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COMMISSION 

HISTORIQUE  ET  ARCHÉOLOGIQUE 

DE   LA  MAYENNE 


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BULLETIN 


DE  LA  COMMISSION 


IIISTORIÛl'E  ET  ARCHÉOLOGIÛ^E 

DE  LA  MAYENNE 

CBËËE    PAR    ARBËTÈ    PBÉFKCTORAL    DU    17    JANVIER    1878. 

DEUXIÈME  SÉRIE 

TOMl-;    VINOTIÈMIO 

1904 

PuMIoatton   TpImMtrMI* 


LAVAL 
IMPniMEIllK-L]imAIRIK    V'    A.    i;OL'I>ll- 


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ilrifS 


MEMBRES  DE  LA  COMMISSION 


Membres  titulaires. 

1895  ALLEAUME  (A.),  peintre  verrier,  49,  rue  de 
Bootz,  Laval. 

1884  ANGOT  {l'abbé  Alphonse),  lauréat  de  l'Institut, 
Sainte-Gemme-le-Robert  (Mayenne). 

1884  BEAUCHESNE  (marquis  de),  licencié  èa  lettres, 
cbâteau  de  Lassay  (Mayenne),  château  de  la 
Roche-Talbot,  commune  de  Souvigné,  par 
Sablé  (Sartbe),  et  8,  avenue  Marceau,  Paris. 

1892  CHAPPÉE  (Julesi,   Port-Brillet   (Mayenne),    et 

21,  rue  Monsieur,  Paris. 
1878    GHEDEAU  (Charles),  QI.  P.,  place  Cheverus, 
Mayenne. 

1893  DURGET  (Charles),  ancien  notaire,  9,  rue  de 

Tours.  Laval. 

1882  FARGY  (Paul  de),  inspecteur  de  la  Société  fran- 
çaise d'Archéologie  pour  le  département  de  la 
Mayenne,  Saint-Martin -la- Forêt,  par  Angers 
(Maine-et-Loire). 

1878  GARNIER  (Louis),  architecte,  inspecteur  des 
édifices  diocésains,  membre  de  la  Commission 
(l'architecture,  34,  rue  Joinville,  Laval. 

1897     GOUVRION  (Emile),  rue  Volnev,  Mayenne. 

1887  GROSSE-DUPERON  (A.),  i^,  juge  de  paix,  rue 
Jac(|ues-Labitl('.  Mayenne. 

1878  HAWKE  (Eugène),  ancien  architecte  du  dépar- 
tement, membre  de  la  Commission  d'architec- 
ture, 8,  rue  de  Rennes,  Laval. 

1886  LA  BEAULUÉRE  (Louis  de),  château  de  la 
Dnijeotterie,  Entrammes  (Mayenne). 


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1896  LAURAIN  (Ernest),  0,  ancien  élève  de  l'Ecole 
des  Chartes,  archiviste  de  la  Mayenne,  18, 
rue  du  Lycée,  Laval. 

1878  LEMONNIER  DE  LORIÈRE  (Léon),  membre 
de  la  Société  pour  la  conservation  des  monu- 
ments historiques,  conseiller  général,  Epineu- 
le-Sépiin,  par  Cheraeré-le-Roi  (Mayenne). 

1878  MOREAU  (Emile),  #,  tf,  membre  de  plusieurs 
Sociétés  savantes,  8,  rue  du  Lieutenant,  Laval. 

1878  ŒnLERT(DANiEL),  *,|^,  ancien  vice-président 

de  la  Société  géologique  de  France,  membre 
non  résident  du  Comité  des  travaux  scientifi- 
ques au  ministère  de  l'Instruction  publique, 
membre  correspondant  de  l'Institut,  29,  rue  de 
Bretagne,  Laval. 
1884  PLANTÉ  (Jules),  ancien  notaire,  la  Haute-Bes- 
neraie,  par  Cossé-le-Vivien  (Mayenne), 

1879  RICHARD  (Jules-Mauie),  y,  archiviste  paléo- 

graphe, correspondant  du  ministère  des  Beaux- 
Arts,  conseiller  général,  2,  place  du  Gast,  Laval. 

1899     THUAU  (René),  notaire  à  Meslay  (Mayenne). 

1887  TRÉVÉDY  (Jijlien),  ancien  président  du  tribunal 
de  Quimper,  1,  rue  de  la  Préfecture,  Laval. 

COMPOSITION   DU   BUREAU 

Président  honoraire,  M.  FlodcauddeFourcroy,  O.  ^, 
Président,  M.  Moreau,  ^,  ijl, 

/  MM.  Trévédy, 
Vice-Présidents)  de  Fahcy, 

(  Grosse-Duperon,  ij^, 

Secrétaire,  M.  Laurain,  y. 
Trésorier,  M.  Durgbt, 
Trésorier-adjoint,  M.  Goupil. 


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Membres  correspondants. 

MM. 

1889  Achon  (Ch.  d'},  château  de  la  Roche  de  Gpnnes 

(M  aine-et- Loire) . 

1899  Angot  (Edmond),  docteur- médecin,  48,  rue  Join- 

ville,  Laval. 
1891     Anis  (l'abbé  A.), licenciées  lettres,  curé  de  Vaigea 
(Mayenne). 

1890  Appert  (Jules),  y,  villa  des  Cèdres,  place  du 

Champ-de-Foire,  Fiers  (Orne). 
1885     Argentré  (comte  d'),  château  de  la  Bermondière, 
par  Couterne  (Orne). 

1895  Auguste  (l'abbé  Alphonse),  licencié  es  lettres.  Col- 

lège Sainte-Croix,  Le  Véainet  (Seine-et-Oise). 
1897     Au^ste  (l'abbé  Henri),  vicaire,  Andouillé. 

1896  Aveneau   de   la   Grancière   (Paul),   château  de 

Moustoir-Lan,  en  Malguénac,  par  Pontivy 
(Morbihan). 

1878  Barbe,  ancien  membre  titulaire,  ancien  conser- 
vateur du  camp  de  Jublains,  juge  de  paix  à 
Conlie  (Sarthe). 

1885  Bertrand  de  Broussillon  (comte),  if,  -{-  <  archi- 
viste paléographe,  président  de  la  Société  des 
Archives  historiques  du  Maine,  15,  rue  de 
Tascher,  Le  Mans,  et  45,  rue  de  Grenelle,  Paris. 

1903  Boullard,  procureur  de  la  République  à  Segré 
(Maine-et-Loire), 

1900  Brou  (Charles),  ancien  élève  de  l'Ecole  des  Char- 

tes, bibliothécaire  de  la  ville,  96,  rue  du  Pont- 
de-Mayenne,  Laval. 

1890    Chardon  (Henri),  tf,  57,  rue  de  Flore,  Le  Mans. 

1878  Chemin,  ^,  ancien  membre  titulaire,  ingénieur 
en  chef  des  Ponts  et  Chaussées,  12,  avenue  de 
l'Aima,  Paris. 


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—  10  — 

1885  Chiron  du  Brossay  (Emmanuel},  ancien  directeur 

de  l'Enregistrement,  avenue  Carnot,  Chftteau- 
Gontier. 

1878  Cornée  (Ferdinand),  t^,  ancien  membre  titulaire, 

316,  rue  Solférino,  Lille. 
1900     Courtillolles  d'Angleville  (Antoine  de),  château 

d'Assé-Ie-Bérenger,  par  Evron  (Mayenne). 
1903     Croulbois  (l'abbé  Jules),  curé-doyen  de  Cossé-Ie- 

Vivien  (Mayenne). 

1879  Darcy,  ^,  architecte  de  la  Commission  des  mo- 

numents historiques,  2,  rue  de  Bruxelles,  Paris. 

1900  Delaunaj'  (Paul),  interne  des  hApitaux,  membre 

de  la  Société  française  d'Histoire  de  la  Méde- 
cine, 18,  rue  Vavin,  Paris. 

1901  Desvignes  (l'abbé  J.),   curé   doyen   de   la   Suze 

(Sarthe). 

1900  Dubel  (Isidore),  ^  I.  P.,  maire  de  Saint-Ouen- 
des-Toits  (Mayenne). 

1903     Du  Bourg  (comte  Joseph),  rue  Marmoreau,  Laval. 

1878  Dulong  da  Rosnay  (Monseigneur),  ancien  vice- 
président  de  la  Commission,  Morlaix  (Côtes* 
du-Nord) . 

1886  Duval  (Louis),  ^  L  P.,  ancien  élève  de  l'École  des 

Chartes,  archiviste  du  département  de  l'Orne, 
correspondant  du  ministère  de  l'Instruction 
publique  et  des  Beaux-Arts,  Alençon  (Orne). 

1891     Fleury  (Gabriel),  y, imprimeur,  Mamers  (Sarthe). 

1878  Floucaudde  Fourcroy,0.  ift,ins]»pcteurdes  Ponts 
et  Chaussées  honoraire,  président  honoraire 
de  la  Commission,  Saint-Malo  (Ille-et-Vilaine). 

1890  Friùn  de  lu  (îaulairie  (Edouard),  conservateur- 

adjoint  de  la  bibliothèque.  Vitré  (llie-et- Vilaine) . 
1897     Gerbault  (Georges),   le   Buard,   c"  de   Changé 
(Mayenne). 

1891  Gougeon  de  la  Thébaudière  (Alphonse),  2,  rue  Le 

Bnstard,  Rennes,  et  au  Bois-Jarry,  en  Erbrée, 
par  Vitré  (llle-et- Vilaine). 


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—  il  — 

1897  Goupil  (Albert),  licencié  es  lettres,  imprimeur, 

quai  Jehan-Fouquet,  Laval. 

1898  Guétron   (l'abbé),   licencié   es  lettres,   vicaire  à 

Juvigné-des-Landes  (Mayenne), 
1886    La  Chesnais  (Maurice),  0.  ^,  ancien  chef  de 

bureau  au  ministère  de  la  Guerre,  riluîsserie 

(Mayenne),  pt  21,  rue  du  Cherche-Midi,  Paris. 
1891     Lair  (Jules),  archiviste  paléographe,  membre  de 

l'Institut,   11,  rue   Croîx-de s- Petits-Champs, 

Paris. 

1897  Lardeux  (l'abbé),  licencié  es  lettres,  aous-supé- 

rieur  de  l'Institution  Saint-Michel,  à  Chàteau- 
Gontier. 

1902  Leblanc,  avocat,  conseiller  général,  Mayenne. 
1891     Le  Coq  (Frédérict,  95,  rue  Sedaine,  Paris. 

1886  Ledru  (l'abbé  Ambroise),  49,  rue  de  l' Abbaye- 
Saint- Vincent,  Le  Mans. 

1903  Letourneurs  (Edouard),  château  du  Tertre,  Nuillé- 

8ur-Vicoin  (Mayenne). 
1889     Letourneurs    [Henri),  avocat,  château  de  Gre- 
nusse,  Argentré  (Mayenne). 

1891  Liger  (F.),  château  de  Courmenont,  par  Sillé-le- 

Guillaume  (Sarthe). 

1901  Lorière  (Edouard  de),  château  de  Moulin- Vieux, 
par  Avoise  (Sarthe). 

1878  Maître  (Léon),  O  '■  P-'  archiviste  de  la  Loire- 
Inférieure,  Nantes  (Loire-Inférieure). 

1888  Menjot  d'Elbenne  (vicomte),  château  de  Couléon, 
par  Tuifé  (Sarthe). 

1896  Métais  (l'abbé),  chanoine,  secrétaire  de  t'Évêché, 
Chartres  [Eure-et-Loir). 

1898  Montalembert  (André  de),  122,  ruo  de  Grenelle, 

Paris,  et  château  du  Coudray,  c"  de  Saint- 
Denis-du-Maine,  par  Meslay  (Mayenne). 
1878    Morin,  architecte,  Vitré  [Ille-et-Vilaine). 

1892  Morin  [Auguste),  .19,  rue  de  Bretagne,  Laval. 
1884     Morisset  (Martial),  docteur-médecin,  Mayenne. 


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—  12  — 

1901  Moucbet  (Raymond),  ancien  président  du  Tribunal 

de  commerce,  49,  rue  Solférino,  Laval. 

1891  Paris-Jallobert  (l'abbé  Paul),  recteur  de  Balazé 

(llle-et- Vilaine). 

1898  Patiy  (l'abbé  Edouard),  js,  chanoine  honoraire, 

curé-archiprêtre  de  Notre-Dame  de  Mayenne. 
1897     Perrot  (Paul),  notaire,  rue  VieilIe-de-la-Halle, 

Mayenne. 
1886    Ponthault   (André),  7,  rue  de  l'Hôtel-de-Ville, 

Mayenne. 
1895     Quatrebarbes  (comte  Foulques  de),  château  de  la 

Motte-Daudier,  par  Craon  (Mayenne). 

1892  Quatrebarbes  (comte   Léopold  de),    château  de 

Noirieux,  par  Bierné  (Mayenne). 
1879     Que  ru  au -Lame  rie  (Emile),  6*",  rue  des  Arènes, 
Angers  (Maine-et-Loire). 

1902  Raguenet  de  Saint-Albin  (Olivier),  au  château  des 

Arcis,  par  Meslay  (Mayenne),  et  rue  Étienne- 
Dolet,  3,  à  Orléans  (Loiret). 
1885     Salles  (Auguste),  y,  professeur  agrégé  au  lycée 
Janson  de  Sailly,  34,  rue  Saint-Didier,  Paris. 

1903  Sars  (V"  Albert  de),  château  de  Bellebranche, 

par  Bouère  (Mayenne). 

1885  Sauvage  (Hippolyte\   if  I.  P.,  ancien  juge  de 

paix  du  canton  de  Couptraîn.  53,  boulevard 
Bineau,  Paris-Neuilly. 

1899  Sesboué   (Frédéric),   ancien  notaire,  27,  rue  de 

Beauregard,  Laval. 
1903    Sigoigne    (Fabbé    Anselme),    vicaire    à    Voutré 
(Mayenne). 

1886  Simonet,  sous-ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées, 

Château-Gontier. 

1889  Sinoir  (Emile),  professeur  agrégé  au  lycée,  7,  rue 
des  Ruisseaux,  Laval. 

1903  Tanquerel  des  Planches  (Robert  de),  ancien  atta- 
ché au  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris, 
docteur  en  médecine,  212,  rue  de  Rivoh,  Paris, 


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—  13  — 

878    Tirard,  place  des  Halles,  à  Ernôii  (Mayenne). 
885     Tranchant  (Charlea),  O.  4(f  ,y  ■  P-iincienélève 

de  l'Ecole  des  Chartes,  membre  du  Comité  des 

travaux  liistoriques,  28,  rue  Barbet-de-Jouy, 

Paris. 
894    Tribouillard   (l'abbé),  supérieur  du  Collège  de 

rimmaculée-Conception,  Laval, 
ïriger    (Robert),    président   de    la   Société    du 

Maine,  château  des  Talvasières,  prés  Le  Mans 

(Sarthe). 
897     Turquet  (Alphonse- Alexandre),    notaire,  9,   rue 

Souchu-Servinière,  Laval. 
Uzureau  (l'abbé   F.),    aumônier    de  la    prison, 

Angers  (Maine-et-Loire). 


LISTE    DES    MEMBRES    DECEDES 
DEPUIS    LA    CRÉATION    DE    LA   COMMISSION 

Membres  titulaires. 
D^ta     MM. 

882     CUILLER  (l'abbé),  chancelier  de  l'Évêché,  Laval. 

.883    MARCHAL  (Charles),  ^,  ancien  ingénieur  en 
chef  du  département,  ancien  maire  de  Laval. 
LE  FIZELIER  (Jules),  secrétaire  général  de  ta 
Commission. 

891     JOUBERT  (André),  Les  Lutz,  Daon  (Mayenne). 

.894    COUANIER  DE  LAUNAY   (l'abbé),   chanoine 
honoraire  de  Laval. 

.896     MARTONNE    (Alfred  de),    archiviste    de    la 
Mayenne,  secrétaire-adjoint  de  la  Commission. 

.897    PERROT  (Ernest),  ^,  propriétaire,  vice-prési- 
dent r!e  la  Commission,  Laval. 

1899    POINTEAU  (Charles),  aumônier  de  l'hôpital, 
Craon. 

900    SOUCHU-SERVINIÈRE    (Théophile),    ancien 


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—  14  — 

député,  vice-président  de  la  Commission,  Laval. 

1902  LEBLANC  (Edmond),  ancien  député,  conseiller 

général,    vice-président    de    la  Commission, 
Mayenne. 
—    RAULIN  (Jules),  avocat,  Mayenne. 

1903  LECOMTE  (Auguste),  #,  ingénieur  en  chef  du 

département  de  la  Mayenne. 


Membres  correspondants. 

MM. 

1881  Legras,  ^ ,  ingénieur  en  chef  des  travaux  mariti- 
mes s  Lorient,  ancien  membre  titulaire. 

1883  Prévost  (Jacques-Ferdinand),  O.  ^,  géitéral  du 
génie  en  retraite. 

1886  Ravault  (Athanase-Henri),  notaire,  Mayenne. 

—  Savary  (Georges),  professeur  d'histoire  au  lycée 

de  Laval. 

1887  Charles    (l'abbé    Robert),   vice-président  de  la 

Société  du  Maine,  Le  Mans. 

—  Duchemin  (Victor-Tranquilie),  tf,  archiviste  de  la 

Sarthe,  ancien  membre  titulaire. 

—  Bonneserre  de  Saint-Denis,  Angers. 

1888  Bernard  (Almire),  S'-Pierre-sur-Orthe  (Mayenne). 

—  Chaplain-Duparc,  Paris, 

1889  Courtillolles  (de),  ch&teau  de  Courtillolles,  près 

d'AIençon. 

1890  Trouillard  (Charles),  avocat,  Mayenne. 

1891  Montozon  (S.  de),  ChAteau-Gontier. 

1892  Foucault  (l'abbé    Martin),   Saint-Praimbault-de- 

Lassay  (Mayenne). 

—  Piolin  (dom  Paul),  Solesmes  (Sarthe). 

1893  Chomereau,  Laval. 

1895  Abraham  (Tsncrède),  ancien  membre  titulaire, 
Paris. 


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—  15  — 

1895     Beauchesne   (marquis  de),   chAteau   de    Lassay 
(Mayenne). 

—  Laigneau,  curé  de  Bourg-Philippe  (Mayenne). 

—  La  Sicotière  (de),  sénateur,  Alençon. 

—  Palustre  (Léon),  ancien  directeur  de  la  Société 

française  d'archéologie.  Tours. 
1897     Delaunay  (Edouard),  procureur  de  la  République, 
Pont-I'Évèque  (Calvados). 

1897  Goupii  (Auguste),  libraire,  Laval. 

—  Maillard  (l'abbé  Joseph),  curé  de  Gennes. 

1898  Delépine  (l'abbé  Etienne),  curé  de  Sncé  (Mayenne). 

—  Magaud  (Henri),  propriétaire,  Laval. 

1899  Bcauchamp  de  Monthéard  (baron  Emmanuel  de). 

Paria. 

—  Contades  (comte  Gérard  de),  Saint-Maurice-du- 

Désert  (Orne). 

—  Gadbin  (René),  Chôteau-Gontier. 

1901  Coutard  (l'abbé  Albert-Clément),  curé  de  Vallon 

(Sarthe). 

—  Gillard  (l'abbé  Joseph),  curé  de  Couesmes. 

—  Montagu  (Emmanuel),   instituteur  à  Hardanges 

(Mayenne). 

1902  La  Broise  [Henri-Charles-Paul-Georges  de),  «J* , 

ancien  membre  titulaire,  Paris. 


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ADMINISTRATION  MUNICIPALE  DE  CANTON 

SOUS    LE    DIRECTOIRE 

COSSÉ-LE-VIVIEN  (Mayenne). 


Ce  qu'il  y  eut  peut-être  de  plus  original  dans  la  Cons- 
titution de  l'an  III  (22  août  1795],  ce  fut  la  suppression 
des  districts,  et  le  groupement,  en  5.000  municipalités 
cantonales,  des  44.000  communes  que  comprenait  alors 
la  France  '.  Dans  chaque  canton,  comme  auprès  de 
l'administration  centrale  du  département,  il  y  eut  un 
Commissaire  du  Directoire,  chargé  de  requérir  et  de 
surveiller  l'exécution  des  lois. 

Nous  allons  étudier  comment  fonctionna,  en  vertu  de 
la  nouvelle  Constitution,  la  municipalité  cantonale  de 
Cossé-le-Vivien  ". 

On  sait  que  le  bourg  de  Cossé,  encore  aujourd'hui 
chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de  Château- 
Gontier,  est  situé  à  16  kilomètres  au  S.-O.  de  Laval, 
sur  la  route  de  Laval  à  Nantes  par  Craon.  Sa  popula- 
tion s'élevait,  en  1797,  à  3.422' habitants  {chiffre  actuel 
2.808].  Le  département  de  la  Mayenne  comptait  alors, 

1.  ElUndae  jusqu'aux  frontières  naturelles  du  Rhin  et  des  Alpes. 

S.  Source»  prineipaUg  :  Deux  u  registres  de  déllbéraUona  de  l'adml- 
nlatrstlDn  municipale  du  canton  de  Cossé  »,  registres  bien  conserrés,  et 
mu  lacunes  (Arch.  commun,  de  Cossé)  ;  —  Arch.  de  la  Mayenne,  série 
L,  poâgim.  —  Abbé  Angot  :  Mim.  épUtol.  «ur  la  R^ol.  à  Laval,  Laval, 
1896;  det.  hUtorique  de  la  Mayenne,  1900. 


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—  18  — 

comme  tous  les  autres,  plus  de  cantons  qu'aujourd'hui 
{71  au  lieu  de  27).  Aussi  la  municipalité  cantonale  de 
Gossé  ne  réunira  que  deux  communes  :  Cossé  et  un 
village  voisin,  Cosmes,  alors  peuplé  de  500  habitants  ; 
soit,  au  total,  un  groupe  d'environ  4.000  administrés  '. 

A  Paria,  le  nouveau  gouvernement  s'est  constitué  le 
8  brumaire  an  IV  (30  octobre  1795),  par  l'élection  des 
cinq  directeurs.  Un  décret  a  fixé  au  10  brumaire  la  for- 
mation des  municipalités  cantonales.  Or,  le  11,  Cossé 
n'a  encore  reçu,  du  département,  aucune  instruction  sur 
«  la  marche  à  suivre  ».  C'est  que,  malgré  la  pacification 
d'avril  1795,  les  chouans  continuent  de  tenir  la  cam- 
pagne ;  ils  vont  empêcher,  dans  les  trois  cinquièmes  du 
département,  toutes  opérations  électorales  ;  en  août  1796, 
mainte  municipalité  de  canton  sera  encore  à  organiser. 
Puis,  Cossé  n'a  pas  de  bureau  de  poste,  et,  malgré  les 
plaintes  de  sa  municipalité,  il  en  sera  ainsi  jusqu'à  la  fin 
du  Directoire.  Les  lettres  expédiées  de  Laval  à  Cossé 
passent  par  ce  bourg,  sans  s'y  arrêter,  et  vont  an  bureau 
de  Craon,  d'où  un  «  postillon  »  les  rapporte  à  Cossé.  11 
en  résulte  qu'une  lettre  met  quelquefois  dix  jours  à 
franchir  les  quatre  lieues  séparant  Laval  de  Cossé  '. 

Enfln,  le  17  brumaire  (8  novembre  1795),  se  réunit  au 
son  de  la  cloche,  dans  la  «  ci-devant  église  »  de  Cossé, 
«  l'assemblée  primaire  du  canton  ».  Elle  nomme  «  pré- 
sident de  l'administration  municipale  »  Louis-Julien 
Létard,  ex-curé  de  Cossé.  Le  15  novembre,  réunion  des 
o  assemblées  primaires  des  communes  »  de  Cossé  et  de 
Cosmes.  Elles  élisent,  pour  chacune  de  ces  communes, 
un  agent  municipal  et  un  adjoint.  Ainsi  constituée  avec 
cinq  membres  (y  compris  le  président),  «  l'administration 
municipale  du  canton  »  s'installe  le  29  novembre. 

C'est  l'ex-cnré  Létard,  élu  déjà  président  de  l'admi- 
nistration par  ses  concitoyens,   qui  est  aussi  nommé 

I.  Coué,  2*  reg.,  f-  7  et  8. 

8.  Arcb.  de  la  M.,  L,  W.  —  Cossé,  1"  reg.,  6, 7.  iS.  »,  SO  r',  51,  99.  — 
AbM  Anffot,  Mém.  ipùtot.,  15B. 


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commissaire  du  gouvernement  près  cette  administration  : 
d'abord  à  titre  provisoire,  par  le  département  (11  novem- 
bre), puisa  titre  définitif  par  le  Directoire  (30  novembre}'. 
11  cumulera  les  deux  fonctions  jusqu'au  22  mars  1797  -. 
Docteur  en  théologie,  et  noté,  par  ses  supérieurs  ecclé- 
siastiques, comme  un  sujet  «  excellent  à  tous  égards  », 
i)  a  obtenu,  en  1781,  la  cure  de  Cossé.  En  1790,  il  a 
prêté  serment  à  la  Constitution  civile.  Réfugié  à  Paris, 
puis  à  Troyes  pendant  la  Terreur,  il  est  revenu  après 
le  9  thermidor  dans  son  bourg,  où  il  a  conservé  «  de 
chauds  partisans  ».  On  pourrait  dire  de  lui  comme  de 
Chollière,  autre  «  ci-devant  prêtre  »,  et  commissaire  du 
canton  de  Ballée  ^  :  «  Depuis  la  Révolution,  il  s'était 
emparé  de  l'espnt  des  habitants  ;  il  les  dominait  à 
volonté,  leur  prêchait  l'exécution  des  lois  ».  En  1799,  il 
sera  qualifié,  par  l'administration  départementale,  de 
«  patriote  très  instruit  ».  S'il  a  un  frère  déporté,  il  n'en 
est  pas  moins  dévoué  au  nouvel  ordre  de  choses.  Il  a 
salué  «  avec  enthousiasme  »  la  Constitution  directoriale  ; 
il  se  flatte  qu'elle  va  mettre  lin  «  à  tous  les  désordres  ». 
En  outre,  il  est  soigneux  ;  il  tiendra  très  exactement,  et 
d'une  écriture  fort  nette,  les  registres  municipaux.  Né 
en  1758  à  Laval,  ii  se  trouve,  en  1795,  dans  sa  pleine 
maturité  ^.  Bref,  nul  ne  parait  mieux  qualifié  pour 
essayer  d'acclimater  à  Coseé  la  république  censitaire 
et  «  bourgeoise  »  de  l'an  III,  également  éloignée  de  la 
réaction  et  de  la  révolution  violente. 

Or,  c'est  surtout  la  réaction  que  les  républicains  de 
Cossé  ont  à  craindre.  Les  chouans  sont  toujours  en 
armes.  Ceux  qui  opèrent  autour  de  Cossé  ont  parmi  eux 

1.  Coué,  l"reg.,  1  fc  7  ?•. 

2.  A  cette  dale,  Tnttij,  incien  maire,  et  agent  municipal  de  Cosaé,fut 
é\a  président  de  l'adralalatratlon  municipale,  et  remplacé, commeagent 
de  Coasé,  par  Mathnrln  Guéret  (Cossé,  1"  reg.,  66  t*|. 

3.  Ballée,  aujourd'hui  commune  du  canton  de  Grez-en-Bouère,  arrond. 
de  Chitaau-Gontlef. 

i.  AbbéAngot,  Diet.  de  la  Mayenne,  art.  Létard.  —  Aroh.  de  la  U., 
Adm.  C«ntr.,  Police;  Lett.  aux  Hln.,  reg.  i,  107;  et  S,  40.  -  Cûsaé, 


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75  jeunes  gens  du  canton,  et  pour  chef  un  laboureur 
même  de  Cossé,  déserteur  des  armées  de  la  République  : 
Pierre  Salé,  dit  Sans-Rémission.  Ils  ont  coupé  les  ponts, 
et  intercepté  les  moindres  chemins  par  des  «  abattis  de 
bois  énormes  ».  Ils  brûlent  ou  brisent  tous  instruments 
aratoires.  Ils  font  main  basse  sur  les  cuirs,  les  chevaux, 
les  bestiaux,  surtout  les  grains,  k  Organisons  la  famine, 
disent-ils;  les  républicains  se  mangeront  entre  eux!  » 
Une  nuit,  ils  se  portent  en  force  au  moulin  de  Melleray, 
le  plus  proche  de  Gossé,  «  la  dernière  ressource  »  de  ce 
bourg.  Le  meunier,  blessé  d'un  coup  de  sabre,  s'enfuit 
éperdu  ;  a  les  monstres  »  se  vengent  sur  sa  femme  et  sa 
fille,  qu'ils  rejettent  «  trois  fois  »  dans  le  feu. 

Les  habitants  de  Cossé,  que  la  disette  a  h  presque 
réduits  au  désespoir  »,  ont  encore  a  redouter  une  prise 
d'assaut  ;  leur  boiu-g  n'étant  pas  fortifié,  ils  en  ont 
fermé  toutes  les  issues  par  des  barrières,  avec  corps  de 
garde  installés  au  rez-de-chaussée  des  maisons  les  plus 
proches. 

L'administration  cantonale  est  à  peine  installée,  qu'elle 
se  trouve  hors  d'état  de  fonctionner.  Point  de  matériel 
de  bureau.  «  On  ne  sait,  écrit  Létard,  quel  prix  nous 
vendre  le  papier,  ta  chandelle,  le  bois  et  le  reste.  [Nous 
ne  trouvons]  même  pas  à  acheter  »  (21  décembre  1795). 
—  D'aiUeurs,  impossible  de  sortir  du  bourg,  ou  d'y 
entrer,  sans  s'exposer  a  la  balle  d'un  chouan.  L'agent  de 
Cosmes  ne  peut  venir  que  de  loin  en  loin  aux  séances  de 
la  municipalité  ;  les  insurgés  lui  ont  dérobé  le  r6le  de 
l'emprunt  forcé,  avec  défense,  «  sous  peine  demort  »,de 
prendre  «  aucune  note  »  dès  habitants. 

A  Cossé,  Létard  et  ses  collègues  n'ont  même  pas 
avec  eux  tous  les  «  patriotes  »  ;  car  d'aucuns,  «  génies 
malfaisans  »,  les  dénoncent  au  département  comme  sus- 
pects, sous  prétexte  qu'ils  ont  pour  parents  des  chouans, 
des  déportés  ou  des  émigrés. 

Et  voici  que  leurs  pouvoirs  sont  déjà  suspendus  !  Pour 
en  finir  avec  n  la  résistance  opiniâtre  d  des  campagnes, 


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le  Directoire  a  mis  en  état  de  siège,  le  28  décembre  1795, 
toutes  les  grandes  communes  de  l'Ouest,  Sur  l'ordre  du 
général  La  Barollière,  lieutenant  de  Hoche  dans  !a 
Mayenne,  cette  mesure  est  appliquée  à  Cosaé  le  13  février 
1796,  au  grand  effroi  des  habitants,  qui  redoutent  la 
rigueur  du  régime  militaire.  Toute  l'autorité,  «  en  ce  qui 
concerne  l'ordre  et  la  sûreté  »,  passe  à  Billiq,  chef  du 
4'  bataillon  du  Haut-Rhin,  commandant  militaire  de 
Cessé.  Billiq  préside  un  conseil  de  guerre  de  huit  mem- 
bres, dont  un  seul  civil,  Trotry,  agent  municipal  du 
bourg.  Ce  Conseil  tient  séance  dans  la  salle  même  de  la 
municipalité  cantonale  '. 

Mais  Stofllet  et  Charette  sont  pris  et  exécutés  (février- 
mars  1796].  Bientôt  se  soumettent  leurs  lieutenants, 
dont  Scépeaux,  chefroyaliste  de  l'Anjou  et  de  la  Mayenne 
(22  avril)  -.  Cette  soumission  sera-t-elle  durable  ?  Nos 
gens  de  Cossé  n'osent  trop  y  compter.  Ils  supplient  le 
Directoire  de  ne  pas  s'endormir  dans  «  une  sécurité 
dangereuse  ».  Constatant  que  la  découverte  du  complot 
de  Babeuf  à  Paris  (11  mai)  a  été  presque  aussitôt  suivie 
de  «  la  rentrée  du  fameux  chouan  Scépeaux  »  (14  mai),  de 
suite  ils  établissent  une  corrélation  entre  ces  deux  faits. 
«  Le  rapprochement  [des  dates],  écrivent-ils  (30  mai), 
nous  a  fait  naître  le  soupçon  que  les  scélérats,  à  la  faveur 
d'une  rentrée  insidieuse,  pouvaient  porter  dans  chaque 
grande  commune  le  môme  coup  qu'ils  méditaient  sur 
Paris  ^  ».  Ainsi,  Babeuf,  la  chouannerie,  toutse  confond 
pour  les  républicains  de  Cossé.  Ils  ont  tant  souffert  de 
la  guerre  civile  qu'ils  voient  partout  la  main  des  chouans, 
et  c'est  à  peine  si  la  levée  de  l'état  de  siège  (11  aoilt  1796) 
parvient  à  les  rassurer  *. 

1.  Cos8«,  I"  reg.,  8,  10,  II,  13.  —  Arch.  de  la  M.,  L  49. 

2.  LaTiïse  et  Hamb.,  His(.  gén.,  t.  VKI,  p.  379.  —  Abbé  Angot,  Jlém. 
épiitol.,  pp.  177-179. 

3.  Coasé,  1"  reg.,  SO  v*.  —  De  m£me,  au  lendemaiD  du  9  thermidor,  à 
la  Société  populaire  de  LbtqI,  un  membre  déclare  que  ta  n  conspira- 
tion u  de  Robespierre  était  peut-être  ii  la  rasaource  des  cbouans  n  daua 
la  Ma;eDDe  (Arch.  de  la  M.,  Reg.  Soc.  Pop.  Laral,  68  v*|. 

LGoMé,  l"reg.,  Î9t*. 


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—  22  — 

Cette  obBessïon  du  périt  «  chouanniqae  »  explique 
qu'ils  aient  applaudi,  sans  réflexion  ni  réserve,  au  coup 
d'État  du  18  fructidor  (4  septembre  1797)  '.  Le  22 
(8  septembre),  leur  municipalité  s'assemble  «  extraordi- 
nairement  ».  Le  président  communique  deux  proclama- 
tions du  Directoire,  à  lui  transmises  par  le  département, 
et  menaçant  de  mort  quiconque  «  se  permettrait  de 
rappeler  »  la  royauté  ou  la  Constitution  de  1793.  Sur 
l'beure,  on  décide  que  les  deux  proclamations  seront 
publiées  «  au  son  de  la  caisse  »,  et  aflichées  à  Cosmes 
et  à  Cossé.  La  Mayenne  est  au  nombre  des  53  dépar- 
tements dont  la  loi  du  19  fructidor  annule  les  récentes 
opérations  électorales  ;  par  suite,  Tagent  de  Cossé 
«  déclare  cesser  à  l'instant  toutes  fonctions  ».  Alors 
Létard,  commissaire  du  Directoire,  rappellt  l'article  188 
de  la  Constitution,  d'après  lequel,  sans  désemparer, 
l'adjoint  de  Cossé  choisit  le  nouvel  agent  de  cette  com- 
mune. Puis  Létard  fait  décider  l'envoi,  au  Directoire, 
d'une  adresse  qu'il  rédige  :  «  Le  premier  acte,  dit-il,  de 
notre  administration  réorganisée,  doit  être  consacré  k 
l'expression  de  notre  reconnaissance....  Inspirés  parle 
génie  de  la  Constitution  en  détruisant  le  royalisme,  vous 
avez  enlevé  tout  espoir  à  l'anarchie,  et  vous  démontrez 
aux  incrédules  intéressés  que  cette  Constitution  tutélaire 
offre  en  elle-même  tous  tes  moyens  de  garantie  contre 
les  atteintes  qu'on  essaie  de  lui  porter  ^  •». 

Ainsi  Létard  (faut-il  lui  en  faire  un  crime  ?)  s'aveugle  sur 
les  défauts  de  la  Constitution.  Il  ne  voit  pas  que  la  dicta- 
ture est  en  germe  dans  le  coup  d'État  de  fructidor.  Avec 
ses  compatriotes  de  Cosaé,  il  n'est  sensible  qu'aux  avan- 
tages du  moment:  les  chouans  abattus,  la  paix  intérieure 
rétablie.  De  fait,  pendant  plusieurs  mois,  la  Mayenne 
n'aura  guère  à  souiïrir  que  d'attentats  isolés,  et  ses 
administrations  fonctionneront  à  peu  près  sans  entraves. 
Voyons  donft  à  l'œuvre  celle  de  Cossé. 

1.  Les  registres  deCoMânefonIsncune  mention  des  deux  coups  d'Etat 
qui  salTlKDt  ISS  floréal  et  30  prstrial). 

2.  CoMé,  i"  reg-,  79  T*  k  8). 


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—  23  — 

Le  premier  fonctionnaire  du  canton,  c'est  le  commis- 
saire exécutif.  Tandis  que  les  membres  de  l'administra- 
tion municipale  se  renouvellent  tous  les  ans  par  moitié', 
il  est  nommé  par  le  gouvernement  ;  il  assure  la  perma- 
nence de  l'action  administrative.  Il  est  en  correspondance 
régulière  avec  son  supérieur  immédiat,  le  commissaire 
du  département.  Quelquefois  ménie,  il  correspond 
directement  avec  les  ministres,  surtout  celui  de  l'inté- 
rieur. 

Sa  mission  officielle,  c'est  de  requérir  et  surveiller 
l'exécution  des  lois.  Par  suite,  il  donne  connaissance  à 
la  municipalité  de  toutes  les  lois  et  documents  connexes  : 
lettres  et  arrêtés  des  ministres  ou  du  département.  Il  va 
dans  les  carrefours  lire  à  haute  voix  et  commenter  les 
actes  législatifs  les  plus  importants.  C'est  lui  qui,  au 
nom  de  la  municipalité,  rédige  les  instructions  destinées 
à  expliquer  au  peuple  tel  ou  tel  article  de  la  Constitution. 
Il  a  l'œil  sur  tous  les  fonctionnaires,  et  leur  fait  prêter  le 
serment,  exigé  par  la  loi,  de  »  haine  à  la  royauté  ». 
Il  dit  à  la  municipalité  les  matièi-es  à  discuter;  il  lui 
donne  son  avis  sur  les  arrêtés  qu'elle  doit  prendre.  Il 
lui  rend  compte  de  la  manière  dont  rentrent  les  impdts  ; 
il  vérifie  avec  elle  les  registres,  la  caisse  et  les  «  borde- 
reaux décadaires  »  du  percepteur.  S'il  a  connaissance 
d'un  crime,  il  en  avertit  le  juge  de  paix  ;  il  l'accompagne 
dans  ses  perquisitions  ;  il  l'aide  à  interroger  les  prévenus 
et  les  témoins.  Veillant  au  maintien  de  l'ordre,  il  se  fait 
renseigner  sur  les  menées  des  contre-révolutionnaires  ; 
il  opère  des  visites  à  domicile  ;  il  prend  ou  fait  prendre 
toutes  mesures  de  police  ;  il  requiert  la  municipalité  de 
«  commander  des  patrouilles  »,  et,  au  besoin,  marche  à 
leur  tête. 

La  municipalité  tient  séance,  en  moyenne,  tous  les 

1.  Ce  renouTellomenl  se  (oit  pur  Urn^i;  au  sort.  Selon  le  mode  usité  au 
«  Corps  Législntif  u,  l'agent  et  l'adjoint  de  cliaque  commune  déposeul 
dans  un  vase  deuï  billets  portant,  l'un  le  mot  sortant,  l'antre  le  mot 
restant.  Puis  ils  procèdent  au  tirage  en  suivant  l'ordre  alphaMUque  de 
leun  DomB  (Cossé,  t"  reg,,  63). 


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cinq  jours,  et,  autant  que  possible,  les  jours  de  marché, 
à  dix  heures  du  matin.  Elle  prononce  en  matière  de 
petite  voirie  ou  d'alignement.  Elle  délivre  les  passe- 
ports et  certificats  de  résidence.  Elle  surveille  les  biens 
confisqués  ou  séquestrés  qui  se  trouvent  dans  son  ressort. 
Elle  dresse  la  liste  des  citoyens  du  canton  appelés  à 
siéger  au  o  jury  du  jugement  du  tribunal  criminel  » .  EUe 
arrête  les  rôles  des  contributions. 

Le  président  de  la  municipalité  la  convoque  aux 
séances,  qu'il  préside.  Il  correspond  avec  l'administration 
centrale  du  département,  dont  il  fait  publier  et  afficher  les 
arrêtés.  Sous  sa  direction,  les  agents  municipaux  des 
communes  rédigent  les  actes  de  l'état  civil. 

Des  fonctionnaires  du  canton,  les  uns  sont  nommés  ou 
proposés  par  la  municipalité,  les  autres  reçoivent,  comme 
elle,  leur  mandat  de  l'élection. 

Dressant  les  rôles  des  impôts,  c'est  aussi  la  municipa- 
lité qui  en  fait  recouvrer  le  montant  par  sou  percepteur  ; 
les  «  sols  additionnels  »  forment  une  caisse  spéciale  aux 
mains  de  son  président  ^ 

Fonctionnent  encore  sous  le  contrôle  municipal  les 
deux  écoles  primaires  du  canton  :  une  de  filles,  que 
dirige  «  la  citoyenne  »  Marie  Pauvert,  ex-religieuse 
ursuline  ;  une  de  garçons,  dirigée  d'abord  par  Ricoul, 
greffier  de  paix,  ensuite  par  Charles  Petit,  un  ancien 
curé  de  la  Sarthe.  Instituteur  et  institutrice  sont  agréés 
par  la  municipalité,  et  nommés  définitivement,  après 
avis  favorable  du  «  jury  d'instruction  »  de  Laval,  par 
l'administration  du  département.  La  municipalité  pour- 
voit à  leur  logement  ;  mais  c'est  seulement  à  la  fin  du 
Directoire,  en  janvier  1799,  qu'elle  leur  garantira  des 
traitements  annuels  de  200  et  de  150  a  livres  ».  Trois 
fois  par  an,  deux  de  ses  membres  visitent  les  écoles  ;  ils 
se  font  remettre  l'état  nominatif  des  élèves  ;  ils  s'assu- 
rent que  «  l'activité  et  la  décence  »  régnent  dans  les 

1.  Cotsé,  1"  et  S*  reg.,  paiiint- 


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_  25  — 

claBses,  et  que  «  tes  institutions  républicaines  »  y  sont 
«  observées  »  '. 

C'est  aussi  d'après  les  propositions  de  la  municipalité 
que  le  département  nomme  les  deux  gardes  champêtres 
(l'un  pour  Cessé,  l'autre  pour  Cosmes). 

Sont  élus  par  n  les  citoyens  inscrits  au  HVle  de  la  garde 
nationale  »,  les  commandant,  officiers  et  sous-officiers  de 
cette  garde  pour  le  canton  de  Cossé. 

De  même,  le  juge  de  paix  (un  des  notaires  de  l'en- 
droit), est  élu  par  l'assemblée  primaire  du  canton,  ainsi 
que  aea  huit  assesseurs  (quatre  pour  Cossé,  quatre  pour 
Cosmes)  ^. 

Entre  tous  les  fonctionnaires,  le  gouvernement  main- 
tient avec  rigueur  la  séparation  des  pouvoirs.  «  Les 
membres  de  la  justice  de  paix  »  ont  signé,  a  par  adhé- 
sion »,  une  lettre  de  la  municipalité,  du  30  mai  1796, 
exposant  les  «  alarmes  »  des  habitants  ;  le  22  juin,  le 
Directoire  rappelle  à  l'administration  de  Cossé  l'article 
367  de  la  Constitution,  «  portant  que  plusieurs  autorités 
constituées  ne  peuvent  jamais  se  réunir  pour  délibérer 
ensemble  »  ''. 

En  marge  de  l'organisation  municipale,  et  à  titre 
purement  officieux,  fonctionne  le  service  du  culte.  Sous 
réserve  que  l'Etat  n'entend  ni  salarier  les  religions,  ni 
leur  fournir  aucun  local,  la  Constitution  de  l'an  III  a 
déclaré  que  nul  ne  peut  être  empêché  de  professer,  en  se 
conformant  aux  lois,  le  culte  qu'il  a  choisi.  Aussi,  le 
13  juillet  1796,  trente-quatre  citoyens  de  Cossé  font 
savoir  à  la  municipalité  «  qu'étant  dans  l'intention  de 
reprendre  l'exercice  du  culte  catholique  suspendu  depuis 
trop  longtemps  dans  cette  commune  »,  ils  ont  invité 
ti  les  citoyens  »  Létard,  Raimbault-Savarrière  etCollibet, 
anciens  prêtres  constitutionnels,  «  à  recommencer  le 

l.Cossé,  l"reg:.,»,  29t*,  36t*,  ilT-,  t8,  — etîTep.,  14, 19,  »,  S8 
à  36,  48  f,  49. 
S.  CoMé,  1"  ng.,  4,  «t  S-  reg.,  16. 
3.  GoHé,  I"  reg.,  SS. 


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—  26  — 

plus  tôt  possible  l'exercice  de  leur  ministère  ».  Or, 
Létard  a  dû  accepter  le  poste  de  commissaire  du  Direc- 
toire, Raimbault,  celui  de  percepteur,  et  Collibet,  celui 
de  secrétaire  de  l'administration  municipale.  Après 
s'être  assurés  qu'il  n'y  a  pas  incompatibilité,  tous  trois 
acceptent  de  cumuler,  avec  leurs  fonctions  profanes, 
celles  du  ministère  ecclésiastique,  dans  l'espoir  que 
l'assiduité  «  paisible  et  légale  »  des  citoyens  aux  offices 
«  cimentera  l'union  et  ia  fraternité  républicaines  »  '. 

Rendre  indissoluble  cette  «  fraternité  »,  tout  en  ins- 
truisant le  peuple  de  ses  droits  et  de  ses  devoirs,  tel  est 
aussi  le  but  des  fêtes  légales  que  la  municipalité  fait 
célébrer. 

Elles  ont  quelques  traits  communs.  Presque  toujours, 
elles  se  célèbrent  le  décadi.  Dès  le  matin,  elles  sont 
annoncées  par  le  canon,  le  tambour  et  les  cloches.  Vers 
dix  ou  onze  beures,  la  municipalité,  les  fonctionnaires, 
la  force  armée,  les  enfants  des  écoles,  se  rendent  soit  au 
Cbamp  de  Mars,  soit  sur  la  place  de  la  Liberté,  autour 
de  «  l'arbre  chéri,...  dont  la  vigueur  et  la  beauté  expri- 
ment si  bien  [leurs]  sentiments  patriotiques  »  -.  Le 
Commissaire  du  Directoire  prononce  un  discours  «  ana- 
logue à  la  fête  »  ;  l'assemblée  chante  des  hymnes  de 
circonstance,  et  les  enfants  récitent  des  maximes 
morales,  des  poésies  ou  dialogues  républicains,  des 
articles  de  la  Constitution,  ou  encore,  la  h  nomenclature 
explicative  des  nouveaux  poids  et  mesures  ».  La  nuit 
venue,  les  illuminations  éclairent  des  danses  «  où  brillent 
l'union  et  l'égalité  ». 

Mais  toutes  les  fêtes  n'ont  pas  le  même  caractère,  et  on 
peut  les  classer  ainsi  : 

1'  Fêtes  relatives  à  la  nature.  —  La  seule  dont  les 

1.  A  Cosmcs,  l'ancien  cun;  S^guio,  prélre  réfractaire,  reprll  aussi  ses 
tonctians,  mais  après  avuir  Juré  ndt^lili^  à  la  République  et  liaine  h  la 
royauté  (Cosaé,  I"  reg-,  80,  SO,  7),  82,  et  2*  rep.,  1,  I  V.  —  F,  Le  Coq, 
Boc.  pour  l'hûl.  de  la  C.  Civile  du  clergé  danf  ta  Mayenne  ;  dintrict 
<teCraon,çp.  4I-U>). 

S.  Cossé,  i"Teg.,5i9. 


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—  27  — 

registres  de  Cossé  fassent  mention  est  celle  de  l'Agri- 
culture. Elle  a  lieu  le  10  messidor  (28  juin).  Au  Champ 
de  Mars,  devant  l'autel  de  la  patrie,  avec  une  charrue 
ornée  de  fleurs  et  de  feuillage,  l'agent  municipal  de  Cossé 
trace  un  sillon. 

2*  Fêles  relatives  aux  principales  époques  de  la  vie 
humaine.  —  Le  10  germinal  (30  mars),  au  printemps 
de  l'année,  a  lieu  la  fête  de  la  Jeunesse,  ce  printemps  de 
la  vie.  —  Le  10  floréal  (29  avril),  fête  des  Époux  ;  on  y 
couronne,  par  exemple,  ceux  qui,  déjà  chargés  de 
famille,  ont  adopté  des  orphelins.  —  Le  10  fructidor 
(26  août),  fête  des  Vieillards.  La  veille,  l'administration 
municipale  a  désigné,  au  scrutin,  deux  pères  et  deux 
mères  de  famille  de  l'âge  le  plus  avancé,  non  infirmes, 
et  «  de  la  meilleure  réputation  ».  Le  jour  venu,  dès 
l'aube,  plusieurs  jeunes  gens,  désignés  aussi  à  l'avance, 
vont  orner  les  portes  des  quatre  vieillards.  Puis  le  cor- 
tège officiel  vient  chercher  ces  vieillards.  Ils  s'avancent, 
la  tête  couverte,  s'appuyant  chacun  sur  l'épaule  d'un 
enfant,  découvert  et  silencieux.  Place  de  la  Liberté,  ils 
s'asseyent  au  pied  de  l'arbre  ;  des  enfants  les  couronnent 
de  fleurs,  de  jeunes  épouses  leur  ofl'rent  des  fruits. 

3"  Cérémonies  patriotiques.  —  Pour  la  fête  des 
Victoires^  ou  de  la  Reconnaissance  [10  prairial,  29  mai), 
au  cortège  habituel  se  joignent  les  militaires  blessés, 
«  dont  les  béquilles  supportent  le  poids  de  la  gloire  »  '. 

Mais  la  plupart  de  ces  cérémonies  patriotiques  ont, 
naturellement,  un  caractère  exceptionnel  ;  telles,  les 
réjouissances  à  l'occasion  du  traité  de  Campo-Formio  ; 
telles,  les  «  pompes  funèbres  »  en  l'honneur  de  Hoche, 
de  Joubert,  ou  des  plénipotentiaires  assassinés  à 
Rastadt. 

4'*  Fêtes  politiques .  —  Elles  rappellent  les  principaux 
anniversaires  de  la  Révolution  :  la  fondation  de  la  Répu- 
blique (22  septembre)  ;  la  «  juste  punition  du  dernier  roi 

1.  CoMé,  1"  reg.,  19  »■. 


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des  Français  »  (21  janvier)  ;  la  prise  de  la  Bastille 
(14  juillet)  ;  la  «  destruction  du  throne  e  (10  août).  — 
Aux  9  et  10  thermidor  {27  et  28  juillet),  fête  de  la  Liberté. 
On  porte  en  procession  deux  «  cahiers  »  où  se  lisent  : 
Constitution  de  il9l  et  Constitution  de  1193.  Le  cahier 
«  tyrannique  »  de  1791  est  mis  en  pièces  ;  le  cahier 
«  anarchique  »  de  1793  est  livré  aux  flammes  ;  puis,  au 
milieu  d'un  h  religieux  silence  »,  est  lu  le  dernier  article 
de  la  Constitution  de  l'an  III. 

Une  loi  du  1"  février  1798  a  fixé  au  20  mars,  veille  de 
la  réunion  des  assemblées  primaires,  la  célébration  d'une 
nouvelle  fête,  celle  de  la  Souveraineté  du  peuple. 
L'administration  du  canton  désigne,  pour  y  représenter 
le  peuple,  trente-six  vieillards.  Ces  vieillards,  portant 
chacun  une  baguette  blanche,  sont  conduits  par  le  cor- 
tège habituel  devant  l'autel  de  la  patrie.  Ils  réunissent 
leurs  baguettes  en  un  faisceau  qu'ils  lient  de  rubans 
tricolores.  Puis  l'un  d'eux  gravit  les  degrés  de  l'autel, 
et,  s'adressant  aux  magistrats  :  «  La  souveraineté  du 
peuple,  dit-il,  est  inaliénable.  Comme  il  ne  peut  l'exercer 
par  lui-même,  il  la  délègue  à  des  représentants  et  à  des 
magistrats  choisis  par  lui-même  ou  par  des  électeurs 
qu'il  a  nommés  »,  —  «  Le  peuple,  répond  leprésidentde 
l'administration,  a  su  reconquérir  ses  droits  ;  il  saura 
les  conserver  ;  il  se  souviendra  que  c'est  de  la  sagesse 
des  choix  dans  les  assemblées  primaires  et  électorales 
que  dépendent  principalement  la  durée  et  la  prospérité 
de  la  République  *  ». 

Mais,  plus  le  temps  s'écoule,  moins  les  habitants  de 
Cossé  se  montrent  enthousiastes  pour  les  réjouissances. 
En  1796,  les  procès-verbaux  des  fêtes  tenaient  une  page 
et  plus  ;  en  1799,  ils  se  réduisent  à  six  lignes,  et  quel- 
quefois moins. 

Parallèlement,  se  constate  un  dégoût  de  plus  en  plus 
marqué  pour  le  devoir  électoral,  et  même  —  le  croirait- 

1.  CoMé,  STeg.,liT-,  15. 


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—  29  — 

on  ?  —  pour  les  fonctions  publiques.  D'après  la  Consti- 
tution, un  registre  a  été  ouvert  pour  recevoir  les  noms 
des  candidats  aux  emplois  de  l'Etat  ;  mais,  le  24  janvier 
1797,  le  secrétaire  de  la  municipalité  déclare  «  que  per- 
sonne ne  s'est  présenté  pour  s'inscrire,  ou  faire  inscrire 
d'autres  citoyens  n.  La  Constitution  a  décidé  que, 
pour  faire  partie  des  assemblées  primaires,  il  faudrait 
payer  une  contribution  directe,  foncière  ou  personnelle. 
Aussi,  chaque  année,  la  municipalité  dresse  la  liste  des 
citoyens  pouvant  voter,  et  la  fait  afficher  au  lieu  de  ses 
séances.  Or,  en  mars  1798,  on  comptait  encore  100 
votants  sur  510  inscrits  ;  en  mars  1799,  on  n'en  compte 
plus  que  35  sur  536  ^ 

Il  est  clair  que  les  gens  de  Cossé  se  détachent  chaque 
jour  davantage  du  régime.  On  peut  en  donner  plusieurs 
raisons  :  la  multiplicité  des  réunions  électorales,  l'impo- 
pularité de  certaines  lois,  l'anarchie  administrative. 

D'abord,  la  Constitution  prescrit  des  élections  trop 
fréquentes  et  des  renouvellements  à  trop  brève  échéance. 
Tous  les  ans,  au  l""  germinal  (21  mars),  doit  se  réunir 
rassemblée  primaire  du  canton,  pour  nommer  les  élec- 
teurs du  second  degré  et  les  autorités  locales.  La  séance 
s'ouvre  à  dix  heures  du  matin.  On  forme  le  bureau 
d'après  des  règles  assez  compliquées,  et  cela  mène 
jusqu'à  midi.  Il  faut  aller  dîner.  A  une  heure  et  demie, 
reprise  de  la  séance  ;  on  procède  à  l'appel  nominal  des 
électeurs,  et  c'est  seulement  après  cet  appel  qu'ont  lieu 
les  élections  proprement  dites  ^. 

Des  lois  de  la  Convention  maintenues  ou  complétées 
par  le  Directoire,  il  en  est  auxquelles  les  gens  de  Cossé 
ont  grand  peine  à  s'habituer,  parce  qu'elles  rompent 
avec  de  très  vieux  usages.  Rien  de  plus  rationnel  que  le 
nouveau  système  des  poids,  mesures  et  monnaies  ; 
n'empêche  qu'à  plusieurs  reprises  la  municipalité,  au 


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—  30  — 

cours  d'un  même  document,  s'exprimera  tout  à  la  fois 
en  livres  et  francs,  en  centimes,  sols  et  deniers. 

A  Cossê  et  À  Cosmes,  c'est  avec  joie  qu'on  a  vu  se 
rouvrir  les  églises  ;  mais  on  admet  difficilement  que, 
toutes  cérémonies  et  signes  extérieurs  étant  interdits, 
on  ne  puisse  ni  sortir  en  procession,  ni  même  sonner  les 
cloches  pour  les  ofRces.  Vienne  le  Consulat  et,  «  à  la 
presque  unanimité  »,  on  demandera  que  la  Fête-Dieu  ait 
lieu  désormais  «  en  dehors  et  avec  la  même  pompe 
qu'autrefois  »  (18  juin  1801)  *. 

C'est  une  très  précieuse  conquête  que  celle  du  mariage 
civil.  Mais  nombre  de  paysans  persistent  à  s'en  tenir  au 
mariage  religieux,  qu'ils  vont  contracter  hors  du  can- 
ton, devant  des  prêtres  réfractaires.  «  J'ai  si  souvent  fait 
sentir  publiquement  cet  abus,  écrit  Létard,  que  j'ai 
obtenu  de  plusieurs  qu'ils  viennent  réparer  ce  deffaut  en 
se  conformant  aux  lois  civiles  ».  Gr,  voilà  que,  non 
content  de  substituer  le  décadi  au  dimanche,  le  Direc- 
toire, par  la  loi  du  13  fructidor  an  VI  {30  août  1798), 
prétend  forcer  les  futurs  époux  à  ne  se  marier  civilement 
qu'au  chef-lieu  de  canton,  et  aux  «  assemblées  déca- 
daires »  tenues  dans  l'église  par  les  citoyens  pour 
s'instruire  des  lois  -.  A  bien  des  catholiques  pratiquants, 
le  mariage  civil  ainsi  entendu  semblera  une  profanation. 

Que  dire  du  nouveau  calendrier  ?  En  mai  1798,  le 
département  invite  la  municipalité  de  Cossé  à  faire  con- 
corder les  quatre  foires  du  canton  avec  «  l'ère  républi- 
caine ».  Mais  ces  quatre  foires  «  dépendent  des  fêtes 
religieuses  de  l'ancien  calendrier  ».  Comment  résoudre 
le  problème  ?  On  y  réussit  à  l'aide  d'une  transaction  ;  ce 
qui  n'empêche  pas  des  troubles.  Or,  quelques  mois  après 
(21  novembre),  le  département  veut  remanier  encore  les 
jours  de  foires  et  de  marchés.  C'en  est  trop  ;  un  membre 
de  la  municipalité  rappelle  «  l'agitation  »  déjà  survenue. 

i.  Bsff.  des  actes  de  la  mairie  de  Cowé,  au  89  pralrUl  an  IX  (18  juin 

leoi). 

s.  Aïoh.  de  la  H.,  L,  49.  -  CoMé,  »  reg.,  S9  à  I». 


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—  31  — 

«  Toutes  ces  variations,  dit-il,  ne  tendent  qu'à  aliéner 
les  esprits  d'un  gouvernement  où  ils  prétendent  que  rien 
ne  peut  être  stable  <  ». 

Et  «  rien  ne  peut  être  stable  »,  parce  que  l'anarchie 
règne  dans  l'administration.  Cette  anarchie  date  de  la 
Constituante.  Les  législateurs  de  l'an  111  ont  cm  y 
remédier  en  installant  des  commissaires  du  Directoire 
près  les  administrations  de  département  et  de  canton. 
Mais,  si  ces  commissaires  «  requièrent  et  surveillent  » 
l'exécution  des  lois,  ils  n'ont  aucun  moyen  de  contrain- 
dre à  les  exécuter.  L'agent  municipal  de  Cosmes,  requis 
par  le  commissaire  Létard  de  remettre  au  brigadier  de 
gendarmerie  le  signalement  de  deux  déserteurs,  «  refuse 
de  suivre  cette  mesure  exigée  par  la  loi  »,  et  Létard  ne 
peut  que  charger  le  brigadier  de  se  procurer  lui-même 
le  signalement.  Presque  toujours,  la  municipalité,  sans 
refuser  d'obéir,  recourt  à  la  force  d'inertie.  Elle  admire 
le  «  zèle  infatigable  a  du  commissaire,  mais  elle  lui  ren- 
voie le  plus  lourd  du  fardeau.  Rappelie-t-il  qu'une  fête 
doit  être  célébrée  ?  de  suite,  on  le  charge  d'en  tracer  le 
programme,  de  faire  les  préparatifs,  de  prononcer  le 
discours  0  analogue  ».  A  lui  de  tenir  le  registre  des 
délibérations  municipales,  de  dresser  tous  tableaux  et 
statistiques,  de  rédiger  toutes  proclamations  et  adresses. 
C'est  à  lui  que  recourent  les  contribuables  trop  imposés 
qui  ne  savent  comment  tourner  leur  pétition.  Il  n'est 
même  pas  maître  chez  lui  ;  on  a  transformé  son  grenier 
en  magasin  public  -. 

Mais  il  ne  peut  être  partout  à  la  fois,  et  bien  des 
intérêts  demeurent  en  souffrance.  Où  le  désordre  admi- 
nistratif se  fait  particulièrement  sentir,  c'est  en  matière 
iinancière. 

Les  impôts  indirects  ayant  été  supprimés  par  la  Cons- 
tituante, ce  sont  lesimp6ts  directs  qui  fournissent  le  plus 

1.  Co«é,  »  reg.,  18,  ». 

2.  Pour  les  matelu  et  autres  eBeti  fourals  4  la  troups  (CoMé,  1"  ng., 
7  V,  40  et  7Ï  T*). 


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—  32  — 

gros  des  recettes  de  l'Etat.  Au  droit  de  patente,  aux 
contributions  foncière,  personnelle,  «  mobiliaire  (sic)  et 
somptuaire  »,  le  Directoire  vient  d'ajouter,  en  1798, 
l'impôt  des  portes  et  fenêtres. 

Malheureusement,  trop  éprise  de  décentralisation,  la 
Constituante  a  laissé  aux  municipalités  )e  soin  de 
s'imposer  elles-mêmes,  d'évaluer  les  propriétés  et  les 
revenus,  d'établir  les  rdtes,  d'organiser  la  perception. 
Qu'arrîve-t-il  ?  C'est  que,  par  suite  de  leur  incurie, 
presque  partout  les  rôles  sont  en  retard. 

A  Cossé,  ce  que  l'on  constate,  outre  les  lenteurs  de  la 
municipalité,  c'est  la  mauvaise  volonté  de  certains 
répartiteurs.  L'un  d'eux,  désigné  en  1797  pour  la  contri- 
bution foncière,  déclare  ne  pouvoir  accepter.  Ce  que 
voyant,  un  autre  refuse  aussi,  malgré  les  instances 
qu'on  lui  adresse  «  au  nom  du  bien  public  ».  Pour  les 
portes  et  fenêtres,  on  a  nommé,  le  21  décembre  1798, 
des  commissaires  chargés  de  visiter  les  habitations  et 
d'en  compter  les  ouvertures.  Ces  commissaires,  prétex- 
tant «  la  rigueur  de  la  saison  »,  ne  remettent  leur  travail 
qu'un  mois  après  (17  janvier  1799)  '. 

Même  tiédeur  en  ce  qui  concerne  la  perception  des 
impôts.  Elle  se  donne  chaque  année  à  l'adjudication. 
Pour  l'an  V,  malgré  trois  publications,  dont  la  troisième 
faite  à  l'heure  du  marché,  aucun  enchérisseur  ne  se  pré- 
sente. Alors  on  insiste  auprès  de  Raimbault-Savarrière, 
qui,  déjà  percepteur  depuis  deux  ans,  consent  à  garder 
ses  fonctions.  Pour  l'an  VI,  Raimbault  ne  rencontre  que 
deux  compétiteurs,  et  c'est  lui  qui  reste  encore  chargé 
de  la  perception,  à  raison  de  a  quatre  deniers  par 
franc  »  '. 

Apparemment,  les  fonctions  du  percepteur  ne  sont 
guère  enviables.  Pourquoi? 

Notons  d'abord  que  sa  comptabilité  est  fort  compli- 
quée. Vers  la  fin  de  1795,  les  assignats  sont  totalement 


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—  33  — 

dépréciés  ;  les  ouvriers  de  Cossé  les  refusent  ;  l'admi- 
nistration  du  canton  débourse  150  livres  de  cette  mon- 
naie pour  «  une  misérable  bouteille  d'encre  ».  Les  man- 
dats territoriaux,  substitués  en  1796  aux  assignats, 
partagent  bientôt  leur  discrédit.  Trois  fois  par  décade, 
l'administration  de  Cossé  reçoit  du  département  et 
enregistre  «  la  proclamation  de  leur  cours  »,  qui,  de 
5  1/2  0/0  en  septembre  1796,  est  tombé  à  1  0/0  dès 
février  1797  '■  Or,  comme  ies  contribuables  paient  avec 
ce  papier  une  partie  de  leurs  contributions,  il  faut  bien 
que  le  percepteur  en  calcule  chaque  fois  la  valeur,  pour 
savoir  quelle  somme  lui  est  réellement  versée. 

Le  reste  des  contributions  s'acquitte  en  «  numéraire 
effectif  B  et  en  nature,  par  exemple,  à  l'aide  de  grains 
fournis  au  gouvernement.  Nouveaux  calculs  pour  le 
percepteur. 

Encore  si  tout  se  recouvrait  normalement  !  Mais  la 
rentrée  «  languit  ».  Pressés  par  le  département  de 
surveiller,  de  stimuler  leur  percepteur,  les  administra- 
teurs de  Cossé  se  portent  garants  pour  ce  fonctionnaire, 
qui  n'en  peut  mais.  Ils  rappellent  aux  citoyens  que  le 
paiement  des  contributions  est  «  une  obligation  sacrée  »  ; 
ils  prodiguent  les  «  avis  »  et  «<  proclamations  »  aux  jours 
de  marchés  et  de  foires  ;  ils  répètent  les  «-  avertisse- 
ments »  de  décade  en  décade  ;  ils  décernent  enfin  des 
contraintes,  envoient  des  huissiers  et  des  garnisaires. 
Résultat  :  en  l'an  VIII  (1799),  Cossé  n'a  pas  encore 
acquitté  sa  contribution  mobilière  «  des  années  précé- 
dentes »  ^. 

Aussi  bien,  la  contribution  mobilière  a  une  forme 
vexatoire.  Pour  l'établir,  en  effet,  les  citoyens  doivent 
déclareraux  agents  municipaux  «  leurs  biens  et  facultés»; 
après  quoi,  un  «  jury  d'équité  »  procède  à  la  répartition. 
Or,  en  janvier  1798,  les  agents  font  savoir  «  que  plu- 


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—  34  — 

sieurs  citoyeDS  ne  se  sont  pas  présentés  pour  faire  la 
déclaration  prescrite  ». 

Puis,  ii  y  a  des  charges  accessoires  ;  tels,  les  «  sots 
additionnels  »,  à  raison  de  trois  par  franc  sur  la  contri- 
bution foncière,  et  de  cinq  par  franc  sur  la  mobilière. 
Ainsi,  en  1797,  le  canton  de  Cossé  paie  : 
Pour  Cossé  :  Cont.  fonc.  :  24.309  fr.  Sols  add.  3.646fr. 
PourCosmes  :         id.  6.725  »       id.        1.008  » 

Pour  Cossé:     Cont.  mob.  :  6.117  »       id.        1.529  » 
PourCosmes:         id.  1.380  »       id.  345  » 


Totaux  :      38.531  »  6.528  » 

Soit,  en  chiffres  ronds,  6.528  francs  de  sols  addition- 
nels pour  38.531  francs  de  contributions  ^ 

Sols  ou  centimes  additionnels  servent  à  payer  les 
charges  locales,  au  premier  rang  desquelles  figurent  les 
dépenses  de  «  l'administration  municipale  du  canton  », 
et  les  «  dépenses  communales  »  de  Cossé  et  de  Cosmes. 
Réduire  avec  «  la  plus  rigoureuse  économie  »  ces 
dépenses,  c'est  à  quoi  s'applique  ia  municipalité. 

En  août  1796,  elle  les  évaluait,  au  total,  à  4.225  francs, 
dont  :       800  pour  le  traitement  du  secrétaire, 

800  pour  ses  deux  employés  de  bureau, 

1.200  pour  le  «  receveur  des  impositions  », 

500  pour  le  garde  champêtre  de  Cossé, 

200  pour  celui  de  Cosmes,  etc. 

En  décembre  1796,  on  supprime  les  deux  employés. 

En  août  1797,  on  réduit  à  800  francs  le  traitement  du 

receveur,  à  600  celui  du  secrétaire,  à  300  celui  du  garde 

champêtre  de  Cossé. 

Mais  on  a  beau  faire  des  économies  ;  émargent  en  plus 
au  budget  municipal  : 
en  juin  1798  :       ie  juge  de  paix,  pour  600  francs, 

son  greffier,    pour  200    — 
enjanvier  1799  :  l'instituteur,    pour   200     — 
l'institutrice ,    pour  200    — 
i.  CoBsé,  i"  reg-,  7i,  75,  -  2-  re».  7,  8, 13. 


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—  35  — 

En  septembre  1796,  le  secrétaire  et  le  percepteur 
n'ont  reçu,  pour  la  moitié  de  ieur  traitement,  que  des 
mandats  «  à  raison  de  huit  capitaux  pour  un  »  '.  Avec  le 
désintéressement  le  plus  méritoire,  ils  déclarent  accepter 
0  de  bon  cœur  »  ce  «  sacrifice  »,  qui  peut  «  soulager  » 
leurs  concitoyens  ^. 

Soulagement  non  superflu  !  Car,  aux  contributions 
foncière  et  mobilière  avec  leurs  sols  additionnels, 
s'ajoute,  pour  quiconque  exerce  un  commerce  ou  une 
industrie,  le  droit  de  patente.  Sur  4.000  habitants  du 
canton,  108,  en  1797,  sont  assujettis  à  ce  droit,  pour 
983  francs.  Or,  le  10  janvier  1798,  28  seulement  «  ont 
satisfait  ».  Le  commissaire  menace  les  autres  du  juge  de 
paix.  Le  20  janvier,  59  «  ont  satisfait  ».  Le  9  février,  il 
ne  reste  que  12  retardataires.  Mais,  vérification  faite,  ce 
sont  de  pauvres  artisans,  «  travaillant  à  la  journée  »,  et 
dont  quelques-uns  «  n'attendent  leur  nourriture  que  du 
produit  d'une  livre  de  fil  »  ^.  Comment  les  presser  en 
toute  rigueur  ? 

C'est  d'autant  moins  facile,  que  les  plus  riches  ont 
peine  à  s'acquitter.  Sur  eux  pèsent,  en  effet,  outre  les 
impdts  ordinaires,  ces  emprunts  forcés  que  le  Directoire 
prélève  eu  1795-1796  et  1798-1799  pour  les  besoins  de 
la  guerre.  Que  leurs  noms  soient  proclamés  publique- 
ment aux  jours  de  fête  lorsqu'ils  «  manifestent  leur 
soumission  »  à  l'emprunt,  c'est  un  honneur  qui  les  tou- 
che peu.  Encore  s'ils  n'avaient  pas  à  payer  pour  les 
récalcitrants  !  En  1796,  les  paysans  de  Cosmes  ayant 
«  négligé  »  de  faire  leur  «  devoir  »,  on  présente  aux 
bourgeois  de  Cossé  un  «  r6le  supplétif».  Ils  se  plaignent 
au  commissaire  Létard,  qui  transmet  au  département 
leurs  justes  doléances,  e  Les  patriotes,  écrit-il,  sont 
désespérés.  11  semble  que  ce  soit  un  malheur  de  se  mon- 
trer soumis,  [puisque]  les  révoltés  semblent  épargnés  ». 

I.  Soit  9.600 Iranca  en  rnsodati,  pour  ud  traitement  de  l.iOO  francs. 
S.  Cowé,  1"  reg.,  27  v,  35  V,  îS3,  61,  76  ¥"  stS'  reg.,  80,  36. 
3.  CoMé,  1"  Kg.,  %,  et  2*  Kg.,  Il  à  13  t*.  et  46. 


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—  36  — 

Et  nous  ne  sommes  pas  au  bout.  Il  faut  encore  nourrir 
et  entretenir  le  détachement  d'infanterie  qui  a  été  main- 
tenu en  garnison  à  Cossé.  D'abord  approvisionnée  par 
le  «  magasin  militaire  »  de  Laval,  cette  troupe,  depuis 
mars  1795,  est  à  la  charge  des  habitants  du  canton,  qui 
doivent  verser  chacun,  au  magasin  militaire  du  bourg, 
leur  a  portion  contributive  »  en  grains,  paille,  etc., sous 
peine  d'avoir  à  fournir  des  otages  ', 

Par  suite,  nombreuses  sont  les  demandes  en  décharge 
ou  réduction  d'impôts,  présentées  à  la  municipalité  par 
des  contribuables,  même  bons  a  patriotes  »,  qui  ne  peu- 
vent se  faire  payer  de  leurs  fermiers,  plus  ou  moins 
inféodés  à  la  chouannerie,  ou  qui  ont  eu  leurs  propriétés 
dévastées  par  la  guerre  civile. 

Et  la  conséquence  de  cette  détresse  linancière,  c'est 
que  le  Directoire,  dès  1796,  fait  faillite  à  ses  engage- 
ments. Le  canton  de  Cossé  renferme  treize  «  orphelins 
de  la  patrie  »,  ou  nés  de  pères  inconnus  ;  à  la  fin  de  juin, 
il  y  a  six  mois  que  les  «  nourrices  »  de  ces  orphelins 
n'ont  été  payées.  En  aoât,  les  fournisseurs  de  «  vivres- 
viande  »  pour  la  22*  division  militaire  rompent  tout 
marché,  parce  que  le  gouvernement  ne  tient  pas  ses  pro- 
messes. «  Ils  ne  sont  pas  payés,  et  sont  certains  de  ne 
pas  l'être  »  ^. 

C'est  bien  pis  dans  la  seconde  moitié  de  l'année  1798, 
lorsque  les  fautes  diplomatiques  du  Directoire  provo- 
quent la  deuxième  coalition,  à  laquelle  vont  répondre, 
dans  tout  l'Ouest,  de  nouveaux  soulèvements  roya- 
listes. 

A  dire  vrai,  le  feu  de  ta  guerre  civile,  imparfaitement 
éteint,  a  toujours  couvé  sous  la  cendre,  non  sans  jeter, 
par  intervalles,  quelques  étincelles  :  voitures  publiques 
dévalisées,  crimes  nocturnes  des  «  chauiTeurs  »,  signes 
mystérieux  apposés  à  certaines  maisons  ;  menaces  de 

1.  Arcb.  dalaM.,  L,id.  —  Coué.  1"  reg.,  T,  33;  8*  reg.,  U,  ESS. 
S.  CoMé,  i"  ng.,  24  T%  S»,  30  »•,  73. 


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—  37  — 

mort,  souvent  suivies  d'effet,  contre  les  acquéreurs  et 
ies  fermiers  de  biens  nationaux,  contre  quiconque  a 
servi  dans  les  «  compagnies  territoriales  »  ',  etc.  Dès 
juin  1798,  des  attaques  à  main  armée  ont  lieu  en  plein 
jour,  au  «  Haut^Chéne  »,  sur  la  grande  route  de  Laval 
à  Cossé;  les  agresseurs  portent  «  ia  carmagnole  bleue, 
avec  des  chapeaux  ronds  à  haute  cuve  d'où  pendent  des 
rubans  blancs  »  ^. 

Le  département  fait  désarmer  les  suspects,  et  va 
jusqu'à  interdire  le  droit  de  chasse,  même  aux  citoyens 
chassant  sur  leurs  terres.  Quant  au  Directoire,  lorsque 
paraît  la  loi  de  conscription  (août  1798),  il  décide 
d'en  exempter  les  départements  de  l'Ouest.  «  Je  n'ai 
rien  négligé,  écrit  Létard  (14  octobre),  pour  faire  sentir 
[au  canton]  le  prix  de  ce  bienfait  ^  ». 

Néanmoins,  de  toutes  parts  s'accusent  «  des  mouve- 
ments sourds,  précurseurs  d'une  explosion  future  ». 
En  1799,  le  18  février,  Létard  écrit  que  «  la  terreur 
royale  »  redouble  dans  les  campagnes.  On  jette  à  bas 
les  arbres  de  la  liberté,  en  criant  :  «  Voilà  comme  va 
danser  votre  République  !»  Le  8  avril,  au  moment  même 
oâ  s'ouvre,  à  l'extérieur,  la  période  des  défaites,  le 
département  écrit  aux  ministres  :  «  II  ne  faut  plus  en 
douter  :  le  plan  de  la  coalition  est  de  rallumer  dans 
l'Ouest  la  guerre  civile,  afin  que  les  troupes  divisées  ne 
puissent  porter  sur  les  frontières  des  coups  aussi  redou- 
tables ».  En  août,  la  rentrée  des  récoltes  a  grossi  les 
rangs  de  l'insurrection  ;  bientôt  il  se  confirme  que  quatre 
a  divisions  »  de  chouans,  fortes  chacune  de  5  à  7.000 
hommes,  vont  faire  campagne  :  dans  le  Maine,  sous  le 
comte  de  Bourmont  et  le  chevalier  d'Andigné  ;  en  Anjou, 


1.  En  17%,  Il  y  avait  dans  la  Moyenne  plusieurs  compagnies  terrilo- 
riate»,  composées  d'hommes  du  pays  et  destinées  î  combattre  les 
chouans.  Celle  de  Cossé,  licenciée  le  16  septembre  17%,  puis  réorganisée, 
fut  déflniUTement  dissoute  eu  mars  1799  (Cossé,  i"  reg,,  3b.  —  Arefa. 
de  la  M.,  L,  49). 

S.  Cosaé,  1"  re«.,  89  ;  et  î*  reg.,  7  à  10,  Ï2-S4. 

3.  CosBé,  2-  r^.,  3  »•,  32.  —  Arch.  de  ta  M.,  L,  ». 


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sous  le  comte  de  ChAtillon  ;  en  Bretagne,  sous  Saint- 
Robert;  en  Normandie,  sous  Frotté  '. 

Dans  presque  tous  lea  villages,  «  les  placards  au  nom 
du  Roy  »  ont  remplacé  les  affiches  du  gouvernement.  Du 
milieu  des  campagnes  soulevées,  émergent,  rares  ilôts, 
les  villes  et  bourgs  restés  fidèles  à  la  République. 

Dès  les  premières  alarmes,  Létard  a  remis  Cossé  en 
état  de  défense  ;  il  a  fait  relever  les  barrières  aux  trois 
entrées  du  bourg,  et  installer  un  «  factionnaire  »  ou 
veilleur  dans  le  clocher  de  l'église.  Mais  quelles  forces 
peut-il  opposer  aux  chouans  ? 

Cossé  a  toujours  une  garnison  d'infanterie  de  ligne. 
Etranges  défenseurs,  à  dire  vrai,  que  ceux-là  !  Isolés 
dans  leur  «  cantonnement  »,  ils  perdent  bientôt  la  disci- 
pline, et  commettent  tous  les  excès,  dont  les  moindres 
sont  de  saccager  les  matelas,  couvertures  et  autres  effets 
à  eux  fournis,  et  de  se  livrer  presque  chaque  jour  aux 
«  écarts  de  bouteille  ».  Le  9  septembre  1798,  quelques- 
uns,  égarés  par  l'ivresse,  se  sont  rués,  sabre  au  poing, 
sur  des  citoyens  paisibles,  des  femmes,  des  enfants  à  la 
mamelle.  Ils  avaient  à  leur  tête  le  lieutenant  et  le  capi- 
taine, également  ivres  !  On  comprend  que  la  compagnie 
de  cantonnement  soit  relevée,  en  moyenne,  touslestrois 
mois.  Encore,  vers  la  fin  de  septembre  1799,  se  trouve- 
t-elle  réduite  à  26  hommes. 

La  brigade  de  gendarmerie  est  mieux  disciplinée,  mais 
ne  compte  que  5  hommes. 

Quant  à  la  garde  nationale,  comme  les  paysans  s'y 
dérobent  à  qui  mieux  mieux,  elle  n'est  que  d'une  faible 
compagnie,  recrutée  «  au  centre  »  du  bourg. 

En  avril  1799,  on  a  décidé  de  lever,  contre  les  «  bri- 
gands »,  des  a  colonnes  mobiles  »,  formées  des  citoyens 
«  les  plus  jeunes  et  les  plus  aguerris  »,  C'est  encore  le 
bourg  même  de  Cossé  qui  a  fourni  tout  le  contingent  du 
canton  :  soit36  hommes,  sur  900(efrectif  de laMayenne). 


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Bref,  par  une  fatalité  singulière,  alors  que  l'eanemi 
est  proche,  Cossé  dispose,  pour  tout,  de  120  combat- 
tants, aux  ordres  d'un  simple  sous-lieutenant*.  Soixante 
sont  répartis  aux  trois  portes  du  bourg  ;  les  autres  for- 
ment la  réserve.  A  peine  ont-ils  des  cartouches  '. 

Telle  est  la  situation,  lorsque,  l'après-midi  du 
27  septembre,  un  peu  avant  trois  heures,  le  veilleur  du 
clocher  signale  un  rassemblement  considérable  sur  la 
route  de  Craon.  Presque  aussitôt,  «  deux  jeunes  labou- 
reurs »  apportent  cette  sommation  de  d'Andigné  :  «  De 
par  le  Roi  !  nous  marchons  1.200  hommes  contre  vous  ; 
que  vos  troupes  se  retirent;  sinon,  l'assaut  sera  donné 
au  bourg  ».  —  «  Vaincre  ou  mourir  !  »,  répond  Cossé. 
L'attaque  commence,  «  très  vivement  et  sur  tous  les 
points  ».  Pendant  trois  heures,  on  se  fusille,  quelquefois 
à  quinze  pas.  Enfin  d'Andigné  fait  sonner  la  retraite  ;  il 
a  44  hommes  hors  de  combat,  dont  9  morts  ;  Cossé  n'a 
eu  que  5  blessés  ^. 

Tout  n'est  pas  terminé.  Les  chouans,  furieux  de  leur 
échec,  menacent  de  revenir  en  force,  avec  du  canon,  et 
de  réduire  le  bourg  en  cendres.  Les  communications 
postales  étant  interrompues,  Létard  paie  à  prix  d'or  des 
«  commissionnaires  »  qui  vont  porter  à  Laval  des 
demandes  pressantes  de  renforts.  Des  renforts  !  Mais 
Laval,  depuis  plusieurs  mois,  ne  peut  en  obtenir  de 
Paris  !  Dans  tout  le  département,  à  peine  trouverait-on 
1.700  hommes,  presque  tous  occupés  aux  escortes  sur  les 
routes.  Et  c'est  partout  que  les  u  brigands  »  sont  signa- 
lés. Le  l"  octobre,  à  Louvemé,  près  Laval,  ils  taillent 

4.  Magn;,  de  la  24'  deml-bri grade  d'Infanterie  légère. 
!.  Cossé,  1"  reg.,  Zi.  37  V,  72  ;  et  2*  reg,,  12  V,  23  à  27,  «,  46  ft  55, 
60.  -  Arch.  de  la  M.,  L,  49,  et  Adm.  C,  Pol.,  L.  «ui  M-,  5'  reg.,  Sel 

3.  En  juillet  1814,  d'Andignë  revint  diDS  la  Mayenne,  mais  en  qualité 
de  commissaire  de  L.ouls  \V1I].  Les  gens  de  Cossé,  désireux  de  faire 
oublier  leur  attitude  antérieure,  lui  dépécli&rent  quatre  notables  ;  ils  le 
suppliaient  de  les  honorer  de  sa  visite.  D'Andignë  répondit  qu'il  ; 
aurait  grand  plaisir,  <i  pourvu,  ajouta-t-ll  en  riant,  que  tous  ne  me  rece- 
vlei  pas  comme  il  y  a  quinze  ans  ».  (Cossé,  reg.  de  la  mairie,  k  la  date 
prédUe). 


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_  40  — 

en  pièces  une  colonne  républicaine.  Encore  quelques 
jours,  et  Le  Mans  tombera  en  leur  pouvoir.  Aussi 
laisse-t>on  sans  réponse  les  lettres  du  commissaire 
Létard. 

Alors  Cossé  se  démoralise.  Les  alertes  y  sont  conti- 
nuelles ;  on  crie  :  aux  Chouans.'  pour  des  troupeaux  de 
moutons  aperçus  à  l'horizon.  Des  hommes  sont  «  mala- 
des d'efTroi  B  ;  des  femmes  «  accouchent  de  frayeur  ». 
Après  l'attaque  du  27  septembre,  Létard  a  voulu  faire 
réparer  les  portes  ;  tes  ouvriers  chargés  du  travail  mur- 
murent ;  il  y  a  cinq  mois  que  l'administration  ne  les  a 
payés.  Des  désertions  se  produisent  dans  la  garde  natio- 
nale et  la  colonne  mobile.  Les  plus  zélés  républicains  en 
ont  assez  ;  qui  nourrira  leurs  familles,  pendant  qu'ils 
sont  aux  patrouilles  ou  aux  barrières  ?  «  Le  gouverne- 
ment, disent-ils,  nous  abandonne  à  notre  malheureux 
sort.  Nous  sommes  à  plaindre  d'avoir  été  patriotes  !  '  n 

L'administration  municipale  s'est  déclarée  en  perma- 
nence. Le  2  octobre,  elle  s'adjoint  les  notables  et  les 
chefs  militaires.  Quel  parti  prendre  ?  —  Résister  quand 
même  !  disent  les  militaires,  non  sans  ajouter  qu'ils 
seraient  «  punis  »,  s'ils  ne  faisaient  pas  leur  devoir.  — 
Mais  la  résistance  est-elle  possible  ?  —  Non  !  opine  la 
majorité.  Alors  on  rappelle  qu'à  deux  reprises  la  muni- 
cipalité de  Cossé  a  été  autorisée  par  le  département  à 
évacuer  cette  place,  lorsqu'elle  estimerait  ne  plus  pou- 
voir y  tenir.  En  conséquence,  on  décide  l'évacuation 
vers  Laval,  seule  route  présumée  libre.  A  la  hâte,  on 
cache  dans  des  tonneaux  les  documents  administratifs 
et  les  registres  d'état  civil  ;  puis,  le  soir  même,  à  dix 
heures,  Létard  et  tous  les  fonctionnaires,  avec  les 
citoyens  de  Cossé  les  plus  connus  pour  leur  «  civisme  », 
se  mettent  en  route  sous  la  protection  de  la  garnison. 

A  deux  heures  du  matin  (3  octobre),  tout  ce  monde 
parvient  sans  encombre  à  Laval.  De  suite,  on  se  rend 


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—  41  — 

chez  le  général  Darnault,  qui  commande  le  département. 
On  le  réveille.  Il  approuve  la  décision  prise,  et  dit  qu'il 
va  donner  l'ordre  d'évacuer  les  autres  cantonnements. 

Tandis  que  les  Chouans,  entrés  à  Cossé  dans  l'après- 
midi  du  3,  jettent  à  bas  les  retranchements,  dévastent, 
le  temple  décndaire,  et  rétablissent  les  marchés  aux 
jours  de  l'ancien  régime,  Létard  et  ses  collègues  déci- 
dent qu'en  attendant  de  pouvoir  retourner  à  leur  poste, 
ils  tiendront  séance  à  Laval,  aux  Capucins  ', 

C'est  là  qu'ils  apprennent,  cinq  semaines  plus  tard, 
les  événements  du  18  brumaire  (9  novembre  1799].  Lors 
des  préliminaires  de  Léoben,  en  1797,  on  avait  crié,  à 
Cossé  :  «  Vive  la  liberté!  Vive  Buonaparte !  »  Or,  le 
12  novembre  1797,  arrive  à  Laval  un  a  courrier  extraor- 
dinaire »,  porteur  du  décret  des  Anciens  qui,  sous  les 
auspices  de  Bonaparte,  a  transféré  à  Saint-CIoud  le 
«  Corps  Législatif  ».  Le  14  novembre,  autre  courrier 
extraordinaire,  apportant  la  «  loi  »  qui  supprime  le 
Directoire  et  le  remplace  par  trois  consuls.  «  Cette  nou- 
velle, écrit  Létard,  a  ranimé  le  courage  de  tous  les 
citoyens  *  ». 

Mais  l'épée  de  Bonaparte  n'est  pas  une  baguette 
magique,  et  l'ordre  ne  peut  se  rétablir  du  jour  au  lende- 
main. A  Cossé,  les  Chouans  régnent  toujours  en  maîtres. 
Ils  y  ont  établi  un  cantonnement  de  500  hommes.  Le 
18  novembre,  ils  somment  les  habitants  de  leur  payer, 
sous  hnit  jours,  6.000  livres,  et  en  écus  ;  dès  le  lende- 
main 19,  ils  saisissent  comme  otages  deux  «  citoyennes  » . 
a  Pénétrés  d'indignation  et  de  douleur  »,  Létard  et  ses 
collègues  vont  se  plaindre  au  département,  qui  les  écon- 
duit  avec  de  belles  paroles.  Alors  ils  s'adressent  au 
général  ;  ils  lai  signalent,  le  2  décembre,  d'autres 
méfaits  des  insurgés,  qui  volent  les  grains  et  le  bétail 
des  patriotes,  saisissent  les  fermages  des  biens  natio- 
naux, dévalisent  les  diligences,  «  horreurs  aussi  avilis- 


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_  42  — 

santés  pour  le  gouvemement  que  funestes  au  canton  b. 
—  «  Ce  mal  est  nécessaire,  répond  philosophiquement 
le  général,  et  je  ne  puis  m'y  opposer  ■»  '. 

La  vérité,  c'est  que  d'HédouvilIe,  un  autre  général, 
reprenant,  sur  l'ordre  du  Directoire,  la  tradition  de 
Hoche,  son  ancien  chef,  a  entamé  avec  les  Chouans  des 
négociations  dout  Bonaparte  va  recueillir  le  fruit.  En 
janvier  1800,  Bourmont  et  d'Autiehamp  signent  la  paci- 
lîcation  de  Montfaucon.  «  La  sûreté  des  personnes  et 
des  propriétés  »  étant  garantie,  l'administration  canto- 
nale se  réinstalle  à  Gossé  le  9  février  ^. 

Elle  n'y  rentre,  hélas  !  que  pour  agoniser  et  mourir. 
Nommé  professeur  et  bibliothécaire  ii  l'école  centrale  de 
Laval,  Létard  a  été  remplacé,  !e  '3  décembre  1799,  dans 
ses  fonctions  de  commissaire  à  Cossé,  par  Enjubault, 
son  collègue  du  canton  de  Vaigcs  ^.  Enjubault,  en  atten- 
dant la  réorganisation  administrative,  est  «  commissaire 
des  consuls  »  près  le  canton  de  Cossé.  Mais  voici,  ou 
peu  s'en  faut,  quel  va  être,  jusqu'à  la  fin,  tout  le  travail 
de  la  municipalité  :  voter  les  dépenses  cantonales,  prê- 
ter serment  «  à  la  République  une  et  indivisible,  fon- 
dée sur  l'égalité, /a  liberté  et  le  système  représentatifs  » 
et  «  promettre  lidélité  »  à  la  nouvelle  Constitution  *,  où 
Bonaparte  prétend  réaliser  ce  bel  idéal  ^. 

Le  1"  avril  1800,  est  installé  le  premier  préfet  de  la 
Mayenne  ''.  Par  arrOté  du  31  mai,  il  nomme  maire  de 
Cossé  l'cx-commissaire  Létard  ">.  Et  qui  cbarge-t-il 
d'exécuter  cet  arrêté  '!  Le  sous-préfet  de  ChAteau-Gon- 


1.  Co«sé,  2*  reg-,  62  bi»,  63.  —  Arch.  May.,  L.  49. 

5.  CosBé,  2-  re(t,,  20  pluvWse.  an  Vin,  ou  9  février  1800. 

3.  VBÎges,  aujourd'hui  commune  du  canton  de  Sainte  Suianne,«rron- 
dlMi«ment  de  Laval. 

4.  Promulguée  le  2S  frimaire  an  Vill,  ou  13  décembre  1799. 
ii.  CoBSi^,  î"  reg-,  61  M,  et  au  2:1  pluviôse  nn  VIII. 

6.  llarmand,  ancien  constituant  ;  nommé  préfet  le  S  mars. 

7.  Jusqu'en  1803,  Létard  cumula  ses  fonctions  de  maire  avec  celles  de 
curé,  qu'il  avall  conservées  en  vertu  du  Concordat.  Il  mourut  en  1814, 
«  assez  tard  pour  saluer  avec  enthousiasme  la  Restauration.  i>  (Cossé, 
8'  Kg.,  au  22  vendémiaire,  an  XII.  —  Abbé  Angot,  Dict.,  art-  Lélûrd). 


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—  43  — 

tier,  ou  du  «  troisième  arrondissement  communal  ■»  '. 
Les  d  administrations  municipales  de  canton  »,à  Cossé 
comme  ailleurs,  ont  vécu. 

Sans  doute,  celle  de  Cossé  fonctionna  dans  des  condi- 
tions peu  normales,  au  cœur  même  de  la  Chouannerie. 
Néanmoins,  de  son  histoire  semble  se  dégager  cette 
impression,  que  le  législateur  de  l'an  111  n'eut  pas  tort 
de  vouloir  «  remédier  à  Téparpillement  stérilisant  de  la 
vie  communale  »  -.  Les  municipalités  de  canton  don- 
naient plus  de  cohésion  aux  petites  communes,  réduites 
pour  la  plupart,  dès  cette  époque,  à  l'état  de  poussière 
administrative.  Moins  étendu  que  le  district,  le  canton 
se  prétait  mieux  à  encadrer  un  organisme  municipal  col- 
lectif qui,  vivant  de  sa  vie  propre,  élisant  ses  magistrats 
et  presque  tous  ses  fonctionnaires,  aurait  lini,  avec  le 
temps,  par  prendre  conscience  de  sa  personnalité.  Près 
l'administration  cantonale,  le  gouvernement  avait  son 
représentant  :  le  commissaire  exécutif.  Mais  ce  commis- 
saire, à  Cossé  —  et  ailleurs  — ,  n'était  autre  que  le  curé 
constitutionnel  du  chef-lieu  cantonal.  Depuis  plus  de 
dix  ans  au  pays,  Létard  en  connaît  jusqu'aux  moindres 
habitants.  La  magistrature  qu'il  exerce  est  vraiment 
populaire,  et  toute  de  paix.  A  plusieurs  reprises,  il  s'in- 
terpose entre  le  gouvernement,  qu'il  représente,  et  ses 
administrés,  dont  il  plaide  la  cause,  et  non  sans  chaleur. 
II  est  bien  moins  préoccupé  d'exécuter  les  lois  à  la  lettre 
que  d'en  «  adoucir  la  sévérité  »  ^.  Toutes  proportions 
gardées,  il  fait  songer  aux  évéques  du  iv*  siècle;  il  est 
comme  le  «  défenseur  »  de  sa  petite  «  cité  »,  qu'il 
n'abandonne  qu'au  dernier  moment,  et  malgré  lui.  C'est 
que  la  Constitution  de  l'an  III  ne  lui  a  pas  donné  les 
moyens  de  se  faire  obéir;  il  exhorte,  il  requiert,  sans 
pouvoir  commander,  même  lorsque  sont  en  jeu  des  ser- 
vices d'intérêt  général,  comme  celui  des  llnances.  Mal 

I,  Cossé,  2'  Kg.,  au  10  messidor  an  VIII. 

t.  |M.  Aulard). 

3.  CoBsé,  2*  reg.,  36  v. 


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—  44  — 

aidé  de  ses  collaborateurs,  ne  recevant  d'instructions  ni 
du  département,  ni  du  gouvernement,  obligé  de  tout 
résoudre  et  de  tout  faire,  chargé  de  besogne  au  delà  des 
forces  humaines,  isolé  et  comme  perdu  au  sein  d'une 
population  où  les  républicains,  découragés,  se  font  de 
plus  en  plus  rares,  on  conçoit  qu'il  ait  lîni  par  quitter  ta 
place.  Avec  son  bon  vouloir  et  son  impuissance,  c'est 
l'image  même  du  Directoire  qu'il  nous  présente  en 
raccourci. 

A.  Galland. 

Dodeur  èa  lattrea, 
AndeD  prohewuT  lu  Lycée  de  LivaL 


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FERS  A  HOSTIES 


M.  le  chanoine  Sauvé,  de  Laval,  nous  soumet  deux 
moulages  et  deux  épreuves  photographiques  de  fers  à 
hosties  qui  méritent  une  étude  un  peu  détaillée. 

L'un  de  ces  moulages  mesure  0'°,20  en  longueur  et 
O",!!  dans  sa  plus  grande  hauteur  ;  le  fer  accuse  en 
effet  un  léger  renflement  dans  sa  partie  médiane.  Les 
sujets  adoptés  pour  les  grandes  hosties  sont  la  Cruci- 
fixion et  le  Portement  de  croix.  Elles  mesurent  0",07 
de  diamètre.  Le  champ  est  circonscrit  par  un  double 
cercle.  Le  premier  cercle,  simple  ligne,  donne  le  contour 
que  devra  découper  le  compas  '.  Le  second  cercle  est 
une  torsade.  Peut-être  est-ce  un  simple  ornement  ? 
Peut-être  aussi  la  torsade  a-t-elle  une  intention  symbo- 
lique ?  Elle  peut  rappeler  les  cordes  qui  ont  servi  à  lier 
le  Sauveur  au  cours  de  sa  Passion.  Entre  les  deux 
cercles  on  lit  l'inscription  suivante  en  lettres  gothiques  : 

i^iUtm  %U9i»  «eu  ti  piti  tnt«»,  ilinitffittiivttiiitt 
«atntB  «ux  «»'. 

Au  centre  de  l'hostie  s'élève  une  arcature  en  accolade, 
garnie  de  feuilles  de  choux,  terminée  par  un  fleuron. 


1.  Pour  découper  les  hosties,  11  faut  d'abord  une  plancbe  but  Itiquelle 
■e  poM  la  feuille  ;  une  tonne  on  rondelle,  en  boU  ou  en  cuivre,  de  la 
grandeur  de  l'hostie  ;  enfin  un  oompaa,  dont  unedespoinless'appulean 
centre  de  la  forme  et  dont  l'antre,  disposée  en  couteau,  tourne  autour 
du  [llwiue  pour  détacher  l'hostie  de  la  feuille  ;  aujourd'hui  ce  tnToll  m 
fait  à  lA  maoUne. 

S.  Ps.  XXI,  17. 


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—  46  — 

Elle  s'appuie  de  chaque  cAté  sur  deux  pyramides  à  mou- 
lures prismatiques,  ornées  de  pinacles  en  application  et 
couronnées  d'un  clocheton  à  crochets.  Les  pyramides 
sont  reliées  entre  elles  par  un  arc-boutant  ajouré  com- 
posé d'un  douhie  étage  d'arcatures.  Tous  ces  détails 
accusent  le  xvi*  siècle. 

A  la  hauteur  du  fleuron  qui  amortit  l'arcature  se 
développe  un  phylactère  sur  lequel  on  lit  en  gothique  : 

inii. 

Le  Christ  est  attaché  à  une  croix  de  forme  latine.  Sa 
tête  est  nimbée,  ses  reins  ceints  d'un  linge,  ses  pieds 
croisés  l'un  sur  l'autre  ;  ce  qui  suppose  seulement  trois 
clous  ;  avant  le  xiii'  siècle  les  pieds  étaient  cloués  sépa- 
rément. Trois  anges,  tenant  un  calice,  recueillent  le  sang 
qui  coule  des  plaies  divines.  L'un  reçoit  le  sang  de  la 
main  gauche,  un  autre,  au  bas  de  la  croix,  le  sang  des 
pieds  ;  enfm  un  troisième,  qui  se  tient  k  la  droite  du 
Christ,  porte  deux  calices  ;  l'un  destiné  à  la  plaie  de  la 
main  droite,  l'autre  reçoit  les  dernières  gouttes  qui 
s'échappèrent  de  son  côté  transpercé  par  la  lance  de 
Longin.  C'est  là  un  pieux  motif  fort  en  vogue  durant  le 
moyen  âge.  A  la  droite  du  Christ,  au  pied  de  la  croix, 
est  le  monogramme  connu  î  I|  $,  en  gothique.  Enfin 
quelques  brins  d'herbe  indiquent  le  sol. 

La  seconde  grande  hostie  est,  comme  la  première, 
entourée  d'un  double  cercle,  dans  l'intérieur  duquel  on 
lit,  en  lettres  gothiques  les  paroles  suivantes  : 

^ni  mit  9tttm  pst  m,  ttllst  ixatm  sum  tt  irqnatitt  nt'* 

Cette  devise  convient  bien  au  sujet,  qui  représente  le 
Portement  de  croix.  Le  sujet  est  encadré  dans  une 
arcature  triple.  L'ogive  centrale  est  elle-même  trilobée. 
Une  croix  surmonte  chaque  arcature  ;  un  petit  clocheton 
les  sépare.  L'édicule  est  épaulé  par  un  contrefort  com- 
posé de  deux  colonnes  et  d'un  demi-fronton  sommé  d'une 
croix. 

1.  UaOï.,  XVI,  U. 


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„Goot^k 


nan,rtb,G00t^k 


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—  47  — 

Le  Christ  est  au  centre  de  la  composition.  Il  est  à 
demi  courbé  ;  il  porte  snr  l'épaule  gauche  la  croix,  avec 
la  petite  tablette  au  sommet  pour  l'inscription.  Le  Christ 
est  entouré  des  instruments  de  la  Passion.  Derrière  lui, 
la  colonne  de  la  flagellation  avec  les  verges,  les  fouets 
et  les  cordes.  Elle  est  surmontée  du  coq.  Devant  lui,  le 
marteau,  les  clous,  au  nombre  de  trois,  les  tenailles,  la 
lanterne,  le  roseau  avec  l'éponge. 

Deux  petites  hosties  sont  placées  entre  les  grandes. 
Elles  sont  cernées  par  un  cercle  en  cordelière.  L'une, 
celle  du  haut,  représente  la  Crucifixion.  Le  soleil  et  la 
lune,  sous  forme  de  croissant,  sont  placés  sur  la  traverse 
de  la  croix  *.  Deux  personnages  sont  assis  aux  pieds  du 
Christ.  Ce  sont  les  évangélistes  qui  ont  raconté  la  mort 
du  Sauveur.  L'un  tient  un  livre  sur  ses  genoux  ;  il  a  la 
main  droite  levée  vers  le  Sauveur. 

La  seconte  petite  hostie  représente  V Agneau  de  Dieu 
et  une  croix.  De  chaque  côté,  deux  anges  désignent  à  la 
fois  l'Agneau  divin  et  la  croix.  Au-dessus  de  l'agneau 
on  lit  :  ,  . 

Sjttllï  dtl. 
Sur  l'hostie  le  jambage  du  i  sert  à  former  l'tt  L'agneau 
est  nimbé  et  tourne  la  tête  du  côté  de  la  croix.  A  noter 
les  extrémités  de  la  croix  découpées  en  trèfle  ^  ;  le  pied 
est  planté  dans  un  sol  verdoyant.  Les  petites  hosties 
ont  0",0042. 

Le  second  fer  à  hosties  comprend  aussi  deux  grandes 
et  deux  petites  hosties.  11  est  beaucoup  plus  simple  ;  les 
plis  des  vêtements  des  personnages  sont  plus  raides. 
Nous  le  croyons  plus  ancien  que  celui  précédemment 
décrit.  Les  hosties  sont  plus  petites  ;  les  grandes  mesu- 
rent 0  "  06  1/2  de  diamètre  ;  les  petites  0'",0035.  Il  n'y 
a  point  de  légende  entre  les  deux  cercles. 

i.  Ils  rappellent  li;s  ténèbres  qui  accompoirnërent  la  mort  dn  Christ. 
El  lenebra  factee  «wn(  in  unicergam  terram...  et  obeevrattu  tst  »ol. 
{Luc,  XXIII,  U,  US). 

i.  L'&gaeau  porte  ordinairement  une  crotz  de  résurrecUoD.  Les  fleu- 
rons expriment  la  Joie,  gaudia  patcatia. 


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—  48  — 

La  première  grande  hostie  représente  le  Christ  en 
croix,  selon  la  donnée  traditionnelle.  II  est  nimbé,  les 
reins  ceints  d'un  linge,  les  deux  pieds  croisés.  La  Sainte 
Vierge  et  saint  Jean  l'Evangéliste,  également  nimbés, 
se  tiennent  debout  au  pied  de  la  croix.  Derrière  eux  est 
un  petit  arbrisseau  terminé  par  une  fleur,  sans  doute 
une  rose,  emblème  de  la  Passion,  à  cause  de  sa  couleur*. 
La  seconde  grande  hostie  représente  la  Descente  de 
Croix.  La  Vierge,  assise  au  pied  de  la  croix,  tient  sur  ses 
genoux  le  corps  inanimé  de  son  Fils.  Un  homme  assis 
soutient  la  tête  du  Christ.  C'est  sans  doute  saint  Jean. 
Une  sainte  femme  à  genoux  lui  fait  pendant  ;  elle  con- 
temple l'auguste  victime.  Tous  les  personnages  sont 
nimbés.  Derrière  Marie  se  dresse  une  immense  croix, 
sur  laquelle  est  appuyée  une  échelle.  Trois  clous  gisent 
sur  !e  sol. 

Le  fer  contient  en  outre  deux  petites  hosties.  L'un 
représente  d'une  manière  très  sommaire  la  Crucifixion. 
Le  Christ,  la  tâte  nimbée,  est  attaché  à  la  croix.  Deux 
petits  arbrisseaux  accompagnent  l'instrument  du  sup- 
plice. La  seconde  petite  hostie  représente  le  monogramme 
iJrj  en  gothique,  abrité  par  une  arcature  en  accolade, 
terminée  par  une  croix. 

Malgré  sa  simplicité  ce  fer  est  intéressant  et  pourrait 
fournir  à  nos  industriels  modernes  un  excellent  modèle. 
Le  premier  fer  décrit,  par  sa  beauté,  son  symbolisme, 
s'impose  de  lui-même  et  nous  n'avons  pas  besoin  de  le 
recommander. 

L.    M&RSA.UX. 


1.  Saint  Bernard  a  écrit  aur  ce  sujet  une  pa^  d'une  délicatesse 
exquise.  L'Eglise  Ta  insérée  dans  l'ulDce  des  Cinq  Plaie»,  II  Nocl. 


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I ornière  giiind--  h 
■l'Iuii  l;i  ilouii  ■.  ". 
iiïld  (i'iin  lii»::  .  ■ 

[,■1,1  J.-l).<iii 


-II'  représente  le  Christ  en 
.l'ioiinelle.  Il  est  nimbé,  ics 
'.  'iix  [lii'ils  ci".ii«L's.  LiiSaiiitç 
it;îi-listo,  éf^aleini'iit  nimbés. 
'!.'  la  croix.  Demi.Ti-  eux  est 

[liir  une  fleur,  sans  donle 
r^.îion.  à  cause  de  su  couleur '. 

reprétieiUe  la  Descente  de 
|iÎR(l  (le  la  croix,  lient  sur  ses 
■  .-ion  l'ilrt.  l'u  liuninie  assis 
rV.st  t!Hn- (foute  .suintJ.-an. 
\  lui  fait  [lendaiii  ;  elle  cou- 
Tons  les  ptTsnnnages  sont 
'  ilrc-S'-e  une  immense  croix, 
(■  l'clielle.   Trois  clous  gisent 


.'utré  deux  |iPlil-t'fl  hosties.   L'un 
■■  re  très  so.iiniaire  la  Crucifixion. 

.;'iln'iî,  esl  -l'fiiclié  (lia  croix.  Denx 
..'Comjia;:u<  lit  i'i'istniiiii'til  du  sup- 
'■N-  liu-;i,-H]'!i-scnlrlcnioiiOi;ronn!Le 
■\\<v\\'-  ■<  .r' '.n-'   iircut'ire  en  accoiad';. 


cssant  et  pourrait 
CAceilciit  modôle. 
son  symbolisme, 
i  jKis  bi'soin  de  le 


L.   Marsai'x. 


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HYGIENISTES  D'AUTREFOIS 


Un  de  ces  petits  volumes,  de  texte  compact  et  de  fins 
caractères,  que  publiait  jadis  à  Laval  l'éditeur  Feillé- 
Grandpré,  et  que  recherchent  maintenant  les  curieux  de 
l'histoire  mayennaise.  Le  titre  porte  :  Aperçu  sur  la 
statistique  et  sur  la  topographie  médicales  du  déparle- 
ment de  la  Mayenne,  par  M.  Lemercier,  docteur  en 
médecine  à  Mayenne.  Laval,  s.  d.  85  pp.  in-S". 

Ce  docteur  Lemercier  était  un  savant  homme,  que 
l'Académie  de  médecine  avait  appelé,  le  5  avril  1825, 
parmi  ses  membres  correspondants  '.  Un  beau  jour,  il 

I.  Franeols-ReDé  Le  Mercier  ou  Lemercier- Motterle,  né  à  La  Pent;, 
arroDdUièmeDt  de  Mortaln  (Manche),  te  16  Janvier  1T8£  de  René  Lemer- 
cier et  de  JaetiniDe  Batel,  fit  ses  études  médicales  K  Paris,  eu  particalier 
k  l'hdpital  Saint-LonU,  et  soutint  le  19  août  1806,  sous  la  présidence  de 
Sabatier,  sa  tbèse  doclorale  Intitulée  :  Dissertation  «ur  te  cancer  des 
lèvre»,  Paris,  1806,  SI  pp.  In-S*.  Etabli  à  Mayenne,  il  tut  médecin  des 
hdpitAUi  et  des  prisons,  médecin  des  épidémies  de  l'arrondissement  ;  en 
1816,  il  fut  nommé  membre  du  Jury  médical  du  département  en  rem- 
placement de  Plalchard-CholtiËre,  et  le  !)  avril  1B£5  membre  correspon- 
dent de  l'Académie  de  médecine.  11  BTelt  épousé  &  Mayenne,  )e  14  sep- 
tembre 181B,  Eulalie  Lottin,  née  à  Mayenne,  le  8  Juin  1T9S,  de 
Etienne- François- Victor  Lottin,  négociant,  et  de  Renée -Françoise 
Guyard,  De  ce  marlagfe  sont  Issus  :  1'  Hlppolyte-Francols  L«  Hercler,  né 
i  Mayenne  le  9  novembre  1S20  ;  2*  Théophile  L.,  né  fc  Mayenne  le 
21  Juin  ISS,  mort  à  Mayenne  le  3  Juillet  1822.  —  Le  docteur  Lemercier 
mourut  k  Mayenne  te  Î5  septembre  1S44. 

Lemercier  a  publié  :  Obêervalion  d'un  v<ymig»ement  spasmortique 
guéri  par  la  bière  {Gazette  de  santé  ou  Recueil  général  et  périodique 
de  tout  ce  que  l'art  offre  de  plus  avantageux  en  théorie  et  en  pratique. 
etc.,  11  février  ISlS).  —  Observ.  d'une  fracture  de  la  jambe  guivie 
de  difformité  pour  laquelle  on  a  été  obligé  de  rompre  te  cal  déjà  formé 
ilbid.,  1"  «Ttil  18151.  —  Ob»erv.  de  fièvre  pemieieute  intermil- 
tente  cardialgique  {Ibid.,  10  avril  181S|.  —  Observ.  de  croup  tpasmo- 
diqve  {Ibid.,  !l  mars  1814).  —  Observ.  d'une  affection  kystériqt^e 
eomateute  revenant  périodiquement,  etc.  {Ibid.,  1"  février  1817).  — 


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_  50  — 

apprit  que  le  Congrès  scientifique  de  France,  qui  devait 
tenir  sa  7*  session  au  Mans  en  septembre  1839,  avait 
porté  sur  son  programme  la  statistique  du  département 
de  la  Sarthe.  Cette  clause  ne  fut  pas  remplie.  Mais 
lorsque  le  Congrès  se  réunit  le  12  septembre,  sous  la 
présidence  de  MM.  Lair  et  de  Caumont,  Lemercier 
apporta  à  la  section  de  médecine  la  statistique  de  la 
Mayenne,  et  en  donna  lecture  le  20.  11  prit  également 
part  aux  discussions  inscrites  à  l'ordre  du  jour  de  la 
section,  sous  la  présidence  d'Etoc-Demazy,  en  particu- 
lier sur  le  parallèle  de  la  taille  et  de  la  lithotritie  ;  et  le 
secrétaire,  Lepelletier  de  la  Sartbe,  médecin  des  hôpi- 
taux de  Paris,  que  l'état  de  sa  santé,  ruinée  par  le  tra- 
vail des  concours,  avait  ramené  au  Mans,  intervint  plus 
d'une  fois  dans  ces  débats  avec  toute  la  faconde  de  son 
talent  oratoire.  Membre,  avec  Lepage  d'Orléans,  et 
Bourjot  de  Paris,  de  la  Commission  chargée  de  nommer 
les  lauréats  de  la  section  de  médecine,  Lemercier  ne 

Obterv.  d'une  plaie  du  tourcil  droit  suivie  de  la  perte  de  l'œil  de  ee 
elîté  et  d'amblyopie  de  celui  dw  côU  gauche  [Ibid.,  11  février  1817).  — 
Àttalyse  des  nouveaux  élémentg  de  pkyiinlogie.  de  RicheTond  [Ibid., 
21  août-1"  septembre  ISIIj.  —  Obsere.  d'une  nérralgie  dit  nerf  facial 
(Ibid.,  1"  Janvier  1818).  —  Obeerv.  d'une  névralgie  som-orbitaire  gui 
a  Tinielé  à  Ions  let  moyens  employé»  pour  la  guérir  {Ibid.,  11  et 
21  janvier  1818.  —  Rapport  au  préfet  de  la  Mayenne  au  nom  du  Jury 
médical  du  dép.  de  la  Mayenne  sur  les  pharmacie»  et  l'exercice  iliicile 
de  la  médecine  dant  la  Mayenne  {Ibid.,  !S  avril  1Si7|,  —  Rapport 
analogue  an  nom  du  Jnry  médical,  publié  dans  la  Gazette  de  eanlé 

Lemercier  a  égalemeot  publié  dans  le  Recueil  général  de  médecine 
de  Sédillot  (Journal  général  de  médecine,  de  chirurgie  et  de  phar- 
macie) de  1816,  t.  LVIII,  Obiervatimi  d'une  épilepeie  sympathique 
produite  par  la  métastase  d'un  bubon  vénérien;  —  et  Obserr.  d'une 
plaie  du  sourcil  droit,  etc  |La  même  que  celle  publiée  dans  la  Gaiette 
de  santé).  —  Il  a  communiqué  te  23  Janvier  1817  fc  la  Société  de  la 
Faculté  de  médecine  de  Paris  des  observations  sur  une  épidémie  très 
meurtrière  de  catarrhe  bilieux  iBull.  de  la  Fat.  de  méd.  de  Paris  et  de 
la  Société  établie  dans  son  sein,  t.  V  |1B16-181T|,  Paris  16181. 

D'après  M.  l'abbé  Angot  <  Dictionnaire  de  la  Mayenne!,  Leraercier  a 
aussi  collaboré  au  Journal  de  Mayenne  et  à  l'Ecko  {Considérations  de 
philosophie  médicale  sur  la  rage  '. 

Les  autres  correspondants  de  l'Académie  de  médecine  nommés  dans 
la  Mayenne  en  m^e  temps  que  Lemercier  turent:  Bucquet,  de  Laval, 
nommé  le  S  avril  18^,  Hubert,  de  Laval,  et  Binet,  de  ChAteau-Gontier, 
nommés  le  j  Juillet  IS^,  ces  deux  derniers  dans  la  section  de  chirurgie. 


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—  51  — 

put  Mre  ran^  parmi  les  médailles  ;  mais  les  congres- 
sistes lui  votèrent,  le  21  septembre,  avant  de  se  séparer, 
tous  leurs  éloges  pour  l'ensemble  de  ses  travaux  *. 

De  ses  ouvrages,  la  Statistique,  qui  fut  publiée  en 
partie  dans  les  comptes  rendus  du  Congrès,  puis  dans 
V Annuaire  de  la  Mayenne  de  1841,  enfin  en  un  volume 
spécial,  la  Statistique  était  le  plus  original,  et  le  seul 
édité  jusque  là  sur  l'hygiène  mayennaise.  Bucquet,  de 
Laval,  avait  bien  écrit  en  1808  sa  Topographie  médi- 
cale de  la  ville  de  Laval  et  de  son  territoire,  d'ailleurs 
beaucoup  plus  complète  en  son  genre  que  le  travail  de 
Lemercier,  mais  son  manuscrit,  oublié,  n'a  été  mis  au 
jour  qu'en  1893  par  les  soins  de  M.  Daniel  ^. 

Lemercier  nous  apparaît  dans  ces  lignes  comme  le 
type  de  ces  vieux  médecins  d'autrefois,  lettrés,  férus 
d'Horace,  ayant  gardé  de  leurs  études,  de  leur  jeunesse 
passionnée  pour  l'antiquité  et  aussi  pour  Jean-Jacques 
et  Delille,  une  culture  classique  que  ne  connaissent 
plus  nos  modernes  docteurs  de  laboratoire  ;  on  retrouve 
dans  ses  pages  des  souvenirs  d'églogues,  un  vif  senti- 
ment de  la  nature  et  le  goût  de  la  botanique,  cette 
science  amie  des  médecins,  des  instituteurs  et  des  curés 
de  campagne.  11  faut  entendre  notre  écrivain  énumérer 
les  richesses  florales  de  nos  champs,  sans  classement 
d'ailleurs,  et  dans  un  pâle-méle  à  faire  frémir  nos  bota- 
nistes actuels,  hommes  d'exactitude  et  d'indications 
méticuleuses  : 

a  Le  circuit  des  bois,  forêts  et  taillis,  présente  la 
mytrille  utile  par  ses  baies  ou  morets,  du  muguet,  du 
serpolet,  du  thym,  la  sanicle,  le  ciste,  le  houx  fragon, 
l'oxalide,  l'œillet,  la  reine  des  bois,  l'hypine,  le  genièvre, 
le  fraisier  et  ses  fruits  exquis  et  parfumés,  des  hépa- 
tiques, de  belles  touffes  de  bryes  percées  de  polytric  et 


1.  Congrès  Bclentlflqae  de  France,  7'  session,  au  Mans.  Comptes 
%.  L.  Daniel,  dans  Bulletin  de  la  Soeiilé  d'études  leient.  d'Angert, 


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dominées  d'étamines  filiformes  qui  se  marient  ensemble 
et  forment  les  beaux  gazons  d'Olympe,  de  magnifiques 
pelouses  diaprées,  de  superbes  verdures  qui  donnent  à 
ces  parties  solitaires  un  air  de  jeunesse  et  de  fraîcheur 
qui  charment  la  vue,  parent  de  leur  verte  émeraude  la 
campagne  dépouillée  d'omemens,  veuve  de  ses  attraits, 
et  célèbrent  leurs  noces  secrètes  et  les  charmans  mys- 
tères des  urnes  et  des  amphores  renfermant  leur  posté- 
térité.  Ces  hypnes  de  procréation  ignorée  enveloppent 
d'uu  manteau  protecteur,  avec  le  lierre  éclatant  de 
vigueur,  plus  ami  que  parasite  de  la  tige  qu'il  serre  de 
ses  mains,  les  pieds  d'arbres  vieux  et  décrépits  à  tête 
chenue,  à  branches  desséchées,  à  cime  morte  ». 

a  Dans  les  larges  étangs,  au  sein  des  eaux  tranquilles, 
sur  le  cours  des  rivières,  aux  bords  des  ruisseaux,  on 
aperçoit  les  longues  tiges  des  joncacées,  les  pompons 
dorés  de  plusieurs  typhas,  brisés  ou  plies  par  les  oura- 
gans, mollement  incUnés  par  le  doux  souffle  des  zéphyrs, 
ou  courbés  avec  grâce  au  gré  d'Éole  au  milieu  de  leur 
humide  demeure,  se  penchant  nonchalamment  dans  la 
direction  de  l'onde  agitée  '  ». 

Nous  voici,  à  coup  sûr,  pourvus  d'un  guide  éloquent 
et  disert,  et  nous  le  suivrons  sans  peine  dans  ses  études 
d'hygiène  locale,  tout  en  interrogeant,  à  l'occasion,  ses 
émules  mayennais.  Quel  était  donc  l'état  de  l'hygiène 
dans  la  Mayenne  sous  le  roi  Louis-Philippe,  au  temps 
où  florissaient  la  méthode  Broussais  et  la  méthode 
Raspail  ? 

A  cette  question,  l'auteur  répond  par  des  gémisse- 
ments ;  il  nous  montre  les  villes  mal  percées,  sales,  les 
immondices  entassés  aux  portes  des  faubourgs  ;  les  cime- 
tières maintenus  en  plein  centre  ;  les  casernes,  les  hôpi- 
taux, les  prisons,  foyers  permanents  de  contagion,  ins- 
tallés dans  de  vieilles  bâtisses  mal  appropriées  à  cette 

1.  Lemercler,  toe.  cit..,  pp.  10-19. 


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—  53  — 

destination  nouvelle  ;  les  materoitéB  seulement  proje- 
tées ;  les  salles  d' asiles  trop  peu  nombreuses  ;  les  écoles 
insalubres. 

Aussi  les  épidémies  font  rage  :  scarlatine,  et  «  fièvre 
catarrhale  avec  aiTection  des  membranes  muqueuses  » 
(probablement  la  grippe]  dont  Ciievaltier  observa  tant  de 
modalités  dans  l'biver  de  1805-1806  '  ;  rougeole,  variole 
même,  car,  malheureusement,  la  vaccination  est  peu 
répandue  et  Lemercier  observe  que  :  «  la  vaccine  semble 
restreinte  à  la  classe  éclairée  ;  les  enfans  du  peuple  et 
des  campagnes  sont  rarement  vaccinés.  L'administra- 
tion n'accorde  aucuns  fonds  pour  propager  ou  encourager 
cette  heureuse  découverte  qui,  loin  de  se  répandre  de 
plus  en  plus,  parait  diminuer  de  jour  en  jour  ^  ». 

Et  quand  la  fièvre  typhoïde,  endémique  toujours,  et 
ataxoadynamique  pernicieuse  dans  sa  forme  habituelle, 
prend  des  allures  épidémîques,  les  autorités  montrent  la 
même  inertie,  les  populations  la  même  incurie  :  en  1849, 
la  typhoïde  ravageant  la  commune  de  Juvigné,  le  docteur 
Vilfeu^,  de  Laval,  aura  toutes  les  peines  du  monde  à 
faire  enlever  par  la  municipalité  des  amas  de  fumiers 
énormes  et  infects,  et  il  faudra  presque  employer  la  force 
contre  les  habitants,  qui  crient  à  la  ruine  et  préfèrent  le 
danger  à  la  perte  de  vingt  sous  d'engrais  *.  Qu'était-ce 
donc  à  l'époque  où  les  secours  médicaux  manquaient 
presque  totalement  dans  les  campagnes,  où  l'épidémie 
se  propageait  pour  ainsi  dire  sans  autres  obstacles  que 
la  quarantaine?  Alors,  écrit  le  docteur  Mahier,  a  on 
arborait  au  clocher  du  village  infesté  un  drapeau  noir. 


1.  P.'J,  Cbevallier,  Essai  sur  utie  èpidtfinie  obseriée  dans  la  vitte  et 
tt  canton  de  Ckflteau-Gonlier  pendant  l'hiver  de  fSos  à  tsoG.  Thâse  de 
la  FsenlU  de  médecine  de  Strasbourg,  14  septembre  1S06. 

î.  Lemercier,  loc,  cit.,  p.  6Ï. 

3.  Vllfeu  IM.-Vlctor),  né  ft  Laval  le  S3  mars  1811,  élÈTe  del"  classe  de 
l'Ecole  pratique  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  aouUnl  le  27  avril 
18%  devant  la  Faculté  de  Paris  une  thèse  intitulée  :  Dissertation  sur  la 
prédominance  nerveuxe,  ses  effets  et  son  Irailement  hygiénique  ou 
euralif.  Paris,  i83&,  3S  pp.  ln-4-. 

t.  Mémoires  de  l'Académie  de  médecine,  Paris,  1850,  t.  XV,  pp.  2S-S3. 


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^  54  — 

lugubre  avertissement  pour  le  voyageur  égaré  dans  ces 
parages.  Ces  choses  ne  sont  pas  aussi  loin  de  nous 
qu'on  pourrait  se  l'imaginer  ;  elles  avaient  lieu,  il  y  a  à 
peine  un  demi-siècle,  sur  les  communes  d'Ampoigné,  de 
Pommerieux,  de  Fontaine-Couverte,  de  la  Rouaudière, 
de  Brains-sur-les-Marches,  etc.,  où  il  existait  de  grands 
étangs  marécageux,  des  bois  et  des  haies  formidables 
qui  empêchaient  toute  aération  <  ». 

Ces  étangs,  assez  répandus  dans  le  département,  sont 
des  Toyers  de  paludisme  :  l'étang  de  la  Tannerie,  près 
de  Cossé-le- Vivien,  donne,  chaque  fois  qu'on  le  vide, 
des  épidémies  de  fièvres  typhoïdes  ou  palustres  ;  celle 
de  1865,  qui  fut  observée  par  de  Montozon,  fut  particu- 
lièrement sérieuse  '. 

Pendant  les  saisons  froides,  l'automne  surtout,  la 
plus  meurtrière,  Lemercier  note  la  fréquence  du  rhu- 
matisme articulaire  aigu,  des  affections  broncho-pieu ro- 
pulmonaires  et  des  angines  ^. 

i.  Hfthier,  Rech.  kydrologiques  ««r  l'arrond.  de  Ch.-Gontier,  p.  56. 

2.  Joseph-Jean  Arnaud  àe  Montoïon,  nfi  à  Auteriva  (H  au  le  Garonne), 
d'abord  cblrurglen  aide-major  au  31'  de  ligne,  soutint  te  £8  ooflt  1832, 
devant  la  Pacalté  de  médecine  de  Paris,  sa  thèse  de  doctorat  :  ConmiU- 
ralions  générales  sur  t'hyslérie,  Paris  1832,  27  pp.  in  iv  Son  mariage 
avec  M"<  Boucbet  le  fixa  i.  ChAtean-Gontler  il  fut  mâdecln  des  épidé- 
mies, prit  la  plus  grande  part  à  la  fondation  de  ta  Société  médicale  de 
ChftteaD-Gontier  en  1B33,  et  en  devint  préaident.  El  est  mort  en  1673. 

3.  C'est  au  cours  d'une  épidémie  d'angine  diphtérique  qui  sévit  en 
1862-1863  que  Trldeau  d'Andouitlé  se  signala  par  son  zèle.  i:.e  fléau 
éclata  ï  Lullrë,  puis  dans  les  communes  de  Juvfgné  et  de  Salut-Plerre- 
des-Landes,  tua  d'abord  deux  cents  personnes,  et  Jeta  tant  de  terreur 
que  II  la  population  entière  de  Saint-Pierre-des-Landes  se  rendit  pro- 
oesstonnellement  et  pour  la  première  fols  lie  mémoire  d'homme  en 
pèlerinage  à  la  chapelle  de  Charnay  près  d'Ernée  e.  Du  canton  de 
Challland  la  diphtérie  se  propagea  à  celui  d'Andouillé,  atteignit  plus 
de  trois  cents  malades,  et  l'on  vit  rouler  par  montii  et  par  vaui,  à  (ouïe 
heure,  le  cahrlolet  de  Trideuu  qui  n'y  pouvait  sufllre.  C'est  dans  ces 
circonstances  que  se  révèle  l'admirable  routine  de  dévouement  du  méde- 
cin de  campagne  qu'a  glorlilé  Balzac  ;  il  est  celui  qui  fait  beaucoup  de 
bien  qu'on  ignore,  et  n'en  est  guère  récompensé  ;  gui  court  les  routes, 
sous  la  bise,  dans  les  nuits  d'hiver,  à  l'appel  d'une  souffrance,  témoin 
obscur,  et  sou  vent  frappé,  dans  le  duel  tragique  et  quotidien  de  la  vie  et 
de  la  mort. 

Trideau  (Henri -Pierre),  né  à  Saint-Germain -le -Guillaume  le  1"  mars 
1816,  avait  été  reçu  olDcler  de  santé  à  Paris  le  16  septembre  IStl.  C'était, 
malgré  la  modestie  de  son  Utre  et  de  ses  allures,  un  tort  savant  homme, 


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Enfin,  aouB  ce  climat  humide  et  assez  froid,  la  scrofule, 
la  phtisie,  le  rhumatisme  chronique,  sont  endémiques;  le 

grand  liseur  à  ses  moments  perdus  (et  11  n'eu  btïH  guère]  et  gai  con- 
naissait fort  bien  les  auteurs  médicuuï  anciens  et  modernes,  Hlppocfate 
et  Celse  comme  Cabanis  et  Trousseau.  Observateur  sagace,  il  remarqua 
combien  le  traitement  alors  usitii  dans  la  diphtérie,  ta  méthode  des 
cautérisations,  était  douloureux  et  inefncace,  et  il  y  substitua  lamédlca- 
tlon  par  les  balsamiques.  La  dlptitérie,  dit-il,  est  une  atlection  générale, 
elle  ne  peut  être  guérie  que  par  une  médication  générale.  La  diphtérie 
est  une  aflection  catarrhale  des  muqueuses,  oaractériaée  par  une  sécré- 
tion pseudomembrnneuBe,  et  guérissable  par  les  anti-catarrhaui  ou 
balsamiques,  <iui  tarissent  cette  liécrétlon.  En  pariant  de  ces  principes, 
il  administra  le  copahu,  le  cubchc  et  le  styrax  :  !e  copahu  amena  chez 
quelques  malades  une  éruption  sca  ri  a  tin  if  orme.  elTrideau  supposa  que 
cette  drogue  agissait  par  voie  substitutive,  par  »  antagonisme  entre 
l'énanthéme  morbide  et  l'eianthAme  médicamenteux  ».  Quoi  qu'il  en 
soit  de  ces  théories,  Trideau  obtint  d'excellents  résultats,  les  fit  coaflr- 
mer  par  ses  confrères  du  département,  adressa  à.  l'Académie  des  Sciences 
et  à  l'Académie  de  médecine  des  notes  qui  demeurèrent  sans  réponse  ; 
le  31  octobre  1866.  il  demandait  au  Ministère,  sans  plus  de  succès,  d'être 
délégué  oUlrietlement  pour  traiter  une  épidémie  de  diphtérie  par  son 
procédé.  Une  justice  tardive  lui  fut  eniln  rendue  lorsque  Trousseau, 
Bergeron,  Archambault,  Lnbric  et  Constantin  Paul  exposèrent  à  leur  tour 
à  la  Société  médicale  des  hôpitaux  de  Paris  et  k  la  Société  de  Thérapeu- 
tique ou  dans  la  presse  médicale  les  bons  eRets  de  la  méthode  de 
Trideau  ;  elle  ni  le  sujet  de  la  thèse  de  Moreau  'Iht  traileiiinil  médical 
de  la  diphtérie,  et  en  particulier  de  xnn  traitement  par  le  cubebe, 
thèse  de  Paris,  3  juin  1870),  et  fut  recommandée  par  Trousseau  et  Pldoui 
dans  leur  Traité  de  thérapeutique  (édition  de  1869).  Elle  est  un  peu 
ODbliée  aujourd'hui,  depuis  la  sérothérapie.  ~  Trideau  présenta  au 
Conseil  généra!  de  la  Mayenne  (session  d'août  19731,  un  mémoire  sur  la 
question  ;  l'impression  en  fut  décidée  par  vote  du  Conseil,  qui  attribua 
à  l'auteur  une  médaille  d'or.  Trideau  est  mort  le  18  mars  18SS.  Il  a 
laissé  :  Iht  copahu  et  du  styrax  comme  spécifiques  du  croup  et  de 
l'angine  couenneuse  (Mém.  k  l'Acad.  des  sciences,  9  février  1863}.  — 
Médteaiiun  ralionnelle  de  t'angine  coiienaeuse  et  du  croup  d'emblée 
par  le  baume  de  copahu  et  le  poivre  cubebe  (Hém.  à  l'Acad.  de  méde- 
cine, 10  octobre  186B).  —  Nouveau  traitemetU  de  l'angine  couenneu«e. 
du  croup  et  des  autre»  localiBalions  de  la  diphtérie  par  le  baame  de 
copahu  et  le  potrre  cubebe,  médication  anticatarrhale  gubstitulive 
générale,  Paris,  1866,  32  pp.  in-8*.  —  TraitemeiU  de  l'angine  couen- 
neuse {diphtérie  du  pharynx)  par  les  balsamiqttfs,  mémoire prénenté 
au  Conseil  général  de  la  Mayenne,  Paris,  1874,  tBO  pp.  in-8v 

Les  premières  expériences  de  Trideau  furent  conÀrmées  à  Laval  par 
le  docteur  Louis-Jean  Carreau,  chirurgien  en  chef  de  l'hApItal.  Né  à 
Changé- lès- Lavai,  le  16  septembre  18^,  Garreau  nt  ses  études  médicales 
*  Paris  où  11  fut  élève  de  Briquet,  Lenoir,  Richard,  Beau,  Gibert,  etc.  Il 
fut  reçu  interne  des  hôpitaux,  le  premier  de  sa  promotion,  le  SOdécem- 
bre  IKJS  et  passa  sa  thèse  de  doctorat  le  18  décembre  1S56  fDex  kydatidei 
du  poumon,:.  Etabli  ft  Laval,  il  contribua  k  la  fondation  de  l'éphémère 
Journal  médical  de  la  Mayenne  dont  le  premier  numéro  parai  à  Laval 
le  5  avril  1873.  il  y  publia:  Noureau  moyen  à  appliquer  dans  eertaim 
cas  d'hydrocéphalie  \â  avril  18731  ;  Alréeie  vaginale,  /Utule  vésieo- 


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—  56  — 

rachitisme,  les  tumeurs  blanches,  estropient  les  enfants 
à  foison.  Et  la  propreté  étant  le  moindre  souci  de  la 
population,  la  gale  et  les  diverses  dermatoses  sont  fort 
répandues. 

A  tout  cela  s'ajoutent  les  maladies  professionnelles  : 
l'industrie  générale  du  département  étant  le  tissage,  les 
ouvriers  s'étiolent  dans  ces  caves  malsaines,  obscures, 
où  toute  la  journée  retentit  le  tic-tac  des  métiers.  Tisse- 
rands, cardeurs  et  poupeliers  meurent  phtisiques  ; 
les  carriers  périssent  de  coups  de  froid,  et  d'alcoolisme: 
les  fondeurs  et  chaufourniers  souffrent  d'affections  ocu- 
laires graves. 

Les  paysans  sont  misérables,  un  peu  par  leur  faute, 
il  est  vrai  :  effroyablement  routiniers,  ils  ne  veulent 
point  employer  d'engrais,  sauf  un  léger  chaulage,  et 
préfèrent  laisser  reposer  les  terres  en  jachère,  pendant 
trois,  quatre,  cinq  ans  ;  ils  ignorent  la  culture  fourragère 
et  potagère  en  grand.  Leur  hygiène  est  déplorable,  dit 
le  docteur  Tertrais  ',  qui  signale  l'insalubrité  de  leur 
logis,  pièce  unique  et  non  dallée,  mal  éclairée,  mal 
aérée,  empestée  par  les  émanations  des  étables,  du 
fumier  entassé  devant  la  porte,  et  dont  le  purin  va  colo- 
rer l'eau  de  la  mare  ou  du  puits  ;  ils  sont  sales,  mal 
habillés,  mal  couverts  en  cas  de  pluie  par  leur  peau  de 
bique,  et  ces  bains  forcés  sont  les  seuls  qu'ils  prennent 
de  leur  existence  ;  ils  se  nourrissent  mal  de  vieux  pain, 
de  vieux  lard,  de  lourdes  rillettes  et  surtout  d'énormes 
écuellées  de  soupe  ;  ils  ne  mangent  pas  assez  de  viande 

vaginale  (1"  Juillet  1873).  Miné  par  la  phUsie,  Il  passa  en  Algérie  l'hiver 
de  1873  et  y  écrivit  Journal  humoristique  d'vn  médecin  phtisique. 
Parla,  1876,  in-<!.  Chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  11  mourut  à  Changé, 
le  5 août  18831  Voj.  le  Diclioniiaire  de  la  Kayenne,  de  M.  l'abbé  Angot]. 

1.  Recherches  et  observations  sur  tes  conditiorui  hygiéniques  de 
l'arroml.  de  Châleau-Gonlier  t  Mayenne}  fAiin.  d'hygiène  pubt.  et  de 
niéd.  légale,  Iffîl,  t.  XLVE,  pp.  72-66).  —  Tertrais  était  médecin  A  ChA- 
teau-Gontler. 

Vo;ei  aussi  sur  la  situation  de  l'agriculture  et  des  pajsana  dans  le 
Maine  à  la  fin  du  règne  de  Louis-Philippe,  Bulletin  de  la  Société  de 
l'Indvslrie  de  la  Mayenne,  l.  1, 1833,  p.  133  ;  ~  et  Paui  Delaunay,  Tan- 
queret  de»  Planches,  dans  La  France  médicale  du  m  octot)re  (903. 


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—  57  — 

pour  l'éDorme  travail  qu'ils  fournissent,  et  dont  ils 
exagèrent  la  fatigue  par  l'incDinmodité  de  leurs  instru- 
ments aratoires  ;  ils  ne  boivent  que  de  mauvais  cidre, 
aigre,  étendu  d'eau  trop  souvent  croupie  ;  ils  s'en  dédom- 
magent, il  est  vrai,  le  dimanche  au  cabaret  ;  et  les  priva- 
tions, te  surmenage  et  les  excès  les  vieillissent  et  les 
tuent  prématurément. 

A  toutes  ces  causes  de  mortalité,  à  ces  affections 
diverses,  qui  peut-on,  que  peut-on  opposer?  Nous  avons 
vu  déjà  les  défectuosités  du  service  de  vaccine  et  des 
établissements  d'assistance.  Lemercier  signale  aussi  la 
mauvaise  organisation  de  certains  hâpitaux  encore 
desservis  par  des  médecins  par  quartier  :  ces  docteurs 
par  trimestre  n'ont  ni  ie  temps  ni  le  goût  de  s'intéres- 
ser à  leur  besogne.  Dans  les  trois  quarts  des  cas  de 
chirurgie  d'urgence,  la  mort  survient  faute  d'un  chirur- 
gien opérateur  ;  il  n'y  a  point  de  spécialistes.  Aussi  les 
guérisseurs  de  bas  étage,  rebouteurs,  jugeurs  d'eau, 
guérisseurs  de  cancer  par  prières,  caustiques  et  formules 
cabalistiques,  ont  beau  jeu,  surtout  dans  un  milieu  où 
l'on  croit  encore  aux  feux  follets,  aux  «  ensorceleurs, 
aux  donneurs  de  rats,  aux  joueurs  de  tours,  aux  noueurs 
d'aiguillettes,  au  sabbat  ».  Les  charlatans  en  habits 
dorés,  vendeurs  de  pommades  analgésiques,  de  vermi- 
fuges et  d'eau  de  Cologne,  font  fortune  dans  les  foires  et 
marchés,  et  les  oculistes  ambulants,  munis  des  certificats 
trompeurs  d'une  réclame  tapageuse,  éborgnent  à  qui 
mieux  mieux  leurs  clients  d'occasion  *. 

Sur  plusieurs  points,  les  plaintes  du  docteur  Lemer- 
cier seraient  encore  de  saison.  Mais  la  partie  de  son  livre 
qui  traite  de  l'hygiènespéciale  des  villes,  Laval,  Mayenne 
et  Chàteau-Gontier,  est  heureusement  plus  démodée,  et 
la  saleté  pittoresque  de  ces  localités  n'est  à  peu  près, 
maintenant,    qu'un   souvenir  rétrospectif.    Aussi  vou- 

1.  Lemercier,  Rapport  au  nom  du  Jury  médical  «ur  Us  pharmacies 
ft  t'txercice  itlieite  de  la  médecine  dans  la  Mayenne  (1886),  dans 
C<ue(Ce  de  tanti  du  !S  avrU  t8i7. 


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—  58  — 

drions-nous  relever  en  passant  quelques  croquis  du 
Mayenne  de  1830. 

C'était  encore,  à  cette  époque,  le  vieux  Mayenne, 
traversé  d'un  bout  à  l'autre  par  une  longue  artère  tor- 
tueuse, évasée  en  places  dans  le  haut  de  ville,  puis  res- 
serrée entre  deux  files  de  maisons  noires,  et  dévalant 
les  pentes  rapides  de  la  Grand'Rue  jusqu'aux  arches 
bossues  du  vieux  pont.  Là  les  masures  des  grands  mou- 
lins s'entassent  dans  la  vase,  au  pied  du  roc  abrupt  du 
rhAteau,  dont  la  tour  pointue  domine,  dépasse  le  clocher 
hranlantde  Notre-Dame  ;là-bas,  sur  l'autre  rive,  le  pont 
va  heurter  les  murs  séculaires  de  l'hdpital  du  Saint- 
Esprit,  où  les  malades  s'entassent  dons  des  salles  basses, 
sombres,  sans  air,  transis  par  les  buées  malsaines  de  la 
rivière  '.  Au-delà,  la  rue,  grimpant  le  raidillon  de  la 
Galère,  monte  au  faubourg  Saint-Martin.  Dans  ce  long 
boyau  débouchent  des  ruelles  plus  noires  encore,  et  plus 
fétides,  où  s'entassent,  dans  les  bas  quartiers,  des  lavan- 
diers,  des  tisserands  étiolés  dans  leurs  bouges  à  métiers. 
Cependant  une  nouvelle  traverse,  prolongée  par  un  pont 
neuf,  a  déjà  fait,  en  arrière  de  ces  masures,  une  trouée 
d'air  et  de  lumière,  et  sera  l'axe  de  la  ville  nouvelle. 

L'asile  d'aliénés,  la  prison,  sont  mal  installés,  et  la 
Monarchie  de  Juillet  a  campé  unecompagnie  d'infanterie 
au  milieu  du  vieux  cimetière,  dans  la  chapelle  désaffectée 
de  l'ancien  collège  ;  elle  est  malsaine,  cette  caserne 
devant  laquelle  la  sentinelle  promène  mélancoliquement 
son  gigantesque  shako  et  ses  lourdes  builleteries,  et 
Lemercier  blâme  sa  situation,  et  «  sa  position  porte  à 
porte  d'un  grand  nombre  d'ouvriers  tisserands  qui  se 
mêlent  à  chaque  instant  aux  militaires  groupés  à  l'entrée 
du  quartier  qui  est  placée  dans  une  espèce  de  carrefour 
sans  enclos  n'ayant  qu'une  seule  porte  qui  donne  sur  le 
boi-d  de  deux  rues  très  passantes  et  populeuses,  ce  qui 
fait  qu'il  est  difficile  et  presque  impossible  de  maintenir 

Il  DOUTel  h  Api  toi  qu'en  1849. 


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la  discipline  parmi  les  jeunes  soldats  en  contact  immé- 
diat à  chaque  moment  avec  les  passans  et  les  voisins  ; 
d'ailleurs  ce  bâtiment,  composé  de  deux  pièces,  l'une  au 
premier  éclairée  seulement  par  des  abat-jour  pratiqués 
dans  la  toiture,  et  l'autre  au  rez-de-chaussée,  humide. 
Les  militaires  y  sont  souvent  atteints  de  maux  de  gen- 
cives et  stomacaces  ;  ces  deux  chambres  sont  petites  et 
peuvent  à  peine  contenir  trente-sept  couchettes  qui  se 
touchent  presque  toutes  et  dont  chacune  est  de  bien  trop 
petite  pour  coucher  deux  hommes.  De  plus,  le  manque 
d'eau  et  de  pièces  séparées  pour  les  sous-olliciers  char- 
gés nuit  et  jour  de  la  surveillance  et  de  maintenir  l'ordre 
font  que  cette  vieille  chapelle  ne  convient  point  pour  la 
garnison  '  ». 

Sur  Laval,  sur  Chàteau-Gontier,  Lemercier  est  bref; 
maisl'hy^ène  lavalloise  a  eu  son  historien  en  la  personne 
de  Bucquet,  et  toute  une  lignée  d'hygiénistes  ont  étudié 
la  situation  sanitaire  castrogontérienne. 

Nous  avons  déjà  cité,  au  passage.  Chevallier  et  Ter- 
trais.  Mais  Château-Gontier  possède  une  source  miné- 
rale que  Lemercier  souhaitait  de  voir  utiliser  «  dans  le 
traitement  des  fièvres  intermittentes  avec  ou  sans  engor- 
gement de  la  rate  ou  du  foie,  dans  les  leucorrhées,  les 
anémies  en  général  et  toutes  les  affections  où  il  est  con- 
venable d'user  de  toniques  et  d'avoir  recours  aux  prépa- 
rations ferrugineuses  », 

Cette  fontaine  ferrugineuse,  ditedePougues-Rouillée, 
et  qui  sourd  au  lieu  dit  Versailles,  près  Château-Gon- 
tier,  tient  une  grande  place  dans  la  littérature  médicale 
castrogontérienne.  Ses  eaux  avaient  été  analysées  dès 
1670-1671  par  Duclos,  membre  de  l'Académie  des 
Sciences,  qui  nous  apprend  que  «  l'eau  do  la  Fontaine 
estimée  minérale  de  Chùteau-Gontier  étoit  limpide  et 
sans  saveur  manifeste  ;  elle  a  laissé  si  peu  de  résidence, 
étant  évaporée,  que  cela  ne  pouvoit  faire  que  1/1000  du 

t.  Lemercier,  loe.  cil.,  pp.  66-ST. 


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—  60  — 

poids  de  l'eau.  C'étoit  une  terre  ^se  fort  salée,  dont  le 
sel  se  rapportoit  au  double  sel  de  l'eau  marine  *  ». 

Au  début  du  xix'  siècle,  Touchaleaume,  pharmacien  à 
Château-Gontier,  en  fit  une  nouvelle  analyse  qu'il  com- 
muniqua en  1825  avec  Bécœur  à  l'Académie  de  médecine. 
En  1847,  un  médecin  de  Paris  très  versé  dans  les  ques- 
tions d'hygiène  et  de  médecine  légale,  le  docteur 
Bayard  ^,  consacra  à  l'eau  de    Pougues-Rouillée  un 

1.  Obgerratione  sur  lex  eatix  minéralex  de  pluiiewt  province*  de 
France,  faite»  en  l'Académie  Roiate  des  Sciencen  en  l'année  leio  et 
leii  iMém.  de  l'Aead.  Roiale  de»  Seiencen.  t.  IV,  Paris  1731). 

S.  Henrl-Lools  Ba;ard,  ai  h  Paris,  étudia  la  médacloe  légale  sous 
Ollivler  (l'AnKCra,  dont  il  devint  le  collègue  el  le  successeur  commo 
médecio  lâgflste.  Il  fut  reçu  docteur  à  Paris  le  £>  anOt  1836,  avec  une 
thèse  Intitulée  ;  Bmai  médico-légal  sur  l'iilêrnmanie  :nympknmanie!, 
lalle  80US  l'Inspiration  d'Esquirul.  Il  tul  InspRcteuradjoint  de  la  Térifl- 
catlon  des  décfs  de  In  villn  de  Paris,  médecin  du  bureau  de  blenlaisance 
du  IV*  arrondissement,  médecin  expert  prÈs  les  trlbunaui,  professeur 
particulier  de  médecine  légale,  membre  de  la  Société  de  médecine  légale 
dn  Grand-Duché  de  Etade,  des  Sociétés  de  médecine  de  Marseille,  de 
■Slockholm.  Un  bel  avenir  lulétait  ouvert  dans  la  carrière  médico-légale, 
lorsque  la  Révolution  de  1818  bouleversa  tous  ses  projets;  malgré  toutes 
les  instances  de  ses  maîtres  II  quitta  Paris,  et  vint  s'élabllr  6  Chlteau- 
GontiereD  IN19;  il  y  éleva  rétablissement  thermal,  (ut  on  outre  médecin 
de  l'hApltal  Saint-Joseph  et  du  dispensaire.  Une  mort  subite  le  foudroya 
dans  sa  quarantième  année,  le  IS  octobre  I85i,  dans  sa  maison  de  cam- 
pagne, à  Cossé  près  Chftl«au-Gontier  ;  il  laissait  une  veuve,  Hlle  du 
docteur  Esplaud,  et  plusieurs  entants  iVoy.  sur  Bayard,  Len  inédecinude 
Parié  jugés  par  leiim  o-tirr^g  par  C.  Lachalse  dit  Sachalle  de  la  Barre, 
Paris  iS45,  et  Hntiee  néernlogique  de.Da  Ann.  d'hygiène  publ.  et  de  ntéd. 
Ii'g..  LXLIX,  ISiUi. 

Membre  du  comité  de  rédaction  des  Ànnalex  d'Iii/giene  et  de  médecine 
légale,  Bayard  y  a  écrit  un  nombre  considérable  d'articles,  soit  senl, 
soit  en  collaboration  avec  son  maître  Ollivier  d'Angers,  le  chimiste  J.-B. 
Chevallier,  de  l'Académie  de  médecine,  Tardieu,  ses  co-experts.  Noua 
citerons  : 

Mémoire  mr  ta  police  des  cimetières  tAnn..  t.  XVIII.  1836,  et  I  vol. 
in-8*),  —  Recherche*  sur  l'utéromanie  et  la  nymphomanie  {Ann. 
t.  XVlI-XVnil,  —  Examen  mieroscapit/ue  du  sperme  dexgéehé  »ur  le 
linge  ouxttrleiitixgHsdentitiireetdecolorationdîferieÈtAnn.,t.  XXII, 
et  Paris.  1839,  in.K".  Médaille  d'or  décernée  en  1839  par  la  Société  des 
Àiin,  ePhyg.  el  de  méd.  légale  '.  —  Vn  cas  mortel  d'intoxication  par  le 
sulfate  de  potasse  {Ann.,  t.  XXVIl),  par  le  bioxalate  de  polatse  (An»., 
t.  XXVII).  —  De  la  néressilé  de»  étude»  pratiques  en  médecine  légale. 
Réflexions  ««r  le»  procès  criminels  de  Peyiel  eldeMmelafargeUnn., 
t.  XXV,  et  Paris,  1810,  30  pp.  in-li|.  —  Mémoire  sur  ta  topographie 
médicale  du  /K'  arrondissement  tie  Pari»,  recherches  historiques  et 
ftatistiques  sur  le»  condilians  hygiéniques  qui  composent  cet  arron- 
dissement {Ann.,  t.  XXVIII,  IBiS,  et  Paris,  1842,  in-8*,  3  cartes!.— 
Examen  des  lâches  qui  peuvent  être  l'objet  de  recherches  médico- 


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—  61  — 

mémoire  qui  fui  revu  par  J.-B.  Chevallier,  professeur  à 
l'Ecole  de  pharmacie,  et  signalant  la  présence  dans  cette 
fontaine,  non  seulement  du  fer,  mais  encore  d'une  quan- 
tité infinitésimale  d'arsenic.  En  1Ô49,  Bayard,  chassé  de 
Paris  par  la  révolution,  vint  se  fixer  à  Château-Gontier, 
se  rendit  acquéreur  de  Fougues,  déblaya  les  grifTons,  et 
les  sources  de  la  Voùte-neuve  et  de  la  Vieille-voûte 
furent  enfin  convenablement  captées.  Il  avait  demandé 
au  Ministère  du  Commerce  et  de  TAgriculture,  dont 
dépendaient  alors  les  établissements  hydrominéraux, 
qu'une  analyse  de  ces  eaux  fût  faite  officiellement  au 
laboratoire  de  l'Académie  de  médecine.  Une  lettre  minis- 
térielle, en  date  du  16  novembre  1859,  en  saisit  la  Com- 
mission des  eaux  minérales,  au  nom  de  laquelle  Osslan 
Henry  fit  un  rapport  favorable  à  l'Académie,  le  9  juillet 
1850  1.  Après  ces  formalités,  l'étabUssement  thermal  de 
Château-Gontier  ouvrit  ses  portes  au  public. 

Bayard  publia  à  ce  propos  une  Notice  sur  les  eaux 
minérales  naturelles  ferrugineuses  et  sur  l'établisse' 
ment  thermal  et  d'hydrothérapie  de  Château-Gontier, 

Ugales  {inn.,  t.  XXIX).  —  Sur  te  gerviee  midieat  du  bureau  d«  bien- 
faiianee  du  IV  arrond.  de   Pari»  [Ann.,  t.  XXX).  —  Seeherekeg 

médico-légales  mr  le  dtagnoilic  différenciel  de»  ecehymoaegpar  eaute 
interne  et  par  caute  externe  {Ann..  t.  XXX,  lSi3).  Mémoire  04»- 
ronné  en  août  (640  par  la  Société  de  médecine  légale  du  Grand-Duché  de 
Bade,  et  traduit  en  allemand  dans  Annalen  der  Staat»-  Arzneikunde. 
Friburg  en  Briigau,  18«,  p.  488|.  —  Mémoire  sur  la  topographie  médi- 
cale dti  X'.  II'  et  XII'  arrondisgemenU  de  Parit  [Ànn.,  t.  XXXll,  et 
Paris,  1843,  5  cartes).  —  jVolice  biographique  gur  Ollivier  d'Angerg 
iAnn..  t.  XXXIV).  —  Mort  violente  gang  légion  extérieure  {Ann., 
t.  XXXV).  —  Sur  favortemenl  provoqué  [Ann..  t.  XXXVI).  —  Sur  tet 
maladieg  gimuléeg  {Ann.,  t.  XXXVIII).  —  Appréciation  médico-légale 
de  l'action  de  l'éther  et  du  chloroforme  {Ann.,  t.  XLII,  et  PariH,  1849, 
iD-8').  —  Congidération^  médico-légale»  gur  l'in/lutnee  deg  impreeiione 
pkygigueg  et  morales  pendant  la  grossegge  iAnn.,  t.  XLVI,  1851).  — 
Bapport  sur  une  double  asphyxie  par  la  earbonigation  de  poutre» 
(avec  A.  Tardieu,  inn.,  t.  XXXIV,  184S). 

Bojard  a  écrit  en  outre  :  la  Nymphomanie  peut-elle  être  une  cause 
d'interdiction,  oit  leg  faits  qui  tendraient  à  l'établir  sont-ils  non  per- 
tinents ?  Examen  médico-légal  de  celle  question,  Paris,  1836,  ln-8'.  — 
Manuel  pratique  de  médecine  légale,  i  vol.  in-8'.  Parla  1S43. 

Un  travail  sur  le»  Urineg  au  point  de  vue  hygiénique  et  agricole  lui 
valut  une  médaille  d'argent  de  la  Société  d'Encouragement. 

1.  BuU.  de  l'Acad.  nationale  de  médecine,  t.  XV,  184d-18(S0,  p.  M4. 


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—  62  — 

département  de  Ut  Mayenne,  comprenant  leur  descrip- 
tion, le  rapport  de  r Académie  de  médecine  de  Paris, 
uncertain  nombre  d'observations  médicales,  derecker- 
ches  historiques  et  statistiques  sur  F  arrondissement 
de  Château-Gontier.  Cb&teau - Gontier,  1852,  avec 
3  planches. 

Cet  opuscule  donne  quelques  renseignements  sur  les 
conditions  géographiques  et  hygiéniques  de  Chàteau- 
Gontier,  et  surtout  sur  l'emploi  des  eaux  de  Fougues 
dans  le  lymphatisme,  le  rachitisme,  la  chlorose,  le  dia- 
bète, et  diverses  affections  nerveuses.  A  la  moi-t  de 
Bayard,  le  docteur  Mahier  *  prit  la  direction  de  l'éta- 
blissement et  consacra  aux  eaux  de  Château-Gontier 
deux  notices  :  De  l'emploi  médical  des  eaux  minérales 
de  Chàteau-Gontier,  Paris  et  Château-Gontier,  1855, 
144  pp.  in-12,  et  Du  traitement  des  névroses  par 
r  hydrothérapie  et  les  eaux  minérales  ferrugineuses  de 
Château-Gontier  (Mayenne),  Château-Gontier,  1869,  ce 
dernier  mémoire  contenant  une  demi-douzaine  d'obser- 

1.  Pierre-Emile  Mahier,  aé  à  Cb&teau-GoDtler,  ttls  d'un  pbarmacien, 
d'abord  éM:ve  à  t'bâplUl  militaire  du  Vat-de-GrAcn,  soutint  à  Paris  le 
13  août  1^0,  sa  thâse  de  doctorat  :  De  l'emphyMme  pulmonaire,  28pp. 
in-8°.  I[  fut  médeclQ  des  hospices  de  Château- Goatler,  membre  de  la 
Société  d'hydrologie  médicale  et  de  la  Société  de  médecine  légale  de 
Paris,  de  La  Société  de  médecine  d'Angers,  du  Conseil  d'hygiène  de  ChA- 
t«BU-GoDtler,  lauréat  de  l'Académie  de  médecine  (médaille  d'argent^  11 
a  laissé,  outre  ses  études  d'hydrologie  locale,  des  travaux  sur  l'hyglâue 
et  la  médecine  légale  :  Mémoire  iiur  les  ouvriers  qui  Iravaillenl  les 
coquilles  de  iiacTe  de  perle  [Aan.  d'hyg.  pubt.  et  de  mëd.  légale. 
l.  XLVIII,  ISii,  pp.  251-^11  en  collaboration  avec  le  professeur  CheTal- 
ller  de  Paris,  k  propos  d'un  cas  médico-légal  :  ce  mémoire  signale  et 
différencie  de  la  phtisie  t-rate  la  pseiido- phtisie  des  uacriers.  ~  le» 
questions  Médico-légales  de  Paul  lacchias,  médecin  romain,  études 
bibliographiques,  Paris  t87S,  96  pp.  in-S',  bonneétudesuriavleet  l'un 
des  ouvrages  du  o  père  de  la  médecine  légale  ».  ~  En  itlt>i,  Mahier 
présenta  k  l'Académie  de  médecine  un  très  complet  Essai  de  topogra- 
phie médicale.  Arrondissement  de  Château-Gontier.  qui  donna  lieu  k 
unéiogieux  rapport  de  Vernois  au  nom  d'une  Commission  composée  de 
Chatin,  Guérard  et  Vemoia  (Séance  du  IS  juillet  iS&i),  C'estun  fragment 
de  ce  travail  que  lUahler  publia  en  1869  sous  le  titre  :  Topographie 
médicale.  Rech.  hydrol.  sur  l'arrond.  de  Château-Gonlier.  Ce  chapitre 
fut  auparavant  revu  et  contrôlé  par  Robinet,  présenté  par  lui  à 
l'Académie  de  médecine,  et  un  rapport  en  tut  fait  par  Vemols  (Séance 
du  17  septembre  1867).— i>»  mode  de  tranilation  des  alténit,  1  broch. 
In-S*,  CbAteui-GonUer,  1873. 


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vations  de  diverses  formea  de  chorée  soumises  au  trai- 
tement hydrominéral.  Enfin  c'est  au  mdme  auteur  que 
l'on  doit  le  volume  intitulé  :  Topographie  médicale. 
Recherches  hydrologiques  sur  V arrondissement  de 
Château-Gontier  (Mayenne),  Paris,  1869, 144  pp.  in-8°, 
renfermant  une  a  carte  géologique  et  hydrotimétrique 
pour  servir  à  l'étude  de  l'hygiène  dans  l'arrondissement 
de  Château-Gontier  n.  Cet  ouvrage  contient  une  foule 
de  renseignements  intéressants  sur  l'hydrographie  du 
pays,  l'hydrotimétrie,  la  faune  et  la  flore  microsco- 
piques, les  rivières  du  bassin,  sur  la  saluhrité  publique, 
l'épidémiologie,  la  distribution  des  eaux  potables  de  la 
région,  et  complète  les  recherches  antérieures  sur  les 
sources  de  Pougues-Rouillées.  Il  est  fort  regrettable  que 
l'auteur  n'ait  public  que  celte  portion  de  son  grand 
mémoire  sur  la  statistique  et  la  topographie  médicales 
de  l'arrondissement  de  Château-Gontier,  qui  dort  dans 
les  cartons  de  l'Académie  de  médecine  :  cette  étude, 
intégralement  éditée,  eût  été  le  digne  pendantdu travail 
que  Bucquet  avait  composé,  au  début  du  siècle,  sur  la 
statistique  médicale  lavalloise. 

Pour  prétendre  donner  même  une  simple  esquisse  du 
milieu  médical  mayennais  depuis  cent  ans,  il  y  aurait 
encore  beaucoup  de  choses  à  dire,  beaucoup  de  noms  à 
citer.  Nous  avons  seulement  voulu  tracer  quelques 
silhouettes  de  médecins  du  siècle  passé.  Contemporains 
des  derniers  grognards  de  répopée  napoléonienne,  ou 
bien  des  gardes  nationaux  de  la  Monarchie,  des  vieilles 
barbes  de  1848  et  des  ratapoils  de  l'Empire,  ils  nous 
intéressent  comme  figurants  de  ce  monde  provincial  qui 
a  fini  avec  1870,  de  la  société  autrefois  si  vivante  des 
petites  villes  maintenant  désertées  ;  ils  ne  font  ici  qu'un 
groupe  disparate,  formé  au  hasard  de  notre  curiosité.  Il 
y  a  dans  le  sentiment  qu'ils  nous  inspirent  quelque  chose 
de  ce  que  l'on  éprouve  à  retrouver  des  portraits  épars 
dans  le  salon  propret,  morne  et  froid  d'une  antique 
demeure  de  province  :  la  pièce  est  silencieuse  et  dévote 


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—  64  — 

comme  une  chapelle,  et  fleure  le  moisi  ;  au-dessus  des 
statuettes  pieuses  de  la  cheminée  et  de  la  bergère  à 
houlette  qu'abrite  le  globe  de  la  pendule,  on  voit  péle- 
méle  au  mur,  dans  des  cadres  de  bois  noir,  le  médaillon 
d'un  bourgeois  à  jabot  du  temps  de  Louis  XVIII,  un 
portrait  miroitant  de  l'époque  de  Daguerre  et  les  photo- 
graphies jaunies  de  Messieurs  à  la  mode  de  1860.  Et 
l'on  s'oublie  à  contempler  avec  la  curiosité  du  souvenir 
ces  revenants  d'un  passé  dont  parlaient  nos  grand'mères, 
et  les  traits  de  ceux  qui  animèrent  autrefois  ce.tte  maison 
dont  peu  à  peu  la  vie  s'est  retirée. 

Paul  Delaunay, 


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LESËLECMSDIJCLERGiETDElilBLEm 

DANS    LA 

SÉNÉCHAUSSÉE  DE  CHATEAU-GONTIER 

(178©). 


Le  24  janTier  1789  parurent  la  lettre  et  le  règlement 
de  Louis  XVI  pour  la  convocation  des  Etats  Généraux. 
A  défaut  du  grand  sénéchal  d'épée  de  la  province 
d'Anjou  et  du  lieutenant  général  de  la  sénéchaussée 
principale  ',  dont  les  charges  étaient  alors  vacantes,  le 
lieutenant  particulier  de  la  sénéchaussée  d'Angers, 
M.  Milscent,  par  une  ordonnance  en  date  du  14  février, 
enjoignit  au  procureur  du  roi  de  publier  les  ordres  de 
Sa  Majesté  et  les  siens  propres  dans  le  ressort  de  sa 
sénéchaussée  ;  le  procureur  du  roi  devait  en  même  temps 
transmettre  les  trois  pièces  au  lieutenant  général  de  la 
sénéchaussée  de  Chàteau-Gontier  ^  et  aux  ofRcîers  prin- 
cipaux des  autres  sénéchaussées  secondaires. 

1,  La  8éDécbaussê«  d'Angfera  était  appelée  «  séDécbaauée  principale 
d'ADjoa  »,  et  cellei  àe  Baugé,  Beautort,  CbAteau-GDDtler  et  la  Flècba, 
«  RénéchBUuéei  secoodalrei  ».  La  lénécbauuée  de  Saumur  avait  obtenu 
nue  représentation  distincte. 

i.  La  sénéchauuée  de  ChAteau-Gontler  compren^t  les  paroisses  lai- 
Tsntea  :  Ampoi^né  et  Chéripeaui,  Argeoton,  Aviré,  Aie,  Baiouges, 
Bierné,  La  Boissiëre,  Bouillé-Ménard,  Ciiantena;,  Saint-Jean  et  Saint- 
Reni7  de  Cb&teau-Goatler,  CbAtelain,  CbAtelais,  Cliemaié  avec  Bourg- 
Piillippe  et  Hollières,  Coudra;,  Daon,  La  Perrière,  Fontenay,  Fromen- 
tièrea,  Gannes  et  Saint-Alg-nan,  Grei-en-Bouère,  l'HAteUerte-ds-Flée,  la 
Jallle-YTon,Julgiié-nir-Sarthe,LolKné,Looguetii;*,  LouTBlDea,Harlgné 


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Le  21  février,  M.  Jacob-Nicolas-François-Matthieu 
Guittau,  écuyer,  seigneur  de  Baunes,  Leffrières  et  Cessé, 
conseiller  du  roi  et  son  Ueutenant  général  en  la  séné- 
chaussée d'Anjou  et  siège  présidial  de  Château-Gontîer, 
chargeait  le  procureur  du  roi  de  répandre,  dans  tout  le 
ressort,  les  instructions  reçues. 

Voici  les  dispositions  concernant  le  clergé  et  la 
noblesse,  les  deux  ordres  dont  nous  avons  à  nous 
occuper  '. 


En  ce  qui  concerne  le  clergé,  les  abbés,  les  chapitres, 
corps  et  communautés  ecclésiastiques  rentes  des  deux 
sexes,  les  prieurs,  les  curés,  les  commandeurs  et  géné- 
ralement tous  les  bénéficiers  furent  assignés  par  un 
huissier  royal  pour  comparaître,  en  personne  ou  par 
procureur,  à  l'assemblée  générale  des  trois  Etats  le 
16  mars,  à  Angers  ~.  Voici  la  liste  des  ecclésiastiques 
de  la  sénéchaussée  de  Château-Gontier  qui  furent  pré- 
sents à  cette  assemblée  générale  du  16  mars  1789  : 

Pierre-Joseph  Royer,  curé  d'Argenton. 

près  Daon,  MarignéPeuton,  Mée,  Miré,  MontKuUlon.  PeutoD.  Quelalnea, 
Ruillé  et  FrotdfoDt.  Salot-Aubin  du-Pavoil,  Salnt-DenU-d' Anjou, 
Salnt-Gault  et  Les  Cherres,  Saint- Laurent- des- Mortiers.  Saint-MarllD' 
de-VllIeDgrlose,  Salnt-QueDUn-en-Craonnals,  Salnt-Sauveur-de-Plée, 
Salnt-Sulplce,  Segré  (la  Hadelelnel. 

1.  Voir  dans  la  Provincn  du  Maine  (août  1903),  ud  article  de  l'abbé 
Uiureau  sur  la  SénecAaussee  ite  Ckâltau-Gontier  el  les  éieeiiotu  du 
Tierg. 

S.  Les  chapitres,  corps  et  commuDautés  ecclésiastiques  devaient  com- 
paraître k  rassemblée  générale  par  des  députés  dans  la  proportion 
déterminée  par  les  articles  10  et  11  du  règlement  rojal,  et  tous  les 
bénéficiera  en  personne  ou  par  procureur. 

Tous  les  curés  étaient  tenus  de  se  faire  représenter  par  procureurs,  à 
moins  qu'ils  n'eussent  un  vicaire  ou  desservant  résidant  dans  leur 
cure  ;  défense  était  faite  à  ce  dernier  de  s'absenter  pendant  le  temps 
nécessaire  aux  curés  pour  se  rendre  t.  l'assemblée,  ;  assister  et  retourner 
dans  leurs  paroisses. 

Tous  les  autres  ecclésiastiques,  suOlsamment  avertis  par  les  publica- 
tions, alQebes  et  cri  public,  étaient  tenus  de  se  rendre,  en  personne  et 
non  par  procureur,  à  l'assemblée  du  16  mars  ;  étalent  exceptée  les 
eooléslas tiques  résidant  dans  les  villes,  lesquels  devaient  se  réonlr  chei 
le  curé  de  la  paroisse  où  ils  demeuraient  pour  élire  un  ou  plusieurs 
d'entre  eux,  conformément  à  l'artlole  IB  du  règlement  de  Sa  Uajesté. 


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—  67  — 

Pierre-Charles  Phelippaux,  caré  de  Biemé. 

François-Pierre  Goeffier,  vicaire  à  Biemé. 

René-Charles  Pean,  vicaire  à  Aviré. 

Charles-Pierre  Dubois,  curé  de  Coudray. 

Pierre  Gislard,  curé  de  ChAtelaie. 

Jean-François  Lemassou,  prieur  et  député  des  Béné- 
dictius  de  ChAteau-Gontier. 

Joseph  Bernier,  chanoine  et  député  du  chapitre  de 
Saint-Just  de  Chftteau-Gontier. 

Claude  Gilberge,  curé  de  Châtelain. 

Louis-François  Martinet,  prieur-curé  de  Daon. 

Louis-François  Parage,  curé  de  Fromentières. 

René  Chardon,  curé  de  Gennes. 

Mathurin-François  Dutertre,  curé  de  l'HàtelIerie-de- 
F!ée. 

Louis  Bertrii,  curé  de  Louvaines. 

Louis-René  Huard,  titulaire  de  la  chapelle  de  Notre- 
Dame  de  Pitié  du  Viaunay,  à  Loigné. 

André  Hayer,  curé  de  la  Perrière. 

Marin-Jacques  Jallet  de  la  Véroullière,  curé  de  Miré. 

Jean  Marais,  curé  de  Marigné,  près  Daon. 

René-Florent  Duchemin,  prieur-curé  de  Marigné- 
Peuton. 

Julien  Bagot,  curé  de  Peuton. 

André  Girault,  prieur-curé  de  Saînt-Sauveur-de-FIée. 

Jean-Baptiste  Jameau,  titulaire  de  la  chapelle  Saint- 
Sébastien  à  Saint- Denis-d'Anjou. 

Se  firent  représenter  par  procureurs  : 

René  Pai^s,  titulaire  de  la  chapelle  de  Sainte-Cathe- 
rine d'ingrandes,  à  Azé. 

Pierre  Crosnier,  curé  de  Saint-Remy  de  Ch&teaa- 
Gontier. 

Louis  Lebeau,  curé  de  Saint-Laurent-dee-Mortiers. 

Jean  Pottier,  titulaire  de  la  chapelle  Sainte-Marguerite 
à  Biemé. 

Pierre-François  Bazonné,  titulaire  du  prieuré  de 
Saint-Philbert  de  Fontenay. 


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Jean-Baptiste  Fleury,  titulaire  de  la  chapelle  de  Saint- 
Nicolas,  à  Saint- DenÎB-d' Anjou. 

René-Joseph-François  de  Champagne,  curé  de  Saint- 
Quentin-eD-Graonnais . 

Michel  Tresneau,  curé  de  la  Boiasière-en-Craonnais. 

Simon-Matthieu  Lethayeux  de  la  Bertinîère,  curé 
d'Ampoi^é. 

Jaan-Louis  Mahier,  curé  de  Saint-Jean  de  Ch&teau- 
Gontier. 

François  Logeais,  curé  de  Loigné. 

Jean-Baptiste  Boue,  prieur-curé  de  Mée. 

Jean-Baptiste  Lerebvre,  curé  de  Saint-Denis-d'Anjou. 

Marin  Oger,  titulaire  de  la  chapelle  de  Sainte-Croix, 
à  La  Jaille-Yvon. 

Jacques-Chartes  Drouet  de  Grazigny,  curé  d'Azé. 

Marin-François  Houdbine,  curé  de  Quelaines. 

Charles  de  Gaqueray,  titulaire  de  la  chapelle  de  Saiat- 
Légêr,  à  Marigné  près  Daon. 

Les  religieuses  du  Buron  près  Ch&teau-Gontier. 

Les  chapelains  de  Ruillé. 

Jean-Marie  Pierre,  titulaire  de  la  chapelle  de  la 
Rollière,  à  Ampoigné. 

Jean-Louis  de  Gaston,  prieur  d'Azé. 

René-Charles  de  Lancrau,  prieur  de  Saint-Biaise,  à 
Marigné-Peuton . 

Les  Ursulines  de  Château-Gontier. 

Les  Augustines  hospitalières  de  Ch&teau-Gontier. 

Charlea-GUles  Charbonnier  de  la  Guesnerie,  curé 
d'Aviré. 

Jean-Baptiste  Varré,  titulaire  du  prieuré  de  Noire- 
Dame  de  Vendangé,  à  Chàteau-Gontier. 

René-Barthélémy  Millet,  titulaire  de  la  chapelle  de  la 
Peignerie,  à  Chàteau-Gontier. 

Jéràme-François  de  Clinchamps,  curé  de  Grez-en- 
Bouère. 

Jean-François  Aubert,  curé  de  Montguillon. 

Jean-Joseph  Guillois,  titulaire  de  ta  chapelle  Sainte- 
Anne,  à  Fromentières. 


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Jean-René-Joseph  Lemasson,  curé  de  Saint-Martïa- 
de-VillengloBe. 

Pierre  Oger,  curé  de  La  Jaille-Yvon. 

Jean  Hocdé,  titulaire  de  la  chapelle  des  Roches,  à 
Ampoigné. 

Alexandre  Miré,  curé  de  Chéripeaux. 

Louis  Gerbon,  prieur  des  Cherrea. 

Joseph  Letellier,  curé  de  Saint-Gault. 

Michel- René  Frémond,  curé  de  Saint- Aignan-en- 
Craonnaia. 

L'assemble  générale  des  trois  ordres  des  cinq  séné- 
chaussées d'Angers,  Beaufort,  Baugé,  ]a  Flèche  et 
Château -Gontier,  commencée  le  16  mars,  se  terminale 
18  du  même  mois.  Alors  eurent  lieu  les  séances  de  l'ordre 
du  Clergé  ',  du  18  mars  au  6  avril.  L'un  des  quatre 
députés  du  clergé  d'Anjou  appartenait  à  la  sénéchaussée 
de  Chàteau-Gontier,  M*  Louis-François  Martinet,  prieur- 
curé  de  Daon. 


Tous  les  ducs,  pairs,  marquis,  comtes,  barons,  châte- 
lains, et  généralement  tous  les  nobles  possédant  fief, 
furent  assignés  par  un  huissier  royal  au  principal  manoir 
de  leurs  fiefs,  pour  comparaître,  en  personne  ou  par 
procureur,  à  l'assemblée  générale  des  trois  ordres,  le 
16  mars.  Quant  aux  nobles  non  possédant  fief,  ayant 
la  noblesse  acquise  et  transmissible,  âgés  de  vingt-cinq 
ans  et  domiciliés  dans  le  ressort,  ils  ne  furent  point  assi- 
gnés par  un  huissier,  mais,  suffisamment  avertis  par  les 
publications,  affiches  et  cris  publics,  ils  durent  égale- 
ment se  rendre,  en  personne  et  non  par  procureur,  à 
l'assemblée  d'Angers.  Voici  les  noms  des  nobles  de  la 
sénéchaussée  de  ChAteau-Gontier  qui  furent  présents  à 
la  cathédrale  le  16  mars  : 

Louis-Pierre  de  la  Barre  de  Préaux,  seigneur  de 
l'HAtellerie-de-Flée. 

1.  Dam  l'église  des  Cordelière  d'Angen. 


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—  70  — 

Jean-MathuriD  Bernard,  seigneur  da  Port,  paroisse  de 
Miré. 

LouiS'Marie-François  du  Bois-Jourdan,  seigneur  de 
Chauay  et  Launay-Gautier,  paroisse  de  Grez-en- 
Bouère. 

Marie-Joseph  de  Bouchamp,  seigneur  du  Bignon  et 
Molesse,  paroisse  de  Saint-Laurent-des-Mortiers. 

Claude-Augustin  de  Bourdon-Gramont,  chevalier  de 
l'ordre  de  Saint-Lazare,  à  Château-Gontîer. 

François  Bûcher,  seigneur  de  l'Écorse,  paroisse  de 
Chemazé. 

Jean-Joseph  Cohon,  seigneur  de  la  Raudière  et  Tra- 
vaillé, paroisse  de  Miré. 

Prosper-Louis-René- François  de  Collasseau,  sei- 
gneur de  Martigné,  chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Louis, 
paroisse  de  Saint-Denis-d'Anjou. 

Pierre-Joseph  Cousta  de  Souvré,  seigneur  de  la 
Fossille,  paroisse  de  l'Hôtellerie-de-Flée. 

Toussaint  Dean,  seigneur  de  Luigné,  paroisse  de 
Coudray. 

Etienne-Thomas  Dean  de  Luigné,  à  Château-Gontier. 

Claude-Jean-René  Foucault  des  Bigottières,  à  Châ- 
teau-Gontier. 

Jean-François-René  Gaultier  de  Brulon,  paroisse  de 
Saint- Laurent-des-Mortiers. 

Hercule-Gilles  de  la  Grandière,  seigneur  du  Plessis, 
chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Louïs,  paroisse  de  La 
Jaille. 

René-Henri  d'Héliand,  seigneur  d'Ingrandea  et 
d'Azé,  chevalier  de  Saint- Louis,  commandeur  de  l'ordre 
de  Saint-Lazare,  paroisse  d'Azé. 

Alexis-Marc-Henri-Charles  de  Lancrau,  seigneur  de 
Bréon,  paroisse  de  Marigné-Peuton. 

René-Charles  Louet,  seigneur  de  la  Boutonnière  et 
de  la  Fleuriais,  paroisse  d'Aviré. 

Jacques- Louis  de  Saint-Ouin,  chevalier  de  Saint- 
Louis,  seigneur  de  Vernais,  paroisse  de  Cb&telais. 


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Paul  Pissonnet  de  Bellefond,  seigneur  de  la  Touche, 
paroisae  de  Mée. 

René  Poisson  de  Gastines,  seigneur  de  Gastines  et 
de  Brunesac,  paroisse  de  Chemazé. 

Hyacinthe- René  de  Quatrebarbes,  seigneur  d'Argen- 
ton  et  de  Châtelain,  paroisse  d'Argenton. 

Augustin-Lancelot  de  Quatrebarbes,  à  Château- 
Gontier. 

