Am- 
boise, seigneur de Ravel, quatrième fils de Charles d'Amboise, 
seigneur de Chaumont. Le même Harolles donne au contraire 
pour femme à Guy d'Amboise Catherine Dauphine , peut-être 
sœur de Françoise (1); 2° François, qui suit; 3° Jeanne, mariée , 
le 4 mars 1489, à Jean de Poitiers , seigneur de Saint- Vallier. 
Us eurent entre autres enfants Diane, duchesse de Valentinois. 

François de Baternay, baron d'Anthon , chevalier de l'Ordre 
du Roi et son chambellan , mort à Corbie en Picardie , le 9 
novembre 1513, avait épousé, le 19 mai 1802, Françoise de 
Maillé , fille de François , seigneur de Maillé , et de Marguerite 
de Rohan. De ce mariage : 1° René , qui suit ; 2<> Anne , mariée , 
le 30 avril 1528 , à Jean de Daillon , comte de Lude, gouverneur 
de Poitou et Aunis. 

René de Baternay, seigneur de Baternay , Marges , Charmes , 
Saint-Donat, baron du Bouchage et d'Anthon, seigneur de 
Montrésor, Bridoré et Moulins, gentilhomme ordinaire de la 
chambre du Roi, gouverneur du Mont - Saint-Michel , dit le 
comte du Bouchage, fut nourri enfant d'honneur du Roi. Une 
lettre de Charles IX, du 9 mai 1861, le convoque aux États qui 
devaient se tenir à Tours comme un des plus grands seigneurs 
de la province. Quoique résidant en Touraine, il ne perdait 
pas de vue ses intérêts dauphinois. Le 17 juillet 1826 , étant 
encore sous la tutelle de Philibert de Gaste, écuyer, il avait 
racheté , moyennant la somme de 370 écus d'or, la terre de Ba- 
ternay, de la mouvance de Geoffroy de Montchenu , seigneur de 
Ch&teauneuf-de-Galaure, son grand oncle. On voit qu'il n'était 
plus question de l'hommage dû au seigneur de Gérieu. René 
vendit en 1876 la terre de Saint-Marcel-de-Millieu à Abel de 
Loras. 



(1) Makolles, 2 # partie, p. 10 et 33; — Baluze, Histoire généalogique 
de la motion d'Auvergne, t. I", p. 233, 235; t. n, p. 462, 747; — P. Am- 
selmb, t. VII, p. 125; t. VIII, p. 54. 



236 société d'archéologie et de statistique. 

II avait épousé en 1527, n'ayant encore que quatorze ans , 
Isabeau de Savoie, fille de René, bâtard légitimé de Savoie, dit 
le Grand Bâtard , comte de Villars et de Tende , grand maître 
de France , gouverneur et grand sénéchal de Provence (1), et 
d'Anne de Lascaris , comtesse de Tende. Ce mariage mettait le 
comble à l'élévation des Baternay. Magdeleine de Savoie , sœur 
d'Isabeau, était la femme du connétable de Montmorency; leur 
autre sœur avait pris alliance dans une maison non moins 
illustre, en se mariant avec Antoine de Luxembourg, comte de 
Briennc. Digne petit- fils d'Imbert, « il prétendit , dit J. Le La- 
» boureur , sa part de succession de la maison de Chasteau- 
» Roux, à cause d'Antoinette de Cbauvigny, femme de Har- 
» douin , sieur de Maillé , son bisayeul , et s'appuya de l'alliance 
» du Roy et de son principal ministre. » Cousin germain de 
Diane de Poitiers, avec laquelle il entretenait une correspon- 
dance suivie , il servait de trait d'union entre elle et le conné- 
table , et l'on peut imaginer qu'il jouit sous tous les règnes 
d'un certain crédit (2). Mais Dieu défait en un instant le patient 
et long ouvrage des hommes : René eut la douleur de voir cette 
splendeur éphémère prendre fin par la mort de son unique fils 
et sa maison tomber en quenouille. Lui-même mourut en no- 
vembre 4580, étant né le 2 octobre 1513 (3). 

Il avait eu pour enfants : 1° Claude, qui suit; 2° René, né le 11 
septembre 1549, mort jeune et sans alliance; 3° Françoise, née 
le 3 novembre 1537, épousa, étant encore fort jeune, François 
d'Ailly, vidame d'Amiens, dont elle n'eut pas d'enfants. Veuve 
à vingt-trois ans , elle passa sa vie dans de grandes austérités 



(1) n était frère naturel de Louise de Savoie, duchesse d'Angoulême, 
mère de François I" et grand-mère d'Henri II. 

(2) En grand seigneur qui tranche du prince , René avait pour maître 
d'hôtel un gentilhomme fieffé, Pierre de Gréaulme, seigneur de Mardes- 
sault et Saint-Marc. (Notes de Moulinet.) 

(3) Mémoires de Condé, t. II, p. 351; — S. de Boissieg, Usage des fiefs, 
1 M partie, p. 120, 124; — G. Allabd, Dictionnaire, article Baternay; — 
0. Ociffrey , Lettres inédites de Dianne de Poytiers , Paris , 1866 ; — Mé- 
moires de Castetnau, loc. cit. 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BARONNIE DE GLÉRIEU. 237 

et la pratique des bonnes œuvres. Elle mourut en odeur de 
sainteté, le 17 octobre 1617. Le P. Hilarion de Coste a écrit sa 
vie, ainsi que celle de sa sœur, la vicomtesse de Joyeuse. Le 8 
juillet 1602, elle avait vendu à Antoine d'Hostun , seigneur de 
Saint-Nazaire , Saint- Jean-en-Royans , etc., tout ce qu'elle pos- 
sédait à Charmes , Saint-Donat , Marges et Baternay , tels que 
château, terres, hommages, mainmorte, lods, droits de 
chasse, etc. (1); 4° Marie, née le 27 août 1539, épousa vers 1560 
Guillaume II , vicomte de Joyeuse , maréchal de France et lieu- 
tenant général au gouvernement de Languedoc ; leur fils atné , 
Anne , duc de Joyeuse , aussi maréchal de France , eut pour 
femme Marguerite de Lorraine- Vaudemont , sœur de Louise , 
mariée au roi Henri III. Intimement liée avec cette sainte 
reine, Marie donna, comme elle, les plus beaux exemples de 
piété et de charité chrétienne et fit de nombreuses démarches 
pour appeler les Carmélites en France, ce qui ne réussit 
qu'après sa mort, arrivée à Toulouse en juillet 4595 ; 5° Jeanne, 
mariée en 1582 à Bernard de Nogaret de la Valette , amiral de 
France, gouverneur de Provence, morte en 1591 ; 6° Anne ou 
Henrie, morte fille; 1° Gabrielle, femme de Gaspard de la 
Chastre, comte de Nançay. Leur fils, Henry de la Chastre, 
aliéna en 1609 la baronnie du Bouchage en faveur de noble 
François Gratet, seigneur de Granieu, trésorier de France en 
la généralité de Dauphiné. 

Claude de Baternay, baron d'Anthon , était l'espoir de cette 
puissante maison. On lui assura la survivance du gouverne- 
ment du Mont-Saint-Michel, que tenait son père, on lui trouva 
une des plus riches héritières de l'Europe, Jacqueline de Mont- 
bel, comtesse d'Entremonts , dame du Montellier, Nattage, 
Saint-Mauris et Saint-André-de-Briord , fille unique de Sébas- 
tien de Montbel , comte d'Entremonts , chevalier de l'Annon- 
ciade, et de Béatrix Pacheco, des ducs d'Ascalona, première 
dame d'honneur de la reine Éléonor de Portugal , femme de 



(l) H. de Coste, Éloges des dames illustres, 1. 1", p. 747; t. II, p. 661 ; 
— Léon Gontier, Notice sur Saint-Donat, Valence, 1857, p. 84. 



238 société d'archéologie et de statistique. 

François I er . Cette négociation matrimoniale s'éleva à la hau- 
teur d'un cas diplomatique. Comme les possessions de la com- 
tesse ouvraient sur une large étendue les défilés des frontières 
de la Savoie du côté du Dauphiné , le duc Charles III se souciait 
peu de consentir à l'union de sa sujette avec un Français. Il ne 
fallut rien moins qu'une lettre de Charles IX pour faire cesser 
la résistance, et le mariage s'accomplit le 46 février 1561. Mais 
il dura peu et demeura stérile. A la bataille de Saint -Denis 
contre les huguenots, le baron d'Anthon, guidon delà com- 
pagnie de son oncle , le connétable de Montmorency, fut blessé 
mortellement comme lui , à côté de lui , en cherchant à le dé- 
fendre, et mourut le 28 novembre 1567, laissant des regrets 
universels , dont l'historien de Thou s'est fait l'écho. Le célèbre 
poète Philippe Desportes déplora dans une épitaphe en vers la 
perte de ce vaillant jeune homme. Quant à sa veuve, elle ap- 
partenait h cette catégorie de femmes enthousiastes, plus rares 
alors qu'aujourd'hui , fascinées par l'éclat de la renommée : un 
beau jour elle écrivit à l'amiral de Coligny pour lui offrir sa 
main, et alla l'épouser à la Rochelle, le 25 mars 1571. Après la 
catastrophe de la Saint-Barthélémy, elle fut renvoyée de France 
et conduite sous bonne escorte à son fief de Saint-André-de- 
Briord en Bugey. Soit qu'on ait voulu la punir de s'être engagée 
sans l'assentiment du souverain , soit qu'on prétendit se mettre 
en garde contre de nouvelles noces , elle fut l'objet , de la part 
du gouvernement piémontais, de persécutions, qui se prolon- 
gèrent jusqu'à la fin de sa vie , terminée en 1599 dans la capti- 
vité (1). 

Nous venons de dire que Baternay fut acquis par Antoine 
d'Hostun de la Baume , maréchal de camp , nommé chevalier 
des Ordres du Roi, et mort sans avoir été reçu. Il se qualifiait 



(t) Guicjienon, Hist. de Bresse, continuation de la 3* partie, p.. 171 ; — 
de Thou, Histoire universelle, trad. fr., Londres, 1734, t. V, p. 375; — du 
Bouchet, Preuves de l'histoire de Villustre maison de Coligny, p. 551, 573, 
577, 584; — V. de Saint-Genis, Les Femmes d autrefois, Jacqueline de 
MonLbel, Paris, 1869; — Melvil Gloveb, Notice hist. sur le château du 
Montellier en Bresse, Lyon, 1869. 



ESSAI HISTOBIQCE SDR LA BAHONISIE DE CLÉBIEU. 239 

baron de Charmes, Saint-Donat, Marges etBaternay. Ces terres 
furent possédées par son fils, Balthazar d'Hostun dit de Gadagne, 
marquis de la Baume-d'Hostun , comte de Verdun, etc., séné- 
chal de Lyon. Mais le sepond fils de ce dernier, Roger d'Hostun , 
commaudant pour le Roi en Lyonnais , Forez et Beaujolais , les 
vendit , pour acheter le comté de Tallard à Jacques Coste de 
Simiane , président au Parlement de Grenoble , qui obtint du 
Roi, en novembre 1652, l'érection des seigneuries de Charmes , 
Saint-Donat , Bren , Baternay, Marges et Saint-Muris en comté 
sous le nom de Charmes. Étant mort sans enfants , une de ses 
sœurs, Françoise Coste apporta le comté à son mari, Alexandre 
de Bérenger, seigneur du Gua. Un descendant de cette illustre 
maison , Raymond-Pierre de Bérenger, seigneur du Gua , de 
Vif, la Cluse et Pasquiers , comte de Charmes, chevalier d'hon- 
neur en survivance de la Dauphine , colonel du régiment de 
risle-de-France, vendit, le 25 septembre 1776, pour le prix de 
316,000 livres, le comté de Charmes à Charles de Chabrières 
de la Roche , seigneur de Peyrins et Mours. Mais la partie au 
delà de l'Herbasse comprenant Marges fut distraite en fa\eur 
de Jean-Baptiste Jaquemet de Saint-George , conseiller au Par- 
lement de Dauphine , gendre de M. de Chabrières (1). 

Marges, Marjais, Marjayssium, Marjaix (565 habitants). 11 
a existé deux églises sur cette commune, Tune portant le nom 
de Marges , l'autre , celui de Tournay. Le chapelain de Marges 
est mentionué dans un pouillé du diocèse de Valence du XIV« 
siècle publié par M. l'abbé Chevalier. Au XVIIe s., ce bénéfice 
ou cette église, sous le vocable de Saint-Didier, fut uni à 
N. D. de Tournay ; mais Saint-Didier demeura le saint de la 
paroisse dépendant du prieuré de Saint-Donat, qui a perçu 
les dtmes jusqu'à la Révolution. Ce lieu de Tournay, qui est 
une section de la commune , est indiqué dès la fin du XI« siècle, 
villa que dteitur Turnai, villa Turna. L'église appartenait à 
Saint-Barnard ; elle avait été engagée pour la somme de qua- 



(l) P. Anselme, t. V, p. 266; — Arch. de Charmes; — Chômer, Estât 
politique, t. III, p. 28; — Chazot de Nantignv, Tablettes, t. V, p. 360. 



240 société d'archéologie et de statistique. 

rante sols à Guillaume, abbé de Saint-Félix, qui consent au 
rachat vers 1164-74 (1). L'édicule paroissial de style roman fut 
réparé par Imbert de Baternay, dont il a conservé les armes. 

Pierre de Marjais était chanoine de Vienne en 1283; Lambert 
de Marjais, chevalier, figure dans un document de 1266; on 
trouve à la même époque Lantelme de Marjais possesseur de 
censés sur Clérieu. Mais nous ignorons si cette famille, autre- 
fois répandue dans le Royans, avait tenu à une époque très- 
reculée le fief dont elle portait le nom (2). 

En 1250 Odebert de Châteauneuf soumet Marges à Silvion de 
Clérieu et lui en rend hommage; il ne laisse qu'une fille, Béa- 
trix, qui apporte cette terre à son mari, Oddon Allemand. En 
1285, hommage de Guillaume Allemand, chevalier, pour le 
château de Marges à Roger de Clérieu et Guillaume de Poitiers. 
En 1327 Guillaume Allemand reconnaît tenir de Guichard de 
Clérieu et d'Aimar de Poitiers le château, mandement et terri- 
toire de Marges, réservant l'hommage qu'il doit au Dauphin 
ainsi qu'aux chapitres de Lyon et de Vienne. Le I e * août 1343, le 
même personnage s'acquitte des mômes devoirs féodaux envers 
le Dauphin, et le 18 janvier suivant à l'égard de Louis, comte de 
Valentinois, seigneur de la baronnie de Clérieu , et d'Amédée de 
Poitiers, coseigneur ; mais cette fois il excepte de cette juridic- 
tion tout ce qu'il tient sur le mandement de Marges du fief du 
seigneur de Charmes. Guillaume Allemand possédait le château 
de Larnage, relevant alors d'Arthaud deClaveyson, son gendre. 
Devenu veuf, il se remaria sur ses vieux jours à Matalonne de 
Saint-Priest , fille de Briand d'Urgel, chevalier, seigneur de 
Saint-Priest et de Saint-Chamond, et de Dauphine de Tournon. 
Il lui assura la jouissance de la terre et du château s'il venait à 
mourir avant elle , ce qui arriva en effet. Mais Jean Allemand , 
fils de Guillaume, et qui avait épousé Alix de Saint-Priest, 



(1) Documents inédits relatifs au Dauphine, t. II, Grenoble, 1868, 7 - li- 
vraison, p. 17; — Cartulaire de Saint-Barnard , N. M 153, 330; — Arch. 
de l'Isère; — Brun-Durand, Dict. ecclésiastique. 

(2) Reg. capiiulaire de V église de Vienne; — Cartulaire de Léoncel , N.° 228. 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BABOIHME DE CLÉ RI EU. 244 

sœur de sa belle-mère , chassa cette dernière du château peu 
après la mort du seigneur de Marges. Elle y fut cependant 
rétablie par autorité de justice en mars 4369 (1). Eut-elle à 
exercer des reprises qui passèrent à sa famille, et le fief dut-il 
être engagé pour les couvrir? C'est du moins la seule façon 
plausible d'expliquer les actes suivants. En 1443 noble et puis- 
sant homme Théode de Valpergue , de l'illustre maison des 
comtes de Valpergue en Piémont, bailli de Lyon, qui avait 
épousé Louise de Saint-Priest, nièce de Hatalonne, accorde la 
faculté de rachat pour les château et châtellenie de Marges à 
noble et puissant homme Guy, seigneur de Saint-Priest , son 
beau-frère , qui lui avait vendu celte terre. Quatre ans plus 
tard il l'aliène en faveur d'Arthaud de Chaste. Les hypothèques 
furent sans doute payées, et Marges revint aux Allemand. En 
effet , Constance Allemand , femme de François de Sassenage , 
vendit la seigneurie à Jordan, seigneur de Baternay. Mais il 
resta dans la contrée des membres de la famille des anciens 
possesseurs. En 1484 Guillaume Allemand est au nombre des 
nobles de Larnage et de Croses , et Antoine Allemand , de ceux 
de Claveyson. Cette nombreuse et puissante race guerrière, 
qui, dans les luttes intestines, fit trembler tant de fois les 
autres gentilshommes dauphinois, allait s'affaiblissant avec la 
féodalité expirante. Le 3 septembre 1605, Jean Allemand, sei- 
gneur du Bouchet, fils de Jean-Claude, baron d'Uriage, épou- 
sait Isabeau , fille de Claude de Thivoley de Miribel et de Mar- 
guerite de Poterlat. Catherine de la Beaume augmente la dot 
en considération des services que ladite Thivoley lui avait ren- 
dus étant sa domestique. Un demi-siècle plus tard, le 15 sep- 
tembre 1653, Mathias Allemand et ses sœurs, du lieu d'Uriage, 
font faire une enquête sommaire, dont il résulte que la dame 
Bresson, veuve de Jean-Louis Allemand de Cornu, sieur de 
Montrigaud, habitait Grenoble avec sept enfants en état de 
pauvreté , et que quelques-uns d'entre eux étaient en service. 



(1) Par sentence arbitrale du 26 avril 1370, Jean Allemand, seigneur de 
Marges, est condamné à rendre au prieuré de Saint Donat les fossés, ga- 
rennes et corvées d'Àrthemonay, dont il s'était emparé. (Notes de Moulinet.) 



342 société d'aucbéoiogiis et de statistique. 

En 1475 Imbert de Baternay obtint à prix d'argent de Jean 
Sainl-Priest, frère et héritier de Guy ou Guyot , l'extinction de 
la faculté de rachat mentionnée plus haut. Comme nous l'avons 
dit , l'histoire de Marges se confond dès lors avec celle de Char- 
mes et Baternay. Lorsque H. de Ghabrières acheta le comté de 
Charmes, il céda la seigneurie de Marges à son gendre, M. 
Jaquemet de Saint-George , qui avait déjà des propriétés en cet 
endroit. Ce dernier sortait d'une ancienne famille noble origi- 
naire de Pontarlier, établie à Tain. Ici comme à Claveyson 
l'ancienne habitation seigneuriale est descendue du coteau dans 
la vallée. Elle est aujourd'hui possédée par M.*" Max Monier de 
la Sizeranne , descendante des Saint-George par les femmes (1 j. 

Mercurol, Mercurolium , Mercwriolum , Mercurum (1,274 
habitants). L'ancienne voie romaine, appelée par la tradition 
vie magne ou via moniha (via munita, route pavée), tra- 
versait le territoire de Mercurol , et l'on en discerne encore des 
vestiges. Chorier affirme que cette localité tirait son nom du 
culte de Mercure (2), peut-être introduit par les marchands qui 
suivaient la route venant de Rome. Guy Àllard est plus expli- 
cite et assure qu'il y avait un temple consacré à ce dieu. Mais 
il se garde de nous fournir aucune preuve (3). 

Dans lepouillé du XIV e siècle que nous avons déjà cité, le 
chapelain de Mercurol est taxé à neuf livres. Cette église, sous 
le vocable de Sainte-Anne, encore aujourd'hui paroissiale, avait 
pour patron le prieur de Saint-Bardoux et était subordonnée à 
l'abbaye de Saint-Pierre de Vienne. Elle dépendait au XlVe 
siècle de l'archiprêtré de Romans et au XVIII* s. de celui de 
Saint-Vallier. Sur la môme commune, Saint-Clément, prieuré 
de l'Ordre de Saint-Augustin dépendant de celui de Saint-Félix 
de Valence, auquel le pape Innocent IV en confirma la pos- 
session en 1226, fut incorporé avec ce monastère dans l'Ordre 



(1) Cartularium Clayriaci; — Cl. le Làboureuh, Mazures de Vhle 
Barbe, t. II, p. 378, 379; — Arch. du château de Peyrins; — Notes de 
Moulinet; — Notes comm. par M. Ad. Rochas. 

(2) Histoire générale de Dauphiné, t. I tr , p. 234. 

(3) Guy àllard, Dictionnaire, t. II, col. 123. 



ESSAI USTQaïQDE SOI LÀ BABONNIB DE ClillEU. 348 

de Saint-Ruf au XIV» s. et érigé vers la fin du XVIII» s. en pa- 
roisse, comprenant une partie du territoire de Mercurol (1). Le 
nom de rivière Saint-Clément se trouve appliqué dans les an- 
ciens actes à ce quartier de la commune. La chapelle, d'un 
style roman fort simple, est aujourd'hui en ruines. Sur la porte 
on voit encore l'inscription suivante en caractères gothiques : 

+ 
+ ANNO DN 1 MCCC 

LV1II OBIIT JO 

ANNS DE BALMA 

QVI DEDIT NOBIS 

TRES SOLIDOS SEN 

SVALES ANIVS 

10 SVO 

* 

Le nom de la Balme ou de la Baume est assez commun en 
Dauphiné. Mais il est probable que ce Jean qui avait légué au 
prieuré trois sous de censé pour son anniversaire appartenait à 
la même famille que Guillelmus de Balma, qui, le 17 des ca- 
lendes de novembre 1284, passa une reconnaissance à Guil- 
laume de Claveyson , seigneur de Mercurol ; que Lanielma de 
Balma domicella, qui fait en 1285 une déclaration du même 
genre ; que noble Catherine de Balma , dont le fief sur Clérieu 
fut hommage en 1344 par Pierre de Saint-Mars à Louis, comte 
de Valentinois (2). 

Sur une colline, au-dessus du village de Mercurol, se dres- 
sent çà et là des pans de murailles indiquant l'ancienne en- 
ceinte du château ; l'un de ces débris garde encore deux fenêtres 
romanes. Du sommet d'un mamelon , une tour ronde , qui a 
perdu toute sa partie antérieure et que Ton dirait tranchée ver- 
ticalement par le milieu , domine l'ensemble des ruines, visible 
sur un horizon étendu. A ses pieds, des blocs entiers de ma- 



il) L'abbé Chevalier, Documents inédits, V livr., p. 15 et 18; — Brun- 
Durand, Dictionnaire ecclésiastique. 
(2) Arch. de Blanchelaine; — Cartularium Clayriaci. 



244 SOCIÉTÉ n'iBCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

çonnerie ont roulé sans se diviser. Ces vestiges de constructions 
qui offrent encore les traces d'une grande solidité remontent à 
une antiquité reculée et furent peut-être renversés dans les 
guerres de religion. Le château est mentionné dans une charte 
de 1064. Au XII« siècle, Guillaume de Mercurol et Oddon, son 
fils, donnent à Saint-Barnard les dîmes de l'église de Saint- 
Pierre de Marnas; parmi les témoins se trouve Lantelme de 
Mercurol. En 1160 ce dernier apparaît comme caution dans le 
traité conclu entre Raynaud-François et l'abbaye de Romans 
au sujet de la construction des murs de la ville ; Oddon et Guil- 
laume sont au nombre des médiateurs qui terminèrent les 
contestations du même genre soulevées avec Silvion de Clérieu. 
Déjà trente ans auparavant, Guillaume et ses frères, Oddon et 
Eus tache, avaient servi de témoins dans un acte par lequel le 
même Silvion II renonçait à quelques-unes de ses usurpations 
sur les chanoines. Il paraît que les fiefs et les propriétés de 
cette maison furent aliénés. Le 6 des ides de septembre 1276 , 
Falcon de Mercurol , damoiseau , étant mort , ne laissant que 
deux filles, Alasia et Adelena, cette dernière religieuse à l'ab- 
baye de Soyons, son exécuteur testamentaire, Humbert de 
Chantemerle , vend pour trente livres à Artaud de Claveyson 
les terres et bois que le défunt possédait au territoire de Clé- 
rieu. Enfin , Symon de Mercurol , qui paraît être un chevalier 
sans patrimoine , s'avoue homme lige du Dauphin en 1336 (1). 

Le 3 des ides d'octobre 1257, Artaud de Claveyson reconnaît 
tenir de François , seigneur de Peyrins , en fief rendable deux 
parties du château et du mandement de Mercurol , excepté la 
terre appelée Cialencha, et sa propre maison d'habitation , 
toutes deux acquises d'Humbert Richard , chevalier, qui doivent 
rester en franc aleu. De son côté, le seigneur de Peyrins s'en- 
gage , pendant qu'il occupera le château , soit pour la recon- 
naissance du fief, soit par nécessité de guerre, à garantir 



(1) Cartulaire de Saint-Barnard, N. M 53, 277, 298, 303, 304; — Giràud, 
Essai, t. I tr , p. 214; — Cartulaire de Léoncel, N.° 58; — Àrch. de Blan- 
chelaine; — l'abbé Chevalier, Inv. de 1346, N.° 408. 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BAR ON NIE DE CLÉBIEU. 245 

Artaud et ses vassaux contre toute violence et exaction , enlève- 
ment de vivres, foins, paille, etc., et à se conduire en bon 
suzerain « quod tanquam bonus dominus tibi vel tuis fidem et 
» legalitatem servemus promittimus et firmamus proprio jura- 
» mento ». 

Le tiers restant relevait de Roger de Clérieu , qui, à son tour, 
en faisait hommage au Dauphin le dimanche avant la Nativité 
de la Vierge 1262 (Inv. des arch. des Dauphins en 1346, 
N.° 332). Une charte datée du 16 des calendes de septembre 
1283 conserve évidemment la trace des luttes malheureuses 
que Silvion de Clérieu, père du dernier Roger, avait eu à 
soutenir contre le Dauphin et le comte de Valentinois. Noble 
homme Guillaume de Claveyson , damoiseau , seigneur de Mer- 
curol , tant en vertu de son propre droit que d'une donation du 
Dauphin Humbert et du comte Aimar, requiert Guillaume de 
Claveyson, chevalier, de lui rendre hommage pour la moitié de 
la moitié du château de Claveyson qu'il tenait en fief du Dauphin, 
à cause de la suzeraineté de Clérieu « ratione dominii de Clay- 
» riaco ». A l'appui de ses prétentions, Guillaume, damoiseau, 
produit des lettres d'Humbert et d'Aimar ; mais Guillaume , 
chevalier, refusa de lire ou de recevoir les lettres de jussion et 
se retira en répondant qu'il ne voulait rien décider sans en 
avoir conféré avec ses amis. Ce chevalier prudent, qui ne con- 
sentait pas avant d'y réfléchir mûrement à transporter à son 
parent l'hommage qu'il devait aux seigneurs de Clérieu, était 
donc en possession de tout ou partie du château de Claveyson. Ce 
fut sans doute un f?it passager, car, pendant plusieurs siècles, 
Claveyson et Mercurol se trouvèrent réunis dans les mêmes 
mains. Le vendredi après la Purification (1290) , Guillaume de 
Claveyson , chevalier, prête hommage à Roger de Clérieu , avec 
la clause expresse que, par la présente tradition ou reddition 
du château , il n'entend nullement préjudicier ni à ses propres 
droits, ni à ceux de François, seigneur de Peyrins. Guillaume 
était encore possesseur du château lorsque, le 3 janvier 1291, le 
Dauphin donne ordre à son châtelain de Clérieu d'en prendre 
la défense. En 1302 Artaud était seigneur de Claveyson et Mer- 
curol et rendit deux hommages à Roger de Clérieu, le premier 



246 société d'archéologie et de statistique. 

du lundi après le Carême, prenant pour les deux parts de 
Mercurol tenues jusque-là de Guillaume François de Peyrins, 
le second du lundi après l'Assomption, pour le tiers de Mer- 
curol et la huitième partie de Claveyson. 

En 1304, le château de Mercurol rendable est compris dans 
la reconnaissance générale de la baronnie passée par Guillaume 
Graton au Dauphin. Ce château était sans doute regardé comme 
une forteresse, et l'on a vu que les Claveyson n'y habitaient pas. 
Les choses se modifièrent sans doute par l'échange qui eut lieu 
ie 16 des calendes d'avril 1308 entre Guillaume Graton et Ar- 
taud. Celui-ci céda à son suzerain tous les vassaux qu'il possé- 
dait sur Clérieu et Chantemerle, à l'exception des nobles, tandis 
que Graton abandonnait de son côté ses droits utiles sur le 
mandement de Mercurol , à la réserve du fief de Veaunes , tenu 
par Raymond, chevalier, de l'hommage de Guillaume Gay, du 
mas de Vern et d'un moulin. Tout ce qui était remis à Artaud 
demeurait sous la mouvance du seigneur de Clérieu , qui s'in- 
terdit de faire à l'avenir aucune acquisition sur ce mandement. 
Guichard , frère et héritier de Graton , sanctionne cet arrange- 
ment. 

En 1314, Artaud étant mort, son frère, Jean de Claveyson , 
chanoine de Romans , comme tuteur des enfants du défunt , 
passe aux frères Roland et François de Boyssonnet pour quatre 
ans , sous la censé annuelle de cent sétiers de blé , la ferme de 
deux moulins , l'un pour le froment , l'autre pour le seigle. Ils 
60 nt affermés avec tout leur outillage, savoir quatre pals de fer, 
quatre anneaux, quatre roues dentelées, sept crocs de fer aux- 
quels on les attache avec une chatne, le tout pesant ensemble 
quarante-cinq livres de fer, calcul évidemment inexact qui ne 
peut s'expliquer que par une distraction du notaire, et enfin des 
meules de jauge (1). 

(1) Com omnibus utensilibus , videlicet quatuor palis ferri, quatuor 
aneylis, quatuor groppis (voy. Ducange, verbo gropys), quatuor aleus 
(M., verbo aleuda) et septem pictls ûd., verbo piquus) pondentibus hils 
tnauibofe quedraginta quinque libris ferri, et molis de jaogia (Orig. sur 
pardi, aux arch. 4e Blanchelaine). 



ESSAI HISTORIQUE SDH LA BAHONNIE DE CLÉRIEU. 247 

Artaud avait eu pour successeur dans ses seigneuries son fils, 
qui portait le même prénom que lui et fit hommage à Guichard 
de Clérieu le 1» mars 1333 ; l'année suivante, le même Guichard 
se reconnaît homme lige du Dauphin pour le château de Mer- 
curol, tenu par Artaud. Les Clérieu étant éteints, Humbert II 
entra momentanément en possession de la baronnie et céda en 
1336 la parerie, y compris Tarrière-fief de Mercurol, à Guil- 
laume de Poitiers-Saint- Vallier. Il fallait que l'endroit eût une 
certaine importance, puisque le Dauphin y établit, le 3 août 
4343, une foire, qui se tint le 28 octobre (1). Quelques jours après, 
une transaction faisait passer la baronnie aux comtes de Valen- 
tinois, héritiers de Guichard. En conséquence, le 18 janvier 
1344, Artaud reconnut la mouvance de Louis I e *, comte de Va- 
lentinois. L'année suivante l'hommage fut renouvelé dans le 



(2) Humbertus dalphinus viennensis notum facimus wiiversis modérais 
et faturis nostras présentes litteras inspectons, quod nos pro nobis hère- 
dibus et successoribus nostris perpetuo , dilecto fldeli nostro Arthaudo 
domino Claveisonis et Mercurollii humiliter petenti , ad opus sui suorumque 
heredum et successorum, concedimus in privilegium spéciale, quod omni 
tempore deinceps annis singnlis m die festi Apostolorum Symonis et Jude 
in dicto loco suo Mercurollii nnndine cellebrentur, quibns nundinibus ve- 
niendo, stando in eis et redeundo illas vel consimiles quas obtinent nnndine 
in loco nostro Morasii et Bellireperii (Moras et Beaurepaire), de quo elec- 
cionem habeat dictas dominus Claveisonis expresse per présentes in om- 
nibus et per omnia damus atque concedimus libertates, districte injungendo 
baillivo, castellanis ceterisqne offlcialibus et subditis nostris presentibus et 
futuris Viennensis eciam tocius Dalphinatus et cuilibet vel locatenentibus, 
eorum quatenus graciant et concessiohem nostram hujusmodi observent 
cum effectu dicto domino Claveisonis, heredibus et successoribns suis, nec 
aliquid contrafaciant vel paciantur fleri quoquomodo, ymo nundinas et 
omnia p redicta ad ejus requisicionem publicari ac preconizari faciant ubi 
sibi visum fnerit expedire , alio non expectafo mandato. Datnm Vienne die 
tercia mensis angusti anno Domini millesimo CCC°XL1IJ 9 . Reddite litteras 

ÎÀmblardi domini Bellimontis militis 
Jacobi Bruneriî legum doctoris 
cancellarii 
Littera pro nundinis Mercurollii in festo Symonis. 

(Original sur parch., auquel pendait le sceau delphinal, — au archives 
4e Blanchelaine.) 



248 société d'archéologie et de statistique. 

château de Crest en faveur du comte Aimar, successeur de 
Louis. Artaud est qualifié de noble et puissant homme. Ici les 
événements nous font défaut pendant un laps de temps consi- 
dérable. Le 24 août 1429 , François de Claveyson , seigneur du- 
dit lieu et de Mercurol , étant mort, le bailli du Viennois voulut 
mettre ces deux seigneuries sous la main du Dauphin , mais 
quand on arriva à Mercurol pour y planter l'étendard royal, le 
châtelain, noble Gonon Veilleu , avait déjà fait apposer sur la 
tour et les portes la bannière et les armes du seigneur de Clé- 
rieu , affirmant avec raison que c'était un fief de la baronnie. 
Comme nous l'avons déjà dit , Mercurol et Claveyson passèrent 
quelques années après par mariage dans une branche de la 
maison d'Hostun , qui prit le nom de Claveyson. Il paraît que 
Geoffroy d'Hostun de Claveyson avait tardé à rendre l'hommage 
qu'il devait à Guillaume de Poitiers , baron de Clérieu , gou- 
verneur de Paris , qui ordonna une sorte de saisie de la sei- 
gneurie de Mercurol. Mais, le 25 octobre 1498 , Geoffroy se mit 
en règle en se reconnaissant homme lige de Guillaume et en 
promettant de faire son dénombrement vers la fête de Saint- 
Hilaire. D'ici là, la saisie sera maintenue, mais le seigneur 
pourra jouir des revenus sous la main du baron. « Cet hom- 
» mage, dit l'avocat Dubois dans le factum de 1759 pour le 
» comte de Saint-Vallier, que nous avons déjà eu fréquemment 
» l'occasion de citer , cet hommage est le premier où il soit 
» question d'aveu et de dénombrement , parce qu'auparavant 
» on ne les connoissoit pas en Dauphiné : le feudataire ne de- 
y> vait à son seigneur que la bouche et les mains ; la prestation 
» de l'hommage et serment de fidélité l'acquittoit de tout, et 
» l'unique avantage du seigneur consistoit en l'assistance que 
» lui devoit son feudataire à la guerre et en la faculté de se 
» servir du fief contre ses ennemis ; mais dès qu'une fois les 
» fiefs furent devenus patrimoniaux et que , d'un autre côté , le 
» souverain eut retranché aux seigneurs le droit de faire la 
» guerre, les droits utiles furent en quelque manière un dé- 
» dommagement aux seigneurs pour le préjudice que leur 
» causait ce changement , en sorte que les fiefs d'honneur de- 
• vinrent en même temps fiefs de profit , et comme ces droits 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BARORNIE DE CLÉR1EU. 249 

» utiles étoient plus considérables à mesure de la valeur et 
» produit que le feudataire retiroit de son fief, les seigneurs 
» exigèrent un dénombrement spécifique et circonstancié des 
» choses féodales et de leur valeur et revenu pour, sur ce dé- 
» nombrement, fixer les lods, quints, requints et autres droits 
» qu'ils commencèrent à exiger des nouveaux possesseurs de 
» fiefs. » On nous dispensera d'entrer dans le détail fastidieux 
du renouvellement de ces actes féodaux, qui se reproduisent à 
chaque changement de vassal ou de seigneur dominant. Il nous 
semble plus intéressant de nous arrêter aux documents de na- 
ture à éclairer les rapports des habitants de Mercurol avec leur 
seigneur. Le 28 février 1548 , une transaction fut conclue au 
sujet du fournage du four bannaret (ou banal). Les bois de 
Vaulgrand destinés à chauffer le four étant venus à diminuer 
sensiblement , le seigneur menaçait d'augmenter les droits. On 
continuait à payer alors six deniers pour cinq carteaux de blé , 
les vingt deniers comptant pour un gros de bon argent , pro- 
portion qui ne se trouvait plus juste , le gros valant à cette 
époque bien plus de vingt deniers. Après de longs débats entre 
Pierre de Claveyson d'une part et les consuls et notables , au 
nombre de plus de cinquante , de l'autre , il fut arrêté que le 
seigneur albergerait aux habitants « le four bannaret posé et 
d assis audit Mercurol auprès la aile (halle) dudit lieu , avec sa 

» placeet cortillage accoustumez plus ung sien tennement 

» appelé le boys doz fourt au terroir de Vaulgrand , mandement 
» de Mercurol , contenant environ quatre-vingts sétérées terre 

» et boys , sous la censé annuelle de trente florins, petite 

» monnoie, comptez douze sous tournois pour un florin et 
» quatre liards pour un sou , à la condition que l'on ne pren- 
» droit rien pour le blé de l'aulmosne qui se fait annuellement 
» à Mercurol de 15 sétiers ou environ à la feste de N. D. de 
» décembre , non plus que pour faire cuire le pain des manœu- 
» vres travaillant aux vignes dudit seigneur, savoir aux pral- 
» hets, fossailles , Mailles et vendanges » ; qu'enfin le seigneur 
pourrait avoir un four au château pour son usage particulier.' 
En 1615 , Laurence d'Hostun-Claveyson apportait à Hugues 
de Lionne Mercurol , en même temps que Claveyson , Mureils 

Tome VI. - 1872. 17 , 



250 société d'archéologie et de statistique. 

et Hostun. Par leur force d'inertie autant que par leur influence 
à la cour, les Lionne parvenaient à s'émanciper de la suzerai- 
neté des barons de Clérieu. Malgré les réclamations et les pro- 
cédures du président de Chevrières , Louis de Lionne donne , 
le 30 mars 1688, son aveu et dénombrement par-devant la 
Chambre des comptes de Dauphiné, comme relevant directe- 
ment du Roi. Il déclare posséder la haute, moyenne et basse 
justice de Mercurol, ce qui lui confère le droit d'y nommer 
juge, châtelain, greffier et tous autres officiers. On voit qu'il 
n'est plus question de la juridiction du juge d'appeaux de Clé- 
rieu , d'où devaient ressortir tous les arrière-fiefs de la baronnie. 
Il déclare en outre tenir une maison audit lieu, grange, écurie, 
four, pigeonnier, ce qui semble indiquer que le château n'exis- 
tait plus à cette époque ; plus un terrier des censés et rentes 
qui s'exigent audit lieu de Mercurol , à Larnage et sur la ba- 
ronnie de Clérieu, à Chantemerle, Tain et la Roche, montant 
à cent sétiers seigle et avoine ; plus le four banal de Mercurol ; 
plus le droit de fenage, qui est de trois trousses de foin, que 
chacun prenant et abreuvant ses prés de l'eau de la Bouterne 
doit payer; plus le droit de chevrotage, savoir que tous ceux 
qui tiennent une ou plusieurs chèvres doivent un chevreau 
vivant; plus le droit de plusieurs corvées, savoir que chaque 
habitant doit annuellement quatre journées audit seigneur pour 
la facture de ses vignes, et au chacun ledit seigneur baille un 
sol le soir en se retirant , et ceux qui ont des bêtes de labourage 
lui doivent une journée de leurs bêtes pour ses charrois; plus 
le droit de parquage, qui est que ceux qui tiennent un trou- 
peau dans le mandement doivent annuellement six livres de 
fromage. 

Le 7 octobre 1713, Charles-Hugues de Lionne, marquis de 
Claveyson , baron de Mercurol , seigneur de Blanchelaine , Mu- 
reils et autres lieux , gouverneur pour le Roi de la ville de Ro- 
mans , bourg et péage de Pisançon , et brigadier général de ses 
armées , demeurant à Paris , rue et paroisse Saint-Roch , af- 
ferme à Estienne Popon , sieur de l'Estang, la terre, seigneurie 
et baronnie de Mercurol et maison forte de Blanchelaine, la 
grange des Chenests, la vigne et le pré Corbel, les terres dudit 



ESSAI HISTORIQUE SUE LA BABONNIE DE CLÉRIEU. 25J 

Corbel et du Chastelet, les domaines des Odoards, de Saint- 
Jayme et des Châssis, avec les rentes, lods et droits seigneu- 
riaux, le tout moyennant la somme annuelle de 3,670 livres. 
En outre , le preneur sera tenu de donner chaque année deux 
sétiers de froment, mesure de Romans, aux Carmes deTournon 
et dix-sept sétiers de seigle aux pauvres de Mercurol. Vers la 
même époque , Claveyson était affermé 4,230 livres. 

En 1753, la marquise de Lionne vendait à M. d'Urre la terre 
de Mercurol au prix de 114,648 livres, en même temps qu'elle 
aliénait Claveyson à M. de Tournon pour la somme de 148,352 
livres. La maison d'Urre, une des plus anciennes du Dauphiné , 
tire son nom du village d'Eurre, dont elle possédait autrefois 
la seigneurie ; aussi a-t-elle souvent été appelée d'Eurre ; elle 
s'est divisée en plusieurs branches, presque toutes éteintes au- 
jourd'hui , dont Pithon-Curt a donné la généalogie incomplète , 
malgré son étendue, et d'où sont sortis des hommes illustres. 
Un cadet du rameau de Grane, Philibert d'Urre, s'établit à 
Croses au XVI« siècle , et l'on voit encore près du village la 
ferme qu'il habitait. Pendant longtemps , ses descendants eu- 
rent à lutter contre les difficultés d'une fortune médiocre, et 
quelques-unes de leurs alliances s'en ressentirent. Il fut le qua- 
trième aïeul de Pierre-Henri d'Urre, né en 1702, mort en 1792, 
revenu par d'heureuses circonstances à une situation plus en 
rapport, selon les idées du temps, avec l'antiquité de sa race. 
Ce dernier acquit Mercurol : il est qualifié chevalier, seigneur 
de Chanelos (en Vivarais), qu'il tenait des Blanchelaine , de 
Mercurol, Blanchelaine, Saint- Clément et Saint -Pierre -de- 
Marnas. Dans quelques actes il est appelé le comte d'Urre. Il 
fut le père du comte Antoine-Henri d'Urre, pair de France par 
prdonnance du roi Charles X (1). 

Du XIII e au XV« siècle , les chartes d'hommages et les terriers 



(l) Arch. de Blanchelaine; — Arch. de l'Isère, cartons du Valentinois, 
paquet, 2, N. Q 5; — Factum pour le comte de Sainl-Valiier , Grenoble, 
1759, p. 6, 8, 9, 14, 15, 16, 17, 18, 42, 44, 54, 55, 57, 58, 59; - Cartularium 

Clayriaci; — Requeste pour Claveyson , p. 20; — Cayer des anciens 

hommages de la baronnie de Cleirieu. 



252 société d'archéologie et de statistique. 

de la seigneurie de Mercurol nous ont conservé les noms d'assez 
nombreuses familles de gentilshommes qui résidèrent sur ce 
territoire ou y possédèrent des fiefs , comme les Boniface , 5o- 
nifacii , dont Briandus de Chans recueillit l'héritage en 1356 , 
lesBoson, les Didier d'Alixan , les Chandies , les Chaurisan , que 
nous retrouverons sur Larnage et qui hommageaient directe- 
ment aux Clérieu ; les Tyvoley ou Thivoley, qui émigrèrent à 
Brangues vers 1473; les G ranger on, les Brunier de Larnage , 
les Chitrieu, de Chitriaco, les Borel et les Bencei (1484), les 
de Sali de la Bastie-Geyssans , les Bueys de Sainte-Hélène, 
etc. (1). 

Sur la rive gauche de l'Isère et près de son embouchure, aux 
environs de Châteauneuf , la carte de Cassini indique une loca- 
lité du nom de Blanchelaine. C'est là que vivait en 1474 Nicolas 
de Blanchelaine. Son fils, Gaubert, traita, le 7 juillet 1479, 
avec Aimard d'Urre, seigneur d'Ourches, pour la vente d'un 
pré à Mercurol ; il habitait avec sa femme la rivière Saint-Clé- 
ment et acquit sur Mercurol le lieu appelé jusque-là Penchenas, 
auquel il imposa le nom de Blanchelaine. Selon toute appa- 
rence , ce fut lui qui fit construire la maison forte , disparue de 
nos jours dans les nouveaux bâtiments de la ferme. Il fut père 
de Jean de Blanchelaine, 1 er du nom , seigneur de Blanchelaine 
et Chanelost, qui testa le 29 novembre 1551, élisant sa sépul- 
ture en l'église paroissiale de Tain et la chapelle de Saint- 
Biaise. Dans une quittance qui lui fut délivrée, le 24 octobre 
1544, par François Veilheu, de Curson, l'écu d'or ou soleil, 
« au coing de nostre très chrestien roy de France », est évalué 
45 sols tournois. Il avait épousé Anne de Chanelost , fille de 
noble Sibeud de Chanelost et de Marguerite de Beauvoir. Elle 
lui apporta le fief de Chanelost sur la paroisse de Saint-Didier* 
de-Préaux, mandement d'Ay en Vivarais, qui avait appartenu 
jadis aux Iserand, dont les Chanelost formaient peut-être une 
branche. Ils eurent entr'autres enfants Nicolas, chevalier de 
Saint-Jean-de-Jérusalem , et Jean ; II« du nom , à qui échurent , 



(1) Arch*. de Blanchelaine ; — Notes du chevalier Du Solier ; — Moulinet 



ESSAI HISTOBIQUE SUE LA BABONHIE DE CLÉRIEU. 253 

en sa qualité d'aîné, Blanchelaine et Chanelost. On l'appelait 
ordinairement M. de Chanelost; Il testa le 21 mai 1571 , de- 
mandant à être enseveli dans l'église des Préaux et la chapelle 
de ses ancêtres maternels. Il avait épousé Magdeleine de Vigier, 
vivant encore en 1602. Depuis longtemps veuve, elle se trouvait 
aux prises à cette époque avec de sérieuses difficultés pécu- 
niaires. Dans une correspondance adressée à un ami de la fa- 
mille, M. de Chotard, elle raconte qu'elle ne peut rien obtenir 
de ses débiteurs et qu'elle a fait mettre en gage un gobelet 
d'argent. « Mon goubeau, dit-elle, vault de sept à huit escus , 
» et je n'en ay eu que trois en liards presque tous faux que 
» je ne pourroi passer. Je n'oserois rendre cette méchante . 
» monnoie à ceux qui m'ont preste ». Elle a si grand besoin 
d'argent qu'elle en a la fièvre et ne peut se faire panser de ses 
yeux, faute de moyens. Elle demande douze ou quinze livres 
de cassonade blanche pour faire des confitures. 

Just, Marguerite et Jeanne furent les enfants de Jean de 
Blanchelaine : Marguerite épousa Nicolas de Chaponnay, sei- 
gneur de Saint-Bonnet ; Jeanne , Claude de Florence , sieur de 
Gerbeys; Just, qui testa en 1625, continua la lignée et eut de 
son mariage avec Claude ou Claudine Silla deux fils, morts 
sans alliance, Magdeleine, mariée, le 28 avril 1652, à noble 
Jacques d'Urre , fils de Dayid et de Magdeleine de Bouvier, et 
Just-Henry, mari séparé de biens, par jugement duPrésidial 
de Valence, d'Hélène de Planta. Ses dettes l'obligèrent à vendre, 
le 2 mars 1673 , au prix de 24,000 livres et 24 pistoles d'étrennes, 
à Sébastien de Lionne, marquis de Claveyson, seigneur de 
Mercurol , a le domaine appelé de Blanchelaine , situé rière le 
» mandement de Mercurol , consistant en maison d'habitation , 
» grange pour le bestail, terres, bois, vignes, prés, molins, 
» bastoirs à chanvre et autres artifices. » Dès lors, la terre de 
Blanchelaine fit partie de celle de Mercurol. Just-Henry se re- 
tira à Tain , où il possédait une maison sur les bords du Rhône. 
Il ne laissa qu'une fille, Antoinette de Blanchelaine de Cha- 
nelos, mariée, le 10 août 1707, à Jean-Baptiste de Pellard, 
sieur d'Espagny, cornette au régiment de Châteaumorand , ca- 
valerie , fils d'autre Jean-Baptiste et de Françoise de la Forest , 



254 société d'archéologie et de statistique. 

comtesse de Rumilly en Savoie. Mais, à la suite de procès, 
Chanelos passa aux d'Urre, qui acquirent plus tard Blanche- 
laine, en même temps que Mercurol. Le château actuel, bâti 
au commencement de ce siècle par le comte d'Urre , appartient 
aujourd'hui à son petit-neveu, M. le comte d'Arces, qui a bien 
voulu nous ouvrir ses archives avec une obligeance dont nous 
ne saurions trop le remercier (t). 

(A continuer.) Anatole de GALLIER. 



(1) Àrch. de Blanchelaine; — G. Allard, Généalogie manuscrite des 
Blanchelaine , à la bibliothèque de Grenoble; — le chevalier Du Solieb; - 
Moulinet; — Acte de vente de Blanchelaine en 1673, comm. par M. Henry 
Machon. 



-oo}OiO*~ 



LE COUTENT DE SAINTE-CLAIRE DE ROMANS. 255 

NOTICE HISTORIQUE 

SUB 

LE COUVENT DE SAINTE-GLAIRE 

DE ROMANS, 

Par le D. r Ulysse CHEVALIER. 
(Suite. - Voir la 18- livr., p. 289; 19* livr., p. 400; 21* liv., p. 184.) 



Lettre des religieuses Clarisses à M. le Préfet de la Drame. 

« Romans, le 3 mars 1813. 
» Monsieur, 

» Notre réunion dans cette ville ayant eu l'approbation du 
» Gouvernement et la protection de votre bienveillance , sous 
» une condition bien chère à nos cœurs : celle d'instruire les 
» filles pauvres , cesser, sans vous en prévenir, de remplir ce 
» devoir de charité qui nous a été imposé par une autorité res- 
» pectable, serait méconnaître les bontés que vous avez eues pour 
» nous et manquer de reconnaissance pour la protection dont 
» vous avez daigné nous honorer. Mais vous allez juger, Mon- 
» sieur, des motifs qui exigent notre translation. 

» Sans rapport ni communication avec les personnes du 
» dehors , n'ayant qu'une très-petite chapelle, qu'on nous a 
» ordonné d'ouvrir à tout le monde, mais dont nous sommes 
» séparées par des grilles , nous avions lieu d'espérer que nous 
» jouirions, dans un pays tranquille, de tous les avantages de la 
» solitude, ne demandant qu'à être ignorées du monde entier. 
* Mais, comme nous voudrions jouir aussi de la liberté do 
» conscience accordée à tous les individus , cet article nous est 
» refusé : et vouloir choisir nous-mêmes le dépositaire de notre 
» plus cher intérêt , qui est celui de notre conscience , devient 
» un crime qui nous rend suspectes d'erreur et de schisme. Nos 



256 société d'àrcbéologie et de statistique. 

» directeurs sont tour à tour dénoncés et interdits ; ce qui nous 
» prive de tous secours spirituels : aucun prêtre n'osant appro- 
» cher de notre maison. Il ne nous convient ni de lutter ni de 
» nous révolter contre l'autorité qui nous opprime. Notre sainte 
» religion nous défend la plainte et le murmure; aussi auriez- 
» vous toujours ignoré nos malheurs , si notre patience et notre 
» soumission avaient pu ramener Mgr l'Évêque à une conduite 
» moins rigoureuse à notre égard. Mais on a déjà pris des me- 
» sures pour que nous fussions sans messe le dimanche. Voilà, 
» Monsieur, les véritables motifs qui nous forcent à une trans- 
» lation qui nous coûtera les plus grands sacrifices, n'ayant 
» éprouvé que d'honnêtes procédés de la part des habitants. 

» Nous espérons, Monsieur, que votre sagesse approuvera 
» une résolution que nous n'avons pas cru devoir exécuter sans 
» votre assentiment, espérant aussi que vous auriez la bonté de 
» nous donner une attestation qui puisse prouver que notre 
» conduite a été irréprochable devant les autorités civiles de ce 
» département : attestation qui sera d'un grand poids auprès des 
» nouvelles autorités sous lesquelles nous désirons choisir un 
» asile et trouver une paix qui est l'unique objet de nos désirs. 

• 

» Nous avons l'honneur d'être , etc. » 

Signé par quinze religieuses. 

Bien tournée et adroite , cette lettre , profondément méditée , 
ne peut être attribuée ni pour le style ni même pour l'écriture 
aux bonnes Clarisses. Elle est évidemment le fait de quelque 
conseiller ennemi de l'évêque, de quelque imprudent meneur, 
comme les communautés religieuses, ignorantes des affaires du 
monde, sont trop souvent exposées à en avoir. La suite de cette 
correspondance va prouver que les raisons données n'étaient 
pas les vraies et que celles-ci sont restées secrètes, car l'évêque, 
homme bienveillant et modéré, ne méritait pas les reproches 
qui lui sont faits d'une manière surprenante par leur rudesse. 



LE COUYEKT DE SAINTE-CLAIRE DE ROMANS. 257 

Lettre du maire de Romans, du 4 avril 1813. 
<c Monsieur le Préfet , 

» J'ai l'honneur de vous donner avis que les sœurs de Sainte- 
» Claire établies dans cette ville , et qui ont pris l'engagement 
» entre les mains de l'autorité administrative d'enseigner gra- 
» tuitement les jeunes filles pauvres , sont au moment de se 
» séparer. Je ne connais pas précisément les motifs de cette 
» séparation, mais , d'après la voix publique , il n'y en a point 
» d'autre que le refus qu'on leur fait de leur donner un direc- 
» teur approuvé, d'un âge mûr, et qui ait longtemps servi Dieu 
» avant de commander aux consciences. Vous savez , Monsieur 
» le Préfet , que le Gouvernement a autorisé cet établissement. 
» Il est déjà utile; il peut le devenir davantage. La piété, les 
» mœurs , l'obéissance aux lois des sœurs de Sainte-Claire sont 
» dignes d'éloges. 

» Je crois devoir ajouter que si cet établissement n'existait 
» pas , ce serait une perte pour cette ville , et je ne dois pas vous 
» cacher que presque tous les habitants verraient avec un cer- 
» tain déplaisir la séparation de ces filles pieuses, qui peuvent 
» être utiles pour former les mœurs des enfants de plusieurs 
» familles indigentes. 

» J'ai l'honneur d'être, etc. 

» Signé : Dertêque , adjoint. » 

Lettre de Vèvèque de Valence, du 5 avril 1813. 

« A Madame la Supérieure de la Miséricorde de Sainte-Claire 
» de Romans. 

» Je suis affligé de l'esprit de discorde qui agite votre com- 
» munauté. Vous savez , Madame, que je vous ai prouvé l'in- 
» térêt qu'elle m'inspire ; je le nourris cet intérêt dans la con- 
» fiance que vos conseils et vos exemples ramèneront à des 
» dispositions plus religieuses les dames que vous dirigez. Je 



m 

258 société d'archéologie et de statistique. 

» n'ai pas cru , comme je vous l'ai déjà dit, vous ôter la liberté 
» de conscience en vous dirigeant conformément aux conciles, 
» aux décisions des papes, aux règlements de l'Eglise. Une 
» liberté qui vous dispenserait de suivre ces autorités ne serait, 
» aux yeux de quiconque aime sa religion , qu'un abus , un dé- 
» sordre, pour ne pas employer le terme qui se présente natu- 
» rellement. 

» J'ai pourvu à vos besoins spirituels en vous donnant pour 
» confesseurs MM. Feugier et Dom Macaire, prêtres très-res- 
» pectables et' bien propres à opérer le bien parmi vous. Que 
» pouvez-vous raisonnablement désirer de plus , sans vouloir 
* vous réduire à la condition des laïques et renoncer aux pré- 
n cieux avantages , aux grâces que vous assure votre saint état? 

» Je le répète , je prends intérêt à votre communauté ; je 
» prends part à vos peines. Je désire vous procurer la paix. 
» Pour vous en faciliter les moyens , je vous donne encore une 
» preuve de mon dévouement en autorisant provisoirement à 
» vous confesser tout prêtre choisi par M. le curé de Romans 
» de concert avec vous. Puisse cette dernière résolution être 
d une source de tranquillité pour votre maison et me procurer 
» l'agréable nouvelle que la charité et la soumission régnent 
» dans toutes vos filles. Puisse le Seigneur leur faciliter ces 
» dispositions par l'abondance de ses grâces. 
» Je vous salue en J. C. 

» Signé : Bécherel, évêque. » 

Après avoir reçu copie de cette lettre, le Préfet écrivit, le 9 
avril, au maire de Romans pour lui dire qu'il croyait que l'évê- 
que avait fait pour les dames de Sainte-Claire tout ce qu'elles 
pouvaient raisonnablement désirer, et que si elles étaient ani- 
mées du véritable esprit de leur état, elles seraient satisfaites 
de ce qu'avait fait pour elles leur évêque. S'il en était autre- 
ment, on devrait en conclure que loin d'être une perte pour la 
ville de Romans, ce serait un service qu'elles lui rendraient 
d'éloigner de son sein un foyer de fermentation , qui ne pourrait 
qu'amener tôt ou tard des suites fâcheuses. Le Préfet envoya le 
même jour quelques mots aux Clarisses pour leur dire qu'il 



LE COUVENT DE SÂlNTE-CLAIEE DE ROMANS. 259 

avait reçu leur lettre, et qu'il espérait que les preuves d'intérêt 
que leur avait données leur évêque avaient dissipé les motifs 
qu'elles avaient d'aller chercher ailleurs plus de satisfaction. 

Les bienveillantes concessions de l'évêque , les sages obser- 
vations du Préfet firent renoncer les religieuses Clarisses à une 
translation peu fondée. Elles ont continué à résider dans la 
ville de Romans , où elles sont généralement aimées. 

En 1813, une maison attenante au monastère se trouvant à 
vendre par suite de la mort du propriétaire , M. Didier, notaire, 
la communauté en fit l'acquisition pour la somfne de 2,000 fr. 
L'acte fut passé au nom de M. Duportroux 1 , qui non-seulement 
voulut bien se prêter à cette obligeance , mais encore payer les 
contributions de cette maison, sans vouloir jamais consentir au 
remboursement de ses avances. Cet homme généreux était l'ami 
du couvent de Sainte-Claire : on n'y faisait rien sans le con- 
sulter. La maison Didier était assez vaste, mais en mauvais 
état ; on y logea l'aumônier, qui était alors le P. Casimir, an- 
cien Capucin. 

Le monastère n'avait pas de cloche : on en acheta une, qui fut 
bénie au commencement d'août 1817. Pour sonner à minuit, il 
fallut la permission des autorités. M. Legentil, maire de Ro- 
mans , prévint les habitants par une afiîche que les dames reli- 
gieuses de Sainte-Claire étaient autorisées à faire sonner quel- 
ques coups de cloche à minuit , pour l'office qu'elles sont en 
usage de faire à cette heure. 

La communauté des Clarisses de Romans eut l'honneur d'en- 
voyer plusieurs essaims de religieuses pour fonder ou pour 
rétablir des maisons du même ordre. L'une d'elles, sœur Marie- 
Claire Fière , avait établi un couvent de Sainte-Claire à Valence, 
le 17 août 1817. Six autres allèrent à Poligny (Jura) pour 
aider à la restauration du monastère que sainte Colette avait 
fondé en 1400, et où elle avait été inhumée après lavoir gou- 
verné pendant dix ans. Cinq autres religieuses sortirent , en 
1826, pour aller établir un couvent de Sainte-Claire dans la 
ville de Die, qui fut ensuite transféré à Crest. 

(1) Jean-Gabriel Duportroux , ancien conseiller-maître en la Chambre des 
comptes de Grenoble, décédé le 31 décembre 1822. 



260 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique. 

Malgré les vertus , l'austérité et la profonde piété qui avaient 
toujours distingué les Clarisses de Romans, leurs supérieurs 
trouvèrent, paraît-il, que les règles de ces religieuses n'étaient 
pas encore assez parfaites, c'est-à-dire sévères. Ils obtinrent 
d'elles, en 1823, qu'elles adopteraient pour la nomination de 
l'abbesse le mode des élections triennales. En conséquence, 
après la mort de sœur Anne-Marie Giraud, sœur Marie du 
Cœur de Jésus Péronnier fut élue pour trois ans , mais con- 
tinuée dans sa charge jusqu'à sa mort. Enfin, quoique toujours 
zélées et très-attachées à la régularité, ces mêmes religieuses 
durent, malgré quelques protestations, adopter, en 1852, la 
réforme de sainte Colette, regardée comme plus austère. 

