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COMMISSION
HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE
DE LA MAYENNE
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BULLETIN
DE LA COMMISSION
IIISTORIÛl'E ET ARCHÉOLOGIÛ^E
DE LA MAYENNE
CBËËE PAR ARBËTÈ PBÉFKCTORAL DU 17 JANVIER 1878.
DEUXIÈME SÉRIE
TOMl-; VINOTIÈMIO
1904
PuMIoatton TpImMtrMI*
LAVAL
IMPniMEIllK-L]imAIRIK V' A. i;OL'I>ll-
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ilrifS
MEMBRES DE LA COMMISSION
Membres titulaires.
1895 ALLEAUME (A.), peintre verrier, 49, rue de
Bootz, Laval.
1884 ANGOT {l'abbé Alphonse), lauréat de l'Institut,
Sainte-Gemme-le-Robert (Mayenne).
1884 BEAUCHESNE (marquis de), licencié èa lettres,
cbâteau de Lassay (Mayenne), château de la
Roche-Talbot, commune de Souvigné, par
Sablé (Sartbe), et 8, avenue Marceau, Paris.
1892 CHAPPÉE (Julesi, Port-Brillet (Mayenne), et
21, rue Monsieur, Paris.
1878 GHEDEAU (Charles), QI. P., place Cheverus,
Mayenne.
1893 DURGET (Charles), ancien notaire, 9, rue de
Tours. Laval.
1882 FARGY (Paul de), inspecteur de la Société fran-
çaise d'Archéologie pour le département de la
Mayenne, Saint-Martin -la- Forêt, par Angers
(Maine-et-Loire).
1878 GARNIER (Louis), architecte, inspecteur des
édifices diocésains, membre de la Commission
(l'architecture, 34, rue Joinville, Laval.
1897 GOUVRION (Emile), rue Volnev, Mayenne.
1887 GROSSE-DUPERON (A.), i^, juge de paix, rue
Jac(|ues-Labitl('. Mayenne.
1878 HAWKE (Eugène), ancien architecte du dépar-
tement, membre de la Commission d'architec-
ture, 8, rue de Rennes, Laval.
1886 LA BEAULUÉRE (Louis de), château de la
Dnijeotterie, Entrammes (Mayenne).
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1896 LAURAIN (Ernest), 0, ancien élève de l'Ecole
des Chartes, archiviste de la Mayenne, 18,
rue du Lycée, Laval.
1878 LEMONNIER DE LORIÈRE (Léon), membre
de la Société pour la conservation des monu-
ments historiques, conseiller général, Epineu-
le-Sépiin, par Cheraeré-le-Roi (Mayenne).
1878 MOREAU (Emile), #, tf, membre de plusieurs
Sociétés savantes, 8, rue du Lieutenant, Laval.
1878 ŒnLERT(DANiEL), *,|^, ancien vice-président
de la Société géologique de France, membre
non résident du Comité des travaux scientifi-
ques au ministère de l'Instruction publique,
membre correspondant de l'Institut, 29, rue de
Bretagne, Laval.
1884 PLANTÉ (Jules), ancien notaire, la Haute-Bes-
neraie, par Cossé-le-Vivien (Mayenne),
1879 RICHARD (Jules-Mauie), y, archiviste paléo-
graphe, correspondant du ministère des Beaux-
Arts, conseiller général, 2, place du Gast, Laval.
1899 THUAU (René), notaire à Meslay (Mayenne).
1887 TRÉVÉDY (Jijlien), ancien président du tribunal
de Quimper, 1, rue de la Préfecture, Laval.
COMPOSITION DU BUREAU
Président honoraire, M. FlodcauddeFourcroy, O. ^,
Président, M. Moreau, ^, ijl,
/ MM. Trévédy,
Vice-Présidents) de Fahcy,
( Grosse-Duperon, ij^,
Secrétaire, M. Laurain, y.
Trésorier, M. Durgbt,
Trésorier-adjoint, M. Goupil.
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Membres correspondants.
MM.
1889 Achon (Ch. d'}, château de la Roche de Gpnnes
(M aine-et- Loire) .
1899 Angot (Edmond), docteur- médecin, 48, rue Join-
ville, Laval.
1891 Anis (l'abbé A.), licenciées lettres, curé de Vaigea
(Mayenne).
1890 Appert (Jules), y, villa des Cèdres, place du
Champ-de-Foire, Fiers (Orne).
1885 Argentré (comte d'), château de la Bermondière,
par Couterne (Orne).
1895 Auguste (l'abbé Alphonse), licencié es lettres. Col-
lège Sainte-Croix, Le Véainet (Seine-et-Oise).
1897 Au^ste (l'abbé Henri), vicaire, Andouillé.
1896 Aveneau de la Grancière (Paul), château de
Moustoir-Lan, en Malguénac, par Pontivy
(Morbihan).
1878 Barbe, ancien membre titulaire, ancien conser-
vateur du camp de Jublains, juge de paix à
Conlie (Sarthe).
1885 Bertrand de Broussillon (comte), if, -{- < archi-
viste paléographe, président de la Société des
Archives historiques du Maine, 15, rue de
Tascher, Le Mans, et 45, rue de Grenelle, Paris.
1903 Boullard, procureur de la République à Segré
(Maine-et-Loire),
1900 Brou (Charles), ancien élève de l'Ecole des Char-
tes, bibliothécaire de la ville, 96, rue du Pont-
de-Mayenne, Laval.
1890 Chardon (Henri), tf, 57, rue de Flore, Le Mans.
1878 Chemin, ^, ancien membre titulaire, ingénieur
en chef des Ponts et Chaussées, 12, avenue de
l'Aima, Paris.
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— 10 —
1885 Chiron du Brossay (Emmanuel}, ancien directeur
de l'Enregistrement, avenue Carnot, Chftteau-
Gontier.
1878 Cornée (Ferdinand), t^, ancien membre titulaire,
316, rue Solférino, Lille.
1900 Courtillolles d'Angleville (Antoine de), château
d'Assé-Ie-Bérenger, par Evron (Mayenne).
1903 Croulbois (l'abbé Jules), curé-doyen de Cossé-Ie-
Vivien (Mayenne).
1879 Darcy, ^, architecte de la Commission des mo-
numents historiques, 2, rue de Bruxelles, Paris.
1900 Delaunaj' (Paul), interne des hApitaux, membre
de la Société française d'Histoire de la Méde-
cine, 18, rue Vavin, Paris.
1901 Desvignes (l'abbé J.), curé doyen de la Suze
(Sarthe).
1900 Dubel (Isidore), ^ I. P., maire de Saint-Ouen-
des-Toits (Mayenne).
1903 Du Bourg (comte Joseph), rue Marmoreau, Laval.
1878 Dulong da Rosnay (Monseigneur), ancien vice-
président de la Commission, Morlaix (Côtes*
du-Nord) .
1886 Duval (Louis), ^ L P., ancien élève de l'École des
Chartes, archiviste du département de l'Orne,
correspondant du ministère de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts, Alençon (Orne).
1891 Fleury (Gabriel), y, imprimeur, Mamers (Sarthe).
1878 Floucaudde Fourcroy,0. ift,ins]»pcteurdes Ponts
et Chaussées honoraire, président honoraire
de la Commission, Saint-Malo (Ille-et-Vilaine).
1890 Friùn de lu (îaulairie (Edouard), conservateur-
adjoint de la bibliothèque. Vitré (llie-et- Vilaine) .
1897 Gerbault (Georges), le Buard, c" de Changé
(Mayenne).
1891 Gougeon de la Thébaudière (Alphonse), 2, rue Le
Bnstard, Rennes, et au Bois-Jarry, en Erbrée,
par Vitré (llle-et- Vilaine).
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— il —
1897 Goupil (Albert), licencié es lettres, imprimeur,
quai Jehan-Fouquet, Laval.
1898 Guétron (l'abbé), licencié es lettres, vicaire à
Juvigné-des-Landes (Mayenne),
1886 La Chesnais (Maurice), 0. ^, ancien chef de
bureau au ministère de la Guerre, riluîsserie
(Mayenne), pt 21, rue du Cherche-Midi, Paris.
1891 Lair (Jules), archiviste paléographe, membre de
l'Institut, 11, rue Croîx-de s- Petits-Champs,
Paris.
1897 Lardeux (l'abbé), licencié es lettres, aous-supé-
rieur de l'Institution Saint-Michel, à Chàteau-
Gontier.
1902 Leblanc, avocat, conseiller général, Mayenne.
1891 Le Coq (Frédérict, 95, rue Sedaine, Paris.
1886 Ledru (l'abbé Ambroise), 49, rue de l' Abbaye-
Saint- Vincent, Le Mans.
1903 Letourneurs (Edouard), château du Tertre, Nuillé-
8ur-Vicoin (Mayenne).
1889 Letourneurs [Henri), avocat, château de Gre-
nusse, Argentré (Mayenne).
1891 Liger (F.), château de Courmenont, par Sillé-le-
Guillaume (Sarthe).
1901 Lorière (Edouard de), château de Moulin- Vieux,
par Avoise (Sarthe).
1878 Maître (Léon), O '■ P-' archiviste de la Loire-
Inférieure, Nantes (Loire-Inférieure).
1888 Menjot d'Elbenne (vicomte), château de Couléon,
par Tuifé (Sarthe).
1896 Métais (l'abbé), chanoine, secrétaire de t'Évêché,
Chartres [Eure-et-Loir).
1898 Montalembert (André de), 122, ruo de Grenelle,
Paris, et château du Coudray, c" de Saint-
Denis-du-Maine, par Meslay (Mayenne).
1878 Morin, architecte, Vitré [Ille-et-Vilaine).
1892 Morin [Auguste), .19, rue de Bretagne, Laval.
1884 Morisset (Martial), docteur-médecin, Mayenne.
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— 12 —
1901 Moucbet (Raymond), ancien président du Tribunal
de commerce, 49, rue Solférino, Laval.
1891 Paris-Jallobert (l'abbé Paul), recteur de Balazé
(llle-et- Vilaine).
1898 Patiy (l'abbé Edouard), js, chanoine honoraire,
curé-archiprêtre de Notre-Dame de Mayenne.
1897 Perrot (Paul), notaire, rue VieilIe-de-la-Halle,
Mayenne.
1886 Ponthault (André), 7, rue de l'Hôtel-de-Ville,
Mayenne.
1895 Quatrebarbes (comte Foulques de), château de la
Motte-Daudier, par Craon (Mayenne).
1892 Quatrebarbes (comte Léopold de), château de
Noirieux, par Bierné (Mayenne).
1879 Que ru au -Lame rie (Emile), 6*", rue des Arènes,
Angers (Maine-et-Loire).
1902 Raguenet de Saint-Albin (Olivier), au château des
Arcis, par Meslay (Mayenne), et rue Étienne-
Dolet, 3, à Orléans (Loiret).
1885 Salles (Auguste), y, professeur agrégé au lycée
Janson de Sailly, 34, rue Saint-Didier, Paris.
1903 Sars (V" Albert de), château de Bellebranche,
par Bouère (Mayenne).
1885 Sauvage (Hippolyte\ if I. P., ancien juge de
paix du canton de Couptraîn. 53, boulevard
Bineau, Paris-Neuilly.
1899 Sesboué (Frédéric), ancien notaire, 27, rue de
Beauregard, Laval.
1903 Sigoigne (Fabbé Anselme), vicaire à Voutré
(Mayenne).
1886 Simonet, sous-ingénieur des Ponts et Chaussées,
Château-Gontier.
1889 Sinoir (Emile), professeur agrégé au lycée, 7, rue
des Ruisseaux, Laval.
1903 Tanquerel des Planches (Robert de), ancien atta-
ché au Muséum d'histoire naturelle de Paris,
docteur en médecine, 212, rue de Rivoh, Paris,
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— 13 —
878 Tirard, place des Halles, à Ernôii (Mayenne).
885 Tranchant (Charlea), O. 4(f ,y ■ P-iincienélève
de l'Ecole des Chartes, membre du Comité des
travaux liistoriques, 28, rue Barbet-de-Jouy,
Paris.
894 Tribouillard (l'abbé), supérieur du Collège de
rimmaculée-Conception, Laval,
ïriger (Robert), président de la Société du
Maine, château des Talvasières, prés Le Mans
(Sarthe).
897 Turquet (Alphonse- Alexandre), notaire, 9, rue
Souchu-Servinière, Laval.
Uzureau (l'abbé F.), aumônier de la prison,
Angers (Maine-et-Loire).
LISTE DES MEMBRES DECEDES
DEPUIS LA CRÉATION DE LA COMMISSION
Membres titulaires.
D^ta MM.
882 CUILLER (l'abbé), chancelier de l'Évêché, Laval.
.883 MARCHAL (Charles), ^, ancien ingénieur en
chef du département, ancien maire de Laval.
LE FIZELIER (Jules), secrétaire général de ta
Commission.
891 JOUBERT (André), Les Lutz, Daon (Mayenne).
.894 COUANIER DE LAUNAY (l'abbé), chanoine
honoraire de Laval.
.896 MARTONNE (Alfred de), archiviste de la
Mayenne, secrétaire-adjoint de la Commission.
.897 PERROT (Ernest), ^, propriétaire, vice-prési-
dent r!e la Commission, Laval.
1899 POINTEAU (Charles), aumônier de l'hôpital,
Craon.
900 SOUCHU-SERVINIÈRE (Théophile), ancien
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— 14 —
député, vice-président de la Commission, Laval.
1902 LEBLANC (Edmond), ancien député, conseiller
général, vice-président de la Commission,
Mayenne.
— RAULIN (Jules), avocat, Mayenne.
1903 LECOMTE (Auguste), #, ingénieur en chef du
département de la Mayenne.
Membres correspondants.
MM.
1881 Legras, ^ , ingénieur en chef des travaux mariti-
mes s Lorient, ancien membre titulaire.
1883 Prévost (Jacques-Ferdinand), O. ^, géitéral du
génie en retraite.
1886 Ravault (Athanase-Henri), notaire, Mayenne.
— Savary (Georges), professeur d'histoire au lycée
de Laval.
1887 Charles (l'abbé Robert), vice-président de la
Société du Maine, Le Mans.
— Duchemin (Victor-Tranquilie), tf, archiviste de la
Sarthe, ancien membre titulaire.
— Bonneserre de Saint-Denis, Angers.
1888 Bernard (Almire), S'-Pierre-sur-Orthe (Mayenne).
— Chaplain-Duparc, Paris,
1889 Courtillolles (de), ch&teau de Courtillolles, près
d'AIençon.
1890 Trouillard (Charles), avocat, Mayenne.
1891 Montozon (S. de), ChAteau-Gontier.
1892 Foucault (l'abbé Martin), Saint-Praimbault-de-
Lassay (Mayenne).
— Piolin (dom Paul), Solesmes (Sarthe).
1893 Chomereau, Laval.
1895 Abraham (Tsncrède), ancien membre titulaire,
Paris.
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— 15 —
1895 Beauchesne (marquis de), chAteau de Lassay
(Mayenne).
— Laigneau, curé de Bourg-Philippe (Mayenne).
— La Sicotière (de), sénateur, Alençon.
— Palustre (Léon), ancien directeur de la Société
française d'archéologie. Tours.
1897 Delaunay (Edouard), procureur de la République,
Pont-I'Évèque (Calvados).
1897 Goupii (Auguste), libraire, Laval.
— Maillard (l'abbé Joseph), curé de Gennes.
1898 Delépine (l'abbé Etienne), curé de Sncé (Mayenne).
— Magaud (Henri), propriétaire, Laval.
1899 Bcauchamp de Monthéard (baron Emmanuel de).
Paria.
— Contades (comte Gérard de), Saint-Maurice-du-
Désert (Orne).
— Gadbin (René), Chôteau-Gontier.
1901 Coutard (l'abbé Albert-Clément), curé de Vallon
(Sarthe).
— Gillard (l'abbé Joseph), curé de Couesmes.
— Montagu (Emmanuel), instituteur à Hardanges
(Mayenne).
1902 La Broise [Henri-Charles-Paul-Georges de), «J* ,
ancien membre titulaire, Paris.
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ADMINISTRATION MUNICIPALE DE CANTON
SOUS LE DIRECTOIRE
COSSÉ-LE-VIVIEN (Mayenne).
Ce qu'il y eut peut-être de plus original dans la Cons-
titution de l'an III (22 août 1795], ce fut la suppression
des districts, et le groupement, en 5.000 municipalités
cantonales, des 44.000 communes que comprenait alors
la France '. Dans chaque canton, comme auprès de
l'administration centrale du département, il y eut un
Commissaire du Directoire, chargé de requérir et de
surveiller l'exécution des lois.
Nous allons étudier comment fonctionna, en vertu de
la nouvelle Constitution, la municipalité cantonale de
Cossé-le-Vivien ".
On sait que le bourg de Cossé, encore aujourd'hui
chef-lieu de canton de l'arrondissement de Château-
Gontier, est situé à 16 kilomètres au S.-O. de Laval,
sur la route de Laval à Nantes par Craon. Sa popula-
tion s'élevait, en 1797, à 3.422' habitants {chiffre actuel
2.808]. Le département de la Mayenne comptait alors,
1. ElUndae jusqu'aux frontières naturelles du Rhin et des Alpes.
S. Source» prineipaUg : Deux u registres de déllbéraUona de l'adml-
nlatrstlDn municipale du canton de Cossé », registres bien conserrés, et
mu lacunes (Arch. commun, de Cossé) ; — Arch. de la Mayenne, série
L, poâgim. — Abbé Angot : Mim. épUtol. «ur la R^ol. à Laval, Laval,
1896; det. hUtorique de la Mayenne, 1900.
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— 18 —
comme tous les autres, plus de cantons qu'aujourd'hui
{71 au lieu de 27). Aussi la municipalité cantonale de
Gossé ne réunira que deux communes : Cossé et un
village voisin, Cosmes, alors peuplé de 500 habitants ;
soit, au total, un groupe d'environ 4.000 administrés '.
A Paria, le nouveau gouvernement s'est constitué le
8 brumaire an IV (30 octobre 1795), par l'élection des
cinq directeurs. Un décret a fixé au 10 brumaire la for-
mation des municipalités cantonales. Or, le 11, Cossé
n'a encore reçu, du département, aucune instruction sur
« la marche à suivre ». C'est que, malgré la pacification
d'avril 1795, les chouans continuent de tenir la cam-
pagne ; ils vont empêcher, dans les trois cinquièmes du
département, toutes opérations électorales ; en août 1796,
mainte municipalité de canton sera encore à organiser.
Puis, Cossé n'a pas de bureau de poste, et, malgré les
plaintes de sa municipalité, il en sera ainsi jusqu'à la fin
du Directoire. Les lettres expédiées de Laval à Cossé
passent par ce bourg, sans s'y arrêter, et vont an bureau
de Craon, d'où un « postillon » les rapporte à Cossé. 11
en résulte qu'une lettre met quelquefois dix jours à
franchir les quatre lieues séparant Laval de Cossé '.
Enfln, le 17 brumaire (8 novembre 1795), se réunit au
son de la cloche, dans la « ci-devant église » de Cossé,
« l'assemblée primaire du canton ». Elle nomme « pré-
sident de l'administration municipale » Louis-Julien
Létard, ex-curé de Cossé. Le 15 novembre, réunion des
o assemblées primaires des communes » de Cossé et de
Cosmes. Elles élisent, pour chacune de ces communes,
un agent municipal et un adjoint. Ainsi constituée avec
cinq membres (y compris le président), « l'administration
municipale du canton » s'installe le 29 novembre.
C'est l'ex-cnré Létard, élu déjà président de l'admi-
nistration par ses concitoyens, qui est aussi nommé
I. Coué, 2* reg., f- 7 et 8.
8. Arcb. de la M., L, W. — Cossé, 1" reg., 6, 7. iS. », SO r', 51, 99. —
AbM Anffot, Mém. ipùtot., 15B.
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commissaire du gouvernement près cette administration :
d'abord à titre provisoire, par le département (11 novem-
bre), puisa titre définitif par le Directoire (30 novembre}'.
11 cumulera les deux fonctions jusqu'au 22 mars 1797 -.
Docteur en théologie, et noté, par ses supérieurs ecclé-
siastiques, comme un sujet « excellent à tous égards »,
i) a obtenu, en 1781, la cure de Cossé. En 1790, il a
prêté serment à la Constitution civile. Réfugié à Paris,
puis à Troyes pendant la Terreur, il est revenu après
le 9 thermidor dans son bourg, où il a conservé « de
chauds partisans ». On pourrait dire de lui comme de
Chollière, autre « ci-devant prêtre », et commissaire du
canton de Ballée ^ : « Depuis la Révolution, il s'était
emparé de l'espnt des habitants ; il les dominait à
volonté, leur prêchait l'exécution des lois ». En 1799, il
sera qualifié, par l'administration départementale, de
« patriote très instruit ». S'il a un frère déporté, il n'en
est pas moins dévoué au nouvel ordre de choses. Il a
salué « avec enthousiasme » la Constitution directoriale ;
il se flatte qu'elle va mettre lin « à tous les désordres ».
En outre, il est soigneux ; il tiendra très exactement, et
d'une écriture fort nette, les registres municipaux. Né
en 1758 à Laval, ii se trouve, en 1795, dans sa pleine
maturité ^. Bref, nul ne parait mieux qualifié pour
essayer d'acclimater à Coseé la république censitaire
et « bourgeoise » de l'an III, également éloignée de la
réaction et de la révolution violente.
Or, c'est surtout la réaction que les républicains de
Cossé ont à craindre. Les chouans sont toujours en
armes. Ceux qui opèrent autour de Cossé ont parmi eux
1. Coué, l"reg., 1 fc 7 ?•.
2. A cette dale, Tnttij, incien maire, et agent municipal de Cosaé,fut
é\a président de l'adralalatratlon municipale, et remplacé, commeagent
de Coasé, par Mathnrln Guéret (Cossé, 1" reg., 66 t*|.
3. Ballée, aujourd'hui commune du canton de Grez-en-Bouère, arrond.
de Chitaau-Gontlef.
i. AbbéAngot, Diet. de la Mayenne, art. Létard. — Aroh. de la U.,
Adm. C«ntr., Police; Lett. aux Hln., reg. i, 107; et S, 40. - Cûsaé,
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75 jeunes gens du canton, et pour chef un laboureur
même de Cossé, déserteur des armées de la République :
Pierre Salé, dit Sans-Rémission. Ils ont coupé les ponts,
et intercepté les moindres chemins par des « abattis de
bois énormes ». Ils brûlent ou brisent tous instruments
aratoires. Ils font main basse sur les cuirs, les chevaux,
les bestiaux, surtout les grains, k Organisons la famine,
disent-ils; les républicains se mangeront entre eux! »
Une nuit, ils se portent en force au moulin de Melleray,
le plus proche de Gossé, « la dernière ressource » de ce
bourg. Le meunier, blessé d'un coup de sabre, s'enfuit
éperdu ; a les monstres » se vengent sur sa femme et sa
fille, qu'ils rejettent « trois fois » dans le feu.
Les habitants de Cossé, que la disette a h presque
réduits au désespoir », ont encore a redouter une prise
d'assaut ; leur boiu-g n'étant pas fortifié, ils en ont
fermé toutes les issues par des barrières, avec corps de
garde installés au rez-de-chaussée des maisons les plus
proches.
L'administration cantonale est à peine installée, qu'elle
se trouve hors d'état de fonctionner. Point de matériel
de bureau. « On ne sait, écrit Létard, quel prix nous
vendre le papier, ta chandelle, le bois et le reste. [Nous
ne trouvons] même pas à acheter » (21 décembre 1795).
— D'aiUeurs, impossible de sortir du bourg, ou d'y
entrer, sans s'exposer a la balle d'un chouan. L'agent de
Cosmes ne peut venir que de loin en loin aux séances de
la municipalité ; les insurgés lui ont dérobé le r6le de
l'emprunt forcé, avec défense, « sous peine demort »,de
prendre « aucune note » dès habitants.
A Cossé, Létard et ses collègues n'ont même pas
avec eux tous les « patriotes » ; car d'aucuns, « génies
malfaisans », les dénoncent au département comme sus-
pects, sous prétexte qu'ils ont pour parents des chouans,
des déportés ou des émigrés.
Et voici que leurs pouvoirs sont déjà suspendus ! Pour
en finir avec n la résistance opiniâtre d des campagnes,
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le Directoire a mis en état de siège, le 28 décembre 1795,
toutes les grandes communes de l'Ouest, Sur l'ordre du
général La Barollière, lieutenant de Hoche dans !a
Mayenne, cette mesure est appliquée à Cosaé le 13 février
1796, au grand effroi des habitants, qui redoutent la
rigueur du régime militaire. Toute l'autorité, « en ce qui
concerne l'ordre et la sûreté », passe à Billiq, chef du
4' bataillon du Haut-Rhin, commandant militaire de
Cessé. Billiq préside un conseil de guerre de huit mem-
bres, dont un seul civil, Trotry, agent municipal du
bourg. Ce Conseil tient séance dans la salle même de la
municipalité cantonale '.
Mais Stofllet et Charette sont pris et exécutés (février-
mars 1796]. Bientôt se soumettent leurs lieutenants,
dont Scépeaux, chefroyaliste de l'Anjou et de la Mayenne
(22 avril) -. Cette soumission sera-t-elle durable ? Nos
gens de Cossé n'osent trop y compter. Ils supplient le
Directoire de ne pas s'endormir dans « une sécurité
dangereuse ». Constatant que la découverte du complot
de Babeuf à Paris (11 mai) a été presque aussitôt suivie
de « la rentrée du fameux chouan Scépeaux » (14 mai), de
suite ils établissent une corrélation entre ces deux faits.
« Le rapprochement [des dates], écrivent-ils (30 mai),
nous a fait naître le soupçon que les scélérats, à la faveur
d'une rentrée insidieuse, pouvaient porter dans chaque
grande commune le môme coup qu'ils méditaient sur
Paris ^ ». Ainsi, Babeuf, la chouannerie, toutse confond
pour les républicains de Cossé. Ils ont tant souffert de
la guerre civile qu'ils voient partout la main des chouans,
et c'est à peine si la levée de l'état de siège (11 aoilt 1796)
parvient à les rassurer *.
1. Cos8«, I" reg., 8, 10, II, 13. — Arch. de la M., L 49.
2. LaTiïse et Hamb., His(. gén., t. VKI, p. 379. — Abbé Angot, Jlém.
épiitol., pp. 177-179.
3. Coasé, 1" reg., SO v*. — De m£me, au lendemaiD du 9 thermidor, à
la Société populaire de LbtqI, un membre déclare que ta n conspira-
tion u de Robespierre était peut-être ii la rasaource des cbouans n daua
la Ma;eDDe (Arch. de la M., Reg. Soc. Pop. Laral, 68 v*|.
LGoMé, l"reg., Î9t*.
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— 22 —
Cette obBessïon du périt « chouanniqae » explique
qu'ils aient applaudi, sans réflexion ni réserve, au coup
d'État du 18 fructidor (4 septembre 1797) '. Le 22
(8 septembre), leur municipalité s'assemble « extraordi-
nairement ». Le président communique deux proclama-
tions du Directoire, à lui transmises par le département,
et menaçant de mort quiconque « se permettrait de
rappeler » la royauté ou la Constitution de 1793. Sur
l'beure, on décide que les deux proclamations seront
publiées « au son de la caisse », et aflichées à Cosmes
et à Cossé. La Mayenne est au nombre des 53 dépar-
tements dont la loi du 19 fructidor annule les récentes
opérations électorales ; par suite, Tagent de Cossé
« déclare cesser à l'instant toutes fonctions ». Alors
Létard, commissaire du Directoire, rappellt l'article 188
de la Constitution, d'après lequel, sans désemparer,
l'adjoint de Cossé choisit le nouvel agent de cette com-
mune. Puis Létard fait décider l'envoi, au Directoire,
d'une adresse qu'il rédige : « Le premier acte, dit-il, de
notre administration réorganisée, doit être consacré k
l'expression de notre reconnaissance.... Inspirés parle
génie de la Constitution en détruisant le royalisme, vous
avez enlevé tout espoir à l'anarchie, et vous démontrez
aux incrédules intéressés que cette Constitution tutélaire
offre en elle-même tous tes moyens de garantie contre
les atteintes qu'on essaie de lui porter ^ •».
Ainsi Létard (faut-il lui en faire un crime ?) s'aveugle sur
les défauts de la Constitution. Il ne voit pas que la dicta-
ture est en germe dans le coup d'État de fructidor. Avec
ses compatriotes de Cosaé, il n'est sensible qu'aux avan-
tages du moment: les chouans abattus, la paix intérieure
rétablie. De fait, pendant plusieurs mois, la Mayenne
n'aura guère à souiïrir que d'attentats isolés, et ses
administrations fonctionneront à peu près sans entraves.
Voyons donft à l'œuvre celle de Cossé.
1. Les registres deCoMânefonIsncune mention des deux coups d'Etat
qui salTlKDt ISS floréal et 30 prstrial).
2. CoMé, i" reg-, 79 T* k 8).
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— 23 —
Le premier fonctionnaire du canton, c'est le commis-
saire exécutif. Tandis que les membres de l'administra-
tion municipale se renouvellent tous les ans par moitié',
il est nommé par le gouvernement ; il assure la perma-
nence de l'action administrative. Il est en correspondance
régulière avec son supérieur immédiat, le commissaire
du département. Quelquefois ménie, il correspond
directement avec les ministres, surtout celui de l'inté-
rieur.
Sa mission officielle, c'est de requérir et surveiller
l'exécution des lois. Par suite, il donne connaissance à
la municipalité de toutes les lois et documents connexes :
lettres et arrêtés des ministres ou du département. Il va
dans les carrefours lire à haute voix et commenter les
actes législatifs les plus importants. C'est lui qui, au
nom de la municipalité, rédige les instructions destinées
à expliquer au peuple tel ou tel article de la Constitution.
Il a l'œil sur tous les fonctionnaires, et leur fait prêter le
serment, exigé par la loi, de » haine à la royauté ».
Il dit à la municipalité les matièi-es à discuter; il lui
donne son avis sur les arrêtés qu'elle doit prendre. Il
lui rend compte de la manière dont rentrent les impdts ;
il vérifie avec elle les registres, la caisse et les « borde-
reaux décadaires » du percepteur. S'il a connaissance
d'un crime, il en avertit le juge de paix ; il l'accompagne
dans ses perquisitions ; il l'aide à interroger les prévenus
et les témoins. Veillant au maintien de l'ordre, il se fait
renseigner sur les menées des contre-révolutionnaires ;
il opère des visites à domicile ; il prend ou fait prendre
toutes mesures de police ; il requiert la municipalité de
« commander des patrouilles », et, au besoin, marche à
leur tête.
La municipalité tient séance, en moyenne, tous les
1. Ce renouTellomenl se (oit pur Urn^i; au sort. Selon le mode usité au
« Corps Législntif u, l'agent et l'adjoint de cliaque commune déposeul
dans un vase deuï billets portant, l'un le mot sortant, l'antre le mot
restant. Puis ils procèdent au tirage en suivant l'ordre alphaMUque de
leun DomB (Cossé, t" reg,, 63).
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cinq jours, et, autant que possible, les jours de marché,
à dix heures du matin. Elle prononce en matière de
petite voirie ou d'alignement. Elle délivre les passe-
ports et certificats de résidence. Elle surveille les biens
confisqués ou séquestrés qui se trouvent dans son ressort.
Elle dresse la liste des citoyens du canton appelés à
siéger au o jury du jugement du tribunal criminel » . EUe
arrête les rôles des contributions.
Le président de la municipalité la convoque aux
séances, qu'il préside. Il correspond avec l'administration
centrale du département, dont il fait publier et afficher les
arrêtés. Sous sa direction, les agents municipaux des
communes rédigent les actes de l'état civil.
Des fonctionnaires du canton, les uns sont nommés ou
proposés par la municipalité, les autres reçoivent, comme
elle, leur mandat de l'élection.
Dressant les rôles des impôts, c'est aussi la municipa-
lité qui en fait recouvrer le montant par sou percepteur ;
les « sols additionnels » forment une caisse spéciale aux
mains de son président ^
Fonctionnent encore sous le contrôle municipal les
deux écoles primaires du canton : une de filles, que
dirige « la citoyenne » Marie Pauvert, ex-religieuse
ursuline ; une de garçons, dirigée d'abord par Ricoul,
greffier de paix, ensuite par Charles Petit, un ancien
curé de la Sarthe. Instituteur et institutrice sont agréés
par la municipalité, et nommés définitivement, après
avis favorable du « jury d'instruction » de Laval, par
l'administration du département. La municipalité pour-
voit à leur logement ; mais c'est seulement à la fin du
Directoire, en janvier 1799, qu'elle leur garantira des
traitements annuels de 200 et de 150 a livres ». Trois
fois par an, deux de ses membres visitent les écoles ; ils
se font remettre l'état nominatif des élèves ; ils s'assu-
rent que « l'activité et la décence » régnent dans les
1. Cotsé, 1" et S* reg., paiiint-
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_ 25 —
claBses, et que « tes institutions républicaines » y sont
« observées » '.
C'est aussi d'après les propositions de la municipalité
que le département nomme les deux gardes champêtres
(l'un pour Cessé, l'autre pour Cosmes).
Sont élus par n les citoyens inscrits au HVle de la garde
nationale », les commandant, officiers et sous-officiers de
cette garde pour le canton de Cossé.
De même, le juge de paix (un des notaires de l'en-
droit), est élu par l'assemblée primaire du canton, ainsi
que aea huit assesseurs (quatre pour Cossé, quatre pour
Cosmes) ^.
Entre tous les fonctionnaires, le gouvernement main-
tient avec rigueur la séparation des pouvoirs. « Les
membres de la justice de paix » ont signé, a par adhé-
sion », une lettre de la municipalité, du 30 mai 1796,
exposant les « alarmes » des habitants ; le 22 juin, le
Directoire rappelle à l'administration de Cossé l'article
367 de la Constitution, « portant que plusieurs autorités
constituées ne peuvent jamais se réunir pour délibérer
ensemble » ''.
En marge de l'organisation municipale, et à titre
purement officieux, fonctionne le service du culte. Sous
réserve que l'Etat n'entend ni salarier les religions, ni
leur fournir aucun local, la Constitution de l'an III a
déclaré que nul ne peut être empêché de professer, en se
conformant aux lois, le culte qu'il a choisi. Aussi, le
13 juillet 1796, trente-quatre citoyens de Cossé font
savoir à la municipalité « qu'étant dans l'intention de
reprendre l'exercice du culte catholique suspendu depuis
trop longtemps dans cette commune », ils ont invité
ti les citoyens » Létard, Raimbault-Savarrière etCollibet,
anciens prêtres constitutionnels, « à recommencer le
l.Cossé, l"reg:.,», 29t*, 36t*, ilT-, t8, — etîTep., 14, 19, », S8
à 36, 48 f, 49.
S. CoMé, 1" ng., 4, «t S- reg., 16.
3. GoHé, I" reg., SS.
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— 26 —
plus tôt possible l'exercice de leur ministère ». Or,
Létard a dû accepter le poste de commissaire du Direc-
toire, Raimbault, celui de percepteur, et Collibet, celui
de secrétaire de l'administration municipale. Après
s'être assurés qu'il n'y a pas incompatibilité, tous trois
acceptent de cumuler, avec leurs fonctions profanes,
celles du ministère ecclésiastique, dans l'espoir que
l'assiduité « paisible et légale » des citoyens aux offices
« cimentera l'union et ia fraternité républicaines » '.
Rendre indissoluble cette « fraternité », tout en ins-
truisant le peuple de ses droits et de ses devoirs, tel est
aussi le but des fêtes légales que la municipalité fait
célébrer.
Elles ont quelques traits communs. Presque toujours,
elles se célèbrent le décadi. Dès le matin, elles sont
annoncées par le canon, le tambour et les cloches. Vers
dix ou onze beures, la municipalité, les fonctionnaires,
la force armée, les enfants des écoles, se rendent soit au
Cbamp de Mars, soit sur la place de la Liberté, autour
de « l'arbre chéri,... dont la vigueur et la beauté expri-
ment si bien [leurs] sentiments patriotiques » -. Le
Commissaire du Directoire prononce un discours « ana-
logue à la fête » ; l'assemblée chante des hymnes de
circonstance, et les enfants récitent des maximes
morales, des poésies ou dialogues républicains, des
articles de la Constitution, ou encore, la h nomenclature
explicative des nouveaux poids et mesures ». La nuit
venue, les illuminations éclairent des danses « où brillent
l'union et l'égalité ».
Mais toutes les fêtes n'ont pas le même caractère, et on
peut les classer ainsi :
1' Fêtes relatives à la nature. — La seule dont les
1. A Cosmcs, l'ancien cun; S^guio, prélre réfractaire, reprll aussi ses
tonctians, mais après avuir Juré ndt^lili^ à la République et liaine h la
royauté (Cosaé, I" reg-, 80, SO, 7), 82, et 2* rep., 1, I V. — F, Le Coq,
Boc. pour l'hûl. de la C. Civile du clergé danf ta Mayenne ; dintrict
<teCraon,çp. 4I-U>).
S. Cossé, i"Teg.,5i9.
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— 27 —
registres de Cossé fassent mention est celle de l'Agri-
culture. Elle a lieu le 10 messidor (28 juin). Au Champ
de Mars, devant l'autel de la patrie, avec une charrue
ornée de fleurs et de feuillage, l'agent municipal de Cossé
trace un sillon.
2* Fêles relatives aux principales époques de la vie
humaine. — Le 10 germinal (30 mars), au printemps
de l'année, a lieu la fête de la Jeunesse, ce printemps de
la vie. — Le 10 floréal (29 avril), fête des Époux ; on y
couronne, par exemple, ceux qui, déjà chargés de
famille, ont adopté des orphelins. — Le 10 fructidor
(26 août), fête des Vieillards. La veille, l'administration
municipale a désigné, au scrutin, deux pères et deux
mères de famille de l'âge le plus avancé, non infirmes,
et « de la meilleure réputation ». Le jour venu, dès
l'aube, plusieurs jeunes gens, désignés aussi à l'avance,
vont orner les portes des quatre vieillards. Puis le cor-
tège officiel vient chercher ces vieillards. Ils s'avancent,
la tête couverte, s'appuyant chacun sur l'épaule d'un
enfant, découvert et silencieux. Place de la Liberté, ils
s'asseyent au pied de l'arbre ; des enfants les couronnent
de fleurs, de jeunes épouses leur ofl'rent des fruits.
3" Cérémonies patriotiques. — Pour la fête des
Victoires^ ou de la Reconnaissance [10 prairial, 29 mai),
au cortège habituel se joignent les militaires blessés,
« dont les béquilles supportent le poids de la gloire » '.
Mais la plupart de ces cérémonies patriotiques ont,
naturellement, un caractère exceptionnel ; telles, les
réjouissances à l'occasion du traité de Campo-Formio ;
telles, les « pompes funèbres » en l'honneur de Hoche,
de Joubert, ou des plénipotentiaires assassinés à
Rastadt.
4'* Fêtes politiques . — Elles rappellent les principaux
anniversaires de la Révolution : la fondation de la Répu-
blique (22 septembre) ; la « juste punition du dernier roi
1. CoMé, 1" reg., 19 »■.
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des Français » (21 janvier) ; la prise de la Bastille
(14 juillet) ; la « destruction du throne e (10 août). —
Aux 9 et 10 thermidor {27 et 28 juillet), fête de la Liberté.
On porte en procession deux « cahiers » où se lisent :
Constitution de il9l et Constitution de 1193. Le cahier
« tyrannique » de 1791 est mis en pièces ; le cahier
« anarchique » de 1793 est livré aux flammes ; puis, au
milieu d'un h religieux silence », est lu le dernier article
de la Constitution de l'an III.
Une loi du 1" février 1798 a fixé au 20 mars, veille de
la réunion des assemblées primaires, la célébration d'une
nouvelle fête, celle de la Souveraineté du peuple.
L'administration du canton désigne, pour y représenter
le peuple, trente-six vieillards. Ces vieillards, portant
chacun une baguette blanche, sont conduits par le cor-
tège habituel devant l'autel de la patrie. Ils réunissent
leurs baguettes en un faisceau qu'ils lient de rubans
tricolores. Puis l'un d'eux gravit les degrés de l'autel,
et, s'adressant aux magistrats : « La souveraineté du
peuple, dit-il, est inaliénable. Comme il ne peut l'exercer
par lui-même, il la délègue à des représentants et à des
magistrats choisis par lui-même ou par des électeurs
qu'il a nommés », — « Le peuple, répond leprésidentde
l'administration, a su reconquérir ses droits ; il saura
les conserver ; il se souviendra que c'est de la sagesse
des choix dans les assemblées primaires et électorales
que dépendent principalement la durée et la prospérité
de la République * ».
Mais, plus le temps s'écoule, moins les habitants de
Cossé se montrent enthousiastes pour les réjouissances.
En 1796, les procès-verbaux des fêtes tenaient une page
et plus ; en 1799, ils se réduisent à six lignes, et quel-
quefois moins.
Parallèlement, se constate un dégoût de plus en plus
marqué pour le devoir électoral, et même — le croirait-
1. CoMé, STeg.,liT-, 15.
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— 29 —
on ? — pour les fonctions publiques. D'après la Consti-
tution, un registre a été ouvert pour recevoir les noms
des candidats aux emplois de l'Etat ; mais, le 24 janvier
1797, le secrétaire de la municipalité déclare « que per-
sonne ne s'est présenté pour s'inscrire, ou faire inscrire
d'autres citoyens n. La Constitution a décidé que,
pour faire partie des assemblées primaires, il faudrait
payer une contribution directe, foncière ou personnelle.
Aussi, chaque année, la municipalité dresse la liste des
citoyens pouvant voter, et la fait afficher au lieu de ses
séances. Or, en mars 1798, on comptait encore 100
votants sur 510 inscrits ; en mars 1799, on n'en compte
plus que 35 sur 536 ^
Il est clair que les gens de Cossé se détachent chaque
jour davantage du régime. On peut en donner plusieurs
raisons : la multiplicité des réunions électorales, l'impo-
pularité de certaines lois, l'anarchie administrative.
D'abord, la Constitution prescrit des élections trop
fréquentes et des renouvellements à trop brève échéance.
Tous les ans, au l"" germinal (21 mars), doit se réunir
rassemblée primaire du canton, pour nommer les élec-
teurs du second degré et les autorités locales. La séance
s'ouvre à dix heures du matin. On forme le bureau
d'après des règles assez compliquées, et cela mène
jusqu'à midi. Il faut aller dîner. A une heure et demie,
reprise de la séance ; on procède à l'appel nominal des
électeurs, et c'est seulement après cet appel qu'ont lieu
les élections proprement dites ^.
Des lois de la Convention maintenues ou complétées
par le Directoire, il en est auxquelles les gens de Cossé
ont grand peine à s'habituer, parce qu'elles rompent
avec de très vieux usages. Rien de plus rationnel que le
nouveau système des poids, mesures et monnaies ;
n'empêche qu'à plusieurs reprises la municipalité, au
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— 30 —
cours d'un même document, s'exprimera tout à la fois
en livres et francs, en centimes, sols et deniers.
A Cossê et À Cosmes, c'est avec joie qu'on a vu se
rouvrir les églises ; mais on admet difficilement que,
toutes cérémonies et signes extérieurs étant interdits,
on ne puisse ni sortir en procession, ni même sonner les
cloches pour les ofRces. Vienne le Consulat et, « à la
presque unanimité », on demandera que la Fête-Dieu ait
lieu désormais « en dehors et avec la même pompe
qu'autrefois » (18 juin 1801) *.
C'est une très précieuse conquête que celle du mariage
civil. Mais nombre de paysans persistent à s'en tenir au
mariage religieux, qu'ils vont contracter hors du can-
ton, devant des prêtres réfractaires. « J'ai si souvent fait
sentir publiquement cet abus, écrit Létard, que j'ai
obtenu de plusieurs qu'ils viennent réparer ce deffaut en
se conformant aux lois civiles ». Gr, voilà que, non
content de substituer le décadi au dimanche, le Direc-
toire, par la loi du 13 fructidor an VI {30 août 1798),
prétend forcer les futurs époux à ne se marier civilement
qu'au chef-lieu de canton, et aux « assemblées déca-
daires » tenues dans l'église par les citoyens pour
s'instruire des lois -. A bien des catholiques pratiquants,
le mariage civil ainsi entendu semblera une profanation.
Que dire du nouveau calendrier ? En mai 1798, le
département invite la municipalité de Cossé à faire con-
corder les quatre foires du canton avec « l'ère républi-
caine ». Mais ces quatre foires « dépendent des fêtes
religieuses de l'ancien calendrier ». Comment résoudre
le problème ? On y réussit à l'aide d'une transaction ; ce
qui n'empêche pas des troubles. Or, quelques mois après
(21 novembre), le département veut remanier encore les
jours de foires et de marchés. C'en est trop ; un membre
de la municipalité rappelle « l'agitation » déjà survenue.
i. Bsff. des actes de la mairie de Cowé, au 89 pralrUl an IX (18 juin
leoi).
s. Aïoh. de la H., L, 49. - CoMé, » reg., S9 à I».
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— 31 —
« Toutes ces variations, dit-il, ne tendent qu'à aliéner
les esprits d'un gouvernement où ils prétendent que rien
ne peut être stable < ».
Et « rien ne peut être stable », parce que l'anarchie
règne dans l'administration. Cette anarchie date de la
Constituante. Les législateurs de l'an 111 ont cm y
remédier en installant des commissaires du Directoire
près les administrations de département et de canton.
Mais, si ces commissaires « requièrent et surveillent »
l'exécution des lois, ils n'ont aucun moyen de contrain-
dre à les exécuter. L'agent municipal de Cosmes, requis
par le commissaire Létard de remettre au brigadier de
gendarmerie le signalement de deux déserteurs, « refuse
de suivre cette mesure exigée par la loi », et Létard ne
peut que charger le brigadier de se procurer lui-même
le signalement. Presque toujours, la municipalité, sans
refuser d'obéir, recourt à la force d'inertie. Elle admire
le « zèle infatigable a du commissaire, mais elle lui ren-
voie le plus lourd du fardeau. Rappelie-t-il qu'une fête
doit être célébrée ? de suite, on le charge d'en tracer le
programme, de faire les préparatifs, de prononcer le
discours 0 analogue ». A lui de tenir le registre des
délibérations municipales, de dresser tous tableaux et
statistiques, de rédiger toutes proclamations et adresses.
C'est à lui que recourent les contribuables trop imposés
qui ne savent comment tourner leur pétition. Il n'est
même pas maître chez lui ; on a transformé son grenier
en magasin public -.
Mais il ne peut être partout à la fois, et bien des
intérêts demeurent en souffrance. Où le désordre admi-
nistratif se fait particulièrement sentir, c'est en matière
iinancière.
Les impôts indirects ayant été supprimés par la Cons-
tituante, ce sont lesimp6ts directs qui fournissent le plus
1. Co«é, » reg., 18, ».
2. Pour les matelu et autres eBeti fourals 4 la troups (CoMé, 1" ng.,
7 V, 40 et 7Ï T*).
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— 32 —
gros des recettes de l'Etat. Au droit de patente, aux
contributions foncière, personnelle, « mobiliaire (sic) et
somptuaire », le Directoire vient d'ajouter, en 1798,
l'impôt des portes et fenêtres.
Malheureusement, trop éprise de décentralisation, la
Constituante a laissé aux municipalités )e soin de
s'imposer elles-mêmes, d'évaluer les propriétés et les
revenus, d'établir les rdtes, d'organiser la perception.
Qu'arrîve-t-il ? C'est que, par suite de leur incurie,
presque partout les rôles sont en retard.
A Cossé, ce que l'on constate, outre les lenteurs de la
municipalité, c'est la mauvaise volonté de certains
répartiteurs. L'un d'eux, désigné en 1797 pour la contri-
bution foncière, déclare ne pouvoir accepter. Ce que
voyant, un autre refuse aussi, malgré les instances
qu'on lui adresse « au nom du bien public ». Pour les
portes et fenêtres, on a nommé, le 21 décembre 1798,
des commissaires chargés de visiter les habitations et
d'en compter les ouvertures. Ces commissaires, prétex-
tant « la rigueur de la saison », ne remettent leur travail
qu'un mois après (17 janvier 1799) '.
Même tiédeur en ce qui concerne la perception des
impôts. Elle se donne chaque année à l'adjudication.
Pour l'an V, malgré trois publications, dont la troisième
faite à l'heure du marché, aucun enchérisseur ne se pré-
sente. Alors on insiste auprès de Raimbault-Savarrière,
qui, déjà percepteur depuis deux ans, consent à garder
ses fonctions. Pour l'an VI, Raimbault ne rencontre que
deux compétiteurs, et c'est lui qui reste encore chargé
de la perception, à raison de a quatre deniers par
franc » '.
Apparemment, les fonctions du percepteur ne sont
guère enviables. Pourquoi?
Notons d'abord que sa comptabilité est fort compli-
quée. Vers la fin de 1795, les assignats sont totalement
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dépréciés ; les ouvriers de Cossé les refusent ; l'admi-
nistration du canton débourse 150 livres de cette mon-
naie pour « une misérable bouteille d'encre ». Les man-
dats territoriaux, substitués en 1796 aux assignats,
partagent bientôt leur discrédit. Trois fois par décade,
l'administration de Cossé reçoit du département et
enregistre « la proclamation de leur cours », qui, de
5 1/2 0/0 en septembre 1796, est tombé à 1 0/0 dès
février 1797 '■ Or, comme ies contribuables paient avec
ce papier une partie de leurs contributions, il faut bien
que le percepteur en calcule chaque fois la valeur, pour
savoir quelle somme lui est réellement versée.
Le reste des contributions s'acquitte en « numéraire
effectif B et en nature, par exemple, à l'aide de grains
fournis au gouvernement. Nouveaux calculs pour le
percepteur.
Encore si tout se recouvrait normalement ! Mais la
rentrée « languit ». Pressés par le département de
surveiller, de stimuler leur percepteur, les administra-
teurs de Cossé se portent garants pour ce fonctionnaire,
qui n'en peut mais. Ils rappellent aux citoyens que le
paiement des contributions est « une obligation sacrée » ;
ils prodiguent les « avis » et «< proclamations » aux jours
de marchés et de foires ; ils répètent les «- avertisse-
ments » de décade en décade ; ils décernent enfin des
contraintes, envoient des huissiers et des garnisaires.
Résultat : en l'an VIII (1799), Cossé n'a pas encore
acquitté sa contribution mobilière « des années précé-
dentes » ^.
Aussi bien, la contribution mobilière a une forme
vexatoire. Pour l'établir, en effet, les citoyens doivent
déclareraux agents municipaux « leurs biens et facultés»;
après quoi, un « jury d'équité » procède à la répartition.
Or, en janvier 1798, les agents font savoir « que plu-
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— 34 —
sieurs citoyeDS ne se sont pas présentés pour faire la
déclaration prescrite ».
Puis, ii y a des charges accessoires ; tels, les « sots
additionnels », à raison de trois par franc sur la contri-
bution foncière, et de cinq par franc sur la mobilière.
Ainsi, en 1797, le canton de Cossé paie :
Pour Cossé : Cont. fonc. : 24.309 fr. Sols add. 3.646fr.
PourCosmes : id. 6.725 » id. 1.008 »
Pour Cossé: Cont. mob. : 6.117 » id. 1.529 »
PourCosmes: id. 1.380 » id. 345 »
Totaux : 38.531 » 6.528 »
Soit, en chiffres ronds, 6.528 francs de sols addition-
nels pour 38.531 francs de contributions ^
Sols ou centimes additionnels servent à payer les
charges locales, au premier rang desquelles figurent les
dépenses de « l'administration municipale du canton »,
et les « dépenses communales » de Cossé et de Cosmes.
Réduire avec « la plus rigoureuse économie » ces
dépenses, c'est à quoi s'applique ia municipalité.
En août 1796, elle les évaluait, au total, à 4.225 francs,
dont : 800 pour le traitement du secrétaire,
800 pour ses deux employés de bureau,
1.200 pour le « receveur des impositions »,
500 pour le garde champêtre de Cossé,
200 pour celui de Cosmes, etc.
En décembre 1796, on supprime les deux employés.
En août 1797, on réduit à 800 francs le traitement du
receveur, à 600 celui du secrétaire, à 300 celui du garde
champêtre de Cossé.
Mais on a beau faire des économies ; émargent en plus
au budget municipal :
en juin 1798 : ie juge de paix, pour 600 francs,
son greffier, pour 200 —
enjanvier 1799 : l'instituteur, pour 200 —
l'institutrice , pour 200 —
i. CoBsé, i" reg-, 7i, 75, - 2- re». 7, 8, 13.
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— 35 —
En septembre 1796, le secrétaire et le percepteur
n'ont reçu, pour la moitié de ieur traitement, que des
mandats « à raison de huit capitaux pour un » '. Avec le
désintéressement le plus méritoire, ils déclarent accepter
0 de bon cœur » ce « sacrifice », qui peut « soulager »
leurs concitoyens ^.
Soulagement non superflu ! Car, aux contributions
foncière et mobilière avec leurs sols additionnels,
s'ajoute, pour quiconque exerce un commerce ou une
industrie, le droit de patente. Sur 4.000 habitants du
canton, 108, en 1797, sont assujettis à ce droit, pour
983 francs. Or, le 10 janvier 1798, 28 seulement « ont
satisfait ». Le commissaire menace les autres du juge de
paix. Le 20 janvier, 59 « ont satisfait ». Le 9 février, il
ne reste que 12 retardataires. Mais, vérification faite, ce
sont de pauvres artisans, « travaillant à la journée », et
dont quelques-uns « n'attendent leur nourriture que du
produit d'une livre de fil » ^. Comment les presser en
toute rigueur ?
C'est d'autant moins facile, que les plus riches ont
peine à s'acquitter. Sur eux pèsent, en effet, outre les
impdts ordinaires, ces emprunts forcés que le Directoire
prélève eu 1795-1796 et 1798-1799 pour les besoins de
la guerre. Que leurs noms soient proclamés publique-
ment aux jours de fête lorsqu'ils « manifestent leur
soumission » à l'emprunt, c'est un honneur qui les tou-
che peu. Encore s'ils n'avaient pas à payer pour les
récalcitrants ! En 1796, les paysans de Cosmes ayant
« négligé » de faire leur « devoir », on présente aux
bourgeois de Cossé un « r6le supplétif». Ils se plaignent
au commissaire Létard, qui transmet au département
leurs justes doléances, e Les patriotes, écrit-il, sont
désespérés. 11 semble que ce soit un malheur de se mon-
trer soumis, [puisque] les révoltés semblent épargnés ».
I. Soit 9.600 Iranca en rnsodati, pour ud traitement de l.iOO francs.
S. Cowé, 1" reg., 27 v, 35 V, îS3, 61, 76 ¥" stS' reg., 80, 36.
3. CoMé, 1" Kg., %, et 2* Kg., Il à 13 t*. et 46.
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— 36 —
Et nous ne sommes pas au bout. Il faut encore nourrir
et entretenir le détachement d'infanterie qui a été main-
tenu en garnison à Cossé. D'abord approvisionnée par
le « magasin militaire » de Laval, cette troupe, depuis
mars 1795, est à la charge des habitants du canton, qui
doivent verser chacun, au magasin militaire du bourg,
leur a portion contributive » en grains, paille, etc., sous
peine d'avoir à fournir des otages ',
Par suite, nombreuses sont les demandes en décharge
ou réduction d'impôts, présentées à la municipalité par
des contribuables, même bons a patriotes », qui ne peu-
vent se faire payer de leurs fermiers, plus ou moins
inféodés à la chouannerie, ou qui ont eu leurs propriétés
dévastées par la guerre civile.
Et la conséquence de cette détresse linancière, c'est
que le Directoire, dès 1796, fait faillite à ses engage-
ments. Le canton de Cossé renferme treize « orphelins
de la patrie », ou nés de pères inconnus ; à la fin de juin,
il y a six mois que les « nourrices » de ces orphelins
n'ont été payées. En aoât, les fournisseurs de « vivres-
viande » pour la 22* division militaire rompent tout
marché, parce que le gouvernement ne tient pas ses pro-
messes. « Ils ne sont pas payés, et sont certains de ne
pas l'être » ^.
C'est bien pis dans la seconde moitié de l'année 1798,
lorsque les fautes diplomatiques du Directoire provo-
quent la deuxième coalition, à laquelle vont répondre,
dans tout l'Ouest, de nouveaux soulèvements roya-
listes.
A dire vrai, le feu de ta guerre civile, imparfaitement
éteint, a toujours couvé sous la cendre, non sans jeter,
par intervalles, quelques étincelles : voitures publiques
dévalisées, crimes nocturnes des « chauiTeurs », signes
mystérieux apposés à certaines maisons ; menaces de
1. Arcb. dalaM., L,id. — Coué. 1" reg., T, 33; 8* reg., U, ESS.
S. CoMé, i" ng., 24 T% S», 30 »•, 73.
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— 37 —
mort, souvent suivies d'effet, contre les acquéreurs et
ies fermiers de biens nationaux, contre quiconque a
servi dans les « compagnies territoriales » ', etc. Dès
juin 1798, des attaques à main armée ont lieu en plein
jour, au « Haut^Chéne », sur la grande route de Laval
à Cossé; les agresseurs portent « ia carmagnole bleue,
avec des chapeaux ronds à haute cuve d'où pendent des
rubans blancs » ^.
Le département fait désarmer les suspects, et va
jusqu'à interdire le droit de chasse, même aux citoyens
chassant sur leurs terres. Quant au Directoire, lorsque
paraît la loi de conscription (août 1798), il décide
d'en exempter les départements de l'Ouest. « Je n'ai
rien négligé, écrit Létard (14 octobre), pour faire sentir
[au canton] le prix de ce bienfait ^ ».
Néanmoins, de toutes parts s'accusent « des mouve-
ments sourds, précurseurs d'une explosion future ».
En 1799, le 18 février, Létard écrit que « la terreur
royale » redouble dans les campagnes. On jette à bas
les arbres de la liberté, en criant : « Voilà comme va
danser votre République !» Le 8 avril, au moment même
oâ s'ouvre, à l'extérieur, la période des défaites, le
département écrit aux ministres : « II ne faut plus en
douter : le plan de la coalition est de rallumer dans
l'Ouest la guerre civile, afin que les troupes divisées ne
puissent porter sur les frontières des coups aussi redou-
tables ». En août, la rentrée des récoltes a grossi les
rangs de l'insurrection ; bientôt il se confirme que quatre
a divisions » de chouans, fortes chacune de 5 à 7.000
hommes, vont faire campagne : dans le Maine, sous le
comte de Bourmont et le chevalier d'Andigné ; en Anjou,
1. En 17%, Il y avait dans la Moyenne plusieurs compagnies terrilo-
riate», composées d'hommes du pays et destinées î combattre les
chouans. Celle de Cossé, licenciée le 16 septembre 17%, puis réorganisée,
fut déflniUTement dissoute eu mars 1799 (Cossé, i" reg,, 3b. — Arefa.
de la M., L, 49).
S. Cosaé, 1" re«., 89 ; et î* reg., 7 à 10, Ï2-S4.
3. CosBé, 2- r^., 3 »•, 32. — Arch. de ta M., L, ».
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sous le comte de ChAtillon ; en Bretagne, sous Saint-
Robert; en Normandie, sous Frotté '.
Dans presque tous lea villages, « les placards au nom
du Roy » ont remplacé les affiches du gouvernement. Du
milieu des campagnes soulevées, émergent, rares ilôts,
les villes et bourgs restés fidèles à la République.
Dès les premières alarmes, Létard a remis Cossé en
état de défense ; il a fait relever les barrières aux trois
entrées du bourg, et installer un « factionnaire » ou
veilleur dans le clocher de l'église. Mais quelles forces
peut-il opposer aux chouans ?
Cossé a toujours une garnison d'infanterie de ligne.
Etranges défenseurs, à dire vrai, que ceux-là ! Isolés
dans leur « cantonnement », ils perdent bientôt la disci-
pline, et commettent tous les excès, dont les moindres
sont de saccager les matelas, couvertures et autres effets
à eux fournis, et de se livrer presque chaque jour aux
« écarts de bouteille ». Le 9 septembre 1798, quelques-
uns, égarés par l'ivresse, se sont rués, sabre au poing,
sur des citoyens paisibles, des femmes, des enfants à la
mamelle. Ils avaient à leur tête le lieutenant et le capi-
taine, également ivres ! On comprend que la compagnie
de cantonnement soit relevée, en moyenne, touslestrois
mois. Encore, vers la fin de septembre 1799, se trouve-
t-elle réduite à 26 hommes.
La brigade de gendarmerie est mieux disciplinée, mais
ne compte que 5 hommes.
Quant à la garde nationale, comme les paysans s'y
dérobent à qui mieux mieux, elle n'est que d'une faible
compagnie, recrutée « au centre » du bourg.
En avril 1799, on a décidé de lever, contre les « bri-
gands », des a colonnes mobiles », formées des citoyens
« les plus jeunes et les plus aguerris », C'est encore le
bourg même de Cossé qui a fourni tout le contingent du
canton : soit36 hommes, sur 900(efrectif de laMayenne).
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Bref, par une fatalité singulière, alors que l'eanemi
est proche, Cossé dispose, pour tout, de 120 combat-
tants, aux ordres d'un simple sous-lieutenant*. Soixante
sont répartis aux trois portes du bourg ; les autres for-
ment la réserve. A peine ont-ils des cartouches '.
Telle est la situation, lorsque, l'après-midi du
27 septembre, un peu avant trois heures, le veilleur du
clocher signale un rassemblement considérable sur la
route de Craon. Presque aussitôt, « deux jeunes labou-
reurs » apportent cette sommation de d'Andigné : « De
par le Roi ! nous marchons 1.200 hommes contre vous ;
que vos troupes se retirent; sinon, l'assaut sera donné
au bourg ». — « Vaincre ou mourir ! », répond Cossé.
L'attaque commence, « très vivement et sur tous les
points ». Pendant trois heures, on se fusille, quelquefois
à quinze pas. Enfin d'Andigné fait sonner la retraite ; il
a 44 hommes hors de combat, dont 9 morts ; Cossé n'a
eu que 5 blessés ^.
Tout n'est pas terminé. Les chouans, furieux de leur
échec, menacent de revenir en force, avec du canon, et
de réduire le bourg en cendres. Les communications
postales étant interrompues, Létard paie à prix d'or des
« commissionnaires » qui vont porter à Laval des
demandes pressantes de renforts. Des renforts ! Mais
Laval, depuis plusieurs mois, ne peut en obtenir de
Paris ! Dans tout le département, à peine trouverait-on
1.700 hommes, presque tous occupés aux escortes sur les
routes. Et c'est partout que les u brigands » sont signa-
lés. Le l" octobre, à Louvemé, près Laval, ils taillent
4. Magn;, de la 24' deml-bri grade d'Infanterie légère.
!. Cossé, 1" reg., Zi. 37 V, 72 ; et 2* reg,, 12 V, 23 à 27, «, 46 ft 55,
60. - Arch. de la M., L, 49, et Adm. C, Pol., L. «ui M-, 5' reg., Sel
3. En juillet 1814, d'Andignë revint diDS la Mayenne, mais en qualité
de commissaire de L.ouls \V1I]. Les gens de Cossé, désireux de faire
oublier leur attitude antérieure, lui dépécli&rent quatre notables ; ils le
suppliaient de les honorer de sa visite. D'Andignë répondit qu'il ;
aurait grand plaisir, <i pourvu, ajouta-t-ll en riant, que tous ne me rece-
vlei pas comme il y a quinze ans ». (Cossé, reg. de la mairie, k la date
prédUe).
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_ 40 —
en pièces une colonne républicaine. Encore quelques
jours, et Le Mans tombera en leur pouvoir. Aussi
laisse-t>on sans réponse les lettres du commissaire
Létard.
Alors Cossé se démoralise. Les alertes y sont conti-
nuelles ; on crie : aux Chouans.' pour des troupeaux de
moutons aperçus à l'horizon. Des hommes sont « mala-
des d'efTroi B ; des femmes « accouchent de frayeur ».
Après l'attaque du 27 septembre, Létard a voulu faire
réparer les portes ; tes ouvriers chargés du travail mur-
murent ; il y a cinq mois que l'administration ne les a
payés. Des désertions se produisent dans la garde natio-
nale et la colonne mobile. Les plus zélés républicains en
ont assez ; qui nourrira leurs familles, pendant qu'ils
sont aux patrouilles ou aux barrières ? « Le gouverne-
ment, disent-ils, nous abandonne à notre malheureux
sort. Nous sommes à plaindre d'avoir été patriotes ! ' n
L'administration municipale s'est déclarée en perma-
nence. Le 2 octobre, elle s'adjoint les notables et les
chefs militaires. Quel parti prendre ? — Résister quand
même ! disent les militaires, non sans ajouter qu'ils
seraient « punis », s'ils ne faisaient pas leur devoir. —
Mais la résistance est-elle possible ? — Non ! opine la
majorité. Alors on rappelle qu'à deux reprises la muni-
cipalité de Cossé a été autorisée par le département à
évacuer cette place, lorsqu'elle estimerait ne plus pou-
voir y tenir. En conséquence, on décide l'évacuation
vers Laval, seule route présumée libre. A la hâte, on
cache dans des tonneaux les documents administratifs
et les registres d'état civil ; puis, le soir même, à dix
heures, Létard et tous les fonctionnaires, avec les
citoyens de Cossé les plus connus pour leur « civisme »,
se mettent en route sous la protection de la garnison.
A deux heures du matin (3 octobre), tout ce monde
parvient sans encombre à Laval. De suite, on se rend
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— 41 —
chez le général Darnault, qui commande le département.
On le réveille. Il approuve la décision prise, et dit qu'il
va donner l'ordre d'évacuer les autres cantonnements.
Tandis que les Chouans, entrés à Cossé dans l'après-
midi du 3, jettent à bas les retranchements, dévastent,
le temple décndaire, et rétablissent les marchés aux
jours de l'ancien régime, Létard et ses collègues déci-
dent qu'en attendant de pouvoir retourner à leur poste,
ils tiendront séance à Laval, aux Capucins ',
C'est là qu'ils apprennent, cinq semaines plus tard,
les événements du 18 brumaire (9 novembre 1799]. Lors
des préliminaires de Léoben, en 1797, on avait crié, à
Cossé : « Vive la liberté! Vive Buonaparte ! » Or, le
12 novembre 1797, arrive à Laval un a courrier extraor-
dinaire », porteur du décret des Anciens qui, sous les
auspices de Bonaparte, a transféré à Saint-CIoud le
« Corps Législatif ». Le 14 novembre, autre courrier
extraordinaire, apportant la « loi » qui supprime le
Directoire et le remplace par trois consuls. « Cette nou-
velle, écrit Létard, a ranimé le courage de tous les
citoyens * ».
Mais l'épée de Bonaparte n'est pas une baguette
magique, et l'ordre ne peut se rétablir du jour au lende-
main. A Cossé, les Chouans régnent toujours en maîtres.
Ils y ont établi un cantonnement de 500 hommes. Le
18 novembre, ils somment les habitants de leur payer,
sous hnit jours, 6.000 livres, et en écus ; dès le lende-
main 19, ils saisissent comme otages deux « citoyennes » .
a Pénétrés d'indignation et de douleur », Létard et ses
collègues vont se plaindre au département, qui les écon-
duit avec de belles paroles. Alors ils s'adressent au
général ; ils lai signalent, le 2 décembre, d'autres
méfaits des insurgés, qui volent les grains et le bétail
des patriotes, saisissent les fermages des biens natio-
naux, dévalisent les diligences, « horreurs aussi avilis-
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_ 42 —
santés pour le gouvemement que funestes au canton b.
— « Ce mal est nécessaire, répond philosophiquement
le général, et je ne puis m'y opposer ■» '.
La vérité, c'est que d'HédouvilIe, un autre général,
reprenant, sur l'ordre du Directoire, la tradition de
Hoche, son ancien chef, a entamé avec les Chouans des
négociations dout Bonaparte va recueillir le fruit. En
janvier 1800, Bourmont et d'Autiehamp signent la paci-
lîcation de Montfaucon. « La sûreté des personnes et
des propriétés » étant garantie, l'administration canto-
nale se réinstalle à Gossé le 9 février ^.
Elle n'y rentre, hélas ! que pour agoniser et mourir.
Nommé professeur et bibliothécaire ii l'école centrale de
Laval, Létard a été remplacé, !e '3 décembre 1799, dans
ses fonctions de commissaire à Cossé, par Enjubault,
son collègue du canton de Vaigcs ^. Enjubault, en atten-
dant la réorganisation administrative, est « commissaire
des consuls » près le canton de Cossé. Mais voici, ou
peu s'en faut, quel va être, jusqu'à la fin, tout le travail
de la municipalité : voter les dépenses cantonales, prê-
ter serment « à la République une et indivisible, fon-
dée sur l'égalité, /a liberté et le système représentatifs »
et « promettre lidélité » à la nouvelle Constitution *, où
Bonaparte prétend réaliser ce bel idéal ^.
Le 1" avril 1800, est installé le premier préfet de la
Mayenne ''. Par arrOté du 31 mai, il nomme maire de
Cossé l'cx-commissaire Létard ">. Et qui cbarge-t-il
d'exécuter cet arrêté '! Le sous-préfet de ChAteau-Gon-
1. Co«sé, 2* reg-, 62 bi», 63. — Arch. May., L. 49.
5. CosBé, 2- re(t,, 20 pluvWse. an Vin, ou 9 février 1800.
3. VBÎges, aujourd'hui commune du canton de Sainte Suianne,«rron-
dlMi«ment de Laval.
4. Promulguée le 2S frimaire an Vill, ou 13 décembre 1799.
ii. CoBSi^, î" reg-, 61 M, et au 2:1 pluviôse nn VIII.
6. llarmand, ancien constituant ; nommé préfet le S mars.
7. Jusqu'en 1803, Létard cumula ses fonctions de maire avec celles de
curé, qu'il avall conservées en vertu du Concordat. Il mourut en 1814,
« assez tard pour saluer avec enthousiasme la Restauration. i> (Cossé,
8' Kg., au 22 vendémiaire, an XII. — Abbé Angot, Dict., art- Lélûrd).
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— 43 —
tier, ou du « troisième arrondissement communal ■» '.
Les d administrations municipales de canton »,à Cossé
comme ailleurs, ont vécu.
Sans doute, celle de Cossé fonctionna dans des condi-
tions peu normales, au cœur même de la Chouannerie.
Néanmoins, de son histoire semble se dégager cette
impression, que le législateur de l'an 111 n'eut pas tort
de vouloir « remédier à Téparpillement stérilisant de la
vie communale » -. Les municipalités de canton don-
naient plus de cohésion aux petites communes, réduites
pour la plupart, dès cette époque, à l'état de poussière
administrative. Moins étendu que le district, le canton
se prétait mieux à encadrer un organisme municipal col-
lectif qui, vivant de sa vie propre, élisant ses magistrats
et presque tous ses fonctionnaires, aurait lini, avec le
temps, par prendre conscience de sa personnalité. Près
l'administration cantonale, le gouvernement avait son
représentant : le commissaire exécutif. Mais ce commis-
saire, à Cossé — et ailleurs — , n'était autre que le curé
constitutionnel du chef-lieu cantonal. Depuis plus de
dix ans au pays, Létard en connaît jusqu'aux moindres
habitants. La magistrature qu'il exerce est vraiment
populaire, et toute de paix. A plusieurs reprises, il s'in-
terpose entre le gouvernement, qu'il représente, et ses
administrés, dont il plaide la cause, et non sans chaleur.
II est bien moins préoccupé d'exécuter les lois à la lettre
que d'en « adoucir la sévérité » ^. Toutes proportions
gardées, il fait songer aux évéques du iv* siècle; il est
comme le « défenseur » de sa petite « cité », qu'il
n'abandonne qu'au dernier moment, et malgré lui. C'est
que la Constitution de l'an III ne lui a pas donné les
moyens de se faire obéir; il exhorte, il requiert, sans
pouvoir commander, même lorsque sont en jeu des ser-
vices d'intérêt général, comme celui des llnances. Mal
I, Cossé, 2' Kg., au 10 messidor an VIII.
t. |M. Aulard).
3. CoBsé, 2* reg., 36 v.
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— 44 —
aidé de ses collaborateurs, ne recevant d'instructions ni
du département, ni du gouvernement, obligé de tout
résoudre et de tout faire, chargé de besogne au delà des
forces humaines, isolé et comme perdu au sein d'une
population où les républicains, découragés, se font de
plus en plus rares, on conçoit qu'il ait lîni par quitter ta
place. Avec son bon vouloir et son impuissance, c'est
l'image même du Directoire qu'il nous présente en
raccourci.
A. Galland.
Dodeur èa lattrea,
AndeD prohewuT lu Lycée de LivaL
Dioitizedb, Google
FERS A HOSTIES
M. le chanoine Sauvé, de Laval, nous soumet deux
moulages et deux épreuves photographiques de fers à
hosties qui méritent une étude un peu détaillée.
L'un de ces moulages mesure 0'°,20 en longueur et
O",!! dans sa plus grande hauteur ; le fer accuse en
effet un léger renflement dans sa partie médiane. Les
sujets adoptés pour les grandes hosties sont la Cruci-
fixion et le Portement de croix. Elles mesurent 0",07
de diamètre. Le champ est circonscrit par un double
cercle. Le premier cercle, simple ligne, donne le contour
que devra découper le compas '. Le second cercle est
une torsade. Peut-être est-ce un simple ornement ?
Peut-être aussi la torsade a-t-elle une intention symbo-
lique ? Elle peut rappeler les cordes qui ont servi à lier
le Sauveur au cours de sa Passion. Entre les deux
cercles on lit l'inscription suivante en lettres gothiques :
i^iUtm %U9i» «eu ti piti tnt«», ilinitffittiivttiiitt
«atntB «ux «»'.
Au centre de l'hostie s'élève une arcature en accolade,
garnie de feuilles de choux, terminée par un fleuron.
1. Pour découper les hosties, 11 faut d'abord une plancbe but Itiquelle
■e poM la feuille ; une tonne on rondelle, en boU ou en cuivre, de la
grandeur de l'hostie ; enfin un oompaa, dont unedespoinless'appulean
centre de la forme et dont l'antre, disposée en couteau, tourne autour
du [llwiue pour détacher l'hostie de la feuille ; aujourd'hui ce tnToll m
fait à lA maoUne.
S. Ps. XXI, 17.
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— 46 —
Elle s'appuie de chaque cAté sur deux pyramides à mou-
lures prismatiques, ornées de pinacles en application et
couronnées d'un clocheton à crochets. Les pyramides
sont reliées entre elles par un arc-boutant ajouré com-
posé d'un douhie étage d'arcatures. Tous ces détails
accusent le xvi* siècle.
A la hauteur du fleuron qui amortit l'arcature se
développe un phylactère sur lequel on lit en gothique :
inii.
Le Christ est attaché à une croix de forme latine. Sa
tête est nimbée, ses reins ceints d'un linge, ses pieds
croisés l'un sur l'autre ; ce qui suppose seulement trois
clous ; avant le xiii' siècle les pieds étaient cloués sépa-
rément. Trois anges, tenant un calice, recueillent le sang
qui coule des plaies divines. L'un reçoit le sang de la
main gauche, un autre, au bas de la croix, le sang des
pieds ; enfm un troisième, qui se tient k la droite du
Christ, porte deux calices ; l'un destiné à la plaie de la
main droite, l'autre reçoit les dernières gouttes qui
s'échappèrent de son côté transpercé par la lance de
Longin. C'est là un pieux motif fort en vogue durant le
moyen âge. A la droite du Christ, au pied de la croix,
est le monogramme connu î I| $, en gothique. Enfin
quelques brins d'herbe indiquent le sol.
La seconde grande hostie est, comme la première,
entourée d'un double cercle, dans l'intérieur duquel on
lit, en lettres gothiques les paroles suivantes :
^ni mit 9tttm pst m, ttllst ixatm sum tt irqnatitt nt'*
Cette devise convient bien au sujet, qui représente le
Portement de croix. Le sujet est encadré dans une
arcature triple. L'ogive centrale est elle-même trilobée.
Une croix surmonte chaque arcature ; un petit clocheton
les sépare. L'édicule est épaulé par un contrefort com-
posé de deux colonnes et d'un demi-fronton sommé d'une
croix.
1. UaOï., XVI, U.
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„Goot^k
nan,rtb,G00t^k
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— 47 —
Le Christ est au centre de la composition. Il est à
demi courbé ; il porte snr l'épaule gauche la croix, avec
la petite tablette au sommet pour l'inscription. Le Christ
est entouré des instruments de la Passion. Derrière lui,
la colonne de la flagellation avec les verges, les fouets
et les cordes. Elle est surmontée du coq. Devant lui, le
marteau, les clous, au nombre de trois, les tenailles, la
lanterne, le roseau avec l'éponge.
Deux petites hosties sont placées entre les grandes.
Elles sont cernées par un cercle en cordelière. L'une,
celle du haut, représente la Crucifixion. Le soleil et la
lune, sous forme de croissant, sont placés sur la traverse
de la croix *. Deux personnages sont assis aux pieds du
Christ. Ce sont les évangélistes qui ont raconté la mort
du Sauveur. L'un tient un livre sur ses genoux ; il a la
main droite levée vers le Sauveur.
La seconte petite hostie représente V Agneau de Dieu
et une croix. De chaque côté, deux anges désignent à la
fois l'Agneau divin et la croix. Au-dessus de l'agneau
on lit : , .
Sjttllï dtl.
Sur l'hostie le jambage du i sert à former l'tt L'agneau
est nimbé et tourne la tête du côté de la croix. A noter
les extrémités de la croix découpées en trèfle ^ ; le pied
est planté dans un sol verdoyant. Les petites hosties
ont 0",0042.
Le second fer à hosties comprend aussi deux grandes
et deux petites hosties. 11 est beaucoup plus simple ; les
plis des vêtements des personnages sont plus raides.
Nous le croyons plus ancien que celui précédemment
décrit. Les hosties sont plus petites ; les grandes mesu-
rent 0 " 06 1/2 de diamètre ; les petites 0'",0035. Il n'y
a point de légende entre les deux cercles.
i. Ils rappellent li;s ténèbres qui accompoirnërent la mort dn Christ.
El lenebra factee «wn( in unicergam terram... et obeevrattu tst »ol.
{Luc, XXIII, U, US).
i. L'&gaeau porte ordinairement une crotz de résurrecUoD. Les fleu-
rons expriment la Joie, gaudia patcatia.
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— 48 —
La première grande hostie représente le Christ en
croix, selon la donnée traditionnelle. II est nimbé, les
reins ceints d'un linge, les deux pieds croisés. La Sainte
Vierge et saint Jean l'Evangéliste, également nimbés,
se tiennent debout au pied de la croix. Derrière eux est
un petit arbrisseau terminé par une fleur, sans doute
une rose, emblème de la Passion, à cause de sa couleur*.
La seconde grande hostie représente la Descente de
Croix. La Vierge, assise au pied de la croix, tient sur ses
genoux le corps inanimé de son Fils. Un homme assis
soutient la tête du Christ. C'est sans doute saint Jean.
Une sainte femme à genoux lui fait pendant ; elle con-
temple l'auguste victime. Tous les personnages sont
nimbés. Derrière Marie se dresse une immense croix,
sur laquelle est appuyée une échelle. Trois clous gisent
sur !e sol.
Le fer contient en outre deux petites hosties. L'un
représente d'une manière très sommaire la Crucifixion.
Le Christ, la tâte nimbée, est attaché à la croix. Deux
petits arbrisseaux accompagnent l'instrument du sup-
plice. La seconde petite hostie représente le monogramme
iJrj en gothique, abrité par une arcature en accolade,
terminée par une croix.
Malgré sa simplicité ce fer est intéressant et pourrait
fournir à nos industriels modernes un excellent modèle.
Le premier fer décrit, par sa beauté, son symbolisme,
s'impose de lui-même et nous n'avons pas besoin de le
recommander.
L. M&RSA.UX.
1. Saint Bernard a écrit aur ce sujet une pa^ d'une délicatesse
exquise. L'Eglise Ta insérée dans l'ulDce des Cinq Plaie», II Nocl.
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I ornière giiind-- h
■l'Iuii l;i ilouii ■. ".
iiïld (i'iin lii»:: . ■
[,■1,1 J.-l).<iii
-II' représente le Christ en
.l'ioiinelle. Il est nimbé, ics
'. 'iix [lii'ils ci".ii«L's. LiiSaiiitç
it;îi-listo, éf^aleini'iit nimbés.
'!.' la croix. Demi.Ti- eux est
[liir une fleur, sans donle
r^.îion. à cause de su couleur '.
reprétieiUe la Descente de
|iÎR(l (le la croix, lient sur ses
■ .-ion l'ilrt. l'u liuninie assis
rV.st t!Hn- (foute .suintJ.-an.
\ lui fait [lendaiii ; elle cou-
Tons les ptTsnnnages sont
' ilrc-S'-e une immense croix,
(■ l'clielle. Trois clous gisent
.'utré deux |iPlil-t'fl hosties. L'un
■■ re très so.iiniaire la Crucifixion.
.;'iln'iî, esl -l'fiiclié (lia croix. Denx
..'Comjia;:u< lit i'i'istniiiii'til du sup-
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CAceilciit modôle.
son symbolisme,
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L. Marsai'x.
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HYGIENISTES D'AUTREFOIS
Un de ces petits volumes, de texte compact et de fins
caractères, que publiait jadis à Laval l'éditeur Feillé-
Grandpré, et que recherchent maintenant les curieux de
l'histoire mayennaise. Le titre porte : Aperçu sur la
statistique et sur la topographie médicales du déparle-
ment de la Mayenne, par M. Lemercier, docteur en
médecine à Mayenne. Laval, s. d. 85 pp. in-S".
Ce docteur Lemercier était un savant homme, que
l'Académie de médecine avait appelé, le 5 avril 1825,
parmi ses membres correspondants '. Un beau jour, il
I. Franeols-ReDé Le Mercier ou Lemercier- Motterle, né à La Pent;,
arroDdUièmeDt de Mortaln (Manche), te 16 Janvier 1T8£ de René Lemer-
cier et de JaetiniDe Batel, fit ses études médicales K Paris, eu particalier
k l'hdpital Saint-LonU, et soutint le 19 août 1806, sous la présidence de
Sabatier, sa tbèse doclorale Intitulée : Dissertation «ur te cancer des
lèvre», Paris, 1806, SI pp. In-S*. Etabli à Mayenne, il tut médecin des
hdpitAUi et des prisons, médecin des épidémies de l'arrondissement ; en
1816, il fut nommé membre du Jury médical du département en rem-
placement de Plalchard-CholtiËre, et le !) avril 1B£5 membre correspon-
dent de l'Académie de médecine. 11 BTelt épousé & Mayenne, )e 14 sep-
tembre 181B, Eulalie Lottin, née à Mayenne, le 8 Juin 1T9S, de
Etienne- François- Victor Lottin, négociant, et de Renée -Françoise
Guyard, De ce marlagfe sont Issus : 1' Hlppolyte-Francols L« Hercler, né
i Mayenne le 9 novembre 1S20 ; 2* Théophile L., né fc Mayenne le
21 Juin ISS, mort à Mayenne le 3 Juillet 1822. — Le docteur Lemercier
mourut k Mayenne te Î5 septembre 1S44.
Lemercier a publié : Obêervalion d'un v<ymig»ement spasmortique
guéri par la bière {Gazette de santé ou Recueil général et périodique
de tout ce que l'art offre de plus avantageux en théorie et en pratique.
etc., 11 février ISlS). — Observ. d'une fracture de la jambe guivie
de difformité pour laquelle on a été obligé de rompre te cal déjà formé
ilbid., 1" «Ttil 18151. — Ob»erv. de fièvre pemieieute intermil-
tente cardialgique {Ibid., 10 avril 181S|. — Observ. de croup tpasmo-
diqve {Ibid., !l mars 1814). — Observ. d'une affection kystériqt^e
eomateute revenant périodiquement, etc. {Ibid., 1" février 1817). —
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_ 50 —
apprit que le Congrès scientifique de France, qui devait
tenir sa 7* session au Mans en septembre 1839, avait
porté sur son programme la statistique du département
de la Sarthe. Cette clause ne fut pas remplie. Mais
lorsque le Congrès se réunit le 12 septembre, sous la
présidence de MM. Lair et de Caumont, Lemercier
apporta à la section de médecine la statistique de la
Mayenne, et en donna lecture le 20. 11 prit également
part aux discussions inscrites à l'ordre du jour de la
section, sous la présidence d'Etoc-Demazy, en particu-
lier sur le parallèle de la taille et de la lithotritie ; et le
secrétaire, Lepelletier de la Sartbe, médecin des hôpi-
taux de Paris, que l'état de sa santé, ruinée par le tra-
vail des concours, avait ramené au Mans, intervint plus
d'une fois dans ces débats avec toute la faconde de son
talent oratoire. Membre, avec Lepage d'Orléans, et
Bourjot de Paris, de la Commission chargée de nommer
les lauréats de la section de médecine, Lemercier ne
Obterv. d'une plaie du tourcil droit suivie de la perte de l'œil de ee
elîté et d'amblyopie de celui dw côU gauche [Ibid., 11 février 1817). —
Àttalyse des nouveaux élémentg de pkyiinlogie. de RicheTond [Ibid.,
21 août-1" septembre ISIIj. — Obsere. d'une nérralgie dit nerf facial
(Ibid., 1" Janvier 1818). — Obeerv. d'une névralgie som-orbitaire gui
a Tinielé à Ions let moyens employé» pour la guérir {Ibid., 11 et
21 janvier 1818. — Rapport au préfet de la Mayenne au nom du Jury
médical du dép. de la Mayenne sur les pharmacie» et l'exercice iliicile
de la médecine dant la Mayenne {Ibid., !S avril 1Si7|, — Rapport
analogue an nom du Jnry médical, publié dans la Gazette de eanlé
Lemercier a égalemeot publié dans le Recueil général de médecine
de Sédillot (Journal général de médecine, de chirurgie et de phar-
macie) de 1816, t. LVIII, Obiervatimi d'une épilepeie sympathique
produite par la métastase d'un bubon vénérien; — et Obserr. d'une
plaie du sourcil droit, etc |La même que celle publiée dans la Gaiette
de santé). — Il a communiqué te 23 Janvier 1817 fc la Société de la
Faculté de médecine de Paris des observations sur une épidémie très
meurtrière de catarrhe bilieux iBull. de la Fat. de méd. de Paris et de
la Société établie dans son sein, t. V |1B16-181T|, Paris 16181.
D'après M. l'abbé Angot < Dictionnaire de la Mayenne!, Leraercier a
aussi collaboré au Journal de Mayenne et à l'Ecko {Considérations de
philosophie médicale sur la rage '.
Les autres correspondants de l'Académie de médecine nommés dans
la Mayenne en m^e temps que Lemercier turent: Bucquet, de Laval,
nommé le S avril 18^, Hubert, de Laval, et Binet, de ChAteau-Gontier,
nommés le j Juillet IS^, ces deux derniers dans la section de chirurgie.
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— 51 —
put Mre ran^ parmi les médailles ; mais les congres-
sistes lui votèrent, le 21 septembre, avant de se séparer,
tous leurs éloges pour l'ensemble de ses travaux *.
De ses ouvrages, la Statistique, qui fut publiée en
partie dans les comptes rendus du Congrès, puis dans
V Annuaire de la Mayenne de 1841, enfin en un volume
spécial, la Statistique était le plus original, et le seul
édité jusque là sur l'hygiène mayennaise. Bucquet, de
Laval, avait bien écrit en 1808 sa Topographie médi-
cale de la ville de Laval et de son territoire, d'ailleurs
beaucoup plus complète en son genre que le travail de
Lemercier, mais son manuscrit, oublié, n'a été mis au
jour qu'en 1893 par les soins de M. Daniel ^.
Lemercier nous apparaît dans ces lignes comme le
type de ces vieux médecins d'autrefois, lettrés, férus
d'Horace, ayant gardé de leurs études, de leur jeunesse
passionnée pour l'antiquité et aussi pour Jean-Jacques
et Delille, une culture classique que ne connaissent
plus nos modernes docteurs de laboratoire ; on retrouve
dans ses pages des souvenirs d'églogues, un vif senti-
ment de la nature et le goût de la botanique, cette
science amie des médecins, des instituteurs et des curés
de campagne. 11 faut entendre notre écrivain énumérer
les richesses florales de nos champs, sans classement
d'ailleurs, et dans un pâle-méle à faire frémir nos bota-
nistes actuels, hommes d'exactitude et d'indications
méticuleuses :
a Le circuit des bois, forêts et taillis, présente la
mytrille utile par ses baies ou morets, du muguet, du
serpolet, du thym, la sanicle, le ciste, le houx fragon,
l'oxalide, l'œillet, la reine des bois, l'hypine, le genièvre,
le fraisier et ses fruits exquis et parfumés, des hépa-
tiques, de belles touffes de bryes percées de polytric et
1. Congrès Bclentlflqae de France, 7' session, au Mans. Comptes
%. L. Daniel, dans Bulletin de la Soeiilé d'études leient. d'Angert,
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dominées d'étamines filiformes qui se marient ensemble
et forment les beaux gazons d'Olympe, de magnifiques
pelouses diaprées, de superbes verdures qui donnent à
ces parties solitaires un air de jeunesse et de fraîcheur
qui charment la vue, parent de leur verte émeraude la
campagne dépouillée d'omemens, veuve de ses attraits,
et célèbrent leurs noces secrètes et les charmans mys-
tères des urnes et des amphores renfermant leur posté-
térité. Ces hypnes de procréation ignorée enveloppent
d'uu manteau protecteur, avec le lierre éclatant de
vigueur, plus ami que parasite de la tige qu'il serre de
ses mains, les pieds d'arbres vieux et décrépits à tête
chenue, à branches desséchées, à cime morte ».
a Dans les larges étangs, au sein des eaux tranquilles,
sur le cours des rivières, aux bords des ruisseaux, on
aperçoit les longues tiges des joncacées, les pompons
dorés de plusieurs typhas, brisés ou plies par les oura-
gans, mollement incUnés par le doux souffle des zéphyrs,
ou courbés avec grâce au gré d'Éole au milieu de leur
humide demeure, se penchant nonchalamment dans la
direction de l'onde agitée ' ».
Nous voici, à coup sûr, pourvus d'un guide éloquent
et disert, et nous le suivrons sans peine dans ses études
d'hygiène locale, tout en interrogeant, à l'occasion, ses
émules mayennais. Quel était donc l'état de l'hygiène
dans la Mayenne sous le roi Louis-Philippe, au temps
où florissaient la méthode Broussais et la méthode
Raspail ?
A cette question, l'auteur répond par des gémisse-
ments ; il nous montre les villes mal percées, sales, les
immondices entassés aux portes des faubourgs ; les cime-
tières maintenus en plein centre ; les casernes, les hôpi-
taux, les prisons, foyers permanents de contagion, ins-
tallés dans de vieilles bâtisses mal appropriées à cette
1. Lemercler, toe. cit.., pp. 10-19.
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— 53 —
destination nouvelle ; les materoitéB seulement proje-
tées ; les salles d' asiles trop peu nombreuses ; les écoles
insalubres.
Aussi les épidémies font rage : scarlatine, et « fièvre
catarrhale avec aiTection des membranes muqueuses »
(probablement la grippe] dont Ciievaltier observa tant de
modalités dans l'biver de 1805-1806 ' ; rougeole, variole
même, car, malheureusement, la vaccination est peu
répandue et Lemercier observe que : « la vaccine semble
restreinte à la classe éclairée ; les enfans du peuple et
des campagnes sont rarement vaccinés. L'administra-
tion n'accorde aucuns fonds pour propager ou encourager
cette heureuse découverte qui, loin de se répandre de
plus en plus, parait diminuer de jour en jour ^ ».
Et quand la fièvre typhoïde, endémique toujours, et
ataxoadynamique pernicieuse dans sa forme habituelle,
prend des allures épidémîques, les autorités montrent la
même inertie, les populations la même incurie : en 1849,
la typhoïde ravageant la commune de Juvigné, le docteur
Vilfeu^, de Laval, aura toutes les peines du monde à
faire enlever par la municipalité des amas de fumiers
énormes et infects, et il faudra presque employer la force
contre les habitants, qui crient à la ruine et préfèrent le
danger à la perte de vingt sous d'engrais *. Qu'était-ce
donc à l'époque où les secours médicaux manquaient
presque totalement dans les campagnes, où l'épidémie
se propageait pour ainsi dire sans autres obstacles que
la quarantaine? Alors, écrit le docteur Mahier, a on
arborait au clocher du village infesté un drapeau noir.
1. P.'J, Cbevallier, Essai sur utie èpidtfinie obseriée dans la vitte et
tt canton de Ckflteau-Gonlier pendant l'hiver de fSos à tsoG. Thâse de
la FsenlU de médecine de Strasbourg, 14 septembre 1S06.
î. Lemercier, loc, cit., p. 6Ï.
3. Vllfeu IM.-Vlctor), né ft Laval le S3 mars 1811, élÈTe del" classe de
l'Ecole pratique de la Faculté de médecine de Paris, aouUnl le 27 avril
18% devant la Faculté de Paris une thèse intitulée : Dissertation sur la
prédominance nerveuxe, ses effets et son Irailement hygiénique ou
euralif. Paris, i83&, 3S pp. ln-4-.
t. Mémoires de l'Académie de médecine, Paris, 1850, t. XV, pp. 2S-S3.
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^ 54 —
lugubre avertissement pour le voyageur égaré dans ces
parages. Ces choses ne sont pas aussi loin de nous
qu'on pourrait se l'imaginer ; elles avaient lieu, il y a à
peine un demi-siècle, sur les communes d'Ampoigné, de
Pommerieux, de Fontaine-Couverte, de la Rouaudière,
de Brains-sur-les-Marches, etc., où il existait de grands
étangs marécageux, des bois et des haies formidables
qui empêchaient toute aération < ».
Ces étangs, assez répandus dans le département, sont
des Toyers de paludisme : l'étang de la Tannerie, près
de Cossé-le- Vivien, donne, chaque fois qu'on le vide,
des épidémies de fièvres typhoïdes ou palustres ; celle
de 1865, qui fut observée par de Montozon, fut particu-
lièrement sérieuse '.
Pendant les saisons froides, l'automne surtout, la
plus meurtrière, Lemercier note la fréquence du rhu-
matisme articulaire aigu, des affections broncho-pieu ro-
pulmonaires et des angines ^.
i. Hfthier, Rech. kydrologiques ««r l'arrond. de Ch.-Gontier, p. 56.
2. Joseph-Jean Arnaud àe Montoïon, nfi à Auteriva (H au le Garonne),
d'abord cblrurglen aide-major au 31' de ligne, soutint te £8 ooflt 1832,
devant la Pacalté de médecine de Paris, sa thèse de doctorat : ConmiU-
ralions générales sur t'hyslérie, Paris 1832, 27 pp. in iv Son mariage
avec M"< Boucbet le fixa i. ChAtean-Gontler il fut mâdecln des épidé-
mies, prit la plus grande part à la fondation de ta Société médicale de
ChftteaD-Gontier en 1B33, et en devint préaident. El est mort en 1673.