Jean-Joseph  Troehon  de  Beaumont,  seigneur  de  Mor- 
treux,  paroisse  de  Daon. 

iSe  firent  représenter  par  procureurs  : 

Geneviève-Marguerite-Jeanne  du  Tertre,  dame  du 
Tertre  de  Mée,  paroisse  de  Mée,  veuve  de  Marc-AIeiis- 
Louis-François  de  Lancrau. 

Jean-Thérèse>Louis  de  Beaumont  d'Autichamp,  sei- 
gneur de  Château-Gontier,  maréchal  de  camp  et  inspec- 
teur divisionnaire  des  armées  du  roi,  et  son  lieutenant 
et  commandant  des  ville  et  château  d'Angers,  comman- 
deur de  l'ordre  de  Saint-Louis  '. 

Charles-Joseph-Augustin  de  Walsh-Serrant,  seigneur 
de  Bouillé-Ménard,  chevalier  de  Saint-Louis,  paroisse 
de  Bouillé-Ménard. 

1.  H.  d'Auticbamp  demanda  au  roi,  en  décembre  1TS8,  que  la  séné- 
Chaussée  de  ChAteau-Gontier  tùl  distraite  de  la  sénéchauMée  d'Angers. 
Le  2S  décembre,  le  comte  de  la  GallssonaJère  écrlTlt  h  Versailles  que 
Louis  XV  ravait  pourvu  de  la  charge  de  grand  eénéchal  d'épée  hérédi- 
taire de  la  province  d'Anjou,  à  laquelle  sont  Jointes  ci  les  sénéchaussées 
de  La  Flèche,  Ch&teau-Gontier,  Saumur,  Baugé  et  autres  endroits  de 
cette  province,  n  disent  ses  provisions  enregistrées  en  176S  ila  Chambre 
des  Comptes.  Cette  lettre  était  une  réponse  péremptoire  h  H.  d'Auti- 
champ. Arch.  Nationales,  B'"7, 

Le  :>  Janvier  1789,  M.  de  Julgné  revenait  à  la  char^  dans  une  lettre 
BU  garde  des  sceaux  :  u  Tout  le  ressort  du  présldiai  de  C h Ateau -Gonfler 
a  été  mis  dans  le  grand  bailliage  ou  la  grande  sénéchaussée  d'Angers  ; 
mais  ce  ressort  a  été  formé  aux  dépens  des  sénéchaussées  du  Maine  et 
d'Anjou,  au  moyen  de  quoi  tous  les  gentilshommes  du  Maine  dont 
les  terres  ont  élé  englobées  dans  le  ressort  du  présldiai  de  ChAteau- 
Gontler,  dont  les  pères  cependant  avalent  été  membres  des  assemblées 
du  Maine  k  la  rédaction  de  la  Coutume  et  autres,  se  trouvent  forcés 
d'aller  dans  une  province  qui  leur  est  élrangfere,  dont  les  lois  sont  diffé- 
rentes de  celles  qu'ils  suivent,  où  Ils  n'ont  point  ou  peu  de  relations,  oii 
Ils  seront  regardés  comme  étrangers,  peu  écoutés  et  peu  considérés. 
Vous  m'avoueres  que  cela  fait  de  singuliers  arrangements,  h  Ibidem. 


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—  72  — 

Louis-François-Séraphin  du  Bois-Jourdan,  seigneur 
de  Longuefuie  et  des  Courants,  paroisse  de  Longuefuie. 

Jean-Baptiste-Hyacinthe-Marie  du  Tertre  de  Sancé, 
seigneur  de  Baubigné,  maréchal  de  camp,  paroisse  de 
Fromentières. 

François  d'Andigné,  seigneur  de  Saint-Gault,  cheva- 
lier de  Saint-Louis,  paroisse  de  Saint-Gault. 

Louis-Timothée-François  de  Cumont,  seigneur  du 
Puy  et  Froidfont,  paroisse  de  Froidfont, 

Renée-Geneviève  le  Maire  de  la  Mairerie,  dame  de  la 
Perinne,  paroisse  de  Marigné,  près  Daon. 

Henri  de  Vaufleury,  seigneur  de  Rolay,  paroisse  d'Azé. 

Eugène-Jean  Ernault,  seigneur  de  Moulins,  paroisse 
de  Miré. 

Jean-Louis-Auguatin-Thérèse  de  la  Lande,  seigneur 
de  Saint-Martin-de-Villenglose. 

Thomas- Robert-Nicolas  d'Angerville,  seigneur  de  la 
Maroutière, paroisse  de  Saint- Remy  de  Ghftteau-Gontier. 

Louise-Renée-Céleste  Guryes,  épouse  de  ChaHes- 
René-Auguste  de  Farcy,  dame  de  Champagne,  paroisse 
de  Bazouges,  près  Chàteau-Gontier. 

Jules-Jean  Galichon,  seigneur  de  Courchamps  et  du 
Plessis,  paroisse  de  Grez-en-Bouère. 

Jean-Baptiste  de  Laurens,  seigneur  de  Brion  et  de 
Daon,  paroisse  de  Daon. 

Augustin  Martineau,  seigneur  de  Fromentières, 

Marie-Henriette-Thérèse  de  la  Forest  d'ArmailIé, 
veuve  de  Henri-Gilbert-Germain  de  Villoutreys,  dame 
de  Beaumont,  paroisse  de  Saint-Laurent-des-Mortiers. 

Joseph-François  de  Réaux,  seigneur  de  Quelaines,  de 
l'Anchenil  et  de  Miré,  paroisse  de  Miré. 

René-Annibal  de  Farcy,  seigneur  du  Rozerai  et  de 
Grand-Pont,  paroisse  de  Quelaines. 

Louise-Françoise  Jaillard  de  la  Maronnière,  dame  de 
Villeprouvée,  paroisse  de  Saint-Aubin-du-Pavoil, 

Guy-Marie-François  Le  Bel  de  la  Jaillère,  seigneur 
de  la  Motte  d'Orveaux  et  d'Aviré,  paroisse  d'Aviré. 


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—  73  — 

L'assemblée  générale  des  trois  ordres  des  cinq  séné- 
chaussées d'Anjou  s'ouTTÎt  le  16  mars,  dans  l'église 
cathédrale  d'Angers,  sous  la  présidence  du  grand  séné- 
chal d'épée,  le  comte  de  la  Galissonnière.  Après  la 
messe  du  Saint-Esprit,  on  procéda  à  la  vérilication  des 
pouvoirs,  qui  dura  deux  jours.  Le  matin  du  18,  eut  lieu  la 
prestation  de  serment,  après  laquelle  chaque  ordre  se 
réunit  isolément  pour  procéder  à  la  rédaction  de  son 
cahier,  et  élire  les  députés  aux  Etats  Généraux. 

Du  18  mars  au  7  avril,  les  séances  de  la  noblesse  se 
tinrent  à  l'abbaye  Saint-Aubin  d'Angers.  Le  8  avril,  le 
grand  sénéchal  héréditaire  d'épée  clôtura,  dans  une 
dernière  assemblée  générale  à  la  cathédrale,  les  opéra- 
tions électorales  qui  avalent  été  ordonnées  par  le  gou- 
vernement royal. 

La  noblesse  d'Anjou  envoyait  quatre  députés  aux 
Etats  Généraux.  Aucun  d'eux  n'appartenait  à  la  séné- 
chaussée de  Chàteau-Gontier. 

F.    UZUREAU, 
Directeur  da  ÏAnjoti  Historique. 


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EXTRAIT  DE  L'ANCIEN  GREFFE 

DES    SEIGNEURS    VICOMTES 

DE  BEAUMONT  ET  DE  LA  FLÈCHE 

iSuite). 


24. 

Du  20'  du  dit  moys  de  febvrier  au  dit  on  1537,  ma  dicte 
dnme  a  expédié  un  mandement  à  M"  Florimond  MarsoIIier, 
chastclain  et  recepveur  de  la  baronnie  de  la  Flèche,  par 
lequel  elle  luy  ordonne  tenir  quitte  et  deschargée  Renée 
Charbonnier,  veufve  de  feu  M'  Jacques  Cousin,  lors  son 
vivant  procureur  de  la  dite  baronnye,  de  la  somme  de  15#t, 
en  quoy  elle  estoit  tenue  vers  ma  dicte  dame  pour  raison  de 
l'acquesl  par  elle  faict  le  9  janvier  1536  de  François  Cres- 
pin,  sergent  ordinaire  du  dit  lieu  de  la  Flèche,  d'une  maison 
avec  une  petitle  cour,  le  tout  assis  au  dit  lieu  de  la  Flèche, 
de  laquelle  somme  ma  dite  dame  luy  a  faict  don  à  la 
charge  qu'elle  sera  tenue  payer  au  dit  MarsoIIier  le 
dixiesme  denier  de  la  dite  somme  pour  estre  employé  es 
aumosnes  de  ma  dite  dame  ainsy  qu'elle  a  de  coustume 
faire. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dict«  dame  a  expédié  lectres 
soubs  seel  audit  lieu  de  la  Flèche  par  lesquelles,  pour  le 
bon  rapport  que  faict  lui  a  esté  de  la  personne  dArlhus 
Baille,  et  de  ses  sens,  suffisance,  loyauté  et  bonne  diligence 
et  pour  autres  causes  ad  ce  la  mouvans,  a  confirmé  le  dit 
Arthus  et  en  tant  que  besoin  esloit  ou  seroit,  donne  el 
oclroye  par  les  dites  lettres  l'ofTlce  de  sergent  ordinaire  et 
général  en  la  baronnie  de  Sainte- Suzanne  qu'il  a  tenue  et 


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—  75  — 

exercée  cy  devant  par  le  don  et  octroy  qu'il  luy  en  avoît 
esté  faict  par  feu  Monseigneur  le  duc  de  Vendosmoys,  que 
Dieu  absoille,  pour  icettuy  office  de  sergent  général  et  ordi- 
naire de  la  dite  baronnie  avoir,  tenir  et  doreseoavant  exercer 
par  le  dit  Arthus  aux  honneurs,  authoritéz,  revenus,  droitz, 
profîlz  et  esmolumens  qui  y  appartiennent,  etc. 

25. 

Du  22*  jour  du  dit  mois  de  febvrier  au  dit  an  1537,  ma 
dicte  dame  a  escript  une  lectre  aux  officiers  du  bas  Vendos- 
moys, par  laquelle,  après  avoir  entendu  que  puis  aucun 
temps  vendition  a  esté  faicte  de  la  chastellenye  de  Crassey, 
tenue  de  la  baronnye  de  Lavardin,  et  pour  ce  que  c'est 
chose  de  conséquence,  a  déhbéré  et  ordonné  ne  recepvoif 
ou  faire  aucune  composition  de  profit  de  fief  de  la  dite 
vQndition,  ains  qu'ils  ayent  à  remettre  le  faict  du  dit  profit 
de  fief  à  ma  dite  dame  et  à  Monseigneur  son  filz. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dite  dame  a  expédié  un  mande- 
ment à  M°  Florimond  Marsollier,  chastelain  et  recepveurde 
la  Flèche,  par  lequel  elle  ordonne  aux  auditeurs  de  ses 
comptes  passer  et  allouer  en  la  despence  des  comptes  du  dit 
Marsollier  la  somme  de  ^*  15  s.  8  d.  t.  qu'il  a  ce  jourd'huy 
fournys  et  délivrez  comptant  es  mains  de  ma  dite  dame, 
sçavoir  est  65  s.  8  d.  procédans  du  dixiesme  denier  des  ventes 
de  l'acquest  faict  par  M°  René  Branchu,  greffier  de  la 
Flèche,  le  8  may  dernier  passé,  de  M°  Jean  Dupont,  du  Lude, 
et  Marie  Cormier,  sa  femme,  du  lieu  et  métairie  du  Hautt-Paa 
et  d'une  pièce  de  pré  appellée  la  pièce  Vallin,  et  30  s.  t.  à 
quoy  se  monte  le  dixiesme  denier  des  ventes  deues  s  ma 
dite  dame  d'un  acquest  faict  par  Renée  Cherbonnyer, 
veufve  de  feu  M°  Jacques  Cousin,  le  9  janvier  1535,  de 
François  Cousin,  sergent  de  la  Flèche,  d'une  maison  avec 
une  petitte  cour  située  au  dit  lieu  de  la  Flèche,  et  ce 
la  dite  somme  de  4*  15  s,  8  d.  pour  convertir  es  aumosnes 
de  ma  dicte  dame,  etc. 


Du  26'  jour  du  dit  moys  de  febvrier  au  dit  an  1537,  ma 
dile  dame  a  expédié  lettres  soubs  son  scel  par  les  quelles 
elle  confirme  M'  Florimond  Marsollier  es  offices  de  chaste- 
lain, recepveur  et  enqueslcur  ordinaire  de  la  baronnie  de  la 
Flèche,  aux  honneurs,  gages,  profitz,  revenus  et  esmolu- 
meUB  accoustumez,  etc. 


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27. 

Du  27'  jour  des  dits  moys  et  an,  ma  dite  dame  a  expédié 
une  procuration  en  ia  forme  qui  s'ensuit. 

Françoise,  duchesse  de  Vendosmoys,  douairière  de  Lon- 
gueville,  etc.  à  tous  ceux  qui  ces  présentes  lectres  verront, 
salut.  Sçavoir  faisons  que  comme  et  ensuivant  les  causes  de 
choix  et  l'option  cy  devant  faictz  par  feu  nostre  très  cher  sei- 
gneur et  espoux  Monsieur  le  duc  de  Vendosmoys,  que  Dieu 
absoille,  des  terres  et  seigneuries  de  Montreuilbellay,  Fousse- 
bellay,  Gennes,  Chàteauregnault  et  Marchenoir,  et  autres 
choses  de  nostre  douaire  de  la  dite  maison  de  Longueville, 
nous  par  bon  conseil  et  advis,  ayons  opté,  conclud  et  déclaré, 
comme  encore  par  ces  présentes  optons,  concluons  et  décla- 
rons que  nostre  intention  est  de  reprendre  les  dites  terres  et 
seigneuries  et  autres  choses  de  nostre  dit  douaire  et  en  icelles 
rentrer  pour  les  tenir  et  en  joyr  au  dit  titre  entre  nos  mains, 
par  nos  gens,  ofhciers  et  députez,  les  dits  contraclz  de  baulx 
à  ferme  demeurez  pour  l'advenir  nnlz,  expirez  et  assouppy s, 
sans  préjudice  de  nos  autres  droitz,  actions,  et  des  arrérages 
de  la  dite  ferme.  Etpour  TefTect  et  exécution  de  nostre  dicte 
option,  conclusion  et  déclaration  soit  requis  et  expédient 
députer  et  envoyer  sur  les  dits  lieux  par  quoy  nous  à  plain 
confians  des  sens,  loyauté  de  nostre  amé  et  féal  conseiller  et 
maître  des  requestes,  M°  Jean  Tesnière,  bailly  et  esleu 
de  Vendosmoys,  et  Bertrand  de  Saint-Melon,  sieur  de  la 
Botterye,  iceux  et  chacun  d'eux  seul  et  pour  le  tout  avons 
commis,  ordonnez  et  députez,  commectona  et  ordonnons  par 
ces  dites  présentes  nos  procureurs  généraux  et  certains  mes- 
sagers espéciaux,  leur  donnans  et  à  chacun  d'eux  pour  le  tout 
plain  pouvoir,  authorité  et  mandement  espécial  d'exécuter  et 
mectre  à  eifectnos  dessus  dictes  conclusion  etdéclaralion,  et 
à  ceste  fin  eux  ou  l'un  d'eux  transporter  sur  les  dictas  terres 
et  seigneuries  et  partout  aiUieurs  où  il  appartiendra,  et 
d'icelles  reprendre,  tenir  et  retenir  pour  et  au  nom  de  nous 
la  possession  et  jouyssance  réelle  et  actuelle,  pour  en  joyr 
par  nos  mains  et  de  nos  oMciers,  gens  et  dépuiez  et  dores- 
navant  prendre  et  percevoir  les  fruictz,  prouTitz,  revenus  et 
esmolumens,  à  commencer  du  premier  jour  du  mois  de 
janvier  dernier  passé,  commectre  et  instituer  de  par  nous  et 
continuer  les  oITiciers  des  dites  terres  et  seigneuries  Jusques 
à  nostre  bon  plaisir,  faire,  conclure  et  arrester  les  estatz  des 
recepveurs  et  autres  comptables  et  généralement  de  procu- 
rer, faire  et  ordonner  es  choses  dessus  dictes,  circonstances 


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—  77  — 

et  despendances  d'icelles,  tout  ainsy  et  autant  que  ferioDS 
ou  faire  pourions  si  en  personne  y  estions  ;  le  tout  au  dît 
DOm  et  titre  de  douaire  tant  et  si  longuement  qu'il  aura  lieu, 
et  sans  préjudice,  comme  dict  est,  de  nos  dits  autres  droitz, 
actions  et  arrérages  de  la  dite  ferme;  promectant  en  foy 
espéciale  de  princesse  tenir  et  avoir  pour  aggréable  tout  ce 
que  par  eux  et  chacun  d'eux  aura  esté  et  sera  faict  sur  le 
contenu  des  dites  présentes.  Donné  à  la  Flèche,  le  27*  jour 
de  fehvrier  1537. 

Des  ditfi  jour  et  an,  a  esté  expédié  par  ma  dicte  dame  autre 
procuratioD  ad  Utea  et  mise  es  mains  du  dit  bailly  de  Yen- 
dosmoys  pour  requérir  et  demander  les  renvoys  des  causes, 
tant  en  demandant  que  en  deffendant,  soit  en  la  cour  de 
parlement,  aux  requestes  du  palais  à  Paris,  que  par  devant 
les  juges  et  officiers  ou  autres  et  à  ces  fins,  de  soy  adjoin- 
dre pour  et  ou  nom  de  ma  dicte  dame  es  causes,  querelles 
et  matières  qui  soient  meues  entre  autres  parties  es  quelles 
auroit  ou  pouroit  prétendre  aucun  intérest,  et  par  espécial 
de  faire  et  substituer  un  ou  plusieurs  procureurs  en  la  dite 
procuration,  le  nom  des  procureurs  n'a  esté  emply. 

Veu  par  madame  certaine  requeste  à  elle  présentée  les 
dits  Jour  et  an  par  damoiselle  Louyse  Gaignart,  femme  de 
Jeannot  Thébault,  et  d'icelle  rapport  luy  eatre  faict,  ensemble 
du  contenu  en  l'arrest  devant  mentionné,  elle  a  ordonné  que, 
avant  passer  outre,  les  officiers  de  la  baronnie  de  Sonnoys 
luy  certifieront  par  escript  souba  leurs  seings  des  mœurs  et 
conditions  du  dit  Thébault,  des  causes,  circonstances  et 
despendances  du  procès  sur  lequel  a  esté  donné  le  dit  arrest, 
de  la  perte  et  dommage  au  vray  que  ma  dicte  dame  a  eue  à 
l'occasion  des  cas  dont  iceluy  Thébault  estoit  accusé,  de  la 
nature  et  valleur  du  fond  entrepris  par  le  dit  Thébault, 
ensemble  du  contenu  de  la  dite  roqueste,  pour  ce  faict  et 
rapporté  estre  ordonné  sur  icelle  ce  qu'elle  verra  estre  à 
faire,  etc. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  lectres 
aux  dits  officiers  de  Sonnoys,  en  la  forme  qui  s'ensuit. 

Chers  et  bien  amez,  la  femme  d'un  nommé  Thébault  nous  a 
fait  présenter  une  requeste  touchant  l'alTaire  de  son  mary,  sur 
quoy  avons  ordonné  quelque  préparatif,  ainsy  que  verrez  en 
nostre  ordonnance  faicte  à  la  fin  de  la  dite  requeste.  A  quoy 
de  VDstre  part  vous  satisferez  au  plus  tost  que  pourez.  Outre 
avons  entendu  par  ce  qu'avez  escript  au  bailly  de  Vendos- 
moya  vostre  diligence  sur  l'exécution  de  la  révocation  par 


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—  78  — 

nous  faïcte  des  aliénations,  mesmement  de  celles  qui  ont 
esté  faictea  à  Mario  de  la  Fosse  et  à  un  nommé  de  la  Bous- 
sardière,  en  quoy  nous  avez  faict  service  très  agréable.  Pour 
ceste  cause  vous  ordonnons  que  incontinent  ayez  à  nous 
envoyer  vos  advis  sur  la  parfaicte  et  entière  exécution  de  la 
révocation  des  dites  deux  aliénations  et  autres,  si  aucunnes 
viennent  à  cognoissance,  dont  ferez  inquisition  et  deue  dili- 
gence. A  tant,  chers  et  bien  amez,  prions  le  Créateur,  etc. 

Plus,  des  dits  jour  et  an,  sur  certaine  requeste  présenlëe 
à  Madame  et  À  Monseigneur  par  un  nommé  Bottier,  a  esté 
respondue  eu  la  forme  qui  s'ensuit. 

Veu parnous  Françoise,  duchesse,  etc.,  et  Anthoine,  duc, 
etc.,  la  présente  requeste  et  du  contenu  en  icelle,  rapport  à 
nous  faict  par  les  gens  de  nostre  conseil  estans  lez  nous,  nous 
avons  ordonné  el  ordonnons  que  le  dit  Bottier,  suppliant, 
poura  présenter  par  devant  nos  amez  et  féaux  les  gens  des 
comptes  à  Vendosme  ses  comptes  du  faict  et  administration 
qu'il  a  eue  de  la  recepte  de  Sain  te- Suzanne,  avecques  ses 
papiers,  acquictz  et  quitances  et  tout  ce  que  bon  luy  semblera 
pour  la  vérification  de  ses  faictz,  et  par  les  dits  gens  des 
comptes  que  commectons  quand  ad  ce,  y  estre  faict  droict  ou 
donné  quelque  expédition  qu'il  appartiendra,  et  après  estre 
par  nous  ordonné  sur  le  résidu  du  contenu  en  la  dite  pré- 
sente requesie  ce  que  verrons  estre  à  faire  par  raison,  le  tout 
sans  innover  ne  faire  dérogation  à  l'encontre  des  obligations, 
soubmissions  et  jugemens  que  avons  ou  povons  avoir  à  l'en- 
contre du  dit  suppliant  pour  raison  de  la  dite  administration 
ne  aux  poursuittes  et  instances  encommencées  pour  raison 
de  ce. 

Des  dits  jour  et  an,  a  esté  expédié  mandement  de  ma  dicte 
dame  à  M"  Ftorimond  MarsoUier,  cbastelain  et  recep- 
veur  de  la  baronnye  de  la  Flèche,  par  lequel  elle  luy  ordonne 
tenir  quitte  et  deschargé  Guillaume  Syette  et  Ambroise,  sa 
femme,  de. la  somme  de  Ô«  3  s.  4  d.  t.,  en  quoy  ils  sont 
tenuz  vers  ma  dicte  dame  pour  raison  de  l'acquest  par  eux 
faict  le  22  febvrier  1535  de  Collas  Syette,  leur  filz,  demeu- 
rant à  Précigné,  de  la  quarte  partie  par  indivis  des  maisons, 
jardin,  tenemens  et  appartenances  du  Cheval  Blanc,  situez  en 
la  ville  de  la  Flèche,  en  la  rue  de  Nostre  Dame  du  Chef  du 
Pont,  de  la  quelle  somme  elle  luy  a  faict  don,  sauf  du 
dixiesme  denier  qu'elle  a  présentement  mis  en  ses  mains 
pour  estre  employé  en  ses  aumosnes. 


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Du  28*  jour  du  dit  moys  de  febvrier  ou  dit  an  1537,  ma 
dicte  dame  a  expédié  mandement  h  son  thrésorier  et  recep- 
veur  général  par  lequel  elle  luy  ordonne  bailler  acquict  à 
M'Florimond  Marsotlier,  chastelain,  etc.,  servant  k  la  reddi- 
tion de  ses  comptes,  de  la  somme  de  9A«  10  s.  t.,  qu'il  a  ce 
jourd'huy  fournie  et  délivrée  comptant  par  son  commande- 
ment verbal  à  Philippes  Creste,  son  secrétaire  et  argentier, 
pour  convertir  au  faîct  de  sa  charge,  mesme  au  payement  de 
pareille  somme  deue  par  ma  dicte  dame  à  Pierre  Moussault, 
marchand,  suivant  l'accord  pour  neuf  pippes  de  vin  qu'il 
avoit  fournyes  es  mois  de  juin  et  juillet  dernier  passez. 

29. 

Du  25'  jour  de  mars  1537  avant  Pasques,  ma  dicte  dame 
a  expédié  autre  mandement  à  M°  Germain  Le  Maçon,  par 
lequel  elle  luy  ordonne  desduire  el  rabbattre  à  Jean  Vallin, 
grenetierde  Chàteaugontier.  la  somme  de  55#  tz.,  sçavoir  est 
50»  tz.  dont  elle  luy  a  faict  don  en  faveur  et  considération  des 
services  qu'il  iuy  a  laictz  au  recouvrement  des  deniers  des 
amendes  et  restitution  de  droits  de  gabelle  provenus  de  la 
réformation  de  la  dicte  gabelle  faictes  es  parroisses  du  dit 
grenier  de  l'année  dernière,  el  100  solz  tz,  pour  quelques 
voyages  par  luy  faictz  du  dit  Chàteaugontier  en  ce  lieu  de 
la  Flèche  vers  elle,  et  ce  sur  les  deniers  du  dit  grenier  qui 
escherront  en  ce  présent  quartier  de  janvier,  febvrier  et 
mars,  en  faisant  par  luy  recepte  entière  du  dit  quartier. 


Du  10*  jour  d'apvril  1537  avant  Pasques,  ma  dicte  dame 
estant  à  la  Flèche  elle  a  expédié  lectres  de  confirmation 
pour  Pierre  Forget  de  l'ofÏÏce  de  sergent  ordinaire  en  la 
baronnie  de  la  Flèche  ou  bailliage  de  Créans,  Mareil, 
Thorcé  (?}  el  fiefs  enclavez,  aux  droicLz,  honneurs,  etc.,  le 
serment  adressant  au  bailly  de  la  Flèche  ou  son  lieutenant. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  autre  confir- 
mation à  Gervais  Faiffeu  de  sergent  ordinaire  en  la  ville 
de  Lespet  (?},  en  la  baronnie  de  la  Flèche. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  autres 
leclres  de  confirmation  à  René  Billon  de  l'office  de  sergent 


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général  de  la  baronnie  de  la  Flèche  pour  en  jouir  aox  fran- 
chises, libertés,  etc. 

31. 

Du  18*  jour  d'apTril  au  dit  an  1537  avant  Pasques,  ma 
dict«  dame  estant  à  Fontevrault  a  expédié  lectres  aux  offi- 
ciers de  Sainte- Suzanne  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Chers  et  bien  amez,  nous  avons  eu  requeste  touchant  le 
doD  du  rachapt  de  la  terre  du  Chasteau.  tenue  à  cause  de 
notre  baronnie  de  Sainte -Suzanne  tant  de  la  part  du  sieur  de 
Chantelou,  l'un  de  nos  maîtres  d'hostels,  que  d'un  nommé 
Champion,  auquel  Champion  avons  ordonné  en  estre  faict 
quelque  despescbe  non  mémorative  de  ce  que  en  avons 
accordé  au  dit  sieur  de  Chantelou  et  n'ayant  par  nous  esté 
adverty  de  l'intérest  que  povons  prétendre  par  dépied  de 
iîef  sur  le  dit  lieu  du  Chasteau,  à  ceste  cause  vous  mandons 
et  ordonnons  que  n'ayez  à  entheriner  ne  mectre  à  effect  la 
dicte  despescbe  faicte  au  dit  Champion,  ains  la  tenir  en 
surcéance  jusques  ad  ce  que  nous  ayez  deuement  informée 
du  dit  droict  de  dépted  de  fief  et  que  par  nous  autrement  en 
aye  esté  ordonné.  A  tant  chers  et  bien  amez,  etc. 

32. 

Du  lundy  22'  jour  d'apvril  1538  après  Pasques,  au  conseil 
de  Madame  tenu  à  Fontesvrault,  sur  les  requestes  présentées 
par  Jean  de  l'Espinay,  soy  disant  avoir  droict  de  l'un  des 
quatres  fayez  de  la  Flèche  et  par  ce  moyen  usage  de 
prendre  boys  en  la  forest  de  Meslinays.  pareillement  René 
Chauveher,  aussy  l'un  des  dicts  fayez,  Jean  Le  Maignan.  se- 

f  rayer,  et  Thierry  Fontenays,  sergent,  tendant  affin  d'avoir 
□n,  grâce  et  modération  des  amendes  et  despens  es  quels 
chacuD  d'eux  a  esté  condemné  vers  ma  dicte  dame  par  les 
juges  commis  à  la  réformation  des  boys  et  forests  des 
vicomte  de  Beaumont  et  baronnye  de  Sonnoys,  ma  dicte 
dame  a  voulu  et  ordonné,  veut  et  ordonne  que  l'advis  des 
ofBciers  ordinaires  du  dit  lieu  de  la  Flèche,  accord  et  tran- 
saction soit  faicte  avec  les  dits  Chauvelier  et  autres  fayez 
susdits  en  manière  que  le  dit  droict  d'usage  par  eux  pré- 
tendu à  la  dicte  forrest  pour  l'advenir  soit  et  demeure  sup- 
primé, nul  et  aboly,  et  que  à  cette  fin  estimation  en  soit 
faicte,  ensemble  des  droictz  et  charges  qui  en  despendeat  et 
pour  cette  considération,  les  dits  de  l'Espinay,  Chauvelier 
et  autres  fayez  dessus  déclarez  estre  tenus  en  surcéance  du 


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—  81  — 

payement  de  ce  qu'ils  doibvent  à  cause  des  dictes  coodem- 
Dations  d'amendes  et  despens  jusques  aux  termes  de 
my-aoust  et  la  Touaaainct  prochainement  venaus  par 
moytié  et  égale  portion,  et  les  dits  Fontenays  et  Le  Maignen 
moylié  jusques  à  un  moys  et  l'autre  moytié  à  la  Saint-Jean 
aussy  prochain  venant. 


Du  24*  jour  des  dits  moys  et  an.  ma  dicte  dame,  estant  à 
Montreuilbellay,  a  expédié  leclres  aux  officiers  de  Sainte- 
Suzanne  par  lesquelles  leur  mande  avoir  entendu  le  renvoy 
qu'ils  ont  faict  par  devant  elle  sur  le  différent  (?)  des  grAce  et 
don  du  rachapt  de  la  terre  du  Cbasteau,  ils  ont  par  lectres 
de  ma  dicte  dame  escripte  à  Fontevrault,  le  jeudy  dernier 
passé,  son  motif  principal  est  avant  que  passer  plus  outre, 
ayent  à  s'informer  au  vray  par  les  advis  et  certifications,  de 
l'intérest  sur  le  droit  dedépié  de  fief  que  son  procureur  pré- 
tend pour  elle  sur  la  dicte  terre  et  des  droiclz  que  chacun 
des  poursuivans  à  avoir  don  du  dit  rachapt  peut  avoir  en  la 
dicte  terre,  à  quoy  ma  dicte  dame  ordonne  satisfaire  au 
plus  tost  que  faire  ce  poura,  etc. 

34. 

Du  26*  jour  du  dit  mois  d'apvril  ou  dit  an  1538  après 
Pasques,  en  la  présence  du  hailly  de  Vendosmoys,  Madame 
a  expédié  lectres  de  confirmation  à  M*  Jean  Suart  le  jeune, 
de  lestât  et  oflîce  de  prévost  et  garde  de  la  prévosté  de  la 
chastelnye  de  Marchenoir,  qu'il  a  cy  devant  tenue  et  exer- 
cée, aux  gageS:  droictz,  proufitz,  etc.,  pourveu  qu'il  fera 
résidence  continuelle  au  dit  Marchenoir  et  non  autrement. 


Du  dimanche  28'  jour  des  dits  moys  et  an,  ma  dicte  dame 
estant  en  son  conseil  à  Montreuilbellay,  sur  certains  aKicles 
à  elle  présentez  par  les  otficiers  du  dit  lieu,  a  ordonné  sur 
le  premier  que  sur  son  intérest,  tant  pour  les  fruictz  et  arré- 
rages du  passé  depuis  le  temps  de  feu  Madame  Agnès  de 
Savoye  que  depuis  jusques  au  temps  des  baulx  à  ferme  que 
pour  les  fruictz  à  l'advenir,  que  pour  ayder  à  soustenir  les 
droicts  de  la  propriété,  elle  se  joindera  aux  procès  qui  en 
sont  intentez  aux  requestes  du  pallays,  et  que  à  celte  fin  en 
escrire  à  son  conseil  à  Paris,  et  pour  en  communiquer 
avecquea  Hacqueville  et  autres  gens  du  conseil  de  Madame 

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de  Longueville  ;  sur  le  deuxième  et  troisième  articles, 
ensemble  sur  le  quatrième,  Madame  a  ordonné  que  là  où  les 
officiers  de  Longueville  vîenderoient  à  faire  quelque  compo- 
sition ou  accord,  pour  lors  on  y  entendra  de  sa  part  et  où  le 
sieur  de  Champlays  ne  voudroit  entendre  à  l'accord  qui  en 
fut  faict  ou  pourparlc  en  la  présence  de  feu  Monseigneur  de 
Longueville,  sera  poursuivy  le  procez  auquel  ma  dicte  dame 
se  joindra  ainsy  que  dessus  ;  et  quant  aux  anciens  procès 
intentez  ensemble  quant  aux  baulx  de  ferme  contenus  ez 
articles,  seront  baillez  au  plus  offrant  et  dernier  encbéris- 


Du  premier  jour  de  may  ou  dit  an  1538,  ma  dicte  dame 
estant  à  Fonlevrault  a  expédié  lectres  de  confirmation  à 
Bertrand  David,  de  Testât  et  office  de  capitaine  du  chastel 
de  sa  terre  et  seigneurie  de  M  on  treuil-Bellay,  pour  iceluy 
office  tenir  et  doresenavant  exercer  par  ledit  David  aux 
honneurs,  droictz,  proufitz,  revenus  et  émolumens  accous- 
tumez  et  audit  office  appartenans,  etc. 

37. 

Du  2°  jour  de  may  ou  dit  an  1538,  ma  dicte  dame  a  expé- 
dié autres  lectres  de  confirmation  à  Michel  de  Bertbemont, 
de  Testât  et  office  de  capitaine  de  Foussebellay,  membre 
despendant  du  dit  Montreuilbellay,  aux  bonneurs,  droictz 
et  aux  gages  qui  luy  seront  cy-après  par  nous  ordonnez,  etc. 

Des  dits  jour  et  an,  a  esté  expédié  autres  lectres  de  confir- 
mation au  dict  Micliet  de  Berthemont  de  TolUce  de  consiei^e 
du  chastel  de  Mon  treuil-Bellay  aux  honneurs  et  gages  ainsy 
que  dessus. 

A  esté  expédié  autres  lettres  de  ma  dite  dame  des  dits 
jour  et  an,  en  la  forme  qui  s'ensuit. 

Nous,  Françoise,  duchesse  de  Vendosmoys,  etc.,  à  tous 
ceux,  etc.  Sçavoir  faisons  que  nous  deuement  informée  des 
sens,  suffisance,  loyauté  et  bonne  diligence  de  la  personne  de 
nosLre  cher  et  bien  amé  M°  Jean  Bibotteau,  demeurant  en 
nostre  ville  de  Montreuilbellay,  à  iceluy  pour  ces  causes  avons 
commis  et  commettons  par  ces  présentes  au  faict  et  charge 
de  nostre  recepte  de  nostre  dicte  baronnie  de  Montreuilbellay, 
Foussebellay,  Gennes  et  la  Marche,  pour  Tannée  présente 


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commençant  au  premier  jour  de  janvier  dernier  passé,  à  la 
charge  de  nous  en  tenir  et  rendre  bon  compte,  etc. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  lectres  de 
coofirmation  à  Julien  Roy,  de  rolTice  de  portier  et  garde  des 
prisons  du  chastel  de  Montreuilbellay,  aux  honneurs  et 
gages  ainsy  que  devant  est  dict,  ensemble  une  autre  confir- 
mation au  dit  Roy  de  garde  des  boys  de  Brossay  et  garde  de 
la  garenne  du  dit  Montreuilbellay  aux  honneurs,  droictz, 
prouiîtz,  etc. 

Des  dite  jour  et  an,  a  esté  expédié  par  ma  dicte  dame 
lectres  de  confirmation  à  René  Turqueau  de  Testât  et  office 
d'enquesteur  el  greffier  du  dit  Montreuilbellay,  le  dit  greffe 
en  la  terre  et  seigneurie  d' Argenton  et  Gennes,  aux  honneurs, 
droictz,  proufitz,  etc. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  autres  lectres 
de  confirmation  à  M'  René  Jourdain,  licencié  en  loix,  de 
Testât  et  office  de  cbastelain  de  la  baronnie,  terre  et  sei- 
gneurie de  Montreuilbellay  aux  gaiges  qui  luy  serontcy  après 
ordonnez  par  ma  dicte  dame. 

Dea  dits  jour  [et  an,  a  esté]  expédié  par  ma  dicte  dame 
une  procuration  en  blanc  envoyée  à  M°  Richard  Huart,  ad 
Utes,  contenant  en  espécialité  de  continuer  un  ou  plusieurs 
procureurs. 

38. 

Du  5'  jour  du  dit  moys  de  may  ou  dit  an  1538,  ma  dicte 
dame  estant  à  Mirebeau,  a  expédié  un  mandement  en  la 
forme  qui  s'ensuit  : 

Maistre  îiermain  Le  Maçon,  thrésorieret  re cep veur  géné- 
ra] de  nos  finances,  et  Florimond  MarsoUier,  chastelain  et 
recepveur  de  nostre  baronnie  de  la  Flèche,  nous  vous  mandons 
et  ordonnons  tenir  quille  et  deschargé  Simon  Le  Boucher, 
apoticaire,  demeurant  en  nostre  ville  de  la  Flèche,  de  la 
somme  de  30#  par  enquoyil  a  esté  condemné  vers  nous  par 
les  commissaires  commis  à  la  reformation  des  boys  et  foresls 
de  nostre  vicomte  de  Beaumont  et  baronnie  de  Sonnoys,  de 
laquelle  somme  de  30#  tz.  pour  aucunes  causes  à  ce  nous 
mouvans  audit  Le  Boucher  avons  faict  et  faisons  délais,  grâce 
et  don,  moyennant  que  demeurons  quitte  vers  le  dit  Le  Bou- 
cher d'aucunes  parties  de  sa  marchandise  et  mcstier  qu'il  noue 
a  foumye  et  délivrée  pendant  que  dernièrement  estions  au  dit 


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—  84  — 

lieu  de  la  Flèche  montant  à  la  somme  de  unze  livres  huict 
sols  tournois,  outre  autres  parties  d'apotiquairerie  dont  paye- 
ment luy  a  esté  faict  après  ce  que  iceluy  Boucher  s'est  désisté 
du  droict  d'usage  par  tuy  prétendu  en  nostre  forest  de  Mesli- 
nays  et  y  a  renoncé  ainsy  qu'il  appert  par  lectre  et  instru- 
ment de  (en  blanc),  notaire  de  Mirebeau,  et  touchant  les  des 
pens  et  remboursement  d'espices  en  quoy  iceluy  Boucher  par 
le  dit  jugement  est  tenu  et  condemné  vers  noi^,  les  avons 
mis  et  mectODS  en  surcéance  jusques  ad  ce  qu'autrement  en 
ayons  ordonné  et  en  rapportant  par  vous  thréaorier  ou  autre 
ayant  charge  de  nous  des  dits  deniers  des  dictes  amendes, 
ces  présentes  signées  de  nostre  main  avec  quitance  ou 
recognoissance  du  dici  Le  Boucher,  d'avoir  joy  de  nostre  dit 
présent  délais,  grâce  et  don,  ensemble  les  dites  fectres  et 
instrument  d'icelle  renonciation  et  faisant  par  nous  recepte 
des  dits  30#  pour  eslre  passée  et  allouée  en  la  despence  de 
vos  comptes  et  rabattu  de  vostre  recepte  par  nos  amez,  etc. 


Du  7'  jour  du  dit  moys  de  may  ou  dit  an  1538,  ma  dicte 
dame  estant  à  Poictiers,  sur  certaine  requeste  à  elle  présentée 
par  Louys  de  Saint-Lou,  après  avoir  eu  l'advis  des  gens  de 
son  conseil,  estans  près  d'elle,  pour  certaines  causes  à  cela 
mouvans,  a  au  dict  de  Saint-Lou  suppliant  donné  et  domie 
terme  et  délay  de  payer  les  amendes  et  despens  en  quoy 
par  le  jugement  des  commissaires  commis  à  la  réformation 
des  dits  boys  et  forests  des  dictes  vicomte  de  Beaumont  et 
des  dictes  baronnyes,  dedans  les  jours  et  festes  de  my-aoust 
et  la  Toussainct  prochainement  venans  par  moytié,  sans 
préjudice  en  autre  chose  de  l'eiïect  du  dict  jugement  et 
sans  aucune  innovation,  et  en  baillant  par  le  dit  Saint-Lou 
piège  et  caution  suffisant  de  faire  le  dît  payement  qui  se 
soubmectcra  au  dit  payement  comme  principal  débiteur  selon 
la  qualité  du  dit  jugement  et  condemnalion  et  renonceront  à 
tout  ordre  de  division  préalable,  le  tout  par  devant  les  ofTi- 
cters  de  la  dicte  baronnye  de  Sonnoys  dedans  quinze  jours 
prochainement  venans.  En  mandant  aux  dits  officiers  faire 
joyr  le  dit  Saint-Lou  de  lagr&ce  et  délay,  car  ainsy  plaist,  etc. 

40. 

Du  8'  jour  des  dits  moys  et  an,  ma  dicte  dame  estant  au 
dict  Poictiers,  a  expédié  lectres  soubs  son  seel  à  {en  blanci  de 
l'oiTice  de  notaire  soubs  les  sceaux  aux  contraclz  de  la  baron- 


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nye  de  la  Flèche  qne  Boulloit  tenir  (en  blanc),  vaccant  à 
présent  par  la  mort  et  trépas,  pour  iceluy  office  avoir,  tenir 
et  doresenavant  exercer  aux  honneurs,  droictz,  profitz,  etc. 

Des  dits  jours  et  an,  a  esté  expédié  lectres  par  ma  dicte 
dame  pour  l'oifice  de  procureur  ou  bailliage  de  Tours  par 
lesquelles  elle  a  confirmé  M'  André  de  Lange  ou  dit  estât  à 
la  pention  de  cent  sols  tournois  par  au,  etc. 

Ensemble  a  esté  expédié  autres  lectres  de  confirmation 
de  l'office  d'advocat  et  conseiller  ou  bailliage  de  Touraine,  à 
la  pention  de  10« ,  etc. 


Du  11' jour  du  dict  moys  de  may  ou  dit  an  1538,  ma  dicte 
dame  estant  audit  Poictiers,  a  expédié  lectres  soubs  son 
seel,  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  duchesse,  etc.,  à  très  Révérend  Père  en  Dieu 
Monsieur  l'évesque  de  Poictiers,  ou  ses  vicaires  en  la  spiri- 
tualité, salut.  Comme  à  nous  à  cause  de  nostre  dit  douaire, 
compete  et  appartienne  la  présentation  et  nomination  de  tous 
et  chacuns  les  bénéfices  et  dignitez  fondées  en  l'église  Nostre- 
Dame  de  Montreuilbellay  au  château  du  dit  lieu  et  à  vous  à 
nostre  dicte  nomination  la  collation,  provision  et  toutte  autre 
disposition,  touttes  et  quantes  foys  que  vacation  y  eschet  et 
soit  ainsy  que  l'une  des  prébendes  du  dit  lieu  soit  vaccante 
parla  résignation  que  en  a  faicte  de  nos  congé  et  licence  nostre 
très  cher  et  bien  amé  M'  Jean  Le  Moyne,  prestre,  à  cause  de 
la  permutation  avec  la  cbappelle  Saint-Christophie  fondée 
dedans  l'église  d'Assé-le-Boyne  ou  diocèze  du  Mans,  que  a 
tenue  et  possédée  par  cy  devant  M"  François  Bellanger,  au 
lieu  de  la  dicte  prébende,  sçavoir  faisons  que  en  usant  de  nostre 
dit  droict  cy  dessus  spéciffiê,  aussy  pour  la  bonne  relation 
que  faicte  nous  a  esté  de  la  personne  du  dit  M'  Bellanger  et 
de  ses  sens,  bonnes  mœurs,  littérature,  honnesteté  et  bonne 
conversation,  iceluy  pour  ces  causes,  avons  présenté  et 
nommé,  présentons  et  nommons  comme  personne  ydoine, 
capable  et  suffisant  pour  icelle  prébende  et  chanoinerie  de  la 
dicte  église  vaccante  par  la  manière  susdite,  avoir,  tenir,  joyr, 
posséder,  vous  requérant  que,  à  notre  dite  nomination  et  pré- 
sentation, vous  luy  en  veilliez  faire  expédier  lectres  de  colla- 
tion et  provision  telles  que  luy  seront  nessessaires,  pourveu 
touttes  foys  que,  en  faisant  la  dicte  résignation,  ne  inter- 
viennent aucun  dol,  fraude  ou  autre  illicite  paction,  sur  peine 
de  nullité  de  ces  présentes.  En  tesmoing  de  ce,  etc. 


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—  86  — 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  autres 
lectres  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  nos  amez  et /eaux  les  séneschal,  chaste- 
lain,  procureur,  et  recepveur,  et  autres  nos  officiers  de  Mon- 
treuilbellay,  Foussebellay  et  Gennes,  leurs  lieutenans  ou 
commis,  et  à  chacun  d'eus,  salut.  Sçavoir  faisons  que  pour 
Venltère  confiance  que  nous  avons  en  la  personne  de  nostre 
cher  et  bien  amé  M'  Gauleher  de  Saînte-Marlhe,  sieur  de 
Lerne,  et  de  ses  sens,  loyauté,  preudhomie  et  grande  dili- 
gence, iceluy,  pour  ces  causes  et  autres  à  ce  nous  mouvans, 
avons  commis  et  ordonné,  commectons  cl  ordonnons  par  ces 
présentes  à  regarder  et  entendre  aux  affaires  de  [nos]  terres 
et  seigneuries  et  nous  y  servir  bien  et  loyamment  ainsy  que 
lui  avons  chargé  et  ordonné  tant  qu'il  nous  plaira.  Si  vous 
mandons,  commandons  et  expressément  enjoignons  et  à 
tous  nos  sujetz  des  dits  lieux  que  au  dit  M°  Gaucher,  en 
faisant  et  exerçant  la  charge  susdite,  soit  obéy  et  entendu 
diligemment  et  donnent  conseil,  confort  et  ayde,  et  que  aux 
baillées,  criées  et  autres  affaires  qui  se  feront  pour  nous,  il 
soit  doresenavant  appelle  et  envoyé  quérir  s'il  est  au  pays 
ou  à  l'environ  pour  en  donner  son  advis  comme  l'un  de 
vous,  car  sans  luy  ne  voulons  aucune  chose  estre  par  vous 
conclute  s'il  s'y  peut  trouver,  car  tel  est  nostre  plaisir.  En 
tesmoing  de  ce,  etc. 

Des  dits  jour  et  an  a  esté  expédié  lectres  patentes  de  ma 
dicte  dame  à  la  requeste  de  Jeanne  Nepveue  de  l'ofTice  de 
notaire  en  la  chasteinye  de  Vendosme.  ensemble  autres 
lettres  par  ma  dicte  dame  de  l'ofTice  d'huissier  es  grands 
jours  du  dit  Vendosme. 

42. 

Du  20"  jour  du  dit  moys  de  raay  ou  dit  an  1538,  ma  dicte 
dame  estant  au  Heu  de  Saint-Julien  a  fait  céduLle  à  monsieur 
l'abbé  de  Meslinays,  M' Jean  Thénault,  docteur  en  théologie, 
de  la  somme  de  500#  tz.  qu'il  luy  a  au  jourd'huy  prestez 
comptant  pour  subvenir  à  ses  affaires,  laquelle  somme  ma 
dicte  dame  promis  par  la  dicte  cédulle  luy  rendre  à  sa 
volonté. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  escript  une  lectre 
aux  officiers  de  la  Flèche  par  la  quelle  elle  leur  ordonne  que, 
suivant  l'arrest  dernièrement  donne  entre  elle  et  les  reli- 
gieux abbé  et  couvent  de  Meslinays,  ils  ayent  à  leur  baUler, 


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—  87  — 

merquep  et  délivrer  boys  pour  leur  chauffage  et  usage,  et 
au  surplus  les  tenir  en  surcéance  touchant  l'exécution  des 
jugemens  des  dits  arrests  jusques  ad  ce  que  autrement  par 
elle  en  ayt  esté  ordonné,  sy  ny  facent  difficulté,  etc. 

43. 

Du  24'  du  dit  moys  de  may  ou  dit  an  1538,  ma  dicte  dame 
estant  à  Ingrande  en  Berry,  a  esté  expédié  lectres  de  ma 
dicte  dame  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.  Sçavoir  faisons  que  pour  le  bon  rapport 
que  faict  nous  a  esté  de  la  personne  de  nostre  cher  et  bien 
amé  Jean  Pigasce,  l'un  de  nos  maistres  queux,  à  iceluy  pour 
ses  causes  et  autres  considérations  à  ce  nous  mouvans  avons 
donné  et  octroyé,  donnons  et  octroyons  par  ces  présentes 
l'office  de  sergent  en  nostre  forest  de  Perseigne  en  la  garde 
du  Rocheretz  que  soulloit  t«nir  et  exercer  Jeannol  Thcbault, 
vaccant  à  présent  par  la  destitution  et  jugement  faict  et 
donné  par  les  commissaires  commis  &  la  réformation  de  nos 
boys  et  forests  des  dites  vicomte  de  Beaumont  et  baronnie 
de  Sonnois  à  l' encontre  du  dit  Thébault,  pour  iceluy  office 
de  sergent  avoir,  tenir  et  doresenavant  exercer  par  le  dit 
Pigasce  aux  gages,  droictz,  proufitz,  revenus  et  émolumens 
accoustumcz  et  qui  y  appartiennent,  tant  qu'il  nous  plaira. 
Sy  donnons  en  mandement  par  ces  présentes  au  maistre  des 
eaux  et  forests  de  nostre  baronnie  de  Sonnoys  que  pris  et 
reçu  du  dict  Pigasce  le  serment,  etc. 

(A  suivre). 


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LETTRES 


MICHEL-RENÉ   MAUPETIT 

Député 

A  l'assemblée  nationale  constituante 

1789-1791. 

(Suite). 


15  novembre. 
Ci-joiot,  mon  ami,  le  jonmal  de  samedy,  où  vous 
verrez  le  commeDcement  de  la  discussion  sur  la  gabelle 
d'Anjou,  et  avec  intérêt  le  peu  qu'on  a  pu  retirer  du 
discours  de  M,  Necker  Bur  la  conversion  de  la  caisse 
d'escompte  en  Banque  nationale.  Il  a  eu  le  plus  beau 
mouvement  à  la  fin  de  son  discours.  Aussi  a-t-il  excité 
les  plus  vifs  applaudissements,  tandis  que  Messieurs  les 
Jeunes  adeptes,  qui  se  croient  la  science  infuse,  cher- 
chaient par  leurs  gestes  d'improbation  à  faire  connaître 
leur  résistance  à  ce  mouvement,  et  par  leurs  propos 
disaient  à  leurs  voisins  :  «  Petits  moyens  que  tout  cela, 
c'est  un  financier  qui  n'y  entend  rien;  nous  sommes  plus 
habiles,  nous  allons  vous  proposer  de  bien  meilleurs 


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plans.  «  Quand  le  discours  sera  imprimé,  je  vous  l'adres- 
serai. 

Je  marque  à  Messieurs  du  comité  que  l'affsire  de 
l'Anjou  nous  a  empdché  samedy  de  tenir  notre  assemblée 
ponr  la  division  de  la  généralité.  Nous  ne  savons  quel 
jour  maintenant  nous  pourrons  nous  réunir.  Au  surplus, 
je  ne  regrette  pas  le  contretemps  des  difficultés  même 
que  doivent  faire  les  députés  du  Mans  pour  une  plus 
grande  étendue  de  département  que  celle  présentée  par 
te  comité.  Cela  nous  donnera  plus  de  temps  et  de  facilité 
peut-être  pour  parvenir  à  notre  but.  Adieu,  j'ai  été  obligé 
hier  de  courir  pour  rendre  des  visites,  je  n'ai  pu  écrire 
ny  m'entretenir  plus  au  long  avec  vous  ;  une  autre  fois 
mieux. 

LV 

(Sans  date) 
J'ai  reçu  vos  deux  lettres,  mon  ami  ;  je  n'ai  pu  samedy 
que  répondre  à  la  hôte  à  votre  première.  Vous  devez 
croire  que  j'aurais  sârement  bien  le  désir  de  réunir  le 
chef-lieu  à  Mayenne,  mais  vous  avez  senti  que  difficile- 
ment nous  pourrions  soutenir  la  concurrence  et  j'ai  beau 
me  retourner  et  je  ne  vois  ny  possibilité  d'arranger  les 
départemens  d'une  autre  manière,  ny  dans  aucun  arran- 
gement même  plausible  d'y  placer  Mayenne  comme 
centre,  à  moins  qu'on  eût  fait  cent  vingt  à  cent  trente 
départemens,  comme  le  demandait  M.  de  Mirabeau  et 
un  autre,  M.  Aubry  du  Bochet  '.  Dans  ce  cas,  j'y  voyais 
de  la  possibilité,  mais  si  j'examinois  ensuite  ce  que 
seroient  de  pareils  départements,  réduits  à  une  si  petite 
masse,  combien  au  moral  les  grandes  villes,  où  il  eût 
existé  plus  de  lumières,  plus  de  connaissances,  l'eussent 
emporté  infailliblement  dans  la  balance,  je  n'ai  plus  été 
si  jaloux  d'un  petit  département,  en  le  voyant  aussi  isolé 

I.  Anbry  du  Bouchet,  député  de  Vlllsn-Cotterets. 


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—  90  — 

qu'il  le  seroît  dans  le  fait,  réduit  à  n'avoir  pour  chef-lieu 
que  des  petites  villes,  où  plus  aisément  règne  la  désunion, 
où,  dans  l'ordre  social,  il  règne  si  peu  d'ensemble,  où 
les  petits  intérests  éclipsent  les  grands  et  je  me  suis  dit  : 
«  II  vaut  encore  mieux  un  plus  grand  département.  »  Il  ne 
faut  pas  non  plus  trop  étendre,  parce  que  la  vigilance 
des  administrateurs  ne  peut  s'étendre  à  tout.  Trois  cent 
vingt  lieues  quarrées,  un  diamètre  de  neuf  lieues,  est 
une  bonne  étendue  ;  il  en  peut  résulter  et  des  communi- 
cations faciles  et  une  réunion  d'assez  grandes  propriétés 
pour  trouver  des  hommes  instruits,  un  balancement 
d'intérêts  assez  diversifié  pour  mettre  en  juste  équilibre 
et,  en  appliquant  ces  idées  au  plan  du  comité,  en  faisant 
sur  une  carte  le  plan  du  département,  je  voyais  presque 
partout  deux,  trois,  quatre  villes  en  état  de  se  défendre 
intérieurement,  de  se  réunir  contre  les  oppresseurs  du 
dehors.  Notre  position  me  paraissait  d'autant  plus  heu- 
reuse que  Laval  ne  pouvait  nous  effrayer  comme  une 
ville  plus  forte,  qu'à  proximité  d'elle,  nous  pouvions  être 
instruits  de  tous  ses  mouvemens,  les  prévenir  ;  ainsi  le 
plan  du  comité  me  paraissait  sous  tous  les  points  de  vue 
réunir  les  plus  grands  avantages  et  mériter  la  préférence, 
sans  rien  nous  faire  redouter  d'aucune  influence  de  la 
ville  on  se  tiendroit  l'Assemblée,  car  enfin,  nousy  aurons 
nos  députés,  nous  les  aurons  en  nombre  égal,  nous 
avons  plus  d'étendue  de  terrain  intéressé  à  maintenir  à 
sa  proximité  le  commerce  des  toiles,  à  prévenir  la  ruine 
d'un  marché  qui  lui  est  avantageux.  Une  simple  réflexion 
semble  même  rassurer  contre  toute  crainte  à  cet  égard. 
Si  Messieurs  de  Laval  avaient  une  prépondérance  si  à 
craindre,  si  le  commerce  ne  la  balançait  pas  par  des 
circonstances  indépendantes  des  volontés  particulières, 
mais  il  y  a  longtemps  que  les  Lavallois  eussent  pu  anéan- 
tir notre  commerce.  Ce  sont  eux  qui  achettent  les  deux 
tiers  de  nos  toiles.  Si  on  pouvait  supposer  une  volonté 
possible  de  détruire  notre  ville,  ce  seroit  le  concert  de  ne 
point  venir  à  Mayenne  y  acheter  nos  toiles.  Ce  concert 


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—  91  — 

est-il  à  supposer?  l'intérêt  partiel,  le  meilleur  marché, 
le  moins  de  dépense  de  douze,  quinze  négociants,  oppo- 
sés à  la  plus  forte  dépense  des  cent  cinquante  fabricants, 
la  nécessité  de  se  procurer  des  fîls  dans  le  pays  qui  les 
fournit  analogues  à  la  fabrication,  tous  ces  motifs  ren- 
dent impraticable  un  pareil  concert. 

Si  quelque  chose  prouvoit  encore  l'impossibilité  qu'un 
chef-lieu  de  département  fût  avantageux  à  notre  ville, 
pût  s'y  soutenir,  c'est  le  défaut  d'union,  vice  presque 
général  des  trop  petites  villes  ;  là  y  régnent  des  préten- 
tions, des  passions  partielles,  toujours  opposées  au  bien 
général,  et  je  ne  donnerois  une  existence  bien  longue  à 
toute  administration  importante  concentrée  dans  de  trop 
petits  endroits.  Vous  sentez  donc  que  c'est  à  vous  seul 
que  je  dis  tout  cela  et  que  nous  sommes  bien  d'aceord 
sur  la  manière  d'envisager  les  prétentions  de  nos  com- 
patriotes. 

Adieu,  l'heure  me  presse,  je  vais  écrire  et  répondre  à 
une  lettre  que  j'ai  reçue  hier  et  tâcher,  non  de  convertir, 
mais  de  faire  sentir  à  celui  qui  m'écrit  et  que  je  croîs 
bien  partager  les  idées  du  comité,  que,  si  peut-être  il 
n'est  pas  possible  de  réunir  à  Mayenne  l'avantage  qu'on 
y  désire,  sans  trop  consulter  si  il  en  seroit  un,  il  y  auroit 
peut-être  moyen  de  ne  pas  tout  perdre,  en  composant 
avant  que  le  comité  décide  et  en  convenant  que  la  ville 
qui  auroit  le  cbef-lieu  ne  pourrait  réunir  la  justice.  Je 
gage  qu'à  Mayenne  on  préférera  la  justice  et,  dans  le 
fait,  il  y  aurait  pour  la  ville  plus  d'avantage,  mais  la 
préférence  du  choix  désigneroit  bien  le  motif  secret  de 
la  rumeur  que  vous  avez  bien  appréciée.  Adieu  pour 
aujourd'hui. 

J'aurais  besoin  des  six  feuilles  de  cartes  de  l'Observa- 
toire qui  sont  dans  le  bas  de  la  grande  armoire  du  char- 

trier J'y  tracerais  la  Ugne  de  division  des  paroisses 

lorsque  notre  division  sera  arrêtée.  J'annonce  à  Messieurs 
du  Comité  que  notre  assemblée  de  généralité  n'a  pu 
avoir  lieu  le  samedy. 


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18  novembre. 

Pour  vous  seul. 

Je  joins,  mon  ami,  le  discours  de  M.  Necker.  C'est 
vendredy  qu'on  le  discutera,  que  M.  de  M...  (Mirabeau), 
les  agioteurs,  nos  jeunes  législateurs,  se  réservent  de 
l'attaquer,  de  le  dépecer,  de  le  mettre  en  pièces,  ainsy 
que  le  plan  de  Bnances  que  doit  proposer  le  Comité  et 
qui  participe  du  même  vice  devenir  enpartie  de  M.  Necker. 
A  entendre  tous  ces  messieurs,  tous  les  gens  d'état,  il 
n'y  eut  jamais  de  si  mince  ministre  des  finances  ;  il  n'y 
a  pas  de  petit  commis  qui  ne  puisse  donner  de  meilleur 
plan.  C'est  à  qui  déchirera  le  mieux  le  ministre  le  plus 
vertueux,  qui  attaquera  sa  gloire.  Elle  semble  leur  ravir 
à  tous  leur  bien,  leur  fortune,  leur  ambition. 

Voilà  bientôt  nos  assemblées  déterminées  dans  leurs 
bases  principales,  quatre-vingts  départements,  districts 
au  nombre  de  trois,  six  ou  neuf,  suivant  les  localités  ; 
assemblées  primaires  de  citoyens  actifs  répandus  dans 
deux  lieues  carrées,  sauf  à  indiquer  le  point  de  réunion. 
Les  élections  auront  lieu  d'après  les  trois  bases  de  la 
population,  de  la  contribution  et  du  territoire.  Ainsi 
chaque  canton  aura  ses  électeurs,  ses  administrateurs 
à  son  choix,  autant  que  possible.  Ce  ne  seront  plus  dans 
les  villes  seules  que  seront  concentrés  le  choix  des  admi- 
nistrateurs et  des  représentants.  N'allez  pas  dire  cette 
conséquence  des  principes  adoptés,  je  passerais  encore 
pour  un  mauvais  mandataire,  tandis  que  je  crois  forte- 
ment contribuer  au  bien  général.  Les  assemblées  des 
électeurs  députés  par  les  assemblées  primaires  se  ras- 
sembleront de  tous  les  districts  des  départements.  C'est 
le  dernier  décret  d'hier.  Mais  ils  ne  pourront  jamais  se 
-  rassembler  dans  le  chef-lieu  du  département.  Ce  sera  la 
matière  d'un  décret  d'aujourd'hui,  pour  dter  toute  in- 
fluence à  la  ville  du  chef-lieu  qui  n'eu  pourra  guère  avoir. 


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puisque  l'assemblée  du  département  sera  composée  des 
députés  des  districts  et  la  Commission  intermédiaire  en 
aura  également  des  districts.  Il  y  aura  de  l'embarras  à 
ceux  qui  seront  nommés,  mais  il  faut  craindre  les  aristo- 
crates des  villes  et  c'est  ce  qu'on  veut  abolir. 

Nous  voilà  en  guerre  ouverte  avec  les  Parlements.  Il 
reste  encore  dix  qui  n'ont  point  envoyé  leur  arrêt  d'en- 
registrement, mais  ou  s'attend  aux  mêmes  arrêtés, 
comme  complot  formé,  auquel  se  joignent  les  mécon- 
tents  en  tous  genres,  tous  les  anciens  fauteurs  d'abus. 
On  a  hier  au  soir  à  l'assemblée  parlé  de  nouvelles  tenta- 
tives projetées  contre  nos  travaux.  On  peut  y  croire 
facilement.  Ce  sont  moins  ces  projets  que  je  crains  que 
les  divisions  des  partages.  Si  chaque  ville  oppose  de 
la  résistance  et  ne  se  soumet  pas  à  la  balance  avec 
laquelle  on  a  t&ché  de  régler  les  pouvoirs  d'élection  et 
d'administration,  il  faut  désespérer  de  la  chose  publique. 

Adieu  ;  toujours  pressé  par  l'heure,  je  me  vois  forcé  à 
abréger  mes  lettres.  Cependant,  couché  à  minuit,  je  me 
lève  dès  cinq  heures,  mais  c'est  la  misère  pour  trouver 
une  heure  libre. 

Je  vous  prierai  de  communiquer  à  M.  de  Soulgé  le 
discours  de  M.  Necker,  lorsque  vous  l'aurez  lu,  et  M.  de 
Soulgé  vous  prêtera  deux  discours  de  M.  Thouret,  où 
vous  aurez  à  substituer  le  mot  de  district  à  celui  de 
commune.  On  a  préféré,  d'après  l'usage  introduit,  d'ap- 
peler districts,  ce  que  le  comité  nomme  assemblée  com- 
munale on  commune. 


20  novembre. 

Ci-joint,  mon  ami,  trois  ou  quatre  journaux,  si  je 
puis  avoir  le  quatrième,  dont  j'étais  en  retard.  Si  vous 
n'avez  pas  celui  d'hier,  il  ne  vous  dira  pas  grand  chose. 
M.' de  Mi...  s'est  efTorcéde  jeter  le  sarcasme  sur  le  projet 
de  conversion  de  la  caisse  d'escompte  en  caisse  natio- 


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—  94  — 

Dsle.  Comme  il  ne  sait  que  détruire  aans  rien  remettre  à 
la  place,  ÏI  a  encore  cette  fois  manqué  son  coup.  Il  l'a 
même  manqué  en  faisant  parler,  d'après  lui,  un  député 
dont  les  connaissances  ne  lui  avaient  jamais  donné  la 
plus  légère  teinture  de  cette  partie.  M.  Dupont  a  plus 
fait  de  plaisir  dans  dix  ou  douze  phrases  de  sa  bonhomie 
que  toute  la  méchanceté  des  autres  n'avait  causé  d'indi- 
gnation. 

J'y  joins  aussi  l'opinion  de  M.  Target  sur  la  division 
du  Royaume. 

Vous  trouverez  aussi  un  rapport  de  M.  Gillet  de  la 
Jacqueminière  <  sur  la  demande  des  colons  américains 
de  faire  continuer  la  permission  de  tirer  des  subsistances 
de  l'Amérique,  demande  qui  n'est  que  le  prétexte  pour 
déboucher  à  l'étranger  les  sucres  et  caffés  des  lies  et 
recevoir  d'eux  des  objets  de  leur  consommation.  J'espère 
que  le  rapport  du  Comité  sera  suivi  par  l'Assemblée 
lorsqu'elle  pourra  l'entendre.  Je  vous  prie  de  le  commu- 
niquer à  M.  de  la  Cocherie  ^. 

Adieu,  vous  vous  plaigniez  de  notre  lenteur  et  voilà 
toutes  les  bases  des  assemblées  arrêtées.  Il  y  aura 
départemens,  districts,  municipalités,  assemblées  repré- 
sentatives ou  primaires  et  de  département.  Le  nombre 
des  membres  des  assemblées  administratives  est  réglé, 
trente-six  au  département,  dont  deux  au  moins  seront 
pris  dans  chaque  district,  huit  composent  le  Directoire, 
vingt-huit  l'assemblée  du  conseil.  Dans  le  district  de 
douze,  huit  seront  le  conseil,  quatre  en  activité.  Si  on 
était  d'accord  sur  les  limites,  on  procéderait  à  fixer  les 
districts  et,  sous  dix  jours,  on  pourrait  mettre  en  activité 
cette  organisation.  Aussi  on  presse  le  comité  de  consti- 
tution. Notre  rang  étant  passé,  il  faut  attendre  que  les 
autres  ayent  fini.  D'ailleurs  Messieurs  du  Mans  ne 
peuvent  s'accorder. 

J'ai  passé  déjà  cinq  fois  chez  M.  de  Petitval  sans 


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pouvoir  le  rejoindre  ;  je  lui  ai  laissé  un  mot.  Mais,  mon 
ami,  M.  Petitva)  me  dira  :  Vous  comptez  supprimer  les 
Aides.  Pourquoi  me  demander  des  places?  Vous  verrez 
en  effet  que  par  te  rapport  du  comité  on  supprime  les 
Aides  avec  la  gabelle  et  que  ce  plan,  qui  va  être  imprimé, 
a  paru  plaire  infiniment  à  toute  l'Assemblée. 

L'affaire  d'Anjou  ne  se  juge  point  et  on  croit  que, 
d'après  le  rapport  du  comité  des  finances,  on  pourrait 
bien,  pour  l'année  1790,  commencer  le  nouveau  régime. 
On  attend  la  discussion  de  ce  plan  qui  ne  pourra  avoir 
lien  qu'après  la  conversion  proposée  de  la  Caisse  d'es- 
compte. Les  administrateurs  demandent  d'être  entendus 
à  la  barre,  mais  d'ici  à  ce  temps  il  pourrait  résulter 
beaucoup  de  non  valeur,  si  les  citoyens  se  refusent  à 
payer  1789  et  il  parait  qu'il  ne  se  reçoit  presque  rien, 
ni  de  la  gabelle,  ni  des  Aydes,  ce  qui  fait  grand  plaisir 
à  tous  nos  ennemis  qui  se  flattent  toujours  que  toute 
l'opération  sera  culbutée  et  nous  en  avons  un  grand 
nombre  icy  dans  les  agioteurs,  les  parlementaires,  etc.. 

On  cherche  à  diviser  les  districts,  à  élever  authorité 
contre  authorité  ;  on  a  persuadé  qu'une  compagnie  de 
chasseurs  établie  par  la  ville  pour  arrêter  la  contrebande 
avait  un  autre  objet,  et  voilà  comme  on  trompe  le  peuple 
et  on  l'arme  contre  lui-même.  C'est  pour  prévenir  ces 
rumeurs  qu'ont  été  consentis  les  articles  derniers  passés 
jeudy.  On  avait  révoqué  des  députés  des  districts  à  la 
commune. 


21  novembre. 

Pour  vous  seul. 

Je  suis  charmé  que  mon  idée  ait  réussi.  Ce  que  j'en  ai 
dit  se  confirme  et  Messieurs  du  Haut-Maine  font  le  diable 
et  retiennent  la  conclusion  de  nos  limites  pour  nous 
prendre  des  paroisses  éloignées  d'eux,  pour  nous  ôler  la 
partie  du  haut  de  notre  divieiou  qui  oécessairement,  dtée 


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—  96  — 

de  notre  département,  nous  placeroit  dans  un  coin. 
J'en  ferai  décider  la  difficulté  au  Comité  de  constitution 
établi  juge  à  cet  effet,  parce  que  leur  prétention  porte 
avec  elle  la  marque  de  la  partialité,  du  sordide  intérêt, 
du  désir  de  tout  envahir,  comme  du  regret  de  ne  pouvoir 
conserver  la  grande  main  sur  nous  ainsi  qu'ils  l'ont  eue. 
Nous  avons  eu  hier  une  assemblée  de  la  généralité 
chez  M.  le  duc  de  Praslin  '.  Saumur  avait  député  deux 
municipaux  pour  se  joindre  à  leurs  députés  et  réclamer 
un  département  à  Saumur.  Aussitôt  les  députés  de  Chinon 
ont  réclamé  qu'avec  cinq  départemens  il  y  en  eût  un  à 
Chinon,  centre  de  vingt-cinq  petites  villes  à  cinq,  six  et 
huit  lieues  eu  plus  de  distance.  I^es  députés  de  Loudun 
ont  plaidé  pour  prouver  que  leur  ville  seroit  également 
on  centre.  J'étois  prêt  de  me  lever  pour  demander  aussi 
le  nàtre,  mais  la  plaisanterie  eût  paru  trop  forte.  Mes- 
sieurs de  Saumur  ont  eu  beau  contester,  batailler,  ils 
ont  été  seuls  de  leur  avis  et  33  voix  contre  3  ont  rejeté 
leur  demande  d'un  cinquième  département.  Ainsi  tou- 
jours quatre  départemens.  Tours  est  arrangé  avec  ses 
voisins.  L'Anjou  est  arrangéavec  la  Touraine.  11  n'y  a 
que  nous  qui,  par  la  résistance  de  Messieurs  du  Mans, 
ne  pouvons  rien  conclure.  Nous  n'avons  rien  à  régler 
avec  la  Bretagne,  ny  la  Normandie.  L'Anjou  circonscrit 
nous  a  offert  pour  notre  Bas-Maine  tout  ce  qu'il  pouvait 
céder.  Je  n'ai  pas  voulu  insister  sur  un  plus  fort  abandon, 
pour  ne  pas  nous  trop  descendre  au  midy.  11  n'y  a  donc 
que  le  Haut-Maine  qui  ne  peut  se  concilier,  ni  avec 
l'Anjou,  ni  avec  le  Vendûmois,  le  Perche,  ni  avec  nous. 
On  a  proposé  de  nommer  des  commissaires.  Ils  s'y  sont 
refusés  et  on  me  marquait  de  Mayenne  qu'on  aimeroit 
mieux  dépendre  du  Mans.  En  vérité,  d'après  l'expérience 
que  j'ai,  je  croirois  perdre  notre  pays  que  de  le  mettre 
sous  la  dépendance  de  gens  qui  n'ont  en  vue  que  la 

I.  Antoine-CéBar  de  Chotseul,  duc  de  Pnalln,  maréchal  de  camp, 
député  suppléaat  de  la  aoblesse  du  Haine,  appelé  le  S  Juillet  i  rem- 
placer U.  de  Hontewon,  démlationnalre. 


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—  97  — 

domlDation,  l'intérêt,  qui  voyent  seuls  de  l'avantage  à 
avoir  on  grand  département,  qui  prouvent  dès  lors 
qu'ils  aiment  mieux  l'intérêt  des  administrants  que  celui 
des  administrés. 

Vous  avez  raison  de  croire  que  notre  procès  est  perdu  ; 
hier,  pour  résumer  notre  assemblée,  on  fit  un  arrêté  par 
lequel  on  décida,  comme  je  vous  le  disais,  que,  contre  la 
prétention  de  Saumur,  il  n'y  auroit  que  quatre  départe- 
mens,  et  on  a  ajouté,  dont  les  chefs-lieux  seraient  à 
Tours,  AngepB,  Le  Mans  et  Laval.  Cela  me  força  à  élever 
ma  prétention  et  à  faire  mettre  sur  l'arrêté  avant  de  le 
signer,  le  quatrième  département  du  Bas-Maine,  sauf  à 
régler  le  chef-lieu  entre  Lâval  et  Mayenne.  Au  rire  qui 
éclata  dans  l'assemblée,  et  dont  j'eus  toute  peine  à 
m'abstenir,  il  est  évident  qu'il  n'y  a  qu'à  Mayenne  qu'on 
peut  penser  différemment.  Cependant  je  ferai  juger  le 
procès  au  Comité  et  le  jugement  sera  inscrit  sur  le 
procès- verbal. 

Je  vous  prierai  de  dire  à  M.  Pottier  de  joindre  aux 
cartes  un  tableau  de  la  population  de  notre  district,  copié 
sur  celui  du  district.  C'est  celui  qui  renferme  les  noms 
des  seigneurs,  des  curés,  des  procureurs  syndics,  la 
quotité  des  impositions  directes,  les  noms  des  membres 
des  municipalités. 

J'ai  vu  très  rapidement  M.  Carré  '.  Vous  sentez  que 
sa  position  est  très  désagréable,  qu'il  ne  voit  pas  de 
bon  œil  les  opérations  actuelles.  Il  ne  m'a  parlé  de  vous 
qu'en  me  disant  que  vous  avez  couru  grand  risque  l'un 
et  l'autre.  Cependant  il  m'a  paru  persuadé  que  les  sabo- 
tiers avoient  été  excités  à  venir  piller  le  grenier,  mais  il 
ne  m'a  point  détaillé  ses  soupçons,  ny  nommé  ceux  qu'il 
soupçonnait.  J'ai  affecté  de  briser  sur  cet  objet  pour 
n'avoir  point  à  l'occuper  lui-même  d'une  scène  qui 
détruisoit  son  état  ^.  Il  ne  sait  pas  encore  quand  il  partira. 

1.  Ud  de*  offlcien  du  grenier  à  ael  de  Mayenne. 
I.  Le  pillage  du  grenier  à  ael  par  les  bûcberona  et  sabotiers  des  bois 
de  Fontaine-Daniel,  au  mois  d'août  pricédent. 


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Je  ne  seroïs  pas  fAché  d'avoir  mes  cartes.  Il  n'y  a  que 
l'embarras  de  plier  ces  cartes  pour  qu'elles  ne  soient  pas 
gâtées.  On  peut  le  faire  en  les  roulant  sur  un  morceau 
de  bois  et  les  enveloppant  de  papier.  Je  ne  serois  pas 
fâché  aussi  d'avoir  dans  une  petite  boite  environ  huit  k 
dix  livres  de  chandelle  dont  j'avais  par  provision.  Vous 
serez  étonné  que  je  demande  un  pareil  objet,  mais  j'en 
ai  une  caisse  qui,  en  vieillissant,  se  détériore  et  il  faut 
ici,  ou  acheter  de  mauvaise  chandelle  vingt  sols  la  livre 
ou  de  mauvaise  bougie  à  cinquante  sols  ou  trois  livres. 

J'écris  au  Comité.  Ne  dites  rien  de  la  conférence.  Je 
ne  lui  en  parle  point. 

LIX 

Paris,  22  novembre  1789. 
Je  joins  ici,  mon  ami,  le  journal  de  vendredy  dont 
j'étais  en  retard  par  mon  dernier  envoi  et  la  séance  de 
samedy  matin.  Celle  du  soir,  quoique  fort  longue,  puis- 
qu'elle a  duré  jusqu'à  minuit,  n'a  été  employée  qu'à  un 
rapport  du  Comité  des  recherches  qui  n'a  appris  que  ce 
qu'on  savait,  qui  a  enveloppé  du  voile  circonspect  et  pru- 
dent du  mystère  ce  qu'on  ne  sait  pas  ;  qui  ne  s'est  expli- 
qué que  sur  un  membre  de  l'assemblée,  d'une  manière  à 
piquer  la  curiosité.  On  a  voulu  savoir  son  délit,  quel 
était  le  député  coupable.  Le  délit  n'en  a  jamais  pu  faire 
un,  et,  après  cinq  heures  de  disputes,  on  a  fini  par  dire 
qu'il  n'y  avait  lieu  à  aucune  inculpation  contre  M.  Malouet, 
député  de  Riom,  qui  a  montré  de  la  fermeté  et  du  courage 
et  annoncé  qu'il  ne  redoutait  aucune  imputation.  Cette 
discussion  tient  à  un  parti  dans  l'assemblée  qu'il  serait 
impossible  de  vous  expliquer.  L'esprit  de  parti  se  glisse 
partout,  et  le  malheur  est  qu'il  ait  fait  perdre  une  séance 
sans  rien  produire.  On  eût  toujours  expédié  quelqu'affaire. 
Les  administrateurs  de  la  caisse  d'escompte  étaient  prêts 
à  se  présenter  et  à  expoaer  leur  situation,  et  cet  objet 
était  plus  instant  que  des  récriminations,  mais  les  bom- 


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mes,  plus  encore  en  masse,  seront  toujours  les  mêmes. 
C'est  folie  de  s'attendre  à  une  conduite  toujours  compas- 
sée comme  celle  des  quaquers  [sic]  ;  ce  sont  des  gens 
d'un  autre  monde. 

Je  ne  vois  pas  que  ce  qu'on  a  dit  ce»  deux  jours  contre 
le  plan  de  M.  Necker  ait  beaucoup  diminué  des  impres- 
sions qu'à  fait  son  discours.  Ce  ne  sera  pas  la  faute  des 
agioteurs,  des  ennemis  de  ce  ministre,  car  ils  ont  em- 
prunté l'organe  de  plusieurs  députés  pour  critiquer  le 
plan,  et  ces  Messieurs  très  complaisants,  plus  jaloux  de 
faire  inscrire  leurs  noms  dans  les  journaux  que  d'appro- 
fondir eux-mêmes,  ont  bonnement  débité  l'ouvrage  d'au- 
trui.  Je  ne  me  ferai  pas  de  sitôt  imprimer  à  ce  prix. 

Il  y  a  apparence  qu'on  ne  terminera  pas  la  gabelle 
d'Anjou,  mais  qu'on  fixera  un  remplacement  de  toute  la 
gabelle  dans  le  royaume  ;  le  faux  sel  a  pénétré  jusqu'à 
Paris. 

Voilà  les  boucles  d'argent,  suivant  votre  désir,  portées 
à  la  Monnaie.  On  en  reçoit  tous  les  jours  des  manne- 
quins en  dons  patriotiques  et  on  ne  voit  bientôt  plus  que 
des  boucles  de  cuivre  qui  vont  devenir  aussi  chères  que 
celles  d'argent.  L'inconvénient  c'est  que  cette  branche 
de  commerce  occupait  grand  nombre  d'ouvriers  qui 
vont  augmenter  la  foule  des  gens  sans  état. 

Je  ne  sais  si  je  pourrai  joindre  le  plan  général  des 
finances  lu  par  te  Comité.  Dans  les  différentes  opinions, 
il  a  été  approuvé  généralement.  Il  est  cependant  de 
M.  Necker,  mais  ce  n'est  pas  lui  qui  l'a  présenté.  Il  a 
bien  voulu  s'exposer  à  la  critique,  en  plaidant  pour  la 
caisse  d'escompte,  dont  on  ne  peut  se  passer.  Nouvelle 
preuve  de  son  dévouement  à  la  chose  publique.  On  use 
avec  latitude  de  son  invitation  à  la  critique.  La  difficulté 
est  de  substituer  un  plan  à  celui  qu'il  a  présenté.  Tous 
nos  modernes  financiers  créent  sous  la  plume  des  mil- 
lions à  centaines,  mais  quand  on  leur  demande  le  gage 
de  leur  papier- monnaie,  la  représentation  effective,  où 
est  l'argent  pour  rembourser  la  caisse  d'escompte,  ils  ne 


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—  100  — 

veulent  pas  avoir  confiance  dans  les  billets  et  dans  la 
solvabilité  de  cette  caisse,  créancière  sur  l'Etat  de  cent 
millions,  et  ils  veulent  que  ses  actionnaires  prennent 
pour  argent  comptant  le  papier  qu'ils  imaginent.  On 
sent  bien  l'avantage  qu'il  y  aurait  à  avoir  des  fonds 
pour  faire  face  au  remboursement  de  la  caisse  d'es- 
compte et  mettre  à  la  Banque  nationale  un  fond  suffisant 
pour  répondre.  Ces  Messieurs  vendent  des  biens  du 
Clergé,  mais  si  on  en  met  en  vente  pour  six  à  sept  cent 
millions,  qui  les  achètera  dans  ce  moment  d'incertitude  ? 

En  voila  assez  sur  les  finances,  je  ne  m'en  pique  point 
et  dans  une  pareille  matière,  j'aime  mieux  croire,  même 
à  patron,  M.  Necker,  que  de  me  livrer  à  des  spécula- 
tions qu'il  est  trop  tard  d'attraper  quand  on  n'en  a  pas 
fait  une  étude  approfondie  et  qu'on  n'est  pas  placé  pour 
calculer  le  crédit,  ses  avantages  et  ses  désastres. 

J'ai  rencontré  M.  Carré  qui  m'a  dit  avoir  demandé  sa 
voiture;  ainsy  je  vous  prie  de  faire  porter  chez  M.  Carré 
les  cartes  de  l'Académie,  le  tableau  du  district  et  les 
chandelles,  qui  sont  je  crois  les  objets  que  j'ai  demandés 
par  ma  précédente. 

M.  Carré  ne  s'en  retourne  pas  à  Mayenne,  il  va 
attendre  à  Lisieux  que  la  suppression  de  la  gabelle,  à 
laquelle  il  est  résigné,  soit  prononcée;  il  ne  retournera 
à  Mayenne  que  loraqu'enfin  le  public,  bien  rassuré  sur 
la  destruction  finale  de  ce  régime  abhorré,  ne  verra  plus 
dans  sa  personne  le  ministre  fiscal  de  cet  impôt,  ny  ne 
le  pourra  plus  regarder  comme  le  plastron  de  ta  haine 
qu'il  portait  à  la  ferme. 

LX 

Sans  date. 
Je  me  sers  du  nom  de  M.  Pottier  pour  que,  dans  le 
cas  où  il  se  trouveroit  quelque  curieux  à  l'ouverture  de 
ma  lettre,  on  ne  tire  pas  d'induction,  de  colloques  parti- 
culiers. Tant  que  mes  lettres  suivantes,  adressées  à 


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—  101  — 

M.  Portier,  ne  seront  pas  cachetées  en  cire,  elles  seront 
pour  vous  seul  '. 

Dites-moi  donc  à  l'oreille  quel  est  le  secrétaire  de 
votre  comité.  J'ai  vu  hier  une  lettre  qu'il  adresse  à 
M.  Goumay,  au  sujet  de  M.  Clïquot  et  de  sa  résurrec- 
tion. Je  ne  sais  quelle  idée  le  secrétaire  se  forme  du  ton 
de  fermeté,  souvent  convenable  à  un  corps  de  citoyens, 
mais  je  crois  que  celui-là  s'élève  au-dessus  et  qu'il  passe 
à  pieds  joints  sur  les  bornes  que  trace  le  bon  droit  et  la 
manière  de  le  défendre.  Nous  ne  sommes  point  du  tout 
consentans  à  aller  nous  faire  mal  accueillir  en  présen- 
tant la  lettre  qui  a  été  adressée  à  cet  effet  à  M.  Goumay. 
La  responsabilité  des  ministres  n'en  fait  pas  des  gens 
qu'on  puisse  se  permettre  de  malmener,  quand  ils  ne 
disent  ny  ne  provoquent  aucune  attaque  qui  ne  serait 
point  motivée.  Goumay  doit  avoir  fait  la  lettre  et  nous 
la  présenter  demain  à  signer,  pour  engager  le  comité  à 
en  adresser  une  autre  dans  des  termes  plus  ménagés.  Il 
y  a  de  la  marge  entre  le  ton  suppliant  qu'il  convient  de 
bannir  et  le  ton  de  dureté,  que  ne  doit  jamais  prendre 
un  corps  qui  n'a  point  d'injustice  à  reprocher.  Nous  pro- 
fiterons de  cette  seconde  circonstance  pour  nous  venger 
un  peu  de  la  première,  qui  nous  étoit  personnelle,  et  je 
crois  bien  que  Gournay  profitera  de  l'occasion.  Il  doit 
dire  un  mot  dans  sa  lettre  de  la  division  projetée  et  des 
obstacles  redoutés.  Je  lui  ai  remis  le  double  de  l'arrêté, 
pris  vendredy  chez  M.  de  Praslin,  par  lequel  je  me  sois 
fait  donner  acte  de  notre  prétention  contre  Laval. 

Je  n'ai  point  reçu  aujourd'hui  la  lettre  du  comité  que 
vous  m'aviez  annoncée  ;  au  surplus  je  ne  suispoint  pressé, 
peut-être  l'aura-t-on  adressée  à  M.  le  Chevalier  ou  à 
M.  Gournay.  Il  faut  partager  ses  faveurs.  Je  n'ai  pas  du 
tout  connu  qui  vous  vouliez  me  dépeindre  dans  votre 
avant  dernière  par  le  président  éloquent  et  savant.  Il  n'y 
a  que  le  mot  président  à  me  dérouter. 


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—  102  — 

Je  crois  que  parfois  il  serait  bon  de  glisser  à  quelques 
membres  des  réflexions  sur  les  suites  de  leur  prévention 
contre  Laval.  En  voilà  un  que  me  fournit  la  préférence 
qu'un  membre  du  comité  semblait  donner  plutost  au 
Mans,  tant  nous  aveuglent  les  préventions.  Si  le  dépar- 
tement était  au  Mans,  ils  feroïent  bien  plus  leurs  efforts 
pour  nous  enlever  dans  la  division  des  justices  la  partie 
de  Villaines,  Pré-en-Pail.  Laval  au  contraire ,  par  sa  posi- 
tion, ne  peut  jamais  prétendre  passer  sur  notre  dûs  pour 
aller  faire  venir  ces  paroisses  à  son  siège.  Mayenne  est 
sûr  d'une  justice  et  sa  position  lui  assure  toute  la  partie 
nord,  que  la  position  du  Mans  peut  lui  enlever,  tandis  que 
Laval  ne  peut  y  prétendre.  Glissez  cela  à  nos  notaires 
et  je  crois  bien  qu'il  saisiront  promptement  cette  idée 
qui  les  intéressera  plus  que  le  département,  qu'ils  n'ont 
redouté  voir  établi  à  Laval  que  par  la  crainte  que  la 
justice  n'en  fût  une  suite. 

Tout  est  apaisé  au  Mans  <.  Le  serment  a  été  prêté  à 
Laval.  M.  de  la  Roche  a  tancé  ses  compatriotes  qui  ont 
eu  le  bon  esprit  de  voir  qu'ils  s'étaient  trompés  dans 
leur  manière  de  voir.  Tout  le  monde  ne  peut  pas  avoir 
la  même  prépondérance.  M.  de  la  Bocbe  est  malade  dans 
ce  moment  et  je  crains  bien  que  sa  maladie  ne  devienne 
sérieuse.  Ne  dites  rien,  crainte  qu'on  ne  s'effraye.  Lasnier 
et  du  Cléré  ^  sont  avec  lui  et  il  en  reçoit  tous  les  soins. 
C'est  une  fièvre  lente  qui  ne  le  quitte  point.  La  tête  et 
la  poitrine  sont  affeetées  a  la  fois,  suite  de  notre  long 
séjour  dans  un  air  réellement  méphitique.  Le  thermo- 
mètre y  monte  à  26  degrés.  On  ouvre  bien  les  fenêtres, 
que  l'air  passant  et  froid  fait  ensuite  refermer  prompte- 
ment, avant  qu'il  soit  purifié. 

I.  L«s  gardes  nationaux  du  .Mans,  réunis  le  IS  novembre  pour  prêter 
le  serment  de  fldillté  k  la  Nation,  au  roi  et  à  la  toi,  conlormémenl  au 
décret  du  10  aodt  précédent,  s'y  étaient  refusés  en  partie  et  s'étalent 
joints  à  la  populace  pour  réclamer  la  mise  on  liberté  des  prisonniers  de 
Ballon,  c'est- Â-dlre  des  assassins  de  MM.  Cureau  et  de  Montesson.  La 
sédition  tut  apaisée  dans  la  soirée  et  le  serment  fut  prêté  quelques  Jours 
plus  tard,  le  !0  novembre.  (Voy.  R,  Trlger,  L'année  i'89  au  Manê  el 
dan»  le  Haut-Maine,  pag«s  27S  et  suivantes], 

t.  François  Paillard- Duel éré,  notaire  et  fermier  des  octrois  de  Laval. 


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Sans  date. 

J'ai  reçu  votre  lettre  du  22  et  celle  très  honnête  du 
comité. 

Vous  avez  donc  provisoirement  fait  un  règlement  qui 
authorise  le  changement  fréquent  du  comité,  puisque  le 
voilà  encore  changé. 

Gournay  n'apporta  ny  avant-hier,  ny  hier,  la  lettre 
qu'il  devait  faire.  Il  ne  l'apportera  peut-être  pas  plus 
aujourd'hui.  Il  est  à  Paris  comme  à  Mayenne,  promet- 
tant et  tenant  peu.  Il  est  vrai  qu'il  est  entouré  aussi  à 
Paris  comme  à  Mayenne  et,  avant  qu'il  puisse  s'isoler 
pour  travailler,  il  faut  qu'il  fasse  des  efforts.  Cette  raison 
est  une  de  celles  qui  m'ont  empêché  de  prendre  mon 
logement  chez  mon  frère,  où  j'aurais  difGcilement  trouvé 
le  moment  de  me  mettre  au  travail. 

Le  plan  de  M.  Necker  tient  des  circonstances.  C'est 
la  difficulté  de  donner  à  des  billets  de  notre  création  la 
confiance  que  leur  solde  est  solide  et  qu'on  peut  à  toute 
heure  les  changor  en  argent.  Le  crédit  de  la  Caisse 
d'escompte  est  fondé  sur  un  capital  suffisant,  malgré  le 
dépost  par  eux  fait  au  Trésor  royal,  pour  rassurer  le 
public.  Si  au  contraire  nous  n'avons,  ny  de  quoi  remplir 
la  Caisse  d'escompte  de  ses  avances,  ny  de  quoi  assurer 
au  moins  le  quart  en  capital  et  en  argent  comptant  du 
montant  des  billets  à  mettre  en  circulation,  nous  créerons 
du  papier,  mais  sa  valeur  incertaine  ne  fera  qu'augmen- 
ter le  discrédit.  Voilà  l'embarras. 

LXll 

Paris,  25  novembre. 
On  nous  menaçait  pour  aujourd'hui,  mon  ami,  de 
quelque  révolution,  mais  je  n'ai  jamais  craint  des  projets 
annoncés  à  terme  fixe  et,  malgré  les  frayeurs  qu'on  a 


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—  104  — 

cherché  à  répandre,  je  vois  tout  tranquille  ici  et  tout 
disposé  à  rester  dans  le  calme  dont  nous  jouissons  depuis 
quelques  jours. 

Je  ne  pourrai  avoir  le  journal  d'hier  avant  l'heure  de  la 
poste.  Pour  y  suppléer,  je  joins  la  note  de  quatre  articles 
de  la  Constitution  décrétés  dans  la  séance  de  ce  matin. 

Aujourd'hui  nous  devons  recevoir  à  l'entrée  de  la 
séance  les  articles  du  Comité  de  constitution  sur  les  mu- 
nicipalités du  royaume,  leur  organisation,  composition, 
élection  et  fonctions,  afln  de  s'en  occuper  sur  le  champ 
et  tAcher,  dans  ces  deux  jours,  de  finir  cet  objet.  Les 
assemblées  de  districts,  de  départements,  sont  fixées 
dans  les  objets  essentiels.  On  est  à  relever  les  décrets 
rendus,  à  les  ranger  dans  un  ordre  convenable  pour  les 
présenter  à  la  sanction  et  proposer  de  faire  nommer  les 
électeurs,  en  un  mot  tâcher  de  mettre  la  machine  en 
mouvement.  Pendant  qu'on  s'occupe  de  cette  partie,  on 
avance  la  division  partielle  des  provinces.  Le  tour  de 
notre  généralité  n'est  pas  encore  revenu  pour  paraître 
devant  le  Comité.  Il  y  a  à  arrêter  définitivement  notre 
division  qui  n'éprouve  de  difficultés  qu'entre  le  Haut- 
Maine  et  nous.  L'Anjou  et  la  Touraine  paraissent  d'ac- 
cord. Nous  ne  voulons  point  céder  les  paroisses  au 
nord-est  de  Mayenne.  Il  faudra  bien  que  le  Comité  nous 
juge,  et  j'ai  disposé  à  cet  effet  une  carte  qui  prouve  la 
justice  de  notre  prétention. 

La  séance  d'hier  au  soir  a  été  employée  à  la  discussion 
de  l'arrêté  pris  par  la  Commission  intermédiaire  doublée 
ou  Bureau  renforcé  des  États  du  Cambrésis.  On  a  dé- 
claré que  cette  Commission  n'avait  pas  le  droit  de  pré- 
tendre représenter  la  province  ni  exprimer  le  vœu  du 
peuple;  en  conséquence,  son  arrêté  nul;  que  Sa  Majesté 
serait  suppliée  d'empêcher  de  pareilles  convocations. 
Au  surplus  on  invite  le  peuple  du  Cambrésis  à  persister 
dans  la  tranquillité  et  son  attachement  aux  décrets  de 
l'Assemblée  nationale  '.  Un  malheureux  ajouté,  qu'on 
I.  Protestation  contre  les  actes  de  l'Anemlilâe  nationale, 


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—  105  — 

voulut  mettre  par  amendement  à  ces  damiers  mots,  tint 
l'opinion  de  l'Assemblée  divisée  et  fit  passer  une  heure 
et  demie  pour  en  sortir.  A  9  heures  et  demie  enfin, 
l'amendement  consistant  en  ces  mots  a  dont  l'arrêté  du 
Bureau  tendait  à  l'élaguer  »  fut  rejeté.  11  était  trop  tard 
pour  prendre  la  gabelle  d'Anjou  qu'on  avait  placée  à 
l'ordre  du  jour  et  qui  finira  par  être  ajournée  probable- 
ment avec  le  plan  général  des  finances. 

LXIII 

Paris,  27  novembre. 

Ci-joint,  mon  ami,  deux  journaux  qui  vous  prouveront 
que  si  quelquefois  nous  sommes  morisifs  (sic),  quelque 
fois  aussi  nous  nous  piquons  d'activité.  Voilà  toujours 
vingt-huit  articles  décrétés  en  deux  jours. 

Le  journal  d'hier  ne  vous  eût  annoncé  autre  chose, 
sinon  qu'après  avoir  perdu  notre  temps  à  entendre  un 
projet  ridicule  de  restauration  du  crédit,  nous  sommes 
convenus,  à  près  de  quatre  heures,  de  traiter  demain  les 
moyens  de  procurer  â  l'État  les  90  millions  nécessaires 
pour  finir  le  service  de  cette  année,  et  quel  sera  ce 
moyen.  Les  billets  de  banque  ne  l'opéreront  pas,  si  vous 
n'avez  derrière  vous  une  masse  de  capitalistes  qui  vous 
les  assurent,  et  croyez  que  sans  la  Caisse  d'escompte  k 
son  sort  lié  avec  l'État,  qu'elle  n'eût  pas  accepté  le  plan 
de  M.  Necker.  Il  n'y  a  eu  que  74  voix  contre  66  dans 
l'assemblée  des  actionnaires  pour  accepter  le  plan,  et  les 
autres  capitalistes  non  actionnaires  font  tous  leurs  elToi-ts 
pour  que  la  Nation  ne  trouve  pas  un  sol  nul  part.  Ce 
sera  encore  huit  à  dix  ans  a  souffrir  de  l'agiotage.  Mais 
il  faut  espérer  que  des  circonstances  plus  heureuses 
pourront  tendre  â  l'arrêter  ;  le  grand  objet  est  la  crise 
actuelle  qu'il  faut  passer  et  on  enlève  encore  aux  enne- 
mis de  la  restauration  le  grand  moyen  sur  lequel  ils 
réunissent  en  ce  moment  leurs  efforts. 

Dans  la  feuille  que  je  ne  puis  vous  envoyer,  vous 


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auriez  vu  qu'on  y  a  discuté  hier  au  soir  la  demande  de 
l'Anjou  sur  la  Gabelle.  Après  avoir  erré  sur  plus  de  cent 
motioQS,  enfin  fut  faite  celle  dont  je  m'entretenais  avec 
mes  voisins,  et  dont  je  vous  ai  parlé,  de  ne  plus  songer 
à  aucun  régime  de  Gabelle,  mais  de  le  convertir  en  une 
prestation  ou  capitation  saline  à  imposer  sur  les  pro- 
vinces qui  y  sont  assujéties.  M.  de  Rœderer  '  parla  avec 
force,  prouva  l'impossibilité  de  rétablir  des  barrières, 
des  gardes,  et  on  finit  par  renvoyer  au  Comité  des 
finances  à  proposer  les  moyens  de  remplacer  la  gabelle 
dans  ce  moment.  Aussi,  de  fait  et  de  loi,  je  la  regarde 
comme  supprimée  maintenant  et  à  toujours. 

Je  joins  deux  écrits  sur  la  Caisse  d'escompte  dont  la 
vérification  commencée  par  nos  commissaires  annonce 
la  solvabilité  et  le  bon  état. 


30  novembre  1789. 
Je  viens,  mon  ami,  de  recevoir  les  objets  que  vous 
m'avez  annoncés,  mais  le  plus  important,  les  six  cartes, 
ne  sont  pas  celles  que  je  demandais.  Celles  que  je  reçois 
sont  six  mauvaises  cartes  du  Maine,  de  la  plus  grande 
inexactitude.  Celles  que  je  demandais  sont  six  feuilles 
de  lîi  carte  de  l'Observatoire,  celle  de  Mayenne,  celle 
d'Alençon,  celles  de  Laval,  du  Mans,  d'Angers  et  de 
Tours,  qui  sont  dans  l'armoire  du  fond  du  cabinet  ;  elles 
me  sont  nécessaires  pour  pouvoir  mieux  calculer  notre 
province,  y  circonscrire  notre  département  lorsqu'il 
sera  arrêté  et  voir  d'un  coup  d'œil  son  ensemble,  ce  que 
je  ne  puis  faire  sur  de  pareilles  cartes  coupées  et  collées 
que  j'ai  ici.  Je  vous  serai  obligé  de  les  faire  envelopper, 
en  les  roulant  sur  un  bois,  les  faire  entortiller  d'une  toile 
cirée  et  de  me  les  adresser  par  la  première  diligence.  Je 

I.  Pierre-Louis  Roderer,  conseiller  au  Parlement  de  Meti,  appelé  à 
atéger  dans  l'Assemblée  au  mois  d'octobre  1789,  en  remplacement  de 
M.  Maujean,  démissionnaire. 


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—  107  — 

les  attendois  pour  faire  moD  travail  et  h&ter  notre  opéra- 
tion. Je  pouvois  acheter  ici,  mais  celles-là  sont  achetées 
et  les  30  livres  qu'elles  me  coûteraient  sont  bonnes  à 
épargner. 

Je  tâcherai  de  joindre  à  ma  lettre  copie  du  décret 
rendu  samedy  au  soir  sur  les  impositions  des  privilégiés. 
11  est  essentiel  à  connaître  dans  ce  moment  où  le  dépar- 
tement va  se  faire  à  Mayenne.  C'est  le  5,  je  ci-ois,  que 
Messieurs  de  )a  Commission  intermédiaire  doivent  être 
chez  vous. 

Adieu,  l'heure  me  presse.  J'ai  reçu  la  lettre  sur  les 
banalités.  Je  comptais  la  tire  hier  au  Comité  féoda), 
mais  il  n'a  pas  été  possible  d'y  traiter  cet  objet.  Ce  sera 
pour  mercredy.  Le  président  de  l'Assemblée  l'eût  ren- 
voyée à  ce  comité.  Il  était  plus  court  de  la  lui  lire  tout 
de  suite. 

Je  reçois  votre  lettre  du  27,  Je  ne  renouvellerai  point 
le  Point  du  Jour  pour  la  Société.  MM.  des  Capucins 
veulent-ils  le  renouveller,  ainsy  que  le  curé  de  Saint- 
Pierre-sur-Erve?  Il  est  tema  de  me  prévenir,  car  voilà  le 
cent  cinquantième  numéro  qui  va  paraître.  Je  l'ai  cessé 
aussi  le  mois  dernier.  M.  de  Biozat,  autheur  du  Journal 
des  Débats,  commence  aussy  à  m'ennuyer  par  le  long 
exposé  de  ses  avis.  Cependant  c'est  encore  le  plus  exact. 
M.  Carré  part  mardy  matin. 

Je  ne  puis  me  procurer  le  décret,  mais  je  viens  de 
savoir  qu'il  a  été  adressé  à  Messieurs  de  la  Commission 
intermédiaire,  vous  l'aurez  vendredy,  encore  assez  à 
temps  pour  le  département.  Il  tend  à  ce  que  les  privilé- 
giés soient  imposés  pour  les  six  derniers  mois  de  1789 
et  pour  1790  dans  les  paroisses  de  la  situation  de  leurs 
biens  et  non  par  abonnement,  dans  une  seule  taxe,  dans 
le  lieu  de  leur  domicile. 

(Sur  une  feuille  séparée). 
Décret  attrapé  à  In  lecture  du  procès-verbal  de  samedy. 
L'Assemblée  nationale  décrète  que  l'article  2  de  son 


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—  108  — 

décret  du  26  septembre  dernier  sera  exécuté  suivant  sa 
forme  et  teneur,  en  conséquence  que  les  ci-devant  privi- 
lég;ié8  seront  imposés,  non  dans  le  lieu  de  leur  domicile, 
mais  dans  les  paroisses  de  la  situation  de  leurs  biens  ; 
que  le  présent  décret  sera  présenté  aussitôt  à  la  sanction. 

Samedy  matin. 
Sur  cette  lecture,  on  observe  qu'il  aurait  fallu  décréter 
que  la  capitation  payée  par  les  privilégiés  doit  leur  être 
diminuée  et,  comme  ce  n'est  pas  l'ordre  du  jour,  on  en 
demande  l'ajoumement.  Dans  le  moment  où  j'écris  cecy, 
il  y  a  apparence  que  la  demande  sera  ajournée  et  cepen- 
dant, comme  l'observation  est  juste,  il  paroit  que  la 
demande  sera  décrétée.  La  motion  est  ajournée  à 
demain. 

LXV 


Voilà  toujours,  mon  ami,  quatre  journaux  dont  j'étais 
en  retard,  non  par  ma  faute,  mais  par  celle  de  l'impri- 
meur qui  ne  me  les  a  fait  parvenir  que  mercredi,  trop 
tard  pour  vous  les  adresser. 

J'ai  souffert  bien  cruellement  ces  trois  derniers  jours  ; 
mercredi  par  la  précipitation  du  Président,  M.  l'Arcbe-, 
vêque  d'.\ix,  de  faire  lire  la  lettre  du  Ministre  de  la 
Marine  '  ci-incluse,  dont  la  phrase  :  «  dans  les  circons- 
tances présentes  quiconque  a  besoin  de  rendre  favo- 
rable, etc.,  »  était  un  reprocbe  contre  plusieurs  membres 
qui  l'ont  senti  et  ont  voulu  faire  regarder  comme  irres- 
pectueux pour  r.\ssemblée  cette  apostrophe  du  Ministre. 
Vint  la  motion  de  M.  d'Ambly  -,  brave  citoyen,  mais 
déplacé  dans  ce  moment,  qui  occasionna  beaucoup  de 


i .  An  sujet  d'accusations  porUes  coatre  lui  par  un  député  de  Salnt- 
Domlngrue  an  cours  d'une  dlscusslou  sur  la  lormallon  d'un  Comité  colo- 
nial, dans  la  séance  du  i"  décembre. 

2.  Le  marquis  d'Ambly,  député  de  la  noblesse  du  bailliage  de  Reims. 


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—  109  — 

bruit  et  de  division  dans  les  opinions.  Heureusement,  à 
près  de  quatre  heures,  un  ajournement  proposé  fit  lever 
la  séance. 

Jeudy,  l'article  6  du  deuxième  projet  occasionna  un 
nouveau  partage  de  voix.  En  vain  le  Comité  l'amenda  en 
sacrifiant  dès  lors  l'article  8.  On  ne  considéra  pas  l'avan- 
tage qui  naissait  d'une  contribution  volontaire,  moyen 
si  puissant  en  Russie.  Un  député  qui  ne  dit  jamais  deux 
mots  qui  vaillent,  quoique  mon  ancien  camarade  de 
classe,  prétendit  que  c'était  exclure  le  propriétaire,  tan- 
dis que  l'article  amendé  exigeait  la  propriété.  Le  M.  ' 
en  voulant  prouver  que  l'article  au  contraire  intéressait 
plus  le  Clergé  et  les  fils  de  famille,  on  conclut  du  moral 
de  l'orateur  que  c'était  un  piège,  et  tout  un  côté  de  la 
salle  se  leva  pour  rejeter  l'article  adopté  par  l'autre  c6té. 
Le  doute  sur  la  majorité  était  évident.  Cependant  le 
Président  prononce  le  rejet  de  l'article,  quoiqu'on  eût 
crié  avant  à  l'appel  nominal  ^.  Là  commence  un  sabbat 
d'enfer,  les  uns  veulent  l'appel  nominal.  Les  autres  sou- 
tiennent le  décret  prononcé.  11  fallut  deux  heures  avant 
de  faire  entendre  que  l'appel  nominal,  dans  tout  état  de 
cause,  était  le  vrai  moyen  d'éclairer  un  doute  aussi  appa- 
rent et  l'événement  justifia  que  le  doute  était  réel,  puis- 
qu'il n'y  a  eu  que  14  voix  de  plus  pour  faire  rejeter 
l'article.  De  cette  fois  j'ai  été  dans  la  minorité.  L'article 
amendé  me  paraissait  sage.  Bien  déterminé  d'ailleurs  a 
rejeter  l'article  8,  qui  semblait  détruire  les  conditions 
d'éligibilité  exigées  par  te  précédent  décret. 

Enfin  hier  ce  n'est  pas  par  le  tumulte,  la  séance  a  été 
tranquille,  mais  c'est  le  discours  de  M.  l'Évéque  d'Autun 
pour  faire  rejeter  la  Caisse  d'escompte  et  ses  offres, 
dans  un  moment  où  il  est  clair  qu'il  n'y  a  pas  d'autre 

I.  Le  oomte  de  Htrabeaa,  uns  doate. 

S.  Cet  article  étetid&it  la  condition  d'éllglblUtâ  relative  ï  la  contribu- 
tion directe  déclarée  nécessaire  pour  être  citojen  actll,  électenr  ou  éll- 
glble,  â  tous  ceux  qui  tturaleot  payé  pendant  deui  années  un  tribut 
civique  égal  i  la  valeur  de  cette  ContribaUon  et  prendraient  l'engage- 
ment  de  le  continuer. 


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—  110  — 

ressource  pour  sauver  la  pénurie  du  trésor  royal  de  la 
banqueroute.  Si  elle  ne  soutient  pas  les  paiements 
qu'elle  seule  fait,  qu'on  ne  l'érigé  pas  en  Banque  Natio- 
nale, qu'on  ne  lui  donne  pas  de  privilège,  mais  qu'on 
l'aide  d'un  papier  monnojé  pour  le  moment  critique.  Son 
actif  de  102  millions,  constaté  par  nos  Commissaires,  est 
la  seule  assurance  propoaabl6  dans  le  moment  où  tous 
les  autres  capitalistes  cachent  leurs  fonds.  Créez  des 
papiers.  Dès  que  vous  n'aurez  pas  de  représentation, 
vos  papiers  n'ont  aucun  crédit.  Quand  on  vous  donnera 
des  hypothèques  incertaines,  dont  la  rentrée  n'est  pas 
assurée,  vos  papiers  n'auront  aucune  réalité,  et  ici  les 
plus  forts  capitalistes  de  Paris,  attachés  à  la  Caisse,  ont 
leur  sort  lié  avec  l'intérêt  de  la  Nation  et  sont  forcés  de 
soutenir  la  machine.  C'est  un  petit  moyen,  mais  c'est  le 
Soul  praticable  pour  le  moment  et,  si  on  suivait  l'idée  de 
l'Evéque  financier  de  mettre  les  90  millions  à  payer  à  la 
Caisse  au  31  au  nombre  des  dettes  arriérées,  dont  on 
ferait  des  billets  d'État,  la  Caisse  est  culbutée  :  l'Etat 
est  sans  crédit,  plus  de  possibilité  de  continuer  les 
paiements  et  adieu  la  Constitution.  J'espère  que  cela 
n'arrivera  pas,  les  bons  esprits  sentent  la  détresse  et  la 
nécessité  d'employer  le  seul  crédit  forcé  qui  reste  et 
j'espère  qu'on  ne  suivra  pas  le  plan  d'un  homme  qui, 
plus  agioteur  qu'évéque,  n'a  connu  que  les  abus  de  la 
finance  sans  connaître  les  dangers  d'un  état  de  discré- 
dit général. 

Adieu,  l'heure  me  presse. 

LXVI 

Versailles,  7  décembre. 

Ci-joint  deux  journaux,  dont  le  dernier,  celui  de  la 
séance  de  samedy,  vous  tranquillisera  sur  les  finances 
autant  que  j'avais  pu  vous  inquiéter  et  que  j'étais  inquiet 
moi-même. 

Le  plan  de  M.  de  la  Borde  a  réuni  tous  lea  aulfrages 


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— 111  — 

par  sa  simplicité,  sa  clarté  à  la  portée  de  tout  le  monde. 
On  l'a  cru  d'autant  plus  qu'on  sait  qu'il  a  dans  ce 
moment  57  millions  à  sa  disposition  et  que,  plus  inté- 
ressé que  personne  à  ne  donner  rien  de  vague,  un  plan 
d'un  pareil  capitaliste  ne  peut  ressembler  à  celui  de  nos 
faiseurs  de  projets  qui  n'ont  de  millions  que  dans  le 
bout  de  leurs  plumes. 

Ce  plan  réunit  l'avantage  de  conserver  la  Caisse 
d'escompte,  à  laquelle  on  doit  évidemment  le  soutien  de 
l'Etat  depuis  la  retraite  de  Brienne.  Il  a  l'avantage  de 
présenter  aux  créanciers  de  l'Etat,  aux  porteurs  de 
créances  exigibles  dans  ce  moment,  même  aux  rentiers 
de  la  ville,  le  moyen  d'être  payés  dans  les  trois  premiers 
mois  de  l'année  1790.  Il  présente  la  circulation  de  l'ar- 
gent rétablie  sur  le  champ,  les  Tacilités  de  conserver  les 
Tonds  des  provinces,  d'offrir  au  commerce  les  plus 
grandes  facilités,  enfin  de  diminuer  de  9/10  les  frais  de 
perception  des  impAts  et  de  finir,  par  sa  solvabilité,  ses 
facilités,  par  présenter  la  baisse  assurée  de  l'intérêt  de 
l'argent.  Ma  satisfaction  fut  complète,  après  la  lecture, 
par  la  motion  de  nommer  des  Commissaires  pour  confé- 
rer de  ce  plan  avec  M.  Neckei-,  avec  la  Caisse  d'escompte, 
et  les  dix  Commissaires  nommés  sont  des  gens  de  bien, 
intègres,  instruits  des  finances.  J'ai  donc  tout  espoir  de 
voir  tourner  à  notre  avantage  cette  crise  qui  pouvait 
seule  tout  culbuter.  Le  rapport  des  Commissaires  est 
ajourné  à  mercredy.  Vous  ne  pourrez  donc  en  être 
instruit  que  lundy,  mais  vous  avez  tout  à  espérer.  La 
connaissance  que  des  capitalistes  avaient  du  plan  de 
M.  de  la  Borde,  que  M.  Necker  approuvait,  a  soutenu  les 
effets  de  la  Caisse  d'escompte.  Samedy  ils  ont  augmenté 
et  sûrement  aujourd'hui  ils  vont  encore  augmenter 
ainsy  que  les  autres  effets  qui  pourront  être  placés  en 
paiement  de  nouvelles  actions,  et  ces  effets  sont  les 
dettes  arriérées,  les  rescriptions,  les  anticipations,  les 
assignats  sur  les  domaines,  les  remboursements  échus, 
les  rentes  de  l'Hâtel-de-Ville,  etc...   Il  y  en  a  seize 


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—  112  — 

espèces,  dont  la  non-valeur  (lu  moment  contribuait  au 
plus  grand  discrédit.  Tous  ces  effets  qui  vont  se  trouver 
avec  un  solide  débouché  vont  donc  être  recherchés,  et 
l'argent  va  se  montrer  autant  qu'au  défaut  de  valeurs  de 
ces  papiers  oiî  le  cachait.  Sous  quinze  jours,  je  vois  la 
circulation  reprendre  son  cours. 

LXVII 

Paria,  ©décembre  1789. 

Aujourd'hui  l'imprimeur  plus  exact  me  met  à  portée 
de  vous  faire  passer  les  deux  journaux  ci-joints. 

Je  vais  différer  de  cacheter  ma  lettre  pour  vous  dire  si 
les  dix  Commissaires  nommés  feront  ce  matin  le  rapport 
de  leur  conférence  avec  M.  Necker  et  la  Caisse  d'es- 
compte sur  le  plan  de  M.  de  la  Borde.  Si  l'heure  de  la 
poste  avance,  et  que  je  n'ajoute  rien  à  ma  lettre,  c'est 
que  je  n'aurai  pu  rien  savoir.  J'ai  reçu  les  six  feuilles  de 
la  carte  de  l'Observatoire.  On  les  colle  sur  toile  et  aussi- 
tôt nous  nous  occupons  de  la  division  des  districts 

Les  agents  de  change,  les  payeurs  des  rentes,  récla- 
ment fortement  contre  le  plan  de  M.  de  la  Borde;  nous 
verrons  quel  effet  aura  leur  réclamation. 

Si  nous  n'avons  pas  ce  matin  le  rapport  des  Commis- 
saires, il  est  à  présumer  que  nous  finirons  les  articles 
qui  nous  restent  à  décréter  sur  les  Assemblées  primaires 
et  de  département.  La  division  en  départements  nous 
fait  arriver  ici  nombre  de  députés  de  villes  qui  viennent, 
comme  ceux  de  Saumur,  réclamer  des  chefs-lieux  de 
départements.  Ces  réclamations  arrêtent  la  fin  des  tra- 
vaux du  Comité  de  Constitution  qui  met  toute  la  patience 
possible  pour  obtenir  que  son  plan  passe,  qui  cependant 
finit  par  juger,  lorsque  les  députés  ne  peuvent  se  conci- 
lier. Malgré  les  réclamations,  ils  espèrent  fmir  inces- 
samment, et,  aussitôt  le  travail  fait  et  l'arrangement 
des  articles  décrétés  jusqu'ici  terminé,  on  s'empressera 


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—  113  — 

de  porter  à  la  sanction  les  articles  et  de  provoquer  les 
élections. 

M.  Dupont  est  à  la  tribune,  attendez  ce  qu'il  va  dire 
et  aussitôt  je  vais  vous  en  dire  en  bref  le  précis.  Le 
Comité  n'a  pas  terminé  ses  conférences.  Il  demande 
l'ajournement  pour  le  premier  jour  qui  suivra  la  fin  de 
leurs  travaux,  ainsy  rien  d'assuré  pom*  le  jour  où  le  rap- 
port sera  fait. 

LXVlll 

12  décembre  1789. 

Les  municipalités,  mon  ami,  sont  terminées  de  jeudy, 
ainsy  que  vous  le  verrez  par  les  journaux  ci-joints. 

L'examen  du  plan  de  M.  de  la  Borde  a  fait  reconnaître 
plusieurs  inconvénients.  Les  Commissaires  sont  occupés 
des  moyens  de  les  faire  disparaître.  Leur  travail  ne 
pourra  être  prêt  que  pour  lundy.  Le  plan  modifié  devra 
d'autant  moins  souffrir  de  difiicultés  qu'il  sera  arrêté  de 
concert  avec  le  premier  Ministre  des  Finances  et  les 
administrateurs  de  la  Caisse  d'Escompte.  On  a  appelé 
à  la  conférence  plusieurs  auteurs  de  plans  qui  ont  paru 
le  plus  appropriés  aux  circonstances. 

On  doit  lire  ce  matin  tous  les  articles  des  municipa- 
lités décrétés  jusqu'ici  et  rangés  dans  leur  ordre  natu- 
rel, ainsy  que  ceux  concernant  les  Assemblées 
administratives,  les  présenter  de  suite  à  la  sanction  et 
les  faire  imprimer  et  renvoyer  dans  les  provinces. 

Il  reste  encore  quelques  provinces  à  convenir  de  la 
division  de  leurs  départements.  Ce  sont  les  députés 
envoyés  par  plusieurs  villes  qui  ont  retardé  la  division 
projetée  par  le  Comité,  à  laquelle  en  définitif  il  faut  tou- 
jours revenir,  parce  qu'on  ne  peut  déplacer  une  division 
sans  en  cbanger  vingt  autres. 

Aussitôt  que  les  décrets  seront  prêts,  que  le  règle- 
ment pour  les  convocations  sera  passé,  on  enverra  dans 
les  villes  désignées  pour  les  cbefs-lieux  de  départements 


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—  114  — 

tout  ce  qui  concerne  la  convocation  des  municipalités, 
des  assemblées  primaires  de  districts.  Chaque  chef-lieu 
les  fera  passer  aux  districts,  et  ces  derniers  aux  munici- 
palités. Les  districts  indiqueront  les  paroisses  où  pour- 
ront se  tenir  les  assemblées  primaires,  et  la  machine 
sera  ainsi  mise  en  mouvement  avant  peu. 

Au  défaut  de  fmances,  on  a  hier,  comme  vous  pourrez 
le  voir  par  le  journal,  si  je  le  reçois  à  temps,  passé  plu- 
sieurs articles  pour  prévenir  le  pillage  des  bois  du  Roi 
et  des  communautés,  où,  presque  partout,  on  s'était 
porté  et  bientôt  on  eût  détruit  les  bois  en  les  cou- 
pant, comme  cela  arrive  dans  ces  pillages,  à  hauteur 
d'hommes. 

Je  n'ai  pu  me  procurer  qu'un  exemplaire  du  plan  de 
M.  de  la  Borde  qui  me  sera  nécessaire  lors  du  rapport. 
D'ailleurs  le  Journal  de  Paris  vous  en  a  fait  connaître 
l'essentiel. 

Vous  verrez  par  les  deux  décrets  de  jeudy  que  nous 
pourrons  demander  de  faire  alterner  l'assemblée  de 
département  dans  plusieurs  villes  de  district.  Ce  qui 
nous  facilitera  d'avoir  aussi  l'assemblée  de  départe- 
ment, si  l'ordre  judiciaire  était  réglé.  J'aimerais  mieux 
pour  Mayenne  l'établissement  de  la  justice  supérieure, 
dans  le  cas  où  il  s'en  établirait  une  dans  chaque  dépar- 
tement. Cette  justice  supérieure  ne  pourrait  être  qu'un 
Présidial,  pouvant  juger  au  Souverain  jusques  à  la  con- 
currence d'une  somme  de  2  à  3.000#.  Les  causes  qui 
excéderaient  cette  proportion  iraient,  par  appel,  directe- 
ment du  Siège  Royal  à  la  Cour  Souveraine  qui  servirait 
pour  quatre  à  cinq  départements.  Nous  insisterons  tou- 
jours pour  alterner  le  département,  sauf,  après  qu'on 
connaîtra  l'ordre  judiciaire,  à  s'en  désister,  s'il  y  a  plus 
d'avantage  à  conserver  la  justice  qui  pourrait  recevoir 
les  appels  des  affaires  à  juger  au  souverain  par  la  jus- 
tice qui  serait  seule  autorisée  à  ce  pouvoir  dans  chaque 
département.  Ce  qui  supposerait  que,  dans  chaque  dis- 
trict, il  y  aurait  justice  royale  ;  dans  chaque  départe- 


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^  ii5  — 

ment  une  justice  présidiale  pour  connaître  au  souverain 
des  causes  qui  n'excéderaient  pas  en  capital  la  somme 
de  2  à  S.OOOtf,  et,  pour  celles  excédentes,  elles  seraient 
portées  à  une  Cour  Souveraine  qui  ne  recevrait  que  les 
appels  des  causes  excédentes.  Il  y  aurait  dans  ce  plan 
trois  sortes  de  justices,  mais  seulement  deux  degrés  de 
juridiction. 

Je  vous  parle  là  du  projet  qui  parait  le  plus  répandu, 
mais  qui  probablement  pourra  recevoir  bien  des  change- 
ments en  passant  par  le  Comité  de  Constitution,  ensuite 
par  la  filière  de  l'Assemblée  générale. 

Je  n'ai  pas  eu  de  nouvelles  depuis  l'envoi  que  nous 
avons  fait  au  Comité  de  la  division  de  notre  départe- 
ment. Vous  me  ferez  plaisir  de  me  marquer  comment 
cette  division  a  pris.  MM.  du  Mans  l'auraient  désirée 
plus  à  leur  avantage,  ils  regrettent  de  n'avoir  plus  d'in- 
Quence  sur  notre  partie  et  je  crois  qu'on  doit  trouver  de 
l'avantage  dans  notre  division  qui  réunit  ensemble  les 
parties  de  notre  province  les  plus  liées  d'intérêt  par  les 
mêmes  cultures,  le  même  commerce  et  le  même  sol. 

Adieu,  nous  serons  plus  tranquilles  ici  lorsqu'il  y 
aura  un  plan  de  banque  ou  caisse  adopté.  Tous  les  capi- 
talistes sont  dans  l'inquiétude  et  à  bon  compte  resser- 
rent  toujours  l'argent  pour  ne  le  lâcher  que  lorsqu'ils 
auront  la  certitude  d'être  payés  de  l'arriéré, 

Reçoit-on  à  présent  la  soumission  du  quart  du  revenu  ? 
Y  en  a-t-it  beaucoup  de  faites,  je  vous  enverrai  la 
mienne  ? 

LXIX 

Paris,  15  décembre  1789,  soir. 

Occupé,  mon  ami,  de  l'examen  de  plusieurs  questions 

pour  le  comité  féodal,  je  ne  puis  vous  en   écrire  Lien 

long.  Les  journaux  cî-joints  suppléeront  à  ce  que  je  ne 

puis  vous  détailler. 

Le  Comité,  à  l'examen  du  projet  de  M.  de  la  Borde,  y 


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—  116  — 

a  trouvé  des  inconvénients  qu'une  lecture  rapide  n'a  pu 
y  faire  découvrir.  II  refond  ce  plan  de  concert  avec  les 
plus  habiles  financiers  et  d'abord  avec  M.  Necker  et  les 
administrateurs  de  la  Caisse  d'escompte.  Ce  ne  sera  que 
pour  jeudy  qu'il  en  fera  le  rapport. 

MM.  de  la  Commission  paraissent  avoir  fait  partout 
les  intendants,  lis  ont  été  jugés  à  Laval  comme  à 
Mayenne,  c'est  leur  reste. 

Ce  n'est  qu'à  onze  beures  et  demie  que  nous  sortons  de 
l'assemblée  qui  a  été  interrompue  par  M.  le  vicomte  de 
Mirabeau  qu'on  a  puni  en  le  faisant  rappeler  à  l'ordre  et 
par  la  mention  de  ce  rappel  qui  sera  sans  doute  dans  )e 
procès-verbal.  J'ai  été  fâché  qu'on  ait  pris  ce  parti, 
quoique  très  mérité.  Mais  le  trouble  de  M.  de  Mirabeau 
(le  vicomte)  était  suite  d'un  diner  trop  copieux,  car  il  ne 
sut  que  déraisonner'.  Il  s'agissait  du  refus  de  la  chambre 
des  vacations  de  Rennes  ".  On  avait  proposé  un  décret 
pour  faire  élire  deux  membres  de  chacun  des  quatre 
présidiaus  de  la  province,  deux  avocats  de  chaque  ville. 
C'était  M.  le  Chapelier  qui  avait  proposé  de  remplacer 
ainsi  les  membres  du  Parlement  qu'il  supposait,  par 
esprit  de  corps,  avoir  pris  tous  ensemble  le  parti  de  ne 
faire  aucune  fonction.  Cela  peut  être,  mais  on  a  observé 
que  nen  ne  constatait  le  refus  des  autres  membres  de  ce 
Parlement.  On  a  demandé  qu'un  commissaire  du  roi  fut 
envoyé  pour  nommer  une  nouvelle  chambre  des  vacations, 
faire  k  chaque  conseiller  l'offre  d'y  passer  et  ne  venir  à 
sa  composition  des  deux  membres  de  chaque  présidiat 
qu'après  le  refus  de  tous  les  membres  du  Parlement. 
Cette  motion  a  étévotéeàonzeheuresetdemie,  ainsi  que 
le  Veniat  à  la  Barre  des  membres  qui  composent  la 
chambre  des  vacations. 

I.  Le  Tlcomto  de  Hlr^wau,  colonel  du  régiment  de  Touraine,  dépoté 
de  la  Noblesse  du  Umousio.  Né  en  ITSt,  démtulan noire  en  1791,  mort 
en  1792  à  Frlbourg-  eu  Brlagsu.  Un  des  orateurs  du  vAié  droit  de 
l'Assemblée,  surnommé  MlrabBBU-Touneau  en  raison  de  son  extérieur. 

S.  Refusant  d'enregistrer  le  décret  du  3  novembre  et  de  continuer  ses 
fonations. 


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—  117  — 

Je  crois,  mon  ami,  que  le  pins  constitutionnel  de  tous 
les  principes  est  la  division  des  pouvoirs  et   quoique 

toutes  les  communes  soient  pour' pour  ainsi  dire  de 

la  magistrature,  on  a  senti  qu'il  fallait  oublier  ses  préten- 
tions particulières  pour  ne  voir  que  le  moyen  qui  peut 
seul  assurer  la  liberté,  empêcher  la  réunion  des  pouvoirs 
toujours  dangereuse  dans  les  mêmes  mains  et  cette 
délibération  pour  l'exclusion  des  juges  en  exercice,  et 
tant  qu'ils  y  seront,  a  été  une  des  plus  unanimes. 

Le  comte  de  Mirabeau  a  été  appelé  au  Comité  des  dix 
pour  le  plan  de  la  Banque,  afin  de  l'empêcher  de  contra- 
rier ce  qui  aérait  proposé,  Cependant  lundy  il  a  paru  sur 
la  scène  pour  une  motion  que  vous  verrez  dans  le  journal 
et  qui  a  été  ajournée  pour  le  moment. 

Je  suis  charmé  de  la  continuation  du  chemin  des 
Vallées  et  encore  plus  de  l'occupation  qu'on  y  donne  aux 
pauvres.  Je  crois  que  c'est  une  contribution  des  citoyens. 
Je  m'y  joins  et  je  payerai  ma  part  comme  les  autres. 

M.  le  curé  d'Emée  voudra  bien  attendre  encore  pour 
sa  rente.  Je  lui  en  parlerai  ici.  Nous  ne  récoltons  pas  de 
grains,  ainsy  il  faudra  bien  qu'il  se  contente  d'argent 
quand  je  serai  de  retour  ^. 

Je  n'ai  entendu  qu'une  lecture  rapide  de  la  deuxième 
lettre  du  Comité  qui,  en  gros,  nous  a  paru  susceptible 
encore  d'être  réformée  dans  plusieurs  articles.  Mais  il 
eût  fallu  la  renvoyer  une  deuxième  fois.  Nous  l'avons 
mise  sous  enveloppe  et  nous  t'avons  été  présenter  à 
M.  Lambert,  qui  a  demandé  du  temps  pour  l'examiner  et 
y  répondre  ^. 

M.  Carré,  sur  une  alerte  qu'on  a  donnée  à  ses  gens  à 
Thuré,  n'a  pas  cm  devoir  aller  à  Mayenne.  II  est  de 
retour  îcy.  Son  arrivée  et  votre  silence  m'avoîent  fait 
craindre  quelques  nouveaux  troubles.  J'ai  été  fort  aise 
d'apprendre  que  tout  était  calme  et  que  ce  n'est  qu'une 
terreur  panique  que  semble  avoir  eue  M.  Carré. 

I.  Phrase  Incomplète. 
.    8.  L'abbd  Grandln,  député  dn  Clei^é  du  Hftiae. 
3.  ContrAleur  général  des  fluancoa. 


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—  118  - 


Adieu,  il  est  temps  à  minuit  et  demi  d'aller  se  coucher. 

Vous  verrez  dans  le  journal  de  lundy  uu  décret  qui 
rassurera  notre  ville  sur  la  possibilité  d'avoir  à  tour  de 
rdle  le  département. 


Paris,  19  décembre  1789. 

Toujours  très  occupé  des  travaux  de  notre  comité,  je 
m'en  réfère  aux  journaux  que  je  vous  adresse. 

Je  n'ai  point  encore  demandé  de  gibier  pour  l'hdtel, 
M.  le  Duc  n'étant  point  à  Paris.  Mais  M.  Bataille  dési- 
rant  en  avoir,  je  vous  serais  obligé  de  faire  dire  à 
Darennes  qu'il  faudra  que  ses  camarades  et  lui  s'arran- 
gent pour  faire  porter  à  Mayenne,  tous  les  lundis,  quatre 
pièces  de  gibier,  lièvres  ou  perdrix,  ou  bécasses.  Cbemin 
porteroit  ce  gibier  chez  M.  Desjardins,  qui  le  porteroit 
au  Mans,  chez  le  sieur  Petîtpain,  lequel  le  joindrait  aux 
poulardes  qu'il  adresse  toutes  les  semaines  à  M.  Bataille. 
Gela  durera  jusqu'à  ce  que  M.  le  Duc,  de  retour  à  Paris, 
soit  dans  le  cas  de  recevoir  directement  de  Mayenne  le 
gibier  qu'il  croira  devoir  demander  '. 

J'observe  que  les  gardes  pourroient  s'arranger  pour 
qu'un  d'eux  chaque  semaine  apporte  les  quatre  pièces. 
Ils  sont  six,  ainsi  toutes  les  six  semaines  ils  n'auroient 
que  quatre  pièces,  à  moins  que  le  retour  de  M.  le  Duc 
ou  des  demandes  de  Mme  la  Duchesse  ne  fassent  changer 
cette  marche. 

Je  finirai  ma  lettre  par  le  récit  de  ta  séance  de  ce 
jour,  si  le  journal  ne  m'arrive  pas  avant  l'heure  de  la 
poste. 

La  poste  part  avant  qu'il  ne  puisse  y  avoir  aucune 
décision  sur  les  décrets  ci-joints  qui  doivent  être  admis 
ou  rejetés  séance  tenante.  Séance  de  crise  dont  vous  ne 
saurez  l'issue  que  mercredy. 

1.  Honoré-Charles-Hsurlce-Anne  deGrimaldl,  prince  de Honaco,  dac 
de  ValentlnoiB,  seigneur  de«  duchés  de  Muario  et  de  Hajenne,  âpoax 
de  Louise-Félicité- Victoire  d'Aornoot. 


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LXXI 

Paris,  20  décembre  1789. 

Vous  avez,  mon  ami,  dès  lundy  les  décrets  sur  les 
fiDances.  Il  n'y  a  pas  été  changé  un  seul  mot  dans  la 
longue  et  mémorable  séance  de  samedy.  Le  Journal  de 
Paris  a  donné  un  extrait  très  bien  fait  de  cette  séance  et 
doit  aujourd'hui  en  donner  une  suite.  Nous  avons  donc 
agi  avec  la  confiance  due  à  ceux  qui,  mieux  que  nous, 
connaissent  les  finances  et  pouvaient  nous  guider  dans 
le  dédale  dont  elle  nous  a  circonvenus.  Mais  il  n'en  résul- 
tera qu'un  faible  palliatif  et  un  remède  momentané  si  les 
impôts  continuent  de  diminuer ,  si  la  contribution 
patriotique  ne  se  remplit  point.  Voilà  le  temps  qui  expire 
des  déclarations,  je  joins  ici  la  mienne  exacte  et  plus 
forte  que  le  quart  de  ce  que  j'ai.  Mais  je  ne  dois  pas  être 
en  retard,  ni  dans  la  forme,  ni  au  fond. 

On  a  répandu  avec  profusion  dans  tes  Provinces  une 
adresse  aux  Provinces  qu'on  prête  à  un  membre  du 
Clergé,  député  à  notre  Assemblée.  Voici  le  contre-poison 
de  cette  pièce  qui  ne  tend  à  rien  moins  qu'à  soulever  le 
peuple  contre  nous  par  les  mensonges  les  plus  grossiers. 
Les  députés  de  Bretagne  ont  fait  imprimer  aussi  une 
réponse,  mais  elle  ne  vaut  pas  celle-ci.  Je  vous  prierai, 
après  l'avoir  lue,  de  la  communiquer  à  M.  de  Soulgé. 

Nous  allons  bientôt  avoir  le  travail  du  Comité  sur 
l'ordre  judiciaire  ;  aussitôt  qu'il  paraîtra  je  vous  en  enver- 
rai un  exemplaire. 

LXXII 

23  décembre  1789. 
Je  n'ai  que  le  temps,  mon  ami,  de  vous  annoncer  le 
projet  do  l'ordre  judiciaire.  Je  n'ai  reçu  aucun  des  jour- 
naux de  cette  semaine,  je  ne  sais  si  je  vais  pouvoir  les 
réunir  chez  l'imprimeur. 


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—  120  — 

Je  ne  voua  dis  rien  sur  le  projet  de  l'ordre  judiciaire. 
Il  présente  pour  tout  le  monde  des  places,  et  il  n'y  aura 
personne  qui  ne  puisse  trouver  où  se  placer  d'après  le 
grand  nombre  des  places  instituées,  soit  dans  l'adminis- 
tration, soit  dans  l'ordre  judiciaire. 

Nous  allons  suivre  l'objet  des  finances  et  l'ordre  judi- 
ciaire, trois  jours  par  semaine  chaque  objet,  parce  qu'il 
devient  urgent  de  faire  l'ordre  des  finances  pour  la  réus- 
site constante  des  derniers  décrets. 

Je  joins  deux  exemplaires  du  projet  de  l'ordre  judi- 
ciaire, je  vous  serai  obligé  d'en  envoyer  un  à  M,  de 
Soulgéquejepriede  le  communiquer  à  M.  de  Cheverus. 

LXXIII 
Paris,  25  décembre  1789. 

Si  la  contribution  patriotique  ne  produit  rien,  je  crois 
bien  qu'on  finira  par  la  rendre  forcée.  On  fait  tout  ce 
qu'on  peut  dans  ce  moment  pour  contrarier  la  marcbe 
de  la  Caisse  d'escompte  et  culbuter  l'opération,  forcer 
la  banqueroute.  Nous  ne  sommes  sûrement  pas  encore  à 
la  fin  de  nos  traverses.  Il  ne  pourra  y  avoir  que  beaucoup 
de  modération,  du  moins  dans  les  Provinces,  à  pouvoir 
soutenir  la  machine  qu'on  cherche  à  saper  dans  tous  ses 
pilotes,  comme  l'a  dit  M.  Necker  dans  son  dernier 
mémoire  que  je  joins  ici. 

Les  billets  de  banque  ont  été  amplement  discutés  et 
on  a  prouvé  d'une  manière  évidente  que  c'était  ruiner  !a 
Nation  sans  ressource  et  sans  espoir.  Si  on  craint  ne 
pouvoir  vendre  pour  400  millions  de  biens  du  Domaine 
et  du  Clergé,  comment  en  aurait-on  pu  vendre  pour 
quatre  milliards.  La  difficulté  pour  ces  ventes  est  toujours 
de  constater  les  dettes  du  Clergé,  les  charges  que  ces  biens 
auront  à  supporter.  Tant  qu'on  ne  connaîtra  pas  et  le 
moyen  d'acquitter  ces  dettes,  et  le  mode  par  lequel  on 
fournira  au  paiement  et  à  l'entretien  du  culte.on  ne  verrait 
dans  les  billets  de  monnaie  qu'un  vrai  papier  sans  soli- 


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—  121  — 

dite  et  bientôt  on  eût  décrié  une  pareille  opération  et 
réduit  à  zéro  la  ressource  qui  parait  si  spécieuse  dans  la 
spéculation.  Si  le  parti-pris  peut  rassurer  sur  la  quantité 
de  papiers  en  émission,  c'est  la  solidité  de  la  Caisse 
d'escompte.  Et  aussi  cherche-t-on  à  ébranler  son  crédit, 
quoique  prouvé  très  solide.  Combien  eùt-on  trouvé  dn 
moyens  de  faire  tomber  un  papier-monnaie  qui  n'eût  eu 
pour  base  qu'une  opération  incertaine,  contre  laquelle  il 
se  serait  élevé  autant  de  réclamations  comme  il  y  a  de 
titulaires.  Et  si  ce  n'est  qu'on  a  dit  qu'il  ne  serait  vendu 
de  biens  du  Clergé  que  ceux  situés  dans  les  grandes 
villes  et  ne  produisant  aucun  revenu,  dès  lors  qu'on  ne 
touche  pas,  ni  aux  hypothèques  sur  le  Clergé,  nî  aux 
revenus  des  titulaires,  la  motion  n'eût  pas  été  décrétée. 
11  faut  bien  que  le  papier-monnaie  ne  soit  qu'une  ressource 
spécieuse  puîsqu'aucun  homme  instruit  dans  les  finances 
ne  l'a  proposé.  Tous  au  contraire  l'ont  combattu  et,  en 
rappelant  la  crise  de  Law,  encore  récente,  ont  éloigné 
d'un  remède  pis  encore  que  le  mal. 

Les  juges  sont  également  exclus  des  districts  et  des 
départements.  On  a  rassemblé  les  décrets  sur  ces  assem- 
blées  administratives  et  sur  les  assemblées  électives.  On 
y  joindra  une  instruction  comme  pour  les  municipalités 
et,  aussitôt  la  division  des  départements  Unie,  on  enverra 
les  décrets  sanctionnés.  Sous  peu  vous  recevrez  les 
décrets  et  l'instruction  sur  les  municipalités  officielle- 
ment. Je  les  adresse  aujourd'hui  à  M.  de  Souigé  qui 
vous  tes  communiquera  pour  les  voir  rassemblés  après 
les  avoir  reçus  en  détail. 

Les  gens  de  justice,  depuis  la  publicité  du  plan  de 
l'ordre  judiciaire,  sont  furieux  ici  et  cherchent  à  soulever 
contre  l'Assemblée  l'opinion  publique.  Il  faut  espérer 
que  leur  projet  ne  réussira  pas,  mais  ce  sont  de  nouvelles 
entraves  que  nous  aurons  à  surmonter.  ■ 

Adieu,  mon  ami,  bien  fâché  d'être  si  laconique.  Mais 
en  vérité  je  n'ai  à  moi  que  deux  heures  pour  mon  dîner, 
et  le  reste  du  temps  est  tellement  pris,  et  nos  travaux 


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_  122  — 

deviennent  si  multipliés,  qu'on  ne  peut  trouver  que  très 
peu  de  moments  à  la  correspondance. 

Vous  trouverez  les  journaux  dont  j'étais  en  retard  et 
sur  les  détails  desquels  je  me  repose,  ne  pouvant  trouver 
le  moment  de  les  faire  moi-même. 

LXXIV 

28  décembre  1789. 

Nous  avons,  mon  ami,  complété  notre  travail  sur  les 
municipalités.  C'est  au  pouvoir  exécutif  maintenant  à 
faire  passer  dans  les  provinces  les  décrets  dont  M.  le 
Garde  des  Sceaux  nous  a  fait  remettre  la  grosse  des 
Lettres  Patentes  qui  en  ordonnent  l'envoi,  ilais  42.000 
exemplaires  à  imprimer  et  à  faire  passer  ne  sont  pas 
d'une  expédition  facile.  Aussi  ne  soyez  pas  étonné  de  ne 
pas  les  recevoir  aussi  promptement  que  vous  croyez  que 
cela  doit  se  faire. 

Aussitôt  cet  envoi  fait,  et  avant  que  les  municipalités 
soient  nommées,  les  décrets  sur  l'organisation  des  assem- 
blées primaires  de  districts,  de  départements,  seront 
prêts  pour  être  envoyés.  Il  n'y  aura  à  revenir  que  la 
division  qui  éprouve  toujours  beaucoup  de  difficultés.  11 
arrive  journellement  de  nouveaux  députés  extraordinai- 
res des  plus  petites  villes  pour  réclamer  des  districts, 
des  justices.  J'ai  vu  un  moment  que  l'embarras  de  toutes 
ces  demandes,  les  contrariétés  qu'elles  jettent  dans  le 
travail,  avaient  déterminé,  pour  abréger  plusieurs  dépar- 
tements, à  ne  faire  que  trois  districts.  Nous  avons  essayé 
de  plusieurs  divisions,  en  3,  en  6,  en  7,  en  8,  et,  telle 
chose  que  nous  fassions,  nous  ne  pourrons  contenter 
tout  le  monde.  Le  Comité  de  Constitution  écoute  toutes 
les  demandes,  croit  qu'il  faut  satisfaire  tout  le  monde  et 
il  en  résultera  une  telle  augmentation  de  frais  que  je 
suis  persuadé  qu'on  finira,  après  une  première  épreuve, 
par  retrancher  un  grand  nombre  de  districts,  ou  bien  on 
De  mettra  pas  de  justices  dans  tous  les  districts.  Nous 


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—  123  — 

en  aommeB  à  rechercher  ce  qui  pourra,  et  remplir  le  vœu 
d'économie,  et  satisfaire  aux  demandes  de  bien  des  villes 
peu  faites  pour  obtenir  ce  qu'elles  désirent  ;  et  nous  ne 
pouvons  encore  trouver  le  moyen  de  concilier  l'intérêt 
général  et  l'intérêt  particulier. 

Nous  ne  commencerons  probablement  l'ordre  judi- 
ciaire qu'en  1790.  Qu'on  établisse  les  juges  de  paix  et  je 
crois  qu'on  rendra  un  service  bien  essentiel  à  la  patrie. 
Ces  places  bien  remplies  ne  laisseront  guère  d'occupa- 
tion aux  autres  tribunaux.  Mais  il  parait  incertain  qu'on 
admette  les  différents  degrés  de  justice,  et  de  district,  et 
de  département,  et  de  cour  supérieure.  Quoiqu'il  n'y  ait 
par  la  combinaison  des  plans  réellementque  deux  degrés 
de  justices,  la  complication  de  ce  plan  paraîtra  toujours 
susceptible  de  difficultés  dans  l'exécution  et,  en  admet- 
tant des  justices  dans  les  districts,  on  pourrait  fort  bien 
supprimer  la  justice  de  département,  peut-être  même  ne 
pas  admettre  de  justice  dans  tous  les  districts  indistinc- 
tement. Ainsy,  dans  notre  département,  je  ne  voudrais 
que  trois  justices,  Mayenne,  Laval  et  ChAteau-Gontier, 
égales  entre  elles,  avec  un  pouvoir  de  juger  au  souverain 
jusqu'à  2.000#,  et  l'appel  pour  le  surplus  à  la  cour 
supérieure  qui  serait  pour  les  quatre  départements.  Je 
serais  fort  aise  que  cet  objet  fût  arrêté  avant  que  nous 
fixassions  définitivement  les  districts.  11  y  aurait  moins 
de  prétentions,  s'il  y  avait  moins  de  justices. 

L'impression  ordonnée  des  déclarations  pourra  forcer 
à  plus  d'exactitude.  Je  me  félicite  de  m'étre  expédié,  et 
sârement  bien  au  delà  de  mes  pouvoirs,  avant  le  décret 
qui  ordonne  cette  impression. 

LXXV 

Paris,  12  janvier  1790. 
Ci-joint,  mon  amy,    le  journal  de   lundy  qui  vous 
apprendra  le  jugement  de  la  Chambre  des  Vacations  de 
1.  Lunoe  4n  !8  décembre  au  18  JuiTier. 


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—  124  — 

Rennes  et  celui  d'aujourd'hui  qui  vous  donnera  un  pré- 
cis de  la  discussion  '. 

La  séance  de  ce  matin  a  été  employée  à  juger  difTé- 
rentes  diflicultés  sur  le  département.  Nous  en  avons 
passé  une  partie  au  Comité  de  Constitution  pour  notre 
département.  Nous  avions  nos  mémoires  prêts  et  nous 
comptions  plaider  notre  cause  à  un  des  adjoints.  Nous 
lui  avions  déjà  exposé  notre  prétention  et  une  partie  de 
nos  moyens,  lorsqu'il  nous  a  dit  ne  pouvoir  prendre  sur 
lui  de  juger  cette  difliculté,  qu'il  fallait  remettre  nos 
mémoires,  qu'il  en  ferait  le  rapport  aux  autres  membres 
et  ensuite  à  l'Assemblée.  Au  peu  qu'il  nous  en  a  dit,  je 
n'ai  pas  cru  le  trouver  favorable  à  notre  prétention  pour 
le  chef-lieu  du  département.  Je  me  suis  hâté  d'olFrir  le 
moyen  de  conciliation  dans  la  justice  de  département  et 
la  promesse  provisoire  de  nous  l'accorder,  si  l'Assemblée 
décrétait  cette  espèce  de  justice.  Il  a  fait  quelques  objec- 
tions sur  l'incertitude  que  ces  justices  fussent  décrétées 
et  l'impossibilité  de  faire  dire  que  le  Comité  accorderait 
ce  qui  n'était  pas  assuré.  Nous  avons  fini  par  convenir" 
que  nous  produirions  nos  mémoires  pour  que,  d'après, 
le  Comité  puisse  présenter  un  résultat  à  l'Assemblée. 
Ainsy  vous  verrez  probablement  cette  décision  dans  les 
journaux  et  j'ai  tout  lieu  de  craindre  qu'elle  ne  soit  pas 
en  notre  faveur  et  que  nous  n'ayons  que  le  désagrément 
de  la  tentative  ;  mais  enfin  nous  y  sommes  forcés.  Au 
moins  on  verra  que  c'est  toute  l'Assemblée  qui  aura 
jugé.  MM.  d'Ernée  nous  ont  empêchés  de  terminer  pour 
nos  districts.  Ils  réclament,  après  le  partage  convenu,  la 
paroisse  de  la  Bigottière  et,  pour  y  parvenir  plus  sûre- 
ment, ils  y  ont  joint  la  paroisse  de  Brécé,  bien  sûrs 
qu'en  en  proposant  deux,  le  Comité  leur  en  accorderait 
une.  Mais  nous  n'avons  point  voulu  soumettre  la  ques- 
tion au  seul  adjoint  qui  vînt  au  milieu  de  nous  et  la  diffi- 
culté est  restée   indécise.   Je  viens  de   retoucher   nos 


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—  125  — 

premiers  mémoires,  d'en  faire  un  précis,  car  de  trop 
longs  discours  sont  sujets  à  être  rebutés  au  milieu  des 
nombreuses  discussions  qui  existent  dans  tous  les  dépar- 
tements sur  de  pareils  objets. 

Adieu,  j'attends  votre  première  nouvelle  pour  savoir 
comment  on  a  pris  le  plan  de  division.  Il  aura  été  critiqué 
avec  raison,  mais  nous  avons  été  condamés  à  sept  dis- 
tricts, tandis  qu'au  plus  ne  devions-nous  en  faire  six. 

Avez-vous  reçu  le  décret  des  Municipalités  et  où  en 
êtes  vous  sur  cet  objet. 

(A  suivre).  E.  Qcebcau-Lamebie. 


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PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


SEANCE  DU  17  MARS  1904. 

La  séance  s'ouvre  à  deux  heures  un  quart,  soua  la 
présidence  de  M.  Emile  Moreau,  président. 

Sont  présents  :  M.  Moreau,  président;  MM.  de  Farcy, 
Grosse- Duperon et  Trévédy,  vice-présidents  ;  MM.  l'abbé 
Angot  et  Garnier,  membres  titulaires  ;  MM.  Goupil, 
Morin,  Ponthault,  membres  correspondants. 

Se  font  excuser  :  MM.  Chappée,  l'abbé  Croulbois, 
Laurain,  de  Tanquerel  des  Planches  et  Thuau. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et 
adopté. 

M.  le  chaucine  Sauvé,  maître  des  cérémonies  de  la 
cathédrale,  sur  la  présentation  de  MM.  Moreau  et 
Goupil,  et  M.  le  baron  de  la  Broise,  sur  la  présentation 
de  M.  Moreau  et  de  M.  l'abbé  Angot,  sont  élus  mem- 
bres correspondants. 

M.  le  président  donne  communication  d'un  arrêté 
ministériel,  en  date  du  29  février  dernier,  classant 
comme  monuments  historiques  les  objets  mobihers  sui- 
vants conservés  dans  l'église  d'Évron  : 

Reliquaire  de  la  Sainte-Epine  et  du  Saint-Lait,  argent 
doré,  xvi'  siècle; 

Statue  de  la  Vierge,  dite  Notre-Dame  de  l'Épine, 


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—  127  — 

bois  en  partie  peint  et  recouvert  de  lames  de  métal, 
XIII'  siècle. 
Lutrin  en  cuivre  battu,  1780. 

M.  le  président  communique  une  lettre  de  M.  le 
Préfet  relative  à  la  borne  du  forum  de  Jublains.  Cette 
borne,  déposée  jadis  par  M.  Barbe  dans  la  cour  de 
M.  Denyau  où  elle  se  trouve  encore,  doit  être  trans- 
portée sur  l'emplacement  qu'elle  occupait  autrefois. 
M.  le  Préfet  prie  M.  le  Président  de  s'entendre  avec 
M.  Chedeau  pour  assurer  le  succès  de  cette  opération 
dont  les  frais  seront  prélevés  sur  les  200  francs  votés 
annuellement  par  le  Conseil  Général  pour  l'entretien  du 
camp  de  Jublains. 

M.  l'abbé  Angot  dépose  sur  le  bureau  le  manuscrit 
du  Cartulaire  manceau  de  Marmoutier,  recueilli  par 
M.  Laurain  ;  il  en  fait  ressortir  l'intérêt  de  tout  premier 
ordre  et  demande  à  la  Commission  d'en  vouloir  bien 
prendre  la  publication  sous  son  patronage. 

Après  un  échange  de  vues  sur  les  services  qu'un  tel 
recueil  peut  rendre  aux  travailleurs,  la  Commission 
charge  M.  Goupil  d'en  faire  connaître  l'importance  ma- 
térielle, avec  un  devis  approximatif  des  frais  d'impres- 


M.  Garnier  annonce  qu'en  nettoyant  un  tableau  repré- 
sentant saint  Benoit  et  sainte  Scholastique,  de  Saint- 
Vénérand,  on  a  découvert  dans  un  cartouche  le  nom  du 
peintre  Le  Gay,  de  près  Laval,  qui  restaura  ce  tableau 
au  xviii'  siècle. 

M.  l'abbé  Angot  rend  compte  des  dernières  fouilles 
exécutées  au  balneum  de  Rubricaire.  L'extérieur  est 
complètement  dégagé  ;  on  n'a  rien  trouvé  de  nouveau, 
sinon  quelques  sépultures  à  l'extérieur  des  bains  froids  ; 
elles  étaient  recouvertes  de  dalles  en  ardoise  qui  for- 
maient le  pavement  de  la  salle  de  bains.  M.  l'abbé 


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Angot  explique  la  nécessité  qu'il  y  aurait  de  clore  et  de 
couvrir  ces  vestiges  curieux  qui,  s'ils  demeuraient  expo- 
sés aux  intempéries  des  saisons,  disparaîtraient  assez 
rapidement. 

La  Commission  renvoie  à  plus  tard  l'examen  de  cette 
question. 

M.  l'abbé  Angot  communique  la  photographie  d'un 
petit  coiïret  et  de  deux  éperons  trouvés  par  M.  de  la 
Broise,  dans  les  ruines  du  vieux  château  de  Brée.  Ces 
objets,  dont  l'ornementation  dénote  une  origine  arabe, 
seront  reproduits  dans  le  Bulletin. 

M.  Goupil  donne  lecture  d'une  étude  écrite  par  M.  du 
Brossay  sur  Chàteau-Gontier  au  commencement  du 
XVII"  siècle.  Cette  étude  sera  insérée  au  Bulletin. 

Rien  n'étant  plus  à  l'ordre  du  jour,  la  séance  est  levée 
à  4  heures  un  quart. 


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NOTES  SDR  LES  BUREAUX  DE  CHARITl  DE  LAVAL 

(1683-1803) 


M.  Gustave  Daveaux,  enlevé  si  prématurément  à 
i'aifection  de  sa  famille  et  de  ses  nombreux  amis,  avait 
été  nommé  en  1879  administrateur  du  bureau  de  bien- 
faisance de  la  ville  de  Laval.  Entièrement  dévoué  à  ses 
fonctions,  il  s'était  montré  l'un  des  membres  les  plus 
assidus  de  cette  administration,  à  laquelle  il  rendit  les 
plus  grands  services  jusqu'au  moment  où  il  quitta  Laval 
pour  aller  habiter  Brest;  mais  pendant  le  temps  trop 
court  qu'il  était  resté  attaché  au  bureau  de  bienfaisance, 
il  avait  pris  soin  de  copier  un  ancien  registre  contenant 
les  délibérations  du  bureau  de  charité  de  la  paroisse  de 
la  Trinité,  de  1789  à  1792,  jusqu'à  sa  réunion  avec  celui 
de  Saint' Yénérand,  et,  à  la  suite,  les  arrêtés  pris,  de  l'an 
X  à  l'an  XII,  pour  la  création,  après  la  Terreur,  du 
bureau  de  bienfaisance  de  la  ville  de  Laval. 

Quelques  mois  avant  sa  mort,  M.  Daveaux  nous  avait 
remis  ses  notes  en  nous  engageant  à  les  publier.  C'est 
ce  que  nous  nous  proposons  de  faire  dans  les  pages  sui- 
vantes .  Toutefois  nous  nous  bornerons  à  analyser,  aussi 
complètement  que  possible,  les  documents  recueillis  par 
M.  Daveaux,  ceux-ci  nous  paraissant  trop  longs  pour 
être  reproduits  m  extenso.  En  ce  faisant,  nous  croyons 
remplir  les  intentions  d'un  excellent  ami  qui  fut  un 
homme  de  bien,  un  brave  cœur,  sur  et  loyal  dans  ses 
relations,  fidèle  dans  ses  amitiés,  et  qui  a  laissé  de  pro- 


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—  130  — 

fonds  regrets  à  tous  ceux  qui  l'ont  connu  et  ont  été  à 
même  de  l'apprécier. 

Mais  les  notes  laissées  par  M .  Daveaux  étaient  muettes 
sur  la  période  antérieure  à  1789  et  sur  l'origine  des 
bureaux  de  charité  de  la  Trinité  et  de  Saint- Vénérand. 
Nous  avons  essayé  d'y  suppléer  en  les  faisant  précéder 
des  renseignements,  fort  incomplets  malheureusement, 
que  nous  avons  pu  recueillir  nous-méme  sur  ces  bureaux 
et  leur  administration  pendant  le  xviii*  siècle. 

I 

La  charité  est  de  toutes  les  époques.  De  tout  temps 
les  gens  riches  et  les  membres  du  clergé  se  sont  efforcés 
de  venir  au  secours  des  malheureux  en  leur  distribuant 
des  aumônes,  chacun  suivant  ses  facultés  et  tes  misères 
qui  lui  étaient  connues. 

En  1498,  rappori;e  le  Doyen  *, 

Blé  valut  huyt  solz  le  boesseau 

Autant  le  vieil  que  le  nouveau  ; 

La  justice  a  cinq  solz  le  miat, 

Mais  le  peuple  guère  n'en  tint. 

Le  pain  fust  vendu  à  la  livre, 

Afin  que  chascun  se  peust  vivre. 

Ceux  qui  avoient  bled  à  greniers 

Hz  les  tenoient  par  trop  à  chers. 

Vous  eussiez  vu  à  grand  centaines 

Pouvres  par  les  rues  hors  d'alaynes  : 

Toutefois  d'aulcuns  bons  bourgeoys, 

La  sepmaine  deux  fois  ou  troys, 

Leur  donnoient  pour  Dieu  charité. 

Qui  bien  leur  sera  mérité. 

C'est  peut-étra  à  la  suite  de  cette  disette  qu'il  fut 
établi  dans  les  paroisses  des  bureaux  de  charité  dirigés 
par  quelques  marguilliers,  dits  procureurs  des  pauvres, 
chargés  de  centraliser  les  aumônes  et  d'en  faire  la  dis- 
tribution. Nous  ne  parlons  pas  de  la  charité  de  Priz.dont 

1.  Ànnaitf  et  ehroniqutt  ttv  payi  de  Laval,  page  SS. 


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—  131  — 

l'existence  est  signalée  dès  1361  et  qui  se  bornait  à  faire 
une  distribution  par  an,  le  jour  de  l'Ascension',  mais  de 
celles  des  autres  paroisses  qui,  parfois,  dans  les  années 
calamiteuses,  recevaient  des  secours  de  la  première. 
C'est  ainsi  qu'en  1556-1557  elle  versait  54  I.  13  s.  6  d. 
aux  commissaires  des  pauvres  de  la  paroisse  d'Avénières 
et  32  1.  2  s.  à  ceux  de  la  Trinité  ^. 

Il  est  probable  que  les  seigneurs  de  Laval,  dont  on 
retrouve  les  noms  parmi  les  souscripteurs  de  toutes  les 
œuvres  intéressant  la  ville,  durent  faire  distribuer  d'im- 
portantes aumônes,  soit  par  leurs  officiers,  soit  par  les 
membres  du  clergé.  Les  magistrats,  les  bourgeois,  les 
négociants  enrichis  par  le  commerce  des  toiles  durent 
suivre  cet  exemple  et  secourir  les  malheureux,  soit  indi- 
viduellement, soit  en  créant  dans  chaque  paroisse  un 
bureau  de  charité,  sous  la  direction  du  curé. 

Mais  depuis  la  tin  du  xvi*  siècle,  à  la  suite  sens  doute 
de  mauvaises  récoltes  et  des  guerres  de  la  Ligue  et  de 
la  Fronde,  le  nombre  des  pauvres  avait  considérable- 
ment augmenté.  Les  bureaux  de  charité  étaient  débordés 
et,  par  suite  sans  doute  d'une  véritable  invasion  des 
habitants  des  campagnes,  la  ville  était  remplie  de  men- 
diants que  les  larges  aumônes  distribuées  par  les  couvents 
ou  les  bourgeois  ne  suffisaient  pas  à  secourir.  11  devenait 
urgent  d'aviser.  11  fut  donc  fondé,  en  1658,  un  bureau 
général  de  charité  composé  de  seize  directeurs,  savoir  : 
quatre  ecclésiastiques  désignés  par  le  clergé  de  la 
Trinité,  le  chapitre  de  Saint- Tugai,  le  clergé  de  Saint- 
Vénérand  et  le  chapitre  du  Cimetière-Dieu,  deux  offi- 
ciers du  seigneur,  deux  officiers  de  l'hôtel  de  ville,  deux 
avocats  et  six  bourgeois.  Ces  directeurs  étaient  chargés 
d'aller  chez  tous  les  ecclésiastiques  et  chez  tous  les  habi- 
tants soumis  à  la  taille,  solliciter  des  aumônes  et  leurs 
engagements,  signés  d'eux,  seraient  consignés  sur  un 
registre.  Les  distributions  auraient  lieu  tous  les  diman- 


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—  132  — 

ches,  à  la  suite  d'une  messe  à  laquelle  les  pauvres 
seraient  tenus  d'assister.  II  leur  était  interdit  de  mendier 
à  la  porte  des  églises  et  dans  les  rues  et  on  défen- 
dait aux  habitants  de  leur  faire  l'aumdne  sous  peine 
d'amendes  *. 

Ce  l'èglement  dut  être  appliqué  pendant  quelques 
années,  mais,  créé  dans  des  circonstances  spéciales,  il 
dut  tomber  en  désuétude  lorsqu'elles  eurent  disparu,  et 
les  bureaux  de  paroisses  se  reformèrent  et  reprirent  leur 
existence  antérieure  avec  leurs  ressources  particulières. 
Mais  c'est  sans  doute  de  cette  époque  que  date,  ainsi  que 
le  dit  M.  Couanier  de  Launay,  la  fondation  du  bureau 
de  charité  de  la  paroisse  de  la  Trinité,  dirigé  par  les 
membres  du  clergé  et  les  marguilliers  de  la  paroisse,  tel 
que  nous  le  voyons  fonctionner  à  la  fin  du  xvii'  siècle  ^. 
Des  dames  de  charité  appartenant  aux  meilleures  familles 
de  la  ville  avaient  accepté  la  mission  de  visiter  les  pau- 
vres pour  s'enquérir  de  leurs  besoins  et  faire  connaitre 
la  nature  des  secours  qui  leur  seraient  le  plus  utiles.  Le 
bureau  proprement  dit  était  chargé  de  la  distribution  de 
ces  secours.  Il  était  alimenté  par  le  produit  des  quêtes 
faites  dans  l'église  à  certaines  fêtes  et  surtout  par  celui 
des  souscriptions  que  les  personnes  riches  s'étaient  en- 
gagées à  verser  chaque  année  pour  venir  au  secours  des 
malheureux. 

Ce  bureau  rendait  les  plus  grands  services  à  la  popu- 
lation ouvrière,  quand  une  importante  donation,  due  à 
la  générosité  d'un  prêtre,  AI.  Gervais  Chambrun,  sieur 
de  Beaumesnil,  vint  doubler  ses  revenus  et  lui  permettre 
de  secourir  à  domicile  les  pauvres  malades  en  leur  pro- 
curant du  bouillon,  de  la  viande,  des  remèdes,  et  en  leur 


1.  Léon  Hattre,  notice  kittoriqiu  iw  lei  hôpitaux  de  Lavât,  2*  Ml- 
tloQ,  1689,  p.  38. 

S.  SulraDt  H,  Couanier  de  LnunaT,  Bigtoire  de  lavai,  p.  433,  ee 
bureau  avait  été  londé  an  iBS6.  C'était  saos  doute  une  tranalormatlon 
du  bureau  général  de  cbarlté  dont  noua  parlions  plus  baut,  réorganisé 
■nr  de  nouvelles  bases  et  destiné  à  secourir  seulement  le*  pauvres  de  la 


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—  133  — 

prêtant  au  besoin  des  lits  et  du  linge  qui  leur  manquaient 
souvent.  Et  cela  sans  diminuer  les  secours  habituels 
distribués  par  ledit  bureau  de  charité. 

M.  de  Beaumesnil  était  originaire  de  Saint-Pierre-des- 
Landes.  Lorsqu'il  avait  été  créé  chanoine  de  Saint* Tugal', 
sa  mère,  devenue  veuve,  était  venue  habiter  Laval,  dans 
une  maison  du  faubourg  Saint-Martin.  En  1679,  M.  de 
Beaumesnil  fut  nommé  chapelain  de  l'église  royale  et 
collégiale  de  Saint-Germain-l'Auxerrois  et  alla  habiter 
Paris,  faubourg  Saint- Jacques,  sur  la  paroisse  de  Saint- 
Jacques  du  Haut-Pas  ^.  Témoin  des  mesures  prises  en 
cette  ville  pour  subvenir  aux  besoins  des  pauvres  mala- 
des par  l'organisation  de  compagnies  de  charité,  com- 
posées de  dames  chargées  de  visiter  les  malades  auxquels 
des  secours  en  nature  étaient  distribués  par  les  sœurs 
grises  de  Saint-Lazare,  il  voulut  doter  la  ville  de  Laval 
d'un  établissement  du  même  genre.  Sa  proposition  fut 
acceptée  avec  reconnaissance  par  les  curés  de  la  Trinité  ^ 
et  les  marguilliers  en  exercice. 

Le  25  septembre  1683,  devant  M.  Charles  Hiaulmé, 
notaire  royal,  demeurant  à  Lavai,  M.  Gervais  Cham- 
brun,  sieur  de  Beaumesnil,  représenté  par  M'  Pierre 
Simon,  sieur  du  Tertre,  avocat  en  Parlement,  son  pro- 
cureur spécial  pour  la  circonstance,  faisait  don  aux 
sieurs  Ambroise  Salmon,  sieur  du  Griffon,  avocat  en 
Parlement,  et  Guillaume  Le  Balleur,  sieur  de  la  Motte, 
marchand  apothicaire,  procureur  marguillieretfabricien 
de  la  paroisse  de  la  Sainte- Trinité  de  Laval,  en  leur  dite 
qualité  et  à  tous  leurs  successeurs  en  la  dite  charge, 
pour  le  bien  et  soulagement  des  pauvres  malades  de  la 
paroisse  de  la  Trinité  et  de  celle  de  Saint- Tugal,  sa 
voisine,  d'une  somme  de  4.800  livres. 

1.  Noue  Qfl  traiiTonB  pas  «on  nom  sur  la  liste  des  ohanolDea  de  SalDt- 
Tugal  publiée  par  H.  de  la  Beaulnbre  dans  son  Elude  sur  les  Commu- 
nautés et  Chapitres  de  Laval. 

2.  Il  était  anmAnier  de  la  maison  des  Carmdlltes,  située  snr  la  dite 
paroisse,  où  avait  pris  le  voile  M"'  de  LaTalllère. 

3.  Jusqu'en  16S7,  la  paroisse  de  la  Trinité  possMa  deux  curés. 


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—  134  — 

«  Les  revenus  des  dites  sommes  seront  employés  à  la 
nourriture  et  entretieonement  de  trois  filles  ou  veuves, 
n'ayant  point  d'enfants,  qui  prendront  soin  d'assister 
les  pauvres  malades  des  dîtes  paroisses  de  la  Trinité  et 
de  Saint-Tuga],  en  leur  portant  des  médicaments  et 
autres  choses  nécessaires  et  en  leur  rendant  tous  les 
services  dont  elles  seront  capables,  sous  la  conduite  et 
dévotion  des  dames  de  charité  de  la  dite  paroisse  de  la 
Trinité,  qui  marqueront  les  fonctions  des  dites  Itlles  ou 
veuves  et  leur  donneront  les  règlements  qu'elles  juge- 
ront à  propos,  à  condition  néanmoins  qu'une  des  dites 
tilles  ou  veuves  s'emploiera  à  tenir  la  petite  école  pour 
l'instruction  des  pauvres  petites  filles  de  la  paroisse, 
sans  y  admettre  aucun  garçon,  suivant  le  règlement  des 
sœurs  grises  de  Saint-Lazare.  » 

L'acte  de  donation  énumère  ensuite  le  mode  de  nomi- 
nation des  trois  filles  ou  veuves,  les  dépenses  à  faire 
pour  leur  entretien,  les  soins  à  leur  donner  en  cas  de 
maladie,  les  droits  des  dames  de  chanté  placées  sous  la 
direction,  au  moins  nominale,  de  Mme  de  la  TrémolUe, 
leur  supérieure  perpétuelle,  l'emploi  des  sommes  don- 
nées en  biens  fonds  ou  rentes  foncières  et  constituées  de 
façon  à  ce  que  le  revenu  n'en  soit  pas  diminué. 

Si  l'on  ne  peut  trouver  de  filles  ou  veuves  de  bonne 
volonté  et  que  l'œuvre  vienne  à  disparaître,  les  revenus 
des  sommes  données  seront  employés  à  mettre  à  métier 
six  pauvres  enfants,  trois  garçons  et  trois  filles,  sans 
parents,  des  paroisses  de  la  Trinité  ou  de  Saint- Véné- 
rand,  choisis  par  les  curés  et  marguilliers  de  la  première. 

Cet  acte  fut  ratifié  par  M.  de  Beaumesnil  le  29  octobre 
1683  et  par  les  habitants  de  la  paroisse  le  29  novembre 
suivant,  insinué  à  Paris  le  15  décembre  et  approuvé  par 
Monseigneur  Louis  de  Lavergne  de  Montenard  de 
Tressan,  évêque  du  Mans,  le  3  février  1684. 

L'œuvre  des  pauvres  malades  était  chose  nouvelle. 
Elle  ae  touchait  pas  au  bureau  de  charité  déjà  existant, 
mais  elle  en  devenait  une  annexe  en  le  complétant.  Dès 


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—  135  — 

la  un  de  1683,  les  curés  de  la  Trinité  s'étaient  empresséB 
de  nommer  les  filles  ou  veuves  chargées  de  donner  des 
soins  aux  pauvres  malades.  Deux  étaient  déjà  en  fonc- 
tions au  mois  de  septembre  de  cette  année  et  la  troisième 
devait  être  installée  le  preiai«>  novembre  suivant. 

L'acte  du  15  septembre  contenait  bien  des  recomman- 
dations pour  la  réglementation  de  la  compagnie  de  cha- 
rité créée  par  M.  de  Beaumesnil.  Mais  il  fallait  réunir 
en  corps  toutes  ces  prescriptions  et  le  donateur  fut  ins- 
tamment prié  de  vouloir  bien  se  charger  de  la  rédaction 
de  ce  règlement.  La  preuve  en  résulte  de  ce  document 
lui-même  qui,  dans  nombre  d'articles,  s'appuie  sur  ce 
qui  se  fait  k  Paris,  ou  même  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Germain-l'Auxerrois,  à  laquelle  M.  de  Beaumesnil  était 
attaché. 

Ce  règlement  a  été  imprimé  à  Paris,  chez  Clément 
Gasse,  proche  Saint-Etienne  du  Mont,  sans  date,  mais 
le  permis  d'imprimer,  signé  de  la  Reynie,  est  daté  du 
30  mors  1684.  Ce  petit  volume  de  124  pages  porte  pour 
titre  : 

Règlement  de  la  Compagnie  de  charité  établie  dans 
la  ville  de  Laval,  contenant  deux  parties,  l'une  gui 
regarde  les  Dames  et  L'autre  les  Sœurs,  avec  l'ordon- 
nance de  Monseigneur  VÈvêque  du  Mans  et  l'agrément 
de  Son  Altesse  Madame  la  duchesse  de  la  Trémoîlle. 

En  tête  est  un  avis  aux  dames  de  la  Compagnie,  suivi 
de  l'approbation  de  Monseigneur  l'évéque  du  Mans  du 
15  février  1684  (page  13}  et  de  l'agrément  donné  à  cet 
établissement  par  Mme  la  duchesse  de  la  Trémoîlle, 
Madeleine  de  Créquy,  épouse  et  procuratrice  générale 
de  M.  le  duc  de  la  Trémoîlle,  laquelle  accepte  d'être 
supérieure  perpétuelle  de  la  compagnie  et  promet  sa 
protection  aux  dames  de  charité  et  aux  trois  sœurs  du 
bureau,  dans  l'espérance  qu'elles  seront  fidèles  à  ce 
règlement  (p.  17). 

Vient  ensuite  le  règlement  lui-même.  La  première 
partie,  concernant  les  dames,  porte  cette  épigraphe  ; 


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Mandata  Dei  in  corde  muUeria  sanctm.  Eccl.  2624. 
<  La  femme  sainte  porte  toiyoura  la  loi  de  Dieu  dans  son 
cœur  B, 

Les  dames  doivent  avoir  l'inspection  et  la  conduite 
des  trois  sœurs,  tilles  ou  veuves  d'un  seul  mari,  sans 
aucun  enfant,  choisies  par  elles-mêmes,  âgées  au  moins 
de  trente-cinq  ans,  pour  le  soulagement  et  la  consolation 
des  pauvres  malades  de  la  Trinité  et  de  Saint-Tugal, 
sous  la  conduite  spirituelle  des  curés  de  la  Trinité,  l'au^ 
torité  de  l'Évêque  du  Mans  et  la  protection  de  Mme  la 
duchesse  de  la  TrémofUe,  laquelle  sera  supérieure  per- 
pétuelle de  la  Compagnie  (art.  I  et  11). 

Les  dames  seront  reçues  en  la  manière  marquée  dans 
le  règlement  de  Messieurs  de  Saint-Lazare.  Cette  récep- 
tion n'aura  lieu  que  du  consentement  du  mari,  si  elles 
sont  mariées,  ou  celui  de  leurs  pères  et  mères,  si  ce  sont 
des  filles  qui  soient  sous  leur  conduite  et  leur  dépendance. 

Les  dames  éliront,  par  billet  cacheté,  deux  d'entre 
elles  pour  être  officières  dans  les  Fonctions  de  trésorière 
et  de  garde-meubles.  On  choisira  pour  ces  fonctions  des 
veuves  ou  des  filles  qui  seraient  dégagées  de  tout  em- 
barras et  qu'on  n'aurait  pas  lieu  de  croire  qu'elles  dussent 
changer  d'état,  étant  plus  libres  et  maltresses  de  leur 
temps,  ou  des  femmes  mariées,  avec  la  permission  et 
l'approbation  de  leur  mari,  et  qui  soient  accommodées  et 
aisées.  On  pourra  les  changer  quand  cela  paraîtra  avan- 
tageux pour  le  bien  des  pauvres. 

L'une  d'elles  tiendra  le  catalogue  des  livres  remis  aux 
trois  filles  ou  veuves. 

La  trésorière  recevra  les  aumAnes  et  autres  sommes 
qui  seront  données  pour  la  subsistance  et  le  besoin  des 
pauvres  malades.  Elle  rendra  ses  comptes  tous  les  trois 
ou  six  mois,  en  présence  des  deux  curés  de  la  Trinité,  et 
de  quatre  dames  de  la  compagnie  nommées  à  la  pluralité 
des  voix.  Elles  auront  le  titre  de  dames  conseillères  et 
pourront  être  changées  tous  les  ans.  La  trésorière  tien- 
dra compte  de  toutes  les  sommes  reçues  et  les  inscrira, 


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—  137  — 

i  leur  date,  sur  son  livre,  avec  les  noms  des  donatenrs, 
à  moins  qu'ils  ne  s'y  opposent  ;  et  aussi  de  ce  qu'elle 
aura  donné  anx  sœurs,  an  boucher,  et  pour  les  drogues 
distribuées  aux  malades. 

La  garde-meubles  aura  chez  elle  une  pièce  assez  grande 
pour  loger  les  bois  de  lits,  matelas,  lits  de  plume,  oreil- 
lers, couvertures,  linges,  linceuls  (ou  draps),  chemises  et 
autres  choses  qu'on  aura  prêtées  aux  malades,  dont  elle 
aura  un  mémoire,  pour  les  prêter  avec  sagesse  et  discré- 
tion. Elle  aura  un  registre  ou  elle  inscrira  les  objets 
reçus,  les  prêts  faits  aux  malades  et  les  dates  de  rentrée. 

Une  troisième  oflicière  fera  l'office  de  secrétaire  pour 
inscrire  les  décisions. 

.Une  seconde  supérieure  sera  nommée  pour  régler 
avec  les  dames  olHcières  les  alTaires  urgentes  en  l'ab- 
sence de  Madame  de  la  Trémotlle. 

Chaque  dame  visitera,  aussi  souvent  que  possible,  les 
pauvres  du  quartier  qui  lui  sera  échu  d'après  la  division 
des  rues  et  quartiers,  suivant  la  règle  qui  se  pratique  et 
et  est  déjà  établie.  Elles  s'informeront  de  l'état  des 
malades,  de  leur  disposition  d'esprit  à  l'égard  de  Dieu 
et  du  prochain,  des  choses  dont  ils  ont  besoin  et  des 
secours  qu'ils  reçoivent.  Si  elles  les  voient  en  danger, 
elles  leur  inspireront  le  désir  de  recevoir  les  sacrements, 
en  leur  faisant  comprendre  que  l'on  cherche  le  salut  de 
leur  âme  encore  plus  que  celui  de  leur  corps,  et  au  besoin 
préviendront  les  prêtres  de  la  paroisse  chargés  d'admi- 
nistrer les  sacrements. 

On  fera  choix  d'un  médecin  et  d'un  chirurgien,  choisis 
à  la  pluralité  des  voix,  qui  seront  payés,  s'ils  n'offrent 
de  faire  le  service  gratuitement.  A  Paris,  te  médecin 
touchait  vingt-cinq  écus  par  an.  Mais  la  somme  a  été 
doublée,  à  cause  du  nombre  des  malades  de  la  paroisse 
Saint-Germain.  Il  doit  faire  chaque  jour  la  visite  de 
quelque  quartier,  en  outre  de  celle  qu'il  doit  faire  la  pre- 
mière fois,  quand  il  a  été  prévenu  par  les  sœurs.  On  fera 
de  même  pour  le  chirurgien  qui,  à  Paris,  touche  trois 


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—  138  — 

sois  par  saignée,  tes  sœurs  étant  trop  occises  par  leurs 
visites. 

Les  assemblées  se  tiendront  tous  les  mois,  quinze 
jours,  ou  semaines,  chez  l'un  des  curés  de  la  Trinité,  le 
dimanche  après  vêpres,  et  chez  Mme  de  la  Trémollle 
quand  elle  sera  à  Laval. 