La maison qui servait de monastère aux religieuses de Sainte- 
Claire était on ne peut plus incommode , malsaine et insuffi- 
sante pour le nombreux'; personnel qui y observait la clôture. 
Depuis longtemps ces dames désiraient un changement de local. 
La mort de M. de Montôlégier * vint leur offrir la précieuse 
occasion d'acquérir une habitation possédant tous les avantages 
désirables pour des religieuses cloîtrées. Elles hésitèrent un 
moment quand elles apprirent que la ville se proposait d'acheter 
Y Hôtel des Allées. Mais ce projet n'ayant pas eu de suites, et 
Mesdames de la Farge et de Mortillet, héritières de M. de Monte- 
légier, ayant témoigné vouloir donner la préférence aux dames 
de Sainte-Claire, des conventions furent signées le 18 février 
1834. La prise de possession eut lieu le lendemain, et l'acte 
portant quittance de 40,000 francs, prix de l'achat, fut signé le 
1 1 octobre suivant. La maison par elles délaissée a été vendue 
pour la somme de 12,000 francs à une compagnie d'actionnaires, 
qui l'ont fait démolir dans le but d'élever sur son emplacement 



(1) Jean-Pierre Bernon de Montelégier, né le 22 janvier 1736. Il entra an 
service dans les mousquetaires le 22 mars 1753 , devint capitaine au régi- 
ment de Bourgogne en 1759 , lieutenant-colonel dans le 4* régiment de 
chevau-légers en 1779, chevalier de Saint-Louis, et prit sa retraite le i" 
mars 1791 avec le grade de maréchal de camp. Il fut maire de Montelégier, 
où il est mort le 11 octobre 1833. 



LE COUTENT DE SÀIflTE-CLÀIBE DE ROMANS. 264 

une halle aux grains. Mais ce projet n'a pas même eu un com- 
mencement d'exécution. 

En 1848, à l'instigation de quelques propriétaires du voisi- 
nage, l'autorité municipale, abusant de l'état de trouble causé 
par la révolution de Février, obligea les religieuses de Sainte- 
Claire de rétrocéder à la ville une partie de leur monastère pour 
agrandir la promenade dite des Gordeliers. Par acte du 3 mai 
1848 et pour le prix de 15,000 francs le maire acquit l'Allée des 
Maronniers et le vivier, qu'on a fait couvrir d'une voûte. On 
perça une rue pour faire communiquer le quartier de Saint- 
Nicolas avec la montée des Cordeliers, et en 1863 , sans aucune 
nécessité, on vendit pour être démoli l'arc de triomphe en 
pierre de taille construit en 1701 par l'abbé de Lesseins, à 
l'occasion du passage des ducs de Bourgogne et de Berri, petits- 
fils de Louis XIV. 

Les religieuses du monastère de Sainte-Glaire de Romans 
forment une communauté composée d'environ quarante per- 
sonnes, qui, conformément à leur règle primitive, s'adonnent à 
la vie contemplative et n'ont d'autres ressources que les dons 
qu'elles reçoivent des personnes pieuses et le produit de leurs 
travaux industriels 1 . Leur église , très-fréquentée , est petite, 
mais fort bien tenue et très-parée, grâce aux offrandes des 
fidèles et aux soins dévoués de leur digne et respectable aumô- 
nier 2 . 



(1) Les religieuses de Sainte-Claire préparent et vendent des eaux dis- 
tillées, des sirops, des confitures, dont la bonne confection leur attire 
une nombreuse cbentelle. 

(2) L'abbé Pierre Jeunot, né à Montrigaud en 1812, aumônier de la com- 
munauté de Sainte-Claire, est mort à Romans le 22 mai 1869. C'était un 
saint prêtre auquel la population de la Tille donna un témoignage d'estime 
et d'affection en assistant presque tout entière à ses funérailles. 



262 SOCIÉTÉ d'aBCHÉOLOGIG ET DE STATISTIQUE. 

LISTE 

DES 

ABBESSES DU MONASTÈRE DE SAINTE-CLAIRE 

DE ROMANS. 



1 Sœur Louise de COSTAING , nommée par le pape Paul V, 

entrée en fonctions le 18 janvier 1621 , décédée le 6 sep- 
tembre 1626. 

2 Sœur Laurence de TREMOLET, élue en 1626, décédée le 

9 septembre 1637. 

3 Sœur Hélène-Gabrielle de GERLANDE, élue le 22 sep- 

tembre 1837, décédée le 8 mai 1647. 

4 Sœur Marguerite de SASSENAGE, élue en 1647, décédée 

le 27 février 1657. 

5 Sœur Marthe BOTIAN, élue en 1657, décédée le 29 mai 

1662. 

6 Sœur Anne ROUX de la FAY, élue le 11 avril 1662, dé- 

cédée le 1 1 février 1682. 

7 Sœur Jeanne MAUREL, élue le 14 février 1682, décédée le 

5 mars 1690. 

8 Sœur Elisabeth de BOULOGNE , élue le 13 mars 1690, dé- 

cédée le 4 avril 1708. 

9 Sœur Marthe FALCONNET, élue le 13 mai 1708, décédée 

le 22 décembre 1711. 

10 Sœur Jeanne de la CROIX de MONTEIZET, élue le 7 jan- 

vier 1712, décédée le 20 décembre 1722. 

11 Sœur Marie-Claire BONNET, élue le 22 décembre 1722, 

décédée le 27 mars 1748. 

12 Sœur Agnès GENEVEZ, élue le 6 avril 1748, décédée le 24 

mars 1773. 

13 Sœur Marie-Rosalie FAURE, élue le 5 avril 1773, décédée 

le 13 novembre 1807. — Hors du monastère de 1792 â 
1805. — Suppléée de 1805 à 1807. 



LE COUVENT DE SAINTE-GLAIRE DE ROUANS. 263 

14 Sœur Marie VALLET, élue en 1807, décédée le 20 janvier 

1815. 

15 Sœur Marie-Madeleine BRENIER, élue en 1817, décédée 

le 20 janvier 1818. 

16 Sœur Anne-Marie GIRAUD, élue le 30 janvier 1818, dé- 

cédée le 1 er juillet 1823. 

17 Sœur Màrie-du-Coeur-de-Jésus PERONNIER , nommée 

par élections triennales de 1823 au 27 mars 1862, joui* de 
son décès. 

18 Sœur Ambroise CHAPUY, élue le 30 mars 1862. Elle est 

dans son quatrième triennal. 



SOCIÉTÉ d'ABCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 



JETON DE MAGDELAINE DE POITIERS 

FILLE DE DIANE DE POITIERS ET DE HENRI IL 



0*~ 

Diane de Poitiers eut-elle des enfants du roi Henri II? 
La question est vivement controversée. M. Rochas, dans sa 
'Biographie du c Daupkinê (t. II, p. 275), s'exprime à ce 
sujet de la manière suivante : « Elle n'eut pas d'enfants de 
11 ce prince : cependant on a prétendu qu'elle lui donna une 
» fille, nommée M."* de La Montagne. Duchesne en parle 
» dans ses manuscrits , et dit qu'elle était âgée de 76 ans au 

» moment où il écrivait L'existance de cette fille n'est 

11 rien moins que prouvée. » Le Père Anselme (Généalogie 
de la maison de France) s'exprime à peu près de la même 
manière que Duchesne. Le jeton suivant trouvé en Lorraine 
et dont le travail est de la fin du XVI" siècle vient résoudre 
définitivement cette énigme historique. 

® MAGDALAINE $ DE $ POITIERS ® Écu 
aux armes des Poitiers entouré de trois fleurons ; au-dessus 
et au-dessous un monogramme dans lequel on retrouve les 
lettres M. D. P. — N. D. L. M., initiales des noms de 
Magdelaine et de son mari. 

Revers : * NICOLAS ® DE $ LA $ MONTA- 
GNE. Ecu chargé d'un aigle à deux têtes et entouré de 
trois fleurons II n'est pas douteux que ce jeton n'offre d'un 



JETON DE MAGDELAINE DE POITIERS. 265 

côté le nom et les armes du mari , et de l'autre le nom et 
les armes de la femme ; il est à peu près certain également 
que l'aigle à deux têtes , armoiries du mari , indique une 
famille du Nord-Est de la France , contrée encore placée 
au XVI e siècle sous la suzeraineté directe de l'empire. En 
présence des alliances existant entre la maison de Lorraine 
et Diane de Poitiers , j'ai dû rechercher si ce Nicolas de La 
Montagne n'aurait pas été attaché à cette puissante famille : 
mes recherches ont été couronnées de succès. 

Les mémoires de Condé (t. III, p. 1 33- 142- 144) signa- 
lent un La Montagne, maistre d'hostel et secrétaire du duc 
d'Aumale, qui fut l'un des instigateurs du massacre de 
Vassy (i56i), et dont le fils possédait un prieuré de 12 à 
i,5oo livres de revenu aux environs de cette ville. Grâce 
aux renseignements qui m'ont été obligeamment transmis 
par M. Fourot, de Saint-Dizier, je puis ajouter aux faits 
signalés par les mémoires de Condé les détails suivants : 

La familje de l'Aigle de La Montagne , encore existante 
en Champagne , y avait été amenée dans la première moitié 
du XVI e siècle par Jacques de l'Aigle de La Montagne, 
gouverneur de Talant- les- Dijon en Bourgogne, et maître 
d'hôtel du duc d'Aumale. Il acheta la seigneurie de Champ- 
gerbault, près de Vassy, en 1549, fut l'un des héros du 
massacre de Vassy, et eut pour fils Nicolas de l'Aigle de La 
Montagne. Nicolas succéda à tous les titres et à toutes les 
seigneuries de son père, fut écuyer de M. me la duchesse de 
Guise et épousa Magdelaine de Poitiers *. 

Les armoiries de cette famille étaient de gueules à l'aigle 
à deux têtes éplqyé d'argent. 



(1) Magdelaine de Poitiers est nommée dans la généalogie des de l'Aigle 
de La Montagne Diane de Poitiers, soit par erreur, soit en souvenir de 
sa mère. 

Tome VI. — 1872. 18 



266 société d'archéologie et de statistique. 

A l'aide de ces faits on peut refaire comme il suit l'histoire 
de Magdelaine de Poitiers. 

Duchesne écrivait vers i63o : si Magdelaine avait 76 ans 
à cette époque, elle est donc née vers i555. Henri II meurt 
en 155g-, Diane de Poitiers est exilée et persécutée par Ca- 
therine de Médicis et meurt en 1 566, sans insérer dans son 
testament aucune clause en faveur de sa fille naturelle, âgée 
à cette époque de 1 1 ou 12 ans. Elle l'avait probablement 
recommandée à l'affection de ses deux gendres, le duc 
d'Aumale et le duc de Bouillon. Magdelaine de Poitiers suit 
le duc d'Aumale en Lorraine , et quelques années plus tard 
épouse Nicolas de La Montagne , fils du secrétaire de son 
beau-frère. Le titre de demoiselle que lui donne Duchesne 
est une preuve que son mari était un gentilhomme d'un 
rang peu élevé. A partir de cette époque sa vie se prolonge 
et s'éteint dans l'obscurité et elle meurt à la fin du premier 
tiers du XVII e siècle. 

J. ROMAN. 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 267 



PROMENADE D'UN ÉPIGRAPHISTE 

A TRAVERS 

JUBS DÉPAETEMENT8 

DE L'ARDÈCHE, DU GARD, DE VAUCMSE ET DE LA DROME. 



Lettre adressée à M. Lacroix, secrétaire-archiviste de la Société. 



Lyon, le 15 avril 1872. 

Monsieur et ami , 

De retour d'une promenade à pied à travers les départements 
qui, de Lyon à la mer, forment la vallée du Rhône , j'ai le 
plaisir de pouvoir vous envoyer pour votre Bulletin quelques 
fleurettes épigraphiques, cueillies le long de ma route , les unes 
sur les rives mêmes du beau fleuve aux flots verts et rapides , 
d'autres sur les bords non moins pittoresque^ de ses affluents 
fournis par les Cévennes et par les Alpes : la sombre Ardèche , 
le Gard au sable d'or, la Durance parsemée d'îles sans nombre , 
l'Ouvèze , l'Aigues , l'irascible Roubion , la Drôme aux riants 
méandres , la fertile Isère au limon noirâtre. Pour parler plus 
simplement, je vous fais parvenir quelques inscriptions que 
j'ai copiées , chemin faisant , dans votre département et dans 
ceux de l' Ardèche , du Gard et de Vaucluse. Toutes , vous le 
voyez , ne sont pas des Ségalaunes , des Tricastins ou des Vo- 
conces ; il y en a des Helves , des Volkes Arécomiques , des 
Avenienses , des Arausienses , des Mémines , des Viennenses. Non 
plus , toutes ne sont pas inédites ; mais peut-être quelques-unes 
de celles qui peuvent avoir été déjà publiées , n'ont-elles pas été 
fidèlement reproduites ou bien lues. J'espère qu'aux unes et aux 
autres vous voudrez bien faire le même bienveillant accueil. 



268 société d'àbchéologie et de statistique. 

Avant d'en entreprendre la revue , je vais rappeler en premier 
lieu ce qui , dans un extrait de l'Histoire de la Gaule Narbonnaise 
de M. Herzog (l re partie , ch. II, p. 74 à 106), inséré au Bulletin 
du 1 er semestre de 1870 (p. 224 à 241), a déjà été expliqué; en- 
suite présenter en regard de l'opinion de M. Herzog une autre 
opinion notablement différente de la sienne , celle de M. Des- 
jardins , auteur d'une nouvelle Table de Peulinger, dont la pu- 
blication , qui se fait aux frais du Ministère de l'instruction 
publique, a commencé en 1869. 

Suivant M. Herzog, lors de l'organisation des cités de notre 
province, sur le modèle des cités de l'Italie, par César d'abord , 
à qui revient la gloire d'avoir conçu le plan de cette innovation 
libérale qu'il destinait à toutes les provinces de l'empire , et qui 
choisit la Narbonnaise pour en essayer l'exécution , ensuite par 
Auguste, qui acheva et perfectionna , selon son génie particulier, 
ce que son père d'adoption , brusquement interrompu dans ses 
projets par une mort tragique , n'avait pas eu le temps de 
mener à fin , toutes reçurent le nom de « colonie », mais à titre 
simplement honorifique, et sans que, pour cela, aucune co- 
lonie autre que celles dont il va être parlé , eût été implantée 
chez elles. Il n'y eut dans la Narbonnaise de colonies véritables, 
c'est-à-dire composées de vétérans des armées romaines ou de 
citoyens tirés de Rome, que celles deNarbonne, d'Arles, de 
Béziers, d'Orange et de Fréjus. Ce fut, d'après le témoignage 
de Suétone (Tib., 4 : ..;.... ad deducendas in Galliam colonias in 
queis Narbo et Arelate), Tiberius Claudius, le père de l'empereur 
Tibère, qui, en considération de ce que, dans la guerre d'A- 
lexandrie , étant questeur de César et préposé au commande- 
ment de la flotte, il avait particulièrement contribué à la vic- 
toire, fut chargé de la mission de les conduire, ce qui doit 
avoir eu lieu dans l'intervalle des années 46 à 44 avant J. C. 
Narbonne existait déjà depuis soixante-quinze ans, ayant été 
amenée, comme on l'apprend de Cicéron (Brut., 43), par l'ora- 
teur Licinius Crassus en 118. Mais, sans doute épuisée de colons 
par la longue guerre des Gaules , elle avait besoin d'être renou- 
velée. 

A ces cinq colonies qui , outre les noms rappelant pour cha- 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 269 

cune d'elles les légions qui les avaient fournies, portaient 
aussi en l'honneur de César, leur, fondateur, ceux de Julia Pa- 
tenta ou simplement de Julia , il faut peut-être en ajouter une 
sixième : Valence, fondée par Auguste, puisqu'on lit dans le 
testament de ce prince, gravé sur les murs de YAugusteum 
d'Ancyre (2 e partie à droite, 2 e colonne, 35 e et 36 e lignes), qu'il 
avait « envoyé des colonies militaires en Afrique, dans la Ma- 

» cédoine, dans l'une et l'autre Espagne, en Achaïe, et 

» dans la Gaule Narbonnaise ». Vienne n'ayant jamais été co- 
lonie que de nom, l'on ne voit pas quelle colonie militaire 
pourrait avoir $té envoyée par Auguste dans, la Narbonnaise , 
autre que celle de Valence , qui était comme Vienne une cité 
romaine. Aucun indice de l'existence de Valence ne se montre ' 
antérieurement à Auguste, et l'on peut remarquer que Va- 
lentia , — le nom primitif de Rome , — est un nom purement 
latin. Donné à une ville assise presqu'au confluent de l'Isère et 
du Rhône, ce nom semble être une allusion à la vaillance ro- 
maine qui , par la célèbre victoire de Fabius Maximus , rem- 
portée en 121 avant notre ère, près de ce même confluent , sur 
les Allobroges et les Arvernes réunis, avait asservi aux Romains 
toute la Gaule méridionale. Si Valence , comme son nom paraît 
l'indiquer, fut réellement une colonie militaire, il n'est pas 
sans vraisemblance qu'elle dut être établie sur l'emplacement 
même du champ de bataillé. 

Ces colonies, Valence comprise, étant composées de citoyens 
romains , jouissaient du droit des cités romaines et étaient ins- 
crites dans autant de tribus différentes : Narbonne, colonia 
Julia Paterna Narbo Martius Decumanorum dans la tribu Papiria; 
Arles, colonia Julia Paterna Arelas Sextanorum dans la tribu 
Teretina ; Béziers , colonia Julia Beterrae Septimanorum dans la 
tribu Pupinia; Fréjus, colonia Classica Pacensis Octavanorum 
Forum Julii dans la tribu Aniensis. On ignore à quelles tribus 
appartenaient Orange , colonia Julia Firma Secundanorum Arau- 
sio , et Valence, colonia Valentia. Quant aux colonies fictives, 
c'est-à-dire toutes les cités de la province autres que celles qui 
viennent d'être nommées , elles n'étaient que de droit latin et 
avaient pour tribu commune la tribu Voltinia. 



270 société d'ahchéologie et de statistique. 

Par une faveur dont on ne connaît pas le motif, Vienne fut 
de très-bonne heure, du temps même d'Auguste , et seule entre 
toutes les cités d'indigènes de la province , élevée du rang de 
colonie latine à celui de colonie de citoyens romains. Cepen- 
dant, ce qui paraît être la preuve que Vienne n'était autre 
chose qu'une cité d'indigènes assimilés à des colons romains , 
c'est , indépendamment de son affiliation à la tribu Voltinia , 
d'entendre Claude , cherchant des exemples en faveur du droit 
d'admission des étrangers au sénat , dire que « depuis long- 
» temps la colonie de Vienne envoyait des sénateurs à Rome »; 
c'est aussi le langage que Tacite (Hist., I, 65) met dans la bou- 
che des Lyonnais, lorsque s'efforçant d'exciter contre les Vien- 
nois les soldats de Valons, ils leur disent qu'ils ne trouveront 
à Vienne rien qui ne soit t étranger et hostile » ; c'est encore 
cette haine violente qui existait de vieille date entre les Lyon- 
nais et les Viennois ; ceux-ci les descendants de ces Allobroges 
qui avaient « autrefois » (Dion , 46, 50) , probablement lors de 
l'insurrection dirigée par Catugnat , chassé les Romains établis 
chez eux ; ceux-là les descendants de ces Romains expulsés par 
les Allobroges. 

Maintenant , une opinion différente de celle qui vient d'être 
présentée, est celle de M. Desjardins, exprimée en divers en- 
droits des annotations dont il accompagne sa Table de Peutinger, 
en cours de publication. 

Selon M. Desjardins, les colonies deNarbonne et d'Arles, qui 
joignent à leur nom de Julia le surnom de Paterna, ont été en- 
voyées dans la Narbonnaise du vivant de César; mais celles 
qui ont simplement le nom de Julia , même parmi elles celles 
qui portent des surnoms rappelant les numéros des légions de 
César dont elles étaient issues, ne sont que du temps des trium- 
virs. Enfin celles qui portent le nom d'Augusta seul ou joint à 
celui de Julia, doivent leur origine à Auguste. 

Ainsi , Narbonne , qui s'appelle colonia Julia Paterna Decuma- 
norum, est une colonie envoyée par Jules « le père », c'est-à- 
dire César, et composée de soldats de la fameuse X e légion de 
César (p. 51, col. 3). Le nom de Martius qu'elle avait depuis sa 
première fondation en 1 18, ne lui avait pas été donné à cause du 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 274 

consul de cette année, Q. Marcius Rex, mais plutôt, comme le 
remarque M. Herzog (p. 50) , en l'honneur du dieu Mars , de 
même que la colonie de Corinthe avait le nom de Junonia en 
l'honneur de Junon , et celle de Carthage, le nom de Veneria 
en l'honneur de Vénus. Narbonne reçut une troisième coloni- 
sation sous Claude , ainsi qu'en témoignent les inscriptions, où 
elle est appelée Claudia (p. 52, col. 1 ; — Henzen, 5232). 

Ainsi , Arles , appelée colonia Julia Paterna Sextanorum , est 
une colonie de soldats de la VI e légion, envoyée également 
avant la mort de César (p. 72 , col. 2). 

Mais Beterrae , appelée colonia Julia Beterrae Septumanorum , 
reçut , seulement sous les triumvirs , une colonie de soldats de 
la VIP légion (p. 72, col. 2). 

Arausio, appelée colonia Firma Julia Secunilanorum , reçut 
une colonie de soldats de la II e légion seulement aussi sous les 
triumvirs (p. 72 , col. 3). 

Apta Julia est une colonie qui ne remonte, comme son nom 
l'indique, qu'au temps des triumvirs (p. 77, col. 1). 

Carcaso, appelée sur une inscription (Herzog, N. q 266) colonia 
Julia y est pareillement une colonie des triumvirs (p. 72, col. 2). 

Vienne, appelée colonia Julia, a été organisée en colonie 
sous les triumvirs (p. 46 , col. 2) ; et il n'est pas certain qu'elle 
ait été, suivant l'opinion de M. Herzog (p. 92), de droit latin 
avant de devenir une cité romaine. 

Aleboece Reiorum Apollinarium , appelée colonia Julia et 
Julia Augusta , était une colonie d'Auguste (p. 63 , col. 3). 

Nemausus, appelé colonia Augusta, reçut aussi une colonie 
d'Auguste (p. 72, col. 2). Auguste n'aurait fait que renouveler 
et agrandir une colonie plus ancienne, que M. Mommsen, 
d'après une monnaie qu'il croit antérieure à Octavien , attribue 
à César (p. 50, col. 1; — Herzog, p. 85). 

M. Desjardins n'appelle colonies que les cités auxquelles 
quelque document certain accorde expressément ce titre. 

En tout cela , M. Desjardins est en conformité de sentiment 
avec Borghesi (CEuvr., 5, p. 260 à 264). 

Le savant italien reconnaît, en effet, que les colonies de Julia 
Patema Arelas et de Julia Paterna Narbo Martius ont été appelées 



272 société d'archéologie et de statistique. 

l'une et l'autre Paterna pour faire distinction, ainsi que l'avait 
déjà remarqué Noris, entre Jules le fils et Jules « le père », à qui 
elles devaient leur fondation. Ensuite, il cite plusieurs colonies 
qui portent le nom (XAugusta et reconnaissent Auguste pour leur 
auteur; puis, passant en revue toutes les colonies auxquelles il 
trouve le nom de Julia , il en rencontre quelques-unes qui peu- 
vent être de César ; mais le plus grand nombre est attribuable 
d'une manière certaine aux triumvirs. 

Plusieurs raisons ont pu déterminer les triumvirs à donner 
le nom du dictateur aux colonies qu'ils ont fondées; ce fut 
soit parce qu'ils commencèrent à les établir en vertu de la loi 
Julia de César; soit parce que dans les premières années ils 
affectaient de ne rien faire qu'en conformité des institutions ou 
au moins en l'honneur de César; soit enfin , et c'est sans doute 
une des principales raisons , afin d'enlever tout sujet de conflit 
et tout motif de préséance par le choix à faire entre eux trois de 
celui à qui écherrait l'honneur si envié d'imposer son nom à 
une colonie (ibid., p. 264). 

On voit que M. Desjardins est loin d'accorder à l'œuvre de 
César dans la Narbonnaise une aussi large part que celle qui 
lui est faite dans le brillant tableau de M. Herzog; mais si l'o- 
pinion du savant annotateur de la Table de Peutinger n'a pas 
tout l'éclat peut-être de celle de l'historien de notre province , 
on voit que , sachant résister aux séductions des hypothèses 
même les plus probables, aux apparences même les plus at- 
trayantes, et se maintenir dans le chemin étroit, mais sûr, de 
la science certaine, elle ne se produit que bien solidement 
étayée de preuves. 



I 



ALBA HELVIORUM , cité latine embrassant tout le terri- 
toire des Helves. Elle était inscrite dans la tribu Voltinia (voy. 
Herzog, N. 06 285, 286). Une inscription de Die (Spon, mise, 
59, et Herzog, N.° 450), rappelant un sacrifice taurobolique fait 
en 245 pour la conservation des deux Philippes et de l'impé- 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 273 

ratrice Otacilia Severa , fait connaître le nom d'un quindecimvir 
de la cité d'Alba : CASTRICIO ZOSIMIONE (XVVIRo) 
CIVITATw ALBENSis. 

Pline (14, 3) cite comme découverte sur le territoire i'Alba 
Helvia une espèce particulière de raisin , fort avantageuse , 
connue depuis peu de temps à l'époque dont il parle, et qu'on 
s'était aussitôt empressé de propager dans toute l'étendue de la 
Narbonnaise. 

Le Pouzzin (Ardèche). — Dans la collection de M. le docteur 
Lamotte. Table de pierre carrée, bordée d'une moulure enca- 
drant l'inscription. 

POLLIONI 

FEILIO 

//INTVGNATA.V/OVDI 

FEILIA. FRATRI 

piiSSVMO. ET. SIBI 

Pollioni, feilio, Cintugnata Boudi feilia, fratri piissumo et 

sibi. 

m 

Pollio , à la mort de qui a été faite cette épitaphe, n'était pas 
né du même père que sa sœur, puisque pour chacun d'eux l'on 
a eu soin d'indiquer la filiation, ce que, dans une inscription 
bien rédigée comme est celle-ci , l'on n'aurait certainement pas 
fait , si cette filiation eût été la même pour l'un et pour l'autre. 
Leur mère avait donc été mariée au moins deux fois; et le 
mari dont elle avait eu sa fille s'appelait , je crois , Boudus , ou 
Boudins selon la forme ordinaire des noms latins ou latinisés. 
BOVDVS et BOVDIA se trouvent , dans .Gruter ( 838 , 6 et 
722, 9), sur deux inscriptions de Nismes, c'est-à-dire d'une 
cité contiguë à celle des Helves. Ce nom , à cause de la diph- 
thongue ou, très-rare dans les mots latins, au contraire fré- 
quente dans les noms celtiques, paraît être gaulois , et il n'y a 
même guère à en douter en voyant la fille de celui qui le porte 



274 société d'archéologie et de statistique. 

sur notre inscription , s'appeler elle-même d'un nom gaulois ; 
car, bien qu'incomplet par la perte de sa première lettre, le 
nom de celle-ci était assurément Cintugnata. On ne rencontre 
pas moins de trois fois dans les Inscriptions du Rhin de Steiner 
(N." 1624 , 1449 et 1484 ) CINTVGNATVS et CINTVCNATVS , 
que M. Pictet, de Genève, l'habile celtiste, considère comme 
gaulois (Essai sur quelques inscriptions gauloises, p. 40). Du 
reste, la terminaison gmt est gauloise. Catugnat, l'héroïque 
défenseur de l'indépendance des Allobroges , Critognat , le fa- 
rouche patriote arverne , sont de célèbres exemples de la fré- 
quence de cette terminaison dans les noms appartenant h la 
langue nationale de nos plus vieux ancêtres. 

De même que le père de Cintugnata avait , comme sa fille , 
un nom gaulois, de même il est à présumer que le père de 
Pollio avait aussi , comme son fils, un nom purement romain. 
Il n'est pas possible , dans l'état de la pierre , de dire avec cer- 
titude quel était ce nom ; mais ceux de Julius et de Valerius 
ayant été de beaucoup les plus usités , surtout à mesure qu'on 
se rapproche des commencements de la période gallo-romaine , 
on pourrait d'autant mieux supposer Julius avec quelque ombre 
de vraisemblance , que la place disponible exige un mot court , 
et que le bord de la fracture qui a emporté la fin de la ligne , 
permet encore de reconnaître que la première lettre du nom 
absent commençait par un jambage vertical. Le début de l'épi- 
taphe se restituerait alors ainsi : « Pollioni, Juliei feilio, etc. » 

La présence de noms gaulois et les archaïsmes FEILIO , 
FEILIÀ , pii SSVMO assignent au tombeau de Pollio une 
grande ancienneté. Je ne le crois pas postérieur à Auguste. 

Le Pouzzin. — Même collection. Gippe incomplet par en 
bas; terminé au-dessus de la corniche par un fronton pyra- 
midal , surmontant un cintre au milieu duquel est gravée une 
ascia. Une autre ascia , plus petite, se voit à la première ligne 
entre les initiales D M. Ce cippe a été trouvé à l'extrémité du 
confluent de l'Ouvèze dans le Rhône. — Hauteur, l m 15; lar- 
geur, m 55. 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 275 

D (ascia) M 

ET MEMORIac 

AETERNAE PETRO 

NIAE MARIAE /// 

5 — PETRONIVS MA 

CELLIO. CONIVGi 

KARISSIMAE Et 

PETRONI. MARi 

ANE. ET MARii** 

10— MATRi 

Diis Manibus et memoriae aeternae Petroniae Mariae , Petronius 
Macellio conjugi karissimae et Petronii : Mariane et Marins matri 
fpiissimae ponendum curaverunt, sub ascid dedicaverunt). 

Petronius Macellio, le mari de la défunte, avait probablement 
un prénom exprimé par une initiale qui occupait la fin de la 
quatrième ligne et que l'usure de la pierre a fait disparaître. 

« Petronii Mariane et Marins », au lieu de Petronia Mariane et 
Petronius Marins, était une manière de s'exprimer très-usitée 
en épigraphie. On mettait au pluriel le nom de famille pour 
n'avoir pas à le répéter devant le surnom de chacune des per- 
sonnes auxquelles il se rapportait. 

« Karissimae » par un K était une orthographe très-usitée 
aussi. Quintilien (1, 7) la blâme comme n'ayant pas de raison 
d'être, puisque les Latins possédaient le C qui, devant toutes 
les voyelles , avait la même valeur que cette lettre, inutilement 
empruntée des Grecs. Mais cette orthographe était autorisée 
par l'usage , et « beaucoup de personnes , remarque-t-il , croient 
» le K nécessaire devant la voyelle A ». Les quadrataires étaient 
surtout de ces personnes-là ; car, sur les inscriptions , le K se 
rencontre devant l'A presqu aussi souvent que le C. 

Le Pouzzin. — Petit cippe carré , avec base et corniche , 
trouvé , comme les deux inscriptions précédentes , au Pouzzin , 
et faisant aussi comme elles partie de la collection de M. le doc- 
teur Lamotte. Une ascia , gravée sur la face antérieure du dé 



276 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique. 

avan t l'inscription , coupe un des mots de celle-ci en deux par- 
ties. Plusieurs des T privés de leur barre transversale pré- 
sentent la figure de 11. — Hauteur, m 80; largeur, m 30. 

D M 

El QVIEII AE 
TERNaE CON 
SIANII MA R 
5 _ IAN— E MATEr 
FILIO PIENII 
SSIMO POSVIT 

Dits Manibus et quieti aeternae Constantii, Mariane, mater filio 
pientissimo posuit. 

Il y a apparence que les divers tombeaux élevés à la mé- 
moire des membres d'une même famille étaient le plus souvent 
réunis de manière à former des groupes, et que, peut-être, 
c'est pour ce motif que les épitaphes de quelques-uns de ces 
tombeaux ne désignent que par leurs surnoms des personnes 
dont tous les noms se lisaient sur des épitaphes voisines. Notre 
inscription nous laisse ignorer les noms de famille de Cons- 
tantius et de sa mère Mariane; mais celle-ci n'est déjà plus une 
inconnue pour nous , et nous savons , par l'inscription précé- 
dente , qu'elle se nommait Petronia et était fille de Petronius 
Macellio et de Petronia Maria. Nous saurions de même le 
nom de son mari et conséquemment celui de son fils, si tous 
les tombeaux qui composaient le columbarium ou groupe funé- 
raire nous étaient parvenus. 

Une particularité fort curieuse est que l'ascia qui se voit sur 
la face antérieure du dé y a été gravée avant l'inscription, dont 
un des mots , le mot MARIAN — E de la cinquième ligne , se 
trouve, par cette circonstance, partagé en deux portions. La 
représentation de l'ascia sur les monuments funéraires a donné 
lieu à une infinité de conjectures. A peu près toutes les suppo- 
sitions imaginables ont été produites. On y a vu , non-seule- 
ment et avec raison un outil de tailleur de pierre, mais aussi 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 277 

une pioche de jardinier pour sarcler le terrain autour du tom- 
beau, un instrument de supplice pour effrayer les profanateurs, 
un emblème chrétien , une croix dissimulée , etc. Cependant , 
la preuve, à ce qu'il me semble, que l'ascia n'est rien autre 
chose qu'un outil de lapicide, c'est qu'on en trouve la figure 
quelquefois accompagnée de celles d'un niveau et d'un fil 
d'aplomb. L'ascia entre le niveau et le fil d'aplomb se voit 
particulièrement sur plusieurs des sarcophages des Aliscamps 
d'Arles. D'une autre part, la formule « dédier sub ascia », qui, 
ordinairement , se montre associée à la figure de l'objet , s' étant, 
jusqu'à présent , toujours présentée dans les mêmes termes , 
c'est que, sans doute , elle énonçait d'une manière suffisamment 
explicative ce qu'elle était destinée à faire connaître. Il s'agit 
donc de chercher le sens le moins éloigné des mots. Or, dédier 
sous l'ascia un tombeau (aux dieux Mânes) signifie littéralement 
dédier un tombeau encore entre les mains de l'ouvrier chargé 
de son exécution, encore sous l'outil de cet ouvrier. Notre 
monument , où l'ascia a été gravée sûr la face destinée à l'ins- 
cription , précédemment à celle-ci , offre un témoignage remar- 
quable à l'appui de cette interprétation. Voici comment , sur ce 
sujet, M. Léon Renier s'exprime dans une des précieuses notes 
dont il a enrichi la réédition faite, il y a quelques années , de 
la Recherche des antiquités de Lyon de Jacob Spon (p. 69) : 
« Après les très-nombreuses dissertations qui ont été publiées 
» sur le sens de la formule sub ascia dedicare y il faut en revenir 
» à la première explication qu'on en a donnée. Dédier un tom- 
» beau sous l'ascia, c'était dédier un tombeau qui n'a pas en- 
» core servi , un tombeau neuf , sortant des mains de l'ouvrier, 
» et qui est encore , en quelque sorte , sous la hache du tailleur 
» de pierre. » 

Maintenant, comment se fait-il que la représentation de 
l'ascia et la formule qui s'y rapporte aient été spéciales à la 
région sud-est de la Gaule , tandis que , dans les autres parties 
et de la Gaule , et de l'empire romain , l'on devait attacher tout 
autant de prix qu'ici à la possession d'un tombeau neuf , c'est 
<;e qui n'a pas pu être éclairci encore. 

Les trois inscriptions qui précèdent ne sont pas les seuls 



278 société d'archéologie et de statistique. 

vestiges d'antiquité que le sol du Pouzziu ait rendus à la lu- 
mière. Il y a environ quinze ans , on y a trouvé , en creusant 
pour construire une des dernières maisons au midi de la ville , 
les débris d'une statue de pierre, de grandeur d'homme , dont 
on n'a conservé que la tête, transportée depuis à Privas. Des 
médailles, entre autres plusieurs grands bronzes de Vespasien , 
ont été recueillies avec ces fragments. On y a également dé- 
couvert plus récemment et dans un autre quartier un tombeau 
avec épigraphe contenant divers objets qui paraissent avoir dû 
appartenir à une jeune fille : une riche coupe en agate et un 
écrin en ivoire de la forme et de la grosseur d'une colombe , 
écrin dans lequel était renfermée une très-élégante bague en or, 
ornée d'une pierre gravée. 

M. Lamotte, qui parvient à dérober de temps en temps aux 
occupations assujétissantes de sa profession quelques moments 
de loisir, qu'il emploie d'une manière studieuse à préparer une 
monographie sur. le Pouzzin , est possesseur de ces derniers 
objets. C'est à lui qu'il appartient d'en parler avec plus de dé- 
tails qu'il ne m'est permis de le faire. 

Saint -Symphorien-d'Auzon. — Dans un jardin près de 
l'église. Cippe très -mutilé, qui a pour couronnement une 
niche cintrée renfermant une tête de femme assez grossière- 
ment sculptée. — Hauteur, 1 m 20 ; largeur, m 38. 

D M 

///AÀÀIAORIA 
///ASIRIGIAIS 

h un UlOll MAR 

5 - I III II US POSIIT 
////////AISIM 

Dits Manibus et memoriae (?) , maritus ejus 

posiit conjugi carissimae. 

J'abandonne à de plus expérimentés la tâche de lire cette 
épitaphe rebelle , que la maladresse du graveur et la barbarie 
du temps se sont plu à l'envi à rendre indéchiffrable. 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 279 

La tête de femme qui occupe la niche qui forme le couronne- 
ment du cippe est le portrait de la défunte. 

Cruas. — Gippe carré, brisé par en haut et privé de son cou- 
ronnement; trouvé en fouillant sous la chapelle du Château ; 
actuellement à Montélimar, dans la collection de M. Vallentin. 
L'inscription , à l'exception des initiales D M , placées sur la 
frise au-dessous de la corniche, est renfermée dans un encadre- 
ment de moulures. — Hauteur, l m 25 ; largeur, m 60. 

D M 

MASPETIE 
VERE 
A MASPETIVS 
5 — VERV8 

FILIAE KA 
RISSIME 

Diis Manïbus Maspetié Vere, A. Maspetius Verus filiae karissime. 

Cruas. — Cippe carré, avec base et couronnement , trouvé au 
même lieu que le précédent, et transporté aussi à Montélimar, 
dans la collection de M. Vallentin. Les lettres D M de la pre- 
mière ligne sont placées sur la frise entre la corniche et l'enca- 
drement de moulures qui contient le surplus de l'inscription. 
— Hauteur, l m 55; largeur, m 60. 

D M 

A MASPE 

TIO SEVERO 

A. MASPETI 

5 — VS SEVE 
RIANVS 
FRATRI KA 

RISSIMO 

Diis Manïbus. A. Maspetio Severo , A. Maspetius Severia?ius 
fratri karlssimo. 



280 société d'archéologie et de statistique. 

Un Q. Maspetius Severianus, ami et héritier d'un patron de 
la corporation des nautes du Rhône , une Maspetia Severina 
qui exhale en termes touchants son chagrin de la perte de son 
mari , rappelés l'un et l'autre sur deux inscriptions de Lyon 
(de Boissieu, p. 393 , et musée), doivent avoir été de la famille 
des Maspetius de Cruas ; car un nom si bizarre a sans doute été 
peu répandu. Peut-être ce nom étrange n'est-il qu'une défor- 
mation deMANSVETIVS, orthographié conformément aune 
prononciation barbare. Un Mansuetius Verus figure dans la 
Lable des noms de Gruter. 

Nos deux inscriptions sont des plus mal gravées ; mais elles 
indiquent plutôt une main inhabile qu'une mauvaise époque. 

Rochemaure. — Cippe carré , brisé par en bas ; terminé au- 
dessus de la corniche par un cône arrondi , godronné en spirale 
à l'imitation d'une flamme , genre d'ornement qui ne se ren- 
contre ni à Lyon , ni à Vienne, quoique fréquent dans certaines 
autres parties de la France; trouvé en 1845 au village des Fonts- 
de-Collarion. Actuellement à Montélimar, dans la collection de 
M. Vallentin. Les lettres D M sont gravées sur la plate-bande 
de la corniche. Une ou deux lignes manquent à la fin de l'ins- 
cription. — Hauteur, m 95; largeur, m 33. 

D • M 

MEMORIAE 

AETERNiE. GET 

TI. VRSVLI 

5 — QVI. VIX. ANN 

zXXII. GETTIA 

RVFINA. ET. get 

TIVS VRSus.... 



Diis ManUms , memoriae aeternae Gettii Ursuli qui vixit annos 
XXXII, GetliaRufina et Gettius Ursus (patri (?) piissimo posuerunt). 



HfSCBIPTIONS DIVERSES. 284 

« Geltius » serait peut-être un nom à ajouter à l'onomasticon 
latin; on ne le trouve dans aucun des grands recueils d'ins- 
criptions; mais il y a quelque apparence que c'est le même 
nom que Gessius par la substitution du T à l'S , comme dans 
les exemples suivants pris de la table ad rem grammaticam de 
Reinesius : TETTIl pour TESSII , MBTTII pour MESSII , 
CANVTII pour CANVSII , VOLCATII pour VOLCASII, etc. 

Aps. — Tablette de pierre oblongue , bordée d'un trait en 
creux encadrant l'inscription ; transportée à Montélimar, chez 
M. Mare, banquier; actuellement dans la collection de M. Val- 
lentin. — Hauteur, œ 40 ; longueur, m 55. 

D M 

C. VAL. DAEDALo 

ET. VAL 

INGENVAE FIL 

Diis Manibus, C. Valerio Daedalo et Valeriae Ingenxme, ftliae. 

Entre plusieurs manières de lire cette épitaphe, j'ai choisi, 
en interprétant par filiae plutôt que par filii l'abréviation FIL 
qui la termine , la lecture qui entraîne le moins de conjectures. 
C. Valerius Daedalus , ancien esclave , comme le fait voir son 
surnom mythologique, était le père de Valeria Ingenua, qu'il 
avait eue après son affranchissement et qui porte un surnom de 
personne libre. Il est vrai que l'inscription ne fait pas connaître 
par qui le tombeau leur a été élevé ; mais c'est vraisemblable- 
ment que lui-même l'avait fait faire pour lui et sa fille. 

Si , au contraire , on veut lire filii , alors C. Valerius Daedalus 
est , non plus le père , mais le mari de Valeria Ingenua , et ce 
sont leurs enfants qui leur ont élevé le tombeau. On se de- 
mande, dans ce cas, comment il se fait que le mari, ancien 
esclave, et la femme, personne de condition libre, se trouvent 
avoir le même nom de famille, et l'on est obligé de supposer 
que Daedalus était esclave de Valeria Ingenua et que c'est elle 
qui l'a affranchi , puis épousé. La première lecture, plus simple, 
doit être la vraie. 

Tome VI. — 1872. 19 



282 société d'archéologie et de statistique. 

II 

NEMAUSUS. Colonia Nemausus; puis colonia Augusta Ne- 
mausus. Colonie latine d'abord ; de citoyens romains plus tard ; 
formée de la partie orientale du territoire des Volques Aréco- 
migues ; fondée par César, suivant M. Mommsen, d'après une 
monnaie antérieure à Octavien , sur laquelle on lit ces deux 
lignes NEM | COL : colonia Nemausus (voyez Desjardins , Table 
de Peutinger, p. 50, col. 1); renouvelée et agrandie par Auguste, 
qui lui donna son nom &Augusla (idem, p. 50, col. 1, et mon- 
naie au revers du crocodile). Ce fut, d'après une conjecture de 
M. Herzog (p. 170), d'Hadrien, qui la visita dans un de ses 
voyages dans la Gaule, ou d'Antonin, qui était originaire de 
Nismes, .qu'elle reçut le droit de civitas (p. 50, col. 1). Elle 
était inscrite dans la tribu Voltinia (Herzog, N.° 116). 

Elle devait son nom gaulois au dieu Nemausus , probablement 
sa fontaine déifiée (Orelli, N - 1245, 2032, 2033, 4220). 

« Elle était bien inférieure à Narbonne comme ville com- 
» merçante , mais , par l'étendue de sa commune , elle lui était 
» bien supérieure; car son territoire renfermait vingt-quatre 

» bourgs populeux » (Strab., 4, 186); « oppida ignobilia 

» XXIV Nemausensibus attributa » (Pline, 3, 4). 

Nismes. — D'après un estampage communiqué par M. Bois- 
son, percepteur à Mirabel-aux-Baronnies (Drôme). L'inscription 
est probablement à Blansac, où elle a été vue par Seguier en 
1752. (Renseignements de M. Germer-Durand, bibliothécaire 
h Nismes, 

D M 

BELLIA. SECvN 

DILLA. L. IVLIO CAL 

LIMORPHO. LIB° 

PIE^TISSIMO 

Diis Manibus. Bellia Secundilla L. lulio CalUmorpho, liberto 
pienlissimo. . 



INSCRIPTIONS D1VJ3BSES. 283 

On sait que l'esclave qui recevait l'affranchissement entrait , 
par ce fait , dans la famille de son maître , devenu , dès cet ins- 
tant, son patron, et qu'il en prenait le prénom et le nom, tout 
en conservant pour surnom son ancien nom d'esclavage. 

Si, d'après cela, comme l'inscription semble le dire , Calli- 
morphus eût été l'affranchi de Bellia, il aurait dû s'appeler 
Bellius, ainsi qu'elle, et non Julius. Je présume qu'il était l'af- 
franchi, non pas de Bellia elle-même, mais de son mari, 
sans doute mort avant elle , et qui s'était appelé L. Julius. 

Uzès. — Dans la cour de la mairie. Cippe dont la corniche a 
été abattue et affleurée au dé. Un encadrement, formé d'un 
élégant rinceau, entoure l'inscription. — Hauteur, m 92; lar- 
geur, m 55. 

D M 

TITIA 

PHILEMATIO 

VlVA. SIBI. ET 

SVlS. FECIT 

Diis Manibus. Titia Philematio viva sibi et suis fecit. 

Philematio , malgré sa terminaison masculine , et même 
Philemation et Phitematium , malgré leur terminaison neutre , 
étaient des surnoms de femme , comme d'autres du même 
genre : Anlhemio, Clemio, Edonio, Edulio, Elapio, Pharalio 
(Mommsen, Inscr. du roy. de Naples, 3439, 3714, 1473, 5995, 
6620 , 5055); Secundio, sur une inscription des Aliscamps d'Ar- 
les : YALeriae || SECVNDIONI || L. POPILiw CLEMENS || 
CONIVGi PIAE. Burmann (Anth., 2, p. 117 et 118) cite aussi 
Glycerivm, Sophroniwrn, Philenium, Erotium , Gorgonium, etc. 
Les modernes ont suivi, à cet égard, les traces des anciens ; et 
en français les noms d'Antoinette , de Louise , de Marguerite , 
de Marianne et Marie ont fourni Toinon , Louison , Goton , 
Manon et Marion. 



284 société d'archéologie et de statistique. 

Uzês. — Dans la cour de la mairie. Cippe mutilé , présentant, 
dans un encadrement de moulures , divisé en deux tableaux , 
deux inscriptions à côté l'une de l'autre. — Hauteur, m 85 ; 
largeur, m 55. 



a b 

M 
TBRE 



D 
C. SAM 
ONICcIO 
SABINO NT 10 S 

5— T. SEVERA EGVNDO 

CON. ET 5 — T. SEVER 



VB. AFRO 

DITE. F. 

. P. P. 



A. P. P. P 



Diis Manibus. 

(a). — C. Samoniccio Satrino, Terentia Severa conjugi, et Vibia 
Afrodiîe ftlio piissimo posuerunt. 

(b). — Terentio Secundo , Terentia Severa pair i piissimo posuit. 

L'épitaphe b a été gravée la première. Le nom de famille y 
étant énoncé en toutes lettres, on s'est contenté de l'indiquer 
dans la seconde par l'initiale, ce qui suffisait parfaitement pour 
faire connaître que la femme de Samoniccius se nommait Te- 
rentia Severa et était la fille de Terentius Secundus. Samo- 
niccius paraît avoir été le fils d'une affranchie. 

Beaucaire. — Fragment de la face antérieure d'un sarco- 
phage en marbre blanc , décoré de cannelures strigiliformes ; 
engagé dans le mur d'une maisonnette de campagne apparte- 
nant à M. Daubian-Delisle , en dehors de la ville, entre le 
canal et le chemin de fer. L'inscription, incomplète par en bas. 
était contenue dans un cartouche carré , formé d'un encadre- 



INSC&IPTIONS DIVERSES. 285 

ment de moulures, accosté d'appendices en queue d'aronde, où 
se voient les initiales DM. — Hauteur, m 38 ; largeur, m 62. 

SEMPRONIAE PANTHI 
ANES. OVAM. SARCO 
n FAGO POSITO El A „ 

- U IVLIO QVONDAM. HER M 

MIA. MARITO. EIVS. SEP 



Diis Manibus Semproniae Panthianes quam sarcofago posito ei 
à Julio quondàm Hermia marito ejus y sepeliendam curavit 



M. Germer-Durand, qui vient de publier cette inscription 
dans le numéro de fin décembre 1869 d'un Bulletin intitulé 
Découvertes archéologiques à Nismes et dans le Gard (p. 33), donne 
à Sempronia le surnom de Panhiane et remarque avec raison 
que la langue grecque, dont il paraît tiré, ne lui en fournit pas 
l'étymologie. Il n'en est pas de même de PANTHIANES (pour 
Pantheanes), qu'il y a réellement sur le marbre. L'N et le T y 
sont réunis en un monogramme. 

La ligne qui manque au bas de l'épitaphe, faisait connaître 
la personne, fils ou fille, affranchi ou affranchie, qui avait pris 
soin de déposer le corps de Panthiane dans le sarcophage que 
lui avait autrefois préparé son mari Hermias. 

A leurs surnoms grecs et empruntés à la mythologie, Sem- 
pronia Panthiane et Julius Hermias étaient des affranchis. 



III 



AVENIO. Colonia Avenio Cavarum (Desjard., Tabl. de Peut., 
p. 48, col. 1 et 2). Colonie formée d'une partie du territoire an- 
ciennement conquis par les Marseillais , à gauche du Rhône , 
sur les Volkes et les Cavares ; était du droit latin (Pline, 3, 4), 
et inscrite dans la tribu Voltinia (Inscr. au musée Calvet). 



286 société d'archéologie et de statistique. 

Avignon. — Au musée Galvet. Pierre oblongue , trouvée en 
1844 sur le monticule qui joint l'église à la cathédrale. 

T. CARISIVS. T. F. 
PR. VOLCAR. DAT 

Titus Carisius, Tili filius, praefectus Volcarum } dût. 

La portion d'ancien territoire Volke, située sur la rive gauche 
du Rhône (T. Live), qui avait été attribuée à la colonie des 
Avenienses, avait, à travers ses vicissitudes, retenu le nom de 
la cité dont elle avait été primitivement détachée, et formait un 
pagus appelé Volcarum. C'est de ce pagm Volcarum que Titus 
Carisius a été praefectus, c'est-à-dire l'administrateur en sous- 
ordre délégué par les premiers magistrats de la colonie d'A- 
venio. 

M. Herzog , qui a rapporté cette inscription dans l'appendice 
épigraphique qui fait suite à son Histoire de la Narbonnaisc 
(N.° 403), lit, d'après le conseil de M. Mommsen, .... praetor 
Volcano aram dat, en décomposant les syllabes VOLCAR de 
manière à y trouver les abréviations des mots VOLCano ARam. 
Il suffit de jeter les yeux sur l'inscription , où tous les mots sont 
bien séparés les uns des autres , pour reconnaître que le groupe 
dont il s'agit est l'abréviation d'un seul mot. 

IV 

ARAUSIO. Colonia Firma Julia Secundanorum Arausio. D'a- 
près M. Herzog (p. 81, 82), une des cinq colonies militaires 
amenées, avant la mort de César, par Tiberius Claudius ; d'après 
M. Desjardins (pi. 48, col. 1), sous le triumvirat; établie, au- 
dessus à'Avenio, dans la partie méridionale du territoire des 
Cavares Ségovellaunes. On ne sait pas à quelle tribu elle appar- 
tenait. 

Orange. — Cippe dont la base a été affleurée au dé et dont 
toute la partie supérieure manque. L'inscription , aujourd'hui 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 287 

privée de ses premières lignes , était renfermée dans un enca- 
drement de moulures. Transporté à Gigondas (Vaucluse) , dans 
le château de M. Eugène Raspail. — Hauteur, m 50; largeur, 
m 28. 



• 4 



L. AVRELIVS 

LVCANVS 

T. FVFIVS 

MODOSTVS 

L. AVRELIVS 

VERVS 

L. Aurelius Lucanus, T. Fufius Modostus, L. Au- 

relius Verus. 

Orange. — Partie supérieure d'une stèle arrondie par en 
haut; actuellement, comme l'inscription précédente, au château 
de Gigondas. — Hauteur, 0" 55 ; largeur, 0" 25. 

IILIINAI. TITI 

NIAI. AVCILAt 

LICNVS. DAT 

Elenae , Tiliniae Aucilae , Licnus dat. 

Je crois que cette inscription signifie que « Licnus donne un 
» tombeau àElène, (esclave de) Titinia Aucila ». Licnus, qui 
n'a pas de nom de famille , devait être aussi lui-môme un 
esclave. Son nom paraît gaulois et se rencontre , sous la forme 
LICNOS , dans une inscription celtique à Autun ( Pictet , Ins- 
criptions gauloises, p. 12 et 35) : LICNOS CoN || TEXToS. 
IEVRv || ANVALoNNACV CANECoSEDLoN. 

L'orthographe .de cette épitaphe, où les E sont remplacés par 
deux I et où le dalif féminin est en AI, suivant la forme grecque, 
est sans doute une marque d'ancienneté et en même temps de 
l'influence exercée dans un rayon assez large par les relations 
commerciales avec Marseille. 



288 société d'archéologie et de statistique. 

Orange. — Fragment d'une tablette de pierre , terminée en 
fronton à sa partie supérieure; présentant la moitié gauche 
d'une inscription qu'entourait une moulure. Transportée au 
château de Gigondas. — Hauteur, œ 39 ; largeur , 0° 20. 

PAVLIA. ILIA 

TITI SEXTILI. VI 

CONIVXS. BENE 

HEIC. QVIESCIT 

Paulia Mas (?), Titi Sextilii Vitalis (?) conjuxs, heic quiescit. 

La présomption d'ancienneté qu'autorisent les archaïsmes 
CONIVXS , HEIC n'est pas contredite par la présence de l'ex- 
pression QVIESCIT, qui, bien que devenue extrêmement fré- 
quente sur les épitaphes, au V e et au VI e siècles, n'en est pas 
moins d'une plus grande antiquité. Dans Pétrone (Satyric., 
71), Trimalcion veut qu'elle figure dans la légende qui devra 
décorer son tombeau : C. POMPEIVS TRIMALCHIO MAE- 

CENATIANVS HIC REQVIESCIT Elle répond à l'idée 

de repos sous laquelle la mort se présentait à l'esprit des an- 
ciens , idée dont témoignent les formules communes aux pre- 
miers siècles : quieti aeternae, securitati perpetuae , somno aeter- 
nali, ossa bene qukscant , et autres du même genre. 



CARPENTORAGTE. ColoniaJulia Carpentoracte Meminorum, 
colonie latine (Pline ,3,4) formée de tout le territoire des Mé- 
mines; fondée par César, suivant M. Herzog (p. 89), ou d'après 
son nom de Julia' plutôt par les triumvirs (selon le système de 
Borghesi, Œuvr., 5, p. 262). Etait inscrite dans la tribu Voltinia 
(Herzog, N.° 417). 

Carpentras. — Au musée de la ville. Stèle couronnée d'un 
fronton triangulaire entre deux antéfixes; trouvée en février 



INSCEIPTIONS DIVERSES. 289 

1872 au quartier dit « de l'Étang ». — Hauteur, m 88; largeur, 
0-45. 

IVLIAE PATER 

NE SESTIVS 

STRATON 

ET DEXIVS 

VERVS ME 

RENTI 

Iuliae Paterne , Sestius Straton et Dexius Verus, merenti. 

Assez mal gravée et non mieux rédigée , cette inscription ne 
fait pas connaître quels rapports de parenté ou d'affection exis- 
taient entre la défunte et ceux qui lui ont consacré une épi- 
taphe. C'est sans doute par pur hasard qu'elle se trouvait d'avoir 
le nom et le surnom des colonies de Narbonne et d'Arles , qui , 
on l'honneur de leur fondateur, Jules César, père d'Auguste par 
adoption , s'appelaient toutes deux Julia Paterna. 

Vaquevras. — Autel , avec base et couronnement , trouvé en 
1871, chez M. Constant, au quartier « des Rocs ». Les deux pre- 
mières lignes de l'inscription, qui n'en a que trois, sont gra- 
vées l'une sur la plate-bande, l'autre sur la doucine de la 
corniche. L'image du dieu Mars est sculptée en relief au-dessous 
de la troisième , sur la face antérieure du dé. — Hauteur, ra 85 ; 
largeur, œ 38. 

MARTI EX VOTO 

. T. CORNELIVS 

PE GA SVS 

Marti ex voto , T. Cornélius Pegasus. 

Au-dessous de cette inscription à Mars, le dieu lui-même 
est représenté debout , coiffé d'un casque à haut cimier , ceint 
d'une cotte d'armes cataphractée , les jambes et les pieds nus , 
le bras droit levé et appuyé sur une haste , le gauche abaissé 
sur le bord d'Un bouclier rond qui repose par son autre bord 
sur le sol. Toute cette figure est bien posée et a , d'une manière 



■ 



290 SOCIÉTÉ D ABCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

remarquable , l'air belliqueux qui convient au dieu de la guerre. 
Ce joli petit monument consacré par la reconnaissance de l'af- 
franchi Cornélius Pegasus est d'une bonne époque et en même 
temps des mieux conservés. 



VI 



VOCONTII. — Civitas Vocontiorum foederata. Les Voconces , 
malgré la division de leur territoire entre les villes de Vaison , 
Luc et Die, n'avaient pas cessé de former une seule civitas 
(voy. plus loin notre inscription sur le pagus Deobensis) avec 
deux chefs-lieux : Vaison et Luc d'abord ( Vocontiorum civitatis 
foederatae duo capita, Vasio et Lucus Augusti. PL, 3, 4); Vaison 
et Die ensuite (Desjardins, p. 58, col. 3). La cité des Voconces 
était de droit latin et renfermait , outre Vaison et Luc , d'après 
la liste de Pline (3, 4), dix-neuf villes d'un rang inférieur (op- 
pida ignobilia XIX Vocontiis attributa). 

— Vasio : colonia Julia Augusta Vocontiorum , l'une des deux 
capitales des Voconces, était, d'après M. Herzog (p. 90), une 
colonie fictive qui , portant le nom de Julia , avait reçu de 
César le droit du Latium, et, ayant ensuite ajouté à ce nom de 
Julia celui d' Augusta, avait été accrue par Auguste; au con- 
traire, si l'on suit le sentiment de M. Desjardins, conforme à 
celui de Borghesi , relativement aux colonies appelées Juliae 
Augustae , ne devrait ses deux noms de Julia Augusta qu'à Au- 
guste. Les Vasienses étaient de la tribu Voltinia (Herzog, N. 08 
433, 437). Une inscription (Herzog, N.° 432) fait connaître un 
praetor Vasiensium. 

— Lucus Augusti : colonia (?) (Herzog, N.°475) Lucus Au- 
gusti Vocontiorum , l'une des deux capitales des Voconces , 
avant d'avoir été remplacée par Die, est qualifiée par Tacite 
(Hisl., 1, 66) de municipium. Mise à rançon par Valens en 69 , 
elle n'avait pu se relever de son désastre , et c'est à la suite de 
ses malheurs qu'elle aura cédé à Die sa place de seconde capi- 
tale (Desjardins, p. 59, col. 1). Toute trace de Lucus Augusti 
cesse à partir de cette époque (ibidem). Ptolémée ne le cite pas. 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 294 

Les Lucenses étaient de la tribu VolUnia (Herzog, N. 08 477 
«à 480). 

— Dea Augusta ou Ad Deam Augustam (Desjardins , p. 58 , 
col. 2) : colonia (Herzog, N.° 460) Dea Augusta Vocontiorum, 
non citée par Pline , ne devint sans doute qu'après la ruine de 
Lucus Augusti l'une des deux capitales de la cité des Voconces 
(Desjard., ibid.). Elle devait son origine et son nom à une 
célèbre déesse topique qui y avait un temple, la déesse An- 
darta, rappelée souvent sur les inscriptions de la localité 
(Orelli, 1958; — Martin, Antiq. de Die, etc., p. 14). C'est près 
du temple de cette déesse et probablement en son honneur que 
se donnaient des jeux , mentionnés aussi par des inscriptions de 
Die (Herzog, N. 0B 453 , 468; — Cf. Desjardins, p. 58, col. 3). 

Les Deenses étaient de la tribu VolUnia (Herzog, N.° 464). 
Une inscription qui se voit encore à Die rappelle un praetor 
dont le titre n'est pas suivi du mot Vocontiorum et qui , à cause 
de cela, était peut-être un magistrat de Dea Augusta, de même 
qu'un praetor Vasiensium était un magistrat propre à Vaison 
(Herzog, N.°432). A part cela, on ne connaît pas de magistrats 
ni de Vaison, ni de Luc, ni de Die. Les magistrats ou l'or do 
qui sont mentionnés dans l'une ou l'autre de ces villes sont 
toujours dits « des Voconces ». 

Vaison. — Bloc de pierre qui a dû appartenir au piédestal 
d'une statue ; brisé en plusieurs fragments et très-incomplet ; 
bordé d'une moulure encadrant l'inscription. Transporté au 
château de Gigondas. — Hauteur, ; largeur, m 68. 

VASIENSES VOC 
• PATRÔNO 
SEX AEB//////// 



/////////////NA 
//////////////LAR 

Vasienses Vocontii, patrono Sexto Aebutio (?), 



292 société d'aachéologie et de statistique r 

Un accent se remarque sur le premier du mot PATRONO v 

Vaison. — Petit autel avec base et couronnement; trans- 
porté au château de Gigondas. La première ligne de l'inscrip- 
tion est gravée sur la plate-bande de la corniche. — Hauteur, 
0» 58; largeur, m 23. 

