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Full text of "Bulletin d'archéologie et de statistique de la Drôme"

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SOCIÉTÉ DÉPARTEMENTALE 

D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE 



T>E UA c D c RO(ME 



TOME TRENTE-QUATRIÈME 






VALENCE. — IMPRIME Ri E JULES CE AS ET FILS 



BULLETIN 



DE LA 



SOCIÉTÉ h>ÉToA%TEmEV<lTvlLE) 

D'ARCHÉOLOGIE 



ET 



DE STATISTIQUE 

DE LA DROME 



Colligite ne pereant. 



TOME TRENTE-QUATRIÈME 



1900 




VeALEViCE 



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AU SECRETARIAT DE LA SOCIETE, RUE FARNERIE, 3 1 



M.DCCCC 



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LE BOURG ET L ABBAYE DE ST-ANTOINE. 



LE BOURG ET L'ABBAYE 

DE 

SAINT-ANTOINE 

PENDANT LES 

GUERRES DE RELIGION ET DE LA LIGUE 

(i562-i5g7) 



«•Me 



(Fin. — Voir les 12 a* à 131* livraisons) 



CHAPITRE XIV (i 5 9 2-i 597) 

Prétentions de d'Ornano sur le temporel de l'abbaye de 
Saint- Antoine ; résistance du grand prieur des Goys. 
Dernier contre-coup de la guerre a Saint-Antoine ; 
passages de troupes ; refus de recevoir celles qui se 
présentent sans commission régulière. Vif incident qui 
menace de dégénérer en rixe sanglante. 

CONCLUSION : mort de l abbé Louis de Langeac et élec- 
tion de son successeur, Antoine Tolosain. 

La protection particulière dont le colonel-gouverneur 
semblait vouloir redoubler les manifestations envers 
Saint-Antoine, n'était peut-être pas sans mélange de vues 
personnelles. Nous avons même des raisons de croire 
qu'il avait en cela une arrière-pensée bien extraordinaire 
chez un homme de sa condition : celle de se ménager 
comme un droit de patronage sur l'abbaye, toujours si 
puissante malgré ses désastres récents et la décadence in- 
térieure qui déjà en préparait la ruine. 



6 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

En tout cas, une circonstance éveilla bientôt chez 
d'Ornano l'ambition de s'immiscer directement dans les 
affaires de l'abbaye en essayant de s'en rattacher toute 
l'administration temporelle. L'abbé régnant depuis près 
de quarante ans, messire Louis de Langeac, qui se trou- 
vait plus volontiers à la suite des princes de la ligue que 
dans son abbaye, venait de tomber entre les mains des 
gens du roi prétendant, et il était retenu prisonnier à 
Champlitte (i). D'Ornano crut que, de ce fait, l'abbaye 
était vacante; il en sollicita la concession pour lui auprès 
de Henri IV et l'obtint sans peine. Mais le plus difficile 
était de se faire accepter, lui laïc, étranger et homme de 
guerre, par les religieux si jaloux de leurs libertés et de 
leurs prérogatives. 

Pour commencer, il se résolut à ne faire valoir qu'une 
partie de ses prétentions; partie qui, à vrai dire, était de 
beaucoup la principale à ses yeux : il envoya deux offi- 
ciers civils, M e Claude de la Grange, lieutenant parti- 
culier au siège de Saint-Marcellin, et son propre secrétaire, 
Gauvin, pour « commettre un économe au régime et 
administration des fruits de l'abbaye. » 

A leur arrivée à Saint-Antoine, le 4 décembre 1692, 
les deux envoyés trouvèrent les religieux réunis pour les 
recevoir « en la grande cour de la maison abbatiale. » 
Le lieutenant de la Grange t leur fit entendre la cause 
de sa commission, la charge qu'il avoit et le désir que 
mond. s r le colonel a au soulagement dud. lieu, tant pour 
la conservation du monastère que des habitans de la ville, 
et les pria, suivant sa charge, d'y nommer un économe à 
leur gré et volonté, que mond. s r le colonel le tiendra 



(1) C'est à Gray en Franche-Comté, a où il s'estoit retiré à cause des 
troubles » (p. 307), que l'abbé de Langeac fut pris en 1592 ; envoyé 
de là à Champlitte près de Langres, il fut remis en liberté peu après, 
moyennant une rançon de a 12,000 écus. » 



WËÈM 



LE BOURG ET L'ABBAYE DE ST-ANTOINE. 7 

pour agréable. » — Le grand prieur, M. Gratian des 
Goys, vicaire général de l'abbé absent, répondit simple- 
ment à ce discours qu'il avait a preste vœu et juré fidélité 
et obeyssance à son prélat et qu'il ne pouvoit, sans le 
consentement d'iceluy, consentir lui-mesme à telle pro- 
cédure; mais qu'il en demandoit copie, et que, pour ce 
qui regardoit mond. s r le colonel, il estoit son humble 
serviteur, le priant de l'excuser. » Les autres religieux, 
« pour le corps du couvent, » parlèrent ensuite dans le 
même sens, et le lieutenant de d'Ornano dut rentrer à 
Saint-Marcellin, sans avoir rien conclu. 

Cette fière attitude et ce calme résolu chez nos religieux 
de Saint-Antoine firent-ils comprendre au colonel-gou- 
verneur qu'il se fourvoyait et que son ingérence ici ne 
pouvait être qu'odieuse? Ou bien la mise en liberté de 
l'abbé de Langeac, qui arriva peu après, lui permit-elle 
de se désister, en sauvant au moins les apparences?... 
Nous ne voyons pas qu'il ait donné suite à cette affaire, 
dans laquelle son but était trop visiblement l'augmen- 
tation de ses propres revenus. 

Les derniers efforts de la ligue expirante, en Dauphiné, 
ne se faisaient plus sentir maintenant que dans la vallée 
du Graisivaudan et sur les frontières de Savoie (i); mais 
c'en était assez pour tenir en haleine les troupes réunies 
de Lesdiguières et de d'Ornano, et pour nécessiter, même 
loin du théâtre des opérations, ces déplacements et ces 
passages de troupes toujours si onéreux aux pays traver- 
sés. Mais Saint- Antoine n'oubliera pas, à l'occasion, que 
ses derniers désastres lui sont arrivés surtout par défaut 
de précaution à l'endroit des bandes armées, réguliè- 
res ou non, qui couraient la région. Bien instruits dé- 



(1) C'est le moment des grands succès de Lesdiguières aux batailles 
d'Exilles et de Pontcharra. 



8 société d'archéologie et de statistique. 

sormais et forts de l'expérience que donne répreuve, 
avec le même courage, la même énergie qu'autrefois dans 
les beaux jours, et soutenus d'ailleurs par l'approbation 
assurée d'avance du colonel-gouverneur, les habitants du 
bourg vont se montrer intraitables sur la question de lo- 
gement et feront valoir, dans toute son étendue, les pré- 
rogatives de leur sauvegarde. 

Un jour, sur la fin du mois de juillet, un détachement 
de l'armée royale qui s'était disloquée, après la prise du 
Pont-de-Beauvoisin , approchait de Saint-Antoine; son 
chef, le comte de Grignan, fit prendre les devants à trois 
gens d'armes de sa compagnie, avec ordre de préparer les 
logements au bourg. Les habitants répondirent à cette 
demande en exhibant leur privilège d'exemption ; et, 
comme les gens d'armes prétendaient n'en pas tenir 
compte, ils les rejetèrent dehors sans plus de façon. 
Quand, un peu plus tard, la compagnie entière se pré- 
senta, les portes du bourg étaient soigneusement fermées 
et défendues ; les arrivants firent bien, un instant, « les 
mauvais garçons » et montrèrent leur méchante humeur 
en essayant de mettre « le feu à la porte de Romans, par 
certaine paille qui estoit lors au chemin ; » mais devant 
la contenance assurée de la ville, ils se résignèrent à pas- 
ser outre. 

Le lendemain, ce sont les gens de M. de La Baume et 
de la garnison de Romans qui viennent à leur tour et de- 
mandent à loger; ils sont accueillis comme ceux de la 
veille et forcés d'aller ailleurs. 

A plusieurs reprises, nous voyons encore notre petite 
ville maintenir fièrement son droit de sauvegarde, et ne 
pas même reculer pour cela devant les moyens de ri- 
gueur. Le t er janvier i5g3, vingt soldats « incogneus, » 
étant venus sur le tard et ne pouvant justifier d'une com- 
mission en règle, sont immédiatement et sans autre for- 
malité reconduits en dehors de l'enceinte. Trente autres 



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LE BOURG ET l' ABBAYE DE ST-ANTOINE. g 

soldats qui les suivent, doivent pareillement continuer 
leur chemin et aller chercher un logement jusqu'à Mont- 
miral, etc. lien fut de même, le 23 mars suivant, pour 
un capitaine corse du nom deMontio, qui, par vengeance, 
alla établir sa compagnie à quelque distance, au château 
de la Rivoire, et s'obstina à y demeurer jusqu'à ce qu'on 
lui eue passé une obligation de cent écus, auxquels il pré- 
tendait avoir droit. 

Une autre fois, 3 juin, Saint- Antoine, ayant eu de nou- 
veau le téméraire courage de résister à des soldats corses, 
faillit devenir le théâtre d'une rixe sanglante. Ces soldats 
au nombre de trente, sous la conduite d'un lieutenant, 
étaient venu réclamer, outre le logement, 486 écus 40 sols, 
que leur compagnie avait en arriéré sur les dernières 
assignations. On eut très probablement accordé le loge- 
ment à cette troupe, parce qu'elle appartenait à la garde 
même du colonel-gouverneur , et que, de ce chef, elle 
était censée avoir de lui commission expresse; mais la 
demande d'argent parut exorbitante, et la réponse fut un 
refus couvert où l'on reprochait surtout aux soldats d'être 
venus « en si grand nombre » — (ils u'étaient que trente) 
— pour lever une assignation. 

Les corses, naturellement violents, ne purent alors con- 
tenir une explosion de colère : « ils vouleurent faire les 
mauvais ; » mais le peuple se fâcha de même : il s'amasse 
d'un côté, pendant qu'eux vont « se retrancher vers le 
puy en la basse rue, » saisissent les avenues et se logent 
dans trois maisons. Le peuple exaspéré voulait les tailler 
en pièces ; et comme eux prenaient pareillement leurs 
dispositions pour une défense acharnée, une lutte terrible 
était imminente. Heureusement les autorités du bourg 
intervinrent alors : par leurs « remonstrances, » ils réus- 
sirent à contenir la foule et décidèrent les soldats à ne lais- 
ser que deux des leurs pour prélever l'assignation. Cepen- 
dant, comme c'était le soir, les corses demeurèrent, pour 



10 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

cette nuit, dans les maisons où ils s'étaient retranchés ; et 
nos habitants, reprenant aussitôt des sentiments de conci- 
liation et de justice qu'ils n'auraient pas dû quitter, té- 
moignèrent de leurs bonnes intentions et peut-être de leur 
repentir en fournissant à leurs hôtes tous les vivres néces- 
saires (i). 



Nous devons arrêter là le récit des événements sur- 
venus à Saint-Antoine pendant les guerres de religion et 
de la ligue; déjà même, dans les derniers épisodes, nous 
sommes sortis quelque peu du cadre tracé par notre titre, 
puisque la conversion du roi Henri IV au catholicisme 
(août i5g3), et son sacre (27 février 1594), en enlevant 
désormais tout prétexte à la ligue, donnait plutôt un ca- 
ractère de révolte à la poursuite de la guerre, et à ses par- 
tisans un rôle de séditieux. 

D'ailleurs, Saint-Antoine ne prend plus maintenant 
qu'une part très indirecte au mouvement extérieur, et 
nous nous contenterons de placer, comme en épilogue, le 
récit d'un fait capital pour l'abbaye, et qui coïncide assez 
exactement avec l'année où nous a conduit cette étude. 

En 1597, en effet, après une élection régulière et solen- 
nelle, l'illustre Antoine Tolosain succédait, dans le gouver- 
nement abbatial, au trop peu religieux Louis de Langeac, 
et, après les années si désastreuses du règne précédent, 
semblait prédestiné par le ciel pour réparer les ruines 
morales et matérielles, pour rendre à tout l'ordre de 
Saint-Antoine quelque chose de son ancienne splendeur 
et de sa première sainteté. 



(1) Braves cœurs au fond, ces habitants de Saint- Antoine ! énergiques 
dans leurs revendications, mais plus amis encore de la conciliation et 
des moyens d'entente, quand la réflexion permettait à leur bon sens de 
s'élever au-dessus de préventions inintelligentes ou des conseils mal 
intentionnés. 



LE BOURG ET l'aBBATE DE ST- ANTOINE. I I 

Messire Louis de Langeac, abbé de Saint-Antoine 
depuis l'année 1 559, ^ ta ^ mort à Paris le 24 septembre 
1 5q7 « sans avoir pourveu ny résigné aulcun bénéfice 
pour régir le siège vacquant. » La nouvelle n'en parvint 
à l'abbaye que seize jours après, le vendredi 10 octobre, 
et MM. les religieux composant le chapitre s'assemblèrent 
aussitôt « capitulairement » pour l'élection des « vicaires 
régens, » conformément aux statuts de l'ordre. 

Furent élus : « MM. frère Antoine Grillet, comman- 
deur de Chambéry (•), Balthazar du Cluzel, commandeur 
de Grenoble, au lieu du s r grand prieur [décédé], et frère 
François Roy, recteur de Saint-Laurens » et comman- 
deur de Tro/es (2), avec les mêmes pouvoirs « que le dé- 



(1) Antoine Grillet était commandeur d'Annonay dès le 20 janv. i588, 
et encore le 12 juillet 1595 (vol. i5o,5, f. 48); — commandeur d'Aube- 
nas en 1595-99; or, il nous est donné ici, en oct. 1597, par Piémont, 
comme commandeur de Chambéry. D'autre part cependant, Jean de 
Loyac, auteur d'une vie du P. Tolosain, Le bon prélat, etc., pp. 61, 
89, attribue cette commanderie en 1596 et la fonction remplie ici par 
Antoine Grillet, au P. [Antoine] Anisson. C'est là une double erreur 
qu'Eust. Piémont réfute lui-même dans ses Minutes (vol. 1589 et suiv. 
passim), d'où il conste que, pendant ces sept années, frère Antoine 
Anisson était commandeur de Chambéry, et en môme temps ouvrier 
et commandeur de Gap, jusqu'à sa mort arrivée au mois d'août i5g7, 
(vol. 1598, f. 9). Antoine Grillet mourut le 10 oct 1599. Il était alors 
régent et ouvrier, et il n'avait été commandeur de Chambéry qu'à la 
fin de 1597. — Ces inexactitudes multiples ne prouveraient-elles pas 
qu'Eustache Piémont n'écrivait ses Mémoires que longtemps après les 
événements ? 

(2) Frère François Roy ne fut pourvu de la commanderie de Troyes 
qu'à la fin de cette môme année 1597 {Répert, gén. d'Eust. Piémont, 
fol. 3 12, v°) ; car l'abbé Louis de Langeac fut jusqu'à sa mort com- 
mandeur de Lyon, Aumônières, Troyes et Paris, où il décéda. — Di- 
sons encore un mot du frère Fr. Roy, dont le nom est passé si sou- 
vent sous notre plume. Originaire de Saint-Antoine, il était fils d'Au- 
dibert Roy et de Claude Bertalle. Il remplit de nombreuses charges 
dans son ordre et mourut le dim. 28 sept. 161 4 « 70 ans après la pro- 
fession de sa relligion, et de son aage 85. » (vol. 1604, sur la couver- 
ture.) — « Le mardi, 30 dud., à la messe de prime, le corps a été mis 
dans l'une des quatre tumbes, dans la grande esglise. » Livre de raison 
de feu M, de St-Laurent, cité plus loin. 



12 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

functabbé pour administrer et conférer les bénéfices, créer 
religieux, admettre à profession, » etc. (i). 

Quatre jours après, c'est-à-dire le mardi 14 octobre, on 
tint un autre chapitre extraordinaire pour décréter que 
Télection du futur abbé aurait lieu le lendemain, à huit 
heures du matin, dans la chapelle de Saint-Michel, et que 
tous les religieux <c cloistriers et prestres, » actuellement 
présents à Saint-Antoine, y prendraient part par voie de 
scrutin (via scrutinii). Et afin que nul ne vînt ensuite 
prétexter ignorance après l'acte accompli, le même cha- 
pitre ordonna que son décret de convocation serait publié 
par « le s r chambrier adsisté du secrestaire dud. cha- 
pitre » et que l'on en mettrait des « affiches par les carre- 
fours et à la grande porte de Tesglise. Ce qui fust faict. » 
On procéda ensuite à la désignation de quatre promoteurs, 
pour représenter dans l'élection chacune des quatre lan- 
gues que comprenait l'ordre, et ce furent : pour la France, 
frère André Buisson, grand sacristain ; pour l'Italie, frère 
François Roy, commandeur de Troyes ; pour l'Espagne, 
frère Antoine de Gramont, commandeur de Vienne ; 
pour l'Allemagne, frère Antoine Grillet, commandeur de 
Chambéry. Les trois commandeurs de Chambéry^ de 
Troyes et de Vienne furent aussi désignés pour scruta- 
teurs. Enfin, deux notaires furent nommés pour recevoir 
les actes de l'élection : M e Pierre Chabrey, de Saint- 
Antoine, et notre annaliste Eustache Piémont, qui s'inti- 
tule de plus ici « secrestaire dud. chapitre. » 

Le lendemain donc, à l'heure fixée par la proclama- 
tion de la veille, les capitulants assistèrent tous à la 



(1) « De quoy j'ay receu l'acte de l'eslection et nomination en forme », 
ajoute Piémont, (p. 421). On peut en voir une copie aux Arch. du 
Rhône, H, fonds de St-Antoine, carton 214 : « Formulaire » coté « H. 
i83o. » Tous les actes concernant cette élection de i'abbé Tolosain 
étaient contenus dans le vol. 1597 d'Eust. Piémont ; cet important vo- 
lume a malheureusement disparu (avec plusieurs autres) ! 



LE BOURG ET L' ABBAYE DE ST-ANTOINE. l3 

grand'messe du Saint-Esprit et y communièrent, car il 
n'y eut pas d'autres messes, ce jour-là, à l'abbatiale; 
après quoi, ils entrèrent un à un « au revestiaire, » c'est- 
à-dire dans la chapelle Saint-Michel, qui était le lieu 
ordinaire des assemblées, et s'assirent à leur place res- 
pective. 

Le commencement de la séance fut encore consacré à 
deux formalités préliminaires : d'abord le choix de deux 
témoins laïcs ce adsistans à lad. eslection » et qui furent 
noble Claude de la Porte, seigneur de l'Arthaudière, et 
M. M Antoine Brenier, docteur es droit, avocat à Saint- 
Marcellin ; puis, le serment prêté par chaque religieux 
« sur l'effigie Nostre-Seigneur....de procéder sainement, 
suivant leurs statuts, à eslection d'un futur abbé, homme 
digne et capable pour telle charge, profex dud. ordre, et 
par M" les tesmoins et notaires ne révéler le secret et les 
voix de l'eslection qu'elle ne soit faicte et publiée. » 

L'élection eut lieu immédiatement après, et voici le 
cérémonial et la forme qu'on y observa. Une table avait 
été préparée pour l'opération du scrutin derrière le maître- 
autel de l'église; les membres de ce que nous appelerions 
le bureau, c'est-à-dire les trois scrutateurs avec les deux 
témoins et les notaires, prirent place auprès de cette table. 

Les religieux furent ensuite appelés individuellement, 
selon leur rang d'ordre. Ils renouvelaient, au nom du 
Sacrement qu'ils venaient de recevoir, le serment déjà 
prêté de n'élire qu'une personne digne et capable, et 
déposaient leur vote rédigé par écrit entre les mains des 
scrutateurs. Chaque religieux signait après avoir voté, et 
s'en retournait à sa place au revestiaire, sans que l'élec- 
teur suivant pût savoir « ce qu'avoit dict et nommé 
l'aultre. » 

Quand tous les votes eurent été déposés de la sorte, et 
les religieux de nouveau rassemblés au revestiaire, les 
scrutateurs et leurs assistants s'y transportèrent à leur 



14 société d'archéologie et de statistique. 

suite, pour présider au dépouillement des bulletins; ce 
qui fut fait par le secrétaire de l'abbaye, c'est-à-dire par 
Eustache Piémont lui-même, auquel nous empruntons 
tous les détails de ce compte-rendu. 

Le résultat fut que l'unanimité des suffrages, moins une 
voix ((), se trouvèrent réunis sur la personne du « Révé- 
rend Père frère Antoine Tolozan..., docteur en théologie, 
homme doctissime » et universellement estimé dans l'or- 
dre, bien qu'il n'eût encore que quelques semaines de 
profession (2). Aussitôt, les quatre promoteurs, au nom 



(1) La voix de Pélu fut donnée à noble frère Antoine de Gramont, 
commandeur de Vienne, et non grand prieur, comme l'affirment Dassy, 
V 'Abbaye..., p. 277 et J. de Loyac, Le bon Prélat, p. 5o, i3o. On sait 
qu'Antoine de Gramont devint, en 161 5, le successeur du P. Tolosain 
dans la charge abbatiale. 

(2) Le P. Antoine Tolosain était issu de la noble famille des Tolosany, 
de la ville de Carmagnole, en Piémont. Il naquit à la fin de 1 555 dans 
la ville de Castelnaudary, en Languedoc, où son père remplissait alors 
les fonctions de juge majeur. Après avoir été quelque temps chez les 
PP. Jésuites, Antoine Tolosain s'adonna à la prédication et parut avec 
succès dans les chaires de Soissons, Laon, Rouen, Orléans, Reims et 
Paris. Il vint ensuite à Vienne en Dauphiné, où il se lia d'amitié avec 
l'archevêque Pierre de Villard et prêcha en diverses villes de la pro- 
vince. A Romans il entama une lutte énergique contre les huguenots, 
et c'est de là qu'il sollicita et obtint, par l'intermédiaire de Pierre de 
Villard, son admission dans Tordre de Saint-Antoine. Il reçut l'habit de 
religion des mains d'Ant. Anisson, commandeur de Chambéry et vicaire 
général de l'abbé absent, le samedi dans l'octave de l'Ascension (25 mai 
1 5g6). Son année de noviciat s'écoula par dispense en grande partie à 
Romans, où il continuait le cours de ses prédications. Quand il fit pro- 
fession, le 8 sept. 1597, entre les mains d'Ant. Grillet, commandeur 
d'Aubenas, aussi vicaire général de l'abbé, il voulut « par humilité » 
changer son nom de Tolosany en celui de Tolosain. -Peut-être voulait-il 
simplement donner à son nom une désinence française. C'est ainsi que 
la ville de Lyon possède aujourd'hui la rue Toloçan et la place Tolo- 
\an, et aussi la rue Gasparin, nom qui lui est venu sans doute de la 
célèbre famille lyonnaise Gasparini, d'origine italienne. — Parmi toutes 
les variantes du nom de notre pieux abbé, nous adoptons de préférence 
la forme Tolosain, car c'est ainsi qu'il se signait lui-môme. Cf. les 
Minutes d' Eustache Piémont, passim. 

Nous empruntons ces détails, à deux sources jusqu'ici inconnues, et 
que vient de retrouver un de nos confrères, dom Germain Maillet-Guy, 



LE BOURG ET i/ ABBAYE DE ST-ANTOINE. l5 

des quatre nations, se levèrent de leurs sièges et « dirent 
qu'ils approuvoient lad. eslection comme saincte et venue 
par le Sainct-Esprit. » 

Après cette reconnaissance officielle, mais privée, res- 
tait à accomplir la proclamation publique; on voulut y 
procéder sans retard, pendant que le peuple était assemblé 
dans la grande église. Les religieux allèrent se ranger 
dans leurs stalles au chœur, et le P. François Roy, étant 
monté « sur la turbine » c'est-à-dire au jubé, « où l'on 
avoit préparé un tapis vert, » fit la déclaration solennelle 
de l'élection. Le Te Deum fut alors entonné; les religieux 
« y respondirent en musique, » en même temps qu'ils ve- 
naient, par ordre, présenter au nouvel abbé leurs hom- 
mages et leur obédience (i). 



de l'abbaye de St-Antoine. La première est une Vie de Messire Antoine 
Tolosain, abbé de St-Antoine, ms. aux Archives du Rhône, H, fonds de 
St-Antoine, carton i85. — La deuxième source est : Memoyres prins sur 
le Livre de raison de feu M. de St-Laurent, ms. au môme fonds, carton 
214. — Nous prévenons le lecteur que, sur plusieurs points, ces docu- 
ments d'origine antonienne rectifient, d'une manière certaine, deux 
autres biographies de l'abbé Tolosain, à savoir : Le bon prélat, ou Dis- 
cours de la vie et de la mort du Rév. Père en Dieu Messire Antoine 
Tolosany..., par Messire Jean de Loyac. Paris, m.dc.xlv, in-12; — et : 
Vie du P. Antoine Tolosan, dans Histoire de l'établissement de l'Ordre, 
ms. U. 917, à la biblioth. de Grenoble. Ce dernier ouvrage, beaucoup 
plus biographique que le précédent, en a pourtant été tiré en partie, 
mais il a été augmenté de détails intéressants « forny par les mémoires 
des religieux. » 

(1) Pendant plusieurs jours le P. Tolosain ne put se résoudre à 
l'acceptation de sa dignité. Au dire de son historien (op. cit., p. 95), le 
chant du Te Deum d'action de grâces fut môme interrompu à plu- 
sieurs reprises par ses protestations et ses sanglots. Puis, quand on eût 
vaincu les résistances de son humilité, la nouvelle se répandit que le roi 
avait déjà pourvu par ailleurs à la succession de l'abbé de Langeac. La 
solution de ceue difficulté retarda l'envoi des bulles du nouvel abbé, 
qui ne furent expédiées de Rome que le 4 août 1599. 11 prit possession 
le i3 janvier 1600, a et ledit jour après disner a confirmé ce que a esté 
faict et negotiépar les régens. » Dans l'intervalle il n'avait voulu pren- 
dre que le titré d'e/w, « M. l'Esleu », et concentrait exclusivement sa 
sollicitude sur la direction des novices et des nouveaux profès. Il fut 



[6 société d'archéologie et de statistique. 

Le lendemain, r6 oct. (ai le 26), une cérémonie d'un au- 
tre genre réunissait encore, dans la grande église, tous les 
notables de Saint- Antoine et des environs (1). On y célé- 
brait un service solennel pour Tabbé défunt; les « vicaires 
régens » avaient eu soin de faire préparer pour la circons- 
tance vingt-quatre armoiries (2) et vingt-quatre torches 
pour le luminaire. L'oraison funèbre fut faite par l'abbé 
élu, et Piémont remarque que, parmi les vertus du dé- 
funt, l'orateur s'attacha surtout à mettre en relief la solli- 
citude de ce prélat pour sauvegarder le temporel de son 
abbaye. Le P. Tolosain n'aurait assurément pas pu éten- 
dre cet éloge et louer, au même titre, le zèle de son pré- 
décesseur pour le maintien de la discipline intérieure et 
de l'antique régularité. 

Cette grande œuvre de relèvement et de réforme était 
celle que le ciel destinait à lui-même de préparer, et qui 
allait faire l'objet principal de ses préoccupations pendant 
les quinze années de son gouvernement (3). 



bénit par l'archevêque de Vienne, dans son église abbatiale, le mardi 
21 nov. suivant, « en grande solempnité, et après mond. sgr l'abbé a 
donné à disné à tous les religieulx et à la noblesse » 

(1) « MM. de l'Arthaudière, de la Forteresse, de St-Véran, frères ; 
noble Guy Antoine de Rostain, seigneur de Miribel ; noble Nicolas de 
Chapponais, seigneur de la maison forte de St-Bonnet, etc., etc. » 

(2) Ces vingt-quatre écussons étaient probablement ceux des vingt- 
trois abbés prédécesseurs d'Antoine Tolosain, avec celui du nouveau 
prélat ou celui de l'ordre. 

(3) L'abbé Antoine Tolosain mourut le 12 juillet i6i5 avec la réputa- 
tion d'un saint ; six mois après sa sépulture dans les caveaux communs 
à tous les religieux, dans l'église, on retrouva son corps intact et exha- 
lant une odeur suave. L'abbé de Gramont le fit mettre dans un autre 
cercueil en chêne (le premier était en sapin), avec une plaque de 
plomb sur laquelle était écrit un sommaire de sa vie. Il demeura au 
même endroit jusqu'en 1660 où l'abbé Jean Rasse le fit transporter, sans 
ouvrir le cercueil, « dans un petit cavot qui est sous la lampe du pres- 
bytère, devant le grand autel, et dont Ventrée est marquée par une 
étoile de cuivre plombée, » Vie ms. du P. Tolosan, à la biblioth. de 
Grenoble, citée plus haut. 



LE BOURG ET L'ABBAYE DE ST-ANTOINE. 17 



Pièces Historiques Justificatives 



1 

Inventaire des « joyaux » cachés dans la tour du cloître 
au moment des premieres guerres de religion (i). 

Les abbé, grand prieur et religieux du monastère Saint-Anthoine en 
Viennoys, disent que les agentz dud. monastère, prevoyantz au corn- 
mancement des troubles des guerres civiles dernières, que plusieurs 
pilleries et voleries pourroient estre faicies, auroient donné ordre de res- 
serrer entre autres chouses les ornementz d'esglise plus pretieux, mes- 
mes en une maison appellée la tour, estant dans leurs cloistres, comme 
estant le bastiment plus fort et asseuré. » — (On ne mentionne ici que 
les ornements d'église.) 

Premier : ung tapis de Millan de vellours vert, figuré avec les armoi- 
ries du duc de Millan, decosu au milieu ; ung flachet drap d'or, figuré 
de vellours vert ; une chasuble de vellours violet ; une chasuble de 
damas blanc ; une chappe de drap d'or ; une chappe de vellours cra- 
moisy, figuré d'or ; une chasuble drap d'or, figuré de vellours cra- 
moisy ; une chasuble drap d'or frizé avec son manupolle drap d'or ; 
ung parement drap d'or et vellours cramoisy ; une chappe de vellours 
cramoisy semée de rozes d'or ; une chappe de damas blanc semée de 
margarites de toutes coleurs ; une chappe de vellours cramoisy à fol- 
laiges drap d'or ; une chappe drap d'or ; une chappe vellours viollet et 
drap d'or ; une couverture d'hostel drap d'or et vellours bleu ; ung fla- 
chet vellours incarnat avec follaiges d'or ; ung tapis vellours cramoisy ; 
une chasuble drap d'or frizé ; une chasuble satin frizé d'or ; ; une cha- 
suble de vellours cramoisy à follaiges d'or ; une chasuble de vellours 
vert ; une couverture de châsse drap d'argent ; une couverture vellours 
violet ; ung flachet vellours violet ; ung autre flachet de mesme ; ung 
flachet vellours drap d'or et vellours violet ; ung flachet damas blanc à 
folhaige ; une chasuble damas blanc ; une couverture vellours violet 



(1) D'après une enquête faite le 3 septembre 1566. — Archives du Rhône, H, 
fonds de Saint-Antoine, carton 15. 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — I9OO. 2 






k. 



18 société d'archéologie et de statistique. 

cramoisy ; ung fiachet damas blanc, figuré drap d'or ; ung flachet de 
vellours cramoisy à follaiges d'or ; ung parement d'hostel vellours cra- 
moisy ; une chasuble de vellours cramoisy; une chasuble damas blanc, 
figuré de folhaiges d'or; une chasuble satin bleu semé d'estoilles d'or; 
une chasuble d'or et vellours cramoisy ; une chasuble drap d'or et 
vellours vert ; une estolle et manupolle drap d'or et vellours vert ; 
une estolle drap d'or frizé ; une estolle avec le manupolle drap d'or et 
vellours cramoisy; une aulbe destoillée avec ses paremens et lamée 
drap d'or 



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Procès-verbal-enquête du vibailly de Saint-Marcelun 
Antoine Garagnol, du 26 décembre i 568 (1). 

Continuation des exécutions et procédures laictes des mandemens et 
arrests de la court par nous vibally et comissère, du vingt sixième 
décembre, M. V* soixante huict. 

Au lieu et ville de Saint-Anthoine. 

Pour ce que nous serions esté advertis de la désollation et ruyne de 
l'église, maison abbatialle, du s r grand prieur et autres particuliers dud. 
Sainct Anthoine chef d'Ordre, nous vibally juge maieur conseiller du 
Roi, comissaire en ceste partye pour entendre sy le service divin estoyt 
continué et les relligieulx estoient logés et receuz, nous sommes achemi- 
nés de la ville de Sainct Marcellin audit Sainct Anthoine dans la mai- 
son d'honneste homme Odibert Roy, dans laquelle aurions faict appeler 
Pierre Périer et Jehan Cloct consuls, Loys Lavis vichastelain, Charles 
Toussainct, Theaud Du Croz, Antoine Odibert, Pierre Raffas [ou Caffiot], 
Claude Anysson, Antoine Bouveron, Anthoine Yserable, conseillers de 
la communaulté ; avec lesquels nous sommes enquis sy le service divin 
estoyt cotinué et sur les points décrétez en l'arrestz du douz m * dernier. 
Sur lesquels les susdits vichastelain, consuls et conseillers ont dict et 
déclaré comme depuis Pasques floryes dernier ledit service divin a esté 
continué et célébré par les relligieulx de l'église et monastère dudit 
Sainct Anthoine dans la chappelle estant dans l'hospital dud. monastère, 
ne s'estant trouvé après les susd. ruynes et desmollitions lieu plus 



(1) Extrait d'une longue série de procédures encore inédites, et que nous 
devons de connaître à l'obligeance de M. le chanoine Jules Chevalier, de 
Romans. — Voir plus haut, chap. III, p. 46. 



LE BOURG ET L'ABBAYE DE ST-ANTOINE. JQ 

commode, et que pour encores lesdits relligieulx ne seroint autrement 
logez sy ce n'est aux hostelleries et maisons de leurs parens que n'ont 
en appréhension que dans iceluy monastère il y aye aulcun relligieulx 
pour le présent de la prétendue relligion et oppinyon nouvelle ; ce que 
semblablement nous a esté dict et rapporté par vénérables relligieulx 
frères : Philibert de Montagud, commandeur de Gollomy, François Roy, 
commandeur de Nysmes, Charles Anysson, ouvrier, Bastian Reynaud, 
commandeur de Billon, et autres relligieulx d'icellui monastère avecq 
lesquels avons fait Visitation de la susdite chapelle, de la maison ab- 
batialle, de celles que appartenoient audit sieur grand prieur, et celles 
desd. relligieulx présens et appeliez avecq nous, M e Guy Disdier, docteur 
en médecine, le susd. vichastelain et noble Enymond Teste, docteur en 
droictz, habitans à Sainct-Marcellin ; nous estant apparu tant par lad. 
Visitation et veue occullaire, rapport des dessusd. que lad. chappelle 
estoit couverte emparée de toutes pars, de façon que sans aultre ré- 
paration le service divin y pouvoit estre continué atandant myeulx. Et 
quant aux susdites maisons, ilz estoient tellement ruynées que hors la 
chambre du rentier estant sur les degrez alant à ladite maison abbatialle, 
il ne seroit demourés lieu, chambre ou membre pour demourer lesdits 
sieurs relligieulx ; lesquelz à ceste occasion nous ont requis leur pourveoir 
suivant et à la forme dudit arrestz. Sur quoy après qu'il nous est apparu 
par le rapport des susdits consuls, vichastelain, comme en ladite ville 
ny avoyt aulcune maison de confrayrye, maison commune ou hospital 
pour loger lesdits relligieulx, nous avons commandé auxdits consuls en 
procédant oultre à l'exécution de l'arrestz du dixième septembre dernier, 
nous baller par déclaration le nom et surnom de ceulx de ladite 
ville et mandement que depuis le dernier edict de pacification se 
seroint eslevez en armes contre le Roy ou bien s'estoient absentez 
contre leur sermant. Quoy faict et après que les dessusdits consuls 
vichastelain et notables nous ont balié par déclaration Pierre Ageron 
filz de Jacquemet, M* Claude Dupinet, notaire, Claude Bastard dict le 
Loup, Bastian Brunet, filz de Romanet, Anthoine Vignon dict Paris, 
M° Pierre de Frize, docteur en droictz, Pierre Bêche dict Lambert, 
Anthoine Jasserme filz de Jehan, les deux Bayardons frères, Forbeil- 
lun, Eymard Coulon, Romans Moyet, le fils de M' Tougye gascon, Jehan 
Charmeil Pyollant, Jean Marchant dict Blanchon, le Brochet Massot, le 
gendre d'Arnollet Alard, Audibert Viollet, le mercier Masson, Anthoine 
Jacob et M e Jauguet. Nous avons au susdit M" Jacques Thomé, procu- 
reur du Roy octroyé contre iceulx, et chacun d'eulx lettre et prise de corps 
et à faulte de ne les pouvoir appréhender, comissaire pour les appeller 
à trois brefs jours mis et réduicl sous la main du Roy leurs biens, 
enjoinct aux consuls pour le requis et gouvernement de leurs biens 



20 SOCIETE D'ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

nommer personnes capables et suffisantes à peyne de les en charger 
et...audit vichastelain et àM'Oudin Devalloys pour escripre soubz nous 
pour procéder à l'inventaire des biens meubles et immeubles, papiers, 
doccumentz et instrumentz en présence desdits consuls, deux ou trois 
desdits capables silz se peuvent trouver, ou au deffaud de ce, de deux 
ou trois des voisins assignant auxdits sieurs relligieulx au jour suivant 
pour leur estre pourveu plus amplement que sera le vingt septième 
de décembre. Auquel jour les dessusdits comparant par devant nous 
sur l'inquisition faicte sur la commodité ou incommodité, nous estant 
comme dessus apparu de la nécessité, en présence et sur la réquisition 
des susdits relligieulx et de M° Jaques Thomé, substitut de Monsieur le 
procureur général du Roy.... avons ordonné pour logis audit noble frère 
Hector de Rux, grand prieur et vicaire général de noble frère Loys de 
Langhac abbé du monastère dudit Sainct-Anthoine, la maison de Claude 
Bastard dict le Loup, (et en son absence, à celluy ou ceulx que lui 
plaira nommer); audit noble frère Philibert de Montagud, la maison 
dudit de Frize, pour son habitation et de six relligieulx telz qu'il luy 
plaira appeler choisir et eslire ; et au surplus pour l'habitation des 
autres sieurs relligieulx et nommés, les maisons d'Anthoine Vignon dict 
Paris, et où il ne souffrira des autres desdits absens jusques à suffisance 
pour y habiter, tant seullement (lesdites maisons assises dans la ville et 
faulxbourgs Sainct-Anthoine.... comme dessus). Et jouir des meubles et 
boys qui s'y trouveront jusques ad ce qu'autrement il soit ordonné et 
que lesdits relligieulx ayent moyen de construire, rediffier et rebastir 
leursdits édifices, ordonne qu'à ces fins lesd. maisons seront deslaisséez 
par lesdits séquestres d'en laisser la possession, vuider et rendre lesdits 
meubles quant sera ordonné. Et lesdits consuls nous ont nommez pour 
séquestres les sieurs Anthoine Yzerable, Jehan Yzerable-, Pierre Rivail, 
Pierre Raffiat [ou Caffiot], tous habitants dud. Sainct Anthoine ; lesquels 
après plusieurs enjonctions à eulx par nous faictes d'accepter la charge 
par foy et sermant, ont promis de bien et deuement régir et gouverner 
les biens dont il leur sera faict déclaration par les inventaire ou extraict 
que ordonnons leur soit balhié et en rendre compte et prester reli- 
qua à qui appartiendra et sera ordonné avecq obligation et submission 
de corps et de biens. Et pour asseurance de ce que dessus, se sont 
soubsignés et faict leurs marques, sieur Claude Anysson de Sainct An- 
thoine, M* François Boisset, procureur de Sainct Marcellin, et Estienne 
Julian, clerc, natif de Luppé, pays de Forestz. 

Anthoine Yzerable, Jehan Yzerable, Pierre Lambert. 

Ant. Garagnol, vib. comissaire. 



LE BOURG ET i/ABBAYE DE ST-ANTCMNE. 2 l 



III 

Procès-verbal de l'assassinat du P. Charles d'Arzag 

de la Cardonnière, i58o. 

EXTRACTUM EX ArCHVIIIS AbBATIjE S. AnTONII ViENNENSIS PER ME 
CUSTODEM DICTARUM ArCHIVIARUM SUBSIGNATUM (2). 

« Anno i58o, die lunœ quarto julii, nouum hcereticorum agmen ex 
arce Bellouacensi in Deîphinatu (Muguetio quodam antesignano) pro- 
rumpens in hanc eccîesiam aurora micante insiliit, dum religiosi Matu- 
tinas horas Deo persoluerent, quorum octo psalmodiant non derelinquentes 
ab hœreticis aurum sitientibus ad concussionem captiui facti sunt. lnter 
hos stridentium armorum fragores probus quidam religiosus jam nona- 
genarius, cui nomen Carolus Darçag e familia Du Sauel de la Cardo- 
niere in Delphinatu, infixus altari sacra facie bat, a quo non dimouebatur 
captiuitatis terrore, cui author libertatis prœsens erat, imo a sicariis 
hœreticis consummandœ hostiœ copiam impetrauit, a quibus deinde extra 
portant oppidi uni go de Chaste nuncupatam, sacris adhuc indutus vestibus, 
scopeto in fidei et religionis catholicœ odium occiditur. 

« Sic ebulliente adhuc in pectore ejus Christi sanguine, suum pro 

Christo constanter fudit, seipsumq. in sacrificium Deo obtulit, ad quod 

iam a multis annis variis bonis operibus maximeque eleemosinis se dis- 

posuerat, Nam consulto suce vestis manicas cœteris latiores deferebat, ut 

pane frustulento semel repletas pauperibus uicatim occurrentibus, maxime 

pudibundis arcana libéral itate et ardenti charitate erogaret. Sic bonus 

ille religiosus duplex sacrificium, primum quidem ut sacerdos, secundum 

ut victima perfecit. 

« F. J. Thevenin » 



(1) Collation de la présente a esté faicte à son original estant en papier, ce 
que requérant les abbé et religieux de Saint-Antoine de Viennois comparants;... 
et fust rendu l'original, le vingt-neuf des présents mois et an (1666), par moy 
huissier du roi en sa cour de Parlement, commis et soubsigné. 

Ainsy signé : Oocqueley. 

(2) D'après une copie authentique qui se trouve à la bibliothèque de Grenoble, 
ms. R, 80, t. VIII, fol. 200. « L'extrait ci-dessus, lisons-nous en vedette, vers le 
bas de la copie, a été deubement vidimé et collationné sur son original par moy 
notaire royal soubsigné, ce il mai 1667. Fournet, notaire. 



22 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Extrait des archives de l'Abbaye de Saint-Antoine en Viennois 
par moi gardien desdites archives, soussigné. 

« Le lundi 4 juillet de Tannée] i58o, une nouvelle troupe d'hérétiques 
conduits par un chef nommé Muguet, s'avança du château de Beauvoir 
et pénétra dans cette église au point du jour, pendant que les religieux 
chantaient matines. Huit de ces religieux qui ne quittèrent pas la psal- 
modie furent faits prisonniers par les hérétiques que poussait la soif 
de l'or. Au milieu de tout ce fracas des armes, un religieux nonagénaire, 
Charles d'Arzag, de la famille du Savel de la Cardonnière en Dauphiné, 
n'en continuait pas moins à célébrer la messe à l'autel, et ainsi en 
présence du Dieu auteur de toute liberté, il ne se laissait pas émouvoir 
par la crainte de la captivité ; bien plus, il demanda et obtint de ces 
sicaires hérétiques de pouvoir consommer la sainte Hostie. Saisi ensuite 
par eux, il fut entraîné, encore revêtu des ornements sacerdotaux, en 
dehors de la porte du bourg, vulgairement appelée Porte de Chatte, et 
là, tué d'un coup d'arquebuse, en haine de la foi et de la religion catho- 
lique. 

« Et ainsi au moment où le sang du Christ était encore comme bouil- 
lonnant dans sa poitrine, il répandit généreusement son propre sang 
pour le Christ et s'offrit lui-môme à Dieu en un sacrifice auquel depuis 
de longues années ses bonnes œuvres et surtout ses aumônes l'avaient 
préparé. Il portait, en effet, un vêtement dont les manches avaient été 
faites à dessein plus larges que les autres ; il les remplissait de morceaux 
de pain et distribuait ensuite ce pain aux pauvres dans les carrefours, 
ou en secret aux pauvres honteux avec toute l'ardeur de sa charité. 
C'est ainsi que ce bon religieux acheva son double sacrifice, l'un comme 
prêtre, l'autre comme victime. « F. J. Thevenin. » 



IV 

ENQUESTE JURIDIQUE FAICTE PAR M. LE LIEUTENANT AU BAILLIAGE 
DE SAJNT-MARCELIN, DANS L'ABBAYE DE SAINT-ANTOINE, AVEC 
PLUSIEURS GENTILSHOMMES ET NOTABLES, 25 AOUST l6o5 (i) 

Le 25 # jour du mois d'aoust, après midi, i6o5, dans la ville de Sainct- 
Antoine de Viennois, et dans la maison d'habitation du seigneur et re- 



(1) Cette enquête montre à quel point l'abbaye de Saint-Antoine avait été 
atteinte dans ses forces vives par les guerres de religion, puisqu'il est néces- 



LE BOURG ET LABBAYE DE ST'ANTOINE. 2 3 

verendissime abbé dudit lieu, par devant nous Pierrre Bernard, docteur 
ea droits, conseiller du roy, lieutenant particulier du bailliage de Sainct- 
Marcellin,auroit comparu frère Gaspard Brenier, religieux de l'ordre dud. 
Sainct- Antoine, comme procureur et sindic, en cette partie depputé par les 
sieurs grand prieur et chanoines cloistriers du chapitre dudit couvent de 
Sainct- Antoine en Viennois. Lequel nous auroit représenté qu'au sujet 
des guerres civilles qui auroient eu cours en cette province de Dauphinés 
plus qu'au demeurant du royaume de France, les rentes, pentions, 
droicts et revenus dudit chapitre seroient tellement diminués, les bas- 
timents des esglises et des hospitaux en dépendants et de ladite abbaye, 
et ceux des religieux d'icelle, que ce qu'il reste à présent desdits droict, 
et revenus, tant s'en fault qu'ils fust suffisant pour remettre et restablir 
lesdits édiffices abatus ; que mesme il ne seroit bastant de fournir à 
Pentretenement et nourriture desdits chanoines cloistriers profex, qui 
sont en grand nombre, outtre les novices, et aux aulmosnes et distri- 
butions ordinaires, desquels ledit chapitre est chargé envers les pauvres 
en afflua nce, oultre ceux qui sont continuellement nourris dans lesdits 
hospitaux. Ce qui auroit occasionné lesdits religieux et chapitre, pour 
le zèle et désir qu'ils ont eu de veoir restablir toute chose en leur 
ancienne splendeur et dignité, à l'honneur et gloire de Dieu, et de faire 
encor reverdir «et resfleurir son sainct et sacré service audit lieu, après 
tant de tempesteset orages eslevées pour l'anéantir et le perdre; fortif- 
fiés de Pardente dévotion et zèle, et du consentement tant du Reveren- 
dissime abbé dudit lieu, que de frère François Roy, titulaire de la com- 
manderie d'Aulmosnières, recourir à Sa Saincteté pour, au sujet que 
dessus, obtenir d'icelle l'union de ladite commanderie à la table conven- 
tuelle dudit chapitre, pour ayder à satisfaire et fournir aux choses 
sus mentionnées. Lequel, inclinant à leur juste désir, leur auroit accordé 
ladite union par ses bulles du [IV* kal. jun.] de la présente année. Et 
neantmoins, pour la fulmination desdites bulles et signatures apostoli- 
ques concédées aux fins de ladite union, auroit délégué le reverand 
officiai de Langres, luy apparoissant des ruines, diminutions et pertes 
susnarrées. A quoy désirants satisfaire lesdits religieux et chapitre, et 
justiffier par moiens légitimes la vérité de ce qui auroit esté desduit et 
représenté de leur part à N. S. P. le Pape, nous auroit requis comme 
juge royal et majeur du terroir où ladite abbaye de Sainct-Antoine en 
Viennois se treuveroit enclose et située, nous transporter en ce lieu où 



saire maintenant de chercher l'augmentation de ses revenus par l'union de 
commanderies étrangères. La présente enquête énumère les motifs de l'union 
de la commanderie d'Aumonières à la mense capitulaire. — Archives du Rhône, 
fonds de Saint-Antoine, H., Oarlon 363. 



24 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

il auroit faict assigner par devant nous aux jour, lieu et heure, les 
tesmoins cy après nommés, scavoir noble Antoine de Chastelard, sieur 
de Vaux, noble Joachim Rabot, sieur de Bussières, noble Claude de la 
Porte, sieur de Sainct-Lathier et Larthaudière, noble Nicolas de Bour- 
chenu, noble Gaspard de Chapponaix, sieur de Sainct-Bonnet, M* An- 
toine Brenier, docteur en droicts, juge ordinaire dudit Sainct-Antoine, 
frère Joachim Darsag, prieur de Sainct-Vallier, honneste Gaspard Char- 
ron, honneste Gabriel Charreard, honneste Bon Jassoud, honneste Jean 
Piémont, honneste Noël Marchand, Antoine de Champ, tous habitants 
ou proches voisins dudit lieu de Sainct-Antoine. Tous lesquels tesmoins 
icy présents ledit sindic nous auroit produicts pour la preuve et justifi- 
cation des choses susnarrées résultant d'aillieurs de l'inspection et veûe 
d'icelle ; nous requérant d'iceux requérir le serment en tel cas requis ; 
puis iceux ouys et examinés sur la notoriété de ce que dessus, requé- 
rant Messire Antoine Tholouzain, abbé de Sainct-Antoine, comme colla- 
teur ordinaire de ladite commanderie d'Ausmonières, de laquelle on 
poursuit l'union susdite, et ledit sieur de Sainct-Laurent, titulaire 
d'icelle à présent, déclarer en notre presance s'ils ne consentent à lad. 
preuve, production et veriffication, et de ce nous requerent leur estre 
faicts actes. Et après que lesd. reverendissime abbé et sieur de Sainct- 
Laurent auroient faict déclaration en nostre présence et des susnom- 
més, approuver et agréer lesdites formalités et preuves, et l'union 
du bénéfice susdit aux conditions et charges ennoncées auxdites bulles 
et signatures apostoliques, et sous les réservations à eux accordées, dont 
aussi ils nous auroient requis leur estre faicts actes pour leur servir et 
valoir ce que de raison. Et après que tous les susnommés tesmoins, 
en leur présence, auroient tous levé la main à Dieu et promis avec 
serment solemnel de dire et déposer vérité entre nos mains sur ce qu'ils 
seront enquis de nostre part, avons iceux tesmoins receus comme tes- 
moins sont à recevoir, et octroie tant audit seigneur reverendissime 
abbé et sieur de Sainct-Laurent et audit sindic actes de leurs compa- 
rants, productions, déclarations et protestations pour leur servir et 
valoir ce que de raison. Puis nous estants séparés avec nostre greffier 
soubsigné et tous les tesmoins susnommés produicts à la part dudit 
sindic, et entrés avec iceux dans une chambre estant du costé du levant 
de la maison dudit sgr abbé, avons derechef à iceux faict prester le ser- 
ment de dire vérité, leur aiant faict faire lecture à nostre dict greffier, 
tant des bulles susdites et signatures apostoliques de N. S. P. le Pape, 
que de la requeste à nous présentée par le sindic au nom dudit chapi- 
tre, et leur aiant le tout bien particulièrement faict entendre, ont tous 
d'une voix nul discrépant, par l'organe neantmoins dudit noble Joachim 
Rabot, sieur de Bussières, dict et affirmé bien savoir qu'audit monas- 



LE BOURG ET L'ABBAYE DE ST-ANTOINE. 25 

tère sont le nombre de 50 chanoines cloistriers profex, outre les novices, 
pour la célébration du divin office, desquels la portion tant en pain, 
bled, vin, que argent, revient annuellement, pour le chascun du moins, 
à la somme de 5o escuz (1) : oultre ce que dans iceluy monastère il y 
a deux grands hospitaux, où, de temps immémorial les pauvres de l'un 
et l'autre sexe, estants attaincts du mal que vulgairemement on appelle 
le feu Sainct-Antoine, sont reçus et admis, nourris et medicamentés en 
grand nombre, et pour la pluspart vestus, aux despens dudit couvent. 
Lequel couvent est aussi accoustumé toutes les années, la veille de la 
Nativité de N.-S., faire une aulmosne générale à laquelle aborde et 
vient plus de quatre cents personnes, à chacun desquels on distribue 
six livres pain blanc et noir par moictié ; aussi le Jeudi-Sainct, de 5oo 
petits pains, aux pauvres affluants de tous endroicts ; et encore, depuis 
les festes de Pasques jusques à la feste de S. Jean-Baptiste, trois fois la 
sepmaine on faict audit couvent une aumosne générale auxdits pauvres, 
pour laquelle entretenir à peine deux cents sestiers froument y peuvent 
fournir ; et chascune feste de Toussaincts, [on] distribue grande quan- 
tité de drap noir suffisante pour vestir trente pauvres ; outre autres 
aulmosnes et œuvres pies, accoustumées estre exercées audit couvent 
envers les pèlerins y arrivants. Disants en outre bien scavoir que les 
bastiments tant de l'esglise, hospitaux susdits, que des maisons parti- 
culières des religieux, ont esté par l'injure des guerres, violence et 
ravage des ennemis de la religion apostolique et romaine, tellement 
ruinés, desmolis et abbatus, que avec grande incommodité le divin 
service y est célébré en l'esglise, les pauvres receus aux hospitaux, et 
les religieux logés dans leurs maisons, bien que auparavant la nais- 
sance des guerres civiles, les bastiments fussent des plus grands et 
célèbres de ce royaume, desquels à présent il ne reste que des vestiges, 
affreux ; ladite abbaye ayant estée exposée à la mercy et discrétion des 
hérétiques et autres gens de guerre, pour estre située en un lieu ouvert, 
dépeuplé et baudres (sic), qui a causé aussi le bruslement et perte de 
leurs principaux papiers, documents, terriers et autres instruments et 
tiltres auxquels concistoient leurs principaux et plus spécieux droicts 
et revenus, à tant que ce qui leur reste aujourd'huy de revenu annuel 
après tant et si fréquentes pertes, ruines, saccagements et ravages, 
n'est suffisant de subvenir non à la réparation desdits ediffices ruinés, 
mais à Tentretennement des religieux susdits, attendu leur grand nom- 
bre ; disants et affirmants les choses susdites estre certaines et vérita- 
bles. Et pour cause de science ont dict estre tous habitants ou proches 
voisins de ladite abbaye de Sainct-Antoine, et avoir veu et sceu puis 



(1) Cinq escus ! Advielle, loc. cit. p. 182. 



20 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

longues années tout ce que dessus estre arrivé au monastère «u*dit ; 
oultre que l'inspection et veue des ediffices justiffie asaés la ruine 
d'rceux ; le surplus estant evidant, clair et notoire à tous ceux de cette 
province. Puis à l'instant, aiant tous les susdits tesmoins répétés, 
séparément l'un après l'autre en leurs dépositions générales susdites, 
ont déposé en la forme cy-après escripte et se sont signés. 

Ainsy signé : Bussières, Larthaudière, Bourchenu, G. de Chappo- 
nays, Sainct-Bonnet, A. Brenier, et plus bas, Chastellard. 

Suivent les dépositions particulières des témoins, que nous omettons, 
parce qu'elles ne font que confirmer ce qui précède, sans ajouter aucuns 
nouveaux détails. 

Ainsy a esté par nous procédé. 

Signé : Bernard, lieutenant audit bailliage. 
Et.moy, substitut du grenier, escrivant sous ledit lieutenant. 

Signé : Nicolas Lacem, substitut. 



Liste des consuls de Saint-Antoine pendant les guerres 

DE RELIGION (i). 

Années i56i-i562 Elias Artaud et Pernet Isérable. 

» i 562- i 568 

» 1 568-1 56g Pierre Perier et Jean Cloct. 

» 1 569-1 570 Pierre Pain et. . . . 

» 1 570-1 573 

» 1 573-1 575 M" Claude du Pinet notaire et Georges Jassoud. 

» i575- 1577 Jean Bêche dit Lambert et Louis Ducroz. 

» 1 577-1 578 Pierre Chapotton Forest et 

» 1578- 1579 Pierre Artaud et 

» 1 579-1580 Jehan de la Garde et Claude Grillet. 

» i58o-i58i Antoine Fay et Sébastien Clôt. 



(1) Nous avons dit dans le cours de cet ouvrage que l'élection des consuls à Saint- Antoine 
avait lieu ohaque année à la fête de Saint Jean-Baptiste, 24 juin. 



LE BOURG ET l' ABBAYE DE ST- ANTOINE. 



27 



V 



Années 


i58i-i 


» 


1 582-i 


t> 


1 583-1 


» 


1 584-1 


» 


i585-i 


w 


1 586-1 


» 


1 587-1 


» 


i5S8-i 


» 


1 589-1 


» 


1 590-1 


» 


1591-1 


» 


1592-1 


» 


1 593-1 


» 


1 594-1 


» 


1595-1 



582 Antoine Chapuis et Balthazard Grillet. 

583 Jean Iserable (qui subroge Antoine Isérable) et 

584 Jean Gonnet et Caffiot. 

585 Eymard Mignon et Eustache Piémont. 

586 Antoine Vourey dit Billet et Louis Guillermet. 

587 Baptiste de la Grange et Jean Bermondie. 

588 Michel Isérable et Pierre Villard. 

589 Antoine Jasserme et Gabriel Charréard. 

590 Pierre Ageron et Jean Clerc. 

591 Jean Piémont et Bon Jassod. 

592 Antoine Lavis et Pierre Vivier. 

593 Antoine et Pierre Mignon, frères. 

594 Pierre Artaud et Jean Vatilleu. 

595 Antoine Guillermet et Nicolas Pain. 

596 Etienne Brunet et Jean Perret, dit de Rossât. 



D. HlPPOLYTE DIJON, 







LU 





D'ESPAGNE EN ITALIE 



La marche célèbre du général carthaginois, qui 
demeure sans exemple dans les annales de notre pays, 
a déjà fait l'objet de recherches aussi savantes que 
documentées, aussi nombreuses que contradictoires. 

Parmi elles, nous aimons surtout à en retenir deux : 
l'ouvrage si complet, mais malheureusement un peu 
diffus, de M. le colonel Hennebert et la brochure si 
intéressante et si suggestive.de l'érudit M. Gilles 
d'Eyragues. 

En abordant un sujet que tant de penseurs ont tour à 
tour étudié, nous serions inexcusable si nous n'avions 
l'intention : premièrement, d'être très bref de manière 
à n'ajouter qu'une goutte d'eau à l'océan de disser- 
tations dont l'épopée d'Annibal a fourni le prétexte ; 
deuxièmement, de développer une interprétation qui 
nous paraît de nature à concilier les textes que nous 
possédons sur cette question. 

Car il ne faut pas l'oublier : dans une semblable ma- 
tière, nous ne pouvons guère songer qu'à interpréter la 
pensée des historiens anciens qui en ont traité et au 
premier rang desquels se trouvent Polybe et Tite Live. 



NOTE SUR LA MARCHE D ANN1BAL. 2Q 

Le premier était l'écrivain clair, précis, probe et 
consciencieux par excellence ; aussi bon géographe 
qu'excellent historien ; auteur d'une histoire de la Répu- 
blique Romaine remarquable autant par les qualités du 
style que par l'élévation des pensées et la sûreté des 
jugements. 

Le second était plus crédule et moins impartial ; il se 
substitue fréquemment aux personnages dont il parle et 
leur fait tenir des propos de rhéteur ; aveuglé par 
l'amour et l'orgueil de son pays, son opinion est souvent 
suspecte ; néanmoins, son Histoire Romaine est un 
véritable monument d'érudition qui, dans l'espèce, com- 
plétera d'une manière heureuse les narrations parfois 
un peu concises de Polybe. 

Ce sont donc les textes de ces deux historiens que 
nous allons étudier en détail et soumettre à une critique 
rigoureuse ; nous verrons à quoi conduit leur interpré- 
tation rationnelle, et c'est au lecteur qui aura eu la 
bonne volonté de nous lire jusqu'au bout qu'il appar- 
tiendra de décider de la valeur de notre travail et de 
nos conclusions. 



I. — PASSAGE DU RHONE 

Nous nous proposons de démontrer qu'Annibal a franchi le 
Rhône à Beaucaire conformément à l'opinion émise et sou- 
tenue par M. Gilles d'Eyragues. 

Nous allons examiner successivement les arguments qui 
nous font considérer cette version comme une quasi certitude. 

1° Distance à Emporium. — Nous lisons dans 
Polybe que Ton compte 1600 stades (soit environ 300 



3o société d'archéologie et de statistique. 

kilomètres) depuis Emporium jusqu'à l'endroit où le 
Rhône a été franchi par Annibal. 

Il ajoute qu'à l'heure où il écrit cette route est entiè- 
rement toisée et garnie de bornes milliaires que les 
Romains ont emplacée avec beaucoup de soin. 

Emporium, que certains auteurs placent à Castillon 
de Ampurias, se trouvait avec plus de vraisemblance à 
l'embouchure même de la Fluvia, soit à quelques kilo- 
mètres au sud de Roses. 

Suivant l'opinion de Daudé de Lavalette, que M. 
Hennebert a eu le tort d'accepter sans contrôle, cette 
condition exigerait que les Carthaginois aient passé le 
Rhône entre Avignon et Orange. 

De Perpignan à Nîmes on admet sans contestation 
qu'Annibal a suivi sans écart sensible l'ancienne voie 
phénicienne, devenue plus tard la via Domitia et coïn- 
cidant à très peu près avec nos routes nationales actuel- 
les n° 9 9 et 87 ; or, en nous basant sur des documents 
officiels, nous trouvons : 

d'Emporium à Perpignan, environ 65 kil. 

de Perpignan à Nîmes . . . . 217 454 
de Nîmes à Avignon par les routes 

87 et 100 41 302 

3 2 ? 75 6 
soit 24 kilomètres (1 30 stades) de plus que ne l'indique 
Polybe. Or, celui-ci est généralement très précis et, 
puisqu'il donne les distances en centaines de stades, 
elles doivent être exactes au moins à 50 stades près. 

Vérifions maintenant la distance d'Emporium à Beau- 
caire : 

d'Emporium à Perpignan, environ 65 kil. 



OTE SUR LA MARCHE d' ANNIBAL. 3l 

de Perpignan à Nîmes. . . . 217 454 
de Nîmes à Beaucaire par la 

route 99 25 148 



307 602 
L'erreur, quoiqu'en dise Daudé de Lavalette, est 
moindre que la précédente et cette simple vérification 
nous montre nettement que, non seulement Annibal n'a 
pas remonté jusqu'à Avignon, mais qu'il s'est rendu 
directement au Rhône par le chemin le plus court en 
suivant tout naturellement la voie qui existait déjà à 
cette époque, 

2° Distance au campement de la mer. — Nous 
lisons dans Polybe : « Annibal se trouvant environ à 
ce quatre journées de marche du campement de la mer 
a se disposa à traverser le Rhône. » 

De quel campement s'agit-il dans cette phrase ? Du 
dernier campement d'Annibal en vue de la mer, c'est- 
à-dire de celui à partir duquel il s'éloigna de la mer pour 
rentrer dans l'intérieur des terres en prenant la direction 
du Nord-Est ? 

Ou bien du campement de Scipion que nous savons 
être à l'embouchure du Rhône la plus rapprochée de 
Marseille ? 

Presque tous les commentateurs admettent cette der- 
nière interprétation et en déduisent une nouvelle condi- 
tion pour la détermination du point où passa Annibal. 

En comptant 28 kilomètres environ par journée de 
marche, ils en concluent que le passage du Rhône eut 
lieu aux environs de l'Ardoise ou de Montfaucon. 

Il nous sera facile de prouver que, si telle est l'inter- 
prétation de la phrase de Polybe, celui-ci a été induit 



32 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

en erreur, et pour cela nous n'aurons qu'à rappeler ce 
qu'il dit lui-même sur la marche de Scipion. 

Le général romain, parti de Pise, se rendait en Espa- 
gne où il croyait qu'Annibal se trouvait encore. Arrivé 
à Marseille, il y apprend que l'armée carthaginoise a 
franchi les Pyrénées. Il débarque alors sur les collines 
de Fos, et à peine est-il débarqué qu'on l'instruit de 
l'arrivée d'Annibal sur les bords du Rhône; cette nou- 
velle qui dut lui parvenir très probablement par l'in- 
termédiaire des espions marseillais, lui parut tellement 
surprenante qu'il ne voulait pas tout d'abord y ajouter foi. 
Après un conseil de guerre sommaire, il envoie en 
reconnaissance pour observer l'ennemi 300 cavaliers 
d'élite guidés par les espions marseillais ; ce détache- 
ment parvint au camp d'Annibal après avoir soutenu un 
combat terrible avec le détachement punique, six jours 
après l'arrivée du général carthaginois sur le Rhône. 

Or, les informateurs marseillais ne pouvaient pas 
aller plus vite que le détachement ; il avait donc fallu 
six jours pour aller du camp d'Annibal à Marseille, de 
Marseille au camp de Scipion et retourner de ce dernier 
au camp d'Annibal, ce qui prouve d'une manière 
péremptoire que ces camps étaient au plus distants de 
trois journées de marche, 

Nous allons d'ailleurs en fournir une autre preuve. 
Le détachement romain, après avoir reconnu le camp 
d'Annibal et examiné les dispositions principales, re- 
tourna en toute hâte au camp de Scipion. Celui-ci mit 
immédiatement son armée en marche et arriva en ordre 
de bataille à l'emplacement du camp d'Annibal quatre 
jours après le combat des détachements ; c'est la preuve 
directe qu'en deux jours de marche forcée on pouvait 
aller d'un camp à l'autre. 



NOTE SUR LA MARCHE D ANNIBAL. 



33. 



L'indication de Polybe, si elle se rapporte au camp 
romain, est donc erronée ; il en est de même lorsque 
cet historien dit que Scipion mit ses bagages sur ses 
vaisseaux et fit marcher son armée tout le long du fleuve 
dans le dessein d'attaquer les Carthaginois. 

Il est prouvé en effet, qu'à cette époque, des marais 
presque infranchissables s'étendaient depuis la mer jus- 
qu'à Arles ; pour aller de Bouc à Tarascon, il fallait 
nécessairement passer par St-Mitre, Istres, Miramas, 
Merle, Eyguières, Orgon, Eygalières et Saint Remy. 
Total : 75 kilomètres qui peuvent parfaitement être par- 
courus en deux jours de marche forcée ; il n'en sera 
plus de même si le camp d'Annibal étant à Montfaucon, 
il faut faire 1 12 kilomètres et franchir deux fois la Du- 
rance ; il suffirait, croyons-nous, de rappeler ce fait pour 
faire écarter cette dernière hypothèse. 

3° Description des lieux. — Nous savons par 
Polybe et par Tite-Live qu'Annibal traversa le Rhône en 
un lieu où toutes les eaux du fleuve étaient concentrées 
en un même lit et qu'à vingt-cinq milles en amont (200 
stades = 37 kilom.) se trouvait une île au droit de la- 
quelle le détachement conduit par Hannon passa le 
fleuve. 

La majorité des écrivains admet aujourd'hui que la 
traversée d'Annibal eut lieu à Montfaucon et celle 
d' Hannon à Pont-St-Esprit. 

M. Hennebert, dans son tome I, avait accepté sans 
contrôle l'opinion de M. Martin de Bagnols (1), et il 



(1) Bagnols est un chef-lieu de canton du département du Gard situé à 
10 kilom. de l'Ardoise. Cette proximité n'est-elle pas de nature à rappeler 
l'épigramme d'Herzog : « Suum quisque locum invenit » ? 

3 



2« SERIE. XXXIV VOLUME. — 19OO. 



34 société d'archéologie et de statistique. 

écrivait (p. 434) : ce On peut conclure en toute sûreté 
« qu'Hannon est passé à Pont-Saint-Esprit et Annibal 
« à PArdoise. » 

Il est cependant facile de s'assurer que le port de 
l'Ardoise est exactement en face de la grande île de la 
Piboulette, ce qui est en contradiction formelle avec 
le texte de Polybe ; aussi dans son tome II (page 31), 
M. Hennebert place-t-il le camp d' Annibal sur les pentes 
que domine le signal de Roquemaure, de sorte que le 
passage aurait eu lieu au droit de Montfaucon (soit sept 
kilomètres en aval du port de l'Ardoise) entre les îles 
de la Piboulette et de Miémart. 

Entre ces îles, nous avons une longueur de rive d'en- 
viron deux kilom. que M. Hennebert ne paraît pas con- 
naître exactement ; s'il avait parcouru les lieux il aurait 
remarqué que sur 50Ô mètres environ, en aval de l'île de 
la Piboulette, la berge de rive droite forme un véritable 
à pic dominant le fleuve, et il est impossible qu'Annibal 
ait pu faire en cet endroit ses préparatifs de passage ; 
c'est là que la Compagnie Générale de Navigation en- 
tretient une vigie permanente chargée de signaler les 
bateaux qui s'engagent dans ce coude dangereux du 
fleuve. 

Sur la plaine située à proximité nous trouvons une 
dépression nettement accusée et dont le thalweg est 
encore occupée par une robine importante qui va déver- 
ser ses eaux dans le bras de Roquemaure. 

La construction de la digue insubmersible de Mont- 
faucon a réduit considérablement cette robine sans tou- 
tefois la faire disparaître entièrement, ce qui permet 
d'affirmer que nous sommes en présence d'un ancien 
bras du Rhône ; nous en trouvons une nouvelle preuve 



NOTE SUR LA MARCHE d'aNNIBAL. 3b 

dans la dénomination de ce quartier qui s'appelle les 
lions et qui est défendu contre le Rhône par la digue 
des lions et le perré des lions. 

Il est donc à peu près certain qu'à l'époque d'Annibal 
il existait une ou plusieurs îles entre les emplacements 
actuels de Montfaucon et Roquemaure ; dès lors, ce 
n'est pas en ce lieu que le Rhône a été franchi par 
Annibal. 

Mais continuons notre critique. 

M. Hennebert, continuant à suivre l'opinion de M. 
Martin (de Bagnols), admet que le détachement com- 
mandé par Hannon est passé par Bagnols, St-Laurent- 
des-Carnols, le col du Lapin, Carsan et Pont-St-Esprit. 

M. Martin prétend que cette voie, préexistante au 
passage d'Annibal servait de communication entre Pont- 
St-Esprit et Nîmes. Nous demanderons où M. Martin 
puise les renseignements qu'il nous donne au sujet 
de l'antiquité de L'Ardoise et de Pont-Saint-Esprit 
ainsi que des voies qui y aboutissent. Sur des textes ? 
qu'il les cite ; sur des monuments ? qu'il les indique ; 
sur des traditions ? qu'il les développe, afin qu'on puisse 
les analyser et les discuter ; mais sa parole, si autorisée 
qu'elle soit, ne saurait nous suffire. 

Admettons néanmoins qu'Hannon ait passé au Pont- 
St-Esprit. Mais dans ce cas, où se trouve l'île qui faci- 
lita son passage ? Où se trouve également le « poste 
avantageux » dont le détachement s'empara immédiate- 
ment après la traversée ? 

Le Pont-St-Esprit est situé presque immédiatement 
à l'aval de l'embouchure de l'Ardèche et du Lauzon. Il 
n'existe actuellement aucune île en cet endroit, car on 
ne peut appeler de ce nom des dépôts instables de gra- 



3b société d'archéologie et de statistique. 

vier provoqués par là construction de la digue séparative 
du Lauzon. Nous le répétons, il n'existe pas en face le 
Pont-St-Esprit d'île portant un nom spécial qui permette 
de lui attribuer une haute antiquité. L'Ardèche, d'ail- 
leurs, avec ses crues rapides et effroyables, est trop 
rapprochée pour qu'une île puisse subsister dans des 
conditions aussi défavorables. 

Une fois parvenu sur la rive gauche, le détachement 
d'Hannon se serait trouvé au bord d'une plaine immense 
qu'aucun ce poste avantageux » voisin ne lui permettait 
de dominer. Au contraire, en admettant que la traversée 
d'Annibal ait lieu à Beaucaire, nous savons qu'il y avait 
là un passage connu et pratiqué de toute antiquité ; il 
n'y a aucune île entre Beaucaire et Tarascon, car l'île 
Gernica commence un peu en aval ; les châteaux des 
deux villes sont établis sur des affleurements de roches 
néocomiennes qui jalonnent pour ainsi dire ce passage. 

Hannon serait donc allé à Remoulins en suivant à 
peu près le tracé de la route nationale n° 86, là il 
aurait franchi le Gardon, puis il serait arrivé à Pont- 
d'Avignon en empruntant le tracé de la route nationale 
n° ioo ; il aurait parcouru ainsi environ 37 kilomètres 
comme le veulent les textes de Polybe et de Tite-Live. 

En face d'Avignon on trouve les îles de la Barthelasse 
et de Piot, qui sont réunies aujourd'hui par la chaussée 
du Pont. Après la traversée, Hannon s'empara de l'émi- 
nence qui domine la ville d'Avignon, sur laquelle devait 
se trouver une ancienne oppidum, et qui constituait un 
poste véritablement avantageux. De même qu'à Beau- 
caire nous trouvons ici des affleurements de roches néo- 
comiennes qui, grâce à leur éloignement, ont permis 
aux îles intermédiaires de subsister. 



NOTE SUR LA MARCHE D'ANNIBAL. 37 

Enfin, pour terminer ce paragraphe par un dernier 
argument, comment Hannon, après avoir franchi le 
Rhône au Pont-Saint-Esprit, aurait-il pu parcourir avec 
son détachement l'immense plaine d'Orange sans éveiller 
l'attention des ennemis ? comment aurait-il pu tourner 
le camp des Barbares sans faire un trajet trop considé- 
rable pour une nuit de marche ? 

Au contraire, dans notre hypothèse, Hannon s'em- 
pare de l'oppidum d'Avignon, passe la Durance près 
de son confluent et arrive au camp des Barbares, défilé 
par le massif de la Montagnette où il avait la possibilité 
de faire à Annibal les signaux optiques convenus. 

Nous l'affirmons avec M. Gilles : « ces lieux parlent 
« si clairement qu'aucun argument ne vaut leur élo- 
« quence » ; il suffit de les avoir parcourus après avoir 
lu Polybe et Tite-Live, pour qu'aucune autre solution 
ne paraisse acceptable. 

4° Voies existantes. — Ainsi que Polybe le dit 
avec tant d'insistance, il faut bien se garder de considé- 
rer l'entreprise d'Annibal comme ayant un caractère 
presque divin et surhumain. 

Le général carthaginois avait envoyé des messagers 
en Italie avant de se décider ; ces messagers avaient 
suivi une route bien déterminée ; ils n'avaient pas mar- 
ché au hasard et, à fortiori, devait-il en être de même 
d'Annibal qui traînait à sa suite une armée d'environ 
50.000 hommes. Une semblable armée ne pourrait 
prendre des sentiers ; elle a besoin d'une voie large et 
battue et, si nous en croyons Polybe, c'est par la voie 
phénicienne qu'Annibal alla des Pyrénées au Rhône ; 
cette voie fut remplacée ensuite par la via Domitia et 
elle appartient aujourd'hui à notre réseau de routes 



38 société d'archéologie et de statistique. 

nationales ; ce qui prouve bien que les routes, pas plus 
que les cités, ne disparaissent complètement et que le 
présent est une transformation, non une résurrection 
du passé. 

Or, la via Domitia, d'après les recherches les plus 
autorisées, aboutissait à Beaucaire où elle franchissait 
le Rhône ; de là elle se dirigeait sur St-Gabriel (Erna- 
ginum) et Saint-Remy (Glanum) où elle se bifurquait en 
divers embranchements. Ce sont les Romains qui con- 
duisirent cette route jusqu'à Arles d'abord par une an- 
nexe qui suivait la rive droite du Rhône et plus tard, 
lorsque Arles devint une capitale, par une route directe 
qui partait de Nîmes. 

Il dut y avoir également une route de Nîmes à Re- 
moulins près duquel se trouve le fameux pont acqueduc 
du Gardon mais aucun texte, aucun monument n'indique, 
à notre connaissance, qu'il y ait eu une voie antique de 
Remoulins à Roquemaure, à travers les marécages de 
Pujaut et les rochers de Rochefort. 

Il est donc de toute vraisemblance qu'Annibal, sui- 
vant la voie existante, arriva à Beaucaire ; il ne s'est 
pas détourné de sa route à partir de Nîmes car, ainsi 
que nous le verrons plus loin, il n'avait aucune raison de 
le faire ; s'il avait pris un chemin aussi pénible et aussi 
dangereux, Polybe, l'écrivain consciencieux et précis, 
l'aurait dit et en aurait fourni une explication ; car, nous 
le répétons, une armée, forte de jjo.ooo hommes, ne se 
lance pas ainsi en pays ennemi à l'aventure sur une 
piste destinée à devenir à notre époque un simple che- 
min vicinal. 

De même Hannon qui, d'après le colonel Hennebert, 
se trouvait à la tête d'un détachement de io.ooohom- 



NOTE SUR LA MARCHE D'ANNIBAL. 3q 

mes, n'aurait pas pu, même avec des guides, traverser 
de nuit l'épais et confus massif boisé de la Valbonne ; 
quoi qu'en dise M. Martin (de Bagnols), nous considé- 
rons cette route comme impraticable pour une armée un 
peu importante, ce qui d'ailleurs ne diminue en rien son 
antiquité hypothéthique. 

Au contraire, si l'on admet le passage à Beaucaire, la 
marche d'Hannon se lit très bien sur les deux routes 
nationales qu'il a empruntées. 

5° Achat d'embarcations. — Nous lisons dans 
Polybe et dans Tite-Live qu'Annibal acheta aux habi- 
tants de l'endroit où il se trouvait toutes les nombreuses 
embarcations dont ils se servaient pour leur commerce 
par mer et pour leurs communications avec les deux 
rives. C'est donc que le général carthaginois se trou- 
vait à remplacement d'un lieu habité par une population 
nombreuse et très commerçante. 

Si nous plaçons Annibal à Beaucaire cette phrase est 
parfaitement compréhensible ; mais il n'en est plus de 
même si nous le mettons à Montfaucon. D'une part, ce 
village est pour ainsi dire dépourvu de voie de commu- 
nication, ce qui nous empêche de lui assigner une haute 
antiquité et une importance commerciale quelconque ; 
l'examen des lieux et ce que nous savons de ce village 
nous permettent au contraire d'affirmer que sa création 
remonte à peine au moyen âge et qu'elle est due surtout 
à la situation stratégique qu'il occupe au sommet d'une 
colline ; d'autre part, il n'existe en face de Montfaucon 
aucun port dont la présence aurait justifié la fréquence 
des communications entre les deux rives ; aucune route 
ancienne ne franchissait le Rhône en cet endroit, ce qui 
aurait nécessité également de nombreuses embarcations; 



40 société d'archéologie et de statistique. 

enfin nous ne croyons pas que la navigation maritime ait 
jamais remonté jusqu'à Roquemaure. 

Au contraire, l'existence de la foire de Beaucaire 
dont l'origine remonte à la plus haute antiquité, le voisi- 
nage de Tarascon, la proximité de la mer, la construc- 
tion de la voie phénicienne, toutes ces considérations 
nous permettent de comprendre les facilités exception- 
nelles que trouva Annibal pour effectuer le passage du 
Rhône. 

6° Arrivée du roi Magile et des ambassadeurs 
boïens. — Nous savons par Polybe et par Tite-Live 
qu'Annibal ayant à peine terminé le passage du Rhône 
vit s'avancer vers lui le roi Magile et les ambassadeurs 
boïens qui étaient venus le trouver des bords du Pô. 

Ceux-ci arrivaient d'Italie et allaient au devant 
d' Annibal qui venait d'Espagne ; ils avaient certaine- 
ment pris le chemin le plus court et le plus facile, 
c'est-à-dire qu'après avoir franchi les Alpes au mont 
Genèvre ils étaient descendus par la vallée de la Du- 
rance et étaient arrivés à Beaucaire par Apt, Cavaillon 
et St-Remy en suivant une route ancienne qui, plus tard, 
devait devenir une voie romaine. 

Nous avons dès lors une nouvelle raison de penser 
qu'Annibal était à Beaucaire et non à Montfaucon, car, 
en admettant que les ambassadeurs boïens aient pris 
la vallée de la Durance, ils n'auraient jamais eu la pensée 
de remonter jusqu'à Montfaucon, et s'ils étaient venus 
par la vallée du Rhône ils seraient passés par Orange, 
Courthézon, Avignon et n'auraient eu aucune raison d'in- 
cliner vers le Lampourdier et Roquemaure, route qui 
ne conduisait à aucun passage connu du Rhône et les 
écartait de leur itinéraire arrêté certainement d'avance. 

A. AURIC. 



UN TORRENT, LA DROME. 



4« 



UN TORRENT 

LA DROME 



(Suite. — Voir les i2j* k 1 3 !• livr.) 



De Luc a Die. — La première plaine de la Drôme : 

VIGNES, NOYERS, MURIERS. — LES AFFLUENTS. — La 
BÉOUX, LE BEZ. SES MONTAGNES, SES VALLEES, SES 
MYSTÈRES, (COMBEAUX, ARCHIANNE, ChATILLOM, MeN- 

glon, Aix). — Le Valcroissant, la Meyrosse. 

Enfin paraît la vigne. Comme cela prête des moyens à 
une contrée ! comme un horizon, grâce aux pampres verts, 
prend tout de suite air de gaîté et d'abondance ! A la voir 
seulement, il semble qu'on respire une haleine plus clé- 
mente, qu'une intimité fraternelle vous rapproche des 
êtres et des choses. La vigne réchauffe d'humanité le site 
le plus grave et le plus sauvage, elle marie les terres 
arides à des idées confuses de bien-être et de belle humeur. 
Ici, elle ne constitue pas naturellement la richesse comme 
dans certaines provinces, car elle ne saurait être la culture 
essentielle, mais soit qu'elle tapisse le plafond du val, soit 
qu'elle ébouriffe d'un vert vigoureux les rudes pentes de 
la montagne, elle est l'objet des mêmes soins jaloux; quel- 
ques bouteilles de vin paillet chambrées au nord de la 
grange, avec cela le paysan accepte de bonne grâce ses 
misères éventuelles. 



42 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Saluons donc le clocher de Luc, pourtant débile et nu. 
Il annonce la vigne et il chante avec la voix fluette de son 
humble cloche l'hymne du Diois Heureux, l'hymne sensuel 
de la douce clairette. Ce Diois Heureux, d'ailleurs, est 
encore plus que libéralement Pétré, mais le malin monta- 
gnard en tire même avantage. Sans les innombrables 
murs en pierres sèches que l'on voit de toutes parts, il n'y 
aurait sur les pentes trop rapides de la montagne ni de ces 
charmants étages de culture, ni de ces agrestes jardins 
suspendus. Puis, le pays s'amende tous les jours et peu à 
peu ses plaies se ferment grâce au reboisement. Un trou- 
peau magnifiques de hêtres, de sapins, de pins, d'épicéas, 
a escaladé les croupes voisines de Luc : monts de Cerne, 
de Clamontard, d'Aucelon. On rend à la chèvre inique la 
vie de plus en plus difficile. Le rendement en fromages 
sera moins grand, mais il sera compensé par un rende- 
ment inappréciable en fraîcheur, en beauté. De l'horrible 
mort sylvestre dont l'homme l'avait frappée, n'est-il pas 
merveilleux que l'homme, par le bénéfice de la sagesse et 
de la science, ressuscite une terre à la vie, lui redonne ses 
décors naturels, la fasse remonter dans les siècles ? 

Mais en piquant un ciel plus bleu, le clocher de Luc 
donne aussi le branle à une végétation plus franchement 
méridionale. Les granges, les fermes isolées se multiplient 
et dans la plaine, presque toutes se doublent d'une magna- 
nerie. Aux dômes d'or brun de leurs paillers, dont le 
nombre, suivant un dicton, représente autant de centaines 
d'écus de rentes et gonfle d'orgueil le cœur de l'ancien, on 
reconnaît des situations à l'aise. Dans les bas-fonds, de 
petits mûriers, dans la joie de se poursuivre le long des 
héritages, rient à feuilles déployées dans la lumière d'un 
soleil déjà provençal. Pruniers, poiriers, pommiers, 
amandiers, châtaigniers, noyers, s'équilibrent tant bien 
que mal sur les pentes, en éteignent de touches pâles 
et discrètes tantôt l'ocre féroce, tantôt le gris livide. Les 



UN TORRENT, LA DROME. 43 

noyers surtout intéressent. Cet arbre harmonieux donne 
au Dauphiné une partie de ses grâces et l'on peut dire 
qu'il tient a sa physionomie. Malheureusement il tire 
l'œil, il est trop puissant, trop beau, trop généreux, et un 
quatre-vingt-treize mercantile médite d'en découronner 
nos Alpes. L'instituteur qui est presque toujours le cama- 
rade et souvent le conseiller du paysan dans nos villages, 
ne pourrait-il, par la persuasion, faire entrer l'amour de 
l'arbre dans les mœurs ? C'est par l'humble fonction- 
naire des campagnes que l'idée récente de la protection 
des sites a. quelque chance de réussir. Mais il y a mieux 
qu'un intérêt d'agrément en cette affaire, il y a une raison 
de bien-être et d'existence même pour le montagnard. Ce 
que, dans le Diois en particulier, l'abatage systématique 
des noyers a ruiné de gens et provoqué d'exodçs est ini- 
maginable. L'instituteur le moins sagace aurait là une bien 
intéressante leçon de choses à enseigner. Il serait une 
force à opposer au vandalisme de ces exécuteurs qui, cou- 
rant la montagne, marquent partout des victimes pour 
leurs sacrifices barbares. 



De seuil en seuil, nous voilà bellement descendus de 
près de cinq cents mètres depuis La Bâtie des Fonts. C'est 
dix fois la hauteur de la fière tour de Crest, près de vingt 
fois celle des Jumeaux, ces deux personnages formidables 
de la scène du Claps, que j'ai cités plus haut sans les 
nommer. Et nous n'avons guère parcouru que 33 kilo- 
mètres. D'autre part, supposons un instant le Rhône de 
Loriol coulant sous Luc. Nous né le verrions pas à plus de 
quatre cents mètres au-dessous de nous, — abîme, certes, 
des plus honorables, envisagé de la sorte, mais assez lent 
affaissement en somme s'il s'agit de l'incliner sur soixante- 
dix-huit kilomètres. Telle est, en effet, la distance qui 
sépare Luc du confluent de notre rivière. La dénivellation 



44 SOCIÉTÉ D ? ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

entre les sources et le palier du Claps s'établit donc dans 
des proportions environ trois fois plus fortes qu'entre ce 
palier et la fin de la Drôme à Loriol, en amont qu'en 
aval de Luc. Il ne faut pas s'étonner qu'un ingénieur en 
chef du département (i), ait songé, dès le commencement 
de ce siècle, à rendre navigables ces soixante-dix-huit 
kilomètres à faible pente. Cette idée, à laquelle l'œuvre du 
reboisement donne un regain d'intérêt, germera-t-elle un 
jour ? Nous le souhaitons sans l'espérer. 

Maintenant une plaine appréciable s'offre à nos regards. 
Il faudra compter cinq lieues et plus avant une nouvelle 
cluse, et la vallée, dans sa fuite lumineuse, orientée vers le 
nord, mettra désormais un peu d'ordre dans le chaos cal- 
caire du Diois. Les montagnes, sans s'abaisser, (Aucelon, 
i523 mètres), (col de Pennes, 1244 mètres), (Serre 
Chauvière, 12 14 mètres), (hauteurs de Saint-Justin) à 
gauche ; (monts de Cerne, 1 iSS mètres), (Glandas, 202S 
mètres), (Dent de Die et pic de Romeyer, environ 1800 
mètres) à droite, ont pris en s'espaçant, des nuances plus 
tendres, des formes moins revèches. La rivière, à peine 
évadée du Claps, qui dans ses tenailles la mordait à vif, 
s'est ressaisie. Son sans-gêne de va-nu-pieds reprend bien 
vite le dessus. Elle accapare le fond du val, mendie effron- 
tément son eau, tantôt à gauche, tantôt à droite et reçoit 
trop souvent les rebuffades des torrents d'occasion. Quand 
par hasard, la copieuse aumône d'une eau constante lui 
arrive, elle devient double, triple, elle essaie de faire 
croire, mais vainement, qu'elle est un fleuve. Comme 
jadis, quand le val, empourpré de sang, hurlait de souf- 
france, la plupart des villages, Montlaur, Jansac, Recou- 
beau, Barnave, Montmaur, Aix et Molières, demeurent à 
mi-chemin du ciel, pour me servir de l'expression exquise 
du poète Champavier. 

(1) M. d'Ingler. (Delacroix, Statistique de la Drôme). 



UN TORRENT, LA DROME. 46 

La Drôme, dans ce bassin de Die, fait beaucoup de mau- 
vaises rencontres. Généralement fort courts, ses affluents 
se fâchent au moindre orage et se ruent dans la plaine. 
On réussit à les éteindre un peu en embarrassant leur lit 
de branchages, en les cassant pour ainsi dire de distance en 
distance. Enumérons seulement les ruisseaux de Charel, 
de Montlaui\ de Jansac, de Barnavette, d'Esconapette, des 
Auches, de Satayac, de la Salle, celui-ci né à peu de dis- 
tance de la grotte de Salaure, jonchée de débris préhisto- 
riques et qui porte le nom d'une ancienne villa épiscopale 
[rive gauche] ; ceux de Lu\erand appelé Blanchon dans son 
cours inférieur, de Saint-Roman, de Laval dCAix et de 
Beaufayn [rive droite]. Aucun n'atteint dix kilom., aucun 
n'a d'importance topographique. Plus longue, plus sau- 
vage, la louche "Béoux, en éventrant toute une pouillerie 
de monts mal assis, permet aux vallées de l'Aygues et de 
la Drôme de communiquer ensemble. En guerre éternelle 
avec ces terribles cônes schisteux, semblables à distance, à 
de rigides pièces de soie grises drapées par des géants, la 
Tiéoux dévaste plus qu'elle n'arrose les territoires de Jon- 
chères et de Poyols. Nous avons gardé pour la fin : le 
*Be%, le Valcroissant, la Meyrosse [rive droite], eaux can- 
dides où, à n'en pas douter, se baignèrent les Matrœ 
agrestes du Vocontium. 



Ce *Be{, ainsi que le remarque l'abbé Moutier, est déjà 
passablement étonnant pour l'étymologie. Grimone ou 
Vierre, puis Charans, puis Gas, puis ©e^, il change qua- 
tre fois de nom en vingt-six kilomètres. A considérer le 
volume des eaux, VArchianne^ avec ses dix mètres cubes à 
la seconde devrait être son maître courant ; si l'on tient 
compte de la seule longueur, c'est au ruisseau des Gas, 
formé de l'appoint presque simultané de la 'Borne, de la 
Grimone et de la Vierre, que cet honneur doit revenir. 



40 société d'archéologie et de statistique. 

Au bec de Mensac, comme la Garonne au bec d'Ambès, 
le torrent trouve sa Gironde en s'appelant Se^. Mais que 
dire de sa capricante beauté ? comment apprécier les cris- 
pations fabuleuses de ses paysages ? Quand on monte de 
Die à Lus-la-Croix-Haute en passant par le charmant 
village de Châtillon enfoui dans une somptueuse verdure, 
on s'abîme il est vrai dans un des plus longs et des plus 
saisissants défilés des Alpes, on contemple, après avoir 
salué au passage son Irrévérence le Mont Vente-Cul 
(1691 m.) sur lequel le Jocon (2o56 m.) s'empile, le site 
de Lus dans sa reposante majesté, mais on ne soupçonne 
pas les mystères du Ruisseau Noir, entaille à peine fami- 
lière aux pêcheurs de truites, et on laisse de côté la solitude 
grandiose du vallon de Boule et les splendeurs mystiques 
du calcaire d'Archianne. Contrée fabuleuse d'innocence et 
de renoncement que celle-là, où fréquente l'ours, où se 
pavane le coq de bruyère et qui exhale je ne sais quel 
relent préhistorique. Contrée minée, sans doute, d'inson- 
dables catacombes, de cryptes audacieuses, aussi inté- 
ressante dans ses dessous que dans sa forme extérieure. 
L'œil d'intrépides Châtillonnais fouillait tout récemment 
les grottes de Pelebi, qui s'ouvrent en vue de Mensac, sur 
son haut promontoire, et reconnaissait quelques-unes de 
leurs galeries. Mais comme les braves gens ne s'atten- 
daient pas à un accueil aussi profond et aussi durable de 
la nature, ils durent, à ce que raconte M. Darly, revenir 
avec le regret des choses inexplorées. 



En une seule journée, j'ai eu la satisfaction, partant de 
Die, d'y revenir par un point opposé en faisant le tour du 
Glandas. Au cours de ma promenade je tombai tout à coup 
sur Archianne. Loin de moi la prétention d'avoir décou- 
vert ce coin de grâce primitive. Les habitants de Die en 
savent le nom, ceux de Châtillon en savent l'emplacement. 



UN TORRENT, LA DROME. 47 

Les guides, d'ailleurs, parlent d n Archianne. L'un enseigne 
qu'on y fait de bons fromages, l'autre qu'on y voit des 
grottes remarquables. Un troisième cite les grottes et les 
fromages. Le précis Guide Bleu de Stéphane Juge indique 
seulement le chemin terrible qui y glisse du Glandas. Mais 
de Tétrangeté grandiose du site, bernique ! il n'en est pas 
question. 

C'est surtout ici qu'il me semble avoir pris contact avec 
Glandas, avoir goûté avec une vraie joie d'artiste les 
magnificences mystiques de son architecture. De Die, on 
sent très bien la complexité de cette masse monumentale, 
mais les lointains, en unifiant les arêtes, en façonnant les 
crocs et les aspérités, en enveloppant d'ombres mauves 
toute la montagne, ne permettent pas de la juger dans ses 
détails. A Romeyer et à Valcroissant, autres habitacles de 
la singulière montagne, on est plutôt en présence d'une 
citadelle imprenable, inouïe, avec tours, bastions, donjons, 
échauguettes et mâchicoulis. A Archianne, rien de pareil. 
Le Glandas s'idéalise en un envol de flèches aiguës, de 
pignons, de dômes, de clochetons, de pilastres, de dente- 
lures. C'est une cathédrale surhumaine, rayonnante de 
gothicité. On se prend à chercher des croix d'or aux cimes 
de ces flèches, aux sommets de ces dômes, mais en vain, 
la nature n'a pas poussé plus loin la figure. La nature 
ignore les religions et ne s'inquiète pas des symboles. Voilà 
tout de même un but de sain et réconfortant pèlerinage, 
sans les images polychromes, sans les patenôtres, sans les 
mendiants et avec, pour encens, l'arôme fort des pins et 
des buis. Le paysage écrasé de soleil, semble agenouillé 
devant cette merveille, et un rieu, plein de fougue, y 
murmure éternellement sa prière spumante. 