11  y  aura  un  tronc  dans  l'église  de  le  Trinité,  portant  : 
Pour  les  pauvres  malades.  —  Les  dimanches  et  fêtes 
considérables,  il  sera  fait  des  quêtes  à  l'église  par 
quelques  filles  ou  femmes  vertueuses  et  sages  qui  s'en 
acquitteront  avec  beaucoup  de  modestie,  sans  faste  ni 
vanité.  Les  jours  de  solennité,  on  priera  les  plus  consi- 
dérables pour  cet  office  de  charité.  Le  produit  sera 
remis  à  la  trésorière. 

A  Paris,  tous  les  premiers  jeudis  du  mois,  le  curé  de 
Saint-Germain  dit  une  messe,  à  laquelle  toutes  les  dames 
tiennent  à  se  rendre,  et  la  trésorière  fait  une  quête  parmi 
elles. 

Chaque  jour,  les  sœurs  de  Saint-Lazare  portent  la 
marmite  avec  les  viandes  et  les  volailles  chez  une  des 
dames  qui  se  charge  de  la  faire  cuire,  pour  qu'elle  soit 
prête  le  lendemain  à  neuf  heures,  où  les  sti^urs  viennent 
ta  prendre  pour  porter  te  bouillon  aux  malades.  Mais 
beaucoup  prérèrent  donner  trente  sols  pour  que  les 
sœurs  s'en  chargent,  et  on  leur  fournit  outre  cela  du  sel 
et  du  bois  en  sus  de  leur  traitement.  On  pourra  faire  de 
même  à  Laval,  de  façon  à  ce  que  chaque  jour  soit  rempli. 

Les  dames  sont  autorisées  à  suppléer  ce  qui  a  pu  être 
omis  dans  ce  règlement,  sans  pourtant  y  rien  changer 
ou  modifier. 

La  seconde  partie  concerne  les  trois  filles  ou  veuves 
établies  dans  la  paroisse  pour  le  soin  des  malades.  Elle 
est  précédée  de  cette  épigraphe  : 

Ligabia  ea  quasi  signum  in  manu  tua,  eruntçue  inter 
oculoa  luos.  Deut.,  c.  6.  v.  8. 

«  Vous  tiendrez  les  préceptes  du  Seigneur  comme  liés  à 
vos  mains  pour  vous  marquer  l'obligation  que  vous  avez  de 


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les  pratiquer,  et  vous  les  aurez  toujours  devant  vous  pour  les 
méditer  et  n'en  perdre  jamais  le  souvenir.  » 

Les  soeurs  serontentièrementaoumises  àMgr  TËvéque 
du  Mans,  la  duchesse  de  la  TrémolUe,  les  deux  curés  de 
la  Trinité  et  toutes  les  daines.  Elles  seront  choisies,  par 
billets  cachetés,  parmi  les  plus  sages  et  les  plus  capa- 
bles, sur  proposition  triple  ou  multiple.  Elles  seront 
filles  ou  veuves  d'un  seul  mari,  sans  aucun  enfant,  âgées 
de  trente-cinq  à  quarante  ans,  sages,  modestes,  et  d'une 
vertu  singulière. 

Elles  seront  soumises  aux  dames  et  ne  pourront 
prendre  personne  pour  les  soulager.  Elles  seront  les 
serrantes  des  pauvres  malades  et  iront  leur  porter  elles- 
mêmes  ta  marmite  et  leur  rendre  tous  les  services,  comme 
les  sœurs  de  Saint-Lazare,  bien  qu'il  y  en  ait  parmi 
celles-ci  de  bonnes  familles. 

Les  sœurs  seront  logées  dans  une  maison  ayant  en 
bas  une  grande  salle  servant  de  cuisine  et  d'école,  avec 
un  cabinet  pour  ramasser  leurs  ustensiles,  sirops,  dro- 
gues et  le  reste  ;  au  premier,  une  grande  chambre  avec 
trois  lits  séparés,  une  chaise  et  une  table  ponr  chacune, 
un  petit  oratoire  et  un  cabinet  avec  armoires  ou  coffres 
pour  mettre  leurs  habits  et  linge,  le  tout  fourni  par  la 
compagnie.  Elles  logeront  seules,  ne  recevront  point  de 
visites  inutiles,  n'écriront  point  de  lettres  sans  nécessité, 
ne  laisseront  personne  monter  en  leur  chambre,  sauf  en 
cas  de  maladie,  et  ne  demanderont  jamais  rien,  soit  pour 
elles,  soit  pour  leur  famille,  fût-elle  nécessiteuse.  Elles 
s'aimeront  chrétiennement  entre  elles  et  tâcheront  de  se 
mettre  le  plus  vite  possible  en  état  de  remplir  leurs 
fonctions  pour  faire  les  saignées  et  préparer  les  sirops, 
décoctions,  tisanes,  infusions  et  le  reste.  Elles  ne  s'arrête- 
ront point  dans  la  rue  à  causer  inutilement,  surtout  avec 
les  hommes. 

Averties  par  un  billet  de  la  dame  dans  le  quartier  de 
laquelle  il  y  a  un  malade,  elles  en  préviendront  le  méde- 
cin on  le  chirurgien  et  l'inscriront  sur  le  registre.  A 


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—  140  — 

Paris,  elleB  ne  portent  la  charité  chez  les  malades 
qu'après  qu'ils  se  sont  confeasés.  Elles  ne  resteront  chez 
chacun  d'eux  que  le  temps  nécessaire  pour  leur  rendre 
les  services  dont  ils  ont  besoin.  Elles  entreront  en  fai- 
sant le  signe  de  la  Croix  et  en  disant  :  «  La  paix  du 
Seigneur  soit  avec  vous  ».  Et  en  se  retirant  elles  pour- 
ront dire  :  «  Que  la  paix  du  Seigneur  vous  accompagne 
et  soit  toujours  avec  vous  ».  Elles  parleront  d'un  ton 
piutàt  bas  et  modeste  que  trop  haut  et  trop  élevé.  Enfin 
elles  doivent  tâcher  d'allier  «  une  gravité  guaye  et  hon- 
nête avec  une  gayeté  grave  et  modeste  ». 

Elles  veilleront  à  ce  que  les  malades  aient  quelqu'un 
près  d'eux  pour  les  soigner  et  venir  chercher  la  tisane, 
ou  les  feront  porter  à  l'hôpital.  Elles  ne  sortiront  point 
le  soir  après  huit  heures,  du  1"  avril  au  1"  octobre,  et 
l'hiver  après  six  heures,  et  ne  délivreront  point  de 
secours  après  ces  heures  et  n'iront  point  veiller  dans  le 
voisinage.  Elles  se  trouveront  à  toutes  les  assemblées 
des  dames  et  y  porteront  leurs  registres.  Elles  se  lève- 
ront à  quatre  heures  en  été,  à  cinq  heures  en  hiver, 
Après  avoir  fait  leurs  prières,  elles  iront  ensemble  à  la 
messe,  puis,  après  le  déjeuner,  iront  faire  visite  aux 
malades  suivant  l'ordonnance  du  médecin,  et  pendant  les 
chaleurs  pourront  faire  cette  visite  avant  la  messe.  A 
neuf  heures  aura  lieu  la  visite  pour  porter  le  bouillon,  la 
viande,  les  œufs,  le  pain,  etc..  Elles  pourront  visiter  le 
soir  les  plus  malades  pour  porter  des  lavements  et  ce 
qui  serait  besoin  et  voir  s'il  n'y  a  pas  de  changement 
pour  en  prévenir  le  médecin  et  les  ecclésiastiques. 

Elles  fixeront  les  heures  de  leur  repas  qu'on  ne  pourra 
plus  changer  et  ne  recevront  personne  à  manger.  Ces 
repas  seront  simples  et  des  choses  les  plus  communes, 
comme  les  sœurs  grises  de  Saint-Lazare  qui  ne  mangent 
jamais  de  rôti  et  ne  boivent  que  de  l'eau.  Pendant  le 
repas,  l'une  d'elles,  à  tour  de  rôle  et  par  semaine,  fera 
une  bonne  lecture,  comme  la  vie  du  saint  du  jour  ou 
quelque  histoire  ou  relation  agréable  ou  édifiante. 


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—  141  — 

Elles  jeûneront  les  carêmes  et  quatre-temps  comme 
tout  le  monde,  si  elles  ne  peuvent  comme  autrefois  faire 
un  seul  repas  à  cinq  ou  six  heures  du  soir  après  les 
vêpres,  et  les  vigiles  des  fêtes  à  trois  heures  après  les 
nones.  Elles  communieront  les  dimanches  et  fêtes  et 
pourront  se  confesser  tous  les  huit  ou  quinze  jours  à  un 
directeur  choisi  par  les  curés  de  la  Trinité  et  ne  pourront 
le  changer,  mais  elles  pourront  en  avoir  un  extraordi- 
naire, également  choisi  par  le  curé  de  la  Trinité,  auquel 
elles  pourront  s'adresser  quatre  fois  par  au  au  plus.  Les 
dimanches,  elles  assisteront  aux  messes,  prênes,  vêpres 
et  sermons,  feront  de  bonnes  lectures  et  se  coucheront  à 
neuf  heures.  Elles  pourront  s'occuper  dans  la  journée  à 
faire  leurs  habits,  raccommoder  leur  linge  ou  confec- 
tionner du  Hnge  d'égUse,  en  s'entretenant  de  leurs  lec- 
tures ou  de  leurs  malades.  Elles  seront  vêtues  d'étoffes 
les  plus  communes,  de  couleur  brune  et  uniforme,  les 
unes  comme  les  autres  sans  soie,  honnis  pour  les  coiffes, 
sans  rubans  et  tous  ces  petits  ajustements,  et  sans  mou- 
choirs clairs  à  leurs  cols.  Elles  seront  égales  entre  elles 
et  n'auront  d'autres  supérieures  que  les  dames  et  ofG- 
cières  de  la  compagnie  à  qui  elles  rendront  compte  de  ce 
qui  se  passe  entre  elles  et  chez  leurs  malades. 

Les  articles  suivants  concernent  la  tenue  de  l'école 
dirigée  par  l'une  des  trois  filles  ou  veuves,  comme  elles 
doivent  se  comporter  vis-à-vis  des  enfants,  ce  qu'elles 
doivent  leur  enseigner,  etc..  ;  la  vie  des  soeurs,  les  soins 
â  leur  donner  pendant  leurs  maladies,  les  règles  à  suivre 
pour  leurs  enterrements,  leurs  exercices  de  dévotion 
envers  la  Vierge  et  les  saints,  etc... 

Le  volume  se  termine  par  cette  épigraphe  : 

Inapice  et  foc  secundum  exemplum  quod  tibi  monatratum 
est. 

«  Considérez  toutes  ces  choses  et  faites  tout  suivant  le 
modèle  qui  vous  i;st  confié.  » 

Après  la  mort  de  sa  sœur,  M.  de  Beaumesnil  voulut 
compléter  son  œuvre  en  fournissant  un  logement  aux 


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—  142  — 

sœurs  de  la  Compagnie  de  charité.  Par  acte  du  16  mai 
1689,  il  donna  à  la  Compagnie  la  maison  de  sa  mère, 
située  au  faubourg  Saint-Martin,  vis-à-vis  les  Cordelière, 
laquelle  prit  le  nom  de  la  Providence  de  la  Trinité. 

Le  bureau  de  charité  de  ladite  paroisse,  complété  par 
la  fondation  de  M.  de  Beaumesnil,  réussit  parfaitement. 
Les  dames  appartenant  aux  familles  les  plus  distinguées 
de  Laval,  flattées  d'avoir  pour  supérieure  Mme  de  la 
Trémollle,  s'empressèrent  de  se  faire  inscrire  parmi  les 
dames  de  charité  et  rendirent  par  leur  zèle  les  plus 
grands  services.  Le  bureau  continua  donc,  comme  par 
le  passé,  à  distribuer  des  secours  aux  indigents,  réser- 
vant les  revenus  des  sommes  données  par  M.  de  Beau- 
mesnil pour  l'œuvre  des  pauvres  malades  qui  diminuait 
d'autant  les  charges  du  bureau  de  charité. 

L'institution  des  trois  filles  ou  veuves  fondée  par 
M.  de  Beaumesnil  semble  n'avoir  pas  duré  longtemps 
par  suite  sans  doute  de  la  difficulté  de  trouver  des  per- 
sonnes disposées  à  accepter  cette  mission  de  charité,  en 
raison  des  charges  et  des  obligations  qui  leur  étaient 
imposées.  C'est  alors  sans  doute,  à  une  date  que  nous 
ignorons,  que  ces  filles  furent  remplacées  par  des  sœurs, 
nous  ne  savons  de  quel  ordre  *  mais  probablement  du 
tiere-ordre  de  Saint- Dominique. 

Nous  ne  connaissons  pas  d'une  façon  exacte  la  situa- 
tion du  bureau  de  charité  de  la  Trinité  au  xviii'  siècle, 
à  défaut  des  comptes  du  trésorier.  Au  début,  ce  bureau 

1.  Ces  KBurs  «ppartenalent  an  tiers-ordre  de  Saint-Dominique,  i»mm« 
celles  qui,  à  partir  ds  1735,  desservirent  la  providence  de  Saint- Vâné- 
rand,  Ed  1786,  en  relatant  l'âtablissement  de  deux  de  ces  sœurs  dans  sa 
paroisse,  M.  Lauubj,  curé  de  Rutilé -le-Gravelals,  dit  qu'elles  étaient 
laïques  et  séculières,  u  u'étant  soumises  à  aucune  règle,  telles  que  les 
soeurs  de  Saint-Laiare  ou  celles  de  ta  CliapeUe-au-Ril>oul  ».  Puis  U 
ajoute,  n  l'une  de  ces  deux  scEurs  a  demeuré  dans  une  petite  maison  de 
charité,  nommée  la  Providence  de  La  val,  dans  le  faubourg  Saint-Martin, 
et  ;  a  tait  une  sorte  d'apprentissage  pendant  douze  ans  à  gouverner  les 
pauvres  malades  de  LAval  ;  aussi  s'est-etle  rendue  habile  dans  son  état 
et  a-t-elle  été  regrettée  de  la  ville  i.  Cette  SŒur,  ftgée  de  quarante  au, 
se  nommait  Antoinette  Mltlet.  La  seconde,  Anne  HlUet,  kgée  de  trente- 
sli  ans,  était  sa  sœur.  [Bulletin  4t  la  Commiêtion  hUtoriqut  de  la 
Maytmu,  t.  XVI,  p.  986). 


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n'était  pas  riche  et  ne  possédait  guère  que  le  produit  des 
quêtes  faites  chaque  année  chez  les  personnes  riches  ou 
aisées  et  de  celles  faites  par  les  dames  de  charité  en 
l'église  paroissiale,  aux  quatre  grandes  fêtes  de  Tous- 
saint, Noël,  Pâques  et  la  Trinité.  Cela  pouvait  suffire 
dans  les  années  ordinaires.  Mais  qu'il  survint  une  année 
de  disette,  il  fallait  faire  appel  à  la  générosité  des  bour- 
geois, laquelle  du  reste  ne  ûl  jamais  défaut. 

Ainsi,  en  1694,  «  le  blé  monta  à  un  prix  excessif  et  les 
charités  furent  grandes,  »  eu  dire  de  Guitet  de  la  Houl- 
lerie  1. 

En  1696,  le  blé  fut  également  rare  aux  environs  de 
Laval,  d'après  la  correspondance  des  contrôleurs  géné- 
raux des  finances  ^. 

En  1699,  l'intendant  de  Tours  proposait  au  contrôleur 
général  d'armer  la  garde  bourgeoise  pour  tenir  en  res- 
pect six  à  huit  mille  tisserands  qui  s'étaient  ameutés  par 
suite  de  la  disette  '. 

En  1702,  rapport  de  l'intendant  sur  les  efforts  faits  à 
Laval  pour  venir  en  aide  à  cinq  cents  tisserands  sans 
ouvrage  *, 

En  1709,  année  dite  du  grand  hiver,  par  suite  du 
manque  de  la  récolte,  il  y  eut  à  Laval  une  misère  affreuse. 
Un  arrêté  du  Conseil  ordonna  que  chacun  donnerait  au 
profit  des  pauvres  et  verserait  entre  les  mains  d'un 
notable  «  les  deux  tiers  de  l'intérêt  du  sort  principal  de 
son  revenu  »,  c'est-à-dire  les  deux  tiers  de  la  somme  que 
son  reveau  eât  pu  produire  dans  l'année.  Ainsi  pour  un 
revenu  de  120  livres,  qui  eussent  produit  6  livres  d'intérêt, 
on  devait  verser  4  livres  pour  les  pauvres  de  la  paroisse. 
Cette  mesure  réussit  à  souhait  et  l'on  put  secourir  les 
malheureux  cette  année  et  une  partie  de  la  suivante  ^. 

1.  Chronique  de  Laval,  par  Guitet  de  la  Boullerie,  note  de  la  p.  Ii4 
ÛQ  Mimoirt  ehrow)l"giqve  de  Maucourt  de  BourJoU;,  I.  II. 
t.  Ibid.,  t.  II,  p.  lU,  en  noU. 
3.md.,\.  II,  p.  143,  en  note. 
4.  Ibid..  t.  II,  p.  149,  en  note. 
D.  Jftfmoir*  eAronoJofrtirwe  de  Hauoonrt  de  BonrJoUf,  t.  II,  p.  1S7. 


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—  144  — 

En  1724  et  1725,  la  disette  Fut  si  forte  que  les  boor- 
geois  durent  se  cotiser  pour  faire  venir  du  blé  de 
Bretagoe,  de  Normandie  et  du  Forez  '. 

Autre  disette  en  1739.  On  dut  faire  venir  de  Nantes 
deux  cent  mille  boisseaux  de  blé  ^. 

Une  autre  encore  en  1769.  Celle-ci  Fut  assez  grave 
pour  que  l'on  dut  avoir  recours  à  des  mesures  extraordi- 
naires pour  se  procurer  des  ressources  ^.  Les  bourgeois 
de  Laval  sollicitèrent  du  Conseil  de  l'intendance  un  prêt 
d'argent.  La  réponse  se  faisant  attendre,  ils  se  cotisèrent 
pour  faire  venir  du  blé  de  l'étranger,  tant  pour  donner 
du  pain  aux  pauvres,  que  pour  vendre  ce  blé  à  perte  sur 
le  marché,  soit  aux  boulangers,  soit  à  ceux  qui  auraient 
le  moyen  d'en  acheter.  De  plus  tes  habitants  de  la 
Trinité  et  de  Saint-Vénérand  s'engagèrent  à  verser 
4.000  livres  par  mois  pour  fournir  du  pain,  jusqu'à  la 
prochaine  récolte,  aux  indigents  dont  le  nombre  s'était 
notablement  accru  et  s'élevait  alors  à  quatre  mille. 
Soixaote-dix-huit  commissaires  furent  choisis  pour  faire 
la  distribution  du  pain  aux  pauvres,  le  jeudi  de  cbaque 
semaine,  dans  chaque  quartier,  et  ces  distributions, 
commencées  le  9  décembre  1769,  se  continuèrent  jus- 
qu'au mois  de  juillet  suivant  *. 

Au  commencement  de  l'hiver,  les  commissaires  firent 
une  nouvelle  quâte  qui  fut  bien  moins  fructueuse.  Mme  de 
la  Jourdonnière  écrit  le  7  décembre  1770  à  son  fils  : 
«  Nous  avons  encore  la  charité  publique  cette  année  ;  je 
donne  un  écu  par  mois,  mais  ces  Messieurs  m'ont  dit 
qu'ils  ne  trouvent  pas  comme  l'an  passé  ». 

Ainsi,  dans  les  années  calamiteuses,  le  bureau  de  cha- 
rité savait  trouver  chez  les  bourgeois  aisés  les  sommes 


1.  RtgUire  de  M.  René  Ducbsmta,  dans  le  Bulletin  de  ta  CommiiHon 
hùtorigue  de  ta  Mayenne,  1896,  t.  XII,  p.  266. 

a.  Chronique  de  Laval,  par  Gultet  de  la  HouIIerie,  t.  Il,  p.  M6,  k  la 
suite  du  MimoiTe  chronologique  de  Maucourt  de  Bourjolly. 

3.  Le  troment  du  ptya  se  veudaU  S  livrei,  le  seigle  4  livres,  l'o^e 
OO  à  54  sous,  le  blé  noir  SO  lous  (Gultet  de  la  Honllerle,  p.  S9t,  loe.  cit.). 

4.  Chronique  dt  Laval,  pu  Qnltat  de  la  HouUerie,  p.  SM. 


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—  145  — 

qui  lui  manquaient  pour  faire  face  à  ses  nouvelles  obli- 
gations. Dans  tes  années  ordinaires,  les  souscriptions 
promises  par  les  riches  et  les  quêtes  dans  les  églises, 
venant  s'ajouter  aux  revenus,  tant  en  biens  fonds  qu'en 
rentes  recueillies  par  lui,  suffisaient  pour  couvrir  les 
dépenses.  Depuis  le  commencement  du  siècle,  en  effet, 
il  avait  reçu  de  personnes  généreuses,  soit  par  dons 
manuels,  soit  par  dispositions  testamentaires,  diverses 
sommes  dont  le  revenu  s'élevait  en  1789  à  4  ou  5.000 
livres. 

Avec  cet  argent,  on  distribuait  aux  indigents  du  pain. 
Des  secours  en  argent  étaient  versés  aux  infirmes  pour 
le  paiement  de  leurs  loyers.  Mais  on  se  préoccupait  sur- 
tout de  donner  du  travail  aux  ouvriers  pendant  l'hiver. 
On  achetait  du  lin,  pour  occuper  les  fîleuses,  les  filas- 
siers  et  les  tisserands,  et  la  toile  fournie  par  eux  était 
vendue,  en  partie,  au  bénéfice  de  la  charité.  Le  surplus 
était  conservé  pour  renouveler  et  entretenir  la  lingerie 
de  la  Providence. 

D'autres  fois,  on  s'entendait  avec  la  municipalité  pour 
ouvrir  des  ateliers  de  charité  dans  les  environs  de  la 
ville.  C'est  ainsi  qu'en  1774,  on  fît  ouvrir  te  chemin  con- 
duisant à  Avénières,  le  long  de  la  rivière,  à  travers  les 
prairies  de  la  Croix  '. 

Quand  le  bureau  avait  trop  d'argent  en  caisse,  il  le 
prétait  aux  fabricants  qui  en  avaient  besoin  pour  payer 
leurs  ouvriers,  à  charge  de  rendre  cet  argent  sans  inté- 
rêt, mais  à  des  dates  lîxes. 

La  maison  de  la  Providence  possédait  en  outre  un 
important  mobilier,  composé  de  lits,  matelas,  oreillers, 
draps  et  linges  de  corps,  destinés  à  être  prêtés  aux  ma- 
lades sous  la  surveillance  des  dames  de  charité.  Les 
sœurs  attachées  à  ladite  maison  allaient  porter  aux  ma- 
lades le  bouillon,  ia  viande,  la  tisane  et  des  remèdes, 
suivant  les  intentions  de  M.  de  Beaumesnil.  Elles  distri- 

1.  Chroniqut  de  Laval,  par  Outtet  de  la  Houllerie,  toe.  cit.,  p,  301, 


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—  146  — 

buaient  en  outre  du  lait  et  de  la  fariDe  pour  la  bouillie 
des  enfants  naissants. 

Le  bureau  de  charité  de  ta  Trinité  avait  en  outre  la 
surveillance  des  écoles  fondées  pour  les  garçons  pau- 
vres, l'une  en  1737  au  faubourg  Saint-Martin,  l'autre  en 
1744  auprès  du  cimetière,  et  dirigées  par  des  ecclésiasti- 
ques. Ces  écoles  avaient  un  budget  particulier  et  des 
ressources  spéciales  ;  nous  n'avons  donc  pas  à  en  parler 
ici.  Mais  la  petite  école  fondée  par  M.  de  Beaumesnil  en 
la  maison  de  la  Providence  pour  les  petites  filles  indi- 
gentes de  la  paroisse  était  passée,  elle  aussi,  sous  la 
direction  du  bureau  des  écoles,  annexé  au  bureau  de 
charité.  Celui-ci  ne  semble  pas  s'en  être  occupé  tout 
d'abord.  C'est  en  1781  seulement  qu'il  se  décide  à  faire 
quelques  sacrifices  pour  son  entretien,  en  attribuant  un 
traitement  de  45  livres  par  an  à  la  sœur  Antoinette  qui 
faisait  la  classe,  à  la  décharge  du  bureau  de  charité.  En 
1783,  la  même  sœur  est  autorisée  à  fournir  du  pain  aux 
petites  filles  que  l'éloignement  de  leur  domicile  empê- 
chait de  rentrer  chez  elles  après  la  classe  du  matin. 

La  paroisse  de  Saint-Vénérand,  située  sur  la  rive 
gauche  de  la  Mayenne,  avec  son  annexe,  Saint-Melaîne, 
desservie  par  un  vicaire,  était  un  véritable  faubourg, 
dont  les  principales  mes  étaient  occupées  surtout  par 
des  logements  d'ouvriers.  Mais  il  s'y  trouvait  cependant 
un  certain  nombre  de  maisons  bourgeoises  et  partout  aux 
alentours,  principalement  le  long  de  la  rivière,  existaient 
des  habitations  entourées  de  prairies  servant  au  blan- 
chiment des  toiles.  Les  maîtres  de  prés,  comme  on  les 
appelait,  étaient  riches.  C'est  à  leur  générosité  sans 
doute  que  fut  due  la  création  d'un  bureau  de  charité 
placé  sous  ta  direction  du  clergé  et  des  marguilliers  de 
la  paroisse,  comme  celui  de  la  Trinité,  dont  il  semble 
avoir,  en  partie  du  moins,  adopté  le  règlement.  Nous 
ignorons  la  date  de  sa  fondation  qui  remonte  au  moins 
au  xvii"  siècle  et  avait  été  complétée  vers  1688  par  la 
création  d'une  école  pour  les  petites  filles  pauvres.  Une 


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—  147  — 

maison,  dite  le  Séminaire,  servait  d'école  pour  des  en- 
Tants  de  chœur  attachés  à  l'église  Saint- Vénérand  <. 

En  1709,  année  dite  du  grand  hiver,  la  charité  de 
Saint-Vénérand  secourait  treize  cent  seize  personnes 
appartenant  à  trois  cent  cinquante-cinq  familles  et,  en 
1710,  seize  cent  trente-sept  personnes  depuis  le  mois  de 
janvier  jusqu'au  mois  de  juillet  '. 

«  Le  14  de  juin  1731,  jour  de  la  sépulture  de  mon 
frère,  Ambroise  Duchemin,  prêtre,  rapporte  M.  René 
Duchemin,  également  prêtre  de  la  paroisse  Saint-Véné- 
rand, M.  le  Prieur  vint,  avec  les  dames  de  charité, 
savoir  :  Mlle  Hubert,  supérieure  des  dites  dames,  Mme 
V*  Pichot,  Mme  Le  Moine  de  Juigné,  Mlle  Moreau  de  la 
Boche,  Mlle  Jardrin,  Mme  Gigogne,  me  prier  d'accepter 
la  fonction  de  directeur  des  dames  de  charité  de  la 
paroisse  de  Saint-Vénérand. 

«  Le  17  juin,  le  Séminaire  me  fut  présenté  par  les 
procureurs  bâtonniers  et  M.  le  Prieur. 

«  Le  19  juin,  M.  le  Prieur  assista  à  l'assemblée  des 
Dames  faite  par  extraordinaire  pour  penser,  chercher  et 
inviter  quelques  dames  ou  demoiselles  à  entrer  dans  la 
compagnie  des  dames  de  la  charité  ^.  » 

En  1735,  on  remplace  la  maîtresse  de  l'école  des  filles. 

«  Le  25  septembre  1735,  dit-il  plus  loin,  le  Conseil  fut 
assemblé  pour  nommer  une  maîtresse  d'école  en  place 
de  Mme  Leniercier  qui  avait  eu  cet  exercice  pendant 
quarante-sept  ans,  suivant  fondation  de  dame  Marie 
Foureau,  épouse  de  M.  Claude  de  Fougu,  sieur  des 
Cures,  de  Paris,  commissaire  général  des  guerres. 
M.  le  Prieur  y  ayant  dit  que  c'était  son  droit  y  nomma 
la  sœur  Le  Tourneur,  fille  du  tiers  ordre  de  Saint- Domi- 
nique ». 

I.  Ce  lémlnalre  avait  été  créé  au  commencement  du  zni'  siècle 
jArch.  de  la  Ma;.,  minutes  F.  CrDl«aant). 

S.  Couanler  de  Launaj,  Histoire  de  Laval,  p.  455. 

3.  Regiitre  de  M.  Rtné  Dtiehemin,  publié  par  H.  E.  Horean  dam  le 
Bittletin  de  la  Commùiton  hitSoriqvteiarehiologiquedelaKaytfMt, 

isw,  p.  ue. 


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—  148  — 

En  1744,  le  Prieur  de  Saiot-Yénérand  demanda  à 
l'Evéque  du  Mans  l'autorisation  d'établir  dans  sa  pa- 
roisse une  école  pourles  garçons  pauvres  de  cette  partie  de 
la  ville.  L'année  suivante,  il  rédigea  un  règlement,  copié 
sur  celui  des  écoles  de  la  Trinité,  mais  c'est  seulemeut 
en  1767  qu'il  fut  autorisé  à  y  recevoir  les  élèves,  après 
avoir  réuni  les  fonds  nécessaires  à  l'entretien  de  l'école 
et  du  prêtre  chargé  de  la  tenir,  payé  180  livres  par  an. 

La  Providence  du  bureau  de  Saint-Yénérand  était 
tenue  au  moment  de  la  Révolution  par  deux  sœurs.  L'une, 
aoeur  Bodereau,  en  1782  et  plus  tard  sœur  Ravault, 
s'occupait  particulièrement  des  malades  et  touchait 
40  livres  de  gages  annuels.  La  seconde,  sœur  Marie 
Martin,  était  chargée  de  tenir  l'école  des  petites  filles 
pauvres  et  touchait  30  livres  de  gages. 

A  cette  époque,  le  bureau  de  charité  possédait,  gr&ce 
à  de  généreuses  donations,  soit  en  biens,  soit  en  rentes, 
un  revenu  d'environ  3.000  livres  comprenant  : 

La  ferme  de  la  Noerie,  en  Saint-Pierre-sur-Erve, 
affermée  800  livres  ; 

Celle  de  Levaré,  en  Gossé-le-Vivien,  affermée  700 
livres  ; 

Les  métairies  de  la  Verrerie,  à  Argentré,  de  Beau- 
chéne,  en  Saint-Berthevin,  et  de  Maussay,  en  Pâmé, 
exploitées  à  colonie  partiaire  ; 

Une  rente  de  22  livres  constituée  sur  le  lieu  de  la 
Bagotière  en  Saint-Germain-du-Fouilloux  ;  —  une  autre 
de  150  livres  constituée  par  M.  Coustard  du  Ptessis;  — 
deux  rentes  de  50  et  55  livres  sur  l'hôtel  de  ville  de 
Paris  ;  —  une  autre  de  49  livres  sur  le  heu  des  Vignes 
en  Bonchamp  ;  —  une  autre  de  150  livres  sur  les  tailles 
de  la  paroisse  ;  —  une  autre  de  9  livres  10  sols  sur  une 
maison  détruite  sur  le  Vieux  Pont. 

A  ces  revenus,  il  faut  ajouter  le  produit  des  quêtes 
faites  tous  les  mois  en  l'église  de  Saint- Vénérand,  dont 
une  seule,  celle  de  la  Toussaint,  rapportait  chaque  année 
de  550  à  600  livres. 


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—  149  — 

De  plus,  lea  principaux  habitants  s'étaient  engagés, 
dans  une  assemblée  de  paroisse,  à  verser  chaque  mois 
diverses  sommes  que  les  membres  du  clergé  allaient 
recueillir  à  domicile. 

Le  bureau  de  charité  de  Saint-Vénérand  parait,  à 
l'imitation  de  celui  de  la  Trinité,  avoir  possédé  sinon  un 
mobilier,  du  moins  une  lingerie,  estimée  en  1791  une 
vingtaine  de  mille  livres,  et  contenant  une  certaine 
quantité  de  linge  destiné  à  être  prêté  aux  malades 
pauvres. 

Pas  plus  que  pour  la  Trinité,  nous  ne  possédons  les 
anciens  règlements  de  ce  bureau,  qui  avait  une  exis- 
tence absolument  séparée.  C'est  seulement  dans  les 
années  calamiteuses  que  les  habitants  du  Pont-de- 
Mayenne  consentaient  à  se  cotiser  avec  les  bourgeois  de 
la  ville  proprement  dite  pour  acheter  du  blé  afin  de 
secourir  les  malheureux  ;  mais  sans  doute  en  spécifiant 
que  le  produit  de  leurs  souscriptions  serait  employé 
uniquement  pour  les  besoins  des  pauvres  de  ce  quartier. 

Peut-être  les  administrateurs  de  ce  bureau  pouvaient- 
ils  craindre  que  leur  paroisse  fût  sacrifiée  lors  de  la 
distribution  des  secours  et  tenaient-ils  à  ce  que  leurs 
pauvres  profitassent  de  la  totalité  des  sommes  versées 
pour  eux  par  les  souscripteurs  de  la  Charité.  Ce  senti- 
ment apparaît  en  elTet  en  1789,  lorsque  le  bureau  de  ta 
Trinité  proposa  à  celui  de  Saint-Vénérand  de  fusionner 
les  deux  bureaux  en  un  seul  pour  tonte  la  ville  ;  proposi- 
tion qui  souleva  de  violentes  critiques  à  Saint-Vénérand, 
à  tel  point  que  les  marguilliers  n'osèrent  réunir  les  pa- 
roissiens pour  délibérer  sur  ce  projet,  lequel  fut  immé- 
diatement rejeté. 

(A  suivre).  E.  Queruau-Lamerie. 


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LETTRE  A  DORLODOT 

ÉVÉQUE  DE  LA  MAYENNE 


Cbaries-François  Dorlodot  fut  sacré  à  Laval  évéque 
coDstitutionnel  de  la  Mayenne,  le  29  mars  1799,  par 
Claude  Le  Coz,  métropoiitaÏD  de  l'arrondissement  du 
Nord-Ouest  et  évêque  d'Ille-et- Vilaine.  Peu  après  cette 
cérémonie,  le  nouvel  évéque  fit  part  de  sa  promotion  aux 
constitutionnels  des  départements  voisins.  Il  écrivit 
notamment  à  M.  Maupoint,  curé  constitutionnel  de  la 
Trinité  d'Augers.  Celui-ci  ne  fit  point  de  réponse.  Mais 
l'année  suivante,  rentré  dans  le  giron  de  l'Église, 
M.  Maupoint  '  adressa  à  l'évéque  de  la  Mayenne  la 
lettre  suivante,  inédite  et  inconnue  : 

«  Monsieur,  j'ai  reçu  l'année  dernière,  je  crois,  une 
<c  lettre  de  vous,  que  vous  aviez  pris  la  peine  de  m'écrire 
«  pour  me  faire  part  de  votre  promotion  à  l'épiscopat  de 
«  Laval  et  des  motifs  qui  tous  avaient  porté  à  accepter 
u  cette  place.  —  Je  ne  sais  ce  qui  m'a  empêché  de  vous 
«  répondre  dans  le  temps,  mais  aujourd'hui  je  regarde 
a  ces  délais  comme  un  trait  de  la  Providence,  qui  n'a 
«  pas  permis  que  je  vous  écrivisse  alors  pour  vous 
«  encourager  à  porter  un  tel  fardeau.  Elle  a  voulu,  au 
«  contraire,  que  j'attendisse  à  ce  jour  pour  vous  en 
«  dégoûter.  Alors  j'étais  privé  de  lumières  et  je  n'au- 

1.  Il  mourut  prêtre  habitué  à  la  Tripllé  d'Angers  le  16  Dovembn 
IBOB.  —  Cf.  Anjou  Bietorigue,  Histoire  de  la  ConsUtution  civile  du 
Gergé  en  Anjou  par  H.  Gruget,  curé  de  la  Triolté. 

Quant  k  Dorlodot,  il  mourut  commensal  de  Le  Coi,  derenn  srcheréque 
"    ~  "3  JauTier  1816. 


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—  151  — 

«  rais  pu  que  contribuer  à  vous  égarer  ea  tous  donnant 
«  des  louanges,  que  vous  méritez  à  bien  d'autres  égards, 
«  ou  des  motifs  pour  vous  retenir  dans  un  poste  tel  que 
«  le  vôtre. 

«  Oui,  Monsieur,  il  est  bien  temps  de  m'ezpliquer 
«  francbement  et  cbaritablement,  et  c'est  surtout  à  l'Age 
«  avancé  où  je  suis  '  qu'on  mérite  d'être  cru,  quand  on 
«  parle  avec  la  foi  des  jugements  de  Dieu.  Il  est  donc 
«  vrai  que  nous  sommes  frappés  depuis  longtemps  des 
«  censures  par  N.  T.  S.  Père  le  Pape  Pie  VI,  de  glo- 
tt  rieuse  mémoire  et  défenseur  de  la  foi  ^.  Nous  avons 
«  rejeté  ce  Père  commun,  nous  avons  lassé  sa  patience, 
«  et  il  nous  a  chassés  du  sein  de  l'Église  comme  des 
«  enfants  rebelles.  Lisez  ses  brefs  et  ne  dites  pas  qu'ils 
«  sont  supposés  3.  Nous  avons  déchiré  le  sein  de  notre 
a  bonne  Mère,  de  cette  Mère  commune  qui  nous  avait 
c  élevés  avec  tant  de  soin  et  de  tendresse  ;  nous  l'avons 
«  abandonnée  pour  suivre  une  route  nouvelle  que  nous 
«  ont  tracée  ses  plus  mortels  ennemis  et  qui  nous  est 
H  commune  avec  les  hérétiques  et  les  schismatiques. 
u  Nous  nous  sommes  perdus  dans  cette  carrière  toute 
«  parsemée  d'erreurs  et  de  mensonges. 

u  Réfléchissez,  Monsieur;  faites  comme  moi;  vous 
«  avez  des  talents  et  de  la  science,  et  si  vous  voulez  être 
«  de  bonne  foi,  si  vous  voulez  paraître  en  assurance  à  ce 
u  tribunal  de  l'Ëpoux  de  l'Eglise,  vous  verrez  que  Vous 
«  êtes  usurpateur  de  deux  portions  de  diocèses  *,  que 
a  vous  êtes  évêque  sans  mission  divine,  sans  approba- 
«  tion  canonique,  que  votre  élection  et  votre  consécra- 
«  tion  ne  sont  que  des  actes  humains  et  non  revêtus  de 
«  la  mission  apostolique,  que  vos  consécrateurs  étaient 

1.  u.  M&npolDt  éUit  né  le  90  novembre  1737. 

i.  Le  premier  bref  condamnant  la  Constitutloa  civile  du  clergé  Ml  dn 
10  mars  1791. 

3.  La  tactique  des  assermentés  était  ds  dire  que  1m  brefs  de  Pie  VI 
n'étaient  pas  autben tiques. 

1.  Les  ancleoni^  limites  des  diocèses  d'Ang-era  et  du  Uans  ne  turent 
modifiées  canon iquement  que  le  85  mal  18^,  lors  de  l'inatallatloo  dn 
premier  éTéque  concordataire  du  Mans. 


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—  152  — 

«  Bans  droit  et  qu'ils  sont  tons  de  nouveaux  venus 
o  comme  vous  et  comme  moi  dans  la  cure  de  la  Trinité 
«  d'Angers,  qne  nous  sommes  à  juste  titre  déclarés 
«  schismatiques  et  suspens  de  toutes  fonctions  ecclé- 
«  siastiques. 

«  Quelles  conséquences  d'erreurs  tirées  de  notre 
«  approbation  de  la  constitution  civile  du  clergé  et  de 
«  notre  séparation  d'avec  le  chef  de  l'Église  et  d'avec 
«  l'Église  elle-même  ! 

«  Qu'en  pensez-vous,  Monsieur,  vous  qui  avez  de 
«  l'esprit  et  des  connaissances  ?  Pour  mot,  je  ne  suis  pas 
«  sans  études,  j'ai  reçu  mes  principes  sur  l'Église  et 
«  j'avoue  que  je  me  suis  bien  égaré.  En  conséquence, 
a  j'ai  renoncé  à  la  constitution  civile  du  clergé,  et  je 
«  n'aurai  jamais  de  relations  avec  ceux  qui  l'auraient 
«  jurée  et  la  soutiendront.  J'ai  cru  devoir  vous  faire  part 
«  de  mes  sentiments  présenta. 

«  Voilà  la  réponse  qne  Dieu  demandait  que  je  fisse  à 
«  votre  lettre.  Je  vous  prie  de  la  prendre  en  bonne  part, 
«  et  à  mon  exemple  de  ne  pas  craindre  la  censure 
«  publique  qui  attend  votre  retour  vers  la  foi  de  l'Église 
«  catholique,  apostolique  et  romaine.  Donnez-moi  la 
a  consolation  devons  voir  rappelé  dans  son  sein.  Sortez 
«  des  ténèbres  d'une  foi  humaine  pour  vous  entourer  des 
«  lumières  de  la  sainte  doctrine  de  l'Église.  Je  demande 
o  bien  sincèrement  à  Dieu  qu'il  vous  éclaire.  Je  le  béni- 
a  rai  à  jamais  s'il  vous  fait  cette  grâce. 

a  C'est  dans  ces  sentiments  que  j'ai  l'honneur  d'être, 
«  avec  un  sincère  dévoùment,  Monsieur,  votre  très 
«  humble  serviteur. 

«  Maupoint.  » 

Cette  lettre  nous  a  été  communiquée  par  M.  le  marquis 
de  Villoutreys,  le  maître  bibliophile  angevin. 

F.    UZOBEAU, 
Diradeur  da  VAniou  HiMoriqu*. 


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LA  SEPULTURE  DE  SlINT  MARTIN  DE  TOURS 


Les  commencements  de  l'église  de  Tours  sont  très 
faciles  à  élucider  :  ils  embrassent  la  vie  d'un  personnage 
dont  le  nom  a  retenti  dans  tout  l'univera  chrétien,  saint 
Martin  de  Tours,  et  sur  lequel  les  renseignements  histo- 
riques sont  abondants.  Sa  biographie  a  été  écrite  de  son 
vivant  par  son  admirateur  Sulpice  Sévère,  et  ses  mira- 
cles ont  été  racontés  au  vi'  siècle  par  Grégoire  de 
Tours,  l'un  de  ses  successeurs,  bien  placé  pour  recueillir 
tontes  les  traditions  capables  de  compléter  les  récits  du 
premier  historien.  Saint  Martin  étant  mort  à  la  fin  du 
IV*  siècle,  en  397,  on  conçoit  que  sa  vie  puisse  nous 
éclairer  sur  les  événements  du  m*  siècle  et  sur  l'aposto- 
lat des  deux  évéques  qui  le  précédèrent  sur  le  siège  de 
Tours.  Il  se  préoccupa  de  la  sépulture  de  saint  Catien, 
premier  évéque  de  Tours,  et  lui  assura  un  abri  en  le 
transférant  dans  la  basilique  que  saint  Lidoire,  le  second 
évéque  de  Tours,  avait  fait  bâtir  pour  lui  '. 

Par  suite  des  lois  en  vigueur,  ces  éditîces  furent  cons- 
truits parmi  les  tombeaux  païens  et  chrétiens,  en  dehors 
de  la  ville,  dans  une  nécropole  voisine  de  la  voie  romaine 
qui  allait  franchir  le  Cher  à  Port-Corbon  et  dont  l'empla- 
cement est  marqué  aujourd'hui  par  l'édifice  de  Notre- 
Dame  la  Riche. 

La  basilique  qui  abrite  le  tombeau  de  saint  Martin 
étant  dans  le  même  quartier,  c'est  un  motif  de  croire 
qu'il  fut,  lui  aussi,  déposé  non  loin  de  ses  deux  prédé- 


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—  i54  — 

ceseenre.  Aucno  cbroniqaeur  ne  nous  iastmit  sur  le  liea 
précis  de  sa  sépultare  ;  nous  savons  seulement  qu'il  fut 
rapporté  de  Candes  à  Tours  et  déposé  dans  un  terrain 
que  le  vénérable  Alcuin  appelle  un  polyandre  public  '. 
D'après  une  lettre  des  chanoines  de  Saint-Martin,  en 
date  de  1180,  l'emplacement  que  j'indique  aurait  été  le 
cimetière  des  pauvres,  et  le  grand  saint  l'aurait  choisi 
Ini-mâme  par  humilité  °.  Le  fait  est  possible  ;  pourtant, 
il  faut  penser  qu'il  y  avait  pour  lui  une  sorte  d'obliga- 
tion de  se  rapprocher  de  ses  prédécesseurs,  bien  qu'il 
eût  pu  se  faire  transporter  également  à  Saint-Pierre- 
des-Corps,  autre  cimetière  où  des  sépultures  nombreuses 
ont  été  découvertes  sans  cependant  exhumer  des  monu- 
ments funéraires  pareils  à  ceux  des  Alyscamps  d'Arles 
et  desquels  on  pourrait  inférer  la  présence  d'un  cime- 
tière réservé  aux  riches. 

L'église  bâtie  dans  le  polyandre  de  l'ouest,  près 
Saint-Martin,  était  consacrée  à  Notre-Dame  la  Pauvre, 
invocation  convertie  plus  tard  en  celle  de  Notre-Dame 
la  Riche  ;  elle  était  voisine  d'une  église  Saint-Pierre, 
qui  devint  Saint-Pierre-le-Puellier,  d'une  autre  église 
dédiée  à  saint  Etienne,  d'une  autre  dédiée  à  saint 
Venant,  d'une  autre  encore  dédiée  à  saint  Jean.  Cette 
accumulation  de  sanctuaires  démontre,  à  n'en  pasdouter, 
que  le  quartier  de  Saint-Martin  et  de  Notre-Dame  la 
Riche  fut  vraiment  le  lieu  de  naissance  de  la  chrétienté 
de  Tours,  celui  qui  devait  inspirer  le  plus  de  vénération 
aux  générations  du  moyeu  âge.  L'humilité  et  la  charité 
de  saint  Martin  sont  bien  connues,  elles  sont  confirmées 
par  ce  fait  qu'il  négligea  complètement  de  préparer  un 
abri  pour  recevoir  sa  dépouille  et  n'exprima  pas  le  désir 
d'être  réuni  sous  le  même  toit  que  saint  Gatien  et  saint 
Lidoire  ;  il  s'abandonna  complètement  au  bon  vouloir  de 


Saint  Brice,  qui  le  remplaça  sur  le  siège  de  Tours, 


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avait  san»  doute  quelques  ressources,  car  on  sait  qu'il 
édifia  de  suite  une  cella  pour  marquer  l'emplacement  de 
la  sépulture,  sans  toutefois  élever  le  sarcophage  hors  de 
terre.  Le  fait  est  établi  par  la  scène  qui  se  passa  au 
moment  de  la  translation  opérée  sous  l'évéque  Perpet, 
scène  qui  nous  fait  assister  à  une  véritable  exhumation. 
On  s'arma  de  pioches,  dit  le  rapporteur,  et  on  creusa  la 
terre  qui  recouvrait  le  tombeau,  et  le  poids  du  contenant 
et  du  contenu  était  tel  que  saint  Martin  lui-même  fut 
obligé  d'intervenir  pour  aider  les  assistants  '. 

Dans  la  seconde  moitié  de  son  épiscopat,  Bnce  déve- 
loppa et  embellit  la  cella  funéraire  qui  parut  bientôt  trop 
modeste  quand  Dieu  eut  exalté  les  mérites  de  son  servi- 
teur par  de  nombreux  miracles.  Plusieurs  auteurs  sup- 
posent avec  vraisemblance  que  cette  entreprise  «ut  lieu 
après  son  retour  de  Rome  où  il  avait  été  exilé,  vers 
l'année  437,  et  qu'il  dédia  le  nouvel  édifice  à  saint 
Etienne  '.  Les  raisons  qu'on  invoque  pour  appuyer  cette 
conjecture  sont  très  sérieuses.  Les  églises  paroissiales  . 
de  Reignac,  autrefois  Bray,  et  de  Chinon,  fondées  par 
l'évéque  Brice,  sont  sous  l'invocation  de  saint  Etienne  ; 
de  plus,  on  sait  que  le  môme  saint  fut  le  patron  secon- 
daire de  la  basilique  Saint-Martin  jusqu'en  1790,  et  que 
l'autel  le  plus  voisin  du  tombeau  lui  était  dédié.  Toutes 
ces  circonstances  réunies  font  présumer  que  cet  évéque 
est  l'importateur  des  reliques  de  saint  Etienne  dans  le 
diocèse  de  Tours  et  qu'en  érigeant  une  basilique  sur  la 
sépulture  de  saint  Martin,  il  choisit  de  préférence  le 
vocable  de  Saint-Etienne  '. 

Que  devint  cet  éditice  le  jour  où  l'évéque  Perpet  fonda 
une  grande  basilique  plus  digne  de  la  gloire  du  thau- 
maturge des  Gaules  ?  Les  uns  pensent  qu'il  est  resté 

1.  De  virtiitibut  lancli  MaTlini,  libro  I,  cap.  VI. 

2.  MonsDler,  Celtàerrimx  S.  M.  Tur.  eeeltm  historia,  p.  2.  —  Cbeou, 
Recueil  det  Antiquité»  et  privilégee  de  ta  mile  de  Tour»,  Parla,  1681.— 
Uairtlii  Hu1«Bu,  Paradi»  délicieux  de  la  Touraiw. 

3.  «BricciiuœdiflcaTit  buillcam  parvulam super  corpus  beatlMarUni 
fn  qua  et  Ipse  wpultiu  est  *.  Bittoria  Francontm,  lib.  X,  oap.  31,  o*  4. 


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—  156  — 

debout  et  qu'il  se  confond  avec  l'oratoire  dont  parle 
Grégoire  de  Tours  sis  apud  urbem  Turonicam  '  et 
avec  celui  qu'AIcuin  célèbre  dans  ses  poèmes  et  où  il 
désirait  être  inhumé  ^.  Les  autres  traduisant  trop  libre- 
ment les  expressions  submota  basilica  et  removens 
internum  penetrale  de  Grégoire  de  Tours  et  de  Sidoine 
Apollinaire,  conjecturent  qu'il  fut  rasé  et  englobé  dans 
la  nouvelle  construction,  tandis  que  le  sens  rigoureux 
nous  conduit  à  penser  qu'il  fut  simplement  laissé  de 
côté  et  abandonné  à  une  autre  destination  '.  M.  Ratel 
est  de  ceux  qui  partagent  la  première  opinion;  il  a  con- 
sacré toute  une  dissertation  pour  démontrer  que  le  sé- 
pulcre de  saint  Martin  n'avait  jamais  été  déplacé  *.  Sa 
conviction  s'est  formée  en  présence  des  subatmctions 
découvertes  sous  ses  yeux  dans  le  chantier  de  la  recons- 
truction de  la  basilique,  en  1860,  fouilles  dans  lesquelles 
il  a  cru  reconnaître  l'œuvre  de  l'évoque  Perpet  et  au- 
dessous  un  massif  plus  ancien  qui  lui  aurait  servi  d'appui  ; 
malheureusement  ses  appréciations  sont  contestées  par 
les  maîtres  de  la  science  archéologique.  Il  n'est  pas 
croyable  que  l'évêque  Brice  ait  employé  des  murs  de 
deux  mètres  d'épaisseur  pour  soutenir  une  basilique  que 
les  auteursdésignentsous  les  noms  modestes  de /la/'fu^ 
basilica  et  de  cellule  *. 

Le  seul  point  qui  soit  un  peu  éclairci  par  le  texte  de 
l'historien  des  Francs,  c'est  celui  de  la  décoration  :  ii  y 
avait  tant  d'élégance  dans  l'arrangement  du  plafond 
(caméra)  que  l'évêque,  dit-il,  au  lieu  de  l'abandonner 


3.  «  Intornum  ramoTeni  modici  penetrale  sacelll  [Ampltufae  teets 
levane  eileriore  domo.  »  Sidoine  ApollinalTe.  —  «  E>erpetuiis  anbmoU 
bullics  quam  prlus  Brleclus  episcopus  œdlflcavenit  saper  sanetnm 
MutiDum  ndiflcarlt  aliam...  »  (BtRt.  Praneorvm,  11,  31,  d*  6). 

i.  jDu  lieu  de  sépiUture  de  saint  Jfartin  de  Tours  {Bulletin  lie  la 
Soeiiii  archéologique  de  Towraine,  i"  et  2*  trlm.  1889). 

5.  «  QuODlsm  oamen  eellalœ  illlus  prlorfs  sleganU  opère  fuerat 
f&brlcata,  IndlKUam  dnxlt  saoenlofl  at  opéra  ejua  dsperlrant  n  [Ri»t. 
Franecrum,  II,  14,  X,  31,  a*  S|. 


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—  157  — 

sans  emploi,  fit  bfttir  une  autre  basilique  en  l'honneur 
des  saints  apôtres  Pierre  et  Paul  pour  utiliser  digne- 
ment cette  couverture  '.  Grégoire  de  Tours  a  pu  juger 
de  sa  beauté,  car  elle  était  encore  en  place  de  son 
temps'.  Si  notre  interprétation  est  juste,  révê(jue  Perpet 
aurait  donc  découvert  la  basilique  de  Saint-Etienne  pour 
couvrir  celle  des  Apôtres. 

Le  meilleur  argument  à  faire  valoir  par  les  critiques 
qui  défendent  la  thèse  de  la  superposition  des  édifices, 
serait  celui  du  respect  que  les  anciens  témoignaient  à 
l'égard  du  Heu  choisi  pour  la  sépulture  des  saints  ;  il 
est  certain  qu'on  ne  procédait  pas  à  la  translation  des 
corps  sans  une  grande  répugnance  et  que  d'ailleurs  la 
loi  romaine  exigeait  l'autorisation  des  Pontifes  afin  que 
les  convenances  fussent  respectées.  De  leur  côté,  les 
chrétiens  ne  voulaient  pas  qu'un  lieu  sanctifié  par  le 
séjour  d'un  martyr  put  être  profané  par  une  affectation 
à  un  usage  quelconque.  Le  fait  est  vrai  en  principe,  mais 
dans  la  pratique  on  rencontre  des  exceptions,  surtout 
quand  le  personnage  n'est  pas  un  martyr.  Je  citerai 
notamment  le  déplacement  du  corps  de  saint  Germain 
d'Auxerre  quand  sa  basilique  fut  allongée  à  l'orient,  au 
ix'  siècle.  L'oratoire  de  Saint-Ëtienne  se  trouvait  tout 
près  de  ta  basilique  de  Saint-Martin  ',  à  peu  près  dans 
la  situation  de  Saint-Etienne  de  Nantes  par  rapport  à  la 
basilique  des  Enfants  Nantais.  Je  ne  vois  donc  pas  qu'on 
ait  dérogé  beaucoup  aux  convenances  en  transférant  le 
sarcophage  vénéré  d'un  Ueu  à  un  autre  sans  sortir  du 
même  enclos,  en  franchissant  une  distance  qui  n'attei- 
gnait pas  cent  mètres. 

II  faut  du  reste  remarquer  que  pour  saint  Martin  toutes 

I.  <i  Perpetuus  ndlflcavlt  boaiUcam  S.  Pétri  Id  qua  cimeriim  bulIlcB 
prloria  pMuIt  que  usqne  ad  nostra  tempora  persévérât  ii  ilbiitem], 

S.  Caméra  a,  le  double  sens  de  voûte el charpente om  lambris.  Comme 
Il  e»t  dltDctle  de  réemployer  et  de  placer  une  abside  en  cul-de-tour,  Il 
«it  probable  ga'U  s'agit  Ici  d'une  couverture. 

3.  C'est  uu  fait  dimonlri  par  las  l«xtea  raoueiUls  par  l'abbé  Chevalier. 
Cf.  le»  Fouille»  de  Saint-MaTtin  de  Tour»,  pp.  IS  et  16.  Tour*,  188S, 
brochure  in-4*- 


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—  158  — 

les  règles  ont  été  violées  dans  l'installation  de  son  tom- 
beau, comme  si  on  s'était  préoccupé  avant  tout  de  le 
rendre  accessible  aux  foules.  11  n'y  a  pas  la  moindre 
mention  de  crypte  ou  de  conression  établie  en  contre-bas 
de  l'autel  dans  les  auteurs  qui  nous  font  la  description 
de  la  belle  basilique  élevée  par  saint  Perpet  et  consacrée 
probablement  en  470.  Grégoire  de  Tours,  qui  prend  le 
soin  de  nous  fournir  ses  dimensions,  ne  dit  pas  un  mot 
de  cet  appendice  classique,  et  pourtant  ses  ouvrages 
abondent  en  renseignements  sur  les  sépultures  établies 
dans  des  caveaux  partout  où  il  a  voyagé  :  il  nous  cite 
notamment  la  crypte  de  saint  Venant  à  Tours  et  celle  de 
saint  Soulain  à  Luynes.  Nous  sommes  donc  obligé  de 
considérer  son  silence  comme  une  négation. 

On  ne  connaissait  pas  au  v*  siècle  l'art  de  construire 
de  vastes  sous-sols  desservis  par  un  double  escalier  ; 
c'est  pourquoi  l'architecte  chercha  une  autre  combinai- 
son dans  laquelle  la  circulation  des  pèlerins  s'accommo- 
derait avec  les  exigences  du  culte.  Je  n'en  donnerai  pour 
preuve  que  les  dimensions  considérables  appliquées  au 
sanctuaire  :  elles  nous  révèlent  de  sa  part  l'intention 
d'adopter  un  arrangement  particulier  et  tout  k  fait  inu- 
sité. On  ne  comptait  pas  moins  de  trente-deux  fenêtres 
et  de  trois  portes  dans  cette  partie  de  l'édifice.  En  suppo- 
sant que  ces  jours  fussent  percés  sur  deux  lignesd'étage, 
il  faut  encore  se  représenter  des  murs  assez  longs  pour 
recevoir  huit  fenêtres  par  rang,  à  gauche,  et  autant  à 
droite.  Au  v*  siècle,  on  ne  bAtissait  pas  le  presbyterium. 
dans  des  proportions  aussi  vastes.  Pourquoi  avait-on 
ménagé  aussi  trois  portes  de  ce  cdté  ?  II  semble  qu'une 
seule  devait  suffire  aux  desservants.  De  cette  multiplicité 
de  portes,  j'induis  qu'on  voulait  faciliter  la  circulation  à 
travers  le  chevet  sans  troubler  l'ordre  des  offices,  et 
permettre  aux  pèlerins  d'entrer  par  le  nord,  de  passer 
devant  le  tombeau  de  saint  Martin  et  de  sertir  par  la 
porte  du  sud.  Nous  savons  par  le  marne  auteur  que  le 
sarcophage  fut  placé  dans  Vabside  qui  terminait  le 


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—  159  — 

chevet.  Il  fut  donc  déposé  sur  le  dallage,  les  pieds  tour- 
nés vers  le  levant,  suivant  l'usage  consaci-é,  et  appuyés 
contre  le  mur  du  fond  '.  Un  autre  usage  voulait  que 
l'autel  particulier  du  tombeau  fût  accolé  contre  la  tête  du 
sarcophage,  comme  à  Saint-Mathîas  de  Trêves,  à  Saint- 
Germain  d'Auxerre,  à  Saint-Gall,  et  servit  de  dépôt  à 
de  nombreuses  reliques.  C'est  là,  pour  moi,  qu'était 
placée  la  memoria  des  cinq  martyrs  dont  parle  le  fiecueil 
des  Inscriptions  de  la  Basilique  ;  c'est  là  qu'on  vénérait 
les  reliques  de  saint  Jean-Baptiste  et  des  quatre  Mila- 
nais, Gervais,  Protais,  Victor  et  Félix.  Les  dix  vers  de 
l'inscription  de  cette  memoria  en  forme  d'autel  sur- 
monté d'un  petit  ciborium,  étaient  peints  soit  sur  le  fond 
de  l'abside,  soit  sur  le  devant  de  l'autel.  Saint  Martin 
ne  fut  pas  considéré  comme  saint  aussitôt  après  sa  mort, 
il  y  avait  donc  lieu  de  rehausser  le  prestige  de  son  autel 
particulier  en  y  accumulant  des  reliques  insignes  de 
martyrs.  Dans  tous  les  cas,  on  estimait  qu'il  était  hono- 
rable pour  un  confesseur  lui-même  d'être  associé  à 
d'autres  dans  l'érection  d'une  basilique. 

Une  autre  inscription  signalait  la  présence  d'un  livre, 
enchaîné  sans  doute,  où  les  pèlerins  avides  de  s'instruire 
pouvaient  prendre  connaissance  des  miracles  et  de  la 
vie  de  saint  Martin.  C'était  le  titulus  Ubri  -.  Quant  à 
l'inscription  et  au  titre  mortuaire,  je  crois  avec  M.  de 
Rossi  qu'il  se  lisait  sur  le  sarcophage  lui-même,  sur  la 
table  de  marbre  que  l'évéque  d'Autun,  Euphrône,  avait 
envoyée  à  son  collègue  de  Tours  pour  recouvrir  le  sar- 
cophage vénéré.  En  voici  les  termes  :  Depositio  S.  Mar- 
tini 111  Id.  Nov.  Pausavit  in  pace  Domini  nocle  média. 

En  avant  de  l'autel  memoria,  s'étendait  un  espace 
assez  grand  (on  peut  dire  assez  vaste,  puisque  le  sanc- 
tuaire renfermait  trente-deux  fenêtres)  dans  lequel  les 


l.fl  AedlficsTft  &ll&tn ampUorem  Id  cuJuBabsldabeatum  corpus  Ipslns 
Tenerabllls  sanctl  traostullt  a  iHittoria  PrancoTiim,  ibiiUm]. 

i.  D'autres  iaicrlptiOQ*  Atalent  ivr  une  loitr  ijae  Qnlcherot  place  fc  la 
loncUon  d«  la  net  et  d«  i'attariuni. 


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pèlerins  stationnaient  pour  prier  devant  le  tombeau  et 
assister  aux  offices  qui  se  célébraient  en  l'honneur  de 
saint  Martin  ^  La  seconde  partie  de  l'abside  réservée  au 
maitre-autel  de  la  basilique  et  au  presbyterium  des  offi- 
ciants était  très  limitée  par  cette  raison  que  le  clergé,  au 
V*  siècle,  n'était  pas  nombreux.  Quelle  était  la  clAture 
qui  séparait  les  deux  parties  de  l'abside  ?  on  peut  la 
supposer  épaisse,  car  Grégoire  de  Tours  nous  laisse 
entendre  que  certains  malades  couchaient  entre  l'autel 
et  le  saint  tombeau  quand  ils  voulaient  insister  pour 
obtenir  leur  guérison  ^. 

Il  n'est  pas  admissible,  dans  la  restitution  que  nous 
essayons  de  faire  de  l'ancien  aspect  des  abords  du 
sépulcre,  que  le  peuple  entassé  dans  la  nef  ait  eu  la 
facilité  de  se  rendre  dans  te  fond  de  l'abside,  derrière 
le  maltre-autel,  sans  sortir  de  la  basilique  ;  il  aurait 
troublé  l'ordre  dans  le  presbyterium  en  franchissant 
cet  espace.  L'édifice  étant  situé  dans  un  cimetière  3,  il 
faut  croire  qu'il  y  avait  assez  d'espace  libre  tout  autour 
pour  qu'il  fût  possible  de  sortir  par  les  basses  nefs  et  de 
se  rendre  aux  deux  portes  percées  en  face  l'une  de  l'autre 
dans  le  mur  circulaire  de  l'abside,  à  proximité  du  tom- 
beau. Rien  ne  nous  empêche  de  supposer  que  l'espace 
libre  autour  du  chevet  formait  une  sorte  d'atrium,  cou- 
vert ou  non  ^,  où  les  pèlerins  pouvaient  attendre  l'heure 
de  l'ouverture  des  portes  ;  il  est  même  vraisemblable 
que  les  pèlerins  apercevaient  le  tombeau  sans  entrer, 


I.  n  ProstraU  per  tridunm  ad  cancellos  qui  ante  sepulcrum  sanctl 
BDtistltis  habeotur  extrlnsecua  n  \UUl.  Franc,  11,  42,  III,  57). 

8.  H  Inter  altarium  et  sanctum  tumulnm  decubantes  u  {MiraevXa 
S.  Martini,  Ilbro  I,  cap.  38). 

3.  Les  tombeaui  d'alors  âtalent  déj&  eoloaréB  de  grilles.  Des  voleurs 
prirent  un  Jour  nne  de  ces  balustrades  pour  grimper  Jusqu'à  la  baul«nr 
d'une  feuAtre  et  s'Introduire  dans  la  basilique  [Bitt.  Francorwn,  Ilbro 
VI,  c.  10). 

1.  L'atrium  de  l'orient  devait  Atre  couvert  comme  un  cloître.  Voici  ce 
que  dit  Odon  de  Clnny  dans  le  sermon  de  940.  «  In  arouatls  portlclbus 
Toluerunl  eam  prlad  coDSlmctores  archltaolarl,  quonlam  dotnus  illa, 
quamTiB  latisslma  slt,  taotuin  solet  essa  BOKOita  u  [Bihliotheca  Clunia- 
eentU,  p.  liS). 


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an  ini^eiL  d'ane  Incarne  percée  à  l'orient,  au-dessus 
des  pieds  du  tombeau. 

Quand  Grégoire  de  Toutb  nous  raconte  qu'uu  paraly* 
tique  fut  transporté  par  ses  parents  à  plusieurs  reprises 
devant  l'abside  du  tombeau,  c'est  là  qu'il  faut  placer  la 
scène  <,  de  même  que  la  station  de  cet  autre  malade  qui 
demeura  quatre  mois  en  supplication  ^. 

Quand  le  même  auteur  rapporte  qu'une  femme  para- 
lytique resta  pendant  huit  ans  couchée  sur  une  charrette 
dans  l'estre  (atrium)  ^  du  bienheureux  confesseur,  et 
qu'une  fille  de  serf  ne  pouvant  entrer  dans  la  basilique 
fondit  en  prières  devant  l'abside  du  tombeau  *  et  em- 
porta, faute  de  mieux,  un  peu  de  poussière  de  la  terre 
voisine,  on  est  bien  forcé  de  croire  que  Grégoire  de 
Tours  veut  parler  de  manifestations  qui  se  passaient 
dehors,  contre  le  mur  extérieur  de  l'abside.  C'est  là  que 
se  passèrent  les  scènes  violentes  et  les  désordres  dont 
il  parle  à  propos  d'Ëbemlfus  qui  était  venu  chercher 
asile  dans  l'enclos  de  saint  Martin.  Cet  atrium  était  bien 
aux  pieds  du  saint,  puisque  le  tombeau,  je  l'ai  dit, 
était  orienté  et  appuyé  contre  le  mur  du  fond  ^. 

D'autres  scènes  eurent  Heu  dans  l'intérieur;  dans  ce 
cas,  l'historien  se  sert  d'une  autre  expression  :  il  place 
le  malade  dans  Vestre  qui  est  devant  le  tombeau  du  con- 
fesseur, c'est-à-dire  dans  l'espace  libre  réservé  entre 
l'autel  majeur  et  l'autel  de  la  confession  *. 

L'accès  du  sarcophage  était  protégé  comme  l'autel  par 
quelques  barrières,  qui  n'étaient  pas  infranchissables 

1.  «  Deportataïque  iterum  k  luli  ante  abBtdam  unctam  tumull  poDl- 
tnr»(Cap.  XLVril- 

2.  Cap.  LVll. 

3.  a  [q  atrlo  boati  coofessorta  decubuerat  »  [Miracula  S.  Martini, 
Cap,  VII. 

t.  a  Coram  abslda  aepulcrl  tudit  oratlonem,  u 

5.  0  Nam  raepe  caedea  liifra  ipaum  atrium  qubd  ad  pedes  Beatl  eitat, 
eze^lt,  exercsDs  assidue  ebrietatea  et  Taultatea  a  [Bietoria  ecel.  Franc., 
libre  VII,  cap.  22). 

6.  u  DeblUs  quidam  dum  In  atrlo  ijuod  ante  Beatl  sepulcrum  babetur, 
oraret  attente,  In  aancta  e]us  vIgUla  Tialtatus  est  »  (Miraevla  S.  if., 
llbro  U,  cap.  42). 

U 


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—  162  — 

puisque  certaios  pèlerins  pouvaient  gratter  les  parois  de 
pierre  tendre  et  emporter  de  la  poussière  qu'on  mêlait  au 
breuvage  des  malades. 

En  adoptant  un  chevet  à  jour,  comme  Quicherat,  on 
prive  l'architecte  des  surfaces  pleines  dont  il  avait  besoin 
pour  peindre  ses  inscriptions  et  aussi  pour  creuser  les 
arcosoles  destinés  aux  tombeaux  des  éminents  person- 
nages qui  voulaient  reposer  à  proximité  du  sarcophage 
de  saint  Martin.  Au  v*  siècle,  déjà  les  tombeaux  se 
logeaient  dans  des  niches  pratiquées  dans  les  murs,  et 
quand  ils  renfermaient  des  dépouilles  insignes,  ils  ne 
pouvaient  être  placés  en  dehors  du  sanctuaire  et  du 
chœur;  c'est  pourquoi  la  thèse  contraire  de  l'existence 
d'un  déambulatoire  nous  parait  inadmissible. 

Quand  on  Ht  dans  un  texte  que  saint  Perpet  fut  inhu- 
mé aux  pieds  de  saint  Martin,  cela  veut  dire  que  son 
arcosole  était  creusé  dans  le  mur  circulaire  du  chevet,  à 
peu  de  distance  du  fond  contre  lequel  le  sarcophage 
était  appuyé.  Les  personnages  nombreux  qui  solhci- 
tèrent  une  place  pour  leur  sépulture  ne  pouvaient  pas 
être  logés  ailleurs  que  dans  le  sanctuaire,  c'est  pourquoi 
je  me  représente  de  nombreuses  niches  arquées,  prati' 
quées  à  droite  et  à  gauche  pour  recevoir  les  sarcophages 
de  Licinius,  de  Théodore,  de  Procule,  de  Dinilîus, 
d'Ommatius,  de  Léo,  de  Francilio,  d'Injuriosus,  de 
Baldinus,  de  Gunthâire  et  d'Euphrône  <. 

Les  interprètes  de  Grégoire  de  Tours  ont  cru  trouver 
la  confirmation  de  leurs  inductions  dans  les  expressions 
dont  il  se  sert  pour  désigner  le  lieu  de  la  sépulture.  Ils 
font  remarquer  que,  dans  trois  chapitres,  il  emploie  les 
termes  suivants  :  absida  tumuli,  absida  corporis, 
absida  sepulcri  ^.  Si  l'histonen,  disent-ils,  est  aussi 
précis  pour  désigner  l'abside  qui  contenait  le  sarco- 
phage, c'est  qu'il  en  existait  d'autres,  et  celles-ci  ne  pou- 
vaient être  qu'au  delà  du  podium,  vers  l'orient.  Comme 


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—  163  — 

on  a  trouvé  dans  les  fouilles  pratiquées  sur  l'emplace- 
ment de  la  basilique  une  demi-couronne  de  cinq  absi- 
dioles  au  delà  du  podium,  c'est-à-dire  du  mur  circulaire, 
M.  l'abbé  Chevalier  y  voit  sans  hésiter  la  confirmation 
de  ses  conjectures  et  l'explication  des  expressions  de 
l'historien,  tout  en  reconnaissant  qu'il  n'y  a  pas  d'exemple 
de  semblables  dispositions  dans  les  édifices  de  la  période 
préromane.  Cette  singularité  ne  l'arrête  pas  dans  ses 
déductions,  et  il  va  jusqu'à  penser  que  la  basilique  de 
Saint-Martin  aurait  été  unique  dans  son  genre  et  que 
son  architecte  aurait  devancé  de  cinq  siècles  les  concep- 
tions qui  furent  imaginées  au  xi*  siècle.  Au  delà  des 
pieds  du  tombeau,  il  place  un  atrium  formant  une  absi- 
diole  à  l'extrême  chevet,  et  au-dessus,  il  voit  une  voûte 
tournante  qui  aurait  stupéfait  les  générations  succès- 
sives  et  laissé  des  souvenirs  qui  vivaient  encore  dans  la 
mémoire  des  chanoines  au  xvi'  siècle,  quand  ils  relevè- 
rent les  ruines  faites  par  les  protestants. 

La  seule  voûte  qu'on  ait  pu  faire  au  v*  siècle  est  une 
demi-coupole  au-dessus  du  fond  de  l'abside  ;  celle-ci  a  pu 
être  ornée  de  mosaïques  et  de  lames  d'or  et  d'argent 
dont  tes  parties  ont  été  réemployées  au  xi*  siècle  dans 
la  construction  de  la  chapelle  du  chevet  ouverte  sur  le 
déambulatoire  roman.  Dans  ce  cas,  on  comprend  que  la 
réfection  de  cette  décoration  ait  impressionné  vivement 
les  témoins  et  que  le  nom  de  saint  Perpet  ait  été  appli- 
qué à  une  construction  dont  la  conception  dépassait  les 
créations  de  son  époque. 

S'il  faut  chercher  plusieurs  absides  dans  cette  basilique 
du  V*  siècle  qu'on  veut  faire  ressusciter,  pourquoi  ne  sup- 
poserait-on pas  tout  aussi  bien  la  présence  de  deux  absi- 
dioles  au  bout  et  en  face  des  basses  nefs  du  cdté  de 
l'orient  ?  On  aurait  l'avantage  de  se  rapprocher  du  plan 
de  plusieurs  basiliques  latines  de  la  même  période,  sans 
courir  le  risque  de  faire  d'anachronisme.  Si  cette  propo- 
sition était  rejetée,  je  me  retournerais  du  cdté  du  sanc- 
tuaire lui-même  ou  àMpresbyterium  qui  était  assurément 


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—  164  — 

séparé  de  Vabside  du  tombeau  par  une  clAtare.  Nous 
ne  savons  pas  ce  qu'était  cette  séparation.  Pourquoi  ne 
pas  supposer  que  la  barrière,  pleine  ou  à  jour,  avait  une 
forme  circulaire  pour  être  en  harmonie  avec  les  lignée 
de  l'édifice,  et  alors  nous  aurions  autour  du  mattre-autel 
une  sorte  de  première  abside  distincte  de  celle  qui  ter- 
minait le  chevet,  autour  du  sarcophage  de  saint  Martin. 
L'une  et  l'autre  de  ces  hypothèses  très  vraisemblables 
nous  dispensent  de  recourir  au  système  très  aventureux 
du  chevet  à  jour. 

Malgré  les  enseignements  qui  ressortent  de  la  lecture 
des  pages  de  Grégoire  de  Tours,  deux  archéologues 
éminents  se  sont  mis  l'esprit  à  la  torture  pour  recons- 
tituer la  physionomie  de  la  basilique  de  saint  Perpet 
sur  un  plan  différent.  Ils  ont  été  trop  influencés  par  le 
nombre  des  colonnes  que  lui  attribue  Grégoire  de  Tours 
(cent  vingt)  et  cette  préoccupation  leur  a  fait  oublier  les 
règles  les  mieux  établies  par  la  science  archéologique 
pour  les  édifices  au  v*  siècle. 

L'un,  M.  Le  Normand,  a  proposé  de  placer  le  tombeau 
au  milieu  d'une  rotonde,  à  l'instar  des  dispositions  adop- 
tées pour  le  tombeau  du  Christ  à  Jérusalem,  ce  qui  lui 
permet  de  placer  un  bon  nombre  de  colonnes  en  super- 
posant les  étages  '. 

Jules  Quicherat,  après  avoir  fait  de  graves  objections 
contre  ce  système,  propose  une  combinaison  dans  laquelle 
le  chevet  aurait  été  percé  à  jour,  et  imagine  un  podium 
circulaire  sur  lequel  s'élevaient  des  colonnes  comme 
dans  les  églises  romanes  du  xi*  siècle  et  suppose  autour 
du  chevet  un  déambulatoire  conduisant  à  une  sorte 
d'atrium  quadrangulaire  placé  aux  pieds  du  tombeau  '. 
On  voit  que  l'hypothèse  ne  répond  pas  à  la  traduction 
des  diverses  scènes  dépeintes  dans  le  Litre  des  Miracles. 

1.  V.  EelaiTcittsmenU  au  toms  1"  de  VBistoirt  ecclésiOfitique  dei 
Franc»,  éditée  par  Guadet  et  Taranne.  Paris,  1836,  ln-8*. 

8.  Restitution  de  la  basilique  de  Saint  Martin  de  Towi  IRevue 
aTchéotogique,  année  1869,  t.  XIX  et  XX).  Réimprimé  dans  lei  Hélange» 
i'histoire  et  d'archéologie,  éditât  par  R.  de  Loitejrie,  p.  30-73. 


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—  165  — 

L'historien  des  Francs  ne  parle  pas  des  dimensions  des 
colonnes  de  la  basilique  ;  il  n'est  donc  pas  inévitable  d'en 
faire  autant  de  supports.  On  ne  compraad  pas  pourquoi 
Quicberat,  dans  sa  restitution,  n'a  pas  proposé  de  pré- 
férence de  voir  dans  la  multiplicité  des  colonnes  l'in- 
dication d'un  genre  de  décoration  qui  aurait  quelque 
ressemblance  avec  les  fausses  arcades  établies  le  long 
des  murs  de  la  petite  basilique  de  Saint-Laurent  de 
Grenoble  '  et  reposant  sur  de  nombreuses  colonnettes. 
Dans  cette  hypothèse,  on  parvient  à  se  rapprocher  du 
texte  de  Grégoire  de  Tours  sans  être  en  désaccord  avec 
ce  que  nous  connaissons  des  habitudes  adoptées  en 
Gaule  pour  l'édification  des  premières  églises.  Avant  de 
copier  Byzance  et  Jérusalem,  nos  architectes  ont  pris 
leurs  types  à  Rome.  La  science  archéologique  est  assez 
avancée  aujourd'hui  pour  affirmer  qu'il  n'existait  pas 
de  chevet  à  jour  et  de  déambulatoire  dans  les  églises 
construites  à  l'époque  gallo-romaine.  Dans  un  article 
savamment  développé,  M.  R.  de  Lasteyrie  a  parfaite- 
ment démontré  la  faiblesse  de  la  thèse  de  Quicherat  et 
proposé  avec  beaucoup  de  sagacité  des  interprétations 
nouvelles  qui  établissent  la  réalité  d'un  atrium  extérieur 
qui  nous  dispense  de  supposer  un  déambulatoire,  dispo- 
sition architecturale  qui  ne  fut  pas  adoptée,  dît-il,  avant 
la  fin  du  x*  siècle  -, 

On  a  essayé  aussi  de  faire  revivre  l'aspect  du  tom- 
beau de  saint  Martin  en  s'appuyant  sur  les  veBtiges  de 
soubassements  qui  se  sont  rencontrés  dans  les  fouilles  ; 
M.  Ratel  s'est  appliqué  à  cette  restitution  avec  un  pieux 
zèle,  en  suivant  de  près  les  tranchées  des  ouvriers,  et,  à 
force  de  persévérance,  il  a  enfin  mis  la  main  non  seule- 
ment sur  l'emplacement  certain,  mais  encore  sur  des 
piliers  de  maçonnerie  antique  qui  certainement  ont  fait 


1.  Od  l'appelle  improprement  nne  orypte. 

S.  L'Eglist  de SainlMartm  de  Towrg,  étude erlUqoe  sar  llilBtalre  et 
la  forme  de  ce  monomeDt  an  t*  alècle  [MéntoiTM  de  l'AeatUmie  det 
Interiptiom  et  BtUegUtlrtg,  t.  XXXIV,  p.  1). 


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—  166  — 

partie  de  l'installation  du  sareophage,  car  ib  touchent 
la  paroi  du  mur  circulaire  de  l'abside.  Sa  découverte 
constate  l'existence  de  deux  petits  murs  parallèles, 
écartés  de  0  m.  53,  qui  se  réunissaient  pour  former  une 
petite  voûte  et  nn  cavean.  C'est  là  que  furent  déposés 
les  restes  du  tombeau  profané  et  les  fra^ents  dispersés 
du  corps  de  saint  Martin  après  les  dévastations  des 
protestants,  comme  en  fait  foi  un  procès-verbal  du 
xvii*  siècle,  rédigé  à  la  suite  de  l'eftondrement  de  la 
voûte  '.  M.  Ratel  en  a  conclu  trop  vite  que  l'évéque 
Perpet  avait  construit  ce  caveau  pour  en  faire  tout  à  la 
fois  le  tombeau  et  l'autel  de  saint  Martin,  comme  si  la 
cavité  avait  été  prévue  pour  servir  de  reliquaire  et  la 
table  du  dessus  préparée  pour  célébrer  la  messe. 

Cette  interprétation  ne  concorde  pas  du  tout  avec  ce 
que  nous  savons  de  l'installation  des  confessions  primi> 
tives,  ni  avec  les  textes  des  auteurs  contemporains.  Tout 
d'abord,  on  a  la  certitude  que  le  corps  de  saint  Martin 
fut  déposé  dans  un  sarcophage  de  pierre  sans  ornement, 
dont  la  confection  était  si  grossière  que  l'évéque  d'Autun, 
EuphrAne,  voulut  la  relever  en  envoyant  a  Tours  une 
table  de  marbre  pour  remplacer  le  couvercle  trop  bmt 
on  pour  décorer  l'autel  accolé  à  ta  tête  du  sarcophage, 
car  l'un  n'allait  jamais  sans  l'autre.  Tombeau  et  autel  ne 
faisaient  qu'un  et  se  tenaient  étroitement  sans  se  con- 
fondre. Généralement  on  respectait  ta  sépulture  en  lais- 
sant le  cot^s  intact  et  complet  dans  son  cercueil;  l'usage 
de  le  morceler  ne  s'est  répandu  qu'après  les  déplace- 
ments occasionnés  par  les  invasions  des  Barbares;  les 
exceptions  ne  regardent  que  les  corps  des  martyrs  célè- 
bres de  l'Italie  et  de  l'Orient.  Je  suis  donc  persuadé  que 
les  restes  de  saint  Martin  enveloppés  dans  la  soie  et 

1.  L'acte  eat  de  1666.  En  levant  la  marcbe  qui  rég-nalt  autour  du  tom- 
bmu  poar  en  remettre  une  autre,  on  aperçut  an-dessous  uoe  petite 
TOÛte  avec  eavltâ  profonde  de  daq  k  six  pieds,  hante  de  quatre  plads  et 
large  de  deux,  oonstmlte  eu  pierre  blaiiche  jL'abbé  Cbevâlter,  Le  Tom- 
beau de  saint  Martin  à  Tout»;  in  Buil.dt  la  Soe.anhtol.de  Towttitu, 
t.  V,  1880). 


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—  167  — 

dans  UD  cercueil  d'électnim  demeurèrent  jusqu'au  vu* 
siècle  dans  une  auge  de  pierre  ordinaire  qui  fut  placée 
non  pas  à  terre  mais  sur  les  piliers  en  question.  Cette 
auge  n'était  pas  en  marbre  décoré  de  panneaux  sculptés 
comme  ceux  qu'on  a  trouvés  dans  diverses  basiliques, 
autrement  on  ne  s'expliquerait  pas  pourquoi  saint  Éloi 
entreprit  d'enrichir  la  sépulture  de  toutes  les  beautés  en 
usage  dans  les  ateliers  d'orfèvrerie  de  son  temps  '.  11 
laissa  de  cAté  l'auge  de  pierre  et  ne  retint  que  le  second 
sarcophage  qui,  suivant  un  procès-verbal  du  xi*  siècle, 
était  en  électrum  ^,  et  le  recouvrît  de  lames  d'or  et  de 
pierres  précieuses.  Cependant,  il  est  dit  aussi  qu'il  orna 
la  tombe  où  il  avait  longtemps  reposé,  ce  qui  implique 
que  le  sarcophage  de  pierre  fut  également  exposé  dans 
un  endroit  honorable  ^. 

Le  travail  de  saint  Eloi  étant  une  œuvre  digne  d'émer- 
veiller les  pèlerins,  il  est  impossible  qu'on  ne  l'ait  pas 
exposé  aux  yeux  de  tous  sur  un  piédestal  au  Heu  de  le 
cacher  sous  la  voûte  qu'à  trouvée  M.  Ratel  en  1860. 
C'est  pourquoi  il  convient  de  renoncer  à  l'hypothèse  d'un 
enfouissement.  Le  sarcophage  orné  était  exposé  sur  les 
piliers  et,  par  dessus,  s'élevait  un  ciborium  également 
très  décoré  qui  couvrait  en  même  temps  l'autel  et  du  haut 
duquel  pendait  une  couronne,  symbole  de  l'immortalité 
conquise  par  le  grand  saint  *.  Voilà  comment  nous 
devons  nous  représenter  cette  sépulture  d'après  les 
inscriptions  et  les  textes  de  Grégoire  de  Tours. 

Du  haut  de  la  coupole  du  ciborium  pendait  un  voile 
qui  garnissait  les  intervalles  des  colonnes  et,  au-dessus 
du  sarcophage  de  pierre,  on  étendait  an  vi*  siècle  un  riche 

1.  Llbro  I,  cap.  38  [Spieilege  de  dom  d'Acbery,  t.  V,  p.  160). 
8.  GrandmalMiii,  Holieeg  sur  Ug  anciennes  châsses  dt  saint  Martin 
lie  Tours . 

3.  a  Et  aliam  tnmbam  ubi  corpm  S.  HuUoi  dudum  Jacuerat,  urbane 
eompoiuU  »  (IbidemJ, 

4.  «  CertamBn  bonnm  certavit,  curanm  coasDmmavit,  fldem  «erraTlt 
de  ooetero  repoaita  est  illi  corona  Justitlae  n  (Qalcherat,  Ibidem).  ~ 
Paulin  de  PMguaas  et  Grëgoire  de  Tours  racontaitt  Is  toI  de  la  Bon- 
rouQe  par  oa  wldat. 


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—  168  — 

manteau  ou  poêle,  pallium,  que  les  malades  venaient 
toucher  pour  être  guéris.  11  faut  ajouter  à  cet  ensemble 
quelques  lampes,  puisque  nous  savons  que  les  pèlerins 
emportaient  aussi  de  l'huile  sacrée  pour  panser  les  bles- 
sures quand  ils  ne  prenaient  pas  de  l'eau  au  puits  de  la 
basilique  '. 

Au  moment  des  invasions  normandes,  le  corps  de 
saint  Martin  fut  emporté  jusqu'à  Auxerre  où  il  demeura 
jusqu'à  l'année  919;  on  célèbre  son  retour  le  12  mai.  La 
basilique,  incendiée  deux  fois  par  les  Normands  en  838 
et  853,  puis  par  Foulques  Nerra,  détruite  encore  en 
partie  en  1123  pendant  une  sédition,  n'olTrait  pas  un 
abri  assez  sur  pour  que  les  admirateurs  de  saint  Martin 
eussent  la  témérité  de  rétablir  les  premières  décorations. 
Toute  cette  période  fut  un  temps  d'humiliation  pendant 
lequel  la  châsse  fut  sans  doute  cachée  sous  la  petite 
vodte  contemporaine  de  saint  Perpet.  La  foule  ne  cessait 
cependant  de  se  presser  dans  la  basilique,  à  tel  point 
que,  pour  la  recevoir,  on  avait  imaginé  des  dégagements 
qui  laissent  supposer  l'existence  d'un  couloir  ou  d'un 
déambulatoire  dans  la  construction  du  x*  siècle.  L'auteur 
du  sermon  sur  la  combustion  de  saint  Martin,  vers 
997,  se  plaint  des  désordres  qui  se  produisaient  dans 
les  moments  d'affluence  autour  du  tombeau,  à  cause  du 
défaut  de  largeur  du  déambulatoire  ^.  La  foule,  dit-il, 
renverse  les  balustrades  du  podium  du  cbœur  et  les 
petites  portes  qui  y  donnent  accès. 

L'histoire  triomphale  du  tombeau  ne  recommence 
qu'avec  la  construction  du  xii"  siècle,  époque  où  les 
chapelles  rayonnantes  autour  du  chevet  se  desservent 
par  un  déambulatoire  très  large  où  les  foules  peuvent 
circuler  à  l'aise  ^.  Alors,  la  liturgie  des  sépultures  se 

I.  a  Qnln  etltm  In  patemn  qni  templo  olansua  In  ipso,  |  Fonte  salntl- 
leru  eractat  ooncaTus  nndu  n  {Paullnns  Petrac.,  D«  vita  S.  Martini, 
VI,  56^7). 

S.  Bibliotheea  Cltmiaceniis. 

3.  Voir  Dsnf  plana  publiés  par  M.  Ralel,  dans  u  bnxdtare  Ltt  Batili- 
quei  lie  saint  Martin  à  Tow*.  BnuellM,  A.  Vromant,  1880, 1  br.  in-B*. 


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modifie  complètement;  l'autel  du  tombeau  passe  de  la 
tête  aux  pieds,  pour  s'accommoder  aux  traDsformations 
de  l'architecture.  C'est  pourquoi  les  plans  nous  repré- 
sentent un  autel  dédié  à  saint  Etienne  entre  les  deux 
colonnes  du  fond,  sur  la  courbe  de  l'ancien  chevet  circu- 
laire pleiu  '.  Un  ciborium  nouveau,  avec  sa  coupole  et  ses 
colonnes,  remplaça  l'ancien  et  demeura  en  place  jusqu'aux 
jours  néfastes  où  les  protestants  de  Touraine,  non  moins 
enragés  destructeurs  que  ceux  des  autres  diocèses, 
essayèrent  d'anéantir  le  culte  séculaire  du  thaumaturge 
des  Gaules  en  se  ruant  sur  tous  les  trésors  de  la  véné- 
rable basilique.  Les  témoins  nous  racontent  que  les  reli- 
ques de  saint  Martin  ne  furent  pas  plus  respectées  que 
les  autres  et  qu'elles  passèrent  par  le  feu  allumé  par  leur 
rage.  En  relevant  les  ruines,  les  chanoines  espéraient 
conserver,  tout  au  moins  pendant  longtemps,  quelques 
débris  mêlés  à  des  cendres,  mais  cette  légère  consolation 
elle-même  leur  échappa.  La  Révolution  de  1793  renversa 
de  nouveau  le  tombeau  comme  un  élément  dangereux 
de  réaction,  dispersa  le  chapitre  de  la  Collégiale  et  dé- 
molit l'abside.  Le  reste  tomba  par  terre  en  l'année  1802 
et,  sans  les  deux  tours  qui  sont  demeurées  debout,  la 
ville  de  Tours  aurait  peut-être  perdu  le  souvenir  de  la 
basilique  à  laquelle  elle  devait  les  plus  belles  pages  de 
son  histoire. 

LÉON  Maître. 

i.  Dans  DDo  Terriers  Aa  ini*  siècle  et  dsos  lea  registre*  OBpItul&irM 
de  ISfil,  on  représente  le  Uimbeau  snr  des  arcades. 


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AMPOULE  DE  SAINT  MENNAS 


Le  musée  archéologique  de  Laval  possède  un  curieux 
objet  qu'on  nous  prie  d'identifier.  Nous  le  faisons 
d'autant  plus  volontiers  que  cet  objet,  sans  dtre  excep- 
tionnel, ne  se  rencontre  pas  très  fréquemment. 

Il  s'agit  d'une  fiole  ou  ampoule  en  terre  cuite  de  foi-me 
ronde,  aplatie,  munie  de  deux  anses  qui  se  rattachent  au 
goulot.  Elle  mesure  0",093  de  hauteur  et  0'",06  de 
largeur. 

C'est  une  ampoule  de  saint  Mennas,  illustre  martyr, 
qui  succomba  en  Egypte  vers  la  fin  du  m*  siècle, 
pendant  la  persécution  de  Dioctétien ,  et  dont  le  corps  fut 
enterré  dans  une  église  près  d'Alexandrie.  Avant  de 
décrire  cet  objet  et  de  justifier  notre  appellation,  il  sera 
bon  de  rappeler  un  usage  des  premiers  siècles  du  chris- 
tianisme. 

Dès  le  iv'  siècle,  nous  apprend  Martigny  ',  l'usage 
s'était  établi  de  transporter  de  Jérusalem,  pour  la  satis- 
faction de  la  piété  des  fidèles,  de  l'huile  bénite  qui 
brûlait  jour  et  nuit  dans  les  lieux  saints.  Il  en  fut  de 
même  de  l'huile  ^  des  lampes  des  tombeaux  des  apâtres 
et  des  martyrs.  Les  papes  en  distribuaient  aux  fidèles, 
pour  suppléer  aux  reliques  des  martyrs  eux-mêmes,  que, 
dans  ces  siècles  de  foi,  on  ne  livrait  qu'avec  une  extrême 
parcimonie. 

Saint  Grégoire  de  Tours  relate  plusieurs  guérisons 


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^t: 


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—  171  — 

opérées  par  la  TénératioD  de  l'huile  prise  au  tombeau  de 
saint  Martin. 

Le  pape  et  les  évéques  envoyaient  ces  huiles  aux 
églises,  aux  souverains  et  aux  personnes  de  distinction. 
Elles  étaient  renfermées  dans  des  fioles  ou  ampoules  de 
métal,  comme  les  célèbres  ampoules  en  plomb  du  trésor 
de  Monza,  ou  dans  des  flacons  de  verre  ou  de  terre  cuite. 
C'est  à  cette  classe  qu'appartient  le  petit  vase  du  musée 
de  Laval.  Nous  l'avons  appelé  ampoule  de  saint  Mennas, 
parce  qu'il  était  destiné  à  contenir  de  l'huile  du  saint 
martyr  dont  le  culte  et  les  ampoules  furent,  autrefois, 
très  répandus  dans  toutes  les  contrées  d'Orient  et  même 
d'Occident. 

L'ampoule  du  musée  de  Laval,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit,  est  en  terre  cuite,  de  couleur  rougeâtre,  d'une 
cuisson  assez  imparfaite.  Elle  a  été  trouvée  à  Vienne 
(Isère).  Nous  croyons  que  cet  intéressant  petit  objet 
remonte  à  ta  fin  du  vi"  ou  au  commencement  du  vu"  siècle. 
Les  anses  en  rendaient  le  maniement  plus  facile  et  au 
besoin  permettaient  d'attacher  l'ampoule  suspendue  au 
cou  pour  la  rapporter. 

Sur  chaque  face  est  un  médaillon  inscrit  dans  un 
cercle.  Le  dessin  est  assez  fruste  et  incorrect.  Au  centre 
du  médaillon  est  représenté  saint  Mennas,  les  bras  éten- 
dus, dans  l'attitude  des  crantes  des  catacombes.  II  est 
vêtu  d'une  tunique  courte,  serrée  autour  des  reins  et 
descendant  à  peu  près  à  la  hauteur  des  genoux.  Par 
dessus  est  jeté  lepalliuni,  dont  on  voit  les  plis  à  droite 
et  à  gauche  du  personnage. 

De  chaque  côté  de  la  tête,  on  aperçoit  une  petite  croix 
grecque.  Au  dessous  des  bras  sont  deux  animaux  assez 
difficiles  à  reconnaître.  Cependant,  en  comparant  à  un 
dessin  donné  par  Martigny  dans  son  Dictionnaire  des 
Antiquités  chrétiennes  ',  nous  croyons  reconnaître  le 
chameau.  Il  est,  en  effet,  donné  comme  attribut  à  saint 

1.  Of.  di.,  p.  346. 


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—  172  — 

Mennas,  perce  qu'il  vécut  au  désert.  L'animal  estdiBposé 
la  tête  en  bas,  les  jambes  repliées  sous  le  poitrail.  Une 
courbe  pronoucée  indique  sa  bosse.  L'animal  placé  à 
gauche  du  saint  est  à  peu  près  reconnaissable  ;  l'autre 
est  très  mal  venu,  le  cou  est  trop  allongé  ;  néanmoins  il 
s'agit  encore,  croyons-nous,  d'un  chameau. 

«  Le  musée  royal  d'antiquités  de  Bruxelles,  nous  dit 
Reuseus  ^,  possède  deux  de  ces  petites  ampoules.  Sur  la 
face  de  la  première,  on  lit,  autour  d'une  croix  pattée, 
l'inscription  TOT  AFIOr  MHNA,  qui  peut  se  traduire 
en  suppléant  le  mot  ETAOFIA,  par  Eulogie  ou  objet 
sanctifié  de  saint  Mennas.  Le  revers  de  cette  fiole  et 
les  deux  faces  de  la  seconde  sont  ornés  de  l'image  de 
saint  Mennas  avec  les  accessoires  que  nous  avons  indi- 
qués ci-dessus  ». 

Martigny  ^  a  relevé  la  même  inscription  complète,  avec 
le  mot  ETAOriA  sur  une  ampoule  trouvée  à  Arles. 

Le  même  auteur  reproduit  une  ampoule  trouvée  près 
d'Alexandrie,  probablement  sur  l'emplacement  même  du 
sanctuaire  de  saint  Mennas.  Le  personnage  a  pour 
attributs  les  deux  chameaux  assez  nettement  dessinés. 
Une  inscription  occupe  la  place  des  deux  croix  ordi- 
naires. D'un  côté  on  lit  :  O  AFIOC  «t  de  l'autre 
MHNAC. 

Il  nous  a  paru  intéressant  de  rapprocher  ces  divers 
exemples  de  l'ampoule  conservée  au  musée  de  Laval.  Ile 
aident  à  identifier  l'objet  et  nous  en  font  mieux  apprécier 
la  valeur. 

L.  Mahsaux, 
vicaire  g4nénd  ds  Bsnnnii. 

1.  Court  d'archéologie  chrétienne,  1. 1,  p.  SU. 
S.  Op.  cit. 


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ANCIENS  QUARTIERS  DE  LAVAL 


La  charte  dont  nous  publions  le  texte  ci-dessouB  n'a 
pas  une  grande  importance  par  elle-mâme.  Mais  comme 
les  instruments  diplomatiques  relatifs  aux  institutions 
primitives  de  Laval  ont  disparu  pour  diverses  causes, 
il  est  juste  de  recueillir  avec  un  soin  pour  ainsi  dire 
pieux  même  les  plus  petits  de  ces  actes  authentiques 
qui  nous  apportent  quelque  témoignage  dU  passé  et  per- 
mettent de  compléter  le  peu  que  nous  savons  de  ces 
institutions  abolies.  C'est  à  ce  titre  que  nous  donnons 
asile  dans  le  Bulletin  à  celui-ci,  dont  le  joli  original,  privé 
de  sceau  malheureusement,  appartient  à  notre  obligeant 
collègue  M.  Louis  Garnier.  Des  individus  pour  qui  il  fut 
écrit  nous  ne  connaissons  rien.  Il  nous  est  même  difficile 
d'identifier  ce  lieu  de  Biana  dont  ils  tiraient  leur  nom 
et,  sans  vouloir  prêter  au  rapprochement  de  ces  deux 
mots  plus  d'autorité  qu'il  ne  convient,  nous  nous  con- 
tenterons de  signaler,  à  Laval  même,  la  ferme  de  la 
Biennerie  qui  pourrait  avoir  quelque  relation  d'origine 
avec  le  chanoine  du  Bourg-Chevreau  dont  il  est  ici 
question. 

C'est  par  les  immeubles  qui  y  sont  mentionnés  que 
cette  charte  nous  intéresse  vraiment,  car  on  y  trouve 
l'indication  de  ce  hameau  de  Laval,  la  Houillère,  dépen- 
dant autrefois  de  Grenoux,  alors  simple  maison  de  cul- 
ture sise  dans  le  fief  du  seigneur  de  Saint-Berthevin 
et  dans  celui  de  Thibault  du  Châtellier,  dans  le  voisinage 
de  cette  Biennerie  que  nous  citions  à  l'instant  ;  l'indica- 
tion aussi  d'une  maison  qui  appartenait  à  une  famille 


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—  174  — 

lavalloise  aasez  florissante  puisque  plusieurs  de  ses 
membres  furent  témoins  d'actes  passés  par  les  seigneurs 
du  pays,  la  famille  de  Fougères. 

Mais  c'est  peut-être  pour  les  deux  ou  trois  mentions 
topographiquea  du  vieux  Laval  que  cette  charte  mérite 
qu'on  y  prête  attention  :  le  bourg  Chevreau,  dont  la 
dénomination  est  bien  ancienne  et  qu'il  faudrait  rappro- 
cher d'autres  semblables  pour  savoir  peut-être  tout  ce 
qu'elle  renferme  d'historique  avec  ce  gué  qui  permettait 
le  passage  d'une  rive  à  l'autre  de  la  Mayenne  ;  cette  rue 
du  Val-de-Mayenne,  qui  semble,  aujourd'hui,  si  triste  et 
8!  humide,  malgré  des  dégagements  considérables,  et 
où  jadis  poussait  la  vigne,  soit  en  lignes,  soit  en  voliers 
près  des  cuves  qui  attendaient  l'époque  joyeuse  des 
vendanges. 

C'est  à  ceux  qui  s'occupent  spécialement  de  ces 
études  de  tirer  de  ce  texte  tous  les  enseignements  qu'il 
comporte  :  notre  rAle  à  nous  se  borne  à  les  leur  indiquer. 

E.  Laubaih. 


1241,  G  août.  —  Donation  par  Mathieu  de  BJana,  cha- 
noine du  Bourg-Cheprean  de  Laval,  A  Guillaume  de  Biana, 
clerc,  son  neveu,  de  la  Houillère,  en  Grenoux,  et  de  plu- 
sieurs autres  immeubles  sis  à  Laval  [D'après  un  vidinius 
de  Guillaume,  doyen  de  Laval,  donné  le  11  septembre  1243). 

Universis  présentes  litteras  inspectims  olficialis  Cenoma- 
nensis  salutem  in  Domino.  Noveritis  nos  taies  litleraeaigillo 
G[uillelmi],  decani  de  Lavalle,  sigillalas  sub  bac  forma,  die 
Veneris  post  nalivitalem  béate  Marie  virginis,  anno  Domini 
M"  CC°  XI.'  tercio,  diligenter  inapexisse, 

Universis  présentes  litteras  inspectuHs,  G[uîllelmus], 
decanus  de  Lavale  Guidonis,  salulem  in  Domino.  Noveritis 
quod  in  nostra  presencia  constitutus  Malheua  de  Biana, 
canonicus  béate  Marie  de  Burguo  Chevrel,  dédit  et  conces- 
sit  Guillelmo  de  Biana,  clerico,  nepoti  suo,  impuram  et 
perpectuam  elemosynam  ad  omnem  voluntatem  suam 
faciendam  ortolariam  suam  dictam  la  Raoulière  sitam  impar- 
rochia  de  Grenor  cum  omnibus  pertinenciis  suis  in  feodo 
domini  de  Sancto  Bertivino  «t  in  faodo  Theobaldi  de  Cha- 


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—  175  — 

tellerio  et  domum  suam  sitam  m  bur^o  Chevrel  in  (eoào 
domini  de  Lav[a]lle  Guidonis,  cum  omnibus  pertinenciis 
suie,  et  domum  suam  dictam  novam  cum  omnibus  pertinen- 
ciis suis,  et  domum  suam  que  fuit  defuncti  Radulphi  de 
Fulgerits  et  ejus  uxoris  cum  omnibus  perlioenciis  suis,  et 
domum  suam  ubi  consuevit  ponere  cuvas  suas  cum  omnibus 
pertinenciis  suis,  sitas  in  vico  de  valle  Meduane,  in  feodo 
domini  de  Lav[a]lle  Guidonis,  et  très  pellios  suos  cum  omni- 
bus pertinenciis  suis  sitos  in  feodo  domini  de  Lav[a]lle  Gui- 
donis et  in  feodo  Vivîani  de  Quivai,  et  quicquid  juris  habe- 
bat  et  babere  poterat  in  domo  sua  ubi  babebat  propriam 
niansionem  et  in  omnibus  pertinenciis  suis  et  in  quibusdam 
voleriis  silis  ante  domum  proximo  nominatam  in  feodo 
domini  de  Lavalle  Guidonis,  et  in  quadam  vinea  sita  prope 
vadumburgi  Chevrel,  in  feodo  domini  de  Lavalle  Guidonis.  et 
omnes  conquestas  suas  ubiconque  sint,  et  omnia  tam  mobilia 
quam  inmobiiia  sua  eL  omnia  que  ei  de  jure  dare  poterat 
et  debebat  post  decessum  dicti  Mathei  quiète  et  pacifice 
imperpectuum  posidenda,  et  insuper  coram  nobis  constitutua 
diclus  Matheus  misit  in  corporalem  posaessionem  tocius 
proprietatis  omnium  rerum  supra  dictaram  clericum  memo- 
ratum,  ita  tamen  quod  diclus  Matlieus  in  rébus  supra  dictis 
uicliîl  Juris  sibi  retinuit  nec  retinere  voluit  nisi  tantummodo 
usumfructum  vita  comité  detinendum  et  post  mortem  ipsius 
ad  dictum  clericum  deventurum.  Et  ut  hoc  ratum  el  stabile 
imperpectuum  perseveret,  nos  ad  petitionem  partium  pré- 
sentes litterae  sigilli  nosiri  munimine  dignum  duximus 
roborandas  in  vcritalis  testimonium  el  munimen.  Actum 
die  martis  poat  inventionem  sancli  Slepbani  anno  Domini 
M*  CC'  XL"  primo. 


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LETTRES 


MICHEL-RENÉ  MAUPETIT 

Député 

A  l'assemblée  nationale  constituante 

1789-1791. 

(Suite). 


Paris,  14  janvier. 

Je  ne  vous  écrirai  pas  longuement  ce  Boir,  mon  ami  ; 
je  suis  fatigué  et  très  échaulîé  ;  je  ne  veillerai  pas. 

Nous  n'avons  point  commencé  l'ordre  judiciaire.  H 
fallait  pour  présenter  à  la  Banction  le  décret  sur  les 
asBemblées  électives  et  d'administration  sur  la  quotité 
des  nouveaux  départemens,  dès  lors  régler  quelques 
contestations  qui  n'avaient  pu  être  concertées.  On  a  ter- 
miné ce  matin  par  le  décret  général  qui  fixe  à  quatre- 
vingt-trois  les  départemens  nouveaux. 

M.  Necker  est  attaqué  d'une  colique  hépatique,  suite 
d'une  obstruction  au  foie  dont  une  de  ses  sœurs  est 
morte  depuis  que  l'Assemblée  est  commencée.  On  craint 
bien  qu'il  n'y  succombe.  Ce  serait  une  perte  irréparable, 


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—  177  — 

dans  ce  moment  surtout,  pour  la  confiance  publique 
encore  nécessaire,  quelques  mois  avant  que  l'argent 
reprenne  son  cours. 

J'attendais  une  lettre  de  vous  ce  soir  et  peut-être 
est-elle  arrivée,  mais  le  portier  de  notre  hôtel  n'a  pu 
retirer  nos  lettres  faute  d'argent.  DilTérens  mécontente- 
mens  de  ce  genre  nous  obligent  de  déménager  d'ici.  Nous 
allons  nous  camper  près  de  la  salle,  à  meilleur  compte  et 
plus  décemment.  Je  vous  dirai  peut-être  avant  de  fermer 
ma  lettre  où  nous  adresser  vos  lettres  dorénavant. 

Notre  contestation  entre  Mayenne  et  Laval  n'a  point 
été  rapportée  ;  elle  est  remise  au  compte  à  rendre  de  la 
division  des  départemens. 

Du  17. 

Nous  allons  demeurer  rue  Saint-Honoré,  n"  420,  mai- 
son de  Mlles  Thureau.  Ne  vous  effrayez  pas  dn  nom  de 
demoiselles,  elles  sont  presque  triplement  majeures. 

Je  n'ai  point  reçu  de  lettre  de  vous  vendredy,  mais 
bien  une  du  comité  qui  me  fut  remise  comme  j'allais  me 
mettre  au  lit.  Je  m'attendais  à  l'explosion.  Elle  m'a 
moins  surpris.  Mais  je  relléchissais  sur  les  moyens  que 
MM.  du  comité  pussent  sçavoir  si  nous  avions  été 
les  maîtres  d'opérer  d'une  autre  manière.  Je  hésitai 
entre  demander,  ou  une  députation,  ou  une  adresse.  Je 
redoutais  l'effet  de  la  députation  si  elle  ne  réussissait 
pas.  J'étais  dans  cette  perplexité  samedy  et  ce  matin, 
lorsqu'à  8  heures  1/2  je  vais  ouvrir  et  c'est  Moulin  ' 
qui  m'apparalt.  Ce  fut  pour  moi  une  salutation  angé- 
lique  et  je  le  saluai  député  extraordinaire.  Il  me  con- 
firma la  nouvelle,  ce  qui  me  tit  un  vrai  soulagement  dont 
j'aurais  joui  bien  entièrement,  sans  qu'il  m'annonça  que 
le  pauvre  M.  de  Champorin  ^  n'était  arrivé  que  pour 

1.  Zuharie-Thomaa  Houllln,  procureur  flical  à  la  barre  ducale  de 
Uajenoe,  nommé  l'aanéB  lulTBate  préaldeat  du  tribunal  orlminal  de 
députement. 

t.  Lefebvre  de  Cbamporlu,  lieutenant  criminel  et  maire  de  Hajenne, 
frère  dn  onré  de  Noire-Dame,  Letebrre  de  CbeTerua. 

12 


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—  178  — 

apprendre  la  mort  de  sa  fîUe,  Mad.  Fria,  qui  a  expiré 
hier  à  la  suite  d'une  fièvre  lente.  Ces  malheurs  semblent 
être  réservés  pour  lui.  Je  l'ai  vu  aussitôt  et  je  l'ai  trouvé, 
comme  vous  le  pensez  bien,  dans  la  plus  grande  alTIic- 
tion.  C'est  un  coup  affreux. 

Je  désire  bien  que  ces  Messieurs  puissent  faire 
changer  la  distribution  du  département.  Nous  étions 
bien  d'accord,  entre  les  députés  de  Laval  et  nous, 
du  ridicule  de  mettre  des  districts  à  Évron  ou  Sainte- 
Suzanne,  Lassay  et  Villaines,  surtout  Yillaines,  mais 
pouvions- nous  nous  élever  contre  le  comité  qui, 
nanti  des  requêtes  adressées  à  l'assemblée  par  ces 
différentes  villes,  les  a  assurées  qu'elles  devaient  pré- 
tendre à  des  districts.  Les  petits  endroits  avoient  pour 
soutien  M.  de  Volney.  Ah  !  me  dites-vous,  pourquoi 
avoir  consenti  à  la  réunion  de  l'Anjou?  Il  fallait  faire 
deux  départemens  de  270  lieues.  D'abord,  le  Maine  ne 
contient  que  525.  Prenez  une  carte,  je  vous  prie,  et 
t&chez  d'arranger  deux  départemens  dans  le  Maine  par 
égalité,  et  voyez  ensuite  que  l'Anjou  faisait  un  dépar- 
tement de  515  lieues,  le  double  des  deux  nAtres.  Je  le 
répète,  mon  ami,  je  désire  bien  que  ces  Messieurs 
trouvent  moyen  de  faire  changer.  Rien  n'est  arrêté. 
Ainsi  ils  sont  à  même  de  faire  recommencer  l'opération 
et  Us  verront  si,  au  milieu  de  tous  les  intérêts  divers  qui 
nous  pressent,  au  milieu  des  principes  d'égalité  que 
chacun  réclame  et  peut  réclamer,  on  disposera  les 
choses  aussi  facilement  qu'on  le  fait  à  Mayenne  sans 
contradicteur.  Nous  nous  sommes  assemblés  trente  fois 
pour  disputer  le  terrain  pied  à  pied.  Je  sens  bien  que 
Mayenne  seul  y  perdra,  si  les  justices  suivent  néces- 
sairement le  district.  Mais  que  nous  a-t-on  opposé?  II 
n'est  pas  question  de  justice,  mais  d'administration  ;  on 
ne  sait  pas  ce  qui  sera  décrété  pour  les  justices  et  en 
attendant  on  ne  doit  pas  s'en  aller  des  paroisses  à  la 
recette,  à  l'imposition,  aux  renseignements  à  huit,  dix 
lieues  :  chacun  paye,  chacun  doit  avoir  son  administra- 


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-  179- 

tioQ  à  sa  porte.  Si  je  vous  disois  que  la  ville  d'Evron  a 
présente  des  délibérations  de  trente  paroisses  qui 
demandent  d'aller  dans  cette  ville,  qu'il  y  en  a  une  de 
la  pai-ois9e  de  Gommer.  Vous  êtes  le  premier  k  m'ap- 
prendre  que  Chàteaugontier  et  Craon  ne  veulent  pas 
âtre  de  notre  département.  Samedy  encore  le  député  de 
Chàteaugontier  m'assurait  qu'on  étoit  fort  content  à 
Cbàteaugontier,  et  je  le  crois,  parce  que  leur  district  est 
très  bon,  du  meilleur  fond  du  département.  Je  parlerai 
au  comité  de  finances  du  retard  des  mandemens.  J'espé- 
rois  toujours  qu'ils  vous  arriveroient.  Les  lettres  patentes 
pour  la  convocation  des  municipalités  ne  font  que 
paroltre  icy. 

Adieu,  on  dit  M.  Necker  un  peu  mieux.  Le  Parlement 
de  Rennes  n'a  rien  dit.  M.  Target  est  enfin  nommé 
président. 

LXXVII 

Paris,  19  janvier. 

Je  vous  l'ai  dit,  mon  ami,  j'ai  vu  avec  un  vrai  plaisir 
l'arrivée  de  ces  Messieurs.  Que  sont-ils  venus  faire,  me 
demandez-vous  ?  Ils  verront  eux-mômes  l'état  des 
choses  et  ils  seront  à  portée  de  reconnoltre  qu'avec  les 
meilleures  intentions  il  est  un  argument  irrésistible, 
celui  de  la  majorité  :  il  faut  bien  s'y  soumettre  quand, 
après  avoir  tout  dit,  tout  discuté,  il  faut  enfin  en  finir  et 
avoir  une  solution.  Mais  cette  loi  de  la  majorité  ne  peut 
retenir  ces  Messieurs  de  demander  un  nouvel  examen 
de  la  division  en  sept  districts,  la  discuter,  en  proposer 
d'autres,  en  soutenir  les  avantages.  Sûrement  la  distri- 
bution en  sept  fournit  à  ces  Messieurs  des  moyens  de 
réclamer  et  ceux  que  nous  avons  déjà  mis  en  usage  et 
d'autres  qu'ils  pourront  apercevoir. 

On  ne  va  pas  prendre  encore  l'ordre  judiciaire.  Le 
comité  croit  nécessaire  qu'avant  tous  les  départemens 
soient  organisés,  au  moins  toutes  les  discussions  sur 


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—  180  — 

leur  formation  arrêtées.  Je  vois  dans  cette  marche  la 
conviction  où  est  le  comité  qu'il  devient  impossible  de 
donner  des  justices  à  tous  les  districts  ;  cette  conviction 
d'ailleurs  est  celte  de  tout  ce  que  je  vois  de  membres  de 
l'Assemblée,  qui  reconnaissent  l'impossibilité  de  multi- 
plier ces  justices,  les  frais  considérables  qu'elles  entraî- 
neront, en  sorte  que  je  suis  très  convaincu  que  les 
districts  ne  seront  pas  tous  pourvus  de  justices,  qu'on  ne 
choisira  que  les  lieux  les  plus  considérables  pour  y  en 
établir  et  je  suis  loin  de  partager  l'inquiétude  de  nos 
concitoyens.  Mais  il  est  dilTicile  de  guérir  de  la  peur.  Le 
tems  seul  pourra  prouver  qu'il  n'y  avait  pas  tant  à 
s'alarmer.  Mais,  dès  qu'on  était  inquiet,  il  vallait  mieux 
prendre  toutes  les  précautions  possibles  pour  n'avoir 
rien  à  se  reprocher.  Adieu  et  bonsoir. 

LXXVlll 

Paris,  27  janvier  '. 

Voici,  mon  ami,  les  journaux  dont  j'étais  en  retard. 

Je  n'avais  pu  rejoindre  tundy  quelques  membres  du 
comité  des  finances  pour  vous  répondre.  J'ai  parlé  à 
plusieurs  d'entre  eux  de  l'instruction  de  la  commission 
intermédiaire  qu'ils  m'ont  dit  être  conforme  à  celle 
envoyée  dans  toutes  les  commissions.  Ils  n'ont  pu  s'em- 
pêcher de  convenir  que  les  changements  qui  s'y  trouvent 
des  premiers  décrets  rendus  sur  le  rapport  du  comité 
viennent  des  décrets  subséquents  sollicités  par  la  Cham- 
pagne qu'on  a  étendus  à  tout  le  royaume.  A  la  vérité  on 
y  avait  mis  que  ce  décret  de  la  Champagne  n'aurait 
lieu  que  dans  les  provinces  où  les  départemens  étaient 
à  faire.  Mais  on  a  cru  pouvoir  le  faire  général.  Cette 
incertitude  dans  les  décrets  est  donc  la  première  source 
du  mal.  Elle  est  inévitable  avec  l'extrême  variété  du 
mode  de  répartition.    Le    gouvernement  faisait  pour 

1.  Encore  uoe  Iftcane  du  19  «u  17  Janvlsr. 


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—  181  — 

chaque  province  une  loi  particulière  ;  nous  avons  désiré 
avec  raison  généraliser  les  perceptions,  mais  avant  il 
fallait  rendre  unes  les  impositions.  Ce  n'était  pas  pos- 
sible pour  1790,  La  Champagne,  après  le  décret  passé, 
vient  réclamer  une  loi  particulière,  juste  au  fond.  Elle 
se  prétend  en  état  d'ôter  des  paroisses  où  il  ne  se  trouve 
aucun  taillable  propriétaire,  ce  qui  avait  pu  être  aug- 
menté sur  ces  paroisses  à  raison  des  propriétés.  D'antres 
demandent  la  même  chose  et,  sur  une  demande  particu- 
lière, dans  une  séance  du  soir,  on  fait  rendre  un  décret 
général  pesé  et  présenté  par  ceux  qui  sçavent  la  marche 
des  impositions.  Telle  est,  mon  ami,  la  cause  du  change- 
ment qui  s'est  opéré  depuis  le  département  jusques 
à  l'envoi  des  mandements.  Je  sens  qu'il  sera  bien  difficile 
de  se  tirer  de  cette  imposition,  mais  il  faudra  faire 
comme  on  pourra,  diriger  le  mieux  possible  les  munici- 
palités, les  presser.  Pour  des  gens  neufs  en  administra- 
tion, cela  va  être  une  opération  très  difficile  à  faire. 
Éclairez-les,  encouragés-les  et  qu'on  tâche  d'en  sortir, 
car,  demander  aujourd'hui  de  nouveaux  décrets,  ce  ne 
sera  qu'augmenter  la  confusion  et  retarder  les  opéra- 
ttions,  ce  dont  bien  des  gens  seraient  fort  aises  et  pro- 
bablement la  commission  intermédiaire  même. 

Au  fond,  ce  mode  d'imposition  ne  sera  que  pour  1790. 
On  est  occupé  en  ce  moment  d'un  plan  uniforme  d'impo- 
sitions. Si  donc  il  se  trouve  des  erreurs,  comme  elles  ne 
tireront  pas  à  conséquence  pour  l'avenir,  il  n'en  résultera 
qu'un  mal  momentané.  Dans  le  cas  de  taxes  trop  fortes, 
les  départemens  qui  vont  être  organisés  pourront  les 
faire  rectifier. 

Je  Bçais  que  la  fixation  à  2  deniers  n'est  pas  juste, 
mais  peut-être  par  ce  taux  faible  a-t-on  voulu  prévenir 
les  taxes  un  peu  fortes  que  dans  beaucoup  de  paroisses 
on  s'empresserait  de  mettre  sur  les  anciens  privilèges 
et  sur  les  anciens  taillables  propriétaires,  qui  n'ont  pas 
jusque  là  contribué  aux  charges  des  paroisses  à  raison 
de  leurs  revenus  fonciers.  La  plus  grande  injustice  retom- 


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~  182  — 

bera  sur  les  villes,  puisqu'elles  eeultis  demeureront 
chargées  des  taux  qui  se  mettaient  pour  les  propriétés  et 
que  tel  propriétaire  résidantenvilleva  être  imposé,  dans 
cette  ville,  pour  ses  revenus  et,  dans  la  paroisse  de  ses 
biens,  pour  ses  propriétés.  Mais  d'un  autre  côté  le  plus 
grand  nombre  des  privilégiés  résidant  dans  les  villes  les 
aideront  à  supporter  le  fardeau. 

Ainsi,  mon  ami,  d'après  l'avis  de  plusieurs  membres 
du  comité  des  finances,  il  faut  tâcher  de  se  tirer  comme 
on  pourra,  de  faire  une  répartition  quelconque,  la  faire 
néanmoins  le  plus  promptement,  afin  de  finir  et  de  ne  pas 
trop  enrayer  la  machine,  f^a  commission  du  Mans  parait 
s'être  conformée  aux  instructions  du  contrôleur  général 
et,  par  les  lettres  pareilles  k  la  leur  renvoyées  ici  ànom- 
bre  de  députés,  c'est  presque  partout  la  même  marche. 
Revenir  sur  tous  ces  objets  ce  serait  augmenter  le 
trouble.  J'ai  toujours  vu,  tant  que  les  impositions  ne 
seraient  pas  changées,  l'impossibilité  de  décrets  uni- 
formes et  sages.  En  matière  d'impositions,  chacun  veut 
ramener  le  royaume  à  sa  province.  Si  une  province  pré- 
sente et  fait  sanctionner  un  mode  particulier,  d'autres 
provinces  veulent  y  participer,  inde  mali  labes  ;  il  n'y 
aura  de  remède  que  dans  un  plan  uniforme  d'impo- 
sitions. 

Nous  avons  eu  hier  une  assemblée  de  département 
pouriadiffîculté  qui  a  occasionné  la  députation.  M.  Moulin 
a  plaidé  de  son  mieux  la  cause  de  la  ville  de  Ma^'enne.  Il 
a  dit  tout  ce  que  j'avais  déjà  employé  contre  Laval.  La 
conférence  est  continuée  à  ce  matin  onze  heures,  trop 
tard  pour  pouvoir  vous  annoncer  son  issue,  mais  je 
présume  qu'il  faudra  finir  par  recommencer  devant  le 
comité,  parce  qu'entre  nous  nous  ne  pouvons  rien 
arrêter. 

J'ai  demandé  l'arrêt  du  Conseil  du  11  décembre  1789, 
on  me  l'a  promis  pour  ce  matin  et  je  tftcherai  de  le  join- 
dre à  ma  lettre. 


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—  183  — 

J'ai  appris  le  malheur  de  M .  de  la  Raitrie  ' .  Le  pauvre 
malheureux  qui  a  tant  désiré  la  place  de  lieutenant  dési- 
reroït  hien  aujourd'hui  n'avoir  jamais  été  chargé  d'une 
pareille  mission  ;  je  le  plains  sincèrement. 

LXXIX 

Paris,  28  janvier  1790. 

Je  reçois  votre  lettre,  mon  ami,  et  aussitAt  une 
réponse  finie  je  la  jette  au  feu.  Je  me  suis  trouvé  à 
même,  presque  après  l'avoir  reçue,  de  prier  Moulin  de 
ne  pas  remettre  la  dénonciation.  Je  lui  en  ai  donné  las 
motifs,  d'après  ta  certitude  que  j'ai  et  que  je  vous  ai 
rendue  que  la  commission  n'a  fait  que  suivre  les  ordres 
du  Ministre  d'après  ce  qui  a  été  arrêté  entre  lui  et  le 
comité  des  Douze  chargé  de  concerter  avec  lui  les 
détails  d'exécution.  Il  m'a  promis  de  ne  pas  envoyer  la 
lettre. 

Je  suis  fâché  de  ne  vous  avoir  pas  répondu  le  iundy, 
mais  ne  l'imputez  pas  à  négligence  ;  je  ne  suis  pas  pares- 
seux et  j'ai  beau  me  dispenser  de  toute  perte  de  tems,  je 
ne  puis  suflire  à  tout. 

Je  vois  avec  peine,  mon  ami,  la  division  que  fait  naître 
dans  la  ville  le  choix  de  la  municipalité.  J'en  crains  un 
choix  peu  réfléchi,  des  suites  de  haine  et  de  division,  au 
moment  où  il  faudrait  se  réunir  tous  pour  le  bien, 
pour  l'opérer,  pour  faire  taire  les  détracteurs  des 
nouvelles  opérations,  qui  n'ont  plus  que  cette  ressource 
pour  exciter  le  peuple  contre  les  fautes  des  adminis- 
trateurs, pour  les  armer  contre  ceux  même  qu'il  aura 
choisi. 

Je  vous  félicite  de  votre  modération.  Continuez  de 
l'exercer,  n'ayez  l'air  de  vous  prêter  à  aucun  des  propos 
contre  ceux  qu'on  veut  vous  mettre  en  opposition.  Je 

I.  Louis  Moulé  d«1a  Raltrle,  lieutenant  de  la  prévAlé  à  Ghftt«aa-Gon- 
tter,  chargé  de  l'exécatloQ  dei  quatre  prlsonnlera  arrStéi  i  la  roft«  du 
pill«C«  du  cbtteao  d'HautevlUe. 


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—  184  — 

pense  à  cet  égard  comme  vous,  j'aimerais  mieux  pour 
voua  une  place  dans  le  département.  Les  offices  munici- 
paux vont  avoir  les  opérations  les  plus  désagréables  dans 
l'assiette  des  impAts. 

Tous  les  hommes  ne  sçavent  point  se  rendre  justice,  se 
croyent  toujours  trop  taxés.  Contraires  à  eux-mêmes,  ils 
s'estiment  plus  riches,  plus  spirituels  que  leurs  voisins, 
mais,  en  fait  d'impositions,  ils  trouvent  toujours  qu'ils 
payent  trop  comparés  à  ces  mômes  voisins.  Les  opéra- 
tions de  district  et  de  département  embrassent  une  plus 
grande  masse  d'opérations,  n'excitent  pas  tes  mêmes 
sentiments  partiels  et  leur  spéculation  plus  vaste  pré- 
sente plus  de  ressources  aux  talens  et  aux  hommes  labo- 
rieux, plus  de  bien  à  faire,  plus  d'abus  à  réformer  en 
grand.  Comme  cependant  ce  ne  seront  pas  nos  goûts  qui 
décideront  du  choix,  si  on  est  nommé,  si  on  l'est  par  un 
choix  vraiment  libre  et  volontaire,  il  faut  accepter  quel- 
que place  que  nous  confère  ce  choix.  L'homme  de  talent 
se  contente  dans  ce  cas,  comme  ce  grec,  de  l'emploi 
qu'on  lui  destine  et  prouve  qu'il  n'est  pas  de  place 
publique  si  petite  qu'elle  soit,  où  le  talent  ne  puisse  être 
en  usage. 

J'attendrai  avec  impatience  le  courrier  qui  m'appor- 
tera le  résultat  du  scrutin  et,  si  il  est  avantageux,  cela 
pourra  me  redonner  un  peu  de  santé,  car  je  souffre  et  au 
physique  et  au  moral  depuis  bien  du  tems. 

Nous  avons  eu  deux  assemblées  de  départemens  dont 
Moulin  sans  doute  rendra  compte  au  comité.  Nos  préten- 
tions n'y  ont  pas  été  accueillies,  quoique  sûrement  ces 
Messieurs  aient  fait  tout  ce  qui  était  en  eux  pour  mériter 
à  Mayenne  et  le  chef-lieu  ou  l'alternement  et  la  division 
en  trois.  Sur  ce  dernier  point,  j'avais  inutilement  pré- 
venu Moulin  qu'il  ne  fallait  pas  y  insister,  parce  qu'il 
était  impossible  de  soutenir  une  division  qui  donnait  au 
district  de  Mayenne  seul  au  moins  cent  trente  ou  cent 
quarante  paroisses,  à  des  distances  trop  éloignées.  La 
seule  division  convenable  était  celle  en  six,  mais  elle  n'a 


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—  185  — 

paa  mieux  réussi.  Reste  à  voir  le  Comité  qui,  malheu- 
reusement, s'attache  presque  toujours  à  la  majorité  de 
l'avis  des  députés,  depuis  surtout  qu'ayant  voulu  voter 
contre  cette  majorité  pour  la  Bretagne  et  la  Normandie, 
ces  deux  provinces  ont  réclamé  la  priorité  pour  l'avis 
des  députés  et  l'ont  obtenue  contre  la  décision  des 
comités. 

Moulin  se  donne  tous  les  mouvemens  possibles  pour  le 
jug^ement  de  l'assemblée  et  en  prévenir  les  effets.  Je  fais 
ce  que  je  peux  de  mon  côté.  Mais  c'est  une  opération 
difficile  quand  il  y  a  tant  de  monde  à  édocumenler  et 
tant  de  gens  qui  sur  ces  matières  n'écoutent  que  l'avis 
du  comité  ou  de  la  majorité  des  députés  des  provinces. 
Je  ne  voyais  qu'un  moyen,  si  l'avis  du  comité  étoit  con- 
traire, de  demander  que  l'assemblée,  par  son  décret, 
réservât  à  Mayenne  la  préférence  des  établissements 
qu'elle  pourra  décréter.  Mais  Moulin  pense  que  ce  serait 
convenir  de  notre  acquiescement  et  il  espère  que  peut- 
être  il  pourra  le  faire  emporter  sur,  d'après  les  motifs 
qu'il  espère  exposer  en  définitif  et  au  moment  du  juge- 
ment par  une  requête  imprimée.  J'avais  évité  d'en  venir 
aux  voix  dans  le  département  où  je  voyais  la  majorité 
contraire  à  mes  demandes,  mais  on  a  insisté  dans  les 
deux  dernières  assemblées  à  ce  que  cette  forme,  en 
usage  dans  les  autres  départemens,  filt  suivie  et  on  a 
été  aux  voix  où  nous  n'avons  eu  pour  nous  que  nos  trois 
voix  de  Mayenne.  Malheureusement  nous  n'avons  pas 
de  députés  de  la  partie  au  delà  de  chez  nous,  vers  le 
Nord  et  l'Est,  et  tous  les  autres  députés  se  trouvent 
plus  à  proximité  de  Laval,  dès  lors  ont  voté  pour  Laval. 
C'était  Laval  qui,  en  accédant  à  la  demande  d'un  dis- 
trict à  Sainte-Suzanne,  avoit  donné  un  fort  moyen  aux 
députés  de  Lassay  pour  en  réclamer  un  septième.  Dès 
lors  les  premiers  engagements  ont  déterminé  le  second 
suffrage,  malgré  qu'évidemment  ces  deux  districts  de 
Lassay  et  de  Sainte-Suzanne  étoient  pris  sur  Mayenne 
et  sur  Laval  et  présentoient  une  distribution  ridicule. 


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—  186  ~ 

ruineuse  par  les  frais,  peu  convenable  par  la  difficulté 
de  réunir  le»  sujets  en  grand  nombre  nécessaires  pour 
chaque  district.  Ne  dites  rien,  je  vous  prie,  de  cecy 
d'après  moi.  Laissez  parler  les  lettres  de  Moulin.  J'ai 
fait  ce  que  j'ai  dû  pour  seconder  leurs  elTorts,  mais  je  n'ai 
pas  mieux  réussi  et  je  me  suis  Tait  éconduire  pour  la 
seconde  fois.  Adieu,  je  brûle  votre  lettre  dans  le  même 
moment. 

Ernêe  a  obtenu  au  département  la  paroisse  de  la 
Bigottière,  par  sa  plus  grande  proximité.  Quant  à  Brécé, 
il  nous  a  été  conservé.  On  a  représenté  un  acte  des 
habitants  de  la  Bigottière  qui  demandoient  leur  réunion 
à  Ernée  et  on  a  prétendu  qu'à  Mayenne  on  avoit  voulu 
les  gagner  en  les  faisant  boire  du  samedy  au  lundy. 
J'ai  cru  pouvoir  dénier  le  fait  et  au  surplus  laisser  la 
difficulté  au  choix  des  habitants  assemblés  pour  leur 
municipalité.  On  avoit  mandé  à  ces  Messieurs  le  refus 
de  Brécé.  Pour  Gorron,  il  est  compris  dans  le  district 
d'Ërnée. 

LXXX 

Paris,  1"  février  1790. 
Voici  deux  journaux.  Rien  de  nouveau  ici.  Voilà  deux 
jours  de  suite  que  nous  nous  assemblons,  les  deux  dépar- 
temens  du  Haut  et  Bas-Maine.  L'objet  premier  de  notre 
assemblée  était  d'abord  de  régler  la  demande  ridicule  du 
département  du  Haut-Maine  de  reprendre  sur  notre 
département  les  deux  plus  fortes  paroisses,  Auvers-le- 
llamon  et  Saint-Denis-d'Aiijou.  Telle  ridicule  que  fut 
leur  demande,  le  comité,  par  moyen  de  conciliation,  pro- 
posa de  céder  Auvers-le-Hamon  au  Haut-Maine  qui 
reccderoit  Saint-Denis-d'Orques.  Vous  n'imagineriez 
pas  que  l'opinion  de  ces  Messieurs  que  la  Chartreuse- 
du-Parc  est  un  bien  dont  ils  pourront  disposer  à  leur 
profit  leur  a  fait  préférer  en  défmitif  de  nous  laisser 
Auvers-le-Hamon,  paroisse  où  il  y  a  cent  métairies. 


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—  187  — 

depuis  6  jusques  à  1.800  livres  de  ferme,  plutost  que  de 
nous  céder  Sain t-Denis-d 'Orque»,  un  vrai  désert,  qui 
n'existe  que  par  les  Chartreux.  Enfin  nos  deux  confé- 
rences se  sont  terminées  à  rester  comme  nous  étions  et 
nous  avons  perdu  le  tems  que  nous  a  donné  le  comité, 
que  nous  aurions  mieux  employé  à  régler  dans  chaque 
conférence  notre  division  intérieure  en  districts  '.  Il  v« 
falloir  reprendre  d'autres  jours  pour  discuter  cetobjetet 
nous  ne  savons  maintenant  quand  nous  pourrons  jouir 
de  ces  Messieurs  du  comité. 

Ma  lettre  vous  trouvera  bien  prêt  à  vous  occuper  de 
vos  élections.  Recommandez,  mon  ami,  la  tranquillité  et 
la  paix  et  servez-vous  de  votre  intluence  pour  faire  un 
bon  choix.  C'est  le  plus  grand  service  à  rendre  à  notre 
ville  et  à  la  patrie. 

LXXXI 

Paris,  2  février. 
C'est  un  oubli,  mon  ami,  dans  ma  dernière,  si  je  ne 
vous  ai  pas  marqué  tenir  du  comité  ce  que  je  vous 
disais.  Il  était  toutefois  sensible  que  je  ne  pouvais 
savoir  que  de  cette  part  ce  que  je  vous  mandois.  Il  vient 
d'être  établi  un  nouveau  comité  d'impositions.  J'y  ai 
conduit  M.  Moulin  qui  y  a  remis  la  dénonciation  et 
l'adhésion.  Ainsi  ce  nouveau  comité  pourra  examiner  et 
reconnaître  les  articles  où  la  commission  aurait  excédé 
ses  pouvoirs,  et  ce  qui  avait  été  arrêté  par  le  comité 
des  Douze  chargé  de  concerter  avec  le  ministre  l'exécution 
des  décrets.  Tout  ce  que  je  puis  assurer,  c'est  que  je 
tiens  et  du  premier  comité  des  Douze  et  de  nombre  de 
députés  d'élection,  où  le  département  était  fait,  qu'il  en 
a  été  usé  de  même  qu'au  Mans  pour  l'article  des  anciens 
taillables  et  de  l'impôt  sur  leurs  propriétés,  même  dans 
les  provinces  où  le  département  était  fait.  C'est  contraire 


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aux  décrets,  mais  c'est  un  troisième  décret  pour  la  Bour- 
gogne. Ce  sont  les  demandes  de  nomhre  de  provinces 
qui  ont  donné  lieu  à  ce  changement  qui  toutefois  n'a  été 
fait,  comme  je  vous  le  répète  qu'après  l'attache  du 
comité  des  Douze  autorisé  par  l'assemblée  à  rectifier  ce 
que  l'exécution  présenterait  de  trop  diflîcultueux.  Il  faut 
remarquer  que  cette  imposition  n'est  que  momentanée  ; 
qu'il  fallait  bien,  pour  éviter  des  décrets  sans  cesse  con- 
tradictoires, donner  cette  marge  au  comité  des  Douze, 
ou,  sans  cela,  on  serait  encore  pendant  six  mois  à  faire 
rendre  autant  de  décrets  qu'il  y  a  de  provinces,  tant  il  y 
avait  de  diversité  dans  le  mode  de  répartition.  Cela 
mène  à  un  plan  indispensable  d'imposition  uniforme 
dont  va  s'occuper  le  nouveau  comité,  pris  toutefois  dans 
le  comité  de  finances. 

Nous  sortons  d'une  longue  conférence  où  a  été  plaidée 
notre  cause  devant  M.  Dupont  qui  sera  notre  rappor- 
teur. Le  rapport  sera  pour  jeudy  ou  vendredy. 
M.  Dupont  ne  s'est  pas  expliqué.  Il  a  paru  seulement 
qu'il  aurait  été  bien  aise  qu'on  se  fût  concilié  en  ne  pla- 
çant que  trois  justices  dans  le  département  et  dans  les 
trois  principales  villes.  C'est,  je  l'espère,  par  où  on  en 
finira  et  le  point  où  nous  réunissons  le  plus  de  suffrages, 
les  députés  de  Laval  et  de  ChAteaugontier  étant  de  cet 
avis.  Cependant  il  n'a  été  rien  arrêté  à  cet  égard. 
M.  Dupont  ne  s'est  pas  plus  expliqué.  M.  Moulin  a  pro- 
posé à  M.  Gournay  de  parler  à  l'assemblée.  Si  le  rap- 
port du  comité  nous  est  contraire,  M.  Gournay  s'en 
acquittera  mieux  que  moi.  A  lundyvous  pourrez  sçavoir 
le  jugement  à  moins  que  le  rapport  ne  fût  difTéré. 

On  assure  que  le  Roy  doit  venir  jeudy  ou  vendredy 
dans  la  salle  y  annoncer  qu'il  ratifie  tout  ce  qui  s'est  fait 
jusqu'ici,  y  démentir  les  bruits  d'arrières  pensées  con- 
traires, assurer  qu'il  se  réunit  de  cœur  et  d'intention  à 
l'Assemblée  pour  consolider  ta  Révolution,  engager  les 
députés  à  n'avoir  que  la  même  volonté  pour  opérer  le 
bien  et  faire  exécuter  ce  qui  s'est  fait  jusqu'ici  comme 


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moyen  d'y  parvenir.  Voilà  ce  qui  se  dit  depuis  deux 
jours  d'une  manière  plus  positive.  11  y  a  quinze  jours 
que  j'en  avais  entendu  quelques  bruits  vagues,  mais  ils 
paraissent  prendre  plus  de  consistance. 

Nous  avons  à  l'Assemblée  un  M.  Dupont,  de  vos 
parents,  quoique  député  de  Bigorre.  11  est  né  à  Dom- 
front,  est  allé  s'établir  dans  le  bas  des  Pyrénées.  Il  a  été 
député  par  la  ville  de  Tarbes,  Il  compte  faire  un  voyage 
à  Domfroat  avant  de  retourner  dans  ses  montagnes. 
C'est  un  fort  aimable  homme  et  un  bon  patriote. 

Les  troubles  de  Bretagne  sont  réels,  mais  il  parait 
que  d'après  les  efforts  de  la  municipalité  de  Rennes  on 
a  calmé  les  paysans  et  que  cela  n'aura  pas  de  suites  plus 
affreuses.  II  a  été  en  effet  brûlé  ou  jeté  des  matières 
combustibles  dans  deux  ou  trois  cbAteaux.  Des  commis- 
saires de  la  municipalité  de  Rennes  se  sont  transportés 
dans  les  lieux  où  cette  fermentation  gagnait  et  leurs 
soins  et  leurs  exhortations  paraissent  avoir  rétabli  le 
calme. 

Il  y  a  le  Journal  Général  de  France, rédigé  parVeibbé 
de  Fontenay  '  dont  on  dit  beaucoup  de  bien.  Il  est  un 
peu  attaché  à  l'EgHse.  Malgré  cela  on  le  trouve  juste  et 
impartial,  d'ailleurs  c'est  un  des  mieux  écrits.  II  ren- 
ferme d'ailleurs  d'autres  objets  utiles.  Si  vous  le  voulez, 
je  vous  y  abonnerai.  Je  n'ai  pu  voir  encore  MM.  de 
Saint-Fraimbault,  je  tâcherai  demain  d'être  de  bonne 
heure  chez  eux. 

Du  4,  mercredy. 
J'avais  fait  mon  paquet  et  j'eus  l'esprit  de  l'oublier  sur 
une  table  ;  quand  je  m'en  suis  aperçu,  il  était  trop  tard, 
il  m'a  fallu  remettre  à  aujourd'hui.  Les  journaux  que  je 
vous  adresse  ne  vous  offriront  guère  d'objets  intéres- 
sants. Ce  sont  des  rapports  sur  la  fixation  des  départe- 

1.  FoDlena;  (Louls-Abel  BonefoDt.  abbé  de),  ]é«nlte  et  homme  de 
lettrei,  né  i.  CasUliitiu  de  Brawac  (Tarn)  en  17(7,  mort  en  1806,  nn  dei 
principaux  rédactonn  dn  Journal  Général  de  Francs. 


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—  190  — 

mens  qu'on  veut  se  dépêcher  de  terminer.  C'est  en  effet 
la  base  de  rédiflce.  Au  nombre  des  réclamations  qui 
arrivent  de  toutes  parts  on  désire  porter  le  remède  d'un 
examen  impartial. 

Nous  avons  eu  la  séance  la  plus  orageuse  aujourd'hui. 
Vous  verrez  dans  le  journal  la  cause  dé  la  querelle. 

Je  reçois  vos  deux  lettres.  L'objet  de  la  seconde  con- 
cernant les  quatre  prisonniers  '  a  été  recommandé  quatre 
fois  depuis  dix  jours  à  M.  le  garde  des  Sceaux.  Je  lui  ai 
remis  un  premier  mémoire  le  jeudy  14.  Il  m'assura  qu'il 
écrirait.  Je  lui  fis  rappeler  l'affaire  par  le  comité  des  rap- 
ports qui  iui  écrivit  devant  moi  le  vendredy  l."».  Dimanche, 
la  Province  alla  en  députation  chez  lui  pour  l'aiTaire  de 
M.  de  Montesson  et  quatre-vingts  à  cent  décrets  lâchés 
contre  plusieurs  particuliers  qui  ont  été  menés  de  force. 
Je  profiterai  de  la  même  occasion  pour  le  prier,  aussitôt 
l'apport  des  charges  sur  l'incendie  des  chartriers,  de 
faire  surseoir  également  en  faveur  de  ceux  qui  ne  seraient 
coupables  que  de  séduction.  Enfin,  M.  de  Volney,  qui 
reçut  mardy,  de  Craon,  la  nouvelle  de  poursuites  et  de 
l'exécution  prochaine,  demanda  à  l'Assemblée  de  faire 
écrire  par  te  Président.  J'allai  l'assurer  que  cela  était 
fait  et  que  j'avais  aussi,  par  M.  de  la  Raitrie,  la  certi- 
tude que  l'exécution  ne  serait  pas  si  précipitée.  Cepen- 
dant je  lui  dis  qu'il  serait  toujours  bon  de  faire  un 
prompt  usage  de  la  lettre  du  Président  et  il  alla  sur  le 
champ  la  porter  à  M.  le  garde  des  Sceaux  qui  écrirait 
aussitAt  et  probablement  pour  la  deuxième  ou  la  troisième 
fois.  Ainsi  JM.  de  la  Raitrie  a  dû  recevoir  l'ordre  de  sur- 


1.  PouraulTls  à  raison  du  pillage  du  chAteau  d'HautevllIe. 

2.  Lm  princlpaui  aateurs  des  pillages  de  ehartriera  des  eafiroos  de 
Lassay,  transiérés  à  CbAteau-GonlIer  pour  y  Aire  jugés.  IDuehemln  et 
Triger,  Les  premier»  Irotthlex  de  la  Rérolution  dans  la  Mayennr, 
pages  36  at  37).  Les  âlecteura  réunis  K  Lavai  le  98  jnio  1790  pour  la  for- 
mation du  département,  arrêtent  le  6  Juillet  l'envol  au  Roi  et  h 
l'AssembiéB  oalicinale  de  deux  adresiws  pour  demander  la  grèce  de  ces 
quatre  prisonniers  qui  depuis  près  d'un  an  langulttent  doiu  le*  prlMns 
de  Cbtteau-Gontler.  [Proeêi-vtrbat,  etc.,  page  61). 


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—  191  — 

J'irai  demain  au  comité  de  finances,  j'yferaiusagedea 
réflexions  que  voua  me  faites  et  lundy  pour  mercredy  je 
vous  dirai  ce  qui  m'aura  été  répondu.  Adieu,  nous 
sommes  installés  d'hier  au  n°  240,  rue  Saint-Honoré,  où 
j'ai  reçu  vos  deux  lettres  d'aujourd'hui. 

Nous  devons  nous  assemhler  mardy  en  département 
pour  notre  afTaire  et  entendre  nos  députés.  L'Assemblée 
avait  été  d'abord  demandée  par  ces  Messieurs  pour 
lundy,  mais  les  comités  de  ce  jour  n'ont  pas  permis  de 
l'indiquer.  Ce  sera  pour  mardy. 

Adieu,  mon  ami,  nous  sommes  ici  beaucoup  plus  sdre- 
ment  et  plus  proprement  qu'où  nous  étions  et  à  la  porte 
de  l'Assemblée  et  des  Comités. 


Paris,  5  février  1790. 

Nous  avons  été  jugés  jeudy  matin,  mon  ami  ;  le  rap- 
port a  été  contre  nous  et  il  était  tout  simple  et  facile  de 
prévoir  que  le  jugement  du  comité  serait  celui  de  l'As- 
semblée. Nous  ne  pouvions  réclamer  la  priorité  pour 
l'avis  de  la  province.  C'est  cet  avis  qui  a  fait  rejeter  nos 
réclamations,  et  encore  par  le  commissaire  du  comité, 
M.  Dupont,  qui  s'était  le  plus  récrié  contre  la  multipli- 
cité des  districts,  etc..  Nous  avions  fait  valoir  la  difli- 
culté  des  chemins  pour  se  rendre  au  département  de 
Laval.  Voyez  la  fin  du  mémoire.  Ce  moyen  noua  a  été 
rétorqué  pour  prouver  la  nécessité  de  mettre  des  dis- 
tricts dans  les  lieux  où  la  difficulté  des  chemina  devenoit 
un  obstacle  à  une  communication  facile.  Il  a  donc  été 
décrété  qu'il  y  auroit  sept  districts,  que  le  chef-lieu  du 
département  seroit  à  Laval  ;  c'est  avec  peine  que  j'ai  pu 
obtenir  :  sauf  à  faire  participer  la  ville  de  Mayenne  aux 
établissements  publics  qui  seroient  décrétés  par  l'assem- 
blée, s'il  y  a  lieu.  Quand  j'ai  eu  fait  cette  demande, 
Châteaugontier  en  a  été  instruit  par  le  rapporteur  et  les 


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_  192  — 

députés  de  cette  ville  ont  demandé  de  participer  à  la 
même  faveur  et  ils  ont  été  ajoutés  dans  le  décret. 

Le  Journal  des  Débats  ne  rapporte  pas  le  décret  en 
entier,  ce  aéra  pour  celui  qui  paraîtra  aujourd'hui.  Il 
était  pressé  de  rendre  compte  de  la  visite  que  le  Roy 
nous  a  faite  le  même  jour  '.  Vous  en  verrez  le  détail. 
Voicy  le  discours  bien  fait  qu'il  a  prononcé.  Puisse  !a 
sensibilité  qu'il  y  a  mise  passer  dans  le  cœur  de  tous  ses 
sujets,  leur  inspirer  les  sentiments  de  modération,  de 
paix  et  de  tranquillité  dont  est  animé  ce  discours  !  C'est 
un  des  beaux  jours  que  celui  où  notre  ville  a  été  malheu- 
reusement condamnée.  Mais,  comme  l'a  dit  le  Roy,  il 
faut  que  tous  les  citoyens  recommandables  par  leur  zèle 
et  leurs  lumières  s'empressent  de  prendre  part  aux  sub- 
divisions de  l'administration  générale  dont  l'enchaîne- 
ment et  l'ensemble  doivent  concourir  au  rétablissement 
de  l'ordre  et  de  la  tranquillité  ' . 

Il  n'est  pas  de  roy  qui  ait  tenu  des  discours  plus  éner- 
giques que  celui  que  je  vous  adresse.  Jamais  aucun  n'a 
fait  passer  dans  tous  les  cœurs  des  sentiments  plus 
alTectueux  que  ceux  qu'a  inspirés  la  prononciation  pleine 
et  sonore  et  du  ton  de  l'affection  qui  l'ont  accompagné. 
Il  en  est  résulté  des  effets  sensibles  dans  l'assemblée 
d'aujourd'hui.  11  y  a  eu  plus  de  concert.  11  a  passé  sans 
réclamations  un  décret  pour  supprimer  dès  ce  moment 
les  communautés  du  même  ordre,  doubles  ou  triples, 
dans  la  même  ville  et  en  vendre  les  biens.  Il  n'y  a  pas 
eu  la  moindre  réclamation  et  il  y  a  eu  unanimité  à  la 
levée  des  voix.  Ce  premier  décret  va  faire  placer  des 
assignats,  retirer  des  billets  de  la  caisse  et  commencer 
le  retour  de  l'argent.  Adieu,  mon  ami,  l'heure  me  presse  ; 
les  journaux  vous  diront  le  reste. 


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LXXXIII 

Paris,  8  février. 

Ci-joint,  mon  ami,  les  derniers  journaux  où  enfin  est 
reporté  le  décret  sur  notre  département. 

J'apprends  dans  ce  moment  votre  nomination  au 
mairat. 

Du  9,  à  onze  heures  du  soir. 
Je  n'ai  jamais  pu  lundi  matin  trouver  le  moment  de 
Unir  ma  lettre.  A  peine  quittes  de  notre  malheureuse 
afîaire  de  département,  nous  nous  sommes  vus  pressés 
au  comité  féodal  de  rendre  compte  de  notre  travail.  Il  a 
fallu  repousser  les  différentes  décisions  prises  depuis 
notre  institution,  y  mettre  de  la  liaison,  des  définitions 
claires.  Depuis  huit  jours  nous  nous  sommes  assemblés 
continuellement.  Lundy  entre  autres,  jour  fixé  pour 
notre  rapport,  le  soir  et  le  matin,  le  matin  pour  retou- 
cher quelques  articles,  le  soir  pour  en  ajouter  quelques 
autres  à  ceux  lus  dans  l'Assemblée.  Le  rapport  a  eu 
l'avantage  d'être  applaudi  par  toute  la  salle  ;  l'esprit  de 
justice  qui  y  règne,  l'abolition  sans  indemnités  de  tous 
las  droits  clairement  définis  comme  suite  de  la  servitude 
personnelle,  ont  satisfait  toutes  les  classes.  Nous  avons 
encore  quelques  additions  pour  lesquelles  demain  nous 
nous  assemblons.  Ce  rapport  ne  renferme  que  les  deux 
premières  parties  de  notre  travail.  Encore  la  partie  des 
droits  rachetables  a-t-elle  besoin  de  plusieurs  articles 
sur  le  mode  de  rachat  qui  n'ont  pas  encore  été  arrêtés. 
Ce  qui  en  a  été  lu  lundy  sera  livré  à/ l'impression  jeudy 
et  lundy  je  pourrai  vous  l'adresser.  On  ne  tardera  pas  à 
décréter  ces  objets  qui  tiennent  dans  ce  moment  à  la 
tranquillité  de  quelques  provinces.  Le  Journal  des 
Débats  vous  présente  un  abrégé  des  articles  proposés  à 
l'Assemblée  et  de  ceux  qui  restent  à  lui  présenter,  ce 


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"  194  — 

qui  ne  fera  pas  différer  notre  travail  sur  les  deux  autres 
parties,  étant  également  très  avancées. 

Vous  voilà  donc,  mon  ami,  élu  maire.  Je  vous  en  fais 
mon  compliment.  Personne  ne  peut  mieux  apprécier 
que  vous  les  devoirs  de  cette  place  importante.  Les 
premières  pièces  que  vous  avez  reçues  depuis  votre 
nomination  ne  pouvaient  venir  dans  un  moment  plus 
intéressant  pour  le  commencement  de  votre  exercice. 
Puissent  les  sentiments  que  respire  le  discours  du  roy, 
ceux  qu'il  a  fait  éprouver  u  toute  l'assemblée,  passer 
dans  le  creur  de  tous  les  Français,  les  pénétrer  d'atta- 
chement pour  leur  patrie,  les  porter  à  jouir  réellement 
des  avantages  auxquels  les  appelle  la  constitution  avec 
ce  ton  de  tranquillité,  de  calme,  qui  annonce  des 
hommes  faits  pour  la  liberté,  pour  la  sentir  et  en  jouir. 
Il  arrive  déjà  de  presque  toutes  les  municipalités  nou- 
vellement établies  des  adresses  d'adhésion,  de  félîcita- 
tion,  à  l'Assemblée  Nationale.  Je  compte  que  la  nouvelle 
municipalité  de  Mayenne  s'empressera  d'en  envoyer 
une.  Il  ne  la  faut  pas  longue,  parce  qu'on  ne  peut  tout 
lire,  mais  en  peu  de  mots  on  peut  dire  bien  des  choses. 

J'attendais  aujourd'hui  la  suite  des  nominations.  Je 
n'ai  rien  reçu,  ce  sera  pour  l'ordinaire  prochain  proba- 
blement. 

La  séance  de  ce  soir  a  été  un  peu  orageuse,  cependant 
à  la  fin  cela  s'est  concilié.  Il  était  question  de  quelques 
troubles  dans  le  Quercy,  le  Bas-Limosin,  qu'on  avait 
exagérés  et  qui  ont  servi  de  texte  à  quelques  discours 
maladroits,  impolitiques,  faits  pour  effrayer,  mais  qu'on 
a  rétorqués  victorieusement.  Les  troubles  ne  sont  ni 
aussi  considérables  qu'on  les  avait  présentés,  ni  aussi 
difliciles  à  réprimer  qu'on  l'avait  dit.  Ils  paraissent  avoir 
été  suscités  dans  l'espérance  toujours  d'amener  quelque 
révolution'.  Mais  aujourd'hui  je  crois  que  les  plus  incré- 
dules commencent  a  sentir  qu'il  n'y  a  plus  qu'à  se  réunir 


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—  195  — 

pour  achever  avec  tranquillité  et  avec  réflexion  les  objets 
importans  qui  restent  à  régler.  Déjà  plusieurs  délibéra- 
tions importantes  ont  passé  sans  autre  discussion  que 
celle  modérée  qui  doit  produire  des  décrets  sages,  réflé- 
chis et  j'espère  que  cela  continuera.  Le  petit  orage  de  ce 
soir  est  dû  à  plusieurs  phrases  indiscrètes,  mais  cela  n'a 
pas  eu  de  suites  et  le  décret,  proposé  par  le  comité  des 
rapports  pour  autoriser  le  pouvoir  exécutif  à  employer 
les  moyens  qui  seraient  en  lui  à  l'effet  de  réprimer  les 
troubles  partiels,  a  passé  à  une  très  grande  majorité. 

Je  ne  puis  m'écarter  de  la  salle  et  depuis  quinze  jours 
je  n'ai  sûrement  pas  sorti  du  district  des  Jacobins,  tant 
les  embarras  se  sont  multipliés. 

Vous  avez  vu  nos  députés.  Ils  ont  Tait  tout  ce  qui  était 
en  eux  pour  soutenir  nos  demandes.  Malheureusement 
noue  avions  contre  nous  tous  les  autres  députés  du 
département  et  la  loi  de  la  majorité  est  un  argument 
irrésistible. 

Je  vais  demain  chez  M.  le  Contrôleur  général  relative- 
ment à  votre  plainte  contre  la  commission  intermédiaire. 
J'ai  eu  au  comité  des  fmances  l'itérative  assurance  que 
ce  n'avait  été  que  d'après  l'aveu  du  comité  que  le 
ministre  avait  ordonné  l'imposition  des  anciens  taillables 
dans  les  paroisses  de  la  propriété,  mais  il  est  question 
de  déterminer  le  ministre  à  faire  dédommager  les  villes 
de  la  portion  dont  elles  doivent  être  diminuées  sur  la 
probabilité  qu'elles  ont  dû  être  augmentées  du  taux  des 
propriétés  des  habitans  taillables.  Je  vous  dirai  samedy 
le  résultat  de  ma  conférence.  Le  Comité  des  finances 
avait  insisté  sur  le  dédommagement  et  c'est  d'après  cela 
qu'il  m'a  engagé  à  voir  le  ministre,  M.  Lambert,  pour 
faire  rendre  cette  justice  aux  villes.  Je  vais  étudier  ma 
leçon,  ce  qui  m'oblige  de  terminer  ma  lettre,  ayant  à 
revoir  ce  soir  la  lettre  imprimée  de  la  commission  et  à 
me  former  un  précis  de  ce  que  j'aurai  à  dire.  Adieu  et 
bon  soir. 


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Paris,  12  février  1790. 

Je  profite,  mon  ami,  d'un  petit  moment  avant  la 
réunion  du  comité  féodal  pour  vous  rendre  le  résultat 
des  deux  conférences  que  j'ai  eues,  tant  avec  M.  Lam- 
bert qu'avec  M.  Tarbé,  premier  commis,  sur  la  récla- 
mation des  anciens  taillables  propriétaires  de  notre 
ville. 

Pour  la  troisième  fois,  j'ai  eu  l'assurance  que  la  com- 
mission intermédiaire  n'a  agi  que  d'après  les  ordres  du 
ministre  et  le  ministre  ne  les  a  donnés  que  d'après 
l'attache  du  comité  des  finances.  Deux  motifs  principaux 
ont  nécessité  ce  changement  au  premier  décret  :  i°  la 
nécessité  de  préparer  d'avance  l'imposition  foncière  qui 
commencera  en  1791  et  rien  ne  peut  produire  de  plus 
sûrs  renseignements  que  l'imposition  indiquée  pour  1790 
d'après  le  décret  pour  la  Champagne.  Deuxième  motif.  Il 
serait  arrivé  qu'un  ancien  tailtable  domicilié  dans  une 
élection  où  le  département  n'était  pas  fait,  n'eût  été 
imposé  qu'à  raison  de  son  actif  et,  propriétaire  de  biens 
dans  une  élection  où  le  département  était  fait,  n'eût  rien 
payé  pour  ses  propriétés  et  cet  inconvénient  eût  été 
fréquent. 

Mais,  d'après  le  régimeuniforme  indiqué,  il  est  reconnu 
de  toute  justice  que  les  habîtans  des  villes  propriétaires, 
anciens  taillables,  soient  dédommagés  de  l'augmentation 
qui  résultera  de  l'imposition  sur  leurs  propriétés  dans 
les  campagnes.  Voici  la  note  écrite  chez  M.  Tarbé  •  pour 
ne  point  laisser  subsister  cette  inégalité  : 

Les  propriétaires  de  la  ville  de  Mayenne  qui,  anciens 
taillables,    se   trouveraient  imposés  dans  les  paroisses 

1.  Tarbé  (Louls-Hardoulol,  né  à  Sens,  premier  commis  da  Hlnlslire 
des  Finances,  le  créBleur  de  la  eontributian  lonclère,  quelque  tempi 
ministre  en  1791,  mort  en  1806. 


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—  197  — 

de  leurs  propriétés,  auront  soin  de  se  procurer  la  note 
des  impositions  qui  leur  seront  mises  sur  les  propriétés 
et  de  former  une  note  exacte  de  ces  impositions,  aussitftt 
qu'ils  en  auront  la  connaissance,  à  la  municipalité  de 
Mayenne  qui  les  fera  passer,  ou  à  la  Commission,  ou  au 
Directoire. 

D'après  ces  notes,  le  corps  municipal  procurera  des 
indemnités  qui  seront  prises  sur  les  sommes  que  la  Com- 
mission intermédiaire  ou  le  Directoire  du  district  sont 
autorisés  à  réserver  pour  cet  objet  et  que  la  Commission 
ou  le  Directoire  feront  connaître  aux  officiers  municipaux 
de  Mayenne. 

Voilà  donc  la  certitude  que  les  anciens  taillables,  pro- 
priétaires de  notre  ville,  seront  dédommagés  de  leur 
imposition  sur  leurs  propriétés  et  j'ai  l'assurance  que  les 
sommes  d'indemnités  seront  assurées  et  réservées  avant 
que  le  total  du  rdle  de  1790  soit  acquitté. 

Je  tâcherai  de  joindre  ici  l'adresse  de  l'Assemblée  à  la 
Nation,  les  projets  de  décrets  de  notre  comité  féodal 
sur  les  deux  premières  parties  de  notre  travail  ;  les  deux 
autres  parties  ne  tarderont  pas.  La  deuxième  partie 
même  n'est  pas  complète  ;  il  y  manque  les  articles  sur  le 
mode  du  rachat,  qui  sont  préparés,  mais  qui  n'ont  pas 
été  discutés  en  totalité. 

J'espère  trouver  un  mot  de  vous  à  mon  retour  chez 
moi  ce  soir.  Si  votre  lettre  exige  quelqu'addition  à  la 
présente,  je  la  mettrai  ;  sinon,  bonsoir  pour  aujourd'hui. 

Je  rentre  et  je  ne  trouve  aucun  mot  de  M.  le  maire. 
Ainsi  point  de  réponse  à  faire.  Pressé  d'autres  besognes, 
je  vais  y  travailler.  Bonsoir  de  rechef. 


Ci-joint,  mon  ami,  un  décret  d'hier  qui  nous  a  coûté 
bien  du  bruit,  de  la  patience,  mais  qui  enlin  a  passé.  On 


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—  198  — 

ne  regrette  jamais  son  tems  et  sa  peine  quand  on  peut 
réussir  *. 

Aujourd'hui  nous  avons  eu  une  cérémonie  très  pom- 
peuse, toute  l'Assemblée  en  corps  s'est  rendue  de  la 
salle  à  Notre-Dame  entre  un  double  rang  de  milice  natio- 
nale, depuis  les  Feuillans  jusques  à  la  Cathédrale.  Là, 
les  troupes  y  ont  prêté  de  nouveau  le  serment  civique. 
Après  un  discours  d'un  chanoine,  dont  le  texte  était  une 
vraie  description  des  événemens  actuels.  Il  était  tiré  du 
L.  2  des  Paralipomènes.  Trop  délayé,  il  a  perdu  de  sa 
force  et  de  son  énergie.  Il  a  été  suivi  d'un  Te  Deiim, 
chanté  par  les  meilleurs  musiciens  et  exécuté  par  un 
orchestre  des  plus  nombreux.  Au  Judex  crederis,  trois 
cents  tambours  ont  exécuté  par  un  rcnforcendo  le  cakos 
du  globe,  au  moment  où  les  trompettes  appellent  au  juge- 
ment. La  cérémonie  n'a  fmi  qu'à  trois  heures  ^. 

Demain  on  flxera  probablement  le  sort  à  donner  aux 
religieux.  J'espère  pouvoir  vous  joindre  les  projets  de 
décrets  présentés  par  le  comité  féodal.  Au  moins  l'impri- 
meur m'en  a  promis  pour  demain  matin.  On  y  verra  que 
le  comité,  en  rendant  justice  aux  droits  fonciers,  a  sup- 
primé tout  ce  qui  tenait  réellement  à  la  servitude  person- 
nelle et  nuisait  à  la  liberté  des  citoyens. 

Je  reçois  votre  lettre  et  celle  commune  de  notre  nou- 
velle municipalité  que  je  m'empresserai  de  communiquer 
demain  à  nos  Messieurs.  Ils  seront  sensibles  à  cette 
marque  de  conlïance  de  vos  collègues  et  interprète  de 
leur  empressement,  comme  je  puis  répondre  du  mien,  ils 
se  feront  un  devoir  d'y  répondre  et  de  communiquer 
avec  vous  de  tout  ce  qui  pourra  tendre  au  bien  de  la 
ville.  Si  nous  n'avons  pas  été  aussi  heureux  que  nous 
en  avions  le  désir,  il  n'a  tenu  en  rien  à  nos  eJTorts  parti- 
culiers. Avant  l'arrivée  de  MM,  de  Champorin  et  Moulin, 
nous  avions  de  toutes  nos  forces  résisté  au  prolonge- 

< .  Dteret  sur  le  Buppression  des  vœux  moDastiques. 
2.  Te  Deum  «t  lllumlDitions  à  l'occasioD  de  la  démarobe  du  roi  du 
4  féTTier  précédent. 


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—  199  — 

ment  de  notre  département  vers  l'Anjou  ;  des  circons- 
tances trop  longes  à  détailler  nous  ont  forcé,  malgré 
nous,  de  recevoir  des  paroisses  que  nous  ne  voulions 
pas.  Ces  MesflieurB  ont  vu  les  soins  que  nous  nous 
sommes  donmis  pour  prévenir  la  décision  du  Comité. 
Mais  il  est  des  lois  auxquelles  il  faut  se  soumettre  et 
quand  nous  n'eussions  pas  eu  une  partie  de  l'Anjou,  la 
loi  de  la  majoritii  eut  encore  été  contre  nous,  de  six  contre 
trois,  au  lieu  de  neuf  contre  trois.  Voilà  toute  la  diffé- 
rence qui  en  fût  résultée. 

Nous  remettrons  demain  à  l'Assemblée  l'adresse  que 
vous  m'avez  fait  passer. 

J'espère  beaucoup,  mon  ami,  et  de  votre  zèle  et  de 
celui  de  vos  collègues.  Il  est  difficile,  personne  ne  le 
prouve  plus  que  moi,  de  faire  au  gré  (le  tout  )e  monde, 
mais,  avec  la  résolution  de  s'acquitter  avec  exactitude 
de  ses  fonctions,  d'y  mettre  toute  la  justice,  l'impartia- 
lité possible,  on  est  bien  fort.  Si  vous  n'obtenez  pas 
l'amitié  de  tous,  au  moins  vous  forcez  l'estime  et  c'est 
le  seul  but  qu'il  faille  se  proposer  dans  toute  fonction 
publique. 

Je  crois  bien  que  les  règlements  qui  restent  à  faire 
fixeront  la  forme  à  observer  pour  le  contentieux  des 
municipalités.  Il  sera  silrement  très  simple,  puisque 
c'est  un  tribunal  citoyen  qui  doit  avant  tout  employer  les 
voyes  de  douceur,  les  formes  les  plus  douces  pour  l'avan- 
tage, le  bon  oidre,  la  tranquillitii,  la  sûreté  et  la  salu- 
brité de  la  cité.  Si,  les  voyes  de  conciliation  épuisées,  il 
est,  comme  il  faut  s'y  attendre,  des  citoyens  réfractaires, 
je  crois  bien  qu'il  faudra  des  audiences  où  devront  com- 
paraître, sur  un  simple  appel,  peut-être  verbal,  les 
citoyens  contrevenants,  pour  recevoir  du  corps  muni- 
cipal te  jugement  qui  le  condamnera  à  se  conformer  aux 
principes  établis.  ^Mais  comme  l'Assemblée  s'est  réservé 
de  faire  ces  règlements,  que  le  comité  de  constitution 
s'en  occupe,  je  crois  qu'il  faut  les  attendre. 

Je  sens  que  l'objet  dont  vous  me  pariez  remplirait  le 


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—  200  — 

double  but  de  mettre  plus  de  sûreté  dans  la  rue  et  de 
procurer  du  travail,  mais  ce  ae  serait  qu'à  une  petite 
partie  des  citoyens.  J'aimerais  mieux  des  travaux  en 
grand.  L'adjudication  de  vos  routes  est  un  objet  qui  ne 
peut  tarder.  Si,  pour  accélérer,  vous  croyez  devoir 
employer  un  secours  plus  prompt,  sans  doute  on  ne 
pourrait  faire  un  meilleur  emploi  des  six  derniers  mois 
de  1789,  mais  il  faudrait  pour  cela  une  délibération 
du  corps  entier  de  la  municipalité  et  des  notables,  avec 
prière  au  roy  de  vous  autoriser  à  cet  emploi.  En  m'en- 
voyant  la  délibération,  je  vous  aurais  promptement  une 
autorisation  du  pouvoir  exécutif  à  cet  effet.  Si  les  dépa'r- 
temens  étaient  établis,  leur  autorisation  suffirait,  comme 
remplaçant  ce  pouvoir  dans  cette  partie. 

Nous  vous  répondrons  en  commun  sur  le  décret  que 
vous  désireriez  pour  l'imposition .  D'avance  je  puis  vous 
dire  que  rien  de  plus  difficile  d'avoir  des  décrets  sur 
cette  matière  de  la  part  de  l'assemblée  et  cela  d'après  ta 
variété  des  formes  de  chaque  province.  Le  danger  de 
toucher  à  cette  partie,  à  moins  d'être  exposé  à  autant 
d'exceptions  ou  d'amandemens  que  de  provinces.  C'est 
le  décret  demandé  pour  la  Champagne  qui  a  jeté  dans 
le  retard  dont  vous  vous  êtes  plaint.  11  faut  voir  que 
l'imposition  n'aura  lieu  que  pour  1790  et  qu'actuellement 
un  comité  s'occupe  d'un  mode  général  d'imposition  pour 
1791  qui  fera  disparaître  toute  la  bigarrure  de  l'incohé- 
rence des  formes  de  répartition.  Adieu,  à  mercredy. 

LXXXVl 

Paris,  24  février  ', 
C'est  aujourd'hui,  mon  ami,  que  notre  affaire  des 
tailles  doit  estre  portée  au  comité.  Je  ne  sçaurai  que 
demain  matin  ce  qui  aura  été  décidé,  ainsi  ce  ne  pourra 
être  que  lundy  que  je  vous  en  apprendrai  officiellement 
le  résultat. 

1.  Encore  uii«  l&oune  du  U  au  24  réTrler. 


3,Goot^[c 


—  201  — 

Vous  verrez  par  les  journaux  et  le  projet  de  décret  que 
je  joins,  qu'il  ne  s'agissait  pas  moins  que  de  dégoûter 
tout  citoyen  des  municipalités  par  les  peines  auxquelles 
on  voûtait  assujettir  leur  responsabilité.  Nous  nous 
sommes  battus  lundy  et  hier  pour  faire  rejeter  le  projet, 
du  comité  et  pour  écarter  les  motions  incidentes  qu'on 
avait  fait  paraître.  M.  de  Mirabeau  parla  hier  avec  une 
force  de  raisonnement  qui  a,  je  l'espère,  fait  tomber 
dans  l'opinion  des  galeries  l'espèce  d'odieux  qu'on  cher- 
chait à  répandre  sur  une  partie  de  l'Assemblée,  en  l'in- 
culpant de  vouloir  affaiblir  de  plus  en  plus  le  pouvoir 
exécutif.  Il  a  prouvé  que  l'ensemble  de  la  constitution 
seul  formait  la  force  de  ce  pouvoir,  que  c'en  était  l'âme 
et  l'impulsion  qui  donnait  le  mouvement  à  la  machine, 
qu'il  fallait  donc  que  tous  les  rouages  fussent  engralnés 
avant  que  le  mouvement  principal,  le  moteur,  pût  agir.  Il 
s'est  montré  quelquefois  plus  sublime,  mais  jamais  il  ne 
parla  avec  plus  de  suite  et  un  raisonnement  plus  serré. 

Ce  n'est  pas  que  la  loi  en  quatre  articles  qui  a  été 
arrêtée  bier  soit  parfaite  et  qu'on  puisse  en  attendre  le 
succès  qui  l'a  fait  proposer' .  On  ne  peut  dans  ce  moment-ci 
concevoir  d'espoir  fondé  de  voir  cesser  les  troubles  que 
de  la  prudence,  de  la  sagesse  des  municipalités.  C'est  la 
conlianoe  dont  elles  jouissent  qui  doit  les  porter  à  en 
faire  usage  pour  faire  renaître  l'ordre  et  la  tranquillité, 
pour  rétablir  le  cours  arrêté  d'une  partie  des  impôts, 
faire  connaître  que,  sans  cette  force  motrice,  il  ne  peut 
être  aucun  repos  pour  personne. 

On  va  commencer  les  articles  du  rapport  du  comité 
féodal  pour  tranquilliser  les  provinces  où  les  insurrec- 
tions paraissent  avoir  eu  pour  cause  l'incertitude  sur  les 
droits  abolis  sans  ou  avec  indemnité.  C'est  ainsi  que  les 
circonstances  du  moment  nous  éloignent  du  travail  de  la 
constitution.  Mais  il  faut  voir  que  si  on  laisse  des  causes 
â  l'elTervescence,  si  il  en  résulte  une  insurrection  qui 
fasse  des  progrès,  nous  ne  tenons  rien.  Il  y  a  encore 

1. 23  féTrier.  Décret  nir  Ift  tnoqulUlU  publique. 


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—  202  — 

l'article  des  finances,  non  moins  urgent,  et  c'est  bien  celui 
qui  nous  inquiète  le  plus. 

Adieu,  mon  ami,  nous  noua  assemblons  ce  matin  pour 
finir  le  procès-verbal  de  notre  département,  objet  non 
moins  pressant.  Toutes  les  provinces  sont  engagées  à 
remettre,  au  plus  tard  dans  cette  semaine,  les  cartes  et 
les  procès-verbaux  de  division  en  districts  etde  districts 
en  cantons.  Nous  allons  remplir  ce  devoir,  nous  avons 
formé  les  cantons  le  mieux  qu'il  nous  a  été  possible. 
Comme  ce  n'est  qu'une  opération  provisoire,  que  les 
paroisses  qui  seraient  mal  accouplées  pourront  faire 
entendre  leurs  réclamations,  il  y  avait  moins  de  danger 
à  faire  ici  ce  travail,  sur  lequel  d'ailleurs  il  etU  été  diffi- 
cile d'avoir  une  opinion  fixe  même  sur  les  lieux. 

Au  moment  où  je  vais  fermer  ma  lettre,  les  trois  pre- 
miers articles  du  projet  du  comité  féodal  sont  décrétés. 

LXXXVll 

Paris,  6  mars  1790". 

Je  vous  félicite,  mon  ami,  de  votre  courage  à  aller  en 
avant  sur  les  rôles  on  prenant  tes  précautions  que  vous 
avez  senti  nécessaires.  C'est  le  moyen  de  prévenir  des 
reproche-s  fondé.s. 

Nous  allons  supprimer  les  droits  contre  lesquels  vous 
vous  êtes  souvent  récrié,  ces  di-oits  de  halle  qui  se  per- 
cevaient sur  les  particuliers  ;  c'était  «ne  suite  de  la  sup- 
pression de  la  justice  sans  indemnité  ;  le  projet  de  décret 
a  été  lu  bier,  mais  il  m'a  paru  susceptible  d'amandc- 
mens  et  de  diflicultés  dans  l'exécution.  Quand  il  sera 
imprimé,  je  vous  l'adresserai. 

Nous  avons  eu  bier  l'assurance  de  M.  Dupont  que  le 
service  de  cette  année  serait  assuré.  Le  comité  devait 
faire  un  rapport  ce  matin,  miiis  l'annonce  d'un  mémoire 
de  M,  Necker,  qu'il  doit  envoyerce  matin  à  l'Assemblée, 
a  fait  différer  ce  rapport.  I^undy  je  pourrai  vous  envoyer 
l'extrait  du  mémoire. 

1.  Autre  lacune  du  H  lévrier  an  6  mars. 


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~  203  — 

Je  n'ai  pu  hier  qu'apprendre,  très  à  la  hâte,  de  M.  de  la 
Roche  qui  sortait  de  voir  M.  Tarbé,  premier  commis  des 
finances,  de  qui  il  tenait  que,  pour  faire  cesser  toute 
réclamation,  il  faudrait  que  MM.  delà  commission  inter- 
médiaire recommencent  leur  département  pour  1790. 
Que  cette  nouvelle  ne  voua  arrête  pas  dans  votre  travail , 
parce  que  te  département  se  fera  sur  le  principe  que  la 
propriété  sera  imposée.  Je  tiicherai  d'avoir  de  lui  un 
plus  ample  détail  par  lequel  je  terminerai  ma  lettre. 

Vous  devez  avoir  à  présent  toutes  les  déclarations  sur 
la  contribution  patriotique.  A  combien  monte-t-elle  pour 
notre  ville  ?  Ici,  à  Paris,  malgré  le  malheur  des  tems,  elle 
monteraà50mîllions.  La  confiance  et  l'espoirque  les  pa^e- 
mens  ne  seront  pas  arrêtés  commencent  à  reprendre., Ou 
la  Caisse  d'Escompte  commencera  à  payer  incessamment 
à  bureau  ouvert  les  petits  billets  de  200#,  ou  il  leur  sera 
accordé  des  prîmes  et  un  intérêt  à  un  Papier  national 
qu'on  pourra  substituer  aux  billets  de  la  Caisse.  En  géné- 
ral le  comité  des  finances  parait  dans  la  plus  grande 
sécurité  sur  le  service  de  1790  et  M.  de  la  Borde  ',  à  qui 
j'en  parlais  un  de  ces  jours,  m'a  assuré  qu'il  n'y  avait 
rien  à  craindre  et  qu'on  pouvait,  malgré  que  la  contribu- 
tion patriotique  ne  monterait  pas  à  ce  qu'on  en  espérait, 
faire  face  aux  engagemens. 

Attendons  encore  quelques  momeiis  et  le  voile  se 
lèvera.  Les  gens  à  argent  se  lassent  en  voyant  la  patienee 
des  créanciers  de  l'Efat,  surtout  des  rentiers  de  la  ville. 
Cette  patience,  qu'on  doit  aux  Parisiens,  les  plus  inté- 
ressés, est  bien  une  des  plus  grandes  preuves  de  patrio- 
tisme qu'ait  donné  cette  ville. 

Ce   ne  sera  que   pour  la   forme  que  le  département 
sera  renouvelé.  Mais  il  ne  sera  rien  changé  ii  la  forme  de 
représentation  indiquée  par  la  lettre  imprimée. 
(A  suivre). 