SILVANO 
G. ASICIVS 
SILVINVS 

V. S. L. M 

Silvano, G. Asicius Silvinus votum solvil libens mérité. 

Silvain ne pouvait manquer d'être le protecteur en quelque 
sorte obligé d'un homme qui se nommait Silvinus. Aussi, sa 
faveur n'avait-elle pas été implorée en vain, comme nous le 
voyons par ce petit autel , que lui consacra la reconnaissance 
de son protégé en accomplissement d'un vœu exaucé. 

Après que l'invention de Spurius Carvilius (Plut., De quaesL 
roin., 54) eut doté de la lettre G l'alphabet romain , deux cent 
cinquante ans environ avant l'ère chrétienne , l'antique usage 
du C persista dans quelques mots où la prononciation eût exigé 
l'emploi de la nouvelle lettre. Tels sont les prénoms Caius et 
Cneus, qui se prononçaient Gains et Gneus (Quintil., 1,7) et 
continuèrent à s'écrira par un C , aussi bien en toutes lettres 
qu'en abréviation (Terent. Maurus, v. 2402). Asicius Silvinus a 
écrit son prénom comme on le prononçait. Cette faute , si c'en 
était réellement une, se faisait souvent en province et quelque- 
fois même aussi en Italie ; on la trouve sur un des cénotaphes de 

Pise (Orelli, N.° 643 , p. 164) : DVAE || EQVESTRES 

INAVRATAE. GAl. ET LVCl CAESARVM STATVAE PO- 
NANTVR (Cf. Noris, Cènot. Pis., p. 474 et suiv.). 

Vaison. — Stèle terminée à sa partie supérieure par un disque 
qui lui prête la forme triviale d'une poupée, et sur lequel est 



INSCRIPTIONS DIYEBSES. 293 

gravée l'inscriptioir. Transportée au château de Gigondas. — 
Hauteur, l m 13; largeur, m 50. 

D M 

ASPRL SERVATI 

///SATRIVS. ASPRL 

f. PATRI. ET. SVIS y 

iN. A. P. XXV 

IN. F, P. XXV 

Diis Manibus Asprii Servati, Satrius, Asprii filius , patri 

et suis. In agro pedes XXV; in fronte pedes XXV. 

Peut-être « satrius » n'est-il que la fin d'un surnom , que 
l'absence des premières lettres, emportées par l'usure de la 
pierre , ne me permet pas de rétablir. Dans ce cas , le fils se 
serait appelé Asprius , comme son père. 

Le terrain consacré à la tombe du défunt avait vingt-cinq 
pieds de face sur le chemin qu'il bordait et autant dans le sens 
opposé. 

Vaison. — Stèle étroite , arrondie à sa partie supérieure ; 
transportée au château de Gigondas. — Hauteur, m 80 ; lar- 
geur, m 17. 

DIS. MANIBVS 

GRATINVS. GRA 

TAIL IID. SVIS 

Diis Manibus. Gratinus Gratae et suis. 

Cette épitaphe, gravée sans beaucoup de soin, en petits ca- 
ractères qui se rapprochent un peu de l'écriture cursive, ne 
nomme que par leurs surnoms les personnes qui y figurent. La 
stèle qui la porte faisait vraisemblablement partie d'un groupe 
de tombeaux , sur quelques-uns desquels se lisaient les noms 
qu'elle s'abstient de reproduire. 

D pour T dans la conjonction IID pour ET est un exemple 
de cette « espèce de parenté du D et du T » qui déjà , du temps 



f 

! 

* 294 société d'archéologie et de statistique. 

[ de Quintilien (1, 4), faisait lire sur de vieux édifices de Rome 

Alexanter pour Alexander, Cassantra pour Cassandra. 

Vaison. — Autel orné des figures en relief de Jupiter et de 

Junon ; engagé au-dessus d'un bassin de fontaine , dans le 

' mur d'un jardin situé à peu de distance de la place , du côté 

* du couchant. Au moyen âge, on y a creusé du côté opposé aux 

figures une auge sépulcrale. — Hauteur, l m 00 environ. 

Jupiter et Junon , accompagnés de leurs attributs , l'aigle et 
le paon , placés à leurs pieds , sont debout à côté l'un de l'autre. 
Le maître des dieux et des hommes tient la foudre de la main 
droite , et , ce qui est une particularité peut-être remarquable , 
il est revêtu de l'armure de Mars. Bien que la tête manque 
depuis longtemps, on voit, par la hauteur exagérée de la trace 
qu'elle a laissée sur la pierre , qu'il était coiffé d'un casque; ses 
reins sont ceints de la cotte d'armes; sa main gauche, pen- 
dante, repose sur le bord d'un bouclier rond, vu de profil. 
Junon , placée à sa droite , est vêtue d'une tunique talaire. Un 
diadème qui orne sa tête , un sceptre qu'elle tient de la main 
droite, font reconnaître en elle la Juno Regina. Par Junon 
Reine, suivant Marini (Fr. Arv., p. 160), il faut entendre la 
reine des dieux , non la reine du ciel. Mais à l'époque d'Ho- 
mère Junon était simplement l'épouse du roi des dieux , sans 
être elle-même la reine des dieux. 

COPIE ANTIQUE 
DU DIADUMENOS DE POLYCLÈTE, CÉLÉBRÉ PAR PLINE. 

Vaison. — Statue de marbre , trouvée en fragments dans les 
ruines du théâtre romain. 

Il y a moins d'une dizaine d'années, l'on découvrait, en 

fouillant sur l'emplacement du théâtre romain de Vaison , de 

' nombreux fragments d'une statue en marbre. Ces débris , après 

être restés longtemps amoncelés dans un coin du lieu d'où ils 

avaient été extraits , avoir été souvent visités , avoir été inutile- 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 295 

ment offerts à plusieurs musées , se trouvèrent , lorsqu'un jour 
une personne intelligente s'avisa de chercher à les ajuster les 
uns aux autres , constituer une statue de grandeur d'homme , 
à laquelle il ne manqua que deux doigts de la main droite et 
un morceau de l'une des cuisses. Elle représente un jeune 
homme qui a franchi l'adolescence et entre dans la période de 
la virilité. Il est debout, la jambe gauche un peu retirée en 
arrière, la tête légèrement baissée et penchée du côté droit, les 
deux bras levés dans l'action de fixer sur le front un bandeau , 
qui a depuis longtemps disparu et s'enchâssait dans une en- 
taille pratiquée à la naissance des cheveux pour le recevoir. Ce 
bandeau, dont les extrémités étaient retenues par les mains, qui 
s'apprêtaient à les rapprocher pour les nouer, était peut-être en 
or et portait très-probablement une inscription faisant con- 
naître le nom du personnage représenté ou plutôt du donateur 
de la statue. Le visage, régulier et beau , a un certain air de mé- 
lancolie qui semble mieux convenir à un portrait qu'à une 
figure idéale. Le corps est entièrement nu et unit aux appa- 
rences d'une vigueur et d'une souplesse remarquables les for- 
mes harmonieuses de la jeunesse. 

Moins dédaigneux que les musées de notre pays , le British 
muséum , à qui en avait été envoyée une photographie , s est 
empressé d'acquérir, au prix peu élevé de vingt-cinq mille 
francs, cette belle statue ; et il fut alors reconnu qu'elle est une 
copie antique d'une œuvre célèbre d'un des plus célèbres sta- 
tuaires de la Grèce : le Diadumenos de Polyclète, c'est-à-dire 
la statue « au bandeau ». Pline (34 , 8) parle avec les plus grands 
éloges de l'œuvre et de l'artiste : « Polycletus Sicyonius , Ageladae 
» discipulus, Diadumenum fecit molliter juvenem centum talentis 
» nobilitatum ; idem et Doryphorum viriliter puerum. » Cent ta- 
lents représentent près de deux cent soixante-neuf mille francs 
de notre monnaie ; mais Polyclète passait pour avoir atteint le 
dernier degré de perfection de son art , et , parmi d'autres chefs- 
d'œuvre cités par Pline , il avait fait deux joueurs de dés , qui 
ornaient , du temps du naturaliste , l'appartement de l'empereur 
Titus ; « c'était l'ouvrage le plus parfait qu'on eût jamais vu ». 
On attribuait à Polyclète d'avoir le premier imaginé de faire 
soutenir les statues sur une seule jambe. 



296 société d'archéologie et de statistique. 

LE PAGUS DEOBENSIS. 

Seguret. — Pierre carrée , trouvée au quartier de Frascati ; 
transportée au musée de Saint-Germain. 

D M 

VALERI MAXIMI 

FIL. DEFVNCT. ANN 

XLII 

5 — PRAEF. VIGINTI VI 

RORVM PAGI 

DEOBENSIS 

VALERIA MATER ET 

CASS. EROS. MARITVS 

10 — EIVS 

Diis Manibus Valerii Maximi , filii defuncti annorum XLII , 
praefecti vigenti virorum pagi Deobensis , Valeria mater et Cassius 
Eros , maritus ejus. 

Cette inscription , qui n'est plus dans le pays et que je ne 
connais que par des copies dont les fautes évidentes ont été fa- 
ciles à rectifier, est des plus curieuses et en même temps des 
plus obscures. J'avais d'abord pensé qu'il devait y avoir aux 
cinquième et sixième lignes VIGINTI VIKORVM au lieu de 
VIGINTI VIRORVM ; mais plusieurs transcriptions prises sé- 
parément ayant passé sous mes yeux et toutes portant le mot 
VIRORVM , j'ai dû me persuader que c'est bien réellement ce 
mot qui se lit sur la pierre. Qu'étaient ces viginti viri? et qui a 
jamais entendu parler de viginti virs municipaux? (Voyez Ma- 
rini, Fr. Arv. f 2806.) Il n'y aura donc rien de surprenant si , 
dans une question si neuve et si peu éclairée , il m'arrive , en 
cherchant les traces de la vérité , de me fourvoyer en quelque 
fausse route. Je sais que vous m'en excusez d'avance ; vous 
voudrez bien vous rappeler que le seul moyen de ne pas se 
tromper très-souvent serait de ne jamais rien faire. 

Les Voconces ont été, sous le rapport de leur organisation , 
dans un cas particulier. Bien que leur territoire se trouvât 
entièrement partagé entre deux chefs-lieux , ceux de Vaison et 
de Luc d'abord , et ensuite de Vaison et de Die , aucune ins- 
cription , de celles qui ont été jusqu'à présent découvertes , ne 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 297 

fait mention de décurions de Vaison , de Luc ou de Die ; mais 
un certain nombre , les unes trouvées sur le territoire Voconce, 
d'autres en dehors et quelquefois même loin de ce territoire , 
rappelle la civitas Vocontiorum, des cives Vocontii, Yordo Vocon- 
tiorum , des decuriones Vocontiorum , sans que rien y explique 
s'il s'agit de la civitas, de Yordo, des décurions de Vaison, de 
Luc ou de Die. D'autres font connaître des flamines Vocon- 
tiorum, des esclaves Vocontiorum. De tout cela il semble ré- , 
sulter que . malgré le partage de leur pays entre les chefs-lieux 
en question , les Voconces n'avaient pas cessé de former une 
seule civitas, dont ces villes n'étaient que des parties, doux 
petits états associés en une sorte de confédération , qui était la 
civitas Vocontiorum. Le conseil fédéral de cette respublka com- 
mune des Voconces était Yordo Vocontiorum, et les membres 
de cet ordo , les decuriones Vocontiorum. Mais, alors, il fallait 
bien qu'indépendamment de ces décurions chargés de la direc- 
tion des affaires générales de la civitas des Voconces , il y eût , 
pour chacune des villes de Vaison et de Luc , et plus tard de 
Vaison et de Die , des personnes préposées à l'administration % 
de ses affaires particulières, de même qu'on voit chacune d'elles 
avoir en propre des flamines et des flaminiques , des sacerdotes , 
des sevirs augustaux , des corporations diverses. Je suis tenté 
de supposer que ce pourrait bien être ces administrateurs parti- 
culiers de la colonie de Vaison qui, sur l'inscription de Se- 
guret, sont nommés viginti viri. Ces vigintivirs auraient donc 
été, comme leur titre le montre, au nombre de vingt, proba- 
blement élus par les décurions de Yordo des Voconces. Ce serait 
eux qu'il faudrait reconnaître dans les Vasienses Vocontii qu'on 
a vus tout à l'heure élevant une statue à leur patron ; dans les 
Vasienses d'une inscription transportée au musée de Carpentras, 
qui érigent une statue à l'empereur Gallien. C'est de ces viginti- 
virs que notre praefectus, Valerius Maximus, était le délégué 
pour administrer en sous-ordre le pagus Deobensis , qui , d'après 
sa position , devait être une circonscription dépendante de la 
colonie de Vaison. 

Valerius, qui se nomme comme sa mère , n'était pas le fils de 
l'affranchi Cassius Eros. Il était sans doute né avant le mariage 
de celui-ci avec elle. On voit toutefois par cette alliance peu 
relevée que la préfecture d'un pagus n'était pas une bien haute 

Tome VI. — 1872. 20 



298 SOCIÉTÉ D'ABCHÉOLOGI£ et de statistique. 

dignité et qu'il n'y avait pas besoin d'être de famille aristo- 
cratique pour y parvenir. 

Aucun des noms des localités voisines de Seguret n'offre la 
moindre analogie avec l'ethnique Deobensis. 

Saint-Maurice (Drôme). — Partie supérieure d'un piédestal 
carré , décoré d'une corniche et surmonté d'une statue mutilée 
d'Hercule en pierre. Transportés l'un et l'autre au château de 
Gigondas. — Hauteur du piédestal , m 55 ; largeur, m 50; — 
hauteur de la statue, de la base aux épaules , ra 68. 

MESSIVS 
VOTum 

solvit 
Messius votv/m solvit. 

Le nom de la divinité honorée par Messius ne figurait pas 
dans l'inscription, la représentation de cette divinité rendant 
tout à fait superflue cette indication. 

La statue, à laquelle manquent la tête, l' avant-bras droit et 
la main gauche, est en pierre. Elle représente Hercule debout , 
tenant de la main gauche sa massue , qui reposait par son extré- 
mité noueuse sur l'épaule. Je supposais , d'après le dessin de 
cette statue qu'a bien voulu m' envoyer M. Raspail , qu'au bras 
droit pendait la peau du lion de Némée, dont la croupe, la 
queue , les pattes de devant traînaient jusqu'à terre; M. Raspail 
m'avertit qu'il n'en est pas ainsi et que ce qu'on voit aux pieds 
d'Hercule est le lion même, de très-petites proportions relati- 
vement à la statue. Un manteau ample, qui derrière tombe fort 
bas , descend de l'épaule gauche et vient , par une très-sin- 
gulière fantaisie de l'artiste, passer disgracieusement sur les 
cuisses , juste au-dessous du signe de la virilité , qu'il laisse en- 
tièrement à découvert. On ne comprend pas le motif de ce ca- 
price bizarre, à moins que , par un effort d'imagination , l'on 
ne se figure assister au déshabillé du héros , à la cour du roi 
Thespius ! Les pieds sont chaussés de bottines. 

L'Hercule de Saint-Maurice est d'un travail peu élégant; il 
ne saurait avoir aucune prétention de rivaliser de mérite avec 
le Diaduménos de Vaison. 

(A continuer. Allmer. 



SAttïT BEATHAND DE GAREIGUE. 299 

SAINT BERTRAND DE GARRIGUE 

(des frères prêcheurs) 
COMPAGNON DE SAINT DOMINIQUE. 



SA VIE ET SON CULTE. 

In memoria aeterna erit justus. 
(Ps., CXI, 7.) 

(Suite. - Voir la 16* livr., p. 98; la 18« livr., p. 274; la 19- livr., p. «9.) 



PREMIERE PARTIE. 



VIE DE SAINT BERTRAND. 

VIII 

1220. — Grâce aux efforts combinés de nos deux saints, 
l'institut des Frères Prêcheurs prenait une extension remar- 
quable et comptait déjà des maisons presque dans toute l'Europe. 

En présence de cette prospérité toujours croissante , Domi- 
nique , sur l'invitation du pape Honorius , substitue à son titre 
de supérieur celui de maître-général de l'Ordre , et convoque 
un premier chapitre au couvent de Bologne , où va siéger Ber- 
trand, le jour de la Pentecôte. 

Ce célèbre monastère , devenu la résidence habituelle du gé- 
néral , avait pris naissance au mois de janvier 1218. 

S'il faut s'en rapporter au témoignage de certains auteurs , 
notre bienheureux n'aurait pas été étranger à l'acte de sa fon- 
dation : « il fut , dit le Chapitre provincial d'Aix, du 18 des ca- 
lendes de mai 1533 , l'un des quatre Pères qui , avec saint Do- 
minique , transplantèrent de la Gaule notre religion à Bologne 



300 société d'archéologie et de statistique. 

et dans le reste de l'Italie *. » Cette opinion cependant, il faut 
en convenir, rencontre de nombreux contradicteurs. 

La plupart des historiens affirment , il est vrai , que Jourdain 
de Saxe, dans sa Petite Chronique, nomme parmi les fondateurs 
du couvent bolonais « un certain Bertrand , quidam Frater Ber- 
trandus; »mais ils font remarquer avec raison que ce religieux, 
ainsi qualifié , ne doit avoir rien de commun avec Bertrand de 
Garrigue, l'un des premiers de l'Ordre , occupé alors à l'admi- 
nistration du prieuré de Toulouse. 

Quoi qu'il en soit, il est certain qu'après la tenue du cha- 
pitre général le digne prieur reprit le chemin des Alpes , pour 
faire connaître à ses religieux de Saint-Romain la décision de 
l'assemblée bolonaise. 

L'année suivante nous le voyons encore redescendre en Italie, 
pour obéir de nouveau aux ordres de son supérieur. 

1221. — Dominique était averti par révélation que sa fin 
approchait. Voulant mettre la dernière main à son œuvre 
avant sa mort, "il convoqua une seconde fois auprès de lui ses 
prieurs, pour leur faire part de ses dernières résolutions. Son 
dessein est d'établir dans l'institut un mode de gouvernement 
fort simple, qui doit perpétuer l'unité d'action entre les mains de 
ses successeurs et maintenir l'observance de la règle dans son 
immense famille monastique parlant déjà toutes les langues. Il 
divise donc l'Europe en hait provinces conventuelles , % à la tête 
desquelles il nomme des religieux d'un mérite éprouvé, qui 
seront, chacun dans leur district, les lieutenants du maître- 
général, soit pour diriger les prieurs, soit pour veiller au 
maintien de la discipline et à la diffusion de l'Ordre. 

« Parmi les huit provinces érigées en 1221 , dans le second 

chapitre général de Bologne, Dominique en désigne une 



» 



» sous le nom de Provence, déjà pourvue, sans doute, de 



(1) Hic fuit unus ex quatuor Patribus qui cum sanctissimo Dominico nos- 
tram religionem ex Gallia Bononiam et per Italiam transplantarunt. (Aquis 
Sexliis, Typis Joanuis Boize, 1633 J 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 304 

» plusieurs monastères », et comprenant la partie méridionale 
des Gaules, depuis Marseille jusqu'à Lyon, sur toute la zone 
qui s'étend des Alpes à l'Océan *. 

C'est là que le saint patriarche place le disciple le plus cher 
à son cœur : « Notre saint fondateur, disent les actes du cha- 
» pitre d' Aix , donna la préfecture de Provence à Bertrand de 
» Garrigue , le plus cher compagnon de ses travaux et de ses 
» courses apostoliques 2 . » 

Par ce choix, Dominique rendait publiquement hommage 
aux vertus éminentes de son ami , et le jugeait capable d'être le 
gardien fidèle du berceau de l'Ordre et la sentinelle la plus vigi- 
lante de la foi de l'Eglise contre l'hérésie albigeoise. En réalité, 
l'humble prieur de Toulouse, par sa longue expérience, méritait 
d'occuper ce poste d'honneur. 

On ne sait si le nouveau provincial était encore à Bologne le 
6 août, et s'il eut la consolation d'assister à la mort glorieuse de 
son bienheureux père. Quoi qu'il en soit, il dut, mieux que per- 
sonne , garder le souvenir de cette grande figure , qu'il avait pu 
admirer à son aise dans l'intimité la plus familière , parce que 
depuis quinze ans il avait eu devant les yeux ce type de sain- 
teté , dont il s'efforçait de copier l'expression , pour en faire le 
portrait de sa propre vie. 

En entrant en charge sous le généralat de Jourdain de Saxe, 
Bertrand se trouva en face d'une situation assez difficile : les 
deux Raymond de Toulouse, toujours zélés partisans de l'héré- 
sie , avaient reconquis leurs états par la force des armes , et y 
régnaient paisiblement, malgré leur démêlé avec le roi de 



(1) In sequenti capitulo generali Bononix , item anno 1221 collecio inter 
octo Provincias, una, Provincia Provincia creatur, \qux ex pluribus con- 
ventibus jam sanè coaluerat. (Joannes Mahuet, Prxdicatorium Avenio- 
nense , in- 1 8 , ÀYenioni , 1 678.) 

(2) (Acta capituli provincialis Provincix in conventu S. Dominici Aquen- 
sis, anno M.DC.XXIJI, loco cit.) ; — Prtmus prior provincialis in provincia 
Provincix fuit Frater Bertrandus de Garrigiis. hic fuit a beato Dominico 
institutus, cujus fuit socius et cornes sepius itineris et laboris. (Ms. dç la 
bibliothèque nationale, à Paris, N.° 4348.) 



302 société d'archéologie et de statistique. 

France. Pour ne pas éveiller dans leur esprit le plus léger soup- 
çon , le provincial prend le parti de la prudence : résolu à se 
tenir à l'écart des affaires publiques, il se renferme scrupuleu- 
sement dans les limites de son humble ministère , et recom- 
mande à ses religieux d'expoôer la foi catholique avec la simp- 
licité et la douceur de la charité chrétienne , sans mêler à leurs 
discours des questions irritantes. 

D'autre part, il comprend qu'il est l'auxiliaire des évêques, et 
que le bien ne peut se faire sans eux. Il se met donc à leur dis- 
position ; et les prélats de la province , comme Foulque de Tou- 
louse, Arnaud Almalric de Narbonne, Guillaume d'Albi, Guy 
de Carcassonne , Bernard de Maguelone, en secondant ses vues , 
font de sages règlements pour réformer leur clergé , et obligent 
les ecclésiastiques séculiers à imiter la pauvreté , le zèle et la 
sainteté des enfants de Saint-Dominique, déjà en grande véné- 
ration partni le peuple. 

Grâce à l'initiative et à la généreuse impulsion de notre bien- 
heureux , le clergé devient meilleur ; peu à peu les esprits se 
calment ; un retour vers le bien s'opère dans les masses , et on 
ne revoit plus qu'à de rares intervalles les scènes tumultueuses 
qui naguère remplissaient la province de pillage et de sang. 

IX 

Bertrand ne reste pas inactif au milieu de cette régénération 
morale : sans autre éclat que la simplicité d'une vie irrépro- 
chable, il ne cesse d'attirer autour de lui, par ses vertus, les 
hommes les plus recommandables, qui viennent à l'envi se 
mettre sous sa conduite; il les recueille dans les couvents de 
Toulouse et de Montpellier , les façonne aux rudes exercices de 
la priçre et de la discipline , et les envoie ensuite, avec l'assen- 
timent des évêques , dans les villes épiscopales de sa province , 
pour y prêcher et y fonder des monastères. 

L'année même de sa promotion au provincialat , il établit les 
couvent» de Lyon , du Puy et de Bayonne. 

Dans cette dernière ville ses religieux firent leur entrée 
solennelle sous l'épiscopat de Raymond de Donzac ; au Puy-en- 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 303 

Velay ils furent reçus par Etienne de Chalançon , qui leur céda 

9 

dans l'un des faubourgs de la cité l'église de Saint-Etienne * ; 
à Lyon , ils durent leur établissement aux libéralités d'un 
illustre archevêque, Réginald , fils de Guy II, comte de Lyon 
et de Forez. 

Pour honorer la mémoire de Saint-Dominique , plusieurs 
auteurs font remonter cette dernière fondation à une date, anté- 
rieure, en affirmant qu'elle fut l'œuvre du saint patriarche. 
Mais , même dans cette hypothèse , on ne doit pas oublier son 
compagnon habituel , l'ancien prieur de Saint-Romain , qui , 
après avoir formé des essaims de religieux , se mettait à leur 
tête pour aller les installer dans les villes les plus considérables 
par ordre de son supérieur. Il est certain d'ailleurs que le pro- 
vincial de Provence eut d'abord la surveillance de ce monastère , 
qui passa ensuite, quatre ans après, sous la juridiction du pro- 
vincial de France. 

Quelle fut la cause probable de ce changement? 

Lyon allait devenir le point de ralliement et le rendez-vous 
de la nouvelle croisade méditée par Louis VIII , roi de France , 
devenu héritier des prétentions d'Amaury de Montfort sur les 
états de Raymond VII ; Bertrand était le sujet du comte de 
Toulouse ; la prudence lui faisait donc un devoir d'abandonner 
à son collègue de France la direction du couvent lyonnais, pour 
ne pas s'exposer au soupçon de trahir plus tard les intérêts de 
son souverain par de trop fréquentes visites au camp de ses en- 
nemis. 

Sans se rendre compte du motif de cette mesure, Jean de Ré- 
chac la constate à sa manière , et croit que le couvent de Lyo^ 
fut fondé sous le provincialat du bienheureux compagnon de 
saint Dominique : « Le couvent de Lyon , dit-il , appartient à 
la province toulousaine, et l'an 1224 il fut rendu au provincial 
de France. J'infère de ceci, — ajoute-t-il, — que nos Pères du 
couvent de Toulouse ont fondé le couvent de Lyon sous le pro- 



(l) Biblioth. sacrée, t. 29 , p. 78. 



304 société d'archéologie et de statistique. 

vincialat de Bertrand de Garrigue , puisqu'à sa naissance il 
appartient à la province de Toulouse *. » 

1224 — Au moment où le monastère lyonnais était détaché 
de sa juridiction, le saint jetait les premiers fondements de 
celui d'Avignon dans une circonstance qui honore son zèle. 

Cette ville formait alors une petite république, gouvernée par 
sept consuls et par deux juges ; elle servait depuis longtemps la 
cause de Raymond VII, qui, en récompense de sa fidélité, lui 
avait donné : Caumont, le Thor, Girmaignanègues , Touzon , 
Joncquières , ses droits sur le monastère de Saint- André et sa 
suzeraineté sur le bourg du pont de Sorgue ; en un mot , cette 
malheureuse cité, infestée par l'hérésie et privée de son évêque, 
se trouvait sous le poids de l'interdit et de l'excommunication 
majeure. 

C'est en présence d'une pareille situation que Bertrand ose 
députer des religieux vers la république avignonnaise. Les en- 
fants de Saint-Dominique gagnent tout d'abord l'estime et la 
confiance d'une partie de la population ; puis, considérant qu'une 
maison de leur Ordre sera convenablement placée dans une ville 
aussi importante , ils achètent dans l'un de ses faubourgs une 
parcelle de terrain pour mener à bonne fin le projet de leur pro- 
vincial 2 . 

Ce couvent fut en effet commencé la même année 3 ; mais , à 
la suite des dissensions qui éclatèrent parmi les citoyens , les 
Frères Prêcheurs, obligés de fuir devant l'orage , laissèrent là 
leurs travaux de construction pour attendre des jours meilleurs. 

Laissons parler l'histoire. 
, 1225. — La discorde divisait les Avignonnais en deux camps. 
Les partis exaspérés en viennent bientôt aux extrémités les plus 
déplorables : les uns sont forcés de sortir de la ville et cherchent 



(1) Jean de Réchac, Vie de saint Dominique, p. 854. 

(2) Joannes Mahuet, conventus avenionensis professus, Prxdicatorium 
Avenionense ; Hsec omnia testatur P. Joannes a Sancta Maria, dum sic ait : 
BeatusFr. Bertrandns Garriga plures Fratres destinavit qui, anno 1224, de 
conventu Àvenionensi secundum civitatis dignitatem œdiflcando cogitantes, 
aliquam terra vicinae portionem pretio emerunt. 

(3) Ibid., c. 1, p. 6, et Jean de Réchac , Vie de saint Dominique, p. 760. 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 305 

à se venger en ravageant les propriétés de leurs adversaires ; les 
autres pillent les maisons de ceux qui errent dans la campagne. 
Ce sont les partisans du comte de Toulouse qui sont maîtres du 
pouvoir. Us abusent de l'autorité : ils s'emparent des revenus 
des églises, frappent de fortes contributions les biens du clergé, 
maltraitent plusieurs de ses membres et les chassent honteu- 
sement de la république , sans respecter les Dominicains , qui 
prennent sans murmurer le chemin de l'exil. 

1226. — Après avoir recueilli ses malheureux enfants dans 
un monastère de sa province, Bertrand redoublait ses austérités 
et conjurait le ciel d'abréger les nouveaux malheurs près de 
fondre sur Avignon , lorsque l'évoque de Cahors , redoutable 
adversaire des Albigeois , réclame le concours de quelques prê- 
cheurs capables de le soutenir dans ses luttes contre l'hérésie. 
Le provincial se rend à l'appel de Guillaume de Cardaillac, tra- 
verse le Querci , et installe ses religieux dans la ville épiscopale. 

La maison de Cahors rendit de grands services à la cause 
catholique et fut convenablement dotée par l'évêque Guillaume 
et par son successeur, Ponce Dantejac, qui fit beaucoup de bien 
aux Dominicains i . 

Après la fondation de ce nouveau couvent, notre bienheureux 
dut se rapprocher du théâtre des événements , qui allaient se 
dérouler dans le Comtat. 

Louis VIII, accompagné de Romain , cardinal de Saint- Ange , 
avait levé son camp de Lyon et descendait le Rhône à la tête de 
cinquante mille croisés. A son approche, Raymond tremble 
pour sa couronne : c'est à peine s'il peut compter sur l'appui de 
quelques seigneurs et sur la fidélité de la république d'Avignon , 
rentrée dans le calme depuis les nones de février, par la nomi- 
nation du podestat Spinus Surrexina. Dans cette triste néces- 
sité, ne pouvant tenir que la défensive, le comte de Toulouse 
prend une résolution désastreuse : il fait brûler les magasins , 
boucher les fontaines, labouier les prés, couper les moissons 
en herbes , portant ainsi la dévastation dans les campagnes où 
doit passer l'armée française. 



(t) Biblioth. sacrée, t. 28, p. 199. 



306 société d'archéologie et de statistique. 

Malgré les précautions de l'ennemi, le roi entre dans le Gom- 
tat avec un religieux enthousiasme ; rien ne résiste à ses dra- 
peaux unis aux bannières de la foi : « Par chemins , dit une 
chronique contemporaine , tous les consuls des villes que tenait 
le comte de Tholose , lui en apportèrent les clefs ; même ceux 
d'Avignon lui vinrent au devant, pour lui présenter leur obéis- 
sance et celle de la cité. Mais étant arrivé sous ses murs, la 
veille de la Pentecôte, après qu'une partie de son armée eut 
passé le pont, les habitants* de crainte d'être pillés par les 
soldats , s'ils entraient en nombre , ou Dieu le voulant ainsi , 
fermèrent leurs portes au roy et au légat, ne leur voulant per- 
mettre l'entrée qu'en petite compagnie , sinon qu'il plût à sa 
Majesté de passer, avec son armée, sous la roche , qui était un 
chemin fort étroit *. » 

Piqué de cette insultante condition, pleine de périls , Louis se 
dispose à tout obtenir par la force ; et le siège commence le 1 
juin. Les Avignonnais se défendent avec avantage pendant trois 
mois ; mais , obligés de tenir contre un ennemi nombreux , sans 
espérance de secours, ils demandent à capituler, le 12 septem- 
bre, avec promesse d'obéir sans murmures aux articles do la 
capitulation , laissés à l'arbitrage du représentant du Pape. 

Le roi, le légat, Pierre de Corbie, nouvel évêque d'Avignon, 
et une foule d'autres prélats entrèrent en triomphe dans la 
ville, avec le clergé naguère expulsé de la république. Les Do- 
minicains , précédés de leur provincial , durent faire partie de 
ce cortège, et assister, le 14 septembre , jour de la fête de l'Exal- 
tation de la croix, à la fameuse procession où se trouvaient 
Louis VIII et le cardinal de Saint-Ange, marchant près du 
Saint-Sacrement, que portait le nouvel évêque, en esprit d'ex- 
piation pour les maux causés par l'hérésie. 

Trois mois après, par sentence du légat, Avignon voyait ses 
remparts abattus, ses fossés comblés, trois cents maisons bour- 
geoises démolies et la république condamnée à ne plus élire de 
podestat sans l'agrément de l'évéque, à ne plus avoir aucun 



(1) Chronique de Guillaume de Puy-Laurens , chapelain de Raymond-lc- 
Jeune , chap. V11I. 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 307 

rapport avec les Albigeois et à payer au clergé mille marcs 
d'argent pour l'indemniser de ses pertes. 

Bertrand profita-t-il de cette indemnité? on l'ignore ; mais il 
est certain toutefois que , grâce à l'élan donné à la religion par 
le zèle de Pierre de Corbie , le provincial put sans obstacle 
achever son œuvre et peupler d'un grand nombre de religieux 
le célèbre édifice qui , en 1308, devait servir d'asile à la papauté 
fugitive, en la personne de Clément V, premier pape d'Avignon. 

1228. — Au milieu de la paix comme pendant la guerre, 
notre bienheureux se montre toujours l'ardent propagateur de 
son Ordre. Sous la régence de Blanche de Castille , victorieuse 
de la rébellion de Raymond VII, malgré son extrême vieillesse, 
il se rend à l'appel de Pierre de Montlaur, pour établir le cou- 
vent de Marseille 1 ; enfin , en 1230 , l'année même de son 
trépas, on le retrouve à Bordeaux, jetant les fondements d'une 
nouvelle maison dominicaine, sous l'épiscopat de Gérald de 
Malmort. 

X. 

Suivant les devoirs de sa charge, le provincial de Provence 
visitait souvent ses colonies monastiques, pour y faire régner 
la piété et l'amour de la discipline. Dans les entretiens qu'il 
avait alors avec ses frères, il les engageait ordinairement à s'oc- 
cuper, avant tout , du salut des âmes : « Le salut des pécheurs , 
disait-il, doit être la principale préoccupation de la vie des 
enfants de Saint-Dominique. » 

Dans son esprit, il poussait cette pieuse maxime si loin que , 
chaque matin , il se faisait à lui-même un devoir d'offrir le saint 
sacrifice de la messe pour la conversion des pécheurs, sans 
trop se préoccuper du sort malheureux des âmes du purgatoire. 

« Or, il arriva que, faisant sa visite ordinaire au couvent de 
Montpellier, un Frère de la communauté, nommé Benoît, reli- 
gieux plein de qualités , capable de conseil , se permit de lui 
demander pourquoi il disait chaque jour la messe plutôt pour 



(1) Bibliothèque sacrée , L 28 , p. 393. 



308 société d'archéologie et de statistique. 

les vivants que pour les morts. — C'est, dit-il, parce qu'il 
faut courir au plus pressé : les âmes du purgatoire ne peuvent 
perdre le ciel ; les pauvres pécheurs , au contraire, sont à chaque 
instant dans le péril prochain de la damnation éternelle. » 

Cette réponse ne satisfait pas le religieux. Dans sa candeur, 
mais avec tout le respect qu'il a pour son supérieur, Frère Be- 
noit ose encore lui poser cette question : 

t Si dans vos voyages, mon révérend Père, vous veniez à 
rencontrer deux pauvres également nécessiteux, dont l'un, plein 
de santé , aurait les membres libres et dispos pour le travail , 
tandis que son compagnon, couché sur le bord du chemin, 
aurait les pieds , les jambes et les bras noués par la maladie ; je 
vous le demande : auquel des deux feriez-vous préférablement 
l'aumône î 

— » Sans nul doute , au paralytique. 

— » Mon révérend Père , vous vous condamnez vous-même : 
si vous faites préférablement l'aumône à celui qui ne peut plus 
agir, par la même raison vous devez offrir le saint sacrifice plu- 
tôt pour les fidèles trépassés que pour les vivants ; les morts , 
vous le savez, ne peuvent plus rien faire pour eux-mêmes, et 
ont besoin de l'assistance d' autrui, comme de vrais paraly- 
tiques, tandis que les pécheurs sont encore dans la voie, et 
peuvent mériter leur conversion par l'aumône, la prière et autres 
bonnes œuvres. 

» Sans se laisser persuader par ce raisonnement, le provincial 
met fin à ce dialogue par un morne silence. Il se disait à lui- 
même : quand même les âmes du purgatoire seraient condam- 
nées à expier leurs fautes jusqu'au jour redoutable du jugement 
dernier, au milieu des plus affreux supplices, elles ont, au 
moins , la certitude de leur salut ; les pécheurs , mourant dans 
la disgrâce de Dieu, sont, au contraire, condamnés sans espoir 
à toutes les horreurs d'une éternité malheureuse. Son grand 
zèle pour le salut des pécheurs le rendait donc inébranlable 
dans son opinion, qui était vraie sous un rapport, mais dont il 
faisait dans la pratique une application peut-être trop rigou- 
reuse. 

» Le Frère Benoît n'ayant pu le convaincre , Dieu l'avertit 
la nuit suivante par un songe affreux. 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 309 

» Durant son sommeil, un mort à la face hideuse parait dans 
sa cellule; il porte sur ses épaules décharnées une lourde bière 
qu'il dépose sur le bienheureux ; puis il se met à fouler le cer- 
cueil comme s'il voulait étouffer sa victime. Le provincial, suf- 
foqué par cette compression , se réveille en sursaut , et chasse 
l'affreux cauchemar. Il s'endort de nouveau ; mais le mort est 
encore là avec son mystérieux fardeau , pour lui enlever, en 
l'opprimant, la faculté de respirer. Dix fois Frère Bertrand 
éloigne l'importun visiteur, dix fois le spectre reparaît pour 
accabler l'homme de Dieu sous l'énorme poids de sa bière. 

» Frappé de cette étrange lutte , le provincial ne doute nulle- 
ment de l'avertissement que le ciel lui donne. A l'aurore , au 
sortir de sa cellule , il se hâte de raconter à Frère Benoît les 
détails de cette horrible nuit , lui avoue humblement son erreur 
et lui donne l'assurance que désormais, en priant pour la con- 
version des pécheurs , il accordera une large part de ses suf- 
frages aux âmes du purgatoire. C'est ce qu'il fit ce jour-là même 
en montant au saint autel. 

» Cet écrit est du Père Bernard Guido, lequel atteste l'avoir 
appris de la bouche même de saint Benoît, i » 



(1) Vie de saint Dominique et de ses premiers seize compagnons , art. : 
du bienheureux Bertrand de Garrigue. 

• Le récit de Jean de Réchac se trouve justifié par le manuscrit de la biblio- 
thèque nationale N.° 4348, et par celui de Guidonis, qui reproduisent la 
narration des Vies des Frères par Gérard de Frachet, contemporain de 
saint Bertrand et mort à Limoges le 15 octobre 127 t. Voici comment le fait 
est raconté dans le codex de Guidonis, p. 94 et 95 : In vitis Fratrum, libro 
V°, C°, VH% legitur de eodem F." Bertrando quod qualibet die fere missam 
pro peccatis dicebat. Cum ergo in conventu Montispessulani, Fr. Bene- 
dictus, vir bonus et prudens, hoc advertisset, quaesivit ab eo cur raro pro 
defunctis et pro peccatis sepius celebrabat : qui respondit : quia defuncti 
pro quibus orat ecclesia in tuto sunt , et certum est quod pervenient ad 
salutem. Nos autem peccatores in multiplici periculo et pendulo conrer- 
samur. Gui Fr. ait : Dicatismihi, prior currissime, si hic essent duo men- 
dici, sequaliter pauperes, sed alter omnia membra corporis salya haberet, 
alter vero omnibus careret , cui prius subveniretis ? Qui respondit : ei qui 
minus juvare se posset. Tune Fr. Benedictus ait : sic sunt mortui , qui 
nec os habentadeonfitendum, nec aures ad audiendum, nec pedes ad pe- 
regrinandum ; sed nostra solum expectant suffragia : peccatores autem 



340 société d'archéologie et de statistique. 

XL 

Après sa visite au couvent de Montpellier, le saint ne nous 
apparaît plus dans l'histoire que sous la figure d'un simple mis- 
sionnaire annonçant la Parole de Dieu aux pécheurs endurcis 
et aux âmes tièdes. 

Tout en allant visiter les nombreux couvents de son Ordre 
dans sa vaste province , il aime à s'arrêter dans les bourgades 
pour étendre le royaume de J. C. Partout il est précédé de sa 
grande réputation de sainteté ; partout , dans les villes comme 
dans les campagnes , il opère des fruits de conversion. Après 
neuf ans de provincialat passés dans les plus rudes travaux , 
Dieu veut enfin récompenser son zèle d'apôtre, en l'appelant k 
lui dans l'exercice même de ses fonctions de Frère Prêcheur. 

1230. — Bertrand, toujours infatigable, avait traversé le 
Comtat-Venaissin et s'était rendu à l'appel de ses anciennes 
bienfaitrices pour saluer pour la dernière fois Notre-Dame-du- 
Bosquet. 

C'est là que le Seigneur l'attendait, au milieu des exercices 
d'une retraite qu'il devait prêcher aux Cisterciennes : « Appelé 



prœter nostra suffragia praedictis omnibus juvare se possunt. Cum autem 
nec sic acquiesceret prior, sequenti nocte quidam defunctus ei apparaît 
cum tumulo ligneo eum graviter preraens , qui plus quam decies eum in 
illâ nocte excitavit et terrait , et vexavit. Unde in aurora dictum Fr." Bene- 
dictum vocans, et ad altare cum lacrimis accedens, devotè ex tune pro 
mortnis celebravit sepius. 

Le journal dominicain que nous avons déjà cité , reproduit en espagnol 
ce merveilleux épisode : Ei beato Bertran de Garriga celebrava todos los 
dias la santa missa con singular devocion por la conversion de los pecado- 
res*: y preguntandole por que no celebrava tambien por los difuntos, res- 
pondlô : que las aimas dei purgatorio estavan yà en estado de salvacion ; 
mas no asi los pecadores. Pero Dios para hazerle conocer la necessitad 
de aquellas aimas , permitio que se le opareciesse de noche un difunto très 
vezes con un atahud de muertos, atropellandole para quitarle la vida por 
aquella omission : y con esto quedô advertido en adeiante , para que 
célébrasse tambien por los difuntos, como lo executô, conociendo que los 

• 

pecadores se pueden eUos mismos valer, y ayudar : pero no las benditas 
aimas del purgatorio. Pue despues prelado muy exemplar. 



SAINT BERTRAND DE GÀUBIGCE. 3J4 

» pour animer ces saintes religieuses à remplir dignement leur 
» vocation, et à persévérer dans cette entière séparation du 
» monde dans laquelle elles s'étoient engagées, le provincial de 
» Provence tomba malade * » et termina, au milieu des plus 
cruelles souffrances , son apostolat par une mort pleine de piété 2 , 
le 18 du mois d'avril 3 . « Il mourut, dit Bernard Guidonis, dans 
» une maison de religieuses, appelée l'abbaye du Bosquet, près 
» d'Orange, dans la province de Provence 4 .» 

En remettant son âme virginale entre les mains de Dieu dans 
un cloître ignoré, au milieu d'une forêt d'ieuses, cet enfant bien 
aimé de Dominique avait mis le sceau à l'humilité de sa vie. 

On aurait dit que la Providence l'avait amené dans cette soli- 
tude pour dérober pour toujours aux regards des hommes le 
cortège des vertus apostoliques que le saint avait autrefois 
tenues cachées à l'ombre des vertus de son bienheureux Père. 

Quoique ravis d'admiration en présence de la sainteté mer- 
veilleuse de leur patriarche, les écrivains de l'Ordre n'ont pu 
cependant s'empêcher de remarquer la saintetéde son fidèle 
compagnon. 

Voici en quels termes ils tentent d'esquisser son portrait : 

« Frère Bertrand, disent-ils, était un homme d'une grande 
sainteté, d'une rigueur si inflexible pour lui-même qu'il mor- 
tifiait sa chair sans merci et sans pitié 5 . 

» L'intimité qu'il eut avec saint Dominique alluma en lui 
» le désir le plus ardent d'imiter ses vertus. Aussi voulut-il , à 



(1) P. Boyer de Sainte-Marthe, Hisl. de l'église de S. Paid- trou- Chat eaux, 
p. 92. 

(2) Lbaader àlbertus Bononiensis, Deviris illustribus ordinis Prxdica- 
torum, lib. VI. 

(3) Jean de Réchac, La vie, les grâces, les merveilles de la séraphique 
vierge sainte Catherine de Sienne, p. 454. - In-12, Paris, 1647. 

(4) Hic obiit in domo quarumdam sanctimonalium feminarum qua vocatur 
del Bosquet, prope Aurasicam, in eadem provincia Provincie. (Ms. jam 
citato.) 

(5) Frater Bertrandus, vir existens sanctitatis magna; et rigoris circà se- 
ipsum inexorabilis, carnisque su» mortilleator acerrimus. ( Ms. de Gui- 
donis). 



342 société d'archéologie et de statistique. 

» son exemple , asservir et mortifier son corps, de manière à le 
» rendre docile à la raison et à la volonté. Il s'imposa tant de 
» privations dans le manger, le boire et le dormir; il déploya 
» tant d'austérité à briser son corps sous les coups, les chaînes 
» et les mortifications de tout genre ; il fut si plein de zèle dans 
» les prières continuelles qu'il adressait à Dieu , qu'il semblait 
» refléter en lui l'image de Dominique. 

» Par ce genre de vie, il s'acquit une très-grande vertu, et 
» brilla par la remarquable pureté de ses mœurs. Mais il avait 
* une opinion si modeste et si humble de sa personne qu'il 
» gémissait souvent sur lui-même , comme s'il s'était rendu 
» coupable des plus grands forfaits. Dominique s'en aperçut, lui 
» qui connaissait la vertu de cet homme, et l'engagea à pleurer 
» rarement ses propres péchés , plus souvent les péchés 4,'autrui. 

» Bertrand accepta le conseil de son maître , dont il suivait 
» en tout l'autorité ; et ce fut, dès lors , vers ce but qu'il dirigea 
v toutes ses pensées , afin d'obtenir le secours de la puissance 
» divine et le pardon à ceux que leurs mœurs corrompues 
» jettent dans les dangers les plus grands pour leur salut 
» éternel *. » 



(t) Is sanctissimi viri (Dominici) consuetudine , magno ejus virtutis imi- 
landae studio incensus est. Itaque quod ejus slbi exemplo persuaserat, 
subigendum corpus , atque ita afflciendum esse , ut obedire consilio ratio- 
uique posset, cibo, potu, sômno adeo parce perpetuo usus est, corpusque 
flagellis, catenis, omnique génère afflictationum tanta severitate cœdere, 
tantaque assiduitate precum Deum colère consuevit,ut Dominici in se ima- 
ginent cxpressisse videretur. 

Ea vivendi ratione quum summam sibi virtutem comparasse!, ac singu- 
lari morum innocentia floreret , tamen quod modeste imprimis de se , 
demisseque sentiebat , de se ipse quasi gravissimis esset flagitiis astrictus, 
ssepe conquerebatur ; quare animadversa Dominicus, cuiexplorata bominis 
virtus erat, hortatus est eum, ut sua raro, sœpius peccata aliéna fleret. 
Accepto magistri consilio, cujus authoritate maxime movebatur, continuo 
cogitationes in eam rem suas omnes contutit, ut iis, qui propter perditos 
mores in summo sempiternse salutis discrimine versarentur, opem divini 
Numinis veniamque impetraret. (Mamachi, Annalia ord. Pr&dicatorum , 
llb. 2, p. 367, in-folio, Romae, 1750.) — Voici comment le journal domini- 
cain raconte en espagnol ce dernier fait : Et B. Bertran de Garriga llorava 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 343 

En présence des efforts que notre saint dut faire sur lui- 
même pour obéir le plus promptement possible à l'ordre de 
son maître, on entend une voix s'écrier : « merveille de l'obéis- 
sance de nos Pères ! » Le bienheureux Pierre de Seillan , sans 
avoir étudié, s'en va prêcher à Limoges, en présence d'une 
assemblée d' évoques et de hauts personnages , à ce seul mot du 
patriarche : vade ; et le bienheureux Bertrand , après avoir en- 
tendu la même voix lui dire : pleurez pour autrui , ne pleurez 
plus pour vous, accomplît ces deux choses à la fois, avec tant 
de ponctualité que ses yeux , souvent mouillés de larmes , ne 
pleuraient plus que pour les pauvres pécheurs. Aussi, avouait- 
il lui-même que , s'il eût voulu gémir sur ses propres fautes , ses 
yeux seraient demeurés secs , sans aucune expression de dou- 
leur i. 

Ce don des larmes se manifestait surtout pendant l'exercice de 
l'oraison et pendant le saint sacrifice de la messe, qu'il « célé- 
» brait tous les jours , dit le journal dominicain , avec une sin- 
» gulière piété, pour la conversion des pécheurs. Celebrava todos 
» los dias la santa missa con singular dévotion por la conversion 
» de los pecadores. » 

A tant de vertus Dieu avait ajouté le don de lire dans les 
cœurs , et de connaître l'état abominable d'une <lme criminelle 
prête à s'approcher indignement de la sainte table. 

Durant une mission , un usurier était venu lui faire l'aveu de 
ses injustices, sans vouloir se décider à les réparer ; le saint lui 



continualamente sus culpas con tanta amalgura, y dolor, que el mismo 
P. Santo Domingo estava admirado , y atonito de forma , que se vio obligado 
à mandarle que no Uorasse mas sus culpas, sino las de los otros pecado- 
res. Obedicio el beato Betrran dexando la causa , pero no las lacrymas. 
(Loco jam citato.) 

(I) Jean, de Réchàc , Vie de S. Dominique et de ses premiers seize corn- 
peinons; — Scriptores ord. Prsedicatorum , in-folio, Parisiis, 1719, t. I, 
p. 40. — lnlerdicit aliquando (B. Dominicus) Bertrando, sociosuo, ne suas 
sed aliorum culpas defleret, attendens quod pro peccatis suis se nimis aflli- 
gebat; et tantae virtutis verba fuerunt, ut pro aliis abundanter fleret, pro 
se autem flere non posset etiam volens. 

Tome VI. — 1872. 21 



344 SOCIETE d'archéologie et de statistique. 

refuse l'absolution. Que fera ce nouveau Judas ? Dans le dessein 
de pallier ses crimes , il se mêle à la foule des fidèles et se dis- 
pose à recevoir la divine eucharistie. 

Malgré son indignité , par devoir, le serviteur de Dieu est 
obligé à lui donner, comme aux autres, le pain des anges. Mais, 
au moment où il dépose l'Agneau sans tache sur sa langue im- 
pure , il voit sa bouche en feu vomir une flamme infernale. Le 
misérable 'profanateur du corps et du sang de Jésus-Christ res- 
sent en effet une aussi vive douleur que celle que causeraient 
des charbons brûlants. Ce juste châtiment le ramène bientôt 
aux pieds du missionnaire ; et le bienheureux , par ses larmes et 
par ses exhortations , le porte au repentir et à la restitution du 
fruit de ses usures *. 

Tel fut Bertrand de Garrigue. « Après avoir rempli, durant 
» plusieurs années , très-saintement la charge de provincial , 
» disent les historiens , il mourut non loin d'Orange, en 1230 , 
» avec la réputation et l'honneur d'un homme célèbre en vertus 
9 et puissant en miracles 3. 

* C'est ainsi, ajoutent-ils, qu'il couronna très-saintement la 
» vie qu'il avait menée. Il avait parcouru sa carrière comme un 
» astre lumineux : voilà pourquoi il passa de la lumière terrestre 
* à la splendeur inaccessible des deux. 3 » 

(A continuer.) L'abbé ISNARD, 

curé de Tutelle. 



(1) Jean de Réchac, Vie de saint Dominique (loco jam citato). 

(2) Mamachi, Annalia ord. Prxdicat., lib. 2, p. 367. 

(3) àntonius Senensis, Lusitamjs, Ohronicon Fratrum ordin. Pr&dicat., 
ann. 1230, in-18, Parisiis, 1580. 



LE DAGPHINÉ EN 4698. 345 



LE DAUPHINÉ EN 1698. 



(SuiTE.-Volr0utetfn,N. M 2,3,4,5, 7,8, 11, 13,14 et 17.; 



X. PARLEMENT. 

Le premier corps judiciaire du Dauphiné est le Parlement de 
Grenoble, qui est aussi Cour des aides. Il a pour origine le 
conseil delphinal établi l'an 1337 par le dernier dauphin , Hum- 
bert II, qui , l'ayant d'abord composé de sept conseillers sans 
président, d'un maître-auditeur des comptes et d'un trésorier, 
l'augmenta peu après d'un avocat fiscal et érigea la présidence 
en office pour l'un des conseillers (1). Ce conseil fut érigé en 



(1) Dès le XIII* siècle, il y avait à la cour des Dauphins, sous les noms 
de giand conseil, consilvum magnum; — sage conseil, eonsiiium sapien- 
tium; — conseil delphinal, consUiumdelphinale; — et consistoire suprême, 
consistorium supremum; — un conseil de jurisconsultes et de chevaliers 
délibérant sur toutes les affaires de l'État et du Prince , en même temps que 
sur certaines causes évoquées à son tribunal. Mais, bien que jouissant 
d'attributions judiciaires , ce conseil , dont les membres devaient être au 
nombre de quatorze et siéger dans le château delphinal de Beauvoir, sui- 
vant une ordonnance de 1336, était plutôt ce que nous appellerions au- 
jourd'hui un conseil d'État ou un conseil privé qu'une cour de justice. 

Le premier corps véritablement judiciaire qui ait existé dans notre pro- 
vince est un conseil de sept membres établi à Saint-Marceliin , le 22 février 
1337, par le dauphin Humbert II, pour juger en dernier ressort, tant au 
civil qu'au criminel et en première instance , que par appel des juges 
inférieurs. Transféré peu après à Grenoble , ce conseil y fut définitivement 
fixé par une ordonnance du 1" août 1340, qui, dans le but de consolider 
et de relever cette nouvelle institution, voulait que des conseillers cinq 
fussent docteurs et quatre professeurs en l'Université de Grenoble, et, de 
plus, que chaque semaine il y eût au moins une séance dans laquelle, 
étant appelés : le juge des appellations, le bailli, le juge-mage et le pro- 
cureur de Graisivodan, l'avocat et le procureur fiscal, le juge de la cour 



3J6 société d'archéologie et de statistique. 

Parlement par le dauphin Louis, en 1453, et confirmé plus tard 
par le roi Charles VIII. D'où s'en sont suivies de longues con- 



commune, le maître rational, les auditeurs des comptes et les trésoriers, 
on délibérerait sur les intérêts matériels du pays. 

Plus tard, la présidence de ce conseil, d'abord vraisemblablement exercée 
à tour de rôle par chacun de ses membres , fut érigée en charge pour un 
des conseillers, et l'État s'y fit représenter par un procureur général ou 
fiscal; mais le nombre des conseillers resta le môme jusqu'au 22 septembre 
1422 , où il y eut création d'une charge pour l'avocat fiscal Guiffrey Vallier, 
et telle était encore l'organisation du conseil delphinal lorsqu'il fut érigé 
en Parlement par le dauphin Louis, pour lors en démêlés avec son père, 
le roi Charles VII, qui cependant approuva cette érection le 4 août 1455. 

Seize ans après cette dernière date, il y eut création de trois nouvelles 
charges de conseiller, puis de quatre en i486, et de quatre encore en 1521 ; 
nombre qui, grâce à la vénalité des charges et aux besoins croissants du 
trésor, s'accrut dès lors rapidement et considérablement, car nous trou- 
vons, en 1543, une création de six offices, de six encore en 1553, puis 
de huit en 1568, de deux en 1573, d'une en 1570, 1574, 1576, 1577, 1579, 
1581, 1588, 1593 et 1618, de trois en 1599, dix en 1628, et six enfin en 
1659. Toutefois, il est bon d'observer que toutes ces créations de charges, 
qui eussent porté à soixante-huit le nombre des conseillers au Parlement 
de Grenoble, n'étaient pas définitives, plusieurs étant à titre extraordinaire 
et viager, c'est-à-dire établies temporairement au profit de magistrats que 
le souverain récompensait ainsi de leurs services. Quant à la charge de 
président, elle fut unique jusqu'en 1539 que celle de second président fut 
créée pour Michel de Gyves, magistrat qui mourut assez pauvre, en 1558, 
pour que la cour dût pourvoir à ses funérailles. Le 22 août 1571 il en fut 
créé une troisième, une quatrième en octobre 1574, une cinquième le 7 
août 1578, puis, le 20 janvier 1579, une pour la Chambre de l'Édit, qui en 
obtint une seconde le 6 août 1599; enfin une autre le 23 juillet 1628. 

Lors de la révolution parlementaire de 1771 , ce Parlement fut le dernier 
dissous , par un édit du mois de novembre qui , tout en lui conservant son 
ancienne dénomination , l'organisait en simple cour de justice , composée 
de sept présidents, le premier compris, et de vingt-trois conseillers. 

Quatre ans après, il était rétabli sur son ancien pied; puis un édit d'avril 
1775, enregistré le 2 mai suivant, abrogeant l'usage du roulement des 
chambres, disait qu'il se composerait à l'avenir d'une grand' chambre , 
d'une chambre de Tournelle et d'une chambre d'enquête : la première 
formée du premier président, des huit présidents à mortier, des deux che- 
valiers d'honneur, charges nouvellement créées, et des trente plus anciens 
conseillers, dont deux clercs; dans la chambre des enquêtes devaient 



LE DAUPHINÉ EN 4698. 34 7 

testations relativement à la préséance entre ce Parlement et 
celui de Bordeaux, dont l'établissement est de l'ati 1460; celui- 
ci prétendant avoir le pas sous prétexte que l'acte de 1453 ne 
peut avoir d'effet que par rapport au Dauphiné parce qu'il émane 
du dauphin Louis, antérieurement à son avènement à la cou- 
ronne de France. Ce qui n'empêche pas que le Parlement de 
Grenoble a toujours été classé le troisième, notamment dans 
les assemblées de notables de 1557, 1566 et 1617, et dans la 
Chambre de justice de 1624 (1). 



entrer les deux derniers présidents en réception et les vingt-deux derniers 
conseillers, y compris deux clercs; trois présidents et dix conseillers de 
la grand' chambre et six des enquêtes devaient composer chaque année la 
Tournelle. 

Ce nouvel état de choses a subsisté jusqu'au 2 septembre 1786, qu'un 
édit, enregistré le 30 du même mois, rétablit, avec le roulement des 
chambres, la constitution primitive du Parlement de Grenoble, aboi* 
comme tous les autres en 1790. — Valboin.nais, I, 14, 309, 319, 357; II» 
328, 409, 531. - Chômer, Jurispr. de Guy Pape, 67. — Recueil des Èdits, 
XXV, N." 102 ; XXVI, N." 30, 115 bis. - Bull, de l'Acad. delphin., t. III, 
p. 541 et suiv. — Pilot de Thorey, Préface de Vlnvent. des arch. départ, 
de l Isère, etc., etc. 

(1) Il y avait en France, à la fin du dernier siècle, treize Parlements, 
ainsi classés : 

1° Paris, dont l'établissement définitif est de 1302. 

2° Toulouse, érigé en 1444. 

3° Grenoble. 

\° Bordeaux, établi en 1460. 

5° Dijon, institué par Louis XI en 1480. 

6° Rouen, fondé sous le nom d'échiquier, par Ph i lippe -le-Bel, en 1302, 
érigé en Parlement en 1499. 

7° Aix , ancienne cour royale des comtes de Provence , érigée en Parle- 
ment le 10 juillet 1501. 

8° Rennes, fondé en 1555, rendu sédentaire dans cette ville en 1560. 

9° Pau , formé en 1620 du conseil de Pau et de la chancellerie de Navarre. 

10° Metz, établi en janvier 1633. 

11° Besancon, transféré de Dôle en 1676. 

12° Douai , établi en 1709 pour les pays conquis en Flandre , Hainaut et 
Cambrésis par Louis XIV. 

13° Nancy, titré Parlement par édit de septembre 1775. 



^ 



348 société d'archéologie et de statistique. 

Composé, à l'origine, d'une seule chambre, il a été accru 
d'une seconde en 1588, d'une troisième en 4598, d'une qua- 
trième en 1628, et d'une cinquième en 1658, chaque création 
de chambre étant corroborée par celle d'un certain nombre de 
présidents et de conseillers pour son service. Deux de ces cham- 
bres furent supprimées en 1662, puis en 1670 celle de l'Édit (1), 
et leurs officiers incorporés dans les trois autres, qui comptèrent 
alors dix présidents , cinquante-deux conseillers , deux avocats 
généraux et un procureur général. En 1685 , une quatrième 
chambre a été créée , et sept ans après trois charges de conseiller 



La principauté de Dombes avait aussi un Parlement, établi en 1523, à Lyon, 
par François I", puis transféré à Trévoux par Mademoiselle de Montpensier; 
mais il fut supprimé en 1771 et remplacé par une sénéchaussée. 