Archianne se compose d'une douzaine de cabanes en 
chaume, semées sans soin dans la poche d'un petit vallon. 
Quelques familles y végètent, dont les ascendants ne sont 
peut-être jamais sortis de leur horizon natal. Il me sou- 



48 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

vient d'un type de mère-grand aux cheveux en broussaille 
et aux yeux électriques, dont l'expression me remua sou- 
dain comme si je venais de frôler l'époque farouche des 
Burgondes. Jamais je n'oublierai la façon dont elle nous 
poursuivit dans son champ de pommes de terre que nous 
traversions fort innocemment pour nous rendre à la grotte, 
— car Archianne à une grotte qui vomit tout un torrent à 
certaines époques de Tannée. A notre sortie, le fantôme 
des âges de proie nous guettait et j'imaginai le plus 
aisément du monde une scène terrible où la vieille, un peu 
moins scrupuleuse, enfumait l'étranger dans son trou 
comme un renard. M. Martel, le célèbre spéologue, et 
M. Etienne Mellier, le premier explorateur de notre Ver- 
cors, venus, sur la foi des guides, visiter cet antre négli- 
geable, ont dû — et cette communion dans le même senti- 
ment m'honore — se rabattre eux aussi sur le spectacle 
du Glandas, commotion sublime. Et maintenant, la part 
d'admiration satisfaite, louons les fromages à l'instar d'un 
simple guide. Il s'en fabrique assez peu à Archianne, où 
la population des chèvres est peu dense ; davantage àGri- 
mone et à Glandage, C'est une des variétés véhémentes de 
et picaudon vénéré, gloire de Bourdeaux et des Tonils, qui 
fait qu'on se passe quelquefois de dîner, et après lequel le 
bouquet d'un vin si bien se dénonce. Quelle hérésie, goû- 
ter le vin sans picaudon ! Autant, ma foi, vaudrait goûter 
le picaudon sans vin ! 



Treschenu, que vient de nous restituer M. Lacroix, dans 
une de ses savantes notices, comprend outre Archianne, 
les écarcs de Menée, Benevise et des Nonnières. Or, 
Treschenu n'est qu'un mythe, il n'existe pas. Il étiquette 
seulement la fédération administrative des quatre groupes. 
On dirait que tout se concerte pour le mystère en ce coin 
du Glandas. 



UN TORRENT, LA DROME. 49 

Les Nonnières perpétuent la très dramatique histoire 
d'un des plus anciens moûtiers de France. C'est aux Corn- 
beaux (4 kil. de ce hameau) qu'il fut fondé vers Tan 610 
par Meltride et trois légataires de Sainte Radegonde, 
femme de Glotaire I re , xMaxime étant évêque de Die. 
Malgré la solitude hérissée de pics de 1800 à 2000 mètres, 
malgré l'inconnu de leur retraite et l'éloignement des voies 
naturelles, les Sarrasins, flairant les moniales et leurs 
trésors, dénichèrent les Combeaux. Piller la maison, puis 
y mettre le feu après avoir sans doute violé les filles de 
Sainte Radegonde, fut l'affaire de peu d'instants. Bien des 
noms, bien des légendes dans nos vallées, témoignent des 
incursions de ces barbares et de la terreur qu'ils inspiraient. 
Il y a naturellement beaucoup de réserves à faire sur les 
récits du moyen-âge relatifs au Sarrasin. Il serait difficile 
de mesurer la hauteur de ce flot d'Islam dans nos vallées, 
et tout à fait impossible d'en rechercher le dépôt dans 
l'âme Dauphinoise, mais j'ai trop souvent surpris dans de 
hauts villages la flamme mystérieuse d'un œil noir, j'ai 
trop souvent senti un sang étrange gonfler certaines veines, 
pour ne pas soupçonner les porteurs de cimeterre. Hantés 
par les âpres souvenirs des Sierras, ils n'étaient point 
trop dépaysés en ce pays de rocs altiers, de forêts noires, de 
solitudes farouches. Individus fatigués d'invasions, indi- 
vidus gagnés au charme d'une patrie semblable à la leur, 
ou même qui sait, retenus par les liens de l'amour, un 
sédiment arabe, très sporadique, il est vrai, finit par s'atta- 
cher au sol diois. 



Châtillon, dans son creux, n'a rien qui impose. Assis 
entre des rochers feutrés de mousse et des collines domi- 
nées par l'inévitable Glandas, toute sa vie, comme à Luc, 
se concentre en sa longue rue, parallèle au Bez. Des jar- 
dins, des vergers l'entourent, grimpent sur les hauteurs 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — I9OO. 4 



Fi 

i, 

r. 



5o société d'archéologie et de statistique. 

dont des murs en pierres sèches soutiennent les larges 
gradins, et lui font une parure exquise. Les agneaux appe- 
lés truands et les truites d'Archianne, desGas et du Ruis- 
seau Noir, sont la renommée de Châtillon, dont les mines 
de zinc voisines des Boidans (comme de Menglon) pour- 
raient faire un jour un petit centre prospère. Ces mines, 
exploitées par la Compagnie Asturienne, qui recherche 
très activement d'autres gisements dans la Drômé, (à 
Brette, à Gumiane), occupent de cent-vingt à cent-cinr 
quante ouvriers. Le minerai lavé au préalable est trans- 
porté à la gare voisine de Recoubeau qui l'expédie dans 
le Pas-de-Calais. La gare de Châtillon est Pont-de- 
Quart. C'est là que la grande route de Die à Sisteron passe 
de la rive droite de la Drôme sur la rive gauche, après 
avoir envoyé le tronçon de la vallée du Bez sur lequel se 
grefferont à leur tour le chemin de Menée, d'Archianne et 
des Nonnières et le chemin de Boule et de Bonneval. 
Pont-de-Quart, hameau de la commune d'Aix, voit de 
jour en jour son chef-lieu dépérir à son profit. Les habir 
tants d'Aix, insoucieux de l'ancienneté fabuleuse de leur 
dieu (i) aquatique Bormanus, et peu confiants dans la for- 
teresse caduque des La Tour du Pin Gouvernet, bâtie par 
la ferveur huguenote avec les pierres noircies et fumantes 
encore de la cathédrale de Die, lâchent leur colline pour la 
plaine, et peut-être la proie pour l'ombre. Les noyers 
d'Aix et de ses environs passent pour donner les meilleurs 
cerneaux du Diois. Dans son ensemble, la Drôme est — 
que nul ne l'ignore — le premier département de France 
pour les noix « de Grenoble. » 

Le Be%, déclaré flottable sur dix kilom., paraît ne pas 
s'être soumis encore à cette décision arbitraire des Ponts 
et Chaussées. Il n'en double pas moins la Drôme, en s'y 
jetant en face de l'Esconavette par 475 mètres d'altitude. 

(1) Divinités indigètes du Vocontium — Florian Vallentin. 



UN TORRENT, LA DROME. 5l 



Le Valcroissant, aux reins souples, franchit en une lieue 
et demie de cours, les 233 mètres qui séparent son com- 
mencement sous Glandas de sa fin dans la Drôme sous le 
tertre calciné de Molières. Il porte à juste titre le nom 
fanfarant d'une ancienne abbaye de Tordre de Giteaux, 
fondée vers r 188, ruinée ensuite pendant les guerres reli- 
gieuses, et finalement transformée après la Révolutiou 
en exploitation rurale. Imaginez une courbe d'à peine 
deux cents pas de large, s'insinuant ainsi qu'un calme fiord 
de verdure entre des à pic rocheux de douze cents, dix- 
huit cents, deux mille six cents pieds. Une brèche extrê- 
mement étroite, par où fuit le torrent lui sert de seuil. 
Partout ailleurs elle est close. Des moines vécurent là sans 
bruit et presque sans faire parler d'eux durant quatre siè- 
cles — chose rare pour une grande communauté du 
Moyen-Age. Une ferme est dans la ruine, mais c'est la 
ruine que l'on vient voir, jolie à souhait: restes de cha- 
pelle, arcs solitaires, escaliers rompus et pierres descellées 
baignant dans les hautes herbes. Au moment de notre 
visite, un coq qui a choisi pour son perchoir un vénérable 
reste de pilier, claironne ses amours, cependant que de 
petits porcs noirs, agiles et charmants, se lutinent avec 
frénésie sous les voûtes écroulées du cloître. O cette 
animalité mutine parmi les souvenirs de pénitence, parmi 
cette solitude redoutable ! Quel fil de mélancolie à dévider 
pour une âme sensitive que le spectacle d'un pareil tableau ! 
Mais au lieu de chercher des raisons à la nature, ne vaut-il 
pas mieux mêler le rêve et la vie dans une juste proportion ? 
Ne vaut-il pas mieux, comme le paysan, accepter la force 
des choses, et au besoin s'en accommoder et en jouir ? Les 
siècles imposent à l'ouvrage des hommes des superposi- 
tions impayables, inattendues. 

Le Valcroissant, ou du moins quelques-unes de ses 



52 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

sources, admirablement limpides, servit, sous les Romains, 
à l'alimentation de Die. Ces eaux étaient amenées par un 
aqueduc dont quelques pierres se voient encore. Courant 
sur les confins méridionaux du vaste territoire de Die (près 
de 7000 hectares), le ruisseau, avant de terminer sa courte 
carrière, regarde en passant Salières-les-Bains (vapeurs à 
la thermo-résine) et sa fontaine ardente, petite sœur de 
l'ex-merveille de Dauphiné (1). 

La Meyrosse ou Mérosse est également redevable au 
Glandas de ses plus belles fontaines. Née au Pas-des- 
Econdus (1736 mètres), elle descend très rapidement 
jusqu'aux Vignons (2) au sein d'une admirable vallée close 
que dominent les crêtes turriformes de Glandas, reçoit le 
Rays, dont les eaux glacées abreuvent la cité des Voconces, 
franchit au pont de la Roche un arc de triomphe naturel 
célèbre, atteint Die, s'y souille et ribaude quelque peu 
dans les profondeurs malsaines d'un vieux faubourg et 
gagne la Drôme après une course de douze kilomètres. 



(1) La Fontaine Ardente de Vif (Isère). 

(2) Commune de Romeyer. 

(A suivre.) Félix GRÉGOIRE. 







ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 53 



ESSAI 

DE 

BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE 



(Suite. — Voir les 102* à 131* livraisons). 



VII. — Procès de la Prébende préceptoriale. 

Le Chapitre de St-Barnard avait le droit d'inspection sur les 
écoles de la ville. Les régents nommés par les consuls devaient 
être approuvés par lui, et il nommait directement l'un d'entre 
eux. L'une des 15 prébendes dont il pouvait disposer était 
affectée à son entretien, et appelée pour ce motif Prébende pré- 
ceptoriale. Ce droit, comme la plupart de ceux de l'église de 
St-Barnard, fut l'objet de contestations entre le Chapitre et les 
Consuls. îl s'en suivit différents procès, dont nous trouvons 
trace dès le xvi e siècle ; mais le principal arriva avec le xvm e , 
et se prolongea pendant près de 70 ans. 

Voici, au sujet de cet important débat, les pièces qui sont à 
notre connaissance : 

3 14 — Arrêt conventionnel entre les sieurs Consuls 
de la ville de Romans et Messieurs du Chapitre Saint- 
Barnard de lad. ville, tant à raison des honoraires et 
jugement du prédicateur de ladite ville, que de la pré- 
bende affectée à un des régents du collège dU celle, et 
nomination dudit régent. 

Petit in-fol. de 3 pp., s. 1. ni date, mais « fait à Grenoble, 
en Parlement, le 17 mai 1 565. » 

Ce document n'est certainement pas le plus ancien con- 
cernant cette affaire, puisqu'il contient l'arrêt du Parlement 
intervenu après débats. Trois objets différents y sont 
réglés, dont le second est celui qui nous intéresse. Pour 



54 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique. 

n'avoir pas à revenir sur cette pièce, nous mentionnerons 
aussi les décisions relatives aux deux autres. Il est donc 
réglé que le Chapitre sera tenu : i ° de payer annuellement, 
« pour Tentretènement d'un Théologien en ladite ville de 
Romans, pour la prédication et lecture de la parole de 
Dieu, la somme de 200 livres tournois..., et accorder ledit 
Théologien de maison honnête et convenante à sa profes- 
sion et qualité ; » 2 qu'il devra payer pareillement la 
somme de i5o livres pour l'entretien du régent des écoles 
de la ville, et ce, par provision, en attendant « que liqui- 
dation soit faite de l'estimation de ce à quoi peut se mon- 
ter plus ou moins une des quinze prébendes d'icelle 
église... Item, que des fruits séquestrés des prébendes et 
portions canoniales des chanoines décédez depuis deux ou 
trois ans, la somme de cent écus d'or sol sera baillée et déli- 
vrée aux consuls de Romans pour le payement des gages 
des Régents desd. écoles de Romans... Que l'hôpital de 
Sainte- Foy sera régy et gouverné par le Don (1) qui sera 
député par devant lesdits sieurs chanoines et Chapitre, et 
qu'il sera nourri et alimenté honnêtement du revenu dudit 
Hôpital, à la charge aussi qu'il fera le service divin audit 
Hôpital, et moyennant ce, sera déchargé du service ordi- 
naire qu'il doit faire en ladite église Saint-Barnard, sans 
que on lui puisse diminuer les distributions ordinaires 
qu'il convenoit faire pour lui en ladite église. » Quelques 
autres objets de moindre importance sont encore prévus 
et réglés. 

3 1 5. — Avertissement de la part des Consuls au Cha- 
pitre au sujet des régents et de la prébende préceptoriale, 
signifié le 12 juin 1704. 



(1) Titre d'honneur qui était donné au prêtre directeur de l'hôpital 
Sainte-Foy. 



ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMAN AISE. b5 

Cette pièce nous manque. Il en est fait mention dans 
le Précis servant de réponse... (ci-après, n° 3 17), p. 6. 

3 f 6. — A Nosseigneurs de Parlement, supplient hum- 
blement les Sieurs Maire, Lieutenant en la Mairie, 
Consuls et Notables Habitants de la ville de Romans, 
défendeurs à Imposition déclarée par les actes du ig 
octobre 1702 à V exécution de Pacte d'assemblée et dé- 
libération de ladite ville du 1 g dudit mois d 'octobre. — 
Contrt les Sieurs Syndics, Chanoines et Chapitre de 
V Eglise Saint-Barnard, Conseigneur avec le Roy de 
ladite ville, et sieur Jean Brieude opposant ; — Et 
encore lesdits Sieurs Maire, Lieutenant en la Mairie, 
Consuls et Notables habitants, demandeurs en requête 
des 2g novembre sus-dite année tjo3, et 1 g juin 1704, 
contre les-dits Sieurs Syndic, Chanoines et Chapitre, 
Défendeurs et Demandeurs. 

Petit in-fol. de 5j pp. (s. 1. n. d.), signé Sibuet, Mon- 
sieur de Pina de la Balme, Rapporteur, Sapey, Procu- 
reur. — Signifié le 7 juillet 1704. 

Outre la question de principe au sujet des droits con- 
testés entre le Chapitre et les consuls, pour la nomination 
du régent des écoles grammaticales, il s'agit dans ce factum 
d'une affaire personnelle relative au s r Brieude, nommé 
à cet office par les chanoines et récusé par les consuls. 
Ceux-ci combattent la « maintenue provisionelle » de- 
mandée par le Syndic de St-Barnard. 

Ce procès, dit le mémoire, est le plus important que la 
ville ait jamais été obligée de soutenir, « puisqu'il s'agit 
de l'éducation de la jeunesse de ladite ville et de conserver 
aux suppliants la liberté de choisir les précepteurs pour 
l'instruction de leurs enfans, en les maintenant dans le 
droit de nommer, instituer et destituer ceux dudit collège et 
écoles que ledit Chapitre leur conteste très injustement. » 



56 société d'archéologie et de statistique. 

« Tous les actes employés par les parties, continue le 
mémoire, prouvent que depuis deux cents ans, V Assemblée 
de lad. ville a nommé, institué et destitué sans interruption, 
le principal et régens dudit collège, qu'elle a eu un pou- 
voir absolu sur eux, qu'elle a réglé leur conduite, décidé 
de leurs différens, imposé des lois et des conditions, 
déterminé la durée de leurs services, les a continué ou 
congédié comme elle a trouvé bon, et qu'enfin, elle a 
toujours et entièrement et absolument disposé à son gré 
desdits régents. » 

Ce mémoire est mentionné dans le Précis servant d* 
réponse... (ci-après), qui en donne de longs extraits (pp. 4 
et 5), pris aux pp. 21 et 23. 

317. — Précis servant de Réponse, pour le Sieur Syn- 
dic du Chapitre de Saint-Barnard de Romans. — Contre 
les Sieurs Consuls et Communauté de la même Ville. 
(Dans un bandeau : Ex typ. A. Giroud). 

In-fol. de 66 pp. (s. d., vers 1704), signé Enfantin, 
Chanoine, Syndic, Pison, Avocat, Monsieur de Reynaud, 
Rapporteur, Perrotin, Procureur. 

Trois questions sont examinées et débattues dans ce 
factum : i° l'institution de tous les régents par le Maître 
de chœur (ils étaient nommés par les consuls) ; 2 la nomi- 
nation d'un seul par le Chapitre ; 3° la liquidation de la 
prébende préceptoriale. Dans un long préambule intitulé: 
Principes (pp. 8 à 20), on donne un aperçu historique 
sur les anciennes écoles attachées aux monastères et sur 
l'enseignement public au moyen-âge. Les Applications, 
qui suivent, nous montrent le Chapitre de St-Barnard en 
possession de temps immémorial de la direction et de 
la surveillance des écoles. On cite plusieurs actes dont on 
reproduit les textes, notamment une sentence arbitrale 
rendue par le gouverneur de la province en 1471 pour ré- 



ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. bj 

gler différents griefs de la ville contre le Chapitre, prin- 
cipalement au sujet des régents. Ce mémoire, tant par l'im- 
portant sujet qu'il traite que par les renseignements qu'il 
contient sur l'histoire de l'enseignement public à Romans, 
est des plus intéressants. On y désirerait toutefois plus 
de précision et plus de méthode. Il conclut en résumé : 
i° à ce que le Chapitre, en la personne de son Maître de 
chœur, soit maintenu dans le droit « d'examiner sur les 
mœurs, religion et doctrine, tous les régents et précepteurs 
qui seront préposés à l'enseignement et instruction de la 
jeunesse dans les écoles publiques de la ville de Romans ; » 
2° à ce que le Chapitre en corps soit pareillement maintenu 
dans le droit de nommer celui des régents qui est stipendié 
par lui, en exécution de l'arrêt conventionnel du 17 mai 
1 565 ; 3° maintenir la prébende préceptoriale au chiffre 
de i5o livres, à payer annuellement pour les gages du 
précepteur qui est à la charge du Chapitre. 

3 18. — Mémoire pour les Sieurs Maire et Consuls 
de la ville de Romans^ défendeurs. — Contre le Sieur 
Syndic du Chapitre de l'église Collégiale de Saint-Bar- 
nard, Coseigneur en partie de la Ville de Romans, deman- 
deur en opposition contre une délibération de la ville, du 
1 5 octobre 1702. (De l'imprimerie d'André Giroud, au 
Palais). - In-fol. de 68 pp. signé : Chièze, Avocat, Mon- 
sieur de Reynaud, Rapporteur, Reymond, Procureur. 

Dernière date exprimée : 1759. 

Ce mémoire nous apprend que le procès, prêt à être 
jugé en Ï704, n'a été prolongé que par le mauvais vouloir 
du Chapitre, et il proteste que les consuls ont mis tout 
en œuvre pour arriver à une entente amiable, mais sans 
résultat. « Il s'agit, continue le document, de l'éducation 
des enfans de cette ville considérable; il s'agit du droit 
de leur nommer un principal pour leur apprendre à lire, 



58 société d'archéologie et de statistique. 

à écrire, et deux régens capables de leur enseigner les 
premiers principes de la latinité. » La ville fondatrice de ce 
collège en a seule payé les régents, jusques à l'Ordonnance 
d'Orléans en 1 56o ; à cette dernière époque, le Chapitre, 
qui devait y contribuer pour onze ou douze cents livres, 
valeur de la prébende préceptoriale, s'est contenté de 
fournir annuellement, par provision, une modique som- 
me de ï5o livres. 

Le curieux document que nous avons déjà cité contient 
les renseignements suivants au sujet de ce procès : Dans 
l'Assemblée des Trois-Ordres de la Ville tenue le 14 
novembre 1757, il fut arrêté qu'on ferait un emprunt de 
8,000 livres pour subvenir aux frais « de trois procès très 
intéressants, qui èxigeoient des recherches à la Chambre 
des Comptes, l'extraction d'anciens titres, des voyages, 
des députations... Le premier étoit sur le droit prétendu 
par le Chapitre de St-Barnard de nommer, à l'exclusion 
du conseil général de la ville, les régents d'un collège 
qu'elle a fondé et dont elle a eu la disposition depuis plus 
de deux cents ans avant Pentreprise du Chapitre... Ce 
procès de la prébende préceptoriale était à la veille d'être 
jugé et les secours manquoient . Le 12 mars 1769, nou- 
velle délibération pour un emprunt de 8,000 livres. » (1). 



VIII. — Procès avec l'abbé de Léoncel. 

Le Chapitre avait le droit de dîme sur le territoire de Pi- 
zançon, qui formait une partie de sa dotation primitive. Les 
religieux de Léoncel, établis au domaine de la Part-Dieu, lui 
en payaient une grosse part, ainsi que différentes redevances 
sur d'autres terres qu'ils avaient acquises autour de leur do- 
maine principal. Par suite de transactions et d'aliénations suc- 
cessives , les droits du Chapitre , devenus moins évidents, 



(1) Réponse au s* Viriville, pp. 35 et 38. 



ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 5g 

furent contestés par l'abbé H. de Servien. Il s'agit surtout du 
domaine de St-Martin de Alamenco, qui avait appartenu quel- 
que temps au comte de La Roche, gouverneur de Romans, et 
qui fit ensuite retour à Léoncel. L'abbé de Saint-Félix de 
Vajence, qui avait quelques intérêts dans la région, fut inter- 
venant au procès. 

Ce débat dura peu; mais il fut très animé. Les Mémoires 
succédaient aux Avertissements et les Répliques aux Observa" 
tions avec beaucoup de rapidité. Comme la plupart des autres, 
notre dossier sur cette affaire est incomplet; il nous manque 
plusieurs factums , tant du demandeur que des défendeurs, 
notamment lès premiers, dont l'existence est mentionnée dans 
d'autres pièces. Nous n'en possédons qu'un de l'abbé de 
Léoncel, qui a dû en produire au moins trois, et aucun de 
l'abbé de St-Félix, qui eut aussi à se défendre contre les pré- 
tentions de l'abbé de Servien. A en juger par le Mémoire que 
nous avons de lui. celui-ci paraît avoir été d'un caractère exces- 
sivement violent, et de nature à rendre impossible tout accord 
et toute transaction amiable (i). 

3 iq. — Mémoire pour Vabbê de Léoncel, communiqué 
le 12 juin 1709. Il y avait eu une première signification 
du Chapitre à l'abbé de Servien le 20 décembre 1707 ; 
mais nous ne connaissons aucun document intermédiaire 
jusqu'à celui-ci, qui paraît marquer une nouvelle phase 
du débat. Voici r en effet, ce qui en est dit dans le Som- 
maire dv proce\ (ci-après, n° 324) : « Cette redevance an- 
nuelle de 27 sestiers..., pour transport de dixme, n'a 
point fait la matière des contestations de ce procez jus- 
ques au 12 juin 1709 » (p. 8). 

Nous ne possédons pas cette pièce; mais elle nous est 
connue par les mentions qui en sont faites dans les docu- 
ments subséquents. 

320. — Avertissement communiqué par le syndic du 
Chapitre le 26 juin 1709. Ce document est mentionné 

(i) Le Gallia Christiana fait de cet abbé le portrait peu flatté que voici : 
N. de Servient, commendatarius abbas a rege creatur anno 1601; qui in 
villam dictam Partent Dei, ad monachos perlinentem, secedens, otiosam ibi 
vitam agit, et sibi subjectœ domus nullam prorsus curam kabet. (B. Hau- 
réau, Gallia Ckr.i t. XVI, col. 538.) 



6o société d'archéologie et de statistique. 

• 

dans le même n° 324, qui renvoie aux pp. 5 à 10, puis 
aux pp. 5r à 53. Il nous manque pareillement, 

32i. — Réplique pour le S T Sindic du Chapitre de 
St-Barnard de Romans, aux exceptions proposées par 
Messire Hugues-Humbert de Servien, abbé commanda- 
taire de Léoncel, — contre — la demande de vingt-sept 
sestiers, tiers froment, tiers seigle et tiers avoine* dans 
ses écritures et plans employés et communiqués par ledit 
sieur abbé de Léoncel le 26 juin présente année* 

Gr. in-4°de 3ô pp. (s. 1. n. d.) signé : Piémont Saint- 
Disdier, Monsieur de Montrivîer, rapporteur ; Armand, 
procureur. — Communiqué le 9 juillet 1709. 

Comme on le voit, un mémoire n'attendait pas l'autre. 
On peut s'étonner de la rapidité avec laquelle l'abbé de 
Léoncel répliqua au syndic du Chapitre, lui opposant de 
nouvelles écritures le four même où celui-ci lui avait 
signifié les siennes. Mais il nous paraît bien difficile que 
ce factum, rédigé en toute hâte pour être communiqué 
immédiatement au Chapitre, ait pu être imprimé. Le 
temps rigoureusement nécessaire à cette opération aurait 
manqué. Cependant, on peut voir, par le n° 325 ci-après, 
avec quelle promptitude l'abbé de Servien faisait face à 
ses adversaires. Le document dont le titre est ci-dessus 
est pour répondre à ce mémoire inconnu et probable- 
ment inédit II se divise en deux parties : la première 
tend à prouver que les droits et titres de possession du 
Chapitre sur les redevances par lui réclamées sont de telle 
nature, qu'ils ne peuvent pas être contestés, et que leur 
adjudication définitive en faveur des défendeurs s'impose. 

L'abbaye de St-Barnard était en possession de perce- 
voir les dîmes sur plusieurs domaines aux environs de la 
Part-Dieu, dépendance importante de l'abbaye de Léon- 
cel, sur la paroisse actuelle de Châtuzanges. Depuis plu- 



ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE bl 

sieurs siècles déjà, le mas appelé champ Ducros y avait 
été uni, sous la redevance annuelle de six sétiers de 
grains, tiers froment, tiers seigle et tiers avoine, et d'une 
sommée de vin rouge; neuf autres mas y furent aussi unis 
plus tard, savoir : Favilas, Artaud, St-Alban, Le Plan- 
tier, le Vignal, Ferriol, Charbonnel, L'Abbé et Verdaret, 
faisant ensemble vingt sétiers de grains dans les mêmes 
proportions, et une sommée de vin pour dîme à Pabbaye 
de St-Barnard. Une transaction avait eu lieu pour le rè- 
glement de ces dîmes au moment de l'union ; la date n'en 
est pas connue; mais cette transaction fut ratifiée par 
Jacques Quatre (i), abbé de Léoncel, le 28 février 1402, 
et depuis, confirmée par différents actes, reconnaissances, 
baux à ferme, etc. La redevance fut payée sans contesta- 
tion jusqu'en i583, époque où l'abbaye commença à sou- 
lever des exceptions. Elle en fut déboutée par un arrêt du 
2 juin de cette même année. Les domaines de la Part- 
Dieu et de St-Martin d'Allemand (de Alamenco) étant 
devenus ensuite la propriété du comte de La Roche, gou- 
verneur de Romans, dame Marthe d'Amboise, son 
épouse, les arrenta à Antoine Magnat, le i3 mai i5gi, à 
la clause expresse pour ce fermier d'avoir à payer les 
redevances susdites au Chapitre de St-Barnard. — L'ab- 
baye de Léoncel étant rentrée en possession de ces mêmes 
domaines peu d'années après, l'abbé s'avisa de contester 
de nouveau les droits du Chapitre ; mais, ayant reconnu 
le mal fondé de ses prétentions, il se désista de son oppo- 
sition, et il intervint à ce sujet un nouvel arrêt, le 10 
décembre 1601. 

Le Chapitre invoque une possession de plus de trois 

(1) C'était son nom. C'est par erreur que le syndic, dans son Mémoire, 
Técrit Jacques IV. Son rang parmi ses homonymes était Jacques II. (Brun- 
Durand, Notes pour l'histoire du dioc. de Die y p. 82.) 



02 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE 

siècles, établie sur une foule d'actes qui le mettent en 
mesure de ne « rien craindre de tous les prétextes mis 
en avant par ledit sieur abbé... ny de tous les projets qu'il 
a fait pour renvoyer aux siècles avenirs le payement d'une 
redevance aussi légitimement établie, sur des plans figu- 
rés, inutiles pour la décision de ce procez, non pas même 
pour servir de prétexte à plus ample éclaircissement pour 
l'adjudication de ladite redevance... » 

La seconde partie a pour objet de réfuter les excep- 
tions proposées par l'abbé de Léoncel et de démontrer 
qu'elles sont injustes. Dans le cours de l'argumentation, 
il est fait mention d'un premier Avertissement du syndic 
du Chapitre signifié le 26 juin, en réponse aux écritures 
de l'adversaire communiquées le 12 juin. Ces deux pièces 
absentes (n 08 3 19 et 32o) sont analysées dans celle-ci, dont 
la seconde partie n'est qu'une reproduction abrégée des 
arguments développés dans V Avertissement susdit à ren- 
contre des objections du contendant. Ce dernier opposait 
une fin de non recevoir à l'assignation qui lui avait été 
donnée, le 20 décembre 1707, sous prétexte qu'il fallait 
mettre en cause le syndic du monastère de Léoncel ; or, 
les fonds dont les dîmes faisaient l'objet du litige étaient 
précisément le lot exclusif de l'abbé. Aucun fait particu- 
lier à relever dans cette longue plaidoirie, où les moyens 
de droit sont à peine assaisonnés de quelques noms pro- 
pres, notamment de celui de Dom Genot, syndic de l'ab- 
baye, lequel est accusé de s'employer activement à éter- 
niser le procès. 

Un dernier point porte, comme conclusion, qu'au cas 
qu'il plût à la Cour d'ordonner des procédures, ce qu'on 
ri estime pas, il y a lieu d'adjuger cependant le payement 
de ladite prestation. 

(A continuer.) Cyprien PERROSSIER. 



NOTES HISTORIQUES SUR BARNAVE. 63 



NOTES HISTORIQUES 

SUR 

BARNAVE 



(Fin- — Voir les 126 e à 131* livraisons.) 



Noms des députés du Dauphiné aux États-Généraux : 

Clergé 

Mgr l'archevêque de Vienne, Lefranc de Pompignan. 

— L'abbé de Dolomieu, — L'abbé de St-Albin. — 

L'abbé de La Salcette. 

Noblesse 

Le marquis de Blacons. — Le marquis de Langon. — 
Le comte de La Blache. — Le comte d'Agoult. — Le 
comte de Virieu. — Le comte de Morges. — Le baron de 
Chaléon. — Le comte de Marsanne-Fontjulianne. 

Tiers-Etat 

Mounier. — De La Cour cKAmbésieux, — Barthélémy 
d'Orbanne. — Pison du Galandi — Bérenger. — Barnave. 

— De Bertrand de Montfort. — Revol. — Bignon de Coy- 
rol. — Chabroud. — Blancard. — Allard-Duplantier (i). 

Suppléants 

Commandant de Monspey. — Marquis de Baronnât. — 
D'Agier-Dedelay. — Cheynet. — Richard. — Grand de 
Champrouet, — Chevalier de Murinais. 

( 1 ) La Révolution en Dauphiné, par Xavier Roux. 



64 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Composition de i/Assemblée 

L'Assemblée des Etats-Généraux était composée de 
1208 députés; parmi les députés du clergé, on comptait 
48 archevêques ou évêques, dont 3 prélats étrangers ; 
35 abbés, chanoines ou autres ecclésiastiques, 208 curés; 
— ordre de la noblesse; 18 grands baillis ou grands séné- 
chaux ; 28 magistrats des Cours supérieures; 224 autres 
gentilshommes. Tiers-Etat : 212 avocats; 162 officiers de 
bailliages, élections ou autres sièges; 176 bourgeois ou 
négociants, propriétaires ou cultivateurs; 2 ecclésiasti- 
ques; 16 médecins; 12 nobles. 

Ministres et secrétaires (VEtat en fonctions 
à Vépoque de la convocation des Etats-Généraux 

Il ne faut pas confondre les ministres d'Etat et les se- 
crétaires d'Etat ayant un département (1). Les secrétaires 
d'Etat n'entraient au Conseil d'Etat que lorsque le roi 
les y avait spécialement appelés, ce qui leur donnait la 
qualité de ministre. Il n'y avait que quatre secrétaires 
d'Etat ayant un département : ceux des affaires étran- 
gères, de la marine, de la maison du roi, de la guerre. 
Les seuls agents responsables du pouvoir royal étaient 
les secrétaires d'Etat : 

I. Ministre secrétaire d'Etat aux affaires étrangères : 
Armand Marc, comte de Montmorin de Saint-Herem ; 

II. Ministre secrétaire d'Etat au département de la 
marine : César Henri, comte de la Luzerne, lieutenant 
général des armées du roi ; 

Ce département comprenait la marine, les galères, 
toutes les colonies françaises, le commerce des Indes, les 
îles de France et de Bourbon et les établissements fran- 
çais au delà du cap de Bonne-Espérance, la chambre de 
commerce de Marseille, les consulats, les pensions, les 
brevets, dons et expéditions dépendant de ce département. 



(1) Documents relatifs aux Etats-Généraux, par Armand Brette. — 
1894, Imprimerie Nationale. 



NOTES HISTORIQUES SUR BARNAVE, 65 

III. Secrétaire d'Etat au département de la maison 
du roi : Pierre-Charles-Laurent de Villedeuil. Ce dépar- 
tement comprenait : A., la maison du roi, le clergé, affai- 
res de la religion prétendue réformée, feuille des Béné- 
fices, économats. B. Provinces et généralités : généralité 
de Paris, Languedoc (Haut et Bas-), Provence, Bour- 
gogne, Bresse, Bugey, Valromey et Gex, Guyenne (Haute 
et Basse), Normandie et Champagne. 

IV. Département de la guerre : Pierre-Louis de Chas- 
tenet, comte de Puységur, lieutenant général des armées 
du roi. Ce département comprenait : A. la guerre, le 
t#illon, la maréchaussée, artillerie, génie, les fortifications 
de terre et de mer et tous les états majors. B. Provinces 
et généralités : les trois évêchés, la Lorraine, le Barrois, 
l'Artois, la Flandre, le Hainaut, la Franche-Comté, le 
Roussillon, le Dauphiné, la Corse. 

. Administration des finances : ministre d'Etat, secré- 
taire général des finances : Jacques Necker. 

VI. Garde des sceaux de France, chancelier : Charles- 
Louis-François de Paule Barentin. C était le chef de Ib 
justice de tout le royaume. C'était une situation qu'on 
ne pouvait perdre qu'avec la vie, suivant le langage des 
anciens auteurs. 

Seulement le roi pouvait lui enlever les sceaux, soit 
par suite d'une disgrâce, soit sur sa demande. Il était 
alors institué un chancelier qui remplissait en tout ou en 
partie les fonctions de chancelier et qui, dans ce dernier 
cas, siégeait au Conseil avec le chancelier. 

Bibliographie. — Iconographie 

Œuvres de Barnave et Notice historique, par Bérenger 
de la Drôme, pair de France (1843), archives de la Drôme, 

Académie Delphinale, quatrième série, tome XII, année 
1898, pp. 539 et suiv. Communication de M. de Beyhé 
relative à Barnave. On y lira des portraits vraiment cu- 
rieux : le grand seigneur, le courtisan , l'Allemand, le 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — IQOO. 5 



66 société d'archéologie et de statistique. 

parisien, le provincial, le montagnard; un passage plus 
intéressant est celui qui est intitulé : Pensées diverses, et 
qui a pour sous-titre : Séparation des ordres. 

Voir pages 56i et 562, un portrait de Barnave et même 
volume, p. 564, une étude du même auteur sur Barnave, 
maire de Grenoble. 

Notices sur Barnave, par Loustauneau, avocat à la 
Cour d'appel de Paris; — par Gariot, avocat à Grenoble; 

— par Anatole de Gallier, président de la Société d'Ar- 
chéologie de la Drôme. 

Moniteur universel (Galette nationale). Vie de Bar- 
nave, par M. de Salvandy. — Barnave, par Jules Janin. 

— Souvenirs et portraits, par le duc de Lévis. — Bio- 
graphie générale de Firmin Didot (verbo Barnave). 

Ernest Hamel, Echo des lectures et Conférences (sa- 
medi 19 février 1870), conférence sur Barnave. 

Causeries du lundi, par Ste-Beuve, t. II, art. Barnave. 

Histoire de la ville de Saillans, par A. Mailhet, pas- 
teur protestant (1893). 

Jeunesse de la Fayette, par M. Bardoux. 

Statistique de la Drôme, par Delacroix. 

Affiches du Dauphiné. Bertrand de Moleville. 

Histoire de France, par Henri Martin. 

La Révolution en Dauphiné, par X. Roux (1 888-1 891). 

Mémoires, par l'abbé Morellet. 

Histoire de la Révolution française* par Louis Blanc. 

Biographie du Dauphiné, par Rochas, article Barnave, 
t. I er , pp. jb et suivantes (Charavey, éditeur, r856). 

La France révolutionnaire, par Ch. d'Héricault (1789- 
1889), chez Perrin, éditeur, Paris. 

Chaudon et Delaudine, Dictionnaire historique criti- 
que et biographique (1810, Prudhomme, éditeur, Paris]* 

Barnave de Jules Janin réfuté par r histoire ou la 
branche royale d** Orléans, Paris, i83i, in-8°. 



I> 



NOTES HISTORIQUES SUR BARNAVE. 67 

Portraits 

Portrait de Barnave dans sa prison [Histoire de Sail- 
lans, par A. Mailhet). 

Portrait de Barnave, France révolutionnaire, p. 41. 

Caricature de Barnave, p. 168, homme de la cour et 
homme du peuple. 

Barnave (Furne, éditeur, Geoffroy, sculps.). 

Les adieux de Barnave. Barnave est représenté baisant 
la main de la reine. Typographie Claye, signé : Dupré. 

Barnave, d'après Bonneville, dessiné par Boulay, gravé 
par Barbaut, 

Barnave dans sa prison, publié par Amie l'aîné, de 
Paris. A. Lacauchie de Lev.-Leguay, sculps. 

Portrait de Barnave, fêtes du centenaire, Alexandre 
Graltier, éditeur, grande rue et angle de la rue Jean- 
Jacques-Rousseau, Grenoble. — En face est le portrait 
de Âlounier. 

Autre portrait, Mauduit, se. 

Autre portrait, histoire de Michelel. 

Autre portrait, Jules Chapelle et Guiller (1). 

Portrait, par J.-M. Fontaine. 

Barnave, iconographie, portraits, caricatures, bustes. 
Rochas, Biographie du Dauphiné, t. I er , pp. 7b et suiv. 

De la collection de M. Victor Colomb, une assiette 
coloriée représentant Barnave, l'homme de la cour et 
l'homme du peuple. 

D'un côté, l'homme de la cour; il tient à la main une 
bourse avec ces mots : « Liste civile, opinion sur les 
hommes de couleur. » 

De l'autre, l'homme du peuple : a 1789, droits de 
Thomme, serment du jeu de Paume. » Au bas de l'as- 
siette « le vrai Barnave. » 

(1) Collection de M. Victor Colomb à Valence. 

Léon EMBLARD. 



68 société d'archéologie et de statistique. 



MÉMOIRES 

<POU<R SE<RVI<R c/4 L'HISTOIRE 

DES 

COMTÉS DE VALENT» ET DE DIOIS 



(Suite. — Voir les 122 e à 129 e livraisons.) 



MMMAAAMAAMMA^MAAM^MV 



III 

Né le 3 juillet 1423, Louis, fils du roi Charles VII, n'avait 
pas encore vingt-quatre ans, lorsqu'il prit en main le gouver- 
nement effectif du Dauphiné et des comtés de Valentinois et 
de Diois (1). Il s'était acquis une grande réputation d'habileté 
et de bravoure; il avait dirigé d'heureuses expéditions contre 
les Anglais et s'était trouvé à des sièges célèbres ; il avait, au 
commencement de l'année 1444, à la tête d'une armée, ré- 
primé la révolte du comte d'Armagnac et, peu de mois après, 
remporté sur les Suisses une éclatante victoire : mais les évé- 
nements politiques auxquels il avait été mêlé, les complots, 

(1) Par ses lettres données à Charlieu le 28 juillet 1440, Charles VII 
avait cédé à son fils le gouvernement du Dauphiné (Duclos, Hist. de 
Louis XI, La Haye, 1750, in-12, t. III, p. 20-2). Jean de Gamaches et 
Gabriel de Bernes se présentèrent à Grenoble, le i3 août 1440, dans la 
salle du Conseil, porteurs des lettres royales et de celles du dauphin, 
à l'effet de prendre possession au nom du jeune prince. Le président 
Etienne Guillon fit, à cette occasion, une singulière harangue, expli- 
quant que chacune des lettres du mot Ludovicus désignait une des 
qualités du dauphin. (Mathieu, Hist. de Louis XL Paris, 1628, in-4 , 
p. 585- 7 .) 



LES COMTÉS DE VALENT1N0IS ET DE DIOIS. bg 

les intrigues qu'il ourdissait à la cour et qui avaient créé à son 
père beaucoup d'ennuis et de difficultés, le signalaient déjà 
comme un prince rusé et avide de pouvoir, peu scrupuleux 
dans le choix des moyens pour arriver au, but. 

Ce fut à la fin de décembre 1446 que le dauphin Louis, 
après des événements qui n'ont pas à trouver place dans ce 
récit, obtint de Charles VII l'autorisation de se rendre dans 
les terres de son apanage (1). Dans la pensée du roi, ce voyage 
n'avait pas simplement pour but d'éloigner pour un temps 
son fils de la cour et de donner un aliment à son esprit inquiet ; 
il devait permettre au monarque de surveiller de plus près 
les intérêts de la France dans le Comtat, dans la Provence, 
et à Gênes. La politique royale qui avait reculé jusqu'aux 
Alpes les limites de la France, songeait maintenant à atteindre 
la Méditerranée et adonner à notre commerce une voie facile 
du côté de l'Italie et de l'Orient. Louis « n'eut congié de 
demeurer que quatre mois » en Dauphiné(2). Il y venait avec 
l'intention bien arrêtée de s'y fixer et de ne revoir la cour que 
quand il pourrait y retourner en maître. Le 7 janvier, il était 
à Lyon, et quelques jours après, le 1 3, on le trouve sur le sol 
dauphinois, à Saint-Symphorien-d'Ozon, accompagné d'un 
certain nombre de gentilhommes, jeunes et actifs, qui s'étaient 
attachés à sa fortune et qui, pour la plupart, occupèrent dans 
la suite des charges importantes. 

A peine arrivé dans son petit Etat, le dauphin se rendit 
compte des désordres qui régnaient dans toutes les branches 
de l'administration et qui en paralysaient l'exercice. Avant 
d'y porter remède, il voulut en connaître les causes, et les 
enquêtes, faites à l'occasion des révisions de feux dont nous 
parlerons bientôt, lui apprirent que le mal provenait surtout 
de l'impuissance de l'autorité souveraine, en face de grands 
seigneurs ecclésiastiques et laïques, qui gardaient encore avec 



(1) De Beaucourt, t. IV, p. 201. 

(2) Mathieu d'Escouchy, Chronique, t. II, p. 33g. 



70 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

un soin jaloux leur ancienne indépendance féodale. Dans une 
même région, comme dans le Valentinois et le Diois, dans le 
Viennois, dans le Gapençais, quelquefois dans une même 
ville, comme à Montélimar, la population se partageait entre 
plusieurs juridictions également souveraines : de là de perpé- 
tuelles querelles qui entretenaient dans le pays l'anarchie 
et la misère. Travailler à réunir entre ses mains toutes les 
parcelles de souveraineté qui existaient encore çà et là, cons- 
tituer l'unité politique de la province sur des bases solides, 
par de sérieuses réformes dans l'administration de la justice, 
la perception des finances, en un mot dans tous les rouages 
d'un bon gouvernement, procurer à ses peuples la sécurité et 
le bien-être matériel par la protection du commerce et de l'in- 
dustrie : telle est la tâche que s'imposera dès le premier jour 
un jeune prince de vingt-quatre ans et qu'il ne cessera de 
poursuivre toute sa vie et par tous les moyens. Sans doute, on 
ne saurait approuver l'audace, le froid calcul, le cynisme avec 
lesquels il intervient dans les affaires de ses voisins, leur 
suscite mille embarras pour confisquer à son profit leurs droits 
les plus certains ; mais pour porter sur lui un jugement vrai et 
équitable, il ne faut pas perdre de vue l'état lamentable de la 
province, l'effroyable misère des populations ; Ton doit bien 
considérer que, pour rétablir Tordre, la persuasion et la dou- 
ceur n'auraient point suffi, et qu'il fallait une main ferme qui 
ne craignît pas de mettre le fer et le feu sur des plaies invété- 
rées. L'histoire est obligée de lui rendre cette justice : aucun 
des princes, qui ont gouverné le Dauphiné, ne s'est plus oc- 
cupé de notre province, aucun n'y a séjourné plus longtemps, 
aucun n'y a fait de plus utiles et plus fécondes réformes. Aussi 
ne doit-on pas être étonné si le nom du dauphin Louis est 
celui de tous les dauphins de France qui soit demeuré le 
plus vivant dans le souvenir des populations. Du reste, par 
l'analyse des documents qui concernent le Valentinois et le 
Diois et que nous placerons sous ses yeux, le lecteur pourra 
lui-même juger des qualités et des défauts de ce prince. 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. Jï 

De Saint-Symphorien-d'Ozon, Louis se rendit par Vienne 
à Romans, où les Etats du pays avaient été convoqués 
pour le samedi, 4 février. On sait que le Dauphiné était 
pays d'Etats, c'est-à-dire que les trois ordres de la province 
jouissaient du privilège de se réunir en assemblée régulière- 
ment constituée, périodiquement convoquée, pour traiter 
certaines affaires politiques et administratives, dont la prin- 
cipale était le vote de l'impôt. Ce privilège avait été octroyé 
au pays par Humbert II lorsqu'il fit abandon de ses domaines 
à la France et, depuis, les dauphins, fils aînés du roi ou rois 
eux-mêmes, l'avaient plusieurs fois reconnu et solennellement 
confirmé (1). L'impôt, qu'on appelait don gratuit, était réputé 
un subside volontaire que les sujets allouaient au prince pour 
suppléer à l'insuffisance des revenus de ses propres domaines, 
revenus qui, régulièrement et en temps ordinaires, devaient 
lui fournir les moyens de faire face aux dépenses de son 
administration. Lorsque les comtés de Valentinois et de Diois 
furent joints au Dauphiné, ils furent représentés aux Etats de 
la province. Ces grandes assemblées se tinrent sous le dau- 
phin Louis à peu près tous les ans. 

Le 4 février 1447, les représentants des trois ordres se réu- 
nirent donc à Romans, dans l'église des frères mineurs. Com- 
me ils s'étaient aperçus que le dauphin entendait gouverner 
par lui-même et qu'il donnait les charges de la province aux 
étrangers qui l'avaient accompagné, ils lui firent, par l'organe 
de Charles de Grolée, seigneur de Châteauvilain, certaines 
admonitions tendant à subordonner ses choix pour les grands 
offices à l'opinion du .conseil delphinal. Cela eût presque été 
une tutelle imposée. Louis ne se soumit point à cette exigence. 
Ils votèrent une aide de 46,000 florins à titre de don gratuit, 



(1) Sur les Etats du Dauphiné, voir : Gariel, Delphinalia, Grenoble, 
i852, in-8°, p. 1-40 (opuscules de Murinais, de Guy Allard, de Phili- 
bert Brun, de Fontanieu et d'un anonyme); D r Chevalier, Les Etats 
du Dauphiné, Grenoble, 1869, in-8°, 35 pp. 



72 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

en ajoutant que c'était sans engagement pour l'avenir et sans 
préjudice de leurs libertés (i). Malgré toutes ces réserves, 
Paide tendait de jour en jour à perdre cette qualité de don 
volontaire et à se transformer en un impôt annuel. Le vote 
fut à peu près le même les années suivantes. Au mois de 
décembre 145 1, comme la peste sévissait en Dauphiné et 
qu'il ne fallait, dès lors, pas songer à réunir les Etats, le 
dauphin chargea Louis de Laval, gouverneur du Dauphiné (2), 
d'écrire aux diverses communautés de la province pour leur 
réclamer, à titre de subside, une somme égale à celle qui avait 
été votée Tannée précédente, sans préjudice de leurs libertés (3). 
Il ne fut, du reste, jamais en retard pour demander de l'argent 
à ses sujets. Il est juste, toutefois, de faire remarquer qu'il 
tenta de faire ce qui était alors possible pour répartir égale- 
ment les charges publiques, qu'il s'enquit avec soin de l'état 
matériel du peuple, qu'il accorda aux populations éprouvées 
des exemptions de tailles et qu'il sut les défendre contre Tin- 
justice et la violence des officiers du fisc. 

(1) Legeay, Hist. de Louis XI, Paris, 1874, in-8°, 2 vol., t. I ,r , p. 140. 
En 1437, les Etats réunis à Romans avaient voté 10,000 florins; en 
1441, 3o,ooo. 

(2) Louis de Laval fut nommé gouverneur du Dauphiné par lettres 
du dauphin, données à Grenoble le 1" janvier 1448, en remplacement 
de Raoul de Gaucourt, qui occupait cette charge depuis le i e * novem- 
bre 1428. Louis de Laval fut destitué par lettres données à Bruges le 
14 janvier 1458 (n. s.) et remplacé, à son tour, par Jean, bâtard d'Ar- 
magnac. Cf. Pilot, Catalogue des actes du dauphin Louis II, devenu 
le roi de France Louis XI, relatifs à l'administration du Dauphiné, 
Grenoble, 189g, in-8*, 2 vol., t. I", p. 1 1 et 201. 

(3) Archives de l'Isère, B, 35o8. « ... et quia obstante pestilentia, 
nunc quasi in hac patria per omnia bona loca vigente, suos subditos 
seu gentes trium statuum congregare non poterit (delphinus), confidens 
de dictis suis subditis, qui in suis arduis negociis semper succursum 
et juvamen prestiterunt, ipse dnus noster voluerit et ordinaverit levari 
et imponi, per modum subsidii, citra derogationem libertatum delphi- 
nalium, talem summam qualem anno proxime preterito eidem per 
dictas gentes trium statuum fuit concessa, solvendam similibus termi- 
nis... Datum Coste, die xn mensis decembris m. cccc. l primo. 



LES COMTES DE VALEOTINOIS ET DE DIOIS. *]'i 

Le 23 septembre 1447*, parut une ordonnance établissant 
qu'à l'avenir tous les subjets du dauphiné contribueraient aux 
subsides et dons gratuits votés par les Etats, nonobstant 
tous privilèges, concessions ou affranchissements, concédés 
précédemment par lui ou ses prédécesseurs, à la seule excep- 
tion des clercs vivant déricaJement et des nobles vivant noble- 
ment (f). Quantité de gens revendiquaient le privilège de 
l'exemption, les clercs qui Savaient que la simple tonsure et 
exerçaient divers métiersy les docteurs, les licenciés, etc. 
C'étaient un désordre et une injustice., car la portion d'impôts 
dont ils prétendaient s'affranchir retombait sur les autres. 

Les dénombrements qui accompagnaient d'ordinaire la 
prestation de l'hommage féodal dû au dauphin, et les revi- 
sions de feux constituaient les deux principales mesures 
destinées à assurer une répartition régulière et équitable de 
l'impôt. 

Tous les vassaux du dauphin, clercs et laïques, devaient à 
certaines époques déterminées ou quand ils en étaient requis, 
prêter hommage à leur seigneur et lui fournir un état détaillé 
des seigneuries et des terres nobles qu'ils possédaient. Par là, 
le prince se rendait un compte exact du nombre et de la for- 
tune de ceux qui formaient les deux premiers ordres, des 
ressources qu'il était en droit d'espérer de ses sujets en cas de 
guerre, etc. Nos archives renferment encore un grand nombre 
d'actes de dénombrement et d'hommage, qui sont pour 
l'hitoire de la noblesse une source abondante de précieuses 
informations. 

Un des premiers soins du dauphin, en arrivant dans la 
province, avait était d'enjoindre à tous ses feudataires de venir 
s'acquitter du devoir de l'hommage. On vit bientôt accourir 
à Romans, à Valence, à Montélimar, villes d'où le dauphin 
ne s'éloigna guère durant les mois de février, mars et avril, 
une foule de nobles qui s'empressèrent de répondre à son 

(1) ArcliÎTcs de l'Isère, B, 3i8i. — Pilot, n* 687. 



72 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

en ajoutant que c'était sans engagement pour l'avenir et sans 
préjudice de leurs libertés (i). Malgré toutes ces réserves, 
l'aide tendait de jour en jour à perdre cette qualité de don 
volontaire et à se transformer en un impôt annuel. Le vote 
fut à peu près le même les années suivantes. Au mois de 
décembre 145 1 , comme la peste sévissait en Dauphiné et 
qu'il ne fallait, dès lors, pas songer à réunir les Etats, le 
dauphin chargea Louis de Laval, gouverneur du Dauphiné (2), 
d'écrire aux diverses communautés de la province pour leur 
réclamer, à titre de subside, une somme égale à celle qui avait 
été votée l'année précédente, sans préjudice de leurs libertés (3). 
Il ne fut, du reste, jamais en retard pour demander de l'argent 
à ses sujets. Il est juste, toutefois, de faire remarquer qu'il 
tenta de faire ce qui était alors possible pour répartir égale- 
ment les charges publiques, qu'il s'enquit avec soin de l'état 
matériel du peuple, qu'il accorda aux populations éprouvées 
des exemptions de tailles et qu'il sut les défendre contre Tin- 
justice et la violence des officiers du fisc. 



(1) Legeay, Hist. de Louis XI, Paris, 1874, in-8°, 2 vol., t. I**, p. 140. 
En 1437, les Etats réunis à Romans avaient voté 10,000 florins; en 
1441, 3o,ooo. 

(2) Louis de Laval fut nommé gouverneur du Dauphiné par lettres 
du dauphin, données à Grenoble le 1" janvier 1448, en remplacement 
de Raoul de Gaucourt, qui occupait cette charge depuis le i mr novem- 
bre 1428. Louis de Laval fut destitué par lettres données à Bruges le 
14 janvier 1458 (n. s.) et remplacé, à son tour, par Jean, bâtard d'Ar- 
magnac. Cf. Pilot, Catalogue des actes du dauphin Louis II, devenu 
le roi de France Louis XI, relatifs à l'administration du Dauphiné. 
Grenoble, 1899, in-8*, 2 vol., t. I* r , p. 1 1 et 2*01. 

(3) Archives de l'Isère, B, 35o8. « ... et quia obstante pestilentia, 
nunc quasi in hac patria per omnia bona loca vigente, suos subditos 
seu gentes trium statuum congregare non poterit (delphinus), confidens 
de dictis suis subditis, qui in suis arduis negociis semper succursum 
et juvamen prestiterunt, ipse dnus noster voluerit et ordinaverit levari 
et imponi, per modum subsidii, citra derogationem libertatum delphi- 
nalium, talem summam qualem anno proxime preterito eidem per 
dictas gentes trium statuum fuit concessa, solvendam similibus termi- 
nis... Datum Coste, die' xn mensis decembris m. cccc. l primo. 



us». 



LES COMTÉS DE VALENT1N01S ET DE DIOIS. j'i 

Le 23 septembre 1447, parut une ordonnance établissant 
qu'à l'avenir tous les subjets du dauphiné contribueraient aux 
subsides et dons gratuits votés par les Etats, nonobstant 
tous privilèges, concessions ou affranchissements, concédés 
précédemment par lui ou ses prédécesseurs, à la seule excep- 
tion des clercs vivant cléricalement et des nobles vivant noble- 
ment (1). Quantité de gens revendiquaient le privilège de 
l'exemption, les clercs qui n'avaient que la simple tonsure et 
exerçaient divers métiers, les docteurs, les licenciés, etc. 
C'étaient un désordre et une injustice, car la portion d'impôts 
dont ils prétendaient s'affranchir retombait sur les autres. 

Les dénombrements qui accompagnaient d'ordinaire la 
prestation de l'hommage féodal dû au dauphin, et les révi- 
sions de feux constituaient les deux principales mesures 
destinées à assurer une répartition régulière et équitable de 
l'impôt. 

Tous les vassaux du dauphin, clercs et laïques, devaient à 
certaines époques déterminées ou quand ils en étaient requis, 
prêter hommage à leur seigneur et lui fournir un état détaillé 
des seigneuries et des terres nobles qu'ils possédaient. Parla, 
le prince se rendait un compte exact du nombre et de la for- 
tune de ceux qui formaient les deux premiers ordres, des 
ressources qu'il était en droit d'espérer de ses sujets en cas de 
guerre, etc. Nos archives renferment encore un grand nombre 
d'actes de dénombrement et d'hommage, qui sont pour 
l'hitoire de la noblesse une source abondante de précieuses 
informations. 

Un des premiers soins du dauphin, en arrivant dans la 
province, avait était d'enjoindre à tous ses feudataires de venir 
s'acquitter du devoir de l'hommage. On vit bientôt accourir 
à Romans, à Valence, à Montélimar, villes d'où le dauphin 
ne s'éloigna guère durant les mois de février, mars et avril, 
une foule de nobles qui s'empressèrent de répondre à son 



(1) Archives de l'Isère, B, 3 181. — Pilot, n° 687. 



74 SOCIÉTÉ D' ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

appel. Nous ne relèverons ici les noms que de ceux du Valen- 
tinois et du Diois. Le 8 février 1447, Raymond de Theys, 
chevalier de Tordre de Saint-Jean de Jérusalem, commandeur 
de Poët-Laval, comme procureur de frère Bertrand d'Arpa- 
jon, grand prieur de Saint-Gilles, fit hommage pour les châ- 
teaux et seigneuries de Poët-Laval, Dieulefit, La Bâtie- 
Saint-Pierre, Manas, Faucon, Charrière et pour tout ce qu'il 
possédait dans les mandements de Saint-Gervais et Cléon- 
d'Andran (1). Le 10 février, à Romans, Charles Blain, sei- 
gneur de Poët-Célard, fit hommage pour la parerie qu'il avait 
à Saint-Médard, avec toute juridiction, ainsi que pour tous 
les autres droits et revenus qu'il avait dans les mandements 
de Crest, Montmeyran, Barnave et Chabeuil (2). Le lende- 
main, Aimon Alleman, seigneur de Champ, fit hommage 
pour Champ et Béconne, et en outre, comme procureur de 
Marguerite Ainard, sa mère, pour la moitié, par indivis, des 
terres et juridiction deTaulignan (3). Le même jour, Humbert 
Bérenger, seigneur de Morges, fit le sien pour Morges, le 
Monestier-de-Percy, et pour tous les droits qu'il percevait 
à Omblèze, Ansage, et dans les mandements de Crest, Mont- 
meyran, Upie, La Rochette, etc. (4). A noter encore, le même 
jour, Thommage de Gaspard de Bologne pour les terres 
d'Alençon, la Roche-St-Secret, la Beaume-de-Lance (5) ; celui 

(1) Pilot, n° 218. — Lacroix, L'arrond. de Montélimar, t. V, p. 3y. 

(2) Pilot. n* 221. — Charles Blain, mort avant 1458, eut pour fils 
autre Charles Blain, père de Louis Blain, capitaine de 5o hommes 
d'armes, lieutenant du roi au marquisat de Saluées, seigneur du Poët, 
mort sans enfant en 1598, et de Marguerite Blain, qui épousa André 
Marcel et porta dans cette famille la seigneurie du Poët 

(3) Pilot, n° 228. 

(4) Pilot, n° 235. 

(5) Pilot, n° 236. — Gaspard de Bologne était fils de Giraud de Bo- 
logne qui reçut en 1428 la moitié de la Roche-Saint-Secret du roi 
Charles VII et qui fit l'acquisition de la parerie d'Alençon et de la sei- 
gneurie de Salles. Cette famille de Bologne tire son origine de celle 
des Poitiers. En i3^4, Reynaud de Forez ayant contracté mariage 
avec Marguerite de Savoie, divers personnages importants furent eau- 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE MOIS. j5 

d'Antoine de Clermont, pour la vicomte de Clermont-en- 
Trièves (ij, et celui de Jean de Taulrgnan, pour la terre de 
Marches (2). Le 12 février, à Romans, hommages de Guillaume 
de Tournon, chevalier, pour le péage de la Roche-de-Glun 
et la ville de Tain (3) ; d'Antoine Forez dit Coppe, en son 
nom et comme tuteur de Jacques Forez, fils de Pierre, son 
neveu, pour le château de la Jonchères (4). Le i3, hommage 
de Claude d'Urre pour la seigneurie de Vercoiran (5). 

A Valence, le 16 février, le dauphin reçut l'hommage de 
Simon Messe, doyen du chapitre de Die, qui agissait tant 
en son nom que comme procureur de ce chapitre : il reconnut 
tenir du prince la vallée de Tréminis, inféodée par le 
chapitre à Humbert Bérenger, seigneur de Morges, la moitié 
du château de Feuillant, inféodé à Raymond Ainard, seigneur 
de Montaynard et de Prébois, les fiefs de Toranne, Saint-Mar- 
tin de Clelles, Saint-Michel-lès-Portes, une part de Chichi- 
lianne, le fief d'Avane, etc. (6). Hâtons-nous de terminer une 
énumération qui pourrait paraître fastidieuse. Citons toute- 
fois encore les hommages de Guillaume de Vesc pour sa 

tions des dons nuptiaux, notamment Aymar de Poitiers, fils aîné du 
comte de Valentinois, par acte passé à Châteauneuf-de-Mazenc, en 
présence de noble et discret Guillaume de Poitiers dit de Bologne. Le 
surnom devint peu à peu le nom patronymique. — Lacroix, L'arron- 
dissement de Montélimar, t. VII, p. 25 1 -3. 

(1) Pilot, n* 238. — Voir sur Antoine de Clermont, Anselme, t. VIII, 
p. 3ig. 

(2) Pilot, n° 254. 

(3) Pilot, n° 258. — Archives, B, 3507. 

(4) Pilot, n* 361. — Pierre et Antoine Forest, dit Coppe, avaient 
acheté le 12 mars 1422 la ferme de la monnaie de Romans, à condition 
de prêter au dauphin 6,000 livres de tournois. Ils acquirent, par échange 
du seigneur de Montchenu, le château de la Jonchère et la parerie de 
Beauregard qu'ils hommagèrent le 10 septembre 1429. 

(5) Pilot, n° 265. 

(6) Pilot, n° 276. — Simon Messe mourut le 6 septembre 1447 et le 
chapitre de Die élut à sa place, le 9 septembre, Bertrand d'Urre, pré- 
vôt de Crest. — Archives de la Drôme, E, 1476, t° 219-25. 



76 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

maison forte de la Touche (18 février) (1); du commandeur 
de Poët- Laval, au nom du grand prieur de Saint-Gilles, pour 
le château de Venterol et les possessions de Tordre à Mirabel 
et dans le Trièves (21 février) (2) ; de Michel de Valpergue, 
pour la seigneurie de Puygiron (22 février) (3) ; d'Armand 
Odouard, comme procureur de Telmond Siboud, abbé de 
Saou, pour les possessions du monastère à Saou, à Crest, et 
à Chabeuil (23 février) (4) ; de Guy Pape pour la terre de 
Saint-Auban dans les Baronnies (5) ; de Jean Colonel, fils de 
François, de Saint-Nazaire-en-Royans, pour les biens de son 
père dans cette dernière localité (28 février) (6) ; de Jean 
Alleman pour le château de Rochechinard (28 février) (7) ; 
d'Antoine Cornilhan, écuyer, pour les châteaux de la Baume- 
Cornilhane, Barcellonne, Ourches, et diverses propriétés à 
Châteaudouble et à Chabeuil (5 mars) (8). La plupart de ces 
hommages étaient reçus pour le dauphin par son chancelier 
Yves Scépeaux, qui en donnait acte au nom du prince. 

(1) Pilot, n° 3oi. — Voir tome I* r , p. 466. 

(2) Pilot, n° 3i3. — Archives de l'Isère, B, 265 1. 

(3) Pilot, n° 317. — Michel de Valpergue avait reçu cette seigneurie 
de Louis de Lantenay, gouverneur des comtés pour le duc de Savoie. 
Le 18 février 1449 (n. s.), il céda sa terre à Jeannet de Valpergue 

(4) Pilot, n° 325. 

(5) Pilot, n° 328. — Archives de l'Isère, B, 2Ô5i. 

(6) Pilot, n° 353. — Archives de l'Isère, B, 365 1. «... Jehan Coul- 
longncl, fils de Francoys Coullongnel, demourant à Saint-Nazaire, a 
aujourd'huy faict pour nous, es mains* de nostre amé et féal chancellier, 
comme procureur de son dit père, souffizant fondé, ainsin qu'il est 
deument apparu et qu'il a affirmé par son serment que son dit père 
estoit en extrême maladie, que pour l'eure il ne povoit venir en per- 
sonne. . . Donné au Montélimar, le dernier jour de febvrier l'an de grâce 
mil cccc quarante et six. » 

(7) Pilot, n° 357. 

(8) Pilot, n* 375. — Archives de la Drôme, E, 569. — Le 3 mars 
1447 (n. s.), à Romans, « Jehan Vinays, fils de feu Odibert Vinays, 
ecuyer, demourant à Sainct-Jehan-d'Autavéon... comme noble et aussy 
à cause de son hostel appelé la Vinayerie, terres, vignes, au mandement 
de Pernans. . . », fit hommage au dauphin. — Arch. de l'Isère, B, 265 1. 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 77 

Bien plus importantes pour nous sont les revisions de/eux, 
sorte d'enquêtes faites sur le mandat du prince pour établir 
les feux taillables d'une localité. Elles abondent en rensei- 
gnements de tout genre et ont été jusqu'à ce jour une mine 
trop peu exploitée par les historiens. Mais avant de recueillir 
quelques-uns de ces renseignements, il ne sera pas inutile, 
croyons-nous, d'entrer dans certains détails sur un mode de 
perception maintenant presque inconnu. 

Le feu était l'unité financière, la base d'après laquelle se 
faisait l'assiette de l'impôt. Nous disons l'assiette et non la 
répartition, car ces termes ne sont pas synonymes et l'on va 
comprendre pourquoi il est nécessaire de les distinguer. A 
l'origine, le v&oxfeu avait sa signification propre, c'est-à-dire 
qu'il désignait un ménage ou feu vif, mais bientôt comme le 
mot caput chez les Romains, il fut synonyme d'unité contri- 
butive et n'eut plus de valeur littérale. Il fallut plus ou moins 
de feux réels, suivant leur importance, pour faire un feu 
contributif. Chaque communauté ou paroisse était taxée 
à un chiffre déterminé et invariable de feux. On voit dès lors 
en quoi consistait le travail des répartiteurs : ils avaient à 
classer les chefs de famille, dans chaque localité, par unité ou 
par groupe, selon leur fortune, de manière à établir le nom- 
bre exact de feux contributifs qu'indiquait le cadastre pour 
cette localité. Les clercs vivant cléricalement et les nobles 
vivant noblement étaient exempts de l'impôt. Les habitants 
qui avaient un revenu moindre de dix livres étaient réputés 
pauvres et par là même échappaient à toute contribution (1). 
Comme la fortune des particuliers est très variable, fréquem- 
ment on procédait à la revision des feux, c'est-à-dire à un 
nouveau classement des habitants. Mais ce qui était censé 

(1) « Quicunque domicilium faciens, habens in valore, in bonis here- 
ditatibus et possessionibus valorem decem francorum auri, deducto ère 
alieno et solutis suis debitis, il le reputari débet pro solubili, alias vero 
non habens in bonis et hereditatibus valorem decem francorum, ille 
reputatur et reputari débet pro non solubili . . . » 



78 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

immuable, c'était le chiffre des feux de la localité : la taxe 
restait la même, que la population de la paroisse augmentât 
ou diminuât; tant pis pour le village s'il était pillé par les 
gens de guerre, dépeuplé par ufie épidémie ou ruiné par la 
famine. La réduction des feux d'une localité ne se faisait 
qu'après de longues enquêtes, vérifiées au conseil delphinai, 

t et sur une ordonnance du gouverneur. La liste générale des 
feux de la province et les listes particulières des paroisses 
étant établies, rien n'était plus facile que de déterminer la part 
contributive de chacun. Supposons, par exemple, qu'il s'agît 
de lever un impôt de 20,000 florins et que le nombre des feux 
de la province fût de 2,000, on divisait 20,000 par 2,000, pour 
avoir la valeur d'un feu, soit 10 florins; alors une paroisse de 
2 feux était imposée 20 florins, une de 3 et demi, 35 florins, 
etc. (1). 

Le subside de 46,000 florins votés par les Etats tenus à Ro- 
mans, donna lieu à beaucoup de réclamations de la part des 
habitants du Valentinois et du Diois, qui se plaignirent de 
ce que le nombre des feux de leurs localités était trop élevé, 
eu égard à celui des paroisses du Dauphiné. Les guerres et 
les désordres de tout genre qui avaient désolé le pays depuis 
la mort du dernier comte en 1419, avaient diminué la 
population ; plusieurs familles menaçaient encore de s'expa- 
trier si l'on ne consentait à alléger le poids des impôts. Ces 
plaintes n'étaient que trop fondées. Depuis plus de quarante 

ans aucune revisions de feux n'avait été faite (2). Louis, se 

(1) Voir sur ce sujet Molinier, La sénéchaussée de Rouergue en 1340, 
dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, t. XLIV (i883), p. 457-5 ; 
— Hist. gén. de Languedoc, t. IX, p. 739-40; — Revue historique, u XI 
(1880), p. 32. 

(2) Archives de l'Isère, B, 2737, f° 1 53. — Revision des feux de Beau- 
fort, le 3i mai 1447, par Jean d'Origny. Il y a dans le mandement 
32 chefs de familles, dont onze extrêmement pauvres; les autres de- 
mandent à être réduits à trois feux. « ... Et est dubitandum quin 
plures recédant, nisi fiât eis diminutio focorum solubilium numeri, quo 
sunt onerati et pro quo usque nunc fuerunt onerati, qui, ut dicitur, 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 79 

trouvant à Valence, donna commission le 23 avril 1447 à Jean 
Baile, docteur en droit, à l'effet de visiter les diverses locali- 
tés, occupées naguère par le duc de Savoie et d'y procéder à 
la revision des feux (1). Quelques jours après, étant encore à 
Valence, le dauphin mandait à ses conseillers Aimarde Pois- 
sieu, dit Capdorat, son maître d'hôtel, bailli du Valentinois 



non fuerunt revisi nec diminuti lapsi sunt quadraginta anni... » Un 
noble, Jean d'Arbalestier (Balisterii). — Les habitants de Rochefort 
avaient demandé eux-mêmes en 1443 qu'on les rangeât parmi les tail- 
lables et qu'on établît les feux de leur mandement. En conséquence, 
« dominus judex et commissarius.. . venit et applicuit in màndamento 
Rupis fortis, Valent, diocesis, in masso et parochia de Sansone, man- 
damenti jamdicti Ruppis fortis, die 7» mensis novembris. » Sur 45 chefs 
de famille, il ne trouva, pouvant être compris au rang des contribua- 
bles, que Pierre Bouchier, Guillaume Genin, Reynaud Fremont, Guil- 
laume de Despit, Drevon Escoffier et Guillaume Didier; tous les autres 
étaient misérables. Les charges qui pesaient sur les habitants augmen- 
taient leur détresse, et pour comble de malheur, durant les deux der- 
nières années, des épidémies les avaient grandement éprouvés : a Item 
fuerunt mortalitates magne, ita quod, a duobus annis citra, fuerunt 
clause decem domus in quibus erant boni habitatores, qui nullus re- 
mansit in domo. » 

(1) Archives de l'Isère, B, 2737, f° 161. — « Ludovicus... Johanni 
Baiuli, juris utriusque doctori... Supplicationem hominum et habi- 
tantium castrorum et locorum nostrorum dictorum comitatuum, que 
nuper tenere solebat carissimus et dilectus consanguineus noster dux 
Sabaudie et nunc tenemus et possidemus, ac aliorum de nostro feudo 
sive retrofeudo ad causam dictorum comitatuum existentium, recipi- 
mus continentem, quod supplicantes ipsi mandati fuerunt, nostra ex 
parte, compelli et compelluntur ad causam ultimi subsidii, nuperime 
Romanis per gentes trium statuum delphinatus et comitatuum nostro- 
rum predictorum nobis largiti et concessi, ad solvendum magnas et eis 
insuportabiles pecuniarum quantitates, pro rata eisdem de dicto subsi- 
dio... attributa, et multo majores, habito respectu ad numerum habitan- 
tium predictorum et facultatum ipsorum, quam ceteri de domanio dic- 
torum nostrorum comitatuum, quorum foca fuerunt, intervenientibus 
legitimis informationibus, visa et inde ad certum numerum focorum 
solubilium taxata... Datum Valentie, die vicesima tertia mensis aprilis 
anno Domini m. mi« xl septimo. 



80 société d'archéologie et de statistique. 

et du Diois, et Humbert Rolland, docteur en décrets, de procé- 
der à une nouvelle revision de feux des communautés du 
Valentinois et du Diois, où les habitants la réclameraient : les 
habitants, disait le prince, avaient dû pour s'acquitter des 
impôts précédents, contracter envers les juifs des emprunts 
usuraires dont ils ne pourraient jamais se délivrer (i). Nous 
possédons encore les procès-verbaux de ces diverses revisions. 
Ne pouvant ici tout résumer, nous nous contenterons de 
suivre le commissaire Jean Baile dans les localités où durant 
les dernières années avait flotté l'étendard de Savoie. 

Jean Baile, muni des lettres delphinales, commence sa 
tournée par le village de Saou ; il y arrive le 3o avril et s'ins- 
talle dans la maison d'Albert d'Urre. Son premier soin est de 
former une commission de vingt membres, dont cinq sont 
nommés par les habitants du lieu, et quinze par lui-même : 
sur ces quinze, sept sont choisis parmi les habitants et huit 
parmi des étrangers. C'est devant cette commission que seront 
portées toutes les réclamations ; c'est elle qui donnera son avis. 
Le délégué Jean Baile fera ensuite son rapport au conseil 
delphinal qui statuera définitivement. Les rôles de la commu- 
nauté portaient 28 chefs de famille solvables formant 8 feux 
et un quart, 38 chefs de famille misérables. Il y avait deux 
familles nobles, celle d'Albert d'Urre et celle de Telmont de 
Flandènes. Les religieux de l'abbaye et Pierre de Castellaria, 
curé de l'endroit, composaient le clergé. Naturellement on 
réclame une réduction : la misère est grande et parmi les 
causes qui l'ont produite et qui l'entretiennent dans le pays, 
on cite en premier lieu ce fait que les meilleures terres appar- 
tiennent à l'abbaye et aux nobles qui ne payent rien. Dans 
les cinq dernières années, les récoltes ont été détruites, soit 
par la sécheresse, soit par la grêle et les orages ; des épidémies 
ont fait périr les bestiaux et pour s'en procurer d'autres les 
habitants, ne pouvant en acheter eux-mêmes, sont contraints 

(1) Archives de l'Isère, B, 2737, f° 124. — PiLOT t n* 444. 



LES COMTÉS DE VALENTINOTS ET DE DIOIS. 8 ï 

de les prendre à mi-fruit, ce qui leur enlève tout profit. Les 
officiers du duc de Savoie se sont montrés d'une telle exigence 
dans la perception des revenus de la seigneurie, que beau- 
coup d'habitants ont pris le parti d'émigrer. La communauté 
a été forcée de soutenir divers procès. Pour sa part contribu- 
tive dans le don gratuit voté à Romans, elle est taxée à 95 flo- 
rins et 5 ou 6 gros. Le délégué est d'avis qu'il faut ménager 
cette population. Désormais, d'après l'ordonnance du gouver- 
neur, la paroisse de Saou est taxée à 10 feux, y. compris ceux 
des nobles (1). 

Le 2 mai, les élus, le châtelain et le curé de Soyans vinrent 
trouver le délégué à Saou et lui exposèrent que leur village, 
dont Guillaume, bâtard de Poitiers (2), était seigneur, com- 
prenait en tout quatre chefs de famille solvables, formant trois 
quarts de feu, et 1 1 misérables. Ils firent un sombre tableau 
de leurs malheurs. Soyans avait été détruit de fond en comble 
durant la guerre dç Raymond de Turenne et, le peu-de biens 
qu'on put alors sauver fut perdu pendant la guerre de Livron. 
Jean et Bertrand Rémusat qui peuvent paraître relativement 
aisés sont en réalité misérables. Ce sont, ainsi que tous les 
autres habitants, des étrangers venus de la Savoie et d'ailleurs 
et à qui le bâtard de Poitiers, pour repeupler sa terre, a été 
obligé de donner les choses les plus nécessaires à la vie. Pour 
comble de malheur, le territoire est peu fertile, le village est 
sur un rocher, et sans eaux. Jean Baile voulut visiter lui-même 
Soyans et il constata que tout ce qu'on lui avait dit n'était, 



(1) Archives de l'Isère, B, 2737. f° 161. 

(2) Guillaume, bâtard de Poitiers, était fils de Charles de Poitiers, 
seigneur de Saint- Vallier, et d'une nommée Béatrix qui avait été do-r 
mestique de son père. Il naquit à Romans. (Voir t. I* r , p. 3 19.) Guil- 
laume joua un rôle important sous le gouvernement du dauphin Louis, 
qui le fit sénéchal du Valentinois en 1447. C'était un vaillant guerrier. 
11 trouva une mort glorieuse dans la guerre de Gènes en 1461. (Voir 
Charavay, Lettres de Louis XI, t. I er , p. 375 ; — Pilot, t. I*', p. 16, 
17, 46 et 371.) 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — IÇOO. 6 



82 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

hélas ! que trop vrai. Quelques misérables maisons, bâties à 
la hâte et depuis peu de temps, composaient tout le village. 
Soyans fut réduit à un feu (i). 

Le 3 mai, le délégué était à Grane, un des principaux 
bourgs du Valentinois. Il y avait 20 chefs de famille solvables, 
37 misérables, trois nobles, Guillaume Gambert, François 
de Vendores et Antoine Falco ou Faucon, ce dernier miséra- 
ble, et six ecclésiastiques. Les familles solvables comptaient 
pour six feux, un demi, un tiers, et trois quarts de feu. Aux 
causes alléguées déjà ailleurs de la misère publique, pauvreté 



(1) Archives de l'Isère, B, 2737. — « Prima, quia dictus locus fuit 
propter guerram domini Raymundi de Torena funditus destructus et 
dissipatus, sic et taliter quod quando pervenit ad manus nobilis Guil- 
lelmi bastardi de Pictavia, domini dicti loci, non erant in dicto loco 
nisi quinque habitantes et quasi omnes pauperes, et subsequenter» 
tempore guerre Liberonis, etiam illi pauci qui erant in dicto loco per- 
diderunt omnia eorum mobilia et animalia et remanserunt quasi in 
puris et nudis, et adhuc sunt pauperes et egeni, quia licet Johannes 
Ramusati fuerat competenter opulentus, cum a certis annis citra habuit 
tanta in bonis et personna infortunia quod est reductus ad modicum 
statum 4 alii qui erant ab antiquo et adhuc sunt egeni et pauperes, 
excepto Bertrando Ramusati, quem supra reddiderunt pro quarto foci, 
qui pauca habet et possidet. — Domino vero ad alias dixerunt et depo- 
suerunt quod venerunt habitatum in dicto loco, ab octo annis citra, et 
plures, a duobus et tribus annis citra, et qui venerunt habitatum, ad 
exortationein dicti domini et ofïiciariorum et servitorum ejusdem do- 
mini, tam de regno quam de Sabaudia et aliunde, qui dominus tradi- 
dit eisdem casalia et etiam bladum ad eos nutriendos et sustinendos, 
et quoque etiam calcem et tegulas ad reedificandum casalia que erant 
dirupta ; tradidit etiam eisdem possessiones hermas ad cultivandum, 
boves, peccunias et alia eis necessaria, pro ipsos habitari faciendo in 
dicto loco, tenendo eos francos et subveniendo eisdem in suis necessi- 
tatibus, sic et taliter quod remanserunt et rémanent in dicto loco ; 
nihil aut parum habent nisi ea que tradidit eisdem prefatus dominus 
de Soyancio, et sunt omnes valde pauperes, exceptis illis qui supra 
sunt redditi pro quarta parte foci, qui modica habent, et ubi onera- 
rentur talliis vel subsidiis recédèrent et locum absentarent, ut verisi- 
militer traditur... » 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 83 

du sol, mortalité des bestiaux et mauvaises récoltes depuis 
quatre ans, les habitants en ajoutent d'autres qu'il est intéres- 
sant de rapporter. Ils ont eu beaucoup à souffrir, disent-ils, 
sous le gouvernement du comte Louis II de Poitiers, qui les 
accablait de corvées, à tel point qu'à l'époque de sa mort, 
Grane avait perdu la plupart de ses habitants qui étaient 
allés demander, sous une autre domination, des conditions 
de vie plus tolérables. Une trentaine de familles sont venues 
de la Savoie, sous le gouvernement ducal, mais elles sont très 
pauvres et obligées de gagner leur vie en louant leurs servi- 
ces. On ne trouverait pas dans toute la localité quatre pro- 
priétaires récoltant assez de blé pour subvenir aux besoins 
de leurs familles. Grane comptera désormais huit feux (i). 

De Grane, le délégué passe le même jour à Montmeyran. 
Vingt-et-une familles solvables, formant huit feux, 45 misé- 
rables, un noble, Aymar de Rubiaco, châtelain, et Gauteron, 
curé, composent la population. Pour le subside voté à Ro- 
mans, le village est taxé à 49 florins et deux gros. Le terri- 
toire, bien qu'ayant quelque apparence de fertilité, est d'un 
médiocre rapport ; beaucoup de gens venus de la Savoie, 
n'ont que la misère en partage ; les meilleures terres appar- 
tiennent au clergé et à la noblesse. Telles sont les plaintes 
recueillies dans l'enquête. On réduit les feux à six (2). 



(1) Archives de l'Isère, B, 2737, f° 172. — « Item, quia tempore d. 
comitis, ultimo vita functi, homines dicti loci occupabantur quasi con- 
tinue in operibus suis et non poternt vacare in operibus suis, et ideo 
multi absentaverunt locum, et tempore mortis dom. comitis, non erat 
medietas habitantium que nunc est, sed post mortem ejus venerunt 
extranei, tam de regno Francie quam de Sabaudia et aliis partibus, 
habitatum in dicto loco et de tempore tenute domini ducis Sabaudie 
venerunt circa trigenta homines habitatum in dicta villa ex superius 
nominatis, qui sine bonis aut paucis venerunt, et adhuc etiam sunt 
pauperes, saltem pro majori parte et, ut plurimum, loquant opéras 
suas, et, de his que lucrantur, se et familiam suam nutriunt... » 

(2) Archives de l'Isère. B, 2737, 

(A continuer.) Jules CHEVALIER. 



L'EMPLACEMENT D'AERIA 



Valence, yi octobre 1899. 

Monsieur le Secrétaire, 

Je lis dans le dernier Bulletin de la Société que M. de Cham- 
belle a proposé un nouvel emplacement pour l'Aeria de Stra- 
bon. 

C'est le vingt-huitième, ainsi que vous le faites remarquer 
malicieusement. Veuillez me permettre de vous adresser quel- 
ques réflexions à ce propos. 

— Comme vous le disiez si justement à l'occasion d'une 
étude de M. l'abbé Robin sur ce même sujet : « Il faut suivre 
« Strabon le seul guide connu ; sans lui on va du Ventoux au 
a Plan-de-Baix, de Livron à Châteauneuf-de-Mazenc avec la 
« même facilité. » 

Or, à mon humble avis, le texte du géographe grec a été 
mutilé par les commentateurs qui suppriment gratuitement les 
mots xai Ouâpuv comme une répétition inutile du mot précé- 
dent Kaouâfou. De plus audacieux vont même plus loin et pro- 
posent hardiment de remplacer Aou/afc>v par Âuivi&iv, Àfocvtffiuv, 
Aoviptày, etc ! ! C'est certainement de l'imagination mais ce 
n'est pas de l'interprétation. 

Je pense en outre qu'on a traduit à tort Koouà/swv par un géni- 
tif pluriel alors qu'il s'agit d'un nom de fleuve. 

Comment admettre, en effet, que Strabon écrive dans sa des- 
cription « deux fleuves entourent la ville des Cavares » alors 
qu'il cite précisément quelques lignes plus loin quatre villes 
appartenant à cette tribu. 

Une pareille inconséquence est inadmissible chez un bon 
écrivain. 

Dès lors il faut traduire ainsi qu'il suit le fameux passage de 
Strabon. 

« Entre la Durance et l'Isère il y a d'autres rivières qui 
« descendant des Alpes se jettent dans le Rhône ; deux d'entre 



l'emplacement d'aeria. 85 

a elles, le Cavaron et le Ouaron, entourent la ville (Dourion >) 
a et réunies en un seul cours d'eau se jettent dans le Rhône ; 
« une troisième, la Sorgue, a son embouchure près de la ville 
« de Vindalie, à l'endroit où dans une grande bataille Œno- 
« barbus mit en déroute plusieurs myriades de Celtes. Dans ce 
« même espace il y a plusieurs villes : Avignon, Orange, Aeria, 
« bien aériennne de fait, dit Artémidore, vu sa situation à une 
« grande hauteur. Tout ce pays est en plaines et en pâturages, 
« mais d' Aeria à Dourion, on traverse des défilés étroits et 
d boisés. » 

Si l'on admet, et il me paraît difficile de faire autrement, 
que le Cavaron et le Ouaron sont devenus le Roubion (i) et le 
Jabron, Dourion, qui est visiblement la ville dont il est question 
dans le premier paragraphe, et qui aura été sous-entendue par 
Strabon, ou omise par le copiste, Dourion, dis-je, serait l'oppi- 
dum antique d'Acunum ; des fouilles ou des recherches entre- 
prises sur le plateau de Géry, situé à l'est de Montélimar, 
seraient de nature à donner plus de force à cette hypothèse. 

Enfin, avec une ressemblance bien voisine de l'évidence, on 
arrive à placer Aeria à Barry et à faire de cette cité l'oppidum 
de Senomagus, conformément à l'opinion émise par M. le Pré- 
sident dé notre Société 

En effet, d'Avignon à Orange et à Senomagus, la voie 
d'Agrippa, seule route par laquelle on pouvait aller de la 
Durance à l'Isère, est établie au milieu de plaines et de pâtu- 
rages ; mais de Senomagus à Acunum elle traverse les défilés 
étroits et boisés du massif de Donzère. 

L'énumération de ces villes correspond à une description 
rationnelle du pays et à une phrase bien construite au point de 
vue grammatical. 

A défaut d'autre avantage, mon interprétation aura celui de 
ne pas proposer une vingt-neuvième solution pour remplace- 
ment retrouvé d 'Aeria. 

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l'expression de mes 
sentiments les plus distingués. 

(i) Voir Brun-Durand. Dictionnaire topographique. 

A. Auric. 



BIBLIOGRAPHIE 



En Vivarais. Impressions, Descriptions, Notes his- 
toriques , Figures Ardéchoises, Grandes Industries, 
Presse, Pages Vivaraises, par Jean Volane. T. I er . — 
Paris, Berger-Levrault, gr. in-8° de 196 p. avec 40 
dessins. 

U Ardeche pittoresque. Descriptions, Mœurs, Impres- 
sions, Pages Vivaraises, par le même. — Paris, Berger- 
Levrault, 1897-1899, gr. in-8° de 207 p. avec 5o simili- 
grav. ou dessins. 

Les jolis croquis que sont ces deux volumes, j'entends 
l'art fin et prime-sautier de la plume de M. Jean Volane, 
sans compter les dessins et gravures d'une nuance im- 
pressionniste. De plan logique, pondéré, n'en demandez 
pas. C'est une promenade à travers l'Ardèche et, comme 
dans toute promenade, on y rencontre de tout, mais par- 
ticulièrement des surprises charmantes, Jean Volane est 
un chauvin, un poète, c'est-à-dire un peintre. Il nous 
montre, dans nos excursions à vol-d'oiseau à travers les 
pays ardéchois, « les plaines fertiles des bords du Rhône, 
les champs de blé, les coteaux caillouteux couverts de 
vignes, l'olivier de Provence et le figuier d'Italie..., de 
vertes prairies normandes, les forêts des Vosges et des 
Ardennes..., des paysans aussi beaux que ceux de Geor- 
ges Sand..., des forestiers aussi intéressants que ceux 
d'André Theuriet..., un chaos de volcans crachant jadis 



BIBLIOGRAPHIE. 87 

au ciel leur fumée rouge, tout un troupeau de monts 
coiffés de châteaux-forts..., les ruisseaux clairs, les ri- 
vières torrentueuses..., le Rhône mugissant aux pieds des 
ruines antiques de Rochemaure et de Crussoi. » En un 
mot, la poésie se dégage du passé du Vivarais et de ses 
légendes fantastiques. 

En son aimable et très spirituelle compagnie, nous vi- 
sitons, avec son premier volume : Privas, Entraigues, 
Aubenas, Vais, Bourg-Saint-Andéol , Chomérac, La- 
voulte, Saint-Pierreville, Rochemaure, Villeneuve-de- 
Berg, Viviers. Avec le deuxième, c'est : Largentière, 
Burzet , Montpezat , Thueyts , Valgorge , Les Vans , 
Joyeuse, Vallon. Sur chaque localité, nous avons la des- 
cription du site, des notes historiques, une courte bio- 
graphie des personnages qui l'illustrèrent, quelques don- 
nées sur ses ressources naturelles ou industrielles. Puis, 
ce sont les silhouettes des vieux châteaux féodaux en 
ruines, les curiosités de la nature féconde en pittoresque 
dans cette Ardèche trop inconnue de ceux qui cherchent 
des impressions inédites. 

Sous le titre de « Pages Ardéchoises » qu'on pourrait 
qualifier de « choses vues », il y a là des tableaux d'une 
couleur saisissante, d'une mélancolie infinie. Ce sont des 
impressions vécues sur l'automne ardéchois, le repos des 
âmes, les ouvrières en soie, un convoi à la campagne, le 
passage de troupeaux, sur l'aube privadoise, le Rhône 
yivaraisien, la cueillette des châtaignes, la pluie, la veil- 
lée au moulin, etc. 

Un troisième volume paraîtra bientôt et comprendra 
l'arrondissement de Tournon. Il sera intitulé : « Le Haut- 
Vivarais. » Une mesure administrative qui vaut tous les 
éloges, c'est que le Conseil général de TArdèche a sous- 
crit très généreusement à cet important ouvrage d'art, 



88 société d'archéologie et de statistique. 

accessible néanmoins aux ressources les plus humbles. 
N'oublions point de dire combien nous avons été vive- 
ment intéressé par les gravures, en certain nombre ori- 
ginales, qui éclairent ces deux premiers tomes. 

M. Jean Volane peut être assuré que son vœu le plus 
caressé est réalisé, à savoir de « faire connaître et aimer 
ce curieux pays ardéchois où se trouvent réunis dans un 
petit espace les vallons alpestres, les volcans de l'Au- 
vergne, les dolmens de la Bretagne, les lacs de la Suisse 
ou de l'Ecosse, les grottes du Tarn et des paysages ruini- 
f ormes sans rivaux. » 



Les Barons de Châteauneuf*de-Ma\enc. Chroniques 
Dauphinoises, par Raoul de Vissac. — Paris, H. Cham- 
pion, 1899, in-8° de 222 p. 

Nous avons déjà fait l'agréable connaissance de M. R. 
de Vissac, lorsqu'il livra au public son attachant volume : 
Anthoine du Roure et la Révolte de 1670. Chronique 
Vivaroise. Nous en fîmes un compte-rendu dans plu- 
sieurs périodiques, avec des éloges mérités. 

Il a traversé le Rhône, pour nous conduire, séduisant 
cicérone, au pittoresque et antique bourg de Châteauneuf- 
de-Mazenc. 

C'est un dilettante des choses des régimes passés et il 
s'y plonge, se consolant des écœurements présents, dit-il. 
Mon Dieu ! c'est bien cruel pour notre pauvre siècle expi- 
rant, où, comme dans tous les siècles, comme dans tous 
les royaumes, le bien et le mal, la lumière et les ténèbres, 
les grandeurs et les abjections morales se côtoient. 

Il trouve « plus doux, plus reposant de se retirer dans 
la Tour d'ivoire du poète, de s'enivrer d'un hatchich 



BIBLIOGRAPHIE. 89 

moral — moderne Léthé — en feuilletant de vieux grimoi- 
res desquels la poussière, en s'échappant, prend les mille 
formes diverses dont la revêt l'imagination » (p. 8). Et 
c'est avec une imagination charmeuse qu'il reconstitue le 
passé des barons de Châteauneuf-de-Mazenc, mais avec 
une originalité exagérée peut-être. Le lecteur sera si bien 
captivé que sûrement il ne songera point à s'en plaindre. 
L'origine de cet oppidum se perd dans les brumes des âges. 
C'est vers la fin du xin e siècle seulement que commen- 
cent à apparaître les premiers titres écrits de la commune 
de Château neuf- de-Mazenc. Elle aurait été d'abord une 
colonie romaine, et c'est tout ce qu'on sait sur son origine. 
Son nom Castrutn novum Dalmaceni (dal, article de la 
langue romane, et macenus^ maison ou groupe de bâti- 
ments), a une saveur toute romaine, si toutefois cette 
éthymologie est bien assise. — Au point de vue documen- 
taire, l'auteur a fait « de fréquents emprunts » à M. La- 
croix dans son Arrondissement de Montélimar , et au 
baron de Coston dans son Histoire de Montélimar (p. 1 2). 
Ce livre possède donc, sous sa brillante forme littéraire, 
une robuste ossature. Il n'a point l'air rébarbatif des 
œuvres d'érudition; presque pas de notes au cours de 
l'ouvrage. Nous oserions même dire qu'il en est trop 
sobre, à notre époque d'informations méticuleuses, qui 
ne sont point pour déplaire même au troupeau de pro- 
fanes es choses érudites. Disons, cependant, tout "de suite 
qu'il dédommage les chercheurs de pièces documentaires 
dans un copieux appendice (p. 167-218). Il poursuit l'his- 
toire de Chàteauneuf-de-Mazenc depuis l'époque romaine 
jusqu'à nos temps, avec un brio de chevalerie convenant 
à ces barons guerroyeurs qui contractèrent les plus illus- 
tres alliances. Voici quelques-uns des titres de l'appen- 
dice : Extrait des archives du château dçiMazenc; Châ- 



9<> SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

teauneuf-de-Mazenc ; Généalogie des Poitiers; Charte 
de 1292 ; Raymond de Tufenne ; La bataille du Jabron , 
Estyenne de Vesc; Procès-verbal contre M. de Cha- 
briilan; Reconnaissances de vasselage; Mgr de Pioienc; 
Liste des biens de M. de Ravel en 1792. 