1.  F.-L.-J.  de  Labonle-M^évi  lie  .fils  du  banquier  de  la  cour,  Mail  garda 
du  trésor  rojal  aa  moment  de  la  RéTolutioD.  Elu  dâputé  du  Tiers-Etat 
à  Etampee,  un  des  prlnclpani  actionnaires  de  la  Caisse  d'Escompte, 
mort  &  Londres  en  1801. 


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EXTRAIT  DE  L'ANCIEN  GREFFE 

DBS    SEIGNEURS    VICOMTES 

DE  BEAUJIONT  ET  DE  LA  FLÈCKE 

iSuite). 


44. 

Du  3'  jour  de  juillet  1539,  mn  dtcle  dame  estant  en  la 
ville  de  l.yon,  elle  a  expédié  leclres  soubs  son  seel  en  la 
forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous  ceux,  etc.  salut,  (^omme  à  nous, 
à  cause  de  nostre  baronnie  de  Sonnoys.  nous  eompete  et 
.appartienne  de  plain  droici  la  provision  et  toute  autre  dis- 
position de  la  chapelle  de  {en  blanc,  fondée  en  nostre 
eliaslel  de  Saint-Paul,  touttes  et  quantes  fovs  que  vaccation 
y  eschet,  et  soit  ainsy  que  la  dicte  chapelle  est  à  présent 
vaccante  par  la  mort  et  trespas,  ainsy  que  l'on  dict,  de  (en 
blam).  sçavoir  faisons  que,  pour  la  bonne  relation  que  faicte 
nous  a  esté  des  bonnes  mœurs,  honncste  vie  et  bonne  con- 
versation estans  en  la  personne  de  M'  Guillaume  de  la 
Motthe,  à  iceluy  pour  ces  causes  et  autres  considémtioDS  à 
ce  nous  mouvans,  et  en  usant  de  nostre  droict  dessus  tou- 
ché, luy  avons  donné  cl  oclroyé.  donnons  et  octroyons  par 
ces  présentes  la  chapelle  de  Saint  fera  blanc],  vaccante  par 
la  manière  dessus  dicte  pour  doresenavant  icelle  deservirou 
faire  deservir  et  par  luy  tn  prendre  les  fruictz,  proufitz  et 
esmolumens  y  appartenans.  aussy  à  la  chaire  d'y  faire  ou 
faire  faire  el  continuer  le  service  accoustumé.  Si  donnons 
en  mandement  par  ces  mesmes  présentes,  etc. 


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45. 

Du  5*  jour  de  septembre  1539,  ma  dicte  dame  estant  à 
Saint-Germain-en-Laye,  elle  a  expédié  lectres  soubs  son 
seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.  Sçavoir  faisons  que  pour 
l'entière  confidence  que  avons  es  personnes  de  nostre  amé 
et  féal  conseiller  et  maistre  des  requesles  de  nostre  hostel 
M'  Jean  Tesnière,  bailly  et  esleu  de  Vendosmoys,  Bertrand 
de  Saint-Melon,  Jean  Le  Blanc  et  Jean  Le  Marreux,  et  de 
leurs  sens,  suffisance,  loyauté,  pnidbomie,  expérience  et 
bonne  diligence,  avons  commis  et  députez,  commcctons  et 
députons  par  ces  présentes  à  l'examen,  arrest  et  afiînaison 
des  comptes  de  nostre  amé  et  féal  conseiller,  thrésorier  et 
recepveur  général  de  nos  finances  et  de  tous  nos  recepveurs 
et  comptables  de  nosdits  vicomte  de  Beaumont  et  baronnie 
de  Sonnoys,  du  faict  et  administration  de  leurs  charges  de 
l'année  dernièrement  finie  et  escheue  le  dernier  jour  de 
décembre  1537  dernier  passé,  leur  donnant  et  aux  trois 
d'iceux  en  l'absence  des  autres  plain  pouvoir,  authorité  et 
mandement  espécial  de  oyr,  examiner,  closre  et  arrcster  tes 
dicts  comptes  selon  et  ainsy  qu'ils  verront  eslre  à  faire  et 
qu'il  appartiendra  par  raison  et  à  celte  fin  appelle  par 
devant  eux  en  nostre  ville  de  Vendosme  à  tels  jours  et  assi- 
gnations que  les  dessus  dicts  verront  bon  csIre,  en  contrai- 
gnant iceux  comptables  à  ce  faire  par  touttes  voyes  deues 
et  raisonnables.  li^n  tesmoin  de  ce,  etc.  Donné  au  dict 
Saint-Germain-(  ii-Laye,  les  jour  et  an  que  dessus. 


Du  15'  jour  des  dits  moys  et  an,  ma  dicte  dame  estant  au 
dit  Saint-Germain-en-Laye,  a  expédié  lectres  soubs  le  seel 
de  ma  dicte  dame  par  les  quelles  elle  donne  l'oflice  de 
notaire  en  la  baronnie  de  ChAteauregnault  k  Mathurin 
Belin,  vaccant  à  présent  par  la  mort  et  trespas  de  Jacques 
Guillotteau. 

47. 

Du  ir  jour  de  novembre  1539,  a  esté  expédié  lectres  de 
ma  dicte  dame  et  soubs  son  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.  Comme  à  nous,  à  cause  de 
nostre  dit  douaire  que  avons  ou  dit  duché  de  Vendosmoys, 
nous  compete  et  appartienne  la  collation,  provision  et  toutte 
autre  disposition  de  prébendes,  chaaoinyes,  cbappelles  et 


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—  206  — 

autres  bénéfices  fondez  en  nostre  éj^lise  de  nosire  chast«1 
de  Vendosme  touttes  les  foys  et  quantes  que  vacation  j 
eschel  et  soit  ainsy  que  la  chappelle  vulgunirement  appellùe 
la  chappelle  de  Nostre-Dame  en  nosire  dicl  chaslel  soit  à 
présent  vaccanle  par  la  mort  et  trespas  de  messirc  Jean 
Ruilandeau,  ainsy  qu'on  dict,  si;avoir  faisons  que  pour  la 
bonne  relation  que  faicte  nous  a  esté  des  bonues  mœurs, 
honneste  vie  et  conversation  estans  en  la  personne  de 
M*  Gilles  Allain,  prestre,  aussy  pour  la  requpsle  à  nous 
faicte  par  nostre  1res  cher  et  très  amé  filz  le  duc  de  Vendos- 
moys  pour  le  dit  M°  Gilles,  à  iceluy,  pour  ces  causes  et 
autres  considérations  à  ce  nous  mouvans  et  en  usant  de 
nosire  droict  dessus  louché,  luy  avons  donné  et  octroyé, 
donnons  et  octroyons  par  ces  présentes  la  dicte  chappelle 
de  Nostre-Dame  vaccante  par  la  manière  dessus  dicte,  pour 
doresenavant  icelle  deservir  ou  faire  deservir,  par  luy  en 
prendre  et  percevoir  les  fruictz,  proufitz  et  émolumens  y 
appartenans.  aussy  à  la  charge  de  faire  ou  faire  faire  et  con- 
tinuer le  service  accoustumé.  Si  donnons  en  mandement  par 
ces  mesmes  présentes  à  nos  amez  et  féaux  les  chevecier, 
chanoines  et  chapitre  de  nostre  dicte  église  que,  pris  et 
receu  du  dict  M'  Gilles  Allain  sur  ce  le  serment  en  tel  cas 
requis  et  accoustumé,  iceluy  mectent  et  instituent  ou  facent 
mettre  et  instituer  de  par  nous  en  possession  et  saisine  de  la 
dicte  chappelle,  luy  baillant  stal  en  cœur  et  au  parsus  le 
facent,  souffrent  et  laissent  prendre  et  percevoir  les  dicts 
fruicta,  revenus  et  émolumens  sans  aucune  difTiculté,  aux 
ciiarges  touttefoys  qu'il  tiendra  et  observera  les  ordon- 
nances dernièrement  faictes  par  Madame  nostre  belle  mère 
en  la  dicte  église.  Car  tel  est  nostre  plaisir.  Donné  à 
Crépy-en-Valloys  les  dits  jour  et  an  que  dessus. 

48. 

Du  2' jour  de  décembre  1538  {sic).  Madame  estant  en  son 
conseil  à  Paris,  après  avoir  veu  certaine  requeste  à  elle  pré- 
sentée par  le  sieur  de  Bazoges,  icelle  a  renvoyée  aux  offi- 
ciers tant  de  la  jurisdiction  ordinaire  que  des  boys  de  la 
baronnie  de  Sainte- Suzanne  pour  informer  tant  par  lectres 
que  par  tesmoins  du  contenu  en  la  dite  requeste,  de  la  com- 
modité ou  incommodité  qu'elle  peut  avoir  et  prétendre, 
ensemble  des  causes  et  moyens  si  aucuns  y  a  pour  l'empes- 
cher  et,  la  dicte  information  faicte,  les  dictes  causes  et 
moyens  mis  et  rédigez   par  escript  Bnablement  clos,   et 


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scellez  avec  leurs  advis  sur  le  tout  à  elle  renvoyez,  en  estre 
par  elle  ordonné  ce  qu'il  appartiendra. 

4ft. 

Du  4'  jour  du  dît  moys  de  décembre  ou  dil  an  1539,  sur 
certaine  requeste  présentée  à  ma  dicte  dame  par  l'évesque 
de  Thulles,  icelle  a  esté  renvoyée  par  ma  liicle  dame  aux 
ofliciers  de  la  baronnle  de  Simnoys  et  vicomte  de  Benunionl 
et  i-espondue  en  la  forme  que  dessus. 

50. 
Du  13°  jour  des  dits  moys  et  an,  (en)  sur  certaine  requeste 
faicte  à  ma  dicte  dame  par  Louys  de  Bai^neux.luy  délaisser 
pour  celle  année  la  rivière  de  Sainl-Paul  pour  le  prij 
qu'elle  avoit  esU^  baillée  au  dernier  baU  qui  en  avoit  esté 
faict  par  les  olficiers  do  Sonnoys,  elle  leur  a  mnndé  ainsy  le 
faire  jusque»  à  ce  que  autrement  par  elle  en  ayt  esté 
ordonné. 


Du  15' jour  des  dits  moys  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié 
lectres  patentes  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.  S^avoir  faisons  que  pour  le 
bon  rapport  que  fait  nous  a  esté  de  la  personne  de  M'  Pic- 
card.  advocat  en  la  cour  de  parlement  à  Paris,  et  de  ses 
sens,  suOisance.  littérature  et  bonne  expérience,  iceluy  pour 
CCS  causes  et  aiiires  à  ce  nous  mouvans,  avons  retenu  et 
par  ces  présentes  retenons  l'un  de  nos  conseillers  et  pen- 
sionnaires pour  direction,  conseil  et  conduicle  de  nos 
causes,  procès  et  alfaires,  aux  droîctz,  prérofjatives  et  prou- 
litz  qui  y  appartiennent  et  à  la  pentiun  par  an  It-lle  que  luy 
sera  par  nous  pour  ce  ordonnée  en  noslre  prochain  estât 
ffénéral,  le  tout  tant  qu'il  nous  plaira.  Sy  donnons  en  man- 
dement à  nostre  amé  et  féal  conseiller  et  maître  des 
requestes.  M'  Jean  Thesnière,  bailly  et  esleu  de  Vendos- 
moys,  que  pris  et  rcceu  du  dict  Piccard  le  serment  en  Ici 
cas  requis  et  accouslumé,  il  le  face  joyr  et  plainement  user 
de  nostre  présente  retenue.  Car  ainsy  le  voulons.  Donné  à 
Paris  les  jour  et  an  que  dessus. 

Des  dits  jour  iL  an,  sur  certaine  requeste  présentée  à  ma 
dicte  dame  par  un  nommé  Jean  Barbes,  a  ordonné  que  le 
procès  estant  par  devant  Monsieur  Sanguin,  sera  vuidé  au 
plus  lost  que  faire  ce  poura. 


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—  208  — 

Du  15'  jour  dea  dits  moyB  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié 
un  mandement  à  M*  Florimond  MarsoUier,  chaslelain  et 
recepveur  de  La  Flèche,  par  lequel  elle  luy  ordonne  tenir 

Suitte  et  deschargé  M°  Guillaume  Richer,  curé  du  dit  lieu, 
e  la  somme  de  18*  tz  en  laquelle  il  est  tenu  vers  elle  pour 
les  ventes  de  deux  acquests  par  luy  naguèrea  faictz,  l'un  de 
Guillaume  Outin,  marchand  apoticaire,  demeurant  à  Baugé, 
mary  d'Ambroise  Le  Thiellier  en  son  nom  et  comme  soy 
faisant  fort  de  Pierre  Regnard  et  Perrine  Le  Thiellier,  sa 
femme,  le  16°  jour  d'octobre  dernier  passé,  de  deux 
sixiesmes  parties  par  indivis  d'une  maison,  jardin,  cour  et 
place  situez  au  dit  lieu  de  La  Flèche,  en  laquelle  est 
demeurant  Jean  Pinard,  pour  la  somme  de  96'  tz,  et  l'autre 
de  Jean  Le  Thiellier  comme  procureur  de  M'  Jean  Le 
Thiellier,  eschoUier  à  Paris,  et  Clément,  son  frère,  de  trois 
autres  sixiesmes  parties  des  dictes  choses  pour  la  somme 
de  six  vingts  livres  tournois  te  1B°  jour  de  novembre  aussy 
dernier  passé,  le  tout  sans  préjudice  de  plus  grands  ou 
autres  proufitz  de  fief,  droilzet  debvoirs,  s'aucuns  sont  pour 
ce  deubs  et  sauf  à  avoir  par  ma  dicte  dame  ou  son  procu- 
reur les  dictes  choses  aînsy  acquises  par  retraict  féodal  et 
puissance  de  fief,  si  par  droict  et  coustume  du  pays  le  veut 
ou  peut  nvoii'  ce  droict,  au  cas  toultes  foys  que  icelles  choses 
luy  soient  propices  et  nessessaires.  De  laquelle  somme  de 
18*  tz  ma  dicte  dame  a  faict  don  au  dict  curé  et  en  rappor- 
tant les  dicts  mandement  et  acte  de  l'exhibition  judiciaire 
des  dicta  contractz,  avec  recognoissance  du  dict  Richer 
d'avoir  joy  du  dict  don  et  quitance  du  dixiesme  denier 
d'icelle  somme  que  ma  dicte  dame  a  accouslumé  en  tels 
cas  retenir  pour  employer  en  ses  aumosnes,  elle  veut  la 
dicte  somme  de  18*  tz  eslre  allouée  en  la  despence  des 
comptes  du  dict  recepveur,  etc. 

52. 

Du  19'  jour  du  dict  moys  de  décembre  ou  dict  an  1539,  ma 
dicte  dame  estant  à  Paris  a  expédié  autre  mandement  à 
Estienne  Chariot,  chastelain  et  recepveur  de  ChAteau- 
gontier,  par  lequel  elle  luy  ordonne  que  des  deniers  procé- 
dans  du  rachapt  à  elle  deu  et  acquis  par  raison  du  fief, 
terre  et  seigneurie  de  (en  blanc)  tenue  et  mouvant  d'elle  à 
cause  de  sa  baronnie  de  Ch&teaugontier,  payer  et  bailler  à 
Louys  Prieur,  sieur  de  Chantelou,  son  maistre  d'hoste),  la 
somme  de  200*  tz  de  laquelle  islle  luy  a  faict  don  sur  le 
dict  proufit  de  fief,  etc. 


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53. 
Du  7*  jour  de  janvier  1539,  sur  certaine  requeste  présen- 
tée à  ma  dicte  dame  par  M°  Jacques  Adam,  secrétaire  de 
Monseigneur  le  Dauphin.  îcelle  a  renvoyée  aux  officiers 
ordinaires  de  Yendosmoys  pour  pardevant  eux  estre  faicle 
exhibition  de  contract  de  l'acquest  dont  est  faict  mention  et 
est  question  avecques  déclaration  de  la  part  des  dicts  oRî- 
ciers  des  droitz  à  elle  appartenans  à  cause  de  ce  et  leurs 
adyÎB  sur  le  tout,  pour  après  y  estre  ordonné  par  ma  dicte 
dame  ce  qu'elle  verra  estre  à  faire  par  raison. 

Des  dits  jour  et  an,  sur  certaine  requeste  présentée  k  ma 
dicte  dame  par  Girard  de  la  Bussardière,  sieur  de  l'Onnière 
et  après  avoir  veu  le  contenu  en  icelle  et  oy  sur  ce  l'advis 
des  gens  de  son  conseil,  icelle  requeste  a  renvoyée  aux  gens 
et  ofiiciers  de  la  baronnie  de  Sonnoys  pour  eux  informer  du 
contenu  de  la  valleur,  commodité  ou  incommodité  et  icetle 
information  avec  leurs  advis,  ensemble  ce  qu'elle  estant 
derrenement  à  la  Flèche  en  fut  ordonné  féablement,  le  tout 
clos  et  scellé  et  après  en  ordonner  ce  qu'elle  verra  estre  à 
faire,  le  tout  sans  retardalion  de  ses  droictz  el  du  procès 
mentionné  en  la  dicte  requeste,  etc. 

Des  dicts  jour  et  an  a  esté  présenté  certaine  requeste  à  ma 
dicte  dame  par  Macé  Oinget,  sommelier  de  penneterie  de 
la  royne  de  Navarre,  laquelle  a  esté  respondue  aînsy  que 
dessus. 

54. 

Du  23*  jour  de  janvier  1539,  ma  dicte  dame  estant  à  Paris, 
elle  a  expédié  une  procuration  ad  lites  sous  son  seel, 
laquelle  a  esté  mise  es  mains  de  Mathurin  Bizot,  recepveur 
de  Marclienoir. 

Plus,  du  dit  jour  a  esté  expédié  au  dit  lieu  par  ma  dicte 
dame  un  oftîce  de  notaire  en  la  baronnie  de  la  Flèche  vaccant 
par  la  mort  et  trépas  de  feu  Jean  Le  Teillîer. 

Sur  certaine  requeste  présenté  à  ma  dicte  dame  les  dictz 
jour  et  an  par  I.ouys  de  Saint-Loup,  sei^ent  en  la  forest  de 
Perseigne,  a  esté  respondue  ce  que  s'ensuit  : 

Après  avoir  veu  le  contenu  en  la  dicte  requeste  el  oy  sur 
ce  l'advis  des  gens  de  son  conseil,  elle  a  surcis  le  dict  sup- 
pliant jusques  à  trois  moya  prochainement  venant  de  la 
i  de  60«  tz  sur  les  deniers  qui  restent  à  payer  des 
14 


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sommes  mentionnées  en  In  dicte  requesie,  en  mandant  au 
recepveur  de  Sonnoys  de  faire  joyr  de  la  dicle  surcéance, 
car  ainsy  le  veut,  etc. 


Du  y  jour  de  febvrier  ou  dicl  an  1538  Isit-i,  ma  dicte  dame 
estant  à  Bessay  elle  a  expédié  un  mandement  à  M°  Mictiel 
Menard,  recepveur  de  Cliûteauref^nauld;  par  lequel  elle  luy 
ordonne  tenir  quicte  et  deschargé  Pierre  de  l'Êstang  dict 
Pinton,  sommelier  ordinaire  du  Roy,  de  la  somme  de  15* 
13  s.  9  d.  tz  en  quoy  il  esloil  tenu  vers  ma  dicte  dnme  pour 
les  lotz  et  ventes  d'un  aoquest  par  luy  faict  par  deux  con- 
tractz  monlans  lfl8*  5  s,  Iz  el  ce  en  la  seigneurie  du  dit 
Châteauregnault.  de  la  quelle  somme  de  15*  13  s.  9  d.  tz 
ma  dite  dame  a  faicl  don  au  dict  de  l/Estang,  sauf  le 
dixiesme  denior  que  le  dicl  de  L'Kstanfi;  a  mis  en  ses  mains 
pour  estre  converly  en  aumosnes.  etc. 

56. 

Sur  certaine  roquesie  présentée  à  ma  dicle  dame  le  der- 
nier jour  dudit  moys  de  febvrier  ou  dit  an  1538  laie),  après 
îivoir  par  elle  veu  le  contenu  eu  la  dicle  requesie  et  oy  sur 
ce  les  recepveur,  chaslelain  et  procureur  de  la  Flèche,  elle 
leur  a  ordonné  et  ordonne  d'eslargir  le  dit  Simon  Nau,  mary 
de  la  supplianU-.  en  se  obligeant  payer  la  dicle  somme  de 
'Mit  Iz  mentionnée  en  la  dicte  requesie  dans  un  an  et  demy 
prochain  venant  commençant  les  jour  et  an  que  dessus,  et  à 
la  charge  que,  si  le  dicl  Simon  Nau  est  trouvé  à  l'advenir  es 
boys  et  forests  de  ma  dite  dame,  qu'il  en  soit  faict  telle  jus- 
tice qu'il  appartiendra  par  raison.  Faictà  la  Flèche  lesdicts 
jour  et  an  que  dessus. 


Du  12'  jour  du  dit  moys  de  janvier  ou  dict  an  1538, 
ma  dicte  dame  eslant  à  Paris  a  expédié  Icctres  sous  son  seel 
par  lesquelles  elle  a  donné  à  M"  Jacques  Lavardin,  clerc.  la 
chappclle  Saint-Michel  en  l'église  collégiale  M.  Saînl- 
Georges  au  chasleau  de  Vendosme,  vaccant  par  la  mort  el 
trépas  de  feu  M''  Michel  Guignobault  en  son  vivant  paisible, 
pacifique  [possesseur]  d'icelle,  pourdoresenavantdeservirou 
faire  deservir  par  luy,  eu  prendre  el  percevoir  les  fruictz, 
revenus  et  émolumens  y  appartenans  aussy  à  la  charge  d'y 
faire  ou  faire  faire  le  service  accouslumc,  etc. 


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58. 

Du  22'  jour  du  dict  moys  de  janvier  ou  dict  an  1538,  ma 
dicle  dame  cslant  en  la  ville  de  Paris  a  expédié  mandement 
k  M'  Jean  Ribotteau,  commis  à  la  receple  de  Montreuil- 
beilay,  par  lequel  elle  luy  ordonne  faire  provision  de  boys  et 
fagotz  pour  la  somme  de  100*  tz  et  lequel  boys  le  dict 
Ribotteaii  fera  conduire  et  meîner  ou  clinstel  du  dict  Mon- 
li-euilbellay,  el  metire  en  lieu  de  seureté  pour  iceluy  boys 
subvenir  à  la  despence  de  ma  dicte  dame  duraut  le  temps 
quelle  y  sera,  etc. 

Des  dits  jour  22*  décembre  Istc)  1538,  ma  dicte  dame  a 
expédié  leclres  soulz  son  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  el  Anthoine,  duc  de  Vendosmoys,pairde 
France,  comte  de  Conversan,  de  Marie  el  Soissons,  vicomte 
de  Meaux,  baron  d'Ëspernon.  Blou,  Brj-on  et  Auzilly.  sei- 
gneur de  Rodes  en  Flandres,  salut.  Sçavoir  faisons  que 
nous  confians  à  plain  es  sens,  sufTisanee,  littérature,  prud- 
liomie,  expérience  et  bonne  diligence  de  nostre  cher  et  bien 
amé  M'  Lomer  l.e  Conte,  licencié  es  loix,  procureur  géné- 
ral en  noslre  pays  el  duché  de  Vendosmoys,  iceluy  pour  ces 
causes  et  autres  à  ce  nous  mouvans  el  en  tant  que  meslier  est 
ou  scroil,  l'avons  continué  et  continuons  ou  dit  estât  et  office 
de  procureur  général  de  nostre  dict  duché  aux  gages, 
droictz,  honneurs,  proufilz  et  cmolumens  accoustumez  et 
qui  y  apparliennenl  tant  qu'il  nous  plaira,  auquel  avons  par 
ces  présentes  donné  et  donnons  plain  pouvoir,  puissance, 
authorité  et  mandement  espëcial  de  nos  personnes  représen- 
ter en  jugement,  dehors  et  en  touttes  et  chacunes  nos  cours 
et  jurisdictions  de  nostre  dict  duché  et  en  touttes  autres,  par 
devant  tous  juges  tant  en  demandant,  comme  en  delTendant 
nos  droictz,  honneurs,  prérogatives,  poursuivre,  maintenir  et 
deffendre  en  touttes  et  chacunes  nos  querelles  et  affaires 
meues  et  à  mouvoir  et  générallemenl  et  spécialement  faire 
pour  nous  entièrement  tout  ce  que  ou  dict  office  de  procu- 
reur général  et  ordre  de  pledoyer  appartient  tout  autant  que 
nous  mesme  ferions  et  faire  pourions,  si  présens  en  nos  per- 
sonnes y  estions,  suppozé  que  le  cas  requist  mandement 
plus  spécial  et  si  mestier  est,  substituer  procureur  un  ou 
plusieurs  en  noslre  dict  duché  par  tout  où  il  appartiendra, 
ayans  pareil  el  semblable  pouvoir  que  dict  est  et  iceluy 
substitut  ou  substitutz  révocquer  touttes  etquantes  foys  qu'il 
verra  bon  eslre.  promectant  en  bonne  foy  et  parolle  de  prin- 
cesse et  prince,  soubs  l'obligation  de  tous  et  cliacuns  nos 


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—  212  — 

biens  présens  et  adveoir,  avoir  pour  aggréable  toat  ce  que 
par  no3tre  diet  procureur  général  sera  es  choses  susdicles, 
leurs  apparlenances  et  despendances.  faict.  procuré,  entiè- 
rement besongné  sans  aucunement  contrevenir  en  aucune 
manière  et  payer  le  juge  si  meslier  est.  Et  sy  donnons  en 
mandement  à  nostre  amé  el  féal  conseiller  e(  tmilly  de  Ven- 
dosmoys  ou  son  lieutenant  que,  pris  e(  receu  du  dict  Le 
Comle  le  serment  en  tel  cas  accoustumé,  iceluy  souffre  et 
laisse  joyr  de  par  nous  du  dict  estai  et  ofCce  de  procureur 
général  et  d'iceluy,  ensemble  des  dicts  gages,  droictz,  pron- 
litz,  revenus  el  éniolumens  susdicts,  le  face,  souffre  etlaisse 
joyr  et  user  plaincment  et  paisiblement,  mandons  et  com- 
mandons à  tous  nos  officiers,  justiciers  et  sujets  de  nostre 
dict  pays  el  duché  que  à  luy  obt-issent  et  entendent  déli- 
gemmenl  es  choses  concernans  le  dict  ollîce.  Mandons  outre 
à  nos  recepvGurs  ordinaires  de  Vendosme  présens  et  adve- 
nir chacun  eu  sa  charge  que  les  dicts  gaiges  au  dict  oflice 
appartenans  ils  payent  et  batllenl  par  chacun  an  au  dict  l.e 
Conte  aux  lermes  accoustumé/  et  par  rapporlant  ces  pré- 
sentes signées  de  nous  sur  le  premier  avis  seulement  ou 
vidimus  d'iceik's  deuement  approuvé,  nous  voulons  les  dits 
gages  ou  ce  que  payé  en  aura  esté  par  nos  dicts  recepveurs 
estre  passez  et  allouez  en  mise  de  leurs  comptes  par  nos 
amez  el  féaulx  les  auditeurs  d'iceux  auxquels  mandons  ainsy 
le  faire  sans  aucune  diUîcullé.  Car  tel  est  nostre  plaisir.  En 
lesmoing  do  ce,  nous  avons  signé  ces  présentes  de  nos 
mains,  etc.  F'aict  seeller  de  nos  sceaux.  Donné  par  nous 
duchesse  à  Fontevrault,  le  9"  jour  d'apvril  1539  après 
Pasques. 


Du  13'  jour  du  dit  moys  de  mars  ou  dit  an  1538,  ma  dicte 
dame  a  expédié  un  mandement  à  M'  Pierre  l.e  Maignan, 
chastelain  et  recepvcur  de  Sonnoys,  par  lequel  elle  luy 
ordonne  tenir  quicte  et  deachargé  Marin  de  la  Fosse- 
picqueur  de  la  vennerie  de  Monseigneur,  de  la  somme  de 
13*  10  s.  en  quoy  il  est  tenu  et  redebvable  vers  elle  à  cause 
de  la  terre  du  Donnoy,  et  ce  pour  le  terme  de  Saint-Remy 
dernier  passé,  de  la  quelle  somme  elle  lui  a  faict  don. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  pareillement  expédié 
un  mandement  nu  dit  chastelain  et  recepveur  de  Sonnoys. 
par  lequel  après  avoir  esté  odvertie  par  le  sieur  de  Vaujours. 
inaistre  des  eaux  et  forest  de  la  dicte  baronnie,  que  les  ser- 


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—  213  — 

gents  des  dictes  forests  de  Sonnnys,  n'ont  esté  payez  de  leurs 
gages  depuis  un  an  en  ça.  pour  laquelle  raison  lors  la  mou- 
vanl,  aueey  pour  ce  qu'elle  a  entendu  que  bien  et  deuement 
exercent  leurs  oflices  et  que  ne  pouroicnt  bonnement  leur 
entretenir  ny  faire  service  en  leurs  chargea  sans  estre  payez 
de  leurs  dicts  estaz,  elle  mande  et  ordonne  au  dict  recepveur 
que  des  deniers  de  sa  rcceple  leur  soit  saliafaict  de  celte 
année  dernière,  si  ainsy  est  qu'elle  leur  soit  deue,  et  pour 
l'advenir  pareillement  seront  payez  de  leurs  dils  gages 
accouBlumez  jusques  à  ce  que  autrement  par  elle  en  aye  esté 
ordonné.  Donné  le  12  mars  1538. 


Du  14°  jour  des  dicts  moys  et  an,  ma  dicle  dame  estant 
ail  lieu  de  la  Flèche  a  expédié  leclres  soubs  sous  son  seelen 
la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous  ceux,  etc.  Sçavoirfaisonsquepour 
les  bons,  continuels  et  aggréables  services  à  nous  faiclz  par 
nosire  cher  et  bien  amé  Fstienne  Chariot,  chastelain  et 
recepveur  de  nostre  baronnie  de  Châteaugonlier,  Innt  ou  dit 
estât  que  à  l'augmentation  du  revenu  du  grenier  à  sel  du  dict 
Chàtenugontier,  à  iceluy  pour  ces  causes  et  autres  ad  ce 
nous  mouvans  et  à  ce  qu'il  aye  plus  de  moyen  et  alfection  à 
continuer  à  nous  faire  service,  avons  ordonné  et  ordonnons 
par  ces  présentes  par  forme  de  pention  par  an  la  somme  de 
40»  tz,  à  icelle  prendre  et  retenir  par  ses  mains  des  deniers 
de  sa  dicte  recepteaujour  de  (blaiicl,  tant  qu'il  nous  plaira, 
et  dont  le  premier  poyment  se  fera  au  dict  iblanv)  et  ainsy 
dan  en  an  aux  termes  et  jusqu'à  nostre  bon  plaisir  et  rappel, 
Sy  donnons  en  mandement  par  ces  dictes  présentes  à  nos 
amez  et  féaux  les  auditeurs  de  nos  comptes  passer  et  allouer 
dores  [en]  avant  par  cbacun  an  en  la  despencc  des  comptes  du 
dit  Chariot  la  dite  somme  de  'lO*  tz  sans  en  faire  aucune 
diflîcutlé,  car  tel  est  nostre  plaisir.  Donné,  etc. 


Du  16' jour  du  dit  moys  de  mars  au  dict  an  1538,  ma  dicte 
dame  a  expédié  un  mandement  à  Mathurin  Bizol  par  lequel 
elle  luy  ordonne  payer  à  Pierre  llardouin  des  deniers 
extraordinaires  et  non  compris  en  son  estât  la  somme  de 
84*  3  8.  9  d. 

62. 

Du  18*  Jour  des  dits  moys  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié 

un  mandement  au  dict  Mathurin  Bizot  par  lequel  elle  luy 


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—  214  — 

ordonne  fournir  et  délivrer  à  François  Bouchard.  controUeur 
de  sa  maison,  les  deniers  procédans  du  rach.ipt  à  elle  deu  et 
escheu  à  cause  de  sa  dite  seigneurie  de  Marchenoir  par  la 
mort  et  trespas  de  Iblancj.  sieur  d'Aniques,  par  raison  des 
terres  et  seigneuries  qu'il  tenoit  d'elle  à  cause  de  sa  dicte 
seigneurie  de  Marchenoir,  duquel  racliapt  elle  a  faict  don 
au  dict  Bouchard  en  faveur  et  considération  des  services 
qu'il  luy  a  par  cy  devant  faictz,  faict  et  continue  par  chacun 
jour  et  espère  qu'il  fera  par  c}'  après,  sauf  du  disiesme 
denier  qu'il  sera  tenu  mectre  es  mains  de  ma  dicte  dame 
pour  estre  converly  en  ses  aumosnes,  ainsy  quelle  a  cous- 
lume  faire,  etc. 

Des  dicts  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  un  mande* 
ment  à  Estienne  Chariot,  chastelain  et  recepveur  de  Châ- 
(eaugontier,  par  lequel  elle  luy  ordonne  tenir  quitte  et 
deschargé  François  Bourré,  sieur  de  Jarzey,  du  racliapt  en 
quoy  il  est  tenu  vers  elle  pour  raison  de  la  terre  cl  seigneu- 
rie du  Couidray,  tenue  d'elle  à  cause  de  la  dicte  baronnie  de 
Chat  eaugontier,  duquel  rachapt  elle  luy  a  fait  don,  sauf  le 
dixicsme  denier  qu'il  a  présentement  mis  en  ses  mains,  etc. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  un  mande- 
ment au  maistre  des  eaux  et  forests  de  la  baronnie  de  Son- 
noys,  par  lequel  elle  luy  ordonne  délivrer  à  Macé  Trahan 
trois  pieds  de  cliesne  en  la  forest  de  l*erseigne,  dont  elle  luy 
a  faict  don. 

Des  dits  jour  et  an,  n  esté  expédié  deux  mandemens  au 
maistre  des  eaux  du  vicomte  de  BeaumonI,  par  l'un  des 
quels  elle  ordonne  délivrer  à  Jean  Vaslin.  grenclier  de  Clià- 
teaugontier,  trois  pieds  de  chesne  on  la  forest  de  Valle  et 
par  l'autre  quatre  pîeds  de  chesne  à  M'  Jacques  Guillemin 
en  la  forest  de  Meslinays,  dont  elle  leur  faicl  don. 

63. 

Du  20'  jour  des  dict^  moys  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié 
mandement  au  maistre  des  eaux  et  forests  du  vicomte  de 
Beaumont,  par  lequel  elle  luy  ordonne  merquer  et  délivrer 
aux  Cordeliers  de  la  Flèche  deux  pieds  de  clicsne  dont  elle 
leur  a  faict  don,  à  iceux  avoir  et  prendre  en  la  forest  de 
Meslinays. 

Des  dicts  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  autre  man- 
dement à  M'  Florimond  MarsolHer,  chastelain  et  recepveur 


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—  215  — 

de  la  Flèche,  par  lequel  elle  luy  ordonne  tenir  quitte  et 
deschargé  M'  Gabriel  Le  Gaigneux,  procureur  de  la  dite 
baroanie.  de  ta  somme  de  21'  13  s.  A  d-  en  quoy  il  estoil 
tenu  vers  ma  dicte  dame  pour  raison  des  ventes  à  elle 
deuee  de  l'acquest  faict  par  feu  Jean  Bidault,  son  beau  père, 
et  Innocent  Monys  de  M"  Drouel  Klyant.  le  20  mars  1537, 
de  certaine  maison,  jnrdins  cl  appartenances  assis  en  la  ville 
de  la  Flèche,  pour  la  somme  de  250*  et  de  laquelle  somme 
de  21*  13  s.  4  d.  ma  dicte  dame  luy  a  faict  don,  sauf  du 
dixiesme  denier  quil  a  présentement  mis  en  ses  mains 
pour  eslpe  employée  en  ses  aumosnes  ainsy  qu'elle  a  de 
cous  tu  me  faire. 

64. 

Du  21*  jour  des  dicls  mois  et  an.  sur  certaine  rcquestc 
présentée  a  ma  dicte  dame  par  Edin  Dallou.  fermier  de 
l'année  dernière  de  la  posson  de  la  forest  de  IVrseigne, 
après  l'advis  de  son  conseil  pour  aucunes  causes  à  ce  la 
moHvans.  donne  au  dit  Dnllou  surccance  plaine  et  délay  de 
la  somme  de  20*  tz  pour  le  reste  de  la  dicte  posson  jusqucs 
à  la  Saint -Jean -Baptiste  prochainement  venant,  en  mandant 
au  chastolain  et  recepveur  de  la  baronnie  de  Sonnoys  faire 
jouir  le  dit  Dallou  de  la  dicle  siircéance. 

Des  dicis  jour  et  nn,  ma  dicte  dame  a  expédié  mandement 
aux  officiers  de  In  dicte  baronnie  de  Sonnoys.  parlcquel  elle 
luy  a  donné  et  octroyé,  donne  et  octroyé  par  le  dici  mande- 
ment à  dame  Agnès  de  Hcnly.  vcufve  de  feu  Messire 
Anthoine  Le  Vasseur  lors  de  son  décès  seigneur  de  Con- 
gnée.  tant  en  son  nom  que  comme  ayant  le  bail  des  enfans 
mineurs  du  dicI  deiTuncI  et  d'elle,  souffrance  et  surcéance, 
c'est  à  sçavoir  de  luy  faire  les  foy  et  hommage  que  tenue 
luy  est  pour  la  lerre,  fief  et  seigneurie  d'Ailler,  ses  apparte- 
nances et  despendances,  lenue  et  mouvant  de  ma  dicte  dame 
à  Cctuse  de  son  chastel  et  seigneurie  de  Sainl-Remy-du- 
Plaîn  et  baronnie  de  Sonnois  et  de  bailler  ses  adveus  des 
dites  terres  et  seigneuries  jusques  à  ce  que  le  lilz  aisné  du 
dict  deffunct  et  de  la  diclc  daim^  Agnès  de  Renty  soit  en 
aage.  parlant  mande  et  ordonne  aux  dits  otiiciers  cl  à  chacun 
d'eux  que  de  sa  présente  souffrance  ils  facent,  souffrent  et 
laissent  la  dicte  dame  de  Congnée  es  dicls  noms,  joyr  et 
user  plainement  et  paisiblement  en  la  forme  et  manière 
dessus  dicte  et  si  ladicle  terre  ou  partie  d'icelle  est  ou  soit 
saisie  et  mise  en  la  main  de  ma  dicte  dame  par  faulte  des 


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—  216  — 

dictes  toy  et  hommage  non  faictz  et  adveuz  non  bailles,  la 
mectent  ou  facent  mectre  incontinent  et  sans  délay  à  plaine 
délivrance  le  dicl  temps  durant.  Car  tel  est  son  plaisir. 
Donné  à  Montreuibellay  les  jour  et  an  que  dessus. 

65. 

Du  25'  jour  du  dict  moys  de  mars  au  dict  an  1538,  avant 
Pasques,  ma  dicte  dame  a  expédié  un  mandement  à  Mathu- 
rin  Hubert,  recepveur  ordinaire  de  Vendosme  par  le  quel 
elle  luy  ordonne  fournir  el  délivrer  à  Messire  I.oys  de 
Lavardin.  chevallier,  seigneur  de  Rennay,  conseiller  et 
chambellan  de  Monseigneur,  les  deniers  procédans  des 
ventes  à  elle  deues  par  len  blanci  de  Nossey,  seigneur  de 
Thorigny,  pour  raison  de  l'acquest  par  luy  faict  de  demoi- 
selle Marguerite  de  Nossey  de  la  terre  et  seigneurie  du 
Teillay,  tenue  et  mouvant  de  ma  dicte  dame  à  cause  de  son 
chastel  de  Vendosme.  Des  quelles  ventes  et  yssues  elle  a 
faict  don  au  dit  seigneur  de  Hennay  en  considération  des 
bons  et  aggréables  services  qu'il  a  par  cy  devant  faictz  à  feu 
Monseigneur,  que  Dieu  absoitle,  mesme  à  Monseigneur  fait 
et  continue  chaque  jour  et  espère  qu'il  fera  cy  après,  sauf 
de  la  somme  de  100*  tz  qu'il  sera  tenu  payer  à  mon  dict 
seigneur,  qui  sont  les  premières  100*  tz  qu'il  doibl  avoir 
et  prendre  sur  tous  rachaplz  et  autres  droictz  seigneuriaux 
qui  eschéeront  en  la  dicte  chastelcnye  cxcédans  la  dicte 
somme  de  100*  par  appointement  faict  par  entre  madame  et 
mon  dit  seigneur,  etc. 

m. 

Du  19'  jour  de  mars  1538,  a  esté  expédié  deux  mande- 
mens  de  ma  dicte  dame  au  recepveur  Mathurin  Bizol, 
recepveur  de  Marchenoir,  par  l'un  desquels  elle  luy  ordonne 
que  sur  les  derniers  des  possons  de  tannée  dernière  que 
autres  deniers,  il  ayt  à  payer  à  Jacques  Royer,  vallant  sur 
son  deu,  la  somme  de  80*  Iz,  et  par  l'autre  fournir  aux  frais 
de  la  despence  qu'il  conviendra  faire  pour  un  service  quelle 
a  ordonné  au  controlleur  Bouchard  faire  dire  et  célébrer  à 
Vendosme  pour  l'âme  de  feu  Monseigneur,  que  Dieu 
absoille,  et  ce  par  la  certification  du  dict  François  Bouchard, 
controlleur. 

Des  dits  jour  et  an,  ma  dicte  dame  a  expédié  autre  man- 
dement a  M'  Florimond  Marsollier  à  ce  qu'il  ayt  à  fournir 
aux  frais  requis  et  nessessaires  esire  faictz  pour  la  réfection 


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de  ]a  muraille  de  la  cour  du  logis  de  ma  dicte  dame,  par  la 
certifBcation  des  officiers  de  l.a  Flèche. 

Des  dicts  Jour  et  an,  a  esté  expédié  deux  leclres  d'otrice 
de  notaire  de  la  baronnie  de  La  Flèche,  l'une  au  nom  de 
(en  blanc)  en  la  paroisse  de  Bousse,  ses  appartenances  et 
despendances,  vaccant  par  la  mort  et  trespas  de  feu  Jean 
Girouin,  et  une  autre  ou  nom  de  Jean  Nadreau.  en  la 
paroisse  de  Saînl-Gcrmain-du-Val.  vaccant  par  le  trépas  de 
feu  Jean  Le  Thiellier  ou  Teillier. 

Des  dicts  jour  et  an,  ma  dicle  dame  a  expédié  mandement 
au  chastelain  et  reeepveur  de  Sonnoys  M°  Pierre  Le  Mai- 
gnan,  par  lequel  elle  liiy  ordonne  subvenir  aux  frais  requis 
et  nessessaires  à  estre  faictz  pour  l'exéculion  de  l'arrest 
donné  au  prolil  de  ma  dicte  dame  à  I  encontre  des  religieux, 
abbé  et  couvent  de  Perseigne,  à  la  certitiication  du  sieur  de 
Chantelou,  maître  d'hoslel  de  ma  dicte  dame,  et  lequel  elle 
a  ordonné  assister  à  la  dicte  exécution. 

67. 

Du  27'  jour  des  dicts  moys  et  an,  ma  dicte  dame  a  expé- 
dié lectres  soubs  son  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous  ceux,  etc.,  salut,  tlomme  pour  la 
conservation  de  nos  boys  et  forests  de  nostre  baronnte  de 
I,a  Flèche  et  des  hestes  tant  rousses  que  noires  nous  soit 
besoin  commecire  homme  à  nous  seur  et  fëable,  sçavoir  fai- 
sons que  nous  à  plain  enniians  des  sens,  sullisance,  loyauté, 
preudhomie  et  bonne  diligence  de  Martin  de  Lesguis- 
sement,  iceluy  pour  ces  causes  et  autres  à  ce  nous  mouvans, 
avons  commis  et  commeclons  pour  doresavent  avoir  l'œil 
et  regard,  soy  donner  garde  des  larcins  et  abus  qui  jour- 
nellement se  font  en  nos  dicts  boys  et  forests  de  nostre  dicle 
baronnie  et  aussy  pour  donner  aide,  ronfort  et  mainforte 
aux  gardes  et  sergents  de  nos  dits  boys  et  forests,  à  ce  que 
pour  le  temps  advenir  elles  soient  mieux  gardées  et  que 
aucuns  boys  ne  soient  dérobez,  pareillement  soy  donner 
garde  que  aucuns  vautreux,  chasseurs,  gibboycurs,  lonne- 
leux  ne  chassent  en  nostre  dicte  baronnie  de  quelque  estât 
qu'ils  soient  sans  mandement  exprès  de  nous,  et  si  aucuns 
en  trouve  délinquans  tant  sur  le  faict  qu'autrement,  luy  deue- 
ment  informé  incontinent  le  mecte  ou  fasse  meclre  en  jus- 
lice  par  devant  nos  officiers  de  nostre  dicte  baronnie  pour 
par  eux  en  foire  telle  punition  quils  verront  bon  estre  par 
raison  d'équité  de  justice,  et  ce  tant  qu'il  nous  plaira  ;  en 


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—  218  — 

mandant  à  nos  dicts  officiers  faire  souffrir  et  Isisser  joyr 
plainemenl  et  paisiblement  le  dit  de  Le^uissement  de  nosire 
dite  présente  commission,  et  à  luy  obéir  et  entendre  de  tous 
ceux  et  ainsy  qu'il  appartiendra  es  choses  touchant  et  con- 
cernant la  dicte  commission  et  en  ce  faisant  voulons  et 
ordonnons  que  de  toutles  les  amendes  et  forfaiclures  qui 
pouronl  venir  à  nostre  recepte  à  l'occasion  de  la  bonne  dili- 
gence que  en  pourra  faire  le  dit  de  Leguissement  luv  en  snit 
baillé  et  délivré  doresenavnnl  par  chacun  an  la  somme  de 
15*  tî!  par  noalre  chaslelnin  et  reccpveur  de  nosire  dicte 
baronnie,  en  faisant  préalablement  roceple  par  nostre  dict 
recepveur  du  lotnl  des  dictes  amendes  et  forfaiclures,  El 
par  rapportant  ces  présentes  signées  de  nostre  mnin  ou 
vidimus  d'icelles  pour  une  foys  seulement  avec  quitance  du 
dict  Leguissemcnt,  nous  voulons  la  dicte  somme  de  15*  ix 
ou  ce  que  payé  ou  baillé  en  aura  csié  en  la  cause  dicle,  esire 
passé  et  alloué  en  la  despencc  de  ses  comples  par  nos 
amcz  cl  féaux  les  auditeurs  diceux  auxquels  mandons,  clc. 
Donné  en  nosire  cbaslol  de  Monireuibellay  les  jour  et  an 
que  dessus. 


Dn  18*  jour  d'apvril  1530  après  Pasques,  ma  dicte  dame 
estant  à  Poictiers  a  expédié  un  mandement  b  M°  (îermain 
Le  Mtiçon,  Ihrésoricr  et  recepveur  général  de  ses  finances, 
par  lequel  elle  luy  ordonne  que  des  jtremiers  el  plus  clers 
deniers  qu'il  a  à  recouvrer  pour  elle  k  cause  de  sa  charge 
durant  cette  présente  année  commencée  le  premier  jour  de 
janvier  dernier  passé,  mesme  de  ceux  <)ui  esciiéoront  au 
dernier  jour  de  juin  et  décembre  prociiainement  venans.  il 
paye  diceux  deniers  et  baille  comptant  à  messire  Yérêmye 
de  Beaquis,  gentilhomme  milanois,  au  nom  et  comme  procu- 
reur de  Madame  la  marquise  de  Moniferrat,  la  somme  de 
4775*  tz,  assavoir  21*87*  10  s.  tz  dedans  le  15' jour  d'aousl 
prochain  venant  et  pareille  somme  de  2387*  10  s.  Iz 
dedans  le  15"  jour  de  febvrier  après  ensuivant  et  aussy  pro- 
chainement venant,  faisant  le  reste  de  la  somme  de 
5000*  t!î  en  laquelle  ma  dicle  dame  a  esté  condemnée  pour 
le  reste  et  pnrfaict  de  la  somme  de  80000*  Ik  en  quoy 
dclTunct  monseigneur.  (|uc  Dieu  absnille.  et  elle  esloient 
tenus  vers  ma  dicte  dame  la  Marquise  par  partage  faict 
du  vicomte  de  Beaumont  el  baronnie  de  .Sonnoys  et  outre 
ordonné  payer  au  dict  de  Beaquis  la  somme  de  225*  qu'elle 
luy  a  donné  par  la  dicte  ordonnance  pour  les  despens  qu'il 


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peut  avoir  faits  vers  ma  dicte  dame  pour  l'exécution  du  dict 
arrest,  etc. 


Du  22'  jour  de  may  1539,  a  esié  expédié  leclres  de  ma 
dicle  dame  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Nous  Françoise,  duchesse  de  Vendosmoys,  etc.  A  tous 
ceux  qui  ces  présenles  lectres  verront,  salul,  Sçavoir  fai- 
sons que  nous  avons  faict  et  par  ces  présentes  faisons  ces- 
sion et  transport  à  M"  Jean  Ribotteau  à  ce  présent  et  acceptant 
de  lacouppe,  tonture  et  dépouille  de  448  quartrons  de  boys 
de  taillys,  à  iceux  prendre  en  la  vente  ordinaire  de  cette 
présente  année  des  boys  taillys  de  Bngnon  et  Brossay  des- 
pendans  de  nnslre  baronnie  de  Montreuilbellay,  sçavoir  est 
es  boys  du  dict  Brignon  348  quartrons  et  ou  dict  boys  de 
Brossay  100  quartrons,  ensemble  une  portion  de  taillys 
assis  près  le  dict  Brossay,  appelle  le  boys  de  la  Levée,  con- 
tenant environ  ()6  quatrons.  par  les  merqucs,  mesures  et 
arpentages  qui  en  seront  faictz  par  nos  officiers  des  dicts 
boys  ou  autres  qui  ad  ce  seront  par  nous  commis  el  députez, 
pour  en  faire  par  le  diot  Ribotteau  son  profit  ainsy  qu'il 
verra  estre  à  faire  et  lequel  sera  tenu  faire  coupperel  oster 
le  dict  boys  dedans  la  tin  d'apvril  prochain  venant  à  peine 
de  tous  dommages  et  intêrests  et  de  confiscation  du  dict 
bois.  Et  outre  par  ces  présentes  avons  faict  et  faisons  vente 
et  transport  au  dict  Ribotteau  de  l'Iierbe  et  (onture  de  cette 

Çrésenle  année  de  nos  prcz  de  nostre  dicte  baronnie  de 
lonireuilbellay.  ainsy  que  l'année  passée  luy  furent  baillez, 
ensemble  ceux  de  nostre  seigneurie  de  Genncs,  le  tout 
moyennant  le  prix  el  somme  de  1500*  tz  el  outre  luy  avons 
pour  celte  présente  année  seulement  baillé,  cédé  et  trans- 
porté les  fruiclz  et  revenus  des  quarts  des  vins  accousiumez 
et  à  nous  appartenans  en  nostre  dicte  baronnie  de  Mon- 
treuilbellay, moyennant  la  somme  de  160*  Iz,  en  ce  non 
compris  aucunement  les  fruitz  et  revenus  de  nos  vignes 
d'icelle  baronnie  que  avons  expressémenl  retenus  cl  réser- 
vez, et  les  quelles  sommes  de  l'iOO*  Iz  et  160*  U  pour 
les  causes  dessus  dictes,  le  dit  Ribotteau  sera  tenu  payer  à 
nous  ou  nostre  tbrésorier  et  recepvcur  général,  promeclant 
par  ces  dictes  présentes  signées  de  noslre  main  et  seellées 
de  nostre  seel  garantir  au  dict  Ribotteau  les  dictes  ventes  el 
ad  ce  nous  sommes  soubmise  et  hypotbec^uée  et  obligée, 
nous  et  nos  successeurs  avec  tous  et  chacuns  nos  biens 
meubles  et  immeubles,  présens  et  advenir.  En  mandant  par 


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—  220  — 

ces  présentes  à  tous  nos  officiers,  justiciers  et  sujets,  faire 
et  laisser  joyr  le  dict  Ribotteau  de  nos  dictes  vent«6,  cession 
et  transport,  sans  en  ce  luy  faire  ou  souffrir  estrc  faict 
aucun  trouble  ou  empescKement.  En  tesmoing  de  ce,  etc. 

70. 

Du  iS'  j'rmp  de  juin  ou  dit  an  1539,  a  est»;  expédié  autres 
lectres  de  ma  dicte  dame  en  la  forme  que  s'ensuit  : 

Françoise,  duchesse,  etc.  A  tous  ceux  qui  ces  présentes 
lectres  verront,  salut.  Sçavoir  faisons  que  nostre  bien  amé 
François  de  Champelais,  escuyer,  seigneur  de  Coupcelles  et 
de  la  Rej'iielière,  nous  a  ce  jour  dhuy  en  personne  faict  et 
juré  foy  et  hommage  simple  telle  qu'il  nous  doibt  et  a  con- 
fessé nous  debvoir  au  regard  de  nostre  baronnie,  terre  et 
seigneurie  de  Sainte-Suzanne,  k  cause  et  pour  raison  du  dit 
heu,  fief  et  seigneurie,  appartenances  et  despendaoces  de  la 
Reynelière  et  nous  en  a  le  dict  de  Champlais  faict  cognois- 
sance  de  service  ancien  et  accoustumé  et  promis  le  nous 
continuer  à  ladvenir  avec  les  services  de  (idélilé  en  tel  cas 
requis  et  accousiumez.  Auquel  hommage  faire  et  jurer  nous 
avons  receu  le  dict  de  Champlays,  sauf  nostre  droict  et 
l'autruy  en  touttes  choses,  et  nous  a  promis  bailler  son 
adveu  dedans  temps  de  coustume.  En  mandant  à  nos  bailly, 
procureur,  chastelain  et  recepveur  de  nostre  dicte  baronnie 
de  Sainte-Suzanne  pour  raison  du  dict  hommage  par  nous 
receu,  ne  faire  ny  donner  au  dict  de  Champlays  aucun 
empeschement  et  l'en  tenir  descharge.  (lar  tel  est  nostre 
plaisir,  etc. 

71. 

Du  26"  jour  des  dits  moys  et  an,  a  esté  expédié  au  lieu  de 
la  Flèche  autres  lectres  de  ma  dicte  dame  en  la  forme  qui 
s'ensuit  : 

Françoise,  duchesse,  etc.  A  tous  ceux,  etc. ,  salut.  Sçavoir 
faisons  que  ce  jourd'huy,  dacte  de  ces  présentes,  avons 
baillé  et  par  ces  présentes  baillons  à  titre  de  ferme  et  non 
autrement  à  M'  Octavien  l.c  Camus  nos  greffes  tant  crimi- 
nels que  civils,  tant  de  l'ordinaire  que  de  l'extraordinaire,  de 
nostre  terre  et  seigneurie  de  CliAteaugontier  pour  six 
années  entières  et  consécutives  et  suivant  l'une  l'autre  à 
commencer  la  dite  ferme  du  premier  jour  de  janvier  pro- 
chain venant  et  finissant  à  pareil  jour,  iccluy  jour  includ 
que  l'on  dira  1545,  sans  es  dicls  grelTes  dessuà  dicis  et  spé- 


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—  221  — 

ciiiez  riens  y  retenir  ny  réserver  par  nous  en  aucune  manière 
durant  la  dict«  ferme  de  six  années  ;  pour  en  joyr  par  le  dict 
Le  Camus  durant  le  dict  temps  de  sa  dicte  ferme  luy,  ses 
hoirs  et  ayans  cause  aux  droicLz,  honneurs,  profltz,  reve- 
nus et  émolumens  accoustumez,  à  la  charge  que  à  la  fin  de 
la  dicte  ferme  le  dict  Le  Camus  sera  et  demeurera  tenu 
nous  rendre  à  nostre  dicte  seigneurie  de  Chàteaugontier  les 
remenbrances,  papiers,  regestres  et  autres  titres,  minutes 
et  enseignemens  qu'il  aura  et  poura  avoir  eu  durant  sa  dicte 
ferme  consernans  le  faicl  de  nostre  seigneurie  de  Château- 
gontier  et  aussy  qu'il  sera  tenu  faire  tous  les  exploicti  tou- 
chans  et  concernans  le  faict  de  nostre  dicte  seigneurie  sans 
pour  ce  en  prendre  ny  demander  aucune  somme  de  deniers. 
Et  est  faict  ce  présent  nostre  bail  à  ferme  pour  en  payer  par 
chacune  des  dites  six  années  par  le  dict  Octavien  Le  Camus 
la  somme  de  50*  tz,  qui  est  en  somme  300*  tz  que  le  dict 
Octavien  Le  Camus  a  payée  et  baillée  comptant  à  nostre 
amé  et  féal  conseiller  thrësorîer  et  recepveur  général  de  nos 
finances  M°  Germain  Le  Maçon  par  son  récépissé,  de 
la  quelle  somme  de  300*  Iz  pour  la  dicte  ferme  des  dictes 
six  années  en  quictons  le  dict  Le  Camus  et  tous  autres  qu'il 
appartiendra,  proroectant  en  foy  et  paroUe  de  princesse  et 
souhs  l'obligation  de  tous  et  chacuns  nos  biens  et  de  nos 
hoirs  présens  et  advenir  garantir  et  defTendre  au  dict  Le 
Camus  luy,  ses  hoirs  et  ayans  cause,  la  dicte  ferme  de  six 
années  dessus  déclarée  durant  le  temps  d'icelle  et  de  tous 
empeschemens  quelsconques.  Si  donnons  en  mandement 
par  ces  mesmes  présentes  au  bailly  du  dit  lieu  de  Cli&teau- 
gontier  que,  pris  et  receu  du  dict  Le  Camus  le  serment  en 
tel  cas  accoustumé,  iceluy  mette  en  la  Jouissance  de  la  dicte 
ferme  de  par  nous  et  comme  dict  est  dessus  et  l'en  face, 
souiTre  et  laisse  joyr  durant  les  dictes  six  années  plainement 
et  paisiblement,  ensemble  des  dicls  droictz,  proufitz,  reve- 
nus et  émolumens  accoustumez  et  à  luy  obéir  et  entendre 
de  tous  ceux  et  ainsy  qu'il  appartiendra  es  choses  concer- 
nantes sa  dicte  ferme  de  greffier  criminel  et  civil  durant  les 
dictes  années.  Car  tel  est  noslre  plaisir,  etc. 

72. 

Du  22°  jour  de  juillet  au  dit  an  1539,  ma  dicte  dame 
estant  au  dict  lieu  de  la  F'Ièche  a  expédié  lectres  souhs  son 
seing  et  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  duchesse,  etc.  A  nostre  amé  et  féal  le  bailly  de 
Cany  Canyel,  salut.  Au  moyen  du  bon  rapport  et  donné  à 


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—  222  — 

entendre  que  faict  nous  a  esté  que  combien  que  de  droit  et 
par  les  ordonnances  royaux  il  soit  dit  et  ordonné  que  es 
appointemens,  jugemens  et  condemnations  qui  se  donnent 
en  justice  par  les  juges  ayana  estalz  de  judicature  ils  doivent 
avoir  avec  eux  leurs  greHiers  ordinaires  ou  leurs  commis 
pour  faire  bons  et  loyaux  regeslres  des  appointemens.  juge- 
mens et  condemnations  qui  seront  par  eux  faicts  et  donnez 
tant  pour  cour  que  pour  parties,  a  ce  que  sur  iceux  reges- 
tres  l'on  y  puisse  avoir  recours  pour  l'intérest  de  cour  et  de 
partie,  aussy  que  tnuttes  les  informations,  procès  etenquestes 
criminelles  qui  se  font  journellement  es  cours  et  jurisdicUons 
de  ce  royaume  doivent  esLre  mis,  laissez  et  demeurez  vers 
et  entre  les  mains  des  greffiers  des  dictes  cours  respective- 
ment qui  en  doibvent  répondre  à  cour  et  à  partie  quand  ils 
en  sont  semonds  et  requis  ;  à  semblable  que  des  gaigemens 
et  condemnations  d'amendes  se  doivent  faire  regestres  et 
remembrances  de  greife  à  ce  que  sur  iceux  regestres  il  soit 
procédé  à  la  taxe  d'icelles  amendes  :  néantmoins  vos  lieule- 
nans  cessent  et  font  défault  garder  et  observer  les  dictes 
ordonnances  royaux  et  mesmement  se  advancent  aller  aux 
champs  exercer  justice  hors  les  sièges  ordinaires  de  nostre 
jurisdiction  sans  avoir  le  greffier  ne  son  commis  et  après 
avoir  faict  ha  informations  et  procès  des  causes  et  matières 
criminelles  espécialement,  ils  procèdent  en  nostre  absence, 
retiennent  par  devers  eux  les  dictes  informations  et  procès  de 
causes  et  matières  sans  les  mecire  ne  laisser  au  greffe  ne  oyr 
sur  ce  nostre  procureur  et  outre  procèdent  ad  ce  faire  sans 
avoir  nostre  greffier  de  nostre  seigneurie  ne  son  commis  et 
sans  faire  faire  autres  actes  ne  regestres  en  sa  remembrance 
des  exploicts,  procédures  et  expéditions  qui  se  font  devant 
eux  es  dictes  matières,  en  manière  que  telles  matières  sont  par 
eux  recelées  et  cachées  et  d'icelles  disposent  à  leur  plaisir 
sans  ce  que  nostre  procureur  ne  autres  nos  officiers  en  ayent 
aucune  cognoissance  pour  en  faire  suicte  pour  l'intérest  de 
justice  et  des  parties  offencées  el  en  sont  par  ce  moyen  nos 
droictz  frustrez  par  leur  faict  et  coulpe,  ce  que  n'avons 
nggréable  et  ne  voulons  à  l'advenir  tollérer  ne  souffrir  estre 
par  eus  faict  en  nostre  dicte  justice  et  seigneurie  de  Cany  et 
Canyel,  ains  le  réprimer  à  nostre  pouvoir  ;  à  ceste  cause 
nous  par  ces  présentes  vous  mandons  leur  faire  inhibitions 
et  delfences  et  à  chacun  d'iceux  de  non  tenir  et  exercer  jus- 
lice  hors  le  lieu  de  nostre  ville  de  Cany  et  Canyel,  Canville 
et  Doudeville  à  jour  ordinaire  et  de  non  faire,  donner,  pro- 
noncer ne  juger  par  sentence,  diclum,  expédition  ou  appoin- 


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—  223  — 

tentent  aucuns  actes  ou  appointemens,  jugements,  enquestes, 
informations,  expédition!!  ou  procès  soit  en  matière  civille, 
criminelle  ou  réelle  vers  cour  ou  vers  partie  sans  avoir  nostre 
gretlier  de  nostre  baillitige  ou  nostre  commis,  en  nostre 
justice  et  seigneurie  de  Cany  et  Canyel,  pour  du  tout  faire 
bons  et  loyaux  regestres  selon  les  dictes  ordonnances  de  ce 
que  en  sera  par  eux  dicl,  jugé,  sententié  et  appointé  ;  à  ce 
que  sur  iceux  regestres  et  remembranccs  les  parliesen  puis- 
sent autant  recouvrir  et  procéder  à  faire  la  taxe  des  amendes 
qui  par  vous  et  chacun  de  vous  seront  jugées,  nos  procu- 
reurs et  recepvcurs  présens  et  appelez,  et  enjoignons  à  vos 
lieutenans  de  mectre  vers  le  greffier  de  nostre  diot  bailliage, 
huictaine  après  la  siguilicalion  de  <'es  présentes,  louttes  les 
informations,  procès,  accusations  que  vous  avez  et  retenez 
par  devers  vous  en  nostre  justice  et  seigneurie  susdicte  ;  à 
ce  que  le  tout  communiqué  à  nostre  dict  procureur,  il  y  soit 
par  vous  bailly  le  tout  veu,  donné  telle  provision  pour  le 
deu  de  justice  que  verrez  estre  à  faire  par  raison  et  que  sur 
ce  n'ayez  à  faire  le  contraire,  car  tel  est  nostre  plaisir,  sur 
peine  de  privation  des  estalz  et  oftîces  de  vos  dicts  lieute- 
nans que  vous  ordonnons  et  commandons  faire  ot  enjoignons 
à  nos  dicts  procureur  et  greffier  que  selon  le  deu  de  leurs 
otlices  ils  ayent  chacun  en  son  regard  à  y  faire  leur  debvuir 
et  acquicl  et  à  ce  qu'ils  n'nyent  à  en  prétendre  cause  d'igno- 
reuce  nous  ordonnons  ces  pi-ésentes  estre  à  eux  signitîées  et 
montrées  et  estre  regestrées  au  grelTe  de  vostre  bailliage 
pour  le  tout  faici  estre  renvoyé  vers  nous  avec  actes  soubs 
□os  seings  de  lu  signiticatioii  et  regestreure  de  <'es  présentes 
pour  par  après,  en  delTault  de  faire  et  accomplir  ce  que  dict 
est.  y  pourvoir  au  surplus  par  telle  voye  que  verrons  estre 
à  faire  par  raison.  En  tesmoin  de  ce,  etc. 

73. 

Du  18"  jourdes  dicts  moys  et  an.madicte  dame  estant  au  dict 
lieu  de  la  Flèche,  a  expédié  lectres  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  duchesse  de  Vendosmoys,  etc.  A  tous  ceux  qui 
ces  présentes  lectres  verront,  salut.  Sçavoir  faisons  que 
pour  le  bon  rapport  que  faict  nous  a  esté  de  la  personne  de 
noslre  cher  et  bien  amé  Estienne  I.e  Page,  demeurant  à  la 
Flèche,  huissier  de  nostre  chambre,  et  de  ses  sens,  suffi- 
sance, loyauté,  prudhomie,  expérience  et  bonne  diligence,  à 
iceluy  pour  ces  causes  et  autres  ad  ce  nous  mouvans,  avons 
donné  et  octroyé,  donnons  et  octroyons  par  ces  présentes 
l'office  ou  offices  de  chastelain,  recepveur  et  enquesteur 


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—  224  — 

ordinaire  de  noslre  baronnie,  terre  el  seigneurie  de  la 
Flèche  que  souloit  tenir  et  exercer  par  cy  devant  M'  Flori- 
mond  Marsoltier,  dernier  et  paisible  possesseur  d'iceluy, 
vaccant  à  présent  par  la  pure  et  simple  résignation  que  ce 
jourd'lmy  en  a  faîcte  en  nos  mains  le  dict  Marsollier  et 
aussy  moyennant  la  somme  de  100  écus  d'or  soleil  vallans 
225'  tz  que  luy  avons  faict  payer  comptant  par  nostre  amé  et 
féal  conseiller  thrésorier  recepveur  général  de  nos  finances, 
M'  Germain  Le  Maçon,  pour  le  dict  oflîce  ou  ollices  enjouir 
aux  bonneurs.  droiclz,  prérogatives,  etc. 

74. 

Du  19*  Jour  du  moys  de  septembre  au  dict  an  1539,  ma 
dicte  dame  estant  au  dict  lieu  de  la  Flèche  a  expédié  lectres 
soubs  son  seing  el  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.  A  nostre  chaslelain  recepveur  de  nostre 
baronnie  de  la  Flèche  présent  el  advenir.  Nous  vous  man- 
dons et  ordonnons  que  de  tous  et  cliacuns  les  racliapts. 
proulitz  de  tief  et  ventes  qui  doresenadvant  eschéeront  et 
nous  seront  deubs  k  cause  de  nostre  dicte  baronnie,  vous 
ayez  à  payer,  bailler  et  délivrer  aux  Cordeliers  du  couvent 
M.  Saint  François  de  nostre  ville  de  la  Flèche,  le  dixiesme 
denier  de  tous  et  chacuns  les  dicts  rachaplz,  proulitz  de  fief 
et  ventes  qui  nous  sont  et  ponront  par  cy  après  estre  deubs, 
duquel  dixiesme  denier  nous  avons  fait  el  faisons  par  ces 
présentes  don  et  aumosne  auxdits  Cordeliers,  noatre  vie 
durant  seulement,  pour  les  ayder  à  vivre,  aussy  ad  ce  qu'ils 
soient  plus  enclins  à  prier  Dieu  pour  l'àme  de  feu  nostre 
très  cher  seigneur  el  espoux  Monseigneur  le  duc  de  Ven- 
dosmoys  que  Dieu  absoille,  ensemble  pour  nostre  prospé- 
rité et  santé,  et  en  rapportant  par  vous  ces  dites  présentes 
signées  de  nostre  main  ou  vidimus  d'icelle  deuement  colla- 
tioné  h  l'original  pour  une  foys  seulement  avec  recognois- 
sance  des  dits  Cordeliers  d'avoir  joy  de  nostre  présent  don 
pour  tant  de  foys  que  besoin  sera  el  faisant  par  vous  entière 
recejtte  des  sommes  à  quoy  se  poura  monter  le  dict  dixiesme 
denier,  nous  voulons  iceluy  ou  ce  que  payé  et  baillé  en  aura 
esté,  estre  passé  et  alloué  en  la  deepence  de  vos  comptes 
par  nos  amez  et  féaulx  les  anditeurs  d'iceux  auxquels  man- 
dons ainsy  le  faire,  etc. 


Du  1"  jour  d'octobre  ou  dict  an  1539,  a  esté  expédié 
mandement  de  ma  dicte  dame  à  M"  Michel  Ménard,  recep- 


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—  225  — 

veur  de  la  terre  et  seigneurie  de  Château regnault,  par 
lequel  elle  liiy  ordonne  tpnir  quicte  et  deschargé  M°  Jean  de 
la  Cliesnaye,  notaire  et  secrétaire  de  Monseigneur  le  Roy, 
et  Françoise  Mallet,  sa  femme,  de  la  somme  de  100*  tz 
en  quoy  ils  estoienl  tenus  vers  ma  dicte  dame  pour  les 
droictz  seigneuriaux,  ventes,  proufitz  de  tief  à  elle  acquis  à 
cause  de  sa  baronnie  de  Châteauregnault.  pour  raison  de 
l'acquisition  par  eux  faicte  de  Marin  Le  Jeune,  escuyer, 
sieur  de  Follet,  par  contract  passé  soubs  le  seel  royal  du 
Chastetet  de  Paris  le  13'  Jour  de  janvier  dernier  passé,  par 
Du  Pré  et  de  Fontenay,  notaires,  de  certaines  partz  et  por- 
tions de  la  terre  et  seigneurie  de  Morin,  ses  appartenances 
et  despendances  en  tant  et  pour  tant  qu'il  en  y  a  tenu  de  la 
dite  baronnie  et  en  ce  non  compris  les  droictz  et  proufitz 
de  fief  qui  seroient  deus  à  autres.  De  laquelle  somme  de 
100*  tz,  pour  la  cause  dessus  dite  et  certaines  bonnes  et 
justes  causes,  àfaicletfaictdonauxdictsdelaChesnayeetsa 
femme,  avec  réservation  touttesfoys  du  dixiesme  denier  de  la 
dicte  somme  de  100*  tz  que  la  dicte  Mallet  a  présentement 
mis  es  mains  de  ma  dicte  dame  pour  estre  converty  et 
employé  en  ses  aumosnes,  ainsy  qu'elle  a  de  couslume  faire, 
le  tout  à  la  charge  que  les  dicls  de  la  Chesnaye  et  sa  dicte 
femme  seront  tenus  exhiber  les  lectres  et  contractz  de  la 
dicte  acquisition  et  autres  précédens  par  devant  le  bailly  du 
dict  Chftteauregnault  ou  son  lieutenant  pour  estre  regestrez 
es  remambrances  en  ensuivant  l'ordonnance  par  elle  sur  ce 
faicte  et  sans  préjudice  d'autres  droictz,  debvoirs  et  proufitz 
de  fief  s'aucuns  luy  en  estoient  pour  ce  deubs  ou  à  son 
très  cher  et  très  amé  nepveu  le  duc  de  Longueville,  sei- 
gneur propriétaire  de  la  dicte  baronnie,  et  par  rapportant 
ces  dites  présentes  avec  regestre  et  acte  de  la  dicte  exhibi- 
tion faisant  par  le  dict  recepveur  recepte  d'icelle  somme  de 
100*  tz  pour  la  cause  susdicte  avecques  recognoissance 
des  dicta  de  la  Chesnaye  et  se  femme  d'avoir  joy  de  nostre 
présent  don,  elle  veut  icelle  somme  de  100*  tz  estre  des- 
duitte,  etc.  En  mandant  outre  aux  dits  bailly  ou  son  dit 
lieutenant  que  si,  pour  raison  des  dictes  ventes  ou  proufitz 
de  fief  ainsy  à  elle  deus  et  acquis,  les  dictes  choses  estoient 
saisyes,  prises  et  mises  en  sa  main,  iceluy,  après  la  dicte 
exhibition  faicte  quand  ad  ce,  mectent  à  deslivrance  aux 
dicts  de  la  Chesnaye  et  sa  femme  en  payant  les  frais  de 
Justice  s'aucuns  y  a.  Donné,  etc. 

IS 


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76. 

Du  14'  jour  des  dicts  moys  et  an,  ma  dicte  dame  a  escript 
et  eipédié  mandement  au  bailly,  advocat,  procureur,  chas- 
telain  et  recepveur  de  la  baronnie  de  Châteaugontier  par 
lequel  oprès  avoir  oy  le  rapport  du  dict  chastelain  sur  la 
réparation  nesseasaire  des  ponts  du  dict  lieu  cy  devant 
encomniencez  estre  refaicts  de  pierre  dont  partie  depuis 
aucun  temps  est  tumbé  en  niisne  par  fortune  et  ionoudatioa, 
et  veu  sur  ce  l'advis  d'aucuns  maçons  et  cherpentiers,  elle 
ordonne  que  pour  le  présent  et  en  attendant  la  totalle  réfec- 
tion du  dict  pont  et  ad  ce  que  ce  pendant  n'y  advienne 
aucun  inconvénieni,  la  réparation  de  bois  déclarée  par 
l'advis  des  dicts  maçons  estre  faicle,  leur  enjoignant  très 
expressément  que  au  plus  tost  et  le  plus  commodément  que 
faire  ce  poura  et  en  leurs  consciences  ils  ayent  à  faire  faire 
la  dicte  réparation  de  bois  et  pour  le  bois  ad  ce  requis  et 
nessessaire  a  par  autre  mandement  ordonné  à  son  maistre 
des  eaux  et  forests  le  marquer  et  délivrer,  parlant  mande  et 
ordonne  au  dit  chastelain  et  recepveur  fournir  aux  frais  des 
cberpentiers  et  autres  ouvriers  qui  besongneront  à  la  dicte 
réparation  jusques  à  la  somme  de  180*  tz  et  au  dessoubs, 
le  tout  par  l'advis  et  certiiicatîon  des  dicts  bailly,  advocat, 
procureur  et  greflier  et  aussy  sans  diminution  des  deniers 
de  vostre  estât  de  cette  présente  année  et  en  rapportant  par 
le  dict  chastelain,  etc. 

Des  dicts  jour  et  an  a  esté  expédié  mandement  au  maistre 
des  eaux  et  forests  du  vicomte  de  Beaumont  ou  son  lieute- 
nant, par  lequel  elle  leur  ordonne  que  pour  In  réparation 
par  elle  ce  jourd'huy  ordonnée  estre  faicte  es  ponts  de  sa 
ville  de  Châlcaugontier  et  jusques  ad  ce  qu'elle  y  ayt  plus 
amplement  pourveu  et  ordonné  ils  ayent  k  bailler  et  déli- 
vrer jusques  au  nombre  de  35  pieds  de  chcsnes  ou  chastei- 
gners  pris  èa  boys  de  la  baronnie  de  Ch&leaugontier  par 
l'advis  des  oHiciers  du  dicl  lieu  et  autres  gens  ad  ce  cognois- 
sans.  Et  en  rapportant,  etc. 

(A  suivre). 


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UNE  ARRESTATION  EN  1791' 


A  la  lin  de  juin  179L,  une  véritable  Jacquerie  ravageait 
le  département  de  la  Mayenne,  et  les  campagnes  voyaient 
flamber,  çà  et  la,  les  châteaux.  Le  26,  on  vint  annoncer 
à  Craon  que  la  Maison-de-Cuillé  était  en  flammes.  La 
municipalité  expédia  la  garde  nationale  et  un  détache- 
ment du  10'  régiment  de  cavalerie,  ci-devant  Royal- 
Cravatte,  pour  arrêter,  s'il  en  était  temps  encore,  le 
pdlage  et  les  progrès  de  l'incendie.  Vers  neuf  heures  et 
demie  du  soir,  les  troupes  revenaient  de  Cuillé,  où  ne 
restaient  que  des  décombres  fumants,  en  poussant 
devant  elles  trois  ou  quatre  des  malfaiteurs.  Tout  à  coup 
l'avant-garde  découvre  au  loin  quelque  chose  sur  la 
route  ;  on  s'avance  prudemment  :  c'est  une  berline  arrê- 
tée, et  dont  on  dételle  tes  bœufs  pour  tes  remplacer  par 
des  chevaux  de  trait,  sous  la  surveillance  d'un  cavalier 
a  vêtu  en  jokai  »,  qui  a  soigneusement  rabattu  son  cha- 
peau sur  son  visage. 

Jamet,  procureur  de  la  commune  de  Craon,  fait  cerner 
le  véhicule  par  ses  soldats,  s'approche  de  la  portière, 
l'ouvre,  interpelle  les  voyageurs,  un  homme  et  deux 
femmes. 

Ils  se  nomment  :  marquis  et  marquise  de  Lantivy  de 
la  Lande,  en  route  pour  Paris  avec  leur  fils  et  leurs  gens, 

1,  Vojei  :  Archives  Datlonalos,  D  XXIX,  g;  —  Abbé  Angot,  Diction- 
naire hittOTiqw  de  la  Mayenne.  Laval,  1901.  Article  lantivy;  — 
notice  généalogiqut  :)ur  la  famille  de  Lantivy.  Vitré,  1SS1  ;  —  De  la 
Cbeanaje-Desbols  et  Badler,  Dictionnaire  de  la  noblesse,  Paris,  18G7, 
t.  XI  ;  —  Bodard  de  la  Jacoplère,  Chroniques  craonnaises.  Le  Macs, 
1889  et  1871  ;  —  Courtaui  et  de  Laotivy  de  Trédlon,  le»  J/oisons  de  lau- 
tivy,  de  l'Eitourbeillon...  Parti,  1899. 


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—  228  — 

comme  en  font  loi  leurs  passeports  signés  du  maire  de 
Niatles.  Mais  Jamet  est  un  homme  soupçonneux  :  qu'est- 
ce  qu'un  ci-devant  marquis,  sinon  un  aristocrate  et  un 
contre -révolutionnaire  ?  Et  pourquoi  rôde-t-il  à  cette 
heure  par  les  chemins,  si  ce  n'est  pour  émigrer?  Qu'on 
fouille  ces  gens-là  !  Et  pendant  que  les  gardes  ins- 
pectent les  prisonniers  et  ouvrent  les  malles,  Jamet  dé- 
montre que  le  château  de  la  Lande  était  le  siège  de 
conciliabules  contre  «  notre  sainte  Constitution  »,  un 
rendez-vous  de  nobles,  ayant  des  intelligences  avec 
d'Autichamp,  l'auxiliaire  de  Condé,  et  de  préli-es  inser- 
mentés qui  entretenaient  les  ouailles  «  dans  te  chimérique 
espoir  d'une  contrerévolution  »,  Plus  de  doute!  Voici 
sur  l'un  des  voyageurs  une  liasse  de  lettres  peu  enthou- 
siastes pour  l'état  actuel  des  choses,  donc  ils  conspirent  ; 
et  voilà  dans  leurs  bagages  de  l'or  et  de  l'argent,  donc 
ils  font  sortir  le  numéraire  du  royaume,  crime  pi-évu  et 
puni  par  les  décrets  de  l'Assemblée  nationale.  En  prison  ! 
Et  la  patrouille  emmène  les  nocturnes  voyageurs,  malgré 
leurs  protestations,  et  les  incarcère  à  Craon. 

Messire  André-Louis  ',  chevalier,  comte  de  Lantivy, 
seigneur  de  la  Lande,  Niafles,  Bouchamps,  l'Isle-Tizon, 
Bouche-d'Uzure,  l'Epinay,  Baranton,  Champiré  et  autres 
lieux,  était  alors  un  vieillard  de  soixante-dix  ans,  presque 
aveugle,  perclus  des  rhumatismes  qu'il  avait  gagnés  dans 
ses  campagnes  de  Bavière  et  de  Bohême,  et  beaucoup 
moins  ingambe  qu'aux  beaux  jours  de  1738  où  il  portait 
l'élégant  costume  de  page  du  roi  eu  la  grande  écurie. 
Fringant  officier  au  régiment  de  Fouquet-Cavalerie,  il 
épousa,  par  contrat  du  il  février  1749,  la  nièce  de 
M.  l'évoque  de  Valence,  Henriette  de  Milon  ;  elle  mourut 
en  juillet  1752.  Le  marquis  se  remaria  le  1"  février  1754, 

1.  n  était  ais  de  Louis- (terre  Jacques  de  LantiTy.  qui  épouw  en  1716 
Louise  LoDKlola,  flUe  de  Jacques  Langlols.  maître  à  la  Chambra  des 
Comptes  de  Bretagne.  Les  Lantivy  de  la  Laude  s'étalent  établis  dans  le 
CraonnaU  au  début  du  xvi"  siècle.  —  Armes  :  De  gueules  à  l'épie  d'aï- 
gettt  potée  en  pal.  —  Devise  :  (/ut  d^:itre  n'a  repo».  —  Support  :  deux 


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avec  demoiselle  Charlotte-Hyacinthe-Claudine-Josèphe 
de  Montecler,  fille  de  François- Joseph,  chevalier,  marquis 
de  Montecler,  seigneur  de  Saint-Christophe-du-Luat, 
Châtres,  Saint- Léger-en-Charnie,  et  de  Hyacinthe  de 
Menon  de  Turbilly,  marquise  de  la  Rongère,  baronne 
de  Villiers-Charlemagne.  Du  premier  Ut  naquit,  le 
1.3  août  1750,  une  fille,  Marie-Innocente-Jeanne-Marie  '. 
Du  second  lit  naquirent  ;  1**  Louis- André-Charles,  qui 
vit  ie  jour  le  18  février  1760  et  reçut  le  supplément  des 
cérémonies  du  baptême  en  l'église  de  Niafles;  2"  Louis- 
Georges-Maurice,  reçu  le  7  novembre  1763  chevalier  de 
Malte  de  minorité,  et  le  17  avril  1778  garde  de  la  marine; 
3'  Louise-Charlotte-Juiie  ;  4"  Louise- Hyacinthe. 

Au  moment  de  la  Révolution,  le  marquis  et  la  marquise 
vivaient  en  leur  château  de  la  Lande,  en  la  paroisse  de 
Niafles.  Pendant  ce  temps,  leur  aîné,  Louis-André,  che- 
valier, comte  de  Lantivy,  seigneur  de  l'Isle-Tizon,  la 
Lande,  Baranton,  Champiré,  l'Epinay,  la  Guittonnière, 
Niafles,  Faouiidic,  Bouche -d'Uzure,  Kermaïnguy  et 
autres  lieux,  soutenait  le  nom  de  sa  famille  à  l'armée  : 
des  lettres  du  31  janvier  1774  l'avaient  nommé  lieute- 
nant au  régiment  des  dragons  de  Montecler  (plus  tai'd 
dragons  de  Monsieur),  dont  son  oncle,  le  chevalier  Henri- 
François  de  Montecler,  était  mestre  de  camp;  mais  il 
fallait  aussi  faire  figure  n  la  Cour.  En  janvier  1789,  il 
fit  ses  preuves  de  noblesse  au  cabinet  des  ordres  du  roi 
pour  être  admis  à  suivre  les  chasses  et  à  monter  dans 
les  carrosses  de  Sa  Majesté.  La  Révolution,  qui  éclata, 
le  dispensa  d'en  fournir  d'autres  et  lui  épargna  les 
rigueurs  de  l'étiquette. 

Le  vieux  marquis  n'accueillit  pas  avec  beaucoup  de 
sympathie  les  réformes  de  l'.Assemblée  nationale  ;  pour- 
tant il  donna  son  obole  à  la  ville  de  Craon  quand  il  s'agît 
d'en  équiper  la  garde  nationale,  et  tAcha  de  soulager  la 
misère  que  la  disette  rendait  grande.  11  prêta  1.500  #  à 


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—  230  — 

la  municipalité  craonnaiae  pour  ses  approvisionnemeats 
de  grains.  Mais  les  désordres  qui  éclatèrent  dans  le 
Maine,  le  brigandage  qui  ravagea  les  châteaux  sous 
prétexte  de  découvrir  les  blés  accaparés  et  de  détruire 
les  titres  féodaux,  le  désabusèrent.  Il  Be  fècha  tout  rouge 
quand,  le  19  juin  1790,  un  décret  de  l'Assemblée  consti- 
tuante abolit  la  noblesse  héréditaire  et  les  insignes  nobi- 
liaires. Une  fâcheuse  cataracte  obscurcissant  sa  vue,  il 
fit  écrire  par  la  marquise  une  lettre  indignée,  adhérant  à 
la  protestation  de  la  noblesse  de  France,  et  qui  fut 
publiée  dans  la  Gazette  de  Paris  du  21  juin  1791. 

Voici  en  quels  termes  s'exprima  cette  mère,  «  bien 
digne  de  ce  titre  sacré  »  :  «  L'un  de  ses  fils,  maintenant 
à  Malte,  apprend  à  l'école  des  Héros  comme  on  combat 
les  infidèles  ;  comment  ne  protesterait-il  pas  contre  nos 
mandataires?  Un  père  eût  signé  pour  ses  enfans,  mais 
il  est  privé  de  la  clarté  des  cieux,  il  ne  lui  reste  plus 
pour  guide  et  pour  interprète  qu'une  mère  dont  le  cœur 
est  un  des  chefs-d'œuvre  de  la  nature  et  le  sanctuaire 
de  l'honneur  ;  ce  sont  quatre  protestations  en  une  :  mère, 
époux,  enfans,  n'ont  qu'une  même  âme.  Leur  nom  est 
Montecler  de  Lantivy.  En  apprenant  que  son  vœu  est 
public,  le  père  regrettera  moins  de  ne  plus  voir  le  jour. 
Je  l'ai  donné,  dira-t-il,  à  deux  fila  dignes  de  protester 
avec  les  chevaliers  françois  ;  c'est  assez  pour  mon 
bonheur.  » 

L'année  1791  s'avançait,  les  circonstances  s'aggra- 
vaient. Le  refus  du  serment  constitutionnel  par  le  clergé, 
l'installation  des  prêtres  jureurs,  des  protestations  par- 
fois violentes  contre  les  intrus  agitaient  les  campagnes. 
Le  château  de  ta  Lande  et  ceux  des  environs  donnèrent 
asile  aux  ecclésiastiques  dépossédés  ;  ceux  des  nobles 
qui  n'avaient  pas  émigré  vivaient  dans  te  regret  du 
passé,  la  terreur  du  présent.  In  crainte  de  l'avenir, 
escomptant,  en  dépit  de  tout,  une  intervention  efficace 
des  émigrés  et  des  puissances.  D'un  manoir  a  l'autre,  et 
des  villes  aux  manoirs,  les  courriers  ou  la  poste  colpor- 


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—  231  — 

tent  les  lettres,  L'Assemblée  nationale  a  supprimé  les 
armoiries,  et  les  armoiries,  narguant  ses  décrets,  tim- 
brent le  cachet  des  billets  adressés  à  la  Lande.  De 
Vitré,  d'Angers,  les  correspondants  de  la  marquise 
signalent  les  faits  divers,  exhalent  leurs  rancunes,  leurs 
alarmes,  leurs  espoirs;  depuis  la  cataracte  du  marquis, 
c'est  la  marquise  qui  reçoit  et  lit  les  missives,  y  répond, 
ou  avise  ses  voisins  des  fraîches  nouvelles.  Elles  ne 
sont  pas  gaies,  les  nouvelles  :  disettes,  ravages  des 
émeutes,  nobles  ruinés,  prêtres  sans  asile,  bruits  de 
guerre  civile  et  étrangère.  Tout  à  coup  l'incendie  se 
rallume  dans  la  Mayenne.  Une  lettre  épouvantée,  la 
dernière,  un  fragment  écrit  en  toute  hi\te  sur  un  mauvais 
papier,  arrive  chez  le  marquis.  Le»  mnnoirs  de  Cuillé, 
Martigné,  brillent  ;  la  Lande  même,  et  les  chAteaux  voi- 
sins, sont  menacés  des  flammes.  Demain,  cette  nuit  peut- 
être,  les  vieux  toits  de  la  Lande  flamberont.  La  famille  .'-e 
rassemble,  elTarée,  tient  conseil.  H  faut  fuir  :  à  Angers  '.' 
l'Anjou  est  aussi  troublé  que  le  Maine  ;  à  Paris,  plutôt. 
On  sera  plus  en  sûreté  dans  les  murs  de  l'hAtel  de 
Montecler,  rue  du  Cherche-Midi.  D'ailleurs  M.  de  Lan- 
tîvy  trouvera  dans  la  capitale  l'occasion,  toujours  retar- 
dée, de  faire  opérer  sa  cataracte.  La  marquise  fait 
demander  au  maire  de  Craon  par  M.  de  la  Jacopière  des 
passeports  pour  Paris;  on  les  refuse  sous  prétexte  que 
la  délivrance  de  ces  pièces  appartient  au  maire  de  la 
commune  de  Niatles,  dont  dépend  la  Lande.  Le  maire 
de  Niafles  acquiesce,  signe  les  papiers,  la  berline  sort 
des  écuries,  les  malles,  bâclées,  sont  hissées.  On  ne 
partira  qu'à  la  nuit;  deux  bœufs  traineront  le  véhicule 
dans  les  chemins  creux  jusqu'à  !a  grand'route  où  on 
attellera  les  chevaux.  Aux  dernières  lueurs  du  couchant, 
disant  adieu  à  la  Lande,  la  caravane  s'ébranle  et  cahote 
une  lieue  et  demie  dans  les  ornières  pour  aller  se  faire 
arrêter  par  la  patrouille  de  Craon. 

Il  était  onze  heures  du  soir  quand  Jamet  amena  sa 
prise  à  la  municipalité  de  Craon.  Les  autorités,  préve- 


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—  232  — 

nues,  accoururent,  tout  heureuses  qu'on  eût  mis  la  main 
sur  de  dangereux  perturbateurs,  un  peu  surprises  ensuite 
de  voir  que  ces  redoutables  conspirateurs  étaient  un 
septuagénaire  aveugle  et  une  vieille  dame.  Cependant 
les  soldats  fouillèrent  les  fugitifs,  sans  leur  ménager 
les  propos  narquois  ou  menaçants  ;  c'est  que  les  flancs 
de  la  berline  et  les  poches  du  marquis  recèlent  une  for- 
tune. Des  couverts  d'argent,  une  cassette  de  bijoux, 
780  louis,  quatre  sacs  d'argent  de  600,  924,  543  et  450 
livres  ;  336  livres  dans  d'autres  boites,  de  riches  vête- 
ments, des  dentelles,  viennent  s'amonceler  sur  la  table 
sous  les  yeux  avides  des  gardes  nationaux  qui  chucho- 
tent. Voilà  pourquoi  le  numéraire  est  si  rare,  accaparé, 
caché  et  transporté  hors  du  royaume;  voilà  pourquoi  le 
louis  d'or  enchérit  de  3  et  4  livres  pièce.  A  quatre  heures 
du  matin  seulement  ces  premières  formalités  prirent  lin 
et  les  prisonniers  purent  se  reposer.  Pour  leur  éviter  la 
maison  d'arrêt,  le  chirurgien  Juhel  Dupaty  leur  offrit 
son  logis  où  ils  furent  incarcérés  sous  sa  responsabilité  \ 

Le  2  juillet,  les  officiers  municipaux  de  Craon  faisaient 
part  de  leur  zèle  à  l'Assemblée  nationale  :  «  Augustes 
représentans,  écrivait  l'un  d'eux,  tandis  que  vous  donnez 
vos  ordres  pour  la  sûreté  de  l'empire  avec  le  calme  qu'il 
(sic)  convient  aux  législateurs  d'une  grande  nation, 
nous  voilions  aux  devant  des  brigands  qui  vouloient 
incendier  les  châteaux  des  ci-devant  seigneurs  pour  les 
forcer,  nos  armes  d'une  main  et  vos  augustes  décrets  de 
l'autre,  de  respecter  les  propriétés  et  les  personnes  '.  » 
Malheureusement,  ils  arrêtaient  les  volés  en  même  temps 
que  les  voleurs. 

Quelques  jours  après,  le  citoyen  Jacques-René  Chas- 
sebœuf,juge  au  tribunal  du  district  de  Craon,  commença 
les  interrogatoires  ;  il  questionna  le  marquis  que  la  cécité 
empêcha  de  signer  sa  déposition,  puis  la  marquise,  puis 
le   jeune  comte,   enfin  les   laquais,    Julien   Houdmon, 

1.  ArctaivM  QStlODilM,  D  XXIX,  75  87,  8. 


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—  233  — 

Mathieu  Hunault  dit  la  France,  et  la  chambrière,  Anne 
Aillery,  femme  Chaillot.  Toutes  les  réponses  concor- 
dèrent; les  suspects  ne  firent  aucune  difRcuIté  d'avouer 
qu'effrayés  des  dangers  qui  menaçaient  leur  demeure, 
ils  avaient  résolu  de  mettre  en  sûreté  leurs  personnes 
et  leurs  objets  les  plus  précieux;  ils  protestèrent  qu'ils 
n'avaient  aucunement  l'intention  d'émigrer,  mais  seule- 
ment de  gagner  Paris  ;  d'ailleurs,  l'état  des  yeux  de 
M.  de  Lantivy  exigeait  une  consultation  sérieuse  et  une 
opération  pratiquée  par  les  spécialistes  de  la  capitale. 
Les  ressources  qu'ils  emportaient  en  argent  et  en  elTets, 
suflisantes  pour  vivre  à  Paris  selon  leur  rang,  étaient 
trop  faibles  pour  un  départ  à  l'étranger;  enfin  il  n'y  avait 
point  de  loi  qui  interdit  à  un  citoyen  français  de  voyager 
quand  bon  lui  semble  et  de  quitter  la  campagne  pour  la 
grande  ville. 

Chassebœuf  n'avait  entamé  cette  instruction  que  !e 
13  Juillet;  le  14,  les  fugitifs,  voyant  l'affaire  traîner  et 
trouvant  le  temps  long  dejjuis  dix-sept  jours  de  détention 
non  motivée,  adressèrent  une  protestation  au  comité  des 
recherches  et  pétitions  de  l'Assemblée  nationale.  D'ail- 
leurs, des  difficultés  avaient  surgi  :  les  juges  Eanue- 
Lavallée,  Chassebœuf  et  Doussault,  quelque  prévention 
qu'ils  eussent  contre  des  ci-devant,  étaient  fort  embar- 
rassés, lis  avaient  oublié  une  formalité  de  procédure,  ce 
qui  pouvait  entraîner  la  nullité  des  poursuites  ;  ils  avaient 
nêgHgé  d'arrêter  l'iiomme  qui  amenait  de  la  Lande  les 
chevaux  destinés  à  remplacer  les  bœufs  de  la  berline  : 
d'après  l'avis  et  sur  la  requête  du  juge  Midy,  il  fallait 
recommencer  réglementairement  tous  les  interrogatoires. 
On  en  référa  au  Directoire  du  département,  qui  consulta 
la  Constituante .  Le  16,  Cliartier,  commissaire  du  district, 
faisant  provisoirement  fonction  de  procureur  syndic  du 
district  de  Craon,  réclama  les  lettres  suspectes  trouvées 
sur  les  prévenus  pour  les  adresser  u  l'Assemblée  natio- 
nale saisie  en  dernier  ressort;  l'affaire  fut  portée  du 
district  de  Craon  au  Comité  des  recherches.  Le  3  août, 


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—  234  — 

ce  comité  donna  l'ordre  de  relâcher  sur  le  champ  les 
voyageurs  indûment  arrêtés. 

Je  ne  sais  ce  que  devinrent  ensuite  le  marquis  et  la 
marquise.  É migrèrent-ils  '■!  Leur  nom  n'est  pas  porté  sur 
la  liste  des  émigrés.  Monsieur  de  Lantivy  mourut-il  à 
Paris  à  temps  pour  n'être  ni  emprisonné  ni  guillotiné 
sous  la  Terreur  ?  Aucun  acte  de  décès  à  ce  nom  n'existe 
aux  Archives  de  la  Seine.  Quant  à  sa  veuve,  elle  vivait 
encore  en  1801.  et  elle  vendit  cette  année-la,  nous  dit 
M.  de  la  Jacopière,  sa  terre  delà  Nicoulièreà  M,  Letort- 
Lhommeau.  L'un  des  fils  dut  prendre  part  à  la  guerre 
de  Vendée,  et  y  périr.  Un  Lantivy  signa,  le  1"  floréal 
an  III,  le  traité  de  la  Mabilais,  avec  Cormatin,  La 
Raltrie,  d'Andigné  et  d'autres  chefs  royalistes,  mais 
ce  n'est  probablement  pas  te  u  jokai  i>  qui  fit  si  grand 
peur  à  Jamet.  Le  cadet  resta  sans  doute  à  Malte  '. 

Quant  à  leur  sœur,  elle  n'avait  pu  émigrer  avec  son 
mari,  le  comte  J.-Cli-  de  Maurey,  Elle  fut  mise  en  piison, 
à  Chàteau-Gontier  sans  doute,  et  condamnée  ù  mort. 
Pour  échapper  au  supplice  elle  se  résolut  à  épouser  i'ex- 
curé  intrus  d'Azé,  Louis  Davière,  secrétaire  greffier  de 
Chiiteau-Gontier.  Cette  mésalliance  dut  faire  tressaillir 
les  cendres  des  Lantivy  -. 

1.  Ils  durent  mourir  sans  postérité,  car  la  Notice  gêttéalngtqite  citée 
plus  haut  dit  que  la  branche  de  Lantivy  tomba  en  quenouille  à  la  mort 
du  comte  Louis-André,  et  que  les  droits  passèrent  à  la  lamllle  de 
Genoulllac.  La  sœur  du  vieux  marquis,  Marie-Louise,  avaU  épousé 
M.  du  Verdier  de  Genoulllac.  M.  l'abbé  Angal  dll  que  te  fils  du  marquis 
de  Laulivy  de  la  Lande  signa  le  traité  de  la  Mabilais.  C'est  plutôt  l'un 
de  ses  deux  cousins,  un  LantlTy  de  Beete  ou  un  Lantlv;  de  Kerveno,  qui 
prirent  une  part  active  à  la  chouannerie  bretonne,  et  qui  sont  les  seuls 
cités  par  M.  Oi.-L.  Cbassin  [Eliuiex  diieaiiietUairrs  sur  ta  Vendée  et  la 
Chnuatinerie.  Paris,  18M  1900). 

S.  Loulse-Charlotte-Jullc  de  Lantivy  avait  épousé,  le  iS  Janvier  nT6, 
Charles-JérAme  de  Maurey,  sieur  de  Maurey,  Saint- A  moult,  lits  de 
Louis-Alexis  de  Maurey  et  de  LAJuise  de  Rapières,  établi  à  Ex  mes  en 
Normandie.  De  cette  union  naquit,  le  i"  octobre  ITTi,  à  Exmes,  un  flls, 
Louls-Remy  de  Maurej.  La  \otice  généalogique  précitée  nous  apprend 
que  la  cl-devanl  comtesse  rie  Maurey  eut,  le  17  pluviôse  an  IV,  du 
citoyen  Davière,  un  flis  qui  se  Bt  appeler  le  marquis  de  Lantivy.  La 
femme  de  ce  (aux  marquis  vivait,  séparée  de  lui,  h  Sal nt- Germain -en- 
Laye,  sous  le  nom  de  marquise  de  Lantivy.  Un  Jugement  du  tribunal  de 
la  Seine,  en  date  du  19  août  1859,  Interdit  i  elle  et  à  son  mari  de  porter 


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—  235  — 

L'hMel  de  Lantivy  existe  encore  au  n"  9  de  la  rue  du 
Cherrhe-Midi,  près  le  carrefour  de  la  Croix-Rouge  '  ; 
c'est  une  maison  de  deux  étages,  au  toit  mansardé  et 
qui  garde  encore  devant  les  hautes  fenêtres  du  premiei- 
des  balcons  où  l'M  des  Montmorency  s'entrelace  aux 
arabesques  de  fer  forgé.  Là  s'élevaient  en  elTet,  avant 
rh6tel  de  Montecler,  les  écuries  de  Montmorency  ;  plus 
tard,  le  logis  appartînt  aux  Maillé  de  Saint-Priest.  C'est 
cette  façade  aussi  sombre,  aussi  morte  que  la  rue,  qui 
vit  un  soir  d'août  une  berline  s'arrêter  devant  le  portail 
et  un  vieux  gentilhomme  descendre  en  s'apgtuyant  sur 
l'épaule  de  son  lîls,  pestant  sans  doute  contre  ces  ma- 
rauds, CCS  faquins  de  révolutionnaires,  qui  no  n^spectaipiit 
plus  rien,  pas  mi'me  les  marquis  et  la  liberté  de  voyager. 
Paul  Delauhay. 

LETTRES  SAISIKS  SUR  LE  MARQUIS  DE  LANTIVY  ». 

M.  de  -Y...  à  Madame,  Madame  de  Lantivy, 
au  ckdteaii  de  la  Lande,  à  Craon. 

Angers,  ce  samedy  19  (19  mars  1791). 
Vous  ne  mnvieK  pas  fait  pari,  Madame,  des  événements 
qui  éloienl  arrivés  à  M.  votre  fils  et  des  inqiiielludps  qu'il 
vous  a  causé  ;  je  vous  témoigne  l'intérest  que  j'ay  toujours 
pris  et  que  je  prendrai  en  c-e  qui  vous  regarde,  je  vous  prie 
d'estre  persuadée  qu'il  ne  variera  Jamais.  Je  vous  fais  com- 
pliment sur  son  retour  et  sur  la  bonne  c.oadiiitlo  qu'il  a  (onii, 
par  laquelle  je  luy  ai  loujours  renddu  la  justice  qu'il  inérillc, 
j'espère  que  le  plaisir  de  se  rclrouver  avec  vous  le  rétablira 
pbis  promptemenl;  dites-lui,  je  vous  prie,  toute  In  part  que 
je  prends  à  tout  ce  qui  luy  est  arrivé,  il  doit  avoir  bien  des 
choses  intéressantes  à  vous  dire,  on  parle  toujours  de  graves 
événements  qui  tienne  à  tant  d'objets  que  je  crains   que 

ce  DOM.  —  Le  Dictionnaire  Ae  M.  l'abbé  Angot  confirme  ces  donnéei. 
Au  contraire, Bodard  de  la  Jacoplère,  dans  se»  Chroniquef  craoHnai»es, 
prétend  que  l'une  des  fllles  du  vieux  marquiit  épousa  M,  de  Goyon  el 
que  l'autre,  d'abord  relltcleuse,  se  serait  mariée  pendant  la  Révolution, 
Il  j  a  probablement  conluslon. 

t.  Voyei  d'Aucnurl,  Lm  Aiicieiix  hôtel»  de  Pari».  Paris,  1890,  p.  n6. 

i.  Ces  pièces  sont  cunserrées  aux  Archives  natlonalM  sons  la  cote 
D  XXIX,  6. 


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—  236  — 

l'exécution  n'en  soit  bien  difficile,  enfin  le  temp  nous  ins- 
truira. 11  faut  de  la  patience  et  de  la  prudence. 

M.  Pelletipr  *  est  arrivé  hier,  son  installation  se  fera 
demain,  j'ignore  où  il  loge  ;  M.  t'évèque  lui  n  oJTert  des 
meubles  à  révêcliê,  il  est  toujours  au  Séminaire,  il  cherche 
une  maison  et  voudroit  se  fixer  ici,  on  désire  le  garder,  mais 
je  suis  persuadé  qu'on  ne  ly  soulTrira  pas.  pas  plus  que 
les  curés  dans  leur  paroisse  ;  il  n'y  a  encore  que  le  district 
d'Angers  et  de  Saumur  qui  les  aye  nommé.  M.  Bouvard 
vous  instruit  silremenl  de  ce  qui  s'esl  passé  ici  pour  le  cure 
du  Loroux,  dont  M.  Choudieu*  a  rappelé  n'ayani  pas  trouvé 
le  jugement  assez  sévère. 

Je  me  trouve  bien  heureux  de  n'estre  plus  rien,  on  me 
laisse  tranquille,  c'est  ce  que  je  désire.  Je  suis  quelquefois 
tenté  d'aller  à  Paris,  mais  l'aiTaire  de  fmance  me  retient; 
j'ignore  encore  comment  je  serai  traité  et  je  n'ai  encore  rien 
reçu  sur  quntrc-vingl-dix,  foi't  peu  sur  quatre-vingt-neuf, 
ayant  payé  mon  don  patriotique  en  entier  sur  cette  année  '. 

I.e  comte  d'Aulichant  qui  part  pour  Paris  incessemmenl 
avec  son  fils  nous  a  donné  hier  à  Sainte-Jemmc  un  superbe 
diné,  nous  étions  vingt-trois,....  Madame  d'Haut teville, 
M,  Madame  d'Houlière,  M.  l'évéque,  trois  officiers  des  Cra- 
vates, et  le  lieutenant -colonel;  c'est  un  homme  de  société 
qui  joue  gros  jeu  ;  on  regrette  beaucoup  le  régiment  Royal- 
Picardie,  ils  sont  fort  mal  en  Bretagne  où  on  est  pas  tran- 
quil.  Projettes- vous  de  venir  cette  année  voir  vos  onfanls? 
Messieurs  de  la  Municipalité  font  des  travaux  immenses  *, 
je  ne  sçais  où  ils  prenne  de  l'argent.  On  fait  une  rue  qui 

I.  Hugues  Pelletier,  né  li  Angers  en  I7£9,  prieur-curé  de  Besulort. 
Nommé  le  6  février  1T!)I  évéque  cotiiilltuUonnel  d'Angers,  il  partit  pour 
Paris,  y  tut  consacré  le  1.1  mars  par  l'évéque  Gobel  dans  réglise  de 
l'Oratoire,  rentra  à  Angers  le  18  mars,  y  lut  installé  l«  !0.  Il  déposa  ses 
(onctions  le  30  septembre  t793,  sacrIBa  ses  titre»  sur  l'autel  de  la  Raison 
le  19  novembre  et  mourut  ft  Angers  le  ;i  avril  IT^. 

3.  Pierre-René  Choudieu,  né  à  Angers  en  I7UI,  major  des  volontaires 
d'Angers  le  S2  Juillet  17S&,  puis  accusateur  public  près  le  tribunal  cri- 
minel de  Mal ne-el- Loire  -,  il  tut  ensuite  nommé  di'puté  à  la  Législative. 

3.  En  octobre  1789,  l'Assemblée  décréta  une  contribution  patriotique 
volontaire  :  en  mars  1790,  les  impÛLs  ne  rentrant  pas  et  le  Trésor  étant 
à  bout  de  ressources,  l'Assemblée  nationale  rendit  cette  contribution 
forcée  sous  le  nom  de  don  patriotique  ;  elle  frappait  tous  les  citoyens 
possédant  plux  de  ttiU  livres  de  revenu,   d'après   leur  déciaratioD   de 

4.  En  avril  1791,  on  démolit  les  églises  Saint-Pierre,  Saint-Msuritle, 
Saint-Maimbœut,  pour  ouvrir  une  grande  place:  on  rasa  les  porlw 
Lyonnaise,  Cupit,  Saint-Nicolas,  du  fortin  de  la  Rasse-Chalne,  on  com- 
menta les  quais  de  Llgny  et  de  la  Poissonnerie. 


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—  237  — 

viendra  de  l'Académie  â  la  Cité  passanl  par  le  jardin  de 
MM.  de  Narcc  qui  i^toit  une  dépendance  du  châLoau.  J'ay  fait 
compliment  à  Madame  de  Montecler  sur  le  mariage  de  ses 
tilles. 

Conservez- moi,  Madame,  votre  amitié,  donnez-moy  de  vos 
nouvelles  et  ne  m'oublie  pas. 

Mille  tendres  compliments  à  MM.  de  Lantivi. 

M.  de  N...  ri  Madame.  Madame  de  Lantivy, 

à  la  Lande,  par  Laval,  à  Craon. 

(Celte  lettre  paraît  être  du  début  d'avril  1791). 

A  en  croire  les  nouvelles  que  l'on  réjtand,  l'on  aproche 
des  événemenis  '  ;  douze  mille  allemands  commandés  par 
un  général  de  la  même  nation  août  sur  les  frontières  d'Alsace, 
trois  couriers  extraordinaires  sont  venus  dimanche  l'annon- 
cer à  l'Assemblée  nationalle,  les  préparatifs  dans  la  Flandre 
sont  commancés,  il  y  arrive  des  trouppes  conlinuèlement  ; 
le  manifeste  des  princes  s'anonce  pour  la  P&ques.  Le  peu- 
ple de  Soissons  a  cliassé  l'intrus  *  qui  s'y  était  randu  et  a 
ramené  son  évesque  en  triomphe.  Les  évesques  apostats  se 
sont  assemblés  à  Paris  pour  écrire  ensemble  une  lètrc  au 
Pape,  mais  ils  se  sont  tellement  divisés  qu'ils  se  sont  écra- 
sés mutuellement  de  sotises  et  ont  passé  le  temp  à  ce  métier. 
L'on  anonce  le  sieur  Cos  intrus  >  évesque  pour  la  semaine 
prochainne. 

A  Rennes,  l"  avril. 

Adresse  des  trois  ordres  réunis  de  la  pi-ovince  du  Lan- 
guedoc envoyé  au  Roi  le  1"  mars  1791  *. 


1.  Lies  royalistes  comptaient  beaucoup  sur  liDlerveutioD  étrangère  et 
les  maïKBUTres  des  éml^ris  qui  s'organisaient  sur  tes  frontières  peu- 
tant  rentrer  en  France  sans  coup  térir, 

t.  M.  de  Marolles,  député  du  clergé  du  balUlaire  de  Saint-Quentin  aux 
États  de  1769,  lut  nommé  évéque  constitutlonnei  de  l'Aisne  et  installé  à 
.Soissons  le  G  mars  1791,  en  remplacement  de  l'évêque  insermenté 
Bourdellle.  Il  renonça  aux  fonctions  ecclésiastiques  le  lli  novembre  IT9Ï, 
en  renvoyant  &  la  Conrantion  ses  lettres  de  prêtrise,  et  mourut  k  Sois- 
sons  le  27  avril  ITOi. 

3.  Le  Coi. 

4.  A  la  fln  de  1790,  les  royalistes  du  Languedoc,  du  Vivarals.  des 
Gévennes,  Tonlant  i-ommencer  la  lutte  contre  la  Bévolutlon,  réunirent 
dans  les  plaines  du  Jalès  lArdËchel  les  gardes  nationales  du  Vivarals 
pour  renouTeier  le  serment  civique  ;  après  la  fédération,  les  gardes  se 
dispersèrent,  mais  le  Comité  du  camp  de  Jalf'sse  maintint,  correspondit 
avec  las  royalistes  du  Midi  pour  organiser  la  résistance  ;  au  commeoce- 
ment  de  1791,  11  convoqua  de  nouveau leagardematlonalei  fédérées,  les 


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—  238  — 

Depuis  longtemp  vos  fidelle  sujets  du  Languedoc  gémis- 
senl  90US  un  despotisme  exercé  par  les  diférens  corps  d'une 
ad  mi  ni  s  Ira  tien  monstrueuse  ;  leurs  vie  et  leurs  fortunes 
saos  cesse  ataqués,  ne  trouvent  point  de  défenseurs  dans 
ceux  que  les  lois  nouvelles  semblent  avoir  placés  pour  veil- 
ler à  la  sûreté  publique  ;  des  scélérats  dévastent  impupé- 
ment  les  propriétés  ;  l'incendie  est  le  flambeau  funèbre  qui 
éclaire  cette  malheureuse  province,  et  l'impunité  fait  tous  les 
forfaits.  Nous  avions  espéré,  Sire,  après  les  avoir  vus 
anéantir  la  religion  de  nos  pères  et  renverser  la  monarchie, 
nous  avions  espéré  alors  que  votre  Majesté  voudrait,  en 
frappant  d'anathème  les  coupables  législateurs,  rendre  à 
son  peuple  et  pour  les  livrer  à  la  justice,  les  monstres  qui 
l'ont  égaré  et  trahi  en  abusant  de  sa  confiance  ;  mais  V.  M. 
s'obstinant  à  garder  un  profond  silence,  tous  les  bons  fran- 
çais doivent  enfin  le  rompre  et  s'exprimer  avec  toute  l'éner- 
gie qui  n'apartient  qu'à  la  vérité. 

I.e  Clergé,  la  Noblesse  et  le  Tiers-Etat  de  notre  province 
du  Languedoc  réunis,  non  en  vertu  des  décrets  qu'ils  regar- 
dent comme  injustes  et  nuls,  mais  réunis  par  un  même 
esprit  el  un  même  amour  pour  le  bien  commun,  déclarent 
en  ce  jour  à  V.  M,  qu'ils  protestent  formellement  contre 
tous  les  décrets  prononcés  par  des  hommes  qui  infidelles  à 
leurs  mandats,  sont  déchus  par  là  de  leur  qualité  de  man- 
dataires ;  en  vain  colorent-ils  leurs  prétendus  décreU  de 
votre  sanction,  ils  n'en  deviendront  pas  plus  lavés,  toute 
l'Europe  sachant  ainsi  que  nous,  que  vous  n'êtes  point  libre, 
et  la  sanction  du  roy  prisonnier  étant  toujours  nulle. 

Rompez  donc,  Sire,  les  indignes  chaînes  dont  vous  êtes 
chargé  ;  osez  reprendre  les  rênes  de  votre  empire,  ralliez- 
vous  à  votre  auguste  famille,  à  votre  armée,  à  vos  fidelles 
sujets  ;  a  racliez- vous  à  cette  ville  criminelle  qui  tient  sans 
cesse  le  glaive  levé  sur  votre  teste,  et  s'il  faut  périr,  sachez 
périr  en  roy  et  braver  le  danger.  Croyez  que  le  nombre  de 
vos  sujela  fidelles  est  grand  et  qu'à  peinne  hors  de  votre 
capilalle  ils  formeront  près  de  vous  et  avec  leurs  corps  un 
bouclier  impénétrable  aux  traits  de  vos  lâches  assassins. 
Mais,  Sire,  si  l'amour  de  vos  sujets,  si  votre  propre  gloire 
ne  sont  pas  des  motifs  assés  puissants  pour  vous  rendre  à 
vos  peuples,  et  à  vous  même,  si  vous  voulez  vivre  enfin  sous 
le  joug  d'un  Sénat  tiranique  et  barbare,  alors  le  cœur  navré 

concentra  h  Salnt-Ambrolx  pour  marcher 
génénl  d'AIblgnac  oomprlmèrent  le 
lédéréi  (léTrier-mkra  17H}. 


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_  239  — 

de  douleur  nous  déclarons  k  V.  M.  que  notre  province  du 
Languedoc  est  résolue  à  ruiner  toutes  ses  forces  pour 
s'iiracher  à  l'esclavage  honteux  dans  lequel  elle  gémit  ;  une 
armée  rassemblée  par  l'amour  de  la  religion  et  par  celui  de 
la  monarchie  se  forme  dans  les  plaines  de  Jalès  ;  elle  porte 
la  croix  et  les  lis  sur  son  étendard  blanc  et  c'est  à  ce  signe 
sacré  que  nous  allons  tous  nous  rallier,  invoquant  le  Dieu 
des  combats  ;  appelant  prés  de  nous  un  prince  que  l'Ku- 
rope  admire,  nous  allons  l'élever  sur  un  bouclier  et  le  pro- 
clamer notre  chef;  guidés  par  lui,  nous  renverserons 
jusqu'aux  moindres  vestiges  d'une  révolution  cimentés  par 
le  sang,  et  bravant  tous  les  dangers,  nous  irons  rompre  les 
fers  de  notre  roi,  l'arracher  à  ses  ennemis  cl  lui  rendre  une 
couronne  dont  il  est  dépouillé  ;  telles  sont.  Sire,  les  der- 
nières résolutions  de  tous  les  habitans  du  Languedoc. 
Lorsque  l'on  ose  en  manifester  de  semblables,  on  les  soutient 
jusqu'à  la  mort  ;  nous  jurons  dune  de  périr  mille  fois  plustAt 
que  de  vivre  encore  sous  un  despotisme  sanguinaire  ;  nos 
sacrifices  sont  faits,  et  la  justice  de  notre  cause  nous  pro- 
met un  heureux  succès,  mais  si  nos  espérances  étoient 
trompées,  si  nous  venons  à  succomber,  nous  aurons  du 
moins  la  consolation  de  mourir  victimes  de  notre  attache- 
ment à  la  religion  sainte,  à  notre  roi  et  à  notre  patrie,  nous 
ne  vérons  plus  le  tableau  déchirant  des  calamités  sans 
nombre  qui  dévastent  tous  les  jours  la  France  et  qui  finiront 
entin  par  anéantir  ce  malheureux  empire. 

Pénétrés  des  sentiments  que  nous  venons  de  manifester, 
et  qui  seront  à  jamais  inébranlables  dans  nos  cœurs,  nous 
sommes  avec  tes  sentiments  du  plus  profond  respect.  Sire, 
de  Votre  Majesté  les  très  humbles,  très  dévoués  et  très 
fîdelles  sujets,  tout  le  Clergé,  la  Noblesse  et  le  Tiers-Etat  de 
la  province  du  Languedoc,  à  l'exception  d'un  très  petit 
nombre  d'individus  des  trois  ordres  vendus  à  l'assemblée 
soi-disant  nationalle. 

Cet  imprimés  a  été  envoyés  à  toutes  les  municipalités  ;  je 
ne  sai  si  vous  l'avez  vOe  ;  le  Juif  croit,  et  ce  qu'il  mande, 
qu'il  va  faire  une  tournée  avec  de  ses  parents  ;  quand  je  le 
saurai  je  vous  en  ferai  part.  Ressevés  le  respectueux  atta- 
chement, ainsi  que  vos  hôtes,  de  votre  serviteur,  et  amitiés 
au  jeune,  s'il  vous  plaît.  Ressevés  les  hommages  des  miens. 
La  bulle  est  très  certainement  arrivée  à  Paris  S  on  est 


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—  240  — 

ocupés  à  la  traduire,  on  l'atend  à  tout  les  courîers  dans  les 
provinces  ' . 

2  avril.  Les  [Chivrê  ?..,.]  sont-ils  avisés?  Je  ne  leur 
écris  point,  le  courier  les  portant  chez  vous.  Les  Bénédic- 
tins, Jacobins^  Au^ustins  et  Récollets  d'ici  ont  été  hyer 
ralliché,  c'est-à-dire  mis  dehors,  et  plus  de  messe  cliés  eux. 
La  malade  est  toujours  point  trop  bien,  elle  parle  cepen- 
dant, on  craint  une  idropisie  au  cerveau. 

M.  de  X à  Madame  de  LanU'vy. 

c  armoiries  et 


Angers,  ce  23  avril  1791. 

Voilà  un  temps.  Madame,  où  on  nvoit  le  plaisir  de  vous 
voir  à  la  ville,  je  crains  bien  que  ce  soit  comme  beaucoup 
d'autres  choses  qui  sont  changé  ;  ce  qui  ne  changera  jamais, 
c'est  rattachement  que  je  vous  ai  voué  et  qui  me  fera  tou- 
jours désirer  avoir  de  vos  nouvelles,  sçavoir  comment  vous 
porter  et  tout  ce  qui  vous  intéresse.  Monsieur  votre  (fds?) 
est-il  rétabli,  ayant  soutenu  dans  l'état  où  il  étoit  un  aussi 
long  voiage?  Vos  soins  et  le  repos  doivent  Lavoir  rétabh. 

Je  n'ait  pas  quitter  la  ville  depuis  que  je  vous  ait  mander 
mon  retour  ;  ce  n'est  pas  l'agrément  qu'on  peut  y  trouver  de 
riiabiter,  mais  il  faut  bien  vivre  quelque  part,  et  rester  chez 
soy  est  ce  qui  doit  mieux  convenir  ;  si  j'étois  plus  riche  et 
que  j'aie  de  l'argenl,  je  ne  penserois  peut-estre  pas  de 
même.  Il  faut  beaucoup  de  patience  pour  entendre  et  voir 
tout  ce  qui  se  fait;  vous  êtes  sûrement  instruit  de  ce  qui 
vient  d'arriver  aux  femmes  qui  suivaient  Monsieur  (Bou- 
mard)  *  qui  est  votre  ami  et  que  j'aime;  on  a  voullu  faire 

de  l'Assemblée  nationaie  de  France  bu  sujet  de  la  Constitution  civile  du 
Clerfté  décrétée  par  l'Asseiiibiéfi  nallonale.  Donoé  à  Home,  à  Salnt- 
Pleire,  le  10  mars  de  l'année  179t.  —  Un  nouveau  bref,  du  13  avril, 
annula  les  élections  des  ecclésiastiques  constltutlo Quels,  donna  quarante 
Jourg  aui  Jureurs  pour  se  rétracter,  à  peine  de  suspension,  et  trappa  de 
nullité  tout  sacrement  administré  par  ceux  qui  persisteraient  k  conser- 
ver leurs  Eonctlons.  —  Le  1"  mai,  les  révolutionnaires  brûlèrent  sur  la 
Place  Royale  le  bref  pontifical,  et  le  3  on  brûla  Pie  VI  en  efflgie  au 
Palais-Royal. 

1.  Les  Jacobins  prétendirent  que  ces  bretsétaient  taux.  Les  oatboliques 
les  répandirent  la  plus  possible,  et  en  firent,  pour  les  vulgariser,  de 
nombreuses  traductions  françaises.  Il  en  parut  une  en  mai  1791,  due  à 
un  prêtre  de  Saint-Eustoclie, 

î.  Louis  Boumard,  curé  de  Sainte-Croix  d'Angrers,  docteur  en  théolo- 
gie et  suppléant  k  la  Constltuaate  (?) 


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—  241  — 

des  exemples  dans  un  moment  de  crise  et  de  fermentation, 
vous  devez  Juger  de  touta  les  propos  que  cela  a  ocasioné, 
mais  ii  suffit  qu'elles  fussent  chez  M.  Boumard  pour  que  je 
les  jugerois  incapables  de  faire  du  mal.  Le  pauvre  homme 
doit  estre  bien  touché,  je  compte  aller  le  voir. 

Angers  est  toujours  pressé  de  mettre  en  exécution  les 
décrets;  ils  les  préviennent  souvent;  on  vient  de  fermer 
toutes  les  églises  religieuses,  qui  ne  peuvent  avoir  la  messe 
que  pour  leur  communauté  ^. 

Il  y  a  encore  les  Oratoriens,  Toussaint  et  les  Carmes  où 
on  dit  et  où  on  trouve  la  messe,  mais  les  maisons  ne  seront 
pas  conservé  longtemps,  on  veut  exiger  d'aller  aux 
paroisses,  ce  n'est  pas  là  la  liberté  annoncée.  Vous  n'êtes 
pas  dans  votre  département  aussi  avancés,  et  on  vous  a 
laissé  faire  vos  Pâques  tranquilement.  Quoique  beaucoup 
de  curé  aient  fait  le  serment  dans  cette  province  *,  on  ne 
trouve  pas  de  quoy  remplacer  ceux  qui  ne  l'ont  pas  fait,  et 
quels  sujets  sont  donné  pour  remplacer  des  currés  consi- 
derrés  et  aimés  !  Je  suis  on  ne  peut  pas  plus  touché  de  ce 
qui  se  passe  à  cet  égard,  encore  faudroit-il  laisser  la  liberté 
de  conscience!  M,  d'Angers  *  est  parti  lundy  dernier,  je 
crois  qu'il  a  bien  fait,  il  pouvoit  lui  arriver  des  événements 
dont  il  n'auroit  pas  pu  se  débarasser;  je  crois  qu'il  est  aller 
à  Paris  ;  il  a  fort  regretté  la  province,  c'étoit  un  homme  de 
société,  mais  peu  propre  pour  les  affaires. 

On  parle  toujours  de  grands  événements  et  qu'ils  sont 
tous  prochains  ;  je  n'y  crois  pas  beaucoup,  le  roy  a  voullu 
aller  à  Sainl-Cloud  •,  on  s'y  est  opposé,  il  n'ira  pas,  on 
a  craint  qu'il  ne  fût  plus  loing  ;  il  n'y  pense  pas,  il  s'est 

i.  Pour  ne  pu  assister  &  la  messe  des  prAtrM  Intrus  installés  dans  les 
igrllsea  paroissiales,  les  catholiques  sulvaleQt  les  offlces  dans  les  cha- 
pelles des  CommuDautés  qui  avalent  gardé  leurs  aumôniers  et  chape- 
lains insermentés.  Ia  municipalité  fit  Interdire  l'entrée  de  cas  chapelles 
au  public. 

2.  Le  27  novembre  1790,  l'Assemblée  natlonsle  imposa  le  sennent 
constitutionnel  à  tous  les  ecclésiastiques  conservés  en  fonctions,  et 
décida  que  ceux  qui  ne  le  prêteraient  pu  dans  les  délala  seraient  consi- 
dérés comme  démissionnaires,  et  remplacés.  Le  roi  ne  sanolionna  le 
décret  que  le  26  décembre. 

3.  Mlcbel-Francols  Couet  du  Vivier  de  Lorr;,  né  à  Meti  en  t7X, 
nommé  évéque  d'Angers  le  4  août  1782;  II  relusa  de  prêter  le  serment 
civique,  mais  sans  bmit,  quitta  silencieusement  la  place,  vendit  ses 
meubles  et  se  retira  i  Rouen  (1791).  11  mourut  i  Paris  le  li  mars  1803. 

4.  Le  18  avril  1791.  Le  bruit  courait  déjà  que  le  roi  voulait  s'entulr  de 
Pari*  ;  Lovls  XVI  désirait  surtout  aller  ï  Salnt-Cloud  pour  ne  pas  rece- 
Toir  la  CommuDioD  pascale  des  mains  d'un  prêtre  assermenté.  P&ques 
tombait  le  SI  avril  1791. 


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—  242  — 

renddu  à  t' Assemblée,  vous  aurés  vue  son  discours  dons 
les  papié.  M.  d'Or,  part  pour  l'Angleterre,  avec  son  lits 
aisné  ;  Madame  la  duchesse  d'Orléans  retourne  chez  son 
père  séparé  d'avec  son  mari.  Madame  de  Sillery  a  quille 
le  Palais-Royal  '  ;  M.  de  la  Fayelte  a  vouUu  donner  sa 
démission,  on  ne  l'a  pas  accepté.  Le  ministre  de  la  marine 
a  quilté;  on  cherche  encore  d'éloigner  d'auprès  du  roi  ceux 
qui  lui  paroissent  attachés,  sa  position  ressemble  à  celle  de 

la  France, elle  n'est  pas  heureuse;  il  faut mais estre très 

circonspect.  Je  suis  fort  Iranquil  depuis  que  j'ay  quilté  mon 
commandement  ;  je  n'ai  dans  ce  moment  aucun  projet  décidé, 
parce  que  je  ne  puis  prendre  le  parti  qui  me  convîendroit. 
Donnes-moy,  Madame,  de  vos  nouvelles,  je  voud rois  bien 
vous  voir  et  je  suis  fâché  que  vous  soyez  aussi  éloignée  de 
moi,  allans  plus  dilhcilemenl  qu'autrefois.  11  y  a  beaucoup 
de  monde  à  la  ville  et  on  se  voit  à  l'ordinaire  ;  cependant 
moins  de  grands  soupe,  la  maison  de  Madame  d'Armaillé 
el  celle  de  Madame  de  Mii-on  sont  les  représentants.  La 
santé  de  Madame  d'Armaillé  est  meilleure,  j'apprendrai 
avec  grand  plaisir  que  la  vôtre  est  bonne  et  que  vous  ne 
m'oubliez  pas.  Soyés  persuader  que  je  suis  (rés  ocuppé  de 
vous  et  de  tout  ce  qui  vous  intéresse.  Ne  m'oubliez  pas 
auprès  de  Messieurs  de  Lantivi. 

M.  de  N à  Madame,  Madame  de  Lantivy  à  la  Lande 

par  Laval,  à  Craon. 
(Lettre  UmbrAe  de  Vitré.  —  Ed  date  du  23  STrll.  | 

Je  n'ai  point  encore  eu  de  nouvelle  du  juif,  ma  chère 
dame,  dont  je  suis  bien  touché.  Mais  il  parait  que  notre 

1.  M"  de  Genlis  de  Sillery,  gouvernBiite  des  eDl&Dts  du  dac 
d'Orléans.  La  Gazette  de  Pans  du  23  avril  1791  annonça  que  cotte 
[emme.  «  Jadla  mattresse  du  pËre,  naguère  gouverneur  des  eotints,.... 
qui  n'a  mit  de  la  vertu  que  dans  lee  livres  qu'elle  m  faisolt  taire,  pour 

luppléer  à  l'amour  qu'on  ne  lui  laiaolt  plus o'ajant  en  propre  que 

son  orgueil,  ses  vic«g  et  sa  haine  contre  le  chel  des  Bourbons,  armée 
d'une  hacbe  pour  Irapper  le  trono  de  l'arbre  sacré  dont  on  lui  avolt 
conflé  les  rameaux,  m  avait  été  chassée  du  Palais-Royal  par  la  duchesw 
d'Orléans  à  l'Instigation  de  H"  de  Cb&telux.  Leduc  d'Orléans  A  son 
tour  mit  M"  de  Chïtelui  &  la  porte  du  Palais-Ro;al,  et  la  duchease 
d'Orléans,  furieuse,  se  retira  chez  son  père.  La  presse  royaliste  prit  le 
parti  de  la  duchesse,  Invectiva  le  duc,  et  répandit  sur  son  compte  les 
bruits  les  plus  injurieux  :  la  Oazttte  de  Paris  raconta  qu'il  avait  eu 
l'intention  d'aller  faire  un  voyage  en  Angleterre,  et  que  le  (vlnce  de 
Galles  lui  avait  écrit  pour  l'en  dissuader  et  le  prévenir  qu'il  serait  mal 
re(u  par  les  Anglais. 


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—  243  — 

procès  ne  lardera  pas  à  estre  jugés.  Tous  nos  avocats  sont 
bous,  nous  en  avons  d'anglais,  je  crains  bien  malgré  cela 
que  les  batus  ne  paient  l'amende.  La  bulle  n'arrive  point; 
elle  attend  peut-estre  un  moment  favorable.  On  me  mande 
d'Angers  ce  jour  qu'il  y  a  eu  défencc  à  tous  prêtres  et  moines 
qui  n'ont  pas  fait  le  serment  de  confesser  ou  dire  la  messe 
pendant  la  quinzaine;  notre  intrus  évesque  *  passa  samedy 
ici  revenant  de  se  faire  sacrer,  et  retourna  l'après-midy  à 
Rennes.  Toute  la  milice  nationalle  fut  au  devant  de  luy  et 
le  reconduisit  pendant  que  celle  de  Rennes  venait  au  devant 
de  luy.  A  son  passage,  ici  on  voulut  tuer  un  de  nos  prêtres, 
parce  que,  dit-on,  aulieu  de  crier  comme  quelques  personnes  : 
vive  Mr  l'évéque!  il  avait  du  dire  :  vive  l'ancien  évesque! 
Heureusement  qu'il  s'est  évadé  et  n'a  pas  été  pris.  L'intrus 
a  été  faire  à  l'hApital  de  Rennes  le  Lavabo,  pas  une  reli- 
gieuse ne  s'y  est  trouvée  *  ;  il  a  si  grand  peur  qu'il  se  fait 
garder  par  vingt  hommes  le  jour  et  quarante  la  nuit.  On 
nous  annonce  bien  des  choses  dans  quelques  jours,  c'esl-à- 
dire  bien  du  mal,  vraisemblablement  des  intrus  à  force  ; 
a-t-on  encore  au  moins  donné  le  temp  de  faire  ses  PAques  ? 
nous  n'avons  point  eu  de  sermon  ce  caresme.  Un  curé  a 
voulu  presclier  la  Passion;  on  l'a  averti  de  n'en  rien  faire. 
Je  suis  bien  touché  de  la  goutte  de  votre  hôte  ;  Je  lui  offre 
mon  respect,  et  amitiés  à  l'autre  ;  je  suis  bien  aise  qu'il 
ait  fait  ses  Pâques.  Je  suis  bien  touché  de  la  maladie  de  la 
Visilandioe,  quand  vous  en  saurez  des  nouvelles,  mandé  les 
moy  je  vous  prie,  car  elle  ne  pourait  pas  m'en  donner  et  je 

1.  Claude  Le  Ce»,  né  le  82  décembre  1740  à  Rodon-Glaw,  sd 
Plounevei-Porzay  (Finistère),  protasseur,  put»  directeur  du  Col16^  de 
Quimper,  élu  en  1790  procureur- syndic  du  district  de  Qulmper,  et  les 
iS  Février  et  T  mare  1791  év&que  conslitutloonel  d'Illeet-Viloine  ;  U  tut 
sacré  à  Salnt-Roeh  à  Paris  le  10  avril  1791  par  Massleu,  évéque  consti- 
lutlonnel  de  Beauvals,  revint  ï  Rennes,  tut  reçu  le  16  avril  à  Noyai  par 
une  nombreuse  escorte  qui  l'amena  ft  Bennes  où  il  tut  lostallâ  soleunel- 
lemeat  le  lendemain  17,  dimanche  des  Rameaux,  Le  3  septembre  1791, 
il  fut  élu  député  a  la  LéglsIatlTe  ;  emprisonné  au  Mont  Satnt-Micbel 
Jusqu'au  9  thermidor,  puis  rellché,  Il  présida  à  Paris  le  concile  ndlional 
de  1797,  et  celui  de  180t.  Il  adbéra  au  Concordat,  tut  nomme  en  180S 
évéque  de  Besancoa;  mal  vu  du  pouvoir  &  la  Restauration,  11  accueillit 
avec  enthousiasme  le  retour  de  Napoléon  de  l'Ile  d'Elbe  et  mourut  le 
3  mal  tStâ  i  Vlllevieux  |Jara.) 

!.  L'év^ue  visita  les  Incurables  avec  ses  vicaires  générsui,  Lanjul- 
nais  et  Bazin.  La  supérieure  des  religieuses  refusa  de  le  reconnaître 
comme  l'évéque,  les  malades  valides  s'enfuirent  et  se  cachèrent  k  son 
approche,  et  les  grabataires  détournèrent  la  léte  pour  esquiver  ses 
bénédiction».  tVoy.  Un  éoiqtu  Msermenté.  Le  Cox,  évtque  d'IlU-et- 
VilaiM,  par  A.  Rouisei.  Paris,  IS88|, 


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—  244  — 

m'y  intéresse  bien  l'aîmnnt  de  même.  Notre  évesque  bon  <  n 
envoyé  un  mandement  de  la  manière  de  se  conduire,  il  est 
fort  bon,  presque  tout  pareil  à  celui  de  l'évesque  de  l.an- 
grea;  on  m'a  abonné,  c'est-à-dire  le  juif,  pour  la  Gazette 
universelle  ' ;  elle  est  bien  démocrate,  je  lai  eue  ce  jour 
pour  la  première  fois.  S'il  y  avait  quelque  chose  de  bien 
positif  entre  les  huitaine  que  je  vous  écris,  je  vous  le  man- 
derais. Itessevés,  ma  chère  dame,  l'assurance  de  mon  ten- 
dre et  respectueux  attachement  ainsi  que  celui   de   mes 

hdtes.  Samedy  23.  Je  plen  bien  aussi  l'amy  Bon bien 

des  choses  à  mon  ancien  perse je  le  plen  bien  aussi  et 

n'oublie  point  Don-don. 

M.  de  A...  à  Madame  de  Lantivy. 

De  Paris,  25  avril  ». 
Notre  Babilonne  n'est  pas  tenable  ;  ni  roy  ni  religion, 
voilà  le  refrain  du  bon  peuple  de  Paris.  Ce  qui  se  passe 
depuis  quinze  jours  est  pire  que  tout  ce  que  nous  avons  vu 
depuis  l'époque  du  5  el  du  6  octobre  ;  on  a  commancé  par 
fermer  les  couvents  de  femmes,  pour  forcer  les  j)rétres  et  les 
catoliques  romains  d'assister  aux  paroisses,  ce  qui  n'a  pas 
réussi  ;  il  n'y  va  que  les  non  instruits,  les  curieux  et  les 
salariés.  Huit  jours  après  on  a  fermé  les  couvents  de  moines  ; 
partout  plus  de  messe  ni  d'ofiice  divin  ;  le  peuple  furieux  de 
ce  que  le  roy  n'avait  pas  fait  ses  Pâques  à  la  paroisse  en 
marqua  son  mécontentement.  Le  Roy  et  la  reine  devaient  aller 
à  Saint-Cloud  passer  les  festes  ;  l'Assemblée  aux  Tuileries, 
jointe  à  la  troupe  nationalle,  ils  l'cmpeschèrent  de  partir  ; 
ils  furent  une  grosse  demi-heure  dans  leur  carosse,  le  peu- 
ple menassant  les  postillons  de  leur  couper  le  col  ;  M.  de  la 
Fayette,  qui  s'est  démis  de  la  place  ',  fit  ce  qu'il  put  en 
disant  qu'il  répondait  sur  sa  leste  que  le  roy  partirait.  La 

i.  Mgr  Baroau  de  Ginc,  évèque  iDaerraenté  de  Rennet. 

t.  Gazette  wiiverMlle,  ou  Papier-nouvelles  de  tous  le*  pays  et  de 
lott»  tet  jours,  qui  parut  du  1"  décembre  1789  au  10  août  179S  :  md 
principal  rédacteur  était  Cerfsler,  anclea  rédacteur  h  la  Ga:tttt  de 
Leyde  :  cette  feuille  était  nionarchlale  libérale, 

3.  C'est-i-dlre,  probnblement,  nouvelles  de  Parla  du  ffî  avril.  Le  eor- 
respoDdaat  de  Mme  de  Lantiv;  était  en  Bretagne,  puisque  sa  lettre 
porte  le  timbre  de  la  poste  de  Vitré,  mats  11  arrivait  probablement  d'un 
séjour  à  Paris. 

4.  La  Pajette,  se  vojaut  impuliaant  à  assurer  la  liberté  du  roi,  donna 
M  démission  ;  11  la  retira  huit  Jours  après,  sur  les  lostances  du  déparle- 
meut  et  de  la  municipalité. 


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—  245  — 

teste  est  restée  à  M.  de  la  Fayette  et  le  roy  n'est  pas  parti. 
La  municipalité  du  faubourg  Saint-Germain  a  notifié  à 
M.  frère  du  Roy  de  faire  ses  Pftques  à  Saint-Sulpice;  il 
n'avait  pas  la  permission  de  recevoir  à  la  chapelle  un  seul 
individu  pour  entendre  la  messe.  M.  de  Mouehi,  Mlle  de  la 
Fayette,  sa  nièce  et  le  curé  de  Sainl-Sulpice  louèrent 
samedy  pour  six  semaines  les  Théatina  pour  le  prix  de 
1.300  livres  ',  attendu  le  décret  qui  a  mis  en  vente  toutes  les 
églises  qui  n'étaient  pas  absolument  nécessaires  pour  le  culte  ; 
dès  3  heures  du  matin  cet  église  était  investie  et  tous  les 
prêtres  qui  se  présentaient  furent  ouspillés  et  chassés  avec  de 
gros  mol£.  M.  Bailly  s'y  présenta  pour  ramener  le  calme,  il 
aracha  des  places  *  infâmes,  on  lui  en  apliqua  un  sur  le  dos, 
et  on  en  raficha  de  nouveau,  M.  le  maire-roy  fut  obligé  de 
se  retirer.  L'ordonnance  de  Monseigneur  l'archevesque  a 
été  bn\lée  à  Versailles,  par  la  main  du  boureau  ;  la  bulle..,, 
du  Pape  larde  bien  à  paraître,  on  assure  que  c'est  pour  cette 
semaine,  et  l'on  se  propose  déjà  ici  à  Paris  de  la  fouler  aux 
pieds  ;  cest  le  Pape  qui  fait  le  schisme  et  non  les  jureurs  ; 
ce  sont  des  tigres,  et  non  le  bon  peuple  de  Paris.  Si  l'on  ne 
disait  pas  la  messe  dans  l'intérieur  des  maisons,  la  quinzaine 
de  Pâques  se  passerait  sans  culte.  J'ai  retiré  ce  jour  des 
nouvelles  des  juifs  arrives  à  Br....  oii  on  est  fort  tranquille. 
Notre  procès  est  en  bon  train,  U  parait  qu'il  ne  tardera  pas 
à  estre  jugé.  Des  jureurs  demandent  des  places  à  notre 
intrus  évesque  °  ;  il  leur  dit  qu'il  ne  savait  pas  s'il  conserve- 
rait sa  place  atendu  qu'il  regardait  la  révolution  imman- 
quable. On  appelle  cet  évesque  l'évesque  à  la  bayonnette. 

Ce  28.  reçu  hyer  au  soir  des  nouvelles  des  juifs,  et  de  la 
confirmation  pour  notre  afaire,  sans  entrer  en  détail,  mais 
beaucoup  d'inquiétude  qu'il  a  pour  nous,  et  nous  voudrait 
au  loin,  ce  que  beaucoup  de  familles  font  ot  vont  faire  ; 

1.  L'orritédu  département  de  Parla  du  11  avril  1791,  sur  la  police  des 
cultes,  ferma  loub^s  les  ^gllsns  non  paroissiales,  à  l'exception  des  cha. 
pelles  des  hfipllaux,  cftuvenis,  collèges  et  séminaire.^,  mais  celles-ci 
devaient  rwitêr  alriclemenl  privées,  et  fermées  au  public,  il  tolérait 
pourtant  l'ouverture  d'ëgllsesréservéesàun  culte rellgieui particulier; 
torts  de  cet  article,  les  catholii|ues  non  coustUutionnels  iouèreot.  avec 
permission  du  Directoire  du  Département,  du  16  avril  1791,  l'égliM 
désaSectée  du  couvent  des  Tliéatins,  près  du  Pont-Royal.  Les  jacobins 
s'ameutèrent,  atUciiËrent  k  la  porte  des  Théatlns  un  paquet  de  verges 
avec  celécrlteau  :  Acin  «ux  iléviites  arifUicratex.  Mfriecint  purgative 
distribuée  gralm  le  dimanche  n  avril.  Aucun  fidèle  ne  put  entrer  dans 
l'église,  et  ceux  qui  réclamèrent  turent  battus  par  les  forcenés. 

2.  Des  placards. 

3.  Le  Coi- 


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_  246  — 

parlés  donc  Madame  que  vous  el  vos  amis  avez  afaire  6 
Saint-Malo,  et  qu'il  ne  faut  que  deux  ou  trois  heures  pour 
aller  a  Gersey,  votre  Angers  yra  comme  tout  le  reste,  il  n'y 
a  pas  de  temp  à  perdre  pour  vos  hAles.  Les  dernières  nou- 
velles sont  effrayantes  ;  M.  <  a  couru  les  plus  grands  dangers 
et  peut-être  dans  le  moment  n'en  est-il  pas  quitte,  sa  teste 
a  esté  mise  à  prix  et  affiché  ;  en  conséquence  il  a  renvoyé 
toute  sa  maison  ecclésiastique  et  les  gentilshommes.  L'on 
assure  que  les  dames  de  la  maison  de  la  Reine  vont  aussi 
donner  leurs  démissions  ;  M.  de  la  Fayette  a  donné  la  sienne  ; 
la  teste  m'en  pette  et  voudrais  bien  estre  au  loin.  Mais  on  a 
beau  faire  ainsi  que  le  juif  auprès  de  mon  hôtesse,  nous  res- 
terons ;  bien  de  la  famille  et  d'autres  ne  font  pas  de  même. 
Ce  30,  j'eus  hycr  des  nouvelles  dujuif,  il  ne  me  parle  pasde 
la  letre  de  votre  jeune  hftle,  mais  il  est  dans  les  plus  grandes 
inquiétudes  pour  ce  qui  lui  appartient,  et  voudrait  bien  tes 
voir  ailleurs.  En  conséquence  il  se  peul  faire...  sa  moitié 
part  ou  le  retrouver  ou  bien  à  Jersey,  Le  temps  qu'elle  fuit; 
mon  hôtesse  reste  décidément,  plusieurs  de  sa  famille 
voyage.  On  mande  de  Nantes  que  l'on  considère  des  dan- 
gers de  tout  côté.  On  attend  bien  des  choses  pour  la 
semaine  prochainne,  on  ferme  à  force  les  églises  et  on  place 
des  intrus.  Ce  que  vous  m'avés  mandé  pour  l'ami  B.  ne 
m'étonne  point  ;  rien  ne  me  surprend  à  présent.  Celle  de  la 
Ch.. .  me  mande  que  le.s  pauvres  filles  ont  été  mises  au  carcan  ; 
une  personne  arrivée  avant-hyer  de  Paris  a  dô  dire  qu'elle 
attendait  avec  bien  de  l'impatience  à  savoir  des  nouvelles  de 
de  la  journée  du  28  ;  nous  ne  le  saurons  que  lundy.  Je  ne  vous 
donne  pas  pour  lui  quelle  parti,  maïs  on  y  pense,  et  on  s'en- 
gage en  des  inquiétudes.  Je  vous  en  manderai  des  nouvelles, 
ou  bien  quelqu'un  des  siens  ;  elle  voudrait  bien  avoir  les 
louis  que  vous  avés,  mais  pas  un  ;  elle  a  besoin  des  plus 
petites  ressources  ;  on  savait  icy  avant  moy  l'histoire  des 
servantes  de  l'ami  B.  Brûlé  tout  papier  et  letre  et  n'en  con- 
tinué pas. 


1.  Moniienr,  trère  du  Roi  ;  le  brait  conrall  depnts  lonutenips  qu'il 
voulait  émigrer;  dès  le  !£  février  1791  la  populace  a'étnlt  portée  au 
LuxemiMurg,  et  11  avait  fallu  laisser  entrer  les  meneurs  pour  conitater 
la  présence  du  prince  ;  celui-ci  leur  dâciara  qu'li  n'abandonnerait 
iamali  le  roi. 


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Le  chanoine  Z...  à  Madame,  Madame  de  Lantivy, 
à  la  Lande prè»  Craon.  à  la  Lande. 


Madame, 
Je  préviens  aujourd'huy  votre  lettre  que  je  n'ai  pas  encore; 
samedy,  il  nous  reste  à  terminer  une  affaire  pour  notre 
ancien  chapitre,  elle  sera  lon^ie,  nous  sommes  encore 
réunis,  mais  suivant  les  apparences  pour  la  dernière  fois.  Je 
suis  encore  vivant,  il  n'y  a  pas  le  moindre  bruit,  mais  à  la 
fin  il  faudra  enfin  que  notre  incertitude  finisse;  tous  les  jours 
menacés,  ce  n'est  plus  vivre,  mais  mourir  tous  les  jours  ; 
j'aimerois  bien  mieux  un  bon  coup  porté,  tout  seroit  au  moins 
décidé.  On  se  dispose  aujourd'huy,  demain  on  se  rassure,  et 
on  perd  toujours  dans  les  délais.  Je  suis  résigné  à  la  Provi- 
dence, je  n'ai  point  sorti  de  ma  retraitte  depuis  mercredy  ; 
jallay  voir  le  revenu  de  Vendôme,  il  paraît  en  bonne  santé; 
Mme  la  Mareschale  a  mené  son  directeur  à  Bruxelles,  il  a 
écrit,  il  paroit  qu'on  n'est  pas  si  instruit  que  nous  dans  ces 
pays,  aussi  est-il  probable  qu'on  n'y  fait  ni  tant  de  projets 
ni  tant  de  nouvelles:  si  la  moitié  de  ce  qu'on  débilte  éloit 
fondé  on  serait  plus  oecuppé  des  préparatifs;  on  ne  fait  rien, 
on  ne  dit  rien,  les  nouvelles  du  jour  sont  contradictoires  le 
lendemain  ;  on  pourvoit  aux  cures  autint  qu'on  peut  trouver 
de  sujets;  on  disoit  la  ni'rtre  vacante,  on  m'a  assuré  que 
toutes  réilexions  faittes,  le  nommé  par  le  district  arrivera  ce 
soir  ou  demain.  Nos  }i;endarmes  ont  amené  ici  deux  mis- 
sionnaires de  Saint-Sauveur-sur-Sève  dont  un  a  quitté  le 
JappoD  pour  une  blessure  à  la  jambe  que  les  médecins  de 
ces  pays  ont  déclarée  incurable  tandis  qu'il  y  resleroit;  on 
les  mil  au  château  sur  la  paille,  le  district  de  Fontcnny-Ie- 
Comte  les  réclame,  ils  n'ont  pas  témoigné  grandes  inquié- 
tudes; ils  ont  couru  d'autres.  Ni  que  leséghses  sont  toujours 
fermées  ici,  ce  qui  n'est  pas  dans  les  autres  déparlements. 
J'ai  eu  un  avis  pour  le  révérend  terme  du  don  patriotique, 
je  compte  payer  la  semaine  prochaine.  J'ai  payé  la  dernière 
dans  ces  six  mois  échus  au  1"  avril  des  réverbères  '.  On 

1.  Le  30  Janvier  17UI,  le  Comité  d«s  Finances  de  l'AMemblée  Natio- 
nale rédigea  le  décret  luttant  : 

Art.  I".  ~  La  contribution  patriotique  des  ecclésiastiques  ci-devant 
béoéflciers  sera  réglée,  tant  pour  le  premier  litrs  qne  ponr  les  deux 
autreg,  en  proportion  dn  IrallemeDl  établi  ponr  eui  k  compter  du 


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—  248  — 

dit  qu'il  en  sera  de  même  pour  les  impositions  qu'on  ne 
payera  qu'en  93  en  une  lettre  close.  Je  ne  sçai  pourquoi  on 
a  laissé  89.  90  et  six  mois  de  91  en  souffrance,  mais  je  sçai 
que  cette  imposition  a  bien  augmenté,  sans  doutte  qu'après 
nous  allons  jouir  du  bénéfice  promis.  On  ne  sçait  pas  plus 
ce  qui  se  passe  à  Paris  que  si  nous  étions  dans  un  autre 
Continent;  je  n'ai  point  été  voir  S....  on  n'ose  courir  les 
chemins  encore  moins  que  les  rues,  où  on  ne  passe  point 
impunément.  Tout  est  monté  à  ce  point,  heureux  quand  on 
ne  vous  cherche  pas  chez  vous  pour  vous  insulter.  La  maladie 
de  Monique  me  parait  décidée,  elle  ne  veut  rien  faire  et 
finira  par  tomber  dans  létisie,  et  dans  peu  ;  la  toux  parait 
augmenter  tous  les  jours.  Si  les  choses  subsistent,  le  cou- 
vent sera  supprimé  dans  le  mois  de  septembre.  La  mère 
Visitandine  n'a  plus  de  fièvre,  mais  une  faiblesse  qui  ne 
passe  point  ;  elle  vient  avec  grande  dilTtculté  au  parloir,  et 
est  obligée  de  garder  sa  chambre  ;  Je  nai  pu  la  voir  depuis 
mon  retour  quoique  j'aille  très  souvent  en  sçavoir  des 
nouvelles. 

Je  suis  bien  aise  du  retour  du  voîageur.  J'ai  toujours 
pensé  que  la  dame  ne  rësisteroit  pas  aux  inquiétudes;  M.  de 
N.  a  dit  à  quelqu'un  ce  malin  qu'elle  partoit  au  premier 
jour.  11  y  a  aussi  des  rétractations  par  ici,  il  n'y  laut  plus 
compter  pour  l'avenir  puisque  le  bref  n'a  pas  opéré. 

Vous  avez  dit  bien  vrai  en  niant  le  consentement  des  reli- 
gieuses à  leur  dépouillement.  Je  suis  assez  bien,  Je  tousse 
beaucoup  et  peut-être  que  l'humeur  qui  a  répercuté  tombe 
aujourd'huy  sur  la  poitrine. 

Je  me  sçai  bon  gré  d'avoir  coopéré  avec  vous  à  la  non 
acquisition,  donc  je  conviens  que  le  motif  étoit  louable; 
nous  ne  sommes  plus  dans  le  siècle  de  la  gratitude  :  ainsi  si 
le  frère  de  Monique  a  rendu  service  à  sa  famille,  il  n'est  pas 

1"  janvier  1790,  sans  préjudice  de  c«  qu'ils  doivent  contribuer  en  raison 
des  rsTenus  qu'lis  possèdent  en  patrimoine. 

Art.  II.  —  Sur  les  deux  derniers  paiements  de  la  Contribution  palrio- 
tique,  il  sera  tenu  compte  aui  ecclésiastiques  ci-devant  bénéRclers,  qui 
auront  fait  leurs  déclarations,  en  raison  des  bénéfices  dont  Ils  Jouis- 
saient en  1789,  des  nommes  qu'lis  auront  payées  ou  qu'lis  seraient  dans 
le  cas  de  payer  en  acquit  du  premier  tiers  de  leur  Contribution  patrio- 
tique, conformément  A  leurs  déclarations. 

Au  début  d'avril  1791,  on  prévint  les  religieux,  bénéHclers  et  ecclé- 
siastiques (onction nsires  publics  qu'ils  ne  recevraient  leurs  pensions  et 
traitements  du  terme  d'avril  qu'en  justifiant  du  paiement  du  second 
terme  de  la  Contribution  patriotique  conformément  au  décret  du 
31  octobre  1790  ;  pourtant  on  leur  laissa  la  faculté  de  payer  ce  terme  en 
deni  fois,  moitié  sur  leur  pension  d'avril,  moitié  sur  la  suivante. 


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—  249  — 

surprenant  qu'il  en  soit  payé  en  monnoie  du  tems;  je  ferai 
de  mon  mieux  pour  employer  tout  le  papier  que  j'aurai. 
L'univerBité  a  réellement  fait  le  serment  si  on  prend  la  par- 
tie pour  le  tout,  il  n'y  a  pas  un  ihéolog^ien  '.  M.  Bodsrd  *  a 
parlé  ferme,  ainsi  que  M.  Gatineau  *,  et  de  Launay,  méde- 
cin *.  Je  serai  sûrement  en  retraitte  le  jour  de  la  fêle,  à 
moins  que  ce  que  l'on  annonce  n'arrive,  un  ordre  du  dépar> 
tement  d'assister;  en  ce  cas  je  serai  malade  ou,  après  avoir 
pris  langue,  je  quitterai  la  ville. 

Je  vois  avec  plaisir  que  vous  trouvés  votre  vin  bon,  je 
vous  l'avoîs  annoncé  ainsi  ;  il  paroit  qu'il  y  en  aura  plus 
qu'on  espéroit.  il  fera  bon  l'achepler  le  plus  tAt.  Vous  ne  me 
dites  point  la  quantité  d'huile  que  vous  voulez,  j'ai  quitté 
mon  marchand  enragé,  j'en  ai  un  honète  homme  ainsi  qu'un 
apothiquairc  ;  je  m'informerai  du  guignolet  et  des  confi- 
tures ;  prendrez-vous  des  chopinnes?  La  mère  venue  ici  au 
moment  que  j'ai  reçu  votre  lettre,  elle  me  charge  de  ses 
respects  pour  les  trois  réunis;  elle  est  comme  l'oiseau  sur 
la  branche,  sans  prévoir  ce  qui  arrivera,  je  la  rassure  de  mon 
mieux.  Dieu  a  disposé  de  ma  sœur,  je  puis  pourvoir  à  la 
sienne  moyennant  le  dépôt  fait  pour  remplir  mes  intentions; 
je  suis  persuadé  que  j'aurai  plus  qu'il  ne  faut,  je  n'ai  encore 
rien  vendu,  la  Providence  pourvoira  à  tout. 

Je  logerai  et  nourirai  François  et  Marion  sans  gages,  je 
serai  à  ce  moyen  point  seul,  ils  auront  de  l'occupation  ;  ils 
n'ont  point  envie  de  prendre  de  ferme,  ils  font  bien  ;  l'un  ira 
en  journée  et  l'autre  vendra  des  légumes  ;  ils  y  gagneront 
davantage. 


1.  Le  terme  fixé  pour  In  preilatlon  de  serment  civique  p«r  les  fonc- 
tionnaires publics,  prescrit  p«r  le  décret  du  i7  novembre  1790.  expirait 
le  dioiaoche  16  Janvier.  L'UuiverslIé  d'Aofrers  décicis  qu'elle  n'était  pas 
visée  par  le  décret,  tout  au  moins  collectivement  ;  main  le  chancelier, 
le  doyen  des  nrts  el  les  professeurs  de  thi^ologie  de  l'Unlverallé  lom- 
baient  sous  le  coup  de  l'article  S  du  décret.  Le  maire  devait  prendre  des 
mesures  contre  les  contrevenants  huit  Jours  après  le  terme,  c'esti-dire 
après  le  23  Janvier  Unumal  du  tlrparleiiienl  de  llame-el-Linre^  19  Jan- 
vier 1791!. 

S.  Henri  Bodard,  conseiller  de  l'Hûtel-de- Ville  et  procureur  du  Roi  au 
Présldial  d'Anffers,  prolesta  contre  le  serment  prélé  par  Université. 
«  Déclaration  d'un  docteur  ogrég'é  de  l'Université  d'Ang'ers  sur  le  inr- 
menl  prêté  par  sa  Compag-nie  le  £3  avril  1791.  »  11  émigra,  puis  rentra 
auprès  de  Charetle,  et  fut  tué  pendant  la  cliouannerie  nu  comltat  de 
Saint-Michel-du-Bois. 

3.  J.-R.-N.  Gastlneau,  avocat  au  présidlal  et  directeur  de  l'Académie 
d'Angers? 

4.  Delaunay  (François- Jean),  docteur  en  médecine  de  la  Faculté 
d'Angeis  en  1734,  arrêté  en  1193,  mort  vers  1811. 


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—  250  — 

J'ai  encore  un  moment  avant  d'aller  à  notre  assemblée, 
pour  vous  dire  que  M.  Viger  eel  revenu  ;  M.  le  maire  s'an- 
nonce, on  ne  le  croit  pas  près  de  paroitre.  Si  M.  Vilar  '  est 
pacifique,  vous  n'aurez  pas  autant  de  misères  à  éprouver, 
car,  dans  la  vérité,  tout  le  désordre  ne  vient  que  de  la  part 
des  nouveaux  venus.  J'offre  mes  respects  à  P.  et  S.  je  vous 
fais  mon  compliment  sur  le  rhume  passé.  Le  cure  de  \ialle  * 
est-il  sorti  ainsi  que  le  prieur  de  L....  V 

l Fragment  d'une  lettre  paraissant  dater  de  la  fin 
de  juin  llOi.l 

Le  prieur  a  fail  une  contenance  de dans  l'expédition 

des  fusils  ;  on  lui  a  exhibé  un  arrestê  de  la  municipalité  du 
chef-lieu  ;  il  a  demandé  le  dénonciateur,  ce  qui  a  été  refusé  ; 
il  a  démontré  l'illégalité  de  la  municipalité  chef-lieu,  et  on 
dit  qu'il  n'étoit  justiciable  que  de  la  sienne,  etc. 

Au  sortir  de  clioz  lui,  on  a  été  à  Athée;  nos  frères  se  sont 
cachés,  cependant  on  a  paru,  on  lui  a  tenu  les  propos  les 
plus  immoraux,  les  plus  déshouèles.  les  plus  menaçants;  on 
a  dit  que  le  C.  de  Chantelou  seroit  en  prison  sous  quarante- 
huit  heures  ;  qu'un  gros  prêtre  du  canton  qui  avoit  voulu 
arivé  à  la  ville,  fail  lorl  à  d'excellents  citoyens  étoit  à  leur 
disposition  ;  que  dans  quatre  jours  son  afTaire  seroit  faile  : 
en  conséquence  le  dit  sieur  va  prendre  ses  précautions  el  se 
mettre  à  l'omhre;  il  est  bien  fâcheux  de  quitter  son  monde, 
mais  enfin  la  nécessité  n'a  point  de  loi  ;  il  est  très  permis  de 
fuir  les  persécutions  qui  vont  à  la  mort.  Tout  ceci  n'est  que 
des  roses,  voilà  les  épines  : 

Deux  chAteaux  dans  la  paroisse  de  Martigné  ^  sont  brû- 
lés; celui  de  Ouille  est  en  feu  *\  les  seigneurs  n'ont  point 
de  mal;  on  n'a  pas  trouvé  M.  et  M""  de  Cuillé;  M.  des  Jon- 
chères  de  Martigné  a  passé  un  étang  à  In  nage,  a  essuie  les 

< .  Nofl- Gabriel- Lu  ce  VUlar,  élu  évéque  coDstltutlonnel  de  la  Mayenne, 
àUvat,  le  10  mars  1791,  tut  sacré  à  Paris  le££mal,  reviat  à  Uval  le 
30,  el  tut  installa  le  31,  Jour  des  Rogations. 

2.  Louis-André  Perron  avait  été  clioisl  pour  curé  de  Niatle  par'M.  de 
Lantivy  de  la  Lande,  seigneur  de  la  paroisse,  le  3  janvier  1783.  Il  fut 
Incarcéré  k  Laval,  comme  insermenté,  en  1792,  puis  transféré  à  Bam- 
bouiilel  où  il  mourut  le  14  décembre  1793. 

3.  MartiKDé-Ferchaud,  canton  de  la  Guerche  (Illeet-Vlllalnel.  LeehA- 
tean  de  Martigné  tut  incendié  le  83  Juin  1791. 

4.  Le  chAteau  du  Bois  de  Cuillé  tut  Incendié  te  £i  juin  1791.  Il  appar- 
tenait i  M.  Jacques- An nit>al- Gabriel  de  Farcj  de  Rontlarc;  de  Cuillé, 
ancien  doyen  des  présidents  à  mortier  au  Parlement  de  Bretagne. 


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—  251  — 

fusillades  et  s'est  sauvé.  Les  habitants  de  Baie  *  sont  les 
auteurs  de  ces  expéditions  enluminées  ;  ils  ont,  a  ce  que  j'ai 
apris  ce  matin,  envoyé  deux  députés  à  Craon  pour  y  conti- 
nuer par  suite  leurs  atrocités.  Ou  n'a  pas  témoigné  de  bonne 
volonté  ;  qu'arrivera-t-il  ?  Il  est  de  toute  pi-udence  de  pren- 
dre les  plus  grandes  précautions,  soit  personnelles,  aoit 
mobilières. 

Hier  à  Angers  on  a  publié  que  le  Roy  étoit  arresté  *  ;  bien 
des  gens  croyoît  que  le  motif  de  la  publication  est  la  chute 
de  tous  les  effets  possibles  à  la  foire.  I.e  curé  de  la  Cha- 
pelle -sur-Oudon  (intrus)  s'est  rétracté  ;  la  garde  de  Segré  a 
fait  chez  lui  des  indignités,  il  est  sauvé;  les  tilles  ont  été 
molestées,  outragées,  etc.  On  a  fait  à  Angers  dans  les  rues 
bourgeoises  des  illuminations  pour  la  fuite  royale.  Oh  !  mon 
Dieu,  d'où  en  sommes-nous  ! 

L'assemblée  nationale  a  fait  un  arresté  que  l'on  dit  rai- 
sonnable   on  n'impute  la  sortie  du  roi  qu'aux  Autri- 
chiens ;  d'autres  ont  reçu  la  Gazelle  de  Paris  *  et  qui  pis  est 
(Suleau)  qui  annonce  son  quatrième  numéro  * où  l'ini- 
quité sera  révélée. 

Respects  à  Madame  et  Messieurs  de  ma  part,  et  de  mes 
commensaux. 

1.  Bais,  Ille-et-VIllBlne,  nrr.  de  Vitré, 

i.  Louis  XVI  partit  pour  rejoindre  i'armée  de  Boulilé  le  SO  Juin  vers 
minuit  ;  il  fut  arrêté  k  Varennes  le  S£  Juin  au  matin.  On  apprit  dans 
rOueat  la  fuite  du  roi  le  2Ï  et  le  £3  ;  le  23,  la  DOUTeile  arriva  à  Laval 
pendant  la  procession  de  la  Péle-Dleu. 

3.  Gabelle  de  l'aris,  ouvrage  coiuacré  av  patriotisme,  <i  l'hisloire,  à 
Ui  pntitufue  el  auj  beaiu!-arls,  par  de  Rotoi.  Paml  du  10  octobre  17S9 
au  to  aodt  I79i;  cette  feuille  était  très  royaliste;  ses  bureaux  turent 
saccagés  par  le  peuple  en  mal  1790,  et  de  Rozoî  tut  le  premier  Journa- 
liste guillotiné  par  ordre  du  tribunal  révolutionnaire. 

i.  Journal  de  lU.  Sitleaii.  —  Suleau,  Journaliste  roiialiste,  fut  massa- 
cré par  Thérolgne  de  Mérlcourt  et  les  émeutiers  le  10  août  I79S. 


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BIBLIOGRAPHIE 


Un  précurseur  du  réveil.  —  Pierre  du  Pontnw're,  f;en- 
lithomme  breton,  missionnaire  mèthodinte  et  pasteur 
réformé  (illQ-iHlOl,  pnr  Mathieu  I^eli^vre.  —  Paris, 
[.ibrnirie  ûviinf^élique,  in-8'  couronne,  ii-214  pages. 

Quelle  belle  chose  que  les  gém^alogies  !  Si  j'ouvre  à  la 
page  93  celle  que  M.  Théodore  Courlaux  a  consacrée  à  la 
«  Maison  du  Ponlavico  »,  j'y  lis  ceci  :  que  Pierre-Thomas, 
quatrième  enfant  de  Pierre-Guy  du  Pontavicc,  chovalier, 
seigneur  du  Vaugamy,  et  de  Marie-Mar^erite-Thomasse 
de  roilley,  mourut  enfant  en  1776,  et  j'ai  la  preuve  immé- 
diate que  Si.  le  vicomte  Paul  du  Ponlavice  avait  grandement 
raison  lorsqu'il  y  constatait  une  qiiantilê  considérable 
d'erreurs  el  qu'il  essayait  de  l'amender  en  reprenant  l'ou- 
vrage sur  nouveaux  (rais.  Car  cet  enfant  du  seigneur  de 
Vaugarny,  s'il  mourut  relativement  jeune,  vécut  assez 
cependant  pour  sentir  les  douleurs  de  l'émigration  et  voir 
toute  la  période  brillante  de  l'Kmpirc. 

C'est  sa  vie  que  nous  raconte  m.  Mathieu  Leitèvrc  dans 
le  petit  volume  qu'a  édité  la  Librairie  évangéliaue.  autant 

Pour  l'édilicalion  que  pour  l'intérêt  du  lecleiir.  Il  était  né  à 
ougères  le  21  mai  17/0  el  avait  fait  ses  études  à  Rennes,  à 
un  moment  oii  la  jeunesse  scolaire  était  fortement  imbue  de 
principes  libéraux  et  où  l'édilice  de  ses  convictions  reli- 

Sieuses  était  battu  en  brèche  par  le  scepticisme  ambiant, 
émigra  avec  son  frère,  lorsque  le  comte  d'Artois  eut 
donné  le  signal  de  l'émigralion.  11  rejoignit  en  Belgique 
l'armée  des  princes,  échappa  à  la  poursuite  des  soldats  de 
la  République  et  arriva  à  I.iègc  pour  y  être  licencié.  Il  se 
rendit  de  là  en  Hollande,  où  la  (Compagnie  des  Indes  faisait 
des  eun^lements  pour  Batavia,  mais  il  ne  .suivit  pas  plusieurs 
de  ses  compagnons  qui,  sans  ressources,  se  laissèrent  enga- 
ger par  les  recruteurs.  l,e  métier  de  soldat  ne  lui  convenait 
guère,  nous  le  veri-ons  tout  à  1  heure.  Cependant  il  s'embar- 
qua pour  Jersey  où  Ion  formait  un  corps  d'émigrés  bretons 
et  normands  et,  pour  vivre  en  attendant  la  descente  sur  la 
c6\e  bretonne  et  occuper  ses  loisirs,  il  donne  des  leçons  de 


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—  253  — 

français  au  ministre  wesleyen  de  Jersey,  Richard  Reece, 
dont  il  reçut  des  leçons  d'anglais.  «  Le  jeune  émigré,  dit 
l'auteur,  qui  éprouvait  à  l'égard  des  protestants  les  préven- 
tions du  milieu  où  il  avait  vécu,  fut  surpris  d'en  trouver  un 
qui  avait  l'esprit  ouvert  et  le  cœur  chaud  et  pour  qui  la  reli- 

f;ion  n'était  pas  une  vaine  forme  a.  L'amitié  qui  résulta  de 
eurs  relations  quotidiennes  eut  une  énorme  influence  sur 
la  vie  de  Pierre  du  Pontavice  qui,  embarqué  trop  tard  pour 
l'cjoindre  Sombreuil  à  la  malheureuse  affaire  deQuiberonet 
écnappé  ainsi  à  une  mort  presque  certaine,  refusa  par  la 
suite  de  reprendre  les  armes.  11  faut  lire  la  lettre  qu'il  écri- 
vnil  de  SouthamptOD,  le  2â  aoill  1795,  à  son  nouvel  ami  :  il 
y  met  son  âme  à  nu  et  rien  ne  semble  intéressant  comme  ce 
récit  du  combat  intérieur  qui  s'y  livrait  alors  :  •  Les  corps 
d'émigrés  dont  je  faisais  partie  sont  embarqués  et  prêts  à 
mettre  à  la  voile  pour  les  côtes  de  France.  Le  comte  if  Artois 
est  à  leur  tête.  On  dit  que  c'est  lui  qui  a  conjuré  le  gouver- 
nement de  tenter  cette  autre  expédition.  Elle  est  bien  hasar- 
dée ;  il  n'y  a  pas  de  probabilité  de  succès.  C'est  ce  qui  m'a 
engagé  à  quitter  mes  camarades  à  qui  J'ai  fait  mes  éternels 
adieux.  Quand  je  les  ai  vu  passer,  ilme  semblait  voir  autant 
de  victimes  aller  au  sacrifice.  Qu'il  en  a  coûté  à  mon  cœur 
de  les  laisser  aller  sans  les  accompagner  !  Que  de  combats 
j'ai  eu  à  soutenir  !  Mille  fois  j'ai  été  tenté  d'aller  les  rejoin- 
dre, mais  quand  je  réfléchissais  que  ce  serait  exposer  ma  vie 
en  pure  perte  et  que  Dieu  peut-ôlrc  me  destinait  à  être 
utile  à  la  société,  mon  ardeur  se  ralentissait  beaucoup. 
Quelquefois  aussi  je  me  faisais  scrupule  d'y  aller.  Quoi  ! 
disais-je,  j'irais  dans  mon  ancienne  patrie  pour  y  porter  le 
fer  et  le  feu  et  y  ranimer  le  brasier  de  la  guerre  civile  !  Non, 
J'aime  mieux  ne  jamais  y  rentrer  que  de  m  y  frayer  une  roule 
à  tel  prix  !  D'un  autre  côté,  l'honneur,  ce  préjugé  souvent  si 
mal  entendu,  me  tourmentait  sans  me  donner  de  relâche. 
Enfin,  après  avoir  été  ballotté  par  mille  passions  différentes, 

t'e  pris  le  parti  de  les  laisser  aller  sans  moi,  j'y  suis  resté 
erme,  quoique  cela  me  prive  de  tous  les  secours  pécuniaires 
que  le  gouvernement  a  eu  la  bonté  de  nous  accorder.  Car 
tous  ceux  qui  ne  veulent  pas  k  présent  porter  les  armes  ne 
recevront  plus  rien.  <• 

11  fallait  vivre,  et  pour  cela  entrer  dans  un  régiment 
anglais  d'émigrés  ou  se  faire  chouan,  partis  qui  lui  répu- 
gnaient intiniment,  ou  trouver  un  travail  quelconque,  même 
manuel.  Mais  déjà  il  ne  croyait  plus  au  catholicisme  qu'il 
avait  cessé  de  pratiquer  ouvertement.  Un  an  après  il 
embrassait  le  méthodisme  dont  il  devint,  par  la  suite,  l'un 
des  pasteurs  les  plus  méritants.  D'un  voyage  qu'il  fit  presque 
aussitôt  en  Amérique  avec  le  docteur  Coke,  nous  ne  savons 
rien,  et  c'est  dommage,  car  peut-âtre  aurions-nous  pu  suivre 
les  étapes  de  sa  conveiaion  et  comprendre  mieux  ainsi 


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—  254  ~ 

comment,  au  mois  de  septembre  1797,  il  en  était  arrivé,  de 
retour  à  Londres  après  un  court  séjour  à  Dublin,  à  se  trou- 
ver entièrement  depavsé  dRus  la  société  des  émigrés  et  des 
prêtres  catholiques,  aans  un  monde  auquel  il  appartensil 

Sar  sa  naissance  et  son  éducation.  Nous  ne  le  suivrons  pas 
ans  la  carrière  de  la  prédication  qu'il  embrassa,  après 
deux  ans  de  professorat  à  Bristol,  dans  les  îles  de  la  Manche 
(1800-1802),  puis  en  Bretagne  où  ses  parents  lui  firent  le 
plus  alTectueux  accueil,  el  surtout  en  Normandie,  au  pays 
de  Caus,  qu'il  quitta  Juste  pour  mourir  en  1810.  Il  faut  lire 
le  livre  de  M.  Mathieu  où  l'on  apprendra  beaucoup  de  choses 
sur  la  vie  protestante  au  commencement  de  l'Empire, 
écrites  d'une  plume  facile  et  attrayante  ;  les  lettres  tout 
intimes  du  jeune  pasteur  n'en  sont  point,  pour  beaucoup,  le 
moindre  charme. 

R.  Laubain. 


Cabien  de  la  QninzaitM  (Dounème  cahier  de  la  cin- 
quième série).  Petites  garnisons  :  Laval,  Orléans,  Paris. 
—  Paris,  mars  1904. 

On  connaît,  au  moins  de  nom,  cette  petite  revue  socialiste  ; 
nous  n'avons  guère  l'habitude  d'y  aller  chercher  des  études 
historiques  sur  le  Bas-Maine,  mais  nous  avons  cru  devoir, 
pour  une  fois,  faire  exception  et  sortir  un  peu  de  la  ligne  de 
conduite  que  nous  nous  sommes  tracée  pour  indiquer  à  nos 
lecteurs  la  petite  monographie  du  Laval  de  1901  qui  occupe 
la  moitié  de  ce  cahier  de  la  Quinzaine.  Elle  est  écrite  par 
M.  Félicien  Challaye,  ancien  professeur  de  philosophie  au 
lycée,  et  elle  mérite  d'être  lue.  Non  pas  que  nous  approu- 
vions les  idées  de  l'auteur  ni  ses  doctrines  sociales,  mais 
il  a  tracé  de  notre  ville,  au  point  de  vue  démocratique  et 
prolétarien,  un  tableau  curieux  et  intéressant.  Parmi  ses 
remarques  failes  au  jour  le  jour  et  groupées  sous  un  certain 
nombre  de  rubriques,  il  en  est  de  Tort  neureuses.  Dans  les 
dix  mois  qu'il  a  passés  à  Laval,  ne  voyant  presque  que  le 
même  monde,  il  ne  lui  a  pas  été  donné  de  tout  voir,  mais  il 
a  bien  vu  ce  qu'il  a  vu  et  il  le  dit  d'une  façon  vivante.  II  a 
bien  saisi  par  exemple  deux  traits  du  caractère  lavallots  : 
l'indolence  des  habitants,  leur  crainte  de  l'opinion  publique, 
el  il  en  donne  quelques  preuves  typiques,  faits  connus  à 
cûté  desquels  il  est  facile  ae  mettre  des  noms.  Citerai-je  ce 

[lassage?  «  Distractions  médiocres  et  elles-mêmes  somno- 
entes  :  à  Laval,  le  jeu  préféré,  l'art  du  pays,  c'est  la  pèche 
à  la  ligne.  Les  hommes  jouent  aussi  aux  cartes,  dans  les 
cercles  et  dans  les  cafés.  Les  femmes  se  font  des  visites  à 
leur  Jour  :  dans  des  salons  mal  éclairés,  on  potine  sur  les 
uns  et  sur  les  autres  ;  on  cause  des  décès  et  des  mariages, 
mai»  surtout  du  temps  et  des  domestiques.  Pauvre  petite  vie 


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—  255  — 

mondaine,  touchante  à  force  d'être  mesquine  :  un  jeune 
professeur  nouvellemenl  iirrlvé  me  raconte  )a  première 
journée  des  visites  faites  aux  femmes  de  ses  collègues  : 
l'une  n'a  pas  fait  allumer  de  feu  et  a  oublié  de  mettre  du 
pétrole  dans  ses  lampes,  parée  qu'elle  pensait  que  la  pluie 
arrêterait  les  visiteurs  ;  une  autre  s'est  déjà  désliabillée 
parce  qu'il  est  tard,  six  heures  du  soir.  »  Et  tout  cela  parce 
que  l'on  veut  paraître  et  que  la  vie  est  ici,  comme  l'écrit 
M.  Ciiallaye,  une  quotidienne  éducation  de  la  vanité.  C'est 
un  trait  du  caraclère  lavattuis  <(u'il  n'n  pas  assez  accusé  et 
par  là  cependant  il  eill  explique  bien  des  choses,  Paraître, 
quand  tout  y  contredit,  1  éducation  première,  la  situation, 
les  loisirs,  et  cette  contradiction  journalière  entre  le  rêve  et 
la  réalité  amène  parfois  des  effets  d'un  comique  intense  (je 
vois  encore  ce  petit  salon,  veuf  de  tableaux,  aux  murs  duquel 
on  avait  appendu  des  couronnes  mortuaires  en  nltenaanl 
l'achèvement  dune  tombe  familiale  au  cimetière),  mais  sou- 
vent aussi  dans  la  vie  des  complications  et  des  difficultés 
autrement  douloureuses  et  je  m  étonne  que  M,  Challaye  ne 
l'ait  pas  vue,  celte  contradiction,  dans  une  partie  du  monde 
qu'il  fréquentait  plus  volontiers. 