3. C'est au cours d'une épidémie d'angine diphtérique qui sévit en
1862-1863 que Trldeau d'Andouitlé se signala par son zèle. i:.e fléau
éclata ï Lullrë, puis dans les communes de Juvfgné et de Salut-Plerre-
des-Landes, tua d'abord deux cents personnes, et Jeta tant de terreur
que II la population entière de Saint-Pierre-des-Landes se rendit pro-
oesstonnellement et pour la première fols lie mémoire d'homme en
pèlerinage à la chapelle de Charnay près d'Ernée e. Du canton de
Challland la diphtérie se propagea à celui d'Andouillé, atteignit plus
de trois cents malades, et l'on vit rouler par montii et par vaui, à (ouïe
heure, le cahrlolet de Trideuu qui n'y pouvait sufllre. C'est dans ces
circonstances que se révèle l'admirable routine de dévouement du méde-
cin de campagne qu'a glorlilé Balzac ; il est celui qui fait beaucoup de
bien qu'on ignore, et n'en est guère récompensé ; gui court les routes,
sous la bise, dans les nuits d'hiver, à l'appel d'une souffrance, témoin
obscur, et sou vent frappé, dans le duel tragique et quotidien de la vie et
de la mort.
Trideau (Henri -Pierre), né à Saint-Germain -le -Guillaume le 1" mars
1816, avait été reçu olDcler de santé à Paris le 16 septembre IStl. C'était,
malgré la modestie de son Utre et de ses allures, un tort savant homme,
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Enfin, aouB ce climat humide et assez froid, la scrofule,
la phtisie, le rhumatisme chronique, sont endémiques; le
grand liseur à ses moments perdus (et 11 n'eu btïH guère] et gai con-
naissait fort bien les auteurs médicuuï anciens et modernes, Hlppocfate
et Celse comme Cabanis et Trousseau. Observateur sagace, il remarqua
combien le traitement alors usitii dans la diphtérie, ta méthode des
cautérisations, était douloureux et inefncace, et il y substitua lamédlca-
tlon par les balsamiques. La dlptitérie, dit-il, est une atlection générale,
elle ne peut être guérie que par une médication générale. La diphtérie
est une aflection catarrhale des muqueuses, oaractériaée par une sécré-
tion pseudomembrnneuBe, et guérissable par les anti-catarrhaui ou
balsamiques, <iui tarissent cette liécrétlon. En pariant de ces principes,
il administra le copahu, le cubchc et le styrax : !e copahu amena chez
quelques malades une éruption sca ri a tin if orme. elTrideau supposa que
cette drogue agissait par voie substitutive, par » antagonisme entre
l'énanthéme morbide et l'eianthAme médicamenteux ». Quoi qu'il en
soit de ces théories, Trideau obtint d'excellents résultats, les fit coaflr-
mer par ses confrères du département, adressa à. l'Académie des Sciences
et à l'Académie de médecine des notes qui demeurèrent sans réponse ;
le 31 octobre 1866. il demandait au Ministère, sans plus de succès, d'être
délégué oUlrietlement pour traiter une épidémie de diphtérie par son
procédé. Une justice tardive lui fut eniln rendue lorsque Trousseau,
Bergeron, Archambault, Lnbric et Constantin Paul exposèrent à leur tour
à la Société médicale des hôpitaux de Paris et k la Société de Thérapeu-
tique ou dans la presse médicale les bons eRets de la méthode de
Trideau ; elle ni le sujet de la thèse de Moreau 'Iht traileiiinil médical
de la diphtérie, et en particulier de xnn traitement par le cubebe,
thèse de Paris, 3 juin 1870), et fut recommandée par Trousseau et Pldoui
dans leur Traité de thérapeutique (édition de 1869). Elle est un peu
ODbliée aujourd'hui, depuis la sérothérapie. ~ Trideau présenta au
Conseil généra! de la Mayenne (session d'août 19731, un mémoire sur la
question ; l'impression en fut décidée par vote du Conseil, qui attribua
à l'auteur une médaille d'or. Trideau est mort le 18 mars 18SS. Il a
laissé : Iht copahu et du styrax comme spécifiques du croup et de
l'angine couenneuse (Mém. k l'Acad. des sciences, 9 février 1863}. —
Médteaiiun ralionnelle de t'angine coiienaeuse et du croup d'emblée
par le baume de copahu et le poivre cubebe (Hém. à l'Acad. de méde-
cine, 10 octobre 186B). — Nouveau traitemetU de l'angine couenneu«e.
du croup et des autre» localiBalions de la diphtérie par le baame de
copahu et le potrre cubebe, médication anticatarrhale gubstitulive
générale, Paris, 1866, 32 pp. in-8*. — TraitemeiU de l'angine couen-
neuse {diphtérie du pharynx) par les balsamiqttfs, mémoire prénenté
au Conseil général de la Mayenne, Paris, 1874, tBO pp. in-8v
Les premières expériences de Trideau furent conÀrmées à Laval par
le docteur Louis-Jean Carreau, chirurgien en chef de l'hApItal. Né à
Changé- lès- Lavai, le 16 septembre 18^, Garreau nt ses études médicales
* Paris où 11 fut élève de Briquet, Lenoir, Richard, Beau, Gibert, etc. Il
fut reçu interne des hôpitaux, le premier de sa promotion, le SOdécem-
bre IKJS et passa sa thèse de doctorat le 18 décembre 1S56 fDex kydatidei
du poumon,:. Etabli ft Laval, il contribua k la fondation de l'éphémère
Journal médical de la Mayenne dont le premier numéro parai à Laval
le 5 avril 1873. il y publia: Noureau moyen à appliquer dans eertaim
cas d'hydrocéphalie \â avril 18731 ; Alréeie vaginale, /Utule vésieo-
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— 56 —
rachitisme, les tumeurs blanches, estropient les enfants
à foison. Et la propreté étant le moindre souci de la
population, la gale et les diverses dermatoses sont fort
répandues.
A tout cela s'ajoutent les maladies professionnelles :
l'industrie générale du département étant le tissage, les
ouvriers s'étiolent dans ces caves malsaines, obscures,
où toute la journée retentit le tic-tac des métiers. Tisse-
rands, cardeurs et poupeliers meurent phtisiques ;
les carriers périssent de coups de froid, et d'alcoolisme:
les fondeurs et chaufourniers souffrent d'affections ocu-
laires graves.
Les paysans sont misérables, un peu par leur faute,
il est vrai : effroyablement routiniers, ils ne veulent
point employer d'engrais, sauf un léger chaulage, et
préfèrent laisser reposer les terres en jachère, pendant
trois, quatre, cinq ans ; ils ignorent la culture fourragère
et potagère en grand. Leur hygiène est déplorable, dit
le docteur Tertrais ', qui signale l'insalubrité de leur
logis, pièce unique et non dallée, mal éclairée, mal
aérée, empestée par les émanations des étables, du
fumier entassé devant la porte, et dont le purin va colo-
rer l'eau de la mare ou du puits ; ils sont sales, mal
habillés, mal couverts en cas de pluie par leur peau de
bique, et ces bains forcés sont les seuls qu'ils prennent
de leur existence ; ils se nourrissent mal de vieux pain,
de vieux lard, de lourdes rillettes et surtout d'énormes
écuellées de soupe ; ils ne mangent pas assez de viande
vaginale (1" Juillet 1873). Miné par la phUsie, Il passa en Algérie l'hiver
de 1873 et y écrivit Journal humoristique d'vn médecin phtisique.
Parla, 1876, in-<!. Chevalier de la Légion d'honneur, 11 mourut à Changé,
le 5 août 18831 Voj. le Diclioniiaire de la Kayenne, de M. l'abbé Angot].
1. Recherches et observations sur tes conditiorui hygiéniques de
l'arroml. de Châleau-Gonlier t Mayenne} fAiin. d'hygiène pubt. et de
niéd. légale, Iffîl, t. XLVE, pp. 72-66). — Tertrais était médecin A ChA-
teau-Gontler.
Vo;ei aussi sur la situation de l'agriculture et des pajsana dans le
Maine à la fin du règne de Louis-Philippe, Bulletin de la Société de
l'Indvslrie de la Mayenne, l. 1, 1833, p. 133 ; ~ et Paui Delaunay, Tan-
queret de» Planches, dans La France médicale du m octot)re (903.
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— 57 —
pour l'éDorme travail qu'ils fournissent, et dont ils
exagèrent la fatigue par l'incDinmodité de leurs instru-
ments aratoires ; ils ne boivent que de mauvais cidre,
aigre, étendu d'eau trop souvent croupie ; ils s'en dédom-
magent, il est vrai, le dimanche au cabaret ; et les priva-
tions, te surmenage et les excès les vieillissent et les
tuent prématurément.
A toutes ces causes de mortalité, à ces affections
diverses, qui peut-on, que peut-on opposer? Nous avons
vu déjà les défectuosités du service de vaccine et des
établissements d'assistance. Lemercier signale aussi la
mauvaise organisation de certains hâpitaux encore
desservis par des médecins par quartier : ces docteurs
par trimestre n'ont ni ie temps ni le goût de s'intéres-
ser à leur besogne. Dans les trois quarts des cas de
chirurgie d'urgence, la mort survient faute d'un chirur-
gien opérateur ; il n'y a point de spécialistes. Aussi les
guérisseurs de bas étage, rebouteurs, jugeurs d'eau,
guérisseurs de cancer par prières, caustiques et formules
cabalistiques, ont beau jeu, surtout dans un milieu où
l'on croit encore aux feux follets, aux « ensorceleurs,
aux donneurs de rats, aux joueurs de tours, aux noueurs
d'aiguillettes, au sabbat ». Les charlatans en habits
dorés, vendeurs de pommades analgésiques, de vermi-
fuges et d'eau de Cologne, font fortune dans les foires et
marchés, et les oculistes ambulants, munis des certificats
trompeurs d'une réclame tapageuse, éborgnent à qui
mieux mieux leurs clients d'occasion *.
Sur plusieurs points, les plaintes du docteur Lemer-
cier seraient encore de saison. Mais la partie de son livre
qui traite de l'hygiènespéciale des villes, Laval, Mayenne
et Chàteau-Gontier, est heureusement plus démodée, et
la saleté pittoresque de ces localités n'est à peu près,
maintenant, qu'un souvenir rétrospectif. Aussi vou-
1. Lemercier, Rapport au nom du Jury médical «ur Us pharmacies
ft t'txercice itlieite de la médecine dans la Mayenne (1886), dans
C<ue(Ce de tanti du !S avrU t8i7.
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— 58 —
drions-nous relever en passant quelques croquis du
Mayenne de 1830.
C'était encore, à cette époque, le vieux Mayenne,
traversé d'un bout à l'autre par une longue artère tor-
tueuse, évasée en places dans le haut de ville, puis res-
serrée entre deux files de maisons noires, et dévalant
les pentes rapides de la Grand'Rue jusqu'aux arches
bossues du vieux pont. Là les masures des grands mou-
lins s'entassent dans la vase, au pied du roc abrupt du
rhAteau, dont la tour pointue domine, dépasse le clocher
hranlantde Notre-Dame ;là-bas, sur l'autre rive, le pont
va heurter les murs séculaires de l'hdpital du Saint-
Esprit, où les malades s'entassent dons des salles basses,
sombres, sans air, transis par les buées malsaines de la
rivière '. Au-delà, la rue, grimpant le raidillon de la
Galère, monte au faubourg Saint-Martin. Dans ce long
boyau débouchent des ruelles plus noires encore, et plus
fétides, où s'entassent, dans les bas quartiers, des lavan-
diers, des tisserands étiolés dans leurs bouges à métiers.
Cependant une nouvelle traverse, prolongée par un pont
neuf, a déjà fait, en arrière de ces masures, une trouée
d'air et de lumière, et sera l'axe de la ville nouvelle.
L'asile d'aliénés, la prison, sont mal installés, et la
Monarchie de Juillet a campé unecompagnie d'infanterie
au milieu du vieux cimetière, dans la chapelle désaffectée
de l'ancien collège ; elle est malsaine, cette caserne
devant laquelle la sentinelle promène mélancoliquement
son gigantesque shako et ses lourdes builleteries, et
Lemercier blâme sa situation, et « sa position porte à
porte d'un grand nombre d'ouvriers tisserands qui se
mêlent à chaque instant aux militaires groupés à l'entrée
du quartier qui est placée dans une espèce de carrefour
sans enclos n'ayant qu'une seule porte qui donne sur le
boi-d de deux rues très passantes et populeuses, ce qui
fait qu'il est difficile et presque impossible de maintenir
Il DOUTel h Api toi qu'en 1849.
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la discipline parmi les jeunes soldats en contact immé-
diat à chaque moment avec les passans et les voisins ;
d'ailleurs ce bâtiment, composé de deux pièces, l'une au
premier éclairée seulement par des abat-jour pratiqués
dans la toiture, et l'autre au rez-de-chaussée, humide.
Les militaires y sont souvent atteints de maux de gen-
cives et stomacaces ; ces deux chambres sont petites et
peuvent à peine contenir trente-sept couchettes qui se
touchent presque toutes et dont chacune est de bien trop
petite pour coucher deux hommes. De plus, le manque
d'eau et de pièces séparées pour les sous-olliciers char-
gés nuit et jour de la surveillance et de maintenir l'ordre
font que cette vieille chapelle ne convient point pour la
garnison ' ».
Sur Laval, sur Chàteau-Gontier, Lemercier est bref;
maisl'hy^ène lavalloise a eu son historien en la personne
de Bucquet, et toute une lignée d'hygiénistes ont étudié
la situation sanitaire castrogontérienne.
Nous avons déjà cité, au passage. Chevallier et Ter-
trais. Mais Château-Gontier possède une source miné-
rale que Lemercier souhaitait de voir utiliser « dans le
traitement des fièvres intermittentes avec ou sans engor-
gement de la rate ou du foie, dans les leucorrhées, les
anémies en général et toutes les affections où il est con-
venable d'user de toniques et d'avoir recours aux prépa-
rations ferrugineuses »,
Cette fontaine ferrugineuse, ditedePougues-Rouillée,
et qui sourd au lieu dit Versailles, près Château-Gon-
tier, tient une grande place dans la littérature médicale
castrogontérienne. Ses eaux avaient été analysées dès
1670-1671 par Duclos, membre de l'Académie des
Sciences, qui nous apprend que « l'eau do la Fontaine
estimée minérale de Chùteau-Gontier étoit limpide et
sans saveur manifeste ; elle a laissé si peu de résidence,
étant évaporée, que cela ne pouvoit faire que 1/1000 du
t. Lemercier, loe. cil., pp. 66-ST.
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— 60 —
poids de l'eau. C'étoit une terre ^se fort salée, dont le
sel se rapportoit au double sel de l'eau marine * ».
Au début du xix' siècle, Touchaleaume, pharmacien à
Château-Gontier, en fit une nouvelle analyse qu'il com-
muniqua en 1825 avec Bécœur à l'Académie de médecine.
En 1847, un médecin de Paris très versé dans les ques-
tions d'hygiène et de médecine légale, le docteur
Bayard ^, consacra à l'eau de Pougues-Rouillée un
1. Obgerratione sur lex eatix minéralex de pluiiewt province* de
France, faite» en l'Académie Roiate des Sciencen en l'année leio et
leii iMém. de l'Aead. Roiale de» Seiencen. t. IV, Paris 1731).
S. Henrl-Lools Ba;ard, ai h Paris, étudia la médacloe légale sous
Ollivler (l'AnKCra, dont il devint le collègue el le successeur commo
médecio lâgflste. Il fut reçu docteur à Paris le £> anOt 1836, avec une
thèse Intitulée ; Bmai médico-légal sur l'iilêrnmanie :nympknmanie!,
lalle 80US l'Inspiration d'Esquirul. Il tul InspRcteuradjoint de la Térifl-
catlon des décfs de In villn de Paris, médecin du bureau de blenlaisance
du IV* arrondissement, médecin expert prÈs les trlbunaui, professeur
particulier de médecine légale, membre de la Société de médecine légale
dn Grand-Duché de Etade, des Sociétés de médecine de Marseille, de
■Slockholm. Un bel avenir lulétait ouvert dans la carrière médico-légale,
lorsque la Révolution de 1818 bouleversa tous ses projets; malgré toutes
les instances de ses maîtres II quitta Paris, et vint s'élabllr 6 Chlteau-
GontiereD IN19; il y éleva rétablissement thermal, (ut on outre médecin
de l'hApltal Saint-Joseph et du dispensaire. Une mort subite le foudroya
dans sa quarantième année, le IS octobre I85i, dans sa maison de cam-
pagne, à Cossé près Chftl«au-Gontier ; il laissait une veuve, Hlle du
docteur Esplaud, et plusieurs entants iVoy. sur Bayard, Len inédecinude
Parié jugés par leiim o-tirr^g par C. Lachalse dit Sachalle de la Barre,
Paris iS45, et Hntiee néernlogique de.Da Ann. d'hygiène publ. et de ntéd.
Ii'g.. LXLIX, ISiUi.
Membre du comité de rédaction des Ànnalex d'Iii/giene et de médecine
légale, Bayard y a écrit un nombre considérable d'articles, soit senl,
soit en collaboration avec son maître Ollivier d'Angers, le chimiste J.-B.
Chevallier, de l'Académie de médecine, Tardieu, ses co-experts. Noua
citerons :
Mémoire mr ta police des cimetières tAnn.. t. XVIII. 1836, et I vol.
in-8*), — Recherche* sur l'utéromanie et la nymphomanie {Ann.
t. XVlI-XVnil, — Examen mieroscapit/ue du sperme dexgéehé »ur le
linge ouxttrleiitixgHsdentitiireetdecolorationdîferieÈtAnn.,t. XXII,
et Paris. 1839, in.K". Médaille d'or décernée en 1839 par la Société des
Àiin, ePhyg. el de méd. légale '. — Vn cas mortel d'intoxication par le
sulfate de potasse {Ann., t. XXVIl), par le bioxalate de polatse (An».,
t. XXVII). — De la néressilé de» étude» pratiques en médecine légale.
Réflexions ««r le» procès criminels de Peyiel eldeMmelafargeUnn.,
t. XXV, et Paris, 1810, 30 pp. in-li|. — Mémoire sur ta topographie
médicale du /K' arrondissement tie Pari», recherches historiques et
ftatistiques sur le» condilians hygiéniques qui composent cet arron-
dissement {Ann., t. XXVIII, IBiS, et Paris, 1842, in-8*, 3 cartes!.—
Examen des lâches qui peuvent être l'objet de recherches médico-
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— 61 —
mémoire qui fui revu par J.-B. Chevallier, professeur à
l'Ecole de pharmacie, et signalant la présence dans cette
fontaine, non seulement du fer, mais encore d'une quan-
tité infinitésimale d'arsenic. En 1Ô49, Bayard, chassé de
Paris par la révolution, vint se fixer à Château-Gontier,
se rendit acquéreur de Fougues, déblaya les grifTons, et
les sources de la Voùte-neuve et de la Vieille-voûte
furent enfin convenablement captées. Il avait demandé
au Ministère du Commerce et de TAgriculture, dont
dépendaient alors les établissements hydrominéraux,
qu'une analyse de ces eaux fût faite officiellement au
laboratoire de l'Académie de médecine. Une lettre minis-
térielle, en date du 16 novembre 1859, en saisit la Com-
mission des eaux minérales, au nom de laquelle Osslan
Henry fit un rapport favorable à l'Académie, le 9 juillet
1850 1. Après ces formalités, l'étabUssement thermal de
Château-Gontier ouvrit ses portes au public.
Bayard publia à ce propos une Notice sur les eaux
minérales naturelles ferrugineuses et sur l'établisse'
ment thermal et d'hydrothérapie de Château-Gontier,
Ugales {inn., t. XXIX). — Sur te gerviee midieat du bureau d« bien-
faiianee du IV arrond. de Pari» [Ann., t. XXX). — Seeherekeg
médico-légales mr le dtagnoilic différenciel de» ecehymoaegpar eaute
interne et par caute externe {Ann.. t. XXX, lSi3). Mémoire 04»-
ronné en août (640 par la Société de médecine légale du Grand-Duché de
Bade, et traduit en allemand dans Annalen der Staat»- Arzneikunde.
Friburg en Briigau, 18«, p. 488|. — Mémoire sur la topographie médi-
cale dti X'. II' et XII' arrondisgemenU de Parit [Ànn., t. XXXll, et
Paris, 1843, 5 cartes). — jVolice biographique gur Ollivier d'Angerg
iAnn.. t. XXXIV). — Mort violente gang légion extérieure {Ann.,
t. XXXV). — Sur favortemenl provoqué [Ann.. t. XXXVI). — Sur tet
maladieg gimuléeg {Ann., t. XXXVIII). — Appréciation médico-légale
de l'action de l'éther et du chloroforme {Ann., t. XLII, et PariH, 1849,
iD-8'). — Congidération^ médico-légale» gur l'in/lutnee deg impreeiione
pkygigueg et morales pendant la grossegge iAnn., t. XLVI, 1851). —
Bapport sur une double asphyxie par la earbonigation de poutre»
(avec A. Tardieu, inn., t. XXXIV, 184S).
Bojard a écrit en outre : la Nymphomanie peut-elle être une cause
d'interdiction, oit leg faits qui tendraient à l'établir sont-ils non per-
tinents ? Examen médico-légal de celle question, Paris, 1836, ln-8'. —
Manuel pratique de médecine légale, i vol. in-8'. Parla 1S43.
Un travail sur le» Urineg au point de vue hygiénique et agricole lui
valut une médaille d'argent de la Société d'Encouragement.
1. BuU. de l'Acad. nationale de médecine, t. XV, 184d-18(S0, p. M4.
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— 62 —
département de Ut Mayenne, comprenant leur descrip-
tion, le rapport de r Académie de médecine de Paris,
uncertain nombre d'observations médicales, derecker-
ches historiques et statistiques sur F arrondissement
de Château-Gontier. Cb&teau - Gontier, 1852, avec
3 planches.
Cet opuscule donne quelques renseignements sur les
conditions géographiques et hygiéniques de Chàteau-
Gontier, et surtout sur l'emploi des eaux de Fougues
dans le lymphatisme, le rachitisme, la chlorose, le dia-
bète, et diverses affections nerveuses. A la moi-t de
Bayard, le docteur Mahier * prit la direction de l'éta-
blissement et consacra aux eaux de Château-Gontier
deux notices : De l'emploi médical des eaux minérales
de Chàteau-Gontier, Paris et Château-Gontier, 1855,
144 pp. in-12, et Du traitement des névroses par
r hydrothérapie et les eaux minérales ferrugineuses de
Château-Gontier (Mayenne), Château-Gontier, 1869, ce
dernier mémoire contenant une demi-douzaine d'obser-
1. Pierre-Emile Mahier, aé à Cb&teau-GoDtler, ttls d'un pbarmacien,
d'abord éM:ve à t'bâplUl militaire du Vat-de-GrAcn, soutint à Paris le
13 août 1^0, sa thâse de doctorat : De l'emphyMme pulmonaire, 28pp.
in-8°. I[ fut médeclQ des hospices de Château- Goatler, membre de la
Société d'hydrologie médicale et de la Société de médecine légale de
Paris, de La Société de médecine d'Angers, du Conseil d'hygiène de ChA-
t«BU-GoDtler, lauréat de l'Académie de médecine (médaille d'argent^ 11
a laissé, outre ses études d'hydrologie locale, des travaux sur l'hyglâue
et la médecine légale : Mémoire iiur les ouvriers qui Iravaillenl les
coquilles de iiacTe de perle [Aan. d'hyg. pubt. et de mëd. légale.
l. XLVIII, ISii, pp. 251-^11 en collaboration avec le professeur CheTal-
ller de Paris, k propos d'un cas médico-légal : ce mémoire signale et
différencie de la phtisie t-rate la pseiido- phtisie des uacriers. ~ le»
questions Médico-légales de Paul lacchias, médecin romain, études
bibliographiques, Paris t87S, 96 pp. in-S', bonneétudesuriavleet l'un
des ouvrages du o père de la médecine légale ». ~ En itlt>i, Mahier
présenta k l'Académie de médecine un très complet Essai de topogra-
phie médicale. Arrondissement de Château-Gontier. qui donna lieu k
unéiogieux rapport de Vernois au nom d'une Commission composée de
Chatin, Guérard et Vemoia (Séance du IS juillet iS&i), C'estun fragment
de ce travail que lUahler publia en 1869 sous le titre : Topographie
médicale. Rech. hydrol. sur l'arrond. de Château-Gonlier. Ce chapitre
fut auparavant revu et contrôlé par Robinet, présenté par lui à
l'Académie de médecine, et un rapport en tut fait par Vemols (Séance
du 17 septembre 1867).— i>» mode de tranilation des alténit, 1 broch.
In-S*, CbAteui-GonUer, 1873.
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vations de diverses formea de chorée soumises au trai-
tement hydrominéral. Enfin c'est au mdme auteur que
l'on doit le volume intitulé : Topographie médicale.
Recherches hydrologiques sur V arrondissement de
Château-Gontier (Mayenne), Paris, 1869, 144 pp. in-8°,
renfermant une a carte géologique et hydrotimétrique
pour servir à l'étude de l'hygiène dans l'arrondissement
de Château-Gontier n. Cet ouvrage contient une foule
de renseignements intéressants sur l'hydrographie du
pays, l'hydrotimétrie, la faune et la flore microsco-
piques, les rivières du bassin, sur la saluhrité publique,
l'épidémiologie, la distribution des eaux potables de la
région, et complète les recherches antérieures sur les
sources de Pougues-Rouillées. Il est fort regrettable que
l'auteur n'ait public que celte portion de son grand
mémoire sur la statistique et la topographie médicales
de l'arrondissement de Château-Gontier, qui dort dans
les cartons de l'Académie de médecine : cette étude,
intégralement éditée, eût été le digne pendantdu travail
que Bucquet avait composé, au début du siècle, sur la
statistique médicale lavalloise.
Pour prétendre donner même une simple esquisse du
milieu médical mayennais depuis cent ans, il y aurait
encore beaucoup de choses à dire, beaucoup de noms à
citer. Nous avons seulement voulu tracer quelques
silhouettes de médecins du siècle passé. Contemporains
des derniers grognards de répopée napoléonienne, ou
bien des gardes nationaux de la Monarchie, des vieilles
barbes de 1848 et des ratapoils de l'Empire, ils nous
intéressent comme figurants de ce monde provincial qui
a fini avec 1870, de la société autrefois si vivante des
petites villes maintenant désertées ; ils ne font ici qu'un
groupe disparate, formé au hasard de notre curiosité. Il
y a dans le sentiment qu'ils nous inspirent quelque chose
de ce que l'on éprouve à retrouver des portraits épars
dans le salon propret, morne et froid d'une antique
demeure de province : la pièce est silencieuse et dévote
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— 64 —
comme une chapelle, et fleure le moisi ; au-dessus des
statuettes pieuses de la cheminée et de la bergère à
houlette qu'abrite le globe de la pendule, on voit péle-
méle au mur, dans des cadres de bois noir, le médaillon
d'un bourgeois à jabot du temps de Louis XVIII, un
portrait miroitant de l'époque de Daguerre et les photo-
graphies jaunies de Messieurs à la mode de 1860. Et
l'on s'oublie à contempler avec la curiosité du souvenir
ces revenants d'un passé dont parlaient nos grand'mères,
et les traits de ceux qui animèrent autrefois ce.tte maison
dont peu à peu la vie s'est retirée.
Paul Delaunay,
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LESËLECMSDIJCLERGiETDElilBLEm
DANS LA
SÉNÉCHAUSSÉE DE CHATEAU-GONTIER
(178©).
Le 24 janTier 1789 parurent la lettre et le règlement
de Louis XVI pour la convocation des Etats Généraux.
A défaut du grand sénéchal d'épée de la province
d'Anjou et du lieutenant général de la sénéchaussée
principale ', dont les charges étaient alors vacantes, le
lieutenant particulier de la sénéchaussée d'Angers,
M. Milscent, par une ordonnance en date du 14 février,
enjoignit au procureur du roi de publier les ordres de
Sa Majesté et les siens propres dans le ressort de sa
sénéchaussée ; le procureur du roi devait en même temps
transmettre les trois pièces au lieutenant général de la
sénéchaussée de Chàteau-Gontier ^ et aux ofRcîers prin-
cipaux des autres sénéchaussées secondaires.
1, La 8éDécbaussê« d'Angfera était appelée « séDécbaauée principale
d'ADjoa », et cellei àe Baugé, Beautort, CbAteau-GDDtler et la Flècba,
« RénéchBUuéei secoodalrei ». La lénécbauuée de Saumur avait obtenu
nue représentation distincte.
i. La sénéchauuée de ChAteau-Gontler compren^t les paroisses lai-
Tsntea : Ampoi^né et Chéripeaui, Argeoton, Aviré, Aie, Baiouges,
Bierné, La Boissiëre, Bouillé-Ménard, Ciiantena;, Saint-Jean et Saint-
Reni7 de Cb&teau-Goatler, CbAtelain, CbAtelais, Cliemaié avec Bourg-
Piillippe et Hollières, Coudra;, Daon, La Perrière, Fontenay, Fromen-
tièrea, Gannes et Saint-Alg-nan, Grei-en-Bouère, l'HAteUerte-ds-Flée, la
Jallle-YTon,Julgiié-nir-Sarthe,LolKné,Looguetii;*, LouTBlDea,Harlgné
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Le 21 février, M. Jacob-Nicolas-François-Matthieu
Guittau, écuyer, seigneur de Baunes, Leffrières et Cessé,
conseiller du roi et son Ueutenant général en la séné-
chaussée d'Anjou et siège présidial de Château-Gontîer,
chargeait le procureur du roi de répandre, dans tout le
ressort, les instructions reçues.
Voici les dispositions concernant le clergé et la
noblesse, les deux ordres dont nous avons à nous
occuper '.
En ce qui concerne le clergé, les abbés, les chapitres,
corps et communautés ecclésiastiques rentes des deux
sexes, les prieurs, les curés, les commandeurs et géné-
ralement tous les bénéficiers furent assignés par un
huissier royal pour comparaître, en personne ou par
procureur, à l'assemblée générale des trois Etats le
16 mars, à Angers ~. Voici la liste des ecclésiastiques
de la sénéchaussée de Château-Gontier qui furent pré-
sents à cette assemblée générale du 16 mars 1789 :
Pierre-Joseph Royer, curé d'Argenton.
près Daon, MarignéPeuton, Mée, Miré, MontKuUlon. PeutoD. Quelalnea,
Ruillé et FrotdfoDt. Salot-Aubin du-Pavoil, Salnt-DenU-d' Anjou,
Salnt-Gault et Les Cherres, Saint- Laurent- des- Mortiers. Saint-MarllD'
de-VllIeDgrlose, Salnt-QueDUn-en-Craonnals, Salnt-Sauveur-de-Plée,
Salnt-Sulplce, Segré (la Hadelelnel.
1. Voir dans la Provincn du Maine (août 1903), ud article de l'abbé
Uiureau sur la SénecAaussee ite Ckâltau-Gontier el les éieeiiotu du
Tierg.
S. Les chapitres, corps et commuDautés ecclésiastiques devaient com-
paraître k rassemblée générale par des députés dans la proportion
déterminée par les articles 10 et 11 du règlement rojal, et tous les
bénéficiera en personne ou par procureur.
Tous les curés étaient tenus de se faire représenter par procureurs, à
moins qu'ils n'eussent un vicaire ou desservant résidant dans leur
cure ; défense était faite à ce dernier de s'absenter pendant le temps
nécessaire aux curés pour se rendre t. l'assemblée, ; assister et retourner
dans leurs paroisses.
Tous les autres ecclésiastiques, suOlsamment avertis par les publica-
tions, alQebes et cri public, étaient tenus de se rendre, en personne et
non par procureur, à l'assemblée du 16 mars ; étalent exceptée les
eooléslas tiques résidant dans les villes, lesquels devaient se réonlr chei
le curé de la paroisse où ils demeuraient pour élire un ou plusieurs
d'entre eux, conformément à l'artlole IB du règlement de Sa Uajesté.
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— 67 —
Pierre-Charles Phelippaux, caré de Biemé.
François-Pierre Goeffier, vicaire à Biemé.
René-Charles Pean, vicaire à Aviré.
Charles-Pierre Dubois, curé de Coudray.
Pierre Gislard, curé de ChAtelaie.
Jean-François Lemassou, prieur et député des Béné-
dictius de ChAteau-Gontier.
Joseph Bernier, chanoine et député du chapitre de
Saint-Just de Chftteau-Gontier.
Claude Gilberge, curé de Châtelain.
Louis-François Martinet, prieur-curé de Daon.
Louis-François Parage, curé de Fromentières.
René Chardon, curé de Gennes.
Mathurin-François Dutertre, curé de l'HàtelIerie-de-
F!ée.
Louis Bertrii, curé de Louvaines.
Louis-René Huard, titulaire de la chapelle de Notre-
Dame de Pitié du Viaunay, à Loigné.
André Hayer, curé de la Perrière.
Marin-Jacques Jallet de la Véroullière, curé de Miré.
Jean Marais, curé de Marigné, près Daon.
René-Florent Duchemin, prieur-curé de Marigné-
Peuton.
Julien Bagot, curé de Peuton.
André Girault, prieur-curé de Saînt-Sauveur-de-FIée.
Jean-Baptiste Jameau, titulaire de la chapelle Saint-
Sébastien à Saint- Denis-d'Anjou.
Se firent représenter par procureurs :
René Pai^s, titulaire de la chapelle de Sainte-Cathe-
rine d'ingrandes, à Azé.
Pierre Crosnier, curé de Saint-Remy de Ch&teaa-
Gontier.
Louis Lebeau, curé de Saint-Laurent-dee-Mortiers.
Jean Pottier, titulaire de la chapelle Sainte-Marguerite
à Biemé.
Pierre-François Bazonné, titulaire du prieuré de
Saint-Philbert de Fontenay.
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Jean-Baptiste Fleury, titulaire de la chapelle de Saint-
Nicolas, à Saint- DenÎB-d' Anjou.
René-Joseph-François de Champagne, curé de Saint-
Quentin-eD-Graonnais .
Michel Tresneau, curé de la Boiasière-en-Craonnais.
Simon-Matthieu Lethayeux de la Bertinîère, curé
d'Ampoi^é.
Jaan-Louis Mahier, curé de Saint-Jean de Ch&teau-
Gontier.
François Logeais, curé de Loigné.
Jean-Baptiste Boue, prieur-curé de Mée.
Jean-Baptiste Lerebvre, curé de Saint-Denis-d'Anjou.
Marin Oger, titulaire de la chapelle de Sainte-Croix,
à La Jaille-Yvon.
Jacques-Chartes Drouet de Grazigny, curé d'Azé.
Marin-François Houdbine, curé de Quelaines.
Charles de Gaqueray, titulaire de la chapelle de Saiat-
Légêr, à Marigné près Daon.
Les religieuses du Buron près Ch&teau-Gontier.
Les chapelains de Ruillé.
Jean-Marie Pierre, titulaire de la chapelle de la
Rollière, à Ampoigné.
Jean-Louis de Gaston, prieur d'Azé.
René-Charles de Lancrau, prieur de Saint-Biaise, à
Marigné-Peuton .
Les Ursulines de Château-Gontier.
Les Augustines hospitalières de Ch&teau-Gontier.
Charlea-GUles Charbonnier de la Guesnerie, curé
d'Aviré.
Jean-Baptiste Varré, titulaire du prieuré de Noire-
Dame de Vendangé, à Chàteau-Gontier.
René-Barthélémy Millet, titulaire de la chapelle de la
Peignerie, à Chàteau-Gontier.
Jéràme-François de Clinchamps, curé de Grez-en-
Bouère.
Jean-François Aubert, curé de Montguillon.
Jean-Joseph Guillois, titulaire de ta chapelle Sainte-
Anne, à Fromentières.
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Jean-René-Joseph Lemasson, curé de Saint-Martïa-
de-VillengloBe.
Pierre Oger, curé de La Jaille-Yvon.
Jean Hocdé, titulaire de la chapelle des Roches, à
Ampoigné.
Alexandre Miré, curé de Chéripeaux.
Louis Gerbon, prieur des Cherrea.
Joseph Letellier, curé de Saint-Gault.
Michel- René Frémond, curé de Saint- Aignan-en-
Craonnaia.
L'assemble générale des trois ordres des cinq séné-
chaussées d'Angers, Beaufort, Baugé, ]a Flèche et
Château -Gontier, commencée le 16 mars, se terminale
18 du même mois. Alors eurent lieu les séances de l'ordre
du Clergé ', du 18 mars au 6 avril. L'un des quatre
députés du clergé d'Anjou appartenait à la sénéchaussée
de Chàteau-Gontier, M* Louis-François Martinet, prieur-
curé de Daon.
Tous les ducs, pairs, marquis, comtes, barons, châte-
lains, et généralement tous les nobles possédant fief,
furent assignés par un huissier royal au principal manoir
de leurs fiefs, pour comparaître, en personne ou par
procureur, à l'assemblée générale des trois ordres, le
16 mars. Quant aux nobles non possédant fief, ayant
la noblesse acquise et transmissible, âgés de vingt-cinq
ans et domiciliés dans le ressort, ils ne furent point assi-
gnés par un huissier, mais, suffisamment avertis par les
publications, affiches et cris publics, ils durent égale-
ment se rendre, en personne et non par procureur, à
l'assemblée d'Angers. Voici les noms des nobles de la
sénéchaussée de ChAteau-Gontier qui furent présents à
la cathédrale le 16 mars :
Louis-Pierre de la Barre de Préaux, seigneur de
l'HAtellerie-de-Flée.
1. Dam l'église des Cordelière d'Angen.
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— 70 —
Jean-MathuriD Bernard, seigneur da Port, paroisse de
Miré.
LouiS'Marie-François du Bois-Jourdan, seigneur de
Chauay et Launay-Gautier, paroisse de Grez-en-
Bouère.
Marie-Joseph de Bouchamp, seigneur du Bignon et
Molesse, paroisse de Saint-Laurent-des-Mortiers.
Claude-Augustin de Bourdon-Gramont, chevalier de
l'ordre de Saint-Lazare, à Château-Gontîer.
François Bûcher, seigneur de l'Écorse, paroisse de
Chemazé.
Jean-Joseph Cohon, seigneur de la Raudière et Tra-
vaillé, paroisse de Miré.
Prosper-Louis-René- François de Collasseau, sei-
gneur de Martigné, chevalier de l'ordre de Saint-Louis,
paroisse de Saint-Denis-d'Anjou.
Pierre-Joseph Cousta de Souvré, seigneur de la
Fossille, paroisse de l'Hôtellerie-de-Flée.
Toussaint Dean, seigneur de Luigné, paroisse de
Coudray.
Etienne-Thomas Dean de Luigné, à Château-Gontier.
Claude-Jean-René Foucault des Bigottières, à Châ-
teau-Gontier.
Jean-François-René Gaultier de Brulon, paroisse de
Saint- Laurent-des-Mortiers.
Hercule-Gilles de la Grandière, seigneur du Plessis,
chevalier de l'ordre de Saint-Louïs, paroisse de La
Jaille.
René-Henri d'Héliand, seigneur d'Ingrandea et
d'Azé, chevalier de Saint- Louis, commandeur de l'ordre
de Saint-Lazare, paroisse d'Azé.
Alexis-Marc-Henri-Charles de Lancrau, seigneur de
Bréon, paroisse de Marigné-Peuton.
René-Charles Louet, seigneur de la Boutonnière et
de la Fleuriais, paroisse d'Aviré.
Jacques- Louis de Saint-Ouin, chevalier de Saint-
Louis, seigneur de Vernais, paroisse de Cb&telais.
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Paul Pissonnet de Bellefond, seigneur de la Touche,
paroisae de Mée.
René Poisson de Gastines, seigneur de Gastines et
de Brunesac, paroisse de Chemazé.
Hyacinthe- René de Quatrebarbes, seigneur d'Argen-
ton et de Châtelain, paroisse d'Argenton.
Augustin-Lancelot de Quatrebarbes, à Château-
Gontier.
Jean-Joseph Troehon de Beaumont, seigneur de Mor-
treux, paroisse de Daon.
iSe firent représenter par procureurs :
Geneviève-Marguerite-Jeanne du Tertre, dame du
Tertre de Mée, paroisse de Mée, veuve de Marc-AIeiis-
Louis-François de Lancrau.
Jean-Thérèse>Louis de Beaumont d'Autichamp, sei-
gneur de Château-Gontier, maréchal de camp et inspec-
teur divisionnaire des armées du roi, et son lieutenant
et commandant des ville et château d'Angers, comman-
deur de l'ordre de Saint-Louis '.
Charles-Joseph-Augustin de Walsh-Serrant, seigneur
de Bouillé-Ménard, chevalier de Saint-Louis, paroisse
de Bouillé-Ménard.
1. H. d'Auticbamp demanda au roi, en décembre 1TS8, que la séné-
Chaussée de ChAteau-Gontier tùl distraite de la sénéchauMée d'Angers.
Le 2S décembre, le comte de la GallssonaJère écrlTlt h Versailles que
Louis XV ravait pourvu de la charge de grand eénéchal d'épée hérédi-
taire de la province d'Anjou, à laquelle sont Jointes ci les sénéchaussées
de La Flèche, Ch&teau-Gontier, Saumur, Baugé et autres endroits de
cette province, n disent ses provisions enregistrées en 176S ila Chambre
des Comptes. Cette lettre était une réponse péremptoire h H. d'Auti-
champ. Arch. Nationales, B'"7,
Le :> Janvier 1789, M. de Julgné revenait à la char^ dans une lettre
BU garde des sceaux : u Tout le ressort du présldiai de C h Ateau -Gonfler
a été mis dans le grand bailliage ou la grande sénéchaussée d'Angers ;
mais ce ressort a été formé aux dépens des sénéchaussées du Maine et
d'Anjou, au moyen de quoi tous les gentilshommes du Maine dont
les terres ont élé englobées dans le ressort du présldiai de ChAteau-
Gontler, dont les pères cependant avalent été membres des assemblées
du Maine k la rédaction de la Coutume et autres, se trouvent forcés
d'aller dans une province qui leur est élrangfere, dont les lois sont diffé-
rentes de celles qu'ils suivent, où Ils n'ont point ou peu de relations, oii
Ils seront regardés comme étrangers, peu écoutés et peu considérés.
Vous m'avoueres que cela fait de singuliers arrangements, h Ibidem.
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— 72 —
Louis-François-Séraphin du Bois-Jourdan, seigneur
de Longuefuie et des Courants, paroisse de Longuefuie.
Jean-Baptiste-Hyacinthe-Marie du Tertre de Sancé,
seigneur de Baubigné, maréchal de camp, paroisse de
Fromentières.
François d'Andigné, seigneur de Saint-Gault, cheva-
lier de Saint-Louis, paroisse de Saint-Gault.
Louis-Timothée-François de Cumont, seigneur du
Puy et Froidfont, paroisse de Froidfont,
Renée-Geneviève le Maire de la Mairerie, dame de la
Perinne, paroisse de Marigné, près Daon.
Henri de Vaufleury, seigneur de Rolay, paroisse d'Azé.
Eugène-Jean Ernault, seigneur de Moulins, paroisse
de Miré.
Jean-Louis-Auguatin-Thérèse de la Lande, seigneur
de Saint-Martin-de-Villenglose.
Thomas- Robert-Nicolas d'Angerville, seigneur de la
Maroutière, paroisse de Saint- Remy de Ghftteau-Gontier.
Louise-Renée-Céleste Guryes, épouse de ChaHes-
René-Auguste de Farcy, dame de Champagne, paroisse
de Bazouges, près Chàteau-Gontier.
Jules-Jean Galichon, seigneur de Courchamps et du
Plessis, paroisse de Grez-en-Bouère.
Jean-Baptiste de Laurens, seigneur de Brion et de
Daon, paroisse de Daon.
Augustin Martineau, seigneur de Fromentières,
Marie-Henriette-Thérèse de la Forest d'ArmailIé,
veuve de Henri-Gilbert-Germain de Villoutreys, dame
de Beaumont, paroisse de Saint-Laurent-des-Mortiers.
Joseph-François de Réaux, seigneur de Quelaines, de
l'Anchenil et de Miré, paroisse de Miré.
René-Annibal de Farcy, seigneur du Rozerai et de
Grand-Pont, paroisse de Quelaines.
Louise-Françoise Jaillard de la Maronnière, dame de
Villeprouvée, paroisse de Saint-Aubin-du-Pavoil,
Guy-Marie-François Le Bel de la Jaillère, seigneur
de la Motte d'Orveaux et d'Aviré, paroisse d'Aviré.
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— 73 —
L'assemblée générale des trois ordres des cinq séné-
chaussées d'Anjou s'ouTTÎt le 16 mars, dans l'église
cathédrale d'Angers, sous la présidence du grand séné-
chal d'épée, le comte de la Galissonnière. Après la
messe du Saint-Esprit, on procéda à la vérilication des
pouvoirs, qui dura deux jours. Le matin du 18, eut lieu la
prestation de serment, après laquelle chaque ordre se
réunit isolément pour procéder à la rédaction de son
cahier, et élire les députés aux Etats Généraux.
Du 18 mars au 7 avril, les séances de la noblesse se
tinrent à l'abbaye Saint-Aubin d'Angers. Le 8 avril, le
grand sénéchal héréditaire d'épée clôtura, dans une
dernière assemblée générale à la cathédrale, les opéra-
tions électorales qui avalent été ordonnées par le gou-
vernement royal.
La noblesse d'Anjou envoyait quatre députés aux
Etats Généraux. Aucun d'eux n'appartenait à la séné-
chaussée de Chàteau-Gontier.
F. UZUREAU,
Directeur da ÏAnjoti Historique.
Dioitizedb, Google
EXTRAIT DE L'ANCIEN GREFFE
DES SEIGNEURS VICOMTES
DE BEAUMONT ET DE LA FLÈCHE
iSuite).
24.
Du 20' du dit moys de febvrier au dit on 1537, ma dicte
dnme a expédié un mandement à M" Florimond MarsoIIier,
chastclain et recepveur de la baronnie de la Flèche, par
lequel elle luy ordonne tenir quitte et deschargée Renée
Charbonnier, veufve de feu M' Jacques Cousin, lors son
vivant procureur de la dite baronnye, de la somme de 15#t,
en quoy elle estoit tenue vers ma dicte dame pour raison de
l'acquesl par elle faict le 9 janvier 1536 de François Cres-
pin, sergent ordinaire du dit lieu de la Flèche, d'une maison
avec une petitle cour, le tout assis au dit lieu de la Flèche,
de laquelle somme ma dite dame luy a faict don à la
charge qu'elle sera tenue payer au dit MarsoIIier le
dixiesme denier de la dite somme pour estre employé es
aumosnes de ma dite dame ainsy qu'elle a de coustume
faire.
Des dits jour et an, ma dict« dame a expédié lectres
soubs seel audit lieu de la Flèche par lesquelles, pour le
bon rapport que faict lui a esté de la personne dArlhus
Baille, et de ses sens, suffisance, loyauté et bonne diligence
et pour autres causes ad ce la mouvans, a confirmé le dit
Arthus et en tant que besoin esloit ou seroit, donne el
oclroye par les dites lettres l'ofTlce de sergent ordinaire et
général en la baronnie de Sainte- Suzanne qu'il a tenue et
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— 75 —
exercée cy devant par le don et octroy qu'il luy en avoît
esté faict par feu Monseigneur le duc de Vendosmoys, que
Dieu absoille, pour icettuy office de sergent général et ordi-
naire de la dite baronnie avoir, tenir et doreseoavant exercer
par le dit Arthus aux honneurs, authoritéz, revenus, droitz,
profîlz et esmolumens qui y appartiennent, etc.
25.
Du 22* jour du dit mois de febvrier au dit an 1537, ma
dicte dame a escript une lectre aux officiers du bas Vendos-
moys, par laquelle, après avoir entendu que puis aucun
temps vendition a esté faicte de la chastellenye de Crassey,
tenue de la baronnye de Lavardin, et pour ce que c'est
chose de conséquence, a déhbéré et ordonné ne recepvoif
ou faire aucune composition de profit de fief de la dite
vQndition, ains qu'ils ayent à remettre le faict du dit profit
de fief à ma dite dame et à Monseigneur son filz.
Des dits jour et an, ma dite dame a expédié un mande-
ment à M° Florimond Marsollier, chastelain et recepveurde
la Flèche, par lequel elle ordonne aux auditeurs de ses
comptes passer et allouer en la despence des comptes du dit
Marsollier la somme de ^* 15 s. 8 d. t. qu'il a ce jourd'huy
fournys et délivrez comptant es mains de ma dite dame,
sçavoir est 65 s. 8 d. procédans du dixiesme denier des ventes
de l'acquest faict par M° René Branchu, greffier de la
Flèche, le 8 may dernier passé, de M° Jean Dupont, du Lude,
et Marie Cormier, sa femme, du lieu et métairie du Hautt-Paa
et d'une pièce de pré appellée la pièce Vallin, et 30 s. t. à
quoy se monte le dixiesme denier des ventes deues s ma
dite dame d'un acquest faict par Renée Cherbonnyer,
veufve de feu M° Jacques Cousin, le 9 janvier 1535, de
François Cousin, sergent de la Flèche, d'une maison avec
une petitte cour située au dit lieu de la Flèche, et ce
la dite somme de 4* 15 s, 8 d. pour convertir es aumosnes
de ma dicte dame, etc.
Du 26' jour du dit moys de febvrier au dit an 1537, ma
dile dame a expédié lettres soubs son scel par les quelles
elle confirme M' Florimond Marsollier es offices de chaste-
lain, recepveur et enqueslcur ordinaire de la baronnie de la
Flèche, aux honneurs, gages, profitz, revenus et esmolu-
meUB accoustumez, etc.
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27.
Du 27' jour des dits moys et an, ma dite dame a expédié
une procuration en ia forme qui s'ensuit.
Françoise, duchesse de Vendosmoys, douairière de Lon-
gueville, etc. à tous ceux qui ces présentes lectres verront,
salut. Sçavoir faisons que comme et ensuivant les causes de
choix et l'option cy devant faictz par feu nostre très cher sei-
gneur et espoux Monsieur le duc de Vendosmoys, que Dieu
absoille, des terres et seigneuries de Montreuilbellay, Fousse-
bellay, Gennes, Chàteauregnault et Marchenoir, et autres
choses de nostre douaire de la dite maison de Longueville,
nous par bon conseil et advis, ayons opté, conclud et déclaré,
comme encore par ces présentes optons, concluons et décla-
rons que nostre intention est de reprendre les dites terres et
seigneuries et autres choses de nostre dit douaire et en icelles
rentrer pour les tenir et en joyr au dit titre entre nos mains,
par nos gens, ofhciers et députez, les dits contraclz de baulx
à ferme demeurez pour l'advenir nnlz, expirez et assouppy s,
sans préjudice de nos autres droitz, actions, et des arrérages
de la dite ferme. Etpour TefTect et exécution de nostre dicte
option, conclusion et déclaration soit requis et expédient
députer et envoyer sur les dits lieux par quoy nous à plain
confians des sens, loyauté de nostre amé et féal conseiller et
maître des requestes, M° Jean Tesnière, bailly et esleu
de Vendosmoys, et Bertrand de Saint-Melon, sieur de la
Botterye, iceux et chacun d'eux seul et pour le tout avons
commis, ordonnez et députez, commectona et ordonnons par
ces dites présentes nos procureurs généraux et certains mes-
sagers espéciaux, leur donnans et à chacun d'eux pour le tout
plain pouvoir, authorité et mandement espécial d'exécuter et
mectre à eifectnos dessus dictes conclusion etdéclaralion, et
à ceste fin eux ou l'un d'eux transporter sur les dictas terres
et seigneuries et partout aiUieurs où il appartiendra, et
d'icelles reprendre, tenir et retenir pour et au nom de nous
la possession et jouyssance réelle et actuelle, pour en joyr
par nos mains et de nos oMciers, gens et dépuiez et dores-
navant prendre et percevoir les fruictz, prouTitz, revenus et
esmolumens, à commencer du premier jour du mois de
janvier dernier passé, commectre et instituer de par nous et
continuer les oITiciers des dites terres et seigneuries Jusques
à nostre bon plaisir, faire, conclure et arrester les estatz des
recepveurs et autres comptables et généralement de procu-
rer, faire et ordonner es choses dessus dictes, circonstances
□ igitizedby Google
— 77 —
et despendances d'icelles, tout ainsy et autant que ferioDS
ou faire pourions si en personne y estions ; le tout au dît
DOm et titre de douaire tant et si longuement qu'il aura lieu,
et sans préjudice, comme dict est, de nos dits autres droitz,
actions et arrérages de la dite ferme; promectant en foy
espéciale de princesse tenir et avoir pour aggréable tout ce
que par eux et chacun d'eux aura esté et sera faict sur le
contenu des dites présentes. Donné à la Flèche, le 27* jour
de fehvrier 1537.
Des ditfi jour et an, a esté expédié par ma dicte dame autre
procuratioD ad Utea et mise es mains du dit bailly de Yen-
dosmoys pour requérir et demander les renvoys des causes,
tant en demandant que en deffendant, soit en la cour de
parlement, aux requestes du palais à Paris, que par devant
les juges et officiers ou autres et à ces fins, de soy adjoin-
dre pour et ou nom de ma dicte dame es causes, querelles
et matières qui soient meues entre autres parties es quelles
auroit ou pouroit prétendre aucun intérest, et par espécial
de faire et substituer un ou plusieurs procureurs en la dite
procuration, le nom des procureurs n'a esté emply.
Veu par madame certaine requeste à elle présentée les
dits Jour et an par damoiselle Louyse Gaignart, femme de
Jeannot Thébault, et d'icelle rapport luy eatre faict, ensemble
du contenu en l'arrest devant mentionné, elle a ordonné que,
avant passer outre, les officiers de la baronnie de Sonnoys
luy certifieront par escript souba leurs seings des mœurs et
conditions du dit Thébault, des causes, circonstances et
despendances du procès sur lequel a esté donné le dit arrest,
de la perte et dommage au vray que ma dicte dame a eue à
l'occasion des cas dont iceluy Thébault estoit accusé, de la
nature et valleur du fond entrepris par le dit Thébault,
ensemble du contenu de la dite roqueste, pour ce faict et
rapporté estre ordonné sur icelle ce qu'elle verra estre à
faire, etc.
Des dits jour et an, ma dicte dame a expédié lectres
aux dits officiers de Sonnoys, en la forme qui s'ensuit.
Chers et bien amez, la femme d'un nommé Thébault nous a
fait présenter une requeste touchant l'alTaire de son mary, sur
quoy avons ordonné quelque préparatif, ainsy que verrez en
nostre ordonnance faicte à la fin de la dite requeste. A quoy
de VDstre part vous satisferez au plus tost que pourez. Outre
avons entendu par ce qu'avez escript au bailly de Vendos-
moya vostre diligence sur l'exécution de la révocation par
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— 78 —
nous faïcte des aliénations, mesmement de celles qui ont
esté faictea à Mario de la Fosse et à un nommé de la Bous-
sardière, en quoy nous avez faict service très agréable. Pour
ceste cause vous ordonnons que incontinent ayez à nous
envoyer vos advis sur la parfaicte et entière exécution de la
révocation des dites deux aliénations et autres, si aucunnes
viennent à cognoissance, dont ferez inquisition et deue dili-
gence. A tant, chers et bien amez, prions le Créateur, etc.
Plus, des dits jour et an, sur certaine requeste présenlëe
à Madame et À Monseigneur par un nommé Bottier, a esté
respondue eu la forme qui s'ensuit.
Veu parnous Françoise, duchesse, etc., et Anthoine, duc,
etc., la présente requeste et du contenu en icelle, rapport à
nous faict par les gens de nostre conseil estans lez nous, nous
avons ordonné el ordonnons que le dit Bottier, suppliant,
poura présenter par devant nos amez et féaux les gens des
comptes à Vendosme ses comptes du faict et administration
qu'il a eue de la recepte de Sain te- Suzanne, avecques ses
papiers, acquictz et quitances et tout ce que bon luy semblera
pour la vérification de ses faictz, et par les dits gens des
comptes que commectons quand ad ce, y estre faict droict ou
donné quelque expédition qu'il appartiendra, et après estre
par nous ordonné sur le résidu du contenu en la dite pré-
sente requesie ce que verrons estre à faire par raison, le tout
sans innover ne faire dérogation à l'encontre des obligations,
soubmissions et jugemens que avons ou povons avoir à l'en-
contre du dit suppliant pour raison de la dite administration
ne aux poursuittes et instances encommencées pour raison
de ce.
Des dits jour et an, a esté expédié mandement de ma dicte
dame à M" Ftorimond MarsoUier, cbastelain et recep-
veur de la baronnye de la Flèche, par lequel elle luy ordonne
tenir quitte et deschargé Guillaume Syette et Ambroise, sa
femme, de. la somme de Ô« 3 s. 4 d. t., en quoy ils sont
tenuz vers ma dicte dame pour raison de l'acquest par eux
faict le 22 febvrier 1535 de Collas Syette, leur filz, demeu-
rant à Précigné, de la quarte partie par indivis des maisons,
jardin, tenemens et appartenances du Cheval Blanc, situez en
la ville de la Flèche, en la rue de Nostre Dame du Chef du
Pont, de la quelle somme elle luy a faict don, sauf du
dixiesme denier qu'elle a présentement mis en ses mains
pour estre employé en ses aumosnes.
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Du 28* jour du dit moys de febvrier ou dit an 1537, ma
dicte dame a expédié mandement h son thrésorier et recep-
veur général par lequel elle luy ordonne bailler acquict à
M'Florimond Marsotlier, chastelain, etc., servant k la reddi-
tion de ses comptes, de la somme de 9A« 10 s. t., qu'il a ce
jourd'huy fournie et délivrée comptant par son commande-
ment verbal à Philippes Creste, son secrétaire et argentier,
pour convertir au faîct de sa charge, mesme au payement de
pareille somme deue par ma dicte dame à Pierre Moussault,
marchand, suivant l'accord pour neuf pippes de vin qu'il
avoit fournyes es mois de juin et juillet dernier passez.
29.
Du 25' jour de mars 1537 avant Pasques, ma dicte dame
a expédié autre mandement à M° Germain Le Maçon, par
lequel elle luy ordonne desduire el rabbattre à Jean Vallin,
grenetierde Chàteaugontier. la somme de 55# tz., sçavoir est
50» tz. dont elle luy a faict don en faveur et considération des
services qu'il iuy a laictz au recouvrement des deniers des
amendes et restitution de droits de gabelle provenus de la
réformation de la dicte gabelle faictes es parroisses du dit
grenier de l'année dernière, el 100 solz tz, pour quelques
voyages par luy faictz du dit Chàteaugontier en ce lieu de
la Flèche vers elle, et ce sur les deniers du dit grenier qui
escherront en ce présent quartier de janvier, febvrier et
mars, en faisant par luy recepte entière du dit quartier.
Du 10* jour d'apvril 1537 avant Pasques, ma dicte dame
estant à la Flèche elle a expédié lectres de confirmation
pour Pierre Forget de l'ofÏÏce de sergent ordinaire en la
baronnie de la Flèche ou bailliage de Créans, Mareil,
Thorcé (?} el fiefs enclavez, aux droicLz, honneurs, etc., le
serment adressant au bailly de la Flèche ou son lieutenant.
Des dits jour et an, ma dicte dame a expédié autre confir-
mation à Gervais Faiffeu de sergent ordinaire en la ville
de Lespet (?}, en la baronnie de la Flèche.
Des dits jour et an, ma dicte dame a expédié autres
leclres de confirmation à René Billon de l'office de sergent
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général de la baronnie de la Flèche pour en jouir aox fran-
chises, libertés, etc.
31.
Du 18* jour d'apTril au dit an 1537 avant Pasques, ma
dict« dame estant à Fontevrault a expédié lectres aux offi-
ciers de Sainte- Suzanne en la forme qui s'ensuit :
Chers et bien amez, nous avons eu requeste touchant le
doD du rachapt de la terre du Chasteau. tenue à cause de
notre baronnie de Sainte -Suzanne tant de la part du sieur de
Chantelou, l'un de nos maîtres d'hostels, que d'un nommé
Champion, auquel Champion avons ordonné en estre faict
quelque despescbe non mémorative de ce que en avons
accordé au dit sieur de Chantelou et n'ayant par nous esté
adverty de l'intérest que povons prétendre par dépied de
iîef sur le dit lieu du Chasteau, à ceste cause vous mandons
et ordonnons que n'ayez à entheriner ne mectre à effect la
dicte despescbe faicte au dit Champion, ains la tenir en
surcéance jusques ad ce que nous ayez deuement informée
du dit droict de dépted de fief et que par nous autrement en
aye esté ordonné. A tant chers et bien amez, etc.
32.
Du lundy 22' jour d'apvril 1538 après Pasques, au conseil
de Madame tenu à Fontesvrault, sur les requestes présentées
par Jean de l'Espinay, soy disant avoir droict de l'un des
quatres fayez de la Flèche et par ce moyen usage de
prendre boys en la forest de Meslinays. pareillement René
Chauveher, aussy l'un des dicts fayez, Jean Le Maignan. se-
f rayer, et Thierry Fontenays, sergent, tendant affin d'avoir
□n, grâce et modération des amendes et despens es quels
chacuD d'eux a esté condemné vers ma dicte dame par les
juges commis à la réformation des boys et forests des
vicomte de Beaumont et baronnye de Sonnoys, ma dicte
dame a voulu et ordonné, veut et ordonne que l'advis des
ofBciers ordinaires du dit lieu de la Flèche, accord et tran-
saction soit faicte avec les dits Chauvelier et autres fayez
susdits en manière que le dit droict d'usage par eux pré-
tendu à la dicte forrest pour l'advenir soit et demeure sup-
primé, nul et aboly, et que à cette fin estimation en soit
faicte, ensemble des droictz et charges qui en despendeat et
pour cette considération, les dits de l'Espinay, Chauvelier
et autres fayez dessus déclarez estre tenus en surcéance du
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— 81 —
payement de ce qu'ils doibvent à cause des dictes coodem-
Dations d'amendes et despens jusques aux termes de
my-aoust et la Touaaainct prochainement venaus par
moytié et égale portion, et les dits Fontenays et Le Maignen
moylié jusques à un moys et l'autre moytié à la Saint-Jean
aussy prochain venant.
Du 24* jour des dits moys et an. ma dicte dame, estant à
Montreuilbellay, a expédié leclres aux officiers de Sainte-
Suzanne par lesquelles leur mande avoir entendu le renvoy
qu'ils ont faict par devant elle sur le différent (?) des grAce et
don du rachapt de la terre du Cbasteau, ils ont par lectres
de ma dicte dame escripte à Fontevrault, le jeudy dernier
passé, son motif principal est avant que passer plus outre,
ayent à s'informer au vray par les advis et certifications, de
l'intérest sur le droit dedépié de fief que son procureur pré-
tend pour elle sur la dicte terre et des droiclz que chacun
des poursuivans à avoir don du dit rachapt peut avoir en la
dicte terre, à quoy ma dicte dame ordonne satisfaire au
plus tost que faire ce poura, etc.
34.
Du 26* jour du dit mois d'apvril ou dit an 1538 après
Pasques, en la présence du hailly de Vendosmoys, Madame
a expédié lectres de confirmation à M* Jean Suart le jeune,
de lestât et oflîce de prévost et garde de la prévosté de la
chastelnye de Marchenoir, qu'il a cy devant tenue et exer-
cée, aux gageS: droictz, proufitz, etc., pourveu qu'il fera
résidence continuelle au dit Marchenoir et non autrement.
Du dimanche 28' jour des dits moys et an, ma dicte dame
estant en son conseil à Montreuilbellay, sur certains aKicles
à elle présentez par les otficiers du dit lieu, a ordonné sur
le premier que sur son intérest, tant pour les fruictz et arré-
rages du passé depuis le temps de feu Madame Agnès de
Savoye que depuis jusques au temps des baulx à ferme que
pour les fruictz à l'advenir, que pour ayder à soustenir les
droicts de la propriété, elle se joindera aux procès qui en
sont intentez aux requestes du pallays, et que à celte fin en
escrire à son conseil à Paris, et pour en communiquer
avecquea Hacqueville et autres gens du conseil de Madame
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de Longueville ; sur le deuxième et troisième articles,
ensemble sur le quatrième, Madame a ordonné que là où les
officiers de Longueville vîenderoient à faire quelque compo-
sition ou accord, pour lors on y entendra de sa part et où le
sieur de Champlays ne voudroit entendre à l'accord qui en
fut faict ou pourparlc en la présence de feu Monseigneur de
Longueville, sera poursuivy le procez auquel ma dicte dame
se joindra ainsy que dessus ; et quant aux anciens procès
intentez ensemble quant aux baulx de ferme contenus ez
articles, seront baillez au plus offrant et dernier encbéris-
Du premier jour de may ou dit an 1538, ma dicte dame
estant à Fonlevrault a expédié lectres de confirmation à
Bertrand David, de Testât et office de capitaine du chastel
de sa terre et seigneurie de M on treuil-Bellay, pour iceluy
office tenir et doresenavant exercer par ledit David aux
honneurs, droictz, proufitz, revenus et émolumens accous-
tumez et audit office appartenans, etc.
37.
Du 2° jour de may ou dit an 1538, ma dicte dame a expé-
dié autres lectres de confirmation à Michel de Bertbemont,
de Testât et office de capitaine de Foussebellay, membre
despendant du dit Montreuilbellay, aux bonneurs, droictz
et aux gages qui luy seront cy-après par nous ordonnez, etc.
Des dits jour et an, a esté expédié autres lectres de confir-
mation au dict Micliet de Berthemont de TolUce de consiei^e
du chastel de Mon treuil-Bellay aux honneurs et gages ainsy
que dessus.
A esté expédié autres lettres de ma dite dame des dits
jour et an, en la forme qui s'ensuit.
Nous, Françoise, duchesse de Vendosmoys, etc., à tous
ceux, etc. Sçavoir faisons que nous deuement informée des
sens, suffisance, loyauté et bonne diligence de la personne de
nosLre cher et bien amé M° Jean Bibotteau, demeurant en
nostre ville de Montreuilbellay, à iceluy pour ces causes avons
commis et commettons par ces présentes au faict et charge
de nostre recepte de nostre dicte baronnie de Montreuilbellay,
Foussebellay, Gennes et la Marche, pour Tannée présente
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commençant au premier jour de janvier dernier passé, à la
charge de nous en tenir et rendre bon compte, etc.
Des dits jour et an, ma dicte dame a expédié lectres de
coofirmation à Julien Roy, de rolTice de portier et garde des
prisons du chastel de Montreuilbellay, aux honneurs et
gages ainsy que devant est dict, ensemble une autre confir-
mation au dit Roy de garde des boys de Brossay et garde de
la garenne du dit Montreuilbellay aux honneurs, droictz,
prouiîtz, etc.
Des dite jour et an, a esté expédié par ma dicte dame
lectres de confirmation à René Turqueau de Testât et office
d'enquesteur el greffier du dit Montreuilbellay, le dit greffe
en la terre et seigneurie d' Argenton et Gennes, aux honneurs,
droictz, proufitz, etc.
Des dits jour et an, ma dicte dame a expédié autres lectres
de confirmation à M' René Jourdain, licencié en loix, de
Testât et office de cbastelain de la baronnie, terre et sei-
gneurie de Montreuilbellay aux gaiges qui luy serontcy après
ordonnez par ma dicte dame.
Dea dits jour [et an, a esté] expédié par ma dicte dame
une procuration en blanc envoyée à M° Richard Huart, ad
Utes, contenant en espécialité de continuer un ou plusieurs
procureurs.
38.
Du 5' jour du dit moys de may ou dit an 1538, ma dicte
dame estant à Mirebeau, a expédié un mandement en la
forme qui s'ensuit :
Maistre îiermain Le Maçon, thrésorieret re cep veur géné-
ra] de nos finances, et Florimond MarsoUier, chastelain et
recepveur de nostre baronnie de la Flèche, nous vous mandons
et ordonnons tenir quille et deschargé Simon Le Boucher,
apoticaire, demeurant en nostre ville de la Flèche, de la
somme de 30# par enquoyil a esté condemné vers nous par
les commissaires commis à la reformation des boys et foresls
de nostre vicomte de Beaumont et baronnie de Sonnoys, de
laquelle somme de 30# tz. pour aucunes causes à ce nous
mouvans audit Le Boucher avons faict et faisons délais, grâce
et don, moyennant que demeurons quitte vers le dit Le Bou-
cher d'aucunes parties de sa marchandise et mcstier qu'il noue
a foumye et délivrée pendant que dernièrement estions au dit
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— 84 —
lieu de la Flèche montant à la somme de unze livres huict
sols tournois, outre autres parties d'apotiquairerie dont paye-
ment luy a esté faict après ce que iceluy Boucher s'est désisté
du droict d'usage par tuy prétendu en nostre forest de Mesli-
nays et y a renoncé ainsy qu'il appert par lectre et instru-
ment de (en blanc), notaire de Mirebeau, et touchant les des
pens et remboursement d'espices en quoy iceluy Boucher par
le dit jugement est tenu et condemné vers noi^, les avons
mis et mectODS en surcéance jusques ad ce qu'autrement en
ayons ordonné et en rapportant par vous thréaorier ou autre
ayant charge de nous des dits deniers des dictes amendes,
ces présentes signées de nostre main avec quitance ou
recognoissance du dici Le Boucher, d'avoir joy de nostre dit
présent délais, grâce et don, ensemble les dites fectres et
instrument d'icelle renonciation et faisant par nous recepte
des dits 30# pour eslre passée et allouée en la despence de
vos comptes et rabattu de vostre recepte par nos amez, etc.
Du 7' jour du dit moys de may ou dit an 1538, ma dicte
dame estant à Poictiers, sur certaine requeste à elle présentée
par Louys de Saint-Lou, après avoir eu l'advis des gens de
son conseil, estans près d'elle, pour certaines causes à cela
mouvans, a au dict de Saint-Lou suppliant donné et domie
terme et délay de payer les amendes et despens en quoy
par le jugement des commissaires commis à la réformation
des dits boys et forests des dictes vicomte de Beaumont et
des dictes baronnyes, dedans les jours et festes de my-aoust
et la Toussainct prochainement venans par moytié, sans
préjudice en autre chose de l'eiïect du dict jugement et
sans aucune innovation, et en baillant par le dit Saint-Lou
piège et caution suffisant de faire le dît payement qui se
soubmectcra au dit payement comme principal débiteur selon
la qualité du dit jugement et condemnalion et renonceront à
tout ordre de division préalable, le tout par devant les ofTi-
cters de la dicte baronnye de Sonnoys dedans quinze jours
prochainement venans. En mandant aux dits officiers faire
joyr le dit Saint-Lou de lagr&ce et délay, car ainsy plaist, etc.
40.
Du 8' jour des dits moys et an, ma dicte dame estant au
dict Poictiers, a expédié lectres soubs son seel à {en blanci de
l'oiTice de notaire soubs les sceaux aux contraclz de la baron-
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nye de la Flèche qne Boulloit tenir (en blanc), vaccant à
présent par la mort et trépas, pour iceluy office avoir, tenir
et doresenavant exercer aux honneurs, droictz, profitz, etc.
Des dits jours et an, a esté expédié lectres par ma dicte
dame pour l'oifice de procureur ou bailliage de Tours par
lesquelles elle a confirmé M' André de Lange ou dit estât à
la pention de cent sols tournois par au, etc.
Ensemble a esté expédié autres lectres de confirmation
de l'office d'advocat et conseiller ou bailliage de Touraine, à
la pention de 10« , etc.
Du 11' jour du dict moys de may ou dit an 1538, ma dicte
dame estant audit Poictiers, a expédié lectres soubs son
seel, en la forme qui s'ensuit :
Françoise, duchesse, etc., à très Révérend Père en Dieu
Monsieur l'évesque de Poictiers, ou ses vicaires en la spiri-
tualité, salut. Comme à nous à cause de nostre dit douaire,
compete et appartienne la présentation et nomination de tous
et chacuns les bénéfices et dignitez fondées en l'église Nostre-
Dame de Montreuilbellay au château du dit lieu et à vous à
nostre dicte nomination la collation, provision et toutte autre
disposition, touttes et quantes foys que vacation y eschet et
soit ainsy que l'une des prébendes du dit lieu soit vaccante
parla résignation que en a faicte de nos congé et licence nostre
très cher et bien amé M' Jean Le Moyne, prestre, à cause de
la permutation avec la cbappelle Saint-Christophie fondée
dedans l'église d'Assé-le-Boyne ou diocèze du Mans, que a
tenue et possédée par cy devant M" François Bellanger, au
lieu de la dicte prébende, sçavoir faisons que en usant de nostre
dit droict cy dessus spéciffiê, aussy pour la bonne relation
que faicte nous a esté de la personne du dit M' Bellanger et
de ses sens, bonnes mœurs, littérature, honnesteté et bonne
conversation, iceluy pour ces causes, avons présenté et
nommé, présentons et nommons comme personne ydoine,
capable et suffisant pour icelle prébende et chanoinerie de la
dicte église vaccante par la manière susdite, avoir, tenir, joyr,
posséder, vous requérant que, à notre dite nomination et pré-
sentation, vous luy en veilliez faire expédier lectres de colla-
tion et provision telles que luy seront nessessaires, pourveu
touttes foys que, en faisant la dicte résignation, ne inter-
viennent aucun dol, fraude ou autre illicite paction, sur peine
de nullité de ces présentes. En tesmoing de ce, etc.
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— 86 —
Des dits jour et an, ma dicte dame a expédié autres
lectres en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à nos amez et /eaux les séneschal, chaste-
lain, procureur, et recepveur, et autres nos officiers de Mon-
treuilbellay, Foussebellay et Gennes, leurs lieutenans ou
commis, et à chacun d'eus, salut. Sçavoir faisons que pour
Venltère confiance que nous avons en la personne de nostre
cher et bien amé M' Gauleher de Saînte-Marlhe, sieur de
Lerne, et de ses sens, loyauté, preudhomie et grande dili-
gence, iceluy, pour ces causes et autres à ce nous mouvans,
avons commis et ordonné, commectons cl ordonnons par ces
présentes à regarder et entendre aux affaires de [nos] terres
et seigneuries et nous y servir bien et loyamment ainsy que
lui avons chargé et ordonné tant qu'il nous plaira. Si vous
mandons, commandons et expressément enjoignons et à
tous nos sujetz des dits lieux que au dit M° Gaucher, en
faisant et exerçant la charge susdite, soit obéy et entendu
diligemment et donnent conseil, confort et ayde, et que aux
baillées, criées et autres affaires qui se feront pour nous, il
soit doresenavant appelle et envoyé quérir s'il est au pays
ou à l'environ pour en donner son advis comme l'un de
vous, car sans luy ne voulons aucune chose estre par vous
conclute s'il s'y peut trouver, car tel est nostre plaisir. En
tesmoing de ce, etc.
Des dits jour et an a esté expédié lectres patentes de ma
dicte dame à la requeste de Jeanne Nepveue de l'ofTice de
notaire en la chasteinye de Vendosme. ensemble autres
lettres par ma dicte dame de l'ofTice d'huissier es grands
jours du dit Vendosme.
42.
Du 20" jour du dit moys de raay ou dit an 1538, ma dicte
dame estant au Heu de Saint-Julien a fait céduLle à monsieur
l'abbé de Meslinays, M' Jean Thénault, docteur en théologie,
de la somme de 500# tz. qu'il luy a au jourd'huy prestez
comptant pour subvenir à ses affaires, laquelle somme ma
dicte dame promis par la dicte cédulle luy rendre à sa
volonté.
Des dits jour et an, ma dicte dame a escript une lectre
aux officiers de la Flèche par la quelle elle leur ordonne que,
suivant l'arrest dernièrement donne entre elle et les reli-
gieux abbé et couvent de Meslinays, ils ayent à leur baUler,
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— 87 —
merquep et délivrer boys pour leur chauffage et usage, et
au surplus les tenir en surcéance touchant l'exécution des
jugemens des dits arrests jusques ad ce que autrement par
elle en ayt esté ordonné, sy ny facent difficulté, etc.
43.
Du 24' du dit moys de may ou dit an 1538, ma dicte dame
estant à Ingrande en Berry, a esté expédié lectres de ma
dicte dame en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc. Sçavoir faisons que pour le bon rapport
que faict nous a esté de la personne de nostre cher et bien
amé Jean Pigasce, l'un de nos maistres queux, à iceluy pour
ses causes et autres considérations à ce nous mouvans avons
donné et octroyé, donnons et octroyons par ces présentes
l'office de sergent en nostre forest de Perseigne en la garde
du Rocheretz que soulloit t«nir et exercer Jeannol Thcbault,
vaccant à présent par la destitution et jugement faict et
donné par les commissaires commis & la réformation de nos
boys et forests des dites vicomte de Beaumont et baronnie
de Sonnois à l' encontre du dit Thébault, pour iceluy office
de sergent avoir, tenir et doresenavant exercer par le dit
Pigasce aux gages, droictz, proufitz, revenus et émolumens
accoustumcz et qui y appartiennent, tant qu'il nous plaira.
Sy donnons en mandement par ces présentes au maistre des
eaux et forests de nostre baronnie de Sonnoys que pris et
reçu du dict Pigasce le serment, etc.
(A suivre).
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LETTRES
MICHEL-RENÉ MAUPETIT
Député
A l'assemblée nationale constituante
1789-1791.
(Suite).
15 novembre.
Ci-joiot, mon ami, le jonmal de samedy, où vous
verrez le commeDcement de la discussion sur la gabelle
d'Anjou, et avec intérêt le peu qu'on a pu retirer du
discours de M, Necker Bur la conversion de la caisse
d'escompte en Banque nationale. Il a eu le plus beau
mouvement à la fin de son discours. Aussi a-t-il excité
les plus vifs applaudissements, tandis que Messieurs les
Jeunes adeptes, qui se croient la science infuse, cher-
chaient par leurs gestes d'improbation à faire connaître
leur résistance à ce mouvement, et par leurs propos
disaient à leurs voisins : « Petits moyens que tout cela,
c'est un financier qui n'y entend rien; nous sommes plus
habiles, nous allons vous proposer de bien meilleurs
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plans. « Quand le discours sera imprimé, je vous l'adres-
serai.
Je marque à Messieurs du comité que l'affsire de
l'Anjou nous a empdché samedy de tenir notre assemblée
ponr la division de la généralité. Nous ne savons quel
jour maintenant nous pourrons nous réunir. Au surplus,
je ne regrette pas le contretemps des difficultés même
que doivent faire les députés du Mans pour une plus
grande étendue de département que celle présentée par
te comité. Cela nous donnera plus de temps et de facilité
peut-être pour parvenir à notre but. Adieu, j'ai été obligé
hier de courir pour rendre des visites, je n'ai pu écrire
ny m'entretenir plus au long avec vous ; une autre fois
mieux.
LV
(Sans date)
J'ai reçu vos deux lettres, mon ami ; je n'ai pu samedy
que répondre à la hôte à votre première. Vous devez
croire que j'aurais sârement bien le désir de réunir le
chef-lieu à Mayenne, mais vous avez senti que difficile-
ment nous pourrions soutenir la concurrence et j'ai beau
me retourner et je ne vois ny possibilité d'arranger les
départemens d'une autre manière, ny dans aucun arran-
gement même plausible d'y placer Mayenne comme
centre, à moins qu'on eût fait cent vingt à cent trente
départemens, comme le demandait M. de Mirabeau et
un autre, M. Aubry du Bochet '. Dans ce cas, j'y voyais
de la possibilité, mais si j'examinois ensuite ce que
seroient de pareils départements, réduits à une si petite
masse, combien au moral les grandes villes, où il eût
existé plus de lumières, plus de connaissances, l'eussent
emporté infailliblement dans la balance, je n'ai plus été
si jaloux d'un petit département, en le voyant aussi isolé
I. Anbry du Bouchet, député de Vlllsn-Cotterets.
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qu'il le seroît dans le fait, réduit à n'avoir pour chef-lieu
que des petites villes, où plus aisément règne la désunion,
où, dans l'ordre social, il règne si peu d'ensemble, où
les petits intérests éclipsent les grands et je me suis dit :
« II vaut encore mieux un plus grand département. » Il ne
faut pas non plus trop étendre, parce que la vigilance
des administrateurs ne peut s'étendre à tout. Trois cent
vingt lieues quarrées, un diamètre de neuf lieues, est
une bonne étendue ; il en peut résulter et des communi-
cations faciles et une réunion d'assez grandes propriétés
pour trouver des hommes instruits, un balancement
d'intérêts assez diversifié pour mettre en juste équilibre
et, en appliquant ces idées au plan du comité, en faisant
sur une carte le plan du département, je voyais presque
partout deux, trois, quatre villes en état de se défendre
intérieurement, de se réunir contre les oppresseurs du
dehors. Notre position me paraissait d'autant plus heu-
reuse que Laval ne pouvait nous effrayer comme une
ville plus forte, qu'à proximité d'elle, nous pouvions être
instruits de tous ses mouvemens, les prévenir ; ainsi le
plan du comité me paraissait sous tous les points de vue
réunir les plus grands avantages et mériter la préférence,
sans rien nous faire redouter d'aucune influence de la
ville on se tiendroit l'Assemblée, car enfin, nousy aurons
nos députés, nous les aurons en nombre égal, nous
avons plus d'étendue de terrain intéressé à maintenir à
sa proximité le commerce des toiles, à prévenir la ruine
d'un marché qui lui est avantageux. Une simple réflexion
semble même rassurer contre toute crainte à cet égard.
Si Messieurs de Laval avaient une prépondérance si à
craindre, si le commerce ne la balançait pas par des
circonstances indépendantes des volontés particulières,
mais il y a longtemps que les Lavallois eussent pu anéan-
tir notre commerce. Ce sont eux qui achettent les deux
tiers de nos toiles. Si on pouvait supposer une volonté
possible de détruire notre ville, ce seroit le concert de ne
point venir à Mayenne y acheter nos toiles. Ce concert
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est-il à supposer? l'intérêt partiel, le meilleur marché,
le moins de dépense de douze, quinze négociants, oppo-
sés à la plus forte dépense des cent cinquante fabricants,
la nécessité de se procurer des fîls dans le pays qui les
fournit analogues à la fabrication, tous ces motifs ren-
dent impraticable un pareil concert.
Si quelque chose prouvoit encore l'impossibilité qu'un
chef-lieu de département fût avantageux à notre ville,
pût s'y soutenir, c'est le défaut d'union, vice presque
général des trop petites villes ; là y régnent des préten-
tions, des passions partielles, toujours opposées au bien
général, et je ne donnerois une existence bien longue à
toute administration importante concentrée dans de trop
petits endroits. Vous sentez donc que c'est à vous seul
que je dis tout cela et que nous sommes bien d'aceord
sur la manière d'envisager les prétentions de nos com-
patriotes.
Adieu, l'heure me presse, je vais écrire et répondre à
une lettre que j'ai reçue hier et tâcher, non de convertir,
mais de faire sentir à celui qui m'écrit et que je croîs
bien partager les idées du comité, que, si peut-être il
n'est pas possible de réunir à Mayenne l'avantage qu'on
y désire, sans trop consulter si il en seroit un, il y auroit
peut-être moyen de ne pas tout perdre, en composant
avant que le comité décide et en convenant que la ville
qui auroit le cbef-lieu ne pourrait réunir la justice. Je
gage qu'à Mayenne on préférera la justice et, dans le
fait, il y aurait pour la ville plus d'avantage, mais la
préférence du choix désigneroit bien le motif secret de
la rumeur que vous avez bien appréciée. Adieu pour
aujourd'hui.
J'aurais besoin des six feuilles de cartes de l'Observa-
toire qui sont dans le bas de la grande armoire du char-
trier J'y tracerais la Ugne de division des paroisses
lorsque notre division sera arrêtée. J'annonce à Messieurs
du Comité que notre assemblée de généralité n'a pu
avoir lieu le samedy.
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18 novembre.
Pour vous seul.
Je joins, mon ami, le discours de M. Necker. C'est
vendredy qu'on le discutera, que M. de M... (Mirabeau),
les agioteurs, nos jeunes législateurs, se réservent de
l'attaquer, de le dépecer, de le mettre en pièces, ainsy
que le plan de Bnances que doit proposer le Comité et
qui participe du même vice devenir enpartie de M. Necker.
A entendre tous ces messieurs, tous les gens d'état, il
n'y eut jamais de si mince ministre des finances ; il n'y
a pas de petit commis qui ne puisse donner de meilleur
plan. C'est à qui déchirera le mieux le ministre le plus
vertueux, qui attaquera sa gloire. Elle semble leur ravir
à tous leur bien, leur fortune, leur ambition.
Voilà bientôt nos assemblées déterminées dans leurs
bases principales, quatre-vingts départements, districts
au nombre de trois, six ou neuf, suivant les localités ;
assemblées primaires de citoyens actifs répandus dans
deux lieues carrées, sauf à indiquer le point de réunion.
Les élections auront lieu d'après les trois bases de la
population, de la contribution et du territoire. Ainsi
chaque canton aura ses électeurs, ses administrateurs
à son choix, autant que possible. Ce ne seront plus dans
les villes seules que seront concentrés le choix des admi-
nistrateurs et des représentants. N'allez pas dire cette
conséquence des principes adoptés, je passerais encore
pour un mauvais mandataire, tandis que je crois forte-
ment contribuer au bien général. Les assemblées des
électeurs députés par les assemblées primaires se ras-
sembleront de tous les districts des départements. C'est
le dernier décret d'hier. Mais ils ne pourront jamais se
- rassembler dans le chef-lieu du département. Ce sera la
matière d'un décret d'aujourd'hui, pour dter toute in-
fluence à la ville du chef-lieu qui n'eu pourra guère avoir.
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puisque l'assemblée du département sera composée des
députés des districts et la Commission intermédiaire en
aura également des districts. Il y aura de l'embarras à
ceux qui seront nommés, mais il faut craindre les aristo-
crates des villes et c'est ce qu'on veut abolir.
Nous voilà en guerre ouverte avec les Parlements. Il
reste encore dix qui n'ont point envoyé leur arrêt d'en-
registrement, mais ou s'attend aux mêmes arrêtés,
comme complot formé, auquel se joignent les mécon-
tents en tous genres, tous les anciens fauteurs d'abus.
On a hier au soir à l'assemblée parlé de nouvelles tenta-
tives projetées contre nos travaux. On peut y croire
facilement. Ce sont moins ces projets que je crains que
les divisions des partages. Si chaque ville oppose de
la résistance et ne se soumet pas à la balance avec
laquelle on a t&ché de régler les pouvoirs d'élection et
d'administration, il faut désespérer de la chose publique.
Adieu ; toujours pressé par l'heure, je me vois forcé à
abréger mes lettres. Cependant, couché à minuit, je me
lève dès cinq heures, mais c'est la misère pour trouver
une heure libre.
Je vous prierai de communiquer à M. de Soulgé le
discours de M. Necker, lorsque vous l'aurez lu, et M. de
Soulgé vous prêtera deux discours de M. Thouret, où
vous aurez à substituer le mot de district à celui de
commune. On a préféré, d'après l'usage introduit, d'ap-
peler districts, ce que le comité nomme assemblée com-
munale on commune.
20 novembre.
Ci-joint, mon ami, trois ou quatre journaux, si je
puis avoir le quatrième, dont j'étais en retard. Si vous
n'avez pas celui d'hier, il ne vous dira pas grand chose.
M.' de Mi... s'est efTorcéde jeter le sarcasme sur le projet
de conversion de la caisse d'escompte en caisse natio-
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Dsle. Comme il ne sait que détruire aans rien remettre à
la place, ÏI a encore cette fois manqué son coup. Il l'a
même manqué en faisant parler, d'après lui, un député
dont les connaissances ne lui avaient jamais donné la
plus légère teinture de cette partie. M. Dupont a plus
fait de plaisir dans dix ou douze phrases de sa bonhomie
que toute la méchanceté des autres n'avait causé d'indi-
gnation.
J'y joins aussi l'opinion de M. Target sur la division
du Royaume.
Vous trouverez aussi un rapport de M. Gillet de la
Jacqueminière < sur la demande des colons américains
de faire continuer la permission de tirer des subsistances
de l'Amérique, demande qui n'est que le prétexte pour
déboucher à l'étranger les sucres et caffés des lies et
recevoir d'eux des objets de leur consommation. J'espère
que le rapport du Comité sera suivi par l'Assemblée
lorsqu'elle pourra l'entendre. Je vous prie de le commu-
niquer à M. de la Cocherie ^.
Adieu, vous vous plaigniez de notre lenteur et voilà
toutes les bases des assemblées arrêtées. Il y aura
départemens, districts, municipalités, assemblées repré-
sentatives ou primaires et de département. Le nombre
des membres des assemblées administratives est réglé,
trente-six au département, dont deux au moins seront
pris dans chaque district, huit composent le Directoire,
vingt-huit l'assemblée du conseil. Dans le district de
douze, huit seront le conseil, quatre en activité. Si on
était d'accord sur les limites, on procéderait à fixer les
districts et, sous dix jours, on pourrait mettre en activité
cette organisation. Aussi on presse le comité de consti-
tution. Notre rang étant passé, il faut attendre que les
autres ayent fini. D'ailleurs Messieurs du Mans ne
peuvent s'accorder.
J'ai passé déjà cinq fois chez M. de Petitval sans
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pouvoir le rejoindre ; je lui ai laissé un mot. Mais, mon
ami, M. Petitva) me dira : Vous comptez supprimer les
Aides. Pourquoi me demander des places? Vous verrez
en effet que par te rapport du comité on supprime les
Aides avec la gabelle et que ce plan, qui va être imprimé,
a paru plaire infiniment à toute l'Assemblée.
L'affaire d'Anjou ne se juge point et on croit que,
d'après le rapport du comité des finances, on pourrait
bien, pour l'année 1790, commencer le nouveau régime.
On attend la discussion de ce plan qui ne pourra avoir
lien qu'après la conversion proposée de la Caisse d'es-
compte. Les administrateurs demandent d'être entendus
à la barre, mais d'ici à ce temps il pourrait résulter
beaucoup de non valeur, si les citoyens se refusent à
payer 1789 et il parait qu'il ne se reçoit presque rien,
ni de la gabelle, ni des Aydes, ce qui fait grand plaisir
à tous nos ennemis qui se flattent toujours que toute
l'opération sera culbutée et nous en avons un grand
nombre icy dans les agioteurs, les parlementaires, etc..
On cherche à diviser les districts, à élever authorité
contre authorité ; on a persuadé qu'une compagnie de
chasseurs établie par la ville pour arrêter la contrebande
avait un autre objet, et voilà comme on trompe le peuple
et on l'arme contre lui-même. C'est pour prévenir ces
rumeurs qu'ont été consentis les articles derniers passés
jeudy. On avait révoqué des députés des districts à la
commune.
21 novembre.
Pour vous seul.
Je suis charmé que mon idée ait réussi. Ce que j'en ai
dit se confirme et Messieurs du Haut-Maine font le diable
et retiennent la conclusion de nos limites pour nous
prendre des paroisses éloignées d'eux, pour nous ôler la
partie du haut de notre divieiou qui oécessairement, dtée
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de notre département, nous placeroit dans un coin.
J'en ferai décider la difficulté au Comité de constitution
établi juge à cet effet, parce que leur prétention porte
avec elle la marque de la partialité, du sordide intérêt,
du désir de tout envahir, comme du regret de ne pouvoir
conserver la grande main sur nous ainsi qu'ils l'ont eue.
Nous avons eu hier une assemblée de la généralité
chez M. le duc de Praslin '. Saumur avait député deux
municipaux pour se joindre à leurs députés et réclamer
un département à Saumur. Aussitôt les députés de Chinon
ont réclamé qu'avec cinq départemens il y en eût un à
Chinon, centre de vingt-cinq petites villes à cinq, six et
huit lieues eu plus de distance. I^es députés de Loudun
ont plaidé pour prouver que leur ville seroit également
on centre. J'étois prêt de me lever pour demander aussi
le nàtre, mais la plaisanterie eût paru trop forte. Mes-
sieurs de Saumur ont eu beau contester, batailler, ils
ont été seuls de leur avis et 33 voix contre 3 ont rejeté
leur demande d'un cinquième département. Ainsi tou-
jours quatre départemens. Tours est arrangé avec ses
voisins. L'Anjou est arrangéavec la Touraine. 11 n'y a
que nous qui, par la résistance de Messieurs du Mans,
ne pouvons rien conclure. Nous n'avons rien à régler
avec la Bretagne, ny la Normandie. L'Anjou circonscrit
nous a offert pour notre Bas-Maine tout ce qu'il pouvait
céder. Je n'ai pas voulu insister sur un plus fort abandon,
pour ne pas nous trop descendre au midy. 11 n'y a donc
que le Haut-Maine qui ne peut se concilier, ni avec
l'Anjou, ni avec le Vendûmois, le Perche, ni avec nous.
On a proposé de nommer des commissaires. Ils s'y sont
refusés et on me marquait de Mayenne qu'on aimeroit
mieux dépendre du Mans. En vérité, d'après l'expérience
que j'ai, je croirois perdre notre pays que de le mettre
sous la dépendance de gens qui n'ont en vue que la
I. Antoine-CéBar de Chotseul, duc de Pnalln, maréchal de camp,
député suppléaat de la aoblesse du Haine, appelé le S Juillet i rem-
placer U. de Hontewon, démlationnalre.
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domlDation, l'intérêt, qui voyent seuls de l'avantage à
avoir on grand département, qui prouvent dès lors
qu'ils aiment mieux l'intérêt des administrants que celui
des administrés.
Vous avez raison de croire que notre procès est perdu ;
hier, pour résumer notre assemblée, on fit un arrêté par
lequel on décida, comme je vous le disais, que, contre la
prétention de Saumur, il n'y auroit que quatre départe-
mens, et on a ajouté, dont les chefs-lieux seraient à
Tours, AngepB, Le Mans et Laval. Cela me força à élever
ma prétention et à faire mettre sur l'arrêté avant de le
signer, le quatrième département du Bas-Maine, sauf à
régler le chef-lieu entre Lâval et Mayenne. Au rire qui
éclata dans l'assemblée, et dont j'eus toute peine à
m'abstenir, il est évident qu'il n'y a qu'à Mayenne qu'on
peut penser différemment. Cependant je ferai juger le
procès au Comité et le jugement sera inscrit sur le
procès- verbal.
Je vous prierai de dire à M. Pottier de joindre aux
cartes un tableau de la population de notre district, copié
sur celui du district. C'est celui qui renferme les noms
des seigneurs, des curés, des procureurs syndics, la
quotité des impositions directes, les noms des membres
des municipalités.
J'ai vu très rapidement M. Carré '. Vous sentez que
sa position est très désagréable, qu'il ne voit pas de
bon œil les opérations actuelles. Il ne m'a parlé de vous
qu'en me disant que vous avez couru grand risque l'un
et l'autre. Cependant il m'a paru persuadé que les sabo-
tiers avoient été excités à venir piller le grenier, mais il
ne m'a point détaillé ses soupçons, ny nommé ceux qu'il
soupçonnait. J'ai affecté de briser sur cet objet pour
n'avoir point à l'occuper lui-même d'une scène qui
détruisoit son état ^. Il ne sait pas encore quand il partira.