(1) L'un des principaux griefs des réformés, au XVI e siècle, étant le 
manque de tribunaux qui leur offrissent des garanties au point de vue de 
leurs croyances, l'édit de Chastenay ou de Beaulieu ( mai 1576 ) ordonna 
l'établissement de chambres spéciales et souveraines, composées par moitié 
de catholiques et de protestants, dans les huit Parlements du royaume , et 
ce sont ces chambres qui, d'abord appelées Chambres mi-parties, furent 
appelées Chambres de l'Édit , après la publication de l'édit de Nantes, dont 
elles suivirent le sort. Celle de Grenoble, dont la juridiction s'étendait sur 
le Dauphiné et la Provence, et à laquelle pouvaient se pourvoir les pro- 
testants de la Bourgogne et de Paris, fut établie l'année suivante. Chorier 
et Guy Allard .disent que son premier président fut Jacques Colas, sieur 
de la Madeleine , personnage qui ne se trouve pas sur la liste donnée 
par M. Pilot, tandis, au contraire, que nous y voyons figurer, avec la 
mention : « créé pour le service de la Chambre de l'Édit », et sous la date 
du 20 janvier 1579, Innocent Gentillet, l'un des plus ardents partisans de 
la Réforme , que le Parlement refusa d'abord de recevoir, sous prétexte 
que l'ayant examiné « tant sur la loi que sur la pratique », il n'a pas 
été trouvé « suffisant pour exercer la charge et estât de président », mais 
qu'il reçut ensuite sur lettres de jussion, le 21 juillet 1582. Parmi les autres 
présidents de la Chambre de l'Édit , pour le service de laquelle il fut créé 
une seconde charge, le 6 août 1599, nous trouvons : 1591-1606, Soffrey- 
Calignon, ensuite chancelier de Navarre; 1599-1603, Louis du Vache , sieur 
d'Estables; 1603-1609, Barthélémy Marquet; 1609-1622, Charles Ducros. — 
V. de Thou, VII, 416; Chorier, Hist. génèr., II, 675, 683; Guy Allard, 
Dictionn., I, 235; Pilot de Thorey, id. y 11, 12, 13. 



LE DAUPHIN É EN 4698. 349 

et une de président ; mais celle-ci n'a pas été remplie , les autres 
présidents l'ayant éteinte en en payant la finance (1). De telle 



(1) Pour l'intelligence de ce membre de phrase, il est bon de rappeler 
que les charges de magistrature, conférées, à l'origine comme aujourd'hui, 
par le chef de l'État, devinrent peu à peu, par tolérance , la propriété de 
leurs titulaires, qui s'en démettaient moyennant finance au profit de per- 
sonnes qui recevaient l'investiture du prince , ainsi que cela se pratique 
encore pour les offices ministériels et les greffes. Sur les représentations 
réitérées des États-Généraux, nos rois* interdirent d'abord cette pratique 
abusive; mais, sous François I er , les malheurs publics aidant la vénalité des 
charges devint un fait permanent et régulier, en même temps qu'une res- 
source pour l'État, qui, dans les moments de gêne, battait monnaie par la 
création de charges et d'offices qu'il vendait ensuite. Ces charges deve- 
naient, comme nous l'avons dit, la propriété de l'acquéreur, qui les pou- 
vait vendre à son tour, mais à la condition cependant que ce fût quarante 
jours au moins avant' son décès, car, dans le cas contraire, l'État prenait 
la place du résignataire ou vendeur au détriment de ses héritiers. Seule- 
ment, comme en définitive le trésor profitait peu de ce droit, la plupart 
des charges acquises de la sorte étant ensuite gratuitement cédées à de 
grands personnages pour leurs créatures, un édit de 1604 porta ce terme 
de quarante jours à un an , frappant en retour toutes les charges de ma- 
gistrature et autres offices d'un droit annuel équivalant au soixantième de 
leur valeur. Difficilement accepté par le Parlement , ce droit , appelé Pau- 
lette, du nom de son premier fermier, Charles Paulet, fut perçu jusqu'en 
décembre 1709, qu'un édit de Louis XIV en ordonna le rachat par les inté. 
ressés; ce qui n'empêcha pas son successeur de le rétablir en août 1722. 

De cela il ne faudrait pas cependant conclure que la seule acquisition 
d'une charge constituait un magistrat , car, au Parlement , par exemple , 
nul ne pouvait se porter acquéreur d'un office quelconque sans avoir pré- 
alablement obtenu du Parlement l'autorisation de l'acquérir; puis, cette 
acquisition faite et la nomination par le roi obtenue, le candidat ( car il 
n'était encore que cela) devait être examiné par une commission prise 
encore dans le sein du Parlement, laquelle ne se contentait pas de s'assurer 
s'il était convenablement instruit et capable , ou , comme on disait alors > 
« suffisant et idoine », mais encore s'enquérait de sa conduite , de sa mo- 
ralité , de son honorabilité et de celles de sa famille , ainsi que de ses 
opinions et de ses croyances. Alors seulement , s'il réunissait les conditions 
nécessaires, il pouvait être mis en possession de sa charge, et dans le cas 
contraire il était renvoyé et le roi prié d'y pourvoir autrement, ce qu'il 
faisait volontiers, à moins que le refus du Parlement ne lui parût pas 
suffisamment motivé, auquel cas il lui adressait des lettres de jussion, 



320 société d'archéologie et de statistique. 

sorte que le Parlement de Grenoble se compose actuellement 
de dix présidents, le premier compris, de cinquante-cinq con- 
seillers, y compris quatre conseillers clercs et le garde des 
sceaux, qui a voix instructive et délibéra tive, sans rapport ni 
émolument, d'un procureur général et de trois avocats géné- 
raux. 

Toutes les chambres sont égales entre elles et simplement 
distinguées par première, seconde, troisième et quatrième, n'y 
ayant ni enquêtes, ni requêtes; de telle sorte que la première 
d'une année est la quatrième de l'année suivante. Toutes con- 
naissent indifféremment de matières civiles et criminelles, les 
affaires de police et de bien public étant cependant attribuées à 
la première aussi bien que les requêtes qui ne viennent point , 
en exécution d'arrêt, lesquelles y ayant été portées sont distri- 
buées ensuite par le premier président. 

Les conseillers de chaque chambre ne se séparent pas, mais 
les présidents optent à chaque rentrée pour la chambre dans 
laquelle ils désirent servir, savoir : quatre dans la première , y 
toujours compris le premier, que suit le garde des sceaux, et 
deux dans chacune des autres. 

Le costume des présidents est d'écarlate et d'hermine ; leur 
traitement est de 6,204 livres 18 sous 9 deniers pour le premier, 
qui jouit en outre de 4,500 livres d'appointements sur les finances, 
et d'une somme qui varie de 3,015 à 2,342 livres pour les autres. 



c'est-à-dire un ordre réitéré d'admettre le postulant. De plus, il fallait avoir 

vingt-sept , puis vingt-cinq ans au moins, et n'être ni père, ni fils, ni 

f frère , ni oncle , ni neveu , ni cousin germain , ni gendre , ni beau-père de 

! l'un des magistrats de la Cour; et pour être président, avoir quarante ans 

d'âge et rempli pendant dix ans la charge de conseiller. Toutefois , il faut 

dire qu'aux XVII e et XVIII* siècles les dispenses d'âge, de parente et de 

services étaient accordées avec une telle facilité que Ton peut dire qu'il 

} n'y avait plus de conditions de cette nature. — À. Thierry, Essai sur fhis- 

\ loire du Tiers- État, I, 96, 97. — Jsambert, Recueil des anciennes lois fran- 

■ çaises, XI, 323. - Mézef.ay, Histoire de Fi'ance. — Pilot, Notice sur les 

séries A. et B des archives départ, de l'Isère. — Recueil des Ëdits , I , p. 4 et 
3 de YOrd. d'Abbeville. 



LE DAUPHIN É EN 4698. 324 

Quant aux conseillers , ils ont chacun 900 livres , les avocats 
généraux 2,250 livres , et le procureur général 2,808 livres 15 
sous H deniers, plus 2,250 livres sur les finances et 1,800 livres 
à titre de supplément (1). 

Ce Parlement n'a pas de requêtes au palais, ses officiers, aussi 
bien que ceux de la Chambre des comptes et du Bureau des 
finances, ayant pour juge le vibailli de Graisivodan. 

La juridiction des aides , qui lui appartenait de toute ancien- 
neté, lui fut retirée en 1638; mais la Cour des aides, alors 
établie à Vienne, ayant été supprimée vingt ans après, celle-là 
lui a fait retour (2). 

Le gouverneur et le lieutenant général de la province ont 
séance dans le Parlement de Grenoble avant le premier pré- 
sident , qu'ils précèdent également dans les processions et autres 
cérémonies publiques (3) ; comme aussi tous les archevêques et 



(1) Le traitement des conseillers delpbinaux , qui était premièrement de 
120 florins, fut porté à 200 par l'ordonnance du 1 er août 1334. 

(2) La Cour des aides était une juridiction souveraine pour tous les diffé- 
rends relatifs aux impôts votés par les États du pays, et appelés aides 
parce qu'ils étaient destinés a venir en aide au trésor. Il y avait en France 
quatre Cours des aides distinctes , savoir : à Paris , Montpellier, Bordeaux 
et Clermont. En Dauphiné, comme dans bon nombre d'autres provinces, 
cette juridiction appartenait au Parlement. Elle lui fut enlevée en 1638 au 
profit d'une cour spéciale , alors établie à Vienne , et composée de trois 
présidents, le premier compris, avec 3,000 et 2,000 livres de gages, de 
quinze conseillers ayant 1,000 livres, d'un avocat et d'un procureur géné- 
ral avec 1,700 livres, de deux substituts du procureur général avec 100 
livres , et d'autres officiers inférieurs. Cette Cour des aides fut supprimée 
le 24 décembre 1658 , et sa juridiction restituée au Parlement. — Chômer , 
Estât politique, I, 98 et suiv. — Pilot de Thorey, ibid. 26, 27. 

(3) Le Parlement de Grenoble était le seul où le gouverneur de la pro- 
vince eût séance, et cette singularité s'explique par l'importance toute 
particulière de cet officier qui, représentant du roi dans un pays qui avai* 
la prétention de ne faire partie du royaume , mais d'être simplement uni à 
la couronne, y jouissait d'attributions quasi souveraines : tellement que 
plusieurs siècles durant les arrêts du Conseil delphinal, puis du Parlement 
ont été rendus en son nom. 



322 société d'archéologie et de statistique. 

évêques du royaume, qui eux y ont voix instructive, seul celui 
de Grenoble , dont le siège est après les présidents et au-dessus 
du doyen, y ayant voix délibérative. 

Les grandes audiences du Parlement se tiennent le lundi et 
le jeudi de chaque semaine, ou jours suivants, s'il y & féric. Les 
grandes vacances commencent le 9 septembre et finissent à la 
Saint -Martin , jour auquel le Parlement assiste en corps à la 
messe , écoute une harangue du premier président et reçoit le 
serment du vibailli de Graisivodan , du juge royal de Grenoble 
et des avocats et procureurs en la cour. Pendant les vacances, 
une chambre des vacations, composée de deux présidents et de 
vingt-deux conseillers nommés chaque année par le roi, juge 
toutes les causes criminelles et provisoires, ainsi que les causes 
civiles jusqu'à 300 livres de principal (1). 



(1) Nous ne savons à quelle époque s'est établi l'usage de faire la rentrée 
le lt novembre; en tout cas, elle se faisait à l'origine comme aujourd'hui, 
le 3, ainsi qu'il résulte d'une ordonnance ou règlement émané du gouver- 
neur Guillaume de l'Aire, le 7 octobre 1400. Aux termes de cet acte, tous 
les conseillers, avocats, secrétaires et procureurs qui voulaient faire delà 
patrocine — qui aut patrocinium prxstare voluerint , — devaient assister, 
le lendemain de la fête des morts de chaque année, à une messe solennelle 
célébrée à cet effet dans l'église collégiale de Saint-André, puis se rendre 
à l'auditoire pour y écouter la lecture des statuts et règlements intérieurs 
et entendre une mercuriale du président; ensuite de quoi, chacun dans 
son ordre et par rang d'ancienneté, avocats, secrétaires et procureurs 
étaient appelés à renouveler le serment professionnel. Quant aux magistrats, 
ils ne le prêtaient , parait-il, qu'en prenant possession de leurs charges ; et, 
à ce sujet, il faut remarquer que la formule du serment, qui était en latin 
pour les conseillers, secrétaires, avocats, procureurs et notaires, était en 
français pour les officiers des Comptes, qui étaient censés ignorer le latin; 
usage qui s'est continué fort tard et jusque dans les mandements d'arrêts , 
où il était parlé latin et à la seconde personne du pluriel au magistrat du 
parquet ou autres officiers judiciaires : vobis mandamus et ordinamus , 
tandis que les huissiers étaient interpellés en français et même en les 
tutoyant : Et toi, huissier ou sergent royal, te mandons et commandons. 
— Libertates per iUuslrissimo , édit gothique, XI, v.° et suiv. — Fauche- 
Prunelle, Origine de la messe du Saint-Esprit, dans la Revue des Alpes , 
N.* 233. 



LE DAUPHIN É EN 4698. 323 

Ajoutons qu'avant l'érection du conseil delphinal, il y avait 
en Dauphiné un juge mage des appellations auquel étaient 
appellables tous les vibaillis et autres juges delphinaux , et que 
ledit juge fut supprimé par un édit du dauphin Louis, qui unit 
sa juridiction au Parlement (1). 

(A continuer.) J. BRUN-DURAND. 



(I) Ce magistrat, appelé dans les chartes judex majos appeUationum et 
mdlilatum totius Delphinatus, siégeait à Grenoble. Après l'établissement du 
Conseil delphinal, dont il avait vraisemblablement auparavant tontes les 
attributions judiciaires à lui seul , il continua d'exister, mais à un rang et 
avec des attributions qu'il nous serait impossible de préciser. De ceux qui 
ont rempli cette charge , nous connaissons : 

1340. Etienne de Roux, chevalier, qui était en même temps juge de l'hôtel 
du Dauphin. — Valbonnais, II, 41. 

1345. François de Fredulphe de Parme, licencié en droit, qui avait pour 
lieutenant Hugues de Bernard , docteur et chevalier, que le dauphin Hum- 
bert II appelle à prendre part aux délibérations du Conseil delphinal pen- 
dant son voyage en Orient. — Valbonnais, II, 505, 520. 

1351. Raymond de Theys, ensuite conseiller delphinal. — Guy Allard, 
Dictionn. du Dauph., I, 701. 

1362. Renaud Roudy. — Chômer, fliit. gén., I, 848. 

1385. Bergadan de Mercules ou de Miericulis, conseiller delphinal. - 
Bibl. du Dauph., I, 170. 

1396. Soffrey de Tholon, licencié ès-lois, ancien conseiller delphinal. — 
Pilot, Invent, des arch., II, 20. 

1399. Jean de Vieux, licencié. — Staiula Delphinatus, XII. 

1431. Jus ou Juste de Meuze. — Idem, Estât polit., III, 375. 

1465. Claude de Lattier, docteur es-lois. — Arch. de la Drame, E, 294. 

1499. Jean du Mottet. — Gur Allard, Dictionn., 1, 700. 

Avant 1508. Jean Cid , ensuite conseiller au Parlement. — Pilot, Invent., 
11,22. 



324 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE Et DE STATISTIQUE. 



SERMENT 

( LOUISE- AN A ST ASIE) 



Moréri et M. Rochas font naître à Grenoble cette fille savante, 
que le poète Quinault « consultait comme sa muse choisie. Elle 
» était sujette , ajoute le Grand dictionnaire historique , à de 
» grandes infirmités qui lui faisoient désirer ardemment la 
» mort. Elle la pressa même*, par de fort beaux vers , de la dé- 
)> livrer des maux cruels qui la tourmentoient. Favorablement 
» écoutée, elle mourut en finissant une belle épigramme. » 

La Biographie du Dauphiné , si complète d'ordinaire en ce qui 
touche aux illustrations de notre province, place M ,lc Serment 
c( dans la catégorie des femmes savantes dont Madeleine de 
» Scudéry était l'oracle , » et la fait recevoir « dans l'académie 
» des Ricovrati de Padoue , où on lui donna le surnom de la 
» philosophe; » mais M. Rochas avoue n'avoir trouvé aucun 
détail sur sa famille. 

C'est précisément cette lacune que des papiers , récemment 
classés, vont nous permettre de combler ici L . 

« En l'année 1639 , dit un mémoire de Gérarde Girault, lors 
» de la passation du contrat de mariage de M. de Serment avec 
» moy, M. son père envoya une procuration , par laquelle il y 
» consentoit, faisoit quelques advantages à son fils et se reudoit 
» responsable de mon dot et de mes advantages 2 ; M. de 
» Serment n'a esté émancipé que par la mort de son père. 

» Après nostre mariage, nous vînmes en Dauphiné et logeas- 
» mes à Charpey, chez le père de M. de Serment et avec luy, 
» environ 18 mois, pendant lequel temps M. de Serment le 
» père , indigné de ce que son fils avoit fait sortir de la maison 
» une vieille femme qui y gouvernoit tout , et de laquelle il 



(1) Archives de la Drôme, E. 1694. 

(2) Elle recevait 800 livres de rente , et Serment père donnait la moitié 
de ses biens à son (Ils, qu'il déshérita dans la suite. 



SERMENT ( LOUISE-AN ASTASIE). 325 

» avoit une fille, qu'il a mariée et pour laquelle il a plus fait que 
» pour ses légitimes , il se brouilla avec son fils , nous fit diverses 
» pièces à luy et à moy , et nous obligea de prendre la résolution 
» de le quitter et de venir demeurer à Valence. 

» M. de Serment le père avoit trois enfants (d'Isabeau Ray- 
» mond) : M. de Serment et deux filles , qui moururent jeunes. » 

Le mémoire de Gérarde Girault contient encore d'autres dé- 
tails intimes fort curieux sur la famille de son mari , mais étran- 
gers à notre sujet; nous les négligeons. 

Remarquons toutefois l'ignorance réelle ou feinte de l'auteur 
du mémoire sur la noblesse de Serment père, auquel est donnée 
la particule , alors qu'il s'appelait simplement Pierre Tastevin , 
et exerçait , à Charpey, les fonctions de notaire. 

Cependant, comme il avait acquis un fonds de terre dénommé 
le Serment , à cause peut-être d'un ancien propriétaire, — car 
nous trouvons un Gérard Serment , avocat consistorial au Par- 
lement de Grenoble , pourvu par Henri II d'un office de con- 
seiller en la même cour, — il ajouta ce nom au sien, et se signa 
Tastevin-Serment , Serment-Tastevin , et Serment tout court. 

Honoré, son fils, ayant embrassé la carrière des armes , de- 
vint conseiller du roi et lieutenant en la connétablie de France , 
sorte de magistrature militaire, et acquit de la sorte la noblesse. 

Antoine de la Baume-Pluvinel , qui occupait auprès du roi 
un emploi d'écuyer, favorisa-t-il les débuts de son compatriote? 
Rien ne l'assure ; mais la procuration que lui envoya Pierre 
Serment-Tastevin , pour le représenter au mariage de son fils 
avec Gérarde Girault, fille d'un notaire de Paris, révèle des rap- 
ports entre les deux familles. 

Le contrat fut signé le 14 septembre 1639, en présence do 
Louis de la Baume-Pluvinel , conseiller au Parlement de Gre- 
noble , et de quelques autres gentilshommes de robe et d'épée. 

De cette union naquirent plusieurs enfants , dont nous avons 
retrouvé les prénoms , sans pouvoir établir l'ordre de leur nais- 
sance. Les voici donc placés au hasard : 

Jean-Annet, capitaine au régiment de Touraaisis, marié le 2 
janvier 1687 avec Jeanne de Galbert de Ronchol des Fonts, 
d'une famille des environs de Valence ; — Louise (Anastasie) ; 



326 SOCIÉTÉ D'iftCHÉOLOGlE ET DE STATISTIQUE. 

— Marie-Diane , religieuse ursuline à Romans , sous le nom de 
Marie de F Incarnation ; — Angélique; — Gabrielle, née à Paris, 
demeurant à Valence, où elle testa, le 30 juillet 1684, en faveur 
de Jean-Annet , avec un legs de 300 livres à Louise- Anastasie ; 

— Laurence-Magdeleine , dont Jean-Annet fut héritier, par le 
testament du 10 février 1685; — Marie-Anne, qui voulut être 
inhumée sans pompe , dans l'église de St-Jean de Valence , dans 
la tombe de son père, 16 avril 1676 ; — Claude, capitaine au ré- 
giment de Piémont, et plus tard ecclésiastique ; — Baptiste. 

M. Cousin , dans son livre de La Société française au XVII' 
siècle, ne donne aucun détail sur Louise- Anastasie, et se con- 
tente d'énumérer M 11 * de Serment parmi les hôtes de M 1,e de 
Scudéry, d'après Titon du Tillet. 

Ce silence permet d'inférer que ni Louise- Anastasie , ni ses 
sœurs ne jouèrent un rôle considérable dans la coterie. 

Quoi qu'il en soit , les demoiselles de Serment , qui par leur 
mère avaient des attaches à Paris , y séjournèrent souvent. Il 
paraît même que Louise-Anastasie ne quitta guère la capitale , 
à cause, peut-être , des grandes infirmités dont parle Moréri. 

Elle habitait , sur les fossés Saint-Victor, une maison du col- 
lége des Ecossais, paroisse de Saint-Etienne-du-Mont. 

Son testament, du 13 avril 1691, contient plusieurs disposi- 
tions remarquables pour une philosophe. En effet, après avoir 
légué à Louis-Honoré de Serment, son neveu et son filleul, 
écuyer et capitaine au régiment de Piémont, toutes ses rentes 
sur les aides et gabelles et sur le clergé, elle lui substitue Jean- 
Annet , les autres enfants de celui-ci et sa veuve, et en dernier 
lieu les garçons et filles pauvres de la ville et des faubourgs de 
Valence. 

Si cette substitution avait eu son effet, Valence aurait eu des 
fonds pour faire apprendre un état à 6 garçons pauvres , une 
année, et pour marier 5 filles pauvres , l'année suivante ; et, en 
outre , pour fonder une école où l'on aurait appris la lecture , 
l'écriture et les principes de la religion catholique aux enfants 
pauvres. 

Enfin, Louise-Anastasie voulut que son héritier fondât , dans 
une église ou dans un monastère de son choix, à perpétuité . 
une messe quotidienne pour le repos de son âme. 



SBRMEMT ( LOUIS E-AJSASTASIE). 327 

Il paraît que cette fondation eut lieu , témoin la clause sui- 
vante du testament de Jeanne de Ronchol de Galbert : * Je charge 
» ma fille de Ronchol, mon héritière, si je n'ai pas renouvelé 
» la fondation, que j'ai faite à Grest, d'uneg&esse basse chaque 
* jour pour Louise- Anastasie de Serment, ma belle-sœur, de 
» la renouveler elle-même. » 

Par un codicille du 7 décembre 1691 , Louise-Ana,stasie dési- 
gna pour sa sépulture l'église de Saint-André-des-Arts, « à côté 
de sa mère et de sa sœur, » pria M me Chevalier, une de ses an- 
ciennes amies, de veiller à ce que ses funérailles eussent lieu 
sans dépense superflue et sans tentures, et M. Gourdan, avocat, 
de remettre son argent et sa succession à Jean-Annet Serment. 
Elle mourut le 17 décembre 1692. 

Dans l'inventaire de son mobilier , nous avons trouvé la men- 
tion de tous les ustensiles d'un ménage somptueux, des portraits 
de la défunte, de M. de Serment, son père, de Quinault, de 
plusieurs tableaux et de 250 volumes <c reliés en veau , en par- 
» chemin , etc., qui traitent de divers sujets , et que les parties 
» n'ont désiré être plus amplement particularisés. » 

L'argent monnayé, l'argenterie et le montant de la vente aux 
enchères d'une partie des meubles s'élevèrent à 2,822 livres. 

D'après la Biographie du Dauphiné, Louise- Anastasie aurait 
eu avec Quinault des rapports intimes et plus que littéraires. 
Tout ce que nous avons constaté se borne à une obligation de 
1,000 livres souscrite par elle à Louise Goujon, veuve du litté- 
rateur si malmené par Boileau. 

Voici, 6ans ordre, pour terminer cette courte notice, les noms 
des enfants de Jean-Annet de Serment," officier de mérite, et 
de Jeanne de Galbert-Ronchol : 

Louû-Honorè , filleul de Louise- Anastasie , ingénieur en chef 
à Mont-Dauphin et Chàteau-Queyras , né à Alixan le 1 1 novem- 
bre 1687, et mort vers 1729 ; — Jean-Nicolas, mort à Valence, 
à l'âge de 17 ans; — Marianne-Gabrielle ; — Angèlique-Fran- 
çoùe-Marguerite ; — Louise-Angélique-Josèphe ; — Guillaume; — 
Thérèse-Alexandrine , religieuse de la Visitation à Valence. 

A. LACROIX. 



328 société d'archéologie et de statistique. 



NÉCROLOGIE. 

« Géraud de Crussol , duc d'Uzès , à la mort de son grand- 
» père, qui survécut à son fils, le duc de Crussol, avait perdu 
» de bonne heure sa mère, sœur du duc de Morlemart. Livré 
» dès son enfance au régime égalitaire de l'éducation publique, 
» il en avait contracté une simplicité, une aimable familiarité 
» de manières qui laissaient seulement à son caractère chevale- 
» resque le soin de rappeler la hauteur du rang où il était né. 

» A peine sorti de l'école de Saint-Cyr, appelé auprès de son 

* oncle, le duc de Mortemart, ambassadeur en Russie, il fit 
» en 1828 la campagne de Varna contre les Turcs et gagna 
» ainsi tout d'abord la croix de la Légion d'honneur, qui 
y> brillait avec éclat sur sa jeune poitrine, entourée de plu- 

* sieurs décorations moscovites. » Ainsi s'exprime M. de Larcy 
dans la Gazette de France du 23 mars 4872. 

Nommé député de la Haute-Marne en 1843 et membre du 
Conseil général du Gard en 1848, M. le duc d'Uzès déploya de 
brillantes qualités d'intelligence, de verve et de courage. 

La famille de Crussol, dont le nom réveille tant d'échos dans 
notre histoire nationale, se lie intimement aussi à celle de Va- 
lence. On a vu dans le Cartulaire du Bourg ses premiers repré- 
sentants propriétaires d'une portion du port du Rhône, et 
c'est M. le duc d'Uzès qui a su faire respecter les ruines pitto- 
resques de l'antique manoir, menacé d'une perte imminente (1). 

M. le duc d'Uzès aimait les lettres et les arts, les écrivains et 
les savants, la religion et la famille : il était charitable, bien- 
veillant et instruit. Les Annales de la charité contiennent 
quelques-uns de ses travaux. Il était né en 1808. 

Son fils , élu député du Gard le 8 février 1871, portera noble- 
ment à son tour le litre de duc d'Uzès, qui est depuis trois cents 
ans dans sa maison. 



(1) On trouve dans le Dauphiné, N.° du 21 mars 1872, où nous puisons 
ce détail , un article fort intéressant de M. Grangeneuve sur le château de 
Crussol, ses anciens maîtres et ses poétiques souvenirs. 



COMPTE-BEND0 DE LA VINGT-DEUXIÈME SÉANCE. 329 

VINGT-DEUXIÈME SÉANCE. 

(2 mai 1872.) 



PRESIDENCE DE M. DE G ALLIER. 



M. Saurel, de Marseille, auteur d'une notice sur Propiac 
(Drôme) et sur ses eaux minérales, si légitimement appréciées, 
ainsi que de plusieurs autres publications intéressantes , est 
élu à l'unanimité membre correspondant. 

La proposition de fixer d'avance et toujours aux mêmes épo- 
ques les séances trimestrielles n'est pas adoptée ; mais il est 
décidé que la réunion tenue jusqu'ici en août le sera désormais 
pendant la première quinzaine de septembre. 

Sur la demande faite par la Société de statistique de Jtfar- 
seille d'émettre un vœu au sujet des annonces judiciaires légales, 
l'assemblée regrette de ne pouvoir s'occuper d'une question 
qui, par sa nature, s'écarte du programme de notre Société. 
• M. Vallentin donne ensuite de curieux détails, écoutés avec 
attention , sur les découvertes de médailles en général et sur 
celles de Sias et de Saint-Donat en particulier. Cette savante 
dissertation est suivie d'explications fournies par MM. de Ber- 
Ihe et du Port-Roux. 

À son tour, M. de Rostaing rend compte de la visite qu'il a 
faite aux grottes de Soyons et au musée de M. le vicomte Lepic, 
et propose d'attendre la publication que préparent les auteurs 
des fouilles exécutées dans la grotte de Néron. 

Les élections pour le renouvellement du bureau et du comité 
de publication ont lieu ensuite par 18 membres présents et 8 
membres représentés ; en voici le résultat : 

Membres du bureau : 
M. De Gallier , Président, 

M. 30NNET, 

M. Vallentin, } Vice- Présidents. 
M. De Rostaing, 
Tome VI. — 1872. 



330 société d'archéologie et de statistique. 

M. Poinçot, Trésorier. 

M. Épajlly, Vice-Trésorier. 

M. Lacroix, Secrétaire. 

M. Guilleminet , Vice-Secrétaire. 

Membres du comité de publication. 

M. De Rostàing. 
M. Brun-Durand. 
M. Richaud. 
M. De Berlhe. 
M. Malbns. 

H. Bonnet , dans une lettre lue en séance , avait proposé de 
nommer un autre vice-président, « l'intérêt des Sociétés acadé- 
» miques n'étant pas de perpétuer sur les mêmes tètes des 
» fonctions presque entièrement honorifiques. » Les suffrages 
des collègues de l'honorable M. Bonnet n'ont pas admis ses 
scrupules. 

La séance est terminée par les propositions budgétaires pour 
Tannée 1874-1872; mais comme les rentrées n'ont pas encore 
été effectuées, il a été résolu d'attendre une réunion ultérieure 
pour se prononcer en connaissance de cause. 



CHHONIQUE. 334 



CHRONIQUE 



-^>î«< 



Tout d'abord, je dois réparer une omission purement acci- 
dentelle dans le tableau des membres de la Société, celle du 
nom de M. Bulot , architecte à Melun, membre correspondant. 

H. l'abbé Perrossier ayant bien voulu se charger de la notice 
des médailles de Saint-Donat , je lui laisse la parole : 

« Le samedi-saint, 30 mars, le sieur Kevol, charron à Saint- 
Donat, trouvait, non loin du bourg, en extrayant de6 pierres 
dans un banc de mollasse, près de sa maison , deux urnes en 
cuivre d'inégale grandeur , contenant 515 pièces d'empereurs 
et d'autres personnages romains , tous antérieurs à la fin du 
11I« siècle. La plupart des pièces sont en bronze, d'un module à 
peu près uniforme, variant entre celui d'une pièce de 50 cent, 
et d'un franc. Elles sont , pour les trois quart6 , dans un état 
remarquable de conservation, et plusieurs sont d'une exécution 
supérieure ; les tètes de femmes surtout sont particulièrement 
belles. Une dizaine portent une figure jeune, noble et expres- 
sive, que je crois être d'Héliogabale (Caescur Ankminus Augus- 
tus). Les revers sont très-variés pour le même personnage. 

» La plus ancienne est une pièce en argent de Vespasien (69 
à 79), portant au revers un aigle, sans légende ; l'exergue de la 
face présente cette particularité que les noms de l'empereur 
sont disposés sur la même ligne, mais en sens inverse, savoir 
le mot FUivianus commençant d'un côté , et de l'autre les mots 
Cœsar Vespasicmus, tournés sens dessus dessous, de manière 
que les dernières lettres du mot Vespasianus se rencontrent 
avec celles de Flavhmus, et se compénètrent de telle sorte que 
par un agencement ingénieux , facilité par les formes angu- 
leuses des caractères latins, on peut lire sur les mêmes lettres 
d'un côté le mot Flavianus, et de l'autre le mot Vespasianus, 



332 société d'archéologie et de statistique. 

selon que Ton tourne la pièce dans son sens naturel ou la tête 
en bas. 

» Les plus récentes sont des médailles de Tetricus (268-273), 
d'Aurelius (270-278) et de Tacite (275-276). Voici, dans .l'inter- 
valle, les noms que nous avons pu lire : Antonin-lc-Pieux, 
Marc-Aurèle , Lucius Verus (une seule) , Pertinax , Septime- 
Sévère, Geta, Macrin, Alexandre -Sévère, Maxime (Julius- 
Verus-Maximus-Csesar, 2 pièces identiques), Maximin (une 
vingtaine) , Gordianus d'Afrique, Trajan-Dèce, Philippe, Vale- 
rianus (une douzaine), Gallus f/mp. C#s. Vib. Treb.GallusAug.), 
Hostilien (C. Valens Hoztilianus, une seule) , Posthumus, Gai- 
lien, Viclorin , Claude II et Quintillus (quatre). 

» Les impératrices sont : Julia Aquilia, Julia Domna, Julia 
Mammaea , Julia Maesa , et une autre Julia , qualifiée de pia ou 
d'augusta (un revers de celle-ci porte : Diana lucifera; un 
autre : Szculi félicitas; une troisième : Ptetas publicq; ailleurs : 
Hilaritas, etc.); Plautilla, épouse de Caracalla (une seule), 
revers : Venus Victrix; Lucilla, femme de Lucius Verus (deux, 

dont une en argent, revers : Venus ); Saloniue, femme de 

Gallienus , Orbiana (une) , Valérie (Valeria fèlix aug. Venus ge- 
nitrix), Pauline (Diva Paulina — Consecratio) ; Faustina (deux 
seulement , l'unç desquelles porte au revers un temple magni- 
fique, avec cet exergue : Mdes divae Paulinae). 

» Je n'ai pu établir la nomenclature exacte du nombre de piè- 
ces pour chaque empereur, parce que plusieurs sont fortement 
rouillées , et de plus une quarantaine étaient absentes du dépôt 
quand je les ai examinées. Les plus nombreuses sont celles de 
Gallien , dont j'ai compté 123, et de Claude le Gothique , qui en 
a 64, sans parler de celles qui pourront se trouver encore dans 
les indéchiffrées. Les plus communes sont ensuite celles d'Au- 
rélien, de Maximin et de Tetricus, qui atteignent la vingtaine. 
Les impératrices sont beaucoup moins répétées; la plus fré- 
quente est Julia Mammaea, qui en a 7. Je n'en ai vu que quatre 
en argent; quelques-unes, peu nombreuses, sont en cuivre 
saussé. 

» En somme, cette découverte offre peu de raretés. Comparée 
à celle de la Roche-sur-Buis, elle présepte d'abord la supério- 



CHRONIQUE. 333 

rite du nombre (218), qui est beaucoup plus que doublé à Saint- 
Donat (515) , et par suite une plus grande variété de person- 
nages. — Hais ce qu'il y a de bien remarquable , c'est que les 
deux dépôts paraissent remonter à peu près à la même date , et 
doivent avoir, par conséquent, une cause analogue : sans doute 
quelque irruption de barbares dans nos contrées. C'est à peu 
près vers cette époque (275) que les Francs, les Burgondes et 
les Vandales ravagèrent les Gaules et s'en rendirent maîtres. 

» Les deux urnes ont une forme commune ; la plus petite, qui 
paraissait la plus élégante, est oxydée à jour sur un côté; elle 
est de la grandeur d'une burette d'église. Elles étaient abou- 
chées , l'une sur une tablette de pierre , et l'autre sur une sorte 
de soucoupe en terre cuite , laquelle a malheureusement été 
brisée. La plus grande peut offrir la capacité d'un demi-litre ; 
elle contenait une petite chaînette en or de la longueur du 
doitg. Cet objet n'offre rien, dans l'état, qui puisse en faire 
connaître la destination. 

» Ce trésor, comme celui de Sias, est au plus offrant et der- 
nier enchérisseur. » 

Voici les dons faits à la Société : 

M. l'abbé Granier , desservant à Solérieux , un petit bronze 
portant au revers D. N. FL. CRISPVS NOB. CAES. 

M. Trouillat, receveur-buraliste à Mirmande, sept médailles 
romaines ou du moyen âge. 

M. Saurel : La consommation des fraises à Marseille. — 
Broch. in-8°, Marseille, 1872, Cahier et C>. 

Des réformes à apporter à la législation des armonces judi- 
ciaires et légales, idem. 

La Penne, la Pennelle et le général Pénellus, idem. 

Du rôle que joue le chien dans la société et de l'influence 
qu'il exerce sur la civilisation. — Broch. in-12. 

Lorient et les Lorientais. — Lorient, 1867, Groupel , libraire, 
broch. in-12. 

Roux de Corse ou Notice historique et biographique sur 
Georges de Roux, marquis de Brice, négociant et armateur 
marseillais. — Marseille, 1871, broch. in-8°, Cahier et O. 



334 société d'archéologie et de statistique. 

L'hôpital n'est pas fait pour les chiens! Boutade. — Broch. 
in-8°, Marseille , 4871, idem. 

Les bains de mer. La plage du Prado et la plage de Trou- 
ville. — Broch* in-8°, Marseille, M, Olive. 

La statistique de la commune de Cassis. — Broch. in-8°. 

Notice sur la commune et les eaux minérales de Propiac. — 
Avignon, 1862, Seguin aîné, broch. in-12. 

Almanach-guide de Marseille pour 1 872. 

Idem pour 1§71. 

Idem pour 1870. 

Aix et Marseille , Guide portatif. 

M. Colomb (Victor) : Une inscription archaïque de Gortyne , 
par M. L. Thénon. — Manuel d'archéologie à Vusage des curés, 
etc., par M. l'abbé Carrière, 5« livr. de 1867. — Une cité pri- 
mitive : les Âchéens en Crète, par M. Léon Thénon. 

M. Gustave Vallier : Médailles romaines inédites. Extrait de 
la Revue.de la numismatique belge. — Broch. in-8*. 

M. SeconihCresp : Une thèse dédiée à l'ordre des avocats de 
Marseille. — Marseille , 1872, Cahier et O, broch. in-8°. 

M. Léon Alêgre : Inauguration de lectures et conférences 
populaires à Bagnols (Gard), le 4 décembre 1871. — Broch. 
in-12. 

M. Henry Vaschalde : Les ballons depuis leur invention jus- 
qu'au dernier siège de Paris. — Aubenas, Escudier, 187^, 
1 vol. in-8<>. 

M. V. de Valous : Charte des libertés et franchises de Châ- 
tillon-d'Âzergues. — Lyon, 1872, A. Brun , broch. in-8<>. 

M. Alfred Neymarck : Aperçus financiers 1868-1872. — Paris , 
1872, Dentu, 1 vol. in-8°. Travail consciencieux et fort inté- 
ressant. 

Il Bartolomeo Borghesi, periodico mensile. — Fasc. 1, 2, 
3 et 4 de 1872, broch. in-8°, Milano. 

Moniteur des arts. — Numéro du 9 février 1872. 

Revue des Sociétés savantes des départements. — Janvier et 
février 1872. — On y trouve le testament du dauphin Jean I« r et 
le tarif des droits perçus aux foires de Romans. (Communi- 
cations de M. l'abbé Chevalier.) 



CHRONIQUE. 335 

Bulletin de la Société de statistique , des sciences naturelles 
et des a/rts industriels du département de F Isère. — Livr. 1, 2 
et 3, Grenoble, 1870, 1 vol. in-8°. — M. Villot, dans une étude 
sur des débris de mammifères fossiles recueillis dans les en- 
virons d'Hauterives et de Becmrepaire, dit qu'il a été trouvé 
dans les argiles à lignites d'Hauterives une mâchoire de cerf , 
que possède H. Jourdan , professeur à la faculté des sciences 
de Lyon , < et une portion de mâchoire d'un gros qi^adrupède , 
» que l'on m'a dit avoir été envoyée à Valence ». Ce fossile 
appartient à notre Société. La mâchoire n'est guère visible 
actuellement; mais les dents qui en proviennent sont, d'après 
H. Gourdon, celles d'un paléotherium. 

Bulletin de la Société archéologique et historique de la 
Charente. — Année 1870, Angoulême, Goumard, 1 vol. in-*»;- 
— années 1868-1869, 1 vol. in-8<>. 

Annuaire de la Société d'émulation de la Vendée. — 1867, 
Napoléon-Vendée, veuve Ivonnet, 1 vol. in-8°. 

Jownaldes travaux de V Académie nationale agricole, ma- 
nufacturière et commerciale et de la Société française de sta- 
tistique universelle. — Octobre 1869; mars et avril 1872; mai 
1872; 3 livr. in-8*. 

Annales de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles- 
lettres du département S Indre-et-Loire. — Année 1871, N.<* 1, 
2, 3, 4 et 5. 

Bulletins de la Société de statistique , sciences et arts du dé- 
partement des Deux-Sèvres. — 1871, N.°» i à 6 , H et 12; 1872, 
N.°* 1 et 2. 

Mémoires dé la Société impériale et nationale d'agriculture , 
sciences et arts d'Angers. — 1869, N. w 3 et 4; 1870, 1 vol.; 
1871,N.<»1, 2et3;1872,N.ol. 

Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. — 1871, 
1" livraison. 

Rapport présenté à la Société de statistique de Marseille sur 
la candidature de M. Chervin. — Séance du 21 mars 1872. 
Procès-verbal. 

La Santé publique. — Numéro du 15 mars 1872. Journal 
bi-mensuel. 



336 société d'abchéologie et de statistique. 

Projet de publication des romans de la Table-Ronde, par E. 
Hocher. — En 3 vol., à 5 fr. l'un. 

Étymologies des noms de lieu du département de la Drôme , 
par M. le baron de Coston. — 1 vol. in~8°. 

Patria , mémento de 1870-71, Poésies par M. L. Gallet. — 
2 exemplaires d'un gracieux petit volume. 

L'espace me manque pour parler des découvertes archéo- 
logiques du trimestre. Cependant, je signalerai un cippe anépi- 
graphe , trouvé dans la maison Meyer, à Valence , et actuelle- 
ment au musée de la ville. H. Allmer, qui en a vu* un dessin , 
estime que ce cippe avait sans doute sa place au milieu d'un 
columbarium ou groupe de tombeaux des membres d'une 
même famille, et servait à offrir des sacrifices aux mânes dont 
les restes y étaient rassemblés. 

Parmi les ouvrages récemment publiés, je citerai la Corres- 
pondance politique et littéraire du ma/rquis de Valbonnais , 
publiée et annotée par C.-U.-J. Chevalier. — Grenoble, Xav. 
Drevet, br. in-8°. 

Une nouvelle, toute parfumée de poésie et de grâce, de 
M u « Adèle Souchier, sous le titre de la Fontaine du Diable, & 
Valence. 

Enfin , M. Gallet , notre collègue , a vu jouer deux de ses 
pièces : Djamileh et la Princesse Jaune; et M. Leyraud, du 
Buis , a obtenu la deuxième médaille pour im tableau exposé 
en ce moment à Paris. 

A. LACROIX. 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BARONNIE DE CLÉBIEU. 337 



ESSAI HISTORIQUE 

SUR 



LA BARONNIE DE GLERIEU 

ET SUR 

LES FIEFS QUI EN ONT DÉPENDU (i). 



FIEFS ET ARRIERE-FIEFS. 



CHAPITRE SECOND. 



Lie* arrlère-fleffc. 

(SUITE ET FIN)» 



Croses, Villa de Crosis, Mota de Crosis (422 habitants). 

Le village de Croses est placé à rentrée d'une gorge, au pied 
d'un vignoble renommé. Ses maisons blanches, éparses, quel- 
ques-unes entourées d'un jardin , s'étendent sur les deux bords 
d'un torrent presque toujours à sec et témoignent dé l'aisance 
des habitants. Sur la rive droite on discerne encore les vestiges 
des fondations du château , disparu depuis des siècles. Ce site 
paisible , où tant de générations se sont succédé dans l'amour 
du travail, n'a pas à proprement parler d'histoire et ne se sou- 
vient plus même du nom de ses anciens seigneurs. L'église , 
sous le vocable de Notre-Dame , autrefois prieuré , fut primiti- 



(1) Voir 3 € livraison, p. 273, 4* livr., p. 16, 6- livr., p. 253, 8* livr., p. 65, 
11» livr., p. 405, 12- livr., p. 39, 13- livr., p. 127, U? livr., p. 269, 15* livr., 
p. 360, 16- livr., p. 59, 18* livr., p. 306, 19» livr.,*p. 410, 22« livr., p. 217. 

• Tome VI. - 1872. 23 



338 société d'aigheologu et de statistique. 

vement du domaine de Saint-Maurice de Vienne et passa à l'ab- 
baye de Saint-André-le-Bas de la même ville, probablement 
sous l'archiépiscopat de Guy de Bourgogne, qui, devenu le 
pape Calixte II, confirma la possession à ladite abbaye, par une 
bulle du 14 février 1190, de la paroisse de Croses et des Vos- 
serts « parrochiam de Crosis et Valseriis », ce qui prouve qu'au 
point de vue ecclésiastique Croses s'étendait alors sur une 
partie de la commune actuelle de Chantemerle. L'année sui- 
vante , le même pape soumit cette paroisse au prieur de Saint- 
André d'Humilian , qui dès lors y perçut les dîmes , ce qui fut 
maintenu jusqu'à la Révolution (1). 

Le 1 er janvier 1285, noble Josserand, seigneur de la Motte- 
de-Croses , prêtait hommage à Roger de Clérieu pour tous ses 
biens à Croses, Larnage, Hercurol, paroisse d'Humilian et 
Chantemerle, réservant seulement l'hommage dû à Notre- 
Dame du Puy pour une portion de ses possessions à Chante- 
merle. En 1327, le lundi après la fête de Sainte-Lucie , Pierre 
de Croses renouvelait le même acte de vasselage envers Gui- 
chard de Clérieu. A la même époque , le seigneur de Tournon 
exerçait aussi des droits sur une portion du territoire. Aux 
dates du 5 juillet 1335 et du 18 janvier 1344, on trouve des 
hommages rendus , le premier au même Gukhard et le second 
à Louis de Poitiers , comte de Valentinois , par Artaud de Cla- 
veyson , seigneur dudit lieu et de Hercurol , pour la maison et 
forteresse de Croses, acquises de Guillaume Richard de Serves , 
fils d'Arnaud Richard , ainsi que diverses dépendances le long 
du ruisseau de Croses sur Larnage et Humilian. Le 39 mai 
1492 , honorable homme Pierre de Brion , marchand et bour- 
geois de la ville de Tournon, rendit hommage à Geoffroy de 
Claveyson, seigneur de Claveyson, Mercurol, la Motte-de- 
Croses , le Mas-de-Bressieu et Hostun , pour des biens appar- 
tenant un peu plus d'un siècle auparavant à Roland de Veaunes, 
Mais , dès 1459 , la noble maison de Theys exerçait des droits à 



(1) L'abbé Chevalier, Cartulaire de Saint-André-le-Bas, N.°* 197, 199, 
200. 



ESSAI HISTORIQUE SUE LÀ MUOSHUIE DE CLÉBIEU. 339 

Croses, dont nous verrons l'origine à l'article de Larnage, et 
de l'autorisation du Parlement , d'accord avec Guillaume , sei- 
gneur de Tournon et Tain , faisait tracer les limites entre la 
juridiction de cette dernière localité et celle de Croses. Pierre 
de Theys en est qualifié coseigneur dans une reconnaissance 
par lui souscrite en 1469 au profit de l'église Saint-Julien de 
Tournon. En 1545, Gaspard de Theys, coseigneur de Larnage, 
est aussi seigneur de Croses. Cette terre était alors divisée entre 
plusieurs familles. On voit en 1508 noble Jacques des Massues 
seigneur du Mas~de-Bressieu et de la Motte-de-Croses ; en 1538 
. noble Paul de Mistral, seigneur de Croses et coseigneur de 
Larnage , en même temps que Jacques des Massues possédait le 
Mas-de-Bressieu et la Motte. Le 7 juillet 1540, Louis Sarret 
fournit le dénombrement de la maison forte de la Motte. En 
1546, Paul de Mistral rachète Croses r qu'il avait sans doute en- 
gagé. Neveu du chanoine Nicolas de Mistral , qui fit bâtir le pen- 
dentif de Valence , François de Mistral , baron de Croses , épousa 
en 1555 Louise d'Albert, veuve de Jean de Sade , et se fixa en 
Provence. Son fils Paul , seigneur de Montdragon et de Croses , 
enseigne de la compagnie de gendarmes du comte de Carces , 
prend alliance en 1576 avec Sylvie de Brancas. Paul fut consul 
de la ville d'Aix et soutint vaillamment en plusieurs rencontres 
la cause d'Henri IY contre les Ligueurs. Son petit-fils, nommé 
aussi Paul, s'étant pris de querelle à Avignon , dans la chambre 
de Philippe-Guillaume de Nassau, prince d'Orange, dont il 
était vassal, contre le sieur de Panisse, eut la hardiesse de 
poursuivre son adversaire Tépée à la main , ce que le prince 
eut grand'peine à lui pardonner. Il laissa deux fils , Dominique , 
résidant à Saint-Remy, et Paul, viguier de Marseille, seigneur 
de Croses , après son frère , et le dernier de sa branche , con- 
damné par sentence du vibailli de Saint-Marcellin du 24 dé- 
cembre 1641 à rendre hommage au baron de Clérieu. En 1670 
noble Charles de Reymond , sieur de Modène , mari de Gabrielle 
de Givaudan, soutenait, comme ayant-droit de Louise de Mis- 
tral , un procès contre le président de Chevrières au sujet de la 
coseigneurie de Croses et Larnage. Ce qu'il y a de certain , c'est 
que , soit par transaction , soit à la suite de la commise en- 



340 société d'archéologie et de statistique. 

courue, tous ces droits passèrent au haut-justicier de la ba- 
ronnie (1). 

Le Has-de-Bressieu , Mansus Briciaci dans les anciens titres, 
avait pour confins le mandement de Serves près du Rhône et 
ceux de Croses , Larnage, Vais et Chantemerle. D'après le dic- 
tionnaire d'Expilly (t. VI, p. 94 et 95) , il était situé sur Érôme 
et Larnage. Il tirait sans doute son nom de la maison de Bres- 
sieu , d'où était issue Isabelle , femme de Graton de Glérieu , et 
à laquelle appartenait Gervans. Le 3 décembre 1450, Jacques 
d'Hostun , seigneur de Claveyson , au nom de sa femme Béatrix, 
passait reconnaissance au Roi , en la ville de Romans , pour le 
mandement du Has-de-Bressieu. Un droit de péage s'exerçait 
dans cette localité. En 1592 vivait noble François des Massues , 
seigneur du Mas-de-Bressieu et de la Motte-de-Croses. Ce fief 
devait avoir pour limite le ruisseau , dont il occupait la rive 
droite. Le 10 décembre 1695, Guy Pape, seigneur de Saint- 
Auban , mari de Mabille des Massues , remet par transaction la 
Motte-de-Croses et la coseigneurie de Croses à Aimar des Mas- 
sues , en vertu d'un fidéicommis d'un ascendant qui avait eu 
pour femme Françoise d'Eurre. Un arrêt du Parlement du 26 
janvier 1643 condamne Aimar des Massues, seigneur du Mas-de- 
Croses d'Eurre de Vercoiran , à passer hommage au comte de 
Saint- Vallier, comme seigneur de Clé ri eu. Aimar épousa en 
premières noces Lucrèce de Sauvaing du Cheylar et se remaria 
à Catherine de Martinet, qui, devenue veuve, vendit, le 19 no- 
vembre 1647, au président de Chevrières la coseigneurie de 
Croses et Mas-de-Bressieu au prix de 2,700 livres. Le fief utile 
de Croses passa donc en entier entre les mains du seigneur 
dominant, qui en 1652 concluait une transaction avec noble 
Jacques d'Eurre pour des rentes à Croses. La terre demeura au 



(1) Cartularium Clayriaci; — CoUection Rousset, aux archives de l'Ar- 
dèche; - Inventaire de Clérieu de 1681, fol. 171, 183, 184, 185, 186; - 
Notes de Moulinet; — Pithon-Curt, Hist. de la noblesse du Comtal , 
t. Il, p. 260; — Notes comm. par M. Àd. Rochas; — Divers factoms ou 
arrêts dû Parlement. 



ESSAI HISTORIQUE SDR LA BARONNIE DE CLÉRIEU. 344 

pouvoir des Saint- Vallier jusqu'à la Révolution. Les abbayes de 
Saint- Antoine en Viennois et de Saint-André-le-Bas possédaient 
des terriers sur cette paroisse (1). 

Nous ne voulons pas sortir de cette commune sans «nous 
arrêter à un trait de mœurs assez fréquent au moyen âge. Le 
20 février 1426, Geoffroy du Sers Allamand , du lieu de Croses, 
qui appartenait à cette catégorie intermédiaire entre la noblesse 
et les serfs composée d'hommes libres de tout engagement 
(car il n'y avait pas encore de bourgeoisie dans les campagnes), 
vient en la présence de magnifique et puissant homme Amé ou 
Amien de Claveyson , seigneur dudit lieu , Mercurol , la Motte- 
de-Croses, etc., et, lui exposant qu'il n'avait aucun seigneur 
dont il fût homme , supplie humblement ledit seigneur de le 
recevoir pour homme lige, franc de toute servitude rurale, 
étant prêt à remplir les obligations exigées en pareil cas et à 
donner en raison de l'hommage une demi-livre de gingembre 
blanc par an ; en échange le seigneur s'engage à veiller désor- 
mais à la conservation de son nouveau vassal. Tous deux trou- 
vaient leur compte à cet arrangement. Tandis que le suppliant 
s'assurait à peu de frais (2) d'une protection fort nécessaire à 
cette époque, où l'isolement était une mauvaise condition 
d'existence, le seigneur de Claveyson étendait son patronage et 
comptait en cas de guerre un homme de plus (3). 

Larnage, Larnaticum, Larnatacum, Larnagium, Larnaje 
(748 habitants). 



(1) Arrest du Parlement de Dauphiné, du 21 mars 1652, de tous les 
droits, devoirs y revenus, profils de justice et de fiefs de la baronnie de 
Clérieu , impr. de 26 p., in-4°, sans lieu ni date , aux arch. du château de 
Saint- Vallier ; — Inventaire de Clérieu de 1681. 

(2) On sait que la difficulté des relations avec les Indes rendait à cette 
époque les épices rares. En 1372 le prix de la livre de gingembre était de 
8 sols tournois , ce que Leber estime équivaloir à 22 fr. 75 c. de notre 
monnaie actuelle. (Essai sur l'appréciation de la fortune privée au moyen 
âge, Paris, 1847, p. 95.) 

(3) Notes du chevalier du Solieb. 



342 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE 8IAT1STIQ0E. 

La paroisse est sous le vocable de Saint-André. Cette église , 
au début simple chapelle, appartenait ainsi que Saint- André 
d'Humilian à l'abbaye de Saint-André-le-Bas de Vienne (Ordre 
de Saint-Benoît). Une bulle du pape Galixte II, du 4 février 
il 20, lui en confirma la possession, ainsi que de la chapelle de 
Saint-Christophe (de l'hermitage de Tain) (i). L'église en ques- 
tion passa plus tard avec ses revenus sous la dépendance de 
Saint-André d'Humilian, érigé en prieuré. En 1344 on trouve 
parmi les reconnaissances des vassaux de la baronnie de Clérieu 
celle d'Amédée Berlion , abbé de Saint-André-le-Bas et en cette 
qualité prieur d'Humilian. Il s'engage , comme ses prédé- 
cesseurs avant lui, à fournir pour son contingent, en cas de 
guerre , deux hommes à pied armés , qui marcheront sous les 
étendards' de Clérieu ou de Chantemerle, et à laisser appeler 
des sentences de ses officiers à la cour d'appeaux ou d'appel de 
Clérieu. Là se bornent toutes ses obligations féodales. Le 
prieuré tomba en commende et fut ruiné dans les guerres de 
religion. Nous voyons en 1529 Claude Chifilet, prêtre incorporé 
de Saint-Maurice de Vienne et prieur commendataire d'Humi- 
lian, arrenter pour trois ans la chapelle de Saint-Christophe de 
Tain (2). 

Sur une éminence, à un kilomètre environ du village, on 
aperçoit les pans de murailles du château de Larnage , maçon- 



Ci) Notre savant ami, M. Albert du Boys, dans Y Album du Dauphiné 
(t. II, p. 123), indique bien une bulle de Pascal II, de l'an 1100, reconnaissant 
à Saint-André-le-Bas la possession de Saint-André d'Humilian, de la cha- 
pelle de Larnage et de celle de Saint-Christophe au-dessus de Tain. Hais 
l'authenticité de cette bulle, dont on n'a pas l'original, est fort contestable. 
(Yoy. l'abbé Chbvalieb, Cart. de Saint-André-le-Bas, 1" note de la ch. 
195.) Nous avons au contraire une bulle du même pape, à la date du 7 
février 1107, confirmant les possessions de l'abbaye de Saint- André, où il 
n'est fait aucune mention des localités dont il s'agit ici. (Cari, de Saint- 
André-le-Bas, N.° 198, et Hauhéau, Prov. vienn., instrumenta, col. 28.) 

(2) Cartulaire dé Saint-André-le-Bas, N. M 196, 197, 200; — Carlularium 
Clayriaci; — Mémoire concernant la chapelle de Saint-Christophe au- 
dessus de Tain, vulgairement appelée l'Hermitage (XVIII - siècle). 



ESSU BISTOAWE SUE LA BAIOJUilfi *E CLÉBIEU. 343 

nerie massive et sans élégance , bien moins importante et bien 
moins ancienne que celle de Hercurol. A quelle époque ce châ- 
teau fut-il détruit ? Les données nous manquent pour fixer une 
date même approximative. Au milieu du siècle passé , la carte 
de Cassini indique déjà les ruines. On prétend cependant qu'une 
partie existait encore à la Révolution. Au XII* et au commen- 
cement du XIII e siècle , nous rencontrons dans les actes une 
famille du nom de Larnage. En 1108 Humbert de Larnage 
aliène la moitié des dîmes de Saint-Pierre de Marnas. Guigues 
de Larnage vit en 1180 ; Hugues de Larnage , chevalier, en 1192. 
En 1209 Willerme , Humbert et Boson de Larnage donnent à 
l'abbaye de Léoncel la condamine de Larnage près de Co- 
gnier (1). Du reste , la seigneurie, si elle leur avait appartenu , 
était déjà sortie de leur maison. En 1191 Guillaume l'Abbé , 
seigneur de Clérieu, s'étant reconnu vassal de la dauphine 
Béatrix , lui remet en gage le château de Larnage. Isabelle , 
femme de Graton de Clérieu (qu'un fragment d'inventaire du 
XVII« siècle nous apprend être sortie de la maison de Bressieu), 
« tient de nous, dit le testament de son mari en 1323, Larnage 
» et Gervans aux mêmes conditions que le seigneur de Bres- 
» sieu les tenait de notre père ». Le 17 juillet 1328, Guillaume 
Allemand prête hommage , pour raison de Larnage , à ladite 
Isabelle en la personne de Hugues de Bressieu, son frère. Aimar 
de Bressieu , en mariant , par contrat du 6 juillet 1329 , sa fille 
Marguerite à Artaud de Claveyson , lui donna les fiefs de Lar- 
nage ,'Humilian, Gervans et Auberives en Royans, dont il se 
réserva cependant l'hommage. Le 16 décembre 1332 , du con- 
sentement d' Aimar de Bressieu, Guillaume Allemand, seigneur 
de Marges, se reconnaît homme lige d'Artaud de Claveyson 
pour le château de Larnage et son mandement. Pour le même 
objet , son fils, nommé comme lui Guillaume, rend hommage, 
le 31 janvier 1382, à Geoffroy, seigneur de Claveyson. Larnage 



(1) CarttUairc de Saint-Bamard, N.° 154; — l'abbé Chevalier, Cari, 
des hospitaliers de Saint-Paul-lès-Romans , N." 10 ; — Le même, Gart. de 
Léoncel, N.° 71. 



344 société d'archéologie et de statistique. 

passa vers 1400 aux Brunier, que Ton croit de la famille de 
Jacques Brunier, chancelier du Dauphiné sous Hurabert II (1). 

Ou trouve de 1413 à 1426 noble et puissant homme Etienne 
Brunier seigneur de Larnage , dont il partageait là seigneurie 
avec Alix Malet. Selon Guy Allard , il se trouvait à la bataille de 
Vern^iil. Nicolas de Harcols exerçait à cette époque la judica- 
ture du village. Didier Brunier tenait le fief en 1472; il fut 
exposé à des poursuites pour insultes au prieur d'Anneyron , et 
prit pour femme Anne ou Agnès de Grolée, dont il eut Jacques , 
qui épousa Isabeau de Theys , rendit hommage , le 24 janvier 
1491, à Geoffroy de Claveyson d'Hostun et reçut de lui le Mas 
d'Humilian. L'hommage au baron de Clérieu est rejeté comme 
n'étant pas dû. Jacques II de Brunier, fils de Jacques I er , fut 
après' lui seigneur de Larnage et se maria, le 9 juillet 1508, à 
Catherine Adhémar, fille de noble et puissant seigneur Bertrand 
Adhémar, seigneur de Marsanne en Dauphiné et baron d'Aps 
en Vivarais. Cette alliance avec une branche de l'illustre maison 
d'Adhémar, qui leur apportait deux terres importantes, donnait 
aux Brunier une grande situation dans la province : comme les 
Castellane-Grignan , ils firent bientôt précéder leur nom par 
celui d'Adhémar. Jacques Brunier obtint , ainsi que Gilet , son 
frère, par lettres apostoliques du i« avril 1510, le singulier 
privilège de se choisir un confesseur, muni du pouvoir d'ab- 
soudre même lès cas réservés, bien plus nombreux à cette 
époque qu'aujourd'hui. On trouve en 4540 Jean Brunier W du 
nom , seigneur de Larnage, en 1567 François Brunier de Lar- 
nage, marié à Marguerite de Chaste. La famille se divisa en 
plusieurs branches. Celle qui était probablement l'aînée garda 
les fiefs patrimoniaux ; une autre s'établit dans le Viennois ; 
une troisième alla se fixer à Orange , et était naguère , nous 
assure-t-on, représentée par un buraliste à Hontpezat (Ar- 
dèche). C'est à ce rameau qu'appartenait la femme si cruelle- 
ment compromise aux yeux de la postérité par l'indiscrétion de 



(1) Arch. du château de Claveyson; — idem de Blanchelaine; — Notes 
du chevalier du Solikr. 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BARONNIE DE CLÉ RI ED. 345 

J. J. Rousseau (1). Nous croyons qu'il s'agit de Suzanne-Fran- 
çoise Michel du Sosey, issue d'une famille grenobloise et entrée 
chez les Brunier. La rencontre que l'indiscret philosophe fait 
de cette dame à Moirans semble confirmer notre hypothèse de 
l'origine dauphinoise de l'héroïne de cette galante aventure. 
Quant au marquis de Torignan , leur compagnon de route , les 
souvenirs de Rousseau ne nous ont évidemment transmis qu'un 
nom défiguré. 11 a voulu parler de Joseph-Louis-Bernard de 
Blégiers, dit le marquis de Taulignan. 