Nous sommes particulièrement satisfait des idées de 
conversion exprimées avec une bonne grâce parfaite par 
l'auteur, trop chagrin au portique de son ouvrage. « Mal- 
gré l'histoire qui le consacre, dit-il en déposant sa plume, 
ce passé était peut-être, après tout, assez terne; peut-être, 
le dix-neuvième, dans l'ultime revue des siècles, fera-t-il 
pencher la balance en sa faveur; alors, si douteux que cela 
soit, ferions-nous bien de nous rallier, l'oreille basse, à 
cet aphorisme d'un prosateur aux velléités de poète, qui 
écrivait naguère : « Les truffes et les demi-teintes, voilà 
les merveilles de la Drôme » (p. 164). C'est spirituelle- 
ment sensé. 



Un Evêque de V ancien Régime. Louis-Joseph de Gri- 
gnan (1650-1722), par l'abbé Léon Charpentier. — Paris, 
Sueur-Charruey, 1899, i n - (2 de m-338 p. 

Louis-Joseph de Grignan fut évêque de Carcassonne à 
la fin du xvu e et au commencement du xvm e siècle. Il fut 
l'une des grandes figures de l'épisçopat de cette époque, 
auquel on commence à rendre justice à la suite des études 
de Tocqueville, Taine et de l'abbé Sicard. Révision faite 
du procès dressé contre le Clergé d'avant la Révolution, 
il a fallu convenir que les prélats gentilshommes de l'an- 
cien régime ne méritent pas, pour la plupart, l'espèce de 
réprobation générale dans laquelle on les enveloppait. 
On ne peut nier que, à part quelques exceptions regret- 



BIBLIOGRAPHIE. 91 

tables , ils n'aient fait honneur au caractère dont ils 
étaient revêtus et qu'ils n'aient rendu de grands services 
à l'Eglise et à la France. 

Combien d'entre eux s'illustrèrent par leurs écrits ou 
leurs actions ! Combien s'ensevelirent dans leurs lointains 
diocèses, remplissant les fonctions du ministère épiscopal, 
créant des séminaires, bâtissant des hôpitaux, allégeant 
les lourdes charges fiscales qui pesaient sur les propriétés 
rurales, faisant prospérer l'agriculture, le commerce et 
l'industrie. Mgr de Grignan fut l'un de ceux-là. 

Il portait déjà un nom illustre, appartenant à la famille 
des Adhémars de Monteil qui remontait aux premiers 
âges de la Provence. Mais tant que vivront les lettres 
françaises , le nom de Grignan sera inséparable de 
M me de Sévigné qui Ta rendu célèbre. Louis-Joseph était 
le propre frère du gendre de M mo de Sévigné et fut lui- 
,même en correspondance avec la fameuse « épistolière. » 
M. Léon Charpentier l'étudié « soit dans les différentes 
fonctions qu'il eut à remplir comme agent général du 
Clergé de France et comme évêque, soit dans ses rap- 
ports avec sa famille, dont il fut le dernier et non le moins 
noble représentant. » D'une érudition bien avertie, il en 
fait un beau portrait d'une plume aisée et délicate, avec 
une absolue sincérité. Aussi est-ce en toute justice que 
Mgr Billard, évêque de Carcassonne, écrit à l'abbé Char- 
pentier : « Je vous félicite d'avoir dépouillé avec un soin 
scrupuleux toutes les archives qui vous éclairaient sur la 
vie de ce Prélat..., je suis heureux de trouver en vous un 
historien, témoin incorruptible de la vérité. » 

Louis ROBERT, 
du Clergé de Paris. 




NÉCROLOGIES 



M. ALLMER (Auguste) 



Notre Société vient de perdre l'un de ses plus savants écri- 
vains. Au moment de sa fondation, en 1866, de grands tra- 
vaux de construction sur les boulevards de Valence amenaient 
chaque jour de nouvelles découvertes archéologiques. Comme 
j'avais rencontré à Hauterives le zélé épigraphiste dans ses 
excursions, je recourus à lui, et aussitôt il nous envoya de 
nombreux articles fort remarqués sur les inscriptions de 
notre ville, sur celles de la Drôme et des départements voi- 
sins. Sa collaboration au Bulletin nous valut l'attention et 
l'estime des antiquaires de France et de l'étranger. 

Né à Paris le 8 juillet 181 5, il devint percepteur à Estra- 
blin, en résidence à Vienne et plus tard à la Guillotière. Là, 
de fréquentes révélations sur le passé romain de ces deux 
cités lui inspirèrent le goût de l'épigraphie. L'étude de l'his- 
toire et des recueils spéciaux l'initièrent rapidement aux 
secrets de cette science, où il ne tarda pas à devenir un 
maître. On raconte qu'introduit chez un célèbre érudit pari- 
sien, sans avoir été annoncé, celui-ci lui montra une ins- 
cription qui l'embarrassait ; notre percepteur la lût aussitôt. 
« Vous êtes M. Allmer ou le diable en personne », s'écria 
l'archéologue. 

M. Allmer avait une volonté si ferme qu'à l'âge de 80 ans, 
il se mit à l'étude de la langue allemande et parvint à tra- 
duire les ouvrages des savants d'Outre-Rhin. Que dire de 



NÉCROLOGIES. 93 

ses courses incessantes dans le Viennois, soit avec M. Girard, 
ancien libraire, soit seul dans la Drôme et Vaucluse ? Armé 
d'un parapluie, d'une brosse et d'un rouleau de papier pour 
estampage, il courait sans cesse à la recherche de quelque 
inscription nouvelle ou de quelque, vérification de lecture. 
Ces voyages n'étaient pas pour lui toujours fort agréables, 
et il nous conta un jour en riant sa mésaventure à Pont- 
Tlsère. Il s'était arrêté dans une auberge près du pont. Sur- 
vint le garde champêtre. « Vos papiers », lui dit-il , et 
M. Allmer lui exhibe la lettre officielle annonçant sa nomi- 
nation dans la Légion d'honneur. — Un chevalier voyageant 
à pied parut à l'agent une exception étrange, « Que cher- 
chez-vous , que vendez-vous? » lui demanda-t-il. — Des 
inscriptions, répondit M. Allmer. Le garde, comprenant mal 
l'utilité d'une profession pareille, l'invita à le suivre chez 
M. le Maire, qui demeurait à la campagne. Ce voyage prit 
du temps, et vers minuit, le magistrat municipal offrit à 
notre savant un asile dans son grenier à foin. Or, le pou- 
lailler en était voisin, et de une heure du matin au jour, le 
chant des coqs l'empêcha de fermer l'œil. Le lendemain, 
nous déplorions ensemble les inconvénients des voyages et 
les maux attachés à la poursuite de la vérité historique. 

Notre savant, d'une modestie exagérée, fut heureusement 
récompensé par l'estime des hommes compétents; en 1879, 
il était nommé conservateur du Musée des Antiques de Lyon 
et peu après conservateur honoraire de ses Musées; ses Ins- 
criptions antiques de la même ville lui valurent à l'Institut 
le grand prix Gobert, et il devint membre de l'Académie de 
Lyon, de la Société des Antiquaires de France, chevalier de 
la Légion d'honneur et officier de l'Instruction publique. 

Le nombre de ses brochures est considérable; mais ses 
principaux ouvrages comprennent les Inscriptions antiques 
de Lyon avec M. Dissard, en quatre vol. in-8° (1889), les 
Inscriptions de Vienne avec M. de Terrebasse , pour le 
moyen âge, en six vol. in-4 , avec un atlas dessiné par 



/ 



94 société d'archéologie et de statistique. 

lui et par son fils, décédé jeune encore; les Gestes du dieu 
Auguste et la Revue épigraphique du midi de la France. 

De tels hommes constituent pour notre pays une gloire 
véritable; leur dévouement à la science est un encoura- 
gement et un exemple. En attendant que des renseigne- 
Tnents plus complets permettent d'écrire la biographie de 
M. Allmer, la Société d'Archéologie tient à lui adresser un 
suprême adieu et à lui témoigner son éternelle reconnais- 
sance. 



M. BOREL-SOUBÉRAN (Louis) 

Nous apprenons au dernier moment la mort de M. Louis 
Borel-Soubéran, de Crest, si justement surnommé le « père 
des pauvres ». 

Cet homme de bien, toujours prêt à s'associer à toutes les 
œuvres de charité et de moralisation, s'est éteint le 2 3 dé- 
cembre 1899, après de longues souffrances supportées avec 
résignation et courage. Il avait demandé qu'il n'y eût sur sa 
tombe ni discours, ni fleurs, ni couronnes ; mais le grand 
concours de parents, d'amis et de personnes reconnaissantes 
a prouvé que ses bienfaits n'étaient pas ignorés, et que sa 
mort était un véritable deuil public dans sa ville natale. 

Nous perdons en lui un collègue vénéré et un chrétien 
dont la vie a été constamment un exemple de bonté, de dé- 
vouement et de bienfaisance. 

A. Lacroix. 



il' 




CHRONIQUE 



Le Bureau adresse à tous les membres de la Société ses 
meilleurs vœux pour Tannée nouvelle et compte sur leur 
bienveillant concours pour la continuation de l'œuvre com- 
mune. 

OUVRAGES REÇUS DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE : 

Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques 
et scientifiques, année 1899, première livraison. Il s'y trouve 
une étude sur la tour de Châmaret, par M. l'abbé Fillet, et 
de nombreux articles intéressants. 

Bulletin du même Comité, Section des Sciences économie 
ques et sociales, année 1898. 

Journal des Savants, 

DES AUTEURS : 

Mgr Bellet : Un portrait inconnu de Bossuet y conservé 
dans la famille de M. de Gailier et décrit avec art par l'auteur 
de la curieuse brochure de 20 p. in-4 (Lyon, Vitte, 1899). 

M. Bertrand (J.) : La Sorcellerie. Paris, Bloud et Barrai, 
in- 16 de 63 p , où sont révélés une foule de détails peu con- 
nus dans un style facile et agréable. 

M, de Faucher : Les duchés du comté Venaissin. Origine 
du mot Brianty 3 p. in-8°. L'Auteur en mentionne cinq : 
Caderousse, Gadagne, Crillon, Baumes (de Venisse) et Cau- 
mont et en résume habilement l'histoire. 

Dans les Sociétés savantes qui nous envoient leurs publi- 
cations, nous signalerons diverses inscriptions de la Drôme 
dans les Mémoires de l'Académie de Vaucluse et des notes 
sur Barnave, par M. de Beylié, dans le Bulletin de V Aca- 
démie delphinale, année 1898. 

A. Lacroix. 



wtÊzJks&J^ 



SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1899 



PRÉSIDENCE DE M. VALLENTIN 



Après la lecture des circulaires ministérielles relatives à 
l'Exposition de 1900, Mgr Bellet et M. Lacroix présentent, 
comme membre titulaire de la Société, Madame Boni, née de 
Galiier, dont Padmission est prononcée à l'unanimité. 

M. le Président fait, à cette occasion, l'éloge de son prédé- 
cesseur et félicite M me Boni de vouloir bien le représenter 
parmi nous. Il ajoute que plusieurs Sociétés savantes sont 
heureuses de compter des Dames dans leurs rangs et que 
celle de la Drôme se réjouit de l'adhésion de la nouvelle 
titulaire à l'œuvre si glorieusement dirigée par son père si 
regretté. 

M. le Secrétaire donne ensuite des renseignements sur la 
formation du dépôt confié à sa garde et sur les fonds princi- 
paux déjà inventoriés ou qui le seront à l'avenir. 

M. le Président exprime le désir de voir cette communi- 
cation reproduite dans le Bulletin, lorsqu'elle aura été com- 
plétée. 

Diverses communications terminent la séance. 

A. Lacroix. 



LETTRE DE J.-B. VEYRENC 



NOTAIRE A GRIGNAN 



A M. BIGNAN DE COYROL 

Député à V Assemblée Nationale 



_» _£ 



SUR LES EVENEMENTS DU PAYS EN I79O 



Peu de villes accueillirent avec autant d'enthousiasme la 
Révolution française que le petit bourg de Grignan, et n'en 
saluèrent les premières lueurs avec des transports plus exu- 
bérants et plus effrénés. Les exaltés du pays firent plus de 
tapage que beaucoup de leurs coreligionnaires de haute volée. 
Leurs démonstrations ne furent pas exemptes d'excès : il y 
eut du sang versé, des tombeaux furent violés ; le beau 
château des Adhémar, qui faisait l'orgueil de la contrée, fut 
pillé, ruiné et réduit à l'état lamentable où nous le voyons 
aujourd'hui. Tous ces exploits, et d'autres encore, ont été 
relatées avec ingénuité et sympathie par M. Devès, ancien 
greffier de la justice de paix, dans une brochure peu répan- 
due (1). L'auteur croit pouvoir attribuer cette violente réaction 
à la dureté du seigneur, M. du Muy (2), envers ses vassaux. 



(1) Grignan pendant la Révolution de 178g. Une page d'histoire des 
principaux épisodes de la Révolution, divisée en trois parties : La Ville, 
le Clergé et le Château, par L. Devès. — Montélimar, imprimerie du 
Progrès, Astier et Niel, 1890. — In-8° de 82 pp., avec une vue de 
Grignan. 

(3) Jean-Baptiste-Louis-Philippe de Félix du Muy, comte de Grignan, 
avait hérité de son oncle, le chevalier Victor du Muy, maréchal de 

2 e SÉRIE, XXXIV e VOLUME. — IÇOO. 7 



98 société d'archéologie et de statistique. 

Nous croyons qu'il exagère. Quoiqu'il en soit, voici, sur 
cette époque, un document important que M. Devès n'a pas 
connu et qui précède de quelques mois les événements qu'il 
raconte. C'est une lettre adressée par le notaire de Grignan à 
M. Bignan de Coyrol, député à l'Assemblée nationale, conte- 
nant la relation de ce qui se passait dans le pays à ce moment. 
Outre l'intérêt particulier qu'elle présente au point de vue de 
l'histoire locale, cette curieuse pièce projette un grand jour 
sur l'époque tourmentée à laquelle elle se rapporte. Elle nous 
montre l'état des esprits dans un petit bourg de province au 
commencement de la Révolution. Nous y voyons d'un côté 
les hommes d'ordre et de jugement attendre des élus de la 
nation des réformes sages et des mesures prudentes, qui 
eussent amené sans secousse la suppression des abus et 
l'avènement d'un ordre social nouveau ; d'autre part, le gros 
populaire, comprendre d'instinct que c'était son règne qui 
commençait. Partout on voit ce nouveau souverain, tout ivre 
encore de sa fraîche émancipation, s'emparer du pouvoir et 
en user avec despotisme et brutalité, principalement à l'égard 
de ceux qui furent ses maîtres autrefois. Ce que nous voyons 
se passer à Grignan se produisit à peu près partout, sous une 
forme ou sous une autre, mais dans des circonstances analo- 
gues, et avec ce caractère uniforme de violence et de haine 
contre tout ce qui représentait ou rappelait le régime déchu 
ou en train de crouler. 

Jean- Baptiste Veyrenc, l'auteur de cette lettre, était venu 
s'établir à Grignan, en qualité de notaire, en 1 767, et il en 



camp sous Louis XV, de la seigneurie de Grignan. Brigadier d'infan- 
terie, puis maréchal de camp en 1788, il servit dans les armées de la 
République et devint Lieutenant- général en 1793. Pendant qu'il com- 
battait pour la France, la convention faisait vendre et démolir son 
château (frimaire et nivôse an II). Le comte du Muy fut pair de France 
sous la Restauration. Il mourut à Paris, le 5 juin 1820, à l'âge de 69 
ans. (Nadal, Les Adhémar, pp, 194-200; L. Devès, Biographie histo- 
rique de Grignan, p. 64). 



LETTRE DE J.-B. VEYRENC. 99 

remplit les fonctions jusqu'au mois de pluviôse an IX. Il 
était en même temps procureur fiscal du comté, charge qu'il 
avait acceptée, comme il le rappelle à son correspondant, sur 
les instances de celui-ci. Il avait épousé vers 1760, Jeanne- 
Claude Demard, dont il eut trois filles et un fils. Elle était la 
sœur de l'abbé Demard, qui fut aumônier des vaisseaux du 
roi (1). Dans les confidences qu'il fait à son ami et dans les 
réflexions dont il les accompagne, on reconnaît un parfait 
honnête homme, mais qui, comme beaucoup d'autres, se 
faisait de grandes illusions sur le résultat des événements 
dont il suivait attentivement le cours. Il ne dut pas tarder à 
les perdre. Toutefois il ne pouvait guère s'en faire sur la 
sagesse du peuple, abandonné tout à coup à lui-même, 
d'après les traits qu'il avait sous les yeux et qu'il raconte à 
son ami. Du reste, les événements allaient se précipiter et 
toujours dans un sens opposé à celui qu'il avait espéré. 
Cependant sa haute probité le fit respecter pendant les mau- 
vais jours ; il devint juge de paix en 1798, et mourut le 6 
février 1801 (2). Cet homme de bien était le grand-père de 
M. l'abbé Veyrenc, qui a laissé de si précieux souvenirs 
comme professeur au Petit-Séminaire de Valence, où il a 
passé presque toute sa carrière sacerdotale dans l'enseigne- 
ment de la rhétorique et de la philosophie (3). 



(1) Jeanne-Claude Demard, survécut près de 10 ans à son mari et 
mourut le 8 août 18 10. Elle est qualifiée de Demoiselle dans l'acte de 
sépulture, rédigé par M. Martine!, curé de Grignan. On sait que ce 
titre était donné autrefois aux personnes de qualité. 

(2) L. Devès, Biographie historique de Grignan^ p. 9. 

(3) Jean-Baptiste-Mathieu Veyrenc, né à Grignan, le iî octobre 1809, 
professa la philosophie dès son entrée au Petit-Séminaire en 1834. U Y 
joignit la rhétorique en 1842, et il est resté titulaire de ces deux chaires 
jusqu'en 1857, où Mgr Lyonnet, à son arrivée à Valence, lui donna le 
titre, purement honorifique, de directeur des études. En avril î865, 
il fut nommé aumônier de la maison-mère des religieuses du St-Sacre- 
ment, à Romans, et c'est là qu'il est mort, le 18 juin 1869, au retour 



COO SOCIÉTÉ ET* ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Quant au destinataire de cette lettre, Jean-Louis-Domi- 
nique Bignan de Coyrol, il était de Suze-la- Rousse et 
appartenait à une famille de riches propriétaires. Il avait 
augmenté sa fortune dans le commerce et il était le plus 
notable personnage de sa région, lorsqu'il fut élu député aux 
Etats de Romans, en 1788, puis aux Etats généraux Tannée 
suivante (4 janvier 1789). Son rôle dans cette assemblée fut 
très effacé, et on ne voit pas qu'il y ait jamais porté la parole. 
Après qu'elle eût été dissoute, il se retira d'abord à Lyon, 
puis dans son pays natal. Il renonça à la vie publique, après 
avoir siégé quelque temps comme juré à la Haute-Cour, 
convoquée en septembre 1793. Il est mort à Orange, le 6 
novembre 1824, auprès de sa fille M me d'Hugues, mère du 
général de ce nom. 

Dominique Bignan est le père du célèbre poète Anne 
Bignan, qui est mort à Paris en 1861 , à l'âge de 66 ans. Mais 
ce n'est pas de lui qu'il est question au commencement de la 
lettre de J.-B. Veyrenc : ce fils, plus illustre que son père, 
n'était pas encore né à cette époque. Il s'agit sans doute d'un 
frère aîné qui était déjà en âge à ce moment et auquel l'auteur 
paraît témoigner beaucoup d'estime et de sympathie. 

Le bourg de Grignan faisait partie des terres adjacentes 
de la Provence enclavées dans le Dauphiné. Il était le chef- 
lieu d'un comté duquel ressortissaient les communautés de 
Chamaret, Chantemerle, Clansayes, Colonzelles, Montjoyer, 
Montségur, Réauville et Salles. Il était en même temps le 
siège d'un baillage, ou tribunal qui connaissait des causes de 
tout le comté, sauf appel au parlement d'Aix. Cette petite 
judicature fit espérer aux habitants qu'elle leur vaudrait un 
chef-lieu de district ou d'arrondissement dans la nouvelle 
division administrative de la France ; mais ils ne pouvaient 



d'un voyage à Rome. — L'abbé Veyrenc a publié quelques ouvrages, 
entre autres, un petit recueil de Fables, d'un naturel et d'une simpli- 
cité charmantes. C'est du La Fontaine au petit pied.. 



LETTRE DE T.-B. VEYRENC. 101 

compter sur cet avantage que s'ils restaient unis à la Provence. 
Etant adjoints au Dauphiné et au département de la Drôme, 
ils étaient trop près de Montélimar pour former un district à 
part. Notre document nous fait connaître quelques détails sur 
cette affaire, à laquelle s'intéressa le fameux juriste Durand 
de Maillane. 

On remarquera le passage où J.-B. Veyrenc se dit Dau- 
phinois. Il n'était donc pas de Grignan. La famille Veyrenc, 
en effet, était originaire de Roussas, où elle exerçait le 
notariat depuis au moins deux siècles. C'est de là probable- 
ment que venait notre notaire, qui avait jugé avantageux de 
transporter au chef-lieu l'étude que géraient ses ancêtres 
dans ce petit village ; car, tout en dépendant du comté de 
Grignan, Roussas appartenait au Dauphiné. Un autre mem- 
bre de la famille, Jean-François, peut-être un frère de Jean- 
Baptiste, allait en même temps s'établir à Suze-la- Rousse, où 
sa descendance subsiste encore (i). Il y est mort le 21 mai i8i3, 
à l'âge de 73 ans (2). Un autre cousin, dont il est fait mention 
dans la lettre résidait à Paris. Ces relations de famille du 
notaire de Grignan à Suze expliquent ses rapports avec le 
député Bignan. D'ailleurs, résidant à peu de distance l'un de 
l'autre, l'un dans les affaires et l'autre dans le commerce, de 
condition plus que moyenne et à peu près égale, l'un et 
l'autre amis de Tordre et de la paix, dans le même courant 
d'idées et animés des mêmes principes, ces deux hommes 
étaient faits pour se rencontrer, et, s'étant vus, ils ne pouvaient 
moins faire que de s'entendre et de se comprendre. C'étaient 
deux honnêtes gens ensemble. 



(1) Jean-François était le grand-père de M. Pabbé Adolphe Veyrenc, 
mort curé de Mollans en 1888, lequel était aussi littérateur et poète à 
ses heures. 11 était membre de la Société Archéologique de la Drôme. 

(2) Renseignements dus à l'obligeance de M. le chanoine Isnard, curé 
de Suze-la-Rousse. Notre vénérable correspondant nous apprend qu'une 
autre branche de la famille Veyrenc existait à Clansayes. C'est peut- 
être celle qui est maintenant établie à Pierrelatte. 



102 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

M. Devès nous apprend que Jean-Baptiste Veyrenc fut un 
des témoins de la violation des caveaux de l'église de Grignan 
et de l'exhumation des restes de Madame de Sévigné. Il se fit 
donner un fragment des ossements de cette femme célèbre, 
qu'il fit enchâsser dans un médaillon, avec ce quatrain de sa 
composition inscrit au-dessous : 

De sa beauté voilà les tristes restes ; 
Le trait fatal ne la respecta pas. 
Mais si tout passe et s'enfuit ici-bas, 
L'esprit survit aux temps les plus funestes. 

(1793) 

►Cette relique appartient maintenant à M. Louis Fayn (ij. 

La lettre que nous publions provient des papiers de M. 
l'abbé Veyrenc. On se demande comment elle était revenue 
entre ses mains, lorsque naturellement elle devait se trouver 
dans celles de la famille Bignan. Nous supposons, sans en 
avoir la preuve, que le poète Bignan n'était pas sans connaî- 
tre son confrère en littérature, l'auteur des Fables et de tant 
d'autres écrits intéressants, et que, par un sentiment de bonne 
confraternité, en témoignage d'estime et pour lui être agréa- 
ble, il lui fit cadeau de l'autographe de son grand-père. Cette 
lettre ne comprend pas moins de trois feuilles de quatre 
pages chacune. L'écriture en est fort régulière, et les formu- 
les étudiées et polies, mais pas toujours bien correctes, dans 
lesquelles elle est conçue rappellent bien le praticien de l'an- 
cien régime, dont J.-B. Veyrenc paraît avoir été un parfait 
représentant. 

C. P. 



(1) L. Devès, Grignan pendant la Révolution, p. 24. 



LETTRE DE J.-B. VEYRENC. 103 

Grignan, le 26* avril 17 go. 
Monsieur, 

La réponse à ma lettre du 22 février me flatte beau- 
coup. Votre parfait rétablissement me fait un plaisir 
bien sensible. N'avais-je pas raison de vous exhorter 
à ménager votre santé ? Conservés-la, Monsieur ; elle 
est prétieuse à votre famille, elle Test à vos concitoyens. 
J'aurais appris avec plaisir des nouvelles de votre 
aimable fils, ce digne confident de vos pensées, à qui 
j'avais pris la liberté de présenter mes respectueux 
devoirs. Vous me donnés le chagrin de m'en priver. Je 
ne récidive pas moins l'offrande de mes hommages. 
Veuilles, je vous prie, le lui dire pour moi. J'avais 
projeté de vous prier de me faire trouver mon brave 
cousin Veyrenc, qui réside à Paris, et je n'osay prendre 
cette liberté. J'avais encore idée que son attelier put 
faire passer quelques moments à Monsieur votre fils. 
Vous avés prévu que je n'avais pas osé, et vous avés 
la complaisance de m'en donner des nouvelles, de me 
dire qu'il se porte bien et qu'il se rappelle de moi. Je 
vous en prie, Monsieur, n'osant pas insérer une lettre 
pour lui à votre adresse, engagés le à première vue de 
m'écrire. J'ay grand désir d'entretenir une correspon- 
dance avec luy, et qu'il aye attention de me donner son 
addresse et celle de mon ami l'abbé Reboul (1). Vous 
m'obligerez, Monsieur, bien sérieusement de luy dire 



(1) Cet abbé Reboul résidant à Paris, ne nous est pas autrement 
connu. Il était probablement de Grignan ou des environs. 



104 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

que je l'ayme et l'estime. Sa manière d'agir envers ses 
parents me le fait honorer et respecter. Il porte un 
nom qui, par ce qu'il en fait, est bien cher à mon cœur. 

J'en reviens, Monsieur, à notre païs. Je ne vois pas 
qu'il puisse échapper au district de Montélimart. Si Gri- 
gnan n'a pas agi pour s'y joindre, ça été et ça été unîque- 
ment.parce que Monsieur Durand de Maillanne, qui a eut 
correspondance suivie avec nos municipalités et consu- 
lats, avait fait espérer qu'en persistant de demander de 
rester réunis à la Provence, nous aurions icy un district 
de justice, et même de municipalité. M. Boucha (i), 
notre député, a écrit à M. Faure (2), le 1 du courant, 
que, sur la réunion des lieux du comté à Grignan et 
sur une addresse à l'Assemblée, on ne peut manquer un 
district, restant à la Provence. Les paroisses secondai- 
res de cette chétive ville, que bien vous connaisses, 
aymeroient mieux St-Paul, et se rendront à Montélimart, 
si Grignan n'obtient pas un district de justice, par la 



(1) Charles-François Bouche, avocat au parlement d'Aix, fut député 
de cette ville pour le tiers-état aux Etats généraux II devint ensuite 
membre de la cour de cassation et mourut vers 1794. Il est plus connu 
comme historien de la Provence que comme homme politique. 

(2) Laurent Faure, avocat et notaire à Grignan, n'était peut-être pas 
encore, à ce moment, ce qu'il se montra depuis, un fougueux démago- 
gue. Administrateur du département de la Drôme en 1792, commis- 
saire dans le Comtat sous la Convention, il fut membre du tribunal 
révolutionaire du district de l'Ouvèze, et enfin, juge de paix à Car- 
pentras en i8or. Rétiré ensuite à Grignan, il contribua, par d'activés 
démarches, à lui faire rendre le titre de chef-lieu de canton, qui avait 
été transféré à Taulignan. On a de lui quelques écrits. Laurent 
Faure est mort à Grignan, le 1 octobre 1808. Il était né à Réauville 
en 1736. 



LETTRE DE J.-B. VEYRENC* !05 

force de son point central de la vallée. Pour moy, Mon- 
sieur, ne devant y avoir en France qu'une province, 
qu'une famille, j'ai toujours voté pour la proximité et 
mes connaissances. Au reste, je suis Pauphinois d'ori- 
gine et ayme essentiellement le Dauphiné. Je ne serais 
pas en Provence sans les circonstances. 

M. Cheynet(i) m'avait invité d'une manière bien en- 
gageante ; mais ici, certains esprits sont au dessus des 
espérances ; elles seront vaines, je le vois, je le sens, 
je le touche. Mais aussy, Monsieur, que fairiez-vous de 
Grignan ? où seroient les juges ? qui viendrait s'y habi- 
ter ? Aurions-nous encor des juges d'assises , qui ont 
tant fait crier jadis ? qui n'ont jugé, Dieu sçait comment, 
que le pied dans l'étrier ? Choisisses, Monsieur, vous 
connaisses le local, des endroits sains et habités. Je 
parle ici contre mes bulles, peut-être, sy je dus (2) 
rester pour quelque chose dans les nouvelles formations, 
surtout en ayant besoin ; mais pourrais-je, pour mon 
intérêt personnel, voir pâtir tant de citoyens ? Non, 
Monsieur, l'intérêt public me tient trop à cœur. Il faut 
donc croire que le païs et la vallée n'étant pas d'accord 
en pettition, si Grignan n'est pas positivement assuré 
d'avoir un district de justice, il tourne, et tout ce qui 
y est annexé l'a constamment voulu ainsy, parce que le 



(1) Jean-Louis Cheynet, collègue de Bignan à l'Assemblée nationale, 
était maire de Monlélimar quand il y fut député avec lui, le 5 janvier 

1789, par le tiers-état de l'Assemblée de Romans. Il était procureur 
impérial près le tribunal de Montélimar lorsqu'il est mort dans cette 
ville, le 29 septembre 1809. 

(2) Le sens demande : Je dois. 



106 SOCIÉTÉ Dr'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Dauphiné est plus près de nous que la Provence. Du 
reste, Monsieur, je suis icy le plus petit saint dans l'oc- 
currence présente, et je viens vous faire confidence de 
mon histoire, d'après quoy, vous jugerés encor plus 
sainement du païs. 

Nous étions tous sur le quivive quand on nous annon- 
çait des brigands. Je n'y crus sûrement pas, sur ce qu'on 
en disait ; mais, par un espèce de pressentiment, trois 
jours avant notre fausse alerte, j'avais voulu établir icy 
un guet qui avait anciennement été authorisé par arrêt 
de la Cour. Pour cella, j'avais mis en jeu notre jeunesse 
et l'avais fait agir auprès de notre consul d'alors, de 
manière qu'elle dut être prette pour le jour positif de la 
fausse alerte. On vint me faire lever, pour m'en prévenir, 
avant le jour, et de suite j'agis ; mais alors, nous fumes 
tous employés et armés, drôlement à la vérité, mais 
armés à faire trembler, de fusils, dépiques, de fourches, 
de haches, de faux renversées. Environ 80 hommes 
furent à Montélimart, et le landemain, sur une seconde 
fausse alerte, mal combinée par notre troupe, de retour 
de cette ville, nous fumes tous en avant pour porter du 
secours. Je fus en tout cella l'homme utile ; mais à 5 3 
ans, je ne dus pas figurer comme un jeune homme. Je 
devins volontiers soldat, et touts icy, sans distinction, 
montoient la garde (1). M. du Muy dut passer ici ; son 



(1) M. deCoston a raconté cet épisode avec détail dans sa brochure 
intitulée : Panique due â la prétendue invasion de dix mille Savoyards 
en Dauphiné, en 178g. (Lyon, Louis Brun, s. d. — In-8* de 26 pp.) Ce 
ne fut pas seulement à Montélimar et dans la région que cette panique 
se produisit. Comme elle venait d'un mot d'ordre donné, on ne sait 



LETTRE DE J.-B. VEYRENC. 107 

arrivée fut annoncée ; il vint par le chemin de son 
moulin, et sa voiture fut entravée à l'entrée de la nuit, 
près dudit moulin. Je fus curieux, je fus en avant, et 
arrivé auprès de la voiture, M. et M me du Muy étant 
descendus, étant nuit, je donnay le bonsoir à M. du Muy, 
qui me reconnut à ma voix et me chargea de conduire 
Madame au château. Je ne balançay pas ; nous arrivons 
au premier poste ; la sentinelle crie, je réponds ; elle 
approche et nous dit de passer. A 30 pas plus haut, 
j'aperçois le comandant de la milice (M. Salamon, 
chev(alier) de S. Louis) (1) ; je luy présente Madame du 
Muy. Ce comandant luy parle. Nous arrivons à la 
porte, à environ cent pas de là, où il y eut un renfort 
de soldats ; le commandant reparaît, parle encore à 
cette dame. Je la conduisis au château, après avoir 
essuyé encore deux postes. Je laisse Madame dans le 
vestibule du château, où M. Vigne (2) vint la prendre. Je 

pourpuoi ni par qui, elle se produisit dans tout le Dauphiné. Voir à ce 
sujet les Chroniques de la Révolution, publiées par M. Champollion- 
Figeac, et pour Romans en particulier, une relation originale qui parut 
dans le temps môme, sous ce titre : Procès-verbal de Valarme donnée 
dans la ville de Romans \ le 28 juillet 178g. (In-8° de i5 pp.) Voir 
encore : Valarme des brigands en Bas-Dauphiné, par Fernand Baboin, 
dans la Révolution française, revue historique, année 1888, p. 1066 ; 
le Dauphiné du 29 septembre 1867, article de M. le docteur Chevalier, 
reproduit dans VImpartial de Romans des 4 et 11 décembre 1884. 

(1) Nicolas- Antoine Salamon devint, peu après, maire de Grignan. 
Il déposa sa croix de S. Louis sur l'autel de la patrie (style de l'époque), 
le 10 août 1793. (Devès, loc. cit., p. 21). 

(2) Louis Vigne avait déjà géré, au temps de l'oncle de M. de Muy, 
l'intendance du château de Grignan. Il était le frère du chanoine Jean- 
François Vigne, qui, de protestant se fit catholique vers l'âge de douze 
ans, et détermina la conversion de ses parents, et le grand-père de 
Mgr Ange Vigne, mort archevêque d'Avignon en 1895, et de la supé- 



io8 société d'archéologie et de statistique. 

ne vis point sa figure ; je me retirai. Croiriez- vous, 
Monsieur, qu'on complota le soir sur la place, pour me 
lanterner ? Ah ! païs, que tu t'égarais ! J'en fus quitte 
pour la peur et pour être mandé en plain conseil devant 
le peuple, où je me disculpay ouvertement, ma cauze 
étant bonne. Mais j'étais, et je suis encore, parce que 
vous l'avés voulu, procureur fiscal. Bien m'a vallu de 
m'être fait considérer l'amy de mon frère dans mes 
fonctions. On me craignait ; je n'ay fait aucun mal. 
D'ailleurs, j'ai toujours répugné contre les vexations et 
les injustices. Depuis cette époque, Monsieur, nos 
matadors icy, qui avoient jadis redouté la fiscalité, et 
devenus libres, sans autre examen que celluy de se 
méfier des officiers du seigneur et agents, ont pris 
certain tic, et surtout notre municipalité, dans certains, 
et qui est formée : i° de l'oncle et du neveu, contraire- 
ment à vos décrets ; 2° d'un citoyen au reste qui, 
quoyque honnête, ne paye pas j l(ivres) d'impositions 
directes. Je crois même qu'il ne possède pas sorte de 
bien, mais bien son neveu ; mais il est honnête homme. 
Voilà cette première formation, lors de laquelle je crus 
devoir parler contre un placard invitatoire, pour se 
choisir des bons maires et procureurs de la commune, 
vu les grandes prétentions de la com(munau)té contre 



rieure générale actuelle de la congrégation du Saint-Sacrement de 
Romans. — Le 3o mai 1790, le municipalité lui enjoignit d'avoir à en- 
lever les armoiries des du Muy gravées au-dessus des portes de la ville 
(L. Devès, loc. cit. y p. 16). 

Louis Vigne est mort à Grignan, le i3 juin 181 6, à l'âge de 84 ans, 
et son frère le chanoine, à deux ans d'intervalle, le 23 octobre 181 8, à 
l'âge de 74 ans. 



LETTRE DE J.-B. VEYRENC. IO9 

M. du Muy, dans la vue d'exclure, par une menée du 
peuple, certains citoyens qui eussent conduit la barque 
au vray but ; je fis sentir que tout vrai citoyen n'avait pas 
besoin d'invitation, qu'il falait avoir le bien public ea 
vue. Qu'a lait notre municipalité ? i° Elle a rendu une 
ordonnance de police qui a été affichée ; 2° elle a donné 
ordre à la maréchaussée de désarmer sur les chemins et 
les champs tous citoyens, sans distinction, et prohibé 
la chasse. Je crois bien qu'elle m'a eut en vue, moi qui 
ne chasse pas, mais qui, obligé d'aller çà et là pour 
fonctions de mon notariat et à pied, porte, comme je l'ay 
toujours fait, mon fusil pour ma sûreté et ma tranquilité, 
sans dessein de nuire à personne. Elle a donné l'ordre 
à la maréchaussée de chasser de la ville une femme 
citoyenne qui a son mari et famille, parcequ'on lui 
impute certains faits et dits, ou de receler des enfants 
de famille ; à quel effet on m'a dit qu'ils avoient fait 
paraître des témoins. Le procureur de la commune se 
regarde comme partie publique en cella. Le brigadier 
notifia l'ordre à cette femme ; elle fut tellement sensible 
qu'elle courait les rues, criant, se lamentant ; elle prit 
des accidents convulsifs qui faillirent l'enlever de ce 
monde ; fait qui a excité deux jeunes gens à faire passer 
des addresses tant à la municipalité qu'au brigadier. 
Malgré cella, on s'obstine, dit-on, à persister à faire 
exécuter cet ordre purement arbitraire. Je ne diray rien 
de trop lorsque j'exposeray que la municipalité s'autho- 
rise à faire des fonctions judiciaires. Voicy encore un 
singulier trait de Grignan. 

Un domestique d'auberge est accusé d'avoir volé un 



HO SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

porte-manteau à un voyageur lyonnais. Le porte-man- 
teau est trouvé ; ce drôle est mis arbitrairement en 
prison et on parle de le faire passer par les verges, par 
les soldats de la garde. Je me présente au conseil, alors 
chés le maire ; je lui observe que nul ne peut être 
emprisonné qu'en vertu de la loy. Le conseil, ne me 
donne pas satisfaction, persiste à faire punir cet homme. 
Le lieutenant de juge, notable qui entendait ce qui était 
dit, me prévint de ne pas me mêler de cette affaire. Je fus 
donc forcé de me rendre. J'avais déjà connu le pais. 
Cet homme a passé huit jours en prison ; les verges 
coupées le 7 e jour, il dut, le 8% danser aux champs la 
cérébande (1) qu'on se proposait de luy faire jouer. 
Tout le voisinage fut instruit de ce fait, et le 8 e jour, 
dimanche, il y eut une affluence des étrangers dans le 
païs très nombreuse. Je gémissais, comme tant d'autres, 
d'un tel égarement, que je ne pouvais empêcher. Le 
maire, le même jour, le comandant de la milice 
et le neveu de celluy-cy, lieutenant de juge, lieu- 
tenant de la garde, neveu du commandant, frère du 
maire, s'absentèrent. Deux capitaines de la garde étaient 
chargés du comandement. Il y eut ordre à la garde de 
s'assembler sur la place. Je suis soldat, mon fils est 
soldat de cette garde et toujours prêt pour la bonne 
cauze, mais répugnant à la mauvaise. Je fis paraître mon 
fils (2) sur la place et me proposais de m'esquiver, pour 



(1) Sarabande ? 

(2) Cet unique fils de Jean-Baptiste Veyrenc, Jean-Baptiste-André 
Veyrenc, fut un homme d'une intelligence remarquable. Il était, jeune 
encore, adjudant de la garde nationale, lorsqu'il prononça, à la céré- 



LETTRE DE J.-B. VEYRENC. I I I 

n'être pas témoin de cet acte monstrueux à mes yeux, 
lorsque d'autres officiers, des bas officiers, et des sol- 
dats répugnèrent ; mon enfant, qui publiait que, s'il fut 
comandé pour boureler cethomme, il s'y refuserait et 
engageait ses amis à en faire autant. Il expliquait les 
décrets, qu'il respecte. Tant fut dit et fut fait, que les 
officiers m'envoyèrent prendre. Je parus dans un apar- 



monie de la fédération générale (14 juillet 1790), un discours qui fut 
jugé digne d'éloges, d'après le procès-verbal de la fête. (Devès, loc. cit., 
p. 19). Se sentant de l'aptitude pour la parole, il embrassa d'abord la 
carrière d'avocat au barreau de Montélimar ; mais il y renonça bientôt 
et revint à Grignan, où il se fit instituteur. Il donnait aussi des leçons de 
musique, et cultivait pour son propre compte la littérature et la poésie. 
C'est ainsi qu'il composa des cantiques religieux, d'une facture simple 
et naïve, auxquels il adapta des airs aussi de sa composition. Ces 
poésies ont été publiées plus tard par son fils, M. l'abbé Veyrenc, de 
concert avec M. l'abbé Giély, pour la partie musicale, sous le titre de 
Soupirs de l'exil, (Valence, Jamonet (1848), in-12 de i35 pp. et i55 pp. 
de musique). Elles ne manquent pas d'un certain mérite, et leur pieux 
éditeur nous apprend qu' « à une époque où les chants sacrés étaient 
bannis de toutes les églises, ces cantiques se répandirent dans les 
familles chrétiennes, et y conservèrent le souvenir et l'amour de la 
religion proscrite... Quand le culte eut été rétabli, ils furent admis 
dans les cérémonies religieuses et fournirent un aliment et un secours 
à la piété des fidèles. » J.-B. -André Veyrenc se maria sur le tard, 
(à 40 ans), à une jeune fille nommée Marguerite Dcvaux, qui l'avait 
charmé par la beauté et la justesse de sa voix. II avait formé une fanfare 
avec les jeunes gens de son école, et presque tous les soirs, dans la 
belle saison, il faisait avec eux le tour de la ville en jouant quelque 
morceau de son répertoire. C'est lui qui tenait l'orgue de la paroisse. 
Sur la fin de ses jours, cet excellent homme devint aveugle, mais n'en 
continua pas moins de donner des leçons de musique. Il est mort à 
Grignan le 2 juillet 18» 3, à l'âge de cinquante ans environ. Dans un 
livre de raison de M. l'abbé Veyrenc, son fils, on trouve soigneuse- 
ment inscrites*les dates de décès de sa mère (3 mai 1849), de ses tantes 
et d'autres parents. Celle de son père n'y est pas. Il ne l'avait pas 
connu, n'ayant pas encore quatre ans quand il le perdit. 



112 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DF STATISTIQUE. 

ment dit Jubilation ; là, on me demande mon avis. J'é- 
clairay par mes discours sur la voye de fait. On finit 
par me charger de la poursuite de cette affaire. L'ober- 
giste fut requis de faire sa dénonciation. J'ay été obligé 
de le faire. Cet homme a été jugé icy ; il est à présent à 
Aix. Voyés, Monsieur, où nous en sommes et où j'en 
suis. Jadis, je ne pouvais et ne devais agir que par le 
fait d'un agent ; à présent qu'il n'en est plus, c'est une 
municipalité mal instruite qui expasse (sic) les bornes de 
sa tache. 

Il peut se faire qu'à Grignan, on eut sumé (i) les prin- 
cipes de Monségur. Voici- ce qui y était arrivé avant. 

Un homme de ce lieu avait pris un fusil à St-Paul. Il 
fut déçu ayant ce fusil. On l'enrôle dans la garde, et pas 
plutôt enrôlé, qu'on se saisit de lui ; on le soigne, on 
le condamne aux verges et on exécute ce jugement. Où 
est donc la justice ? Que servent les règles ? Où est 
l'exécution de vos décrets ? 

Quelque tems après, un home est accusé d'avoir volé 
du fumier dans le champ de son voisin et de l'avoir 
placé dans le sien. Il est pris et il est condamné à 
porter un panier de fumier sous chaque bras, un écriteau 
devant et derrière : Voleur de fumier. L'exécution 
s'ensuit. Cet home, conduit par la garde, fait le tour du 
païs. Où sont les droits de la justice ? Où trouve-t-on 
en cella les droits de l'homme et du citoyen conservés ? 

Je n'entends pas, Monsieur, devenir dénonciateur. 
Je vous confie ces faits afin que vous les preniés en 



(i) Sic, pour pris, du verbe latin sumere, qui a ce sens. i 



LETTRE DE J.-B. VEYRENC. I 1 3 

considération, et que s'il fut possible de remédier à de 
nouveaux abus, à mon avis, par des décrets toujours 
sages, qui indiquassent aux municipalités leurs uniques 
fonctions, ou leur attribuassent la connaissance de touts 
délits et la pleine jurisdiction, fut-il même question de 
vie et de mort, ce que je ne crois pas, mais ce qu'icy 
on voudrait, puisque l'arbitraire y est en vogue, comme 
vous le voyés. 

Veuilles, je vous prie, Monsieur, en conférer avec 
M. Cheynet et pezer ensemble le moyen qu'il y aurait 
de donner un ordre et direction bien intelligible aux mu- 
nicipalités ; car, à mon avis, ou il faut les établir juges, 
ou leur inspirer que tout ce qui ne leurcompète pas, 
ils doivent ne pas y concourir ny s'y entendre ; ou leur 
prescrire de vivre d'intelligence avec les off(ici)ers 
de justice, ou de demander avis sur les objets qui 
seroient en contradiction, à l'auguste assemblée natio- 
nale ; car ici on dit : Agissons toujours, il en arrivera 
ce qui pourra. Je m'étais proposé d'écrire à Monsieur 
Cheynet. Je profîteray d'une autre circonstance. 
Oseray-je vous prier, Monsieur, de lui faire aggréer mes 
respects. 

J'ay fait voir votre lettre à notre maire (i). Il m'a 
dit avoir écrit en dernier lieu à Monsieur de Maillane, 
dont la réponse déciderait le sort de Grignan, c('est) à 
d(ire) que si Grignan est sûr d'avoir un district, il reste 
à la Provence ; au cas de doute ou de non, il est à 
Montélimart. Je puis vous dire que d'autres com(mu- 

(i) M. de Nogaret, qui fut maire de 1790 à 1793. 

2* SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — IÇOO. 8 



1 14 société d'archéologie et de statistique. 

nau)tés du comté ou valée sont décidés pour Monté- 
limart, ne s'expliquent pas ; mais si Grignan avait district, 
ils s'y rendroient à cause du plus proche, et comme pas 
de district à Grignan, nous sommes à Montélimart 
vraysemblablement. 

M. le chanoine Masson (i), qui, avec le Chapitre, 
font passer une addresse à nos seigneurs de l'assemblée 
nationale à l'occasion de leur maître de musique, me 
charge de vous présenter son respect ; il vous prie, et 
moy àussy, d'être favorable pour un traitement quelcon- 
que de ce maître de musique, sur les biens du clergé, 
et s'il est possible, qu'il y prenne part. Monseigneur le 
président recevra cette addresse par ce courier. 

Vous devés avoir appris la mort subite de M. de 
Suze à Carpentras, inhumé à Suze (2). 



(i) Le chanoine Masson était le doyen d'âge du chapitre de Grignan, 
auquel il avait été promu en 1753. 

(2) Louis-Charles de la Baume, comte de Suze, mourut à Carpentras, 
le 18 avril et fut enseveli à Suze, le 21 dudit mois. Voici son acte de 
sépulture, relevé dans les registres de catholicité de la paroisse : « L'an 
mil sept cent quatre-vingt-dix et le vingt-un avril, M. Charles-Louis 
de la Beaume, Comte de Suze, chevalier de l'ordre royal et mili- 
taire de Saint-Louis, baron de Barbara, seigneur de l'Estagnol et autres 
lieux, âgé de soixante-six ans, mort le dix-huit, à six heures du soir, 
en la ville et diocèse de Carpentras, paroisse de St-Syffren, de mort 
subite, comme est constaté par l'extrait et certificat de M. le curé de 
Carpentras, cy-joint, en date du jour d'hier, signé Denière, parochus, 
a été enseveli dans le tombeau de ses ancêtres en présence des sous- 
signés : Malayrac, Roulet vicaire, Arnaud curé. » 

Louis-Charles de la Baume avait servi dans les mousquetaires noirs, 
puis dans l'armée autrichienne : il avait assisté, en 1747, à la prise 
de Berg-Op-Zoom. De son mariage avec Emilie-Olympe de Suffren de 
St-Tropez, fille du célèbre amiral, il eut deux filles et un fils, Pierre- 
Louis de la Baume-Suze, mort sans postérité. Avec lui s'est éteinte 



LETTRE DE J.-R. VEYRENC. I I 5 

Puîssiés-vous, Monsieur, jouir de la meilleure santé, 
et continuer .d'opérer le bien public. Je suis l'exclave de 
vos décrets ; le cœur me saigne lorsque je les vois 
transgresser. Plus j'examine notre constitution, plus je 
la trouve belle ; mais il faut de l'exécution, surtout de 
la part de ceux qui sont faits pour la maintenir.. Je vou- 
drais chacun dans son état et les bornes de son devoir, 
ou une jonction tellement intime, que tout se fit frater- 
nelement, et pour la bonne cauze ; mais l'homme dans 
ce moment, n'est-il pas encor le même ? Vous l'aurés 
pourtant changé pour l'avenir, mais il faut du tems et 
des connaissances. Je sens que vous travaillés à une 
opération que des siècles ont médité, mais n'ont pas 
faitte, et qu'il faut du tems pour cette construction. Je 
ne suis pas de ceux qui trouvent de la lenteur, bien s'en 
faut. 

J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur, 
Votre très humble et très obéissant serviteur. 

Veyrenc. 



l'illustre famille des comtes de Suze, et c'est à partir de là que com- 
mence la branche des Isnards-Suze, par suite de l'alliance de Gabriel 
des Isnards avec Aldonce-Marthe-Marie-Julie de la Baume-Suze, la 
seconde fille du dernier comte de Suze, grand-mère du marquis Albéric 
des Isnards, possesseur actuel du château. La sœur aînée de celle-ci, 
Olymp?, avait épousé le marquis de Vento de Pennes. {Renseignements 
dus à V obligeance de M. le chanoine Isnard). 



Iî6 société d'archéologie et de statistique. 



MÉMOIRES 

'POUR SERVIR <A L'HISTOIRE 

DES 

COMTÉS DE VALEKT1N0IS ET DE DIS 



(Suite. — Voir les 122* à 132° livraisons.) 



MWWWMMWMMMIMWMM 



A Upie, on compte 16 chefs de famille solvables, 34 misé- 
rables, deux nobles, Bertrand d'Upie et Berton Chabert, et 
deux ecclésiastiques. Le territoire est de petite valeur ; les 
habitants, pour la plupart, sont des étrangers venus de la Sa- 
voie et d'ailleurs, qui non seulement ne peuvent acheter les 
animaux nécessaires à la culture, mais encore sont chargés de 
dettes. Réduction des feux à six (1). 

A Barcelonne, le 4 mai, Jean Baile constate que la misère 
est extrême et quelle provient de plusieurs causes : d'abord 
le village est sur une roche élevée, d'un accès fort difficile ; il 
n'y a, tout autour, que très peu de terre, au point qu'il faut 
aller assez loin pour ensevelir les morts ; la juridiction et les 
droits seigneuriaux se partagent entre trois seigneurs, Antoine 
Cornilhan, seigneur de la Beaume, Jacques du Haut-Villars 
et Arnaud Odoard ; les corvées sont nombreuses, notamment 
pour travailler, vendanger la vigne du seigneur de la Beaume, 
vigne qui a une contenance de plus de vingt-cinq journaux ; 

(1) Archives de l'Isère, B, 2737. 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. I 1 7 

enfin les droits de lod ou mutation sont du tiers de la chose 
vendue. Réduction à un feu (i). 

Le 4 mai, le délégué visita encore Ourches et fut hébergé 
dans la maison de Guillaume de Rivale, la meilleure du vil- 
lage et pourtant toute lézardée ; autant vaudrait habiter en 
plain champ. La population comprenait deux familles sol- 
vables, dix misérables, deux nobles, Artaud Baile, à qui on 
pourrait faire l'aumône, et Jean Baile, un ecclésiatique, Jean 
Revol, prieur et curé. Les chargés que supportaient les habi- 
tants étaient lourdes : ils payaient au seigneur la vingtième 
partie des fruits, du blé et du vin ; à chaque décès, que le 
défunt eût des enfants ou non, le seigneur prenait le tiers 
des biens immeubles ; semblablement, au décès de chaque 
seigneur, ses héritiers prélevaient un droit sur les habitants 
qui représentait le tiers de tous leurs biens immeubles. Aussi 
ne pourrait-on trouver une seule personne dans le pays 
récoltant sur ses champs de quoi se nourrir (2). 

A la Beaume-Cornilhane, où Ton compte neuf solvables, 
21 misérables, deux nobles et deux ecclésiastiques, la situation 
n'est pas moins triste. Le peuple n'a que les mauvais terrains ; 
il paie au seigneur le vingtain des blés et du vin ; il est cor- 
véable à merci et on l'emploie à faire les travaux d'exploitation 
des terres seigneuriales, de telle sorte qu'il n'est personne qui 
ne songe à déserter le pays, si quelque remède n'est apporté 



(1) Archives de l'Isère, B, 2737. — « Primo, quia dictus locus est si- 
tuants in rupe multum alta et in ascensu multum difficili, sic quod et 
locum ipsum cum difficultate ascendunt grossa animalia, et durât as- 
census circa quartam partem unius leuce... » 

(2) Archives de l'Isère, B, 2737. — « Item, tenentur ad mutagia, vi- 
delicet quando decedunt, etiam relictis liberis, dominus habet tertiam 
partem bonorum immobilium, et pariter quando dominus decedit, 
heredes percipiunt pro mutagio tertiam partem dictorum bonorum... 
— ... Et domus Guillelmi de Rivales, pro medio foci revelati, in qua 
fuit pro bibendo d. dom. commissarius, tanquam in meliori dicti loci, 
est valde maie disposita, et quasi unum portile undique dies apparet, 
et est res quasi silvestris in eadem habitare... » 



u8 société d'archéologie et de statistique. 

au mal : on consentirait, pour échapper à ces corvées, à payer 
au seigneur un impôt annuel de 5 florins par attelage de 
bœufs. Le seigneur prend aussi le tiers des biens des défunts 
et semblable impôt pèse encore sur la population au décès de 
chaque seigneur. On paie des cens pour des terres qui depuis 
longtemps demeurent incultes. On taxe le village à trois 
feux (i). 

Nous entendons les mêmes plaintes et nous constatons les 
mêmes misères à Montoison, à Gigors, à Cobonne, à Suze, à 
Espenel, à Barry et à Vercheny (2). Dans ces deux dernières 



(1) Archives de l'Isère, B, 2737, p. aoo. « Quia sunt dicti habitantes 
mu 1 tu m adstricti domino dicti loci, nam primo sibi solvunt vintenium 
omnium bladorum et vinorum que recoliguntur in dicto mandamento. 
Item, tenentur sibi facere corvatas ad misericordiam, et ita fodere, vi- 
nare vineas, facere vindemias et portare racemos in Castro Balme, prata 
ejus secare et recoligere et fenum charreare, terras etiam ejus arare, 
licta portare et multa alia facere, adeo quod nisi in aliis dulciter per d. 
dominum tractarentur, vix esset aliquis qui vellet in dicto mendamento 
habitare, nam unus homo qui habeat boves suos vel alienos esset con- 
tentus dare d. domino quatuor florenos pro anno et dominus ipsum 
teneret quitum de dictis corvatis. — Item, quando aliquis dictorum 
habitantium moritur, etiam relictis liberis, habet d. dominus Balme, 
ratione mutagii, tertiam partem bonorum immobilium talis decedentis, 
et pariter quando dominus Balme moritur, ejus heredes percipiunt 
tertiam partem bonorum dictorum habitantium, ratione dicti mutagii, 
et non sunt audaces heredes dictorum habitantium intrare, nec capere 
bona decedentium, quousque accordaverint cum domino ipsius loci 
super dicto mutagio, cui domino etiam faciunt multos census et multa 
servicia, etiam pro aliquibus rébus hermis quas nunquam cultivarerunt 
habitantes moderni, quos census solvere tenentur. Sed dominus et do- 
mina moderni tractant eos dulciter. » 

(2) A Montoison, 7 solvables, 23 misérables. Réduction à 3 feux. — 
A Gigors, 10 solvables, 24 misérables, un noble, Antoine Alexis, et un 
ecclésiastique, Jean de Vercoyreto, curé de l'endroit. Réduction à 3 feux. 
— Cobonne au seigneur de Montoison, 1 2 solvables, 2 1 misérables. Ré- 
duction à 4 feux. — A Suze, 12 misérables, un noble, Jean Chabert, et 
un ecclésiastique, Joseph Antelme, curé de l'endroit. — A Espenel, 5 
solvables, 17 misérables, un noble, Lantelme de Puygros et un ecclé- 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. I 19 

localités réunies, il n'y avait plus que six familles et deux 
nobles, Guillaume Lombard et François Lombard, assez misé* 
râbles. Des vieillards se souviennent avoir vu 25 familles 
dans le mandement de Vercheny et huit au château de Barry. 
Mais la garde de ce château, situé sur un roc très élevé, à une 
grande distance de la plupart des habitations, était si pénible, 
si onéreuse, que pour se soustraire à cette charge beaucoup 
d'habitants ont préféré émigrer (1). 

Tout en faisant la part d'exagération qui peut se trouver 
dans ces plaintes, formulées par des sujets désireux d'obtenir 
une diminution d'impôts, il est cependant bien certain, et de 
nombreux documents, de provenances diverses, sont là pour 
l'attester, qu'au xv e siècle la vie était dure, surtout pour le 
peuple des campagnes. Les cens et rentes que sous des noms 
multiples il était tenu de payer à son seigneur, lui enlevaient 
la meilleure partie de son revenu ; les corvées et les exigences 
du maître lui prenaient encore une partie de son temps. Les 
exemptions dont bénéficiaient le clergé, les nobles et une foule 
de personnages que le prince, à des titres différents, voulait 
gratifier, constituaient encore pour le peuple un nouvel 
impôt, car en définitive, c'était lui qui payait toujours pour 
les autres. Tous ceux qui, de près ou de loin, tenaient à la 
maison du dauphin, tous ceux qui lui rendaient quelques 



siastique, Etienne Issartel, prieur. Réduction à 2 feux — À Barry et 
Vercheny, 2 solvables, 4 misérables, nobles: Guillaume, Lombard; 
François Lombard, ce dernier, ainsi que ses frères, misérables. 

(1) Archives de l'Isère, B, 2737. «... habuerunt tempore lapso, ad 
causam custodie dicti castri, multa onera supportare, quia castrum est 
in rupe altissima situatum, a quo domus dictorum habitantium, qui 
nunc sunt, distant per dimidiam leucam et ultra, de pessimo et multum 
erecto itinere existente, dicentes aliqui ex supra nominati antiqui, qui 
de tempore eorum memorie, scilicet a lx annis citra, videront circa 
vigenti quinque habitantes in mandamento, et octo habitantes superius 
in Castro, sed propter onus custodie et alia onera per tempo ra succès- 
siva recesserunt. » 



120 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

services se considéraient exempts des tailles et ne manquaient 
pas de réclamer des lettres établissant leurs privilèges. C'est 
ainsi que par des lettres émanées de la chancellerie, nous 
voyons exemptés de toutes tailles le barbier et valet de cham- 
bre du dauphin (i), son cordonnier (2), son sergent d'ar- 
mes (3), son fauconnier (4), son orfèvre (5), son chevaucher 
d'écurie (6), son médecin (7), son oiseleur (8) et jusqu'aux 
hôtes et hôtesses chez lesquels il descendait lors de ses 
fréquents voyages (9). Souvent même, sans aucune raison 



(1) Archives de l'Isère, B, 2720, p. 3o3. 1450, 26 juillet, Valence. 
Louis, dauphin, exempte de tous impôts Thomassin Chabert, son bar- 
bier et valet de chambre, demeurant à Valence, ainsi que sa femme, 
leur vie durant. — 14^4 (n. s.), 3i mars, Valence. Autre exemption de 
tailles, votée par les Etats, en faveur de Philippe du Puy, barbier, de 
Valence. Pilot, n° 1076. — 1450, 22 novembre, Peyrins. Le dauphin 
écrit à Jean d'Origny et à Jean Botut, commissaires délégués, de ne 
point inscrire sur les rôles des feux de la ville de Die, Jean du Per- 
rier, barbier de Jean de Poitiers, archevêque de Vienne. Charavay, 
t. I, p. 48. 

(2) 1452 (n. s.), 2 février, La Côte-Saint-André. Le dauphin exempte 
Jean Salsat, son cordonnier, ainsi que sa mère Catherine. Archives de 
PIsère, B, 2720, f° 235. Pilot, n* 3i3. 

(3) 1452 (n. s.), 4 avril, St-Genis-d'Aoste. Exemption en faveur de 
Jean Johanin, son sergent d'armes. Pilot, n° 927. 

(4) 1452, 21 juin, La Côte. Exemption de Deniset Branchard, son 
fauconnier. Pilot, n° 949. 

(5) 1452, 2 juillet, Etoile. Exemption de Jean de Cotuol, sonorfèvre, 
demeurant à Valence. Pilot, n* 952. 

(6) 1452, 7 juillet, Loriol. Exemption de Guillaume Bourgeois, son 
chevaucher d'écurie, dans la maison de qui il était logé. Pilot, n° 955. 

(7) 1452, 18 juillet, Romans. Exemption de Nicolas Remyard, phy- 
sicien, qui s'était dévoué pour soigner les malades atteints de la peste 
à Romans. Pilot, n° 957. 

(8) 1453, 3o juin, Romans. Exemption de Pierre Lallement, son 
oiseleur. Pilot, n° 1027. 

(9) 1456 (n. s.), 14 janvier, Grenoble. Exemption en faveur de François 
Bachasson, son hôte, au lieu de St-Nazaire-en-Royans. Pilot, n° i2o3. 
— 1452, i5 novembre, Valence. Exemption en faveur de Michel-AimarBo- 



m 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 12 £ 

apparente, tels et tels personnages recevaient des lettres 
d'exemption. Quand le dauphin eut acquis des droits de sou- 
veraineté dans Valence, il y multiplia tellement les exemp- 
tions que la ville dut faire entendre d'énergiques réclamations 
et le prince, qui tenait à ménager les habitants, retira quel- 
ques-unes des faveurs octroyées (i). 



tonnier et de Matheline, son épouse. Pilot, n° 991. Matheline, en femme 
intelligente, sut tirer parti du privilège octroyé : de maîtresse d'hôtel 
elle se fit marchande de vin et prétendit échapper à tous les droits qui 
frappaient l'entrée des vins dans la ville. Il s'ensuivit une lutte entre 
les consuls et cette femme, lutte qui se prolongea bien au-delà du 
temps du séjour du dauphin en Dauphiné. Le 8 juin (1476), Louis XI 
écrit de Lyon à François de Gênas, président à la Chambre des comptes, 
pour se plaindre de ce que « les gens d'esglise et ceulx de la ville de 
Romans ne veullent souffrir, ne laisser joyr ma pauvre hôtesse, dudit 
lieu de Romans, Marselline Botonnière, de certaines franchises que je 
luy ai données...» Bulletin du comité historique. Histoire. Paris, t. III, 
(i85a), p. 335. Voir Lacroix, Matheline Botonier, ou un épisode de la vie 
de Louis XI, dans Bulletin de la Société d'Archéologie de la Drôme, t. X, 
(1876), p. 114. 216, 241. Trois jours après, le n, le Voi écrivait encore 
à François de Gênas : <t Vous scavez eomme nous avons donné à Arthaud 
de Manissieu, fils de mon hôtesse Doulcette de Cizerin, de Romans, 
l'office de contregarde de la maison d'icelle ville de Romans .. » Bul- 
letin du comité historique, 1. c. f p. 236. 

(1) Archives de la Drôme, B, 8. Sur la plainte des habitants de 
Valence « pour occasion de plusieurs grandes charges et affaires qu'ils 
ont chascun jour à supporter, et principalement à cause d'aucuns des 
plus puissants desdits habitants en très grand nombre qui ont esté par 
nous affranchis, ils ne peuvent ne pourroient dores en advant nous 
payer leur cotte part et portions des aydes et subsides que nous sont et 
seront au temps advenir donné et octroyé par les gens des trois Estats, 
mais leur conviendroit s'en aller la plupart ou estre du tout destruit, si 
sur ce ne leur est donné par nous provision... » le dauphin veut a que 
tous lesdits affranchis de ladite ville payent lesdites tailles, aydes et sub- 
sides sauf et réservé tant seulement tous ceux que ci après s'ensui- 
vent, lesquels nous en voulons estre quittes et francs et exempts, c'est 
à scavoir : Perenon de Combes, Jehan Louiet, Guillaume Sextre, 
Alexandre Sextre, son fils, Gillet Guerre, Jehanne Michaille, Guillaume 
Pépier dit Givodan et Louis Paulmier... » Donné à Valence, le 25 
avril 1454. 



122 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Le peuple, ou ce que l'on appelait alors le tiers état, 
habilement dirigé par ses syndics et des hommes de lois, non 
content de protester contre les exemptions, commençait déjà 
contre les privilèges des nobles une lutte qui se perpétua à 
travers quatre siècles. Dans toutes les enquêtes qui se font 
pour les revisions de feux, retentit la même plainte, comme 
un cri de colère : les nobles et le clergé possèdent la plus 
grande et la meilleure partie du territoire ! Animé d'un 
esprit d'ordre et de justice, le dauphin voulut donner quel- 
ques satisfactions au tiers état, et peut-être aussi fut-il bien 
aise de faire planer une sorte de menace sur les classes pri- 
vilégiées, dont il avait à redouter l'indépendance. Au mois 
de février 1449, les trois Etats réunis à Romans ayant voté, 
comme de coutume, le don gratuit, Louis demanda aux pos- 
sesseurs de terres et fiefs en franc-aileu de vouloir bien y con- 
tribuer, tout en déclarant que celte contribution ne tirerait 
pas à conséquence pour l'avenir (1). Puis sans attendre leur 
réponse, il fit expédier des ordres pour que dans toute l'éten- 
due de sa souveraineté, on procédât au recensement des feux 
des terres allodiales de la noblesse et du clergé. Les commis- 
saires chargés de cette opération dans le Valentinois furent 
Etienne Déagent, licencié ès-lois, vibailli au siège de Saint- 
Marcellin, et Simon Galbert, dit Bargine, secrétaire delphi- 
nal, procureur fiscal au même siège. Par lettre du 3o mai 
1449, le châtelain et le notaire de Mens en Trièves, reçurent 
commission pour procéder à l'établissement des feux dans les 
terres du chapitre de la cathédrale de Die (2). 

L'ébranlement était donné. Les clercs et les nobles mur- 
murèrent. Quelques-uns d'entre eux néanmoins, soit par 
générosité, soit plutôt dans le dessein de plaire au dauphin, 
secondèrent ses bonnes dispositions : « Aymar de Bressieux, 
seigneur de Parnans, fut le premier des seigneurs du Dau- 



(1) Archives de l'Isère, B, 3 181. Pilot, n° 687. 

(2) Archives de l'Isère, B, 2747, f° 294. Pilot, n* 710. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 123 

phiné qui, par un acte du n mars 1450 (n. s.), déclara que, 
puisque les Etats avaient stipulé que les terres possédées en 
franc-alleu contribueraient aux subsides pour la présente 
année, il voulait que sa terre de Parnans, qu'il possédait en 
franc-alleu, y contribuât, non seulement momentanément, 
mais pour l'avenir (1). » L'année suivante» les trois Etats du 
Dauphiné, assemblés à Romans, décidèrent que toutes les 
terres possédées alors en franc-alleu, .soit par les gens d'Eglise, 
soit par les nobles, contribueraient à l'avenir à tous dons 
gratuits, aides et subsides qu'ils accorderaient (2). Le Tiers 
et le dauphin obtinrent ce qu'ils souhaitaient, assujétir à la 
taille les fonds allodiaux qui n'y étaient point sujets ; mais 
la lutte ne fut point terminée. Pour calmer les possesseurs 
de ces fonds, le prince renonça au payement d'un certain 
droit appelé de sauvegarde, jus salvagardiœ, qu'il avait jus- 
qu'ici exigé (3). 

Si le dauphin Louis se montra très attentif à augmenter 
**f rmourcti pécuniaires et froissa les susceptibilités de la 
noblesse en ne tenant pas grand compte de ses privilèges, il 
est juste de le faire remarquer, le peuple, celui qui formait la 
classe laborieuse et pauvre de son petit Etat, n'eut qu'à se 
louer de sa bonne administration, et toutes ses mesures, 
toutes ses réformes n'eurent qu'un but, réprimer les abus, 



(1) Archives de l'Isère, B, 3o3i. Aymar de Bressieux, était fils d'Ar- 
taud, bâtard de Bressieux, qui avait reçu en apanage la terre de Parnans, 
ancienne propriété de la famille de Bressieux, et qui avait épousé, le 26 
janvier 1408, Jeanne, bâtarde d'Aymar, vicomte de Clermont, dotée de 
600 florins d'or ; cette dame reçut encore de son oncle, Antoine de Cler- 
mont, seigneur de Montoison, en considération de son mariage, une 
somme 4e 100 florins. Aymar de Bressieux avait épousé, le 28 janvier 
1437, Odise Odde, fille de noble Joffrey Odde, de Viriville ; il mourut 
avant sa femme, qu'il laissa tutrice de Joffrey de Bressieux, seigneur 
de Parnans. 

(2) Pilot, n° 6871 note. 

(3) Salvaing de Boissieu, De l'usage des fiefs. Grenoble, 1731, in-f°, 
t. II, p. 6. 



124 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

faire régner Tordre et la justice. Le bourg de Savasse, qui 
était une des principales places du Valentinois, admirable- 
ment située pour commander la vallée du Rhône, avait beau- 
coup souffert durant les guerres de Raymond de Turenne. 
Louis, par ses lettres datées de Sauzet, le 21 mai 1449, 
exempte, pour une durée de trente ans, de toutes tailles et 
autres impositions, les habitants de l'endroit, ainsi que tous 
ceux qui viendront s'y fixer ; il leur concède gratuitement le 
paquerage de leurs bestiaux, les affranchit, eux et leurs mar- 
chandises, de tous droits de péage, dans l'étendue de la pro- 
vince, et les autorise enfin à se choisir des syndics et con- 
seillers jurés, qui auront le pouvoir de lever des tailles pour 
faire face aux dépenses communes (1). Nous aurons l'occa- 
sion, dans le cours de ce récit, de faire connaître bien d'autres 
exemptions du même genre. Ajoutons que les officiers pré- 
posés à la perception des deniers publics furent, sous son 
gouvernement, l'objet d'une active et sévère surveillance. Le 
i5 octobre 1447, il nomme par lettres patentes une commis- 
sion composée d'Aymar de Poissieu, de Nicolas Erland et de 
Jean d'Origny, auditeur des comptes. Elle est chargée d'exa- 
miner la gestion de tous les gens de finances, de faire cette 
délicate enquête avec la plus grande attention et même, au 
besoin, de les faire ressouvenir de leur responsabilité (2). 

Mais une des réformes que le dauphin avait le plus à cœur 
de réaliser et à laquelle, avec un grand sens politique, il 
attachait une importance exceptionnelle, c'était celle de la 
justice ; il comprenait, en effet, que les institutions judiciai- 
res sont un des instruments les plus puissants du pouvoir 
royal. En dépit des règlements faits en 1409, 141 9, 1422 et 
1430 (3), il régnait encore dans cette branche de l'adminis- 
tration des abus nombreux qui donnaient naissance à de 



(1) Pilot, n° 706, et 11 19. 

(2) Legeay, 1. 1, p. 148. 

(3) Inventaire des archives de l'Isère, t. I, préface, p. io-i3. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 125 

perpétuels conflits de juridiction et rendaient les procès 
interminables. Vers le milieu du xiv e siècle, des changements 
notables avaient eu lieu en Dauphiné dans les cours seigneu- 
riales : ce n'était plus le seigneur, entouré de ses feudataires, 
tenus d'assister à ses plaids, qui rendait la justice par lui- 
même, mais les affaires se multipliant, se compliquant, il se 
faisait remplacer par des hommes de lois. Humbert II établit 
le conseil delphinal, cour suprême à laquelle ressortissaient 
les appels de tous les bailliages de ses Etats ; les bailliages, à 
leur tour, recevaient les appels des juges inférieurs ou châte- 
lains, qui dans leurs mandements respectifs ne pouvaient 
connaître que des causes ou des délits dont la condamnation 
ne dépassait pas 60 sous de la monnaie courante. On comp- 
tait dans les Etats du dauphin sept grands bailliages. Chaque 
bailli était assisté de conseillers, versés dans la connaissance 
des lois, et d'un notaire, pour écrire les décisions, décisions 
que le procureur delphinal était chargé d'apporter et de sou- 
mettre, une fois tous les deux mois, soit au dauphin lui- 
même, soit au grand conseil. Il va sans dire que cet ordre de 
choses ne concernait que les terres delphinales. Quant aux 
possesseurs de terres en franc-alleu, ils étaient souverains 
chez eux(i). Les comtés de Valentinois et de Diois eurent, 
dès la première moitié du xiv e siècle, un juge-mage, dont la 
résidence était à Crest : à son tribunal venaient les appels 
des sentences rendues par les châtelains et les juges infé- 
rieurs. Une fois dans Tannée, le juge-mage se transportait 
dans diverses châtellenies pour y tenir des assises, ou toutes 
les affaires tant civiles que criminelles étaient jugées, quelle 
que fût leur importance ; il y recevait les appels et recueil- 
lait les plaintes qu'on pouvait formuler contre Padministra- 
tion des comtés (2). 

(1) Valbonnays, t. I, p. 5-i 5. — P. Viollet, Hist. des institutions 
politiques et administratives de la France, Paris, t. II (1898), p. 462 et 
suiv. — Fauché-Prunelle. Essai sur les anciennes institutions des 
Alpes CotienneSy Grenoble, t. I (:856), p. 491 et suiv. 

(2) Voir tome I, p. 3u. 



I2Ô SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Tout cet ensemble d'institutions était remarquable et témoi- 
gnait d'une tendance manifeste à centraliser les diverses 
cours de justice et à réprimer les écarts et les abus des 
officiers inférieurs. Il préparait l'unité politique de la 
province. Il était une menace pour l'indépendance des justices 
seigneuriales. Du reste, les officiers du dauphin ne se gênaient 
pas pour écouter les plaintes de sujets étrangers à leur juri- 
diction, et il arrivait fréquemment que le prince, répondant à 
l'appel de quelques bourgeois des villes, ou de quelques 
habitants des campagnes, désireux de trouver un protecteur, 
leur accordait des lettres de sauvegarde, ce qui constituait un 
véritable empiétement sur les droits de ses voisins. Nous avons 
déjà vu les habitants de Valence et de plusieurs villages, 
sujets de l'évêque de Valence Jean de Poitiers, se placer sous 
la sauvegarde delphinale. 

A peine arrivé dans la province, le fils de Charles VII, dans 
le dessein de relier plus étroitement entre elles les diverses 
parties de ses Etats, notamment le Valentinois et le Diois, 
ajoutés depuis peu à ses domaines, voulut diminuer le nom- 
bre des bailliages, créer de nouvelles circonscriptions judi- 
ciaires et déterminer en même terrips les attributions et les 
salaires des officiers de justice. C'est ce qu'il fit par la célèbre 
ordonnance, donnée à Valence au mois de juillet 1447. Les 
considérants de cet acte font connaître les intentions qui 
raniment : « Nous, dit-il, désirans justice en nosdits paysestre 
« exaulcée et deuement régie et gouvernée, pour le bien, 
« aussi utilité et conservation de nos subjets ; et pour obvier à 
« plusieurs graves inconvénients et abus qui se faisoient en 
« plusieurs et maintes manières au fait de la dite justice, au 
« grand dommage de nous et de nostre dite seigneurie et de 
« nos dits subjets. » Il déclare ensuite réduire les sept 
bailliages à deux seulement, le premier dit de plein pays ou 
plat pays, avec trois sièges, Grenoble, Bourgoin et Saint- 
Marcellin ; le second, dit des montagnes, avec quatre sièges, 
Briançon, Embrun, Serre et le Buis, Il y ajoute une séné- 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. I27 

chaussée pour le Valentinois et le Diôis, avec trois sièges : 
« Ladite sénéchaussé sera et ordonnons estre en Valentinois 
« et Diois et comprendra les bailliages et jugeries du Crest 
« et du Monteil et autres terres et seigneuries de nouvel 
« venues à cause desdits contez, estant tant deçà la rivière 
« du Rosne, comme delà au Royaume, et aussi la ville de 
« Montélimar et toute la Vauldoine, à laquelle séné- 
« chaussée aura trois sièges seulement, le premier sera en 
« nostre ville du Crest et le second sera en nostre ville du 
« Monteil, auxquels deux sièges du Crest et du Monteil aura 
« seulement un lieutenant du sénéchal, lequel tant pour soy 
« que pour autre lieutenant servira ausdits deux sièges, et le 
« tiers sera à Chalancon pour les terres et seigneuries estant 
« de la part du royaulme. » 

La compétence et les attributions des baillis et du sénéchal 
sont ainsi réglées : a Auront lesdits baillis et sénéchal, chas- 
te cun en son bailliage, juridiction haute, moyenne et basse, 
« mère mixte et impère, et en tout et partout telle puissance 
« et telle auctorité comme ont et ont accoutumé d'avoir les 
« baillis en France. » A chacun, il est assigné 366 livres 
tournois de gage (:), payables tous les ans par le trésorier 
du Dauphiné. Les appels de leurs décisions devront être 
portés immédiatement et « sans nul moyen », à la cour sou- 
veraine de la province. « Desquels baillis et leurs lieutenants, 
« les appeaulx viendront et ordonneront qu'ils viendront, 
« dores en avant, en nostre cour souveraine de nosdits pays, 
«sans nul moyen, pour éviter multiplication de causes et 



(1) D'après M. de Wailly, de 1438 à 1 461, le cours de la livre tournois 
se maintient entre 7,97 et 7,01, ce qni donnerait une moyenne de 7,5o. 
C'est un problème difficile que celui de fixer le pouvoir ou la valeur 
relative de l'argent aux différentes époques. En supposant, avec M. de 
Coston, que cette valeur était, dans la seconde moitié du xv* siècle, 
environ trois fois plus considérable que de nos jours, ces 366 livres 
tournois auraient donc une valeur absolue de 2745 fr. et, relative de 
82 35 fr. 



128 SOCIÉTÉ D'ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

« involution de procès, et cessera nostre cour des appeaulx 
« qui souloit estre en nosdits pays. » Enfin, quant aux offi- 
ciers de justice qui étaient changés tous les deux ans, il veut 
que leurs fonctions soient à vie et inamovibles, sauf néan- 
moins son bon plaisir (i). 

On peut se demander pourquoi le dauphin Louis créait 
une sénéchaussée et un sénéchal dans le Valentinois, alors 
qu'en Dauphiné on ne connaissait que les noms de bailliages 
et de baillis. Si nous ne nous trompons, il nous semble que 
cette différence d'appellation avait pour but de bien caracté- 
riser la condition politique des comtés, qui par une clause 
de leur transport au dauphin ne devaient jamais être incor- 
pores à ses Etats, mais garder leur autonomie et continuer à 
former une • principauté distincte. Nous verrons, en effet, 
jusqu'à la Révolution, les dauphins et les rois-dauphins 
prendre dans les actes officiels les titres de dauphins de Vien- 
nois, comtes de Valentinois et de Diois. Ce mot de sénéchal 
était alors en usage dans la province de Languedoc, à laquelle 
appartenait la portion des comtés située sur la rive droite du 
Rhône et formant la jugerie de Chalencon, jugerie dont les 
appels ressortissaient, non point au conseil delphinal, mais 
au parlement de Toulouse (2). 

Comme les baillis, le sénéchal avait des attributions nom- 
breuses : il réunissait entre ses mains les diverses branches 
de l'administration, justice, armée, finances. C'était dans le 
Valentinois le représentant du prince. Sa profession étant 
celle des armes, il ne connaissait guère les lois ; aussi se 
faisait-il suppléer dans l'exercice des fonctions judiciaires par 



(1) Statuta Delphinalia, hoc est libertates... Gratianopoli i5ig, in-4° 
2 e partie f° 29. 

(2} Les Etats de Raymond VII, comte de Toulouse, comprenaient 
six sénéchaussées, l'une d'elles, la sénéchaussée de Venaissin com- 
prenait des fractions des six diocèses de Cavaillon, Avignon, Apt, 
Carpentras, Vaison et Orange. Or, le dauphin jetait alors un œil de 
convoitise sur cette région. 



1 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. T2g 

un lieutenant ou vice-sénéchal gradué. Une ordonnance du 
i5 août 1449 autorise les baillis et le sénéchal à nommer en 
leurs sièges, à la manière de France, des lieutenants amo- 
vibles à leur volonté. Le premier sénéchal du Valentinois et 
Diois fut Guillaume, bâtard de Poitiers, seigneur de Barry et 
de Soyans, qui ne garda pas longtemps cette charge, car le 
10 août 1450, le dauphin lui donna pour successeur Jean, 
bâtard d'Armagnac, surnommé de Lescun, fils naturel 
d'Arnaud-Guilhem de Lescun et d'Anne d'Armagnac (1). 
Le bâtard d'Armagnac avait suivi le prince dans sa retraite 
en Dauphiné et lui demeura constamment fidèle. 

Enfin, complétant son œuvre de réforme, voulant donner 
plus d'éclat à son gouvernement, plus d'autorité à ses 
officiers de justice, par une ordonnance du 29 juillet 1453, 
Louis érigea le conseil delphinal en parlement (2). 

Nous ne pouvons passer sous silence toute cette catégorie 
d'officiers, inférieurs au sénéchal, et qui formaient le second 
degré de la hiérarchie administrative ; nous voulons parler 
des châtelains qui étaient préposés à la défense du pays et au 
maintien de la tranquillité. Il y avait un certain nombre de 
châteaux-forts, commandés chacun par un châtelain et 
possédant une petite garnison. Comme nous l'avons vu, ces 
châtelains rendaient la justice pour des cas passibles d'une 
amende inférieure à 60 sous ; ils avaient en outre, à opérer 
la perception des revenus et rendaient compte de leur ges- 
tion financière, recettes et dépenses, au trésorier général du 
Dauphiné. Ils étaient rçommé par lettres patentes, et révocables 
à volonté. Ils recevaient un traitement qui variait avec l'impor- 
tance de la place confiée à leurs soins. Louis, en distribuant 
les châtellenies à ses fidèles serviteurs, trouva un moyen facile 



(1) De Coston, Hist. de Montélimar, t. II, p. 26. 

(2) Inventaire des archives de l'Isère, t. II. préface, p. 9. — Decisio- 
nés Guidonis Papœ... Lugd., 1601, in-f°, p. 46. 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — IÇOO. 9 



i3o société d'archéologie et de statistique. 

de récompenser leurs services et de leur fournir des gages 
assurés. Voici quelques exemples : Amaury d'Estissac, venu 
avec le dauphin dans la province, touchait déjà une pension 
annuelle de 1 200 livres; le prince par lettres données à Grenoble 
le 14 novembre 1447, le nomma capitaine-châtelain deChâteau- 
neuf-de-Mazenc, lui laissant pour ses gages tous les revenus 
de cette terre (1). Le 12 janvier 1448 (n. s.), Gaubert des 
Massues, nommé précédemment châtelain de Châteaudouble, 
en récompense de services, reçut encore, à titre d'indemnité 
pour frais de voyage, les revenus de cette terre et ceux de 
Charpey (2). Le 14 juin 1448, à Valence, le dauphin nommait 
Guillaume de Raucourt, châtelain de Saou, aux gages de 25 
florins, nonobstant que les gages de cette châtellenie ne 
fussent que de 10 florins (3). Par lettres du 3o mars 1449, 
Hugues Arnaud de Château-Verdun, seigneurde Ste-Camelle, 
fut nommé, en remplacement de Guillaume, bâtard de Poi- 
tiers, châtelain de Montélimar, et quelques années après, le 
26 juillet 1452, châtelain de Mens en Trêves, avec abandon 
de tous les revenus de cette dernière terre (4). Jean de 
Villaines, capitaine-châtelain de Romans en 145 1 et 1452, 
années où sévit la peste, recevait pour ses gages 100 écus par 
an. Outre les emplois lucratifs de maréchal du Dauphiné, de 
sénéchal du Valentinois, le bâtard d'Armagnac eut encore la 
charge de châtelain de Crest, par lettres du 20 décembre 1453, 



(1) Archives de l'Isère, B, 3a 25. Amaury d'Estissac avait acheté, le 
17 août de la môme année, au prix de 6,000 écus, la baronnie de 
Clérieu de Charles de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, qui, du reste, 
la racheta la môme année. Il fut remplacé dans la châtellenie de 
Châteauneuf-de-Mazenc, le i3 avril 1452, par Pierre Audras écuyer 
d'écurie du dauphin. Pilot, n° 542 et 0,3 1. 

(2) Pilot, n° 568, voir plus haut p. 123 

(3) Pilot, n° 638. 

(4) Pilot, n° 694 et 958. Il fut remplacé, le 14 juin 1458, dans la 
châtellenie de Mens, par Guigues Alleman, coseigneur d'Uriage, qui ne 
prit possession qu'en 1461. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. F 3l 

charge précédemment remplie par Aimar de Poissieu dit 
Capdorat (i). 

Ces détails sur l'administration intérieure du Valentinois 
seraient par trop incomplets si nous n'ajoutions un mot sur 
une autre catégorie de fonctionnaires dont le rôle devait 
d'autant plus attirer l'attention du dauphin qu'ils étaient plus 
souvent, plus immédiatement en contact avec la population. 
A une époque où peu de personnes savaient lire et écrire, les 
scribes ou notaires publics étaient devenus très nombreux. Ils 
se qualifiaient d'impériaux, d'apostoliques, de royaux, de 
delphinaux, pour marquer de quelle auto rite ils tenaient leurs 
pouvoirs. Il y avait là, dans cette branche de l'administration, 
peut-être plus qu'ailleurs, de graves abus. Pour faire de 
l'argent, pour affirmer leur autorité, l'empereur, le pape et 
le légat d'Avignon délivraient des lettres de notaire, ou 
accordaient à certains personnages la faculté d'en créer un 
nombre déterminé. Louis fit de sages ordonnances, d'abord 
pour tenter de ramener à de justes proportions le nombre 
des tabellions, puis pour faire bénéficier le trésor des actes 
et des transactions qu'ils seraient appelés à rédiger. Le 7 mai 
1446, il écrivait de Grenoble au gouverneur et au conseil 
delphinal pour leur enjoindre de faire publier dans toutes 
les villes et bourgs du Dauphiné, qu'à l'avenir nul n'exerçât 
les fonctions du notariat s'il n'en était investi, après examen, 
par le dauphin ou l'un de ses délégués. Il fallut quelques 
années plus tard, suspendre momentanément l'effet de cette 
ordonnance. Voici comment s'exprime le dauphin sur les 
causes de cette suspension : « Attendu, dit-il, qu'en aucuns 
« lieux, esquels règne présentement certaine pestilence 
« d'épidémye, plusieurs meurent sans faire testament ni 



(1) Pilot, n° 1053. Par lettres données à Romans, le 25 avril 1456, 
le dauphin nomma capitaine châtelain de Saint-Nazaire-en-Royans, 
Jean Fartiz, dit Le Breton, écuyer, en remplacement de Guillaume 
Reynard, son échanson. Pilot, n° 1222. 



l32 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

c disposer de leurs biens, pour ce que par nos ordonnances 
« naguaire faictes sur la réduction du nombre des notaires de 
« nosdits pays, nuls notaires n'osent recepvoiraulcunsinstru. 
« ments, sinon ceulx qui sont députez et ordonnez en chascune 
« chastellenie. » En conséquence, il autorise que, pendant la 
durée de la peste et deux mois après sa cessation, les testa- 
ments et codiciles des pestiférés soient reçus par tous les 
notaires, même par ceux qui ne seraient pas officiellement 
reconnus. (Romans, 28 juin 145 1) (1). 

Par des ordonnances du 23 novembre 1450 et du 23 juin 
145 1, le dauphin avait, en effet, fixé à deux le nombre des 
notaires pour chaque châtellenie et à quatre pour les châtel- 
lenies les plus importantes ; il avait en outre réglementé les 
tarifs. Chaque contrat, pour être valable, devait être scellé 
d'un sceau spécial à chaque châtellenie, ce qui constituait un 
droit d'enregistrement au profit du trésor (2). 

Cependant toute cette réglementation minutieuse, qui 
témoigne chez ce jeune prince un sens politique, un esprit 
d'ordre bien au-dessus de son âge, ne lui fit jamais perdre de 
vue le but principal qu'il s'était proposé d'atteindre, agrandir 
ses domaines, unifier la province où il était venu chercher 
un asile. Deux ou trois ans avant son arrivée dans le pays, il 
avait déjà entamé avec le pape, en vue d'obtenir le protectorat, 
sinon l'abandon, du Comtat Venaissin, une série de négocia- 
tions sur lesquelles nous ne possédons jusqu'ici que d'assez 
vagues renseignements (3). Nous savons seulement qu'Eu- 



(1) Archives de l'Isère, B, 33 11. 

(2) Pilot, n» 880. Une procuration était taxée à 4 deniers ; une vente 
de la valeur de moins de 5 livres tournois, à 4 deniers; de 5 à 10, 
de 6 d. ; de 10 à 20, de 12 d. ; un testament de cultivateur ou d'artisan, 
à 2 sous tournois ; celui d'un marchand, bourgeois, noble, ecclésias- 
tique, à 5 sous ; celui d'un noble, baron ou banneret, ayant droit de 
juridiction, à 10 sous, etc. 

(3) R. Rey, Louis XI et les Etats pontificaux de France au XV* siècle, 
dans Bulletin de l'Académie delphinale, 4* série, t. XII, (1898), p. 268-79. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 1 33 

gène IV et son légat d'Avignon, le cardinal Pierre de Foix (i), 
s'inquiétaient des agissements des partisans de l'antipape 
Félix V et craignaient de leur voir tenter quelque entreprise 
sur les Etats de l'Eglise dans la vallée du Rhône. Les évé- 
nements ne devaient pas tarder à montrer qu'ils ne se fai- 
saient pas illusion sur l'audace des schismatiques, car le i5 
sept. 1 444, Hugolin Alleman, parent de l'archevêque d'Arles, 
schismatique ardent, essayait, avec une bande de Savoyards 
armés, de s'emparer d'Avignon. La sagesse et l'énergie du 
légat firent échouer cet audacieux coup de main (2). C'est 
sans doute à ces négociations qu'il faut rattacher certains 
faits que l'on expliquerait difficilement, en les prenant isolé- 
ment ; nous voulons parler de la nomination du dauphin 
comme gonfalonnier de l'Eglise romaine, avec une pension 
de 1 5,ooo écus romains sur les revenus de la Chambre apos- 
tolique, nomination faite par Eugène IV, le 29 août 1444, au 
lendemain de la tentative sur Avignon (3) ; nous voulons 
encore parler de la double cession de la seigneurie de Monté- 
limar à un gentilhomme napolitain, Daniel Arrighi, cession 
faite par le dauphin, par lettres patentes délivrées à Nancy le 
19 avril 1445, et par le souverain pontife, quelques mois plus 
tard (4). Les habitants de Montélimar firent des démarches 



(1) Pierre de Foix, cinquième enfant d'Archambaud de Grailly et 
d'Isabelle de Foix, religieux de Tordre de Saint-François, évoque de 
Lescar en 1405, de Cominges en 1426, administrateur de l'archevêché 
de Bordeaux en 1438, puis archevêque d'Arles en 1450. Il avait été 
créé cardinal par Benoît XIII, en 1408, à l'âge de 22 ans. Il assista au 
concile de Constance, termina le schisme et fit reconnaître le pape 
Martin V. Légat en Aragon, puis à Avignon, il mourut dans cette der- 
nière ville le i3 décembre 1464, âgé de 78 ans. Il fut enterré dans 
l'église des cordeliers d'Avignon. Anselme, t. III, p. 372. 

(2) R. Rey, Op. cit., p. 272. 

(3) R. Rey, Op. cit., p. 272. Archives du Vatican, Reg. d'Eugène IV, 
368, f* 44. 

(4) De Coston, t. II, p. 11. Les vassaux du pape se réunirent au 
nombre de i32 personnes dans le réfectoire des Frères mineurs pour 



104 société d'archéologie et de statistique. 

auprès de leurs seigneurs, le dauphin et le pape, pour que rien 
ne fût changé dans l'état politique de leur cité ; ils obtinrent 
ce qu'ils désiraient. De leur côté, les comtadins s'étaient émus 
des projets prêtés à la cour romaine, d'abandonner à la 
France ses domaines au-delà des monts ; ils avaient solen- 
nellement protesté de leur fidélité à l'Eglise et du désir où 
ils étaient de ne point changer de maître : aussi le pape 
Eugène, pour calmer les esprits, leur avait-il fait savoir par 
un bref de décembre 1444, qu'il n'avait jamais eu l'intention 
de se séparer de ses fidèles sujets du Comtat et qu'ils ne 
devaient point s'alarmer d'un bruit répandu touchant l'alié- 
nation des terres que l'Eglise possédait sur les rives du 
Rhône (1). 



protester contre cette cession faite à un étranger et envoyèrent à Rome 
deux délégués, qui obtinrent de la chancellerie romaine des bulles de 
révocation, mais qui furent obligés d'emprunter 168 écus viennois pour 
tes payer. 
(1) R. Rby, Op. cit., p. 278 et 424. 

(A continuer.) Jules CHEVALIER. 




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NOTE SUR LA MARCHE d'aNNIBAL. 1 3b 




DESPAGNE EN ITALIE 



7° Annibal ne prit pas le plus court chemin 
du Rhône aux Alpes. — Nous lisons à deux re- 
prises dans Tite-Live qu'après le passage du Rhône, 
Annibal ne prit pas le plus court chemin pour arriver 
aux Alpes (... non quia via rectior esset... non insti- 
tuit iter a recta regione...). Cependant, si le passage 
avait eu lieu à Montfaucon, Annibal aurait été aussi 
vite au mont Genèvre par la vallée de l'Isère et le col 
du Lautaret qu'en descendant à Cavaillon et en remon- 
tant la vallée de la Durance. Le calcul est facile à faire 
et nous avons trouvé environ 325 kilom. dans un cas 
comme dans l'autre. 

Ce que Tite-Live veut faire remarquer, et il insiste 
pour que le lecteur ne s'y trompe pas, c'est qu'après 
avoir franchi le Rhône, Annibal avait devant lui la voie 
la plus courte pour se rendre en Italie; c'était celle 
suivie par Magile et les députés boïens ; mais Annibal 
ne la prit pas, parce qu'il était décidé à ne pas com- 
battre l'armée romaine , qu'il croyait la trouver dans 
cette direction et qu'il voulait conserver toutes ses 
troupes pour combattre les Romains en Italie même. 

Il faut observer, en effet, qu'après le combat des 
détachements, Annibal était en droit de supposer que 



i36 société d'archéologie et de statistique 

l'armée de Scipion suivait de près le détachement ro- 
main et qu'elle lui barrait la route delà Durance; aussi, 
du moment où il fut décidé à ne pas la combattre, s'en- 
fonça-t-il dans l'intérieur des terres et prit-il une route 
qu'il avait certainement envisagée d'avance comme pou- 
vant être suivie, quoique plus longue et plus difficile 
que celle de la Durance. 