1. Ud de* offlcien du grenier à ael de Mayenne.
I. Le pillage du grenier à ael par les bûcberona et sabotiers des bois
de Fontaine-Daniel, au mois d'août pricédent.
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Je ne seroïs pas fAché d'avoir mes cartes. Il n'y a que
l'embarras de plier ces cartes pour qu'elles ne soient pas
gâtées. On peut le faire en les roulant sur un morceau
de bois et les enveloppant de papier. Je ne serois pas
fâché aussi d'avoir dans une petite boite environ huit k
dix livres de chandelle dont j'avais par provision. Vous
serez étonné que je demande un pareil objet, mais j'en
ai une caisse qui, en vieillissant, se détériore et il faut
ici, ou acheter de mauvaise chandelle vingt sols la livre
ou de mauvaise bougie à cinquante sols ou trois livres.
J'écris au Comité. Ne dites rien de la conférence. Je
ne lui en parle point.
LIX
Paris, 22 novembre 1789.
Je joins ici, mon ami, le journal de vendredy dont
j'étais en retard par mon dernier envoi et la séance de
samedy matin. Celle du soir, quoique fort longue, puis-
qu'elle a duré jusqu'à minuit, n'a été employée qu'à un
rapport du Comité des recherches qui n'a appris que ce
qu'on savait, qui a enveloppé du voile circonspect et pru-
dent du mystère ce qu'on ne sait pas ; qui ne s'est expli-
qué que sur un membre de l'assemblée, d'une manière à
piquer la curiosité. On a voulu savoir son délit, quel
était le député coupable. Le délit n'en a jamais pu faire
un, et, après cinq heures de disputes, on a fini par dire
qu'il n'y avait lieu à aucune inculpation contre M. Malouet,
député de Riom, qui a montré de la fermeté et du courage
et annoncé qu'il ne redoutait aucune imputation. Cette
discussion tient à un parti dans l'assemblée qu'il serait
impossible de vous expliquer. L'esprit de parti se glisse
partout, et le malheur est qu'il ait fait perdre une séance
sans rien produire. On eût toujours expédié quelqu'affaire.
Les administrateurs de la caisse d'escompte étaient prêts
à se présenter et à expoaer leur situation, et cet objet
était plus instant que des récriminations, mais les bom-
□ igitizedby Google
mes, plus encore en masse, seront toujours les mêmes.
C'est folie de s'attendre à une conduite toujours compas-
sée comme celle des quaquers [sic] ; ce sont des gens
d'un autre monde.
Je ne vois pas que ce qu'on a dit ce» deux jours contre
le plan de M. Necker ait beaucoup diminué des impres-
sions qu'à fait son discours. Ce ne sera pas la faute des
agioteurs, des ennemis de ce ministre, car ils ont em-
prunté l'organe de plusieurs députés pour critiquer le
plan, et ces Messieurs très complaisants, plus jaloux de
faire inscrire leurs noms dans les journaux que d'appro-
fondir eux-mêmes, ont bonnement débité l'ouvrage d'au-
trui. Je ne me ferai pas de sitôt imprimer à ce prix.
Il y a apparence qu'on ne terminera pas la gabelle
d'Anjou, mais qu'on fixera un remplacement de toute la
gabelle dans le royaume ; le faux sel a pénétré jusqu'à
Paris.
Voilà les boucles d'argent, suivant votre désir, portées
à la Monnaie. On en reçoit tous les jours des manne-
quins en dons patriotiques et on ne voit bientôt plus que
des boucles de cuivre qui vont devenir aussi chères que
celles d'argent. L'inconvénient c'est que cette branche
de commerce occupait grand nombre d'ouvriers qui
vont augmenter la foule des gens sans état.
Je ne sais si je pourrai joindre le plan général des
finances lu par te Comité. Dans les différentes opinions,
il a été approuvé généralement. Il est cependant de
M. Necker, mais ce n'est pas lui qui l'a présenté. Il a
bien voulu s'exposer à la critique, en plaidant pour la
caisse d'escompte, dont on ne peut se passer. Nouvelle
preuve de son dévouement à la chose publique. On use
avec latitude de son invitation à la critique. La difficulté
est de substituer un plan à celui qu'il a présenté. Tous
nos modernes financiers créent sous la plume des mil-
lions à centaines, mais quand on leur demande le gage
de leur papier- monnaie, la représentation effective, où
est l'argent pour rembourser la caisse d'escompte, ils ne
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— 100 —
veulent pas avoir confiance dans les billets et dans la
solvabilité de cette caisse, créancière sur l'Etat de cent
millions, et ils veulent que ses actionnaires prennent
pour argent comptant le papier qu'ils imaginent. On
sent bien l'avantage qu'il y aurait à avoir des fonds
pour faire face au remboursement de la caisse d'es-
compte et mettre à la Banque nationale un fond suffisant
pour répondre. Ces Messieurs vendent des biens du
Clergé, mais si on en met en vente pour six à sept cent
millions, qui les achètera dans ce moment d'incertitude ?
En voila assez sur les finances, je ne m'en pique point
et dans une pareille matière, j'aime mieux croire, même
à patron, M. Necker, que de me livrer à des spécula-
tions qu'il est trop tard d'attraper quand on n'en a pas
fait une étude approfondie et qu'on n'est pas placé pour
calculer le crédit, ses avantages et ses désastres.
J'ai rencontré M. Carré qui m'a dit avoir demandé sa
voiture; ainsy je vous prie de faire porter chez M. Carré
les cartes de l'Académie, le tableau du district et les
chandelles, qui sont je crois les objets que j'ai demandés
par ma précédente.
M. Carré ne s'en retourne pas à Mayenne, il va
attendre à Lisieux que la suppression de la gabelle, à
laquelle il est résigné, soit prononcée; il ne retournera
à Mayenne que loraqu'enfin le public, bien rassuré sur
la destruction finale de ce régime abhorré, ne verra plus
dans sa personne le ministre fiscal de cet impôt, ny ne
le pourra plus regarder comme le plastron de ta haine
qu'il portait à la ferme.
LX
Sans date.
Je me sers du nom de M. Pottier pour que, dans le
cas où il se trouveroit quelque curieux à l'ouverture de
ma lettre, on ne tire pas d'induction, de colloques parti-
culiers. Tant que mes lettres suivantes, adressées à
□ igitizedby Google
— 101 —
M. Portier, ne seront pas cachetées en cire, elles seront
pour vous seul '.
Dites-moi donc à l'oreille quel est le secrétaire de
votre comité. J'ai vu hier une lettre qu'il adresse à
M. Goumay, au sujet de M. Clïquot et de sa résurrec-
tion. Je ne sais quelle idée le secrétaire se forme du ton
de fermeté, souvent convenable à un corps de citoyens,
mais je crois que celui-là s'élève au-dessus et qu'il passe
à pieds joints sur les bornes que trace le bon droit et la
manière de le défendre. Nous ne sommes point du tout
consentans à aller nous faire mal accueillir en présen-
tant la lettre qui a été adressée à cet effet à M. Goumay.
La responsabilité des ministres n'en fait pas des gens
qu'on puisse se permettre de malmener, quand ils ne
disent ny ne provoquent aucune attaque qui ne serait
point motivée. Goumay doit avoir fait la lettre et nous
la présenter demain à signer, pour engager le comité à
en adresser une autre dans des termes plus ménagés. Il
y a de la marge entre le ton suppliant qu'il convient de
bannir et le ton de dureté, que ne doit jamais prendre
un corps qui n'a point d'injustice à reprocher. Nous pro-
fiterons de cette seconde circonstance pour nous venger
un peu de la première, qui nous étoit personnelle, et je
crois bien que Gournay profitera de l'occasion. Il doit
dire un mot dans sa lettre de la division projetée et des
obstacles redoutés. Je lui ai remis le double de l'arrêté,
pris vendredy chez M. de Praslin, par lequel je me sois
fait donner acte de notre prétention contre Laval.
Je n'ai point reçu aujourd'hui la lettre du comité que
vous m'aviez annoncée ; au surplus je ne suispoint pressé,
peut-être l'aura-t-on adressée à M. le Chevalier ou à
M. Gournay. Il faut partager ses faveurs. Je n'ai pas du
tout connu qui vous vouliez me dépeindre dans votre
avant dernière par le président éloquent et savant. Il n'y
a que le mot président à me dérouter.
□ igitizedby Google
— 102 —
Je crois que parfois il serait bon de glisser à quelques
membres des réflexions sur les suites de leur prévention
contre Laval. En voilà un que me fournit la préférence
qu'un membre du comité semblait donner plutost au
Mans, tant nous aveuglent les préventions. Si le dépar-
tement était au Mans, ils feroïent bien plus leurs efforts
pour nous enlever dans la division des justices la partie
de Villaines, Pré-en-Pail. Laval au contraire , par sa posi-
tion, ne peut jamais prétendre passer sur notre dûs pour
aller faire venir ces paroisses à son siège. Mayenne est
sûr d'une justice et sa position lui assure toute la partie
nord, que la position du Mans peut lui enlever, tandis que
Laval ne peut y prétendre. Glissez cela à nos notaires
et je crois bien qu'il saisiront promptement cette idée
qui les intéressera plus que le département, qu'ils n'ont
redouté voir établi à Laval que par la crainte que la
justice n'en fût une suite.
Tout est apaisé au Mans <. Le serment a été prêté à
Laval. M. de la Roche a tancé ses compatriotes qui ont
eu le bon esprit de voir qu'ils s'étaient trompés dans
leur manière de voir. Tout le monde ne peut pas avoir
la même prépondérance. M. de la Bocbe est malade dans
ce moment et je crains bien que sa maladie ne devienne
sérieuse. Ne dites rien, crainte qu'on ne s'effraye. Lasnier
et du Cléré ^ sont avec lui et il en reçoit tous les soins.
C'est une fièvre lente qui ne le quitte point. La tête et
la poitrine sont affeetées a la fois, suite de notre long
séjour dans un air réellement méphitique. Le thermo-
mètre y monte à 26 degrés. On ouvre bien les fenêtres,
que l'air passant et froid fait ensuite refermer prompte-
ment, avant qu'il soit purifié.
I. L«s gardes nationaux du .Mans, réunis le IS novembre pour prêter
le serment de fldillté k la Nation, au roi et à la toi, conlormémenl au
décret du 10 aodt précédent, s'y étaient refusés en partie et s'étalent
joints à la populace pour réclamer la mise on liberté des prisonniers de
Ballon, c'est- Â-dlre des assassins de MM. Cureau et de Montesson. La
sédition tut apaisée dans la soirée et le serment fut prêté quelques Jours
plus tard, le !0 novembre. (Voy. R, Trlger, L'année i'89 au Manê el
dan» le Haut-Maine, pag«s 27S et suivantes],
t. François Paillard- Duel éré, notaire et fermier des octrois de Laval.
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Sans date.
J'ai reçu votre lettre du 22 et celle très honnête du
comité.
Vous avez donc provisoirement fait un règlement qui
authorise le changement fréquent du comité, puisque le
voilà encore changé.
Gournay n'apporta ny avant-hier, ny hier, la lettre
qu'il devait faire. Il ne l'apportera peut-être pas plus
aujourd'hui. Il est à Paris comme à Mayenne, promet-
tant et tenant peu. Il est vrai qu'il est entouré aussi à
Paris comme à Mayenne et, avant qu'il puisse s'isoler
pour travailler, il faut qu'il fasse des efforts. Cette raison
est une de celles qui m'ont empêché de prendre mon
logement chez mon frère, où j'aurais difGcilement trouvé
le moment de me mettre au travail.
Le plan de M. Necker tient des circonstances. C'est
la difficulté de donner à des billets de notre création la
confiance que leur solde est solide et qu'on peut à toute
heure les changor en argent. Le crédit de la Caisse
d'escompte est fondé sur un capital suffisant, malgré le
dépost par eux fait au Trésor royal, pour rassurer le
public. Si au contraire nous n'avons, ny de quoi remplir
la Caisse d'escompte de ses avances, ny de quoi assurer
au moins le quart en capital et en argent comptant du
montant des billets à mettre en circulation, nous créerons
du papier, mais sa valeur incertaine ne fera qu'augmen-
ter le discrédit. Voilà l'embarras.
LXll
Paris, 25 novembre.
On nous menaçait pour aujourd'hui, mon ami, de
quelque révolution, mais je n'ai jamais craint des projets
annoncés à terme fixe et, malgré les frayeurs qu'on a
□ igitizedby Google
— 104 —
cherché à répandre, je vois tout tranquille ici et tout
disposé à rester dans le calme dont nous jouissons depuis
quelques jours.
Je ne pourrai avoir le journal d'hier avant l'heure de la
poste. Pour y suppléer, je joins la note de quatre articles
de la Constitution décrétés dans la séance de ce matin.
Aujourd'hui nous devons recevoir à l'entrée de la
séance les articles du Comité de constitution sur les mu-
nicipalités du royaume, leur organisation, composition,
élection et fonctions, afln de s'en occuper sur le champ
et tAcher, dans ces deux jours, de finir cet objet. Les
assemblées de districts, de départements, sont fixées
dans les objets essentiels. On est à relever les décrets
rendus, à les ranger dans un ordre convenable pour les
présenter à la sanction et proposer de faire nommer les
électeurs, en un mot tâcher de mettre la machine en
mouvement. Pendant qu'on s'occupe de cette partie, on
avance la division partielle des provinces. Le tour de
notre généralité n'est pas encore revenu pour paraître
devant le Comité. Il y a à arrêter définitivement notre
division qui n'éprouve de difficultés qu'entre le Haut-
Maine et nous. L'Anjou et la Touraine paraissent d'ac-
cord. Nous ne voulons point céder les paroisses au
nord-est de Mayenne. Il faudra bien que le Comité nous
juge, et j'ai disposé à cet effet une carte qui prouve la
justice de notre prétention.
La séance d'hier au soir a été employée à la discussion
de l'arrêté pris par la Commission intermédiaire doublée
ou Bureau renforcé des États du Cambrésis. On a dé-
claré que cette Commission n'avait pas le droit de pré-
tendre représenter la province ni exprimer le vœu du
peuple; en conséquence, son arrêté nul; que Sa Majesté
serait suppliée d'empêcher de pareilles convocations.
Au surplus on invite le peuple du Cambrésis à persister
dans la tranquillité et son attachement aux décrets de
l'Assemblée nationale '. Un malheureux ajouté, qu'on
I. Protestation contre les actes de l'Anemlilâe nationale,
□ igitizedby Google
— 105 —
voulut mettre par amendement à ces damiers mots, tint
l'opinion de l'Assemblée divisée et fit passer une heure
et demie pour en sortir. A 9 heures et demie enfin,
l'amendement consistant en ces mots a dont l'arrêté du
Bureau tendait à l'élaguer » fut rejeté. 11 était trop tard
pour prendre la gabelle d'Anjou qu'on avait placée à
l'ordre du jour et qui finira par être ajournée probable-
ment avec le plan général des finances.
LXIII
Paris, 27 novembre.
Ci-joint, mon ami, deux journaux qui vous prouveront
que si quelquefois nous sommes morisifs (sic), quelque
fois aussi nous nous piquons d'activité. Voilà toujours
vingt-huit articles décrétés en deux jours.
Le journal d'hier ne vous eût annoncé autre chose,
sinon qu'après avoir perdu notre temps à entendre un
projet ridicule de restauration du crédit, nous sommes
convenus, à près de quatre heures, de traiter demain les
moyens de procurer â l'État les 90 millions nécessaires
pour finir le service de cette année, et quel sera ce
moyen. Les billets de banque ne l'opéreront pas, si vous
n'avez derrière vous une masse de capitalistes qui vous
les assurent, et croyez que sans la Caisse d'escompte k
son sort lié avec l'État, qu'elle n'eût pas accepté le plan
de M. Necker. Il n'y a eu que 74 voix contre 66 dans
l'assemblée des actionnaires pour accepter le plan, et les
autres capitalistes non actionnaires font tous leurs elToi-ts
pour que la Nation ne trouve pas un sol nul part. Ce
sera encore huit à dix ans a souffrir de l'agiotage. Mais
il faut espérer que des circonstances plus heureuses
pourront tendre â l'arrêter ; le grand objet est la crise
actuelle qu'il faut passer et on enlève encore aux enne-
mis de la restauration le grand moyen sur lequel ils
réunissent en ce moment leurs efforts.
Dans la feuille que je ne puis vous envoyer, vous
□ igitizedby Google
auriez vu qu'on y a discuté hier au soir la demande de
l'Anjou sur la Gabelle. Après avoir erré sur plus de cent
motioQS, enfin fut faite celle dont je m'entretenais avec
mes voisins, et dont je vous ai parlé, de ne plus songer
à aucun régime de Gabelle, mais de le convertir en une
prestation ou capitation saline à imposer sur les pro-
vinces qui y sont assujéties. M. de Rœderer ' parla avec
force, prouva l'impossibilité de rétablir des barrières,
des gardes, et on finit par renvoyer au Comité des
finances à proposer les moyens de remplacer la gabelle
dans ce moment. Aussi, de fait et de loi, je la regarde
comme supprimée maintenant et à toujours.
Je joins deux écrits sur la Caisse d'escompte dont la
vérification commencée par nos commissaires annonce
la solvabilité et le bon état.
30 novembre 1789.
Je viens, mon ami, de recevoir les objets que vous
m'avez annoncés, mais le plus important, les six cartes,
ne sont pas celles que je demandais. Celles que je reçois
sont six mauvaises cartes du Maine, de la plus grande
inexactitude. Celles que je demandais sont six feuilles
de lîi carte de l'Observatoire, celle de Mayenne, celle
d'Alençon, celles de Laval, du Mans, d'Angers et de
Tours, qui sont dans l'armoire du fond du cabinet ; elles
me sont nécessaires pour pouvoir mieux calculer notre
province, y circonscrire notre département lorsqu'il
sera arrêté et voir d'un coup d'œil son ensemble, ce que
je ne puis faire sur de pareilles cartes coupées et collées
que j'ai ici. Je vous serai obligé de les faire envelopper,
en les roulant sur un bois, les faire entortiller d'une toile
cirée et de me les adresser par la première diligence. Je
I. Pierre-Louis Roderer, conseiller au Parlement de Meti, appelé à
atéger dans l'Assemblée au mois d'octobre 1789, en remplacement de
M. Maujean, démissionnaire.
Dioitizedb, Google
— 107 —
les attendois pour faire moD travail et h&ter notre opéra-
tion. Je pouvois acheter ici, mais celles-là sont achetées
et les 30 livres qu'elles me coûteraient sont bonnes à
épargner.
Je tâcherai de joindre à ma lettre copie du décret
rendu samedy au soir sur les impositions des privilégiés.
11 est essentiel à connaître dans ce moment où le dépar-
tement va se faire à Mayenne. C'est le 5, je ci-ois, que
Messieurs de )a Commission intermédiaire doivent être
chez vous.
Adieu, l'heure me presse. J'ai reçu la lettre sur les
banalités. Je comptais la tire hier au Comité féoda),
mais il n'a pas été possible d'y traiter cet objet. Ce sera
pour mercredy. Le président de l'Assemblée l'eût ren-
voyée à ce comité. Il était plus court de la lui lire tout
de suite.
Je reçois votre lettre du 27, Je ne renouvellerai point
le Point du Jour pour la Société. MM. des Capucins
veulent-ils le renouveller, ainsy que le curé de Saint-
Pierre-sur-Erve? Il est tema de me prévenir, car voilà le
cent cinquantième numéro qui va paraître. Je l'ai cessé
aussi le mois dernier. M. de Biozat, autheur du Journal
des Débats, commence aussy à m'ennuyer par le long
exposé de ses avis. Cependant c'est encore le plus exact.
M. Carré part mardy matin.
Je ne puis me procurer le décret, mais je viens de
savoir qu'il a été adressé à Messieurs de la Commission
intermédiaire, vous l'aurez vendredy, encore assez à
temps pour le département. Il tend à ce que les privilé-
giés soient imposés pour les six derniers mois de 1789
et pour 1790 dans les paroisses de la situation de leurs
biens et non par abonnement, dans une seule taxe, dans
le lieu de leur domicile.
(Sur une feuille séparée).
Décret attrapé à In lecture du procès-verbal de samedy.
L'Assemblée nationale décrète que l'article 2 de son
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— 108 —
décret du 26 septembre dernier sera exécuté suivant sa
forme et teneur, en conséquence que les ci-devant privi-
lég;ié8 seront imposés, non dans le lieu de leur domicile,
mais dans les paroisses de la situation de leurs biens ;
que le présent décret sera présenté aussitôt à la sanction.
Samedy matin.
Sur cette lecture, on observe qu'il aurait fallu décréter
que la capitation payée par les privilégiés doit leur être
diminuée et, comme ce n'est pas l'ordre du jour, on en
demande l'ajoumement. Dans le moment où j'écris cecy,
il y a apparence que la demande sera ajournée et cepen-
dant, comme l'observation est juste, il paroit que la
demande sera décrétée. La motion est ajournée à
demain.
LXV
Voilà toujours, mon ami, quatre journaux dont j'étais
en retard, non par ma faute, mais par celle de l'impri-
meur qui ne me les a fait parvenir que mercredi, trop
tard pour vous les adresser.
J'ai souffert bien cruellement ces trois derniers jours ;
mercredi par la précipitation du Président, M. l'Arcbe-,
vêque d'.\ix, de faire lire la lettre du Ministre de la
Marine ' ci-incluse, dont la phrase : « dans les circons-
tances présentes quiconque a besoin de rendre favo-
rable, etc., » était un reprocbe contre plusieurs membres
qui l'ont senti et ont voulu faire regarder comme irres-
pectueux pour r.\ssemblée cette apostrophe du Ministre.
Vint la motion de M. d'Ambly -, brave citoyen, mais
déplacé dans ce moment, qui occasionna beaucoup de
i . An sujet d'accusations porUes coatre lui par un député de Salnt-
Domlngrue an cours d'une dlscusslou sur la lormallon d'un Comité colo-
nial, dans la séance du i" décembre.
2. Le marquis d'Ambly, député de la noblesse du bailliage de Reims.
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— 109 —
bruit et de division dans les opinions. Heureusement, à
près de quatre heures, un ajournement proposé fit lever
la séance.
Jeudy, l'article 6 du deuxième projet occasionna un
nouveau partage de voix. En vain le Comité l'amenda en
sacrifiant dès lors l'article 8. On ne considéra pas l'avan-
tage qui naissait d'une contribution volontaire, moyen
si puissant en Russie. Un député qui ne dit jamais deux
mots qui vaillent, quoique mon ancien camarade de
classe, prétendit que c'était exclure le propriétaire, tan-
dis que l'article amendé exigeait la propriété. Le M. '
en voulant prouver que l'article au contraire intéressait
plus le Clergé et les fils de famille, on conclut du moral
de l'orateur que c'était un piège, et tout un côté de la
salle se leva pour rejeter l'article adopté par l'autre c6té.
Le doute sur la majorité était évident. Cependant le
Président prononce le rejet de l'article, quoiqu'on eût
crié avant à l'appel nominal ^. Là commence un sabbat
d'enfer, les uns veulent l'appel nominal. Les autres sou-
tiennent le décret prononcé. 11 fallut deux heures avant
de faire entendre que l'appel nominal, dans tout état de
cause, était le vrai moyen d'éclairer un doute aussi appa-
rent et l'événement justifia que le doute était réel, puis-
qu'il n'y a eu que 14 voix de plus pour faire rejeter
l'article. De cette fois j'ai été dans la minorité. L'article
amendé me paraissait sage. Bien déterminé d'ailleurs a
rejeter l'article 8, qui semblait détruire les conditions
d'éligibilité exigées par te précédent décret.
Enfin hier ce n'est pas par le tumulte, la séance a été
tranquille, mais c'est le discours de M. l'Évéque d'Autun
pour faire rejeter la Caisse d'escompte et ses offres,
dans un moment où il est clair qu'il n'y a pas d'autre
I. Le oomte de Htrabeaa, uns doate.
S. Cet article étetid&it la condition d'éllglblUtâ relative ï la contribu-
tion directe déclarée nécessaire pour être citojen actll, électenr ou éll-
glble, â tous ceux qui tturaleot payé pendant deui années un tribut
civique égal i la valeur de cette ContribaUon et prendraient l'engage-
ment de le continuer.
db, Google
— 110 —
ressource pour sauver la pénurie du trésor royal de la
banqueroute. Si elle ne soutient pas les paiements
qu'elle seule fait, qu'on ne l'érigé pas en Banque Natio-
nale, qu'on ne lui donne pas de privilège, mais qu'on
l'aide d'un papier monnojé pour le moment critique. Son
actif de 102 millions, constaté par nos Commissaires, est
la seule assurance propoaabl6 dans le moment où tous
les autres capitalistes cachent leurs fonds. Créez des
papiers. Dès que vous n'aurez pas de représentation,
vos papiers n'ont aucun crédit. Quand on vous donnera
des hypothèques incertaines, dont la rentrée n'est pas
assurée, vos papiers n'auront aucune réalité, et ici les
plus forts capitalistes de Paris, attachés à la Caisse, ont
leur sort lié avec l'intérêt de la Nation et sont forcés de
soutenir la machine. C'est un petit moyen, mais c'est le
Soul praticable pour le moment et, si on suivait l'idée de
l'Evéque financier de mettre les 90 millions à payer à la
Caisse au 31 au nombre des dettes arriérées, dont on
ferait des billets d'État, la Caisse est culbutée : l'Etat
est sans crédit, plus de possibilité de continuer les
paiements et adieu la Constitution. J'espère que cela
n'arrivera pas, les bons esprits sentent la détresse et la
nécessité d'employer le seul crédit forcé qui reste et
j'espère qu'on ne suivra pas le plan d'un homme qui,
plus agioteur qu'évéque, n'a connu que les abus de la
finance sans connaître les dangers d'un état de discré-
dit général.
Adieu, l'heure me presse.
LXVI
Versailles, 7 décembre.
Ci-joint deux journaux, dont le dernier, celui de la
séance de samedy, vous tranquillisera sur les finances
autant que j'avais pu vous inquiéter et que j'étais inquiet
moi-même.
Le plan de M. de la Borde a réuni tous lea aulfrages
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— 111 —
par sa simplicité, sa clarté à la portée de tout le monde.
On l'a cru d'autant plus qu'on sait qu'il a dans ce
moment 57 millions à sa disposition et que, plus inté-
ressé que personne à ne donner rien de vague, un plan
d'un pareil capitaliste ne peut ressembler à celui de nos
faiseurs de projets qui n'ont de millions que dans le
bout de leurs plumes.
Ce plan réunit l'avantage de conserver la Caisse
d'escompte, à laquelle on doit évidemment le soutien de
l'Etat depuis la retraite de Brienne. Il a l'avantage de
présenter aux créanciers de l'Etat, aux porteurs de
créances exigibles dans ce moment, même aux rentiers
de la ville, le moyen d'être payés dans les trois premiers
mois de l'année 1790. Il présente la circulation de l'ar-
gent rétablie sur le champ, les Tacilités de conserver les
Tonds des provinces, d'offrir au commerce les plus
grandes facilités, enfin de diminuer de 9/10 les frais de
perception des impAts et de finir, par sa solvabilité, ses
facilités, par présenter la baisse assurée de l'intérêt de
l'argent. Ma satisfaction fut complète, après la lecture,
par la motion de nommer des Commissaires pour confé-
rer de ce plan avec M. Neckei-, avec la Caisse d'escompte,
et les dix Commissaires nommés sont des gens de bien,
intègres, instruits des finances. J'ai donc tout espoir de
voir tourner à notre avantage cette crise qui pouvait
seule tout culbuter. Le rapport des Commissaires est
ajourné à mercredy. Vous ne pourrez donc en être
instruit que lundy, mais vous avez tout à espérer. La
connaissance que des capitalistes avaient du plan de
M. de la Borde, que M. Necker approuvait, a soutenu les
effets de la Caisse d'escompte. Samedy ils ont augmenté
et sûrement aujourd'hui ils vont encore augmenter
ainsy que les autres effets qui pourront être placés en
paiement de nouvelles actions, et ces effets sont les
dettes arriérées, les rescriptions, les anticipations, les
assignats sur les domaines, les remboursements échus,
les rentes de l'Hâtel-de-Ville, etc... Il y en a seize
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— 112 —
espèces, dont la non-valeur (lu moment contribuait au
plus grand discrédit. Tous ces effets qui vont se trouver
avec un solide débouché vont donc être recherchés, et
l'argent va se montrer autant qu'au défaut de valeurs de
ces papiers oiî le cachait. Sous quinze jours, je vois la
circulation reprendre son cours.
LXVII
Paria, ©décembre 1789.
Aujourd'hui l'imprimeur plus exact me met à portée
de vous faire passer les deux journaux ci-joints.
Je vais différer de cacheter ma lettre pour vous dire si
les dix Commissaires nommés feront ce matin le rapport
de leur conférence avec M. Necker et la Caisse d'es-
compte sur le plan de M. de la Borde. Si l'heure de la
poste avance, et que je n'ajoute rien à ma lettre, c'est
que je n'aurai pu rien savoir. J'ai reçu les six feuilles de
la carte de l'Observatoire. On les colle sur toile et aussi-
tôt nous nous occupons de la division des districts
Les agents de change, les payeurs des rentes, récla-
ment fortement contre le plan de M. de la Borde; nous
verrons quel effet aura leur réclamation.
Si nous n'avons pas ce matin le rapport des Commis-
saires, il est à présumer que nous finirons les articles
qui nous restent à décréter sur les Assemblées primaires
et de département. La division en départements nous
fait arriver ici nombre de députés de villes qui viennent,
comme ceux de Saumur, réclamer des chefs-lieux de
départements. Ces réclamations arrêtent la fin des tra-
vaux du Comité de Constitution qui met toute la patience
possible pour obtenir que son plan passe, qui cependant
finit par juger, lorsque les députés ne peuvent se conci-
lier. Malgré les réclamations, ils espèrent fmir inces-
samment, et, aussitôt le travail fait et l'arrangement
des articles décrétés jusqu'ici terminé, on s'empressera
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— 113 —
de porter à la sanction les articles et de provoquer les
élections.
M. Dupont est à la tribune, attendez ce qu'il va dire
et aussitôt je vais vous en dire en bref le précis. Le
Comité n'a pas terminé ses conférences. Il demande
l'ajournement pour le premier jour qui suivra la fin de
leurs travaux, ainsy rien d'assuré pom* le jour où le rap-
port sera fait.
LXVlll
12 décembre 1789.
Les municipalités, mon ami, sont terminées de jeudy,
ainsy que vous le verrez par les journaux ci-joints.
L'examen du plan de M. de la Borde a fait reconnaître
plusieurs inconvénients. Les Commissaires sont occupés
des moyens de les faire disparaître. Leur travail ne
pourra être prêt que pour lundy. Le plan modifié devra
d'autant moins souffrir de difiicultés qu'il sera arrêté de
concert avec le premier Ministre des Finances et les
administrateurs de la Caisse d'Escompte. On a appelé
à la conférence plusieurs auteurs de plans qui ont paru
le plus appropriés aux circonstances.
On doit lire ce matin tous les articles des municipa-
lités décrétés jusqu'ici et rangés dans leur ordre natu-
rel, ainsy que ceux concernant les Assemblées
administratives, les présenter de suite à la sanction et
les faire imprimer et renvoyer dans les provinces.
Il reste encore quelques provinces à convenir de la
division de leurs départements. Ce sont les députés
envoyés par plusieurs villes qui ont retardé la division
projetée par le Comité, à laquelle en définitif il faut tou-
jours revenir, parce qu'on ne peut déplacer une division
sans en cbanger vingt autres.
Aussitôt que les décrets seront prêts, que le règle-
ment pour les convocations sera passé, on enverra dans
les villes désignées pour les cbefs-lieux de départements
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— 114 —
tout ce qui concerne la convocation des municipalités,
des assemblées primaires de districts. Chaque chef-lieu
les fera passer aux districts, et ces derniers aux munici-
palités. Les districts indiqueront les paroisses où pour-
ront se tenir les assemblées primaires, et la machine
sera ainsi mise en mouvement avant peu.
Au défaut de fmances, on a hier, comme vous pourrez
le voir par le journal, si je le reçois à temps, passé plu-
sieurs articles pour prévenir le pillage des bois du Roi
et des communautés, où, presque partout, on s'était
porté et bientôt on eût détruit les bois en les cou-
pant, comme cela arrive dans ces pillages, à hauteur
d'hommes.
Je n'ai pu me procurer qu'un exemplaire du plan de
M. de la Borde qui me sera nécessaire lors du rapport.
D'ailleurs le Journal de Paris vous en a fait connaître
l'essentiel.
Vous verrez par les deux décrets de jeudy que nous
pourrons demander de faire alterner l'assemblée de
département dans plusieurs villes de district. Ce qui
nous facilitera d'avoir aussi l'assemblée de départe-
ment, si l'ordre judiciaire était réglé. J'aimerais mieux
pour Mayenne l'établissement de la justice supérieure,
dans le cas où il s'en établirait une dans chaque dépar-
tement. Cette justice supérieure ne pourrait être qu'un
Présidial, pouvant juger au Souverain jusques à la con-
currence d'une somme de 2 à 3.000#. Les causes qui
excéderaient cette proportion iraient, par appel, directe-
ment du Siège Royal à la Cour Souveraine qui servirait
pour quatre à cinq départements. Nous insisterons tou-
jours pour alterner le département, sauf, après qu'on
connaîtra l'ordre judiciaire, à s'en désister, s'il y a plus
d'avantage à conserver la justice qui pourrait recevoir
les appels des affaires à juger au souverain par la jus-
tice qui serait seule autorisée à ce pouvoir dans chaque
département. Ce qui supposerait que, dans chaque dis-
trict, il y aurait justice royale ; dans chaque départe-
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^ ii5 —
ment une justice présidiale pour connaître au souverain
des causes qui n'excéderaient pas en capital la somme
de 2 à S.OOOtf, et, pour celles excédentes, elles seraient
portées à une Cour Souveraine qui ne recevrait que les
appels des causes excédentes. Il y aurait dans ce plan
trois sortes de justices, mais seulement deux degrés de
juridiction.
Je vous parle là du projet qui parait le plus répandu,
mais qui probablement pourra recevoir bien des change-
ments en passant par le Comité de Constitution, ensuite
par la filière de l'Assemblée générale.
Je n'ai pas eu de nouvelles depuis l'envoi que nous
avons fait au Comité de la division de notre départe-
ment. Vous me ferez plaisir de me marquer comment
cette division a pris. MM. du Mans l'auraient désirée
plus à leur avantage, ils regrettent de n'avoir plus d'in-
Quence sur notre partie et je crois qu'on doit trouver de
l'avantage dans notre division qui réunit ensemble les
parties de notre province les plus liées d'intérêt par les
mêmes cultures, le même commerce et le même sol.
Adieu, nous serons plus tranquilles ici lorsqu'il y
aura un plan de banque ou caisse adopté. Tous les capi-
talistes sont dans l'inquiétude et à bon compte resser-
rent toujours l'argent pour ne le lâcher que lorsqu'ils
auront la certitude d'être payés de l'arriéré,
Reçoit-on à présent la soumission du quart du revenu ?
Y en a-t-it beaucoup de faites, je vous enverrai la
mienne ?
LXIX
Paris, 15 décembre 1789, soir.
Occupé, mon ami, de l'examen de plusieurs questions
pour le comité féodal, je ne puis vous en écrire Lien
long. Les journaux cî-joints suppléeront à ce que je ne
puis vous détailler.
Le Comité, à l'examen du projet de M. de la Borde, y
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— 116 —
a trouvé des inconvénients qu'une lecture rapide n'a pu
y faire découvrir. II refond ce plan de concert avec les
plus habiles financiers et d'abord avec M. Necker et les
administrateurs de la Caisse d'escompte. Ce ne sera que
pour jeudy qu'il en fera le rapport.
MM. de la Commission paraissent avoir fait partout
les intendants, lis ont été jugés à Laval comme à
Mayenne, c'est leur reste.
Ce n'est qu'à onze beures et demie que nous sortons de
l'assemblée qui a été interrompue par M. le vicomte de
Mirabeau qu'on a puni en le faisant rappeler à l'ordre et
par la mention de ce rappel qui sera sans doute dans )e
procès-verbal. J'ai été fâché qu'on ait pris ce parti,
quoique très mérité. Mais le trouble de M. de Mirabeau
(le vicomte) était suite d'un diner trop copieux, car il ne
sut que déraisonner'. Il s'agissait du refus de la chambre
des vacations de Rennes ". On avait proposé un décret
pour faire élire deux membres de chacun des quatre
présidiaus de la province, deux avocats de chaque ville.
C'était M. le Chapelier qui avait proposé de remplacer
ainsi les membres du Parlement qu'il supposait, par
esprit de corps, avoir pris tous ensemble le parti de ne
faire aucune fonction. Cela peut être, mais on a observé
que nen ne constatait le refus des autres membres de ce
Parlement. On a demandé qu'un commissaire du roi fut
envoyé pour nommer une nouvelle chambre des vacations,
faire k chaque conseiller l'offre d'y passer et ne venir à
sa composition des deux membres de chaque présidiat
qu'après le refus de tous les membres du Parlement.
Cette motion a étévotéeàonzeheuresetdemie, ainsi que
le Veniat à la Barre des membres qui composent la
chambre des vacations.
I. Le Tlcomto de Hlr^wau, colonel du régiment de Touraine, dépoté
de la Noblesse du Umousio. Né en ITSt, démtulan noire en 1791, mort
en 1792 à Frlbourg- eu Brlagsu. Un des orateurs du vAié droit de
l'Assemblée, surnommé MlrabBBU-Touneau en raison de son extérieur.
S. Refusant d'enregistrer le décret du 3 novembre et de continuer ses
fonations.
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— 117 —
Je crois, mon ami, que le pins constitutionnel de tous
les principes est la division des pouvoirs et quoique
toutes les communes soient pour' pour ainsi dire de
la magistrature, on a senti qu'il fallait oublier ses préten-
tions particulières pour ne voir que le moyen qui peut
seul assurer la liberté, empêcher la réunion des pouvoirs
toujours dangereuse dans les mêmes mains et cette
délibération pour l'exclusion des juges en exercice, et
tant qu'ils y seront, a été une des plus unanimes.
Le comte de Mirabeau a été appelé au Comité des dix
pour le plan de la Banque, afin de l'empêcher de contra-
rier ce qui aérait proposé, Cependant lundy il a paru sur
la scène pour une motion que vous verrez dans le journal
et qui a été ajournée pour le moment.
Je suis charmé de la continuation du chemin des
Vallées et encore plus de l'occupation qu'on y donne aux
pauvres. Je crois que c'est une contribution des citoyens.
Je m'y joins et je payerai ma part comme les autres.
M. le curé d'Emée voudra bien attendre encore pour
sa rente. Je lui en parlerai ici. Nous ne récoltons pas de
grains, ainsy il faudra bien qu'il se contente d'argent
quand je serai de retour ^.
Je n'ai entendu qu'une lecture rapide de la deuxième
lettre du Comité qui, en gros, nous a paru susceptible
encore d'être réformée dans plusieurs articles. Mais il
eût fallu la renvoyer une deuxième fois. Nous l'avons
mise sous enveloppe et nous t'avons été présenter à
M. Lambert, qui a demandé du temps pour l'examiner et
y répondre ^.
M. Carré, sur une alerte qu'on a donnée à ses gens à
Thuré, n'a pas cm devoir aller à Mayenne. II est de
retour îcy. Son arrivée et votre silence m'avoîent fait
craindre quelques nouveaux troubles. J'ai été fort aise
d'apprendre que tout était calme et que ce n'est qu'une
terreur panique que semble avoir eue M. Carré.
I. Phrase Incomplète.
. 8. L'abbd Grandln, député dn Clei^é du Hftiae.
3. ContrAleur général des fluancoa.
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— 118 -
Adieu, il est temps à minuit et demi d'aller se coucher.
Vous verrez dans le journal de lundy uu décret qui
rassurera notre ville sur la possibilité d'avoir à tour de
rdle le département.
Paris, 19 décembre 1789.
Toujours très occupé des travaux de notre comité, je
m'en réfère aux journaux que je vous adresse.
Je n'ai point encore demandé de gibier pour l'hdtel,
M. le Duc n'étant point à Paris. Mais M. Bataille dési-
rant en avoir, je vous serais obligé de faire dire à
Darennes qu'il faudra que ses camarades et lui s'arran-
gent pour faire porter à Mayenne, tous les lundis, quatre
pièces de gibier, lièvres ou perdrix, ou bécasses. Cbemin
porteroit ce gibier chez M. Desjardins, qui le porteroit
au Mans, chez le sieur Petîtpain, lequel le joindrait aux
poulardes qu'il adresse toutes les semaines à M. Bataille.
Gela durera jusqu'à ce que M. le Duc, de retour à Paris,
soit dans le cas de recevoir directement de Mayenne le
gibier qu'il croira devoir demander '.
J'observe que les gardes pourroient s'arranger pour
qu'un d'eux chaque semaine apporte les quatre pièces.
Ils sont six, ainsi toutes les six semaines ils n'auroient
que quatre pièces, à moins que le retour de M. le Duc
ou des demandes de Mme la Duchesse ne fassent changer
cette marche.
Je finirai ma lettre par le récit de ta séance de ce
jour, si le journal ne m'arrive pas avant l'heure de la
poste.
La poste part avant qu'il ne puisse y avoir aucune
décision sur les décrets ci-joints qui doivent être admis
ou rejetés séance tenante. Séance de crise dont vous ne
saurez l'issue que mercredy.
1. Honoré-Charles-Hsurlce-Anne deGrimaldl, prince de Honaco, dac
de ValentlnoiB, seigneur de« duchés de Muario et de Hajenne, âpoax
de Louise-Félicité- Victoire d'Aornoot.
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LXXI
Paris, 20 décembre 1789.
Vous avez, mon ami, dès lundy les décrets sur les
fiDances. Il n'y a pas été changé un seul mot dans la
longue et mémorable séance de samedy. Le Journal de
Paris a donné un extrait très bien fait de cette séance et
doit aujourd'hui en donner une suite. Nous avons donc
agi avec la confiance due à ceux qui, mieux que nous,
connaissent les finances et pouvaient nous guider dans
le dédale dont elle nous a circonvenus. Mais il n'en résul-
tera qu'un faible palliatif et un remède momentané si les
impôts continuent de diminuer , si la contribution
patriotique ne se remplit point. Voilà le temps qui expire
des déclarations, je joins ici la mienne exacte et plus
forte que le quart de ce que j'ai. Mais je ne dois pas être
en retard, ni dans la forme, ni au fond.
On a répandu avec profusion dans tes Provinces une
adresse aux Provinces qu'on prête à un membre du
Clergé, député à notre Assemblée. Voici le contre-poison
de cette pièce qui ne tend à rien moins qu'à soulever le
peuple contre nous par les mensonges les plus grossiers.
Les députés de Bretagne ont fait imprimer aussi une
réponse, mais elle ne vaut pas celle-ci. Je vous prierai,
après l'avoir lue, de la communiquer à M. de Soulgé.
Nous allons bientôt avoir le travail du Comité sur
l'ordre judiciaire ; aussitôt qu'il paraîtra je vous en enver-
rai un exemplaire.
LXXII
23 décembre 1789.
Je n'ai que le temps, mon ami, de vous annoncer le
projet do l'ordre judiciaire. Je n'ai reçu aucun des jour-
naux de cette semaine, je ne sais si je vais pouvoir les
réunir chez l'imprimeur.
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— 120 —
Je ne voua dis rien sur le projet de l'ordre judiciaire.
Il présente pour tout le monde des places, et il n'y aura
personne qui ne puisse trouver où se placer d'après le
grand nombre des places instituées, soit dans l'adminis-
tration, soit dans l'ordre judiciaire.
Nous allons suivre l'objet des finances et l'ordre judi-
ciaire, trois jours par semaine chaque objet, parce qu'il
devient urgent de faire l'ordre des finances pour la réus-
site constante des derniers décrets.
Je joins deux exemplaires du projet de l'ordre judi-
ciaire, je vous serai obligé d'en envoyer un à M, de
Soulgéquejepriede le communiquer à M. de Cheverus.
LXXIII
Paris, 25 décembre 1789.
Si la contribution patriotique ne produit rien, je crois
bien qu'on finira par la rendre forcée. On fait tout ce
qu'on peut dans ce moment pour contrarier la marcbe
de la Caisse d'escompte et culbuter l'opération, forcer
la banqueroute. Nous ne sommes sûrement pas encore à
la fin de nos traverses. Il ne pourra y avoir que beaucoup
de modération, du moins dans les Provinces, à pouvoir
soutenir la machine qu'on cherche à saper dans tous ses
pilotes, comme l'a dit M. Necker dans son dernier
mémoire que je joins ici.
Les billets de banque ont été amplement discutés et
on a prouvé d'une manière évidente que c'était ruiner !a
Nation sans ressource et sans espoir. Si on craint ne
pouvoir vendre pour 400 millions de biens du Domaine
et du Clergé, comment en aurait-on pu vendre pour
quatre milliards. La difficulté pour ces ventes est toujours
de constater les dettes du Clergé, les charges que ces biens
auront à supporter. Tant qu'on ne connaîtra pas et le
moyen d'acquitter ces dettes, et le mode par lequel on
fournira au paiement et à l'entretien du culte.on ne verrait
dans les billets de monnaie qu'un vrai papier sans soli-
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— 121 —
dite et bientôt on eût décrié une pareille opération et
réduit à zéro la ressource qui parait si spécieuse dans la
spéculation. Si le parti-pris peut rassurer sur la quantité
de papiers en émission, c'est la solidité de la Caisse
d'escompte. Et aussi cherche-t-on à ébranler son crédit,
quoique prouvé très solide. Combien eùt-on trouvé dn
moyens de faire tomber un papier-monnaie qui n'eût eu
pour base qu'une opération incertaine, contre laquelle il
se serait élevé autant de réclamations comme il y a de
titulaires. Et si ce n'est qu'on a dit qu'il ne serait vendu
de biens du Clergé que ceux situés dans les grandes
villes et ne produisant aucun revenu, dès lors qu'on ne
touche pas, ni aux hypothèques sur le Clergé, nî aux
revenus des titulaires, la motion n'eût pas été décrétée.
11 faut bien que le papier-monnaie ne soit qu'une ressource
spécieuse puîsqu'aucun homme instruit dans les finances
ne l'a proposé. Tous au contraire l'ont combattu et, en
rappelant la crise de Law, encore récente, ont éloigné
d'un remède pis encore que le mal.
Les juges sont également exclus des districts et des
départements. On a rassemblé les décrets sur ces assem-
blées administratives et sur les assemblées électives. On
y joindra une instruction comme pour les municipalités
et, aussitôt la division des départements Unie, on enverra
les décrets sanctionnés. Sous peu vous recevrez les
décrets et l'instruction sur les municipalités officielle-
ment. Je les adresse aujourd'hui à M. de Souigé qui
vous tes communiquera pour les voir rassemblés après
les avoir reçus en détail.
Les gens de justice, depuis la publicité du plan de
l'ordre judiciaire, sont furieux ici et cherchent à soulever
contre l'Assemblée l'opinion publique. Il faut espérer
que leur projet ne réussira pas, mais ce sont de nouvelles
entraves que nous aurons à surmonter. ■
Adieu, mon ami, bien fâché d'être si laconique. Mais
en vérité je n'ai à moi que deux heures pour mon dîner,
et le reste du temps est tellement pris, et nos travaux
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_ 122 —
deviennent si multipliés, qu'on ne peut trouver que très
peu de moments à la correspondance.
Vous trouverez les journaux dont j'étais en retard et
sur les détails desquels je me repose, ne pouvant trouver
le moment de les faire moi-même.
LXXIV
28 décembre 1789.
Nous avons, mon ami, complété notre travail sur les
municipalités. C'est au pouvoir exécutif maintenant à
faire passer dans les provinces les décrets dont M. le
Garde des Sceaux nous a fait remettre la grosse des
Lettres Patentes qui en ordonnent l'envoi, ilais 42.000
exemplaires à imprimer et à faire passer ne sont pas
d'une expédition facile. Aussi ne soyez pas étonné de ne
pas les recevoir aussi promptement que vous croyez que
cela doit se faire.
Aussitôt cet envoi fait, et avant que les municipalités
soient nommées, les décrets sur l'organisation des assem-
blées primaires de districts, de départements, seront
prêts pour être envoyés. Il n'y aura à revenir que la
division qui éprouve toujours beaucoup de difficultés. 11
arrive journellement de nouveaux députés extraordinai-
res des plus petites villes pour réclamer des districts,
des justices. J'ai vu un moment que l'embarras de toutes
ces demandes, les contrariétés qu'elles jettent dans le
travail, avaient déterminé, pour abréger plusieurs dépar-
tements, à ne faire que trois districts. Nous avons essayé
de plusieurs divisions, en 3, en 6, en 7, en 8, et, telle
chose que nous fassions, nous ne pourrons contenter
tout le monde. Le Comité de Constitution écoute toutes
les demandes, croit qu'il faut satisfaire tout le monde et
il en résultera une telle augmentation de frais que je
suis persuadé qu'on finira, après une première épreuve,
par retrancher un grand nombre de districts, ou bien on
De mettra pas de justices dans tous les districts. Nous
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— 123 —
en aommeB à rechercher ce qui pourra, et remplir le vœu
d'économie, et satisfaire aux demandes de bien des villes
peu faites pour obtenir ce qu'elles désirent ; et nous ne
pouvons encore trouver le moyen de concilier l'intérêt
général et l'intérêt particulier.
Nous ne commencerons probablement l'ordre judi-
ciaire qu'en 1790. Qu'on établisse les juges de paix et je
crois qu'on rendra un service bien essentiel à la patrie.
Ces places bien remplies ne laisseront guère d'occupa-
tion aux autres tribunaux. Mais il parait incertain qu'on
admette les différents degrés de justice, et de district, et
de département, et de cour supérieure. Quoiqu'il n'y ait
par la combinaison des plans réellementque deux degrés
de justices, la complication de ce plan paraîtra toujours
susceptible de difficultés dans l'exécution et, en admet-
tant des justices dans les districts, on pourrait fort bien
supprimer la justice de département, peut-être même ne
pas admettre de justice dans tous les districts indistinc-
tement. Ainsy, dans notre département, je ne voudrais
que trois justices, Mayenne, Laval et ChAteau-Gontier,
égales entre elles, avec un pouvoir de juger au souverain
jusqu'à 2.000#, et l'appel pour le surplus à la cour
supérieure qui serait pour les quatre départements. Je
serais fort aise que cet objet fût arrêté avant que nous
fixassions définitivement les districts. 11 y aurait moins
de prétentions, s'il y avait moins de justices.
L'impression ordonnée des déclarations pourra forcer
à plus d'exactitude. Je me félicite de m'étre expédié, et
sârement bien au delà de mes pouvoirs, avant le décret
qui ordonne cette impression.
LXXV
Paris, 12 janvier 1790.
Ci-joint, mon amy, le journal de lundy qui vous
apprendra le jugement de la Chambre des Vacations de
1. Lunoe 4n !8 décembre au 18 JuiTier.
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— 124 —
Rennes et celui d'aujourd'hui qui vous donnera un pré-
cis de la discussion '.
La séance de ce matin a été employée à juger difTé-
rentes diflicultés sur le département. Nous en avons
passé une partie au Comité de Constitution pour notre
département. Nous avions nos mémoires prêts et nous
comptions plaider notre cause à un des adjoints. Nous
lui avions déjà exposé notre prétention et une partie de
nos moyens, lorsqu'il nous a dit ne pouvoir prendre sur
lui de juger cette difliculté, qu'il fallait remettre nos
mémoires, qu'il en ferait le rapport aux autres membres
et ensuite à l'Assemblée. Au peu qu'il nous en a dit, je
n'ai pas cru le trouver favorable à notre prétention pour
le chef-lieu du département. Je me suis hâté d'olFrir le
moyen de conciliation dans la justice de département et
la promesse provisoire de nous l'accorder, si l'Assemblée
décrétait cette espèce de justice. Il a fait quelques objec-
tions sur l'incertitude que ces justices fussent décrétées
et l'impossibilité de faire dire que le Comité accorderait
ce qui n'était pas assuré. Nous avons fini par convenir"
que nous produirions nos mémoires pour que, d'après,
le Comité puisse présenter un résultat à l'Assemblée.
Ainsy vous verrez probablement cette décision dans les
journaux et j'ai tout lieu de craindre qu'elle ne soit pas
en notre faveur et que nous n'ayons que le désagrément
de la tentative ; mais enfin nous y sommes forcés. Au
moins on verra que c'est toute l'Assemblée qui aura
jugé. MM. d'Ernée nous ont empêchés de terminer pour
nos districts. Ils réclament, après le partage convenu, la
paroisse de la Bigottière et, pour y parvenir plus sûre-
ment, ils y ont joint la paroisse de Brécé, bien sûrs
qu'en en proposant deux, le Comité leur en accorderait
une. Mais nous n'avons point voulu soumettre la ques-
tion au seul adjoint qui vînt au milieu de nous et la diffi-
culté est restée indécise. Je viens de retoucher nos
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— 125 —
premiers mémoires, d'en faire un précis, car de trop
longs discours sont sujets à être rebutés au milieu des
nombreuses discussions qui existent dans tous les dépar-
tements sur de pareils objets.
Adieu, j'attends votre première nouvelle pour savoir
comment on a pris le plan de division. Il aura été critiqué
avec raison, mais nous avons été condamés à sept dis-
tricts, tandis qu'au plus ne devions-nous en faire six.
Avez-vous reçu le décret des Municipalités et où en
êtes vous sur cet objet.
(A suivre). E. Qcebcau-Lamebie.
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PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
SEANCE DU 17 MARS 1904.
La séance s'ouvre à deux heures un quart, soua la
présidence de M. Emile Moreau, président.
Sont présents : M. Moreau, président; MM. de Farcy,
Grosse- Duperon et Trévédy, vice-présidents ; MM. l'abbé
Angot et Garnier, membres titulaires ; MM. Goupil,
Morin, Ponthault, membres correspondants.
Se font excuser : MM. Chappée, l'abbé Croulbois,
Laurain, de Tanquerel des Planches et Thuau.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et
adopté.
M. le chaucine Sauvé, maître des cérémonies de la
cathédrale, sur la présentation de MM. Moreau et
Goupil, et M. le baron de la Broise, sur la présentation
de M. Moreau et de M. l'abbé Angot, sont élus mem-
bres correspondants.
M. le président donne communication d'un arrêté
ministériel, en date du 29 février dernier, classant
comme monuments historiques les objets mobihers sui-
vants conservés dans l'église d'Évron :
Reliquaire de la Sainte-Epine et du Saint-Lait, argent
doré, xvi' siècle;
Statue de la Vierge, dite Notre-Dame de l'Épine,
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— 127 —
bois en partie peint et recouvert de lames de métal,
XIII' siècle.
Lutrin en cuivre battu, 1780.
M. le président communique une lettre de M. le
Préfet relative à la borne du forum de Jublains. Cette
borne, déposée jadis par M. Barbe dans la cour de
M. Denyau où elle se trouve encore, doit être trans-
portée sur l'emplacement qu'elle occupait autrefois.
M. le Préfet prie M. le Président de s'entendre avec
M. Chedeau pour assurer le succès de cette opération
dont les frais seront prélevés sur les 200 francs votés
annuellement par le Conseil Général pour l'entretien du
camp de Jublains.
M. l'abbé Angot dépose sur le bureau le manuscrit
du Cartulaire manceau de Marmoutier, recueilli par
M. Laurain ; il en fait ressortir l'intérêt de tout premier
ordre et demande à la Commission d'en vouloir bien
prendre la publication sous son patronage.
Après un échange de vues sur les services qu'un tel
recueil peut rendre aux travailleurs, la Commission
charge M. Goupil d'en faire connaître l'importance ma-
térielle, avec un devis approximatif des frais d'impres-
M. Garnier annonce qu'en nettoyant un tableau repré-
sentant saint Benoit et sainte Scholastique, de Saint-
Vénérand, on a découvert dans un cartouche le nom du
peintre Le Gay, de près Laval, qui restaura ce tableau
au xviii' siècle.
M. l'abbé Angot rend compte des dernières fouilles
exécutées au balneum de Rubricaire. L'extérieur est
complètement dégagé ; on n'a rien trouvé de nouveau,
sinon quelques sépultures à l'extérieur des bains froids ;
elles étaient recouvertes de dalles en ardoise qui for-
maient le pavement de la salle de bains. M. l'abbé
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Angot explique la nécessité qu'il y aurait de clore et de
couvrir ces vestiges curieux qui, s'ils demeuraient expo-
sés aux intempéries des saisons, disparaîtraient assez
rapidement.
La Commission renvoie à plus tard l'examen de cette
question.
M. l'abbé Angot communique la photographie d'un
petit coiïret et de deux éperons trouvés par M. de la
Broise, dans les ruines du vieux château de Brée. Ces
objets, dont l'ornementation dénote une origine arabe,
seront reproduits dans le Bulletin.
M. Goupil donne lecture d'une étude écrite par M. du
Brossay sur Chàteau-Gontier au commencement du
XVII" siècle. Cette étude sera insérée au Bulletin.
Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est levée
à 4 heures un quart.
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NOTES SDR LES BUREAUX DE CHARITl DE LAVAL
(1683-1803)
M. Gustave Daveaux, enlevé si prématurément à
i'aifection de sa famille et de ses nombreux amis, avait
été nommé en 1879 administrateur du bureau de bien-
faisance de la ville de Laval. Entièrement dévoué à ses
fonctions, il s'était montré l'un des membres les plus
assidus de cette administration, à laquelle il rendit les
plus grands services jusqu'au moment où il quitta Laval
pour aller habiter Brest; mais pendant le temps trop
court qu'il était resté attaché au bureau de bienfaisance,
il avait pris soin de copier un ancien registre contenant
les délibérations du bureau de charité de la paroisse de
la Trinité, de 1789 à 1792, jusqu'à sa réunion avec celui
de Saint' Yénérand, et, à la suite, les arrêtés pris, de l'an
X à l'an XII, pour la création, après la Terreur, du
bureau de bienfaisance de la ville de Laval.
Quelques mois avant sa mort, M. Daveaux nous avait
remis ses notes en nous engageant à les publier. C'est
ce que nous nous proposons de faire dans les pages sui-
vantes . Toutefois nous nous bornerons à analyser, aussi
complètement que possible, les documents recueillis par
M. Daveaux, ceux-ci nous paraissant trop longs pour
être reproduits m extenso. En ce faisant, nous croyons
remplir les intentions d'un excellent ami qui fut un
homme de bien, un brave cœur, sur et loyal dans ses
relations, fidèle dans ses amitiés, et qui a laissé de pro-
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— 130 —
fonds regrets à tous ceux qui l'ont connu et ont été à
même de l'apprécier.
Mais les notes laissées par M . Daveaux étaient muettes
sur la période antérieure à 1789 et sur l'origine des
bureaux de charité de la Trinité et de Saint- Vénérand.
Nous avons essayé d'y suppléer en les faisant précéder
des renseignements, fort incomplets malheureusement,
que nous avons pu recueillir nous-méme sur ces bureaux
et leur administration pendant le xviii* siècle.
I
La charité est de toutes les époques. De tout temps
les gens riches et les membres du clergé se sont efforcés
de venir au secours des malheureux en leur distribuant
des aumônes, chacun suivant ses facultés et tes misères
qui lui étaient connues.
En 1498, rappori;e le Doyen *,
Blé valut huyt solz le boesseau
Autant le vieil que le nouveau ;
La justice a cinq solz le miat,
Mais le peuple guère n'en tint.
Le pain fust vendu à la livre,
Afin que chascun se peust vivre.
Ceux qui avoient bled à greniers
Hz les tenoient par trop à chers.
Vous eussiez vu à grand centaines
Pouvres par les rues hors d'alaynes :
Toutefois d'aulcuns bons bourgeoys,
La sepmaine deux fois ou troys,
Leur donnoient pour Dieu charité.
Qui bien leur sera mérité.
C'est peut-étra à la suite de cette disette qu'il fut
établi dans les paroisses des bureaux de charité dirigés
par quelques marguilliers, dits procureurs des pauvres,
chargés de centraliser les aumônes et d'en faire la dis-
tribution. Nous ne parlons pas de la charité de Priz.dont
1. Ànnaitf et ehroniqutt ttv payi de Laval, page SS.
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— 131 —
l'existence est signalée dès 1361 et qui se bornait à faire
une distribution par an, le jour de l'Ascension', mais de
celles des autres paroisses qui, parfois, dans les années
calamiteuses, recevaient des secours de la première.
C'est ainsi qu'en 1556-1557 elle versait 54 I. 13 s. 6 d.
aux commissaires des pauvres de la paroisse d'Avénières
et 32 1. 2 s. à ceux de la Trinité ^.
Il est probable que les seigneurs de Laval, dont on
retrouve les noms parmi les souscripteurs de toutes les
œuvres intéressant la ville, durent faire distribuer d'im-
portantes aumônes, soit par leurs officiers, soit par les
membres du clergé. Les magistrats, les bourgeois, les
négociants enrichis par le commerce des toiles durent
suivre cet exemple et secourir les malheureux, soit indi-
viduellement, soit en créant dans chaque paroisse un
bureau de charité, sous la direction du curé.
Mais depuis la tin du xvi* siècle, à la suite sens doute
de mauvaises récoltes et des guerres de la Ligue et de
la Fronde, le nombre des pauvres avait considérable-
ment augmenté. Les bureaux de charité étaient débordés
et, par suite sans doute d'une véritable invasion des
habitants des campagnes, la ville était remplie de men-
diants que les larges aumônes distribuées par les couvents
ou les bourgeois ne suffisaient pas à secourir. 11 devenait
urgent d'aviser. 11 fut donc fondé, en 1658, un bureau
général de charité composé de seize directeurs, savoir :
quatre ecclésiastiques désignés par le clergé de la
Trinité, le chapitre de Saint- Tugai, le clergé de Saint-
Vénérand et le chapitre du Cimetière-Dieu, deux offi-
ciers du seigneur, deux officiers de l'hôtel de ville, deux
avocats et six bourgeois. Ces directeurs étaient chargés
d'aller chez tous les ecclésiastiques et chez tous les habi-
tants soumis à la taille, solliciter des aumônes et leurs
engagements, signés d'eux, seraient consignés sur un
registre. Les distributions auraient lieu tous les diman-
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— 132 —
ches, à la suite d'une messe à laquelle les pauvres
seraient tenus d'assister. II leur était interdit de mendier
à la porte des églises et dans les rues et on défen-
dait aux habitants de leur faire l'aumdne sous peine
d'amendes *.
Ce l'èglement dut être appliqué pendant quelques
années, mais, créé dans des circonstances spéciales, il
dut tomber en désuétude lorsqu'elles eurent disparu, et
les bureaux de paroisses se reformèrent et reprirent leur
existence antérieure avec leurs ressources particulières.
Mais c'est sans doute de cette époque que date, ainsi que
le dit M. Couanier de Launay, la fondation du bureau
de charité de la paroisse de la Trinité, dirigé par les
membres du clergé et les marguilliers de la paroisse, tel
que nous le voyons fonctionner à la fin du xvii' siècle ^.
Des dames de charité appartenant aux meilleures familles
de la ville avaient accepté la mission de visiter les pau-
vres pour s'enquérir de leurs besoins et faire connaitre
la nature des secours qui leur seraient le plus utiles. Le
bureau proprement dit était chargé de la distribution de
ces secours. Il était alimenté par le produit des quêtes
faites dans l'église à certaines fêtes et surtout par celui
des souscriptions que les personnes riches s'étaient en-
gagées à verser chaque année pour venir au secours des
malheureux.
Ce bureau rendait les plus grands services à la popu-
lation ouvrière, quand une importante donation, due à
la générosité d'un prêtre, AI. Gervais Chambrun, sieur
de Beaumesnil, vint doubler ses revenus et lui permettre
de secourir à domicile les pauvres malades en leur pro-
curant du bouillon, de la viande, des remèdes, et en leur
1. Léon Hattre, notice kittoriqiu iw lei hôpitaux de Lavât, 2* Ml-
tloQ, 1689, p. 38.
S. SulraDt H, Couanier de LnunaT, Bigtoire de lavai, p. 433, ee
bureau avait été londé an iBS6. C'était saos doute une tranalormatlon
du bureau général de cbarlté dont noua parlions plus baut, réorganisé
■nr de nouvelles bases et destiné à secourir seulement le* pauvres de la
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— 133 —
prêtant au besoin des lits et du linge qui leur manquaient
souvent. Et cela sans diminuer les secours habituels
distribués par ledit bureau de charité.
M. de Beaumesnil était originaire de Saint-Pierre-des-
Landes. Lorsqu'il avait été créé chanoine de Saint* Tugal',
sa mère, devenue veuve, était venue habiter Laval, dans
une maison du faubourg Saint-Martin. En 1679, M. de
Beaumesnil fut nommé chapelain de l'église royale et
collégiale de Saint-Germain-l'Auxerrois et alla habiter
Paris, faubourg Saint- Jacques, sur la paroisse de Saint-
Jacques du Haut-Pas ^. Témoin des mesures prises en
cette ville pour subvenir aux besoins des pauvres mala-
des par l'organisation de compagnies de charité, com-
posées de dames chargées de visiter les malades auxquels
des secours en nature étaient distribués par les sœurs
grises de Saint-Lazare, il voulut doter la ville de Laval
d'un établissement du même genre. Sa proposition fut
acceptée avec reconnaissance par les curés de la Trinité ^
et les marguilliers en exercice.
Le 25 septembre 1683, devant M. Charles Hiaulmé,
notaire royal, demeurant à Lavai, M. Gervais Cham-
brun, sieur de Beaumesnil, représenté par M' Pierre
Simon, sieur du Tertre, avocat en Parlement, son pro-
cureur spécial pour la circonstance, faisait don aux
sieurs Ambroise Salmon, sieur du Griffon, avocat en
Parlement, et Guillaume Le Balleur, sieur de la Motte,
marchand apothicaire, procureur marguillieretfabricien
de la paroisse de la Sainte- Trinité de Laval, en leur dite
qualité et à tous leurs successeurs en la dite charge,
pour le bien et soulagement des pauvres malades de la
paroisse de la Trinité et de celle de Saint- Tugal, sa
voisine, d'une somme de 4.800 livres.
1. Noue Qfl traiiTonB pas «on nom sur la liste des ohanolDea de SalDt-
Tugal publiée par H. de la Beaulnbre dans son Elude sur les Commu-
nautés et Chapitres de Laval.
2. Il était anmAnier de la maison des Carmdlltes, située snr la dite
paroisse, où avait pris le voile M"' de LaTalllère.
3. Jusqu'en 16S7, la paroisse de la Trinité possMa deux curés.
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— 134 —
« Les revenus des dites sommes seront employés à la
nourriture et entretieonement de trois filles ou veuves,
n'ayant point d'enfants, qui prendront soin d'assister
les pauvres malades des dîtes paroisses de la Trinité et
de Saint-Tuga], en leur portant des médicaments et
autres choses nécessaires et en leur rendant tous les
services dont elles seront capables, sous la conduite et
dévotion des dames de charité de la dite paroisse de la
Trinité, qui marqueront les fonctions des dites Itlles ou
veuves et leur donneront les règlements qu'elles juge-
ront à propos, à condition néanmoins qu'une des dites
tilles ou veuves s'emploiera à tenir la petite école pour
l'instruction des pauvres petites filles de la paroisse,
sans y admettre aucun garçon, suivant le règlement des
sœurs grises de Saint-Lazare. »
L'acte de donation énumère ensuite le mode de nomi-
nation des trois filles ou veuves, les dépenses à faire
pour leur entretien, les soins à leur donner en cas de
maladie, les droits des dames de chanté placées sous la
direction, au moins nominale, de Mme de la TrémolUe,
leur supérieure perpétuelle, l'emploi des sommes don-
nées en biens fonds ou rentes foncières et constituées de
façon à ce que le revenu n'en soit pas diminué.
Si l'on ne peut trouver de filles ou veuves de bonne
volonté et que l'œuvre vienne à disparaître, les revenus
des sommes données seront employés à mettre à métier
six pauvres enfants, trois garçons et trois filles, sans
parents, des paroisses de la Trinité ou de Saint- Véné-
rand, choisis par les curés et marguilliers de la première.
Cet acte fut ratifié par M. de Beaumesnil le 29 octobre
1683 et par les habitants de la paroisse le 29 novembre
suivant, insinué à Paris le 15 décembre et approuvé par
Monseigneur Louis de Lavergne de Montenard de
Tressan, évêque du Mans, le 3 février 1684.
L'œuvre des pauvres malades était chose nouvelle.
Elle ae touchait pas au bureau de charité déjà existant,
mais elle en devenait une annexe en le complétant. Dès
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— 135 —
la un de 1683, les curés de la Trinité s'étaient empresséB
de nommer les filles ou veuves chargées de donner des
soins aux pauvres malades. Deux étaient déjà en fonc-
tions au mois de septembre de cette année et la troisième
devait être installée le preiai«> novembre suivant.
L'acte du 15 septembre contenait bien des recomman-
dations pour la réglementation de la compagnie de cha-
rité créée par M. de Beaumesnil. Mais il fallait réunir
en corps toutes ces prescriptions et le donateur fut ins-
tamment prié de vouloir bien se charger de la rédaction
de ce règlement. La preuve en résulte de ce document
lui-même qui, dans nombre d'articles, s'appuie sur ce
qui se fait k Paris, ou même dans la paroisse de Saint-
Germain-l'Auxerrois, à laquelle M. de Beaumesnil était
attaché.
Ce règlement a été imprimé à Paris, chez Clément
Gasse, proche Saint-Etienne du Mont, sans date, mais
le permis d'imprimer, signé de la Reynie, est daté du
30 mors 1684. Ce petit volume de 124 pages porte pour
titre :
Règlement de la Compagnie de charité établie dans
la ville de Laval, contenant deux parties, l'une gui
regarde les Dames et L'autre les Sœurs, avec l'ordon-
nance de Monseigneur VÈvêque du Mans et l'agrément
de Son Altesse Madame la duchesse de la Trémoîlle.
En tête est un avis aux dames de la Compagnie, suivi
de l'approbation de Monseigneur l'évéque du Mans du
15 février 1684 (page 13} et de l'agrément donné à cet
établissement par Mme la duchesse de la Trémoîlle,
Madeleine de Créquy, épouse et procuratrice générale
de M. le duc de la Trémoîlle, laquelle accepte d'être
supérieure perpétuelle de la compagnie et promet sa
protection aux dames de charité et aux trois sœurs du
bureau, dans l'espérance qu'elles seront fidèles à ce
règlement (p. 17).
Vient ensuite le règlement lui-même. La première
partie, concernant les dames, porte cette épigraphe ;
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Mandata Dei in corde muUeria sanctm. Eccl. 2624.
< La femme sainte porte toiyoura la loi de Dieu dans son
cœur B,
Les dames doivent avoir l'inspection et la conduite
des trois sœurs, tilles ou veuves d'un seul mari, sans
aucun enfant, choisies par elles-mêmes, âgées au moins
de trente-cinq ans, pour le soulagement et la consolation
des pauvres malades de la Trinité et de Saint-Tugal,
sous la conduite spirituelle des curés de la Trinité, l'au^
torité de l'Évêque du Mans et la protection de Mme la
duchesse de la TrémofUe, laquelle sera supérieure per-
pétuelle de la Compagnie (art. I et 11).
Les dames seront reçues en la manière marquée dans
le règlement de Messieurs de Saint-Lazare. Cette récep-
tion n'aura lieu que du consentement du mari, si elles
sont mariées, ou celui de leurs pères et mères, si ce sont
des filles qui soient sous leur conduite et leur dépendance.
Les dames éliront, par billet cacheté, deux d'entre
elles pour être officières dans les Fonctions de trésorière
et de garde-meubles. On choisira pour ces fonctions des
veuves ou des filles qui seraient dégagées de tout em-
barras et qu'on n'aurait pas lieu de croire qu'elles dussent
changer d'état, étant plus libres et maltresses de leur
temps, ou des femmes mariées, avec la permission et
l'approbation de leur mari, et qui soient accommodées et
aisées. On pourra les changer quand cela paraîtra avan-
tageux pour le bien des pauvres.
L'une d'elles tiendra le catalogue des livres remis aux
trois filles ou veuves.
La trésorière recevra les aumAnes et autres sommes
qui seront données pour la subsistance et le besoin des
pauvres malades. Elle rendra ses comptes tous les trois
ou six mois, en présence des deux curés de la Trinité, et
de quatre dames de la compagnie nommées à la pluralité
des voix. Elles auront le titre de dames conseillères et
pourront être changées tous les ans. La trésorière tien-
dra compte de toutes les sommes reçues et les inscrira,
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— 137 —
i leur date, sur son livre, avec les noms des donatenrs,
à moins qu'ils ne s'y opposent ; et aussi de ce qu'elle
aura donné anx sœurs, an boucher, et pour les drogues
distribuées aux malades.
La garde-meubles aura chez elle une pièce assez grande
pour loger les bois de lits, matelas, lits de plume, oreil-
lers, couvertures, linges, linceuls (ou draps), chemises et
autres choses qu'on aura prêtées aux malades, dont elle
aura un mémoire, pour les prêter avec sagesse et discré-
tion. Elle aura un registre ou elle inscrira les objets
reçus, les prêts faits aux malades et les dates de rentrée.
Une troisième oflicière fera l'office de secrétaire pour
inscrire les décisions.
.Une seconde supérieure sera nommée pour régler
avec les dames olHcières les alTaires urgentes en l'ab-
sence de Madame de la Trémotlle.
Chaque dame visitera, aussi souvent que possible, les
pauvres du quartier qui lui sera échu d'après la division
des rues et quartiers, suivant la règle qui se pratique et
et est déjà établie. Elles s'informeront de l'état des
malades, de leur disposition d'esprit à l'égard de Dieu
et du prochain, des choses dont ils ont besoin et des
secours qu'ils reçoivent. Si elles les voient en danger,
elles leur inspireront le désir de recevoir les sacrements,
en leur faisant comprendre que l'on cherche le salut de
leur âme encore plus que celui de leur corps, et au besoin
préviendront les prêtres de la paroisse chargés d'admi-
nistrer les sacrements.
On fera choix d'un médecin et d'un chirurgien, choisis
à la pluralité des voix, qui seront payés, s'ils n'offrent
de faire le service gratuitement. A Paris, te médecin
touchait vingt-cinq écus par an. Mais la somme a été
doublée, à cause du nombre des malades de la paroisse
Saint-Germain. Il doit faire chaque jour la visite de
quelque quartier, en outre de celle qu'il doit faire la pre-
mière fois, quand il a été prévenu par les sœurs. On fera
de même pour le chirurgien qui, à Paris, touche trois
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— 138 —
sois par saignée, tes sœurs étant trop occises par leurs
visites.
Les assemblées se tiendront tous les mois, quinze
jours, ou semaines, chez l'un des curés de la Trinité, le
dimanche après vêpres, et chez Mme de la Trémollle
quand elle sera à Laval.
11 y aura un tronc dans l'église de le Trinité, portant :
Pour les pauvres malades. — Les dimanches et fêtes
considérables, il sera fait des quêtes à l'église par
quelques filles ou femmes vertueuses et sages qui s'en
acquitteront avec beaucoup de modestie, sans faste ni
vanité. Les jours de solennité, on priera les plus consi-
dérables pour cet office de charité. Le produit sera
remis à la trésorière.
A Paris, tous les premiers jeudis du mois, le curé de
Saint-Germain dit une messe, à laquelle toutes les dames
tiennent à se rendre, et la trésorière fait une quête parmi
elles.
Chaque jour, les sœurs de Saint-Lazare portent la
marmite avec les viandes et les volailles chez une des
dames qui se charge de la faire cuire, pour qu'elle soit
prête le lendemain à neuf heures, où les sti^urs viennent
ta prendre pour porter te bouillon aux malades. Mais
beaucoup prérèrent donner trente sols pour que les
sœurs s'en chargent, et on leur fournit outre cela du sel
et du bois en sus de leur traitement. On pourra faire de
même à Laval, de façon à ce que chaque jour soit rempli.
Les dames sont autorisées à suppléer ce qui a pu être
omis dans ce règlement, sans pourtant y rien changer
ou modifier.
La seconde partie concerne les trois filles ou veuves
établies dans la paroisse pour le soin des malades. Elle
est précédée de cette épigraphe :
Ligabia ea quasi signum in manu tua, eruntçue inter
oculoa luos. Deut., c. 6. v. 8.
« Vous tiendrez les préceptes du Seigneur comme liés à
vos mains pour vous marquer l'obligation que vous avez de
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les pratiquer, et vous les aurez toujours devant vous pour les
méditer et n'en perdre jamais le souvenir. »
Les soeurs serontentièrementaoumises àMgr TËvéque
du Mans, la duchesse de la TrémolUe, les deux curés de
la Trinité et toutes les daines. Elles seront choisies, par
billets cachetés, parmi les plus sages et les plus capa-
bles, sur proposition triple ou multiple. Elles seront
filles ou veuves d'un seul mari, sans aucun enfant, âgées
de trente-cinq à quarante ans, sages, modestes, et d'une
vertu singulière.
Elles seront soumises aux dames et ne pourront
prendre personne pour les soulager. Elles seront les
serrantes des pauvres malades et iront leur porter elles-
mêmes ta marmite et leur rendre tous les services, comme
les sœurs de Saint-Lazare, bien qu'il y en ait parmi
celles-ci de bonnes familles.
Les sœurs seront logées dans une maison ayant en
bas une grande salle servant de cuisine et d'école, avec
un cabinet pour ramasser leurs ustensiles, sirops, dro-
gues et le reste ; au premier, une grande chambre avec
trois lits séparés, une chaise et une table ponr chacune,
un petit oratoire et un cabinet avec armoires ou coffres
pour mettre leurs habits et linge, le tout fourni par la
compagnie. Elles logeront seules, ne recevront point de
visites inutiles, n'écriront point de lettres sans nécessité,
ne laisseront personne monter en leur chambre, sauf en
cas de maladie, et ne demanderont jamais rien, soit pour
elles, soit pour leur famille, fût-elle nécessiteuse. Elles
s'aimeront chrétiennement entre elles et tâcheront de se
mettre le plus vite possible en état de remplir leurs
fonctions pour faire les saignées et préparer les sirops,
décoctions, tisanes, infusions et le reste. Elles ne s'arrête-
ront point dans la rue à causer inutilement, surtout avec
les hommes.
Averties par un billet de la dame dans le quartier de
laquelle il y a un malade, elles en préviendront le méde-
cin on le chirurgien et l'inscriront sur le registre. A
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— 140 —
Paris, elleB ne portent la charité chez les malades
qu'après qu'ils se sont confeasés. Elles ne resteront chez
chacun d'eux que le temps nécessaire pour leur rendre
les services dont ils ont besoin. Elles entreront en fai-
sant le signe de la Croix et en disant : « La paix du
Seigneur soit avec vous ». Et en se retirant elles pour-
ront dire : « Que la paix du Seigneur vous accompagne
et soit toujours avec vous ». Elles parleront d'un ton
piutàt bas et modeste que trop haut et trop élevé. Enfin
elles doivent tâcher d'allier « une gravité guaye et hon-
nête avec une gayeté grave et modeste ».
Elles veilleront à ce que les malades aient quelqu'un
près d'eux pour les soigner et venir chercher la tisane,
ou les feront porter à l'hôpital. Elles ne sortiront point
le soir après huit heures, du 1" avril au 1" octobre, et
l'hiver après six heures, et ne délivreront point de
secours après ces heures et n'iront point veiller dans le
voisinage. Elles se trouveront à toutes les assemblées
des dames et y porteront leurs registres. Elles se lève-
ront à quatre heures en été, à cinq heures en hiver,
Après avoir fait leurs prières, elles iront ensemble à la
messe, puis, après le déjeuner, iront faire visite aux
malades suivant l'ordonnance du médecin, et pendant les
chaleurs pourront faire cette visite avant la messe. A
neuf heures aura lieu la visite pour porter le bouillon, la
viande, les œufs, le pain, etc.. Elles pourront visiter le
soir les plus malades pour porter des lavements et ce
qui serait besoin et voir s'il n'y a pas de changement
pour en prévenir le médecin et les ecclésiastiques.
Elles fixeront les heures de leur repas qu'on ne pourra
plus changer et ne recevront personne à manger. Ces
repas seront simples et des choses les plus communes,
comme les sœurs grises de Saint-Lazare qui ne mangent
jamais de rôti et ne boivent que de l'eau. Pendant le
repas, l'une d'elles, à tour de rôle et par semaine, fera
une bonne lecture, comme la vie du saint du jour ou
quelque histoire ou relation agréable ou édifiante.
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— 141 —
Elles jeûneront les carêmes et quatre-temps comme
tout le monde, si elles ne peuvent comme autrefois faire
un seul repas à cinq ou six heures du soir après les
vêpres, et les vigiles des fêtes à trois heures après les
nones. Elles communieront les dimanches et fêtes et
pourront se confesser tous les huit ou quinze jours à un
directeur choisi par les curés de la Trinité et ne pourront
le changer, mais elles pourront en avoir un extraordi-
naire, également choisi par le curé de la Trinité, auquel
elles pourront s'adresser quatre fois par au au plus. Les
dimanches, elles assisteront aux messes, prênes, vêpres
et sermons, feront de bonnes lectures et se coucheront à
neuf heures. Elles pourront s'occuper dans la journée à
faire leurs habits, raccommoder leur linge ou confec-
tionner du Hnge d'égUse, en s'entretenant de leurs lec-
tures ou de leurs malades. Elles seront vêtues d'étoffes
les plus communes, de couleur brune et uniforme, les
unes comme les autres sans soie, honnis pour les coiffes,
sans rubans et tous ces petits ajustements, et sans mou-
choirs clairs à leurs cols. Elles seront égales entre elles
et n'auront d'autres supérieures que les dames et ofG-
cières de la compagnie à qui elles rendront compte de ce
qui se passe entre elles et chez leurs malades.
Les articles suivants concernent la tenue de l'école
dirigée par l'une des trois filles ou veuves, comme elles
doivent se comporter vis-à-vis des enfants, ce qu'elles
doivent leur enseigner, etc.. ; la vie des soeurs, les soins
â leur donner pendant leurs maladies, les règles à suivre
pour leurs enterrements, leurs exercices de dévotion
envers la Vierge et les saints, etc...
Le volume se termine par cette épigraphe :
Inapice et foc secundum exemplum quod tibi monatratum
est.
« Considérez toutes ces choses et faites tout suivant le
modèle qui vous i;st confié. »
Après la mort de sa sœur, M. de Beaumesnil voulut
compléter son œuvre en fournissant un logement aux
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— 142 —
sœurs de la Compagnie de charité. Par acte du 16 mai
1689, il donna à la Compagnie la maison de sa mère,
située au faubourg Saint-Martin, vis-à-vis les Cordelière,
laquelle prit le nom de la Providence de la Trinité.
Le bureau de charité de ladite paroisse, complété par
la fondation de M. de Beaumesnil, réussit parfaitement.
Les dames appartenant aux familles les plus distinguées
de Laval, flattées d'avoir pour supérieure Mme de la
Trémollle, s'empressèrent de se faire inscrire parmi les
dames de charité et rendirent par leur zèle les plus
grands services. Le bureau continua donc, comme par
le passé, à distribuer des secours aux indigents, réser-
vant les revenus des sommes données par M. de Beau-
mesnil pour l'œuvre des pauvres malades qui diminuait
d'autant les charges du bureau de charité.
L'institution des trois filles ou veuves fondée par
M. de Beaumesnil semble n'avoir pas duré longtemps
par suite sans doute de la difficulté de trouver des per-
sonnes disposées à accepter cette mission de charité, en
raison des charges et des obligations qui leur étaient
imposées. C'est alors sans doute, à une date que nous
ignorons, que ces filles furent remplacées par des sœurs,
nous ne savons de quel ordre * mais probablement du
tiere-ordre de Saint- Dominique.
Nous ne connaissons pas d'une façon exacte la situa-
tion du bureau de charité de la Trinité au xviii' siècle,
à défaut des comptes du trésorier. Au début, ce bureau
1. Ces KBurs «ppartenalent an tiers-ordre de Saint-Dominique, i»mm«
celles qui, à partir ds 1735, desservirent la providence de Saint- Vâné-
rand, Ed 1786, en relatant l'âtablissement de deux de ces sœurs dans sa
paroisse, M. Lauubj, curé de Rutilé -le-Gravelals, dit qu'elles étaient
laïques et séculières, u u'étant soumises à aucune règle, telles que les
soeurs de Saint-Laiare ou celles de ta CliapeUe-au-Ril>oul ». Puis U
ajoute, n l'une de ces deux scEurs a demeuré dans une petite maison de
charité, nommée la Providence de La val, dans le faubourg Saint-Martin,
et ; a tait une sorte d'apprentissage pendant douze ans à gouverner les
pauvres malades de LAval ; aussi s'est-etle rendue habile dans son état
et a-t-elle été regrettée de la ville i. Cette SŒur, ftgée de quarante au,
se nommait Antoinette Mltlet. La seconde, Anne HlUet, kgée de trente-
sli ans, était sa sœur. [Bulletin 4t la Commiêtion hUtoriqut de la
Maytmu, t. XVI, p. 986).
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n'était pas riche et ne possédait guère que le produit des
quêtes faites chaque année chez les personnes riches ou
aisées et de celles faites par les dames de charité en
l'église paroissiale, aux quatre grandes fêtes de Tous-
saint, Noël, Pâques et la Trinité. Cela pouvait suffire
dans les années ordinaires. Mais qu'il survint une année
de disette, il fallait faire appel à la générosité des bour-
geois, laquelle du reste ne ûl jamais défaut.
Ainsi, en 1694, « le blé monta à un prix excessif et les
charités furent grandes, » eu dire de Guitet de la Houl-
lerie 1.
En 1696, le blé fut également rare aux environs de
Laval, d'après la correspondance des contrôleurs géné-
raux des finances ^.
En 1699, l'intendant de Tours proposait au contrôleur
général d'armer la garde bourgeoise pour tenir en res-
pect six à huit mille tisserands qui s'étaient ameutés par
suite de la disette '.
En 1702, rapport de l'intendant sur les efforts faits à
Laval pour venir en aide à cinq cents tisserands sans
ouvrage *,
En 1709, année dite du grand hiver, par suite du
manque de la récolte, il y eut à Laval une misère affreuse.
Un arrêté du Conseil ordonna que chacun donnerait au
profit des pauvres et verserait entre les mains d'un
notable « les deux tiers de l'intérêt du sort principal de
son revenu », c'est-à-dire les deux tiers de la somme que
son reveau eât pu produire dans l'année. Ainsi pour un
revenu de 120 livres, qui eussent produit 6 livres d'intérêt,
on devait verser 4 livres pour les pauvres de la paroisse.
Cette mesure réussit à souhait et l'on put secourir les
malheureux cette année et une partie de la suivante ^.
1. Chronique de Laval, par Guitet de la Boullerie, note de la p. Ii4
ÛQ Mimoirt ehrow)l"giqve de Maucourt de BourJoU;, I. II.
t. Ibid., t. II, p. lU, en noU.
3.md.,\. II, p. 143, en note.
4. Ibid.. t. II, p. 149, en note.
D. Jftfmoir* eAronoJofrtirwe de Hauoonrt de BonrJoUf, t. II, p. 1S7.
□ igitizedbyGoOgF-eVV/
— 144 —
En 1724 et 1725, la disette Fut si forte que les boor-
geois durent se cotiser pour faire venir du blé de
Bretagoe, de Normandie et du Forez '.
Autre disette en 1739. On dut faire venir de Nantes
deux cent mille boisseaux de blé ^.
Une autre encore en 1769. Celle-ci Fut assez grave
pour que l'on dut avoir recours à des mesures extraordi-
naires pour se procurer des ressources ^. Les bourgeois
de Laval sollicitèrent du Conseil de l'intendance un prêt
d'argent. La réponse se faisant attendre, ils se cotisèrent
pour faire venir du blé de l'étranger, tant pour donner
du pain aux pauvres, que pour vendre ce blé à perte sur
le marché, soit aux boulangers, soit à ceux qui auraient
le moyen d'en acheter. De plus tes habitants de la
Trinité et de Saint-Vénérand s'engagèrent à verser
4.000 livres par mois pour fournir du pain, jusqu'à la
prochaine récolte, aux indigents dont le nombre s'était
notablement accru et s'élevait alors à quatre mille.
Soixaote-dix-huit commissaires furent choisis pour faire
la distribution du pain aux pauvres, le jeudi de cbaque
semaine, dans chaque quartier, et ces distributions,
commencées le 9 décembre 1769, se continuèrent jus-
qu'au mois de juillet suivant *.
Au commencement de l'hiver, les commissaires firent
une nouvelle quâte qui fut bien moins fructueuse. Mme de
la Jourdonnière écrit le 7 décembre 1770 à son fils :
« Nous avons encore la charité publique cette année ; je
donne un écu par mois, mais ces Messieurs m'ont dit
qu'ils ne trouvent pas comme l'an passé ».
Ainsi, dans les années calamiteuses, le bureau de cha-
rité savait trouver chez les bourgeois aisés les sommes
1. RtgUire de M. René Ducbsmta, dans le Bulletin de ta CommiiHon
hùtorigue de ta Mayenne, 1896, t. XII, p. 266.
a. Chronique de Laval, par Gultet de la HouIIerie, t. Il, p. M6, k la
suite du MimoiTe chronologique de Maucourt de Bourjolly.
3. Le troment du ptya se veudaU S livrei, le seigle 4 livres, l'o^e
OO à 54 sous, le blé noir SO lous (Gultet de la Honllerle, p. S9t, loe. cit.).
4. Chronique dt Laval, pu Qnltat de la HouUerie, p. SM.
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— 145 —
qui lui manquaient pour faire face à ses nouvelles obli-
gations. Dans tes années ordinaires, les souscriptions
promises par les riches et les quêtes dans les églises,
venant s'ajouter aux revenus, tant en biens fonds qu'en
rentes recueillies par lui, suffisaient pour couvrir les
dépenses. Depuis le commencement du siècle, en effet,
il avait reçu de personnes généreuses, soit par dons
manuels, soit par dispositions testamentaires, diverses
sommes dont le revenu s'élevait en 1789 à 4 ou 5.000
livres.
Avec cet argent, on distribuait aux indigents du pain.
Des secours en argent étaient versés aux infirmes pour
le paiement de leurs loyers. Mais on se préoccupait sur-
tout de donner du travail aux ouvriers pendant l'hiver.
On achetait du lin, pour occuper les fîleuses, les filas-
siers et les tisserands, et la toile fournie par eux était
vendue, en partie, au bénéfice de la charité. Le surplus
était conservé pour renouveler et entretenir la lingerie
de la Providence.
D'autres fois, on s'entendait avec la municipalité pour
ouvrir des ateliers de charité dans les environs de la
ville. C'est ainsi qu'en 1774, on fît ouvrir te chemin con-
duisant à Avénières, le long de la rivière, à travers les
prairies de la Croix '.
Quand le bureau avait trop d'argent en caisse, il le
prétait aux fabricants qui en avaient besoin pour payer
leurs ouvriers, à charge de rendre cet argent sans inté-
rêt, mais à des dates lîxes.
La maison de la Providence possédait en outre un
important mobilier, composé de lits, matelas, oreillers,
draps et linges de corps, destinés à être prêtés aux ma-
lades sous la surveillance des dames de charité. Les
sœurs attachées à ladite maison allaient porter aux ma-
lades le bouillon, ia viande, la tisane et des remèdes,
suivant les intentions de M. de Beaumesnil. Elles distri-
1. Chroniqut de Laval, par Outtet de la Houllerie, toe. cit., p, 301,
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— 146 —
buaient en outre du lait et de la fariDe pour la bouillie
des enfants naissants.
Le bureau de charité de ta Trinité avait en outre la
surveillance des écoles fondées pour les garçons pau-
vres, l'une en 1737 au faubourg Saint-Martin, l'autre en
1744 auprès du cimetière, et dirigées par des ecclésiasti-
ques. Ces écoles avaient un budget particulier et des
ressources spéciales ; nous n'avons donc pas à en parler
ici. Mais la petite école fondée par M. de Beaumesnil en
la maison de la Providence pour les petites filles indi-
gentes de la paroisse était passée, elle aussi, sous la
direction du bureau des écoles, annexé au bureau de
charité. Celui-ci ne semble pas s'en être occupé tout
d'abord. C'est en 1781 seulement qu'il se décide à faire
quelques sacrifices pour son entretien, en attribuant un
traitement de 45 livres par an à la sœur Antoinette qui
faisait la classe, à la décharge du bureau de charité. En
1783, la même sœur est autorisée à fournir du pain aux
petites filles que l'éloignement de leur domicile empê-
chait de rentrer chez elles après la classe du matin.
La paroisse de Saint-Vénérand, située sur la rive
gauche de la Mayenne, avec son annexe, Saint-Melaîne,
desservie par un vicaire, était un véritable faubourg,
dont les principales mes étaient occupées surtout par
des logements d'ouvriers. Mais il s'y trouvait cependant
un certain nombre de maisons bourgeoises et partout aux
alentours, principalement le long de la rivière, existaient
des habitations entourées de prairies servant au blan-
chiment des toiles. Les maîtres de prés, comme on les
appelait, étaient riches. C'est à leur générosité sans
doute que fut due la création d'un bureau de charité
placé sous ta direction du clergé et des marguilliers de
la paroisse, comme celui de la Trinité, dont il semble
avoir, en partie du moins, adopté le règlement. Nous
ignorons la date de sa fondation qui remonte au moins
au xvii" siècle et avait été complétée vers 1688 par la
création d'une école pour les petites filles pauvres. Une
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— 147 —
maison, dite le Séminaire, servait d'école pour des en-
Tants de chœur attachés à l'église Saint- Vénérand <.
En 1709, année dite du grand hiver, la charité de
Saint-Vénérand secourait treize cent seize personnes
appartenant à trois cent cinquante-cinq familles et, en
1710, seize cent trente-sept personnes depuis le mois de
janvier jusqu'au mois de juillet '.
« Le 14 de juin 1731, jour de la sépulture de mon
frère, Ambroise Duchemin, prêtre, rapporte M. René
Duchemin, également prêtre de la paroisse Saint-Véné-
rand, M. le Prieur vint, avec les dames de charité,
savoir : Mlle Hubert, supérieure des dites dames, Mme
V* Pichot, Mme Le Moine de Juigné, Mlle Moreau de la
Boche, Mlle Jardrin, Mme Gigogne, me prier d'accepter
la fonction de directeur des dames de charité de la
paroisse de Saint-Vénérand.
« Le 17 juin, le Séminaire me fut présenté par les
procureurs bâtonniers et M. le Prieur.
« Le 19 juin, M. le Prieur assista à l'assemblée des
Dames faite par extraordinaire pour penser, chercher et
inviter quelques dames ou demoiselles à entrer dans la
compagnie des dames de la charité ^. »
En 1735, on remplace la maîtresse de l'école des filles.