Jean de Brunier, seigneur de Larnage et de la Sône , testa en 
1590. De son mariage avec Antoinette d'Arzac il eut entre 
autres enfants Jean et Marguerite, qui devint la femme de noble 
Jacques-Philibert de Soubeyran de Montgiraud. Jean de Bru- 
nier- Adhémar, auquel un arrêt du Parlement de Toulouse , du 
15 mai 1599 , adjugea après un long procès la baronnie d'Aps, 
épousa en premières noces Jeanne, aliàs Sancette de Bessonnet , 
dont vint Henry. En 1634 le vieux gentilhomme se remaria avec 
sa servante, Alix Besserelle, qui lui donna une fille, Françoise, 
mariée à noble Pierre-Gabriel Barnaud de Salènes et ensuite au 
sieur Delolle, de Crest. Les dettes commencèrent à entrer dans 
la maison. Les dots des filles, n'étant pas payées, s'hypothé- 
quaient sur les fiefs. En 1632 M. de Montgiraud fut mis par cette 
raison en possession de la terre de Larnage. Mais, trois ans plus 
tard, il consentit à se dessaisir de la jouissance, conservant 
bien entendu son hypothèque. Henry Adhémar de Brunier, sei- 
gneur de Marsanne, Bonlieu et Larnage, baron d'Aps, fut con- 
traint en 1644 de prêter hommage pour Larnage au président 
de Chevrières. En 1657 messire Jacques de Soubeyran, seigneur 
baron de Montgiraud , Saint-Martin, Cublaise, le Malploton et 
autres places, fit opérer la saisie du château situé au terroir de 
Larnage , ainsi que des granges de Margiraud , de la Garde et 
du Fougeret. On se décida sans doute à régler une partie de 
l'arriéré, car il abandonna bientôt ses poursuites, et en 1665 la 
terre de Larnage, avec ses droits féodaux et ses dépendances sur 



(1) Confessions, livre VI. 



346 société d'archéologie et de statistique. 

Chantemerle et Mercurol, était affermée trois cents litres. Par 
une transaction du 21 février 1670, conclue avec François Adhé- 
mar de Grignan, archevêque d'Arles, Meichior de Poliguac, 
abbé de Montebourg , le vicomte de Polignac et François de la 
Baume , comte de Suze , Henry renonça à ses droits sur la terre 
d'Aps ; il avait épousé en 1642 Marguerite de Richard , fille de 
noble César de Richard de Montdragon. Son fils et successeur, 
Jean-Louis Adhémar de Monteil de Brunier de Larnage, comte 
de Marsanne , baron d'Aps , seigneur de Larnage , Bonlieu , la 
Laupie et autres places, se maria en 1671 à Françoise de Flotte , 
fille de messire Jean-Baptiste de Flotte-Montauban des Astards 
de Laudun , baron de la Roche. Pressé par ses créanciers , il 
cherchait à se procurer de l'argent ; il vendit un moulin et une 
terre sur Chantemerle; il emprunta à M. d'Eurre du Pu y-Saint- 
Martin, à l'abbé de Chabrillan , à M. de la Buissonnière, à l'éta- 
blissement des pauvres honteux de Valence; il affermait à 
Michel et Lhostelier, à raison de 190 livres, l'exploitation de la 
mine de terre blanche et d'une fabrique de pipes ; — au sieur 
Félix Gaud , chirurgien à Rochegude , à son frère , teinturier à 
Valréas , et à Louis Marfoure , de Dieulefit , la mine de vitriol 
ou couperose de Larnage, dite mvne noire, pour la somme de 
770 livres. Mais ces marchés n'étaient pas tenus et engendraient 
de nouveaux procès. En 1693 noble Charles d'Eurre de Croses , 
capitaine au régiment de Ville , auparavant de Montferrat , est 
qualifié seigneur de Larnage. Cette terre lui avait-elle été ad- 
jugée par autorité de justice? Nous n'en trouvons nulle trace 
dans les nombreux papiers timbrés qui ont passé sous nos yeux. 
Quoi qu'il en soit , Jean-Louis Adhémar fait acte de seigneur 
postérieurement à cette date, mais pour disparaître bientôt 
après du pays, et cette fois d'une manière définitive. En 1743 
messire Honnest Adhémar de Monteil de Brunier, marquis de 
Marsanne, chevalier de Saint-Louis , premier maître d'hôtel du 
roi de Pologne , résidant à Lunéville , cherchait vainement à 
reconquérir Larnage par les moyens judiciaires. Il fut le père 
de haut et puissant seigneur Alexandre Adhémar de Monteil 
de Brunier, comte de Marsanne, premier gentilhomme de la 
chambre de feu le roi de Pologne , grand bailli d'épée , che- 



ESSAI HISTORIQUE SUE LA BABONNIE DE CLÉBIEU. 347 

valier de Saint-Louis, et le grand-père de Jean-Charles-Ale- 
xandre , marquis d'Heudicourt , seigneur de Lénoncourt , capi- 
taine de cavalerie au régiment de Royal-Lorraine , tous deux 
vivant à Nancy en 4783. A cette famille, encore représentée de 
nos jours à Tours , appartenaient le marquis de Larnage , capi- 
taine de vaisseau en 1737; gouverneur et intendant général des 
Iles sous le vent ; son frère , D. Michel Brunier de Larnage , gé- 
néral de l'ordre des Chartreux en avril 1737; Pierre de Brunier 
de Larnage , lieutenant général des armées du Roi , mort en 
1757, et enfin un conseiller au Parlement de Grenoble à la 
même époque. Le chevalier de Larnage, qui parut aux États du 
Dauphiné en 1788 , était Jean-Baptiste-Louis de Brunier de Lar- 
nage , chevalier de Saint-Louis, seigneur d'Assieu , Saint-Ro- 
main-de-Surieu , Saint- Alban-de-Vareize , Vernioz et la maison 
forte de Petitcour au bailliage de Vienne. Petitcour passa depuis 
par succession aux Bectoz (1). 

En 1710 François-Philibert de Soubeyran-Montgiraud, fils de 
Jacques, était devenu seigneur de Larnage. N'ayant pas d'en- 
fants, il laissa son héritage au comte de la Forest-Divonne , 
qui, par arrêt du 7 juin 1734 de la première chambre des en- 
quêtes du Parlement de Paris , se vit condamné à prêter hom- 
mage au comte de Saint-Vallier, baron de Clérieu. En 1756 
Claude-Antoine de la Forest , comte de Divonne , était encore 
seigneur de Larnage. Il vendit cette terre avant 1768 à noble 
Claude-François Hure du Colombier, seigneur de la maison 
forte d'Herpieux (sur la commune de Chanas), secrétaire du 
Roi , maison et couronne de France en la chancellerie du Par- 
lement de Grenoble. Jean-Antoine Mure de Larnage, fils de ce 
dernier, épousa Julienne de Ruinât, de Vaulnaveys près de 
Grenoble , acquit vers 1783 du prince de Soubise la seigneurie 
de Tain, émigra et mourut en 1796 à Constance. Sa postérité 
subsiste encore à Tain. Les biens composant la terre de Lar- 



(1) Moulinet , Dossier sur les Brunier, comm. par M. P.-E. Giraud ; — 
Papiers de procès des Brunier (XVII* et XVIII s.) en notre possession; — 
d'Hozier, Les Chevaliers de Saint- Louis, etc. 



348 société d'archéologie et de statistique. 

nage furent Tendus nationalement en 1794. Le domaine de la 
Garde , qui en faisait partie, était alors affermé 910 livres. 

Sur le territoire de Lainage se trouvait le fief de Cbaurisan. 
Une tradition locale, qui ne s'appuie sur aucune preuve, pré- 
tend qu'il était situé sur la rive droite du ruisseau de Toras, en 
face des Vosserts. En 1290, le dimanche de l'octave de Pâques , 
Guigonnet, fils de Guillaume de Cbaurisan, damoiseau, et 
Odon de Chaurisan, chanoine de Vienne, rendent hommage à 
Roger de Clérieu pour tout ce qu'ils possèdent sur les mande- 
ments de Larnage et de Mercurol , ceux de Chaurisan et de 
Croses. Le grand chemin de Valence à Serves limite leurs fiefs 
au levant. Dans cet acte est réservée la fidélité due au seigneur 
de Tournon, dont ils sont hommes liges ab mtiquo (1). Le 19 
janvier 1344 le même hommage est renouvelé à Louis de Poi- 
tiers , comte de Valentinois , par Guillaume de Chaurisan , cha- 
noine de Romans, Pierre Malet, damoiseau, de Charpey, et 
Alisia, femme de son frère Jarenton Malet, et sœur de Piqua. 
Cette Alisia est sans doute l'aïeule d'Alix Malet , qui tenait la 
coseigneurie de Larnage du temps d'Etienne Brunier, et épousa 
en 1427 François, fils deBarrachin Leuezon, dit de Theys, che- 
valier, seigneur de Thorane. De là viennent ces coseigneurs de 
Larnage, seigneurs en partie de Croses, que nous retrouvons sur 
cette dernière localité. En 1537 André de Theys, seigneur de 
Thorane, Saint-Didier et Clelles, est coseigneur de Larnage, et 
en 1672 Charles de Reymond-Modène obligé par arrêt , comme 
mari et mattre des droits de Gabrielle de Givaudan , à prêter 
hommage au président de Chevrières pour Croses et Larnage (2). 

Le 27 janvier 1638 le Parlement de Grenoble autorise la 
communauté de Larnage à imposer les habitants et autres tail- 
lables dudit lieu de la somme de trois cents livres pour solde de 
diverses dettes contractées, et les ecclésiastiques y percevant 



(1) Dans l'hommage de Guillaume de Tournon à Guichard de Clérieu en 
1332, analysé au 1 er chap. de la 1" partie de cet essai , Guigon et Guillaume 
de Chaurisan sont appelés de Chaurisiaco. 

(2) Carlularium Clayriaci; — Notes de Moulinet; — Arch. de l'Isère, 
B. 1207. 



ESSAI HISTOBIQUE SUR LÀ BAROIWIE DE CLÉHIEU. 349 

dîmes et les nobles y possédant terres de cent cinq livres pour 
payer le restant du bail à prix fait du couvert de l'église pa- 
roissiale (1). 

Montchenu, Castrum de Monte Cawuto (1,019 habitants). 

Cette localité tire probablement son nom de la couleur claire 
des sables de la contrée , car la douceur du climat ne permet 
pas de supposer qu'il soit question de la blancheur des neiges , 
comme pour l'épilhète de chenues appliquée aux Alpes dans 
les vieux poètes. 

L'église de Montchenu, sous le vocable de Saint-Michel, ap- 
partenait à Saint-Maurice de Vienne. Les seigneurs de Mont- 
chenu en avaient usurpé les dîmes , ainsi que celles de Saint- 
Pierre de Enocio, avec diverses terres constituant le patrimoine 
de ces églises. Le pape Calixte II résolut de remédier à un abus 
aussi criant , qui n'avait pu être arrêté par les excommunica- 
tions. Au mois de février 11 20, ayant tenu à Romans une as- 
semblée composée des évêques de la province et des principaux 
seigneurs, il y convoqua Amédée de Montchenu , qui , avec de 
grands témoignages de repentir, s'engagea à renoncer à ces 
biens mal acquis et reçut en échange 200 sols, avec la possession 
viagère des terres et revenus en litige. Jordan , son fils, obtint 
plus tard , par suite d'un nouvel accommodement avec le cha- 
pitre de Vienne , la somme de cinquante sols. A son lit de mort, 
Amédée recommanda l'observation du traité à son fils , qui se 
dessaisit entre les mains des chanoines des droits prétendus par 
ses ancêtres et jura en face de l'autel de son église paroissiale 
de tenir scrupuleusement les engagements contractés (2). 

L'élégante habitation moderne de M. Scipion de Montchenu , 
adossée à un fragment du rempart d'enceinte de l'ancien ma- 
noir, rassemble sous nos yeux par un contraste saisissant la 
vie actuelle et le passé glorieux s'enfonçant dans la nuit pro- 



(1) Extrait en notre possession. 

(2) Charvet, Hist. de l'église de Vienne, p. 328, 338; — Giraud, Essai 
hist. sur l'abbaye de Saint-Barnard , t. I* r , p. 157, 161, et pièces justifi- 
catives à la fin du 1" volume dn Cartulaire, p. 319. 



350 SOCIÉTÉ d'aichéologie et de statistique. 

fonde des âges. Aucun nom ne retentit plus souvent dans les 
annales de notre province que celui des Montchenu. Ils avaient 
formé quatre branches principales : 1° celle des seigneurs de 
Montchenu, qui rentrerait dans notre sujet et joua un rôle im- 
portant à la cour de France et à celle de Savoie ; 2° celle de 
Châteauneuf-de-Galaure , qui succéda à la branche aînée dans 
la première moitié du XVI« siècle ; 3° celle de Todure ; 4° celle 
de Beausemblant , en possession au XV« s. de la terre d'Argental 
en Forez. Notre collègue, M. H. de Collonjon, préparant une 
histoire complète de cette illustre maison, dont les papiers lui 
ont été communiqués , nous nous garderons bien de toucher à 
un sujet qui doit , nous n'en doutons pas , être traité de façon 
à satisfaire les juges les plus difficiles. Nous nous permettrons 
seulement de relever une erreur échappée à l'historien Charvet 
et répétée par plusieurs autres auteurs. Les registres capitu- 
laires de l'église de Vienne mentionnent à la date du 8 mai 4248 
une reconnaissance faite au chapitre de Saint-Maurice par Go- 
demar, damoiseau, dommus de Monte Calvo, pour plusieurs 
manses , droits et revenus sur les paroisses de Saint-Martin de 
Roiffieu et de Saint-Àlban d'Ay et lieux circonvoisins. Charvet 
traduit de Monte Calvo par de Montchenu. Ce Godemar appar- 
tenait évidemment à l'ancienne maison de Montchal en Forez , 
tirant son nom d'une localité alors chef-lieu d'ufie seigneurie 
importante composée de la paroisse de Burdignes et parties de 
celles de Saint-Sauveur et de Vanosc. Outre qu'il ne paraît pas 
que les Montchenu aient ( eu à cette époque aucune possession 
dans la contrée relatée par la charte, et que mons calvus n'est 
en aucune façon synonyme de mons canutus, le prénom de 
Godemar, que l'on chercherait vainement dans la généalogie de 
Montchenu, était assez répandu en Forez ; ainsi, Godemar de 
Jarez et Godemar d'Escotay sont contemporains du personnage 
qui nous occupe ; et ce qu'il y a de plus décisif c'est qu'environ 
un siècle auparavant un Gaudemar de Montchal était le mari 
d'une fille d'Aimon Pagan. Cette famille chevaleresque de Mont- 
chal donnait un siècle plus tard un archevêque à l'église de 
Vienne. « L'année suivante (1369), dit Charvet lui-même, Hum- 
» bert III de Montchenu ou de Montchal (de Monte Calvo) monta 



ESSAI HISTORIQUE SUE LA BAKONNÎE DE CLÉRIEU. 354 

» sur le siège devienne.... Il étoi tissu de la famille de Mont chai, 
» maison illustre ei très-ancienne dans le Forez. Le château de 
» Montchai est peu éloigné du Bourg-Argental ; il appartient 
» aujourd'hui à la maison de Gerlande.... » Chorier croit au 
contraire qu'il descendait d'une branche de la maison de la 
Tour-du-Pin. « Ses armes, dit cet historien, dans un sceau de 
» l'an 1374, sont une tour avec son avant-mur, avec une bande 
» brochant sur le tout, qui étoit une brisure; ce qui montre 
» qu'il étoit de quelque branche de la maison de la Tour-du-Pin 
» plutôt que de celle de Montchenu , comme quelques-uns l'ont 
» cru ». L'opinion de Chorier se réfute d'elle-même. Jamais la 
similitude de scel ou d'armoiries n'a suffi pour prouver l'iden- 
tité de race (1). 

Sur la commune de Montchenu , l'église de Saint-Maurice de 
Montintier, plus ordinairement Saint-Murys, dépendait du cha- 
pitre de Romans. M. Giraud croit pouvoir l'identifier avec Saint- 
Maurice de Valdevent, donné à Saint-Barnard , le 30 mai 1090 , 
par Aimon , fils de Blismodis de Malduno. La tour carrée de la 
maison forte de Saint-Murys ou Mury existe encore. Ce ma- 
noir appartenait dans la première moitié du XlVe siècle aux 
Montchenu. Mats en 1364 Guillaume Limone est qualifié sei- 
gneur de Saint-Mury. En 1446 Girard de Montchenu fit don de 
ce petit fief à noble Raymond Jean , dans la famille duquel il est 
resté plus de deux siècles. En 1455 Raymond reçoit l'hommage 
de noble Antoine Salvagni, du lieu de Montchenu, et de sa 
femme Alamanda. Un de ses descendants , nommé comme lui 
Raymond J?an , épousa sa voisine, Claudine de Baternay, sœur 
d'Imbert. Elle vivait encore en 1501. Nous ignorons comment 
Saint-Murys cessa d'appartenir à cette famille. Mais Pierre de 
Clermont-Chaste ^tait seigneur de Geyssans et Saint-Murys en 
1867; son fils Jacques eut de son mariage avec Suzanne Barjot 



(1) Reg. capitulaires de l'église de Vienne, fol. XIV; — Charvet, Hist. de 
l'églisede Vienne, p. 394 et 481; — Chômer, Estât politique, t. I", p. 310; 
— Mémoire pour les coseigueurs de la baronnie de la Faye en Forez au 
sujet du droit de mi-lods, par l'abbé de Ternay, Paris, 1769, N." 256, 268, 
292 de l'Extrait chronologique. 



352 société d'abchéologie et de statistique. 

Anne, mariée à nobte Jean Peccat. Leurs filles, Jeanne Peccat , 
femme de Jacques d'Armand, seigneur de Brion , Anne Peccat , 
veuve de César de Bardonnenche , sieur de Champines, et 
Isabeau Peccat, vendirent Saint-Hurys en 1688 à Jacques Coste, 
comte de Charmes. Dès lors cette terre ne cessa plus d'appar- 
tenir au comté de Charmes et en suivit toutes les vicissitudes 
jusqu'à la Révolution (1). 

Nous voici à la fin de la longue tâche que nous nous étions 
imposée, et que la ténuité du sujet empêchera sans doute, 
malgré d'inévitables lacunes , d'être jamais reprise d'une ma- 
nière complète par une plume plus exercée. Entraîné par notre 
culte pour les souvenirs historiques de notre province à la 
poursuite obstinée des traces fugitives des dominations sei- 
gneuriales dans la contrée qui nous environne, depuis long- 
temps nous avons dû lasser la patience du lecteur sous l'amon- 
cellement des dates, par le récit minutieux des événements 
locaux , dont nous cherchions à dégager la vie , les passions , 
les caractères et les mœurs de cette société si différente de la 
nôtre et dont nous sommes cependant sortis tout entiers. Hais , 
dans l'amas de cendres que l'incendie laisse après lui , qui 
peut se flatter de retrouver les grands chênes , orgueil de la 
forêt ? On n'a pas besoin de prouver une fois de plus quels 
puissants enseignements le spectacle du passé, même à un 
point de vue restreint , apporte aux générations qui se succè- 
dent. Si l'on veut juger le moyen âge avec équité, il faut avoir 
la bonne foi de le mettre en regard des temps antérieurs. Le 
Christianisme pénétra de sa chaleur vivifiante l'humanité , si 
longtemps endormie dans les ténèbres de tant de paganismes 
divers. Graduellement, ainsi qu'il convient aux œuvres du- 
rables , l'esprit de liberté , de dignité , de justice , ignoré du 
monde jusque-là, sortait de l'Évangile comme une vertu se- 
crète. Sans doute , les mauvaises influences n'abdiquaient pas 
toutes, et trop souvent encore la violence l'emportait sur le 
droit. Hais, tôt ou tard, sous l'aiguillon de la foi la conscience 



(t) Cart. de Saint-Barnard , N. M 184, 196, 197; - Arch. du château de 
Peyrins; — Le P. Anselme, t. VIII, p. 936. 



ESSAI HISTORIQUE SUR LA BARONHIE DE CLÉRIEU. 353 

se réveillait, même chez les grands criminels. Se sachant fail- 
lible et déchue , la pauvre âme humaine en détresse se sentait 
attirée vers un idéal placé bien au-dessus d'elle. Les rhéteurs 
ne travaillaient pas alors avec une détestable persévérance à 
effacer les notions du bien et du mal ; ou ne rêvait pas comme 
aujourd'hui une société sans devoirs et sans Dieu, hostile à 
toute supériorité intellectuelle et morale, misérablement vau- 
trée dans le bourbier des jouissances matérielles. Qu'ils appar- 
tinssent à la noblesse, qui a du reste conservé si peu de repré- 
sentants des races illustres de cette époque , à la vaillante bour- 
geoisie des communes, aux corporations d'artisans groupés 
pour la défense de leurs droits, enfin à la population des cam- 
pagnes échappant lentement au servage, dernier vestige de 
l'esclavage antique, nos ancêtres nous ont donné l'exemple de 
la foi en eux-mêmes, de l'énergie et de la persévérance; et 
nous devons être fiers de l'éclat qu'ils ont jeté sur notre pays. 
Ayant pieusement invoqué le nom du Seigneur et confiants 
dans la bonté de leur cause , ces hommes nouveaux se mirent 
résolument en marche : l'état de ruine des anciennes institu- 
tions, avant que la Révolution achevât de les renverser, dit 
assez le chemin parcouru. On a vu en vingt endroits de cet 
essai à quelles faibles sommes les droits féodaux s'affermaient 
au XVIII« siècle dans des terres considérables. Revenus à des 
jours non moins sombres que les leurs, imitons cet esprit de 
suite qui fut la sauvegarde de nos prédécesseurs; comptons 
d'abord sur nous , afin d'avoir le droit de nous appuyer sur 
autrui ; inspirons-nous de cette admirable union dont les pré- 
ambules des anciennes chartes d'affranchissement nous trans- 
mettent la touchante expression ; allons à tous ceux qui n'ont 
cessé de placer la grandeur et la prospérité de la France au- 
dessus des intérêts individuels, et nos cœurs s'élèveront assez 
haut pour résister avec avantage à ce vent de vertige et de dis- 
solution qui menace de rejeter l'univers chrétien et civilisé 
sous l'inexorable loi de la force brutale, dans l'état de barbarie 
d'où il commença de sortir il y a moins de deux mille ans. 

Anatole de GALLIER. 
Tome VI. — 1872. 24 



354 SOCIÉTÉ D ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 



PROMENADE D'UN ÉPIGRAPHISTE 

A TRAVERS 

.LES DÉPARTEMENTS 

DE L'ÀRDÈGHE, DU GARD, DE VÀUGLUSE ET DE LA DROME, 

(SUITE.) 



Lettre adressée à M. Lacroix, secrétaire-archiviste de la Société. 



Lyon , le 15 avril 1872. 



Monsieur et ami , 



VI. — CIVITAS VOCONTIORUM FOEDERATA. 

(Suite.) 



LE VICUS NOIOMAGUS, NYONS. 

Il est question des vicani Noiomagenses sur un fragment 
trouvé à l'Ermitage de Tain , lors des dernières restaurations 
de la chapelle , et contenant la fin d'une inscription , dont le 
commencement, connu d'ancienne date, se voyait du temps 
de Chorier (Hist. } I, p. 242) au même eiîdroit. La pierre qui 
portait ce commencement ayant depuis été brisée , la partie 
sur laquelle étaient gravées les six premières lignes s'est égarée ; 
celle qui portait les quatre lignes suivantes existe encore à 
Tain, mais en deux morceaux, dans le mur d'un belvéder, à 
l'angle d'un jardin appartenant à M. Rey, avocat. Le fragment 
récemment découvert fait suite, sans lacune, aux fragments 
anciennement connus et présente la partie inférieure du dé et 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 355 

la base d'un piédestal 7 ce qui permet de connaître exactement 

la largeur de la pierre. — Hauteur, ; largeur au-dessus 

de la base, m 52. 

Q. VAL. C. F. VOLT 

MACEDONI 

FLAM. IVVENT. Q. C. V 

IL VIR. AER. AVGVRI 

5 - III. VIR. /. P. P. HVIC 

///divOS. HADRIANVS 

LA'TVM CLAVOM CVm 

QVAEST. OPTVLIJ 

ET. PETENTIS 

10 — EXCVSATIO'NEM. ACCepit. 

VICANI BOXS////// 

ET NOIOMAGENSes 

PATRO'NO 

Q. Valerio, C, filio VolUnia, Macedoni, flamini juventutis , 
quaestori coloniae Viennensium, duumviro aerarii, triumviro 
locorwn publicorum persequendorum ; huic divos Hadrianus la- 
tum clavom cùm quaesturâ optulit, et petentis excusationem ac- 
cepit ; vicani Boxs (?) et Noiomagenses patrono. 

Dans ses Mélanges d'èpigrqphie (p. 69) M. Léon Renier a rap- 
porté la partie anciennement publiée de cette inscription , c'est- 
à-dire les dix premières lignes, et a savamment rectifié et 
complété le texte des cinq dernières , de la manière suivante : 
« Huic divos Hadrianus latum clavom cùm quaesturâ optulit Ur- 
» band et detentis ornamentis excusationem accepit ». C'est à 
l'aide de cette restitution et de la largeur de la pierre, à présent 
connue par suite de la découverte du fragment qui présente la 
base et la partie inférieure du dé, que j'ai pu donner la lecture 
de toute l'inscription, sans autre changement notable que celui 
de la 9 e ligne, où je me suis assuré , par un estampage et par 
un minutieux examen de la pierre elle-même, qu'il y a bien 
PETENTIS et non pas DETENTIS. 



356 société d'archéologie et de statistique. 

Quoique l'ordre des fonctions soit interverti sur 1 inscrip- 
tion , ce qui peut s'expliquer par cette circonstance que ceux 
qui ont élevé le monument étaient des étrangers, non au cou- 
rant de la hiérarchie des honneurs municipaux de la colonie de 
Vienne, il n'y a pas à mettre en doute que Q. Valerius Macedo 
n'ait été successivement questeur, triumvir locorum publicorum 
persequendorum, et duumvir aerarii. Ces étrangers qui lui avaient 
fait l'honneur de lui dresser une statue sur la colline qui do- 
mine Tain , étaient les habitants de deux vici dont il était le 
patron. Le nom ethnique des vicani nommés les premiers a 
presque entièrement disparu; les seconds sont appelés vicani 
Noiomagenses et étaient, selon toute probabilité, les antiques 
habitants du vicus qui est devenu la petite ville de Nyons. 

Pour en revenir aux premiers , qui avaient , de concert avec 
les Noiomagenses , élevé à leur patron commun un monument 
honorifique dans un endroit qui était probablement sa propriété, 
leur nom n'est pas complètement effacé. Des vestiges de la 
partie inférieure de plusieurs lettres du commencement du mot 
s'aperçoivent sur le bord du fragment trouvé en dernier lieu , 
vestiges à l'aide desquels j'ai cru reconnaître pour la l n lettre 
un B , pour la 3 e une X , pour la 4 e une S, pour la 5 e un A. Des 
restes mieux marqués de la partie supérieure du même com- 
mencement se montrent aussi sur le bord de l'un des fragments 
conservés chez M. Rey. L'abbé Chalieu (Antiq. de la Drame, 
p. 61) y a lu la syllabe DOVC ; mais je crois que c'est une lec- 
ture fautive , et que la lettre prise par le savant abbé pour un P 
est le haut d'un B, celle prise pour un V, le sommet d'une X , 
et enfin celle prise pour un C , la partie supérieure d'une S ; 
d'où il résulterait que le nom effacé aurait commencé par les 

lettres BOXSA , et qu'il pourrait bien s'agir des anciens 

habitants de la localité voisine de Nyons qui est actuellement 
Le Buis. 

Je ne sais si aucun document de l'antiquité mentionne 
Le Buis; mais Ptolémée parle de Nyons, Noeomagus. Il lui 
donne le rang de civitas et le place chez les Tricastins (« Orien- 
» taliores autem Tricasteni quorum civitates Noeomagus », 2, 10). 
Notre inscription , postérieure à Hadrien , puisque ce prince y est 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 357 

appelé divas , viendrait contredire formellement l'assertion du 
géographe , en prouvant qu'à l'époque même où écrivait Pto- 
lémée Noiomagus était non pas une civitas, mais un simple 
vicus. Il se peut cependant que cette contradiction soit beau- 
coup plus apparente que réelle ; car, selon M. Desjardins (p. 47, 
col. 3), le Noeomagus de Ptolémée doit très-probablement être 
identifié avec le Senomagus de la Table de Peutinger et en même 
temps aussi ayec Augusta Tricastinorum , et serait Saint-Paul- 
trois-Châteaux. Le vicus Noiomagus de notre inscription serait, 
dans ce cas, un Noiomagus différent de la civitas Noeomagus 
de Ptolémée, et simplement un vicus des Voconces, ce qui, du 
reste, convient bien à la position de Nyons entre Vaison et Luc. 
Des accents se remarquent à la 7 e ligne sur TA du mot 
LATVM , à la 10 e sur l'O du mot EXCVSATIONEM , à la der- 
nière sur le premier du mot PATRONO. On voit par là que 
l'usage de ces signes, qui à Rome n'a guère duré au-delà du 
règne de Trajan (Marini, Fr. Arv., p. 710), s'est maintenu 
plus longtemps dans notre province. Il s'y est même prolongé 
plus tafd encore ; car on voit des accents sur une inscription de 
Gresy près d'Albertville , au nom de Commode. 

Luc. — Fragment en marbre, transporté à Die chez M. 
de Lamorte-Félines. 



OC 



Voconliorum (?) 



Les lettres ont 10 centimètres de hauteur; l'O est surmonté 
d'un accent. 

Luc. — Bande de pierre qui peut avoir fait partie d'une frise, 
et dans laquelle, au moyen â geprobablement , l'on a creusé, du 
côté opposé à l'inscription , une auge sépulcrale qui sert actuel- 
lement de bassin sous une fontaine , à l'angle d'une ruelle près 
de la place , la face gravée tournée contre terre. 



358 SOCIÉTÉ d'aKCBÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Je donne l'inscription d'après la copie de M. Martin , curé de 
Clansayes (Antiq. de Die, p. 28) : • 

T. FIL. POMPEIAE. ANNOR. XXVI. POMP<? iVs 

Si cette inscription est complète , ce qu'il n'est pas possible 
de vérifier, puisque sa position la rend invisible , elle est au 
moins d'une rédaction singulière , et au lieu de T. FIL. 
POMPEIAE , il devrait y avoir POMPEIAE T. FIL. Mais, bien 
loin qu'elle soit complète , elle n'est , selon toute apparence , 
que le commencement d'une inscription plus longue , dont la 
suite se voyait sur une pierre qui a été brisée après sa décou- 
verte et qui contenait entre deux moulures les mots FELIX 
PRAEF. VOC. [ibidem, p. 9). Bout à bout ces deux pierres 
ne donnaient pas encore l'inscription entière. Une troisième 
pierre devait en fournir la fin et faire connaître quel rapport 
de parenté existait entre Pompeia , la défunte , et Pompeius , 
qui lui a élevé un tombeau. Ce tombeau , à en juger par là , était 
d'un aspect assez monumental; il devait avoir la forme d'un 
petit temple, couronné par devant d'un fronton, dont l'inscrip- 
tion tenait toute l'étendue de la frise , soutenue sur des colonnes. 
On y lisait : 

Pompeiae , Titi filiae, annorum XXVI, Pompeius Félix, prae- 
fectus Vocontiorum ( , et sibi). 

Je ne sais pas ce qu'il faut entendre par praefectus Vocon- 
tiorum ; peut-être un délégué de Yordo Vocontiorum pour rem- 
plir à Luc quelque mission spéciale. 

On est très-persuadé à Luc que la pierre sur laquelle se lisent 
les mots T. FIL. POMPEIAE , est le « tombeau de la fille du 
» grand Pompée ». C'est une conviction parvenue à la hauteur 
d'un patriotisme , et l'on serait très-mal reçu de paraître seule- 
ment mettre la chose en doute. Mais , en même temps , l'on s'y 
montre bien peu soucieux de faire honneur à un monument si 
glorieux pour la ville qui le possède. Le sarcophage qu'op sup- 
pose avoir été celui de l'illustre personne , est relégué dans un 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 359 

coin des moins entretenus, où il sert d'auge à laver, la face dé- 
corée de l'inscription appuyée sur le sol. Le touriste, qui , sur 
la foi de la renommée, vient de loin à Luc dans l'espoir de 
visiter le tombeau de la fille du « grand Pompée », doit se 
contenter de regarder de confiance une bacholle de la plus mi- 
sérable apparence , où baignent des guenilles , et d'entendre les 
explications ultra-savantes d'un cicérone de circonstance. On 
lui affirme que la vérité de tout ce qu'on lui raconte est attestée 
par une inscription gravée sur la face invisible de la pierre. 

Die. — Longue pierre, qui doit avoir appartenu à une frise , 
et contient la fin des lignes d'une inscription qu'entourait une 
moulure; extraite des remparts en 1868; transportée à Monté- 
limar, dans la collection de M. Vallentin. — Hauteur, m 45 ; 
longueur, l m 50. 

AMII DAVI FLAM DIVORVM 

s uiS ET SIBI V F 

Diis Manibus amii Davi , flaminis Divorum et Augus- 

torum , suis et sibi vivus fecit. 

Die. — Pierre oblongue , contenant la fin des lignes d'une 
inscription qu'encadrait une moulure ; extraite des remparts ; 
actuellement chez M. de Lamorte-Félines. — Hauteur, m 60 ; 
longueur, l m 00. % 



• 



VS VOC. SERV'S 

RIVS 

CIT. ET SVIS 



us, Vocontiorum servus arenarius (?), sibi vivus 

fecit et suis. 

Dans l'enfance de Quintilien (1, 7), les professeurs ensei- 
gnaient qu'on devait remplacer par le V voyelle à la suite du 
V consonne, et l'on écrivait alors seivom; mais à cet usage 
avait succédé celui de mettre les deux Y. Cependant , il y avait 



360 société d'aaceéologie et de statistique. 

encore une troisième orthographe permise : au lieu de faire 
figurer ou de remplacer par O le V voyelle , on pouvait le sup- 
primer, comme on l'a fait sur notre inscription , où le mot servus 
est écrit SERVS , le V surmonté d'un accent pour marquer la 
suppression. 

Une inscription des environs de Die parle d'un collège 
VENATORVM DEENSIVM QVI MINISTERIO ARENARIO 
FVNGVNT. 

Die. — Fragment d'un dé d'autel, chez M. de Lamorte-Fé- 
lines. Les premières lignes de l'inscription manquent. — Hau- 
teur, m 40; largeur, m .30. 



PATERNi 

LIB 
E X VOT o 
VOLCANO 



, Paierai libertus, ex voto, Volcano. 



Die. — Petit autel avec base et corniche ; chez M. de Lamorte- 
Félines. — Hauteur, m 45 ; largeur, m 25. 

1SIDI 

REGINAE 

BIRRIA 

SECVNDILLA 

EX VOTO ' 

Isjdi Régime, Birria Secundilla ex voto. 

Le culte d'Isis, déesse égyptienne, qui semble avoir été, 
comme Cérès chez les Grecs, la personnification de la force 
productrice de la terre , fut importé à Rome sous Sylla. Banni 
vers l'an 60 avant J. C., il ne tarda pas à reparaître et à prendre 
une grande vogue, mais en amenant avec Uii de singuliers 
abus. Sous Auguste, les temples d'Isis étaient devenus des 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 364 

lieux de prostitution. Cette déesse est après Junon , à qui elle 
ressemble assez dans les œuvres des artistes romains , celle à 
qui l'on a donné le plus souvent le surnom de Reine. 

Aix près de Die. — Petit autel carré avec base et couronne- 
ment; transporté à Die chez M. le docteur Long, dont la collec- 
tion est devenue celle de M. de Lamorte-Félines. L'inscription 
est très-fruste et d'une lecture incertaine ; les dernières lettres 
des trois premières lignes ont entièrement disparu. Les deux 
premières lignes seulement ont été publiées par M. Long. — 
Hauteur, m 55; largeur, 0" 24. 



BORMAN// 
ET BORMAN// 
P. SAPRIN.//// 
EVSEBES V S 
L M 



Bormano (?) et Bormane, Publias Saprinius, Publii libertw . 
Eusebes votum solvit libens mérita. 

A la on de la seconde ligne , la place n'étant pas suffisante 
pour contenir deux lettres, j'ai remplacé par e la diphthongue ae . 

J'ignore si l'on connaît quelque autre inscription au dieu 
Bormanus, dont le nom n'est ici malheureusement pas complet ; 
quant à la déesse Bormana , le sien se lit en toutes lettres sur 
une inscription de Saint- Valbas , dans le département de l'Ain. 

Comme la plupart des divinités topiques , Bormanus et Bor- 
mana devaient être des fontaines déifiées. Le nom d'Aix , an- 
ciennement de Aquis (De Coston, dans le Bulletin de 1870, p. 
22), que porte le village où l'autel a été découvert, confirmerait 
cette présomption. 

Ils étaient, peut-être, l'un et l'autre quelque peu parents du 
dieu Bormo d'Aix-les-Bains en Savoie, le dieu Borvo des loca- 
lités thermales de Bourbonne , de Bourbon-Lancy et de Bour- 
bon-1' Archambault , qui , sur une des inscriptions de la première 



362 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

de ces localités , est identifié avec Apollon et appelé Apollo Borvo 
(Orelli, 1974). 

C'est à ce dieu bienfaisant que les villes de Bourbonne, de 
Bourbon-Lancy et l'Archambault doivent certainement leur 
nom, et c'est de lui aussi, par conséquent, que la famille des 
rois qui ont, pendant tant de siècles, régné sur la France, a 
reçu le sien. (Allmer, Inscript, en Vhonneur de la déesse Bormo , 
1859 , brochure dédiée à M. Léon Renier.) 

Die. — Table de pierre , terminée à sa partie supérieure par 
un fronton triangulaire , décoré de moulures et accosté d'anté- 
fixes aux angles; extraite des remparts, et actuellement chez M. 
de Lamorte-Félines. L'inscription est renfermée dans un enca- 
drement de moulures. — Hauteur, l m 20; largeur, l m 08. 



D M 

ALETICIAE 

DORIDIS ALE 

TICIA TROPHI 

5 — ME ALVMNVLAE 

ET SIBI VIVA 

FEC 

Diis Manibus Aleticiae Doridis, Aleticia Trophime alumnulae et 
sibi viva fecit. 

Alumnus était le nom par lequel on désignait un enfant re- 
cueilli* La condition de Yalwmnus chez son bienfaiteur était celle 
d'esclave. La jeune Aleticia Doris avait été non-seulement re- 
cueillie, mais encore affranchie par sa bienfaitrice, puisqu'elle 
portait son nom. 

Aleticia Trophime semble bien être aussi une affranchie II 
est curieux que son surnom soit le synonyme grec du mot latin 
alumna. Qui sait si elle-même n'était pas une enfant recueillie , 
à qui la personne bienfaisante qui l'avait élevée , avait en outre 
accordé l'affranchissement ? 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 363 

Die. — Table de pierre, brisée par en haut; ornée d'une 
moulure qui entoure l'inscription ; chez M. de Lamorte-Félines. 
— Hauteur, l m 00 ; largeur, l m 10. 

d M 

iuliAE VRBI 

ciiLAE 

///IVL. ASCLEPIADES 

5 — CONIVGI KARISSI 

MAE PllSSIMAE ET 

SIBI VIVVS FECIT 

Diis Manibus Iuliae Urbicillae, . . . Julius Asclepiades conjugi 
karissimae et sibi vivus fecit. 

Iulius Asclepiades , qui portait le même nom de famille que 
sa femme , paraît être un ancien esclave qu'elle avait affranchi 
et épousé. 

Die. — Partie supérieure d'un cippe, encore pourvue de sa 
corniche. L'inscription était renfermée dans un encadrement 
de moulures. Les initiales D M occupent la plate-bande au- 
dessus de cet encadrement. Chez M. de Lamorte-Félines. — 
Hauteur, m 75; largeur, m 60. 

D M 

L. IVL. ONESIMI 

IVL. SECVNDi 

NA. MARITO 

OPTIMO 



Diis Manibus L. Iulii Onesimi, Iulia Secundina marito optimo. 

Les observations présentées à l'occasion de l'inscription pré- 
cédente peuvent également s'appliquer à celle-ci. 

Die. — Partie droite d'une très-grande table de pierre , dé- 
corée au milieu de sa partie supérieure d'un fronton triangu- 



364 société d'archéologie et de statistique. 

laire et bordée de moulures qui entouraient l'inscription ; ex- 
traite des remparts ; transportée à Montélimar, dans la collec- 
tion de M. Vallentin. — Hauteur, œ 55; largeur, f m 10. 



S PATER 

ARVE SEPVLCRO 

VNA DOMVS 

PHCATO. QAIAA 

CIAOMON 

Cette inscription est trop incomplète pour pouvoir être res- 
tituée. C'était une épitaphe terminée par deux distiques , l'un 
en latin, l'autre en grec, et paraissant exprimer tous deux la 
même idée à peu près dans les mêmes termes. Un père désolé 
adresse la parole à son fils, prématurément ravi à son affection : 
« Que les destins ne m'ont-ils fait descendre en même temps 
y que toi, cher petit ! dans ce lugubre sépulcre, afin qu'une 
» même demeure éternelle nous réunît à jamais ! » 

Die. — Fragment très-incomplet d'une inscription , dont les 
lettres étaient d'une forme très-pure ; chez M. de Lamorte- 
Félines. Estampage communiqué par M. Vallentin. — Hau- 
teur, m 20 ; largeur, m 18. 



I. A. DIS. IMM. 
VAM. SANITA 
S. PONl TEST 
SVMM 



. . rogavi a diis immortalibus continuam sanitatem 

poni testamento jussit 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 365 

Die. — Extrémité droite d'une table de pierre , ornée d'une 
moulure qui encadrait l'inscription ; chez M. de Lamorte-Fé- 

lines. Estampage communiqué par M. Vallentin. — Hauteur, 

m 40 ; largeur, m 25. 

COESCN. 

ZELVS, 

PRISCA. 

Il reste trop peu de chose de cette inscription pour qu'il soit 
possible de la rétablir; c'est simplement comme une conjecture 
très-hasardée que je propose la lecture suivante : 

(Diis Manibus Pompeiae Leu)coes , Cnei (Pompeii libertae , Cn. 
PompeiiLS Pha)zelw } (conjugi et Pompeia) Prisca (matri ponendum 
curaverunt). 

Aotjste-en-Diois. — Petit autel, avec base et couronnement ; 
placé au-dessus d'un bassin de fontaine, près d'une habitation 
isolée appartenant à un nommé Brun , à une demi-lieue au 
midi d'Aouste. — Une foudre est sculptée en relief sur le côté 
droit. — Hauteur, m 60 ; largeur, m 30. 

I M 
M I 

S E 
R V 

Ion Optimo Maximo, M. Iulius Servants. 

Chez les anciens , les lieux frappés de la foudre devenaient 
sacrés. Ce petit autel, élevé à Jupiter et orné d'une figure de la 
foudre sur un de ses côtés, marquait sans doute un endroit sur 
lequel le tonnerre était tombé. Le manque de symétrie dans 
l'inscription, la mauvaise facture des lettres, l'inobservance 
des règles épigraphiques semblent indiquer la main inexpéri- 
mentée de quelque quadrataire improvisé. 



360 société d'abchéologie et de statistique. 

Pu y- Saint-Martin (canton de Crest). — Petit autel brisé en 
haut, en bas et du côté gauche; transporté à Montélimar, dans 
la collection de M. Vallentin. — Hauteur, m 40 ; largeur, m 25. 

DALLAE 

cONSERVATRICt 

//VOLVSIVS 
vALERIAnus 
decuR VOC 

• 

Dallae Conservatrici , Volusius Valerianus , 

decurio Vocontiorwm. 

Diane, la Fortune, Proserpine et Vénus sont les déesses qui 
avaient quelquefois le surnom de conservatrix ; mais aucun de 
leurs autres surnoms ne répond par sa terminaison aux syllabes 
DALLAE de la première ligne de notre inscription. Il s'agit ici 
de quelque divinité locale , dont le nom , malheureusement in- 
complet et impossible à rétablir, apparaît peut-être pour la 
première fois. 

Eyzahut (canton de Dieuleôt). — Cippe brisé par en bas , 
couronné d'une saillie cintrée au milieu et renfermant les ini- 
tiales D M ; transporté à Montélimar dans la collection de M . 
Vallentin. — Hauteur, ; largeur, 

D M 

TERTINIO 

MAXIMIAN 

O VER1LLA 

— 5 GONIVGI 

POSVIT 

S A D 

Dits Manibus, Tertinio Maximiano , Verilla conjugi posuit et 
$ub ascid dedicavit. 

L'épitaphe ne fait pas connaître le nom de famille de Verilla. 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 367 



VII 



AUGUSTA TRICASTINORUM , élevée au rang de cité la- 
tine par Auguste; formée du territoire des Tricastins (Pline , 
3,4); serait, d'après M. Desjardins (p. 47, col. 3), Saint-Paul- 
trois-Châteaux. L'Augustum de la Table, Augusta dans l'itiné- 
raire d'Antonin , c'est-à-dire Aouste-en-Diois , n'était probable- 
ment qu'un vicus des Voconces , sans autre rapport que celui 
de son nom avec Augusta , le chef-lieu de la cité des Tricastins 
{idem, p. 58, col. 2). 

C'est pourquoi je viens de ranger les trois inscriptions précé- 
dentes parmi celles des Voconces, au lieu que , d'après le senti- 
ment de ceux qui, identifiant la station d'Augustum avec Au- 
gusta Tricastinorum , placent cette capitale à Aouste, j'aurais 
dû attribuer ces inscriptions aux Tricastins. 

Saint -Paul-trois -Châteaux. — Fragment d'une longue 
table de marbre, incomplète à droite et à gauche; dans une 
maison particulière, à un quart d'heure à Test de la ville. 
L'inscription était encadrée dans une moulure. — Hauteur, 
m 58 ; largeur, m 45. 

r o m AE ET AV gusto 

lOvi. o. m 

RTENSIV 

R. POLIEN 

5— T. P. C. HERM 

CRIMINA 

Romae et Augusto Iovi optimo maximo , Rorten- 

sius et Polienus fieri jusserunt. Ponendum curavit 

Hermias 

VIII 

VALENTIA. Colonia Valentia, colonie du droit de cité ro- 
maine; probablement militaire et une de celles qu'Auguste 



368 société d'archéologie et de statistique. 

est dit, dans l'inscription d'Ancyre, avoir envoyées dans plu- 
sieurs provinces , au nombre desquelles figure la Narbonnaise. 
Elle était formée de la partie nord du territoire des Cavares- 
Ségalaunes (Ptolémée). On ignore dans quelle tribu elle était 
inscrite. 

Valence. — Dans la cour du musée. Grande table de pierre , 
, fendue par le milieu; bordée d'une plate-bande encadrant l'ins- 

a cription. Les lettres, mal gravées, sont difficiles à déchiffrer. — 

Hauteur, 0» 48 ; largeur, l m 20. 



A 



Q. IVL. APRI. CIVIS LVGD llllll VIR 
VALENTIAE. QVI. V I X I T. ANNOS 
XVII. M. VII II. D. XXVII. CORPVS 
HIC QVIESCET MESOLEVM VINDAVI 
5 — SCIA EVVANIELIS MATER FECIT FILI 
ODVLCISSIMOETSVBASCIADEDICAVIt 



Q. Iulii Apri, civis Lugdunensis, seviri Valentiae, qui vixil 
annos XVII, menses V1III, dies XXVII, corpus hic quiescet. Meso- 
leum Vindaviscia Euvanjelis, mater fecit filio dulcissimo et sub 
ascid dedicavit. 

Si cette inscription, du petit nombre de celles qui rappellent, 
des dignités municipales de la colonie de Valence , eût été ré- 
digée avec plus de soin qu'elle n'en laisse apercevoir, le titre de 
la fonction de Q. Julius Aper eût été désigné , non pas par les 
simples mots de sévir de Valence , mais , ainsi que cela se voit 
constamment sur les inscriptions de notre province , par ceux 

de sévir augustal de la colonie de Valence, et nous 

nous trouverions avoir la bonne fortune de connaître les noms 
de la colonie, qui , sans doute, n'avait pas que celui de Valentia. 

Cette épitaphe n'en est pas moins curieuse en ce qu'elle 
s'écarte de la banalité des formules ordinaires. MESOLEVM 
pour mausolezm est probablement une faute ; mais QVIESCET 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 369 

pour quiescit est une de ces vieilles formes d'orthographe qui , 
bannies de bonne heure de la langue classique, se conservaient 
avec persistance dans le langage vulgaire, parce qu'elles re- 
posaient sans doute sur des affinités de prononciation. Au V e 
siècle, lorsque l'ignorance fit aux barbares qui avaient envahi 
l'empire romain une nécessité d'écrire le latin comme l'oreille 
le leur indiquait, Ton voit l'E et l'I continuellement se con- 
fondre. 

Valence. — Petite tablette de marbre blanc , bordée d'une 
bande d'ornements délicats gravés en creux , formant encadre- 
ment autour de l'inscription ; au petit-séminaire. — Hauteur, 
œ 14; largeur, œ 22. 

IVLIA 

SECVNDI. L 

ALEXANDREA 



Iulia, Secundi liberta, Alexandrea. 

D'après ce qui a été dit sur le système de la nomenclature 
romaine relativement aux affranchis , Ton comprend sans 
doute, sans qu'il soit besoin de l'expliquer, que le patron de 
Iulia Alexandrea se nommait Iulius Secundus et qu'elle-même 
n'avait d'autre nom que celui d' Alexandrea avant son affran- 
chissement. 

Montéumar. — Stèle de pierre terminée à sa partie supé- 
rieure par un disque, sur lequel est gravée l'inscription. Chez 
M. Vallentin. — Hauteur, 0» 70; largeur, O™ 35. 

DiS 
MANIBVS 
M. AVCll 
roACRINI 

Diis Manibus M. Aucii Macrini. 
Tome VI. — 1872. 23 



370 société d'archéologie et de statistique. 



IX 



VIENN A . Colonia Iulia Vienna (médaille aux têtes adossées 
de César et d'Octavien , au revers de laquelle on lit : C. I. V).; 

ORNATISSIMA COLONIA. VALENTTSSIMAQVE. 

VIENNENSIVM (Table de Claude) : toute la cité des Allobroges 
élevée par César au rang de colonie latine (Herzog, p. 92), puis 
par Auguste à celui de colonie de citoyens romains (Herzog , 
p. 91 et 101); suivant M. Desjardins (Tabl. de Peut., p. 46, col. 
2), organisée en colonie de citoyens romains, après la mort de 
César, par les triumvirs , sans peut-être avoir été auparavant 
de droit latin ; dotée par Claude du droit italique , d'après le 
passage de la Table de Claude relatif au complément du droit de 
civitas romana, donné aux Viennenses postérieurement au 
premier consulat de Valerius Asiaticus (Herzog, p. 168). On 
pourrait peut-être supposer cette faveur accordée par Galba, 
qui, au témoignage de Tacite (Hist., 1, 65), prodigua aux Vien- 
nois, en récompense de ce qu'ils avaient pris parti pour lui 
contre les Lyonnais , attachés à Néron , « toute sorte d'hon- 
» neurs ». La colonie devienne était inscrite dans la tribu 
Voltinia. Elle fut une des premières qui fournirent à Rome des 
sénateurs : QVAM LONGO IAM TEMPORE SENATORES 
H VIC CVRIAE CONFERT (Tabl. de Claude). Elle faillit être 
détruite dans la guerre civile d'Othoa et de Vitellius en 69. 
Elle n'échappa au malheur qui la menaçait qu'au prix d'une 
énorme rançon, qui dut porter à sa prospérité un échec dont 
elle se releva difficilement; c'est ce que semblent attester les 
nombreux débris de statuaire et de sculptures qu'on rencontre 
à Vienne , tous extrêmement beaux et paraissant avoir appar- 
tenu au premier siècle. Après sa catastrophe , elle n'aura plus 
été assez opulente pour construire avec luxe , témoin la partie 
refaite du temple d'Auguste et de Livie, d'une bonne époque 
par ses proportions et son ensemble, mais d'une décoration 
bien pauvre en comparaison de celle de la partie plus ancienne. 

Une magistrature particulière à Vienne était celle des trium- 
viri locorwni puhlicorwni persequendorum ; c'étaient des conser- 



INSCRIPTIONS DIVERSES. 374 

vateurs du domaine communal de la colonie, qui, étant très- 
riche en propriétés , avait eu besoin de créer pour leur sur- 
veillance des magistrats au nombre extraordinaire de trois. Le 
territoire de la colonie de Vienne était en effet fort grand. Il 
s'étendait à l'est jusqu'aux Alpes (Strabon, 4, p. 186), et une 
borne de limite , plantée du temps de Vespasien et trouvée sur 
place, prouve qu'il dépassait l'Arve et allait jusque près du 
village de Saint-Gervais-les-Bains au pied du Mont-Blanc 
(Léon Remer, Rev. archéolog., 16 e année, p. 368, INTER 
VIENNENSES ET CEVTRONAS TERMINAVIT). Il dé- 
passait aussi le Rhône au nord dans le département de l'Ain 
(César, Bell, gall., 1, 11) et à l'est (borne milliaire d'Arras ci- 
après); au sud, il franchissait aussi l'Isère sur divers points 
(inscr. à SaintrNazaire-en-Royans et dans le mandement de 
laRochette). Il renfermait des vignobles dont les vins étaient 
très-renommés (Pline, 14, 3 et 4; Martial, 14, 107). Ces vigno- 
bles étaient certainement situés sur la rive droite du Rhône. 

On connaît les noms de trois des pagi entre lesquels se di- 
visait le territoire de la colonie de Vienne , et de plusieurs des 
vici qu'il contenait : le pagus OCT d'après une inscrip- 
tion d* Aoste ; le pagus DIA d'après une inscription 

d'Hauteville près de Rumilly; le pagus VALER d'après 

une inscription de Saint-Sigismond près d'Albertville; le vicus 
de Genève : VlKANIS GENAVENSIBVS (inscr. à Genève) ; 

le vicus d'Annecy : VlCANIS BO (inscr. à Annecy) ; 

le vicus d'Albens : VlCANlS ALBINNENSIBVS (plusieurs 
inscr. à Albens); le vicus d' Aoste : VlCANl AVGVST ani — 
VlC AN is awGVSTANlS (inscr. à Aoste); peut -être le vicus 
d' Aix : VlCANIS (inscr. trouvée à Aix) ; enfin le vicus de Cu- 
laro (Grenoble). Nulle part Cularo n'est expressément dit vicus; 
mais toutes les fonctions municipales, rappelées sur les ins- 
criptions qui y ont été découvertes , sont des fonctions munici- 
pales de Vienne (Léon Renier, Mèl. d'èpigr., p. 67); de plus , 
selon la remarque de M. Desjardins (p. 72 , col. 3), la vignette 
qui , sur la Table de Peutinger, est ordinairement employée pour 
indiquer dans l'intérieur du pays les chefs-lieux de civitates , 
ne figure pas pour Cularo , mais seulement pour Vienne. 



• 



.372 société d'archéologie et de statistique. 

Arras , entre Andance et Tournon , dans le département de 
l'Ardèche. — Colonne milliaire opistographe, qui servait de 
support, il y a quelques années, dans l'église, près de la 
grande porte, à l'angle d'une tribune dont l'autre angle était 
soutenu par une autre colonne milliaire. Sur la face opposée à 
celle qu'occupe l'inscription qui va être rapportée, et qui est au 
nom de Dioclétien , en a été postérieurement gravée une autre 
au nom de Licinius. Actuellement dans le cimetière. — Hau- 
teur, l m 05 ; diamètre, m 40. (Voy. Rouchier, Hùt. du Vivarais, 
I, p. 104.) 

I MP Gaes. d. n 

C. VALERIO AVr 

DIOCLETI 

ANVS P F 

AVG 
m P XXXI 

Imperatori Caesan domino nostro C. Valerio Âurelio Diode- 
tianus , pio felici Augusto. — Millia passuum XXXI. 

Dioclétien fut proclamé empereur par l'armée en 284 , le 17 
septembre. Garin était alors maître des Gaules ; il le défit dans 
le courant de 285. Il s'associa Maximien en qualité d'Auguste, 
le 1 er avril 286. Notre inscription , où se lisent les noms de 
Dioclétien sans ceux de Maximien , est antérieure à l'associa- 
tion de ce dernier; elle est, en même temps, postérieure à la 
défaite de Carin. 

Indépendamment de la voie tracée par Agrippa de Lyon au 
rivage marseillais (Strab., 4 , 208) le long de la rive gauche du 
Rhône , une autre voie suivait la rive opposée. D'Alba à Va- 
lence , elle a laissé de ses traces par des milliaires en plusieurs 
endroits : à Viviers , au Teil , à Cruas , à Baix , à Meysse , les 
plus anciens au nom d'Antonin le Pieux. En remontant en- 
suite jusqu'à Vienne, on trouve également de ses milliaires à 
Tournon, à Arras au nombre de trois ensemble, à Andance, 
à Ampuis, le plus ancien au nom de Maximin. C'est à cette 



INSCRIPTIONS DIVEBSES. 373 

voie de la rive droite qu'appartenait la borne qui porte notre 
inscription. Or, la distance de XXXI milles (46 kilomètres) qui 
s'y lit ne pouvant avoir eu d'autre point de départ que Vienne, 
éloignée d' Arras d'au moins 45 kilomètres , il résulte de là une 
nouvelle preuve , après plusieurs autres , que l'endroit où cette 
borne était placée se trouvait sur le territoire de la colonie de 
Vienne, qui, sur cette rive, descendait par conséquent bien 
plus bas que Limony, et vraisemblablement jusqu'au Doux, 
ayant ainsi les limites qui plus tard devinrent celles du diocèse. 
Si cet endroit eût dépendu de la cité des Helves , c'est d' Alba , 
aujourd'hui Aps, que la distance eût été comptée , et elle serait 
bien supérieure à 31 milles. 

Tournon. —.Colonne milliaire, tronquée par en bas; « in 
» oppido Turnone » (Gruter) ; actuellement chez M. Deville , 
notaire; précédemment chez les Religieuses de Notre-Dame, 
au chemin de Cornillac. On ne sait pas où elle a été trouvée. 
— Hauteur, œ 90; diamètre, m 37. (Voy. Gruter, 192, 5 ; — 
Rouchier, Hist. du Vivarais, I, p. 102.) 

VERAE. LIBERTATIS 

AVCTOR. IMP. CAES 

MARCVS. CLAVDIVS 

TACITVS PIVS FELIX 

AVG PONTIFEX MAXIMVS 

GHOTYCVS MAXIMVS 

TRIBVNICIA PO 

TESTAS BIS COS 

IL P. P. PROCOS 



Verae libertatis auclor, Imperator Caesar Marcus Claudius Ta- 
citus plus felix Augustus, pontifex maxirnus, Gholycus maximus , 
tribunkia potestas bis, consul II, paler patriae , proconsul 

Selon la place qu'elle occupait dans l'antiquité , en amont ou 
en aval de l'embouchure du Doux , cette borne peut être reven- 



374 société d'archéologie et de statistique. 

diguée avec autant de droit pour la colonie de Vienne que pour 
celle d' Alba. 

Aurélien ne fut pas seulement un grand homme de guerre , 
ce fut aussi un grand réformateur d'abus, soit dans l'armée, à 
laquelle il fit inculquer un admirable esprit de discipline , 
soit dans l'ordre civil , où , suivant le témoignage de son bio- 
graphe , il poursuivit avec tant de rigueur les crimes de toute 
espèce , les désordres , les vices , les factions coupables , qu'on 
peut dire qu'il en purgea entièrement l'univers (Voy. Aur., 37). 
Aussi, à sa mort, eut-on l'étrange spectacle d'un interrègne de 
. plus de sept mois, pendant lequel l'armée et le sénat, faisant 
assaut de modération et de mutuelle condescendance , se ren- 
voyèrent de l'un à l'autre le choix d'un empereur. A la fin , et 
sans qu'aucune brigue se fût formée pour usurper le pouvoir, 
les sénateurs se décidèrent à élire Tacite, un des plus âgés 
d'entre eux , en lui faisant faire la promesse de ne pas trans- 
mettre après lui l'empire à ses fils , mais de laisser au sénat le 
droit de choisir le plus digne de lui succéder (voy. ïbid., 6 , et 
Fi., 1); et c'est à quoi fait certainement allusion le titre de verae 
libertatis auctor qui se lit sur notre inscription. Le sénat eut , 
en effet , de se voir rentré en possession de ses antiques privi- 
lèges par le droit d'élire les empereurs, une joie extrême , mal- 
heureusement d'aussi courte durée que le fut lui-même le règne 
de l'empereur, qui , créé Auguste le 25 septembre de 275 , fut 
tué à la fin de mars ou au commencement d'avril de 276. 