Ce raisonnement ne tient plus debout, si l'on admet 
avec M. Hennebert qu'à partir de Nîmes, Annibal avait 
son plan arrêté et se dirigeait par le plus court chemin 
vers l'île des Allobroges. 

8° Marche de Scipion. — Scipion apprenant qu' An- 
nibal se trouvait à Beaucaire, qu'une partie de ses 
troupes avait déjà franchi le Rhône, mais que la plus 
grande partie, notamment les éléphants, était encore sur 
la rive droite, Scipion, disons-nous, pensa pouvoir arri- 
ver à temps pour combattre Annibal et l'empêcher de 
passer par la vallée de la Durance; il se mit donc 
aussitôt en marche en position de combat. 

Son raisonnement était tout à fait exact, sauf que les 
préparatifs d'Annibal étaient plus avancés que ne le 
pensait le général romain. Point n'est besoin dès lors, 
pour expliquer la conduite de ce dernier, d'admettre, 
avec le général Rogniat, qu'il ait voulu faire de l'esprit 
au détriment de ses troupes ou, avec le colonel Henne- 
bert, que le commandant du détachement ait fait à Sci- 
pion un rapport inexact, hypothèses qui nous semblent 
des impossibilités manifestes. 

Ainsi que nous l'avons dit précédemment, Annibal 
croyait Scipion beaucoup plus près de lui ; s'il avait eu 
la certitude que l'armée romaine était encore à Fos et 



NOTE SUR LA MARCHE d'aNNIBAL. 1 37 

qu'il avait sur elle trois journées d'avance, nul doute 
qu'il se serait dirigé vers la Durance, et qu'il aurait pris 
le chemin le plus court et le plus facile pour lequel Ma- 
gile et les députés boïens devaient lui servir de guides 
sûrs et dévoués. 

Si le chef du détachement avait appris à Scipion 
qu'Annibal se trouvait à Montfaucbn, est-ce que le 
général romain n'en aurait pas conclu qu'Annibal se 
disposait à remonter le Rhône ? Il n'aurait eu aucune 
raison de se lancer inutilement à sa poursuite et de 
remonter jusqu'au camp carthaginois ; en trouvant le 
camp vide, il n'aurait pas été surpris, comme le consta- 
tent Polybe et Tite-Live, de la direction et de la déter- 
mination prises par Annibal. 

L'hypothèse du passage à Montfaucon est donc in- 
conciliable avec la marche de Scipion, et l'on se trouve 
étonné de voir des écrivains militaires aussi compétents 
admettre de semblables contradictions. 

9° Passage de la Durance. — Le passage de la 
Durance, décrit par Tite-Live, ne se rapporte certaine- 
ment pas à la rivière qui se trouve entre Embrun et 
Briançon. L'historien romain nous dit que cette rivière 
coule en plusieurs lits différents, qu'elle n'est resserrée 
par aucun rivage, qu'elle présente chaque jour de nou- 
veaux gués et de nouveaux gouffres ; cette description 
n'est applicable qu'à la Durance aux abords de son 
confluent. Hannon l'avait traversée trois jours avant 
sans aucune difficulté, mais des pluies subites avaient 
produit une crue (imbrius forte auctus...), et c'est cette 
circonstance qui causa tant de perte et de frayeur à 
l'armée carthaginoise. 



i38 société d'archéologie et de statistique. 

La crainte d'être rejoint par Scipion qu'on croyait 
tout près avec son armée, obligeait Annibal à franchir 
coûte que coûte cette rivière, sans attendre une diminu- 
tion de la crue. 

Peut-on appliquer cette traversée à la haute Durance, 
alors que les crues y sont aussi subites que momen- 
tanées et qu'aucune nécessité n'obligeait Annibal à 
franchir cette rivière ? 

Polybe ne parle pas de cette traversée, parce qu'elle 
présentait une bien moins grande importance que celle 
du Rhône ; nous admettons volontiers que Tite-Live 
ait amplifié le tableau, mais s'en suit-il qu'il l'ait inventé 
de toutes pièces comme ses harangues ; et en tout cas, 
sa description ne peut s'appliquer qu'à la basse Du- 
rance. 

io° Marche d' Annibal après la traversée du 
Rhône. — Nous lisons dans Tite-Live : « Annibal alla 
« de la Durance aux Alpes par un pays presque tout en 
« plaines et sans être aucunement inquiété par les Gau- 
« lois habitant ces régions. » 

Pour remplir la condition imposée par Tite-Live, il 
faut franchir la Durance en un point voisin de son con- 
fluent, car si le passage a lieu aux environs d'Embrun, 
Annibal se trouvera au sein des Alpes mêmes et ne 
rencontrera aucune plaine digne de ce nom jusqu'à son 
arrivée en Italie. 

Nous lisons de même dans Polybe : « Annibal qui 
« avait déjà parcouru 800 stades le long du fleuve 
ce commença l'ascension des Alpes après une marche 
« de dix jours », accompagné par les Allobroges qui 
l'escortèrent jusqu'à son entrée dans les Alpes. 



NOTE SUR LA MARCHE d'aNNIBAL. 1 39 

Polybe est très précis ; il ne parle pas des fleuves 
mais du fleuve ; il n'entend pas par ce mot « le fleuve » 
l'Isère, le Drac, ou tout autre sous-affluent, mais le 
Rhône lui-même ; il faut donc en conclure qu'Annibal 
a remonté le Rhône sur 800 stades, soit 149 kilomètres. 

Or, il demeure incontesté qu'il est arrivé à l'Ile, des 
Allobroges, au confluent de l'Isère ; il était donc parti 
de Beaucaire qui se trouve, en effet, à 150 kilomètres 
environ au sud et par la route et par le chemin de fer, 
qui ne s'écartent pas sensiblement de l'itinéraire d'An- 
nibal. 

Cela donne une marche journalière de 37 kilomètres 
environ, et Ton nous objectera que c'est beaucoup ; 
mais n'est-ce pas une étape semblable que parcourût 
Hannon dans la nuit qui précéda son passage à Avi- 
gnon ? Ne trouvons-nous pas dans Végèce que les sol- 
dats romains avaient deux sortes de pas ou marches à 
faire sur les chemins lorsqu'ils allaient en expédition de 
guerre ? « L'un se nommait pas militaire et était le 
ce plus commun de tous. En marchant de ce pas ils 
« faisaient ordinairement 20 milles (soit 30 kil") de che- 
« min en cinq heures d'été. L'empereur Adrien a sou- 
« vent fait à pied pareil espace de chemin, marchant 
« tout armé à la tête de ses gens. La seconde sorte 
« de pas ou marche des soldats romains se nommait 
« le pas plein ou pleine marche, qui était plus habile 
ot d'autant qu'en' pareil temps, ils faisaient 24 milles 
ce (environ 36 kiP) de chemin. Que si quelquefois ils 
ot étaient obligés de doubler le pas, cela ne s'appelait 
ot plus pas ni marche, mais course. » (1). 



(1) Nicolas Bergier, Histoire des grands chemins de V Empire romain, 
page 636. 



140 société d'archéologie et de statistique. 

Nous savons d'ailleurs que les soldats espagnols ou 
carthaginois étaient de véritables coureurs que les ro- 
mains ne pouvaient songer à égaler. 

Nous obtenons ainsi dix arguments qui sont tous en 
faveur de Beaucaire et en contradiction avec tout autre 
emplacement ; nous pouvons donc en conclure, avec 
une probabilité voisine de la certitude, que le passage 
du Rhône par Annibal eut lieu à Beaucaire. 



II. — DU RHONE AUX ALPES 

Avant d'aborder cette deuxième partie, rendue plus 
facile par ce que nous avons exposé précédemment, il 
convient de rappeler le texte de Tite-Live et l'interpré- 
tation que nous en donnons. Ce texte est resté long- 
temps incompréhensible parce que les commentateurs 
ne voulaient pas admettre que le passage de la Durance 
ait eu lieu près de son confluent avec le Rhône ; ils 
plaçaient ce passage dans le pays des Tricoriens, ce qui 
les conduisait nécessairement à des impossibilités et 
à des contradictions. 

Voici donc comment nous traduisons le passage 
a sedatis certaminibus Allobrogum » 

a Les divisions des Allobroges ayant été apaisées 
« par Annibal alors qu'il se dirigeait vers les Alpes, il 
ce ne prit donc pas (à partir du Rhône) le chemin le plus 
« court, mais il tourna à gauche vers les Tricastins puis 
« par l'extrême limite du pays des Voconces il arriva 
« chez les Tricoriens. 

« Dans ce trajet, nulle part sa route ne fut davantage 



NOTE SUR LA MARCHE d'aNNIBAL. T4I 

« entravée que lorsqu'il parvint au fleuve de Durance. 
ce Cette rivière qui descend aussi des Alpes, est cer- 
« tainement celle de la Gaule dont la traversée est le 
<c plus difficile. Bien qu'elle ait une grande quantité 
« d'eau elle ne peut porter bateau, parce que n'étant 
<c resserrée par aucun rivage, elle coule dans plusieurs 
« lits différents, ayant toujours de nouveaux gués et 
« de nouveaux gouffres ; aussi le chemin même des 
« gens de pieds est incertain, d'autant plus que roulant 
<c avec elle une foule de gros galets, elle n'offre rien de 
« stable ni d'assuré à celui qui entreprend de la tra- 
« verser. 

« Des pluies subites venaient de l'augmenter, en 
« sorte qu'elle causa de grands désordres lorsqu'il fallut 
« la passer, chacun étant troublé non seulement par sa 
« propre frayeur, mais aussi par l'embarras et les cris 
« des autres. » 

ce Annibal alla de la Durance aux Alpes 

« presque toujours par un pays de plaine, sans être au- 
« cunement inquiété par les Gaulois de ces contrées. » 

Le texte de Tite-Live nous donne à grands traits 
l'esquisse de la marche d'Annibal à partir de Beau- 
caire. L'armée carthaginoise remonta le Rhône, puis 
l'Isère, mais sans franchir cette rivière, puisqu'elle resta 
dans le pays des Voconces, dont elle côtoya la limite 
extrême. 

De la vallée de l'Isère elle parvint au territoire des 
Tauriniens en franchissant le col du mont Genèvre, 
puisque le passage du St-Bernard, écarté formellement 
par Tite-Live, l'aurait conduite chez les Salasses et non 
chez les Tauriniens ; les seuls autres passages connus 
du temps de Polybe étaient celui des Alpes Ligurien- 



14^ SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

nés (route de la Corniche) et celui des Alpes Rhétiques 
(route de Splûgen), et ils ne peuvent pas être sérieuse 
ment soutenus. 

Voici ce que nous savons par Tite-Live, mais Polybe 
va nous fournir une indication plus précise. 

Du passage du Rhône en remontant le courant de 
ce fleuve jusqu'à ce commencement des Alpes par ou 
Ton va en Italie on compte, dit Polybe, 1400 stades. 
Les hauteurs des Alpes après lesquelles on se trouve 
en Italie s'étendent sur une longueur de 1200 stades. 
Or, Annibal a déjà parcouru 800 stades le long du 
Rhône, il lui reste donc à parcourir à partir du con- 
fluent de Tlsère jusqu'aux plaines d'Italie 1,800 stades 
(335 kilomètres) dont 600 stades (ni kilomètres) en 
pays de plaine. 

Du mont Genèvre aux plaines de Turin par le col de 
Sestrières, nous comptons 100 kilom. environ; nous 
devons donc trouver du confluent de l'Isère au mont 
Genèvre 235 kilom., dont 1 1 1 kilom. en pays de plaine." 

Les routes nationales qui permettent d'accéder au 
mont Genèvre en partant des environs de Valence, sont 
au nombre de quatre et empruntent respectivement : 

i° La route 9$ : la vallée de la Drôme, le col de 
Cabre et la vallée de la Durance. 

2 La route 75 : la vallée de la Gresse, le col de 
Lus-la-Croix-Haute et la vallée du Buech et de la Du- 
rance. 

3 La route 8$ : la vallée du Haut-Drac, le col de 
Bayard et la vallée de la Durance. 

4 La route 91 : la vallée de la Romanche, le col du 
Lautaret et la vallée de la Guisane. 

Si nous évaluons la distance de Valence au col du 



NOTE SUR LA MARCHE d'aNNIBÀL. J 43 

mont Genèvre, en suivant ces diverses routes, nous 
trouvons : 

Route n° 93 — 265 kilom. 

Route n° 75 — 331 kilom. 

Route n° 85 — 299 kilom. 

Route n° 91 — 223 kilom. 
La mesure des longueurs nous conduit donc à élimi- 
ner les trois premiers itinéraires et à ne conserver que 
le quatrième. 

Si, d'autre part, nous posons en principe que la route 
suivie par Annibal a été également suivie par d'autres 
détachements romains et carthaginois et qu'elle est de- 
venue plus tard une voie romaine, cette considération 
nous permettrait de ne conserver que les routes du col 
de Cabre et du col du Lautaret, et comme on compte à 
peine 40 kilom. de route en pays de plaine depuis 
le confluent de l'Isère jusqu'aux défilés de Crest et 
d'Aouste, il en résulte que seul l'itinéraire par la vallée 
de la Romanche mérite d'être retenu (i). 

Nous arrivons donc à la conclusion qu' Annibal est 
allé de Beaucaire en Italie en remontant les rives gau- 
ches du Rhône et de l'Isère, en passant par la vallée 
de la Romanche, le col du Lautaret, la vallée de la Gui- 
sane, les cols du mont Genèvre et de Sestrières et 
enfin la vallée du Chisône. 



(1) Nous trouvons, en effet, sur cet itinéraire: du confluent de l'Isère 
avec le Rhône à Gières (entrée de la combe d'Uriage) : 1 1 2 kilom., soit 
une concordance parfaite avec le chiffre de Polybe. 

Si, en ce qui concerne la longueur totale du confluent au mont Genèvre, 
nous trouvons un chiffre inférieur (233 kilom. au lieu de 235 kilom.) cela 
lient à ce que la route moderne, grâce aux tranchées, aux tunnels et aux 
ouvrages d'art, est beaucoup plus courte que l'ancienne voie romaine, la- 
quelle devait suivre à peu de chose près l'itinéraire d 1 Annibal. 



144 société d'archéologie et de statistique. 

Si les commentateurs contemporains n'ont pas ac- 
cepté cet itinéraire c'est parce qu'ils voulaient rencon- 
trer la Durance dans le territoire des Tricoriens, par 
suite d'une fausse interprétation du texte de Tite-Live. 

Ainsi que nous l'avons dit au début de ce travail, la 
relation que nous présentons concilie complètement les 
textes de Polybe et de Tite-Live et fait disparaître les 
contradictions apparentes que certains commentateurs 
avaient signalées. 

Nous croyons utile de rappeler que la voie romaine 
de Briançon à Grenoble, par la vallée de la Romanche, 
figure sur la table de Peutinger avec les stations inter- 
médiaires de Stabatione, Durotinco, Mellosedo et Ca- 
torissium, et qu'il existe à Mont de Laus, à l'emplace- 
ment de la voie romaine, une porte triomphale qu'une 
tradition constante rapporte à Annibal. 

Aucun indice de ce genre n'existe sur le tracé préco- 
nisé par M. le Colonel Hennebert ; en suivant cette 
voie l'armée d' Annibal se serait trouvée en présence de 
difficultés presque insurmontables, tant à cause de 
l'âpreté des lieux que de la présence d'ennemis achar- 
nés ; enfin, cet itinéraire est trop long d'environ 70 kil., 
soit 400 stades, et il est inadmissible que Polybe ait 
commis une erreur aussi grossière sur un chemin qu'il a 
lui-même parcouru. 

Donc, selon nous, l'armée carthaginoise, escortée 
par l'armée du brenn Brancus, remonta la rive gauche 
de l'Isère, passa le bec de 1 Echaillon, franchit le Drac 
et arriva en face la combe d'Uriage. Elle ne remonta 
pas la vallée du Drac, parce qu'elle y aurait trouvé des 
marais impraticables. 

D'autre part, Uriage paraît remonter à la plus haute 



NOTE SUR LA MARCHE d'aNNIBAL. 146 

antiquité ; des restes de consiructions romaines et des 
débris d'antiquités trouvés dans des fouilles, nous prou- 
vent que ces eaux furent fréquentées par les Gallo- 
Romains. Ce fut probablement cet oppidum dont Anni- 
bal s'empara à son entrée dans les Alpes. Ce furent 
également les Uceni (habitants de l'Oisans) qui vinrent 
au devant de lui en agitant des rameaux de verdure, qui 
s'offrirent à lui servir de guides et qui lui tendirent une 
embuscade dans la combe de Malleval où l'armée car- 
thaginoise faillit succomber. 

De même que pour le passage du Rhône, les lieux 
parlent ici clairement, et l'on peut suivre pas à pas l'iti- 
néraire d'Annibal. 

Nous ne referons pas ce travail qui a été exposé à 
plusieurs reprises par les commentateurs ; nous nous 
contenterons de donner en terminant, et jour par jour, 
les étapes de cette marche épique, car nous nous som- 
mes aperçu que ce travail n'avait pas fait jusqu'à pré- 
sent l'objet d'une étude sérieuse et surtout conscien- 
cieuse. 

Les indications fournies à cet égard par M. Imbert 
Desgranges et M. Hennebert, renferment des affirma- 
tions erronées, qui ne résistent pas à l'examen, même 
le plus superficiel. 

i er Jour. — Annibal arrive sur les bords du Rhône à 
Beaucaire. 

2 e Jour. — Préparatifs pour le passage. 

3 e Jour. — Continuation des préparatifs. Arrivée 
des Volsques sur la rive opposée. A la nuit Hannon 
remonte par Remoulins jusqu'à Pont-d'Avignon. 

4 e Jour. — Passage du Rhône par Hannon. 

5° Jour. — Repos des troupes d'Hannon. A la nuit 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — I9OO. 10 



146 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE KT DE STATISTIQUE. 

le détachement franchit la Durance et s'avance sur le 
massif de la Montagnette pour faire à lWmée d' Annibal 
les signaux convenus et cerner le camp des Barbares. 

6 e Jour. — Passage du Rhône par une partie de 
l'armée d'Annibal. Combat avec les Barbares qui s'en- 
fuient. 

7 e Jour. — Arrivée du roi Magile et des ambassa- 
deurs boïens. Combat des détachements. 

8 e Jour. — Passage des éléphants et du reste de 
l'armée. Départ d'Annibal, i re étape à Orange. 

9 e Jour. — Marche. 2 e étape aux Logis de Berre. 

10 e Jour. — Marche. 3 e étape sous Loriol. 

11 e Jour. — Marche. Arrivée à l'Isère. 

12 e au 21* Jour (?). — Séjour auprès du brenn Bran- 
cus qu'Annibal remet sur le trône. Equipement de l'ar- 
mée Carthaginoise. Marche jusqu'à Grenoble en com- 
pagnie de l'armée de Brancus. 

22* Jour. — Annibal commence à s'engager dans 
la combe d'Uriage mais voyant que les hauteurs sont 
occupées il campe au pied des montagnes. Il envoie 
des Gaulois pour reconnaître les lieux. Ceux-ci lui 
apprennent que les postes élevés sont abandonnés 
pendant la nuit. 

23* Jour. — Annibal feint de s'avancer dans le dé- 
filé et campe en un lieu rapproché des ennemis. Dans 
la nuit il s'empare des postes. 

24 e Jour. — Combat avec les montagnards. Prise 
de leur ville. 

25 e Jour. — Repos. 

26 e , 27 e , 28 e Jours. — Marche dans les gorges de 
Livet. 

29 e Jour. — Arrivée des Uceni, porteurs de ra- 



NOTE SUR LA MARCHE D* ANNIBAL, I47 

meaux de verdure, qui s'offrent à Annibal pour lui ser- 
vir de guides et qui marchent à la tête de l'armée pen- 
dant deux jours. 

30 e Jour. — Embuscades des Uceni. Annibal passe 
la nuit sur un rocher séparé de sa cavalerie et de ses 
bagages. 

31 e , 32% 33 e , 34 e Jours. — Marche. L'armée passe à 
la Grave, au col du Lautaret, au Monestier, à Briançon, 
au col du mont Genèvre et arrive au col de Sestrières. 

35 e et 36 e Jours. — Repos au sommet du col. 

37 e Jour. — L'armée commence à descendre. Elle 
est arrêtée par un éboulement qui l'oblige à camper en 
avant du dit éboulement. 

38 Jour. — Toute l'armée travaille à pratiquer un 
passage à flanc de coteau, pour y faire passer les che- 
vaux et les bêtes de charge. 

39 e , 40 e , 41 e Jours. — Les Numides passent trois 
jours à agrandir le passage, afin de permettre aux élé- 
phants de descendre dans la plaine. Pendant ce temps 
les autres soldats, d'ailleurs exténués de fatigue, se re- 
posent. 

42 e , 43 e , 44 e Jours. — Marche. L'armée arrive 
dans la plaine d'Italie et Annibal, campé au pied des 
Alpes, plante ses étendards sur le territoire des Insu- 
briens. 

Telles sont les principales étapes de l'itinéraire 
d'Annibal si l'on s'en réfère aux textes de Polybe et de 
Tite-Live. — Il en résulte que, contrairement à ce 
qu'en disent ces auteurs, la traversée des Alpes dura 
plus de 15 jours. En réalité il s'écoula 23 jours depuis 
l'arrivée d'Annibal en face des Alpes jusqu'à son entrée 
dans les plaines d'Italie. Ces 23 jours se décomposent 
ainsi : 



I48 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

1 5 jours de marche ou de combat. 

4 jours de travaux de route. 

4 jours de repos (un à l'entrée des Alpes, un après 
la prise de la ville, deux au sommet du col). 

Si l'indication donnée par Polybe et Tite-Live n'est 
pas fautive, il faut dès lors admettre que ces auteurs 
n'ont entendu parler que des journées de marche de 
l'armée carthaginoise. 

Nous voyons que la marche journalière moyenne, 
qui de Carthagène à Beaucaire atteignait à peine 50 
stades, s'est élevée à partir de ce point et malgré les 
difficultés que présentaient les passages du Rhône et 
des Alpes, à 60 stades, c'est-à-dire environ 11 kilom.; 
cette réflexion seule nous montre la ténacité d'Annibal 
et l'ascendant extraordinaire qu'il a dû exercer jusqu'au 
bout sur l'esprit de ses soldats. On reste frappé d'admi- 
ration devant une si grande figure, incarnation réelle 
du génie des batailles et que l'adversité frappa si dure- 
ment en récompense de tant d'efforts. 

A. AURIC. 




LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX 

A VALENCE 



L'imprimerie, ce principal instrument de la civilisa- 
tion moderne, a établi un lien commun entre les 
hommes ; en rapprochant les peuples et les générations 
elle a permis de multiplier à l'infini la pensée fixée par 
l'écriture, et de féconder ainsi rapidement les décou- 
vertes faites dans les sciences physiques et morales. Ce 
levier puissant de la presse, inconnu aux peuples de 
l'antiquité a introduit dans nos moeurs une foule de 
rapports nouveaux (i). L'instruction, les sciences, les 
arts ont été propagés à l'infini. Les lumières sont 
devenues générales et l'humanité a été en quelque 
sorte émancipée par cette belle découverte (2). Il 
faudrait entrer dans des détails que ne comporte pas ce 
travail pour suivre l'imprimerie depuis son origine 
jusqu'à nos jours ; mais tout en constatant l'importance 
de la presse pour l'amélioration et le perfectionnement 



(1) Bulletin de la Société de statistique, des arts utiles et des scien- 
ces naturelles du département de la Drônte. t. III. p. 41, par de Payan- 
Dumoulin (1841). 

(2) Encyclopédie moderne, t. XXIII. p. 2o5, par Courtin, art. Typo- 
graphie. 



îbo société d'archéologie et de statistique. 

de l'homme, pour la divulgation des sciences et des 
lettres, il est bien permis de déplorer l'abus qui a été 
fait de cette merveilleuse découverte. 

Victor Hugo(i) écrit que l'invention de l'imprimerie 
est le plus grand événement de l'histoire. C'est la 
révolution mère. Le livre tuera l'édifice. On peut 
ajouter aujourd'hui : le journal a tué le livre. 

Un pouvoir nouveau a pris, de nos jours, une impor- 
tance considérable : je veux parler de la presse politique. 

Dans son Histoire de la Révolution Française, Louis 
Blanc en donne une définition vraiment pittoresque : 
a Ce pouvoir multiple, incohérent, désordonné, parlant 
« mille langues diverses, attaquant toutes choses de ses 
« bras innombrables et sans cesse armé contre lui-même, 
<c mais doué de la singulière vertu de pousser les 
<c hommes vers la lumière par le chaos et d'enfanter tôt 
« ou tard, à force de confusion, l'harmonie » (2). 

Le premier journal paraît à Valence, le i er janvier 1793 : 
La vérité au peuple, chez Pierre Aurel. Il portait comme 
épigraphe : 

« Aux armes, citoyens. Volez à la victoire, 

« En mourant pour l'Etat, vous vivez pour la gloire ». 

On n'en connaît pas de collection. 

Pendant un siècle, la Galette de France et le Mercure 
avaient suffi à la curiosité de nos pères. Le premier 
journal quotidien date de 1777. 

Je donnerai d'abord, par ordre chronologique, les 



(1) Notre-Dame de Paris, t. I, p. 275 (édition Hébert, 1875). 
(3) T. I, chapitre VI, pp. 121 et suiv # 



LES IMRRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 1 5 I 

noms des imprimeurs valentinois avec quelques notes 
biographiques : puis la bibliographie des ouvrages 
imprimés à Valence. Quant à l'histoire des journaux, 
ainsi que Ta fait très judicieusement observer notre 
savant collègue, M, Lacroix, il est impossible de 
l'écrire, car nous n'en possédons pas la collection 
complète, ce qui serait indispensable pour un travail de 
ce genre. Je me bornerai aux titres des journaux en 
indiquant la date de leur apparition, les noms des 
rédacteurs et le temps pendant lequel ils ont paru. 



IMPRIMEURS VALENTINOIS 



A quelle époque l'imprimerie a-t-elle été introduite à 
Valence ? Quels sont les premiers monuments typo- 
graphiques que la presse a mis au jour dans le sein de 
cette ville ? Ce sont là deux questions qui probablement 
resteront plongées dans l'obscurité des annales de la 
typographie et dont la solution échappe aux recherches 
des bibliographes. Il est permis de conjecturer que 
l'Université, fondée à Valence en 1452, par Louis XI, 
en attirant dans cette ville un concours d'érudits, en y 
consacrant le culte des lettres et des arts, dut aussi 
favoriser l'essor de l'imprimerie naissante ; d'après M. 
de Payan-Dumoulin (1), ce serait en 1496 que l'im- 



• (1) Bulletin de la Société de statistique, des arts utiles et des sciences 
naturelles du département de la Drame, tome III, pp. 38 et 39. 



l52 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

primerie aurait été introduite à Valence, et voici le titre 
du premier ouvrage sorti des presses valentinoises : 

« Per utilia ac summe in pratica necessaria excellentissimi 
juris utriusque consulti domini Guidonis Papae, Gratiano- 
politani commentaria anno domini 1496. Helias Ollivelli 
imprimeur à Valence. » 

L'épi tre dédicatoire donne cette indication. 

Nous avons peu de renseignements sur Ollivelli, nous 
savons qu'il était libraire de l'Université de Valence ; il 
résulte d'une note insérée aux archives communales 
de cette ville, qu'il était exempté de la taille car il ne 
possède que des livres (1). On trouvera plus loin 
d'autres titres d'ouvrages imprimés par Ollivelli. 

En suivant l'ordre chronologique, Belon (Jean), était 
imprimeur à Valence dans les commencements du 
xvi e siècle (2). Il était originaire de Lyon, ainsi que cela 
résulte d'un colophon terminal du bréviaire imprimé à 
Privas, en 1503. Cum sumptu et cura Johanis Belonis, 
cipitatis Lugdunensis ; mais il nous appartient comme 
ayant été le père de l'imprimerie yalentinoise. Car, outre 
qu'il y a de graves raisons de croire qu'il habitait 
Valence, lorsqu'il transporta son outillage à Privas pour 
y imprimer le bréviaire de Viviers, de même qu'il fit 
quinze ans plus tard à Romans, puis à Meymans, pour 
l'impression du bréviaire de St-Barnard, nous savons 
d'une manière certaine qu'il habitait cette ville au moins 



(1) Archives communales de Valence, BB. 3. 

(2) Œuvre de M. Brun-Durand, collection de M. Victor Colomb. Bru- 
net, Manuel du libraire, I, 583. Bulletin d'Archéologie, XXV, 233, art. 
de M. Lacroix et 363, archives de la Drôme, 2553-2556. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE ! 53 



V 



en 1 504, date à laquelle il imprima un Missale ad usum 
ecclesiœ Valentinensis décrit par Brunet. Quatre ans plus 
tard, notre imprimeur avait le titre de conseiller de 
l'Université de Valence. Il imprima, de concert avec 
Pierre de Mole, son associé, un missel pour l'abbaye 
de St-Ruf, sur lequel il n'y a pas d'autre marque que la 
sienne : un bouclier portant les lettres J. B. suspendu à 
un arbre et entouré d'une banderolle sur laquelle on lit 
Jehan Belon. Enfin, il prend la qualité de citoyen de 
Valence sur une plaquette intitulée : Nova constitutio S. 
D. N. Leonis pape decimi : de judicum secularium in 
clericos delinquentes potesiate, dont l'impression ne sau- 
rait être bien postérieure à celle d'un bréviaire d'Agde 
qui eut lieu en 1510. Il était associé avec le libraire 
Ollivel, qui était également conseiller de l'Université de 
Valence en 1 508. 

Ce titre de citoyen de Valence, Belon le possédait 
encore en 1522, date à laquelle il reçut du conseil de 
cette ville 20 sols pour 200 tilles imprimées pour 
mander « es bonnes villes hout il y a université, pour 
leur fère sçavoir la venue du docteur Alexandrini » ; et 
d'une obligation de 1 5 livres tournois, souscrites à son 
profit, le 3 janvier 15 10, par Antoine Arson, libraire à 
Beauchastel, pour vente de Matines à l'usage de Nîmes ; 
il résulte que Belon imprimait des livres classiques, les 
Matines étant livres de lecture, ainsi appelés parce 
qu'ils commençaient par des psaumes latins. Après 
cette date de 1522, où alla Belon, voilà ce qu'il a été 
impossible de découvrir. 



154 société d'archéologie et de statistique. 



OUVRAGES IMPRIMÉS A VALENCE 



« Missale ad usum ecclesie Valentinen p. optime ordinatum 
copletiT a diligeti cura emendatu cum additione plurium 
missarum scz Visitationis Bte Marie. Transfigurationis 
Domini nostri Jesu Christi. De quinque plagis. De nomine 
Jesu ac morialitatis vitande. De peccatis ac sctor Anthonii, 
Claudii, Lazari et Rochi cum pluribus aliis in locis p. priis, 
ac eciam eu bndiction. Ramor dominica in .palmis, cerei, 
fontiîT. Sabbato sancto (et) in vigilia penthecostes, candelar 
in die purificationis béate Marie faciend. cum cantu et no- 
tulis. In locis suis necessariis. » 

In-4 de 8 ff. non pag. et lxxii f . à 2 colonnes. 

Colophon : « Missale ad usum Valentinensis | ecclesie perop- 
time ordinatum ac completum explicit impressum | Valen. per 
Johannem Bëlon, im|pressorem, anno nativitatis Dni | mille- 
simo quingentesimo quar | to IX kl ianuar | Deo gratias. » 

i5o8. Missale ad usum venerabilis abbaiie canonicorum 
sancti Ruffi Valentie. Johanes Belon et Petrus de Mole, 
çalcographi. » 

In-folio paginé en partie seulement. Ce missel est 
imprimé en lettres gothiques noires et rouges sur deux 
colonnes, excepté quelques passages, le canon de la 
messe entre autres, qui sont à longues lignes. Les lettres 
capitales sont ornées et fleuronnées grossièrement, et 
quelques-unes sont encadrées dans de petites vignettes 
informes. Au verso du folio clxxix, en tête du 
canon de la messe, est imprimée une vignette sur bois 
représentant Jésus-Christ en croix entre la Vierge et 
S. Jean. Achevé d'imprimer au mois d'avril 1 508, comme 
il est dit à la fin du volume : 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE i bb 

« Missale hoc ad usum insignis abbatie Sancti Ruphi Valetie, 
p. optume ordinatu et copletu in eade" civitate Valetie per 
Joher Belo et Petru de MoLE,sociosTpressum. Anno incar- 
nati et bi mille quingentesimo octavo, die ultima mensis 
aprilis, féliciter explicit. Deo gratias. » 

Marque de Belon décrite plus haut. Il y en a un 
exemplaire à la bibliothèque de Valence, où il est cata- 
logué comme incunable. 

« i5io. Bréviaire de l'église d'Agde. » 

« 1 5 1 3. La fontaine de toutes sciences, du grand philoso- 
phe Sydrach. » 

« 1 5 1 3. Les advertissements es trois états du monde, selon 
la signification de ung monstre né en Tan i5i2. » 

(Le bréviaire de St-Barnard, dont j'ai parlé dans la 
notice de Belon, a été imprimé à Romans.) 

« Breviarium ad usum beatissimi prothomar | tyris Estephan, 
Agath"en dyocesis patroni. » Colophon : « Impressum cura 
(et) indus | tria magistri Beloni, civitatis Valentine | impres- 
soris anno domini MVCX. » In-8°. 

Impression d'un in-4 gothique de 1 1 feuillets non 
paginés. 

« Clarissimi oratoris Christophori Alongolio panegyricus, 
etc ; curavit. Valent, D. Ludovicus Ollivelli, Universitatis 
ejusdem, bibliopola juratus (1 5 1 3) » (1). 

« Aymarii Rivallii Allobrogis, iurisconsulti ac oratoris li- 
bri de historia iuris civilis et pontificii. Cum gratia et priui- 
legio in dorso huius pagina? posito. Icon régis cum lemmate. 
| Ludovicus Ollivelli, spes alit agricolas. Venumdantur 
Valentie in bibliotheca Ludouici Ollivelli, bibliopole Vni- 
versitatis Valen. iurati. » 



(1) Voir Chorier, Histoire du Dauphiné, in-folio, t. II, p. 5i 2-536. 



1 56 société d'archéologie et de statistique. 

Petit in-4 et non in-8°, de 1 32 feuillets, sans compter 
l'index qui en a 16, sans date, mais dont le privilège 
accordé par François I er est du 7 août 151$. 

1547. Claude Laville imprime « la playsante et joyeuse 
histoire du grand géant Gargantua, prochainement reveue et 
beaucoup augmentée, par Pautheur mesme. » Figures sur 
bois, in- 16, plus le second livre des « Dipsodes restitué à son 
naturel, avec les faietz et prouesses espouvantables, com- 
posés par Rabelais, » plus les « Merveilleuses navigations du 
disciple de Pantagruel. » 

Brunet, t. VIII, p. 1067, dit que ces volumes ne sont 
qu'un pastiche de l'ouvrage de Rabelais (1). 

En 1547 il y avait à Valence un libraire nommé Phil- 
lippe Garin, ainsi que cela résulte du cadastre général 
d'octobre 1547 : 

« La deuxième ysle commence à la maison de Julian 
Chabas, charretyer, layssant carré sur la place des 
Clercs, que feust des hoirs à Phelippes Garin, libraire, 
etc. » 

Cette maison de Philippe Garin, libraire, est aujour- 
d'hui englobée dans l'angle sud-ouest de la maison 
Dumas, à l'angle de la place des Clercs et de la rue 
actuelle Notre-Dame-de-la-Ronde. 

Cette librairie était mitoyenne, au levant, avec la mai- 
son et cour des études de l'Université, qui était en façade 



(1) Sous le numéro 37. 5 1 3 du catalogue de novembre 189g, de la 
librairie Damascène Morgand, à Paris, on lit : Rabelais (François) 
œuvres de Rabelais, à Valence, chés Claude Laville, 1^47, 3* part, en un 
volume in- 16, fïg, mar. bleu, chiffres, tr. dor. (Trautz. Bauzonmet). 
Titres séparés et pagination distincte. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE iS*] 

sur viol ou rue de Cleyrac, aujourd'hui rue Notre-Dame- 
de-la-Ronde. C'est évidemment dans cette librairie que 
se fournissaient les élèves de notre ancienne Univer- 
sité (i). 

En 158g, Mey imprime à Valence : « Régula et constitutio- 
nes ordinis sanctissime Trinitatis. » 

De Laclostre est imprimeur à Valence, en 1639. Il 
meurt le 18 mars 1674. Je n'ai retrouvé aucun titre 
d'ouvrage imprimé par ses soins. 

On peut lire, dans le onzième volume du Bulletin, une 
étude de M. de Gallier sur les imprimeurs de Tournon, 
L'imprimerie y a fait son apparition en 1588. De 1588 
à 1660 il y a un grand nombre d'ouvrages imprimés 
dans cette ville, c'est ce qui explique la lacune qui se 
rencontre dans mon travail, de 1589 a 1653. 

En 1653, Muguet est imprimeur et libraire à Valence. 
Sa maison se trouvait sur la place St-Jean et rue de 
PEquerre et arceau sur la rue de l'Equerre, même mai- 
son. Vendue par Muguet au couvent de Ste-Ursule (2). 

« De arte rhetorica libri très ex Aristotele, Cicérone, Quin- 
tiliano praecipue deprompti ad exemplar Romanum ipsuis 
auctoris omnibus mendis et purgati plurimorum locorum 
citatione locupletati | auctore Cypriano Soario, sacerdote 
Societatis Jesu. | Addito rerum notabilium auctore indice 
per brèves quo singulis horum librorum capitibus res- 
pondent quo facilius precepta dicantur. Valentle apud 
Ludovicum Muguet, Bibliopolam et typographum Universi- 



(1) Note de M. Villard. 

(2) Inventaire de bt- Apollinaire, par Valette, notaire, 1680, Archives 
de la Drôme, note de M. Villard. 



l58 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique. 

tatis. MDC.LIII. In-18 de 218 pp. pour tabulas rhetoricae 
Cypriani Soarii Societate Jesu, sive totius artis. Rhetoricae 
absolutissimum. » 

Louis Muguet fils, libraire en 1688, est cotisé au rôle 
de taille pour 2 livres 2 sols (CC. 14). 

Chez le même : 

« Institutiones theoricae et praticae seu rudimenta iuris 
canonici in quibus principia utriusque iuris proponuntur 
accurate explicantur et conferuntur (1). 

Opus posthumum 

Viri nobil et cl. Ant. Fabricii 

Bleyniani in regia 

Universitate Valentina 

antecessoris 

Et recognitum a doctis et 

Clariss. antecessoribus regiis 

Valentinis 
Valentiae apud Ludovicum Muguet 
Typographum 
Universitatis 
M.D.CLX » 
cum privilegio régis 

Petit in-8°, épitres et 7 ff. Index et vocabulaire 33 
ff. (2). 

Historiae | sacre [ elegiacis versibus | accomodatae idea (3). 

« Induos libros | distributa. Compositore, Gaspard Boisset, 
sam-Marcellinensi, in senatu Delphinate càusarum patrono. 

« Valentiae apud Ludovicum Muguet, Bibliopolam et Typo- 
graphum illustriss. D. D. Valent, et Diens épis. M.DC.LXIV. » 

Dédié à Daniel de Cosnac. 



(1) Collection Villard. 
(a) Note- de M. Villard. 
(3) Note de M. Lacroix. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE I 59 



Verdier 

« Le Tableau de la Ivrisprudence ou la théorique sous de 
riches traits est représentée, avec la pratique, ouvrage non 
moins utile que délectable, livre premier. Valence, Verdier, 
i663. pet. in-8° de 16 ff. prélimin et 365 pp. » (i). 

« Officia | propria sécundum usum ecclesia cathedralis S. 
Apollinaris, Valentiae, | summa cum cura etdiligentia Domini 
Dyonisii | de Rollet, canonici et magistri Chori | venerabilis 
capituli dictas ecclesie emendata. » 

Valentiae apud Petrum Verdier. 

« Régis illustriss. Reuerendissimi que episcop. et comitis 
Valentin. et Diens, ac almeas Vniversatis Typographum. » 

Petit in-4 de 4 ff. non ch. et 82 pp. plus 1 f. non ch, 
contenant les noms des chanoines de Valence, « qui proprium 
et peculiare pensum horarium communi peculio et expensa 
typis mandari jusserunt. Kalendas sextilis, anno 1664. » 

Titre rouge et noir, armoirie du Chapitre de Valence 
sur le titre. 

Chez le même : « Philosophia Mariana auctore P. F. Bernar- 
dino Chovet, s. t. doctore ac professore ord. min. conven- 
tualium 1667. Officium | concepti | béate Marie .Virginis a 
sacra rituum Congregatione | recognitum et approbatum | 
apponendum in Breviario Romano ex decretis S. S. D. D. | 
N. N. Pauli V, Gregorii XV et Urbani VIII, editis. Ex brevi 
S. D. N, démentis papas IX in universo regno Galliarum 
recitandum. Et ex mandato Illustr. D. Danielis de Cosnac 
Valentinensis et Diensis episcopi pro suis diocesibus publi- 
candum. Apud Petrum Verdier, Régis Illustr. episcopi 
comitis Valent, et Diens. ac Universitatis Typographum. anno 
1668. » 

« Statuts, offices et litanies pour la confrérie de St-Fran- 

(1) Note de M. Lacroix. 



i6o société d'archéologie et de statistique. 

çois, érigée par ordre apostolique et licence des supérieurs, en 
l'église des religieuses de Ste-Marie de Crest, diocèse de Die, 
avec l'abrégé de la vie du Saint, selon l'ordre chronologique, 
réduit en sujets d'entretiens spirituels, suivant les évangiles de 
tous les dimanches de Tannée, composé par une supérieure 
de la Visitation de Sainte-Marie (Françoise-Madeleine de 
Changy). an. 1673. » 

« Ordonnances synodales de Monseigneur l'illustrissime et 
révérendissime Evêque et Comte de Valence et de Die, chez 
Pierre Verdier, imprimeur du Roy, de monseigneur l'Evêque 
et Comte de Valence et de Die, avec privilège. In-4 de 28 
p, (1673). » 

Le 15 mai 1677 sépulture à St-Apollinaire de Pierre 
Verdier. 

Barbier 

« Ordonnances synodales de monseigneur l'Evêque et comte 
de Valence et de Die, vérifiées en parlement et publiées de 
nouveau dans les synodes tenus à Die le 19 octobre, et à 
Valence le neuvième de novembre 1678, Chez Charles Bar- 
bier, imprimeur du Roy et de monseigneur l'Evêque et Comte 
de Valence et de Die. M.DC.LXXIX, avec privilège. In-12 de 
69 pp. (1). » 

(1) Documents communiqués par M. le chanoine Perrossier, archiviste 
diocésain. 

Léon EMBLARD. 
(A continuer.) 



UN TORRENT, LA DROME. l6l 



UN TORRENT 

LA DROME 



(Suite. — Voir les 127^ à 13a* livr.) 



VI 

La ville de Die et ses origines : La déesse Andarta, 

LE CULTE DE CYBÈLE ET LES TàUROBOLES. — Le CHRIS- 
TIANISME DANS LE DlOIS : LES EVÊQUES ET LES LUTTES DU 
MOYEN-AGE. — La RÉFORME. — PROMENADE DANS LA VILLE 

de Die et particularités du caractère diois. 

A qui vient de Paris, de Lyon, ou même simplement 
de notre mégalomane Valence, la villede Die peut paraître 
un village : venelles où les poules picorent, vastes bassins 
de pierre où bleuit la lessive et placettes mal aplanies où 
elle sèche ensuite sur des cordes entre de grands ormeaux, 
empiétement de la voie publique par l'oisiveté jaboteuse 
des commères, pavé rare et rouillé, trottoirs suspects, 
bruits innocents comme ceux du rabot, de la lime ou de 
la scie au sein des boutiques désuètes à ravir, quelques 
gendarmes en fait de garnison, tout cela compose un 
ensemble rural des plus évidents. Mais pour qui descend 
de la montagne avec des yeux non libérés encore de la 
mélancolie des sapins noirs et de l'immensité poignante 
des solitudes pastorales, Die se présente sous les traits 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — I9OO. II 



IÔ2 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

indéniables d'une cité : grande route, chemin de fer, 
promenades ombreuses, eaux vives, bâtisses suffisam- 
ment hautes et bourgeoises, hôtelleries et cafés passables, 
cercle, petite gazette locale, lot de fonctionnaires prompts 
à se saluer, c'est en un mot la sous-préfecture qui a de 
l'amour-propre. 

Mais quel parfum d'antique province en cette pauvre 
ville effacée où rien, parmi les ombres bleues, si favo- 
rables au sommeil de quelques mendiants — les plus 
heureux des hommes — n'attente à la douceur de votre 
promenade ! Et que de vieilles pierres pour y susciter 
l'émotion et ébranler le souvenir ! Chaque fois j'y viens 
pour y faire la même chose : songer, songer des Voconces, 
de Rome, du Moyen- Age, des guerres religieuses, et le 
soir me surprend dans ses rues muettes comme si j'allais, 
contribuable ému des empereurs, y voir passer parmi la 
foule impatiente les flamines, ou le curateur des jeux et 
spectacles, ou bien le bouillant évêque Amédée de Rous- 
sillon, mitre en tête et cuirasse à l'épaule, suivi d'une 
cavalerie fringante. 

Die est une assez grande dame devenue servante, mais 
la servante dissimule imparfaitement la grande dame que 
l'on reconnaît à l'allure, à la physionomie, à la robe jadis 
galante, aujourd'hui passée et pleine de trous. 

Die a compté dans l'histoire. Dans ses rêves ingénus 
d'humble chef-lieu d'arrondissement, elle se voit capitale. 
Par malheur, l'histoire — j'entends l'enseignement popu- 
laire, vulgaire — ne s'en inquiète pas. Et il en va de même 
ainsi pour des contrées, des villes, des bourgs qui tinrent 
une place honorable dans nos vieilles chroniques. On n'ap- 
prend à l'école ou au collège que l'histoire de Paris et de sa 
prodigieuse fortune et on l'appelle l'histoire de France. En 
réalité, l'histoire de France, c'est-à-dire l'histoire de l'en- 



UN TORRENT, LA DROME. ^ 1 63 

semble des provinces, ne fait ses confidences qu'aux 
savants. Ce n'est pas un objet de consommation courante, 
mais un article de luxe, inabordable de prix quand il n'est 
pas introuvable. Il y aurait peut-être mieux à faire. Loin 
de moi la pensée de réduire ou de contrecarrer l'enseigne- 
ment général, et la méthode une et patriotique, en somme, 
xies Universités. Mais on pourrait apprendre, ce me sem- 
ble, son pays dans son pays, sans gêner beaucoup l'his- 
toire de France et cela, familièrement, en quelques 
tableaux, en quelques leçons. Quoi de plus aimable, quoi 
de plus impressionnant, quoi de plus profitable à l'esprit 
.que le passé dont on sent l'ambiance autour de soi, dans la 
poussière duquel on marche tous les jours. 

La ville de Die devait me causer ces réflexions. Nulle 
n'a été plus célèbre dans la vallée de la Drôme et nulle 
ne garde tant de souvenirs. Chaîne bigarrée d'or et de 
sang que son passé deux fois millénaire. 

Point de jonction de la plaine haute et des monts, et 
peut-être timide emporium d'un trafic celto-grec, notre 
ville hérite à coup sûr d'une très vénérable aïeule. En rai- 
son de ses avantages physiques, qui sait si elle ne fixa 
point Tune des étapes de l'expansion aryenne dans nos 
Alpes ? 

Problème difficile à résoudre, et dont la solution, d'ail- 
leurs, importe peu. Mais sans remonter à ce déluge 
d'hommes qui noya l'Europe, et du limon duquel sorti- 
rent 1$ plupart des civilisations, il n'est guère présomp- 
tueux d'affirmer l'existence du bourg celtique dès les pre- 
miers vagissements de Rome. C'était un de ces pagi (i) 



(i) Pagus, district, cercle, division territoriale. 



164 société d'archéologie et de statistique. 

des Voconces qui, soudés les uns aux autres, formaient la 
patrie commune, la cité. Cette cité des Voconces, vaste de 
plus ou moins d'un million d'hectares, soit l'étendue de 
deux départements moyens, se divisait en deux grandes 
circonscriptions, commandées par l'état des lieux. Comme 
nous l'avons vu, les capitales étaient Luc et Vaison. Mais 
Die, tout d'abord ignobile oppidum (1), suivant l'expres- 
sion de Pline, devait se décrasser en un jour et cein- 
dre, à la place de Luc, ruiné par la guerre, la couronne 
augustale. 

Die, c'est le nom lumineusement frappant, le nom sacro- 
saint de Dea ou Dia (déesse). Mais de quelle déesse s'agit- 
il, ou plutôt de quel culte, puisque la déesse Andarta 
nous est connue par des inscriptions votives ? Savants, 
salivez encore, salivez toujours, Le vieux Chorier, huma- 
niste avant tout et très seizième siècle, ne pouvait man- 
quer de voir dans le mot une origine grecque. Pour lui, 
Dye, déesse sicyonnienne, a présidé aux destinées de la 
capitale des Voconces. Opinion naturellement reçue com- 
me un chien dans un jeu de quilles par les celtisants. Pour 
eux, c'est tantôt une Borne — divinité un peu benoîte et 
disons le mot, un peu bornée pour mériter un tel honneur, 
— tantôt une Victoire, tantôt une Chasseresse, une Diane 
locale, et même beaucoup moins que cela, un simple com- 
posé grammatical, un humiliant et prosaïque agglutiné 
signifiant deux eaux (2), et, en effet, la ville de Die s'espace 
entre deux rivières : Drôme et Meyrosse. Les latins purs 
l'identifient soit avec Livie, femme d'Auguste, que la 



(1) Ville de peu d'importance. 

(2) Di ei A, deux eaux, d'après Bullet. 



UN TORRENT, LA DROME. l65 

vanité romaine mit au rang des Olympiens, soit avec 
Cybèle, la déesse par excellence, la Mère des Dieux. Et 
— comme pour vous mettre l'eau à la bouche — on a 
découvert dans le sol voconce huit ex-voto à Andarta ! 
Aucun, malheureusement n'exhume les attributs de cette 
mystérieuse déesse, aucun ne révèle sa figure morale. 
Scientifiquement, hélas, je n'ai pas de préférence, et j'ai 
dû borner ma curiosité de passant à cette énumération 
sans commentaires, mais toutes mes sympathies d'instinct 
vont à V Andarta pré-latine de M. Florian Vallentin, à la 
simple, agreste et honnête divinité du foyer voconce, au 
génie aimable et parlant de ce vieux naturalisme que ni 
Grecs, ni Romains, ni Barbares, ni Chrétiens n'ont réussi 
à chasser complètement de nos montagnes. 

Ces Voconces, alertes et gais, et qu'on nous dit pères 
de Novare la Lombarde, devaient s'amollir au contact 
latin et perdre quelques-unes de leurs vertus. Die, faite un 
peu comme alors toute capitale, à l'image de Rome, connut 
l'opulence, eut ses temples, ses palais (i), ses arènes, ses 
thermes, ses jeux publics, ses sévirs, à la fois prêtres et 
officiers municipaux, tout un collège de sacrificateurs et de 
prêtresses, ses libraires et jusqu'à ses onguentières ou 
parfumeuses publiques. Ville de montagnes, elle devait, 
dans une position aussi reculée, se suffire à elle-même, 
concentrer la somme de ressources et de distractions indis- 
pensables à une population vive, intéressée aux choses du 
luxe et du plaisir. Mais elle est surtout religieuse, elle est 
avide de mystères, de symboles, de sacrifices sanglants. 
Aussi la voit-on l'une des premières en Gaule, mettre 
à la mode les tauroboles dont elle devient en quelque sorte 



(i) Un quartier de Die s'appelle de toute ancienneté le Palat ou Palas. 



i6ô société d'archéologie et de statistique. 

la ville sainte. Cybèle, honorée en Asie-Mineure sous le 
nom de Mère Idéenne, à cause du Mont-Ida dont les 
innombrables pins lui étaient consacrés, n'était pas -là 
dépaysée autant qu'on pourrait le croire. Le Glandas, 
socle auguste lui aussi, montagne héroïque, nourrit cet 
arbre au port élégant, à la veine si sensible au couteau, 
et que gonfle la résine, ce sang miraculeux. Il dut impres- 
sionner les légionnaires retour d'Asie pleins des mystères 
de rida ; accueillir et adopter la légende du bel Atys le 
Phrygien, aimé de la Déesse et changé par elle en un pin 
toujours vert. On peut se représenter ces nouveaux adeptes 
de Cybèle comme des décadents du polythéisme latin, 
en grippe avec l'ancien culte parce que trop simple et 
trop grave ; comme des gens que n'amusait plus, suivant 
le mot spirituel de M. Vallentin « la timide Vénus, déesse 
à moitié chaste d'un Olympe à moitié vertueux. » Il faut 
dire qu'au même temps, Isis l'Egyptienne et Mithra le 
Persan voyaient également s'agenouiller des fidèles devant 
leurs autels, mais leur culte, assez craintif, ne paraît pas 
avoir gêné le culte devenu tout puissant et en quelque 
sorte officiel de la Mère Idéenne. Cinq tauroboles attes- 
tent la ferveur Voconce envers Cybèle. On en trouve la 
description dans différents ouvrages, mais ce qu'il importe 
de savoir à leur sujet c'est que les sacrifices accomplis sur 
ces monuments visaient, comme l'a très judicieusement 
fait ressortir M. l'abbé Jules Chevalier (i), à une sorte de 
régénération. Pour grossier et hideux que fût le symbole 
de ce prêtre recevant en pluie sur la tête, les épaules et 
dans les mains le sang d'un taureau, il n'en rappelait pas 
moins la tradition chrétienne. L'officiant, à l'issue de cette 



(i) Essai historique sur l'Eglise et la Ville de Die. 



UN TORRENT, LA DROME. 1 67 

rouge cérémonie, se trouvait purifié pour toujours. I/obla- 
tion en l'honneur d'Atys le Phrygien consistait dans le 
sacrifice d'un bélier. Quelquefois le taureau et le bélier 
étaient immolés simultanément. Le plus grand des tauro- 
boles de Die consacre précisément cette association sym- 
bolique, en montrant sur une de ses faces, sculptées avec 
un art très sûr, les têtes de ces animaux. 

Die était donc malgré son éloignement de la mer et 
d'un grand fleuve une des villes privilégiées de la Gaule. 
Sans doute, elle le cédait de beaucoup en population, en 
richesse et en opulence à Lyon, à Vienne et à quelques 
autres villes majeures, mais elle n'avait pas de rivale dans 
les Alpes. On aime à se la représenter comme un groupe 
agreste et un peu fermé, maintenant de son mieux les 
types sociaux et les traditions du foyer voconce. Les bois, 
les vins, le miel, la poix et la résine y attiraient des tra- 
fiquants, mais, je le répète, on y venait en dévotion. On 
disait la ville de la Bonne Déesse, un peu comme on dit 
aujourd'hui le pèlerinage de telle ou telle Notre-Dame. Et 
les Ages ne changent pas tant les hommes. Quel endroit 
mieux préparé pour la fondation d'une église ? La piété 
attire la piété et les religions se superposent. Les plus 
solides chrétiens ne se recrutaient pas parmi les indiffé- 
rents du paganisme, mais parmi ses dévots et c'est une 
des habiletés de l'Eglise d'avoir su faire siennes les 
attitudes et les passions du populaire. S. Augustin recom- 
mande de ne pas exproprier brutalement le paganisme de 
ses temples, de ses autels, de ses images ; il veut au con- 
traire qu'on les fasse servir doucement aux desseins du 
Christ. Et voilà pourquoi nous pénétrons aujourd'hui 
dans la cathédrale de Die par un porche qui, peut-être, 
fut tout à la glorification de Cybèle. 



i68 société d'archéologie et de statistique. 

L'histoire de Die va se confondre désormais avec celle 
de ses évêques. 

// était une fois... voilà comme j'aimerais aborder la 
plupart des mitres de Die, si voisines du conte par l'ou- 
trance ou l'ingénuité d'âme. Mitres blanches, penchant 
leur candeur sur les rognes et les squames du Moyen- 
Age. Mitres d'or, mitres conquérantes dominant la mêlée 
furieuse des guerres intestines. 

On s'explique parfaitement aujourd'hui l'absorption qui 
se fit de la société dans l'Eglise, à partir des v e et vi e siècles. 
En face de la brutalité barbare, bien souvent, l'évêque, 
avec pour seule force, pour seules armes, l'idée morale, 
qu'il représentait, s'était dressé défendant son peuple. 
Comment ne pas reconnaître de tels services ? Au surplus, 
écoutons Bancel : « Pour le pape Grégoire VII, dit-il, 
la société, l'humanité, c'est l'Eglise. Elle mérite d'ailleurs 
la souveraineté qu'elle s'arroge... Parmi les bestiales 
horreurs des rois francs et leurs atrocités, l'esprit n'avait 
d'autre refuge que l'Eglise. » L'évêque, déjà honoré un 
peu partout du beau titre civil de défenseur de la cité par 
la reconnaissance publique, n'eut qu'un pas à faire pour 
joindre à la mitre ta couronne ducale ou comtale. Ce pas 
il le franchit d'un instinct sûr. 

Hemico, évêque de Die, est à Mantaille au mois d'oc- 
tobre 879, en compagnie d'autres prélats et d'un certain 
nombre de seigneurs. Pourquoi î Tout simplement pour 
un coup d'Etat. Il s'agit de détacher du sceptre carolingien 
Bourgogne et Provence et d'en réunir les deux couronnes 
sur la tête de Bozon. Déjà le séparatisme ! Il faut dire que 
nos provinces, polluées par la domination franque, et 
reniant leur lien ripuaire, n'aspiraient qu'à renaître aux 
traditions latines, aux mœurs élégantes, à l'indépendance 
de l'esprit. Si Bozon triomphe, Hemico et ses compa- 



UN TORRENT, LA DROME. 169 

gnons sortent du concile la tête haute. Que ne pourront 
des hommes qui viennent d'élire un roi et de sauver la 
patrie ? Chose digne de remarque. Ces évêques batail- 
leurs ménagent leurs vassaux et la plupart des historiens 
s'accordent à reconnaître en eux le bon tyran, si on garde 
à ce mot sa signification antique, dénuée de malveillance. 
La main sur les évangiles, ils jurent de maintenir les 
libertés et les franchises communales de Die et demeurent 
fidèles à leur serment. Certains valent Louis XI par la 
ruse et la diplomatie, d'autres égalent les meilleurs capi- 
taines par l'audace et la bravoure. Ils sont si convaincus 
de leur rôle représentatif et politique, que beaucoup ne se 
refusent pas les jouissances chères au commun des grands 
seigneurs, savoir : la chasse au faucon, la chasse à l'ours, 
les grandes chevauchées, les jongleries. 

Et quelle mobilité ! En un temps où les communica- 
tions sont difficiles, où la voirie est nulle, où les voyages 
par terre et par mer donnent une valeur exception- 
nelle au mot fameux du poète : lllirobur et œx triplex.. ,, 
ils vont en Palestine,. en terre germanique, en Italie, à 
Paris, à Vienne, à Avignon, à Arles, ils vont partout ! 
C'est que, d'abord, le Diois, comme partie de la Bourgo- 
gne, relève nominalement des empereurs d'Allemagne, et 
il s'agit d'entretenir avec eux les meilleures relations pos- 
sibles, soit pour l'obtention de nouveaux privilèges, soit 
pour la confirmation d'anciens droits. Puis, il ne faut pas 
perdre de vue cette société si incohérente et pourtant si 
unie dans les croyances, les arbitrages incessants, les con- 
ciles, les hommages, Pétat de guerre quasi permanent, 
mais surtout l'amplitude de ce diocèse aux huit archiprê- 
trés entrecoupés de monts, aux paroisses avoisinant les 
terres de seigneurs ambitieux, toujours prêts à un coup 
demain. 



"" 70 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

L'abbé Jules Chevalier a décrit consciencieusement ces 
époques d'énergie. Il a fait revivre ces existences d'évêques 
si fatalement partagées entre le spirituel et le temporel. 
Une analyse, même sommaire, des principaux faits de 
cette longue histoire est impossible ici, mais peut-être ne 
m'en voudra-t-on pas de croquer, d'après les vieilles 
chroniques du Diois, quelques silhouettes épiscopales. 

Si la pauvre nef de la cathédrale enseigne des noms de 
saints : — S. Martius, entité pieuse, et souriant à la 
pure légende ; S. Nicaise, un des Pères du grand concile 
de Nicée ; Pétrone et Marcel, deux frères, dont Grégoire 
de Tours cite les traits édifiants ; Etienne et Ismidon ; en 
revanche, les ruines innombrables de la vallée de la Drôme 
résonnent de gloires plus sonores, plus militantes. 

— C'est Hugues de Romans (1073-83), un fidèle de 
Grégoire VII, de ce formidable pontife, fils d'ouvrier, qui 
faisait attendre trois jours sous la neige son absolution à 
un empereur. Qui, légat, joue au pape en France, convo- 
que des conciles, dépose un archevêque, et meurt primat 
des Gaules, tantalisé peut-être par la tiare ; — l'infortuné 
Humbert III (1222), massacré devant l'une des portes de 
sa cathédrale — depuis Porte Rouge — victime d'une de 
ces émeutes populaires, assez fréquentes à Die où les 
libertés communales trouvèrent d'indomptables cham- 
pions ; — Amêdée de Roussillon (1276-1281), surnommé 
Heurtebise et ouragan, en effet toujours armé, toujours 
casqué, hirsute, sobre, dur à lui-même et fraternel à ses 
Diois, infatigable, héroïque, inouï, qui assiste à vingt 
rencontres, mate son irréductible ennemi le comte de 
Valentinois, et est maté à son tour, et meurt enfin moins 
de ses glorieuses blessures que d'émotion, n'ayant pu 
foudroyer que d'anathèmes les Romanais révoltés ; — 
Jean de Genève (1283*98), discuté par ses chanoines dont 



UN TORRENT, LA DROME. I7.I- 

l'arrogance ne connaît plus de bornes, et obligé de repren- 
dre sur ses propres sujets sa ville épiscopale ; — Guil- 
laume de Roussillon ( 1 298- 1 33 1), l'ennemi mortel d'Aymar 
de Poitiers, mais la providence des Juifs chassés alors de 
partout ; — Pierre de Chatellux ou de Chalus (1342-52), 
qui termine la guerre deux fois centenaire des Episcopaux, 
prélat magnifique et d'un goût éclairé, dont les papes 
d'Avignon, non moins artistes, non moins magnifiques, 
s'adjugent après sa mort, les riches collections ; — Amédée 
de Saluces, grand cardinal qui détient ses diocèses (1) en 
commende ; — Jean de Poitiers (1 390-1447), que l'on voit 
en relations étranges avec Jean Sans- Peur, duc de Bour- 
gogne, et qui par un vilain tour, dépouille, l'ayant fait 
prisonnier dans son propre château de Gràne, son cousin, 
le vieux comte Louis II de Valentinois. 

Les évêques de Die étaient seigneurs de leur ville épis- 
copale et des terres de ; Aouste, Aurel, Bourdeaux, Be- 
\audun, Chamaloc, La Chapelle-en- Vercors, Châtillon- 
en-Diois, Crupies, Jonchères, MirabeU Montmaur, 
Poyols, Saillans, St-Agnan-en- Fercors, St-Julien-en- 
Vcrcors, St-Martin-en- Vercors, de Vassieux et de Val- 
drame pour partie. Ils étaient en outre détenteurs de 
quatre-vingt cinq fiefs, et jouissaient d'un revenu annuel 
de quatre à cinq mille florins d'or, soit plus ou moins de 
trois ou quatre cent mille francs de notre monnaie. Ils 
exerçaient encore la haute, moyenne et basse justice, gra- 
vaient leurs armes, moyennant deux sols par objet, sur 
toutes les mesures à l'usage de l'époque. Ils levaient des 
troupes, déclaraient la paix ou la guerre, battaient mon- 



(1) L'évêché de Die fut uni à celui de Valence par le pape Grégoire X en 
1276, sans confusion des diocèses, il en fut de nouveau séparé en 1687 
sous Louis XIV. 



I72 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

naie, recevaient certains dons en nature, entre autres celui 
de toutes les langues de bœufs tués dans le diocèse 

Pendant plusieurs siècles, leur pouvoir fut à peu près 
sans limite. Car des comtes civils de Die dont ils héritè- 
rent à propos, on sait fort peu de chose. A peine les noms 
de Guillaume, d'Adalelme, d'Aleyris et d'Isoard, — ce- 
lui-ci emporté dans la tourmente héroïque des croisades 
— sont -ils parvenus jusqu'à nous. Toutefois, la luminosité 
douce et poétique d'une femme viole cette nuit d'un 
éclair charmant. Béatrice, comtesse de Die, vécut, dit-on, 
au xn e siècle, et épousa Guillaume de Poitiers, comte de 
Valentinois, tout en conservant, après son mariage, le 
titre du Comté apporté par elle en dot. Son lieu de nais- 
sance, sa famille, les principales circonstances de sa vie, 
sont autant d'énigmes. L'un lui fait tenir cour d'amour à 
Die, ce qui ne peut que flatter l'âme dauphinoise, l'autre 
fait du château de Bourdeaux, aux ruines si singulières, son 
séjour favori. Mais on sait qu'elle ressentit pour Ram- 
baud d'Orange, baron du Languedoc, une passion des plus 
ardentes qui ne fut qu'à demi partagée. De là ses pleurs 
élégiaques en ce verbe ingénu, magnifique et sonore que 
devaient bosseler dans la suite tant de chocs barbares. 

Une autre comtesse de Die, Alix ou Allix, que l'on croit 
fille de Béatrice, régna également, par l'esprit et la beauté 
sur la chevaleresque Provence, 

A quelles causes attribuer le vif empressement du Diois 
à accueillir la Réforme ? Sans doute autant à son orga- 
nisme moral qu'à son isolement, à ses barrières natu- 
relles. 

« Depuis longtemps, écrit M. Mailhet, la vallée de la 
Drôme était sillonnée par des barbes, prédicateurs vau- 
dois, des colporteurs évangéliques... » « C'est au sein des 



UN TORRENT, LA DROME. 1 73 

vallées dauphinoises, ajoute Bancel, au pied des Alpes, 
parmi le calme et la sérénité des prés et des bois, simples 
comme ses agneaux et ses chevreaux, purs comme l'eau 
des glaciers, que vivaient et travaillaient les Vaudois, peu- 
ple pasteur. » Chrétiens libres, ils répudiaient l'alliance 
avec Rome. Ils firent sans doute une forte impression sur 
les gens simples et graves de la montagne. Cette foi pri- 
mitive, toute nue, sans apprêt, sans latin, facile à pratiquer, 
et quasiment toute intérieure; cette foi aux dogmes retran- 
chés ou refroidis ne pouvait-elle flatter, en ces temps de 
guerre continuelle, les vagues rêves de fraternité univer- 
selle ? Quoi qu'il en soit, la Réforme fit de rapides pro- 
grès dans le Diois, et bientôt les guerres de religion y 
renouvelèrent, en les dépassant, les scènes sanglantes du 
Moyen-Age. On pille, on pend, on brûle, par devoir. 
L'incendie de la maison catholique semble au huguenot 
feu de joie et réciproquement. On éteint dans le sang, 
dont il reste toujours à propos quelque mare, la torche 
criminelle. 

Jean de Monluc est ce singulier évêque de Valence et 
de Die que Brantôme nous dépeint : « Fin, délié, trinquât, 
rompu et corrumpu autant pour son savoir que pour sa 
pratique. » Frère du fameux Biaise, c'est ce dernier qui 
est le croyant, le prêtre enflammé de colère et de foi. Lui, 
l'évêque n*a pas tant de vertu. C'est l'homme dont le 
souple opportunisme saura se couler sans dommage 
entre les événements tragiques de l'époque. 11 sera même 
— chose incroyable — à propos papiste et à propos bi~ 
blard. 

Jean de Monluc, loin d'arrêter les progrès de la Réforme 
dans ses diocèses, y aida plutôt en protégeant ouverte- 
ment certains membres de la magistrature et de l'univer- 
sité de Valence qui « sentaient le fagot. » Il y eut bientôt 



174 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

un si grand nombre de protestants dans le Diois, que 
Henri IV, à la demande des synodes provinciaux, se 
décida à y établir une académie de la Religion. Voilà Die 
ville sainte du protestantisme, comme Montauban, Nîmes, 
Montpellier, comme Genève. A son foyer intellectuel 
qu'entretient le zèle pieux d'un Charnier, jusqu'à i5o étu- 
diants viennent dilater leuresprit, affermir leur conscience. 
Die répare ses désastres, renaît à la vie industrielle et 
commerciale, voit ses draperies, ses tanneries, ses pape- 
teries reconquérir leur vieille renommée. 

Ce temps de prospérité dura peu. Amputée de son 
académie en 1684 par Louis XIV, et par surcroît, vidée 
tout d'un coup de ses protestants par la révocation de 
l'édit de Nantes, la vieille cité éparpilla son âme un peu 
partout, en Suisse, en Allemagne, en Angleterre, en 
Afrique, et même en Amérique. La restitution de son 
évêché, rattaché à celui de Valence depuis environ quatre 
cents ans, ne compensa point les pertes qu'elle venait de 
faire. Ce titre de ville épiscopale, elle le perdit d'ailleurs à 
la Révolution. 



Félix GRÉGOIRE. 



(A continuer). 




Géry est-il l'Oppidum d'Acunum 



> 



Monsieur le Secrétaire, 

Permettez-moi d'apporter ma modeste contribution à la 
thèse que soutient M. A. Auric, dans son article récent sur 
l'emplacement d' « Aéria » d'après le texte fameux de Strabon. 
Quoique les données de la science éthymologique ne jouis- 
sent pas d'un grand crédit auprès de plusieurs, elles peuvent 
cependant fournir un appui réel en matière de géographie 
ancienne. * 

Suivant l'opinion de votre savant correspondant, « Dou- 
rion » serait le lieu qu'entouraient le « Kavaron » et 
« l'Ouaron » au dire du géographe grec, deux rivières qui 
s'appelleraient aujourd'hui le « Jabron » et le « Roubion ». 
C'est là aussi qu'il faudrait placer l'antique Oppidum qui 
dominait Acunum, le faubourg actuel d'Aigu à l'est de Mon- 
télimar et au bas du plateau de Géry. Des fouilles et des 
recherches entreprises sur ce plateau, ajoute M. Auric, pour- 
raient faire. découvrir quelques vestiges favorables à l'hypo- 
thèse en question. 

En attendant que la pioche amène ces précieuses découver- 
tes, essayons de demander un peu de lumière à la philologie, 
en prenant pour guide l'interprétation des noms gaulois. 

Toute la difficulté consiste à pouvoir identifier le nom de 
la ville de « Dourion » avec celui de « Géry », V oppidum 
présumé. 

Si grand que soit en apparence l'écart de ces deux mots, il 
est possible pourtant d'établir que le mot vulgaire remonte 
au mot gaulois par voie de dérivation. 

Et d'abord le grec, a Aov/hwv » est un dérivé diminutif de 
« Aoupov » en latin « durum » identique au ga^ois duro. que 
l'on rencontre souvent dans la composition des noms de lieu 
avec la signification du substantif, « forteresse», « château ». 

Ainsi « Duro-casses » sont les habitants de Dreux, « les élé- 
gants de la forteresse », dans l'itinéraire d'Antonin. 

Octo-Durus est le nom d'une petite ville du Valais et veut 
dire forteresse d'Octos. 



I76 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGÏE ET DE STATISTIQUE.' 

Boio-durus est la citadelle ou l'oppidum des Bolens. 

Pour compléter cette nomenclature, on peut consulter 
d'Arbois de Jubainville : Les noms gaulois che\ César, 
pp. 195-212. 

Il suit de là que Dourion ou Durium doit avoir le sens de 
« petite forteresse » oppidulum. En passant par le latin 
vulgaire et les transformations romanes durium a vu modifier 
notablement et simultanément sa terminaison et son radical. 

La terminaison ium s'est effritée peu à peu et s'est réduite 
à un i bref, comme dans cémenter ï, armàri, chàrri, tirés des 
forme% latines cemeterium, armarium, carrium. Rien de plus 
ordinaire. 

En compensation, la voyelle du radical, u long s'est élargie 
sous le poids de l'accent, en remontant à une diphtongue 
rapprochée de la diphtongue gauloise, oou* Cette diphtongue 
est ué qui tombe souvent à ié. Comparez le français muet de 
mutus et le provençal iéu, siéu, du latin tuus, suus. 

Si l'on a bien suivi ce raisonnement on constate que 
durium devient dueri et finalement dieri, en suivant les 
déductions rigoureuses de la phonétique. Reste à expliquer 
la dernière transformation, c'est-à-dire la chute du d initial 
et le changement de i en/. 

Ce double phénomène est assez fréquent en linguistique 
romane. Ainsi nous avons « jour » pour diurnus, « ja » pour 
dia ; « jusque » pour deusque, passé à diusque. En fait de 
noms de lieux nous avons « Jouarre » en Seine-et-Marne, et 
a Jouars » en Seine-et-Oise, tous les deux tirés de dio-durus 
et signifiant « la forteresse du dieu. » 

En résumé je propose comme probables les équations 
suivantes : 

Dourion, — durium, — duerium, — dieri, — jeri ou gerjr. 

D'où l'on peut conclure que Géry est le Dourion de l'his- 
torien grec. 

J'aime à espérer, Monsieur le secrétaire, que l'intérêt que 
l'on porte à ces questions d'archéologie me vaudra l'indul- 
gence des lecteurs pour l'aridité de ces diverses démons- 
trations. 

L'abbé L. Moutier. 



J 




MOSAÏQUE 



DE SAINT-PAUL-LES-ROMANS 



A propos de la découverte d'antiquités à Saint-Paul- 
lès-Romans, j'ai reçu de M. Nugues, notre dévoué vice- 
président, la lettre suivante : 

« Romans ) 14 février igoo. 

Mon cher Monsieur Lacroix, 

« Sur les indications de M. Penet et sur votre conseil je me 
suis rendu hier avec lui à St-Paul-lès-Romans pour voir la 
mosaïque mise à jour dans un champ (heureusement sans 
arbres), à environ un kil nord nord-ouest du village, apparte- 
nant à M. Pérard. M. Sidoine Dreveton, propriétaire à St- 
Paul, s'est obligeamment mis à notre disposition et nous 
nous sommes rendus tous les trois sur le lieu de la décou- 
verte. Le temps notait pas mauvais, mais la terre détrempée 
par les pluies s'attachait aux chaussures et il n'était pas facile 
d'opérer. Quoi qu'il en soit, voilà où en sont les choses : la 
mosaïque dont vous a parlé M. Penet, a environ 5 mètres 
de large sur 6 mètres de long, à en juger par une partie que 
je crois centrale, ornement, médaillon ou figure, la seule qui 
ait des cubes de couleur, notamment du beau rouge, mais 
dont une grande partie a été emportée par le travail des 
fossés creusés pour la plantation de treilles. J'ai vainement 
essayé de déchiffrer ce motif que je considère comme le 
centre ; c'est bien dommage, car c'est un sujet qui n'a rien de 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — I9OO. 12 



178 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

géométrique et qui eût été sans doute intéressant. Le fond et 
la bordure de la mosaïque, dont le dessin est assez élégant, 
ne se composent que de cubes noirs et blancs. Au nord de 
cette mosaïque on en a découvert hier une deuxième, dont le 
dessin est différent, mais toujours blanc et noir verdâtre ; 
c'est un semis de fleurons divers. Nous n'avons pas trouvé 
de bordure ; en somme il a existé là une villa romaine d'une 
certaine importance, dont la façade regardait le midi, mais 
dont actuellement il est difficile de déterminer l'aire. Il faudrait 
enlever toute la terre sur une épaisseur de 60 370 centimètres 
et on mettrait ainsi à jour non seulement les parties cachées 
des mosaïques ci-dessus, mais peut-être d'autres inconnues. 
Je ne parle pas des tuiles antiques entières ou brisées, des 
fondations de murs et de voûtes, il faudrait un examen long 
et approfondi. On a trouvé aussi à une dizaine de mètres un 
fût de colonne sans base ni chapiteau. 
Votre bien dévoué. 

Alphonse NUGUES. » 

Ce qui rend intéressante cette découverte à proximité 
de St-Paul-lès- Romans c'est l'existence, en cette localité ou 
de la ville gauloise de Ventia, ou de la terre de Génissieux 
et de Parthenis donnée à l'église de Vienne par Ephibîus 
et par Rufina, sa sœur, sous Childebert III, où se trou- 
vaient 1,400 serfs ei boo enfants (i), ou de la villa Dro- 
tiana mentionnée dans le cartulaire de St-Barnard. 



(1) Voir Bulletin de la Société d'Archéologie, I, 180 ; XIX, 31, 337. 



BIBLIOGRAPHIE 



L.B VERCORS, par Etienne Mellier, Grenoble, 
librairie dauphinoise, H. Falque et Félix Perrin, 
1900, grand in-octavo de 4 ff.-82 pp. 

Les lecteurs de ce Bulletin n'ont certainement pas oublié 
la savante étude de M. le chanoine Fillet sur le Vercors, 
ce canton de montagne qui semblait n'avoir pas plus 
d'histoire, qu'il n'avait d'accès avant le percement de la 
pittoresque route des Goulets. Eh bien, le travail de M. 
Mellier, qui nous revient sous la forme d'une superbe 
brochure, — presque un volume, — après avoir figuré 
dans la Revue Dauphinoise, est, ainsi que son auteur se 
plaît d'ailleurs à le dire, un complément de celui de M. 
Fillet. J'entends que ce dernier s'étant surtout occupé de 
l'histoire du pays des Vertacomicori, lui, M. Mellier, 
sans néglige rcomplètement cette histoire, s'attache tout 
particulièrement à faire connaître les beautés naturelles de 
ce « bassin verdoyant, qui se décompose lui-même en une 
série de vallées étroites, sensiblement creusées dans une 
même direction et dont les beautés et les curiosités sont 
échelonnées de telle sorte que, réparties, elles feraient la 
fortunes de cinquante contrées. » En un mot, son livre 
est une description, tout à la fois enthousiaste et vraie, non 
seulementdu Vercors officiel et classique, c'est-à-dire de ce- 
lui que de nombreux voyageurs visitent chaque été et qu'ils 
croient connaître parce qu'ils ont parcouru en cars-alpins 
ses belles routes dont les rubans sinueux coupent de raies 
blanches ses vertes pelouses ; mais encore et surtout du 
Vercors intime, autrement de celui qu'il faut chercher en 
dehors des sentiers battus, et dont les beautés ne sont pas 
moins dignesd'admirationquecellesqui sontpour ainsidire 
étiquetées dans les Guides. Tellement, qu'il n'y a presque 



180 société d'archéologie et de statistique. 

pas de montagne, de pic, de grotte, de caverne, de forêt, de 
cours d'eau, et surtout de site remarquable qu'il ne signale 
et ne dépeigne en artiste et même en poète au moins 
autant qu'en touriste, tant il a de bonheur dans les expres- 
sions et sur sa palette de riches couleurs. 

Or, c'est naturellement par le Royans que M. Mellier " 
conduit son lecteur dans le Vercors, et non moins natu- 
rellement encore qu'il le prépare à l'admiration qui 
l'attend, par la vue de cette « vaste et riche plaine, véri- 
table jardin cultural et fruitier, d'une intensité productive 
inouïe, dont les végétations diverses se confondent dans 
un fouillis, un enchevêtrement rencontré nulle part 
ailleurs », notant à chaque pas ce qui doit attirer son 
attention ; ici, le petit bourg de St-Nazaire, pour qui « la 
nature a été plus que complaisante » et avec St-Nazaire la 
curieuse grotte du Taï, dont les cinq cent trente mètres de 
galeries explorées sont un « véritable labyrinthe chaotique, 
offrant à chaque pas des stalactites et des stalagmites aftec- 
tant les formes les plus bizarres, les moins attendues, étin- 
celantes, sous leurs parures diamantées quand les frap- 
pent et les animent les feux du magnésium ou les flam- 
mes du bengale » ; Là Rochechinard et son château, 
« beau spécimen de l'art défensif du Moyen-Age, » dans 
lequel un frère de Bajazet II, le légendaire Zizim, prison- 
nier de Barrachin Alleman, passa quelque temps « à rê- 
ver d'amour suivant les uns, à boire et à dormir selon 
d'autres » : plus loin, le Pont-en-Royans, « bourg plaqué 
contre la montagne et dont beaucoup de maisons semblent 
se cramponner aux roches pour n'être pas précipitées au 
fond de la rivière qui coule à cinquante mètres plus bas » ; 
enfin, tout à fait dans les flancs de la montagne, qui borne 
le Royans de ce côté là, « Echevis, chef-lieu d'une petite 
commune n'ayant d'autre agglomération que celle 
formée par l'église avec son clocher à la flèche de pierres 
grises, la maison d'école et le presbytère ; les autres 
habitations s'attachant, entourées de bouquets d'arbres, 
aux flancs des coteaux ; couronnant de pittoresques monti- 
cules contournés par leurs sentiers d'accès ou animant 
les étroites bandes vertes des prairies, au bord même 
de la rivière. » 

Arrivé à ce dernier village par une route qui, « à peine 



BIBLIOGRAPHIE. l8[ 

échappée aux cinq tunnels des Petits Goulets, voit ses 
accotements s'élargir en même temps que la gorge elle- 
même, qui, peu à peu s'ensoleille et se transforme en 
vallée ; route qui bordée de buis odorant, et de vigou- 
reuses et enlaçantes frondaisons, descend, traversant de 
fraîches prairies, diaprées de rosée, é mai liées des fleurs 
alpestres si diversement colorées et fleurant bon, » M. 
Mellier n'a pas cru devoir décrire ensuite, après tant 
d'autres, les Grands Goulets. On ne peut que le re- 
gretter, attendu qu'il l'aurait certainement fait mieux 
que personne ; mais en revanche, une fois entré dans 
le Vercors par le hameau de la Baraque dont les mai- 
sons proprettes servant presque toutes d'hôtelleries, 
ne sauraient donner une idée de la pauvre baraque 
en planches que l'on construisit en cet endroit-là, il y 
a cinquante et quelques années, pour les ouvriers qui tra- 
vaillaient à la route des Goulets, et qui lui a donné 
naissance en même temps que son nom, l'enthousiaste 
et vaillant touriste vous fait pénétrer dans tous les coins et 
recoins d'une contrée, où il n'y a presque rien qui ne 
mérite d'être vu ; indiquant souvent les distances, presque 
toujours les altitudes, mesurant surtout, en fervent adepte 
de cette nouvelle science qu'on appelle la spéologie, la 
profondeur des grottes et des cavernes, et, pour tout dire, 
ne négligeant rien de ce qui peut faire connaître un pays 
dont il est véritablement amoureux. 

J'aurais, du reste, bien voulu donner ici un compte- 
rendu de son livre ; seulement il est de ceux qu'on ne 
résume pas, parce que tout y est à citer et tout ce que je 
peux faire c'est de le signaler comme une lecture des plus 
agréables en même temps que des plus instructives ; 
heureux si je donne ainsi à ceux qui ne le connaissent pas 
autant d'envie de le lire, que ceux qui l'ont lu ont envie 
de visiter le pays auquel il est consacré. 

J. B.-D. 



NÉCROLOGIES 



«*•* 



M. ALLMER (Louis-Christophe-Auguste) 

La mort de ce savant distingué a excité les plus vifs 
regrets non seulement dans le Midi dont il a révélé le 
passé, mais encore dans tous les pays où la vraie érudi- 
tion est en honneur. Dès le 5 décembre dernier, M. Morin- 
Pons, interprète éloquent de l'Académie des sciences, 
belles-lettres et arts de Lyon, rendait hommage à sa 
haute-valeur. « Il était, dit-il, au courant de la ville gallo- 
romaine, de son organisation, de ses cadres, comme un 
de ces préfets modernes de carrière, rompu aux détails du 
fonctionnarisme et que n'embarrasse jamais un seul des 
rouages soumis à son administration. Légats impériaux, 
proconsuls, sévirs augustaux, pontifes, nautes, utricu- 
laires, tout cela dans son vaste cerveau était à sa place. » 

Plus récemment, M. Espérandieu, continuateur auto- 
risé de son œuvre, lui a consacré dans la Revue éptgra- 
phique une notice biographique complète, à la fois litté- 
raire et émue, où nous puiserons quelques détails. 

L'air modeste, timide et circonspect du savant n'aurait 
guères permis de lui donner une origine noble et des 
ancêtres guerriers ; cependant les Allmer de la Jaille 
remontent au xiv e siècle et plusieurs de ses membres ont 
servi avec honneur dans les armées. D'autre part, qui 
aurait deviné chez l'interprète habituel du style lapidaire 
toujours concis, un dessinateur habile et un poète délicat ? 



NÉCROLOGIES. l8£ 

Il réunissait pourtant ces deux mérites, car on ne fréquente 
pas les auteurs anciens sans y puiser le goût des arts et 
des lettres. 

Fils d'Alexis, chevalier de la Jaille, Jacques-François, 
vérificateur aux comptabilités et sous-chef au contrôle 
central du ministère des Finances, avait épousé en 1812, 
Adelaïde-Augustine Crétolle et de cette union naquit le 8 
juillet [81 5 Tépigraphiste distingué. 

Il débuta en i836, dans la division de son père et devint 
expéditionnaire en 1839. Nommé percepteur en Bretagne 
Tannée suivante, et peu après d'Estrablin, près de 
Vienne, il entra en relations, dans cette ville, avec Girard, 
ancien libraire et collectionneur émérite, avec Delorme, 
conservateur du Musée et avec M. de Terrebasse. Il com- 
mença par dessiner toutes les pierres écrites du Musée 
viennois et voulut ensuite les comprendre. Dans ce but, il 
se mit à l'étude et consulta les maîtres renommés dans 
cette science. Telle est l'origine du grand travail sur les 
Inscriptions de Vienne. 

Une fois en pleine possession de son talent, il étendit 
ses recherches à tout le midi, et voilà pourquoi il vint à 
nous d'abord, et collabora ensuite à VHistoire du Lan- 
guedoc avant de créer sa Revue épi graphique. 

Dès i8î>6, M. Léon Renier lui obtenait le titre de 
correspondant du Ministère de l'Instruction publique; 
celui de correspondant de la Société des antiquaires de 
France et d'officier d'académie lui fut décerné en 1861. 

Les deux premiers volumes seuls des Inscriptions de 

Vienne lui valurent, en 1874, la première médaille de 

vermeil au concours des antiquités nationales, et le grand 

prix Gobert, récompensa les Inscriptions du Musée de 

Lyon, où il s'était fixé en devenant percepteur à St-Priest. 



184 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Il avait été nommé chevalier de la Légion d'honneur en 
1875 et correspondant de l'Institut l'année suivante. 

M. Espérandieu énumère 76 articles, brochures ou 
livres de cet infatigable écrivain et 2 manuscrits. 

Malgré la tristesse que lui causèrent la mort prématurée 
d'un fils chéri et la dure nécessité de vendre sa bibliothè- 
que, il s'est éteint dans toute la force de son génie, après 
avoir servi la science avec une foi d'apôtre. Aussi, ajoute 
avec justice, son biographe, '< du coin de terre où il repose, 
sa renommée dès maintenant s'élève grandissante et lui 
assure l'immortalité. » 



Madame Honoré PALLIAS, née SAUNIER (Marie-Clotilde) 

Nous avons le regret d'annoncer le décès, au commen- 
cement de février, d'une femme de grand mérite, qui s'as- 
socia à toutes les œuvres de bienfaisance de son époux 
regretté. Non content de travailler par ses recherches à 
la gloire du Dauphiné, son pays d'origine, celui-ci avait 
assuré des ressources aux Sociétés savantes de la pro- 
vince pour continuer leurs publications, et Mme Pallias 
s'est fidèlement conformée à ses vues généreuses. Une 
fortune loyalement acquise a de la sorte servi à des œu- 
vres utiles et au succès de Sociétés créées pour développer 
l'amour du sol natal et asseoir son histoire sur des bases 
solides. 

De tels dévouements méritent d'être rappelés, et la 
Société d'Archéologie a inscrit avec plaisir et reconnais- 
sance M. et Mme Pallias parmi ses bienfaiteurs les plus 
chers. 



NÉCROLOGIES. l85 

M. DIDELOT (Charles) 

Déjà la presse a rendu un légitime hommage au zèle et 
au dévouement de ce prêtre distingué, à ses talents d'ora- 
teur et d'écrivain, à ses goûts d'artiste et à ses vastes con- 
naissances ; le temps ne peut que consacrer les premières 
impressions causées par sa mort prématurée, véritable 
deuil public. Son zèle et sa charité pastorale ont été ma- 
gistralement loués par son vénérable chef hiérarchique, 
juge excellent et témoin de ses œuvres multiples pendant 
de longues années. L'artiste s'est révélé dans les restau- 
rations du beau monument dont il avait la garde et dont 
il connaissait toutes les péripéties à travers les âges et 
toutes les beautés. A lui aussi revient l'honneur de la 
création d'un musée remarquable qui doit figurer, dit-on, 
à l'Exposition universelle de rgoo. De nombreuses publi- 
cations et notamment ses études sur Les portes historiées 
récemment découvertes à la Cathédrale, sur Un antique 
autel chrétien découvert à St-Marcel-lès-Sau%et et sur le 
Pape Adrien IV à Valence, parues dans le "Bulletin de la 
Société d'Archéologie de la Drame, ont permis de voir en 
lui « un écrivain primesautier, ne reculant jamais devant 
le néologisme, l'expression hardie et imagée », au style 
très animé, empreint d'un dévot mysticisme. 

Né en 1826, ordonné prêtre en 1849, il fut d'abord pro- 
fesseur à la Maîtrise, vicaire à St-Jean et aumônier de la 
Visitation, ensuite curé de Notre-Dame, paroisse créée 
par lui et dotée d'une église, d'un presbytère, d'une école 
et d'un hospice des vieillards, et enfin chanoine, vicaire- 
général honoraire et curé de la cathédrale. C'est là, pen- 
dant 32 ans, qu'il a su faire aimer et pratiquer la religion, 
diriger et consoler les âmes, répandre l'instruction et les 
bienfaits, fait preuve d'un esprit et d'un savoir supérieurs, 



186 société d'archéologie et de statistique. 

d'une tolérance sagace et conciliante; c'est là qu'il a versé, 
en un mot, tous les trésors de son cœur, de son huma- 
nité et de son dévouement et mérité l'estime, l'affection 
et le respect de toute la population ; c'est là enfin qu'il est 
décédé, le 20 janvier dernier, à 74 ans, avec la réputation 
méritée d'un prêtre remarquable et d'un homme de bien 
accompli. 

r M. NADAL (Joseph-Cyprien) 

Le 8 février dernier, le doyen du Chapitre, vicaire- 
général honoraire et directeur de l'Orphelinat agricole de 
St-Joseph s'éteignait, à 86 ans, au milieu des orphelins 
en pleurs qu'il formait au travail, à l'honneur et aux ver- 
tus de l'homme utile. 

Vicaire, professeur et chanoine, il étudia de bonne heure 
l'histoire ecclésiastique du diocèse, celle de l'Université 
de Valence et celle des Adhémar, seigneurs de son village 
natal, et ses œuvres remontant à une époque, où les ar- 
chives publiques étaient abandonnées, attestent son cou- 
rage, sa science et ses recherches. Il était doué pour élu- 
cider nos annales. Toutefois, sa vocation véritable n'était 
point là. Il fallait à sa grande âme des jouissances autres 
que la gloire littéraire. Un orphelinat agricole venait 
d'être fondé avec de faibles ressources pour instruire de 
pauvres enfants, sans asile, sans famille et voués à la mi- 
sère. Au lieu d'aspirer aux dignités que sa valeur scienti- 
fique lui assurait, il demanda la direction de ce nouvel 
établissement et de i5 pensionnaires il arriva au chiffre 
de cinquante. Par quel miracle ce résultat fut-il obtenu ? 
« Constamment il appliqua sa vertu, sa force de persua- 
sion à obtenir qu'on lui vienne en aide ; tout ce que la 
charité la plus ingénieuse, la bonté la plus communica- 



NÉCROLOGIES. 1 87 

tive sut lui inspirer, il l'utilisa, et pour lui plus les sacri- 
fices étaient grands, plus vives étaient ses jouissances. » 
« L'élévation et la bienveillance de son caractère, son 
esprit large et conciliant, la direction qu'il avait imprimée 
à l'éducation des pupilles qui lui étaient confiés, les rap- 
ports qu'il entretenait avec les autorités et avec le public, 
lui avaient assuré de la manière la plus manifeste, le res- 
pect, la sympathie et l'admiration de tous. » 

Ces paroles prononcées sur sa tombe font connaître 
l'homme dévoué, charitable et bienfaisant que sa famille 
adoptive pleure et que la ville et le département regrettent 
à juste titre. 



M. FRANÇOIS (Henri- Eugène) 
Avocat, ancien bâtonnier de V ordre des Avocats 

Il n'est pas un habitant de Valence qui ait oublié la 
figure sympathique, l'affabilité, le savoir et l'éloquence 
de notre cher et excellent confrère et ami. Il était bienveil- 
lant pour tous, toujours prêt à rendre service, à donner 
d'excellents conseils, et si la douleur physique l'avait 
poursuivi dès l'enfance, son esprit conserva toujours une 
vigueur prodigieuse et son cœur un sincère attachement 
aux idées qui consolent et fortifient* Désintéressé, studieux, 
doué d'une mémoire heureuse et d'une grande facilité de 
travail, il étudiait à fond les causes confiées à son examen 
et lorsqu'il les défendait, sa conviction, ne tardait pas à 
être partagée. On l'a vu plaider presque mourant, afin de 
rester fidèle à ses clients de plus en plus nombreux. 

Au sortir de ses études, il fut nommé professeur à 
l'école de droit d'Alger et le seul désir de rentrer dans sa 
famille qui l'adorait le ramena à Valence, où il se fit 



i88 société d'archéologie et de statistique. 

inscrire au barreau le 28 août i883, et peu après arriva au 
conseil de Tordre et ensuite au bâtonnat, en 1897. 

D'abord avocat stagiaire à Grenoble, de 1876 à 1879, il 
prépara sa thèse sur l'emphythéose ou bail à long terme, 
très en vogue avant la Révolution. Au lieu de disserter, il 
étudia ce contrat sur les documents existants, et le résultat 
de ses recherches forme un gros volume. La preuve 
exacte du mérite de l'œuvre, c'est que les conclusions en 
ont été rappelées dans un procès récent devant la Cour de 
Grenoble comme autorité doctrinale. 

En politique, il était républicain et à ce titre membre 
de toutes les associations démocratiques ; mais ses con- 
victions ne l'empêchaient pas d'être, comme bien d'autres, 
libéral et croyant, chrétien et catholique sincère. 

Notre cher confrère, dans sa trop courte existence, 
s'est montré un homme de bien, un ami du faible et du 
pauvre, comme de la justice et de la vérité. 

Il est décédé à 43 ans, le 5 février 1900, moins d'un an 
après son père, M. le docteur François. 