Maigre  les  restrictions  qu'on  y  pourra  faire,  et  les  correc- 
tions qu'il  faut  y  apporter,  celte  monographie  du  l.aval  de 
1901-1902  est  curieuse,  nous  le  répétons,  et  ceux  qui  vou- 
dront bien  la  lire  n'y  perdront  pas  leur  temps. 

E,  Lavbain. 

Le  soldat  Impérial  (1800-1814),  par  Jean  Morvan.  — 
Paris,  Pion-Nourrit  et  C»,  1904,  in-8°,  520  p. 

Nous  ne  voulons,  pour  aujourd'hui,  que  mentionner  ce 
premier  volume  d'un  ouvrage  dont  le  dernier  doit  paraître 
au  mois  d'octobre  ;  mais  nous  le  recommanderons  dès 
aujourd'hui  aux  lecteurs  que  les  questions  militaires  inté- 
ressent, car  ils  y  trouveront  des  chapitres  importants  sur  le 
recrutement  des  soldats  de  Napoléon,  le  matériel.  l'instruc- 
tion, la  solde,  les  vivres  et  l'adminislralion  des  armées 
impériales.  Cette  étude,  faite  avec  les  nombreux  mémoires 

[>ubliés  depuis  quelques  années,  des  masses  jusqu'à  ce  jour 
aissées  dans  l'ombre,  mérite  qu'on  s'y  arrête  pour  elle- 
même;  mais  nous  y  reviendrons,  lorsque  nous  aurons  plus 
de  loisir  et  que  nous  aurons  pu,  à  l'aide  des  documents  que 
les  Archives  de  la  Mayenne  possèdent  sur  la  conscription  et 
les  réfractaires,  en  vérifier  toute  la  justesse  et  mietix  com- 

S rendre,  par  elle,  ces  documents  eux-mêmes,  n  J'ai  tenté, 
it  l'auteur,  de  suivre  ces  soldats  depuis  le  jour  où  les 
sénatus-eonsultes  les  jetaient  attristés  sur  les  registres  de 
la  conscription,  jusqu'au  jour  qu'ils  s'éteignaient  dans  la 
fumée  d'une  bataille,  qu'ils  pourrissaient  sur  la  paille  des 


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—  256  — 

hôpitaux  ou  qu'ils  rentraient  au  pays,  loqueteux  superbes, 
amputés  insupportables,  détestés  des  nobles,  des  bourgeois 
et  des  prêtres,  mais  riches  de  souvenirs  pour  le  reste  de 
leur  vie  et  le  cœur  à  jamais  vibrant  d'avoir  collaboré  à 
l'épopée.  >•  Pour  nous,  nous  laisserons  de  cAté  ces  soldats  de 
fortune  dont  le  pays  fournit  quelques  écliantillons,  comme 
Le  Baillif  ou  mieux  ce  Routier  qui  nous  a  laissé  de  curieux 
mémoires  utihsés  par  M.  Morvan,  pour  ne  nous  occuper 
que  de  ceux  qui,  couchés  sur  les  registres  de  contrôle,  se 
jetaient  dans  les  landes  et  les  couverts  de  la  Mayenne  et 
préféraient  )a  vie  libre  et  dangereuse  du  brigandage  à  la  vie 
si  difficile,  si  fatigante,  mais  parfois  glorieuse  des  camps,  et 
comparant  ce  qui  se  passa  durant  tout  l'Empire  à  ce  qui  se 
iit  en  1792  et  1793,  peut-être  parviendrons-nous  à  pénétrer 
plus  avant  dans  l'étude  de  la  Chouannerie  et  à  mieux  l'ex- 
pliquer, 

E.  Laurain. 


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NOTES  SUR  LES  BUREAUX  DE  CHARITÉ  DE  LAVAL 

(1683-1803) 

(Fin). 


II 

En  1789,  OD  procéda,  dans  une  assemblée  de  paroisse, 
à  la  réorganisation  du  bureau  de  cbarîté  de  la  Trinité. 
Nous  ignorons  les  motifs  de  cette  mesure.  Deux  assem- 
blées eurent  Heu  successivement,  la  première  le  10  mai, 
la  seconde  le  27  septembre,  en  vue  de  procéder  à  une 
révision  des  règlements  et  au  choix  des  membres  de  la 
nouvelle  administration.  Nous  ne  possédons  pas  les 
procès-verbaux  de  ces  réunions  ;  nous  savons  seulement 
que,  dans  la  première,  on  s'occupa  de  nommer  les  mem- 
bres du  nouveau  bureau,  et  que,  dans  la  seconde,  fut 
décidée  la  réunion  des  deux  bureaux  de  la  ville  en  un 
seul,  au  cas  où  les  paroissiens  de  Saint-Vénérand  y 
consentiraient. 

Le  3  octobre,  le  bureau  de  charité  de  la  Trinité, 
nommé  et  constitué  par  le  général  des  habitants,  se 
réunit  chez  le  curé  de  la  dite  paroisse,  es  personnes 
de  MM.  Turpin  du  Cormier,  curé  ;  Berset  et  Foucault  de 
Laubinière,  procureurs  marguilliers  ;  Leclerc  du  Flé- 
cberay,  Leclerc  de  Terchant,  Touschard  de  Sainte- 
Plennes,  Frin  de  Gormeré  et  Martin  de  la  Tremblaye. 
Ces  commissaires,  après  avoir  discuté  les  moyens  à 
17 


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—  258  — 

prendre  pour  remplir  l'honorable  fonction  que  le  général 
des  habitants  de  la  paroisse  leur  avait  confiée  en  leur 
accordant  tout  pouvoir  pour  établir  et  constituer  un 
bureau  de  charité,  soit  général  pour  toute  la  ville,  soit 
particulier  pour  la  paroisse  de  la  Trinité,  décide  que  les 
délibérations  qui  seront  prises  par  ce  bureau  seront 
transcrites  sur  un  registre  à  ce  destiné,  ainsi  que  les 
procès-verbaux  des  assemblées  de  paroisses  des  10  mai 
et  27  septembre  précédents  '  ;  M.  Duchemin  de  la  Fro- 
gerie,  trésorier  des  pauvres,  dressera  un  inventaire  de 
l'actif  et  du  passif  dudit  bureau,  lequel  sera  mis  sous  les 
yeux  des  commissaires.  M.  Frin  de  Cormeré,  qui  a  déjà 
rempli  ces  fonctions  dans  les  assemblées  pour  les 
aumônes  générales  tenues  les  précédentes  années,  est 
nommé  secrétaire. 

Enfîn,  MM.  le  curé,  de  Laubinière,  de  la  Tremblaye 
et  de  Cormeré,  sont  choisis  pour  faire  la  visite  des 
pauvres  et  pour  voir  si  l'on  pourrait  s'entendre  avec 
Saint- Vénérand  pour  former  un  seul  bureau  pour  toute 
la  ville. 

Quelques  jours  après  les  commissaires  rendentcompte 
du  résultat  de  leur  mission  auprès  des  habitants  de 
Saint-Vénérand. 

«  MM.  de  Laubinière  et  de  Cormeré,  nommés  députés 
dans  la  dernière  assemblée  de  paroisse  pour  se  rendre 
vers  MM.  de  la  paroisse  Saint-Vénérand,  à  l'effet  de 
savoir  d'une  manière  positive  l'intention  des  habitants 
de  Saint-Vénérand  relativement  à  l'établissement  d'un 
bureau  de  charité  pour  toute  laville,ontdit  s'être  rendus 
chez  M.  Duchemin  des  Gennetés  fîls,  procureur  mar- 
guillier  de  la  dite  paroisse,  qui  leur  avait  dit  que  l'oppo- 
sition manifestée  de  quelques  habitants  de  la  paroisse 
sur  l'établissement  projeté  d'un  bureau  de  charité  y  avait 
fait  la  plus  grande  sensation  ;  que  le  nombre  des  oppo- 

1.  Ces  plèc08,  qui  devaient  ttre  placées  en  tAt«  du  replâtre,  ont  AU 
perdues  sans  doute,  car  elles  ne  fout  pas  partie  des  noies  communiquées 
par  H.  Da*eauz. 


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—  259  — 

sants  avait  même  beaucoup  augmenté  dans  la  classe  du 
peuple,  à  un  tel  point  que  lui,  en  sa  qualité  de  marguil- 
lier,  ayant  convoqué  pour  le  dimanche  27  une  assemblée 
des  habitants  de  sa  paroisse,  à  l'effet  de  prendre  un 
parti  définitif  pour  cet  objet;  que  l'assemblée  n'avait 
pu  avoir  lieu  et  qu'une  partie  des  principaux  habitants 
qui  avaient  l'intention  de  s'y  rendre,  craignant  qu'elle  ne 
fût  tumultueuse,  s'étaient  retirés  chez  lui  et  y  avaient 
pris  un  arrêté,  dans  lequel  ils  motivaient  les  raisons 
qu'ils  avaient  eues  de  ne  point  se  trouver  à  l'assemblée 
indiquée.  Duquel  arrêté  mon  dit  sieur  des  Gennetés  a 
donné  connaissance  aux  dits  sieurs  députés  et  leur  en  a 
délivré  un  double  qu'ils  ont  laissé  sur  le  bureau,  après 
que  lecture  en  a  été  faite. 

«  Sur  quoy  l'assemblée  délibérant  arrête  que  ledit 
double  serait  déposé  au  trésor  du  bureau  de  charité  pour 
prouver  par  la  suite  que,  si  le  bureau  général  n'avait  pas 
eu  lieu,  cela  ne  provenait  nullement  de  la  part  des 
habitants  de  la  paroisse  de  la  Trinité  ',  mais  bien 
de  la  part  de  quelques  mal  intentionnés  de  celle  de 
Sfiint-Yénérand  ;  en  outre,  considérant  les  démarches 
qui  avaient  été  précédemment  faites  auprès  des  habitants 
de  cette  susdite  dernière  paroisse,  arrête  qu'il  n'en  sera 
plus  dorénavant  fait  aucune  ;  qu'on  les  attendrait,  dans 
l'espérance  qu'ils  ne  tarderaient  pas  à  mieux  connaître 
leurs  vrais  intérêts,  le  bureau  désirant  toujours  une 
réunion,  persuadé  que  le  bien  qu'on  se  propose  faire  ne 
pourra  jamais  être  parfait  s'il  n'y  a  pas  un  concours  des 
deux  paroisses  ». 

On  comprend  la  résistance  des  paroissiens  de  Saint- 
Vénérand  à  cette  réunion.  Les  revenus  de  leur  bureau 
de  charité  paraissent  avoir  été  presqu'auasi  élevés  que 
ceux  du  bureau  de  la  Trinité,  ainsi  qu'on  le  verra  plus 
loin.  Or  Saiut-Vénéraud  constituait  un  faubourg  beau, 
coup  moins  étendu  et  moins  peuplé  que  la  ville  propre- 

l.CeUeplècBiiMDque4g)tl«muit  duulNDotetdeH.  Dsthux. 


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—  260  — 

ment  dite.  Le  nombre  des  indigents  y  était  par  consé- 
quent moins  important,  de  sorte  qu'en  cas  de  fusion  des 
deux  bureaux,  ses  pauvres  eussent  touché  des  secours 
moins  abondants  et  se  fussent  ainsi  trouvés  lésés.  C'est 
pourquoi  saas  doute  il  fut  impossible  d'arriver  cette  fois 
à  une  entente. 

Le  2  novembre,  nouvelle  réunion  au  presbytère  des 
membres  du  bureau  de  charité  de  la  Trinité. 

H  Le  secrétaire  communique  un  état  des  pauvres  qui 
avaient  reçu  la  visite  de  M.  le  curé.  Il  se  monte  à  2.433. 

u  II  propose  de  diviser  les  pauvres  en  quatre  classes, 
et  ce  en  raison  de  leurs  infirmités  et  misère  ;  U  y  donne 
des  moyens  pour  distribuer  l'aumône  et  procurer  de  l'ou- 
vrage aux  malheureux  dans  le  courant  de  l'hiver  et  a  fini 
par  faire  sentir  lu  nécessité  de  procurer  des  secours  le 
plus  tdt  possible  à  ces  malheureux  :  il  termine  en  faisant 
l'éloge  le  plus  complet  des  vertus  de  M.  de  la  Frogerie 
qui,  pendant  sa  gestion,  a  administré  les  biens  delà  cha- 
rité avec  la  plus  grande  économie  et  un  zèle  qui  trouve 
peu  d'imitateurs. 

«  Le  bureau  arrête  sur  le  champ  que  MM.  le  curé  de 
la  Trinité  et  de  Laubinière  se  transporteraient  chez 
M.  de  la  Frogerie  et  le  prieraient  de  vouloir  bien  conti- 
nuer la  recette  de  la  charité,  en  lui  manifestant  que,  non 
seulement  c'était  le  vœu  unanime  du  bureau  de  charité 
qui  l'appelait  à  cette  place  mais  encore  celui  de  toute  la 
paroisse. 

«  En  outre,  il  a  été  arrêté  que  M.  le  curé,  accompa- 
gné d'une  dame  de  charité  et  d'un  commissaire,  se  trans- 
porterait également  chez  toutes  les  personnes  riches  et 
aisées  pour  recevoir  leurs  souscriptions  et  l'aumdne 
générale,  dont  du  tout  serait  dressé  un  état,  afin  de 
répartir  également  dans  tous  les  quartiers  les  secours, 
en  raison  du  nombre  et  misère  des  pauvres. 

«  Ensuite  il  a  été  rendu  compte  des  biens  de  la  Provi- 
dence et  de  ses  charges  :  examen  fait  des  charges,  elles  se 
sont  trouvées  monter  de  5  à  6.000  livres  ;  les  rentes  à2.000 


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—  261  — 

livres  environ,  l'argent  placé  siir  les  prés'  à  60.000  livres 
environ.  Il  a  été  arrêté  qu'il  ne  serait  jamais  touché  à 
ces  fonds  qui  se  trouvaient  même  inaaffisants  pour  rem- 
plir les  susdites  charges,  si  le  produit  des  aumônes  faites 
les  fêtes  et  dimanches  ne  remplissait  pas  le  déficit,  mais 
qu'on  distribuerait,  avec  le  produit  des  souscriptions 
pour  l'aumône  générale,  les  dons  de  MM.  Beaumesnil, 
prêtre,  et  Dondeau  ;  en  outre  que  on  y  joindrait  égale- 
ment tous  les  dons  faits  à  la  charité  au  cours  de  l'hyver, 
soit  par  testament  ou  autrement,  à  moins  qu'il  n'y  ait 
disposition  contraire  ». 

Le  lendemain,  3  novembre,  nouvelle  séance.  On 
arrête  que  la  paroisse  sera  divisée  en  seize  quartiers.  A 
chacun  de  ceux-ci  seront  attachés  deux  commissaires,  non 
compris  la  dame  de  charité  ou  la  personne  qui  en  ferait  les 
fonctions,  et  l'on  décide  qu'à  défaut  de  dame  de  charité, 
il  serait  nommé  un  eccicsinatique  pour  en  remplir  les 
fonctions.  On  procède  ensuite  au  choi.x  des  commissaires. 

Mlle  Busson  et  MM.  Touschard  de  Sainte-Plennes, 
Berset  et  de  Laubinièrc,  sont  choisis  pour  accompagner 
M.  le  curé  chez  les  personnes  riches  ou  aisées. 

MM.  l'abhé  Lévesque,  Leclerc  du  Flécheray,  Leclerc 
de  la  Galorière  et  Frin  de  Cormerê,  sont  chargés  de 
rédiger  un  règlement  provisoire  du  bureau  de  charité, 
lequel  sera  soumis  à  l'approbation  des  paroissiens. 

Suit  ia  liste  des  commissaires,  parmi  lesquels  on  ren- 
contre encore  les  noms  de  nombreux  magistrats  et  ceux 
des  familles  les  plus  honorables  de  la  ville.  La  liste  des 
dames  est  moins  complète  et,  pour  sept  sections,  ce 
sont  des  ecclésiastiques  qui  sont  choisis  pour  en  remplir 
les  fonctions  :  MM.  le  prieur  de  Sainte-Catherine,  Chan- 
geon  et  Denais,  vicaires  de  la  Trinité,  Dubuisson  et 
Foucault  de  Vauguyon,  prêtres,  Lévesque  et  Huet,  cha- 
noines de  Saint- Tugal  -. 

I.  C'est-à-dire  préU  aux  blanchieBeurs  de  lolles, 
S.  Les  seules  daraes  dont  nouK  IrouvoDS  les  noms  dans  cette  Jlste 
Bonl  :  Mlle  la  Comt^,  Ulle    Busson,    Mme    Martin   de  Ligonnière, 


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—  262  — 

Le  15  novembre,  le  règlement  du  bureau  de  charité 
est  soumis  à  une  assemblée  de  paroisse.  Mais  les  habi- 
tants déclareat  ne  pouvoir  donner  immédiatement  leur 
avis  et  nomment  commissaires  pour  examiner  cette  pièce 
MM.  de  Valleaux,  Gaultier- Dubreil,  Barbeu  de  la  Cou- 
perie  et  Enjubault  de  la  Roche.  Puis  ils  approuvent  à 
l'unanimité  le  choix  des  commissaires  qui  ont  été  nom- 
més pour  la  distribution  des  aumônes  et  les  examens 
des  pauvres  résidant  dans  leurs  quartiers. 

Le  préambule  du  procès-verbal  de  cette  réunion  nous 
fait  connaître  les  noms  des  principaux  habitants  de  la 
paroisse  à  cette  époque,  savoir  :  MM.  Foucault  de  Lau- 
binière,  conseiller  du  roi,  président  au  siège  des 
Traites;  Joseph  Bersetd'Hauterive, procureur-marguil- 
lier;  François  Martin  de  Ligonniére,  juge  criminel; 
Charles-René-Thomas  Frin,  conseiller  du  roi,  président 
au  siège  royal  ;  François  Leclerc  de  la  (îalorière;  René- 
Pierre  Enjubault  de  la  Roche,  avocat  fiscal  au  siège 
ordinaire  ;  Joseph  M  artin-T remblaye,  procureur  fiscal 
audit  siège  ;  Jean-Joseph  de  Launay  de  Scépeaux,  juge 
de  police  ;  Joseph  Barbeu  de  la  Couperie,  lieutenant 
général  au  siège  ordinaire  ;  Letourneurs  du  Teilleul, 
négociant  ;  maître  Jean  Gaultier,  sieur  du  Breuil,  procu- 
reur du  roi  et  son  conseiller  au  siège  royal  ;  Jérôme 
Frin  de  Cormeré,  receveur  des  tailles  ;  Jean  Duchemin 
de  Boisjousse,  conseiller  du  roi  au  siège  de  l'élection, 
etc.... 

Le  22  novembre,  M.  Enjubault  la  Boche  fait  son  rap- 
port sur  le  projet  de  règlement  prét^cnté  par  le  bureau 
de  charité  à  l'assemblée  de  paroisse.  Les  habitants  delà 
Trinité  déclarent  adopter  unanimement  ce  projet  qui  a 
été  soumis  à  ses  commissaires,  sauf  les  observations, 
modifications  et  changements  faits  par  ceux-ci  et 
auxquels  le  bureau  de  charité  sera  tenu  de  se  conformer. 

Mlle  Parler  de  la  Corbinlère,  Mlle  TouMhard,  Mme  Frin  du  Guy- 
Boutier,  Mme  veuve  Letourneurs.  Mme  de  la  Porle-Méral  et  Mlle  de 
Loresse  puur  le  mime  quartier,  ainsi  que  Mme  Courte  et  M  nie  Blgfot. 


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—  263  — 

Suit  le  dit  règlement,  comprenant  trente  et  un  arti- 
cles. Nous  nous  bornerons  à  en  analyser  les  principales 
dispositions. 

Le  bureau  de  charité  de  la  Trinité  sera  composé  du 
curé  de  la  paroisse,  de  seize  dames  de  charité,  trente- 
deux  commissaires,  de  deux  secrétaires  et  du  trésorier. 

La  paroisse  sera  divisée  en  seize  quartiers,  dotés 
chacun  d'une  dame  de  charité  et  de  deux  commissaires, 
nommés  pour  quatre  ans  et  remplacés  tous  les  deux  ans 
par  moitié.  Leurs  nominations  devront  être  confirmées 
par  le  général  des  habitants.  Suivent  les  conditions  pour 
la  nomination  des  commissaires  et  les  règles  à  observer 
pour  leur  remplacement. 

Le  bureau  général  se  réunira  :  tous  les  deux  ans,  le 
premier  dimanche  d'août  pour  la  désignation  des  com- 
missaires ;  chaque  année,  le  premier  dimanche  de  juin, 
pour  choisir  les  examinateurs  du  compte  du  trésorier  ;  le 
premier  dimanche  de  juillet,  pour  statuer  sur  ce  compte 
et  le  rapport  fait  par  les  secrétaires  sur  les  opérations  de 
l'année  ;  le  premier  dimanche  d'octobre,  pour  choisir  les 
membres  du  comité  particulier  ;  le  troisième  dimanche 
du  même  mois,  pour  prendre  connaissance  des  res- 
sources et  obligations  du  bureau  et  des  meilleurs  moyens 
de  distribution. 

Le  bureau  particulier  comprendra  :  le  curé  de  la 
Trinité,  les  deux  secrétaires,  le  trésorier  et  seize  com- 
missaires, un  pris  dans  chaque  quartier.  Il  décidera  de 
toutes  les  distributions,  de  la  manière  dont  elles  seront 
faites,  du  travail  que  l'on  pourrait  accorder  a  ceux  qui 
en  manqueraient  et  des  secours  à  donner  aux  infirmes  et 
aux  veuves  chargées  d'enfants.  Aucun  secours,  de  quel- 
que nature  que  ce  soit,  ne  pourra  être  accordé  sans 
l'avis  de  ce  bureau  particulier.  H  se  réunira  tous  les  deux 
mois  en  été,  tous  les  mois  en  hiver,  plus  souvent  s'il  est 
nécessaire. 

Le  comité  de  charité,  composé  du  curé,  des  deux  secré- 
taires et  de  trois  commissaires, se  réunira  tous  les  quinze 


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jours  en  hiver,  tous  les  mois  en  été,  pour  s'occuper  des 
affaires  urgentes,  qui  devront  être  soumises  au  bureau 
particulier. 

M.  le  curé  présidera  toutes  délibérations  générales 
ou  particulières. 

Le  trésorier  touchera  les  revenus,  dons,  aumdnes,  et 
paiera  les  charges  sur  mandats  ou  récépissés.  Il  remettra 
son  compte  dans  le  courant  de  juin  aux  commissaires 
choisis  pour  l'examiner. 

Les  secrétaires  rédigeront  les  délibérations,  tiendront 
tableau  des  secours  extraordinaires  et  des  noms  de  ceux 
auxquels  les  loyers  seront  payés.  Ils  tiendront  compte 
de  tous  les  arrêtés  du  bureau.  Ils  demanderont  à  la 
paroisse  la  nomination  de  trois  commissaires  pris  en 
dehors  du  bureau  de  charité,  pour  l'examen  des  comptes 
du  trésorier. 

Les  dames  pourront  assister  aux  séances  du  comité  et 
y  auront  voix  détibérative.  Elles  se  réuniront  pour 
aviser  à  l'entretien  du  vestiaire  et  décider  quels  secours 
en  linge  et  vêtements  pourront  être  accordés  et  à  quelles 
femmes. 

Dans  la  même  séance,  le  général  des  habitants  de  la 
Trinité  avait  autorisé  le  bureau  de  charité  à  emprunter 
sans  intérêts,  à  terme  fixe,  une  somme  de  20.000  livres 
en  invitant  les  marguilliers  de  la  paroisse  à  avancer  au 
dit  bureau  les  Fonds  qui  pourraient  demeurer  oisifs  dans 
la  caisse  de  ta  fabrique. 

Le  lendemain,  23  novembre,  le  bureau  particulier  se 
réunit  pour  décider  quelle  quantité  de  secours  sera  dis- 
tribuée aux  indigents.  Le  nombre  des  pauvres  s'élève 
à  2.452  individus,  auxquels  il  sera  attribué  pendant  le 
mois  de  décembre  4.724  quarts  de  secours  par  jour, 
lesquels,  à  deux  sols  le  secours,  se  montent  à  118  livres 
2  sols  et  coûteront  pour  tout  le  mois  la  somme  de 
3.543  livres. 

Les  dames  TJrsulines  et  Bénédictines  étant  dans  l'ha- 


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—  265  — 

bitude  d'accorder  à  la  Charité,  par  chaque  mainon, 
50  livres  de  pain  par  semaine,  M.  le  curé  est  invité  à  se 
transporter  chez  les  dites  daines  pour  les  prier  de  con- 
vertir leur  aumône  en  argent  ou  en  farine. 

On  décide  enfin  qu'il  sera  fait,  dans  chaque  quartier, 
au  moins  deux  distributions  de  pain.  Celui-ci  serait 
composé  pour  les  deux  tiers  de  farine  de  seigle  et  pour 
l'autre  tiers  de  farine  de  froment. 

La  mauvaise  récolte  de  l'année  1789  avait  amené  en 
elTet  dans  toute  la  France  une  disette  générale.  Le  blé 
était  devenu  des  plus  rare»  et  avait  atteint  des  prix  fort 
élevés.  Il  fallait  cependant  nourrir  les  indigents  et  la 
classe  nombreuse  des  ouvriers  qui  se  trouvaient  hors 
d'état  d'acheter  du  pain  que  les  boulangers  avaient  dû 
porter  à  un  prix  qui  ne  pouvait  permettre  au  peuple  de 
s'en  procurer.  Les  municipalités  s'ingénièrent  pour 
parer  à  cet  état  Je  choses  en  achetant  de  tous  côtés,  soit 
du  blé,  quand  elles  pouvaient  s'en  procurer,  pour  le 
céder  à  perte  aux  boulangers,  soit  d'autres  denrées 
telles  que  des  haricots  ou  du  riz.  La  ville  de  Laval, 
profitant  du  peu  de  distance  qui  la  séparait  de  Nantes, 
avait  ainsi  acheté  une  grande  quantité  de  riz  pour  le 
vendre. 

Soit  que  la  municipalité  en  edt  remis  aux  bureaux  de 
charité  de  la  ville,  soit  que  des  gens  riches  en  eussent 
acheté  pour  en  donner  à  ces  bureaux,  celui  de  la  Tn- 
nité,  à  la  lin  de  1789,  po3.sédait  une  certaine  quantité  de 
ce  riz,  mais  se  trouvait  fort  embarassé  d'en  faire 
emploi.  A  Laval,  au  moins,  le  riz  semble  avoir  été  peu 
connu  à  cette  époque.  Il  était  considéré  comme  article 
de  droguerie  et  employé  seulement  par  les  apothicaires 
et  les  médecins.  Le  bureau  de  charité  fut  tout  d'al>ord 
assez  inquiet  de  savoir  comment  il  parviendrait  à  faire 
accepter  ce  produit  aux  indigents  qui  paraissent  avoir  eu 
de  la  répugnance  pour  cette  nourriture  inconnue  de  la 
plupart. 

Le  24  décembre,  le  bureau  de  charité  décide  que,  jus- 


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tja'k  noDvel  ordre,  vu  l'embarras  de  faire  emploi  du  riz 
qui  appartient  à  la  CJiarité,  celui-ci  sera  dépose  dans  les 
greniers  de  la  Providence.  Le  bureau  particulier  est 
autorisé  à  le  vendre  à  un  prix  égal  à  celui  qui  a  été  fixé 
par  le  comité  général  des  subsistances  de  la  ville.  Les 
secrétaires  sont  chargés  d'écrire  â  M.  Enjubault  de  la 
Roche,  député,  pour  le  prier  de  demander  la  restitution 
des  droits  d'entrée  perçus  sur  ce  riz,  en  raison  de  l'em- 
ploi qu'on  en  doit  faire,  puisque  ce  riz  doit  être  employé, 
non  comme  droguerie,  mais  comme  subsistance. 

Le  même  jour,  le  bureau  décide  qu'une  somme  de 
1 .200  livres,  remboursable  sans  intérêts,  en  trois  termes 
égaux  de  400  livres,  aux  1"  mai,  1"  novembre  et 
1"  décembre  1790,  sera  prêtée  aux  Pères  Dominicains 
qui  faisaient  alors  reconstruire  leur  couvent.  Le  but  de 
ce  prêt,  autorisé  par  la  municipalité,  était  de  fournir  de 
l'ouvrage  aux  nombreux  ouvriers  sans  travail,  »  dont  le 
H  nombre  s'accroît  tous  les  jours  par  l'inaction  du  com- 
«  merce  et  le  malheur  des  temps  ».  La  dite  somme  sera 
garantie  par  trois  mandats  de  400  livres  chacun  fournis 
par  les  dits  pères  sur  leurs  fermiers. 

On  arrête  en  même  temps  que  les  secours  à  distribuer 
pendant  le  mois  de  janvier  s'élèveront  à  3.553  livres 
10  sols. 

Il  parait  que  l'on  n'était  pas  parvenu  à  vendre  le  riz 
appartenant  au  bureau  de  charité.  Le  21  janvier  1790, 
on  s'inquiète  de  savoir  si  l'on  ne  pourrait  pas  le  faire 
moudre  et  le  donner,  au  lieu  de  farine  de  froment,  pour 
faire  de  la  bouillie  aux  enfants  au  berceau.  MM.  Lasnier 
et  Deschamps,  médecins.  Paillard- llouisîère  et  Gasté, 
apothicaires,  convoqués  au  bureau  de  charité,  déclarent 
que  le  riz  est  très  nourrissant  et  estiment  qu'on  peut  le 
distribuer  sans  inconvénient  aux  femmes  nourrices  pour 
faire  de  la  bouillie  à  leurs  enfants.  Ils  reçoivent  aussî- 
tAt  la  mission  de  fairt.'  moudre  une  certaine  quantité  de 
riz  au  moulin  de  Bootz  ;  ils  feront  essai  de  cette  farine  à 
la  Providence,  diront  ensuite  quel  est  le  meilleur  moyen 


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—  267  — 

de  la  préparer  et  détermineront  quelle  quantité  on  en 
doit  distribuer  pour  remplacer  la  farine  de  fiximent 
qu'on  fournissait  jusque-là. 

Le  1"  février,  les  experts  déposent  leur  rapport,  dans 
lequel  ils  détaillent  minutieusement  leurs  opérations.  Ils 
ont  fait  moudre  deux  boisseaux  de  riz,  pesant  72  livres. 
L'opération  a  parfaitement  réussi  et  a  produit  une  farine 
très  fine,  qu'il  est  inutile  de  tamiser,  lis  ont  ensuite  fait 
faire  de  la  bouillie  avec  du  lait  et  une  autre  avec  moitié 
eau  et  moitié  lait,  il  les  ont  trouvées  saines  et  agréables 
au  goiit.  Elles  leur  ont  même  paru  plus  saines  et  plus 
salutaires  pour  les  enfants  que  celle  que  l'on  fait  avec 
de  ta  farine  de  froment.  Ils  déclarent  en  conséquence 
que  la  farine  de  riz  peut  êfre  substituée  à  celle  de  fro- 
ment et  le  bureau  s'empresse  d'arrêter  qu'il  sera  distri- 
bué aux  enfants  des  pauvres,  chaque  mois,  trois  livres 
de  farine  de  riz. 

On  décide  en  même  temps  la  distribution  aux  pauvres 
de  .T.OOO  fagots  donnés  pju"  M,  de  Terchant. 

Le  2  mars  suivant,  M.  Duchemin  de  Boisjousse  rem- 
place M.  Ductiemiu-Dauvais,  nommé  membre  de  la 
municipalité. 

On  arrête  qu'une  somme  de  600  livres  sera  prêtée  au 
district  pour  être  employée  en  ouvrages  de  cantonniers 
sur  les  grandes  routes,  à  condition  qu'elle  soit  rembour- 
sée avant  le  1"  mai  suivant. 

MM.  Turpin  du  Cormier,  curé,  Frin  de  Cormeré  et 
Touschard  de  Sainte-Plennes,  secrétaires,  sont  désignés 
pour  aller  complimenter  les  membres  de  la  nouvelle 
municipalité  du  choix  que  la  commune  a  fuit  d'eux  pour 
remplir  des  fonctions  honorables,  dont  leurs  vertus  et 
leurs  tidcnts  les  rendaient  dignes,  et  leur  demander  leur 
appui  pour  le  bureau  de  charité.  Ils  les  prieront  en 
outre  de  laisser  pour  quelque  temps  encore  au  bureau 
l'argent  qui  lui  a  été  prêté  par  les  anciens  oITiciers  muni- 
cipaux et  qui  doit  être  employé  pour  fournir  du  travail 
aux  indigents,  tant  sur  les  grandes  routes  que  pour  l'en- 


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—  268  — 

tretïeti  di^  la  manufacture  ;  cet  ar^nt  ne  pouvant  être 
remboursé  avant  le  mois  d'aoftt  ou  de  septembre. 

Il  s'agit  évidemment  d'argent  avancé  par  la  munici- 
palité pour  être  employé  en  travaux  de  charité  et  princi- 
palement pour  soutenir  le  commerce  de  la  toile,  en 
prêtant  cet  argent  aux  fabricants  pour  qu'ils  puissent 
donner  du  travail  à  leurs  ouvriers  pendant  la  mauvaise 
saison. 

Le  15  avril,  l'assemblée  générale  entend  le  rapport  de 
M.  Frin  de  Cormeré  sur  le  compte  général  des  opéra- 
rations  du  bureau  de  charité.  Celui-ci  est  approuvé, 
mais  comme  les  frais  d'administration  ont  dépassé  de 
68  livres  la  somme  prévue,  chaque  commissaire  paiera 
26  sols  pour  compléter  cette  somme. 

M.  Noury  est  nommé  membre  du  bureau  général  et 
du  Comité  de  filature  en  remplacement  sans  doute  de 
M.  Enjubault  de  la  Roche  lils,  démissionnaire  en  raison 
des  occupations  résultant  de  ses  nouvelles  fonctions  de 
procureur  de  la  commune. 

Le  bureau  décide  ensuite  que  le  secours  de  mai  sera 
fixé  à  un  sou.  H  arrêtera  plus  tard  quels  seront  les 
secours  des  mois  suivants,  de  juin  à  novembre,  ainsi 
que  les  secours  extraordinaires  pour  les  temps  de 
disette  ou  de  calamités. 

On  dressera  le  tableau  des  pauvres  qui  seront  assistés 
toute  l'année. 

MM.  Pé ri er-Dubi gnon,  Périer-Ducoudray  et  Duche- 
min-Gimbertière  sont  choisis  pour  examiner  les  comptes 
du  trésorier. 

«  Sur  l'observation  d'un  membre  que,  malgré  l'ordre 
donné  par  le  général  des  habitants  de  ne  point  admettre 
à  l'aumAne  publique  ceux  qui  seraient  convaincus  de 
mendier  dans  les  rues,  il  s'en  trauve  encore  quelques- 
uns,  à  la  vérité  en  petit  nombre,  et  qu'il  serait  bon  de 
prendre  un  parti  définitif  sur  un  pareil  abus  qui  mérite 
absolument  être  réprimé,  »  on  décide  que  tout  pauvre 
convaincu  d'avoir    mendié   ou    envoyé    mendier    des 


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—  2fi9  — 

enfanta,  soit  dans  les  églises,  soit  dans  les  rues,  sera 
rayé  du  catalogue  des  pauvres  et  ne  recevra  plus  de 
secours  de  la  chanté,  l'intention  du  bureau  étant  d'ex- 
tirper la  mendicité,  la  considérant  comme  propre  à 
entretenir  l'oisiveté,  mère  de  tous  les  vices,  et  ne  pou- 
vant être  ni  soufferte,  ni  tolérée  par  aucun  corps  admi- 
nistratif jaloux  d'opérer  quelque  bien. 

Le  bureau  de  charité  de  la  Trinité  n'avait  pas  eu  de 
chance  en  prêtant  1.200  livres  aux  Pères  Dominicains. 
Ceux-ci,  dépouillés  par  la  loi  du  2  novembre  1789  qui 
mettait  tous  les  biens  du  clergé  entre  les  mains  de  la 
nation,  se  trouvaient  dès  lors  hors  d'état  de  payer  leur 
dette.  Le  20  mai  M.  de  la  Frogerie,  trésorier  dudit 
bureau  de  charité,  expose  qu'il  s'est  adressé  au  sieur 
(■autier,  le  gérant  sans  doute  des  biens  des  Domini- 
cains de  Laval,  pour  réclamer  la  somme  de  400  livres 
échue  le  1"  mai.  Celui-ci  a  refusé  de  payer,  disant  avoi 
employé  la  dite  somme  à  fournir  du  pain  aux  dits  reli 
gieux,  puisque  leurs  biens  n'étaient  plus  à  leur  disposi 
tien,  mais  à  celle  de  la  nation.  11  craindrait  de  courir  des 
risques  en  avançant  ces  400  livres  pour  eux,  en  à  compte 
des  fermages  qu'il  devra  toucher,  ajoutant  qu'il  recon- 
naît s'être  engagé  à  payer  cette  somme  ;  mais,  si  on 
l'exigeait  de  lui,  il  ne  pourrait  plus  fournir  de  pain  aux 
rehgieux  qui,  ne  jouissant  plus  d'aucun  crédit,  ne  pour- 
raient s'en  procurer  ailleurs  et,  se  trouvant  sans  res- 
sources, tomberaient  dans  la  même  situation  que  les 
pauvres  assistés  par  le  bureau  de  charité. 

A  la  suite  de  cette  communication,  le  bureau  désigne 
deux  (le  ses  membres  pour  se  rendre  à  la  municipalité, 
alin  de  lui  exposer  la  situation,  le  prêt  consenti  aux 
Dominicains  ayant  été  effectué  avec  l'autorisation  de 
l'ancienne  municipalité,  et  lui  demander  quelle  conduite 
il  doit  tenir,  étnnt  obligé  de  faire  rentrer  les  fonds  de  la 
charité,  tout  en  comprenant  la  situation  déplorable  des 
religieux  qui  manqueront  de  pain  si  le  sieur  Gautier, 
comptable  des  sommes  qu'il  a  reçues  de  leurs  fermiers, 


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—  270  — 

ne  peut  en  employer,  même  une  partie,  pour  le  besoin 
des  anciens  propriétaires.  Cea  commissaires  propose- 
ront à  la  municipalité  d'accepter  la  dite  créance  en 
déduction  de  la  somme  de  2.050  livres  que  lui  doit  le  dit 
bureau  pour  avances  ou  autoriseront  celui-ci  à  pour- 
suivre les  fermiers  des  débiteurs. 

On  décide  ensuite  que  les  commissaires  de  quartier, 
à  tour  de  râle,  fourniront  une  quêteuse  les  quatre  jours 
de  grandes  fêtes  aux  ofllces  de  la  paraisse. 

Le  26  mai,  MM.  Hubert,  Lebourdais-Dupocher,  Tel- 
lot  et  Boutteviltain  de  Granpré,  chirurgiens,  convoqués 
au  Comité  de  charité  pour  donner  leur  avis  sur  la  grati- 
fication que  le  bureau  désire  accorder  aux  matrones  ou 
sages-femmes  qui  sont  tenues  d'accoucher  les  femmes 
pauvres  inscrites  sur  le  catalogue  de  la  charité, 
approuvent  cette  proposition.  Ils  s'engagent  à  donner  le 
tableau  des  matrones  qui  devront  être  reconnues  par  le 
bureau  et  auront  seules  le  droit  de  toucher  ces  gratifica- 
tions. 

Le  29  juin,  le  bureau  désigne  les  mêmes  commissaires 
que  l'année  précédente  pour  examiner  les  comptes  du 
trésorier. 

MM.  le  curé  de  la  Trinité,  Frin  de  Cormeré,  Tous- 
chard  de  Sainte-Plennes,  Berset  d'Hauterive,  Le 
Pescheux  et  Périer-Dubignon,  sont  chargés  de  rédiger 
un  mémoire  pour  demander  à  la  municipalité  son  a\îs 
sur  la  question  d'assurer  des  fonds  stables  au  bureau 
de  charité  et  en  outre  «  sur  la  nécessité  d'établir  des 
maisons  publiques  pour  recevoir  les  bâtards,  les  enfants 
en  bas  Âge  et  les  vieillards  de  l'un  et  l'autre  sexe,  hors 
d'état  de  gagner  leur  vie,  avec  prière  de  le  prendre  en 
considération,  »  la  tranquillité  publique  et  le  bon  ordre 
dépendant  absolument  du  succès  de  cette  demande. 

Le  15  juillet,  le  bureau  particulier  de  charité  donne 
acte  d'une  communication  faite  par  le  secrétaire  d'un 
arrêté  de  la  municipalité  requérant  les  membres  des 
différents  établissements  pieux  et  charitables  de  rester 


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—  271  — 

en  fonctions  jusqu'à  ce  qu'il  ait  plu  à  l'Assemblée  natio- 
nale de  leur  fixer  une  nouvelle  organisation. 

Mlle  Busson  déclare  que  la  toile  qu'elle  s'était  chargée 
de  faire  fabriquer  avait  produit  100  chemises  de  femme, 
24  chemises  d'homme  et  36  draps,  destinés  à  être  pré- 
tés  aux  malheureux  malades  ou  infirmes.  Elle  a  remis 
ces  objets  à  la  maison  de  la  Providence. 

N'ayant  pas  obtenu  de  réponse  favorable  de  la  muni- 
cipalité, le  bureau  de  chanté  décide  le  12  août  que  les 
pièces  concernant  sa  créance  sur  les  pères  Dominicains 
seront  remises  au  Directoire  du  département,  avec  une 
requête  pour  demander  le  remboursement  de  cette 
créance  sur  le  prix  des  biens  confisqués  au  profit  de 
l'État. 

Le  trésorier  est  autorisé  à  prendre  sur  la  caisse  des 
aumAnes  une  somme  de  400  livres  pour  être  versée  à  la 
fabrique  de  la  Trinité  en  à  compte  des  sommes  avancées 
par  celle-ci  au  bureau  de  charité. 

Le  10  septembre,  un  membre  du  bureau  fait  connaître 
qu'un  membre  de  la  municipalité  a  demandé  aux  sœurs 
de  la  Providence  des  renseignements  sur  le  nombre  des 
pauvres  d^la  paroisse,  la  manière  dont  ils  sont  secou- 
rus et  quels  étaient  les  revenus  de  la  charité.  L'assem- 
blée arrête  que  les  Sœurs  ne  pourront  donner  de 
renseignements,  étant  chargées  seulement  de  l'exécu- 
tion des  ordres  du  bureau,  sans  y  être  jamais  appelées. 

Le  l""  octobre,  on  procéda  à  la  nomination  de  nou- 
veaux commissaires  pour  les  sections  de  la  ville. 

Mlle  Busson  est  désignée,  avec  MM.  Lepescheux,  Du- 
chemin-Gimbertière  et  Courte,  pour  visiter  les  pauvres  ; 
Mmes  Martin-Ligonnière,  Letoumeurs  et  MM.  Duche- 
min  du  Bois  du  Pin  et  Périer  de  ta  Girardière,  pour 
aller  quêter  chez  les  riches. 

Ces  commissaires  prieront  Mesdames  Périer-Dubi- 
gnon,  de  Cornesse  et  Duchemin  du  Bois  du  Pin,  de  faire 
la  quête  à  la  Trinité  les  jours  de  la  Toussaint,  la  Trinité 
«t  Noël. 


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—  272  — 

Le  3  décembre,  le  bureau  général  autorise  le  tréso- 
rier à  rembourser  les  sommes  versées  à  la  caisse  d'em- 
prunt. Ceux  des  dépositaires  qui  les  réclameraient  seront 
payés,  non  en  assignats,  mais  en  écus,  pour  ne  pas 
nuire  à  des  personnes  qui  ont.  donné  leur  argent  sans 
intérêts  et  par  complaisance. 

Le  22,  on  décide  que  chaque  commissaire  se  chargera 
d'une  certaine  quantité  du  blé  donné  au  bureau  de  cha- 
rité lors  de  la  quête  générale,  pour  le  vendre  au  cours 
du  jour  et  en  verser  le  prix  au  trésorier.  Suit  la  liste  des 
commissaires  chargés  de  cette  vente,  avec  les  noms  des 
donateurs.  Ily  a  294  boisseaux  de  seigle  et  733  de  cara- 
bin, le  froment  ayant  sans  doute  été  conservé  pour  être 
distribué  en  farine. 

Le  30  du  dit  mois,  nouvelle  séance  pour  répondre  à 
une  lettre  du  procureur  de  la  commune  sur  le  point  de 
savoir  si  le  bureau  assisterait  les  pauvres  lixés  à  Laval 
depuis  le  1"  novembre  1789.  On  décide  que,  vu  le  besoin 
urgent  de  ces  malheureux,  les  uns  privés  de  leur  état 
par  la  Révolution,  les  autres  obligés  de  quitter  leurs 
demeures  pour  se  réfugier  dans  les  villes,  il  leur  sera 
délivré,  à  titre  de  secours  extraordinaire  et  pour  cette 
année  seulement,  sans  tirer  à  conséquence  pour  l'avenir, 
un  secours  en  pain  pendant  six  mois,  sans  qu'ils  puis- 
sent prendre  part  aux  secours  en  lait,  farine  et  bouillon 
distribués  à  la  maison  de  la  Providence. 

M.  de  Yeaudichon  est  nommé  procureur  à  Paris 
pour  veiller  à  la  liquidation  des  contrats  sur  la  Nation 
appartenant  au  bureau  de  charité,  pour  en  toucher  les 
arrérages  et  en  poursuivre  le  remboursement. 

Pas  de  séance  avant  le  7  avril  1791.  M.  Duchemin  de 
la  Frogerie,  trésorier,  ayant  déclaré  avoir  entre  les 
mains  des  fonds  qu'il  serait  prudent  de  placer,  on  décide 
qu'il  sera  acheté  des  toiles  pour  le  compte  des  pauvres 
par  MM.  Morin  père  et  Georget,  sous  la  sui-vcillance  de 
M.  Duchemin-Gimbertière. 

Mais  les  événements  se  précipitaient.  Le  vote  de  la 


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—  273  — 

constitution  civile  du  clergé  qui  obligeait  les  membres 
de  ce  clergé  à  pri^ter  un  serment  considéré  comme  scliis- 
matique  par  la  grande  majorité  des  ecclésiastiques, 
déclarait  déchus  de  leurs  fonctions  ceux  qui  l'auraient 
refusé.  Ils  devraient  se  retirer  dès  qu'ils  auraient  été 
remplacés.  Or,  le  curé  de  la  Trinité.  M.  Turpin  du 
Cormier,  et  ses  vicaires  se  trouvaient  dans  ce  cas. 

D'après  la  nouvelle  organisation  du  clergé,  l'évéque 
constitutionnel  du  département  devait  remplir  les  fonc- 
tions de  curé  de  la  cathédrale  et  ses  vicaires  épiscopaux 
celles  de  vicaires  de  la  paroisse.  Le  nouvel  évéque, 
Noël-Gabriel-Luce  Villar,  doctrinaire  et  principal  du 
collège  de  la  Flèche,  ayant  été  élu  le  20  mars,  le  clergé 
de  la  Trinité  se  prépara  à  quitter  cette  église  et  par 
suite  ses  fonctions  d'administrateurs  du  bureau  de 
charité. 

C'est  à  cette  circonstance  sans  doute  qu'est  due  la 
série  de  démissions  données  à  la  fin  d'avril  1791  par  les 
dames  de  charité  et  les  commissaires  de  quartiers. 

Le  bureau  général,  réuni  le  2  mai  pour  savoir  si  on 
accepterait  toutes  les  démissions  qu'un  grand  nombre  de 
dames  et  de  commissaires  de  la  charité  avaient  cru 
devoir  donner,  décide  que  ceux  d'entre  eux  qui  persiste- 
raient à  se  retirer  seraient  libres  de  le  faire,  mais 
devraient  continuer  leurs  fonctions  jusqu'au  1"  octobre 
suivant,  époque  à  laquelle  ils  pourraient  les  cesser,  môme 
s'ils  n'étaient  pas  remplacés. 

Mlle  Busson  et  M.  Duchemin-Gimbertière  sont 
nommés  commissaires  pour  la  fixation  des  secours  ; 
MM.  Lebreton  des  Landes,  Périer-Dubignon  et  Letour- 
neurs  de  Mouette  pour  arrêter  tous  les  comptes. 

Cette  délibération  est  signée  seulement  du  trésorier, 
M.  Duchemin  de  la  Frogerie,  et  de  l'un  des  secrétaires 
M.  Touschard  de  Sainte-PIennes,  tous  les  deux  prêtres 
de  la  Trinité. 

Mais  Villar  ayant  été  sacré  à  Paris  le  22  mai  et  ayant 
pris  possession  de  son  siège  le  30,  les  membres  du  clergé 


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—  274  — 

de  la  dite  paroisse  s'étaient  retirés  avant  son  arrivée  et 
avaient  en  mente  temps  cessé  leurs  fonctions  de  mem- 
bres du  bureau  de  charité.  C'est  ce  qui  explique  tes  nom- 
breuses démissions  de  dames  et  de  commissaires  de 
quartier  dont  nous  venons  de  parler. 

Le  même  mouvement  de  retraite  avait  dû  se  produire 
à  Saint-Vénérand  où  l'administration  du  bureau  de  clin- 
rite  était  aussi  placée  sous  la  direction  du  curé  de  la 
paroisse.  M.  Guérin  de  la  Roussardière  était  encore  en 
fonctions,  mais  il  est  probable  que  des  administrateurs 
de  ce  bureau  avaient  également  témoigné  l'intention  de 
se  retirer  aussitôt  que  le  curé  quitterait  son  église  et 
serait  remplacé  par  un  prêtre  constitutionnel. 

11  devenait  urgent  de  réorganiser  ces  deux  bureaux  de 
charité  et  l'on  profita  de  l'occasion  pour  opérer  la  réunion 
qui  avait  échoué  en  1789, 

Le  10  juillet,  les  paroissiens  de  la  Trinité  et  de  Saint- 
Vénérand  furent  réunis  pour  nommer  des  commissaires 
avec  mission  de  s'entendre  pour  opérer  la  fusion  de  ces 
deux  bureaux.  MM.  Villar,  évëquc  du  département, 
François  de  Launay  de  Fresniiy  et  Foucault  de  Laubi- 
nière,  procureurs  marguillîers,  Frin-Cormeré,  secrétaire 
au  bureau  de  charité,  Séguéla,  second  vicaire  épiscopal, 
Hullin  et  Collet-Tnoufle,  nommés  par  le  général  des 
habitants  de  la  Trinité,  et  MM.  Collet-Chaussée  et  Marie 
de  Renaize,  procureurs  marguillîers,  Queruau-Desprez, 
Richard  la  Mitrie,  Dolsegaray,  Pottier-Verdrie,  choisis 
par  le  général  des  habitants  de  Saint- Vénérand,  se  réu- 
nirent le  21  juillet,  en  l'hôtel  de  l'évéque  et  sous  sa 
présidence,  pour  remplir  leur  mission.  Ils  déclarèrent 
unanimement  consentir  à  la  réunion  des  deux  bureaux 
de  charité  et  rédigèrent  un  projet  de  règlement  en 
74  articles  qui  reproduit  en  grande  partie,  tout  en  les 
modifiant  sur  certains  points,  les  dispositions  de  l'ancien 
règlement  du  bureau  de  la  Trinité. 

Les  biens  des  charités  des  deux  paroisses  seront 
réunis.  Il  en  sera  dressé  un  inveutaii-e,  pour  qu'en  cas 


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—  275  — 

de  séparation,  chacun  puisse  reprendre  ce  qu'il  aura 
apporté. 

Les  fonds  distincts  des  écoles  de  chanté  seront  égale- 
ment réunis  à  la  masse  générale  du  bureau.  Il  en  sera 
dressé  un  inventaire,  pour  qu'en  cas  de  dissolution  du 
bureau  général,  chaque  paroisse  puisse  reprendre  ce  qui 
lui  appartient.  Les  écoles  de  charité,  savoir  deux  de 
garçons  et  une  de  filles  pour  la  paroisse  de  la  Sainte- 
Trinité,  une  de  garçons  et  une  de  filles  pour  celle  de 
Saint- Yénérand,  subsisteront  dans  leur  état  actuel.  Les 
maîtres  et  maîtresses  seront  salariés  par  la  caisse  de  la 
charité  et  nommés  par  les  trois  comités  dont  il  sera 
parlé  plus  loin,  auxquelles  nominations  assisteront  le 
maire,  un  oflicier  municipal  et  les  procureurs  marguil- 
liers  des  deux  paroisses. 

La  ville  sera  divisée  en  vingt  quartiers,  dont  douze 
pour  la  Trinité  et  huit  pour  Saint- Vénérand. 

Le  bureau  général  sera  composé  de  l'évéque,  du 
maire,  d'un  oflicier  municipal,  et  des  procureurs  mar- 
guilliers  des  deux  paroisses  de  Laval,  lesquels  en  seront 
membres-nés.  Il  comprendra  en  outre  un  secrétaire- 
trésorier,  quarante  administrateurs,  vingt  dames  de 
charité  et  un  syndic.  M.  le  j)remier  vicaire  de  l'évéque, 
les  deux  curés  de  la  ville  et  celui  qui  sera  nommé  aux 
Cordeliers,  paroisse  nouvellement  créée,  seront  membres 
du  bureau  et  représentants-nés  du  quartier  qu'ils  auront 
adopté.  Le  mode  de  nomination  des  dames  et  des  admi- 
nistrateurs et  celui  de  leur  remplacement  sont  à  peu  près 
les  mêmes  que  sous  l'ancien  règlement.  Les  nominations 
devront  être  approuvées  par  la  nmnicipalité,  ainsi  que 
celle  du  procureur-syndic. 

Le  bureau  général  sera  divisé  en  cinq  sections  :  le 
bureau  général,  le  bureau  particulier,  le  comité  de  cha- 
rité, le  comité  d'éducation  et  le  comité  de  travail. 

Le  bureau  général  s'assemblerale  premier  dimanche  de 
juin,  pour  nommer  les  commissaires  chargés  d'examiner 
les  comptes  du  trésorier,  faire  les  élections  nécessaires 


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et  traiter  les  afTaires  renvoyées  par  le  bureau  particulier  ; 
le  premier  dimanche  d'août,  pour  recevoir  les  comptes  du 
bureau  particulier;  le  premier  dimanche  de  septembre, 
pour  recevoir  ceux  du  trésorier  ;  le  premier  dimanche  de 
novembre,  pour  aviser  aux  moyens  à  prendre  pour  le 
soulagement  des  malheureux. 

Le  bureau  particulier,  composé  de  M.  l'évéque,  du 
syndic  et  d'un  administrateur  par  quartier,  fixera  les 
distributions  à  faire  aux  pauvres,  déterminera  le  genre 
de  travail  à  leur  procurer,  admettra  ou  rejettera  de  la 
liste  ceux  qu'iljugera  dignes  ou  indignes,  et  s'assemblera 
le  premier  dimanche  de  chaque  mois.  Il  administrera  les 
biens  de  la  charité,  placera  les  fonds,  etc.... 

Chacun  des  trois  comités  sera  présidé  par  l'évéque, 
ou  son  premier  grand  vicaire,  ou  l'un  des  curés  de 
paroisse,  et  sera  composé  de  six  membres,  trois  de  chaque 
paroisse  et  deux  suppléants. 

Le  comité  de  charité  s'occupera  des  alfaires  urgentes 
et  préparera  celles  qui  devront  être  soumises  au  bureau 
particulier.  Il  se  réunira  le  quatrième  dimanche  de  chaque 
mois. 

Le  comité  d'éducation  surveillera  les  écoles  de  charité 
qu'il  visitera  au  moins  une  fois  par  semaine  ;  veillera  à 
ce  que  les  maîtres  et  maltresses  d'écoles  remplissent 
exactement  leurs  devoirs  ;  fera  l'appel  pour  savoir  si  les 
enfants  s'y  rendent  assidûment  et,  en  cas  de  négligence 
de  leur  part,  il  en  donnera  avis  au  bureau  particulier 
qui  avisera  aux  moyens  à  prendre  pour  corriger  de  tels 
abus.  Il  s'instruira  pareillement  si  les  enfants  des  pau- 
vres se  rendent  au  catéchisme  et  des  progrès  qu'ils  y 
pourront  faire  ;  à  défaut,  il  en  fera  le  rapport  au  bureau 
particulier  qui  jugera  également  du  parti  à  prendre  dans 
la  circonstance.  1!  se  réunira  le  troisième  dimanche  de 
chaque  mois. 

Le  comité  de  travail  se  réunira  le  deuxième  dimanche 
de  chaque  mois  et  s'occupera  des  différents  ouvrages 
susceptibles  d'être  donnés  aux  malheureux  suivant  la 


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—  277  — 

quantité  qui  aura  été  réglée,  distribuera  ce  travail,  le 
recevra,  paiera  le  salaire  et  veillera  aux  réparations  des 
biens-fonds  de  la  charité. 

Les  articles  suivants  concernent  les  attributions  du 
syndic  chargé  de  surveiller  la  caisse  des  pauvres,  faire 
exécuter  les  ordres  du  bureau,  poursuivre  les  débiteurs, 
etc.  (art.  44  à  57)  ;  et  celles  du  trésorier-secrétaire  [art. 
58  à  71).  Celui-ci  sera  payé,  mais  fournira  un  cautionne- 
ment de  25.000  livres  en  biens-fonds. 

On  procède  ensuite  à  la  nomination  des  commissaires 
de  quartiers,  parmi  lesquels  on  retrouve  un  petit  nombre 
des  anciens  administrateurs  que  leur  zèle  pour  le  bien 
des  pauvres  a  déterminé  à  rester  en  fonctions.  Mais  on 
y  voit  figurer  tous  les  nouveaux  fonctionnaires  de  la  ville 
et  notamment  la  plupart  des  vicaires  épiscopaux  de 
l'évèque  :  Levenard,  Réveil,  Séguéla,  Laban,  Cosnard, 
Cruchet,  La  Hue,  (îuilbert,  Villar,  ainsi  que  le  curé  de 
Saint- Vénêrand,  le  vicaire  desseiTant  Saint-Melaine  et 
le  curé  des  Cordeliers,  non  encore  nommés.  Tous  les 
quartiers  ont  trois  commissaires,  au  nombre  desquels  on 
ne  rencontre  plus  une  seule  dame. 

M.  Frin-Gormeré  est  nommé  syndic  et  M,  Tellot  Jils, 
trésorier-secrétaire . 

Les  marguilliers  de  chaque  paroisse  remettent  l'état 
des  biens  de  la  charité  de  chacune 'd'elles. 

Les  revenus  de  la  charité  de  la  Trinité,  y  compris 
ceux  des  petites  écoles,  s'élèvent  à  4.455  livres,  plus 
75  à  80.000  livres  de  linge  et  mobilier,  employés  en 
partie  en  toile  et  le  surplus  existant  dans  la  caisse  du 
trésorier. 

Le  revenus  de  la  charité  de  Saint-Vénérand,  attei- 
gnent 4.800  livres  et  le  mobilier  20  à  21.000  livres,  dont 
partie  en  toiles  et  le  surplus  dans  la  caisse  du  receveur 
ou  devant  être  complété  par  les  héritiers  des  bienfaiteurs. 

Il  en  sera  du  reste  dressé  un  état  légal  en  trois  copies 
pour  être  remises  à  chaque    paroisse    et    au    bureau 


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—  278  ~ 

Ce  règlement  ayant  été  approuvé  le  10  aoiU  par  le 
général  dea  habitants  de  chaque  paroisse,  le  bureau 
général  se  réunit  le  dimanche  suivant  pour  procéder  au 
remplacement  des  commissaires  qui,  comme  maire 
(Hubert),  ou  comme  marguilliers,  ou  membres  de  la 
municipalité,  sont  membres-nés  dudit  bureau  (Launay 
de  Fresnay,  Collet-Chaussée  et  de  Renaize)  de  ceux  qui 
n'ont  pas  voulu  accepter,  comme  M.  Iluet,  prêtre,  qui 
n'est  venu  à  aucune  séance,  le  curé  de  Saint-Vénérand 
et  son  vicaire,  M,  Le  Ray,  desservant  de  Saînt-Melaino. 
Ces  deux  derniers  se  trouvaient  dans  une  situation  anor- 
'  maie,  et  ayant  refusé  le  serment,  ils  devaient  être  rem- 
placés dès  qu'on  aurait  trouvé  un  curé  pour  Saint-Véné- 
rand. La  diliiculté  de  rencontrer  un  prêtre  qui  vouliU 
accepter  les  avait  fait  conserver  dans  leurs  postes.  Ne 
voulant  pas  communiquer  avec  Tévéque  intrus,  ils 
avaient  écrit  au  président  pour  dérlnrer  qu'ils  ne  pou- 
vaient accepter  les  fonctions  de  commissaires  de  la  cha- 
rité, mais  qu'ils  se  voueraient  comme  citoyens  à  tout  ce 
qui  concernerait  le  bien  dos  malheureux.  L'assemblée, 
après  avoir  applaudi  à  la  sensibilité  de  MM.  Guérin  et  Le 
Ray,  reconnaît  qu'ils  ne  peuvent  être  membres  du 
bureau  et  dit  qu'ils  seront  remplacés  par  leurs  succes- 
seurs. 

On  procède  ensuite  à  la  nomination  de  vingt  membres 
du  bureau  particulier. 

«.  Le  21  août,  les  comités  de  charité,  d'éducation  et  de 
travail  se  réunissent  pour  procéder  au  remplacement 
des  maîtres  d'écoles  de  In  Trinité  et  de  Saint-Vénérand 
qui,  ayant  refusé  le  serment  constitutionnel  en  leur 
qualité  de  prêtres,  avaient  été  autorisés  à  cesser  leurs 
fonctions. 

«  Le  syndic  a  dit  qu'aux  termes  de  l'article  9du  règle- 
ment, il  y  avait  lieu  de  nommer  les  maîtres  d'écoles  des 
paroisses  de  la  Trinité  et  de  Saint-Vénérand  ;  que, 
pendant  la  vacance  du  bureau  de  charité  de  la  Trinité, 
M.   l'évêque,  à  la  réquisition   du  procureur-général- 


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—  279  — 

syndic,  avait  déjà  disposé  de  celle  du  cimetière  en  faveur 
du  sieur  Garot,  clerc  tonsuré,  et  de  celle  de  Saînt-Marti 
en  faveur  du  sieur  Cordier,  aussi  clerc  tonsuré,  mai 
qu'il  ne  tenait  pas  à  ces  nominations,  qu'il  s'en  désistai 
au  contraire  et  qu'il  priait  l'assemblée  de  procéder  à  une 
nouvelle  élection. 

«  M.  l'évéque  ayant  manifesté  la  même  intention, 
l'assemblée  a  formé  le  scrutin  et  son  résultat  a  confirmé 
à  l'unanimité  le  cboix  et  élection  précités. 

«  On  a  ensuite  procédé  à  l'élection  d'un  maître  d'école 
pour  Saint-Vénérand.  Au  troisième  tour  de  scrutin,  le 
sieur  Joseph  Le  Moyne  a  été  nommé. 

«  Ensuite  le  syndic  a  exposé  que  les  circonstances  et 
la  diversité  malheureuse  d'opinions  avaient  donné  à  l'édu- 
cation une  inactivité  dont  les  écoles  de  charité  avaient 
soutTert  extraordinairement  et,  à  cet  elTet,  a  proposé  de 
supprimer  cette  année  les  vacances. 

«  La  motion  mise  aux  voîx  a  été  adoptée,  sauf  en 
l'amendant  de  huit  jours  de  vacances  et  la  rentrée  des 
écoles  a  été  fixée  au  13  septembre  prochain  ». 

M.  Hubert  ',  ayant  demandé  la  parole  pour  supplier 
l'assemblée  de  permettre  que  les  anciens  maîtres  d'école 
eussent  la  faculté  do  ne  pas  achever  leur  année  d'éduca- 
tion -,  cette  motion  a  été  écartée  comme  n'étant  pas  de 
la  compétence  du  bureau  de  charité,  mais  bien  des  corps 
administratifs. 

Nous  n'avons  pas  d'autre  délibération  du  bureau  de 
charité  avant  celle  du  16  décembre  1791,  dans  lafpielle 
on  décide  que  les  appointements  du  trésorier  seront 
portés  à  400  livres. 

Sur  la  proposition  de  M.  Séguéla,  nommé  enfin  curé 
de  Saint-Vénérand,  le  traitement  des  maîtres  d'écoles  est 
fixé  à  300  livres,  plus  le  logement.  Mais  comme  le  maître 
d'école  de  Saint-Vénérand  n'a  point  de  logement  pour 

1.  Maire  de  Laval. 

2.  Os  maîtres,  en  leur  qualité  de  praires  ajani  ratusé  )e  Hrment,  ne 
pouraieot  en  effet  rester  dans  leurs  écoles  après  avoir  été  remplacés. 


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—  280  — 

tenir  sa  classe,  on  décide  qu'il  lui  sera  accordé  en  outre 
une  indemnité  de  50  livres. 

Le  syndic  expose  que  la  quête  générale  a  produit  seu- 
lement une  somme  de  10.000  livres,  insuffisante  pour 
venir  au  secours  des  malheureux  et  pour  les  empêcher 
de  mourir  de  faim.  11  propose  de  demander  aux  corps 
administratifs  l'autorisation  d'emprunter  une  somme  de 
40.000  livres,  portant  intérêt  a  5  pour  cent,  et  qu'en 
attendant,  les  sommes  placées  chez  divers  négociants 
au  profit  des  pauvres  soient  retirées  pour  être  employées 
à  Taire  face  aux  dépenses  journalières  de  l'adminis- 
tration. 

L'assemblée  décide  qu'il  sera  fait  une  adresse  à  la 
municipalité  pour  lui  exposer  la  situation  pressante  du 
bureau  de  charité  et  lui  demander  les  moyens  propres  à 
y  remédier,  avec  prière  d'aider  les  administrateurs  de 
cet  établissement  de  ses  conseils  et  de  ses  lumières 
et,  au  cas  où  elle  approuverait  l'emprunt  proposé,  de 
l'appuyer  auprès  des  administrateurs  du  district  et  du 
département. 

MM.  Frin-Cormeré  et  Paillard- H  oui  si  ère  sont  char- 
gés de  rédiger  cette,  adresse  et  MM.  Collet-Chaussée  et 
Launay  de  Fresnay,  de  dresser  le  tableau  des  quêtes  de 
quartier. 

On  comprend  que  la  nouvelle  organisation  du  bureau 
de  charité,  placé  désormais  entre  les  mains  du  clergé 
constitutionnel,  ait,  sinon  tari,  du  moins  diminué  dans 
de  notables  proportions  le  produit  de  la  quête  générale 
de  1791.  Les  membres  de  l'ancien  clergt',  leurs  amis,  les 
gens  riches  qui  regrettaient  l'ancien  régime,  ne  devaient 
pas  se  montrer  très  empressés  de  fournir  des  fonds  à  un 
établissement  dirigé  par  leurs  adversaires  et  durent  se 
montrer  moins  généreux  dans  leurs  dons,  quitte  à  rem- 
placer par  des  charités  individuelles  leurs  anciennes 
cotisations  du  bureau  de  chanté.  Mais  la  déclaration  du 
syndic  qu'il  manquait  au  bureau  40.000  livres,  en  plus 
des  10.000  données  à  la  quête  générale,  nous  parait  un 


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—  281  — 

peu  exagérée.  Si  telle  est  en  effet  la  difTérence  entre 
les  recettes  du  nouveau  bureau  et  celles  des  années  pré- 
cédentes dans  les  deux  paroisses,  cela  prouve  que  les 
habitants  de  Laval  savaient  se  montrer  généreux  pour 
secourir  les  indigents. 

M.  Lepescheux-Dauvais,  nommé  maire  à  la  place  de 
M,  Hubert,  est  remplacé  au  bureau  de  charité  par  M.  de 
Laporte-Méral. 

Le  bureau  continue  à  administrer  le  bien  des  pauvres 
au  mieux  de  leurs  intérêts  pendant  l'hiver  1791-1792. 
Les  délibérations  des  différents  comités  nous  manquent. 
Nous  trouvons  seulement  au  registre  une  délibération 
du  2  juillet  1792  nommant  commissaire  pour  vérifier  les 
comptes  du  trésorier,  SIM.  Jean  Picbot,  Pontenard, 
Dolsegarny  et  Giraudière. 

MM.  Villar  et  Frin-Cormeré  sont  désignés  pour  signer 
avec  les  commissaires  choisis  par  le  conseil  généra!  de 
In  commune  l'acte  de  collocation  de  ta  somme  de  10.500 
livres  versée  par  le  bureau  de  charité  dans  la  caisse  de 
la  municipalité  de  Laval,  la  dite  somme  provenant  du 
legs  fait  par  M.  Duché  min- Beaucoudray  au  profit  des 
pauvres  de  la  ville, 

MM.  Letourneurs-Mouettc  et  Hayes  de  la  Chesnaye, 
démissionnaires,  sont  remplacés  par  M.  Villar,  vicaire 
épiscopal,  et  M.  Guédoux  des  Pommiers. 

Cette  délibération  est  la  dernière  i|ui  nous  soit  con- 
nue. La  loi  du  U  vendémiaire  an  III  (2  octobre  1794), 
ayant  mis  entre  les  mains  de  la  Nation  le  bien  des  hos- 
pices et  de  tous  les  établissements  charitables,  le  bureau 
de  charité  de  la  ville  de  Laval,  dépouillé  de  tous  ses  reve- 
nus, dut  cesser  ses  fonctions.  C'est  au  comité  de  secours 
de  la  municipalité  qu'incomba  alors  le  soin  de  venir  en 
aide  aux  indigents,  avec  des  ressources  certainement 
insuflisantes,  fournies  par  la  ville,  fortement  obérée  elle- 
même,  alors  que  la  misère  générale  avait  augmenté 
considérablement  le  nombre  des  pauvres  et  que  l'appel 
dans  les  armées  de  tous  les  hommes  valides  avait  laissé 


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—  282  — 

sans  ressources  un  grand  nombre  de  mères  de  famille. 
La  charité  officielle  n'eût  pu  sultire  à  sa  tâche,  si  elle 
n'eût  été  aidée  par  la  chanté  individuelle,  pour  empêcher 
un  aussi  grand  nombre  de  malheureux  de  mourir  de  faim. 
Nous  savons  par  des  documents  postérieurs  que  les 
deux  Providences  de  la  Trinité  et  de  Saint- Vénérand 
avaient  été  conservées,  môme  après  l'expulsion  des 
sœurs  de  charité  qui  avaient  refusé  le  serment.  Elles 
avaient  été  confiées  à  deux  chirurgiens,  à  charge  d' 
loger  et  de  donner  aux  pauvres  indigents  les  soins  cl 
les  médicaments  dont  ils  avaient  besoin.  Ces  chirur- 
giens, MM.  Tellot  et  Bouttevilaiii-Granpré,  montrèreni 
sans  doute  le  plus  grand  dévouement,  mais  ils  ne  pou- 
vaient suppléer  les  sœurs  de  charité  dans  certains  soins 
particuliers,  tels  que  la  préparation  du  bouillon  et  l'en- 
tretien du  vestiaire  et  du  linge  prêté  aux  malades  et 
infirmes. 

m 

Après  la  Terreur,  sous  le  Directoire,  ce  fut  une 
commission,  nommée  sans  doute  par  la  municipalité, 
qui  fut  chargée  de  distribuer  des  secours  aux  malheu- 
reux. Plus  tard,  sous  le  Consulat,  lorsque  le  gouverne- 
ment voulut  réorganiser  les  hospices,  auxquels  on 
rendit  ceux  de  leurs  biens  conlisqués  qui  n'avaient  pas 
été  vendus,  on  y  joignit  ceux  des  bureaux  de  bienfaisance 
qui  se  trouvaient  dans  le  mi-me  cas,  en  chargeant  les 
dits  hospices  de  secourir  à  domicile  les  indigents  non 
hospitalisés. 

Enfin  le  10  ventôse  an  X  (1"  mars  1802),  le  Préfet  de 
la  Mayenne,  M.  Harmand,  prit  un  arrêté  portant  créa- 
tion d'un  bureau  de  bienfaisance  dans  l'arrondissement 
des  deux  justices  de  paix  de  Laval.  Cependant  l'année 
s'écoula,  nous  ignorons  pour  quel  motif,  sans  que  cet 
arrêté  fût  exécuté.  C'est  seulement  le  cinq.uième  jour 
complémentaii'e  de  la  dite  année  que  le  Préfet  se  décide 


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à  nommRr  membres  de  ce  bureau  MM.  Frin-Cormeré 
père,  Touschard  de  Sainte- Plennes,  Letourneura- 
Mouelte,  Levesque-Guttonnière  et  Matagrin-Cbanteloup 
lils.  Dès  lors  on  marche  rapidement. 

Le  9  vendémiaire  an  XI  (1"  octobre  1802),  le  bureau 
est  installé,  dans  une  des  salles  de  la  mairie,  par 
M.  Laporte-Méral,  un  des  adjoints  de  la  municipalité, 
M.  Ducherain-Vaubernier  est  nommé  receveur-trésoriei-; 
M.  Frin-Cormeré  est  chargé  de  la  répartition  des 
secours  distribués  aux  indigents;  M.  Touschard  de 
Sainte-Plennes,  de  la  surveillance  des  écoles  de  charité 
et  maisons  de  secours  ;  M.  Letourneurs-Mouette,  de  l'ad- 
ministration des  fonds  et  revenus  ;  M.  L  eve  s  que-Gui  ton- 
nîère,  du  secrétariat  pour  la  section  de  l'Ouest,  et 
M.  Matagrin-Chauteloup  fds,  pour  celle  de  l'Est. 

L'assemblée  ajourne  la  nomination  des  commïssairrs 
de  quartiers,  mais,  jalou.se  de  témoigner  aux  deux  curés 
des  paroisses  de  Laval  et  à  Mlle  Busson  le  désir  qu'elle 
avait  de  s'entourer  de  leurs  lumières,  nomme  les  citoyens 
Matagrin,  curé  de  la  Trinité,  et  Guérin-Roussardîère, 
curé  de  Saint- Vénérand,  commissaires-distributeurs,  et 
Mlle  Busson,  dame  de  charité.  Ils  pourront  choisir  le 
quartier  qu'ils  préféreront  et  Mlle  Busson  est  autorisée 
à  se  faire  remplacer  par  la  personne  qu'elle  choisira. 

Le  compte  rendu  de  l'ancien  bureau  du  1"  octo- 
bre 1790  et  ses  statuts  conlîrmés  et  ajiprouvés  par  les 
habitants  des  paroisses  de  la  Trinité  et  de  Saint- Véno- 
rand  dans  leurs  assemblées  du  31  juillet  17!)1  et  par  le 
Conseil  de  la  Commune  le  7  août  suivant,  seront  déposés 
aux  archives  du  bureau  de  bienfaisance  et  leurs  disposi- 
tions auront  leur  pleine  et  entière  exécution  pour  tout  ce 
qui  ne  sera  pas  contraire  à  l'arrêté  du  Préfet  du  1"'  ven- 
tùse  an  X,  ainsi  qu'à  tous  arrêtés  des  Consuls  et  déci- 
sions des  Ministres  y  rapportées. 

Le  9  vendémiaire,  MM.  Nicolas  Lilavois-Lavarenne 
et  Crisante-Jean-Félix  Laporte-Méral,  adjoints  au  maire 
de  Laval,  procèdent  à  l'installation  des  citoyens  Moreau- 


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—  284  ~ 

LanoS  et  Moreau-Duboulay,  juf^es  de  paix,  membre;) 
de  droit  du  bureau  aux  termes  de  l'arrêté  du  Préfet  du 
l"  ventôse. 

Le  16,  nouvelle  réunion.  M.  Touschard  de  Sainte- 
Plennes  dépose  un  rapport  sur  l'organisation  des  mai- 
sons de  secours  ol  sur  un  local  à  prendre  à  loyer  pour  y 
tenir  les  séances  et  y  faire  l'école  aux  enfants. 

M.  Frin-Cormeré  en  lit  un  autre  sur  l'organisation  du 
bureau  de  répartition  des  secours,  la  nomination  des 
commissaires  de  quartiers,  et  les  secours  à  donner  aux 
paroisses  rurales  du  canton.  Il  annonce  que  MM.  les 
curés  de  la  ville,  M.  Duchemin-Vaubernier  et  Mlle  Bus- 
son,  ont  accepté  de  faire  partie  du  bureau. 

On  décide  qu'il  sera  formé  «ne  commission  d'hommes 
de  loi  pour  examiner  les  titres  des  propriétés  apparte- 
nant aux  pauvres  et  aviser  aux  moyens  de  faire  rentrer 
celles  qui  ont  été  perdues  ou  vendues. 

Les  officiers  de  santé  seront  convoqués  pour  donner 
leur  avis  sur  l'organisation  des  maisons  de  Providence 
et  l'utilité  qu'il  y  aurait  de  les  confier  à  des  sœurs  de 
charité.  Ils  seront  priés  de  concourir  par  leurs  talents, 
leur  humanité  et  !eur.H  connaissances,  à  secoujHr  la  classe 
indigente  et  les  infirmes. 

D'autres  décisions  sont  prises  relativement  au  local  à 
affermer  par  le  bureau,  à  la  formation  de  la  liste  des 
pauvres  et  à  la  nomination  des  commissaires  de  quar- 
tiers, dont  un  au  moins  sera  choisi  dans  la  classe  des 
fonctionnaires  ou  des  officiers  de  santé  et  les  deux  autres 
parmi  les  personnes  les  plus  riches,  et  à  celle  des  dames 
de  charité,  au  nombre  de  deux  par  quartier,  etc. 

Les  curés  de  la  Trinité  et  de  Saint- Vénérand  feront 
partie  du  bureau  général  où  chaque  quartier  sera  repré- 
senté par  un  de  ses  commissaires  ou  une  des  dames  de 
charité. 

Le  21  vendémiaire,  la  liste  des  commissaires  est  arrê- 
tée. On  y  voit  figurer  le  préfet,  M.  Ilarmand,  et  ses 
conseillers  de  préfecture,  Defermon,  Chevallier,  Morice- 


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—  285  — 

la-Rue,  divers  membres  des  tribunaux.  Moulin,  Barbeu 
de  la  Couperie,  Duferay,  Pottier,  Lefebvre-Champorin, 
Queruau-Boisgasnier,  Foucher,  Le  Sueur,  et  des  fonc- 
tionnaires de  tous  ordres,  ainsi  que  plusieurs  praires, 
MM.  Changeon,  Paillard  delà  Pommeraie,  etc. 

MM.  les  curés  s'engagent,  sur  la  demande  du 
bureau,  à  placer  des  troncs  pour  les  pauvres  dans  leurs 
églises  et  à  y  faire  des  quêtes  les  jours  de  dimanches  et 
fûtes  pour  le  bureau  de  bienfaisance. 

On  décide  de  prendre  à  loyer,  pour  neuf  années,  sans 
que  le  loyer  puisse  dépasser  200  francs,  l'ancienne 
sacristie  de  Saint- Tugal,  appartenant  au  sieur  Tellot, 
pour  y  tenir  les  séances  du  bureau  et  y  faire  l'école  aux 
enfants. 

Le  23  du  même  mois,  les  citoyens  Deschamps-Bellan- 
gene,  Plaichard-Cfaoltière ,  BouUevraye,  Lepescbeux, 
Moreau  du  Boulay,  Rosière,  médecins.  Le  Bourdais- 
Durocher,  Tellot,  Bouttevilaia-Granpré  et  Hubert,  chi- 
rurgiens, Gasté  et  Cottereau,  pharmaciens,  assistent  à 
la  séance  du  bureau  de  bienfaisance.  Le  président  pose 
la  question  de  savoir  si  les  midsons  de  secours  continue- 
raient à  être  dirigées  par  des  cliirurgiens  ou  seraient  con- 
fiées à  des  sœurs  de  chanté  comme  avant  la  Révolution. 
Après  avoir  rendu  justice  au  talent  et  au  zèle  des  chirur- 
giens chargés  de  ce  service,  il  fait  observer  que  leur 
ministère  était  plus  onéreux  que  celui  des  sœurs  et  que 
celles-ci  étaient  plus  propres  à  entrer  dans  certains 
détails  des  besoins  des  malades,  à  préparer  le  bouillon, 
à  réparer  le  linge  du  vestiaire  et  à  tenir  l'école.  Le» 
médecins  et  chirurgiens  déclarent  que,  jaloux  de  rendre 
à  l'humanité  tous  les  services  dont  elle  avait  besoin,  ils 
s'engagent  à  soigner  gratuitement  tous  les  malades  qui 
leur  seraient  indiqués  et  que  chacun  d'eux  prendrait  un 
quartier.  De  leur  côté,  les  pharmaciens  s'engagent  à 
assister  comme  par  le  passé  à  la  réception  des  drogues 
adressées  aux  maisons  de  secours  et  à  en  surveiller  la 
préparation. 


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La  discussion  ouverte  sur  te  point  de  savoir  si  les 
maisons  de  secours  seraient  confiées  à  des  sœurs  ou  à 
des  chirurgiens  fut  assez  vive.  Les  avis  semblaient  par- 
tagés. L'assemblée  se  sépara  sans  avoir  rien  décidé  et 
s'ajourna  au  lendemain  pour  qu'on  pût  consulter  le 
préfet  et  le  maire  de  la  ville.  Ceux-ci  se  prononcèrent 
sans  doute  en  faveur  des  su'urs,  car  le  bureau  décide, 
le  27  vendémiaire,  qu'à  partir  du  l""  floréal,  les  deux 
Providences  de  la  Trinité  et  de  Saint- Vénérand  se]*ont 
tenues  par  des  sœurs  de  charité  prises,  soit  parmi  les 
anciennes,  soit  dans  une  congrégation  vouée  au  service 
des  pauvres.  Les  chirurgiens  sortiront  des  dites  mai- 
sons à  la  même  date  et  recevront  jusque-là  le  traitement 
qui  leur  était  accordé. 

On  choisira  deux  chirurgiens  qui  recevront  un  traite- 
ment annuel  pour  visiter  les  malheureux  des  communes 
rurales  des  deux  cantons  de  Laval. 

Un  membre  propose  nu  bureau  de  faire  faire  des 
soupes  économiques  pour  être  distribuées  aux  malheu- 
reux, mais  l'assemblée  décide  qu'elle  prendra  d'abord 
l'avis  de  MM.  Tellot,  chirurgien,  Cottereau  et  Gasté, 
pharmacien.. 

Le  lendemain,  MM.  Tellot  et  Bouttevilain-Granpré, 
administrateurs  des  maisons  de  secours,  déclarent  adlié- 
l'er  à  l'an-èté  pris  la  veille  au  sujet  des  deux  Providences 
et  acceptent  la  mission  de  visiter  les  malades  des  cam- 
pagnes. 

Le  7  brumaire,  le  bureau  procède  au  remplacement 
des  commissaires  qui  ont  refusé  ces  fonctions  et 
approuve  le  tableau  des  dames  de  charité  de  la  paroisse 
de  lu  Trinité,  au  nombre  de  deux,  ou  même  parfois  trois, 
pour  cliaque  quartier. 

Les  Dames  de  charité  des  huit  quartiers  de  Saint- 
Vénérand  sont  nommées  seulement  le  26  du  même 
mois. 

Le  citoyen  Millet,  fabricant,  est  désigné  pour  assis- 
ter aux  réunions  qui  se  tiennent  chez  Mlle  Busson,  à 


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—  287  — 

qui  sa  santé  ne  permet  plus  de  se  déplacer,  pour  aviser 
aux  moyens  de  procurer  du  travail  aux  indigents  et 
monter  la  lingerie  des  deux  Providences,  le  linge  destiné 
à  être  prêté  aux  malades  ayant  été  usé  en  grande  partie 
et  non  remplacé  pendant  la  Révolution. 

M.  le  maire  sera  prié  d'autoriser  le  secrétaire  de  la 
mairie  à  percevoir  les  droits  dûs  par  les  artistes  qui 
donnent  des  représentations  dans  la  ville. 

Les  hospices  ayant  remis  un  compte  des  biens  appar- 
tenant aux  pauvres,  celui-ci  sera  soumis  au  comité  de 
contentieux,  composé  de  MM.  Letoumeurs  de  Mouette, 
Clievreui,  Beauregard,  Sougé,  Hardy  de  Lévaré  Iris  et 
Lasnier  de  Vaucenay,  lequel  dira  quelles  poursuites 
doivent  être  exercées  contre  les  débiteurs  ou  fermiers 
des  pauvres. 

Le  5  frimaire,  M.  Bucquet,  médecin,  est  admis  au 
bureau  et  chargé,  sur  sa  demande,  de  soigner  les  pau- 
vres malades  de  Saint-Berthevin  et  dlAhuillé  où  il  se 
rendra  deux  fois  par  semaine. 

Le  16  du  même  mois,  M.  Frin-Cormeré  dépose  sur  le 
bureau  une  lettre  adressée  au  préfet  par  le  ministre  de 
l'intérieur  au  sujet  de  l'adjonction  des  deux  curés  de  la 
ville  au  bureaiE  de  chanté. 

Paris,  le  86  Brumaire  an  XI  de  la  République  Française. 

K  Vous  avez  soumis  à  ma  décision,  citoyen  Préfet,  une 
délibération  du  bureau  de  bienfaisance  de  Laval  ten- 
dant à  faire  admettre  au  nombre  de  ses  niembi'es  les 
citoyens  Matagrin  et  Guérin-Roussardière,  curés  de 
cette  ville. 

a  Si  ces  citoyens  se  sont  rendus  recommandables  par 
leurs  qualités  particulières  et  si  vous  pensez  que  leur 
nomination  au  bureau  de  bienfaisance  puisse  influer 
avantageusemont  sur  les  produits  de  la  chanté  indivi- 
duelle, je  ne  vois  aucun  inconvénient  à  ce  que  vous  les 
adjoigniez  à  cet  établissement.  Mais  je  vous  observe 
qu'ils  ne  doivent  y  être  appelés  que  comme  citoyens  et 


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—  288  — 

non  à  titre  de  curés.  La  tolérance  du  Gouvernement 
pour  les  ditTérents  cultes  s'oppose  à  ce  qu'il  aoit  accordé 
aucun  privilège  au  ministre  d'une  religion  privativement 
à  ceux  d'une  autre  religion.  II  faut  d'ailleurs  éviter  avec 
soin  tout  ce  qui  pourrait  rappeler  l'idée  d'une  corpo- 
ration. 

«  Vous  voudrez  bien,  citoyen  Préfet,  présenter  à  mon 
approbation  rarri-té  de  nomination  des  citoyens  Mata- 
grin  et  Guérin-Roussardière. 

u  Je  vous  salue, 

«  Chaptal.  y> 

Le  bureau  oi-donne  que  la  lettre  du  ministre  sera 
déposée  dans  des  archives  «  pour  servir  par  la  suite  de 
témoignage  à  la  confiance  et  à  l'estime  publique  dont 
jouissent  les  citoyens  Matagrin  et  Guérin-Roussardière 
et  dont  l'Administration  n'a  été  que  l'organe.  » 

Le  18  frimaire,  le  bureau  décide  que  des  secours  en 
farine  et  en  lait  seront  distribués  comme  par  le  passé 
aux  enfants  naissants,  jusqu'à  l'âge  de  dix-huit  mois. 
En  attendant  l'arrivée  des  sœurs,  les  chirurgiens  qui 
dirigent  les  Providences  distribueront  la  farine  et  les 
dames  de  charité  sont  autorisées  à  traiter  avec  les  lai- 
tières pour  la  fourniture  du  lait  aux  enfants,  jusqu'à 
concurrence  de  deux  francs  par  mois  pour  chacun  d'eux. 

Ici  s'arrêtent  les  notes  de  M.  Daveaux.  Celui-ci  cons- 
tate que,  de  cette  date  à  1816,  il  n'a  pu  trouver  de 
détails  précis  sur  l'administration  du  bureau  de  bienfai- 
sance de  Laval.  Il  a  toutefois  pris  soin  de  copier  une 
délibération  de  ce  bureau,  en  date  du  5  prairial  an  XII 
[25  mai  1804),  qui  nous  fournit  quelques  renseigue- 
ments  tant  sur  les  écoles  de  charité  ouvertes  au  nombi'e 
de  six,  dont  quatre  pour  les  filles  et  deux  pour  les  gai^ 
çons,  que  sur  l'établissement  des  Sœurs  dans  les  mai- 
sons de  Providences  et  sur  les  travaux  de  charité 
exécutés  par  ses  soins. 

Nous  avons  vu  que  les  chirurgiens  devaient  quitter 


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—  289  — 

les  Providences  au  l**"  floréal  an  XI.  «  Les  sœurs  qui 
avaient  tenu  autrefois  ces  maisons  à  la  satisfaction  géné- 
rale méritaient  bien  la  préférence  ;  aussi  par  un  accord 
unanime,  l'administration  les  rappela-t-elle  à  l'exercice 
de  ces  fonctions  qui  leur  étaient  si  chères  et  qu'elles 
avaient  rempli  avec  tant  de  zèle.  Affaiblies  malheureu- 
sement par  suite  de  leurs  anciens  travaux,  trop  avan- 
cées en  âge  pour  recommencer  une  nouvelle  carrière, 
elles  craignirent  de  ne  pouvoir  fournir  celle  qu'on  leur 
rouvrait  et  que  leurs  forces  ne  répondissent  plus  à  leur 
dévouement  ;  elles  prièrent  l'administration  d'accepter 
leur  démission.  D'après  cette  détermination,  l'adminis- 
tration se  décida  en  faveur  des  sœurs  congréganistes  de 
laChapelle-au-Riboul  qui  appartenaient  au  département 
et  y  avaient  rendu  autrefois  les  plus  grands  services 
dans  les  mêmes  fonctions  qu'on  leur  proposait  de 
reprendre.  La  négociation  entamée  avec  leur  Supé- 
rieure, les  bases  du  traité  acceptées  et  approuvées  par 
l'autorité  civile,  elles  prirent  de  suite  possession  des 
deux  maisons  qui  leur  étaient  destinées  et  entrèrent  en 
fonctions.  » 

Suivant  les  errements  des  anciens  bureaux  de  cha- 
rité, le  bureau  de  bienfaisance  s'est  efforcé  pendant  l'hi- 
ver de  procurer  du  travail  aux  ouvriers  en  distribuant 
du  lin  et  des  poupées  (de  la  fllasse)  aux  femmes  flleuses, 
aux  filassiers  et  aux  tisserands,  et  en  faisant  exécuter 
divers  travaux  de  voirie  énumérés  dans  la  délibération 
par  les  hommes  d'autres  métiers,  principalement  sur  la 
route  de  Sainte-Catherine  à  Changé  et  aux  Ormeaux.  Il 
a  fait  notamment  creuser  le  fossé  sortant  de  la  bonde  de 
l'étang  de  Sainte-Catherine  et  longeant  le  chemin  du 
Préau  jusqu'au  dessous  du  portail  de  cette  maison  et 
fait  ouvrir  un  canal  traversant  le  chemin  du  Préau 
la  basse-cour  de  Sainte-Catherine,  les  jardins,  les  ver- 
gers et  bas-jardins  jusqu'au  ruisseau  du  Rftteau,  etc... 

Knfm  le  bureau  exprime  le  regret  que  ses  ressources 
ne  lui  permettent  pas  d'établir  près  l'une  des  maisons  de 
19 


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—  290  — 

la  Providence  un  asile  où  seraient  reçues  les  épouses 
enceintes  à  l'approche  de  leur  terme.  Mais  c'est  seule- 
ment à  la  fin  de  1809  que  ce  vœu  put  être  accompli. 

Cette  délibération  est  suivie  du  tableau  des  commis- 
saires (trois  par  quartier)  et  des  dames  de  charité  (trois 
par  quartier  également)  pour  les  vingt  quartiers  de  la 
ville  et  pour  les  treize  communes  comprises  dans  le  res- 
sort des  deux  justices  de  paix  de  Laval. 

Mais  il  est  temps  de  mettre  un  terme  à  cette  étude. 
Nous  sommes  rendus  à  une  époque  relativement  récente. 
Il  sera  facile  dès  lors  de  compléter  ce  travail,  en  con- 
sultant, soit  les  procès- verbaux  des  séances,  soit  les 
comptes  rendus  imprimés  par  ordre  des  administrateurs 
du  bureau  de  bienfaisance.  Son  organisation  est  dès  à 
présent  complète,  telle  à  peu  près  qu'elle  a  subsisté 
jusqu'à  nos  jours,  sauf  les  modifications  apportées  par 
des  lois  nouvelles  ou  les  améliorations  inspirées  aux 
administrateurs. 

E.  Queruau-Lamerie. 


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NOTES 


CHATEAU-GONTIER 

PENDANT  LA  PREMIÈRE  MOITIÉ 
DU  XVII*  SIÈCLE 


Cette  étude  n'est  pas  un  tableau  complet  de  la  ville 
de  ChAteau-Gontier,  de  ses  organes,  de  ses  habitants. 
Elle  est  seulement  le  résumé  de  renseignements  recueillis 
dans  un  grand  nombre  d'actes  notariés  que  j'ai  eu  la 
bonne  fortune  de  pouvoir  compulser,  et  clans  le  plus 
ancien  registre  des  Assemblées  municipales  conservé 
aux  archives  de  la  Mairie  '.  J'ai  utilisé  également  quel- 
ques notes  extraites  par  M.  Gadbin  des  registres  de 
l'état  civil  et  du  Journal  manuscrit  de  Mathurin  Douard, 
ancien  procureur  syndic  de  la  ville,  conservé  au  chAteau 
de  Thévalles  (en  Chemeré-le-Roi),  notes  que  notre  re- 
gretté collègue  m'avait  communiquées  peu  avant  sa 
mort  prématurée.  Plusieurs  documents  publiés  par  la 
Commission  et  le  manuscrit  de  Mathurin  Thoré  ^,  que 

t.  Ce  re^itre,  écrit  en  1675,  comprend  la  période  da  13  avril  lfi09au 
1  QOTembre  16G1,  saut  une  lacune  allaot  du  83  novembre  ltt37  au 
1"  mal  1643.  Malheurausement  11  ne  reprodull  pa«  Intégralement  lea 
procès- verbaux  Aea  déllbératlonB  et  doone  seulement  la  copie  de  leurs 
dlaposltlli.  L'absence  des  considérants  cause  souvent  une  obscurité 
f&cheuae. 

S.  Dans  ce  manuscrit,  Incomplet  de  aw  cent  cinquante  premlËrei 
pages,  Matburln-René  Tboré,  qui  termina  sa  carrière  en  mil  comme 


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—  292  — 

possède  la  Bibliothèque  de  la  ville,  m'ont  bien  servi. 
J'ai  consulté  avec  finiit,  outre  le  savant  Dictionnaire  de 
M.  l'abbé  Angot,  quelques  anciens  plans  et  gravures, 
plusieurs  monographies  récentes  traitant  d'épisodes  de 
l'bistoire  de  CbAteau-Gontier  et  des  environs;  j'aurai 
soin  de  donner  les  titres  de  ces  dernières  lorsque  je  leur 
ferai  des  emprunts  ou  lorsque  j'en  discuterai  les  conclu- 
sions. Enfin  M.  Laurain  voudra  bien  me  permettre  de 
lui  adresser  mes  sincères  remerciements  pour  l'aide 
qu'il  m'a  donnée  avec  sa  complaisance  habituelle. 

Malgré  la  diversité  de  ces  sources,  il  est  certain  que 
les  lacunes  seront  nombreuses,  et  que  bien  des  questions 
resteront  indécises  ;  néanmoins  j'espère  que  ce  travail 
ne  sera  pas  inutile  à  ceux  qui,  plus  jeunes  que  moi, 
auront  le  courage  d'entreprendre  l'histoire  si  souvent 
falsiliée  de  la  patrie  de  Jean  Bourré,  l'argentier  de 
Louis  XI. 

Quant  aux  inexactitudes  qui  nécessairement  m'ont 
échappé,  qu'on  veuille  bien  me  les  pardonner,  ou  plutôt, 
que  mes  collègues  soient  assez  bons  pour  me  les  signa- 
ler ;  je  leur  en  serai  sincèrement  reconnaissant. 


CHAPITRE  I 

DESCRIPTION    DB    LA   VILLE 

g  1".  —  PÉRIMÈTRE. 

Sans  être  réellement  une  place  forte,  la  ville  était  ren- 
fermée dans  une  ceinture  de  murailles  dont  il  reste  peu 
de  vestiges  et  dont  cependant  l'emplacement  peut  être 
rétabli  avec  une  assez  grande  précision. 

procureur  Impérial,  doone  de  huit  ans  en  tiult  ans,  t  partir  de  1606,  la 
liste  des  offlclen  de  l'Batel  de  Ville,  des  prêtres,  religieux  et  rellgleusai, 
des  magistrats,  avocats,  notaires,  etc.,  de  Chiteau- Goutter  ;  mais  il  est 
muet  sur  tout  ce  qui  coacerue  les  gouTerueurs  et  les  geua  de  guerre, 
aiasl  que  les  receveurs  des  divers  Impûti  et  ne  s'occupe  du  Grenier  à  sel 
que  pour  l'année  1790,  Apoque  de  sa  suppression. 


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—  293  — 

Cette  enceinte  enclosalt  un  polygone  fort  irrégulier 
dont  le  cdté  (e  plus  considérable,  faisant  face  à  l'ouest, 
est  nettement  dessiné  par  la  limite  des  propriétés  parti- 
culières en  bordure  sur  la  Promenade  des  Platanes.  Au 
sud  cette  ligne  s'arrêtait  un  peu  au-dessus  de  l'extrémité 
de  la  rue  Pierre-Martinet  ;  au  nord  elle  se  prolongeait 
jusqu'à  la  rencontre  de  la  Grande-Rue.  Puis,  s'infléchis- 
sant  vers  le  nord-est,  le  périmètre  se  continuait  par  une 
ligne  droite  jusqu'à  une  faible  distance  bu  delà  de 
l'angle  nord-ouest  de  l'ancien  presbytère  de  Saint-Jean 
(auparavant  maison  de  Giziers)  détruit  il  y  a  peu  d'an- 
nées ;  de  ce  point  par  un  angle  presque  droit,  il  attei- 
gnait le  derrière  de  la  prison  actuelle  pour  suivre  la 
crête  du  coteau  qui  forme  la  limite  du  Prieuré  (nunc 
presbytère)  de  Saint-Jean  et  de  la  Place  du  Ch&teau  ou 
de  Saint-Just. 

A  partir  du  bas  de  cette  Place,  la  ligne  des  fortifica- 
tions suivait  le  bord  de  la  Mayenne  dont  le  lit  était 
beaucoup  plus  large  que  de  nos  jours.  Après  avoir  coupé 
la  Grande-Rue  en  dedans  du  quai  qui  alors  n'existait  pas, 
elle  se  développait  parallèlement  à  la  i-ue  de  la  Harelle  < , 
jusqu'à  l'extrémité  sud  de  la  rue  des  Cosnes,  à  l'endroit 
où  pendant  quelque  temps  se  tint  une  poissonnerie  dont 
le  nom  survécut  jusqu'en  1887. 

Ensuite  par  un  brusque  détour  et  une  ligne  plusieurs 
fois  brisée,  l'enceinte  se  moulait  sur  les  sinuosités  du 
coteau  jusqu'à  la  rencontre  de  la  rue  d'Olivet,  un  peu 
au-dessus  de  la  rue  Cotellière.  Knfin  elle  rejoignait 
directement  la  Promenade  Mahier  en  passant  derrière 
les  maisons  qui  bordent  au  nord  la  rue  Pierre-Martinet. 

La  ville  ainsi  délimitée  ne  comprenait  que  le  versant 
oriental  du  coteau  qui  s'avance  vers  la  Mayenne  par 
une  pente  rapide,  et  comme  ce  versant  est  lui-même 


1.  La  distance  entre  le  rempart  et  la  rue  de  la  Harelle  était  si  peu 
considérable  <iue  le«  maisons  d'un  cAté  de  cette  rue  touebaienl  par  der- 
ritre  les  murs  de  ville  (Actes  de  1641  au  rapport  de  H'  Aurat,  notaire 
n^al). 


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—  294  — 

divisé  en  deux  parties  inégales  par  te  ruisseau  du  Mer- 
danson  qui  le  ravine  profondément,  presque  toute  sa 
superficie  présente  des  accidents  de  terrain  qui  rendent 
la  circulation  pénible  pour  les  piétons  et  souvent  impos- 
sible pour  les  voitures.  C'est  seulement  au  nord-ouest, 
entre  l'église  Saint-Jean  et  les  anciens  remparts,  et  au 
sud-ouest,  autour  des  Halles,  que  l'on  trouve  un  peu  de 
terrain  presque  horizontal. 

§2.  —  Les  Fortifications. 

L'enceinte  dont  nous  venons  d'indiquer  le  tracé  offrait 
naturellement  des  accidents  :  portes,  tours  et  autres,  sur 
lesquels  nous  avons  pu  recueillir  les  renseignements 
suivants  : 

Front  sur  la  rivière.  —  De  la  Place  du  Château  à  la 
Poissonnerie,  les  murailles,  protégées  par  la  Mayenne, 
ne  présentaient  pas  une  grande  hauteur.  En  suivant  le 
cours  de  l'eau,  on  trouvait  d'abord  la  poterne  des  Trois- 
Moulins,  débouchant  sur  une  chaussée  dont  nous 
aurons  à  nous  occuper.  Un  peu  plus  loin,  à  l'extrémité 
inférieure  de  la  Grande-Rue,  la  Porte  des  Ponts  com- 
mandait l'unique  voie  de  communication  entre  les  deux 
rives  ;  seule  elle  permettait  l'entrée  de  la  ville  en  venant 
de  la  rive  gauche  ;  aussi  était-elle  considérée  comme  la 
porte  la  plus  importante  et  c'est  en  raison  de  cette 
importance  qu'au  mois  de  novembre  1572  les  habitants 
avaient  pu  voir  sur  une  de  ses  deux  tours,  exposée  au 
bout  d'une  pique,  la  tête  du  fameux  calviniste  René  de  la 
Rouvraie,  aurnommé  le  Diable  de  BressauU  ',  condamné 
à  mort  et  exécuté  à  Angers  pour  les  nombreuses  craautés 
commises  par  lui  pendant  les  guerres  de  Religion. 

Un  peu  en  aval,  !a  poterne  de  la  Grille  *  avoisinait 

1.  Le  château  do  BressauU  était  Rltué  dans  la  paroisse  de  Menil. 
Ed  15Ti  la  [erre  tut  confisquée  sur  René  de  la  Rouvraie  et  attribuée  au 
seigrneur  de  Hagnannes,  sou  suieraiu,  pour  cauM  de  forfaiture. 

2.  La  rue  de  ta  GrUle  relie  encore  aujourd'hui  le  quai  i  la  me  de  la 
Harelle. 


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_  295  — 

l'égoât  par  lequel  le  Merdaason  déversait  ses  eaux  dans 
la  Mayenne  ;  elle  devait  évidemment  son  nom  à  la 
grille  placée  à  la  bouche  de  cet  égoùt  pour  empêcher 
l'introduction  par  ce  canal  de  tout  individu  venant  du 
dehors. 

Le  Port  aux  vins,  creusé  à  une  faible  distance,  per- 
mettait le  chargement  et  le  déchargement  des  bateaux 
bien  plus  nombreux  jadis  que  de  nos  jours.  On  y  parve- 
nait par  une  porte  dont  le  pont  était  fortement  détérioré 
en  1616  au  grand  dommage  des  marchands  de  vins  ; 
aussi  trouvons-nous  à  la  date  du  23  mai  de  cette  année 
une  délibération  des  habitants  ainsi  conçue  «  :  Pour  le 
«  regard  du  pont  de  la  Porte  du  Port,  [il  a  été  décidé] 
«  qu'il  demeurera  en  estât  qu'il  est,  sy  mieux  n'ayment 
*.  les  marchands  le  faire  faire  de  bois  qui  lèvera  pour 
«  leur  commodité,  sous  les  offres  de  habitans  de  fournir 
K  de  chesnes  (chaînes)  et  hranquarts  ».  Il  s'éleva  sans 
doute  quelque  difficulté  entre  les  marchands  et  les  habi- 
tants, car,  le  6  avril  1617,  le  travail  n'était  pas  commencé 
et  une  nouvelle  délibération  décide  que  :  «  sera  fait  un 
«  pont  à  la  Porte  du  Port,  auquel  seront  employés  les 
•  brancarts  et  chesnes  qui  y  estoient  entiennement,  à  la 
«  charge  que  les  marchands  de  vin  y  contrîburont 
«  suivant  leur  offre  »  ;  et  pour  obliger  ceux-ci  à  s'exécu- 
ter, la  délibération  igoute  :  «  sinon  sera  led.  pont  fermé, 
«  et  au  moyen  de  ce  sera  la  Porte  des  Trois-Moulins 
«  proche  la  rivière  condemnée  ».  Si  cette  menace  avait 
été  suivie  d'elTet,  aucune  marchandise  n'aurait  pu  être 
introduite  en  ville  par  la  rivière. 

Deux  tours  défendaient  le  Port  aux  vins  ;  l'une  en 
amont  était  appelée  la  Tour  du  Port;  l'autre  en  aval, 
moins  avancée  vers  l'est,  porta  successivement  les 
noms  de  Tour  de  Mayenne,  Tour  aux  Tanneurs  ou  de 
la  Tannerie,  et  à  la  fin  du  xviii*  siècle  de  Tour  Guil- 
laume. Auprès  de  cette  dernière  était  une  pêcherie  dont 
la  destruction  fut  une  des  mesures  de  précaution  que 
prirent  les  habitants  le  22  avril  1619,  à  l'annonce  des 


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—  296  — 

démêlés  survenus  entre  Louis  XIII  et  de  Luynes  d'une 
part,  Marie  de  Médicis  et  les  Princes  de  l'autre  '. 

Tout  près  du  Port  aux  vins  une  poterne  existait  ou 
avait  existé  ;  le  3  avril  1669,  le  marquis  de  Château- 
Gontier,  du  consentement  du  procureur-syndic,  autorisa 
le  sieur  Jean  Oogain,  marchand  mégissier,  à  la  rouvrir 
pour  l'exploitation  de  sa  tannerie.  Cette  concession  fut 
accordée  moyennant  16  deniers  de  devoir  ;  l'acte  qui  la 
constate  est  au  rapport  de  M' René  Oudin,  notaire  royal, 
qui  a  oublié  de  signer  la  minute. 

M.  de  Montozon,  dans  VAnnuaire  de  Ckâteau- 
Gonlier  pour  l'année  1878,  mentionne  sur  le  bord  de  la 
Mayenne  la  Tour  Barbet  qui,  dit-il,  était  peut-être  un 
ouvrage  avancé.  Le  plan  qu'il  a  publié  a  l'appui  de  ses 
assertions  est  tellement  fantaisiste  qu'on  ne  saurait 
reconnaître  s'il  a  voulu  désigner  la  tour  d'angle  sur 
l'emplacement  de  laquelle  fut  établie  la  Poissonnerie  et 
que  M.  l'abbé  Angot  appelle  Tour  du  Puits. 

De  la  Poissonnerie  à  la  rue  d'Olivet.  —  Cette  partie 
de  l'enceinte  devait  être  protégée  par  plusieurs  ouvrages 
d'importance  inégale  ;  un  seul  a  laissé  des  vestiges 
assez  considérables.  C'est  une  tour  qui,  depuis  quelques 
années,  est  réunie  aux  dépendances  du  bel  hôtel  que 
M.  de  Montozon  avait  fait  élever  sur  l'emplacement  de 
l'ancienne  maison  de  la  Petite-Maroutîère  ;  notre  collègue 
la  nommait  la  Tour  de  l'Est,  bien  qu'elle  aspccte  plutôt 
le  sud.  Cette  tour  fut  arrentée  le  30  novembre  1669  par 
le  marquis  de  Château-Gontier  au  profit  de  M*  Nicolas 
Ârthuis,  docteur  en  médecine  ;  le  contrat  passé  devant 
M*  Jean  Gilles,  notaire  royal  à  ChAteau-Gontier  et  dans 

1.  Volet  le  lexte  du  dtaposltif  de  utte  déllbérallon  :  «  Le  pa;raienr 
H  d'OlIfTet  amènera  tous  les  soirs  sa  charière  à  la  Grille,  autrenienl 
Il  sera  mis  à  fout  ;  les  roeulnlers  de  Pendu  (monlin  en  aval  de  Château- 
Il  Gontierl  Feront  le  semblable.  DeRences  aux  peschenra  de  pescher  la 
«  nuit  près  cette  ville  et  sera  démoly  la  pescherle  prùs  la  Tour  de  la 
«  Tannerie  ii.  Huit  jours  apil's,  nouvelle  précaution  :  «  Les  habitans 
n  sont  d'avis  que  Merdenson  (  Voir  eiaprès]  soit  bouché  en  tells  lOTle 
n  qu'il  ne  coulle  plus,  et  ne  soit  lamaia  ouvert  afflii  qu'il  soit  toujonra 
K  en  eau  a. 


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—  297  — 

lequel  Louis  de  Railleul  est  représenté  par  noble  homme 
Jean  Lebreton,  conseiller  du  roi  et  commissaire  ordi- 
naire des  ferres,  porte  que  la  tour  arrentée  est  «  proche 
i(  le  bas  du  jardin  dépendant  de  la  maison  aud.  preneur 
(i  apartenant,  nommée  la  Petite-Maroutière  »,  mais  n'en 
indique  nullement  le  nom  *  et  le  même  silence  est  gardé 
dans  un  acte  du  27  mars  1754  portant  vente  de  cette 
tour  et  d'un  jardin  contigu  par  les  sieurs  Dominique  et 
Charles-Jérôme  Artbuis  à  François-Sébastien  Loré, 
notaire  royal. 

Front  méridional.  —  Une  porte  dite  Porte  d'OUvet 
percée  entre  deux  tours  devait  son  nom  à  la  fois  à  la  rue 
et  au  faubourg  qu'elle  mettait  en  communication,  ainsi 
qu'à  une  propriété  voisine.  A  partir  de  cette  porte,  une 
muraille  fort  élevée,  protégée  par  «ne  large  douve, 
dominait  la  campagne  jusqu'à  une  vaste  tour  d'angle, 
aujourd'hui  dômolie  pour  l'établissement  de  la  Prome- 
nade Mahier,  mais  que  les  personnes  âgées  ont  vue  et 
appellent  encore  la  Tour  Percel  du  nom  de  son  der- 
nier propriétaire.  C'était  au  xvii°  siècle  In  Tour  Vallin, 
et  aucun  doute  ne  peut  exister  à  cet  égard,  malgré 
l'assertion  de  M.  l'abbé  Angot  qui,  adoptant  l'opinion 
de  René  Gadbin,  l'appelle  Tour  Gaultier  -,  Une  délibé- 
ration prise  à  l'Hôtel  de  Ville,  le  4  août  1617,  ordonne 
la  vente  d'un  petit  jardin  «  joignant  et  abuttant  les  fossez 

1.  Dana  une  âtuds  publiée  rd  1893  par  la  Gazette  de  ChàteaUr-lirmlier 
et  intitulée  :  Essai  hiHorigite  aur  l'anrien  cMieau  de  Gizierf  et 
les  forti/ications,  M.  R.  Gsdbin  dit  que  cet  acte  mentionne  n  une  tour, 
0  dite  la  Tour  du  Puits,  dans  Inquelle  ;  a  deux  ouvertures  de  porte, 
(c  l'use  au-dea9u8  de  l'autre,  avec  haut  et  euperflcle,  size  proche  le  bas 
«  du  Jardin...  ».  Nous  avone  eu  entre  les  mains  le  domitr  qu'avait  con- 
sulté Gadbin  et  notamment  l'expédition  de  cet  arrent«nient.  Nous  pou- 
vons aOirmer  que  les  mots  :  dite  la  Tour  du  l'uils,  n'eitstent  pas  dans 
cette  expédition  ;  on  les  Ut  seulement  au  dos  d'une  des  pièces  du  dossier 
dans  une  note  beaucoup  plus  récente. 

2.  Ce  nom  de  Tour  Gaultier  se  trouve  partols,  notamment  dans  l'aveu 
de  miSfllulteliii,  t.  XIV,  p.  3S31,  mais  il  s'applique  à  un  immeuble  voisin 
de  la  rue  du  Bourg-Ruussel.  D'après  un  renseign émeut  qu'a  bien  voulu 
me  fournir  M.  Laurain,  la  Tour  Gaultier  était,  au  lîi  décembre  16ffi,  une 
maison  "  sise  en  la  rue  tendante  du  Bourg-Roussel  àrég-llne  Saint- Jean  », 
c'est-à-dire  dans  la  partie  supérieure  de  la  me  Tblonvllle  |Arch.  de  la 
May.,  E  66,  ^  71  v'(. 


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—  298  — 

(1  de  cette  ville,  vis-à-vis  de  la  Tour  Vallin,  d'un 
«  costé,  et  de  l'autre  le  grand  chemin  tendant  de  la  Porte 
Il  d'Olivet  à  la  Croix-Bomer  ».  La  nouvelle  église  de 
Saint-Rémi  occupe  l'emplacement  des  maisons  de  la 
Croix-Baumé  ;  par  conséqu»nt  la  Tour  Vallin  était 
nécessairement  à  l'ouest  de  la  Porte  d'Olivet  et  non 
vers  la  Mayenne.  De  plus  un  titre  de  1645  mentionne  un 
jardin  touchant  la  contrescarpe  des  fossés  entre  les 
Tours  Vallin  et  Davière  ;  or  nous  verrons  que  ces  fossés 
sont  occupés  maintenant  par  la  Promenade  Mahier  et 
celle  des  Platanes. 

Front  occidental.  —  Près  de  la  Tour  Vallin,  à  l'ex- 
trémité de  la  rue  nouvellement  appelée  Gambetta,  la 
Porte  Saint-Rémi  était  voisine  du  chevet  de  l'église 
paroissiale  du  même  nom  et  du  Palais.  Elle  fut  plus 
connue  au  xviii'  siècle  sous  le  nom  de  Porte  Neuve, 
que  l'on  donne  encore  à  son  emplacement  ;  et  le  motif 
en  serait,  prétend-on,  qu'elle  fut  percée  dans  les  murailles 
après  leur  construction  et  après  l'ouverture  des  autres 
portes.  Nous  croyons  que  c'est  une  erreur,  car  si  cette 
hypothèse  était  vraie,  dès  son  origine  on  aurait  dit  la 
Porte-Neuve  ;  or  dans  l'aveu  de  14,53  elle  est  toujours 
appelée  Porte  Saint-Ramy  ou  Saïnt-Rémy,  et  nous 
n'avons  trouvé  que  cette  dernière  désignation  dans  les 
actes  du  xvii°  siècle.  C'est  probablement  à  une  répara- 
tion ou  H  une  reconstruction  postérieure  qu'elle  a  dû  son 
changement  de  nom. 

Une  circonstance  à  noter  :  dans  les  actes  de  la  pre- 
mière moitié  du  xvii'  siècle,  dans  les  délibérations  des 
habitants  et  de  la  municipalité  de  1609  à  1651,  il  est 
souvent  question  des  autres  portes  ;  mais  on  n'y  trouve 
nulle  mention  de  celle  de  Saint-Rémi.  Nous  serions  faci- 
lement porté  à  croire  que  cette  porte,  qui  ne  s'ouvrait 
sur  aucun  chemin  important  et  dont  la  seule  utilité  pro- 
venait de  son  voisinage  des  halles  et  des  marchés,  était 
alors  une  simple  poterne  d'ancienneté  ou  avait  été 
réduite  à  cet  état  par  une  obstruction  partielle  ;  peut-être 


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—  299  — 

même  étnit-clle  murnc  complètement.  Cette  opinion  semit 
corroborée  par  une  délibération  du  19  janvier  1621, 
ainsi  conçue  :  <i  Suivant  le  commandement  du  Roy,  garde 
K  sera  faite  à  deux  portes  ouvertes  seulement,  celles  de 
«  Treu  et  Olivet  ouvrant  alternativement  ».  La  Porte 
des  Ponts  n'étant  pas  fermée  à  cette  époque,  on  aurait 
eu  trois  portes  ouvertes  avec  celle  de  Saint-Rémi  '. 

Un  fossé  régnait  le  long  du  rempart  et  forme  actuelle- 
ment la  Promenade  des  Platanes.  Il  défendait  la  Porte 
de  Tréhut,  construite  au  haut  de  la  Grande-Rue,  et  que 
protégeait  en  outre  l'étang  du  Merdanson.  Aussi 
trouve-t-on  mentionnés  comme  existant  en  cet  endroit  un 
pont-levis  sur  le  fossé  et  un  pont  dormant  sur  l'étang; 
mais  une  délibération  du  23  mai  1616  ordonna  que  ce 
dernier  pont  fiH  «  comblé  de  terre  et  pavé  pour  esviter 
«  aux  fraita  d'entretien.  » 

A  l'extrémité  de  la  courtine  qui  commençait  au  nord 
de  la  Porte  de  Tréhut,  en  arrière  de  l'endroit  où  l'on  voit 
aujourd'hui  le  buste  de  Charles  Loyson,  était  une  tour 
bâtie  à  l'angle  le  plus  septentrional  de  l'enceinte.  C'était 
la  Tour  dAmpoigné,  appelée  aussi  Tour  Davière  ou 
Tour  Vallaise  -,  dont  les  vestiges  assez  imjwrtants  ont 
subsisté  jusqu'aux  i»remières  années  du  xix'  siècle. 

De  la  Tour  tC Ampoigné  à  la  Mayenne.  —  Une  seule 
tour  avait  été  bâtie  dans  cette  partie  ;  c'était  !«  Tour  de 
Giziers  qui  s'éJevait  près  de  la  prison  actuelle.  Elle 
était,  croit-on,  la  plus  .incïeime  et  certainement  la  plus 
importante  et  elle  servit  de  logement  aux  gouverneurs 
de  la  ville  jusqu'en  1602.  Mais,  à  cette  époque,  le  protes- 
tant d'Andigné  de  Mayneuf  nommé  à  ce  poste  envoya 
son  frère  pour  en  prendre  possession  et  celui-ci,  par  son 
arrogance,  blessa  si  bien  les  habitants  —  peut-être  res- 

1.  Des  treTsui  fori  Importants  turent  faits  en  1733  h  cette  porte. 
Seraient-ils  l'oii^ine  de  son  nnuyeau  nom  ? 

2.  Peut-£lrs  la  Tour  Vallaise  était-elle  dlstlDcte  de  la  Tour  d'Am- 
polgnë,  mais  alors  elle  en  éUit  bien  voisine.  Un  vieillard  de  qnatre- 
Tingl-douie  ans  m'a  dit  avoir  vu  les  real«s  de  deux  loun  au 
Bout-dU'Monde. 


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—  300  — 

tés  un  peu  ligueurs,  —  que,  pour  avoir  la  paix,  Henri  IV 
donna  l'ordre  de  raser  la  tour  '. 

Le  long  du  Prieuré  et  de  l'emplacement  de  l'ancien 
Château,  pas  n'était  besoin  de  puissants  remparts  ;  le 
rocher  presque  vertical  rendait  sufTisant  un  simple  mur 
crénelé,  jusqu'à  l'endroit  où  l'abaissement  du  sol  obligea 
de  construire  la  courtine  où  était  percée  la  Poterne  des 
Trois-Moulins. 


Ces  tours,  ces  murailles  avaient  bien  peu  de  valeur  au 
point  de  vue  militaire  ;  de  plus  elles  furent  bientôt  désar- 
mées et  sur  un  ordre  royal  du  27  juin  1619,  les  habi- 
tants durent  remettre  au  Maréchal  de  Bois-Dauphin 
B  cpii  l'avoit  fait  fondre  à  ses  dépans,  le  canon  et  boul- 
«  letz  estant  en  leur  ville  ;  »  ce  qu'ils  exécutèrent  non 
sans  exiger  une  bonne  et  valable  décharge  signée  par  le 
roi  le  30  juillet  suivant.  Mais  telle  quelle,  l'enceinte 
facilitait  la  perception  des  impôts  sur  les  denrées  appor- 
tées dans  la  ville  ;  elle  permettait  d'arrt^ter  les  vaga- 
bonds et  les  soldats  licenciés  ;  les  portes  étaient 
fermées  ^  en  cas  d'épidémies  ou  lorsque  des  troupes 
étaient  cantonnées  dans  le  voisinage.  Toutefois  malgré 
la  surveillance  des  gardes,  malgré  les  précautions 
prises  par  la  municipalité,  les  ordonnances  de  police 

1.  Dads  une  délibération  du  2  septembre  IGll,  <i  les  habitnns  sont 
H  d'avis  que  ie  taux  de  300"  sera  ievé  tant  sur  ia  Tiiie  que  (subourg, 
n  attendu  que  c'est...  et  pour  payer  la  dépense  laite  par  M.  le  Maréchal 
ir  de  Bols-Daupbln  lorsqu'il  vint  en  cette  ville  pour  U  démolition  de  la 
n  Tour  de  Giiiers.  u 

S.  Au  cnmmencflinent  de  I68t,  les  ciels  des  portes  étaient  déposées 
chez  le  lieutenant  g'énjrai,  en  l'absence  du  gouverneur;  mais  dès  le 
4  avril  de  cette  année,  Il  tut  décidé  gu'eilee  seraient  confiées  au  procu- 
reur-syndic, «  sens  que  la  présente  Assemblée,  ajoute  le  lieutenant 
(I  général  René  Poisson  de  Beauvais,  puisse  faire  aucun  préjudice  aux 
n  droits  que  nous  prétendons  avoir  et  avons  donné  à  entendre,  comme 
(I  premier  olllcler  du  Roy  en  celte  ville,  d'j  comender  en  l'absence  du 
n  sieur  gouverneur  et  li'en  taire  les  tonctions.  i>  Pareilles  protestations 
turent  faites  en  liii'J  et  Wi-Vi  par  Charles  Foureau,  sieur  de  la  Francoi' 
slére,  successeur  de  René  Poisson,  et  sans  plus  de  succès.  Toutefois,  en 
ieeo,  on  convint  de  soumettre  la  question  au  Président  de  Bsllleul, 
baron  de  Cb&teau-Gontier. 


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—  301  — 

qui  défendaient  d'entrer  dans  la  ville  ou  d'en  sortir 
autrement  que  par  les  portes  étaient  souvent  violées  la 
nuit,  les  brèches  olTrant  un  passage  plus  ou  moins  facile. 
Aussi  voyons-nous  à  maintes  reprises  les  habitants 
appelés  à  se  prononcer  sur  les  réparations  à  effectuer 
aux  murailles  et  sur  les  moyens  d'en  payer  la  dépense. 
Cette  dépense  était  une  lourde  charge.  Le  6  février  1614, 
un  octroi  de  10  sols  par  pipe  de  vin  est  demandé  pour  y 
faire  face  ;  six  jours  après,  on  décide  d'emprunter  300# 
sur  «  le  bruit  des  troubles  qui  court  »  —  il  s'agissait  de 
la  révolte  contre  Goncini.  —  Au  mois  de  mars  de  la 
même  année,  on  impose  une  levée  de  600#  «  sur  tous 
u  les  habitans  exemps  ou  non,  privilégiez,  esclésias- 
«  tiques  ou  non.  »  Nouvelles  levées  de  600#  en  1615  et 
1626  ;  on  consacre  en  1628  deux  quartiers  de  l'octroi  de 
10  sots  à  la  réfection  des  murs  ;  puis  nouvelles  levées  de 
600#  en  1631  et  de  800#  en  1649.  Des  marchés  sont  pas- 
sés pour  ces  travaux  qui  se  renouvelaient  à  de  trop 
courts  intervalles  et  le  1"  juin  1649,  on  décide  que 
u  sera  dressé  procès  verbal  de  l'état  des  murailles  et  les 
u  visites  réitérées  de  six  mois  en  six  mois,  et  en  cas  de 
u  dégradation  les  propriétaires  des  tours  ajaçants  seront 
«  poursuivis  par  le  procureur-sindic,  à  peine  d'en 
«  répondre  en  privé  nom.  » 

Cette  dernière  mesure  était  nécessitée  par  des  dilapi- 
dations incessantes  ;  car  la  ruine  des  murs  n'était  pas 
seulement  occasionnée  par  leur  vétusté  et  si  des  brèches 
se  produisaient  si  souvent,  surtout  derrière  l'église 
Saint-Rémi  et  au  Pas-aux-Chèvres  ',  c'est-à-dire  à  la 
partie  supérieure  de  la  cour  du  Château,  les  intempéries 
des  saisons  n'en  étaient  pas  seules  coupables.  Depuis 
longtemps  les  particuliers  ne  se  gênaient  pas  pour  enle- 
ver les  matériaux,  même  au  détriment  des  escaliers  ;  au 
Pas-aux-Chèvrcs  on  extrayait  des  pierres  du  rocher  qui 

1.  Le  PBS-sux-CbéTreR  était  nu  hsut  de  Ift  Montée  de  l'ancleD  Collège. 
La  déslgoatioD  plus  poétique  de  Pai-iie-Bicht  lut,  m'a-t-on  dit,  usitée 
dans  le  premier  liera  du  xik*  siècle. 


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—  302  — 

portait  la  muraille  et  ces  méfaits  n'étaient  pas  toujours 
l'œuvre  d'indigents  ou  de  gens  sans  aveu.  En  1625 
deux  riches  blanchisseurs  de  toiles,  Jean  Chouippes, 
sieur  de  la  Noé,  et  son  frère  François  Ghouippes,  sieur 
d'Eventard,  sont  parmi  les  coupables  et  les  habitants 
décident  à  deux  reprises  qu'ils  «  seront  poursuivis  pour 
a  la  réfection  des  murailles  par-devant  autres  juges  que 
«  de  cette  ville,  qui  sont  priés  de  s'en  déporter  sinon 
«  seront  récusés  ensemble  par  te  procureur  du  roy,  et 
«  seront  prins  experts  autres  que  de  cette  ville  et  fau- 
«  bourg  ',  »  et  que  ces  poursuites  auront  lieu  «  jusqu'à 
«  jugement  définitif.  »  Nous  ignorons  la  suite  donnée  à 
cette  affaire. 

Dans  leurs  diverses  délibérations  les  habitants  se 
préoccupent  de  l'état  des  murailles  et  des  portes,  mais 
nullement  des  tours  qu'ils  considéraient  comme  dépen- 
dant de  la  baronnie.  Ces  tours  avaient  déjà  été  en  par- 
tie aliénées;  c'est  ce  qui  est  établi  par  la  délibération  du 
1*'  jiiin  1649  transcrite  ci-dessus.  Toutefois  celle  dont 
nous  voyons  encore  la  base  ne  fut  arrentée  qu'en  1669, 
ainsi  que  nous  l'avons  exposé. 

Les  fossés  aussi  ne  paraissaient  pas  d'une  grande  uti- 
lité  et  les  habitants  approuvent  le  4  avril  1645  «  ce  qui  a 
«  esté  fait  par  le  procureur-sindic  (Julien  Meslier  de  la 
«  Rue),  pour  la  décoration  de  cette  ville,  aux  douves  et 
«  fossez  de  ville.  »  C'est  là,  sans  aucun  doute  possible, 
l'origine  des  Promenades  dont  les  plantations  furent 
renouvelées  en  1764  et  1769. 

Quant  au  Merdanson  qui,  nous  l'avons  vu,  faisait 
partie  des  défenses  de  la  ville,  il  avait  été  pris  à  10  sols 

1.  Outre  cette  suspicioD,  la  déllbératioD  du  6  lévrier  1625  mentionae 
de  cnrlsui  incidente  ;  le  lieutenant  général  René  Poisson  de  BeauTals, 
le  lieutenant  particulier  René  Quautin  du  Tertre  et  H'  Chesneau, 
dojeu  dM  ATocats,  se  ii  déportent  ii  Buccessiveinent  de  recueillir  les  Tolx 
et  c'est  H'  Robert  Jousse  du  Boialeau,  avocat  du  roi  au  siâge  de  l'Élec- 
tion, et  beau-frËre  de  René  Quaatin,  qui  préside  la  &n  de  l'assemblée.  — 
Les  Choulppes  avaient  tiré  de  la  pierre  au  Pas-aui-Cbâvres  et  commit 
des  détrrailaUons  aux  u  portaui  et  tortlflcatloaa  u  dn  lauttourg  d'Aii, 
emportant  «  pierre  et  matériaux,  u 


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—  303  — 

de  rente  par  un  sieur  Nicolas  Gillard  qui  avait  cédé  ses 
droits  à  M' Jean  Demond,  sieur  de  la  Montagne,  contrô- 
leur en  l'Élection  de  Chàteau-Gontier  ;  et  bien  que  la 
baillée  eût  été  faite  «  par  les  officiera  du  Roy  en  cette 
«  ville  <  au  profit  de  Sa  Majesté  comme  baron  d'icelle,  » 
les  habitants  n'bésitèrent  pas,  le  23  mai  1614,  à  dispen- 
ser Demond  du  payement  de  la  rente,  a  condition  d'aug- 
menter la  largeur  et  la  profondeur  du  fossé  entre  la 
Poi-te  de  Tréhut  et  la  tour  d'Ampoigné  ;  ils  lui  accor- 
dèrent en  outre  les  amendes  prononcées  contre  ceux  qui 
démoliraient  la  muraille  voisine  ou  jetteraient  des 
immondices  dans  l'étang.  Cinq  ans  plus  tard,  une  des 
mesures  prises  en  raison  des  troubles  fut  de  boucber  le 
Merdanson  «  en  telle  sorte  qu'il  ne  coule  plus  et  ne  soit 
«  jamais  ouvert  afTm  qu'il  soit  toujours  en  eau.  »  Cette 
opération  était  un  peu  imprudente,  une  brèche  se  pro- 
duisit en  novembre  1621  et  fut  aveuglée  provisoirement 
avec  «  des  tonneaux  et  autres  chosses.  »  En  1626  le 
niveau  de  l'étang  fut  jugé  trop  bas,  on  y  fit  mettre  «  un 
«  nau  ^  de  telle  hauteur  que  l'eau  demeure  toujours  de 
e  hauteur  pour  servir  de  fortiiication  et  sûreté  de  la 
0  ville,  »  et  une  épidémie  s'étant  déclarée  dans  la  ville 
et  les  environs,  on  décide,  pour  empêcher  les  émana- 
tions, que  «  sera  le  nau  du  Merdensou  muraille  et 
«  haussé  qu'il  y  ait  quatre  à  cinq  pieds  d'eau  dans  le 
A  fossé.  »  Un  emprunt  de  500#  fut  nécessaire  pour 
parachever  ce  travail. 

S  3.  —  Les  Églises. 

Dans  l'intérieur  de  la  ville  se  trouvaient  quatre 
églises  :  trois  paroissiales,  Saint- Jean-Baptiste,  Saint- 
Jean  l'Évangéliste  et  Saint-Rémi  ;  une  collégiale,  Saint- 
JuBt. 

1.  Il  DelanlpaBonbUerquelabaroDDledeChilMU-Goiitteretleduehé 
de  Bwomoot  dont  elle  falmlt  partie,  étalent  alon  réunis  à  la  Couronne. 

t.  Natt  M  dlaalt  pour  nue  grande  pltee  de  bols  creuse  terrant  à 
l'égoAt  dea  étangs  [Dict.  de  Bécherelle)! 


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—  304  — 

Saint-Jean-Baptiste  ou  le  Grand-Saint-Jean.  — 
Lorsqu'en  1007  Foulques  Nerra  commeoça  le  château 
sur  un  rocher  dépendant  de  la  terre  de  Bazouges  qu'il 
avait  cédée  à  l'abbaye  de  Saint-Aubin  d'Angers  eu 
échange  de  celle  d'Hondainville  dans  le  Beauvaisis  ', 
les  Bénédictins  ne  tardèrent  pas  à  Fonder  tout  près  de 
cette  forteresse  naissante  un  prieuré  dédié  à  saint  Jean- 
Baptiste.  Leur  première  chapelle  à  l'architecture  mas- 
sive et  irrégulière  devint  bientôt  la  crypte  -  d'une  église 
dont  la  construction  remonte  aux  dernières  années  du 
XI*  siècle  ou  au  commencement  du  xii*  ;  nous  n'avons 
pour  dater  cette  église  que  sa  ressemblance  avec  la  cha- 
pelle du  Genéteil  dont  nous  parlerons  plus  loin  et  qui 
n'était  pas  terminée  en  1125,  ressemblance  sans  laquelle 
nous  lui  donnerions,  en  raison  de  son  style,  une  origine 
un  peu  plus  ancienne.  C'est  cet  édifice  que  nous  voyons 
encore  aujourd'hui  aiTecté  au  service  paroissial,  mais 
quantum  mutatus  !  Sans  doute  ou  avait  déjà  un  peu 
défiguré  ce  bâtiment  d'un  roman  sobre  et  sévère  en  per- 
çant dans  sa  façade  une  fenêtre  ogivale  ;  mais  du  moins 
on  n'avait  pas  plaqué  sur  toute  cette  façade  un  portique 
fleuri  qui  jure  avec  ce  qu'il  est  censé  orner.  Le  clocher 
à  la  flèche  aiguë  n'était  pas  déshonoré  par  cette  lanterne 
banale  qui  a  remplacé  son  sommet  détruit  par  la  foudre^, 
et  sa  base  beaucoup  plus  élégante  qu'aujourd'hui  repo- 
sait sur  une  tour  bien  proportionnée  qu'au  xix'  siècle 
on  a  maladroitement  exhaussée  dans  un  style  différent 
de  celui  de  l'édifice  et  de  la  tour  elle-même  *. 

1.  V.  I«  Cart.  de  Saint-Aubin,  publié  par  H.  le  comte  de  Brous- 
■iUon,  n*  1". 

2.  On  regarde  généralement  la  crypte  comme  contemporaine  de 
l'église  ;  d'après  la  différence  de  ses  caractères  architecturaux,  noua 
pensoni  qu'elle  l'a  précédée,  mais  aoua  avouons  n'avoir  aucun  texte 
pour  appuyer  cette  opinion. 

3.  Ce  clocher  fut  frappé  par  ta  foudre  h  plusieurs  reprises,  notamment 
le  S  Janvier  166E  (Journal  de  Douard)  et  le  80  octobre  1791  (J>tcf.  de 
M.  l'abbé  Angot). 

i.  Quant  aux  peintures  latérleurei  et  aux  plaques  de  liuc  qui  pro- 
tègent contre  la  pluie  les  saillies  de  la  façade,  nous  nous  félicitons  que 
leur  Jeunesse  relative  nous  dispeitse  d'en  parler.  —  Disons  seulement 


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—  305  — 

Le  Prieuré,  conttg;u  au  bas-cAté  septentrional,  était 
sans  doute  en  fort  mauvais  état,  car  en  1671  il  fut  rem- 
placé par  un  édifice  dont  les  dimensions  sont  peu  en 
rapport  avec  le  petit  nombre  des  religieux  qui  l'habi- 
taient. Cette  nouvelle  construction  d'un  style  un  peu 
froid,  après  avoir  servi  de  sous-préfecture,  est  actuelle- 
ment )e  presbytère  de  Téglise  voisine. 

Saint-Jean  VÉvatigéliste  ou  Petil-Saint-Jean.  — 
Cette  église  dont  on  voit  les  soubassements  en  bordure 
de  la  rue  d'Enfer,  remontait,  d'après  l'opinion  générale, 
au XII* ou  XIII'  siècle;  les  vestiges  qui  subsistent  ne  sont 
pas  assez  caractérisés  pour  permettre  de  vérifier  l'exac- 
titude de  cette  date.  L'emplacement  n'avait  pas  été  heu- 
reusement choisi  ;  la  déclivité  du  terrain  obligeait  soit  à 
construire  un  chevet  d'une  hauteur  exagérée,  soit  « 
creuser  le  sot  à  l'extrémité  opposée.  Ce  dernier  parti 
avait  été  adopté  et  un  escalier  d'une  dizaine  de  marches 
mettait  la  rue  en  communication  avec  le  dallage  de 
l'église  qui  se  composait  d'une  simple  nef  sans  collaté- 
raux. 

Saint-Rémi.  —  11  ne  reste  aucune  trace  de  la  vieille 
église  Saint-Rémi;  démolie  en  1871,  et  remplacée  par 
un  édifice  gothique  élevé  en  dehors  de  l'ancienne 
enceinte,  elle  était  située  non  loin  du  Palais  de  justice 
actuel.  C'était  un  assemblage  enfumé  de  constructions 
disparates  ^  La  nef  principale  et  le  portail  auraient 
appartenu  au  xi'  siècle,  d'après  M.  d'Ëspinay  '  qui 
arguë  de  l'existence  d'arcades  en  plein  cintre  reposant 
sur  des  piliers  carrés.  Mais  ce  style  sévère  fut  employé 
parles  Bénédictins  auxii*  siècle  (exemple,  le  Genétell), 
et  son  emploi  ici  ne  nous  parait  pas  sulTisant  pour 
détruire  l'opinion  générale  d'après  laquelle  la  fondation 

que  depuis  longtemps  chttqne  travell  exécuté  daus  cette  égM»6  e  été 
pInlAt  maltieureui. 

1.  C'est  sans  doute  la  noirceur  de  <x%  mu»  qui  a  fait  donuer  aui 
paroissiens  le  surnom  d'«n^umn  de  Sainl-Réiai  par  opposition  aux 
]ioupelier»  de  Saint-Jean. 

t.  Congrès  archéologique  d'ingere. 

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—  306  — 

de  Saint-Rémi  aérait  un  peu  plue  récente  *.  M.  d'Espinay 
attribue  le  chœur  au  xv*  siècle.  Le  clocher  entièrement 
brûlé  par  la  foudre  le  23  novembre  1598  était  reconstruit 
à  neuf,  quand  le  2  août  1603  le  tonnerre  le  dépouilla 
de  ses  ardoises  -.  De  plus  on  avait  ajouté,  à  diffé- 
rentes époques,  des  chapelles  latérales  qui  ne  (H>n- 
tribuaient  pas  peu  à  augmenter  l'incohérence  de  l'en- 
semble. Une  de  ces  chapelles  était  toute  récente,  car 
dans  son  testament  dicté  à  M*  Boutïn,  notaire  royal, 
le  31  janvier  1640,  Nicolas  Leroy  sieur  de  Changé, 
marchand  ferron,  déclare  vouloir  être  enterré  «  dans 
«  l'église  Saint-Rémy,  au-dedans  de  la  chapelle  de 
«  Notre-Dame  de  Pitié  que  son  père  René  Leroy  y  a 
a.  fait  édiflier  u . 

L'usage  était,  en  elîet,  d'inhumer  dans  l'intérieur  des 
églises  les  bienfaiteurs  et  les  personnages  de  marque  ; 
mais  chacune  de  nos  trois  églises  paroissiales  avait 
un  cimetière  particulier.  Celui  du  Grand-Saint-Jean 
longeait  l'église  du  côté  méridional  ;  il  devait  en  être  de 
même  pour  celui  du  Petit-Saint-Jean  qui  fut  béni  le 
24  septembre  1617,  par  Guillaume  Fouquet  de  la 
Varenne,  évéque  d'Angers,  et  celui  de  Saint- Ré  mi 
occupait  une  partie  de  la  place  voisine.  Il  existait  en 
outre  un  cimetière  commun,  dit  le  Grand-Cimetière, 
situé  au  Martray,  bien  que  ce  village  dépendit  de  la 
paroisse  de  Bazouges. 

Quant  aux  protestants,  ils  étaient  naturellement  ensé- 


1.  Dans  M  Monographie  de  féglUe  de  Saint-Rémi,  H.  l'abbé  Couas- 
nier  de  Launay  a'eiprt me  ainsi  :  <i  Salnt-Réml  était  le  ptusanciensanc- 
u  tuaire  non  seulement  du  terriUilre  qu'occupe  la  ville  de  Chèleau- 
«  GoDtler.  maia  de  toute  la  contrée,  excepté  Bazouges.  Ce  qui  était 
«  devenu  dans  les  derniers  lemps  la  nef  centrale  était  tout  ce  qui  restait 
«  de  l'église  primitive.  Cette  chapelle  avait  été  bfttie  au  coin  men cément 
«  du  IX'  sl&cte  par  les  moines  de  Bazouges  pour  servir  de  succursale  k 
Il  leur  prieuré  ■.  Or  il  n'y  a  Jamais  eu  de  prieuré  k  Bazouges  et  les 
Bénédictins  de  Saint-Aubin  possédèrent  Bazouges  au  plus  tAt  à  la  Un  du 
X'  slËcie,  puisqu'ils  reçurent  cette  terre  en  échange  de  celle  d'Hondaln- 
ville  qui  leur  avait  été  donnée  en  9Tt  par  Agnès,  mère  de  Foulques 
Nerra  \Curt.  de  Saint-Aubin}. 

2.  Journal  de  Douard. 


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—  307  — 

pulturés  dans  un  endroit  spécial.  Des  lettres  patentes 
(la  12  mars  1606  enjoignirent  aux  officiers  de  Chàteau- 
Gontîer  de  u  faire  jouir  ceux  de  la  Religion  Prétendue 
«  Réformée  d'une  place  de  5  toises  de  longueur  sur  4  de 
«  largeur,  joignant  la  clôture  et  muraille  de  l'ancien 
«  château,  pour  leur  servir  de  cimetière,  auquel  lieu  ila 
«  en  avoient  eu  un  anciennement  '  ».  Ces  dimensions 
permettent  de  croire  que  le  calvinisme  avait  peu  d'adhé- 
rents dans  la  vilie. 

Saint-Just.  —  La  collégiale  de  Saint-Just,  qui  parfois 
est  désignée  sous  le  vocable  de  Saint-Etienne  soit  seul, 
soit  uni  avec  celui  de  son  autre  patron,  n'était  ni  plus 
ornée  à  l'extérieur,  ni  plus  gaie  d'aspect  que  tes  églises 
paroissiales.  Cet  édifice  dont  on  voit  les  restes  au  bas 
de  la  Place  du  CiiAteau  est  le  dernier  vestige  des  dépen- 
dances de  l'ancienne  forteresse  dont  il  était  la  chapelle 
domestique  ;  sa  fondation  remonte,  d'après  la  croyance 
générale,  au  deuxième  seigneur  de  Chftteau-Gontier, 
Alard  l***,  qui  y  aurait  établi  un  chapitre  composé  de 
quatre  chanoines,  d'un  maire-chapelain  et  de  quatre 
chapelains.  Au  xvii*  siècle  les  chanoines  étaient  logés 
dans  une  maison  que  l'on  voit  encore  accolée  à  l'église. 

S  4.  —  Les  Édifices  publics. 

Le  Château.  —  Qu'on  ne  nous  fasse  pas  un  grief  de 
n'avoir  pas  commencé  cette  étude  par  la  description  du 
château  a  qui  la  ville  doit  son  origine  et  son  nom.  C'eût 
été  la  méthode  la  plus  rationnelle...  si  le  château  avait 
encore  existé  ;  mais  du  donjon  commencé  à  grands  frais 
par  Foulques  Nerra,  confié  par  lui  pendant  quelque 
temps  à  la  garde  de  son  favori  Gontier,  et  terminé  par 
Renaud  l*%  des  bâtiments  en  bois  qui  l'entouraient,  il 
ne  restait  plus  au  commencement  du  xvii*  siècle  que 
a  des  vestiges  et  mazures  du  logement  principal...  et 
«  des  foncées  ou  sablonnières  en  plusieurs  endroictz  où 

t.  Arckivtt  it  la  Mayenne,  E6i,  [•S3t'. 


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—  308  — 

«  chacun  tîroit  du  sable  pour  bastir  '  ».  Aujourd'hui 
c'est  seulement  dans  les  caves  de  la  maisou  de 
Mme  Guérin  de  la  Rousaardière,  au  haut  de  la  place, 
que  l'on  peut  apercevoir  quelques  traces  des  substruc- 
tions  du  donjon. 

Il  est  une  phrase,  en  quelque  sorte  stéréotypée,  que 
l'on  trouve  dans  tous  les  écrits  où  il  est  question  de  ce 
château  :  «  Richelieu,  revenant  triomphant  du  siège  de 
B  la  Rochelle  qu'il  avait  enlevée  aux  Protestants,  en  1628, 
u  traversa  Chftteau-Gontier.  Ce  fut  par  ses  ordres  que 
«  le  château  fut  démoli  -  a.  Dans  cette  citation,  la  prise 
de  la  Rochelle  est  le  seul  fait  exact  ;  Richelieu  n'est 
jamais  venu  à  Chàteau-Gontier  et  il  n'avait  pas  eu  besoin 
d'ordonner  la  démolition  d'un  château  rasé  depuis  lon- 
gues années.  Aucun  doute  n'est  permis  à  cet  égard  en 
présence  de  l'aveu  rendu  le  25  août  1414  par  Jean 
d'Alençon,  dit  le  Simple,  au  nom  de  sa  mère,  Marie 
Chamaillard,  et  dont  le  texte  a  été  publié  par  la  Com- 
mission historique  de  la  Mayenne  ^.  On  y  voit  mentionné 
a  le  chastel  anxien  de  Chasteaugontier  qui  à  présent  est 
«.  démoli  et  abatu.  »  Il  est  probable  que  la  ruine  du 
château  est  due  à  la  bande  de  routiers  qui,  sous  les 
ordres  de  Jean  Cercle  et  de  Foulques  Lallemand,  s'in- 
troduisit dans  la  ville  par  stratagème,  le  17  août  1368, 
et  l'occupa  pendant  dix-huit  mois. 


A  l'époque  qui  nous  occupe,  il  n'existait  à  Château- 
Gontier  que  trois  édifices  publics  :  les  Halles,  le  Palais 
de  Justice  uu  Palais  royal  et  la  Maison  de  Giziers.  Quant 
à  la  prison,  elle  était  établie  dans  une  maison  particu- 

1.  André  Joubert,  La  démolition  des  châteaux  de  Craon  H  de 
Chûlean-^otUier,  Ptëces  lustiflcatlvea. 

2.  IbiU.,  teite.  —  A.  de  Nogent,  dans  Vitbum  dessina  et  publié  par 
TaDcrède  Abraham.  —  Abbé  Foucault,  Documents  historiques.  — 
Comment  M.  Joubert  a-t-ll  pu  contredire  dans  son  texte  ce  que  les 
pièces JustiDcatives,  qui  en  sont  l'appendice,  établissent  si  clairement? 

3.  HullHin  de  la  CammUsion  arch.  et  hut.  de  la  Mayenne,  t,  XIII, 
p.  249. 


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—  309  — 

lière,  prise  en  location  par  le  sei^eur,  et  c'est  seulement 
le  6  novembre  1717  que  le  marquis  tle  Château-Gontîer 
acheta  de  Charles  Chevreul,  sieur  de  la  Touche,  et 
autres,  une  maison  pour  servir  de  «  prisons  royaux  ». 
La  prison  était,  en  effet,  comme  les  Halles,  une  d(5pen- 
dance  de  la  baronnie.  En  1629,  elle  se  trouvait  sur  le 
teiritoire  de  la  paroisse  de  Saint-Jean-l'Evangéliste, 
mais  l'acte  du  notaire  Mei^an,  qui  nous  fournit  ce  ren- 
seignement, n'indique  pas  la  rue  ;  peut-être  était-ce  ta 
Grande-Rue,  dans  sa  partie  inférieure  '. 

Les  Halles.  —  Dans  leurs  aveux  de  1414  et  1453, 
Jean  I'^  et  Jean  11  d'Alençon  comprennent  «  la  Grande 
«  Cohue,  sise  en  la  place  de  Chasteaugontîer  devant 
«  l'église  parrochial  de  Saint-Rémy  ;  »  dans  celui  de 
1669,  le  président  de  Bailleul  s'exprime  ainsi  :  «  Les 
n  Halles  et  placitres  estant  aux  deux  côtés  d'icelles  et 
«  une  autre  place  nommée  le  Piltory,  à  l'un  des  bouts 
H  des  dictes  Halles,  dans  lesquelles  je  donne  les  places 
«  aux  bouUangers,  bouchers,  poissonniers  et  autres 
t(  marchands,  pour  y  mètre  des  bancs  et  estnils  pour 
«  exposer  leurs  provisions  et  marchandises  à  tous  jours, 
a  mesme  aux  jours  de  marchez...  »  Cette  construction 
que  l'on  pensait  être  du  xv"  siècle,  offrait  une  magnifique 
charpente  dont  nous  avons  encore  vu  la  partie  respectée 
lorsque,  au  commencement  du  xix'  siècle,  on  remplaça 
le  pourtour  des  Halles  par  des  maisons  particulières 
bâties  sur  un  plan  uniforme  et  fort  peu  artistique.  C'était, 
d'après  M.  l'abbé  R.  Charles-,  «  le  plus  important  des 
«  bfttiments  civils  de  cette  ville  »  ;  on  pouvait  les  comparer 
à  celles  de  la  Ferté- Bernard,  bien  qu'elles  fussent  moins 
considérables  que  celles  d'Évron  ^.  La  toiture  avait  été 

1.  L'Immeuble  acheté  en  ni7  élslt  situé  dnna  la  Grande-Rue  el  don- 
nait en  partie  sur  la  rue  du  Lierni  :  11  servait  de  conciergerie  dès  1516, 
époque  à  laquelle  Macé  Serru  passait  déclaration.  Il  était  lort  mal  appro- 
prié pour  la  garde  des  prisonniers  ;  un  voisin  avait  le  droit  de  traverser 
la  cour  de  cette  niaiRon  pour  parvenir  &  sa  cave. 

2.  Revue  du  Maine,  t.  II,  p.  585. 

3.  Voirlecroqulsreprodultau  tomeXV.p.  3SS,  duBuIf«(tn  fUla  Com- 
miuion  historiqtie  4e  ht  Mayenne. 


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refaite  en  1621  parle  fermier  de  la  baronnie  et  la  dépense 
s'était  élevée  à  4.000  #.  Aujourd'hui  ce  précieux  assem- 
blage de  poutres,  cette  charpente  savante  et  pittoresque 
n'existe  plus  ;  le  fer  et  le  verre  ont  remplacé  le  bois  et 
l'ardoise,  et  nous  possédons  une  construction  aussi 
banale  que  peu  fréquentée. 

Avant  la  Révolution,  les  Halles  ne  servaient  pas  seu- 
lement pour  la  vente  des  denrées  ;  si  des  cérémonies 
religieuses  attiraient  du  dehors  une  aflluence  inusitée  de 
lidcles,  on  utilisait  ce  vaste  bâtiment  pour  le  service 
divin  I.  En  outre  elles  étalent,  le  cas  échéant,  le  lieu  de 
réunion  des  dizaines  chargées  de  la  défense  de  la  ville 
et  du  maintien  de  l'oi-dre. 

Le  Palais.  —  A  l'ouest  des  Halles  était  te  Palais  où 
se  tenaient  les  audiences  de  la  Sénéchaussée  et  Siège 
royal,  celles  de  l'Election  et  les  assemblées  générales 
des  habitants.  Depuis  la  réunion  de  lu  seigneurie  à  la 
Couronne,  on  l'appelait  parfois  le  Palais  Royal.  Nous 
n'avons  pu  trouver  aucune  description  de  cet  édifice  qui 
fut  rebâti  en  1728  et  1729  «  et  augmenté  d'une  chapelle 
«  et  de  plusieurs  chambres  et  d'un  beau  degré  -.  »  Cette 
construction  du  xvin*  siècle,  malgré  son  peu  de  solidité, 
sert  aujourd'hui  d'HAtel  de  Ville, 

Giziers.  —  La  maison  de  Giziers  appartenait  en 
1453  nu  sire  de  .Maille  ^.  Nous  ignorons  à  quelle  époque 
et  dans  quelles  conditions  les  seigneurs  de  Château-f ion- 
tier  s'en  sont  rendus  acquéreurs.  Ce  fut  toutefois  avant 
le  15  février  1537  (v.  s.),  car  à  cette  date  *,  Françoise 
d'Alençon,  vicomtesse  de  Beaumont,  veuve  depuis  peu 


1.  Voir  dans  le  BnlUtiH,  S*  série,  t.  Il,  p.  397,  le  récit  d'une  mtMlon 
en  1716;  celte  mlssioD  a  élément  été  racontée  par  Aleils  Allaire 
steur  de  l'Oisllllère,  margulllier  de  Saint- Jean-I'EvanfcéliRte,  dans  une 
note  manuscrite  qui  se  tn>UTe  à  la  fin  d'un  eiempiatre  des  inliquile:: 
li'Anjou,  par  Jehan  Hirel,  appartenant  à  la  bibliothèque  publique  de 
Chftteau-GoDtier. 

!,  Note  manuscrite  ù  In  lin  des  Aiitii/uitez  d'Anjou,  mais  ne  paraissant 
pas  de  la  mniD  d'Aieiis  Allaire. 

3.  Atcu  de  Jean  II  d'Alençon. 

l.  Voir  ButUlin  de  la  Commission,  t.  XIX,  p.  33IS, 


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—  311  — 

de  Charlee  de  Bourbon,  duc  de  Vendôme,  donnait  à 
loyer  pour  six  années  k  Estienne  Chédasne,  son  «  cber- 
a  pentier  à  Chflteaugontier  »  une  maison  nommée 
Giziers,  «  à  nou»  appartenante,  dit-elle,  située  en  nostre 
«  dite  ville  de  Cbâteaugontîer,  avec  le  jardin  de  notre 
«  château  dudit  lieu  ».  Le  loyer  fut  lixé  à  7  #  tournois 
par  an  et  Chédasne  devait  en  outre  supporter  que  «  les 
bleds  et  grains  »  livrables  dans  la  ville  à  la  recette  de  la 
baronnie  fussent  «  mis  et  logés  en  la  dicte  maison  ainsy 
a  que  d'avent  ont  esté  ».  Un  autre  bail  porte  la  date  du 
2  septembre  1542,  et  le  18  mai  1549  la  duchesse  de 
Venddme  mandait  à  ses  oITiciers  de  mettre  son  médecin 
en  jouissance  de  ces  immeubles  '. 

Après  la  destmction  de  la  tour  voisine,  Giziers  servit 
de  logement  au  gouverneur  de  la  ville,  et  Louis  de 
Champagne  qui  était  pourvu  de  ce  poste  y  mourut  le 
5  octobre  1615.  ATais  sa  vie  passablement  errante  lui 
avait  peu  permis  d'y  résider  et  son  (ils  Pierre,  qui  l'avait 
suppléé  pendant  ses  absenres  et  qui  lui  succéda,  préfé- 
rait habiter  l'important  cliAtcau  de  la  Motte-Ferchaud, 
près  du  Lion-d'Angers.  On  ne  saurait  voir  dans  cette 
abstention  la  preuve  d'un  rallinement  exagéré  et  la 
midson  de  Giziers  ne  devait  pas  être  une  demeure  bien 
tentante,  car  en  1644  les  experts  chargés  de  l'estimer, 
en  exécution  de  Fccbange  conclu  entre  Louis  XIll  et  la 
princesse  de  Conti  -,  la  déclaraient  caduque,  évaluaient 
son  revenu  à  20  #  tournois  et  disaient  qu'il  faudrait 
dépenser  3.000  #  pour  la  remettre  en  état  ^. 

Le  délabrement  était  tel  dès  1635  que  les  habitants 
avaient  fait  réparer  l'écurie,  ayant  bien  soin  d'insérer 
dans  leur  délibération  que  c'était  «  sans  tirer  à  consé- 
quence »,  afin  de  ne  pas  être  tenus  à  de  nouveaux  frais 
pour  un  bien  qui  ne  leur  appartenait  pas.  Précédemment 
ils  s'étaient,  en  1626,  opposés  à  ce  que  cette  maison  fût 

1.  Arch.  de  la  Ma;«Dne,  B  64, 1'  19,  y*. 

S.  Voir  ci-aprèe  chapitré  III. 

3.  Arch.  de  la  Hajeaae,  E  64, 1- 193,  f. 


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_  312  — 

comprise  dans  le  bail  de  la  baronnie,  attendu  qu'elle 
n'avait  pas  «  esté  comprise  aux  précédans,  et  c'estoit 
«  pour  le  logement  du  gouverneur  ». 

Les  dégâts  ne  devaient  pas  être  aussi  considérables  en 
1617  lorsque  le  marquis  de  Thouarcé,  lieutenant  de  la 
province  d'Anjou,  y  fut  salué  au  nom  des  habitants  par 
le  lieutenant  général  de  la  sénéchaussée  M'  René 
Poisson  de  Beauvais.  En  1690,  Mgr  de  Béchamel, 
intendant  de  la  Généralité  de  Tours,  y  reçut  une  dépu- 
tation  des  principaux  corps  de  la  ville  ;  mais  dans  l'in- 
tervalle, de  1649  à  1663,  le  seigneur  de  Château-Gontier 
avait  acquis  plusieurs  immeubles  contigus  et  une  répa- 
ration —  peut-être  une  reconstruction  complète  —  avait 
permis  de  porter  à  5.000  #  la  valeur  des  maisons,  cha- 
pelle, cours  de  Giziers  et  du  jardin  '. 

Il  y  a  quelques  années,  lorsqu'il  était  encore  utilisé 
comme  presbytère  de  Saint-Jean,  Giziers,  veuf  sans 
doute  d'une  partie  de  ses  dépendances,  était  un  beau 
logis,  mais  ne  méritait  le  titre  de  château  ni  par  son 
architecture  ni  par  son  importance.  Il  a  été  démoli  en 
1893  et  le  seul  souvenir  qui  en  reste  est  le  nom  d'une 
ruelle  qui  relie  la  Grande-Rue  à  la  place  Saint-Jean,  et 
encore  ce  nom  est-il  officiellement  :  Montée  de  Géziers, 
comme  le  prouvent  les  plaques  indicatrices  apposées  par 
la  municipalité  à  chacune  des  extrémités  de  ce  casse- 
cou. 

S  4.  —  RvES,  Places,  Cabhefours,  Maisons 

PARTICULIÈRES,  ETC. 

Prenez  un  plan  actuel  de  la  ville,  tracez-y  les  contours 
de  l'enceinte  fortifiée,  rétablissez-y  la  maison  de  Giziers, 
diminuez  la  largeur  de  quelques  rues,  notamment  de 
celle  de  l'Hôtel  de  Ville  et  vous  aurez  assez  exactement 
le  plan  de  Chàteau-Gontîer  au  xvii'  siècle. 

Rues.  —  La  Grande-Rue,  malgré  ses  sinuosités  et  sa 

t.  Arcb.de  UMft;enna,B6i,  1*196,  r*. 


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—  313  — 

pente  dangereuse,  était  une  portion  de  la  route  de  Lavnl 
à  Angers  '.  Contrairement  à  l'état  actuel  des  communi- 
cations entre  ces  deux  villes,  on  suivait  d'abord  la  rive 
droite  de  la  Mayenne,  on  passait  cette  rivière  à  CliÂteau- 
Gontier  et  l'on  se  dirigeait  sur  Angers  par  Coudray  et 
Sœurdres.  Sans  doute  il  existait  des  chemins  permettant 
de  venir  de  Laval  par  Entrammes,  la  Loge,  le  Bourgneuf 
de  Baubigné  ;  mais  tel  était  l'état  de  ces  chemins  qu'en 
1674,  les  religieuses  envoyées  de  Vitré  pour  desservir 
l'hdpital  Saint-Julien  ne  purent  franchir  en  une  journée 
la  faible  distance  de  Laval  à  Château-Gontier  et  furent 
obligées  de  coucher  à  la  Loge  '.  —  L'extrémité  inférieure 
de  la  Grande-Rue  était  souvent  appelée  rue  des  Ponts. 
Jusqu'en  1887  ^  la  plupart  des  principales  rues  avaient 
conservé  leurs  désignations  première»  ou  du  moins 
celles  qu'on  trouve  dans  l'aveu  de  Jean  II  d'Alençon. 
Toutefois,  au  xvii*  siècle,  la  rue  du  Bourg-Roussel  qui 
allait  précédemment  de  la  Grande-Rue  à  in  Porte  d'Oli- 
vet  était  déjà  divisée  comme  actuellement  en  trois 
tronçons  :  la  rue  Dorée  (nunc  de  la  Poste),  celle  du 
Bourg-Roussel  et  celle  d'Olivet;  la  rue  des  Cosnes 
s'appelait  rue  de  la  Petite- ffarelle,  et  parfois  rue  de  la 
Tannerie  ou  des  Tanneurs.  La  rue  de  VHôtel  de  Ville 
était  la  rue  du  Pineau  avant  de  s'appeler  rue  d'Ampoi- 
gné.  La  rue  de  la  Poterie,  voisine  du  Bourg- Roussel, 
devait  être  la  rue  du  Riocket  actuelle.  Nous  rencontrons, 
mentionnées  dans  les  actes,  la  rue  de  Saint-Jean-V Evan- 
géliste,  au  bas  de  laquelle  était  un  porche  en  1658.  la 
rue  du  Petit-Saint-Jean,  la  rue  tendant  du  «  Puiz 
Salle  «  à  l'église  Saint-Jeun-l'Evnngéliste  ;  tous  ces  noms 
s'appliquent  probablement  à  la  rue  du  Liéru.  Comme  on 

I.  On  donnait  général  émeut  le  nom  de  Grande-Rue  à  la  route  princi- 
pale traversant  une  ville,  comme  à  Laval,  à  Naotea,  ele, 

S.  Atinalfe  de  la  Communauté  de  Saint-Julien,  manuscrit  du  xix'  a. 
conserva  à  l'Hâtel-Dieu. 

3.  Nous  n'Insisterons  pas  sur  les  fftcheui  changements  qui  Rurent  lieu 
k  cette  époque,  et  nous  emploierons  souvent  les  noms  supprimés,  beau- 
eonp  plus  connus  et  beaucoup  plus  usités  aujourd'hui  encore  que  les 


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—  314  — 

le  voit  par  un  de  ces  exemples,  on  désignait  souvent  les 
rues  non  par  leurs  noms,  mais  en  énonçant  les  endroits 
qu'elles  reliaient  '.  La  Grande-Rue  est  indiquée  comme 
descendant  de  la  porte  dp  Tréhut  à  celle  des  Ponts  ;  la 
rue  du  Théâtre  actuelle  s'appelait  me  du  Cheval-Btanc, 
mais  on  écrivait  aussi  me  menant  de  la  Porte  d'Oiivet 
au  Port-aux-vins  ou  rue  entre  le  Cheval-Blanc  et  la 
maison  du  Beausoleil  ;  celle  de  Thionville  était  la  rue 
tendant  de  la  Porte  d'Oiivet  à  la  Porte  des  Ponts. 

Places  et  Carrefours.  —  Outre  les  trois  places  qui 
entourent  les  Halles  et  dont  l'une  fut  en  1645  améliorée 
par  une  «  levée  de  pavé  à  aller  de  la  Halle  à  l'église  » 
Saînt-Hémi  -,  il  n'existait  dans  la  ville  que  la  place  située 
devant  l'éf^lise  de  Saint- Jean-Baptiate  et  Giziers,  et  celle 
du  Château  ou  Place  Saint-Just.  Mais  les  carrefours 
étaient  noml)reux  et  contrairement  à  l'usage  actuel  ils 
avaient  des  noms.  Dans  la  (  jrandc-Hue  était  le  carrefour 
Saint- Jacques,  au  bas  de  la  me  actnelle  de  l'Aileman- 
dier  ;  la  montéi^  Brucliemotte  partait  du  Carroi  de  la 
Galère  ou  du  Puits-Salle  ^  ;  le  Carroi  du  Bourg- 
Roussel  était  formé  par  la  rencontre  de  lu  rue  de  ce 
nom,  de  la  rui^  Pavée,  de  celle  des  Pintiers  et  de  ta  rue 
Dorée.  Le  carrefour  du  Puits-Bidaull  se  trouvait  à 
rintersectiori  de  la  nie  de  la  Poëlerie  {nuiic  René  Homo) 
et  de  la  rue  des  Juifs  ;  il  était  relié  à  celui  du  Puits-SalIé 
par  la  nie  de  la  Vieille-Ecole. 

Nous  n'avons  pu  identifier  la  rue  du  Vignau  où 
demeurait  en  162S  M"  Jean  Denyau,  sieur  du  Verger, 
lieutenant  en  l'Election. 

Fontaines  et  Puits.  —  Nous  avons  cité  plusieurs  puits; 
nous  devons  ajouter  le   Puits  du  Pineau,   situé   sans 


I.  Aujourd'hui,  bien  que  tuutes  les  ruée  aient  des  noms  oflldels,  ces 
noms  sont  peu  usiys  nt  l'on  entend  souvent  dire  :  la  rue  de  M.  un  tel 
ou  de  H"  une  telle. 

S.  DélibératroD  du  li  février  <64;>. 

.1,  La  maison  du  Puit^  Sait*,  ou  de  In  dalere  faisait  face  n  la  Biblio- 
thâque  actuelle;  elle  occupât  tout  l'espace  compris  entra  la  Grande-Ruf 
et  le  rue  du  Liéru. 


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—  315  — 

doute  à  l'angle  de  la  rue  de  ce  nom  et  de  celle  de  In 
PoPlerie  '  ;  la  fontaine  de  Pissot,  a  rextrémité  de  In  rue 
de  la  Petite-Harelle,et  celle  du  Pilori,  au  lias  des  Halles". 
L'entretien  de  ces  fontaines  était  parfois  négligé  ;  une 
délibération  du  4  juin  1624  ordonna  de  travailler  h  leur 
«  acomodement  et  décoration  »  et  de  «  rel)onder  le  Puits 
du  Pilory  ». 

Maisons  particulières.  —  Toutes  les  mes  étaient 
étroites  et  assombries  par  les  étages  surplombants  des 
maisons  dont  les  façades  étaient  souvent  tapissées  d'ar- 
doises, comme  on  on  retrouve  encore  quelques  spéci- 
mens ;  a  peine  suflisaient-elles  pour  le  passage  d'une 
petite  charrette  traînée  par  une  paire  de  bœufs  ou  plus 
souvent  par  une  couple  de  vacbes.  Avec  des  maisims  aux 
rares  fenêtres  s'ouvrnnt  sur  des  voies  où  l'air  circulait 
à  peine,  où  ne  pénétrait  presque  jamais  un  rayon  de 
soleil,  on  comjirend  pourquoi  les  habitants  avaient  une 
telle  frayeur  des  épi^lémies  qui,  dans  un  pareil  milieu, 
trouvaient  toutes  les  circonstances  favorables  à  leur  ra- 
pide développement  et  à  leur  longue  durée. 

Nous  signalerons  seulement  deux  maisons  existant 
au  xv!i°  siècle  ;  desvestigesde  la  m(>me  époque  se  voient 
dans  plusieurs  endroits,  notamment  dans  In  partie  su- 
périeure de  la  Grande-Rue  ;  on  pourrait  sans  doute  en 
retrouver  d'autres  englobés  dans  des  constructions  plus 
récentes  ou  masqués  par  les  murs  de  clôture  de  plusieurs 
logis  ;  mais  leur  étude  nous  entraînerait  trop  loin. 

A  l'angle  formé  par  la  i-ue  Dorée  et  la  (Irande-Rue, 
au  carrefour  du  Puits-Sallé  ou  do  la  Galère,  un  membre 
de  la  famille  auquel  appartint  le  surintendant  Fouqnet, 
fit  construire  au  commencement  du  xvti*  siècle  l'hôtel 


1.  En  1687,  les  rues  d«  la  PoSlerie  et  des  Vigaen  lou  (tu  Merdanson) 
rormèrent  la  rD«  RenA-Homo. 

2.  Une  délibération  d«  l'HAtel  de  Vlltp  du  19  décembre  17«>  sollicita 
du  marquis  d'Autichnmp,  Hlgneur  de  Ch&teau-Gontiar,  rRuUiriiallon 
d«  reconstruire  cette  fontaine  arec  les  pjprret  qnE  Rapportaient  la  cage 
où  l'on  exposait  les  condamnés.  Cette  requête  tut  favorablement  ac- 
cueillie. 


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—  316  — 

qui  sert  aujourd'hui  de  Musée  et  de  Bibliothèque.  Sur 
son  emplacement  avait  existé  la  Petite  Cohue  ou  Cohue 
de  sursemaine,  petite  halle  suHisante  pour  contenir  no- 
tamment l'installation  de  cinq  bouchers  qui,  en  1453, 
payaient  à  Jean  H  des  droits  annuels  d'étalage  variant 
entre  9  et  15  sols.  D'après  M.  Angot,  cet  hôtel  était 
occupé  par  François  Fouquet  ',  sieur  de  la  Boucliefol- 
lière,  qui  mourut  en  1681.  Est-ce  son  père,  dont  nous 
ignorons  le  nom,  qui  le  fit  bâtir  7 

Moins  importante,  mais  plus  ancienne  et  plus  remar- 
quable était  une  maison  située  au  bas  de  la  Grande-Rue, 
au-dessous  de  la  rue  de  la  Harelle,  dont  elle  fait  le  coin 
du  cAté  de  la  Mayenne.  La  Commission  en  a  reproduit 
le  croquis  à  la  page  380  du  15"  volume  de  son  Bulletin, 
et  voici  la  description  qu'en  a  donnée  M.  l'abbé  R. 
Charles,  dans  la  Revue  du  Maine  (t.  I",  p.  636)  : 

«  Le  rez-de-chaussée,  du  côté  du  pignon  -,  est  sou- 
0  tenu  par  trois  gros  piliers  qui  divisent  la  façade  en 
«  trois  arcades  ;  l'une  au  centre  donne  accès  à  la  maison, 
«  les  deux  autre»  permettent  d'établir  un  étal  de  mar- 
«  chandises.  Cette  forme  est  celle  que  l'on  retrouve  le 
«  plus  communément  adoptée  pour  les  maisons  de  mar- 
«  chauds  et  d'artisans  au  moyen-Age...  Les  poteaux 
«  corniers  étaient  décorés  de  figurines  sculptées  dans 
o  l'épaisseur  du  bois.  Deux  sont  encore  en  place  ;  on  y 
«  reconnaît  une  femme  habillée  suivant  la  mode  de  la 
H  fin  du  xv'  ou  du  commencement  du  xvi"  siècle  et  tenant 
H  dans  ses  mains  un  poisson;  puis  un  quadrupède  à  tète 
«  ronde  qui  pourrait  être  un  chat.  Au-dessous  on  distin- 
«  gue  un  écusson  à  demi  effacé,  chargé  d'une  Heur  de  lys 
«  accompagnée  de  deux  roses.  Le  premier  étage  s'avance 
«  en  encorbellement  au-dessus  du  reK-de-chaussée...  » 

I.  Il  devait  AUe  neveu  de  Fran;iiis  Fouquel,  sieur  du  Faux,  qui  était 
président  ï  rËlecl[iin  en  1606.  —  Cette  maison  sortit  plus  tard  de  cette 
famille.  En  fnce  se  trouvait,  en  tT8I,  si  dous  ne  commettons  une  erreur, 
la  maison  des  Plantes  où  l'on  jouait  k  la  paume  <Arcl).  de  la  Majenne, 
E6S,  fi88]. 

8.  Sur  la  Grande- Hue. 


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—  317  — 

Si. nous  avons  fait  cet  emprunt  à  la  ftevue  du  Maine, 
c'est  que  hélas  !  la  plupart  clos  verbes  que  nous  venons 
de  copier  ne  doivent  plus  être  mis  au  présent,  mais  bien 
au  passé.  Ces  sculptures  naïves  qui  attiraient  les  regards 
de  tous  les  étrangers,  ont  été  récemment  enlevées  et 
remplacées  par  la  banale  devanture  d'une  boucherie  ! 
Seule  la  façade  qui  donne  sur  la  rue  de  In  Harelle  et  qui 
paraît  d'une  construction  plus  récente,  est  restée  intacte 
et  nous  montre  encore  son  élégante  tourelle,  ses  ouver- 
tures aux  sobres  moulures  et  ses  deux  bustes  saillants 
chacun  d'un  ovale. 

Dans  le  Bibliophile  du  Maine  (n*  19),  M.  R.  Gadbin 
énonce  que  cette  maison  était  la  demeure  de  Messire 
Denis  du  Breil,  seigneur  de  la  Harette,  qui  la  légua  au 
baron  de  Chftteau-Gontier.  Ne  serait-ce  pas  une  des 
trop  nombreuses  légendes  dont  on  a  orné  (?)  l'histoire 
de  cette  ville  ?  Cette  maison,  comme  le  fait  observer 
M.  l'abbé  Charles,  était  le  logis  d'un  marchand  ;  de  plus, 
si  nous  consultons  l'aveu  de  1453,  nous  y  trouvons 
parmi  les  censitaires  n  Jehan  Gaultier  et  Perrin  Aygre- 
«  mont  pour  leur  maeson  de  la  Harelle,  »  située  dans  la 
rue  de  ce  uom,  mais  du  côté  opposé  à  la  Mayenne. 

L'extérieur  des  maisons  n'est  pas  tout  et  leur  disposi- 
tion intérieure  est  parfois  intéressante  à  examiner.  Un 
acte  passé  devant  M"  Boutin,  notaire  royal,  le  29  octobre 
16.33,  contient  la  vente  par  Messire  René  Quatrebarbes, 
lieutenant  des  Maréchaux  de  France,  à  M*  René  Meslier, 
sieur  de  la  Rue,  receveur  du  Taillon  dans  l'Élection  de 
ChAteau-Gontier,  d'une  grande  maison  rue  des  Juifs. 
Voici  la  composition  de  cet  immeuble  :  une  salle  en 
entrant,  une  chambre  à  cAté,  grenier  au-dessus,  cuisine, 
cave  au-dessous,  cour,  grange  servant  d'étable  et  fane- 
rie,  jardin,  galerie  avec  un  pavillon  au  bout,  contenant 
une  chambre  basse,  deux  chambres  hautes  et  grenier, 
le  tout  couvert  en  ardoise.  En  résumé,  une  salle  unique, 
quatre  chambres  dont  trois  dan»  un  pavillon,  une  cui- 
sine, sutfisaient  alors  pour  constituer  une  grande  maison. 


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—  318  — 

On  ne  se  faisait  pas  besoin  d'une  antichambre  et  l'on 
entrait  directement  dans  la  salle  où  l'on  mangeait  et  où 
l'on  recevait  ses  amis. 

Que  devaient  être  les  logements  des  petits  bourgeois, 
des  marchands,  des  artisans  ?  Généralement  on  se  con- 
tentait de  deux  ou  trois  pièces,  souvent  une  famille  occu- 
pait une  chambre  avec  une  étude  (cabinet]  ou  une 
bouticque  à  ouvrouer,  c'est-à-dire  un  réduit  où  l'on 
pouvait  installer  un  métier  pour  tisser  la  toile  ou  la 
serge.  Le  mobilier  qui  garnissait  ces  demeures  et  que 
nous  étudierons  plus  loin  était  pour  le  moins  aussi  mo- 
deste, et  paraîtrait  bien  peu  confortable  et  bien  insuffî- 
sont  à  nos  raftinés  du  commencement  du  \\°  siècle. 

(A  suivre).  Eh.  Ch.  du  Bhossay. 


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EXTRAIT  DE  L'ANCIEN  GREFFE 

DES    SEIGNEURS    VICOMTES 

DE  BEAUMONT  ET  DE  LA  FLÈCHE 

(Fin). 


77. 

Du  17*  des  dicts  moya  et  an  a  esté  expédié  mandement 
de  ma  dicte  dame  au  maistre  des  eaux  et  forests  de  sa 
baronnie  de  Sonnoys  ou  son  lieutenant  par  lequel,  comme 
pour  certaines  causes  ad  ce  la  mouvans  eust  ce  Jourd'huy 
consenty  et  a  accordé  à  Vincent  Gogué,  maistre  de  forges, 
seul,  la  vente  failoparfeu  Monseigneur,  que  Dieu  absoille,  dès 
le  21'  jour  d'octobre  1534,  de  la  couppe  et  despouille  du  bois 
des  défais  de  la  Haye  de  RoUée  et  du  parc  de  Lesgrun  près  sa 
forest  de  Perseigoe  et  tout  le  contenu  du  contract  sur  ce  faict 
et  passé  tant  pour  forges  à  faire  fer  avec  la  ferme  de  200  *  tz 
par  an  pour  icelles  forges,  que  autres  choses  soubs  aucunes 
modifications,  clauses  et  restrictions  contenues  et  desclarées 
es  lectres  de  son  dict  accord  et  consentement,  notamment 
que  la  mesure  des  dicts  boys  sera  faicte  à  la  mesure  du  pied 
de  CLastelet  de  Paria  à  25  pieds  pour  perche  et  100  perches 
pour  arpent,  ainsy  que  plus  à  plain  poura  entendre  par  la 
teneur  des  dictes  lectres  et  contract  ;  pourquoy  luy  mande 
et  ordonne  par  le  dict  mandement  que  aux  despens  du  dict 
Gogué  procède  à  faire  mesurer  et  arpenter  les  dits  défais 
par  mesureurs  et  arpenteurs  non  suspectz  ne  favorables  et 
le  dict  arpentage  faict,  incontinent  le  luy  envoyer  et  iceluy 
faire  escrire  et  regestrer  es  remenibrances  de  sa  juridiction 
et  au  surplus  baille  et  délivre  au  dict  Gogué  les  bois  ensemble 


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—  320  — 

lieux,  places  et  endroitz  nessessaires  et  requis  pour  le  (aict 
de  la  dicte  forge  et  fourneau,  le  tout  selon  la  forme  et  teneur 
des  dicts  contratz.  lesquelles  forge  et  fourneau,  à  ce  que  la 
chose  en  puisse  estre  plus  favorisée,  vous  déclarerez  et  ferex 
déclarer  avoir  esté  et  estre  faicte  de  par  nous  aux  despens 
toutesfoys  d'iceluy  Gogué,  en  contraignant  à  ce  faire  et 
souffrir  ceux  qu'il  appartiendra  cl  qui  pour  ce  seront  à 
contraindre  par  toutes  voyes  et  manières  deues  el  raison- 
nables, le  tout  sans  préjudice  de  la  teneur  des  dictes  leclres 
et  contractz.  Donné  à  la  Flèche,  etc. 