Cependant , les Germains avaient de nouveau envahi les 
Gaules, où ils se maintinrent jusque sous Probus, après s'y être 
emparé de soixante-dix villes des plus riches et des plus con- 
sidérables ; mais notre inscription fait voir que la Narbonnaise 
ne fut pas atteinte par leurs incursions. Du côté de. l'Orient , 
des Barbares , venus en grand nombre des Palus-Méotides par 
laColchide, dévastèrent les provinces de l'Asie- Mineure. Ta- 
cite , accompagné dç son frère Florien , qu'il avait fait préfet du 
prétoire , marcha contre ces derniers , eut raison des uns par 
adresse , des autres par la force et les obligea de rentrer dans 
leur pays. Vopisque (Tac, 13) se contente de dire que c'étaient 
des Barbares. Zosime et Zouare les appellent des Scythes. Nous 



INSCRIPTIONS DIVEBSES. 375 

voyons , par l'inscription du milliaire de Tournon , où Tacite a 
le titre de Ghotycus maximus, que c'étaient des Groths, soit que 
l'histoire ait fait erreur sur leur nom , soit que , conformément à 
l'opinion de plusieurs savants , les Goths et les Scythes n'aient 
été qu'une même nation. Des médailles rappellent cette victoire 
de Tacite sur les Goths en 276 : VICTORIA GOTHICA. COS. 
II. Victoire marchant; à ses pieds un captif; — VICTORIA 
GOTTHI. La victoire debout; — VICTORIA PONTICA (lisez 
GOTHICA). La victoire debout présentant une couronne à 
l'empereur debout , vêiu du paludamenium. (Mionnet.) 

Le second consulat de Tacite, aussi bien que sa seconde 
puissance tribunitienne indiquent Tannée 276. Il avait été 
consul ordinaire pour la première fois, sous son prédécesseur, 
en 273. 

Le chiffre de la distance qui devait terminer l'inscription , 
a disparu avec la partie de la colonne qui ne nous est pas 
parvenue. 

INSCRIPTIONS CHRÉTIENNES. 

Orange. — Fragment d'une tablette de marbre , contenant la 
fin des dernières lignes d'une inscription chrétienne; trans- 
porté au château de Gigondas, chez M. Eug. Raspail. — Hau- 
teur, m 18; largeur, m 18. 



s dvhi 

IAS P_C 
TI CONS 
ONEXIII 



qui obiiti sub die VIII ias post consulatwm 

ti consulte, indictione XIII. 

Ce fragment paraît être du VI e siècle. A la première ligne 
vient, à la suite des lettres S D, un signe que les caractères 
d'imprimerie n'ont pu reproduire. Ce signe, qui a la forme 



376 société d'ahcheologie et de statistique. 

d'un 6 dont l'apex, au lieu de se relever, serait tombant et 
recourbé en arrière, était une note numérale qui valait six, 
soit qu'elle représentât le sigma grec , dont telle était aussi la va- 
leur, soit qu'elle ne fût autre chose qu'un monogramme in- 
cliné , composé des chiffres V et I. 

IAS , à la seconde ligne, est la fin d'un adjectif se rapportant 
à idus , nonas ou kalendas et rappelant un nom de mois autre 
que ceux d'avril, de septembre, d'octobre, de novembre ou de 
décembre , dont la terminaison latine est en es. TI , à la troi- 
sième ligne , est le reste du nom du consul de Tannée précé- 
dente, puisque l'inscription était datée de son post-consulat, 
parce que, probablement, le nom du consul en exercice n'avait 
pas encore été promulgué dans notre pays , ce qui indiquerait 
un des premiers mois de l'année. 

L'indiction était une période qui se renouvelait tous les 
quinze anç; mais, par un abus qui était devenu la manière ha- 
bituelle de s'exprimer, on disait première , deuxième , troisième 
indiction , au lieu de première année , deuxième année , troi- 
sième année de l'indiction. L'année de l'indiction commençait 
chez nous au 24 septembre. 

Orange. — Fragment d'une tablette de marbre, transporté 
dans la collection de M. Eugène Raspail, à Gigondas. 



XXVII 

ONAS 

CONSOLA 

I INDEC. VI 

fin hoc tumulo requiescit qui vixit annos XXVlV(?); obiit 

nonas , . . . . post consolatum Basilii (?), indictione 

sexld. 

Flavius Basilius Junior a été consul en 541. Aucun parti- 
culier n'ayant plus été consul après lui , l'année de son consulat 
devint le point de départ d'une série de post-consulats de Basile, 
qui, dans nos pays, a duré près de quatre-vingt-dix ans; après 
quoi l'on se mit à dater par les années des rois. 



INSGBIPTIOJXS DIVERSES. 377 

Colonzelles (canton de Grignan, Drôme). — Sarcophage en 
calcaire tendre , découvert dans un champ contigu , du côté du 
midi, à la chapelle de Saint- Pierre-aux- Liens , entre Colon- 
zelles et Marjerié; transporté à Marjerié, dans le jardin de M. 
Costaury. — Hauteur, m 45; longueur, 2 m 00. 

HIC VETRANVS PAVSAT 

Hic Vetranus pausal. 

Cette épitaphe, où les S ont la forme insolite de l'Y, est celle 
d'un chrétien qui , à mon jugement, d'après l'aspect de l'ins- 
cription , est mort au VI e ou au VII 6 siècle. 

La chapelle de Saint-Pierre , à côté de laquelle a été trouvé 
ce sarcophage, paraît elle-même fort ancienne, du X e siècle 
peut-être. Toutes les pierres, soit des côntre-forts , soit des 
portes et des fenêtres, à l'extérieur comme à l'intérieur, présen- 
tent de grandes onciales carrées qui ne sont autre chose que 
des marques d'appareillage. Il serait puéril de chercher quel- 
que signification aux assemblages fortuits de lettres qui peu- 
vent s'y rencontrer. Une porte de la face tournée a^ midi a 
pour linteau une pierre empruntée à un bas-relief romain. Sur 
cette pierre, qui a été retaillée et placée le haut en bas, se 
voient, amoncelés sur deux rangs, des tonneaux de bois pareils 
à ceux qui se font de nos jours, renflés au milieu, liés aux 
deux bouts par une huitaine de cercles: On n'y aperçoit pas la 
séparation des douves. 

Bien que les anciens se soient habituellement servis de ton- 
neaux de terre cuite , l'usage des tonneaux de bois ne leur était 
pas inconnu. Cupa était le nom par lequel on les désignait. On 
en fabriquait, au témdj|jnage de Pline (14, 21), dans les Alpes ; 
ils étaient faits du bois de l'espèce de faux sapin qu'on nomme 
vesse, et servaient surtout à transporter le vin. Le même auteur 
raconte que du vin ayant été transporté dans des tonneaux de 
bois d'if , fabriqués en Gaule , ceux qui en burent furent em- 
poisonnés (14, 10). On se servit quelquefois de tonneaux de 
bois pour soutenir des radeaux sur la mer (Lucain , Phars. , 4 , 



278 SOCIÉTÉ DAUCHKOLOiilE ET DE STATISTIQUE. 

420). Au siège d'Aquilée , à ce que rapporte Hérodien (8), Ma- 
ximin fit avec des tonneaux de bois, qui se trouvaient en 
grande quantité dans le pays, un pont sur lequel son armée 
traversa une rivière rapide et profonde. Des tonneaux de bois 
sont représentés sur plusieurs monuments antiques : dans les 
bas-reliefs des colonnes Trajane et Antonine ; sur une pierre 
gravée de l'ancienne collection du baron Stosch ; sur une ins- 
cription de Rome, dans Gruter (818, 5); sur une épitaphe chré- 
tienne du cimetière de Sainte-Priscille (Reinesius, p. 619); sur 
une peinture du même cimetière, reproduite par Aringhi (idem). 
La rareté de la représentation des cupae sur les monuments 
parvenus jusqu'à nous rend extrêmement curieux et digne 
d'être conservé , tout incomplet qu'il est , le bas-relief de la 
chapelle de Saint-Pierre de Colonzelles. 

Parnans, entre Romans et Roybon (Drôme). — Plaque de 
marbre, trouvée il y a environ trente ans dans la chapelle d'un 
ancien château, démoli pour construire la maison de M. Gui- 
chard ; actuellement engagée dans le mur de cette maison qui 
donne sur le jardin. — Hauteur, m 33 ; largeur, m 40. (Voy. 
Courrier de la Drôme du 27 octobre 1862 , d'après un estampage 
communiqué par M. Burais, instituteur à Parnans.) 



/////NI ADSEDVA IN AELEMOSINIS 
PROFVSA.SEPE GEIVNA. DE FR 
VcTV GAVDENS. XPo PRESTAN 
TE PENETENTIAE LxVII AETATIS 
ANV DE HAEC LVCE MEGRAVIT DI* 
OCTAO IDVSDECEMBRES.MAFVSIoV 
EROO ARISSEMCCC. y 



ni adsedua , in aeiemosinis profusa , sepe gejuna , de 

fructû gaudens, Christo prestante y penetentiae, LXVII aetatis anu 
(lisez anno) de haec luce megravit , die octa(v)o idus décembres , 
Mavorlio vero (cl)arissemo consule. 



INSGJlIPTIOlfS DIVERSES. 379 

Sidoine Apollinaire avait bien raison de se méfier du savoir 
ou de l'attention du lapicide chargé de graver sur le marbre 
l'épitaphe qu'il avait rédigée pour son aïeul. « Vide, » écrivait-il 
à son neveu , « ne vitium facial in marmore lapicida , quod factu/m 
» sive ab indust/riâ , swe per incuriam, nichi rnagis quam quadra- 
» tano lividus lector adscribat » (Ep., 1., 3 , 12). La maladresse 
du graveur a tellement corrompu la fin de celle-ci que c'est à 
peine s'il est possible de reconnaître sous le travestissement de 
MAFVSIO VEROOARISSE MCGC le nom du consul Ma- 
vortius. suivi du titre ordinaire de vir clarissimus. Comme d'ha- 
bitude il y avait à la fois deux consuls, l'étourdi a mis deux C 
après le mot clarissimo , quoiqu'il n'y eût alors qu'un consul. 
Le consulat de Vettius Agorius Basilius Mavortius répond à 
l'an 527. Cette année-là il n'y eut pas de consul d'Orient. . 

Allmer. 



380 société d'archéologie et de statistique. 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE 

(des FRÈRES prêcheurs) 

COMPAGNON DE SAINT DOMINIQUE. 



SA VIE ET SON CULTE. 

In memoria aeterna erit justus. 
(Ps., CXI, 7.) 

(Suite. - Voir la 16- livr., p. 98; la 18* livr., p. 274; la 19- livr., p. 429 ; 

la 22- liv., p. 299.) 



SECONDE PARTIE. 



CULTE DE SAINT BERTRAND. 



1230. — Comme une lampe du sanctuaire , Bertrand de Gar- 
rigue s'était éteint sous l'œil du Seigneur dans une modeste 
cellule de l'abbaye. 

Témoins de la piété de ses derniers moments , les filles de 
Notre-Dame du Bosquet eurent la consolation de pouvoir con- 
templer à leur aise cette figure angélique, sur laquelle venait 
se refléter la pureté des deux. A leurs yeux , Bertrand était un 
saint, et chacune d'elles , encore sous l'impression de la parole 
et de la mort éloquente du pieux missionnaire, dut l'invoquer 
instinctivement pour la première fois, en soupirant après une 
fin si glorieuse. 

Cette ardente prière fut le premier mot d'un culte de véné- 
ration qui à travers les siècles devait perpétuer dans la contrée 
la mémoire du bienheureux. 

On était alors vers la .fin de l'épiscopat de Gaufride, évêque 
de Saint-Paul-trois-CMteaux. 

On rapporte que les cisterciennes de Bouchet firent enterrer 



SAINT BEHT1UHD DE GABBIGBE. 384 

le corps du saint dans leur cimetière conventuel , non loin du 
chevet de l'église abbatiale. S'il faut en croire la tradition, une 
table de pierre taillée en forme de cercueil désignait autrefois 
la place de sa sépulture. 

Cette pierre tumulaire , objet de vénération , existe encore. 
En 1834 , on la retrouva dans le cimetière , en creusant la fosse 
de M. l'abbé Gaud , originaire de Bouchet, ancien professeur 
au collège de Vienne en Dauphiné , et on la plaça sur celle de 
M. Borel (Augustin), ancien curé de la paroisse, qui, après 
avoir passé de mauvais jours dans l'exil pendant la tourmente 
révolutionnaire , était venu mourir, comme un bon pasteur, au 
milieu de son troupeau *. 

La tombe ne porte aucune inscription ; mais au sommet , sur 
toute la longueur de l'arête se dessine une croix sans orne- 
ment , dont le pied se termine en pointe comme le bourdon 
d'un pèlerin. 

Cette simplicité symbolique est en parfaite harmonie avec 
l'austérité religieuse d'un Frère Prêcheur reposant dans un 
monastère cistercien; aussi semble-t-elle confirmer l'opinion 
populaire , en donnant à ce monument d'un autre âge toute la 
physionomie du XIII e siècle. 

Sans nul doute, c'est autour de cette pierre tombale que 
commence le culte public de saint Bertrand; c'est là que les 
vierges du Bosquet, toujours pleines d'admiration pour les 
vertus dont le bienheureux leur a donné l'exemple, aiment à 
venir s'agenouiller, pour implorer son secours dans les combats 
du Seigneur. 

Par son intercession elles obtiennent des grâces et des fa- 
veurs singulières , dont la renommée ne dépasse guère d'abord 



(1) Curé de Bouchet depuis 1783 jusqu'en 1818, le vénérable abbé Borel 
était mort le 6 avril 1825, sept ans après avoir résigné ses fonctions pas- 
torales, à cause de son grand âge. Ses obsèques, présidées par son digne 
successeur, l'abbé Mazet (Lin), avaient eu lieu le 8 avril, en présence 
de MM. Jacques Lunel, curé de Suze-la-Rousse, Jean-Claude Bompart, 
curé de Tulette , Louis-Jean-Baptiste Dussud , curé de Baume-de-Transit , 
Pierre-Luc-Antoine-Régis Mazet, curé de Roçhegude, et de M. Xavier 
Chausy, vicaire de Suze. (Archives paroissiales de Bouchet.) 



382 société d'archéologie et de statistique. 

les barrières du cloître. Mais bientôt des prodiges plus éclatants 
se manifestent ; le bruit s'en répand au loin , et Ton voit une 
foule de monde de toute qualité accourir à l'abbaye pour 
mettre leurs familles sous la protection du bienheureux. 

En foulant chaque jour la terre sanctifiée par le corps du 
nouveau saint , le peuple s'habitue dans ces premiers pèleri- 
nages à ne plus appeler le cimetière de Notre-Dame que le n- 
metière de saint Bertrand. 

Ces curieux événements , une des causes de prospérité pour 
le monastère , se passaient sous l'administration abbatiale des 
Sœurs Feydite et Raymondette. 

1238. — Feydite était fille de Raymond de Baux, deuxième 
du nom, prince d'Orange, et de Valpulge d'Artaux. L'année 
précédente , elle avait apporté en dot à sa communauté la terre 
et le château de l'Estagnol, avec la métairie de Barbaras, près 
de Tulette , domaine que son père tenait en fief de Raymond 
VI , comte de Toulouse , par un traité passé à Saint-Giles , le 
12 juillet 1210. 

Notons en passant que le prince d'Orange avait cédé la mé- 
tairie de Barbaras à sa fille et à ses compagnes , à la charge par 
elles de payer à l'évêque de Saint-Paul une pension annuelle 
de quatre émines de blé, avec les dîmes que Pons de Montalisio 
avait données, en 1219, à l'évêque Gaufride *. 

1248. — A Feydite succède Raymondette. On ne connaît pas 
les auteurs de cette abbesse, mais on la voit sortir de son cou- 
vent pour s'acheminer vers la ville épiscopale, où elle assiste, 
comme témoin , avec Guillaumette Agullone , l'une de ses reli- 
gieuses , à l'hommage que Hugues de Baumes rend à l'évêque 
Laurens dans la cour de son palais 2 . 

Pourquoi ce voyage extraordinaire auprès de l'autorité dio- 
césaine ? 

Rien ne fait supposer qu'il eut pour unique but le temporel 



(1) Pithon-Curt, t. IV, p. 314 et 318;— Boyer de Sainte-Marthe , Hist. 
de V église cathédrale de Saint- Pavl-trois-Châteaux , p. 81 et 92. 

(2) Idem , p. 96. 



SAINT BERTRAND DE GABRIGUE. 383 

de la communauté de Notre-Dame , dont les affaires se traitaient 
habituellement par procuration et par le ministère de l'aumô- 
nier, pour sauvegarder autant que possible les prescriptions de 
la clôture monastique; tout, au contraire, nous* porte à croire 
que Raymondette et sa Sœur Agullone, pleines de zèle pour la 
glorification de leur saint, allaient rendre compte à l'évêque 
des récentes merveilles arrivées sur le lieu de sa sépulture. 

Quoi qu'il en soit, elles trouvèrent le prélat en projet de faire 
exécuter par les soins de maître Giraud de Clermont le travail 
d'un magnifique sépulcre, soutenu par quatre colonnes de mar- 
bre gris, pour recevoir les reliques de saint Restitut *. 

Cette heureuse idée dut sourire à l'abbesse et la porter à 
prendre des mesures pour élever un pareil monument à la mé- 
moire de Bertrand de Garrigue, lorsque l'autorité aurait rendu 
son jugement sur le mérite des miracles opérés par le bien- 
heureux. 

Laurens avait sans doute ouvert une enquête à ce sujet; mais 
la mort ne lui ayant pas permis de terminer la procédure qu'il 
avait commencée, il laissa à la sagesse de son successeur le 
soin de rendre un jugement canonique sur l'affaire du Bosquet. 

II 

1253. — Il y avait plus d'un an que la Providence avait placé 
sur le siège épiscopal du Tricastin un homme plein de mérite , 
capable de décider les questions les plus épineuses. On a déjà 
nommé Bertrand de Clansayes , prévôt de l'église cathédrale , 
naguère l'arbitre d'un grave démêlé entre l'ancien évêque et le 
.corps des chanoines de Saint-Paul-trois-Châteaux. 

Par sa naissance le nouveau prélat appartenait à l'illustre 
famUle des Adhémar, les perpétuels bienfaiteurs des cister- 
ciennes de Bouchet ; il était fils de Lambert Adhémar, seigneur 
de Clansayes et du château du Colombier, dans le diocèse 
d'Albi. 



(1) Boyer de Sainte-Marthe, Hist. de l'église cathédrale de Saini-Paul- 
trois-Chdteaux , p. 96. 



384 société d'archéologie et de statistique. 

Là, dans ce manoir féodal, jeune encore, il avait dû con- 
naître la réputation de sainteté du premier provincial , si popu- 
laire dans le Languedoc ; plus tard , il avait précédé le célèbre 
Bertrand de Garrigue dans le Tricastin , pour être comme le 
témoin de sa mort glorieuse. Mêlé ensuite à la foule des pèlerins 
qui venaient à l'envi prier sur sa tombe, il avait vu de riches 
châtelaines et de nobles chevaliers y déposer leurs offrandes ; il 
avait même vu, en 1249, le comte de Toulouse, Raymond VII, 
ce magnifique vaincu de l'Ordre de Saint-Dominique , rendre 
sur son, lit de mort un dernier hommage aux sublimes vertus 
de l'humble Frère Prêcheur, en faisant un legs pieux à l'abbaye 
qui possédait ses reliques *. 

Par ses propres convictions , le nouvel évêque de Saint-Paul 
était donc disposé à écouter favorablement la voix de l'opinion 
publique, réclamant avec persévérance de l'autorité diocésaine 
une décision définitive sur l'affaire du cimetière de Saint-Ber- 
trand, où ne cessaient de s'accomplir de nouveaux prodiges 2 . 
Aussi ordonna-t-il , après un sérieux examen, l'exhumation 
des restes vénérés , pour les exposer plus convenablement à la 
piété des fidèles : « Vingt-trois ans après sa mort » , dit Gui- 
donis, « on leva de terre le saint corps de Frère Bertrand, qui 
» fut trouvé entier et sans corruption aucune; et on le plaça 
» dans un honorable sépulcre *. » 

Le laconisme de l' évêque de Lodève et des premiers écrivains 
de l'Ordre, que cet auteur avait lus 4 , ne nous permet pas, il 
est vrai , de désigner bien sûrement le lieu de l'abbaye où fut 



(1) Dom Vaissette, Hist. du Languedoc, t. V, p. 55, col. 1 et suiv. 

(2) M. de Vienne, prêtre du Tiers-Ordre de Saint -Dominique, Année 
dominicaine r t. Il, p. 115, Paris, M.DCC. 

(3) Corpus ejus sanctum, post XXIII annos levatum, integrum et incor- 
ruptum est repertum , ibique ( in domo sanctiraonialium feminarum de 
Bosqueto) honoriflcè conditum (M. S., p. 56). 

(4) In vitis Fratrum , lib° ij°, c° vij% legitur : «« Hujus corpus sanctum 
quod sepultum fuit in domo sanctimonialium del Bosquet, ubi obiit, 
prope Àurasicam, in Provincia, post XXIII annos levatum, integrum ( m 
marg penitùs) et incorruptum est repertum. » (Ibid., p. 95.) 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 385 

dressé le mausolée digne de recevoir la merveilleuse relique 
dont la vue seule avait fait tressaillir d'admiration tous les spec- 
tateurs *; mais Mamachi semble dire que ce fut dans l'église du 
monastère, « in templo rnonasterii virginum de Bosqueto sepullus 
est », et la croyance traditionnelle , d'accord sur ce point avec 
les Annales de l'Ordre des Prêcheurs, vient fort à propos nous 
donner quelques détails historiques. 

Voici ce que racontent encore à Bouchet les vieillards octo- 
génaires : 

« Le corps de saint Bertrand, disent-ils, qui reposait de- 
puis vingt-trois ans dans le cimetière de son nom , ayant été 
trouvé en son état naturel , fut transféré solennellement de ce 
lieu à l'église abbatiale, et placé dans l'absidiole, du côté de 
l'évangile. Là , ajoutent-ils , il fut pieusement renfermé dans 
un magnifique sépulcre, recouvert d'une table de pierre, sur 
laquelle était couchée, comme sur un lit de parade, une statue 
d'une grandeur remarquable. 

» Ce plein-relief en marbre, d'une blancheur aussi éclatante 
que celle de l'albâtre, représentait un personnage vêtu de 
l'habit d'un Frère Prêcheur, avec sa couronne monacale , por- 
tant pour signe de sa pauvreté volontaire des sandales aux 
pieds, et aux reins une ceinture de corde, d'où rayonnaient 
les larges plis ondulés de sa robe blanche. » 

Cette statue était le véritable portrait de Bertrand de Garri- 
gue , que l'on venait à l'envi contempler dans le sanctuaire de 
Notre-Dame du Bosquet ; elle avait l'attitude du saint couché 
dans son tombeau , à l'instar de la statue de sainte Cécile à 
Rome , représentant le corps de la vierge martyre tel qu'il re- 
pose dans la crypte de son église du Transtévère. 



(t) Malvenda, Annaiia sacri ord. Pr&dicatorum, centuria prima, p. 175, 
Roms, ex typographia Lazari Scorigii, M.D.CXXVII. — Hsec additLeander, 
lib. V, ex primis historibus procul dubio accepta : « Conlingit unum , post 
ejus felicem exitum, quod tacere non debeo, nec possum : Porrô vigesimo 
tertio post anno exhumatum ejus cadaver inlegrum et incorruptum inven- 
tum est, ut omnibus miraculo fuerit. » 

Tome VI. — 1872. °26 



386 société d'archéologie et de statistique. 

Cette œuvre de bon goût doit être attribuée à la haute direc- 
tion de Bertrand de Clansayes , ou bien à celle de Pierre Gau- 
cher Adhémard, abbé d'Aiguebelle et supérieur de Notre-Dame. 

Cette seule partie du sépulcre nous dévoile toute sa magni- 
ficence; comme celui de Saint-Restitut , il devait sans doute 
reposer sur des colonnes de marbre gris , pour relever l'éclat 
de sa blancheur d'albâtre *. 

III 

Après la translation des dépouilles mortelles de saint Ber- 
trand dans l'église du monastère , durant près de deux siècles , 
les cisterciennes du Bosquet nous apparaissent dans l'histoire 
comme une garde d'honneur autour de son tombeau. « Là, nous 
» disent les chroniques contemporaines, on veille honorable- 
» ment à la conservation du saint corps; là, se manifeste une 
* dévotion convenable 2 » ; et ailleurs : « On conserve dans le 
» monastère des religieuses du Bosquet le corps de Frère 
» Bertrand , corps que le peuple , dans sa pieuse vénération , 
» honore comme saint, tant à cause de sa parfaite conservation 
» que pour les miracles fréquents qui s'opèrent à son sépul- 
v cre 3 . » 



(t) Ces expressions des auteurs : Hujus corpus de terra levatum, sem- 
blent nous indiquer que le tombeau était suspendu et ne reposait pas im- 
m'édiàtement sur le sol , mais sur des colonnes. 

(2) Hujus corpus sanctum ibidem cum honore et devotione congrua cus- 
toditur. (Gerardus de Fracheto, Vitx Fratrum ordinis Prœdicatorum , 
lib. H, c. VII , citatus in manuscripto Guidonis, p. 95.) 

Girard de Frachet avait reçu l'habit de Saint-Dominique à Paris , des 
mains de l'abbé Matthieu, le 11 novembre 1225. Il fut ensuite prieur de 
Limoges et de Marseille , devint provincial en 1251 et mourut à Limoges le 
25 octobre 1271. 

(3) Ex Chronico manuscripto JoannisDominico, citaio a Malvenda in suis 
Annaliis sacri ord. Prxdicatorum, p. 173. — Asserit Joannes Dominicus cor- 
pus Fr. Bertrandi servari in monasterio Sororum de Bousquet, et tanquàm 
sanctum piâ veneralione a populo honorari, tàm propter corporis integri- 
tatem , quàm propter creba miracula. 

Jean Dominique, d'abord provincial de Provence, passa à la province 
d'Aragon en 1362. Ce Tut là qu'il copia sa chronique sur un autre manus- 
crit , trouvé dans un couvent de son Ordre. 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 387 

Qui pourra redire tout le zèle de ces vierges pour le culte de 
leur protecteur, qu'elles vont invoquer chaque jour avec les pè- 
lerins qui , pendant deux cents ans , affluent à l'abbaye ? 

Aidées de l'intelligent concours de leur aumônier et du 
personnel de leur domestique, c'est avec une charité toute 
chrétienne qu'elles accueillent les voyageurs dévots à saint 
Bertrand; mais leurs attentions les plus délicates sont pour les 
infirmes , les aveugles , les estropiés et les paralytiques : non 
contentes de leur offrir une douce hospitalité , elles s'associent 
avec empressement à leurs dévotions pour obtenir la merveil- 
leuse guérison de leurs maladies corporelles. 

Tandis que les unes remplissent cet office, d'autres sont char- 
gées de recueillir les offrandes, d'entretenir, jour et nuit, les 
lampes ardentes , et d'orner le riche mausolée de bouquets de 
fleurs, ou d'ex-voto , pieux hommages de la reconnaissance. 

Si le temps , qui dévore tout , n'avait effacé de la mémoire des 
hommes la longue liste de ces fidèles gardiennes du tombeau de 
saint Bertrand , nous invoquerions ici , comme témoins ocu- 
laires des merveilles du Bosquet , toutes ces nobles filles, issues 
des meilleures familles du Comtat, de la Provence et du Dau- 
phiné. Mais , puisque tant de noms illustres sont restés dans 
l'oubli , hâtons-nous d'enregistrer au moins ceux que nous re- 
cueillerons sur notre passage , en parcourant les âges histori- 
ques du célèbre monastère. 

1270. — Raymondette, abbesse. 

C'est la première instigatrice du culte public rendu à notre 
bienheureux , la même que nous avons vue dans le palais épis- 
copal de Saint-Paul-trois-Châteaux , avec sa Sœur Agullone. 
Arrivée à une extrême vieillesse , elle reçut un legs pieux fait à 
sa communauté par Jeanne , fille de Raymond VII , sous cette 
forme testamentaire : « Nous léguons et laissons cent livres à 
» l'abbaye cistercienne du Bosquet dans le Venaissin *. » 

Il est fort probable que la comtesse , en allant rejoindre saint 
Louis , qui partait pour la croisade , avait voulu , à l'exemple de 



(1) Legamus et relinquimus... abbatiae de Bosqueto de Veneissino cister. 
ordinis G. libras. 



388 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique. 

son père, honorer par ce don le tombeau du vénérable pro- 
vincial de Toulouse , afin de trouver par son intercession , en 
cas de mort , grâce et miséricorde auprès du souverain juge. 

1280. — Laure et Rixende, religieuses. 

On rencontre ces deux cisterciennes auprès des reliques du 
saint, avec leur aumônier, Juste de Visan , devenu , plus tard , 
abbé d' Aiguebelle. 

La première est la fille de Guillaume Adhémar, dit le Gros , 
baron de Grignan et coseigneur de Monteil ; la seconde doit le 
jour à Raymond de Baux, dit le Jeune, prince d'Orange, sei- 
gneur de Suze , Sérignan , Camaret , Bauson , et à Laure Adhé- 
mar, dame de Grignan. Elles sont donc très-proches parentes, 
et leurs familles sont les plus zélées protectrices de l'abbaye *. 

On sait que le père de Rixende était vassal de l'évêque de 
Saint-Paul pour les châteaux de Suze et de Solérieux et pour 
le fief de Bauson. En vertu du traité du 10 mai 1272, passé 
entre lui et Bertrand Adhémar de Clansayes , l'évêque de Saint- 
-Paul avait le droit , à chaque succession de seigneur, d'arborer, 
u» jour entier, sa bannière sur le fronton de la porte du château 
de Suze. 

En effet, six jours après ce traité, avait eu lieu en grande 
pompe cette cérémonie féodale , ordonnée par l'évêque en per- 
sonne , au milieu d'une nombreuse assistance de chanoines et 
de chevaliers, où l'on remarquait le prince lui-même, sa femme 
et leur fils, frère de Bixende 2 . 



(1) Pithûn-Curt, Hist. de la Noblesse du Comtat , t. IV, p. 21 et 315. 

(2) Post haec , ipso anno idibus maii in praesentia dicti nobilis Raimundi 
de Baucio, domini dicti castri de Suza, et Bertrandi de Baucio ejus fllii, 
et nobilis dominae Laurse ejus uxoris, et de voluntate ipsius nobilis, dictas 
dominus episcopus vexillum suum posuit et tenuit per illum diem totum , 
Tel fere, in fortalitlo dicti castri de Suza in signummajorisdominii. (Boybr 
de Sainte Marthe, Hist. de l'église cathédrale de Saint- Paui-trois-Châ- 
teaux, p. 103 et 312.) 



> SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 389 

1300. — Mabile, religieuse. 

Sous l'humble habit de bure nous découvrons encore ici 
une princesse, qui succède à sa tante Rixende à la cour d'hon- 
neur établie autour du mausolée de saint Bertrand. 

Mabile est fille de Bertrand de Baux , prince d'Orange , sei- 
gneur de Suze, et d'Isourde d'Agoult; elle compte cinq frères, 
dont trois «se sont consacrés au service de la religion : Ronssalin 
est moine de Cluny ; Guillaume , chevalier de Saint-Jean-de- 
Jérusalem ; Barrai , prévôt de l'église de Marseille. A la mort 
de son père, arrivée en 1309 , après avoir épousé en secondes 
noces Sybile d'Anduse, la succession territoriale fut dévolue 
à ses deux autres frères : avec la seigneurie de Courthézon , 
Raymond eut la principauté d'Orange, et Amiel le fief de Solé- 
rieux et le château de Suze. Nul doute que la part de Mabile ne 
fut une dot immobilière au profit de Notre-Dame *. 

» 

1307. — Lidwine, cellérière. 

Cette religieuse n'est connue que par le fait suivant : 
En 1306, Dom Etienne I er , delà maison de Chaudelas, faisant 
sa visite annuelle à l'abbaye du Bosquet , en compagnie de Fr. 
Bertrand de Montroux, son secrétaire, l'abbé d'Aiguebelle or- 
donna, pour une plus parfaite exactitude de la clôture, de 
murer sur la voie publique une porte ouverte à la curiosité des 
pèlerins. 

On ignore pourquoi les cisterciennes négligèrent l'ordon- 
nance de leur très-révérend Père. L'année suivante, Dom 
Etienne trouva la porte dans le même état. A cette vue , il fait 
marché lui-même avec un ouvrier de Suze, nommé Bruno 
Mallet, et notifie sa convention à Sœur Lidwine, cellérière de 
l'abbaye, qui l'accepte de bonne grâce, au nom de ses compa- 
gnes 2 . 



(t) Pithon-Curt, HisL de la Noblesse du Comtat, t. IV, p. 316. 
(2) Annales d'Aiguebelle, p. 222. 



390 société d'archéologie et de statistique. 

1340. — Dalmase, Clémence, Galburge, religieuses. 

Toutes les trois filles de Giraud VIII, baron de Grignan , et 
de Décane d'Uzès-Sabran *. 

1350. — Béatrix de Raimbaud, Plestorette, sa sœur, reli- 
gieuses. 

Il est fait mention de ces dames , originaires de Grignan , 
dans un acte passé le 18 mars dans le parloir du couvent 
d'Aiguebelle. Ce document constate que noble Bertrand de 
Raimbaud avait appelé à sa succession, au nombre de ses divers 
légataires, ses deux sœurs, religieuses du Bosquet 2 . 

1400. — Billette, religieuse. 

Billette est encore de la famille des Adhémar : elle a pour 
père le viguier de Marseille , Giraud IX , baron de Grignan et 
seigneur de Cbantemerle , et pour mère Jeanne de Joyeuse, On 
sait que le frère aîné de cette religieuse avait fait échange avec 
le pape du quart de sa seigneurie de Montélimar pour le bourg 
de Grillon et une somme d'argent ; triste échange , qui fut 
l'origine d'un long démêlé entre ces nobles parties 3 . 

1404. — Dalmase-Hugonesse , abbesse. 

Son nom figure pour la première fois dans un acte du 2 no- 
vembre 4 ; et on la retrouve encore en 1411, année qui fut pro- 
bablement celle de sa mort. 

1413. — Borguette-Hugonesse , abbesse; Rixende de Mont- 
dragon, Béatrix- Jeanne de Bollène, religieuses. 

Ces trois cisterciennes ferment cette longue série de reli- 
gieuses qui, pendant cent quatre-vingt-trois ans, gardèrent 



(1) Pithon-Curt, Généalogie des Adhémar, t. IV, p. 15 et suiY. 

(?) Hereditas Raymbaudi quondàm est pluribus et diversis et etiam 

duabus Beatrici et Plestorte monialibus Bosqueti , sororibus dicti Bertrandi 
Raymbaudi. {Annales d'Aiguebelle , p. 260 et 516.) 

(3) Pithon-Curt, Généalogie des Adhémar, p. 15 et suiv. 

(4) Lacroix, L'arrondissement de Montélimar, 1. 1 , p. 322. 



SAINT BERTRAND DE GARRIGUE. 394 

intact le dépôt sacré confié à leur garde, et virent plusieurs gé- 
nérations de pèlerins venir s'agenouiller près du tombeau de 
saint Bertrand, toujours fécond en prodiges. Aussi, entendons- 
nous les auteurs contemporains de chaque siècle répéter à 
l'envi ces remarquables paroles : « Jusqu'à ce jour, l'on voit 
» les vierges du Bosquet garder pieusement le saint corps de 
» Bertrand de Garrigue, qui se conserve toujours incorruptible. 
» En invoquant ce saint, un grand nombre de malades ont ob- 
» tenu le rétablissement de la santé. curieuse merveille ! 
» l'état de pureté qu'il avait gardée qt prêchée pendant sa vie, 
» Bertrand le conserve et le prêche encore après sa mort , au 
» Bosquet , où il brille encore par l'éclat de ses nombreux 
» miracles l . » 

En effet, en divers temps Dieu opère, par les mérites de 
son serviteur, des merveilles étonnantes : douze aveugles re- 
voient la lumière; treize sourds recouvrent l'usage de l'ouïe; 
sept boiteux se redressent et marchent d'un pas assuré; quatre 
paralytiques sont guéris ; plus de trente malades sont délivrés 
de diverses langueurs. 

La fille d'un pèlerin, dans la -conviction des témoins ocu- 
laires, passait pour morte; déjà elle avait fermé les yeux à 
la lumière , lorsque le père tout en pleurs s'écrie : « Bien- 
» heureux Bertrand, rendez-moi ma fille, objet du vœu que je 
» vous ai fait. » A cette invocation , le saint ressuscite la jeune 
fille, et la rend pleine de santé à l'auteur de ses jours. Les Vies 

m 

des Frères assurent qu'elle s'était ensuite consacrée à Dieu, 
sans doute dans le monastère du Bosquet , pour honorer saint 
Bertrand et devenir parmi les vierges de Notre-Dame la plus 



(l) Corpus ejus sanctum, ibique honoriflcè conditum et devotè custodi- 
tum usque hodiè cernitur et permanet incorruptum. Multique ccmsecuti 
sont, ad invocationem ejus, remédia sauitatis. jucundum mirabile, incor- 
ruptionem quam servavit et praedicavit vivus, conservât et praedicat etiam 
defunclus, ubi multis miraculis claret. (Ms. Guidoxis, p. 56; Gbrardus db 
Fracbeto, Vitaf Fratrum; Hs. Sanctœ Sabinœ, anno 1367.) 



302 société d'archéologie et de statistique. 

fidèle gardienne du célèbre tombeau où elle avait retrouvé la 
santé et le bienfait de la vie *. 

(A continuer. L'abbé ISNAHD, 

curé de Tutelle. 



(1 ) Àd ejus tumulum stupenda milita Dominus per mérita ejus operatus 
est : caeci 12 illuminati sunt diversis temporibus, surdi 13 auditum recepe- 
runt, claodi 7 rectum consecuti sunt gressum, contracti 4 sanati sunt, et 
plus quàm 30 a variis langoribus sunt liberati : cùm fllia cujusdam ab 
assistentibus mortua putaretur, et oculos jàm clausisset, paterque ejus ex- 
clamaret cum fletu : Béate Bernarde, redde mibi filiammeam quam tibi 
devovi ! Invocatus ibidem puellam suscitait et sanam reddidit , quœ Deo 
posteà se dedicavit, ut refertur in vilis Fralrum. (Joannes Jacobus Pabcin, 
Monumenta conventus Tolosani, p. 46.) — Le Père Parcin, après avoir 
constaté qu'il a lu rénumération de ces merveilles dans saint Antoine , 
ajoute que Bernard est le même que Bertrand, et que son tombeau n'était 
pas à Toulouse, comme veut bien le dire cet auteur, mais à Bouchet. 
Voici ses paroles : Porrô eumdem esse Bertrandum arbitror cum eo de 
quo scribebam , licet S. Àntoninus dicat sepultum esse Tolosse , quem tamen 
scripsi sepultum in loco de Bosqueto. (ibid.) 



LES POÈTES PATOIS DU DAÙPHINÉ. 393 



LES POÈTES PATOIS DU DAUPHINÉ. 



1 



ROCH GRIVEL. 



Parmi les bouquins les plus avidement 
recherchés par nos bibliophiles, ceux en 
patois du Daùphiné tiennent sans con- 
tredit le premier rang. 

A. Rochas. 



Bon nombre de personnes ne veulent voir dans le patois 
qu'un langage corrompu destiné forcément à disparaître, et ne 
se doutent nullement de la fraîcheur et de la poésie que con- 
tiennent certaines productions écrites dans cet idiome. Cepen- 
dant, de nos jours, plus d'un poète a su se faire un nom en 
écrivant dans la langue vulgaire de son pays, et , pour n'en citer 
que quelques-uns , nous rappellerons que le succès et la gloire 
ont consacré les noms de Jasmin , de Mistral et de Roumaniville. 

La littérature patoise du Daùphiné ne brille pas par sa ri- 
chesse ; elle ne se compose à peu près que de quelques légendes, 
chansons , noëls et poésies recueillis par des amateurs. Aussi 
avons-nous cru faire un travail utile en publiant les noms de 
nos poètes patois , en faisant connaître quelques-unes de leurs 
œuvres, et en signalant les documents qui les concernent. 

Le premier qui s'oiTre à nous parmi les contemporains est un 
poète modeste dont le nom commence à se faire jour, et occupe 
déjà une place honorable parmi les littérateurs qui se font gloire 
d'appartenir au Daùphiné. 

Roch Grivel est de cette race de poètes-ouvriers qui compte 
dans son sein des hommes d'un talent supérieur, tels que maître 
Adam , le menuisier de Nevers ; Charles Poney, le maçon de 
Toulon ; Magu , le tisserand de Lisy-sur-Ourq ; Jasmin , le 



394 société d'archéologie et de statistique. 

coiffeur d'Agen , et le plus illustre parmi eux, Jean Reboul, le 
boulanger de Nîmes. 

Simple tisserand en draperie dans la ville de Crest, Grivel 
n'avait reçu qu'une éducation élémentaire, et ce n'est que grâce 
à un travail incessant et à des efforts inouïs qu'il est parvenu 
à s'instruire. 

Notre poète , homme de sens , ne s est pas laissé éblouir par 
son titre d'ouvrier ; il ne s'est pas chargé de la régénération 
sociale , et jamais il ne rêva de franchir les portes du Palais 
Bourbon. Cette modestie est assez rare à notre époque pour 
être signalée. 

Un de nos amis, qui jouit de l'intimité de Grivel, nous énu- 
mérait les vastes connaissances que celui-ci avait su acquérir. 
« En littérature » , nous disait-il , « non-seulement les poètes 
» grecs et latins lui sont familiers, mais encore les poètes 
» étrangers. Que de fois ai-je été charmé en entendant ses 
» appréciations pleines de justesse sur Virgile, Le Dante, 
» Milton , Shakespeare ! » 

Notre intention n'est pas de donner ici une biographie du 
poète , mais seulement de rappeler ses œuvres et de les faire 
apprécier des amateurs de bonne poésie, que la langue patoise 
aurait effrayés. 

La première œuvre imprimée de Roch Grivel fut Suzetto 
Trincolierj comêdio ain un acte et en vers ! . 

Cette pièce, représentée sur le théâtre de Crest, les 6 et 13 
avril 1856, attira une foule considérable. L'auteur abandonna 



généreusement la recette aux pauvres de la ville. Il en fut tou- 
jours de même pour ses autres pièces. Une telle conduite n'a 
pas besoin d'éloge. 

La comédie de Suzetto est précédée d'une remarquable préface 
de M. Alexandre Gresse, dont nous détachons quelques lignes : 

« Une comédie en vers , pensée et écrite par un ouvrier, un 
» véritable ouvrier, qui , fier de son métier, fier de son pays , 
» heureux de vivre à la fois par le travail de la main et par le 



'1) Broch. in-12 de 40 p. — Valence, Marc-Aurel, 1856. 



LES POÈTES PATOIS DU DACPHINÉ. 395 

» labeur de l'intelligence, rime le soir quand il n'a rien de 
» mieux à faire , écrit le dimanche et les jours de fête chômée , 
» et tient à honneur surtout de consacrer par un tissu irrépro- 
)> chable la supériorité de sa navette. 

» Une comédie en patois ! Voilà ce que nous avons l'audace 
» de vous offrir, ami lecteur; voilà l'œuvre que nous livrons à 
» votre sévérité ou à vos applaudissements. 

» Et, d'abord , notez bien que c'est à vous seul, lecteur, que 
» nous nous adressons ; car nous tenons déjà et nous gardons 
» précieusement l'opinion des auditeurs. Nous tenons leurs bra- 
» vos , leur concours empressé , leur rire sympathique ; nous 
» gardons le souvenir de leur joyeux entrain dans ces deux 
» soirées où Suzetto Trincolier fut, grâce à eux, porter aux 
» pauvres la dot généreuse qu'ils versèrent deux fois dans son 
» tablier. » 

D'après nous, Suzetto Trincolier est le chef-d'œuvre du poète. 
Les scènes s'enchaînent d'une manière naturelle, et l'intrigue 
est bien conduite. Le sujet pourtant n'est pas nouveau; grand 
nombre d'auteurs dramatiques et de romanciers l'ont exploité 
mille fois : mais Grivel a su le rajeunir, et sa poésie est si lim- 
pide qu'on regrette que la pièce n'ait qu'un acte. 

Le père Trincolier, préférant quelques sacs d'écus au bonheur 
de sa fille , rappelle le type du père Grandet , immortalisé par 
Balzac. Mais, à rencontre de ce dernier roman, Suzetto, la 

fille de Trincolier, finit par épouser celui qu'elle aime , et 

comme dit Musset : 

« C'est la moralité de cette comédie. » 

Un an plus tard, Grivel publia une nouvelle pièce : Un 
moussu souqué fa, comédio en doux acteis et ain vers * , qui fut 
représentée sur le théâtre de Crest , au bénéfice des pauvres de 
la ville. 

Dans cette comédie, l'auteur a peint le parvenu orgueilleux , 
qui veut à tout prix cacher son origine et ne réussit qu'à se 



(1) Broch. in- 12 de 33 p. - Valence, Chaléat, 1857. 



396 société d'archéologie et de statistique. 

couvrir de ridicule. Quelques scènes nous ont rappelé le Bour- 
geois Gentilhomme. Cette peinture est réussie, et le vers est bien 
frappé ; mais le cordonnier Péra , le principal personnage , est 
un philosophe accompli qui parle comme un livre : nous vou- 
drions dans son langage un peu plus de simplicité, et nous 
croyons qu'il serait mieux dans son rôle. 

Encouragé par le succès de ses comédies, notre poète se remit 
au travail et publia , peu de temps après , Lou retour de lo Coli- 
fournie *. Cette œuvre est certainement celle qui donna le 
plus de satisfaction à l'auteur. Le conseil municipal de la ville 
de Crest , voulant rendre hommage au poète-tisserand , enfant 
du pays , qui avait consacré tous ses chants au soulagement de 
la misère , décida que ce volume serait imprimé aux frais de la 
commune et vendu au bénéfice de l'auteur. Le modeste ouvrier 
dut être heureux de se voir entouré de l'estime de ses compa- 
triotes, et certes jamais personne mieux que lui ne s'en était 
montré digne. Grivel , reconnaissant , dédia sa pièce au conseil 
municipal. Nous trouvons un compte-rendu du Retour de lo 
Colifournie dans le Courrier de la Drame 2 , et nous en ex- 
trayons quelques passages : 

« Lou retour de lo Colifournie est le tableau comique et 
» sérieux de ce torrent envahisseur d'ambition et d'égoïsme qui 
» travaille notre époque. Chapoutou, pour s'enrichir, aban- 
» donne Bertrand , son ami, sur le bord de la tombe, lui enlève 
» cent mille francs , fruit de ses labeurs en Californie , et re- 
» vient en France chargé d'or. Un jeune serrurier, neveu de 
» Bertrand, aime une jeune fille nommée Louise Constant. 
» Chapoutou la demande en mariage et obtient le consente- 
». ment du père. 

» Cette union projetée est vivement combattue par Bobello , 
» la domestique de Constant; mais l'hymen va se conclure 
» nonobstant toute observation. Soudain, Bertrand, fiancé de 
» Bobello, arrive de Californie, tout couvert de haillons, et 



(1) Broch. in-12 de 36 p. - Valence, Chaléat, 1858. 
rî) N." du 16 mai 1858. 



LES POÈTES PATOIS DU DAUPHINÉ. 397 

» raconte ses aventures, sans oublier le vol qui l'a ruiné; mais 
» Bobello tend la main à Bertrand et met à ses pieds ses gages, 
» sa quenouille et son amour. Sur ce, paraît Chapoutou, avec 
» les cent mille francs , fruit de son larcin , destinés au cadeau 
» de noce. Mais aussitôt Bertrand reconnaît son homme, le 
» saisit à la gorge et l'oblige à restitution. Chapoutou , désap- 
» pointé , se retire pour aller vendre ses actions , désormais sa 
» seule richesse. Quant à Bertrand, non -seulement il épouse 
» Bobello , mais il donne encore 50,000 francs à Louise pour 
» dot , et le jeune serrurier pour époux. » 

Quant à nous , nous ferons un petit reproche à l'auteur. On 
trouve dans sa pièce quelques invraisemblances : ainsi Bobello , 
femme de chambre, a un langage très-élevé, que ne saurait 
tenir une personne sans éducation. 

Cette pièce obtint un très-grand succès , et le conseil muni- 
cipal , imprimant aux frais de la commune l'œuvre du poète , 
ne fut que l'interprète de la population. 

Roch Grivel cultive également avec succès la poésie fran- 
çaise ; mais , à part une ou deux pièces insérées dans le Journal 
de Die , il n'a jamais rien livré au public. Nous pouvons cepen- 
dant faire connaître à nos lecteurs une composition inédite : 
c'est un chant composé pour une société musicale de Crest. 
Nous devons cette communication à un jeune écrivain . ami de 
Roch Grivel 1 : 

Chant patriotique de l'orphéon la Lyre de Créât. 

Chœur. 

Grest , ô ma ville natale , 
Dans tes murs je suis de retour ! 
' Cité pour mon cœur sans rivale , 
Nul bonheur au monde n'égale 
Celui que j'éprouve en ce jour. 
Chantez, enfants de l'harmonie ! 
Que de vos chants toujours vainqueurs 
Naisse , comme d'un bon génie , 
Celle des esprits et des cœurs. 

(I) M. l'abbé Cypriea Perrossier, auteur de la Tour de Crest, etc. 



398 SOCIÉTÉ d'àhchéologie et de statistique. 

1 

Je té revois, vieille tour colossale, 
Mont de granit bâti par les géants ! 
Je vois encor ta tête féodale 
Qui , se riant du poids de ses mille ans , 
Va jusqu'au ciel narguer les ouragans ! 
Oh ! non, jamais je ne pourrai décrire 
Tout ce qu'éprouve , au moment du retour , 
Le cœur aimant qui loin de toi soupire , 
Quand, de nos monts franchissant le détour, 
Il te revoit , ô noble et belle tour. 

11 

Je vous revois , bords riants de la Drôme ! 
Je vous admire , 6 verls et frais valions ! 
Je te respire enfin , ô doux arôme 
Que le Solore * apporte de nos monts, 
Loi$qu'il s' ébat dans leurs bleus horizons ! 
Je te contemple, ô fertile vallée, 
Panorama, parterre sans pareil , 
Riche oasis, de fermes étoilée, 
Où tout scintille au radieux soleil 
Qui du printemps hâte le doux réveil. 

III 

Si le bonheur, ô ma cité si chère ! 
A ton aspect fait battre ainsi mon cœur, 
Je ne veux plus d'une gloire éphémère , 
Attraits des camps , hochets d'une valeur 
Dont les lauriers sont arrosés de pleurs ! 
J'aime les arts; phalange harmonieuse , 
Lyre, pour moi daigne entrouvrir tes rangs; 
Chante toujours, car mon âme est heureuse 
Lorsqu'elle entend retentir tes doux chants. 



(1) Nom que Ton donne à la brise matinale dans la vallée de la Drôme. 



LES POÈTES PATOIS D€ DAUPHIlfÉ. 399 

Malgré ses succès et l'attention dont il fut l'objet de la part 
de ses compatriotes, Roch Grivel resta longtemps sans rien 
écrire. Ce ne fut que cinq ans plus tard, et pour apporter son 
obole à une société de bienfaisance , qu'il publia et fit repré- 
senter sur le théâtre de Crest une comédie en deux actes et en 
vers : Lou Sourcier i. Cette pièce est une critique sévère de la 
superstition des campagnes. Tarnolier, propriétaire, a sa fille, 
Marie, fiancée à Henry. Les deux jeunes gens s'adorent ; mais 
le futur étant un peu moins riche que la fille , le père ne veut 
pas de ce mariage , auquel , plus tard , il est obligé de consentir. 
Derbon , le sorcier, voit avec peine Henry, qui n'habitait pas le 
pays, venir se fixer au village ; car ce jeune homme , non-seule- 
ment ne croit pas à la sorcellerie, mais encore il cherche à dé- 
montrer aux paysans que le sorcier n'est qu'un voleur. 

Derbon a un confident, le nommé Piarre, qui est chargé de 
faire parler adroitement les paysans, de savoir ce qu'ils ont et 
sur quoi ils vont consulter. Une fois sa curiosité satisfaite , il 
communique au sorcier ce qu'il a appris, et nos braves paysans 
sont étonnés de voir un homme qui sait d'avance ce qu'on vient 
de lui raconter. Voilà tout le mystère. 

Maître Piarre s'est épris de la petite Marie, et il s'est juré • 
qu'il n'aurait pas d'autre femme qu'elle. Il s'entend donc avec 
son digne maître, l'illustre Derbon, pour faire manquer le 
mariage d'Henry. 

Dans ce but , ils abusent tous les deux de la crédulité du père 
Tarnolier. Ce dernier a entendu du bruit dans son grenier, et 
Perbon, consulté, déclare que c'est l'âme de la défunte mère 
de Marie , qui s'oppose à l'union de sa fille avec Henry et or- 
donne son mariage avec Piarre. 

Le père Tarnolier, pour être agréable à la défunte , s'oppose 
au mariage de sa fille et l'engage vivement à épouser Piarre. 
Refus énergique de la jeune fille , qui pleure constamment et 
dépérit à vue d'œil. Sur ces entrefaites , un homme du pays , 
drogué par Derbon , passe de vie à trépas. Les parents du dé- 



(1) Broch. petit in-8° de 64 p. — Valréas, Jabert, 1863. 



400 société d'ahchéologïe et de statistique. 

funt vont trouver le sorcier pour lui demander des explications ; 
mais celui-ci leur démontre que son client est mort parce que 
son heure dernière était arrivée. 

Henry apprend cette affaire, et, comme il croit peu à toutes 
ces balivernes, il s'informe auprès des parents du remède 
donné au défunt. Ceux-ci font voir l'ordonnance de Derbou. 
Henry s'empare du précieux papier et court chez le sorcier. 
Là, il l'accuse d'avoir occasipnné la mort du défunt par une 
potion trop forte, d'exercer la médecine sans brevet, et il lui 
déclare qu'il va le faire passer en cour d'assises. 

Derbon se trouble, essaie de se justifier, perd la tête et finit 
par demander grâce. Henry veut bien ne pas le perdre , mais à 
une condition , c'est qu'il fera réussir le mariage qu'il avait 
voulu empêcher. Le sorcier y consent de grand cœur. 

Le père Tarnolier est si bien endoctriné qu'il croit que sa 
défunte a changé d'idée, et, pour lui faire plaisir, il s'empresse 
de donner sa fille à Henry. 

Ce dernier, par un acte de générosité qui l'honore, procure 
du travail à Derbon et le fait renoncer à son métier honteux. 

Cette comédie, comme toutes celles de Grivel, se fait re- 

* marquer par sa haute moralité et par une poésie facile. — Nous 

citerons deux strophes de l'épître adressée à Marie par son 

amoureux, qui était poète, et bon poète, comme vous pouvez 

en juger : 

O mo mlo ! 

Oh ! qu'amou de t'arataindre , ô mo douço berjeyro , 
Lou moti, dins lous bois, quand gardeys tous mooutous , 
Qu'an l'air tout ain broutant d'escoutas tas chansous , 
Que reveillount l'écho que duert dins lo couleyro. 

Oh ! vene t'ossetas lova sous lou grand roure , 
Oqui , moun paoure cœur soro bien près doou tiou ; 
Vaï , moun omour eys pur commo Payguo doou riou , 
Que sus lo sablo d'or tout ain pialant s'aiacoure ! 



LES POÈTES PATOIS DU DAUPHIN É. 404 

Outre les quatre comédies dont nous avons parlé et un 
grand nombre de poésies fugitives , publiées dans le Journal de 
Die et ailleurs, Roch Grivel a en portefeuille un grand nombre 
de poésies inédites. Un de nos amis, qui fut assez heureux pour 
pouvoir les parcourir, m'en fait le plus grand éloge et me cite 
surtout une pièce fort curieuse intitulée Lo Carcavelade, que 
l'auteur devrait bien livrer à l'impression. C'est une pièce 
pleine d'allusions fines et malignes contre les édiles crestois ; 
elle est intitulée du nom d'un quartier de Crest appelé Car- 
cavel, remarquable par ses rues tortueuses et malpropres. 

En 1869, la ville de Crest organisait une cavalcade dont la 
recette était destinée aux indigents. Il y avait une bonne œuvre 
à faire, notre poète ne pouvait manquer de s'y associer. Il com- 
posa et fit vendre au profit des pauvres la poésie Vèné Déman , 
dont les nombreux exemplaires furent écoulés en quelques 
heures. 

Nous ne pouvons mieux terminer cette notice qu'en citant 
cette poésie si gracieuse et si originale : 

VÈNÉ DÉMM 1 

Chanson, vaindio oou bénéfice doous paoureïs dé Cre'is, 
per lo covalcado qu'o ogu lieu lou 7 février 1869. 



Air : Du péché mignon. 

Nostre potois , paouré langajé , 
Tant mesprisa per lou bouan toun , 
Doou prougrès faï quand même usajé , 
Témoin soun tant coummun dictoun. 
Quoique l'oourelio nain sié lasso, 
Ni o que se possorian de pan , 
Plutoout que dé vous faïré graço 
D'ocoou réfrin : Vèné Déman ! 



(1) Cette locution est dite et acceptée comme un : Va-t'en voir s'ils 
viennent , Jean ! 

Tome VI. — 1872. 27 



402 société d'archéologie et de statistique. 

Eïs lou lieu coummun dé lo plaço , 
Doou four, doou mouli , doou marcha , 
Et per lous éfants , même ain classo , 
Oco toujours eïs robocha. 
Lours paouré mestré s'eïnooucélo , 
Vu que lous trouavo paou sovants, 
Et lo diobouliquo séquello 
Respouand tout bas : Vèné Démon ! 

Meïfio té toujours, jueïno fillo, 
Doou plus doux penchant de toun cœur : 
Taou que té dit que sias jentillo , 
Eïs trop souvaint un séducteur. 
L'omour eïs lou ciel doou bel ajé ; 
Mais, vaï , n'eïs pas sains ourogan. 
Té démando pas ain moriagé ? 
Dias li toujours : Vèné Dèman ! 

L'aoutré jour un paouré molaté 

Se lassé de soun médéci , 

Et se digue : foou que me traté 

Chaque jour ooubé un poou de vi. 

Graço ô so nouvello tisano , 

Dins huit jours fugue bien pourtant ; 

Ooussi , quand lou docteur Feïs souano , 

Li dit toujours : Vèné Déman ! 

Parlain doou prougrès : tout lou vanto ; 
Et rain de meuïx, mais, oou surplus, 
Leïssain donc ocoou qu'espouvanto , 
Plutoout lo paix que lous obus. 
Lou vrai prougrès de l'harmouoio 
Dins tous lous teimps fugué i'éfant. 
Disain donc ô lo zizonio 
À fa toun teimps : Vèné Dèman ! 

Sochain tous vioouré sains quérello , 
Car rain n'eïs plus doux que lo paix. 
De l'huissier mai de so séquello 
Âinsain nous foou béouré lous frais. 



LES POÈTES PATOIS DC DAUPHIAÉ. 403 

Car lo chicano ô lo voirio 
bouta maï que d'un client ; 
Qu'ain mooudissant lo pleïdoirio 
Li o dit trop tard : Vènè Déman ! 

Mous bouans omis, lo vio s'escoulo 
Plus vite que Faïgo doou riou. 
Ocoou qu'ain chantant sain counsoulo , 
Dé sous jours allounjo lou fiou. 
Bonissain donc tous lo tristesso , 
Puisque dolieurs lou rire eïs san ; 
Mais sus lou tout à la sojesso 
Disain jomais : Vènè Déman ! 

OOUg BOUANS HABITANS DE CREÏS ET D'OSTO ! 

Messieurs, dé nastro covalcado 
Si trouva bus eïbats jouyoux , 
N'ooublia pas qu'oquello ooubado 
Doou prou fi tas ooux malhuroux. 
Douna donc, perque pouachount rire; 
Quand vaindran nous taindré lo man , 
Oourian trop dé péno ô lous dire : 
Helas ! li o rain : Vènè Déman ! 

(Extrait dé las Bolivernas d'un Teïsserand.) 

Si notre poète eût été ambitieux , il aurait pu souhaiter un 
plus vaste théâtre que colui de sa ville natale et rêver l'échange 
de sa navette contre une lyre. Mais Grivel est plus qu'un 
homme d'esprit , c'est un homme de sens, et il tient avec raison 
à ce travail manuel qui laisse à l'âme toute sa sérénité et sert 
de contre-poids au travail de l'imagination. L'aurai mediocritas 
du poète lui sourit davantage que la perspective radieuse de 
quelques châteaux en Espagne. 

X. 



404 SOCIÉTÉ D ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 



LE DAUPHINÉ EN 1698. 



(Suite. -Voir Bulletin, N. oi 2,3,4,5, 7,8, 11, 13,14, 17 et 220 

w^Ko» 

XL PRÉSIDIAL DE VALENCE. 