M. GUIGUES de MORETON 

(Hippolyte-Camille-Fortuné) comte de Chabrillan 

Le regretté défunt appartenait à l'une des maisons les 
plus illustres, les plus anciennes et les mieux alliées du 
Dauphiné. Depuis Guigues de Moreton qui prit part à la 
troisième croisade, de 1 188 à 1 195, jusqu'à Charles- For- 
tuné-Jules, comte de Chabrillan, chef. d'escadron, il serait 
difficile de ne pas rencontrer quelqu'un de ses membres 
dans les plus hautes positions sociales, et longue serait la 
liste de ses vaillants officiers. Il suffira de rappeler ici que 
Joseph et Antoine, au xvm e siècle, furent lieutenants du 



NÉCROLOGIE. 1 89 

roi à Montélimar, où le dernier acquit, en 1757, rempla- 
cement de Thôtel actuel de Chabrillan ; que Raymond, en 
i3ô6 suivit Duguesclin en Espagne; que Pierre mérita 
l'affection du roi Charles VII et Sébastien, le gouverne- 
ment de Provins. Tous ces témoins vivants de notre his- 
toire locale ont su conserver les traditions d'honneur, de 

bienfaisance et de dévouement aux œuvres utiles qui 
constituent chez eux un héritage familial et que notre 
respecté confrère possédait à un degré éminent. 

Il est décédé à Paris, le 19 janvier 1900 à 72 ans et la 
Société d'Archéologie s'associe respectueusement aux 
légitimes regrets de sa famille. 



M. FORCHERON (Paul) 

Enfant de Valence, où sa famille jouissait d'une consi- 
dération méritée, notre cher confrère entra de bonne 
heure dans l'administration comme secrétaire particulier 
de M. le Préfet, de 1854 à 1859, ensuite comme premier 
adjoint au Maire, député au Corps législatif, qu'il remplaça 
souvent, de 1870 à 1872, et enfin membre et vice-prési- 
dent du Conseil de préfecture, de 1873 à 1877, fonctions 
qui lui valurent la décoration de la Légion d'honneur. 
Indépendamment d'une alliance avec la famille Grégoire 
du Colombier, il avait eu son père chargé du service 
médical à l'hospice et adjoint, et son grand-père à la tête 
de l'administration municipale, membre du conseil de 
préfecture de i83i à 1844, et chevalier de la Légion 
d'honneur. 

Ce passé glorieux, le rendait affable, bienveillant, 
dévoué, laborieux et toujours prêt à rendre service. Aussi 
l'affection de ses concitoyens lui était-elle acquise. A ses 
funérailles qui ont eu lieu le 23 février dernier, assistaient 



190 société d'archéologie et de statistique. 

les représentants de la municipalité et les notables de la 
ville, vivement émus de sa perte prématurée. 



M. CAIZE (Louis-Jean-Hugues) 

Nous apprenons au dernier moment un nouveau deuil 
pour la Société. M. Caize (Louis-Jean-Hugues), inspecteur 
divisionnaire des douanes, en retraite, membre corres- 
pondant, est décédé au Havre le 29 mars dernier. 

Né à Valence (Drôme) le 21 novembre 18 r6, il appar- 
tenait à une ancienne famille de St-Vallier-sur-Rhône, 
et son père, après le licenciement de 1 armée du premier 
empire, était entré dans les droits réunis à Carcassonne 
et ensuite à la préfecture de la Drôme comme employé. 

De surnuméraire dans les douanes en i836, le regretté 
défunt devint receveur des douanes à Saint-Claude, Saint- 
Valery, Fécamp, le Havre, St-Malo et Dunkerque, sous- 
inspecteur à Pont-de- Beau voisin et au Havre, en i855, 
inspecteur, en i863, à Barcelonnette et, dix ans plus tard, 
inspecteur divisionnaire à Tarbes. Admis à la retraite, il 
se retira à Louveciennes et au Havre, auprès de son fils, 
Albert, membre de la Société des gens de lettres, écrivain 
distingué et auteur, notamment, d'une Histoire de Saint- 
Vallier fort intéressante. C'est là qu'il est décédé le 29 
mars, à 83 ans. A ses funérailles assistaient les notabilités 
de la ville, tous les chefs de douane en uniforme, une dé- 
légation d'officiers de la garnison et une compagnie de 
douaniers. Il a été inhumé à Paris, dans le tombeau de 
sa famille. 

Nous perdons en lui un confrère de la première heure 
aussi bienveillant que dévoué. 

A. Lacroix. 



CHRONIQUE 



M. Perrin, libraire à Grenoble, créateur de l'intéressante 
Revue Dauphinoise, vient de faire paraître le t. I er du Diction- 
naire biographique de laDrôme, préparé par M. Brun-Durand. 
Les articles nécrologiques trop nombreux de ce trimestre nous 
obligent à regret à renvoyer à la prochaine livraison une étude 
sur ce travail qui sera bientôt dans toutes les bibliothèques 
dauphinoises. Signalons, dès aujourd'hui, la belle exécution 
typographique de ce volume, si rempli de faits nouveaux, re- 
cueillis patiemment çà et là, avec une impartialité complète, 
digne complément du Dictionnaire topographique du même 
auteur. 

M. Marius Villard, notre bienveillant confrère, nous 
signale la découverte à Valence, n° 184, par M. Thoranne, 
entrepreneur de bâtiments, de 167 monnaies romaines en 
bronze, petit module, très bien frappées et en bon état de 
conservation. Les journaux ont annoncé une semblable 
trouvaille à Nyons. 

Espérons que les numismatistes décriront ces trésors. 

OUVRAGES REÇUS 

DU MINISTÈRE DE ^INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES AUTEURS 

Le Journal des Savants. 

Bulletin archéologique du Comité des travaux histo- 
riques et scientifiques. Année 1899. i re et 2 e livraisons. 

Anatole de Gallier, par J. Brun-Durand, Grenoble, H. 
Falque et Félix Perrin, 1900. Broch. in-4 . 

Le Vercors, par E. Mellier, même éditeur, même form. 

Auguste Allmer, (i8i5- 1899), par Morin-Pons. 

Observations sur une histoire de la ville de Die, de 
M. André Mailhet, pasteur à Saillans. Valence, impr. 
Valentinoise, 189g, br. in- 12, 77 pp. 

G. de Colvé des Jardins. Le médecin volant, comédie 
de Molière, (adaptation). Paris,Charles, 1899, in- 16, 47 p. 

Faute de place, à notre grand regret, ces publications ne 
pourront-être étudiées que dans une livraison prochaine. 



SSsSSSSSiR^ 



SÉANCE DU 5 FÉVRIER 1900 



m » 



Après la lecture de circulaires ministérielles surimpo- 
sition, M. le Comte de Mas, de Tain, est proclamé mem- 
bre titulaire de la Société, sur la présentation de Mgr 
Bellet et de M. Lacroix. 

M. le Président ayant fait connaître les statuts d'une 
fédération des Sociétés savantes du Dauphiné et du 
Vivarais et l'invitation à les approuver, les membres pré- 
sents se prononcent pour la négative. 

M. Cuoc demande: i° que les séances trimestrielles aient 
lieu le jeudi au lieu du lundi ; 2° que les articles d'histoire 
naturelle soient admis dans le Bulletin comme ceux d'his- 
toire et d'archéologie ; 3° que le budget de Tannée soit 
voté chaque année en mars ; 4 que les comptes des 
recettes et dépenses figurent au Bulletin et 5° qu'une 
somme quelconque soit votée à titre d'encouragement 
pour l'impression d'une nouvelle Statistique départemen- 
tale. 

Sur le i er point, les séances sont maintenues au lundi ; 
sur le 2 e l'histoire naturelle spéciale au département sera 
admise au Bulletin ; sur les 3 e et 4 e satisfaction sera don- 
née ; sur le 5 e , les finances de la Société ne permettent 
pas la moindre distraction de fonds, mais chaque membre 
s'associera à l'œuvre projetée, selon ses moyens. 

Enfin, à l'exemple d'autres Sociétés et par mesure 
d'économie, les séances trimestrielles auront lieu désor- 
mais sans invitation spéciale, les premiers lundis de 
février, de mai, d'août et de novemore et au cas où la 
Toussaint, jour férié, tomberait le i er lundi de novembre 
la séance se tiendrait le 2 e lundi de ce mois. 

Chaque n° du Bulletin annoncera d'ailleurs le jour de 
la réunion qui suit sa publication. 

M. Nugues termine la séance en montrant les beaux 
dessins qu'il a faits des monuments anciens de Romans. 

A. Lacroix. 



BORNE 

INDIQUANT LA DISTANCE 

D'ALBA A NEMAUSUS 



J'ai acquis, tout récemment, une borne en mollasse compacte 
trouvée à Aps (Ardèche), au quartier du Palais, par Lucien 
Gaillard. Elle porte une inscription intéressante, encore iné- 
dite quoique sa découverte date de plusieurs années. Placée 
au i er étage, dans le fond d'une cour, masquée en partie par 
un escalier et recouverte d'un épais badigeon, elle n'avait 
pas attiré l'attention avant qu'on me Tait signalée. 

Les mutilations qu'on lui a fait subir ne permettent pas 
d'en préciser la forme et les dimensions primitives. Après 
avoir enlevé le cône triangulaire du sommet, retaillé ou 
repiqué le côté gauche et le fond on l'a réduite à un tronçon 
de 0,59 c. de hauteur sur 0,28 c. d'épaisseur, pour la trans- 
former en jambage de porte-fenêtre. Le côté droit lisse dans 
toute sa longueur sur une largeur de 0,07 c, le reste étant 
à peine dégrossi, paraît avoir conservé son ancien état. 
On peut en induire que cette borne était bâtie dans un mur 
et que la face de l'inscription faisait une petite saillie. Cette 
face a été heureusement respectée et les quelques éraillures 
qu'on y remarque n'altèrent pas le texte demeuré complet. 
En voici la reproduction exacte : 

2 ? SÉRIK. XXXIV e VOLUME. — I9OO. l3 



I<H SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

,. âa.; 



•fi 



Ta 7 

ARE 
PO© 



[a) Pago Arecomkorum passuum miilia septuagmta el 
quinque. 

Cette inscription présente dans son ensemble un caractère 
archaïque très prononcé. La forme particulière de certaines 
lettres et de quelques chiffres ainsi que la différence de son 
texte avec celui des milliaires attestent son ancienneté. 

La panse du G se recourbe comme un S, mille est expri- 
mé par le sigle QQ qui ne se rencontre que deux fois sur 
les nombreux monuments lapidaires de la Narbonnaise (i] 
et cinq par un V ovoïde en monogramme avec le second X 
dont je n'ai pas trouvé d'autre exemple. 

S'il est impossible d'en préciser la date, on peut la fixer 
approximativement en se basant sur de sérieux éléments. 
L'absence de dédicace impériale donne la certitude qu'elle 
est antérieure à Auguste et la désignation du Pagus Areco- 
micorum établit qu'elle fut gravée avant l'époque où ce 



BORNE INDIQUANT LA. DISTANCE d'aLBA A NEMAUSUS f g5 

territoire reçut la dénomination de Civitas Nemausensis qui 
lui fut attribuée lorsque Jules César conféra le droit latin 
aux Arécomiques et aux Helves, vers Tan 45 (av. J.-C). 

Les Volques Arécomiques qui frappaient des monnaies aux 
types d'Apollon et de Diane avec les légendes VOLC- /R» 
et VOLCiE AREC- n'en émirent plus qu'au nom de Ne- 
mausus (COL- NEM- et NEM- CO- ) lorsqu'ils reçurent le 
titre de colonie. Dès l'an 27 (av. J.-C.) ils n'eurent plus 
qu'une monnaie coloniale impériale à la double effigie 
d'Octave et d'Agrippa, avec la légende COL- NEM« et le 
type du crocodile enchaîné à un palmier, si répandu dans 
toute la région méridionale (1). L'ethnique Arecomicus 
disparut complètement et le seul nom officiel de ce peuple 
fut Nemausensis. C'est celui que l'on trouve également sur 
les monuments lapidaires, il n'est fait mention des Aréco- 
miques sur aucune autre inscription que la nôtre dans toute 
la Narbonnaise (2). 

Dans son exposé préliminaire sur Alba Helviorum, le très 
regretté M. Allmer, en rappelant que cette cité était le point 
de départ de quatre routes, émet l'opinion qu'Antonin le 
Pieux fut certainement le créateur de celles tendant à Barjac 
et à Uzès au midi et au Doux, en longeant le Rhône au nord, 
il se base sur les milliaires qui les jalonnent et qui sont 
tous dédiés à cet empereur. La première de ces voies con- 
duisait à Nimes. 



(1) Numismatique de la Gaule Narbonnaise, par de La Saussaye, 1842, 
in-4% p. 149-160. 

d'Avignon a donné 



(2) L'inscription 
lieu à diverses inter- 
plus savants épigra- 



T- CARISIUS- T- F 
PR. VOLCAR- DAT 



prétations, mais les 
phistes,MM. Momm- 



sen, Hirschfeld et Allmer y voient seulement l'ethnique Volques, il 
considèrent ce petit monument comme très ancien et de la plus haute 
importance en ce qu'il indique l'organisation primitive de la Gaule 
Narbonnaise par Jules César. (Espérandieu, Mém. de VAcad. de Vau- 
cluse, 1899, p. 106-108). 



xq6 société d'archéologie et de statistique. 

D'après M. Aurès (i), il y aurait par ce chemin 58 kilomè- 
tres au moins de Nîmes à Barjac, 3 kilomètres de cette ville 
au XXIII e milliaire numéroté d'Aps, représentant 48 k. 889 
mètres, soit en tout 109 k. 889 mètres, distance plus courte 
de 1239 mètres que celle de yb milles équivalant de ni k. 
112 mètres indiquée sur notre borne comme longueur du 
parcours de la cité des Helves au Pagus Arecomicorum. 

Faut-il en induire qu'il s'agit d'une autre route, je ne le 
pense pas. Cette différence est trop petite pour ne pas l'expli- 
quer par une rectification postérieure. Si Antonin le Pieux n'a 
pas créé cette voie, il est incontestable qu'il la fit largement 
réparer en 144 et 145 de notre ère, ainsi que l'attestent les 
divers mitliairesqui ont été retrouvés (2). Le tracé en fut sans 
doute remanié à cette époque et on peut facilement admettre 
qu'il ait été raccourci. C'est sa longueur, deux siècles environ 
auparavant, qui est indiquée sur notre borne. Pour être bien 
fixé sur la différence, il faudrait procéder à une mensuration 
exacte, celle donnée par M. Aurès n'étant qu'approximative, 
et connaître les points de départ et d'arrivée servant de base 
au calcul de la distance. L'emplacement d'Alba situé au nord 
et à l'ouest du village d'Aps, couvrait un espace triangulaire 
d'un kilomètre à la base et de deux kilomètres sur les côtés (3). 
Si la mensuration partait du centre, cette différence disparaî- 
trait peut-être et serait en tout cas bien amoindrie. 

Les inscriptions relatant des distances en bloc ou récapitu- 
lant des distances partielles, étaient fort utiles pour renseigner 
et guider les voyageurs. Elles devaient être assez répandues 



( 1 ) Monogr. des Bornes Milliaires du Gard % p. 208 . 

(2) Hist. du Vivarais, par l'abbé Rouchier, t. I, p. 100 à 102; — Cor- 
pus I.-L., t. XII, p. 664-665 ; — Hist. du Languedoc, t. XV, p. 1096- 
1098; — Aperçu géographique sur le pays des He (viens, par F. St-An- 
déol, 1861, in-8% p. 21. 

(3) St-Andéol. Aperçu géographique sur le pays des Helviens, p. 23 ; 
— Rouchier, Hist. du Vivarais, p. 77-78. 



BORNE INDIQUANT LA DISTANCE D ALBA A NEMAUSUS I97 

puisqu'on en a retrouvé deux en Egypte et une en Nubie (1), 
et cependant on n'en connaît qu'un très petit nombre. Celles 
de la Gaule datent toutes, ainsi que ces dernières, de la pé- 
riode impériale (2). La nôtre prouve que l'usage en existait 
aussi sous la République dans la Narbonnaise comme en 
Italie. M. Mommsen en cite une donnant les distances de 
Pola à Nucérie et à Capoue, qu'il fait remonter à l'époque des 
Gracques (3). 

Ce fut peu de temps après la conquête de la province, Tan 
122 ou 121 avant notre ère, qu'eut lieu l'annexion des terri- 
toires des Helves et des Arécomiques. 

Si le chemin qui en reliait les capitales n'était pas alors 
en bon état, il ne tarda pas sans doute à être amélioré, car les 
Romains se préoccupaient beaucoup de la viabilité dans tous 
les pays soumis à leur domination. Cette route avait d'ailleurs 
une certaine importance, elle traversait une contrée fertile 
et bien peuplée dont les Massaliotes eurent la suprématie 
pendant quelque temps (4). D'autre part, elle aboutissait à la 
Via Domitia, si fréquentée, qui allait d'Arles aux Pyrénées, 
et formait le prolongement de la Via Aurélia se dirigeant 
vers l'Italie. L'érection, à son point de départ, d'une borne 
indiquant la distance totale d'Alba à Nemausus, à une épo- 
que aussi ancienne, s'explique d'autant mieux, que les mil- 
liaires empiacés sous la République n'étaient pas numéro- 
tés (5). 



(1) Comptes-rendus de VAcad. des Insnrip. et Belles-Lettres. 1900, 
pp. 73-83. 

(2) Desjardins, Géogr* de la Gaule romaine, pp. 109, 189 à 192. — 
Corpus inscr. lat. y XII, n* 5,671. 

(3) Corpus inscr. lat., t. I, n° 55 1, p. 154. 

(4) Histoire du Languedoc, t. XV, p. 1087-1089 — J. César, Bell, 
civ. I, 35. 

(5) Monogr. des Bornes militaires du Gard, par M. Aurôs, p. 5 et 16 
— Géogr. de la Gaule romaine, par Desjardins, t. IV, p. 17 a 175. 

Ludovic VALLENTIN. 



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TABLEAU DES MEMBRES 



DE LA 



SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE 

ET DE STATISTIQU E 
de la tDrôme en igoo 



Président d'honneur: 

M. le Préfet de la Drôme. 

Président honoraire : 

Mgr TEvêque de Valence. 

Membres titulaires : 

Messieurs, 

Arces (le marquis d'), à Mercurol. 

Auric, ingénieur des ponts et chaussées, à Valence. 

Baboin (Henri), ancien député, au château d'Alivet, 
près Renage. 

Bellet (Mgr), à Tain. 

Bellier du Charmeil, ancien magistrat, avocat, à 
Valence. 

Bernon (J. de), docteur en droit, à Paris. 

Bony (M me ), née deGallier, à Tain. 

Boucod (Auguste), à Saint- Vallier. 

Bouffier (Amédée de), à Livron. 

Brun-Durand (Justin), ancien magistrat, à Crest. 

Céas (Jules), imprimeur, à Valence. 

Chabrières-Arlès (Auguste), à Lyon. 



TABLEAU DES MEMBRES DE LA SOCIETE. I9Q 

Chabrillan (le comte de), à Paris. 

Chabrillan (le comte Paul de), à Saint- Vallier. 

Chatenier, directeur de l'Ecole supérieure, à Bourg- 
de-Péage. 

Chevalier (le chanoine C.-U.-J.), membre non résidant 
du Comité des travaux historiques, à Romans. 

Chevalier (le chanoine Jules), professeur au Grand- 
Séminaire, à Romans. 

Clément (Emile), à Romans. 

Colomb (Victor), directeur de l'Assurance la France, 
secrétaire adjoint de la Société, à Valence. 

Cuoc, professeur à l'Ecole supérieure, à Valence. 

Du Port-Roux, à Romans. 

Emblard, ancien magistrat, à Valence. 

Faure-Biguet, conseiller à la Cour de cassation, à 
Paris. 

Faure, ancien président du tribunal, à Valence. 

Favier, pharmacien de r* classe, à Pierrelatte. 

Fillet fie chanoine), curé de Grignan. 

Florans (le marquis de), à la Roque-d'Anthéron. 

Fontgalland (Anatole de), à Die. 

Forquet de Dorne, premier président de la Cour 
d'appel d'Angers. 

Franck (Maurice), conseiller de préfecture, à Angers. 

Froment (l'abbé), pro-curé de Mercurol. 

Gaillard, avoué, à Valence. 

Gaillard-Bancel (de), député, à Allex. 

Galle, agent-voyer d'arrondissement, trésorier de la 
Société à Valence. 

Gallier (Humbert de), à Paris. 

Girardon, avocat, à Divajeu. 

Guilleminet, ancien professeur, à Valence. 

Isnard (le chanoine), curé à Suze-la- Rousse. 



200 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

La Baume (de) marquis du Puy-Montbrun, à la Garde- 

Adhémar. 
Lacroix (André), archiviste départemental, secrétaire 

de la Société, à Valence. 
Latune (Gustave), à Crest. 
Mas (le comte Pierre de), à Tain. 
Maurin (Alcide), docteur en médecine, à Crest. 
Mazet (le chanoine), aumônier, à Valence. 
Meaudre (Lodoïs), ancien magistrat, à Paris. 
Mellier, propriétaire, à Valence. 
Messie, avocat, à Montélimar. 
Meynot (Adolphe), à Donzère. 

Monier de La Sizeranne (le comte), à Beausemblant. 
Monteynard (le comte de), à Montelier. 
Montluisant (de), capitaine d'infanterie, officier d'or- 
donnance du général au XVII" corps d'armée, à 

Bordeaux. 
Morin-Pons, auteur de la Numismatique féodale du 

Daupkiné, à Lyon. 
Morin (Henri), à Dieulefit. 
Mossant (Charles), conseiller général, vice-président 

de la Société, à Bourg-de- Péage. 
Noyer (Charles), conseiller général, à Dieulefit, 
Nucues (Alphonse), vice-président de la Société, à 

Romans. 
Peloux (Jules), inspecteur général honoraire des ponts 

et chaussées, vice-président de la Société, à 

Valence. 
Perrossier (le chanoine Cyprien), archiviste diocésain, 

à Bayanne, par Alixan. 
Prompsal (Emile), à Châteaudouble. 
Reboul de la Juillière, ancien auditeur au Conseil 

d'Etat, au château de Vaire, par Roche-les-Beaupié. 
Rey, architecte, à Valence. 



I » 



TABLEAU DES MEMBRES DE LA SOCIETE. 20 I 

Reynaud, Maître des Requêtes au Conseil d'Etat, 
maire de Die, à Paris. 

Reynaud (l'abbé), curé de Loriol. 

Sabatier (Paul), à Crest. 

Sayn (Gustave), à Montvendre. 

Soubeyran de Saint-Prix, juge, à Marseille. 

Thomé, ancien notaire, à Lyon. 

Tracol, architecte, trésorier adjoint de la Société, à 
Valence. 

Urtin (Marc), avocat, maire de Bourg-lès-Valence, à 
Valence. 

Vallentin, ancien magistrat, président de la Société, 
à Montélimar. 

Villard (Marius), architecte-voyer de la ville, à Valence. 

Membres correspondants : 

Messieurs, 

Adhémar (le comte Victor d'), à Toulouse. 

Autane (le comte d 1 ), au prieuré d'Ardènes, à Mane 

(Basses-Alpes). 

Battendier (le chanoine), directeur de la Semaine reli- 
gieuse, à Viviers. 

Baume-Pluvinel, (M Ue la marquise de La), à Paris. 

Belmont, à Lyon. 

Benoit d'Entrevaux, à Lyon. 

Benoit d'Entrevaux, au château d'Entrevaux, près 
Privas. 

Bernard, conseiller à la Cour d'appel de Grenoble. 

Berthin (Eolde), à Beaurepaire (Isère). 

Bertrand (l'abbé Isidore), à Bar-le-Duc. 

Béthoux (l'abbé), à Saint-Michel-en-Beaumont (Isère). 

Beylié (Jules de), ancien magistrat, à Grenoble. 

Blanchet (Augustin), manufacturier, à Rives, 



202 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Blanchet (Paul), manufacturier, à Rives. 
Blanchet (Victor), à la papeterie, à Rives. 
Boisgelin (le marquis de), à Aix (Bouches-du-Rhône). 
Boissieux (Maurice de), à Lyon. 
Bourg (Gontran du), au château de l'Ile-Vieille, près 

Montdragon. 
Brosset-Heckel (Edward), à Lyon, 
Boyer de Bouillane, avocat, à Paris. 
Caize (Albert), membre de la Société des gens de lettres, 

au Havre. 
Chaper, à Grenoble. 
Champavier (Maurice), à Paris. 
Chapon (Jules), à Paris, (agence Parisienne de la 

Gironde et la Petite Gironde), conseiller général de 

la Drôme. 
Chenavas, député, conseiller général de l'Isère, à 

Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs. 
Colas de la Noue, ancien magistrat, à Angers. 
Courcival (de), à Paris. 

Dupré-latour, ancien magistrat, avocat, à Paris. 
Falavel, notaire, à Saint-Marcellin. 
Faucher (Paul de), à Bollène. 
Faure (Maurice), député de la Drôme, à Paris. 
Fayard, ancien conseiller à la Cour d'appel de Lyon, à 

Lyon. 
Flachaire de Roustan (Marcel), à Lyon, 
Franclieu (Mlle Aimée de), au château de Longpra- 

sur-Saint-Geoirs. 
Fuzier (Louis), à Lavoulte. 
Gap (Lucien), instituteur, à Aubignan (Vaucluse). 
Gauduel, ancien greffier à la cour de Grenoble, à 

Grenoble. 
Gréa (R. P.), supérieur des chanoines réguliers à Saint- 
Antoine. 



TABLEAU DES MEMBRES DE LA SOCIETE. 2û3 

Grégoire (Félix), rédacteur au cabinet du Préfet de 
Police, à Paris. 

Guillaume (le chanoine), archiviste des Hautes-Alpes, 
à Gap. 

Guillemin (Paul), inspecteur de la navigation et des 
ports de la Seine, à Paris. 

Jouffroy (A.), chef d'escadron d'artillerie, sous- direc- 
teur de la manufacture d'armes, à Saint-Etienne. 

Juigné de Lassigny (de), à Lyon. 

Lagier (l'abbé), curé de Saint-Antoine (Isère). 

Lavauden, ancien préfet, avocat à Grenoble. 

Lombard, avocat, à Grenoble. 

Maignien (Edmond), bibliothécaire de la ville, à Gre- 
noble. 

Menteyer (Georges de), membre de l'Ecole française, 
â Rome. 

Marbel de Goomens, pasteur, à St-Fortunat (Ardèche). 

Masimbert, avocat, à Grenoble. 

Mazon, publiciste, à Paris. 

Miribel (comte de), à Villard-Bonnot (Isère). 

Montclar (le marquis de), consul général à Caracas. 

Montalivet (Georges de), à Paris. 

Montravel (le vicomte de), à Joyeuse. 

Monts (le comte de), au château d'Armanais, à Balbin, 
près la Côte-Saint-André. 

Morel (Louis), à Chazay-d'Azergues (Rhône). 

Moulin (Martial), à Paris. 

Oriol (l'abbé), à Annonay. 

Parisot de la Boisse (Jules de), à Montpellier. 

Perrin (Félix), libraire, à Grenoble. 

Perrossier (Erhest), colonel en retraite, à Toulouse. 

Petit (l'abbé), curé à Bourgoin. 

Perrot, chef de division en retraite de la préfecture de 
l'Isère, à Grenoble. 



204 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Poidebard (William), à Lyon. 

Poncins (le comte de), à Feurs. 

Prunières (le comte de), au château de la Baume- 
Seyssins, près Grenoble. 

Reynaud (Horace), avocat, ancien magistrat à Lyon, 

Robert (l'abbé Louis), à Paris. 

Roman (Joseph), avocat, à Gap. 

Sagnier, de l'Académie deVaucluse, à Avignon. 

Saint-Genis (Victor de), ancien conservateur des 
hypothèques, délégué cantonal du 2 e arrondisse- 
ment, à Paris. 

Saint-Victor (Ch. de), à Lyon. 

SAUREL(le chanoine), trésorier à l'Académie de Mont- 
pellier, à Montpellier. 

Sollier (Léon), à Saint-Georges-d'Espéranche. 

Terrebasse (de), à Ville-sous-Anjou. 

Tour-du-Pin-Chambly (marquis de la), au château 
d'Arrency par Festieu. 

Tour-du-Pin-la-Charce (Humbert, comte de la), au 
château de Bezonville, par Sermaize. 

Tour-du-Villard (marquis de la), à Nîmes. 

Truchet (l'abbé), curé de Four (Isère). 

Vachez, secrétaire de l'Académie de Lyon. 

Vallentin du Cheylard (Roger), receveur de l'enre- 
gistrement, à Saint-Péray. 

Vaschalde, directeur de l'établissement de Vais. 

Vellot (A.), avocat, à Grenoble. 

Communes abonnées : 

Annonay (Bibliothèque). — Aouste. — Barbières. — 
Bourg-de-Péage. — Crest. — Grenoble (Bi- 
bliothèque). — MONTÉLIMAR. — MONTRIGAUD. — 
Romans (Bibliothèque). — Château ne uf-de-Galaure. 

Archives départementales de l'Isère. 



LES COMTÉS DE VALENTINOtS ET DE DIOIS. 20b 



MÉMOIRES 

<POU<R SEI^VIlï o4 L'HISIOmE 

DES 

COMTÉS DE VALENT» ET DE DIS 



(Suite. — Voir les 122* à i33 # livraisons.) 



#VMMVWMAMVMMW^MW 



Une fois établi en Dauphiné, Louis reprit ses projets avec 
cette ardeur fébrile qui ne lui laissait pas un instant de repos, 
et même, étendant ses vues ambitieuses par delà le Venaissin, 
il rêvait déjà, dans un avenir plus ou moins éloigné, l'annexion 
de la Provence et du littoral méditerranéen. Les circonstan- 
ces paraissaient vouloir le favoriser. Le légat d'Avignonj, 
le cardinal Pierre de Foix, diplomate consommé, habile à se 
ménager la confiance de tous, lui était secrètement dévoué. 
Le cardinal, étant venu le saluer à Romans, il fut question, 
dit-on, dans cette entrevue, des conditions auxquelles la cour 
romaine consentirait à faire abandon au prince de ses droits 
sur Montélimar (1). Quoi qu'il en soit, après un court séjour 
à Romans, le dauphin n'avait pas tardé à descendre à Valence 
et de là à Montélimar, où nous le trouvons du 21 février 
1447 au 2 mars, recevant différents hommages et signant plu- 
sieurs ordonnances, celle entre autres qui crée une chancellerie 
en Dauphiné (2). Il repassa à Montélimar vers la fin d'avril, 
alors qu'il se rendait en Provence pour y accomplir de pieux 

(1) Chômer, t. II, p, 439. 

(2) Pilot, n # 3 i3-37i. — De Coston, t. H. p. i3. 



206 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

pèlerinages aux tombeaux de sainte Marie-Madeleine (i), de 
sainte Marthe (2) et de saint Lazare (3), car il aimait ce genre 
de dévotion, et aussi, il ne faut pas en douter, pour nouer 
des intrigues, préparer les voies à la réalisation de ses vastes 
desseins. A son retour, il s'arrêta à Carpentras le i3 mai. Il 
y avait donné rendez-vous au cardinal Pierre de Foix, et ils 
signèrent le traité par lequel le pape renonçait à tous ses 
droits sur la portion de Montélimar qui appartenait à l'Eglise 
romaine, moyennant la cession de la terre et seigneurie de 
Grillon. Comme cette terre était alors possédée par Giraud 
Adhémar, seigneur de Grignan, le dauphin s'engageait à la 
retirer des mains de ce seigneur, à lui payer toutes les répara- 
tions qu'il aurait pu y faire et enfin à lui en donner une com- 
pensation convenable. Le souverain pontife conserverait sur 
Montélimar sa juridiction d'appel, ainsi que l'hommage du 
dauphin. De plus, il était statué que cet acte ne serait défini- 
tif qu'après la sanction pontificale (4). 

Le 25 mai, Louis était à Montélimar, entouré des princi- 
paux membres de son conseil : c'étaient Jean Girard, arche- 
vêque d'Embrun, Guillaume de Poitiers, évêque de Viviers, 
Yves Scépeaux, chancelier, Louis de Laval, seigneur de 
Châtillon, Amaury d'Estissac, Guillaume de Coursillon, 
Charles de Berton, seigneur de Crillon, Antoine, seigneur 
de Prié, Théolde de Valpergue, bailli de Lyon, Jacques de 
Chabannes, sénéchal du Bourbonnais, Guillaume, bâtard de 
Poitiers, Romanet Veilheu, administrateur perpétuel de 
l'évêché de Saint-Paul-Trois-Châteaux. En présence de tous 



(1) Faillon, Monuments inédits de V apostolat de sainte Marie-Ma- 
deleine... , Paris, in-4 , t. I ,r , p. 999-1000. 

(2) Faillon, Op. cit., p. 1245. — Bouche, Hist. de Provence, t. II, 
p. 459. 

(3) Albanès, Armoriai et sigillographie des évêques de Marseille, 
in-4 # (1884), p. 1 j6. 

(4) Choriek, t. II, p. 439. — De Coston, t. II, p. i5. — Pilot, n° 451. 
— Cartulaire de Montélimar, p ( 283. — Archives de l'Isère, B, 3o3i. 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 20J 

ces hauts personnages, Giraud Adhémar céda au dauphin la 
terre de Grillon, et reçut du prince, en échange, celle de 
Marsanne, ainsi que la moitié du péage de Lène et des Anses 
de Savasse. Il en fut mis en possession le 27, par Aimar de 
Poissieu dit Capdorat (:). Le dauphin étant dès lors en 
mesure de s'acquitter de ses engagements envers le légat, la 
terre de Grillon, qui avait autrefois appartenu à l'Eglise 
romaine (2), lui fit donc retour. Nicolas V qui venait de 
succéder à Eugène IV, et qui avait le plus grand intérêt à 
entretenir de bonnes relations avec le dauphin, ratifia par une 
bulle du 14 octobre, tout ce qui avait été conclu par son 
légat (3). 

Les Montiliens n'avaient donc plus qu'un seul seigneur, le 
dauphin de Viennois. Ils s'inquiétèrent des conséquences 
que pourrait avoir pour eux ce changement, attendu que si 
on les assimilait aux dauphinois, il leur faudrait désormais 
prendre leur part des impôts votés par les Etats, et ils savaient 
que le prince demandait toujours de Pargent. Eux-mêmes, 
en lui offrant 5oo florins comme don de joyeux avènement, 
avaient pensé lui faire un présent" convenable, et voici qu'il 
n'avait pas trouvé le don suffisant et qu'il en réclamait 600. 
Les conseillers suivaient l'exemple du maître: Guillaume, 
bâtard de Poitiers, demandait 60 florins au lieu de 5o qu'on 
lui offrait (4). Louis voulut calmer les esprits, et le 3o mai, il 
confirma les franchises de la ville et en accorda de nou- 
velles. Il dispensa, notamment les consuls de se rendre aux 
assemblées des trois Etats, quand même ils y seraient con- 



(1) — Pilot, n° 455. Archives de l'Isère, B, 2983, f° 164 v ft et B, 
2990, 3o3i. 

(2) Le 24 octobre i383, Clément VII avait acquis de Giraud Adhémar, 
seigneur de Grignan, le moitié de Montélimar et lui avait donné en 
échange la terre de Grillon. Cartulaire de Montélimar, p, 201, — De 
Coston, t. I, p. 342. 

(3) Cartulaire de Montélimar, p. 289. 

(4) De Coston, t. II, p. 17. 



208 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

voqués, et exempta les habitants de tous subsides, dons et 
impôts qui y seraient votés (i). Il accorda dans la suite d'au- 
tres privilèges, non moins précieux, à ses sujets de Montélimar 
et se plut à rehausser l'importance de leur ville. Par lettres 
patentes délivrées à Sauzet, le 17 mai 1449, *1 ^ eur accorda 
deux foires franches par an, de trois jours chacune, l'une le 
lendemain de la Sainte-Croix, et l'autre le lendemain de la 
Saint-Martin (2). Il affranchit ensuite les Montiliens, présents 
et à venir, de tous les péages domaniaux. Il créa dans leur 
ville un grenier à sel (3). Enfin il obtint du pape Nicolas V 
une bulle du 10 juin 1449 qui autorisait l'érection de l'église 
paroissiale de Sainte-Croix en collégiale, supprimait l'ancien 
prieuré d'Aygu et affectait ses biens à l'entretien du doyen, 
du sacristain, des huit chanoines, des six choriers et des six 
petits clercs chargés du service de la nouvelle collégiale (4). 
Mais r exécution de cette bulle ne put se faire sans provoquer 
les plus vives réclamations de l'abbé et des religieux de l'Isle- 
Barbe, à qui appartenait le prieuré d'Aygu (5). 

Sur la route de Valence à Montélimar, se trouve le bourg 
d'Etoile : c'était au xv e siècle une des places les plus impor- 
tantes du Valentinois. Les comtes aimaient autrefois à y fixer 
leur résidence, parce qu'ils y rencontraient tout à la fois la 
sécurité et les agréments que pouvait offrir un château 
féodal admirablement situé et défendu par de hautes et solides 
murailles. Depuis le traité de 1426, qui avait mis fin aux re- 
vendications des Poitiers-Saint- Vallier sur l'héritage de leur 
cousin le comte Louis II, Etoile appartenait à cette famille; 
elle lui avait été engagée pour lui faire 900 florins de rente à 
valoir sur les 5 000 qui lui étaient promis par le traité ; mais 
il avait été stipulé qu'au bout de 9 ans, le roi retirerait cette 

(i) Cartulaire de Montélimar, p. 283-5. 

(2) Cartulaire de Montélimar, p. 285-7. 

(3) De Coston, t. II, p. 19. 

(4) Cartulaire de Montélimar, p. 287. 

(5) De Coston, t. II, p. 38-44. 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 209 

terre en assignant toutefois au seigneur de Saint-Vallier 
d'autres revenus équivalents. Les 9 ans écoulés, le roi n'avait 
rien changé à l'état des choses, et Charles II de Poitiers, 
jouissait paisiblement de sa belle seigneurie d'Etoile, comme 
d'un bien désormais acquis à sa famille. Le dauphin Louis, 
vint tout-à-coup le troubler dans ses illusions. Devenu maître 
de Montélimar, il voulut avoir Etoile, et le 22 août 1448, il 
enjoignit au conseil delphinal de faire rentrer dans le domaine 
la terre d'Etoile, celle de la Vache et le péage de Parpail- 
lon (1) ; on offrit en compensation au seigneur de Saint-Vallier 
900 florins de rente sur les grandes gabelles de Romans (2). 
Charles refusa de souscrire à cet échange, et il est aisé de 
comprendre qu'il ne fut pas à court de raisons pour justifier 
sa résistance. Louis qui ne supportait pas qu'on mît les 
moindres obstacles à ses volontés, et qui, sans doute, était 
bien aise d'humilier un des seigneurs les plus puissants de la 
province, fit aussitôt occuper Etoile et ne laissa dès lors 
échapper aucune occasion de créer des ennuis à son vassal 
récalcitrant (3). 

Pierrelatte excitait encore la convoitise du dauphin, à cause 
surtout de Ja situation stratégique du lieu, qui est, pour ainsi 
dire, la clé de la Provence. Il n'est rien de plus obscur que 
l'histoire féodale de ce petit pays, partagé au xv e siècle entre 
plusieurs familles seigneuriales, vassales de la cour romaine (4). 
Louis éleva des prétentions à leurs hommages ; il excita à la 
révolte les vassaux du saint siège, qui se déclarèrent exclusi- 
vement les feudataires du prince. Bientôt un coup plus grave 
est porté aux droits du pape. « A la suite d'une rixe qui avait 
« éclaté entre les habitants de Caderousse et des sujets de la 
« couronne, au passage du Rhône, quelques-uns de ces der- 

(1) Pilot, n° 65 1. 

(2) Anselme, t. II, p. 2o3. 

(3) Archives de la Drôme, E, 2486, f # 174-8. 

(4) Lacroix, L'arrondissement de Montélimar, t. VII, p. 19-28. 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — IÇOO. 14 



2IO SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

« niers ayant été blessés ou tués, le dauphin exigea des Etats 
« (du Venaissin) et du légat d'Avignon, une somme de 
« 4,000 écus comme compensation des torts faits à ses vas- 
« saux, et n'étant qu'à demi satisfait de ces concessions, Louis 
<r met la main sur Pierrelatte (1). » Il veut ensuite posséder 
à lui seul cette terre et achète aux quatre seigneurs qui la 
tenaient leurs parts de juridiction. Le i3 mai 1450, noble 
Etienne Moreton, procureur d'Antoine Moreton son père, 
un des co-seigneurs de Pierrelatte, étant venu le trouver à 
Alixan, lui abandonne ses droits et reçoit en échange la sei- 
gneurie de Chabrillan ; le dauphin ne se réserve sur le man- 
dement que les hommages des nobles qui l'habitent (2). Le 
même jour, Aimar d'Urre échange la quatrième partie des 
château et terre de Pierrelatte contre la terre et seigneurie 
de Vaulnaveys, que le dauphin se réserve de recouvrer 
moyennant une somme de 1200 florins (3). Quelques jours 
auparavant, à Etoile, Antoine d'Urre, habitant d'Allex, en 
qualité d'administrateur des biens de Jean et d'Antoine 
d'Urre, dit Cornillan, héritiers d'Aymar Cornillan, co-sei- 
gneur du Puy-Saint-Manin, vendait au dauphin, pour le prix 
de 25o florins, une autre portion de la terre de Pierrelatte (4). 
Entin, Claude Audigier, de Saint-Paul-Trois-Châteaux, tant 
en son nom qu'en celui de son épouse, vendait à son tour au 
prince, tous ses droits sur la huitième partie de cette même 
terre, moyennant 25o florins (5). Louis confirma Tannée 
suivante et le i5 février les libertés de Pierrelatte (6). 

Le bourg fortifié de Pierrelatte, avec son donjon au som- 
met du célèbre rocher, fut pour le dauphin, une sorte de 



(1) R. Rey, Op. cit., p. 287-8. 

(2) Archives de l'Isère, B, 3049, f» 78. Antoine Moreton était fils de 
Raymond et avait pour frère Pierre Moreton, auteur de la branche des 
Granges-Gontardes. 

(3) Pilot, n* 756. 

(4) Pilot, n° 757. 

(5) Pilot, n # 758, 759, 760 et io5i. 

(6) Lacroix, L'arrondissement de Montélimar, t. VII, p. 67. 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 2 I I 

poste militaire, de citadelle avancée, de laquelle il surveillait 
les terres de l'Eglise, ne se gênant guère pour y fomenter le 
désordre, et se préparant, à la première occasion, d'y inter- 
venir à main armée. C'est ainsi que s'étant porté en revendica- 
tion des biens et héritages des neveux du maréchal Boucicaut, 
les fils de Geoffroy Le Meingre, mort en 1429, Louis et Jean 
Le Meingre, il faisait, en cette même année 1450, réclamer 
aux Etats du Venaissin une stmme de 6000 francs, usant de 
menaces et de violence pour cherchera intimider les Comta- 
dins (1). Mais ce sont là des faits qui ne se rattachent 
qu'indirectement à notre sujet ; ils permettent, du moins, de 
saisir au vif les procédés de ce prince fourbe et audacieux, 
pour qui tous les moyens menant au but devenaient légitimes. 

L'année 1450 est précisément celle qui marque le triomphe 
de l'autorité delphinale, la disparition de tous les restes de 
souveraineté, d'indépendance féodale, la formation complète, 
définitive de l'unité politique de la province. Cette année vit 
successivement Tévêque de Valence et de Die, l'archevêque 
de Vienne, l'évêque de Grenoble, les chanoines de St-Barnard 
de Romans, jusqu'alors princes indépendants, signer avec 
le dauphin des traités de partage, qui dans une certaine 
mesure, sauvegardaient leur dignité et leur amour-propre, 
mais qui, en réalité, n'étaient autre chose que l'abdication de 
leur pouvoir souverain, et la reconnaissance officielle de la 
suzeraineté delphinale. 

Les traités de partage étaient pratiqués en France depuis 
longtemps. Sous Philippe-Auguste, ils avaient déjà pris une 
extension considérable. Les lettres de sauvegarde ou de pro- 
tection, dont nous avons plusieurs fois parlé, portaient une 
grave atteinte aux seigneuries particulières; les pariages furent 
Je moyen dont se servit souvent le roi pour étendre sa domi- 
nation directe sur des villes et des territoires qui leur appar- 
tenaient. Les pariages étaient des contrats en vertu desquels 

(1) R. Rev, Op. cit., p. 2S4-7. 



2 I 2 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

les seigneurs associaient la royauté au dominium de leurs 
terres. Ils avaient lieu le plus souvent pour les seigneuries 
ecclésiastiques. Les évoques et les abbés, menacés par les 
convoitises des hauts barons, avaient senti la nécessité d'une 
association qui leur offrait de sérieuses garanties contre leurs 
ennemis. Les conditions du pariage n'étaient pas partout les 
mêmes ; elles étaient stipulées entre les contractants. D'une 
manière générale, on peut dife que l'administration de la 
localité en pariage appartient aux co-seigneurs qui l'exercent 
en commun. Tous deux ont les mêmes droits judiciaires et 
politiques ; ils ont chacun leur juge, et le juge de l'un ne peut 
faire aucun acte de justicier sans la présence et l'assentiment 
de son collègue. Les revenus de toute nature, cens, justice, 
moulins, fours, champs, vignes, prés, pêcheries sont partagés 
exactement par moitié entre les deux seigneurs. Le roi toute- 
fois a la propriété exclusive du donjon de la localité, et il 
peut construire les fortifications qu'il jugera convenable. 
Enfin, il est toujours stipulé que le roi ne pourra, en aucun 
cas, céder à un autre prince sa part de souveraineté dans la 
ville, objet du traité (i). 

Telles sont les grandes lignes de ces sortes de contrats. Il 
nous faut maintenant expliquer au lecteur comment notre 
jeune dauphin, avec habileté, disons le mot, avec perfidie, mit 
tour à tour en œuvre la diplomatie et la violence pour vaincre 
les résistances des prélats et leur imposer le joug. Il faut le 
reconnaître, il fut heureusement servi par les circonstances 
et les hommes, surtout en ce qui concerne les Eglises de 
Valence et de Die, celles dont nous avons tout particulière- 
ment à nous occuper ici. 

Dans ces dernières années, les Eglises de Lyon et de Vienne 
avaient été profondément troublées par des luttes de partis, 
en vue de faire monter sur ces sièges métropolitains, tels ou 



(i) Paul Viollet, Hist. des institutions politiques et administratives 
de la France. Paris, t. II (1898), p. 171 -4. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 2 I 3 

tels compétiteurs ; luttes dont l'Eglise de Valence ressentit le 
contre-coup. Les faits sont assez instructifs et assez peu 
connus pour mériter d'être rappelés sommairement. Amédée 
de Talaru, archevêque de Lyon, était mort le 1 1 février 1444, 
le roi et le dauphin, qui cherchaient à placer leurs créatures 
sur les grands sièges du royaume et tendaient à annihiler le 
droit d'élection appartenant aux chapitres, invitèrent les cha- 
noines de Lyon à diriger leur choix sur Geoffroy Vassal, 
archevêque de Vienne, ancien président du parlement de 
Paris. Ceux-ci, fiers de leurs privilèges, lui préférèrent 
Charles de Bourbon, chanoine-comte de Lyon, âgé à peine 
de onze ans, et l'élurent le 7 avril. Geoffroy s'adressa à 
Rome, et le pape, cassant l'élection faite par les chanoines, le 
pourvut du siège vacant. Mais les chanoines protestèrent, 
s'appuyant sur les statuts de leur église, sur la pragmatique 
et sur les ordonnaces royales. Les efforts du chapitre, secon- 
dés par ceux de la maison de Bourbon, finirent par l'empor- 
ter, et le 29 octobre 1445, il recevait notification officielle que 
l'élu de son choix était agréé par la cour, sous la réserve 
d'une pension de 1000 ducats en faveur de Geoffroy Vassal (1). 
L'attitude des Chanoines de Lyon ne fut pas, sans doute, sans 
influence sur la conduite que ceux de Vienne tenaient en 
ce même temps. En remplacement de Geoffroy Vassal, 
Eugène IV avait nommé à Vienne Jean Girard, archevêque 
d'Embrun, et donné pour successeur à ce dernier Jean de 
Montmagny (2). Le chapitre de la métropole viennoise refusa 
de recevoir le pasteur que le pape lui avait choisi, et il élut 
Louis de Poitiers, abbé de Saint-Félix, neveu de Jean de 
Poitiers, évêque de Valence. 



(1) Allmer et Terrebasse, Inscriptions antiques de Vienne. Moyen 
âge, t. I, p. 3?4-9. 

(2) Charvet, Hist. de Vienne^ p. 507. — Gallia Christiana, t. XVI, 
col. 21 3. Jean Girard continua à demeurer sur le siège d'Embrun jus- 
qu'à sa mort, le 17 janvier 1457. 



2f4 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Quand le dauphin arriva dans la province, ces difficultés 
étaient loin d'être apaisées. Avec le sens politique, l'absence 
de scrupules, la décision prompte que nous lui connaissons, 
il eut bientôt déterminé sa ligne de conduite. L'archevêque et 
le dauphin avaient depuis de longues années une juridiction 
commune sur le comté de Vienne, pour la portion des terri- 
toires s'étendant hors de l'enceinte des murailles de la ville, 
mais pour le territoire de la ville elle-même, dans l'intérieur 
des murs, la juridiction spirituelle et temporelle appartenait 
exclusivement à l'archevêque. Le père de Louis avait naguère 
entamé des négociations avec l'archevêque Jean de Nant, en 
vue de comprendre la ville dans le traité de pariage ; les évé- 
nements n'avaient point permis de les faire aboutir. Louis 
fut plus résolu. Sous divers prétextes, « dont les principaux 
« furent la régale et les réparations publiques », il s'empara 
de l'administration intérieure de la ville, et il « pratiqua si 
« heureusement le chapitre de l'église cathédrale et le peuple 
« de Vienne » qu'ils ne lui opposèrent aucune résistance (i). 
Plus encore dans le dessein d'amener les prélats à subir son 
protectorat et à partager avec lui leur autorité temporelle, que 
pour expliquer sa conduite, il leur envoya à tous, de Romans, 
une lettre datée du 31 mars (1447) pour les invitera se rendre 
auprès de lui dans cette ville, le mardi après Quasimodo, 
18 avril, afin de conférer ensemble « sur aucun débat et ques- 
« tions qui sont et peuvent estre de jour en jour, disait-il, 
« entre nos officiers et ceux de l'Esglise, à cause des juri- 
d dictions et subgez d'une part et d'autre, et pour iceulx 
« pacifier et entretenir en bonne union par le temps à venir 
« et garder nos subgez des oppressions indues, ainsi qu'il 
« appartient (2). » 

Nous ne savons ce que fit Jean de Poitiers en présence des 
agissements du dauphin. Peut-être n'y aurait-il aucune 



(1) Chokier, t. II, p. 441. 

(2) Bulletin de V Académie delphinale, t. II (1848), p. 454. 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DCOIS. 2\5 

témérité de supposer que le prince chercha à vaincre son 
opposition et à le gagner à sa cause, en s'employant auprès 
du pape Nicolas V pour lui faire obtenir l'archevêché de 
Vienne et pacifier ainsi le différend qui existait entre le cha- 
pitre de cette métropole et la curie romaine. C'était flatter 
l'ambition d'un vieillard pour arriver à lui imposer sa 
volonté. Ce qui est certain, c'est que Jean de Poitiers, par- 
venu à l'âge de soixante et dix-neuf ans, après avoir gouverné 
pendant cinquante-sept ans les deux diocèses de Valence et 
de Die, fut autorisé par une bulle du i er août 1447, à céder 
à son neveu Louis de Poitiers ses diocèses, en échange du 
siège métropolitain de Vienne, auquel celui-ci, comme nous 
le savons avait éié élu (1). On aurait pu craindre que le pape, 
gardien des droits et des prérogatives des Eglises, ne mît des 
barrières aux envahissements du dauphin et n'intimât aux 
évêques l'ordre formel de demeurer fidèles à leurs serments 
de conserver et de transmettre intacte à leur successeurs la 
temporalité de leurs églises. Mais le nouveau pape, incliné 
vers la paix et la conciliation, était favorablement disposé 
pour ce jeune prince, qui s'était empressé de lui envoyer une 
ambassade avec des félicitations à l'occasion de son avène- 
ment au trône pontifical (2) et qui s'employait en ce moment 
à éteindre le schisme en négociant les conditions auxquelles 
Félix V renoncerait à f la papauté .(3). On le voit, l'heure était 
bien choisie pour porter le coup décisif à la puissance tem- 
porelle des évoques de la province et l'on pouvait se promet- 



(1) Voir notre Essai hist. sur V Eglise et la ville de Die, t. II, p. 36g. 

(2) Parmi les personnes envoyées à Rome pour féliciter Nicolas V, 
nous trouvons Charles de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, et le 
célèbre Guy Pape. 

(3) On sait que Félix V renonça à ses prétentions au concile de Lau- 
sanne, le 7 avril 1449. et qu'ayant reçu le titre de cardinal de Sainte- 
Sabine et les dignités de légat et de vicaire apostolique à vie pour la 
Savoie, il se retira dans la solitude de Ripaille, sur le lac de Genève, 
où il mourut le 7 janvier 145 1. 



2l6 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

tre que la soumission du métropolitain de Vienne entraînerait 
celle des autres. 

Louis occupait la ville de Vienne ; Jean de Poitiers dut 
subir les exigences du maître. On voulut toutefois y apporter 
certains ménagements et donner à la soumission du prélat 
toutes les apparences de la légalité. Des plénipotentiaires 
furent nommés par les deux parties, à l'effet de discuter les 
conditions du pariage de la cité métropolitaine. Nous savons 
qu'au mois de février 1450 ils poursuivaient leurs travaux 
et ne parvenaient pas à tomber d'accord sur tous les points (1). 
Ce ne fut que le 21 septembre de cette année, à Moras, que 
l'acte définitif du pariage de Vienne fut signé (2). Le 2 mars 
1451, le dauphin étant à Chalaire près de Romans, le ratifiait 
et mandait au gouverneur ou à son lieutenant, aux gens du 
conseil et de la Chambre des comptes, d'en observer et d'en 
faire observer, à l'avenir, toutes les clauses (3). 

Pendant que le métropolitain subissait avec résignation la 
loi du plus fort, son neveu, Tévêque de Valence et de Die 
était aux prises avec les officiers du dauphin, qui lui avaient 
suscité une de ces querelles que la mauvaise foi trouve tou- 
jours moyen de faire naître. Louis de Poitiers avait fait 
arrêter et gardait dans ses prisons un certain Charles de 
Saint-Saturnin, ouvrier de Pierre Thomasi d'Avignon, qui 



(1) Archives de l'Isère, B, 3429. 

(2) Archives de l'Isère, B, 265 1. Les procureurs fondés des deux 
parties furent Yves Scépeaux, pour le dauphin, et Charles de Poitiers, 
seigneur de Suint-Vallier, et Guillaume, bâtard de Poitiers, pour l'arche- 
vêque. Acta fuerunt hec Morasii, in domo nobilis viri Francisci de 
Bellacumba, domini Murinaysii. Etaient présents Louis de Laval, gou- 
verneur du Dauphiné, Amaury d'Estissac, Jean, bâtard d'Armagnac, Jean 
de Vilayne, bailli des montagnes, Aymar de Poissieu, Antoine Bolo- 
mier, Jean Bochetel, Jean Bourré, etc. L'archevêque avait nommé ses 
procureurs par acte fait à Valence, in domo episcopali Valentina, in 
caméra constituentis, le 20 septembre 1450. — Il est à remarquer que 
Charvet, p. 509-10, assigne à cet acte la date du 3i octobre 1449. 

(3) Ordonnances des rois de France, n° 425. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 217 

avait fabriqué et essayé de mettre en circulation sur le 
territoire delphinal 1400 pièces fausses. Les officiers du 
dauphin prétendaient juger l'affaire et réclamaient que le 
faux monnayeur leur fût livré. Guy Chourpe, Aymar de 
Poissieu, Guy Pape et Jean de Cizerin vinrent à Valence et 
menacèrent l'évêque d'une amende de 5o livres d'or s'il 
n'obéissait pas. C'était, comme on le voit, en prendre à Taise 
avec le prélat sur les terres duquel le coupable avait été 
arrêté ; c'était la souveraineté même de l'évêque qui était en 
jeu et à laquelle on s'attaquait. Louis de Poitiers ne se fit 
pas illusion sur la portée et probablement sur l'issue de cette 
lutte. Il fit entendre des protestations, en appela au roi, au 
pape et soumit son cas au parlement de Toulouse. Les offi- 
ciers du dauphin menacèrent d'user de représailles, comme 
on disait alors d'user du droit de marque, c'est-à-dire de saisir 
des gages pour contraindre l'évêque à s'exécuter (1). 

Ce fut à la suite de cet incident, ménagé sans doute en vue 
de bien établir la nécessité d'une entente entre les deux 
pouvoirs à l'effet de faire cesser ces conflits de juridiction, 
que commencèrent les négociations qui devaient aboutir au 
traité de pariage. Le célèbre Guy Pape fut délégué par le 
conseil pour en discuter avec les plénipotentiaires de l'évêque 
toutes les clauses ; il reçut même à cet effet des instructions 
très complètes que nous possédons encore, une formule où 
tout était prévu, devant servir de modèle pour la rédaction 
de l'acte définitif. Les conférences se terminèrent à Die et 
c'est dans cette ville, le 10 septembre 1450, que Louis de 
Poitiers signa sa propre déchéance, reconnut le dauphin 
pour son souverain, tant en son nom qu'en celui de ses 



(1) Guid. Pape, Decisiones. Lugduni, 161 o, in-folio, p. 38, quest, 
xxxiv. Columbi, p. 324. Chorier, p. 444. Dans le registre des délibéra- 
tions consulaires de Valence, nous voyons que le 26 janvier 1447 (n. s.) 
le conseil décide de faire un emprunt pour se préserver de la marque 
dont les menacent Guy Pape et Copier au nom du dauphin, 



2 l8 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

successeurs, et soumit à l'hommage le temporel des Eglises 
de Valence et de Die. 

Nous avons sous les yeux le texte authentique de cet acte 
qui marque une date mémorable dans l'histoire du Valenti- 
nois; il comprend huit articles. Le premier déclare que 
Pévêque a reconnu le dauphin pour son souverain. On entre 
ensuite dans beaucoup de détails sur les droits seigneuriaux, 
notamment sur ceux de justice, laissés à Tévêque ou désor- 
mais accordés au prince : 

« Item, a été transigé, convenu et accordé entre lesdites 
« parties que doresnavant, paisiblement, sans aucun contre- 
« dit, singulièrement et pour le tout, appartiendra à mondit 
« seigneur et aux siens, la souveraineté et ressort desdites 
« villes, cités, forteresses, villages, mandements, juridictions, 
« hommes, vassaux, sujets, hommages, habitants et apparte- 
« nances d'icelles, et de toute la temporalité dessus dites, 
« ensemble toutes appellations, et que dores en avant lesdits 
« hommes, vassaux, subjets et habitants, leurs successeurs et 
« autres survenants en icelle, auront recours, pour raison de 
« ladite temporalité à mondit seigneur, comme souverain et à 
« ses officiers et commis, en tout cas de souveraineté, ressort et 
« seigneurie avec la perception de tous droits, émoluments 
« et prééminences, lesquelles appartiennent pour raison de 
« souveraineté et ressort, sans que doresnavant ledit évêque, 
a ses hommes, vassaux, sujets et habitants puissent ni doivent 
« pour raison de ladite temporalité, appeler ni avoir recours 
« autre part que devant mondit seigneur et ses officiers à ce 
« commis sur peine de l'indignation de mondit seigneur et 
« autres peines de droit. 

« Et au regard des appellations a été déclaré qu'on en 
« userait en la manière qu'on faisait, c'est-à-dire qu'en tant 
« que touche lesdits sujets mouvant dudit eveque, les ap- 
« peaulx, et ressorts de son juge ordinaire en viendront tout 
« droit et sans moyen devant le sénéchal de Valentinois ou 
« son lieutenant, et y auront iceux sujets recours par appel, 



i 

1 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 2ig 

«sans contradiction. Toutefois les condamnations et sen- 
ti tences donnés suriceux sujets par ledit eveque ou son juge 
« ordinaire, jusqu'à la valeur de vingt florins et au-dessous 
« se pourront exécuter, nonobstant quelconques appellations, 
« pourvu aussi que ceux qui se sentirons grevés et auront 
« été condamnés et sentenciés jusqu'à ladite valeur, comme 
« dit est, puissent relever et poursuivre leur appel suivant 
« la forme du droit, nonobstant ladite exécution, et que tous 
« ceux qui induement appelleront, encourront les peines 
a accoutumées et ordonnées en Dauphiné, dont la moitié 
« appartiendra à jnondit seigneur et l'autre audit eveque. 
a Et au regard des vassaux dudit eveque, qui ont justice, 
« que le premier appel en vienne devant son juge commis ou 
« à commettre, et dudit juge vienne et ressortisse audit 
« sénéchal de Valentinois. 

« Item, et pour ce que ledit eveque dit qu'il a intérêt de ce 
« qu'il n'a juge d'appeaux qui cognoisse du premier appel de 
« sesdits sujets, mondit seigneur le recompensera au dire 
« et ordonance de deux hommes l'un de par mondit seigneur 
« et l'autre de par mondit eveque, et lui donnera 10 livres 
« de rente plus qu'il ne sera trouvé ladite chose valoir, assise 
« auprès de Valence ou de Die, ainsi qu'il avisera. » 

Il fut ensuite convenu que dans le courant de septembre 
tous les hommes de l'évêque prêteraient serment au dauphin, 
« à scavoir, les gentilhommes en particulier, les commu- 
nautés par leurs syndics ou procureurs. » De plus, l'évêque 
s'engagea à solliciter du souverain pontife la ratification de 
l'abandon de sa souveraineté (i). 

Cet abandon, en effet, était contraire à toutes les lois cano- 
niques. L'évêque n'avait que la jouissance des biens et des 

(i) Recueil des Chartres, hommages, déclarations, édits, lettres patentes, 
dispositifs d'arrêts, de règlements et d'autres actes établissant la juridic- 
tion territoriale de la sénéchaussée de Valence sur les terres de cet 
évêché et de celui de Die... (Grenoble, 1785, in-4 , 148 pp.) pp. 23-33. 
— Archives de la Drôme, B, 8. — Archives de l'Isère, B. 2984. 



220 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

droits de ses Eglises; il ne pouvait donc en disposer. Il avait 
promis, du reste, avec serment, le jour de son sacre et le jour 
de sa prise de possession, de les défendre et de les transmettre 
intacts à son successeur ; le pape seul pouvait le relever de ce 
serment. Il eût donc été de toute justice et de toute conve- 
nance de faire une démarche à Rome, avant de rien conclure ; 
mais on risquait ainsi de ne pas arriver au but. Le mode 
employé violait la loi et attirait sur les contractants les cen- 
sures ecclésiastiques, mais il était plus sûr, plus expéditif, et 
Ton savait bien qu'en mettant Rome en face des faits accom- 
plis, on finirait par obtenir d'elle une ratification. 

Quatre jours après la conclusion de ce fameux traité, Louis 
de Poitiers qui s'était rendu à Chabeuil, auprès du dauphin, 
lui prêta serment de fidélité. On entoura cette cérémonie de 
tout l'éclat que demandait l'importance de l'acte qui venait 
d'avoir lieu. De grands personnages de la province s'y trou* 
vèrent : Jean Girard, archevêque d'Embrun, Louis de Laval, 
seigneur de Châtillon, gouverneur du Dauphiné, Jean, bâtard 
d'Armagnac, seigneur de Gourdon, sénéchal de Valentinois 
et du Diois, Amaury, seigneur d'Estissac, conseiller et pre- 
mier chambellan du dauphin, Jean de Villayne, bailli du 
haut pays du dauphiné. Bernard de Brion, sieur d'Argental, 
Antoine Bolomier, « général conseiller sur le fait et gouver- 
nement des finances, » Aymar de Poissieu, dit Capdorat, 
« maistre d'hostel » du Dauphin, Louis Bastet, seigneur de 
Crussol, Bernard de Murât, dit de Lestrange, Guy Pape, 
Jean de Cizerin, Ozias Jonin, Aynard Raynard et Guillaume 
Raynard son fils, Jean Artaud, seigneur d'Aix, Jean Roux, 
prieur de St-Marcel de Die, et beaucoup d'autres. L'évêque 
reconnut tenir en fief du dauphin « toute la temporalité de 
« ses Eglises » ; il lui en fit hommage lige et serment de 
fidélité, « étant droit sur ses pieds, à la manière des nobles, 
« les mains jointes entre les mains de mondit seigneur le 
« Dauphin et le baisant en la bouche, en signe de fidélité et 
« perpétuelle considération et amour, promettant mon dit 
« évêque, pour lui et pour ses successeurs, au temps à venir 



LES COMTES DE VALENTINOtS ET DE DIOIS. 22 I 

« et jurant sur les saints évangiles, et aussi en mettant la 
« main sur la poitrine, à la manière des prélats, et sous 
« obligation et hypothèque de tous ses biens et de sesdites 
« Eglises présents et à venir, que doresnavant et à toujours, 
« il sera loyal, obéissant et féal à mondit seigneur le Dau- 
« phin et à ses successeurs » 

Le lendemain, i5 septembre, « en une maison ou hostel 
« que le révérend père en Dieu Tevesque de Valence a(voit) en 
« la ville de Valence, en la rue , en la grant 

« salle d'iceluy hostel, monseigneur le gouverneur de Dau- 
« phiné et le sénéchal de Valentinois et Diois » reçurent 
l'hommage des chanoines de Valence, qui approuvèrent 
pleinement le traité conclu par le prélat. Puis, le même jour 
et au même lieu, se présentèrent devant les délégués du 
prince, les syndics de Die, Jean Dupuy et Jean de Gresse, 
qui, « pour et au nom de l'Université de la ville de Dye 
« (promirent et jurèrent) estre bons et loiaulx envers mondit 
« seigneur et le recognoistre et tenir doresnavant luy et ses 
« successeurs, souverain seigneur dudit evesque et d'eulx. » 
Aussitôt après, les chefs de familles nobles de Die, s'acquit- 
tèrent du même devoir. Il y a intérêt à recueillir ici leurs 
noms. C'étaient Jean Artaud, seigneur d'Aix, Jean Artaud, 
seigneur de Beaumont, Aynard Raynard, seigneur de Saint- 
Dizier, Ozias Jonin, seigneur de Pennes, Reymond de Rosans, 
seigneur de Bonneval, Aynard Faure de Vercors, seigneur en 
partie de Vercors, messire Guillaume Faure, « docteur es 
lois » et Hugues Faure, de Die. Les syndics de Saillans, 
Antoine Sestier et Berton Regnault, vinrent à leur tour faire 
hommage, au nom de leur concitoyens. Ceux d'Alixan, Pierre 
Guignard et François de Crozon s'acquittèrent du même 
devoir. 

Le 16 septembre, se présentèrent les syndics de Valence, 
qui prêtèrent le serment et firent l'hommage demandés (i). 

(i) Archives de l'Isère, B, 2984, folios 378-81 verso. Voir notre Essai 
sur Die, t. II, p. 376-81. 



222 SOCIETE D ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

On a vu qu'une des clauses du traité accordait à l'évêque 
une compensation en argent, pour la perte de ses droits de 
souveraineté et aussi pour le tort qui lui était fait en réservant 
au sénéchal les dernières appellations de ses sujets. La com- 
pensation fut déterminée le 14 septembre et les experts nom- 
més par les parties allouèrent à l'évêque une somme de 14,000 
écus à prendre sur les aides et subsides qui pourraient à 
l'avenir être imposés sur le pays de Daupbiné et les comtés 
de Valentinoîs et de Diois, jusqu'à parfait payement de la 
dite somme (1). En attendant, le dauphin céda au prélat le 
château et la terre de Pisançon, qui furent estimés à 600 
florins de revenu (2j. 

Dès que le dauphin eut fait reconnaître son autorité, il s'em- 
pressa « de mettre et réduire à feux les terres tenues de 
l'Eglise » de Valence et de Die. Par lettres datées de Crémieu, 
le 29 octobre 1450, il chargea Jean d'Origny, son conseiller, 
et Jean Botin, secrétaire delphinal, de parcourir les diverses 
paroisses, de fixer le chiffre des feux contribuables et d'y 
opérer la répartition sur les données fournies par les nota- 
bles (3). Les commissaires étaient à Die le 23 novembre. 
L'évêque leur remit l'état de toutes les villes, châteaux, bourgs 
et villages qu'il tenait en fief et arrière-fief du dauphin. On 
en compta quatre-vingt-cinq (4). De plus, il leur remit l'état des 

(1) Archives de l'Isère, B. 3049. « Louis de Poitiers donna à Nicolas 
Erland, trésorier du Dauphiné, au sujet de ce don, les quittances sui- 
vantes : le 12 juin 1431, quittance de 4,000 écus d'or; le 17 mars- 1453, 
autre quittance de 4,000 écus; le 19 avril 1454, quittance de 1,200 écus; 
enfin, le 4 mai 1459, il signa une quittance générale de 9,200 écus d'or 
qu'il avait reçus précédemment et déclara s'en tenir pour satisfait (B, 
3049, folio 366). Pjlot, n° 784. 

(2) Ce détail est rappelé dans l'acte du 6 février 1456, par lequel, 
comme nous le verrons plus loin, le dauphin rendit à l'évoque la plu- 
part de ses droits sur Valence. 

il) Archives de l'Isère, B. 2747. 

(4) M. Pilot, n° 809 (note), nous fournit une nomenclature très com- 
plète des fiefs et arrière-fiefs des évêchés de Valence et de Die. Nous 
sommes heureux de pouvoir ici la reproduire : 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 2,2 3 

feux allodiaux de ses évêchés avec l'indication de la somme 
que chacun d'eux lui payait annuellement pour le droit de 

i - Fiefs appartenant à l'évôché de Die : ville de Die ; châteaux et 
terres de Châtillon, Montmor, Jonchères, Poyols, Valdrôme, la Bâtie- 
des-Fonts, Chameil, y compris ce que possède Pierre de Beauvoir; La 
Bâtie-en-Vercors, Chamaloc, Saillans, Mirabel, Aouste, Bezaudun, 
Crupies, Vesc, Roche-sur-Grane, les châteaux d'Aurel, ceux de Bour- 
deaux, partie de Saint -Ferréol ; partie de Vassieux avec ce que pos- 
sède dans ce fief le seigneur d'Aix, et Pont-de-Varces. 

2° Fiefs possédés par les vassaux de l'Eglise de Die : Aix, Saint- 
Roman et Molières, Recoubeau, Aucelon, Beaumont, Charens et Saint- 
Jacques, Ponnet, Boule, et Sur-Roche, au seigneur d'Aix et à son frère 
le seigneur de la Roche ; les deux tiers de Lus et le fief de Glandage, 
au seigneur de Montmaur; un tiers de Lus, au seigneur de Saint-André ; 
Luc-en-Diois, Miscon, Lesches, Rochebrianne, Fourcinet, Le Pilhon, 
à Guillaume, bâtard de Poitiers ; Chalancon, Montlor, Piégu, au sei- 
gneur de Chalencon ; La Motte-Chalancon, Volvent et Bellegarde, au 
seigneur de la Motte-Chalencon ; Beaurières, les Prés, La Bâtie-Cre- 
mezin, partie de la Val-de-Toranne, de Charens et de Mirabel, au sei- 
gneur de Beaurières; Saint-Benoit, Rimont, la Chaudière, Beconne et 
la parerie de Revel, au seigneur de Morges ; Treschenu, les Nonnières, 
et Archianne, au seigneur de Treschenu ; Creyers et Mensac, au sei- 
gneur de Creyers ; Bonneval et Sérionne, au seigneur de Bonneval ; 
Saint-Didier et partie de Valdrôme, au seigneur de Saint-Didier ; 
Paris, Saint-Nazaire, et Montanègue, Rochefourchat, Gensac,au seigneur 
de Paris-au-Désert ; Prébois et Feuillant, au seigneur de Prébois ; 
Villeperdrix et Léoux, au seigneur de l'Epine ; Chaudebonne, aux 
épouses de Claude de Laire et du seigneur d'Aspremont ; Divajeu, à 
Aymar d'Urre ; le mandement de Pennes, à Alzias Johannin ; Brette, 
à Philippe, bâtard de Poitiers ; Establet, à Raoul de Commiers ; Re- 
dortier, à Jean de Taulignan. 

3° Fiefs du chapitre de Die : Menglon et Luzerand, Marignac, Justin, 
Romeyer. 

4° Fiefs de l'évôché de Valence : ville de Valence, châteaux et terres 
de Mirmande, Auriol, Livron, Châteauneuf-d'Isère, Montvendre, Alixan, 
Beaumont, Cléon-d'Andran, Pellafol. 

5* Fiefs du chapitre de Valence : Allex. 

6* Fiefs des seigneurs t'eudataires de l'Eglise de Valence : château 
de Condillac, au seigneur de Fourcades ; château d'Eurre, aux cosei- 
gneurs du môme lieu ; Montélier, au seigneur de Sassenage ; Montlé- 
ger, au seigneur du môme lieu ; Barnave, à l'abbé d'Aurillac. 



2^4 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

sauvegarde ou de protection (i). Les commissaires commen- 
cèrent la revision des feux par la ville de Die, qui fut taxée à 



On peut consulter sur le môme sujet : Mémoire pour M. le procureur 
général en la Chambre des comptes opposant, intervenant et demandeur^ 
contre messire Gaspard Alexis de Plan des Augiers, évèque de Die, et 
dame Marie- Madeleine Morin, veuve de noble Jacques de Verdelhan- 
des Fourniels et M. de Chabrillan. Grenoble, Giraud, 1766, in-4 , i38 
pp. Nous avons donné dans notre Essai historique sur Die, t. II, p. 385, 
la liste des 85 fiefs relevant de l'Eglise de Die et hommages par l'évoque 
en 1450. 

(1) Archives de l'Isère, B, 3507. Foca allodiala in episcopatu Diensi. 
Domanii domini episcopi : 

Homines civitatis Diensis III c XLflor. 

et ultra super alia medietate X flor. 

Homines Castillionis XLV flor. IIII gr. 

et ultra XVI gr. 

Homines Montismoris . . XXV fl. VI gr. 

et ultra IX gr. II quint. 

Homines de Juncheriis XXVIII fl. IIII gr. 

et ultra Xgr. II q. 

Homines de Podiolis XXVIII fl. IIII gr. 

et ultra X g. II q. 

Homines Vallisdrome LVI fl. VIII g. 

et ultra XXI gr. 

Homines Bastide Fontium VII fl. VI gr. II t. 

Homines de Camelis cum nobili Petro de 
Bellovidere et ultra III gr. 

Homines Bastide de Vercorcio VII XX XVIII fl. VIII gr. 

et ultra IIII fl. X gr. II t. 

Homines de Chamalosco XXII fl. VIII gr. 

et ultra VIII gr, I t. 

Homines de Aurellis XLV fl. IIII gr. 

et ultra XVI gr. II t. 

Homines de Saillente LXXIII fl. VIII gr. 

et ultra II fl. III gr. I q. 

Homines Mirabelli XXXIV fl. 

et ultra XII gr. et dim. 

Homines de Besauduno XVI fl. 

et ultra . VI gr. II q. 

Homines de Augusta LVI fl. VI gr. 



LES COMTES DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 



225 



19 feux 1/2 roturiers et à 3 feux 1/2 nobles. On trouva que le 
nombre des familles pouvant payer était de 2i3 et celui des 
familles pauvres de 186. Les nobles se nommaient Alzéar 
Jonin, Guigues, Aynard et Marcel Faure, Jean du Perrier, 
barbier de l'archevêque de Vienne, Aynard Raynard, sei- 
gneur de Saint-Dizier, et Jean Raynard, notaire. Le clergé de 
la ville, tant régulier que séculier, comprenait vingt-six 
chanoines et prêtres de la cathédrale, 25 frères mineurs, 
25 frères prêcheurs, i5 moines du prieuré Saint-Marcel, 
i5 chanoines réguliers du prieuré Saint-Maurice, le prieur du 
Chastel et celui de Saint-Pierre, soit en tout 109 ecclésias- 
tiques (1). 

Le document qui nous fournit ces détails, se fait ensuite 
l'écho des plaintes des habitants, qui trouvent à leurs misères 
diverses causes, notamment le peu de fertilité du sol, l'âpreté 
des saisons, et surtout les cens et rentes de toute sorte que 
perçoivent les chanoines et les religieux de la ville, cens et 
rentes qui enlèvent aux cultivateurs une notable partie de la 
récolte. « C'est ainsi, disent nos Diois, que les chanoines de 
« la cathédrale retirent chaque année en argent, plus de 
« 1200 florins, et en nature plus de 1000 setiers de blé ; les 
a frères mineurs et les frères prêcheurs, beaucoup de rentes; 



et ultra XXI gr. 

Homines de Bordellis LXXIII fl. VIII gr. 

et ultra II fl. III gr. I q. 

Homines de Crupis , XVII fl. 

et ultra , VI gr. II q. 

Homines de Vaesco XIII fl. II gr. II test, 

et ultra VI gr. 

Homines sancti Ferreoli pro parte epi. . . . VII fl. VI gr. II t. 

et ultra III gr. 

Homines de Vacivo cum domino de Aysio 

et Poncio de Varcia XXVIII fl. IIII gr. 

et ultra X gr. II q. 

Dominii de Aysio 

(1) Archives de Madame de Félines, à Die. 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — IÇOO. 15 



226 socrÉTÉ d'archéologce et de statistique. 

" le prieur de Saint-Marcel. 3oo setiers de blé et 25 florins, 
« sans parler des redevances d'autre genre, poules, miel, etc. ; 
a le prieur de Saint-Marcel, 140 setier de blé et 18 florins; le 
u prieur du Chastel, 40 setiers de blé, 4 saumées de vin et 
s 4 florins; Je prieur de Saint-Pierre, 240 setiers de blé, 
« Aussi, ajoutent-ils, la misère est-elle générale; tout le 
« monde se plaint. Ceux qui ont des récoltes (les vignes 
« ayant même assez produit cette année) ne trouvent personne 
« qui ait de l'argent pour les acheter et plusieurs n'ayant pas 
« de ressources laissent leurs terres en friche. Il n'est pas 
« jusqu'aux curés de la ville qui ne se plaignent de ce que les 
a fidèles, à cause de leur pauvreté, ne font plus d'offrandes ; 
« les choses en sont à un point que s'ils voulaient affermer 
* leurs bénéfices, on ne leur en donnerait pas plus de 
a 10 florins. ■ 

Nous possédons encore les procès-verbaux des revisions de 
feux de la plupart des communautés des paroisses dépendant 
de l'ancien évéché de Die (1) ; nous ne répéterons pas ici ce 
que nous avons déjà dit plus haut sur l'intérêt historique de 
ces documents, dont on pourrait extraire une foule de rensei- 
gnements précieux sur l'état matériel et moral des populations. 
Ce que l'on constate partout, c'est que le pays avait besoin 
d'ordre et de tranquillité ; il pensait que le gouvernement du 
dauphin était seul capable de lui assurer ces biens si désira- 
bles, et il ne se trompait pas. Comme nous l'avons vu déjà, 
si l'administration du prince gênait les grands seigneurs aux 
allures trop indépendantes, elle était de tout point favorable 
aux bourgeois des villes, aux habitants des campagnes, au 
petit peuple jusqu'ici assez abandonné. Une plainte, une 
réclamation venue de la classe inférieure, quand elle paraissait 
juste et fondée, était certaine d'être toujours bien accueillie. 
Signalons, à l'occasion de cette revision des feux, la plainte 
collective des habitants de Luc, Miscon, Saint-Cassien, le 

(1) Archives de l'Ibère, B. i 7 37, 1758, 2766, Î776. 



LES COMTES DE VALENT1N01S ET DE DIOIS. 227 

Pillon, Fournet, Montlaur et Beaurières. Vers Tannée 1443, 
un banc de rocher considérable du Puey ou Pic de Luc, à son 
versant oriental, se détacha subitement de la masse totale et 
glissa dans le lit de la Drôme, interceptant sur deux points, le 
cours de cette rivière et celui du ruisseau venant de Miscon. 
Les eaux formèrent deux lacs, le grand et le petit lac de Luc ; 
elles couvrirent sur une langueur de 5 kilomètres une étendue 
de territoire de plus de 3oo hectares, la portion la plus fertile 
de la vallée. Le village de Rochebrianne disparut sous les eaux 
du grand lac. La petite ville de Luc, le Luc du moyen-âge, 
qui se trouvait sur la rive droite de la Drôme, sur le flanc 
oriental du Puey, entre les deux coulées de rochers, encore 
très visibles, et dans ce qu'on appelle aujourd'hui le petit 
lac (1), fut aussi envahie par l'inondation, et ses habitants 



(1) La position de l'ancien Luc du moyen âge, dans ce que nous appe- 
lons aujourd'hui le Petit Lac, est indiquée par la lettre de Louis dauphin, 
où il est dit que l'éboulis ou amas de rochers qui a intercepté te 
cours de la Drôme est auprès et au-dessous du chastel et ville dudit 
lieu de Luc, ce qui ne serait pas exact si l'on suppose l'ancien bourg 
à l'endroit occupé actuellement par Luc ; enfin, et cet argument 
nous paraît devoir clore toute discussion, nous avons le témoignage 
du chroniqueur Aymar du Rivail, qui, une cinquantaine d'années 
après la catastrophe, vint sur les lieux et nous a laissé une description 
très détaillée de tout ce qu'il a vu. Voici comment il décrit rem- 
placement du vieux Luc : « ... est locus rupibus. undique clausus in 
formam medii circuli septentrionem respicientis, et duos exitus sive 
egressus satis inter se distantes habebat, quemlibet latitudinis circiter 
duodevigenti passuum, superiorem scilicet omnino ad septentrionem 
versum, alterum ad occidentem parum spectantem septentrionem, et 
per eos exitus Droma agebat, ingrediens per septentrionalem et 
egrediens per occidentalem, deorsum profluendo. . . Intra illum cir- 
culum Lucus oppidum positus erat, situ loci turribusque et mœniis 
horribilis, antiquus et fortis moreque vetusto angustus, habens unam 
ad quemlibet exitum januam et, in medio fere sui, arcem fortissimam, 
quadratam, magna? altitudinis et structuras delectabilis, cum pluribus 
fornicibus et renestris aspicientibus meridiem ad occidentem inclinan- 
tem..< » Aymari Rivallii, De Allobrogibus, Viennae Allobrogum, 
1844, in-8°, p. 120-1. 



228 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

allèrent reconstruire leurs demeures un peu plus bas, là où 
avait été la vieille cité romaine (i). Ce désastre, dont le sou- 
venir s'est perpétué dans la population, fut la ruine de beau- 
coup de familles, non seulement de Luc et de Rochebrianne, 
mais de plusieurs localités voisines. Or, les commissaires, 
ayant sans doute sous les yeux d'anciens cadastres, avaient 
fixé le chiffre des contributions du pays à 8 feux, comme si 
aucun malheur ne l'eût frappé. Louis fit droit aux plaintes de 
ces pauvres gens; il écrivit le 18 mars 1451 (n.s.), au gouver- 
neur et aux conseillers delphinaux, pour leur enjoindre de les 
taxer seulement à 2 feux (2). 

Les commissaires, qui avaient fait la revision des feux dans 
les terres de Tévôché de Die, exécutèrent le même travail dans 
celles de l'évêché de Valence. Nous eussions bien voulu 
posséder l'enquête faite par eux dans Valence ; malheureuse- 
ment ici nos recherches n'ont pas eu de succès. En revanche, 
nous avons toute une série de pièces qui témoignent de 
l'intérêt tout particulier que le dauphin portait aux Valenti- 
nois, depuis surtout qu'en vertu du traité de pariage, il lui 
avait été donné de placer ses armes à côté de celles de Tévêque, 
sur les principales portes de leur cité. Louis aimait Valence, 
avec son grand fleuve, ses plaines vastes et fertiles, sa popu- 
lation de riches marchands. Il y faisait de fréquents séjours 
et il songeait à en faire la capitale des comtés de Valentinois 
et de Diois, comme Grenoble était celle du Dauphiné. 



(1) Le fait est encore attesté par Aymar du Rivail. On découvre, du 
reste, assez souvent dans le village actuel des constructions romaines. 
Voir : Long, Recherches sur les antiquités romaines du pays des 
Vocontiens, dans Mémoires présentés par divers savants à l'Académie 
des Inscriptions et Belles-Lettres, t. Il (1849), P- 409-29. 

(2) Archives de l'Isère, B. 2773. Voir : Essai historique sur Die, t. II, 
p. 387-8 ; Long, op. cit., p. 415-7. 

(A suivre) Jules CHEVALIER 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 22Q 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX 

A VALENCE 



(Suite. — Voir la 1 33* livraison) 



Panégyrique du Roy, prononcé dans l'église cathédrale de 
St-Apollinaire de Valence, en Dauphiné, le sixième août 
1690, en présence du Présidial, de l'Université et des autres 
Corps de cette ville, assemblés pour assister au Te Deum 
chanté en actions de grâces, des victoires de terre et de mer 
remportées par les armées de Sa Majesté. 

Présenté à Monseigneur le Dauphin par André 
François deTournon, Capucin. 

A Valence, de l'imprimerie de Charles Barbier 
imprimeur du roi et de Mgr Tévèque et comte de 
Valence. MDCLXXXI. 5 ff. de 2 pp. 

Anne Lacroix, épouse de l'imprimeur, meurt le 23 avril 
1694. 

Je crois devoir faire observer que j'ai mis ensem- 
ble les divers ouvrages imprimés chez Barbier. Merca- 
dier, dont je vais parler, était imprimeur à Valence en 
même temps que Barbier. 

Modus aquae benedicendae quâ utebatur Sanctus Gratus 
Vallis Augustae episcopus adversus animantia fructibus terrae 
nocentia. Valentiae, apud Carolum Barbier, Régis, illustris- 
simi episcopi et comitis Valentinensis et Diensis typogra- 
phum. S. d. 



X 



230 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Petit in-8° de 16 pp., armes de Daniel de Cosnac 
sur le titre. Approbation de Gilles de Le Feron. 

Recevil (sic) de plusieurs instructions chrétiennes, dressé 
par Tordre de Monseigneur l'illustrissime et révérendissime 
Daniel de Cosnac, évêque et comte de Valence et de Die. 
Pour l'instruction des nouveaux convertis de ses diocèses, 
avec la messe en français. 

A Valence, chez Charles Barbier, imprimeur du Roy, 
et de Monseigneur Tévêque et comte de Valence et de 
Die. S. d. — Petit in- 12 de 108 pp. 

Mercadier 

Mercadier, (Joffrey), fils de Claude, maître relieur et 
peintre en la Chambre des Comptes, et d'Angélique 
Guilherme, se maria, le 29 avril 1 6ç6, à Grenoble, avec 
Angélique Cochât. Les registres paroissiaux de Valence 
l'appellent Couchât et même Souchat. Il en eut plusieurs 
enfants: François, en 1670, Blanche, en 1673, Charles 
en 1678 et Elisabeth, qui épousa, le 10 février 1697, 
Jean Gilibert, fils de Laurent, imprimeur libraire (1). 

Bibliographie : 

La Vie 

De la 

Très Sainte Vierge 

Marie Mère de 

DIEV. 

Divisée en sept livres avec sept sortes d'exercices spirituels 
pour l'honorer, l'aimer et la servir dans tous les tems. 

PAR IE PERE IACQUES 



(1) Note de M. Lacroix. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 23 I 

Teyssier, de Tordre des frères Prêcheurs, du couvent de 
Valence en Dauphiné (i). 

Première et deuxième parties à Valence, chez Jeoffroy 
Mercadier, Imprimeur et libraire du Roy, de TVniversité 
et du collège, MDCLXXXVI, avec approbation et 
permission. 

Selectae sententiae ex institutionibus civilibus cum supple- 
mento definitionum et differentiarum ivris adusum studiose 
legum juventutis Valentiae. Apud, G. Mercadier, typogra- 
phum régis collegii et Universitatis 1688. Cum permiss. 

In- 16 de 5 ff. n. ch. et 540 pp., préface signée: Anto- 
nius Marvillius, antecessor regius. P.VI. 

Brevis 
accurata et perelegans 
in quatuor 
Institutionum 
Libros Sinopsis veras Defi- 
nitiones, divisiones et lu- 
ris principia continens. 
Etiam 
quœdam ad Praxim 
Conducentia edocens 
Avthore 
Nobili Iacobo de Bovet 
Consiliario Regio et Professore 
Juridico in Aima Vniversitate Valentina 
Valentiae, apud G. Mercadier, Typographum 
Régis Vniversitatis et Collegis. cum privilegio 1689 (2). 



(r) Rochas, Biographie du Dauphiné. T. II, p. 455, indique cette vie 
de la Ste Vierge, mais il ajoute qu'il n'en connaît pas le titre complet. 
Documents communiqués par M. Lacroix. 

(2) 11 en a été donné une autre édition, en 1701, par J. Gilibert. Note 
de M. Lacroix. 



232 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

GlLIBERT 

Jean Gilibert (1) était le cinquième enfant de Laurent 
Gilibert, imprimeur à Grenoble, où il s'était établi vers 
1670. Jean Gilibert naquit à Grenoble. Il fit son appren- 
tissage chez son père, Laurent Gilibert pendant trois 
ans ; il servit en qualité de compagnon pendant l'espace 
de six années environ, en diverses villes du royaume et 
entre autres dans celle de Lyon, environ une année chez 
Coutavan, libraire et imprimeur, dans celle d'Avignon, 
chez Offray le jeune ; pendant six mois, à Toulouse, 
chez Henot, libraire imprimeur; dans celle d'Oche ? 
(Auch ?), chez la veuve Dorion ; dans celle d'Agen, chez 
Gayot, outre le temps de son apprentissage il s'est 
exercé dans l'imprimerie et dans la librairie pendant six 
ans. 

Il vint s'établir à Valence le 1 3 septembre 1695 (2). 
En 1697, il épousa Elisabeth Mercadier, fille de 
Geoffroy, imprimeur, et d'Elisabeth Couchât. A cette 
époque il n'y avait à Valence aucune maîtrise, aucune 
communauté de librairie et d'imprimerie. Gilibert installa 
une boutique de librairie et travailla comme imprimeur 
sans autre formalité. Monseigneur l'évêque et comte de 
Valence lui accorda des provisions de son imprimeur 
ordinaire, de même que MM. de l'Université. Gilibert 
était bedeau de l'Université. 

Il y avait à la même date, à Valence, comme libraire, 
Louis Muguet, fils de Louis Muguet, lui-même libraire 

(1) Archives de la Drôme, t. 796. 

(2) Archives de la Drôme, G. G. 34. 



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LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 233 

et imprimeur. A établi une boutique de librairie depuis 
15 ans, attendu qu'il n'y a aucune maîtrise à Valence. 

En 1734, Gilibert reçoit 99 livres pour impression 
d'affiches et de billets de logement. 

En 1736, le 11 novembre, Gilibert, imprimeur, est 
désignéavec M. de Planta, avocat, MM, Pansu et Vialet 
père, pour répartir la capitation : il est déchargé du rôle 
des industries et moyens secrets attendu le privilège de 
son art. 

En 1738, le 5 septembre, Philippe Gilibert succède à 
son père. Jean Gilibert était alors premier consul de la 
ville de Valence. Il reçoit 30 livres pour avoir imprimé 
le règlement de l'octroi ; 45 livres pour cent exemplaires 
in-folio du mémoire de M. de Villiers, ingénieur sur les 
réparations à faire le long du Rhône. 

Le 8 mars 1743, Philippe Gilibert, gradué en droit, 
avocat et imprimeur du roi, fils de Jean et d'Elisabeth 
Mercadier, épouse Philisé Viret. 

Bibliographie : 

Edit du Roy concernant la juridiction ecclésiastique, (donné 
à Versailles au mois d'avril 1695), chez Jean Gilibert, impri- 
meur du Roy et de Monseigneur l'illustrissime et révérendis- 
sime évêque et comte de Valence. M.D.CXCV (1). 

In-4 de 12 pp. 

Règles et statuts pour la confrérie | des Agonisans | érigée 
et établie | en l'église cathédrale de Saint-Apollinaire, dans la 
ville de Valence | pour le secours des Moribons | sous la pro- 
tection de Notre | Dame de Grâce. | Avec les prières que les 

(1) Documents communiqués par M. le chanoine Perrossier, archiviste 
diocésain. 



234 SOCIÉTÉ D 'archéologie et de statistique. 

confrères doi j vent faire, et la manière d'fitre reçu dons cette 
confrérie. 

A Valence, chez Jean Gilibert, imprimeur ordinaire 
du Roi. de Monseigneur l'évêqu» et deJ 'Université, 
1704, avec permission. In-i6 oblong de 60 pp. 

Ordonnances | synodales | de Monseigneur l'illustrissime 
et révérendissime | Gabriel de Cosnac, j par la grâce de Dieu 
et du Saint | Siège apostolique, évêque et comte de Die, con- 
seiller du Roy en tous ses conseils. | Publiées dans le Synode 
tenu à Die, le i5 du mois de juin 1706. 

A Valence, chez J. Gilibert, imprimeur ordinaire du 
Roy, de Messeigneurs les évoques de Die et de l'Uni- 
versité. MDCCVI. Petit in-8° de 162 pp. et 3 ff., armoi- 
ries de Mgr G. de Cosnac au revers du titre. 

Dîssertatio De Hygiène 

Tuendœ sanitatis 

Et procavendorum imminentium 

morborum prœcepta tradens 

Opus 

Clinicis curandœ procerum valetudini 

proposais in primis utile, 

nec non lîteratis omnibus vîris 

ab ipsomet Autore, quanta potuit diligentiâ 

Emendatum 

Valentias Cavarum 

apud J. Gilibert prope Univers! tatem. 

cum privilegio Régis. M.D.CCX. 

Un volume, plus un index xvn de 320 pp. et épîlre 
dédicatoire à Mgr de Catelan, évêque de Valence. 

Officia | proprîa | Sanctorum Diocesis Valentinensis. Va- 
lemize apud Joannem Gilibert, Régis illustrissimi reverendis- 
simi que episcopi | Cleri ac universitatîs | Typographum 
prope eamdem Universitatem. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 235 

In-4 de- vi = 152 et 8 pp., armoiries de Mgr de 
Catelan sur le titre. 

Lettres patentes du Roy, du mois de janvier 1716, portant 
établissement d'un hôpital général en la ville de Crest, avec 
union de l'hôpital ou Hôtel-Dieu qui y était déjà établi 
Registrées en parlement avec les délibérations prises sur ce 
sujet par les notables et habitans de la même ville, les 10 e. 
23 juin 1 71 5. 

A Valence de l'imprimerie Gilibert, imprimeur de 
l'Université, MD.CCXVI. In-4 de 34 pp. 

Mandement | et prières | pour gagner | le Jubilé | accordé 
par notre Saint- Père le Pape Benoît XIII, afin d'implorer le 
secours Divin au commencement de son Pontificat pour la 
conduite salu | taire de la Ste Eglise catholique. | Avec sta- 
tions pour le diocèse de Valence. 

A Valence, chez Jean Gilibert, imprimeur ordinaire 
du Roy, de Monseigneur l'évêque, de l'Université. 
MD.CCXXIV. avec privilège du Roy. Petit in-12 
oblong de 47 pp., avec armoiries de Mgr de Catelan. 

Les antiquités de l'Eglise de Valence, par M. de Catelan. 

In-4 , volume double. 