A  esté  des  dicts  moys  et  an  expédié  autres  lectres  de  ma 
dicte  dame  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  elc,  à  révérend  père  en  Dieu  Monseigneur 
l'évesque  du  Mans  ou  ses  vicaires ,  salut  et  dilection. 
Comme  la  maladrerie  de  Montoire  fondée  et  déservie  en  la 
chappelle  dicte  la  Magdeleine  en  la  paroisse  Saint-Aoustrîlle 
du  dict  Montoire,  ensemble  la  dicle  chappelle  soient  à  pré- 
sent vaccans  par  la  morl  et  trépas  de  feu  M°  Hené  Vannier, 
en  son  vivant  prestre  et  dernier  paisible  possesseur  et  paci- 
fique d'icelle  maladrerie  et  chappelle,  des  quelles  maladrerie 
et  chappelle  quand  la  vacation  y  eschet,  appartienne  la 
nomination  aux  manans  et  habitans  de  nostre  ville  de 
Montoire,  à  nous  la  présentation  à  cause  de  nostre  cliastel 
et  chasielnie  du  dict  lieu  et  à  vous  la  collation  et  toutte 
autre  disposition,  et  par  eslection  nous  ayent  les  dicts 
manans  et  habitans  nommé  à  icelle  maladrerie  el  chappelle 
Jean  de  Lavardin,  clerc,  pourquoy  à  la  dessus  dicle  nomi- 
nation, vous  présentons  le  dict  de  J^avardin,  prions  et  requé- 
rons sur  ce  vos  lectres  de  collation  et  provision  luy  estre 
baillées  et  octroyées.  Donné,  elc. 

79. 

Des  dicts  moys  et  an  a  esté  expédié  autres  leclres  de  ma 
dicte  dame  soubs  son  seing  el  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

F'rançoise.  etc.,  à  tous.  etc.  Comme  à  cause  de  nostre 
douaire  que  avons  ou  dict  duché  à  nous  compète  el  appar* 
tienne  la  collation,  don  et  disposition  des  offices  d'icelluy 
douaire,  touttes  et  quantes  fois  que  vaccation  y  eschet  soit 
par  mort,  résignalîon  ou  autrement,  sçavoir  faisons  que 
pour  le  bon  rapport  que  faicl  nous  a  esté  de  la  personne  de 
Michel  Guyboust,  notaire  en  la  cour  layC;  demourant  à  Ven- 
dosme,  et  de  ses  sens,  loyauté  et  bonne  diligence,  à  iceluy 


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—  321  — 

pour  ces  causes  et  en  usant  de  nostre  dict  droict,  avons 
donné  et  conféré,  donnons  et  conférons  par  ces  présentes 
l'estat  et  office  de  greffier  des  fiefs  et  censifs  de  la  chastel- 
aye  du  dict  Vendosme  et  de  ce  qui  en  est  et  despend  par  la 
création  du  dict  ofRce  à  présent  vaccant  au  moyen  de  la 
résignation  faicte  en  nos  mains  d'icelluy  estât  et  office  par 
(en  èlanc),  procureur,  avec  pouvoir  espécial  quant  ad  ce  de 
Claude  PIccard,  prévoat  de  Han  en  Vendosmoys,  et  Jeanne 
Loyaeau.  sa  femme,  demeurant  au  dict  lieu  de  Han,  ainsy 
que  le  dict  procureur  a  faict  apparoir  par  procuration  passée 
et  receue  par  devant  Jean  Foucault,  lieutenant- gêné  rai  du 
bailly  du  dict  Han.  le  14°  jour  de  juillet  dernier  passé,  der- 
nier possesseur  du  dict  estât  et  office,  en  faveur  toutt«3  foys 
du  dict  Guiboust  pour  par  lui  doresnavant  en  joyr  et  user 
aux  droictz,  honneurs,  proufitz>  taxations  et  émolumens  qui 
y  appartiennent  et  aux  charges  et  conditions  déclarées  par 
les  ordonnances  sur  ce  faictes  et  mesmement  de  bien  et 
deuement  exercer  iceluy  estât  et  office  sur  les  peines  indites 
et  que  en  son  dëfault  y  sera  par  nos  juges  commis  d'autre 
suffisant  et  capable,  le  tout  tant  qu'il  nous  plaira.  Sy  don- 
nons en  mandement  à  nostre  amé  et  féal  conseiller  et 
maistre  des  requestes  de  nostre  hostel  le  bailly  de  Vendos- 
moys  ou  son  lieutenant  au  dict  Vendosme,  que  pris  etreceu 
le  serment  du  dict  Guiboust  en  tel  cas  requis  et  accoustumé, 
icelluy  mettre  ou  instituer  ou  face  mettre  et  instituer  de  par 
nous  en  possession  du  dict  estât  et  office  de  greffier  et 
d'iceluy  ensemble  des  dicts  droictz,  proufitz,  taxations  et 
émolumens  ou  dict  estât  et  office  appartenans,  le  souffre  et 
laisse  joyr  et  user  plainement  et  paisiblement  aux  charges 
toutesfoys  dessus  dictes,  et  ad  ce  contraigne  ou  face  con- 
traindre tous  ceux  qu'il  appartiendra  par  touttes  voyes  et 
s  deues  et  raisonnables.  Donné,  etc. 


Du  21'  jour  du  dict  moys  d'octobre  ou  dict  an  1539,  ma 
dicte  dame  a  expédié  lectres  soubs  seing  et  seel  par  les 
quelles  elle  continue  et  confirme  Estienne  Hamelin  en 
l'office  de  sergent  et  garde  de  la  forest  de  Meslinays  où  il 
avoit  par  cy  devant  esté  commis  et  institué  par  le  sieur  de 
la  Curée,  et  en  tant  que  mestier  est  ou  serait  de  nouvel 
l'a  crée,  institué  et  ordonné  ou  dit  office,  À  la  charge  qu'il 
sera  tenu  bailler  caution  jusques  à  la  somme  de  200". 

A  esté  expédié  autres  lectres  de  ma  dite  dame  sous  son 
seing  et  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 


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Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.,  salut.  Sçavoir  faisons  que 
pour  le  bon  rapport  que  faict  nous  a  esté  de  la  personne  de 
Paschat  Douillart,  demourant  en  nostre  ville  de  Montoire,  et 
de  ses  sens,  suffisance,  loyauté  et  bonne  diligence,  à  iceluy 
pour  ces  causes  et  autres  ad  ce  nous  mouvans.  avons  con- 
firmé el  coatîrmons  et  en  tant  que  besoin  est  ou  seroit  de 
nouvel  donné  et  octroyé,  donnons  et  octroyons  par  ces  pré- 
sentes Testât  et  office  de  mesureur  et  arpenteur,  contregarde 
politique  et  visiteur  général  des  poids,  mesures  et  ballances 
de  nnoullins  et  vesseaux  ensemble  de  tous  mestiers  et  mar- 
chandises et  de  ce  qui  en  despend  et  peut  despendre  par 
tout  en  et  au  dedans  du  dict  pays  et  duché  de  Vendosmoys, 
qu'il  a  tenue  et  exercée  par  cy  devant  au  moyen  de  ce  que  et 
du  don  qui  luy  en  avoit  esté  faict  par  feu  nostre  très  cher 
seigneur  e}  espoux,  que  Dieu  absoille,  pour  iceluy  estât  et 
office  de  1r  charge  de  garde  d'estallon  du  boesseau  par  le 
dicl  Douillart  tenir  et  exercer  et  doresenavant  en  joyr  et 
user  aux  droitz,  honneurs,  proufitz,  prérogatives  et  préémi- 
nences qui  y  appartiennent  et  que  par  nostre  dict  seigneur 
et  espoux  luy  ont  esté  pour  ce  ordonnez  et  par  nous  confir- 
mez escheues  et  à  escheoir,  le  tout  tant  qu'il  [nous]  plaira,  à 
la  charge  (outtefoys  que  le  dict  Douillart  sera  tenu  faire  bon 
et  )éa)  rapport  en  nos  justices  et  jurisdictions  ordinaires  des 
faultes,  abbus  et  malversations  qu'il  aura  trouvées  et  seront 
venues  à  sa  notice  et  cognoissance  et  de  résider  au  dict 
Montoire  pour  le  faict  et  exercisse  d'iceluy  estât  et  office. 
Sy  donnons  en  mandement  à  nostre  amé  et  féal  conseiller  et 
bailly  de  Vendosmoys  ou  ses  lieutenana  que,  pris  et  receu  le 
serment  du  dict  Douillart  en  tel  cas  requis  et  accoustumé, 
icetuy  mecte  et  institue  ou  face  mectre  et  instituer  de  par 
nous  en  possession  et  saisine  du  dict  estât  et  office  de  mesu- 
reur, arpenteur,  contregarde  politique  et  visiteur  général 
des  poids,  mesures  et  ballances  de  moullins  et  vaisseaux, 
ensemble  des  mestiers  et  marchandises  partout  etaudedans 
du  dict  pays  et  duché  et  d'iceluy  estât  et  office,  droictz, 
proufitz  et  émolumens  le  souifre  et  face  joyr  et  user  plaine- 
ment  et  paisiblement  et  à  luy  obéir  faisant  et  exerçant  les 
dicts  estât  et  office  par  tous  qu'il  appartiendra  en  les  con- 
traignans  par  vous  ad  ce  par  touttes  voyes  et  manières 
deaes  et  raisonnables.  Car  tel  est  nostre  plaisir,  etc. 

81. 

Du  25  jour  du  dict  moys  d'octobre  ou  dict  an  1539,  a  esté 
expédié  autres  lectres  de  ma  dicte  dame  soubs  son  seing  el 
seei  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 


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—  323  — 

Françoise,  duchesse,  etc.  A  trèe  révérend  père  en  Dieu 
Monseigneur  l'évesquc  de  Poîctiers  ou  ses  vicaires  en  la 
spiritualité,  salut.  Comme  à  cause  de  nostre  dict  douaire 
Compète  et  appartienne  la  présentation  et  nomination  de 
tous  et  cbacuns  les  bénéfices  et  dignitez  fondez  en  l'égiise 
Nostre-Dame  de  Mon  treuil-Bel  la  y  ou  chasteau  du  dict  lieu 
et  à  vous  à  nostre  présentation  et  nomination,  la  collation, 
provision  et  toutte  autre  disposition  touttes  et  quantes  foys 
que  vacation  y  eschet,  et  soit  aïnsy  que  l'une  des  prébendes 
du  dict  Heu  soit  à  présent  vacante  par  la  mort  et  trépas, 
ainsy  qu'on  dict,  de  feu  M°  Jacques  Genlilleau,  prestre, 
sçavoir  faisons  que  en  usans  de  nostre  dict  droict  cy  dessus 
spécifié,  aussy  pour  la  bonne  relation  que  faicte  nous  a  esté 
de  la  personne  de  M'  Loys  de  Hamberjon  et  de  ses  sens, 
bonnes  mœurs,  littérature,  honnesteté  et  bonne  conversa- 
lion,  iceluy  pour  ces  causes  nous  avons  présenté  et  nommé, 
présentons  et  nommons  comme  personne  ydoyne,  capable 
et  suffisant  pour  icelle  prébende  et  chanoynie  de  la  dicte 
église  vacant  par  la  manière  dessus  dicte  avoir,  tenir,  joyr 
et  posséder,  vous  requérant  que  à  nostre  dicte  présentation 
et  nomination  vous  îuy  en  veillez  faire  expédier  lectre  de 
collation  et  provision  telles  que  Iuy  seront  nessessaires.  En 
lesmoin  de  ce,  etc. 

82. 
Du  13  jour  de  febvrier  ou  dict  an  1539,  ma  dicte  dame 
estant  à  Amiens  a  receu  la  foy  et  hommage  simple  de 
Catherine  Le  Gay,  veufve  de  François  Pérou,  qu'elle  Iuy 
estoit  tenue  faire  pour  raison  de  sa  terre  et  seigneurie  et 
justice  de  Saincl-Pater,  à  elle  advenue  au  moyen  de  l'acqui- 
sition qu'elle  et  feu  son  dict  mary  en  avoient  faicte  par 
ensemble,  tenue  et  mouvant  de  ma  dicte  dame  à  cause  de  sa 
baronnie  de  Sonnoys,  etc. 


Du  8*  jour  de  juillet  au  dict  an  1539,  a  esté  expédié  lectres 
de  ma  dicte  dame  soubs  son  seing  et  seel  en  la  forme  qui 
s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.,  salut.  Comme  de  tout  temps 
ancien  mesme  depuis  le  temps  de  la  réformation  faicte  sur 
Testât  des  notaires  par  monseigneur  le  Roy,  il  y  eust 
accoustumé  avoir  [et]  résider  en  la  parroisse  de  Cromières 
trois  notaires,  qui  seroient  longtemps  a  décédei,  et  néant- 
moins  en  icelle  pan-oisse  n'y  en  avoit  de  présent  que  deux 


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—  324  — 

establys  et  réeidens,  qui  est  au  préjudice  de  nos  droictz  et 
possessions  que  voulons  conserver  et  garder  b  nostre  pou- 
voir et  instituer  et  créer  tiers  notaire  pour  résider  et  demeu- 
rer en  la  dicte  parroisse  ainsy  qu'il  estoit  accouatumé  de  faire 
par  cy  devant,  sçavoir  faisons  que  nous  deuement  informez 
des  sens,  littérature,  expérience  et  bonne  diligence  de  Jean 
Bninet,  maistre  de  escolles  du  dict  lieu  de  Cromières  et 
natif  demeurant  au  dict  lieu,  et  pour  autres  causes  ad  ce 
nous  mouvans  et  en  continuant  nos  droictz  et  possessions, 
avons  le  dit  Jean  Bninet  créé,  constitué  et  estably  et 
ordonné  et  par  ces  présentes  créons,  constituons,  establis- 
sons  et  ordonnons  tiers  notaire  en  la  dicte  parroisse  de  Cro- 
mières et  soubs  les  sceaux  à  contractz  et  du  tabellionnage 
de  noBtre  baronnie  et  seigneurie  de  la  Flèche,  à  la  charge 
qu'il  sera  tenu  et  luy  permectons  demeurer  et  résider  en  la 
dicte  parroisse  pour  iîlec  avoir,  tenir  et  exercer  le  dict  office 
de  notaire  bien  et  deuement  selon  les  ordonnances  royaux 
aux  droictz,  protitz  et  revenus  qui  y  appartiennent  tant  qu'il 
nous  plaira.  Sy  mandons  à  nostre  sénéchal  du  dict  lieu  que, 
pris  et  receu  le  serment  sur  ce  requis  du  dict  Brunet,  iceluy 
mecte  et  institue  de  par  nous  en  possession  etsaisine  du  dict 
eatat  et  ofTtce  de  notaire  et  l'en  face,  souffre  et  laisse  joyr. 
Car  tel  est  nostre  plaisir,  etc. 

A  esté  expédié  mandement  de  ma  dite  dame  par  lequel 
elle  ordonne  à  Kstienne  Chariot,  chastelain  et  recepveur  de 
sa  baronnie  de  Chàteaugontier,  payer  et  délivrer  aux  reli- 
gieuses du  couvent  de  Sainct-Julien  audict  Ch&teaugontier 
le  dixiesme  denier  de  tous  et  chacuns  les  rachaptz,  proufîU 
de  fief;  ventes  et  yssues  qui  esclieeront  en  la  dicte  baronnie 
depuis  le  jour  et  datte  du  dict  mandement  jusques  a  pareil 
jour  que  l'on  dira  1540,  duquel  dixiesme  denier  ma  dicte 
dame  a  faict  don  et  aumosne  aux  dictes  religieuses  pour  leur 
ayder  i  vivre,  aussy  ad  ce  qu'elles  [soient]  plus  enclinées  à 
prier  Dieu,  etc. 


Du  9  jour  d'aoust  ou  dict  an,  ma  dicte  dame  estant  au  dict 
lieu  de  la  Flèche,  a  expédié  lectres  sous  son  seing  etseelen 
la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.,  salut.  Comme  k  nousàcause 
de  nostre  dict  douaire  du  dict  duché  de  Vendosmoys,  com- 
pète  et  appartienne  la  collation,  provision  et  toutte  autre 
disposition  des  prébendes,   chanoynies,   chappellenies  et 


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—  325  — 

autres  bénéfices  fondez  en  l'égalise  collégial  Monsieur  Sainct- 
Georges  au  chasteau  du  dict  Vendosme,  touttes  les  foya 
que  vacation  y  eschel,  et  aoit  ainsy  que  la  chappelle  vul- 
gairement appellée  la  chappelle  Sainct-Yves  soit  à  présent 
vacante  par  la  résignation  que  en  a  esté  ce  j'ourd'huy  faicte 
en  nos  mains  de  nos  congés  et  licence,  [par]  M' Pierre  du  Guet 
etBastien  Doulceron,  son  procureur  sutTisamment  fondé  par 
lectres  de  procuration  desquelles  nous  a  apparu  deuement, 
à  cause  de  la  permutation  de  la  dict«  chappelle  de  Saincl- 
Yves  avec  M'  Martin  Bouju,  chappelain  de  la  chappelle 
vulgairement  appelée  d'Ogier  en  l'église  collégial  Saincl- 
Jean  de  Langés,  au  diocèse  de  Touraine,  sçavoir  faisons  que 
pour  la  bonne  relation  que  faicte  nous  a  esté  de  la  personne 
du  dict  M°  Martin  Bouju  et  des  bonnes  mœurs,  honneste  vie, 
conversation,  capacité  et  suHisance,  à  iceluy  pour  ces  causes 
et  autres  considérations  ad  ce  nous  mouvans  et  en  usant  de 
nostre  dict  droicl  dessus  dict  et  touché,  avons  donné  et 
octroyé,  donnons  et  octroyons  par  ces  présentes  la  dicte 
chappelle  Sainct-Yves  vnccant  comme  dict  t-st,  pour  doresen- 
avant  icelle  deservir,  par  luy  en  prendre  et  percevoir  les 
fruictz,  revenus  et  émoluemens  y  appartenans,  à  la  charge  d'y 
faire  ou  faire  faire  et  continuer  le  service  accoustumé.  Sy 
donnons  en  mandement  par  ces  mesmes  présentes  à  nos 
bien  amez  et  féaux  les  cbevecier,  chanoines  et  chapitre  de 
noslre  dicle  église  que,  pris  et  receu  le  serment  du  dict 
M'  Martin  Bouju  en  tel  cas  requis  et  accoustumé,  iceluy 
mectent  et  instituent  ou  facent  mectre  et  instituer  de  par 
nous  en  possession  el  saisine  de  la  dicte  chappelle  el  luy 
baillent  stal  en  cœur  et  au  parsus  le  facent,  soutTrent  et 
laissent  prendre  et  percevoir  les  dicls  fruictz,  revenus  et 
émolumens  sans  aucune  difliculté,  aux  charges  touttefoys 
qu'il  tiendra  et  observera  les  ordonnances  dernièrement 
faictes  par  nostre  redoublable  dame  et  mère  en  la  dicte 
église  et  pourveu  qu'en  faisant  la  dicle  permutation,  ne  soit 
enlrevenu  ou  entrevienne  aucune  fraude,  déception  ou  quel- 
que autre  illicite  paction.  Car  tel  est  nostre  plaisir,  etc. 

85. 

A  esté  expédié  autres  lectres  de  ma  dicte  dame  en  la 
forme  qui  s'ensuit  :  ' 

Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.,  salut.  Comme  ainsy  soit  que 
despièça  le  lieu  et  appartenance  de  la  Fresnaye  despen- 
dant de  nostre  seigneurie  et  baronnie  de  Saincte-Suzanne, 
eust  esté  acencé  el  baillé  en  lief  fayé  à  M'  Ëmond  Clément, 


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—  326  — 

nostre  bailly  an  dict  lieu  de  Saincte-Suzanne,  pour  en  payer 
par  chacun  an  à  la  recepte  ordinaire  de  nostre  dicte  sei- 
gneurie de  S  ai  ncte- Suzanne  ta  somme  de  cent  solz  tz  de 
rente  inféodée  à  deux  deniers  tournois  de  cens  ou  debvoir 
féodal,  es  quelles  choses  y  [a]  quelque  quentité  et  nombre 
de  bayveaux,  legs  ou  estantczons  de  bois  qui  eussent,  la  dicte 
baillée  faisant,  estez  retenus  et  réservez  à  nous  et  se  fust  le 
dit  Clément  à  présent  tourné  vers  nous  qui  nous  avoit 
donné  à  entendre  avoir  esté  troublé  en  la  jouissance  des 
dictes  choses  à  luy  baillées  et  empesché  par  les  abbesse  et 
religieuses  d'Estival  en  Charnie  et  aussy  par  messire  Jean 
du  Bellay,  chevalier,  seigneur  de  la  Flotte,  contre  lequel  du 
Bellay  disoit  en  estre  en  procès  pendant  en  la  sénés  chaussée 
du  Mayne  et  que  néantmoins  le  dict  Clément  n'auroit  cessé 
ne  discontinué  le  payement  du  passé  des  dicts  cens  et  rente 
inféodez,  lequel  Clément  en  considération  des  dicts  procès, 
troubles  et  contrcdictz  qu'il  disoit  luy  avoir  esté  sur  ce 
donnez,  nous  requeroit  luy  faire  don  du  dict  boys  d'iceux 
baiveaux,  chesnes,  legs,  ou  estanczons  qui  estoient  à  nous 
réservez  et  qui  sont  es  dictes  choses  de  In  Fresnaye  pour 
frayer  et  soustenir  par  luy  les  dicts  procès  et  différentz  et 
dépendre  les  dictes  choses,  sçavoir  faisons  que  pour  les 
causes  et  aux  charges  par  ces  présentes  déclarées  et  expri- 
mées, nous  avons  donné,  délaissé  et  octroyé,  donnons, 
délaissons  et  octroyons  par  ces  dictes  présentes  au  dit  Clé- 
ment ce  acceptant  devant  noua,  les  baiveaui,  chesnes  ou 
estanczons  de  bois  qui  nous  appartenoient  et  qui  avoient 
esté  a  nous  réservez  es  dictes  choses  de  la  Fresnaye  pour  les 
avoir  et  tenir  par  le  dict  Clément  et  en  disposer  h  son  plai* 
sir,  et  est  ce  faict  à  la  charge  que  le  dict  Clément  sera  tenu 
et  qu'il  nous  a  accordé  et  promis  poursuir  les  procès  qui 
sont  intentez  et  indécis  pour  raison  de  la  dicte  baillée,  à  ses 
propres  frais,  cousts,  mises  et  despens,  tant  contre  les 
dictes  abbesse  et  couvent  d'Estival  que  le  dict  sieur  de  la 
Flotte,  et  pour  ce  que  te  dict  Clément  nous  a  faict  requeste 
nous  joindre  avec  luy  ou  dict  procès,  luy  avons  accordé,  à 
la  charge  qu'il  demeure  tenu  moyennant  le  dict  don,  en  ce 
que  dict  est,  et  nous  acquitte  des  despens  et  intérests  s'au- 
cuns  estoient  contre  nous  adjugez  pour  raison  du  dict  pro- 
cès et  les  payer  et  nous  en  acquitter  entièrement  du  sien 
propre  sans  que  nous  y  soyons  aucunement  sujecte  ne  tenue 
en  l'yssue  d'iceux  procès  ne  de  ce  que  en  pouroit  ensuir  et 
ce  néantmoins  sera  tenu  et  nous  a  promis  le  dict  Clément 
nous  continuer  et  payer,  par  chacun  an,  les  dictes  rentes. 


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—  327  — 

cens  et  debvoir  inféodez,  sinon  qu'il  fust  évincé,  ou  que)  cas 
il  demeure  deschargé  des  dictes  renies,  cens  et  debvotr 
sans  ce  que  touttefoys  il  nous  puisse  poursuir  d'aucun  înté- 
rast.  Sy  mandons  au  maietre  des  eaux  et  forests  de  nostre 
vicomte  de  Beaumont  ou  son  lieutenant,  procureur  et  recep- 
veur  au  dict  lieu  de  Saincte- Suzanne  et  à  chacun  d'eux,  si 
comme  à  luy  appartient,  faire.  soulTrir  et  laisser  joyr  le  dict 
Clément  de  ce  présent  don  aux  charges  dessus  déclarées  et 
eu  faire  faire  bon  et  loyal  regestre  portant  promesse  et  obli- 
gation du  dict  Clément  des  choses  dessus  dictes  dont  nostre 
dict  recepveur  sera  tenu  en  faire  rapport  d'icelle  obligation 
et  du  vidisse  authentique  de  ces  dictes  présentes  en  la  pro- 
chaine reddition  de  ses  comptes,  en  quoy  faisant  serez  vous, 
maistre  des  eaux  et  forests,  procureur  et  recepveur  entière- 
ment deschargez  des  dicts  baiveaux,  boia  ou  estanlzons  de 
boys  dessus  dicts.  Car  tel  est  nostre  plaisir.  En  tesmoing 
de  ce,  etc.  Donné  au  dict  lieu  de  la  Flèche,  le  12*  jour  des 
dicts  moys  et  an. 


Des  dicts  moys  et  an,  a  esté  expédié  autres  lettres  de  ma 
dicte  dame  soubs  son  sein  et  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.,  salut.  Sçavoir  faisons  que  en 
faveur  el  considération  des  services  à  nous  faictz  par  feu 
Marguerit  de  la  Garde,  eu  son  vivant  archer  de  la  garde  de 
Monseigneur  le  Roy  et  capitaine  de  nostre  chaslel  de  la 
Flèche,  aussy  ayant  égard  à  la  charge  et  pouvreté  de 
Jeanne  Mallegrappe,  veufve  du  dict  deffunct,  et  affin  que 
plus  aisément  pour  l'advenir  elle  puisse  vivre  et  pourvoir 
ses  enfans,  avons  à  la  dicte  Malgrappe  donné  et  doimons 
par  ces  présentes,  sa  vie  durant  seulement,  la  maison  et 
jardin  du  Marchais,  située  en  nostre  ville  de  la  Flèche,  que 
tenoit  par  cy  devant  Jean  Ruby,  marchand  demourant  ou 
dict  lieu  de  la  Flèche,  sans  pour  ce  en  rien  payer,  pour 
d'icelle  maison  et  jardin  joyr  par  la  dicte  Malgrappe  et  à 
commencer  du  jour  Noslre-Dame  Angevine  prochaine 
venant  jusques  à  tant  qu'elle  vivra,  à  1»  charge  de  les  tenir 
et  entretenir  en  bon  et  suffisant  estât  et  réparation,  aussy 
que  ses  successeurs  seront  tenus  incontinent  après  son 
décès  les  remettre  en  nos  mains  en  aussy  bonne  et  suffisante 
réparation  que  de  présent  ils  son).  Sy  donnons  en  mande- 
ment au  baîly,  séneschal  et  autres  nos  ofliciers  de  nostre 
dicte  baronnie  de  la  Flèche  mectre  à  exécution  ces  pré- 
seales  et  les  faire  regestrer  es  remambrances  de  la  cour,  et 


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au  surplus  faire  et  laisser  joyr  la  dicte  Malgrappe  du  con- 
tCDu  en  ces  dictes  présentes  en  accomplissant  ce  que  des- 
sus. Car  tel  est  nostre  plaisir.  Donné,  etc. 


Du  22*  jour  des  dicts  moys  et  an,  raa  dicte  dame  estant 
au  dict  lieu  de  la  Flèche  a  expédié  lectres  soubs  son  seing 
et  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.,  salut.  Sçavoir  faisons  que 
après  avoir  veu  et  entendu  le  contract  de  baillée  à  ferme 
faict  par  feu  nostre  très  cher  seigneur  et  espoux  Monsei- 
gneur le  duc  de  Vendosmoys,  que  Dieu  absoille,  à  Jean 
Pyart  demeurant  à  Cany,  ou  bailliage  de  Cauls,  passé  par 
Germain  Le  Carron  et  Estienne  du  Nesmes,  notaires  du  roy 
nostre  sire  ou  Chastelet  de  Paris,  en  datte  du  samedy 
27' jour  de  janvier  1536,  louchant  le  droit  qu'i)  pouroit  en 
cet  égard  appartenir  au  dict  feu  nostre  seigneur  et  espoux 
lors  qu'il  vivoit  en  nostre  terre  de  Cany  et  Canyel  tout 
ainsy  qu'il  est  contenu  ou  dict  bail  de  ferme  sans  réserve  ou 
restriction  aucune  et  sans  aucunemcDl  déroger  à  îceluy  con- 
tract, fors  seulement  du  terme  de  six  années  que  avons 
limité  comme  s'ensuit,  c'est  à  sçavoir  que  ensuit  la  teneur  et 
condition  do  dict  contract  faict  comme  dessus  et  en  tant  que 
à  nous  touche  et  appartient,  avons  confirmé  et  confirmons, 
approuvé  et  approuvons  le  dict  contract  de  baillée  à  ferme 
selon  sa  forme  et  teneur  et  de  point  en  point  et  tes  soub- 
missions  et  obligations  dedans  contenues  le  terme  et  temps 
de  trois  années  et  trois  cuillettes  entières  et  parfaictes  seule- 
ment, combien  que  par  le  dict  contract  de  baillée  y  soient 
compris  six  années  pour  doresenadvant  en  joyr  par  le  dict 
Piarl  pendant  les  dictes  trois  années  seulement,  aux  charges 
et  restrictions  et  payemens  expressément  y  contenus  et  à 
commencer  ta  dicte  ferme  et  baillée  du  8°  jour  de  septembre 
prochain  venant,  comme  est  contenu  au  dict  bail  à  ferme,  et 
à  continuer  pour  les  dictes  trois  années  entières  et  par- 
faictes suivantes  l'une  l'autre  et  finissantes  à  pareil  jour  du 
dict  huictiesme  de  septembre  des  dictes  trois  années,  iceluy 
jour  inctud,  a  la  charge  de  nous  en  payer  par  chacune  des 
dictes  trois  années  ce  qui  est  contenu  et  compris  ou  dict 
contract  pour  nostre  égard  el  aux  termes  et  assignations  y 
contenues,  promettant  en  foy  el  parolle  de  princesse  et 
soubs  l'obligation  de  tous  et  chacuns  nos  biens  présens  et 
advenir  et  de  nos  hoirs  avoir  aggréable  et  ferme  ce  que  par 
feu  nostre  dict  et  très  cher  seigneur  et  espoux  a  esté  faict 


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par  le  dict  bnil  à  ferme  et  selon  la  teneur  d'iceluy  en  tant 
que  à  nous  touche  et  pour  le  dict  temps  des  dictes  trois 
années.  Et  en  tesmoin  de  ce,  etc. 


Du  15  jour  de  juin  ou  dict  an  1539,  a  esté  expédié  lectrcs 
de  ma  dicte  dame  par  les  quelles  elle  ordonne  à  I-oys 
Danez,  sieur  de  laTremblaye,  maistre  des  eaux  etforestsde 
sa  vicomte  de  Beaumont,  procéder  à  la  vente  d'arbres  par 
pied  de  ceux  que  trouverez  secs,  mortz,  corbeilez  ou  autre- 
ment de  nul  fruict  en  ses  défais  de  sa  baronnie  de  la  Flèche 
es  tousches  despendantes  d'iceux,  le  plus  commodément 
que  faire  ce  poura  jusques  à  la  somme  de  1200*  Ir.  ;  de 
ce  faire  deuement  elle  luy  a  donné  pouvoir,  mandement  et 
commandement  à  tous  ses  officiers  et  sujets  que  audict 
Danez  en  ce  faisant  soy  obéy.  Donné,  etc. 

Des  dicts  jour  et  an  a  esté  expédié  autres  lectres  de  ma 
dicte  dame  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Nous,  Françoise,  etc.,  certilfions  à  tous  qu'il  apparlicndra 
que  nous  deuement  informée  de  ta  vente  faicte  le  13  jour 
de  ce  présent  moys  de  1^9  pieds  d'arbres  situez  et  assis  en 
quatre  endroictz  des  défais  de  cette  nnstre  baronnie  de  la 
Flèche  par  Loys  Danez,  sieur  de  la  Tremblaye,  maistre  des 
eaux  et  forests  de  notre  dicte  baronnie,  à  M'  Guillaume 
Richer,  curé  du  dit  lieu  de  la  Flèche,  pour  la  somme  de 
249*  15  s.  tz,  avons,  sur  ce  deuement  advertie,  la  dicte  vente 
louée,  ratilTiée  et  approuvée  et  par  ces  présentes  louons,  elc, 
promettant  en  bonne  foy  et  paroUe  de  princesse  et  soubs 
l'obligation  de  tous  et  chacuns  nos  biens  la  dicte  vente  ainsy 
faicte  (farentir,  sauver  et  délivrer  envers  tous  et  contre  tous 
de  tous  troubles  et  empeschemens  et  outre  en  cas  de  pro- 
cès rendre  et  restituer  au  dict  Richer  achepleur  les  deniers 
que  pour  ce  il  auroit  payez  avec  tous  despens,  dommages  et 
intérests.  Kn  tesmoin  de  ce,  elc. 

A  esté  expédié  autres  lectres  de  ma  dicte  dame  des  dicts 
jour  et  an,  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  etc.,  à  tous,  etc.  Sçavoir  faisons  à  tous  qu'il 
appartiendra  que  comme  ayons  donné  charge  expresse  à 
M"  Florimond  Marsollier,  chastelain  et  recepveur  de  nostre 
baronnie  de  la  Flèche,  de  faire  recepte  des  deniers  des 
ventes  de  bois  par  nous  naguère  ordonné  estre  faictes  par 
pied  d'arbres  es  défais  de  nostre  dicte  baronnie  à  ce  que 
aucune  difRculté  ne  soit  faicte  du  payement  des  deniers  des 


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—  330  — 

dictes  ventes,  avons  promis  et  par  ces  présentes  promettons 
en  bonne  foy  et  parolle  de  princesse  à  tous  les  achepleurs 
des  dicts  bois  leur  ^arentir,  sauver,  délivrer  et  delTendre 
envers  el  contre  tous  les  dictes  ventes  et  outre  leur  rendre 
et  faire  rendre  et  restituer  les  deniers  qu'ils  en  auroient 
payez  en  cas  de  procès,  avec  tous  dommages  et  intérests 
tels  que  de  raison,  obligeant  quant  ad  ce  tous  el  chacuns 
DOS  biens  présens  et  advenir.  Kn  tesmoin  de  ce.  etc. 

Des  dicts  jour  et  an  a  esté  par  ma  dicte  dame  expédié 
lectres  soubs  son  seing  et  seet  de  l'oflice  de  vayeur,  sergent, 
visiteur  de  poids  et  ballances,  crochetz  et  aulnes,  fer  en 
barreaux  ou  fer  couppë  et  aussy  sur  les  draps  mouliez  et 
non  mouliez,  ensemble  de  coheue  ou  mouleur  de  boys  en  la 
baronnie  de  la  Flèche,  vacant  par  la  résignation  qui  en  a 
esté  faicte  ce  dict  jour  es  mains  de  ma  dicte  dame  par  Jean 
Chignac  pour  et  ou  nom  de  Jean  Mouschet,  le  serment 
adressant  au  séneschal  de  la  Flèche. 

Des  dicts  jour  et  an  a  esté  expédié  autres  lectres  de  ma 
dicte  dame  soubz  son  seing  et  seel  de  l'ofTice  de  sergent 
ordinaire  de  la  seigneurie  de  Marchenoir  pour  et  ou  nom  de 
Denys  Caullanl  par  la  résignalion  qui  luy  en  a  esté  faicte 
par  Mathurin  Boulclou,  le  sernieiil  ndressant  comme  dessus 
au  séneschal  ou  bally  de  Vendosmois,  M'  Jean  Tesnière. 


A  esté  expédié  autres  lectres  de  ma  dicte  dame  soubz  son 
seing  et  seel  le  3  jour  des  dicts  moys  et  an  en  la  forme  qui 
s'ensuit  : 

Françoise,  etc.  A  très  révérend  père  en  Dieu  Monsieur 
l'évesque  de  Poictiers  ou  ses  vicaires  en  la  spiritualité, 
salut.  Comme  à  cause  de  nostre  dict  douaire  nous  compèle 
et  appartienne  la  présentation  et  nomination  de  tous  et  cha- 
cuns les  bénélices  et  dignitez  fondez  en  l'église  Nostre- 
Dame  de  Montreuilbellay  ou  chasieau  du  dit  lieu  et  à  vous, 
à  nostre  dicte  présentation  et  nomination,  la  collation,  pro- 
vision et  toutte  autre  disposition,  toutles  et  quanles  foys 
que  vacation  y  eschet.  et  soit  ainsy  que  l'une  des  prébendes 
du  dict  lieu  soit  vacante  ou  qu'elle  vacquera  par  la  résigna- 
tion qui  en  a  esté  ou  sera  faicte  de  nos  dicts  congé  et 
licence  [par]  nostre  cher  et  bien  amé  M°  Gabriel  L'Escuyer, 
preslre,  à  cause  de  In  permutation  de  la  dicte  prébende  de 
Montreuilbellay  et  la  cure  Saincl-Hilaire  de  Belloy,  diocèse 
de  Noyon,  avec  M''  René  Du  Pont,  chanoine  d'une  des  pré- 


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— r331    — 

bendes  de  Sainct-Queniin  en  Vermai^doys,  diocèse  de 
Noyon,  et  à  sa  dicle  prébende  de  Sainct-Quenlin,  sçavoir 
faisons  que  en  usant  de  nostre  dict  droict  cy-dessus  spécifié, 
aussy  pour  la  bonne  relation  que  faicte  nous  a  esté  de  la 
personne  du  dict  Du  Pont  et  de  ses  sens,  bonnes  mœurs, 
littérature,  honnestelé  et  bonne  conversation,  iceluy  pour 
ces  causes  nous  avons  présenté  et  nommé,  présentons  et 
nommons  comme  personne  ydolne,  capable  et  suffisant 
pour  iceile  prébende  et  ehanoinie  de  la  dicte  église  vac- 
canle  par  la  manière  dessus  dicte  avoir,  tenir,  joyr  et  pos- 
séder, vous  requérant  que  à  nostre  dicte  nomination  et 
présentation  vous  en  veilliez  faire  expédier  lettres  de  colla- 
lion,  provision  telles  qu'il  luy  seront  nessessaires.  pourveu 
loutlesfoys  que  en  faisant  la  dicte  résignation  ne  intervienne 
aucun  dol,  fraude  ou  autre  illicite  paction  sur  peine  de  nul- 
lité de  ces  présentes.  Donné,  etc. 

A  esté  expédié  autres  lectres  de  ma  dicle  dame  soubs  son 
seing  et  seel  en  la  forme  qui  s'ensuit  : 

Françoise,  elc,  â  tous,  etc.  Sçavoir  faisons  que  pour  l'en- 
tière et  parfaicte  confidence  que  nous  avons  de  la  personne 
de  nostre  cher  et  bien  amé  René  Malherbe,  sieur  de  Poully, 
l'un  de  nos,  elc. 


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MONTAIGU 


Montaigu  !  cette  montagne  n'a  pas  besoin  d'autre 
désignation  pour  los  Mayennais.  Elle  se  présente  d'elle- 
même  au  souvenir,  originale,  unique.  Il  y  a  vingt 
Montaigus  dans  la  Mayennr,  mais  il  n'y  a  que  Montaigu 
d'Hambers  auquel  on  pense  tout  d'abord  au  seul  pro- 
noncer du  nom.  C'est  ce  tertre  régulièrement  arrondi, 
avec  chapelle  au  sommet,  qu'on  aperçoit  non  seulement 
du  Maine,  mais  de  la  forêt  d'Andaine  en  Normandie, 
des  collines  bretonnes  vers  Vitré  et  de  toutes  les  alti- 
tudes (le  100  mètres  dans  le  bassin  de  ta  Mayenne,  en 
Anjou.  Il  ne  manque  pas  dana  le  massif  montagneux 
mayennais  de  sommets  plus  lilevés,  mais  ce  sont  dus 
groupes  confus.  Montaigu  a  une  pbysionomie  propre, 
individuelle.  Les  autres  hauteurs  valent  sui-tout  par 
le  piédestal  <iue  leur  font  les  pentes  graduelles  du 
terrain.  Montaigu  se  détache  de  son  entourage  sur  tout 
l'horizon. 

Aussi  a-t-it  exercé  à  tous  les  Ages  une  attraction 
singulière  sur  les  populations.  C'est  un  site  privilégié 
dans  le  rayon  duquel  l'homme  se  plut  toujours.  C'est 
aussi  un  point  de  repère  où  les  regards  aiment  à  se 
reporter,  sur  lequel  on  s'oriente  pour  retrouver  tous  les 
autres  lieux  connus.  Quand  on  l'a  vu  sous  tous  ses 
aspects,  des  quatre  points  cardinaux,  dans  ses  excur- 
sions, piqué  de  ciiriusité,  subissant  son  attraction,  on 
s'est  dit  :  «  J'irai  sur  cette  montagne  ;  je  foulerai  sa 
bruyère,  son  sol  inculte;  j'embrasserai  de  là  tout  le 


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—  333  — 

pays  d'un  regard;  je  visiterai  sa  chapelle  et  j'y  prierai 
l'archange  !  » 

Montaigu  se  fait  si  bien  remarquer  qu'un  voyageur 
intelligent,  Dubuisson-Aubenay,  qui  traversait  le  Maine 
en  touriste  vers  1636,  et  notait  soigneusement  tous  les 
objets  dignes  d'attention,  ne  vit  pas  autre  chose  de 
Montsûrs  jusqu'à  Bais.  En  quittant  Montsârs,  «  vous 
0  passez  le  bras  droit  (de  la  Jouanne)  qui  est  le  plus 
«  petit,  dit-il,  et  le  gauche  qui  est  à  vostre  main  droite, 
«  vous  le  costoyez  et  suivez  le  long  de  sa  rive  droite  à 
«  contre-fil  de  l'eau  ;  et,  passé  quelques  villages,  vous 
«  voyez  sur  un  ault  costau  ia  chapelle  de  Saint-Michel 
«  de  Montaigu.  Costoyant  cela,  tousjours  à  vostre  main 
o  droite,  arrivez  au-dessus  de  Montesson,  maison  bien 
«  faite  et  environnée  d'eaus,  qui  est  à  un  gentilhomme 
«  seigneur  du  prochain  bourg  nommé  Bais  ou  Baz  parmi 
«  les  paysans  ».  Ainsi,  tout  ce  que  Dubuisson-Aubenay 
a  vu,  a  côtoyé,  de  Montsûrs  à  Bais,  c'est  Montaigu  et 
sa  chapelle  de  Saint-Michel.  On  se  demande  comment 
il  oublie  Evron  avec  son  abbaye  et  ne  signale  pas  même 
Rochard  qui  dut,  de  certains  points,  offrir  à  sa  vue  sa 
croupe  couverte  de  landes  et  ia  roche  qui  couronne  sa 
ci'ête. 

N'appelons  point  Alpes  mancelles  nos  modestes  chaînes 
de  collines.  Avec  des  noms  moins  prétentieux  elles  n'en 
seront  que  plus  aimables,  et  cela  ne  nous  empêchera  pas 
de  jouir  du  panorama  de  Montaigu  :  plaines  illimitées  au 
sud  et  à  l'ouest,  vers  Sablé,  Château-Gontier,  Laval,  et 
bien  au  delà  ;  capricieux  entassements  de  collines  dans 
les  autres  directions  :  les  Coëvrons,  Pail,  Buleu,  pour 
ne  citer  que  les  massifs  les  plus  rapprochés. 

On  comprend  que  ceux  qui  habitent  ces  pays  acci- 
dentés, aux  larges  horizons  dont  les  plans  échelonnés, 
les  lignes,  les  traits  accentués  font  des  tableaux  variés 
et  captivants,  aient  pour  le  sol  un  autre  attachement  que 
ceux  de  la  plaine.  Les  champs  ne  valent  que  par  la 
moisson  ;  la  montagne  met  dans  l'àme  une  vision,  des 


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—  334  — 

images  qu'on  n'oublie  point,  même  transporté  dans  des 
régions  plus  fortunées. 

Puis,  sur  cette  immensité  de  ciel  et  de  terre  cpi'on 
découvre  d'en  haut,  l'œil  suit  des  phénomènes  qu'on 
saisit  mal  d'ailleurs  :  c'est  le  nuage  égaré  dans  l'azur, 
qui  projette  son  ombre  mobile  sur  les  champs  comme 
celle  d'un  oiseau  qui  plane  ;  c'est  la  stratégie  d'autres 
nuages,  porteurs  de  pluie  ou  d'orage,  dont  vous  devinez 
la  marche,  soit  qu'ils  veuillent  vous  envelopper,  soit 
qu'ils  manœuvrent  pour  se  dérober  par  une  des  brèches 
de  l'horizon,  ou  qu'on  ait  le  plaisir  de  les  voir  épuiser 
leur  furie  et  leur  déluge  avant  d'en  être  atteint. 

Et  quels  objets  de  méditations  pour  l'esprit  qui  se 
recueille  devant  ce  spectacle  grandiose  !  Ces  étangs, 
taches  brillantes,  sont  les  derniers  témoins  d'un  lac 
immense  ;  les  bois  de  la  Charnie,  de  Cnin,  d'Hermet,  de 
Bourgon,  sont  les  lambeaux  décousus  d'un  manteau  qui 
couvrit  toutes  les  collines  et  les  terres  émergées.  Jublains 
et  Rubricaire  évoquent  les  légions  et  la  civilisation 
romaines  ;  Sainte-Suzanne  rappelle  le  Bastard  normand 
qui  vint  s'y  faire  battre.  Tant  d'autres  lieux  enfin,  qu'on 
découvre  ou  qu'on  soupçonne,  font  revivre  pour  chacun 
des  souvenirs  personnels  et  intimes,  toutes  les  étapes 
d'une  vie  qui  a  rayonné  autour  de  la  montagne. 

C'est  la  condition  des  montagnes  d'être  arides  et 
pourtant  de  faire  naître  de  leurs  flancs  les  sources  et  les 
ruisseaux  qui  arrosent  et  fertilisent  les  plaines.  La 
Jouanne,  par  des  branches  multiples,  s'échappe  des  ver- 
sants méridionaux  et  occidentaux  de  Montaigu  ;  l'Aroa 
naît  sur  ses  pentes  septentrionales.  Sur  tous  les  points 
et  presque  jusqu'à  son  sommet,  les  sources  remplissent 
à  fleur  de  terre  l'étroite  fontaine  qu'on  leur  a  creusée 
d'une  eau  intarissable,  dont  le  trop  plein  s'en  va  en  ruisse- 
lets  dans  les  vallées  qui  les  recueillent.  Autant  vous  voyez 
de  villages,  de  fermes,  de  maisons,  disséminés  sur  les 
flancs  de  la  colline,  autant  de  fissures  par  où  se  distribue 
l'eau  bienfaisante  que  recèlent  ses  entrailles. 


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EPOQUE  PREHISTORIQUE 

Dès  l'âge  préhistorique  les  hommes  vinrent  occuper 
le  versant  méridional  du  vaste  amphithéâtre  formé  par 
Crun,  Rochard  et  Montaigu,  en  face  des  plaines 
immenses  du  pays  Evronnais.  Klontaîgu  surtout  eut 
leurs  préférences.  M.  Emile  Moreau  a  étudié  avec  com- 
pétence les  stations  et  les  monuments  mégalithiques  de 
cette  région.  Je  me  permettrai  de  résumer  ce  qu'il  a 
écrit,  en  spécialiste,  sur  ce  sujet. 

Au  village  d'Etivau  était  encore,  il  y  a  soixante  ans, 
soutenu  sur  des  supports  d'un  mètre  de  hauteur,  un 
dolmen  composé  de  deux  tables,  formant  une  longueur 
totale  de  3° ,64.  Ces  tables  ont  été  brisées  pour  faire  la 
margelle  d'un  puits  ;  deux  supports  sont  encore  en  place. 
Non  loin  de  là  était  «  une  magnitlque  table  de  pierre  d'un 
grès  très  fin  et  très  brillant,  longue  de  2'",20,  large  de 
1"',30  et  épaisse  seulement  de  quelques  centimètres  ». 
Elle  était  d'un  gris  clair  à  gauche,  d'un  jaune  foncé  à 
droite,  et  marquée  d'une  large  tache  d'un  rouge  foncé  à 
la  partie  supérieure.  La  destination  historique  de  cette 
pierre  était  attestée  par  l'origine  mystérieuse  qu'on  lui 
attribuait  et  par  la  présence  d'éclats  de  la  même  roche 
parmi  des  outils  de  pierre  non  polie  trouvés  dans  le  voi- 
sinage. Des  blocs  du  même  grès  jaune  sont  signalés  au 
même  endroit.  D'autres,  que  M.  Moreau  qualifie  seule- 
ment «  pierres  posées  »,  se  faisaient  remarquer,  il  y  a 
vingt-cinq  ans,  dans  les  landes  d'Etivau  par  leurs 
dimensions,  les  excavations  qu'elles  présentaient  ou  leur 
groupement. 

Dans  un  champ  de  la  ferme  de  Richebourg,  sur  une 
petite  éminence  qui  lui  forme  une  sorte  de  socle  de 
11  mètres  carrés,  respecté  par  la  charrue,  s'élève  le 
monument  remarquable  et  incontestable  dit  «  les  Pierres- 
Jumelles  »,  restes  d'une  allée  couverte  dont  les  autres 
pierres  sont  renversées  et  dispersées  dans  le  petit  ter- 


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—  336  — 

rain  en  friche.  Cette  description  de  M.  Moreau  est  tou- 
jours exacte.  Mais  te  terrain  environnant  n'est  plus  en 
culture.  II  a  été  planté  en  taillis,  et  les  ronces  avec  les 
jeunes  pousses  de  chêne  masquent  le  monument  et  en 
rendent  l'accès  difficile.  D'ailleurs  les  Pierres-Jumelles 
sont  non  au  village  de  Richebourg  qui  s'abrite  au  pied 
d'un  des  contreforts  de  Montaigu,  mais  à  500  mètres  de 
là,  dans  la  plaine,  sur  une  ferme  récemment  créée  dans 
les  landes  des  Rabries.  —  La  grande  pierre  située  à 
200  mètres  plus  loin,  que  M.  Moreau  nomme  justement 
pierre  des  Habries,  qui  mesure  au  moins  20  mètres  de 
superficie,  a  été  nommée  pierre  au  Renard  dans  une 
petite  géographie  locale,  faisant  confusion  avec  la  Pierre 
au  Renard  du  taillis  de  Crun.  M.  Moreau  signale  encore 
les  «  pierres  posées  »  qui  parsèment  les  landes  des 
Rabries  et  un  dolmen  détruit  par  la  construction  de  la 
route  de  Sainte-Gemme  à  Mézangers.  11  y  en  a  d'autres. 
Le  nom  de  Pierre-Aiguë  que  porte  la  ferme  voisine  de 
Richehourg  est  un  indice.  J'indiquerai  encore  en  finis- 
sant cette  revue  sommaire,  presque  au  sommet  de  Mon- 
taigu, au  lieu  dit  le  Grand-Bois,  un  double  alignement 
de  pierres  assez  grosses  qui  semblent  les  supports  des 
tables  disparues  d'une  allée  couverte. 

Outre  les  monuments  mégalithiques  dont  les  premiers 
habitants  de  cette  région  parsemèrent  le  pays,  nous 
connaissons  de  plus  les  stations  où  ils  fixèrent  spéciale- 
ment leur  habitation.  Et  c'est  encore  M.  Moreau  qui 
eut,  en  1874,  le  bonheur  de  découvrir  deux  centres  prin- 
cipaux d'habitations,  reconnaissables  aux  outils  en  pierre 
non  polie  et  surtout  aux  nombreux  déchets  de  leur  fabri- 
cation dont  le  sol  était  parsemé. 

Ces  deux  stations,  situées  à  la  limite  des  communes 
de  Mézangers  etd'Hambers,  surun  plateau  de  128  mètres 
d'altitude,  formé  d'un  sable  gris  d'alluvion,  sont  :  l'une 
à  la  ferme  de  la  Maison-Neuve,  qui  a  donné  des  outils 
du  type  acheuléen  ;  l'autre  au  point  culminant  du  pla- 
teau, au  lieu  du  Bout-du-Bois.  Ce  dernier  a  fourni  de 


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Outils  p,\ lkoi.it h iuvk.s  kn  ihiks  1,1^x1 
[n-:w    STATIONS    \ty.   Montaicii 


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—  337  ~ 

nombeaux  débris  et  quelques  outils  d'aspect  mousté- 
rien,  d'un  quartzite  «  très  fin,  d'un  très  beau  lustre,  Tra- 
hie, sensible  aux  actions  atmosphériques  ». 

Depuis  la  découverte  de  ces  stations,  M.  Maulavé, 
curé  de  Mézangers,  les  a  soigneusement  explorées  et  en 
a  découvert  dans  le  voisinage,  au  lieu  du  Portail,  une 
troisième  beaucoup  plus  richeen  outils  travaillés, haches, 
pointes  de  flèches,  lames,  etc.  C'est  au  presbj'tèi'e  de 
Mézangers  qu'il  faut  voir  le  musée  de  ces  stations  pré- 
historiques, composé  de  plusieurs  centaines  d'objets  : 
outils,  percuteurs,  nuclei,  tous  de  l'époque  paléolithique. 
Puisse  cette  collection  riche  encore,  malgré  des  détour- 
nements regrettables,  se  conserver  intacte  et  s'enrichir 
de  plus  en  plus.  Les  silex  importés  y  sont  en  petite 
quantité  en  comparaison  des  matériaux  indigènes.  (Voir 
la  planche  ci-contre). 

Ainsi  les  pentes  méridionales  et  occidentales  de 
Montaigu  ont  été  recherchées  et  habitées  par  les  popu- 
lations de  l'époque  paléolithique  et  des  vestiges  nous  en 
ont  été  conservés,  soit  dans  les  monuments  qui  émergent 
du  sol,  soit  dans  les  produits  et  les  débris  de  l'industrie 
de  ces  peuplades  mis  chaque  jour  encore  à  la  lumière 
par  la  charrue. 

PÉRIODE  GALLO-ROMAINE 

Montaigu  est  situé  au  centre  du  pays  des  Diablintes. 
L'emplacement  de  Jublains,  qui  fut  sans  doute  la  capi- 
tale de  cette  tribu  gauloise  avant  que  les  Romains  vic- 
torieux y  eussent  fondé  la  ville  qu'ils  nommèrent 
Neodunum,  n'avait-il  pas  été  choisi  en  vue  de  Montaigu 
par  suite  de  l'attraction  qui  s'était  exercée  déjà  sur  les 
premiers  habitants  du  pays  ?  11  y  a  moins  de  6  kilomètres 
de  la  ville  au  sommet  de  la  colline  d'où  l'on  peut  explo- 
i-er  du  regard  toute  la  plaine. 

Toujours  est-il  que  la  loi,  souvent  constatée  ailleurs, 
de  la  superposition  des  civilisations  successives  dans  le 


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—  3.18  — 

même  lieu,  se  vérifie  encore  ioi.  Le  m^me  versant  méri- 
dional (le  la  chaîne  de  collines  dont  Montaigu  est  un 
chaînon,  fut  choisi  par  les  Romains  pour  la  création  de 
divers  établissements  et  pour  la  direction  de  la  grande 
voie  militaire  de  Tours  n  Vieux  par  le  Mans  et  Jublains. 

M.  Moreau  a  retrouvé  à  Etivau  et  à  Richebourg,  en 
plein  pays  de  monuments  mégalithiques,  traces  d'un  four 
à  briques  etd'une  autre  construction  avec  un  four  en  petit 
appareil,  et,  :i  Pierre-Aiguë,  une  carrière  de  granit  où 
gisaient  des  tronçons  de  colonnes  du  diamètre  de  celles 
employées  à  Jublains,  mais  d'où  aussi,  il  faut  le  dire,  on 
a  extrait  au  xvi'  siècle  te  granit  dont  sont  construites 
les  maisons  du  village  de  Richebourg. 

C'est  dans  ce  pays  où  se  trouvent  les  vestiges  pré- 
historiques mêlés  aux  ruines  romaines,  que  passe  la  voie 
des  légions,  le  long  des  derniers  contreforts  de  Mon- 
taigu,  et  la  montagne  en  est  comme  un  jalon,  comme 
une  borne  gigantesque,  à  mi-chemin  de  Jublains  et  de 
Hubricaîre,  poste  militaire  édifié  sur  la  voie,  peut-être  ù 
une  bifurcation. 

Après  l'hésitation  qui  s'impose  quand  on  réforme  les 
opinions  reçues  et  quand  on  propose  une  correction  à 
un  document  antique,  fût-il  reconnu  fautif  sur  bien  des 
points,  j'ai  déjà  soutenu  l'identification  de  la  station  de 
Rubricaire  située  sur  la  voie  de  Jublains  au  Mans,  avec 
celle  de  Robrica  placée  par  la  carte  de  Peutinger  sur  la 
route  d'Angers  au  Mans.  Je  renouvelle  et  maintiens  ici 
mon  alTirmation  :  1'  parce  <]u'il  suflit  d'un  déplacement 
d'un  centimètre  sur  la  table  Théodosienne  pour  faire 
jiasser  le  mot  Robrica  de  la  route  d'Angers  à  celle  de 
Jublains  ;  2°  parce  qu'on  n'a  jamais  trouvé  sur  la  voie 
d'Angers  au  Mans  une  station  qui,  pour  le  nom  et  les 
distances,  répondit  aux  données  de  la  carte;  3*  parce 
que  Rubricaire,  par  le  camp  retranché  qu'on  y  voit 
encore,  par  son  nom  actuel  même,  répond  au  moins  à 
deux  des  données  du  problème  et  justifle  l'identification 
que  je  propose.   Les   nouvelles   fouilles   pratiquées   à 


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—  aw  — 

Kubricaire,  l'exhumation  du  balneum  qui  accompa- 
gnait le  camp,  donneront  l'occasion  de  traiter  plus  à 
fond  ailleurs  cette  question  qui  n'est  qu'indiquée  ici. 

La  voie  de  Jublains  au  Mana  passant  par  Rubricairc, 
qui  est  exactement  sur  la  ligne  droite  d'un  point  ù 
l'autre,  devait  visiter  le  versant  méridional  de  Montaigu. 
Mais  comme  les  agglomérations  gauloises,  puis  les  villas 
latines,  y  avaient  succédé  aux  peuplades  primitives,  l'in- 
tention de  se  mettre  en  contact  avec  leurs  sujets  et  de 
les  maintenir  dans  l'obéissance  peut  aussi  avoir  décidé 
les  Romains  à  diriger  leur  voie  principale  par  ces 
coteaux  ensoleillés. 

ÉPOQUE  FRANQUE 

Après  la  dispni'ition  des  Romains,  mais  à  une  époque 
où  la  langue  latine  gardait  encore  son  empire,  les  nou- 
veaux colons  francs  s'établirent  à  leur  tour  dans  les 
lieux  privilégiés  par  la  nature  qui  gardaient  les  traces 
de  trois  civilisations  successives.  Les  villages  surgirent 
et  s'échelonnèrent  presque  sans  interruption  sur  la  voie 
romaine  partout  où  les  sources  et  un  abri  protecteur 
offraient  des  agréments  ou  des  avantages  appréciables. 
C'est  de  l'époque  mérovingienne  que  datent  les  villages 
d'Etivau,  Neuville,  Richebourg,  Pierre-Aiguë,  Ghamp- 
fleury,  Montaigu,  alignés  sur  un  espace  de  deux  kilo- 
mètres à  peine  à  la  base  de  Montaigu  ou  de  ses 
contreforts.  Clielé  et  Origné,  peu  éloignés  aussi  de  la 
voie  romaine,  sont  les  seuls  centres  entre  Jublains  et 
Rubricaire  qui  aient  gardé  dans  leur  nom  la  preuve 
d'une  origine  antérieure  à  l'époque  franque.  Ils  durent 
prendre  un  développement  nouveau  et  se  transformer 
dans  le  temps  où  se  multipliaient  les  lieux  habités,  et  où 
la  cultui-e  regagnait  du  terrain.  Parmi  les  nouveaux 
noms,  il  en  est  de  riants  comme  Etivuu,  Champlleury, 
qui  conviennent  merveilleusement  aux  sites  des  villages 
qu'ils  dépeignent,  en  face  d'une  plaine  plantureuse  ou  de 


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—  340  — 

landes  fleuries,  sur  des  coteaux  où  l'on  va  surprendre 
les  premières  apparitions  des  végétations  printanières. 
Richebourg  et  Villeneuvft  rappellent  la  formation  de  ces 
agglomérations  de.  villageois  qui  se  groupaient  sous  la 
protection  d'un  clief.  Pierre- Aigu i",  comme  un  peu  plus 
loin  Pierre- Fritte,  sont  des  souvenirs  des  monuments 
mégalitliiques  qui  surgissaient  du  sol  bien  plus  nombreux 
qu'aujourd'hui . 

Ces  villages,  nous  les  retrouverons  mo(]ifié8,  renou- 
velés à  d'autres  époques;  mais  dès  lors  parleur  nombre, 
leur  rapprocbement,  ils  attestent  oombieii,  aux  temps 
mérovingiens  et  carolingiens,  les  Francs  aimèrent  les 
champs  conquis  par  la  culture  sur  les  pentes  méridio- 
nales du  mont.  Cette  époque  est  peut-être  celle  où  la  vie 
fut  le  plus  active  et  la  population  le  plus  dense  dans  ce 
petit  espace. 

Les  paroisses  elles  aussi  se  constituaient.  Hambers, 
Sainte-Gemme,  Bais  et  Mézangers  entourèrent  le  mont  et 
s'en  partagèrent  les  terres  cultivables  et  les  lieux  habi- 
tés. Hambers,  qui  touche  à  la  base  septentrionale,  prit 
tout  ce  versant  et  dépassa  même  le  sommet,  prenant 
pour  limite,  au  delà  du  village  de  Montaigu,  le  ruisstau 
du  Rocher  et  le  chemin  de  Montaigu  à  Izé  :  Sainte- 
Gemme  eut  le  versant  plus  favorisé  du  sud  ;  Bais  eut  au 
N.-Ë.  ce  que  lui  attribuait  la  ligne  de  partage  des  eaux; 
Mézangers  s'élève  à  peine  sur  les  pentes  S.-O.  Les 
populations  qui  étaient  chrétiennes  eurent  dès  lors  leurs 
églises  et  leur  culte  paroissial. 

Les  Francs,  on  le  sait,  ne  construisirent  point  de 
routes  ;  ils  se  bornèrent  à  entretenir  insuflisamment 
celles  des  voies  romaines  qui  leur  étaient  les  plus  néces- 
saires. Mais  si  les  rois  et  les  grands  feudataires  se 
coniinèrent  dans  ce  rôle,  les  populations  ne  purent 
manquer  de  créer  des  communications  entre  leurs 
groupes  les  plus  rapprochés,  d'église  à  église,  de  village 
à  village,  et  de  tous  les  lieux  habités  aux  anciennes  et 
principales  artères  du  pays.  Ces  sentiers  se  frayèrent 


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^  341  — 

ainsi  tout  naturellement,  marquèrent  peu  à  peu  leur  sil- 
lon aur  le  soi  et  aont  devenus  avec  le  temps,  bous  l'ac- 
tion des  eaux  dans  ces  terrains  accidentés,  les  chemins 
creux  que  nous  voyons,  d'aspect  souvent  étrange, 
obscurs  comme  des  tunnels,  bordés  d'épais  buissons  et 
d'arbres  fantastiques,  noueux,  torturés,  qui  leur  font  une 
voûte  de  leurs  rameaux  et  dont  les  racines  sortent  du 
talus  des  haies  avec  des  contorsions  de  serpents. 

Deux  artères  principales  se  dégagent  de  ce  réseau 
compliqué  :  la  voie  romaine,  allant  du  S.-E.  au  N.-O. 
par  Etivau  et  Ricliebourg,  avant  de  prendre  franchement 
sa  direction  vers  Jublains  ;  puis  une  autre  vieille  route 
que  son  long  parcours  d'Évron  à  la  Chapelle-au-Riboul 
et  au-delà,  en  passant  par  le  liane  E.  de  Montaigu, 
désigne  comme  une  des  voies  les  plus  fréquentées.  Les 
titres  de  la  seigneurie  du  Tell  la  nomment  «  le  chemin 
du  Teil  au  tertre  de  Montaigu,  »  mais  sa  prolongation 
au  delà  de  ces  deux  points  est  évidente  et  la  vicinalîsa- 
tion  de  plusieurs  d<-  ses  tronçons  en  prouverait  nu 
besoin  l'importance.  Deux  autres  chemins,  l'un  de  Bais 
â  Chelé,  par  le  versant  nord,  l'autre  d'izé  à  Montaigu, 
par  le  flanc  sud  de  la  colline,  cebii  d'flambers  au  vil- 
lage de  Montaigu,  avec  prolongation  jusqu'à  la  voie 
romaine,  forment  le  réseau  secondaire  qui  se  ramilie  en 
sentiers  innombrables.  Ces  tracés,  avec  les  lieux  de 
noms  anciens  qu'ils  relient  aux  divers  étages  de  Mon- 
taigu, sont  les  vestiges  laissés  sur  son  sol  par  la  civili- 
sation franque  sous  les  deux  premières  dynasties. 


LA  FEODALITE,  LES  ERMITAGES 

Le  XI*  siècle  vit  naitre  deux  institutions.  La  première 
fut,  dans  Tordre  civil,  la  féodalité  héréditaire.  Tandis  que 
précédemment  les  comtes  et  autres  grands  feudataires 
ne  possédaient  leur  apanage  qu'à  titre  viager  et  pré- 
caire, ils  le  transmirent  désormais  par  héritage  à  leurs 


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—  342  — 

descendants  et  inféodèrent  eux-mêmes  diverses  parties 
de  leurs  domaines  et  de  leurs  fiefs  à  des  hommes  liges 
qui  les  tinrent  aussi  héréditairement,  à  charge  de  ser- 
vices militaires  et  de  devoirs  utiles  ou  honorifiques. 

C'est  alors  que  le  baron  de  Sillé,  qui  tenait  sa  baroanie 
du  comte  du  Maine,  détacha  de  son  domaine  la  terre  de 
Chelé  en  faveur  d'un  vassal  qui  en  prit  le  nom  et  lui  dut 
service  de  chevalier  quand  lui-même  accompagnait  le 
comte  du  Maine  à  la  guerre. 

tiambors  et  Montaigu  se  trouvèrent  compris  dans 
cette  inféodation  du  baron  de  SilIé  au  châtelain  de  Cbelé. 
Montaigu  fit  même  partie  du  domaine  seigneurial.  Le 
châtelain,  à  son  tour,  ne  manqua  pas  de  concéder  à  ses 
vassaux  des  inféodations  censives  et  roturières,  grâce 
auxquelles  de  nouveaux  villages  se  créèrent  et  les  vil- 
lages anciens  se  développèrent.  C'est  depuis  lors  qu'on 
vil  apparaître  dans  le  périmètre  de  .Montaigu,  de  la  base 
au  sommet,  les  fermes  et  villages  qui  portent  encore  le 
nom  du  premier  concessionnaire  :  la  Mercerie,  la  Nore- 
rie,  la  Bourdonnière,  lu  Velardière,  la  Chalopinière,  la 
Godmerrerie,  la  Hardièi'e,  la  Rousselière,  la  Crosneric, 
en  Sainte-Gemme  ;  —  la  ïessinière,  la  Romeyère,  la 
Tramardière,  la  Duchetière,  la  Miounièi-e,  la  Gaudinière, 
en  Hambers  ;  la  Beucherie,  la  Bellière,  la  Moisière,  la 
Morinière,  la  Gueffelière,  la  Caillardière,  en  Bais,  pour 
ne  citer  que  les  noms  les  plus  ex{)rcssifs.  Ces  nouveaux 
centres  de  culture  et  d'habitation  se  fondéi-ent  et  surtout 
se  développèrent  successivement.  A  mesure  que  les 
terres  défrichées  permirent  de  nourrir  un  plus  grand 
nombre  de  familles,  les  feux  se  multiplièrent  dans 
chaque  village.  Le  bois  et  des  mottes  de  terre  avec  quel- 
ques murs  en  pierres  sèches  formaient  d'ailleurs  toute 
l'architecture  de  ces  habitations.  Une  maison  en  pierre, 
flomus  lapidea,  était  à  cette  époque  une  rareté  même 
dans  les  grandes  agglomérations  et  chose  inconnue  dans 
les  villages  ruraux.  Aussi  n'en  reste-t-il  aucunes  traces. 
Ce  n'est  que  pour  les  églises  et  les  chilteaux  forts  qu'on 


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—  34.t  — 

employait  alors  la  pierre  et  le  ciment.  Ce  sont  aussi  les 
seuls  édiiices  qui  aient  laissé  des  vestiges. 

La  seconde  innovation  de  cette  époque  se  produisit 
dnns  la  société  religieuse,  par  ladilTusion  et  l'importance 
que  prit  alors  la  vie  érémitique  dans  le  M  aine  occidental , 
dont  toutes  les  forêts  se  peuplèrent  d'ermitages  à  ce 
point  que  les  auteurs  contemporains  les  nommèrent  la 
Thébaide  du  Maine. 

Les  désordres  les  plus  graves  avaient  pris  racine  dans 
la  chrétienté.  Les  églises  étaient  aux  mains  des  laïques; 
1ns  prêtres  bravaient  les  excommunications  et  les  décrets 
des  conciles  contre  les  simoniaques  et  lesconcubinaires. 
Mais  l'Kglise  a  toujours  la  lumière,  la  yrflce  et  la  force 
voulues  pour  rérornier  les  abus  qui  se  glissent  dans  son 
sein.  Des  apôtres  surgirent  qui  se  donnèrent  rendez-vous 
dans  notre  région.  Robert  d'Arbrissel  vint  de  Bretagne; 
Vital,  de  .Mortain  ;  Alleaume,  delà  Flandre;  Bernard  de 
Tiron,  d'.Vquitaine  ;  Haoul  de  la  FiKaie  seul  était  du 
Maine. 

Aux  accents  de  leur  parole  enflammée,  des  prêtres, 
des  fidèles  de  tout  lige  et  de  tout  sexe,  touchés  et  con-: 
vertis,  entreprirent,  en  se  sanctifiant  eux-mêmes,  <rédi- 
lier  et  de  ramener  a  la  vertu  et  à  la  dignité  chrétiennes 
les  populations  avilies,  et  à  cùté  des  églises  polluées 
ouvrirent  d'humbles  sanctuaires  où  le  culte  sans  éclat 
était  au  moins  jmr  de  simonie  et  do  sacrilège. 

11  y  eut  trois  centi-cs  du  nouvel  apostolat  :  la  forêt  de 
Craonavec  Itobcrt  d'Arbrissel;  Fontaiiie-déliard,  d'ori- 
gine antérieure  dans  la  forêt  de  Mayenne  ;  la  Cbarnie,  où 
se  fixa  saint  Alleaume.  Les  Coëvrona,  Rocbard,  Mon- 
taigu,  furent  dans  le  champ  d'action  des  disciples 
d' Alleaume  qui,  dans  une  autre  dii-ection,  s'étendait 
jusqu'à  Sablé.  Montaigu  eut  pour  les  ermites  l'attrait 
qu'il  avait  eu  pour  les  populations  rurales.  Ils  vinrent  au 
milieu  <rellcs  pour  les  instruire  et  les  réformer.  On  se 
tromperait  si  l'on  croyait  que  les  ermites  fuyaient  abso-  ■ 
lument  la  société  des  hommes.  Ils  allaient,  il  est  vrai, 


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—  344  — 

aux  populations  les  plus  délaissées,  mais  ne  leur  refu- 
saient pas  plus  leurs  instructions,  leurs  conseils,  que 
les  exemples  de  leur  sainteté. 

Par  des  textes  ou  par  des  monuments  contemporains, 
nous  savons  que  les  disciples  de  saint  Alleaume  vinrent 
s'installer  tout  autour  de  notre  montagne  mayennaise,  si 
même  ils  ne  prirent  pas  dès  lors  possession  de  son 
sommet.  Saint  Alleaume  avait  créé  deux  genres  d'éta- 
blissements :  les  uns  pour  les  hommes,  qui  se  disper- 
sèrent par  groupes  sur  tout  le  territoire  que  j'ai  indiqué 
tout  à  l'heure  ;  l'autre  pour  les  Femmes,  qu'il  installa  à 
Étival-en-Charnie  sous  une  abbesse.  Les  ermitages 
n'eurent  qu'un  temps,  parce  que  les  besoins  auxquels 
répondait  leur  institution  étaient  passagers,  et  que  bien- 
tôt les  abbayes  cisterciennes  qui  se  multiplièrent  rapi- 
dement dans  la  province  donnèrent  une  autre  direction 
aux  vocations  érémitiques.  Alors  les  élablissemenls 
qu'avaient  fondés  les  ermites,  disciples  de  saint  Alleaume, 
revinrentàson  abbaye  féminine  d'Etival.  C'est  ainsi  que 
nous  savons  par  une  bulle  de  Célestin  III  qu'en  1197, 
les  religieuses  d'ÉUval  jouissaient  de  la  chapelle  de 
Champlleuri  en  Saintc-Cîemme  et  de  l'ermitage,  devenu 
depuis  une  métairie.  Or,  par  une  chance  bien  extraordi- 
naire, cette  chapelle  de  Champlleuri  subsiste,  de  style 
roman,  conservant  jusqu'à  ses  fenêtres  en  plein  cintre 
du  M*  ou  du  xii'  siècle,  murées  maintenant,  mais  toujours 
apparentes,  en  dehors,  au  pourtour  du  chœur.  Malgré 
les  modilications  successives  et  la  reconstruction  de  la 
nef,  sa  division  par  un  plancher,  te  plan  primitif  est  tou- 
jours facile  à  reconnaître  :  c'était  une  nef  rectangulaire, 
avec  chœur  en  abside  légèrement  rétréci,  probablement 
voûté  à  l'origine,  entre  lesquels  un  cintre  roman  détruit 
jusqu'aux  pieds-droits  soutenait  un  pignon  pointu.  La 
cloche  installée  dans  une  petite  baie  à  la  pointe  du 
pignon  occidental  est  encore  là  pour  attester  que  l'ermi- 
■  tage  de  Champlleuri  resta  jusqu'au  xviii'  siècle  pro- 
priété de  l'abbaye  d'Étival.  On  y  lit  cette  inscription  : 


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CfltEun    DE     I.A    CHAI-ELLE     RIIMANK    DK    ClIKI.È. 


lé  phulog.  cl  Knivurc  de  M.  A.  P.inlhaull. 


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l'aX    171.8  lAY  ESTE  DONNEE  A.  CETTE  CHAPELLE  BE  S'  JEAS 

n  DE  CHAMPKLEVRV  PAIt  ILLVSTRE 

DAME    RENEE   CHARLOTTE   MACDELAINE    DE    PEZE, 

ARBESSE  DETIVAL,  ET   BENITE    PAR  MESSIRE  lEAN  DACAVLT, 

CURE  DE  s'*-GEM<iE-LE-ROBERT,  ET  IIOMMEE  CHARLOTTE 

PAR  MESSIRE  RE»E  DtORE,  PHESTRE, 

ET    PAR    DAMOISELLE    REN'EE    DAVID    DE    MAVBOAHD 

PIERRE    ASSELIN    MA    FAITTE. 

C'est  dans  cette  chapelle  que  les  disciples  de  saint 
Alleaume,  disséminés  dans  de  modestes  huttes  de  terre 
et  de  branchages,  se  réunissaient  pour  la  prière  com- 
mune et  que  les  villageois  venaient  s'édifier  de  leurs 
instructions  et  du  spectacle  de  leurs  vertus.  Les  ermites 
cherchaient  si  peu  l'isolement  qu'ils  s'étaient  établis  à 
ChampHeuri  presque  sur  le  trajet  de  la  voie  romaine,  et 
qu'un  autre  ermitage  situé  à  une  lieue  <Ie  là,  en  Jublains, 
s'en  éloigne  encore  moins. 

Nous  n'avons  ]ias  de  textes  pour  attribuer  aux  mêmes 
ermites  la  chapelle  romane  de  Chelé.  .Mais  étant  donné 
l'époque  que  lui  assigne  son  style,  aucune  autre  des- 
tination ne  ]ieut  lui  convenir.  Les  ermites  seuls  au 
XI*  siècle  créèrent,  a  distance  des  églises  paroissiales, 
des  cha|»elles  pour  les  populations  rurales.  J'en  dirai 
autant  de  la  chapelle  «lu  Teil  qui,  sur  un  autre  ]iaint, 
aussi  ra])prochée  de  la  hase  de  .Montaigu,  était  sur  un 
chemin  montant  au  sommet  du  tertre.  Les  vocables  de 
ces  trois  sanctuaires  sont  remarquables  et  de  ceux  qu'af- 
fectionnaient les  ermites  :  à  Champlleuri  et  au  Teil, 
saint  Jean  ;  à  Chelé,  saint  Marc. 

L'ERMITAGlî  DK  MONTAICU 

Le  premier  texte  écrit  qui  concerne  Montaigu  date  du 
xiu'  siècle.  Hugues  Peaudeloup,  du  consentement 
(l'Alicie,  sa  femme,  se  donna  à  l'abbaye  de  Champagne 
qui  possédait  le  patronage  de  l'église  d'ilambers  et  lui 


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—  346  — 

coQcéda  aussi  tes  Liens  censifs  i{uî  lui  appartenaient  à 
Montaigii.  Ceci  se  passait  sous  le  règne  de  saint  Louis, 
en  1239. 

Mais  un  autre  fuit,  ([ui  nous  est  révélé  par  un  docu- 
ment postérieur,  est  bien  autrement  important  et  tend  â 
prouver  que  les  disciples  de  saint  Alleaunie  avaient  peut- 
être  pris  eux-mêmes,  au  xii'  siècle,  possession  du  pla- 
teau de  Montaigu,  ou  que  du  moins  un  étnblissement  de 
mi^me  nature,  chapelle  et  ermitage,  n'avait  pas  tardé  à 
s'y  fonder,  et  qu'enfin  la  dévotion  populaire  avait  com- 
mencé dès  lors  à  Jittirer  les  pèlerins  sur  ces  hauteurs. 

Nous  lisons  en  olfet  dans  l'acle  de  fondation  ou  de 
rétablissement  de  l'ermitage  en  1402  par  Jean  de  Lan- 
divy  et  Marguerite  de  la  Macliéferrièn!  «  que,  de  long  et 
ancien  [temjis],  non  réj)uté  le  contraire,  il  [était]  dit  et' 
tenu  notoirement  et  pubiic([uement  es  parties  du  pays  du 
Maine,  et  par  espécial  es  parties  où  est  ung  tertre 
ap])olé  Montaigu,  que  sur  le  haut  dudit  tertre,  nvoit  eu 
éminenceet  apparence  de  chapelle  fondée  de  Monseigneur 
saint  Michel,  et  que  au  jour  de  la  Teste  dudit  saint 
Michel  et  autres,  moult  de  gens,  par  dévoliou  et  par 
forme  de  |)èlerinage,  sont  allés  et  vont  par  chacun  jour, 
et  ont  fait  et  font  jdusieurs  oblations  de  deniers  et 
aultres  en  l'honneur  dudit  saint  Michel  et  pour  le  bien  de 
leurs  âmes.  »  Mais  la  chapelle,  «joute  le  texte,  a  est  de 
présent  et  rlès  hmgtemps  ruyneuse  et  desmolie.  » 

Cette  chapelle,  dont  il  ne  restait  )dus  que  des  ruines, 
devait  être  fort  ancienne  en  etret,  et  la  dévotion  à  l'Ar- 
change qui  avait  survécu  à  son  sanctuaire  était  forte- 
ment enracinée.  liien  d'im|)ossihle  qu'elle  remontât  au 
temjis  de  nos  premiers  ermitages  dontles  églises,  moins 
exposées  aux  tempêtes,  restent  encore  debout.  Quoi 
qu'il  en  soit,  c'est  en  pleine  guerre  anglaise  qu'eut  lieu 
ta  restauration  du  sanctuaire,  que  le  nouvel  ermitage 
tut  construit  et  (jue  le  pèlerinage  s'organisa  dans  des 
ronditions  meilleures.  L'initiative  en  appartint  à  Jean 
Cochon,  alors  simple  clerc,  mais  que  nous  retrouverons 


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—  347  — 

prêtre  d'ici  peu.  Le  seigneur  et  ta  dame  de  Chelé  lui 
accordèrent  la  permission  de  bAtir  et  lui  en  fournirent 
les  moyens.  Marguerite  de  la  Macheferrière,  née  à  la 
terre  de  ce  nom  en  Astillé,  femme  en  1^02  de  Jean  de 
Landivy  et  en  1406  de  Guy  de  Laval,  dame  de  Mont- 
jean,  Chemeré,  Chelé,  etc.,  est  célèbre  par  ses  fonda- 
tions pieuses.  L'église  de  C.lermont  en  possède  un 
monument  remarquable  dans  l'édicule  urtistiquc  accolé 
à  l'un  des  piliers  et  dont  une  longue  inscription  explique 
te  motif  et  la  signification. 

L'acte  du  8  août  1402,  par  lequel  Jean  de  Landivy  et 
Marguerite  de  la  Macheferrière  rétablirent  le  culte  de 
saint  Michel  à  Montaigu  est  lui  aussi  un  précieux  témoi- 
gnage de  leur  piété  et  de  leur  libéralité. 

S'étant  enquis  de  «  la  prodhommie,  léalté  «t  Iwnne 
foy  »  de  Jean  Cochon,  «  clerc  désirant  estre  prestre,  » 
voulant  aussi  attirer  sur  eux  et  sur  «  leur  postérité 
directe  et  collatérale  »  In  protection  de  saint  Michel  et 
participer  au  divin  service  et  aux  bienfaits  <pii  se  feraient 
au  lieu  de  Montaigu,  les  époux  permirent  au  clerc  solli- 
riteur  de  prendre  sur  le  tertre  toute  la  place  qu'il  jugerait 
convenable  pour  édifier  «  chapelle...  maisons  et  habita- 
tions |>our  la  demeure  de  lui  et  autres  liabitans  »  atta- 
chés au  service  du  sanctuaire.  Ils  ajoutèrent  à  celte 
concession  un  espace  de  «  troys  cens  jtas  de  t<mtes  les 
parts  i'R  circuits  des  dils  chapelle  et  herbergenient,  » 
exemptant  ce  territoire  «  de  toute  juridiction,  justice, 
seigneurie,  de  toute  servitude  rurale  et  coulume;  renon- 
çant à  y  u  faire  au  temps  avenir  aucun  exploit  de  jus- 
lice  en  aucun  ras.  » 

Le  terrain  concédé  était  maigre  et  ingrat,  mais  son 
étendue  d'environ  '25  hectares  si  on  l'entend  de  la  cir- 
conférence d'mi  rayon  de  ;!00  pas  autour  de  la  chapelle 
et  de  l'erniiUige,  {lermettait  l'élevage  d'un  modeste 
bétail  et  assez  de  culture  pour  l'entretien  des  ermites, 
("ne  fontaine  se  trouvait  comprise  dans  ce  périmètre, 

La  «  dévotion  et  intention  »  des  fondateurs  était  que 


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—  348  — 

le  lieu  de  Montaîgu  fût  fondé  «  par  forme  de  pèle- 
rinage. »  Aussi  donnaient-ils  libéralement  au\  ermitt^s 
et  à  ceux'  que  la  piété  y  amènerait  «  voaya  et  chemins 
a  aller  et  venir,  n 

Ainsi  autorisé,  Jean  Cochon  se  mit  à  l'œuvre  sans 
souci  de  la  guerre  qui  sévissait.  La  pierre  fut  tirée  du 
roc  sur  lequel  on  bAtit  ;  les  excavations  de  la  carrière  se 
voient  encore  presque  à  la  base  des  murs,  mais  il  fallut 
amener  l'eau  et  la  chaux  à  grands  frais  et  fatigues.  Le 
travail  est  d'un  bon  ouvrier,  tant  pour  la  préparation 
du  plan  que  pour  l'emploi  des  matériaux.  Si  le  granit 
n'est  pas  taillé  avec  une  (inesse  que  sa  nature  ne  permet 
pas  d'obtenir,  il  l'est  pourtant  avec  goût,  en  belles 
assises  pour  les  murs,  en  blocs  choisis  pour  les  ouver- 
tures et  les  contreforts.  La  chapelle  a  subi  depuis  des 
réfections,  comme  la  porte  de  la  entière  sud  ;  des  n;lran- 
chements,  comme  le  pinacle  remplacé  à  la  pointe  du 
pignon  occidental  par  une  simple  baie,  mais  l'édiiice  n 
fait  preuve  d'iine  solidité  (|ui  atteste  sa  bonne  façon, 
depuis  cinq  cents  ans  qu'il  brave  les  |>luies,  h>R  vents  et  les 
orages. 

Jean  Cochon  ])laça  sou  ermitage  au  nord  de  la  clia- 
pelle,  au  lieu  de  l'abriter  du  cdté  du  midi,  peut-être  alîn 
d'être  plus  près  do  la  source.  La  maison  était  solide 
elle  aussi,  avec  un  bon  enclos  de  murs  pour  le  jardin. 
Il  y  a  soixante  ans  que  les  derniers  luHes  l'ont  quittée  ; 
elle  s'est  effondrée,  mais  on  eu  voit  encore  sous  les 
décombres  les  dimensions  et  la  distnbution.  L'ermitage 
et  la  chapelle  ajoutèrent  un  dernier  trait  à  la  physiono- 
mie «  du  tertre  de  Montaigu,  »  plus  propre  que  tout 
autre  à  lui  attirer  le  regard,  à  le  rendre  reconnaissable 
du  plus  loin  qu'on  le  peut  voir,  et  à  consacrer  son  carac- 
tère religieux. 

Jean  Cochon  avait  négligé  une  formalité,  et  cette 
omission  faillit  eom|iromettre  son  œuvre.  En  i-ègle  avec 
le  seigneur  temporel,  il  n'avait  pas  songé  à  se  pourvoir 
d'une  autorisation  ecclésiastique  nécessaire  avant  tout 


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—  349  — 

quand  il  R';igit  d'ouvrir  un  nouveau  sanctuaire.  Le  sien 
était  trop  en  vue  pour  |)asser  inaperçu.  L'official  fut 
avisé  et,  «  le  mardy  après  Invocavil  me  cccc  xxii  » 
i2!l  février  14231,  il  conilainna  mnitre  Jean,  (jualific  alors 
prêtre  d'Hambers.  à  une  amende  d'un  écu  pour  avoir 
édifié  dans  la  paroisse,  sans  permission  du  seigneur 
êvêque,  une  chapelle  dans  laquelle  il  avait  célébré  et  fait 
célébrer.  Ce  fut  d'ailleurs  toute  la  sanction,  suivie  d'une 
reconnaissance  ollicielle,  et  le  sanctuaire  continua  plus 
que  jamais  dans  la  Kuite  à  attirer  «  moult  de  gens  par 
dévotion  et  par  forme  de  pèlerinage.  »  Car  saint  Michel 
ninie  les  montagnes;  et  il  est  honoré  en  France  dans 
plus  de  cent  t-hapelles  placées  sur  des  hauteurs. 

Le  groupe  traditionnel  de  l'Archange  terrassant  le 
démon  était  habilement  sculpté  dans  un  tronc  d'arbre. 
«  L'artiste,  écrit  M.  Verger,  a  eu  la  bizarre  idée  de 
composer  le  personnage  (du  démon]  de  serpents  entre- 
lacés. »  Il  serait  plus  exact  de  dire  que  le  diable  avait 
des  gueules  béantes  à  toutes  les  articulations  et  une 
chevelure  de  serpents.  Ce  groupe,  réduit  en  miettes  par 
un  coup  de  tonnerre,  a  été  remplacé  depuis  une  tren- 
taine d'années  par  un  plâtre  tout  blanc  qui  ne  se  i-ecom- 
mande  que  par  sa  taille. 

Si  maintenant  nous  noua  éloignons  pour  un  instant  de 
la  chapelle  et  de  l'ermitage  pour  parcourir  sur  les  flancs 
de  la  colline  les  villages  que  nous  connaissons  déjà,  nous 
assisterons  pendant  la  période  qui  s'est  écoulée  depuis 
l'expulsion  des  Anglais  jusqu'à  la  fin  du  xvi*  siècle  à 
leur  renouvellement  et  à  une  transformation  complète. 
Des  habitations  antéiieures  il  ne  reste  rien  ;  de  cette 
époque  au  contraire,  datent  tes  meilleures  constructions. 
Le  chiVteau  de  Chelé,  bAti  par  un  habile  maître  d'œuvres 
au  service  d'un  riche  seigneur,  est  évidemment  une 
exception  ;  de  même  le  ch&teau  de  Viel,  plus  moderne 
d'un  siècle,  moins  luxueux,  mais  dont  la  grandeur  est 
attestée  par  les  ruines  qui  subsistent. 

Mais  les  maisons  des  simples  villageois  elles-mêmes 


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—  350  — 

se  ressentirent  alors  du  goAt  artistique  de  cette  époque. 
C'est  de  ce  temps  que  datent  aux  maisons  les  portes  en 
ogive  ou  plein  cintre,  à  linteaux  sculptés  d'accolades, 
d'écussons,  d'emblèmes,  les  fenêtres  à  meneaux,  les 
clicminées  monumentales  à  jambages,  corbeaux,  hottes 
ou  manteaux  de  granit,  ornés  de  moulures,  rinceaux, 
chanfreins,  écussons,  têtes  gi-imaçantes.  Tous  les  vil- 
lages en  possèdent  :  Montaigu,  outre  un  logis  k  porte 
ogivale,  étage,  double  pignon  et  façade  appareillée, 
montre  aux  plus  modestes  habitations  des  écussons 
frustes,  des  croix,  calices  et  autres  emblèmes  religieux 
aux  linteaux,  aux  cheminées  ;  Ghelé,  Étivau,  liicbe- 
bourg,  Villeneuve,  ont  des  constructions  analogues; 
la  Godmerne,  bissée  jusqu'aux  dernières  sources  de  la 
Jouanne,  offre  dans  la  maison  de  feiine,  où  l'on  monte 
par  un  large  perron,  un  bon  échantillon  de  sotido  et 
belle  bâtisse. 

Évidcumicnt,  ceux  qui  se  donnèrent  ces  babitations 
n'étaient  pas  de  simples  fermiers.  Ils  possédaient  la 
terre  où  ils  vivaient.  Ils  étaient  d'une  autre  condition, 
d'une  autre  situation  sociale  que  les  habitants  actuels. 
Tout  ce  qui  s'est  bAti  depuis  lors  n'a  plus  le  même 
aspect.  Les  maisons  plus  modernes  sontl'indice,  parleur 
absence  de  goût,  d'ornement  et  de  confort,  de  l'arrivée 
de  nouveaux  hdtes,  dont  la  situation  est  plus  précaire. 

Itevenons  à  nos  ermites  de  Montaigu.  Les  documents 
ne  nous  les  font  point  connaître  pur  leurs  noms  depuis 
Jean  Cochon,  et  depuis  le  xv*  siècle  jusqu'au  milieu  du 
XVII*  ;  mais  il  n'est  pas  douteux  que  l'ermitage  n'ait  été 
occupé,  avec  intermittences  sans  doute,  dans  ce  long 
espace  de  temps.  Je  trouve  un  legs  fait  à  l'église  de 
Montaigu  en  1444,  d'autres  en  1563,  en  1585,  d'autres 
encore  plus  récents  ou  de  date  inconnue,  mentionnés 
dans  un  inventaire  des  titi'es  <le  la  fabrique  d'Hambers. 

Incidemment  enfin,  en  1652,  nous  connaissons  le  nom 
d'un  frère  Antoine,  ermite  à  Montaigu,  parce  qu'il  fait, 
en  cas  de  danger,  le  baptême  d'un  enfant  né  à  Sainte- 


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■  351  . 


Gemme.  Pour  son  successeur,  frère  Henri  de  Cannct, 
nous  savons  toutes  les  formaliti^s  do  son  investiture. 
Le  20  janvier  1672,  le  duc  de  Roquelaure,  seigneur  du 
Rocher  et  de  ChelO,  lui  donna  des  lettres  de  pi-ovisions 
dont  le  frère  se  contenta  d'aliord.  Mais  comprenant  que 
sa  situation  avait  besoin  d'i^tre  régularisée  devant  la 
juridiction  ecclésiastique,  il  soumit  à  l'évéque  du  Mans, 
Louis  de  la  Vergue,  ia  lettre  du  duc  de  Roquelaure  qui 
uVtquivalait  qu'à  une  simple  présentation  de  hénélïcc,  et 
le  prélatlui  permit  de  prendre  possession  Ie9jnnvierl674, 
«  ù  condition  de  vivre  conformément  à  sa  profession, 
«  sous  la  direction  du  curé  de  la  Chapelle-au-Riboul,  et 
«  de  recourir  au  curé  d'Évron  pour  la  réception  des 
«  sacrements  »,  H  en  ri- François  de  Foix  de  Caudale, 
successeur  du  duc  de  Roquelaure,  informé  des  bonnes 
vie  et  mtï-urs  du  frère  Henri,  le  confirma  dans  la  jouis- 
sauce  de  l'ermitage.  Le  21  mars  1679,  le  représentant 
du  seigneur  du  Rocher  installait  un  nouvel  ermite, 
nommé  Antoine  Jourdain,  en  présence  du  curé  de  Mé- 
zangers,  Jean  Gresland  de  In  Martinière. 

La  carte  de  Jaillot,  en  1707,  indique  1'  «  hermitnge  de 
Saint-Michel  sur  ta  montagne  de  Montaigu  »,  ce  qui 
implique  nécessairement  qu'il  était  occupé,  quoi  que 
nous  ne  sachions  par  qui.  Dans  ses  visites  à  la  lin  du 
xviii*  siècle,  le  doyen  note  également  qu'il  y  a  «  un 
homme  pour  garder  la  chapelle  et  qui  a  permission  de 
quêter,  1778  ».  En  1781,  il  le  qualifie  «nachcrète.  On 
connaît  encore  Michel  Petit,  qui  ei1t  mieux  fait  de  rester 
ermite  que  de  recevoir  l'ordination  des  mains  de  Villar, 
l'évéque  constitutionnel,  pour  devenir  en  lin  de  compte 
secrétaire  de  mairie. 

La  Révolution  ne  fit  pas  oublier  l'antique  dévotion.  Le 
20  fructidor  an  XI  (7  septembre  1803;,  lt^  municipalité 
d'Humbers  demandait  la  permission  «  de  faire  célébrer, 
suivant  un  usage  immémorial  dans  les  églises  de  Chelé 
et  de  Montaigu,  a  certains  jours  de  l'année  et  dans  les 
nécessités  publiques.  Ifs  ont,  ajoutent-ils,  le  ^dus  grand 


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—  352  — 

désir  de  faire  rpvivre  ceX  ancien  usage  ».  Les  erniite» 
revinrent  aussi.  «  Il  n'y  a  pas  plus  de  dix  ans,  écrit 
M.  Verger  en  1835,  que  ce  lieu  solitaire  (de  Montaigu) 
était  habité  par  deux  hermites  qui  vivaient  des  dons 
den  habitants  ».  M.  Leblanc,  curé  d'Hambers  de  1820  à 
1836,  écrit  de  son  ciMé,  dans  sa  chronique  paroissiale, 
qu'un  «  grand  frère  se  fixa  à  l'hermitage,  et  n'y  resta 
pas  longtemps  ».  Il  se  vante  même  de  l'avoir  congédié, 
d'accord  avec  le  maire.  La  vie  érémîtique  n'est  plus 
dans  les  mœurs  actuelles. 

Depuis  lors,  la  chapelle,  propriété  des  châtelains  de 
Mézangers,  puis  de  M.  le  marquis  de  Chavagnac,  a  été 
eutœtenue  par  eux,  et  reste  ouverte  aux  pèlerins. 

De  temps  immémorial  et  même  avant  la  reconstruction 
de  la  chapelle,  en  1402,  il  y  avait  grande  allluence  de 
pèlerins  au  jour  de  la  Saint-Michel,  c'est-à-dire  qu'il  se 
tenait  une  assemblée  moitié  religieuse,  moitié  commer- 
ciale. Cette  institution  s'est  perpétuée  d'âge  en  Age  et 
avait  encore  une  vogue  due  en  partie  à  la  situation 
exceptionnelle  de  son  emplacement,  il  y  aune  vingtaine 
d'années,  quand,  par  une  détermination  regrettable, 
l'assemblée  a  été  transférée  au  village  de  Chelé. 


CONCLUSION 

Quel  est  l'état  présent  et  quel  sera  l'avenir  de  notre 
Montaigu  ?  Hélas,  sa  réputation  décline,  sa  prospérité 
décroît.  Les  vieux  chemins  s'y  rendaient  comme  à  un 
but  qui  tes  attirait.  Les  routes  actuelles  s'en  écartent. 
La  population  fourmillait  dans  des  villages  aux  feux 
multiples,  aux  maisons  quasi  bourgeoises.  Plusieura 
ont  déjà  disparu  ou  sont  totalement  inhabités.  Le  groupe 
le  mieux  situé  qui  s'était  formé  au  midi  sur  la  voie 
romaine,  se  dépeuple.  Toutes  les  belles  et  solides  mai- 
sons aux  fenêtres  à  meneaux,  aux  portes,  aux  cheminées 
en  granit  monumentales,  s'elTondrent,  à  Villeneuve,  à 


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—  353  — 

Etivau,  à  Richebourg  surtout,  monceau  de  ruines.  Saint- 
Cloud  en  petit  après  le  siège  de  Paris,  à  Montaigu,  où 
les  maisons  qui  annonçaient  l'aisance  ne  peuvent  plus 
étr'e  entretenues.  Quelques  constructions  nouvelles,  aussi 
disgracieuses  qu'économiques,  sont  loin  de  compenser 
les  pertes  subies  depuis  un  siècle. 

Il  était  donc  à  propos  de  retracer  en  quelques  pages 
te  rôle  et  la  signification  historiques  de  la  montagne 
mayennaise.  Cela  ne  retiendra  personne  sur  ses  flancs, 
mais  cela  peut  donner  un  thème  aux  réflexions,  un  sujet 
aux  rêves  de  ceux  qui  voient  de  loin  sa  silhouette. 
L'histoire  de  tout  un  pays  est  comme  ramassée  dans  la 
monographie  d'une  colline  qui  a  été  témoin  des  convul- 
sions géologiques,  des  premières  migrations  et  des 
premiers  établissements  de  l'homme  dans  nos  régions, 
de  la  conquête  des  Romains  et  de  leurs  œuvres  ;  qui  a 
été  l'objet  des  préférences  des  Francs  mérovingiens  et 
carolingiens,  des  ermites  qui  convertirent  leurs  descen- 
dants, des  populations  qui,  rassurées  après  l'expulsion 
des  Anglais  et  la  pacification  religieuse,  bâtirent  tant  de 
bonnes  maisons,  et  qui  est  restée  enlin  le  dernier  site 
habité  par  les  ermites. 

Jusqu'à  l'époque  historique, jusqu'au  xii*  siècle  proba- 
blement, la  crête  de  Montaigu  était  couverte  de  bois, 
comme  le  furent  certainement  les  Coëvrons,  comme  l'est 
encore  le  sommet  de  Crun.  Le  reboisement  serait-il  pos- 
sible? Je  n'en  sais  rien.  Serait-il  désirable  au  point  de 
vue  paysagiste  ?  Un  manteau  de  belle  verdure  est  géné- 
ralement une  parure  et  accuserait  encore  le  relief  de  la 
colline.  Dans  un  pays  de  plaines  le  massif  d'une  forât  de 
grands  chênes,  comme  celui  de  Bellebranche,  semble 
lui-même  une  croupe  montagneuse.  Mais  ce  vêtement 
ne  défigurerait-il  pas  Montaigu,  ne  masquerait-il  pas 
cette  correction,  cette  netteté  de  lignes  qui  font  son 
caractère  distinctif  ?  Les  bruyères  et  les  ajoncs  nains 
sont  peut-être  la  robe  qui  convient  la  mieux  à  ses  formes 
et  qui  les  déguise  moins.  Et  puis,  ta  chapelle  de  l'ar- 


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—  354  — 

change  saint  Michel,  que  deviendrait-elle  ensevelie  dans 
ces  végétations,  ces  frondaisons,  à  moins  qu'on  ne  la 
couronne  d'un  clocheton  qui  les  domine  ? 


Nouvelle  fondation  de  l'ermitage  de  Montaigu  en  ikOi 
{Chartrier  du  Rocher  de  Mézangers). 

A  tous  ceulx  qui  ces  présentes  lettres  verront,  nous  Jehan 
de  Landivy,  chevalier,  et  dame  Marguerite  de  la  Machefer- 
rière,  espoux  et  conjoins  par  mariage  ensemble,  seigneur  et 
dame  de  Mont  Jehan  et  de  Chiellé  au  pais  du  Maine,  salut 
en  Dieu.  Comme  il  soit  vray  que  de  long  et  ancien  [temps] 
non  reppulé  le  contraire  il  ait  été  et  soit  dit,  et  tenu  notoi- 
rement et  publiquement  es  parties  du  pais  du  Maine  et  par 
espécial  es  parties  où  est  ung  tertre  appelé  Montaigu,  situé 
et  assis  en  notre  dite  terre  de  Chiellé  et  subjet  de  nous  en  la 
baronnie  de  S illé -le- Guillaume,  que  sur  le  hault  du  dit 
tertre  avoit  eu  émînence  et  apparence  de  chapelle  fondée  de 
monseigneur  saint  Michel  et  que  au  jour  de  la  feste  de  saint 
Michel  et  aultres  moult  de  gens  par  dévotion  et  par  forme 
de  pèlerinage  sont  allés  et  vont  par  chacun  jour  et  ont  fait 
et  font  plusieurs  oblations  de  deniers  et  aultres  en  l'honneur 
du  dit  saint  Michel  et  pour  le  bien  de  leurs  âmes,  la  quelle 
chapelle  est  de  présent  et  de  longtemps  niyneuse  et  des- 
molie. 
Ainsi  comme  avons  eu  et  avons  sus  la  vérité. 
Savoir  faisons  que  nous  bien  certennés  des  choses  dessus 
dites  et  de  chacune  d'icelles,  bien  disposez,  délibérez  et 
advisez  en  celui  cas  et  aussi  pour  le  bien  et  salut  de  nos 
âmes,  de  notre  lignée  et  postérité  directe  et  collatérale  pré- 
sente et  avenir  et  pour  participer  au  divin  service  que  nous 
espérons  qu'il  soit  fait  au  temps  avenir  au  dit  lieu  de  Mon- 
taigu et  pour  estre  accompaignés  nous  et  nos  hers  et  suc- 
cesseurs es  hienfTaits  en  iceluy  lieu  à  tous  temps  mais,  nous 
conjoints  dessus  dits,  d'une  même  volonté  bien  dispausée  et 
ordonnée,  avons  donné  et  octroie  et  par  ces  présentes  don- 
nons et  octroyons  à  Jehan  Cochon,  clerc  désirant  estre 
prestre,  enquis  suftîsemment  de  la  prodhommie,  léalté  et 


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—  .%5  — 

bonne  foyqui  esteo  iceluy  meu  en  dévocion  de  édifier  sur  le 
dît  tertre  et  mettre  en  état  et  réparacion,  et  posé  que 
oncques  en  iceluy  lieu  n'eust  eu  aucune  chapelle  ne  émioence 
d'icelle  du  dit  saint,  nonobstant  ce  nous  donnons  et 
octroyons  au  dit  Jehan  confié  et  licence  et  faculté  de  ëdif- 
fier  la  dite  chapelle  sur  le  dit  tertre  et  pour  édîffîer  icelle  de 
prendre  de  la  place  sur  iceluy  tant  comme  bon  lui  semblera. 
Et  aussi  de  prendre  places  pour  édiffier  maisons  et  habita- 
cions  pour  la  demeure  de  lui  et  autres  habitans  servant  et 
faisant  le  divin  service  résidcnlement  comme  dit  est  à  touz 
temps  mais,  pour  la  sustentation  d'iceuz,  oultre  les  choses 
que  la  dite  chapelle  et  habitations  comprendront,  place  et 
terre  sur  le  dit  tertre  contenant  troys  cens  pas  de  toutes  les 
parts  es  circuit  des  dits  chapelle  et  herbergement  es  quelles 
choses  et  fins  et  mètes  d'icelles,  eulx,  leurs  hers  et  succes- 
seurs pourront  faire  et  faire  faire  toutes  choses  qui  leur 
seront  nécessaires  comme  de  leurs  propres  choses  tant  en 
fait  de  labour  que  auti-ement  en  icelles  choses  contigues  et 
adjacentes  des  dits  chapelle  et  herbergement  et  prochaines 
d'iceux  lieux  de  toutes  parla.  Lesquelles  choses  dessus  dites 
et  chacuns  d'icelles,  nous  dessus  dits  amortissons  et  exemp- 
tons de  toute  notre  juridiction  et  justice  et  seigneurie  et  de 
toute  servitude  rurale  et  coutume  qui  pour  cause  et  occasion 
de  notre  dite  terre  de  Chielé  nous  peut  et  doit  appartenir. 
Et  voulions  et  octroyons  que  iceux  et  leurs  successeurs  et 
chacun  d'iceulx  servant  résidemment  au  dit  service  en  demeu- 
reront tant  vers  nous  que  nos  hers  et  successeurs  seigneurs 
de  la  dite  terre  francs,  exemps  et  libres  et  les  choses  dessus 
dites  en  touz  termes  civils  et  autres  sans  que  nous  ne  noz 
hers  et  successeurs  y  puissions  faire  au  temps  avenir  aucun 
exploit  de  justice  en  aucun  cas  et  les  exemptons  par  ces  pré- 
sentes pour  le  temps  avenir. 

Hem  voulons  et  octroyons  que  le  dît  Jean  Cochon  et 
aultres  servans  au  dit  service  comme  dit  est  et  leurs  succes- 
seurs aient  voays  et  chemins  à  aller  et  venir  en  iceluî  lieu, 
pour  tous  leurs  successeurs  par  sur  la  dite  terre  et  pareil- 
lement ceux  qui  par  forme  de  pèlerinage  et  de  dévocion 
viendront  au  dit  lieu. 

Item  est  notre  dévocion  et  intencion  que  le  lieu  dessus  dit 
soil  fondé  et  soit  par  forme  de  pèlerinage  et  non  autrement 
et  à  ce  tenir  ferme  et  estable  promettons  de  bonne  foy  et 
obligeons  nous  [et]  nos  hers  et  promettons  à  jamais  ne  venir 
en  contre  au  temps  à  venir  et  afin  que  ces  présentes  vaillent 
et  demeurent  à  tous  temps  ferme  et  estable  nous  requérons 


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—  356  — 

à  le  garde  des  sceaux  des  contrats  de  la  court  du  Boui^- 
nonvel  qu'il  y  mette  et  appose  les  dits  seaux. 

Ce  fut  fait  el  donné  en  la  présence  de  nôtres  anié  et  féal 
amy  honorable  et  discret  homme  mestre  Jehan  DallJer, 
GmUaame  Lambert  notre  procureur,  Colin  Godart  notre 
receveur,  Gervaise  le  Potier,  GuiUaume  le  Masson  noire 
sergent,  Gervaise  Pelotte  et  plusieurs  autres,  le  huitième 
jour  du  rooys  d'août  l'an  de  grâce  mil  quatre  cens  et  deux. 
Signé  :  Chbrbl. 


La  chapelle  de  Montai^  en  ili23. 
(Arch.  de  la  Sarthe,  fonds  municipal,  835.) 

M.  CCCC.  XXII,  die  martis  post  Invocavit  me.  Dominus 
Johannes  Cochon,  presbyter  de  Hambertis,  eo  quod  edifica- 
vil  quamdam  capellam  in  dicta  parrochia  sioe  licencia 
Domini  et  in  ea  celebrare  procuravit,  gagiavit  emendam 
taxatam  ad  unum  scnlum. 


Au  Chartrier  du  Rocher  de  Mézangers  se  trouvent  les 
actes  concernant  les  présentations  et  installations  d'ermites 
au  XVII*  siècle,  mentionnées  ci-dessus. 

Aux  Archives  nationales,  Q*78,  mention  du  droit  d'amor- 
tiesement  au  1/5  pour  V  ■  emplacement  de  la  chapelle  Saint- 
Michel  de  Montaigu  en  la  Censive  du  roi,  à  l'estimation  de 
60*  >  ;  —  de  la  fondation  de  René  Le  Goué,  d'une  rente  de 
6*  dans  la  chapelle  en  1683  ;  —  et  de  1'  ■  hermitage  de  Mon- 
taigu, •  vers  1700. 

Jbid.,  P  405.  —  1672,  l'aveu  de  Chelé  à  la  baronnie  de 
Sillé  mentionne  «  la  maison,  court,  jardin,  aistrage  et  cha- 
pelle de  Saint-Michel  de  Montagu  contenant  2  journaux  et 
les  tertres  et  vallées  dudit  Montagu  contenant  30  journaux 
avec  le  droit  de  présentation  de  ladite  chapelle  et  ermitage 
de  Montagu.  ■ 

A  la  fabrique  d'Hambers,  —  Inventaire  sommaire  des 
titres,  xviii*  siècle  : 
17  pièces,  dont  une  en  parchemin,  testament,  titres  et  pro- 


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—  357  — 

cédures  au  soatien  de  la  fondation  de  René  Le  Goué^  sieur 
des  Prez,  de  6*  de  rente  et  legs  au  profit  de  la  chapelle  de 
Montaigu.  Les  représentante  dudit  Le  Goué  étaient  : 
N.  Blanchard,  à  la  Grande-Barre  en  Sainte- Gemme,  acqué- 
reur du  lieu  des  Prez  (Hambers),  et  N.  Lambert  de  U  Van- 
nerie, bou^eois  du  Mans. 

30  pièces  papier  et  difTérentes  petites  liasses  réunies  en 
une  seule  concernant  les  fondations,  legs  et  services  de  la 
chapelle  Saint-Michel  de  Montaigu,  notamment  celui  de 
Julienne  Chesnay,  veuve  Deslandes. 

Arch.  de  la  Mayenne,  L  30,  n"  322.  —  Lettre  de  l'admi- 
nistration centrale  du  département  au  ministre  de  la  police, 
24  floréal  an  Vil  [13  mai  1798),  relatant  qu'une  «  troupe  de 
scélérats  »  s'est  transportée  au  village  de  Montaigu  et  a 
fusillé  le  «  citoyen  Roger,  maréchal,  connu  par  ses  prin- 
cipes, ■  après  l'avoir  tiré  de  sa  maison  par  les  cheveux  et  en 
lai  criant  :  ■  Meurs,  patau,  pour  tes  crimes!  » 


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LETTRES 


MICHEL-RENE   MAUPETIT 

Député 

A  l'assemblée  nationale  constituante 

1789-1791. 

(Suite). 


LXXXVHI 

Du  8  mars  (1790),  à  minuit. 
Je  répare,  mon  ami,  mon  oubli  de  lundy  en  vous 
envoyant  comme  j'espère  pouvoir  le  faire  le  journal 
d'aujourd'hui  qui  renferme  le  décret  même  de  suppres- 
sion des  droits  de  halle,  hallage  et  autres;  ainsi  Mitlière 
n'aura  point  de  perception  à  faire  pour  ta  foire  de  la 
Passion.  Mais  je  crois  bien  que,  pour  l'intérieur  de  la 
Halle,  il  reste  autorisé,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  été  pris  des 
arrangemens  avec  la  municipalité,  à  en  percevoir  les 
droits  de  loyer  qu'on  ne  peut  envisager  que  sous  cette 
forme  et  qui  doivent  au  moins  tenir  lieu  du  produit  de 
cette  propriété.  Cependant,  comme  vous  avez  le  décret, 
vous  pouvez  en  examiner  l'esprit  et  voir,  avec  Messieurs 
les  ofliciers  municipaux,  ce  qu'ils  croiront  convenable  à 
cet  égard.  Il  sera  toujours  nécessaire  de  pourvoir  au 


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minage  des  grains,  au  moins  pour  suivre  l'apprécis  du 
marché,  y  faire  fournir  des  meeures. 

11  sera  présenté  demain  à  la  délibération  trois  articles, 
lus  ce  matin,  pour  l'indemnité  des  fermiers  preneurs  à 
rente  apanagiste  de  ces  droits.  Comme  peut-être  ils 
seront  imprimés  dans  le  journal  ou  séparément,  je  me 
dispense  de  les  transcrire  ;  cela  assurera  à  Millière  son 
indemnité,  au  moins  la  résiliation  de  son  bail. 

Il  n'y  aura  certainement  pas  de  banqueroute,  malgré 
la  gène  actuelle  que  fait  éprouver  ta  grande  émission  de 
papiers  de  la  Caisse.  Vous  avez  vu  les  tempéraments 
proposés  par  M.  Necker.  On  attend  au  premier  jour  le 
rapport  du  comité  des  lînances  qui  nous  rassurera  sur 
les  dettes  de  l'État.  Le  plus  pressant  est  de  rappeler  la 
confiance  et  avec  elle  l'argent  enfoui.  Ce  ne  sera  que 
par  des  efforts  de  la  Caisse  d'escompte,  pour  payer  à 
bureau  ouvert  d'abord  les  petits  billets  de  200  livres. 
Elle  est  déterminée  à  faire  tous  les  sacrifices  possibles, 
et  elle  pourra  être  secondée,  d'après  ce  que  nous  ont 
assuré  plusieurs  de  ses  actionnaires.  Mais  je  ne  suis 
pas  étonné  qu'on  répande  la  frayeur  de  la  banqueroute. 
Elle  ne  sera  jamais  prononcée  par  l'Assemblée  et  avant 
peu  on  pourra  présenter  des  biens  à  l'appui  des 
assignats. 

Vous  ne  pouvez  encore  rien  faire  pour  tes  assemblées 
d'élection  qu'il  n'y  ait  la  proclamation  du  roy  qui 
indique  le  jour  et  le  Heu  des  assemblées,  qu'il  n'y  ait 
des  commissaires  du  roy  pour  ouvrir  l'assemblée  de 
département.  Tout  cela  sera  indiqué  par  une  proclama- 
tion qui  n'est  suspendue  jusqu'Ici  que  par  le  retard  de 
différens  départemens  sur  l'indication  des  chefs-lieux  de 
cantons  et  des  paroisses  y  réunies.  La  proclamation 
contiendra  l'indication  du  chef-lieu  de  canton,  les 
paroisses  qui  doivent  s'y  réunir  pour  nommer  tes  élec- 
teurs qui  se  rendront  au  département.  Ce  travail  doit 
être  fini  cette  semaine  et,  aussitôt  qu'il  sera  achevé,  il 
sera  mis  à  l'impression,  avec  la  proclamation.  Notre 


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—  360  — 

département  se  nomme  département  de  le  Mayenne, 
celui  du  Mans,  le  département  de  la  Sarthe.  Je  joins  ici 
la  division  totale  à  laquelle  il  ne  manque  que  les  cantons. 
Si  j'en  ai  le  tems,  je  vous  joindrai  les  cantons  du  dis- 
trict de  Mayenne  et  les  chefs-lieux.  Ce  ne  sera  qu'une 
lixation  provisoire,  sauf  à  changer  la  composition  si  elle 
présentait  de  trop  fortes  difficultés. 

Vous  verrez  un  dea  plus  sages  décrets  rendu  mardy 
dernier  sur  les  colonies.  Il  a  été  presque  unanime  et,  si 
il  n'eut  pas  été  porté,  c'en  était  fait  de  nos  colonies  et 
des  villes  maritimes  qui  en  font  le  commerce.  Nous  nouB 
en  fussions  ressenti  à  Mayenne.  Mais  heureusement  voilà 
le  coup  que  l'Angleterre  voulait  nous  porter  prévenu  et 
l'argent  qu'elle  a  dépensé  pour  y  parvenir  perdu  '. 

Adieu,  l'heure  me  presse  toujours,  car  je  n'ai  pas 
ainsi  deux  heures  par  jour. 

Du  mercredy  matin,  9  mars. 
J'ai  cru  devoir  joindre  ici  ma  lettre  pour  Messieurs  les 
officiers  municipaux  relative  aux  suppressions  des 
droits.  J'y  parte  de  la  halle  aux  toiles  dont  l'établisse- 
ment ne  peut  être  assimilé  aux  autres  halles.  Je  vous 
serai  obligé  de  faire  ce  qui  dépendra  de  vous  pour  que 
cet  objet  n'éprouve  pas  de  difficultés  ;  je  crois  que  tous 
les  négociants  sentiront  que  cet  établissement,  qu'ils  ont 
sollicité,  ne  ressemble  en  rien  aux  autres  droits  anciens 
établis  par  des  coutumes  féodales.  D'ailleurs  le  seigneur 
ne  peut  y  perdre  d'aucune  manière  puisque  sa  propriété, 
telle  qu'elle  est,  occupe  un  capital  supérieur  à  l'intérêt 
qu'il  en  retire. 

LXXXIX 

Paria,  15  mars. 
Voilà  enfin,  mon  ami,  le  décret  de  la  suppression 
totale  de  la  gabelle.  Reste  le  remplacement,  dont  on  va 

1.  Décret  dielaraut  qu«  le«  coIODioi  font  partie  de  l'empire  traD{ai(' 


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—  361  — 

s'occnper  ce  matin.  Nous  sommes  bien  décidés  à  faire 
du  bruit  si  on  veut  encore,  comme  on  l'a  fait  res  deux 
derniers  jours,  comme  on  l'avait  fait  au  mois  de  sep- 
tembre, à  Versailles,  faire  payer  en  entier  aux  pays  de 
grande  gabelle  le  remplacement  total  des  soixante -trois 
millions  de  net  qu'il  produisait.  Déjà  nous  avons  obtenu 
la  réduction  du  remplacement  à  trente  millions,  à  raison 
de  six  s.  la  livre  au  lieu  de  14  s.  Nous  allons  faire  valoir 
le  premier  décret  et  nous  espérons  bien,  si  nous  n'obte- 
nons pas  la  réduction  aux  trente  millions,  au  moins,  ne 
pas  payer  au  delà  des  quarante  proposés  par  le  comité. 
Je  vous  quitte  pour  aller  conférer  de  cet  objet  entre  plu- 
sieurs députés  de  pays  de  grande  gabelle.  A  mercredy, 
vous  verrez  si  nous  avons  pu  réussir  '.  Adieu. 

XC 

Paris,  24  mars  1790  *. 

Ci-joint  mon  ami  les  derniers  journaux. 

J'allai  hier  au  comité  des  finances.  On  me  demanda  le 
montant  de  la  contribution  patriotique  de  Mayenne  dont 
le  ministre  avait  besoin  pour  ses  opérations.  Je  donnai 
la  note  de  quatre-vingt-dix-sept  mille  et  des  livres  que 
vous  m'aviez  annoncée.  Vous  ferez  grand  plaisir  de 
marquer  le  montant  détînitif,  ou  à  M.  Necker,  ou  au 
comité  des  fmances. 

Il  a  été  lu  hier  au  soir  à  l'Assemblée  un  arrêté  de  la 
paroisse  de  Saint-Mars-sur-Colmont  qui  porte  que  le 
quartier  de  la  taille  sera  avancé,  quoique  les  rôles  ne 
soient  pas  terminés.  Cet  arrêté  a  été  fort  applaudi  et 
l'Assemblée  en  a  ordonné  l'impression. 

Aujourd'hui  nous  allons  entamer  l'ordre  judiciaire. 
Probablement  on  ne  discutera  que  des  questions  préli- 
minaires. Voilà  le  moment  intéressant  pour  notre  ville. 

I.  Décret  du  !1  mars  sur'la  sappresslon  de  la  gabelle  et  son  rempla- 
cement. 
8.  Il  doit  manqner  ici  deai  lettres. 


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—  362  — 

Je  ferai  tônt  ce  qui  sera  en  mon  pouvoir  pour  qu'on 

n'arrête  pas  qu'il  y  aura  nécessairement  une  justice  par 
district.  Comme  c'est  l'intérêt  le  plus  général  des  grandes 
villes  et  de  celles  d'un  ordre  inférieur,  sur  nombre  de 
lieux  moins  importaos,  où  la  nécessité  d'une  administra- 
tion à  proximité  a  forcé  de  mettre  des  districts,  j'espère 
que  l'Assemblée  ne  décrétera  pas  comme  base  nécessaire 
autant  de  justices  que  de  districts.  Alors  cette  fois  nous 
avons  la  certitude  de  la  majorité  des  vœux  des  députés  de 
notre  département,  mais  je  crois  que  sur  cet  article  il  est 
intéressant  de  ne  rien  dire  pour  ne  pas  réveiller  les 
anciennes  importunïtés  qu'ont  occasionnées  les  divisions 
en  districts.  Nous  ne  manquerons  pas  encore  de  voir 
arriver  nombre  de  députés  extraordinaires  et  accueillir 
les  prétentions  les  moins  fondées  par  quelques  députés, 
comme  cela  est  arrivé  lors  de  la  division  des  départemeos. 
Notre  carte  de  département  et  le  procès-verbal  de 
division  est  parti  et  adressé  aux  commissaires  du  roy 
nommés  pour  ouvrir  les  assemblées.  Je  ne  crois  pas 
que  M.  de  Cliateloger  accepte,  cela  le  forcerait  de 
retourner  aussitôt  à  Mayenne  et  il  a  quelques  airaires  à 
terminer  ici.  Je  ne  sçais  qui  le  Conseil  prendra  pour  le 
remplacer.  Il  résulte  toujours  qu'avant  peu  les  élections 
doivent  se  faire.  Cependant  il  serait  â  désirer  que  les 
bases  de  l'ordre  judiciaire  fussent  lixes  pour  que  les 
élections  puissent  s'étendre  sur  cette  partie  et  ne  pas 
obliger  les  électeurs  a  un  double  voyage,  mais  ces  bases 
seront  d'une  discussion  longue  et  il  devient  plus  pres- 
sant que  jamais  d'organiser  tes  assemblées  administra- 
tives pour  accélérer  les  répartitions  de  1790, 

XCI 


Je  vous  serai  obligé  de  faire   venir  le   fermier  des 

Halles,  de  lui  demander  un  état  signé  de  lui  de  ce  qu'il 

1.  Lacune  du  24  mars  au  3  avril.  Il  insDiiue  ici  au  moios  troii  lellrei. 


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—  363  — 

loue  les  boutiques,  les  étauz,  les  bans  et  les  places  de  la 
halle,  de  lui  recommander  de  donner  des  quittances  à 
tous  ceux  qui  afferment  sous  les  balles,  afin  de  constater 
le  produit  restant  de  sa  Terme  et  de  pouvoir  régler  l'in- 
demnité ou  la  réduction  à  faire  sur  cet  objet  vis-à-vis  des 
fermiers  généraux  du  duché.  Il  a  fait  assigner  M.  de 
Ligonière  pour  voir  ordonner  la  résiliation  de  son  bail. 
M.  de  Ligonière  ne  peut  rien  opposer  à  cette  résiliation, 
mais,  si  il  est  déchargé  vis-à-vis  du  fermier  général  du 
prix  du  bail,  il  ne  peut  s'attribuer  les  produits  de  l'inté- 
rieur, ou  si,  jusqu'à  ce  qu'il  quitte,  il  reçoit,  il  est  juste 
qu'il  en  tienne  compte.  Si  il  se  refusait  à  recevoir,  alors 
cela  nous  embarrasserait,  à  moins  que  vous  ne  puissiez 
engager ,  ou  Mlle  Ménage ,  ou  quelqu'un  de  sâr, 
pour  recevoir  le  loyer  de  l'intérieur,  prendre  des  arran- 
gemens  pour  ne  pas  tout  perdre.  Je  me  réunirois  avec 
l'hdtel-de-ville  pour  cet  objet,  si  j'étois  sur  les  lieux. 
J'espère,  mon  ami,  que  vous  voudrez  bien  donner  vos 
soins  sur  cet  objet.  S'il  est  juste  que  le  public  soit  déli- 
vré de  tous  les  droits  qui  n'avoient  aucun  motif  fondé,  il 
est  juste  aussi  que  ceux  qu'on  ne  peut  regarder  que 
comme  Injuste  indemnité  d'un  local,  d'un  abri,  qu'on  ne 
peut  comparer  qu'à  un  loyer,  soient  maintenus  et  con- 
servés. Ils  ne  grèvent  personne.  Ils  ne  sont  pas  arbi- 
traires et  cette  conservation  a  toute  la  légitimité  qui  doit 
faire  le  seul  titre  intéressant  à  soutenir  aujourd'hui.  Je 
vous  serai  donc  obligé  de  voir  ce  qu'il  y  a  de  mieux  à 
faire  sur  cet  objet. 

Les  fermiers  des  fours  banaux  demandent  égale- 
ment la  résiliation  de  leurs  baux  :  on  ne  peut  la  leur 
refuser,  si  en  effet  le  public  mécontent  discontinue 
d'aller  aux  fours,  si  ils  ne  peuvent  tirer  parti  d'un 
établissement  qui  avait  bien  pour  le  public  quelqu'avan- 
tage.  Je  ne  puis  dire  en  quel  état  en  sont  les  choses, 
puisque  j'ignore  si  en  effet  les  fours  sont  moins  fré- 
quentés et  quelle  perte  peuvent  éprouver  les  fermiers. 
Est-elle  réelle  ou  n'ont-ils  formé  leur  demande  en  rési- 


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—  364  — 

Itation  que  pour  obtenir  des  réductions  sur  leurs  baux  ? 
Je  vous  serois  obligé  de  me  marquer  ce  que  vous  savez 
par  vous-même  à  cet  égard.  Si  en  effet  le  public  cesse 
d'y  aller,  si  il  n'y  a  pas  une  concurrence  suffisante  pour 
qu'ils  soutiennent  les  fours,  il  est  juste  de  reprendre 
leurs  baux.  Mais  le  public  ne  sera-t-il  pas  aussi  trop 
gêné  de  la  privation  de  ces  établissements  ?Voilâ  ce  qu'il 
est  essentiel  de  balancer  avant  de  prendre  un  parti.  Vous 
savez  que  sur  ces  fours  le  seigneur  a  donné  425  livres  de 
rente  pour  le  collège.  Ce  seroit  encore  une  perte  que 
suivrait  la  destruction  de  cet  établissement.  Je  livre, 
mon  ami,  toutes  ces  considérations  à  votre  sagesse.  Je 
sais  que  c'est  vous  surcharger  d'embarras,  lorsque  vous 
en  avez  déjà  de  nombreux.  Si  vous  ne  pouviez  y  suffire, 
malgré  ma  répugnance  à  quitter  notre  ouvrage,  il  fau- 
drait bien  que  j'aille  vous  seconder,  mais  je  ne  le  ferois 
qu'autant  que  vous  ne  verriez  nul  moyen  de  pouvoir 
débrouiller  tous  les  intérêts  divers  au  milieu  des  autres 
occupations  qui  vous  appellent  ailleurs. 

Si  nous  étions  à  recommencer  sur  la  contiibution 
patriotique,  je  crois  bien  qu'on  ne  reprendrait  pas  cette 
voye  qui  ne  retombera  que  sur  les  bons  citoyens.  Mais  il 
serait  dangereux  aujourd'hui  d'y  renoncer,  de  renoncer 
à  on  impôt  forcé,  avant  d'avoir  toute  l'assurance  sur  le 
montant.  On  rassemble  la  masse  de  la  contribution. 
Lorsqu'on  aura  le  total  des  soumissions,  il  sera  soumis 
à  l'Assemblée.  Jusque-là  il  ne  sera  pas  possible  de  chan- 
ger de  plan.  Mais  si  le  montant  ne  remplit  pas  les 
besoins,  ou  elle  sera  forcée,  ou  on  recourera  à  une  impo- 
sition extraordinaire,  sur  laquelle  on  tiendra  compte  de 
ce  qui  aura  été  payé.  Il  faut  donc  attendre  encore  l'effet 
des  derniers  déciets,  avoir  tout  épuisé  avant  de  recourir 
à  d'autres  moyens  et  je  crois  bien  qu'un  des  plus  sdrs 
sera  celui  que  vous  proposez.  La  question  sur  les  assi- 
gnats et  leur  substitution  est  renvoyée  à  la  semaine  pro- 
chaine, d'après  un  nouveau  délai  demandé  par  le  comité 
et  de  nouvelles  conférences  qu'il  doit  avoir  avec  M.  Necker 
et  les  principaux  connaisseurs  en  finances. 


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—  365  — 

Mais  je  vois  que  le  retour  de  la  circulation  et  de  ta 
confiance  tient  aux  établîssemens  publics  qui  restent  à 
finir.  Si,  comme  je  l'espère,  l'élection  des  administra- 
teurs se  fait  tranquillement,  si  le  choix  est  sage  et  bien 
fait,  ce  sera  une  nouvelle  attente  trompée.  Restera  l'ordre 
judiciaire,  objet  te  plus  important  et  le  plus  essentiel  et 
sur  les  difficultés  duquel  on  repose  les  dernières  espé- 
rances. On  sçait  que  c'est  le  point  le  plus  difficile  à 
organiser.  Que  si  on  adopte  le  plan  de  M.  Dupont,  on 
jette  dans  le  désespoiruneclassenombreuse  de  citoyens. 
Voilà  doDC  le  dernier  écueil  qui  nous  reste  à  franchir.  Si 
nous  sommes  assez  heureux  pour  l'éviter,  alors  l'opéra- 
tion devient  inébranlable  et  tout  reprendra  son  cours.  Je 
ne  puis  rien  prévoirsurlepartiqu'adopteral'Assemblée. 
Il  y  aura  plusieurs  plans  à  paraître.  La  publication  de 
celui  de  M.  Dupont  a  au  moins  l'avantage  d'avoir 
ramené  les  parties  intéressées  au  plan  du  comité  qui  pré- 
sente au  moins  des  ressources,  lorsque  celui  des  jurés 
enlèverait  toute  occupation  dans  ce  genre.  Attendons 
encore.  Nous  avons  été  forcés  de  prendre  l'article  de  la 
Compagnie  des  Indes  ces  trois  jours  d'après  la  demande 
réitérée  du  commerce,  pour  profiter,  s'il  est  déclaré 
libre,  de  quelques  jours  qui  peuvent  encore  permettre 
des  armemens  pour  l'Inde. 

Avant  de  vous  répondre  positivement  sur  les  Grands 
Moulins  je  désire  en  conférer  avec  le  comité  ecclésias- 
tique, mais  je  vous  crois  suffisamment  authorisé,  pour 
prévenir  le  fermier  de  ne  pas  payer  sa  ferme,  pour 
demander  au  prieur  <  s'il  compte  faire  réparer.  Lundyje 
verrai  le  comité  que  nos  assemblées  du  soir  de  ces  trois 
jours  ont  empêché  de  se  rassembler. 

A  propos  de  Fontaine-Daniel,  j'ai  oublié  depuis  quinze 
jours  de  m'acquitter  d'une  commission  de  M.  Adam,  que 
vous  vous  rappelez  sûrement  et  qui  est  toujours  à 
l'Abbaye-aux-Bois,  en  qualité  de  directeur  des  religieu- 

1.  D«  l'abbaye  d«  FoaUine-Danlsl. 


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—  366  — 

ses.  M.  Adam  est  profès  ou  aflilié  de  la  maison  de 
Fontaine-Daniel.  Les  maisons  qui  comptent  se  dissoudre 
ont  paru  croire  que  les  décrets  de  l'Assemblée  toléreront 
te  prélèvement  sur  le  mobilier,  d'un  lit,  de  linge,  de 
couvert  d'argent,  d'autres  ustensiles  nécessaires  pour 
aller  se  mettre  en  ménage  et  en  effet,  cette  question  mise 
en  discussion,  te  silence  de  l'Assemblée  a  pu  faire  croire  à 
cette  tolérance,  qui,  à  bon  compte  à  Fontaioe-Daniel  est 
regardée  comme  certaine,  et  on  a  pensé  à  un  partage, 
M.  Adam,  qui  n'a  rien  à  réclamer  à  l'abbaye  où  il  est,  a 
cru  devoir  réclamer  sa  part  à  son  abbaye  de  profession, 
mais  il  en  a  reçu  un  refus  nettement  prononcé  de  la  part 
de  ses  anciens  confrères.  Ce  partage  toutefois  ne  pourra 
se  faire  que  devant  la  municipalité  et  probablement 
devant  une  municipalité  de  la  ville  la  plus  voisine. 
M.  Adam  vous  prie  donc  de  songer  à  lui  et  de  lui  con- 
server ses  droits.  Son  dessein  d'ailleurs,  qu'il  ne  m'a  dit 
que  d'après  lui  avoir  assuré  que  je  croyois  sa  réclama- 
tion juste,  est  de  donner  les  gros  meubles,  tels  que  le  lit, 
à  l'Hôpital  général,  de  se  réserver  seulement  le  linge  et 
un  couvert  d'argent.  Voyez  ce  qu'il  vous  sera  possible 
de  faire  à  ce  sujet. 

Adieu  pour  aujourd'hui,  je  vais  â  la  poste. 

XCII 

S.  d.  (Vers  le  5  avril  1790). 
Voici,  mon  ami,  le  décret  qui  rend  la  liberté  du  com- 
merce de  l'Inde.  Ce  décret,  comme  bien  d'autres,  est 
loué  des  uns,  blftmé  des  autres,  mais  le  plus  grand  nom- 
bre est  du  premier  ^  Adieu.  Je  n'ai  rien  de  nouveau  et  je 
suis  pressé  par  l'heure.  Nous  allons  reprendre  ce  matin 
l'ordre  judiciaire,  à  moins  que  le  comité  des  finances  ne 
soit  prêt  sur  les  assignats.  Alors  la  préférence  lui  est  due 
et  promise  dès  qu'il  voudra  parler  de  cet  objet.  Vale. 

1. 1"  et  3  STril. 


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—  367  — 

J'adresse  à  M.  de  Souigé  l'opinion  de  M.  Chabroul, 
très  piquante,  sur  l'ordre  judiciaire;  il  vous  la  communi- 
quera, au  moyen  que  vous  voudrez  bien  lui  Taire  lire  le 
plan  de  M.  Duport.  Nous  attendons  d'autres  plans  qui 
doivent  nous  être  successivement  présentés. 

XCIII 

Paris,  6  avril  1790. 
Quoique  dans  le  fait,  mon  ami,  les  receveurs  géné- 
raux des  finances  aient  leur  traité  fait  pour  payer  par 
mois  au  trésor  royal,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'en 
avançantle  terme  des  payements,  ils  seront  obligés  d'en 
bonifier  le  trésor  et  dans  le  compte  de  M.  Necker  porté 
par  le  dernier  mémoire,  vous  voyez  qu'il  calcule  pour 
12  millions  environ  la  rentrée  plus  prochaine  des  fonds, 
au  moyen  qu'il  indiquait  de  décréter  un  terme  moins 
long  pour  la  perception.  Voilà  pourquoi  je  vous  deman- 
dais une  ampliatîon  de  la  quittance  à  remettre  au  comité 
qui,  muni  de  ces  différentes  pièces,  eût  pu  forcer  les 
receveurs  généraux  à  accélérer  d'autant  et  faire  tomber 
leurs  excuses  continuelles  qu'ils  ne  toucheraient  rien 
maintenant  aviHit  la  récolte.  Si  il  n'y  a  de  crainte  à  arrê- 
ter que  celle  d'une  contre-révolution,  je  la  regarde 
impossible.  11  a  pu  se  faire  qu'un  projet  conçu  par  M.  de 
Maillebois  ait  percé,  ait  présenté  quelqu'espoir  à  ceux 
qui  en  pouvaient  être  instruits.  Mais  ce  projet  a  été 
découvert.  M.  de  Maillebois  a  pris  la  fuite  et  s'est  retiré 
à  son  gouvernement  de  Bréda  '.  La  ville  a  en  ce  moment 
l'original  du  projet.  Ce  qui  doit  rassurer,  c'est  le  retour 
à  Paris  de  M.  le  Prince  de  Conty,  sa  comparution  à  son 
district,  l'assurance  qu'il  a  donnée  que,  si  on  avait  le 
moindre    soupçon    sur  sa  conduite,  il  se  soumettait  à 

1.  De  Maillebois  lYveg-Marle  Desmareti,  comte),  UeulenaDt  gânirsl, 
déDoncé  par  son  «ecrétalre  comme  auteur  d'ao  plan  de  contre- râvolu- 
tloD,  combiné  avec  la  coar  de  Tarin  et  dont  H.  de  Bonne- Sa  verdi  d  dtait 
l'afl^nt.  II  H'enfuit  alors  en  Hollande,  où  11  mourut  en  1192.  11  avait  éli 
décrété  d'accusation  ie  SI  aofit  1791. 


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—  368  — 

donner  leB  renseignements  les  plus  précis  sur  toutes  ses 
démarches  ^  Beaucoup  de  seigneurs  reviennent  journel- 
lement, je  ne  puis  donc  croire  à  aucune  contre-révolution, 
pas  plus  qu'à  la  banqueroute.  Les  comités  des  finances 
avancent  leurs  travaux  et  sous  peu  seront  eu  état  de  les 
donner.  Cette  semaine,  jeudy  ou  vendredy  au  plus  tard, 
on  communiquera  le  plan  qu'on  assure  d'accord  avec 
les  députés  du  commerce,  les  négociants  les  plus  distin- 
gués, les  linanciers  les  plus  connus,  enfin  avecM.Necker, 
pour  substituer  des  assignats  portant  intérêt  aux  billets 
de  la  caisse.  Ces  assignats  seront  en  papier  monnoye 
qui  aura  l'attrait  d'être  préféré  à  l'argent  à  cause  de 
l'intérêt.  Les  Hollandais,  créanciers  sur  nos  fonds 
publics,  s'en  contentent  pour  payement  et  les  rentiers  de 
Paris  soupirent  après  son  émission  qui  sera  assez  forte 
pour  payer  les  170  millions  de  la  caisse  et  les  arrérages 
des  rentes  de  l'Hôtel-de-Ville.  Ce  papier  pourra  faciliter 
aux  provinces  la  négociation  sans  perte  de  leur  papier 
et  le  moyen  de  prendre  dans  les  caisses  publiques  les 
fonds  nécessaires  à  leur  commerce. 

Le  comité  des  pensions  avance  son  travail  pour  la 
rédaction  de  cet  objet  important.  Les  dépenses  de  la 
guerre  vont  être  déterminées,  ainsi  que  celles  de  la 
marine.  Ainsi  avant  peu  on  sera  en  état  de  fixer  les 
dépenses  et,  d'après  les  impositions,  rien  d'étonnant 
qu'on  n'ait  rien  vu  sur  ces  objets,  mais  le  travail  parti- 
culier n'avance  pas  moins  et  tout  paraîtra  à  la  fois,  mais 
il  faudra  le  temps  pour  discuter  et  agréer  les  différents 
projets  des  comités. 

Nous  serons  demain  à  la  cinquième  séance  de  discus- 
sion sur  l'ordre  judiciaire  et  la  question  de  savoir  ai  on 
discutera  comme  article  constitutionnel  les  jurés,  tant 
en  matière  criminelle  qu'en  matière  civile.  Tous  sentent 

1.  Louis- François-Joseph  de  Bourbon,  prince  de  Contl,  entnf  de  Paris 
dès  le  12  JuUlet  1789,  énilgra  en  Belgique  quelques  Joun  après.  Rentré 
au  mois  d'arrll  1790,  Il  prêta  dès  sod  retour  le  senneut  civique  et  le 
KDOurela  en  février  1791.  Emprisonné  à  Marseille  en  1793,  puis  déporté 
m  truelldor  an  V,  11  mourut  i  Barcelone,  en  1814. 


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la  nécessité  de  tes  décréter  en  matière  criminelle  ;  mais, 
en  matière  civile,  notre  législation  est-elle  compatible 
avec  cette  institution?  Est-il  politique  de  faire  ce  change- 
ment si  brusque  dans  ce  moment?  Les  dilTérents  partis 
se  rapprochent  encore  sur  ce  point  qu'il  faudrait  atten- 
dre l'époque  où  la  léj^islation  sera  réformée,  où  les  eon- 
Udissances,  l'esprit  public,  auront  gagné  davantage. 
Ainsi,  en  supposant  qu'on  décrète  les  jurés,  leur  établis- 
sement n'aura  pas  lieu  sur  le  champ,  il  y  aura  des 
tinbunaux  pour  juger  d'après  les  lois  existantes.  Ces 
tribunaux,  suivant  M.  Tbouret,  doivent  être  institués  de 
manière  à  recevoir  par  la  suite  les  jurés.  J'espère  que 
demain  on  décrétera  le  principe, 'mais  qu'en  même  temps 
on  différera  l'exécution  des  lois.  II  y  aura  moins  à  crain- 
dre pour  l'état  du  barreau.  11  restera  toujours  pendant 
quelques  années  des  alTaires  à  instruire  et,  même  avec 
des  jurés,  y  en  aura-t-il  moins  ?  J'en  doute.  Mais  ce  qui 
me  contrarie  le  plus,  c'est  que  les  différents  partis,  en  se 
rapprochant  pour  constituer  les  jurés  et  en  modelant  sur 
ce  piincipc  les  tribunaux,  paraissent  d'accord  pour  en 
fixer  un  par  district.  Cependant  comme  on  n'en  est  pas 
encore  aux  détails,  je  ne  puis  rien  préjuger  à  cet  égard 
avec  quelque  fondement.  Seulement,  je  crois  qu'à  tout 
événement,  il  est  bon  de  prévoir  l'événement  et  dans  les 
élections  aux  départements  de  choisir  des  membres  en 
état  de  faire  valoir  les  intérêts  de  la  ville,  car,  en  suppo- 
sant une  justice  par  district  et  un  tribunal  de  départe- 
ment, alors  nous  aurons  ,à  faire  valoir  le  partage  des 
établissements  et  pour  cet  objet  il  serait  intéressant 
d'avoir  des  députés  instruits  et  capables  de  manier  les 
esprits,  car  cet  objet  sera  envoyé  nécessairement  aux 
assemblées  administratives  comme  objet  de  localité. 

Vous  êtes  dans  l'erreur,  mon  ami,  sur  les  fonctions  des 
commissaires  du  roy.  Ils  ne  présideraient  point  les 
assemblées,  ils  n'y  paraîtraient  que  pour  en  faire  l'ou- 
verture et  aussitôt  après  se  retirer.  Ce  sera  chez  eux 
qu'ils  décideront  provisoirement  les  difficultés  que  pour- 
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—  370  — 

ront  présenter  les  élections,  mais  non  dans  les  assem- 
blées où  ils  ne  pourront  assister.  AussitAt  qu'ils  auront, 
pour  le  Roy,  fait  l'ouverture,  ils  sortiront  de  l'assemblée 
qui  nommera  son  président,  ses  ofliciers,  sans  que  les 
commissaires  puissent  y  influer  en  rien.  C'est  certaine- 
ment un  râle  très  mince  à  jouer  que  celui-là.  Ils  n'auront 
point,  comme  les  autres  commissaires,  de  demandes  à 
faire  à  l'Assemblée.  Ils  t'ouvriront  et  la  cMront,  et  voilà 
leur  opération.  Leurs  fonctions  sont  très  bornées.  Ils 
devaient,  suivant  leur  instruction,  décider  les  difficultés 
sur  les  municipalités,  parce  que  cette  instruction  avait 
été  faîte  dans  le  temps  où  les  municipalités  n'étaient  pas 
organisées,  mais  on  a  fait  retrancher  cet  objet  qu'on  a 
renvoyé  aux  assemblées  de  département.  Ne  soyez  donc 
point  dans  l'erreur  sur  ces  commissaires.  Je  vous  assure 
qu'ils  ne  peuvent  inquiéter  en  rien  les  assemblées. 
Suivant  leur  caractèi'e,  ils  voudront  peut-être  se  donner 
de  l'importance,  mais,  d'après  leur  mission,  elle  est  bien 
faible  et  il  n'y  a  pas  matière  à  s'en  prévaloir.  On  a  lu  à 
l'Assemblée  leur  commission  et  leur  instruction  et  c'est 
d'après  cela  que  l'Assemblée  n'a  rien  vu  d'inquiétant 
dans  cette  institution. 

La  contribution  patriotique  monte  déjà,  dit-on,  à  plus 
de  150  millions  d'après  les  avis  reçus  et  portés  lorsque 
les  registres  n'étaient  pas  encore  fermés.  Ainsi  on  ne 
peut  désespérer  encore  de  cet  objet  jusqu'à  ce  qu'on  eût 
seu  positivement  de  tous  les  lieux  le  montant  net.  Alors, 
s'il  ne  revient  pas  à  ce  qu'on  devait  en  attendre,  ce  sera 
le  cas  de  changer  la  marche  décrétée,  mais,  le  faire  avant 
d'avoir  pu  démontrer  que  le  patriotisme  n'a  pas  produit 
ce  qu'on  en  devait  attendre,  ce  serait  s'exposer  à  des 
reproches  fondés.  N'ayez  point  d'inquiétude.  Comme  il  y 
a  beaucoup  de  bons  citoyens  qui  ont  cru  devoir  se  sacri- 
fier, ils  seront  très  portés  à  adopter  les  moyens  de 
contrainte  lorsque  les  états  auront  fait  connaître  au  juste 
le  produit  volontaire.  Personne  ne  veut  être  dupe  et 
exposé  à  la  décision  des  autres. 


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~  371  — 

Adieu,  mon  ami,  rassurez-vous  totalement  sur  toute 
contre-révolution.  Les  pactes  fédératifs  de  l'Anjou  et  de 
la  Bretagne  se  propagent  de  tous  côtés  et  partout  la 
France  est  armée  de  patriotes  qui  ne  permettraient  pas 
une  longue  révolution  si  on  était  assez  imprudent  pour 
la  tenter  et  assez  adroit  pour  la  cacher  au  moment  où 
les  yeux  sont  ouverts  partout,  où  les  plus  légers  mouve- 
ments sont  aperçus  et  mandés  ici  aussitôt  '. 

Je  voua  renvoie  une  pièce  que  vous  m'avez  fait  passer 
au  lieu  de  la  requête  de  la  ville  de  Lassay.  Je  n'ai  point 
entendu  parler  de  cette  requête,  ny  des  députés  dont  la 
présence  ne  serviroit  à  rien,  parce  que  si  on  décrète  des 
justices  par  district  leur  voyage  seroit  inutile.  Si  on 
décrète  que  les  justices  pourront  être  établies  ailleurs 
que  dans  les  districts,  ce  seront  les  départements  qui 
décideront  des  lieux  de  l'établissement.  L'assemblée  ne 
rentrera  pas  dans  les  discussions  qui  ont  eu  lieu  pour  les 
départements  et  les  districts,  au  moins  je  présume.  En 
tous  cas  notre  arrangement  serait  pris  aussitôt  et  avant 
que  personne  vint  solliciter  d'autres  établissements. 

XCIV 


Je  répare,  mon  ami,  un  oubli  de  samedy.  J'avais  été 
prendre  à  l'imprimerie  le  Livre  Rouge  ^  pour  vous 
l'envoyer.  C'est  la  première  chose  que  j'aie  oubliée  en 
fermant  mon  paquet. 

Vous  allez  voir  la  discussion  changée  sur  les  jurés. 
On  revient  au  plan  de  l'abbé  Siéyès  qui  emploierait  plus 
les  gens  de  loy,  qui  ne  diminuerait  pas  le  nombre  des 
affaires,  en  concentrerait  une  grande  partie  au  départe- 
ment. Cependant  il  en  resterait  encore  assez  à  chaque 
district  pour  occuper  encore  bien  du  monde. 

1.  21  février  1780.  Procès- verbal  de  l'Assemblée  de  la  Bratagae  et  de 
l'Anjou,  tenue  à  Pontiv;  les  IS  et  autres  Jours  de  février  1790  (iD-i" 
de  53  pages). 

S.  Keglatre  Aea  peastoas  pajées  par  la  Cour,  ainsi  nommé  parce  qu'il 
était  couvert  de  maroquin  rouge. 


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—  372  — 

Je  ne  sçais  encore  comment  lejoumal  rendra  la  séacce 
d'hier  au  soir.  Vous  vous  figurez  aisément  quelle 
rumeur  a  dû  y  exister,  tel  faible  que  soit  le  récitdu  jour- 
nal, l'objet  à  délibérer  et  le  sujet  '.  Vous  verrez  que  nous 
n'avons  pas  laissé  les  finances  en  arrière.  La  séance  de 
ce  matin  a  été  occupée  par  deux  rapports  qui  avance- 
ront bien  la  besogne;  j'espère  que  les  deux  projets  de 
décrets,  à  quelques  amendements  près,  passeront,  mais 
surtout  le  dernier  sur  les  biens  du  clergé.  Il  a  paru 
convenir  à  la  très  grande  majorité,  même  des  évéques 
et  des  curés  qui  s'attendaient  à  perdre  davantage.  Mais 
il  va  résulter  une  fière  besogne  pour  les  départements. 

L'esquisse  que  vous  faites  du  travail  sur  les  fînances 
vous  justifiera  que  l'Assemblée  ne  les  perd  pas  de  vue, 
qu'il  faut  du  temps  pour  tout  et  de  la  patience. 

xcv 

Paris,  12  avril  1790. 

Nous  voilà,  mon  ami,  encore  aux  prises  avec  le  clergé. 
Vous  en  verrez  l'objet  dans  les  journaux.  Nous  sommes 
menacés  de  protestation,  de  séparation  d'une  partie  des 
membres  du  haut  clergé,  surtout  de  quelques  curés 
riches.  Mais  le  public  pourra  juger  différemment  leurs 
démarches.  Ils  veulent  bien  que  nous  remplacions  les 
dixmes,  que  nous  augmentions  les  portions  congrues, 
mais  ils  voudraient  que  nous  remplacions  jusqu'à  la 
dernière  gerbe  qu'ils  ne  percevraient  point.  Ce  ne  peut 
être  la  marche  d'une  administration  juste  ;  dès  que  la 
dixme  était  l'imposition  du  culte,  que  cette  imposition 
est  convertie  en  argent,  sa  répartition  doit  être  propor- 
tionnée au  service  public  qu'elle  paye. 

Je  ne  vous  détaillerai  pas  les  grandes  vues  de  l'opéra- 
tion proposée  par  le  plan  du  Comité,  vous  les  saisissez 
facilement  dans  tous  leurs  rapports  avec  la  Constitution. 


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—  373  — 

Mais  Burtout  du  c6té  de  la  raveur  des  assignats,  seule 
ressource  pour  pouvoir  liquider  tout  l'arriéré  quelconque, 
rembourser  toutes  les  tinances  et  mettre  l'état  au  pair, 
en  rendant  au  commerce,  à  l'accroissement  de  l'ag^iicul- 
ture,  des  biens  qu'on  s'empressait souveatd'efFruiter par 
l'incertitude  des  biens  ?  En  entrant  dans  les  détails  du 
plan  que  je  tous  adresserai  lorsqu'il  sera  imprimé,  vous 
verrez  qu'on  a  prévu  toutes  les  objections,  que  les 
pauvres  auront  dans  chaque  paroisse  des  secours  assu- 
rés. Les  curés  auront  leur  logement,  leurs  jardins, 
pourront  être  payés  en  nature,  si  ils  le  désirent,  et 
sous  tous  les  points  de  vue,  la  Religion,  l'État,  les  prêtres 
eux-mêmes,  ne  peuvent  qu'y  gagner. 

11  était  très  important,  avant  de  décréter  les  assignats, 
de  les  faire  précéder  de  la  disposition  définitive  de  faire 
administrer  les  biens  ecclésiastiques  par  la  nation .  Alors 
ils  présenteront  une  masse  d'hypothèques  capable  de 
leur  donner  le  plus  fort  crédit.  Alors  on  pourra  convertir 
tous  les  contrats  en  assignats,  éteindre  à  jamais  l'agio- 
tage et  ses  suites  funestes.  Bientôt  l'argent  reparaîtra 
et  toutes  les  opérations  reprendront  le  cours  le  plus 
florissant. 

J'aurais  voulu  pouvoir  vous  taire  les  impressions  défa- 
vorables des  derniers  journaux  sur  un  homme  que 
j'estime  et  que  je  vénère  toujours,  quoiqu'on  puisse  dire. 
Si  il  a  pu  faire  des  fautes,  qui  n'en  fait  pas  ?  Sa  santé 
altérée,  bien  des  considérations  que  nous  ne  sommes  pas 
à  portée  d'apprécier,  qu'il  désiroit  faire  connaître  en 
appelant  des  membres  au  bureau  de  la  Trésorerie,  me 
présentent  bien  des  moyens  de  le  justifier  dans  mon 
esprit  et,  quand  on  se  rappelle  le  compte  de  1781,  l'ou- 
vrage de  l'administration,  le  rapport  du  28décembre  1787 , 
on  ne  pourra  que  dire  :  Aliquando  bonus  dormital  '. 

Nous  avons  dû  laisser  l'ordre  judiciaire  et  préférer 
l'ordre  instant  des  finances.  Mercredy,  je  pourrai,  pour 
vendredy,  vous  annoncer  qu'il  n'y  a  plus  rien  à  risquer 

1.  Neckw. 


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pour  les  finances  et  qne  dès  lors  la  Rérdation  est  à 
jamais  OHisolîdée. 

XCVI 

16  avril  1790. 
Lisez,  mon  ami.  ces  deox  séances  et  tous  n'aurez 
encore  qu'une  idée  imparfaite  de  tout  ce  qne  coûtent  de 
patience,  d'efforts,  les  décrets  qui  peuvent  préTenir  les 
plus  grands  maux.  Encore  celte  journée  et,  je  l'espère, 
la  Religion  ne  sera  plus  liée  à  des  intérêts  temporaires. 
Elle  ne  peut  qu'y  gagner  et  ses  ministres  acquérir 
d'autant  pins  de  considération  qu'ils  ne  la  devront  qu'à 
leurs  vertus.  Les  titulaires  actuels  n'avaient  droit  qu'à 
on  tiers  du  revenu  de  leurs  bénéfices.  On  leur  donne 
aujourd'hui  une  pension  fixe,  moitié  nette  de  leur  revenu. 
On  propose  de  les  décfaai^r  des  aumônes,  des  répara- 
tions, de  laisser  aux  corés  qui  ont  des  immeubles  d'en 
jouir  provisoirement,  en  déduction  de  leur  traitement  '. 
Il  est  donc  constant  qu'ils  y  gagnent,  quant  à  cenx  qui 
remplissaient  leurs  obligations.  La  Religion  n'essuyera 
plus  les  reproches  que  lui  attirait  la  richesse  de  ses 
ministres.  L'Etat  trouvera  dans  l'hypothèque  des  biens, 
sans  même  les  aliéner  tous,  la  source  la  plus  abondante 
de  prospérité.  Voilà  ce  qui  reste  à  consolider  par  les 
décrets  à  prendre  aojourd'huy.  A  lundy,  j'espère  pou- 
voir vous  annoncer  que  ces  articles  auront  été  discutés. 
Mais  faites  connaître  les  avantages  réels  qu'en  retire- 
raient et  la  Religion  et  la  Nation.  Car,  si  dans  r.\ssem- 
blée,  au  xviii'  siècle,  on  s'est  proposé  de  vouloir  prouver 
qu'on  anéantissait  la  religion  parce  que  la  nation  vou- 
lait mieux  distribuer  les  frais  du  culte,  jugez  combien 
on  fera  d'efforts  pour  répandre  ces  opinions  et  intéresser 
la  superstition  à  venger  les  abus  que  ces  décrets  anéan- 
tiront pour  jamais. 

1.  Mcret  da  14  mO  nr  l'eatretin  d«8  mlnlslm  des  enltes. 


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—  375  — 

Vous  me  rassurez  par  ce  que  vous  me  marquez  de 
ce  que  vous  avez  fait  sur  la  halle.  Je  vous  serai  obligé 
de  continuer  vos  soins  sur  cet  objet  et  de  les  étendre  à 
ta  halle  d'Ernée,  s'il  vous  revient  qu'il  y  ait  besoin  de 
prendre  des  précautions.  Jusqu'icy  on  n'en  a  rien  mar- 
qué à  M.  de  la  Lande. 

Quant  aux  fours,  je  suis  persuadé  que,  moins  on  se 
pressera,  plus  les  particuliers  reconnaîtront  qu'ils  ne 
peuvent  trouver  chez  le  boulanger  les  mêmes  facilités.  Il 
sera  juste  de  leur  faire  des  déductions,  si  réellement  ils 
ont  éprouvé  et  éprouvent  des  pertes.  J'avois  prévenu 
M.  de  Ligonière  du  danger  d'augmenter  ces  objets  et 
j'ai  idée  que  depuis  mon  départ  il  a  diminué  la  ferme  des 
trois  fours.  Je  l'avois  également  prévenu  du  mauvais 
état  des  affaires  de  Buchau  ;  s'il  faut  enfin  qu'il  renonce 
à  son  entreprise,  ce  sera  le  cas  faire  usage  des  moyens 
que  vous  indiquerez  de  concert  avec  M.  de  Ligonière. 
Je  l'en  préviendrai  et,  d'après  cela,  pourrai  servir  de 
base  à  la  réduction,  s'il  étoit  juste  d'en  accorder  une. 

Je  vous  remercie  pour  Al.  Adam,  Il  parait  que  ses 
confrères  ont  pris  les  devants.  On  a  bien  proposé  les 
précautions  que  vous  désiriez.  Mais  on  a  craint  de 
mettre  une  inquisition  trop  dure  et  politiquement  la 
petite  facilité  qui  a  été  tolérée  a  pu  déterminer  bien 
des  individus  au  parti  qu'il  est  intéressant  de  voir  pren- 
dre à  tous. 

J'attends  avec  impatience  la  certitude  que  l'insurrec- 
tion que  vous  craignez  n'aura  pas  eu  de  suite.  Jamais  on 
n'eut  plus  de  besoins  d'union.  Je  compte  sur  vos  efforts 
pour  rétablir  le  calme.  Je  pars  pour  l'Assemblée,  où 
nous  sommes  convenus  dans  notre  bord  de  nous  trou- 
ver de  bonne  heure.  Adieu,  mon  ami,  comptez  sur  mon 
empressement  à  soutenir  ici  ma  mission,  quel  que 
puisse  être  l'événement  final  pour  moi.  Je  me  suis 
expédié  de  bonne  heure  sur  toute  vue  d'intérêt  personnel, 
pour  ne  voir  que  ce  que  je  dois  à  la  mission  qui  m'a  été 
donnée.  Je  ne  me  fusse  absenté  que  dans  le  cas  où  ma 


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—  376  — 

présence  eût  été  indispensable  et  qu'autant  que  j'aurais 
eu  l'assurance  de  pouvoirle  faire  sans  rien  compromettre. 
Mais,  rassuré  sur  vos  soins,  je  vais  ne  m'occuper  que  du 
principal  objet.  Adieu. 

XCVII 

17  avril  1790. 

Nous  n'avons  fini  qu'hier  au  soir  d'assurer  qu'il  y  aura 
des  assignats  à  servir  de  papier  monnoye.  Il  a  bien  fallu 
attendre,  disputer  le  terrain,  laisser  ceux  que  cette  opé- 
ration contrariait  exhaler  leur  feu.  Mais  comme  il  faut 
cependant  un  terme  à  tout,  à  5  heures,  hier,  les  1",  2*  et 
4°  articles  du  projet  du  comité  des  finances  ont  été 
décrétés,  reste  aujourd'hui  le  surplus  des  articles  et  sur- 
tout le  taux  de  l'intérêt.  Dans  cette  opération,  nous  nous 
sommes  laissés  aller  à  l'opinion  publique  :  les  villes  de 
Rouen,  Bordeaux  et  Nantes  la  désiraient  ;  Paris  nous  la 
demandait,  nous  a  répandu  nombre  de  décrets  pour  en 
prouver  la  nécessité.  Les  effets  ont  gagné  15  pour  cent 
depuis  trois  jours.  En  se  concentrant  dans  une  circula- 
tion de  400  millions,  il  ne  peut  jamais  y  avoir  de  danger 
et  je  doute  qu'il  en  parvienne  beaucoup  dans  nos  villes, 
tant  ces  effets  vont  être  recherchés  ici.  Il  ne  sera  pas 
possible  de  les  fabriquer,  de  les  faire  signer  et  de  les 
voir  dans  la  circulation  avant  trois  semaines  et,  comme 
la  situation  de  Paris  ne  permet  pas  d'attendre  ce  délai, 
peut-être  demandera-t-on  aujourd'hui  de  se  servir  des 
billets  de  caisse,  jusqu'à  ce  que  la  fabrication  des  assi- 
gnats monnoye  puisse  en  tenir  lieu. 

Nous  devons  donc  espérer  cette  fois  d'avoir  trouvé  le 
moyen  de  rétablir  le  crédit.  Si  on  prenait  de  l'ombrage 
du  papier  monnoye,  employez  tout  votre  crédit  pour 
combattre  la  répugnance,  faire  sentir  la  différence  de  ce 
papier  à  celui  de  Law,  soit  d'après  son  gage  immense, 
lorsque  l'autre  n'en  avait  aucun,  même  vraisemblable, 
soit  d'après  la  quantité  immense  qu'on  en  créa  et  qu'on 


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porta  à  9  milliards.  Ici  nous  sommes  fixés  à  400  mil- 
lions, que  peut-être  il  faudra  augmenter,  mais  qu'on  ne 
portera  à  une  somme  plus  hante  qu'à  mesure  que  les 
ventes  se  déclareront  et  pourront  le  permettre.  Adieu. 

XGVIII 

Paris,  17  avril. 

Voici,  mon  ami,  la  suite  des  décrets  sur  les  assignats. 
Nous  allons  reprendre  ce  matin  la  suite  de  celui  des 
dixmes.  Ainsi  ce  sera  une  opération  terminée  d'où  doit 
résulter  la  tranquillité  sur  les  finances  de  1790  et  la  faci- 
lité de  rachever  sans  inquiétude,  de  cette  part  au  moins, 
les  travaux  qui  nous  restent  à  finir.  Je  dis  de  la  part  des 
finances,  car  nous  sommes  menacés  par  le  parti  de 
l'opposition  de  protestations,  de  réclamations  auprès 
des  provinces,  peut-être  les  adressera-t-on  aux  diffé- 
rentes villes.  Prévenez  en  avance  les  citoyens  pour 
qu'ils  se  prémunissent  contre  le  reproche  prétendu  de 
sacrifier  la  religion,  d'en  vouloir  l'anéantissement  et 
cela  parce  qu'on  veut  faire  exécuter  les  lois  de  l'Église 
qui  défendaient  les  soins  temporels,  parce  qu'on  veut 
rappeler  la  vie  pastorale  à  cette  simplicité  de  mœurs  qui 
l'a  si  fort  fait  estimer  dans  les  premiers  siècles  de 
l'Église.  Il  ne  faut  que  considérer  le  moment  où  on  a 
intercalé  la  religion  sur  un  objet  de  finance  et  d'ordre, 
pour  juger  que  c'était  moins  la  religion  que  les  abus 
de  grande  propriété  des  richesses  que  voulait  soutenir 
l'opposition.  Aussitôt  le  décret  des  dixmes  fini,  on 
reprendra  l'ordre  judiciaire. 

Je  puis  encore  vous  présenter  une  réflexion  sur  les 
biens  de  l'Église.  On  va  vendre  les  domaines  du  Roy 
comme  les  biens  de  l'Église.  Le  Roy  croit-il  pour  cela  la 
dignité  de  son  trône  éclipsée,  parce  qu'il  recevra  de  la 
Nation,  comme  le  Clergé,  les  moyens  de  soutenir  la 
dépense  de  sa  maison  ? 

(A  suivre).  Publié  par  E.  Queruau-Lamebie. 


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LE  MAINE  A  L'EXPOSITION  DES  PRIMITIFS 


Tandis  que  les  Primilirs  allemands  montraient  à  Dussel- 
dorf  les  grâces  un  peu  figées  de  leurs  Madones,  leurs  saints 
roidis  dans  des  poses  hiératiques,  nimbés  d'or  uni,  d'or 
gaufré,  d'or  piqueté,  posés,  comme  des  icônes  byzantines, 
sur  un  fond  d'or  éblouissant,  les  Primitifs  français  formaient 
au  Pavillon  de  Marsan  nn  ensemble  curieux  et  rare  ;  ils  pei- 
gnirent avec  autant  de  naïveté,  et  plus  de  grâce  et  de  vie, 
des  Vierges  charmantes  au  milieu  d'une  cour  d'augelots 
rieurs,  des  donateurs  humblement  agenouillés  dans  une 
fervente  oraison.  Plusieurs  pièces  de  cette  Kxposition,  tant 
au  Louvre  qu'à  la  Bibliothèque  Nationale,  intéressaient 
l'histoire  du  Maine,  et  nous  voudrions  les  signaler  briève- 
ment. 

Le  bon  roi  René  et  son  épouse  Jeanne  de  Laval,  fdlc  de 
Guy  XIV,  sont  plusieurs  fois  représentés  :  d'abord  (n"  78  du 
Catalogue)  sur  les  volets  du  grand  triptyque  de  Nicolas 
Froment,  conservé  à  la  cathédrale  d'Aix  en  Provence,  Le 
Buisson  ardent.  Le  prince,  alourdi  par  l'âge,  étranglé 
dans  sa  fourrure,  est  obèse,  joufflu,  les  traits  empâtes  de 
graisse  vont  se  perdre  dans  les  plis  d'un  double  menton. 
En  face,  saint  Nicolas,  saint  Jean,  sainte  Agnès,  présentent 
Jeanne  de  Laval,  laide  avec  gnn  nez  aquilin  et  ses  yeux 
obliques,  fendus  en  amande,  son  maigre  buste  serré  dans 
un  justaucorps  d'hermine  et  de  velours  grenat;  le  peintre 
n'a  point  flatté  la  dame  de  Laval,  et  ses  traits  ne  rappellent 
guère  ceux  de  la  jolie  Vierge  au  regard  pudiquement  baissé 
qui,  du  haut  du  Buisson  ardent,  présente  son  fils  à  l'adora- 
tion du  berger  Moïse. 

Nous  retrouvons  le  couple  royal  au  n"  79  dans  le  petit 
diptyque  dit  de  Matheron,  emprunté  au  Musée  du  Louvre; 
lui,  plus  vieux  encore  que  tout  à  l'heure,  ridé,  cachant  ses 
cheveux  blancs  sous  un  bonnet  noir  enfoncé  jusqu'aux 
sourcils;  elle,  toujours  anguleuse,  et  de  mine  rébarbative, 


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—  37!)  — 

sous  les  barbes  de  son  chaperon  de  velours  noir.  Le  n"  362 
est  une  mauvaise  copie  sur  bois,  plus  petite,  et  fortement 
brunie,  du  diptyque  de  Matheron  ;  on  y  reconnait  sans  peine 
le  souverain,  ceint  du  collier  de  Saint-Michel. 

Les  initiales  des  deux  époux  s'entrelacent  sur  les  maires 
du  livre  d'heures  de  René  [mss.  118),  où  l'on  peut  admirer 
un  portrait  de  la  Vierge,  pensive  et  triste  sous  son  voile 
bleu  liseré  d'or.  A  côté  s'ouvre  (msp.  119)  le  Psautier  de 
Jeanne  de  Laval,  prêté  par  la  Bibliothèque  de  Poitiers;  le 
miniaturiste  a  figuré  sur  les  feuillets  des  scènes  de  la 
Passion,  riches  enluminures  où  l'or  ruisselle  sur  les  plis 
des  manteaux  et  les  écailles  des  armures.  —  Le  livre 
d'heures  de  Louis  de  Laval,  (ils  de  Guy  XIII  (mss.  153),  con- 
tient plusieurs  portraits  de  son  possesseur.  C'est  à  Louis  de 
Laval  que  Sébastien  Mamerot  a  dédié  Les  Passages  d'Outre 
mer  [mss.  152)  dont  on  voit,  non  loin,  bâiller  la  tranche.  — 
Los  armes  des  Montmorency-Laval  timbrent,  au  n'  105 
des  mss.,  une  Bible  historiale.  A  part  le  Psautier  de  Jeanne 
de  Laval,  on  pourra  retrouver  ces  manuscrits  dans  les  col- 
lections de  la  Bibliothèque  Nationale. 

Il  y  aurait  encore  beaucoup  à  dire  ;  nous  avons  voulu 
simplement  signaler  les  pièces  les  plus  importantes  pour 
l'iconographie  mancelle  ;  les  historiens  du  Maine  qui  dési- 
reraient de  plus  amples  données  les  trouveront  dans  le 
Catalogue  de  l'Exposition  des  Primitifs,  rédigé  par 
MM.  Bouchot,  L.  Delisle,  Guiffrey,  Vitry,  etc. 

Paul  Dblaukav. 


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PROGÊS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


SEANCE  DU  26  MAI  1904. 

La  séance  s'ouvre  à  deux  heures  un  quart  sous  ta 
présidence  de  M.  Grosse- Duperon,  vice-président. 

Sont  présents  :  MM.  Grosse- Duperon  et  Trévédy, 
vice-présidents;  MM.  AUeaume,  marquis  de  Beauchesne, 
Durget,  Garnier,  Gouvrion,  Louis  de  la  Beauluère, 
Laurain.Œhlert,  Tliuau,  membres  titulaires  ;  MM.  Goupil 
et  Turquet,  membres  correspondants. 

Se  font  excuser  :  MM,  Chappée,  Dubel,  l'abbé 
Lardeux,  Léon  de  Lorière,  Moreau,  Albert  de  Sars, 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu  et 
adopté. 

M.  Poirier-Béalu,  président  du  tribunal  de  commerce 
de  Mayenne,  sur  la  présentation  de  MM.  Grosse-Duperon 
et  Laurain  ;  M.  Chartier,  sur  la  présentation  de 
MM.  Durget  et  Lauraîn,  sont  élus  membres  corres- 
pondants. 

M.  Laurain  communique  une  lettre,  en  date  du 
22  décembre  1781,  écrite  à  l'intendant  de  Tours  par 
le  greffier  en  l'élection  de  Mayenne,  Tannîot  de  Monrou, 
qui  demande  décharge  des  vingtièmes  auxquels  îl  est 
imposé  pour  trois  bordages  sis  à  Jublains  et  à  Mon- 
tourtier  ;  cette  demande  est  motivée  par  «  les  pertes 
occasionnées  par  un  furieux  orage  qui  s'y  est  fait  sentir 
dans  la  nuit  du  19  au  20  juin  dernier,  accompagné  d'une 
abondante  grelle  et  d'une  si  grande  tempête  qu'il  n'a 


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—  381  — 

resté  un  arbre  fruitier  sur  pié  et  plus  de  trente  gros 
chênes  qui  ont  été  abattus  tant  sur  les  grains  prêts 
à  être  coupés  que  sur  les  foins,  de  sorte  qu'outre  cette 
perte  irréparable  il  y  a  eu  à  peine  un  quart,  année 
commune,  de  récolte  tant  en  grains  qu'en  foins  et  de 
très  mauvaise  qualité  à  partager  entre  le  propriétaire 
et  les  colons  qui,  suivant  l'usage  local,  tiennent  ces 
terres  à  moitié  de  tout  »  (Arcli.  d'Indre-et-Loire,  G  86). 
M.  Laurain  communique  une  lettre  de  l'administration 
centrale  de  la  Mayenne  aux  députés  du  département, 
en  date  du  G  pluviôse  an  VII  (25  janvier  1799).  «  Vous 
nous  sfiurez  gré,  y  Ht-on,  d'un  phénomène  (sic)  arrivé 
dans  la  nuit  du  5  au  6  pluviôse,  à  quatre  heures  six 
minutes  du  matin.  On  a  ressenti  un  tremblement  de  terre 
qui  a  duré  trente  secondes  au  moins.  Trois  commotions 
dilTérentes  se  sont  succédées  rapidement  les  unes  aux 
autres  ;  la  dernière  a  été  la  plus  forte  et  la  plus  longue. 
Le  vent  souillait  du  aud-ouest  sans  être  très  violent  ;  un 
brouillard  épais  enveloppait  la  terre  ;  le  thermomètre  de 
Réaumur  était  à  quatre  degrés  au-dessus  de  la  glace  et 
le  baromètre  était  descendu  à  la  pluie  qui  a  tombé 
abondamment  après.  Depuis  54,  aucune  commotion  de 
ce  genre  aussi  Turte  ne  s'était  fait  sentir  ». 

M.  de  Beauchesne  donne  lecture  de  quelques  notes 
relatives  à  Château-Gontîer  au  commencement  du 
xviii*  siècle,  prises  dans  le  journal  d'un  oflicier,  sans 
doute  un  colonel  de  cavalerie,  qui  se  rendait  de  Caen 
à  Bordeaux. 

M.  Alleaume,  au  nom  de  M.  Chappée,  présente  deux 
perles  de  verre  de  même  genre,  mais  de  grosseur  diffé- 
rente, semblables  à  celles  que  l'on  trouve  fréquemment 
en  Bretagne,  dans  le  Morbihan,  du  cdté  de  la  rivière 
et  du  port  de  Vannes.  Ces  perles,  d'après  M.  Chappée, 
seraient  d'origine  grecque  ou  phénicienne. 

M,  Alleaume  présente  une  jolie  terre  cuite  du  com- 
mencement du  xvii"  siècle,  appartenant  à  M.  Forget,  de 


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Laval.  Elle  figure  ta  Vierge,  tenant  l'enfant  Jésus  à 
droite,  et  semble  s'inspirer  de  l'italien. 

M.  de  Beauchesne  parle  de  l'excursion  que  fera, 
le  7  et  le  8  juillet  prochain,  la  Société  historique  du 
Maine,  dans  la  vallée  du  Loir.  A  ce  sujet,  quelques 
membres  proposent  une  excursion  aux  environs  de 
Mayence,  ayant  pour  objectifle  cbAteau  de  l'Ile-du-Gast, 
Fontaine-Daniel,  le  château  de  Loré,  les  Vaux.  L'excur- 
sion est  adoptée  en  principe. 

M .  Œhlert  présente  la  photographie  d'un  fer  à  hostie 
fort  bien  conservé,  appartenant  à  M.  l'abbé  Mars,  et 
divers  objets  acquis  par  le  musée  de  Laval. 

M .  Laurain  continue  la  lecture  des  Notes  sur  Ckâleau- 
Gontier  au  commencement  du  X  VU*  siècle,  par 
M.  Chiron  du  Brossay. 

Rien  n'étant  plus  à  l'ordre  du  jour,  la  séance  est  levée 
à  quatre  heures  et  demie. 


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BIBLIOGRAPHIE 


TrolB  Soldats.  Constant.  Juvènaî  et  Hercule  Corbineau, 

Sar  F.  de  Wissocç.  —  Paris,  imp.  des  Oq)heliQS-apprenti8 
'Auteuil,  1904.  I11-8*,  62  pages. 

Noua  devons  mentionner  cette  brochure  élégamment 
imprimée  sur  beau  papier.  Elle  comprend  trois  courtes 
notices  consacrées  à  ces  trois  frères  berolques,  dont  l'alné 
seulement,  Constant,  naquit  à  Laval,  le  17  mars  1772,  de 
Jean-Charles  Corbineau,  écuyer,  commissaire-inspecteur 
des  haras  au  département  du  Maine.  Ces  notices,  brèves  et 
rapides  comme  un  état  de  services,  sont  à  lire. 

Ë.  Ladhain. 

Renault  IlUTinclble  (Paul-François  de  Gaulejac).  Récit 
des  guerres  de  la  Vendée,  par  le  V"  de  Bonald.  —  Paris, 
H.  Champion,  1904.  In-8°,  214  pages,  avec  carte. 

Né  le  15  novembre  1754,  à  Marminiac,  de  Barthélemy- 
Sulpice  de  Gaulejac,  chevalier,  seigneur  de  Lacan,  et  de 
Madeleine-Thérèse  de  la  Molère-Sanirol,  Paul-François  de 
Gaulejac  prit  du  service  et  était  lieutenant  »u  régiment  de 
Maine-infanterie  quand  vint  la  Révolution.  11  émigra,  mais 
il  rentra  en  France,  séjourna  à  Paris  dès  1792,  et  y  fut 
arrêté  le  ^6  mai  1794.  Mis  en  liberté  sur  le  rapport  du 
représentant  du  peuple  Bourdon  [de  l'Oise),  il  demeura  à 
Paris,  jusqu'au  jour  où  il  obtint  sa  radiation  de  la  liste  des 
émigrés.  Presque  aussitôt  qu'il  fut  remis  en  possession  de 
ses  biens,  il  prit  part  aux  luttes  de  la  Chouannerie.  II  était 
dans  le  Maine,  k  la  fin  de  1795,  dans  la  division  de  Rocham- 
beau.  Connu  sous  le  nom  de  Renault  l'Invincible,  adjudant 
de  Rochecot,  jouissant  d'une  grande  influence  dans  les  pays 
où  il  se  tenait  habituellement,  du  côté  de  Jublains,  d'nar- 
danpes  et  de  la  Chapelle-au-Riboul,  accompagné  d'une 
trentaine  d'hommes,  bien  armés  et  pourvus  de  cartouches, 
il  était  redoutable  aux  bleus  et  les  administrations  locales 
attachaient  beaucoup  d'importance  à  sa  capture  et  se 
réjouirent  visiblement  de  sa  mort,  arrivée  à  Montreuil,  le 
1"  avril  1799,  dans  un  combat  de  deux  heures  contre  la 


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colonne  mobile  de  Lassay  et  contre  le  détachement  de 
Couptraîn.  Les  aulorités  mayennaises  avaient  fait  des  efforts 
répétés  pour  s'emparer  de  ce  «  brigand  »  intelligent,  «  qui 
inspirait  une  terreur  profonde  aux  amis  de  l'ordre,  n  M.  de 
Bonald  nous  raconte  ces  cfTorLs  avec  un  intérêt  toujours 
croissant  qu'augmente  encore  le  nombre  de  pièces  justifica- 
tives tirées  en  grande  partie  des  Archives  de  la  Mayenne  et 
des  Archives  de  la  Guerre.  Son  livre  est  une  bonne  contri- 
bution à  l'histoire  de  la  Chouannerie  dans  notre  pays. 
E.  Laurain. 


Vieux  Ifétddcins  Mayennais,  par  Paul  Delaunaï.  ~ 
Première  série  :  D.  Tauvry,  G.  Plançon,  G.  Bigot,  A.  du 
Chemin,  A.  Paré,  Tanquerel  des  Planches  (Paris,  H.  Cham- 
pion, 1903,  in-8°,  201  pages).  —  Deuxième  série  :  Barbeu 
du  Boui^,  G.  du  Tronchay,  Mellé,  Bcré,  AUard,  Paigis, 
Plaichard-Chollière,  Bucquet,  Bodard  de  la  Jacopière,  Le 
Monde  médical  mayennais  pendant  la  Révolution,  Hygié- 
nistes d'autrefois  (Laval,  V'  A.  Goupil,  190^,  În-S",  u-295  p.). 