« Le 25 septembre 1735, dit-il plus loin, le Conseil fut
assemblé pour nommer une maîtresse d'école en place
de Mme Leniercier qui avait eu cet exercice pendant
quarante-sept ans, suivant fondation de dame Marie
Foureau, épouse de M. Claude de Fougu, sieur des
Cures, de Paris, commissaire général des guerres.
M. le Prieur y ayant dit que c'était son droit y nomma
la sœur Le Tourneur, fille du tiers ordre de Saint- Domi-
nique ».
I. Ce lémlnalre avait été créé au commencement du zni' siècle
jArch. de la Ma;., minutes F. CrDl«aant).
S. Couanler de Launaj, Histoire de Laval, p. 455.
3. Regiitre de M. Rtné Dtiehemin, publié par H. E. Horean dam le
Bittletin de la Commùiton hitSoriqvteiarehiologiquedelaKaytfMt,
isw, p. ue.
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— 148 —
En 1744, le Prieur de Saiot-Yénérand demanda à
l'Evéque du Mans l'autorisation d'établir dans sa pa-
roisse une école pourles garçons pauvres de cette partie de
la ville. L'année suivante, il rédigea un règlement, copié
sur celui des écoles de la Trinité, mais c'est seulemeut
en 1767 qu'il fut autorisé à y recevoir les élèves, après
avoir réuni les fonds nécessaires à l'entretien de l'école
et du prêtre chargé de la tenir, payé 180 livres par an.
La Providence du bureau de Saint-Yénérand était
tenue au moment de la Révolution par deux sœurs. L'une,
aoeur Bodereau, en 1782 et plus tard sœur Ravault,
s'occupait particulièrement des malades et touchait
40 livres de gages annuels. La seconde, sœur Marie
Martin, était chargée de tenir l'école des petites filles
pauvres et touchait 30 livres de gages.
A cette époque, le bureau de charité possédait, gr&ce
à de généreuses donations, soit en biens, soit en rentes,
un revenu d'environ 3.000 livres comprenant :
La ferme de la Noerie, en Saint-Pierre-sur-Erve,
affermée 800 livres ;
Celle de Levaré, en Gossé-le-Vivien, affermée 700
livres ;
Les métairies de la Verrerie, à Argentré, de Beau-
chéne, en Saint-Berthevin, et de Maussay, en Pâmé,
exploitées à colonie partiaire ;
Une rente de 22 livres constituée sur le lieu de la
Bagotière en Saint-Germain-du-Fouilloux ; — une autre
de 150 livres constituée par M. Coustard du Ptessis; —
deux rentes de 50 et 55 livres sur l'hôtel de ville de
Paris ; — une autre de 49 livres sur le heu des Vignes
en Bonchamp ; — une autre de 150 livres sur les tailles
de la paroisse ; — une autre de 9 livres 10 sols sur une
maison détruite sur le Vieux Pont.
A ces revenus, il faut ajouter le produit des quêtes
faites tous les mois en l'église de Saint- Vénérand, dont
une seule, celle de la Toussaint, rapportait chaque année
de 550 à 600 livres.
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— 149 —
De plus, lea principaux habitants s'étaient engagés,
dans une assemblée de paroisse, à verser chaque mois
diverses sommes que les membres du clergé allaient
recueillir à domicile.
Le bureau de charité de Saint-Vénérand parait, à
l'imitation de celui de la Trinité, avoir possédé sinon un
mobilier, du moins une lingerie, estimée en 1791 une
vingtaine de mille livres, et contenant une certaine
quantité de linge destiné à être prêté aux malades
pauvres.
Pas plus que pour la Trinité, nous ne possédons les
anciens règlements de ce bureau, qui avait une exis-
tence absolument séparée. C'est seulement dans les
années calamiteuses que les habitants du Pont-de-
Mayenne consentaient à se cotiser avec les bourgeois de
la ville proprement dite pour acheter du blé afin de
secourir les malheureux ; mais sans doute en spécifiant
que le produit de leurs souscriptions serait employé
uniquement pour les besoins des pauvres de ce quartier.
Peut-être les administrateurs de ce bureau pouvaient-
ils craindre que leur paroisse fût sacrifiée lors de la
distribution des secours et tenaient-ils à ce que leurs
pauvres profitassent de la totalité des sommes versées
pour eux par les souscripteurs de la Charité. Ce senti-
ment apparaît en elTet en 1789, lorsque le bureau de ta
Trinité proposa à celui de Saint-Vénérand de fusionner
les deux bureaux en un seul pour tonte la ville ; proposi-
tion qui souleva de violentes critiques à Saint-Vénérand,
à tel point que les marguilliers n'osèrent réunir les pa-
roissiens pour délibérer sur ce projet, lequel fut immé-
diatement rejeté.
(A suivre). E. Queruau-Lamerie.
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LETTRE A DORLODOT
ÉVÉQUE DE LA MAYENNE
Cbaries-François Dorlodot fut sacré à Laval évéque
coDstitutionnel de la Mayenne, le 29 mars 1799, par
Claude Le Coz, métropoiitaÏD de l'arrondissement du
Nord-Ouest et évêque d'Ille-et- Vilaine. Peu après cette
cérémonie, le nouvel évéque fit part de sa promotion aux
constitutionnels des départements voisins. Il écrivit
notamment à M. Maupoint, curé constitutionnel de la
Trinité d'Augers. Celui-ci ne fit point de réponse. Mais
l'année suivante, rentré dans le giron de l'Église,
M. Maupoint ' adressa à l'évéque de la Mayenne la
lettre suivante, inédite et inconnue :
« Monsieur, j'ai reçu l'année dernière, je crois, une
<c lettre de vous, que vous aviez pris la peine de m'écrire
« pour me faire part de votre promotion à l'épiscopat de
« Laval et des motifs qui tous avaient porté à accepter
u cette place. — Je ne sais ce qui m'a empêché de vous
« répondre dans le temps, mais aujourd'hui je regarde
a ces délais comme un trait de la Providence, qui n'a
« pas permis que je vous écrivisse alors pour vous
« encourager à porter un tel fardeau. Elle a voulu, au
« contraire, que j'attendisse à ce jour pour vous en
« dégoûter. Alors j'étais privé de lumières et je n'au-
1. Il mourut prêtre habitué à la Tripllé d'Angers le 16 Dovembn
IBOB. — Cf. Anjou Bietorigue, Histoire de la ConsUtution civile du
Gergé en Anjou par H. Gruget, curé de la Triolté.
Quant k Dorlodot, il mourut commensal de Le Coi, derenn srcheréque
" ~ "3 JauTier 1816.
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— 151 —
« rais pu que contribuer à vous égarer ea tous donnant
« des louanges, que vous méritez à bien d'autres égards,
« ou des motifs pour vous retenir dans un poste tel que
« le vôtre.
« Oui, Monsieur, il est bien temps de m'ezpliquer
« francbement et cbaritablement, et c'est surtout à l'Age
« avancé où je suis ' qu'on mérite d'être cru, quand on
« parle avec la foi des jugements de Dieu. Il est donc
« vrai que nous sommes frappés depuis longtemps des
« censures par N. T. S. Père le Pape Pie VI, de glo-
tt rieuse mémoire et défenseur de la foi ^. Nous avons
« rejeté ce Père commun, nous avons lassé sa patience,
« et il nous a chassés du sein de l'Église comme des
« enfants rebelles. Lisez ses brefs et ne dites pas qu'ils
« sont supposés 3. Nous avons déchiré le sein de notre
a bonne Mère, de cette Mère commune qui nous avait
c élevés avec tant de soin et de tendresse ; nous l'avons
« abandonnée pour suivre une route nouvelle que nous
« ont tracée ses plus mortels ennemis et qui nous est
H commune avec les hérétiques et les schismatiques.
u Nous nous sommes perdus dans cette carrière toute
« parsemée d'erreurs et de mensonges.
u Réfléchissez, Monsieur; faites comme moi; vous
« avez des talents et de la science, et si vous voulez être
« de bonne foi, si vous voulez paraître en assurance à ce
u tribunal de l'Ëpoux de l'Eglise, vous verrez que Vous
« êtes usurpateur de deux portions de diocèses *, que
a vous êtes évêque sans mission divine, sans approba-
« tion canonique, que votre élection et votre consécra-
« tion ne sont que des actes humains et non revêtus de
« la mission apostolique, que vos consécrateurs étaient
1. u. M&npolDt éUit né le 90 novembre 1737.
i. Le premier bref condamnant la Constitutloa civile du clergé Ml dn
10 mars 1791.
3. La tactique des assermentés était ds dire que 1m brefs de Pie VI
n'étaient pas autben tiques.
1. Les ancleoni^ limites des diocèses d'Ang-era et du Uans ne turent
modifiées canon iquement que le 85 mal 18^, lors de l'inatallatloo dn
premier éTéque concordataire du Mans.
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— 152 —
« Bans droit et qu'ils sont tons de nouveaux venus
o comme vous et comme moi dans la cure de la Trinité
« d'Angers, qne nous sommes à juste titre déclarés
« schismatiques et suspens de toutes fonctions ecclé-
« siastiques.
« Quelles conséquences d'erreurs tirées de notre
« approbation de la constitution civile du clergé et de
« notre séparation d'avec le chef de l'Église et d'avec
« l'Église elle-même !
« Qu'en pensez-vous, Monsieur, vous qui avez de
« l'esprit et des connaissances ? Pour mot, je ne suis pas
« sans études, j'ai reçu mes principes sur l'Église et
« j'avoue que je me suis bien égaré. En conséquence,
a j'ai renoncé à la constitution civile du clergé, et je
« n'aurai jamais de relations avec ceux qui l'auraient
« jurée et la soutiendront. J'ai cru devoir vous faire part
« de mes sentiments présenta.
« Voilà la réponse qne Dieu demandait que je fisse à
« votre lettre. Je vous prie de la prendre en bonne part,
« et à mon exemple de ne pas craindre la censure
« publique qui attend votre retour vers la foi de l'Église
« catholique, apostolique et romaine. Donnez-moi la
a consolation devons voir rappelé dans son sein. Sortez
« des ténèbres d'une foi humaine pour vous entourer des
« lumières de la sainte doctrine de l'Église. Je demande
o bien sincèrement à Dieu qu'il vous éclaire. Je le béni-
a rai à jamais s'il vous fait cette grâce.
a C'est dans ces sentiments que j'ai l'honneur d'être,
« avec un sincère dévoùment, Monsieur, votre très
« humble serviteur.
« Maupoint. »
Cette lettre nous a été communiquée par M. le marquis
de Villoutreys, le maître bibliophile angevin.
F. UZOBEAU,
Diradeur da VAniou HiMoriqu*.
Dioitizedb, Google
LA SEPULTURE DE SlINT MARTIN DE TOURS
Les commencements de l'église de Tours sont très
faciles à élucider : ils embrassent la vie d'un personnage
dont le nom a retenti dans tout l'univera chrétien, saint
Martin de Tours, et sur lequel les renseignements histo-
riques sont abondants. Sa biographie a été écrite de son
vivant par son admirateur Sulpice Sévère, et ses mira-
cles ont été racontés au vi' siècle par Grégoire de
Tours, l'un de ses successeurs, bien placé pour recueillir
tontes les traditions capables de compléter les récits du
premier historien. Saint Martin étant mort à la fin du
IV* siècle, en 397, on conçoit que sa vie puisse nous
éclairer sur les événements du m* siècle et sur l'aposto-
lat des deux évéques qui le précédèrent sur le siège de
Tours. Il se préoccupa de la sépulture de saint Catien,
premier évéque de Tours, et lui assura un abri en le
transférant dans la basilique que saint Lidoire, le second
évéque de Tours, avait fait bâtir pour lui '.
Par suite des lois en vigueur, ces éditîces furent cons-
truits parmi les tombeaux païens et chrétiens, en dehors
de la ville, dans une nécropole voisine de la voie romaine
qui allait franchir le Cher à Port-Corbon et dont l'empla-
cement est marqué aujourd'hui par l'édifice de Notre-
Dame la Riche.
La basilique qui abrite le tombeau de saint Martin
étant dans le même quartier, c'est un motif de croire
qu'il fut, lui aussi, déposé non loin de ses deux prédé-
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— i54 —
ceseenre. Aucno cbroniqaeur ne nous iastmit sur le liea
précis de sa sépultare ; nous savons seulement qu'il fut
rapporté de Candes à Tours et déposé dans un terrain
que le vénérable Alcuin appelle un polyandre public '.
D'après une lettre des chanoines de Saint-Martin, en
date de 1180, l'emplacement que j'indique aurait été le
cimetière des pauvres, et le grand saint l'aurait choisi
Ini-mâme par humilité °. Le fait est possible ; pourtant,
il faut penser qu'il y avait pour lui une sorte d'obliga-
tion de se rapprocher de ses prédécesseurs, bien qu'il
eût pu se faire transporter également à Saint-Pierre-
des-Corps, autre cimetière où des sépultures nombreuses
ont été découvertes sans cependant exhumer des monu-
ments funéraires pareils à ceux des Alyscamps d'Arles
et desquels on pourrait inférer la présence d'un cime-
tière réservé aux riches.
L'église bâtie dans le polyandre de l'ouest, près
Saint-Martin, était consacrée à Notre-Dame la Pauvre,
invocation convertie plus tard en celle de Notre-Dame
la Riche ; elle était voisine d'une église Saint-Pierre,
qui devint Saint-Pierre-le-Puellier, d'une autre église
dédiée à saint Etienne, d'une autre dédiée à saint
Venant, d'une autre encore dédiée à saint Jean. Cette
accumulation de sanctuaires démontre, à n'en pasdouter,
que le quartier de Saint-Martin et de Notre-Dame la
Riche fut vraiment le lieu de naissance de la chrétienté
de Tours, celui qui devait inspirer le plus de vénération
aux générations du moyeu âge. L'humilité et la charité
de saint Martin sont bien connues, elles sont confirmées
par ce fait qu'il négligea complètement de préparer un
abri pour recevoir sa dépouille et n'exprima pas le désir
d'être réuni sous le même toit que saint Gatien et saint
Lidoire ; il s'abandonna complètement au bon vouloir de
Saint Brice, qui le remplaça sur le siège de Tours,
□ igitizedby Google
avait san» doute quelques ressources, car on sait qu'il
édifia de suite une cella pour marquer l'emplacement de
la sépulture, sans toutefois élever le sarcophage hors de
terre. Le fait est établi par la scène qui se passa au
moment de la translation opérée sous l'évéque Perpet,
scène qui nous fait assister à une véritable exhumation.
On s'arma de pioches, dit le rapporteur, et on creusa la
terre qui recouvrait le tombeau, et le poids du contenant
et du contenu était tel que saint Martin lui-même fut
obligé d'intervenir pour aider les assistants '.
Dans la seconde moitié de son épiscopat, Bnce déve-
loppa et embellit la cella funéraire qui parut bientôt trop
modeste quand Dieu eut exalté les mérites de son servi-
teur par de nombreux miracles. Plusieurs auteurs sup-
posent avec vraisemblance que cette entreprise «ut lieu
après son retour de Rome où il avait été exilé, vers
l'année 437, et qu'il dédia le nouvel édifice à saint
Etienne '. Les raisons qu'on invoque pour appuyer cette
conjecture sont très sérieuses. Les églises paroissiales .
de Reignac, autrefois Bray, et de Chinon, fondées par
l'évéque Brice, sont sous l'invocation de saint Etienne ;
de plus, on sait que le môme saint fut le patron secon-
daire de la basilique Saint-Martin jusqu'en 1790, et que
l'autel le plus voisin du tombeau lui était dédié. Toutes
ces circonstances réunies font présumer que cet évéque
est l'importateur des reliques de saint Etienne dans le
diocèse de Tours et qu'en érigeant une basilique sur la
sépulture de saint Martin, il choisit de préférence le
vocable de Saint-Etienne '.
Que devint cet éditice le jour où l'évéque Perpet fonda
une grande basilique plus digne de la gloire du thau-
maturge des Gaules ? Les uns pensent qu'il est resté
1. De virtiitibut lancli MaTlini, libro I, cap. VI.
2. MonsDler, Celtàerrimx S. M. Tur. eeeltm historia, p. 2. — Cbeou,
Recueil det Antiquité» et privilégee de ta mile de Tour», Parla, 1681.—
Uairtlii Hu1«Bu, Paradi» délicieux de la Touraiw.
3. «BricciiuœdiflcaTit buillcam parvulam super corpus beatlMarUni
fn qua et Ipse wpultiu est *. Bittoria Francontm, lib. X, oap. 31, o* 4.
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— 156 —
debout et qu'il se confond avec l'oratoire dont parle
Grégoire de Tours sis apud urbem Turonicam ' et
avec celui qu'AIcuin célèbre dans ses poèmes et où il
désirait être inhumé ^. Les autres traduisant trop libre-
ment les expressions submota basilica et removens
internum penetrale de Grégoire de Tours et de Sidoine
Apollinaire, conjecturent qu'il fut rasé et englobé dans
la nouvelle construction, tandis que le sens rigoureux
nous conduit à penser qu'il fut simplement laissé de
côté et abandonné à une autre destination '. M. Ratel
est de ceux qui partagent la première opinion; il a con-
sacré toute une dissertation pour démontrer que le sé-
pulcre de saint Martin n'avait jamais été déplacé *. Sa
conviction s'est formée en présence des subatmctions
découvertes sous ses yeux dans le chantier de la recons-
truction de la basilique, en 1860, fouilles dans lesquelles
il a cru reconnaître l'œuvre de l'évoque Perpet et au-
dessous un massif plus ancien qui lui aurait servi d'appui ;
malheureusement ses appréciations sont contestées par
les maîtres de la science archéologique. Il n'est pas
croyable que l'évêque Brice ait employé des murs de
deux mètres d'épaisseur pour soutenir une basilique que
les auteursdésignentsous les noms modestes de /la/'fu^
basilica et de cellule *.
Le seul point qui soit un peu éclairci par le texte de
l'historien des Francs, c'est celui de la décoration : ii y
avait tant d'élégance dans l'arrangement du plafond
(caméra) que l'évêque, dit-il, au lieu de l'abandonner
3. « Intornum ramoTeni modici penetrale sacelll [Ampltufae teets
levane eileriore domo. » Sidoine ApollinalTe. — « E>erpetuiis anbmoU
bullics quam prlus Brleclus episcopus œdlflcavenit saper sanetnm
MutiDum ndiflcarlt aliam... » (BtRt. Praneorvm, 11, 31, d* 6).
i. jDu lieu de sépiUture de saint Jfartin de Tours {Bulletin lie la
Soeiiii archéologique de Towraine, i" et 2* trlm. 1889).
5. « QuODlsm oamen eellalœ illlus prlorfs sleganU opère fuerat
f&brlcata, IndlKUam dnxlt saoenlofl at opéra ejua dsperlrant n [Ri»t.
Franecrum, II, 14, X, 31, a* S|.
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sans emploi, fit bfttir une autre basilique en l'honneur
des saints apôtres Pierre et Paul pour utiliser digne-
ment cette couverture '. Grégoire de Tours a pu juger
de sa beauté, car elle était encore en place de son
temps'. Si notre interprétation est juste, révê(jue Perpet
aurait donc découvert la basilique de Saint-Etienne pour
couvrir celle des Apôtres.
Le meilleur argument à faire valoir par les critiques
qui défendent la thèse de la superposition des édifices,
serait celui du respect que les anciens témoignaient à
l'égard du Heu choisi pour la sépulture des saints ; il
est certain qu'on ne procédait pas à la translation des
corps sans une grande répugnance et que d'ailleurs la
loi romaine exigeait l'autorisation des Pontifes afin que
les convenances fussent respectées. De leur côté, les
chrétiens ne voulaient pas qu'un lieu sanctifié par le
séjour d'un martyr put être profané par une affectation
à un usage quelconque. Le fait est vrai en principe, mais
dans la pratique on rencontre des exceptions, surtout
quand le personnage n'est pas un martyr. Je citerai
notamment le déplacement du corps de saint Germain
d'Auxerre quand sa basilique fut allongée à l'orient, au
ix' siècle. L'oratoire de Saint-Ëtienne se trouvait tout
près de ta basilique de Saint-Martin ', à peu près dans
la situation de Saint-Etienne de Nantes par rapport à la
basilique des Enfants Nantais. Je ne vois donc pas qu'on
ait dérogé beaucoup aux convenances en transférant le
sarcophage vénéré d'un Ueu à un autre sans sortir du
même enclos, en franchissant une distance qui n'attei-
gnait pas cent mètres.
II faut du reste remarquer que pour saint Martin toutes
I. <i Perpetuus ndlflcavlt boaiUcam S. Pétri Id qua cimeriim bulIlcB
prloria pMuIt que usqne ad nostra tempora persévérât ii ilbiitem],
S. Caméra a, le double sens de voûte el charpente om lambris. Comme
Il e»t dltDctle de réemployer et de placer une abside en cul-de-tour, Il
«it probable ga'U s'agit Ici d'une couverture.
3. C'est uu fait dimonlri par las l«xtea raoueiUls par l'abbé Chevalier.
Cf. le» Fouille» de Saint-MaTtin de Tour», pp. IS et 16. Tour*, 188S,
brochure in-4*-
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les règles ont été violées dans l'installation de son tom-
beau, comme si on s'était préoccupé avant tout de le
rendre accessible aux foules. 11 n'y a pas la moindre
mention de crypte ou de conression établie en contre-bas
de l'autel dans les auteurs qui nous font la description
de la belle basilique élevée par saint Perpet et consacrée
probablement en 470. Grégoire de Tours, qui prend le
soin de nous fournir ses dimensions, ne dit pas un mot
de cet appendice classique, et pourtant ses ouvrages
abondent en renseignements sur les sépultures établies
dans des caveaux partout où il a voyagé : il nous cite
notamment la crypte de saint Venant à Tours et celle de
saint Soulain à Luynes. Nous sommes donc obligé de
considérer son silence comme une négation.
On ne connaissait pas au v* siècle l'art de construire
de vastes sous-sols desservis par un double escalier ;
c'est pourquoi l'architecte chercha une autre combinai-
son dans laquelle la circulation des pèlerins s'accommo-
derait avec les exigences du culte. Je n'en donnerai pour
preuve que les dimensions considérables appliquées au
sanctuaire : elles nous révèlent de sa part l'intention
d'adopter un arrangement particulier et tout k fait inu-
sité. On ne comptait pas moins de trente-deux fenêtres
et de trois portes dans cette partie de l'édifice. En suppo-
sant que ces jours fussent percés sur deux lignesd'étage,
il faut encore se représenter des murs assez longs pour
recevoir huit fenêtres par rang, à gauche, et autant à
droite. Au v* siècle, on ne bAtissait pas le presbyterium.
dans des proportions aussi vastes. Pourquoi avait-on
ménagé aussi trois portes de ce cdté ? II semble qu'une
seule devait suffire aux desservants. De cette multiplicité
de portes, j'induis qu'on voulait faciliter la circulation à
travers le chevet sans troubler l'ordre des offices, et
permettre aux pèlerins d'entrer par le nord, de passer
devant le tombeau de saint Martin et de sertir par la
porte du sud. Nous savons par le marne auteur que le
sarcophage fut placé dans Vabside qui terminait le
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chevet. Il fut donc déposé sur le dallage, les pieds tour-
nés vers le levant, suivant l'usage consaci-é, et appuyés
contre le mur du fond '. Un autre usage voulait que
l'autel particulier du tombeau fût accolé contre la tête du
sarcophage, comme à Saint-Mathîas de Trêves, à Saint-
Germain d'Auxerre, à Saint-Gall, et servit de dépôt à
de nombreuses reliques. C'est là, pour moi, qu'était
placée la memoria des cinq martyrs dont parle le fiecueil
des Inscriptions de la Basilique ; c'est là qu'on vénérait
les reliques de saint Jean-Baptiste et des quatre Mila-
nais, Gervais, Protais, Victor et Félix. Les dix vers de
l'inscription de cette memoria en forme d'autel sur-
monté d'un petit ciborium, étaient peints soit sur le fond
de l'abside, soit sur le devant de l'autel. Saint Martin
ne fut pas considéré comme saint aussitôt après sa mort,
il y avait donc lieu de rehausser le prestige de son autel
particulier en y accumulant des reliques insignes de
martyrs. Dans tous les cas, on estimait qu'il était hono-
rable pour un confesseur lui-même d'être associé à
d'autres dans l'érection d'une basilique.
Une autre inscription signalait la présence d'un livre,
enchaîné sans doute, où les pèlerins avides de s'instruire
pouvaient prendre connaissance des miracles et de la
vie de saint Martin. C'était le titulus Ubri -. Quant à
l'inscription et au titre mortuaire, je crois avec M. de
Rossi qu'il se lisait sur le sarcophage lui-même, sur la
table de marbre que l'évéque d'Autun, Euphrône, avait
envoyée à son collègue de Tours pour recouvrir le sar-
cophage vénéré. En voici les termes : Depositio S. Mar-
tini 111 Id. Nov. Pausavit in pace Domini nocle média.
En avant de l'autel memoria, s'étendait un espace
assez grand (on peut dire assez vaste, puisque le sanc-
tuaire renfermait trente-deux fenêtres) dans lequel les
l.fl AedlficsTft &ll&tn ampUorem Id cuJuBabsldabeatum corpus Ipslns
Tenerabllls sanctl traostullt a iHittoria PrancoTiim, ibiiUm].
i. D'autres iaicrlptiOQ* Atalent ivr une loitr ijae Qnlcherot place fc la
loncUon d« la net et d« i'attariuni.
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pèlerins stationnaient pour prier devant le tombeau et
assister aux offices qui se célébraient en l'honneur de
saint Martin ^ La seconde partie de l'abside réservée au
maitre-autel de la basilique et au presbyterium des offi-
ciants était très limitée par cette raison que le clergé, au
V* siècle, n'était pas nombreux. Quelle était la clAture
qui séparait les deux parties de l'abside ? on peut la
supposer épaisse, car Grégoire de Tours nous laisse
entendre que certains malades couchaient entre l'autel
et le saint tombeau quand ils voulaient insister pour
obtenir leur guérison ^.
Il n'est pas admissible, dans la restitution que nous
essayons de faire de l'ancien aspect des abords du
sépulcre, que le peuple entassé dans la nef ait eu la
facilité de se rendre dans te fond de l'abside, derrière
le maltre-autel, sans sortir de la basilique ; il aurait
troublé l'ordre dans le presbyterium en franchissant
cet espace. L'édifice étant situé dans un cimetière 3, il
faut croire qu'il y avait assez d'espace libre tout autour
pour qu'il fût possible de sortir par les basses nefs et de
se rendre aux deux portes percées en face l'une de l'autre
dans le mur circulaire de l'abside, à proximité du tom-
beau. Rien ne nous empêche de supposer que l'espace
libre autour du chevet formait une sorte d'atrium, cou-
vert ou non ^, où les pèlerins pouvaient attendre l'heure
de l'ouverture des portes ; il est même vraisemblable
que les pèlerins apercevaient le tombeau sans entrer,
I. n ProstraU per tridunm ad cancellos qui ante sepulcrum sanctl
BDtistltis habeotur extrlnsecua n \UUl. Franc, 11, 42, III, 57).
8. H Inter altarium et sanctum tumulnm decubantes u {MiraevXa
S. Martini, Ilbro I, cap. 38).
3. Les tombeaui d'alors âtalent déj& eoloaréB de grilles. Des voleurs
prirent un Jour nne de ces balustrades pour grimper Jusqu'à la baul«nr
d'une feuAtre et s'Introduire dans la basilique [Bitt. Francorwn, Ilbro
VI, c. 10).
1. L'atrium de l'orient devait Atre couvert comme un cloître. Voici ce
que dit Odon de Clnny dans le sermon de 940. « In arouatls portlclbus
Toluerunl eam prlad coDSlmctores archltaolarl, quonlam dotnus illa,
quamTiB latisslma slt, taotuin solet essa BOKOita u [Bihliotheca Clunia-
eentU, p. liS).
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an ini^eiL d'ane Incarne percée à l'orient, au-dessus
des pieds du tombeau.
Quand Grégoire de Toutb nous raconte qu'uu paraly*
tique fut transporté par ses parents à plusieurs reprises
devant l'abside du tombeau, c'est là qu'il faut placer la
scène <, de même que la station de cet autre malade qui
demeura quatre mois en supplication ^.
Quand le même auteur rapporte qu'une femme para-
lytique resta pendant huit ans couchée sur une charrette
dans l'estre (atrium) ^ du bienheureux confesseur, et
qu'une fille de serf ne pouvant entrer dans la basilique
fondit en prières devant l'abside du tombeau * et em-
porta, faute de mieux, un peu de poussière de la terre
voisine, on est bien forcé de croire que Grégoire de
Tours veut parler de manifestations qui se passaient
dehors, contre le mur extérieur de l'abside. C'est là que
se passèrent les scènes violentes et les désordres dont
il parle à propos d'Ëbemlfus qui était venu chercher
asile dans l'enclos de saint Martin. Cet atrium était bien
aux pieds du saint, puisque le tombeau, je l'ai dit,
était orienté et appuyé contre le mur du fond ^.
D'autres scènes eurent Heu dans l'intérieur; dans ce
cas, l'historien se sert d'une autre expression : il place
le malade dans Vestre qui est devant le tombeau du con-
fesseur, c'est-à-dire dans l'espace libre réservé entre
l'autel majeur et l'autel de la confession *.
L'accès du sarcophage était protégé comme l'autel par
quelques barrières, qui n'étaient pas infranchissables
1. « Deportataïque iterum k luli ante abBtdam unctam tumull poDl-
tnr»(Cap. XLVril-
2. Cap. LVll.
3. a [q atrlo boati coofessorta decubuerat » [Miracula S. Martini,
Cap, VII.
t. a Coram abslda aepulcrl tudit oratlonem, u
5. 0 Nam raepe caedea liifra ipaum atrium qubd ad pedes Beatl eitat,
eze^lt, exercsDs assidue ebrietatea et Taultatea a [Bietoria ecel. Franc.,
libre VII, cap. 22).
6. u DeblUs quidam dum In atrlo ijuod ante Beatl sepulcrum babetur,
oraret attente, In aancta e]us vIgUla Tialtatus est » (Miraevla S. if.,
llbro U, cap. 42).
U
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— 162 —
puisque certaios pèlerins pouvaient gratter les parois de
pierre tendre et emporter de la poussière qu'on mêlait au
breuvage des malades.
En adoptant un chevet à jour, comme Quicherat, on
prive l'architecte des surfaces pleines dont il avait besoin
pour peindre ses inscriptions et aussi pour creuser les
arcosoles destinés aux tombeaux des éminents person-
nages qui voulaient reposer à proximité du sarcophage
de saint Martin. Au v* siècle, déjà les tombeaux se
logeaient dans des niches pratiquées dans les murs, et
quand ils renfermaient des dépouilles insignes, ils ne
pouvaient être placés en dehors du sanctuaire et du
chœur; c'est pourquoi la thèse contraire de l'existence
d'un déambulatoire nous parait inadmissible.
Quand on Ht dans un texte que saint Perpet fut inhu-
mé aux pieds de saint Martin, cela veut dire que son
arcosole était creusé dans le mur circulaire du chevet, à
peu de distance du fond contre lequel le sarcophage
était appuyé. Les personnages nombreux qui solhci-
tèrent une place pour leur sépulture ne pouvaient pas
être logés ailleurs que dans le sanctuaire, c'est pourquoi
je me représente de nombreuses niches arquées, prati'
quées à droite et à gauche pour recevoir les sarcophages
de Licinius, de Théodore, de Procule, de Dinilîus,
d'Ommatius, de Léo, de Francilio, d'Injuriosus, de
Baldinus, de Gunthâire et d'Euphrône <.
Les interprètes de Grégoire de Tours ont cru trouver
la confirmation de leurs inductions dans les expressions
dont il se sert pour désigner le lieu de la sépulture. Ils
font remarquer que, dans trois chapitres, il emploie les
termes suivants : absida tumuli, absida corporis,
absida sepulcri ^. Si l'histonen, disent-ils, est aussi
précis pour désigner l'abside qui contenait le sarco-
phage, c'est qu'il en existait d'autres, et celles-ci ne pou-
vaient être qu'au delà du podium, vers l'orient. Comme
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on a trouvé dans les fouilles pratiquées sur l'emplace-
ment de la basilique une demi-couronne de cinq absi-
dioles au delà du podium, c'est-à-dire du mur circulaire,
M. l'abbé Chevalier y voit sans hésiter la confirmation
de ses conjectures et l'explication des expressions de
l'historien, tout en reconnaissant qu'il n'y a pas d'exemple
de semblables dispositions dans les édifices de la période
préromane. Cette singularité ne l'arrête pas dans ses
déductions, et il va jusqu'à penser que la basilique de
Saint-Martin aurait été unique dans son genre et que
son architecte aurait devancé de cinq siècles les concep-
tions qui furent imaginées au xi* siècle. Au delà des
pieds du tombeau, il place un atrium formant une absi-
diole à l'extrême chevet, et au-dessus, il voit une voûte
tournante qui aurait stupéfait les générations succès-
sives et laissé des souvenirs qui vivaient encore dans la
mémoire des chanoines au xvi' siècle, quand ils relevè-
rent les ruines faites par les protestants.
La seule voûte qu'on ait pu faire au v* siècle est une
demi-coupole au-dessus du fond de l'abside ; celle-ci a pu
être ornée de mosaïques et de lames d'or et d'argent
dont tes parties ont été réemployées au xi* siècle dans
la construction de la chapelle du chevet ouverte sur le
déambulatoire roman. Dans ce cas, on comprend que la
réfection de cette décoration ait impressionné vivement
les témoins et que le nom de saint Perpet ait été appli-
qué à une construction dont la conception dépassait les
créations de son époque.
S'il faut chercher plusieurs absides dans cette basilique
du V* siècle qu'on veut faire ressusciter, pourquoi ne sup-
poserait-on pas tout aussi bien la présence de deux absi-
dioles au bout et en face des basses nefs du cdté de
l'orient ? On aurait l'avantage de se rapprocher du plan
de plusieurs basiliques latines de la même période, sans
courir le risque de faire d'anachronisme. Si cette propo-
sition était rejetée, je me retournerais du cdté du sanc-
tuaire lui-même ou àMpresbyterium qui était assurément
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séparé de Vabside du tombeau par une clAtare. Nous
ne savons pas ce qu'était cette séparation. Pourquoi ne
pas supposer que la barrière, pleine ou à jour, avait une
forme circulaire pour être en harmonie avec les lignée
de l'édifice, et alors nous aurions autour du mattre-autel
une sorte de première abside distincte de celle qui ter-
minait le chevet, autour du sarcophage de saint Martin.
L'une et l'autre de ces hypothèses très vraisemblables
nous dispensent de recourir au système très aventureux
du chevet à jour.
Malgré les enseignements qui ressortent de la lecture
des pages de Grégoire de Tours, deux archéologues
éminents se sont mis l'esprit à la torture pour recons-
tituer la physionomie de la basilique de saint Perpet
sur un plan différent. Ils ont été trop influencés par le
nombre des colonnes que lui attribue Grégoire de Tours
(cent vingt) et cette préoccupation leur a fait oublier les
règles les mieux établies par la science archéologique
pour les édifices au v* siècle.
L'un, M. Le Normand, a proposé de placer le tombeau
au milieu d'une rotonde, à l'instar des dispositions adop-
tées pour le tombeau du Christ à Jérusalem, ce qui lui
permet de placer un bon nombre de colonnes en super-
posant les étages '.
Jules Quicherat, après avoir fait de graves objections
contre ce système, propose une combinaison dans laquelle
le chevet aurait été percé à jour, et imagine un podium
circulaire sur lequel s'élevaient des colonnes comme
dans les églises romanes du xi* siècle et suppose autour
du chevet un déambulatoire conduisant à une sorte
d'atrium quadrangulaire placé aux pieds du tombeau '.
On voit que l'hypothèse ne répond pas à la traduction
des diverses scènes dépeintes dans le Litre des Miracles.
1. V. EelaiTcittsmenU au toms 1" de VBistoirt ecclésiOfitique dei
Franc», éditée par Guadet et Taranne. Paris, 1836, ln-8*.
8. Restitution de la basilique de Saint Martin de Towi IRevue
aTchéotogique, année 1869, t. XIX et XX). Réimprimé dans lei Hélange»
i'histoire et d'archéologie, éditât par R. de Loitejrie, p. 30-73.
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L'historien des Francs ne parle pas des dimensions des
colonnes de la basilique ; il n'est donc pas inévitable d'en
faire autant de supports. On ne compraad pas pourquoi
Quicberat, dans sa restitution, n'a pas proposé de pré-
férence de voir dans la multiplicité des colonnes l'in-
dication d'un genre de décoration qui aurait quelque
ressemblance avec les fausses arcades établies le long
des murs de la petite basilique de Saint-Laurent de
Grenoble ' et reposant sur de nombreuses colonnettes.
Dans cette hypothèse, on parvient à se rapprocher du
texte de Grégoire de Tours sans être en désaccord avec
ce que nous connaissons des habitudes adoptées en
Gaule pour l'édification des premières églises. Avant de
copier Byzance et Jérusalem, nos architectes ont pris
leurs types à Rome. La science archéologique est assez
avancée aujourd'hui pour affirmer qu'il n'existait pas
de chevet à jour et de déambulatoire dans les églises
construites à l'époque gallo-romaine. Dans un article
savamment développé, M. R. de Lasteyrie a parfaite-
ment démontré la faiblesse de la thèse de Quicherat et
proposé avec beaucoup de sagacité des interprétations
nouvelles qui établissent la réalité d'un atrium extérieur
qui nous dispense de supposer un déambulatoire, dispo-
sition architecturale qui ne fut pas adoptée, dît-il, avant
la fin du x* siècle -,
On a essayé aussi de faire revivre l'aspect du tom-
beau de saint Martin en s'appuyant sur les veBtiges de
soubassements qui se sont rencontrés dans les fouilles ;
M. Ratel s'est appliqué à cette restitution avec un pieux
zèle, en suivant de près les tranchées des ouvriers, et, à
force de persévérance, il a enfin mis la main non seule-
ment sur l'emplacement certain, mais encore sur des
piliers de maçonnerie antique qui certainement ont fait
1. Od l'appelle improprement nne orypte.
S. L'Eglist de SainlMartm de Towrg, étude erlUqoe sar llilBtalre et
la forme de ce monomeDt an t* alècle [MéntoiTM de l'AeatUmie det
Interiptiom et BtUegUtlrtg, t. XXXIV, p. 1).
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— 166 —
partie de l'installation du sareophage, car ib touchent
la paroi du mur circulaire de l'abside. Sa découverte
constate l'existence de deux petits murs parallèles,
écartés de 0 m. 53, qui se réunissaient pour former une
petite voûte et nn cavean. C'est là que furent déposés
les restes du tombeau profané et les fra^ents dispersés
du corps de saint Martin après les dévastations des
protestants, comme en fait foi un procès-verbal du
xvii* siècle, rédigé à la suite de l'eftondrement de la
voûte '. M. Ratel en a conclu trop vite que l'évéque
Perpet avait construit ce caveau pour en faire tout à la
fois le tombeau et l'autel de saint Martin, comme si la
cavité avait été prévue pour servir de reliquaire et la
table du dessus préparée pour célébrer la messe.
Cette interprétation ne concorde pas du tout avec ce
que nous savons de l'installation des confessions primi>
tives, ni avec les textes des auteurs contemporains. Tout
d'abord, on a la certitude que le corps de saint Martin
fut déposé dans un sarcophage de pierre sans ornement,
dont la confection était si grossière que l'évéque d'Autun,
EuphrAne, voulut la relever en envoyant a Tours une
table de marbre pour remplacer le couvercle trop bmt
on pour décorer l'autel accolé à ta tête du sarcophage,
car l'un n'allait jamais sans l'autre. Tombeau et autel ne
faisaient qu'un et se tenaient étroitement sans se con-
fondre. Généralement on respectait ta sépulture en lais-
sant le cot^s intact et complet dans son cercueil; l'usage
de le morceler ne s'est répandu qu'après les déplace-
ments occasionnés par les invasions des Barbares; les
exceptions ne regardent que les corps des martyrs célè-
bres de l'Italie et de l'Orient. Je suis donc persuadé que
les restes de saint Martin enveloppés dans la soie et
1. L'acte eat de 1666. En levant la marcbe qui rég-nalt autour du tom-
bmu poar en remettre une autre, on aperçut an-dessous uoe petite
TOÛte avec eavltâ profonde de daq k six pieds, hante de quatre plads et
large de deux, oonstmlte eu pierre blaiiche jL'abbé Cbevâlter, Le Tom-
beau de saint Martin à Tout»; in Buil.dt la Soe.anhtol.de Towttitu,
t. V, 1880).
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dans UD cercueil d'électnim demeurèrent jusqu'au vu*
siècle dans une auge de pierre ordinaire qui fut placée
non pas à terre mais sur les piliers en question. Cette
auge n'était pas en marbre décoré de panneaux sculptés
comme ceux qu'on a trouvés dans diverses basiliques,
autrement on ne s'expliquerait pas pourquoi saint Éloi
entreprit d'enrichir la sépulture de toutes les beautés en
usage dans les ateliers d'orfèvrerie de son temps '. 11
laissa de cAté l'auge de pierre et ne retint que le second
sarcophage qui, suivant un procès-verbal du xi* siècle,
était en électrum ^, et le recouvrît de lames d'or et de
pierres précieuses. Cependant, il est dit aussi qu'il orna
la tombe où il avait longtemps reposé, ce qui implique
que le sarcophage de pierre fut également exposé dans
un endroit honorable ^.
Le travail de saint Eloi étant une œuvre digne d'émer-
veiller les pèlerins, il est impossible qu'on ne l'ait pas
exposé aux yeux de tous sur un piédestal au Heu de le
cacher sous la voûte qu'à trouvée M. Ratel en 1860.
C'est pourquoi il convient de renoncer à l'hypothèse d'un
enfouissement. Le sarcophage orné était exposé sur les
piliers et, par dessus, s'élevait un ciborium également
très décoré qui couvrait en même temps l'autel et du haut
duquel pendait une couronne, symbole de l'immortalité
conquise par le grand saint *. Voilà comment nous
devons nous représenter cette sépulture d'après les
inscriptions et les textes de Grégoire de Tours.
Du haut de la coupole du ciborium pendait un voile
qui garnissait les intervalles des colonnes et, au-dessus
du sarcophage de pierre, on étendait an vi* siècle un riche
1. Llbro I, cap. 38 [Spieilege de dom d'Acbery, t. V, p. 160).
8. GrandmalMiii, Holieeg sur Ug anciennes châsses dt saint Martin
lie Tours .
3. a Et aliam tnmbam ubi corpm S. HuUoi dudum Jacuerat, urbane
eompoiuU » (IbidemJ,
4. « CertamBn bonnm certavit, curanm coasDmmavit, fldem «erraTlt
de ooetero repoaita est illi corona Justitlae n (Qalcherat, Ibidem). ~
Paulin de PMguaas et Grëgoire de Tours racontaitt Is toI de la Bon-
rouQe par oa wldat.
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manteau ou poêle, pallium, que les malades venaient
toucher pour être guéris. 11 faut ajouter à cet ensemble
quelques lampes, puisque nous savons que les pèlerins
emportaient aussi de l'huile sacrée pour panser les bles-
sures quand ils ne prenaient pas de l'eau au puits de la
basilique '.
Au moment des invasions normandes, le corps de
saint Martin fut emporté jusqu'à Auxerre où il demeura
jusqu'à l'année 919; on célèbre son retour le 12 mai. La
basilique, incendiée deux fois par les Normands en 838
et 853, puis par Foulques Nerra, détruite encore en
partie en 1123 pendant une sédition, n'olTrait pas un
abri assez sur pour que les admirateurs de saint Martin
eussent la témérité de rétablir les premières décorations.
Toute cette période fut un temps d'humiliation pendant
lequel la châsse fut sans doute cachée sous la petite
vodte contemporaine de saint Perpet. La foule ne cessait
cependant de se presser dans la basilique, à tel point
que, pour la recevoir, on avait imaginé des dégagements
qui laissent supposer l'existence d'un couloir ou d'un
déambulatoire dans la construction du x* siècle. L'auteur
du sermon sur la combustion de saint Martin, vers
997, se plaint des désordres qui se produisaient dans
les moments d'affluence autour du tombeau, à cause du
défaut de largeur du déambulatoire ^. La foule, dit-il,
renverse les balustrades du podium du cbœur et les
petites portes qui y donnent accès.
L'histoire triomphale du tombeau ne recommence
qu'avec la construction du xii" siècle, époque où les
chapelles rayonnantes autour du chevet se desservent
par un déambulatoire très large où les foules peuvent
circuler à l'aise ^. Alors, la liturgie des sépultures se
I. a Qnln etltm In patemn qni templo olansua In ipso, | Fonte salntl-
leru eractat ooncaTus nndu n {Paullnns Petrac., D« vita S. Martini,
VI, 56^7).
S. Bibliotheea Cltmiaceniis.
3. Voir Dsnf plana publiés par M. Ralel, dans u bnxdtare Ltt Batili-
quei lie saint Martin à Tow*. BnuellM, A. Vromant, 1880, 1 br. in-B*.
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modifie complètement; l'autel du tombeau passe de la
tête aux pieds, pour s'accommoder aux traDsformations
de l'architecture. C'est pourquoi les plans nous repré-
sentent un autel dédié à saint Etienne entre les deux
colonnes du fond, sur la courbe de l'ancien chevet circu-
laire pleiu '. Un ciborium nouveau, avec sa coupole et ses
colonnes, remplaça l'ancien et demeura en place jusqu'aux
jours néfastes où les protestants de Touraine, non moins
enragés destructeurs que ceux des autres diocèses,
essayèrent d'anéantir le culte séculaire du thaumaturge
des Gaules en se ruant sur tous les trésors de la véné-
rable basilique. Les témoins nous racontent que les reli-
ques de saint Martin ne furent pas plus respectées que
les autres et qu'elles passèrent par le feu allumé par leur
rage. En relevant les ruines, les chanoines espéraient
conserver, tout au moins pendant longtemps, quelques
débris mêlés à des cendres, mais cette légère consolation
elle-même leur échappa. La Révolution de 1793 renversa
de nouveau le tombeau comme un élément dangereux
de réaction, dispersa le chapitre de la Collégiale et dé-
molit l'abside. Le reste tomba par terre en l'année 1802
et, sans les deux tours qui sont demeurées debout, la
ville de Tours aurait peut-être perdu le souvenir de la
basilique à laquelle elle devait les plus belles pages de
son histoire.
LÉON Maître.
i. Dans DDo Terriers Aa ini* siècle et dsos lea registre* OBpItul&irM
de ISfil, on représente le Uimbeau snr des arcades.
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AMPOULE DE SAINT MENNAS
Le musée archéologique de Laval possède un curieux
objet qu'on nous prie d'identifier. Nous le faisons
d'autant plus volontiers que cet objet, sans dtre excep-
tionnel, ne se rencontre pas très fréquemment.
Il s'agit d'une fiole ou ampoule en terre cuite de foi-me
ronde, aplatie, munie de deux anses qui se rattachent au
goulot. Elle mesure 0",093 de hauteur et 0'",06 de
largeur.
C'est une ampoule de saint Mennas, illustre martyr,
qui succomba en Egypte vers la fin du m* siècle,
pendant la persécution de Dioctétien , et dont le corps fut
enterré dans une église près d'Alexandrie. Avant de
décrire cet objet et de justifier notre appellation, il sera
bon de rappeler un usage des premiers siècles du chris-
tianisme.
Dès le iv' siècle, nous apprend Martigny ', l'usage
s'était établi de transporter de Jérusalem, pour la satis-
faction de la piété des fidèles, de l'huile bénite qui
brûlait jour et nuit dans les lieux saints. Il en fut de
même de l'huile ^ des lampes des tombeaux des apâtres
et des martyrs. Les papes en distribuaient aux fidèles,
pour suppléer aux reliques des martyrs eux-mêmes, que,
dans ces siècles de foi, on ne livrait qu'avec une extrême
parcimonie.
Saint Grégoire de Tours relate plusieurs guérisons
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^t:
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opérées par la TénératioD de l'huile prise au tombeau de
saint Martin.
Le pape et les évéques envoyaient ces huiles aux
églises, aux souverains et aux personnes de distinction.
Elles étaient renfermées dans des fioles ou ampoules de
métal, comme les célèbres ampoules en plomb du trésor
de Monza, ou dans des flacons de verre ou de terre cuite.
C'est à cette classe qu'appartient le petit vase du musée
de Laval. Nous l'avons appelé ampoule de saint Mennas,
parce qu'il était destiné à contenir de l'huile du saint
martyr dont le culte et les ampoules furent, autrefois,
très répandus dans toutes les contrées d'Orient et même
d'Occident.
L'ampoule du musée de Laval, comme nous l'avons
déjà dit, est en terre cuite, de couleur rougeâtre, d'une
cuisson assez imparfaite. Elle a été trouvée à Vienne
(Isère). Nous croyons que cet intéressant petit objet
remonte à ta fin du vi" ou au commencement du vu" siècle.
Les anses en rendaient le maniement plus facile et au
besoin permettaient d'attacher l'ampoule suspendue au
cou pour la rapporter.
Sur chaque face est un médaillon inscrit dans un
cercle. Le dessin est assez fruste et incorrect. Au centre
du médaillon est représenté saint Mennas, les bras éten-
dus, dans l'attitude des crantes des catacombes. II est
vêtu d'une tunique courte, serrée autour des reins et
descendant à peu près à la hauteur des genoux. Par
dessus est jeté lepalliuni, dont on voit les plis à droite
et à gauche du personnage.
De chaque côté de la tête, on aperçoit une petite croix
grecque. Au dessous des bras sont deux animaux assez
difficiles à reconnaître. Cependant, en comparant à un
dessin donné par Martigny dans son Dictionnaire des
Antiquités chrétiennes ', nous croyons reconnaître le
chameau. Il est, en effet, donné comme attribut à saint
1. Of. di., p. 346.
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Mennas, perce qu'il vécut au désert. L'animal estdiBposé
la tête en bas, les jambes repliées sous le poitrail. Une
courbe pronoucée indique sa bosse. L'animal placé à
gauche du saint est à peu près reconnaissable ; l'autre
est très mal venu, le cou est trop allongé ; néanmoins il
s'agit encore, croyons-nous, d'un chameau.
« Le musée royal d'antiquités de Bruxelles, nous dit
Reuseus ^, possède deux de ces petites ampoules. Sur la
face de la première, on lit, autour d'une croix pattée,
l'inscription TOT AFIOr MHNA, qui peut se traduire
en suppléant le mot ETAOFIA, par Eulogie ou objet
sanctifié de saint Mennas. Le revers de cette fiole et
les deux faces de la seconde sont ornés de l'image de
saint Mennas avec les accessoires que nous avons indi-
qués ci-dessus ».
Martigny ^ a relevé la même inscription complète, avec
le mot ETAOriA sur une ampoule trouvée à Arles.
Le même auteur reproduit une ampoule trouvée près
d'Alexandrie, probablement sur l'emplacement même du
sanctuaire de saint Mennas. Le personnage a pour
attributs les deux chameaux assez nettement dessinés.
Une inscription occupe la place des deux croix ordi-
naires. D'un côté on lit : O AFIOC «t de l'autre
MHNAC.
Il nous a paru intéressant de rapprocher ces divers
exemples de l'ampoule conservée au musée de Laval. Ile
aident à identifier l'objet et nous en font mieux apprécier
la valeur.
L. Mahsaux,
vicaire g4nénd ds Bsnnnii.
1. Court d'archéologie chrétienne, 1. 1, p. SU.
S. Op. cit.
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ANCIENS QUARTIERS DE LAVAL
La charte dont nous publions le texte ci-dessouB n'a
pas une grande importance par elle-mâme. Mais comme
les instruments diplomatiques relatifs aux institutions
primitives de Laval ont disparu pour diverses causes,
il est juste de recueillir avec un soin pour ainsi dire
pieux même les plus petits de ces actes authentiques
qui nous apportent quelque témoignage dU passé et per-
mettent de compléter le peu que nous savons de ces
institutions abolies. C'est à ce titre que nous donnons
asile dans le Bulletin à celui-ci, dont le joli original, privé
de sceau malheureusement, appartient à notre obligeant
collègue M. Louis Garnier. Des individus pour qui il fut
écrit nous ne connaissons rien. Il nous est même difficile
d'identifier ce lieu de Biana dont ils tiraient leur nom
et, sans vouloir prêter au rapprochement de ces deux
mots plus d'autorité qu'il ne convient, nous nous con-
tenterons de signaler, à Laval même, la ferme de la
Biennerie qui pourrait avoir quelque relation d'origine
avec le chanoine du Bourg-Chevreau dont il est ici
question.
C'est par les immeubles qui y sont mentionnés que
cette charte nous intéresse vraiment, car on y trouve
l'indication de ce hameau de Laval, la Houillère, dépen-
dant autrefois de Grenoux, alors simple maison de cul-
ture sise dans le fief du seigneur de Saint-Berthevin
et dans celui de Thibault du Châtellier, dans le voisinage
de cette Biennerie que nous citions à l'instant ; l'indica-
tion aussi d'une maison qui appartenait à une famille
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— 174 —
lavalloise aasez florissante puisque plusieurs de ses
membres furent témoins d'actes passés par les seigneurs
du pays, la famille de Fougères.
Mais c'est peut-être pour les deux ou trois mentions
topographiquea du vieux Laval que cette charte mérite
qu'on y prête attention : le bourg Chevreau, dont la
dénomination est bien ancienne et qu'il faudrait rappro-
cher d'autres semblables pour savoir peut-être tout ce
qu'elle renferme d'historique avec ce gué qui permettait
le passage d'une rive à l'autre de la Mayenne ; cette rue
du Val-de-Mayenne, qui semble, aujourd'hui, si triste et
8! humide, malgré des dégagements considérables, et
où jadis poussait la vigne, soit en lignes, soit en voliers
près des cuves qui attendaient l'époque joyeuse des
vendanges.
C'est à ceux qui s'occupent spécialement de ces
études de tirer de ce texte tous les enseignements qu'il
comporte : notre rAle à nous se borne à les leur indiquer.
E. Laubaih.
1241, G août. — Donation par Mathieu de BJana, cha-
noine du Bourg-Cheprean de Laval, A Guillaume de Biana,
clerc, son neveu, de la Houillère, en Grenoux, et de plu-
sieurs autres immeubles sis à Laval [D'après un vidinius
de Guillaume, doyen de Laval, donné le 11 septembre 1243).
Universis présentes litteras inspectims olficialis Cenoma-
nensis salutem in Domino. Noveritis nos taies litleraeaigillo
G[uillelmi], decani de Lavalle, sigillalas sub bac forma, die
Veneris post nalivitalem béate Marie virginis, anno Domini
M" CC° XI.' tercio, diligenter inapexisse,
Universis présentes litteras inspectuHs, G[uîllelmus],
decanus de Lavale Guidonis, salulem in Domino. Noveritis
quod in nostra presencia constitutus Malheua de Biana,
canonicus béate Marie de Burguo Chevrel, dédit et conces-
sit Guillelmo de Biana, clerico, nepoti suo, impuram et
perpectuam elemosynam ad omnem voluntatem suam
faciendam ortolariam suam dictam la Raoulière sitam impar-
rochia de Grenor cum omnibus pertinenciis suis in feodo
domini de Sancto Bertivino «t in faodo Theobaldi de Cha-
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— 175 —
tellerio et domum suam sitam m bur^o Chevrel in (eoào
domini de Lav[a]lle Guidonis, cum omnibus pertinenciis
suie, et domum suam dictam novam cum omnibus pertinen-
ciis suis, et domum suam que fuit defuncti Radulphi de
Fulgerits et ejus uxoris cum omnibus perlioenciis suis, et
domum suam ubi consuevit ponere cuvas suas cum omnibus
pertinenciis suis, sitas in vico de valle Meduane, in feodo
domini de Lav[a]lle Guidonis, et très pellios suos cum omni-
bus pertinenciis suis sitos in feodo domini de Lav[a]lle Gui-
donis et in feodo Vivîani de Quivai, et quicquid juris habe-
bat et babere poterat in domo sua ubi babebat propriam
niansionem et in omnibus pertinenciis suis et in quibusdam
voleriis silis ante domum proximo nominatam in feodo
domini de Lavalle Guidonis, et in quadam vinea sita prope
vadumburgi Chevrel, in feodo domini de Lavalle Guidonis. et
omnes conquestas suas ubiconque sint, et omnia tam mobilia
quam inmobiiia sua eL omnia que ei de jure dare poterat
et debebat post decessum dicti Mathei quiète et pacifice
imperpectuum posidenda, et insuper coram nobis constitutua
diclus Matheus misit in corporalem posaessionem tocius
proprietatis omnium rerum supra dictaram clericum memo-
ratum, ita tamen quod diclus Matlieus in rébus supra dictis
uicliîl Juris sibi retinuit nec retinere voluit nisi tantummodo
usumfructum vita comité detinendum et post mortem ipsius
ad dictum clericum deventurum. Et ut hoc ratum el stabile
imperpectuum perseveret, nos ad petitionem partium pré-
sentes litterae sigilli nosiri munimine dignum duximus
roborandas in vcritalis testimonium el munimen. Actum
die martis poat inventionem sancli Slepbani anno Domini
M* CC' XL" primo.
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LETTRES
MICHEL-RENÉ MAUPETIT
Député
A l'assemblée nationale constituante
1789-1791.
(Suite).
Paris, 14 janvier.
Je ne vous écrirai pas longuement ce Boir, mon ami ;
je suis fatigué et très échaulîé ; je ne veillerai pas.
Nous n'avons point commencé l'ordre judiciaire. H
fallait pour présenter à la Banction le décret sur les
asBemblées électives et d'administration sur la quotité
des nouveaux départemens, dès lors régler quelques
contestations qui n'avaient pu être concertées. On a ter-
miné ce matin par le décret général qui fixe à quatre-
vingt-trois les départemens nouveaux.
M. Necker est attaqué d'une colique hépatique, suite
d'une obstruction au foie dont une de ses sœurs est
morte depuis que l'Assemblée est commencée. On craint
bien qu'il n'y succombe. Ce serait une perte irréparable,
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— 177 —
dans ce moment surtout, pour la confiance publique
encore nécessaire, quelques mois avant que l'argent
reprenne son cours.
J'attendais une lettre de vous ce soir et peut-être
est-elle arrivée, mais le portier de notre hôtel n'a pu
retirer nos lettres faute d'argent. DilTérens mécontente-
mens de ce genre nous obligent de déménager d'ici. Nous
allons nous camper près de la salle, à meilleur compte et
plus décemment. Je vous dirai peut-être avant de fermer
ma lettre où nous adresser vos lettres dorénavant.
Notre contestation entre Mayenne et Laval n'a point
été rapportée ; elle est remise au compte à rendre de la
division des départemens.
Du 17.
Nous allons demeurer rue Saint-Honoré, n" 420, mai-
son de Mlles Thureau. Ne vous effrayez pas dn nom de
demoiselles, elles sont presque triplement majeures.
Je n'ai point reçu de lettre de vous vendredy, mais
bien une du comité qui me fut remise comme j'allais me
mettre au lit. Je m'attendais à l'explosion. Elle m'a
moins surpris. Mais je relléchissais sur les moyens que
MM. du comité pussent sçavoir si nous avions été
les maîtres d'opérer d'une autre manière. Je hésitai
entre demander, ou une députation, ou une adresse. Je
redoutais l'effet de la députation si elle ne réussissait
pas. J'étais dans cette perplexité samedy et ce matin,
lorsqu'à 8 heures 1/2 je vais ouvrir et c'est Moulin '
qui m'apparalt. Ce fut pour moi une salutation angé-
lique et je le saluai député extraordinaire. Il me con-
firma la nouvelle, ce qui me tit un vrai soulagement dont
j'aurais joui bien entièrement, sans qu'il m'annonça que
le pauvre M. de Champorin ^ n'était arrivé que pour
1. Zuharie-Thomaa Houllln, procureur flical à la barre ducale de
Uajenoe, nommé l'aanéB lulTBate préaldeat du tribunal orlminal de
députement.
t. Lefebvre de Cbamporlu, lieutenant criminel et maire de Hajenne,
frère dn onré de Noire-Dame, Letebrre de CbeTerua.
12
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— 178 —
apprendre la mort de sa fîUe, Mad. Fria, qui a expiré
hier à la suite d'une fièvre lente. Ces malheurs semblent
être réservés pour lui. Je l'ai vu aussitôt et je l'ai trouvé,
comme vous le pensez bien, dans la plus grande alTIic-
tion. C'est un coup affreux.
Je désire bien que ces Messieurs puissent faire
changer la distribution du département. Nous étions
bien d'accord, entre les députés de Laval et nous,
du ridicule de mettre des districts à Évron ou Sainte-
Suzanne, Lassay et Villaines, surtout Yillaines, mais
pouvions- nous nous élever contre le comité qui,
nanti des requêtes adressées à l'assemblée par ces
différentes villes, les a assurées qu'elles devaient pré-
tendre à des districts. Les petits endroits avoient pour
soutien M. de Volney. Ah ! me dites-vous, pourquoi
avoir consenti à la réunion de l'Anjou? Il fallait faire
deux départemens de 270 lieues. D'abord, le Maine ne
contient que 525. Prenez une carte, je vous prie, et
t&chez d'arranger deux départemens dans le Maine par
égalité, et voyez ensuite que l'Anjou faisait un dépar-
tement de 515 lieues, le double des deux nAtres. Je le
répète, mon ami, je désire bien que ces Messieurs
trouvent moyen de faire changer. Rien n'est arrêté.
Ainsi ils sont à même de faire recommencer l'opération
et Us verront si, au milieu de tous les intérêts divers qui
nous pressent, au milieu des principes d'égalité que
chacun réclame et peut réclamer, on disposera les
choses aussi facilement qu'on le fait à Mayenne sans
contradicteur. Nous nous sommes assemblés trente fois
pour disputer le terrain pied à pied. Je sens bien que
Mayenne seul y perdra, si les justices suivent néces-
sairement le district. Mais que nous a-t-on opposé? II
n'est pas question de justice, mais d'administration ; on
ne sait pas ce qui sera décrété pour les justices et en
attendant on ne doit pas s'en aller des paroisses à la
recette, à l'imposition, aux renseignements à huit, dix
lieues : chacun paye, chacun doit avoir son administra-
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- 179-
tioQ à sa porte. Si je vous disois que la ville d'Evron a
présente des délibérations de trente paroisses qui
demandent d'aller dans cette ville, qu'il y en a une de
la pai-ois9e de Gommer. Vous êtes le premier k m'ap-
prendre que Chàteaugontier et Craon ne veulent pas
âtre de notre département. Samedy encore le député de
Chàteaugontier m'assurait qu'on étoit fort content à
Cbàteaugontier, et je le crois, parce que leur district est
très bon, du meilleur fond du département. Je parlerai
au comité de finances du retard des mandemens. J'espé-
rois toujours qu'ils vous arriveroient. Les lettres patentes
pour la convocation des municipalités ne font que
paroltre icy.
Adieu, on dit M. Necker un peu mieux. Le Parlement
de Rennes n'a rien dit. M. Target est enfin nommé
président.
LXXVII
Paris, 19 janvier.
Je vous l'ai dit, mon ami, j'ai vu avec un vrai plaisir
l'arrivée de ces Messieurs. Que sont-ils venus faire, me
demandez-vous ? Ils verront eux-mômes l'état des
choses et ils seront à portée de reconnoltre qu'avec les
meilleures intentions il est un argument irrésistible,
celui de la majorité : il faut bien s'y soumettre quand,
après avoir tout dit, tout discuté, il faut enfin en finir et
avoir une solution. Mais cette loi de la majorité ne peut
retenir ces Messieurs de demander un nouvel examen
de la division en sept districts, la discuter, en proposer
d'autres, en soutenir les avantages. Sûrement la distri-
bution en sept fournit à ces Messieurs des moyens de
réclamer et ceux que nous avons déjà mis en usage et
d'autres qu'ils pourront apercevoir.
On ne va pas prendre encore l'ordre judiciaire. Le
comité croit nécessaire qu'avant tous les départemens
soient organisés, au moins toutes les discussions sur
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— 180 —
leur formation arrêtées. Je vois dans cette marche la
conviction où est le comité qu'il devient impossible de
donner des justices à tous les districts ; cette conviction
d'ailleurs est celte de tout ce que je vois de membres de
l'Assemblée, qui reconnaissent l'impossibilité de multi-
plier ces justices, les frais considérables qu'elles entraî-
neront, en sorte que je suis très convaincu que les
districts ne seront pas tous pourvus de justices, qu'on ne
choisira que les lieux les plus considérables pour y en
établir et je suis loin de partager l'inquiétude de nos
concitoyens. Mais il est dilTicile de guérir de la peur. Le
tems seul pourra prouver qu'il n'y avait pas tant à
s'alarmer. Mais, dès qu'on était inquiet, il vallait mieux
prendre toutes les précautions possibles pour n'avoir
rien à se reprocher. Adieu et bonsoir.
LXXVlll
Paris, 27 janvier '.
Voici, mon ami, les journaux dont j'étais en retard.
Je n'avais pu rejoindre tundy quelques membres du
comité des finances pour vous répondre. J'ai parlé à
plusieurs d'entre eux de l'instruction de la commission
intermédiaire qu'ils m'ont dit être conforme à celle
envoyée dans toutes les commissions. Ils n'ont pu s'em-
pêcher de convenir que les changements qui s'y trouvent
des premiers décrets rendus sur le rapport du comité
viennent des décrets subséquents sollicités par la Cham-
pagne qu'on a étendus à tout le royaume. A la vérité on
y avait mis que ce décret de la Champagne n'aurait
lieu que dans les provinces où les départemens étaient
à faire. Mais on a cru pouvoir le faire général. Cette
incertitude dans les décrets est donc la première source
du mal. Elle est inévitable avec l'extrême variété du
mode de répartition. Le gouvernement faisait pour
1. Encore uoe Iftcane du 19 «u 17 Janvlsr.
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— 181 —
chaque province une loi particulière ; nous avons désiré
avec raison généraliser les perceptions, mais avant il
fallait rendre unes les impositions. Ce n'était pas pos-
sible pour 1790, La Champagne, après le décret passé,
vient réclamer une loi particulière, juste au fond. Elle
se prétend en état d'ôter des paroisses où il ne se trouve
aucun taillable propriétaire, ce qui avait pu être aug-
menté sur ces paroisses à raison des propriétés. D'antres
demandent la même chose et, sur une demande particu-
lière, dans une séance du soir, on fait rendre un décret
général pesé et présenté par ceux qui sçavent la marche
des impositions. Telle est, mon ami, la cause du change-
ment qui s'est opéré depuis le département jusques
à l'envoi des mandements. Je sens qu'il sera bien difficile
de se tirer de cette imposition, mais il faudra faire
comme on pourra, diriger le mieux possible les munici-
palités, les presser. Pour des gens neufs en administra-
tion, cela va être une opération très difficile à faire.
Éclairez-les, encouragés-les et qu'on tâche d'en sortir,
car, demander aujourd'hui de nouveaux décrets, ce ne
sera qu'augmenter la confusion et retarder les opéra-
ttions, ce dont bien des gens seraient fort aises et pro-
bablement la commission intermédiaire même.
Au fond, ce mode d'imposition ne sera que pour 1790.
On est occupé en ce moment d'un plan uniforme d'impo-
sitions. Si donc il se trouve des erreurs, comme elles ne
tireront pas à conséquence pour l'avenir, il n'en résultera
qu'un mal momentané. Dans le cas de taxes trop fortes,
les départemens qui vont être organisés pourront les
faire rectifier.
Je Bçais que la fixation à 2 deniers n'est pas juste,
mais peut-être par ce taux faible a-t-on voulu prévenir
les taxes un peu fortes que dans beaucoup de paroisses
on s'empresserait de mettre sur les anciens privilèges
et sur les anciens taillables propriétaires, qui n'ont pas
jusque là contribué aux charges des paroisses à raison
de leurs revenus fonciers. La plus grande injustice retom-
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~ 182 —
bera sur les villes, puisqu'elles eeultis demeureront
chargées des taux qui se mettaient pour les propriétés et
que tel propriétaire résidantenvilleva être imposé, dans
cette ville, pour ses revenus et, dans la paroisse de ses
biens, pour ses propriétés. Mais d'un autre côté le plus
grand nombre des privilégiés résidant dans les villes les
aideront à supporter le fardeau.
Ainsi, mon ami, d'après l'avis de plusieurs membres
du comité des finances, il faut tâcher de se tirer comme
on pourra, de faire une répartition quelconque, la faire
néanmoins le plus promptement, afin de finir et de ne pas
trop enrayer la machine, f^a commission du Mans parait
s'être conformée aux instructions du contrôleur général
et, par les lettres pareilles k la leur renvoyées ici ànom-
bre de députés, c'est presque partout la même marche.
Revenir sur tous ces objets ce serait augmenter le
trouble. J'ai toujours vu, tant que les impositions ne
seraient pas changées, l'impossibilité de décrets uni-
formes et sages. En matière d'impositions, chacun veut
ramener le royaume à sa province. Si une province pré-
sente et fait sanctionner un mode particulier, d'autres
provinces veulent y participer, inde mali labes ; il n'y
aura de remède que dans un plan uniforme d'impo-
sitions.
Nous avons eu hier une assemblée de département
pouriadiffîculté qui a occasionné la députation. M. Moulin
a plaidé de son mieux la cause de la ville de Ma^'enne. Il
a dit tout ce que j'avais déjà employé contre Laval. La
conférence est continuée à ce matin onze heures, trop
tard pour pouvoir vous annoncer son issue, mais je
présume qu'il faudra finir par recommencer devant le
comité, parce qu'entre nous nous ne pouvons rien
arrêter.
J'ai demandé l'arrêt du Conseil du 11 décembre 1789,
on me l'a promis pour ce matin et je tftcherai de le join-
dre à ma lettre.
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— 183 —
J'ai appris le malheur de M . de la Raitrie ' . Le pauvre
malheureux qui a tant désiré la place de lieutenant dési-
reroït hien aujourd'hui n'avoir jamais été chargé d'une
pareille mission ; je le plains sincèrement.
LXXIX
Paris, 28 janvier 1790.
Je reçois votre lettre, mon ami, et aussitAt une
réponse finie je la jette au feu. Je me suis trouvé à
même, presque après l'avoir reçue, de prier Moulin de
ne pas remettre la dénonciation. Je lui en ai donné las
motifs, d'après ta certitude que j'ai et que je vous ai
rendue que la commission n'a fait que suivre les ordres
du Ministre d'après ce qui a été arrêté entre lui et le
comité des Douze chargé de concerter avec lui les
détails d'exécution. Il m'a promis de ne pas envoyer la
lettre.
Je suis fâché de ne vous avoir pas répondu le iundy,
mais ne l'imputez pas à négligence ; je ne suis pas pares-
seux et j'ai beau me dispenser de toute perte de tems, je
ne puis suflire à tout.
Je vois avec peine, mon ami, la division que fait naître
dans la ville le choix de la municipalité. J'en crains un
choix peu réfléchi, des suites de haine et de division, au
moment où il faudrait se réunir tous pour le bien,
pour l'opérer, pour faire taire les détracteurs des
nouvelles opérations, qui n'ont plus que cette ressource
pour exciter le peuple contre les fautes des adminis-
trateurs, pour les armer contre ceux même qu'il aura
choisi.
Je vous félicite de votre modération. Continuez de
l'exercer, n'ayez l'air de vous prêter à aucun des propos
contre ceux qu'on veut vous mettre en opposition. Je
I. Louis Moulé d«1a Raltrle, lieutenant de la prévAlé à Ghftt«aa-Gon-
tter, chargé de l'exécatloQ dei quatre prlsonnlera arrStéi i la roft« du
pill«C« du cbtteao d'HautevlUe.
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— 184 —
pense à cet égard comme vous, j'aimerais mieux pour
voua une place dans le département. Les offices munici-
paux vont avoir les opérations les plus désagréables dans
l'assiette des impAts.
Tous les hommes ne sçavent point se rendre justice, se
croyent toujours trop taxés. Contraires à eux-mêmes, ils
s'estiment plus riches, plus spirituels que leurs voisins,
mais, en fait d'impositions, ils trouvent toujours qu'ils
payent trop comparés à ces mômes voisins. Les opéra-
tions de district et de département embrassent une plus
grande masse d'opérations, n'excitent pas tes mêmes
sentiments partiels et leur spéculation plus vaste pré-
sente plus de ressources aux talens et aux hommes labo-
rieux, plus de bien à faire, plus d'abus à réformer en
grand. Comme cependant ce ne seront pas nos goûts qui
décideront du choix, si on est nommé, si on l'est par un
choix vraiment libre et volontaire, il faut accepter quel-
que place que nous confère ce choix. L'homme de talent
se contente dans ce cas, comme ce grec, de l'emploi
qu'on lui destine et prouve qu'il n'est pas de place
publique si petite qu'elle soit, où le talent ne puisse être
en usage.
J'attendrai avec impatience le courrier qui m'appor-
tera le résultat du scrutin et, si il est avantageux, cela
pourra me redonner un peu de santé, car je souffre et au
physique et au moral depuis bien du tems.
Nous avons eu deux assemblées de départemens dont
Moulin sans doute rendra compte au comité. Nos préten-
tions n'y ont pas été accueillies, quoique sûrement ces
Messieurs aient fait tout ce qui était en eux pour mériter
à Mayenne et le chef-lieu ou l'alternement et la division
en trois. Sur ce dernier point, j'avais inutilement pré-
venu Moulin qu'il ne fallait pas y insister, parce qu'il
était impossible de soutenir une division qui donnait au
district de Mayenne seul au moins cent trente ou cent
quarante paroisses, à des distances trop éloignées. La
seule division convenable était celle en six, mais elle n'a
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paa mieux réussi. Reste à voir le Comité qui, malheu-
reusement, s'attache presque toujours à la majorité de
l'avis des députés, depuis surtout qu'ayant voulu voter
contre cette majorité pour la Bretagne et la Normandie,
ces deux provinces ont réclamé la priorité pour l'avis
des députés et l'ont obtenue contre la décision des
comités.
Moulin se donne tous les mouvemens possibles pour le
jug^ement de l'assemblée et en prévenir les effets. Je fais
ce que je peux de mon côté. Mais c'est une opération
difficile quand il y a tant de monde à édocumenler et
tant de gens qui sur ces matières n'écoutent que l'avis
du comité ou de la majorité des députés des provinces.
Je ne voyais qu'un moyen, si l'avis du comité étoit con-
traire, de demander que l'assemblée, par son décret,
réservât à Mayenne la préférence des établissements
qu'elle pourra décréter. Mais Moulin pense que ce serait
convenir de notre acquiescement et il espère que peut-
être il pourra le faire emporter sur, d'après les motifs
qu'il espère exposer en définitif et au moment du juge-
ment par une requête imprimée. J'avais évité d'en venir
aux voix dans le département où je voyais la majorité
contraire à mes demandes, mais on a insisté dans les
deux dernières assemblées à ce que cette forme, en
usage dans les autres départemens, filt suivie et on a
été aux voix où nous n'avons eu pour nous que nos trois
voix de Mayenne. Malheureusement nous n'avons pas
de députés de la partie au delà de chez nous, vers le
Nord et l'Est, et tous les autres députés se trouvent
plus à proximité de Laval, dès lors ont voté pour Laval.
C'était Laval qui, en accédant à la demande d'un dis-
trict à Sainte-Suzanne, avoit donné un fort moyen aux
députés de Lassay pour en réclamer un septième. Dès
lors les premiers engagements ont déterminé le second
suffrage, malgré qu'évidemment ces deux districts de
Lassay et de Sainte-Suzanne étoient pris sur Mayenne
et sur Laval et présentoient une distribution ridicule.
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— 186 ~
ruineuse par les frais, peu convenable par la difficulté
de réunir le» sujets en grand nombre nécessaires pour
chaque district. Ne dites rien, je vous prie, de cecy
d'après moi. Laissez parler les lettres de Moulin. J'ai
fait ce que j'ai dû pour seconder leurs elTorts, mais je n'ai
pas mieux réussi et je me suis Tait éconduire pour la
seconde fois. Adieu, je brûle votre lettre dans le même
moment.
Ernêe a obtenu au département la paroisse de la
Bigottière, par sa plus grande proximité. Quant à Brécé,
il nous a été conservé. On a représenté un acte des
habitants de la Bigottière qui demandoient leur réunion
à Ernée et on a prétendu qu'à Mayenne on avoit voulu
les gagner en les faisant boire du samedy au lundy.
J'ai cru pouvoir dénier le fait et au surplus laisser la
difficulté au choix des habitants assemblés pour leur
municipalité. On avoit mandé à ces Messieurs le refus
de Brécé. Pour Gorron, il est compris dans le district
d'Ërnée.
LXXX
Paris, 1" février 1790.
Voici deux journaux. Rien de nouveau ici. Voilà deux
jours de suite que nous nous assemblons, les deux dépar-
temens du Haut et Bas-Maine. L'objet premier de notre
assemblée était d'abord de régler la demande ridicule du
département du Haut-Maine de reprendre sur notre
département les deux plus fortes paroisses, Auvers-le-
llamon et Saint-Denis-d'Aiijou. Telle ridicule que fut
leur demande, le comité, par moyen de conciliation, pro-
posa de céder Auvers-le-Hamon au Haut-Maine qui
reccderoit Saint-Denis-d'Orques. Vous n'imagineriez
pas que l'opinion de ces Messieurs que la Chartreuse-
du-Parc est un bien dont ils pourront disposer à leur
profit leur a fait préférer en défmitif de nous laisser
Auvers-le-Hamon, paroisse où il y a cent métairies.
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— 187 —
depuis 6 jusques à 1.800 livres de ferme, plutost que de
nous céder Sain t-Denis-d 'Orque», un vrai désert, qui
n'existe que par les Chartreux. Enfin nos deux confé-
rences se sont terminées à rester comme nous étions et
nous avons perdu le tems que nous a donné le comité,
que nous aurions mieux employé à régler dans chaque
conférence notre division intérieure en districts '. Il v«
falloir reprendre d'autres jours pour discuter cetobjetet
nous ne savons maintenant quand nous pourrons jouir
de ces Messieurs du comité.
Ma lettre vous trouvera bien prêt à vous occuper de
vos élections. Recommandez, mon ami, la tranquillité et
la paix et servez-vous de votre intluence pour faire un
bon choix. C'est le plus grand service à rendre à notre
ville et à la patrie.
LXXXI
Paris, 2 février.
C'est un oubli, mon ami, dans ma dernière, si je ne
vous ai pas marqué tenir du comité ce que je vous
disais. Il était toutefois sensible que je ne pouvais
savoir que de cette part ce que je vous mandois. Il vient
d'être établi un nouveau comité d'impositions. J'y ai
conduit M. Moulin qui y a remis la dénonciation et
l'adhésion. Ainsi ce nouveau comité pourra examiner et
reconnaître les articles où la commission aurait excédé
ses pouvoirs, et ce qui avait été arrêté par le comité
des Douze chargé de concerter avec le ministre l'exécution
des décrets. Tout ce que je puis assurer, c'est que je
tiens et du premier comité des Douze et de nombre de
députés d'élection, où le département était fait, qu'il en
a été usé de même qu'au Mans pour l'article des anciens
taillables et de l'impôt sur leurs propriétés, même dans
les provinces où le département était fait. C'est contraire
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aux décrets, mais c'est un troisième décret pour la Bour-
gogne. Ce sont les demandes de nomhre de provinces
qui ont donné lieu à ce changement qui toutefois n'a été
fait, comme je vous le répète qu'après l'attache du
comité des Douze autorisé par l'assemblée à rectifier ce
que l'exécution présenterait de trop diflîcultueux. Il faut
remarquer que cette imposition n'est que momentanée ;
qu'il fallait bien, pour éviter des décrets sans cesse con-
tradictoires, donner cette marge au comité des Douze,
ou, sans cela, on serait encore pendant six mois à faire
rendre autant de décrets qu'il y a de provinces, tant il y
avait de diversité dans le mode de répartition. Cela
mène à un plan indispensable d'imposition uniforme
dont va s'occuper le nouveau comité, pris toutefois dans
le comité de finances.
Nous sortons d'une longue conférence où a été plaidée
notre cause devant M. Dupont qui sera notre rappor-
teur. Le rapport sera pour jeudy ou vendredy.
M. Dupont ne s'est pas expliqué. Il a paru seulement
qu'il aurait été bien aise qu'on se fût concilié en ne pla-
çant que trois justices dans le département et dans les
trois principales villes. C'est, je l'espère, par où on en
finira et le point où nous réunissons le plus de suffrages,
les députés de Laval et de ChAteaugontier étant de cet
avis. Cependant il n'a été rien arrêté à cet égard.
M. Dupont ne s'est pas plus expliqué. M. Moulin a pro-
posé à M. Gournay de parler à l'assemblée. Si le rap-
port du comité nous est contraire, M. Gournay s'en
acquittera mieux que moi. A lundyvous pourrez sçavoir
le jugement à moins que le rapport ne fût difTéré.
On assure que le Roy doit venir jeudy ou vendredy
dans la salle y annoncer qu'il ratifie tout ce qui s'est fait
jusqu'ici, y démentir les bruits d'arrières pensées con-
traires, assurer qu'il se réunit de cœur et d'intention à
l'Assemblée pour consolider ta Révolution, engager les
députés à n'avoir que la même volonté pour opérer le
bien et faire exécuter ce qui s'est fait jusqu'ici comme
□ igitizedby Google
moyen d'y parvenir. Voilà ce qui se dit depuis deux
jours d'une manière plus positive. 11 y a quinze jours
que j'en avais entendu quelques bruits vagues, mais ils
paraissent prendre plus de consistance.
Nous avons à l'Assemblée un M. Dupont, de vos
parents, quoique député de Bigorre. 11 est né à Dom-
front, est allé s'établir dans le bas des Pyrénées. Il a été
député par la ville de Tarbes, Il compte faire un voyage
à Domfroat avant de retourner dans ses montagnes.
C'est un fort aimable homme et un bon patriote.
Les troubles de Bretagne sont réels, mais il parait
que d'après les efforts de la municipalité de Rennes on
a calmé les paysans et que cela n'aura pas de suites plus
affreuses. II a été en effet brûlé ou jeté des matières
combustibles dans deux ou trois cbAteaux. Des commis-
saires de la municipalité de Rennes se sont transportés
dans les lieux où cette fermentation gagnait et leurs
soins et leurs exhortations paraissent avoir rétabli le
calme.
Il y a le Journal Général de France, rédigé parVeibbé
de Fontenay ' dont on dit beaucoup de bien. Il est un
peu attaché à l'EgHse. Malgré cela on le trouve juste et
impartial, d'ailleurs c'est un des mieux écrits. II ren-
ferme d'ailleurs d'autres objets utiles. Si vous le voulez,
je vous y abonnerai. Je n'ai pu voir encore MM. de
Saint-Fraimbault, je tâcherai demain d'être de bonne
heure chez eux.
Du 4, mercredy.
J'avais fait mon paquet et j'eus l'esprit de l'oublier sur
une table ; quand je m'en suis aperçu, il était trop tard,
il m'a fallu remettre à aujourd'hui. Les journaux que je
vous adresse ne vous offriront guère d'objets intéres-
sants. Ce sont des rapports sur la fixation des départe-
1. FoDlena; (Louls-Abel BonefoDt. abbé de), ]é«nlte et homme de
lettrei, né i. CasUliitiu de Brawac (Tarn) en 17(7, mort en 1806, nn dei
principaux rédactonn dn Journal Général de Francs.
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— 190 —
mens qu'on veut se dépêcher de terminer. C'est en effet
la base de rédiflce. Au nombre des réclamations qui
arrivent de toutes parts on désire porter le remède d'un
examen impartial.
Nous avons eu la séance la plus orageuse aujourd'hui.
Vous verrez dans le journal la cause dé la querelle.
Je reçois vos deux lettres. L'objet de la seconde con-
cernant les quatre prisonniers ' a été recommandé quatre
fois depuis dix jours à M. le garde des Sceaux. Je lui ai
remis un premier mémoire le jeudy 14. Il m'assura qu'il
écrirait. Je lui fis rappeler l'affaire par le comité des rap-
ports qui iui écrivit devant moi le vendredy l."». Dimanche,
la Province alla en députation chez lui pour l'aiTaire de
M. de Montesson et quatre-vingts à cent décrets lâchés
contre plusieurs particuliers qui ont été menés de force.
Je profiterai de la même occasion pour le prier, aussitôt
l'apport des charges sur l'incendie des chartriers, de
faire surseoir également en faveur de ceux qui ne seraient
coupables que de séduction. Enfin, M. de Volney, qui
reçut mardy, de Craon, la nouvelle de poursuites et de
l'exécution prochaine, demanda à l'Assemblée de faire
écrire par te Président. J'allai l'assurer que cela était
fait et que j'avais aussi, par M. de la Raitrie, la certi-
tude que l'exécution ne serait pas si précipitée. Cepen-
dant je lui dis qu'il serait toujours bon de faire un
prompt usage de la lettre du Président et il alla sur le
champ la porter à M. le garde des Sceaux qui écrirait
aussitAt et probablement pour la deuxième ou la troisième
fois. Ainsi JM. de la Raitrie a dû recevoir l'ordre de sur-
1. PouraulTls à raison du pillage du chAteau d'HautevllIe.
2. Lm princlpaui aateurs des pillages de ehartriera des eafiroos de
Lassay, transiérés à CbAteau-GonlIer pour y Aire jugés. IDuehemln et
Triger, Les premier» Irotthlex de la Rérolution dans la Mayennr,
pages 36 at 37). Les âlecteura réunis K Lavai le 98 jnio 1790 pour la for-
mation du département, arrêtent le 6 Juillet l'envol au Roi et h
l'AssembiéB oalicinale de deux adresiws pour demander la grèce de ces
quatre prisonniers qui depuis près d'un an langulttent doiu le* prlMns
de Cbtteau-Gontler. [Proeêi-vtrbat, etc., page 61).
□ igitizedby Google
— 191 —
J'irai demain au comité de finances, j'yferaiusagedea
réflexions que voua me faites et lundy pour mercredy je
vous dirai ce qui m'aura été répondu. Adieu, nous
sommes installés d'hier au n° 240, rue Saint-Honoré, où
j'ai reçu vos deux lettres d'aujourd'hui.
Nous devons nous assemhler mardy en département
pour notre afTaire et entendre nos députés. L'Assemblée
avait été d'abord demandée par ces Messieurs pour
lundy, mais les comités de ce jour n'ont pas permis de
l'indiquer. Ce sera pour mardy.
Adieu, mon ami, nous sommes ici beaucoup plus sdre-
ment et plus proprement qu'où nous étions et à la porte
de l'Assemblée et des Comités.
Paris, 5 février 1790.
Nous avons été jugés jeudy matin, mon ami ; le rap-
port a été contre nous et il était tout simple et facile de
prévoir que le jugement du comité serait celui de l'As-
semblée. Nous ne pouvions réclamer la priorité pour
l'avis de la province. C'est cet avis qui a fait rejeter nos
réclamations, et encore par le commissaire du comité,
M. Dupont, qui s'était le plus récrié contre la multipli-
cité des districts, etc.. Nous avions fait valoir la difli-
culté des chemins pour se rendre au département de
Laval. Voyez la fin du mémoire. Ce moyen noua a été
rétorqué pour prouver la nécessité de mettre des dis-
tricts dans les lieux où la difficulté des chemina devenoit
un obstacle à une communication facile. Il a donc été
décrété qu'il y auroit sept districts, que le chef-lieu du
département seroit à Laval ; c'est avec peine que j'ai pu
obtenir : sauf à faire participer la ville de Mayenne aux
établissements publics qui seroient décrétés par l'assem-
blée, s'il y a lieu. Quand j'ai eu fait cette demande,
Châteaugontier en a été instruit par le rapporteur et les
□ igitizedby Google
_ 192 —
députés de cette ville ont demandé de participer à la
même faveur et ils ont été ajoutés dans le décret.
Le Journal des Débats ne rapporte pas le décret en
entier, ce aéra pour celui qui paraîtra aujourd'hui. Il
était pressé de rendre compte de la visite que le Roy
nous a faite le même jour '. Vous en verrez le détail.
Voicy le discours bien fait qu'il a prononcé. Puisse !a
sensibilité qu'il y a mise passer dans le cœur de tous ses
sujets, leur inspirer les sentiments de modération, de
paix et de tranquillité dont est animé ce discours ! C'est
un des beaux jours que celui où notre ville a été malheu-
reusement condamnée. Mais, comme l'a dit le Roy, il
faut que tous les citoyens recommandables par leur zèle
et leurs lumières s'empressent de prendre part aux sub-
divisions de l'administration générale dont l'enchaîne-
ment et l'ensemble doivent concourir au rétablissement
de l'ordre et de la tranquillité ' .
Il n'est pas de roy qui ait tenu des discours plus éner-
giques que celui que je vous adresse. Jamais aucun n'a
fait passer dans tous les cœurs des sentiments plus
alTectueux que ceux qu'a inspirés la prononciation pleine
et sonore et du ton de l'affection qui l'ont accompagné.
Il en est résulté des effets sensibles dans l'assemblée
d'aujourd'hui. 11 y a eu plus de concert. 11 a passé sans
réclamations un décret pour supprimer dès ce moment
les communautés du même ordre, doubles ou triples,
dans la même ville et en vendre les biens. Il n'y a pas
eu la moindre réclamation et il y a eu unanimité à la
levée des voix. Ce premier décret va faire placer des
assignats, retirer des billets de la caisse et commencer
le retour de l'argent. Adieu, mon ami, l'heure me presse ;
les journaux vous diront le reste.
□ igitizedby Google
LXXXIII
Paris, 8 février.
Ci-joint, mon ami, les derniers journaux où enfin est
reporté le décret sur notre département.
J'apprends dans ce moment votre nomination au
mairat.
Du 9, à onze heures du soir.
Je n'ai jamais pu lundi matin trouver le moment de
Unir ma lettre. A peine quittes de notre malheureuse
afîaire de département, nous nous sommes vus pressés
au comité féodal de rendre compte de notre travail. Il a
fallu repousser les différentes décisions prises depuis
notre institution, y mettre de la liaison, des définitions
claires. Depuis huit jours nous nous sommes assemblés
continuellement. Lundy entre autres, jour fixé pour
notre rapport, le soir et le matin, le matin pour retou-
cher quelques articles, le soir pour en ajouter quelques
autres à ceux lus dans l'Assemblée. Le rapport a eu
l'avantage d'être applaudi par toute la salle ; l'esprit de
justice qui y règne, l'abolition sans indemnités de tous
las droits clairement définis comme suite de la servitude
personnelle, ont satisfait toutes les classes. Nous avons
encore quelques additions pour lesquelles demain nous
nous assemblons. Ce rapport ne renferme que les deux
premières parties de notre travail. Encore la partie des
droits rachetables a-t-elle besoin de plusieurs articles
sur le mode de rachat qui n'ont pas encore été arrêtés.
Ce qui en a été lu lundy sera livré à/ l'impression jeudy
et lundy je pourrai vous l'adresser. On ne tardera pas à
décréter ces objets qui tiennent dans ce moment à la
tranquillité de quelques provinces. Le Journal des
Débats vous présente un abrégé des articles proposés à
l'Assemblée et de ceux qui restent à lui présenter, ce
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" 194 —
qui ne fera pas différer notre travail sur les deux autres
parties, étant également très avancées.
Vous voilà donc, mon ami, élu maire. Je vous en fais
mon compliment. Personne ne peut mieux apprécier
que vous les devoirs de cette place importante. Les
premières pièces que vous avez reçues depuis votre
nomination ne pouvaient venir dans un moment plus
intéressant pour le commencement de votre exercice.
Puissent les sentiments que respire le discours du roy,
ceux qu'il a fait éprouver u toute l'assemblée, passer
dans le creur de tous les Français, les pénétrer d'atta-
chement pour leur patrie, les porter à jouir réellement
des avantages auxquels les appelle la constitution avec
ce ton de tranquillité, de calme, qui annonce des
hommes faits pour la liberté, pour la sentir et en jouir.
Il arrive déjà de presque toutes les municipalités nou-
vellement établies des adresses d'adhésion, de félîcita-
tion, à l'Assemblée Nationale. Je compte que la nouvelle
municipalité de Mayenne s'empressera d'en envoyer
une. Il ne la faut pas longue, parce qu'on ne peut tout
lire, mais en peu de mots on peut dire bien des choses.
J'attendais aujourd'hui la suite des nominations. Je
n'ai rien reçu, ce sera pour l'ordinaire prochain proba-
blement.
La séance de ce soir a été un peu orageuse, cependant
à la fin cela s'est concilié. Il était question de quelques
troubles dans le Quercy, le Bas-Limosin, qu'on avait
exagérés et qui ont servi de texte à quelques discours
maladroits, impolitiques, faits pour effrayer, mais qu'on
a rétorqués victorieusement. Les troubles ne sont ni
aussi considérables qu'on les avait présentés, ni aussi
difliciles à réprimer qu'on l'avait dit. Ils paraissent avoir
été suscités dans l'espérance toujours d'amener quelque
révolution'. Mais aujourd'hui je crois que les plus incré-
dules commencent a sentir qu'il n'y a plus qu'à se réunir
□ igitizedby Google
— 195 —
pour achever avec tranquillité et avec réflexion les objets
importans qui restent à régler. Déjà plusieurs délibéra-
tions importantes ont passé sans autre discussion que
celle modérée qui doit produire des décrets sages, réflé-
chis et j'espère que cela continuera. Le petit orage de ce
soir est dû à plusieurs phrases indiscrètes, mais cela n'a
pas eu de suites et le décret, proposé par le comité des
rapports pour autoriser le pouvoir exécutif à employer
les moyens qui seraient en lui à l'effet de réprimer les
troubles partiels, a passé à une très grande majorité.
Je ne puis m'écarter de la salle et depuis quinze jours
je n'ai sûrement pas sorti du district des Jacobins, tant
les embarras se sont multipliés.
Vous avez vu nos députés. Ils ont Tait tout ce qui était
en eux pour soutenir nos demandes. Malheureusement
noue avions contre nous tous les autres députés du
département et la loi de la majorité est un argument
irrésistible.
Je vais demain chez M. le Contrôleur général relative-
ment à votre plainte contre la commission intermédiaire.
J'ai eu au comité des fmances l'itérative assurance que
ce n'avait été que d'après l'aveu du comité que le
ministre avait ordonné l'imposition des anciens taillables
dans les paroisses de la propriété, mais il est question
de déterminer le ministre à faire dédommager les villes
de la portion dont elles doivent être diminuées sur la
probabilité qu'elles ont dû être augmentées du taux des
propriétés des habitans taillables. Je vous dirai samedy
le résultat de ma conférence. Le Comité des finances
avait insisté sur le dédommagement et c'est d'après cela
qu'il m'a engagé à voir le ministre, M. Lambert, pour
faire rendre cette justice aux villes. Je vais étudier ma
leçon, ce qui m'oblige de terminer ma lettre, ayant à
revoir ce soir la lettre imprimée de la commission et à
me former un précis de ce que j'aurai à dire. Adieu et
bon soir.