Ordonnances Synodales du diocèse de Valence, publiées 
dans le synode général tenu par Mgr Pillust. et Rev. Alexandre 
Milon, évoque et comte de Valence, le premier septembre 1728. 

Chez Jean Gilibert, imprimeur ordinaire du roy, de 
mondit seigneur, évêque et comte de Valence. 
MD.CCXXVIII. 

Un volume in-12 de 388 pp. -4 ff. 

Recueil d'ordonnances, | de déclarations et arrests concer- 
nant le Tabac ou la | Jurisprudence qui y a rapport. 



236 société d'ajtchéologie et de statistique. 

A Valence, chez Jean Gilibert. Imprimeur ordinaire 
du Roy pour ses fermes générales en Dauphîné. 
MD.CCXXI. 

Instructions de Mgr l'éréque et comte de Valence, adressées 
aux confesseurs du diocèse de Valence, en renouvelant et 
appliquant les anciens règlements donnes à ce sujet. 

Sans date. Armoiries de Mgr de Mflon. Ordonnances 
synodales de Valence, quadruple in-8\ 

Tarif des douanes de Lvon et de Valence, et celui des mar- 
ebandises et denrées sujettes au paiement des droits de la 
Foraine, domaine forain, denier de St- André et autres et trai- 
tes domaniale dûs au Roy et que le fermier de Languedoc, 
de Provence et de Dauphîné. prend suivant les lettres paten- 
tes de Sa Majesté du 12 octobre i632, etc. 

248 pp. în-16, sans date,. Observations sur 16 pp. 
Tarif de la douane, 42 pp. Titre complet. 58 pp. 

Abrégé delà dévotion du Rosaire, 5 septembre 1738. Chez 
Philippe Gilibert : Dissertatio ad tuendam sanitatem. 
Valentia». 

Un volume double. Canons de l'église, (sans date). 
Ordonnances synodales de Die, 1742. 

Viret, Jean-Jacques (176;) 

Philippe Gilibert continua d'exercer la profession 
d'imprimeur, jusqu'en 1765, époque de son décès. Il 
eut pour successeur Viret (Jean-Jacques) son neveu. 
Viret était né à Valence le 2 février 1724. Il fit ses 
études au collège de Valence, certificat du Préfet, du 
3 décembre 1756. Il fut placé comme apprenti chez 
Gilibert, puis chez le s r Arnaud, imprimeur à Grenoble, 
chez la veuve de Saint, chez Pierre Jorry et Simon, im- 
primeurs à Paris. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 237 

Le 20 janvier 1707 son père est désigné comme 
notable chargé d'élire le maire les échevins et autres offi- 
ciers municipaux. 

Suivant acte du 1 5 juillet 1765, passé chez M e Blache, 
notaire à Valence, Félixe Viret, veuve du S r Gilibert, a 
donné sa démission du droit qu'elle avait d'exercer 
l'imprimerie de son mari. 

Un arrêt du conseil d'Etat privé du roi, du 12 mai 1759, 
dispose que la ville de Valence n'a droit qu'à un seul 
imprimeur (1). Suivant un autre arrêt du 23 septembre 
1765, Jean-Jacques Viret est reçu imprimeur pour rem- 
plir la seule place fixée par le règlement. En 1768, Jean- 
Jacques Viret est élu échevin. La maison d'habitation de 
Viret se trouvait à l'angle midi de la rue Jonchère et de 
la rue Jeu de Paume ; elle a été ensuite la propriété de 
Mlle Laurier, puis de Mme veuve Félix Nugues, née 
Monier (cadastre de 1896) (2). 

Quant à l'imprimerie, elle se trouvait au midi de la 
maison des têtes, dans la Grande Rue, dans une maison 
qui est aujourd'hui la propriété de Mme Talon, née de 
Montai. 

Bibliographie : 

A Mgr le chancelier de France, mémoire présenté par les 
échevins de Valence pour le maintien de l'Université. 

Observations sur la demande faite par la ville de Valence, 
d'un quai et d'un arsenal (s. d.) 



(1) Archives de la Drôme, dossier du personnel des imprimeurs. 

(2) Note de M. Villard. Suivant une note de M. Rochas, le 20 août 
1790, on proposa d'installer le Directoire du département dans la 
maison Viret, située près de l'ancien jardin du roi. 



238 SOCIÉTÉ D'ARCHEOLOGIE : ET DE STATISTIQUE; 

Catéchisme | du diocèse | de Valence qui explique tous les 
mystères de la Religion, ses dogmes, etc., [ à l'usage des 
anciens et nouveaux catholiques | et de ceux qui sont chargés 
de leur instruction, | avec l'abrégé de la doctrine chrétienne 
pour les enfants et les | Prières du matin et du soir. Imprimé 
par ordre de monseigneur Tévêque et comte de Valence pour 
être seul enseigné dans son diocèse. 

A Valence, de l'imprimerie de J.-J. Viret, avec pri- 
vilège du roi, sans date. Petit in- 12 de xxiv-35 pages, 
armoiries de Mgr de Grave sur le titre ; le mandement 
qui est en tête est du 24 juin 1773. 

Officium S. S. Cordis | Christi, illustrissimi et reverendis- 
simi | Fiacri | Francisci de Graves, episcopi comitis Valenti- 
niensis, | jussu et auctoritate ac venerabilis capituli consensu 
editum in tota diocesi celebrandum Valentiae, apud Joannem 
Jacobum Viret, régis et illustr. DD. episcopi Typographum. 

MD.CCLXXIII. In-8°de 56pp. 

Jubilé universel de Tannée sainte, accordé par N. S. P. le 
Pape Pie VI, avec le mandement de monseigneur Tévêque de 
Valence, les instructions et les prières imprimées par son 
ordre, chez Jean-Iacqu*» Viret, imprimeur du Roi et de 
monseigneur l'évêque, (1776) avec privilège. 

Petit in- 12 de xvm-16 pp. Armoiries de Mgr de 
Grave sur le titre. 

Lettre de Sa Majesté pour faire chanter le Te Deum dans 
toutes les églises du royaume pour rendre grâces au Seigneur 
du succès de ses armées navales. 

In-4° de 4 pp. 

Ordo diviniofficii recitandi | et missae celebrandae juxta li- 
turgiam Provinciae Viennensis | ad usumdiocesis Valentinen- 
sis Dioceseos | pro, anno MDCCLXXXI Paschâ occurrente 
24 Aprilis | ordinatus et editus | de mand. D. D. Gabrielis 
Melchioris de Messey, episcopi Valentinensis. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 2$C) 

Valentiae apud Joannem Jacobum Viret, episcopi Typogra- 
phum, MD.CCLXXXI. 

In-16 carré de 64 pp. 

Mémoire pour messire Fiacre-François de Grave, évêque 
comte de Valence, contre les officiers de la sénéchaussée 
présidiale de Valence. 

In-4 de 47 pages, signé Fiacre-François de Grave. 

(1785)- 

Lettres patentes du roi qui autorisent rétablissement défi- 
nitif de la Société académique et patriotique, fondée à Valence 
en 1784. 

Plaquette in-8° de 25 pp., avec les noms des socié- 
taires (1). 

Oraison funèbre de très noble et très pieuse dame Catherine 
de Sibeud de St-Ferriol, marquise de Bayane, prononcé 
dans l'église abbatiale de Soyons, de Valence en Dauphiné, 
par Dom Pierre Toussaint, 1785. — In-4 . 

Extrait du registre des délibérations de l'Université de 
Valence (2). 

S. d. In-8°, 10 pp. 

Il s'agissait d'examiner cette question : les Universités 
doivent-elles envoyer des députés particuliers aux Etats- 
Généraux? Le recteur de l'Université de Valence, J.-B. 
Clerc, écrivit à l'archevêque de Vienne ; les Etats du 
Dauphiné assemblés à Romans, opinèrent pour la néga- 
tive. 1789. 



(1) Annales Valentinoises, de M. Villard, p. 141. 

(2) Bibliographie historique des écrits, proclamations, adresses, etc. y en 
Dauphiné pendant la Révolution, par E. Maignien, bibliothécaire de la 
ville de Grenoble. 



24O SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE 

Délibération de la garde nationale de Valence, 20 av. 1790. 
In -8°, 4 pp. 

Procès-verbal des citoyens actifs de la Garde nationale de 
Bourg-lès- Valence en Dauphiné. - 

In-8°, 3 pp. 

Serment prêté à la fédération faite à Valence, le 3i jan- 
vier 1790. 

N'étant point conforme à celui renfermé dans le pro- 
cès-verbal imprimé, les citoyens de Valence donnent 
la teneur exacte de celui qui y fut prononcé 

Délibération de la ville de Crest, 21 avril 1790. 
- In-8°, 4 pp. 

Délibération du conseil général de Montélimar, 5 mai 1790. 

In-4 , 4 pp. 

Discours de M. de Bauthéac de Grandval, maire. 

Il soumet la lettre écrite par quelques citoyens de la 
ville de Nîmes, du 20 avril dernier. Le conseil général, 
par sa délibération, la dénonce au roi, à l'Assemblée 
nationale, à la France entière, comme contraire au res- 
pect dû à Sa Majesté. 

Société des amis de la constitution de Valence, 7 mai 1790. 
Chez J.-J. Viret, à Valence. 

Assemblée électorale de Chabeuil, département de la 
Drôme. 

S. d. In-8°, 21 pp. 

Service 1790. Administration du département de la Drôme. 
Assemblée électorale de Chabeuil. Etat de messieurs les 
députés électeurs du département de la Drôme présents à 
Chabeuil, dont les pouvoirs ont été vérifiés, et qui ont été 
inscrits suivant Tordre observé par les décrets de l'Assemblée 
nationale. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 241 

S. D. In-4* de 37 pp. Chez J.-J. Viret, imprimeur à 
Valence. 

Procès-verbal de la prestation du serment civique. 

Extrait des registres de la maison communale de la 
ville de Romans, 23 juin 1790. Discours du maire 
Duport-Roux aux gardes nationales, au bataillon des 
chasseurs royaux, aux citoyens ; de M. de Gilliers, 
commandant les gardes nationales; de M. Duport-Roux, 
chanoine de St-Barnard; de Mme Sablière, au nom des 
dames et mères de familles; de Mlle Dartan, âgée de 
sept ans, et de Mlle Sablière âgée de dix ans. 

Discours prononcé le 29 janvier 1790, jour de rassemblée 
du district de Valence, pour la nomination des députés à la 
fédération nationale du 14 juillet prochain. 

In-4 de 4 pp. 

Lettre adressée à l'Assemblée nationale, par les ecclésiasti- 
ques du district de Valence, 3o juin 1790. 

In-folio placard sur 2 colonnes. 

Adhésion aux décrets de l'Assemblée. 

91 prêtres prêtent le serment civique. — Adhésion 
donnée à la résolution prise par les sociétaires de n'user 
que de marchandises des manufactures françaises ; 
société de Valence, sous la présidence de Malleval. 
Cette délibération est envoyée à Barnave, à Paris. 

Fête civique célébrée à Châtillon, district de Die, le 14 juil- 
let 1790. Extrait collationné sur le registre des délibérations 
delà municipalité de Châtillon. Chaqcel-Villeneuve, greffier. 

In-8°, 4 pp. Bibl. de M. Cyp. Perrossier. 

Léon EMBLARD. 

(A continuer,) 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — IÇOO. l6 



LES NOTAIRES PIÉMONT 



DE 



SAINT-ANTOINE 



A notre époque, les savants scrutent les secrets du 
passé, et en voyant le fruit de leurs laborieuses recher- 
ches, on en vient à se demander si, dans un temps pro- 
chain, il restera encore quelque trouvaille à faire à ceux 
qui viendront après eux. Il semble que rien n'échappe à 
leur sagacité et à leur perspicacité, qui voudrait pénétrer 
partout et tout connaître; toutefois, disons-le, ils doivent 
se résigner à ignorer beaucoup de choses de ce passé qui 
a disparu sans retour, dont les traces difficiles à suivre 
paraissent défier la science des plus habiles, et qui parfois 
ne se laisse entrevoir que pour infirmer leurs déclara- 
tions trop aventureuses et trop précipitées. 

Les recherches des amis de l'histoire sont singulière- 
ment facilitées par les derniers travaux des érudits. Les 
choix ou recueils de documents inédits, les répertoires, 
les catalogues des bibliothèques et les inventaires des 
fonds d'archives publiques et particulières se multiplient 
chaque année ; désormais, l'on peut sans trop de peine 
connaître le travail déjà exécuté et s'épargner des fatigues 
longues et inutiles. 

Mais en même temps et dans les mêmes proportions, 
le public devient plus exigeant. Quiconque traite un point 



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LES NOTAIRES PIEMONT. 2jp 

d'histoire doit connaître tout ce qui est déjà publié sur le 
même sujet, et son ignorance des récents travaux sur 
la même matière est regardée comme inexcusable. De 
même, Ton n'admet plus que Ton cite de seconde main 
un auteur ancien; il faut recourir à l'original et à la 
source elle-même, si elle existe. Enfin et comme consé- 
quence de ce qui précède, le lecteur se croit en droit 
d'exiger la précision. Autrefois, l'on se contentait souvent 
d'un à peu près : « Tel auteur a dit cela, » c'était généra- 
lement suffisant. Maintenant, il n'en est plus ainsi ; le 
lecteur veut avoir sous les yeux le passage de l'auteur cité, 
ou du moins il demande de pouvoir s'y référer; sans cela, 
il juge sévèrement le livre qu'il tient entre les mains; il 
l'accuse de manquer de preuves et lui applique à bon 
droit la maxime ancienne : Gratis affirmatur, gratis 
negatur. 

Voilà quelques-unes des exigences dont on ne saurait 
s'affranchir, si l'on veut aujourd'hui aborder un sujet 
d'histoire. 

Il faut donc recourir aux sources. 

I. — LES NOTAIRES, AUTREFOIS ET AUJOURD'HUI. 

Entre toutes les sources de l'histoire, il en est une dont 
l'importance ne saurait échapper à personne, et qui est 
chaque jour plus appréciée : nous voulons parler des 
minutes des notaires (i). 

Le notaire est un homme qui remplit un ministère pu- 
blic et officiel. Il a étudié le droit, et après un sévère 
examen, il a prêté le serment devant le jury ; aussi son 



(i) On peut'consulter sur ce sujet un bel article de M. Vital Berthin, 
Des notaires au moyen âge, dans la Revue de Vienne, t. I, p. 32Ô-3o. 



244 SOCIETE D ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

témoignage écrit a toujours eu une valeur spéciale et 
indiscutable : il a force de loi. L'Etat et les particuliers 
reconnaissent au notaire cette autorité, et le jour où il 
aurait perdu la confiance publique il devrait renoncer 
à remplir sa charge. 

Ses actes sont d'une importance capitale: il travaille 
pour les hommes du présent et pour la postérité. 

Les principaux actes notariés sont les mariages et les 
testaments. Mais il y en a beaucoup d'autres, comme sont 
les partages de succession, les ventes et achats, les procu- 
rations. Chacun de ces actes est soumis de par la loi, 
à certaines conditions qui lui donnent toute sa valeur, 
et dont l'omission pourrait amener la cassation et l'an- 
nulation. Tout doit y être précis et bien déterminé : les 
noms et surnoms des parties, l'objet du contrat, les clau- 
ses, les témoins, enfin le lieu et la date. Les parties en 
présence y sont grandement intéressées. Enfin, le style 
même, que Ton ne tolérerait point dans un historien, style 
sui generis, propre au notaire, et dont il ne doit point 
légalement s'écarter : tout cela assure la correction de 
l'acte. Nous ne dirons rien des poursuites et des peines 
sévères auxquelles s'exposerait le notaire prévaricateur. 

Le notaire n'a point la propriété des actes qu'il a lui- 
même passés. Les minutes de ces actes, ainsi que celles 
des notaires qui Tont précédé dans son étude, sont « pro- 
priété publique » ; elles sont transmises fidèlement au 
nouveau notaire qui fait l'acquisition de l'étude : c'est là 
que les particuliers, intéressés à les consulter, pourront 
les trouver et en obtenir copie, si bon leur semble. 

Actuellement, en France, chaque notaire conserve dans 
son étude les minutes de tous ses devanciers. Un projet 
de loi a été présenté, en vertu de laquelle on réunirait 



LES NOTAIRES PIÉMONT. 245 

dans des dépôts publics toutes les minutes antérieures 
à la Révolution. Il faut en convenir : cette décision ne 
paraîtrait peut-être point à plusieurs un témoignage de 
confiance envers les personnes honorables qui remplis- 
sent l'office de notaire ; mais certainement ce serait une 
sauvegarde pour ces précieux documents. Quoi qu'il en 
soit, ce n'est là qu'un projet. 

Qui ne voit quel prix et quel intérêt peuvent avoir 
pour l'amateur des choses d'antan les minutes fidèlement 
conservées des anciens notaires? Les généalogistes inter- 
rogeront tout spécialement les contrats de mariage et les 
testaments ; les topographes étudieront les anciennes rou- 
tes, l'emplacement des bâtiments et les limites des pro- 
priétés, dans les actes d'acquisition ou de vente; disons-le, 
chaque spécialiste trouvera à glaner dans le vaste champ 
des registres notariaux. — S'il en est ainsi de ceux qui 
s'occupent de retrouver dans le passé l'origine d'une fa- 
mille ou l'histoire d'un bâtiment, d'une église, par exem- 
ple; quelle bonne fortune pour celui qui étudie l'histoire 
d'un couvent ou d'une abbaye, de rencontrer les registres 
d'un homme, dont le nom est maintenant peut-être in- 
connu, mais qui fut, il y a plusieurs siècles, pendant vingt, 
trente années ou plus, le notaire et le secrétaire spécial 
de cette maison autrefois célèbre ! 

Nous sommes loin, cependant, de prétendre que la 
collection de ces minutes dût être intégralement livrée à 
la publicité ; en effet, le plus grand nombre de ces actes 
offrent un intérêt trop personnel ou trop restreint pour 
mériter cet honneur. L'inventaire-sommaire seul présen- 
terait une véritable utilité et permettrait aux érudits de 
recourir à l'original pour le consulter. 



246 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Les notaires étaient autrefois plus nombreux qu'ils ne 
le sont aujourd'hui. Le lecteur en jugera par ce que nous 
allons dire. 

A la fin du xrx e siècle, vingt-six titulaires seulement 
exercent cette profession dans l'arrondissement de Saint- 
Marcellin, parmi lesquels trois résident au chef-lieu et un 
seul à Saint-Antoine. 

Un édit royal, daté du mois de mai 1627, fit la « créa- 
tion de dou\e cents notaires héréditaires dans la province 
de Dauphiné, » dont « trois dans le bourg de Saint- 
Antoine (ï). » Trois notaires à St-Antoine, établis le 
même jour ! « Sans doute, dira-t-on, il n'y avait encore 
aucun notaire dans ce bourg, et le roi a voulu agir roya- 
lement en faisant une semblable « création ? » Telle n'est 
point la vérité. 

Voici, en effet, les noms des notaires de St-Antoine qui 
exerçaient en même temps leur office dans les années 1574 
à i58o> à l'époque où le notaire dont nous avons princi- 
palement à nous occuper venait d'embrasser sa carrière : 
c'étaient François Dubois , Claude Boutéon , Baptiste 
Bernard, Pierre Delahaye (protestant) (2), Jean de la 
Garde, Jacques Fayolle, Claude du Pinet, Jean Poudrel, 
Odin de Valloys, la plupart notaires héréditaires (3). 

(1) Antoine Piémont, not. de St-Ant., vol. BBB-1698, fol. 32. 

(2) Ce notaire avait été cuisinier du grand prieur de l'abbaye, Hector 
de Rux, avant d'être notaire. Mémoires (VEustache Piémont, p. 45. 

(3) Encore que nous venions de nommer un notaire protestant, nous 
pensons qu'il faisait exception, et que, pour cet emploi, Ton choisissait 
de préférence un catholique. Nous voyons en effet (Eust. Piémont, vol. 
de 1595, fol. 64), que, le i5 août i5g5, les consuls et la communauté 
de St-Antoine élisent pour exercer l'office et l'état de notaire en lad. 
ville, à la place de feu M e François Dubois, à savoir Antoine Jassod, 
fils de Bon Jassod, natif dud. lieu, « estant de la relligion chrestienne, 
catholique, apostolique, romayne. » 



LES NOTAIRES PIEMONT. 247 

Nous pourrions ajouter les noms de plusieurs autres, qui 
furent sans doute les émules de ceux que nous venons de 
nommer, dans ce laps de temps que nous avons donné 
comme point de comparaison. Disons encore que Chatte, 
Chevrières, Dionay et autres petites localités voisines de 
St-Antoine, qui en sont aujourd'hui dépourvues, avaient 
à cette époque un ou plusieurs notaires. 

Leurs registres ou volumes de minutes, comme ceux 
de leurs devanciers, qui ont échappé à la destruction, 
composent les archives des études notariales de la région 
de St-Antoine, où leurs anciens propriétaires les ont em- 
portés en changeant de résidence. 

II. — Claude Piémont et sa famille. 

Parmi tous les notaires de St-Antoine, il en est un 
qui a pour nous un intérêt particulier, car il fut avec 
son fils, pendant de longues années , le secrétaire de 
l'abbaye de St-Antoine, et plusieurs membres de sa fa- 
mille exercèrent dans le bourg l'office de notaire pendant 
plus de cinq quarts de siècle. Nous voulons parler des 
notaires Piémont. 

Le premier notaire de ce nom fut Eustache Piémont, 
l'auteur bien connu des Mémoires, que M. Brun- 
Durand a récemment publiés pour la première fois (i), 
et dont nous parlerons après avoir esquissé la biographie 
de leur auteur et celle de sa famille. 

La reconstitution de cette généalogie nous a été facilitée 



(1) Mémoires de Eustache Piémond, notaire royal-delphinal de la 
ville de St-Antoine en Dauphiné (i5y2-i6o8) y publiés par J. Brun- 
Durand, vice-président de cette Société (d'Archéol. et de Statist. de la 
Drôme). Valence, J. Céas, 1885, un beau vol. in-8 e de xuv-664 p. 



248 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

par M. M e Louis Coffin, notaire de St-Antoine, qui a eu 
l'aimable obligeance de nous communiquer les nombreux 
registres conservés dans son étude : nous le prions de 
recevoir ici tous nos remercîments. — Le fonds de St- 
Antoine, conservé aux archives du Rhône, nous a aussi 
fourni quelques notes bien précieuses. 

M. Brun-Durand, dans sa Préface, nous a donné déjà 
quelques notes biographiques sur Eustache Piémont ; 
nous essaierons de les compléter» Il voudra bien nous 
pardonner, si nous modifions quelques-unes de ses asser- 
tions, empruntées à divers ouvrages parus avant sa sa- 
vante édition des Mémoires. 

Claude Piémont, maréchal (?) de St-Antoine (1), épousa 
Jeanne Gatan. Ils eurent trois fils dont les noms nous 
sont connus : Eustache, Jean, Loys et une fille, dont 
l'existence nous est révélée incidemment par les A/e- 
moires (2). C'est tout ce que nous connaissons des 
parents d'Eustache Piémont ; ils moururent avant la fin 
de Tannée 1574 (3). Nous ne connaissons pas non plus 
l'ordre de primogéniture de leurs trois fils (4). 



(r) « Hon. viro Claudio Piedmond, marselario Sti Anthonii », témoin 
dans un acte du 7 févr. ibyi. Arch. du Rhône, H, fonds de St-Ant.,car- 
ton 8. — Cette variante marselarius ne se trouve pas dans Du Cange. 

(2) « Elisabeth Fayolle, ma niepce », p. 211. — Dans le titre môme 
qu'il a donné à ses Mémoires^ Eustache mentionne un sien oncle, 
« Jean Piemond », marié en Poitou « dès l'année i56o. » 

(3) Dans le partage fait le 7 nov. 1574 entre Humbert et Antoine 
Catan frères, Eust. Piémont mentionne « Jehanne Cathan, vivant ma- 
riée avec Claude Piemond. » D'après cet acte et d'autres documents, 
Pierre Catan, mari de Catherine Siberte, testa le 7 mai 1569, et fut 
père de : i* Humbert, mari de Catherine Ageron; 2 Ô Antoine ; 3° Thoi- 
nette, femme de Pierre Guillermet ; 4 Jeanne. Vol. de 1574, fol. i58. 

(4) Mémoires..., p. 211. — L'an 1610 et le i5 e sept., transaction fut 
passée pour terminer le différend mû « entre Thievena Bernarda, 



LES NOTAIRES PIEMONT. 249 

Loys Piémont, fils de feu Claude, épousa, le 8 août 
1574, Thoina Jasserme, fille d'Antoine (1). Il était bou- 
cher de Saint-Antoine. Il mourut de la peste, en i586, 
avec « sa femme et quatre enfans (2). » 

Au cours d'une enquête juridique faite dans Pabbaye 
de St-Antoine le 2 5 août i6o5, ce honneste Jean Pied- 
mond, dud. St-Antoine, apparaît « aagé d'environ qua- 
rante-deux ans » : ce qui reporte sa naissance à Tannée 
i563. Eustache devait être son aîné de plusieurs années, 
puisqu'il était notaire dès 1674. M. Brun-Durand le fait 
naître en i55o, d'après le titre même des Mémoires. 

Jean Piémont, bourgeois et boulanger de St-Antoine, 
et hôte de « la Croix Blanche » (3), eut de sa femme 
a Janne Togie » (al. Tougie), veuve d'Antoine Lambert 
Caffiot, une fille nommée Antoinette, qui fut d'abord 
femme d'André Bugnot (père d'Antoinette et Jeanne 



demanderesse, et M° Heustache et Jehan Piemond, frères, en quallité 
d'héritiers avecq inventayre de feu Loys Piemondz, leur autre frère, 
pour raison de la vente de certains fondz assis au mandement de 
St-Anthoine, lieu dit « à St-Disdier », led. contract de vente passé en 
Tannée i585, au mois de septembre. Jehan Jassoud, not. de St-Ant., 
vol. i6o5-i6i8, fol. 144. 

(1) Eust. Piemond, pet. vol. de 1574, fol. 198. 

Seuls Jean, Eustache et son fils Claude signent Piemond ; tous les 
autres membres de la famille, Piémont : c'est l'orthographe que nous 
avons adoptée comme la plus commune. On trouve encore la forme 
Piedmont. 

(2) Mémoires . , p. 211. 

(3) J. Jassoud, not., gr. vol. de i6o5-i8, fol. 134 — M. Brun-Durand 
(Mémoires. Index, p. 587,) mentionne : « Piemond, Joseph, hoste du 
Chapeau rouge. » Le texte unique des Mémoires (p. 257) sur lequel 
s'appuie ce dire, ne nous semble point assez démonstratif : « Nous les 
« logeâmes au Chapeau rouge, où Joseph Piemond se tenoit. » Ce Joseph 
Piemond n'est connu que par ce texte, où nous croyons qu'il faudrait 
lire « Jehan ». 



250 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Bugnot),-puis d'Antoine Marbaud des Iles. André Mar- 
baud, frère d'Antoine, épousa plus tard Antoinette Bu- 
gnot, que nous venons de nommer. Jean Piémont, qui 
apparaît d'abord comme « clerc », puis souvent comme 
témoin dans les actes rédigés par son frère ou par son 
neveu Annibal, fit son testament le 17 novembre 1645 et 
mourut après le 5 janvier 1646 (1). 

III. — Les écrits d'Eustache Piémont : ses minutes 

et ses Mémoires. 

Aujourd'hui, chaque notaire possède un « état des mi- 
nutes déposées dans son étude. » M e Coffin a bien voulu 
nous communiquer son « état », sur lequel on lit tout 
d'abord : « Notaires de St-Antoine : i° Piémont Eus- 
tache, du 18 janvier 1574 au i er déc. 1616; 2 Piémont 
Annibal, 16 nov. 1609 au 11 janv. 1649; ^° Piémont 

Antoine, 12 juin 1649 au I<Jr nov - l 7°^ °* etc * 

Voilà donc fixées les limites de la carrière de ces trois 
notaires. 

Durant ce long espace de plus de quarante ans, Eus- 
tache Piémont a rempli de ses actes ou contrats un grand 
nombre de volumes, registres ou « prothocols» comme il 
les appelle lui-même. Ils forment deux séries, dont la pre- 
mière embrasse les années 1 574(A) — 1 597 (&); la seconde, 
commencée en 1592 (AA), s'arrête à Tannée i5i5-i6 
inachevée. Chaque année comprend deux volumes, en 
grand et petit format, cotés par la même lettre. Ses petits 
volumes sont ordinairement précédés du répertoire. 

(1) Nous connaissons ces détails sur la famille de Jean Piémont par 
son testament, que l'on peut voir dans Ann. Piémont, vol. de 1645, 
fol. 180-2. — Cf. Id., 1646, fol. 4. — Jean Piémont n'était donc point 
le fils d'Eustache, comme le dit V Armoriai du Dauphiné, p. 522-3. 



It Mf 



. LES NOTAIRES PIEMONT, 25 1 

Le notaire inscrit ordinairement en tête de ses volumes 
une maxime ou pieuse invocation. Voici celle qui com- 
mence le grand volume de i5y5 : « Au nom de Dieu, le 
priant de bon cœur qu'il luy plaise me voulloir assister 
en toutes mes euvres » (i). 

Ces maximes et cette belle invocation adressée au Tout- 
Puissant au commencement de sa carrière, témoignent 
d'une vraie dévotion et d'une foi profonde et inébranlable. 
Si le notaire catholique savait demander le secours de 
Dieu avant toutes ses œuvres, il savait aussi le remercier 
pour toutes les faveurs reçues. Presque à chaque page 
de ses Mémoires, on rencontre un mot de reconnaissance 
adressé à « Fauteur de tout bien. » 

Il est profondément regrettable que certains volumes 
soient incomplets. Plusieurs chapitres généraux ou autres 
actes importants, inscrits au Répertoire, ont disparu. 



(i) Au commencement de son premier volume en petit format, on 
lit la belle prière suivante : « Au nom du Père, et du Filz, et du 
Sainct Esprit, amen. Je Eustache Piedmond, notaire royal, prie et 
requiers très humblement la saincte divine Trinité de paradis me voul- 
loir assister en toutes mes oeuvres, tant spirituelles que temporelles, 
me conduire par la grâce du Sainct Esprit en la vraye voye de salut, 
me voulloir garder de faire chose qui soit contre le debvoir de mon 
estât/ me voulloir garder de toutes mauvaises personnes et de mau- 
vaise voullunté, qui se pourroyent adresser à moy pour me incister à 
faire chose contre mon honneur ; me donner l'esprit et le pouvoir re- 
cognoistre à celle fin que je m'en puisse garder, et que je puisse si 
bien user de mond. estât que ce soit à la gloire dé Dieu et de mon 
honneur et promet d'ung chascun; et generallement de tous perilz et 
dangers de mauvaise compaignie, mauvaise herezie, à celle fin que je 
puisse tousjours recognoistre et louer celluy qui m'a faict et créé, et 
qui a voullu prendre chayr humaine, et souffrir mort et espandre son 
sang en l'arbre de la croix pour les pécheurs : le suppliant de bon 
coeur qu'il luy plaise me donner sa grâce et bénédiction, et en fin 
paradis, amen. Piemond, not. » 



[ut. comme 



'd\ 



î52 SOCIÉTÉ D'ARCHEOLOGIE ET I>E STATISTIQUE. 

Cette soustraction, croyons-nous., peut être expliquée dans 
certains cas : le notaire, I*^ r s'épargner un grand travail 
de copie, aura détaché du registre annuel et expédié le 
cahier qui contenait ces actes. Mitais cette explication est- 
elle recevable pour tous les cas ? NcJl mis n'oserions point 
le soutenir... >J V 

Dans les derniers volumes, on reconnaV ît, parmi les 
diverses écritures, celle d'Annibal Piémont, qûv *i venait en 
aide à son père, bien qu'il fût lui-même notain 
nous le verrons plus loin. 

Eustache Piémont a laissé un Répertoire génén 
table de tous ses registres. Ce volume de 5o3 feuillets " 
en très mauvais état, le dos ayant été rongé par l'hunl 
lité. Des deux cents premiers feuillets se rapportant ai 
années 1574 à j5çjo, il ne reste qu'une parcelle... 

Eustache Piémont tenait bien ses registres notariaux A 
récriture est belle et toujours soignée; Ton ne voit point \ 
dans les interlignes de surcharges qui rendent les textes \ 
illisibles; il renvoie plutôt, au moyen d'apostilles, les 
corrections ou additions indispensables au bas de la page 
ou à la fin de l'acte avant l'apposition des signatures. 
Les actes , placés régulièrement dans Tordre chronolo- 
gique, sont précédés d'un titre qui indique l'espèce du 
contrat, si c'est un arrentement, une transaction ou une 
quittance, etc., et le nom des parties. Souvent, de courtes 
noies marginales font connaître que l'acte a été expédié 
et réexpédié par le notaire lui-même ou par quelqu'un de 
ses successeurs, parfois un ou deux siècles après la rédac- 
tion de Pacte primitif. Disons en passant que ces notes 
sont rarement sans intérêt. Les titres des actes sont re- 
portés à l'index qui accompagne chaque volume ou au 
Répertoire général. La couverture en parchemin contient 



\ 



LES NOTAIRES PIEMONT. 2 53 

un acte, rédigé le plus souvent en latin, particulièrement 
un contrat de mariage, qui, à l'époque où le notaire reliait 
ses « prothocols », ne présentait pour lui aucun intérêt, 
mais où le chercheur attentif découvre parfois des détails 
surprenants. 

Sans doute, la plupart des registres notariaux fournis- 
sent les mêmes détails et les mêmes avantages ; nous 
devons dire toutefois que les volumes d'Eustache Pié- 
mont sont plus soignés que ceux de ses collègues, ses 
contemporains, et que les recherches y sont plus faciles. 
Et nous ajoutons avec plaisir que les membres de sa 
famille qui lui succédèrent dans le notariat, semblent 
avoir hérité de leur ancêtre ces deux précieuses qua- 
lités, le soin et Tordre. En ouvrant leurs volumes, on 
voit clair et Ton ressent le désir de lire. Nous n'en 
dirions certes pas autant de tous les registres notariaux 
que nous avons eus entre les mains I 

Terminons par un détail ; le lecteur jugera lui-même 
de son importance. 

Nous avons dit plus haut que dans les registres des 
notaires Piémont, les actes étaient « placés régulièrement 
dans Tordre chronologique. » Cette méthode est si natu- 
relle que son éloge a pu paraître banal. Or, nous con- 
naissons la collection des registres d'un ancien notaire, 
soit les actes reçus en son étude pendant plus de trente 
années. Tous ces registres ont été reliés de la façon que 
nous allons décrire. Nous prions le lecteur d'être attentif. 
Chaque volume comprend deux années (voire même trois); 
la seconde année est placée avant la première, et la 
troisième (quand il y a lieu) avant la seconde. Chaque 
année se termine par son index, qui est le point de départ 
d'une pagination spéciale, compliquée parfois d'une ou 



\ 



254 société d'archéologie et de statistique. 

deux autres, et allant, pour suivre Tordre chronologique 
ou quasi-chronologique, en sens inverse de la méthode 
normale partout reçue. De plus, l'index annuel sépare 
les actes des séculiers de ceux des ecclésiastiques de la 
même année ! C'est à cette pagination à rebours que se 
rapporte le Répertoire général, — car il y en a un. Enfin, 
pour la consolation du chercheur, il y a une autre pagi- 
nation, unique pour les deux (ou trois) années du volume, 
procédant selon la méthode que tout le monde connaît, 
mais qui est inutile, puisque aucune table ne s'y rapporte ! 
C'est complet, c'est réussi!... Et vingt volumes reliés 
d'après cette méthode!... On peut se demander quels 
avantages l'inventeur du système avait découverts dans 
cette façon de procéder, pour l'appliquer ainsi avec suite. 
Ce qui est certain, c'est que, dans un tel labyrinthe, Ton 
peut chercher longtemps sans trouver, et que parfois, 
désespérant enfin d'y trouver rien qui vaille, on s'en éloi- 
gne avec dégoût, quoique avec regret... et à tort. 

Revenons à la rédaction d'Eustache Piémont. Dans les 
actes notariés, il emploie le style propre aux notaires 
en se conformant à certaines formules, où les noms pro- 
pres seuls sont à changer. Secrétaire de l'abbaye de Saint- 
Antoine dès i58o, il rédigea pour les religieux un grand 
nombre d'actes très divers, en français et en latin. Il sem- 
ble très facile dans ces sortes d'actes, modelés sur les 
formulaires (i), d'éviter une faute quelconque de langage. 
Nous n'avons pas d'observation à faire sur les actes rédi- 
gés en français par Eustache Piémont; mais vraiment 



(1) Il existe encore aux Archives du Rhône, H, fonds de St-Antoine, 
carton 2.14, un registre ou formulaire servant à la rédaction de la plu- 
part des actes capitulaires de l'abbaye. 



LES NOTAIRES PIEMONT. 255 

certains autres ne font pas honneur à sa science de la lan- 
gue latine. Un exemple, qui remporte de beaucoup sur 
tous les autres, mérite d'être rapporté comme exception. 

En 1897, nous avions transcrit les actes du chapitre 
général de Tannée i6o5, d'après une copie, évidemment 
défectueuse, tout entière de la main d'Eu3tache Piémont. 
Deux ans plus tard, nous fûmes assez heureux pour re- 
trouver, égaré dans un volume d'Antoine Piémont, l'ori- 
ginal paginé (fol. 85-89) 1 et en l ey é au volume « HH 
i6o5 » auquel il avait appartenu. Cet original est seule- 
ment signé par le notaire ; le texte, très correct, est sans 
doute de la main d'un religieux de l'abbaye. En compa- 
rant les deux textes, nous avons remarqué, dans la copie 
du notaire, l'omission de plusieurs passages notables ; 
son texte, bien lisible, d'une orthographe souvent diffé- 
rente de celle de l'originai, fourmille (le mot n'est pas 
trop fort) de fautes qui le rendent, en maints endroits, 
inintelligible. Il a même imité l'écriture de certains mots, 
pour lui illisibles : d'où il est résulté une sorte de hiéro- 
glyphe indéchiffrable à l'œil et à l'intelligence; d'autres 
fois, il a simplement passé outre. Enfin, l'on en vient à 
se demander si le bon notaire comprenait ce qu'il écrivait. 

Aussi bien ne faut-il point s'étonner de trouver, dans 
quelques-uns de ses volumes, des extraits de lexique, 
écrits de sa main et à son usage. En voici un spécimen : 
« quia, pourvu que ; labor, labeur, peyne et travail ; 
ingratus, mecognoissant ; débita, deub ; prœmia, gain 
et prix de quelque jeu, gaige, loyer; fallunt, decepvoir, 
abuzer, tromper; excipiendis, prendre, recepvoir ; hac- 
tenus, jusques à présent (1). » 



(1) Vol. de 1597, fol. 110. 



256 société d'archéologie et de statistique. 

Le titre du volume de 1674 se termine ainsi : « Finis 
coronna oppus. » 

Evidemment, celui qui a besoin de recourir au diction- 
naire pour connaître la signification de mots aussi sou- 
vent répétés, n'a point fait une étude approfondie de la 
langue latine. 

On ne saurait faire une semblable observation à l'en- 
droit du fils et du petit-fils d'Eustache Piémont. 

Outre ses registres, dont nous venons de parler, Eus- 
tache Piémont a laissé des Mémoires, que nous ferons 
connaître brièvement , d'après la Biographie du Dau- 
phiné : « Ce journal embrasse une période de 36 ans 
[1572-1608] ; il est divisé en alinéas précédés chacun d'un 
titre explicatif, de la date de Tannée, du mois et quelque- 
fois du jour; il donne de minutieux détails sur tous les 
petits sièges, attaques, prises et reprises des innombra- 
bles places de guerre qui bordaient les deux rives du 
Rhône, sur les assauts éphémères qu'essuyèrent les bour- 
gades, les combats de quelques instants, les révolutions 
intérieures des cités, dont l'obscurité a presque toujours 
échappé aux historiens. Piedmond fut souvent témoin 
des événements qu'il raconte ; aussi son journal est-il 
d'une grande importance pour fixer les incertitudes et 
les erreurs de dates qui pèsent sur un grand nombre 
d'événements arrivés dans notre province pendant la 
seconde moitié du xvi e siècle (1). » 

Dans cette étude, il nous est souvent arrivé et il nous 
arrivera souvent encore de citer ces Mémoires pour faire 
connaître leur auteur, les membres de sa famille et d'au- 
tres personnages dont nous aurons à parler. 

(1) T. II, p. 247. 



LES NOTAIRES PIÉMONT, ib*] 

M. Rochas, dans le passage que nous venons de lui 
emprunter, et après lui, M. Brun-Durand, dans sa Pré- 
face aux Mémoires imprimés (p. xxiv, xlii et p. 1), s'ap- 
puyant sur le titre même de ces Mémoires,- marquent- 
leur commencement à Tannée 1572 (1). MM. Jules OUi- 
vier et Vital Berthin, s'appuyant également sur le même 
titre, — qu'ils reproduisent différemment, — les font 
commencer dix ans plus tôt en i5Ô2. Quel titre portait 
l'original d'Eustache Piémont ? Impossible de le dire sû- 
rement, puisque son manuscrit a disparu. Du reste, les 
deux lectures peuvent se justifier : car les cinq premières 
pages des Mémoires résument les événements des années 
1 560-1570, et les deux suivantes seulement (6-7) se rap- 
portent à Tannée 1572. 

Cette variante de lecture serait donc par elle-même 
sans importance. Seulement la date de i5Ô2, étant donné 
le reste du titre tel qu'il se lit dans les divers auteurs, 
rend ce titre contradictoire en faisant revenir de Poitou 
Eustache Piémont en i5Ô2, on\e ans après que son oncle 
l'a attiré dans cette province où il est « marié dès Tan 
i56o. » Le texte complet donné par M. Brun-Durand seul 
s'accorde avec la dernière date de i56o qui termine le titre. 

(1) Voici ce titre tel que le donne (p. 1) le texte publié par M. Brun- 
Durand : « Mémorial perpétuel... de ce que particulièrement est ad- 
venu en Daulphiné, et notamment en nostre pauvre ville de St-Antoine 
en Viennois, recueilli par moy Eustache Piemond, notaire royal dal- 
phinal de lad. ville de St-Antoine... depuis l'année mille cinq cens 
septante et deux que je fus de retour de Poictou, où j'avois demeuré 
unze ans et unze ans j'avois lorsqu'un mien oncle nommé Jean Piemond 
m'y avoit attiré, y estant marié dès l'an i56o. » 

M. OUivier (Revue du Dauphiné, t. I, p. 143,) et M. Berthin, (Revue 
de Vienne^ t. II, p. 3oo), omettent les mots « et unze ans j'avois » dans 
le titre des Mémoires qu'ils relatent d'après la copie de Fontanieu, à 
la Bibliothèque Nationale. 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. '— I9OO. 17 



258 société d'archéologie et de statistique. 

Comme l'indique la citation précédente, les Mémoires 
s'arrêtent brusquement au mois de mars 1608. Tous les 
écrivains, jusqu'ici, ont attribué cet arrêt subit à la mort 
de l'auteur. Il n'en est rien, car Eustache Piémont vécut 
encore plusieurs années, comme nous le verrons bientôt. 
Il faut donc, désormais, chercher à cela une autre cause, 
que la disparition de l'original ne permet point facilement 
d'assigner. Nous avons dit que certains cahiers plus im- 
portants ont été soustraits aux registres d'Eustache Pié- 
mont; un semblable accident n'est-il point arrivé aux der- 
niers cahiers manuscrits de ses Mémoires, avant leur 
transcription faite au xvin e siècle ? 

Il est temps de reprendre la biographie de l'auteur des 
Mémoires* 

IV. — Date de la mort d'Eustache Piémont. 

Ce n'est point dans les registres d'un notaire qu'il faut 
chercher des actes concernant sa famille ; car s'il reçoit 
les contrats de tous les étrangers, il ne saurait être admis 
à témoigner dans sa propre cause et pour les siens. Eus- 
tache Piémont nous fournit néanmoins quelques notes, 
bien courtes, sur lui-même et sur sa patrie. 

Voici comment il termine son petit volume de i588 : 
« Fin de l'année i588, laquelle a esté assez rude à passer; 
et dès le moys d'aoust dernier n'ay guieres travailhé de 
mon estât à cause des remuementz survenuz dès la sur- 
prinse de Paris, et pour la fin le s r de Guyse aux Estatz 
generaulx de France à Bloys fust tué. Nous resceumes à 
St-Anthoine grande ruyne du séjour de 3g jours du régi- 
ment de la Baulme d'Aultung : pour nous estre voisin, il 
ruyna presque tous les bastimentz de la ville, ruyna les 
habitans et les villages autour à vin lieues. Ayant entendu 



LES NOTAIRES PIÉMONT. 25g 

la mort dud. sieur de Guyse, il s'en alla le jour des Inno- 
cens 1 588. Dieu nous donne consolation en noz mizeres; 
et qu'il luy plaise apaiser les troubles et partialités des 
princes, affin que, jouissant de heureuse paix, nous le 
puissions recognoistre nostre souverain créateur, et en 
fin nous donner paradis ! Piemond, not re (i). » 

Dans son Répertoire général (2), il nous explique 
pourquoi ses protocols de i6o5 et 1607 sont demeurés 
petits : Il fit, à la fin de ces deux années, nous dit-il 
dans une note, un voyage à Grenoble où il séjourna plu- 
sieurs semaines, la première fois « comme commis du 
bailliage de St-Marcellin pour les affaires des villageois du 
Daulphiné », pour l'exécution de l'arrêt du conseil privé 
obtenu à leur profit; la seconde, pour le même motif et 
aussi « pour le second rabaiz de feuz de St-Anthoine, 
que le consul Lavis et moy avons obtenu à la ville de 
St-Anthoine reduicte à x feuz. » 

Voilà tous les détails que nous avons pu recueillir sur 
sa personne. 

En quelle année mourut Eustache Piémont ? 

M. A. Rochas, dans la Biographie du Dauphiné, dit 
que « nous ne savons presque rien de la vie d'Eustache 
Piedmont. » Et après avoir donné le titre de ses Mé- 
moires encore manuscrits, il ajoutait : « Son journal 
s'arrête à Tan 1608. Comme il enregistrait chaque jour 
avec soin et une régularité notariale les événements dont 
il était témoin, ou dont il entendait parler, on peut avec 
probabilité placer sa mort à cette époque; il nous semble, 
en effet, difficile à admettre qu'un notaire de la vieille 
roche, tel que lui, se fût départi sans une cause aussi 

(1) Cf. Mémoires..., p. 232. 

(2) Fol. 426, 433, 453 et 458. — Cf. Mémoires... y p. 277. 



2ÔO SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

majeure que celle de son trépas, d'une habitude con- 
tractée depuis 36 ans. » Dans cette appréciation, M. Ro- 
chas ne fait que suivre l'opinion émise en i83o par 
M. Jules Ollivier dans la Revue du Dauphiné (i). 

UArmorial du Dauphiné se contente de dire qu'il 
« vivait encore en 1608. » 

M. Brun-Durand pense, après l'auteur de Y Armoriai, 
que sa mort est « probablement arrivée en 1608. » 

Toutefois, il est un passage des Mémoires, qui eût pu 
embarrasser un auteur dégagé du préjugé de Tannée 1608. 
Voici ce qu'on lit à la page 424-5 de ces Mémoires im- 
primés : « Le dimanche 12 de juillet 161S, il [le pieux 
abbé de Saint-Antoine, Antoine Tolosain] deceda et fust 
enterré dans la grande esglise, en la tumbe qui est de- 
vant le pupitre du cœur, et quatre jours après son enter- 
rement, on voulust pozer la grande pierre, on troubva ce 
corps dans sa chasse beau et frais sans puanteur, chose 
admirable; et l'on troubva les ossements du corps de 
Tevesque de Beziers, qui sentoient bon comme beaume, 
chose admirable. Tout le peuple de la ville Valla voir, 
et moy je touchay sa face qui estoii plus vermeille que le 
jour que fust mis en terre (2). » 



(1) T. I, p. 143. 

(2) L'examen approfondi et la critique de ce court alinéa demande- 
raient de longs développements, que nous différons de donner. Pour 
le moment, nous nous contenterons de prévenir le lecteur que nous 
regardons comme appartenant certainement à Eustache Piémont seu- 
lement la partie du texte en italiques ; une autre partie, peut-être de 
lui, a été ensuite faussée par suite d'une mauvaise correction. Quant 
à ce qui concerne « l'evesque de Beziers », c'est certainement une addi- 
tion faite après l'année 1660, c'est-à-dire après la translation du corps 
de l'abbé Tolosain dans un autre caveau de l'église. — La discussion 
de ces différents points n'intéresse pas la date de la mort d'Eustache 
Piémont, et notre démonstration n'en sera nullement ébranlée. 



LES NOTAIRES PIEMONT. 2ÔI 

M. Brun-Durand a donné, dans une note, une expli- 
cation facile de ce passage au premier abord embarras- 
sant. Puisque, pensait-il, l'annaliste est mort en 1608, 
« cet alinéa a dû être ajouté au m s. original par le fils 
d'Eustache Piémond... » 

Evidemment cet alinéa, qui suit immédiatement le 
récit de Sélection de l'abbé Tolosain, faite en octobre 
1597, n'a pu être inséré dans le texte des Mémoires (ou 
plutôt, croyons-nous, en marge dans l'original aujour- 
d'hui perdu) que dix-huit ans après cette élection. Mais 
nous n'hésitons pas à dire que, dans son ensemble, selon 
que nous l'expliquons en note, Tintercalation de cet alinéa 
a été faite par Eustache Piémont lui-même après la mort 
du pieux abbé. 

Le volume des actes notariés, reçus par Eustache 
Piémont en Tannée 1697, existe encore. Au folio 23g 
commence le procès-verbal de 1' « Electio pro futuro 
abbate monasterii Sti Antonii. » A la marge de ce feuillet, 
on lit la note suivante, de la main cTEustache Piémont : 
« Il a reigné 18 ans et decedé le 12 juillet 161 5 (na faict 
antiere réparation en l'eglize). Dieu luy pardonne ces 
faultes. » — Sur la couverture-parchemin du même vo- 
lume de 1597, on lit encore, écrit de la main du même 
Eustache Piémont : « Cy dans ce protocol est... la ré- 
ception de frère Anthoine Tolozain, jesuiste, pour abbé, 
et a régné abbé 18 ans, (scut (?) faire certaine réparation 
en l'eglize). Dieu aye receu son ame en son paradis (1). » 

Eustache Piémont vivait donc encore en juillet 16 75, 
et c'est lui-même qui a consigné dans ses Mémoires, 



(1) Les mots entre parenthèses ont été effacés : nous n'avons pu les 
rétablir qu'avec peine, et la lecture d'un mot reste douteuse. 



2Ô2 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

comme dans ses minutes, la date de la mort de l'abbé de 
Saint- Antoine. Comme les autres habitants du bourg, et 
sans doute plus encore que les autres, il alla voir, « dans 
sa chasse beau et frais sans puanteur », le corps dû 
défunt abbé qu'il avait connu, aimé et vénéré pendant sa 
vie, et s'en approchant avec respect, il « toucha sa face 
qui estoit plus vermeille que le jour de sa mort. » 

Que ces deux annotations postérieures, faites dans le 
volume de 1597, soient de la main d'Eustache Piémont, 
la chose est absolument certaine et à l'abri de tout doute. 

Ajoutons une autre preuve, qui confirme ce que nous 
venons de dire. 

Nous avons encore les registres d'Eustache Piémont 
des années 1608 et suivantes jusqu'à 16 16 inclusivement. 
Les actes contenus dans le dernier volume, qui est en 
grand et petit format, se rapportent aux deux années 
161 5 et 1616; le volume est sensiblement moins fort que 
les précédents, et l'année 16 16 est inachevée. Le dernier 
acte est daté du 21 août de cette année. A en juger par le 
Répertoire général, où les derniers actes ont été « reper- 
torizés » par Annibal, ce volume n'a jamais contenu 
d'actes postérieurs. L' « état des minutes des notaires de 
St-Antoine », cité plus haut, fixait comme date dernière 
à la carrière du notaire le « i ar décembre 1 6 1 6 » ; mais 
rien ne prouve qu'il ait pu exercer son état jusqu'à ce 
jour, empêché par la maladie ou peut-être... par la mort. 

Quoi qu'il en soit, une dernière conclusion s'impose : 

c'est bien à la fin de l'année 16 \ 6 qu'il faut placer la mort 

d'Eustache Piémont, sans que l'on puisse encore préciser 

davantage. 

Dom Germain MAILLET-GUY, 

Chan. rég. de l'Imm.-Conc. 

(A continuer). 



UN TORRENT, LA DROME. 2Ô3 



UN TORRENT 

LA DROME 



(Suite. — Voir les 127* à 133* livr.) 



Die a été plusieurs fois livrée au pillage, jadis par les 
Barbares et par les factions politico-religieuses, de nos 
jours, par les archéologues, — ceux-ci, on le conçoit, dans 
des intentions différentes. — Mieux peut-être qu'en aucune 
cité dauphinoise, mieux qu'à Vienne, qualifiée Pulchra 
et Ornatissima par les Empereurs, on y respire ce 
mucre latin, cette odeur spéciale que gardent, des civilisa- 
tions dont elles furent imprégnées, les vieilles murailles. 

Le Moyen-Age, à qui l'énorme coûtait peu et qui 
maçonnait au besoin la montagne, bâtit et rebâtit d'une 
truelle inlassable dans la vallée de la Drôme, mais ici, 
pressé sans doute, il se borna à modifier et à ressemeler 
dans le sens de son architectonique. Sous les évêques, la 
ville était, dit-on, percée de douze portes ou poternes et 
flanquée d'un nombre considérable de tours. On y em- 
ploya, pêle-mêle, sans les défigurer, sans les dépaïenniser, 
les matériaux de tous les monuments anciens. Ces pier- 
res, petit à petit, se retrouvent, et chaque fois que la 
pioche en exhume, Die se sourit à elle-même. 

Deux portes romaines donnaient jadis accès dans la 
ville. Sous le prétexte bouffon, de donner de l'air à un 
quartier, la porte St-Pierre a été abattue. Il reste la porte 



264 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

St-Marcel, arc de triomphe de paternité fort douteuse, — 
et très joliment fruste. Va-t-on le jeter par terre ? Les 
savants, les curieux, tous ceux qui, à différents titres gar- 
dent au passé quelque tendresse, peuvent avoir confiance 
en M. Joseph Reynaud. Le maire de Die, dont la sensi- 
bilité de lettré s'est émue de mainte déprédation, garde 
sa ville. 

A part le très beau porche que Ton sait, présent dura- 
ble de Cybèle à l'Eglise, la cathédrale, dépecée par le 
terrible La Tour Gouvernet, et réédifiée au xvn e siècle, 
est la laideur même. S. Nicaise, S. Pétrone et les quelques 
autres saints patrons de Die, en baissent les yeux. Le 
chœur, toutefois, offre au rez-de-chaussée des stalles 
anciennes richement sculptées. Le clocher, très court, 
finit lâchement en un affreux campanile de fer. La tour 
ruinée de Ste- Agathe est le seul reste d'une citadelle bâtie 
en 1595. La tour de Purgnon, débris vénérable d'un 
château des évêques bâti au xn e siècle, a été convertie en 
1860 en une chapelle sous le nom de N.-D. d'Espérance. 
Quant à la citadelle, sise sur une sorte de terrasse d'où la 
vue plonge fort agréablement sur la ville et sur toute la 
vallée de la Drôme, ce n'est qu'un vaste décombre. 

Mais il faudrait dénombrer les vieilles pierres qui, par- 
tout, lapident le sol d'ex-voto historiques, et qui nous 
confient le secret de leurs joies et de leurs peines ; il 
faudrait parler des bancs publics, jadis orgueilleux bas- 
reliefs, et des fontaines ex-colonnes de temples ; il faudrait 
citer les maisons romanes aux voûtes pesantes dont l'une, 
habitée justement par M. Reynaud, demeure si précise en 
ma mémoire autant par le plaisant anachronisme de son 
architecture que par l'exquise hospitalité que j'y reçus ; il 
faudrait doubler les angles vifs et comme méchants de 



UN TORRENT, LA DROME. 2Ô5 

certaines ruelles et lever les yeux vers leurs fenêtres 
ouvragées ; et il faudrait ne pas oublier les savants, tel cet 
opiniâtre Denis Long, qui fouilla toute sa vie le sol de sa 
ville natale. J'ai ma Drôme à suivre, ma Drôme dédaignée 
un peu de la cité qui lui tourne le dos, et que je vois ser- 
penter là-bas par l'échappée des ruelles dans le verdoyant 
bassin du Périer, le jardin potager de Die ! 

Hâtons nos pas. La comtesse de Die a peut-être tort de 
clore ses jolies paupières. Elle est sur une place si calme, 
si ombreuse, si propice à une cour d'amour ! Mais sans 
doute elle médite, l'esprit bercé par le murmure des 
fontaines jaillissantes. Le buste noble et séduisant, dû au 
ciseau de M me Clovis Hugues, fut inauguré en août 1888, 
au début de la plus mémorable tournée peut-être des 
Cigaliers et des Félibres. Maurice Faure, Henry Fouquier, 
et quelques autres bouches d'or, avec, pendus à leurs 
basques, tout un essaim bourdonnant de poésie, excitè- 
rent dans ces montagnes un enthousiasme indescriptible. 
De toutes parts les rustiques : bergers, vignerons, et sim- 
ples pied terreux vinrent boire à la coupe fraternelle de 
poésie. Et tout un jour, le peuple, dans un élan superbe, 
vint affirmer son droit à la beauté par une compréhension 
touchante des œuvres pures de l'esprit. Ne vit-on pas ces 
braves gens, haranguer les représentants du gai sçavoir, 
des messieurs de Paris, puis leur ofirir des fruits et des 
fleurs ? 

Mais — qu'on trié pardonne — le plus beau monument 
de Die, c'est le Glandas. 

Si le mont Aiguille, qui d'ailleurs fut diois sous les 
évêques, est un prodigieux obélisque, le Glandas oue en 
son impayable structure, je ne sais quel chimérique 



2Ô6 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Kremlin, vers lequel monteraient les respects, sinon les 
admirations des habitants. Les gens de Die qui lui vouent 
un culte, n'y vont guère. Ils se contentent de le regarder 
tout le jour, mais laissent volontiers à sa solitude ce puis- 
sant arbitre du vent et des orages. Les rares excursion- 
nistes s'y hissent par la vallée de Romeyer. C'est la route 
suivie depuis un temps immémorial par les bergers de 
Provence, que M. Etienne Mellier, définitif historiographe 
des transhumants, nous montre en des pages si attachan- 
tes, poussant devant eux à travers siècles et civilisations 
leurs hordes débonnaires et bêlantes. La draille est inégale 
et peu sûre, mais aussi elle s'entretient toute seule, ni plus 
ni moins que jadis les sentiers voconces, et elle est pleine 
de charme et d'imprévu. 

Le Glandas donne à boire aux Diois d'une urne si libérale 
que la ville est à cet égard l'une des mieux pourvues de 
France — eau admirablement limpide et délicieusement 
glacée. Sur ses flancs, drus de pins noirs et de grands 
hêtres, on cueille à pleins paniers entre autres cryptoga- 
mes, un champignon appelé vulgairement £e//g*owr<w et qui 
doit être le clavaire jaune. Des fleurs rares émaillent ses 
patriarcales terrasses si vertigineusement suspendues, et 
V arnica montana, sur certains points délaissés par les 
lapias, y lève de véritables moissons. 

Ce cirque de montagnes aux merveilles trop secrètes, 
ces imposants belvédères, ces sanatoires d'air pur et de 
lumière, toute cette nature agreste qui fait si bien planer 
sur Die comme un charme primitif et mystérieux lui 
vaudront quelque jour des touristes, de nombreux 
touristes, et des Anglais sans doute, ces Pères de 
l'Agitation perpétuelle. Mais la ville, sortie enfin de sa 
torpeur, et avec sur sa face vieillote et archaïque le fard 



. il *fl I Mi 



UN TORRENT, LA DROME. 267 

du badigeon, nous demeurera-t-elle aussi chère, et y trou- 
verons-nous pour nos rêves la même douce quiétude ? 

Die abrite à peine quatre mille habitants, gens aussi 
peu amorphes que possible. On y tient en particulière 
estime les amuseurs, les buveurs, les casse-cou. Il existe 
à Die l'homme qui a mangé de tout, et il paraît que les 
digestions heureuses de ce Voconce n'ont pas d'histoire. 
Est-ce que cette force d'instinct et cette animalité plaisan- 
te, comblées par de tels goûts, ne ressuscitent pas toute une 
préhistoire endormie ? Des types y ces Diois ! aussi bien 
aux anciens jours qu'à notre époque. L'énergie de leurs 
syndics au Moyen-Age, touchant les libertés de la com- 
mune, est légendaire. L'un d'eux, Albert Maurin, sorte 
d'Etienne Marcel, s'imprime dans les vieux souvenirs avec 
une netteté d'eau forte. Mais il y a aussi des figures plai- 
santes, hilares, tel le philanthrope Berton Gabert. Les 
auberges étant, paraît-il, très malfamées en 1437, et la 
loi, d'autre part, infligeant trop souvent le fouet aux 
pauvres ribaudes et aux femmes adultères, l'excellent 
homme ne trouva rien de mieux pour concilier la morale 
publique et sa pitié native, que de s'exproprier lui-même 
en faveur des filles de joie. D'après l'acte de donation, sa 
maison de larue du Palat devait leur servir d'asile « tant de 
jour que de nuit. » Nul ne dit combien d'années fonc- 
tionna ce lupanar municipal. 

David de Rodon ou Derodon est une physionomie 
curieuse du xvn e siècle. Protestant, il se fait catholique et 
publie : Quatre raisons pour lesquelles on doit quitter la 
religion prétendue réformée. Raisons dont il se met bien 
vite à rire en redevenant protestant. Il publie alors : Le 
tombeau de la Messe, livre piquant et bizarre qui est con- 



I! 



2Ô8 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

damné au feu. Professeur de philosophie à Orange et à 
Genève, il se flatte d'être également détesté par les pro- 
testants et les catholiques que tour à tour il assomme de 
ses satires, comme d'un marteau. 

Ces a fortes têtes », ces batailleurs, ces péroreurs, ces 
rhabdomanciens, et même ces gens d'esprit, — d'un 
esprit caustique et verveux en diable — tel le poète 
Boissier, sont des particularités morales précieuses à noter. 

Il y a peu d'années, — je tiens ce détail de M. Reynaud \ 

— les gamins delà haute ville (quartiers du Palat et de 
St-Pierre), attendaient tous les jours ceux de la ville basse 
(St-Marcel) sur un point donné, et immédiatement les 
champions s'attaquaient avec une incroyable furie. Ces 
rivalités, souvenirs obscurs des discordes civiles, ont 
existé d'ailleurs dans d'autres localités dauphinoises où 
on a dû maintes fois en réprimer le scandale. 

Notons encore, pour en finir avec les diois dignes de 
mémoire, outre les noms déjà cités : Artaud, un vieux 
juriste du xm e siècle ; Avond, un curieux mystique, 
qui fit un poème en Vhonneur du sacré vœu de virginité ; 
Rambaud, un avocat du temps d'Henri IV ; l'antiquaire 
François Drojat, et plus récemment, l'érudit auteur de la 
Biographie du Dauphiné, Adolphe Rochas, mort à 
Valence, il y a quelques années 

Die présente un caractère rustique et agricole trop pro- 
noncés pour accorder beaucoup à l'industrie. Pourtant, 
ses eaux vives, — force considérable — y maintinrent 
longtemps des fabriques florissantes. Elle façonne aujour- 
d'hui des meubles et des parquets, blute du ciment et 
ouvre la soie (le canton a produit jusqu'à soixante mille 
kilos de cocons). Mais, c'est la patrie de la clairette — 



/ 



UN TORRENT, LA DROME. 269 

notre Champagne à nous, Dauphinois, — et à ce propos, 
il est bon de rappeler que le vin poissé de Vienne, que 
vante le vieux Dioscoride, — poissé peut-être avec de la 
poix vocontienne — et le vinum dulce de Die étaient déjà 
des crûs classés au temps des Césars. La sensualité 
romaine s'émerveillait de ces vins d'Alpe — l'un, amer et 
chaud, l'autre doux et mousseux et procurant aux narines 
une chatouille délectable, — l'un, vin d'estomac, l'autre, 
vin de tête. — Naturellement, le phylloxéra a fait des 
siennes, ici comme ailleurs, mais la Clairette de Die n'a 
rien perdu de ses brillantes qualités, et l'effort patient 
des populations durant plus de vingt ans, a permis de 
reconstituer le vignoble. Les bois, les noix, les moutons, 
les agneaux, les porcs et les chèvres complètent les élé- 
ments du commerce local. 

Le Martouret, ancienne maison seigneuriale, et Sail- 
lères ou Salières, tous deux établissements thermo-rési- 
neux, soignent les arthrites régionales. 

Les armes de Die sont de gueules au château surmonté 
de trois tourelles d'argent. 

Félix GRÉGOIRE. 




27O SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 



ESSAI 



DE 



BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE 



-*•*« 



(Suite. — Voir les 10 a* à 132* livraisons). 



322. — Nouvelle communication de l'abbé de Léoncel, 
du 3i juillet 1709. — Il conste de son existence par le 
numéro suivant, qui en est la réfutation. Il en est fait 
mention aussi dans le Sommaire dp Proce\ (n° 324), en 
ces termes : « Par ses écritures communiquées le 3r juil- 
let 1709, le s r abbé de Léoncel abandonne ses précédentes 
prétentions; mais il en doit les dépens, et il en soulève 
d'autres. » 

323. — Répliqve du sieur sindic du Chapitre de 
St-Barnard aux écritures du sieur abbé commandataire 
de Léoncel, communiquées le 3i juillet 170g. 

In-folio de 3g pp., s. 1. n.d., signé: Piémont St-Disdier, 
Monsieur Morel de Montrivier, rapporteur; Armand, 
procureur. 

Communiqué le 7 août 1709. 

Débute ainsi : « Le procez qui est entre les parties a 
duré, depuis le 20 décembre 1707, par une multitude de 
chicanes proposées par ledit sieur abbé commandataire, 
pour éloigner le payement d'une prestation annuelle et 



ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. ^ 271 

personnelle de vingt sestiers... pour transport de dixmes 
de dix mas situés au terroir de la Part-Dieu, et de vingt 
sestiers, rente directe, sur deux mas situés apud Alamen- 
cum , nonobstant des titres constitutifs très légitimes , 
reconnaissances, arrêtz et exécutions par le payement réel 
et effectif desdites redevances de 106 ans et des payemens 
préexistans de plusieurs siècles. » 

L'opposant a mis en œuvre, pendant le cours de cette 
instance, tous les moyens de fuite que Ton peut imaginer; 
puis il a battu graduellement en retraite, convaincu par 
1 évidence du droit; « mais, ajoute le syndic du Chapitre, 
il n'en doit pas être quitte d'avoir fait durer ce procez 
par ce nombre d'exceptions injustes, et qu'il reconnoît à 
présent telles en les abandonnant; il doit les dépens qu'il 
a causés par ce moyen. » 

L'un des motifs d'opposition de l'abbé de Léoncel était 
qu'il ne possédait pas entièrement les fonds assujettis aux 
redevances réclamées par le Chapitre, et que dès lors, il 
devait en être déchargé au prorata. « Il prétend de plus 
ne devoir rien des trois sétiers froment, rente directe, 
pour quatre autres héritages, qui étoient une pièce de 
terre située sur l'église de Lancoiias, et une autre au- 
dessous de ladite église; une autre près du chemin de 
Biorsat aboutissant à la terre de Gratapaille, et une autre 
qui étoit au Poirier de Saint-Alban. Ces quatre héritages 
ne sont point autrement désignés par l'acte de 1233; ce 
qui fait que ledit sieur abbé commandataire dénie har- 
diment de posséder lesdits héritages, persuadé qu'il est 
que, depuis 1233, n'étant pas autrement désignés par 
ledit acte, il est du tout impossible que ledit sieur syndic 
en prouve l'indentité » (p. 19). 

L'abbé de Léoncel arguait encore d'une prétendue di- 
recte du prieur de St-Félix de Valence sur une partie des 
fonds en litige. Cette directe est contestée par le syndic du 
Chapitre, qui estime que cette prétention, fût-elle fondée, 



272 SOCIETE D ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

ne change rien à la question, et que cet incident n'a rien 
à voir dans le débat. 

324. — Sommaire/ dp Proce\/ du sieur syndic du Cha- 
pitre de/ Saint-Barnard de Romans, j — contre./ Mon- 
sieur de Servien, abbé commandataire de Léoncel. 

Petit in-fol. de 14 pp. (s. 1. n. d.), signé : Piémont 
St-Disdier, Monsieur Morel de Montrivier, rapporteur; 
Armand, procureur. 

L'objet du débat est résumé en ces termes en tête du 
document: « il s'agit dans ce procès : i° d'une censé 
directe annuelle de vingt sestiers, moitié froment et moi- 
tié seigle, mesure vendant de Romans, due sur deux mas 
apud Alamencum; 2 d'une redevance annuelle de vingt- 
sept sestiers, tiers froment, tiers seigle et tiers avoine, 
même mesure, pour transport de la dixme de dix mas, 
situés in territorio Partis Dei. » Le Chapitre a fait de- 
mande au Sgr abbé de la censé due, et en même 
temps d'une nouvelle reconnaissance, par exploit du 
20 décembre 1707. Les arrérages sont dus pour les an- 
nées 1707 et 1708, à l'exception de huit sétiers d'avoine 
payés pour 1707. 

La première rente résulte d'un bail emphytéotique 
passé le 4 des kalendes de septembre 1235 par Albert de 
Chabeuil à l'abbaye de Léoncel. « Il n'est pas au pouvoir 
dudit Chapitre de représenter à la Cour le titre en vertu 
duquel il jouit de cette rente directe de vingt sestiers, 
soit par l'injure des temps, soit aussi parce que les Calvi- 
nistes ont ruiné l'église de St-Barnard aux années (562 
et 1 567, brûlé, déchiré ou enlevé la plus grande partie de 
ses chartes, titres et documents... Mais la vérité de ces 
faits résulte d'une procédure faite en forme par le juge 
royal de Romans le 23 octobre 1567. » 

32b. — Mémoire présenté par le Chapitre le 27 août 
1709. — C'est à ce document, absent de notre dossier, 
que prétend répondre le factum suivant. 



ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 2y3 

326. — Observations pour Messire Hugues- Humbert 
de Serinent, Abé commandât aire de Léoncel, sur la nou- 
velle Réplique imprimée du s r sindic du Chapitre de 
St-Barnard de Romans du 7 e d'août 170g, et sur la der- 
nière Réponse du s r Prieur de St-Félix de Valence du 
8 e du même mois. 

In-fol. de 98 pp., s. 1. n. d., ni signatures. 

Voici les questions que pose l'abbé de Léoncel, et que, 
jugeant en sa propre cause, il résout en sa faveur, c'est- 
à-dire les deux premières par l'affirmative et les deux 
autres par la négative : i° Si la nouvelle reconnaissance 
que le syndic demande doit être conforme au titre primitif 
et reconnaissances ensuivies, ou si elle doit être différente; 
•>° si la rente ou pension annuelle est divisible, en sorte 
que M. l'abbé de Servient n'en doive payer, suivant son 
offre, que prorata possessi ; 3° si le Chapitre de St-Barnard 
peut avoir tout à la fois la chose et le prix, toute la rente 
ou pension, et avec cela, une partie des dîmes sur les- 
quelles cette rente ou pension a été établie ; 4 si, en atten- 
dant que des experts aient liquidé et estimé ce que le 
Chapitre a perçu indûment des mêmes dîmes, il faut lui 
payer toute la même rente ou pension. 

Ce mémoire est conçu sur un ton acerbe et sarcastique 
qui dénote une irritation extrême de la part du Révéren- 
dissime Abbé. On y voit qu'il s'estime sûr de son droit, 
çt que les poursuites dont il se voit l'objet de la part du 
syndic excitent chez lui de l'exaspération. C'est, d'un bout 
à l'autre, un violent réquisitoire contre le Chapitre de 
St-Barnard et son chargé de pouvoirs dans cette affaire. 
On jugera du style et du ton de ce factum par le spécimen 
suivant : 

« Récapitulation nécessaire pour réponse aux deux 
nouveaux ouvrages du sieur sindic, qui viennent de pa- 
roître aujourd'hui, 27 d'août 1709. — Enfin, la fertile 
plume du sindic vient d'enfanter son sixième et son sep- 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — I9OO. l8 



274 société d'archéologie et de statistique. 

tième volume (i), en attendant la suite de notre travail, 
qu'il n'a veu que jusques à la fin de la 44 e page! Nous 
apprenons la nouvelle de cette production inopinée au 
moment que notre plume le dépeignoit comme un nou- 
veau Papinien ! Il nous préparoit de bien plus beaux élo- 
ges ! A Monsieur l'Abé ceux de Indignes chicanes, infi- 
nies, de Indignes manœuvres*, pour surprendre, par des 
votes injustes, illicites, la religion de la Cour! A moi, de 
Auteur d'un stile d'harangère, d'un saltimbanque pour 
mieux débiter sa drogue, de présomption dont rien ne 
peut arrêter la satire, qui règne dans toutes ses périodes, 
qu'on méprise pour s'arrêter à réfuter ses supositions en 
fait, ses doctrines étrangères et ses paradoxes ! 

« Monsieur l'Abé, aïant l'honneur d'avoir des juges 
déjà instruits de sa bonne foi..., veut faire écrire ici qu'il 
regarde comme peu dignes de son attention les nouvelles 
calomnies d'un sindic qui ose se déchaîner Improbo petu- 
lantique maledicto. Il regarde de sang froid ces outrages, 
comme des saillies d'un plaideur qui désespère du salut 
de sa cause, dignes de mépris et de pardon !... Quant à 
Moi, loin d'être de sang froid, je rirois de bon cœur des 
paroles de notre malade, si je n'en craignois un désespoir 
absolu. Nous voïons bien ce que c'est : le remède com- 
mence d'opérer. Laissons-le crier; il faut des complai- 
sances pour ceux dont la convalescence est à souhaiter. 
Cette fin de canicule est une saison dangereuse... Qui- 
conque n'aura pas le goût dépravé sentira que, si c'est 
une drogue, ce n'en est pas une si mauvaise ! Du moins 
n'est-elle pas de si haut prix que celle qu'on débite au 
sindic ! » (pp. 59-60). 

Quel est ce Moi, qui parle si bien ? Un religieux de 



(1) A ce compte, il nous manquerait plus de la moitié des. Mémoires du 
Chapitre, quatre sur sept, sans compter ceux qui oni pu suivre ce réquisi- 
toire de l'abbé de Léoncel, dernier acte que nous connaissions de ce vio- 
lent débat. 



ESSAI DE BIBLIOGRAPHIE ROMANAISE. 2j5 

l'abbaye sans doute; mais aucun indice ne nous révèle 
sa qualité, ni son nom. 

Les fonds dont les dîmes font l'objet du litige sont pas- 
sés en revue l'un après l'autre, et après la description de 
chacun d'eux, est exprimée l'offre par le R. P. Abbé de 
reconnaître et de payer la rente ou pension à proportion 
de ce qu'il y possède, « à condition que le Chapitre de 
St-Barnard se désistera de son usurpation de partie des 
dîmes, et qu'il imputera ce qu'il a perçu indûment. » Ce 
refrain est répété quatre fois ; puis, le rapporteur ajoute : 
« On ne sçait où est le champ de Vignal, ni par qui il est 
possédé. L'Abé, le monastère n'ont rien à cette chose 
inconnue. Le champ appelé de Guigues Charbonel est 
tenu par divers particuliers : l'Abé ni le monastère n'y a 
ni rentes, ni dîmes. Le curé de Marches en perçoit les 
dîmes, et le seigneur de Marches les rentes. Monsieur 
l'Abé prétend qu'il ne doit ni païer, ni reconnoître pour 
ces deux champs..., parce qu'il n'y a rien du tout, non 
plus que l'Abaïe » (p. 4). 

Ce factum fut publié en onze cahiers détachés, que l'on 
expédiait au Parlement ou aux intéressés à mesure qu'ils 
étaient imprimés. L'un d'eux (le 3 e ) s'arrête, en effet, à la 
p. 44, la dernière qu'avait vue le syndic lorsqu'il voulut 
y opposer sa réponse, comme il est dit ci-dessus. Un 
cahier supplémentaire est intercalé après. la p. 88, et ses 
feuillets sont paginés 88 bis, 88 ter..., 88 sexies. Enfin, 
un douzième cahier manuscrit, que l'on n'avait pas eu le 
temps, sans doute, de faire imprimer, suit celui qui se 
termine à la p. q8, et qui est suivi d'un feuillet blanc. Au 
dos de ce fatras est inscrite la note suivante d'un des se- 
crétaires du Parlement, ou de l'avocat : « C'est une coppïe 
d'escript communiqué en lambeaux depuis le 21 aoust 
jusqu'au 5 septembre 1709. » 

(A continuer.) Cyprien PERROSSIER. 



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NÉCROLOGIES 



*+* 



M. LALANDE (André) 

Le 9 avril 1900, à Lyon, décédait prématurément ce 
collègue de la première heure. D'abord magistrat et plus 
tard avoué, il s'intéressait aux études archéologiques et 
forma une collection d'anciennes monnaies d'argent. Son 
caractère bienveillant lui avait acquis de nombreuses 
sympathies à Valence où il s'était fixé, et tous regrettent 
qu'il n'ait pu nous révéler les curiosités de sa collection 
numismatique. 



M. BLANCHET (Paul) 

Le Dauphiné du 24 juin 1900 nous apporte la triste 
nouvelle de la mort d'un autre membre de la Société 
tf Archéologie : M. Paul Blanchet, un des chefs estimés 
des belles papeteries de ce nom à Rives. « Le défunt, 
dit le Journal grenoblois, quitte ce monde dans un âge 
peu avancé, laissant autour de lui le souvenir d'un 
homme de bien très modeste, d'une grande activité et 
puissance de travail et d'une inépuisable générosité. Mal- 
gré les soucis inhérents à la grande entreprise industrielle 
dont sa famille est l'âme, M. Paul Blanchet trouvait 
encore le temps de s'adonner aux études littéraires et 
archéologiques. » On a de lui diverses publications su- 
perbes sur l'art ancien en Dauphiné, éditées sous le voile 



NÉCROLOGIES. 277 

de l'anonyme, et notamment une étude remarquable sur 
le Vitrail du Champ, aujourd'hui classé monument histo- 
rique et sur la maison Barbier de l'AIbenc aux peintures 
et blasons curieux. 



Sont également décédés : le 29 mai à Compiègne, M. le 
comte de Marsy, président de la Société française d'Ar- 
chéologie, successeur de MM. de Caumont et Palustre, à 
57 ans; 

En novembre 1899, à Bellegarde (Gard), le Père Apol- 
linaire (Auguste Dupont), né à Valence le 28 juillet 1829, 
auteur de nombreux travaux historiques sur les Francis- 
cains et sur les Capucins en particulier. Comme cet écri- 
vain laborieux envoyait à la Société d'Archéologie ses 
publications, il est de toute justice de lui consacrer un 
souvenir de reconnaissance, en attendant que sa biogra- 
phie soit étudiée par un auteur sérieux et bien renseigné ; 

Le 29 mai 1900, à Chanos-Curson, à 80 ans, M. le 
baron Saint-Cyr-Louis Nugues, général de brigade en 
retraite, Commandeur de la Légion d'honneur, décoré 
des médailles de Crimée et d'Italie, Officier de l'Instruc- 
tion publique, Commandeur des Ordres de Pie IX, de 
Saint-Sylvestre, de Saint-Stanislas, du Danebrog, du 
Medjidié, du Lion et Soleil, Officier des Saints-Maurice 
et Lazare, Chevalier du Mérite militaire de Savoie. 

Ces titres montrent assez le mérite de ce vaillant servi- 
teur de la France, véritable illustration de notre dépar- 
tement. 

A. Lacroix. 



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SÉANCE DU 7 MAI 1900 



PRÉSIDENCE DE M. VALLENTIN 



Par suite de la suppression des lettres de convocation, 
votée à la séance du 5 Février, il y a peu de membres 
présents. 

M. le Président fait connaître une inscription qu'il a 
récemment acquise, marquant la distance d'Aps à Nîmes. 
Son intéressant travail est publié dans cette livraison. 

De son côté, M. le Secrétaire lit quelques notes sur 
l'ancienneté de Loriol, Aureolum, discute l'opinion de 
Guy Allard sur sa fondation par Aurélien et son identifi- 
cation avec l'Urbs Aurelianensis de Grégoire de Tours 
et conclut que le bourg a une origine purement féodale. 

A la vérité, son sol a fourni quelques médailles ro- 
maines; mais le long d'une voie importante, ces trou- 
vailles n'ont rien d'extraordinaire. 

Dès l'origine de la féodalité, les évêques de Valence y 
possèdent un château fort, et la ville formée à ses pieds 
reste sous leur juridiction jusqu'en 1790. 

Les guerres du xvi e siècle et la peste de 1629 lui sont 
fatales, et les archives communales donnent à ce sujet de 
curieux renseignements. 

A. Lacroix. 




CHRONIQUE 



Une note de M. Villard, notre dévoué confrère, nous 
apprend : i° qu'un laboureur a trouvé dans sa terre située 
entre Mauboule et Chaffy sur Valence, près du pont dit 
des Anglais, un trésor composé de 36o petites pièces en 
argent sur lesquelles on voit le M et TA de Massilia, et 
que pareille trouvaille fut faite à St-Gervais sur Roubion 
il y a quelques années ; 

2° Qu'à Valence, rue Digonnet, au midi du rempart, 
une monnaie en bronze, attribuée à Vespasien, et au nord 
du rempart à 2 m 3o de profondeur, une tombe avec des 
ossements recouverts de tuiles plates ont été mises à jour 
dernièrement. 

Une récente vente aux enchères qui a eu lieu à Valence, 
a prouvé que les ouvrages dauphinois obtenaient aujour- 
d'hui des prix élevés et que le goût des recherches histo- 
riques s'est très heureusement développé. 

OUVRAGES REÇUS 

DU MINISTÈRE DE l/lNSTRUCTION PUBLIQUE 

— Le Bulletin historique et philologique du Comité 
des travaux historiques et scientifiques. Année 1899, 
n os i, 2 et 3. (Imprimerie nationale, 3 vol. in-8°.) On y 
trouve le compte-rendu de la réunion des Sociétés sa- 
vantes à Toulouse et le texte des communications faites. 



*8o société d'archéologie et de statistique. 

— Section des sciences économiques et sociales. Congrès 
des Sociétés sapantes de i8gg tenu à Toulouse. (Paris, 
1900, c vol. in-8°.) 

— Romania. Avril 1900. 

— Bibliographie des travaux historiques et archéolo- 
giques publiés par les Sociétés savantes de la France. 
Tome III, 2 e livraison, in-4 , 1899. 

— Annales du musée Guimet , t. XXVI , 4 e partie. 
Recueil de talismans laotiens. In-4 , 1900. 

— T. VIII de la Bibliothèque d'études. Si-Do-in- 
Dzou. Gestes de V officiant dans les cérémonies mystiques 
des sectes Tendaï et Singon (Boudhisme Japonais), d'après 
le commentaire de M. Horiou-Toki, traduit du Japonais 
par S. Kowamoura avec introduction par L. de Milloué. 
Paris, 1899. 

OUVRAGES REÇUS DES AUTEURS : 

— Notice sur le recueil de filigranes ou marques des 
papiers présenté à l'Exposition rétrospective de la Pape- 
terie (groupe XI l\ classe 88), à Paris, en 1900, par 
M. C.-M. Briquet, de Genève (Suisse). (Genève, 1900, 
Wyss et Duchêne, broch. in -8°, 16 pages). 

Cette collection comprend, en nombres ronds, 40,000 
calques, notés 60,000 fois dans plus de 23, 000 pièces, re- 
gistres ou séries de documents. Grâce à elle, on arrive 
à déterminer la situation des moulins à papier qui em- 
ployaient ces marques et Tàge des papiers non datés, 
munis de filigranes semblables. La notice fournit encore 
une foule de renseignements curieux sur la fabrication 
du papier à diverses époques, sur les formats et sur les 



CHRONIQUE. 28 1 

sujets choisis pour servir de filigrane. C'est donc une 
œuvre utile à signaler. 

— Brun-Durand, membre non résidant du Comité des 
travaux historiques. Dictionnaire biographique et biblio- 
iconographique de la Drôme, contenant des notices sur 
toutes les personnes de ce département qui se sont fait 
remarquer par leurs actions ou leurs travaux avec Vin- 
dication de leurs ouvrages et de leurs portraits. Tome I er , 
A à G. (Grenoble, librairie dauphinoise, H. Falque et 
Félix Perrin, 1900, 1 vol. in-8°, 414 pages.) 

Tous les amis de l'histoire locale connaissent déjà ce 
livre et rendent hommage à la science et à l'impartialité 
de l'auteur. Les philosophes qui ont placé la vérité au 
fond d'un puits devinaient à merveille les difficultés de 
la biographie; mais devant l'homme laborieux, tous 
les obstacles disparaissent. M. Brun-Durand avait déjà 
prouvé son savoir par son Dictionnaire topographique de 
la Drame et par de nombreuses publications ; ce nouveau 
travail lui acquiert des titres réels à notre reconnaissance. 
Sans doute la Biographie du Dauphiné de M. Rochas 
avait longtemps suffi aux curieux de la province; mais la 
Drôme n'y trouvait pas toutes ses illustrations et attendait 
un nouvel historien. Elle l'a trouvé et peut s'en réjouir. 
Si l'histoire générale, à cause de l'importance des événe- 
ments, néglige les menus détails, la biographie les re- 
cueille avec soin ; car souvent un écrivain de valeur a 
vécu fort obscurément au milieu de ses livres. Notre 
auteur arrive pour lui comme pour les personnages con- 
nus à nous révéler sa vie et ses travaux, et cela sans flat- 
terie, ni dénigrement. Il est rare de trouver une si grande 
érudition unie à un vaste fonds d'honnêteté et de justice. 



282 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Tous ceux qui ont lu ce premier volume s'accordent sur 
ces deux points. 

Ajoutons que la beauté extérieure du volume s'harmo- 
nise parfaitement avec la valeur du texte. 

— Anatole de Gallier^ par J. Brun-Durand. (Grenoble, 
librairie dauphinoise H. Falque et Félix Perrin, 1900, 
br. in-4°, non paginée, avec portrait.) 

Dans son dictionnaire biographique, l'auteur se borne 
à des renseignements exacts, sans faire appel à des sou- 
venirs personnels et à des rapports intimes, mais quand 
il parle d'un écrivain de talent et d'un ami, tel que fut 
M. de Gallier, il trouve de multiples détails et de justes 
appréciations pour le faire connaître et aimer. Grâce à 
cette étude si sympathique, on suit le cher défunt dans 
sa vie littéraire, dans ses écrits, dans sa famille, dans ses 
rapports avec la Société d'Archéologie de la Drôme et 
avec les littérateurs en renom. C'est une biographie com- 
plète de l'écrivain, de l'homme « dont la valeur intellec- 
tuelle, bien que fort grande, le cédait encore à la valeur 
morale et chez qui la solidité des convictions et l'inflexi- 
bilité des principes le disputaient à la générosité des 
sentiments. » 

En résumé, M. Brun-Durand nous a donné un excellent 
portrait de celui que ses nombreux amis regretteront 
toujours, et ce travail, joint à celui de Mgr Bellet, consa- 
crera la mémoire de M. de Gallier. 

— J. Brun-Durand. Le poète David Rigaud, marchand 
de la ville de Crest en Dauphiné et son entourage. (Gre- 
noble, librairie dauphinoise, 1900, broch. in-4 , non 
paginée, avec une vue de Crest.) 

Ici l'auteur, enfant du pays, comme Rigaud, nous ré- 



CHRONIQUE. 283 

vêle de nombreuses particularités curieuses sur le poète 
et nous fait connaître, par des citations bien choisies, le 
mérite de son œuvre. 

— La Mandragore briançonnaise, publication humou- 
ristique de M. Paul Guillemin , après avoir dépeint 
MM. Taulier, Stendhal, le général Agnel, Alfred Poizat 
et le général de Bovet, nous donne la physionomie de 
M. Brun-Durand. L'auteur rappelle sa carrière de mar- 
chand, de juge de paix et de conseiller municipal, et ajoute : 
« il passe pour un philosophe et un sage, alors qu'il est 
d'une sensibilité de mimosa et d'un caractère enthou- 
siaste. On le tient aussi pour un sévère, parce qu'il ne rit 
pas volontiers de tout, et pour un autoritaire à cause de 
la dignité de sa vie; tandis qu'il est au contraire d'une 
bienveillance rare et d'autant plus incapable de s'imposer 
à qui que ce soit, que la peur de faire de la peine aux 
autres le hante. » Je m'arrête ; il faudrait tout citer. (La 
Mandragore briançonnaise se trouve chez M. Allard, 
14, boulevard Morland, à Paris. 6 livraisons sur 12 ont 
déjà paru.) 

— Ulysse Chevalier. Réponse aux observations de Mgr 
Emmanuel Colomiatti , pro-vicaire général de Turin 
sur la brochure Le Saint-Suaire de Turin est-il Vori- 
ginal ou une copie. (Paris, A. Picard, rgoo, broch. in- 12, 
8 p.) Dans sa conclusion, notre savant compatriote dé- 
clare n'avoir pas un mot à retrancher à sa brochure, et 
propose de soumettre cette pure question de critique his- 
torique soit aux collèges des Bollandistes de Bruxelles, 
soit à trois membres choisis par Mgr le pro-vicaire dans 
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris. 
Enfin, promesse est faite d'une nouvelle édition de l'opus- 
cule avec tous les textes inédits sur la question. 



284 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

— Ex-libris du marquis Jean-Joseph de Ripert-d'Alau- 
%ier (1084- 1755), par M» P. de Faucher. (Mâcon, rgoo, 
Protat frères, broch. in-4 , avec la gravure de Vex-libris.) 
L'auteur, si bien au courant de l'histoire des familles, 
nous apprend que Madeleine, la dernière des Fabry- 
d'Alauzier, épousa, en 1 5g6, Pol de Ripert, capitaine de 
100 hommes de pied, originaire de Montélimar, qui se 
fixa à Bollène où ses descendants vivent encore. M md de 
Sévigné tenait cette famille en haute estime, comme le 
prouvent ses Lettres. 

Jean-Joseph, chevalier, seigneur de Rac et de No- 
veysan, né en 1684 et créé marquis, le 10 mai 1741, par 
Benoît XIV, avait hérité des livres de son oncle, « le bon 
doyen crosse et mitre » de Grignan et de ceux de son 
beau-père, M. de Fabre, président à la Cour des comptes, 
aides et finances du Languedoc. C'est lui qui fit graver 
Vex-libris par Louis David et représentant les armes de 
sa famille. 

— Numismatique de V Académie des sciences, belles- 
lettres et arts de Lyon , par M. Henry Morin-Pons. 
(Lyon, Rey, 1900, 1 vol. in-4 , ! 36 pages de texte et 23 
planches.) Ce splendide volume, publié à l'occasion du 
deuxième centenaire de la Société, renferme un précis 
historique de sa fondation et de son existence glorieuse, 
une notice sur ses protecteurs, les jetons et médailles de 
ses membres titulaires au xviu e siècle et les médailles et 
médaillons de leurs successeurs, de 1800 à nos jours. Il 
y a donc là un véritable monument élevé par un numis- 
matiste de talent et par de merveilleuses reproductions. 
Peu de Sociétés peuvent se flatter de posséder une œuvre 
de cette valeur et de pareils titres de noblesse. 



CHRONIQUE. -i85 

— A son tour, M. A. Vachez nous adresse une étude 
sur V Académie de Lyon, au commencement du xviii e 
siècle. (Lyon, Rey, iqoo, broch. in-4 , 32 pages, avec les 
portraits de Camille Falconnet et de Claude Brossette.) 
L'auteur nous fait assister aux débuts de cette Société 
d'hommes éminents et suivre leurs travaux avec tout 
l'intérêt qu'inspire un écrivain élégant, parfaitement ren- 
seigné sur son sujet. 

— Georges de Manteyer. Les origines de la maison 
de Savoie en Bourgogne. (Extrait des Mélanges d'archéo- 
logie et d^histoire publiés par l'Ecole française de Rome.) 
(Rome, 1899, 1 vol. in-8° de 176 pp. de texte et 279 de 
tables, avec tableau généalogique de la maison de Savoie.) 
L'auteur discute avec une rare compétence tous les textes 
connus jusqu'ici des chartes utiles à sa thèse, dont plu- 
sieurs concernent le Viennois et les environs de Romans. 
Il y a là une œuvre d'érudition remarquable, et il serait 
bien désirable que l'auteur la fît suivre d'une étude pa- 
reille sur les Dauphins de Viennois, d'abord comtes d'Al- 
bon. Les sources qu'il a consultées lui rendraient facile 
un travail de ce genre. 

— Colonel E. Perrossier, mainteneur des Jeux Floraux. 
La commune de i8ji à Narbonne. (Tulle, 1900, Ma- 
zeyrie, broch. in- 12, 28 p.) Bien que très rapprochée de 
la nôtre, cette époque n'est pas connue. L'auteur nous 
révèle les faits accomplis à Narbonne et le rôle qu'il y a 
joué. Il est donc bien instruit et son talent de narrateur 
rehausse encore l'intérêt des événements. 

— Observations sur une histoire de la ville de Die, par 
M. André Maillet, pasteur à Saillans. (Valence, 1899, Im- 



286 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

primerie Valentinoise, broch. in-12, 77 p.) « Sous ce titre, 
dit le Journal de Montélimar, un auteur dont nous re- 
grettons de ne pouvoir révéler le nom, a récemment pu- 
blié une étude très documentée, appuyée sur les preuves 
historiques les plus indiscutables, dans laquelle sont réfu- 
tées une à une les erreurs commises par l'historien de 
Die. C'est un travail sérieux, inspiré par la seule recher- 
che de la vérité. » 

— H. de Terrebasse. Louis de Maugiron, favori du roi 
Henri ///, dit le marquis de Saint -Saphor in , i56o- 
/57<y. (Grenoble, 1900, Falque et Perrin, broch. in- 12, 
21 p., avec portrait.) Très intéressante monographie d'un 
dauphinois auquel son intervention, dans le fameux duel 
de trois contre trois, « a conservé une certaine célébrité. » 
L'auteur, fort au courant de notre histoire générale et 
dauphinoise, a su résumer avec art les traits saillants de 
sa vie. 

— Der Orient und Europa einfluss der Orientalischen 
cultur au f Europa bis \ur mitte des lei\ten jahrtausends 
v. chr. von Oscar Montelius, Stockolm, 1899, r vol. 
in-4 , 186 p., avec de nombreuses gravures dans le texte. 

— O. Decombaz. Excursions aux environs du Pont- 
en-Royans. (Grenoble, librairie dauphinoise, H. Falque 
et Félix Perrin, 1900, broch. grand in-8°, non paginée.) 

Pendant que les archéologues étudient les antiquités de 
la province et les paléographes, les secrets de son histoire, 
d'autres explorateurs dévoués fouillent les profondeurs de 
ses grottes et les cours d'eau intérieurs de ses montagnes. 