Les  membres  de  la  Commission  historique  ont  lu  avec  un 
grand  intérêt  les  notices  consacrées  aux  vieux  médecins 
mayennais  publiées  ici  et  dont  le  recueil  a  formé  la  deuxième 
série  de  ces  éludes  savamment  troussées,  gaiement  écrites, 
— '  tirent,  avec  une  pointe  d'humour  léger,  de  l'ombre  où 
'étaient  enfoncés  ces  praticiens  qui  avaient  eu  jadis  une 
heure  de  célébrité  et  qui  mérilaienl,  a  plus  d'un  titre,  au'on 
parlât  d'eux  en  connaissance  de  cause.  Les  mêmes  qualités, 
qu'on  a  pu  apprécier  au  fur  et  à  mesure  de  l'apparition  de 
notre  Bulletin,  on  les  retrouve  dans  les  notices  de  la  [pre- 
mière série  données  ailleurs  :  même  richesse  d'information, 
même  silreté  de  la  critique,  présentée  avec  le  même  bonheur 
et  le  même  agrément.  Ces  biographies  sont  aussi  amusantes 
qu'instructives  et  ceux  qui  voudront  les  lire,  ou  les  relire, 
n'y  perdront  pas  leur  temps,  même  s'ils  n'y  cherchent  que 
l'agrément  et  la  distraction  utile.  Je  me  fais  un  plaisir  de 
les  leur  recommander. 

Ë.  Laukain. 


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LES  LAUREATS 

DD 

CONCOURS   GÉNÉRAL 

POUR  LE  DÉPARTEMENT  DE  LA  MAYENNE 


S'il  est  en  France  un  département  où  l'antique  institu- 
tion du  Concours  général,  récemment  abolie  par  une 
décision  du  Conseil  supérieur  de  l'Instruction  publique, 
laissera,  croyons-nous,  de  vifs  regrets  chez  la  jeunesse 
studieuse,  c'est  à  coup  sûr  le  département  de  ta 
Mayenne. 

Pendant  toute  la  durée  de  cette  institution,  ainsi  qu'on 
le  verra  par  l'étude  qui  va  suivre,  mais  surtout  dans  le 
dernier  quart  du  xix*  siècle,  les  jeunes  gens  originaires 
soit  du  Bas-Maine,  soit  de  cette  partie  de  l'Anjou  qui 
Forme  aujourd'hui  l'arrondissement  de  Chàteau-Gontier, 
ont  tenu  haut  et  ferme  le  drapeau  de  leur  province  dans 
les  célèbres  tournois  universitaires  de  Paris.  Aussi 
ceux  d'entr'eux  qui,  nés  trop  tard,  se  verront  désormais 
privés  de  cette  occasion  d'acquérir  une  gloire  aussi 
pure  qu'inolTensive,  ne  manqueront  pas  d'envier  les 
triomphes  de  leurs  aînés. 

C'est,  on  le  sait,  en  l'année  1747  qu'eurent  lieu  pour 
la  première  fois,  en  vertu  du  testament  du  chanoine 
Legendre,  d'après  un  arrêt  du  Parlement,  ces  fameuses 
compositions  auxquelles  prenaient  part  les  dix  collèges 


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—  386  — 

formant  alors  l'Université  de  Paris,  compositions  suivies 
d'une  distribution  de  prix  déjà  très  solennelle. 

Or,  dès  1750,  nous  voyons  un  jeune  Lavallois,  élève 
du  collège  du  Plessis-Sorbonne,  Henri-Charles  Couasnier 
des  Landes,  remporter  en  seconde  un  second  prix  de 
version  latine.  Mais  ce  n'était  là  qu'un  début  plein  de 
promesses  qu'un  avenir  prochain  devait  réaliser.  En 
1752,  en  effet,  ce  même  élève  obtint  en  rhétorique  trois 
premiers  prix,  savoir  le  prix  d'honneur  d'amptilicatioo 
latine,  et  les  premiers  prix  d'amplification  française  et 
de  version  grecque. 

Le  brillant  succès  remporté  cette  année-là  au  Concours 
général  des  collèges  de  Paris  par  un  enfant  de  Laval 
était  certes  un  grand  honneur  pour  la  province  dont  il 
était  originaire.  La  distribution  des  prix  de  la  Sorbonne 
était  déjà  à  cette  époque  un  véritable  événement  dont 
les  journaux  du  temps  ne  manquaient  pas  d'entretenir  le 
public.  La  Gazette  de  France  lui  consacrait  tous  les 
aus  un  article  plus  ou  moins  détaillé,  mais  toujours  élo- 
gieux.  Le  Journal  de  Verdun  donnait  même,  à  la  suite 
d'un  compte  rendu  très  minutieux,  la  liste  complète  des 
prix  et  accessits  pour  chaque  classe.  Ainsi,  alors 
comme  au  xtx'  siècle,  tes  noms  des  lauréats  étaient 
portés  à  la  connaissance  de  la  France  entière,  et  chaque 
province  pouvait  reconnaître  et  revendiquer  ceux  qui  lui 
appartenaient. 

Mais  ce  qui  constituait  surtout,  dès  cette  époque,  le 
prestige  du  Concours  général,  c'était  la  distinction  par- 
ticulière accordée,  le  jour  de  la  cérémonie,  à  l'élève  qui 
avait  été  assez  heureux  pour  obtenir  le  prix  d'honneur, 
alors  exclusivement  rései-vé  à  la  composition  latine.  Le 
premier  président  du  Parlement,  qui,  à  la  tête  d'une 
importante  délégation  de  cette  vénérable  compagnie, 
assistait  presque  toujours  à  la  séance,  le  couronnait  de 
ses  propres  mains  après  l'avoir  embrassé. 

Voici,  en  ce  qui  concerne  la  solennité  universitaire 
de  1752,  ce  qu'en  dit  la  Gazette  de  France  : 


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«  Avant  hier,  l'Université  fit  la  distribution  de  ses 
prix  fondée  par  le  feu  abbé  Legendre,  et  le  Parlement  y 
assista.  Cette  cérémonie  fut  précédée  d'un  discours  latin 
que  prononça  le  sïeur  Le  Beau,  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres,  professeur  de  rhétorique 
au  collège  des  Grassins.  Le  sieur  de  Maupeou,  pre- 
mier président  du  Parlement,  donna  le  premier  prix. 
Les  autres  prix  furent  distribués  par  le  sieur  Guérin, 
recteur.  » 

Quant  au  Journal  de  Verdun,  le  compte  rendu  de  la 
cérémonie  y  est  plus  détaillé,  et  le  nom  de  notre  lauréat 
y  est  même  prononcé  : 

«  Le  3  août,  l'Université  fit  dans  la  salle  des  écoles 
extérieures  de  Sorbonne,  en  présence  du  Parlement  en 
corps,  la  distribution  des  prix  fondés  par  feu  Messire 
Louis  Le  Gendre,  chanoine  de  Notre-Dame...  La  céré- 
monie commença  par  un  discours  éloquent  que  prononça 
M.  Le  Beau,  professeur  de  rhétorique  au  collège  des 
Grassins  et  de  l'Académie  royale  des  Belles- Lettres,  dans 
lequel  il  étala  les  richesses  d'une  éloquence  dont  il  sçaït 
donner  aussi  bien  des  exemples  que  des  préceptes. 
M.  de  Maupeou,  premier  président  du  Parlement,  donna 
le  premier  prix  à  M.  Couanier  Deslandes,  rhétoricien 
du  collège  du  Plessis,  sous  M.  Guérin,  recteur  de  l'Uni- 
versité ;  M.  le  Recteur  distribua  ensuite  les  autres  prix  ' ,  » 

Comme  on  le  voit,  le  principal  triomphateur  de  cette 
journée,  si  glorieuse  pour  notre  province,  Henri-Charles 
Couasnier  des  Landes,  avait  reçu  son  prix  d'honneur 
des  mains  de  René-Charles  de  Maupeou,  à  cette 
époque-là  premier  président  du  Parlement. 

On  aimerait  à  croire  qu'au  retour  du  jeune  vainqueur 
dans  sa  ville  natale,  le  maire  et  les  échevins  de  celle-ci, 
sensibles  à  l'honneur  qui  leur  était  fait  dans  la  personne 


1.  Hons  devons  la  communication  de  ce  curieux  document  k  M.  Rebel- 
IlBU,  bibliothécaire  de  l'Institut,  qui  a  bien  voulu  nous  en  enrojer  une 
copie.  Nous  le  prions  d'agréer  toi  l'eipreuloa  da  doi  plui  «Incirea 
remerciement*. 


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de  leur  compatriote,  lui  donnèrent  quelque  marque 
publique  de  leur  reconnaissance.  Ce  n'aurait  pas  été  la 
seule  fois  que,  sous  l'ancien  régime,  dans  une  circons- 
tance analogue,  une  ville  de  province  eût  agi  de  la  sorte. 

C'est  ainsi  du  moins  qu'en  1786,  lorsque  le  jeune  de 
Faucompret,  de  Lille,  remportera  le  même  prix  d'hon- 
neur, le  corps  municipal  de  cette  ville,  assemblé  extraor- 
dinairement,  enverra  au  futur  traducteur  de  Walter 
Scott  une  lettre  de  félicitations,  signée  de  tous  ses 
membres. 

Sans  être  aussi  glorieuse  pour  la  jeunesse  du  Maine 
que  la  distribution  précédente,  celle  de  1753  lui  fut 
encore  très  favorable.  Si  Henri-Charles  Couasnicr  des 
Landes  qui  avait  i-edoublé,  selon  l'usage,  sa  rhétorique, 
n'eut  cette  année-là  que  deux  accessits  en  amplification 
latine  et  en  version  grecque,  en  revanche  son  frère 
cadet.  Ni  col  a  s- Olivier- Franc  ois,  élève  de  seconde  à  ce 
même  collège  du  Plessis-Sorbonne,  eut  un  second  prix 
de  vers  latins  et  deux  premiers  prix  en  version  grecque 
et  en  version  latine. 

Les  deux  frères  Couasnier  des  Landes  entrèrent,  l'un 
comme  l'autre,  dans  le  clergé.  D'après  M.  l'abbé  Angot, 
l'ancien  prix  d'honneur  du  Concours  général  de  1752, 
helléniste  et  littérateur  remarquable,  devint  professeur 
d'éloquence  au  collège  de  la  Marche.  Il  fit,  selon  la 
mode  du  temps,  imprimer  plusieurs  éloges.  Après  avoir 
débuté  en  1762  par  l'Éloge  funèbre  de  Monseigneur  le 
duc  de  Bourgogne  (Paris,  Didot,  in-4"),  il  s'essaya 
en  1763  à  traiter  le  sujet  donné  au  Concours  par  l'Aca- 
démie française,  et  qui  était  VÉloge  de  Maximilien 
de  Béthune,  marquis  de  Rosny,  duc  de  Sully,  avec 
notes  historiques  et  philosophiques  (Paris,  Simon,  in-4''). 
Ce  ne  fut  pas  lui  qui  remporta  le  prix,  mais  ce  fut  un 
de  ses  prédécesseurs  dans  les  triomphes  universitaires, 
le  littérateur  Antoine  Thomas,  qui,  en  1749,  avait,  lui 
aussi,  obtenu  le  prix  d'honneur  d'amplification  latine  au 
Concours    général.    Deux    ans    après,    Henri-Charles 


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Couasnier  des  Landes  se  mit  encore  une  fois  sur  les 
rangs  dans  un  concours  académique  où  on  avait  proposé 
comme  sujet  l'Éloge  de  Descartes  :  cette  fois,  l'ac- 
cessit lui  fut  déccrno.  Comme  ses  précédents  essais, 
celui  qu'il  avait  composé  en  cette  circonstance  a  été 
imprimé  (Paris,  Rcgnard,  in-8°).  Nul  doute  que  le  bril- 
lant professeur  du  collège  de  la  Marche  ne  fût  destiné  à 
un  avenir  digne  de  ses  succès  scolaires;  mais  il  mourut 
jeune  encore,  en  176G,  au  Mans,  où  il  s'était  retiré  chez 
son  frère  Olivier.  Ce  dernier,  qui  était  alors  curé  de 
Saint-Nicolas,  une  des  paroisses  de  la  capitale  mancelle, 
avait,  au  sortir  du  collège,  étudié  au  séminaire  de  la 
Sainte- Famille,  dit  des  33,  à  Paris;  chapelain  de  la 
Pigeonnière  en  la  Trinité  de  Laval  en  1758,  il  avait  été 
pourvu  en  1763  de  la  cure  de  Saint-Nicolas  au  Mans  ;  il 
mourut  dans  cette  ville  le  24  décembre  1772.  Telle  fut 
la  destinée  des  deux  premiers  lauréats  Lavallois  du 
Concours  général  de  l'ancienne  Université, 

En  1755  et  1756,  c'est  un  jeune  homme  originaire  de 
Château-Gontier,  François  Ménard,  qui  soutint  dans  les 
tournois  de  la  Sorbonne  l'honneur  de  cette  partie  de 
l'Anjou  qui,  plus  tard,  devait,  avec  le  Bas-Maine,  consti- 
tuer le  département  de  la  Mayenne.  Comme  les  deux 
frères  Couasnier  des  Landes,  il  suivait  les  cours  du 
collège  du  Plessis-Sorbonne.  Il  eut  d'abord  en  1755, 
comme  élève  de  troisième,  un  deuxième  accessit  de  ver- 
sion grecque,  puis  l'année  suivante,  en  seconde,  le 
second  prix  dans  cette  même  faculté.  Nous  ignorons  ce 
qu'il  est  devenu  une  fois  ses  études  terminées. 

En  1760,  nous  retrouvons,  comme  lauréat  appartenant 
à  notre  futur  département,  un  autre  Ménard,  Pierre- 
Louis  Ménard,  du  collège  du  Plessis-Sorbonne.  Mais 
celui-ci  était  de  Laval.  Il  renouvela  les  exploits  do  son 
compatriote  Honri-Charlea  Couasnier  des  Landes,  sauf 
qu'il  ne  réussit  pas  à  avoir  le  fameux  prix  d'honneur.  11 
remporta  en  troisième  (1760)  le  second  prix  de  thème 
latin  et  deux  accessits  en  vers  latins  et  en  version  latine  ; 


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—  390  — 

en  seconde  (1761),  les  premiers  prix  de  thème  et  de  vers 
latine,  et  deux  accessits  en  versions  grecque  et  latine  ; 
en  rhétorique  (1762),  le  premier  prix  d'amplification 
française  ;  enfin  en  1763,  comme  vétéran  de  rhétorique, 
le  premier  prix  de  version  latine  avec  trois  accessits  en 
amplification  latine,  en  amplification  française  et  en 
version  grecque.  Comme  on  le  voit,  s'il  n'avait  pas  eu  !e 
prix  d'honneur  d'amplification  latine,  il  avait  eu  en 
revanche  douze  nominations  tant  prix  qu'accessits,  et 
cela  dans  toutes  les  facultés,  succès  peu  commun  alors 
comme  au  siècle  suivant  dans  les  fastes  du  Concours 
général. 

Si  nous  en  croyons  M.  l'abbé  Angot,  Pierre  Ménard 
avait  d'abord  étudié  au  collège  de  Laval  où  Renouard 
aurait  été  son  condisciple.  Ainsi,  une  partie  de  la  gloire 
qu'il  s'était  conquise  par  ses  brillants  succès  dans  les 
joutes  universitaires  de  Paris  rejaillissait  sur  les  humbles 
professeurs  qui  avaient  dirigé  ses  premières  études. 
Plus  tard,  une  fois  sorti  des  bancs  du  collège,  l'ancien 
lauréat  eut,  comme  son  prédécesseur  Henri-Charles 
Couasnier  des  Landes,  la  légitime  ambition  de  se  faire 
couronner  par  l'Académie  française  pour  un  de  ces 
éloges  littéraires  alors  si  à  la  mode.  11  concourut  en  1767 
à  celui  de  Charles  V,  et  s'il  n'obtint  pas  le  prix,  qui 
fut  adjugé  à  La  Harpe  (encore  un  ancien  lauréat  du  Con- 
cours général  !)  il  balança  du  moins,  affirme  Renouard  <, 
les  suffrages  de  l'Académie.  Son  discours  a  été  imprimé 
(Paris,  V"  Regnard,  in-S").  Ce  n'est,  selon  Hauréau  -, 
qu'une  déclamation,  comme  tous  les  ouvrages  de  ce 
genre,  y  compris  ceux  du  célèbre  Thomas,  mais  ta 
déclamation  de  l'auteur  tavallois  a  quelque  mérite  litté- 
raire, et,  comme  elle  n'est  pas  trop  longue,  on  en  sup- 
porte ta  lecture.  Deaportes  nous  apprend  aussi  qu'on 
doit  à  Pierre  Ménard  quelques  ouvrages  sur  fart  ora- 


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toire.  Il  fut  nommé  principal  du  collège  d'Aix,  en 
Provence,  quelques  années  avant  la  Révolution. 

En  1768,  le  Bas-Maine  est  représenté  à  la  distribution 
des  prix  du  Concours  général  par  le  jeune  Vincent- 
Alexandre  Ouvrard,  élève  de  sixième  au  collège  Louis- 
le-Grand.  Outre  le  second  prix  de  thème  latin,  ce 
dernier  avait  obtenu  un  cinquième  accessit  de  version 
latine.  Le  palmarès  le  qualifie  simplement  :  manceau; 
mais  il  était  en  réalité  de  Fougerolles  au  Bas-Maine.  Il 
était  né  en  elTet  à  la  Hautonnière  dans  cette  paroisse,  et 
était  fils  de  Gervais-Louis  Ouvrard  du  Verger,  seigneur 
de  la  Marquerie,  de  la  Tripière,  etc.,  et  d'Anne-Margue- 
rite-Jeanne Voisin  de  la  Ménardière.  Ses  études  termi- 
nées, il  entra  dans  les  ordres,  comme  l'avaient  déjà  fait 
deux  de  ses  frères  plus  Agés,  Jean- Baptiste-Michel 
et  Louis- François. 

Jean-Baptiste-Mîchel  Ouvrard  de  la  Haye,  curé  de 
Fougerolles  de  1773  jusqu'à  la  Révolution,  est  le  plus 
connu  des  trois  frères,  grâce  à  la  relation  qu'il  publia 
en  1819,  dans  Le  Déporté  de  la  Mayenne,  ou  le  Batave 
heureux,  de  sa  déportation  en  Angleterre  et  de  son 
séjour  en  Hollande  pendant  l'époque  révolutionnaire. 
Quant  à  Vincent-.Alexandre,  il  était,  en  1789,  chanoine 
de  Saint- Augustin,  de  la  Congrégation  de  France,  et 
vicaire  à  Orléans.  Déporté  en  Allemagne  pendant  la 
Terreur,  il  rentra  en  France  en  l'an  X  et  se  fit  nommer 
desservant  de  Champigny-sur-Seine,  près  de  Paris, 
où  il  mourut  en  1813. 

Pendant  près  de  dix  ans,  entre  la  distribution  de  1768 
et  celle  de  1777,  aucun  nom  appartenant  au  futur  dépar- 
tement de  la  Mayenne  ne  nous  apparaît  sur  les  palmarès 
de  l'Université.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  1777 
à  1785  où,  presque  tous  les  ans,  des  jeunes  gens  origi- 
naires de  notre  contrée  se  font  applaudir,  sinon  toujours 
pour  un  prix,  au  moins  pour  un  accessit,  aux  solennités 
de  la  Sorbonne.  C'est  d'abord  Charles-Thomas  Morice 
de  la  Rue,  de  Mayenne,  élève  du  collège  Louis-le-Grand, 


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—  392  — 

qui  obtient  en  sixième  (1777)  et  en  cinquième  (1778)  un 
accessit  de  version  latine.  En  1782,  ce  même  élève,  alors 
en  rhétorique,  remporte  le  cinquième  accessit  d'ampli- 
fication française,  tandis  qu'un  de  ses  compatriotes  de 
Mayenne,  également  son  condisciple  au  collège  Louis- 
le-Grand,  Jean-Louis-Anne-Magdeleine  Lefebvre  de 
Cheverus,  se  signale  en  quatrième  par  un  cinquième 
accessit  de  thème  latin.  L'année  suivante,  ce  dernier  a 
encore  en  troisième  un  troisième  accessit  de  version 
latine,  et  si  son  nom  ne  figure  pas  sur  le  palmarès 
de  1784,  il  y  est  remplacé  par  celui  d'un  jeune  Lavallois 
du  collège  de  Montaigu,  Xavier  Hardy  de  Lévaré,  qui 
a  cette  année-là,  en  sixième,  un  cinquième  accessit  de 
version  latine.  Enfin,  en  1785,  Jean-Louis  Lefebvre 
de  Cheverus  réapparaît  sur  le  palmarès,  comme  élève 
de  rhétorique,  avec  le  cinquième  accessit  de  version 
latine. 

Nous  avons  dit  que  Charles- Thomas  Morice  de  la  Rue 
était  de  Mayenne,  Meduanus,  comme  on  lit  au  palmarès. 
11  y  était  ne  en  effet  le  11  avril  1763,  de  Jean-Baptiste 
Morice  de  la  Rue,  docteur  en  médecine  à  Mayenne  et,  de 
plus,  échevin  de  cette  ville.  Une  fois  sorti  du  collège,  il 
resta  d'abord  à  Paris,  où  il  se  fit  recevoir  avocat  au 
Parlement.  Principal  clerc  d'un  procureur  de  cette  cour 
en  1789,  il  ne  tarda  pas  à  se  faire  nommer,  à  la  faveur 
des  événements,  greffier  au  tribunal  civil  du  1"  arron- 
dissement de  Paris.  Rappelé  ensuite  à  Mayenne,  il  y  fut 
nommé,  en  1792,  commissaire  national  près  le  tribunal  du 
district.  Compromis  l'année  suivante  dans  le  mouvement 
fédéraliste,  il  se  vit  obligé  de  quitter  sa  ville  natale  avant 
l'arrivée  de  Thirion  (octobre  1793),  alla  au-devant  des 
Vendéens,  puis  fut  dirigé  sur  Rennes  avec  le  grade  de 
capitaine  d'une  compagnie  du  contingent  de  la  Mayenne. 
Il  rentra  pourtant  à  Mayenne  avant  la  fin  de  la  Terreur, 
et  s'y  fit  même  délivrer  un  certificat  de  civisme  par  la 
Société  populaire.  Après  le  9  thermidor,  et  sous  le  Direc- 
toire, il  devint  successivement  administrateur  du  dépar- 


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tement,  puis  président  de  ]'administration  centrale. 
Créé,  lors  de  l'avènement  de  Bonaparte  au  Consulat, 
conseiller  de  préfecture,  il  fut  délégué,  en  1804,  au  sacre 
de  l'Empereur.  La  Restauration  le  fit  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur  puis,  en  septembre  1820,  secrétaire 
général  de  la  préfecture  et,  en  1821,  délégué  dans  les 
fonctions  de  sous-préfet  pourl'arrondissementde  Laval  ; 
il  y  resta  jusqu'en  1824,  Sous  le  gouvernement  de  Juillet, 
de  1833  à  1839,  il  représenta,  comme  conseiller  général, 
le  canton  de  Villaines-la-Juliel.  II  mourut  en  1843  '. 

De  tous  les  lauréats  du  Concours  général  de  l'ancienne 
université  originaires  soit  du  Bas-Maine,  soit  du  pays 
de  Chàteau-Oontier,  celui  à  qui  était  réservé  le  plus 
brillant  avenir  était  le  condisciple  de  Charles- Thomas 
Morice  de  la  Rue  à  Louis-le-Grand,  ce  Jean-Louis 
Lefebvre  de  Cheverus  qui  devait  mourir  cardinal  et 
archevêque  de  Bordeaux,  et  dont  la  statue  s'élève 
aujourd'hui  sur  la  place  de  l'Hôtel-de-Vilie  à  Mayenne. 

Fils  d'un  juge  général  au  duché-pairie  de  Mayenne, 
il  était  issu  d'une  des  plus  importantes  familles  de 
hourgeoisie  de  cette  ville.  11  avait  fait  ses  premières 
études  au  collège  de  Slayenne,  et  mis,  à  partir  de  la 
quatrième,  au  collège  Louis-Ie-Grand  à  Paris,  il  s'y  était 
aussitôt  signalé  parmi  les  meilleurs  élèves  de  sa  classe, 
puisque,  comme  nous  l'avons  vu,  il  avait  obtenu,  dès  ses 
débuts  au  Concours  général,  une  nomination  en  version 
latine.  Dès  cette  époque,  il  portait  la  tonsure  qu'il  avait 
reçue,  chose  remarquable,  â  peine  Agé  de  douze  ans, 
des  mains  de  son  compatriote,  Mgr  de  Hercé,  évéque  de 
Dol,  en  même  temps  qu'il  avait  été  pourvu,  selon  un 
usage  alors  en  vigueur,  de  la  chapellenie  de  Torbéchet 
en  Saint-Georges- But tavent,  et  qu'il  s'était  vu  conférer 
le  titre  d'aumônier  extraordinaire  de  Monsieur,  frère  du 
Roi,  Quand  il  eut  achevé  ses  brillantes  études  classiques, 
il  entra,  après  un  concours  où  il  obtint  la  première  place, 

1.  A,  An^t,  Dietionnairt  de  la  Maymnt, 


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—  394  — 

au  séminaire  Saint-Magloire  pour  y  faire  sa  théologie. 
Mais,  tout  eu  poursuivant  l'étude  de  la  science  sacrée,  il 
était  resté  comme  maître  de  conférences  à  son  ancien 
collège  où  il  consacrait  à  l'enseignement  tout  le  temps 
qui  n'était  pas  absorbé  par  ses  études  théologiques.  Du 
reste  il  fut  ordonné  prêtre,  avec  dispense  d'âge,  dès  le 
mois  de  décembre  1790.  Deux  ans  après,  il  était  nommé 
curé  de  Notre-Dame  de  Mayenne  en  remplacement  de 
son  oncle,  l'abbé  Louis-René  Lefebvre  de  Cheverus. 
C'était  le  moment  où  la  Révolution,  en  imposant  au 
clergé  la  fameuse  constitution  civile,  commençait  à 
rendre  ta  vie  intolérable  aux  prêtres  qui  n'avaient  pas 
cm  pouvoir  prêter  le  serment.  Aussi,  dès  la  fin  de  cette 
même  année  1792,  le  nouveau  curé  de  Notre-Dame  de 
Mayenne  avait-it  été  obligé  de  chercher  un  refuge  en 
Angleterre,  d'où  il  ne  tarda  pas  à  passer  en  Amérique. 
C'est  pendant  cet  exil  d'outre-mer  qu'il  devint  évêque 
de  Boston.  Retenu  loin  de  la  France  par  ces  importantes 
fonctions  ecclésiastiques,  il  ne  devait  y  revenir  que 
sous  la  Restauration,  et  à  l'appel  de  Louis  XVIII  qui  lui 
avait  fait  confier,  en  1823,  le  siège  épiscopal  de  Mon- 
tauban.  Après  avoir  occupé  ce  siège  pendant  trois  ans, 
il  fut  promu  à  l'archevêché  de  Bordeaux,  puis  nommé 
pair  de  France.  Très  en  faveur  auprès  de  Louis  XVIII 
et  de  Charles  X,  il  ne  le  fut  pas  moins  auprès  du  roi 
Louis-Philippe  qui  obtint  pour  lui,  en  1836,  le  chapeau 
de  cardinal.  Il  mourut  la  même  année. 

Xavier  Hardy  de  Lévaré,  qui  en  1784,  élève  de  sixième 
au  collège  Montaigu,  avait  obtenu  un  accessitdeversion 
latine  au  Concours  général,  fut,  comme  le  futur  cardinal 
de  Cheverus,  une  des  victimes  de  la  Révolution.  Fils 
aîné  de  René  Hardy  de  Lévaré  et  d'Anne  Guédé  du 
Bourgneuf,  il  se  destinait  à  la  magistrature  et  était  sur 
le  point  d'entrer  au  Parlement  de  Paris  quand  la  chute 
de  l'ancien  régime  vint  entraîner  avec  elle  la  suppression 
des  Parlements  eux-mêmes.  C'est  alors  que,  comme  tant 
d'autres,  il  prit  le  parti  d'émigrer,  et  il  fit  dans  l'armée 


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de  Condé  les  campagnes  de  1792,  1793  et  1794.  Rentré 
pourtant  en  France  sous  le  Consulat,  il  prit,  pour  vivre, 
un  modeste  emploi  dans  les  bureaux  de  la  prérecture 
à  Angers  ;  il  y  devint  chef  de  division.  La  Restauration 
le  fit,  en  1816,  sous-préfet  de  Beaupréau,  et,  après  les 
Cent  Jours,  pendant  lesquels  il  s'était  mis  à  la  tête  d'un 
mouvement  royaliste,  il  devint  secrétaire  général  de  la 
préfecture  de  Maine-et-Loire.  Il  donna  sa  démission 
eu  1830. 

Telle  est  la  part  de  succès  obtenue  par  les  élèves  des 
différents  collèges  de  Paris  originaires  soit  du  Bas-Maine, 
soit  du  pays  de  Château-Gontier,  dans  les  concours  de 
l'ancienne  université  supprimés  comme  on  sait  en  1793, 
Cette  part  est  à  coup  sûr  assez  belle,  surtout  si  on  la 
compare  à  celle  qui  était  échue  à  l'autre  partie  du  Maine, 
qui  forme  aujourd'hui  le  département  de  la  Sarthe  ; 
tandis  que  celle-ci,  de  1747  à  1793,  n'avait,  tout  bien 
compté,  à  son  actif  que  sept  prix  et  seize  accessits,  le 
Bas-Maine  à  lui  tout  seul  pouvait  lui  opposer  quatorze 
prix,  dont  un  prix  d'honneur,  et  dix-huit  accessits. 

Après  la  Révolution,  le  Concours  général  fut  rétaMi 
peu  à  peu  dans  ses  antiques  honneurs,  et,  dès  l'année 
1807,  nous  voyons  un  jeune  homme  originaire  du  dépar- 
tement de  la  Mayenne,  Charles-Guillaume  Sourdille  de 
la  Valette,  élève  du  lycée  Impérial  (depuis  Louis-Ie- 
Grand),  se  distinguer  dans  les  nouveaux  tournois  univer- 
sitaires. Après  avoir  ainsi  obtenu  en  1807  dans  la 
seconde  classe  de  langues  anciennes  (la  troisième)  le 
deuxième  prix  de  version  latine,  il  remporte,  l'année  sui- 
vante, dans  \a  première  et  la  deuxième  classes  réunies 
(la  seconde),  le  premier  prix  de  vers  latins.  Grâce  aux 
Annales  du  Concours  général,  qui  commencent  avec 
l'année  1805,  nous  avons  ses  deux  copies  couronnées. 
Le  sujet  de  la  version  latine  était  une  lettre  de  Sénèque. 
Quant  aux  vers  latins,  ils  avaient  eu  pour  matière  : 
«  Le  pape  Léon  X  répandant  des  (leurs  sur  le  lit  de  mort 
du  peintre  Raphaël  ».  Nous  croyons  faire  plaisir  aux 


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bumanistes  qui  liront  cet  article  en  reproduisant  ici  la 
pièce  qui  avait  valu  au  jeune  La  Valette  son  premier 
prix  au  Concours  général  : 

Lectum  ubijacel  exstinctus  Raphaël  floribua  spargil 
Léo  deciinus. 

Quem  pictura  parem  divine  jactat  Homero, 

Quem  toi  per  cunctae  célébrant  miracuta  génies, 

Occiderat  Raphaël.  Nec  primi  œtatis  honores, 

Nobilis  ingenii  decus  immorlale,  nec  ingens 

Gloria  palmarum,  crudelia  (lectere  corda, 

Ac  relinere  luam  polerant,  mors  improba,  falcem. 

E  (umulis  excita  suis  augusta  gemebat 

Antiqute  Ronife,  cunctis  moerentibus,  umbra, 

Quod  Superis,  tanio  quos  observabat  honore, 

Nec  jam  rclliquiœ,  exstincto  Raphaële,  placèrent. 

Artibus  îngenuis  nova  quie  dominalur,  et  ipsa 

Lugebat  regina,  quasi  viduata  timeret 

Illas  in  turaulo  ne  mors  involveret  uno. 

Relligio  veneranda  suum,  lacrymansquc,  gemensque, 

Pictorem  flebat,  quo  non  preestanlior  aller 

lUuslri  ingenio,  veri  pia  numinis  ora, 

Et  quibus  allonilum  iraplevit  miracula  mundum 

Sincerâ  magis  et  sacra  suh  imagine  doctus 

Concûpit,  pinxilque  oculis  mortalibus  unqiiam. 

Protinus  îpse  l.co,  LatiEe  paler  inclytus  urbîs, 

Cuj'us  lanta  suum  nomen  sibi  vindlcat  aetas, 

Funereo  gressu  raœrens,  tacituaque  per  urbem 

Incedil,  mox  triste  vale  dicturus  amico, 

Qui  supcras,  eheu  !  jam  non  suus,  alligit  arces. 

In  vullum  exanimcm  defixus  lumina,  longum 

HaBsit,  et  in  lectum  flores  elTundit,  amici 

Triste  ministerium  !  iletuque  inspergit  amero. 

Le  jeune  lauréat  était  né  à  Azé,  près  de  Châtenu- 
Gontier,  en  1792.  Par  sa  mère,  Marie  de  Champagne, 
il  appartenait  à  une  des  plus  anciennes  familles  nobles 
du  Craonnais.  Son  père,  Pierre-Jean  Sourdille  de  la 
Valette,  avocat  du  roi  à  Château-Gontier  dans  les 
dernières  années  de  l'ancien  régime,  porté  en  1789  à  la 
présidence  de  l'assemblée  électorale  de  son  bailliage. 


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—  397  ^ 

avait  joué  pendant  les  premières  années  de  la  Hévolution 
un  rôle  assez  important  comme  partisan  des  idées  nou- 
velles ;  mais  bientôt,  elTrayé  par  les  événements,  il 
s'était  rangé  du  côté  des  Girondins  contre  les  Monta- 
gnards, ce  qui  avait  été  cause  de  son  exécution  à  Paris 
pendant  la  Terreur. 

Charles-Guillaume  était  donc  encore  en  bas  âge  quand 
il  avait  perdu  son  père,  et  sa  mère,  veuve,  avait  été  seule  à 
s'occuper  de  son  instruction.  Elle  l'avait  mis  au  Prytanée 
français  de  Paris,  qui  allait  devenir,  en  1805,  le  lycée 
Impérial.  Après  de  brillantes  études,  comme  il  se  trou- 
vait sans  fortune,  il  n'hésita  pas  à  embrasser  pendant 
quelque  temps  la  carrière  de  l'enseignement  :  en  1815,  il 
était  professeur  au  collège  de  Fontainebleau.  Il  quitta 
cependant  cette  position  vers  1820,  après  son  mariage 
avec  Mlle  Victoire  Le  Monnier  de  Loriére  qui  lui  avait 
apporté  une  situation  des  plus  aisées.  Il  se  retira  alors 
à  sa  maison  de  la  Valette  en  Villiera-Charleraagne  et  ne 
tarda  pas  à  se  faire  nommer  maire  de  la  commune.  Sous 
le  règne  de  Louis- Philippe,  il  se  présenta  à  la  députation, 
et,  élu  pour  la  première  fois  en  1839,  fut  depuis  plusieurs 
fois  réélu.  Après  la  chute  du  gouvernement  de  Juillet 
qu'il  avait  soutrnu  de  ses  votes,  il  rentra  dans  la  vie 
privée,  etdevenu  simple  conseiller  général  de  son  canton, 
s'adonna  à  l'agriculture. 

C'était,  d'ailleurs,  un  littérateur  distingué,  et,  dès 
l'année  1822,  l'ancien  lauréat  du  Concours  général  en 
vers  latins  avait  fait  paraître  un  recueil  d'œuvres 
poétiques,  parmi  lesquelles  les  fables  politiques  tenaient 
la  place  principale.  Ce  recueil,  qui  est  loin  d'être  sans 
valeur,  augmenté  et  remanié  par  l'auteur  à  différentes 
reprises,  a  été  réédité  par  lui  en  1828,  en  1833  et  en 
1847.  La  dernière  édition,  illustrée  d'eaux-fortes  par 
Granville,  forme  un  bel  et  grand  in-8".  Cet  émule  inter- 
mittent de  La  Fontaine  et  de  Déranger  a  aussi  publié  des 
chansons  satiriques. 

II  est  mort  à  la  Valette  le  15  août  1852.  Son  por- 


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trait,  peint  par  Meiasonnier,  est  conservé  au  Musée  de 
Laval. 

Le  lauréat  dont  nous  venons  de  parler  est  le  seul  que 
le  département  de  la  Mayenne  puisse  revendiquer  sous 
le  premier  Empire.  Sous  la  Restauration,  nous  n'en 
trouvons  également  qu'un  seul,  Osithe-Edmond  Girard- 
Pinsonnicre.  Né  à  Laval,  le  17  mars  1808,  ce  dernier 
était  le  fils  de  Joseph-Louis  Girard- Pinsonnière,  négo- 
ciant, et  de  Josèphe-Marie  Le  Pescheux.  II  avait  été 
envoyé  au  collège  Henri  IV  pour  y  terminer  ses  études  ; 
il  eut  eu  1827,  en  philosophie,  le  second  prix  de  physique 
au  Concours  général.  Entré  en  1828  à  l'Ecole  polytechni- 
que à  laquelle  son  succès  du  cAté  des  sciences  paraissait 
le  destiner,  il  fut  obligé  d'y  redoubler  une  année  à  la 
suite  d'une  maladie,  et  se  trouva  ainsi  faire  encore 
partie  de  cette  école  au  moment  de  la  Révolution  de 
Juillet,  à  laquelle,  comme  ses  camarades,  il  prit  une  part 
active,  ainsi  qu'en  font  foi  l'Histoire  de  Dix  ans  de 
Louis  RIanc  et  Y  Histoire  de  CÉcole  polytechnique  par 
le  commandant  Pinet.  Sorti  de  l'École  polytechnique  à 
la  fin  de  cette  même  année  1830  et  après  être  passé  par 
celle  des  ponts  et  chaussées,  il  manifesta  son  attache- 
ment à  la  Mayenne  en  demandant  à  y  être  classé  comme 
ingénieur  des  ponts  et  chaussées.  Il  y  fut  attaché  par 
arrêté  ministériel  du  17  juillet  1833,  en  remplacement 
de  M.  Collignon,  chargé  du  service  spécial  des  routes 
stratégiques.  En  1836,  V Annuaire  de  la  Mayenne  le 
cite  comme  ingénieur  de  deuxième  classe,  chargé  du 
service  des  ponts  et  chaussées  des  arrondissements  de 
Laval  et  de  Chftteau-Gontier  et  du  service  de  la  navi- 
gation à  Laval.  Il  est  mort  à  Paris,  encore  très  jeune, 
le  19  mars  1844*. 

Deux  prix  seulement  au  Concours  général  pendant  les 
vingt-sept  années  qui  s'étaient  écoulées  depuis  le  réta- 
blissement de  cette  institution  en  1801,  c'était  peu  assu- 


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rément  pour  notre  département.  Il  est  vrai  que  pendant 
tes  vingt  années  qui  suivront  la  Révolution  de  1830,  la 
Mayenne  se  rattrapera  largement,  car,  durant  cette 
période,  elle  n'obtiendra  pas  moins  de  onze  prix. 

Dès  l'année  1831,  deuxjeuneeMayennaisfontapptaudir 
leurs  noms  à  la  distribution  des  prix  de  la  Sorbonne. 
Tous  deux  étaient  élèves  de  seconde.  Ils  se  nommaient 
Hilaire  -  Gabriel  Ronné  et  Bernard  -  Cbarles  -  Julien 
Gournay.  Le  premier,  élève  du  collège  Stanislas,  obtînt 
deux  nominations  en  tbème  et  en  vers  latins,  tandis  que 
le  second,  élève  du  collège  Henri  IV,  se  signale  par  un 
accessit  en  narration  latine.  Deux  ans  après,  en  1833, 
ces  mêmes  jeunes  gens  figurent  de  nouveau  sur  le 
palmarès  de  la  Sorbonne,  mais  cette  fois  pour  des  prix. 
Ronné,  alors  en  philosophie,  terminait  brillamment  ses 
études  par  un  deuxième  prix  de  dissertation  latine, 
tandis  que  Goumay,  vétéran  de  rbétorique,  avait,  avec 
un  accessit  de  discours  latin,  le  deuxième  prix  de  version 
latine. 

Hilaire-Gabriel  Ronné,  indiqué  par  le  palmarès  de  la 
Sorbonne  comme  né  à  Mayenne  le  l"  février  1814,  avait 
très  probablement  pour  parents  Nicolas-René  Ronné  et 
Hortense  Roubaud,  qui  habitaient  à  Saint-Fraimbault- 
de-Prières,  non  loin  de  Mayenne.  Un  de  ses  oncles, 
François-Jean  Ronné,  avait  servi  sous  le  premier 
Empire  comme  lieutenant  au  24"  de  ligne,  et  s'était 
retiré,  vers  1813,  à  Moulay,  après  avoir  reçu  la  croix  de 
la  Légion  d'honneur  ;  il  résidait  encore  dans  cette  localité 
en  1836.  Un  autre  proche  parent  de  notre  lauréat, 
Nicolas  Ronné,  son  cousin-germain,  avait  d'abord  été 
professeur  de  cinquième  au  collège  de  Laval,  puis,  vers 
1829,  avait  quitté  la  carrière  de  l'enseignement  pour  se 
faire  libraire.  Tel  était  le  milieu  familial  où  avait  grandi 
le  jeune  Hilaire-Gabriel  Ronné  avant  d'aller  terminer  son 
instruction  au  collège  Stanislas.  Il  était  doué,  paralt-il, 
d'une  intelligence  remarquable.  N'ayant  pas  réussi  à  se 
faire  recevoir  à  l'école  normale,  il  s'établit  libraire  à 


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Laval,  sans  doute  comme  successeur  de  son  cousin. 
Mais  il  ne  ae  contenta  pas  de  vendre  des  livres  :  il  voulut 
en  faire.  11  eut  l'idée  malencontreuse  de  publier  un 
ouvrage  traitant  de  questions  religieuses  et  se  vit  de  ce 
fait  condamné  à  Rome  par  la  Congrégation  de  l'Index. 
Le  chagrin  que  lui  causa  cette  condamnation  amena 
chez  lui  des  troubles  cérébraux,  et  il  mourut  à  la  fleur 
de  l'âge,  à  une  date  que  nous  ne  saurions  préciser  et 
dans  une  retraite  que  nous  n'avons  pu  découvrir  •. 

Nous  sommes  encore  moins  renseignés  sur  la  destinée 
de  Bemard-Charies-Julien  Goumay.  Noua  savons  pour- 
tant qu'il  était  né  le  10  février  1814  à  Glaintin  en  Saînt- 
Fraimbault-de-Prières,  de  l'union  de  Bernard-César 
Gournay,  homme  de  lettres,  résidant  à  Paris,  et  de 
Marie-Victoire  Chevrinais.  Nous  savons  aussi  qu'il 
était  le  neveu  de  François-René  Goumay,  maire  de 
Mayenne  et  député  pendant  les  premières  années  de  la 
Révolution,  et  de  l'abbé  Auguste  Gournay,  qui  avait  été 
curé  de  Notre-Dame  de  Mayenne  de  1801  à  1804. 

Si,  avec  les  deux  lauréats  dont  nous  venons  de  parler, 
l'arrondissement  de  Mayenne  semblait  en  ces  années-là 
avoir  enfin  pris  sa  revanche  de  son  trop  long  elTacement 
dans  les  glorieuses  luttes  du  Concours  général,  celui  de 
Laval  n'allait  pas  tarder,  lui  auaai,  à  cueillir  une  ample 
moiason  de  couronnes  universitaires,  et  cela  grâce  à  trois 
jeunes  gens  originaires  de  cette  ville  ;  Edmond  Fontaine, 
Henri-Louis  Duchemin,  et  Eaprit-Adolphe  Segretain. 

Né  à  Laval  en  1818,  fils  de  notaire,  Edmond  Fontaine 
avait  d'abord  été  mis  au  collège  de  sa  ville  natale  où,  à 
l'âge  de  quinze  ans,  en  1832,  il  avaitdéjà  terminé  toutes 
ses  études.  C'est  alors  que  son  père,  le  trouvant  avec 
raison  trop  jeune  encore  pour  choisir  une  carrière, 
l'envoya  à  Paris  à  l'institution  Massin  pour  y  recom- 
mencer ses  classes  à  partir  de  la  troisième,  en  suivant 
les  cours  du  collège  Charlemagne.  Ce  collège  passait 


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à  bon  droit  pour  un  des  plus  forts  de  l'Université  ;  mais 
le  jeune  Lavallois  n'eut  paa  de  peine  à  y  prendre  uq 
des  premiers  rangs  dans  sa  classe,  où  il  avait  pour 
émules  les  Thomas,  tes  Milcent,  les  Taillandier  et  les 
Tardieu,  tous  brillants  lauréats  du  Concours  général, 
et  dont  les  deux  derniers  sont  devenus,  comme  l'on  sait, 
l'un  académicien,  l'autre  médecin  célèbre. 

Au  Concours  général  de  1833,  Edmond  Fontaine  eut, 
comme  élève  de  troisième,  deux  accessits,  l'un  en  thème 
latin,  l'autre  en  vers  latins.  C'était  bien  débuter,  mais 
l'année  suivante  il  fut  encore  plus  heureux.  Il  remporta 
cette  fois  le  premier  prix  de  version  grecque,  avec  deux 
accessits  en  vers  latins  et  en  thème  grec.  Sa  version 
grecque,  dont  le  sujet  était  la  traduction  d'un  fragment  de 
Longin  sur  la  mesure,  a  été  imprimée  dans  les  Annales. 
Cependant  quelques  jours  après  l'imposante  cérémonie 
de  la  Sorbonne,  où,  sous  les  yeux  d'une  partie  de  la 
Famille  royide,  présente  à  la  séance,  Edmond  Fontaine 
s'était  avancé  près  de  l'estrade  pour  recevoir  des  mains  du 
ministre  Guizot  son  premier  prix,  le  jeune  triomphateur 
arrivait  à  Laval.  Il  s'attendait,  comme  de  juste,  à  rece- 
voir de  son  père  les  plus  vives  félicitations  pour  son  grand 
succès  universitaire.  Mais,  hélas  !  il  n'en  fut  rien.  M.  Fon- 
taine père  dit  à  son  fils,  en  le  revoyant,  qu'il  aurait  pu 
mieux  faire,  et  ce  fut  tout!  Ce  froid  accueil  paternel  fut 
une  amère  déception  pour  l'infortuné  lauréat.  Se  résolut-il 
alors  réellement,  ainsi  qu'il  te  racontait  à  ceux  qui  l'ont 
connu  dans  sa  vieillesse,  à  ne  plus  prendre  part  désor- 
mais aux  compositions  du  Concours  général  ?  11  est  certain 
qu'à  la  distribution  des  prix  de  1835,  après  son  année  de 
rhétorique,  il  fut  loin  d'avoir  le  mâme  succès  qu'à  celle 
de  1834.  11  avait  pourtant,  cette  année-là,  pris  part  au 
moins  à  la  composition  de  vers  latins  :  le  sujet  était  trop 
tentant  pour  ne  pas  avoir  ébranlé  sa  résolution  ;  car  on 
avait  donné  aux  élèves  à  mettre  en  vers  latins  la  mort 
de  lord  Byron.  Edmond  Fontaine  eut  le  sixième  accessit. 
II  n'était  plus  du  reste  à  cette  époque  à  l'institution 


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MasBÎn  et  ne  comptait  plus  parmi  les  élèves  du  collège 
Charlemagne,  qu'il  avait  quitté  pour  celui  de  Louis-le- 
Orand. 

Ses  études  terminées,  l'ancien  lauréat  du  Concours 
général  se  vit  arriver  à  ce  moment  critique  de  la  vie  où 
il  faut  choisir  une  carrière.  Comme  il  l'a  prétendu  lui- 
même  plus  tard,  il  eût  préféré  de  beaucoup  s'adonner  à 
la  littérature  ;  mais,  pour  satisfaire  la  volonté  de  son 
père,  il  se  résigna  à  faire  du  droit,  puis  revint  à  Laval 
où  il  fut  longtemps  premier  clerc  dans  l'étude  paternelle. 
Enfin  il  succéda  à  son  père  en  1856,  et,  comme  sa 
science  juridique  était  très  appréciée  ainsi  que  la  droiture 
de  son  esprit,  il  ne  tarda  pas  à  se  placer  très  haut  dans 
l'estime  de  ses  collègues  qui  devaient,  en  1884,  le 
nommer  président  de  la  chambre  des  notaires  de  l'arroD- 


Sollicité  à  plusieurs  reprises  de  se  porter  candidat  à 
la  députation,  dans  des  conditions  et  des  circonstances 
où  son  élection  eût  été  certaine,  M.  Fontaine  refusa 
toujours,  ne  voulant  pas,  disait-il,  mener  de  front  les 
affaires  publiques  et  celles  de  son  étude.  Mais,  s'il 
entendait  rester  notaire  avant  tout,  il  n'avait  pas  pour 
cela  dit  entièrement  adieu  à  la  littérature.  Nommé 
administrateur  de  la  bibliothèque  municipale  de  Laval, 
il  y  passait  presque  toutes  ses  soirées,  plongé  dans  la 
lecture  des  ouvrages  les  plus  sérieux.  Et  le  besoin  de  ce 
passe-temps  était  devenu  si  impérieux  chez  lui,  que, 
dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  devenu  aveugle,  il 
n'en  continuait  pas  moins  ses  séances  de  chaque  soir  a 
la  bibliothèque,  se  faisant  accompagner  d'une  personne 
chargée  de  lui  faire  les  lectures  qu'il  ne  pouvait  plus  faire 
lui-même  ! 

Ainsi,  Edmond  Fontaine,  tout  en  accomplissant  ponc- 
tuellement, comme  notaire,  son  devoir  professionnel, 
était  resté  un  fervent  de  la  littérature.  II  était  même 
poète  à  ses  heures,  et  avait  composé  quelques  ouvrages 
en  vers  qu'il  gardait  en  manuscrit.  Mais,  ayant  de  lui- 


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—  403  — 

même  une  opinion  trop  modeste,  il  avait,  quelques 
années  avant  sa  mort,  détruit  toutes  ces  productions 
inédites,  ne  voulant  rien  en  laisser  à  la  postérité. 

Il  est  mort  à  Laval,  le  7  janvier  1898  '. 

Comme  le  lauréat  dont  nous  venons  de  parler,  Henri- 
Louis-Marie  Duchemin  était  né  à  Laval  en  1818.  Fils  de 
Gabriel-Kené  Duchemin  et  d'Aimée  Le  Segretain,  il 
était  issu,  tant  en  ligne  paternelle  qu'en  ligne  maternelle, 
de  deux  des  plus  anciennes  familles  bourgeoises  de  cette 
ville.  Après  avoir  commencé  ses  études  au  collège  de 
Laval,  U  fut  envoyé  en  1835  pour  les  terminer  à  Paris 
au  collège  Stanislas,  alors  très  brillant  dans  les  luttes 
universitaires,  et  où  du  restei'avait  précédé,  peu  d'années 
auparavant,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  son  compatriote 
de  Mayenne  GabrieUHilaire  Bonne.  Là,  pendant  les  trois 
années  qu'il  devait  passer  dans  cet  établissement,  il 
n'allait  cesser  de  se  montrer  un  élève  accompli  sous  tous 
les  rapports  et  à  qui  on  ne  faisait  qu'un  reproche,  celui 
de  0  travailler  trop  ».  Mais  cet  excès  de  travail  n'avait 
pas  tardé  à  être  largement  récompensé  ;  entré  en  1834 
à  Stanislas  comme  élève  de  seconde,  Henri  Duchemin 
obtint  l'année  suivante  au  Concours  général  un  premier 
prix  de  version  latine,  et  sa  copie  couronnée,  comme  celle 
d'Edmond  Fontaine  un  an  auparavant,  eut  les  honneurs 
de  la  publication.  S'il  fut  moins  heureux  en  rhétorique, 
il  eut  du  moins  en  philosophie  un  accessit  de  dissertation 
latine . 

11  semblait  dit  qu'en  ces  années-là  la  gloire  de  repré- 
senter brillamment  la  ville  de  Laval  dans  les  joutes  uni- 
versitaires de  la  Sorbonne  fût  réservée  aux  futurs 
notaires.  Comme  son  émule  du  Concours  général 
Edmond  Fontaine.  Henri  Duchemin  allait,  lui  aussi, 
embrasser  la  carrière  notariale.  11  acheta  en  effet  en  1849 


1,  Nous  noua  Bomme*  servis  principalement,  pour  composer  cette 
notice,  des  reDeelgnemeuta  que  M.  Germain,  notaire  à  Laral,  et  suoces- 
seur  de  M'  Fontaine,  a  bien  voulu  nous  envo7er  sur  ce  dernier  dont  il 
D  été  longtemps  i'umt  en  mËme  temps  que  le  principal  clerc  ;  nous  iul 
adrewoni  ici  i'expreHlon  de  toute  notre  gmtltôde. 


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l'étude  de  M"  Beanard,  à  Laval,  et  il  était  depuis  quelques 
années  président  delà  Chambre  des  notaires  de  l'arron- 
dissement, quand  il  mourut  le  8  août  1884. 

A  cette  même  distribution  des  prix  de  la  Sorbonne 
de  1837  où  Henri  Duchemin  avait  obtenu  en  philosophie 
un  accessit  de  dissertation  latine,  un  autre  Lavallois, 
Esprit- Adolphe  Segretaîn,  élève  du  collège  de  Versailles, 
avait  en  rhétorique  le  troisième  accessit  de  discours 
français  et  le  huitième  de  vers  latins.  Ce  double  succès 
annonçait  chez  le  jeune  rhétoricien  un  certain  talent 
littéraire  qui  allait  bientôt  lui  permettre,  une  fois  sorti 
du  collège,  de  se  faire  connaître  du  public  par  divers 
ouvrages,  de  plus  ou  moins  longue  haleine,  tous 
empreints  d'un  incontestable  don  d'imagination.  C'est 
d'abord  en  1840  un  volume  de  Poésies  de  collège,  où  l'on 
rencontre,  selon  la  mode  du  temps,  un  drame  historique 
en  cinq  actes  et  en  vers.  C'est  ensuite,  et  la  même 
année,  un  Essai  sur  rimagination,  suivi  d'une  critique 
du  Spiridion  de  Georges  Sand  et  d'une  étude  sur  le 
Phédon.  C'est  encore,  dans  les  années  suivantes,  un 
roman,  Jérôme  Cardan,  qui  parut  dans  VEcko  de  la 
Mayenne  ;  puis  un  véritable  ouvrage  en  deux  volumes, 
intitulé  Des  éléments  de  l'État,  ou  Cinq  questions  sur 
la  religion,  la  philosophie,  la  morale,  l'art  et  la  poli- 
tique; enfin  une  Exposition  raisonnée  de  la  doctrine 
philosophique  de  M.  de  la  Mennais.  Comme  on  le  voit, 
l'ancien  lauréat  de  discours  français  et  de  vers  latins 
avait  l'esprit  ouvert  sur  toutes  les  graves  questions 
littéraires  ou  philosophiques  qui  passionnaient  ses 
contemporains.  De  là  au  journalisme  il  n'y  avait  qu'un 
pas.  Ce  pas.  il  le  franchit  en  1848  et  il  devint  tdors  un 
des  principaux  rédacteurs  de  VÉcho  de  la  Mayenne. 
Bientôt  même  il  se  lança  dans  la  politique  active  :  après 
avoir  échoué  une  première  fois  en  1849  comme  candidat 
aux  élections  pour  l'Assemblée  nationale,  il  réussit 
en  1852  à  se  faire  élire  député  de  Château-Gontier.  Puis 
en  1853,  il   fut  nommé  par  l'empereur  Napoléon   III 


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maire  de  Laval,  fonction  qu'il  devait  garder  jusqu'en 
1857,  Mais  cette  année-là,  n'ayant  pu  se  faire  réélire 
député  de  Château-Gontier,  il  abandonna  la  politique  et 
se  réfugia  dans  la  vie  privée.  En  1861,  il  fut  créé  com- 
mandeur de  l'ordre  de  Saint-Grégoire  le  Grand.  Il  mou- 
rut à  Paris  l'année  suivante  ', 

La  distribution  des  prix  de  la  Sorbonne  de  1837  avait 
été  particulièrement  favorable  à  notre  département. 
Tandis  que  les  élèves  Duchemin  et  Segretain,  l'un  et 
l'autre  Lavallois,  obtenaientdes  nominations,  le  premier 
en  philosophie  et  le  second  en  rhétorique,  en  cinquième, 
un  élève  originaire  de  l'arrondissement  de  Mayenne, 
Hector  Damoiseau,  qui  commençait  ses  études  à  Louis- 
le-Grand,  avait  deux  accessits  en  thème  latin  et  en  ver- 
sion grecque.  Probablement  petit-tils  d'Etienne-Michel 
Damoiseau  qui,  vers  1800,  demeuraità  Ravigny  et  y  exer- 
çait la  charge  d'oihcier  de  santé,  en  tous  cas  fils  de 
Loui.s-Jacques  Damoiseau,  propriétaire,  et  de  Michelle- 
Barbe  Larue,  Hector  Damoiseau  était  né  le  22  février 
1824  à  Cliampfrémont.  Envoyé  dés  l'âge  de  treize  ans 
au  collège  Louis-Ie-Grand  pour  y  faire  sa  cinquième,  il 
y  avait,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire,  assez  brillam- 
ment débuté.  Et  pourtant,  malgré  ce  beau  début,  on  lui 
lit  redoubler  sa  classe  :  on  tenait  apparemment  à  ce 
qu'il  remportât  des  prix  !  Et  en  effet,  l'année  suivante,  il 
eut  le  premier  prix  de  thème  latin,  avec  un  deuxième 
accessit  de  version  grecque.  C'était,  on  le  voit,  un  bon 
élève  dans  toute  la  force  du  terme.  En  1839,  il  eut 
encore  au  Concours  général,  comme  élève  de  quatrième, 
le  premier  prix  de  thème  latin  et  un  accessit  de  thème 
grec.  II  fut  moins  heureux  les  années  suivantes  où  il  fit, 
toujours  à  Louis-le-Grand,  sa  troisième,  sa  seconde  et 
deux  années  de  rhétorique.  II  eut  cependant,  tous  les 
ans,  au  moins  un  accessit,  de  sorte  que  de  1837  à  1843, 
c'est-à-dire  pendant  sept  années  consécutives,   il  ne 


1.  A.  ADgot,  DicttonTtaire  de  la  Mayenne. 


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—  406  — 

manqua,  chose  rare,  aucune  des  distributions  de    la 
Sorbonne. 

Une  fois  ses  études  terminées,  Hector  Damoiseau 
entra  au  séminaire  et  fut  ordonné  prêtre.  Mais,  d^un 
caractère  original  et  exalté,  il  ne  tarda  pas  a  abandoD- 
ner  le  diocèse  du  Mans  pour  passer  en  Italie  où  il  se  lit 
le  disciple  et  l'admirateur  du  fameux  Dom  Angelo  Bersi. 
Associé  avec  ce  dernier,  il  engloutit  toute  sa  fortune 
personnelle,  soit  80.000  francs,  dans  la  construction  d'un 
séminaire  qu'au  moment  de  l'ouverture,  une  décision 
pontificale  vint  mettre  en  interdit,  l'enseignemerst  qni 
devait  y  être  professé  n'ayant  pas  semblé  sufTisamment 
orthodoxe.  II  se  retira  alors  à  Saint-Pierre  d'Aren  e» ,  fau- 
bourg de  Gênes,  chez  les  Salésiens,  et  y  mounni*  Is 
I"  août  1901. 

Si  le  département  de  la  Mayenne  se  distinguait  »iï^si, 
sous  le  gouvernement  de  juillet,  dans  les  compo^it***"* 
du  Concours  général,  par  de  nombreux  succès  en 
lettres,  il  n'était  pas  moins  heureux  du  côté  des  sei^n*^**- 
Déjà  en  1839,  un  jeune  Lavallois,  Léon  de  Messey  t  1"^ 
suivait  au  collège  Saint-Louis  le  cours  de  malt»*™*" 
tiques  élémentaires,  avait  obtenu  un  troisième  ac;<5«^*'* 
de  mathématiques.  Né  à  Laval  le  9  mars  1823,  et  tfî  1^  du 
comte  de  Messey,  ancien  élève  de  l'Ecole  polytechi»  iq"^» 
ancien  garde  du  corps,  retraité  en  1830  comme  sou3- 
intendant  militaire,  et  de  Mme  Angélique  Du  Me»''!®  "^ 
Cbalais,  le  jeune  lauréat  se  préparait  à  l'école  n  ««."vale. 
II  y  fut  reçu  en  cette  même  année  1839,  fut  nom»*ïe  en 
1845  enseigne  de  vaisseau  et  prit  part  avec  ce  gracl  ^'  ^"^ 
expéditions  des  lies  Marquises  et  de  Mogador.  11  «ionno 
en  1847  sa  démission  pour  se  marier,  se  retira  ai»  *^ 
teau  de  Loucherais  en  Anjou  et  devint  l'année  buî"*'*" 
maire  de  la  commune  de  la  Jaille-Yvon.  11  vit  encor^^  ■<  "^ 
de  plus  de  quatre-vingts  ans,  et  se  trouve  actuel!*^  tneti 
le  doyen  des  lauréats  du  Concours  général  apparfc^"*" 
au  département  de  la  Mayenne. 

Quatre  ans  après  la  distribution  de  1839,  à  cel*®    * 


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1843,  ce  n'est  plus  seulement  un  accessit,  mais  le  premier 
prix  de  mathématiques  qu'obtient,  dans  cette  même 
classe  de  mathématiques  élémentaires,  un  enfant  de 
notre  département,  Emile-Edouard  Chevrinais,  élève  du 
collège  Char lem a gne.  Ce  dernier  était  né  le  10  mars  1826 
à  Mayenne  de  l'union  d'Emmanuel  Chevrinais,  phar- 
macien en  cette  ville,  et  d'Hortense- Agathe  Maliet. 
Malheureusement,  par  suite  de  l'état  précaire  de  sa 
santé,  Emile-Edouard  Chevrinais  ne  devait  pas  réaliser 
les  espérances  qu'avaient  fait  concevoir  ses  débuts.  Il  est 
mort  le  3  juillet  1883. 

Mais  celui  de  nos  compatriotes  qui,  en  ces  années-là, 
remporta  au  Concours  général  dans  les  compositions  de 
sciences  les  succès  les  plus  importants  fut  Emile  Gripon, 
de  Chôteau-Gontier.  Né  dans  cette  ville  le  20  août  1825, 
de  parents  qui  y  tenaient  un  petit  commerce  et  qui 
surent  s'imposer  de  lourds  sacrilîces  pour  subvenir  à 
l'instruction  de  leur  fds,  le  futur  lauréat  de  l'Université 
avait  fait  ses  premières  études  au  collège  de  Chéteau- 
Gontier  sous  la  direction  de  l'abbé  Descars,  et  dès  1840, 
à  peine  âgé  de  quinze  ans,  il  s'était  fait  recevoir  à  Angers 
bachelier  es  lettres.  Destiné  alors  aux  sciences  par  ses 
parents,  il  fut,  sur  le  conseil  de  l'abbé  Descars,  envoyé 
à  Paris,  d'abord  au  collège  Stanislas,  où  il  passa  une 
année  (1840-1841),  puis  à  l'institution  Jauiïret  alin  d'y 
suivre  les  cours  du  lycée  Charlemagne.  A  Stanislas  il 
avait  déjà  fait  une  première  année  de  mathématiques 
élémentaires  ;  il  en  fit  une  seconde  dans  le  célèbre 
collège  où  il  venait  d'entrer.  A  la  fin  de  l'année,  il  prit 
part  aux  compositions  du  Concours  général  (1842)  et 
eut  deux  nominations  en  mathématiques  et  en  physique. 
L'année  suivante,  en  mathématiques  spéciales,  il  réussit 
encore  davantage.  A  la  distribution  des  prix  du  Concours 
général,  il  fut  couronné  deux  fois  :  pour  le  premier  prix 
de  physique,  et  pour  le  second  de  chimie.  Parmi  ses  con- 
currents, battus  par  lui,  se  trouvait  un  élève  du  lycée 
Saint-Louis   dont  le   nom  devait    être    illustre    dans 


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—  408  — 

l'avenir,  Louis  Pasteur,  qui  avait  eu  très  modestement 
le  sixième  accessit  de  physique.  Ce  dernier  fut  reçu  cette 
année-là  à  l'École  normale.  Quant  à  Emile  Gripon,  qui 
n'avait  encore  que  dix-huit  ans,  il  fit  une  seconde  année 
de  mathématiques  spéciales,  à  la  fin  de  laquelle,  s'il  n'eut 
pas,  comme  l'année  précédente,  de  prix  au  Concours 
général,  il  eut  du  moins  le  deuxième  accessit  de  mathé- 
matiques spéciales  et  le  troisième  de  chimie. 

Quelques  mois  après,  le  lauréat  du  Concours  général 
était  reçu  à  la  fois  à  l'Ecole  polytechnique  et  à  FEcole 
normale.  Il  opta  pour  l'Ecole  normale  où  il  passa  trois 
ans  {1844-1847).  C'est,  nous  l'avons  vu,  en  physique  que 
le  jeune  normalien  avait  eu  son  plus  beau  succès  uni- 
versitaire ;  et  c'est  aussi  cette  science  qu'en  1847,  il  fut 
chargé  d'aller  enseigner  à  Saint-Etienne,  son  poste  de 
début  dans  le  professorat.  Il  fut  reçu  dès  l'année  sui- 
vante agrégé  des  sciences  physiques.  Cette  même 
année  1848,  il  était  nommé  au  lycée  d'Avignon  ;  il  y  passa 
deux  ans,  ainsi  qu'au  lycée  de  Brest  où  il  fut  envoyé 
ensuite.  Cependant  la  légitime  ambition  de  notre  compa- 
triote devait  être  de  se  rapprocher  de  son  pays  natal. 
Ce  fut  en  1852,  cinq  ans  après  sa  sortie  de  l'Ecole 
normale,  que  cette  faveur  lui  fut  accordée.  On  lui  avait 
donné  la  chaire  de  physique  au  lycée  d'Angers,  chaire 
qu'il  devait  occuper  pendant  treize  années,  jusqu'à  son 
passage  de  l'enseignement  secondaire  dans  l'enseigne- 
ment supérieur.  Le  principal  événement  de  sa  vie  de 
professeur  dans  la  capitale  de  l'Anjou  fut  l'inauguration 
faite  par  lui  en  1855  d'un  cours  public  de  physique  à 
l'Ecole  supérieure  des  sciences  et  lettres.  En  même 
temps,  il  préparait  sa  thèse  pour  le  doctorat  es  sciences 
physiques,  et  il  la  soutint  avec  succès  en  1864  à  Paris, 
ce  qui  lui  valut  l'année  suivante  une  médaille  d'argent 
au  Concours  des  sociétés  savantes. 

M.  Gripon  venait  alors  d'obtenir  son  entrée  dans 
l'enseignement  supérieur,  et  il  quittait  Angers  pour  se 
rendre  à  Lille  en  qualité  de  professeur  suppléant  de 


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—  409  — 

physique  à  la  Faculté  des  sciences.  Mais  Lille  était  bien 
loin  de  Château-Gontier  !  Enfin  au  bout  de  trois  ans  de 
séjour  dans  le  Nord,  ii  fut  nommé  professeur  litulaipe  à 
la  Faculté  des  sciences  de  Rennes.  C'est  dans  ce  poste 
que  s'est  écoulé  le  reste  de  sa  carrière  de  professeur 
jusqu'à  sa  retraite  en  1895.  11  était  alors  professeur 
de  1"  classe,  officier  de  l'Instruction  publique,  et  cheva- 
lier de  la  Légion  d'honneur. 

M.  Emile  Gripon  a  publié  un  certain  nombre  de 
mémoires  d'acoustique  qu'on  peut  lire  dans  les  Annales 
de  l'École  normale,  le  Journal  de  physique  et  les 
Comptes  rendus  de  V Académie  des  sciences.  Il  a  encore 
fait  imprimer  des  Traités  élémentaires  de  physique 
pour  l'enseignement  spécial,  l'enseignement  classique 
et  l'enseignement  primaire  '. 

Pendant  la  période  qui  s'étend  de  la  révolution  de  1848 
au  coup  d'état  de  1851,  la  distribution  des  prix  de  1849 
nous  fait  apparaître  deux  lauréats  originaires  de  Laval, 
Romain-Charles-Edouard  Collignon,  et  Louis-Henri 
Ponthieux.  Le  premier,  élève  de  mathématiques  spéciales 
au  lycée  Louis- le-Grand,  avait  failli  remporter  le  prix 
d'honneur  de  sciences  :  il  avait  eu  le  second  prix  de 
mathématiques^.  Le  second,  élève  de  troisième  au  lycée 
de  Versailles,  avait  eu  un  premier  prix  d'histoire. 

1.  M.  Em.  Gripon  a  eu,  selon  notre  désir,  l'eitreme  obligeance  de 
nous  i^nvo^er  lui-mfime  les  renseignements  précis  STec  lesquels  nous 
avons  pu  composer  la  notice  qui  le  eoncerne:  nous  tenons  h  lui  en 
exprimer  ici  toute  notre  reconnaissance. 

!.  Lea  mathématiciens  qui  liront  cet  article  ne  seront  sans  doute  pas 
Hchés  de  connaître  le  problème  qui  aTBit  été  donné  à  résoudre  à 
M,  Collignon,  le  toIcI  : 

■Soient  données  dans  un  même  plan  une  ellipse  et  une  droite  située 
au  dehors  de  la  courbe  :  sur  cette  droite  on  peut  prendre  une  Inflnité  de 
systèmes  de  deux  points  m.  ni',  conjugrués  relativement  à  l'ellipse  de 
manlËre  que  la  polaire  d'un  de  ces  points  passe  par  l'autre  m'  (c'esl-à- 
dim  deux  points  tels  que,  si,  par  l'un  m,  aa  mène  les  deux  tangentes  à 
l'ellipse,  la  droite,  qui  Joint  les  deux  points  de  contact,  passe  par  l'autre 
point  m'].  Cela  posé  :  !■  on  demande  de  prouver  qu'il  existe  dans  le  plan 
deux  points  o.  o'.  tels  que,  de  chacun  d'eux,  on  vole  chaque  segment 
m.  m' sous  un  angle  droit.  2*  SI  la  droite  4,  4'  se  meut  parallèlement  à 
elle-même,  les  points  0.  a'  changent  de  position,  et  l'on  demande  leur 
lieu  géométrique. 


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—  410  — 

Nous  savons  fort  peu  de  chose  sur  la  destinée  ulté- 
rieure de  ce  dernier,  qui  était  né  à  Laval  le  17  juillet  1833 
de  l'union  de  Louis-Lambert  Ponthieux  et  d'Henriette- 
Perrine  Chelle,  tous  deux  domestiques  au  service  de  la 
famille  de  Boutray.  D'après  les  vagues  renseignements 
que  nous  avons  pu  nous  procurer  sur  lui,  il  serait  devenu 
plus  tard  professeur  d'histoire  dans  l'Université,  mats  il 
est  en  tous  cas  certain  qu'il  n'avait  pas  passé  par  l'Ecole 
normale. 

Quant  à  Romain-Charles-Edouard  Collignon,  nous 
n'avons  pas  la  même  incertitude  à  son  égard.  Né  à  Laval 
le  29  mars  1831,  il  était  le  fils  d'un  ingénieur  des  ponts 
et  chaussées  d'origine  messine,  Charles-Etienne  Colli- 
gnon, qui  se  trouvait  en  résidence  dans  le  chef-Heu  du 
département  de  la  Mayenne  et  y  reçut  la  mission  de 
surveillerl  a  construction  des  grandes  routes  stratégiques. 

Le  jeune  Edouard  Collignon  passa  donc  les  premières 
années  de  son  enfance  à  Laval;  mais  en  1840,  quand  il 
fut  en  âge  de  commencer  ses  études,  ses  parents  avaient 
transféré  leur  résidence  à  Nancy,  et  ce  fut  au  collège 
royal  de  cette  ville  qu'il  fit  la  plus  grande  partie  de  ses 
classes  depuis  la  septième  jusqu'à  la  seconde.  En  1846 
on  l'envoya  à  Paris  pour  suivre,  comme  pensionnaire  de 
Sainte-Barbe,  les  cours  du  collège  Louis-le-Grand  ;  c'est 
de  celte  façon  qu'il  lit  successivement  sa  rhétorique  {1846- 
1847)  ;  sa  philosophie  et  ses  mathématiques  élémentaires 
(1847-1848)  ;  enfin  ses  mathématiques  spéciales  (1848- 
1849). 

On  a  vu  plus  haut  avec  quel  succès  Edouard  Collignon 
avait  pris  part  cette  année-là  aux  compositions  du 
Concours  général,  et  il  lui  fut  ainsi  donné  d'assister  à 
cette  mémorable  distribution  des  prix  du  14  août  1849 
si  adroitement  présidée  dans  des  circonstances  particu- 
lièrement délicates  par  le  ministre  d'alors,  M.  de  Falloux. 
Nous  laissons  ici  la  parole  au  futur  abbé  Perreyve, 
présent  lui  aussi  à  la  séance,  qu'il  a  si  bien  racontée 
dans  une  de  ses  Lettres  à  un  ami  d'enfance  : 


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—  411  — 

«...  C'était  donc  hier,  écrivait-il,  la  séance  du  Con- 
cours. Tu  connais  l'exorde  :  la  Marseillaise,  le  Chant 
du  Départ,  etc.  Les  facultés  entrent,  le  Conseil,  les 
massiers,  et  (mouvement  général,  on  entonne  la  Mar- 
laise,  tumulte  indicible)  M.  le  Ministre  (immense  cri 
de  :  Vive  la  République!  Vive  l'Université!).  C'était  évi- 
demment un  défi  :  il  eut  le  bon  goût  de  le  comprendre. 
Il  Fait  trois  ou  quatre  pas  dans  la  salle,  s'arrête  tout  à 
coup  en  face  des  élèves,  et  fait  avec  l'air  le  plus  majes- 
tueux du  monde  un  grand  salut  que  l'on  a  pris  pour  un 
signe  d'assentiment.  11  n'en  fallait  pas  plus  pour  dissi- 
per les  nuages  de  conspiration  qui  s'étaient  çà  et  là 
amoncelés.  Les  professeurs  et  les  parents  applaudirent 
son  geste  comme  un  petit  prodige  d'esprit  et  de  pru- 
dence, les  élèves  l'applaudirent  comme  une  concession, 
chacun  crut  en  avoir  l'avantage,  et  d'ailleurs  la  parole 
ayant  été  donnée  aussiti^t  à  M.  Janowski  (le  professeur 
chargé  du  discours  d'apparat)  les  uns  et  les  autres 
sortirent  d'embarras...  » 

Et  le  jeune  narrateur  ajoute  un  peu  plus  loin  dans  la 
même  lettre  : 

«  ...  M.  de  Falloux,  avec  une  courtoisie  tout  aristo- 
cratique, descendait  de  son  siège  pour  embrasser  les 
lauréats,  et  parlait  à  ces  Messieurs  les  Universitaires 
avec  une  exquise  bienveillance...  » 

Telle  fut,  d'après  l'abbé  Perreyve,  cette  fameuse  dis- 
tribution des  prix  du  Concours  général  du  14  aoiU  1849. 
Du  reste,  M.  de  Falloux  fut  particulièrement  aimable 
pour  le  lauréat  qui  nous  intéresse.  En  lui  remettant  son 
second  prix  de  mathématiques  spéciales,  il  lui  lit  remar- 
quer qu'ils  étaient  tous  les  deux  originaires  de  la  même 
région  '. 

Cette  même  année  où  notre  compatriote  avait  failli 
avoir  le  prix  d'honneur  de  sciences  au  Concours  général, 
il  était  reçu  avec  le  numéro  i  à  l'École  polytechnique, 

1.  Souvenir  personoel  de  M.  Colligraon  qa'll  &blen  voulu  noua  confler. 


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—  412  ~ 

d'où,   deux   ans   après,   il   sortait   avec  le    ouméro   3. 
Il  eût  pu,  grâce  à  ce  classement  exceptionnel,  choisir 
l'Ecole  des  mines,  vers  laquelle  il  se  sentait  personnelle- 
ment attiré,  mais,  pour  obéir  au  vœu  de  son  père,  il 
flxa  son  choix  sur  la  carrière  des  ponts  et  chaussées. 
Il  y  débuta  par  différentes  missions  à  Angers  (1852),  à 
rtle  de  Ré  (1853),  en  Belgique,  en  Hollande  et  aux    Iles 
Britanniques  (1854).  Attaché  en  1855  au  service  de  la 
ville  de  Paris,  il  y  étudia  plus  spécialement  la  dérivation 
d'eaux  potables  vers  la  capitale.  Puis  en  1857,  son  père 
ayant  été  investi  des  importantes  fonctions  de  directeur 
général  de  la  Société  des  chemins  de  fer  russes,  il  '^ 
suivit  en  Russie,  où  ils  passèrent  cinq  ans,  occupés  à  la 
construction  des  lignes  de  Saint-Pétersbourg  à  Varsovie 
(avec  embranchement  vers  la  frontière  de  Pmsse)  ,  ^^  "^ 
Moscou  à  Nijni-Novgorod,  De  retouren  France  en  1862, 
M.  Edouard  Collignon  fut  d'abord  envoyé  a  Lorienl^ 
puis,  l'année  suivante,  ayant  été  attaché  au  servie*:  du 
ministère  de  la  guerre,  il  fut  nommé  répétiteur  à  I't2<*|^ 
polytechnique,  grâce  à  un  mémoire  sur  la  géoméine 
qu'il  avait  rapporté  de  Saint-Pétersbourg  et  qui  a'vo'*  *"* 
un  certain  succès.  Plus  tard  il  reçut  dans  cette  Écroleles 
fonctions  d'examinateur  de  sortie  des  élèves  pour  la 
mécanique,  et  il  devait  les  conserver  jusqu'en      IS""- 
Pendant  cette  môme  période,  son  service  au  minist-*^*'*''^ 
la  guerre  n'avait  pas  empêché  M.  Collignon  de     rcst*'" 
attaché  à  celui  des  travaux  publics  ;  chargé  en  iS^^^^ 
professer  a  l'Ecole  des  ponts  et  chaussées  le  co'U''*^ 
mécanique  appliquée,  il  y  a  continué  ce  cours  p*:?!^"'''' 
trente-deux  ans,  et,  à  partir  de  1879,  il  a  réuni      ^^   ^^^ 
fonctions  dc!  professeur  celle  d'inspecteur  de  l'Jji'*'**' 
Enfin  il  a  été  retraité  en  1890  comme  inspecteur  }Ç-*:>n^'^ 
des  ponts  et  chaussées  et  en  1901  comme  exami  i"»  f  *'""^ 
honoraii-e  à  l'Ecole  polytechnique. 

Telle  est  la  double  carrière  fournie  par  l'ancis  " 
réat  du  Concours  général  de  1849  pendant  de  lo**^"^' 
années  aux  Ponts  et  Chaussées  et  à  l'École  pol^'*'^ 


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—  413  — 

nique;  carrière,  comme  on  le  voit,  des  mieux  remplies. 
Mais  ce  n'est  pas  tout  :  au  milieu  d'une  vie  déjà  très 
occupée,  M.  Collignon  a  trouvé  le  temps  de  publier  un 
certain  nombre  d'ouvrages  :  Les  chemins  de  fer  russes 
de  1851  à  1862;  Cours  de  résistance  des  matières; 
Cours  d'hydraulique  ;  Cours  d'analyse  à  fÉcole pré- 
paratoire (1875-1879)  ;  Traité  de  mécanique,  etc.  Il  a 
aussi  collaboré,  par  la  publication  de  divers  mémoires, 
aux  Annales  des  Ponts  et  Chaussées,  au  Journal  de 
l'École  Polytechnique,  aux  Nouvelles  Annales  de  ma- 
thématiques, aux  Procès-verbaux  de  la  Société  mathé- 
matique d'Edimbourg  et  au  Bulletin  de  la  Société 
d'encouragement.  On  lui  doit  enfin  les  Comptes  rendus 
des  congrès  de  l'Association  française  pour  l'avance- 
ment des  sciences  (1873  à  1903). 

Tant  de  services  rendus  à  la  science  par  notre  compa- 
triote d'origine  comme  ingénieur,  professeur  ou  écrivain 
ne  pouvaient  rester  sans  récompense.  Aussi  l'Académie 
des  Sciences  lui  a-t-elle  accordé  en  1881  le  prix  Dalmout 
et  en  1888  le  prix  Poncelet.  Il  a  été  d'ailleurs  décoré  de 
différents  ordres  :  chevalier  de  la  Légion  d'honneur 
dès  1868,  il  a  été  fait  officier  en  1893  ;  il  a  reçu  en  1901 
les  palmes  d'oflicier  de  l'instruction  publique  ;  il  est 
en  outre  officier  de  l'ordre  égyptien  de  la  Medjidié, 
commandeur  de  la  Couronne  de  Homanor,  du  Ciirist  de 
Portugal,  d'Isabelle  la  Catholique,  et  grand  officier  du 
Nicbani  Iftikar  de  Tunis  '. 

I.  Nous  ne  saurloDB  trop  remercier  ici  M.  Ed.  Collignon  qui,  comme 
M.  Em.  Grlpon,  a  bien  voulu  nous  laclllter  noire  Uclie  en  rédigeant  à 
notre  intention  une  notice  sommaire  sur  sa  vie  et  ses  travaux. 


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LES  TRIBULATIONS  D'ERNAUD 

ABBÉ    D'ÉVRON 
(1262-1263). 


A  M.  L£  U''  DE  Beauchesnc. 

Ernaud,  abbé  d'Evron,  a  peu  bénéficié  de  la  renom- 
mée. De  son  long  abbatial,  résumé  en  une  douzaine  de 
lignes  par  le  moderne  continuateur  du  Gallia,  trois  ou 
quatre  faits  au  plus  ont  échappé  à  l'oubli  '.  Le  reste  est 
inconnu  ;  la  date  même  de  sa  mort  demeure  un  pro- 
blème ^.  On  sait  seulement  en  substance  que  ce  person- 
nage fut  administrateur  entendu,  voisin  cbaritable.  Un 
des  rares  documents  qui  le  concernent,  nous  le  montre 
abandonnant  aux  religieux  de  la  Chartreuse  du  Parc  le 
prieuré  de  Saint-Denis-d'Orques  '  ;  un  autre  laisse  entre- 
voir que  constamment  il  entretint  des  rapports  amicaux 
avec  l'évéque  du  Mans,  Geoffroy  de  Loudon,  par  lequel, 
en  septembre  1252,  il  avait  fait  consacrer  l'église  de  son 
monastère  *. 

1.  Gallia  Christiana.  t.  XIV,  col.  i87. 

2.  Le  rAriacteur  du  Cartulaîre  d'Évro»  consacre  ces  quelques  lignes  à 
la  mort  d'Ernaud  :  n  Harnsudi  abbtttis  abitiu  In  antiquo  bujus  abballae 
«  martyrolog-io  ponllur  decimo  calendas  decembris.  at  quo  anno  Blletur. 
(I  Cum  autem,  ut  supra  vldlmus,  illlus  meDtio  reperlatur  usquo  ad 
u  Tlgiliam  Pascbae  In  anno  1S58,  quae  quldem  vigllla  cum  esset  ultltns 
«  hujus  anni  dles,  hinc  probsbile  est  usque  ad  sequentem  1E)9  perT«- 
(I  Disse,  u  Cartul.  d'Évron,  p.  169.  —  Commualcation  de  M.  Lauraln, 
archiviste  de  la  Mayenne,  auquel  Je  suis  heureux  d'adrosier  de  ià-baa 

3.  Gérault,  Notice  historique  sur  Évron,  p.  l5S-15t. 

4.  Carlul.  d'Évron.  Blbl.  oat.,  ms.  Ut.  IT.1U,M79. 


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—  415  — 

Jusqu'à  présent  nos  rensei  céments  ne  nous  permet- 
taient guère  d'avancer  autre  chose  sur  son  compte. 
Mais  voici  que,  grâce  à  deux  bulles  des  Registres 
d'Urbain  /r,dont  M.  Jean  Guiraud  poursuit  la  publica- 
tion ',  nous  nous  trouvons  en  mesure  d'en  dire  un  peu 
plus,  de  proposer  même  quelques  retouches  au  texte  de 
M.  Hauréau.  Cette  nouvelle  source  nous  révèle  en  effet 
qu'Ernaud  a  vécu  au  delà  de  ce  que  l'on  avait  supposé 
jusqu'ici  et  que  ses  derniers  jours  se  consumèrent  dans 
l'épreuve.  11  eut  des  démêlés  avec  son  ordinaire  diocé- 
sain ;  il  dut  engager  procès  sur  procès,  entreprendre  de 
lointains  déplacements,  défendre  son  honorabilité  atta- 
quée auprès  du  Siège  apostolique.  Ses  adversaires 
étaient  Geoffroy  Freslon,  évi^que  du  Mans,  et  Vincent  de 
Pirmil,  archevêque  de  Tours.  Alais,  autant  que  l'on  en 
peut  conclure  de  l'exposé  des  documents  pontificaux,  les 
deux  prélats  mirent  à  poursuivre  le  vieil  abbé  une  ani- 
mosité  d'autant  moins  excusable  que,  pour  le  réduire  au 
silence,  ils  ne  reculèrent  pas  devant  un  acte  de  force 
ouverte. 

Nos  textes  sont  très  explicites  et  se  complètent  l'un 
l'autre.  Ce  sont  deux  commissions  d'enquête  à  propos  de 
cette  affaire  ;  elles  ont  été  rédigées  à  Orvieto,  où 
Urbain  IV  résidait  alors,  et  Tulminées  à  un  an  d'inter- 
valle. La  première  porte  la  date  du  11  novembre  1262  et 
s'adresse  à  l'abbé  de  Cormery  ;  la  seconde,  qui  résume 
tout  le  débat,  confère  pleins  pouvoirs  à  l'évéque  nommé 
de  Saint-Malo  pour  trancher  sans  appel  une  question 
qui  menaçait  de  s'éterniser  (13  novembre  1263).  Quant 
aux  faits,  les  voici. 

A  une  époque  vaguement  indiquée  par  nos  bulles, 
mais  qui  doit  coïncider  avec  les  débuts  de  t'épiscopat  de 
Geoffroy  Freslon  (1258-1269),  ce  prélat  fut  saisi  de 
plaintes  contre  Ernaud.  On  ne  nous  dit  pas  de  qui  par- 
tait la  dénonciation,  ni  sur  quels  chefs  elle  portait.  Ce 


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—  416  — 

qui  eat  au  moins  certain,  c'est  qu'entre  le  moine  d'Evroa 
et  le  successeur  de  Geoffroy  de  Loudon,  les  relations 
avaient  perdu  de  leur  cordialité  d'autrefois.  L'évêque 
évoqua  donc  l'affaire  à  son  tribunal,  en  invitant  l'abbé 
à  présenter  sa  défense.  Celui-ci,  contrairement  à  la 
réputation  des  Bas-Manceaux,  ne  parait  pas  avoir  eu  un 
tempérament  processif.  Peut-être  aussi  avait-il  de 
bonnes  raisons  pour  ne  pas  se  lancer  à  la  légère  dans 
une  procédure  dont  les  suites  pouvaient  occasionner 
préjudice  à  son  abbaye.  Toujours  est-il  qu'au  lieu  d'ex- 
plications, il  offrit  de  démissionner.  II  alla  mûme  plus 
loin  et,  par  serment,  il  s'engagea  à  résigner  sa  charge, 
puis  a  se  soumettre  à  la  pénitence  qu'il  plairait  à  Geoffroy 
de  lui  imposer.  Et  ainsi  en  alla-t-il.  Mais  sans  doute  le 
prélat,  dans  son  rôle  de  correcteur,  ne  sut  pas  garder  la 
mesure,  car  Ernaud  trouvant  la  peine  trop  sévère,  inter- 
jeta appel  au  Saint-Siège. 

Le  plaignant  partit  pour  l'Italie.  Geoffroy  Freslon,  de 
son  côté,  avait  député  près  de  la  Cour  pontificale  l'éco- 
làtre  du  Mans  *,  avec  pleins  pouvoirs  pour  agir  à  sa 
place.  La  brouille  à  ce  moment  n'était  pas  encore  irré- 
médiable et  une  transaction  intervint  entre  ce  person- 
nage et  Ernaud.  De  part  et  d'autre,  on  convint  de 
recourir  à  l'arbitrage  d'Hugues  de  Saint-Cher  '  et  de 
s'en  remettre  à  sa  décision.  La  grande  notoriété  dont 
jouissait  ce  personnage  autorisait  ce  choix.  Le  vieux 
cardinal  de  Sainte-Sabine  était  bien  près  alors  du  terme 
de  sa  laborieuse  carrière  :  sa  science,  son  désintéresse- 
ment, son  tact  en  affaires,  la  dignité  de  sa  vie  privée,  en 
faisaient  l'un  des  hommes  les  plus  en  vue  de  l'entourage 
papal.  On  ne  pouvait  mieux  s'adresser. 

Le  pontificat  d'Urbain  IV  ^  ne  faisait  que  commencer. 

1.  Le  nom  est  resté  en  blftnc  dans  les  deux  bulles. 

2.  Il  appartenait  à  l'Ordre  dominicain,  dans  leguel  11  remplit  pIvsEenrs 
chargea  Importantes.  Innocent  IV  l'avait  nommé  cardinal  en  12(4.  Ce 
fut  k  la  fols  un  diplomate  et  un  savant.  Il  mourut  k  ûrvleto  le 
19  mars  1S63. 

3.  Urbain  IV  était  d'origine  cbampenolie  et  s'appelait  Jacques  Panta- 


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Hugues,  en  vertu  d'une  commission  délivrée  par  le 
notaire  Bérard  de  Naples  <,  se  fit  remettre  les  dossiers  et 
prit  connaissance  de  l'affaire.  Sa  sentence,  qui  ne  laisse 
pas  que  d'étonner,  fut  la  suivante.  La  mesure  prise  par 
l'évéque  du  Mans  contre  Ërnaud  était  annulée  et  le  ser- 
ment prêté  par  celui-ci  déclaré  non  valable.  La  question 
ainsi  réglée  sur  le  fond,  Hugues  enjoignait  à  l'abbé  de 
retourner  à  Evron  et  de  reprendre  le  gouvernement  de 
ses  moines  pour  un  laps  de  trente  jours,  que  Ton  devrait 
décompter  à  partir  du  surlendemain  de  sa  rentrée  en 
charge.  Durant  ce  temps,  il  lui  était  interdit  de  passer 
aucun  contrat,  d'aliéner  la  moindre  parcelle  du  temporel 
de  l'abbaye,  sous  peine  de  nullité  de  ses  actes.  Le  mois 
révolu,  à  la  première  injonction  de  Geoffroy,  il  devait  se 
démettre  de  nouveau  et,  qu'il  y  mit  obstacle  ou  non, 
l'abbaye  était  déclarée  vacante  de  droit.  Ce  n'était  pas 
autre  chose  en  somme  qu'une  cote  mal  taillée,  et  Ernaud, 
avant  de  se  voir  débouté  des  lins  de  la  plainte,  aurait  la 
mince  satisfaction  de  reparaître  dans  son  monastère 
pour  un  délai  dérisoire  et  comme  simple  administrateur 
ad  Rutum. 

Ce  règlement  expédié  sous  le  sceau  du  cardinal  de 
Sainte-Sabine  fut  soumis  à  l'approbation  du  pape. 
Geoffroy  Freslon  et  son  agent  eussent,  on  le  devine, 
vivement  souhaité  de  le  voir  ratifier.  Mais  Urbain  IV 
répugnait  aux  mesures  extrêmes  et  celle  d'Hugues  de 
Saint-Cher,  malgré  les  tempéraments  dont  elle  avait  été 
entourée,  n'eut  point  l'heur  de  lui  plaire.  Par  prudence, 
par  conviction  personnelle,  il  inclinait  plutôt,  lui,  vers 


Iton.  11  fit  de  longs  séjours  i  Orrleto.  D'après  un  de  ses  historiens 
c'était  UD  pacifique  :  toute  son  attitude  dans  l'affaire  d'Eroaud  corro. 
bore  cette  asserlIoD. 

1.  «  Bérard  de  Naples,  éfalement  versé  dans  la  Jurisprudence  et  dons 
la  rhétorique,  remplit  avec  un  éclatant  succès  les  toDctlous  de  notaire 
à  la  chancelleria  des  papes  pendant  la  seconde  moitié  du  ii[i'  siècle,  u 
Léopold  Delisle,  Noiice  sur  cinq  manuscrits  lie  la  Bibltothêgue  Natio- 
nale et  gUT  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Bordeaux,  contenant 
des  recueils  épiatolaireg  de  Birard  de  Naples.  Notices  et  extraits  des 
manuscrlU,  t.  XXVII,  £•  partie,  p.  S7-16T. 

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—  418  — 

l'indulgence.  Emaud  était  un  vieillard,  sa  conduite 
n'avait  jamais  été  suspectée  ;  il  avait  outre  cela  procuré 
au  monastère  durant  sa  longue  gestion  de  nombreux  et 
considérables  avantages.  Ouvrir  inopinément  une 
vacance  en  le  déposant  tout  à  fait,  n'était-ce  pas  encou- 
rager les  brigues  et  les  compétitions  parmi  ses  subor- 
donnés? N'était-ce  pas  encore  introduire  dans  l'abbaye 
toute  une  série  de  misères  matérielles  et  morales  ?  Bref, 
l'avis  du  pape  prévalut  et  l'abbé  d'Évron  fut  autorisé  à 
reprendre  le  chemin  du  Bas-Maine  sans  avoir  subi  de 
diminution,  ni  dans  son  honneur  ni  dans  sa  dignité.  On 
l'exhortait  seulement  très  fort  à  surveiller  ses  actes  dans 
l'avenir. 

Quant  à  l'évoque  du  Mans,  Urbain  IV  le  fit  inviter 
par  lettres  à  ne  pas  molester  Emaud  et  à  le  laisser 
jouir  en  paix  de  son  abbaye,  nonobstant  la  sentence 
arbitrale  du  cardinal  de  Sainte-Sabine  et  toutes  autres 
décisions  allant  à  l'encontre.  Si  l'abbé  se  montrait 
contempteur  des  ordres  du  Saint-Siège  ou  prévaricateur, 
Geoffroy  Freslon  avait  le  devoir  d'intervenir,  de  dénon- 
cer même  le  coupable.  Mais,  hormis  ce  cas,  et  à  moins 
d'un  ordre  formel  du  Pape,  il  devait  éviter  de  s'immiscer 
à  l'avenir  dans  les  affaires  d'Ernaud. 

Par  malheur  le  prélat  était  un  homme  tenace.  Rien  ne 
contredit  non  plus  à  ce  que  des  rapports  mensongers,  ou 
encore  la  passion,  ne  l'aient  engagé  partiellement  à  faux 
dans  un  conflit  qui,  malgré  tout,  laisse  une  tache  sur  sa 
mémoire.  Quoi  qu'il  en  soit,  au  lieu  d'user  de  modération 
et  de  s'en  tenir  strictement  aux  instructions  du  Pape, 
l'abbé  n'était  pas  plus  tôt  rentré  dans  son  monastère, 
qu'il  prétendit  de  son  autorité  privée  lui  arracher  sa 
démission.  Ce  dernier  protesta,  comme  bien  on  pense  ; 
puis,  en  désespoir  de  cause,  il  réitéra  appel  au  Siège 
apostolique.  Le  procès  cette  fois  paraissait  devoir  suivre 
le  cours  ordinaire  de  ces  sortes  de  causes.  Aux  termes 
du  droit,  Geoffroy  et  Emaud  avaient  constitué  en  temps 
lixé  leurs  procureurs  près  de  la  curie,  et  L'rbain  IV' 


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—  419  — 

venait  de  déléguer  le  cardinal  Guillaume  de  Bray  ^,  du 
titre  de  Saint-Marc,  pour  ouïr  les  parties.  Mais  soudai- 
nement au  cours  de  l'instruction,  l'évéque  du  Mans  et 
son  métropolitain,  Vincent  de  Pirmil,  relevèrent  sépa- 
rément contre  l'abbé  d'Evron  des  charges  d'une  gravité 
extrême.  Ils  affirmaient  que  la  bonne  foi  du  Pontife 
avait  été  surprise  naguère  ;  qu'Eniaud  jouissait  d'une 
réputation  détestable  et,  qu'à  moins  de  scandale  dans 
le  public  et  d'un  détriment  énorme  pour  son  monas- 
tère, on  ne  pouvait  lui  en  laisser  plus  longtemps  le 
gouvernement. 

Une  enquête  subséquente  devait  démontrer  l'inanité 
de  ces  allégations  diffamatoires  ;  sur  l'heure  elles  n'en 
tirent  pas  moins  une  fâcheuse  impression  sur  l'esprit  du 
Pape.  Comment  en  effet  suspecter  la  sincérité  des  deux 
prélats  qui  s'en  portaient  garants  ?  Un  seul  parti  restait 
à  prendre  :  supprimer  sans  retard  la  cause  du  mal. 
Urbain  IV  s'y  résigna  et,  pour  accomplir  cette  pénible 
besogne,  il  eut  recours  à  un  moine  tourangeau,  Bernard, 
abbé  de  Cormery  ^.  Aux  termes  de  la  bulle  qui  lui  fut 
adressée  par  la  chancellerie  apostolique,  ce  commissaire 
devait  se  transporter  à  Evron,  adresser  à  l'abbé  les 
monitions  d'usage  en  ces  sortes  de  cas,  l'engager  à 
donner  sa  démission  dans  le  délai  d'un  mois  et,  si 
besoin  en  était,  l'y  contraindre  par  censures.  Toutefois 
il  advint  qu'intentionnellement  ou  par  oubli,  les  notaires 
n'avaient  fait  aucune  allusion  dans  cette  pièce  à  l'affaire 
déjà  pendante  et  juridiquement  engagée,  —  omission  qui 
constituait  un  vice  de  forme.  Ernaud  n'eut  garde  de  le 
taire  à  son  collègue  de  Cormery,  lorsque  ce  dernier  se 
présenta  aux  termes  de  son  mandat.  Plus  tard  d'ailleurs 
Urbain  IV  reconnut  lui-même  dans  la  seconde  bulle  le 

1.  Guillaume  de  Broj,  archidiacre  de  Belms  et  doyeo  de  l'égrllH  de 
Lyon  :  Urbain  tV  venait  de  le  créer  cardinal  (1262). 

2.  Cormer;,  Indre-et-Loire,  csdIoq  de  MoDlbazon.  arrondissement  de 
Toura.  Bernard  est  fort  peu  connu  :  la  mission  que  Inl  confia  UriiaiD  IV 
prËs  de  l'abbâ  d'Evron  sera  &  mentionner  dans  sa  notice  par  les  futurs 
rMdlteura  du  Gallia. 


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—  420  — 

bien  fondé  de  cea  réclamations.  Bernard  eût  dû  par 
conséquent  suspendre  toute  poursuite  et  s'incliner  devant 
les  raisons  qui  lui  étaient  alléguées,  d'autant  que  son 
interlocuteur  s'oiîrait  de  lui  en  fournirles  preuves.  Au  lieu 
de  cela,  lui  aussi,  par  une  étrange  aberration,  s'avisa  de 
passer  outre  et  de  procéder,  Pour  la  troisième  fois,  l'abbé 
d'Evron  dut  recourir  à  l'appel. 

Mais  il  est  des  gens  que  l'infortune  semble  poursuivre 
avec  une  sorte  de  préférence.  Ernaud  s'était  mis  en 
route  pour  Orvieto  décidé  à  plaider  sa  cause  de  vive 
voix.  Il  n'alla  pas  loin.  A  peine  était-il  entré  en  Touraine 
qu'à  l'instigation  de  l'évêque  du  Mans,  Vincent  de  Pirmil 
le  faisait  appréhender  de  force.  Ses  bagages,  une  partie 
de  son  argent,  son  sceau,  lui  furent  enlevés.  Lui-même 
devait  demeurer  prisonnier  jusqu'à  ce  que  par  violence 
et  par  intimidation  on  lui  eût  extorqué  le  serment  qu'il 
se  soumettrait  à  tout  ce  que  l'archevêque  avait  intention 
de  faire.  Alors  seulement  on  le  relâcha.  Quant  à  Vincent 
et  à  Geoffroy,  forts  de  la  promesse  de  leur  victime,  ils 
s'étaient  hâtés  de  faire  procéder  à  une  élection  en  l'abbaye 
d'Evron  et  l'un  des  moines,  nommé  Jean,  avait  été 
désigné  pour  remplacer  Ernaud.  L'intimité  des  relations 
antérieures  des  deux  prélats  suffit  à  expliquer  leur 
complicité  dans  toute  cette  affaire.  Ils  se  connaissaient 
de  vieille  date  ;  ils  étaient  compatriotes  et  tous  deux, 
avant  de  ceindre  la  mitre,  avaient  porté  l'aumusse  dans 
la  cathédrale  de  Saint-Julien.  N'empêche  qu'ils  eussent 
pu  mettre  leurs  efforts  en  commun  pour  une  entreprise 
moins  indigne  de  leur  caractère. 

Ce  nouvel  incident  n'était  point  de  nature  à  sîmpliiler 
la  situation.  Tout  d'abord  une  nouvelle  procédure  s'im- 
posait, car  Ernaud  aussitôt  libre  s'était  hâté  d'informer 
le  Pape  de  ce  qui  lui  arrivait.  Puis,  il  va  de  soi  qu'à 
Orvieto  on  avait  trouvé  plutât  étrange  le  procédé 
employé  par  l'évéque  et  son  métropolitain  pour  se 
débarrasser  d'un  adversaire  gênant.    Pierre  Mouret, 


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—  421  — 

abbé  de  Corbie  ',  reçut  donc  ordre  d'ouvrir  une  enquête 
au  nom  du  Saint-Siège.  Ses  instructions  se  bornaient 
à  ceci  :  rechercher  les  faits  et,  s'ils  étaient  à  la  décharge 
d'Ernaud,  le  rétablir  dans  sa  dignité,  puis  le  délier  du 
serment  qu'il  avait  dû  prêter  de  force  et  enfin  casser 
l'élection  de  l'intrus.  Les  choses  se  trouveraient  ainsi 
ramenées  au  point  où  le  cardinal  de  Saint-Marc  avait 
été  appelé  à  s'en  occuper.  Mouret,  juriste  très  expert, 
démêla  toute  l'intrigue  et  conclut  à  l'innocence  du  plai- 
gnant qu'il  fit  réintégrer  dans  son  abbaye  par  un  com- 
missaire délégué.  Mais  il  avait  compté  sans  la  résistance 
du  moine  Jean,  le  compétiteur.  Ce  dernier,  à  défaut  de 
bonnes  raisons,  se  retrancha  dans  un  labyrinthe  d'argu- 
ties et  en  appela  au  Pape  à  son  tour.  11  rappelait  dans 
son  mémoire  une  histoire  de  moines  d'Évron  qui, 
éconduits  par  l'évéque  du  Mans  au  moment  d'une  ordi- 
nation, avaient  porté  plainte  au  Saint-Siège  en  dehors 
d'Ernaud.  Il  invoquait  en  sa  faveur  le  règlement  du 
cardinal  de  Sainte-Sabine  :  il  faisait  valoir  surtout 
certaines  irrégularités  de  la  procédure  de  l'abbé  de 
Corbie  et  de  son  délégué.  Le  premier  avait  enquêté  sans 
citation  préalable  des  intéressés;  le  second,  au  moment 
de  la  réintégration  d'Ernaud,  avait  ameuté  la  population 
de  la  localité,  qui  s'était  livrée  à  des  voies  de  fait  contre 
les  adversaires. 

Le  conflit  en  était  là,  quand  Urbain  IV  adressa  sa 
seconde  bulle  à  Philippe  de  Bouchalampe  -,  évêque 
nommé  de  Saint- Malo  et  ancien  abbé  de  Clairvaux,  avec 
pleins  pouvoirs  pour  le  terminer  à  l'amiable,  car  Emaud 


1.  Corbie,  Somme,  firrondlsMmeDt  d'Amiens.  Pierre  Mouret  en  était 
abbé  depuis  1S6I.  Ce  tut  un  réformateur. 

2.  Philippe  de  Bouchalampe  d'abord  abbé  de  Foucarmont,  puis  de 
Clairvaux.  Le  18  octobre  IS63,  par  bulle  datée  d'Orrieto,  Urbain  JV 
l'avait  nommé  à  l'évéché  de  SaJot-Malo,  que  se  disputaient  deux  concur- 
rents (Guiraud,  Regittres  d'Crbain  lY,  n*  424).  —  Il  refusa  d'accepter  ce 
siège  et  encourut  de  ce  fait  l'excommunication  ;  étant  parvenu  k  taire 
admettre  ses  raisons  au  Papo,  il  revint  gouverner  son  abbaye  de  Clair- 
vaux.  Sa  mort  arriva  le  21  janvier  1273.  Il  avait  une  grande  réputation 
de  savoir,  surtout  dans  le  droit. 


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—  422  — 

et  Jean  avaient  fini  par  se  prêter  à  un  compromis.  II 
s'agissait  de  reprendre  l'enquête,  mais  sans  appareil 
juridique  cette  fois  ;  de  s'entourer  de  l'avis  de  gens 
sages  et  éclairés  et  d'arriver  à  obtenir  le  désistement  de 
l'un  des  deux  compétiteurs,  quitte  à  constituer  en  faveur 
de  celui  qui  se  retirerait  une  pension  sur  les  biens  du 
monastère.  Philippe  de  Bouchalampe,  qui  avait  aban- 
donné la  cbarge  d'olTicial  de  l'Église  du  Mans  pour  entrer 
en  religion,  était  certainement  mieux  en  mesure  de  juger 
de  la  situation  et  de  trancher  le  débat  que  deux  étran- 
gers comme  les  abbés  de  Cormery  et  de  Corbie.  Par 
malheur,  le  résultat  de  sa  mission  reste  inconnu  et  nous 
ne  savons  lequel  céda  de  Jean  ou  d'Emaud.  Le  second 
en  tout  cas  ne  dut  pas  survivre  beaucoup  a  ces  divers 
incidents.  Voilà  la  seule  supposition  raisonnable  que  l'on 
puisse  hasarder. 

Par  ailleurs,  de  tout  ce  qui  précède  l'on  est  en  droit 
d'affirmer  qu'Emaud  vivait  encore  à  la  fm  de  1263,  qu'il 
eut  peu  à  se  louer  des  procédés  de  son  évoque  GeoiTroy 
Freslon,  et  que  Jean,  qui  lui  est  donné  comme  successeur 
dans  la  liste  du  Gallia,  débuta  dans  la  charge  abbatiale 
par  un  rôle  plutôt  équivoque.  Les  Registres  des  Papes, 
espérons-le,  nous  réservent  encore  pour  l'avenir  d'autres 
révélations  de  ce  genre. 

Dom  Léon  Guilloreav, 

mdne  bénédictin. 
Appuldurcombe-Wroxall 
lie  de  Wighl. 


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NOTES 


CHATEAU-GONTIER 

PENDANT   LA   PREMIÈRE   MOITIÉ 
DU   XVIl'   SIÈCLE 


CHAPITRE  II 

LES     FAUBOURGS 

Les  limites  des  deux  paroisses  de  Saint-Jean  ne  dépas- 
saient pas  les  murs  d'enceinte  ;  Saint-Rémi  au  contraire 
s'étendait  dans  le  sud  à  près  de  trois  kilomètres  de  la 
ville,  comprenant  ainsi  un  assez  vaste  territoire  aujour- 
d'hui réuni  pour  la  plus  grande  partie  à  la  commune  de 
Saint-Fort  et  que  l'on  appelait  le  dehors  de  Saint-Rémi 
ou,  improprement,  la  paroisse  du  dehors  de  Saint-Rémi. 
Les  faubourgs  dépendaient  de  trois  paroisses  :  Bazouges 
au  nord  et  à  l'ouest,  Saint-Rémi  au  sud  et  Azé  à  l'est  ; 
sur  la  première  de  ces  paroisses  étaient  le  Martray  et 
Tréhut,  sur  la  deuxième  Olivet  et  sur  la  troisième  le 
Genéleil  ou  faubourg  d'Azé. 

Après  la  bataille  do  Craon  (23  mai  1592),  où  il  avait 
aidé  Mercœur  à  mettre  en  déroute  les  royaux  comman- 
dés par  les  princes  de  Dombes  et  de  Conti,  le  maréchal 
ligueur  Urbain  de  Laval- Boisdauphin  entra  sans  coup 
férir  dans  Chftteau-Gontier,  Bientôt,  se  sentant  menacé 
par  les  troupes  de  Henri  lY,  il  fît  raser  une  partie  des 


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—  424  — 

faubourgs,  et  notamment  les  édifices  les  plus  considé- 
rables, parmi  lesquels  nous  citerons  l'église  du  Martray, 
la  chapelle  des  Trois-Maries  près  de  Bazouges  et  l'Hôtel- 
Dieu  Saint-Jidien.  Au  commencement  du  xvii'  siècle, 
tes  habitants,  profitant  d'une  période  de  paix,  faisaient 
tout  leur  possible  pour  réparer  les  ruines  des  guerres 
précédentes. 

g  1.  —  Le  Martra,y. 

Situé  à  peu  de  distance  de  la  Promenade  du  Bout  du 
Monde,  le  Martray  est  aujourd'hui  un  des  quartiers  les 
plus  pauvres  de  la  ville  et  sa  population  donne  souvent 
de  l'occupation  aux  magistrats  du  Tribunal  correctionnel. 
!l  remonte  à  une  époque  bien  antérieure  à  la  fondation 
de  Chàteau-Gontier.  D'après  l'auteur  de  la  vie  de  saint 
Généré  ',  ce  pieux  ermite  y  demeura  quelques  années 
et  y  construisit  un  oratoire  autour  duquel  se  groupèrent 
sans  doute  quelques  modestes  demeures.  Au  xiii'  siècle, 
il  y  existait  une  grande  maison  bâtie  par  Guillaume  du 
Mans,  et  le  prieuré  de  Saint-Jean  y  possédait  un  héber- 
gement. 

A  quelle  époque  le  cimetière  commun  aux  trois 
paroisses  de  la  ville  y  fut-il  établi  ?  Aucun  document 
connu  ne  permet  de  répondre  à  cette  question.  D'après 
les  registres  paroissiaux  de  Saint- Jean- Baptiste  de 
1656,  il  aurait  été  u  fondé  de  temps  immémorial  »,  ren- 
seignement qui  manque  de  précision.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  chapelle  qui  avait  remplacé  l'oratoire  de  Saint-Céneré 
(non  pas  immédiatement  sans  doute)  était  assez  impor- 
tante pour  que  Boîsdaupliin  la  jugeât  capable  de  proté- 
ger l'approche  de  l'ennemi.  Cette  chapelle  fut,  dit-on, 
relevée  ou  au  moins  restaurée  en  1634  par  un  habitant 

1.  Saint  Céaeré,  Séréné  ou  Célerin,  né  ft  Spolette,  habita  égaleineat 
Saalgies;  non  IoId  dea  Grottes  de  Saulges  oq  volt  une  lontaiDsqui  lui 
est  dédiée,  comme  auprès  du  Martray  se  trouve  la  fontaine  de  saint 
Célerin.  Il  rivait  sous  l'épiscopat  de  saint  Béraire,  évéque  du  Mana 
depuis  environ  fS6  Jusque  vers  673,  et  mourut  vers  680. 


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de  Bazouges  nommé  Jean  Boulay.  D'après  M.  Gadbin  ', 
Mlle  Lecercler  fit  élever  à  sa  place,  en  1675,  un  nouvel 
édifice  qui  servit  au  culte  jusqu'à  la  Révolution.  En 
1830  on  en  voyait  encore  quelques  vestiges  ;  mais 
aujourd'hui  tout  a  disparu  et,  du  passage  de  saint  Généré, 
il  ne  reste  plus  que  le  nom  d'une  fontaine  et  d'une  rue 
voisine.  Oificiellement  le  Martray  est  devenu  la  rue 
basse  et  la  rue  haute  du  Rocher  ;  mais  le  publie,  fidèle 
aux  vieilles  habitudes,  n'a  pas  encore  adopté  cette  nou- 
velle dénomination. 

Le  cimetière  du  Martray  était  relié  à  la  Porte  de 
Tréhut  par  une  douve  qui  longeait  des  maisons  et  des 
jardins  connus  plus  tard  sous  le  nom  de  Brulavoine  -. 
Ce  village  est  devenu  une  belle  propnété  appartenant  à 
M.  Bellanger,  maire  de  Fromentières. 

§  2.  —  TaÉHiiT,  LES  Capucins. 

Le  faubourg,  maintenant  rue  de  Tréhut  ^,  était 
séparé  de  la  porte  du  même  nom  par  un  fossé  et  l'extré- 
mité nord  du  marais  ou  étang  du  Mei'danson  et  réunis- 
sait Chftteau-Gontier  au  bourg  de  Bazouges,  d'où 
partaient,  comme  partent  aujourd'hui,  les  chemins  de 
Graon  par  Laigné,  de  Gossé  par  Marigné-Peuton,  de 
Quelaines  par  Loigné,  de  Saint-Sulpice  *.  Ge  faubourg 
était  donc  très  fréquenté,  d'autant  plus  que,  nous 
l'avons  déjà  dit,  les  voyageurs  venant  de  Laval  avaient 
avantage  à  suivre  la  rive  droite  de  la  Mayenne  jusqu'à 
Ghâteau-Gontier. 

1.  Gazelle  rte  Château-Gontier,  du  S6  mars  1885. 
i.  Nous  n'arons  pas  trouré  ce  nom  avant  I7ÛS;  mais  probablemeDt  11 
eiistait  dès  le  xvii'  %ilx\e. 

3.  Dans  une  Chanson  de  Geste  du  xu*  siècle  nnus  trouvons  les  mots  : 
tréhu,  qui  signifie  tribut,  et  Créu.  qui  désigne  des  hommes  logés  dans 
des  tentes  ou  1res:  mais  noua  doutons  tort  qu'il  faille  chercher  dans 
l'un  ou  l'autre  de  ces  mois  l'origine  du  nom  de  notre  faubourg.  —  Au 
xvW  siècle,  on  écrirait  Indistinctement  :  Tréu,  Tréut  ou  Tréhu. 

4.  Sauf  celui  de  Creon,  qui  à  partir  de  Laigné  se  dirigeait  plus  dans 
le  sud  vers  Pommerieux.  tous  ces  chemins  avalent  sensiblement  le 
même  tracé  qu'aujourd'hui. 


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A  l'extrémité  dn  Faubourg  de  Tréhut,  avoisinant  de 
bien  près  le  bourg  de  Bazouges,  était  avant  1592  la  cha- 
pelle des  Trois-Maries  sur  laquelle  nous  avoDS  fort  peu 
de  renseignements.  Nous  savons  seulement  qu'au 
XVI*  siècle  «  l'administration  et  maistrise  de  l'aumosne- 
«  rie  »  des  Trois-Maries  dépendait  du  bailliage  de 
Chàteau-Gontier  comme  la  charge  de  «  sommelier  d'es- 
«  chançon  du  duc  d'AIençon  '  ».  D'un  autre  côté  l'aveu 
de  1414  mentionne  que  «  la  coustume  de  la  foire  de 
«  l'Encension  appartient  au  maistre  des  ladres  de  la 
â  ville.  »  Ne  connaissant  aucun  enclos  où  les  lépreux 
eussent  pu  être  enfermés,  nous  admettrions  sans  peine 
que  l'aumônerie,  c'est-à-dire  l'hôpital  des  Trois-Maries, 
leur  eût  été  affectée. 

Quoi  qu'il  en  fût,  le  besoin  de  relever  cet  hôpital  de 
ses  ruines  ne  se  faisait  pas  sentir  et  le  terrain  était 
encore  Ubre  quand,  le  lundi  13  avril  1609,  les  habitants 
de  Chàteau-G entier  prirent  la  délibération  suivante  : 
H  A  este  conclud  et  arresté  d'une  communes  vois  que 
a  les  Pères  Capusins  seront  priez  en  leur  cliapitre  géné- 
«  rai  d'avoir  un  couvent  proche  cette  ville,  et  à  cette  fin 
«  d'envoyer  quatre  pour  voir  le  plant  et  la  situation  du 
CI  lieu,  sans  (jue  lesd.  habitans  demeurent  obligez  en 
«  leur  establissement  n  ;  et  le  procureui'-syndic  fut 
chargé  le  12  juin  suivant  d'écrire  à  «  M.  le  Cardinal 
«  pour  qu'il  luy  plaise  accorder  la  place  et  chapelle  du 
«  Marteray  pour  ledit  bastiment.  »  L'emplacement 
choisi  appartenait  en  effet  aux  Bénédictins  de  Saint- 
Aubin  qui  avaient  pour  abbé  le  cardinal  de  Gondi, 
archevêque  de  Paris.  Pour  quel  motif  celui-ci  rojeta-t-il 
la  demande  des  habitants  ?  Nous  l'ignorons  ;  peut-être 
était-ce  une  simple  rivalité  de  couvent,  incident  assez 
commun  à  l'époque  ;  peut-être   le  Martray  fut-il  jugé 


I.  Voir  los  Exlrails  de  l'Ancien  Crf/fe  des  vicomtes  de  Beaumont  et 
de  la  Flèche  (Bulletin,  t.  XIX,  p.  3181.  —  Il  ne  faut  pas  cODtondre  cette 
RumAnerie  arec  la  maison  des  Trois-Maries,  qui  servait  d'bOtetlerie 
dans  le  faubourg  d'Azè. 


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—  427  — 

trop  voisin  du  prieuré  de  Saint-Jean,  membre  de  Saint- 
Aubin.  Le  registre  dea  délibérations  de  l'Hôtel  de  Ville 
ne  parle  pas  des  Capucins  pendant  plus  d'un  an  ;  mais 
le  projet  n'était  pas  abandonné  et,  le  22  février  1611,  la 
question  est  mise  de  nouveau  sur  le  tapis. 

A  cette  date  le  lieutenant  général  René  Poisson, 
sieur  de  Beauvais,  Pierre  Trochon,  grellier  de  la  Séné- 
chaussée, et  Jean  Guillet,  sîeur  du  Tronchay,  sont  char- 
gés de  «  raaserrer  les  deniers  promis  par  les  particuliers 
«  pour  la  confection  du  bastimcnt  des  Capusins,  »  et 
reçoivent  le  pouvoir  «  de  passer  contract  d'achapt  avec 
«  M°  Pierre  Rebours  pour  raison  de  son  jardin  situé 
«  près  l'églize  des  Trois  Maris.  »  Le  prix  de  cette  acqui- 
sition s'éleva  à  330/f .  Quelques  jours  après,  le  11  mars, 
«  Jeanne  Hamon,  veuve  Esmont  Roger,  tant  pour  elle 
«  que  les  héritiers  dudit  delîunt,  »  offre  un  clos  de 
vigne  «  près  les  Trois  Maries»,  pour  la  somme  de  800/^ 
sur  laquelle  M'  Jacques  Pelot,  sieur  du  Hnut-Boulay, 
notaire,  s'engage  à  donner  600#,  et  M"  François  Fou- 
quet  du  Vaux,  président  à  l'Élection,  200#.  Cette  déli- 
bération mentionne  de  nouvelles  souscriptions  :  M*  Jehan 
Deniau,  sieur  du  Verger,  lieutenant  à  l'Blection,  pro- 
met 100#  ;  M'  Lancelot  (iuérin,  sieur  de  la  Chevalerie, 
&}H-  et  dix  pieds  de  chênes;  sa  mère,  cent  chnrretéPH  de 
pierres  rendues  à  pied  d'iruvre.  Malgré  Jean  Chouippes, 
sieur  de  la  Noë,  qui  offre  «  la  place  pour  le  bastiment 
«  des  Capusins,  moyennant  qu'il  soit  mis  vers  Azé,  » 
on  décide  à  la  pluralité  des  voix  «  que  la  croix  et  bati- 
M  ment  dud.  covent  sera  baty  au  Trois  Maris.  » 

Nouvelle  réunion  le  20  mai  ;  «  M.  le  prince  de  Gué- 
«  mené  '  sera  prié  de  la  part  de  la  Communauté  de 
«  voulloir  se  transporter  au  lieu  où  est  destiné  la  place 
M  du  bastiment  des  Capusins  pour  nssoir  et  y  posser  la 
u  première  pierre.  »  Le  lieutenant  général  Poisson  et 
M'  Martin  Hardy  sont  chargés  de  cette  commission.  La 


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croix  fut  plantée  le  surlendemain,  et  le  31  mai  eut  lieu  la 
cérémonie  de  la  pose  de  ta  première  pierre  sur  laquelle 
on  avait  gravé  l'inscription  suivante  : 

lAY    ESTÉ 
MISE    ET    POSÉE    LE 
31'    MAY    1611    PAR 
HAVT    ET    PVISSANT 

HESSIHE    PIERRE 

DE    ROHAN    PAIR    DE 

FRANCE    CON"    DV 

ROY    EN    SES    CONS 

EILS    DESTAT    ET    PHI 

VÉ    PRINCE    DE    GVÉME 

NÉ    SVIVANT    LA    PRIE 

RE    QVE    LVY    EN    ONT 

PAICTE    LES    HARITA 

NS    DE    CETTE    VILLE 

DE    CHAVGONTIBH  * 

Le  16  septembre  1617,  raconte  Douard  dans  son 
Journal  :  «  Mgr  Guillaume  Fouquet,  évêque  d'Angers, 
a  arriva  à  Châteaugontier.  Descendu  au  Cheval-Blanc, 
a  il  alla  loger  chez  M.  de  la  Grugeardière  -  ;  le  lende- 
u  main,  il  consacra  l'Église  des  Capucins.  » 

Ce  nouvel  établissement  fut  très  prospère  jusqu'à  la 
Révolution,  et  nous  avons  lu  beaucoup  de  testaments 
contenant  des  legs  au  profit  des  Capucins  de  Château- 
Gontier.  11  eut  successivement  pour  supérieurs  ou  gar- 
diens, de  1616  à  1650,  les  PP.  Léonard  d'Angers,  René 
de  Sully,  Modeste  de  Mayenne,  Ange  de  Guérande  et 
Justin  de  Rennes  ^.   En  1640,  outre  le  gardien  et  )e 

1.  Cette  inscrlpllon  a  déjà  été  pubHée  dans  le  tome  I[  de  U  première 
série  du  liullelin  de  la  Comiiiission;  mais  ce  Totume  est  devenu  si  rare 
que  nous  avons  cru  devoir  ta  reproduire.  La  pierre  qui  la  porte  a  été 
déposée  au  Musée  de  la  ville  par  leii  soins  de  Âf.  A.  Joubert. 

i.  Zncharie  Amys,  sieur  de  la  GrugeardlËre,  conseiller  au  Parlement 
de  Bretagne.  Il  fut  député  à  l'Hûtel  de  Ville  deCbtteau-Gontleretadml- 
nistraleur  de  l'hdplUl  Saint- Julien. 

3.  Cette  liste,  empruntée  A  Thoré,  doit  être  Incomplète. 


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—  429  — 

■e,  il  était  occupé  par  huit  pères,  quatre  clercs  et 
quatre  frères,  La  chapelle  est  détruite  et  il  ne  reste  plus 
qu'un  corps  de  bâtiment  ne  présentant  rien  de  remar- 
quable. 

Au  sud  du  Merdanson  se  trouvait  le  village  des 
Quatre-Vents,  à  l'extrémité  de  la  rue  du  même  nom, 
alors  chemin  à  l'entrée  duquel  était  la  maison  du  Pavil- 
lon plusieurs  fois  mentionnée  dans  les  actes  notariés. 

§  3.  —  Olivet, 

En  face  de  la  Porte  de  Saint-Rémi,  il  n'y  avait  que 
des  jardins  et  quelques  maisons  isolées,  mais  pas  de 
faubourg  proprement  dit.  Le  hameau  de  la  Croix- 
Baumer  en  la  paroisse  de  Saint-Rémi,  peu  éloigné  de 
celui  des  Quatre-Vents,  n'était  pas  relié  à  cette  porte  ; 
le  chemin  qui  y  conduisait  et  qui  était  l'amorce  du 
grand  chemin  tfAmpoigné  partait  de  la  Porte  d'Olivet, 
suivait  à  peu  près  la  rue  Pierre-Martinet  au-dessus  de 
la  closerie  de  la  Grugeardière  ',  passait  non  loin  de  la 
Tour  Yallin  et  traversait  des  jardins  parmi  lesquels 
était  celui  des  Ruelles  -. 

Le  faubourg  d'Olivet  doit  probablement  son  nom 
à  une  très  ancienne  famille  qui  en  possédait  une  partie. 
Le  2  juin  1283,  Drouet  d'Olivet  et  Pierre  Duchemin 
prirent  à  10#  de  rente  de  l'abbé  de  Saint-Nicolas-lès- 
Angers,  des  immeubles  en  Bazouges  et  Laigné.  Margot 
d'Olivet,  dame  de  Gaudrée,  paya,  le  17  mai  1405,  à  Jean 
Foulitoume,  prieur  d'Azé,  la  somme  de  2  sols  6  deniers 
pour  avoir  coupé  des  arbres  appartenant  au  prieuré 
et  les  avoir  fait  «  mener  par  sus  l'ayve  à  son  houstel*  ». 
L'aveu  de  1453  mentionne  Michel,  Guillaume,  Philipot 
et  Jamet  d'Olivet,   ainsi  que  le  clos  du  même  nom. 

l.Ou  d'Olivet.  Cette  cloaerie  est  occupée  en  partie  au  moins  par 
l' hospice  Saint- Joseph. 

8.  Naguère  la  rae  Mlgnol  s'appelait  rue  des  RueUee.  Va  autre  chemin 
allait  du  tauboui^  de  Tréhut  &  la  CroU-Baumer. 

3.  Carlulaire  li'Ati  et  du  Gméleit,  n"  46  et  71. 


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—  430  — 

Au  commencement  du  xvii'  siècle,  la  terre  d'Olîvet 
appartenait  à  Salomon  Amys,  conseiller  au  Parlement 
de  Bretagne,  frère  de  Zacharie  ;  elle  passa  ensuite  à 
son  iils,  Antoine,  président  de  l'Élection  de  Châtenu- 
Gontier. 

Une  chaussée  ou  boulevard  reliait  la  porte  d'Olivet 
et  son  pont-levis  à  un  pont  dormant  sur  lequel  on  fran- 
chissait le  ruisseau  du  marne  nom  qui,  actuellement, 
coule  sous  le  champ  de  foire;  cette  chaussée  s'appelle 
aujourd'hui  la  rue  Cotellière  '.  Un  corps  de  garde  et  un 
appentis  y  furent  construits  en  1614,  aux  frais  du  sieur 
Le  Roy  de  Changé  qui  en  avait  la  libre  disposition  en 
temps  ordinaire,  avec  cette  clause  que  u  en  temps  de 
«  guerres  ou  de  troubles  que  les  habitans  feront  garde, 
«  lesdits  habitans  jouiront  dudit  corps  de  garde  et 
H  apentif  sans  que  led.  Le  Roy  en  puisse  tirer  aucun 
«  profit  -  ».  Celui-ci  était  tenu  en  outre  de  «  relever 
«  le  pavé  d'entre  les  deux  portes  »  et  de  l'entretenir. 
Le  boulevard  se  continuait  par  le  chemin  de  Menil,  qui 
passait  non  loin  du  hameau  de  la  Croix-Teste. 

Quant  au  ruisseau  d'Olivet  dont  le  cours  souterrain 
est  eomjilètement  invisible,  nous  savons  qu'avant  de  se 
jeter  dans  la  Mayenne,  il  obliquait  fortement  vers  la 
gauche  en  suivant  le  coteau  d'assez  près  ;  une  vente 
du  15  juillet  1745  mentionne  un  jardin  situé  au  bas, 
mais  à  quelque  distance  à  l'est  du  boulevard  et  ayant  en 
moyenne  soixante-deux  pieds  de  longueur  du  mur  de 
ville  au  ruisseau. 

Entre  la  porte  d'Olivet  et  la  rivière,  en  suivant  la 
ruelle  du  Gué  Bodin,  on  voyait  deux  fontaines  ferrugi- 
neuses qui  reçurent  plus  tard  le  nom  de  Pougue  et  dont 

1.  EapéroDs  que  ce  nom  sera  respecté  par  nos  édiles.  Il  rappelle  le 
souvenir  d'un  riche  bourgeois.  Guy  BuBebrau,  sieur  de  la  Cotelilère, 
qui  aprës  avoir  donnË  !)0  ou  60.000"  pour  la  constructlou  de  l'bâpital 
éaint- Joseph,  au  témoignage  d'Alexis  Allaire,  Institua  cet  établisse- 
menl  son  légataire  universel  sulvaut  son  testament  du  3  mara  <72f. 
Dans  sa  succession  se  trouvait  l'Immeuble  entre  la  rue  de  l'Hdtel-de- 
Vllle  et  la  Promenade,  occupé  depuis  1796  par  le  Cercle  IMiraire. 

S.  ABKmbl6e  du  7  arrU  iMi. 


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—  43i  — 

la  municipalité  réclamait  la  propriété  sans  âtre  bien  sûre 
de  ses  droits.  «  A  esté  arresté  »,  porte  une  délibération 
du  4  juin  1624,  a  que  sera  travaillé  à  l'acomodement  et 
«  décoration  des  fontaines  et  marchandé  par  le  procu- 
»  reur-sindic  et  trois  des  députés  et  qu'il  en  sera  parlé  à 
«  ceux  qui  se  prétendent  propriétaires  desd.  fontaines  ; 
«  ensemble  d'acquérir  au  nom  de  la  ville  le  clos  de  vigne 
«  et  jai-din  ajacent  auxdites  fontaines  et  maison  en 
0  dépendant,  pour  de  leur  réponse  en  faire  rapoi-t  à  la 
H  première  assemblée  ». 

Le  résultat  de  ces  pourparlers  ne  nous  est  pas  connu  ; 
il  n'est  pas  question  dos  fontaines  dans  les  assemblées 
pendant  cinq  ans  et  c'est  seulement  le  5  juillet  1629  que 
le  procureur-syndic  est  invité  ou  autorisé  à  faire  «  démolir 
«  la  muraille  étant  au  devant  des  fontaines  médecinalles, 
«  y  relaissant  seulement  l'arcade  de  pierre  et  les  deux 
«  pilliers  qui  la  soutiennent,  relaissant  néanmoins  lad. 
«  muraille  de  hauteur  compétente  pour  puiser  l'eau,  sur 
u  laquelle  seront  possées  les  pierres  ardoisines  étant 
«  sur  ioelles  ». 

Après  avoir  été  entretenues  par  la  ville  pendant 
quatre-vingts  ans  environ,  ces  fontaines  sont  devenues 
une  propriété  particulière  ;  mais  en  dépit  d'analyses 
reconnaissant  à  leurs  eaux  des  qualités  plus  ou  moins 
curatives,  on  n'a  jamais  pu  arriver  à  y  créer  un  établis- 
sement sérieux  d'hydrothérapie.  Au  xviii'  siècle,  les 
maisons  avoisinant  ces  fontaines  formaient  un  hameau 
auquel  on  avait  donné  le  nom  assez  ambitieux  et  peu 
mérité  de  Petit  Versailles. 

g  4.  —  Faubourg  n'AzÉ. 

Ce  faubourg,  le  plus  important  de  tous  et  qui  aujour- 
d'hui forme  la  troisième  paroisse  de  Château -Gontier,  a 
porté  plusieurs  noms  :  faubourg  du  Geneleil,  faubourg 
vers  Azé,  faubourg  d'Azé ;  aujourd'hui  on  se  contente 
le  plus  souvent  de  dire  le  Faubourg. 


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—  432  — 

Les  Ponts.  —  Pour  y  arriver,  on  traversait  la  Mayenne 
sur  deux  ponts  séparés  par  un  tout  petit  Ilot';  la  rivière, 
dont  le  lit  n'était  rétréci  par  aucun  quai  ni  sur  la  rive 
droite  ni  sur  la  rive  gauche,  était  beaucoup  plus  large 
que  de  nos  jours  et  cet  ilôt  que  l'on  voit  nettement 
dessiné  sur  une  des  phototypies  publiées  par  la  Com- 
mission, la  divisait  en  deux  bras  inégaux,  dont  le  plus 
étroit  se  trouvait  du  cAté  de  la  ville.  Le  premier  de  ces 
ponts  avait  deux  arches  dont  une  était  munie  d'un 
tablier  se  levant  pour  fermer  la  porte  située  au  bas 
de  la  grande  rue  ;  les  trois  arches  de  l'autre  étaient 
dormantes. 

Ces  ponts,  dont  une  partie  au  moins  était  en  bois  et 
dont  la  solidité  laissait  à  désirer  ^,  se  trouvaient  un  peu 
en  aval  du  pont  actuel  ;  ils  étaient  à  la  fois  dans  l'axe  de 
la  grande  rue  et  dans  celui  de  la  voie  qui,  sur  la  rive 
gauche,  leur  faisait  suite  et  qui  est,  depuis  peu,  occupée 
par  les  trois  avant-corps  de  la  façade  latérale  de  l'Hôtel- 
Dieu.  Cette  disposition  était  beaucoup  plus  naturelle  et 
moins  dangereuse  que  le  défaut  de  concordance  actuel  ^. 

La  Chaussée  des  Trois-Moulms .  —  En  amont,  une 
chaussée  partant  du  pied  du  coteau,  au-dessous  de 
l'ancien  château,  barrait  obliquement  la  rivière  pour 
aboutir  à  l'extrémité  de  la  rue  Séguin,  naguère  encore 
ruelle  du  Verger.  C'était  la  Chaussée  des  Trots-Moulins 
qui  devait  son  nom  à  un  bâtiment  percé  de  trois  voies 
d'eau  où  tournaient  trois  roues  ^  et  que  flanquait,  au 

1.  Celte  circonstance  explique  la  locution  :  U»  Ponli,  dont  on  se  sert 
encore  bout  en  t. 

S.  Cet  état  est  constaté  dans  de  nombreuses  délibérations  des  habi- 
tants; DOUs  D'en  citerons  qu'une  partie,  u  Les  fermiers  de  la  baronnie 
u  seront  contraints  faire  taire  les  réparations  du  pont  dormant  pris 
v  l'hApital,  de  bols  en  la  forme  acoustumée  »  (£9  octobre  1610).  ~  Ils 
<i  seront  poursuivis  affln  de  réparation  et  entretien  du  pont  dormant 
u  proche  l'hâpital  »  (4  Juin  16£4{.  —  u  Les  ponts  et  arches  tombent  en 
<i  rulsne  »  (14  Janvier  16!8).  —  a  Les  ponts  rompus  bu  mois  de  Janvier 
«  dernier  par  les  creQes  extraordinaires  d'eau  u  (15  février  Ifôlj. 

3.  Il  C'est  le  pont  de  l'Immorlalité,  disait  le  premier  évëque  de  Laval 
en  parlant  du  nouveau  pont  :  U  a  un  commencement  et  pas  de  fin  1  a 

4.  Ces  trois  moulins  sont  désignés  sous  les  DODU  de  moulin  ifromeat, 
grand  et  petit  moulins  h  seigle. 


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—  433  — 

pig;non  oriental,  une  petite  tour  crénelée.  Cette  construc- 
tion située  sur  la  rive  droite  avait  pour  pendant  le  moulin 
du  Verger,  également  à  farine,  quijoignaitla  rive  gauche. 
Deux  autres  moulins  s'appuyaient  sur  la  Chaussée  ;  l'un 
servait  à  la  fabrication  du  tan,  l'autre  fut  tentât  un 
moulin  à  foulon,  tantôt  un  moulin  à  papier.  Chaussée  et 
moulins  ont  été  détruits  au  xix*  siècle,  lors  de  la  cons- 
truction des  quais  ;  mais  la  ruelle  qui  reUait  la  chaussée 
à  la  Grande-Rue  a  conservé  sou  vieux  nom  de  nielle 
des  Trois-Moulins,  et  elle  ne  forme  pas  le  quartier  le 
moins  pittoresque  de  la  ville. 

Hôtel-Dieu  Saint-Julieti.  —  En  quittant  les  ponts 
pour  [ténétrer  dans  le  faubourg,  on  trouvait  un  corps  de 
garde  occupé  par  des  gabelous  et  Y  Hôtel-Dieu  Saint- 
Julien  qui  renaissait  de  ses  ruines.  «  Les  [tères  des 
pauvres  <,    »    lisons-nous   dans    une    délibération    du 

10  mai  1619,  «  feront  faire  un  bâtiment  propre  à  loger 
«  les  pauvres  et  ceux  qui  les  serviront,  ensemble  une 
a  chapelle  ou  églize,  le  tout  au  lieu  où  estoit  l'églize  de 
«  Saint-Julien etbastimentd'icelle,  en  la  forme  et  fasson 
«  qu'ils  jugeront  plus  commode  ;  à  la  confection  duquel 
«  bastiment  ils  n'engageront  le  fond,  mais  seulement  le 
«  reste  des  revenus  avec  les  aumosnes  et  charitez  ». 
Heureusement  celles-ci  furent  nombreuses;  parmi  les 
principales  nous  citerons  un  legs  de  4.000#  fait  par 
Zacharie  Amys  de  la  Grugeardière,  qui  mourut  en  1622^. 
Les  entrepreneurs  furent  Jacques  Tardif  et  Jean  Pigeon. 

Ces  premiers  bâtiments  furent  jugés  insuffisants  en 
1648  et  on  résolut,  le  11  avril,  d'employer  «  les  réserves 

1.  Etienne  Chariot,  slenr  de  la  Rouaudlère,  Fraufols  Allalre,  sieur  du 
ChSne-FouiUu,  et  nerre  Le  Roy,  sieur  des  Vaux. 

2.  Ce  legs  n'était  pas  encore  payé  le  S6  octobre  1629,  date  d'une  dâli- 
biratlon  portant:  «Ont  les  habita  n  s  donné  pou  voir  i  leur  procureur  si  ndic 
«  pour  la  transaction  entre  eux,  les  administrateurs  da  l'hospital  d'une 
«  part  et  les  héritiers  deN.  Acarls  (iicj  Amis,  conseiller  au  Parlement  de 
«  Bretagne  d'autre  part...  par  laquelle  transaction  lesd.  hérillers  s'obU- 

11  geront  payer  aud.  bospital  la  somme  de  4.000'  de  principal  léguée... 
u  dans  tel  temps  qu'ils  véront,  et  ce  pendant  l'intérest  au  dénier  seiie 
u  k  comenser  de  ce  Jour,  et  compoMer  à  400'  pour  la  rente  ou  latéreat 
a  du  passé  u. 


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—  434  — 

«  de  l'hospital  à  faire  bastir  deux  chambres  »,  et  pour 
se  procurer  de  nouvelles  ressources  de  donner  à  rente 
«  la  place  entre  l'hospital  et  le  corps  de  garde  ». 

Les  Cordelières  appelées,  en  1507,  par  Marguerite  de 
Lorraine,  veuve  de  René  d'Alençon  et  dame  douairière 
de  ChÂteau-Gontier,  avaient  desservi  l'hâpital  jusqu'en 
1593  ;  grâce  a  la  générosité  du  maréchal  de  Boisdauphin, 
elles  purent  s'établir  au  Buron,  près  d'Azé,  où  elles 
firent  construire  un  couvent  dont  les  restes  sont  utilisés 
comme  bâtiment  de  ferme.  Le  soin  des  malades  était 
confié  à  des  personnes  de  bonne  volonté  sous  la  direction 
d'administrateurs  ou  Pères  des  pauvres  '  ;  néanmoins, 
jusqu'en  1613,  ces  religieuses  continuèrent  à  envoyer 
«  tous  les  jours  la  pitance  des  pauvres,  les  faisant 
«  assister  de  tout  ce  qui  estoit  nécessaire  tant  pour  le 
o  temporel  que  pour  le  spirituel  -  ».  Elles  continuaient, 
en  elTet,  de  percevoir  les  revenus  du  temporel  de  Saint- 
Julien  ;  mais  cette  situation  irrégulière  ne  pouvait 
manquer  d'amener  des  diilicultés.  Le  26  avril  16L3  les 
habitants  décidèrent  de  transiger  avecles  Cordelières  du 
Buron  au  sujet  des  biens  appartenant  à  l'hôpital  et  délé- 
guèrent à  cet  effet  Zacharie  Amys,  aieur  de  !a  Grugear- 
dière,  René  Poisson,  lieutenant  général  au  siège  royal, 
René  Quantin,  lieutenant  particulier  au  même  siège,  et 
le  procureur-syndic  de  la  ville,  Jean  Deraond,  sieur  de  la 
Montagne,  conseiller  en  l'Élection.  L'acte  fut  signé 
devant  Gillard,  notaire,  le  21  juillet  1014  ;  il  fut  convenu 
ootammentque  les  habitants  fourniraient  «  la  nourriture 
a  et  entretien  de  six  religieuses  que  la  fondatrice  avoit 
«  dotées  sur  les  biens  de  l'hospital  »  et  à  cette  lin  leur 

1.  Voir  la  liste  des  administrateurs  page  44i.  —  Au  commencement 
de  1674,  les  sœurs  AugrusUoea  de  l'ordre  de  la  Miséricorde  de  Vitr^ 
furent  appelées  i  desservir  Salut-Julien  sous  la  direction  des  adminis- 
trateurs :  elles  y  sont  encore. 

2.  Petit  recueil  de  l'ancienne  maigon  de  Saint-Julien...,  extraicl  du 
archives  de  celle  maiiott,  par  la  sœur  Renée  Dubois,  religieuse  du 
mesme  ordre,  brocliure  de  31  pages,  imprimée  à  Angers  chei  P.  Avril, 
imprimeur  ordinaire  du  Roy  et  de  l'Université,  1^3,  —  réimprimée 
à  "À  exemplaires  à  Laval,  par  A.  Goupil,  le  19  décembre  1B91. 


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—  435  — 

laisseraient  «  25  septiers  de  bled  seigle,  mesure  de 
«  Chaste augontier,  ce  qui  n'est  pas  suffisant  pour  nourrir 
«  six  religieuses  »,  ajoute  la  sœur  Renée  Dubois. 

Les  rues,  les  carrefours.  —  Comme  aujourd'hui, 
l'Hôtel-Dieu  de  Saint-Julien  était  bordé  à  l'est  par  le 
chemin  ou  rue  de  Daudibon,  qui  doit  son  nom  à  une 
fontaine  dont  on  trouve  mention  dès  le  28  juin  1393  '  ; 
une  porte  ou  portail  existait  à  l'endroit  où  cette  voie 
devenait  les  Bas-Chemins.  Mais  une  grande  partie  du 
faubourg  a  été  profondément  modifiée  par  l'établisse- 
ment des  quais  et  par  la  percée  qui  du  pont  se  dirige  vers 
la  gare;  cette  percée  a  emprunté,  redressé  et  élargi  la 
rue  du  Petitbon  qui  reliait  le  carroy  de  l'Hôpital  à  celui 
de  VÉcu  ^,  ainsi  nommé  en  raison  de  l'hôtellerie  fort 
achalandée  de  VÉcu  de  France.  La  rue  du  Petitbon 
n'était  pas  la  voie  principale;  la  Grande  rue  du  Fau- 
bourg, désignée  parfois  comme  tendant  du  Genéteil  à  la 
rivière,  commençait,  en  effet,  un  peu  en  amont  du  pont 
à  ]'endroit  où  la  rive  de  la  >f  ayenne  formait  une  sorte  de 
port,  aujourd'hui  remblayé  ;  puis  décrivant  un  arc  de 
cercle  elle  rejoignait  le  carrefour  de  l'Êcu  qu'elle  traver- 
sait pour  se  diriger  vers  Azé.  Elle  forme  aujourd'hui 
les  rues  Félix  Rigot  et  du  Collège, 

Suivons  cette  voie  en  tournant  le  dos  à  la  Mayenne  ; 
nous  trouverons  à  gauche  la  vieille  rue  Trouvée  ou  de 
Troée  comme  l'appelle  une  charte  de  1221  ^,  qui  com- 
muniquait avec  la  rivière  par  la  ruelle  des  Tanneurs  et 
le  chemin  tendant  au  moulin  du  Verger  (nunc  rue 
Séguin).  La  rue  Trouvée  se  terminait  à  une  porte  ouvrant 
sur  le  chemin  de  Laval  par  le  Bourgneuf  de  Baubigné  et 
Ëntrammes.  C'est  probablement  au  point  où  cette  rue 
se  détachait  de  la  Grande-Rue  que  se  trouvait  le  carre- 

1.  «  ChemiD  par  où  l'en  valt  de  Chtuteaugontler  à  la  tontslne  de 
DoudlboQ  n  (Cart.  d'Àsé'. 

9.  Place  Quinelault. 

3.  Elle  longeait  ou  trarersalt  un  flet  qui,  aux  xii'  et  un'  tlèclea, 
appartint  h  Paganvi  de  Troeia  ou  de  Troieia  et  à  Ramelinut  de  Troeia 
{Cart.  d'AtiJ. 


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four  du  Plat-d'Étain,  dont  nous  n'avons  pu  constater  la 
situation  avec  certitude. 

A  droite  de  la  Grande-Rue  la  rue  du  Four-Gillot, 
ainsi  nommée  d'un  four  banal  appartenant  à  la  sei- 
gneurie de  Château-Gontier,  rejoignait  le  carroy  de 
l'Hàpital  ;  un  peu  plus  loin,  sur  la  gauche,  s'ouvrait  le 
chemin  de  la  Tour-Marioii  terminé  par  une  porte  sise 
près  de  la  Croix-aux-Bouleux  '  et  d'où  partaient  les 
chemins  de  Paris  par  Sahlé  et  de  Longuefuie. 

Les  moines  du  Genéteil  possédaient,  presque  en  face 
de  l'hAtel  de  VÉcu,  un  four,  qui,  à  l'origine,  avait  été 
indivis  entre  eux  et  le  baron  de  ChAteau-Gontier  ;  mais 
depuis  longtemps  cette  indivision  avait  cessé  et  le  sei- 
gneur prenait  seulement  un  denier  pour  chaque  fournée  •. 
Au  delà  du  carrefour,  la  Grande-Rue  s'iniléchissant  vers 
le  sud,  passait  entre  le  prieuré  du  Genéteil  et  le  terrain 
où  l'on  bâtissait  le  couvent  des  Ursulines,  jusqu'à 
l'embranchement  du  chemin  de  Saint- Aignan-de-Gennes, 
où  se  trouvait  une  quatrième  porte,  dite  de  Ckampfleuri, 
et  à  partir  duquel  elle  devenait  le  Grand  chemin 
d^  Angers. 

Le  Genéteil.  —  La  chapelle  du  Genéteil,  telle  qu'elle 
existait  au  xvii*  siècle  et  telle  qu'on  la  voit  encore,  avait 
été  construite  par  les  Bénédictins  de  l'abbaye  de  Saint- 
Nicolas-lès- Angers,  amenés  en  ce  lieu  par  le  don  que, 
vers  la  tin  du  xi*  siècle,  leur  avait  fait  Elisabeth,  mère 
de  Renaud  III, d'une  terre  entrel'église  de  Saint-Avertin 
d'Azé  et  le  pont  de  Château-Gontier.  En  1125,  elle  n'était 
pas  encore  terminée.  Elle  occupe  l'emplacement  de 
l'antique  chapelle  de  Notre-Dame  du  Genétay,  ainsi 
appelée  parce  que,  d'après  la  légende,  elle  aurait  été 
bâtie  en  commémoration  de  la  découverte  dans  un  champ 
de  genêts  d'une  statue  miraculeuse  de  la  Vierge.  La 
chapelle  primitive  n'était  pas  comprise  dans  la  libéralité 

1.  Ce  nom  rappellB-t-il  retnpkcemant  d'un  Jeu  cher  sai  AngeTlos  ? 
t.  Un  Irotslbme  loar  banal,  tppartonantila  wirQeurled'Afi.wtliUit 
non  loiD  de  la  Tour-HarloD. 


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d'Elisabeth  ;  elle  était  la  dépendance  d'une  aumônerie 
appartenant  à  des  Frères  Hospitaliers  que  les  Bénédic- 
tins forcèrent  de  quitter  la  place  et  qui,  après  maintes 
difficultés,  parvinrent  à  fonder  sur  le  bord  de  la 
Mayenne  un  modeste  bôpital,  origine  de  l'Hôtel-Dieu 
Saint- Julien. 

Nous  ne  décrirons  pas  la  chapelle  du  Genéteil,  dontla 
Commission  a  publié  un  croquis  dans  le  tome  XV  de 
son  Bulletin,  page  384.  Sans  doute  son  élolgnement 
des  murailles  de  ChAteau-Gontier  l'avait  fait  respecter 
par  Boisdauphin,  ainsi  que  les  bâtiments  du  prieuré  qui 
lui  étaient  contigus.  Après  plusieurs  siècles  de  prospé- 
rité, le  prieuré  du  Genéteil,  tombé  en  commende,  se 
trouvait  dans  une  période  de  décadence  complète  et  c'est 
en  vain  que  Guy  Lasnier,  abbé  de  Vaux  et  archidiacre 
de  Paris,  prieur  de  1639  à  1663  ',  fit  faire  quelques 
réparations.  Il  ne  faut  pas  oublier  cependant  que  c'est  à 
ce  prieuré  que  le  faubourg  doit  son  origine  et  son  premier 
nom.  Entre  1125  et  1136,  les  moines  obtinrent,  en  effet, 
d'Alard  III  la  concession  de  «  la  moitié  de  toutes  les 
«  coutumes  d'une  foire  à  établir  an  Genéteil  et  celles  de 
a  tous  les  hommes  qui  viendraient  de  n'importe  quel 
H  pays  habiter  le  domaine  du  prieuré  pour  y  construire 
«  et  édifier  un  bourg.  »  Bientôt  le  faubourg  s'étendit  en 
dehors  du  fief  des  religieux,  et  les  sujets  du  seigneur  y 
furent  aussi  nombreux  que  ceux  des  moines. 

La  chapelle  du  Genéteil  ne  servait  pas  seulement  aux 
Bénédictins  du  prieuré,  mais  aussi  aux  habitants  du 
faubourg  qui  cependant  n'étaient  pas  très  éloignés  de 
leur  église  paroissiale  ;  «  de  tout  temps  »,  lisons-nous 
dans  le  procès-verbal  d'une  assemblée  dressé  par 
M'  Lecorneux,  notaire  royal,  le  9  juin  1706,  «  ladite 

1.  Les  deux  prédécesseurs  de  Gu;  LasDier  furent  René  Galgoard, 

chanoine  d'Angers,  qui  vivait  en  l:i98,  et  noble  Pierre  Coustard  qui, 
ea  1637,  fit  rëpnrer  le  four  du  Carroy  de  l'Écu.  —  Au  commencemetit 
du  xviii*  siècle,  le  prieur  Henri  de  la  Brunetiére  abaDdonne  le  prieuré 
et  la  chapelle,  avec  tout  le  temporel,  au  eoUèg-e  de  la  Tille.  Ces 
cODstructloDS  soDt  encore  aajourd'îiuiairectëeB  au  uoUfege  universitaire. 


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«  chapelle  du  Genétay  est  la  succursale  de  ladite  paroisse 
«  d'Azé,  ainsi  qu'il  est  porté  par  les  actes  entre  les  pré- 
«  décesseurs  titullaires  du  prieuré  et  ceux  des  habitans  » . 
Nous  entrerons  dans  plus  de  détails  à  ce  sujet  quand 
nous  étudierons  le  clergé  de  ChAteau-Gontier  et  des 
faubourgs. 

Les  Ursulines.  —  C'est  seulement  en  1634  que  les 
Ursulines  vinrent  occuper  la  maison  de  la  Petite-Noë, 
située  presqu'en  face  du  prieuré  du  Genéteil  ;  les 
mesures  préparatoires  à  cette  installation  furent  assez 
longues.  Dès  le  9  septembre  1622,  lisons-nous  dans  le 
registre  des  délibérations  de  l'Hôtel-de-Ville,  «  sur  les 
«  propositions  faites  que  les  Dames  Religieuses  Ursu- 
«  lines  désirent  se  bastir  et  establir  en  cette  ville  ou 
e  près  d'icclle  pourveu  que  les  habitans  l'ayent  agréable, 
Cl  iceux  habitans  ont  consenly  et  consentent  qu'elles  se 
a  bâtissent  et  establissent  en  cette  ville  ou  près  d'icelle 
«  à  leurs  dépans,  sans  que  lesdicts  habitans  soient  pour 
«  ce  contribuables  en  aucunes  chosses,  aux  charges  de 
«  l'instruclion  de  la  jeunesse  et  aux  fonctions  de  leurs 
«  institus  ;  à  cette  fin  ont  député  M.  le  lieutenant  général 
«  pour  suplier  M.  le  Réverand  Evesque  d'Angers  de 
«  donner  sa  permission  requise  à  cet  effet  ». 

Cette  permission  ne  semble  pas  avoir  été  obtenue 
rapidement,  car  c'est  seulement  le  25  juin  1629  que  les 
habitants  remercièrent  l'évéque  Claude  de  Rueil  d'avoir 
bien  voulu  l'accorder.  Les  lettres-patentes  autorisant  la 
fondation  du  couvent  se  firent  moins  attendre  ;  elles 
portent  la  date  du  mois  d'avril  1630.  Enfin  le  7  aoilt  de 
l'année  suivante,  quelques  religieuses  venues  de  Laval 
sous  la  conduite  de  la  Mère  Catherine  Moreau  s'instal- 
lèrent provisoirement  sur  le  territoire  de  la  paroisse  de 
Saint-Rémi,  en  dehors  des  murs. 

Le  \"  mai  1634,  par  acte  passé  devant  M'  Nicolas 
Girard,  notaire  royal  à  Château-Gontier,  messire  René 
Hélyand,  écuyer,  sieur  de  la  Touche,  conseiller  du  roi 
et    auditeur   des   comptes   de    Bretagne,    vendit   pour 


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—  439  — 

7.000#  aux  Ursulines  représentées  par  leur  supérieure 
Marie  de  Sarra  et  la  sous-prieure  Marie  Dupas,  le  lieu 
et  closerie  de  la  Fetite-Noë  et  une  grande  maison 
composée  de  deux  corps  de  bâtiments  dont  les  Reli- 
gieuses iirent  leur  résidence  définitive.  Messire  Catien 
Galiczon,  sieur  de  la  Grasserie,  procureur  du  roi  à  la 
Sénéchaussée,  posa,  le  27  mars  1638,  la  première  pierre 
de  l'enrlos  qui,  devenu  trop  petit,  ne  tarda  pas  à  s'aug- 
menter par  de  nouvelles  acquisitions.  Malgré  le  chiffre 
élevé  de  la  dot  exigée  (1.400#  ou  1.500#)  et  de  la  pen- 
sion (100#  à  150#),  le  nombre  des  Religieuses  s'accrois- 
sait chaque  année  ;  elles  se  recrutaient  dans  les 
meilleures  familles  de  Chàteau-Gontier  et  des  envi- 
rons '  ;  quelques-unes  même  venaient  de  loin  ;  et  le 
manuscrit  de  Mathurin  Thoré  nous  donne  pour  1648  les 
nomade  trente-cinq  professes,  tout  en  laissant  plusieurs 
lacunes.  Quant  à  la  chapelle,  qui  aujourd'hui  sert  aussi 
d'église  paroissiale  pour  le  faubourg  sous  le  vocable  de 
la  Trinité,  la  première  pierre  n'en  fut  posée  qu'en  1660. 
Les  fortifications.  —  Nous  avons  vu  que  le  faubourg 
d'Azé  possédait  quatre  portes  ;  celles  de  la  rue  Trouvée, 
de  la  Tour  Manon,  de  la  rue  d'Azé  ou  Porte  Champ- 
Heury,  que  l'on  appelait  parfois  le  portail  vers  Saint- 
Avertin,  et  celle  de  Daudibon;  ces  portes  étaient  sans 
doute  accompagnées  de  quelques  ouvrages  défensifs, 
car,  d'après  une  délibération  du  G  février  1625,  on  ne  se 
glanait  pas  pour  démolir  les  «  portaux  et  fortifications  du 
faubourg,  »  et  on  emportait  les  h  pierres  et  matériaux  ». 
Mais  nous  ne  croj'ons  pas  que  le  faubourg  fût  muni 
d'une  enceinte  fortifiée.  Le  fossé  que  Renaud  !V  avait 
fait  creuser  dès  le  xii"  siècle  sur  le  fief  des  moines  du 
Genéteil  était  sans  doute  comblé  depuis  longtemps,  et 
Boisdauphin  n'aurait  pas  fait  raser  une  partie  du  fau- 


I.  Nous  relevons  notamment  les  noms  de  Débonnaire,  Chonippes, 
Poisson,  Théart.  Le  Tessler,  JutTé,  GanlUerdeBrùlon,  Gullloteau..,  A  la 
supérieure  Marie  de  Sarra  saceridèrent  Frttn;olse  Ogier,  puis  Angèle 
Giïraaudet. 


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—  440  — 

bourg  Bi  des  remparts  solides  lui  avaient  permiB  de  le 
défendre.  Cette  démolition  en  effet  lui  coûta  cher,  car 
pour  dédommager  les  Cordelières  de  Saint-Julien,  il 
acheta  et  leur  donna  la  terre  du  Buron  près  d'Azé,  et  y 
joignit  des  sommes  importantes  pour  ]a  construction  de 
leur  nouveau  monastère. 

Les  Lavanderies.  —  Notre  description  serait  incom- 
plète si  nous  ne  parlions  des  lavanderies  ou  blanchisse- 
ries rendues  nécessaires  par  l'importance  de  la  fabrica- 
tion des  toiles  et  des  serges.  Ces  établissements,  qui 
demandaient  de  vastes  prairies  et  avaient  été  reportés 
au  delà  du  Portail  de  la  rue  Trouvée,  étaient  au  nombre 
de  deux  :  les  Petites-Lavanderies  et  les  Grandes  ou 
Lavanderies  d'Éventard  '.  Mais  au  commencement  du 
xvii'  siècle  ces  lavanderies,  malgré  leur  étendue,  ne 
suffisaient  plus  aux  exigences  de  l'industrie  ;  le  18  jan- 
vier 1630,  Julien  Guilloteau,  sieur  du  Mauvinet,  propo- 
sait à  la  ville  de  «  prendre  à  rente  le  jardin  et  le  pré  de 
«  l'Hospital,  maison  de  Daudibon  et  cimetière,  pour  la 
«  somme  de  200#  par  an,  à  la  charge  d'y  bastirdans  la 
«  Toussaintz  prochaine  des  bastiments  pour  4.000  H- 
«  et  y  faire  construire  des  lavanderies  pour  la  comodité 
«  du  bien  public  »  ;  et  les  habitants  décidaient  que  leur 
procureur-syndic,  qui  était  alors  Claude  Cherbonnel, 
sieur  du  Bourgeau,  et  les  administrateurs  de  Saint- 
Julien  feraient  «  procéder  aux  publications  des  dictes 
«  choses  pour  estre  baillées  à  rentes  aux  plus  oifrans,  à 
«  la  charge  d'y  construire  des  lavanderies  et  non  autre- 
«  ment.  »  L'adjudication  eut  lieu  le  7  février  1630 
devant  Girard  et  Godier,  notaires  royaux,  au  profit  du 
sieur  Brice  Moreul  et  de  ses  associés.  Mais  le  20  juillet 
de  la  même  année  les  travaux  étaient  interrompus  pour 
une  cause  que  nous  ignorons,  et  une  nouvelle  adjudica- 

t.  Dans  son  Dieliownaire  de  la  Mayenne,  M,  l'abbé  Angot  dit  que 
François  Chouippes  était  en  t6S8  sieur  d'Éventard  en  Gentie».  N'esl-ce 
pB8  une  confusion  ?  Les  Lavanderies  d'Éventard  m  Àzé  apparleDaieat 
alors  à  la  famille  Chouippes.  Les  prés  riverains  de  la  Mejeune  servaient 
aussi  à  biancblr  la  cire  que  l'on  allait  acheter  en  Bretagne. 


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—  441  — 

tton  fut  ordonnée.  Eut-elle  lieu  ?  nous  ne  le  savons  pas. 
En  février  et  mara  1631,  l'afFairt!  revient  devant  les 
assemblées  de  l'Hôlel-de-Ville,  dont  les  procès-verbaux 
(ou  du  moins  ce  qui  nous  en  reste)  manquent  absolument 
de  clarté.  Enfin  une  transaction  fut  signée  le  6  juin 
1631  devant  les  notaires  Pierre  Persault  et  René  Girard, 
entre  les  habitants  représentés  par  le  lieutenant  général 
Charles  Foureau  de  la  Françoisière,  le  procureur-syndic 
Claude  Arnoul,  sieur  de  la  Roussière,  René  Boutin,  pro- 
cureur du  roi  au  Grenier  à  sel,  Georges  Dupas,  sieur 
des  Nos,  avocat,  Lemoulnier  ',  Julien  GuîUoteau  et 
René  Valin,  sieur  du  GroUay,  délégués  par  une  dé- 
libération du  10  mai  précédent,  et  les  constructeurs 
des  lavanderies  qui  étaient  François  Chouippes,  sieur 
d'Eventard,  Pierre  Chouippes,  sieur  du  Pavé,  Jean 
Meignan  et  Brice  Moreul.  Nous  ignorons  les  termes  de 
cette  transaction  qui  mit  fin  à  toutes  les  difficultés.  Ces 
lavanderies,  dont  la  municipalité  n'eut  plus  à  s'occuper 
au  moins  jusqu'en  1650,  furent  connues  sous  le  nom  de 
Lavanderies  nouvelles  ou  de  Daudibon. 

Aujourd'hui  il  ne  reste  plus  aucune  trace  des  bâti- 
ments élevés  en  1630  et  1631,  et  la  prairie  arrentée 
alors  est  redevenue  la  prairie  de  l'Hôpital.  Quant  aux 
anciennes  lavanderies,  on  n'en  a  conservé  que  le  nom 
donné  à  un  petit  quartier  bâti  sur  une  partie  de  leur 
emplacement. 


Les  habitants  du  faubourg  d'Azé  étaient,  au  point  de 
vue  administratif  et  religieux,  dans  une  situation  assez 
complexe;  mais  comme  ils  étaient  sur  bien  des  points 
assimilés  aux  habitants  de  la  viHe,  nous  nous  occupe- 
rons à  la  fois  de  ceux-ci  et  de  ceux-Ii»  quand  nous 
étudierons  les  institutions'  religieuses  et  civiles  de 
ChAteau-Gontier. 

I.  Probablemeot  Charles  Lemoulnier,  sieur  de  la  GauSrie,  avocat. 


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APPENDICE    AU   CHAPITRE    II 

LISTE    DES   ADMINISTRATEURS    DE    SAINT-ItILtBN 
DE    1613   A    1650. 

Nominalion  du  29  avril  1613. 

Amys  (Zacharie),  sieur  de  la  Grugeardière.  conseiller  au 
Parlement  de  Brelagne.  marie  a  Sainic  de  Boisguérin,  — 
tils  de  Guillaume  Amjs  du  Ponceau. 

CKKnBONNEL  (Claude),  sieup  du  Bourgeau,  époux  de  Marie 
Allain,  —  procureur- syndic  en  1628. 

JuGiiix  [Jean),  sieur  de  la  Maillardière,  maître  apothicaire, 
mari  d'Anne  Bellanger,  —  nommé  député  à  l'Hôtel-de- 
Ville  en  1620. 

7  mai  1615. 

Chevreul  (Gervais),  sieur  de  la  Morlière,  marié  à  Cathe- 
rine Regnouf  el  beau-frère  de  Pierre  Regnouf,  président  de 
l'Election. 

De  la  Barre  (Jean),  apothicaire,  époux  de  Renée  Recoc- 
quille. 

CouRciER  (Jean),  sieur  de  Vaufaron. 
il  mai  1617. 

EsNAiJLT  (Jean),  sieur  du  Buisson,  ancien  procureur  du 
roi  à  la  Sénéchaussée  et  Siège  royal,  époux  de  Jeanne 
Nepveu  ;  —  inhumé  à  Sainl-Rémi  le  26  juin  1618. 

GuiLLOTEAu  (Julien),  sieur  du  Mauvinet,  marié  à  Élisabelh 
Guillet  ;  —  procureur- syndic  en  1609  et  1611. 

Le  Ror  (Pierre),  sieur  des  Vaux,  de  la  nombreuse  famille 
des  l.c  Roy,  qui  a  donné  plusieurs  prélres  à  l'Eglise. 
1"  mai  1619  et  6  mai  1621. 

Charlot  (Etienne),  sieur  de  la  Rouaudière.  avocat  du  roi 
en  la  Sénéchaussée,  sénéchal  du  prieuré  de  Saint-Jean,  — 
mari  de  Françoise  de  la  Ruelle. 

Allaire  [Françoisl-  sieur  du  Chène-rouillu,  greffier  en 
l'Election,  époux  de  Françoise  Clievreul  de  la  Morlière. 

Le  Roy  (Pierre),  sieur  des  Vaux,  susnommé. 
4  mai  1623. 

Thochon  (Jean),  sieur  de  la  Guîchardière,  époux  de 
Françoise  Hameau,  ou  peut-être  son  fils  marié  à  Françoise 
Gault. 


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—  443  — 

Marchais  [René),  sieur  du  Petit-Bois,  conseiller  du  roi, 
receveur  du  taillon  et  payeur  de  la  gendarmerie,  marie 
à  Françoise  Courcier. 

Le  Blanc  (Jean),  meurt  en  exercice.  —  II  était  proba- 
blement marcband  au  Faubourg  et  époux  de  Marie  lloreau. 
12  mai  1625. 

Thochon  (Pierre),  conseiller  à  rÉIection,  mari  de  Renée 
Croyer;  —  fils  de  Pierre  Trochon,  sieur  de  la  Valette, 
et  de  Françoise  Le  GaulTre;  —  député  à  l'Hôtel-de-VilIe 
en  1622. 

Des  Moulins  (Jacques),  écuyer;  —  épousa,  en  1624, 
Françoise  Boulard,  veuve  de  Jean  Guilloteau.  auquel  i] 
succéda  comme  conseiller  au  Grenier  à  sel. 

Du  Moulinet  (François),  apothicaire;  —  signe  comme 
témoin  de  nombreux  actes  notariés. 
14  mai  1627. 

TnocHON  (René),  sieur  de  Beaumont,  marchand  ',  procu- 
reur-syndic en  1622. 

CnunciEB  (Thomas),  sieur  de  Monlreuil,  marchand,  marié 
à  Jeanne  Lemercier;  —  député  en  1632,  procureur-syndic 
en  1640. 

4  mai  1629. 

Thbabt  (Pierre),  sieur  du  Plessis,  conseiller  au  Grenier  à 
sel  ;  —  député  1632,  1649. 

JuFFÉ  (François),  sieur  de  la  Marre,  marchand,  époux  de 
Marie  Barbin  ;  — député  en  1632  et  1651  ;  procureur- syndic 
en  1641  ;  —  souvent  choisi  pour  arbitre. 
1"  mai  1631. 

MoREUL  (Jean),  devait  être  maître  tanneur. 

QuANTiN  (Jean),  le  jeune.  —  Est-ce  Jean  Quantin,  sieur  de 
Saulay,  lieutenant  particulier  à  la  Sénéchaussée,  ou  Jean 
Quantin,  sieur  de  la  Mitraie,  qui  acheta,  en  1632,  les  Ail- 
lères  dont  il  prit  le  nom  ? 

30  avril  1633. 

Hardy  (François),  sieur  de  la  Croix,  avocat,  procureur 
fiscal  de  Saint-Jean;  —  député  en  1634;  —  fils  de  Martin 
Hardy,  avocat. 

I.  La  g-énéalogle  de  la  famille  Troclion  ne  mentionne  qu'un  René 

Trochon  de  Beaumonl  qu'elle  qualifie  de  conseiller  à  l'Election.  — 
D'après  divers  actes  et  lea  dëilbéralions  de  i'HAtel-de-Ville,  Bené 
Trochon,  conseiller  à  l'Élection,  aurait  été  sieur  de  Lulgné  et  non  de 
Beaumont. 


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_  444  — 

Bruneav  (René),  sieur  de  la  Ducherie,  marchand  au  fau- 
bourg, marié  à  Marguerite  Peu  ;  fils  de  Jean  Bruneau,  sieur 
du  Boismorin,  fermier  général  de  l'abbaye  de  Bellebranche, 
et  de  Benoîte  Journeil  ;  —  député  en  1637. 
2  mai  1635. 

Abnodl  (Claude),  sieur  de  la  Roussière,  avocat  ;  —  avait 
épousé  à  Daon,  le  4  mai  1630,  Marie  Trochon,  fïUe  de 
Michel  Trochon,  sieur  des  Places,  et  de  Renée  Gilles. 

Déak  (François),  sieur  de  la  Pouletterie,  marchand  au 
faubourg    d'Azé,    précédemment   receveur   des    aides  du 
comté  de  Beaumont  ;  —  mari  d'Anne  Courcier. 
1"  mai  1637. 

BouTiN  (René],  procureur  du  roi  au  Grenier  à  sel,  époux 
de  Marie  Foucault. 

Meignan  (Jean),  marchand  aux  Nouvelles-Lavanderies, 
marié  à  Renée  Morinière. 

1639. 

Poisson  (François),  sieur  de  Neuville,  conseiller  à  l'Elec- 
tion, mari  de  Jacquine  Legros  ;  député  en  1626.  —  Son  fils, 
Charles  Poisson  de  Neuville,  fut  maire  d'Angers  de  1673 
à  1676. 

MoYNB  (François),  sieur  de  la  Lande,  demeurant  faubourg 
d'Azé,  époux  de  Judith  de  la  Cour. 
1641. 

AuBRT  (René),  sieur  de  la  Sainte-Frairie,  contrôleur  au 
Grenier  à  sel,  époux  de  Marie  Trochon.  fille  de  René  Tro- 
chon, sieur  de  Luigné.  et  de  Françoise  Le  Roy. 

Meicnan  (Michel),  sieur  de  la  Censie,  maître  tanneur, 
mari  de  Perrine  Gallard. 

1"  mai  1643. 

Trochon  (Pierre),  sieur  des  Places,  marchand  de  draps  de 
soie,  époux  de  Magdeleine  Séguin. 

Gruau  (Jacques),  marchand,  mari  ou  fds  de  Françoise  de 
la  Planche. 

1"  mai  1645. 

Lébidon  (René),  sieur  des  Landes,  conseiller  du  roi, 
contrôleur  à  l'Election,  fils  de  Briand  Léridon  des  Landes 
et  d'Anne  Defaye  ;  —  marié  à  Renée  Aubry,  fille  de  Michel 
Aubry  de  la  Sainte-Frairie,  auquel  il  succéda  à  l'Election; 
—  procureur- syndic  en  1632,  député  en  1649. 

Gruau  (Jacques),  continué  pour  un  an. 


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—  445  — 

Le  Tbssier  (Pierre),  sieur  de  la  Grand-Lande,  époux  de 
Renée  Domin  ;  —  nommé  pour  la  deuxième  année  seule- 
ment {!"  mai  1646-1647). 

1"  mai  1647. 

Gallais  (Jérdme),  marchand,  fils  de  Jér6me  Gallais  et  de 
Marie  Bernier;  —  député  en  1645,  1649,  1651;  receveur 
des  deniers  d'octroi  en  1645. 

PoRTiN  (Simon),  sieur  de  la  Gennerie,  peut-être  fds  de 
Simon  Portin  et  d'Yolande  Hunault;  —  a  signé  plusieurs 
actes  notariés  comme  témoin. 

22  mai  1649. 

DouARK  (Gilles),  sieur  du  Tertre,  mari  d'Anne  Trochon  ; 
fils  de  Mathieu  Douard  du  Tertre  et  d'Urbanne  Peu  ;  frère 
de  Mathieu  Douard,  curé  d " Epin ou x-le- Séguin.  —  Sa  petite- 
fille,  Marie-Anne  Douard  de  Fleurance,  fut  la  fondatrice  de 
l'Hospice  Saint-Josepli  de  Château-Gontier. 

De  Rbnusson  (Mathurin),  avocat,  époux  de  Françoise 
Saincton  ;  —  député  en  1649. 

(A  suivre).  En.  Ch.  du  Brossay. 


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LETTRES 


MICHEL-RENÉ   MAUPETIT 

Dcpulé 

A    l'assemblée    nationale    CONSTiTUAÏtTE 

1789-1791. 
{Suite). 


Paria,  21  avril. 

Je  suis  inquiet,  mon  ami,  de  ne  pas  recevoir  de  vos 
nouvelles.  On  me  dit  qu'il  règne  de  la  fermentation  à 
Mayenne  ;  je  ne  puis  apprendre  les  causes  ni  l'objet.  Je 
n'ai  qu'un  moment  à  moi  ce  matin,  ayant  été  obligé  de 
m'occuper  d'alTaires  de  mon  ménage. 

Je  vous  envoie  tout  ce  qui  parait  sur  les  assignats, 
pour  que  vous  soyez  en  état  d'apprécier  les  motifs  qui 
ont  forcé  l'Assemblée  à  les  décréter.  Nous  avons  suivi 
l'opinion  publique  et  la  hausse  des  effets  nous  justifie. 
D'ailleurs  quatre  cents  millions  ne  pourront  s'étendre 
bien  loin  et  percer  dans  les  campagnes  qui  probablement 
les  rejetteraient. 

Adieu,  j'attends  avec  impatience  de  vos  nouvelles. 


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Paris,  24  avril  1790. 

Je  reçois,  mon  ami,  les  détails  que  vous  me  donnez 
sur  la  fermentation  qui  a  régné  dans  notre  ville.  J'étais 
inquiet.  11  m'était  revenu  par  un  étranger  qu'il  y  avait 
des  troubles.  Vous  m'en  aviez  dit  un  mot,  j'en  craignais 
des  suites  plus  fortes  et  d'autant  plus  dangereuses  que 
dans  ce  moment  il  est  essentiel  que  l'union  de  tous  les 
citoyens  fortifie  le  bien  général.  Le  haut  clergé  ne  peut 
consentir  à  voir  ses  biens  et  son  crédit  {inéantis.  Ils  ten- 
tent tous  les  moyens  pour  mêler  la  Religion  à  leur 
cause.  Ils  ont  fait  l'impossible  pour  arrêter  la  sanction 
du  décret  sur  les  biens  ecclésiastiques.  Mais  le  Roy  a 
tenu  ferme  et  l'a  sanctionné,  l'a  fait  publier  avec  une 
proclamation  sur  les  assignats  que  je  joins,  à  condition 
que  vous  la  mettrez  de  côte  pour  ne  point  dépareiller  ma 
collection. 

11  y  a  eu  diiïérentes  assemblées  du  clergé,  mais  par- 
tout le  public  les  a  suivis,  les  a  empêchés  de  délibérer, 
de  lire  une  protestation  qu'ils  désiraient  accompagner 
des  sermons  les  plus  pathétiques.  Il  n'a  été  fait  aucune 
violence,  parce  qu'on  était  prévenu  qu'on  cherchait  l'oc- 
casion d'exciter  des  troubles  et  de  profiler  du  premier 
acte  pour  crier  à  la  violation  de  la  liberté.  Mais  les  huées, 
les  siHlets,  ont  été  l'arme  des  citoyens  qui  ont  rendu 
inutiles  ces  assemblées.  Cependant  la  protestation  sera 
imprimée  et  répandue,  à  ce  qu'on  assure.  On  y  défigurera, 
comme  on  le  fait  ici,  la  délibération  sur  la  motion  du 
chartreux  dom  Gerle  <  et  on  t&chera  de  persuader  au 
peuple  que  l'Assemblée  nationale  a  le  projet  de  détruire 
la  Religion,  parce  qu'elle  veut  ôter  cette  inégalité  des 
richesses  qui  en  faisait  l'opprobre. 

1.  Député  de  Clermont  en  Auvergne  qui  avait  proposé,  le  13  avril,  de 
déclarer  la  relig-ioD  catholique  commo  rellg-ion  domlnaDte  des  Français, 
et  dont  la  motion  avait  été  rejelée. 


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—  448  — 

On  cherche  encore  à  discréditer  les  assignats  :  voici 
une  des  opinions  qui  ont  été  données  dans  l'Assemblée. 
Mais  ce  qui  répond  le  mieux  à  cette  objection,  c'est 
1  élévation  de  notre  change  et  de  nos  effets.  Les  menées 
des  agioteurs  pourront  encore  quelque  temps  procurer 
des  baisses,  mais  une  fois  les  assignats  en  circulation, 
la  machine  reprendra  son  mouvement. 

Le  Comité  de  constitution,  de  concert  avec  le  Comité 
militaire,  s'occupent  de  la  constitution  des  milices  natio- 
nales et  doivent  donner  un  rapport;  mais,  avant  que 
l'assemblée  puisse  s'en  occuper,  il  faudra  linir  l'ordre 
judiciaire  que  les  assignats  ont  fait  suspendre,  qu'à  la 
suite  le  taux  et  le  mode  de  rachat  des  droits  féodaux, 
comme  disposition  indispensable  pour  les  finances  et 
faciliter  des  remboursements,  ont  fait  placer  à  l'ordre  du 
jour.  Fendant  ce  temps,  plusieurs  travaillent  à  des  plans 
sur  la  justice  et  la  discussion  pourra  être  moins  longue, 
surtout  si  on  veut  adopter  une  marche  de  travail,  telle 
que  l'a  proposée  hier  M.  Tronchet,  pour  discuter  le 
mode  du  rachat.  11  a  proposé  de  diviser  la  discussion  du 
projet  en  sept  parties.  On  a  commencé  la  première,  qui 
renfermait  les  cinq  premiers  articles,  et  ils  ont  été  décré- 
tés aujourd'hui.  La  seconde  pourra  également  passer, 
alors  en  peu  de  temps  les  cinquante-six  articles  pourraient 
être  discutés,  éclaircis  et  décrétés,  et  ici  on  remarque 
bien  visiblement  une  grande  différence  dans  la  discus- 
sion de  cet  objet  essentiel  à  la  noblesse  :  c'est  avec  modé- 
ration qu'elle  propose  ses  objections,  ses  doutes.  On  ne 
voit  point  cet  entêtement,  cet  acharnement  si  turbulent 
dans  les  matières  ecclésiastiques.  Aussitôt  qu'on  répond 
d'une  manière  précise  et  convaincante  aux  objections,  la 
noblesse  cesse  toute  discussion  et  on  va  tranquillement 
aux  voix,  et  cependant  il  est  constant  que  les  disposi- 
tions précédentes,  celles  soumises  à  la  discussion 
actuelle,  diminuent,  réduisent  à  peu  de  chose  les  res- 
sources de  nombre  de  familles  nobles, 

Je  joins  ici,  mon  ami,  la  réponse  de  M.  Necker  aux 


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—  449  — 

inculpations  du  comité  des  pensions,  et  vous  y  verrez 
que  le  comité  a  réellement  à  se  reprocher  d'avoir  induit 
le  public  en  erreur  sur  les  800  et  60  millions  des 
acquits  comptant,  qu'on  pouvait,  d'après  le  préambule, 
regarder  comme  autant  de  sommes  prodiguées  à  la 
faveur  et,  par  l'état  détaillé  de  1779,  dont  il  y  a  un  pré- 
cis ci-joint,  on  voit  que  ce  sont  des  dépenses  ordinaires, 
mais  que  la  comptabilité  à  la  Chambre  des  comptes 
empêchait  d'y  produire.  Ainsi  vous  verrez  entre  autres 
63  millions  versés  par  les  fermiers  généraux  aux 
payeurs  des  rentes  de  l'Hôtel-de-ville  pour  l'acquit  de 
ces  rentes.  Je  ne  vous  envoyé  point  le  détail  des 
116  millions  des  ordonnances  du  comptant  de  1779,  il 
compose  un  gros  volume  in-quarto  de  114  pages.  L'ex- 
trait abrégé  qui  est  joint  aux  observations  vous  en  don- 
nera une  sufiisante  connaissance.  Le  comité  des  pensions 
veut  se  justiOer  et  je  suis  fâché  de  cette  querelle  qui  ne 
peut  que  retarder  l'effet  du  bien  général. 