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Paris, 12 février 1790.
Je profite, mon ami, d'un petit moment avant la
réunion du comité féodal pour vous rendre le résultat
des deux conférences que j'ai eues, tant avec M. Lam-
bert qu'avec M. Tarbé, premier commis, sur la récla-
mation des anciens taillables propriétaires de notre
ville.
Pour la troisième fois, j'ai eu l'assurance que la com-
mission intermédiaire n'a agi que d'après les ordres du
ministre et le ministre ne les a donnés que d'après
l'attache du comité des finances. Deux motifs principaux
ont nécessité ce changement au premier décret : i° la
nécessité de préparer d'avance l'imposition foncière qui
commencera en 1791 et rien ne peut produire de plus
sûrs renseignements que l'imposition indiquée pour 1790
d'après le décret pour la Champagne. Deuxième motif. Il
serait arrivé qu'un ancien tailtable domicilié dans une
élection où le département n'était pas fait, n'eût été
imposé qu'à raison de son actif et, propriétaire de biens
dans une élection où le département était fait, n'eût rien
payé pour ses propriétés et cet inconvénient eût été
fréquent.
Mais, d'après le régimeuniforme indiqué, il est reconnu
de toute justice que les habîtans des villes propriétaires,
anciens taillables, soient dédommagés de l'augmentation
qui résultera de l'imposition sur leurs propriétés dans
les campagnes. Voici la note écrite chez M. Tarbé • pour
ne point laisser subsister cette inégalité :
Les propriétaires de la ville de Mayenne qui, anciens
taillables, se trouveraient imposés dans les paroisses
1. Tarbé (Louls-Hardoulol, né à Sens, premier commis da Hlnlslire
des Finances, le créBleur de la eontributian lonclère, quelque tempi
ministre en 1791, mort en 1806.
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— 197 —
de leurs propriétés, auront soin de se procurer la note
des impositions qui leur seront mises sur les propriétés
et de former une note exacte de ces impositions, aussitftt
qu'ils en auront la connaissance, à la municipalité de
Mayenne qui les fera passer, ou à la Commission, ou au
Directoire.
D'après ces notes, le corps municipal procurera des
indemnités qui seront prises sur les sommes que la Com-
mission intermédiaire ou le Directoire du district sont
autorisés à réserver pour cet objet et que la Commission
ou le Directoire feront connaître aux officiers municipaux
de Mayenne.
Voilà donc la certitude que les anciens taillables, pro-
priétaires de notre ville, seront dédommagés de leur
imposition sur leurs propriétés et j'ai l'assurance que les
sommes d'indemnités seront assurées et réservées avant
que le total du rdle de 1790 soit acquitté.
Je tâcherai de joindre ici l'adresse de l'Assemblée à la
Nation, les projets de décrets de notre comité féodal
sur les deux premières parties de notre travail ; les deux
autres parties ne tarderont pas. La deuxième partie
même n'est pas complète ; il y manque les articles sur le
mode du rachat, qui sont préparés, mais qui n'ont pas
été discutés en totalité.
J'espère trouver un mot de vous à mon retour chez
moi ce soir. Si votre lettre exige quelqu'addition à la
présente, je la mettrai ; sinon, bonsoir pour aujourd'hui.
Je rentre et je ne trouve aucun mot de M. le maire.
Ainsi point de réponse à faire. Pressé d'autres besognes,
je vais y travailler. Bonsoir de rechef.
Ci-joint, mon ami, un décret d'hier qui nous a coûté
bien du bruit, de la patience, mais qui enlin a passé. On
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— 198 —
ne regrette jamais son tems et sa peine quand on peut
réussir *.
Aujourd'hui nous avons eu une cérémonie très pom-
peuse, toute l'Assemblée en corps s'est rendue de la
salle à Notre-Dame entre un double rang de milice natio-
nale, depuis les Feuillans jusques à la Cathédrale. Là,
les troupes y ont prêté de nouveau le serment civique.
Après un discours d'un chanoine, dont le texte était une
vraie description des événemens actuels. Il était tiré du
L. 2 des Paralipomènes. Trop délayé, il a perdu de sa
force et de son énergie. Il a été suivi d'un Te Deiim,
chanté par les meilleurs musiciens et exécuté par un
orchestre des plus nombreux. Au Judex crederis, trois
cents tambours ont exécuté par un rcnforcendo le cakos
du globe, au moment où les trompettes appellent au juge-
ment. La cérémonie n'a fmi qu'à trois heures ^.
Demain on flxera probablement le sort à donner aux
religieux. J'espère pouvoir vous joindre les projets de
décrets présentés par le comité féodal. Au moins l'impri-
meur m'en a promis pour demain matin. On y verra que
le comité, en rendant justice aux droits fonciers, a sup-
primé tout ce qui tenait réellement à la servitude person-
nelle et nuisait à la liberté des citoyens.
Je reçois votre lettre et celle commune de notre nou-
velle municipalité que je m'empresserai de communiquer
demain à nos Messieurs. Ils seront sensibles à cette
marque de conlïance de vos collègues et interprète de
leur empressement, comme je puis répondre du mien, ils
se feront un devoir d'y répondre et de communiquer
avec vous de tout ce qui pourra tendre au bien de la
ville. Si nous n'avons pas été aussi heureux que nous
en avions le désir, il n'a tenu en rien à nos eJTorts parti-
culiers. Avant l'arrivée de MM, de Champorin et Moulin,
nous avions de toutes nos forces résisté au prolonge-
< . Dteret sur le Buppression des vœux moDastiques.
2. Te Deum «t lllumlDitions à l'occasioD de la démarobe du roi du
4 féTTier précédent.
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ment de notre département vers l'Anjou ; des circons-
tances trop longes à détailler nous ont forcé, malgré
nous, de recevoir des paroisses que nous ne voulions
pas. Ces MesflieurB ont vu les soins que nous nous
sommes donmis pour prévenir la décision du Comité.
Mais il est des lois auxquelles il faut se soumettre et
quand nous n'eussions pas eu une partie de l'Anjou, la
loi de la majoritii eut encore été contre nous, de six contre
trois, au lieu de neuf contre trois. Voilà toute la diffé-
rence qui en fût résultée.
Nous remettrons demain à l'Assemblée l'adresse que
vous m'avez fait passer.
J'espère beaucoup, mon ami, et de votre zèle et de
celui de vos collègues. Il est difficile, personne ne le
prouve plus que moi, de faire au gré (le tout )e monde,
mais, avec la résolution de s'acquitter avec exactitude
de ses fonctions, d'y mettre toute la justice, l'impartia-
lité possible, on est bien fort. Si vous n'obtenez pas
l'amitié de tous, au moins vous forcez l'estime et c'est
le seul but qu'il faille se proposer dans toute fonction
publique.
Je crois bien que les règlements qui restent à faire
fixeront la forme à observer pour le contentieux des
municipalités. Il sera silrement très simple, puisque
c'est un tribunal citoyen qui doit avant tout employer les
voyes de douceur, les formes les plus douces pour l'avan-
tage, le bon oidre, la tranquillitii, la sûreté et la salu-
brité de la cité. Si, les voyes de conciliation épuisées, il
est, comme il faut s'y attendre, des citoyens réfractaires,
je crois bien qu'il faudra des audiences où devront com-
paraître, sur un simple appel, peut-être verbal, les
citoyens contrevenants, pour recevoir du corps muni-
cipal te jugement qui le condamnera à se conformer aux
principes établis. ^Mais comme l'Assemblée s'est réservé
de faire ces règlements, que le comité de constitution
s'en occupe, je crois qu'il faut les attendre.
Je sens que l'objet dont vous me pariez remplirait le
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— 200 —
double but de mettre plus de sûreté dans la rue et de
procurer du travail, mais ce ae serait qu'à une petite
partie des citoyens. J'aimerais mieux des travaux en
grand. L'adjudication de vos routes est un objet qui ne
peut tarder. Si, pour accélérer, vous croyez devoir
employer un secours plus prompt, sans doute on ne
pourrait faire un meilleur emploi des six derniers mois
de 1789, mais il faudrait pour cela une délibération
du corps entier de la municipalité et des notables, avec
prière au roy de vous autoriser à cet emploi. En m'en-
voyant la délibération, je vous aurais promptement une
autorisation du pouvoir exécutif à cet effet. Si les dépa'r-
temens étaient établis, leur autorisation suffirait, comme
remplaçant ce pouvoir dans cette partie.
Nous vous répondrons en commun sur le décret que
vous désireriez pour l'imposition . D'avance je puis vous
dire que rien de plus difficile d'avoir des décrets sur
cette matière de la part de l'assemblée et cela d'après ta
variété des formes de chaque province. Le danger de
toucher à cette partie, à moins d'être exposé à autant
d'exceptions ou d'amandemens que de provinces. C'est
le décret demandé pour la Champagne qui a jeté dans
le retard dont vous vous êtes plaint. 11 faut voir que
l'imposition n'aura lieu que pour 1790 et qu'actuellement
un comité s'occupe d'un mode général d'imposition pour
1791 qui fera disparaître toute la bigarrure de l'incohé-
rence des formes de répartition. Adieu, à mercredy.
LXXXVl
Paris, 24 février ',
C'est aujourd'hui, mon ami, que notre affaire des
tailles doit estre portée au comité. Je ne sçaurai que
demain matin ce qui aura été décidé, ainsi ce ne pourra
être que lundy que je vous en apprendrai officiellement
le résultat.
1. Encore uii« l&oune du U au 24 réTrler.
3,Goot^[c
— 201 —
Vous verrez par les journaux et le projet de décret que
je joins, qu'il ne s'agissait pas moins que de dégoûter
tout citoyen des municipalités par les peines auxquelles
on voûtait assujettir leur responsabilité. Nous nous
sommes battus lundy et hier pour faire rejeter le projet,
du comité et pour écarter les motions incidentes qu'on
avait fait paraître. M. de Mirabeau parla hier avec une
force de raisonnement qui a, je l'espère, fait tomber
dans l'opinion des galeries l'espèce d'odieux qu'on cher-
chait à répandre sur une partie de l'Assemblée, en l'in-
culpant de vouloir affaiblir de plus en plus le pouvoir
exécutif. Il a prouvé que l'ensemble de la constitution
seul formait la force de ce pouvoir, que c'en était l'âme
et l'impulsion qui donnait le mouvement à la machine,
qu'il fallait donc que tous les rouages fussent engralnés
avant que le mouvement principal, le moteur, pût agir. Il
s'est montré quelquefois plus sublime, mais jamais il ne
parla avec plus de suite et un raisonnement plus serré.
Ce n'est pas que la loi en quatre articles qui a été
arrêtée bier soit parfaite et qu'on puisse en attendre le
succès qui l'a fait proposer' . On ne peut dans ce moment-ci
concevoir d'espoir fondé de voir cesser les troubles que
de la prudence, de la sagesse des municipalités. C'est la
conlianoe dont elles jouissent qui doit les porter à en
faire usage pour faire renaître l'ordre et la tranquillité,
pour rétablir le cours arrêté d'une partie des impôts,
faire connaître que, sans cette force motrice, il ne peut
être aucun repos pour personne.
On va commencer les articles du rapport du comité
féodal pour tranquilliser les provinces où les insurrec-
tions paraissent avoir eu pour cause l'incertitude sur les
droits abolis sans ou avec indemnité. C'est ainsi que les
circonstances du moment nous éloignent du travail de la
constitution. Mais il faut voir que si on laisse des causes
â l'elTervescence, si il en résulte une insurrection qui
fasse des progrès, nous ne tenons rien. Il y a encore
1. 23 féTrier. Décret nir Ift tnoqulUlU publique.
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— 202 —
l'article des finances, non moins urgent, et c'est bien celui
qui nous inquiète le plus.
Adieu, mon ami, nous noua assemblons ce matin pour
finir le procès-verbal de notre département, objet non
moins pressant. Toutes les provinces sont engagées à
remettre, au plus tard dans cette semaine, les cartes et
les procès-verbaux de division en districts etde districts
en cantons. Nous allons remplir ce devoir, nous avons
formé les cantons le mieux qu'il nous a été possible.
Comme ce n'est qu'une opération provisoire, que les
paroisses qui seraient mal accouplées pourront faire
entendre leurs réclamations, il y avait moins de danger
à faire ici ce travail, sur lequel d'ailleurs il etU été diffi-
cile d'avoir une opinion fixe même sur les lieux.
Au moment où je vais fermer ma lettre, les trois pre-
miers articles du projet du comité féodal sont décrétés.
LXXXVll
Paris, 6 mars 1790".
Je vous félicite, mon ami, de votre courage à aller en
avant sur les rôles on prenant tes précautions que vous
avez senti nécessaires. C'est le moyen de prévenir des
reproche-s fondé.s.
Nous allons supprimer les droits contre lesquels vous
vous êtes souvent récrié, ces di-oits de halle qui se per-
cevaient sur les particuliers ; c'était «ne suite de la sup-
pression de la justice sans indemnité ; le projet de décret
a été lu bier, mais il m'a paru susceptible d'amandc-
mens et de diflicultés dans l'exécution. Quand il sera
imprimé, je vous l'adresserai.
Nous avons eu bier l'assurance de M. Dupont que le
service de cette année serait assuré. Le comité devait
faire un rapport ce matin, miiis l'annonce d'un mémoire
de M, Necker, qu'il doit envoyerce matin à l'Assemblée,
a fait différer ce rapport. I^undy je pourrai vous envoyer
l'extrait du mémoire.
1. Autre lacune du H lévrier an 6 mars.
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~ 203 —
Je n'ai pu hier qu'apprendre, très à la hâte, de M. de la
Roche qui sortait de voir M. Tarbé, premier commis des
finances, de qui il tenait que, pour faire cesser toute
réclamation, il faudrait que MM. delà commission inter-
médiaire recommencent leur département pour 1790.
Que cette nouvelle ne voua arrête pas dans votre travail ,
parce que te département se fera sur le principe que la
propriété sera imposée. Je tiicherai d'avoir de lui un
plus ample détail par lequel je terminerai ma lettre.
Vous devez avoir à présent toutes les déclarations sur
la contribution patriotique. A combien monte-t-elle pour
notre ville ? Ici, à Paris, malgré le malheur des tems, elle
monteraà50mîllions. La confiance et l'espoirque les pa^e-
mens ne seront pas arrêtés commencent à reprendre., Ou
la Caisse d'Escompte commencera à payer incessamment
à bureau ouvert les petits billets de 200#, ou il leur sera
accordé des prîmes et un intérêt à un Papier national
qu'on pourra substituer aux billets de la Caisse. En géné-
ral le comité des finances parait dans la plus grande
sécurité sur le service de 1790 et M. de la Borde ', à qui
j'en parlais un de ces jours, m'a assuré qu'il n'y avait
rien à craindre et qu'on pouvait, malgré que la contribu-
tion patriotique ne monterait pas à ce qu'on en espérait,
faire face aux engagemens.
Attendons encore quelques momeiis et le voile se
lèvera. Les gens à argent se lassent en voyant la patienee
des créanciers de l'Efat, surtout des rentiers de la ville.
Cette patience, qu'on doit aux Parisiens, les plus inté-
ressés, est bien une des plus grandes preuves de patrio-
tisme qu'ait donné cette ville.
Ce ne sera que pour la forme que le département
sera renouvelé. Mais il ne sera rien changé ii la forme de
représentation indiquée par la lettre imprimée.
(A suivre).
1. F.-L.-J. de Labonle-M^évi lie .fils du banquier de la cour, Mail garda
du trésor rojal aa moment de la RéTolutioD. Elu dâputé du Tiers-Etat
à Etampee, un des prlnclpani actionnaires de la Caisse d'Escompte,
mort & Londres en 1801.
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EXTRAIT DE L'ANCIEN GREFFE
DBS SEIGNEURS VICOMTES
DE BEAUJIONT ET DE LA FLÈCKE
iSuite).
44.
Du 3' jour de juillet 1539, mn dtcle dame estant en la
ville de l.yon, elle a expédié leclres soubs son seel en la
forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous ceux, etc. salut, (^omme à nous,
à cause de nostre baronnie de Sonnoys. nous eompete et
.appartienne de plain droici la provision et toute autre dis-
position de la chapelle de {en blanc, fondée en nostre
eliaslel de Saint-Paul, touttes et quantes fovs que vaccation
y eschet, et soit ainsy que la dicte chapelle est à présent
vaccante par la mort et trespas, ainsy que l'on dict, de (en
blam). sçavoir faisons que, pour la bonne relation que faicte
nous a esté des bonnes mœurs, honncste vie et bonne con-
versation estans en la personne de M' Guillaume de la
Motthe, à iceluy pour ces causes et autres considémtioDS à
ce nous mouvans, et en usant de nostre droict dessus tou-
ché, luy avons donné cl oclroyé. donnons et octroyons par
ces présentes la chapelle de Saint fera blanc], vaccante par
la manière dessus dicte pour doresenavant icelle deservirou
faire deservir et par luy tn prendre les fruictz, proufitz et
esmolumens y appartenans. aussy à la chaire d'y faire ou
faire faire el continuer le service accoustumé. Si donnons
en mandement par ces mesmes présentes, etc.
□ igitizedby Google
45.
Du 5* jour de septembre 1539, ma dicte dame estant à
Saint-Germain-en-Laye, elle a expédié lectres soubs son
seel en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous, etc. Sçavoir faisons que pour
l'entière confidence que avons es personnes de nostre amé
et féal conseiller et maistre des requesles de nostre hostel
M' Jean Tesnière, bailly et esleu de Vendosmoys, Bertrand
de Saint-Melon, Jean Le Blanc et Jean Le Marreux, et de
leurs sens, suffisance, loyauté, pnidbomie, expérience et
bonne diligence, avons commis et députez, commcctons et
députons par ces présentes à l'examen, arrest et afiînaison
des comptes de nostre amé et féal conseiller, thrésorier et
recepveur général de nos finances et de tous nos recepveurs
et comptables de nosdits vicomte de Beaumont et baronnie
de Sonnoys, du faict et administration de leurs charges de
l'année dernièrement finie et escheue le dernier jour de
décembre 1537 dernier passé, leur donnant et aux trois
d'iceux en l'absence des autres plain pouvoir, authorité et
mandement espécial de oyr, examiner, closre et arrcster tes
dicts comptes selon et ainsy qu'ils verront eslre à faire et
qu'il appartiendra par raison et à celte fin appelle par
devant eux en nostre ville de Vendosme à tels jours et assi-
gnations que les dessus dicts verront bon csIre, en contrai-
gnant iceux comptables à ce faire par touttes voyes deues
et raisonnables. li^n tesmoin de ce, etc. Donné au dict
Saint-Germain-( ii-Laye, les jour et an que dessus.
Du 15' jour des dits moys et an, ma dicte dame estant au
dit Saint-Germain-en-Laye, a expédié lectres soubs le seel
de ma dicte dame par les quelles elle donne l'oflice de
notaire en la baronnie de ChAteauregnault k Mathurin
Belin, vaccant à présent par la mort et trespas de Jacques
Guillotteau.
47.
Du ir jour de novembre 1539, a esté expédié lectres de
ma dicte dame et soubs son seel en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous, etc. Comme à nous, à cause de
nostre dit douaire que avons ou dit duché de Vendosmoys,
nous compete et appartienne la collation, provision et toutte
autre disposition de prébendes, chaaoinyes, cbappelles et
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— 206 —
autres bénéfices fondez en nostre éj^lise de nosire chast«1
de Vendosme touttes les foys et quantes que vacation j
eschel et soit ainsy que la chappelle vulgunirement appellùe
la chappelle de Nostre-Dame en nosire dicl chaslel soit à
présent vaccanle par la mort et trespas de messirc Jean
Ruilandeau, ainsy qu'on dict, si;avoir faisons que pour la
bonne relation que faicte nous a esté des bonues mœurs,
honneste vie et conversation estans en la personne de
M* Gilles Allain, prestre, aussy pour la requpsle à nous
faicte par nostre 1res cher et très amé filz le duc de Vendos-
moys pour le dit M° Gilles, à iceluy, pour ces causes et
autres considérations à ce nous mouvans et en usant de
nosire droict dessus louché, luy avons donné et octroyé,
donnons et octroyons par ces présentes la dicte chappelle
de Nostre-Dame vaccante par la manière dessus dicte, pour
doresenavant icelle deservir ou faire deservir, par luy en
prendre et percevoir les fruictz, proufitz et émolumens y
appartenans. aussy à la charge de faire ou faire faire et con-
tinuer le service accoustumé. Si donnons en mandement par
ces mesmes présentes à nos amez et féaux les chevecier,
chanoines et chapitre de nostre dicte église que, pris et
receu du dict M' Gilles Allain sur ce le serment en tel cas
requis et accoustumé, iceluy mectent et instituent ou facent
mettre et instituer de par nous en possession et saisine de la
dicte chappelle, luy baillant stal en cœur et au parsus le
facent, souffrent et laissent prendre et percevoir les dicts
fruicta, revenus et émolumens sans aucune difTiculté, aux
ciiarges touttefoys qu'il tiendra et observera les ordon-
nances dernièrement faictes par Madame nostre belle mère
en la dicte église. Car tel est nostre plaisir. Donné à
Crépy-en-Valloys les dits jour et an que dessus.
48.
Du 2' jour de décembre 1538 {sic). Madame estant en son
conseil à Paris, après avoir veu certaine requeste à elle pré-
sentée par le sieur de Bazoges, icelle a renvoyée aux offi-
ciers tant de la jurisdiction ordinaire que des boys de la
baronnie de Sainte- Suzanne pour informer tant par lectres
que par tesmoins du contenu en la dite requeste, de la com-
modité ou incommodité qu'elle peut avoir et prétendre,
ensemble des causes et moyens si aucuns y a pour l'empes-
cher et, la dicte information faicte, les dictes causes et
moyens mis et rédigez par escript Bnablement clos, et
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scellez avec leurs advis sur le tout à elle renvoyez, en estre
par elle ordonné ce qu'il appartiendra.
4ft.
Du 4' jour du dît moys de décembre ou dil an 1539, sur
certaine requeste présentée à ma dicte dame par l'évesque
de Thulles, icelle a esté renvoyée par ma liicle dame aux
ofliciers de la baronnle de Simnoys et vicomte de Benunionl
et i-espondue en la forme que dessus.
50.
Du 13° jour des dits moys et an, (en) sur certaine requeste
faicte à ma dicte dame par Louys de Bai^neux.luy délaisser
pour celle année la rivière de Sainl-Paul pour le prij
qu'elle avoit esU^ baillée au dernier baU qui en avoit esté
faict par les olficiers do Sonnoys, elle leur a mnndé ainsy le
faire jusque» à ce que autrement par elle en ayt esté
ordonné.
Du 15' jour des dits moys et an, ma dicte dame a expédié
lectres patentes en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous, etc. S^avoir faisons que pour le
bon rapport que fait nous a esté de la personne de M' Pic-
card. advocat en la cour de parlement à Paris, et de ses
sens, suOisance. littérature et bonne expérience, iceluy pour
CCS causes et aiiires à ce nous mouvans, avons retenu et
par ces présentes retenons l'un de nos conseillers et pen-
sionnaires pour direction, conseil et conduicle de nos
causes, procès et alfaires, aux droîctz, prérofjatives et prou-
litz qui y appartiennent et à la pentiun par an It-lle que luy
sera par nous pour ce ordonnée en noslre prochain estât
ffénéral, le tout tant qu'il nous plaira. Sy donnons en man-
dement à nostre amé et féal conseiller et maître des
requestes. M' Jean Thesnière, bailly et esleu de Vendos-
moys, que pris et rcceu du dict Piccard le serment en Ici
cas requis et accouslumé, il le face joyr et plainement user
de nostre présente retenue. Car ainsy le voulons. Donné à
Paris les jour et an que dessus.
Des dits jour iL an, sur certaine requeste présentée à ma
dicte dame par un nommé Jean Barbes, a ordonné que le
procès estant par devant Monsieur Sanguin, sera vuidé au
plus lost que faire ce poura.
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— 208 —
Du 15' jour dea dits moyB et an, ma dicte dame a expédié
un mandement à M* Florimond MarsoUier, chaslelain et
recepveur de La Flèche, par lequel elle luy ordonne tenir
Suitte et deschargé M° Guillaume Richer, curé du dit lieu,
e la somme de 18* tz en laquelle il est tenu vers elle pour
les ventes de deux acquests par luy naguèrea faictz, l'un de
Guillaume Outin, marchand apoticaire, demeurant à Baugé,
mary d'Ambroise Le Thiellier en son nom et comme soy
faisant fort de Pierre Regnard et Perrine Le Thiellier, sa
femme, le 16° jour d'octobre dernier passé, de deux
sixiesmes parties par indivis d'une maison, jardin, cour et
place situez au dit lieu de La Flèche, en laquelle est
demeurant Jean Pinard, pour la somme de 96' tz, et l'autre
de Jean Le Thiellier comme procureur de M' Jean Le
Thiellier, eschoUier à Paris, et Clément, son frère, de trois
autres sixiesmes parties des dictes choses pour la somme
de six vingts livres tournois te 1B° jour de novembre aussy
dernier passé, le tout sans préjudice de plus grands ou
autres proufitz de fief, droilzet debvoirs, s'aucuns sont pour
ce deubs et sauf à avoir par ma dicte dame ou son procu-
reur les dictes choses aînsy acquises par retraict féodal et
puissance de fief, si par droict et coustume du pays le veut
ou peut nvoii' ce droict, au cas toultes foys que icelles choses
luy soient propices et nessessaires. De laquelle somme de
18* tz ma dicte dame a faict don au dict curé et en rappor-
tant les dicts mandement et acte de l'exhibition judiciaire
des dicta contractz, avec recognoissance du dict Richer
d'avoir joy du dict don et quitance du dixiesme denier
d'icelle somme que ma dicte dame a accouslumé en tels
cas retenir pour employer en ses aumosnes, elle veut la
dicte somme de 18* tz eslre allouée en la despence des
comptes du dict recepveur, etc.
52.
Du 19' jour du dict moys de décembre ou dict an 1539, ma
dicte dame estant à Paris a expédié autre mandement à
Estienne Chariot, chastelain et recepveur de ChAteau-
gontier, par lequel elle luy ordonne que des deniers procé-
dans du rachapt à elle deu et acquis par raison du fief,
terre et seigneurie de (en blanc) tenue et mouvant d'elle à
cause de sa baronnie de Ch&teaugontier, payer et bailler à
Louys Prieur, sieur de Chantelou, son maistre d'hoste), la
somme de 200* tz de laquelle islle luy a faict don sur le
dict proufit de fief, etc.
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53.
Du 7* jour de janvier 1539, sur certaine requeste présen-
tée à ma dicte dame par M° Jacques Adam, secrétaire de
Monseigneur le Dauphin. îcelle a renvoyée aux officiers
ordinaires de Yendosmoys pour pardevant eux estre faicle
exhibition de contract de l'acquest dont est faict mention et
est question avecques déclaration de la part des dicts oRî-
ciers des droitz à elle appartenans à cause de ce et leurs
adyÎB sur le tout, pour après y estre ordonné par ma dicte
dame ce qu'elle verra estre à faire par raison.
Des dits jour et an, sur certaine requeste présentée k ma
dicte dame par Girard de la Bussardière, sieur de l'Onnière
et après avoir veu le contenu en icelle et oy sur ce l'advis
des gens de son conseil, icelle requeste a renvoyée aux gens
et ofiiciers de la baronnie de Sonnoys pour eux informer du
contenu de la valleur, commodité ou incommodité et icetle
information avec leurs advis, ensemble ce qu'elle estant
derrenement à la Flèche en fut ordonné féablement, le tout
clos et scellé et après en ordonner ce qu'elle verra estre à
faire, le tout sans retardalion de ses droictz el du procès
mentionné en la dicte requeste, etc.
Des dicts jour et an a esté présenté certaine requeste à ma
dicte dame par Macé Oinget, sommelier de penneterie de
la royne de Navarre, laquelle a esté respondue aînsy que
dessus.
54.
Du 23* jour de janvier 1539, ma dicte dame estant à Paris,
elle a expédié une procuration ad lites sous son seel,
laquelle a esté mise es mains de Mathurin Bizot, recepveur
de Marclienoir.
Plus, du dit jour a esté expédié au dit lieu par ma dicte
dame un oftîce de notaire en la baronnie de la Flèche vaccant
par la mort et trépas de feu Jean Le Teillîer.
Sur certaine requeste présenté à ma dicte dame les dictz
jour et an par I.ouys de Saint-Loup, sei^ent en la forest de
Perseigne, a esté respondue ce que s'ensuit :
Après avoir veu le contenu en la dicte requeste el oy sur
ce l'advis des gens de son conseil, elle a surcis le dict sup-
pliant jusques à trois moya prochainement venant de la
i de 60« tz sur les deniers qui restent à payer des
14
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sommes mentionnées en In dicte requesie, en mandant au
recepveur de Sonnoys de faire joyr de la dicle surcéance,
car ainsy le veut, etc.
Du y jour de febvrier ou dicl an 1538 Isit-i, ma dicte dame
estant à Bessay elle a expédié un mandement à M° Mictiel
Menard, recepveur de Cliûteauref^nauld; par lequel elle luy
ordonne tenir quicte et deschargé Pierre de l'Êstang dict
Pinton, sommelier ordinaire du Roy, de la somme de 15*
13 s. 9 d. tz en quoy il esloil tenu vers ma dicte dnme pour
les lotz et ventes d'un aoquest par luy faict par deux con-
tractz monlans lfl8* 5 s, Iz el ce en la seigneurie du dit
Châteauregnault. de la quelle somme de 15* 13 s. 9 d. tz
ma dite dame a faicl don au dict de l/Estang, sauf le
dixiesme denior que le dicl de L'Kstanfi; a mis en ses mains
pour estre converly en aumosnes. etc.
56.
Sur certaine roquesie présentée à ma dicle dame le der-
nier jour dudit moys de febvrier ou dit an 1538 laie), après
îivoir par elle veu le contenu eu la dicle requesie et oy sur
ce les recepveur, chaslelain et procureur de la Flèche, elle
leur a ordonné et ordonne d'eslargir le dit Simon Nau, mary
de la supplianU-. en se obligeant payer la dicle somme de
'Mit Iz mentionnée en la dicte requesie dans un an et demy
prochain venant commençant les jour et an que dessus, et à
la charge que, si le dicl Simon Nau est trouvé à l'advenir es
boys et forests de ma dite dame, qu'il en soit faict telle jus-
tice qu'il appartiendra par raison. Faictà la Flèche lesdicts
jour et an que dessus.
Du 12' jour du dit moys de janvier ou dict an 1538,
ma dicte dame eslant à Paris a expédié Icctres sous son seel
par lesquelles elle a donné à M" Jacques Lavardin, clerc. la
chappclle Saint-Michel en l'église collégiale M. Saînl-
Georges au chasleau de Vendosme, vaccant par la mort el
trépas de feu M'' Michel Guignobault en son vivant paisible,
pacifique [possesseur] d'icelle, pourdoresenavantdeservirou
faire deservir par luy, eu prendre el percevoir les fruictz,
revenus et émolumens y appartenans aussy à la charge d'y
faire ou faire faire le service accouslumc, etc.
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58.
Du 22' jour du dict moys de janvier ou dict an 1538, ma
dicle dame cslant en la ville de Paris a expédié mandement
k M' Jean Ribotteau, commis à la receple de Montreuil-
beilay, par lequel elle luy ordonne faire provision de boys et
fagotz pour la somme de 100* tz et lequel boys le dict
Ribotteaii fera conduire et meîner ou clinstel du dict Mon-
li-euilbellay, el metire en lieu de seureté pour iceluy boys
subvenir à la despence de ma dicte dame duraut le temps
quelle y sera, etc.
Des dits jour 22* décembre Istc) 1538, ma dicte dame a
expédié leclres soulz son seel en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., el Anthoine, duc de Vendosmoys,pairde
France, comte de Conversan, de Marie el Soissons, vicomte
de Meaux, baron d'Ëspernon. Blou, Brj-on et Auzilly. sei-
gneur de Rodes en Flandres, salut. Sçavoir faisons que
nous confians à plain es sens, sufTisanee, littérature, prud-
liomie, expérience et bonne diligence de nostre cher et bien
amé M' Lomer l.e Conte, licencié es loix, procureur géné-
ral en noslre pays el duché de Vendosmoys, iceluy pour ces
causes et autres à ce nous mouvans el en tant que meslier est
ou scroil, l'avons continué et continuons ou dit estât et office
de procureur général de nostre dict duché aux gages,
droictz, honneurs, proufilz et cmolumens accoustumez et
qui y apparliennenl tant qu'il nous plaira, auquel avons par
ces présentes donné et donnons plain pouvoir, puissance,
authorité et mandement espëcial de nos personnes représen-
ter en jugement, dehors et en touttes et chacunes nos cours
et jurisdictions de nostre dict duché et en touttes autres, par
devant tous juges tant en demandant, comme en delTendant
nos droictz, honneurs, prérogatives, poursuivre, maintenir et
deffendre en touttes et chacunes nos querelles et affaires
meues et à mouvoir et générallemenl et spécialement faire
pour nous entièrement tout ce que ou dict office de procu-
reur général et ordre de pledoyer appartient tout autant que
nous mesme ferions et faire pourions, si présens en nos per-
sonnes y estions, suppozé que le cas requist mandement
plus spécial et si mestier est, substituer procureur un ou
plusieurs en noslre dict duché par tout où il appartiendra,
ayans pareil el semblable pouvoir que dict est et iceluy
substitut ou substitutz révocquer touttes etquantes foys qu'il
verra bon eslre. promectant en bonne foy et parolle de prin-
cesse et prince, soubs l'obligation de tous et cliacuns nos
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— 212 —
biens présens et adveoir, avoir pour aggréable toat ce que
par no3tre diet procureur général sera es choses susdicles,
leurs apparlenances et despendances. faict. procuré, entiè-
rement besongné sans aucunement contrevenir en aucune
manière et payer le juge si meslier est. Et sy donnons en
mandement à nostre amé el féal conseiller e( tmilly de Ven-
dosmoys ou son lieutenant que, pris e( receu du dict Le
Comle le serment en tel cas accoustumé, iceluy souffre et
laisse joyr de par nous du dict estai et ofCce de procureur
général et d'iceluy, ensemble des dicts gages, droictz, pron-
litz, revenus el éniolumens susdicts, le face, souffre etlaisse
joyr et user plaincment et paisiblement, mandons et com-
mandons à tous nos officiers, justiciers et sujets de nostre
dict pays el duché que à luy obt-issent et entendent déli-
gemmenl es choses concernans le dict ollîce. Mandons outre
à nos recepvGurs ordinaires de Vendosme présens et adve-
nir chacun eu sa charge que les dicts gaiges au dict oflice
appartenans ils payent et batllenl par chacun an au dict l.e
Conte aux lermes accoustumé/ et par rapporlant ces pré-
sentes signées de nous sur le premier avis seulement ou
vidimus d'iceik's deuement approuvé, nous voulons les dits
gages ou ce que payé en aura esté par nos dicts recepveurs
estre passez et allouez en mise de leurs comptes par nos
amez el féaulx les auditeurs d'iceux auxquels mandons ainsy
le faire sans aucune diUîcullé. Car tel est nostre plaisir. En
lesmoing do ce, nous avons signé ces présentes de nos
mains, etc. F'aict seeller de nos sceaux. Donné par nous
duchesse à Fontevrault, le 9" jour d'apvril 1539 après
Pasques.
Du 13' jour du dit moys de mars ou dit an 1538, ma dicte
dame a expédié un mandement à M' Pierre l.e Maignan,
chastelain et recepvcur de Sonnoys, par lequel elle luy
ordonne tenir quicte et deachargé Marin de la Fosse-
picqueur de la vennerie de Monseigneur, de la somme de
13* 10 s. en quoy il est tenu et redebvable vers elle à cause
de la terre du Donnoy, et ce pour le terme de Saint-Remy
dernier passé, de la quelle somme elle lui a faict don.
Des dits jour et an, ma dicte dame a pareillement expédié
un mandement nu dit chastelain et recepveur de Sonnoys.
par lequel après avoir esté odvertie par le sieur de Vaujours.
inaistre des eaux et forest de la dicte baronnie, que les ser-
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— 213 —
gents des dictes forests de Sonnnys, n'ont esté payez de leurs
gages depuis un an en ça. pour laquelle raison lors la mou-
vanl, aueey pour ce qu'elle a entendu que bien et deuement
exercent leurs oflices et que ne pouroicnt bonnement leur
entretenir ny faire service en leurs chargea sans estre payez
de leurs dicts estaz, elle mande et ordonne au dict recepveur
que des deniers de sa rcceple leur soit saliafaict de celte
année dernière, si ainsy est qu'elle leur soit deue, et pour
l'advenir pareillement seront payez de leurs dils gages
accouBlumez jusques à ce que autrement par elle en aye esté
ordonné. Donné le 12 mars 1538.
Du 14° jour des dicts moys et an, ma dicle dame estant
ail lieu de la Flèche a expédié leclres soubs sous son seelen
la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous ceux, etc. Sçavoirfaisonsquepour
les bons, continuels et aggréables services à nous faiclz par
nosire cher et bien amé Fstienne Chariot, chastelain et
recepveur de nostre baronnie de Châteaugonlier, Innt ou dit
estât que à l'augmentation du revenu du grenier à sel du dict
Chàtenugontier, à iceluy pour ces causes et autres ad ce
nous mouvans et à ce qu'il aye plus de moyen et alfection à
continuer à nous faire service, avons ordonné et ordonnons
par ces présentes par forme de pention par an la somme de
40» tz, à icelle prendre et retenir par ses mains des deniers
de sa dicte recepteaujour de (blaiicl, tant qu'il nous plaira,
et dont le premier poyment se fera au dict iblanv) et ainsy
dan en an aux termes et jusqu'à nostre bon plaisir et rappel,
Sy donnons en mandement par ces dictes présentes à nos
amez et féaux les auditeurs de nos comptes passer et allouer
dores [en] avant par cbacun an en la despencc des comptes du
dit Chariot la dite somme de 'lO* tz sans en faire aucune
diflîcutlé, car tel est nostre plaisir. Donné, etc.
Du 16' jour du dit moys de mars au dict an 1538, ma dicte
dame a expédié un mandement à Mathurin Bizol par lequel
elle luy ordonne payer à Pierre llardouin des deniers
extraordinaires et non compris en son estât la somme de
84* 3 8. 9 d.
62.
Du 18* Jour des dits moys et an, ma dicte dame a expédié
un mandement au dict Mathurin Bizot par lequel elle luy
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— 214 —
ordonne fournir et délivrer à François Bouchard. controUeur
de sa maison, les deniers procédans du rach.ipt à elle deu et
escheu à cause de sa dite seigneurie de Marchenoir par la
mort et trespas de Iblancj. sieur d'Aniques, par raison des
terres et seigneuries qu'il tenoit d'elle à cause de sa dicte
seigneurie de Marchenoir, duquel racliapt elle a faict don
au dict Bouchard en faveur et considération des services
qu'il luy a par cy devant faictz, faict et continue par chacun
jour et espère qu'il fera par c}' après, sauf du disiesme
denier qu'il sera tenu mectre es mains de ma dicte dame
pour estre converly en ses aumosnes, ainsy quelle a cous-
lume faire, etc.
Des dicts jour et an, ma dicte dame a expédié un mande*
ment à Estienne Chariot, chastelain et recepveur de Châ-
(eaugontier, par lequel elle luy ordonne tenir quitte et
deschargé François Bourré, sieur de Jarzey, du racliapt en
quoy il est tenu vers elle pour raison de la terre cl seigneu-
rie du Couidray, tenue d'elle à cause de la dicte baronnie de
Chat eaugontier, duquel rachapt elle luy a fait don, sauf le
dixicsme denier qu'il a présentement mis en ses mains, etc.
Des dits jour et an, ma dicte dame a expédié un mande-
ment au maistre des eaux et forests de la baronnie de Son-
noys, par lequel elle luy ordonne délivrer à Macé Trahan
trois pieds de cliesne en la forest de l*erseigne, dont elle luy
a faict don.
Des dits jour et an, n esté expédié deux mandemens au
maistre des eaux du vicomte de BeaumonI, par l'un des
quels elle ordonne délivrer à Jean Vaslin. grenclier de Clià-
teaugontier, trois pieds de chesne on la forest de Valle et
par l'autre quatre pîeds de chesne à M' Jacques Guillemin
en la forest de Meslinays, dont elle leur faicl don.
63.
Du 20' jour des dict^ moys et an, ma dicte dame a expédié
mandement au maistre des eaux et forests du vicomte de
Beaumont, par lequel elle luy ordonne merquer et délivrer
aux Cordeliers de la Flèche deux pieds de clicsne dont elle
leur a faict don, à iceux avoir et prendre en la forest de
Meslinays.
Des dicts jour et an, ma dicte dame a expédié autre man-
dement à M' Florimond MarsolHer, chastelain et recepveur
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— 215 —
de la Flèche, par lequel elle luy ordonne tenir quitte et
deschargé M' Gabriel Le Gaigneux, procureur de la dite
baroanie. de ta somme de 21' 13 s. A d- en quoy il estoil
tenu vers ma dicte dame pour raison des ventes à elle
deuee de l'acquest faict par feu Jean Bidault, son beau père,
et Innocent Monys de M" Drouel Klyant. le 20 mars 1537,
de certaine maison, jnrdins cl appartenances assis en la ville
de la Flèche, pour la somme de 250* et de laquelle somme
de 21* 13 s. 4 d. ma dicte dame luy a faict don, sauf du
dixiesme denier quil a présentement mis en ses mains
pour eslpe employée en ses aumosnes ainsy qu'elle a de
cous tu me faire.
64.
Du 21* jour des dicls mois et an. sur certaine rcquestc
présentée a ma dicte dame par Edin Dallou. fermier de
l'année dernière de la posson de la forest de IVrseigne,
après l'advis de son conseil pour aucunes causes à ce la
moHvans. donne au dit Dnllou surccance plaine et délay de
la somme de 20* tz pour le reste de la dicte posson jusqucs
à la Saint -Jean -Baptiste prochainement venant, en mandant
au chastolain et recepveur de la baronnie de Sonnoys faire
jouir le dit Dallou de la dicle siircéance.
Des dicis jour et nn, ma dicte dame a expédié mandement
aux officiers de In dicte baronnie de Sonnoys. parlcquel elle
luy a donné et octroyé, donne et octroyé par le dici mande-
ment à dame Agnès de Hcnly. vcufve de feu Messire
Anthoine Le Vasseur lors de son décès seigneur de Con-
gnée. tant en son nom que comme ayant le bail des enfans
mineurs du dicI deiTuncI et d'elle, souffrance et surcéance,
c'est à sçavoir de luy faire les foy et hommage que tenue
luy est pour la lerre, fief et seigneurie d'Ailler, ses apparte-
nances et despendances, lenue et mouvant de ma dicte dame
à Cctuse de son chastel et seigneurie de Sainl-Remy-du-
Plaîn et baronnie de Sonnois et de bailler ses adveus des
dites terres et seigneuries jusques à ce que le lilz aisné du
dict deffunct et de la diclc daim^ Agnès de Renty soit en
aage. parlant mande et ordonne aux dits otiiciers cl à chacun
d'eux que de sa présente souffrance ils facent, souffrent et
laissent la dicte dame de Congnée es dicls noms, joyr et
user plainement et paisiblement en la forme et manière
dessus dicte et si ladicle terre ou partie d'icelle est ou soit
saisie et mise en la main de ma dicte dame par faulte des
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— 216 —
dictes toy et hommage non faictz et adveuz non bailles, la
mectent ou facent mectre incontinent et sans délay à plaine
délivrance le dicl temps durant. Car tel est son plaisir.
Donné à Montreuibellay les jour et an que dessus.
65.
Du 25' jour du dict moys de mars au dict an 1538, avant
Pasques, ma dicte dame a expédié un mandement à Mathu-
rin Hubert, recepveur ordinaire de Vendosme par le quel
elle luy ordonne fournir el délivrer à Messire I.oys de
Lavardin. chevallier, seigneur de Rennay, conseiller et
chambellan de Monseigneur, les deniers procédans des
ventes à elle deues par len blanci de Nossey, seigneur de
Thorigny, pour raison de l'acquest par luy faict de demoi-
selle Marguerite de Nossey de la terre et seigneurie du
Teillay, tenue et mouvant de ma dicte dame à cause de son
chastel de Vendosme. Des quelles ventes et yssues elle a
faict don au dit seigneur de Hennay en considération des
bons et aggréables services qu'il a par cy devant faictz à feu
Monseigneur, que Dieu absoitle, mesme à Monseigneur fait
et continue chaque jour et espère qu'il fera cy après, sauf
de la somme de 100* tz qu'il sera tenu payer à mon dict
seigneur, qui sont les premières 100* tz qu'il doibl avoir
et prendre sur tous rachaplz et autres droictz seigneuriaux
qui eschéeront en la dicte chastelcnye cxcédans la dicte
somme de 100* par appointement faict par entre madame et
mon dit seigneur, etc.
m.
Du 19' jour de mars 1538, a esté expédié deux mande-
mens de ma dicte dame au recepveur Mathurin Bizol,
recepveur de Marchenoir, par l'un desquels elle luy ordonne
que sur les derniers des possons de tannée dernière que
autres deniers, il ayt à payer à Jacques Royer, vallant sur
son deu, la somme de 80* Iz, et par l'autre fournir aux frais
de la despence qu'il conviendra faire pour un service quelle
a ordonné au controlleur Bouchard faire dire et célébrer à
Vendosme pour l'âme de feu Monseigneur, que Dieu
absoille, et ce par la certification du dict François Bouchard,
controlleur.
Des dits jour et an, ma dicte dame a expédié autre man-
dement a M' Florimond Marsollier à ce qu'il ayt à fournir
aux frais requis et nessessaires esire faictz pour la réfection
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de ]a muraille de la cour du logis de ma dicte dame, par la
certifBcation des officiers de l.a Flèche.
Des dicts Jour et an, a esté expédié deux leclres d'otrice
de notaire de la baronnie de La Flèche, l'une au nom de
(en blanc) en la paroisse de Bousse, ses appartenances et
despendances, vaccant par la mort et trespas de feu Jean
Girouin, et une autre ou nom de Jean Nadreau. en la
paroisse de Saînl-Gcrmain-du-Val. vaccant par le trépas de
feu Jean Le Thiellier ou Teillier.
Des dicts jour et an, ma dicle dame a expédié mandement
au chastelain et reeepveur de Sonnoys M° Pierre Le Mai-
gnan, par lequel elle liiy ordonne subvenir aux frais requis
et nessessaires à estre faictz pour l'exéculion de l'arrest
donné au prolil de ma dicte dame à I encontre des religieux,
abbé et couvent de Perseigne, à la certitiication du sieur de
Chantelou, maître d'hoslel de ma dicte dame, et lequel elle
a ordonné assister à la dicte exécution.
67.
Du 27' jour des dicts moys et an, ma dicte dame a expé-
dié lectres soubs son seel en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous ceux, etc., salut, tlomme pour la
conservation de nos boys et forests de nostre baronnte de
I,a Flèche et des hestes tant rousses que noires nous soit
besoin commecire homme à nous seur et fëable, sçavoir fai-
sons que nous à plain enniians des sens, sullisance, loyauté,
preudhomie et bonne diligence de Martin de Lesguis-
sement, iceluy pour ces causes et autres à ce nous mouvans,
avons commis et commeclons pour doresavent avoir l'œil
et regard, soy donner garde des larcins et abus qui jour-
nellement se font en nos dicts boys et forests de nostre dicle
baronnie et aussy pour donner aide, ronfort et mainforte
aux gardes et sergents de nos dits boys et forests, à ce que
pour le temps advenir elles soient mieux gardées et que
aucuns boys ne soient dérobez, pareillement soy donner
garde que aucuns vautreux, chasseurs, gibboycurs, lonne-
leux ne chassent en nostre dicte baronnie de quelque estât
qu'ils soient sans mandement exprès de nous, et si aucuns
en trouve délinquans tant sur le faict qu'autrement, luy deue-
ment informé incontinent le mecte ou fasse meclre en jus-
lice par devant nos officiers de nostre dicte baronnie pour
par eux en foire telle punition quils verront bon estre par
raison d'équité de justice, et ce tant qu'il nous plaira ; en
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mandant à nos dicts officiers faire souffrir et Isisser joyr
plainemenl et paisiblement le dit de Le^uissement de nosire
dite présente commission, et à luy obéir et entendre de tous
ceux et ainsy qu'il appartiendra es choses touchant et con-
cernant la dicte commission et en ce faisant voulons et
ordonnons que de toutles les amendes et forfaiclures qui
pouronl venir à nostre recepte à l'occasion de la bonne dili-
gence que en pourra faire le dit de Leguissement luv en snit
baillé et délivré doresenavnnl par chacun an la somme de
15* tî! par noalre chaslelnin et reccpveur de nosire dicte
baronnie, en faisant préalablement roceple par nostre dict
recepveur du lotnl des dictes amendes et forfaiclures, El
par rapportant ces présentes signées de nostre mnin ou
vidimus d'icelles pour une foys seulement avec quitance du
dict Leguissemcnt, nous voulons la dicte somme de 15* ix
ou ce que payé ou baillé en aura csié en la cause dicle, esire
passé et alloué en la despencc de ses comples par nos
amcz cl féaux les auditeurs diceux auxquels mandons, clc.
Donné en nosire cbaslol de Monireuibellay les jour et an
que dessus.
Dn 18* jour d'apvril 1530 après Pasques, ma dicte dame
estant à Poictiers a expédié un mandement b M° (îermain
Le Mtiçon, Ihrésoricr et recepveur général de ses finances,
par lequel elle luy ordonne que des jtremiers el plus clers
deniers qu'il a à recouvrer pour elle k cause de sa charge
durant cette présente année commencée le premier jour de
janvier dernier passé, mesme de ceux <)ui esciiéoront au
dernier jour de juin et décembre prociiainement venans. il
paye diceux deniers et baille comptant à messire Yérêmye
de Beaquis, gentilhomme milanois, au nom et comme procu-
reur de Madame la marquise de Moniferrat, la somme de
4775* tz, assavoir 21*87* 10 s. tz dedans le 15' jour d'aousl
prochain venant et pareille somme de 2387* 10 s. Iz
dedans le 15" jour de febvrier après ensuivant et aussy pro-
chainement venant, faisant le reste de la somme de
5000* t!î en laquelle ma dicle dame a esté condemnée pour
le reste et pnrfaict de la somme de 80000* Ik en quoy
dclTunct monseigneur. (|uc Dieu absnille. et elle esloient
tenus vers ma dicte dame la Marquise par partage faict
du vicomte de Beaumont el baronnie de .Sonnoys et outre
ordonné payer au dict de Beaquis la somme de 225* qu'elle
luy a donné par la dicte ordonnance pour les despens qu'il
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peut avoir faits vers ma dicte dame pour l'exécution du dict
arrest, etc.
Du 22' jour de may 1539, a esié expédié leclres de ma
dicle dame en la forme qui s'ensuit :
Nous Françoise, duchesse de Vendosmoys, etc. A tous
ceux qui ces présenles lectres verront, salul, Sçavoir fai-
sons que nous avons faict et par ces présentes faisons ces-
sion et transport à M" Jean Ribotteau à ce présent et acceptant
de lacouppe, tonture et dépouille de 448 quartrons de boys
de taillys, à iceux prendre en la vente ordinaire de cette
présente année des boys taillys de Bngnon et Brossay des-
pendans de nnslre baronnie de Montreuilbellay, sçavoir est
es boys du dict Brignon 348 quartrons et ou dict boys de
Brossay 100 quartrons, ensemble une portion de taillys
assis près le dict Brossay, appelle le boys de la Levée, con-
tenant environ ()6 quatrons. par les merqucs, mesures et
arpentages qui en seront faictz par nos officiers des dicts
boys ou autres qui ad ce seront par nous commis el députez,
pour en faire par le diot Ribotteau son profit ainsy qu'il
verra estre à faire et lequel sera tenu faire coupperel oster
le dict boys dedans la tin d'apvril prochain venant à peine
de tous dommages et intêrests et de confiscation du dict
bois. Et outre par ces présentes avons faict et faisons vente
et transport au dict Ribotteau de l'Iierbe et (onture de cette
Çrésenle année de nos prcz de nostre dicte baronnie de
lonireuilbellay. ainsy que l'année passée luy furent baillez,
ensemble ceux de nostre seigneurie de Genncs, le tout
moyennant le prix el somme de 1500* tz el outre luy avons
pour celte présente année seulement baillé, cédé et trans-
porté les fruiclz et revenus des quarts des vins accousiumez
et à nous appartenans en nostre dicte baronnie de Mon-
treuilbellay, moyennant la somme de 160* Iz, en ce non
compris aucunement les fruitz et revenus de nos vignes
d'icelle baronnie que avons expressémenl retenus cl réser-
vez, et les quelles sommes de l'iOO* Iz et 160* U pour
les causes dessus dictes, le dit Ribotteau sera tenu payer à
nous ou nostre tbrésorier et recepvcur général, promeclant
par ces dictes présentes signées de noslre main et seellées
de nostre seel garantir au dict Ribotteau les dictes ventes el
ad ce nous sommes soubmise et hypotbec^uée et obligée,
nous et nos successeurs avec tous et chacuns nos biens
meubles et immeubles, présens et advenir. En mandant par
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— 220 —
ces présentes à tous nos officiers, justiciers et sujets, faire
et laisser joyr le dict Ribotteau de nos dictes vent«6, cession
et transport, sans en ce luy faire ou souffrir estrc faict
aucun trouble ou empescKement. En tesmoing de ce, etc.
70.
Du iS' j'rmp de juin ou dit an 1539, a est»; expédié autres
lectres de ma dicte dame en la forme que s'ensuit :
Françoise, duchesse, etc. A tous ceux qui ces présentes
lectres verront, salut. Sçavoir faisons que nostre bien amé
François de Champelais, escuyer, seigneur de Coupcelles et
de la Rej'iielière, nous a ce jour dhuy en personne faict et
juré foy et hommage simple telle qu'il nous doibt et a con-
fessé nous debvoir au regard de nostre baronnie, terre et
seigneurie de Sainte-Suzanne, k cause et pour raison du dit
heu, fief et seigneurie, appartenances et despendaoces de la
Reynelière et nous en a le dict de Champlais faict cognois-
sance de service ancien et accoustumé et promis le nous
continuer à ladvenir avec les services de (idélilé en tel cas
requis et accousiumez. Auquel hommage faire et jurer nous
avons receu le dict de Champlays, sauf nostre droict et
l'autruy en touttes choses, et nous a promis bailler son
adveu dedans temps de coustume. En mandant à nos bailly,
procureur, chastelain et recepveur de nostre dicte baronnie
de Sainte-Suzanne pour raison du dict hommage par nous
receu, ne faire ny donner au dict de Champlays aucun
empeschement et l'en tenir descharge. (lar tel est nostre
plaisir, etc.
71.
Du 26" jour des dits moys et an, a esté expédié au lieu de
la Flèche autres lectres de ma dicte dame en la forme qui
s'ensuit :
Françoise, duchesse, etc. A tous ceux, etc. , salut. Sçavoir
faisons que ce jourd'huy, dacte de ces présentes, avons
baillé et par ces présentes baillons à titre de ferme et non
autrement à M' Octavien l.c Camus nos greffes tant crimi-
nels que civils, tant de l'ordinaire que de l'extraordinaire, de
nostre terre et seigneurie de CliAteaugontier pour six
années entières et consécutives et suivant l'une l'autre à
commencer la dite ferme du premier jour de janvier pro-
chain venant et finissant à pareil jour, iccluy jour includ
que l'on dira 1545, sans es dicls grelTes dessuà dicis et spé-
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— 221 —
ciiiez riens y retenir ny réserver par nous en aucune manière
durant la dict« ferme de six années ; pour en joyr par le dict
Le Camus durant le dict temps de sa dicte ferme luy, ses
hoirs et ayans cause aux droicLz, honneurs, profltz, reve-
nus et émolumens accoustumez, à la charge que à la fin de
la dicte ferme le dict Le Camus sera et demeurera tenu
nous rendre à nostre dicte seigneurie de Chàteaugontier les
remenbrances, papiers, regestres et autres titres, minutes
et enseignemens qu'il aura et poura avoir eu durant sa dicte
ferme consernans le faicl de nostre seigneurie de Château-
gontier et aussy qu'il sera tenu faire tous les exploicti tou-
chans et concernans le faict de nostre dicte seigneurie sans
pour ce en prendre ny demander aucune somme de deniers.
Et est faict ce présent nostre bail à ferme pour en payer par
chacune des dites six années par le dict Octavien Le Camus
la somme de 50* tz, qui est en somme 300* tz que le dict
Octavien Le Camus a payée et baillée comptant à nostre
amé et féal conseiller thrësorîer et recepveur général de nos
finances M° Germain Le Maçon par son récépissé, de
la quelle somme de 300* Iz pour la dicte ferme des dictes
six années en quictons le dict Le Camus et tous autres qu'il
appartiendra, proroectant en foy et paroUe de princesse et
souhs l'obligation de tous et chacuns nos biens et de nos
hoirs présens et advenir garantir et defTendre au dict Le
Camus luy, ses hoirs et ayans cause, la dicte ferme de six
années dessus déclarée durant le temps d'icelle et de tous
empeschemens quelsconques. Si donnons en mandement
par ces mesmes présentes au bailly du dit lieu de Cli&teau-
gontier que, pris et receu du dict Le Camus le serment en
tel cas accoustumé, iceluy mette en la Jouissance de la dicte
ferme de par nous et comme dict est dessus et l'en face,
souiTre et laisse joyr durant les dictes six années plainement
et paisiblement, ensemble des dicls droictz, proufitz, reve-
nus et émolumens accoustumez et à luy obéir et entendre
de tous ceux et ainsy qu'il appartiendra es choses concer-
nantes sa dicte ferme de greffier criminel et civil durant les
dictes années. Car tel est noslre plaisir, etc.
72.
Du 22° jour de juillet au dit an 1539, ma dicte dame
estant au dict lieu de la F'Ièche a expédié lectres souhs son
seing et seel en la forme qui s'ensuit :
Françoise, duchesse, etc. A nostre amé et féal le bailly de
Cany Canyel, salut. Au moyen du bon rapport et donné à
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entendre que faict nous a esté que combien que de droit et
par les ordonnances royaux il soit dit et ordonné que es
appointemens, jugemens et condemnations qui se donnent
en justice par les juges ayana estalz de judicature ils doivent
avoir avec eux leurs greHiers ordinaires ou leurs commis
pour faire bons et loyaux regeslres des appointemens. juge-
mens et condemnations qui seront par eux faicts et donnez
tant pour cour que pour parties, a ce que sur iceux reges-
tres l'on y puisse avoir recours pour l'intérest de cour et de
partie, aussy que tnuttes les informations, procès etenquestes
criminelles qui se font journellement es cours et jurisdicUons
de ce royaume doivent esLre mis, laissez et demeurez vers
et entre les mains des greffiers des dictes cours respective-
ment qui en doibvent répondre à cour et à partie quand ils
en sont semonds et requis ; à semblable que des gaigemens
et condemnations d'amendes se doivent faire regestres et
remembrances de greife à ce que sur iceux regestres il soit
procédé à la taxe d'icelles amendes : néantmoins vos lieule-
nans cessent et font défault garder et observer les dictes
ordonnances royaux et mesmement se advancent aller aux
champs exercer justice hors les sièges ordinaires de nostre
jurisdiction sans avoir le greffier ne son commis et après
avoir faict ha informations et procès des causes et matières
criminelles espécialement, ils procèdent en nostre absence,
retiennent par devers eux les dictes informations et procès de
causes et matières sans les mecire ne laisser au greffe ne oyr
sur ce nostre procureur et outre procèdent ad ce faire sans
avoir nostre greffier de nostre seigneurie ne son commis et
sans faire faire autres actes ne regestres en sa remembrance
des exploicts, procédures et expéditions qui se font devant
eux es dictes matières, en manière que telles matières sont par
eux recelées et cachées et d'icelles disposent à leur plaisir
sans ce que nostre procureur ne autres nos officiers en ayent
aucune cognoissance pour en faire suicte pour l'intérest de
justice et des parties offencées el en sont par ce moyen nos
droictz frustrez par leur faict et coulpe, ce que n'avons
nggréable et ne voulons à l'advenir tollérer ne souffrir estre
par eus faict en nostre dicte justice et seigneurie de Cany et
Canyel, ains le réprimer à nostre pouvoir ; à ceste cause
nous par ces présentes vous mandons leur faire inhibitions
et delfences et à chacun d'iceux de non tenir et exercer jus-
lice hors le lieu de nostre ville de Cany et Canyel, Canville
et Doudeville à jour ordinaire et de non faire, donner, pro-
noncer ne juger par sentence, diclum, expédition ou appoin-
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tentent aucuns actes ou appointemens, jugements, enquestes,
informations, expédition!! ou procès soit en matière civille,
criminelle ou réelle vers cour ou vers partie sans avoir nostre
gretlier de nostre baillitige ou nostre commis, en nostre
justice et seigneurie de Cany et Canyel, pour du tout faire
bons et loyaux regestres selon les dictes ordonnances de ce
que en sera par eux dicl, jugé, sententié et appointé ; à ce
que sur iceux regestres et remembranccs les parliesen puis-
sent autant recouvrir et procéder à faire la taxe des amendes
qui par vous et chacun de vous seront jugées, nos procu-
reurs et recepvcurs présens et appelez, et enjoignons à vos
lieutenans de mectre vers le greffier de nostre diot bailliage,
huictaine après la siguilicalion de <'es présentes, louttes les
informations, procès, accusations que vous avez et retenez
par devers vous en nostre justice et seigneurie susdicte ; à
ce que le tout communiqué à nostre dict procureur, il y soit
par vous bailly le tout veu, donné telle provision pour le
deu de justice que verrez estre à faire par raison et que sur
ce n'ayez à faire le contraire, car tel est nostre plaisir, sur
peine de privation des estalz et oftîces de vos dicts lieute-
nans que vous ordonnons et commandons faire ot enjoignons
à nos dicts procureur et greffier que selon le deu de leurs
otlices ils ayent chacun en son regard à y faire leur debvuir
et acquicl et à ce qu'ils n'nyent à en prétendre cause d'igno-
reuce nous ordonnons ces pi-ésentes estre à eux signitîées et
montrées et estre regestrées au grelTe de vostre bailliage
pour le tout faici estre renvoyé vers nous avec actes soubs
□os seings de lu signiticatioii et regestreure de <'es présentes
pour par après, en delTault de faire et accomplir ce que dict
est. y pourvoir au surplus par telle voye que verrons estre
à faire par raison. En tesmoin de ce, etc.
73.
Du 18" jourdes dicts moys et an.madicte dame estant au dict
lieu de la Flèche, a expédié lectres en la forme qui s'ensuit :
Françoise, duchesse de Vendosmoys, etc. A tous ceux qui
ces présentes lectres verront, salut. Sçavoir faisons que
pour le bon rapport que faict nous a esté de la personne de
noslre cher et bien amé Estienne I.e Page, demeurant à la
Flèche, huissier de nostre chambre, et de ses sens, suffi-
sance, loyauté, prudhomie, expérience et bonne diligence, à
iceluy pour ces causes et autres ad ce nous mouvans, avons
donné et octroyé, donnons et octroyons par ces présentes
l'office ou offices de chastelain, recepveur et enquesteur
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— 224 —
ordinaire de noslre baronnie, terre el seigneurie de la
Flèche que souloit tenir et exercer par cy devant M' Flori-
mond Marsoltier, dernier et paisible possesseur d'iceluy,
vaccant à présent par la pure et simple résignation que ce
jourd'lmy en a faîcte en nos mains le dict Marsollier et
aussy moyennant la somme de 100 écus d'or soleil vallans
225' tz que luy avons faict payer comptant par nostre amé et
féal conseiller thrésorier recepveur général de nos finances,
M' Germain Le Maçon, pour le dict oflîce ou ollices enjouir
aux bonneurs. droiclz, prérogatives, etc.
74.
Du 19* Jour du moys de septembre au dict an 1539, ma
dicte dame estant au dict lieu de la Flèche a expédié lectres
soubs son seing el seel en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc. A nostre chaslelain recepveur de nostre
baronnie de la Flèche présent el advenir. Nous vous man-
dons et ordonnons que de tous et cliacuns les racliapts.
proulitz de tief et ventes qui doresenadvant eschéeront et
nous seront deubs k cause de nostre dicte baronnie, vous
ayez à payer, bailler et délivrer aux Cordeliers du couvent
M. Saint François de nostre ville de la Flèche, le dixiesme
denier de tous et chacuns les dicts rachaplz, proulitz de fief
et ventes qui nous sont et ponront par cy après estre deubs,
duquel dixiesme denier nous avons fait el faisons par ces
présentes don et aumosne auxdits Cordeliers, noatre vie
durant seulement, pour les ayder à vivre, aussy ad ce qu'ils
soient plus enclins à prier Dieu pour l'àme de feu nostre
très cher seigneur el espoux Monseigneur le duc de Ven-
dosmoys que Dieu absoille, ensemble pour nostre prospé-
rité et santé, et en rapportant par vous ces dites présentes
signées de nostre main ou vidimus d'icelle deuement colla-
tioné h l'original pour une foys seulement avec recognois-
sance des dits Cordeliers d'avoir joy de nostre présent don
pour tant de foys que besoin sera el faisant par vous entière
recejtte des sommes à quoy se poura monter le dict dixiesme
denier, nous voulons iceluy ou ce que payé et baillé en aura
esté, estre passé et alloué en la deepence de vos comptes
par nos amez et féaulx les anditeurs d'iceux auxquels man-
dons ainsy le faire, etc.
Du 1" jour d'octobre ou dict an 1539, a esté expédié
mandement de ma dicte dame à M" Michel Ménard, recep-
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— 225 —
veur de la terre et seigneurie de Château regnault, par
lequel elle liiy ordonne tpnir quicte et deschargé M° Jean de
la Cliesnaye, notaire et secrétaire de Monseigneur le Roy,
et Françoise Mallet, sa femme, de la somme de 100* tz
en quoy ils estoienl tenus vers ma dicte dame pour les
droictz seigneuriaux, ventes, proufitz de tief à elle acquis à
cause de sa baronnie de Châteauregnault. pour raison de
l'acquisition par eux faicte de Marin Le Jeune, escuyer,
sieur de Follet, par contract passé soubs le seel royal du
Chastetet de Paris le 13' Jour de janvier dernier passé, par
Du Pré et de Fontenay, notaires, de certaines partz et por-
tions de la terre et seigneurie de Morin, ses appartenances
et despendances en tant et pour tant qu'il en y a tenu de la
dite baronnie et en ce non compris les droictz et proufitz
de fief qui seroient deus à autres. De laquelle somme de
100* tz, pour la cause dessus dite et certaines bonnes et
justes causes, àfaicletfaictdonauxdictsdelaChesnayeetsa
femme, avec réservation touttesfoys du dixiesme denier de la
dicte somme de 100* tz que la dicte Mallet a présentement
mis es mains de ma dicte dame pour estre converty et
employé en ses aumosnes, ainsy qu'elle a de couslume faire,
le tout à la charge que les dicls de la Chesnaye et sa dicte
femme seront tenus exhiber les lectres et contractz de la
dicte acquisition et autres précédens par devant le bailly du
dict Chftteauregnault ou son lieutenant pour estre regestrez
es remambrances en ensuivant l'ordonnance par elle sur ce
faicte et sans préjudice d'autres droictz, debvoirs et proufitz
de fief s'aucuns luy en estoient pour ce deubs ou à son
très cher et très amé nepveu le duc de Longueville, sei-
gneur propriétaire de la dicte baronnie, et par rapportant
ces dites présentes avec regestre et acte de la dicte exhibi-
tion faisant par le dict recepveur recepte d'icelle somme de
100* tz pour la cause susdicte avecques recognoissance
des dicta de la Chesnaye et se femme d'avoir joy de nostre
présent don, elle veut icelle somme de 100* tz estre des-
duitte, etc. En mandant outre aux dits bailly ou son dit
lieutenant que si, pour raison des dictes ventes ou proufitz
de fief ainsy à elle deus et acquis, les dictes choses estoient
saisyes, prises et mises en sa main, iceluy, après la dicte
exhibition faicte quand ad ce, mectent à deslivrance aux
dicts de la Chesnaye et sa femme en payant les frais de
Justice s'aucuns y a. Donné, etc.
IS
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76.
Du 14' jour des dicts moys et an, ma dicte dame a escript
et eipédié mandement au bailly, advocat, procureur, chas-
telain et recepveur de la baronnie de Châteaugontier par
lequel oprès avoir oy le rapport du dict chastelain sur la
réparation nesseasaire des ponts du dict lieu cy devant
encomniencez estre refaicts de pierre dont partie depuis
aucun temps est tumbé en niisne par fortune et ionoudatioa,
et veu sur ce l'advis d'aucuns maçons et cherpentiers, elle
ordonne que pour le présent et en attendant la totalle réfec-
tion du dict pont et ad ce que ce pendant n'y advienne
aucun inconvénieni, la réparation de bois déclarée par
l'advis des dicts maçons estre faicle, leur enjoignant très
expressément que au plus tost et le plus commodément que
faire ce poura et en leurs consciences ils ayent à faire faire
la dicte réparation de bois et pour le bois ad ce requis et
nessessaire a par autre mandement ordonné à son maistre
des eaux et forests le marquer et délivrer, parlant mande et
ordonne au dit chastelain et recepveur fournir aux frais des
cberpentiers et autres ouvriers qui besongneront à la dicte
réparation jusques à la somme de 180* tz et au dessoubs,
le tout par l'advis et certiiicatîon des dicts bailly, advocat,
procureur et greflier et aussy sans diminution des deniers
de vostre estât de cette présente année et en rapportant par
le dict chastelain, etc.
Des dicts jour et an a esté expédié mandement au maistre
des eaux et forests du vicomte de Beaumont ou son lieute-
nant, par lequel elle leur ordonne que pour In réparation
par elle ce jourd'huy ordonnée estre faicte es ponts de sa
ville de Châlcaugontier et jusques ad ce qu'elle y ayt plus
amplement pourveu et ordonné ils ayent k bailler et déli-
vrer jusques au nombre de 35 pieds de chcsnes ou chastei-
gners pris èa boys de la baronnie de Ch&leaugontier par
l'advis des oHiciers du dicl lieu et autres gens ad ce cognois-
sans. Et en rapportant, etc.
(A suivre).
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UNE ARRESTATION EN 1791'
A la lin de juin 179L, une véritable Jacquerie ravageait
le département de la Mayenne, et les campagnes voyaient
flamber, çà et la, les châteaux. Le 26, on vint annoncer
à Craon que la Maison-de-Cuillé était en flammes. La
municipalité expédia la garde nationale et un détache-
ment du 10' régiment de cavalerie, ci-devant Royal-
Cravatte, pour arrêter, s'il en était temps encore, le
pdlage et les progrès de l'incendie. Vers neuf heures et
demie du soir, les troupes revenaient de Cuillé, où ne
restaient que des décombres fumants, en poussant
devant elles trois ou quatre des malfaiteurs. Tout à coup
l'avant-garde découvre au loin quelque chose sur la
route ; on s'avance prudemment : c'est une berline arrê-
tée, et dont on dételle tes bœufs pour tes remplacer par
des chevaux de trait, sous la surveillance d'un cavalier
a vêtu en jokai », qui a soigneusement rabattu son cha-
peau sur son visage.
Jamet, procureur de la commune de Craon, fait cerner
le véhicule par ses soldats, s'approche de la portière,
l'ouvre, interpelle les voyageurs, un homme et deux
femmes.
Ils se nomment : marquis et marquise de Lantivy de
la Lande, en route pour Paris avec leur fils et leurs gens,
1, Vojei : Archives Datlonalos, D XXIX, g; — Abbé Angot, Diction-
naire hittOTiqw de la Mayenne. Laval, 1901. Article lantivy; —
notice généalogiqut :)ur la famille de Lantivy. Vitré, 1SS1 ; — De la
Cbeanaje-Desbols et Badler, Dictionnaire de la noblesse, Paris, 18G7,
t. XI ; — Bodard de la Jacoplère, Chroniques craonnaises. Le Macs,
1889 et 1871 ; — Courtaui et de Laotivy de Trédlon, le» J/oisons de lau-
tivy, de l'Eitourbeillon... Parti, 1899.
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— 228 —
comme en font loi leurs passeports signés du maire de
Niatles. Mais Jamet est un homme soupçonneux : qu'est-
ce qu'un ci-devant marquis, sinon un aristocrate et un
contre -révolutionnaire ? Et pourquoi rôde-t-il à cette
heure par les chemins, si ce n'est pour émigrer? Qu'on
fouille ces gens-là ! Et pendant que les gardes ins-
pectent les prisonniers et ouvrent les malles, Jamet dé-
montre que le château de la Lande était le siège de
conciliabules contre « notre sainte Constitution », un
rendez-vous de nobles, ayant des intelligences avec
d'Autichamp, l'auxiliaire de Condé, et de préli-es inser-
mentés qui entretenaient les ouailles « dans te chimérique
espoir d'une contrerévolution », Plus de doute! Voici
sur l'un des voyageurs une liasse de lettres peu enthou-
siastes pour l'état actuel des choses, donc ils conspirent ;
et voilà dans leurs bagages de l'or et de l'argent, donc
ils font sortir le numéraire du royaume, crime pi-évu et
puni par les décrets de l'Assemblée nationale. En prison !
Et la patrouille emmène les nocturnes voyageurs, malgré
leurs protestations, et les incarcère à Craon.
Messire André-Louis ', chevalier, comte de Lantivy,
seigneur de la Lande, Niafles, Bouchamps, l'Isle-Tizon,
Bouche-d'Uzure, l'Epinay, Baranton, Champiré et autres
lieux, était alors un vieillard de soixante-dix ans, presque
aveugle, perclus des rhumatismes qu'il avait gagnés dans
ses campagnes de Bavière et de Bohême, et beaucoup
moins ingambe qu'aux beaux jours de 1738 où il portait
l'élégant costume de page du roi eu la grande écurie.
Fringant officier au régiment de Fouquet-Cavalerie, il
épousa, par contrat du il février 1749, la nièce de
M. l'évoque de Valence, Henriette de Milon ; elle mourut
en juillet 1752. Le marquis se remaria le 1" février 1754,
1. n était ais de Louis- (terre Jacques de LantiTy. qui épouw en 1716
Louise LoDKlola, flUe de Jacques Langlols. maître à la Chambra des
Comptes de Bretagne. Les Lantivy de la Laude s'étalent établis dans le
CraonnaU au début du xvi" siècle. — Armes : De gueules à l'épie d'aï-
gettt potée en pal. — Devise : (/ut d^:itre n'a repo». — Support : deux
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avec demoiselle Charlotte-Hyacinthe-Claudine-Josèphe
de Montecler, fille de François- Joseph, chevalier, marquis
de Montecler, seigneur de Saint-Christophe-du-Luat,
Châtres, Saint- Léger-en-Charnie, et de Hyacinthe de
Menon de Turbilly, marquise de la Rongère, baronne
de Villiers-Charlemagne. Du premier Ut naquit, le
1.3 août 1750, une fille, Marie-Innocente-Jeanne-Marie '.
Du second lit naquirent ; 1** Louis- André-Charles, qui
vit ie jour le 18 février 1760 et reçut le supplément des
cérémonies du baptême en l'église de Niafles; 2" Louis-
Georges-Maurice, reçu le 7 novembre 1763 chevalier de
Malte de minorité, et le 17 avril 1778 garde de la marine;
3' Louise-Charlotte-Juiie ; 4" Louise- Hyacinthe.
Au moment de la Révolution, le marquis et la marquise
vivaient en leur château de la Lande, en la paroisse de
Niafles. Pendant ce temps, leur aîné, Louis-André, che-
valier, comte de Lantivy, seigneur de l'Isle-Tizon, la
Lande, Baranton, Champiré, l'Epinay, la Guittonnière,
Niafles, Faouiidic, Bouche -d'Uzure, Kermaïnguy et
autres lieux, soutenait le nom de sa famille à l'armée :
des lettres du 31 janvier 1774 l'avaient nommé lieute-
nant au régiment des dragons de Montecler (plus tai'd
dragons de Monsieur), dont son oncle, le chevalier Henri-
François de Montecler, était mestre de camp; mais il
fallait aussi faire figure n la Cour. En janvier 1789, il
fit ses preuves de noblesse au cabinet des ordres du roi
pour être admis à suivre les chasses et à monter dans
les carrosses de Sa Majesté. La Révolution, qui éclata,
le dispensa d'en fournir d'autres et lui épargna les
rigueurs de l'étiquette.
Le vieux marquis n'accueillit pas avec beaucoup de
sympathie les réformes de l'.Assemblée nationale ; pour-
tant il donna son obole à la ville de Craon quand il s'agît
d'en équiper la garde nationale, et tAcha de soulager la
misère que la disette rendait grande. 11 prêta 1.500 # à
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— 230 —
la municipalité craonnaiae pour ses approvisionnemeats
de grains. Mais les désordres qui éclatèrent dans le
Maine, le brigandage qui ravagea les châteaux sous
prétexte de découvrir les blés accaparés et de détruire
les titres féodaux, le désabusèrent. Il Be fècha tout rouge
quand, le 19 juin 1790, un décret de l'Assemblée consti-
tuante abolit la noblesse héréditaire et les insignes nobi-
liaires. Une fâcheuse cataracte obscurcissant sa vue, il
fit écrire par la marquise une lettre indignée, adhérant à
la protestation de la noblesse de France, et qui fut
publiée dans la Gazette de Paris du 21 juin 1791.
Voici en quels termes s'exprima cette mère, « bien
digne de ce titre sacré » : « L'un de ses fils, maintenant
à Malte, apprend à l'école des Héros comme on combat
les infidèles ; comment ne protesterait-il pas contre nos
mandataires? Un père eût signé pour ses enfans, mais
il est privé de la clarté des cieux, il ne lui reste plus
pour guide et pour interprète qu'une mère dont le cœur
est un des chefs-d'œuvre de la nature et le sanctuaire
de l'honneur ; ce sont quatre protestations en une : mère,
époux, enfans, n'ont qu'une même âme. Leur nom est
Montecler de Lantivy. En apprenant que son vœu est
public, le père regrettera moins de ne plus voir le jour.
Je l'ai donné, dira-t-il, à deux fila dignes de protester
avec les chevaliers françois ; c'est assez pour mon
bonheur. »
L'année 1791 s'avançait, les circonstances s'aggra-
vaient. Le refus du serment constitutionnel par le clergé,
l'installation des prêtres jureurs, des protestations par-
fois violentes contre les intrus agitaient les campagnes.
Le château de ta Lande et ceux des environs donnèrent
asile aux ecclésiastiques dépossédés ; ceux des nobles
qui n'avaient pas émigré vivaient dans te regret du
passé, la terreur du présent. In crainte de l'avenir,
escomptant, en dépit de tout, une intervention efficace
des émigrés et des puissances. D'un manoir a l'autre, et
des villes aux manoirs, les courriers ou la poste colpor-
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— 231 —
tent les lettres, L'Assemblée nationale a supprimé les
armoiries, et les armoiries, narguant ses décrets, tim-
brent le cachet des billets adressés à la Lande. De
Vitré, d'Angers, les correspondants de la marquise
signalent les faits divers, exhalent leurs rancunes, leurs
alarmes, leurs espoirs; depuis la cataracte du marquis,
c'est la marquise qui reçoit et lit les missives, y répond,
ou avise ses voisins des fraîches nouvelles. Elles ne
sont pas gaies, les nouvelles : disettes, ravages des
émeutes, nobles ruinés, prêtres sans asile, bruits de
guerre civile et étrangère. Tout à coup l'incendie se
rallume dans la Mayenne. Une lettre épouvantée, la
dernière, un fragment écrit en toute hi\te sur un mauvais
papier, arrive chez le marquis. Le» mnnoirs de Cuillé,
Martigné, brillent ; la Lande même, et les chAteaux voi-
sins, sont menacés des flammes. Demain, cette nuit peut-
être, les vieux toits de la Lande flamberont. La famille .'-e
rassemble, elTarée, tient conseil. H faut fuir : à Angers '.'
l'Anjou est aussi troublé que le Maine ; à Paris, plutôt.
On sera plus en sûreté dans les murs de l'hAtel de
Montecler, rue du Cherche-Midi. D'ailleurs M. de Lan-
tîvy trouvera dans la capitale l'occasion, toujours retar-
dée, de faire opérer sa cataracte. La marquise fait
demander au maire de Craon par M. de la Jacopière des
passeports pour Paris; on les refuse sous prétexte que
la délivrance de ces pièces appartient au maire de la
commune de Niatles, dont dépend la Lande. Le maire
de Niafles acquiesce, signe les papiers, la berline sort
des écuries, les malles, bâclées, sont hissées. On ne
partira qu'à la nuit; deux bœufs traineront le véhicule
dans les chemins creux jusqu'à !a grand'route où on
attellera les chevaux. Aux dernières lueurs du couchant,
disant adieu à la Lande, la caravane s'ébranle et cahote
une lieue et demie dans les ornières pour aller se faire
arrêter par la patrouille de Craon.
Il était onze heures du soir quand Jamet amena sa
prise à la municipalité de Craon. Les autorités, préve-
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— 232 —
nues, accoururent, tout heureuses qu'on eût mis la main
sur de dangereux perturbateurs, un peu surprises ensuite
de voir que ces redoutables conspirateurs étaient un
septuagénaire aveugle et une vieille dame. Cependant
les soldats fouillèrent les fugitifs, sans leur ménager
les propos narquois ou menaçants ; c'est que les flancs
de la berline et les poches du marquis recèlent une for-
tune. Des couverts d'argent, une cassette de bijoux,
780 louis, quatre sacs d'argent de 600, 924, 543 et 450
livres ; 336 livres dans d'autres boites, de riches vête-
ments, des dentelles, viennent s'amonceler sur la table
sous les yeux avides des gardes nationaux qui chucho-
tent. Voilà pourquoi le numéraire est si rare, accaparé,
caché et transporté hors du royaume; voilà pourquoi le
louis d'or enchérit de 3 et 4 livres pièce. A quatre heures
du matin seulement ces premières formalités prirent lin
et les prisonniers purent se reposer. Pour leur éviter la
maison d'arrêt, le chirurgien Juhel Dupaty leur offrit
son logis où ils furent incarcérés sous sa responsabilité \
Le 2 juillet, les officiers municipaux de Craon faisaient
part de leur zèle à l'Assemblée nationale : « Augustes
représentans, écrivait l'un d'eux, tandis que vous donnez
vos ordres pour la sûreté de l'empire avec le calme qu'il
(sic) convient aux législateurs d'une grande nation,
nous voilions aux devant des brigands qui vouloient
incendier les châteaux des ci-devant seigneurs pour les
forcer, nos armes d'une main et vos augustes décrets de
l'autre, de respecter les propriétés et les personnes '. »
Malheureusement, ils arrêtaient les volés en même temps
que les voleurs.
Quelques jours après, le citoyen Jacques-René Chas-
sebœuf,juge au tribunal du district de Craon, commença
les interrogatoires ; il questionna le marquis que la cécité
empêcha de signer sa déposition, puis la marquise, puis
le jeune comte, enfin les laquais, Julien Houdmon,
1. ArctaivM QStlODilM, D XXIX, 75 87, 8.
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— 233 —
Mathieu Hunault dit la France, et la chambrière, Anne
Aillery, femme Chaillot. Toutes les réponses concor-
dèrent; les suspects ne firent aucune difRcuIté d'avouer
qu'effrayés des dangers qui menaçaient leur demeure,
ils avaient résolu de mettre en sûreté leurs personnes
et leurs objets les plus précieux; ils protestèrent qu'ils
n'avaient aucunement l'intention d'émigrer, mais seule-
ment de gagner Paris ; d'ailleurs, l'état des yeux de
M. de Lantivy exigeait une consultation sérieuse et une
opération pratiquée par les spécialistes de la capitale.
Les ressources qu'ils emportaient en argent et en elTets,
suflisantes pour vivre à Paris selon leur rang, étaient
trop faibles pour un départ à l'étranger; enfin il n'y avait
point de loi qui interdit à un citoyen français de voyager
quand bon lui semble et de quitter la campagne pour la
grande ville.
Chassebœuf n'avait entamé cette instruction que !e
13 Juillet; le 14, les fugitifs, voyant l'affaire traîner et
trouvant le temps long dejjuis dix-sept jours de détention
non motivée, adressèrent une protestation au comité des
recherches et pétitions de l'Assemblée nationale. D'ail-
leurs, des difficultés avaient surgi : les juges Eanue-
Lavallée, Chassebœuf et Doussault, quelque prévention
qu'ils eussent contre des ci-devant, étaient fort embar-
rassés, lis avaient oublié une formalité de procédure, ce
qui pouvait entraîner la nullité des poursuites ; ils avaient
nêgHgé d'arrêter l'iiomme qui amenait de la Lande les
chevaux destinés à remplacer les bœufs de la berline :
d'après l'avis et sur la requête du juge Midy, il fallait
recommencer réglementairement tous les interrogatoires.
On en référa au Directoire du département, qui consulta
la Constituante . Le 16, Cliartier, commissaire du district,
faisant provisoirement fonction de procureur syndic du
district de Craon, réclama les lettres suspectes trouvées
sur les prévenus pour les adresser u l'Assemblée natio-
nale saisie en dernier ressort; l'affaire fut portée du
district de Craon au Comité des recherches. Le 3 août,
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— 234 —
ce comité donna l'ordre de relâcher sur le champ les
voyageurs indûment arrêtés.
Je ne sais ce que devinrent ensuite le marquis et la
marquise. É migrèrent-ils '■! Leur nom n'est pas porté sur
la liste des émigrés. Monsieur de Lantivy mourut-il à
Paris à temps pour n'être ni emprisonné ni guillotiné
sous la Terreur ? Aucun acte de décès à ce nom n'existe
aux Archives de la Seine. Quant à sa veuve, elle vivait
encore en 1801. et elle vendit cette année-la, nous dit
M. de la Jacopière, sa terre delà Nicoulièreà M, Letort-
Lhommeau. L'un des fils dut prendre part à la guerre
de Vendée, et y périr. Un Lantivy signa, le 1" floréal
an III, le traité de la Mabilais, avec Cormatin, La
Raltrie, d'Andigné et d'autres chefs royalistes, mais
ce n'est probablement pas te u jokai i> qui fit si grand
peur à Jamet. Le cadet resta sans doute à Malte '.
Quant à leur sœur, elle n'avait pu émigrer avec son
mari, le comte J.-Cli- de Maurey, Elle fut mise en piison,
à Chàteau-Gontier sans doute, et condamnée ù mort.
Pour échapper au supplice elle se résolut à épouser i'ex-
curé intrus d'Azé, Louis Davière, secrétaire greffier de
Chiiteau-Gontier. Cette mésalliance dut faire tressaillir
les cendres des Lantivy -.
1. Ils durent mourir sans postérité, car la Notice gêttéalngtqite citée
plus haut dit que la branche de Lantivy tomba en quenouille à la mort
du comte Louis-André, et que les droits passèrent à la lamllle de
Genoulllac. La sœur du vieux marquis, Marie-Louise, avaU épousé
M. du Verdier de Genoulllac. M. l'abbé Angal dll que te fils du marquis
de Laulivy de la Lande signa le traité de la Mabilais. C'est plutôt l'un
de ses deux cousins, un LantlTy de Beete ou un Lantlv; de Kerveno, qui
prirent une part active à la chouannerie bretonne, et qui sont les seuls
cités par M. Oi.-L. Cbassin [Eliuiex diieaiiietUairrs sur ta Vendée et la
Chnuatinerie. Paris, 18M 1900).
S. Loulse-Charlotte-Jullc de Lantivy avait épousé, le iS Janvier nT6,
Charles-JérAme de Maurey, sieur de Maurey, Saint- A moult, lits de
Louis-Alexis de Maurey et de LAJuise de Rapières, établi à Ex mes en
Normandie. De cette union naquit, le i" octobre ITTi, à Exmes, un flls,
Louls-Remy de Maurej. La \otice généalogique précitée nous apprend
que la cl-devanl comtesse rie Maurey eut, le 17 pluviôse an IV, du
citoyen Davière, un flis qui se Bt appeler le marquis de Lantivy. La
femme de ce (aux marquis vivait, séparée de lui, h Sal nt- Germain -en-
Laye, sous le nom de marquise de Lantivy. Un Jugement du tribunal de
la Seine, en date du 19 août 1859, Interdit i elle et à son mari de porter
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— 235 —
L'hMel de Lantivy existe encore au n" 9 de la rue du
Cherrhe-Midi, près le carrefour de la Croix-Rouge ' ;
c'est une maison de deux étages, au toit mansardé et
qui garde encore devant les hautes fenêtres du premiei-
des balcons où l'M des Montmorency s'entrelace aux
arabesques de fer forgé. Là s'élevaient en elTet, avant
rh6tel de Montecler, les écuries de Montmorency ; plus
tard, le logis appartînt aux Maillé de Saint-Priest. C'est
cette façade aussi sombre, aussi morte que la rue, qui
vit un soir d'août une berline s'arrêter devant le portail
et un vieux gentilhomme descendre en s'apgtuyant sur
l'épaule de son lîls, pestant sans doute contre ces ma-
rauds, CCS faquins de révolutionnaires, qui no n^spectaipiit
plus rien, pas mi'me les marquis et la liberté de voyager.
Paul Delauhay.
LETTRES SAISIKS SUR LE MARQUIS DE LANTIVY ».
M. de -Y... à Madame, Madame de Lantivy,
au ckdteaii de la Lande, à Craon.
Angers, ce samedy 19 (19 mars 1791).
Vous ne mnvieK pas fait pari, Madame, des événements
qui éloienl arrivés à M. votre fils et des inqiiielludps qu'il
vous a causé ; je vous témoigne l'intérest que j'ay toujours
pris et que je prendrai en c-e qui vous regarde, je vous prie
d'estre persuadée qu'il ne variera Jamais. Je vous fais com-
pliment sur son retour et sur la bonne c.oadiiitlo qu'il a (onii,
par laquelle je luy ai loujours renddu la justice qu'il inérillc,
j'espère que le plaisir de se rclrouver avec vous le rétablira
pbis promptemenl; dites-lui, je vous prie, toute In part que
je prends à tout ce qui luy est arrivé, il doit avoir bien des
choses intéressantes à vous dire, on parle toujours de graves
événements qui tienne à tant d'objets que je crains que
ce DOM. — Le Dictionnaire Ae M. l'abbé Angot confirme ces donnéei.
Au contraire, Bodard de la Jacoplère, dans se» Chroniquef craoHnai»es,
prétend que l'une des fllles du vieux marquiit épousa M, de Goyon el
que l'autre, d'abord relltcleuse, se serait mariée pendant la Révolution,
Il j a probablement conluslon.
t. Voyei d'Aucnurl, Lm Aiicieiix hôtel» de Pari». Paris, 1890, p. n6.
i. Ces pièces sont cunserrées aux Archives natlonalM sons la cote
D XXIX, 6.
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— 236 —
l'exécution n'en soit bien difficile, enfin le temp nous ins-
truira. 11 faut de la patience et de la prudence.
M. Pelletipr * est arrivé hier, son installation se fera
demain, j'ignore où il loge ; M. t'évèque lui n oJTert des
meubles à révêcliê, il est toujours au Séminaire, il cherche
une maison et voudroit se fixer ici, on désire le garder, mais
je suis persuadé qu'on ne ly soulTrira pas. pas plus que
les curés dans leur paroisse ; il n'y a encore que le district
d'Angers et de Saumur qui les aye nommé. M. Bouvard
vous instruit silremenl de ce qui s'esl passé ici pour le cure
du Loroux, dont M. Choudieu* a rappelé n'ayani pas trouvé
le jugement assez sévère.
Je me trouve bien heureux de n'estre plus rien, on me
laisse tranquille, c'est ce que je désire. Je suis quelquefois
tenté d'aller à Paris, mais l'aiTaire de fmance me retient;
j'ignore encore comment je serai traité et je n'ai encore rien
reçu sur quntrc-vingl-dix, foi't peu sur quatre-vingt-neuf,
ayant payé mon don patriotique en entier sur cette année '.
I.e comte d'Aulichant qui part pour Paris incessemmenl
avec son fils nous a donné hier à Sainte-Jemmc un superbe
diné, nous étions vingt-trois,.... Madame d'Haut teville,
M, Madame d'Houlière, M. l'évéque, trois officiers des Cra-
vates, et le lieutenant -colonel; c'est un homme de société
qui joue gros jeu ; on regrette beaucoup le régiment Royal-
Picardie, ils sont fort mal en Bretagne où on est pas tran-
quil. Projettes- vous de venir cette année voir vos onfanls?
Messieurs de la Municipalité font des travaux immenses *,
je ne sçais où ils prenne de l'argent. On fait une rue qui
I. Hugues Pelletier, né li Angers en I7£9, prieur-curé de Besulort.
Nommé le 6 février 1T!)I évéque cotiiilltuUonnel d'Angers, il partit pour
Paris, y tut consacré le 1.1 mars par l'évéque Gobel dans réglise de
l'Oratoire, rentra à Angers le 18 mars, y lut installé l« !0. Il déposa ses
(onctions le 30 septembre t793, sacrIBa ses titre» sur l'autel de la Raison
le 19 novembre et mourut ft Angers le ;i avril IT^.
3. Pierre-René Choudieu, né à Angers en I7UI, major des volontaires
d'Angers le S2 Juillet 17S&, puis accusateur public près le tribunal cri-
minel de Mal ne-el- Loire -, il tut ensuite nommé di'puté à la Législative.
3. En octobre 1789, l'Assemblée décréta une contribution patriotique
volontaire : en mars 1790, les impÛLs ne rentrant pas et le Trésor étant
à bout de ressources, l'Assemblée nationale rendit cette contribution
forcée sous le nom de don patriotique ; elle frappait tous les citoyens
possédant plux de ttiU livres de revenu, d'après leur déciaratioD de
4. En avril 1791, on démolit les églises Saint-Pierre, Saint-Msuritle,
Saint-Maimbœut, pour ouvrir une grande place: on rasa les porlw
Lyonnaise, Cupit, Saint-Nicolas, du fortin de la Rasse-Chalne, on com-
menta les quais de Llgny et de la Poissonnerie.
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— 237 —
viendra de l'Académie â la Cité passanl par le jardin de
MM. de Narcc qui i^toit une dépendance du châLoau. J'ay fait
compliment à Madame de Montecler sur le mariage de ses
tilles.
Conservez- moi, Madame, votre amitié, donnez-moy de vos
nouvelles et ne m'oublie pas.
Mille tendres compliments à MM. de Lantivi.
M. de N... ri Madame. Madame de Lantivy,
à la Lande, par Laval, à Craon.
(Celte lettre paraît être du début d'avril 1791).