Ces études que M. Martel a mises en honneur viennent 
d'être appliquées avec un réel succès par MM. Decombaz 



CHRONIQUE. 287 

et Etienne Mellier à l'exploration d'une contrée fort pitto- 
resque et peu éloignée de Valence* Tour à tour les grottes 
de Choranche et de Cournouze ou Pabro, le cirque de 
St-Julien et la grotte de Bournillon, les espaces compris 
entre le Bournillon, St-Julien-en-Vercors et le moulin 
Marquis par l'Echarasson, entre le cirque de St-Julien et 
la Balme par Arbois, les labyrinthes de Favot, et entre le 
Pont-en-Royans et le plateau de Prelles ont été visités et 
décrits avec plans et coupes. 

Les touristes connaissent tous la riante vallée de Cho- 
ranche et sa coquette station balnéaire, la Balme et la 
Goule-Noire, St-Julien, St-Martin-en-Vercors et les Gou- 
lets; mais combien d'entre eux ont scruté l'intérieur de 
ces paysages. MM. Decombaz et Mellier le révèlent avec 
la sincérité d'historiens et les grâces descriptives de vrais 
poètes. 

« Le cirque de St-Julien, dit Ai. Mellier, est certaine- 
ment un des plus beaux du Royans-Vercors. Ses parois 
presque verticales, en partie estompées de bois verdoyants, 
sont couronnées par les derniers arbres de la forêt de 
Tende semblables, penchés sur l'abîme, à d'imprudentes 
avant-gardes. 

« Et, des profondeurs mystérieuses et convulsées de ce 
cirque, jaillissent des eaux abondantes, capricieuses on- 
dines, qui choisirent ce merveilleux endroit pour leur 
point d'émergence : l'une, acrobate stupéfiante de har- 
diesse, se précipite du sommet des rochers à pic, d'une 
hauteur verticale de plus de 400 mètres, enveloppée d'un 
blanc voile vaporeux, dans les bras de son aînée, plus 
prudente, parce que moins svelte, et qui se contente de 
sortir des profondeurs d'une des plus colossales, d'une 
des plus merveilleuses grottes qui se puissent voir : c'est 
Bournillon. » 



288 société d'archéologie et de statistique. 

M. Decombaz nous décrit la grotte, sa salle rose, sa 
galerie supérieure et sa galerie moyenne, avec un enthou- 
siasme tel qu'il donne une furieuse envie d'aller voir tant 
de merveilles, son livre en main. 11 en est de même 
de toutes les cavités décrites, et, en présence de ces ri- 
chesses naturelles ignorées, on demeure stupéfait de la 
hardiesse des spéléologues qui pénètrent dans les en- 
trailles des montagnes et nous en révèlent les splendeurs 
et les mystères. 

— Plan-Guide de Valence- Romans- Vercors (br. in-i6 
avec deux plans, trois cartes et onze gravures. — G. Tour- 
sier, éditeur, 32, rue des Remparts d'Ainay, Lyon). 

Il y a là une notice historique succincte sur Valence et 
Romans et toutes les indications utiles à ceux qui visitent 
ces deux villes et le Royans- Vercors (Prix 6o cent.). 



M. Mellier, ayant fait imprimer une table des Mé- 
moires d'un bourgeois de Valence, par M. Rochas, l'offre 
gratuitement à ceux qui lui en feront la demande. 

A. Lacrocx. 



LES NOTAIRES PIEMONT. 289 



LES NOTAIRES PIÉMONT 

DE 

SAINT-ANTOINE 



(Suite. — Voir la 133* livraison) 



V. — La postérité d'Eustache Piémont. 

La femme cPEustache Piémont se nommait Françoise 
Guime ou Guima, suivant la coutume des notaires qui 
donnaient une terminaison féminine aux noms de fem- 
mes. Elle survécut plusieurs années à son mari, et elle 
était encore présente au mariage de ses deux fils, Bon et 
Annibal, le i er février 1624. 

Quels furent les enfants d'Eustache Piémont ? 

Dans ses Mémoires, l'annaliste nous parle de ses six 
enfants : « deux grandes filles, » qui moururent de la 
peste en 1587 ; quelques lignes plus loin, il remercie Dieu 
d'avoir préservé ou sauvé de la contagion ses enfants 
« Claude, Michel, Suzanne et Anibal » (1). Mais il est 
un ou deux autres enfants d'Eustache Piémont, dont l'exis- 
tence ne saurait être mise en doute. Le premier apparaît 
souvent comme témoin dans les Minutes d'Annibal, qui 

(1) p. 21 1. 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — igOO. 19 



29O SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

le nomme « le sieur Bon Piémont, mon frère (1). » II 
signe « Bon Piémont », mais on le trouve parfois appelé 
cf Bon Antoine Piémont (2). » 

Bon et Michel furent « clercs » de leur père pendant 
plusieurs années (3). Nous ne savons rien de plus de 
Michel (4). Bon embrassa la carrière des armes (5), et 
fut le premier de sa famille à se nommer « sieur de St- 
Didier. » Il mourut au commencement de 1647, ayant eu 
de sa femme, Anne Yzérable, une fille nommée Ysabeau. 
Cette fille « estant entrée en religion » (1675), ses droits 
passèrent à son cousin, le fils d'Annibal (6). 



(1) Vol. de 1645, fol. 85. 

(2) Si son père ne l'a point nommé avec ses autres enfants en 1587, 
c'est apparemment qu'alors il n'était pas né. 

(3) «Bon Piémont, clerc dud. St-Anthoine, » témoin, iZ avril i6o5. — 
« Michel Piémont, clerc dud. Saint-Anthoine, » témoin, n août 1608. 
J. Jassoud, not., vol. n° i5, fol. 10 et 84. — Michel Piémont, « practi- 
cien de St-Antoine ». Ann. Piémont, vol. 161 3, fol. 82, 221. 

(4) Cf. Mémoires d'Eust. Piemond, p. 5i5. 

(5) « M* Heustache Piemond, père dud. Bon Piemond, présent..., 
estant à présent led. Bon Piemond despuis cinq ou six mois en sca en 
l'armée de Scavoy. » 26 janv. 16 15. J. Jassoud, gr. vol. n # i5. — Du 3 
fév. 16 17, deux actes passés par « honn. femme Françoyse Guima, vefve 
et héritière de feu M* Heustache Piémont, not. royal quant vivoit, de 
St-Anthoine. » Idem, vol. de 16 17, n* i3, fol. 7, 9. — a S'est person- 
nellement estably le sieur Bon Antoine Piémont, au nom de honn. 
femme Françoyse Guime, sa mère absente...» Idem., vol. de 161 9, n° 16. 
— Le 29 juillet 1622, Bon-Antoine Piémont était « sergent-major du 
régiment du sieur comte de Tallard. » Ann. Piémont, vol. N-1622, 
fol. m. — Les 21 oct. et 24 nov. 1630, Annibal Piémont signale 
comme présent « Bon Piémont, cappitaine d'une compagnie de gens 
de pied pour le service du roy, au régiment de M. le comte de Mauge- 
ron. » Vol. X-i63o, fol. 97 et 121. — Du 26 nov. i635 : Témoins : « Bon 
Antoine Piémont, sieur de St-Disdier, de St-Antoine, et Jean Piémont.» 
Ann. Piémont, vol. BB-i635, fol. 85. — Le môme Bon Piémont était 
châtelain de Montfalcon, le 24 nov. 164$. Vol. LL-1645, fol. 190. 

(6) Gabr. Fournet, vol. de 1675, fol. 49. 



LES NOTAIRES PIEMONT. 2Q I 

Claude est mentionné dans Y Etat des minutes déposées 
dans V étude du notaire de St-Antoine : « Piémont Claude, 
à Grenoble (t6o5-i6i i) » (i). En effet, parmi les registres 
il s'en trouve un contenant les actes de ces six années (2). 
Il porte en tête : « Répertoire des actes et contractz re- 
ceus par Claude Piémont, notaire résidant à Grenoble » ; 
et après le Répertoire : « Prothocol de moy Claude Pie- 
mont, promeu en l'office de notaire royal dalphinal en 
juing i6o5. » Ce n'était point là Tunique volume de ce 
notaire, puisqu'il est coté « N° 2 » (3). 

Suzanne n'est connue que par une simple mention dans 
les Mémoires imprimés (4). M. Brun-Durand nous dit 
que « Suzanne se maria » (5), sans autre détail. Or nous 
trouvons une autre fille d'Eustache Piémont, nommée 



(1) Dès 1591, il était clerc de son père. Le 12 août 1599, il apparaît 
comme « substitut du greffier Eustacbe Piémont. » Minutes d'Eustache 
Piémont, petit vol. de i5gi et suiv. ; it. gr. vol. de 161 3. fol. 22. 

(2) Plusieurs de ces actes ont été passés « à St-Anthoine, dans la 
maison de M* Heustache Piémont, mon père ; » ou « dans la maison 
de moy notaire. » Fol. 52, 53, 55. 

(3) Voici un autre renseignement que nous fournissent deux feuilles 
volantes appartenant tiu môme volume. Sur la première on lit : « A 
Monsieur le juge ordinaire de St-Anthoine. Supplie humblement Claude 
Piémont, not. royal dud. St-Anthoine, que pendant qu'il a exercé led. 
art et office de notaire, il a receu divers contractz et actes, qu'il a remis 
ez mains de M* Annibal Piémont, son frère, aussy not. dud. lieu, pour 
les conserver pendant le voiage qu'il est sur le poinct d'aller faire à 
Paris et ailleurs, hors la monarchie... » La seconde feuille nous montre 
l'octroi fait à ce sujet le 20 décembre 161 1 par « Anthoine Brenièr, 
doct. en droietz, juge ordinaire de St-Anthoine, » à la requête à lui 
présentée par M 9 Claude Piedmont, not. aussy dud. Saint-Anthoine. » 
Ainsi s'explique, croyons-nous, la présence de ce volume parmi ceux 
de son frère Annibal. 

(4) P 211. 

(5) Préface aux Mémoires d'Eust. Piémond, p. xxxiv. 



2() 2 SOCIÉTÉ d' ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Basttenne ou Sébastienne (i). Son mari, Jean Civet, dit 
Dumas, de Tullins, assistait, le i er février 1624, au ma- 
riage de ses deux beaux-frères, Annibal et Bon Piémont. 
Sa veuve, retirée à St- Antoine, vivait encore à la fin de 
Tannée 1049 ( 2 )- 

VI. — Annibal Piémont. 

Le fils d'Eustache Piémont, qui succéda à son père 
comme « notaire royal dalphinal de la ville de St-Antoine 
de Viennois », fut Annibal. Il nous apprend lui-même (3) 
qu'il fut « pourveu dud. office de notaire... dès le seizième 
jour de novembre mil six cent et neufz. » 

Annibal Piémont a laissé : i° un « Répertoire général 
des actes, contractz et instrumentz publics » reçus par 
lui : c'est un volume de 21 1 folios écrits ; 2 la « Table 
alphabétique du Répertoire général » précédent, volume 
de 90 feuillets. Nous ferons remarquer que cette Table 
est alphabétique, non point pour les noms mais pour 
les prénoms; ce qui la rend d'un usage plus difficile à 
notre époque, où les personnes sont mieux connues du 
public par leur nom de famille, le prénom ou « nom de 
baptême » ayant en quelque sorte perdu de son impor- 
tance. 

D'après son « Répertoire général », les actes reçus par 
ce notaire formaient plusieurs séries de volumes. 



(1) Volontiers nous l'identifierions avec Suzanne, dont le nom peut 
avoir été mal lu dans l'original des Mémoires. 

(2) Arch, du Rhône, fonds de St-Antoine, carton 23'3. — Ann. Piémont, 
vol. 1642, fol. 175; 1645, fol. 11. — Ant. Piémont, vol. 1649, f°'* 80-2. 

(3) Au commencement de son premier protocole de 1609-10, et de 
•on Répertoire général. 



LES NOTAIRES PIEMONT. 2§ï 

La première série (A-&) comprend les années ibog- 
i633. Le premier « protocol », coté A, est seul en « petit 
volume ». 

La seconde série (AÀ-OO) s'étend de 1634-1649. 

Voici comment dans sa « Table alphabétique (1) », 
Annibal Piémont explique sa troisième série : « Nota 
qu'en ladicte année mil six cents vingt un, led. Anibal 
Piémont notaire a tenu registre et protocol séparé, des 
actes et contractz par lui receus en la mesme année et 
autres suivantes, jusques en Tannée mil six cents trante 
six incluse, concernant les affaires du seigneur Rme 
abbé et gênerai de Tordre et monastère Sainct-Antoine, 
messieurs du chapitre gênerai et conventuel, religieux, 
commandeurs et benefficiers dud. ordre, et du commun 
du grand hospital dudit monastère, qui ne sont comprins 
en cette table, et partant, pour ce chef, faut avoir recours 
aud. Répertoire gênerai (2). » 

Pourquoi cette série de volumes concernant Tabbaye 
de St- Antoine s'est-elle close en Tannée i636, treize ans 
avant la mort du notaire ? 

L'abbaye avait eu pour secrétaires, pendant plus de cin- 
quante années, Eastache Piémont et son fils, lorsqu'elle 
retira sa confiance à cette famille jusque-là estimée. Nous 
voyons en effet, dès 1 635, que la plupart des actes de 
Tabbaye sont reçus par le notaire Claude Fournet qui fut, 
avec son fils Gabriel, secrétaire des religieux pendant un 
autre demi-siècle (1 634-88). 

Quel fut le motif de ce changement ? 

Pour le faire comprendre au lecteur, nous devons don- 
ner quelques détails sur Tétat de Tabbaye à cette époque 



(1) Fol. 3o. 

(2) Tous les volumes de cette série sont marqués du tau T 



294 SOCIETE D ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

L'abbé Antoine de Gramont avait mené à bonne fin 
l'œuvre commencée par le pieux Antoine Tolosain et, 
« contre l'espérance universelle», avait réussi à introduire 
la réforme dans l'ordre de St-Antoine. Par sa bulle du 8 
avril i634, le pape Urbain VIII venait d'approuver les 
Statuts rédigés au chapitre général de i63o. Mais de nou- 
velles épreuves étaient prêtes à fondre sur l'abbaye ; il 
sembla même un moment que c'qyï était fait de la réforme 
à peine établie. 

Le réformateur mourut le 16 novembre 1634. I^eux 
jours après (18 nov.), le chapitre conventuel procédait à 
l'élection d'un nouvel abbé. Les Statuts de la dernière 
réforme voulaient que l'élu fût un prêtre de la Congréga- 
tion réformée, ayant au moins trente ans d'âge, et l'on 
devait regarder comme canoniquement élu le sujet dont 
le nom réunirait « plus de suffrages que tous les autres 
candidats à la fois » (r). Les votes des vingt-neuf électeurs 
se portèrent sur divers religieux : le grand prieur Jean 
Chastain, qui présidait le chapitre, eut dix voix, et Fran- 
çois Marchier, onze. Aussitôt, le président déclare que 
le résultat du vote est nul et qu'il faut recommencer le 
scrutin. 

L'élection de Marchier, qui avait le plus de voix, était 
diversement entachée de nullité, tant à cause du défaut 
d'âge de ce religieux, qui n'avait que 25 ans, que parce 
que son nom n'avait point réuni la majorité nécessaire 
des suffrages. Mais la cabale, composée des « anciens 
religieux » non réformés, à la tête desquels se trouvait 



(1) Electio autem canonica non censeatur, nisi unus solus plures vo- 
ces habeat, quam cetcri omnes simul, ita ut major pars capituli libère 
in unum consentiat. Bi4llarium Rom., Taurinen. editio, 1868, t. XIV, 
p. 409. 



LES NOTAIRES PIEMONT. 2g5 

l'ouvrier du monastère, Charles Vignon, ne voulut rien 
entendre. Ces opposants invoquaient les anciens Statuts, 
et disaient que Marchier était canoniquement élu comme 
ayant eu plus de voix que « chacun des autres candi- 
dats. » Les réformés, qui avaient le droit pour eux, ne 
pouvaient céder dans une affaire de cette importance ; les 
autres suppléaient à la justice de leur cause par le bruit 
et le tapage. L'ambitieux Marchier, se regardant déjà 
comme abbé, s'emportait contre le grand prieur et les 
définiteurs, les accablant d'injures et menaçant de les pri- 
ver de leurs charges. 

Cette séance tumultueuse durait depuis « huit heures 
entières », lorsque le magistrat et la police armée, appelés 
par les adhérents de Marchier, sont introduits au chapi- 
tre « contre toute règle ». Ce ne fut point pour rétablir la 
paix et assurer le bon droit. Le tumulte redouble avec 
les menaces. En vain le grand prieur demande acte de sa 
protestation. Les réformés, saisis d'une terreur panique, 
cèdent à la violence, et tous signent l'acte d'élection. Le 
8 décembre, Marchier reçoit à Vienne la bénédiction ab- 
batiale, et prend possession de l'abbaye le 29 du même 
mois. 

Cependant l'intrus ne se sentait point en paisible pos- 
session de sa dignité. Le 27 février i635, il obtient un 
bref apostolique qui supplée aux défauts de l'élection et 
sanctionne le fait accompli (1), mais Urbain VIII y met- 
tait une condition : c'est que le bref fût « accepté expressé- 
ment par tous les électeurs, ou du moins par la majorité. » 
Le jeudi saint (5 avril), Marchier assemble donc le cha- 



(1) Le Bref comptait parmi les défauts de l'élection « quia suffragia 
dicto Francisco data, emendicata fuisse dubitabatur. » 



2g6 société d'archéologie et de statistique. 

pitre pour donner communication du bref et demander la 
confirmation de son élection. Le grand prieur, avec quel- 
ques autres religieux, protestent d'abord contre l'exécution 
du bref qu'ils déclarent obreptice et subreptice ; mais 
enfin, deux jours après, ils cèdent « comme par force » à 
de nouvelles violences, se réservant de recourir au pape 
lorsqu'ils en auraient la liberté. Ce qu'ils firent au mois 
de septembre suivant. 

Nous passons sous silence, comme étrangers à notre 
sujet, les autres détails de cette affaire scandaleuse. 
L'élection de Marchier fut déclarée nulle par arrêt du 
Grand conseil, le 19 août i636, et le calme revint après 
l'élection canonique du prieur claustral pour abbé de St- 
Antoine : elle se fit le i3 octobre i636, au chapitre général 
tenu à Paris par ordre deLouis XIII. 

Revenons au notaire Piémont. 

Le procès-verbal de l'élection de Marchier, ceux de sa 
prise de possession et de sa présentation du bref, faite au 
chapitre le 5 avril, en un mot, tous les actes favorables à 
l'intrus ont été reçus par Annibal Piémont (1). Pour rédi- 
ger leurs protestations auprès du roi et en cour de Rome, 
les réformés s'adressèrent à un autre notaire, Claude 
Fournet. 

En examinant les actes de cette élection, on y remarque 
sans peine plusieurs défauts des plus graves. Au lieu de 
faire connaître le vote particulier de chacun des capitu- 
lants, — en se conformant au formulaire suivi dans l'élec- 
tion des deux derniers abbés, Ant. Tolosain et Ant. de 
Gramont, — le nouveau procès-verbal se contente de dé- 
clarer que le « Rme père frère François Marchier a plus 

(1) Vol. 1634 « i635~T. 



LES NOTAIRES PIEMONT. 297 

de voix et de suffrages que tous les autres candidats », et 
que « par conséquent, il a été élu pour abbé de St- Antoine 
et chef général de l'Ordre. » Du nombre des électeurs et 
des voix données à celui que Ton proclame élu, il n'en est 
pas fait mention ; les protestations du président du cha- 
pitre et l'intervention de la force armée sont passées sous 
silence. Derrière tous ces sous-entendus se cache trop 
évidemment l'intention de faire passer cette élection pour 
régulière (i). 

Entre autres défauts invoqués contre l'élection de Mar- 
chier, les réformés se plaignaient de ce que « le secrétaire 
avait été, non point un religieux profès, mais un laïque, 
introduit dans le chapitre par les anciens religieux, » con- 
trairement à l'ordonnance des derniers Statuts Les par- 
tisans de Marchier se réclamèrent de l'ancienne coutume ; 
et, en effet, le notaire Annibal Piémont avait lui-même 
reçu, en i6i5, l'acte de l'élection du dernier abbé, sans 
qu'aucune protestation ne s'élevât contre sa présence au 
sein de l'assemblée capitulaire. 

Disons toutefois que, même en dehors de cette irrégu- 
larité, dont les anciens religieux peuvent être rendus res- 
ponsables, Annibal Piémont ne saurait être personnelle- 
ment innocenté dans cette affaire. Non seulement il con- 
tribua au trouble qui accompagna et qui suivit l'élection 
de Marchier, mais encore, par ses intrigues, il souleva 
les habitants du bourg contre l'abbaye. Aussi, peu de 
mois après, le chapitre se voyait-il obligé de donner sa 
confiance à un autre secrétaire. 



(1) Le document cité par la Gallia christ, (t. XVI, c. 204-6) résume 
fidèlement toute cette histoire. On peut voir d'autres détails aux Arc h. 
du Rhône, fonds de St-Antoine, carton 18. 



298 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

A cette époque, les religieux eurent à soutenir un pro- 
cès contre les consuls de St-Antoine qui, sous le prétexte 
de la coutume, voulaient les obliger à continuer certaines 
aumônes (t). Dans un mémoire composé à cette occasion, 
les Antonins portent contre Annibal Piémont une grave 
accusation qui confirme ce que nous venons de dire. 
Après avoir rappelé que ce notaire « estoit autrefois gref- 
fier de la chastellenie dud. lieu de S t- Antoine et secrétaire 
de l'abbaye », ils ajoutent qu' « il a esté dépossédé » de 
ces fonctions « tant à cause des injures qu'il a faictes que 
pour des faussetés par luy commises en des affaires con- 
cernant les religieux, et en haine de quoy, ayant ligué 
avec luy quelques autres habitants, il leur a suscité ce 
procès. » 

Les religieux, au milieu des troubles dont ils ne pré- 
voyaient point le terme, étendent quelque peu leur accu- 
sation et laissent échapper cette plainte amère, qui ravive 
le souvenir de jours bien sombres pour Pabbaye. Ils. ne 
s'étonnent point, disent-ils, « de trouver des ingrats dans 
les habitants de Saint-Antoine, et même des ennemis 
déclarés parmi ceux auxquels ils ont rendu les services 
les plus essentiels ; » car ils ont « à faire à un très mau- 
vais peuple, ennemy dud. Ordre et religieux, comme il a 
paru en diverses occasions, même - lorsque l'église et 
monastère fut pillé et saccagé par les habitants dud. lieu, 
et les religieux assassinés ou chassés lors des premiers et 



(1) Il fut répondu que « ces aumosnes dépendaient entièrement de 
la plus franche, libre et seule volonté du Chapitre » qui n'était obligé 
« par aucune fondation, ni autre obligation que ce soit, que celle de la 
charité » de faire ces distributions de secours, et que, par conséquent, 
personne ne pouvait les contraindre à les continuer. Cf. Advielle 
Histoire de l'Ordre hospitalier de St-Antoine, p. 226-8. 



1 



LES NOTAIRES PIEMONT. 299 

derniers troubles de la religion prétendue réformée; leur 
mauvaise volonté a encore paru en ce qu'ils se sont tou- 
jours tournés du costé de ceux qui ont voulu troubler led. 
Ordre et religieux, et principalement l'establissement de 
la Congrégation réformée d'iceluy... (i). » 

Annibal Piémont eut encore d'autres démêlés avec 
l'abbaye, notamment au sujet de la grange Michon, sur 
laquelle il revendiquait des droits au nom de sa femme. 

Tous ces incidents suffisent pour justifier la conduite 
de l'abbaye à l'égard de son secrétaire, auquel elle retira 
sa confiance, pour la rendre longtemps après, du moins 
partiellement, à son fils Antoine. 

Il nous reste à mentionner un incident de la vie d'An- 
nibal, qu'il nous apprend lui-même. En janvier i638, il 
« fut envoyé à Paris comme député du tiers Estât de 
Dauphiné, pour poursuivre au Conseil du roy l'exécution 
de l'arrest du cadastre ; auquel voyage il séjournât jusques 
au mois de juin (al. mai) mil six cents trante neufz » (2). 

Annibal Piémont assista à la translation des reliques de 
saint Antoine dans la châsse donnée par noble Jean du 
Vache, le jour de l'Ascension 1648 (3), et vécut encore 
près d'une année. Le dernier acte de son registre 00 est 
daté du « dernier jour de février » 1649. D'autre part, le 
notaire Eustache Vourey mentionne, au 25 mars 1649, 
un contrat de vente reçu par « feu M e Annibal Piémont, 
notaire » (4). 



(1) Arch. du Rhône, fonds de St-Antoine, cartons 3o et '$4. 

(2) Table alphabétique du Répert. gén., fol. 58; Répert. gén. y fol. 159. 

(3) Advielle, op. cit., p. 209. 

(4) Vol. de 1627-49, fol. 718. 



3oo société d'archéologie et de statistique. 



VII. — Antoine Piémont et sa descendance. 

Les deux frères Annibal et Bon Piémont épousèrent 
le même jour (i er février 1624) les deux sœurs Emeraude 
et Anne Yzérable, filles du second lit de Jean Yzérable 
Bontemps le jeune (1). Emeraude ou Meraulde Yzérable 



(1) La famille Yzérable était, au xvn # siècle, peut-être la plus riche 
de St-Antoine, et assurément la plus importante par le nombre de ses 
membres. Il nous serait impossible de donner son tableau généalogique 
complet, à cause de ses ramifications dans les mandements voisins ; 
nous croyons cependant utile de donner ici la descendance de Jean 
Yzérable, qui s'unit doublement, en un seul jour, à la famille Piémont. 

Jean Yzérable Bontemps le vieux, qui possédait c de beaux biens 
aux mandements de Dionnay, Roybon et Montfalcon », et « des meu- 
bles et obligations pour plus de 20,000 livres », testa le 8 février 1601. 
Mais comme il ne laissait qu'un fils naturel, Jean Yzérable le jeune, 
qui ne pouvait être" son héritier, il testa en faveur de son petit-fils, 
Jean Yzérable Perret ou Perrenet. Celui-ci étant « mort ab intestat en 
minorité », en Tannée 1617, l'héritage revint à son père, Jean Yzérable 
le jeune. 

Jean Yzérable Bontemps le jeune épousa, le 6 janvier i585, Ysabel 
Catan (fille d'Humbert et cousine germaine d'Eustache Piémont). Il en 
eut six enfants: i° Claude, l'aîné, marié en premières noces à Marie 
Duplessis, puis, le 18 octobre i63a, à Clauda Pain qui fut mère de : 
a) François ; b) Jean (Chrysostôme), Antonin, qui vivait encore en 1688; 
c) Françoise, et d) Anne ; — 1* Bonne; — 3° Jean, dit Perret, dont nous 
avons parlé ; — 4* Jeanne, qui épousa Claude Charréard le 20 janvier 
1608, et fut mère d'André, Antoine et Charles ; — 5° Louise, mariée le 
i5 juillet 1604 au notaire Jean Jassoud, et mère de Pierre, Claude, 
Bonne, Biaise et Antoine ; — 6° Françoise, femme de M* Antoine 
Jassoud, procureur au parlement. 

Jean Bontemps le jeune, marié en secondes noces à Biaise Castellan, 
en eut encore cinq enfants: i° Méraude, femme d'Annibal Piémont; — 
2* Alix ; — 3 # Anne, femme de Bon Piémont ; — 4* Antoinette; — 5° 
Françoise. 

Jean Yzérable Bontemps le jeune testa et mourut le 29 juillet 1622. 
— Minutes des notaires Eustache et Annibal Piémont, et Arch. du 

Rhône, fonds de St-Antoine, cartons n5 et 233. 



LES NOTAIRES PIÉMONT. 3o! 

mourut après quelques années de mariage, laissant un 
fils, nommé Antoine (i) qui, après avoir été clerc de son 
père pendant plus de douze ans, lui succéda en qualité 
de « notaire royal dalphinal héréditaire de St-Antoine. » 
Il fut pourvu de cet office en juin 1649, et le conserva 
jusqu'à sa mort arrivée en Tannée 1708. Antoine Piémont 
a laissé un grand nombre de registres formant trois séries : 
1649-72 (A-&) ; 1673-96 (AA-&&) ; 1 697- 1707 (A A A- 
LLL). En outre, nous avons de lui un « Répertoire 
gênerai » et un « Répertoire alphabeticque ». 

Nous avons peu de chose à dire de ce notaire. Il nous 
apprend qu'il fit un voyage en Normandie de juin à août 
i655 (2). Il était en 1688 vichâtelain de St-Antoine, et 
châtelain en 1697 (3). Il épousa Marthe Peccat ou de 
Peccat, veuve de Pierre Lambert, dit Beauregard, fille 
aînée de noble Gédéon Peccat et de Marguerite de 
Frize (4). « Ils eurent deux enfants, Gabriel et Elisabeth, 
celle-ci morte fille avant son père. » Le notaire signa tou- 
jours « Antoine Piémont », sans autre déterminatif ; mais 
son fils, avocat consistorial au parlement de la province 



(0 Mention d'une vente « reçue par feu M* Anibal Piémont, mon 
père. » Vol. de' i654-55, fol. 169, etc. — Le 31 juillet 1676, Antoine Pié- 
mont avait 5i ans. —Antoine Piémont n'était donc point fils de Claude, 
— ni fils de Jean, comme le dit Y Armoriai de Dauphiné, p. 5a3. 

(2) Vol. F-G, i654-55, fol. i5o. 

(3) Vol. de 1697, fol. 4. 

(4) Noble Gédéon Peccat eut 4 enfants : Marthe, l'aînée ; Marguerite; 
Gabriel (f av. 27 mai 1661) et Pierre. V Armoriai de Dauphiné (p. 504) 
ne mentionne que Gabriel et Marthe. — Nommons aussi en passant 
Françoise de Peccat, veuve (1662) de Pierre-François Chorier, bour- 
geois de Beaurepaire, fils de feu Antoine Chorier. et de feue Magdeleine 
Allard. Jacques-Louis Chorier, marchand de Romans, était aussi fils 
d'Antoine. Ant. Piémont, vol. de i663, fol. 67. 



302 SOCIÉTÉ D'ARCHEOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

(1676-1721), emprunta le surnom « de St-Didier » (1) 
à une ferme située aux environs de Saint-Antoine et 
possédée par sa famille depuis un siècle (2). Gabriel Pié- 
mont épousa Madeleine Jassoud, et « en eut plusieurs en- 
fans » (3). Les deux qui nous sont connus furent, comme 
leur père, avocats au parlement : Melchior, « juge ordi- 
naire de Saint- Antoine »,qui mourut le 9 mars 1745 (4), 
et Antoine Piémont de Frize, qui se disait, en 1750, le 
c seul enfant mâle vivant » de sa famille. 

A cette époque, l'avocat Piémont de Frize parut ou- 
blier son ancêtre Eustache Piémont, qui avait été, pen- 
dant les mauvais jours, l'ami fidèle de l'abbaye de Saint- 
Antoine, pour se montrer le vrai fils de son aïeul François 
de Frize, l'ennemi acharné des Antonins pendant les 
dernières guerres de religion du xvi' siècle. Il suscita à 
l'abbaye plusieurs procès qu'il poursuivit pendant trente 
ans. Nous en parlerons brièvement. 

(1) Il est quelquefois appelé « M* Gabriel -Antoine Piémont, de Saint- 
Disdier, advocat à la cour ». Ant. Piémont, vol. de 1687-88, fol. 294, 
et G. Fournet, vol. de 1676-77, fol. 219. — Son fils Melchior porta 
également le titre « de Saint-Didier », tandis que le frère de celui-ci 
s'appelle lui-môme et est toujours appelé « Antoine Piémont de Frize ». 

(2) Nous avons dit au commencement de cet article (p. 290) comment 
cette propriété passa, avec le nom de St-Didier, de la famille de Bon 
Piémont à son neveu Antoine. 

(3) Nous avons trouvé un religieux de St-Antoine, R. P. Jean-Louis 
Piémont, résidant au Pont-en-Royans le 3 janvier 17 14; il vivait encore 
en 1722. Arch. du Rhône, fonds de St-Antoine, cartons 25o et 39. — 
Aucun document ne nous a fait connaître le lien qui le rattache à la 
famille Piémont de St-Antoine. 

(4) La copie des Mémoires d'Eustache Piémont, faite en 1742 par le 
père Hussenot, nous dit que l'original était alors « entre les mains du 
petit fils de l'autheur, M. Melchior Piémond de St-Didier, avocat, mort 
à Grenoble le 9 mars 1745. » Ce que nous avons dit jusqu'ici montre 
que l'expression « petit fils de l'autheur » doit être prise non point 
dans le sens restreint et précis, mais signifie simplement descendant. 
Cf. Mémoires d'Eust. Piémond, Préface, p. xlii. 



LES NOTAIRES PIÉMONT. 3o3 

Le plus important de ces procès est relatif au parcel- 
laire de la communauté (i) de St-Antoine. 

L'abbaye venait de procéder au renouvellement « de 
tous ses terriers, sans qu'il eût été nécessaire d'employer 
le ministère de la justice, et sans qu'il s'élevât la moindre 
plainte de la part des emphitéotes, par l'attention qu'on 
avait prise de les instruire et de- leur montrer tous les 
titres, tant anciens que modernes, qu'ils avaient vouiu 
voir. » 

Le sieur Piémont de Frize, qui avait « plusieurs do- 
maines dans la mouvance de l'abbaye, ne voulut pas 
suivre cet exemple. Peu content d'avoir eu la liberté de 
faire sur les terriers toutes les perquisitions qu'il souhai- 
tait, et d'avoir fait venir inutilement trois avocats pour 
terminer tous les différends, il demanda qu'on lui remît 
entre les mains les titres primordiaux. » Le syndic de 
l'abbaye n'ayant pas jugé convenable de lui « envoyer à 
Grenoble les papiers qu'il souhaitait », il se vengea en 
publiant contre l'abbé et le chapitre de St-Antoine <r un 
libelle.difFamatoire contenant les injures les plus atroces 
et les demandes les plus injustes. » L'auteur de ce libelle 
signifié le 4 novembre 1749, demande que l'abbaye soit 
« condamnée à souffrir le reachapt des rentes qu'il lui 
doit, et à lui vuider plusieurs immeubles » qui autrefois, 
disait^il, faisaient partie du patrimoine de ses ancêtres. 
Il conclut en demandant l'établissement d'un nouveau 
parcellaire et la condamnation du syndic de l'abbaye à 
tous les dépens. Pendant ce temps, il fait tous ses ef- 
forts pour troubler la bonne harmonie entre les habitants 



(1) Avant la Révolution, le mot de « communauté » avait le môme 
sens que le nom actuel de « commune ». 



3o4 société d'archéologie et de statistique. 

de St- Antoine et l'abbaye, répandant le bruit que le vieux 
parcellaire avait été longtemps gardé à l'abbaye pour le 
déchirer et enlever ce qui pourrait être à son désavantage; 
en même temps, il fait « entendre aux habitants qu'ils 
payent beaucoup de tailles pour les fonds possédés par 
l'abbaye ; » mais enfin ils vont être déchargés de la plus 
grosse partie de leurs redevances, et la seule restitution 
décès tailles, à laquelle le syndic doit être condamné, suf- 
fira amplement à payer les frais du nouveau parcellaire. 

Parmi les fonds que le sieur de Frize voulait racheter, 
il en était un, le moulin de Frize, dont la revendication 
lui tenait le plus au cœur ; ce fut même là l'origine de ce 
long procès. 

En 1750, Antoine de Frize, pour soutenir ses préten- 
tions, déclarait avoir « toujours ouï dire par des anciens 
du lieu de St-Antoine que le moulin, appelé anciennement 
par les actes le moulin de Frise, avait été donné en enga- 
gement par François de Frise à l'abbaye de St-Antoine ; 
ce qui lui avait été répété plusieurs fois avec cette circons- 
tance que Marthe Peccat, ayeule paternelle dud. Piémont 
de Frise avoit toujours eu dessein de racheter led. mou- 
lin. » En conséquence, disait-il, il a conservé, lui aussi, 
« le droit de racheter le tenement de moulin en payant 
au seigneur abbé ou à ses successeurs la somme de 35o 
écus, » moyennant laquelle s'était fait « l'ancien engage- 
ment. » 

Il prouvait son droit de rachat en montrant qu'il des- 
cendait en ligne directe de François de Frize, dont il se 
disait le seul héritier. Cette descendance ne lui fut point 
contestée. Mais les religieux savaient où chercher les 
preuves de leur possession : ils s'adressèrent au notaire 
Brachet, acquéreur de l'office de M* Antoine Piémont, 
demandant à consulter les minutes de ses prédécesseurs. 



LES NOTAIRES PIEMONT. 3o5 

Brachet répondit que, bien qu'il fût acquéreur de l'étude 
du notaire Piémont, il n'avait pas en son pouvoir les pro- 
tocoles demandés ; ils étaient à St-Antoine, dansla mai- 
son de l'avocat Piémont, qui en gardait la clef à Greno- 
ble. Les particuliers se plaignaient également de ce que le 
sieur de Frize détenait dans son cabinet « les protocoles 
des trois notaires ses ancêtres » et empêchait par là le 
public de pouvoir en retirer les expéditions nécessaires. 

Le perturbateur s'agita longtemps avant d'arriver à ses 
fins. Malgré tous les avantages qu'il promettait, sa « ca- 
bale » ne réunit qu' « une douzaine de personnes.... tou- 
jours disposées à faire du bruit. » D'autre part, l'habileté 
de l'avocat rencontra, dans un frère convers de l'abbaye, 
un adversaire imprévu : le frère Aymard, receveur des 
rentes de l'abbaye, fournit des titres indiscutables de pos- 
session (i) : le sieur de Frize fut donc arrêté dans ses pré- 
tentions et ne put obtenir « le reachapt de ses rentes », 
c'est-à-dire rentrer en possession du moulin de Frize (2). 

Néanmoins, ses intrigues, poursuivies avec l'acharne- 
ment que savent déployer les amateurs de chicane, de- 
vaient amener l'établissement d'un nouveau parcellaire. 

En l'année 16 16, a la communauté de St-Antoine avait 

(1) Frère Claude Aymard, vulgairement appelé « le frère Aymard », 
fils de Jacques et de Andrienne Duc, né à St-Véran, dioc. de Vienne, le 
2 mars 1701, entra dans Tordre de Saint-Antoine après avoir exercé le 
métier des armes, et fit profession comme religieux convers le 9 sept. 
1736. Arch. de VIsère t Registre des vetures et professions, in-fol., fol. 
36 v*. — Le frère Aymard fut receveur des rentes de l'abbaye pendant 
plus de 40 ans (1734- 1777). Ses livres de recettes (2 vol. in-fol.), admi- 
rablement tenus, forment les cartons 433 et 434 du fonds de St-Antoine 
aux Arch. du Rhône. Frère Aymard était très versé dans la connais- 
sance des terriers et des titres de l'abbaye, comme l'avaient été au 
siècle précédent les pères Michel Fere et Etienne Goyt. 

(2) Arch. du Rhône, fonds de St-Antoine, cart. 34, divers Mémoires. 

2* SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — IÇOO. 20 



l 



3o6 société d'archéologie et de statistique. 

fait procéder à la confection de son parcellaire roturier. » 
Dix-huit ans après, «ensuite de l'ordonnance de M. de 
Talon, conseiller du roi et intendant du Dauphiné pour 

•l'exécution de l'arrêt donné entre les trois Ordres de la 
province je dernier may 1634 }) 9 ' es corps ecclésiastiques 
et les nobles «. possédant des immeubles dans le territoire 
de Saint-Antoine, donnèrent à la diligence des consuls et 
officiers, par prudhommes, état, dénombrement et décla- 
ration des biens et héritages dont ils jouissaient », et Ton 

-apposa « sur chaque article de fonds une estime, eu égard 
à sa. valeur et à son produit ». 

L'on fit ensuite, à différentes époques, sur le parcellaire 
roturier.de 1616, «trois différents perrequaires pour lès 
chargements et déchargements », qui servirent jusqu'au 

-parcellaire du xvm e siècle; « mais il n'en fut pas uzé de 
même à l'égard des fonds nobles déclarés ensuite de l'or- 
donnance de 1634 ». Cette omission, compliquée par les 
mutations qui s'étaient opérées depuis un siècle, avait 
« occasionné la confusion des fonds nobles avec les rotu- 
riers ». Toutes ces causes rendaient en quelque sorte 
nécessaire le renouvellement du double parcellaire. 

. Du reste, Saint-Antoine ne faisait en cela que suivre 
l'exemple d'autres communautés, comme celles de Polie - 

, nas et de Bessins, dont il adopta la méthode. 

Par son arrêt du 14 mars 1774, le parlement du Dau- 
phiné avait ordonné le renouvellement du parcellaire de 

. StrAntoine « avec mappe et plans particuliers lavés et 
figurés suivant les règles de l'art, avec une échelle au bas, 
et un coursier pour servir aux chargements et décharge- 
ments en cas de mutations... » Treize assemblées se tin- 
rent pour ce sujet à St- Antoine pendant les années 1775 

à 1779. 

Dans l'assemblée du 8 janvier 1776, le sieur Micoud 



LES NOTAIRES PIÉMONT. ÎOJ 

Desmarais, géomètre, resta, par le bail au rabais, « adju- 
dicataire de ces parcellaire, coursier et plans... moyennant 
le prix de 25 sous par sesterée de neuf cent toises delphi- 
nales, que la communauté devait luy payer de la manière 
et dans les termes portés par ce bail ». 

Desmarais, l'auteur du parcellaire de Poliénas, se subs- 
titua, pour l'exécution de celui de St-Antoine, le sieur 
Fournier, son gendre. Celui-ci, au commencement de 
1780, présenta « la mappe » telle qu'il l'avait exécutée; 
mais la communauté de St-Antoine ne pouvait accepter 
ce travail. En effet, si l'on en croit un Mémoire adressé 
aux jurisconsultes par M e Brachet, député de la commu- 
nauté, le parcellaire présenté par Fournier ne remplissait 
point les conditions imposées par le bail. Quant au plan 
géométrique qui l'accompagnait, Brachet se plaignait de 
ce que Fournier n'y « avait mis et écrit autre chose que 
des numéros pour indiquer les possessions des habitants 
et des forains de la communauté »• Et comme rien n'était 
« écrit dedans ou le long des rivières, ruisseaux, grandes 
combes, torrents ou ravins, et les chemins dont la com- 
munauté se trouve coupée et traversée dans un très grand 
nombre d'endroits de son territoire, et qui sont figurés 
dans sa mappe et ses plans, s'il n'y a point mis de légende 
au moïen de laquelle, et par dés lettres alphabétiques de 
rapport, l'on puisse y connaître et distinguer lesd. riviè- 
res, ruisseaux, combes, torrents ou ravins et les chemihs, 
par leur nom et par leur tendance ; où prendrait-on, par 
exemple, dans ses mappes et plans, disait encore Brachet, 
la rivière de Furant, celle de Frizon.» les ruisseaux et 
combes de Fontfroide, de Mezellin, de Lyotan ou du 
Château, les combes de Montalard, de Piedcheval, de 
Marze, de Fussin, de Champeux, de Seyssel, de Cous- 
siou, de Charreton, de Commers, des Buclards, d'Em- 



3o8 société d'archéologie et de statistique. 

portion, de Soleily Miron, de Joz ou Fontbarnier, du 
Bouchet, de Toniot, dû Saut Barrai, de la Magdelaine, 
de l'Hert, et plusieurs autres, dont fait mention dans ses 
confins l'ancien parcellaire î Où prendrat-on les chemins 
qui sont de même figurés dans ses plans, tendants du 
bourg de St-Antoine à St-Marcellin, à Romans, à Che- 
vrières, à Dionay, à St-Jean le Fromental, à Roybon, à 
Montfalcon, à Montrigaud, à St-Bonnet, à Montmiral, à 
St-Lattier et aux autres lieux circon voisins ? où prendrat- 
on dans le bourg, figurez aussy dans ces mêmes mappe et 
plans particuliers, la Grande rue, la rue de l'Hôpital ou de 
l'Ange, la rue Corciere ou du Millieu, la Basse rue, les 
rues qui les croisent et qui descendent des unes aux autres; 
les goulets de St-George, de Bourchenu, de Coste Barbier, 
de laSimèze, et autres petites ruettesou passages publics £ 
où prendrat-on les places publiques du Marché, du Puits, 
de l'Hayre, de la Crotte, le rocher de la Chopière, béais 
des moulins et autres choses notables, pour donner ces con* 
fins (qui sont des confins immuables) aux différentes pos- 
sessions de chaque particulier, lorsqu'il sera question de 
luy composer et délivrer sa parcelle, confinée de la ma- 
nière que prétend le sieur Fournier ?... N'est-ce pas la 
plus grande dérision de venir présenter à cette commu- 
nauté et vouloir la forcer à recevoir un parcellaire et des 
plans aussy défectueux et d'aussy peu d'utilité ? (î) » 

Cette description fait voir que le plan dressé par Four- 
nier était une sorte de « carte muette », ne contenant 
« autre chose que des numéros. » 

Brachet terminait son Mémoire en demandant à Four- 
nier d'indiquer les confins des propriétés, s'il voulait être 
payé de son travail. 

. (î) Divers Mémoires ms. aux Archives de l'Abbaye de St-Antoine. 



LES NOTAIRES PIEMONT. 309 

Il fallut donc reprendre l'exécution du parcellaire, qui 
traîna en longueur pendant plusieurs années ; vraisem- 
blablement, l'œuvre définitive ne fut agréée qu'en Tannée 
1787 : c'est du moins la date que porte le plan cadastral 
aujourd'hui conservé à la mairie de St-Antoine. 

Mais, à cette époque l'Ordre de St-Antoine était incor- 
poré à celui de xWalte, et l'avocat Piémont de Frize, qui 
avait mis en avant « la confection du parcellaire », avait 
lui-même disparu de la scène du monde. Il avait passé 
ses dernières années à Grenoble, où il était devenu, par 
son grand âge, le doyen des avocats au parlement du 
Dauphiné. 

C'est donc ici que notre étude devrait prendre fin. 
Toutefois, nous croyons intéresser nos lecteurs en ajou- 
tant quelques pages sur la famille de Frize : nous n'avons 
fait qu'indiquer plus haut l'origine du procès suscité à 
l'abbaye à l'occasion du moulin de ce nom. L'avocat de 
Frize en revendiquait le rachat comme représentant de 
son ancêtre qui l'avait possédé à la fin du xvi e siècle. Ce 
que nous devons dire montrera clairement, pensons-nous, 
qui avait le droit pour lui, l'abbaye ou l'avocat. Dans 
les titres apportés au cours du procès pour établir la jus- 
tice de sa cause, l'avocat commençait sa généalogie à 
l'année 1 558, et la conduisait en ligne directe jusqu'à lui- 
même, héritier de toute cette famille. Nous reprendrons 
de plus haut cette généalogie, à peine ébauchée par les 
écrivains qui ont parlé de St-Antoine ; ainsi cette étude 
sur les notaires Piémont, alliés aux Frize, en recevra son 
complément naturel et nécessaire. 



(A continuer). 



Dom Germain MAILLET-GUY, 

Ckan. rég. de rimm.-Conc. 



LES ARCHIVES DE LA DROME 



Il 011 II 



On a cru longtemps que la perte des archives anciennes 
avait rendu impossible l'étude de l'histoire des communes, 
des institutions et des familles. Fort heureusement c'était 
là une erreur, dont la publication des Inventaires som- 
maires des dépôts départementaux, commencée en i86r, 
a montré l'évidence. Mais ces Inventaires sont-ils connus 
à cette heure d'autres personnes que des chercheurs et 
des bibliophiles ? Il est permis d'en douter. Dans ces con- 
ditions, quelques détails sur l'œuvre entreprise par toute 
la France et dans la Drôme en particulier peuvent être 
fort utiles. 

Avant 1790, les titres et documents administratifs et 
judiciaires de la province étaient conservés soit à Gre- 
noble pour l'Intendance et le Parlement, soit dans les 
tribunaux subalternes, soit dans les communes ou les 
couvents, évêchés et chapitres; mais il n'y avait aucune 
centralisation, et les inventaires de ces fonds, lorsqu'il en 
existait, servaient bien moins à l'histoire qu'à la preuve 
des droits et revenus spéciaux à chaque établissement. 

Aujourd'hui, la Chambre des Comptes et le Parlement 
nous dévoilent leurs richesses abondantes dans trois vo- 
lumes publiés par MM. Pilot et Prudhomme, archivistes 
de l'Isère. Déjà, le premier de ces dépôts avait été classé 
en 1277 et ^46, ainsi que le prouvent les publications de 
M. le chanoine U. Chevalier, correspondant de l'Institut, 
sous les titres d'Inventaires des archives des Dauphins et 



LES ARCHIVES DE LA DROME. 3 I I 

d'Ordonnances des rois de France et autres princes sou- 
verains relatives au Dauphiné. . 

Un autre grand travail en 35 volumes in-fol., prescrit 
le 9 juin 1688 par Le Pelletier, contrôleur général des 
finances, avait coûté dix ans de travail à Marcelier, et cet 
Inventaire manuscrit de la Chambre des Comptes sert 
encore à guider utilement les recherches, malgré quel- 
ques erreurs. 

Mais les actes du Parlement de Grenoble ne se trou- 
vaient guère que dans les ouvrages des jurisconsultes 
dauphinois, François Marc, Guy-Pape, Nicolas Chorier 
et Jean-Guv Basset. 

L'Intendance conservait ses papiers à Grenoble, siège 
de son administration politique et financière; ceux des 
élections se trouvaient à Valence, Romans et Montelimar, 
Or, tout ce qui se rapporte à l'assiette et à la perception 
des tailles, capitation, dixième, vingtièmes, vente des 
offices municipaux, était caché dans ces fonds. 

Les travaux récents ont de la sorte rendu un véritable; 
service aux érudits en classant et analysant des pièces 
dont les révélations étaient à peine soupçonnées. 

On peut en dire autant des archives de l'Université de 
Valence, bien qu'une excellente étude de feu M. le cha- 
noine Nadal et l'ouvrage plus récent de M. Marcel Four- 
nier eussent déjà divulgué les actes fondamentaux et l'his- 
toire de l'institution fondée par Louis, dauphin, en 1452. 

Une cinquantaine de monographies communales, par 
M. l'abbé Vincent, nous avaient initiés au passé des 
bourgs, villes et villages de la Drôme, avant 1866; toute- 
fois, depuis lors, des études plus récentes sur les arron- 
dissements de Montélimar et de Nyons, et les Bulletins 
d'histoire ecclésiastique et d'histoire religieuse des dio- 
cèses de Valence, Grenoble, etc., et de la Société d'Ar- 



3 12 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

chiologie de la Drame, ont permis de constater d'im- 
menses progrès, grâce au classement et à l'Inventaire des 
archives communales des arrondissements de Montélimar, 
Nyons et Valence. Une mention toute spéciale est due 
aussi à la publication par M. U. Chevalier du Cartulaire 
municipal de Montélimar, à V Histoire de la même ville, 
par M. le baron de Goston et au Dictionnaire topogra- 
phique de la Drôme et au Dictionnaire bio-bibliographique 
de M. Brun-Durand. 

Quant aux familles, on était réduit aux Nobiliaires de 
Chorier et de Guy Allard 'et à V Armoriai du Dauphiné, 
consacrés uniquement à la noblesse, sans trop de souci du 
tiers état. Il en était de même pour les notaires ; car, à 
l'exception de la Statistique notariale de Varrondisse- 
ment de Valence^ donnant leurs noms, les dates et l'indi- 
cation des études où se trouvent leurs minutes, on ne 
savait rien de plus sur une source historique importante. 
L'Inventaire actuel a donc le premier mis en relief les 
ressources inconnues des anciens protocoles. 

Viennent enfin les archives ecclésiastiques formant la 
plus grosse part du dépôt, réunies par fonds, mais non 
inventoriées encore. On peut cependant consulter déjà un 
certain nombre de cartulaires imprimés où se trouvent 
les plus anciens documents de quelques églises et abbayes, 
comme le Cartulaire de St-Barnard, qui a fourni à 
M. Paul-Emile Giraud les éléments de sa remarquable 
étude sur Romans et son chapitre; le Cartulaire de 
St-André-le-Bas , de Vienne; celui de St -Pierre du 
Bourg-lès- Valence; ceux de St-Chaffre, de Léoncel et de 
St-Ruf, publiés en entier ou en partie par M. le chanoine 
U. Chevalier, et celui de Durbon, dû à M. le chanoine 
Guillaume, notre laborieux collègue des Hautes-Alpes. Il 
y aurait, d'autre part, injustice criante à taire les savants 



. -i-«^i« i» >>A»— ^^— J1^>*aÉ— 1^—— ifci»JW^«-' "i;A 



LES ARCHIVES DE LA DROME. 3 î3 

travaux historiques de M. le chanoine Jules Chevalier sur 
la ville et le diocèse de Die, sur les Poitiers, comtes de 
Valentinois, et sur l'abbaye de Valcroissant ; de feu M. le 
chanoine Nadal sur les institutions monastiques du dio- 
cèse, et de MM. les chanoines Perrossier et Fillet sur les 
évêques originaires de la Drôme, sur Romans, sur Gri- 
gnan, sur diverses paroisses et sur le Vercors. 

Les archives anciennes de la Drôtne, à l'exemple de 
celles des autres départements, ont été réparties en huit 
séries : A (actes du pouvoir souverain); B (archives judi- 
ciaires); C (archives administratives); D (instruction pu- 
blique) ; E (familles et notaires) ; F (fonds étrangers aux 
précédents) ; G (clergé séculier) et H (clergé régulier). 

Les séries A, B, C forment le premier volume de l'In- 
ventaire publié; D et E le 2 e , les communes qui ont remis 
volontairement leurs archives au dépôt, le 3* et partie 
du 4% les communes qui ont tenu à les conserver; les 4% 
5 e , 6 e et les suivants en préparation. 

Il n'est pas inutile de rappeler ici comment ces diffé- 
rentes séries ont été formées. 

La série A peu importante à l'origine aura un supplé- 
ment assez étendu. Au surplus, une collection en 27 vo- 
lumes in-4 , connue sous le nom de collection Giroud, la 
remplace actuellement, et la bibliothèque des archives en 
possède 26. 

Avant 1861, la série B ne figurait dans le dépôt que 
pour un nombre restreint d'articles ; mais, depuis lors, 
des réintégrations régulièrement autorisées l'ont enrichie 
des papiers du présidial de Valence, créé par Louis XIII 
en i636, des sénéchaussées de Montélimar et de Crest, 
des bailliages du Buis et de St-Paul-Trois-Châteaux , 
conservés aux greffes des tribunaux civils de Valence, 
Montélimar, Die et Nyons, et d'un petit nombre de ju<4i^ 



314* société, d'archéologie et de statistique. 

catures seigneuriales trouvés dans lès mairies de Crest, 
St-Vallier et Tain. 

. \ Les registres du greffe de St-Pantaléon et Rousset 
offerts au dépôt par feu M. le général d'Andigné, joints à 
d'autres dons, exigeront un supplément. 

Pour la série C, les archives de l'Intendance, conser- 
vées à Grenoble, furent réparties, en 1790, entre les trois 
départements de la Drôme, de PIsère et des Hautes- Alpes, 
après urr triage hâtif opéré par des commissaires spé- 
ciaux. Comme ce fonds embrasse l'agriculture, l'industrie, 
la situation économique des communes en 1789 (malheu- 
reusement incomplète), la noblesse, les impôts, l'armée, 
la voirie, les hôpitaux et les prisons, elle offre, avec le 
Mémoire de l'intendant Bouchu, en 1698, publié et an- 
noté par M. Brun-Durand, une foule de renseignements 
sur la province pendant les xvn ft et xvin 6 siècles. 

Les archives des élections de Valence, Romans et Mon- 
télimar, étant demeurées confondues avec celles des greffes 
des tribunaux, sont arrivées au dépôt en même temps 
qu'elles. 

Pour la série D, les titres et documents de l'Université 
de Valence furent versés à la préfecture en 1808 seulement 
et n'ont acquis, depuis lors, qu'une copie notariée de 
l'ouvrage de Basset contenant ses statuts. MM. Nadal et 
Marcel Fournier ont utilisé ce fonds. Mais la même série 
a reçu de Gap une partie des archives de l'académie pro- 
testante de Die, consultées par M. E. Arnaud dans son 
histoire de cet établissement et par M. Brun-Durand dans 
son livre Les amis de Jean Dragon. 

Avec la série E, paraissent les papiers de famille et les 
notaires. Les premiers proviennent en petit nombre des 
émigrés, à cause de la crainte des redevances féodales qui 
entraîna la perte d'une partie importante : les dons volon- 



LES ARCHIVES DE LA DROME. 3 I 5 

taires et quelques acquisitions, depuis 1861, ont comblé 
plus d'un vide; toutefois, d'autres dons postérieurs de 
titres pareils et de minutes anciennes de notaires, dus à 
MM. Roule, Mazon, Monet, de Ravel, Brun-Durand, 
Çhabrières, le marquis d'Albon et à M 1Ie Bergier, de 
Tain, et quelques acquisitions exigeront un supplément 
assez considérable, déjà classé, mais non analysé. 

Avant r86i, plusieurs communes des Baronnies et du 
Valentinois avaient confié leurs archives anciennes au dé* 
pôt, et l'Inventaire en est imprimé ; plus tard, les muni- 
cipalités ayant exprimé le désir formel de conserver leurs 
titres, le classement et l'analyse en ont été faits. Ainsi, 
l'on possède l'Inventaire de celles des arrondissements de 
Montélimar, Nyons et Valence. 

Le travail publié à cette heure s'arrête à l'arrondisse- 
ment de Die et sera continué sans relâche. 

Il y aura, de plus, un supplément provenu du don des 
archives de Bourdeaux, d'Espenel et de papiers d'autres 
communes, il sera imprimé à la suite des trois arrondis- 
sements parus. 

La série F comprendra le fonds important donné au 
dépôt par M. Morin-Pons, de Lyon, savant aussi connu 
que bienveillant. 

Avec la série G, on arrive à des fonds non analysés 
encore et très volumineux, comme ceux des évêchés de 
Valence, Die, Saint-Paul-Trois-Châteaux (i) et partie de 
Vaison et de l'archevêché de Vienne, ceux des chapitres 
de St-Apollinaire, de St-Pierre du Bourg-lès-Valence, de 
St-Sauveur de Crest et de Grignan, de Notre-Dame de 
Die et de bon nombre de prieurés et de paroisses des an- 

(i) Les papiers des évêchés de Die et de St-Paul ont été réintégrés de- 
puis 1 86 1 . 



3l6 société d'archéologie et de statistique. 

cicns diocèses dont celui de Valence a été formé. Il existe 
un inventaire manuscrit en deux volumes in-fol. de i65o 
pour le chapitre de Valence et un autre in-4 pour Pévê- 
ché de la même ville, de la même époque. 

Enfin, la série H embrasse i° les fonds considérables 
de St-Barnard, de Romans, de la Chartreuse de Epou- 
vante, des abbayes de St-Ruf et de Léoncel ; 2° des cou- 
vents de Dominicains du Buis , Valence et Die , des 
Cordeliers de Montélimar, Die, Romans et Valence, des 
Capucins, des Minimes, de Picpus; 3 Q des maisons reli- 
gieuses de filles de St-Just de Romans, de Notre-Dame 
de Soyons, de Vernaison, de la Visitation,, des Ursulines 
el de St-Césaire de Nyons. 

Quelques pièces hospitalières terminent la série. 

Comme un tableau numérique de ces divers fonds va 
être imprimé, il complétera ces renseignements, de nature 
à rassurer les érudits et à provoquer de nouveaux dons. 

En terminant cet exposé succinct, rappelons, pour la 
déplorer, la perte d'un nombre considérable de terriers 
ou livres de redevances féodales, livrés au feu pendant la 
Révolution, comme au Buis, d'après une relation impri- 
mée du temps, et la perte de 1,747 feuilles de parchemin, 
le i 6r thermidor an II, et de 2,860, le 9 nivôse an III, 
toutes destinées aux gargousses de l'artillerie. 

L'utilité publique et la défense de la patrie pouvaient 
au moins colorer la fabrication des gargousses ; mais rien 
ne justifie les autodafés en haine de l'histoire. 

A. LACROIX. 



LES COMTÉS DE VÀLENTINOIS ET DE DIOIS. 3 ! 7 

MÉMOIRES 

'POU'R SERVIR c4 L'HISTOIRE 

DES 

COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS 

(Suite. —Voir les 122* à i33 # livraisons.) 



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Le changement politique qui venait d'avoir lieu plaçait les 
Valentinois dans de nouveaux rapports avec le prince Louis ; 
jusqu'ici ils avaient été ses protégés, grâce à la sauvegarde 
qu'ils avaient autrefois sollicitée et obtenue, maintenant ils 
devenaient ses sujets. Ils lui demandèrent de vouloir bien 
confirmer les franchises et les libertés, que leur avaient 
octroyées les évêques à diverses époques et l'empereur Sigis- 
mond en 141 6. Le dauphin répondit à leur désir et leur fit 
expédier de La Tour-du-Pin, le 2 octobre 1450, une véritable 
charte de libertés, divisée en 38 articles et résumant tous les 
privilèges de la ville. Ce document présente un très vif intérêt ; 
il reflète les mœurs, la vie intérieure d'une commune sur la 
fin du moyen âge. Nous en donnerons une rapide analyse. 

« La cour et les officiers de justice de la ville n'exigent 
jamais plus de 1 5 sols pour une injure simple, verbale ou 
manuelle, de 60 sols pour blessure, si mort ou mutilation 
de membre ne s'ensuit. Nul ne peut être arrêté pour injures 
ou excès, s'il fournit caution suffisante. Pour autre cause, 
l'amende ne peut dépasser 3 sols 1/2. Nul ne peut être em- 
prisonné pour adultère, nisi in rébus venereis fuerit inventus 
solus cum sola, clausis ostiis et suspecti probabilités Les 
informations pour excès ou délits de droit public ne peuvent 



3l8 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGrE ET DE STATISTIQUE. 

être faites que contre des personnes diffamées et probable- 
ment suspectes, et sommairement si la peine n'excède pas 
60 sols. Le geôlier ne peut exiger plus de 12 deniers de toute 
personne justement arrêtée et plus de deux sols, si la déten- 
tion dépasse deux mois.- Il ne sera payé qu'une amende, bien 
que les demandes en paiement soient multiples et encore 
après satisfaction du créancier. Les ventes aux enchères, 
d'autorité de justice, se feront place Saint-Jean ou place La 
Pierre, et nul officier de justice ne pourra y enchérir, ni exi- 
ger plus de six deniers pour sa peine. Pour saisie de mobi- 
lier, le sergent recevra aussi six deniers et la cour, pour sa 
taxe, quatre sols par livre. Après l'absolution d'un excom- 
munié, la cour séculière ne pourra exiger aucune taxe. Les 
testaments seront exécutés selon leur teneur. Il sera dû pour 
le sceau épiscopal des appels et procurations 12 deniers seu- 
lement; pour apposition des scellés sur testament 100 sols 
au plus, et moins, 6o, 5o ou 40, si la succession vaut moins 
de 1,000 francs. Tous officiers jureront l'observation des li- 
bertés» de la ville et du bourg. Les habitants sont exemptés 
de leyde, péage, taille, droit de corvée, course, tribut ou 
exaction, garde des portes, tours et murailles, patrouille de 
jour et de nuit, sauf, pour ce dernier chef, le péril imminent 
d'invasion ou d'attaque. Les clés de la ville ne peuvent être 
réclamées que par le roi présent dans la cité. Tout habitant 
peut vendre et échanger ses possessions rurales sans permis- 
sion du seigneur direct et sans crainte de confiscation. Les 
lodssont en ce cas d'un gros par florin du prix de l'im- 
meuble, à moins que les biens aliénés ne soient dans la 
directe des Eglises ou autres qui ont des bailes ou ont accou- 
tumé d'en avoir, auxquels on paye un gros et demi. Le cour- 
rier et les patrouilles ne peuvent la nuit entrer dans les mai- 
sons, saqs soupçon violent et bruit public de quelque crime. 
Pour affaires communes , les citoyens peuvent s'assembler 
au nombre de 80 pour les traiter, sans aucune permission. 
Les syndics nomment leurs successeurs, leurs conseillers, 
secrétaires et mandeurs; ils exigent les droits et rentes de la 



«., ,>- "St .fc il >••* '*<■»*«■ »4>*»i 



. LES COMTÉS DE VALENT1N01S ET DE DIOIS. 3ig 

ville et en rendent compte aux auditeurs, tes héritiers béné- 
ficiaires peuvent choisir, pour dresser inventaire, soit le juge, 
soit un notaire. Les habitants jouissent de toutes les libertés 
delphinales; ils peuvent exiger de tout marchand de passage 
un droit de sortie. Les indits ou octrois sont approuvés. Les 
protocoles des notaires défunts ne pourront jamais être cédés 
à un étranger résidant hors de la ville. Deux foires franches 
sont établies le I er juillet et le 3 février. Tout voiturier de sel 
par eau payera le sesterage ou droit de péage en usage de 
toute ancienneté... (i). » 

Bientôt après, le 8 octobre, par lettres datées de Morestel^ 
le dauphin déchargea les habitants de Valence de l'impôt 
d'un marc d'or vieux qu'ils lui payaient tous les ans pour là 
droit de sauvegarde, ce droit ayant fait place «à la souverai- 
neté du prince (2). 11 ne faudrait pas croire que «toutes ces 
faveurs fussent gratuites ; la chancellerie delphinale ne per- 
dait jamais ses droits. C'est ainsi que, pour la charte des 
franchises municipales, les habitants de Valence durent payer 
400 écus d'or (3). 

Le dauphin possédait à Valence deux maisons, qu'il avait 
acquises, dès l'année 1449, de Guillaume, bâtard de Poi- 
tiers (4). Elles étaient situées dans la rue Saunière, près de la 
porte de ce nom, appelée encore, dans les anciens actes, 
porte d'Avignon, à droite en entrant dans la ville. Quand il 

. - ■ . - Il —Il I ■!■■. , „ 

(1) Archives de la Drôme, B, 3998. Le 26 juin 1452, le dauphin 
étant à Valence, enjoignit à ses officiers d'être respectueux des. libertés 
municipales de la ville. Il fit à cette occasion de grands éloges de la 
fidélité des Valentinois. 

(2) Archives de l'Isère. 

(3) Archives municipales de Valence, BB, 1. 

(4) Archives du château de Peyrins. Inventaire des papiers des Pot- 
tiers, n° 253. Par acte du 23 février 1449 (n. s.), le dauphin acquit 
ces deux maisons, en donnant en échange à Guillaume de Poitiers la 
terre d'Auriples et ses dépendances, ainsi que la jouissance des terres de 
Quint et de Pontaix. Guillaume rendait hommage au dauphin, le 12 
août i/f52, pour les fiefs de Barry et de Vercheny en Diois, et le 12 
octobre pour la terre de Soyans. 



320 société d'archéologie et de statistique. 

eut fait avec l'évêque le traité de pariage, il voulut avoir à 
Valence une demeure princière et les deux maisons, recons- 
truites en grande partie, furent transformées et devinrent une 
sorte de palais que les titres de l'époque désignent parfois 
sous le nom de manerium Delphini (1). On y travaillait acti- 
vement au mois de janvier 1452 (n. s.), comme nous l'ap- 
prend un document, par lequel les habitants de Valence, 
désireux de plaire à leur souverain et répondant à ses désirs, 
lui abandonnent la propriété de deux tours, Tune dite de la 
porte Saunière et l'autre tout près de celle-ci, qu'il pourra 
joindre à son palais, ainsi que la portion du rempart qu'il 
jugera à propos d'utiliser, plus une autre tour sur les bords 
du Rhône (2). Cette dernière tour était sans doute voisine de 
vastes terrains, autrefois comptantes en vergers et jardins, 



(1) Ollivier. Essai historique sur la ville de Valence, Valence, i83i, 
in-8°, p. 176. C'est sur l'emplacement de ce palais royal, tombé en 
ruines, que furent élevées, sous Louis XIII, la maison conventuelle et 
l'église des Récollets, 

(2) Archives de l'Isère, B, 3o3i. « ...Attendentes et considérantes se 
et totam civitatem et communitatem Valentie... indigere singulari gra- 
tia, adjutorio, thuicione, et protectione dalphini... propter quamplu- 
rima ardua négocia que plerumque civitas et cives Valentie... cum 
pluribus dominis, communitatibus et personnis sunt gesturi, in et pro 
quibus egent adjutorio et consilio ejusdem do mini nostri, et etiam quia 
noverunt infra scripta donanda esse utilia et placibilia prelibato domino 
nostro atque eisdem civitati et civibus, qui dominus noster in domo 
sua quam habet in dicta civitate Valentie domifficare et edificare pro- 
posuit, et jam fecit et facit et ut ibidem magis et magis edifficaret et 
dictam civitatem et cives singulari affectione, amore et dilectione per- 
tractet, et in sua gratia et amore perpetuo teneat et conservet ; his et 
aliis... considerationibus... dederunt... dant... domino Ludovico... dal- 
phino... licet absenti ac... domino Yvoni de Scepeaux... videlicet unam 
turrim cum una porta existentes in mûris ejusdem civitatis, juxta 
palatium ejusdem d. n. dalphini, que porta vocatur porta Sonneria, 
sive portale Avinionis et dicta turris vocatur turris porte Sonnerie. 
Item, plus unam aliam turrim alteri turri predicte propinquam, vide- 
licet quam ipse d. n. habere voluerit... Item, plus unam aliam turrim 
juxta flumen Rodani... 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE MOIS. 321 

qu'il venait d'acquérir successivement de divers particuliers 
et sur lesquels il avait établi une belle prairie (i). 

Il fit Tannée suivante une acquisition plus importante. Le 
siège de la sénéchaussée avait été transféré de Crest à Valence, 
en vertu d'une ordonnance du mois de février 1453. Il fallait 
trouver une maison qui fût digne de loger le sénéchal ou 
plutôt son lieutenant, et abriter les divers services que com- 
portaient l'administration de la justice et le gouvernement du 
pays. Une maison appartenant à noble Guigues de Pra- 
comtal, bourgeois de Montélimar, parut réunir toutes les 
conditions désirables. On rappelait alors le palais. Peut-être 
était-ce là qu'à l'époque romaine s'élevait quelque édifice 
important. Elle était située dans le quartier le plus ancien 
de la ville, entre le chemin de Baise-Béguine, au nord, la 
maison et le jardin de François de Baynac, au couchant, la 
rue ou côte de Chapelier (de Oppellario), au midi, et une 
petite ruelle, au levant. Cette maison qui existe encore est un 
des morceaux d'architecture du xiv e siècle les plus intéres- 
sants. On proposa un échange à Guigues de Pracomtal : il 
céderait au dauphin cette maison et tous les cens et revenus 
qu'il possédait à Valence, et le prince lui abandonnerait le 
château et la terre d'Ancône, près de Montélimar, avec pleine 
juridiction et tous les autres droits seigneuriaux. Cette offre 
paraissait devoir convenir d'autant mieux à Guigues die Pra- 
comtal que, fixé à Montélimar, il serait tout près de sa sei- 
gneurie, dans laquelle il avait déjà quelques possessions. On 
fit une double enquête, le 23 mars 1454 (n. s.) et le 8 avril 
1454, sur l'état et la valeur des biens que possédait Pra- 
comtal à Valence et à Ancône. Le 17 avril, l'acte d'échange 
fut définitivement arrêté et conclu à Valence (2). 



(1) Archives de l'Isère, B, 2984, f° 793. Ces détails sont mentionnés 
dans une enquête faite à Valence, le mardi, 19 janvier 1490 (n. s.), sur 
les propriétés acquises autrefois dans cette ville par le dauphin. 

(2) Archives de la Drôme, E, 2486, f" 78-83. « ... Cum illustrissimus 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — I9OO. 21 



322 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

La sénéchaussée du Valentinote et Diois ne devait avoir à 
Valence qu'une durée éphémère ; elle ne tarda pas à retour- 
ner à Crest. Mais il est une institution du dauphin Louis, 
qui, elle, a traversé quatre siècles, et, plus que tout autre, 
témoigne chez ce prince une intelligence très éclairée, un 
sentiment très vif des besoins de son temps, un ardent désir 
jd'augmenter la prospérité, l'éclat de sa chère ville de Va- 
lence; nous voulons parler de l'université qu'il y établit et 
dont les lettres patentes de la fondation portent la date du 
26 juillet 1452. 

« Dans ces lettres, dit M. Nadal, le dauphin semble faire 
avec plaisir le dénombrement des avantages que Valence 
offrait à la jeunesse studieuse. Il loue, en particulier, son 
admirable situation, la beauté de son climat, la salubrité de 
l'air qu'on y respire, la fertilité des campagnes qui l'environ- 
nent, la facilité de ses communications avec les autres villes 
du Dauphiné et avec les provinces limitrophes. Il expose 
ensuite, en détail, 1 organisation intérieure de l'université, 



princepset d. n. d. Lu do vi eus,... dalphinus vien. et cornes Val. et Dien., 
quamplurimum indigeret quadam domo decenti et apta ad consisto- 
rium seu auditorium curie seneschalis sui Valent, et Dien*, nuper in 
ejus civitate Valentina instituta et teneri ordinata, neenon i psi us curie 
carcerem in eadem construendum, pro bono et utilitate ipsius d' n' 
et ejus justicie congruori exercitio, et cum nobilis Guigardus de Prato- 
comitali, de Montilio Adhemari, Valent, dioc, haberet quamdam do- 
mum sua m, cum virgulto in civitare p redicta Valent., vocata de pala- 
1 tio, confrontantem a parte boree cum itinere de Baysabeguina, ab 
occidente cum domo et orto Francisci de Baynaco, a vento cum carreria 
publica appellata de Oppellario..., que domus satisapta, congrua atque 
decens videbatur pro auditorio et carcere dicte curie senescalie dalphi- 
nalis construendis, ceterum cum d. n. Guigardus haberet etiam certos 
census et canones annuos et annuatim percipiendos in eadem civitate 
Valent... specificatis in quadam parce lia per eum tradita cujus ténor 

talis est: Servitus Et ab alia parte haberet ipse nobilis Guigardus 

in territorio de Ancona quamdam bastidam ruynosam seu diruptam, 
que bastida pauços sibi fructus afferebat, et quod territorium, manda- 
mentum et jurisdictio ipsius loci de Ancona sibi non pertineret » 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOÎS. 32 3 

l'objet de ses travaux, son gouvernement et ses privilèges. 
Elle se composera de quatre facultés : celle de théologie, 
celle de droit civil et canonique, celle de médecine et celle 
de philosophie et des arts libéraux. Elle aura un chancelier, 
un recteur, des régents, des agrégés, des bedeaux, etc., et elle 
jouira des mêmes franchises que celles d'Orléans, de Mont- 
pellier et de Toulouse (i). » 

L'université de Valence ne reçut de son fondateur aucune 
dotation particulière. La ville fut chargée d'y pourvoir, et 
elle le fit généreusement. On loua une maison, non loin de 
la cathédrale, dont elle n'était séparée que par la place des 
Clercs. Les syndics et les conseillers, réunis le 5 septembre 

1452, décident que, sur les derniers quartiers de la taille, on 
prélèvera 5o florins et qu'en outre on empruntera 100 écus 
pour faire les chaires, les bancs et autres aménagements uti- 
les dans les salles où auront lieu les cours (2). Notons un 
fait d'autant plus remarquable qu'il est plus rare : animés 
d'un beau zèle , les professeurs de l'université naissante 
s'étaient engagés à enseigner, à lire, comme on disait, sans 
aucun traitement durant la première année; ils commen- 
cèrent leurs cours, mais bientôt la ville ne voulut pas se 
laisser vaincre en générosité, et dans sa séance du 19 avril 

1453, les syndics allouèrent à chaque professeur une somme 
de 100 florins pour un an à partir de la fête de saint Marc et 
décidèrent, d'accord avec leurs conseillers, que si quelque 
professeur célèbre, capable de donner un grand renom à leur 



(1) Nadal, Histoire de l'Université de Valence. Valence, i86j, in-8° 
p. i3-4 et p. 361-4. Les lettres patentes du dauphin et la bulle de Pie II, 
donnée à Mantoue le 3 mai 1459, qui reconnaissait la nouvelle uni- 
versité, n'existent plus dans les archives, mais elles avaient été heureu- 
sement publiées dans un livre, aujourd'hui fort rare, dû à la plume 
d'André Basset : Institution privilégia, statuta Universitatis Valentinae, 
cura Andreœ Basset rectoria édita. Turnoni, Michaelis, 1601, in-4 . 
Une copie de ce livre est déposée aux archives de la Drôme, D, 1. 

(2) Archives municipales de Valence, BB, 1, f° 159 v°. 



324 société d'archéologie et de statistique. 

université, venait y enseigner, on lui ferait un traitement de 
200 florins (1). 

Mais il est temps de quitter Valence pour suivre ailleurs 
l'œuvre politique du dauphin et en voir les conséquences. 
Ce fut, comme nous Pavons dit, en Tannée 1450 qu'il réussit 
à étendre sa souveraineté sur les terres ecclésiastiques. Sur 
quelques points, la lutte fut assez vive. A Gap, Tévêque Gau- 
cher de Forcalquier, dont plusieurs châteaux avaient été 
saisis, son principal conseiller emprisonné par ordre du dau- 
phin, à la suite d'événements qui n'ont pas à trouver place 
dans notre récit, ne voulut point céder à la violence et, après 
avoir mis en interdit son diocèse et excommunié ses enne- 
mis, se retira en Provence, plutôt que de subir le joug. Il en 
appela au pape et au roi René, comte de Provence et de Forcal- 
quier. Grâce à l'intervention de Nicolas V et dans le dessein 
de ménager son oncle, le roi de Sicile, le dauphin consentit à 
rendre à Tévêque les biens confisqués, mais en lui imposant 
de dures et humiliantes conditions qu'il lui faisait connaître 
par une lettre datée de Saint-Donat, le 7 juin 1450 (2). 

Dans les premiers mois de cette même année, de violentes 
compétitions se produisirent à Grenoble pour la succession 
de Tévêque Aimon II de Chissé. Enfin, après de longs et 
pénibles débats, les chanoines, réunis capitulairement le 
3 juillet, élurent le doyen Siboud Alleman, malgré l'inter- 
vention et les menaces des délégués du dauphin, venus de sa 

(1) Archives municipales de Valence, BB, 1, f° 162 v° «... Ordinave- 
runt quod stipendium doc to ru m modernorum, qui legunt in eadem 
universitate, videlicet pro hac vice centum florenos, ita quod serviant 
•sub illo pretio a die festi beaii Marchi proximo in unum annum, 
quamvis ipsi domini legentes policiti fuissent légère in eadem univer- 
sitate uno anno sine stipendio et suis sumptibus Item, voluerun* 

quod si in futuro reperiri possent aliqui famosi doctores qui ipsam 
universitatem augmentaverint et fa m osa m atque insignem redderint, 
quod eis dentur pro suo stipendio ducentum floreni pro quolibet anno.» 

(2) Archives de l'Isère, B, 3248. Sur les affaires de Gap, voir les 
mômes archives, B, 375 1 et suiv. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 325. 

part pour les engager à donner leurs voix à Antoine de Pois- 
sieu, abbé de Saint-Pierre de Vienne. Louis prétendait qu'il 
rie pouvait se désintéresser dans l'élection d'un évêque de 
Grenoble, qui n'était pas seulement pasteur spirituel, mais 
seigneur de la ville, membre du conseil delphinal (i). Cet 
échec lui fut sensible et il s'en vengea, en portant quelques 
semaines plus tard le dernier coup à la souveraineté tempo- 
relle de Tévêque; il contraignit, le i3 octobre 1460, Siboud 
Alleman à lui faire hommage, à se déclarer son homme-lige 
et à lui promettre fidélité et dévouement (2). 

A Saint-Paul -Trois-Châteaux, Tévêque avait depuis long- 
temps associé le dauphin à sa souveraineté ; le traité de pa- 
riage datait du 25 septembre 1408. Aussi Etienne Genevey 
qui venait d'être élu à ce siège (3), fut-il obligé de prêter 
hommage au dauphin : l'acte se fit à Romans, le 20 novembre 
1450, avec tout le cérémonial accoutumé. Le prélat toutefois 
ne se soumit pas sans faire quelques objections ; il prétendit 
n'avoir d'autre suzerain que le roi René, la ville et l'évêché 
de Saint-Paul relevant du comté de Provence (4). 

Le dauphin Louis aimait la ville de Romans qui était alors, 
comme de nos jours, une cité industrieuse, peuplée de riches 
marchands (5); les draps de ses fabriques, les cuirs de ses 



(1) Prudhomme, Hist. de Grenoble, p. 260-4. 

(2) Archives de l'Isère, B, 3oo2. Cf. Pilot, n° 791. 

(3) Boybr db Sainte-Marthe, Hist. de l'Eglise cathédrale de Saint- 
Paul- Trois-Châteaux. Avignon, 1710, in-4 , p. 174. Etienne Genevey 
était né à Saint-Paul-Trois-Châteaux en 1410 et avait passé par les 
différents emplois de la cathédrale avant d'arriver à l'épiscopat, le 
ii mai 1450. 

(4) Pilot, n* 816. 

(5) Dans un mémoire des consuls de Romans contre l'archevêque de 
Vienne, vers Tannée 1450, voici comment il est parlé de la ville : « Villa 
de Romanis est insignis multitudine notabilium burgensium, mercato- 
rum, mechanicorum et aliarum incolarum satis habundanter populata, 
incolis et habitantibus variis privilegiis per Dalphinos principes acthenus 
decorata et una de principalioribus villis patrie Delphinatus reputatur... » 



32Ô SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

tanneries avaient une réputation méritée jusque dans le le- 
vant. Les Romanais, avides d'indépendance, étaient souvent 
en lutte avec le chapitre de Saint-Barnard, qui possédait 
avec le dauphin la seigneurie de la ville. Cette sorte d'anta- 
gonisme, le prince sut habilement l'exploiter pour miner 
l'autorité du chapitre et gagner les sympathies de la popula- 
tion. Il possédait un château à Peyrins , à la restauration 
duquel les Romanais s'étaient prêtés volontiers (i) ; il voulut 
aussi avoir une habitation à Romans et ceux-ci s'empressè- 
rent de lui accorder, pour la construction de ce château, une 
somme de i5oo florins (2). Cette générosité ne tarda pas à 



Archives de la Drôme, E, 3700 — Voici quelques renseignements que 
nous fournit un autre mémoire du môme temps sur un riche bour- 
geois de la ville, Guigues Luc : « En sa maison sont trois chief dostel 
ou un feu que chascun d'iceulx devra paier et contribuer pour soy taille 

entière jusqu'à X florins au plus Si a faict grand partie de ses vou- 

lentez et de ses plaisirs ; car il a esté au saint sepulchre en Jherusalem, 
et à Rome et à Saint Jaques, et à la Magdeleine et partout, à deux 
chevaux, et non pas à pié par faute d'argent, qui sont choses évidentes 
qui montrent bien sa grant richesse et puissance et finance d'or et d'ar- 
gent. Si a fondé la chapelle de Saint Michel à Saint Barnard et faite sa 
sépulture et grand mission et plus grant que aultre de Romans ne 
pourroit avoir faict, et ce n'est par faulte d'or et d'argent. A fait ledit 
Guigo le pont de Saint Romans et faire adouber l'esglise et plusieurs 
aultres grands missions, par quoy il appert bien de sa puissance d'or 
et d'argent et de la finance qu'il a. Mes, a ledit Guigo un hostel ou 
quel il demeure qui est le meilleur, le plus bel et aussi le mieux garni 
de vesselle d'argent et de autre garniment et de bons meubles qui soit 
en sa charrière et vaut bien le meuble XII e florins. Mes, a un autre 
hostel qui fut du doon de laumone, lequel il a conqueru par sa grant 
puissance et richesse... lequel vaudra un chastel et plus en la place en 
quoy il est assis et rendra plus de proufic et de louyer sans charge, 
vaudra bien III m florins. Mes, a de très bons ouvrouers garnis de bons 
draps tant de France, de Normandie, de Flandre que de Prouvence qui 
valent bien plus de IIII m florins..» » Archives de la Drôme, E, 36g6. 

(1) Archives de la Drôme, E, 3656. 

(2) Archives de la Drôme, E, 36o8. Archives municipales de Romans, 
CC, 3oi. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIQIS. 3^7 

être récompensée. Il délivra des lettres, datées d$ Peyrins le 
24 février 1450, renfermant en cinquante articles les libertés 
et franchises de la ville de Romans. Il permettait aux habi- 
tants d'élire quatre consuls, chaque année, pour gérer leurs 
affaires et lever une taille commune dont ils auraient à ren- 
dre compte ; il les exemptait de la juridiction de ses officiers, 
du vingtain pour leurs biens de Clérieu et de Pisançon, de 
tous droits de geôle, des péages, leydes, gabelles et autres 
tributs sur leurs marchandises, de tout cautionnement pour 
lui et ses successeurs, de toute garde, gayta y eschargayta y 
stabilita et munitione aliorum castrorum, villarum et forta* 
liciorum quant villa de Romanis; il les exemptait encore des 
fournitures de vivres aux troupes, des corvées et charrois, 
de tout concours non volontaire à la construction de ses 
châteaux ; il fixait les droits de sceau pour la publication des 
testaments à 3o sols, pour celle des tutelles à 10 sols, les 
chevauchées à un homme par maison ; il déterminait enfin 
les amendes pour délits de coups, blessures, adultère, etc. (1). 
Quelques-unes de ces mesures étaient attentatoires aux droits 
du chapitre. Bientôt, ne se contentant pas du pariage ancien, 
il exigea l'hommage des chanoines et , modifiant les an- 
ciennes conventions, il décida que les appels de la cour de 
justice de Romans ressortiraient désormais à ses juges et non 
à ceux du pape (23 novembre 1450) (3). 

On le voit, tout cédait devant la volonté, les caprices du 
dauphin. Les succès de cette politique autoritaire et absolue 
ne firent qu'irriter encore sa nature inquiète, avide d'indé- 
pendance et de nouveautés. Ses rapports avec son père deve- 
naient de jour en jour plus tendus. Non seulement il ne 
manifestait aucune envie de répondre à ses pressants appels 
et d'aller le rejoindre, mais prétextant que ses ennemis domi- 



(1) Archives de la Drôme, E, 358g. 

(2) Lacroix, Romans et le Bourg-de-Péage avant 1790. Valence, 
1897, in-8°, p. 3 7 . 



328 société d'archéologie et de statistique. 

naient à la cour, il affectait, par son attitude, ses agissements, 
de bien donner à entendre qu'il était résolu de demeurer en 
Dauphiné. II se comportait en toutes choses comme un 
prince étranger, n'ayant à rendre compte de ses actes à per- 
sonne. Un fait très caractéristique est son mariage avec 
Charlotte, fille de Louis, duc de Savoie. S'il écrivit à son 
père à cette occasion, ce fut moins pour lui demander conseil 
que pour lui faire part d'un projet bien arrêté. On sait du 
reste que le messager porteur d'une lettre royale, signifiant 
au duc l'opposition formelle du monarque à cette alliance, 
fut mis, grâce aux manœuvres des affidés du dauphin, dans 
l'impossibilité de s'acquitter de sa mission : il ne put voir 
le duc que quand la cérémonie nuptiale était déjà accomplie. 
Elle eut lieu à Chambéry le mardi 9 mars 145 1 (1). Quelques 
jours après, un nouveau traité d'alliance était conclu entre 
le dauphin et le duc de Savoie (2). De son côté, le prince de 
Piémont, en considération de l'honneur que le dauphin fai- 
sait à son père et à sa mère et à « tout l'hôtel de Savoie », 
par l'alliance contractée avec sa sœur, le reconnaissait pour 
son « bon et spécial seigneur et maistre » et promettait de le 
servir de corps, de bien et de toute sa puissance envers et 
contre tous, sans excepter le roi. Si celui-ci, mécontent des 
et espousailles », voulait faire quelque dommage au dauphin, 
le prince de Piémont l'aiderait de tout son pouvoir, ainsi 
qu'il lui plairait de l'ordonner (3). 

Ces détails montrent bien qu'on n'était pas sans quelque 
inquiétude d'éprouver un jour le juste ressentiment de Char- 
les VII. Le roi dévora l'affront, attendant l'heure d'en tirer 
vengeance. 

Le 8 avril, les plénipotentiaires du dauphin et du duc se 

(1) Guichbnon, Hist. généalogique de la royale maison de Savoie, 
Turin, 1778, in-f% t. II. p. 106. — De Beaucourt, t. V, p. 141. Archi- 
ves de risère, B, 3 181. 

(2) De Beaucourt, t. V, p. 144. 

(3) Charavay, Lettres de Louis XI, t. I, p. 227. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 3îg 

réunirent au Pont-de-Beauvoisin pour conférer ensemble et 
régler de vieilles querelles entre le Dauphiné et la Savoie (i). 
Le 17, les deux princes se rencontrèrent dans cette ville et se 
prodiguèrent les témoignages d'une sincère amitié (2). Mais 
ce que le dauphin, dont les ressources pécuniaires étaient 
assez limitées, dut particulièrement apprécier dans ce ma- 
riage, ce furent les sommes d'argent qu'il fit entrer dans son 
trésor. La dot de la jeune princesse fut de 200,000 écus d'or, 
dont le duc paya i,5oo comptant de soixante-et-dix au 
marc (3). De plus, comme l'usage et le droit féodal le de- 
mandaient, la province dut s'imposer, afin d'offrir à la dau- 
phiné pour son joyeux avènement un don gratuit ou présent 
de 21,642 florins. Grenoble fut taxé à 5oo écus d'or; chacune 
des villes de Vienne, de Valence et de Romans, à 600 écus (4). 
Sur la demande des bourgeois de cette dernière ville, le dau- 
phin avait déclaré, par ses lettres du 21 novembre 145 1 , que 
les 100 marcs, offerts par eux à la dauphiné, seraient, à cause 
de la peste qui avait enlevé, cette année, dans leur ville plus 
de deux mille personnes, répartis sur tous les privilégiés, 
gens d'Eglise ou nobles, comme sur les non privilégiés (5). 
Malgré la teneur de ces lettres, les chanoines de Saint- 
Barnard refusèrent de payer « la somme de deux cent escus... 
pour leur part et porcion de la somme de cent marcs d'ar- 
gent que ladicte ville avoit donnée à Madame pour son 
joyeux avènement. » Le litige fut porté devant des arbitres 
qui prononcèrent que les chanoines, outre la somme de 100 
florins déjà payée par eux, donneraient encore au trésorier 
delphinal la somme de 100 écus, « lesquels cent florins et 
cent escus » seraient a déduits et rabattuz sur lad. somme de 
100 marcs d'argent (6). » 

(i) Archives de l'Isère, B, 3875. 

(2) Archives de l'Isère, Inventaire, t. III, p. 38a. 

(3) Duclos, Hist. de Louis XI, t. I, p. 77. 

(4) Charavay, t. I, p. 23o-i. 

(5) Charavay, t. I, p. 236-8. 

(6) Charavay, t. I, p. 238-9. 



33o société d'archéologie et de statistique. 

Au mois de mai 145 1 , le duc de Savoie, avec une suite 
nombreuse, traversa le Dauphiné. Les comptes consulaires 
de Romans nous signalent son passage dans cette ville le 
14 mai et nous donnent de curieux détails sur les honneurs 
rendus au prince et sur les réjouissances publiques qui eurent 
lieu à cette occasion. A son entrée, les maisons principales 
étaient ornées des armoiries de Savoie ; devant l'église des 
Cordeliers, sur un théâtre improvisé, on donna une repré- 
sentation; les plus riches bourgeois furent mis à contribution 
pour que le repas offert au duc, à la maison du Consolât, fût 
servi dans de la vaisselle d'argent (1). Le duc visita encore 
Romans Tannée suivante, et cette fois en compagnie de son 
épouse Anne de Lusignan. Nouvelles fêtes et aussi nouvelles 
dépenses pour les Ro ma nais (2). Bientôt l'arrivée de la jeune 
dauphiné, avec une brillante escorte de grandes dames, fut le 
sujet d'autres réjouissances. En dehors des présents de toute 
sorte, torches de cire» confitures, etc., que les Romanais 
offrirent à la princesse et aux dames de sa suite, ils ne trou- 
vèrent rien de mieux pour les intéresser que de faire jouer en 
leur honneur, sur la place des Cordeliers, le mystère du 
géant Goliath (3). 

Cependant, au milieu des fêtes qui accompagnèrent et sui- 
virent la célébration de ses noces, le dauphin ne perdait pas 
un instant de vue les affaires d'Etat. Ne se contentant pas dé 
gouverner ses sujets, il intriguait de toutes parts et tâchait de 
s'immiscer dans les affaires de ses voisins. Les Avignonnais et 
les Comtadins étaient particulièrement l'objet des vexations 
de ses officiers, et le bruit courait que le prince, secondé par 
le cardinal de Foix, dont la conduite équivoque pouvait jus- 
tifier ces soupçons, se préparait à étendre sa domination sur 



(1) Archives municipales de Romans, CC, 3oi. 

(2) Giraud et Chevalier, Le mystère des trois doms, p. 765-8. 

(3) Archives municipales de Romans, CC, 3oi. — Le mystère des 
trois doms, p. 768. 



... »_ _» . 1 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 33 1 

les terres de l'Eglise romaine. Ils se plaignirent au pape leur 
souverain, et Nicolas V en écrivit au roi, qui, au mois de 
mars 145 1 , donna mission à Jean de Lizac de se transporter 
à Avignon pour s'informer des désordres dont on ravisait et 
protester de ses bonnes intentions (1). Louis, informé des 
rapports faits au roi, garda rancune aux Avignonnais, 

Au mois de juin, la peste qui sévissait à Avignon, contrai- 
gnit un grand nombre d'habitants à chercher un logis à la 
campagne, loin du foyer de l'infection. Allemand de Pazis et 
Louis Gasparini s'étaient retirés avec leur famille à Entrai- 
gues. C'est là qu'une nuit, ils furent soudainement attaqués 
et faits prisonniers par une troupe de gens armés, qui avaient 
à leur tête un certain Pierre Troyhon, ancien trésorier du 
roi René. Ces brigands firent main basse sur l'argent et les 
joyaux qu'ils purent trouver et emmenèrent leurs prisonniers, 
avec leurs femmes et leurs enfants, à travers le Valentinois 
jusqu'au château d'Ezahut, « et les retinrent ainsi . pendant 
« près de huit mois jusqu'au moment où ils purent obtenir 
« leur liberté en acquittant une rançon de 6,000 écus. Là ne 
« s'arrêtent pas les exploits de Troyhon. La même année, ce 
« détrousseur de grand chemin, fort de Pappui du dauphin 
« et des héritiers de Boucicaut, se jette avec ses bandes ar- 
« mées sur Valréas, ville importante du Comtat, ravageant 
« les villages, saccageant les récoltes et faisant de nombreux 

(1) Rey, Louis XI et les Etats pontificaux' de France, dans Bulletin 
de V Académie Delphinale, 4° série, t. XII (1899), p. 290-8. Charles VII 
écrivait aux Avignonnais : « Vous savez assez les grans plaintes et do- 
léances que notre saint père le pape, par ses lettres et aultrement 
nous a despieca et puis naguières faictes touchant les entreprises que 
notre beau fils le daulphin et aultres de par luy et a son adveu ont puis 
naguières faict sur ses hommes et subjetz et sur les terres et seigneu- 
ries de l'Eglise. Et pareillement nous en a escript nostre très chier et 

amé cousin le cardinal de Foix, et aussy nous en avez escript Nous 

avons puis naguères entendu que aulcuns traitiez, accors et conventions 
se maynent et conduisent avec nostre dit fils de luy bailher ou a aul- 
tres de part luy la ville d'Avignon et comté de Venissi... » 



332 SOCIETE D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

« prisonniers. Plusieurs d'entre eux, hommes, femmes, en- 
« fants, sont impitoyablement égorgés. Le produit du butin, 
t emporté par ces brigands dans deux incursions successives, 
a est évalué à 2,000 écus. La sécurité même d'Avignon et de 
« Carpentras est menacée et les Etats se réunissent pour vo- 
« ter une taille extraordinaire contre Troyhon et ses routiers, 
a Après Valréas, c'est le tour de la Palud, où les bandes de 
« Troyhon enlèvent et conduisent au château d'Ezahut un 
a noble personnage appelé Cholet, officier du saint siège, 
« qui ne fut relâché qu'après une longue détention et moyen- 
« nant le versement d'une rançon de 3oo écus. » 

« La complicité et l'intervention du dauphin dans ces 
< agressions et ces menaces multipliées n'étaient pas dou- 
« teuses, mais elles se manifestent ostensiblement dans la 
« personne du capitaine de Mirandel, à la solde de Louis, 
« qui quitte, peu après Troyhon, le Dauphiné pour faire 
« une incursion dans le Comtat (1452) et enlève deux mar- 
« chands d'Avignon avec leurs chevaux, leur bagage et leur 
« argent (1). » Les habitants de Dieulefit, qui se trouvaient 
dans le voisinage du château d'Ezahut, devenu une sorte de 
repaire de brigands, s'étaient vus exposés à leurs incursions. 
Aussi réclamèrent-ils la protection du dauphin, et le 24 juillet 
1451, Jean, bâtard d'Armagnac, sénéchal du Valentinois et 
du Diois, leur écrivit pour les informer que la requête pré- 
sentée par eux avait été favorablement accueillie (2). 