Le second tribunal de cette province est le présidial de 
Valence, dont rétablissement est de 1636. Il se compose d'un 
sénéchal , de deux présidents , dont l'un est lieutenant général , 
de trois autres lieutenants, l'un criminel, le second principal 
et le troisième particulier, de vingt-un conseillers, dont le pre- 
mier est assesseur criminel, d'un chevalier d'honneur, deux 
conseillers honoraires, deux avocats et un procureur du roi. 
Sa juridiction est la même que celle des autres présidiaux, et 
son ressort comprend les bailliages de Saint-Marcellin , le Buis, 
Montélimar, Crest, Saint-Paul-trois-Châteaux et les judicatures 
de Valence, Romans et Die. L'édit de création lui attribuait la 
juridiction du Vivarais, mais elle lui a été depuis ôtée, et ses 
officiers ont reçu en dédommagement une augmentation de 
gages. Pour la connaissance des causes concernant les officiers 
du présidial , une judicature royale des conventions a été établie 
dans le même temps que le présidial lui-même. Elle n'a pas 
d'autre juridiction (1). 



(1) Généralement parlant, un présidial était un tribunal de première 
instance qui, suivant un édit de 1551, pouvait juger en dernier ressort 
jusqu'à la somme de 250 livres ou 10 livres de rente, et par provision 
jusqu'à 500 livres et 20 livres de rente, comme aussi connaître et se pro- 
noncer irrévocablement sur les crimes commis par vagabonds , gens sans 
aveu ou soldats en marche ; les faits de Vols sur grands chemins , ports 
d'armes, fausse monnaie et autres du ressort des prévôts des maréchaux. 
Celui de Valence, bien que établi (octobre 1636) « à l'instar des autres 
» sénéchaussées et sièges présidiaux du royaume », devait avoir une bien 



LE DAUPBÏNÉ EN 4698. J05 

XII. BAILLIAGES ET SÉNÉCHAUSSÉES. 

II y avait autrefois autant de baillis ou sénéchaux que de 
bailliages ou sénéchaussées, mais un édit du dauphin Louis a 



plus grande importance dans l'esprit de son fondateur, car, à la faculté 
de « counottre, juger et décider en première instance et présidialement 
» de toutes matières civiles et criminelles des sièges et ressorts de* Va- 
» lence, Die, Chabeuil et Étoile et leurs dépendances », il ajoute celle de 
se prononcer sur « appellations des visénéçhaux de Montélimar et de 
» Crest , des baillis de Saint-Marcellin et du Buis, ensemble des juges du 
» Vivarais, depuis la rivière d'Ardèche jusqu'au Lyonnois et Forez, comme 
» aussi de foutes matières bénéûciales et des causes de l'Université ». En 
d'autres termes , il s'agit d'un tribunal intermédiaire entre le Parlement , 
cour suprême et les vibailliages ou visénéchaussées, dont nous trouvons à 
peu près l'équivalent dans nos tribunaux de première instance. 

En tout cas, cet établissement ne pouvait être vu de bon œil par l'évo- 
que, qui, seigneur temporel de Valence et de Die, y était en quelque 
sorte maître absolu de toute juridiction, l'éloignement du parlement de 
Toulouse, qui, par une anomalie singulière, pouvait seul connaître des 
sentences des juges épiscopaux, rendant tout appel à peu près impossible. 
Il protesta donc, et, grâce à de pressantes sollicitations, obtint, le 23 ma* 
1639, des lettres patentes déclarant que par ledit établissement S. M. n'en- 
tendait nullement « innover ni diminuer en aucune façon la juridiction 
» de baillis et juges de l'évêque ». Les officiers du présidial, appuyés sur 
l'Université et la ville, qui ne négligeaient aucune occasion de s'affranchir 
du prélat, en appelèrent au Grand Conseil, qui, le 27 mars 161 1 , rendit 
un arrêt aux termes duquel les juges présidiaux étaient maintenus dans 
le droit de connaître exclusivement des cas royaux et prévôtaux, des 
matières bénéûciales, exécutions d'arrêts, mandements et commissions, 
causes et privilèges de l'Université, mais qui, par contre, donnait à 
l'évêque le droit d'établir dans chacune de ses villes deux sièges de ju- 
ridiction, l'un de première instance, l'autre d'appel; d'où l'on pouvait 
encore, suivant les cas, appeler au présidial. Cet arrêt, qui donnait encore 
au lieutenant général du présidial la présidence des assemblées munici- 
pales , fut suivi d'une transaction imposée aux parties par le cardinal de 
Richelieu, « dont il est notoire que le respect et l'autorité ne pouvoient point 
» recevoir de contradiction dans le royaume », laquelle ne satisût per- 
sonne et fut cassée six ans après. Enfin, après vingt-deux ans de que- 
relles , intervint un nouvel arrêt ou plutôt une nouvelle transaction , 
suivant laquelle l'évêque , maintenu dans son ancien droit de présider les 
assemblées municipales et mis en possession des greffes civils du présidial 



406 société d'archéologie et de statistique. 

réduit le nombre des baillis à deux : un dit de Viennois, pour 
les sièges de G raisivaudan , Vienne et Saint-Marcellin (1), et un 



et des conventions et du contrôle des greffes, acquis du duc de Sully, 
qui les avait achetés lui-même 61,000 livres, plus des offices de greffier 
criminel et de maîtres clercs, consentit à l'exécution des arrêts antérieurs 
et notamment de celui du 27 mars 164t. 

D'autre part, à la suite de réclamations et de plaintes de la part des 
habitants de la rive droite du Rhône , ceux-ci avaient été distraits de la 
juridiction du présidial de Valence en 1650. 

Pour ce qui regarde la charge de sénéchal , elle a été remplie par : 

1639. Jacques de Simiane, sieur de Yènes ou d'Évènes {Archives de la 
Drame, B. 1). 

1642. Edme-Claude de Simiane , comte de Montcha , gouverneur de Va- 
lence (Pithon-Cort , III, 312). 

1680. François-Louis-Claude-Edme de Simiane, comte de Montcha, gou- 
verneur de Valence (idem). 

1699. N. de Moyria-Châtillon (Papiers du présidial). 

1732. Alexandre de Moyria (idem). 

1758. Ferdinand de Moyria de Chàttllon {Arch. de la Drôme, B. 591). - 
Voy. Lacroix, Archives civiles de la Drame, p. 2 et suiv. 

(1) Lieutenants du Prince dans une certaine étendue de territoire appelée 
bailliage ou sénéchaussée, — baillivia, senescallia, — les baillis et séné- 
chaux avaient à l'origine pour principales fonctions de recevoir et de faire 
exécuter ses ordres dans leur ressort , comme aussi d'en rassembler et 
commander les milices, et bien qu'on les présente quelquefois avec le 
caractère des magistrats de l'ordre Judiciaire, il ne parait pas qu'ils eus 
sent du temps des Dauphins une juridiction contentieuse comme en France, 
où les mots de bailli et de juge étaient en quelque sorte synonymes. Aussi 
les charges de bailli et de sénéchal étaient-elles toujours occupées par 
des personnes d'une noblesse distinguée. Cependant, il faut observer que 
sous les derniers Dauphins de la troisième race , ils avaient des attributions 
judiciaires, et que, pour parer alors à leur ignorance du droit, ils avaient 
des lieutenants gradués, véritables magistrats désignés sous le nom de 
juges mages. 

Le dernier Dauphin , Humbert II , voulant faire de chaque siège de bailli 
une véritable cour de justice , adjoignit à chacun d'eux douze conseillers 
laïques ou clercs , dont quatre au moins devaient s'assembler chaque se- 
maine pour décider des affaires courantes ; mais il ne parait pas que ces 
conseils, qui, du reste, étaient moins judiciaires que politiques, aient eu 
une longue durée. Dans la suite, du reste, l'importance des baillis et séné- 
chaux s'amoindrit progressivement, de telle sorte qu'en dernier lieu ce 
n'étaient plus à proprement parler que des charges honorifiques. 



LE DADPHIIIÉ EN 4698. 407 

dit des Montagnes , pour les sièges du Buis , Gap, Briançon et 



Il y avait premièrement autant de baillis que de bailliages, mais en juillet 
1447 le dauphin Louis, pour lors à Valence, rendit une ordonnance qui , 
réduisant à deux le nombre de ces hauts fonctionnaires, — un pour le 
Graisivaudan , le Viennois, terre de La Tour et Saint-Marcellin , sous le 
nom de bailli de Viennois; l'autre pour le Briançonnais, l'Embrunais et le 
Gapençais et les fiaronnies , sous le nom de bailli des Montagnes , — les 
remplaçait en tant que magistrats de Tordre judiciaire par des vibaillis, 
dont l'importance et les fonctions correspondaient à peu de chose près 
à celles d'un président de tribunal de première instance de nos jours. 

Voici la liste la plus complète qu'il nous a été possible de faire des 
baillis de Viennois , dont l'autorité ne s'étendait à l'origine que sur ce qui 
fut appelé plus fard Viennois-Valentinois ou bailliage de Saint-Marcellin , 
du nom de son chef-lieu , mais que l'ordonnance de juillet 1447 mit à la 
têle des trois bailliages du plat pays , ce qui les a fait appeler quelquefois 
depuis grands baillis : 

1281. Gilet-Alleman (Chômer, Hist. gén., I, 848). 

1315-1317. Guillaume de Roque (Valb., II, 162). 

1319. Graton de Glérieu (idem, 11, 183). 

1337-1343. Amédée de Roussillon , coseigneur du Bouchage (idem, II, 465). 

1345. Amblard de Briord (G. Allard, Die t., 1, 108). 

1356. Aynard de la Tour (idemK 

1366. Guy Goppier, seigneur d'Hières (Pi lot, Statist. de l'Isère, III, 585;. 

1389. Jean de Faucherand, gouverneur* de Vienne (Giraud, Essai sur 
Romans, II, 307). 

1397. Jean de Saint-Senin (G. Allard , Dût., I, 108). 

1413. Antoine de Lay, chevalier (Valb., I, 222). 

1427. Siboud de Ri voire (G. Allard, Die t., I, 108). 

1441. Jean Goppier, nommé le 9 octobre par le gouverneur Raoul de 
Gaucour (Dibl. du Dauph., I, 175). 

1443. Jean de Gaste, chambellan de Charles VIII (Pithon-Curt, IV, 532). 

1447. Guillaume de Fordun, nommé le 24 juillet par le gouverneur 
Raoul de Loupy (Bibl. du Dauph., I, 176). 

Env. 1495. Antoine de Montchenu (Rochas, Diog. du Dauph., II, 157). 

1515. Marin de Montchenu, sénéchal de Limousin, etc., enterré à Saint- 
Denis (idem). 

1519. François le Bourcier, maître d'hôtel du Roi (Arch. de la Drôme, E. 
221). 

1520-1539. Antoine de Glermont (Anselme, VIII, 913). 

1545. Claude de Montchenu (Arch. de V Isère, B. 2270). 

1545. Nicolas Henri, écuyer ; seigneur de Grémieu (idem). 



408 société d'archéologie et de statistique. 

Embrun (1), plus un sénéchal pour les sièges de Crest, Valence 
et Montélimar, non comprise, bien entendu , la charge de séné- 



1562-1590. Annet de Maugiron, seigneur de Leyssins (de la Bâtie, Arm. 
du Dauph.), 

1596. Louis de Montlaur, nommé le 18 mai (idem). 
. 160... Charles, sire de Crequi et de Canaples, prince de Poix (Arch. de 
l'Isère, B. 2270). 

1629. Gaspard, baron de Sassenage (Chômer, Hist. de Sassenage, 78). 

1636. Jérôme Martin, seigneur de Disimieu , gouverneur de Vienne (Biogr. 
du Dauph.). 

1671. Louis de Maugiron, grand-maître des eaux et forêts de Daupbiné 
(Chômer, Est. pol., III, 369). 

1691-1694. François de Maugiron, comte de Montléans (Arch. de l'Isère , 
B. 1389). 

1698-1767. Louis-François, comte de Maugiron (Étals de la France). 

1783-1790. de Boflîn, marquis de la Sône (Alman. dauph.). 

(1 ) Nous n'avons pu recueillir qu'un petit nombre de noms de baillis des 
Montagnes du Dauphiné, magistrats qui, répétons-le, avaient dans leur 
dépendance les bailliages de Gap, Embrun, Briançon et le Buis. 

1449-1454. Jean de Villaines, capitaine de Romans '(Chômer, Hist. gèn. t 

II, 44; — Giraud, Essai sur Romans, II, 307). 

1462. Guillaume de Viennois, gouverneur de Crest (Invent, de la Chambré 
des comptes). 

Pierre de Courclllon (Antiq. de Vienne , 234). 
1482-1499. Etienne de Poisieu, seigneur d'Hauterive et de Septeines 
(Chorier, Hist. gén., II, 480, 497). 

Louis de Poisieu , seigneur de Pusignan (Ant. de Vienne, 234). 
1535. Aymar de Grolée-Meuillon (G. Allard , Nobil.). 
1553. Nicolas du Choul, auteur du Discours de la Religion des anciens 
Romains. 

Hector de Monteynard, sieur de Tallaron {Arch. de V Isère, 2271). 
1583. Rostaing de la Baume-Suze, comte de Rocbefort, maréchal de 
camp (Pithon-Curt , I, 135). 

1597-1618. Gaspard de Montauban-Jarjayes, gouverneur de Gap (Biogr. 
du Dauph., II, 156). 

1671. Louis-François de la Baume-Suze, marquis de Bressieux (État pol., 

III, 9). 

1691. Léon de Valbelle-Montfuron, comte de Ribiers (Moréri). 
1691-1702. Bruno de Valbelle-Montfuron , commandeur de la Trouquière 
(idem). 

1702-1750. Côme-Àlphonse de Valbelle, marquis de Montfuron, etc. (id.). 



LE DÀtJPBINÉ EN 4698. 409 

chai créée, comme il a été dit plus haut, pour le présidial (1). 



1752. Charles-François, marquis de Calvière , lieutenant général et com- 
mandeur de Saint-Louis (Arch. de l'Isère , B. 2295). 
Cette charge n'était pas remplie en 1790. 

(1) Les anciens comtes de Valentinois et Diois de la maison de Poitiers 
avaient à Crest pour toutes leurs terres une cour majeure , — curia major 
comilatuum Valentinensis et Diensis, — dont le chef ou président était 
appelé juge mage et quelquefois bailli du Valentinois et du Diois. L'acqui- 
sition du domaine des Adhémar ayant sensiblement augmenté l'étendue 
du ressort de ce tribunal d'appel, le dauphin Louis XI remplaça ce juge 
mage par un sénéchal, magistrat d'épée sans juridiction effective, et 
comme tribunaux de première instance établit, à Crest pour l'ancien do- 
maine des comtes de Valentinois en deçà du Rhône, à Montélimar pour 
cette ville et le pays de Valdaine , à Chalancon pour les dépendances du 
Valentinois en Vivarais, trois visénéchaussées, dont la première, celle de 
Crest, conserva toujours le titre de siège principal, en souvenir de son 
importance primitive. A l'article visénéchaux de Crest, nous donnerons la 
liste des anciens juges mages; voici celle des sénéchaux de Valentinois et 
Diois, charge qui, du reste, était absolument la même que celle de bailli, 
dont nous avons parlé. 

10 août 1450-1473.* Jean d'Aidie, bâtard d'Armagnac, gouverneur du 
Dauphiné en 1457 et maréchal de France en 1461 (Bibl. du Dauph., I, 176). 

1494-1511. Philibert de Clermont, seigneur de Montoison, le héros de 
Fornoue (Anselme, VIII, 919). 

1526. Guy de Mau giron, seigneur d'Ampuis, Beauvoir, Leyssins, etc., à 
qui François I" donna cette charge pour l'indemniser de la somme de 
2,000 écus d'or qu'il avait été obligé de donner pour sa rançon, ayant été 
fait prisonnier avec lui à Pavie (Biogr. du Dauph,, I, 130). 

1544. Jean Varnier (Arch. de l 'Isère, B. 2024). 

1546-1566. Claude de Clermont, seigneur de Montoison, Montmiral et 
Vaunavès (Arch. de la Drame , E. 516). 

Laurent de Maugiron (Arch. de VIsère, B. 2270). 

1575. Gabriel de Morges, seigneur de la Motte- Verdeyer , chevalier de 
l'ordre du Roi (idem, B. 722, et Arnaud, Manuscrits capuç. de Montélimar). 

1580-1619. René de la Tour, seigneur de Gouvernet (Arch. de la Drôme , 
B. 726; - idem de VIsère, B. 372). 

1671-1698. Charles de la Tour, seigneur de Gouvernet, baron d'Aix , 
d'Auberive, etc. (État pol., III, 564). 

1702. Louis du Maine, comte du Bourg, maréchal de camp (État de la 
France). 

1738-1776. Charles-Frédéric de la Tour de Bourellon de Mures, marquis 
de Gouvernet (Arch. de VIsère, B. 1713). 



440 SOCIÉTÉ D* ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Le bailliage de Graisivaudan , qui , suivant l'ordonnance d'Ab- 
beville, juge en première instance les causes des officiers du Par- 
lement, de la Chambre des comptes et du bureau des finances, 
a son siège dans la ville de Grenoble, et se compose d'un 
vibailli, d'un lieutenant particulier, de deux conseillers asses- 
seurs, d'un avocat et d'un procureur du roi (1). 



11 ne faut pas confondre cette charge avec celle de sénéchal de robe- 
courte du Valentinois et du Diois, charge toute militaire» qui, créée aux 
XV1 # et XVII - siècles, a eu pour titulaires : 

1562. Félix Bourjac, que le baron des Adrets nomma cette année-là gou- 
verneur de Lyon (Biogr. du Dauph., I, 98). 

1576. Nicolas Mulet, seigneur de Bagnols (G. Allard, Dict., II, 206). 

1582-1592. Louis Adhémar de Monteil, comte de Grignan (Arch. de la 
Draine, B. 715; — idem de l'hère, B. 256). 

1592. Antoine de Tibotot, lieutenant de la compagnie du prince de Dombes 
(idem). 

1615. Louis- François de Castellanne- Adhémar, comte de Grignan (Prraox- 
Curt, III , 371). 

(1) Voici une liste à peu près complète des anciens baillis de Graisi- 
vaudan, suivie de celle des vibaillis, qui leur succédèrent en 1447. Toute- 
fois, observons que même avant cette date on trouve des vibaillis de 
Graisivaudan , qui, vraisemblablement, n'étaient que des lieutenants acci- 
dentellement établis par les baillis eux-mêmes pour les suppléer. 

1281. Gilet- Alleman. 

1309. Leuzon-Bérard, châtelain d'Avallon (Valb., ï, 102). 

1313. Guers de Beaumont (Bbizard , II, 330). 

1318. Guigues d'Avallon (G. Allard, Dict., I, 108). 

1321. Hugues de Commiers (Invent, de la Chambre des comptes). 

1324. Guillaume de Veynes (idem). 

1327. Guy de Grolée (idem). 

1335. Pierre de Loyes (Valb., I, 103). 
— - ftnblard de Briord, seigneur de la Serra (idem). 

1339. Amédée de Roussillon, chevalier (idem, I, 65). 

1342-48. Amblard de Briord, châtelain d'Avallon (idem, 1, 94). 

1352. Jean de Grolée, seigneur de Ncyrieu (Inv. de la Ch. des comptes). 

1359. Guigues de Gommiers (Brizard, II, 62). 

1367. Didier de Sassenage (Chorikr, Hist. gin., I, 848). 

1379. Rodolphe de Commiers (G. Allard, Dict., I, 108). 

1404. Aymerîc de Brizay (Us. des fiefs, I, 268). 

1406. Giron de Laire (Ghorier , Hisl. gén., II, 404). 



LE DÀUPHMÉ EU 4698. 444 

Celui de Saint-Marcellin , autrement dit bailliage de Viennois, 
siège de Saint-Marcellin, a le même nombre d'officiers (1). 



1408. Yves de Laire, seigneur de Cornillon, chambellan du Roi (Pithon- 
Ccrt,1II,425). 
1413-1418. Jean d'Eurre, capitaine de gens d'armes (idem\ III, 620). 
1425. Guyonnet de Loras (Brizaru , 1 , 93). 

1440. François de Beaumont (Chômer, Hist. gén., II, 434). 

1441. Jean Grinde, seigneur du Molard, nommé parle gouverneur Raoul 
de Gaucour (Invent, de la Chambre des comptes). 

1446. Antoine Vallier (G. Allard, Die t., I, 108). 

1450 env. Guigues du Rivail (Giraud, A. du Rivail , 92). 

1450-1472. Roux de Gommiers (Chorier, Estât pol., IV, 150. * 

Vibaillis de Graisivaudan. 

1335. François de Teyria (Valb., 1, 103). 

1337-1339. Guillaume de firiord, frère du bailli Amblard (idem). 

1458. Pierre Galbert (H aie des nobles de Graisivaudan). 

1504. Claude Falconis (Magnien, Gén. et arm. dauph., 46). 

1547-1562. Abel de Buffevent (Arch. de tïsère, B. 105, 225). 

1563. Guillaume Berger (Chorier, Hist. gén., II, 592). 

1569-1590. Gaspard Baro (Arch. de l'Isère, B. 116, et Arm. du Dauph.). • 

1595-1609. François de Micha (idem, 2283). 

12 juin 1609-1614. Thomas de Boffln, baron d'Uriage (idem). 

24 avril 1614-1632. Jean de Micjia, sieur de Burcin (Jttrisp. de G. Pape, 71). 

1632. François de Micha (Arch. de l'Isère , B. 2283). 

6 février 1632-1*637. Denis de Salvaing de Boissieu (idem). 

3 avril 1637-1651. Antoine du Vivier (idem). 

9 avril 1651-1665. Pierre Perrot (idem). 

21 mars 1665-1675. Antoine Copin, ensuite conseiller au Parlement (idem). 

1683. N. de Petitchet (Gariel, Bibl. du Dauph., I, 43). 

1698. N. Joubert (idem, I, 148). 

1770-1790. François Sadin, écuyer, conseiller du Roi, vibailli de Vien- 
nois , lieutenant général civil et criminel au siège royal et présidial de 
Graisivaudan. 

(1) Le bailliage de Saint-Marcellin, officiellement dénommé de Viennois- 
Valentinois, était , à proprement parler, l'ancien bailliage de Viennois avant 
l'annexion du Viennois septentrional au bailliage de la Tour. Ayant donné 
plus haut la liste des titulaires de ce bailliage , nous nous bornerons donc 
à donner ici celle des vibaillis, empruntée pour la plus grande partie à un 
cartulaire de la ville de Saint-Marcellin qui est aux archives de l'Isère. 



4J2 société d'archéologie et de statistique. 

Celui de Vienne a de plus un conseiller-rapporteur des dé- 
fauts. Il prend le titre de bailliage de Viennois et terres de la 
Tour, et a à sa tête le bailli général de Viennois , qui peut y 
présider sur un siège élevé, l'épée au côté, et y a voix délibé- 
rative , aussi bien que dans les bailliages précédents, quoique le 
prononcé du jugement appartienne au vibailli , qui le formule en 
ces termes :'« Nous, de l'avis du conseil, où était le sieur bailli 
de Viennois, etc. ». Quant aux lettres exécutoriales, elles por- 
tent tantôt le nom du bailli, tantôt celui du vibailli (I). 



1314. Bergadan de Murfculis de Papia. 

1332. Piefte des Herbeys. 

1358. Jean du Bois. 

1362. Jean de Fredulphe de Parme , qui fut ensuite chancelier du Dau- 
phiné. 

1369. François de Lagny. 

1376. Aynard de G lia Ion. 

1423. François de Brognac ou de Brogny. 

1435. Noble Pierre Marchand. 

1460. Noble Etienne Deagent, fils d'Antoine, coseigneur de Sigottier 
(Giraud, A. du Rivait, 79). 
• 1467. Noble Pierre Galbert. 

1469. Noble Jean d'Allières. 

1476. Antoine Mulet. 

1480. Guillaume Feyssan. 

7 août 1486-1493. Guy du Rivail (Giraud, A. du Rivait, 15). 

1493. François Mulet. 

1533. Guillaume d'Arzag (Chevalier, Hôp. de Romans, 49). 

1554. Joachim d'Arzag (Arch. de l'Isère , B. 90). 

27 juin 1567-1622. Antoine de Garagnol (idem, B. 365 , 2283). 

1627-1665. Henri de Garagnol (idem , B. 637, et Arch. de la Drame , B. 1 1). 

10 avril 1665-1673. Melchior-Nicolas de Garagnol de Verdun, fils du pré- 
cédent (Arch. de V Isère, B. 2283). 

23 juin 1690-1720. Jacques de Beaumont (idem, B. 1731, et Arch. de In 
Drôme , B. 517). 

1751. Melchior de Beaumont, seigneur de Coppier (Arch. de l'Isère , 
B. 1517). 

1769-1790. Reynaud Vallier. 

(1) Les comtes de Savoie, qui, de leur côté, avaient un bailli pour leurs 
possessions d'en deçà le Guiers, et divers autres seigneurs possédant 
souverainement à l'origine la plus grande partie du territoire de ce bail- 



LK DAUPHINÉ EJi 4698. 443 

Les bailliages de Briançon , Embrun et Gap ont le même nom- 
bre d'officiers. Toutefois, il faut observer que le premier est le 



liage , dont l'étendue correspondait approximativement à celle des arron- 
dissements de Vienne et de la Tour-du-Pin , les Dauphins avaient un bailli 
pour la baronnie de la Tour et un pour la partie du Viennois qui leur ap- 
partenait, c'est-à-dire quelques communes de l'arrondissement de Vienne, 
la presque totalité de celui de Saint-Marcellin et toute la partie du dépar- 
tement qui est sur la rive droite de l'Isère. Puis cet état de choses ayant 
été considérablement modifié par la soumission de la plupart de ces sei- 
gneurs au fief delphinal et l'acquisition du domaine de la maison de Savoie 
en Dauphiné, le bailliage de la Tour fut alors uni à celui de viennois, ou 
plutôt il n'y eut alors qu'un seul bailli, dit de Viennois, mais toujours deux 
vibaillis : l'un, dit de Viennois-terre de la Tour, dont le ressort com- 
prenait en outre de l'ancien bailliage de la Tour la plupart des terres 
nouvelles acquises, et qui, pendant longtemps fixé à Bourgoin, transféra 
son siège dans Vienne quelques années "après le traité de pariage qui 
associait le Dauphin aux droits de l'archevêque sur cette ville ; l'autre , 
appelé par opposition de Viennois- Valentinois, établi à Saint-Marcellin. De 
telle sorte que le point de départ de ce qu'on appelle ici bailliage de 
Vienne est en réalité l'ancien baiUiage de la Tour. Pour cette raison , nous 
ferons donc précéder ici de la liste des baillis de la Tour celle des vi- 
baillis de Vienne. 

Baillis de la Tour. 

1277. Jacques Borgarel (Chômer, Hist. gén., i, 848). 

1310. Arthaud de Claveyson (idem). 

1319. Jocelin Liatard (Valb., II, 183). 

1322. Jean Alleman, châtelain de Crémieu {idem, I, 102). 

1325. Turpin de la Tour, seigneur de Vinay {idem, 1, 210). 

1328. Guigues de Ruins ou de Royn {idem, II, 227). 

1336. Amédée de Roussillon (ûfem, II, 281). 

1343. Didier de Sassenage, seigneur d'Iseron {idem , H, 462). 

1344. Bertrand de Lagnieu, après qui la charge lut supprimée. 

Vibaillis de la Tour, puis de Viennois-terre de la Tour 

et enfin de Vienne. 

1302. Bertrand de Veyserac. 

1344. Pierre de Pierre. 

1371. Leuzon de Leu'tzon. 

1389. Antoine Tholozan. 

1395. Aymeri de Verfay, appelé bailU (Chômer, Antiq. de Vienne, 480). 



444 société d'archéologie et de statistique. 

plus important , toutes les terres, à l'exception de deux , relevant 
uniment du roi (4); tandis que celui d'Embrun est au contraire 



1460. Henri de Gauteron, qualifié dans les actes Egregius ffenrùms 
Gauteronis, legum doctor, vice baillivus majoris Viennesii et Terne Turris 
(Chômer, Estât pol, I, 104). 

, 1461. Etienne Bertal, qui fit la révision des feux de son bailliage {idem, 
Hist. gén., II, 463). 

1490. Antoine de Chaponnay (Estât pol., I, 104). 

1499. Martin la Chayne (Gall. Christ., XVI, 160). 

1511-1550. Jean Palmier, seigneur de Ternay (Ardu de la Drame, E. 1358; 
- Estât pol., III, 645). 

1548-1562. Antoine de la Tour, seigneur de la Tour-du-Buis, docteur es- 
tais (COLLOMBET , II, 537). 

1562. Jean Gabet , juge royal , nommé vihailli par des Adrets (idem, II, 572). 

Septembre 1562-1563. Antoine de la Tour, rétabli par Maugiron (idem). 

Juillet 1563. Jean Carrier, nommé sur la présentation des consuls de 
Vienne {idem, II, 595). 

1574. Jean de Buffevent, qui, le 24 septembre de cette année, fut nommé 
président au Parlement (Arch. de F Isère, B. 2271). 

1576. Claude Mitai ier, savant helléniste (Charvet, Hist. de Vienne, 568). 
- Pierre de Boissat, seigneur d'Avernais, gendre du précédent 
(Chômer, Estât pol. , IV, 117). 

1584-1612. Pierre de Boissat, seigneur de Licieu, fils du précédent 
(idem). 

1612-1613. Georges de Musy, qui fut ensuite procureur général au Par- 
lement (Estât pol, III, 407). 

9 juillet 1613-1632. Humbert de Chaponnay (Arch. de l'Isère, B. 2283). 

12 février 1632. Gaspard de SaUes (idem). 
1652. Claude de Salles (idem , B. 889). 

27 janvier 1652-1655. Louis deBazemont, seigneur de Fiançayes, ensuite 
conseiller au Parlement (idem, B. 2283).» 

13 février 1655-1670. Jean- François de Lescot, sieur de Chasselay (idem). 
20 avril 1670-1692. N. de Berger de Moidieu (idem). 

28 juillet 1692. Jean-Marie de Martel de Laget (idem). 
1756. Antoine de Montleron (Brizard, Gén. de Beaumont). 
1790. N. Chevalier de Rivoire. 

(1) Le bailliage de Briançon se composait autrefois, en outre, du Brian- 
çonnais proprement dit, des vallées d'Oub , de Pragelas et de Césanne, sur 
le versant oriental des Alpes ; mais celles-ci ayant été cédées au Piémont 
par le traité d'Utrecht (1713), il ne comprenait en dernier lieu que 19 com- 
munautés ou paroisses, au lieu de 51. 



LE DAUPHINS EN 4698. 445 

diminué de toutes les terres de l'archevêché, qui sont nom- 
breuses et ont un juge particulier ressortissant au Parlement (1). 



Baillis de Briançonnais. 

• 

1303. Jordan de Bardonenche (Valb., I, 203). 

1304. Jean Bonûis (G. àllard, Dict., I, 108). 
1309-1310. Raybaud d'Aspres (Valb., I, 102). 
1316. Ponce Claret (G. Allard, Dicl., I, 108). 

1334. Guillaume de Besignan, châtelain d'Oui* (Valb., II, 251). 
1334. Hugues d'Hières, chevalier {idem, II, 265). 
1339. Soffrey d'Arces, maréchal du Dauphiné. 
1343. Guillaume Grinde, châtelain d'Exilles (Valb., il, 464). 
1346. Drouet ou Drovet de Vaux , membre du conseil delphinal (idem , 
11, 623). 
1350. Guillaume Bigot, châtelain d'Exilles (Ami. du DauphJ. 
1359. Guy de la Tour (G. Allard, Dict., I, 108). 
1374. Pierre de Galles (idem). 

1406. Guillaume de Meuillon (Pilot, Statist. de l'Isère, III, 586). 
1417-1440. Soffrey ou Siffred d'Arces (Ghorier, Hist. gén., 1, 848; II, 434). 

VibaiUis de Briançon. 

1568. Guillaume Émé, ensuite conseiller au Parlement (Pilot, Invent, 
de VIsère). 
1617. François de Chaillol (Arch. de l'Isère, B. 2283). 
1620. Claude de Chaillol (idem). 

3 avril 1648. François de Chaillol (idem). , 

7 avril 1677. Charles de Chaillol (idem). 

— Jean-Antoine-Joseph GardoB de Perricaii (idem). 
1783-1790. N. Alphand. 

Baillis de CEmbrunais. 

(1) 1319. Guillaume Artaud, seigneur de la Val de BeaûChêiie (Chorier, 
Hist. gen., I, 848). 

1334. Hugues de Bressieux (Valb., II, 261). 

1336. Guigues Borel (idem, 1T, 326). 

1345-1346. Jean d'Hauteville , membre du conseil delphinal (idem, II, 
623; — Chorier, Hist. gén., II, 316). 

1350. Henri Gras. 

1356. Jacques du Mottet (Invent, de la Chambre des comptes}. 

1372. Artaud d'Arces. 

1376. Raymond Aynard. 



446 société d'archéologie et de statistique. 

À Gap (1) et Embrun les charges de conseiller sont vacantes, 
nul ne s'étant présenté pour lever les charges, à cause du 
peu d'affaires qui y sont portées. 



1387. Àymon de Saint-Pierre. 

1443. Guinet de Cauvillon, nommé le 9 octobre par Raoul de Gaucour 
(Gariel, Bibl. du Dauph., I, 175). 

VibaiUis d'Embrun. 

Oronce Émé. 

1535. Barthélémy Émé, alors nommé président du sénat de Turin par 
François 1" (Biog. du Dauph., I, 356). 
1580. Guillaume Fine (Arch. de V Isère, B. 2283). 
16 avril 1580. Jacques Fine (idem). 

1636. Humbert de Chaponay, ensuite conseiller au Parlement (idem). 
1648. Benoit Amat (idem). 
14 juillet 1648. Jacques Silvestre (idem). 
21 mai 1681. Jacques Silvestre, fils du précédent (idem). 
1790. N. de Cressy. 

(1) Le siège du bailliage de Gapençais était premièrement à Upaix. En 
1298 il Tut transféré à Serres, et ce n'est qu'en 1513 qu'il fut établi à Gap. 

Baillis de Gapençais. 

1247. Silvion de Glérieu (Chômer , Hist. gén., I, 848). 

1256-1273. Odon AUeman (idem). 

1290. Joffrey de Castelanne (G. Allard, Dict., I, 108). 

130). Guillaume Grinde (Valb., I, 102). 

1319. Jacques Rivier (Invent, de la Chambre des comptes). 

1322. Guillaume de Rame (G. Allard, Dict., I, 108). 

1334. Pierre de Painchaud, ensuite châtelain de Beauvoir (idem). 

1343. Arnaud Flotte, seigneur de la Roche-des-Arnauds (Valb., Il, 464). 

1381. Raymond Aynard (G. Allard, Dict., I, 108). 

1385. Perceval de Bardonnesche (Valb., I, 102). 

1399. Guillaume de Meulllon , bailli de Gapençais et d'Embrunais (Chorier, 
Hist. gén., II, 396). 

1443. Guinet de Cauvillon, nommé le 9 octobre par Raoul de Gaucour 
{Bibl. du Dauph., 1, 175). 

VibaiUis de Gap. 

1507-1549. Claude Ollier (Arch. de V Isère, B. 76). 

1549-1595. Benoit Ollier de Montjeu (Roman, Sigil. de Gap, 185). 

16 février 1595-1611. Claude Ollier, fils (Arch. de l'Isère, B. 2283). 



LE'DAUPHINÉ EN 4698. 447 

Le bailliage du Buis, autrement dit des Baronnies , qui sont 
Mévouillon et Montauban, a encore le même nombre d'offi- 
ciers (1), lesquels sont nommés par le prince de Monaco, duc 



22 décembre 1611. Alexandre de Phillibert (Arch. de l'Isère, B. 2283). 
1615. Claude Ollier, sieur de Montjeu, écuyer (idem, B. 2411). 
1648. Daniel de Phillibert , sieur de Sainte-Marguerite (idem , B. 2429). 
18 février 1658-1664. Jacques d'Yse de Saléon, ensuite conseiller au 
Parlement (idem, B. 2283). 
22 décembre 1664. Mathieu Bertrand (idemj. 
1672. Joseph-Mathieu Bertrand du Fresne (idem, B. 1205). 
1707. Louis de Bertrand (idem , B. 2107). 
1744. Antoine Flour de Saint-Genis (Arch. de la Drame, E. 2034). 
1789. N. Phillibert. 

(1) Ce bailliage étant formé de deux baronnies distinctes à l'origine, on 
trouve quelquefois simultanément deux baillis, l'un pour la baronnie de 
Montauban , l'autre pour celle de Meuillon on Mévouillon. \oici les noms 
de quelques-uns : 

1300. Odon de Ghàtillon, bailli du Buis ou de Mévouillon (Valb., II, 102). 

1302. Hugues du Puy, bailli de Montauban (idem, II, 115). 

1333. Albert de Sassenage (Invent, de la Chambre des comptes). 

1334. Guigues de M orges, bailli des deux baronnies (Valb., H, 203). 
1336. Henri de Dreins (Invent, de la Chambre des comptes). 

1343. Ponce Claret (Valb., Il, 462). 

1378. Amédée de la Motte (Carlulaire de Montélimar, en. 70). 

1382. Didier de Besignan (Papiers de Saint- André de Grenoble). 

1406. Guillaume d'Hostun (Chômer, Hist. gén., II, 404). 

1426-1427. Antoine d'Hostun, seigneur de la Baume, nommé le 5 no- 
vembre par Raoul de Gaucour, résigna Tannée suivante au profit du sui- 
vant (Anselme, V, 252). 

1427. Guillaume Artaud, seigneur de la Rocbe-sur-Buis (idem). 

Vibaillis du Buis. 

1597. Louis Cayrel (Arch. de Vlsère, B. 2283). 
22 décembre 1597. Charles Cayrel (idem). 
1680. François-Thomas de Cheylus (idem , B. 2170). 
1628. Antoiue de Galles (Arch. de la Drame, B. 983; - idem de l'Isère , 
B. 764). 
1643. Annibal de Galles (Arch. de l'Isère , B. 2283). 
1" septembre 1643. Pierre de Galles , sieur de Vor (idem). 
1665. Henri de Cheylus (Arch. de la Drame, B. 264). 

Tome VI. — 1872. 28 



448 société d'abchéologib et de statistique. 

de Valentinois, et pourvus par le roi. Qar il est bon d'observer 
à cette occasion que le roi Louis XIII , désirant indemniser le 
prince de Monaco de la perte de biens au royaume de Naples , 
confisqués sur lui par les Espagnols en représailles de ce qu'il 
avait reçu garnison française chez lui, s'engagea, par traité de 
l'an 1641 , à lui assigner, tant en Dauphiné qu'en Auvergne et 
Provence , 80,000 livres de rentes en terres , et que pour ce il 
lui céda la ville de Valence, les sénéchaussées de Crest et de 
Montélimar, le bailliage du Buis et la judicature royale de Ro- 
mans ; lesquels furent érigés en duché-pairie sous le nom de 
Valentinois, avec droit de présenter aux charges de toute jus- 
tice. En sorte qu'il a tous les revenus casuels, amendes et émo- 
luments des greffes. Cela dit, ajoutons que les sénéchaussées 
de Montélimar (1) et de Crest (2) sont composées d'un visénéchal 



8 août 1691-1720. François-Thomas de Cheylus de Propiac (Arch. de Vltere, 
B. 2283). 

1730. Denis Moreau de Véronne, seigneur de Vinsobres (idem, B. 990;. 

1769-1789. Louis- Antoine-François de Bertrand de Montfort (Biogr. du 
Dauph., I, 132). 

(1) Montélimar ayant tour à tour appartenu en tout ou en partie aux 
Àdhémar, au Pape, aux comtes de Valentinois et au Dauphin, les uns et 
les autres ont eu leur juge ou bailli résidant à Montélimar, celui du comte 
de Valentinois excepté , dont le siège était à Savasse , suivant une charte 
d'Aimar VI, en date du 15 avril 1360; et c'est pour remplacer ces divers 
magistrats que le dauphin Louis XI , corroborant son ordonnance de juillet 
1447, établit, par lettres du 17 mai 1449, dans cette ville une cour ou vi- 
sénéchaussée ayant dans son ressort tous les « subjetz du pays de Van- 
» daine et autres places voysines ». Partant, nous joindrons à la liste des 
visénéchaux de Montélimar celle des juges et baillis dont le nom est ar- 
rivé jusqu'à nous. 

1347. Jean Patard ou Pacaud, juge de Giraud Adhémar (Cart. de Mon- 
télimar, ch. 53). 

1352. Durand Odoard, bailli du même (idem, ch. 55). 

1354. Guigues Ponce, juge, et Hugues, damoiseau, baiïli pour le même 
(idem , ch. 56). 

1369. Ricon de Mauriac, chevalier d'armes, bailli pour le Pape (idem, 
ch. 63). 

1378. Aymon de Rochemaure, bailli du comte defValentinois (idem, ch. 72). 

1395. Guillaume de Flor ou de Florin, bailli pour le Pape (idem, ch. 83). 



LE DAUPHI1VÉ EN 4698. 449 

juge, d'un lieutenant particulier, d'un avocat et d'un procureur 
du roi pour chaque siège, et que le sénéchal commun est le 
marquis de Gouveruet. 



1396. Àyner ou Ainier du Puy, seigneur d'Odeffred, bailli du comte 
(Cartul. de Montélimar, ch. 87). 

1396. Pierre Bergondion, bailli du Dauphin (idem). 

1422. Hugues Peyrol, bailli et juge pour le comte de Valentinois {idem, 
ch. 101). 

1427-1437. Paulct Ruffi, notaire et bailli pour le Pape {idem , ch. 107, 116). 

1437-1438. Antoine d'iiostun, seigneur de la Baume-d'Hostun , bailli et 
juge delphinal (idem, ch. 114-116). 

1449. Arnaud Odoard, lieutenant du sénéchal de Valentinois et Diois au 
siège de Montélimar (Arch. de la Drôme, E. 1555). 

1466. Nicolas de Pracontal, damoiseau, visénéchal (Chevalier, Cartul. 
de Montélimar , p. 301). 

1491. Hippolyte Alzéas, licencié ès-lois {idem, ch. 144). 

1509. Jean Giraud , licencié en droit (idem, ch. 150). 

1513. Armand Pertuis, bachelier en droit (idem, ch. 158). 

1527. Théodore Mulet, docteur en droit (idem, ch. 155). 

1540. Giraud de Monteil (Pap. de la sénéch.). 

1563-1570. André d'Exéa (Chômer, liist. gén., II, 669). 

1576-1602. Jacques Colas, capitaine des gardes du duc de Mayenne et 
comte de la Fère, en l'absence de qui furent commis pour remplir la 
charge de visénéchal : 

1° 14 septembre 1591. Louis de Villette, coseigneur d'Eurre (Arnaud, 
Manuscrits des Capucins de Montélimar, et Arch. de V Isère, B. 2283). 

2° 11 août 1594. Louis de Villette {Arch. de V Isère, B. 2283). 

24 mars 1602. Pierre Cholier (idem). 
— 1611. Jean Cholier (idem). 

2 décembre 1611. Jean d'Armand (idem). 

3 décembre 1625-1651. Jacques Durand, seigneur de Blacons (id. t B. 905). 
12 décembre 1651-1678. Paul Durand, sieur de Pontaujard {idem, et 

Arch. de la Drame, B. 988). 

1680. N. Baile (G. Allard, Die t., II, 620). 

1765-1778. Barthélémy Faujas de Saint-Fond, le naturaliste (Arch. de la 
Drôme, B. 955). 

1778-1790. Alphonse-Antoine-Laurent Salamon , baron de Salamon , maire 
de Lyon en 1794 (Diogr. du Dauphinê, I, 375). 

(2) Nous avons dit qu'il y avait à Crest, sous les Poitiers, une cour majeure, 
— curia major, — pour les comtes de Valentinois et Diois, cour suprême 
de laquelle relevaient tous les juges subalternes et même le tribunal 



420 société d'archéologie et de statistique. 



•établi à Savasse par Aymar VI. Ajoutons que cette cour ne se composait 
vraisemblablement que du Juge ou bailli , ainsi qu'il résulte d'une sentence 
de l'an 1420, que nous avons sous les yeux et dont le préambule est assez 
original pour mériter d'être cité : «Nous Giraud Chabas, licentiè aux lois, 
régissant la iudicature et la cour majeure des contés du Valanlinoys et du 
Dyois : Veu et diligemment regardé et considéré l'importance de cesle 

cause , veues, aussi ruminées les aullres choses contenues dans la- 

dicte cause, les escriptures sainctes mises devant nous , afin que de la veiie 
ou face de Dieu sorte nostre iugement et que nos yeux voyant l'équité , ne 
penchant ny à droicte ny à gauche , mais pesant la cause dans la balance 
iuste, après avoir invocqué le nom de Dieu et nous eslre prémuni du signe 
vénérable de la croix, disant : Au nom du Père, du Fils et du Saint- 
Esprit , amen. En la présence des procureurs des parties susdictes assistants 
icy devant nous par cesle sentence définitive que nous sortons sur ces 
escripts, nous prononçons , décrétons, disons et déclarons », etc. 

Voici les noms des juges mages et baillis de Valenlinois qu'il nous a été 
permis de recueillir, suivis de ceux des visénéchaux de Grest : 

1184. Denslegart, bailli de Guillaume, comte de Valence (Inventaire de 
Saint-Ruf). 

1313. Guillaume de Rochemaùre, bailli de Valentinois et Diois (Arch. de 
la Drame, E. 1349). 

1329. Pierre Sabatier, licencié ès-lois, juge mage (Cartul. de N. D. de 
BeaumontJ. 

1332. Pierre de Scudero (idem). 

1355. Barthélémy Aytard, docteur et chevalier d'armes, bailli et juge 
mage (Arch. de la Drame , E. 458). 

1414. Berthon Barnaud, clerc, notaire, régent de la judicature des 
comtes de Valentinois et de Diôis (Pap. de la sénéchaussée). 

1420. Giraud Chabas, licencié ès-lois (idem). 

1425. Hugues Grand (idem). 

24 octobre 1427. N. Marc, juge mage, nommé par Mathieu de Foix 
(Papiers de la Chambre des comptes). 

1427. Antoine d'Hostun, seigneur de la Baume {Car t. de Mont., en. 107). 

1449. Guillaume , bâtard de Poitiers (Arch. de la Drôme , E. 1555). 

1460. Ferrand Dyeys, juge mage de Valentinois et Diois (Brizard , II, 1 19). 

1465. Jean Rabot, visénéchal (Invent, de la Chambre des comptes). 

1489. Hippolyte Alzéas (idem). 

1516. Jean Giraud (Pap. de la sénéchaussée). 

1526. Raymond de Coquet (Pap. de Vévêché de Valence). 

1531. Noble Sébastien Bruyère (Arch. de la Drame). 

— Pierre Travaisii (Pap. de l'évêché de Valence). 

12 novembre 1562-1572. Jacques Pellissier (Arch. de l'Isère, B. 2283). 



LE DAUPHIÏfé EN 4697. 424 



10 mai 1577-1602. Jean Barnaud (Arch. de V Isère, B. 2283). 
I» Janvier 1603. Phillibert A 11 i an (idem). 

1620. Sébastien de Pourroy, ensuite conseiller au Parlement (Pap. de la 
sénéchaussée). 
1647. François de Pourroy (idem). « 

4 juin 1647. Aymar de Pourroy (Arch. de l'Isère , B. 2283). 
1657-1687. Pol de Pourroy {idem, B. 984). 
1687-1715. Pierre de Richard (Pap. de la sénéchaussée). 
1715. Jean-Claude Jacquemet (idem). 
1756. Jean de Richard (idem). 
1756-1790. François-Etienne de Lambert (idem). 

(A continuer.) i. BRUN-DURAND. 



422 société d'archéologie et de statistique. 



NOTE sur une carrière de phosphate de chaux, exploitée 
a Clansayes (Drôme), communiquée & la Société de 
statistique et d'archéologie par M. de Payan- Du- 
moulin , conseiller & la cour d'appel d'Aix, & la séance 
du 12 septembre 1872. 



A l'ouest du village de Clansayes , ancien château des Tem- 
pliers, qui y ont construit une tour dont l'architecture orientale 
est une réminiscence rapportée des Croisades par ces moines 
guerriers , on remarque une colline complètement isolée et de 
forme conique. Cette colline, nommée Venterol, est une pro- 
priété communale dont le sol ne nourrit pas la moindre végé- 
tation; ce terrain paraît se rapporter au gault et aux marnes 
aptiennes; il contient des rognons de grès verdâtre. Ce mon- 
ticule a environ 150 mètres d'élévation au-dessus des vallées 
qui l'environnent. 

Au centre de la colline, on exploite depuis quelques années, 
sous la direction intelligente de M. Berthet , maître-mineur de 
Saint-Etienne, une carrière de phosphate de chaux. 

Il existe sur toute l'épaisseur de la colline de Venterol une 
couche d'une puissance moyenne de 80 centimètres , entière- 
ment composée de débris de fossiles marins très-variés, réduits 
à l'état de phosphate. Dès galeries ont été pratiquées et percent 
complètement la colline ; un chemin de fer y a été construit , 
et des wagons y circulent pour recueillir le phosphate de 
chaux; plus de trente ouvriers sont en moyenne employés à 
cette exploitation. 

Un couloir permet de faire descendre le minerai au pied de 
la colline ; des tombereaux le transportent sous une chute d'eau 
voisine, où il est trié et lavé à l'aide de cylindres en toile 
métallique ; on le voiture ensuite à la gare de Pierrelatte , le 
chemin de fer le conduit à Marseille et à Lyon , où ce phos- 
phate est mis en poudre et constitue un engrais chimique 
puissant qui féconde notre agriculture. 



CARRIÈRE DE PHOSPHATE DE CHAUX A CLAN S AI ES. 423 

La société qui exploite le gisement de phosphate de Clan- 
sayes , a affermé pour dix ans la colline de Venterol à la com- 
mune deClansayes, moyennant une somme de six mille francs. 
Cette industrie paraît florissante; elle tend à faire régner 
l'aisance dans une commune qui n'avait que de bien faibles 
ressources. 

Au point de vue scientifique , le dépôt marin de la colline de 
Venterol mérite de fixer l'attention des naturalistes. 

On s'explique difficilement l'accumulation de cette couche de 
coquilles marines à environ 75 mètres au-dessus du niveau du 
sol environnant ; cette formation paraît encore plus étrange , 
quand on remarque qu'elle est recouverte d'une couche de 
marne aptienne ou de terrain d'alluvion d'environ 75 mètres 
de hauteur. 

Comment cette colline isolée peut-elle dans son centre con- 
tenir cet énorme dépôt de débris marins ? 

Voici l'explication que l'étude approfondie des coteaux plus 
élevés de Clansayes m'a suggérée ; je la soumets aux géologues 
comme une simple hypothèse, que je crois très-probable. 

Dans l'origine, la colline de Venterol devait se lier d'une 
manière continue avec la montagne plus élevée de Clansayes , 
qui forme derrière ce village un vaste plateau. La similitude 
des couches de terrain de la montagne de Clansayes et de la 
colline de Venterol prouve que cette dernière a dû faire partie 
de la montagne de Clansayes. Lorsque la mer a envahi le pla- 
teau de Clansayes, elle y a déposé les germes de cette multitude 
de coquilles qui naissent dans son sein ; ces animaux y ont vécu 
et multiplié pendant une longue période ; car on en trouve de 
microscopiques et d'autres qui ont atteint tout leur développe- 
ment. La preuve du long séjour de la' mer à Clansayes résulte 
de la formation d'un banc très-épais de madrépores tubuli- 
formes; elle se rencontre encore dans la découverte d'un amas 
d'huîtres au fond d'un puits récemment percé ; ce dépôt était à 
environ 15 mètres de profondeur. 

De grandes pluies ont successivement dénudé le plateau su- 
périeur de Clansayes et déposé peu à peu l'énorme alluvion , 
de 75 mètres environ, qui recouvre le dépôt marin de Venterol. 



424 société d'archéologie et de statistique. 

D'autres pluies plus violentes ont ensuite creusé un abîme, 
au fond duquel roule encore un torrent ; elles ont creusé une 
vallée entre la montagne de Clansayes et la colline de Venterol, 
qui se trouve aujourd'hui complètement isolée du plateau supé- 
rieur de Clansayes. 

Le dépôt marin de Venterol est l'un des plus variés et des 
plus curieux que renferme le Dauphiné : voici les principales 
coquilles et autres fossiles qui s'y rencontrent. 

Cette énumération est fort incomplète. Je n'ai indiqué que 
les fossiles les plus nombreux et les plus intéressants. 

Une espèce de très-petits échinites (oursins) , dont plusieurs 
offrent des variétés que je n'ai pas déterminées; les plus petits 
sont de la grosseur d'une lentille , et les plus gros n'excèdent 
pas le diamètre d'une pièce de deux francs; ils sont d'une ma- 
gnifique conservation. Ces oursins se trouvent mélangés à de 
nombreuses espèces de coquillages marins , mais la plus grande 
partie est réduite en fragments , soit par l'effet de leur décom- 
position , soit par suite des chocs que les courants marins ont 
pu leur imprimer. Cependant, une certaine quantité de ces 
fossiles se trouve en parfait état. 

En général , les diverses coquilles de la colline de Venterol 
ne sont que d'un petit volume ; dans un autre gisement voisin , 
qui se trouve au nord de Venterol , on trouve des coquilles d'un 
volume plus considérable et d'une plus belle conservation. Ce 
second gisement a été l'objet d'une exploitation momentanée. 

Le gisement de Venterol contient aussi des échantillons 
variés de coraux , de polypiers , de bois pétrifiés qui paraissent 
tous appartenir aux plantes dycotilédones ; car les couches li- 
gneuses annuelles y sont fort apparentes. 

Dans d'autres localités voisines de Sain t-Paul-trois -Châ- 
teaux, j'ai trouvé des bois agathisés qui avaient été perforés 
par des coléoptères , alors qu'ils étaient encore à l'état ligneux. 
On a aussi découvert dans le vallon des Archivaux de très- 
beaux fragments de palmiers agathisés. 

Le gisement de Venterol contient des os fossiles qui parais- 
sent avoir appartenu à des poissons ; mais leur mauvaise con- 
servation ne m'a pas permis d'en déterminer l'espèce. Parmi 



CARRIÈfiE DE PHOSPHATE DE CHAUX A CLASSATES. 425 

les nombreuses variétés d'ammonites que contient le dépôt de 
Venterol , on remarque Y ammonites mammiliatus , Y ammonites 
nodoso costalus, Yammonites lielli , le milletianus, le mayorianus, 
le dupinianus , le beudanti , le latidorsatus. On y rencontre plu- 
sieurs nautiles, notamment le nautilus clementinus; on y trouve 
aussi quelques hamites, le punctatus et le rotundus, des cônes 
de belemnites de diverses grandeurs. 

On y trouve aussi les fossiles suivants : strombus , arca cari- 
nata,\arca hugardiana , arca fibrosa , terebra, terebratula du- 
templeana, terebratula gigantea, aplocyatus conulus , salenia, 
discoïdes rotula, discoïdes decorata, thetis minor, opis sabaudiana , 
cyprina regularis . cardita constantii , gervilia difficilis, spondilis 
gibbosus j spondilis renauxianus , pecten huberianus , plicatula 
radiola, rhynchanella sulcata f galerites castanea, ostrea, my- 
tilus, un fossile en forme de cône mamelonné, que je n'ai pu 
déterminer et qui ressemble à un fragment de stalactite ; divers 
madrépores, chama , scalaria clementina, scalaria dupiniana, 
natica gaultïna, natica rauliniana, natica ervyna , trochus conov- 
deus , avellana inflata , avellana laciyma , solarium dentatum , 
solarium moniliferum, turbo martinianus , venus vibrayana , 
mactra gaultïna, turbo indecisus, pleurotomaria gipsii, pleuro- 
tomaria paris, cerithium tremonile, rostellaria drumensis } etc. 

Les environs de Clansayes sont extrêmement riches en fos- 
siles. Sur le plateau supérieur qui domine le village , on ren- 
contre un banc de madrépores tubuliformes ; des bancs de 
pecten variés forment la crête de la montagne ; des dents de 
poisson qu'on peut attribuer à la famille des squales se rencon- 
trent fréquemment ; quelques-unes sont géantes et ont appar- 
tenu à des poissons monstrueux ; leur émail est parfaitement 
conservé. On trouve Yammonites mantelli , le spondylus striatus , 
Yostrea carinata, des ancyloceras, Yholaster suborbicularis , le 
micraster distinctus, Yhemiaster buffo , le catopygus carinatus. 
Si l'on parcourt le plateau de Pansier, on y rencontre le gale- 
rites vulgaris, Yalbo galerus, une grande variété d'échinides et 
diverses térébratules. 

Le plateau pittoresque et sauvage de Clansayes contient des 
rochers coniques curieux , jadis environnés de chênes séculaires 



426 société d'aechéologib et de statistique. 

qu'on a détruits; on trouve dans les environs beaucoup de 
haches celtiques , qui attestent le séjour dans cette localité de 
populations gauloises. Au centre du plateau se trouve une 
petite vallée , au milieu de laquelle s'élève un énorme rocher 
naturellement percé d'une large ouverture centrale en forme 
de fenêtre ; les environs de ce rocher formaient un bas-fonds , 
dans lequel on trouve diverses variétés de pecten. 

Saint-Paul-trois-Châteaux, commune limitrophe de Qan- 
sayes , est célèbre par la variété et la conservation des fossiles 
qu'on y découvre , dont plusieurs sont très-rares. Baume-de- 
Transit , Solérieux sont aussi des communes fertiles en fossiles 
curieux ; il en est de même de Chamaret et de Grignan ; ces 
diverses localités forment un massif où le géologue et le natu- 
raliste peuvent recueillir d'abondantes et riches moissons. 

Cette note n'a aucune prétention scientifique : j'ai voulu 
donner le simple récit de quelques agréables excursions que j'ai 
faites dans le sud du département de la Drôme , pour y étudier 
les traces profondes qu'y ont laissées les révolutions du globe. 
Un certain nombre des coquilles marines trouvées à Clansayes 
existent encore dans la Méditerranée ou dans les Océans ; d'au- 
tres n'ont pas encore été retrouvées; mais, chaque jour, des 
découvertes nouvelles en diminuent le nombre. On n'a pas 
encore trouvé d'ammonite vivante, quoiqu'on ait retrouvé le 
nautile, coquille très -voisine des ammonites. On espère re- 
trouver l'ammonite dans les profondeurs des mers. 

Clansayes est un beau pays d'étude : on y voit les traces 
des tremblements de terre qui l'ont ruiné dans le XVIII e siècle 
et qui ont exercé de nouveaux ravages dans le commencement 
du XIX e siècle. 

Faujas-Sa l int-Fond , dans son histoire naturelle du Dauphiné, 
a décrit les plus anciens de ces tremblements de terre : de 
vastes crevasses , dans les rochers sur lesquels est bâti le village 
de Clansayes , sont les vivantes preuves de la violence de ces 
phénomènes , qu'attestent bien mieux encore les ruines de l'an- 
cienne église çt du village , dont peu de maisons ont résisté aux 
tremblements de terre. 

A Saint-Paul-trois-Châteaux on a trouvé des ossements de 



CABHIÈAE DE PHOSPHATE DE CHAUX A CLASSATES. 427 

poissons monstrueux. Je possède un fragment de la colonne 
vertébrale de l'un d'eux , qu'on croit appartenir au genre squale 
et qui, d'après l'opinion de paléontologistes, à l'examen des- 
quels je le soumis pendant le congrès scientifique d'Aix, devait 
mesurer environ 20 mètres de longueur. Toute la montagne de 
Sainte-Juste et ses prolongements vers Barry et Saint-Restitut 
constituent un énorme amas de débris de corps marins : c'est 
une mine fertile où peuvent puiser les naturalistes. 

Je réclame l'indulgence pour cette note, écrite au courant 
de la plume et qui peut renfermer quelques involontaires 
erreurs. 

De Payan-Dumoulin. 



428 société d'ahchéologie et de statistique. 



OBSERVATIONS 



St'R LES 



MONNAIES ANONYMES 



DES 



ÉVÈQUES DE VALENCE. 



Je vais tout d'abord rendre compte de la découverte qui m'a 
fourni l'occasion de soumettre à notre Société ces quelques 
observations numismatiques sur le monnayage des pièces ano- 
nymes des évêques de Valence. 

Le 2 mai 1872, Pierre Gravier, métayer de M. de Pampe- 
lonne, découvrit, à vingt centimètres seulement de profondeur, 
en élargissant un chemin du domaine de Birgouèse , sur le ter- 
ritoire de Saint-Martin-T Inférieur *, un vase de petite dimen- 
sion en terre noirâtre cuite, contenant plus de deux mille pièces 
de monnaie en billon très-oxydées. Peu de jours après , cette 
trouvaille fut gracieusement mise à ma disposition , avec quel- 
ques fragments du vase , qui s'était malheureusement brisé. Je 
constatai qu'elle était ainsi composée : 

Vienne. — Archevêques. ' 

1. — f S. M. VIENNA. Tête de saint Maurice en profil à 
gauche. 

Revers. — MAXIMA. GALL. Croix dans un cercle can- 
tonnée de quatre points. . 

1,106 deniers pesant en moyenne gr. 91 cent. 



(1) Canton de Rochemaure (Ardèche). 



MONNAIES ANONYMES DES ÉYÈQ.UES DE VALENCE. 429 

2. — f NOBILIS. Tête de saint Maurice tournée à gauche. 
Revers. — f VIENNA. Croix cantonnée de quatre points ou 

besants. 

104 oboles pesant en moyenne gr. 397 mill. 

3. — f NOBILIS. Tête de saint Maurice à gauche. 
Revers. — f ANN3IV. Légende rétrograde. Croix cantonnée 

de quatre points. 
8 oboles pesant en moyenne gr. 360 mill. 

Valence. — Evêques. 

4. — f VRBS VALENTIAI. Aigle à deux têtes. 

Revers. — f S. AP ^ LLINARS. Croix avec les extrémités 
terminées en massue, cantonnée d'un annelet. 
708 deniers d'un poids moyen de gr. 93 cent. 