A en croire les nouvelles que l'on réjtand, l'on aproche
des événemenis ' ; douze mille allemands commandés par
un général de la même nation août sur les frontières d'Alsace,
trois couriers extraordinaires sont venus dimanche l'annon-
cer à l'Assemblée nationalle, les préparatifs dans la Flandre
sont commancés, il y arrive des trouppes conlinuèlement ;
le manifeste des princes s'anonce pour la P&ques. Le peu-
ple de Soissons a cliassé l'intrus * qui s'y était randu et a
ramené son évesque en triomphe. Les évesques apostats se
sont assemblés à Paris pour écrire ensemble une lètrc au
Pape, mais ils se sont tellement divisés qu'ils se sont écra-
sés mutuellement de sotises et ont passé le temp à ce métier.
L'on anonce le sieur Cos intrus > évesque pour la semaine
prochainne.
A Rennes, l" avril.
Adresse des trois ordres réunis de la pi-ovince du Lan-
guedoc envoyé au Roi le 1" mars 1791 *.
1. Lies royalistes comptaient beaucoup sur liDlerveutioD étrangère et
les maïKBUTres des éml^ris qui s'organisaient sur tes frontières peu-
tant rentrer en France sans coup térir,
t. M. de Marolles, député du clergé du balUlaire de Saint-Quentin aux
États de 1769, lut nommé évéque constitutlonnei de l'Aisne et installé à
.Soissons le G mars 1791, en remplacement de l'évêque insermenté
Bourdellle. Il renonça aux fonctions ecclésiastiques le lli novembre IT9Ï,
en renvoyant & la Conrantion ses lettres de prêtrise, et mourut k Sois-
sons le 27 avril ITOi.
3. Le Coi.
4. A la fln de 1790, les royalistes du Languedoc, du Vivarals. des
Gévennes, Tonlant i-ommencer la lutte contre la Bévolutlon, réunirent
dans les plaines du Jalès lArdËchel les gardes nationales du Vivarals
pour renouTeier le serment civique ; après la fédération, les gardes se
dispersèrent, mais le Comité du camp de Jalf'sse maintint, correspondit
avec las royalistes du Midi pour organiser la résistance ; au commeoce-
ment de 1791, 11 convoqua de nouveau leagardematlonalei fédérées, les
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— 238 —
Depuis longtemp vos fidelle sujets du Languedoc gémis-
senl 90US un despotisme exercé par les diférens corps d'une
ad mi ni s Ira tien monstrueuse ; leurs vie et leurs fortunes
saos cesse ataqués, ne trouvent point de défenseurs dans
ceux que les lois nouvelles semblent avoir placés pour veil-
ler à la sûreté publique ; des scélérats dévastent impupé-
ment les propriétés ; l'incendie est le flambeau funèbre qui
éclaire cette malheureuse province, et l'impunité fait tous les
forfaits. Nous avions espéré, Sire, après les avoir vus
anéantir la religion de nos pères et renverser la monarchie,
nous avions espéré alors que votre Majesté voudrait, en
frappant d'anathème les coupables législateurs, rendre à
son peuple et pour les livrer à la justice, les monstres qui
l'ont égaré et trahi en abusant de sa confiance ; mais V. M.
s'obstinant à garder un profond silence, tous les bons fran-
çais doivent enfin le rompre et s'exprimer avec toute l'éner-
gie qui n'apartient qu'à la vérité.
I.e Clergé, la Noblesse et le Tiers-Etat de notre province
du Languedoc réunis, non en vertu des décrets qu'ils regar-
dent comme injustes et nuls, mais réunis par un même
esprit el un même amour pour le bien commun, déclarent
en ce jour à V. M, qu'ils protestent formellement contre
tous les décrets prononcés par des hommes qui infidelles à
leurs mandats, sont déchus par là de leur qualité de man-
dataires ; en vain colorent-ils leurs prétendus décreU de
votre sanction, ils n'en deviendront pas plus lavés, toute
l'Europe sachant ainsi que nous, que vous n'êtes point libre,
et la sanction du roy prisonnier étant toujours nulle.
Rompez donc, Sire, les indignes chaînes dont vous êtes
chargé ; osez reprendre les rênes de votre empire, ralliez-
vous à votre auguste famille, à votre armée, à vos fidelles
sujets ; a racliez- vous à cette ville criminelle qui tient sans
cesse le glaive levé sur votre teste, et s'il faut périr, sachez
périr en roy et braver le danger. Croyez que le nombre de
vos sujela fidelles est grand et qu'à peinne hors de votre
capilalle ils formeront près de vous et avec leurs corps un
bouclier impénétrable aux traits de vos lâches assassins.
Mais, Sire, si l'amour de vos sujets, si votre propre gloire
ne sont pas des motifs assés puissants pour vous rendre à
vos peuples, et à vous même, si vous voulez vivre enfin sous
le joug d'un Sénat tiranique et barbare, alors le cœur navré
concentra h Salnt-Ambrolx pour marcher
génénl d'AIblgnac oomprlmèrent le
lédéréi (léTrier-mkra 17H}.
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_ 239 —
de douleur nous déclarons k V. M. que notre province du
Languedoc est résolue à ruiner toutes ses forces pour
s'iiracher à l'esclavage honteux dans lequel elle gémit ; une
armée rassemblée par l'amour de la religion et par celui de
la monarchie se forme dans les plaines de Jalès ; elle porte
la croix et les lis sur son étendard blanc et c'est à ce signe
sacré que nous allons tous nous rallier, invoquant le Dieu
des combats ; appelant prés de nous un prince que l'Ku-
rope admire, nous allons l'élever sur un bouclier et le pro-
clamer notre chef; guidés par lui, nous renverserons
jusqu'aux moindres vestiges d'une révolution cimentés par
le sang, et bravant tous les dangers, nous irons rompre les
fers de notre roi, l'arracher à ses ennemis cl lui rendre une
couronne dont il est dépouillé ; telles sont. Sire, les der-
nières résolutions de tous les habitans du Languedoc.
Lorsque l'on ose en manifester de semblables, on les soutient
jusqu'à la mort ; nous jurons dune de périr mille fois plustAt
que de vivre encore sous un despotisme sanguinaire ; nos
sacrifices sont faits, et la justice de notre cause nous pro-
met un heureux succès, mais si nos espérances étoient
trompées, si nous venons à succomber, nous aurons du
moins la consolation de mourir victimes de notre attache-
ment à la religion sainte, à notre roi et à notre patrie, nous
ne vérons plus le tableau déchirant des calamités sans
nombre qui dévastent tous les jours la France et qui finiront
entin par anéantir ce malheureux empire.
Pénétrés des sentiments que nous venons de manifester,
et qui seront à jamais inébranlables dans nos cœurs, nous
sommes avec tes sentiments du plus profond respect. Sire,
de Votre Majesté les très humbles, très dévoués et très
fîdelles sujets, tout le Clergé, la Noblesse et le Tiers-Etat de
la province du Languedoc, à l'exception d'un très petit
nombre d'individus des trois ordres vendus à l'assemblée
soi-disant nationalle.
Cet imprimés a été envoyés à toutes les municipalités ; je
ne sai si vous l'avez vOe ; le Juif croit, et ce qu'il mande,
qu'il va faire une tournée avec de ses parents ; quand je le
saurai je vous en ferai part. Ressevés le respectueux atta-
chement, ainsi que vos hôtes, de votre serviteur, et amitiés
au jeune, s'il vous plaît. Ressevés les hommages des miens.
La bulle est très certainement arrivée à Paris S on est
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— 240 —
ocupés à la traduire, on l'atend à tout les courîers dans les
provinces ' .
2 avril. Les [Chivrê ?..,.] sont-ils avisés? Je ne leur
écris point, le courier les portant chez vous. Les Bénédic-
tins, Jacobins^ Au^ustins et Récollets d'ici ont été hyer
ralliché, c'est-à-dire mis dehors, et plus de messe cliés eux.
La malade est toujours point trop bien, elle parle cepen-
dant, on craint une idropisie au cerveau.
M. de X à Madame de LanU'vy.
c armoiries et
Angers, ce 23 avril 1791.
Voilà un temps. Madame, où on nvoit le plaisir de vous
voir à la ville, je crains bien que ce soit comme beaucoup
d'autres choses qui sont changé ; ce qui ne changera jamais,
c'est rattachement que je vous ai voué et qui me fera tou-
jours désirer avoir de vos nouvelles, sçavoir comment vous
porter et tout ce qui vous intéresse. Monsieur votre (fds?)
est-il rétabli, ayant soutenu dans l'état où il étoit un aussi
long voiage? Vos soins et le repos doivent Lavoir rétabh.
Je n'ait pas quitter la ville depuis que je vous ait mander
mon retour ; ce n'est pas l'agrément qu'on peut y trouver de
riiabiter, mais il faut bien vivre quelque part, et rester chez
soy est ce qui doit mieux convenir ; si j'étois plus riche et
que j'aie de l'argenl, je ne penserois peut-estre pas de
même. Il faut beaucoup de patience pour entendre et voir
tout ce qui se fait; vous êtes sûrement instruit de ce qui
vient d'arriver aux femmes qui suivaient Monsieur (Bou-
mard) * qui est votre ami et que j'aime; on a voullu faire
de l'Assemblée nationaie de France bu sujet de la Constitution civile du
Clerfté décrétée par l'Asseiiibiéfi nallonale. Donoé à Home, à Salnt-
Pleire, le 10 mars de l'année 179t. — Un nouveau bref, du 13 avril,
annula les élections des ecclésiastiques constltutlo Quels, donna quarante
Jourg aui Jureurs pour se rétracter, à peine de suspension, et trappa de
nullité tout sacrement administré par ceux qui persisteraient k conser-
ver leurs Eonctlons. — Le 1" mai, les révolutionnaires brûlèrent sur la
Place Royale le bref pontifical, et le 3 on brûla Pie VI en efflgie au
Palais-Royal.
1. Les Jacobins prétendirent que ces bretsétaient taux. Les oatboliques
les répandirent la plus possible, et en firent, pour les vulgariser, de
nombreuses traductions françaises. Il en parut une en mai 1791, due à
un prêtre de Saint-Eustoclie,
î. Louis Boumard, curé de Sainte-Croix d'Angrers, docteur en théolo-
gie et suppléant k la Constltuaate (?)
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— 241 —
des exemples dans un moment de crise et de fermentation,
vous devez Juger de touta les propos que cela a ocasioné,
mais ii suffit qu'elles fussent chez M. Boumard pour que je
les jugerois incapables de faire du mal. Le pauvre homme
doit estre bien touché, je compte aller le voir.
Angers est toujours pressé de mettre en exécution les
décrets; ils les préviennent souvent; on vient de fermer
toutes les églises religieuses, qui ne peuvent avoir la messe
que pour leur communauté ^.
Il y a encore les Oratoriens, Toussaint et les Carmes où
on dit et où on trouve la messe, mais les maisons ne seront
pas conservé longtemps, on veut exiger d'aller aux
paroisses, ce n'est pas là la liberté annoncée. Vous n'êtes
pas dans votre département aussi avancés, et on vous a
laissé faire vos Pâques tranquilement. Quoique beaucoup
de curé aient fait le serment dans cette province *, on ne
trouve pas de quoy remplacer ceux qui ne l'ont pas fait, et
quels sujets sont donné pour remplacer des currés consi-
derrés et aimés ! Je suis on ne peut pas plus touché de ce
qui se passe à cet égard, encore faudroit-il laisser la liberté
de conscience! M, d'Angers * est parti lundy dernier, je
crois qu'il a bien fait, il pouvoit lui arriver des événements
dont il n'auroit pas pu se débarasser; je crois qu'il est aller
à Paris ; il a fort regretté la province, c'étoit un homme de
société, mais peu propre pour les affaires.
On parle toujours de grands événements et qu'ils sont
tous prochains ; je n'y crois pas beaucoup, le roy a voullu
aller à Sainl-Cloud •, on s'y est opposé, il n'ira pas, on
a craint qu'il ne fût plus loing ; il n'y pense pas, il s'est
i. Pour ne pu assister & la messe des prAtrM Intrus installés dans les
igrllsea paroissiales, les catholiques sulvaleQt les offlces dans les cha-
pelles des CommuDautés qui avalent gardé leurs aumôniers et chape-
lains insermentés. Ia municipalité fit Interdire l'entrée de cas chapelles
au public.
2. Le 27 novembre 1790, l'Assemblée natlonsle imposa le sennent
constitutionnel à tous les ecclésiastiques conservés en fonctions, et
décida que ceux qui ne le prêteraient pu dans les délala seraient consi-
dérés comme démissionnaires, et remplacés. Le roi ne sanolionna le
décret que le 26 décembre.
3. Mlcbel-Francols Couet du Vivier de Lorr;, né à Meti en t7X,
nommé évéque d'Angers le 4 août 1782; II relusa de prêter le serment
civique, mais sans bmit, quitta silencieusement la place, vendit ses
meubles et se retira i Rouen (1791). 11 mourut i Paris le li mars 1803.
4. Le 18 avril 1791. Le bruit courait déjà que le roi voulait s'entulr de
Pari* ; Lovls XVI désirait surtout aller ï Salnt-Cloud pour ne pas rece-
Toir la CommuDioD pascale des mains d'un prêtre assermenté. P&ques
tombait le SI avril 1791.
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— 242 —
renddu à t' Assemblée, vous aurés vue son discours dons
les papié. M. d'Or, part pour l'Angleterre, avec son lits
aisné ; Madame la duchesse d'Orléans retourne chez son
père séparé d'avec son mari. Madame de Sillery a quille
le Palais-Royal ' ; M. de la Fayelte a vouUu donner sa
démission, on ne l'a pas accepté. Le ministre de la marine
a quilté; on cherche encore d'éloigner d'auprès du roi ceux
qui lui paroissent attachés, sa position ressemble à celle de
la France, elle n'est pas heureuse; il faut mais estre très
circonspect. Je suis fort Iranquil depuis que j'ay quilté mon
commandement ; je n'ai dans ce moment aucun projet décidé,
parce que je ne puis prendre le parti qui me convîendroit.
Donnes-moy, Madame, de vos nouvelles, je voud rois bien
vous voir et je suis fâché que vous soyez aussi éloignée de
moi, allans plus dilhcilemenl qu'autrefois. 11 y a beaucoup
de monde à la ville et on se voit à l'ordinaire ; cependant
moins de grands soupe, la maison de Madame d'Armaillé
el celle de Madame de Mii-on sont les représentants. La
santé de Madame d'Armaillé est meilleure, j'apprendrai
avec grand plaisir que la vôtre est bonne et que vous ne
m'oubliez pas. Soyés persuader que je suis (rés ocuppé de
vous et de tout ce qui vous intéresse. Ne m'oubliez pas
auprès de Messieurs de Lantivi.
M. de N à Madame, Madame de Lantivy à la Lande
par Laval, à Craon.
(Lettre UmbrAe de Vitré. — Ed date du 23 STrll. |
Je n'ai point encore eu de nouvelle du juif, ma chère
dame, dont je suis bien touché. Mais il parait que notre
1. M" de Genlis de Sillery, gouvernBiite des eDl&Dts du dac
d'Orléans. La Gazette de Pans du 23 avril 1791 annonça que cotte
[emme. « Jadla mattresse du pËre, naguère gouverneur des eotints,....
qui n'a mit de la vertu que dans lee livres qu'elle m faisolt taire, pour
luppléer à l'amour qu'on ne lui laiaolt plus o'ajant en propre que
son orgueil, ses vic«g et sa haine contre le chel des Bourbons, armée
d'une hacbe pour Irapper le trono de l'arbre sacré dont on lui avolt
conflé les rameaux, m avait été chassée du Palais-Royal par la duchesw
d'Orléans à l'Instigation de H" de Cb&telux. Leduc d'Orléans A son
tour mit M" de Chïtelui & la porte du Palais-Ro;al, et la duchease
d'Orléans, furieuse, se retira chez son père. La presse royaliste prit le
parti de la duchesse, Invectiva le duc, et répandit sur son compte les
bruits les plus injurieux : la Oazttte de Paris raconta qu'il avait eu
l'intention d'aller faire un voyage en Angleterre, et que le (vlnce de
Galles lui avait écrit pour l'en dissuader et le prévenir qu'il serait mal
re(u par les Anglais.
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— 243 —
procès ne lardera pas à estre jugés. Tous nos avocats sont
bous, nous en avons d'anglais, je crains bien malgré cela
que les batus ne paient l'amende. La bulle n'arrive point;
elle attend peut-estre un moment favorable. On me mande
d'Angers ce jour qu'il y a eu défencc à tous prêtres et moines
qui n'ont pas fait le serment de confesser ou dire la messe
pendant la quinzaine; notre intrus évesque * passa samedy
ici revenant de se faire sacrer, et retourna l'après-midy à
Rennes. Toute la milice nationalle fut au devant de luy et
le reconduisit pendant que celle de Rennes venait au devant
de luy. A son passage, ici on voulut tuer un de nos prêtres,
parce que, dit-on, aulieu de crier comme quelques personnes :
vive Mr l'évéque! il avait du dire : vive l'ancien évesque!
Heureusement qu'il s'est évadé et n'a pas été pris. L'intrus
a été faire à l'hApital de Rennes le Lavabo, pas une reli-
gieuse ne s'y est trouvée * ; il a si grand peur qu'il se fait
garder par vingt hommes le jour et quarante la nuit. On
nous annonce bien des choses dans quelques jours, c'esl-à-
dire bien du mal, vraisemblablement des intrus à force ;
a-t-on encore au moins donné le temp de faire ses PAques ?
nous n'avons point eu de sermon ce caresme. Un curé a
voulu presclier la Passion; on l'a averti de n'en rien faire.
Je suis bien touché de la goutte de votre hôte ; Je lui offre
mon respect, et amitiés à l'autre ; je suis bien aise qu'il
ait fait ses Pâques. Je suis bien touché de la maladie de la
Visilandioe, quand vous en saurez des nouvelles, mandé les
moy je vous prie, car elle ne pourait pas m'en donner et je
1. Claude Le Ce», né le 82 décembre 1740 à Rodon-Glaw, sd
Plounevei-Porzay (Finistère), protasseur, put» directeur du Col16^ de
Quimper, élu en 1790 procureur- syndic du district de Qulmper, et les
iS Février et T mare 1791 év&que conslitutloonel d'Illeet-Viloine ; U tut
sacré à Salnt-Roeh à Paris le 10 avril 1791 par Massleu, évéque consti-
lutlonnel de Beauvals, revint ï Rennes, tut reçu le 16 avril à Noyai par
une nombreuse escorte qui l'amena ft Bennes où il tut lostallâ soleunel-
lemeat le lendemain 17, dimanche des Rameaux, Le 3 septembre 1791,
il fut élu député a la LéglsIatlTe ; emprisonné au Mont Satnt-Micbel
Jusqu'au 9 thermidor, puis rellché, Il présida à Paris le concile ndlional
de 1797, et celui de 180t. Il adbéra au Concordat, tut nomme en 180S
évéque de Besancoa; mal vu du pouvoir & la Restauration, 11 accueillit
avec enthousiasme le retour de Napoléon de l'Ile d'Elbe et mourut le
3 mal tStâ i Vlllevieux |Jara.)
!. L'év^ue visita les Incurables avec ses vicaires générsui, Lanjul-
nais et Bazin. La supérieure des religieuses refusa de le reconnaître
comme l'évéque, les malades valides s'enfuirent et se cachèrent k son
approche, et les grabataires détournèrent la léte pour esquiver ses
bénédiction». tVoy. Un éoiqtu Msermenté. Le Cox, évtque d'IlU-et-
VilaiM, par A. Rouisei. Paris, IS88|,
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— 244 —
m'y intéresse bien l'aîmnnt de même. Notre évesque bon < n
envoyé un mandement de la manière de se conduire, il est
fort bon, presque tout pareil à celui de l'évesque de l.an-
grea; on m'a abonné, c'est-à-dire le juif, pour la Gazette
universelle ' ; elle est bien démocrate, je lai eue ce jour
pour la première fois. S'il y avait quelque chose de bien
positif entre les huitaine que je vous écris, je vous le man-
derais. Itessevés, ma chère dame, l'assurance de mon ten-
dre et respectueux attachement ainsi que celui de mes
hdtes. Samedy 23. Je plen bien aussi l'amy Bon bien
des choses à mon ancien perse je le plen bien aussi et
n'oublie point Don-don.
M. de A... à Madame de Lantivy.
De Paris, 25 avril ».
Notre Babilonne n'est pas tenable ; ni roy ni religion,
voilà le refrain du bon peuple de Paris. Ce qui se passe
depuis quinze jours est pire que tout ce que nous avons vu
depuis l'époque du 5 el du 6 octobre ; on a commancé par
fermer les couvents de femmes, pour forcer les j)rétres et les
catoliques romains d'assister aux paroisses, ce qui n'a pas
réussi ; il n'y va que les non instruits, les curieux et les
salariés. Huit jours après on a fermé les couvents de moines ;
partout plus de messe ni d'ofiice divin ; le peuple furieux de
ce que le roy n'avait pas fait ses Pâques à la paroisse en
marqua son mécontentement. Le Roy et la reine devaient aller
à Saint-Cloud passer les festes ; l'Assemblée aux Tuileries,
jointe à la troupe nationalle, ils l'cmpeschèrent de partir ;
ils furent une grosse demi-heure dans leur carosse, le peu-
ple menassant les postillons de leur couper le col ; M. de la
Fayette, qui s'est démis de la place ', fit ce qu'il put en
disant qu'il répondait sur sa leste que le roy partirait. La
i. Mgr Baroau de Ginc, évèque iDaerraenté de Rennet.
t. Gazette wiiverMlle, ou Papier-nouvelles de tous le* pays et de
lott» tet jours, qui parut du 1" décembre 1789 au 10 août 179S : md
principal rédacteur était Cerfsler, anclea rédacteur h la Ga:tttt de
Leyde : cette feuille était nionarchlale libérale,
3. C'est-i-dlre, probnblement, nouvelles de Parla du ffî avril. Le eor-
respoDdaat de Mme de Lantiv; était en Bretagne, puisque sa lettre
porte le timbre de la poste de Vitré, mats 11 arrivait probablement d'un
séjour à Paris.
4. La Pajette, se vojaut impuliaant à assurer la liberté du roi, donna
M démission ; 11 la retira huit Jours après, sur les lostances du déparle-
meut et de la municipalité.
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— 245 —
teste est restée à M. de la Fayette et le roy n'est pas parti.
La municipalité du faubourg Saint-Germain a notifié à
M. frère du Roy de faire ses Pftques à Saint-Sulpice; il
n'avait pas la permission de recevoir à la chapelle un seul
individu pour entendre la messe. M. de Mouehi, Mlle de la
Fayette, sa nièce et le curé de Sainl-Sulpice louèrent
samedy pour six semaines les Théatina pour le prix de
1.300 livres ', attendu le décret qui a mis en vente toutes les
églises qui n'étaient pas absolument nécessaires pour le culte ;
dès 3 heures du matin cet église était investie et tous les
prêtres qui se présentaient furent ouspillés et chassés avec de
gros mol£. M. Bailly s'y présenta pour ramener le calme, il
aracha des places * infâmes, on lui en apliqua un sur le dos,
et on en raficha de nouveau, M. le maire-roy fut obligé de
se retirer. L'ordonnance de Monseigneur l'archevesque a
été bn\lée à Versailles, par la main du boureau ; la bulle..,,
du Pape larde bien à paraître, on assure que c'est pour cette
semaine, et l'on se propose déjà ici à Paris de la fouler aux
pieds ; cest le Pape qui fait le schisme et non les jureurs ;
ce sont des tigres, et non le bon peuple de Paris. Si l'on ne
disait pas la messe dans l'intérieur des maisons, la quinzaine
de Pâques se passerait sans culte. J'ai retiré ce jour des
nouvelles des juifs arrives à Br.... oii on est fort tranquille.
Notre procès est en bon train, U parait qu'il ne tardera pas
à estre jugé. Des jureurs demandent des places à notre
intrus évesque ° ; il leur dit qu'il ne savait pas s'il conserve-
rait sa place atendu qu'il regardait la révolution imman-
quable. On appelle cet évesque l'évesque à la bayonnette.
Ce 28. reçu hyer au soir des nouvelles des juifs, et de la
confirmation pour notre afaire, sans entrer en détail, mais
beaucoup d'inquiétude qu'il a pour nous, et nous voudrait
au loin, ce que beaucoup de familles font ot vont faire ;
1. L'orritédu département de Parla du 11 avril 1791, sur la police des
cultes, ferma loub^s les ^gllsns non paroissiales, à l'exception des cha.
pelles des hfipllaux, cftuvenis, collèges et séminaire.^, mais celles-ci
devaient rwitêr alriclemenl privées, et fermées au public, il tolérait
pourtant l'ouverture d'ëgllsesréservéesàun culte rellgieui particulier;
torts de cet article, les catholii|ues non coustUutionnels iouèreot. avec
permission du Directoire du Département, du 16 avril 1791, l'égliM
désaSectée du couvent des Tliéatins, près du Pont-Royal. Les jacobins
s'ameutèrent, atUciiËrent k la porte des Théatlns un paquet de verges
avec celécrlteau : Acin «ux iléviites arifUicratex. Mfriecint purgative
distribuée gralm le dimanche n avril. Aucun fidèle ne put entrer dans
l'église, et ceux qui réclamèrent turent battus par les forcenés.
2. Des placards.
3. Le Coi-
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_ 246 —
parlés donc Madame que vous el vos amis avez afaire 6
Saint-Malo, et qu'il ne faut que deux ou trois heures pour
aller a Gersey, votre Angers yra comme tout le reste, il n'y
a pas de temp à perdre pour vos hAles. Les dernières nou-
velles sont effrayantes ; M. < a couru les plus grands dangers
et peut-être dans le moment n'en est-il pas quitte, sa teste
a esté mise à prix et affiché ; en conséquence il a renvoyé
toute sa maison ecclésiastique et les gentilshommes. L'on
assure que les dames de la maison de la Reine vont aussi
donner leurs démissions ; M. de la Fayette a donné la sienne ;
la teste m'en pette et voudrais bien estre au loin. Mais on a
beau faire ainsi que le juif auprès de mon hôtesse, nous res-
terons ; bien de la famille et d'autres ne font pas de même.
Ce 30, j'eus hycr des nouvelles dujuif, il ne me parle pasde
la letre de votre jeune hftle, mais il est dans les plus grandes
inquiétudes pour ce qui lui appartient, et voudrait bien tes
voir ailleurs. En conséquence il se peul faire... sa moitié
part ou le retrouver ou bien à Jersey, Le temps qu'elle fuit;
mon hôtesse reste décidément, plusieurs de sa famille
voyage. On mande de Nantes que l'on considère des dan-
gers de tout côté. On attend bien des choses pour la
semaine prochainne, on ferme à force les églises et on place
des intrus. Ce que vous m'avés mandé pour l'ami B. ne
m'étonne point ; rien ne me surprend à présent. Celle de la
Ch.. . me mande que le.s pauvres filles ont été mises au carcan ;
une personne arrivée avant-hyer de Paris a dô dire qu'elle
attendait avec bien de l'impatience à savoir des nouvelles de
de la journée du 28 ; nous ne le saurons que lundy. Je ne vous
donne pas pour lui quelle parti, maïs on y pense, et on s'en-
gage en des inquiétudes. Je vous en manderai des nouvelles,
ou bien quelqu'un des siens ; elle voudrait bien avoir les
louis que vous avés, mais pas un ; elle a besoin des plus
petites ressources ; on savait icy avant moy l'histoire des
servantes de l'ami B. Brûlé tout papier et letre et n'en con-
tinué pas.
1. Moniienr, trère du Roi ; le brait conrall depnts lonutenips qu'il
voulait émigrer; dès le !£ février 1791 la populace a'étnlt portée au
LuxemiMurg, et 11 avait fallu laisser entrer les meneurs pour conitater
la présence du prince ; celui-ci leur dâciara qu'li n'abandonnerait
iamali le roi.
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Le chanoine Z... à Madame, Madame de Lantivy,
à la Lande prè» Craon. à la Lande.
Madame,
Je préviens aujourd'huy votre lettre que je n'ai pas encore;
samedy, il nous reste à terminer une affaire pour notre
ancien chapitre, elle sera lon^ie, nous sommes encore
réunis, mais suivant les apparences pour la dernière fois. Je
suis encore vivant, il n'y a pas le moindre bruit, mais à la
fin il faudra enfin que notre incertitude finisse; tous les jours
menacés, ce n'est plus vivre, mais mourir tous les jours ;
j'aimerois bien mieux un bon coup porté, tout seroit au moins
décidé. On se dispose aujourd'huy, demain on se rassure, et
on perd toujours dans les délais. Je suis résigné à la Provi-
dence, je n'ai point sorti de ma retraitte depuis mercredy ;
jallay voir le revenu de Vendôme, il paraît en bonne santé;
Mme la Mareschale a mené son directeur à Bruxelles, il a
écrit, il paroit qu'on n'est pas si instruit que nous dans ces
pays, aussi est-il probable qu'on n'y fait ni tant de projets
ni tant de nouvelles: si la moitié de ce qu'on débilte éloit
fondé on serait plus oecuppé des préparatifs; on ne fait rien,
on ne dit rien, les nouvelles du jour sont contradictoires le
lendemain ; on pourvoit aux cures autint qu'on peut trouver
de sujets; on disoit la ni'rtre vacante, on m'a assuré que
toutes réilexions faittes, le nommé par le district arrivera ce
soir ou demain. Nos }i;endarmes ont amené ici deux mis-
sionnaires de Saint-Sauveur-sur-Sève dont un a quitté le
JappoD pour une blessure à la jambe que les médecins de
ces pays ont déclarée incurable tandis qu'il y resleroit; on
les mil au château sur la paille, le district de Fontcnny-Ie-
Comte les réclame, ils n'ont pas témoigné grandes inquié-
tudes; ils ont couru d'autres. Ni que leséghses sont toujours
fermées ici, ce qui n'est pas dans les autres déparlements.
J'ai eu un avis pour le révérend terme du don patriotique,
je compte payer la semaine prochaine. J'ai payé la dernière
dans ces six mois échus au 1" avril des réverbères '. On
1. Le 30 Janvier 17UI, le Comité d«s Finances de l'AMemblée Natio-
nale rédigea le décret luttant :
Art. I". ~ La contribution patriotique des ecclésiastiques ci-devant
béoéflciers sera réglée, tant pour le premier litrs qne ponr les deux
autreg, en proportion dn IrallemeDl établi ponr eui k compter du
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— 248 —
dit qu'il en sera de même pour les impositions qu'on ne
payera qu'en 93 en une lettre close. Je ne sçai pourquoi on
a laissé 89. 90 et six mois de 91 en souffrance, mais je sçai
que cette imposition a bien augmenté, sans doutte qu'après
nous allons jouir du bénéfice promis. On ne sçait pas plus
ce qui se passe à Paris que si nous étions dans un autre
Continent; je n'ai point été voir S.... on n'ose courir les
chemins encore moins que les rues, où on ne passe point
impunément. Tout est monté à ce point, heureux quand on
ne vous cherche pas chez vous pour vous insulter. La maladie
de Monique me parait décidée, elle ne veut rien faire et
finira par tomber dans létisie, et dans peu ; la toux parait
augmenter tous les jours. Si les choses subsistent, le cou-
vent sera supprimé dans le mois de septembre. La mère
Visitandine n'a plus de fièvre, mais une faiblesse qui ne
passe point ; elle vient avec grande dilTtculté au parloir, et
est obligée de garder sa chambre ; Je nai pu la voir depuis
mon retour quoique j'aille très souvent en sçavoir des
nouvelles.
Je suis bien aise du retour du voîageur. J'ai toujours
pensé que la dame ne rësisteroit pas aux inquiétudes; M. de
N. a dit à quelqu'un ce malin qu'elle partoit au premier
jour. 11 y a aussi des rétractations par ici, il n'y laut plus
compter pour l'avenir puisque le bref n'a pas opéré.
Vous avez dit bien vrai en niant le consentement des reli-
gieuses à leur dépouillement. Je suis assez bien, Je tousse
beaucoup et peut-être que l'humeur qui a répercuté tombe
aujourd'huy sur la poitrine.
Je me sçai bon gré d'avoir coopéré avec vous à la non
acquisition, donc je conviens que le motif étoit louable;
nous ne sommes plus dans le siècle de la gratitude : ainsi si
le frère de Monique a rendu service à sa famille, il n'est pas
1" janvier 1790, sans préjudice de c« qu'ils doivent contribuer en raison
des rsTenus qu'lis possèdent en patrimoine.
Art. II. — Sur les deux derniers paiements de la Contribution palrio-
tique, il sera tenu compte aui ecclésiastiques ci-devant bénéRclers, qui
auront fait leurs déclarations, en raison des bénéfices dont Ils Jouis-
saient en 1789, des nommes qu'lis auront payées ou qu'lis seraient dans
le cas de payer en acquit du premier tiers de leur Contribution patrio-
tique, conformément A leurs déclarations.
Au début d'avril 1791, on prévint les religieux, bénéHclers et ecclé-
siastiques (onction nsires publics qu'ils ne recevraient leurs pensions et
traitements du terme d'avril qu'en justifiant du paiement du second
terme de la Contribution patriotique conformément au décret du
31 octobre 1790 ; pourtant on leur laissa la faculté de payer ce terme en
deni fois, moitié sur leur pension d'avril, moitié sur la suivante.
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— 249 —
surprenant qu'il en soit payé en monnoie du tems; je ferai
de mon mieux pour employer tout le papier que j'aurai.
L'univerBité a réellement fait le serment si on prend la par-
tie pour le tout, il n'y a pas un ihéolog^ien '. M. Bodsrd * a
parlé ferme, ainsi que M. Gatineau *, et de Launay, méde-
cin *. Je serai sûrement en retraitte le jour de la fêle, à
moins que ce que l'on annonce n'arrive, un ordre du dépar>
tement d'assister; en ce cas je serai malade ou, après avoir
pris langue, je quitterai la ville.
Je vois avec plaisir que vous trouvés votre vin bon, je
vous l'avoîs annoncé ainsi ; il paroit qu'il y en aura plus
qu'on espéroit. il fera bon l'achepler le plus tAt. Vous ne me
dites point la quantité d'huile que vous voulez, j'ai quitté
mon marchand enragé, j'en ai un honète homme ainsi qu'un
apothiquairc ; je m'informerai du guignolet et des confi-
tures ; prendrez-vous des chopinnes? La mère venue ici au
moment que j'ai reçu votre lettre, elle me charge de ses
respects pour les trois réunis; elle est comme l'oiseau sur
la branche, sans prévoir ce qui arrivera, je la rassure de mon
mieux. Dieu a disposé de ma sœur, je puis pourvoir à la
sienne moyennant le dépôt fait pour remplir mes intentions;
je suis persuadé que j'aurai plus qu'il ne faut, je n'ai encore
rien vendu, la Providence pourvoira à tout.
Je logerai et nourirai François et Marion sans gages, je
serai à ce moyen point seul, ils auront de l'occupation ; ils
n'ont point envie de prendre de ferme, ils font bien ; l'un ira
en journée et l'autre vendra des légumes ; ils y gagneront
davantage.
1. Le terme fixé pour In preilatlon de serment civique p«r les fonc-
tionnaires publics, prescrit p«r le décret du i7 novembre 1790. expirait
le dioiaoche 16 Janvier. L'UuiverslIé d'Aofrers décicis qu'elle n'était pas
visée par le décret, tout au moins collectivement ; main le chancelier,
le doyen des nrts el les professeurs de thi^ologie de l'Unlverallé lom-
baient sous le coup de l'article S du décret. Le maire devait prendre des
mesures contre les contrevenants huit Jours après le terme, c'esti-dire
après le 23 Janvier Unumal du tlrparleiiienl de llame-el-Linre^ 19 Jan-
vier 1791!.
S. Henri Bodard, conseiller de l'Hûtel-de- Ville et procureur du Roi au
Présldial d'Anffers, prolesta contre le serment prélé par Université.
« Déclaration d'un docteur ogrég'é de l'Université d'Ang'ers sur le inr-
menl prêté par sa Compag-nie le £3 avril 1791. » 11 émigra, puis rentra
auprès de Charetle, et fut tué pendant la cliouannerie nu comltat de
Saint-Michel-du-Bois.
3. J.-R.-N. Gastlneau, avocat au présidlal et directeur de l'Académie
d'Angers?
4. Delaunay (François- Jean), docteur en médecine de la Faculté
d'Angeis en 1734, arrêté en 1193, mort vers 1811.
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— 250 —
J'ai encore un moment avant d'aller à notre assemblée,
pour vous dire que M. Viger eel revenu ; M. le maire s'an-
nonce, on ne le croit pas près de paroitre. Si M. Vilar ' est
pacifique, vous n'aurez pas autant de misères à éprouver,
car, dans la vérité, tout le désordre ne vient que de la part
des nouveaux venus. J'offre mes respects à P. et S. je vous
fais mon compliment sur le rhume passé. Le cure de \ialle *
est-il sorti ainsi que le prieur de L.... V
l Fragment d'une lettre paraissant dater de la fin
de juin llOi.l
Le prieur a fail une contenance de dans l'expédition
des fusils ; on lui a exhibé un arrestê de la municipalité du
chef-lieu ; il a demandé le dénonciateur, ce qui a été refusé ;
il a démontré l'illégalité de la municipalité chef-lieu, et on
dit qu'il n'étoit justiciable que de la sienne, etc.
Au sortir de clioz lui, on a été à Athée; nos frères se sont
cachés, cependant on a paru, on lui a tenu les propos les
plus immoraux, les plus déshouèles. les plus menaçants; on
a dit que le C. de Chantelou seroit en prison sous quarante-
huit heures ; qu'un gros prêtre du canton qui avoit voulu
arivé à la ville, fail lorl à d'excellents citoyens étoit à leur
disposition ; que dans quatre jours son afTaire seroit faile :
en conséquence le dit sieur va prendre ses précautions el se
mettre à l'omhre; il est bien fâcheux de quitter son monde,
mais enfin la nécessité n'a point de loi ; il est très permis de
fuir les persécutions qui vont à la mort. Tout ceci n'est que
des roses, voilà les épines :
Deux chAteaux dans la paroisse de Martigné ^ sont brû-
lés; celui de Ouille est en feu *\ les seigneurs n'ont point
de mal; on n'a pas trouvé M. et M"" de Cuillé; M. des Jon-
chères de Martigné a passé un étang à In nage, a essuie les
< . Nofl- Gabriel- Lu ce VUlar, élu évéque coDstltutlonnel de la Mayenne,
àUvat, le 10 mars 1791, tut sacré à Paris le££mal, reviat à Uval le
30, el tut installa le 31, Jour des Rogations.
2. Louis-André Perron avait été clioisl pour curé de Niatle par'M. de
Lantivy de la Lande, seigneur de la paroisse, le 3 janvier 1783. Il fut
Incarcéré k Laval, comme insermenté, en 1792, puis transféré à Bam-
bouiilel où il mourut le 14 décembre 1793.
3. MartiKDé-Ferchaud, canton de la Guerche (Illeet-Vlllalnel. LeehA-
tean de Martigné tut incendié le 83 Juin 1791.
4. Le chAteau du Bois de Cuillé tut Incendié te £i juin 1791. Il appar-
tenait i M. Jacques- An nit>al- Gabriel de Farcj de Rontlarc; de Cuillé,
ancien doyen des présidents à mortier au Parlement de Bretagne.
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— 251 —
fusillades et s'est sauvé. Les habitants de Baie * sont les
auteurs de ces expéditions enluminées ; ils ont, a ce que j'ai
apris ce matin, envoyé deux députés à Craon pour y conti-
nuer par suite leurs atrocités. Ou n'a pas témoigné de bonne
volonté ; qu'arrivera-t-il ? Il est de toute pi-udence de pren-
dre les plus grandes précautions, soit personnelles, aoit
mobilières.
Hier à Angers on a publié que le Roy étoit arresté * ; bien
des gens croyoît que le motif de la publication est la chute
de tous les effets possibles à la foire. I.e curé de la Cha-
pelle -sur-Oudon (intrus) s'est rétracté ; la garde de Segré a
fait chez lui des indignités, il est sauvé; les tilles ont été
molestées, outragées, etc. On a fait à Angers dans les rues
bourgeoises des illuminations pour la fuite royale. Oh ! mon
Dieu, d'où en sommes-nous !
L'assemblée nationale a fait un arresté que l'on dit rai-
sonnable on n'impute la sortie du roi qu'aux Autri-
chiens ; d'autres ont reçu la Gazelle de Paris * et qui pis est
(Suleau) qui annonce son quatrième numéro * où l'ini-
quité sera révélée.
Respects à Madame et Messieurs de ma part, et de mes
commensaux.
1. Bais, Ille-et-VIllBlne, nrr. de Vitré,
i. Louis XVI partit pour rejoindre i'armée de Boulilé le SO Juin vers
minuit ; il fut arrêté k Varennes le S£ Juin au matin. On apprit dans
rOueat la fuite du roi le 2Ï et le £3 ; le 23, la DOUTeile arriva à Laval
pendant la procession de la Péle-Dleu.
3. Gabelle de l'aris, ouvrage coiuacré av patriotisme, <i l'hisloire, à
Ui pntitufue el auj beaiu!-arls, par de Rotoi. Paml du 10 octobre 17S9
au to aodt I79i; cette feuille était très royaliste; ses bureaux turent
saccagés par le peuple en mal 1790, et de Rozoî tut le premier Journa-
liste guillotiné par ordre du tribunal révolutionnaire.
i. Journal de lU. Sitleaii. — Suleau, Journaliste roiialiste, fut massa-
cré par Thérolgne de Mérlcourt et les émeutiers le 10 août I79S.
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BIBLIOGRAPHIE
Un précurseur du réveil. — Pierre du Pontnw're, f;en-
lithomme breton, missionnaire mèthodinte et pasteur
réformé (illQ-iHlOl, pnr Mathieu I^eli^vre. — Paris,
[.ibrnirie ûviinf^élique, in-8' couronne, ii-214 pages.
Quelle belle chose que les gém^alogies ! Si j'ouvre à la
page 93 celle que M. Théodore Courlaux a consacrée à la
« Maison du Ponlavico », j'y lis ceci : que Pierre-Thomas,
quatrième enfant de Pierre-Guy du Pontavicc, chovalier,
seigneur du Vaugamy, et de Marie-Mar^erite-Thomasse
de roilley, mourut enfant en 1776, et j'ai la preuve immé-
diate que Si. le vicomte Paul du Ponlavice avait grandement
raison lorsqu'il y constatait une qiiantilê considérable
d'erreurs el qu'il essayait de l'amender en reprenant l'ou-
vrage sur nouveaux (rais. Car cet enfant du seigneur de
Vaugarny, s'il mourut relativement jeune, vécut assez
cependant pour sentir les douleurs de l'émigration et voir
toute la période brillante de l'Kmpirc.
C'est sa vie que nous raconte m. Mathieu Leitèvrc dans
le petit volume qu'a édité la Librairie évangéliaue. autant
Pour l'édilicalion que pour l'intérêt du lecleiir. Il était né à
ougères le 21 mai 17/0 el avait fait ses études à Rennes, à
un moment oii la jeunesse scolaire était fortement imbue de
principes libéraux et où l'édilice de ses convictions reli-
Sieuses était battu en brèche par le scepticisme ambiant,
émigra avec son frère, lorsque le comte d'Artois eut
donné le signal de l'émigralion. 11 rejoignit en Belgique
l'armée des princes, échappa à la poursuite des soldats de
la République et arriva à I.iègc pour y être licencié. Il se
rendit de là en Hollande, où la (Compagnie des Indes faisait
des eun^lements pour Batavia, mais il ne .suivit pas plusieurs
de ses compagnons qui, sans ressources, se laissèrent enga-
ger par les recruteurs. l,e métier de soldat ne lui convenait
guère, nous le veri-ons tout à 1 heure. Cependant il s'embar-
qua pour Jersey où Ion formait un corps d'émigrés bretons
et normands et, pour vivre en attendant la descente sur la
c6\e bretonne et occuper ses loisirs, il donne des leçons de
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— 253 —
français au ministre wesleyen de Jersey, Richard Reece,
dont il reçut des leçons d'anglais. « Le jeune émigré, dit
l'auteur, qui éprouvait à l'égard des protestants les préven-
tions du milieu où il avait vécu, fut surpris d'en trouver un
qui avait l'esprit ouvert et le cœur chaud et pour qui la reli-
f;ion n'était pas une vaine forme a. L'amitié qui résulta de
eurs relations quotidiennes eut une énorme influence sur
la vie de Pierre du Pontavice qui, embarqué trop tard pour
l'cjoindre Sombreuil à la malheureuse affaire deQuiberonet
écnappé ainsi à une mort presque certaine, refusa par la
suite de reprendre les armes. 11 faut lire la lettre qu'il écri-
vnil de SouthamptOD, le 2â aoill 1795, à son nouvel ami : il
y met son âme à nu et rien ne semble intéressant comme ce
récit du combat intérieur qui s'y livrait alors : • Les corps
d'émigrés dont je faisais partie sont embarqués et prêts à
mettre à la voile pour les côtes de France. Le comte if Artois
est à leur tête. On dit que c'est lui qui a conjuré le gouver-
nement de tenter cette autre expédition. Elle est bien hasar-
dée ; il n'y a pas de probabilité de succès. C'est ce qui m'a
engagé à quitter mes camarades à qui J'ai fait mes éternels
adieux. Quand je les ai vu passer, ilme semblait voir autant
de victimes aller au sacrifice. Qu'il en a coûté à mon cœur
de les laisser aller sans les accompagner ! Que de combats
j'ai eu à soutenir ! Mille fois j'ai été tenté d'aller les rejoin-
dre, mais quand je réfléchissais que ce serait exposer ma vie
en pure perte et que Dieu peut-ôlrc me destinait à être
utile à la société, mon ardeur se ralentissait beaucoup.
Quelquefois aussi je me faisais scrupule d'y aller. Quoi !
disais-je, j'irais dans mon ancienne patrie pour y porter le
fer et le feu et y ranimer le brasier de la guerre civile ! Non,
J'aime mieux ne jamais y rentrer que de m y frayer une roule
à tel prix ! D'un autre côté, l'honneur, ce préjugé souvent si
mal entendu, me tourmentait sans me donner de relâche.
Enfin, après avoir été ballotté par mille passions différentes,
t'e pris le parti de les laisser aller sans moi, j'y suis resté
erme, quoique cela me prive de tous les secours pécuniaires
que le gouvernement a eu la bonté de nous accorder. Car
tous ceux qui ne veulent pas k présent porter les armes ne
recevront plus rien. <•
11 fallait vivre, et pour cela entrer dans un régiment
anglais d'émigrés ou se faire chouan, partis qui lui répu-
gnaient intiniment, ou trouver un travail quelconque, même
manuel. Mais déjà il ne croyait plus au catholicisme qu'il
avait cessé de pratiquer ouvertement. Un an après il
embrassait le méthodisme dont il devint, par la suite, l'un
des pasteurs les plus méritants. D'un voyage qu'il fit presque
aussitôt en Amérique avec le docteur Coke, nous ne savons
rien, et c'est dommage, car peut-âtre aurions-nous pu suivre
les étapes de sa conveiaion et comprendre mieux ainsi
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— 254 ~
comment, au mois de septembre 1797, il en était arrivé, de
retour à Londres après un court séjour à Dublin, à se trou-
ver entièrement depavsé dRus la société des émigrés et des
prêtres catholiques, aans un monde auquel il appartensil
Sar sa naissance et son éducation. Nous ne le suivrons pas
ans la carrière de la prédication qu'il embrassa, après
deux ans de professorat à Bristol, dans les îles de la Manche
(1800-1802), puis en Bretagne où ses parents lui firent le
plus alTectueux accueil, el surtout en Normandie, au pays
de Caus, qu'il quitta Juste pour mourir en 1810. Il faut lire
le livre de M. Mathieu où l'on apprendra beaucoup de choses
sur la vie protestante au commencement de l'Empire,
écrites d'une plume facile et attrayante ; les lettres tout
intimes du jeune pasteur n'en sont point, pour beaucoup, le
moindre charme.
R. Laubain.
Cabien de la QninzaitM (Dounème cahier de la cin-
quième série). Petites garnisons : Laval, Orléans, Paris.
— Paris, mars 1904.
On connaît, au moins de nom, cette petite revue socialiste ;
nous n'avons guère l'habitude d'y aller chercher des études
historiques sur le Bas-Maine, mais nous avons cru devoir,
pour une fois, faire exception et sortir un peu de la ligne de
conduite que nous nous sommes tracée pour indiquer à nos
lecteurs la petite monographie du Laval de 1901 qui occupe
la moitié de ce cahier de la Quinzaine. Elle est écrite par
M. Félicien Challaye, ancien professeur de philosophie au
lycée, et elle mérite d'être lue. Non pas que nous approu-
vions les idées de l'auteur ni ses doctrines sociales, mais
il a tracé de notre ville, au point de vue démocratique et
prolétarien, un tableau curieux et intéressant. Parmi ses
remarques failes au jour le jour et groupées sous un certain
nombre de rubriques, il en est de Tort neureuses. Dans les
dix mois qu'il a passés à Laval, ne voyant presque que le
même monde, il ne lui a pas été donné de tout voir, mais il
a bien vu ce qu'il a vu et il le dit d'une façon vivante. II a
bien saisi par exemple deux traits du caractère lavallots :
l'indolence des habitants, leur crainte de l'opinion publique,
el il en donne quelques preuves typiques, faits connus à
cûté desquels il est facile ae mettre des noms. Citerai-je ce
[lassage? « Distractions médiocres et elles-mêmes somno-
entes : à Laval, le jeu préféré, l'art du pays, c'est la pèche
à la ligne. Les hommes jouent aussi aux cartes, dans les
cercles et dans les cafés. Les femmes se font des visites à
leur Jour : dans des salons mal éclairés, on potine sur les
uns et sur les autres ; on cause des décès et des mariages,
mai» surtout du temps et des domestiques. Pauvre petite vie
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— 255 —
mondaine, touchante à force d'être mesquine : un jeune
professeur nouvellemenl iirrlvé me raconte )a première
journée des visites faites aux femmes de ses collègues :
l'une n'a pas fait allumer de feu et a oublié de mettre du
pétrole dans ses lampes, parée qu'elle pensait que la pluie
arrêterait les visiteurs ; une autre s'est déjà désliabillée
parce qu'il est tard, six heures du soir. » Et tout cela parce
que l'on veut paraître et que la vie est ici, comme l'écrit
M. Ciiallaye, une quotidienne éducation de la vanité. C'est
un trait du caraclère lavattuis <(u'il n'n pas assez accusé et
par là cependant il eill explique bien des choses, Paraître,
quand tout y contredit, 1 éducation première, la situation,
les loisirs, et cette contradiction journalière entre le rêve et
la réalité amène parfois des effets d'un comique intense (je
vois encore ce petit salon, veuf de tableaux, aux murs duquel
on avait appendu des couronnes mortuaires en nltenaanl
l'achèvement dune tombe familiale au cimetière), mais sou-
vent aussi dans la vie des complications et des difficultés
autrement douloureuses et je m étonne que M, Challaye ne
l'ait pas vue, celte contradiction, dans une partie du monde
qu'il fréquentait plus volontiers.
Maigre les restrictions qu'on y pourra faire, et les correc-
tions qu'il faut y apporter, celte monographie du l.aval de
1901-1902 est curieuse, nous le répétons, et ceux qui vou-
dront bien la lire n'y perdront pas leur temps.
E, Lavbain.
Le soldat Impérial (1800-1814), par Jean Morvan. —
Paris, Pion-Nourrit et C», 1904, in-8°, 520 p.
Nous ne voulons, pour aujourd'hui, que mentionner ce
premier volume d'un ouvrage dont le dernier doit paraître
au mois d'octobre ; mais nous le recommanderons dès
aujourd'hui aux lecteurs que les questions militaires inté-
ressent, car ils y trouveront des chapitres importants sur le
recrutement des soldats de Napoléon, le matériel. l'instruc-
tion, la solde, les vivres et l'adminislralion des armées
impériales. Cette étude, faite avec les nombreux mémoires
[>ubliés depuis quelques années, des masses jusqu'à ce jour
aissées dans l'ombre, mérite qu'on s'y arrête pour elle-
même; mais nous y reviendrons, lorsque nous aurons plus
de loisir et que nous aurons pu, à l'aide des documents que
les Archives de la Mayenne possèdent sur la conscription et
les réfractaires, en vérifier toute la justesse et mietix com-
S rendre, par elle, ces documents eux-mêmes, n J'ai tenté,
it l'auteur, de suivre ces soldats depuis le jour où les
sénatus-eonsultes les jetaient attristés sur les registres de
la conscription, jusqu'au jour qu'ils s'éteignaient dans la
fumée d'une bataille, qu'ils pourrissaient sur la paille des
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hôpitaux ou qu'ils rentraient au pays, loqueteux superbes,
amputés insupportables, détestés des nobles, des bourgeois
et des prêtres, mais riches de souvenirs pour le reste de
leur vie et le cœur à jamais vibrant d'avoir collaboré à
l'épopée. >• Pour nous, nous laisserons de cAté ces soldats de
fortune dont le pays fournit quelques écliantillons, comme
Le Baillif ou mieux ce Routier qui nous a laissé de curieux
mémoires utihsés par M. Morvan, pour ne nous occuper
que de ceux qui, couchés sur les registres de contrôle, se
jetaient dans les landes et les couverts de la Mayenne et
préféraient )a vie libre et dangereuse du brigandage à la vie
si difficile, si fatigante, mais parfois glorieuse des camps, et
comparant ce qui se passa durant tout l'Empire à ce qui se
iit en 1792 et 1793, peut-être parviendrons-nous à pénétrer
plus avant dans l'étude de la Chouannerie et à mieux l'ex-
pliquer,
E. Laurain.
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NOTES SUR LES BUREAUX DE CHARITÉ DE LAVAL
(1683-1803)
(Fin).
II
En 1789, OD procéda, dans une assemblée de paroisse,
à la réorganisation du bureau de cbarîté de la Trinité.
Nous ignorons les motifs de cette mesure. Deux assem-
blées eurent Heu successivement, la première le 10 mai,
la seconde le 27 septembre, en vue de procéder à une
révision des règlements et au choix des membres de la
nouvelle administration. Nous ne possédons pas les
procès-verbaux de ces réunions ; nous savons seulement
que, dans la première, on s'occupa de nommer les mem-
bres du nouveau bureau, et que, dans la seconde, fut
décidée la réunion des deux bureaux de la ville en un
seul, au cas où les paroissiens de Saint-Vénérand y
consentiraient.
Le 3 octobre, le bureau de charité de la Trinité,
nommé et constitué par le général des habitants, se
réunit chez le curé de la dite paroisse, es personnes
de MM. Turpin du Cormier, curé ; Berset et Foucault de
Laubinière, procureurs marguilliers ; Leclerc du Flé-
cberay, Leclerc de Terchant, Touschard de Sainte-
Plennes, Frin de Gormeré et Martin de la Tremblaye.
Ces commissaires, après avoir discuté les moyens à
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— 258 —
prendre pour remplir l'honorable fonction que le général
des habitants de la paroisse leur avait confiée en leur
accordant tout pouvoir pour établir et constituer un
bureau de charité, soit général pour toute la ville, soit
particulier pour la paroisse de la Trinité, décide que les
délibérations qui seront prises par ce bureau seront
transcrites sur un registre à ce destiné, ainsi que les
procès-verbaux des assemblées de paroisses des 10 mai
et 27 septembre précédents ' ; M. Duchemin de la Fro-
gerie, trésorier des pauvres, dressera un inventaire de
l'actif et du passif dudit bureau, lequel sera mis sous les
yeux des commissaires. M. Frin de Cormeré, qui a déjà
rempli ces fonctions dans les assemblées pour les
aumônes générales tenues les précédentes années, est
nommé secrétaire.
Enfîn, MM. le curé, de Laubinière, de la Tremblaye
et de Cormeré, sont choisis pour faire la visite des
pauvres et pour voir si l'on pourrait s'entendre avec
Saint- Vénérand pour former un seul bureau pour toute
la ville.
Quelques jours après les commissaires rendentcompte
du résultat de leur mission auprès des habitants de
Saint-Vénérand.
« MM. de Laubinière et de Cormeré, nommés députés
dans la dernière assemblée de paroisse pour se rendre
vers MM. de la paroisse Saint-Vénérand, à l'effet de
savoir d'une manière positive l'intention des habitants
de Saint-Vénérand relativement à l'établissement d'un
bureau de charité pour toute laville,ontdit s'être rendus
chez M. Duchemin des Gennetés fîls, procureur mar-
guillier de la dite paroisse, qui leur avait dit que l'oppo-
sition manifestée de quelques habitants de la paroisse
sur l'établissement projeté d'un bureau de charité y avait
fait la plus grande sensation ; que le nombre des oppo-
1. Ces plèc08, qui devaient ttre placées en tAt« du replâtre, ont AU
perdues sans doute, car elles ne fout pas partie des noies communiquées
par H. Da*eauz.
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— 259 —
sants avait même beaucoup augmenté dans la classe du
peuple, à un tel point que lui, en sa qualité de marguil-
lier, ayant convoqué pour le dimanche 27 une assemblée
des habitants de sa paroisse, à l'effet de prendre un
parti définitif pour cet objet; que l'assemblée n'avait
pu avoir lieu et qu'une partie des principaux habitants
qui avaient l'intention de s'y rendre, craignant qu'elle ne
fût tumultueuse, s'étaient retirés chez lui et y avaient
pris un arrêté, dans lequel ils motivaient les raisons
qu'ils avaient eues de ne point se trouver à l'assemblée
indiquée. Duquel arrêté mon dit sieur des Gennetés a
donné connaissance aux dits sieurs députés et leur en a
délivré un double qu'ils ont laissé sur le bureau, après
que lecture en a été faite.
« Sur quoy l'assemblée délibérant arrête que ledit
double serait déposé au trésor du bureau de charité pour
prouver par la suite que, si le bureau général n'avait pas
eu lieu, cela ne provenait nullement de la part des
habitants de la paroisse de la Trinité ', mais bien
de la part de quelques mal intentionnés de celle de
Sfiint-Yénérand ; en outre, considérant les démarches
qui avaient été précédemment faites auprès des habitants
de cette susdite dernière paroisse, arrête qu'il n'en sera
plus dorénavant fait aucune ; qu'on les attendrait, dans
l'espérance qu'ils ne tarderaient pas à mieux connaître
leurs vrais intérêts, le bureau désirant toujours une
réunion, persuadé que le bien qu'on se propose faire ne
pourra jamais être parfait s'il n'y a pas un concours des
deux paroisses ».
On comprend la résistance des paroissiens de Saint-
Vénérand à cette réunion. Les revenus de leur bureau
de charité paraissent avoir été presqu'auasi élevés que
ceux du bureau de la Trinité, ainsi qu'on le verra plus
loin. Or Saiut-Vénéraud constituait un faubourg beau,
coup moins étendu et moins peuplé que la ville propre-
l.CeUeplècBiiMDque4g)tl«muit duulNDotetdeH. Dsthux.
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— 260 —
ment dite. Le nombre des indigents y était par consé-
quent moins important, de sorte qu'en cas de fusion des
deux bureaux, ses pauvres eussent touché des secours
moins abondants et se fussent ainsi trouvés lésés. C'est
pourquoi saas doute il fut impossible d'arriver cette fois
à une entente.
Le 2 novembre, nouvelle réunion au presbytère des
membres du bureau de charité de la Trinité.
H Le secrétaire communique un état des pauvres qui
avaient reçu la visite de M. le curé. Il se monte à 2.433.
u II propose de diviser les pauvres en quatre classes,
et ce en raison de leurs infirmités et misère ; U y donne
des moyens pour distribuer l'aumône et procurer de l'ou-
vrage aux malheureux dans le courant de l'hiver et a fini
par faire sentir lu nécessité de procurer des secours le
plus tdt possible à ces malheureux : il termine en faisant
l'éloge le plus complet des vertus de M. de la Frogerie
qui, pendant sa gestion, a administré les biens delà cha-
rité avec la plus grande économie et un zèle qui trouve
peu d'imitateurs.
« Le bureau arrête sur le champ que MM. le curé de
la Trinité et de Laubinière se transporteraient chez
M. de la Frogerie et le prieraient de vouloir bien conti-
nuer la recette de la charité, en lui manifestant que, non
seulement c'était le vœu unanime du bureau de charité
qui l'appelait à cette place mais encore celui de toute la
paroisse.
« En outre, il a été arrêté que M. le curé, accompa-
gné d'une dame de charité et d'un commissaire, se trans-
porterait également chez toutes les personnes riches et
aisées pour recevoir leurs souscriptions et l'aumdne
générale, dont du tout serait dressé un état, afin de
répartir également dans tous les quartiers les secours,
en raison du nombre et misère des pauvres.
« Ensuite il a été rendu compte des biens de la Provi-
dence et de ses charges : examen fait des charges, elles se
sont trouvées monter de 5 à 6.000 livres ; les rentes à2.000
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livres environ, l'argent placé siir les prés' à 60.000 livres
environ. Il a été arrêté qu'il ne serait jamais touché à
ces fonds qui se trouvaient même inaaffisants pour rem-
plir les susdites charges, si le produit des aumônes faites
les fêtes et dimanches ne remplissait pas le déficit, mais
qu'on distribuerait, avec le produit des souscriptions
pour l'aumône générale, les dons de MM. Beaumesnil,
prêtre, et Dondeau ; en outre que on y joindrait égale-
ment tous les dons faits à la charité au cours de l'hyver,
soit par testament ou autrement, à moins qu'il n'y ait
disposition contraire ».
Le lendemain, 3 novembre, nouvelle séance. On
arrête que la paroisse sera divisée en seize quartiers. A
chacun de ceux-ci seront attachés deux commissaires, non
compris la dame de charité ou la personne qui en ferait les
fonctions, et l'on décide qu'à défaut de dame de charité,
il serait nommé un eccicsinatique pour en remplir les
fonctions. On procède ensuite au choi.x des commissaires.
Mlle Busson et MM. Touschard de Sainte-Plennes,
Berset et de Laubinièrc, sont choisis pour accompagner
M. le curé chez les personnes riches ou aisées.
MM. l'abhé Lévesque, Leclerc du Flécheray, Leclerc
de la Galorière et Frin de Cormerê, sont chargés de
rédiger un règlement provisoire du bureau de charité,
lequel sera soumis à l'approbation des paroissiens.
Suit ia liste des commissaires, parmi lesquels on ren-
contre encore les noms de nombreux magistrats et ceux
des familles les plus honorables de la ville. La liste des
dames est moins complète et, pour sept sections, ce
sont des ecclésiastiques qui sont choisis pour en remplir
les fonctions : MM. le prieur de Sainte-Catherine, Chan-
geon et Denais, vicaires de la Trinité, Dubuisson et
Foucault de Vauguyon, prêtres, Lévesque et Huet, cha-
noines de Saint- Tugal -.
I. C'est-à-dire préU aux blanchieBeurs de lolles,
S. Les seules daraes dont nouK IrouvoDS les noms dans cette Jlste
Bonl : Mlle la Comt^, Ulle Busson, Mme Martin de Ligonnière,
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— 262 —
Le 15 novembre, le règlement du bureau de charité
est soumis à une assemblée de paroisse. Mais les habi-
tants déclareat ne pouvoir donner immédiatement leur
avis et nomment commissaires pour examiner cette pièce
MM. de Valleaux, Gaultier- Dubreil, Barbeu de la Cou-
perie et Enjubault de la Roche. Puis ils approuvent à
l'unanimité le choix des commissaires qui ont été nom-
més pour la distribution des aumônes et les examens
des pauvres résidant dans leurs quartiers.
Le préambule du procès-verbal de cette réunion nous
fait connaître les noms des principaux habitants de la
paroisse à cette époque, savoir : MM. Foucault de Lau-
binière, conseiller du roi, président au siège des
Traites; Joseph Bersetd'Hauterive, procureur-marguil-
lier; François Martin de Ligonniére, juge criminel;
Charles-René-Thomas Frin, conseiller du roi, président
au siège royal ; François Leclerc de la (îalorière; René-
Pierre Enjubault de la Roche, avocat fiscal au siège
ordinaire ; Joseph M artin-T remblaye, procureur fiscal
audit siège ; Jean-Joseph de Launay de Scépeaux, juge
de police ; Joseph Barbeu de la Couperie, lieutenant
général au siège ordinaire ; Letourneurs du Teilleul,
négociant ; maître Jean Gaultier, sieur du Breuil, procu-
reur du roi et son conseiller au siège royal ; Jérôme
Frin de Cormeré, receveur des tailles ; Jean Duchemin
de Boisjousse, conseiller du roi au siège de l'élection,
etc....
Le 22 novembre, M. Enjubault la Boche fait son rap-
port sur le projet de règlement prét^cnté par le bureau
de charité à l'assemblée de paroisse. Les habitants delà
Trinité déclarent adopter unanimement ce projet qui a
été soumis à ses commissaires, sauf les observations,
modifications et changements faits par ceux-ci et
auxquels le bureau de charité sera tenu de se conformer.
Mlle Parler de la Corbinlère, Mlle TouMhard, Mme Frin du Guy-
Boutier, Mme veuve Letourneurs. Mme de la Porle-Méral et Mlle de
Loresse puur le mime quartier, ainsi que Mme Courte et M nie Blgfot.
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Suit le dit règlement, comprenant trente et un arti-
cles. Nous nous bornerons à en analyser les principales
dispositions.
Le bureau de charité de la Trinité sera composé du
curé de la paroisse, de seize dames de charité, trente-
deux commissaires, de deux secrétaires et du trésorier.
La paroisse sera divisée en seize quartiers, dotés
chacun d'une dame de charité et de deux commissaires,
nommés pour quatre ans et remplacés tous les deux ans
par moitié. Leurs nominations devront être confirmées
par le général des habitants. Suivent les conditions pour
la nomination des commissaires et les règles à observer
pour leur remplacement.
Le bureau général se réunira : tous les deux ans, le
premier dimanche d'août pour la désignation des com-
missaires ; chaque année, le premier dimanche de juin,
pour choisir les examinateurs du compte du trésorier ; le
premier dimanche de juillet, pour statuer sur ce compte
et le rapport fait par les secrétaires sur les opérations de
l'année ; le premier dimanche d'octobre, pour choisir les
membres du comité particulier ; le troisième dimanche
du même mois, pour prendre connaissance des res-
sources et obligations du bureau et des meilleurs moyens
de distribution.
Le bureau particulier comprendra : le curé de la
Trinité, les deux secrétaires, le trésorier et seize com-
missaires, un pris dans chaque quartier. Il décidera de
toutes les distributions, de la manière dont elles seront
faites, du travail que l'on pourrait accorder a ceux qui
en manqueraient et des secours à donner aux infirmes et
aux veuves chargées d'enfants. Aucun secours, de quel-
que nature que ce soit, ne pourra être accordé sans
l'avis de ce bureau particulier. H se réunira tous les deux
mois en été, tous les mois en hiver, plus souvent s'il est
nécessaire.
Le comité de charité, composé du curé, des deux secré-
taires et de trois commissaires, se réunira tous les quinze
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jours en hiver, tous les mois en été, pour s'occuper des
affaires urgentes, qui devront être soumises au bureau
particulier.
M. le curé présidera toutes délibérations générales
ou particulières.
Le trésorier touchera les revenus, dons, aumdnes, et
paiera les charges sur mandats ou récépissés. Il remettra
son compte dans le courant de juin aux commissaires
choisis pour l'examiner.
Les secrétaires rédigeront les délibérations, tiendront
tableau des secours extraordinaires et des noms de ceux
auxquels les loyers seront payés. Ils tiendront compte
de tous les arrêtés du bureau. Ils demanderont à la
paroisse la nomination de trois commissaires pris en
dehors du bureau de charité, pour l'examen des comptes
du trésorier.
Les dames pourront assister aux séances du comité et
y auront voix détibérative. Elles se réuniront pour
aviser à l'entretien du vestiaire et décider quels secours
en linge et vêtements pourront être accordés et à quelles
femmes.
Dans la même séance, le général des habitants de la
Trinité avait autorisé le bureau de charité à emprunter
sans intérêts, à terme fixe, une somme de 20.000 livres
en invitant les marguilliers de la paroisse à avancer au
dit bureau les Fonds qui pourraient demeurer oisifs dans
la caisse de ta fabrique.
Le lendemain, 23 novembre, le bureau particulier se
réunit pour décider quelle quantité de secours sera dis-
tribuée aux indigents. Le nombre des pauvres s'élève
à 2.452 individus, auxquels il sera attribué pendant le
mois de décembre 4.724 quarts de secours par jour,
lesquels, à deux sols le secours, se montent à 118 livres
2 sols et coûteront pour tout le mois la somme de
3.543 livres.
Les dames TJrsulines et Bénédictines étant dans l'ha-
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— 265 —
bitude d'accorder à la Charité, par chaque mainon,
50 livres de pain par semaine, M. le curé est invité à se
transporter chez les dites daines pour les prier de con-
vertir leur aumône en argent ou en farine.
On décide enfin qu'il sera fait, dans chaque quartier,
au moins deux distributions de pain. Celui-ci serait
composé pour les deux tiers de farine de seigle et pour
l'autre tiers de farine de froment.
La mauvaise récolte de l'année 1789 avait amené en
elTet dans toute la France une disette générale. Le blé
était devenu des plus rare» et avait atteint des prix fort
élevés. Il fallait cependant nourrir les indigents et la
classe nombreuse des ouvriers qui se trouvaient hors
d'état d'acheter du pain que les boulangers avaient dû
porter à un prix qui ne pouvait permettre au peuple de
s'en procurer. Les municipalités s'ingénièrent pour
parer à cet état Je choses en achetant de tous côtés, soit
du blé, quand elles pouvaient s'en procurer, pour le
céder à perte aux boulangers, soit d'autres denrées
telles que des haricots ou du riz. La ville de Laval,
profitant du peu de distance qui la séparait de Nantes,
avait ainsi acheté une grande quantité de riz pour le
vendre.
Soit que la municipalité en edt remis aux bureaux de
charité de la ville, soit que des gens riches en eussent
acheté pour en donner à ces bureaux, celui de la Tn-
nité, à la lin de 1789, po3.sédait une certaine quantité de
ce riz, mais se trouvait fort embarassé d'en faire
emploi. A Laval, au moins, le riz semble avoir été peu
connu à cette époque. Il était considéré comme article
de droguerie et employé seulement par les apothicaires
et les médecins. Le bureau de charité fut tout d'al>ord
assez inquiet de savoir comment il parviendrait à faire
accepter ce produit aux indigents qui paraissent avoir eu
de la répugnance pour cette nourriture inconnue de la
plupart.
Le 24 décembre, le bureau de charité décide que, jus-
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tja'k noDvel ordre, vu l'embarras de faire emploi du riz
qui appartient à la CJiarité, celui-ci sera dépose dans les
greniers de la Providence. Le bureau particulier est
autorisé à le vendre à un prix égal à celui qui a été fixé
par le comité général des subsistances de la ville. Les
secrétaires sont chargés d'écrire â M. Enjubault de la
Roche, député, pour le prier de demander la restitution
des droits d'entrée perçus sur ce riz, en raison de l'em-
ploi qu'on en doit faire, puisque ce riz doit être employé,
non comme droguerie, mais comme subsistance.
Le même jour, le bureau décide qu'une somme de
1 .200 livres, remboursable sans intérêts, en trois termes
égaux de 400 livres, aux 1" mai, 1" novembre et
1" décembre 1790, sera prêtée aux Pères Dominicains
qui faisaient alors reconstruire leur couvent. Le but de
ce prêt, autorisé par la municipalité, était de fournir de
l'ouvrage aux nombreux ouvriers sans travail, » dont le
H nombre s'accroît tous les jours par l'inaction du com-
« merce et le malheur des temps ». La dite somme sera
garantie par trois mandats de 400 livres chacun fournis
par les dits pères sur leurs fermiers.
On arrête en même temps que les secours à distribuer
pendant le mois de janvier s'élèveront à 3.553 livres
10 sols.
Il parait que l'on n'était pas parvenu à vendre le riz
appartenant au bureau de charité. Le 21 janvier 1790,
on s'inquiète de savoir si l'on ne pourrait pas le faire
moudre et le donner, au lieu de farine de froment, pour
faire de la bouillie aux enfants au berceau. MM. Lasnier
et Deschamps, médecins. Paillard- llouisîère et Gasté,
apothicaires, convoqués au bureau de charité, déclarent
que le riz est très nourrissant et estiment qu'on peut le
distribuer sans inconvénient aux femmes nourrices pour
faire de la bouillie à leurs enfants. Ils reçoivent aussî-
tAt la mission de fairt.' moudre une certaine quantité de
riz au moulin de Bootz ; ils feront essai de cette farine à
la Providence, diront ensuite quel est le meilleur moyen
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de la préparer et détermineront quelle quantité on en
doit distribuer pour remplacer la farine de fiximent
qu'on fournissait jusque-là.
Le 1" février, les experts déposent leur rapport, dans
lequel ils détaillent minutieusement leurs opérations. Ils
ont fait moudre deux boisseaux de riz, pesant 72 livres.
L'opération a parfaitement réussi et a produit une farine
très fine, qu'il est inutile de tamiser, lis ont ensuite fait
faire de la bouillie avec du lait et une autre avec moitié
eau et moitié lait, il les ont trouvées saines et agréables
au goiit. Elles leur ont même paru plus saines et plus
salutaires pour les enfants que celle que l'on fait avec
de ta farine de froment. Ils déclarent en conséquence
que la farine de riz peut êfre substituée à celle de fro-
ment et le bureau s'empresse d'arrêter qu'il sera distri-
bué aux enfants des pauvres, chaque mois, trois livres
de farine de riz.
On décide en même temps la distribution aux pauvres
de .T.OOO fagots donnés pju" M, de Terchant.
Le 2 mars suivant, M. Duchemin de Boisjousse rem-
place M. Ductiemiu-Dauvais, nommé membre de la
municipalité.
On arrête qu'une somme de 600 livres sera prêtée au
district pour être employée en ouvrages de cantonniers
sur les grandes routes, à condition qu'elle soit rembour-
sée avant le 1" mai suivant.
MM. Turpin du Cormier, curé, Frin de Cormeré et
Touschard de Sainte-Plennes, secrétaires, sont désignés
pour aller complimenter les membres de la nouvelle
municipalité du choix que la commune a fuit d'eux pour
remplir des fonctions honorables, dont leurs vertus et
leurs tidcnts les rendaient dignes, et leur demander leur
appui pour le bureau de charité. Ils les prieront en
outre de laisser pour quelque temps encore au bureau
l'argent qui lui a été prêté par les anciens oITiciers muni-
cipaux et qui doit être employé pour fournir du travail
aux indigents, tant sur les grandes routes que pour l'en-
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tretïeti di^ la manufacture ; cet ar^nt ne pouvant être
remboursé avant le mois d'aoftt ou de septembre.
Il s'agit évidemment d'argent avancé par la munici-
palité pour être employé en travaux de charité et princi-
palement pour soutenir le commerce de la toile, en
prêtant cet argent aux fabricants pour qu'ils puissent
donner du travail à leurs ouvriers pendant la mauvaise
saison.
Le 15 avril, l'assemblée générale entend le rapport de
M. Frin de Cormeré sur le compte général des opéra-
rations du bureau de charité. Celui-ci est approuvé,
mais comme les frais d'administration ont dépassé de
68 livres la somme prévue, chaque commissaire paiera
26 sols pour compléter cette somme.
M. Noury est nommé membre du bureau général et
du Comité de filature en remplacement sans doute de
M. Enjubault de la Roche lils, démissionnaire en raison
des occupations résultant de ses nouvelles fonctions de
procureur de la commune.
Le bureau décide ensuite que le secours de mai sera
fixé à un sou. H arrêtera plus tard quels seront les
secours des mois suivants, de juin à novembre, ainsi
que les secours extraordinaires pour les temps de
disette ou de calamités.
On dressera le tableau des pauvres qui seront assistés
toute l'année.
MM. Pé ri er-Dubi gnon, Périer-Ducoudray et Duche-
min-Gimbertière sont choisis pour examiner les comptes
du trésorier.
« Sur l'observation d'un membre que, malgré l'ordre
donné par le général des habitants de ne point admettre
à l'aumAne publique ceux qui seraient convaincus de
mendier dans les rues, il s'en trauve encore quelques-
uns, à la vérité en petit nombre, et qu'il serait bon de
prendre un parti définitif sur un pareil abus qui mérite
absolument être réprimé, » on décide que tout pauvre
convaincu d'avoir mendié ou envoyé mendier des
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— 2fi9 —
enfanta, soit dans les églises, soit dans les rues, sera
rayé du catalogue des pauvres et ne recevra plus de
secours de la chanté, l'intention du bureau étant d'ex-
tirper la mendicité, la considérant comme propre à
entretenir l'oisiveté, mère de tous les vices, et ne pou-
vant être ni soufferte, ni tolérée par aucun corps admi-
nistratif jaloux d'opérer quelque bien.
Le bureau de charité de la Trinité n'avait pas eu de
chance en prêtant 1.200 livres aux Pères Dominicains.
Ceux-ci, dépouillés par la loi du 2 novembre 1789 qui
mettait tous les biens du clergé entre les mains de la
nation, se trouvaient dès lors hors d'état de payer leur
dette. Le 20 mai M. de la Frogerie, trésorier dudit
bureau de charité, expose qu'il s'est adressé au sieur
(■autier, le gérant sans doute des biens des Domini-
cains de Laval, pour réclamer la somme de 400 livres
échue le 1" mai. Celui-ci a refusé de payer, disant avoi
employé la dite somme à fournir du pain aux dits reli
gieux, puisque leurs biens n'étaient plus à leur disposi
tien, mais à celle de la nation. 11 craindrait de courir des
risques en avançant ces 400 livres pour eux, en à compte
des fermages qu'il devra toucher, ajoutant qu'il recon-
naît s'être engagé à payer cette somme ; mais, si on
l'exigeait de lui, il ne pourrait plus fournir de pain aux
rehgieux qui, ne jouissant plus d'aucun crédit, ne pour-
raient s'en procurer ailleurs et, se trouvant sans res-
sources, tomberaient dans la même situation que les
pauvres assistés par le bureau de charité.
A la suite de cette communication, le bureau désigne
deux (le ses membres pour se rendre à la municipalité,
alin de lui exposer la situation, le prêt consenti aux
Dominicains ayant été effectué avec l'autorisation de
l'ancienne municipalité, et lui demander quelle conduite
il doit tenir, étnnt obligé de faire rentrer les fonds de la
charité, tout en comprenant la situation déplorable des
religieux qui manqueront de pain si le sieur Gautier,
comptable des sommes qu'il a reçues de leurs fermiers,
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ne peut en employer, même une partie, pour le besoin
des anciens propriétaires. Cea commissaires propose-
ront à la municipalité d'accepter la dite créance en
déduction de la somme de 2.050 livres que lui doit le dit
bureau pour avances ou autoriseront celui-ci à pour-
suivre les fermiers des débiteurs.
On décide ensuite que les commissaires de quartier,
à tour de râle, fourniront une quêteuse les quatre jours
de grandes fêtes aux ofllces de la paraisse.
Le 26 mai, MM. Hubert, Lebourdais-Dupocher, Tel-
lot et Boutteviltain de Granpré, chirurgiens, convoqués
au Comité de charité pour donner leur avis sur la grati-
fication que le bureau désire accorder aux matrones ou
sages-femmes qui sont tenues d'accoucher les femmes
pauvres inscrites sur le catalogue de la charité,
approuvent cette proposition. Ils s'engagent à donner le
tableau des matrones qui devront être reconnues par le
bureau et auront seules le droit de toucher ces gratifica-
tions.
Le 29 juin, le bureau désigne les mêmes commissaires
que l'année précédente pour examiner les comptes du
trésorier.
MM. le curé de la Trinité, Frin de Cormeré, Tous-
chard de Sainte-Plennes, Berset d'Hauterive, Le
Pescheux et Périer-Dubignon, sont chargés de rédiger
un mémoire pour demander à la municipalité son a\îs
sur la question d'assurer des fonds stables au bureau
de charité et en outre « sur la nécessité d'établir des
maisons publiques pour recevoir les bâtards, les enfants
en bas Âge et les vieillards de l'un et l'autre sexe, hors
d'état de gagner leur vie, avec prière de le prendre en
considération, » la tranquillité publique et le bon ordre
dépendant absolument du succès de cette demande.
Le 15 juillet, le bureau particulier de charité donne
acte d'une communication faite par le secrétaire d'un
arrêté de la municipalité requérant les membres des
différents établissements pieux et charitables de rester
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— 271 —
en fonctions jusqu'à ce qu'il ait plu à l'Assemblée natio-
nale de leur fixer une nouvelle organisation.
Mlle Busson déclare que la toile qu'elle s'était chargée
de faire fabriquer avait produit 100 chemises de femme,
24 chemises d'homme et 36 draps, destinés à être pré-
tés aux malheureux malades ou infirmes. Elle a remis
ces objets à la maison de la Providence.
N'ayant pas obtenu de réponse favorable de la muni-
cipalité, le bureau de chanté décide le 12 août que les
pièces concernant sa créance sur les pères Dominicains
seront remises au Directoire du département, avec une
requête pour demander le remboursement de cette
créance sur le prix des biens confisqués au profit de
l'État.
Le trésorier est autorisé à prendre sur la caisse des
aumAnes une somme de 400 livres pour être versée à la
fabrique de la Trinité en à compte des sommes avancées
par celle-ci au bureau de charité.
Le 10 septembre, un membre du bureau fait connaître
qu'un membre de la municipalité a demandé aux sœurs
de la Providence des renseignements sur le nombre des
pauvres d^la paroisse, la manière dont ils sont secou-
rus et quels étaient les revenus de la charité. L'assem-
blée arrête que les Sœurs ne pourront donner de
renseignements, étant chargées seulement de l'exécu-
tion des ordres du bureau, sans y être jamais appelées.
Le l"" octobre, on procéda à la nomination de nou-
veaux commissaires pour les sections de la ville.
Mlle Busson est désignée, avec MM. Lepescheux, Du-
chemin-Gimbertière et Courte, pour visiter les pauvres ;
Mmes Martin-Ligonnière, Letoumeurs et MM. Duche-
min du Bois du Pin et Périer de ta Girardière, pour
aller quêter chez les riches.
Ces commissaires prieront Mesdames Périer-Dubi-
gnon, de Cornesse et Duchemin du Bois du Pin, de faire
la quête à la Trinité les jours de la Toussaint, la Trinité
«t Noël.
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— 272 —
Le 3 décembre, le bureau général autorise le tréso-
rier à rembourser les sommes versées à la caisse d'em-
prunt. Ceux des dépositaires qui les réclameraient seront
payés, non en assignats, mais en écus, pour ne pas
nuire à des personnes qui ont. donné leur argent sans
intérêts et par complaisance.
Le 22, on décide que chaque commissaire se chargera
d'une certaine quantité du blé donné au bureau de cha-
rité lors de la quête générale, pour le vendre au cours
du jour et en verser le prix au trésorier. Suit la liste des
commissaires chargés de cette vente, avec les noms des
donateurs. Ily a 294 boisseaux de seigle et 733 de cara-
bin, le froment ayant sans doute été conservé pour être
distribué en farine.
Le 30 du dit mois, nouvelle séance pour répondre à
une lettre du procureur de la commune sur le point de
savoir si le bureau assisterait les pauvres lixés à Laval
depuis le 1" novembre 1789. On décide que, vu le besoin
urgent de ces malheureux, les uns privés de leur état
par la Révolution, les autres obligés de quitter leurs
demeures pour se réfugier dans les villes, il leur sera
délivré, à titre de secours extraordinaire et pour cette
année seulement, sans tirer à conséquence pour l'avenir,
un secours en pain pendant six mois, sans qu'ils puis-
sent prendre part aux secours en lait, farine et bouillon
distribués à la maison de la Providence.
M. de Yeaudichon est nommé procureur à Paris
pour veiller à la liquidation des contrats sur la Nation
appartenant au bureau de charité, pour en toucher les
arrérages et en poursuivre le remboursement.
Pas de séance avant le 7 avril 1791. M. Duchemin de
la Frogerie, trésorier, ayant déclaré avoir entre les
mains des fonds qu'il serait prudent de placer, on décide
qu'il sera acheté des toiles pour le compte des pauvres
par MM. Morin père et Georget, sous la sui-vcillance de
M. Duchemin-Gimbertière.
Mais les événements se précipitaient. Le vote de la
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— 273 —
constitution civile du clergé qui obligeait les membres
de ce clergé à pri^ter un serment considéré comme scliis-
matique par la grande majorité des ecclésiastiques,
déclarait déchus de leurs fonctions ceux qui l'auraient
refusé. Ils devraient se retirer dès qu'ils auraient été
remplacés. Or, le curé de la Trinité. M. Turpin du
Cormier, et ses vicaires se trouvaient dans ce cas.
D'après la nouvelle organisation du clergé, l'évéque
constitutionnel du département devait remplir les fonc-
tions de curé de la cathédrale et ses vicaires épiscopaux
celles de vicaires de la paroisse. Le nouvel évéque,
Noël-Gabriel-Luce Villar, doctrinaire et principal du
collège de la Flèche, ayant été élu le 20 mars, le clergé
de la Trinité se prépara à quitter cette église et par
suite ses fonctions d'administrateurs du bureau de
charité.
C'est à cette circonstance sans doute qu'est due la
série de démissions données à la fin d'avril 1791 par les
dames de charité et les commissaires de quartiers.
Le bureau général, réuni le 2 mai pour savoir si on
accepterait toutes les démissions qu'un grand nombre de
dames et de commissaires de la charité avaient cru
devoir donner, décide que ceux d'entre eux qui persiste-
raient à se retirer seraient libres de le faire, mais
devraient continuer leurs fonctions jusqu'au 1" octobre
suivant, époque à laquelle ils pourraient les cesser, môme
s'ils n'étaient pas remplacés.
Mlle Busson et M. Duchemin-Gimbertière sont
nommés commissaires pour la fixation des secours ;
MM. Lebreton des Landes, Périer-Dubignon et Letour-
neurs de Mouette pour arrêter tous les comptes.
Cette délibération est signée seulement du trésorier,
M. Duchemin de la Frogerie, et de l'un des secrétaires
M. Touschard de Sainte-PIennes, tous les deux prêtres
de la Trinité.
Mais Villar ayant été sacré à Paris le 22 mai et ayant
pris possession de son siège le 30, les membres du clergé
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— 274 —
de la dite paroisse s'étaient retirés avant son arrivée et
avaient en mente temps cessé leurs fonctions de mem-
bres du bureau de charité. C'est ce qui explique tes nom-
breuses démissions de dames et de commissaires de
quartier dont nous venons de parler.
Le même mouvement de retraite avait dû se produire
à Saint-Vénérand où l'administration du bureau de clin-
rite était aussi placée sous la direction du curé de la
paroisse. M. Guérin de la Roussardière était encore en
fonctions, mais il est probable que des administrateurs
de ce bureau avaient également témoigné l'intention de
se retirer aussitôt que le curé quitterait son église et
serait remplacé par un prêtre constitutionnel.
11 devenait urgent de réorganiser ces deux bureaux de
charité et l'on profita de l'occasion pour opérer la réunion
qui avait échoué en 1789,
Le 10 juillet, les paroissiens de la Trinité et de Saint-
Vénérand furent réunis pour nommer des commissaires
avec mission de s'entendre pour opérer la fusion de ces
deux bureaux. MM. Villar, évëquc du département,
François de Launay de Fresniiy et Foucault de Laubi-
nière, procureurs marguillîers, Frin-Cormeré, secrétaire
au bureau de charité, Séguéla, second vicaire épiscopal,
Hullin et Collet-Tnoufle, nommés par le général des
habitants de la Trinité, et MM. Collet-Chaussée et Marie
de Renaize, procureurs marguillîers, Queruau-Desprez,
Richard la Mitrie, Dolsegaray, Pottier-Verdrie, choisis
par le général des habitants de Saint- Vénérand, se réu-
nirent le 21 juillet, en l'hôtel de l'évéque et sous sa
présidence, pour remplir leur mission. Ils déclarèrent
unanimement consentir à la réunion des deux bureaux
de charité et rédigèrent un projet de règlement en
74 articles qui reproduit en grande partie, tout en les
modifiant sur certains points, les dispositions de l'ancien
règlement du bureau de la Trinité.
Les biens des charités des deux paroisses seront
réunis. Il en sera dressé un inveutaii-e, pour qu'en cas
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de séparation, chacun puisse reprendre ce qu'il aura
apporté.
Les fonds distincts des écoles de chanté seront égale-
ment réunis à la masse générale du bureau. Il en sera
dressé un inventaire, pour qu'en cas de dissolution du
bureau général, chaque paroisse puisse reprendre ce qui
lui appartient. Les écoles de charité, savoir deux de
garçons et une de filles pour la paroisse de la Sainte-
Trinité, une de garçons et une de filles pour celle de
Saint- Yénérand, subsisteront dans leur état actuel. Les
maîtres et maîtresses seront salariés par la caisse de la
charité et nommés par les trois comités dont il sera
parlé plus loin, auxquelles nominations assisteront le
maire, un oflicier municipal et les procureurs marguil-
liers des deux paroisses.
La ville sera divisée en vingt quartiers, dont douze
pour la Trinité et huit pour Saint- Vénérand.
Le bureau général sera composé de l'évéque, du
maire, d'un oflicier municipal, et des procureurs mar-
guilliers des deux paroisses de Laval, lesquels en seront
membres-nés. Il comprendra en outre un secrétaire-
trésorier, quarante administrateurs, vingt dames de
charité et un syndic. M. le j)remier vicaire de l'évéque,
les deux curés de la ville et celui qui sera nommé aux
Cordeliers, paroisse nouvellement créée, seront membres
du bureau et représentants-nés du quartier qu'ils auront
adopté. Le mode de nomination des dames et des admi-
nistrateurs et celui de leur remplacement sont à peu près
les mêmes que sous l'ancien règlement. Les nominations
devront être approuvées par la nmnicipalité, ainsi que
celle du procureur-syndic.
Le bureau général sera divisé en cinq sections : le
bureau général, le bureau particulier, le comité de cha-
rité, le comité d'éducation et le comité de travail.
Le bureau général s'assemblerale premier dimanche de
juin, pour nommer les commissaires chargés d'examiner
les comptes du trésorier, faire les élections nécessaires
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et traiter les afTaires renvoyées par le bureau particulier ;
le premier dimanche d'août, pour recevoir les comptes du
bureau particulier; le premier dimanche de septembre,
pour recevoir ceux du trésorier ; le premier dimanche de
novembre, pour aviser aux moyens à prendre pour le
soulagement des malheureux.
Le bureau particulier, composé de M. l'évéque, du
syndic et d'un administrateur par quartier, fixera les
distributions à faire aux pauvres, déterminera le genre
de travail à leur procurer, admettra ou rejettera de la
liste ceux qu'iljugera dignes ou indignes, et s'assemblera
le premier dimanche de chaque mois. Il administrera les
biens de la charité, placera les fonds, etc....
Chacun des trois comités sera présidé par l'évéque,
ou son premier grand vicaire, ou l'un des curés de
paroisse, et sera composé de six membres, trois de chaque
paroisse et deux suppléants.
Le comité de charité s'occupera des alfaires urgentes
et préparera celles qui devront être soumises au bureau
particulier. Il se réunira le quatrième dimanche de chaque
mois.
Le comité d'éducation surveillera les écoles de charité
qu'il visitera au moins une fois par semaine ; veillera à
ce que les maîtres et maltresses d'écoles remplissent
exactement leurs devoirs ; fera l'appel pour savoir si les
enfants s'y rendent assidûment et, en cas de négligence
de leur part, il en donnera avis au bureau particulier
qui avisera aux moyens à prendre pour corriger de tels
abus. Il s'instruira pareillement si les enfants des pau-
vres se rendent au catéchisme et des progrès qu'ils y
pourront faire ; à défaut, il en fera le rapport au bureau
particulier qui jugera également du parti à prendre dans
la circonstance. 1! se réunira le troisième dimanche de
chaque mois.
Le comité de travail se réunira le deuxième dimanche
de chaque mois et s'occupera des différents ouvrages
susceptibles d'être donnés aux malheureux suivant la
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quantité qui aura été réglée, distribuera ce travail, le
recevra, paiera le salaire et veillera aux réparations des
biens-fonds de la charité.
Les articles suivants concernent les attributions du
syndic chargé de surveiller la caisse des pauvres, faire
exécuter les ordres du bureau, poursuivre les débiteurs,
etc. (art. 44 à 57) ; et celles du trésorier-secrétaire [art.
58 à 71). Celui-ci sera payé, mais fournira un cautionne-
ment de 25.000 livres en biens-fonds.
On procède ensuite à la nomination des commissaires
de quartiers, parmi lesquels on retrouve un petit nombre
des anciens administrateurs que leur zèle pour le bien
des pauvres a déterminé à rester en fonctions. Mais on
y voit figurer tous les nouveaux fonctionnaires de la ville
et notamment la plupart des vicaires épiscopaux de
l'évèque : Levenard, Réveil, Séguéla, Laban, Cosnard,
Cruchet, La Hue, (îuilbert, Villar, ainsi que le curé de
Saint- Vénêrand, le vicaire desseiTant Saint-Melaine et
le curé des Cordeliers, non encore nommés. Tous les
quartiers ont trois commissaires, au nombre desquels on
ne rencontre plus une seule dame.
M. Frin-Gormeré est nommé syndic et M, Tellot Jils,
trésorier-secrétaire .
Les marguilliers de chaque paroisse remettent l'état
des biens de la charité de chacune 'd'elles.
Les revenus de la charité de la Trinité, y compris
ceux des petites écoles, s'élèvent à 4.455 livres, plus
75 à 80.000 livres de linge et mobilier, employés en
partie en toile et le surplus existant dans la caisse du
trésorier.
Le revenus de la charité de Saint-Vénérand, attei-
gnent 4.800 livres et le mobilier 20 à 21.000 livres, dont
partie en toiles et le surplus dans la caisse du receveur
ou devant être complété par les héritiers des bienfaiteurs.
Il en sera du reste dressé un état légal en trois copies
pour être remises à chaque paroisse et au bureau
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— 278 ~
Ce règlement ayant été approuvé le 10 aoiU par le
général dea habitants de chaque paroisse, le bureau
général se réunit le dimanche suivant pour procéder au
remplacement des commissaires qui, comme maire
(Hubert), ou comme marguilliers, ou membres de la
municipalité, sont membres-nés dudit bureau (Launay
de Fresnay, Collet-Chaussée et de Renaize) de ceux qui
n'ont pas voulu accepter, comme M. Iluet, prêtre, qui
n'est venu à aucune séance, le curé de Saint-Vénérand
et son vicaire, M, Le Ray, desservant de Saînt-Melaino.
Ces deux derniers se trouvaient dans une situation anor-
' maie, et ayant refusé le serment, ils devaient être rem-
placés dès qu'on aurait trouvé un curé pour Saint-Véné-
rand. La diliiculté de rencontrer un prêtre qui vouliU
accepter les avait fait conserver dans leurs postes. Ne
voulant pas communiquer avec Tévéque intrus, ils
avaient écrit au président pour dérlnrer qu'ils ne pou-
vaient accepter les fonctions de commissaires de la cha-
rité, mais qu'ils se voueraient comme citoyens à tout ce
qui concernerait le bien dos malheureux. L'assemblée,
après avoir applaudi à la sensibilité de MM. Guérin et Le
Ray, reconnaît qu'ils ne peuvent être membres du
bureau et dit qu'ils seront remplacés par leurs succes-
seurs.