Pendant que Louis, dans un but politique, encourageait, 
provoquait même ces expéditions sur les terres de ses voisins, 
il s'appliquait à faire régner l'ordre et la paix dans ses pro- 
pres Etats. Le droit de se faire justice par la force ou le droit 
des guerres privées était un des privilèges de la noblesse 
dauphinoise , privilège formellement reconnu et confirmé 
par Humbert II, lors de la cession de ses domaines à la 



(1) Rey, op. cit., p. 298-300. 

(2) Archives de la Drôme, E, 5482. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOIS. 333 

France (i). De là naissaient pour les peuples des maux, des 
calamités de toute sorte ; plus d'une fois, il nous a été donné 
déjà de le constater. Voulant mettre un terme à ces désordres 
et aussi, sans doute, abaisser une noblesse qu'il sentait lui 
être hostile, il ne craignit pas de se rendre encore auprès 
d'elle plus impopulaire, en portant directement atteinte à un 
privilège dont elle se faisait gloire. Par son ordonnance du 
10 décembre 1450, il interdit aux nobles du Dauphiné de se 
faire entre eux la guerre, pour quelque motif que ce fût, et 
ce sous les peines les plus sévères, notamment la confisca- 
tion de leurs biens (2). L'édit fut exécuté (3) : Louis ne don- 
nait des ordres que quand il était assez fort pour contraindre 
à l'obéissance. La noblesse lui en sut mauvais gré ; elle ne 
tarda pas à manifester son mécontentement. 

La peste qui avait sévi avec tant d'intensité aux mois 
d'avril, mai et juin de cette année 1451, diminua sensible- 
ment le chiffre de la population. On peut se faire une idée 
du triste état de la province en songeant que la seule ville de 
Romans avait perdu en quelques semaines plus de 2,000 
habitants (4). Des villages, surtout dans le Bas-Dauphiné, 
étaient devenus presque déserts (5). Pour repeupler le pays, 
le dauphin fit un pressant appel aux étrangers et, par ses 



(1) Statuta delphinalia, Gratianopoli, 16 19, in-4% p. 38. « Item, quod 
si contingeret guerram moveri inter barones seu alias nobilcs Delphi- 
natus et aliarum terrarum dom. Delphino subjectarum, quod de ipsa 
guerra, offensis vel forefactis provenientibus in eadem, non inquiratur 
nec inquiri possit ex officio curie delphinalis... » 

(2) Salvaing de Boissieu. Traité des fiefs, Grenoble, 1731, in-f°. Pre- 
mière partie, p. 104. 

(3) Legeay. Hist. de Louis XI, t. I, p. 182. 

(4) Charavay, p. 237. 

- (5) C'était le cas de Mévouillon. « Ladite place est tellement apovrie 
et despopulée que à peine y demeure-t-il ame pour le présent, à l'oc- 
casion de la mortalité qui par cy devant y a eu très grant cours et aul- 
tres dures infortunes que y sont survenues... » Lettre du 20 juin 1452. 
Pilot, n* 948. 



334 société d'archéologie et de statistique. 

lettres du 23 novembre 145 1, promît à tous ceux qui vou- 
draient venir y fixer leur séjour, l'exemption de toutes tailles 
ou subsides pendant dix ans (ij. Le fléau eut d'autres consé- 
quences. La terre étant moins bien cultivée, les récoltes 
diminuèrent, la misère se fit sentir et le fisc se vit menacé. 
Dans ces conjonctures, Louis qui se plaignait toujours de 
manquer d'argent, comprit de quelle utilité seraient pour lui 
les juifs, ces grands banquiers de l'époque. Ils avaient eu 
autrefois des établissements florissants en Dauphiné et dans 
le Valentinois, mais les conditions qu'on avait mises à leur 
séjour étaient si onéreuses qu'ils avaient pour la plupart 
émigré en d'autres contrées, où il leur était permis de faire 
le commerce avec plus de profit. Le dauphin chercha à les 
ramener dans ses Etats. Le 16 juin 145 1 9 à Curson, il fit, 
avec trois délégués des communautés juives, Jacolet d'Arles, 
Moyse d'Avisan et Azariel de Bâle, une sorte de traité par 
lequel il confirmait d'anciens privilèges et leur en reconnais- 
sait de nouveaux. Nous donnerons ici quelques extraits de 
ce curieux document. 

« Loys, aisné fils du Roy de France, daulphin de Vien- 
a noys, comte de Valentinois et Dyois, scavoir faisons à 
« tous présents et a venir, nous avoir receu humble suppli- 
« cation de Jacolet d'Arles, Moise d'Avisan et d'Azariel de 
a Basles, juifs, pour eulx et les autres juifs demourant et qui 
« voudront demourer en nos pays de Daulphîné et comtez 
« de Valentinoys et dioys, et en tous nos aultres pays, conte- 
« nant que ja soit ce qu'ils aient plusieurs privilèges a eulx 
« anciennement octroyés par nos prédécesseurs daulphins et 
« confirmés par nostre conseil de Grenoble, pour demourer 
« en nos pays, vivre, marchander et praticquer en certaines 
« formes et manières, et nonobstant, chacun jour on leur 
« donne en ce empeschement et destourbe tant en leurs per- 
ce sonnes que en leurs biens, humblement requérant en ce 

(1) Pilot, n° 896. 



LES COMTÉS DE VALENTINOiS ET DE DIOIS. 335 

« que doresenavant, ils y pussent vivre, demourer, converser, 
a marchander et praticquer plus sçurement et sans débats et 
a questions, nous leur voulons octroyer les privilèges, liber- 
« tés qui s'ensuivent et lesquelles leur avons conservés et de 
a nouveau donnés et octroyés. 

« Premièrement avons donné , octroyé à tous juifs et 
a juifves... qu'ils puissent acquérir et avoir maisons, posses- 
a sions et aultres héritaiges et places à faire les affères comme 
t entre eulx est accoustumé de faire pour leurs corps enterrer 
« et faire les aultres nécessités en la manière que jusques à 
« ores a esté accoustumé, sans ce que sur les choses dessus* 
« dites, lesdits juifs et juifves ou aulcuns d'eux puissent estre 
« aulcunemerït molestés ou empeschés, et iceulx avons prins 
« et mis, prenons et mectons par ces présentes en nostre 
« protection et sauvegarde spécial, et laquelle sauvegarde 
« voulons être publiée par nos officiers par terres, lieux, où 
« requis en seront. 

« Item, que lesdits juifs et juifves demourant en nosdits 
« pays ne soient tenus de payer pour chascune teste sinon 
a seulement quatre gros pour leur sansive et pension an- 
ci nuelle au chastellain ou a celui qui sera commis a recevoir 
« ladite pension..., et aussi les cens et rentes de leurs mai- 
« sons et habitations chascun an, lesquels ils seront tenus de 
« payer aux seigneurs, si comme font les autres gens de 
« nosd. pays... 

« Item, qu'ils ne puissent estre contraincts et forcés de 
« demourer en aultres rues à part, que ainsi qu'en la ma- 
« nière qu'ils sont accoustumés demourer. 

«Item, qu'ils ne puissent estre prins, incarserés pour 
a quelconques aultres choses que ce soient, si ce n'estoit 
« pour cas criminel, en bailhant toutefois pour ladite cause 
« bonne et souffizante caution. 

« Item, qu'ils puissent... marchander... prester et bailher 
« leurs deniers sur toutes obligations ou aultrement et sur 
« quelconques gaiges, excepté saintes reliques, calices, sanc- 



336 société d'archéologie et de statistique. 

« maires, livres, adornements ou aultres biens d'Esglises de 
« Dieu, excepté aussi socs, coutres et ferrements de charrues 
« et fers de molins, et ne prendront de ceulx à qui ils pres- 
a teront leur argent, comme dit est, pour chascun florin 
« valant douze gros de ceste monnaie, oultre deux deniers 
« tournoys ou ung patas seulement pour chascuneseptmaine. 

« Item, voulons qu'ils soient creus par leur foy, loy et ser- 
« rement... 

« ... Item, voulons qu'ils soient exempts, francs et quiètes 
« de toutes impositions, subsides, maltotes, gabelles et aydes 
« d'ost et de chevauchées, de gardes de villes, de portes et 
« forteresses, de guet de villes et servitudes et de redevances 
« quelconques... (i). » 

L'argent que les juifs versèrent au trésor en échange de 
cette charte de liberté, fut employé à couvrir en partie les 



(i) Archives de l'Isère, B, 2984, f* 107 v°-i22. — Quelques-unes de 
ces concessions ayant donné lieu à des difficultés, Moyse d'Avisan et 
Azariel de Bâle, syndics des communautés juives, vinrent trouver le 
dauphin à Valence et lui exposèrent leurs plaintes. Louis les accueillit 
favorablement et par un acte du 6 mars 1452 confirma de nouveau tous 
leurs privilèges et voulut môme les étendre. « ...Voulons et leur 
octroyons que doresenavant quelconques respitez à cinq ans ou aultres 
delay contre eulx impetrez ou a impétrer de nous ou nostre chancel- 
lerie par leurs debteurs présent ou a venir ne leur puisse donner aul- 
cun empeschement ou délay en leurs dites debtes, et que a ceste cause 
leur paiement n'en soit aulcunement retardé, ja soit ce que la plus 

grant partie des créanciers s'y accordent Item, leur donnons et 

octroyons, pour les grans charges et censés qu'il leur a convenu et con- 
vient paier de jour en jour, tant à nostre amé et féal conseiller, l'eves- 
que de Valence, que aultrement en plusieurs manières, que certaine 
censé nouvellement par nous sur eulx imposée de quatre gros pour 
chascune teste d'iceulx juifs et juifves, leur soit rabbatue et récindée a 
deux gros de monnaie courante pour chascune teste desdits juifs et 

juifves pour chacun an » Prudhomme, Les Juifs en Dauphïné, dans 

Bulletin de V Académie delphinale, 3* série, t. XVII (i883), p. 233-6. 
Les Juifs étaient alors nombreux à Montélimar, où ils avaient leur 
quartier, leur synagogue, leur cimetière, leur école. Voir Dk Coston, 
Hist. de Montélimar, t. I, p. 5 16-20. 



LES COMTÉS DE VALENTINOIS ET DE DIOÏS. 337 

frais d'une expédition militaire en Italie, que le dauphin, de 
concert avec le duc de Savoie, préparait contre François 
Sforza, devenu depuis peu maître de Milan. Un corps de 
troupes devait être rassemblé à la date du i5 août, et le 
bâtard d'Armagnac était désigné pour en prendre le com- 
mandement. Le 17 septembre, le dauphin passait en revue 
ses gens de guerre ; mais la peste qui sévissait alors en Italie 
fit abandonner ce projet (1). Le roi, dont Florence et Milan 
sollicitaient l'intervention, ne pouvait voir avec plaisir les 
agissements de son fils et du duc de Savoie. L'affaire du 
mariage l'avait profondément irrité contre l'un et l'autre, et 
un messager était naguère venu de sa part à la cour de Savoie 
en faire de vifs reproches (2). Les choses semblaient prendre 
une tournure fâcheuse. Louis voulut, en témoignant son zèle 
pour les intérêts du royaume, tenter de calmer son père ; il 
s'offrit d'envoyer contre les Anglais les troupes qu'il avait 
réunies en vue de sa campagne projetée en Italie. Cette cir- 
constance fut encore par lui mise habilement à profit pour 
réclamer aux diverses communautés de ses pays du Dauphi- 
nois et du Valentinois, le don gratuit ou les impôts qu'elles 
n'avaient pu voter cette année, la peste ayant empêché la 
tenue des Etats (3). Charles VII marqua une fois de plus son 



(r) De Beaucourt, Hist, de Charles VII, t. V, p. i52. 

(2) De Beaucourt, t. V, p. 168-9. 

(3) Archives de l'Isère, B, 35o8. Ludovicus de Valle, dominus Castil- 
lonis, gubernator Delphinatus, nobili viro domino de Condilliaco, salu- 
tem. Quia d. noster Dalphinus suam armatam in obsidione ville de 
Calaix, que sola villa in regno per Anglos possessa et quam villam rex 
in brevi obsidere disponit, mictere et dirigere proposuit, quod facere si- 
ne magnis expensis et juvamine suorum subditorum facere non potest, 
et quia obstante pestilentia, nunc quasi in hac patria per omnia bona 
loca vigente, dictos suos subditos seu gentes trium statuum congregare 
non potuit, confidens de dictis suis subditis qui in suis arduis negociis 
semper succursum et juvamen prestiterunt, ipse d. noster voluerit et 
ordinaverit levari et imponi per modum subsidii, citra derogationem 

2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — I9OO. 23 



338 société d'archéologie et de statistique. 

mécontentement en refusant les avances qui lui étaient faites. 
Du reste, les rapports du fils et du père devenaient de jour 
en jour plus tendus. De nouvelles plaintes contre le dauphin 
arrivaient sans cesse à la cour de France, où elles étaient 
grossies, commentées par ses nombreux ennemis. 

Le 9 novembre 145 1 , s'éteignait à Valence, à l'âge de 83 
ans, après une vie que tourmenta jusqu'à la dernière heure 
la soif de l'ambition, ce Jean de Poitiers, dont le nom est re- 
venu si souvent dans le cours de cette histoire, qui demeura 
cinquante-trois ans à la tête des Eglises de Valence et de Die 
et qui sur la fin de ses jours voulut encore se charger du 
gouvernement de la métropole viennoise. Son neveu, Tévêque 
Louis de Poitiers, lui fit élever un tombeau dans la cathé- 
drale, et une inscription en vers français, rappela les diverses 
phases de son existence mouvementée (1). Sur la recomman- 
dation de Charles VII le pape pourvut à la vacance du siège 
de Vienne et y nomma Jean du Chastel (2). Mais le dauphin, 
revendiquant les droits du souverain en Dauphiné, refusa de 
le reconnaître et enjoignit aux chanoines de Vienne et à ses 
officiers de s'opposer de toute manière à sa prise de posses- 
sion. Son candidat à lui était Antoine de Poisieu, abbé de 
Saint-Pierre de Vienne, que le chapitre de Grenoble avait 
écarté du siège épiscopal de cette ville (3). 

libertatum dciphinalium, talem summam qualem anno proxime prete- 
rito eidem per dictas gentes trium statuum fuit concessa, solven- 
dam similibus terminis... Datum Coste, die XII mensis decembris 
Mo.CCCCvL» primo. ». 

(1) Voir notre Essai hist. sur Die, t, II, p. 

(2) Jean du Chastel fut transféré à Nîmes le ai novembre 1453 ; il 
devint évéque de Carcassonne le 7 juillet 1456 et mourut le i5 septem- 
bre 1475. Gams, p. 587 .et 529. Hist. du Languedoc, t. IV, p. 282. 

(3) Charavay, p. 5i. Antoine de Poisieu était frère d'Aimar de Poi- 
sieu, dit Capdorat, qui jouissait alors de la confiance du dauphin. Les 
chanoines de Vienne rélurent pour leur archevôque le 22 janvier 1464 
(n. s.). 

(A suivre) Jules CHEVALIER 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX À VALENCE 33g 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX 

A VALENCE 



(Suite. — Voir la 1 33* et i34* livraisons) 



IMPRIMERIE VIRET (suite) 

Commune de Montélimar. Procès-verbal de la fête 
civique du 14 juillet 1790. In-4 , 8 p. — La nation, la 
loi, le roi. Procès-verbal de la prestation du serment 
fédératif et de la fête civique du 14 juillet 1790. Bibl. 
de M. Cyprien Perrossier. 

Commune de Crest. Prestation du serment civique 
du 14 juillet 1790. In-4 , 7 p. — Discours de M. Mottet, 
maire de Crest. 

Discours prononcé par le président de l'Assemblée 
du canton de Valence (Saint Germain), à l'ouverture de 
ladite Assemblée. Ce discours a été imprimé, d'après 
le vœu dé l'Assemblée, aux frais du bureau. Signé : 
Saint-Germain, président; Viret, Sibeud, Plan de 
Sieyes, Odouard, scrutateurs; Ollivier, secrétaire. 

Nomination des candidats aux places d'administration 
et de magistrature du canton de Valence. 

Procès-verbal de la session préliminaire de l'Assem- 
blée administrative du département de la Drônrïe (mer- 
credi 4 août 1790, à huit heures du matin, jusqu'au 
5 août), 8 p., in-8°. 



340 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

Proclamation de l'Assemblée administrative du dis- 
trict de Montélimar, 22 septembre 1790, signée : Rivière 
de La Mure, président; Aymé, secrétaire. In-folio, 
placard sur deux colonnes. 

25 septembre 1790, proclamation de l'Assemblée 
administrative de Montélimar. Troubles à Taulignan, à 
propos de la libre circulation des grains. In-folio, pla- 
card. 

Procès-verbal de la session administrative du dépar- 
tement de la Drôme, tenue à Romans, du 3 novembre 
au 5 décembre 1790. In-4 de 83 pages. 

Payement des contributions publiques. Proclamation 
de l'Assemblée administrative du département de la 
Drôme. (Romans, 4 novembre 1790.) 

Discours de M. Sibeud à l'Assemblée du départe- 
ment de la Drôme. In«4°, 10 p. 

Opinion de Jean-Baptiste Dochier, administrateur du 
département de la Drôme, sur la question de savoir s'il 
existe des considérations d'utilité publique pour réduire 
en l'état les districts et les tribunaux établis dans le 
département, et, en dernière analyse, quel doit être le 
nombre et l'époque de cette réduction. In-4 , l { pages. 

Rapport des commissaires du département de la 
Drôme sur la réduction d'une partie des districts du 
département, signée : Antoine-Hyacinthe Fleuri. In«4° 
de 8 p« 

Assemblée .administrative du département de la 
Drôme. Libre circulation des grains et farines, procla- 
mation signée : Payan, président. In-folio, placard sur 
deux colonnes. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 341 

Extrait du registre des délibérations du département 
de la Drôme, 31 décembre 1790. Tous les membres 
des comités administratifs seront , comme tous les 
autres, assujetis au logement des gens de guerre. In- 
folio, placard sur deux colonnes. 

Discours de M. Aymé, procureur général, syndic du 
Directoire du département de la Drôme, à l'occasion 
des troubles du Comtat. 

Registre des délibérations du département de la 
Drôme, district de Valence, 8 juillet 1791. Renouvelle- 
ment par moitié des administrateurs. Tirage au sort, 
jeudi 14 juillet. 

Compte de gestion du Directoire du district de Va- 
lence au conseil, article XXIV de la section II des let- 
tres patentes du roi, du 11 janvier 1790. In-folio, 2 p. 

Compte-rendu des membres du Directoire au conseil 
administratif du district de Crest, 24 octobre 1 791 . 
In-folio, 7 pages. 

Compte de gestion du Directoire du département de 
la Drôme, du 7 août au I er novembre 1791. In-4 , 3$ p. 

Extrait du procès-verbal des séances du conseil d'ad- 
ministration de la Drôme, session ouverte le 1 ç no- 
vembre et close le 16 décembre suivant. In-4 , l }7 P- 
— Formation du juré d'accusation et de jugement. 
Sollicite un décret qui forme une liste au lieu de l'ins- 
cription volontaire des citoyens. Adresse au peuple 
français du chevalier Corbeau St-Albin, capitaine d'ar- 
tillerie. In-8% 1 1 pages. 

Formation d'un bataillon de gardes nationaux, district 
deTOuvèze, 24 juillet 1792. 



$41 société d'archéologie et.de statistique. 

Vente de la maison des religieuses de Sainte- Ursule, 
de Die. 

Extrait du procès-verbal du conseil d'administration 
de la Drôme, signé : Freycinet, président. 

Procès-verbal des séances de l'assemblée électorale 
du département de la Drôme pour l'élection des députés 
à la Convention nationale, du 2 au 14 septembre 1792. 

Furent élus députés : Marc-Antoine Jullien ; Jean- 
Pierre- Barthélémy Sautayra , du canton de Sauzet ; 
Joseph-Fiacre Ollivier, du canton de Pernes; Michel- 
Louis Rigaud, du canton de Crest ; François Marbos, 
de Valence; Jean-Bernard du Collaud, de Die; 
Joseph Bôisset, J.-J.-H. Jacomin. 

Suppléants : Martinel, Jourdàn, Quiot. 

Compte de gestion du Directoire du département de 
la Drôme, i er novembre 1791 au 25 septembre 1792. 
In-4 , 44 pages. 

Adresse des administrateurs du département de la 
Drôme aux citoyens du même département. In-folio, 
placard sur deux colonnes, au sujet de la déchéance de 
la royauté et de la proclamation de la République , 
29 septembre 1792. — 14 septembre 1792, nouvelle 
élection des membres composant le tribunal de Valence. 

Arrêté de Faujas de St-Fond, pour se procurer le 
moyen d'envoyer à la défense de la patrie la gendarmerie 
nationale du département. 

Extrait du registre permanent de la délibération du 
conseil d'administration du district de Valence, de la 
séance du 10 octobre 1792 , l'an I de la République 
française. Présents les citoyens : Bàrjac, président ; 



les imprimeurs et les journaux a valence 343 

Quiot , Chàbert , Chancel , Rolland , Rollet , 
Vignon, Allié., Bonnet, Charlon et Jeannet , 
administrateurs. In-foliô, placard. 

Tableau nominatif des émigrés portant confiscation 
de leurs biens, meubles et effets au profit de la nation, 
en compensation des pertes incalculables que lui a fait 
éprouver l'obstination de ces mauvais citoyens dans leur 
coupable désertion. 

Il comprend les noms de 66 personnes parmi les- 
quelles on trouve Messey, ex-évêque ; Debeaux- 
Plovier, Dauphin; Monicault, ex-chanoine de St- 
Ruf; Planta, de Vaux, La Croix-Pisançon , de 
Vesc, Morel, etc. 

17 novembre 1792, répartition d'assignats, coupures. 

Copie de la lettre écrite par le ministre de l'intérieur, 
Rolland, au procureur général, syndic du département 
de la Drôme, 4 décembre 1792. Il approuve l'arrêté du 
conseil du département de la Drôme qui a suspendu, 
pendant un mois de leurs fonctions municipales, le maire 
et trois officiers municipaux et le procureur de la com- 
mune d'Etoile. 

Fournitures de souliers pour les défenseurs de la pa- 
trie ; adresse des administrateurs du département de la 
Drôme aux fonctionnaires publics et aux citoyens du 
même département. 

Extrait du registre des délibérations du conseil du 
district de Valence, 15 avril 1793, nouvelle levée de 
compagnies volontaires. Valence, 28 mai, l'an II de la 
République française, les autorités constituées, civiles, 
judiciaires et militaires et les citoyens libres de la ville 
de Valence, aux représentants du peuple français. 



344 société d'archéologie et de statistique. 

Extrait du procès-verbal des séances du conseil du 
département de la Drôme en permanence. ç juin 1793, 
exécution de la loi sur les émigrés. 

Fixation du prix des grains dans toutes les communes 
du ressort. 

Rapport des citoyens Jean-Baptiste Lasserre et 
Clément Chabert, envoyés des assemblées primaires 
de la ville de Valence et du canton du Bourg, district 
de Valence, département de la Drôme, pour porter à la 
Convention nationale le vœu sur l'acceptation de l'acte 
constitutionnel. 

Fête pour l'inauguration de deux pierres provenant 
de la Bastille. 

« Citoyens : le patriote Palloy, dont les sacrifices 
a pour la Révolution sont très connus, a fait passer à 
ce l'administration du département de la Drôme une 
ce pierre de la Bastille sur laquelle est gravée la table 
« de la loi ; il en a envoyé une autre à l'administration 
« du district de Valence sur laquelle est le plan de l'an- 
« cien colosse du despotisme, le fort de la Bastille; le 
« département , les autorités constituées de Valence 
ce ont arrêté l'inauguration de ces deux pierres pré- 
ce cieuses (1). » 

Copie de la lettre adressée à l'administration de la 
Drôme par le citoyen Nogaret, commandant l'une des 
deux compagnies levées dans le département, en exé- 
cution de l'arrêté du Directoire, du n avril 1793, pour 
marcher au secours de Paris et des départements me- 
nacés par l'ennemi. 

(1) Annales Valentinoises de M. M. Villard, pp. 175 et suiv. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 345 

A Bressuire, 24 décembre 1793, « ces compagnies 
« sont réduites à 16 hommes. Les prisonniers ont été 
« fusillés, après avoir été obligés de se confesser publi- 
ée quement aux prêtres dont une grande partie comman- 
de dait l'armée se disant catholique. » (Guerres de la 
Vendée.) 

Département de la Drôme. Biens d'émigrés à vendre. 
Dernière affiche. 6 janvier 1794. Vieux style, an II de 
la République française. Affiche en deux pièces. Biens 
de l'émigré Lacoste, commune de Barbie res, canton de 
Charpey. 

Département de la Drôme. Biens d'émigrés à vendre. 
Première affiche, 28 pluviôse, an II (16 février 1794). 
Biens des émigrés Louis Marquet, Perron dit Bayard, 
Alexandre-Xavier Meyras dit La Roquette, situés à 
Valence. 

Décret du 18 floréal. Séance publique du 3 prairial, 
an II (22 mai 1794). 

Les Corps administratifs sont invités à célébrer avec 
pompe et solennité l'anniversaire du 3 1 mai (style 
esclave) « et que ce jour doit être le plus beau jour de 
« leur vie comme il a été pour les mauvais le jour de la 
« justice et des vengeances nationales. » 

Extrait du procès-verbal des séances de l'adminis- 
tration du département de la Drôme, 16 thermidor, an II 
(3 août 1794). 

Adresse à la Convention nationale relative aux me- 
sures prises par la Convention, les 9 et 10 thermidor, 
contre les conspirateurs d'un nouveau genre. 

Liberté, Egalité, Fraternité. Les administrateurs du 



$46 société d'archéologie et de statistique. 

département de la Drôme à leurs concitoyens, 16 fruc- 
tidor, an II (2 septembre 1794). Souscription relative à 
la construction d'un vaisseau à offrir à la République. 
Ouverture d'un registre de souscription dans toutes les 
municipalités. 

Extrait du registre des délibérations du département 
de la Drôme aux citoyens de son ressort. In-folio, pla- 
card. Comparaison des vertus républicaines et des 
mœurs corrompues de la royauté. 

Statuts et règlements de la Société académique et 
patriotique de Valence. Liste des membres de la Société. 
• Jean Debry, appel aux armes contre les révoltés de 
Toulon. 8 prairial, an III. 

Discours prononcé par le citoyen Gaillard, député 
de la Drôme, aux citoyens de la commune de Crest 
réunis pour la formation de la garde nationale, 26 ven- 
démiaire, an IV (18 octobre 1795). In-4% 4 pages. 

Adresse d'un grand nombre de citoyens de la com- 
mune de Valence aux membres composant le Directoire 
exécutif. In-4°, 2 pages. 

Réponse des membres de l'ancienne administration 
de la Drôme au libelle intitulé : Preuves, etc. In-4 , 
1 1 pages. 

Mémoire justificatif des administrateurs du départe- 
ment de la Drôme, sur des inculpations calomnieuses 
dirigées contre eux et qui ont servi de fondement à l'ar- 
rêté de destitution rendu par le Directoire exécutif. 

« Mentita est iniquitas sibi. » 

Duclos, président; Baude fils, Boveron, Cha- 
bert, Pinet-Lavocé, administrateurs. Valence, 26 ger- 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 347 

minai, an IV de l'ère républicaine. In-4 , 25 pages 
(15 avril 1795). 

Extrait parte in quâ du registre des délibérations du 
conseil municipal, 9 prairial, an XII (29 mai 1804). 
Droit de location sur les places servant à la tenue des 
marchés. 

1804. Préfecture de la Drôme. Avis aux bureaux 
centraux, aux bureaux auxiliaires et au public, relatif aux 
accouchements. 

De. 180c à 18 10, Pimprimerie est dirigée par les de- 
moiselles Viret. Jeàn-Jacquës Viret mourut le 19 juin 
1805. 

BÉNISTANT ET GALLET 

. Avant d'aller plus loin, je crois devoir donner, à leur 
date, la bibliographie des écrits imprimés chez Bénis- 
tant et Gallet qui avaient d'abord exercé leur industrie 
à Crest. Ils vinrent se fixer à Valence en 179c. Bénis- 
tant était un prêtre défroqué et Gallet avait d'abord été 
cordonnier. C'était Bénistant surtout qui soutenait l'im- 
primerie et qui était le plus instruit; à sa mort, vers 
1802, l'ouvrage manquait, Gallet transporta sa presse 
à Montélimar. En 1793, Bénistant était président de la 
société républicaine. Pour ses lettres, il se servait d'un 
cachet où tenaient une pique surmontée d'un bonnet et 
une flèche posée en sautoir. Pour devise : « l'une ou 
l'autre (la liberté » ou la mort.) (Fiche de M. Rochas.) 
Son imprimerie se trouvait sur la place de la Justice, 
aujourd'hui place de l'Ancien Tribunal (1). 

(1) Plan de 1808, note de M. Villard. 



348 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE 

Bibliographie des écrits imprimés che\ Bénisiant 

et Gallet : 

Preuve des négligences et prévarications et délits 
commis par les administrateurs destitués du départe- 
ment de la Drôme, en réponse à leur prétendu mémoire 
justificatif. Décembre 1795. In-4 , 24 pages. Valence, 
26 nivôse, 4 e année républicaine (16 mars 1796). 
L'administration du département de la Drôme aux admi- 
nistrations municipales du ressort. In-4 , 4 pages. 

Essai de statistique agricole, industrielle et commer- 
ciale du département de la Drôme par Daly. 

Lettre du ministre de l'intérieur relative aux dépenses 
municipales. 

Proclamation des administrateurs du département de 
la Drôme et du commissaire du Directoire exécutif, près 
cette administration en permanence , à leurs conci- 
toyens. 2 prairial, an IV de la R. F., U. I. (21 mai 
1796). 

Catéchisme des droits et devoirs d'élection, pour les 
assemblées primaires et électorales de Tan V, par J. 
D., citoyen français. In-12, 29 pages (mars 1797). 

Département de la Drôme : Assemblée électorale, 
session du 20 au 30 germinal, an V(9 au 19 avril 1797). 

Procès-verbal des séances de l'assemblée électo- 
rale. S. d. In-4 , 48 pages. 

Procès-verbal de la célébration des fêtes de la paix, 
qui ont eu lieu dans la commune de Valence, chef-lieu 
du département de la Drôme, les 29 floréal et 9 prairial, 
an V de la R. F., U. et I. (18 et 28 mai 1797). In-4 , 
42 pages. 



LES IMPRIMEURS ET LES JOURNAUX A VALENCE 349 

Page 7, action héroïque de Martin Vinay ; p. 9, lettre 
du Directoire au sujet de Martin Vinay; p. 1 1, Marseil- 
laise pacifique. 

Discours du citoyen Gaillard. Discours prononcé 
à Valence par le citoyen Daly, commissaire par intérim 
du Directoire exécutif de l'administration centrale du 
département de la Drôme, pour la célébration de la fête 
de l'anniversaire du 14 juillet 1789 (14 juillet 1797). 
In-4°, 8 pages et in-folio, placard sur trois colonnes. 

Tiré à 600 exemplaires in-4 et 600 exemplaires en 
placards. 

Extrait des registres de l'administration centrale du 
département de la Drôme. 18 thermidor, an V de la 
R. F., U. et I. (15 août 1797). Présents : Lermy, pré- 
sident par intérim ; Daly, Mésangère-Clayrac, admi- 
nistrateurs ; Curnier, commissaire ; Veyre, secrétaire 
général. In-8°, 8 pages. 

Tableau de la dépréciation du papier-monnaie. 

Mesures de sûreté. Extrait des registres des arrêtés 
de l'administration centrale du département de la Drôme, 
1 5 fructidor an V de la R. F. (i er septembre 1797). Dé- 
libération sur divers événements arrivés dans le dépar- 
tement de la Drôme ; à Dieulefit, entrée d'une foule 
d'émigrés et de prêtres réfractaires non attendus. Man- 
dement de l'archevêque de Vienne. 

Chef de brigands à Nyons mis en liberté ; assassinat 
d'un vieillard près de Nyons ; mesures de sûreté publi- 
que. 

Procès-verbal de la cérémonie funèbre qui a eu lieu le 
30 vendémiaire an V (21 octobre 1797), en exécution 



3bo société d'archéologie et de statistique. 

de l'arrêté du Directoire exécutif, du 10 août du même 
mois, dans la commune de Valence, en mémoire de 
Charles- Lazare Hoche, général en chef des armées de 
la république française, décédé à Wetzlar, le j™* jour 
complémentaire de Pan V, dans la jo me année de son 
âge. In-4% 2j pp. 

Lettre du général Championnet, 5 pluviôse an VII, 
k Naples, annonçant la prise de cette ville, signée pour 
copie conforme, Mermillod, commandant de place, 
suivie d'un arrêté de l'administration Centrale du dé- 
partement de la Drôme, présents : Lermy, président ; 
Daly, Desdier, administrateurs ; Curnier, commis- 
saire du Directoire exécutif ; Gastoud, secrétaire, ar- 
rête que cette . proclamation sera imprimée en placard» 
au nombre de 600, pour être publiée et affichée aux lo- 
caux accoutumés. 

La lettre de Championnet était suivie d'une procla- 
mation aux conscrits des départements compris dans 
l'arrondissement des y m % 8 me et 9 rae divisions militaires. 

28 juin. Célébration de la fête de l'agriculture ; dis- 
cours de Curnier, commissaire du Directoire exécutif;; 
jeux et banquet civique, petit in-4 de 38 pp. 

7 septembre 1800. Éloge funèbre de Championnet, 
par Mermillod, chef de brigade et commandant dé 
place, lors de la translation de son cœur dans le mo- 
nument érigé à sa mémoire. 20 fructidor an VIII. 

Léon EMBLARD. 
(A continuer.) 



UN TORRENT, LA &ROME. 35 1 



UN TORRENT 

LA DROME 



(Suite. — Voir les 127* à 134* livr.) 



VII 

De Die a Saillans. — Le col de Rousset et le Vercors. 
— La Sure, la vallée de Quint et le But-Saint-Genis. — 
Sainte-Croix et Pontaix. — Aurel et Vercheny. — La 
Roanne et Saint-Nazaire, capitale du Désert. — Le 
bourg de Saillans sous les Romains, au moyen âge et dans 
les temps modernes. 

Sous Die, à peine un faubourg. Un commencement de 
campagne plutôt, ouvert entre des immeubles raffalés et 
peureux, tout blêmes de la farine du grand chemin. La 
ville, appelée en bas par la gare, — traditionnelle raccro- 
cheuse des petits endroits, — se fait tirer l'oreille. On le 
sent, il y a un abîme entre l'aïeule taciturne qui écoute 
dévotement ses vingt siècles et la gamine fardée qui 
coquette dans la plaine. Il est visible que le sifflet des 
locomotives gêne des pensées, déchire quelque chose dans 
ce fief de montagnes, quelque chose de doux, fait de 
silence et de mystère. Et Ton ne se retourne pas, de peur 
d'entendre la ville soupirer. 

Quand on a dépassé le cimetière, lieu mi-partie, où, en 
entrant par des portes différentes, catholiques et protes- 
tants semblent se jouer encore un bon, un dernier tour, 



352 société d'archéologie et de statistique. 

on tombe devant cette petite gare. Grâce à elle, à cer- 
taines heures, des fouets pètent et de menus omnibus 
tintamarrent, qui, sans cela, n'eussent jamais vu le jour. 

Mais déjà finit la plaine dioise. Devant nous s'empilent 
les talus méridionaux du Vercors, tous monts sévères aux 
amples robes quelque peu élimées, d'un velours chaud 
encore, dont les queues traînent dans la vallée, sans 
égard pour les pauvres pied-terreux. Entre le But-Sapiau 
(1,620 m.) et le But de l'Aiglette (i,5o5 m») se devine un 
enfoncement violâtre. C'est le col du Rousset d'où l'on 
passe du bassin de la Drôme dans celui de l'Isère, du 
Diois fauve dans le Diois alpestre. Où commence et où 
finit le Vercors ? Faut-il remplacer tout uniment entre 
Lyonne et Drac dans le sens de la largeur, entre Isère et 
Drôme dans le sens de la longueur ? Et doit-on se garder 
de toucher à ce bloc qui forme en réalité une autre Char- 
treuse et glorifie la craie au delà de toute expression ? 
N'est-il au contraire que l'étroit bassin d'une rivière 
fameuse (t) par ses truites et ses goulets? Les commis- 
saires de 1790, quand il s'agit de tailler trois départe- 
ments dans la pièce dauphinoise, s'en tirèrent comme 
des apprentis. Ils craignaient sans doute de faire des 
jaloux. L'Isère acquit toute la ligne de faîte depuis la 
Grande-Moucherolle jusqu'au Grand- Veymont; la Drôme 
se contenta des vingt-deux mille cent quatre-vingt-dix- 
huit hectares qui sont l'aire du canton actuel de la Cha- 
pelle (2); c'est le Vercors peuplé, heureux, celui que les 
touristes traversent pour aller dans le Royanais ou pour 



(y) La Vernaison. 

(2) Le canton de la Chapelle-en-Vercors a cinq communes : La Cha- 
oelle, St-Agnan, St-Julien, St-Martin et Vassieux. 



UN TORRENT, LA DROME. 353 

en revenir. Royanais et Vercors se touchent, se com- 
mandent, se pénétrent profondément. Impossible de les 
séparer dans la pensée, de visiter l'un sans l'autre. 

Le Vercors, dit son explorateur ému, M. Mellier, a des 
beautés en si grand nombre que « réparties, elles feraient 
la fortune de cinquante pays. » Il y a de tout, en effet, 
dans cette harmonie verte, si longtemps défendue par ses 
pics, ses rochers, par l'effroi de ses abîmes et peut-être 
par l'ingénuité de ses habitants contre la profanation cos- 
mopolite. On peut y venir chaque année et s'y trouver 
perméable à une sensation neuve. C'est la contrée sans 
rivale pour les pacages d'émeraude, pour les fantaisies 
épileptiques du grès vert, pour le vertige non pareil des 
routes encorbellées, pour le rire intermittent et convulsif 
des sources « ensorcelées. » Mais ce qu'on ignore généra- 
lement, c'est que le Vercors n'est pas moins curieux dans 
ses dessous que dans ses dessus. MM. E. Martel et Dé- 
co m baz ont fait là dans maint scialet des découvertes 
remarquables. Aucun sol de France n'est fissuré, cre- 
vassé, perforé comme ce calcaire. Aucun ne cache plus 
de mystères, n'escamote plus de fontaines, au nez et à la 
barbe du passant. Aussi les sorciers et les. sourciers ver- 
corsiens, voire les ours, sont-ils durs à mourir. Depuis 
l'époque un peu lointaine où deux bûcherons, Bouillane 
et Richaud, sauvèrent, de certaines griffes trop entrepre- 
nantes, un Dauphin du Viennois et dépouillèrent de la 
sorte la roture (t), l'ours, ici comme à Berne, fournit ses 
traits à l'imagination du populaire. A la veillée, devant 
4'âtre aux flammes dansantes, — fées qui chassent le fris- 



(i) L'événement eut lieu au xn* ou au xm* siècle. Ce n'est donc pas 
Louis XI, comme beaucoup le pensent, le héros de l'aventure. 

2 e SÉRIE. XXXIV* VOLUME. — I9OO. 2 3 



354 société d'archéologie et de statistique. 

son, — alors que brame le vent cTAlpe ou que la neige 
sournoise ouate retendue, on raconte ses promenades 
silencieuses et redoutables. Les mères-grand brodent des 
histoires vraies à force d'être dites, cependant que les 
enfants, contents d'avoir peur, négligent de s'endormir. 
Les parents, graves eux, en profitent pour dauber sur 
l'administration forestière : — Pardi, c'est trop clair, elle 
garde les ours qui gardent ses forêts ! — Tout juste. Et 
allez faire du bois, paître porcs, moutons ou chèvres, 
quand on sait dans les environs ranimai pelu ! 

Si seulement cela pouvait être ! si cette façon de mettre 
pour ainsi dire le bon ermite dans ses meubles devait 
prévenir enfin le rapt de la montagne ! Les forestiers s'y 
emploient de leur mieux. 

Il faut le reconnaître, Martin ou mieux Antoine, comme 
l'appellent nos paysans, >— et ce nom chrétien positive- 
ment l'honore, — ne dédaigne pas les promenades ins- 
tructives. Encore qu'il ne l'encourage guère, l'homme 
l'inquiète, l'attire comme je l'ai déjà dit. Il voudrait voir 
un peu ce qui se passe chez ce voisin fait quasiment à son 
image. N'est-ce pas un ours d'esprit, celui qui dégrisa 
soudain cet ivrogne attardé sur quelque route, en lui 
posant familièrement la patte sur l'épaule ? On dit que 
l'homme, à demi-mort de peur, ne se mit plus jamais en 
ribote et que son bien décupla. Par exemple, une autre 
fois, Antoine, planté à la sortie du tunnel du col de 
Rousset, précipite, rien qu'en montrant le mourre, tout 
un attelage dans l'abîme. Le conducteur trompé par ce ca- 
che-cache, croit la bête lâchée exprès par son propriétaire, 
et manque d'étrangler le gardien du refuge... 

Le Vercors, partagé au point de vue féodal entre trois 
mandements : La Bâtie, Ravel et Rousset, eut, selon 



UN TORRENT, LA DROME, 355 

toutes probabilités, lçs comtes de Diois pour premiers 
seigneurs. Il passa ensuite aux Dauphins qui le cédèrent 
en C253 aux évêques de Die. Ces derniers avaient, dans 
le pays, érigé par eux en archiprêtré, un martinet à fabri- 
quer le fer et des scieries à bois. Mais le district était si 
peu accessible que ces exploitations n'eurent qu'une for- 
tune éphémère. Il faut arriver presque au milieu du 
xix e siècle pour voir le Verçors, grâce à l'admirable route 
qui le relie d'une part avec le Royanais et Grenoble, de 
l'autre avec le Diois, tirer parti de ses richesses naturelles. 
A l'heure où nous écrivons, on y débite et travaille le 
bois, on y cuit la brique et la tuile, on y traite le phos- 
phate de chaux et surtout on y prépare un beurre exquis 
et le fromage de Sassenage. La race des boeufs et des 
vaches, connue sous le nom de Villard-de-Lans, est la 
plus belle du Dauphiné. Plusieurs villages de moins de 
cent feux se paient le luxe américain de la lumière élec- 
trique et du téléphone. Enfin, la Chapelle, Vassieux, 
St-Agnan, St-Martin, Rousset, qui pourraient être de 
charmantes stations estivales, ont sur leur territoire ou 
dans les environs des merveilles qui s'appellent : Combe- 
de-Laval, Grands et Petits Goulets, Forêt de Lente, 
Goule-Noire, sans compter maint pic aux resplendissants 
belvédères. 

Le col de Rousset s'élève à plus de mille mètres au 
dessus du niveau de la Drôme, à Die, soit à 1,411 m., 
mais pour éviter ce passage, qui appelle la neige une 
grande partie de l'année, les ingénieurs ont percé un tun- 
nel de 600 mètres (1). La route, avant de s'y perdre, 



(1) M. Joseph Reynaud songe à faire éclairer ce souterrain d'une 
façon permanente. 



336 société d'archéologie et de statistique. 

trompe comme une femme. Dix fois, elle tend vers le 
But-Sapiau, à droite; dix fois, elle s'en détourne pour 
courir au But de l'Aiglette, à gauche. Finalement, les 
deux montagnes tentatrices sont lâchées et cet abandon 
soulage, car, au col de Rousset, on voit où Ton est et on 
sait où Ton va. Regardez les lacets sur une carte d'état- 
major ou des chemins vicinaux. Ne dirait-on pas le ruban 
fatigué d'un feutre napolitain ? En réalité, c'est un long, 
un lâche serpentement, une rayure dans la paroi inté- 
rieure d'un entonnoir vu en coupe et au cône tourné en 
l'air. Le refuge, qui remplace l'auberge emportée avec 
ses hôtes par une avalanche en 1888, est là comme un 
phare. Qui le reconnaît ne craint plus l'embûche des 
monts ? Du haut de sa terrasse sise à 1 ,345 mètres , 
Thumble fonctionnaire départemental, préposé à ce ser- 
vice de bienfaisance, surveille, dès la prime aube, son 
troupeau de pics et plaisante ou fougne (1), suivant qu'ils 
ont bien ou mal passé la nuit. Il a le Diois comme sous 
la main, et s'il franchit le tunnel, le Vercors. Deux pano- 
ramas également superbes par la grandeur et le contraste. 
A peu près à hauteur pareille, sur les versants opposés 
du col , Comane et Vernaison prennent leur source. 
Celle-ci infiniment moins célèbre que celle-là , sinon 
moins pure. Comane, dans ses neuf kilomètres de cours, 
voit Chamaloc, dont le château ruiné dressa, pour plu- 
sieurs événements importants, l'étendard rouge des évê- 
ques de Die, à l'image de la Vierge ; elle tient longtemps 
compagnie à la route du Vercors qu'elle quitte pour se 
jeter dans la Drôme sur le territoire du domaine de Cha- 
marges, par 38g m. d'altitude. Un autre ruisseau, les 



(1) Fait la fouine, la moue. 



UN TORRENT, LA DROME. 357 

Peyrouses, qui sert d'escalier au rude vallon de Mari- 
gnac, finit également à quelques centaines de pas en aval. 
Après un vallon plus court encore, — celui de Ponet, — 
on arrive en face de la Sure, torrent qui saute près de 
douze cents mètres en quatre lieues de cours. A le suivre, 
on ferait connaissance avec cet étrange et âpre pays de 
Quint, dont le nom lui-même est une énigme, et Ton 
pourrait atteindre par d T effrayants sentiers, les rebords ver- 
tigineux d'Ambel, de la Forêt de Lente, puis le Royanais. 
h* Sure qui joue devant maint village, entre autres St- 
Julien-en-Quint, Saint-Etienne, Saint-Andéol et le pitto- 
resque Ste-Croix, exprime les eaux de quelques-unes de 
nos plus fières montagnes. En effet, le val s'abîme entre 
des murailles qui s'appellent la Tête de la Dame et Ambel 
(i,5o9 m.), le Pas de l'Infernay (1,703 m.), la Porte d'Urle 
( i,523 m.), le Puy de la Gagère (1 ,658 m.) et le But- 
St-Genis (1,646 m.), — celui-ci, vaste croupe habillée 
de pelouses, que découvrit un jour M. Etienne Mellier en 
balconnant entre Royans et Vercors. 

« De St-Genis, dit le vaillant touriste, le regard ém- 
et brasse un immense horizon, presque sans limites, du 
« nord au sud, de l'est à l'ouest. 

« 

« Tout d'abord la vallée de la Drôme..., montagnes en 
« un extravagant désordre et qui semblent vouloir se 
u mutuellement escalader... 

« A l'ouest, la tour de Grest..., la vallée du Rhône, 
« verdoyante, rayée par le fleuve, la plaine de Valence, 
« Crussol, Soyons, le Teil, Rochemaure et derrière cette 
« première barrière la ligne des Cévennes, le Gerbier des 
« Joncs, le Mézenc, St-Romain de Lerps, la Louvesc, la 
« chaîne du Pilât, les monts du Lyonnais. 



358 SOCIÉTÉ d.'archéologie et de statistique. 

« Au sud, le Ventoux et les montagnes qui lui font 
« escorte, le Roc Couspeau, la curieuse masse isolée de 
« Rochecourbe, semblable par les trois becs de sa crête 
« frontale et par rallongement de sa forme, à un tigre 
« gigantesque, tapi, prêt à bondir sur les Alpes, dont les 
« chaînes , étagées précisément en face , barrent son 
« chemin. 

« Enfin, au dernier plan plus merveilleux encore, très 
« hautes dans le ciel qu'elles paraissent soutenir, les cimes 
« étincelantes des Grandes-Alpes, royalement diadémées 
« de glaces éternelles et dominées par leur seigneur et 
« maître, l'incomparable Mont-Blanc. » 



Certes, voilà un nom à inscrire désormais en lettres 
grasses sur les Guides. 

A Ste-Croix, la Sure ne se donne pas tout de suite à la 
Drôme. Elle préfère contourner un grand tertre rocheux 
haut de 614 mètres. Sur cette espèce de presqu'île, uti- 
lisée au moyen âge pour la double défense du Diois et de 
la vallée de Quint, se dressent les ruines d'un château 
appelé jadis Turres de Quinto et dont le mandement 
comprenait sept paroisses. Ste-Croix était en outre le 
chef-lieu d'une commanderie d'Antonins. 

Tous les cours d'eau que nous venons de rencontrer 
sont des affluents de droite. En effet, la rive gauche, 
abrupte, au moins depuis le bas-fond jardiné du Périer 
où meurt le ruisselet de Cocause, n'a ni veines, ni vei- 
nules, à peine des ravins d'occasion. La Drôme double 
ici un vaste promontoire, dernier éperon de la chaîne 
des monts maigres et tourmentés prenant racine vers la 
Motte-Chalancon. C'est son bec de l'Echaillôn à elle, et 



UN TORRENT, LA DROME. 35q 

sur la carte, grâce à cette sinuosité inscrite assez exacte- 
ment dans celle de l'Isère,..elle paraît singer la brusque 
fille de la Savoie. Pressée à Pontaix entre deux roches, 
elle se ramasse en un seul chenal sous une vieille arche, 
pique la tête en bas une rangée de maisons caduques 
dont les pieds trempent dans ses eaux depuis plusieurs 
siècles, puis court droit au sud durant deux lieues sans se 
meurtrir à d'autres piles que celles d'un grand pont biais 
du chemin de fer. Rien que pour ce site de Pontaix, on 
devrait descendre du train. Des maisons-forteresses bous- 
culées du haut d'une colline dans la Drôme; une rue en 
escaliers, voûtée, sombre, orientale, angoissante, finissant 
dans l'ortie; un faubourg amphibie dans la rivière étran- 
glée; une citadelle démantelée, et pour couronner le tout, 
un donjon inquiétant qui fait la révérence. En présence 
de ce tableau, l'esprit est frappé de la simplicité des 
façons féodales, de son art d'accommoder la nature à ses 
mœurs remuantes et héroïques. Les trois cents habitants 
de Pontaix ont maintenant auberge et gentils cafetons 
dans leurs thermopyles; c'est leur manière d'arrêter les 
gens au passage, elle est un peu moins vive qu'au temps 
des guerres épiscopales et surtout qu'en ce seizième siècle 
où les catholiques et les protestants s'y occirent avec une 
fureur toute religieuse. 

Par une sorte de compensation naturelle, après Pontaix 
et jusqu'à Saillans, les affluents se pressent à gauche et 
non à droite. Ce sont : les ruisseaux de Barsac, iïAurel, 
de Siare, la rivière de Roanne, les tarrenticules d'Espenel 
et du Contècle. Le paysage gris s'est amplifié, aéré. Maint 
hameau, maint village remue dans la poche de quelque 
vallon. Barsac a du bon vin, et si Aurel plaisante lui- 



36o société d'archéologie et de statistique. 

même sur son terroir zébré d'or ou lapidé de gemmes, 
comme le veut Chorier, il a — trésor plus sûr — une eau 
minérale apéritive comme un vin de messe. Au sein des 
montagnes pesantes de la rive droite, parfois curieuse- 
ment bombées en casques, tel le roc de Barry (1,1 15 mè- 
tres), et favorables à la clairette, se cachent les hameaux 
formant la commune de Vercheny : le Serre, le Temple, 
Peyrache. Au Temple, qui s'honore d'avoir vu naître le 
père du grand Barnave, un sarcophage, comme à Luc, 
sert naïvement de bassin à la fontaine publique. Vercheny 
{Verachaene et Vieilchenet au moyen âge, c'est-à-dire 
vieux chêne ou vert chêne, ce qui indique quelle détério- 
ration a subi le lieu, aujourd'hui déboisé), ne se voit ni de 
la grande route, ni de la gare qui porte son nom. Des 
tombes, tâches blêmes parmi la vigne, l'esparcet ou la 
luzerne, sollicitent de loin en loin le regard. Touchante 
est cette coutume de notre vallée et que je salue, parce 
qu'elle s'en va. L'ancêtre attachait ainsi sa descendance 
à la terre. En s'arrêtant de biner ou de faucher, quelle 
douceur pour le rural simple et bon de se sentir protégé 
par la survivance mystérieuse d'un être cher ! Quel Millet, 
dans quel « Angélus », rendra jamais semblable poésie ? 

Vient une crau. C'est la Roanne h son confluent. Ivre 
d'espace après le manque d'air dans des gorges tortion- 
naires, elle s'étale sans gêne en un delta de plusieurs hec- 
tares, cailloux blancs, éblouissants, qu'elle n'entrechoque 
que dans les crues. La Roanne est l'affluent le plus consi- 
dérable de la Drômfc. Elle n'a, il est vrai, ni le débit 
constant du Be\, ni ses eaux de cristal, mais elle a trente 
kilomètres de longueur, et des déluges de 5oo mètres 
cubes à la seconde. Partie de Haut-Gumiane, sur l'un 



UN TORRENT, LA DROME. 36 f 

des revers d'Angèle (r,6o8 m.), elle court à travers le 
pays à la fois le plus froissé et le moins connu du dépar- 
tement, le Désert pour mieux dire, ainsi que l'appelaient 
jadis les évêques de Die, peu enthousiastes de ce maigre 
archiprêtré. Rien n'égale la sauvagerie de cette Drôme 
centrale. Pour s'en faire une idée, il faut l'avoir par- 
courue comme je l'ai fait, s'y être laissé ballotter au gré 
des hommes et des choses. Un jour, je suis à Brette, à la 
suite d'une équipe de la C ie Asturienne venue pour 
essayer le pouvoir de la calamine; un autre, j'erre parmi 
les solitudes de la Cervelle (1,6(4 mètres) sans plus de 
souci du monde que les quatorze mille bêtes qui pâturent 
sur ces sommets; puis, Couspeau me tente, et j'y monte 
par Petit-Paris — un Paris combien petit ! — trois fermes 
et pour église le dôme d'un grand noyer; enfin, j'ai la 
nostalgie de la foule, du bruit, et ne vous moquez pas, je 
redescends à St-Nazaire — une capitale, un monde dans 
ce désert ! — St-Nazaire a des foires plus importantes que 
Die et tous ces dimanches sont des jours de fête. Tout ce 
qui peine dans la montagne espère le dimanche avec plus 
de joie dans le cœur que l'amoureux sa promise, que le 
touriste un beau site; dès le matin, le village à peine 
éveillé se trouve pris d'assaut par une armée que l'on 
dirait cuirassée, tant les blouses roides l'amplifient, la 
métallisent de leur bleu dur. La messe dite, ces gens 
cognent aux portes : « Avè de biôu (1), » et, sur la ré- 
ponse affirmative, s'engouffrent, s'étouffent autour de 
grandes tables dans des salles basses. Pour eux, c'est la 
fête, le régal, ce bœuf bouilli, cette viande nourrissante 
dont la grange les sèvre toute l'année. Et on l'arrose de 

(x) Avez-vous du bœuf? 



362 SOCIÉTÉ d'archéologie et de statistique. 

vin, on la célèbre de chansons jusqu'au soir, jusqu'à la 
ri bote. 

St-Nazaire n'agglomère pas cinq cents âmes, mais éco- 
nomiquement parlant, il a plus d'importance que telle 
cité orgueilleuse. Il renferme en soi la caractéristique des • 
mœurs du pays. Il est le centre, la tombée du Désert. 
Aussi bien, son commerce qui s'appuie sur les carava- 
nes foraines, a-t-il plus d'un trait de ressemblance avec le 
trafic oriental. 

Les échanges, il n'y a pas bien longtemps, s'y faisaient 
en nature. L'homme apportait ses noix, son gibier, son 
bétail, la femme ses tomes, sa lavande, son miel, et on leur 
donnait à la place des épices, de la poterie, des instru- 
ments agricoles, du vin. Le mulet ou l'âne bâtés étaient 
le moyen de transport. Alors, c'était toute une affaire 
pour se rendre de Nyons à Saillans, par ce vallon fuyant 
vers le nord en un chapelet d'encaissements, de cluses, 
de petits bassins, de cagnons, dî clapiers. Il fallait attein- 
dre les villages environnants par le calvaire d'affreux 
sentiers, sinon par le frayé naturel des torrents, et ainsi, 
l'un des quatre malheureux facteurs de St-Nazaire arri- 
vait à ses cinquante-six kilomètres en une seule tournée ! 
Maintenant on va de cette capitale à Saillans en trois 
heures et demie au trot d'un petit courrier. Tantôt la 
route s'ôte son soleil dans des gorges où joue la truite 
comme à VEcharas, tantôt elle gambade à une grande 
hauteur le long de croupes sinistres que le moindre orage 
met en poudre ou bombarde en avalanches. Son culmen 
est au col de Tavard. On traverse Pradelles, St-Benoît 
curieusement allongé sur une crête rocheuse qu'entourent 
les eaux de la Roanne et du Betton. Les autres villages 
sont souvent à des heures de chemin : Brette, Roche- 



UN TORRENT, LA DROME, 363 

fourchât, Gleyzolles, la Chaudière, Pennes, Rimon , 
Aucelon, tous ou presque tous invisibles. Des fermes 
proches ou lointaines s'appellent plaisamment le Loquet, 
.la Ribaude , Barbereyche , la Gamelle ; des ruisseaux 
Tirante- Vache; des montagnes la Pâte et la Cervelle. 

Il y a deux choses à voir dans les environs de St- 
Nazaire : la grotte de Reichas et le Per tus- Arnaud. La 
première de ces curiosités naturelles, assez semblable aux 
grottes des Sadons (i) et de Salaure (2), s'ouvre au sein 
d'un avant-mont de Couspeau, à environ mille mètres 
d'altitude. La seconde, excavation profonde, bée non 
loin de la route de Volvent, le pays du miel amer et des 
buis. Quand souffle le vent du midi, ce cratère gronde 
tout à coup et vomit des torrents d'eau. Le ruisseau de 
Volvent prend alors les proportions d'une rivière. 

St-Nazaire avait à peine des rapports avec son canton 
la Motte-Chalancon. La nouvelle route da la Roanne l'en 
éloigne encore davantage. Il connaît surtout Nyons et 
Saillans, joignant ainsi à travers une région qui nargue 
la sauvagerie classique des Causses, de la Lozère ou de 
PArdèche, les vallées de TAygues et de la Drôme. Il est 
à peu près à égale distance de l'une et de l'autre. Aussi, 
la réorganisation de l'an VIII agit fort mal à propos en lui 
enlevant le titre de chef-lieu cantonal que 1790 lui avait 
donné. Tout plaidait en faveur du Désert circonscription 
administrative. 

Reprenons la Drôme où nous l'avons laissée, en danger 
de crau, c'est-à-dire en danger de mort. Une gorge fraî- 



(1) Les Sadons, près de la Chaudière. 

(2) Salaure, commune d'Aix en Diois. 



364 société d'archéologie et de statistique. 

che et plus longue que toutes les précédentes vient heu- 
reusement à son secours. Avec l'appoint de la Roanne, 
grossie in extremis de la Colombe qui égoutte l'aurifère 
Aurel, elle pourra continuer l'étape jusqu'à la Gervanne. 
O la frêle, la pauvre, la jolie arche, un peu en amont 
d'Espenel ! Comme on aimerait, dites, la mettre sous son 
bras, l'emporter à domicile ! 

Deux belettes à peine auraient passé de front m 

Sur ce pont) 

il relie pourtant la grande route avec notre chemin de 
St-Nazaire. L'ouvrage fut construit au xviii 6 siècle. Alors, 
on ne soupçonnait pas qu'il aurait un jour l'honneur de 
trembler sous une diligence. Avec le menu village d'Es- 
penel couronnant son mamelon vert, il est à l'unisson 
parfaite en ce site agreste et restreint. 

Sailians marque la fin de la gorge sans annoncer toute- 
fois le commencement de la plaine. Il s'allonge sur la rive 
droite en partie dans ce pas redoutable de VEcharène, 
témoin de tant de disputes sanglantes au moyen âge, et 
que la route, autant par ennui du détour que par crainte 
d'éboulements de la colline très friable, franchit par un 
tunnel de plusieurs centaines de mètres. 

Entre Crest et Die, il y a une place honorable pour 
Sailians dans notre histoire politique et sociale. Oppidum 
gallo-romain dont le nom, Darentiaca (i), se retrouve 
dans celui de Darese, qui désigne Tune des places publi- 
ques du bourg, le lieu eut de bonne heure son importance 
commandée par la topographie. A quelle époque et pour- 

(i) Nom d'une divinité topique, d'après Delacroix. 



UN TORRENT, LA DROME. 365 

quoi devint-il Saillansou plutôt Saliens, comme on l'ap- 
pelait déjà aux alentours de l'an mil ? Mystère. Rappelons 
seulement que St-Géraud d'Aurillac, allant pour la pre- 
mière fois porter au pape les dix sous d'or promis annuel- 
lement par son abbaye, passa par Saillans. Reçu par les 
syndics de la cité avec tous les honneurs dus à son rang 
(il était comte et abbé), Padroit pèlerin profita de son sé- 
jour pour doter son ordre d'un nouveau prieuré. Puis, 
il gagna les montagnes. C'est ainsi que les bénédictins 
d'Aurillac jouirent, avec des fortunes diverses, de cet 
important bénéfice jusqu'à la Révolution , c'est-à-dire 
pendant près de huit siècles. 

A partir de 1201, les évêques de Die, devenus suzerains 
de la ville, lui font épouser leurs querelles. Série longue 
de combats, de prises et de reprises, de procès devant le 
pape ou le roi de France, et marquée pourtant par l'affir- 
mation solennelle et consolante des libertés communales. 
Saillans, parmi l'arbitraire féodal, donne un bel exemple 
de dignité et de foi civiques. Son érection en communauté, 
dit l'abbé Vincent, est antérieure à celle de beaucoup de 
villes. Dans les provinces méridionales, la communauté, 
inspirée du municipe romain, avait l'apparence d'un petit 
Etat, indépendant sous la réserve de certaines conven- 
tions avec le seigneur. Derrière ses remparts percés de 
deux ou trois portes, et surveillés par une tour magne, 
Saillans abritait une sorte de république administrée par 
deux consuls et un conseil composé de nobles, de reli- 
gieux et surtout de roturiers. La commune, dans des 
assemblées publiques, élisait les magistrats chargés de sa 
justice, de ses finances et de sa milice. Les évêques, qui 
avaient besoin de ces bourgeois , loin de considérer 
comme séditieuses ces aspirations libérales, eurent le 



366 société d'archéologie et de statistique. 

bon esprit et l'on peut dire l'honneur de les encourager. 
A diverses reprises, ils octroyèrent à la ville des chartes 
d'affranchissement. Beaucoup de ces libertés curieuses, 
affirmant l'indépendance locale, furent confisquées par les 
successeurs de Louis XI, les autres furent emportées dans 
le tourbillon centralisateur, auquel ne devait pas résister 
la Révolution elle-même. Il est fâcheux que ces coutumes 
se soient totalement perdues et que rien n'en donne l'idée 
dans l'organisation municipale présente. 

Saillans, convoité également par les partis catholique 
et protestant à cause de sa position stratégique et de ses 
richesses relatives, souffrit beaucoup des guerres reli- 
gieuses. Le pieux Jacques Avond, de Die, écrit en i65o : 
(( On m'a asseuré que Saillans s'est vu empourpré du 
sang des catholiques meurtris de sang -froid comme 
agneaux innocents dans une de ses églises, lorsqu'il fut 
surpris par les réformés. » Mais ce poète du « sacré vœu 
de virginité et de continence » omet de nous dire à la 
suite de quel exploit des catholiques fut consommé ce 
forfait, d'ailleurs abominable. 

Le pays accueillit la Révolution à bras ouverts. Qui 
s'en étonnerait? Les Saillannais de 1788 ne trouvaient-ils 
pas dans leurs antécédents à travers les vieux âges l'ali- 
ment naturel à leur enthousiasme ? Ils adhérèrent tous les 
premiers à l'assemblée de Vizille et y déléguèrent Michel 
Barnave et son fils qui, quoique né à Grenoble et établi 
avocat dans cette ville, regardait Saillans comme sa vraie 
patrie. Des fêtes patriotiques entretenaient les sentiments 
généreux du populaire. On vivait dans la rue, on s'exaltait 
aux nouvelles de Grenoble ou de Paris, et les paysans des 
environs, d'abord hésitants, finissaient par patoiser les 
chants d'allégresse. Des orateurs tels que Àrchinard, de 



UN TORRENT, LA DROME. 367 

Crest, député à l'Assemblée législative, et Mathieu, curé 
de St-Moirans, entretenaient le zèle d'une société populai- 
re, cependant que le capitaine Deneyrol, un enfant du 
pays, tombait héroïquement au champ d'honneur. 
. Ce rôle de Saillans précédant en quelque sorte la Révo- 
lution, un monument modeste, dû à l'initiative de Maurice 
Faure, le consacre depuis plusieurs années. Sur un piédes- 
tal exécuté par l'architecte Poitou, de Valence, c'est un 
buste de République fort honorable, signé Osbach. Le 
regard de la Vierge de bronze, tourné vers Rochecourbe, 
symbolise l'admiration populaire pour cette montagne 
justement célèbre, dont l'attitude imposante et noble 
« exhorte aux pensées viriles et aux aspirations idéales. » 

L'homme séduisant, qui nous a restitué Orange et en 
qui s'incarne avec une demi-douzaine de beaux-esprits le 
culte des traditions et des idiomes provinciaux, pouvait 
laisser ses compatriotes jouir ingénument du vent so- 
love (1) et du bel horizon de leurs montagnes. 

Mais il a pensé que le village aussi a droit à la beauté 
et que les préoccupations artistiques ne sont pas indi- 
gnes d'un maire. Pourquoi les petits centres agrestes n'au- 
raient-ils pas dans la mesure de leurs moyens leur musée, 
leur salle d'art, un endroit condensant en quelques sou- 
venirs bien choisis, en quelques œuvres d'artistes locaux, 
les mœurs, les traditions, l'histoire de la contrée ? Mau- 
rice Faure a fait cela pour sa ville natale, et il en est plus 
fier que d'aucune de ses œuvres, « Je fais mon Léon X, » 
aime-t-il à dire gaiement en montrant sa mairie neuve, 
blanche, proprette. Dans la salle principale, ornée de 
panneaux décoratifs peints dans cette manière sobre et 

(1) C'est le vent topique de Saillans. 



368 société d'archéologie et de statistique. 

chaude à la fois qui caractérise le jeune talent du peintre 
Cornillon, deux médaillons s'enlèvent sur un fond gris 
tendre. Ils représentent Archinard et Barnave. Un beau 
tableau de L. Eymieu donne une sensation émouvante de 
Rochecourbe. La chaumine, le rieu d'argent, le feu d'her- 
bes, tout concourt à exalter le mont prodigieux et solen- 
nel. Sur une cheminée repose un très beau Barnave, 
copie de celui de Houdon que possède Grenoble. Des 
fenêtres de cette mairie, la vue s'intéresse d'abord aux 
riens aimables d'une rue en pente douce, large et bordée 
de boutiques d'un autre âge : elle s'émeut au passage d'un 
vieux pont souvent fatal aux jeunes mulets et delà grimpe 
vers le rêve de l'éternelle montagne bleue où Bonaparte, (r) 
simple lieutenant, croyait voir déjà l'Europe à ses pieds. 
Alors, Saillans, désespérément long et maigre, n'étonne 
plust II semble que toutes ses maisons se disputent à 
contempler Rochecourbe. 

Saillans n'a pas de monuments anciens dignes de re- 
marque. Une pauvre église à portail roman, une place 
qui fut claustrale : c'est à peine de quoi se souvenir du 
bon S. Géraud dont le prieuré fameux s'espaçait là, entre 
la grand'route et la Drôme. Çà et là, des ruelles voûtées, 
des débris de remparts rappellent seulement la vie agitée 
de cette bourgade si placide aujourd'hui. 

Est-ce à dire que les Saillannais aient consommé toute 
activité, toute énergie ? Point. Le pays ne fut jamais si 
prospère. Il a même — la chose mérite d'être retenue, car 
elle est fort rare dans nos montagnes — gagné en popula- 



(i) On raconte que Bonaparte, lieutenant d'artillerie à Valence, fit un 
jour l'ascension de Rochecourbe, et que grisé par l'admirable pano- 
rama contemplé de haut de la montagne, il se serait écrié : « D'ici, je 
vois l'Europe à mes pieds ! » 



UN TORRENT, LA DROME. 36g 

tion depuis le dernier recensement. Deux moulinages de 
soie, une fabrique de foulards, une fabrique de chaux et 
de ciment et une fabrique de pâtes alimentaires, tels sont 
ses établissements industriels. Au point de vue agricole, la 
culture intense du pêcher qui donne dans ce chaux cal- 
caire des produits d'un parfum et d'une saveur incompa- 
rables, lui fait une place à part dans la contrée. 

Enfin, ce vieux sol n'est pas non plus incapable d'hom- 
mes les plus diversement doués. Comme Maurice Faure, 
le peintre L. Eymieu, son fils, le compositeur Henry 
Eymieu, le peintre Cornillon, l'orateur populaire Chastet, 
etc., sont enfants de Saillans. 

Deux torrents , qui finissent presque en face Tun de 
l'autre, frôlent la cité des alberges ; en amont, le Contècle 
qui vient des environs de St-Moirans et boit le joli ru des 
Gerles ou des cuves ; en aval, le Rieusec ou Rionsset qui, 
né au dessous de l'église de Véronne, ne ment pas à son 
nom, car il coule le plus souvent à sec. Son lit s'embar- 
rasse dans un des plus curieux clapiers de la Drôme. 
Quant au Contècle, qui a roulé une fois jusqu'à 5oo mè- 
tres cubes à la seconde (deux fois la Seine à Paris en 
belles eaux moyennes), son val a le charme et le pitto- 
resque de nos paysages les plus vantés. 

Félix GRÉGOIRE. 
iA continuer.) 



2 e SÉRIE. XXXIV e VOLUME. — I9OO. 24 



HISTOIRE D'UN RUISSEAU 



Les sources abondent autour de la ville de Valence. 

Ces sources limpides inspiraient il y a trois cents ans, 
de beaux vers latins au célèbre Michel de l'Hôpital. 

Disons de suite que de magnifiques prairies, de beaux 
jardins émaillés de fleurs ou couverts de légumes variés, 
sont perpétuellement arrosés par les sources du Valen- 
tin, du Treuil, du Charran, de César, Grande et Petite 
Marquises, des Mal-Contents, sans omettre les eaux 
que Ton voit sourdre au-dessous des jardins de la Pré- 
fecture, sortir des fondations mêmes du clocher de la 
Cathédrale, celles de la Robine, au-dessous de la place 
Championnet, et enfin les nombreuses rigoles des Ba- 
lives. 

On dirait que les glaciers des Alpes ont formé, sous 
la vaste couche de cailloux roulés qui s'étend au levant 
de Valence, une abondante nappe d'eau retenue dans un 
imperméable bassin de marne, dont les bords relevés 
forment les coteaux de Châteauneuf-d'Isère au nord, de 
Montéléger et d'Etoile au sud, bassin s'épanchant vers le 
Rhône au lieu sur lequel on a bâti la ville de Valence (i ). 



(i) D'après le savant Bullet, le nom latinisé Valent ia aurait pour éty- 
mologie les mots celtiques : Bal ou Val eau, len plein, ty habitation ? 
Bien avant les Romains, les Celtes ont pu choisir une résidence si fa- 
vorisée par l'abondance et la beauté des eaux, au bord d'un fleuve dont 
un détour formait, au Bourg-lès- Valence, un port naturel et eommode. 



HISTOIRE D'UN RUISSEAU. 37 I 

Les ruisseaux alimentés par ces sources ont-ils une 
histoire ? 

La plus abondante de toutes, la dernière que Ton ren- 
contre en allant vers le Midi, était désignée, par nos 
pères, sous le nom de Contents. A la suite, dit-on, 
d'un procès entre des usufruitiers, au siècle passé, le 
peuple Ta dénommée Les Mal-Contents. 

Le nom primitif, que Ton trouve dans les vieilles 
chartes, est Aqua Sancti Victoris, eau de St- Victor. 

Aujourd'hui, et comme nous le verrons, depuis sept 
siècles, cette source se partage en deux branches. L'une, 
entraînée par la pente naturelle du sol, est le ruisseau 
primitif allant se perdre dans le Rhône, presque en face 
du village de Soyons. L'autre branche est nommée le 
Canal. Il est facile, en effet, de reconnaître que le tra- 
vail de l'homme a dirigé ces eaux sur une inclinaison 
très faible, rectifiant, à certains endroits, les vallonne- 
ments qui auraient pu en arrêter le cours. Ce canal se 
rapproche de la ville, et va tout proche de la terrasse 
du Champ-de-Mars précipiter ses eaux en une cascade 
fort belle et capable d'actionner plusieurs roues indus- 
trielles. C'est de cette seconde branche ou canal des 
Mal-Contents-nord, dont nous voulons retrouver l'his- 
toire ou mieux l'origine primitive. 

« Le Bulletin de la Société départementale d'archéolo- 
gie et de statistique de la Drôme » a publié en l'année 
1891, mois d'octobre, 33 e livraison, une série de chartes 
relatives à l'ancien monastère de St-Ruf, collationnées 
par le savant chanoine Ulysse Chevalier. L'avant-der- 
nière charte de cette série, ayant pour titre Carta deaquâ 
sancti Victoris, nous donne, au sujet de ce canal des dé- 
tails intéressants. 



372 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATfSTIQUE. 

Cette pièce est datée du 5 février 121 1. M. Dela- 
croix, dans sa Statistique de la Drôme désigne cette 
époque de notre histoire locale sous le titre : Anarchie 
féodale. 

La convention passée entre les religieux de St-Vic- 
tor et ceux de St-Ruf, qui forme l'objet de cette charte, 
nous indique que, même en ce temps d'anarchie féodale, 
il y avait, dans les monastères, des hommes sachant 
utiliser et multiplier les avantages que présentaient ces 
sources, s'en servir non seulement pour l'arrosage, mais 
aussi comme force industrielle, et cela en déterminant 
et réservant d'une manière très juridique les droits de 
chacun. 

De plus ce document apporte un rayon de lumière sur 
une époque demeurée presque inconnue à tous nos his- 
toriens. 

L'auteur des ce Antiquités de l'Eglise de Valence » Mgr 
de Catellan, dit, à propos d'une lettre du pape Léon IX 
à un abbé de St-Victor : « Voilà une découverte qui a été 
<c nouvelle pour moi (1). Quoique nous connaissions 
« tous, aux portes de Valence, une maison et des fonds 
« qui portent encore aujourd'hui le nom de St-Victor, 
« sans doute, comme nous avons lieu d'en juger à pré- 
« sent, parce qu'ils appartenaient autrefois à cette 
ce abbaye, il était peu connu cependant jusqu'à présent, 
<c qu'il y eût eu autrefois une abbaye en cet endroit. » 

Il est donc important de profiter des rares documents 
qui nous restent sur cette partie de notre histoire locale* 
toujours très obscure, pour y projeter un peu de lumière. 



(1) Mgr Jean de Catellan fut évoque de Valence de 1705 à 1725. Son 
livre « Les Antiquités de V Eglise de Valence » parut chez Jean Gilibert, 
imprimeur à Valence en 1724. — 



histoire d'un ruisseau. 3y3 

D'autant plus que les anciennes eaux de St-Victor sont 
encore, de nos jours, un des principaux éléments de la 
fortune territoriale de la commune de Valence. 

Chose singulière, les règlements qui président à la dis- 
tribution et à Temploi de ces eaux portent encore la 
trace de la Convention passée, en 121 1, entre les deux 
monastères de St-Victor et de St-Ruf. 

De même qu'au treizième siècle, deux propriétaires 
se partagaient tout ce cours d'eau : l'un pour l'employer 
uniquement à l'arrosage de ses prairies et jardins, l'autre, 
pour l'utiliser comme force motrice grâce à une cascade 
qu'il a su se ménager ; de même, aujourd'hui, les règle- 
ments concernant la distribution des eaux dans le cours 
supérieur ne reconnaissent aux usufruitiers que le seul 
droit d'arrosage, tandis que les titres de propriété des 
riverains inférieurs mentionnent leurs droits à une utili- 
sation industrielle. Bien plus, un Syndicat est chargé de 
veiller aux intérêts des usufruitiers arrosants, mais sa ju- 
ridiction ne dépasse pas la limite des possessions de l'an- 
tique abbaye de St-Victor. Elle s'arrête au lieu que la 
vieille charte appelait Campus Capionetus (1) nommé 
depuis terre Championnet, soit jusqu'à la route de Va- 
lence à Montélimar. 

La pièce publiée par M. le chanoine Chevalier dans 



(1) On sait qu'au xvnr siècle, le sieur Etienne Grand, ancien Maî- 
tre de postes, possédait cette terre alors complantée en vignes. Il en 
donna le nom à son fils naturel qui devint le célèbre général Cham- 
pionnes Ce clos, le premier que l'on rencontre au midi de la prome- 
nade du Champ-de-Mars s'étendait jusqu'au fossé pour V écoulement des 
eaux des Contents autrement appelé la Cascade, il était limité au levant 
.par la route de Montélimar et au couchant par le chemin des Balives. 
L'abbé de St-Ruf avait conservé des droits sur cette terre : « elle était 
de la directe de St-Ruf. » 



374 SOCIÉTÉ DARCHÉOLOGIE et de statistique. 

le Bulletin de la Société départementale d Archéologie et 
de Statistique étant la charte primitive du partage des 
eaux de la plus abondante des sources valentinoises, il 
est donc utile de l'étudier, ou au moins d'en donner 
une analyse. Mais avant, pour plus de clarté, faisons 
connaître les premiers contractants, les Monastères de 
St-Victor et de St-Ruf. 

Abbaye de St-Victor. — Nous venons de voir par 
les paroles de Mgr de Catellan, que les annales de 
T Eglise de Valence ne nous apprennent presque rien 
sur cette ancienne abbaye. 

Dans la lettre de S. Léon IX, qui régna de 1048 à 
1054, et dont la publication, au xvn e siècle, émut si fort 
Mgr de Catellan, ce monastère valentinois est appelé 
une petite abbaye (abbatiolam quamdam S. Victoris no- 
mine apud Valentiam civitatem sitam). 

Cependant si nous en jugeons par l'étendue des terres, 
qui jusqu'au siècle dernier, sont désignées dans les actes 
publics sous l'appellation de terroir de St-Victor, nous 
pouvons conjecturer l'importance, à une époque reculée, 
de cette maison si largement établie aux portes et au 
midi de Valence. Ce terroir comprenait tous les empla- 
cements aujourd'hui situés au levant de la route de 
Montélimar, toute la gare actuelle et tous les terrains 
encore maintenant arrosés par les eaux provenant de la 
source des Contents, peut-être appelés de ce nom parce 
que ses eaux étaient contenues (contentœj dans les 
limites des possessions de ce monastère. 

Comment cette abbaye de St-Victor a-t-elle pu dispa- 
raître de notre pays sans laisser presque aucune trace ? 

S. Léon IX, pape, avait rattaché la petite abbaye va- 
lentinoise à St-Victor de Marseille. 



histoire d'un ruisseau» 3*]b 

L'abbaye de. St-Theofrede, plus connue sous le nom 
ïde St-Chaflre, l'aurait d'abord retenue, sans droit certain, 
sous sa tutelle. Mais cette irrégularité eut un terme. 

Mgr de Catellan nous apprend que les chanoines 
réguliers de St-Victor de Marseille et de Paris, renon- 
çant à la règle de St-Benoit, se rangèrent sous la règle 
de l'abbaye de St-Ruf de Valence. 

St-Victor devint donc une dépendance de St-Ruf. 

Une bulle de Clément VII (septembre 1383) unit à 
St-Ruf, le prieuré de St-Victor de Valence, ainsi que 
ses dépendances Fînçeo, Fiancey et la paroisse de La 
Vache, aujourd'hui Beauvallon. 

Nous voyons dans un registre des chartes et papiers 
de St-Ruf, que les albergements des champs du terroir 
de St-Victor sont signés par le prieur de ce monastère 
jusqu'en 141 j. A partir de Tan 141c c'est au nom de 
l'abbé de St-Ruf que ces contrats sont passés avec di- 
vers particuliers. Saint-Victor d'abord simple prieuré 
dépendant de l'abbaye de Marseille est donc, au xv e 
siècle, absorbé par l'abbaye valentinoise de St-Ruf. 



Saint-Ruf. — Malgré ses tribulations, cet Ordre, 
fondé à Avignon vers 1038, possède des chroniques 
mieux connues. 

Chassé d'Avignon, en 1 1 58, par les fureurs des héré- 
tiques Albigeois, il reçut de l'évêque et du chapitre 
canonial une généreuse hospitalité. L'évêque Odon céda, 
en toute propriété, à l'abbaye de St-Ruf Y Ile de l'Epar- 
vière. Ce nom désignait alors tous les terrains qui s'éten- 
dent depuis la côte sur laquelle se trouve le chemin des 
Balives jusqu'au Rhône. Probablement, à cette époque, 



376 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE STATISTIQUE. 

un bras du fleuve côtoyait-il le bas de ces terrasses 
sur lesquelles s'étalent, de nos jours, la promenade du 
Champ-de-Mars et les villas qui suivent, d'où le nom 
d'île donné aux terres comprises entre ce bras du Rhône 
et le fleuve. 

Au seizième siècle, les protestants ayant ruiné leur 
monastère situé dans l'île, les religieux se réfugièrent 
dans le très ancien prieuré de St-Jacques qui leur appar- 
tenait et qui comprenait l'hôtel actuel de la Préfecture, 
le temple protestant, qui était la chapelle abbatiale, et 
toutes les maisons adjacentes. 

Cet Ordre a donné a l'Eglise : trois papes, des car- 
dinaux, des évêques. Il paraît s'être étendu fort au loin. 
Il avait, d'après M. de Tardivon, dernier abbé, des éta- 
blissements en Norvège, à Tunis, à Alger, à Patras en 
Achaïe. 

Au commencement du xvm e siècle, Mgr de Catellan 
disait de la communauté de St-Ruf qu'elle était « un 
des principaux ornements de la ville de Valence » et il 
en énumère avec amour toutes les gloires. 

Hélas! quelques années après, même avant la Révo- 
lution, cette maison, minée par diverses influences, dis- 
paraissait, ses biens étaient partagés ! 

Nous pourrions citer plusieurs améliorations appor- 
tées par ces religieux à l'agriculture en nos pays. Pré- 
sentement, analysons une pièce qui montre qu'au com- 
mencement du treizième siècle, leur initiative courageuse 
créa, malgré les troubles de cette époque, un canal 
d'arrosage et une puissante chute d'eau encore aujour- 
d'hui causes de prospérité pour de nombreux champs et 
plusieurs industries. 



histoire d'un ruisseau. 377 

Charte concernant la source de St- Victor. — ■ 
Qu'il soit connu de tous qu'entre l'église de St-Ruf, le 
monastère de St-Théofrède et la maison de St-Victor, 
une convention a été acceptée. 

§ 1. La maison de St-Ruf possédera un canal, partant 
de la source, longeant le chemin qui conduit à St-Victor, 
ou par les vignes et terres adjacentes, jusqu'au lieu qui 
est dit Campus Capionetus (Championnet). Toutefois, les 
terres et vignes par lesquelles passera le canal seront 
achetées à leurs propriétaires. La maison de St-Victor 
ne pourra rien exiger, soit pour le plait (autorisation), 
soit pour la diminution du cens proportionnel à la quan- 
tité des terres (i); quant aux vignes et terres qu'elle 
possède immédiatement, elle en fait don pour l'établis- 
sement du cours d'eau projeté. 

Le cours ancien restera libre de toutes redevances à 
St-Victor, à moins qu'il ne faille, d'après l'arbitrage d'un 
homme de bien, concéder quelques compensations à 
ceux dont les terres et les vignes auront été traversées 
par le cours d'eau nouveau. 

Les religieux de St-Ruf transporteront leurs moulins 
à la terre de Championnet ou dans le lieu qui leur con- 
viendra le mieux ; tout l'espace, depuis la vigne d'André 
de Villeneuve jusqu'à la vigne de Reynald du Pinet, 
appartiendra sans discussion à la maison de St-Ruf, qui 
pourra acheter, quand bon lui semblera, sans besoin 
d'un plait, cette dernière vigne, dans laquelle nul autre 



(i) Il apparaît, dans ces mots et dans tout ce texte, que les religieux 
de St-Victor possédaient une suzeraineté féodale sur toutes ces terres 
environnantes. On indemnisera, disent-ils, les propriétaires, les reli- 
gieux font l'abandon, pour l'établissement de ce canal, des droits qu'ils 
pourraient percevoir au sujet du plait et de la diminution du cens. 



378 SOCIÉTÉ D'ARCHÉOLOGIE ET DE. STATISTIQUE. 

-ne pourra prendre des pierres ou du sable, $i ce n'est 
pour y établir des moulins et industries, avec permission 
d'y employer tous les matériaux des anciens moulins qui 
s'y trouvent (1); 

§ II. Pour l'établissement de ces moulins et autres 
avantages, St-Ruf fera porter au moulin Blanc 50 sétiers 
de blé commun mesuré à la Pierre de Valence (mesure 
publique établie sur la place encore dénommée de la 
Pierre), 50 autres sétiers de seigles ou grains similaires. 

St-Victor se réserve de faire moudre le grain de sa 
mense, autant que cela sera nécessaire ; ses meuniers 
feront le travail avec l'aide de ceux de St-Ruf; toutefois, 
on choisira un moment opportun. 

§ III. Pour l'espace qui séparera les moulins de l'île, 
St-Ruf payera à St-Victor annuellement 40 sous vien- 
nois, et pourra y établir des moulins, foulons et autres 
industries; mais pour vendre ces fonds, il faudra obtenir 

l'agrément de St-Victor Toutes ces réserves faites, 

la maison de St-Victor garantira et protégera tout ce ca* 
nal ; si un procès s'élevait, elle le soutiendrait en justice; 
s'il arrivait, ce qui a coutume d'arriver qu'elle ne pût pas 
faire valoir ses droits, l'église de St-Ruf ne serait pas 
tenue d'acquitter le cens. 

St-Ruf conserve la liberté de prendre de l'eau où il 
voudra et autant qu'il voudra pour l'introduire dans l'île 
et son monastère. Mais, pour le canal qu'il aura creusé, 
nul ne pourra en retenir l'eau depuis la source jusqu'à 
l'embouchure, sauf pour l'arrosage des jardins de St- 
Victor et encore sans préjudice pour les moulins. Les 



(i) Les restes d'anciens moulins, probablement des moulins à vent 
établis sur la hauteur, en la terre de Championnet. 



HISTOIRE D'UN RUISSEAU. 379 

autres riverains en jouiront, suivant la coutume toujours 
observée pour l'ancien ruisseau. 

S'il arrivait, comme on le craint, que l'eau ne pût 
s'écouler par le nouveau lit que vont lui creuser les reli- 
gieux de St-Ruf, ceux-ci ne seraient tenus à aucun des 
engagements mentionnés plus haut. Mais si, lorsque le 
monastère de St-Ruf aura reçu l'eau, la quantité néces- 
saire faisait défaut à St-Victor, comme on le craint, l'ar- 
bitrage d'un homme de bien serait appelé à compenser 
tous les intérêts. 

Les paiements se feront à la St-Jean et à Noël. 

Il faut remarquer encore qu'en cas d'insuccès de l'en- 
treprise du canal, St-Ruf sera libre de revendre les 
terres achetées en vue de ce travail. St-Victor conser- 
verait ses droits sur le cens et aurait le privilège de tout 
racheter. Si, à propos de ce canal et des moulins, on 
attaque les droits des deux monastères, St-Victor pren- 
dra un avocat. St-Ruf en ajoutera d'autres, mais ce der- 
nier monastère ne pourra pas se dispenser de payer le 
tribut du cens, tant que St-Victor sera disposé à le dé- 
fendre devant les juges. 

Suivent les signatures d'abord des deux abbés : l'un 
de St-Théofrède, Pierre Gastinus, l'autre de St-Ruf, 
Arnaud. Ils affirment le consentement de leurs commu- 
nautés. Plus de soixante témoins ou autres religieux 
joignent leurs signatures. 

Enfin, Humbert, par la grâce de Dieu, évêque de Va- 
lence, « pour obtempérer aux prières des deux parties, 
confirme par l'apposition de son sceau tout cet écrit. » 

Chanoine MAZET. 



NÉCROLOGIES 



M. ORIOL (Marie-Jean-Baptiste), prêtre retiré 

Notre confrère, né à Vanosc, le 17 mai 1831, après avoir 
-été vicaire à Andance, à Bonlieu et Sarras, et curé de Thor- 
renc et de St-Laurent-sous-Coiron, avait été contraint, pour 
des raisons de santé, de quitter le service paroissial et 
s'était retiré à Annonay, où il est décédé, à 69 ans, le 28 
août dernier. 

Dans sa retraite, il s'occupait de recherches sur l'histoire 
locale, qui étaient dans ses goûts et il faisait partie de la 
Société d'Archéologie de la Drôme depuis plusieurs années. 



M. KLÉBER (Alphonse) 

Cet ancien confrère, l'un des chefs vénérés de la grande 
manufacture de papiers de Rives, connue dans le monde 
entier, sous la raison sociale Blanchet frères et Kléber, 
s'était acquis une grande renommée par son amabilité, son 
intelligence et ses travaux. Il était âgé de 85 ans et a survécu 
peu de temps à M. Paul Blanchet, archéologue distingué. 



Les journaux: ont aussi annoncé la mort à Bordeaux de 
M.. Léon ROCHES, le 23 juin dernier, âgé de .91 ans. Cet 
ancien ministre plénipotentiaire était né à Tain et a joué en 
Afrique un grand rôle. Il y fût le bras droit du maréchal 
Bugeaud et a raconté lui-même dans son livre intitulé : 
Trente-deux ans à travers l'Islam, toutes les péripéties de 
sa vie glorieuse. 



Mentionnons encore la, mort à Montpellier, de M. Char- 
les-Jules REVILLOUT, né le 30 janvier 1821, littérateur 
et historien du plus grand mérite. 

A. Lacroix. 



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SÉANCE DU 6 AOUT 1900 



*0*0*********0***m*^^m0^*0*0*^mm 



PRÉSIDENCE DE M. VALLENTIN 



La séance est consacrée à diverses communications. 

Le Bulletin archéologique du Comité des travaux histo- 
riques et scientifiques, l re8 livraisons de 1899 et de 1900/ 
renferme un travail fort intéressant sur la tour de Cha-*, 
maret, par notre érudit collègue, M. le chanoine Fillet, et 
un autre de M. Giraud, sur les industries du fer en Dau- 
phiné, plein de recherches. 

Dans les Mémoires de l'Académie de Vaucluse se trouve 
un catalogue des inscriptions antiques du Musée Calvet, 
d'Avignon, par M. le capitaine Espérandieu. Parmi elles 
figurent : une inscription du Pègue, une de Rochegude, une 
des environs de Nyons, une de Noveysan, une de Rousset, 
un talisman de Bouchet, l'épitaphe d Ampelius et de Singe- 
nia, d'Aouste et la marque d'un tuyau de plomb, de St-Paul- 
Trois- Châteaux. 

■y 

Le Journal de Grenoble, le Dauphiné, a récemment pu- 
blié de nouveau une comédie en langage populaire de la 
Drôme, jouée, en 1576, à Montélimar, par deux paysans (nu- 
méros du I er juillet 1900 et suivants). 

M. le chanoine Jules Chevalier communique à la Société 
les épreuves de la première feuille du troisième volume de 
son Essai historique sur l'église et la ville de Die. Nul 
mieux que lui pouvait mener à bonne fin un travail si bien 
fait au point de vue de l'érudition et de Pimpartialité. 

M. de Terrebasse recommande aux recherches des biblio- 
philes dauphinois une Relation de ce qui a esté fait dans la 
ville de Grenoble pour la réception de Messeigneurs les 
princes, imprimée par Fremon, en six feuillets in-4°, de pe- 
tites lettres de cicéro, à 250 exemplaires, différente de celle 
de Guy Allard, qui a cinq feuillets seulement. 

A. Lacroix. 




t 



CHRONIQUE 



«** 



Sur la proposition de M. le maire de Crest le conseil mu- 
nicipal de cette ville a décidé de souscrire à dix exemplaires 
du Dictionnaire biographique de la Drôme, en se déclarant 
« heureux de rendre un juste hommage à l'auteur qui, par 
« ses patientes recherches, laissera au générations futures, 
« un ouvrage qui leur apprendra l'histoire des hommes 
« illustres de notre département. » 

Le fait mérite d'autant plus d'être signalé, qu'il n'honore 
pas moins M. le maire de Crest et son conseil municipal, 
que leur compatriote, notre érudit collègue, M. Brun-Durand. 

Le Journal des Savants, d'août 1900, déclare que cet ou- 
vrage rendra de véritables services par l'exactitude et la 
précision des renseignements fournis. L'époque moderne y 
est traitée avec soin, sans esprit de parti et souvent de pre- 
mière main. 

Ouvrages reçus 

Du Ministère de l'Instruction publique : 

— Le journal des Savants, juillet et août. 

— Romania, (juillet 1900), contenant une très flatteuse 
appréciation sur les Ordinaires de Véglise cathédrale de 
Laon (xn et xm e siècles) suivis de deux mystères liturgiques, 
publiés par M. le Chanoine Ulysse Chevalier. 

Ouvrages reçus des Auteurs : 

— J. Brun-Durand, Monier de Le Sizeranne (Paul-Jean- 
Ange-Henri). Biographie de l'un de nos compatriotes les 
plus distingués. Grenoble, librairie dauphinoise, 1900, broch. 
in-16, de 16 pages.