5. — Même type. Même légende. 

126 oboles pesant en moyenne gr. 431 mill. 

Olermont. — Evêques. 

6. — SC A. MARIA. Tête de face avec une couronne en 
forme de bandeau. 

Revers. — f VRBS ARVERNA. Croix à bras arrondis, can- 
tonnée de quatre trèfles attachés dans les angles par de longs 
pédoncules. 

1 obole du poids de gr. 458 mill. 

Tours. — Abbaye de Saint-Martin. 

7. — SCS. MARTINVS. Portail allongé ou châtel. 
Revers. — TVRONVS CIVI. Croix. 

1 denier pesant gr. 850 mill. 

Ces pièces sont de médiocre conservation; quelques-unes 
même sont fort usées parle frottement. On peut en induire avec 
certitude qu'elles avaient déjà beaucoup circulé lors de leur 
enfouissement, dont il serait assez difficile de préciser l'époque; 
toutefois, l'obole de Clermont présentant le style de la fabrication 



430 société d'akchéologie et de statistique. 

de la fin du XIII e siècle, on ne doit pas remplacer auparavant. 
Quant aux circonstances dans lesquelles il a eu lieu , on est ré- 
duit à de vagues conjectures. Il existe à peu de distance de là 
un couvent de Bénédictines en ruines * : on peut supposer que 
ce trésor lui appartenait et qu'on le cacha pour le soustraire 
aux bandes de routiers qui firent de fréquentes incursions dans 
la vallée du Rhône du XII e au XIV e siècle. Le monastère fut 
sans doute dévasté, et ce dépôt resta ignoré, comme beaucoup 
d'autres confiés à la terre dans des temps de trouble. 

Cette découverte n'a pas un grand intérêt au point de vue 
général, car toutes ces pièces offrent les types et les légendes 
les plus habituellement employés pendant plusieurs siècles , et 
on les rencontre dans presque tous les trésors enfouis au moyen 
âge. Elles s'y trouvent ordinairement dans des proportions très- 
différentes , qui s'expliquent par la proximité ou l'éloignement 
du lieu de leur émission. Il n'y a donc rien d'étonnant que dans 
celui-ci il n'y ait qu'un seul denier de l'abbaye de Saint-Martin 
de Tours et qu'une seule obole des évêques de Clermont , quoi- 
que ces monnaies soient également très-communes. 

L'importance numérique de cette trouvaille m'a engagé à la 
signaler néanmoins et à la décrire minutieusement. Je ne crois 
pas, en effet , qu'on en ait mentionné contenant une aussi grande 
quantité de monnaies dauphinoises : 1,218 de Vienne et 834 de 
Valence. Le trésor découvert à Rochegude en 1841 pesait 5 
kilogrammes environ et se composait de deniers et d'oboles de 
Toulouse, de Melgueil, d'Anduze,' d'Orange, de Gap, de Va- 
lence , de Vienne , du Puy, de Provence , et d'un rare denier de 
Lodève pesant gr. 92 cent, qui était inédit. Celui trouvé à 
Riom le 29 août 1842 contenait 900 à 1,000 deniers et oboles de 
Clermont , de Nevers, de Souvigny , de Lyon , de Vienne , de 
Valence, de Provence et des rois de France. MM. Requien 2 et 
Tailhand*, en les décrivant, n'ont indiqué ni le poids ni le 



(1) Il était connu sons le nom de Notre-Dame de Bergonèse et dépendait 
de l'abbaye de la Yilledieu. 

(2) Revue numismatique , 1844, p. 125. 

(3) lbid., 1842 , p. 460. 



MONNAIES ANONYMES DES ÉVÉQCBS DE VALENCB. 234 

nombre des pièces de chaque série. La découverte faite en 1865 
près du village de Paladru (Isère) a été décrite au contraire 
avec beaucoup de soin par M. R. Géry *. Elle était composée de 
275 pièces , ainsi réparties : Vienne 90 deniers , Valence 7 de- 
niers i obole, Lyon 45 deniers 9 oboles, Clermont 32 deniers , 
Gap 3 deniers, Viviers 3 deniers, Avignon 3 deniers, Besançon 
6 deniers, Langres 1 denier, Dijon 1 denier, Provence 24 de- 
niers et 3 oboles , Savoie 7 deniers et 3 oboles , Italie 7 deniers 
et 3 oboles. Leur poids est très-exactement indiqué. 

Beaucoup d'autres trouvailles ont été faites depuis lors, mais 
il n'en est fait mention dans aucun recueil archéologique ou 
numismatique. 

En 1866 , j'ai acquis 50 deniers de Vienne, du poids de gr. 
861 mill., 23 de Gap, pesant gr. 779 mill. et 50 de Valence, 
d'un assez bon aloi et d'un poids moyen de gr. 873 mill. 
On m'affirma qu'ils avaient été trouvés près de Morestel , avec 
beaucoup d'autres pièces semblables. Mes démarches pour ob- 
tenu 1 des renseignements plus précis n'ont pas abouti. M. Ar- 
naud , pasteur à Crest, a bien voulu me remettre en 1867 cent 
deniers de Valence, d'un poids moyen de 1 gr. 141 mill., pro- 
venant d'une découverte faite à cette époque près de Gigors , et 

• 

qui ne contenait en totalité guère plus de 125 deniers de Va- 
lence. Je dois à l'extrême obligeance de M. Odoard, de Chante- 
merle, 102 deniers de Valence , pesant en moyenne 1 gr. 079 
mill., qu'il m'a donnés en 1868. Il les possédait depuis long- 
temps , et il m'a assuré qu'ils provenaient d'un dépôt de plu- 
sieurs centaines de monnaies de Vienne et de Valence trouvé 
vers 1842 près de Saint-Péray. J'ai tout lieu de supposer que 
les 300 pièces de Valence que M. Rousset déclare avoir eu à 
sa disposition 2 , avaient la même provenance. On m'a bien 
parlé d'autres découvertes analogues , mais en termes si vagues 
que je ne puis les citer. 
Je fais appel à la bienveillance des numismates pour me 



(1) Rev. numism., 1865 , p. 250. 

(2) Builel. de la Société de statistique de la Drame, 1843, t. IV, p. 92. 



«, 



} 



432 société d'aachéologie et de statistique. 

signaler toutes celles dont ils auraient eu connaissance. C'est en 
les comparant qu'on peut avoir des données certaines sur le 
poids , l'aloi, l'émission et la circulation de ces monnaies; il est 
essentiel surtout de faire des pesées en nombre , car ce sont les 
seules qui offrent des bases sérieuses. Afin d'atteindre ce but 
plus sûrement, je tâche de me procurer 50 ou 100 pièces de 
chaque trouvaille et je recherche plus spécialement celles de 
Valence, qui ont été moins bien étudiées ; j'ai pu déjà en réunir 
plus de 500. 

Les monnaies des archevêques de Vienne ont été si complè- 
tement décrites dans le magnifique volume de M. Henri Morin i 
et ensuite par M. Poey d'Avant 2 qu'il suffit, pour tout ce qui 
les concerne, de compulser les ouvrages de ces savants auteurs. 
Mais il n'en est pas de même pour les monnaies des évoques de 
Valence; car, malgré leur érudition, MM. de Pina 3 , Rousset 4 , 
Long 5 , Poey d'Avant 6 et Roman 7, qui s'en sont successivement 
occupés, ont laissé encore quelques points obscurs et paraissent 
ne pas avoir eu connaissance des documents anciens qui les re- 
latent. Ils supposent , en effet , qu'elles ont fait leur première ap- 
parition vers la fin du XIP siècle; M. Roman croit même qu'elles 
ne sont pas antérieures au XIIP siècle. Cependant les nom- 
breuses mentions qui en sont faites dans les chartes des XP et 
XII e siècles ne laissent aucun doute non-seulement sur leur 
existence, mais encore sur la grande vogue qu'elles avaient 
alors. Elles étaient même plus répandues avant le XIP siècle 
que celles de Vienne, dont la prépondérance ne date que de 
cette époque. 



(1) Numismatique féodale du ûauphiné, Paris, Rollin, 1854, in-4°, p. 3-38. 

(2) Monnaies féodales de France, Paris, Rollin, 1858-1862, 3 yoI. in-4°, tome 
III, p. 32-48. 

(3) Monnaies du Valentinois, Rev. num., 1837, p. 99 et 103; tirage à part 
à 25 ex. Blois, Dezairs, in-8°, 1837, 11 p. et 1 pi. 

(4) Mémoire sur les monnaies du Valentinois, Bullel. de la Soc. de stat. 
de la Drame, tome IV, p. 71 à 95, Valence, 1843, in-8°. 

(5) Remarques sur les monnaies du Valentinois, Rev. num., 1846, p. 357. 

(6) Tome 111, p. 7-14. 

(7) Bull, de la Soc. d'arch. et de stat. de la Drame, t. 111, p. 380-382. 



MONNAIES ANONYMES DES ÉYÊQUES DE VALENCE. 433 

Le Livre Vert de Sisteron contient une charte relative aux 
églises de la vallée de Bodon , et parmi les redevances on trouve 
les suivantes : « Monasterium sancti Marii, libras II deencenso 

» optimo, IIII de cera. — Ecclesia sancti Albani forcipes 

» et rasorium optimum vel XII denarios Ottonis monete. — 
» Ecclesia sancti Nicolai de Cornerio XII Mergonensis monete. 
» — Ecclesia sancte Marie de Pugetto XII denarios valenti- 

* nensis monete » L'acte se termine par ces mots : « Et ista 

» ordinavit Joannes sanctissimus presul » 

Une donation faite aux religieux de Bodon par le même prélat 
paraît se rapporter à l'année 851 , d'après cette indication : 
« Facta est donatio VII kal. aprilis anno XL régnante Clotario 
Karoli magni filio. » D'autre part, on lit dans le même acte : 
« Ipse namque Joannes dédit Deo et sancto Petro Cluniacensi 
» istas ecclesias *. » Or, l'abbaye de Cluny ne fut fondée que 
vers 910; Othon I ep ne commença à régner qu'en 892 , et c'est 
vers la même époque qu'on voit apparaître les comtes de Mel- 
gueil. 

Il est évident que cette charte n'a été rédigée que postérieu- 
rement et que le rédacteur, soit par ignorance, soit par tout 
autre motif, a rapporté à Jean II , évêque de Sisteron , tout ce 
qui concernait la réglementation des églises de la vallée de 
Bodon. Je laisse à de plus habiles le soin de discuter l'authen- 
ticité de cet acte, dont la date, en tout cas, est incertaine, et je 
ne l'ai cité qu'à cause de l'assimilation qui y est faite des mon- 
naies de Valence aux monnaies othoniennes et melgoriennes , 
dont la grande vogue correspond au XI e siècle. 

Raymond des Agiles , chanoine du Puy , originaire , dit-on , 
de Saint-Paul-trois-Châteaux , qui a écrit l'histoire de la pre- 
mière Croisade , dont il suivit les diverses péripéties en qualité 
de chapelain du comte de Toulouse , s'exprime ainsi en parlant 
des négociations entamées entre l'armée chrétienne en marche 
sur Jérusalem et le prince musulman de Tripoli : « Volebat 



(t) Collect. Peiresc, yoL II, fol. LXXIV, p. 309 (Bibl. de Carpentras), et 
Livre Vert de Sisteron. 

Tome VI. - 1872. 29 



434 société d'archéologie et de statistique. 

» nobis dare rex Tripolis quindecim millia aureorum sarracenae 
» monetae , praeterea equos et mulos et vestes multas et tributa 
» deinceps singulis annis multo his ampliora, si non expugna- 
» retur à nobis. Valebat quippe unus aureus octo vel novem 
» solidos nostri exercitus. Erat moneta nostra hœc Pictavini , 
» Cartenses, Mansei, Lucences, Valentinenses , Mergoresï et duo 
» Pogesii pro uno istorum 1 . » Ce récit se rapporte à l'année 
1099. Ainsi le numéraire emporté par lès premiers Croisés se 
composait seulement de six espèces de monnaies ; c'étaient sans 
doute celles qui étaient alors les plus répandues. 
• Les pièces poitevines sont au type carlovingien , quelles ont 
conservé jusqu'au XII e siècle; les riches mines d'argent de 
Melle alimentèrent longtemps les ateliers de cette ville , et les 
deniers qui y étaient frappés avaient une telle faveur que leur 
légende METALO fut adoptée par d'autres officines monétaires 2 . 

La monnaie melgorienne est mentionnée dans deux actes , 
l'un de 949 et l'autre de 963. Il est à présumer qu'à cette époque 
elle avait déjà une certaine vogue et que son origine est plus 
ancienne. C'est la monnaie seigneuriale qui fut la plus en 
renom dans le midi de la France , où elle devint d'un usage 
général au XI e et au |XII e siècle 3 . 

Puisque la monnaie de Valence a été exportée par l'armée 
des Croisés concurremment avec celles du Poitou et de Mel- 
gueil, on peut en induire qu'à la fin du XI e siècle sa notoriété 
était assez grande et que sa fabrication était importante. Elle 
est indiquée dans deux chartes du cartulaire de Domène, dont 
l'une a pour dates approximatives 1085-1 106 4 et l'autre 1105 &. 
La charte la plus ancienne du cartulaire de Die est datée du 15 



(1) Bongarsius, Gesta Dei per Francos, Hanoniœ, 1611, in-fol., 1. 1, p. 165. 

(2) Poey d'avant, Monn. féod. de France, t. II, p. 2 et suiv.; — 
de Barthélémy, Manuel denum. du moyen âge et moderne, in- 12, p. 198. 

(3) Germain , Mém. sur les anciennes monnaies de Melgueil et de Mont- 
pellier, 1852, in-4°, p. 5 et 6. 

(4) Cartulare monasterii beatorum Pétri et Pauli de Domina, Lyon , 
Perrin, 1859, in-8°, carta 165, p. 141. 

(5) Ibidem, carta 154, p. 131. 



MOHIUIES ANONYMES DES ÉVÊQCES DE YALEKCE. 435 

août 1145; elle contient une stipulation de 1,200 solidos Diensis 
vel Valentinensis monete i. La curieuse inscription de Crest re- 
lative au ban du vin accordé par Pierre , évêque de Die, par. ses 
neveux et par Guillaume de Crest aux habitants de cette ville 
se termine ainsi : « Pro hoc dono dederunt eis hommes Cresti 
» LX solidos Vakntinenses in testimonium sempiternum. » 
Pierre a été évêque de Die de 1164 à 1167 2. Dans la charte 23 
du cartulaire de Die, qui est de 1 187, on stipule le paiement de 
250 solidos promiscue monete Viennensium scilicet Valentinen- 
sium*. En 1193 , Raynier de Thoard, ancien prévôt de l'église 
de Digne , vendit à Guillaume de Turriès , abbé de Boscodon , 
et à ses moines la terre de Paillerol, située dans le territoire 
des Mées (Basses- Alpes) , moyennant la somme de quinze cents 
sols valentinois 4 . Dans le cartulaire de Saint- Pierre du Bourg 
il en est fait mention en ces termes , à la charte XVI, du 15 
avril 1207 : « -Insuper XIIII libras Valentine monete eidem 
» Aldeberto donavit 5 »; et à la charte XX, du 27 juin 1214 : 
« Hec vero discordia ita sopita fuit , quod ecclesia sancti Pétri 
» dédit prefato Aldeberto XIII libras Viennensis seu Valentine 
» monete quas ei sol vit in integrum 6 ». En 1226 , Bertrand , 
évêque de Die, donne aux Hospitaliers les églises, les do- 
maines, les cens et tout ce qu'il possédait à Valdrôme, se ré- 
servant seulement cent sétiers de blé , cent sétiers çle froment 
et une rente annuelle de VIII sous viennois ou valentinois ?. 



(1) Chariularium civitatis Diensis, publié par H. l'abbé Chevalier, Gre- 
noble, 1868, in-8°, ch. XII, p. 33-34. 

(2) Spon, Voyages d'Italie et de Gréa, etc., Lyon, 1678, in- 12, p. 17 et 
18; — Delacroix, Statistique de la Drame, Valence, 1835, in-4% p. 471. 

(3) Chartvlarium civitatis Diensis , p. 52-53. 

(4) Papon, Hist. de Provence, t. II, p. 596. 

(5) Cartulaire de Saint- Pierre du Bourg , publié par l'abbé Chevalier , 
1867-1872, in-8% p. 35. 

(6) Ibidem , p. 45. 

(7) Coluubi , De rébus gestis Valentinorum et Diensium episcoporum 
Lyon, 1638, in-4°, p. 103; — Idem, Opuscula varia historica, Lyon , 1674, 
in-fol., p. 299. 



436 . société d'archéologie et de statistique. 

Humbert III, son successeur, vend à Pierre de Sigoyer, prieur 
de Saillans, en 1238, le lieu de Véronne et la bastide d'Aigue- 
belle, moyennant la somme de LXXX livres viennoises ou valen- 
tinoisesi. On la trouve encore mentionnée dans la donation 
suivante, datée de Die le XIV des calendes de novembre 1256 
et qui est inédite : « Idcirco Nos Raymundus de Medullione , 
» nunc frater ordinis Predicatorum novicius non professus , 
» pensatis nostris delictis et predecessorum nostrorum ac cla- 
» moribus variis et foris factis persolvendis , ac aliis gravimi- 
» nibus terre nostre consideratis etiam hic et in omnibus, 
» necnon habito tractatu diligenti cum religiosis viris, per- 
» penso et deliberato etiam consilio , dilecte et karissime filie 
» nostre Saure , uxoris nobilis viri domini Pétri Ysoardi , do- 
» mini castri Days , donamus et concedimus jure liberalitatis 
» et portione divisionis de bonis nostris viginti quinque millia 
» solidorum Viannensis et Valentinensis monete, etc. 2 » 

Dans plusieurs des stipulations que je viens de reproduire , 
mais seulement à partir de la seconde moitié du XII e siècle , 
on laisse au débiteur la faculté de se libérçr, à son choix , en 
monnaie de Vienne ou de Valence. Il est donc à présumer que 
ces pièces avaient une valeur identique et que leur poids et 
leur aloi suivirent les mêmes variations. J'ai pu d'ailleurs le 
constater par l'examen attentif de plus de trois mille deniers ou 
oboles de ces deux villes et les nombreuses pesées comparatives 
que j'ai faites. Il en ressort également que la monnaie de Va- 
lence était plus répandue que celle de Vienne avant le milieu 
du XII e siècle , contrairement à l'opinion généralement accré- 
ditée , puisqu'elle était seule indiquée dans les actes antérieurs 
à cette époque. 

Quoique le type primitif ait été conservé presque jusqu'à la 
fin du monnayage anonyme , on remarque cependant des diffé- 



(1) Columbi , De rébus gestis Valentinorum et Diensium episcoporum , 
p. 106 ; — Opuscuta varia historica, p. 300. 

(2) Je possède l'original de cette charte , que je dois à l'obligeance de 
M. Emile Giraud. 



MONNAIES ANONYMES DES ÉVÈQUES DE TALENCE. 437 

rences de style. Ainsi , au début la forme des lettres se rap- 
proche du type carlovingien à l'époque de sa dégénérescence ; 
il y a ensuite une légère transformation correspondant avec la 
diminution du poids; les lettres sont alors moins épaisses et 
plus nettes ; les A sont barrés , et il y a plus de régularité dans 
l'ensemble. 

Après la réunion des évêchés de Valence et de Die en 1276 , 
cette monnaie n'est mentionnée que fort rarement , et la fabri- 
cation des pièces anpnymes, déjà moins active, dut bientôt 
cesser complètement. Les pièces nouvelles , d'un module plus 
grand, d'un type et d'un titre différents, furent frappées dès 
lors au nom du prélat placé à la tête de ces deux églises. La 
charte XL VII du cartulaire de Saint-Pierre du Bourg , datée 
du 6 décembre 1276 , emploie la périphrase suivante pour la 

désigner : « Inclusis censibus et usagiis hactenus ab ipsis 

» dari et solvi (solitis) dicto preposito et suis predecessoribus 
* quatuor libras usualis et currentis monete in ista civitate Va- 
» lentia in bonis denariis numerandis , et duos caseos de melio- 
» ribus ipsius domus Lioncelli ad valorem sex solidorum de 
p monetd supradictd *. » Ces expressions , si différentes de celles 
des documents précédents, n'indiquent-elles pas une trans- 
formation monétaire motivant la réserve que la somme soit 
comptée en bons deniers ? 

A partir de cette époque, la monnaie de Vienne est presque 
exclusivement désignée dans toutes les stipulations; elle était 
déjà fort usitée dans les provinces de l'ancien royaume de 
Bourgogne , où elle conserva longtemps la prépondérance , 
malgré l'introduction du système tournois, dont le denier avait 
au XIV e siècle une valeur supérieure d'un quart. 

Ce serait dans un diplôme daté de Besançon , le VIII des ca- 
lendes de décembre 1157, que Frédéric I er aurait concédé à 
Eudes, évoque de Valence, le droit de battre monnaie, suivant 
l'interprétation qu'en ont donnée les divers auteurs qui se sont 
occupés de la numismatique valentinoise , et leur opinion que 



(1) Page 90. 



438 société d'archéologie et de statistique. 

la première émission de ces pièces n'eut lieu qu'à la fin du XII e 
siècle repose entièrement sur cette base erronée. En examinant 
avec soin les termes de cette charte impériale, on y trouve 
plutôt une investiture et une reconnaissance de droits existants 
qu'une concession de droits nouveaux. Duby avait déjà émis 
cette opinion sous forme dubitative : il dit en effet que ce mo- 
narque accorda on confirme^ le droit de battre monnaie à Eudes de 
Chaponai 1 . Voici le passage qui y est relatif : « Venientem itaque 
» ad curiam nostram Odonem , ejusdem ecclesiae venerabilem 
» episcopum , débita honorifîcentia suscepimus , et consueta 
» benignitate tractavimus , acceptaque ab eo débita fidelitate 
» et hommagio , de omnibus regalibus et universis possessio- 
» nibus, qux tam antiquo quam moderno tempore visa est habere 
» Valentina ecclesia , plenariè eum investimm. Concessimus ita- 

• que praefato episcopo, et per eum omnibus successoribua 
» suis in perpetuum , civitatem Valentinam et quidquid infrà 
» ambitum ejus continetur, vel extra comitatum, videlicet, 
» ecclesias, abbatias, monasteria eum omnibus possessionibus , 
» eorum forum , mercatum , duella , monetam , naulos, thelonea, 
» pedagia, etc. * Suit une longue nomenclature de droits et 
de privilèges et l'énumération des localités inféodées à levêché 
de Valence : « Ne vero supradicta omnia aliqua valeant refra- 
» gatione convelli , sed débita stabilitate Valentinae ecclesiae 
» debeant permanere inconvulsa , omne auctoritatis nostrae 

• robur accommodamus et praesentis privilegii munimine saepe 
» dictae ecclesiae confirmamus, salva per omnia imperiali jus- 
» titia, etc. »; et plus loin : « Ut autem huic nostrœ confirma- 
» tioni nihil débitée valitudinis déesse debeat , etc. 2 » 

M. Hauréau résume ainsi cet acte : « Solemni diplomate 

• Fredericus , vel antiqua vel nova Valentinensis ecclesiae jura 
» confirmât 3 . » 

Chorier fait à ce sujet la réflexion suivante : « L'évêque 



(1) Monnaies des prélats et barons, 1. 1, p. 32 et 33. 

(2) Gallia Christiana, t. XVI, instrumenta, col. 105. 

(3) Ibidem, texte, col. 307. 



MONNAIES ANONYMES DES ÉYÉQUES DE VALENCE. 439 

» Eudes revint à Valence avec plus d'authorité. La volonté de 
» l'Empereur n'avait été jusqu'alors que présumée pour ses 
» prédécesseurs ; mais elle ne pouvait plus souffrir de doute *. » 

On sait que les empereurs d'Allemagne reconnurent à la plu- 
part des prélats et seigneurs qui leur rendirent hommage, les 
prérogatives régaliennes dont ils s'étaient emparés et qu'on 
aurait pu difficilement leur interdi^. S'il y a incertitude sur 
l'origine de ces droits pour les évêques de Valence , il est , en 
tout cas, suffisamment établi qu'ils en jouissaient avant l'ob- 
tention du diplôme de Frédéric I er . Ce monarque rappelle d'ail- 
leurs que ses aïeux avaient fait de grandes libéralités à cette 
église. C'est en d'autres termes qu'il confère en 1155 à Guigues 
V dauphin le droit de frapper monnaie : « Potestatem cudendi 
» et fabricandi novam monetam in villa quse dicitur Sesana , 
» quse sita est ad radicem montis Jani, quia ibidem moneta 
y fabricata non erat 2 . » C'est bien ici une concession nouvelle , 
faite d'une façon claire et précise. Les expressions vagues de 
l'acte de 1 J 57 n'ont certainement pas la même signification ; 
elles sont reproduites dans le diplôme accordé en 1238 par Fré- 
déric II à l'évêque Guillaume 3 . Il est donc vraisemblable que 
ces deux chartes sont simplement l'une et l'autre des actes de 
confirmation des privilèges de l'église de Valence. 

Il est difficile d'admettre, en présence de ces textes formels, 
que le droit de monnayage ne fût pas accordé exclusivement 
aux évêques. M. Rousset émet cependant l'opinion que la fabri- 
cation de la monnaie anonyme de Valence doit être attribuée à 
l'autorité municipale de cette ville. Il se base sur la légende 
VRBS VALENTIAI, qu'il traduit ainsi : urbs Valentia impe- 
rialis; et sur le type de l'aigle à double tête, qu'il croit à tort ne 
pas figurer sur des pièces aux noms des évêques de cette pro- 
vince 4 . Il donne le même caractère aux pièces de Vienne avec 



(1) Histoire générale de Dauphiné, t. 11, p. 59. 

(2) Valbonnays, Hist. du Dauphiné, t. I , p. 93. 

(3) Gallia Christiana, t. XVI, instrumenta, col. 113. 

(4) Voir Poet d'àvaxt, t. III, N." 4,677, 4,706, 4,716. 



440 société d'archéologie et de statistique. 

les légendes VRBS VIENNA, MAXIMA GALL; VIENNA, 
NOBILIS , et à celles de Besançon , CRISOPOLIS VRBS , et 
de Clermont, VRBS ARVERNA i. M. de Pina avait déjà soulevé 
ce doute 2 , sans adopter cette opinion , qui est combattue par 
MM. Long et Cartier. Ce dernier observe, à juste titre, que rien 
ne justifie cette hypothèse , qu'il aurait fallu appuyer avec un 
texte relatif à l'émission et au cours de monnaies municipales à 
Valence. Il ajoute que les prélats et barons eurent d'abord un 
monnayage anonyme, et que les pièces sur lesquelles on voit 
l'effigie ou le nom du patron de l'église principale sont épisco- 
pales. Il cite ensuite les monnaies de Foulques, comte d'Anjou , 
avec la légende VRBS ANDEGAVIS , et les deniers de Louis 
VI, frappés à Bourges, sur lesquels on lit : VRBS BITVRICA 3. 
M. Long, en donnant son adhésion à ces objections, fait observer 
qu'on ne connaît pas d'exemple de monnaie municipale à cette 
époque, même dans des villes beaucoup plus importantes ; qu'on 
peut également lire urbs Valentia illustris , ce qui ressemblerait 
à la légende Vienna nobilis , et qu'on trouve quelques-unes de 
ces pièces avec un aigle à une seule tête 4 . Poey d'Avant n'a 
pas abordé cette question , qui l'embarrassait peut-être. 

Le pouvoir municipal n'était pas assez fortement constitué au 
XI e et même au XII e siècle pour revendiquer un droit aussi 
important que celui de battre monnaie. Il n'en est d'ailleurs 
fait mention dans aucune charte des libertés ou privilèges des 
villes de l'ancien royaume de Bourgogne , et ce silence est la 
meilleure preuve de la non existence de ce droit et de son 
exercice. * 

La fabrication de la monnaie constituait souvent la source 
principale des revenus des seigneurs; aussi les prélats et barons 
s'en montrèrent-ils toujours fort jaloux et en usèrent exclusive- 
ment dans toute l'étendue de leur juridiction. Il me paraît donc 



(t) Bulletin de la Société de statistique de la Drame, t. IV, p. 89-90. 

(2) Monnaies du Valenlinois, p. 4. 

(3) Revue numismatique, 1844, p. 77. 

(4) Ibid., 1846, p. 357-359. 



MONNAIES AN OMÎMES DES ÉVÊQCES DE VALENCE. 44J 

incontestable que cette monnaie a été frappée par les évoques 
de Valence, qui se conformèrent à l'usage général , en la faisant 
anonyme au début et en indiquant seulement le nom de leur 
ville épiscopale et celui du patron de leur église *. 

Quant au type de l'aigle à deux têtes , symbole de l'empire 
d'Allemagne, transformé plus tard en celui de l'aigle à une 
seule tête et reproduit encore sur de% gros de Louis de Villars, 
on s'explique fort bien que dès le principe ils aient voulu 
placer leur monnaie sous cette égide protectrice ; l'usage et la 
tradition prévalurent ensuite pour la maintenir. On. retrouve 
le type de l'aigle simple non-seulement sur les monnaies de 
Valence postérieures à la réunion de cet évêché avec celui de 
Die, mais encore sur les monnaies des comtes de Valentinois 
et des évoques de Saint-Paul-trois-Châteaux , ainsi que sur les 
bulles de divers prélats ou barons de l'ancien royaume de 
Bourgogne. La légende des bulles des évêques tricastins est 
ÂQILA IMPATORIS ROMANI ; c'est donc bien l'aigle impé- 
riale que ces seigneurs plaçaient sur leurs monnaies et sur 
leurs sceaux pour rappeler la suzeraineté purement nominale 
des empereurs d'Allemagne , à l'aide de laquelle ils jouissaient 
des droits régaliens. 

L'imperfection du coin est telle qu'on distingue à peine les 
formes de l'aigle à deux têtes; presque tous les auteurs l'y ont 
néanmoins reconnu. M. G. Vallier a combattu le premier cette 
opinion généralement admise et a cru y voir un séraphin ou 
un ange quelconque 2 . M. J. Roman a adopté cette interpré- 
tation nouvelle et Ta développée dans le Bulletin de la Société 
d'archéologie et de statistique de la Drôme 3 , en l'étayant d'un 
raisonnement fort ingénieux , mais qui ne repose que sur des 
conjectures très-discutables. Il déclare, toutefois, que ces pièces 
sont d'un travail si grossier qu'on peut y voir un aigle à deux 



(1) Revue archéologique, 1. 1", 1844, p. 96. 

(2) Lettre adressée à M. de Longpérier, etc.; — Bulletin de V Académie 
delphinale, 2* série, t. III, p. 17. 

(3) Tome III, p. 380 à 383, 1 pi. 



442 société d'archéologie et de statistique. 

tètes aussi bien qu'autre chose. Il affirme cependant que sur 
plusieurs l'ange debout est fort distinct. Je n'ai pas été assez 
heureux pour en découvrir une seule dans les 1,200 que j'ai 
eues à ma disposition ; aussi je persiste encore à y reconnaître 
l'aigle à double tête. 

La légende VRBS VALENTIAI se trouve invariablement 
sur toutes les pièces de ce^type , et lai lettre I n'est jamais sé- 
parée du mot VALENTIA. Ne pourrait-on pas la considérer 
simplement comme la reproduction d'une légende irrégulière 
faite grossièrement au début et qui n'a pas été modifiée tant 
que le même type a été conservé ? C'est ce qui a eu lieu pour la 
monnaie melgorienne , qui , malgré sa grande vogue , présente 
constamment une légende si confuse qu'elle est presque indé- 
chiffrable. Il est même probable que le type spécial des mon- 
naies seigneuriales était gravé d'une façon grossière pour ame- 
ner une confusion si profitable à ceux qui émettaient ces pièces 
de fort mauvais aloi. D'autre part, de la fin du IX e au XI e siècle, 
les lettres sont informes dans toutes les légendes , et les noms 
allongés ou écourtés; l'I est surtout prodigué inutilement. En 
me restreignant au royaume de Bourgogne, j'indiquerai no- 
tamment ces légendes : . ARELA CIVIIS ; — ARIIAI GIIVII8; 
— COINRADVS; — HENIRICVS K Le mot VALENTIAI 
aurait donc été mis pour VALENTIA; les variantes VALEN. 
et VALENTIAE des pièces décrites par MM. Poey d'Avant 2 et 
J. Roman 3 rendent encore cette hypothèse plus vraisemblable. 

Je ne m'étendrai pas davantage 6ur ce monnayage, réservant 
les autres questions qui s'y rattachent pour un travail d'en- 
semble sur les monnaies des évoques de Valence , de Die et de 
Saint-Paul-trois-Châteaux , des comtes de Valentinois et des 
seigneurs de Montélimar. Je prie MM. les Membres de notre 
Société de vouloir bien me seconder dans cette tâche en me si- 



Ci) Poey d'Avant, t. III , p. 33, 34 et 78, N.« 4,777, 4,789 et 5,014. 

(2) H.- 4,706. 

(3) Bulletin de la Société d'archéologie et de statistique de la Drame . 
t. III, p. 380. 



MONNAIES ANONYMES DES ÉVÉQUES DE VALENCE. 443 

gnalant les pièces qu'ils posséderaient dans ces diverses séries 
et les documents inédits qui en concerneraient la fabrication et 
l'émission. La numismatique féodale offre un si vaste champ 
aux conjectures qu'on doit repousser toutes les interprétations 
qui ne reposent pas sur des actes authentiques ou sur des mo- 
numents métalliques. 

Ludovic VALLENTIN. 



444 société d'archéologie et de statistique. 



UNE LETTRE DE DES ADRETS 



Les troubles civils du XVI* Jîècle fe divifent en trois périodes diftinétes , 
caractérisées par trois hommes : des Adrets, Montbrun & Lefdiguières. 

Le premier a laiffé dans l'hiftoire « les plus fanglantes traces »; cepen- 
dant fa campagne ne dura que du 25 avril i562 au 10 janvier i563. 

Une lettre de lui , copiée & collation née par un notaire contemporain , 
trouvée dans les archives de Dieulefit , nous a paru mériter la publicité ; 
la voici en entier textuellement, moins la ponctuation : 

« Francoys de Beaulmont , feigneur des ,A.dres , gentil- 
homme ordinaire de la chambre du Roy, collonel des lé- 
gions du Daulphine, Provence, Lyonnoys & Aulvergne, 
gouverneur & lieutenent gênerai pour le Roy en Daulphine, 
& lieutenent de Monf/ le prince de Conde en larmee cres- 
tienne, affemblee pour le fervice de Dieu , la liberté & delli- 
vrance du Roy & de la Royne, fa mère, confervation de 
leurs eftats & grandeurs & de la liberté creftienne efdifts 
pays, a touts vrays & fidelles fubjefts du Roy daulphin 
noftre fouverain & naturel feigneur, aflbcies en la confeflion 
de foy des eglifes Refformees & zélateurs du repos & tran- 
quilite de ce pays de Daulphine, falut & paix en noftre 
Seigneur Jhefus Crift : 

» Comme defpuys qu'il a pieu a Dieu eftablir & fucciter 
en cedift pays de Daulphine le cuit & fervice divin , conduicl 
fellon fa vollonte , par la pure & (impie prédication du s 1 
euvangille de noftre Seigneur & Sauveur Jhefus Crift, foyt 
furvenu par laftuce de Sathan ung tel defordre en tout cedift 
pays de Daulphine que, fous umbre & couverture du nom 
creftien & fidelle , fe font commifes infinies concuflions , 
pilleries & violances, lefquelles, defchaffant toute juftice, 
commerce & ordre polliticque , ont engendre une pitoyable 



GHE LETTRE DE DES ADRETS. 445 

confufion , nourrie & entretenue de la mouelle & fubftance 
des fubje&s & vaffaulx de cedift pays; & daultant que 
navions ufurpe la charge a nous impofee pour en abuzer 
tyrannicquement , mais receue avecques toute reverance & 
humillite pour en temps & lieu rendre compte de lexercice 
& adminiftration dicelle, foubz laquelle neanmoingz les 
fufdifts abus, coulpes & malverfatlons peuvent eftre tirées 
en ligne de compte & répétées de nous , comme principaulx 
afferteurs & protecteurs des droicls & appertenences de 
cedift pays de Daulphine, tant en gênerai que particullier ; 

» Pour ces caufes, defirant en tant quen nous eft des- 
clarcir & rédiger en fidelle regeftre tout ce que ceft exerce , 
commis & perpètre en cedift pays, pendent le temps de 
notredicte charge, & pourvoir de remèdes & moyens com- 
modes & neceffaires, tant pour la fatisfaétion & recompence 
du paffe que compofition & ordonnance de ladvenir ; 

» Avons , par cefdi&es prefentes , indift & afligne , indi- 
fons & affignons ung colloque & affemblee générale en celle 
prefente ville & cite de Vallence, au quatriefme jour du 
moys de décembre prochainement venent, auquel jour déli- 
rons & entendons que touts & chafcuns , — foyent commu- 
naultes ou particuliers de cedift pays qui auront elle exces- 
livement grèves & oultrages en quelque forte & manière & 
par quelques perfonnes que foyt , fubjefts a noltre reffort & 
jurifdi&ion, fans aulcun en excepter, — puiffent apporter & 
envoyer par devers nous leurs plain&es, griefs & dolleances 
pour en avoir efgard & pourvoir tant qu'ils en puiffent re- 
tirer quelque contentement. 

» Pourquoy faire avec ung meilheur & plus s* ordre, 
nous mandons & du povoir a nous donne très expreffe- 
ment enjoignons aux confuls des villes & mandements de 
cediét pays de Daulphine , quils ayent a envoyer a ladiôte 
affemblee ung dentre eulx avec charges , memoyres & ins- 
tructions, lefquels ils reculheront dilligemment & fidelle- 



446 société d'archéologie et de statistique. 

ment de toutes & chafcunes perfonnes, les exhortans de 
fere procéder aux enqueftes neceffaires briefvement & fidel- 
lement fans aulcune acception de perfonnes, & par cas fem- 
blable que de chafcune eglife le miniftre avec ung diacre ou 
deppute ayent a fe trouver en ladi&e affemblee; en oultre, 
daultant que defirons & efperons avecques la grâce de notre 
bon Dieu rechercher dilligemment & foigneufement ad- 
vifer aux moyens & chemyns plus courts pour régir provi- 
fionnellement cediét pays, en quelque forme de plus agréable 
repoz; nous prions & au nom de Dieu adjurons toutes & 
chafcunes perfonnes de longue & courte robe, faifans pro- 
feffion de la crainfte de Dieu & amour envers la patrie , 
aufquels le Seigneur a defparti quelques grâces & quelques 
preheminences, defport ou fecultes temporelles, de fe trou- 
ver audift jour & lieu avecques nous & une très bone & s le 
afïiftance conférer, debatre & conduire ce que fe trouvera 
plus utille, requis & neceflaire pour le rappel & reftabliffe- 
ment du commerce, police & reiglement de cediét pays de 
Daulphine. Si donnons en mandement a touts fenefchaulx , 
baillifz, juges, chaftellains, viguiers, leurs lieutenents ou 
commis de cedift pays de Daulphine & chafcun en droift 
foy & comme luy appertiendra , que ces prefentes ils facent 
lire , publier & ligniflfier es lieux ordinaires & accouftumes , 
a ce que aulcun nen puiffe prétendre caufe dignorance. 
Donne a Valence le ving huiftiefme jour de novembre lan 
mil cinq centz foixante deux. — Les Adres. — Et peu plus 
bas : — ; Par commandement de mondift feigneur, Fleuri & 
feellees du feel des armes dudid feigneur des Adres. 

» Extrait de loriginal & collationne par moy 
Arnaud, notaire. » 

Des Adrets avait à cette époque quelques velléités de quitter la Réforme ; 
un certain embarras fe diffimule derrière la rhétorique de cette lettre. 

Le 10 janvier i563, Montbrun & Mouvans le font prifonnier, au mo- 
ment où il tentait de livrer Romans & Valence aux Catholiques. Transféré 
dans les prifons de Montpellier, il fut mis en liberté le 19 mars i563 , 
enfuite de l'édit de pacification. A. LACROIX. 



INDAKCmE. 447 



ANDANCETTE. 

Placée sur les bords du Rhône, en face d'Andance, dont elle 
tire son nom, la commune d' Andancette, créée par arrêté pré- 
fectoral du 16 septembre 1872, étend sou territoire dans une 
belle et fertile vallée, que protègent, à l'ouest, les montagnes 
de l'Ardèche, et, à Test, les coteaux élevés d'Albon et de Beau- 
semblant. 

La voie fluviale amena sur les rives du Rhône , dès les temps 
les plus reculés, les commerçants massaliotes, et Ton a décou- 
vert de leurs monnaies à Andancette et à Andance l . 

H. l'abbé Caillet n'est pas éloigné de croire que les deux 
agglomérations formaient à l'origine une seule et même bour- 
gade, comme à Bcrgoïate ( Bourg-Saint- Andéol). « Cette hypo- 
» thèse n'est pas, du reste, incompatible avec l'opinion qui 
» place à Andancette une station romaine, que la table théodo- 
» sienne appelle Figlinœ (fabrique de poterie; — un cachet de 
» potier, trouvé àDisart, près d' Andancette , porte cette ins- 
» cription : D. VSARNI) , entre Tain et Vienne. Le quartier qui 
% » occupait la rive gauche pouvait avoir son nom propre, quoi- 
» que ne formant qu'une môme bourgade avec celui de la rive 
» droite 2 . » 

Tout ce qu'il y a de certain à cet égard , c'est l'existence d'une • 
pierre milliaire,. trouvée en creusant les fondations du pont de 
Bonsay 3 , vers 1808 ou 1809, et dédiée à Caius Julius Verus 
Maœiminus, vainqueur de la Germanie, de la Sarmathie et de 
la Dacie , sorte de géant qui déracinait les arbres , terrassait dix 
hommes et broyait des cailloux entre ses doigts (235-238 ans 
après J. C). 

Elle porte IIIXX , que l'on a traduit par 17 milles. Celle de 



(1) L'abbé Caillet, Ruines et Légendes, p. 11. 

(2) Idem, p. 31. 

(3) Le nom vulgaire de ce torrent, sorti de la forêt de Mantaille, entre 
Lens-Lestang et Haaterives, est Bonsay et non Bancel. Ghorier l'appelle 
ainsi, d'ailleurs. 



448 société d'aichéologie et de statistique. 

Saint-Vallier, d'après Guy-Allard et Chorier, indique de son côté 
25 milles ; ce qui ferait 8 milles entre les deux localités. 

M. l'abbé Caillet cite deux inscriptions funéraires découvertes 
à Andancette, et toutes deux en l'honneur de femmes aimées : 
l'une rappelle Camille Augustille, âgée de 30 ans, et l'autre 
Selia Sexta. Augustille était sœur de Silenus Reginus, et Ses ta, 
femme d'Aldus Sabinianus. 

Des restes d'aqueducs , des vases antiques , des médailles , un 
beau médaillon de Tetricus , cité par M. de Pina , attestent l'im- 
portance d' Andancette à l'époque romaine et gallo-romaine *. 

M. l'abbé Caillet , à cause du vocable de Saint-André donné à 
la paroisse , y place le concile d'Épaone, tenu en 517. Mais une 
charte de Tan 882 met le territoire de ce nom à Anneyron fin 
villa et loco ubi dicitur Anarioni) 2 . 

Sous la féodalité, Andancette faisait partie du comté d'Albon, 
propriété des Dauphins. 

La paroisse n'est pas mentionnée dans le Pouillé du diocèse 
de Vienne , au XIV* siècle. 

En 1789, sa cure dépendait de l'archiprêtré de Moras. Une 
ordonnance royale , du 26 février 1823, en fit une annexe vica- 
riale , et une autre ordonnance, du 16 juillet 1846, une succur- 
sale. 

Le territoire de la nouvelle commune comprend 520 hectares 
de terres labourables, de bois et de vignes , et une population 
de 750 habitants. A l'époque de la batellerie, Andancette, à 
cause des routes qui y passent, était une halte; le chemin de 
fer P. L. H. y a, de son côté, placé une gare. 

On croit que le prieuré de l'Ile Marette se trouvait sur son 
territoire. Il y existe encore un domaine de ce nom. 

Un acte de la fin du XV e siècle nous apprend que ce prieuré 
et ceux de N; D. de Vais et Saint-Uze , d'Héras , de Sarras et de 
Bonnecombe-sur-Hauterives dépendaient de celui de Saint- 
Vallier s. 

A. LACROIX. 



(1) Stattstique de la Drame, au mot Albon. — De Pina, Leçons élémen- 
taires de numismatique. 

(2) Voir Charvet, Histoire de la sainte Église de Vienne. — À. Lacroix, 
La VaUoire, Courrier de la Drame du 18 juillet 1857. 

(3) Inventaire des archives départ, de la Drôme, II, S, 2456. 



J 



COMPTE-RENDU DE LÀ VINGT-TROISIÈME SÉARCE. 449 



VINGT-TROISIÈME SÉANCE. 

( 12 septembre 1872.) 



PRÉSIDENCE DE M. DE GALLIER. 

M. le Président donne lecture d'une lettre de M. le Ministre 
de l'instruction publique annonçant une allocation de 400 fr. à 
la Société : « J'ai été heureux , dit M. le Ministre , d'encourager 
y> ainsi les travaux de cette compagnie et de lui donner un 
» nouveau témoignage de mon intérêt. » 

Cette lettre est accueillie avec reconnaissance. 

Il est ensuite donné communication : des programmes des 
concours ouverts en 4872-73 par Y Académie des lettres, sciences, 
arts et agriculture de Metz, et en 1873 par la Société acadé- 
mique de Saint-Quentin; — et d'une lettre de Y Association 
française pour V avancement des sciences au sujet de sa pre- 
mière session , tenue à Bordeaux du 5 au 12 septembre. 

L'Assemblée reçoit, à l'unanimité, comme membres titu- 
laires : 

MM. Tripier-Lefranc, de Paris ; 

L'abbé Fillet, vicaire à Romans; 

Clément, 

Et Colomb (Victor) , de Valence. 

Et comme membres correspondants : 

MM. Berger, avocat général à Grenoble; 
Lamotte, docteur-médecin au Pouzin; 
Besset , architecte à Toumon ; 
Olivier , sous-chef au Ministère des finances ; 
Gauthier, huissier à Vaison. 

Les nouveaux membres proclamés ont tous donné des 
preuves de leur 'érudition et de leur amour de l'archéologie , 
des sciences et des lettres. 

Tome VI. - 1872. 30 



{50 société d'archéologie et de statistique. 

M. Vallentin, vice-président, à l'occasion de la découverte 

récente de 2,060 monnaies de Valence à Saint-Martin-l'Inférieur 

(Ardèche), fait une lecture très-instructive sur les monnaies 

trouvées et sur leur fabrication et leur usage. 

Ce travail, d'un vif intérêt, est publié dans le présent Bul- 
letin. 

De son côté, M. de Payan-Dumoulin fait connaître les ri- 
chesses paléontologiques de Clansayes et des environs. 

Son exposé oral, écouté avec beaucoup d'attention, a été ré- 
sumé par M. de Payan lui-même dans une note reproduite 
dans ce Bulletin. 



^>oS**r 



CHRONIQUE. 454 



CHRONIQUE. 

J'ai eu la visite de M. Fillol, de Sias, commune de Roche- 
sur- Buis, possesseur des 318 médailles dont une livraison 
précédente annonçait la découverte. Il allait vendre son petit 
trésor à Lvon. 

M. de Berlhe, notre collègue, ayant donné déjà des rensei- 
gnements complets sur ces médailles, je n'y reviendrai pas. 

M. Fillol a trouvé depuis, eu travaillant sa terre au môme 
endroit, une statuette en argent de la couleur de ses 318 mé- 
dailles, haute d'un décimètre environ , artistement travaillée, 
mais non massive, représentant un vieillard vénérable. Comme 
il tient un jeune enfant sur le bras droit et une fleur de lis à la 
main gauche, il a été pris pour saint Joseph. Je ne suis pas à 
même de contredire cette opinion. 

La Société n'ayant pas de inusée et surtout pas de ressources 
financières suffisantes, j'ai dû laisser, avec regret sans doute; 
s'éloigner M. Fillol et son trésor, en lui souhaitant les meil- 
leures chances possibles. 

Au témoignage de la Revue du Lyonnais , on vient de re- 
trouver, près de Villeurbanne, une table druidique ou pierre 
de sacrifice, et à Vienne une belle statuette de Minerve, achetée 
par un antiquaire lyonnais zélé et généreux , comme ils le sont 
tous. 

En creusant les fondations de deux nouvelles maisons au 
Cagnard, il n'a été retiré des constructions anciennes qui s'y 
trouvaient que le sommet d'une pierre tumulaire, portant 
Yascia et deux E ainsi disposés E 3. Le reste de l'inscription 
est peut-être "à jamais perdu. 

En face du monastère de Vernaison (caserne de gendarmerie 
actuelle), une demi-lune contenait un conduit d'eau et un es- 
pace demi-circulaire en ciment rouge. Qu'y avait-il là? Je 
l'ignore. 



'452 société d'archéologie et de statistique. 

A propos de fondations , j'ai oublié de dire l'année dernière 
que la partie inférieure de la tour Saint-Félix, à l'entrée de la 
rue de ce nom, n'avait rien de romain ni de gallo-romain. 

La démolition d'une partie de mur à la cathédrale n'a jus- 
qu'ici produit que deux ou trois fort jolis chapiteaux et des 
bribes d'inscriptions. Il s'agit de consolider l'édifice roman, que 
le clocher neuf et l'enlèvement de la chapelle Saint-Etienne 
avaient ébranlé. 

Puisque j'en suis au chapitre des antiquités, je vais transcrire 
une note de M. l'abbé Fillet relative au cippe de Grignan. Notre 
collègue, qui a si curieusement étudié le passé de cette inté- 
ressante localité , se refuse à y voir une pierre milliaire , pour 
les raisons suivantes : 

a \o Les pierres milliaires avaient au moins 6 pieds de haut, 
et celle de Grignan en a tout au plus 3, môme en tenant 
compte de la partie de sa longueur enfouie dans la terre, lon- 
gueur que j'ai constatée en piochant auprès. 

» 2° Cette pierre est d'un granit fin , noir et blanc , qui , ce 
me semble, ne devait pas être ordinairement employé pour 
cet usage. 

» 3o La taille excessivement polie de cette pierre convient 
parfaitement à une colonne de temple ou d'autre monument 
soigné , et peut-être moins bien à une pierre milliaire exposée 
à bien des injures. 

» 4<> La moulure demi-ronde à baguette qui orne la partie 
supérieure de cette colonne se retrouve- t-elle sur les pierres 
milliaires ? Les exemples que j'en ai vus sont négatifs. Au con- 
traire , elle allait très-bien à une colonne surmontée d'un cha- 
piteau. 

» 5° L'excavation pratiquée au centre de la face supérieure 
n'aurait-elle pas été destinée à contenir un clou de jonction et 
de consolidation avec le chapiteau que j'ai supposé au-dessus ? 

» 6° L'absence de voie romaine connue à Grignan ne fa- 
vorise-t-elle pas mes conjectures ? 

» 7° Enfin et surtout , l'absence bien vérifiée sur cette pierre 
de tout chiffre indicatif d'un quantième de mille ne s' opposé-t- 
elle pas absolument à ce qu'on voie en elle une pierre milliaire ? 



CHRONIQUE. 453 

» 8<> H. Allmer lui-môme, tout en y retrouvant une pierre 
milliaire (Bulletin., 4 e année, p. 458-60), reconnaît qu'elle n'a 
pas eu d'abord cette destination. Mais, de quoi peut-on induire 
qu'elle l'ait eue subsécutivement ? . 

» Tout en proposant ces réflexions aux maîtres chargés de 
décider une question fort importante pour l'histoire de Gri~ 
gnan », M. l'abbé Fi lie t s'abstient de tout jugement et attend , 
comme il convient à un élève respectueux, la solution désirée ; 
j'imiterai sa réserve. 

Mes nouvelles archéologiques épuisées , j'aborde sans transi- 
lion les études locales récemment publiées. 

Au premier rang se place la monographie des grottes de 
Soyons faite par M. le vicomte Lepic et par M. de Lubac sous ce 
titre : Stations préhistoriques de la vallée du Rhône, en Viva- 
rais ; — Châteaubourg et Soyons ; — Notes présentées au 
congrès de Bruxelles dans 'a session de 1872 (Chambéry, 
Perrin, 4872, 1 vol. in-4°, avec 9 planches). 

Ces deux honorables savants ont eu la gloire de populariser 
parmi nous les recherches préhistoriques, en mettant sous les 
yeux des curieux les premiers débris de l'industrie humaine , 
mêlés à des ossements d'animaux disparus. 

Le massif calcaire de la Goule , au-dessus de Châteaubourg , 
leur a fourni d'assez nombreux fossiles, mais aucun silex, parce 
que la première caverne avait été démolie avant leur arrivée. 

Us ont été plus heureux à Soyons , où les grottes explorées 
se trouvent dans les grès et calcaires (crétacés, à l'ouest du 
village. 

La grotte de Néron est à 70 mètres au-dessus du niveau du 
Rhône; elle a 35 mètres de long sur 11 de large et 9 de haut , 
et les objets dominants que MM. Lepic et de Lubac en ont ex- 
traits se rapportent au type du Moustiers , c'est-à-dire à la pre- 
mière époque des cavernes. Il y a , outre la pointe caractéris- 
tique, pouvant servir de racloir, de pointe ou perçoir, de 
couteau et de grattoir, des couteaux plus ou moins allongés , 
des scies forme couteau , des racloirs tinement retaillés , des 
pointes variées, etc., en silex pyromaque ou en calcaire schis- 



454 société d'archéologie et de statistique. 

teux, grisâtre, à grain serré, en quartz blanc, en quartz 
lydéen, en serpentine, etô. 

A côté de ces instruments encore imparfaits de la civilisation 
gisaient des molaires de rhinocéros Uchorinus (à narines cloi- 
sonnées), un fragment de diaphyse de fémur d'éléphant, des 
os abondants de cheval, une molaire de bouquetin, des bois 
tombés de renne et des os du même animal, une base de bois 
de chevreuil, des dents et ossements de trois espèces de cerfs , 
le fût osseux presque entier d'une corne du bœuf primigenius 
et des restes d'aurochs; des os et dents de Tours spelœus , de 
l'hyène spelœa, une portion de mâchoire inférieure de chien , 
des ossements de loup, etc. 

MM. Lepic et de Lubac décrivent ensuite la caverne des 
enfants, à quelques mètres au-dessus de la précédente, la 
double borne, le trou du mouton, le trou du renard, le trou 
Roland et les plateaux, et ils concluent que l'occupation hu- 
maine de Soyons s'est faite au milieu d'une faune quaternaire 
bien caractérisée d'animaux très-robustes et de grande dimen- 
sion , alors que les eaux du Rhône avaient déjà subi un abais- 
sement considérable; que l'absence d'os percés, travaillés et 
ornementés et de silex contemporains ne permet pas d'y re- 
trouver les époques de Solutré, d'Aurignac et de la Madeleine 
(grottes explorées); mais que, plus tard, les plateaux furent 
habités par de nouvelles peuplades, qui ont laissé dans les ca- 
vernes des traces de leurs mœurs et de leur industrie , avant 
d'être remplacées par les Gaulois et les Gallo-Romains. 

D'excellentes planches complètent ce travail intéressant, dont 
les auteurs ont bien voulu offrir un exemplaire à la Société. 

M. Arnaud, pasteur à Crest, a fait hommage à son tour 
1° d'une Notice sur David de Rodon, professeur de philosophie 
à Die, Change, Nîmes et Genève , né à Die vers 1600 et mort à 
Genève en 1663 (Nîmes, Clavel-Ballivet, 1872, broch. in-8°) ; 
— 2° d'une Notice historique et bibliographique sur les contro-. 
verses religieuses en Dauphiné pendant la période de l'édit de 
Nantes (Grenoble, E. Allier, 1872, forte broch. in-8°.). 

M. E. Berger, d'une Notice biographique su/r M. F. de Saint- 



CHRONIQUE. 455 

Ândéol et Étude critique des travaux de cet archéologue, 
Discours de réception prononcé à l'Académie delphinale (Gre- 
noble, Prudhomme, 1872, broch. in-8°). 

H. V.-F. Maisoneufve, de la Nouvelle Calédonie et les îles de 
déportation, avec une carte (broch. in-16, faisant partie de la 
bibliothèque populaire à 25 cent, le volume). 

M. l'abbé Chevalier, d'une Notice sur un missel de V église de 
Die imprimé au quinzième siècle. 

M. A. Grangeneuve, du Château de Crussol, prose et poésie. 

M. L. Alègre , d'un Discours prononcé à la distribution des 
prix du collège de Bagnols en 1869. 

M. Saurel, de la Vallée de VHuveaune (Marseille, Cayer et 
C>, 1872, broch. in-8°). 

Ces dernières publications , dues à des membres de notre So- 
ciété, témoignent assez éloquemment des efforts tentés pour 
faire connaître l'histoire locale , « la plus intéressante et la plus 
» utile de toutes. » 

M. Tripier-Lefranc m'annonce l'envoi prochain de deux mé- 
dailles en argent des portraits de Diane de Poitiers et de Henri 
II , son royal amant. 

De son côté, M. le docteur Lamotte, du Pouzin, promet 
d'enrichir le musée naissant de l'association de fragments de 
vertèbre et de tibia d'un ours, recueillis près de Crest , dans 
une couche argileuse de terrains glaciaires. 

OUVRAGES REÇUS PENDANT LE TRIMESTRE '. 

Revue des Sociétés savantes (t. III , mars-avril 1872). 

Mémoires de V Académie du Gard (novembre 1869, août 1870). 

Mémoires de la Société de statistique , sciences et a/ris du dé- 
partement des Deux-Sèvres (2 e série, t. XI, 1871). 

Bulletin de la même Société (N.<* 3 et 5, mars-mai 1872). 
« Mémoires de V Académie des sciences , belles-lettres et afts de 
Lyon (classe des sciences, t. XVIII ; classe des lettres, t. XIV). 

Bulletin de la Société des Antiquavres de Picardie (1872, 
N.<*let2). 



156 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Société des Antiquaires de la Morinie, Bulletin historique 
(77« et 78« livraisons; 79« et 80« livraisons). 

Annales de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles- 
lettres du dépa/rtement d'Indre-et-Loire (t. 51, N.°» 1, 2 et 3, 
4 et 5). 

Société de statistique de Marseille (procès-verbal de la séance 
du 6 juin 1872 ; procès-verbaux des séances tenues en 1838 , 
1844, 1846, 1849 ,1851, 1853, 1856, 1858;. 

— Système et méthode de recherches statistiques. 

— Rapport sur un projet de statistique permanente. 

— Compte-rendu des travaux pendant Vannée 1833. 

— Répertoire des travaux de la même Société (t. 34, 1872). 
Journal mensuel des travaux de V Académie nationale (sous 

la direction de M. P. Aymar-Bression , juin , juillet et août 1872) . 

Lettre à M. de Caumont (Aix, Remondet-Aubin , 1868). 

Une cité primitive : les Achéens en Crète, par M. Léon 
Thénon. 

Notice sur divers monuments de ^époque celtique dans le 
département de l'Aisne, mémoire de M. Peigné - Delacouht 
(Paris, Durand, 1864). 

Sur l'inscription du monument de Mgr. dUnguimbert à Car- 
pentras, par M. l'abbé Rose (Pont-Saint-Esprit, Gros, 1859). 

Verrières de la Rédemption à Notre-Dame de Châlons-sur- 
Marne, par Didron aîné (Paris, Didron, 1864). 

Notice sur un sceau de Gilles , évoque d'Alet (1525-1531), par 
M. E. Germer-Durand (Paris, Boucquin , 1854). 

Ces dernières brochures archéologiques ont été données à la 
Société par M. V. Colomb, de Valence. 

Romania (prospectus d'un recueil trimestriel consacré à 
l'étude des langues et des littératures romanes, publié par 
Paul Meyer et Gaston, Paris). 

L'Arrondissement de Montélimar, t. u, vient de paraître. 

A. LACROIX. 

Errata : p. 377 , Margerie au lieu de Marjerié. 

p. 393, Roumanille au lieu de Roumaniville. 



TABLE ALPHABÉTIQUE 

DES MATIÈRES OU VI e VOLUME. 



ANNEE 187S. 



Andancette, par H. A. Lacroix, p. 447. 

Chronique , par H. A. Lacroix, 117, 206 , 331 , 451 . 

Comptes-rendus des séances, 21«, 116, 22«, 329, 23* , 449. 

Bertrand de Garrigue , voir Saint Bertrand. 

Dauphiné (le) en 1698, par M. Brun-Durand, 315, 404. 

Description de Valence par Claude Rogier , annotée par H. 
guilleminet, 121. 

Essai historique sur la baronnie de Clérieu et sur les fiefs qui 
en ont dépendu, par M. A. de Gallier, 217, 337 (fin). 

Etymologies des noms de lieu de la Drôme , par M. dr Coston , 
5 (fin). 

Fossiles de Clansayes et des environs.— Notes par M. de Payan- 
Dumoulin , 422. 

Inscription (une) a Cléon-d'Andran , par M. Allmer, 114. 

Inscriptions diverses, lettre de M. Allmer, 267, 354. 

Jeton de Hagdelaine de Poitiers, fille de Diane, par H. Roman, 
264. 

Lettre de des Adrets , 444. 

Nécrologies : M. Tracol, 194; — M. de Persigny, 195;— M. de 
Terrebasse , 197 ; — M. Jouve, 201 ; — M. le duc iïUzès, 328 ; — 
par H. A. Lacroix. 

Notice historique sur le couvent de Sainte-Claire de Romans, 
par le docteur Chevalier, 184, 255.