On procède ensuite à la nomination de vingt membres
du bureau particulier.
«. Le 21 août, les comités de charité, d'éducation et de
travail se réunissent pour procéder au remplacement
des maîtres d'écoles de In Trinité et de Saint-Vénérand
qui, ayant refusé le serment constitutionnel en leur
qualité de prêtres, avaient été autorisés à cesser leurs
fonctions.
« Le syndic a dit qu'aux termes de l'article 9du règle-
ment, il y avait lieu de nommer les maîtres d'écoles des
paroisses de la Trinité et de Saint-Vénérand ; que,
pendant la vacance du bureau de charité de la Trinité,
M. l'évêque, à la réquisition du procureur-général-
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syndic, avait déjà disposé de celle du cimetière en faveur
du sieur Garot, clerc tonsuré, et de celle de Saînt-Marti
en faveur du sieur Cordier, aussi clerc tonsuré, mai
qu'il ne tenait pas à ces nominations, qu'il s'en désistai
au contraire et qu'il priait l'assemblée de procéder à une
nouvelle élection.
« M. l'évéque ayant manifesté la même intention,
l'assemblée a formé le scrutin et son résultat a confirmé
à l'unanimité le cboix et élection précités.
« On a ensuite procédé à l'élection d'un maître d'école
pour Saint-Vénérand. Au troisième tour de scrutin, le
sieur Joseph Le Moyne a été nommé.
« Ensuite le syndic a exposé que les circonstances et
la diversité malheureuse d'opinions avaient donné à l'édu-
cation une inactivité dont les écoles de charité avaient
soutTert extraordinairement et, à cet elTet, a proposé de
supprimer cette année les vacances.
« La motion mise aux voîx a été adoptée, sauf en
l'amendant de huit jours de vacances et la rentrée des
écoles a été fixée au 13 septembre prochain ».
M. Hubert ', ayant demandé la parole pour supplier
l'assemblée de permettre que les anciens maîtres d'école
eussent la faculté do ne pas achever leur année d'éduca-
tion -, cette motion a été écartée comme n'étant pas de
la compétence du bureau de charité, mais bien des corps
administratifs.
Nous n'avons pas d'autre délibération du bureau de
charité avant celle du 16 décembre 1791, dans lafpielle
on décide que les appointements du trésorier seront
portés à 400 livres.
Sur la proposition de M. Séguéla, nommé enfin curé
de Saint-Vénérand, le traitement des maîtres d'écoles est
fixé à 300 livres, plus le logement. Mais comme le maître
d'école de Saint-Vénérand n'a point de logement pour
1. Maire de Laval.
2. Os maîtres, en leur qualité de praires ajani ratusé )e Hrment, ne
pouraieot en effet rester dans leurs écoles après avoir été remplacés.
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tenir sa classe, on décide qu'il lui sera accordé en outre
une indemnité de 50 livres.
Le syndic expose que la quête générale a produit seu-
lement une somme de 10.000 livres, insuffisante pour
venir au secours des malheureux et pour les empêcher
de mourir de faim. 11 propose de demander aux corps
administratifs l'autorisation d'emprunter une somme de
40.000 livres, portant intérêt a 5 pour cent, et qu'en
attendant, les sommes placées chez divers négociants
au profit des pauvres soient retirées pour être employées
à Taire face aux dépenses journalières de l'adminis-
tration.
L'assemblée décide qu'il sera fait une adresse à la
municipalité pour lui exposer la situation pressante du
bureau de charité et lui demander les moyens propres à
y remédier, avec prière d'aider les administrateurs de
cet établissement de ses conseils et de ses lumières
et, au cas où elle approuverait l'emprunt proposé, de
l'appuyer auprès des administrateurs du district et du
département.
MM. Frin-Cormeré et Paillard- H oui si ère sont char-
gés de rédiger cette, adresse et MM. Collet-Chaussée et
Launay de Fresnay, de dresser le tableau des quêtes de
quartier.
On comprend que la nouvelle organisation du bureau
de charité, placé désormais entre les mains du clergé
constitutionnel, ait, sinon tari, du moins diminué dans
de notables proportions le produit de la quête générale
de 1791. Les membres de l'ancien clergt', leurs amis, les
gens riches qui regrettaient l'ancien régime, ne devaient
pas se montrer très empressés de fournir des fonds à un
établissement dirigé par leurs adversaires et durent se
montrer moins généreux dans leurs dons, quitte à rem-
placer par des charités individuelles leurs anciennes
cotisations du bureau de chanté. Mais la déclaration du
syndic qu'il manquait au bureau 40.000 livres, en plus
des 10.000 données à la quête générale, nous parait un
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peu exagérée. Si telle est en effet la difTérence entre
les recettes du nouveau bureau et celles des années pré-
cédentes dans les deux paroisses, cela prouve que les
habitants de Laval savaient se montrer généreux pour
secourir les indigents.
M. Lepescheux-Dauvais, nommé maire à la place de
M, Hubert, est remplacé au bureau de charité par M. de
Laporte-Méral.
Le bureau continue à administrer le bien des pauvres
au mieux de leurs intérêts pendant l'hiver 1791-1792.
Les délibérations des différents comités nous manquent.
Nous trouvons seulement au registre une délibération
du 2 juillet 1792 nommant commissaire pour vérifier les
comptes du trésorier, SIM. Jean Picbot, Pontenard,
Dolsegarny et Giraudière.
MM. Villar et Frin-Cormeré sont désignés pour signer
avec les commissaires choisis par le conseil généra! de
In commune l'acte de collocation de ta somme de 10.500
livres versée par le bureau de charité dans la caisse de
la municipalité de Laval, la dite somme provenant du
legs fait par M. Duché min- Beaucoudray au profit des
pauvres de la ville,
MM. Letourneurs-Mouettc et Hayes de la Chesnaye,
démissionnaires, sont remplacés par M. Villar, vicaire
épiscopal, et M. Guédoux des Pommiers.
Cette délibération est la dernière i|ui nous soit con-
nue. La loi du U vendémiaire an III (2 octobre 1794),
ayant mis entre les mains de la Nation le bien des hos-
pices et de tous les établissements charitables, le bureau
de charité de la ville de Laval, dépouillé de tous ses reve-
nus, dut cesser ses fonctions. C'est au comité de secours
de la municipalité qu'incomba alors le soin de venir en
aide aux indigents, avec des ressources certainement
insuflisantes, fournies par la ville, fortement obérée elle-
même, alors que la misère générale avait augmenté
considérablement le nombre des pauvres et que l'appel
dans les armées de tous les hommes valides avait laissé
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sans ressources un grand nombre de mères de famille.
La charité officielle n'eût pu sultire à sa tâche, si elle
n'eût été aidée par la chanté individuelle, pour empêcher
un aussi grand nombre de malheureux de mourir de faim.
Nous savons par des documents postérieurs que les
deux Providences de la Trinité et de Saint- Vénérand
avaient été conservées, môme après l'expulsion des
sœurs de charité qui avaient refusé le serment. Elles
avaient été confiées à deux chirurgiens, à charge d'
loger et de donner aux pauvres indigents les soins cl
les médicaments dont ils avaient besoin. Ces chirur-
giens, MM. Tellot et Bouttevilaiii-Granpré, montrèreni
sans doute le plus grand dévouement, mais ils ne pou-
vaient suppléer les sœurs de charité dans certains soins
particuliers, tels que la préparation du bouillon et l'en-
tretien du vestiaire et du linge prêté aux malades et
infirmes.
m
Après la Terreur, sous le Directoire, ce fut une
commission, nommée sans doute par la municipalité,
qui fut chargée de distribuer des secours aux malheu-
reux. Plus tard, sous le Consulat, lorsque le gouverne-
ment voulut réorganiser les hospices, auxquels on
rendit ceux de leurs biens conlisqués qui n'avaient pas
été vendus, on y joignit ceux des bureaux de bienfaisance
qui se trouvaient dans le mi-me cas, en chargeant les
dits hospices de secourir à domicile les indigents non
hospitalisés.
Enfin le 10 ventôse an X (1" mars 1802), le Préfet de
la Mayenne, M. Harmand, prit un arrêté portant créa-
tion d'un bureau de bienfaisance dans l'arrondissement
des deux justices de paix de Laval. Cependant l'année
s'écoula, nous ignorons pour quel motif, sans que cet
arrêté fût exécuté. C'est seulement le cinq.uième jour
complémentaii'e de la dite année que le Préfet se décide
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à nommRr membres de ce bureau MM. Frin-Cormeré
père, Touschard de Sainte- Plennes, Letourneura-
Mouelte, Levesque-Guttonnière et Matagrin-Cbanteloup
lils. Dès lors on marche rapidement.
Le 9 vendémiaire an XI (1" octobre 1802), le bureau
est installé, dans une des salles de la mairie, par
M. Laporte-Méral, un des adjoints de la municipalité,
M. Ducherain-Vaubernier est nommé receveur-trésoriei-;
M. Frin-Cormeré est chargé de la répartition des
secours distribués aux indigents; M. Touschard de
Sainte-Plennes, de la surveillance des écoles de charité
et maisons de secours ; M. Letourneurs-Mouette, de l'ad-
ministration des fonds et revenus ; M. L eve s que-Gui ton-
nîère, du secrétariat pour la section de l'Ouest, et
M. Matagrin-Chauteloup fds, pour celle de l'Est.
L'assemblée ajourne la nomination des commïssairrs
de quartiers, mais, jalou.se de témoigner aux deux curés
des paroisses de Laval et à Mlle Busson le désir qu'elle
avait de s'entourer de leurs lumières, nomme les citoyens
Matagrin, curé de la Trinité, et Guérin-Roussardîère,
curé de Saint- Vénérand, commissaires-distributeurs, et
Mlle Busson, dame de charité. Ils pourront choisir le
quartier qu'ils préféreront et Mlle Busson est autorisée
à se faire remplacer par la personne qu'elle choisira.
Le compte rendu de l'ancien bureau du 1" octo-
bre 1790 et ses statuts conlîrmés et ajiprouvés par les
habitants des paroisses de la Trinité et de Saint- Véno-
rand dans leurs assemblées du 31 juillet 17!)1 et par le
Conseil de la Commune le 7 août suivant, seront déposés
aux archives du bureau de bienfaisance et leurs disposi-
tions auront leur pleine et entière exécution pour tout ce
qui ne sera pas contraire à l'arrêté du Préfet du 1"' ven-
tùse an X, ainsi qu'à tous arrêtés des Consuls et déci-
sions des Ministres y rapportées.
Le 9 vendémiaire, MM. Nicolas Lilavois-Lavarenne
et Crisante-Jean-Félix Laporte-Méral, adjoints au maire
de Laval, procèdent à l'installation des citoyens Moreau-
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— 284 ~
LanoS et Moreau-Duboulay, juf^es de paix, membre;)
de droit du bureau aux termes de l'arrêté du Préfet du
l" ventôse.
Le 16, nouvelle réunion. M. Touschard de Sainte-
Plennes dépose un rapport sur l'organisation des mai-
sons de secours ol sur un local à prendre à loyer pour y
tenir les séances et y faire l'école aux enfants.
M. Frin-Cormeré en lit un autre sur l'organisation du
bureau de répartition des secours, la nomination des
commissaires de quartiers, et les secours à donner aux
paroisses rurales du canton. Il annonce que MM. les
curés de la ville, M. Duchemin-Vaubernier et Mlle Bus-
son, ont accepté de faire partie du bureau.
On décide qu'il sera formé «ne commission d'hommes
de loi pour examiner les titres des propriétés apparte-
nant aux pauvres et aviser aux moyens de faire rentrer
celles qui ont été perdues ou vendues.
Les officiers de santé seront convoqués pour donner
leur avis sur l'organisation des maisons de Providence
et l'utilité qu'il y aurait de les confier à des sœurs de
charité. Ils seront priés de concourir par leurs talents,
leur humanité et !eur.H connaissances, à secoujHr la classe
indigente et les infirmes.
D'autres décisions sont prises relativement au local à
affermer par le bureau, à la formation de la liste des
pauvres et à la nomination des commissaires de quar-
tiers, dont un au moins sera choisi dans la classe des
fonctionnaires ou des officiers de santé et les deux autres
parmi les personnes les plus riches, et à celle des dames
de charité, au nombre de deux par quartier, etc.
Les curés de la Trinité et de Saint- Vénérand feront
partie du bureau général où chaque quartier sera repré-
senté par un de ses commissaires ou une des dames de
charité.
Le 21 vendémiaire, la liste des commissaires est arrê-
tée. On y voit figurer le préfet, M. Ilarmand, et ses
conseillers de préfecture, Defermon, Chevallier, Morice-
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— 285 —
la-Rue, divers membres des tribunaux. Moulin, Barbeu
de la Couperie, Duferay, Pottier, Lefebvre-Champorin,
Queruau-Boisgasnier, Foucher, Le Sueur, et des fonc-
tionnaires de tous ordres, ainsi que plusieurs praires,
MM. Changeon, Paillard delà Pommeraie, etc.
MM. les curés s'engagent, sur la demande du
bureau, à placer des troncs pour les pauvres dans leurs
églises et à y faire des quêtes les jours de dimanches et
fûtes pour le bureau de bienfaisance.
On décide de prendre à loyer, pour neuf années, sans
que le loyer puisse dépasser 200 francs, l'ancienne
sacristie de Saint- Tugal, appartenant au sieur Tellot,
pour y tenir les séances du bureau et y faire l'école aux
enfants.
Le 23 du même mois, les citoyens Deschamps-Bellan-
gene, Plaichard-Cfaoltière , BouUevraye, Lepescbeux,
Moreau du Boulay, Rosière, médecins. Le Bourdais-
Durocher, Tellot, Bouttevilaia-Granpré et Hubert, chi-
rurgiens, Gasté et Cottereau, pharmaciens, assistent à
la séance du bureau de bienfaisance. Le président pose
la question de savoir si les midsons de secours continue-
raient à être dirigées par des cliirurgiens ou seraient con-
fiées à des sœurs de chanté comme avant la Révolution.
Après avoir rendu justice au talent et au zèle des chirur-
giens chargés de ce service, il fait observer que leur
ministère était plus onéreux que celui des sœurs et que
celles-ci étaient plus propres à entrer dans certains
détails des besoins des malades, à préparer le bouillon,
à réparer le linge du vestiaire et à tenir l'école. Le»
médecins et chirurgiens déclarent que, jaloux de rendre
à l'humanité tous les services dont elle avait besoin, ils
s'engagent à soigner gratuitement tous les malades qui
leur seraient indiqués et que chacun d'eux prendrait un
quartier. De leur côté, les pharmaciens s'engagent à
assister comme par le passé à la réception des drogues
adressées aux maisons de secours et à en surveiller la
préparation.
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La discussion ouverte sur te point de savoir si les
maisons de secours seraient confiées à des sœurs ou à
des chirurgiens fut assez vive. Les avis semblaient par-
tagés. L'assemblée se sépara sans avoir rien décidé et
s'ajourna au lendemain pour qu'on pût consulter le
préfet et le maire de la ville. Ceux-ci se prononcèrent
sans doute en faveur des su'urs, car le bureau décide,
le 27 vendémiaire, qu'à partir du l"" floréal, les deux
Providences de la Trinité et de Saint- Vénérand se]*ont
tenues par des sœurs de charité prises, soit parmi les
anciennes, soit dans une congrégation vouée au service
des pauvres. Les chirurgiens sortiront des dites mai-
sons à la même date et recevront jusque-là le traitement
qui leur était accordé.
On choisira deux chirurgiens qui recevront un traite-
ment annuel pour visiter les malheureux des communes
rurales des deux cantons de Laval.
Un membre propose nu bureau de faire faire des
soupes économiques pour être distribuées aux malheu-
reux, mais l'assemblée décide qu'elle prendra d'abord
l'avis de MM. Tellot, chirurgien, Cottereau et Gasté,
pharmacien..
Le lendemain, MM. Tellot et Bouttevilain-Granpré,
administrateurs des maisons de secours, déclarent adlié-
l'er à l'an-èté pris la veille au sujet des deux Providences
et acceptent la mission de visiter les malades des cam-
pagnes.
Le 7 brumaire, le bureau procède au remplacement
des commissaires qui ont refusé ces fonctions et
approuve le tableau des dames de charité de la paroisse
de lu Trinité, au nombre de deux, ou même parfois trois,
pour cliaque quartier.
Les Dames de charité des huit quartiers de Saint-
Vénérand sont nommées seulement le 26 du même
mois.
Le citoyen Millet, fabricant, est désigné pour assis-
ter aux réunions qui se tiennent chez Mlle Busson, à
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— 287 —
qui sa santé ne permet plus de se déplacer, pour aviser
aux moyens de procurer du travail aux indigents et
monter la lingerie des deux Providences, le linge destiné
à être prêté aux malades ayant été usé en grande partie
et non remplacé pendant la Révolution.
M. le maire sera prié d'autoriser le secrétaire de la
mairie à percevoir les droits dûs par les artistes qui
donnent des représentations dans la ville.
Les hospices ayant remis un compte des biens appar-
tenant aux pauvres, celui-ci sera soumis au comité de
contentieux, composé de MM. Letoumeurs de Mouette,
Clievreui, Beauregard, Sougé, Hardy de Lévaré Iris et
Lasnier de Vaucenay, lequel dira quelles poursuites
doivent être exercées contre les débiteurs ou fermiers
des pauvres.
Le 5 frimaire, M. Bucquet, médecin, est admis au
bureau et chargé, sur sa demande, de soigner les pau-
vres malades de Saint-Berthevin et dlAhuillé où il se
rendra deux fois par semaine.
Le 16 du même mois, M. Frin-Cormeré dépose sur le
bureau une lettre adressée au préfet par le ministre de
l'intérieur au sujet de l'adjonction des deux curés de la
ville au bureaiE de chanté.
Paris, le 86 Brumaire an XI de la République Française.
K Vous avez soumis à ma décision, citoyen Préfet, une
délibération du bureau de bienfaisance de Laval ten-
dant à faire admettre au nombre de ses niembi'es les
citoyens Matagrin et Guérin-Roussardière, curés de
cette ville.
a Si ces citoyens se sont rendus recommandables par
leurs qualités particulières et si vous pensez que leur
nomination au bureau de bienfaisance puisse influer
avantageusemont sur les produits de la chanté indivi-
duelle, je ne vois aucun inconvénient à ce que vous les
adjoigniez à cet établissement. Mais je vous observe
qu'ils ne doivent y être appelés que comme citoyens et
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— 288 —
non à titre de curés. La tolérance du Gouvernement
pour les ditTérents cultes s'oppose à ce qu'il aoit accordé
aucun privilège au ministre d'une religion privativement
à ceux d'une autre religion. II faut d'ailleurs éviter avec
soin tout ce qui pourrait rappeler l'idée d'une corpo-
ration.
« Vous voudrez bien, citoyen Préfet, présenter à mon
approbation rarri-té de nomination des citoyens Mata-
grin et Guérin-Roussardière.
u Je vous salue,
« Chaptal. y>
Le bureau oi-donne que la lettre du ministre sera
déposée dans des archives « pour servir par la suite de
témoignage à la confiance et à l'estime publique dont
jouissent les citoyens Matagrin et Guérin-Roussardière
et dont l'Administration n'a été que l'organe. »
Le 18 frimaire, le bureau décide que des secours en
farine et en lait seront distribués comme par le passé
aux enfants naissants, jusqu'à l'âge de dix-huit mois.
En attendant l'arrivée des sœurs, les chirurgiens qui
dirigent les Providences distribueront la farine et les
dames de charité sont autorisées à traiter avec les lai-
tières pour la fourniture du lait aux enfants, jusqu'à
concurrence de deux francs par mois pour chacun d'eux.
Ici s'arrêtent les notes de M. Daveaux. Celui-ci cons-
tate que, de cette date à 1816, il n'a pu trouver de
détails précis sur l'administration du bureau de bienfai-
sance de Laval. Il a toutefois pris soin de copier une
délibération de ce bureau, en date du 5 prairial an XII
[25 mai 1804), qui nous fournit quelques renseigue-
ments tant sur les écoles de charité ouvertes au nombi'e
de six, dont quatre pour les filles et deux pour les gai^
çons, que sur l'établissement des Sœurs dans les mai-
sons de Providences et sur les travaux de charité
exécutés par ses soins.
Nous avons vu que les chirurgiens devaient quitter
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— 289 —
les Providences au l**" floréal an XI. « Les sœurs qui
avaient tenu autrefois ces maisons à la satisfaction géné-
rale méritaient bien la préférence ; aussi par un accord
unanime, l'administration les rappela-t-elle à l'exercice
de ces fonctions qui leur étaient si chères et qu'elles
avaient rempli avec tant de zèle. Affaiblies malheureu-
sement par suite de leurs anciens travaux, trop avan-
cées en âge pour recommencer une nouvelle carrière,
elles craignirent de ne pouvoir fournir celle qu'on leur
rouvrait et que leurs forces ne répondissent plus à leur
dévouement ; elles prièrent l'administration d'accepter
leur démission. D'après cette détermination, l'adminis-
tration se décida en faveur des sœurs congréganistes de
laChapelle-au-Riboul qui appartenaient au département
et y avaient rendu autrefois les plus grands services
dans les mêmes fonctions qu'on leur proposait de
reprendre. La négociation entamée avec leur Supé-
rieure, les bases du traité acceptées et approuvées par
l'autorité civile, elles prirent de suite possession des
deux maisons qui leur étaient destinées et entrèrent en
fonctions. »
Suivant les errements des anciens bureaux de cha-
rité, le bureau de bienfaisance s'est efforcé pendant l'hi-
ver de procurer du travail aux ouvriers en distribuant
du lin et des poupées (de la fllasse) aux femmes flleuses,
aux filassiers et aux tisserands, et en faisant exécuter
divers travaux de voirie énumérés dans la délibération
par les hommes d'autres métiers, principalement sur la
route de Sainte-Catherine à Changé et aux Ormeaux. Il
a fait notamment creuser le fossé sortant de la bonde de
l'étang de Sainte-Catherine et longeant le chemin du
Préau jusqu'au dessous du portail de cette maison et
fait ouvrir un canal traversant le chemin du Préau
la basse-cour de Sainte-Catherine, les jardins, les ver-
gers et bas-jardins jusqu'au ruisseau du Rftteau, etc...
Knfm le bureau exprime le regret que ses ressources
ne lui permettent pas d'établir près l'une des maisons de
19
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— 290 —
la Providence un asile où seraient reçues les épouses
enceintes à l'approche de leur terme. Mais c'est seule-
ment à la fin de 1809 que ce vœu put être accompli.
Cette délibération est suivie du tableau des commis-
saires (trois par quartier) et des dames de charité (trois
par quartier également) pour les vingt quartiers de la
ville et pour les treize communes comprises dans le res-
sort des deux justices de paix de Laval.
Mais il est temps de mettre un terme à cette étude.
Nous sommes rendus à une époque relativement récente.
Il sera facile dès lors de compléter ce travail, en con-
sultant, soit les procès- verbaux des séances, soit les
comptes rendus imprimés par ordre des administrateurs
du bureau de bienfaisance. Son organisation est dès à
présent complète, telle à peu près qu'elle a subsisté
jusqu'à nos jours, sauf les modifications apportées par
des lois nouvelles ou les améliorations inspirées aux
administrateurs.
E. Queruau-Lamerie.
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NOTES
CHATEAU-GONTIER
PENDANT LA PREMIÈRE MOITIÉ
DU XVII* SIÈCLE
Cette étude n'est pas un tableau complet de la ville
de ChAteau-Gontier, de ses organes, de ses habitants.
Elle est seulement le résumé de renseignements recueillis
dans un grand nombre d'actes notariés que j'ai eu la
bonne fortune de pouvoir compulser, et clans le plus
ancien registre des Assemblées municipales conservé
aux archives de la Mairie '. J'ai utilisé également quel-
ques notes extraites par M. Gadbin des registres de
l'état civil et du Journal manuscrit de Mathurin Douard,
ancien procureur syndic de la ville, conservé au chAteau
de Thévalles (en Chemeré-le-Roi), notes que notre re-
gretté collègue m'avait communiquées peu avant sa
mort prématurée. Plusieurs documents publiés par la
Commission et le manuscrit de Mathurin Thoré ^, que
t. Ce re^itre, écrit en 1675, comprend la période da 13 avril lfi09au
1 QOTembre 16G1, saut une lacune allaot du 83 novembre ltt37 au
1" mal 1643. Malheurausement 11 ne reprodull pa« Intégralement lea
procès- verbaux Aea déllbératlonB et doone seulement la copie de leurs
dlaposltlli. L'absence des considérants cause souvent une obscurité
f&cheuae.
S. Dans ce manuscrit, Incomplet de aw cent cinquante premlËrei
pages, Matburln-René Tboré, qui termina sa carrière en mil comme
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— 292 —
possède la Bibliothèque de la ville, m'ont bien servi.
J'ai consulté avec finiit, outre le savant Dictionnaire de
M. l'abbé Angot, quelques anciens plans et gravures,
plusieurs monographies récentes traitant d'épisodes de
l'bistoire de CbAteau-Gontier et des environs; j'aurai
soin de donner les titres de ces dernières lorsque je leur
ferai des emprunts ou lorsque j'en discuterai les conclu-
sions. Enfin M. Laurain voudra bien me permettre de
lui adresser mes sincères remerciements pour l'aide
qu'il m'a donnée avec sa complaisance habituelle.
Malgré la diversité de ces sources, il est certain que
les lacunes seront nombreuses, et que bien des questions
resteront indécises ; néanmoins j'espère que ce travail
ne sera pas inutile à ceux qui, plus jeunes que moi,
auront le courage d'entreprendre l'histoire si souvent
falsiliée de la patrie de Jean Bourré, l'argentier de
Louis XI.
Quant aux inexactitudes qui nécessairement m'ont
échappé, qu'on veuille bien me les pardonner, ou plutôt,
que mes collègues soient assez bons pour me les signa-
ler ; je leur en serai sincèrement reconnaissant.
CHAPITRE I
DESCRIPTION DB LA VILLE
g 1". — PÉRIMÈTRE.
Sans être réellement une place forte, la ville était ren-
fermée dans une ceinture de murailles dont il reste peu
de vestiges et dont cependant l'emplacement peut être
rétabli avec une assez grande précision.
procureur Impérial, doone de huit ans en tiult ans, t partir de 1606, la
liste des offlclen de l'Batel de Ville, des prêtres, religieux et rellgleusai,
des magistrats, avocats, notaires, etc., de Chiteau- Goutter ; mais il est
muet sur tout ce qui coacerue les gouTerueurs et les geua de guerre,
aiasl que les receveurs des divers Impûti et ne s'occupe du Grenier à sel
que pour l'année 1790, Apoque de sa suppression.
Digilizedby Google
— 293 —
Cette enceinte enclosalt un polygone fort irrégulier
dont le cdté (e plus considérable, faisant face à l'ouest,
est nettement dessiné par la limite des propriétés parti-
culières en bordure sur la Promenade des Platanes. Au
sud cette ligne s'arrêtait un peu au-dessus de l'extrémité
de la rue Pierre-Martinet ; au nord elle se prolongeait
jusqu'à la rencontre de la Grande-Rue. Puis, s'infléchis-
sant vers le nord-est, le périmètre se continuait par une
ligne droite jusqu'à une faible distance bu delà de
l'angle nord-ouest de l'ancien presbytère de Saint-Jean
(auparavant maison de Giziers) détruit il y a peu d'an-
nées ; de ce point par un angle presque droit, il attei-
gnait le derrière de la prison actuelle pour suivre la
crête du coteau qui forme la limite du Prieuré (nunc
presbytère) de Saint-Jean et de la Place du Ch&teau ou
de Saint-Just.
A partir du bas de cette Place, la ligne des fortifica-
tions suivait le bord de la Mayenne dont le lit était
beaucoup plus large que de nos jours. Après avoir coupé
la Grande-Rue en dedans du quai qui alors n'existait pas,
elle se développait parallèlement à la i-ue de la Harelle < ,
jusqu'à l'extrémité sud de la rue des Cosnes, à l'endroit
où pendant quelque temps se tint une poissonnerie dont
le nom survécut jusqu'en 1887.
Ensuite par un brusque détour et une ligne plusieurs
fois brisée, l'enceinte se moulait sur les sinuosités du
coteau jusqu'à la rencontre de la rue d'Olivet, un peu
au-dessus de la rue Cotellière. Knfin elle rejoignait
directement la Promenade Mahier en passant derrière
les maisons qui bordent au nord la rue Pierre-Martinet.
La ville ainsi délimitée ne comprenait que le versant
oriental du coteau qui s'avance vers la Mayenne par
une pente rapide, et comme ce versant est lui-même
1. La distance entre le rempart et la rue de la Harelle était si peu
considérable <iue le« maisons d'un cAté de cette rue touebaienl par der-
ritre les murs de ville (Actes de 1641 au rapport de H' Aurat, notaire
n^al).
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— 294 —
divisé en deux parties inégales par te ruisseau du Mer-
danson qui le ravine profondément, presque toute sa
superficie présente des accidents de terrain qui rendent
la circulation pénible pour les piétons et souvent impos-
sible pour les voitures. C'est seulement au nord-ouest,
entre l'église Saint-Jean et les anciens remparts, et au
sud-ouest, autour des Halles, que l'on trouve un peu de
terrain presque horizontal.
§2. — Les Fortifications.
L'enceinte dont nous venons d'indiquer le tracé offrait
naturellement des accidents : portes, tours et autres, sur
lesquels nous avons pu recueillir les renseignements
suivants :
Front sur la rivière. — De la Place du Château à la
Poissonnerie, les murailles, protégées par la Mayenne,
ne présentaient pas une grande hauteur. En suivant le
cours de l'eau, on trouvait d'abord la poterne des Trois-
Moulins, débouchant sur une chaussée dont nous
aurons à nous occuper. Un peu plus loin, à l'extrémité
inférieure de la Grande-Rue, la Porte des Ponts com-
mandait l'unique voie de communication entre les deux
rives ; seule elle permettait l'entrée de la ville en venant
de la rive gauche ; aussi était-elle considérée comme la
porte la plus importante et c'est en raison de cette
importance qu'au mois de novembre 1572 les habitants
avaient pu voir sur une de ses deux tours, exposée au
bout d'une pique, la tête du fameux calviniste René de la
Rouvraie, aurnommé le Diable de BressauU ', condamné
à mort et exécuté à Angers pour les nombreuses craautés
commises par lui pendant les guerres de Religion.
Un peu en aval, !a poterne de la Grille * avoisinait
1. Le château do BressauU était Rltué dans la paroisse de Menil.
Ed 15Ti la [erre tut confisquée sur René de la Rouvraie et attribuée au
seigrneur de Hagnannes, sou suieraiu, pour cauM de forfaiture.
2. La rue de ta GrUle relie encore aujourd'hui le quai i la me de la
Harelle.
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_ 295 —
l'égoât par lequel le Merdaason déversait ses eaux dans
la Mayenne ; elle devait évidemment son nom à la
grille placée à la bouche de cet égoùt pour empêcher
l'introduction par ce canal de tout individu venant du
dehors.
Le Port aux vins, creusé à une faible distance, per-
mettait le chargement et le déchargement des bateaux
bien plus nombreux jadis que de nos jours. On y parve-
nait par une porte dont le pont était fortement détérioré
en 1616 au grand dommage des marchands de vins ;
aussi trouvons-nous à la date du 23 mai de cette année
une délibération des habitants ainsi conçue « : Pour le
« regard du pont de la Porte du Port, [il a été décidé]
« qu'il demeurera en estât qu'il est, sy mieux n'ayment
*. les marchands le faire faire de bois qui lèvera pour
« leur commodité, sous les offres de habitans de fournir
K de chesnes (chaînes) et hranquarts ». Il s'éleva sans
doute quelque difficulté entre les marchands et les habi-
tants, car, le 6 avril 1617, le travail n'était pas commencé
et une nouvelle délibération décide que : « sera fait un
« pont à la Porte du Port, auquel seront employés les
• brancarts et chesnes qui y estoient entiennement, à la
« charge que les marchands de vin y contrîburont
« suivant leur offre » ; et pour obliger ceux-ci à s'exécu-
ter, la délibération igoute : « sinon sera led. pont fermé,
« et au moyen de ce sera la Porte des Trois-Moulins
« proche la rivière condemnée ». Si cette menace avait
été suivie d'elTet, aucune marchandise n'aurait pu être
introduite en ville par la rivière.
Deux tours défendaient le Port aux vins ; l'une en
amont était appelée la Tour du Port; l'autre en aval,
moins avancée vers l'est, porta successivement les
noms de Tour de Mayenne, Tour aux Tanneurs ou de
la Tannerie, et à la fin du xviii* siècle de Tour Guil-
laume. Auprès de cette dernière était une pêcherie dont
la destruction fut une des mesures de précaution que
prirent les habitants le 22 avril 1619, à l'annonce des
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— 296 —
démêlés survenus entre Louis XIII et de Luynes d'une
part, Marie de Médicis et les Princes de l'autre '.
Tout près du Port aux vins une poterne existait ou
avait existé ; le 3 avril 1669, le marquis de Château-
Gontier, du consentement du procureur-syndic, autorisa
le sieur Jean Oogain, marchand mégissier, à la rouvrir
pour l'exploitation de sa tannerie. Cette concession fut
accordée moyennant 16 deniers de devoir ; l'acte qui la
constate est au rapport de M' René Oudin, notaire royal,
qui a oublié de signer la minute.
M. de Montozon, dans VAnnuaire de Ckâteau-
Gonlier pour l'année 1878, mentionne sur le bord de la
Mayenne la Tour Barbet qui, dit-il, était peut-être un
ouvrage avancé. Le plan qu'il a publié a l'appui de ses
assertions est tellement fantaisiste qu'on ne saurait
reconnaître s'il a voulu désigner la tour d'angle sur
l'emplacement de laquelle fut établie la Poissonnerie et
que M. l'abbé Angot appelle Tour du Puits.
De la Poissonnerie à la rue d'Olivet. — Cette partie
de l'enceinte devait être protégée par plusieurs ouvrages
d'importance inégale ; un seul a laissé des vestiges
assez considérables. C'est une tour qui, depuis quelques
années, est réunie aux dépendances du bel hôtel que
M. de Montozon avait fait élever sur l'emplacement de
l'ancienne maison de la Petite-Maroutîère ; notre collègue
la nommait la Tour de l'Est, bien qu'elle aspccte plutôt
le sud. Cette tour fut arrentée le 30 novembre 1669 par
le marquis de Château-Gontier au profit de M* Nicolas
Ârthuis, docteur en médecine ; le contrat passé devant
M* Jean Gilles, notaire royal à ChAteau-Gontier et dans
1. Volet le lexte du dtaposltif de utte déllbérallon : « Le pa;raienr
H d'OlIfTet amènera tous les soirs sa charière à la Grille, autrenienl
Il sera mis à fout ; les roeulnlers de Pendu (monlin en aval de Château-
Il Gontierl Feront le semblable. DeRences aux peschenra de pescher la
« nuit près cette ville et sera démoly la pescherle prùs la Tour de la
« Tannerie ii. Huit jours apil's, nouvelle précaution : « Les habitans
n sont d'avis que Merdenson ( Voir eiaprès] soit bouché en tells lOTle
n qu'il ne coulle plus, et ne soit lamaia ouvert afflii qu'il soit toujonra
K en eau a.
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— 297 —
lequel Louis de Railleul est représenté par noble homme
Jean Lebreton, conseiller du roi et commissaire ordi-
naire des ferres, porte que la tour arrentée est « proche
i( le bas du jardin dépendant de la maison aud. preneur
(i apartenant, nommée la Petite-Maroutière », mais n'en
indique nullement le nom * et le même silence est gardé
dans un acte du 27 mars 1754 portant vente de cette
tour et d'un jardin contigu par les sieurs Dominique et
Charles-Jérôme Artbuis à François-Sébastien Loré,
notaire royal.
Front méridional. — Une porte dite Porte d'OUvet
percée entre deux tours devait son nom à la fois à la rue
et au faubourg qu'elle mettait en communication, ainsi
qu'à une propriété voisine. A partir de cette porte, une
muraille fort élevée, protégée par «ne large douve,
dominait la campagne jusqu'à une vaste tour d'angle,
aujourd'hui dômolie pour l'établissement de la Prome-
nade Mahier, mais que les personnes âgées ont vue et
appellent encore la Tour Percel du nom de son der-
nier propriétaire. C'était au xvii° siècle In Tour Vallin,
et aucun doute ne peut exister à cet égard, malgré
l'assertion de M. l'abbé Angot qui, adoptant l'opinion
de René Gadbin, l'appelle Tour Gaultier -, Une délibé-
ration prise à l'Hôtel de Ville, le 4 août 1617, ordonne
la vente d'un petit jardin « joignant et abuttant les fossez
1. Dana une âtuds publiée rd 1893 par la Gazette de ChàteaUr-lirmlier
et intitulée : Essai hiHorigite aur l'anrien cMieau de Gizierf et
les forti/ications, M. R. Gsdbin dit que cet acte mentionne n une tour,
0 dite la Tour du Puits, dans Inquelle ; a deux ouvertures de porte,
(c l'use au-dea9u8 de l'autre, avec haut et euperflcle, size proche le bas
« du Jardin... ». Nous avone eu entre les mains le domitr qu'avait con-
sulté Gadbin et notamment l'expédition de cet arrent«nient. Nous pou-
vons aOirmer que les mots : dite la Tour du l'uils, n'eitstent pas dans
cette expédition ; on les Ut seulement au dos d'une des pièces du dossier
dans une note beaucoup plus récente.
2. Ce nom de Tour Gaultier se trouve partols, notamment dans l'aveu
de miSfllulteliii, t. XIV, p. 3S31, mais il s'applique à un immeuble voisin
de la rue du Bourg-Ruussel. D'après un renseign émeut qu'a bien voulu
me fournir M. Laurain, la Tour Gaultier était, au lîi décembre 16ffi, une
maison " sise en la rue tendante du Bourg-Roussel àrég-llne Saint- Jean »,
c'est-à-dire dans la partie supérieure de la me Tblonvllle |Arch. de la
May., E 66, ^ 71 v'(.
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— 298 —
(1 de cette ville, vis-à-vis de la Tour Vallin, d'un
« costé, et de l'autre le grand chemin tendant de la Porte
Il d'Olivet à la Croix-Bomer ». La nouvelle église de
Saint-Rémi occupe l'emplacement des maisons de la
Croix-Baumé ; par conséqu»nt la Tour Vallin était
nécessairement à l'ouest de la Porte d'Olivet et non
vers la Mayenne. De plus un titre de 1645 mentionne un
jardin touchant la contrescarpe des fossés entre les
Tours Vallin et Davière ; or nous verrons que ces fossés
sont occupés maintenant par la Promenade Mahier et
celle des Platanes.
Front occidental. — Près de la Tour Vallin, à l'ex-
trémité de la rue nouvellement appelée Gambetta, la
Porte Saint-Rémi était voisine du chevet de l'église
paroissiale du même nom et du Palais. Elle fut plus
connue au xviii' siècle sous le nom de Porte Neuve,
que l'on donne encore à son emplacement ; et le motif
en serait, prétend-on, qu'elle fut percée dans les murailles
après leur construction et après l'ouverture des autres
portes. Nous croyons que c'est une erreur, car si cette
hypothèse était vraie, dès son origine on aurait dit la
Porte-Neuve ; or dans l'aveu de 14,53 elle est toujours
appelée Porte Saint-Ramy ou Saïnt-Rémy, et nous
n'avons trouvé que cette dernière désignation dans les
actes du xvii° siècle. C'est probablement à une répara-
tion ou H une reconstruction postérieure qu'elle a dû son
changement de nom.
Une circonstance à noter : dans les actes de la pre-
mière moitié du xvii' siècle, dans les délibérations des
habitants et de la municipalité de 1609 à 1651, il est
souvent question des autres portes ; mais on n'y trouve
nulle mention de celle de Saint-Rémi. Nous serions faci-
lement porté à croire que cette porte, qui ne s'ouvrait
sur aucun chemin important et dont la seule utilité pro-
venait de son voisinage des halles et des marchés, était
alors une simple poterne d'ancienneté ou avait été
réduite à cet état par une obstruction partielle ; peut-être
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— 299 —
même étnit-clle murnc complètement. Cette opinion semit
corroborée par une délibération du 19 janvier 1621,
ainsi conçue : <i Suivant le commandement du Roy, garde
K sera faite à deux portes ouvertes seulement, celles de
« Treu et Olivet ouvrant alternativement ». La Porte
des Ponts n'étant pas fermée à cette époque, on aurait
eu trois portes ouvertes avec celle de Saint-Rémi '.
Un fossé régnait le long du rempart et forme actuelle-
ment la Promenade des Platanes. Il défendait la Porte
de Tréhut, construite au haut de la Grande-Rue, et que
protégeait en outre l'étang du Merdanson. Aussi
trouve-t-on mentionnés comme existant en cet endroit un
pont-levis sur le fossé et un pont dormant sur l'étang;
mais une délibération du 23 mai 1616 ordonna que ce
dernier pont fiH « comblé de terre et pavé pour esviter
« aux fraita d'entretien. »
A l'extrémité de la courtine qui commençait au nord
de la Porte de Tréhut, en arrière de l'endroit où l'on voit
aujourd'hui le buste de Charles Loyson, était une tour
bâtie à l'angle le plus septentrional de l'enceinte. C'était
la Tour dAmpoigné, appelée aussi Tour Davière ou
Tour Vallaise -, dont les vestiges assez imjwrtants ont
subsisté jusqu'aux i»remières années du xix' siècle.
De la Tour tC Ampoigné à la Mayenne. — Une seule
tour avait été bâtie dans cette partie ; c'était !« Tour de
Giziers qui s'éJevait près de la prison actuelle. Elle
était, croit-on, la plus .incïeime et certainement la plus
importante et elle servit de logement aux gouverneurs
de la ville jusqu'en 1602. Mais, à cette époque, le protes-
tant d'Andigné de Mayneuf nommé à ce poste envoya
son frère pour en prendre possession et celui-ci, par son
arrogance, blessa si bien les habitants — peut-être res-
1. Des treTsui fori Importants turent faits en 1733 h cette porte.
Seraient-ils l'oii^ine de son nnuyeau nom ?
2. Peut-£lrs la Tour Vallaise était-elle dlstlDcte de la Tour d'Am-
polgnë, mais alors elle en éUit bien voisine. Un vieillard de qnatre-
Tingl-douie ans m'a dit avoir vu les real«s de deux loun au
Bout-dU'Monde.
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— 300 —
tés un peu ligueurs, — que, pour avoir la paix, Henri IV
donna l'ordre de raser la tour '.
Le long du Prieuré et de l'emplacement de l'ancien
Château, pas n'était besoin de puissants remparts ; le
rocher presque vertical rendait sufTisant un simple mur
crénelé, jusqu'à l'endroit où l'abaissement du sol obligea
de construire la courtine où était percée la Poterne des
Trois-Moulins.
Ces tours, ces murailles avaient bien peu de valeur au
point de vue militaire ; de plus elles furent bientôt désar-
mées et sur un ordre royal du 27 juin 1619, les habi-
tants durent remettre au Maréchal de Bois-Dauphin
B cpii l'avoit fait fondre à ses dépans, le canon et boul-
« letz estant en leur ville ; » ce qu'ils exécutèrent non
sans exiger une bonne et valable décharge signée par le
roi le 30 juillet suivant. Mais telle quelle, l'enceinte
facilitait la perception des impôts sur les denrées appor-
tées dans la ville ; elle permettait d'arrt^ter les vaga-
bonds et les soldats licenciés ; les portes étaient
fermées ^ en cas d'épidémies ou lorsque des troupes
étaient cantonnées dans le voisinage. Toutefois malgré
la surveillance des gardes, malgré les précautions
prises par la municipalité, les ordonnances de police
1. Dads une délibération du 2 septembre IGll, <i les habitnns sont
H d'avis que ie taux de 300" sera ievé tant sur ia Tiiie que (subourg,
n attendu que c'est... et pour payer la dépense laite par M. le Maréchal
ir de Bols-Daupbln lorsqu'il vint en cette ville pour U démolition de la
n Tour de Giiiers. u
S. Au cnmmencflinent de I68t, les ciels des portes étaient déposées
chez le lieutenant g'énjrai, en l'absence du gouverneur; mais dès le
4 avril de cette année, Il tut décidé gu'eilee seraient confiées au procu-
reur-syndic, « sens que la présente Assemblée, ajoute le lieutenant
(I général René Poisson de Beauvais, puisse faire aucun préjudice aux
n droits que nous prétendons avoir et avons donné à entendre, comme
(I premier olllcler du Roy en celte ville, d'j comender en l'absence du
n sieur gouverneur et li'en taire les tonctions. i> Pareilles protestations
turent faites en liii'J et Wi-Vi par Charles Foureau, sieur de la Francoi'
slére, successeur de René Poisson, et sans plus de succès. Toutefois, en
ieeo, on convint de soumettre la question au Président de Bsllleul,
baron de Cb&teau-Gontier.
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— 301 —
qui défendaient d'entrer dans la ville ou d'en sortir
autrement que par les portes étaient souvent violées la
nuit, les brèches olTrant un passage plus ou moins facile.
Aussi voyons-nous à maintes reprises les habitants
appelés à se prononcer sur les réparations à effectuer
aux murailles et sur les moyens d'en payer la dépense.
Cette dépense était une lourde charge. Le 6 février 1614,
un octroi de 10 sols par pipe de vin est demandé pour y
faire face ; six jours après, on décide d'emprunter 300#
sur « le bruit des troubles qui court » — il s'agissait de
la révolte contre Goncini. — Au mois de mars de la
même année, on impose une levée de 600# « sur tous
u les habitans exemps ou non, privilégiez, esclésias-
« tiques ou non. » Nouvelles levées de 600# en 1615 et
1626 ; on consacre en 1628 deux quartiers de l'octroi de
10 sots à la réfection des murs ; puis nouvelles levées de
600# en 1631 et de 800# en 1649. Des marchés sont pas-
sés pour ces travaux qui se renouvelaient à de trop
courts intervalles et le 1" juin 1649, on décide que
u sera dressé procès verbal de l'état des murailles et les
u visites réitérées de six mois en six mois, et en cas de
u dégradation les propriétaires des tours ajaçants seront
« poursuivis par le procureur-sindic, à peine d'en
« répondre en privé nom. »
Cette dernière mesure était nécessitée par des dilapi-
dations incessantes ; car la ruine des murs n'était pas
seulement occasionnée par leur vétusté et si des brèches
se produisaient si souvent, surtout derrière l'église
Saint-Rémi et au Pas-aux-Chèvres ', c'est-à-dire à la
partie supérieure de la cour du Château, les intempéries
des saisons n'en étaient pas seules coupables. Depuis
longtemps les particuliers ne se gênaient pas pour enle-
ver les matériaux, même au détriment des escaliers ; au
Pas-aux-Chèvrcs on extrayait des pierres du rocher qui
1. Le PBS-sux-CbéTreR était nu hsut de Ift Montée de l'ancleD Collège.
La déslgoatioD plus poétique de Pai-iie-Bicht lut, m'a-t-on dit, usitée
dans le premier liera du xik* siècle.
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— 302 —
portait la muraille et ces méfaits n'étaient pas toujours
l'œuvre d'indigents ou de gens sans aveu. En 1625
deux riches blanchisseurs de toiles, Jean Chouippes,
sieur de la Noé, et son frère François Ghouippes, sieur
d'Eventard, sont parmi les coupables et les habitants
décident à deux reprises qu'ils « seront poursuivis pour
a la réfection des murailles par-devant autres juges que
« de cette ville, qui sont priés de s'en déporter sinon
« seront récusés ensemble par te procureur du roy, et
« seront prins experts autres que de cette ville et fau-
« bourg ', » et que ces poursuites auront lieu « jusqu'à
« jugement définitif. » Nous ignorons la suite donnée à
cette affaire.
Dans leurs diverses délibérations les habitants se
préoccupent de l'état des murailles et des portes, mais
nullement des tours qu'ils considéraient comme dépen-
dant de la baronnie. Ces tours avaient déjà été en par-
tie aliénées; c'est ce qui est établi par la délibération du
1*' jiiin 1649 transcrite ci-dessus. Toutefois celle dont
nous voyons encore la base ne fut arrentée qu'en 1669,
ainsi que nous l'avons exposé.
Les fossés aussi ne paraissaient pas d'une grande uti-
lité et les habitants approuvent le 4 avril 1645 « ce qui a
« esté fait par le procureur-sindic (Julien Meslier de la
« Rue), pour la décoration de cette ville, aux douves et
« fossez de ville. » C'est là, sans aucun doute possible,
l'origine des Promenades dont les plantations furent
renouvelées en 1764 et 1769.
Quant au Merdanson qui, nous l'avons vu, faisait
partie des défenses de la ville, il avait été pris à 10 sols
1. Outre cette suspicioD, la déllbératioD du 6 lévrier 1625 mentionae
de cnrlsui incidente ; le lieutenant général René Poisson de BeauTals,
le lieutenant particulier René Quautin du Tertre et H' Chesneau,
dojeu dM ATocats, se ii déportent ii Buccessiveinent de recueillir les Tolx
et c'est H' Robert Jousse du Boialeau, avocat du roi au siâge de l'Élec-
tion, et beau-frËre de René Quaatin, qui préside la &n de l'assemblée. —
Les Choulppes avaient tiré de la pierre au Pas-aui-Cbâvres et commit
des détrrailaUons aux u portaui et tortlflcatloaa u dn lauttourg d'Aii,
emportant « pierre et matériaux, u
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— 303 —
de rente par un sieur Nicolas Gillard qui avait cédé ses
droits à M' Jean Demond, sieur de la Montagne, contrô-
leur en l'Élection de Chàteau-Gontier ; et bien que la
baillée eût été faite « par les officiera du Roy en cette
« ville < au profit de Sa Majesté comme baron d'icelle, »
les habitants n'bésitèrent pas, le 23 mai 1614, à dispen-
ser Demond du payement de la rente, a condition d'aug-
menter la largeur et la profondeur du fossé entre la
Poi-te de Tréhut et la tour d'Ampoigné ; ils lui accor-
dèrent en outre les amendes prononcées contre ceux qui
démoliraient la muraille voisine ou jetteraient des
immondices dans l'étang. Cinq ans plus tard, une des
mesures prises en raison des troubles fut de boucber le
Merdanson « en telle sorte qu'il ne coule plus et ne soit
« jamais ouvert afTm qu'il soit toujours en eau. » Cette
opération était un peu imprudente, une brèche se pro-
duisit en novembre 1621 et fut aveuglée provisoirement
avec « des tonneaux et autres chosses. » En 1626 le
niveau de l'étang fut jugé trop bas, on y fit mettre « un
« nau ^ de telle hauteur que l'eau demeure toujours de
e hauteur pour servir de fortiiication et sûreté de la
0 ville, » et une épidémie s'étant déclarée dans la ville
et les environs, on décide, pour empêcher les émana-
tions, que « sera le nau du Merdensou muraille et
« haussé qu'il y ait quatre à cinq pieds d'eau dans le
A fossé. » Un emprunt de 500# fut nécessaire pour
parachever ce travail.
S 3. — Les Églises.
Dans l'intérieur de la ville se trouvaient quatre
églises : trois paroissiales, Saint- Jean-Baptiste, Saint-
Jean l'Évangéliste et Saint-Rémi ; une collégiale, Saint-
JuBt.
1. Il DelanlpaBonbUerquelabaroDDledeChilMU-Goiitteretleduehé
de Bwomoot dont elle falmlt partie, étalent alon réunis à la Couronne.
t. Natt M dlaalt pour nue grande pltee de bols creuse terrant à
l'égoAt dea étangs [Dict. de Bécherelle)!
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— 304 —
Saint-Jean-Baptiste ou le Grand-Saint-Jean. —
Lorsqu'en 1007 Foulques Nerra commeoça le château
sur un rocher dépendant de la terre de Bazouges qu'il
avait cédée à l'abbaye de Saint-Aubin d'Angers eu
échange de celle d'Hondainville dans le Beauvaisis ',
les Bénédictins ne tardèrent pas à Fonder tout près de
cette forteresse naissante un prieuré dédié à saint Jean-
Baptiste. Leur première chapelle à l'architecture mas-
sive et irrégulière devint bientôt la crypte - d'une église
dont la construction remonte aux dernières années du
XI* siècle ou au commencement du xii* ; nous n'avons
pour dater cette église que sa ressemblance avec la cha-
pelle du Genéteil dont nous parlerons plus loin et qui
n'était pas terminée en 1125, ressemblance sans laquelle
nous lui donnerions, en raison de son style, une origine
un peu plus ancienne. C'est cet édifice que nous voyons
encore aujourd'hui aiTecté au service paroissial, mais
quantum mutatus ! Sans doute ou avait déjà un peu
défiguré ce bâtiment d'un roman sobre et sévère en per-
çant dans sa façade une fenêtre ogivale ; mais du moins
on n'avait pas plaqué sur toute cette façade un portique
fleuri qui jure avec ce qu'il est censé orner. Le clocher
à la flèche aiguë n'était pas déshonoré par cette lanterne
banale qui a remplacé son sommet détruit par la foudre^,
et sa base beaucoup plus élégante qu'aujourd'hui repo-
sait sur une tour bien proportionnée qu'au xix' siècle
on a maladroitement exhaussée dans un style différent
de celui de l'édifice et de la tour elle-même *.
1. V. I« Cart. de Saint-Aubin, publié par H. le comte de Brous-
■iUon, n* 1".
2. On regarde généralement la crypte comme contemporaine de
l'église ; d'après la différence de ses caractères architecturaux, noua
pensoni qu'elle l'a précédée, mais aoua avouons n'avoir aucun texte
pour appuyer cette opinion.
3. Ce clocher fut frappé par ta foudre h plusieurs reprises, notamment
le S Janvier 166E (Journal de Douard) et le 80 octobre 1791 (J>tcf. de
M. l'abbé Angot).
i. Quant aux peintures latérleurei et aux plaques de liuc qui pro-
tègent contre la pluie les saillies de la façade, nous nous félicitons que
leur Jeunesse relative nous dispeitse d'en parler. — Disons seulement
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— 305 —
Le Prieuré, conttg;u au bas-cAté septentrional, était
sans doute en fort mauvais état, car en 1671 il fut rem-
placé par un édifice dont les dimensions sont peu en
rapport avec le petit nombre des religieux qui l'habi-
taient. Cette nouvelle construction d'un style un peu
froid, après avoir servi de sous-préfecture, est actuelle-
ment )e presbytère de Téglise voisine.
Saint-Jean VÉvatigéliste ou Petil-Saint-Jean. —
Cette église dont on voit les soubassements en bordure
de la rue d'Enfer, remontait, d'après l'opinion générale,
au XII* ou XIII' siècle; les vestiges qui subsistent ne sont
pas assez caractérisés pour permettre de vérifier l'exac-
titude de cette date. L'emplacement n'avait pas été heu-
reusement choisi ; la déclivité du terrain obligeait soit à
construire un chevet d'une hauteur exagérée, soit «
creuser le sot à l'extrémité opposée. Ce dernier parti
avait été adopté et un escalier d'une dizaine de marches
mettait la rue en communication avec le dallage de
l'église qui se composait d'une simple nef sans collaté-
raux.
Saint-Rémi. — 11 ne reste aucune trace de la vieille
église Saint-Rémi; démolie en 1871, et remplacée par
un édifice gothique élevé en dehors de l'ancienne
enceinte, elle était située non loin du Palais de justice
actuel. C'était un assemblage enfumé de constructions
disparates ^ La nef principale et le portail auraient
appartenu au xi' siècle, d'après M. d'Ëspinay ' qui
arguë de l'existence d'arcades en plein cintre reposant
sur des piliers carrés. Mais ce style sévère fut employé
parles Bénédictins auxii* siècle (exemple, le Genétell),
et son emploi ici ne nous parait pas sulTisant pour
détruire l'opinion générale d'après laquelle la fondation
que depuis longtemps chttqne travell exécuté daus cette égM»6 e été
pInlAt maltieureui.
1. C'est sans doute la noirceur de <x% mu» qui a fait donuer aui
paroissiens le surnom d'«n^umn de Sainl-Réiai par opposition aux
]ioupelier» de Saint-Jean.
t. Congrès archéologique d'ingere.
20
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— 306 —
de Saint-Rémi aérait un peu plue récente *. M. d'Espinay
attribue le chœur au xv* siècle. Le clocher entièrement
brûlé par la foudre le 23 novembre 1598 était reconstruit
à neuf, quand le 2 août 1603 le tonnerre le dépouilla
de ses ardoises -. De plus on avait ajouté, à diffé-
rentes époques, des chapelles latérales qui ne (H>n-
tribuaient pas peu à augmenter l'incohérence de l'en-
semble. Une de ces chapelles était toute récente, car
dans son testament dicté à M* Boutïn, notaire royal,
le 31 janvier 1640, Nicolas Leroy sieur de Changé,
marchand ferron, déclare vouloir être enterré « dans
« l'église Saint-Rémy, au-dedans de la chapelle de
« Notre-Dame de Pitié que son père René Leroy y a
a. fait édiflier u .
L'usage était, en elîet, d'inhumer dans l'intérieur des
églises les bienfaiteurs et les personnages de marque ;
mais chacune de nos trois églises paroissiales avait
un cimetière particulier. Celui du Grand-Saint-Jean
longeait l'église du côté méridional ; il devait en être de
même pour celui du Petit-Saint-Jean qui fut béni le
24 septembre 1617, par Guillaume Fouquet de la
Varenne, évéque d'Angers, et celui de Saint- Ré mi
occupait une partie de la place voisine. Il existait en
outre un cimetière commun, dit le Grand-Cimetière,
situé au Martray, bien que ce village dépendit de la
paroisse de Bazouges.
Quant aux protestants, ils étaient naturellement ensé-
1. Dans M Monographie de féglUe de Saint-Rémi, H. l'abbé Couas-
nier de Launay a'eiprt me ainsi : <i Salnt-Réml était le ptusanciensanc-
u tuaire non seulement du terriUilre qu'occupe la ville de Chèleau-
« GoDtler. maia de toute la contrée, excepté Bazouges. Ce qui était
« devenu dans les derniers lemps la nef centrale était tout ce qui restait
« de l'église primitive. Cette chapelle avait été bfttie au coin men cément
« du IX' sl&cte par les moines de Bazouges pour servir de succursale k
Il leur prieuré ■. Or il n'y a Jamais eu de prieuré k Bazouges et les
Bénédictins de Saint-Aubin possédèrent Bazouges au plus tAt à la Un du
X' slËcie, puisqu'ils reçurent cette terre en échange de celle d'Hondaln-
ville qui leur avait été donnée en 9Tt par Agnès, mère de Foulques
Nerra \Curt. de Saint-Aubin}.
2. Journal de Douard.
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— 307 —
pulturés dans un endroit spécial. Des lettres patentes
(la 12 mars 1606 enjoignirent aux officiers de Chàteau-
Gontîer de u faire jouir ceux de la Religion Prétendue
« Réformée d'une place de 5 toises de longueur sur 4 de
« largeur, joignant la clôture et muraille de l'ancien
« château, pour leur servir de cimetière, auquel lieu ila
« en avoient eu un anciennement ' ». Ces dimensions
permettent de croire que le calvinisme avait peu d'adhé-
rents dans la vilie.
Saint-Just. — La collégiale de Saint-Just, qui parfois
est désignée sous le vocable de Saint-Etienne soit seul,
soit uni avec celui de son autre patron, n'était ni plus
ornée à l'extérieur, ni plus gaie d'aspect que tes églises
paroissiales. Cet édifice dont on voit les restes au bas
de la Place du CiiAteau est le dernier vestige des dépen-
dances de l'ancienne forteresse dont il était la chapelle
domestique ; sa fondation remonte, d'après la croyance
générale, au deuxième seigneur de Chftteau-Gontier,
Alard l***, qui y aurait établi un chapitre composé de
quatre chanoines, d'un maire-chapelain et de quatre
chapelains. Au xvii* siècle les chanoines étaient logés
dans une maison que l'on voit encore accolée à l'église.
S 4. — Les Édifices publics.
Le Château. — Qu'on ne nous fasse pas un grief de
n'avoir pas commencé cette étude par la description du
château a qui la ville doit son origine et son nom. C'eût
été la méthode la plus rationnelle... si le château avait
encore existé ; mais du donjon commencé à grands frais
par Foulques Nerra, confié par lui pendant quelque
temps à la garde de son favori Gontier, et terminé par
Renaud l*% des bâtiments en bois qui l'entouraient, il
ne restait plus au commencement du xvii* siècle que
a des vestiges et mazures du logement principal... et
« des foncées ou sablonnières en plusieurs endroictz où
t. Arckivtt it la Mayenne, E6i, [•S3t'.
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— 308 —
« chacun tîroit du sable pour bastir ' ». Aujourd'hui
c'est seulement dans les caves de la maisou de
Mme Guérin de la Rousaardière, au haut de la place,
que l'on peut apercevoir quelques traces des substruc-
tions du donjon.
Il est une phrase, en quelque sorte stéréotypée, que
l'on trouve dans tous les écrits où il est question de ce
château : « Richelieu, revenant triomphant du siège de
B la Rochelle qu'il avait enlevée aux Protestants, en 1628,
u traversa Chftteau-Gontier. Ce fut par ses ordres que
« le château fut démoli - a. Dans cette citation, la prise
de la Rochelle est le seul fait exact ; Richelieu n'est
jamais venu à Chàteau-Gontier et il n'avait pas eu besoin
d'ordonner la démolition d'un château rasé depuis lon-
gues années. Aucun doute n'est permis à cet égard en
présence de l'aveu rendu le 25 août 1414 par Jean
d'Alençon, dit le Simple, au nom de sa mère, Marie
Chamaillard, et dont le texte a été publié par la Com-
mission historique de la Mayenne ^. On y voit mentionné
a le chastel anxien de Chasteaugontier qui à présent est
«. démoli et abatu. » Il est probable que la ruine du
château est due à la bande de routiers qui, sous les
ordres de Jean Cercle et de Foulques Lallemand, s'in-
troduisit dans la ville par stratagème, le 17 août 1368,
et l'occupa pendant dix-huit mois.
A l'époque qui nous occupe, il n'existait à Château-
Gontier que trois édifices publics : les Halles, le Palais
de Justice uu Palais royal et la Maison de Giziers. Quant
à la prison, elle était établie dans une maison particu-
1. André Joubert, La démolition des châteaux de Craon H de
Chûlean-^otUier, Ptëces lustiflcatlvea.
2. IbiU., teite. — A. de Nogent, dans Vitbum dessina et publié par
TaDcrède Abraham. — Abbé Foucault, Documents historiques. —
Comment M. Joubert a-t-ll pu contredire dans son texte ce que les
pièces JustiDcatives, qui en sont l'appendice, établissent si clairement?
3. HullHin de la CammUsion arch. et hut. de la Mayenne, t, XIII,
p. 249.
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— 309 —
lière, prise en location par le sei^eur, et c'est seulement
le 6 novembre 1717 que le marquis tle Château-Gontîer
acheta de Charles Chevreul, sieur de la Touche, et
autres, une maison pour servir de « prisons royaux ».
La prison était, en effet, comme les Halles, une d(5pen-
dance de la baronnie. En 1629, elle se trouvait sur le
teiritoire de la paroisse de Saint-Jean-l'Evangéliste,
mais l'acte du notaire Mei^an, qui nous fournit ce ren-
seignement, n'indique pas la rue ; peut-être était-ce ta
Grande-Rue, dans sa partie inférieure '.
Les Halles. — Dans leurs aveux de 1414 et 1453,
Jean I'^ et Jean 11 d'Alençon comprennent « la Grande
« Cohue, sise en la place de Chasteaugontîer devant
« l'église parrochial de Saint-Rémy ; » dans celui de
1669, le président de Bailleul s'exprime ainsi : « Les
n Halles et placitres estant aux deux côtés d'icelles et
« une autre place nommée le Piltory, à l'un des bouts
H des dictes Halles, dans lesquelles je donne les places
« aux bouUangers, bouchers, poissonniers et autres
t( marchands, pour y mètre des bancs et estnils pour
« exposer leurs provisions et marchandises à tous jours,
a mesme aux jours de marchez... » Cette construction
que l'on pensait être du xv" siècle, offrait une magnifique
charpente dont nous avons encore vu la partie respectée
lorsque, au commencement du xix' siècle, on remplaça
le pourtour des Halles par des maisons particulières
bâties sur un plan uniforme et fort peu artistique. C'était,
d'après M. l'abbé R. Charles-, « le plus important des
« bfttiments civils de cette ville » ; on pouvait les comparer
à celles de la Ferté- Bernard, bien qu'elles fussent moins
considérables que celles d'Évron ^. La toiture avait été
1. L'Immeuble acheté en ni7 élslt situé dnna la Grande-Rue el don-
nait en partie sur la rue du Lierni : 11 servait de conciergerie dès 1516,
époque à laquelle Macé Serru passait déclaration. Il était lort mal appro-
prié pour la garde des prisonniers ; un voisin avait le droit de traverser
la cour de cette niaiRon pour parvenir & sa cave.
2. Revue du Maine, t. II, p. 585.
3. Voirlecroqulsreprodultau tomeXV.p. 3SS, duBuIf«(tn fUla Com-
miuion historiqtie 4e ht Mayenne.
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refaite en 1621 parle fermier de la baronnie et la dépense
s'était élevée à 4.000 #. Aujourd'hui ce précieux assem-
blage de poutres, cette charpente savante et pittoresque
n'existe plus ; le fer et le verre ont remplacé le bois et
l'ardoise, et nous possédons une construction aussi
banale que peu fréquentée.
Avant la Révolution, les Halles ne servaient pas seu-
lement pour la vente des denrées ; si des cérémonies
religieuses attiraient du dehors une aflluence inusitée de
lidcles, on utilisait ce vaste bâtiment pour le service
divin I. En outre elles étalent, le cas échéant, le lieu de
réunion des dizaines chargées de la défense de la ville
et du maintien de l'oi-dre.
Le Palais. — A l'ouest des Halles était te Palais où
se tenaient les audiences de la Sénéchaussée et Siège
royal, celles de l'Election et les assemblées générales
des habitants. Depuis la réunion de lu seigneurie à la
Couronne, on l'appelait parfois le Palais Royal. Nous
n'avons pu trouver aucune description de cet édifice qui
fut rebâti en 1728 et 1729 « et augmenté d'une chapelle
« et de plusieurs chambres et d'un beau degré -. » Cette
construction du xvin* siècle, malgré son peu de solidité,
sert aujourd'hui d'HAtel de Ville,
Giziers. — La maison de Giziers appartenait en
1453 nu sire de .Maille ^. Nous ignorons à quelle époque
et dans quelles conditions les seigneurs de Château-f ion-
tier s'en sont rendus acquéreurs. Ce fut toutefois avant
le 15 février 1537 (v. s.), car à cette date *, Françoise
d'Alençon, vicomtesse de Beaumont, veuve depuis peu
1. Voir dans le BnlUtiH, S* série, t. Il, p. 397, le récit d'une mtMlon
en 1716; celte mlssioD a élément été racontée par Aleils Allaire
steur de l'Oisllllère, margulllier de Saint- Jean-I'EvanfcéliRte, dans une
note manuscrite qui se tn>UTe à la fin d'un eiempiatre des inliquile::
li'Anjou, par Jehan Hirel, appartenant à la bibliothèque publique de
Chftteau-GoDtier.
!, Note manuscrite ù In lin des Aiitii/uitez d'Anjou, mais ne paraissant
pas de la mniD d'Aieiis Allaire.
3. Atcu de Jean II d'Alençon.
l. Voir ButUlin de la Commission, t. XIX, p. 33IS,
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— 311 —
de Charlee de Bourbon, duc de Vendôme, donnait à
loyer pour six années k Estienne Chédasne, son « cber-
a pentier à Chflteaugontier » une maison nommée
Giziers, « à nou» appartenante, dit-elle, située en nostre
« dite ville de Cbâteaugontîer, avec le jardin de notre
« château dudit lieu ». Le loyer fut lixé à 7 # tournois
par an et Chédasne devait en outre supporter que « les
bleds et grains » livrables dans la ville à la recette de la
baronnie fussent « mis et logés en la dicte maison ainsy
a que d'avent ont esté ». Un autre bail porte la date du
2 septembre 1542, et le 18 mai 1549 la duchesse de
Venddme mandait à ses oITiciers de mettre son médecin
en jouissance de ces immeubles '.
Après la destmction de la tour voisine, Giziers servit
de logement au gouverneur de la ville, et Louis de
Champagne qui était pourvu de ce poste y mourut le
5 octobre 1615. ATais sa vie passablement errante lui
avait peu permis d'y résider et son (ils Pierre, qui l'avait
suppléé pendant ses absenres et qui lui succéda, préfé-
rait habiter l'important cliAtcau de la Motte-Ferchaud,
près du Lion-d'Angers. On ne saurait voir dans cette
abstention la preuve d'un rallinement exagéré et la
midson de Giziers ne devait pas être une demeure bien
tentante, car en 1644 les experts chargés de l'estimer,
en exécution de Fccbange conclu entre Louis XIll et la
princesse de Conti -, la déclaraient caduque, évaluaient
son revenu à 20 # tournois et disaient qu'il faudrait
dépenser 3.000 # pour la remettre en état ^.
Le délabrement était tel dès 1635 que les habitants
avaient fait réparer l'écurie, ayant bien soin d'insérer
dans leur délibération que c'était « sans tirer à consé-
quence », afin de ne pas être tenus à de nouveaux frais
pour un bien qui ne leur appartenait pas. Précédemment
ils s'étaient, en 1626, opposés à ce que cette maison fût
1. Arch. de la Ma;«Dne, B 64, 1' 19, y*.
S. Voir ci-aprèe chapitré III.
3. Arch. de la Hajeaae, E 64, 1- 193, f.
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_ 312 —
comprise dans le bail de la baronnie, attendu qu'elle
n'avait pas « esté comprise aux précédans, et c'estoit
« pour le logement du gouverneur ».
Les dégâts ne devaient pas être aussi considérables en
1617 lorsque le marquis de Thouarcé, lieutenant de la
province d'Anjou, y fut salué au nom des habitants par
le lieutenant général de la sénéchaussée M' René
Poisson de Beauvais. En 1690, Mgr de Béchamel,
intendant de la Généralité de Tours, y reçut une dépu-
tation des principaux corps de la ville ; mais dans l'in-
tervalle, de 1649 à 1663, le seigneur de Château-Gontier
avait acquis plusieurs immeubles contigus et une répa-
ration — peut-être une reconstruction complète — avait
permis de porter à 5.000 # la valeur des maisons, cha-
pelle, cours de Giziers et du jardin '.
Il y a quelques années, lorsqu'il était encore utilisé
comme presbytère de Saint-Jean, Giziers, veuf sans
doute d'une partie de ses dépendances, était un beau
logis, mais ne méritait le titre de château ni par son
architecture ni par son importance. Il a été démoli en
1893 et le seul souvenir qui en reste est le nom d'une
ruelle qui relie la Grande-Rue à la place Saint-Jean, et
encore ce nom est-il officiellement : Montée de Géziers,
comme le prouvent les plaques indicatrices apposées par
la municipalité à chacune des extrémités de ce casse-
cou.
S 4. — RvES, Places, Cabhefours, Maisons
PARTICULIÈRES, ETC.
Prenez un plan actuel de la ville, tracez-y les contours
de l'enceinte fortifiée, rétablissez-y la maison de Giziers,
diminuez la largeur de quelques rues, notamment de
celle de l'Hôtel de Ville et vous aurez assez exactement
le plan de Chàteau-Gontîer au xvii' siècle.
Rues. — La Grande-Rue, malgré ses sinuosités et sa
t. Arcb.de UMft;enna,B6i, 1*196, r*.
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— 313 —
pente dangereuse, était une portion de la route de Lavnl
à Angers '. Contrairement à l'état actuel des communi-
cations entre ces deux villes, on suivait d'abord la rive
droite de la Mayenne, on passait cette rivière à CliÂteau-
Gontier et l'on se dirigeait sur Angers par Coudray et
Sœurdres. Sans doute il existait des chemins permettant
de venir de Laval par Entrammes, la Loge, le Bourgneuf
de Baubigné ; mais tel était l'état de ces chemins qu'en
1674, les religieuses envoyées de Vitré pour desservir
l'hdpital Saint-Julien ne purent franchir en une journée
la faible distance de Laval à Château-Gontier et furent
obligées de coucher à la Loge '. — L'extrémité inférieure
de la Grande-Rue était souvent appelée rue des Ponts.
Jusqu'en 1887 ^ la plupart des principales rues avaient
conservé leurs désignations première» ou du moins
celles qu'on trouve dans l'aveu de Jean II d'Alençon.
Toutefois, au xvii* siècle, la rue du Bourg-Roussel qui
allait précédemment de la Grande-Rue à in Porte d'Oli-
vet était déjà divisée comme actuellement en trois
tronçons : la rue Dorée (nunc de la Poste), celle du
Bourg-Roussel et celle d'Olivet; la rue des Cosnes
s'appelait rue de la Petite- ffarelle, et parfois rue de la
Tannerie ou des Tanneurs. La rue de VHôtel de Ville
était la rue du Pineau avant de s'appeler rue d'Ampoi-
gné. La rue de la Poterie, voisine du Bourg- Roussel,
devait être la rue du Riocket actuelle. Nous rencontrons,
mentionnées dans les actes, la rue de Saint-Jean-V Evan-
géliste, au bas de laquelle était un porche en 1658. la
rue du Petit-Saint-Jean, la rue tendant du « Puiz
Salle « à l'église Saint-Jeun-l'Evnngéliste ; tous ces noms
s'appliquent probablement à la rue du Liéru. Comme on
I. On donnait général émeut le nom de Grande-Rue à la route princi-
pale traversant une ville, comme à Laval, à Naotea, ele,
S. Atinalfe de la Communauté de Saint-Julien, manuscrit du xix' a.
conserva à l'Hâtel-Dieu.
3. Nous n'Insisterons pas sur les fftcheui changements qui Rurent lieu
k cette époque, et nous emploierons souvent les noms supprimés, beau-
eonp plus connus et beaucoup plus usités aujourd'hui encore que les
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— 314 —
le voit par un de ces exemples, on désignait souvent les
rues non par leurs noms, mais en énonçant les endroits
qu'elles reliaient '. La Grande-Rue est indiquée comme
descendant de la porte dp Tréhut à celle des Ponts ; la
rue du Théâtre actuelle s'appelait me du Cheval-Btanc,
mais on écrivait aussi me menant de la Porte d'Oiivet
au Port-aux-vins ou rue entre le Cheval-Blanc et la
maison du Beausoleil ; celle de Thionville était la rue
tendant de la Porte d'Oiivet à la Porte des Ponts.
Places et Carrefours. — Outre les trois places qui
entourent les Halles et dont l'une fut en 1645 améliorée
par une « levée de pavé à aller de la Halle à l'église »
Saînt-Hémi -, il n'existait dans la ville que la place située
devant l'éf^lise de Saint- Jean-Baptiate et Giziers, et celle
du Château ou Place Saint-Just. Mais les carrefours
étaient noml)reux et contrairement à l'usage actuel ils
avaient des noms. Dans la ( jrandc-Hue était le carrefour
Saint- Jacques, au bas de la me actnelle de l'Aileman-
dier ; la montéi^ Brucliemotte partait du Carroi de la
Galère ou du Puits-Salle ^ ; le Carroi du Bourg-
Roussel était formé par la rencontre de lu rue de ce
nom, de la rui^ Pavée, de celle des Pintiers et de ta rue
Dorée. Le carrefour du Puits-Bidaull se trouvait à
rintersectiori de la nie de la Poëlerie {nuiic René Homo)
et de la rue des Juifs ; il était relié à celui du Puits-SalIé
par la nie de la Vieille-Ecole.
Nous n'avons pu identifier la rue du Vignau où
demeurait en 162S M" Jean Denyau, sieur du Verger,
lieutenant en l'Election.
Fontaines et Puits. — Nous avons cité plusieurs puits;
nous devons ajouter le Puits du Pineau, situé sans
I. Aujourd'hui, bien que tuutes les ruée aient des noms oflldels, ces
noms sont peu usiys nt l'on entend souvent dire : la rue de M. un tel
ou de H" une telle.
S. DélibératroD du li février <64;>.
.1, La maison du Puit^ Sait*, ou de In dalere faisait face n la Biblio-
thâque actuelle; elle occupât tout l'espace compris entra la Grande-Ruf
et le rue du Liéru.
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— 315 —
doute à l'angle de la rue de ce nom et de celle de In
PoPlerie ' ; la fontaine de Pissot, a rextrémité de In rue
de la Petite-Harelle,et celle du Pilori, au lias des Halles".
L'entretien de ces fontaines était parfois négligé ; une
délibération du 4 juin 1624 ordonna de travailler h leur
« acomodement et décoration » et de « rel)onder le Puits
du Pilory ».
Maisons particulières. — Toutes les mes étaient
étroites et assombries par les étages surplombants des
maisons dont les façades étaient souvent tapissées d'ar-
doises, comme on on retrouve encore quelques spéci-
mens ; a peine suflisaient-elles pour le passage d'une
petite charrette traînée par une paire de bœufs ou plus
souvent par une couple de vacbes. Avec des maisims aux
rares fenêtres s'ouvrnnt sur des voies où l'air circulait
à peine, où ne pénétrait presque jamais un rayon de
soleil, on comjirend pourquoi les habitants avaient une
telle frayeur des épi^lémies qui, dans un pareil milieu,
trouvaient toutes les circonstances favorables à leur ra-
pide développement et à leur longue durée.
Nous signalerons seulement deux maisons existant
au xv!i° siècle ; desvestigesde la m(>me époque se voient
dans plusieurs endroits, notamment dans In partie su-
périeure de la Grande-Rue ; on pourrait sans doute en
retrouver d'autres englobés dans des constructions plus
récentes ou masqués par les murs de clôture de plusieurs
logis ; mais leur étude nous entraînerait trop loin.
A l'angle formé par la i-ue Dorée et la (Irande-Rue,
au carrefour du Puits-Sallé ou do la Galère, un membre
de la famille auquel appartint le surintendant Fouqnet,
fit construire au commencement du xvti* siècle l'hôtel
1. En 1687, les rues d« la PoSlerie et des Vigaen lou (tu Merdanson)
rormèrent la rD« RenA-Homo.
2. Une délibération d« l'HAtel de Vlltp du 19 décembre 17«> sollicita
du marquis d'Autichnmp, Hlgneur de Ch&teau-Gontiar, rRuUiriiallon
d« reconstruire cette fontaine arec les pjprret qnE Rapportaient la cage
où l'on exposait les condamnés. Cette requête tut favorablement ac-
cueillie.
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— 316 —
qui sert aujourd'hui de Musée et de Bibliothèque. Sur
son emplacement avait existé la Petite Cohue ou Cohue
de sursemaine, petite halle suHisante pour contenir no-
tamment l'installation de cinq bouchers qui, en 1453,
payaient à Jean H des droits annuels d'étalage variant
entre 9 et 15 sols. D'après M. Angot, cet hôtel était
occupé par François Fouquet ', sieur de la Boucliefol-
lière, qui mourut en 1681. Est-ce son père, dont nous
ignorons le nom, qui le fit bâtir 7
Moins importante, mais plus ancienne et plus remar-
quable était une maison située au bas de la Grande-Rue,
au-dessous de la rue de la Harelle, dont elle fait le coin
du cAté de la Mayenne. La Commission en a reproduit
le croquis à la page 380 du 15" volume de son Bulletin,
et voici la description qu'en a donnée M. l'abbé R.
Charles, dans la Revue du Maine (t. I", p. 636) :
« Le rez-de-chaussée, du côté du pignon -, est sou-
0 tenu par trois gros piliers qui divisent la façade en
« trois arcades ; l'une au centre donne accès à la maison,
« les deux autre» permettent d'établir un étal de mar-
« chandises. Cette forme est celle que l'on retrouve le
« plus communément adoptée pour les maisons de mar-
« chauds et d'artisans au moyen-Age... Les poteaux
« corniers étaient décorés de figurines sculptées dans
o l'épaisseur du bois. Deux sont encore en place ; on y
« reconnaît une femme habillée suivant la mode de la
H fin du xv' ou du commencement du xvi" siècle et tenant
H dans ses mains un poisson; puis un quadrupède à tète
« ronde qui pourrait être un chat. Au-dessous on distin-
« gue un écusson à demi effacé, chargé d'une Heur de lys
« accompagnée de deux roses. Le premier étage s'avance
« en encorbellement au-dessus du reK-de-chaussée... »
I. Il devait AUe neveu de Fran;iiis Fouquel, sieur du Faux, qui était
président ï rËlecl[iin en 1606. — Cette maison sortit plus tard de cette
famille. En fnce se trouvait, en tT8I, si dous ne commettons une erreur,
la maison des Plantes où l'on jouait k la paume <Arcl). de la Majenne,
E6S, fi88].
8. Sur la Grande- Hue.
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— 317 —
Si. nous avons fait cet emprunt à la ftevue du Maine,
c'est que hélas ! la plupart clos verbes que nous venons
de copier ne doivent plus être mis au présent, mais bien
au passé. Ces sculptures naïves qui attiraient les regards
de tous les étrangers, ont été récemment enlevées et
remplacées par la banale devanture d'une boucherie !
Seule la façade qui donne sur la rue de In Harelle et qui
paraît d'une construction plus récente, est restée intacte
et nous montre encore son élégante tourelle, ses ouver-
tures aux sobres moulures et ses deux bustes saillants
chacun d'un ovale.
Dans le Bibliophile du Maine (n* 19), M. R. Gadbin
énonce que cette maison était la demeure de Messire
Denis du Breil, seigneur de la Harette, qui la légua au
baron de Chftteau-Gontier. Ne serait-ce pas une des
trop nombreuses légendes dont on a orné (?) l'histoire
de cette ville ? Cette maison, comme le fait observer
M. l'abbé Charles, était le logis d'un marchand ; de plus,
si nous consultons l'aveu de 1453, nous y trouvons
parmi les censitaires n Jehan Gaultier et Perrin Aygre-
« mont pour leur maeson de la Harelle, » située dans la
rue de ce uom, mais du côté opposé à la Mayenne.
L'extérieur des maisons n'est pas tout et leur disposi-
tion intérieure est parfois intéressante à examiner. Un
acte passé devant M" Boutin, notaire royal, le 29 octobre
16.33, contient la vente par Messire René Quatrebarbes,
lieutenant des Maréchaux de France, à M* René Meslier,
sieur de la Rue, receveur du Taillon dans l'Élection de
ChAteau-Gontier, d'une grande maison rue des Juifs.
Voici la composition de cet immeuble : une salle en
entrant, une chambre à cAté, grenier au-dessus, cuisine,
cave au-dessous, cour, grange servant d'étable et fane-
rie, jardin, galerie avec un pavillon au bout, contenant
une chambre basse, deux chambres hautes et grenier,
le tout couvert en ardoise. En résumé, une salle unique,
quatre chambres dont trois dan» un pavillon, une cui-
sine, sutfisaient alors pour constituer une grande maison.
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— 318 —
On ne se faisait pas besoin d'une antichambre et l'on
entrait directement dans la salle où l'on mangeait et où
l'on recevait ses amis.
Que devaient être les logements des petits bourgeois,
des marchands, des artisans ? Généralement on se con-
tentait de deux ou trois pièces, souvent une famille occu-
pait une chambre avec une étude (cabinet] ou une
bouticque à ouvrouer, c'est-à-dire un réduit où l'on
pouvait installer un métier pour tisser la toile ou la
serge. Le mobilier qui garnissait ces demeures et que
nous étudierons plus loin était pour le moins aussi mo-
deste, et paraîtrait bien peu confortable et bien insuffî-
sont à nos raftinés du commencement du \\° siècle.
(A suivre). Eh. Ch. du Bhossay.
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EXTRAIT DE L'ANCIEN GREFFE
DES SEIGNEURS VICOMTES
DE BEAUMONT ET DE LA FLÈCHE
(Fin).
77.
Du 17* des dicts moya et an a esté expédié mandement
de ma dicte dame au maistre des eaux et forests de sa
baronnie de Sonnoys ou son lieutenant par lequel, comme
pour certaines causes ad ce la mouvans eust ce Jourd'huy
consenty et a accordé à Vincent Gogué, maistre de forges,
seul, la vente failoparfeu Monseigneur, que Dieu absoille, dès
le 21' jour d'octobre 1534, de la couppe et despouille du bois
des défais de la Haye de RoUée et du parc de Lesgrun près sa
forest de Perseigoe et tout le contenu du contract sur ce faict
et passé tant pour forges à faire fer avec la ferme de 200 * tz
par an pour icelles forges, que autres choses soubs aucunes
modifications, clauses et restrictions contenues et desclarées
es lectres de son dict accord et consentement, notamment
que la mesure des dicts boys sera faicte à la mesure du pied
de CLastelet de Paria à 25 pieds pour perche et 100 perches
pour arpent, ainsy que plus à plain poura entendre par la
teneur des dictes lectres et contract ; pourquoy luy mande
et ordonne par le dict mandement que aux despens du dict
Gogué procède à faire mesurer et arpenter les dits défais
par mesureurs et arpenteurs non suspectz ne favorables et
le dict arpentage faict, incontinent le luy envoyer et iceluy
faire escrire et regestrer es remenibrances de sa juridiction
et au surplus baille et délivre au dict Gogué les bois ensemble
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— 320 —
lieux, places et endroitz nessessaires et requis pour le (aict
de la dicte forge et fourneau, le tout selon la forme et teneur
des dicts contratz. lesquelles forge et fourneau, à ce que la
chose en puisse estre plus favorisée, vous déclarerez et ferex
déclarer avoir esté et estre faicte de par nous aux despens
toutesfoys d'iceluy Gogué, en contraignant à ce faire et
souffrir ceux qu'il appartiendra cl qui pour ce seront à
contraindre par toutes voyes et manières deues el raison-
nables, le tout sans préjudice de la teneur des dictes leclres
et contractz. Donné à la Flèche, etc.
A esté des dicts moys et an expédié autres lectres de ma
dicte dame en la forme qui s'ensuit :
Françoise, elc, à révérend père en Dieu Monseigneur
l'évesque du Mans ou ses vicaires , salut et dilection.
Comme la maladrerie de Montoire fondée et déservie en la
chappelle dicte la Magdeleine en la paroisse Saint-Aoustrîlle
du dict Montoire, ensemble la dicle chappelle soient à pré-
sent vaccans par la morl et trépas de feu M° Hené Vannier,
en son vivant prestre et dernier paisible possesseur et paci-
fique d'icelle maladrerie et chappelle, des quelles maladrerie
et chappelle quand la vacation y eschet, appartienne la
nomination aux manans et habitans de nostre ville de
Montoire, à nous la présentation à cause de nostre cliastel
et chasielnie du dict lieu et à vous la collation et toutte
autre disposition, et par eslection nous ayent les dicts
manans et habitans nommé à icelle maladrerie el chappelle
Jean de Lavardin, clerc, pourquoy à la dessus dicle nomi-
nation, vous présentons le dict de J^avardin, prions et requé-
rons sur ce vos lectres de collation et provision luy estre
baillées et octroyées. Donné, elc.
79.
Des dicts moys et an a esté expédié autres leclres de ma
dicte dame soubs son seing el seel en la forme qui s'ensuit :
F'rançoise. etc., à tous. etc. Comme à cause de nostre
douaire que avons ou dict duché à nous compète el appar*
tienne la collation, don et disposition des offices d'icelluy
douaire, touttes et quantes fois que vaccation y eschet soit
par mort, résignalîon ou autrement, sçavoir faisons que
pour le bon rapport que faicl nous a esté de la personne de
Michel Guyboust, notaire en la cour layC; demourant à Ven-
dosme, et de ses sens, loyauté et bonne diligence, à iceluy
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— 321 —
pour ces causes et en usant de nostre dict droict, avons
donné et conféré, donnons et conférons par ces présentes
l'estat et office de greffier des fiefs et censifs de la chastel-
aye du dict Vendosme et de ce qui en est et despend par la
création du dict ofRce à présent vaccant au moyen de la
résignation faicte en nos mains d'icelluy estât et office par
(en èlanc), procureur, avec pouvoir espécial quant ad ce de
Claude PIccard, prévoat de Han en Vendosmoys, et Jeanne
Loyaeau. sa femme, demeurant au dict lieu de Han, ainsy
que le dict procureur a faict apparoir par procuration passée
et receue par devant Jean Foucault, lieutenant- gêné rai du
bailly du dict Han. le 14° jour de juillet dernier passé, der-
nier possesseur du dict estât et office, en faveur toutt«3 foys
du dict Guiboust pour par lui doresnavant en joyr et user
aux droictz, honneurs, proufitz> taxations et émolumens qui
y appartiennent et aux charges et conditions déclarées par
les ordonnances sur ce faictes et mesmement de bien et
deuement exercer iceluy estât et office sur les peines indites
et que en son dëfault y sera par nos juges commis d'autre
suffisant et capable, le tout tant qu'il nous plaira. Sy don-
nons en mandement à nostre amé et féal conseiller et
maistre des requestes de nostre hostel le bailly de Vendos-
moys ou son lieutenant au dict Vendosme, que pris etreceu
le serment du dict Guiboust en tel cas requis et accoustumé,
icelluy mettre ou instituer ou face mettre et instituer de par
nous en possession du dict estât et office de greffier et
d'iceluy ensemble des dicts droictz, proufitz, taxations et
émolumens ou dict estât et office appartenans, le souffre et
laisse joyr et user plainement et paisiblement aux charges
toutesfoys dessus dictes, et ad ce contraigne ou face con-
traindre tous ceux qu'il appartiendra par touttes voyes et
s deues et raisonnables. Donné, etc.
Du 21' jour du dict moys d'octobre ou dict an 1539, ma
dicte dame a expédié lectres soubs seing et seel par les
quelles elle continue et confirme Estienne Hamelin en
l'office de sergent et garde de la forest de Meslinays où il
avoit par cy devant esté commis et institué par le sieur de
la Curée, et en tant que mestier est ou serait de nouvel
l'a crée, institué et ordonné ou dit office, À la charge qu'il
sera tenu bailler caution jusques à la somme de 200".
A esté expédié autres lectres de ma dite dame sous son
seing et seel en la forme qui s'ensuit :
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Françoise, etc., à tous, etc., salut. Sçavoir faisons que
pour le bon rapport que faict nous a esté de la personne de
Paschat Douillart, demourant en nostre ville de Montoire, et
de ses sens, suffisance, loyauté et bonne diligence, à iceluy
pour ces causes et autres ad ce nous mouvans. avons con-
firmé el coatîrmons et en tant que besoin est ou seroit de
nouvel donné et octroyé, donnons et octroyons par ces pré-
sentes Testât et office de mesureur et arpenteur, contregarde
politique et visiteur général des poids, mesures et ballances
de nnoullins et vesseaux ensemble de tous mestiers et mar-
chandises et de ce qui en despend et peut despendre par
tout en et au dedans du dict pays et duché de Vendosmoys,
qu'il a tenue et exercée par cy devant au moyen de ce que et
du don qui luy en avoit esté faict par feu nostre très cher
seigneur e} espoux, que Dieu absoille, pour iceluy estât et
office de 1r charge de garde d'estallon du boesseau par le
dicl Douillart tenir et exercer et doresenavant en joyr et
user aux droitz, honneurs, proufitz, prérogatives et préémi-
nences qui y appartiennent et que par nostre dict seigneur
et espoux luy ont esté pour ce ordonnez et par nous confir-
mez escheues et à escheoir, le tout tant qu'il [nous] plaira, à
la charge (outtefoys que le dict Douillart sera tenu faire bon
et )éa) rapport en nos justices et jurisdictions ordinaires des
faultes, abbus et malversations qu'il aura trouvées et seront
venues à sa notice et cognoissance et de résider au dict
Montoire pour le faict et exercisse d'iceluy estât et office.
Sy donnons en mandement à nostre amé et féal conseiller et
bailly de Vendosmoys ou ses lieutenana que, pris et receu le
serment du dict Douillart en tel cas requis et accoustumé,
icetuy mecte et institue ou face mectre et instituer de par
nous en possession et saisine du dict estât et office de mesu-
reur, arpenteur, contregarde politique et visiteur général
des poids, mesures et ballances de moullins et vaisseaux,
ensemble des mestiers et marchandises partout etaudedans
du dict pays et duché et d'iceluy estât et office, droictz,
proufitz et émolumens le souifre et face joyr et user plaine-
ment et paisiblement et à luy obéir faisant et exerçant les
dicts estât et office par tous qu'il appartiendra en les con-
traignans par vous ad ce par touttes voyes et manières
deaes et raisonnables. Car tel est nostre plaisir, etc.
81.
Du 25 jour du dict moys d'octobre ou dict an 1539, a esté
expédié autres lectres de ma dicte dame soubs son seing el
seei en la forme qui s'ensuit :
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— 323 —
Françoise, duchesse, etc. A trèe révérend père en Dieu
Monseigneur l'évesquc de Poîctiers ou ses vicaires en la
spiritualité, salut. Comme à cause de nostre dict douaire
Compète et appartienne la présentation et nomination de
tous et cbacuns les bénéfices et dignitez fondez en l'égiise
Nostre-Dame de Mon treuil-Bel la y ou chasteau du dict lieu
et à vous à nostre présentation et nomination, la collation,
provision et toutte autre disposition touttes et quantes foys
que vacation y eschet, et soit aïnsy que l'une des prébendes
du dict Heu soit à présent vacante par la mort et trépas,
ainsy qu'on dict, de feu M° Jacques Genlilleau, prestre,
sçavoir faisons que en usans de nostre dict droict cy dessus
spécifié, aussy pour la bonne relation que faicte nous a esté
de la personne de M' Loys de Hamberjon et de ses sens,
bonnes mœurs, littérature, honnesteté et bonne conversa-
lion, iceluy pour ces causes nous avons présenté et nommé,
présentons et nommons comme personne ydoyne, capable
et suffisant pour icelle prébende et chanoynie de la dicte
église vacant par la manière dessus dicte avoir, tenir, joyr
et posséder, vous requérant que à nostre dicte présentation
et nomination vous îuy en veillez faire expédier lectre de
collation et provision telles que Iuy seront nessessaires. En
lesmoin de ce, etc.
82.
Du 13 jour de febvrier ou dict an 1539, ma dicte dame
estant à Amiens a receu la foy et hommage simple de
Catherine Le Gay, veufve de François Pérou, qu'elle Iuy
estoit tenue faire pour raison de sa terre et seigneurie et
justice de Saincl-Pater, à elle advenue au moyen de l'acqui-
sition qu'elle et feu son dict mary en avoient faicte par
ensemble, tenue et mouvant de ma dicte dame à cause de sa
baronnie de Sonnoys, etc.