Adieu,  mon  ami,  faites  vos  efforts  pour  rétablir  le 
calme,  rallier  les  citoyens  à  la  chose  publique,  leur  faire 
sentir  qu'unis  le  bonheur  sera  assuré,  que  divisés  ils 
retomberont  dans  le  despotisme.  Il  faut  aussi  tâcher  de 
faire  disparaître  les  semences  de  discorde  avec  les 
autres  parties  du  département.  On  a  cherché  à  répandre 
des  préventions  contre  notre  ville  qu'il  est  essentiel  de 
détruire.  Si  on  se  divise  d'intérêt,  il  ne  peut  plus  y  avoir 
d'ensemble  et  la  machine  ne  peut  plus  jouer.  Une  autre 
fois,  je  pourrai  vous  en  dire  plus  long  sur  cet  objet. 

Cl 

sans  date  (25  avril  1790). 
C'est  avec  vérité  que  vous  avez  soutenu  que  le  nom 
de  Lalande  de  la  Déclaration  *  n'est  pas  la  signature  de 
notre  ami,  mais  celle  de  M.  de  la  Lande,  curé  d'Illiers, 


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député  d'Évreux,  qui,  nommé  du  comité  ecclésiastique, 
a  donné  sa  démission  parce  qu'il  n'a  pas  voulu  consen- 
tir à  la  vente  des  biens  ecclésiastiques.  Le  Journal  des 
Débats  fait  mention  de  cette  démission.  D'ailleurs  je 
viens  de  vérifier  avec  M.  de  la  Lande  l'imprimé  de  cette 
déclaration,  et,  au  bout  du  nom  de  la  Lande,  il  y  a 
écrit  «  curéd'Illiers,  député  du  bailliage  d'Évreux  ».  Ainsi 
il  n'y  a  nul  doute  que  ce  n'est  pas  notre  ami.  Quand  je 
dis  nul  doute,  ce  n'est  pas  nous,  ni  ceux  qui  le  con- 
naissent que  j'entends  persuader,  cela  est  superflu,  mais 
ceux  qui,  malignement  portés  à  trouver  les  autres  en 
défaut,  ne  demandent  pas  mieux  que  d'accréditer  des 
erreurs  sur  le  compte  des  autres.  Assurez  donc,  promet- 
tez votre  tête,  vous  le  pouvez,  et  j'y  joindrai  sûrement  la 
mienne,  qu'un  pareil  acte  est  tout  l'opposé  de  ses  senti- 
ments. 

Nous  allons  reprendre  demain  matin  l'ordre  judiciaire 
et,  pour  la  dixième  question,  la  cour  de  révision  ou  tribu- 
nal suprême. 

Du  courage,  nous  sommes  dans  un  moment  de  crise, 
mais  l'union,  la  concorde  prudente  des  bons  citoyens 
triompheront  de  toutes  les  petites  passions,  les  petits 
intérêts. 

Cil 

26  avril  1790. 

Nous  avançons,  mon  ami,  sur  le  mode  et  le  taux  du 
rachat  des  droits  féodaux,  objet  pressé  pour  donner  de 
l'argent  et  faire  valoir  les  assignats,  assurer  d'autant 
plus  l'opération  qui  seule  peut  sauver  les  finances.  Nous 
allons  continuer  la  discussion  ce  matin  et  ne  la  quitter 
que  lorsque  le  projet  aura  été  décrété. 

Rien  de  nouveau  ;  je  désire  bien  apprendre  que  vous 
soyez  venu  à  bout  de  rétablir  le  calme  dans  nos  foyers 
et  de  convaincre  les  citoyens  de  l'intérêt  pressant  qu'ils 
ont  de  rester  ainsi.  Adieu  pour  aujourd'hui. 


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cm 

Paris,  29  avril  ', 
Les  affaires  publiques  vont  bien  daus  ce  moment,  au 
moins  ici.  Tout  y  est  tranquille.  Vale. 

CIV 

Paris,  1"  mai  1790. 

Au  milieu  de  l'orage  nous  avons  abordé,  mon  ami,  les 
deux  questions  que  nous  agitions  depuis  neuf  séances.  Y 
aura-t-il  des  jurés  en  matière  criminelle,  y  en  aura-t-il 
en  matière  civile  ?  Nous  les  avons  admis  dans  la  pre- 
mière espèce  et  rejetés  dans  la  seconde;  dans  la  première, 
parce  que  les  5/6  des  délits  sont  en  faits  qu'on  peut 
distinguer  de  la  loi  qui  applique  la  peine  au  délit;  que 
dans  la  seconde  nous  ne  pouvons  nous  flatter  de  trouver 
des  citoyens  assez  instruits,  assez  inteUigents,  pour  juger 
d'un  fait  presque  toujours  lié  ou  à  des  actes  ou  des  ques- 
tions de  droit  ;  parce  que,  dans  un  grand  nombre  de 
procès  au  civil,  on  ne  peut  séparer  le  fait  du  droit.  —  Mais, 
en  Angleterre,  cet  usage  se  pratique,  en  Amérique  il  a 
lieu.  —  D'abord,  en  Angleterre,  le  principe  qui  attache  les 
Anglais  à  cet  ordre,  qui  le  rend  essentiel  à  leur  liberté, 
c'est  que  le  roy  seul  nomme  les  juges  et  qu'il  serait  & 
craindre  que  les  juges  ne  tournent  le  pouvoir  judiciaire 
contre  les  citoyens,  que  les  jurés  choisis  par  le  peuple 
sont  un  contrepoids  à  cette  influence  de  la  couronne  ; 
mais  ici  vos  juges  seront  élus  par  le  peuple,  seront 
amovibles  au  bout  d'une  certaine  période  de  tems.  Vous 
pourrez,  par  un  scrutin  d'omission,  écarter  du  tribunal 
le  citoyen  qui  s'y  serait  mal  conduit.  11  n'y  a  donc  point 
le  même  sujet  d'inquiétude. 

L'Amérique  pouvait  recevoir  des  lois  uniformes.  Ce 

le  lui  ■  pu  accusé  récep- 


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—  452  — 

n'était  pas  un  peuple  ancien,  livré  à  d'anciens  usages, 
à  d'anciens  régimes  aussi  diversifiés  que  l'est  notre  droit 
civil  en  France.  Telles  ont  été  les  raisons  du  parti  pris  et 
ce  qui  a  dû  en  confirmer  la  sagesse,  c'est  qu'il  n'y  a  eu 
à  s'élever  en  faveur  des  jurés  en  matière  civile  que  l'ex- 
trémité du  c6té  droit,  les  plus  opposés  à  tout  ce  qui  peut 
assurer  le  bien  et  l'avantage  du  Royaume,  et  ils  n'ont 
pas  assez  caché  leurs  vues  pour  qu'on  n'ait  pas  seu  ce 
qu'ils  en  espéraient  dans  un  des  points  les  plus  essen- 
tiels de  l'ordre  public. 

Vous  trouverez  un  décret  sur  les  milices  nationales. 
Le  but  du  Comité  de  constitution  a  été  de  prévenir  toute 
dispute  de  pouvoir  entre  les  municipalités  et  les  gardes 
nationales,  de  maintenir  l'union  qu'il  regarde  comme 
Tunique  ressource  de  la  patrie  contre  les  efforts  combi- 
nés de  tous  les  mécontents  intéressés  à  faire  renaître  les 
troubles  et  à  y  trouver  le  retour  des  anciens  abus. 

Aussitôt  que  l'adresse  aux  provinces  sur  les  assignats 
sera  imprimée,  je  vous  l'adresserai.  Elle  est  longue, 
mais  il  n'y  a  rien  de  trop  dans  ce  moment  où  il  faut 
détruire  tant  de  préjugés,  ramener  l'opinion  aux  prin- 
cipes qui  dirigent  le  gros  de  l'Assemblée,  leur  en  faire 
connaître  l'ensemble  et  les  détourner  d'écouter  toutes 
les  impressions  contraires  qu'on  chercbe  à  répandre. 

Nous  craignions  hier  une  séance  orageuse  :  on  vou- 
lait faire  expliquer  l'assemblée  sur  le  serment  exigé  de 
M.  de  Virieu  '  d'après  la  motion  très  împolitique,  plus 
mal  rédigée  encore,  de  M.  Bouche  ".  Heureusement  par 
la  demande  de  renvoyer  l'examen  de  ce  serment  au 
Comité,  par  l'amendement  de  suspendre  ce  serment 
jusqu'au  rapport  du  Comité  qu'il  ne  fera  pas,  on  a  évité 
le  mauvais  pas  où  le  serment  exigé  jetait^.  On  en  avait 
conclu  qu'il  fallait  exiger  également  ce  serment  de  tous 

I.  Députa  du  Dauphiné,  Dommé  président  de  l'assemblée  le  27  avril. 

S.  Avocat  su  Parlement  d'Ali,  député  de  Provence. 

3.  Cependant  diverses  Interprétations  ds  ce  serment  ayant  été  [aitea, 
H.  de  Vlrleu  se  démit  de  la  présidence  la  29  et  tut  remplacé  par 
M.  Gouttes,  curé  d'ArgUlIers,  sénéchaussée  de  Béliers. 


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—  453  — 

les  Ministres,  que  ceux  qui  ne  pouvaient  le  prêter 
étaient  obligés  de  se  retirer.  Il  en  fût  résulté  une  scis- 
sion qu'on  désirait  et  qui  n'eût  fait  qu'augmenter  le 
désordre.  Nous  voilà  délivrés  de  cette  inquiétude  et  nous 
allons  pouvoir  marcher  plus  tranquillement  à  l'ordre 
judiciaire  jusqu'à  quelque  nouvel  obstacle,  car  il  y  en  a 
toujours  de  préparés  en  avance,  mais  avec  l'attention 
qu'on  donne  à  tout  ce  qui  se  passe,  on  peut  encore  s'en 
défendre  et  aller  nêantmoins  en  avant. 

Adieu,  mon  ami,  pour  ce  matin.  J'attends  de  vos  nou- 
velles sur  ma  dernière  et  je  désire  bien  apprendre  qae 
les  esprits  se  sont  calmés. 

GV 

3  mai  1790. 

Nous  discutons  lentement,  mon  ami,  l'ordre  judiciaire, 
nous  sentons  les  écueils  que  nous  avons  à  éviter.  Il  ne 
faut  plus  que  le  pouvoir  judiciaire  fasse  trembler  le 
citoyen,  mais  serait-il  moins  dangereux  de  se  livrer  à 
des  plans  impraticables  qui  le  feraient  retomber  dans 
l'anarchie  ?  Voilà  ce  qui  nous  oblige  à  entendre  les  opi- 
nions de  tous  les  partisans,  ou  de  l'extrême  liberté,  ou 
de  l'ancien  usage,  pour  mieux  reconnaître  le  seul  parti 
mitoyen  qui,  en  assurant  aux  citoyens  une  justice 
prompte,  impartiale,  intègre,  ne  laisse  point  l'état  flot- 
ter dans  l'anarchie  ou  trop  craindre  de  l'influence  du 
pouvoir  judiciaire. 

J'attendais  de  vos  nouvelles.  Je  suis  inquiet  de  n'en 
pas  recevoir  et  cependant  j'espère  toujours  assez  de  nos 
concitoyens  pour  croire  qu'ils  se  pénétreront  des  vrais 
principes  de  la  liberté,  qu'ils  reconnaîtront  qu'il  n'y  en 
peut  avoir  partout  où  il  n'existe  point  d'ordre,  point  de 
subordination  à  la  loi. 

Ce  soir  nous  commençons  l'organisation  de  la  muni- 
cipalité de  Paris  et  nous  voyons  avec  plaisir  que  l'opi- 
nion   publique   est    pour    faire    cesser    les    districts 


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—  454  — 

permanents.  Ils  ont  pu  être  utiles  dans  le  moment  de 
la  Révolution,  mais  leur  continuation  tendrait  au  désor- 
dre, faciliterait  les  intrigues  et  anéantirait  la  liberté.  Les 
citoyens  éclairés  rendent  justice  à  ces  vérités  et  se  sou- 
mettent à  ce  que  décrétera  l'Assemblée. 

CVI 
Paris,  5  mai,  anniversaire  de  la  1"  séance. 

M.  Chambray,  mon  ami,  est  passé  deux  fois  à  ma 
demeure  sans  me  trouver.  Sorti  à  9  heures  du  matin,  je 
ne  rentre  qu'après  l'assemblée  ou  le  comité  du  soir, 
c'est-à-dire  à  10  heures,  parce  que  je  ne  mange  point  ici. 

Le  peu  que  vous  me  dites  par  votre  lettre  à  M.  Cham- 
bray '  m'a  été  confirmé  hier  par  M.  le  chevalier  d'Hercé. 
Il  parait  que  nos  concitoyens  se  tranquillisent,  tant 
mieux.  Il  n'y  a  que  ce  moyen  de  prévenir  les  maux 
qu'on  cherche  à  faire  naître.  Vous  verrez  lundy  les  res- 
sorts qu'on  a  voulu  faire  jouer  à  Toulouse,  sous  prétexte 
de  la  Religion.  Le  rapport  qui  en  a  été  fait  hier  à 
l'Assemblée  du  soir  prouve  que,  même  dans  ce  siècle, 
on  peut  encore  espérer  de  faire  renaître  le  fanatisme.  La 
conduite  prudente  de  la  municipalité  de  Toulouse  a 
arrêté  l'effusion  du  sang  ^. 

Le  parti  de  l'opposition  vient  de  faire  imprimer,  au 
nombre  de  quarante  mille  exemplaires,  la  fameuse  décla- 
ration sur  la  Religion  ^.  On  craignait  que  la  pièce  ne  fût 
plus  dangereuse.  La  lecture  n'a  donné  que  l'exposé  des 
efforts  prétendus  du  parti  pour  faire  admettre  la  motion 
de  dom  Gerle.  Comme  on  y  rapporte  la  motion  de  M.  de 
la  Rochefoucault  et  le  décret  conforme,  les  gens  sages 
et  modérés  apprécieront  facilement  les  motifs  de  la  majo- 
rité de  l'Assemblée  et  reconnaîtront  que  l'Assemblée  ne 

i.  BesDier  de  Chtimbra;,  beau-frère  de  Dupont-Grandjardln,  comman- 
dant  de  la  garde  nallonale  de  Laval. 

2.  PëUtiOD  présente  par  les  Catholiques  pour  conserver  les  coUTCnta 
et  autres  établissements  rellgrieux. 

3.  Déclaration  d'une  partie  de  rAssemblée  nationale,  etc. 


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—  455  — 

pouvait,  a  propos  de  finances,  passer  la  motion,  ni 
dans  aucuns  temps  soumettre  la  religion  à  un  décret  des 
hommes.  Comme  individu,  je  signerais  facilement  la 
même  déclaration.  Ce  n'est  qu'un  témoignage  individuel 
que  je  professe  la  religion  catholique,  et  beaucoup  de 
ceux  qui  ont  signé  cette  déclaration  n'y  ont  vu  sans 
doute  que  cet  objet,  mais  le  motif  n'a  pas  été  le  même 
de  la  part  de  ceux  qui  l'ont  rédigée.  Ils  ont  cru  dénon- 
cer, sous  un  ton  de  modération  et  d'attachement  à  la 
Religion,  la  majorité  de  l'Assemblée  et  on  voit  bien  que 
leur  motif  a  été  de  dire  au  public  :  Voilà  les  gens  réelle- 
ment attachés  à  la  religion  de  leurs  pères;  jugez  les 
autres  qui  n'ont  pas  voulu  reconnaître  que  la  religion 
catholique,  apostolique  et  romaine  est  leur  religion  et 
la  religion  de  l'État.  J'espère  malgré  cela  que  cette 
déclaration,  dont  les  provinces  vont  être  inondées, 
ne  produira  pas  l'effet  qu'en  attendent  ses  principaux 
rédacteurs,  qu'on  reconnaîtra  que  l'Assemblée,  par  un 
décret  formel,  eût  attaqué  le  principe  de  la  liberté  d'opi- 
nion qu'elle  a  décrétée,  qu'elle  eût  donné  le  signal  aux 
provinces  méridionales,  remplies  de  protestants,  de  les 
exclure  et  par  là  exciter  une  sédition  dans  cette  partie  où 
le  fanatisme  a  toujours  si  fort  troublé  les  têtes.  Mais 
l'union  seule  des  bons  citoyens,  les  exhortations  des 
gens  sages,  préviendront  les  suites.  On  verra  que  cette 
déclaration  n'est  venue  que  lorsqu'on  a  dépouillé  le 
clergé  de  ses  biens  ;  que  si  le  motif  de  la  religion  eût  été 
le  seul  à  animer,  c'était  lorsqu'on  a,  à  deux  reprises, 
fait  la  même  motion  que  des  gens  attachés  aussi  sincè- 
rement à  la  reUgion  devaient  faire  cette  même  profes- 
sion et  non  pas  dans  le  moment  où  les  biens  temporels 
paraissent  faire  le  fond  seul  et  la  cause  de  cette  déclara- 
tion. 

Nous  avons  eu  hier  aussi  une  députation  d'un  des 
nouveaux  déparlemens  qui  a  lu  une  adresse  d'adhésion 
à  tous  les  décrets  et  une  forte  assurance  de  les  soutenir. 
C'est  le  département  des  Ardennes.  Il  parait  qu'il  y  en 


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—  456  — 

a  déjà  plusieurs  nommés.  Nos  commissaires  ne  dili- 
gentent  guère.  Ils  imputent  leur  retard  au  défaut  d'impri- 
meur, et  cependant  il  est  bien  tems  que  la  machine  se 
mOBte,  que  les  impôts  se  payent,  qu'ils  fassent  circuler 
l'argent  et  avec  lui  les  opérations  commerciales  quoique 
les  effets  continuent  d'augmenter.  Tant  que  les  impôts 
ne  se  payeront  pas,  l'argent  sera  cher  et  le  commerce 
ne  pourra  suivre  ses  opérations. 

Vous  verrez  que  nous  aurons  des  juges  amovibles  et 
sujets  à  la  réélection.  J'ai  cru  que,  pour  attirer  des 
sujets  vers  un  état  aussi  essentiel,  il  fallait  au  moins  un 
temps  sullisant  pour  l'exercer.  Les  avis  ont  été  partagés 
entre  six  et  huit  ans  de  durée  de  chaque  judicature.  Si 
on  eût  voulu  suivre  l'opinion  de  M.  des  Meuniers,  j'au- 
rais voté  volontiers  pour  quatre  ans  de  la  première  élec- 
tion et  ensuite  dix  ans  à  la  seconde,  mais,  en  n'admettant 
point  de  différence  entre  les  premières  élections  et  les 
suivantes,  huit  ans  m'ont  paru  un  terme  encore  bien 
peu  attrayant  ;  cependant  la  majorité  a  réduit  à  six  ans. 

Adieu,  mon  ami,  voict  l'adresse  de  l'Assemblée  sur 
les  assignats,  elle  peut  servir  de  réponse  à  la  déclara- 
tion du  clergé. 

CVII. 

Paris,  8  mai  1790. 
Voici,  mon  ami,  le  précis  de  trois  séances  qui  ont  été 
bien  vives,  où  on  a  débattu  fortement  la  question  de  la 
part  qu'aurait  le  roy  à  l'institution  des  juges,  question 
qui  eiU  pu  être  encore  approfondie  et  traitée  plus  longue- 
ment, si  le  temps  ne  nous  pressait.  Le  pouvoir  judiciaire 
est-il  un  pouvoir  lié  au  pouvoir  exécutif,  ou  est-il  un 
pouvoir  distinct?  A  qui  appartient-il  de  l'exercer  ou  de  le 
faire  exercer?  Toutes  ces  questions  eussent  pu  mériter 
d'être  spécialement  approfondies,  patiemment  discutées, 
non  peut-être  pour  celui  qui  veut  remonter  aux  prin- 
cipes de  la  raison,  aux  droits  naturels,  mais  pour  ceux 


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—  457  — 

qui,  imbus  des  anciens  préjugés,  qui  livrés  aux  habi- 
tudes, aux  usages  anciens,  n'y  voient  que  des  principes, 
lorsqu'ils  n'ont  été,  ou  que  des  effets  du  hasard,  ou  des 
extensions  d'un  pouvoir  qui  les  absorbait  tous.  Ce  sont 
ces  derniers,  en  grand  nombre,  qu'il  était  politique  de 
convaincre,  de  désabuser,  parce  qu'en  opposant  des 
principes  un  peu  abstraits  au  sentiment  naturel  des 
Français,  à  leur  attachement  pour  le  roy,  en  objectant 
avec  force  qu'on  veut  dépouiller  la  royauté  de  ses  pré- 
rogatives, réduire  le  roy  à  un  état  passif,  on  est  tou- 
jours assuré  de  trouver  des  partisans,  même  de  bonne 
foy,  qui,  confondant  l'esprit  de  justice  qui  anime  un  roy 
avec  les  passions  qui  tourmentent  sesministres,  ne  voyant 
plus  en  effet  que  la  diminution  de  l'autorité  royale, 
lorsque  d'autres  n'y  voient  au  contraire  que  le  moyen  de 
concentrer  auprès  du  trône  la  séduction,  la  corruption 
et  toute  l'immoralité  qui  en  sont  les  suites,  .-^près  trois 
jours  de  discussions,  où  chaque  parti  a  piutM  déclamé 
qu'il  n'a  discuté,  on  est  allé  aux  voix  et,  comme  on  y 
alla  d'après  un  discours  véhément  de  M.  de  Cazalès, 
d'après  la  peinture  la  plus  adroite  des  inconvénients 
d'un  gouvernement  purement  démocratique,  le  tableau 
rapide  des  désastres  qui  ont  anéanti  ces  gouvernements 
dans  la  Grèce,  l'Italie,  l'Afrique,  pour  voir  s'élever  sur 
leurs  ruines  le  despotisme,  il  n'y  a  eu  pour  ôter  au  roy 
l'institution  libre  des  juges  que  cinq  cent  trois  voix 
contre  quatre  cent  cinquante.  Ce  qui  me  rassure  sur  le 
parti  que  j'ai  embrassé  sans  hésiter,  c'est  que  cette 
question  est  déjà  décidée  par  Montesquieu,  si  grand  par- 
tisan de  l'autorité  royale,  c'est  qu'elle  sera  discutée  par 
les  écrivains  et  qu'alors,  outre  |ps  inconvénients  sensibles 
qui  eussent  résulté  de  donner  aux  ministres  la  plus  forte 
influence  par  le  choix  des  gens  de  justice,  on  établira 
que,  sans  la  distinction  des  pouvoirs,  sans  le  moyen  de 
les  contrebalancer,  il  ne  peut  exister  de  liberté.  Si  le 
peuple  sans  doute  faisait  les  lois,  si  il  jugeait,  si  il  fai- 
sait ainsi  l'application  de  la  loi,  on  eiH  confondu  dans  le 


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—  458  — 

peuple  le  même  pouvoir  ci-devant  confondu  dans  le 
monarque,  mais  d'abord  le  peuple  ici  n'agit  que  par  ses 
représentants,  les  représentants  ne  peuvent  élire  pour 
juges  les  mêmes  personnes  qui  seront  nommées  pour 
administrer.  Les  pouvoirs  ainsi  délégués  et  répartis  ne 
peuvent  se  réunir  dans  les  mêmes  mains.  Les  électeurs 
pris  dans  les  différentes  contrées  ne  peuvent  se  réunir 
d'intérêt  et  d'intention  pour  donner  une  plus  forte  pré- 
pondérance à  telle  classe  plutôt  qu'à  telle  autre.  Tous 
les  pouvoirs  répartis  par  des  représentants  ne  sont  que 
momentanés.  Ceux  qui  en  sont  revêtus  ne  peuvent  s'y 
maintenir,  les  transmettre,  les  réunir  pour  asser^'ir. 
Exposés  à  devenir  simples  individus,  ils  ont  intérêt  à 
n'employer  ce  pouvoir  que  pour  le  bien  général,  pour  en 
recevoir  eux-mêmes  la  protection  lorsqu'ils  n'en  seront 
plus  les  agents.  Tout  cet  équilibre  cesse  si  l'homme 
honnête  nommé  par  le  peuple  a  besoin  d'aller  solliciter 
la  confirmation  de  son  élection.  C'est  ouvrir  la  porte 
aux  intrigues  et  auprès  des  peuples,  et  auprès  des 
ministres,  et  la  majesté  royale  tient-elle  donc  à  ces 
détails  minutieux,  à  ces  choix  de  préférence  qui  sup- 
posent des  connaissances  qu'un  roy  ne  peut  réunir,  qu'il 
est  obligé  de  délivrer  à  des  ministres,  ceux-ci  à  des 
commis,  et  ces  commis  à  des  intrigants.  Quelle  doit  donc 
être  l'influence  du  pouvoirexécutif  sur  l'ordre  judiciaire? 
C'est  celle  de  l'exécution  des  jugements.  Le  juge,  par  sa 
sentence,  applique  la  loy.  C'est  au  pouvoir  exécutif  à 
procurer  l'exécution  des  jugementSj  à  les  soutenir  de  la 
force  publique.  C'est  dans  ce  sens  seul  que  le  roy  donne 
au  jugement  la  force  d'exécution  que  seul  il  doit  réunir 
dans  ses  mains.  Comme  malheureusement  on  fait  sou- 
vent plus  d'eiïet  sur  nos  esprits  français  par  de  bons 
mots  que  par  des  raisons,  on  a  ridiculisé  ce  principe,  en 
objectant  que  c'était  réduire  les  fonctions  du  roy  à  celles 
d'un  huissier,  mais  comme  un  bon  mot  ne  fut  jamais  un 
grand  moyen,  on  pourrait,  en  étendant  la  conséquence 
faire  du  roy,  au  nom  duquel  toute  la  machine  du  gouver- 


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—  459  — 

nement  doit  marcher,  l'agent  particulier  de  toutes  les 
parties  quelconques  de  l'administration. 

La  question  qui  reste  aujourd'hui  à  décider  des  trois 
adoptées  donnera  matière  à  quelques  sarcasmes  de  ce 
genre.  Le  juge  aura-t-il  besoin  de  lettres  de  provision 
du  roy  pour  exercer  ses  fonctions  ? 

Mais  après  viendra  la  question  du  ministère  public. 
Le  roy  en  aura-t-il  seul  le  choix  et  l'installation  ?  Cette 
question  mériterait  également  une  discussion  non  moins 
approfondie.  Les  uns  pensent  qu'il  faut  au  moins  laisser 
au  roy  le  choix  de  cet  officier;  d'autres  croyent  qu'U 
ne  doit  y  avoir  d'autre  ministère  public  que  les  procu- 
reurs-syndics des  municipalités,  des  districts,  du  dépar- 
tement. J'y  trouverais  bien  de  l'inconvénient,  par  une 
réunion  et  une  confusion  de  fonctions  dictinctes  et  sépa- 
rées. Je  ne  crois  pas  la  première  partie  sans  inconvé- 
nient non  plus.  Il  faut  attendre  la  discussion,  si  on  est 
assez  sage  pour  s'y  livrer  sans  passion,  sans  esprit  de 
parti. 

Votre  lettre  d'hier,  mon  ami,  m'a  fait  plaisir,  en 
m'assurant  que  la  misère,  le  défaut  de  travaux  n'était 
pas  aussi  considérable  que  je  me  l'étais  imaginé. 

Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  nullité  dans  le  décret,  d'après 
la  lettre  des  décrets  des  8  et  9  août,  quoiqu'il  n'y  ait 
que  vous  de  gradué  '  dans  la  municipalité,  surtout  pour 
un  décret  d'ajournement  personnel  et  lorsqu'on  a  admis 
par  les  derniers  décrets  la  voye  de  l'appel.  Mais  d'après 
leur  interrogatoire,  vous  pouvez  bien  prononcer  contre 
eux  une  peine  quelconque.  Mais  je  ne  crois  pas  que 
vous  puissiez  les  casser  de  la  légion.  Cette  partie  de 
votre  jugement  seroit  une  anticipation  sur  les  délits 
militaires  dont  ta  punition  appartient  au  corps  de  la 
légion  même.  Je  penserois  que  ce  seroit  à  la  légion, 
d'après  la  peine  que  vous  prononceriez  contre  eux  et 
sur  le  vu  de  votre  sentence,  à  les  casser  de  la  légion  et  à 

1.  E^ur  gradé  sans  doute. 


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les  déclarer  incapables  d'y  servir.  Je  sais  bien  cepen- 
dant qu'il  n'y  a  pas  dans  tout  cela  une  marche  très  con- 
séquente. Mais,  avec  de  nouvelles  institutions,  il  y  a 
toujours  des  parties  qui  interrompent  le  fîl  que  l'expé- 
rience seule  peut  renouer.  Il  seroit  toujours  bon  de  vous 
concerter  sur  cet  objet  avec  les  chefs  de  la  légion,  afin 
de  n'aller  que  de  concert  et  de  prévenir  tous  débats 
entre  les  différents  pouvoirs  qu'il  est  si  intéressant  de 
voir  unis  et  concourant  au  même  but,  à  l'union,  à  la 
tranquillité,  au  maintien  de  l'ordre  et  de  la  sûreté  *. 

CVIII. 

Paris,  12  may  1790. 

Nous  avons,  mon  ami,  quitté  pour  un  moment  l'ordre 
judiciaire  pour  nous  occuper  des  moyens  de  parvenir  à 
l'aliénation  des  biens  domaniaux;  vous  allez  voir  plu- 
sieurs décrets  qui  faciliteront  les  acquisitions.  Nous 
avons  des  soumissions,  bientôt  pour  les  quatre  cents 
millions  :  ainsi  les  assignats  seront  bien  fondés  avant 
qu'ils  soient  en  émission. 

Nous  recevons  d'ailleurs  de  presque  toutes  les  pro- 
vinces et  surtout  de  celles  qu'on  prétendait  les  plus 
opposées  à  la  vente  des  biens  ecclésiastiques  des  actes 
d'adhésion.  Hier  au  soir  la  ville  d'Arras  a  envoyé 
l'adresse  la  plus  forte  encore  qu'on  ait  reçue  par  une 
députation  à  la  tète  de  laquelle  était  son  nouveau  maire. 
Cette  adresse  sera  imprimée,  ainsi  que  plusieurs  autres, 
contre  une  délibération  de  plusieurs  citoyens  de  Nismes 
qui  ont  protesté.  L'accord  sur  cet  objet  parait  général 
et  la  séance  d'hier  au  soir  n'a  été  remplie  que  par  l'ex- 
pression de  plusieurs  villes,  de  nombre  de  curés,  pour 
soutenir  les  décrets  de  l'Assemblée  et  l'exposition  des 
mesures  les  plus  sûres  pour  en  assurer  l'exécution, 

1.  Il  s'agit  sans  doute  de  gardes  natlonaui  dont  la  conduite,  dans  des 
troubles  récents,  avait  paru  nécessiter  leur  radiation  des  listes  de  Ut 
garde  nationale. 


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—  461  — 

Nous  voilà  donc  très  rassurés  sur  les  menées  sourdes 
que  nous  n'ignorions  pas  qu'on  faisait  pour  faire  inter- 
venir la  religion  et  par  elle  empêcher  la  vente.  Dans  ce 
moment,  l'Angleterre  arme  contre  l'Espagne.  Cela  fait 
renaître  l'espoir  de  ceux  qui  ne  peuvent  croire  à  la  durée 
du  nouvel  ordre,  d'autres  espèrent  que  ce  ne  sera  qu'un 
appareil  sans  suite.  11  faut  attendre,  mais  je  crois  qu'en 
supposant  même  une  guerre,  cette  circonstance  n'arrê- 
terait pas  la  constitution  et  ne  ferait  que  l'accélérer. 
Adieu,  mon  ami,  une  autre  fois  je  pourrai  vous  en  dire 
plus  long.  Je  ne  vous  envoyé  pas  le  rapport  sur  la 
marine  de  M.  Malouel,  il  est  volumineux  et  cette 
matière  peu  connue  ne  porte  d'intérêt  que  pour  la 
marine.  Il  est  bien  écrit.  Quant  au  mérite  du  fond,  je 
m'y  connais  peu.  11  tend  à  rétablir  la  séparation  du  pou- 
voir militaire  d'avec  celui  de  l'administration,  séparation 
qui  avait  si  bien  réussi  à  Colbert. 

CIX. 

Vendredy,  14  mai,  6  heures  du  soir. 
Je  croyais  bien  votre  affaire  totalement  finie  par  la 
démarche  qu'avait  faite  la  légion.  Vous  avez  cru  devoir 
enchérir,  prononcer  une  peine  plus  forte,  la  fermeté 
vous  a  paru  nécessaire,  elle  vous  a  réussi.  C'est  sur  les 
lieux  seuls  qu'on  peut  juger  de  pareille  mesure,  de  ta 
nécessité  de  la  prendre  et  d'y  persévérer.  Je  vous  féli- 
cite du  succès  et  je  l'admire  plus  peut-être  que  je  n'au- 
rois  osé  l'imiter,  mais,  comme  je  vous  l'ai  dit,  cela 
dépend  de  la  connaissance  du  local  et  je  me  rends  tou- 
jours à  ce  que  les  circonstances  bien  pesées  exigent.  Je 
serois  fâché  que  la  légion  prit  le  parti  de  nommer  de 
nouveau  celui  qu'elle  avoit  elle-même  condamné,  ce 
serait  une  contradiction  qui  lui  serait  défavorable. 
Tachez  de  prévenir  le  schisme  ou,  si  il  a  lieu,  usez  de 
la  modération  et  du  silence  que  vous  me  marquez  devoir 
adopter   pour  prévenir    toute   division  ultérieure.   Au 


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milieu  des  grands  intérêts  de  l'État,  il  faut  oubliertoutes 
les  difficultés  particulières,  se  rallier  à  la  Patrie,  la  con- 
sidérer seule.  Je  vois  avec  une  vive  satisfaction  que  de 
toutes  parts  ces  sentiments,  les  sûrs  garants  de  la  liberté, 
prennent  et  sont  exprimés  avec  la  plus  grande  force. 
Partout  les  préjugés  anciens  s'effacent.  Une  noble  ému- 
lation pour  le  bien  public  se  montre  et  se  développe 
avec  énergie.  Les  lumières  de  la  raison,  du  vrai  bien  de 
l'État,  chassent  devant  elles  les  nuages  épars  et  du  fana- 
tisme et  de  l'ignorance. 

Ce  matin,  deux  adresses,  l'une  de  Pézenas  ',  l'autre 
d'une  paroisse  du  Dauphiné,  ont  exprimé  avec  les  traits 
les  plus  énergiques  leur  mépris  pour  l'arrêté  de  quelques 
citoyens  de  Nîmes,  ont  exposé  les  moyens  les  plus  forts 
pour  pulvériser  cet  arrêté,  en  faire  sentir  l'incohérence, 
tes  subtilités.  Jamais  Rousseau  n'a  mieux  parlé,  il  eut 
sauté  au  col  du  rédacteur  de  l'adresse  de  Pézenas  aux 
citoyens  de  Nismes  ;  l'assemblée  en  a  ordonné  l'impres- 
sion séparée.  Vous  t'aurez  et  vous  la  lirez  à  nos  conci- 
toyens, pour  qu'ils  pensent,  qu'ils  agissent  de  même, 
qu'enfin  ils  sachent  que  la  vraie  liberté  est  l'obéissance 
aux  lois,  l'abnégation  de  sa  volonté,  de  ses  intérêts 
partiels,  à  la  volonté  générale;  que,  sans  cette  liberté 
éclairée,  il  n'y  a  plus  que  désordre,  que  trouble,  et  qu'il 
ne  reste  au  despotisme  qu'à  serrer  davantage  ses  chaînes 
accablantes. 

Je  puis,  sans  recourir  au  comité  de  constitution, 
vous  répondre  sur  les  deux  questions  que  vous  me 
faites.  On  ne  doit  convoquer  au  Maine  que  la  partie  des 
paroisses  mixtes  dépendantes  du  Maine.  Cela  a  été  arrêté 
ainsy  par  le  procès-verbal  dont  les  commissaires  du  roy 
des  différents  départements  sont  porteurs,  et  cela  pour 
éviter  l'inconvénient  des  coutumes  si  opposées  dans 
leurs  dispositions.  Il  a  donc  été  arrêté  entre  les  deux 
départements  que,  provisoirement  et  jusqu'à  ce  que  les 


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coutumes  autrement  rédigées  le  permettent,  la  ligne 
de  démarcation  entre  les  deux  provinces  subsisteroit, 
nonobstant  le  décret  contraire  et  d'après  les  circons- 
tances particulières.  Ainsi  Vaucé  et  les  autres  paroisses 
mixtes  doivent  se  diviser  comme  auparavant.  Les  com- 
missaires porteurs  du  procès-verbal  en  auraient  dû 
prévenir  les  paroisses.  Je  crois  que  cette  précaution 
même  étoit  indispensable  pour  prévenir  les  difficultés 
dans  les  paroisses  mixtes  au  moment  où  les  esprits, 
encore  trop  exaltés,  eussent  difficilement  rompu  d'an- 
ciennes habitudes  soutenues  d'intérêts  puissants  d'après 
les  grandes  différences  des  deux  coutumes  ', 

Voilà  ma  réponse  à  votre  première  question.  Ma 
réponse  à  la  seconde  n'exigera  pas  plus  de  consulter  le 
comité. 

On  a  mal  interprété  le  décret  qui  exige  la  représenta- 
tion de  la  quittance  de  la  contribution.  Ce  décret  doit 
être  isolé  de  l'autre  qui  fixe  à  trois  journées  de  travail  la 
contribution  aux  impôts  nécessaires  pour  être  citoyen 
actif.  C'est  en  voulant  les  réunir  qu'on  les  affaiblit,  qu'on 
les  rend  contradictoires.  En  les  exécutant  séparément, 
que  résulte-t-il  de  leurs  dispositions  séparées  ?  Que  tout 
citoyen  payant  3*  ,  si  la  journée  est  fixée  à  20  sols,  est 
citoyen  actif.  Voilà  le  seul  titre  qui  appelle  à  entrer  dans 
les  assemblées  primaires.  Mais  il  doit  se  trouver  dans 
ces  assemblées  des  citoyens  plus  riches,  qui  par  leur 
fortune  ont  dû  payer  une  contribution  particulière  et 
passagère  à  l'Etat.  Ce  sont  ceux  qui  ont  plus  de  400  livres 
de  revenu  notoirement  et  à  la  connaissance  de  leurs 
concitoyens.  Or  ceux  qui  ont  ces  400  livres  de  revenus 

I.  Ces  communes,  au  nombre  d'une  douzaine  environ,  dâpendalenl 
du  diocèse  du  Mans,  parce  que  leur  clocher  était  situé  dans  le  Maine, 
mais,  pour  les  affaires  civiles,  elles  dépendaient  de  la  Normandie.  En 
1190  elles  araient  dnux  municipalités.  Les  décrets  des  IS  et  20  Janvier 
les  rattachèrent  au  département  de  la  Mayenne,  mais  l'effet  en  demeurait 
suspendu  Jusqu'à  la  suppression  des  coutumes,  ce  qui  eut  lieu  seule- 
meut  en  1806.  à  la  promulgation  du  Code  civil.  Depuis,  ces  pajMiisses 
ontéti  attribuées  au  département  de  l'Orne,  par  vole  d'échange  (Loi  du 
SlmarslSai),  sauf  Vaucé. 


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—  464  — 

notoires  doivent  de  plua  prouver  qu'ils  ont  acquitté 
leur  contribution  patriotique.  Faute  de  rapporter  la 
preuve  justificative,  ou  de  leur  soumission,  ou  de  leur 
quittance,  ils  seront  rejetés.  Mais  cette  disposition,  par- 
ticulière à  ces  citoyens  jouissant  de  400  livres  do  reve- 
nus, ne  peut  s'étendre  à  ceux  que  la  loi  a  exemptés  de 
faire  cette  déclaration,  parce  qu'ils  n'ont  pas  ces 
400  livres,  autrement  on  eût  dit  qu'il  n'y  aurait  de 
citoyens  actifs  que  ceux  qui  ont  400  livres  de  revenus  et 
ce  n'est  pas  là  ce  que  dit  l'assemblée,  ce  que  porte  son 
premier  décret,  auquel  le  second  n'a  pu  déroger  et  n'a 
point  dérogé  en  elTet.  Ainsi,  loin  qu'on  eût  voulu  réduire 
le  nombre  des  citoyens  actifs,  au  contraire  on  a  voulu 
exclure  de  ce  nombre  ceux  qui,  pouvant  secourir  l'État 
parleur  aisance,  s'y  seraient  cependant  refusés,  mais  sans 
entendre  l'exiger  de  ceux  qui,  payant  3  livres,  n'ont  pas 
cependantl'aisance  suffisante  pour  contribuer  du  quart  de 
leur  revenu.  Voilà,  mon  ami,  avec  exactitude  le  vrai  sens 
delà  loi,  sauf  à  saisir,  dès  qu'on  ne  voudra  pas  réunir  deux 
décrets  différents,  qu'on  n'a  point  eu  l'intention  d'unir 
dans  leurs  dispositions,  qu'on  ne  pouvait  unir,  puisque 
le  premier  est  constitutionnel,  que  le  deuxième  n'est 
que  réglementaire  sur  une  imposition  passagère  et 
momentanée. 

Sur  cette  contribution,  et  le  peu  d'effet  qu'elle  a  obtenu 
de  plusieurs  citoyens,  sans  doute  il  serait  à  désirer  qu'on 
pût  forcer  ceux  qui  se  sont  joués  du  patriotisme,  qui  ont 
ridiculisé  les  bons  citoyens  et  les  punir  ainsi  de  leur 
égoïsme  ou  de  leurs  mauvaises  intentions.  Le  temps 
n'est  pas  encore  venu,  mais  cela  viendra  et  croyez  qu'ils 
n'échapperont  pas  aux  regards  de  leurs  concitoyens  et  à 
la  loi  de  l'égalité.  Mais  il  faut  pour  cela  d'autres  circons- 
tances, lorsqu'il  s'agit  de  revenir  sur  des  démarches  et 
des  promesses  authentiques,  il  faut  que  l'évidence  sou- 
tienne le  changement  dan»  les  dispositions  premières  et 
cette  évidence  viendra  avec  quelque  patience  et  produira 
plus  sûrement  l'effet  qu'en  doivent  attendre  les  bons 


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citoyens.  Je  ne  puis  vous  en  dire  davantage,  mais  croyez 
qu'on  ne  perd  pas  de  vue  cet  objet  et  qu'il  est  présent  à 
tous  les  citoyens  qui  ont  cru  devoir  faire  des  efforts  pro- 
portionnés aux  circonstances. 

N'en  prenez  pas  avantage  pour  diminuer  d'estime 
pour  le  ministre  qui  a  indiqué  cette  contribution.  Il  a  pu 
se  tromper.  II  est  homme.  11  a  pu  se  méprendre  sur  les 
progrés  du  patriotisme,  mais  ne  nous  hâtons  pas  de 
juger  mal  un  homme  à  qui  on  doit  la  représentation  des 
communes  égale  aux  deux  ci-devant  classes  privilégiées 
et  dès  lors  le  premier  mobile  de  la  Révolution.  Ce  serait 
trop  tard  qu'on  s'apercevrait  de  sa  retraite  s'il  quittait 
dans  ce  moment.  Il  a  pu  croire  à  moins  d'élan  et  de  cou- 
rage, à  plus  de  déférence  à  ses  vues,  de  modération, 
d'où  peut-être  il  ne  serait  résulté  qu'un  édifice  récrépi, 
sans  ensemble.  Ce  serait  une  erreur,  mais  non  un  vice 
de  crier  et,  loin  de  le  condamner,  nous  sommes  trop 
heureux  qu'il  puisse  encore  nous  soutenir  presque  seul 
dans  le  conseil  et  affermir  le  roy  dans  sa  résolution  de 
soutenir  la  constitution.  Il  n'y  a  plus  pour  le  roy  d'autre 
parti  que  de  la  soutenir  et  de  cacher  toutes  les  impres- 
sions dont  on  cherche  toujours  à  le  circonvenir,  parce 
que  d'autres  ministres  sont  toujours  attachés  à  leur 
antique  grandeur  et  ne  peuvent  voir  sans  peine  leur 
rAle  si  diminué,  leur  influence  si  affaiblie.  La  responsa- 
bilité, les  attaques  fréquentes  qu'on  leur  fait  les  font 
toujours  frémir.  Ils  ne  peuvent  se  faire  à  ce  régime. 

Demain,  comme  vous  le  dira  le  journal,  on  discutera 
le  message  du  roy  sur  les  armements  de  l'Angleterre  et 
la  rupture  apparente  de  cette  puissance  avec  l'Espagne. 
La  séance  présentera,  malgré  les  orages,  un  grand 
intérêt  et  bien  des  orateurs  s'apprêtent  à  déployer  leur 
éloquence.  Il  parait  au  fond  que  la  guerre  se  réduira  à 
des  préparatifs,  que  dans  ce  qui  existe  c'est  la  pratique 
de  l'axiome  si  vis  pacem  para  bellum,  mais  on  profitera 
toujours  du  message  pour  disserter  sur  le  système 
général  de  politique  qui  doit  convenir  à  la  France  dans 


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sa  nouvelle  existence.  Sommes-nous  assez  froids,  assez 
mûrs,  pour  traiter  des  questions  de  cette  importance? 
Il  faut  au  moins  y  essayer,  et,  dussions-nous  faire  des 
fautes,  l'expérience  servira  à  prévenir  nos  successeurs. 
Attendons  sans  rien  préjuger.  Je  compte  sur  les  ouver- 
tures des  autres  en  avouant  de  bonne  foy  que  des 
intérêts  aussi  combinés,  aussi  étendus,  exigent  des 
connaissances,  des  talents  au-dessus  de  tout  ce  que 
j'ai  pu  méditer  jusqu'ici.  S'il  est  vrai  que  la  politique 
des  nations  ne  puisse  recevoir  ces  maximes  de  morale 
à  la  portée  commune,  si  il  faut  des  vues  fines,  des  voyes 
détournées,  je  me  condamne  encore  davantage  au  silence. 
Je  laisse  la  discussion  aux  grands  génies  qui  seuls  peu- 
vent s'élever  au-dessus  des  principes  communs. 

Si  on  en  croit  ces  mêmes  esprits  transcendants,  cette 
circonstance  est  la  suite  d'un  plan  médité,  de  ces  voyes 
détournées  qui  nous  amènent  du  fond  de  l'Asie  une 
querelle  dont  les  moteurs  sont  au  milieu  de  nous.  Tant 
de  coups  directs  ont  déjà  échoué  que  j'ai  la  bonhommie 
de  croire  que  cette  ruse  si  détournée  ne  produira  pas 
plus  de  succès  a  ses  ingénieux  inventeurs.  Si  on  veut 
croire  tous  les  soupçons,  l'argent  d'Angleterre  doit 
demain  faire  parler  bien  des  orateurs.  Je  vous  dis  ce  qui 
se  débite,  peut-être  sans  fondement.  Mais,  quand  on  est 
sur  ses  gardes,  on  peut  écouter  plus  tranquillement  et, 
en  se  méfiant  de  tous  les  propos,  juger,  non  d'après  des 
préventions,  maisd'aprèscequi  portera  le  mieux  le  carac- 
tère de  la  conviction.  Tel  sera  mon  rôle  demain.  J'exami- 
nerai, je  pèserai  et  je  tâcherai  de  n'adopter  que  ce  qui 
me  paraîtra  de  plus  juste  et  de  plus  convenable  à  l'inté- 
rêt comme  à  la  gloire  de  la  Nation. 

Je  ne  sçais  qui  a  pu  répandre  le  bruit  d'un  voyage  à 
Mayenne,  peut-être  est-ce  M.  de  Ligonière.  Pour  moi  je 
n'en  ai  parlé  qu'avec  vous,  avec  le  désir  de  ne  pas 
quitter,  surtout  dans  ce  moment  ;  plus  il  y  a  de  danger, 
de  bruit  et  moins  je  me  permettrais  de  quitter  la  partie. 

Mais  comme  cependant  il  sera  juste  de  ne  point  écon- 


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—  467  — 

duire,  sous  prétexte  des  motifs  qui  doivent  me  retenir 
icy  impérieusement,  les  demandes  de  M.  de  Ligonnière 
sur  des  réductions  qui  sontjustes,  saufla  quotité,  ce  sera 
un  nouvel  embarras  pour  vous,  car  je  l'engagerai  à  faire 
un  voyage  à  Mayenne,  à  se  concerter  avec  vous  et  à 
voir  en  quel  état  en  sont  les  choses,  ce  qu'on  peut  arrê- 
ter, ce  qu'on  pourra  différer.  Il  me  faudra  avant  de  vous 
parler  de  cet  objet  plus  au  long  un  peu  de  temps  à  moi. 
Je  técberai  de  me  le  ménager. 

Croyez  que  je  ne  quitterais  pas  pour  tout  ce  que  j'ai 
d'espoir  au  monde  ;  puisque  j'ai  pris  la  tâche,  je  la  rem- 
plirai de  mon  mieux,  bien  fâché  de  ne  pouvoir  y  porter 
autant  de  talent  que  j'ai  de  bonne  volonté  et  d'abnégation 
de  tout  intérêt  personnel  quelconque. 

Je  vous  laisse  pour  aller  à  mon  comité.  Si  j'apprends 
quelques  nouvelles  je  les  ajouterai,  ainsi  que  ce  que  je 
pourrai  joindre  de  décrets  nouveaux. 

Du  15. 
Je  n'ai  rien  appris  de  neuf  que  cette  suite  continuelle 
de  tentatives  de  tous  les  ennemis  de  la  Révolution.  On 
assure  que  des  financiers  ont  fait  passer  dans  la  Bretagne 
de  faux  décrets  de  l'Assemblée,  des  adresses  pour  détour- 
ner les  campagnes  de  payer  leurs  impôts.  Quelques  ecclé- 
siastiques cabalent  de  leur  côté.  C'est  aux  bons  citoyens 
à  prémunir  les  campagnes  contre  ces  menées,  à  les 
encourager,  à  se  tenir  unis,  à  payer  leurs  contributions. 
Je  joins  uu  commentaire  de  la  déclaration  des  droits  de 
l'homme  qu'il  est  intéressant  de  répandre  par  les  expli- 
cations simples  et  à  la  portée  de  tout  le  monde  qu'il  pré- 
sente. Adieu.  Je  vous  adresse  deux  exemplaires  de  ta 
déclaration,  en  vous  priant  d'en  remettre  un  à  M.  Pottier 
ou  à  quiconque  vous  sçavez  plus  lié  avec  les  différentes 
classes  de  la  société  qu'il  est  intéressant  d'instruire. 
Faites  également  circuler  le  vôtre.  On  ne  peut  trop  ins- 
truire les  citojens. 


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Paris,  16  mai  1790. 

Nous  sommes,  mon  ami,  occupés  de  la  grande  ques- 
tion du  droit  de  paix  et  de  guerre.  Je  puis  entrevoir  que 
dans  les  circonstances  actuelles  on  réservera  au  corps 
législatif  le  droit  de  faire  la  guerre  en  autorisant  néan- 
moins le  pouvoir  exécutif  à  faire  au  besoin  toutes  les 
dispositions  nécessaires  pour  la  défense  de  l'Etat  dans 
le  cas  d'une  attaque  méditée. 

Vous  trouverez  dans  la  séance  de  samedy  matin  ]a 
confirmation  de  la  décision  que  je  vous  ai  annoncée 
relativement  à  la  contribution  patriotique  et  vous  y 
reconnaîtrez  clairement  qu'on  ne  peut  exiger  la 
déclaration  que  de  ceux  qui  ont  plus  de  400  livres  de 
revenu.  Adieu. 

CXI 

Paris,  23  mai  1790  *. 

Je  joins  ici,  mon  ami,  la  réponse  de  ma  lettre  à 
M.  Necker.  Voilà  bien  une  autorisation  pour  prendre 
deux  cents  sacs  à  raison  de  14#  ou  7#  le  quintal.  Ils  ne 
devraient  pas  coûter  plus  de  5  s.  pesant  du  cent  à  voitu- 
rer.  Ce  ne  serait  que  12#  le  quintal.  Comme  j'ignore  ce 
que  vaut  le  boisseau,  je  ne  puis  juger  de  la  perte,  mais 
ce  qui  me  déterminerait,  c'est  la  nécessité  qui  ne  peut 
connaitre  de  calculs  d'œconomie. 

Un  député  de  Chartres  m'a  assuré  que  le  froment  à 
Chartres  ne  valait  que  14#  te  septier,  pesant  240,  poids 
de  16.  Ce  serait  encore  meilleur  marché  que  le  seigle  de 
Rouen  et  peut-être  y  aurait-il  moins  de  danger  pour  le 
transport.  M.  Bouvet,  négociant,  député  de  cette  ville, 
est  en  ce  moment  à  Chartres.  Je  lui  écris  par  cet  ordi- 

1.  Nouvelle  lacune  du  16  au  83  mai.  [1  doit  manquer  deux  lettres. 


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naire  pour  sçavoir  au  juste  le  prix  et  s'il  y  a  communi- 
cation de  Chartres  à  Dreux,  ou  à  Vemeuil,  pour 
reprendre  notre  route.  Pour  éviter  le  circuit,  je  le  prie  de 
vous  écrire  ce  qui  en  est  et  s'il  y  aurait  du  seigle,  le  prix 
qu'on  le  vendrait,  les  facilités  pour  le  paiement  et  le 
transport,  à  qui  il  faudrait  s'adresser  en  son  absence  de 
Chartres.  Ainsi  peut-être  aurez-vous  encore  au  besoin 
cette  ressource.  Mais  si  vous  ne  l'avez  pas,  si  des  parti- 
culiers propriétaires  ayant  des  grains  pouvaient  en 
vendre  et  qu'il  ne  fût  question  que  de  forces,  écrivez  à  la 
municipalité  du  Mans  et  au  régiment  de  dragons  pour 
vous  envoyer  un  détachement  par  lequel  vous  feriez 
escorter  vos  grains.  S'il  était  besoin  d'un  ordre  du 
Ministre,  mandez-le-moi  et,  dans  cinq  jours  de  votre 
lettre,  je  puis  vous  en  faire  passer  un  que  je  deman- 
derais. 

Voilà,  mon  ami,  tout  ce  que  je  puis  faire  pour  le 
moment  sur  cet  objet.  Le  Gouvernement  est  dans  l'em- 
barras, faute  de  renseignements  sur  l'état  exact  des 
récoltes.  Il  n'a  pu  acheter  tous  les  grains  qu'il  craint 
bien  être  nécessaires  ;  du  reste  l'étranger  n'a  rien  voulu 
fournir  qu'avec  nantissement  et  ce  Ministre  si  décrié  a 
pris  des  engagements  qui  absorbent  toute  sa  fortune 
pour  obtenir  des  Hollandais  des  grains  qu'ils  avaient 
en  dépôt  et  en  approvisionner  Paris  et  la  Normandie. 
Sur  cette  dernière  province,  il  est  exact  qu'il  y  a  eu  la 
plus  mince  récolte,  surtout  depuis  Rouen  jusques  à 
Argentan,  dans  l'espace  de  vingt  à  vingt-cinq  lieues  de 
large,  de  sorte  qu'il  n'y  a  pas  eu  un  tiers  de  récolte, 
mais  je  crois  bien  que  l'égolsme,  qui  règne  dans  une  par- 
tie de  celte  province  comme  ailleurs,  fait  encore  aug- 
menter le  mal.  Heureusement  que  la  majorité  de  la 
Nation  pense  différemment.  Je  puis  vous  garantir  que 
de  toutes  parts,  hors  la  Normandie  et  quelques  provinces 
voisines,  il  vient  à  l'Assemblée  les  assurances  les  plus 
positives  de  l'adhésion  la  plus  entière  aux  décrets.  Celui 
qui  a  été  rendu  hier  a  répandu  la  plus  grande  joye  dans 


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—  470  — 

Paria,  et  le  roy  assure-t-on  est  satisfait.  Vingt-cinq  mille 
âmes  dont  nous  ne  nous  doutions  pas,  entouraient  hier 
toutes  les  avenues  de  la  salle  et  nous  eûmes  toutes  les 
peines,  à  six  heures,  après  une  séance  de  neuf  heures, 
de  pouvoir  sortir  du  flot  qui  nous  pressait  et  qui  criait 
et  applaudissait  de  toutes  ses  forces.  11  n'y  a  pas  à 
s'étonner  du  patriotisme  et  de  l'ardeur  que  met  le  Pari- 
sien à  tous  nos  travaux  ', 

La  séance  d'hier  fut  terrihle,  imposante.  Mirabeau 
y  parla  avec  une  énerve  digne  de  la  Tribune  aux 
harangues.  Bamave,  dont  la  motion  avait  fait  un  héros 
le  vendredy,  porté  en  triomphe,  avait  fait  la  plus  grande 
sensation.  Mirabeau  avait  demandé  la  réplique.  Il  avait 
une  tâche  d'autant  plus  pénible  à  remplir  que  le  public 
était  prévenu  contre  lui,  qu'on  criait,  qu'on  vendait  à  la 
porte  un  écrit  de  Marat  intitulé  :  Trahison  du  (?*  de 
Mirabeau.  Il  était  par  cette  brochure  accusé  d'avoir  reçu 
de  l'argent  du  Gouvernement  pour  soutenir  le  droit  du 
roy,  quoique  sa  motion,  imprimée  alors,  soumettait  la 
guerre  à  la  délibération  de  l'Assemblée,  empêchait  !e 
roy  de  ne  pouvoir  la  déclarer  qu'après  avoir  notifié 
l'état  des  choses  au  corps  législatif,  qu'après  lui  avoir 
imposé  l'obligation  de  s'assembler,  s'il  était  en  vacances. 
Mais  le  public  n'y  voyait  pas  expressément  le  droit  de 
la  nation  que  la  motion  de  Bamave  expliquait  trop  éner- 
giquement,  puisque  la  nation  se  réservait  le  droit  de 
faire  la  guerre. 

Malgré  cette  position,  Mirabeau  entreprend  de  défen- 
dre sa  motion,  monte  à  la  tribune  et  dit  :  u  Et  moi  aussi. 
Messieurs,  j'ai  été  porté  en  triomphe  il  y  a  huit  jours  et 
aujourd'hui  on  me  dénonce,  on  me  publie  dans  les  rues 
de  Paris  comme  un  traître.  Je  sçais  apprécier  la  faveur 
populaire.  Je  sçais  qu'il  n'y  a  pas  loin  du  Capitule  à  la 
Roche  Tarpéienne,  mais  plus  l'opinion  du  peuple  est  ver- 
satile, plus  il  est  du  devoir  de  l'homme  ferme  dans  ses 

r  le  droit  de  guerre  et  de  pali  réservés  ï  la 


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—  471  — 

principes  de  les  défendre,  quelle  qu'en  doive  être  l'issue. 
C'est  la  Patrie  que  je  viens  défendre  ;  des  flots  mobiles 
peuvent  s'agiter  autour  de  moi,  mais  le  temps,  mais 
l'expérience  Unit  par  ranger  chacun  à  sa  place  et  j'espère 
démontrer  qu'il  n'y  a  plus  de  constitution  dès  que  le 
corps  législatif  sera  transformé  en  pouvoir  ;  alors  il  n'y  a 
plus  qu'une  oligarchie,  le  plus  trouble,  le  plus  désastreux 
des  gouvernements,  ou  plutôt  l'anéantissement  de  tout 
gouvernement.  »  Il  entra  en  matière  et  prouva  bientôt 
qu'il  n'y  a  de  constitutionnel  que  le  mode  de  donner  à  la 
Nation  le  veto  sur  le  roy  pour  le  droit  de  guerre,  d'at- 
tribuer à  lui  seul  l'initiative  pour  la  proposer  et  récipro- 
quement de  donner  au  roy  le  veto  sur  la  Nation  qui 
voudrait  forcer  le  roy  à  la  guerre.  Alors  les  pouvoirs 
se  balancent,  conservent  leur  équilibre.  Tout  ce  principe 
était  bien  mis  en  action  dans  sa  motion,  mais  n'y  était 
pas  exprimé  et  c'est  ce  qui  occasionna  une  chaleur  très 
forte,  lorsqu'on  voulut,  pour  amendement  au  1"  article, 
faire  insérer  la  motion  de  Barnave  que  la  nation  se 
réservait  le  droit  de  guerre.  Grand  débat,  on  propose  de 
tourner  l'amendement  autrement.  Des  Meuniers  offre  de 
dire  que  la  guerre  ne  pourra  être  déclarée  que  d'après 
un  décret  de  l'Assemblée,  sur  la  proposition  seule  du 
roy.  C'est  un  trait  de  lumière  et  bientôt,  déjà  d'accord 
sur  le  fond,  l'Assemblée  l'est  sur  l'expression.  L'article 
passe  et  successivement  les  autres,  à  quelques  additions 
près  ou  des  retranchemans  dans  les  articles  proposés 
par  Mirabeau.  Je  ne  suis  pas  l'apologiste  de  toute  sa 
conduite,  mais  je  lui  dois  la  justice  que  dans  les  grandes 
occasions  il  a  seul  trouvé  la  chose,  le  principe  généra- 
teur, et  l'Assemblée  lui  a,  avec  la  nation,  une  vraie  obli- 
gation. La  preuve  qu'on  a  trouvé  le  terme  vrai,  c'est 
que  le  décret  est  généralement  approuvé,  plaît  à  tout  le 
monde,  et  il  est  un  principe  nouvellement  découvert  et 
qui  pourra  avoir  des  conséquences  majeures  pour  la 
tranquillité  générale  de  l'Europe  ;  dans  ce  point,  notre 
constitution  donne  un  exemple  à  l'Angleterre  même. 


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—  472  — 

Que  ce  point,  que  d'autres  encore  d'une  égale  impor- 
tance, soient  méconnus,  que  la  plus  belle  opération, 
celle  de  la  division  nouvelle,  vienne  échouer  contre  les 
întéréta  partiels  de  quelques  individus,  je  n'en  suis  pas 
étonné.  Il  faudra  encore  quelque  temps  pour  railleries 
volontés  à  l'intérêt  général,  les  voir  sacrifier  au  bien  de 
tous,  mais  plaignons  ceux  qui  ne  peuvent  se  débarrasser 
du  voile  qui  leur  couvre  les  yeux  et  disons,  comme 
Mirabeau  :  «  Le  tems  et  l'expérience  classeront  à  leur 
place  les  grands  principes  consacrés  jusqu'ici  et  il  vien- 
dra un  temps,  qui  ne  sera  pas  éloigné,  où  on  trouvera 
que  nous  n'avons  été  encore  que  des  adeptes.  Laissons 
mûrir  les  têtes  sur  tes  principes  du  droit  public  et  nos 
enfans  bientôt  nous  devanceront  dans  la  carrière  qui  ne 
fait  que  de  s'ouvrir.  Mais  réunissons  nos  efforts  pour 
éclairer  tous  ceux  qui  noua  environnent.  Prenons  le  ton 
de  la  paix,  de  l'union,  de  la  raison,  disons  comme  Mon- 
tesquieu :  a  Inviter  quand  il  ne  faut  pas  contraindre, 
«  conduire  quand  il  ne  faut  pas  commander,  c'est  Thabî- 
«  leté  suprême  :  la  raison  a  un  caprice  naturel,  elle  a 
«  même  un  empire  tyrannique.  On  lui  résiste,  mais 
«  cette  résistance  est  son  triomphe,  encore  un  peu  de 
«  tema  et  l'on  sera  forcé  de  revenir  à  elle  ». 

Voua  trouverez  ce  passage  dans  une  des  feuilles 
ci-jointea  du  Moniteur. 

(A  suivre).         Publié  par  E.  Qubruau-Lamerik. 


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ANNE  COMTESSE  DE  LAVAL 
PIERRE  LANDAIS,  TRÉSORIER  DE  BRETAGNE 

ET 

JACQUES   D'ESPINAY 

&VËQUE  DE  RENNES 


C'était  un  ancien  usage  que  l'évéque  de  Rennes,  à  son 
entrée  solennelle  dans  la  ville  épiscopale,  fdt  porté  par 
quatre  seigneurs  du  diocèse,  les  seigneurs  de  Vitré,  La 
Guerche,  Aubigné  et  Châteaugiron. 

Depuis  1237,  les  deux  seigneuries  de  Vitré  et  d'Aubi- 
gné  étaient  aux  mêmes  mains.  André,  alors  baron  de 
Vitré,  avait  épousé  Catherine,  fille  de  Guy  de  Thouars, 
et  sœur  cadette  de  la  ducbesse  Alix.  Cette  année,  André 
reçut  de  Pierre  Mauclerc,  mari  de  la  duchesse,  la  sei- 
gneurie d'Aubigné.  Ce  don  ne  fut  pas  absolument  gra- 
tuit ;  mais  une  récompense  des  terres  appartenant  à 
André  que  Mauclerc  avait  occupées  pour  ses  forteresses 
de  Rennes  et  de  Saint- Aubin-du-Gormier  '. 

A  partir  de  cette  annexion,  te  baron  de  Vitré  eut  à 
tenir  deux  places  à  l'entrée  solennelle  des  évoques.  On 
peut  conclure  de  là  que  le  devoir  de  porter  l'évéque 
existait  avant  l'annexion  d'Aubigné,  II  est  clair  que,  s'il 

t.  Le  Baud,  Lf»  Chroniques  de  Vitri,  p.  41.  —  Mais  l'acte  était  pour- 
tant uns  libéralité,  Aubig-né  comprenant  dix  paroisses  |1a  Borderie, 
Giog.  féodale,  p.  91. |  —  Aubigné  itrèa  petite  commune  du  canton  de 
Salnt-Aubln-d'Anbi^né,  arrondissement  de  Rennes),  montre  encore  les 
ruines  du  ctiAteau  et  nue  masure  dite  maison  dei  plaidt.  —  HéTin, 
Çue»tiont  féodata,  p.  41,  n*  H,  doqqe  qnelques  détails  sur  cet  acte. 


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—  474  — 

avait  été  possesseur  des  deux  seigneuries  au  temps  où 
cet  usage  s'établit,  le  baron  de  Vitré  ne  se  serait  pas 
chargé  d'un  double  devoir  à  remplir  dans  la  même 
occasion. 

Un  peu  après  l'annexion,  André  de  Vitré  maria  sa  fille 
unique,  Philippe,  à  Guy  Vil  de  Laval  ;  et,  de  ce  jour, 
la  baronnie  de  Vitré  resta  constamment  aux  mêmes 
mains  que  la  seigneurie,  puis  comté  de  Laval  '. 

Les  seigneurs  ayant  le  devoir  du  «  port  de  l'évêque  » 
sont  toujours  nommés  en  cet  ordre  :  Vitré,  La  Guerche, 
Aubigné,  Châteaugiron  -.  Selon  toute  apparence,  cet 
ordre  indique  leur  rang  dans  la  cérémonie.  Nous  savons 
d'ailleurs  que  le  seigneur  de  Vitré  m<irchail  «  au  devant 
et  au  côté  dextre  »  (en  avant  et  à  droite).  De  cette  indi- 
cation nous  concluons  que  le  sire  de  La  Guerche  marchait 
en  avant  à  gauche  ;  le  sire  d'Aubigné  en  arrière  à  droite  ; 
et  que  le  sire  de  Châteaugiron  tenait  la  dernière  place 
en  arrière  à  gauche. 

L'évêque  arrivait  à  cheval  à  l'église  Saint-Etienne  qui 
se  voit  encore  auprès  de  la  rue  dite  autrefois  rue  Basse, 
aujourd'hui  rue  de  Dïnan.  Mettant  pied  à  terre,  il  se 
revêtait  de  l'habit  pontifical  et  s'asseyait  sur  «  sa 
chaire  ».  Les  seigneurs  soulevaient  la  chaire,  et  le  cor- 
tège se  mettait  en  marche.  11  entrait  en  ville  par  la  porte 
Mordelaise,  la  seule  ouvrant  de  ce  côté  jusqu'à  l'année 
1425,  et  peut-être  après  cette  date,  par  la  porte  de 
Saint-Michel,  ouverte  alors  et  donnant  accès  au  cœur 
de  la  ville  ^. 

1.  Saut  un  moment,  au  xva'  siËcle,  quand  le  comlé  de  Laval  passa 
aux  La  Trétnoille. 

2.  Sur  ce  qui  suit,  voir  MaUon  df.  Laval,  n*  915,  acle  du  23  s^lem- 
bre  1394, 1.  Il,  p,  3fô  et  n>  918,  acte  du  8  léyrier  1303  (n.  st.),  t.  II,  p.  ^i. 

—  Hévia,  0>tfst'om  féodaleg.  p.  S3,  tf  ^,n  cHé  cea  deux  actex  à  propos 
d'une  usurpât lOD  de  Guy  XII,  que  leduc  Jeao  IV  conflmia.  Il  ajoute  que 
H  ces  gtiets  n'auraient  peul-fitre  pas  été  écoutés  en  une  autre  saison.  » 

—  C'est  bien  possible,  comme  nous  verrons, 

3.  11  s'atrlt  de  la  vieille  Ëftllse  Saint  ~Ét  ion  ne,  dévastée  à  la  Révolutioa 
et  non  rendue  au  culte,  mais  remplacée  par  l'église  des  Augustins.  La 
cortège  devait  suivre  la  longue  rue  de  Dlnan  |  actuelle  ment)  et  arrivé 
non  loin  des  Augustins  (Saint- Etienne  d'aujourd'hui}  prendre  A  gaucbe 


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—  475  — 

En  récompense  du  service  rendu,  le  sire  de  Vitré 
«  avait  le  droit  de  prendre  et  percevoir  le  cheval  monté 
par  l'évéque  arrivant  au  lieu  où  il  devait  s'asseoir  sur  sa 
chaire,  »  et  le  seigneur  d'Aubigné  «  avait  le  droit  de 
prendre  et  emporter  la  vaisselle,  ustensiles  et  autres 
estorements  pour  cuisine  et  de  salle  pour  office  de  cui- 
sine »  '. 

Le  baron  de  Vitré  était  en  possession  paisibte  de  la 
première  place  auprès  de  la  «  chaire  »  de  l'évéque, 
lorsqu'à  la  lin  du  xiv*  siècle,  en  1390,  «  le  duc  Jean  IV 
et  ses  officiers  en  déboutèrent  »  Guy  Xf  f ,  au  profit  du 
sire  de  lu  Guerche. 

Il  semble  que  la  police  de  cette  cérémonie  appartenait 
à  l'évêque.  Comment  expliquer  l'intervention  du  duc  et 
de  ses  officiers  ?  —  Très  simptement.  C'est  que,  le 
20  avril  1390,  Jean  IV  est  devenu  acquéreur  de  La 
Guerche  -.  Il  ne  veut  pas  marcher  après  son  vassal  de 
Vitré,  D'autorité,  il  prend  la  première  place.  Le  sire  do 
Laval  surpris  proteste  ;  mais  les  officiers  du  duc  le 
repoussent,  et,  pour  ne  pas  faire  scandale,  il  se  résigne 
à  prendre  la  seconde  place  3. 

eD  montanl  vers  la  porte  Hnnlflainf.  DiateDce  :  environ  700  inttres. 
Au  iiv  niècle,  Rennes  n'avait  encore  que  rencelnt«  de  la  ville  romaine 
dite  la  Cité.  L'extension  <]e  son  enceinte  {f  encelntel,  dite  Ville-lteure, 
date  seulement  de  liSi  A  liSR. 

I.  J/ainon  de  iaral,  n- 1437. 13  juillet  iU7,  t.  III,  p.  128.  -  On  ne  volt 
pas  que  les  seigneurs  de  La  Ciuerclie  et  Chflteauglron  eussent  droit  à  un 
prli  analogue  du  service  rendu.  Ainsi  fa  Nantes  des  quatre  .seigneurs  de 
Ponl-ChAteau,  Betz,  Ancenis  et  Chftleaubriant,  qui  portaient  r6veque, 
deui  seulement  étalent  rémunérés  de  ce  service, 

S.  La  seigneurie  dq  la  Guerche  (huit  paroisses,  La  Borderie,  Céng. 
féod..  p.  871  avait  paasd  de  la  maison  de  la  Guerche  fa  Château brlont, 
puis  Beaumont,  puis  Chamaillard;  Marie  de  Ctiamalllard,  vicomtesse  de 
Beaumont,  dame  d'Anlhenaise,  porta  In  Guerche  en  mariage  \SS>  octo- 
bre mil  fa  Pierre  II  de  Valois,  comte  d'Alençon,  baron  de  Fougères,  elc. 
Le  29  septembre  1379,  le  connétable  du  Guesclln  en  devint  acquéreur; 
et  c'psl  son  frère  et  héritier  Olivier  qui  la  vendit  au  duc  Jean  IV.  Elle 
entm  dans  le  partage  de  Marie,  fille  de  Jean  IV,  qui  épousa  Jean  de 
Valois  126  Juin  13%),  premier  duc  d'Alençon,  et  retourna  ainsi  aux 
Valois.  Notice  hiilorique  «wr  la  maison  d'Anlhenaise.  par  .M.  Bonne- 
serre  de  Saint-Denis,  p.  33. 

3.  Six  ans  auparavant,  le  duc  avait  été  plus  sage.  Devenu  acquéreur 
de  la  baronnie  de  Belz.  Il  avait  porté  l'évêque  de  Nantes  le  6  avril  I38i; 
et  II  marcha  après  8on  vassal  le  connétable  de  Cllsson,  s|re  de  Pont- 


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—  476  — 

Le  sire  de  Laval  n'acceptait  pas  cette  déchéance  de 
son  di-oit  ancien  ;  mais  il  était  mal  eu  cour  pour  avoir, 
lors  du  guet-apens  de  Vannes  (1387),  défendu  son 
beau-frère  le  connétable  de  Clisson  contre  les  fureurs  de 
Jean  IV.  D'autre  part,  la  guerre  entre  le  duc  et  le  conné- 
table désolait  la  Bretagne  '.  Pour  produire  sa  réclama- 
tion, Guy  XII  attendit  une  occasion  favorable.  Elle  se 
présenta  quatre  ans  plus  tard. 

En  1394,  Charles  VI  revenu  pour  un  temps  à  la  rai- 
son avait  mis  Un  à  la  guerre  civile  qui  durait  depuis 
cinq  ans.  II  avait  nommé  le  duc  de  Bourgogne  arbitre 
entre  le  duc,  Clisson  et  son  gendre  le  comte  de  Pen- 
thièvre.  Cette  nomination  est  du  25  juin  1394.  Le  duc  et 
le  comte  l'agréèrent  ;  mais  après  cinq  mois  passés  le  duc 
attendait  encore,  non  sans  inquiétude,  l'acceptation  de 
Clisson-.  Laval  pensa,  non  sans  raison,  que  le  duc  écoute- 
rait ses  doléances  pour  amadouer  son  beau-frère  Clisson. 

C'est  en  ce  moment  qu'il  présenta  au  duc  une  requête 
contenant  bien  d'autres  demandes  que  celle  relative  au 
«  port  de  l'évéque  »  ;  et  il  obtînt  satisfaction  sur  presque 
toutes. 

En  ce  qui  concernait  la  première  place  lors  de  l'entrée 
de  l'évéque,  le  duc  ordonna  une  enquête  et  des  recher- 
ches aux  registres  de  l'Église  (23  septembre  1394).  Le 
droit  du  comte  de  Laval  fut  démontré  et  la  cour  du 
duc  à  Rennes  le  reconnut  par  sentence  du  8  février 
1395  {n.  st.)  3. 

La  cour  jugeait  contre  Jean  IV  ;  et,  à  la  prochaine 
entrée  d'évéque,  le  duc  devra  marcher  après  son  vassal 

Ch&t^au,  ][  est  vrai  que  leducsnvaitquele  connétable  peu  endurant  de 
sa  nature  n'aurait  pas  admis  cette  nouveauté.  —  V.  Jean  lY,  baron  de 
Retz,  et  Jeanne  Chabot,  dite  la  Sage,  baronne  de  Rels,  par  J.  TréTédj. 

t.  Cett«  première  guerre  dura  de  1389  à  la  tin  de  1391.  Le  duc  ae  rap- 
procha encore  une  Fols  desADglais.  Le  roi  intervint  fort  à  propos.  Traité 
de  paii  à  Tours  |S6  Janvier  1392.)  Le  coup  de  poignard  de  Pierre  de 
Craon  (11  Juin  13^1  renouvela  les  iiostilités. 

S.  Clisson  n'accepta  l'arbitrage  que  le  84  novembre,  en  présence  de 
Guy  XII.  Sur  ce  point  voir  La  Croix  el  le  traité  d'Àucfer,  f  partie,  par 
J.Trévédj,  p.  S6-27. 

3.  Ces  deux  actes  sont  cités  ci-dessus,  p.  474,  note  S. 


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—  477  — 

Guy  XII  de  Laval.  Maïs  ce  jour  ne  viendra  ni  pour  l'un 
ni  pour  l'autre.  Jean  IV  mourra  en  1399;  Guy  XII, 
en  1412  ;  et  l'évêque  Anselme  de  Chantemerle,  porté  par 
eux  en  1390,  leur  survivra  jusqu'en  1427. 


A  cette  époque,  la  seigneurie  de  Laval,  la  baronnie 
de  Vitré  et  la  seigneurie  d'Aubigné  étaient  aux  mains 
de  la  fille  unique  de  Guy  XII  et  de  Jeanne  de  Laval,  qui 
avait  été  la  seconde  femme  de  du  Guesclin.  Anne  était 
déjà  veuve  de  Jean  de  Montfort-la-Gane,  dît  Guy  XIII 
(12  août  1414).  Cette  année  1427,  les  Anglais  avaient 
envahi  la  seigneurie  de  Laval,  et  Anne  s'était  retirée 
avec  sa  mère  à  Vitré. 

Peut-être  ne  fut-elle  pas  étrangère  à  la  nomination 
à  l'évêché  de  Rennes  d'un  de  ses  vassaux  de  Vitré, 
Guillaume  Brillet. 

Ce  prélat  était  né  à  Vitré  d'une  famille  noble  possé- 
dant plusieurs  seigneuries  sous  le  fief  de  Vitré.  11  était 
chantre  de  l'église  de  Rennes  quand  il  fut  nommé  à 
Seint-Brieuc  (en  1424)  ;  c'est  de  là  qu'il  fut  transféré 
à  Rennes  (le  25  septembre  1427)^  Le  «  pieux  et  doux  » 
évéque  fonda  la  psalette  do  sa  cathédrale  :  il  la  composa 
d'un  maître,  au  choix  du  chapitre,  et  de  six  enfants  de 
chœur  auxquels  deux  autres  furent  bientôt  adjoints  '. 
Après  vingt  années,  il  se  démit  en  faveur  de  son  neveu, 
Robert  de  la  Rivière,  dont  le  père,  alors  président  aux 
Comptes,  allait  devenir  chancelier  (1450). 

Robert  de  la  Rivière  lit  son  entrée  à  Rennes  le 
31  octobre  1447;  Anne,  devenue  comtesse  de  Laval,  fit 
remplir  son  double  rôle  à  cette  cérémonie  ;  et,  par  pure 
condescendance,  s'abstint  de  prendre  le  cheval  et  la 
vaisselle  ;  seulement  elle  demanda  et  l'évêque  donna  un 

1.  Milanget  d'Histoire  et  d'Areliéologie  iRennes,  1S68[,  t.  Il,  p.  246. 
—  t  D'anciens  statuts  de  Rennes  (postérieura  à  cette  fondation)  cités  par 
Ducange  (cf.  FiaUtta)  expliquent  que  ptalette  l'entend  d'une  société  d« 
liuK  enfanta  et  d'un  maître...  u  etc. 


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—  478  — 

acte  de  non-préjudice  sauvegardant  pour  l'avenir  les 
droits  de  la  dame  de  Vitré. 

L'occasion  d'invoquer  cet  acte  n'allait  pas  se  faire 
attendre.  L'évêque  mourut  le  18  mars  1450. 

Jean  de  Coetquis,  gentilhomme  de  l'évêché  de  Tré- 
guier,  fut  appelé  à  lui  succéder.  Mais  Jacques  d'Espînay, 
fils  de  Robert  d'Espinay,  grand  maître  d'hôtel,  avait  été 
l'année  précédente  sacré  êvéquede  Saint-Malo.  Le  pape 
Nicolas  V,  sollicité  par  lui,  nomma  Jean  de  Coëtquis 
à  Saint-Malo  et  transféra  Jacques  d'Espinay  à  Rennes. 

Dana  des  circonstances  ordinaires,  ce  transfts  rement 
aurait  été  admis  sans  diUicutté  par  le  duc.  La  famille 
d'Espinay  était  considérable.  Le  bisaïeul  de  l'évêque, 
Robert,  avait  été  grand-mattre  d'hôtel  sous  Jean  V  (14;!8)  ; 
et  son  petit-lîls,  de  m6me  nom,  père  de  Jacques,  avait 
recueilli  cette  charge  comme  un  héritage,  sous  Fran- 
çois I"  (en  1448).  Mais  Pierre  II  crut  avoir  de  bonnes 
raisons  de  remplacer  le  père  et  d'écarter  le  fils  du  siège 
de  Rennes. 

Quand  il  prit  la  couronne  (18  juillet  1450),  le  premier 
soin  de  Pierre  II,  poussé  par  le  connétable  de  Richemont, 
fut  la  poursuite  des  meurtriers  de  son  frère  Gilles  et 
de  leurs  complices.  11  voyait  des  complices  dans  Arthur 
de  Montauban  et  dans  son  frère  aine,  Jean,  sire  de 
Montauban  et  maréchal  de  Bretagne.  La  complicité 
d'Arthur  était  certaine.  11  ne  vit  d'autre  moyen  d'éviter 
la  condamnation  que  de  se  faire  moine  célestin.  Celle  de 
sou  frère  aine,  plus  dissimulée,  aurait-elle  été  démon- 
trée ?  Le  sire  de  Montauban  eut  si  grand  peur  d'être 
jugé  que,  cité  au  conseil  du  roi,  il  sollicita  un  sursis,  se 
démit  de  son  titre  de  maréchal  et  passa  en  France,  où 
l'accueillit  Charles  VIE,  très  hostile  à  Gilles. 

Le  duc  trouvait  d'autres  complices  dans  la  maison 
d'Espinay.  — Robert,  le  second  grand-maltre,  avait  trois 
lits  :  Richard,  Eustache  et  Jacques,  l'évêque.  Richard 
avait  épousé  Marguerite,  soeur  des  Montauban.  Mais  ce 
n'est  pas  cette  alliance  qui  rendait  les  d'Espinay  suspects 


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au  duc.  La  preuve  c'est  que  Richard  ne  fut  pas  inquiété, 
tandis  que  son  père  et  ses  deux  frères  étaient  poursuivis- 
Le  duc  et  le  connétable  avaient  apparemment  contre  eux 
des  griefs  qui  ne  nous  sont  pas  connus. 

Se  voyant  ainsi  repoussé  du  siège  épiscopal  de  Rennes 
et  menacé  de  poursuites  criminelles,  Jacques  d'Espinay 
partit  pour  Rome.  Il  plaida  sa  cause  devant  le  pape 
Nicolas  V  avec  un  plein  succès.  Convaincu  de  son  inno- 
cence, Nicolas  Y  se  fit  son  défenseur  ;  et,  sur  ces  entre- 
faites, l'évêché  de  Tréguier  étant  devenu  vacant,  le  pape 
y  nomma  Jean  de  Coëtquis,  et  le  duc  finit  par  admettre 
Jacques  d'Espinay  au  serment. 

Ce  prélat  aimait  les  livres  ;  à  cette  époque,  où  ils  coû- 
taient si  cher,  il  avait  une  «  librairie.  »  Il  aimait  la 
musique  :  continuant  l'œuvre  de  Guillaume  Brillet,  il 
augmenta  la  psalette  de  la  cathédrale  et  acquit  pour 
elle,  en  1476,  la  maison  dite  de  la  Psalette,  sise  dans  ta 
rue  qui  en  a  retenu  le  nom  au  chevet  de  la  cathédrale  '. 

Heureux  l'évêque  d'Espinay,  s'il  n'eût  pris  plaisir 
qu'aux  livres  et  à  la  musique  \  mais  il  avait  eu  le  mal- 
heur de  naître  avec  un  caractère  hargneux  (l'expression 
n'est  que  juste)  que  ni  la  maturité  de  l'âge  ni  plus  d'une 
disgrâce  n'allaient  corriger. 

Le  10  avril  1454,  Jacques  d'Espinay  faisait  son  entrée 
à  Rennes. 

Le  jour  même,  commencèrent  les  maladroites  tracas- 


i.  Mélange»  d'histoire,  t.  Il,  p.  246.  --  Au  mâme  endroit,  l'autenr  de 
cet  article,  l'érudit  Paul  de  la  Blgne- Villeneuve,  mentionne  <i  un  titre 
asseï  curieux  relatif  à  la  psalette  de  Rennes,  n 

La  veille  de  la  fête  des  Rois,  les  enfants  de  la  psalette  parcouraient 
les  rues  de  la  ville.  On  penee  si  ceux  qu'on  nommait  autrefois  les  poils- 
sons,  et  qui  s'appellent  aujourd'hui  les  g-amlns,  leur  faisaient  joyeux 
et  turbulent  cortège.  Où  vont-ils  ?  Cherclier  les  bols  laissés  sur  la  vole 
publique,  »  non  équarrls  et  non  mis  en  état  de  faire  édifice  ii  ;  ils  s'en 
emparent  et  les  porteront  à  Saint-Pierre.  Loin  de  s'opposer  à  cet  eni&ve- 
ment,  les  bourgeois  rn  rient  ;  le  lendemain,  de  ces  bois  u  il  sera  fait  feu 
dans  la  nef  de  l'église,  pendant  le  service  divin.  »  Ce  droit  bizarre  est 
accordé  aux  enfants  de  la  psalette  par  lettres  patentes  du  roi  Louis  MI. 
—  Ne  serait-ce  pas  Anne  de  Bretagne  qui.  Jeune  flUe,  a  été  charmée  de 
leur  chant,  et  devenue  reine  pour  la  seconde  fois  a  sollicité  ce*  lettre*  ? 


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—  480  — 

séries  et  les  violences,  qui  après  ving^sept  années 
allaient  recevoir  leur  châtiment. 

La  comtesse  de  Laval  avait  rempli  par  procureurs  son 
double  devoir  à  l'entrée  de  Jacques  d'Espinay.  Les  pro- 
cureurs réclamèrent,  selon  le  droit,  l'un  le  cheval, 
l'autre  la  vaisselle.  L'évâque  s'opposa  à  la  double  remise 
et  ses  oHîciers  malmenèrent  ceux  de  la  comtesse.  Et 
pour  quelle  raison  ?  —  «  En  haine  du  pi-ocès  criminel  qui 
s'instruisait  contre  Jean  d'Espinay,  oncle  de  l'évoque.  » 
Il  était  poursuivi  comme  faux-saunier,  c'est-à-dire  faisant 
la  contrebande  du  sel,  lui  g;entilhomme  de  haut  parage  ! 
Et  le  procès  se  suivait  devant  les  juges  de  la  baronnie 
de  Vitré  '. 

Si  Tévêque  a  cru  qu'en  faisant  injure  à  la  baronne  de 
Vitré,  il  lui  fera  peur  et  obtiendra  la  (in  de  l'instruction 
criminelle,  il  s'est  mépris,  comme  nous  allons  voir. 

Quelle  maladresse  que  cette  résistance  à  un  droit  si 
bien  établi!  Le  duc  de  Bretagne  n'a,  parait-il,  admis 
Jacques  d'Espinay  que  pour  complaire  au  pape.  L'évéque 
plus  qu'un  autre  a  besoin  de  se  bien  mettre  en  cour. 
Comment  le  duc  serait-il  insensible  à  l'injure  gratuite 
faite  à  la  comtesse  de  Laval  ?  Anne  est  cousine  issue  de 
germaine  de  son  père  Jean  V  ;  son  fils  Guy  XIV  a  eu 
pour  femme  Isabelle,  sœur  du  duc,  et  la  mort  de  celle-ci 
n'a  pas  interrompu  leurs  cordiales  relations.  D'autre  part, 
Robert,  le  grand  maître,  père  de  l'évoque,  est  seigneur 
de  Cliampeaux,  qui  confine  à  Vitré;  il  y  a  sa  résidence 
seigneuriale,  qui  le  fait  proche  voisin  de  sa  suzeraine. 

I.  Le  sel  étant  ud  objet  <te  première  nécessité,  le  lourd  ImpAt  qui  le 
frappait  était  le  plus  odieux  de  tous.  On  a  pu  écrire  que  «  de  tous  les 
trafics  de  coutrebando,  celui  qui  fut  le  plui  exercé  était  la  taui- 
saunerle  »,  oous  disons  aujourd'hui  le  faux -saunage.  Sous  nos  ducs, 
la  gabelle  n'eilatalt  pas  en  Bretagne  ;  mais  la  fraude  se  faisait  à  la 
limite  du  duché,  près  de  Vitré,  et  Jean  d'Espinay  était  bien  placé  pour 
['exercer.  Le  sel  de  Guérande  débarqué  k  Redon  était  amené  vers  la 
frontière  du  Maine  par  une  vole  {pour  partie  romaine)  dite  encore  che- 
min des  sauniert  venant  du  pont  sur  la  Vilaine  &  Hessac,  par  Bain, 
le  Sel  et  Janzé  vers  Erbrée  un  peu  au  aud-eet  de  Vitré,  ~  Pour  plus  de 
détails  voir  le  Porl  de  Redon  au  XV'  tiiele,  par  J.  TréTMj.  Àuoe. 
Brttonne.  Coagtb»  de  Redon,  1900,  p.  13. 


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La  comtesse  se  plaignît.  Le  temps  passa  en  longues 
discussions  et  enfin  l'affaire  fut  portée  à  Home.  Nicolas  V, 
mort  en  1455,  avait  été  remplacé  par  Calixte  III,  qui 
lui-même,  en  1458,  avait  eu  pour  successeur  Pie  II, 
C'est  Pie  II  qui  statua  sur  ce  litige.  Il  donna  toute 
satisractlon  à  la  comtesse  de  Laval  ;  et  une  bulle  de  1459 
reconnaissant  et  punissant  la  faute  de  l'évêque,  exempta 
la  comtesse  et  ses  ofliciers  de  la  juridiction  épiscopale  '. 

L'évêque  allait  avoir  un  autre  ennui.  Le  procès  con- 
tinua. Jean  d'Espinay  fut  condamné  ;  et  ses  meubles 
furent  attribués  à  titre  de  confiscation  à  la  dame  de 
Vitré,  sa  suzeraine  (1461)  -. 

Dans  le  même  temps,  l'évêque  avait  provoqué  une 
seconde  plainte  à  Rome.  11  avait  «  formé  des  entreprises 
contre  l'autorité  du  duc  et  excommunié  quelques-uns  de 
ses  officiers.  »  Le  pape  ordonna  une  information  en 
suite  de  laquelle  les  officiers  furent  absous.  Cette  abso- 
lution était  un  blâme  pour  l'acte  de  l'évêque  :  ce  fut  sa 
seule  peine. 

Mais  Jacques  d'Espinay  a  donna  de  nouvelles  prises 
sur  lui.  Ses  ennemis  l'accusèrent  de  nouveau  d'avoir 
trempé  dans  la  mort  de  Gilles  et  d'entreprises  contre 
les  deux  derniers  ducs  et  le  duc  régnant.  Dès  14G1,  le 
pape  Pie  II  ordonnait  une  information.  L'évêque  se  tira 
encore  de  ce  mauvais  pas.  »  De  ce  jour,  il  se  montra 
plus  circonspect  ;  et  la  comtesse  de  Laval,  quand  elle 
mourut  à  Vitré,  le  28  janvier  1466,  pouvait  croire  son 
ancien  adversaire  devenu  plus  sage. 

«  Mais,  dit  l'historien  ^,  les  disgrâces  changent  rare- 
ment les  caractères.  »  Ce  miracle  ne  se  fit  pas  en  faveur 
de  Jacques  d'Espinay.  Après  quelques  années,  «  il  forma 
de  nouvelles  entreprises  sur  les  droits  ducaux  et  com- 
mit quelques  violences  dans  son  diocèse.  »  Les  faits 

1.  Maison  de  Laval,  n*  1596,  1459.  Bulle  du  pape. 

8.  Uaiion  de  Laval,  n*  1616.  En  Bretaifne,  la  conQBcatlon  ne  trappUt 
que  lee  biens  meublea. 

3.  J'emprunte  ces  détails  k  D.  Morice.  Catalogue  des  évéques...  His- 
toire de  Bretagne,  t.  Il,  p.  S  et  10. 

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ainsi  énoncés  en  termes  vagues  pouvaient  être  moins 
graves  que  ceux  qui  avaient  motivé  les  plaintes  précé- 
dentes ;  mais  l'évéque  avait  mal  pris  son  temps  ;  il  allait 
avoir  affaire  à  un  redoutable  adversaire  et  qui  ne  fut 
jamais  scrupuleux  sur  le  choix  des  moyens,  Pierre 
Landais,  trésorier  de  Bretagne. 

A  ce  moment,  Landais  soutenait  contre  l'ancien  chan- 
celier Chauvin  la  lutte  qui  allait  entraîner  la  mort  des 
deux  adversaires.  Mais  une  autre  alTaire  lui  tenait  au 
cœur. 

Michel  Guibé,  fils  d'une  sœur  de  Landais,  était  entré 
dans  l'Eglise  ;  son  oncle  avait  obtenu  pour  lui  l'évéché 
de  Léon,  en  1477,  et  celui  de  Dol  en  1478.  Les  plaintes 
portées  contre  l'évoque  parurent  à  Landais  une  bonne 
occasion  de  faire  descendre  Jacques  d'Espinay  du  siège 
de  Rennes  pour  y  faire  monter  Michel  Guibé,  —  Landais 
porta  l'alTaire  à  Rome,  En  1479,  le  pape  Sixte  IV  adressa 
au  duc  une  commission  pour  informer  sur  la  conduite  de 
l'évéque.  Le  duc  garda  la  commission  une  année  entière 
sans  en  faire  usage  ;  mais  des  paroles  imprudentes  ou 
injurieuses  de  l'évéque  le  déterminèrent  à  agir  en  1481. 
Au  mois  d'octobre  de  cette  année,  les  commissaires, 
l'abbé  de  Prières  et  le  chantre  de  Saint-Malo,  interdirent 
l'évéque  et  saisirent  son  temporel  et  même  son  patri- 
moine. C'était  trop  d'humiliations  :  Jacques  d'Espinay 
alla  cacher  sa  honte  et  sans  doute  son  repentir  au  château 
d'Espinay.  Mais  «  il  ne  put  survivre  à  un  si  grand  alFront  : 
il  mourut  dans  le  mois  de  janvier  1482  '.  » 

Il  «  ordonna  que  son  corps  fut  inhumé  dans  la  collé- 
giale de  Champeaux,  où  il  fonda  deux  chapellenies  ;  il 
y  donna  sa  Hbrairie,  et  voulut  être  ensépulturé  sans 
aucunes  pompes  funèbres.  »  —  «  Il  ne  reste  malheureu- 
sement rien  de  son  tombeau  ^.  » 


i.  D.  Morice.  Hisi.  II,  cnlalogue  des  évoques,  etc.,  p.  X. 

2.  Cil.  du  P.  du  Pas,  Bist.  gêiièal.,  p.  285,  daos  Les  Seigneun  de 
Champeauj!,  leur  coUégtate  et  leur  château,  par  l'&bbé  GulUotln  de 
Corfon,  chanoine  de  Reunes. 


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Après  l'interdiction  de  Jacques  d'Espinay,  Michel 
Guibë  fut  transféré  de  Dol  à  Rennes,  et  il  allait  être  reçu 
au  serment,  le  29  juillet  1482. 

Dans  le  même  mois  où  était  prononcé  l'interdiction  de 
l'évêque,  Landais  avait  obtenu  (5  octobre),  l'arrestation 
de  Chauvin,  qui  entrait  en  prison  pour  y  mourir  après 
deux  ans  et  demi  de  soutTrances,  le  5  avril  1484. 

Au  moment  où  Landais,  débarrassé  de  son  adversaire, 
s'applaudissait  de  l'élévation  de  son  neveu,  il  ne  se  dou- 
tait pas  que,  quatre  ans  plus  tard,  il  lui  serait  fait  grief 
de  la  plainte  portée  par  lui  à  Rome,  de  la  bulle  obtenue 
du  pape,  et  de  la  confiscation  qui  suivit;  bien  plus,  qu'il 
serait  accusé  d'avoir  mis  la  main  sur  50.000  livres  (au 
moins  1.750.000  francs  de  notre  monnaie)  provenant  de 
la  saisie  '. 

Telle  était,  en  effet,  une  des  accusations  portées  contre 
Landais  en  avril  1485. 

Sur  le  premier  point,  la  plainte  portée  à  Rome,  la 
défense  de  Landais  était  bien  facile.  Il  pouvait  dire  : 
«  Les  commissaires  ont  reconnu  l'indignité  de  l'évêque 
de  Rennes.  Quand  j'ai  signalé  cette  indignité,  j'ai  rem- 
pli un  devoir.  »  Mais  il  déclara  en  toute  sincérité  que 
K  sa  raison  de  demander  la  commission  à  Rome  fut  que 
son  neveu  fût  pourvu  de  l'évôché.  »  Cette  intrigue  était 
odieuse,  mais  n'était  pas  un  crime  capital. 

Sur  les  autres  inculpations,  la  défense  de  Landais 
parait  plausible  ;  et  pourtant,  remarquons-le,  nous  ne 
la  connaissons  que  par  l'analyse  de  la  procédure  qu'a 
faite  d'Argentré,  très  hostile  à  Landais  ^. 

La  confiscation  était  ordonnée  par  la  bulle  du  pape,  au 
cas  où  les  commissaires  interdiraient  l'évêque  de  Rennes. 
Les  commissaires  eurent  donc  à  opérer  la  confiscation. 

1.  Je  suis  [w  évaltutloDS  données  par  Leber  en  184S,  et  talbles  aujour- 
d'hui, après  soixante  années  passées. 
i.  D'Argentré,  Ur.  XJI,  chap.  XXIX,  f  TM  r*,  727  et  sulv.  Éd.  de  1568. 


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—  484  — 

Ils  saisirent  notamment  «  deux  coffres  ferrés  »  dont  le 
contenu  fut  inventorié.  Il  consistait  en  argent  monnayé 
et  en  vaisselle  d'arg;ent.  Le  tout  fut  évalué,  non 
50.000  livres,  mais  30.000  (1.050.000  francs),  et  envoyé 
au  trésorier  de  l'Epargne.  — Le  pape  avait  fait  des  valeurs 
saisies  deux  parts  égales  :  il  avait  attribué  l'une  au  duc 
et  s'était  réservé  l'autre  ;  mais  il  l'abandonna  au  duc. 
Sur  les  30.000  livres,  12  ou  13.000  (12.000  égalent 
420.000  francs)  furent  remises  aux  commissaires;  et  le 
surplus  demeura  aux  coffres  de  l'Epargne.  Le  duc  en  fit 
quelques  dons  ;  et  Landais  reçut  ainsi  1.500  livres 
(52.500  francs). 

Si  les  faits  ainsi  énoncés  furent  apurés,  la  condamna- 
tion de  Landais  n'était  pas  possible...  Mais  il  y  avait 
d'autres  et  plus  sérieux  griefs  portés  contre  lui.  Le  pro- 
cès ne  fut  pas  long  ;  l'arrestation  est  du  25  juin  i  485,  la 
condamnation  et  l'exécution  sont  du  19  juillet. 


J'ai  dit,  trop  longuement  peut-être,  les  relations  de  la 
comtesse  Anne  de  Laval  et  de  l'évéque  de  Rennes 
Jacques  d'Espinay.  Mais,  puisque  j'ai  parlé  du  trésorier 
Landais,  qu'il  me  soit  permis  d'ajouter  quelques  mots. 

Un  érudit  breton  '  vient  de  montrer  de  façon  certaine 
la  place  qu'occupait  la  maison  de  Landais,  au  faubourg 
du  Rachapt  à  Vitré  ;  mais,  ce  qui  a  encore  plus  d'intérêt, 
il  a  suivi  la  descendance  de  Landais  jusqu'au  xvii*  siècle, 
et  la  descendance  de  sa  sœur  Olive  jusqu'à  nos  jours. 

Voici  un  abrégé  de  ces  deux  descendances  : 

Landais  ne  laissa  qu'une  fdle,  Françoise,  qui  épousa, 
probablement  du  vivant  de  son  père,  François  de  l'Esper- 
vier,  de  très  noble  maison,  dont  la  mère  était  Marguerite 
de  Montauban  (ramage  de   Rohan).  Leur  Gis  unique. 


1.  M.  t'abbé  Psris-Jalobert,  ouré  de  Bttlaié  (près  Vitra),  auteur  du 
Journal  historique  de  Vitré,  rédacteur  des  Ancims  regittrei  paroii- 
Miaux  lie  Bretagne. 


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François,  épousa  Anne  Guyon  de  Matignon,  nom  illustre 
en  Bretagne. 

De  ses  deux  filles,  Tune,  Bonaventure,  épousa  Fran- 
çois de  la  Noue,  et  fut  mère  de  François,  le  célèbre 
capitaine  surnommé  Bras  de  fer.  —  De  Madeleine  de 
Théligny,  petite-fille  de  l'amiral  de  Coligny.  il  eut  une 
fille  qui  épousa  Pons  de  Lauzières,  marquis  de  Thémines, 
maréchal  de  France  et  gouverneur  de  Bretagne  en  1626  '. 

11  serait  bien  désirable  que  cette  généalogie  fût  com- 
plétée. 

Voici,  encore  en  abrégé,  la  descendance  de  la  sœur  de 
Landais,  Olive,  mariée  vers  1450  à  Adenet  Guibé. 

Olive  eut  quatre  fils,  dont  Michel,  l'évéque  de  Rennes 
nommé  plus  haut,  et  trois  filles,  dont  Guillemette  mariée 
à  Guillaume  Hamon  a  laissé  une  descendance  survi- 
vante de  nos  jours. 

Son  arrière-petite-fiUe,  Robinette  Hamon,  épousa  (1567) 
Claude  de  Maillé,  seigneur  de  Brézé.  Elle  fut  mt'-re  de 
Urbain  de  Maillé-Brézé,  maréchal  de  France,  marié  à 
Nicole  du  Plessis- Richelieu,  dont  la  fdle,  Claire- 
Clémence,  fut  mariée  à  Louis  de  Bourbon-Gondé,  le 
grand  Condé. 

Voilà  le  sang  des  Landais  uni  au  sang  royal  de 
France  ! 

Voici  leur  descendance  directe  à  partir  de  ce  point  : 

1'  Henri-Jules,  marié  à  Anne  de  Bavière  ; 

2"  Leur  fdle  Marie-Thérèse,  mariée  (1688)  à  François 
de  Bourbon-Conti  ; 

3"  Leur  fds  Louis- Armand,  prince  de  Conti,  marié  à 
Louise-Elisabeth  de  Bourbon-Gondé  ; 

4°  Leur  fille  Louise  de  Conti,  mariée  à  Louis- Philippe, 
duc  d'Orléans,  mort  en  1785  ; 

5"  Louis-Philippe-Joseph,  duc  d'Orléans,  marié  à 
Louise  de  Bourbon,  fille  du  duc  de  Penthièvre  ; 

t.  Odelde  la  Noue,  indiqué  comme  flis  de  la  Noue  Id'uD  autre  maria^el, 
ne  laissa  pas  d'enfant,  mais  BoDSTeotura  L'Esperrier  avait  une  sœur, 
Perrtne,  mariée  à  René  de  BouIIlet,  qui  a  laissé  des  eutauts. 


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6°  Louis- Philippe,  duc  d'Orléans,  depuis  roi  des 
Français,  en  1830. 

Le  révélateur  de  cette  curieuse  généalogie  conclut  : 
«  Voilà  donc  des  princes  en  bon  nombre  et  des  rois  de 
France,  de  Belgique,  d'Espagne...  arrière-neveux  de 
Pierre  Landais  et  qui  tirent  une  de  leurs  innombrables 
origines  du  Rachapt  de  Vitré  !  » 

J.  Thévbdy, 

Ancien  président  du  Tr^mnal 

de  Qtiimper. 


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LES   BRIGANDS 


KOÎsTTt^IXE  -D^îsTIEL 


De  tout  temps,  l'abbaye  de  Fontaine-Daniel  avait 
attiré  les  mendiants,  les  «  bissachiers  »  comme  on  disait 
alors,  qui  venaient  prendre  leur  part  des  aumùnes  des 
moines.  On  sait  quelle  nuée  de  malandrins  sortit  pour 
ainsi  dire  de  terre  vers  le  milieu  de  1789,  et  les  habitants 
des  environs  virent  défiler  sur  les  routes  beaucoup  plus 
de  chemineaux  qu'autrefois.  Si  les  figures  de  ces  gens-là 
n'étaient  pas  très  rassurantes,  leurs  allures  l'étaient 
moins  encore  :  ils  avaient  le  verbe  haut,  exigeaient  la 
charité  plus  qu'ils  ne  la  demandaient,  et  proféraient, 
contre  les  donateurs  récalcitrants  d'horribles  menaces. 
Ils  disparaissaient  vers  Paris,  d'autres  arrivaient,  et 
parfois  plantaient  là  leur  tente  pour  quelque  temps. 
C'étaient  de  nouvelles  recrues  pour  la  population  sor- 
dide des  bois  de  Fontaine-Daniel  :  des  gens  gîtaient, 
dans  la  forêt,  terrés  dans  des  tanières,  des  «  loges  »,  et 
ces  agglomérations  de  troglodytes  étaient  de  véritables 
coupe-gorge  ;  boisseliers,  bûcherons,  sabotiers  et  bra- 
conniers de  père  en  fils,  ils  vivaient  de  rapine,  de  men- 
dicité, (le  quelques  sous  gagnés  à  vendre  leurs  ustensiles 
aux  foires  de  Mayenne,  d'ailleurs  dans  une  misère  noire. 
Et  comme  en  1789  l'anarchie  était  dans  l'air,  ils  se  fai- 
saient plus  menaçants.  Par  deux  fois,  entre  autres,  ils 


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formèrent  le  gros  d'une  bande  qui  Tint  attaquer 
Mayenne  '. 

Le  2  août  1789,  à  dix  heures  du  soir,  on  inrorma  la 
municipalité  de  cette  ville  que  trois  cents  paysans,  faux- 
sauniers,  bûclierons  et  sabotiers  des  {orHa  de  Mayenne 
et  de  Fontaine-Daniel  étaient  postés  aux  environs, 
attendant  le  milieu  de  la  nuit  pour  dévaliser  le  grenier  à 
sel  -.  On  envoya  chercher  en  hâte  le  sieur  Carré,  rece- 
veur du  grenier  à  sel,  qui,  pour  prévenir  tout  désordre, 
consentit  à  livrer  le  sel  à  des  prix  très  modérés  ;  il  réi- 
téra cette  promesse  à  deux  parlementaires  envoyés  par 
les  brigands,  qui  d'abord  ne  voulurent  rien  entendre  ; 
finalement,  après  de  longs  pourparlers,  on  tomba  d'ac- 
cord à  4  sous  la  livre,  et  les  deux  délégués  promirent 
d'éloigner  la  bande  à  cette  condition. 

Mais,  à  trois  heures  du  matin,  les  envahisseurs  pénè- 
trent en  ville,  forcent  les  portes  du  grenier,  et  le  pillage 
commence.  La  populace  des  Buttes  vient  profiter  de 
l'aubaine  ;  dans  la  lumière  grise  du  petit  jour  c'est,  un 
grouillement  confus,  une  rumeur,  le  bruit  des  fenMres 
fracassées,  des  sacs  jetés  dehors,  éventrés,  qu'on  se 
dispute  !  Les  fenêtres  des  maisons  de  la  place  du  Jubilé 
s'entr'ouvent,  timidement,  et  les  bourgeois  effrayés 
voient  des  gens  à  mine  patibulaire,  attroupés,  empor- 
tant le  sel  il  pleins  paniers,  dans  des  poches,  dans  leurs 
tricornes  crasseux,  d'autres  armés  de  haches,  de  bâtons, 
de  vieux  fusils  de  chasse,  et  vociférant.  Et  volets  de 
se  refermer,  et  boutiques  de  rester  closes.  A  sept 
heures,  le  Conseil  de  ville  se  rassemble  et  délibère  : 
faut-il  battre  la  générale  ?  Mais  la  milice  bourgeoise 
n'est  pus  encore  bien  organisée  ;  et  puis  cet  odieux 
impôt  de  la  gabelle,  qui  va  être  aboli  certainement, 
mérite-t-il  vraiment  une  efrusioii  de  sang?  Les  autorités 

t.  Voy.  Archives  Nationales,  D""  L" ,  et  V.  Duchemin  et  R.  Triger, 
Leg  premiers  trottait»  de  ta  Béeolution  dans  la  Mayenne.  Marnera,  1888. 

2.  Le  grenier  à  sel  étaU  alors  place  du  Jubilé  (aujourd'hui  place 
Juhell,  près  de  lu  tour  des  Anglais,  dans  la  propriété  acluellenient 
habitée  par  H,  de  Lannoj. 


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se  pendent  sur  les  lieux,  parlementent,  calment  la  foule 
en  promettant  le  sel  à  4  sous  la  livre,  parviennent  à  faire 
évacuer  le  grenier  par  les  pillards  qui  se  répandent  dans 
les  cabarets  du  voisinage.  Mais  Carré  proteste,  la  vio- 
lation de  la  neutralité  jurée  le  dispense  de  tenir  sa  pro- 
messe ;  les  conseillers  terrorisés  insistent,  et  sont  aussi 
pressants  avec  Carré,  qui  iait  son  devoir  et  use  de  son 
droit,  qu'ils  étaient  faibles  vis-à-vis  des  émeutiers  ;  le 
receveur  cherche  à  gagner  du  temps,  objecte  les  forma- 
lités pour  reculer  l'heure  de  la  distribution  :  enfin  à 
trois  heures  et  demie  elle  recommence.  Mais  les  enva- 
hisseurs exaspérés  par  l'attente,  excités  par  l'ivresse, 
enhardis  par  la  timidité  des  autorités,  poussent  des  cris 
sauvages,  brandissent  fourches,  bâtons  et  fusils  et  se 
ruent  à  l'assaut  ;  Carré  s'enfuit  ',  les  gardes  de  la  porte 
sont  bousculés,  entraînés,  deux  membres  du  comité 
menacés,  le  pillage  recommence  :  à  minuit,  il  ne  reste 
plus  un  grain  de  set  dans  le  grenier. 

Ainsi  la  sécurité  de  la  ville  était  à  la  merci  de  quel- 
ques centaines  d'émeutiers  ;  les  brigands,  qui  n'étaient 
plus  les  brigands-fantômes  de  la  panique  du  24  juillet, 
avaient  pu  piller  tout  à  leur  aise  en  plein  jour  sans  que 
les  autorités  aient  cherché  ou  trouvé  le  moyen  de  faire 
respecter  l'ordre  et  la  loi.  Je  me  trompe,  elles  avaient 
compté  sur...  leur  éloquence  :  le  Comité  militaire  (!)  avait 


1.  Carré  s'enfuit  jusqu'à  Paris,  Maupetit,  député  à  la  ConsllluaDte, 
écrivait  de  Paris  le  21  novembre  1769  ;  a  J'ai  vu  ttie  rapidement 
.M.  Carré.  Vous  sentez  que  sa  position  est  tr^s  désagréable,  qu'il  ne  voit 
pas  de  boD  œil  les  opérations  actuelles...  Il  m'a  paru  persuadé  que  les 
sabotiers  avaient  été  excités  k  venir  piller  le  grenier,  mais  il  ne  m'a 
point  détaillé  ses  soupçons  ni  nommé  ceux  qu'il  souptonnolt...  u  —  Et 
ie  Si  novembre  :  «  J'ai  rencontré  M.  Carré  qui  m'a  dit  avoir  demandé 
sa  voiture...  M.  Carré  ne  s'en  retourne  pas  A  Maj'enne;  il  va  attendre  à 
LIsieux  que  la  suppression  de  la  grabelle,  A  laquelle  il  est  résigné,  soit 
prononcée  ;  il  ne  retournera  à  Mayenne  que  iorsqu'enlin  le  public  bien 
rassuré  sur  la  destruction  finale  de  ce  régime  abhorré  ne  verra  plus 
d.ins  sa  personne  ie  ministre  fiscal  de  cet  impôt,  n;  ne  le  pourra  plus 
regnrder  comme  le  plastron  de  la  haine  qu'il  portait  A  la  terme,  h 
IlettTtf  de  M.-R.  Maupetit,  député  à  l'Ass.  Nat.  Consl.,  publ.  par 
H.  R.  Queruau'Lamerie.  liulL  de  f4  CommUfion  hist.  tl  areMol.  lie 
la  Mayennt,  19M,  pp.  97  et  100.) 


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—  490  — 

fait  lire  au  prône  des  messes  paroissiales  dans  les  églises 
de  la  ville  et  des  environs  un  billet  destiné  à  «  inspirer 
au  public  l'amour  de  l'ordre  »  et  àlui  persuader  la  nécessité 
de  payer  ses  impôts.  Cet  avis  était  dû  à  la  collaboration 
de  MM.  Dupont-Grandjardin,  colonel  de  la  garde  natio- 
nale, Lejeune,  Lefebvre  de  Champorin,  Morice  de  la 
Rue,  Bissy,  Baguelin,  Benoiste-Desvalettes,  Sauquet, 
Hocbet  de  la  Terrie,  Lefebvre  des  Provostières.  Le 
2  août,  les  citoyens  de  Mayenne  purent  aussi  lire  sur 
tous  les  murs  un  arrêté  proclamant  les  belles  vérités  que 
voici  : 

«  Il  est  du  devoir  de  tous  les  bons  citoyens  de  chaque 
communauté  de  se  rallier  pour  maintenir  le  bon  ordre  et 
l'observation  des  Loix,  comme  aussi  de  payer  avec  exac- 
titude tous  les  impôts  sanctionnés  par  les  Etats  géné- 
raux. 

«  En  conséquence,  le  Comité  militaire  de  Mayenne 
déclare  qu'il  punira  tous  les  mauvais  citoyens  qui,  en 
s'écartant  de  ces  principes,  troubleroient  l'ordre  et  la 
tranquillité  publics... 

«  Deffend  à  tous  les  aubergistes  ou  cabaretiers  de 
cette  ville  et  faubourgs  de  donner  à  boire  à  aucun  habi- 
tant après  neuf  heures  du  soir. 

«  Il  leur  enjoint  de  se  pourvoir  chacun  d'un  registre 
qui  sera  cotté  et  paraphé  par  un  des  membres  du  Comité 
où  ils  inscriront  de  suite  et  sans  lacunne  les  noms,  sur- 
noms, âges,  qualités  et  demeures  de  tous  les  étrangers 
qui  coucheront  chez  eux  ainsi  que  le  genre  d'alTaire  qui 
les  a  amenés  dans  cette  ville. 

«  Tout  habitant  qui,  après  dix  heures  du  soir,  sera 
trouvé  dans  les  rues  sans  lumière  ou  avec  un  bâton,  sera 
mis  au  corps  de  garde. 

«  Ceux  qu'on  trouvera  attroupés  sans  armes  ny 
bâtons  seront  mis  au  corps  de  garde. 

a  Ceux  qu'on  trouvera  attroupés  avec  armes  et  bâtons 
seront  mys  en  prison. 


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—  491  — 

«  Tout  habitant  que  l'on  trouvera  yvre  dans  les  rues 
sera  mis  au  corps  de  garde  si  c'est  en  jour,  en  prison  si 
c'est  la  nuit. 

«  Fait  eu  comité  le  2  août  1789, 

o  P.  c.  c.  Baguelin,  Bissy.  » 

Le  soir  même,  l'émeute  éclatait. 


Moins  d'un  an  après,  les  sabotiers  de  Fontaine-Daniel 
faisaient  encore  parler  d'eux  *.  Le  29  mai  1790,  à  neuf 
heures  du  matin,  la  municipalité  de  Mayenne  tient  une 
réunion  extraordinaire  pour  délibérer  sur  les  mesures  à 
prendre  :  les  boisselicrs  de  Fontaine- Daniel  et  d'autres 
brigands  armés  parcourent  les  environs,  pillent  les  gre- 
niers à  blé  et  les  métairies,  tout  près  de  la  ville  ;  ils  ont 
envahi  la  Leverie,  en  Sainl-Georges-Buttavent,  et  forcé 
le  sieur  Gandais  à  leur  livrer  son  sarrasin  à  un  prix  bien 
inférieur  à  celui  du  marché.  A  Saint- Baudelle,  ils  volent 
chez  le  sieur  Baugars  cinquante  quintaux  de  seigle  et 
de  blé  noir  appartenant  à  M.  TrouîIIard,  de  Jublains, 
beau-frère  du  propriétaire.  Les  greniers  des  châteaux 
de  Marigny  en  la  Bigottière,  de  la  Feuillée  en  Alexain, 
sont  saccagés,  et  le  bruit  court  que  le  mardi  de  la  Pente- 
côte les  séditieux  viendront  tarifer  les  grains  au  marché 
de  Mayenne.  D'ailleurs,  l'état  d'esprit  du  bas-peuple 
n'est  pas  rassurant  :  tout  fait  croire  que  si  les  brigands 
entrent  en  ville,  une  partie  de  la  population  se  joindra  à 
eux  pour  piller  le  blé,  et  peut-être  les  maisons  des  par- 
ticuliers. Quant  à  compter  sur  la  légion  de  mUiee  bour- 
geoise pour  rétablir  l'ordre,  c'est  imprudent  :  une  bonne 
partie  du  contingent  est  capable  de  passer  à  l'ennemi. 
On  décida  donc  de  chercher  des  alliés  ;  des  exprès 
furent  envoyés  aux  dix  paroisses  voisines  pour  prier  le 
gros  de  leurs  habitants  de  se  rendre  à  Mayenne  le  lundi 

1.  V.  Archlï«  Nsllonules,  d™*  L»- 


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de  la  Pentecôte,  afin  de  donner  la  chasse  aux  brigands, 
de  concert  avec  les  forces  mayennaises.  Le  dimanche  de 
la  Pentecôte,  û  dix  heures  du  soir,  les  officiers  munici- 
paux de  la  ville  de  Mayenne  rentrèrent  chez  eux  avec 
l'agréable  perspective  de  se  lever  le  lendemain  à  cinq 
heures  du  matin  pour  faire  le  périlleux  métier  de  gen- 
darmes. 

Dés  l'aube,  ils  se  rendirent  à  l'Hôtel  de  Ville,  mais  la 
place  était  remplie  par  une  foule  effervescente,  d'où 
partaient  des  injures  à  leur  adresse;  l'un  d'eux  même 
fut  souflleté.  Beaucoup  de  communes  n'avaient  pas 
voulu  se  déranger;  ils  ne  pouvaient  guère  compter  pour 
maintenir  l'ordre  que  sur  quelques  légionnaires  fidèles, 
et  regrettaient  fort  d'avoir  refusé,  au  mois  de  février,  le 
détachement  de  cavaliers  du  Iloyal-Roussillon  que  leur 
offrait  l'intendant  de  Touraine.  Tous  se  regardaient, 
inquiets  et  consternés,  quand  arriva  M.  de  Lozé.  Le 
matin  même,  sortant  de  Fontaine-Daniel  pour  se  rendre 
à  Mayenne,  il  avait  été  arriHé  par  les  émeutiers,  et 
enfermé  quelque  temps  à  l'abbaye  ;  puis  ils  l'avaient 
laissé  sortir  :  «  Demandez  aux  autorités  mayennaises, 
lui  dirent-ils,  de  ne  point  nous  attaquer,  et  nous  paie- 
rons le  blé  volé  à  la  Rousselière  ».  De  Lozé  accepta  de 
transmettre  la  requête  et  s'en  alla  sans  se  faire  prier. 
Mais  il  avait  reconnu  parmi  ses  agresseurs  des  ligures 
de  Mayennais,  ce  qui  prouvait  que  la  populace  était  de 
connivence  avec  les  brigands.  Les  autorités,  devant 
cette  confirmation  de  leurs  soupçons,  saisirent  cet  hon- 
nête prétexte  d'inaction  pour  leur  faiblesse,  et  fmirent 
par  décider  de  transiger  avec  les  voleurs  aux  conditions 
proposées. 

Pendant  ce  temps  une  soixantaine  de  légionnaires 
s'étaient  assemblés  ;  leur  indignation  fut  grande  quand 
ils  surent  qu'où  acceptait  de  traiter  avec  des  brigands, 
surtout  quand  ils  virent  arriver,  enfin  !  cent  hommes  de 
Martigné,  rangés  en  bon  ordre  :  ils  les  acclamèrent 
comme  des  sauveurs.  Les  gens  de  Martigné  font  halte 


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—  493  — 

sur  la  place  ;  mais  la  populace  les  entoure,  les  meneurs 
les  haranguent,  leur  reprochent  de  pactiser  avec  lea 
bourgeois  accapareurs  de  grains,-  avec  les  afFameurs  du 
peuple,  et  font  si  bien  que  les  sauveurs  se  déclarent 
prêts  à  marcher  avec  les  sabotiers  ;  il  fallut  se  débarras- 
ser au  plus  tùt  de  ces  alliés  dangereux,  et  leurs  ofliciers 
leur  firent  reprendre,  non  sans  peine,  la  route  de 
Martigné. 

Cependant,  les  défenseurs  de  Mayenne,  qui,  grossis 
d'un  détachement  de  la  maréchaussée  de  Jarry-Desloges, 
étaient  maintenant  au  nombre  de  120,  voulaient  absolu- 
ment faire  une  démonstration  pour  intimider  les  sabo- 
tiers; le  maire,  Dupont-Grandjardin,  se  mit  à  leur  tète, 
et  ils  prirent  le  chemin  de  Saint-Georges  décidés  à  ne 
point  ménager  les  brigands  s'ils  n'exécutaient  sur  le 
champ  les  promesses  faites  à  M-  de  Lozé. 

A  Saint-Georges-Buttavent,  ils  voulurent  raccoler 
quelque  renfort,  mais  les  habitants  refusèrent  de  les 
suivre  craignant  la  vengeance  des  brigands.  Neuf 
citoyens  d'Oisseau,  officiers  municipaux  et  notables, 
étaient  bien  venus  à  Saint-Georges  pour  se  joindre  à  la 
légion,  mais,  fatigués  d'attendre,  ils  étaient  repartis. 
A  midi  et  demi,  Tavant-garde  de  la  colonne  s'engageait 
dans  le  chemin  neuf  de  Fontaine-Daniel  ;  on  aperçut 
alors  au  loin  quelques  silhouettes  suspectes,  et,  pour 
éviter  toute  surprise,  la  troupe  alla  se  retrancher  dans 
un  hameau  voisin.  On  vit  bientôt  arriver  les  émissaires 
des  sabotiers  :  d'abord  un  enfant,  puis  un  moine  de 
l'abbaye,  le  P.  Cocu-Fouchardière  ',  escorté  d'un  sabo- 
tier. Ces  parlementaires  venaient  prier  la  légion  de  ne 
point  verser  le  sang.  Le  maire  répondit  qu'il  exigeait 
avant  tout  l'exécution  des  conditions  fixées,  paiement  du 
grain  dérobé,  et  expulsion  des  voleurs  des  rangs  des 
boisseliers  ;  les  malandrins  demandaient  aussi  que  les 

1.  Coca-Fouchardiâra,  né  à  Brecé,  moine  de  l'abbaye  de  Fontaine- 
Daniel,  devint  curé  assermenté  de  la  Ullesse,  s'j  maria,  et  mourut  h 
Uayenne  en  18IT. 


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soldats  revinssent  à  Mayenne  par  le  même  chemin,  sans 
passer  par  le  bois.  —  Trop  de  timidité  encouragerait  ces 
brigands,  répondit  le  maire,  et  nous  reviendrons  par  la 
forêt.  Moine,  gamin  et  sabotier  s'éclipsèrent,  et  s'en 
furent  annoncer  à  leurs  mandataires  le  résultat  de 
l'entrevue. 

Les  légionnaires  se  remirent  en  marche  sous  le  grand 
soleil  de  midi.  Une  femme  qui  les  vit  passer  leur  cria  : 
«  N'allez  pas  plus  loin  ou  vous  êtes  perdus  I  »  La  troupe 
continua  d'avancer,  on  était  à  une  portée  de  fusil  des 
loges,  rien  ne  bougeait  ;  tout-à-coup  une  salve  de  coups 
de  feu  éclate,  crépite  à  travers  les  branches,  une  balle 
traverse  le  chapeau  d'un  légionnaire,  le  porte-drapeau 
en  reçoit  deux  ;  une  deuxième  salve  est  inolTensive.  La 
légion  se  range  en  bataille,  une  compagnie  se  porte  en 
avant  pour  balayer  le  terrain;  les  sabotiers  s'enfuient 
en  désordre,  on  les  poursuit  ;  ils  disparaissent,  sous  une 
grêle  de  balles,  dans  l'épaisseur  du  taillis.  On  en  arrêta 
deux,  qu'on  eut  la  faiblesse  de  relâcher.  Le  bataillon 
reprit  sa  marche,  emportant,  comme  trophées,  les  armes 
des  fuyards. 

Satisfaits  de  leur  audace,  contents  d'en  avoir  imposé 
à  ce  tas  de  brigands,  les  légionnaires  firent  halte  dans 
le  petit  bois  du  prieuré  de  Berne,  et  se  reposèrent 
quelque  temps  ;  mais  tous  se  rendaient  compte  de  la 
nécessité  de  refondre  la  légion  ',  et  d'exclure  ceux  dont 
la  défection  avait  réduit  à  120  hommes  le  nombre  des 
défenseurs  de  l'ordre  ;  les  officiers  convinrent  de  démis- 
sionner en  masse  ^,  afin  qu'il  fût  pourvu  à  une  réorgani- 
sation. A  quatre  heures  et  demie,  les  vainqueurs  firent 
leur  entrée  dans  la  ville  ;  elle  était  calme,  les  criards  du 
matin  avaient  pris  le  parti  de  se  tenir  tranquilles. 

1.  V07.  A.  Grosse-DuperoQ,  Soitvenire  du  Vieux-Mayenne,  Mayenne. 
1900,  p.  iSS. 

2.  Les  offlciera  qui  prirent  psrt  à  l'expédition  étalent  :  le  colonel 
Le  Forestier,  le  lleutensnt-colODel  Cordelay- PU  lard  1ère,  1e«  majora 
Dauverné  Mlierie,  Pattlerde  Vaux,  etFougerolleB,  l'alde.maJorLetebTre 
de  Cbamporin. 


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—  495  — 

Le  30  mai,  les  officiers  envoyèrent  leur  démission  à  la 
municipalité  qui,  tout  en  admettant  la  nécessité  de  la 
réforme,  les  pria  de  reprendre  leur  épée.  Le  l"  juin  1790 
après  midi,  la  légion  se  rassembla  dans  la  grand'salle 
du  Palais,  et  les  élections  commencèrent.  L'état-major 
fut  composé  de  la  façon  suivante  :  Le  Forestier,  colonel  ; 
de  la  Pilardière,  lieutenant-colonel;  Dauverné-Mizerie, 
major  ;  Pottierdes  Vaux,  major  en  second  ;  Lefebvre  de 
Champorin,  aide-major  ;  Clicquot  de  Beyne,  quartier- 
maitre  secrétaire  ;  Lemaire,  chirurgien-major  ;  Duboulay, 
aumdnier;  Dupont  et  Gougis,  porte-drapeaux.  Les 
cadres  des  bataillons  comprenaient  :  les  capitaines 
Juguin,  des  Riveries,  Tanquerel  des  Haies,  Latour,  lee 
lieutenants  Lottin,  Bunoiste-Duperray,  Gendronneau, 
Clieminant,  les  sous-lieutenants  Benoiste-Desforges, 
Esnault  aine.  Tripier  des  Vallées,  Bourdin. 

Le  4  juin,  la  garde,  toutes  enseignes  déployées,  se 
range  sur  la  place  d'armes.  Le  colonel  et  le  lieutenant- 
colonel  vont  chercher  les  ofliciei's  municipaux  rassemblés 
en  corps,  et  les  amènent  sur  la  place  ;  les  tambours 
battent.  Les  officiers  supérieurs  jurent  fidélité  à  la 
Nation,  à  la  Loi,  au  Roi,  et  maintien  de  la  Constitution 
jusqu'à  la  mort.  Alors  le  maire,  Dupont-Grandjardin, 
ordonne  aux  troupes  de  les  reconnaître  pour  leurs  chefs. 
Puis  l'état-major  reçoit  le  serment  des  capitaines,  lieu- 
tenants et  sous-lieutenants. 

Cette  réorganisation  n'était  pas  du  goût  de  tout  le 
monde  ;  tes  officiers  et  sous-officiers  que  la  peur,  le 
souci  de  la  popularité,  avaient  amenés  à  faire  défection 
au  moment  de  l'émeute,  criaient  à  l'injustice  et  préten- 
daient retrouver  leur  ancien  rang  dans  les  nouveaux 
cadres  :  «  Voyant  qu'on  refuse  de  mettre  la  légion 
comme  elle  était,  écrivent  les  officiers  municipaux  aux 
députés  de  Mayenne,  ils  fomentent,  ils  cabalent,  ils 
s'attroupent  et  prétendent,  nous  dit-on,  en  former  une. 
Vous  voyez  qu'il  est  urgent,  qu'il  est  de  conséquence 
pour  nous  et  pour  la  tranquillité  publique  que  notre 


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—  496  — 

nouvelle  légion  soit  décrétée,  afin  de  les  contenir'  ».  Et, 
dès  le  29  mai,  le  député  Maupetit  mandait  au  maire, 
Dupont-Grandjardin  :  «  Avez-vous  dressé  un  procès- 
verbal  des  faits  ?  Si  vous  ne  l'avez  pas  fait  ne  négligez 
pas  cette  forme  parce  que  dans  un  temps  de  fermenta- 
tion comme  celui-ci,  il  est  important  de  consigner  la 
preuve  de  tout  ce  qui  se  fait  et  d'être  toujours  à  portée 
de  fournir  ses  moyens  de  justification.  Il  faut  commen- 
cer par  le  pillage  des  greniers  de  la  Rouaaelière,  de  la 
Feuillée,  de  Marigné,  les  obstacles  mis  à  la  circulation 
des  grains,  les  indications  que  vous  aviez  que  le  foyer 
de  ces  désordres  était  dans  le  bois  de  Fontaine-Daniel, 
la  nécessité  de  le  faire  cesser,  votre  transport,  la  pre- 
mière décharge  faite  des  loges  et  ensuite  tout  ce  qui 
s'est  passé.  Je  suis  fâché  que  vous  ayez  relâché  les  deux 
que  vous  aviez  pris,  tout  en  sentant  que  le  premier 
mouvement  de  la  victoire  est  la  générosité  ;  mais  vous 
eussiez  pu  en  les  interrogeant,  connaître  ceux  qui  étaient 
à  leur  tête,  qui  les  avaient  excités,  et  les  poursuivre  par 
les  voies  légales.  Il  faut  espérer  que  cet  exemple  de 
fermeté  intimidera  les  mauvais  sujets  et  vous  procurera 
la  tranquillité  et  plus  d'abondance  dans  vos  marchés  ^  a. 
En  somme,  «  cette  sortie  en  armes,  dit  M.  Grosse- 
Duperon,  aussi  hardie  qu'heureuse  rétablit  un  peu  de 
calme  aux  alentours.  Cependant  les  voituriers  n'osèrent 
de  longtemps  s'aventurer  isolément  à  conduire  des 
grains  à  la  halle,  des  gardes  devaient  les  escorter  ^  u. 
D'ailleurs,  il  faut  bien  le  dire,  la  cherté  du  pain  et  la 
misère  continuaient  à  exalter  îes  esprits  de  la  basse 
classe,  toujours  accessible  aux  idées  d'agiotage  et  d'ac- 
caparement, toujours  prête  à  la  violence  contre  les 
affameurs  supposés  ;  la  garde  nationale  ne  fut  guère 
mieux  disciplinée  qu'autrefois,  et,  dès  le  mois  de  juin,  il 

1.  GraBH-Daperan  et  GouTrlon,  L'abbaye  de  Fontame-Da«itl, 
MajeoDe,  1S96,  p.  346. 

S.  Cité  par  V.  DuchemiD  et  R.  Tri^r,  les  premiers  troubles  de  ta 
Révolution  datte  la  Mayenne. 

3.  Cité  par  MH.  Groue-Duperon  et  GoQTrion,  loc.  cit.,  p.  3i6. 


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—  497  — 

fallut  demander  des  dragons  à  Rennes.  Avec  des  forces 
policières  aussi  insufRsantes,  aussi  peu  sûres,  on  voit 
les  magistrats  municipaux,  toujours  faibles  envers  les 
factieux,  impuissants  à  protéger  non  seulement  la  sûreté 
des  citoyens  de  la  ville  et  des  environs,  mais  encore  à 
assurer  la  levée  des  impôts,  et  déjà  débordés  par  l'anar* 
chie  grandissante,  par  les  démagogues  et  les  ambitieux. 
Quand  il  faut  des  mesures  énergiques,  ils  rassemblent 
tout  leur  courage  et. . .  rédigent  une  belle  circulaire.  Trop 
souvent  les  administrateurs  de  la  ville  n'eurent  contre 
les  perturbateurs  d'autre  arsenal  que  celui  des  méta- 
phores. 

Paul  Delaumat, 


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PROCÈS-VERBAUX  DES  SÉANCES 


SEANCE    DU   22   SEPTEMBRE    1904. 

La  séance  s'ouvre  à  2  heures  1/4,  sous  la  pi-ésidence 
de  M,  Emile  Moreau,  président. 

Sont  présents  :  M.  Moreau,  président;  MM.  le  marquis 
de  Beaucliesne,  Jules  Chappêe,  Gamier,  Gouvrion, 
Louis  de  la  Beauluère,  Laurain,  Planté,  membres  titu- 
laires ;  Goupil  et  Auguste  Morin,  membres  correspon- 
dants ;  Pierre  Flament,  archiviste  de  l'Allier. 

Se  font  excuser  :  MM.  Ch.  d'Achon,  l'abhé  Angot, 
de  Courtillollcs  d'Angleville,  Paul  de  Farcy,  Grosse- 
Duperon  et  Trévédy. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu 
et  adopté. 

M.  le  Président  annonce  la  mort  de  notre  collègue, 
M.  Dubel,  décédé  le  25  juillet  dernier. 

Isidore- René-Hyacinthe-Louis  Dubel  naquit  le  22  juin 
1848,  à  Saint-Ouen-des-Toits,  d'une  vieille  famille  qui 
avait  compté  plusieurs  notaires  parmi  ses  membres  au 
xvii'  siècle.  On  peut  dire  qu'il  ne  quitta  jamais  son  paj'S 
d'origine  qu'il  administra,  comme  maire,  pendant  ces 
vingt-deux  dernières  années.  II  ne  m'appartient  pas  de 
rappeler  ici  les  améliorations  qu'il  apporta  dans  sa  com- 
mune ni  d'énumérer  les  diverses  institutions  qu'elle  lui 
doit;  c'est  justice  cependant  de  mentionner  le  petit 
hôpital  communal,  dont  il  était  fier,  et  sa  dernière  pensée, 
ce  service  d'eau  de  source  que  des  villes  plus  riches,  pour 


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—  499  — 

lesquelles  le  besoin  s'en  fait  sentir  plus  impérieusement, 
envieront  longtemps  encore  au  bourg  rural.  «  La  vie 
particulière,  disait-il,  est  un  incident  si  court  qu'il  ne 
compte  vraiment  que  dans  la  mesure,  si  petite  qu'elle 
soit,  où  elle  sert  au  bien  commun.  »  Cette  pensée,  qu'il 
mit  en  épigraphe  à  l'une  de  ses  brochures,  lui  fit  prendre 
la  plume  à  deux  reprises  afin  de  servir  plus  amplement 
au  bien  public,  et  c'est  à  elle  que  l'on  doit  :  Les  étangs 
de  ta  Mayenne  et  la  production  du  peuple  de  carpes 
et  de  tanches  dans  les  eaux  de  la  ferme  (Laval,  Beau- 
mont,  Kavanagh  et  C'°,  1900,  in-S",  16  pages)  et  Une 
visite  à  la  Cocherie  (mai  1890)  (LaYsA^E.heliiiyre,  1904, 
in-8",  19  pages).  Ces  deux  brochures  de  notre  collègue, 
écrites  exclusivement  dans  un  but  pratique,  révèlent 
pourtant  un  sentiment  profond  de  la  nature,  qu'il  aimait 
avec  passion  et  dont  il  essaya  de  peindre  divers  aspects 
dans  ses  Croquis  d'Album  (Laval,  E.  Moreau,  1890, 
in-8°,  95  pages).  Mais  son  amour  était  assez  éclairé  pour 
goûter  tout  le  charme  que  la  nature  tire  des  vieilles  choses, 
et  c'est  par  là  qu'il  vint  à  nous.  Il  suivait  nos  travaux 
depuis  longtemps  et  ce  fut  un  bonheur  pour  lui  que  d'y 
prendre  part  d'une  façon  plus  active  comme  membre  de 
notre  commission  (1900).  Il  y  apporta  une  ardeur  de 
néophyte,  trouvant  un  plaisir  insoupçonné  à  courir, 
comme  il  faisait,  de  congrès  en  congrès  pour  accroître  le 
domaine  de  ses  connaissances.  II  s'était  contenté 
jusqu'alors  de  réveiller  les  souvenirs  de  son  pays,  la 
terre  classique  de  la  Chouannerie,  et  je  me  souviens 
encore  de  cette  belle  journée  de  juillet  1902  où  je  par- 
courue avec  lui  tous  les  sentiers  familiers  de  Saint-Ouen 
en  évoquant  les  luttes  d'autrefois.  C'est  alors  que  lui 
vint  cette  idée  d'élever  un  monument  sur  les  landes  de  la 
Brossinïère,  en  l'honneur  des  Français  qui  firent  sonner 
la  première  heure  de  la  délivrance,  durant  les  guerres 
Anglaises.  La  mort  ne  lui  a  pas  permis,  comme  elle  a  fait 
à  tant  d'autres,  de  voir  la  réalisation  de  son  idée  géné- 
reuse. Malade  depuis  plusieurs  mois,  il  revint  des  eaux 


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—  500  — 

cet  été,  épuisé,  et  mourut  dans  les  douleurs  d'une  lente 
agonie,  en  nous  laissant  les  regrets  d'un  collègue  des 
plus  curieux  et  des  plus  intéressés. 

M.  Laurain  dépose  sur  le  bureau  de  la  Commission 
le  deuxième  volume  de  l'inventaire  des  Archives  dépar- 
tementales de  la  Mayenne,  qu'il  vient  de  terminer. 
Ce  volume  qui  comprend,  outre  quelques  petites  juri- 
dictions secondaires,  le  fonds  du  présidîal  de  Chàteau- 
Gontier  et  celui  de  la  sénéchaussée  de  Craon,  est  rais  en 
vente  au  prix  de  10  francs  l'exemplaire. 

M.  Laurain  communique  une  lettre  de  M.  l'abbé 
Angot  qui  mentionne  l'existence,  dans  l'église  de  Vau- 
torte,  d'un  petit  monument  appliqué  à  la  muraille 
intérieure  de  la  chapelle  septentrionale,  élevé,  en  tufTeau 
et  marbre,  pour  recevoir  les  cœurs  de  Louis  Cazet  de 
Vautorte,  président  au  parlement  de  Bretagne,  mort 
à  Laval  le  11  avril  1651,  et  de  François  Cazet,  son  Ois, 
frère  de  l'évéque  de  Lectoure  et  de  Vannes,  lequel 
mourut  en  ambassade  à  Ratisboune  où  il  fut  enterré, 
après  avoir  demandé  que  son  cœur  fût  apporté  près  de 
celui  de  son  père.  François  joua  un  rôle  important  dans 
les  négociations  de  son  temps.  L'inscription,  qui  était 
encadrée  dans  le  petit  édicule,  fut  brisée  pendant  la 
Révolution.  Ne  pourrait-on  rappeler  la  destination  de  ce 
monument  qui  couvre  peut-être  encore  les  coeurs  du 
diplomate  et  des  siens  ? 

M.  Laurain  donne  lecture  d'une  lettre  du  président  de 
l'Administration  centrale  de  la  Mayenne,  en  date  du 
9  pluviôse  an  VII  (Arch.  de  la  Mayenne,  L  45,  n'  157), 
ainsi  conçue  : 

Je  gémis,  citoyen  ministre,  d'être  obligé  de  vous  entre- 
tenir d'une  circonstance  qui  a  donné  lieu  aux  fanatiques  de 
la  commune  de  Laval  de  chercher  à  tromper  le  peuple  cré- 
dule et  le  maintenir  de  plus  en  plus  dans  la  superstition 
religieuse. 

Une  statue,  placée  dans  une  partie  du  local  cy  devant 
église  de  la  Trinité,  ayant  été  peinte  en   rouge  quelque 


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—  501  — 

temps  avant  la  gelée,  l'effet  de  cette  gelée  ayant  été  de 
concentrer  dans  les  ports  de  cette  statue  une  partie  de 
l'humidité  de  l'air  et  des  sels  principaux  formant  la  couleur 
appliquée,  il  en  est  résulté,  à  l'instant  du  dépel,  que  l'humi- 
dité est  sortie  avec  abondance  et  a  ravivé  les  couleurs  appli- 
quées sur  la  statue.  Cet  efTet  très  naturel  a  néantmoins 
étonné  la  multitude,  on  a  crié  au  miracle  et  le  peuple  s'est 
porté  en  foule  au  temple  décadaire.  Si  j'avois  été  assuré  que 
la  seule  curiosité  eût  dirigé  celte  réunion,  je  serais  demeuré 
tranquille  ;  mais  dans  la  crainte  que  la  malveillance  n'en 
profitât  pour  porter  le  peuple  à  quelques  désordres  ou  lui 
insinuer  des  opinions  contraires  à  lesprit  public  en  lui  per- 
suadant que  ce  prétendu  miracle  prouvoit  la  nécessité  de 
rétablir  l'ancien  culte,  j'ai,  sur  le  champ,  invite  la  munici- 
palité de  Laval  à  prendre  de  promptes  mesures  de  prudence 
pour  prévenir  ses  concitoyens  de  l'égarement  dans  lesquels 
on  vouloit  les  précipiter.  La  municipalité  a  rempli  mes  vues; 
aucun  désordre  n'a  eu  lieu  et  je  croîs  que  le  peuple  com- 
mence à  appercevoir  que  le  prétendu  miracle  n'éloil  qu'un 
effet  naturel.  J'ai  cm  devoir  vous  faire  le  détail  de  cette 
circonstance  qui  prouve  combien  peu  encore  les  hommes 
sont  éclairés  et  combien  ils  ont  besoin  d'être  conduits  avec 
sagesse  et  précaution  dans  le  sentier  de  la  philosophie. 

Salut  et  respect. 

M.  Laurain  communique  une  lettre  du  préfet  de  la 
Mayenne,  du  4  mai  1819,  rendant  compte  au  ministre 
compétent  de  la  poursuite  judiciaire  faite,  au  mois 
d'avril  précédent,  contre  Robert-Julien  Billard,  dit 
Alexandre,  prévenu  de  machinations  contre  la  srtreté  de 
l'Etat,  au  mois  d'aoïU  IftlS,  à  la  Bazougc-des-AIIeux  et 
à  Soulgé-Ie- Bruant.  Billard  fut  acquitté. 

M.  Laurain  donne  lecture  d'une  curieuse  pétition  sans 
date,  mais  qu'il  faut  placer  entre  1832  et  1848,  émanée 
des  habitants  du  quartier  des  Halles,  à  Laval  et  deman- 
dant que,  dans  le  nouveau  classement  des  impAts  fon- 
ciers, on  tienne  compte  de  !a  diminution  de  valeur  qui  a 
frappé  les  immeubles  de  ce  quartier  par  suite  du  dépla- 
cement du  centre  commercial.  L'original  de  cette  péti- 
tion appartient  à  M.  Morin. 


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—  502  — 

M.  Laurain  continue  la  lecture  de  l'étude  de  M.  du 
Brossay  sur  ChAteau-Gontier  au  commencement  du 
XVII*  siècle. 

Rien  n'étant  plus  à  l'ordre  du  jour,  ta  séance  est  levée 
à  4  heures  i/2. 


SEANCE  DU  15  DECEMBRE  1904. 

La  séance  est  ouverte  à  2  heures  1/4,  sous  la  prési- 
dence de  M.  Emile  Moreau,  président. 

Sont  présents  :  MM.  Moreau,  président;  Trévédy, 
vice-président;  Alleaume,  Chappée,  Garnier,  Gouvrion, 
Laurain,  membres  titulaires  ;  Goupil  et  Foulques  de 
Quatrebarbes,  membres  correspondants. 

Se  font  excuser  :  MM.  l'abbé  Angot,  de  Courtillolles 
d'Angleville,  Durget,  Morin. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  lu  et 
adopté. 

M.  le  président  annonce  que  deux  de  nos  collègues, 
MAI.  Bertrand  de  Broussillon  et  Chardon,  viennent 
d'obtenir,  pour  leurs  travaux,  le  premier  la  première 
médaille  au  Concours  des  antiquités  nationales,  le 
deuxième  le  prix  Saintour  à  l'Académie  française.  La 
Commission  leur  adresse  à  tous  deux  ses  sincères  félici- 
tations. 

M.  le  président  communique  une  lettre  de  M.  l'abbé 
Angot  qui  signale  la  présence,  parmi  des  papiers  appar- 
tenant à  M.  Mézière,  sculpteur  à  Laval,  et  relatifs  au 
Plessis-Buret,  d'un  Traité  de  jurisprudence  sur  les 
différents  usages  de  la  campagne,  1766,  120  pages 
in-folio,  incomplet  d'un  cahier  qu'il  serait  peut-être  facile 
de  retrouver.  L'auteur,  René-Jean-Baptiste  Serveau, 
est  connu  ;  il  aura  donné  son  ouvrage  à  F.-L.  Delaporte, 
seigneur  du  Plessis-Buret,  dont  il  gérait  les  affaires. 
Le  propriétaire  du  manuscrit  le  céderait  sans  doute. 


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—  503  — 

La  Commission  remercie  M.  l'abbé  Ângot  de  sa  com- 
munication et  le  charge  de  négocier  pour  elle  l'acquisi- 
tion de  cet  ouvrage  qui  promet  d'être  intéressant. 

M.  Laurain  signale  dans  les  Mémoires  de  la  Société 
d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Angers  {4'  série,  t.  V, 
p.  221)  le  passage  d'un  article  de  M.  Joseph  Dcnais  sur 
Jehan,  sire  de  Joinville,  et  les  Anget-ins.  «  Claude 
Ménard,  écrit  l'auteur,  n'avait  encore  fait  imprimer 
qu'une  Harangue  en  1613  et,  depuis  quelques  mois  à 
peine,  une  homélie  sur  VAme  dévote  et  son  chariot, 
lorsqu'il  découvrit,  à  Laval,  le  manuscrit  de  Joinville. 
Le  précieux  cahier  s'était  trouvé  dans  les  papiers  d'un 
ministre  protestant  qui  avait  partagé  le  sort  d'Augustin 
Marlorat,  savant  exégête  et  théologien  de  l'Eglise  réfor- 
mée, étranglé  à  Rouen,  en  t5Gl,  en  vertu  d'un  arrêt  du 
Parlement.  » 

M.  Laurain  demande  si  l'on  connaît  ce  pasteur  pro- 
testant qui  posséda  le  manuscrit  de  Joinville. 

M.  Laurain  présente  un  lot  de  chartes,  relatives  pour 
la  plupart  à  la  famille  de  Landivy.  Ces  pièces,  dont 
quelques-unes  remontent  au  xiii*  siècle,  ont  été,  à  n'en 
pas  douter,  distraites  du  chartrier  de  (ioué.  Elles  com- 
plètent sur  quelques  points  les  renseignements  fournis 
par  ce  chartrier  important  sur  la  famille  de  Landivy. 
Elles  sont  à  vendre.  La  Commission  charge  M,  Laurain 
d'en  vouloir  bien  négocier  l'acquisition. 

M,  Garnier  communique  divers  objets  qui  ont  été 
trouvés  dans  les  fouilles  opérées  à  Viviers,  pour  les  tra- 
vaux de  la  nouvelle  église  ;  ce  sont  des  perles  en  os,  en 
ambre  et  en  verre  ;  quelques-unes  émaillécs  de  deux  cou- 
leurs avec  stries,  semblables  à  celles  qu'on  u  découvertes 
jadis  à  Saulges  ;  un  fragment  de  porphyre  vert  et  poli, 
qui  n'est  probablement  pas  du  pays  et  qui  ressemble 
beaucoup  au  porphyre  des  Alpes  ou  à  celui  des  Vosges  ; 
cnfm,  un  manche  de  poignard  mérovingien,  en  os, 
auquel  le  fer  adhérait  encore.  Ce  manche  de  forme  rec- 


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—  504  — 

taDgulaire,  bien  eo  main,  porte  à  chacun  de  se8  an^es 
des  traits  entrecroisés,  ci  chacune  de  ses  faces  est  divi- 
sée en  trois  parties  comprenant  trois  ou  quatre  circoufé* 
rences  inscrites  autourd'unpointcentral  et  accompagnées 
elles-mêmes  de  courhes  qui  se  coupent.  On  en  rencontre 
d'analogues,  sinon  d'identiques,  dans  les  collections  de 
l'abbé  Cochet. 

M.  Alleaume  présente  une  thèse  de  philosophie, 
soutenue  le  26  juillet  1746  au  Mans  par  le  lavallois 
Charles-Bruno  Matagrin  de  la  Jarossaie.  Cette  thèse 
contient  une  reproduction  d'un  tableau  de  Rubens  :  ta 
Décollation  de  saint  Jean- Baptiste. 

M.  Alleaume  signale  le  portrait  de  Louis-Julien 
Létard,  né  à  Laval  en  1750  et  curé  de  Cossé-le- Vivien 
de  1781  à  1814.  Ce  portrait,  peint  à  l'huile  et  exécuté 
en  1800,  porte  la  signature  de  Legros,  professeur  de 
dessin  à  l'Ecole  centrale. 

M.  le  président  entretient  ta  Commission  de  la  publi- 
cation du  Cartulaire  monceau  de  Marmoutier,  par 
M.  Laurain,  et  souhaite  que  les  souscriptions  viennent 
en  assez  grand  nombre  pour  en  assurer  la  mise  au  jour. 

A  ce  propos,  M.  de  Quatrebarbes  demande  s'il  ne 
serait  pas  possible  de  publier  le  Cartulaire  de  la  HoS. 
M.  Laurain  fait  l'historique  de  la  question  et  rappelle 
que  plusieurs  personnes  ont  voulu  éditer  ce  document 
qui  devait,  cette  année  même,  faire  le  sujet  d'une  thèse 
à  l'Ecole  des  Chartes  ;  mais,  par  suite  de  circonstances 
diverses,  les  projets  ont  été  abandonnés  ou  ajournés 
indéfiniment.  La  publication  serait  pourtant  facile. 

Après  un  échange  de  vues  entre  les  membres  présents, 
la  Commission  décide  de  faire  appel  à  ceux  de  nos  col- 
lègues qui  se  sont  déjà  spécialement  occupés  du  Cartu- 
laire de  la  Roë  ;  elle  est  en  état  de  se  charger  de  cette 
publication  et  elle  accepterait  avec  reconnaissance  le 
concours  de  toutes  les  bonnes  volontés. 


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—  505  — 

M,  le  président  commuoique  une  lettre  de  M.  l'abbé 
Angot  qui  expose  le  résultat  des  fouilles  opérées  par  lui 
dans  un  petit  monticule  situé  dans  le  bois  de  Crun, 
à  500  mètres  à  l'est  de  la  Pierre-au-Renard.  Ce  monti- 
cule mesure  environ  4  m.  50  de  diamètre,  sur  une 
hauteur  d'un  mètre.  Sa  couverture  est  formée  de  pierres 
plates  qui  reposent  sur  une  voûte  affaissée,  de  0  m.  20 
d'épaisseur,  faite  de  terre  à  brique  soigneusement  tritu- 
rée sans  aucun  mélange  de  cailloux  et  ayant  une  belle 
teinte  rouge  de  brique  pilée.  Cette  voûte  s'appuie  sur 
un  lit  (le  charbon  ayant  de  0  m.  03  à  0  m.  08  d'épais- 
seur, assis  sur  une  couche  de  terre  foulée  ;  en  dessous 
se  voit  un  pavage  de  pierres  plates  de  0  m.  20  ô  0  m.  40 
de  longueur,  posées  sur  une  couche  de  terre  glaise.  Les 
fragments  de  bois  calciné  trouvés  sur  la  couche  de 
charbon,  un  peu  de  terre  noircie  par  le  feu  à  l'extérieur 
du  monticule,  trois  briques  de  0  m.  12  sur  0  m.  15  et  de 
0  m.  04  d'épaisseur,  collées  ensemble  et  vitrifiées  sur 
un  côté,  de  pâte  fortement  calcinée,  prouvent  qu'on  se 
trouve  en  présence  d'un  four  à  briques  pour  la  cuisson  en 
meule  ou  à  la  volée,  encore  en  usage  en  Belgique.  Ce 
four  à  briques  doit  remonter  au  xvii'  siècle  et,  comme  il 
se  trouve  dans  les  dépendances  de  l'ancien  domaine  du 
Plessis-Buret,  il  est  possible  qu'il  ait  servi  à  l'établisse- 
ment des  forges  de  cette  seigneurie  dont  les  scories  nom- 
breuses ont  été  utilisées,  il  y  a  une  soixantaine  d'années, 
pour  l'encaissement  des  chemins  de  Sainte-Gemme-le- 
Robert. 

M.  Laurain  continue  la  lecture  des  JVo/e.î  sur  l'histoire 
de  Chàteau-Gontier  au  commencement  du  XVII*  siècle, 
par  M.  Ch.  du  Brossay. 

Rien  n'étant  plus  à  l'ordre  du  jour,  la  séance  est  levée 
à  4  heures  1/4. 


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BIBLIOGRAPHIE 


Le  grènèral  de  la  Horie  (1766-1812),  par  Louis 
Le  Barbieb.  Paris,  Dujarric,  1904,  in-l(i,  300  pages. 

Né  le  5  janvier  1766  à  Javron,  Victor-Claude- Alexandre 
Panneau  de  la  Horie  s'engagea  en  1793,  lors  de  la  levée 
de  300.000  hommes  ;  dès  le  1"  juillet  1793,  il  était  sous- 
lieutenant  au  37°  régiment  d'infanterie,  remplissant  les 
fonctions  d'adjoint  à  letat-major  général  de  i'armée  du 
Rhin-et-Moselle.  Sa  carrière  fut  brillante  et  rapide.  Nommé 
général  de  division  sur  le  champ  de  bataille  de  Hohenlinden 
par  Moreau,  dont  il  était  chef  d'état-major  et  qui  l'appré- 
ciait beaucoup,  mais  pris  en  haine  par  Bonaparte  pour  avoir 
exigé  du  général  Leclerc  l'obéissance  aux  ordres  donnés,  il 
fut  mis  à  Ta  retraite,  avec  une  solde  de  2.500  francs,  à  trente- 
sept  ans.  Il  conserva  tout  naturellement  les  meilleures 
relations  avec  Moreau  ;  il  se  trouva  impliqué  dans  le  procès 
de  celui-ci  et  condamné  à  mort,  quoique  innocent.  Sept 
années  durant,  caché  par  ses  frères  d'armes,  il  put  échapper 
à  la  police  impériale,  mais  enfin,  trahi  par  Savary,  il  fut 
arrête  chez  Mme  Hugo.  Deux  ans  après,  on  le  condamna  au 
bannissement  sans  l'entendre.  C  est  alors  qu'éclala  la 
deuxième  conspiration  du  général  Malet,  si  habilement 
machinée  que  tous  les  acteurs,  sauf  Malet  et  l'abbé  Lafon, 
qui  disparut  au  moment  du  danger,  ne  connurent  ce  dont  il 
s  agissait  que  lorsqu'ils  eurent  été  arrêtés,  Malet  tira 
La  Horie  de  prison.  Celui-ci  en  profila  pour  s'emparer  du 
ministère  de  la  Police  et  sauver  la  vie  de  son  ennemi  Savarj-. 
Conduit  ensuite  à  la  prison  militaire  de  l'Abbaye  avec  ses 
complices  inconscients,  ils  furent  jugés  le  28  octobre  1812 
et,  dans  une  parodie  de  la  justice  comme  étaient  capables 
d'en  donner  une  les  anciens  conventionnels  qui  avaient  eu 

Seur,  ils  furent,  pour  la  plupart,  condamnés  a  être  fusillés 
ans  les  vingt-quatre  heures.  On  y  mil  lanl  de  liàle  aue, 
malgré  la  demande  de  plusieurs  d'entre  eux,  on  leur  relusa 
les  secours  du  prêtre.  Ils  tombèrent  dignement. 

On  a  raconlé  à  plusieurs  reprises  cette  conspiration 
extraordinaire,  depuis  Nodier  jusqu'à  Ernest  Hamel.  M.  Le 
Barbier  a  eu  la  chance  de  mettre  la  main  sur  des  documents 


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—  507  — 

inédits,  sur  des  papiers  de  famille  inconnus  à  ses  devan- 
ciers. Il  en  a  tire  tout  le  parti  qu'il  lui  était  possible  pour 
rendre  son  étude  intéressante  et  vivante.  Dirons-nous  qu'il 
y  a  réussi?  Certes  oui,  en  faisant  une  réserve  cependant, 
car  les  deux  mémoires  justificatifs  que  La  Horie  adressa  à 
Savary  avant  sa  participation  à  la  malheureuse  entreprise 
de  Malet,  sont  écrits  presque  en  termes  identiques  ;  c'est 
trop  d'un.  En  outre  la  correction  du  livre  a  été  si  rapide 
qu  une  phrase  (p.  183]  est  restée  en  suspens,  et  que  l'auteur 
écrit  [p.  6)  I.anay  pour  l.assay  et  [p.  14)  Dravon  pour  Provost, 
Malgré  cela  le  livre  en  vaut  la  peine  et  nous  en  conseillons 
vivement  la  lecture. 

Ë.  Laurain 


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PRIX  ACADÉMIQUES 


Concours  des  antiquités  nationales 

Dans  sa  séance  du  18  novembre  1904,  rAcadêmie  des 
Inscriptions  et  Belles -Lettres  a  décerné  à  notre  coUègiae, 
M.  le  comte  Bertrand  de  Broussillon.  la  première  médaille 
au  concours  des  Antiquités  Nationales. 

Nous  avons  sous  les  yeux  le  rapport  de  la  commission 
sur  ce  concours.  La  page  relative  à  M.  le  comte  Bertrand 
de  Broussillon  est  trop  Hatteuse  pour  lui  pour  que  nous  ne 
nous  empressions  pas  de  la  reproduire. 

B  La  première  médaille  est  attribuée  à  M.  le  comte 
Bcrirand  de  Broussillon,  auteur  d'un  ouvrage  considérable 
sur  la  Maison  de  Laval  et  éditeur  de  plusieurs  cartulaires 
importants. 

«  La  Maison  de  Laval,  formant  un  ensemble  de  cinq 
volumes  dont  le  dernier  a  paru  en  1903,  est  une  œuvre 
historique  de  grande  valeur.  Une  connaissance  approfondie 
des  sources,  tant  imprimées  que  manuscrites,  a  permis 
à  M.  de  Broussillon  de  restituer  en  tous  leurs  détails  les 
annales  d'une  des  plus  illustres  parmi  les  maisons  féodales 
du  Maine. 

«  On  trouve  dans  cette  histoire  le  texte  ou  tout  au  moins 
l'analyse  de  3.410  pièces,  datant  de  1020  à  1603,  époque  à 
laquelle  Laval  el  Vitré  cessèrent  d'appartenir  à  la  famille 
qui  en  portait  le  nom. 

«  Ces  documents  ont  été  empruntés  aux  archives  locales 
et  aux  principaux  dépôts  parisiens.  M.  de  Broussillon  a 
témoigné  d'une  patience  inlassable  et  d'excellentes  (Qualités 
de  méthode  en  réunissant  et  en  classant  cette  masse  énorme 
de  matériaux. 

o  Grèce  à  la  collaboration  de  M.  Paul  de  Farcy,  il  a  pu 
enrichir  son  livre  de  nombreuses  gravures,  représentant  des 
sceaux  et  des  monuments  funéraires,  qui  le  recommandent 
spécialement  à  l'atlcntion  des  archéologues. 

H  Knfin  un  index  très  complet  des  noms  propres  de 
personnes  et  de  lieux,  dû  à  M.  Vallée  et  qui  ne  comprend 
pas  moins  de  3â0  colonnes  d'impression,  permet  de  s'orienter 


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—  509  — 

facilement  dans  cet  ouvrage  et  rend  ainsi  plus  accessible 
une  foute  de  documents  de  tout  ordre,  d'un  prix  inestimable 

four  l'histoire  du  Maine,  de  la  Bretagne  orientale,  de 
Anjou  et  de  plusieurs  aulnes  provinces. 
■  Sous  le  titre  de  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint-Aubin 
d'Angers,  M.  de  Broussillon  n'a  pas  seulement  reproduit  la 
teneur  d'un  précieux  recueil  d'actes  composé  vers  1175  : 
il  a  reconstitué,  pour  ainsi  dire,  la  partie  plus  ancienne, 
antérieure  au  début  du  xiii'  siècle,  des  archives  d'un  des 
plus  fameux  monastères  de  l'Anjou.  Le  premier  tome  com- 

grend  la  transcription    de    392    chartes    du   Cartulaire    de 
aint-Aubin  ;   le   second  donne  le   texte   ou  l'analyse  de 
554  pièces  antérieures  à  l'an  1200,  qui  ont  été  recueillies 


dans  divers  dépôts  de  Paris  ou  de  la  province  :  enfin,  le 
troisième  est  presque  entièrement  rempli  p 
soigné  dil  à  M.  Eugène  Lelong. 


jresque  entièrement  rempli  par  un  index  très 


s  huit  volumes,  qui  ont  motivé  le  jugement  de  notre 
commission,  M.  de  Broussillon  a  joint  neuf  autres  volumes 
ou  brochures  qui,  en  raison  des  millésimes  inscrits  sur  les 
titres,  ne  pouvaient  être  admis  au  présent  concours.  Il  faut 
les  signaler  cependant,  car  ils  attestent  hautement  le  zèle 
de  M.  de  Broussillon  pour  tout  ce  qui  concerne  l'histoire 
du  Maine. 

■  L'auteur  n'est  pas  un  inconnu  pour  nous  ;  son  nom  a 
déjà  figuré  avec  honneur  à  l'un  de  nos  précédents  concours 
et  ça  été  un  plaisir  pour  notre  commission  de  pouvoir enlin 
récompenser  par  la  distinction  la  plus  élevée  dont  elle 
dispose  une  œuvre  historique  qui  conservera  un  rang  hono- 
rable parmi  les  plus  solides  de  notre  temps.  » 


Prix  Sain  tour. 

Presque  le  jour  même  oii  l'Académie  des  Inscriptions  décer- 
nait à  M.  Bertrand  de  Broussillon  la  première  médaille  au 
Concours  des  antiquités  nationales,  l'Académie  française 
attribuait  le  prix  Saintour,  d'une  valeur  de  1.000  francs,  à 
notre  collègue  M.  Henri  Chardon,  maire  de  MaroIIes-lès- 
Braults,  ancien  conseiller  général  de  la  Sarthe,  pour  son 
ouvrage  intitulé  :  Scarron  inconnu.  —  Les  personnages  du 
Roman  comique. 

Voici  ce  que  disait,  dans  la  séance  du  24  novembre, 
M.  Gaston  Boissier,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie 
française,  sur  le  livre  de  M.  Henri  Chardon  : 

«  Avec  Scarron,  nous  entrons  dans  le  xvii'  siècle. 
M.  Chardon,  un  infatigable  érudit  qui  habite  Le  Mans,  où 
fut  composé  le  Roman  comique,  a  a  jamais  douté  que  les 


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—  510  — 

héros  de  ce  livre,  qui  ont  un  air  si  vivant,  ne  soient  des 

[>erBonnes  réelles,  et  il  s'est  donné  la  tâche  de  découvrir 
eurs  noms  véritables.  11  a  mis  vinfft  ans  à  les  retrouver,  ce 
qui  n'est  pas  extraordinaire  quand  on  songe  qu'il  ne  reste 
d'eux  que  la  date  de  leur  naissance  et  de  leur  mort,  dans  les 
registresdesparoisses,leurscontrats  de  mariage,  et  quelques 
actes  de  vente  ou  d'achat  chez  le  notaire. 

«  Avec  ces  quelques  renseignements  habilement  inter- 
prétés, M.  Chardon  ressuscite  tout  ce  petit  monde  disparu  ; 
il  vit  familièrement  avec  eux,  il  sait  leur  histoire  comme  s'il 
était  de  leur  temps.  C'est  ainsi  qu'il  est  arrivé  à  reconnaître 
quels  sont  ceux  que  Scarron  a  voulu  peindre  ;  il  vous  dira 
comment  se  nommait  Ragotin,  qui  étaient  Mme  Bouvillon, 
■  la  grosse  sensuelle  >,  et  l'élégant  M.  de  la  Garoufiîère. 

a  Vous  trouverez  peut-être  que  le  résultat  est  un  peu 
mince  pour  un  si  long  eiïort.  Cependant  tout  a  son  prix 
dans  l'histoire  des  lettres  ;  et,  par  exemple,  il  n'est  pas  sans 
intérêt  de  bien  établir  que  le  chef-d'œuvre  de  Scarron  est 
un  roman  réaliste,  au  sens  ou  nous  prenons  ce  mot,  et  que 
près  de  trois  siècles  avant  Zola  on  se  servait  déjà,  et  d'une 
e  fort  habile,  du  document  humain.  » 


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TABLE  DES  MATIÈRES 


TRAVAUX  ORIGINAUX  ET  DOCUMENTS 

Une  adnilnistratioii  mnolclpale  de  canton  sous  le  Directoire  : 
CossÉ~lB-Vivien,  par  M.  A.  Galland 17 

Fers  &  aosties,  par  M.  le  chanoine  Marsaux 4S 

Uy^énlstesd'autretols,  parM.  P.  Delauhav 49 

Les  Elections  du  Clergé  et  de  la  Noblesse  dans  la  Séndchaussée 
de  Chaieau-Gontier  (17891,  par  H.  l'abbé  Uzi'REAL' Si 

Extrait  de  l'ancleii  grreffe  des  seigneurs  vicomtes  de  BcaumonI  et 
de  la  Flèche  {snite  et  pn),  publié  par  P.  de  Farcï.     .     .      Ti,  VU,  319 

Lettres  de  Michel-Renâ  Maupetlt,  député  k  l'assemblée  nationale 
constituante  (1769-1791)  {suilej,  publiées  par  H.  E.  IfuiiiuAu- 
Laueutk 88,  176,  3m,  U6 

Notes  sur  les  bureaux  de  charité  de  Laval  (16S3-1803I,  par  H.  E. 

QLEHLAt-UMERIE H»,  KS 

Lettre  k  Dorlodot,  évéque  de  la  Mayenne,  publiée  par  M.  l'abbé 

UZUREAU 160 

La  sépulture  de  saint  Martin  de  Tours,  par  H.  Léon  Haithe    .    .  1S3 

Ampoule  de  saint  Mennas,  par  M.  le  chanoine  Marsaui  ....  170 

Anciens  quartiers  de  Laral,  par  H.  B.  Lauraih 173 

Une  arrestation  en  1791,  par  M.  P.  Dei.ai'»ax S17 

NoteaguTCbéteeu-Gontier,pendant  lapramlèremoltiéduxvii'aiË- 
cle,  parH.  du  Brossav S91,t23 

Montatgu,  par  M.  l'abbé  Ahcot 331 

Le  Maine  à  l'exposition  des  Primitifs,  par  M.  P.  Dblaunaï  .    .    .  379 
Les  Lauréats  du  Concours  général  pour  le  département  de  la 

Majenoe,  par  M.  le  marquis  de  Beauchesne 385 

Le*  Tribulations  d'Eroaud,  abbé  d'Evron  (1262-1363),  par  dom 

L.  GUILLOREAU it3 

Anne  Comtesse  de  Laval.  Pierre  Landais,  trésorier  de  Bretagne, 

et  Jacques  d'EspIna;,  évéque  de  Rennes,  par  M.  J.  TntvËnv.     .      473 
Lee  Brigands  de  Fontaine-Danlol,  por  M.  P.  Delavmay    ....      487 


PROCÈS-VERRAUX  DES  SÉANCES 

Séance  du  17  mars  1904 1S6 

—  »  mal  1904 380 

—  a  septembre  1004 406 

—  ISdéc«mbnieM BOS 


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BIBLIOGRAPHIE 

Un  préeurtettr  du  Réveil.  Pierre  du  Prmlaviee,  gentilhomme 
breton,  mmtonnatre  milhodûte,  etc.,  par  M.  LiLifcTKE  .    .    .      2^ 

Cahier»  de  la  (/uinzaine.  Petile»  gamùon».  Laval,  par  M.  F. 
Chaliaye iSi 

le  soldat  impérial  (iSBO-tSUj,  par  Jban  Horvan 855 

Trois  soldat».  Conrtanl,  Juvénal  et  Hercule  Corbineau.  par  F.  de 

WiSBOCQ 383 

Renault  l'Invincible.  Récit  des  guêtres  de  la  Vendée,  par  lo 

vicomte  DE  BoNALD 383 

Yieux  Médecins  mayennais,  par  Paul  Delaunav 3Sl 

he  général  de  la  Horie  Ilise-Wt),  par  Louis  Le  Baubieh  ...  506 

TABLE  DES  NOMS  D'AUTEURS 

TRAVAUX   ORtflWAUX    ET    DOCVHBNTO 

ADgot  (Abbé  A.| 332 

Beancbesno  (Marquis  de| 3% 

Brona;  (Ch.  du) SH,  iS3 

DelaDDa;  (Paul) tS,  £27,,  379,  (87 

Faroj  |P.  de| 74,  SOi,  319 

Galland  (A.) 17 

GuiUoreau  (dom  L.) 415 

LanralD  (Ernest) 173 

Mattre  (LéoD) 153 

Marsaux  (Chanoine  L.) (5,170 

Queruau-Laraerie  (Emile) 68,  IS»,  176,  «S8,  358,  446 

TréyédylJ.) 473 

Uiuroan  (Abbé  F.) 65,150 


COMPTEB  RENDUS  ET  BIBLIOGRAPHIE 

lAuralD  (EmMt) £52,  iS4,  £5,  383,  384,  506 

OUVRAQES  UENTIONNÉS  DANS  LA  BIBUOGRAPHIB 

Bonald  (VleomU  de) 383 

ChaUafelF.) 254 

Dalauna;  (Paol) 384 

Lebarbier  (Louis) 506 

Morran  (Jean) 255 

Lellèvre(H.| £2 

WlsBOcq  (F.  de) 383 


TABLE  DES  GRAVURES 


Fera  à  Hosties,  planche  t  et  2 46-47 

Ampoule  de  saint  Mennas 171-172 

Outils  en  silex  et  grès  lustré 336-337 

Cbceur  de  la  chapelle  romane  de  Chelé 3U-34S 

Plan  de  Ch&teau-Gontler  ven  1050 432-433 


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COMMISSION  HISTORIQUE 
ET  ARCHÉOLOGIQUE  DE 
LA  MAYENNE. 


CARTULAIRE  MANGEAI] 

DE 

MARMOUTIER 

PUBLIE  AVEC   UNE 

INTRODUCTION    ET    DES    TABLES 

Par  U.  ElPDest  I^URAIN 

ATcMvitle  de  la  May fime. 


On  sait  ce  qu'est  un  carliilaire,  i-eciieîl  oJi  l'on  trouve  copiées 
des  séries  de  documents  provcJiaiil  des  archives  d'un  établisse- 
ment, d'une  famille,  d'un  individu,  registre  contenant  la  trans- 
cription intégrale  ou  succincte  de  tous  les  actes  en  vertu  desquels 
rétablissement,  l'association,  la  famille,  l'individu  possède  ses 
biens,  ses  revenus,  ses  droits.  On  sait  également,  l'utilité  considé- 
rable que  présentent  des  recueils  de  ce  genre  pour  la  chronologie, 
pour  la  généalogie,  pour  l'hisloire  du  droit  et  des  mœurs,  pour 
l'histoii'G  économique,  pour  la  géographie.  Depuis  longtemps  ils 
ont  été  pour  les  érudils  une  mine  inépuisable  de  renseignements. 
Beaucoup  ont  été  publiés,  mais  malgré  les  louables  elTorls  de 
ceux  qui  ont  mis  au  jour  ces  publications,  il  reste  beaucoup  à 
faire.  Il  existe  encore  dans  les  dépôts  publics  des  eartiilairea  im- 
portants dont  il  serait  désirable  pour  les  historiens  d'avoir  le 
texte  à  leur  portée. 

C'est  dans  ce  but  que  la  Commission  historique  el  archéologi- 
que de  la  Mayenne,  qui  n'a  jamais  reculé  devant  la  tâche  parfois 
ingrate  de  publier  des  textes  latins,  a  pris  sous  son  patronage 
l'œuvre  que  depuis  plusieurs  années  prépare  son  dévoué  secré- 
taire, M.  Laurain  :  le  Carlulaire  manceau  de  Uaiinoutier. 

Supplément  sn  n  Bulletin  de  U  Commlislon  hlstoriiinQ 
et  arohéologi^e  de  la  Hafenne  n  (n»  63). 


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La  célèbre  abbaye  tourangelle  avail  vu.  à  toutes  les  époques, 
les  fidèles  venir  en  foule  au  tombeau  de  son  fondateur  pour  y 
répandre  leurs  prières  et,  en  retour  du  réconfort  qu'ils  y  trou- 
vaient, y  laisser  de  nombreuses  offrandes  qui  Unirent  par  donner 
au  monastère,  gratifié  par  Cbarlemagne  de  l'immunité,  une 
grande  puissance  territoriale.  Hais  l'invasion  de  903  avait  eu  des 
effets  terribles.  Il  avait  fallu  qu'Eudes  de  Blois  restaurftt  le  pieux 
établissement  et  y  appelât  des  moinea  de  Cluny.  Dès  lors  les 
donations  y  avaient  atllué  de  nouveau  et  tous  les  titres  qui  les 
consacrent  montrent,  à  partir  du  xi'  siècle,  une  splendide  renais- 
sance de  la  a  grande  abbaye.  »  Ces  titres  furent,  par  la  suite  des 
temps,  classés  par  provinces  et  copiés  sur  des  registres  particu- 
liers qui  formèrent  autant  de  cartulaircs.  au  moins  pour  les  pro- 
vinces où  les  possessions  étaient  assez  nombreuses  pour  motiver 
ces  recueils  spéciaux.  Ceux  du  VendAmots  et  du  Biésots  nous 
sont  parvenus  ;  d'autres,  comme  celui  de  Touraine,  ont  disparu, 
sans  doute  en  1*793. 

Le  Cartulaire  manceau,  oii  Bnluze  copiait  quelques  pièces  au 
commencement  du  xviii'  siècle,  est  de  ces  derniers.  C'est  donc  un 
recueil  factice  àet^  chartes  de  Marmoulier  intéressant  le  Maine 
que  M.  I^urain  se  propose  de  donner  au  public.  L'importance 
de  ce  travail  n'échappern  à  personne,  car  il  fournira  de  multi- 
ples renseignements  sur  les  il  prieuré»  que  l'abbaye  avait  fon- 
dés dan.s  le  Maine.  Sans  doute  parmi  les  360  chartes  que,  outre 
des  mentions  ou  des  analyses  de  pièces  perdues,  contiendra  ce 
recueil,  toutes  ne  sont  pas  inédites  ;  elles  le  sont  cependant  pour 
la  plupart,  l'auteur  ayant  laissé  de  côté  systématiquement  les 
prieurés  qui  ont  été  l'objet,  ces  temps  derniers,  de  publications 
spéciales,  comme  Vivoin.  Bellémo  et  'Troo.  et  ne  s'étant  occupé  de 
ces  prieurés  que  pour  apporter  aux  travaux  de  ses  prédécesseurs 
quelques  corrections  nécessaires  qui  lui  étaient  suggérées  par 
des  copies  à  eux-m^mes  inconnues,  il  faut  dire  en  outre  que  si 
Marmouticr  posséda  plus  de  prieurés  dans  le  Bas-Maine  que  dans 
le  Haut-Maine,  les  chartes  qui  intéressent  directement  celte 
seconde  partie  de  notre  ancienne  province,  sont  à  peu  près  aussi 
nombreuses  que  celles  qui  se  rapportent  à  la  première. 

Cet  ensemble  se  complétera  par  los  procès- verbaux  des  visites 
des  prieurés  au  xiv'  siècle  et  par  leur  histoire  empruntée,  sui- 
vant les  cas,  h  dom  Chaotelou  ou  à  dom  Le  Michel. 


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