Du 8* jour de juillet au dict an 1539, a esté expédié lectres
de ma dicte dame soubs son seing et seel en la forme qui
s'ensuit :
Françoise, etc., à tous, etc., salut. Comme de tout temps
ancien mesme depuis le temps de la réformation faicte sur
Testât des notaires par monseigneur le Roy, il y eust
accoustumé avoir [et] résider en la parroisse de Cromières
trois notaires, qui seroient longtemps a décédei, et néant-
moins en icelle pan-oisse n'y en avoit de présent que deux
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— 324 —
establys et réeidens, qui est au préjudice de nos droictz et
possessions que voulons conserver et garder b nostre pou-
voir et instituer et créer tiers notaire pour résider et demeu-
rer en la dicte parroisse ainsy qu'il estoit accouatumé de faire
par cy devant, sçavoir faisons que nous deuement informez
des sens, littérature, expérience et bonne diligence de Jean
Bninet, maistre de escolles du dict lieu de Cromières et
natif demeurant au dict lieu, et pour autres causes ad ce
nous mouvans et en continuant nos droictz et possessions,
avons le dit Jean Bninet créé, constitué et estably et
ordonné et par ces présentes créons, constituons, establis-
sons et ordonnons tiers notaire en la dicte parroisse de Cro-
mières et soubs les sceaux à contractz et du tabellionnage
de noBtre baronnie et seigneurie de la Flèche, à la charge
qu'il sera tenu et luy permectons demeurer et résider en la
dicte parroisse pour iîlec avoir, tenir et exercer le dict office
de notaire bien et deuement selon les ordonnances royaux
aux droictz, protitz et revenus qui y appartiennent tant qu'il
nous plaira. Sy mandons à nostre sénéchal du dict lieu que,
pris et receu le serment sur ce requis du dict Brunet, iceluy
mecte et institue de par nous en possession etsaisine du dict
eatat et ofTtce de notaire et l'en face, souffre et laisse joyr.
Car tel est nostre plaisir, etc.
A esté expédié mandement de ma dite dame par lequel
elle ordonne à Kstienne Chariot, chastelain et recepveur de
sa baronnie de Chàteaugontier, payer et délivrer aux reli-
gieuses du couvent de Sainct-Julien audict Ch&teaugontier
le dixiesme denier de tous et chacuns les rachaptz, proufîU
de fief; ventes et yssues qui esclieeront en la dicte baronnie
depuis le jour et datte du dict mandement jusques a pareil
jour que l'on dira 1540, duquel dixiesme denier ma dicte
dame a faict don et aumosne aux dictes religieuses pour leur
ayder i vivre, aussy ad ce qu'elles [soient] plus enclinées à
prier Dieu, etc.
Du 9 jour d'aoust ou dict an, ma dicte dame estant au dict
lieu de la Flèche, a expédié lectres sous son seing etseelen
la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous, etc., salut. Comme k nousàcause
de nostre dict douaire du dict duché de Vendosmoys, com-
pète et appartienne la collation, provision et toutte autre
disposition des prébendes, chanoynies, chappellenies et
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— 325 —
autres bénéfices fondez en l'égalise collégial Monsieur Sainct-
Georges au chasteau du dict Vendosme, touttes les foya
que vacation y eschel, et aoit ainsy que la chappelle vul-
gairement appellée la chappelle Sainct-Yves soit à présent
vacante par la résignation que en a esté ce j'ourd'huy faicte
en nos mains de nos congés et licence, [par] M' Pierre du Guet
etBastien Doulceron, son procureur sutTisamment fondé par
lectres de procuration desquelles nous a apparu deuement,
à cause de la permutation de la dict« chappelle de Saincl-
Yves avec M' Martin Bouju, chappelain de la chappelle
vulgairement appelée d'Ogier en l'église collégial Saincl-
Jean de Langés, au diocèse de Touraine, sçavoir faisons que
pour la bonne relation que faicte nous a esté de la personne
du dict M° Martin Bouju et des bonnes mœurs, honneste vie,
conversation, capacité et suHisance, à iceluy pour ces causes
et autres considérations ad ce nous mouvans et en usant de
nostre dict droicl dessus dict et touché, avons donné et
octroyé, donnons et octroyons par ces présentes la dicte
chappelle Sainct-Yves vnccant comme dict t-st, pour doresen-
avant icelle deservir, par luy en prendre et percevoir les
fruictz, revenus et émoluemens y appartenans, à la charge d'y
faire ou faire faire et continuer le service accoustumé. Sy
donnons en mandement par ces mesmes présentes à nos
bien amez et féaux les cbevecier, chanoines et chapitre de
noslre dicle église que, pris et receu le serment du dict
M' Martin Bouju en tel cas requis et accoustumé, iceluy
mectent et instituent ou facent mectre et instituer de par
nous en possession el saisine de la dicte chappelle el luy
baillent stal en cœur et au parsus le facent, soutTrent et
laissent prendre et percevoir les dicls fruictz, revenus et
émolumens sans aucune difliculté, aux charges touttefoys
qu'il tiendra et observera les ordonnances dernièrement
faictes par nostre redoublable dame et mère en la dicte
église et pourveu qu'en faisant la dicle permutation, ne soit
enlrevenu ou entrevienne aucune fraude, déception ou quel-
que autre illicite paction. Car tel est nostre plaisir, etc.
85.
A esté expédié autres lectres de ma dicte dame en la
forme qui s'ensuit : '
Françoise, etc., à tous, etc., salut. Comme ainsy soit que
despièça le lieu et appartenance de la Fresnaye despen-
dant de nostre seigneurie et baronnie de Saincte-Suzanne,
eust esté acencé el baillé en lief fayé à M' Ëmond Clément,
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— 326 —
nostre bailly an dict lieu de Saincte-Suzanne, pour en payer
par chacun an à la recepte ordinaire de nostre dicte sei-
gneurie de S ai ncte- Suzanne ta somme de cent solz tz de
rente inféodée à deux deniers tournois de cens ou debvoir
féodal, es quelles choses y [a] quelque quentité et nombre
de bayveaux, legs ou estantczons de bois qui eussent, la dicte
baillée faisant, estez retenus et réservez à nous et se fust le
dit Clément à présent tourné vers nous qui nous avoit
donné à entendre avoir esté troublé en la jouissance des
dictes choses à luy baillées et empesché par les abbesse et
religieuses d'Estival en Charnie et aussy par messire Jean
du Bellay, chevalier, seigneur de la Flotte, contre lequel du
Bellay disoit en estre en procès pendant en la sénés chaussée
du Mayne et que néantmoins le dict Clément n'auroit cessé
ne discontinué le payement du passé des dicts cens et rente
inféodez, lequel Clément en considération des dicts procès,
troubles et contrcdictz qu'il disoit luy avoir esté sur ce
donnez, nous requeroit luy faire don du dict boys d'iceux
baiveaux, chesnes, legs, ou estanczons qui estoient à nous
réservez et qui sont es dictes choses de In Fresnaye pour
frayer et soustenir par luy les dicts procès et différentz et
dépendre les dictes choses, sçavoir faisons que pour les
causes et aux charges par ces présentes déclarées et expri-
mées, nous avons donné, délaissé et octroyé, donnons,
délaissons et octroyons par ces dictes présentes au dit Clé-
ment ce acceptant devant noua, les baiveaui, chesnes ou
estanczons de bois qui nous appartenoient et qui avoient
esté a nous réservez es dictes choses de la Fresnaye pour les
avoir et tenir par le dict Clément et en disposer h son plai*
sir, et est ce faict à la charge que le dict Clément sera tenu
et qu'il nous a accordé et promis poursuir les procès qui
sont intentez et indécis pour raison de la dicte baillée, à ses
propres frais, cousts, mises et despens, tant contre les
dictes abbesse et couvent d'Estival que le dict sieur de la
Flotte, et pour ce que te dict Clément nous a faict requeste
nous joindre avec luy ou dict procès, luy avons accordé, à
la charge qu'il demeure tenu moyennant le dict don, en ce
que dict est, et nous acquitte des despens et intérests s'au-
cuns estoient contre nous adjugez pour raison du dict pro-
cès et les payer et nous en acquitter entièrement du sien
propre sans que nous y soyons aucunement sujecte ne tenue
en l'yssue d'iceux procès ne de ce que en pouroit ensuir et
ce néantmoins sera tenu et nous a promis le dict Clément
nous continuer et payer, par chacun an, les dictes rentes.
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— 327 —
cens et debvoir inféodez, sinon qu'il fust évincé, ou que) cas
il demeure deschargé des dictes renies, cens et debvotr
sans ce que touttefoys il nous puisse poursuir d'aucun înté-
rast. Sy mandons au maietre des eaux et forests de nostre
vicomte de Beaumont ou son lieutenant, procureur et recep-
veur au dict lieu de Saincte- Suzanne et à chacun d'eux, si
comme à luy appartient, faire. soulTrir et laisser joyr le dict
Clément de ce présent don aux charges dessus déclarées et
eu faire faire bon et loyal regestre portant promesse et obli-
gation du dict Clément des choses dessus dictes dont nostre
dict recepveur sera tenu en faire rapport d'icelle obligation
et du vidisse authentique de ces dictes présentes en la pro-
chaine reddition de ses comptes, en quoy faisant serez vous,
maistre des eaux et forests, procureur et recepveur entière-
ment deschargez des dicts baiveaux, boia ou estanlzons de
boys dessus dicts. Car tel est nostre plaisir. En tesmoing
de ce, etc. Donné au dict lieu de la Flèche, le 12* jour des
dicts moys et an.
Des dicts moys et an, a esté expédié autres lettres de ma
dicte dame soubs son sein et seel en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous, etc., salut. Sçavoir faisons que en
faveur el considération des services à nous faictz par feu
Marguerit de la Garde, eu son vivant archer de la garde de
Monseigneur le Roy et capitaine de nostre chaslel de la
Flèche, aussy ayant égard à la charge et pouvreté de
Jeanne Mallegrappe, veufve du dict deffunct, et affin que
plus aisément pour l'advenir elle puisse vivre et pourvoir
ses enfans, avons à la dicte Malgrappe donné et doimons
par ces présentes, sa vie durant seulement, la maison et
jardin du Marchais, située en nostre ville de la Flèche, que
tenoit par cy devant Jean Ruby, marchand demourant ou
dict lieu de la Flèche, sans pour ce en rien payer, pour
d'icelle maison et jardin joyr par la dicte Malgrappe et à
commencer du jour Noslre-Dame Angevine prochaine
venant jusques à tant qu'elle vivra, à 1» charge de les tenir
et entretenir en bon et suffisant estât et réparation, aussy
que ses successeurs seront tenus incontinent après son
décès les remettre en nos mains en aussy bonne et suffisante
réparation que de présent ils son). Sy donnons en mande-
ment au baîly, séneschal et autres nos ofliciers de nostre
dicte baronnie de la Flèche mectre à exécution ces pré-
seales et les faire regestrer es remambrances de la cour, et
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au surplus faire et laisser joyr la dicte Malgrappe du con-
tCDu en ces dictes présentes en accomplissant ce que des-
sus. Car tel est nostre plaisir. Donné, etc.
Du 22* jour des dicts moys et an, raa dicte dame estant
au dict lieu de la Flèche a expédié lectres soubs son seing
et seel en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous, etc., salut. Sçavoir faisons que
après avoir veu et entendu le contract de baillée à ferme
faict par feu nostre très cher seigneur et espoux Monsei-
gneur le duc de Vendosmoys, que Dieu absoille, à Jean
Pyart demeurant à Cany, ou bailliage de Cauls, passé par
Germain Le Carron et Estienne du Nesmes, notaires du roy
nostre sire ou Chastelet de Paris, en datte du samedy
27' jour de janvier 1536, louchant le droit qu'i) pouroit en
cet égard appartenir au dict feu nostre seigneur et espoux
lors qu'il vivoit en nostre terre de Cany et Canyel tout
ainsy qu'il est contenu ou dict bail de ferme sans réserve ou
restriction aucune et sans aucunemcDl déroger à îceluy con-
tract, fors seulement du terme de six années que avons
limité comme s'ensuit, c'est à sçavoir que ensuit la teneur et
condition do dict contract faict comme dessus et en tant que
à nous touche et appartient, avons confirmé et confirmons,
approuvé et approuvons le dict contract de baillée à ferme
selon sa forme et teneur et de point en point et tes soub-
missions et obligations dedans contenues le terme et temps
de trois années et trois cuillettes entières et parfaictes seule-
ment, combien que par le dict contract de baillée y soient
compris six années pour doresenadvant en joyr par le dict
Piarl pendant les dictes trois années seulement, aux charges
et restrictions et payemens expressément y contenus et à
commencer ta dicte ferme et baillée du 8° jour de septembre
prochain venant, comme est contenu au dict bail à ferme, et
à continuer pour les dictes trois années entières et par-
faictes suivantes l'une l'autre et finissantes à pareil jour du
dict huictiesme de septembre des dictes trois années, iceluy
jour inctud, a la charge de nous en payer par chacune des
dictes trois années ce qui est contenu et compris ou dict
contract pour nostre égard el aux termes et assignations y
contenues, promettant en foy el parolle de princesse et
soubs l'obligation de tous et chacuns nos biens présens et
advenir et de nos hoirs avoir aggréable et ferme ce que par
feu nostre dict et très cher seigneur et espoux a esté faict
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par le dict bnil à ferme et selon la teneur d'iceluy en tant
que à nous touche et pour le dict temps des dictes trois
années. Et en tesmoin de ce, etc.
Du 15 jour de juin ou dict an 1539, a esté expédié lectrcs
de ma dicte dame par les quelles elle ordonne à I-oys
Danez, sieur de laTremblaye, maistre des eaux etforestsde
sa vicomte de Beaumont, procéder à la vente d'arbres par
pied de ceux que trouverez secs, mortz, corbeilez ou autre-
ment de nul fruict en ses défais de sa baronnie de la Flèche
es tousches despendantes d'iceux, le plus commodément
que faire ce poura jusques à la somme de 1200* Ir. ; de
ce faire deuement elle luy a donné pouvoir, mandement et
commandement à tous ses officiers et sujets que audict
Danez en ce faisant soy obéy. Donné, etc.
Des dicts jour et an a esté expédié autres lectres de ma
dicte dame en la forme qui s'ensuit :
Nous, Françoise, etc., certilfions à tous qu'il apparlicndra
que nous deuement informée de ta vente faicte le 13 jour
de ce présent moys de 1^9 pieds d'arbres situez et assis en
quatre endroictz des défais de cette nnstre baronnie de la
Flèche par Loys Danez, sieur de la Tremblaye, maistre des
eaux et forests de notre dicte baronnie, à M' Guillaume
Richer, curé du dit lieu de la Flèche, pour la somme de
249* 15 s. tz, avons, sur ce deuement advertie, la dicte vente
louée, ratilTiée et approuvée et par ces présentes louons, elc,
promettant en bonne foy et paroUe de princesse et soubs
l'obligation de tous et chacuns nos biens la dicte vente ainsy
faicte (farentir, sauver et délivrer envers tous et contre tous
de tous troubles et empeschemens et outre en cas de pro-
cès rendre et restituer au dict Richer achepleur les deniers
que pour ce il auroit payez avec tous despens, dommages et
intérests. Kn tesmoin de ce, elc.
A esté expédié autres lectres de ma dicte dame des dicts
jour et an, en la forme qui s'ensuit :
Françoise, etc., à tous, etc. Sçavoir faisons à tous qu'il
appartiendra que comme ayons donné charge expresse à
M" Florimond Marsollier, chastelain et recepveur de nostre
baronnie de la Flèche, de faire recepte des deniers des
ventes de bois par nous naguère ordonné estre faictes par
pied d'arbres es défais de nostre dicte baronnie à ce que
aucune difRculté ne soit faicte du payement des deniers des
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— 330 —
dictes ventes, avons promis et par ces présentes promettons
en bonne foy et parolle de princesse à tous les achepleurs
des dicts bois leur ^arentir, sauver, délivrer et delTendre
envers el contre tous les dictes ventes et outre leur rendre
et faire rendre et restituer les deniers qu'ils en auroient
payez en cas de procès, avec tous dommages et intérests
tels que de raison, obligeant quant ad ce tous el chacuns
DOS biens présens et advenir. Kn tesmoin de ce. etc.
Des dicts jour et an a esté par ma dicte dame expédié
lectres soubs son seing et seet de l'oflice de vayeur, sergent,
visiteur de poids et ballances, crochetz et aulnes, fer en
barreaux ou fer couppë et aussy sur les draps mouliez et
non mouliez, ensemble de coheue ou mouleur de boys en la
baronnie de la Flèche, vacant par la résignation qui en a
esté faicte ce dict jour es mains de ma dicte dame par Jean
Chignac pour et ou nom de Jean Mouschet, le serment
adressant au séneschal de la Flèche.
Des dicts jour et an a esté expédié autres lectres de ma
dicte dame soubz son seing et seel de l'ofTice de sergent
ordinaire de la seigneurie de Marchenoir pour et ou nom de
Denys Caullanl par la résignalion qui luy en a esté faicte
par Mathurin Boulclou, le sernieiil ndressant comme dessus
au séneschal ou bally de Vendosmois, M' Jean Tesnière.
A esté expédié autres lectres de ma dicte dame soubz son
seing et seel le 3 jour des dicts moys et an en la forme qui
s'ensuit :
Françoise, etc. A très révérend père en Dieu Monsieur
l'évesque de Poictiers ou ses vicaires en la spiritualité,
salut. Comme à cause de nostre dict douaire nous compèle
et appartienne la présentation et nomination de tous et cha-
cuns les bénélices et dignitez fondez en l'église Nostre-
Dame de Montreuilbellay ou chasieau du dit lieu et à vous,
à nostre dicte présentation et nomination, la collation, pro-
vision et toutte autre disposition, toutles et quanles foys
que vacation y eschet. et soit ainsy que l'une des prébendes
du dict lieu soit vacante ou qu'elle vacquera par la résigna-
tion qui en a esté ou sera faicte de nos dicts congé et
licence [par] nostre cher et bien amé M° Gabriel L'Escuyer,
preslre, à cause de In permutation de la dicte prébende de
Montreuilbellay et la cure Saincl-Hilaire de Belloy, diocèse
de Noyon, avec M'' René Du Pont, chanoine d'une des pré-
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— r331 —
bendes de Sainct-Queniin en Vermai^doys, diocèse de
Noyon, et à sa dicle prébende de Sainct-Quenlin, sçavoir
faisons que en usant de nostre dict droict cy-dessus spécifié,
aussy pour la bonne relation que faicte nous a esté de la
personne du dict Du Pont et de ses sens, bonnes mœurs,
littérature, honnestelé et bonne conversation, iceluy pour
ces causes nous avons présenté et nommé, présentons et
nommons comme personne ydolne, capable et suffisant
pour iceile prébende et ehanoinie de la dicte église vac-
canle par la manière dessus dicte avoir, tenir, joyr et pos-
séder, vous requérant que à nostre dicte nomination et
présentation vous en veilliez faire expédier lettres de colla-
lion, provision telles qu'il luy seront nessessaires. pourveu
loutlesfoys que en faisant la dicte résignation ne intervienne
aucun dol, fraude ou autre illicite paction sur peine de nul-
lité de ces présentes. Donné, etc.
A esté expédié autres lectres de ma dicle dame soubs son
seing et seel en la forme qui s'ensuit :
Françoise, elc, â tous, etc. Sçavoir faisons que pour l'en-
tière et parfaicte confidence que nous avons de la personne
de nostre cher et bien amé René Malherbe, sieur de Poully,
l'un de nos, elc.
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MONTAIGU
Montaigu ! cette montagne n'a pas besoin d'autre
désignation pour los Mayennais. Elle se présente d'elle-
même au souvenir, originale, unique. Il y a vingt
Montaigus dans la Mayennr, mais il n'y a que Montaigu
d'Hambers auquel on pense tout d'abord au seul pro-
noncer du nom. C'est ce tertre régulièrement arrondi,
avec chapelle au sommet, qu'on aperçoit non seulement
du Maine, mais de la forêt d'Andaine en Normandie,
des collines bretonnes vers Vitré et de toutes les alti-
tudes (le 100 mètres dans le bassin de ta Mayenne, en
Anjou. Il ne manque pas dana le massif montagneux
mayennais de sommets plus lilevés, mais ce sont dus
groupes confus. Montaigu a une pbysionomie propre,
individuelle. Les autres hauteurs valent sui-tout par
le piédestal <iue leur font les pentes graduelles du
terrain. Montaigu se détache de son entourage sur tout
l'horizon.
Aussi a-t-it exercé à tous les Ages une attraction
singulière sur les populations. C'est un site privilégié
dans le rayon duquel l'homme se plut toujours. C'est
aussi un point de repère où les regards aiment à se
reporter, sur lequel on s'oriente pour retrouver tous les
autres lieux connus. Quand on l'a vu sous tous ses
aspects, des quatre points cardinaux, dans ses excur-
sions, piqué de ciiriusité, subissant son attraction, on
s'est dit : « J'irai sur cette montagne ; je foulerai sa
bruyère, son sol inculte; j'embrasserai de là tout le
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— 333 —
pays d'un regard; je visiterai sa chapelle et j'y prierai
l'archange ! »
Montaigu se fait si bien remarquer qu'un voyageur
intelligent, Dubuisson-Aubenay, qui traversait le Maine
en touriste vers 1636, et notait soigneusement tous les
objets dignes d'attention, ne vit pas autre chose de
Montsûrs jusqu'à Bais. En quittant Montsârs, « vous
0 passez le bras droit (de la Jouanne) qui est le plus
« petit, dit-il, et le gauche qui est à vostre main droite,
« vous le costoyez et suivez le long de sa rive droite à
« contre-fil de l'eau ; et, passé quelques villages, vous
« voyez sur un ault costau ia chapelle de Saint-Michel
« de Montaigu. Costoyant cela, tousjours à vostre main
o droite, arrivez au-dessus de Montesson, maison bien
« faite et environnée d'eaus, qui est à un gentilhomme
« seigneur du prochain bourg nommé Bais ou Baz parmi
« les paysans ». Ainsi, tout ce que Dubuisson-Aubenay
a vu, a côtoyé, de Montsûrs à Bais, c'est Montaigu et
sa chapelle de Saint-Michel. On se demande comment
il oublie Evron avec son abbaye et ne signale pas même
Rochard qui dut, de certains points, offrir à sa vue sa
croupe couverte de landes et ia roche qui couronne sa
ci'ête.
N'appelons point Alpes mancelles nos modestes chaînes
de collines. Avec des noms moins prétentieux elles n'en
seront que plus aimables, et cela ne nous empêchera pas
de jouir du panorama de Montaigu : plaines illimitées au
sud et à l'ouest, vers Sablé, Château-Gontier, Laval, et
bien au delà ; capricieux entassements de collines dans
les autres directions : les Coëvrons, Pail, Buleu, pour
ne citer que les massifs les plus rapprochés.
On comprend que ceux qui habitent ces pays acci-
dentés, aux larges horizons dont les plans échelonnés,
les lignes, les traits accentués font des tableaux variés
et captivants, aient pour le sol un autre attachement que
ceux de la plaine. Les champs ne valent que par la
moisson ; la montagne met dans l'àme une vision, des
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— 334 —
images qu'on n'oublie point, même transporté dans des
régions plus fortunées.
Puis, sur cette immensité de ciel et de terre cpi'on
découvre d'en haut, l'œil suit des phénomènes qu'on
saisit mal d'ailleurs : c'est le nuage égaré dans l'azur,
qui projette son ombre mobile sur les champs comme
celle d'un oiseau qui plane ; c'est la stratégie d'autres
nuages, porteurs de pluie ou d'orage, dont vous devinez
la marche, soit qu'ils veuillent vous envelopper, soit
qu'ils manœuvrent pour se dérober par une des brèches
de l'horizon, ou qu'on ait le plaisir de les voir épuiser
leur furie et leur déluge avant d'en être atteint.
Et quels objets de méditations pour l'esprit qui se
recueille devant ce spectacle grandiose ! Ces étangs,
taches brillantes, sont les derniers témoins d'un lac
immense ; les bois de la Charnie, de Cnin, d'Hermet, de
Bourgon, sont les lambeaux décousus d'un manteau qui
couvrit toutes les collines et les terres émergées. Jublains
et Rubricaire évoquent les légions et la civilisation
romaines ; Sainte-Suzanne rappelle le Bastard normand
qui vint s'y faire battre. Tant d'autres lieux enfin, qu'on
découvre ou qu'on soupçonne, font revivre pour chacun
des souvenirs personnels et intimes, toutes les étapes
d'une vie qui a rayonné autour de la montagne.
C'est la condition des montagnes d'être arides et
pourtant de faire naître de leurs flancs les sources et les
ruisseaux qui arrosent et fertilisent les plaines. La
Jouanne, par des branches multiples, s'échappe des ver-
sants méridionaux et occidentaux de Montaigu ; l'Aroa
naît sur ses pentes septentrionales. Sur tous les points
et presque jusqu'à son sommet, les sources remplissent
à fleur de terre l'étroite fontaine qu'on leur a creusée
d'une eau intarissable, dont le trop plein s'en va en ruisse-
lets dans les vallées qui les recueillent. Autant vous voyez
de villages, de fermes, de maisons, disséminés sur les
flancs de la colline, autant de fissures par où se distribue
l'eau bienfaisante que recèlent ses entrailles.
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EPOQUE PREHISTORIQUE
Dès l'âge préhistorique les hommes vinrent occuper
le versant méridional du vaste amphithéâtre formé par
Crun, Rochard et Montaigu, en face des plaines
immenses du pays Evronnais. Klontaîgu surtout eut
leurs préférences. M. Emile Moreau a étudié avec com-
pétence les stations et les monuments mégalithiques de
cette région. Je me permettrai de résumer ce qu'il a
écrit, en spécialiste, sur ce sujet.
Au village d'Etivau était encore, il y a soixante ans,
soutenu sur des supports d'un mètre de hauteur, un
dolmen composé de deux tables, formant une longueur
totale de 3° ,64. Ces tables ont été brisées pour faire la
margelle d'un puits ; deux supports sont encore en place.
Non loin de là était « une magnitlque table de pierre d'un
grès très fin et très brillant, longue de 2'",20, large de
1"',30 et épaisse seulement de quelques centimètres ».
Elle était d'un gris clair à gauche, d'un jaune foncé à
droite, et marquée d'une large tache d'un rouge foncé à
la partie supérieure. La destination historique de cette
pierre était attestée par l'origine mystérieuse qu'on lui
attribuait et par la présence d'éclats de la même roche
parmi des outils de pierre non polie trouvés dans le voi-
sinage. Des blocs du même grès jaune sont signalés au
même endroit. D'autres, que M. Moreau qualifie seule-
ment « pierres posées », se faisaient remarquer, il y a
vingt-cinq ans, dans les landes d'Etivau par leurs
dimensions, les excavations qu'elles présentaient ou leur
groupement.
Dans un champ de la ferme de Richebourg, sur une
petite éminence qui lui forme une sorte de socle de
11 mètres carrés, respecté par la charrue, s'élève le
monument remarquable et incontestable dit « les Pierres-
Jumelles », restes d'une allée couverte dont les autres
pierres sont renversées et dispersées dans le petit ter-
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— 336 —
rain en friche. Cette description de M. Moreau est tou-
jours exacte. Mais te terrain environnant n'est plus en
culture. II a été planté en taillis, et les ronces avec les
jeunes pousses de chêne masquent le monument et en
rendent l'accès difficile. D'ailleurs les Pierres-Jumelles
sont non au village de Richebourg qui s'abrite au pied
d'un des contreforts de Montaigu, mais à 500 mètres de
là, dans la plaine, sur une ferme récemment créée dans
les landes des Rabries. — La grande pierre située à
200 mètres plus loin, que M. Moreau nomme justement
pierre des Habries, qui mesure au moins 20 mètres de
superficie, a été nommée pierre au Renard dans une
petite géographie locale, faisant confusion avec la Pierre
au Renard du taillis de Crun. M. Moreau signale encore
les « pierres posées » qui parsèment les landes des
Rabries et un dolmen détruit par la construction de la
route de Sainte-Gemme à Mézangers. 11 y en a d'autres.
Le nom de Pierre-Aiguë que porte la ferme voisine de
Richehourg est un indice. J'indiquerai encore en finis-
sant cette revue sommaire, presque au sommet de Mon-
taigu, au lieu dit le Grand-Bois, un double alignement
de pierres assez grosses qui semblent les supports des
tables disparues d'une allée couverte.
Outre les monuments mégalithiques dont les premiers
habitants de cette région parsemèrent le pays, nous
connaissons de plus les stations où ils fixèrent spéciale-
ment leur habitation. Et c'est encore M. Moreau qui
eut, en 1874, le bonheur de découvrir deux centres prin-
cipaux d'habitations, reconnaissables aux outils en pierre
non polie et surtout aux nombreux déchets de leur fabri-
cation dont le sol était parsemé.
Ces deux stations, situées à la limite des communes
de Mézangers etd'Hambers, surun plateau de 128 mètres
d'altitude, formé d'un sable gris d'alluvion, sont : l'une
à la ferme de la Maison-Neuve, qui a donné des outils
du type acheuléen ; l'autre au point culminant du pla-
teau, au lieu du Bout-du-Bois. Ce dernier a fourni de
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[n-:w STATIONS \ty. Montaicii
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nombeaux débris et quelques outils d'aspect mousté-
rien, d'un quartzite « très fin, d'un très beau lustre, Tra-
hie, sensible aux actions atmosphériques ».
Depuis la découverte de ces stations, M. Maulavé,
curé de Mézangers, les a soigneusement explorées et en
a découvert dans le voisinage, au lieu du Portail, une
troisième beaucoup plus richeen outils travaillés, haches,
pointes de flèches, lames, etc. C'est au presbj'tèi'e de
Mézangers qu'il faut voir le musée de ces stations pré-
historiques, composé de plusieurs centaines d'objets :
outils, percuteurs, nuclei, tous de l'époque paléolithique.
Puisse cette collection riche encore, malgré des détour-
nements regrettables, se conserver intacte et s'enrichir
de plus en plus. Les silex importés y sont en petite
quantité en comparaison des matériaux indigènes. (Voir
la planche ci-contre).
Ainsi les pentes méridionales et occidentales de
Montaigu ont été recherchées et habitées par les popu-
lations de l'époque paléolithique et des vestiges nous en
ont été conservés, soit dans les monuments qui émergent
du sol, soit dans les produits et les débris de l'industrie
de ces peuplades mis chaque jour encore à la lumière
par la charrue.
PÉRIODE GALLO-ROMAINE
Montaigu est situé au centre du pays des Diablintes.
L'emplacement de Jublains, qui fut sans doute la capi-
tale de cette tribu gauloise avant que les Romains vic-
torieux y eussent fondé la ville qu'ils nommèrent
Neodunum, n'avait-il pas été choisi en vue de Montaigu
par suite de l'attraction qui s'était exercée déjà sur les
premiers habitants du pays ? 11 y a moins de 6 kilomètres
de la ville au sommet de la colline d'où l'on peut explo-
i-er du regard toute la plaine.
Toujours est-il que la loi, souvent constatée ailleurs,
de la superposition des civilisations successives dans le
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même lieu, se vérifie encore ioi. Le m^me versant méri-
dional (le la chaîne de collines dont Montaigu est un
chaînon, fut choisi par les Romains pour la création de
divers établissements et pour la direction de la grande
voie militaire de Tours n Vieux par le Mans et Jublains.
M. Moreau a retrouvé à Etivau et à Richebourg, en
plein pays de monuments mégalithiques, traces d'un four
à briques etd'une autre construction avec un four en petit
appareil, et, :i Pierre-Aiguë, une carrière de granit où
gisaient des tronçons de colonnes du diamètre de celles
employées à Jublains, mais d'où aussi, il faut le dire, on
a extrait au xvi' siècle te granit dont sont construites
les maisons du village de Richebourg.
C'est dans ce pays où se trouvent les vestiges pré-
historiques mêlés aux ruines romaines, que passe la voie
des légions, le long des derniers contreforts de Mon-
taigu, et la montagne en est comme un jalon, comme
une borne gigantesque, à mi-chemin de Jublains et de
Hubricaîre, poste militaire édifié sur la voie, peut-être ù
une bifurcation.
Après l'hésitation qui s'impose quand on réforme les
opinions reçues et quand on propose une correction à
un document antique, fût-il reconnu fautif sur bien des
points, j'ai déjà soutenu l'identification de la station de
Rubricaire située sur la voie de Jublains au Mans, avec
celle de Robrica placée par la carte de Peutinger sur la
route d'Angers au Mans. Je renouvelle et maintiens ici
mon alTirmation : 1' parce <]u'il suflit d'un déplacement
d'un centimètre sur la table Théodosienne pour faire
jiasser le mot Robrica de la route d'Angers à celle de
Jublains ; 2° parce qu'on n'a jamais trouvé sur la voie
d'Angers au Mans une station qui, pour le nom et les
distances, répondit aux données de la carte; 3* parce
que Rubricaire, par le camp retranché qu'on y voit
encore, par son nom actuel même, répond au moins à
deux des données du problème et justifle l'identification
que je propose. Les nouvelles fouilles pratiquées à
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— aw —
Kubricaire, l'exhumation du balneum qui accompa-
gnait le camp, donneront l'occasion de traiter plus à
fond ailleurs cette question qui n'est qu'indiquée ici.
La voie de Jublains au Mana passant par Rubricairc,
qui est exactement sur la ligne droite d'un point ù
l'autre, devait visiter le versant méridional de Montaigu.
Mais comme les agglomérations gauloises, puis les villas
latines, y avaient succédé aux peuplades primitives, l'in-
tention de se mettre en contact avec leurs sujets et de
les maintenir dans l'obéissance peut aussi avoir décidé
les Romains à diriger leur voie principale par ces
coteaux ensoleillés.
ÉPOQUE FRANQUE
Après la dispni'ition des Romains, mais à une époque
où la langue latine gardait encore son empire, les nou-
veaux colons francs s'établirent à leur tour dans les
lieux privilégiés par la nature qui gardaient les traces
de trois civilisations successives. Les villages surgirent
et s'échelonnèrent presque sans interruption sur la voie
romaine partout où les sources et un abri protecteur
offraient des agréments ou des avantages appréciables.
C'est de l'époque mérovingienne que datent les villages
d'Etivau, Neuville, Richebourg, Pierre-Aiguë, Ghamp-
fleury, Montaigu, alignés sur un espace de deux kilo-
mètres à peine à la base de Montaigu ou de ses
contreforts. Clielé et Origné, peu éloignés aussi de la
voie romaine, sont les seuls centres entre Jublains et
Rubricaire qui aient gardé dans leur nom la preuve
d'une origine antérieure à l'époque franque. Ils durent
prendre un développement nouveau et se transformer
dans le temps où se multipliaient les lieux habités, et où
la cultui-e regagnait du terrain. Parmi les nouveaux
noms, il en est de riants comme Etivuu, Champlleury,
qui conviennent merveilleusement aux sites des villages
qu'ils dépeignent, en face d'une plaine plantureuse ou de
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landes fleuries, sur des coteaux où l'on va surprendre
les premières apparitions des végétations printanières.
Richebourg et Villeneuvft rappellent la formation de ces
agglomérations de. villageois qui se groupaient sous la
protection d'un clief. Pierre- Aigu i", comme un peu plus
loin Pierre- Fritte, sont des souvenirs des monuments
mégalitliiques qui surgissaient du sol bien plus nombreux
qu'aujourd'hui .
Ces villages, nous les retrouverons mo(]ifié8, renou-
velés à d'autres époques; mais dès lors parleur nombre,
leur rapprocbement, ils attestent oombieii, aux temps
mérovingiens et carolingiens, les Francs aimèrent les
champs conquis par la culture sur les pentes méridio-
nales du mont. Cette époque est peut-être celle où la vie
fut le plus active et la population le plus dense dans ce
petit espace.
Les paroisses elles aussi se constituaient. Hambers,
Sainte-Gemme, Bais et Mézangers entourèrent le mont et
s'en partagèrent les terres cultivables et les lieux habi-
tés. Hambers, qui touche à la base septentrionale, prit
tout ce versant et dépassa même le sommet, prenant
pour limite, au delà du village de Montaigu, le ruisstau
du Rocher et le chemin de Montaigu à Izé : Sainte-
Gemme eut le versant plus favorisé du sud ; Bais eut au
N.-Ë. ce que lui attribuait la ligne de partage des eaux;
Mézangers s'élève à peine sur les pentes S.-O. Les
populations qui étaient chrétiennes eurent dès lors leurs
églises et leur culte paroissial.
Les Francs, on le sait, ne construisirent point de
routes ; ils se bornèrent à entretenir insuflisamment
celles des voies romaines qui leur étaient les plus néces-
saires. Mais si les rois et les grands feudataires se
coniinèrent dans ce rôle, les populations ne purent
manquer de créer des communications entre leurs
groupes les plus rapprochés, d'église à église, de village
à village, et de tous les lieux habités aux anciennes et
principales artères du pays. Ces sentiers se frayèrent
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ainsi tout naturellement, marquèrent peu à peu leur sil-
lon aur le soi et aont devenus avec le temps, bous l'ac-
tion des eaux dans ces terrains accidentés, les chemins
creux que nous voyons, d'aspect souvent étrange,
obscurs comme des tunnels, bordés d'épais buissons et
d'arbres fantastiques, noueux, torturés, qui leur font une
voûte de leurs rameaux et dont les racines sortent du
talus des haies avec des contorsions de serpents.
Deux artères principales se dégagent de ce réseau
compliqué : la voie romaine, allant du S.-E. au N.-O.
par Etivau et Ricliebourg, avant de prendre franchement
sa direction vers Jublains ; puis une autre vieille route
que son long parcours d'Évron à la Chapelle-au-Riboul
et au-delà, en passant par le liane E. de Montaigu,
désigne comme une des voies les plus fréquentées. Les
titres de la seigneurie du Tell la nomment « le chemin
du Teil au tertre de Montaigu, » mais sa prolongation
au delà de ces deux points est évidente et la vicinalîsa-
tion de plusieurs d<- ses tronçons en prouverait nu
besoin l'importance. Deux autres chemins, l'un de Bais
â Chelé, par le versant nord, l'autre d'izé à Montaigu,
par le flanc sud de la colline, cebii d'flambers au vil-
lage de Montaigu, avec prolongation jusqu'à la voie
romaine, forment le réseau secondaire qui se ramilie en
sentiers innombrables. Ces tracés, avec les lieux de
noms anciens qu'ils relient aux divers étages de Mon-
taigu, sont les vestiges laissés sur son sol par la civili-
sation franque sous les deux premières dynasties.
LA FEODALITE, LES ERMITAGES
Le XI* siècle vit naitre deux institutions. La première
fut, dans Tordre civil, la féodalité héréditaire. Tandis que
précédemment les comtes et autres grands feudataires
ne possédaient leur apanage qu'à titre viager et pré-
caire, ils le transmirent désormais par héritage à leurs
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descendants et inféodèrent eux-mêmes diverses parties
de leurs domaines et de leurs fiefs à des hommes liges
qui les tinrent aussi héréditairement, à charge de ser-
vices militaires et de devoirs utiles ou honorifiques.
C'est alors que le baron de Sillé, qui tenait sa baroanie
du comte du Maine, détacha de son domaine la terre de
Chelé en faveur d'un vassal qui en prit le nom et lui dut
service de chevalier quand lui-même accompagnait le
comte du Maine à la guerre.
tiambors et Montaigu se trouvèrent compris dans
cette inféodation du baron de SilIé au châtelain de Cbelé.
Montaigu fit même partie du domaine seigneurial. Le
châtelain, à son tour, ne manqua pas de concéder à ses
vassaux des inféodations censives et roturières, grâce
auxquelles de nouveaux villages se créèrent et les vil-
lages anciens se développèrent. C'est depuis lors qu'on
vil apparaître dans le périmètre de .Montaigu, de la base
au sommet, les fermes et villages qui portent encore le
nom du premier concessionnaire : la Mercerie, la Nore-
rie, la Bourdonnière, lu Velardière, la Chalopinière, la
Godmerrerie, la Hardièi'e, la Rousselière, la Crosneric,
en Sainte-Gemme ; — la ïessinière, la Romeyère, la
Tramardière, la Duchetière, la Miounièi-e, la Gaudinière,
en Hambers ; la Beucherie, la Bellière, la Moisière, la
Morinière, la Gueffelière, la Caillardière, en Bais, pour
ne citer que les noms les plus ex{)rcssifs. Ces nouveaux
centres de culture et d'habitation se fondéi-ent et surtout
se développèrent successivement. A mesure que les
terres défrichées permirent de nourrir un plus grand
nombre de familles, les feux se multiplièrent dans
chaque village. Le bois et des mottes de terre avec quel-
ques murs en pierres sèches formaient d'ailleurs toute
l'architecture de ces habitations. Une maison en pierre,
flomus lapidea, était à cette époque une rareté même
dans les grandes agglomérations et chose inconnue dans
les villages ruraux. Aussi n'en reste-t-il aucunes traces.
Ce n'est que pour les églises et les chilteaux forts qu'on
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employait alors la pierre et le ciment. Ce sont aussi les
seuls édiiices qui aient laissé des vestiges.
La seconde innovation de cette époque se produisit
dnns la société religieuse, par ladilTusion et l'importance
que prit alors la vie érémitique dans le M aine occidental ,
dont toutes les forêts se peuplèrent d'ermitages à ce
point que les auteurs contemporains les nommèrent la
Thébaide du Maine.
Les désordres les plus graves avaient pris racine dans
la chrétienté. Les églises étaient aux mains des laïques;
1ns prêtres bravaient les excommunications et les décrets
des conciles contre les simoniaques et lesconcubinaires.
Mais l'Kglise a toujours la lumière, la yrflce et la force
voulues pour rérornier les abus qui se glissent dans son
sein. Des apôtres surgirent qui se donnèrent rendez-vous
dans notre région. Robert d'Arbrissel vint de Bretagne;
Vital, de .Mortain ; Alleaume, delà Flandre; Bernard de
Tiron, d'.Vquitaine ; Haoul de la FiKaie seul était du
Maine.
Aux accents de leur parole enflammée, des prêtres,
des fidèles de tout lige et de tout sexe, touchés et con-:
vertis, entreprirent, en se sanctifiant eux-mêmes, <rédi-
lier et de ramener a la vertu et à la dignité chrétiennes
les populations avilies, et à cùté des églises polluées
ouvrirent d'humbles sanctuaires où le culte sans éclat
était au moins jmr de simonie et do sacrilège.
11 y eut trois centi-cs du nouvel apostolat : la forêt de
Craonavec Itobcrt d'Arbrissel; Fontaiiie-déliard, d'ori-
gine antérieure dans la forêt de Mayenne ; la Cbarnie, où
se fixa saint Alleaume. Les Coëvrona, Rocbard, Mon-
taigu, furent dans le champ d'action des disciples
d' Alleaume qui, dans une autre dii-ection, s'étendait
jusqu'à Sablé. Montaigu eut pour les ermites l'attrait
qu'il avait eu pour les populations rurales. Ils vinrent au
milieu <rellcs pour les instruire et les réformer. On se
tromperait si l'on croyait que les ermites fuyaient abso- ■
lument la société des hommes. Ils allaient, il est vrai,
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aux populations les plus délaissées, mais ne leur refu-
saient pas plus leurs instructions, leurs conseils, que
les exemples de leur sainteté.
Par des textes ou par des monuments contemporains,
nous savons que les disciples de saint Alleaume vinrent
s'installer tout autour de notre montagne mayennaise, si
même ils ne prirent pas dès lors possession de son
sommet. Saint Alleaume avait créé deux genres d'éta-
blissements : les uns pour les hommes, qui se disper-
sèrent par groupes sur tout le territoire que j'ai indiqué
tout à l'heure ; l'autre pour les Femmes, qu'il installa à
Étival-en-Charnie sous une abbesse. Les ermitages
n'eurent qu'un temps, parce que les besoins auxquels
répondait leur institution étaient passagers, et que bien-
tôt les abbayes cisterciennes qui se multiplièrent rapi-
dement dans la province donnèrent une autre direction
aux vocations érémitiques. Alors les élablissemenls
qu'avaient fondés les ermites, disciples de saint Alleaume,
revinrentàson abbaye féminine d'Etival. C'est ainsi que
nous savons par une bulle de Célestin III qu'en 1197,
les religieuses d'ÉUval jouissaient de la chapelle de
Champlleuri en Saintc-Cîemme et de l'ermitage, devenu
depuis une métairie. Or, par une chance bien extraordi-
naire, cette chapelle de Champlleuri subsiste, de style
roman, conservant jusqu'à ses fenêtres en plein cintre
du M* ou du xii' siècle, murées maintenant, mais toujours
apparentes, en dehors, au pourtour du chœur. Malgré
les modilications successives et la reconstruction de la
nef, sa division par un plancher, te plan primitif est tou-
jours facile à reconnaître : c'était une nef rectangulaire,
avec chœur en abside légèrement rétréci, probablement
voûté à l'origine, entre lesquels un cintre roman détruit
jusqu'aux pieds-droits soutenait un pignon pointu. La
cloche installée dans une petite baie à la pointe du
pignon occidental est encore là pour attester que l'ermi-
■ tage de Champlleuri resta jusqu'au xviii' siècle pro-
priété de l'abbaye d'Étival. On y lit cette inscription :
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CfltEun DE I.A CHAI-ELLE RIIMANK DK ClIKI.È.
lé phulog. cl Knivurc de M. A. P.inlhaull.
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l'aX 171.8 lAY ESTE DONNEE A. CETTE CHAPELLE BE S' JEAS
n DE CHAMPKLEVRV PAIt ILLVSTRE
DAME RENEE CHARLOTTE MACDELAINE DE PEZE,
ARBESSE DETIVAL, ET BENITE PAR MESSIRE lEAN DACAVLT,
CURE DE s'*-GEM<iE-LE-ROBERT, ET IIOMMEE CHARLOTTE
PAR MESSIRE RE»E DtORE, PHESTRE,
ET PAR DAMOISELLE REN'EE DAVID DE MAVBOAHD
PIERRE ASSELIN MA FAITTE.
C'est dans cette chapelle que les disciples de saint
Alleaume, disséminés dans de modestes huttes de terre
et de branchages, se réunissaient pour la prière com-
mune et que les villageois venaient s'édifier de leurs
instructions et du spectacle de leurs vertus. Les ermites
cherchaient si peu l'isolement qu'ils s'étaient établis à
ChampHeuri presque sur le trajet de la voie romaine, et
qu'un autre ermitage situé à une lieue <Ie là, en Jublains,
s'en éloigne encore moins.
Nous n'avons ]ias de textes pour attribuer aux mêmes
ermites la chapelle romane de Chelé. .Mais étant donné
l'époque que lui assigne son style, aucune autre des-
tination ne ]ieut lui convenir. Les ermites seuls au
XI* siècle créèrent, a distance des églises paroissiales,
des cha|»elles pour les populations rurales. J'en dirai
autant de la chapelle «lu Teil qui, sur un autre ]iaint,
aussi ra])prochée de la hase de .Montaigu, était sur un
chemin montant au sommet du tertre. Les vocables de
ces trois sanctuaires sont remarquables et de ceux qu'af-
fectionnaient les ermites : à Champlleuri et au Teil,
saint Jean ; à Chelé, saint Marc.
L'ERMITAGlî DK MONTAICU
Le premier texte écrit qui concerne Montaigu date du
xiu' siècle. Hugues Peaudeloup, du consentement
(l'Alicie, sa femme, se donna à l'abbaye de Champagne
qui possédait le patronage de l'église d'ilambers et lui
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coQcéda aussi tes Liens censifs i{uî lui appartenaient à
Montaigii. Ceci se passait sous le règne de saint Louis,
en 1239.
Mais un autre fuit, ([ui nous est révélé par un docu-
ment postérieur, est bien autrement important et tend â
prouver que les disciples de saint Alleaunie avaient peut-
être pris eux-mêmes, au xii' siècle, possession du pla-
teau de Montaigu, ou que du moins un étnblissement de
mi^me nature, chapelle et ermitage, n'avait pas tardé à
s'y fonder, et qu'enfin la dévotion populaire avait com-
mencé dès lors à Jittirer les pèlerins sur ces hauteurs.
Nous lisons en olfet dans l'acle de fondation ou de
rétablissement de l'ermitage en 1402 par Jean de Lan-
divy et Marguerite de la Macliéferrièn! « que, de long et
ancien [temjis], non réj)uté le contraire, il [était] dit et'
tenu notoirement et pubiic([uement es parties du pays du
Maine, et par espécial es parties où est ung tertre
ap])olé Montaigu, que sur le haut dudit tertre, nvoit eu
éminenceet apparence de chapelle fondée de Monseigneur
saint Michel, et que au jour de la Teste dudit saint
Michel et autres, moult de gens, par dévoliou et par
forme de |)èlerinage, sont allés et vont par chacun jour,
et ont fait et font jdusieurs oblations de deniers et
aultres en l'honneur dudit saint Michel et pour le bien de
leurs âmes. » Mais la chapelle, «joute le texte, a est de
présent et rlès hmgtemps ruyneuse et desmolie. »
Cette chapelle, dont il ne restait )dus que des ruines,
devait être fort ancienne en etret, et la dévotion à l'Ar-
change qui avait survécu à son sanctuaire était forte-
ment enracinée. liien d'im|)ossihle qu'elle remontât au
temjis de nos premiers ermitages dontles églises, moins
exposées aux tempêtes, restent encore debout. Quoi
qu'il en soit, c'est en pleine guerre anglaise qu'eut lieu
ta restauration du sanctuaire, que le nouvel ermitage
tut construit et (jue le pèlerinage s'organisa dans des
ronditions meilleures. L'initiative en appartint à Jean
Cochon, alors simple clerc, mais que nous retrouverons
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prêtre d'ici peu. Le seigneur et ta dame de Chelé lui
accordèrent la permission de bAtir et lui en fournirent
les moyens. Marguerite de la Macheferrière, née à la
terre de ce nom en Astillé, femme en 1^02 de Jean de
Landivy et en 1406 de Guy de Laval, dame de Mont-
jean, Chemeré, Chelé, etc., est célèbre par ses fonda-
tions pieuses. L'église de C.lermont en possède un
monument remarquable dans l'édicule urtistiquc accolé
à l'un des piliers et dont une longue inscription explique
te motif et la signification.
L'acte du 8 août 1402, par lequel Jean de Landivy et
Marguerite de la Macheferrière rétablirent le culte de
saint Michel à Montaigu est lui aussi un précieux témoi-
gnage de leur piété et de leur libéralité.
S'étant enquis de « la prodhommie, léalté «t Iwnne
foy » de Jean Cochon, « clerc désirant estre prestre, »
voulant aussi attirer sur eux et sur « leur postérité
directe et collatérale » In protection de saint Michel et
participer au divin service et aux bienfaits <pii se feraient
au lieu de Montaigu, les époux permirent au clerc solli-
riteur de prendre sur le tertre toute la place qu'il jugerait
convenable pour édifier « chapelle... maisons et habita-
tions |>our la demeure de lui et autres liabitans » atta-
chés au service du sanctuaire. Ils ajoutèrent à celte
concession un espace de « troys cens jtas de t<mtes les
parts i'R circuits des dils chapelle et herbergenient, »
exemptant ce territoire « de toute juridiction, justice,
seigneurie, de toute servitude rurale et coulume; renon-
çant à y u faire au temps avenir aucun exploit de jus-
lice en aucun ras. »
Le terrain concédé était maigre et ingrat, mais son
étendue d'environ '25 hectares si on l'entend de la cir-
conférence d'mi rayon de ;!00 pas autour de la chapelle
et de l'erniiUige, {lermettait l'élevage d'un modeste
bétail et assez de culture pour l'entretien des ermites,
("ne fontaine se trouvait comprise dans ce périmètre,
La « dévotion et intention » des fondateurs était que
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le lieu de Montaîgu fût fondé « par forme de pèle-
rinage. » Aussi donnaient-ils libéralement au\ ermitt^s
et à ceux' que la piété y amènerait « voaya et chemins
a aller et venir, n
Ainsi autorisé, Jean Cochon se mit à l'œuvre sans
souci de la guerre qui sévissait. La pierre fut tirée du
roc sur lequel on bAtit ; les excavations de la carrière se
voient encore presque à la base des murs, mais il fallut
amener l'eau et la chaux à grands frais et fatigues. Le
travail est d'un bon ouvrier, tant pour la préparation
du plan que pour l'emploi des matériaux. Si le granit
n'est pas taillé avec une (inesse que sa nature ne permet
pas d'obtenir, il l'est pourtant avec goût, en belles
assises pour les murs, en blocs choisis pour les ouver-
tures et les contreforts. La chapelle a subi depuis des
réfections, comme la porte de la entière sud ; des n;lran-
chements, comme le pinacle remplacé à la pointe du
pignon occidental par une simple baie, mais l'édiiice n
fait preuve d'iine solidité (|ui atteste sa bonne façon,
depuis cinq cents ans qu'il brave les |>luies, h>R vents et les
orages.
Jean Cochon ])laça sou ermitage au nord de la clia-
pelle, au lieu de l'abriter du cdté du midi, peut-être alîn
d'être plus près do la source. La maison était solide
elle aussi, avec un bon enclos de murs pour le jardin.
Il y a soixante ans que les derniers luHes l'ont quittée ;
elle s'est effondrée, mais on eu voit encore sous les
décombres les dimensions et la distnbution. L'ermitage
et la chapelle ajoutèrent un dernier trait à la physiono-
mie « du tertre de Montaigu, » plus propre que tout
autre à lui attirer le regard, à le rendre reconnaissable
du plus loin qu'on le peut voir, et à consacrer son carac-
tère religieux.
Jean Cochon avait négligé une formalité, et cette
omission faillit eom|iromettre son œuvre. En i-ègle avec
le seigneur temporel, il n'avait pas songé à se pourvoir
d'une autorisation ecclésiastique nécessaire avant tout
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quand il R';igit d'ouvrir un nouveau sanctuaire. Le sien
était trop en vue pour |)asser inaperçu. L'official fut
avisé et, « le mardy après Invocavil me cccc xxii »
i2!l février 14231, il conilainna mnitre Jean, (jualific alors
prêtre d'Hambers. à une amende d'un écu pour avoir
édifié dans la paroisse, sans permission du seigneur
êvêque, une chapelle dans laquelle il avait célébré et fait
célébrer. Ce fut d'ailleurs toute la sanction, suivie d'une
reconnaissance ollicielle, et le sanctuaire continua plus
que jamais dans la Kuite à attirer « moult de gens par
dévotion et par forme de pèlerinage. » Car saint Michel
ninie les montagnes; et il est honoré en France dans
plus de cent t-hapelles placées sur des hauteurs.
Le groupe traditionnel de l'Archange terrassant le
démon était habilement sculpté dans un tronc d'arbre.
« L'artiste, écrit M. Verger, a eu la bizarre idée de
composer le personnage (du démon] de serpents entre-
lacés. » Il serait plus exact de dire que le diable avait
des gueules béantes à toutes les articulations et une
chevelure de serpents. Ce groupe, réduit en miettes par
un coup de tonnerre, a été remplacé depuis une tren-
taine d'années par un plâtre tout blanc qui ne se i-ecom-
mande que par sa taille.
Si maintenant nous noua éloignons pour un instant de
la chapelle et de l'ermitage pour parcourir sur les flancs
de la colline les villages que nous connaissons déjà, nous
assisterons pendant la période qui s'est écoulée depuis
l'expulsion des Anglais jusqu'à la fin du xvi* siècle à
leur renouvellement et à une transformation complète.
Des habitations antéiieures il ne reste rien ; de cette
époque au contraire, datent tes meilleures constructions.
Le chiVteau de Chelé, bAti par un habile maître d'œuvres
au service d'un riche seigneur, est évidemment une
exception ; de même le ch&teau de Viel, plus moderne
d'un siècle, moins luxueux, mais dont la grandeur est
attestée par les ruines qui subsistent.
Mais les maisons des simples villageois elles-mêmes
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se ressentirent alors du goAt artistique de cette époque.
C'est de ce temps que datent aux maisons les portes en
ogive ou plein cintre, à linteaux sculptés d'accolades,
d'écussons, d'emblèmes, les fenêtres à meneaux, les
clicminées monumentales à jambages, corbeaux, hottes
ou manteaux de granit, ornés de moulures, rinceaux,
chanfreins, écussons, têtes gi-imaçantes. Tous les vil-
lages en possèdent : Montaigu, outre un logis k porte
ogivale, étage, double pignon et façade appareillée,
montre aux plus modestes habitations des écussons
frustes, des croix, calices et autres emblèmes religieux
aux linteaux, aux cheminées ; Ghelé, Étivau, liicbe-
bourg, Villeneuve, ont des constructions analogues;
la Godmerne, bissée jusqu'aux dernières sources de la
Jouanne, offre dans la maison de feiine, où l'on monte
par un large perron, un bon échantillon de sotido et
belle bâtisse.
Évidcumicnt, ceux qui se donnèrent ces babitations
n'étaient pas de simples fermiers. Ils possédaient la
terre où ils vivaient. Ils étaient d'une autre condition,
d'une autre situation sociale que les habitants actuels.
Tout ce qui s'est bAti depuis lors n'a plus le même
aspect. Les maisons plus modernes sontl'indice, parleur
absence de goût, d'ornement et de confort, de l'arrivée
de nouveaux hdtes, dont la situation est plus précaire.
Itevenons à nos ermites de Montaigu. Les documents
ne nous les font point connaître pur leurs noms depuis
Jean Cochon, et depuis le xv* siècle jusqu'au milieu du
XVII* ; mais il n'est pas douteux que l'ermitage n'ait été
occupé, avec intermittences sans doute, dans ce long
espace de temps. Je trouve un legs fait à l'église de
Montaigu en 1444, d'autres en 1563, en 1585, d'autres
encore plus récents ou de date inconnue, mentionnés
dans un inventaire des titi'es <le la fabrique d'Hambers.
Incidemment enfin, en 1652, nous connaissons le nom
d'un frère Antoine, ermite à Montaigu, parce qu'il fait,
en cas de danger, le baptême d'un enfant né à Sainte-
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■ 351 .
Gemme. Pour son successeur, frère Henri de Cannct,
nous savons toutes les formaliti^s do son investiture.
Le 20 janvier 1672, le duc de Roquelaure, seigneur du
Rocher et de ChelO, lui donna des lettres de pi-ovisions
dont le frère se contenta d'aliord. Mais comprenant que
sa situation avait besoin d'i^tre régularisée devant la
juridiction ecclésiastique, il soumit à l'évéque du Mans,
Louis de la Vergue, ia lettre du duc de Roquelaure qui
uVtquivalait qu'à une simple présentation de hénélïcc, et
le prélatlui permit de prendre possession Ie9jnnvierl674,
« ù condition de vivre conformément à sa profession,
« sous la direction du curé de la Chapelle-au-Riboul, et
« de recourir au curé d'Évron pour la réception des
« sacrements », H en ri- François de Foix de Caudale,
successeur du duc de Roquelaure, informé des bonnes
vie et mtï-urs du frère Henri, le confirma dans la jouis-
sauce de l'ermitage. Le 21 mars 1679, le représentant
du seigneur du Rocher installait un nouvel ermite,
nommé Antoine Jourdain, en présence du curé de Mé-
zangers, Jean Gresland de In Martinière.
La carte de Jaillot, en 1707, indique 1' « hermitnge de
Saint-Michel sur ta montagne de Montaigu », ce qui
implique nécessairement qu'il était occupé, quoi que
nous ne sachions par qui. Dans ses visites à la lin du
xviii* siècle, le doyen note également qu'il y a « un
homme pour garder la chapelle et qui a permission de
quêter, 1778 ». En 1781, il le qualifie «nachcrète. On
connaît encore Michel Petit, qui ei1t mieux fait de rester
ermite que de recevoir l'ordination des mains de Villar,
l'évéque constitutionnel, pour devenir en lin de compte
secrétaire de mairie.
La Révolution ne fit pas oublier l'antique dévotion. Le
20 fructidor an XI (7 septembre 1803;, lt^ municipalité
d'Humbers demandait la permission « de faire célébrer,
suivant un usage immémorial dans les églises de Chelé
et de Montaigu, a certains jours de l'année et dans les
nécessités publiques. Ifs ont, ajoutent-ils, le ^dus grand
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— 352 —
désir de faire rpvivre ceX ancien usage ». Les erniite»
revinrent aussi. « Il n'y a pas plus de dix ans, écrit
M. Verger en 1835, que ce lieu solitaire (de Montaigu)
était habité par deux hermites qui vivaient des dons
den habitants ». M. Leblanc, curé d'Hambers de 1820 à
1836, écrit de son ciMé, dans sa chronique paroissiale,
qu'un « grand frère se fixa à l'hermitage, et n'y resta
pas longtemps ». Il se vante même de l'avoir congédié,
d'accord avec le maire. La vie érémîtique n'est plus
dans les mœurs actuelles.
Depuis lors, la chapelle, propriété des châtelains de
Mézangers, puis de M. le marquis de Chavagnac, a été
eutœtenue par eux, et reste ouverte aux pèlerins.
De temps immémorial et même avant la reconstruction
de la chapelle, en 1402, il y avait grande allluence de
pèlerins au jour de la Saint-Michel, c'est-à-dire qu'il se
tenait une assemblée moitié religieuse, moitié commer-
ciale. Cette institution s'est perpétuée d'âge en Age et
avait encore une vogue due en partie à la situation
exceptionnelle de son emplacement, il y aune vingtaine
d'années, quand, par une détermination regrettable,
l'assemblée a été transférée au village de Chelé.
CONCLUSION
Quel est l'état présent et quel sera l'avenir de notre
Montaigu ? Hélas, sa réputation décline, sa prospérité
décroît. Les vieux chemins s'y rendaient comme à un
but qui tes attirait. Les routes actuelles s'en écartent.
La population fourmillait dans des villages aux feux
multiples, aux maisons quasi bourgeoises. Plusieura
ont déjà disparu ou sont totalement inhabités. Le groupe
le mieux situé qui s'était formé au midi sur la voie
romaine, se dépeuple. Toutes les belles et solides mai-
sons aux fenêtres à meneaux, aux portes, aux cheminées
en granit monumentales, s'elTondrent, à Villeneuve, à
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— 353 —
Etivau, à Richebourg surtout, monceau de ruines. Saint-
Cloud en petit après le siège de Paris, à Montaigu, où
les maisons qui annonçaient l'aisance ne peuvent plus
étr'e entretenues. Quelques constructions nouvelles, aussi
disgracieuses qu'économiques, sont loin de compenser
les pertes subies depuis un siècle.
Il était donc à propos de retracer en quelques pages
te rôle et la signification historiques de la montagne
mayennaise. Cela ne retiendra personne sur ses flancs,
mais cela peut donner un thème aux réflexions, un sujet
aux rêves de ceux qui voient de loin sa silhouette.
L'histoire de tout un pays est comme ramassée dans la
monographie d'une colline qui a été témoin des convul-
sions géologiques, des premières migrations et des
premiers établissements de l'homme dans nos régions,
de la conquête des Romains et de leurs œuvres ; qui a
été l'objet des préférences des Francs mérovingiens et
carolingiens, des ermites qui convertirent leurs descen-
dants, des populations qui, rassurées après l'expulsion
des Anglais et la pacification religieuse, bâtirent tant de
bonnes maisons, et qui est restée enlin le dernier site
habité par les ermites.
Jusqu'à l'époque historique, jusqu'au xii* siècle proba-
blement, la crête de Montaigu était couverte de bois,
comme le furent certainement les Coëvrons, comme l'est
encore le sommet de Crun. Le reboisement serait-il pos-
sible? Je n'en sais rien. Serait-il désirable au point de
vue paysagiste ? Un manteau de belle verdure est géné-
ralement une parure et accuserait encore le relief de la
colline. Dans un pays de plaines le massif d'une forât de
grands chênes, comme celui de Bellebranche, semble
lui-même une croupe montagneuse. Mais ce vêtement
ne défigurerait-il pas Montaigu, ne masquerait-il pas
cette correction, cette netteté de lignes qui font son
caractère distinctif ? Les bruyères et les ajoncs nains
sont peut-être la robe qui convient la mieux à ses formes
et qui les déguise moins. Et puis, ta chapelle de l'ar-
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— 354 —
change saint Michel, que deviendrait-elle ensevelie dans
ces végétations, ces frondaisons, à moins qu'on ne la
couronne d'un clocheton qui les domine ?
Nouvelle fondation de l'ermitage de Montaigu en ikOi
{Chartrier du Rocher de Mézangers).
A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, nous Jehan
de Landivy, chevalier, et dame Marguerite de la Machefer-
rière, espoux et conjoins par mariage ensemble, seigneur et
dame de Mont Jehan et de Chiellé au pais du Maine, salut
en Dieu. Comme il soit vray que de long et ancien [temps]
non reppulé le contraire il ait été et soit dit, et tenu notoi-
rement et publiquement es parties du pais du Maine et par
espécial es parties où est ung tertre appelé Montaigu, situé
et assis en notre dite terre de Chiellé et subjet de nous en la
baronnie de S illé -le- Guillaume, que sur le hault du dit
tertre avoit eu émînence et apparence de chapelle fondée de
monseigneur saint Michel et que au jour de la feste de saint
Michel et aultres moult de gens par dévotion et par forme
de pèlerinage sont allés et vont par chacun jour et ont fait
et font plusieurs oblations de deniers et aultres en l'honneur
du dit saint Michel et pour le bien de leurs âmes, la quelle
chapelle est de présent et de longtemps niyneuse et des-
molie.
Ainsi comme avons eu et avons sus la vérité.
Savoir faisons que nous bien certennés des choses dessus
dites et de chacune d'icelles, bien disposez, délibérez et
advisez en celui cas et aussi pour le bien et salut de nos
âmes, de notre lignée et postérité directe et collatérale pré-
sente et avenir et pour participer au divin service que nous
espérons qu'il soit fait au temps avenir au dit lieu de Mon-
taigu et pour estre accompaignés nous et nos hers et suc-
cesseurs es hienfTaits en iceluy lieu à tous temps mais, nous
conjoints dessus dits, d'une même volonté bien dispausée et
ordonnée, avons donné et octroie et par ces présentes don-
nons et octroyons à Jehan Cochon, clerc désirant estre
prestre, enquis suftîsemment de la prodhommie, léalté et
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— .%5 —
bonne foyqui esteo iceluy meu en dévocion de édifier sur le
dît tertre et mettre en état et réparacion, et posé que
oncques en iceluy lieu n'eust eu aucune chapelle ne émioence
d'icelle du dit saint, nonobstant ce nous donnons et
octroyons au dit Jehan confié et licence et faculté de ëdif-
fier la dite chapelle sur le dit tertre et pour édîffîer icelle de
prendre de la place sur iceluy tant comme bon lui semblera.
Et aussi de prendre places pour édiffier maisons et habita-
cions pour la demeure de lui et autres habitans servant et
faisant le divin service résidcnlement comme dit est à touz
temps mais, pour la sustentation d'iceuz, oultre les choses
que la dite chapelle et habitations comprendront, place et
terre sur le dit tertre contenant troys cens pas de toutes les
parts es circuit des dits chapelle et herbergement es quelles
choses et fins et mètes d'icelles, eulx, leurs hers et succes-
seurs pourront faire et faire faire toutes choses qui leur
seront nécessaires comme de leurs propres choses tant en
fait de labour que auti-ement en icelles choses contigues et
adjacentes des dits chapelle et herbergement et prochaines
d'iceux lieux de toutes parla. Lesquelles choses dessus dites
et chacuns d'icelles, nous dessus dits amortissons et exemp-
tons de toute notre juridiction et justice et seigneurie et de
toute servitude rurale et coutume qui pour cause et occasion
de notre dite terre de Chielé nous peut et doit appartenir.
Et voulions et octroyons que iceux et leurs successeurs et
chacun d'iceulx servant résidemment au dit service en demeu-
reront tant vers nous que nos hers et successeurs seigneurs
de la dite terre francs, exemps et libres et les choses dessus
dites en touz termes civils et autres sans que nous ne noz
hers et successeurs y puissions faire au temps avenir aucun
exploit de justice en aucun cas et les exemptons par ces pré-
sentes pour le temps avenir.
Hem voulons et octroyons que le dît Jean Cochon et
aultres servans au dit service comme dit est et leurs succes-
seurs aient voays et chemins à aller et venir en iceluî lieu,
pour tous leurs successeurs par sur la dite terre et pareil-
lement ceux qui par forme de pèlerinage et de dévocion
viendront au dit lieu.
Item est notre dévocion et intencion que le lieu dessus dit
soil fondé et soit par forme de pèlerinage et non autrement
et à ce tenir ferme et estable promettons de bonne foy et
obligeons nous [et] nos hers et promettons à jamais ne venir
en contre au temps à venir et afin que ces présentes vaillent
et demeurent à tous temps ferme et estable nous requérons
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— 356 —
à le garde des sceaux des contrats de la court du Boui^-
nonvel qu'il y mette et appose les dits seaux.
Ce fut fait el donné en la présence de nôtres anié et féal
amy honorable et discret homme mestre Jehan DallJer,
GmUaame Lambert notre procureur, Colin Godart notre
receveur, Gervaise le Potier, GuiUaume le Masson noire
sergent, Gervaise Pelotte et plusieurs autres, le huitième
jour du rooys d'août l'an de grâce mil quatre cens et deux.
Signé : Chbrbl.
La chapelle de Montai^ en ili23.
(Arch. de la Sarthe, fonds municipal, 835.)
M. CCCC. XXII, die martis post Invocavit me. Dominus
Johannes Cochon, presbyter de Hambertis, eo quod edifica-
vil quamdam capellam in dicta parrochia sioe licencia
Domini et in ea celebrare procuravit, gagiavit emendam
taxatam ad unum scnlum.
Au Chartrier du Rocher de Mézangers se trouvent les
actes concernant les présentations et installations d'ermites
au XVII* siècle, mentionnées ci-dessus.
Aux Archives nationales, Q*78, mention du droit d'amor-
tiesement au 1/5 pour V ■ emplacement de la chapelle Saint-
Michel de Montaigu en la Censive du roi, à l'estimation de
60* > ; — de la fondation de René Le Goué, d'une rente de
6* dans la chapelle en 1683 ; — et de 1' ■ hermitage de Mon-
taigu, • vers 1700.
Jbid., P 405. — 1672, l'aveu de Chelé à la baronnie de
Sillé mentionne « la maison, court, jardin, aistrage et cha-
pelle de Saint-Michel de Montagu contenant 2 journaux et
les tertres et vallées dudit Montagu contenant 30 journaux
avec le droit de présentation de ladite chapelle et ermitage
de Montagu. ■
A la fabrique d'Hambers, — Inventaire sommaire des
titres, xviii* siècle :
17 pièces, dont une en parchemin, testament, titres et pro-
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— 357 —
cédures au soatien de la fondation de René Le Goué^ sieur
des Prez, de 6* de rente et legs au profit de la chapelle de
Montaigu. Les représentante dudit Le Goué étaient :
N. Blanchard, à la Grande-Barre en Sainte- Gemme, acqué-
reur du lieu des Prez (Hambers), et N. Lambert de U Van-
nerie, bou^eois du Mans.
30 pièces papier et difTérentes petites liasses réunies en
une seule concernant les fondations, legs et services de la
chapelle Saint-Michel de Montaigu, notamment celui de
Julienne Chesnay, veuve Deslandes.
Arch. de la Mayenne, L 30, n" 322. — Lettre de l'admi-
nistration centrale du département au ministre de la police,
24 floréal an Vil [13 mai 1798), relatant qu'une « troupe de
scélérats » s'est transportée au village de Montaigu et a
fusillé le « citoyen Roger, maréchal, connu par ses prin-
cipes, ■ après l'avoir tiré de sa maison par les cheveux et en
lai criant : ■ Meurs, patau, pour tes crimes! »
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LETTRES
MICHEL-RENE MAUPETIT
Député
A l'assemblée nationale constituante
1789-1791.
(Suite).
LXXXVHI
Du 8 mars (1790), à minuit.
Je répare, mon ami, mon oubli de lundy en vous
envoyant comme j'espère pouvoir le faire le journal
d'aujourd'hui qui renferme le décret même de suppres-
sion des droits de halle, hallage et autres; ainsi Mitlière
n'aura point de perception à faire pour ta foire de la
Passion. Mais je crois bien que, pour l'intérieur de la
Halle, il reste autorisé, jusqu'à ce qu'il ait été pris des
arrangemens avec la municipalité, à en percevoir les
droits de loyer qu'on ne peut envisager que sous cette
forme et qui doivent au moins tenir lieu du produit de
cette propriété. Cependant, comme vous avez le décret,
vous pouvez en examiner l'esprit et voir, avec Messieurs
les ofliciers municipaux, ce qu'ils croiront convenable à
cet égard. Il sera toujours nécessaire de pourvoir au
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minage des grains, au moins pour suivre l'apprécis du
marché, y faire fournir des meeures.
11 sera présenté demain à la délibération trois articles,
lus ce matin, pour l'indemnité des fermiers preneurs à
rente apanagiste de ces droits. Comme peut-être ils
seront imprimés dans le journal ou séparément, je me
dispense de les transcrire ; cela assurera à Millière son
indemnité, au moins la résiliation de son bail.
Il n'y aura certainement pas de banqueroute, malgré
la gène actuelle que fait éprouver ta grande émission de
papiers de la Caisse. Vous avez vu les tempéraments
proposés par M. Necker. On attend au premier jour le
rapport du comité des lînances qui nous rassurera sur
les dettes de l'État. Le plus pressant est de rappeler la
confiance et avec elle l'argent enfoui. Ce ne sera que
par des efforts de la Caisse d'escompte, pour payer à
bureau ouvert d'abord les petits billets de 200 livres.
Elle est déterminée à faire tous les sacrifices possibles,
et elle pourra être secondée, d'après ce que nous ont
assuré plusieurs de ses actionnaires. Mais je ne suis
pas étonné qu'on répande la frayeur de la banqueroute.
Elle ne sera jamais prononcée par l'Assemblée et avant
peu on pourra présenter des biens à l'appui des
assignats.
Vous ne pouvez encore rien faire pour tes assemblées
d'élection qu'il n'y ait la proclamation du roy qui
indique le jour et le Heu des assemblées, qu'il n'y ait
des commissaires du roy pour ouvrir l'assemblée de
département. Tout cela sera indiqué par une proclama-
tion qui n'est suspendue jusqu'Ici que par le retard de
différens départemens sur l'indication des chefs-lieux de
cantons et des paroisses y réunies. La proclamation
contiendra l'indication du chef-lieu de canton, les
paroisses qui doivent s'y réunir pour nommer tes élec-
teurs qui se rendront au département. Ce travail doit
être fini cette semaine et, aussitôt qu'il sera achevé, il
sera mis à l'impression, avec la proclamation. Notre
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— 360 —
département se nomme département de le Mayenne,
celui du Mans, le département de la Sarthe. Je joins ici
la division totale à laquelle il ne manque que les cantons.
Si j'en ai le tems, je vous joindrai les cantons du dis-
trict de Mayenne et les chefs-lieux. Ce ne sera qu'une
lixation provisoire, sauf à changer la composition si elle
présentait de trop fortes difficultés.
Vous verrez un dea plus sages décrets rendu mardy
dernier sur les colonies. Il a été presque unanime et, si
il n'eut pas été porté, c'en était fait de nos colonies et
des villes maritimes qui en font le commerce. Nous nouB
en fussions ressenti à Mayenne. Mais heureusement voilà
le coup que l'Angleterre voulait nous porter prévenu et
l'argent qu'elle a dépensé pour y parvenir perdu '.
Adieu, l'heure me presse toujours, car je n'ai pas
ainsi deux heures par jour.
Du mercredy matin, 9 mars.
J'ai cru devoir joindre ici ma lettre pour Messieurs les
officiers municipaux relative aux suppressions des
droits. J'y parte de la halle aux toiles dont l'établisse-
ment ne peut être assimilé aux autres halles. Je vous
serai obligé de faire ce qui dépendra de vous pour que
cet objet n'éprouve pas de difficultés ; je crois que tous
les négociants sentiront que cet établissement, qu'ils ont
sollicité, ne ressemble en rien aux autres droits anciens
établis par des coutumes féodales. D'ailleurs le seigneur
ne peut y perdre d'aucune manière puisque sa propriété,
telle qu'elle est, occupe un capital supérieur à l'intérêt
qu'il en retire.
LXXXIX
Paria, 15 mars.
Voilà enfin, mon ami, le décret de la suppression
totale de la gabelle. Reste le remplacement, dont on va
1. Décret dielaraut qu« le« coIODioi font partie de l'empire traD{ai('
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— 361 —
s'occnper ce matin. Nous sommes bien décidés à faire
du bruit si on veut encore, comme on l'a fait res deux
derniers jours, comme on l'avait fait au mois de sep-
tembre, à Versailles, faire payer en entier aux pays de
grande gabelle le remplacement total des soixante -trois
millions de net qu'il produisait. Déjà nous avons obtenu
la réduction du remplacement à trente millions, à raison
de six s. la livre au lieu de 14 s. Nous allons faire valoir
le premier décret et nous espérons bien, si nous n'obte-
nons pas la réduction aux trente millions, au moins, ne
pas payer au delà des quarante proposés par le comité.
Je vous quitte pour aller conférer de cet objet entre plu-
sieurs députés de pays de grande gabelle. A mercredy,
vous verrez si nous avons pu réussir '. Adieu.
XC
Paris, 24 mars 1790 *.
Ci-joint mon ami les derniers journaux.
J'allai hier au comité des finances. On me demanda le
montant de la contribution patriotique de Mayenne dont
le ministre avait besoin pour ses opérations. Je donnai
la note de quatre-vingt-dix-sept mille et des livres que
vous m'aviez annoncée. Vous ferez grand plaisir de
marquer le montant détînitif, ou à M. Necker, ou au
comité des fmances.
Il a été lu hier au soir à l'Assemblée un arrêté de la
paroisse de Saint-Mars-sur-Colmont qui porte que le
quartier de la taille sera avancé, quoique les rôles ne
soient pas terminés. Cet arrêté a été fort applaudi et
l'Assemblée en a ordonné l'impression.
Aujourd'hui nous allons entamer l'ordre judiciaire.
Probablement on ne discutera que des questions préli-
minaires. Voilà le moment intéressant pour notre ville.
I. Décret du !1 mars sur'la sappresslon de la gabelle et son rempla-
cement.
8. Il doit manqner ici deai lettres.
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— 362 —
Je ferai tônt ce qui sera en mon pouvoir pour qu'on
n'arrête pas qu'il y aura nécessairement une justice par
district. Comme c'est l'intérêt le plus général des grandes
villes et de celles d'un ordre inférieur, sur nombre de
lieux moins importaos, où la nécessité d'une administra-
tion à proximité a forcé de mettre des districts, j'espère
que l'Assemblée ne décrétera pas comme base nécessaire
autant de justices que de districts. Alors cette fois nous
avons la certitude de la majorité des vœux des députés de
notre département, mais je crois que sur cet article il est
intéressant de ne rien dire pour ne pas réveiller les
anciennes importunïtés qu'ont occasionnées les divisions
en districts. Nous ne manquerons pas encore de voir
arriver nombre de députés extraordinaires et accueillir
les prétentions les moins fondées par quelques députés,
comme cela est arrivé lors de la division des départemeos.
Notre carte de département et le procès-verbal de
division est parti et adressé aux commissaires du roy
nommés pour ouvrir les assemblées. Je ne crois pas
que M. de Cliateloger accepte, cela le forcerait de
retourner aussitôt à Mayenne et il a quelques airaires à
terminer ici. Je ne sçais qui le Conseil prendra pour le
remplacer. Il résulte toujours qu'avant peu les élections
doivent se faire. Cependant il serait â désirer que les
bases de l'ordre judiciaire fussent lixes pour que les
élections puissent s'étendre sur cette partie et ne pas
obliger les électeurs a un double voyage, mais ces bases
seront d'une discussion longue et il devient plus pres-
sant que jamais d'organiser tes assemblées administra-
tives pour accélérer les répartitions de 1790,
XCI
Je vous serai obligé de faire venir le fermier des
Halles, de lui demander un état signé de lui de ce qu'il
1. Lacune du 24 mars au 3 avril. Il insDiiue ici au moios troii lellrei.
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— 363 —
loue les boutiques, les étauz, les bans et les places de la
halle, de lui recommander de donner des quittances à
tous ceux qui afferment sous les balles, afin de constater
le produit restant de sa Terme et de pouvoir régler l'in-
demnité ou la réduction à faire sur cet objet vis-à-vis des
fermiers généraux du duché. Il a fait assigner M. de
Ligonière pour voir ordonner la résiliation de son bail.
M. de Ligonière ne peut rien opposer à cette résiliation,
mais, si il est déchargé vis-à-vis du fermier général du
prix du bail, il ne peut s'attribuer les produits de l'inté-
rieur, ou si, jusqu'à ce qu'il quitte, il reçoit, il est juste
qu'il en tienne compte. Si il se refusait à recevoir, alors
cela nous embarrasserait, à moins que vous ne puissiez
engager , ou Mlle Ménage , ou quelqu'un de sâr,
pour recevoir le loyer de l'intérieur, prendre des arran-
gemens pour ne pas tout perdre. Je me réunirois avec
l'hdtel-de-ville pour cet objet, si j'étois sur les lieux.
J'espère, mon ami, que vous voudrez bien donner vos
soins sur cet objet. S'il est juste que le public soit déli-
vré de tous les droits qui n'avoient aucun motif fondé, il
est juste aussi que ceux qu'on ne peut regarder que
comme Injuste indemnité d'un local, d'un abri, qu'on ne
peut comparer qu'à un loyer, soient maintenus et con-
servés. Ils ne grèvent personne. Ils ne sont pas arbi-
traires et cette conservation a toute la légitimité qui doit
faire le seul titre intéressant à soutenir aujourd'hui. Je
vous serai donc obligé de voir ce qu'il y a de mieux à
faire sur cet objet.
Les fermiers des fours banaux demandent égale-
ment la résiliation de leurs baux : on ne peut la leur
refuser, si en effet le public mécontent discontinue
d'aller aux fours, si ils ne peuvent tirer parti d'un
établissement qui avait bien pour le public quelqu'avan-
tage. Je ne puis dire en quel état en sont les choses,
puisque j'ignore si en effet les fours sont moins fré-
quentés et quelle perte peuvent éprouver les fermiers.
Est-elle réelle ou n'ont-ils formé leur demande en rési-
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— 364 —
Itation que pour obtenir des réductions sur leurs baux ?
Je vous serois obligé de me marquer ce que vous savez
par vous-même à cet égard. Si en effet le public cesse
d'y aller, si il n'y a pas une concurrence suffisante pour
qu'ils soutiennent les fours, il est juste de reprendre
leurs baux. Mais le public ne sera-t-il pas aussi trop
gêné de la privation de ces établissements ?Voilâ ce qu'il
est essentiel de balancer avant de prendre un parti. Vous
savez que sur ces fours le seigneur a donné 425 livres de
rente pour le collège. Ce seroit encore une perte que
suivrait la destruction de cet établissement. Je livre,
mon ami, toutes ces considérations à votre sagesse. Je
sais que c'est vous surcharger d'embarras, lorsque vous
en avez déjà de nombreux. Si vous ne pouviez y suffire,
malgré ma répugnance à quitter notre ouvrage, il fau-
drait bien que j'aille vous seconder, mais je ne le ferois
qu'autant que vous ne verriez nul moyen de pouvoir
débrouiller tous les intérêts divers au milieu des autres
occupations qui vous appellent ailleurs.
Si nous étions à recommencer sur la contiibution
patriotique, je crois bien qu'on ne reprendrait pas cette
voye qui ne retombera que sur les bons citoyens. Mais il
serait dangereux aujourd'hui d'y renoncer, de renoncer
à on impôt forcé, avant d'avoir toute l'assurance sur le
montant. On rassemble la masse de la contribution.
Lorsqu'on aura le total des soumissions, il sera soumis
à l'Assemblée. Jusque-là il ne sera pas possible de chan-
ger de plan. Mais si le montant ne remplit pas les
besoins, ou elle sera forcée, ou on recourera à une impo-
sition extraordinaire, sur laquelle on tiendra compte de
ce qui aura été payé. Il faut donc attendre encore l'effet
des derniers déciets, avoir tout épuisé avant de recourir
à d'autres moyens et je crois bien qu'un des plus sdrs
sera celui que vous proposez. La question sur les assi-
gnats et leur substitution est renvoyée à la semaine pro-
chaine, d'après un nouveau délai demandé par le comité
et de nouvelles conférences qu'il doit avoir avec M. Necker
et les principaux connaisseurs en finances.
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Mais je vois que le retour de la circulation et de ta
confiance tient aux établîssemens publics qui restent à
finir. Si, comme je l'espère, l'élection des administra-
teurs se fait tranquillement, si le choix est sage et bien
fait, ce sera une nouvelle attente trompée. Restera l'ordre
judiciaire, objet te plus important et le plus essentiel et
sur les difficultés duquel on repose les dernières espé-
rances. On sçait que c'est le point le plus difficile à
organiser. Que si on adopte le plan de M. Dupont, on
jette dans le désespoiruneclassenombreuse de citoyens.
Voilà doDC le dernier écueil qui nous reste à franchir. Si
nous sommes assez heureux pour l'éviter, alors l'opéra-
tion devient inébranlable et tout reprendra son cours. Je
ne puis rien prévoirsurlepartiqu'adopteral'Assemblée.
Il y aura plusieurs plans à paraître. La publication de
celui de M. Dupont a au moins l'avantage d'avoir
ramené les parties intéressées au plan du comité qui pré-
sente au moins des ressources, lorsque celui des jurés
enlèverait toute occupation dans ce genre. Attendons
encore. Nous avons été forcés de prendre l'article de la
Compagnie des Indes ces trois jours d'après la demande
réitérée du commerce, pour profiter, s'il est déclaré
libre, de quelques jours qui peuvent encore permettre
des armemens pour l'Inde.
Avant de vous répondre positivement sur les Grands
Moulins je désire en conférer avec le comité ecclésias-
tique, mais je vous crois suffisamment authorisé, pour
prévenir le fermier de ne pas payer sa ferme, pour
demander au prieur < s'il compte faire réparer. Lundyje
verrai le comité que nos assemblées du soir de ces trois
jours ont empêché de se rassembler.
A propos de Fontaine-Daniel, j'ai oublié depuis quinze
jours de m'acquitter d'une commission de M. Adam, que
vous vous rappelez sûrement et qui est toujours à
l'Abbaye-aux-Bois, en qualité de directeur des religieu-
1. D« l'abbaye d« FoaUine-Danlsl.
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— 366 —
ses. M. Adam est profès ou aflilié de la maison de
Fontaine-Daniel. Les maisons qui comptent se dissoudre
ont paru croire que les décrets de l'Assemblée toléreront
te prélèvement sur le mobilier, d'un lit, de linge, de
couvert d'argent, d'autres ustensiles nécessaires pour
aller se mettre en ménage et en effet, cette question mise
en discussion, te silence de l'Assemblée a pu faire croire à
cette tolérance, qui, à bon compte à Fontaioe-Daniel est
regardée comme certaine, et on a pensé à un partage,
M. Adam, qui n'a rien à réclamer à l'abbaye où il est, a
cru devoir réclamer sa part à son abbaye de profession,
mais il en a reçu un refus nettement prononcé de la part
de ses anciens confrères. Ce partage toutefois ne pourra
se faire que devant la municipalité et probablement
devant une municipalité de la ville la plus voisine.
M. Adam vous prie donc de songer à lui et de lui con-
server ses droits. Son dessein d'ailleurs, qu'il ne m'a dit
que d'après lui avoir assuré que je croyois sa réclama-
tion juste, est de donner les gros meubles, tels que le lit,
à l'Hôpital général, de se réserver seulement le linge et
un couvert d'argent. Voyez ce qu'il vous sera possible
de faire à ce sujet.
Adieu pour aujourd'hui, je vais â la poste.
XCII
S. d. (Vers le 5 avril 1790).
Voici, mon ami, le décret qui rend la liberté du com-
merce de l'Inde. Ce décret, comme bien d'autres, est
loué des uns, blftmé des autres, mais le plus grand nom-
bre est du premier ^ Adieu. Je n'ai rien de nouveau et je
suis pressé par l'heure. Nous allons reprendre ce matin
l'ordre judiciaire, à moins que le comité des finances ne
soit prêt sur les assignats. Alors la préférence lui est due
et promise dès qu'il voudra parler de cet objet. Vale.
1. 1" et 3 STril.
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— 367 —
J'adresse à M. de Souigé l'opinion de M. Chabroul,
très piquante, sur l'ordre judiciaire; il vous la communi-
quera, au moyen que vous voudrez bien lui Taire lire le
plan de M. Duport. Nous attendons d'autres plans qui
doivent nous être successivement présentés.
XCIII
Paris, 6 avril 1790.
Quoique dans le fait, mon ami, les receveurs géné-
raux des finances aient leur traité fait pour payer par
mois au trésor royal, il n'en est pas moins vrai qu'en
avançantle terme des payements, ils seront obligés d'en
bonifier le trésor et dans le compte de M. Necker porté
par le dernier mémoire, vous voyez qu'il calcule pour
12 millions environ la rentrée plus prochaine des fonds,
au moyen qu'il indiquait de décréter un terme moins
long pour la perception. Voilà pourquoi je vous deman-
dais une ampliatîon de la quittance à remettre au comité
qui, muni de ces différentes pièces, eût pu forcer les
receveurs généraux à accélérer d'autant et faire tomber
leurs excuses continuelles qu'ils ne toucheraient rien
maintenant aviHit la récolte. Si il n'y a de crainte à arrê-
ter que celle d'une contre-révolution, je la regarde
impossible. 11 a pu se faire qu'un projet conçu par M. de
Maillebois ait percé, ait présenté quelqu'espoir à ceux
qui en pouvaient être instruits. Mais ce projet a été
découvert. M. de Maillebois a pris la fuite et s'est retiré
à son gouvernement de Bréda '. La ville a en ce moment
l'original du projet. Ce qui doit rassurer, c'est le retour
à Paris de M. le Prince de Conty, sa comparution à son
district, l'assurance qu'il a donnée que, si on avait le
moindre soupçon sur sa conduite, il se soumettait à
1. De Maillebois lYveg-Marle Desmareti, comte), UeulenaDt gânirsl,
déDoncé par son «ecrétalre comme auteur d'ao plan de contre- râvolu-
tloD, combiné avec la coar de Tarin et dont H. de Bonne- Sa verdi d dtait
l'afl^nt. II H'enfuit alors en Hollande, où 11 mourut en 1192. 11 avait éli
décrété d'accusation ie SI aofit 1791.
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— 368 —
donner leB renseignements les plus précis sur toutes ses
démarches ^ Beaucoup de seigneurs reviennent journel-
lement, je ne puis donc croire à aucune contre-révolution,
pas plus qu'à la banqueroute. Les comités des finances
avancent leurs travaux et sous peu seront eu état de les
donner. Cette semaine, jeudy ou vendredy au plus tard,
on communiquera le plan qu'on assure d'accord avec
les députés du commerce, les négociants les plus distin-
gués, les linanciers les plus connus, enfin avecM.Necker,
pour substituer des assignats portant intérêt aux billets
de la caisse. Ces assignats seront en papier monnoye
qui aura l'attrait d'être préféré à l'argent à cause de
l'intérêt. Les Hollandais, créanciers sur nos fonds
publics, s'en contentent pour payement et les rentiers de
Paris soupirent après son émission qui sera assez forte
pour payer les 170 millions de la caisse et les arrérages
des rentes de l'Hôtel-de-Ville. Ce papier pourra faciliter
aux provinces la négociation sans perte de leur papier
et le moyen de prendre dans les caisses publiques les
fonds nécessaires à leur commerce.
Le comité des pensions avance son travail pour la
rédaction de cet objet important. Les dépenses de la
guerre vont être déterminées, ainsi que celles de la
marine. Ainsi avant peu on sera en état de fixer les
dépenses et, d'après les impositions, rien d'étonnant
qu'on n'ait rien vu sur ces objets, mais le travail parti-
culier n'avance pas moins et tout paraîtra à la fois, mais
il faudra le temps pour discuter et agréer les différents
projets des comités.
Nous serons demain à la cinquième séance de discus-
sion sur l'ordre judiciaire et la question de savoir ai on
discutera comme article constitutionnel les jurés, tant
en matière criminelle qu'en matière civile. Tous sentent
1. Louis- François-Joseph de Bourbon, prince de Contl, entnf de Paris
dès le 12 JuUlet 1789, énilgra en Belgique quelques Joun après. Rentré
au mois d'arrll 1790, Il prêta dès sod retour le senneut civique et le
KDOurela en février 1791. Emprisonné à Marseille en 1793, puis déporté
m truelldor an V, 11 mourut i Barcelone, en 1814.
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la nécessité de tes décréter en matière criminelle ; mais,
en matière civile, notre législation est-elle compatible
avec cette institution? Est-il politique de faire ce change-
ment si brusque dans ce moment? Les dilTérents partis
se rapprochent encore sur ce point qu'il faudrait atten-
dre l'époque où la léj^islation sera réformée, où les eon-
Udissances, l'esprit public, auront gagné davantage.
Ainsi, en supposant qu'on décrète les jurés, leur établis-
sement n'aura pas lieu sur le champ, il y aura des
tinbunaux pour juger d'après les lois existantes. Ces
tribunaux, suivant M. Tbouret, doivent être institués de
manière à recevoir par la suite les jurés. J'espère que
demain on décrétera le principe, 'mais qu'en même temps
on différera l'exécution des lois. II y aura moins à crain-
dre pour l'état du barreau. 11 restera toujours pendant
quelques années des alTaires à instruire et, même avec
des jurés, y en aura-t-il moins ? J'en doute. Mais ce qui
me contrarie le plus, c'est que les différents partis, en se
rapprochant pour constituer les jurés et en modelant sur
ce piincipc les tribunaux, paraissent d'accord pour en
fixer un par district. Cependant comme on n'en est pas
encore aux détails, je ne puis rien préjuger à cet égard
avec quelque fondement. Seulement, je crois qu'à tout
événement, il est bon de prévoir l'événement et dans les
élections aux départements de choisir des membres en
état de faire valoir les intérêts de la ville, car, en suppo-
sant une justice par district et un tribunal de départe-
ment, alors nous aurons ,à faire valoir le partage des
établissements et pour cet objet il serait intéressant
d'avoir des députés instruits et capables de manier les
esprits, car cet objet sera envoyé nécessairement aux
assemblées administratives comme objet de localité.
Vous êtes dans l'erreur, mon ami, sur les fonctions des
commissaires du roy. Ils ne présideraient point les
assemblées, ils n'y paraîtraient que pour en faire l'ou-
verture et aussitôt après se retirer. Ce sera chez eux
qu'ils décideront provisoirement les difficultés que pour-
24
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— 370 —
ront présenter les élections, mais non dans les assem-
blées où ils ne pourront assister. AussitAt qu'ils auront,
pour le Roy, fait l'ouverture, ils sortiront de l'assemblée
qui nommera son président, ses ofliciers, sans que les
commissaires puissent y influer en rien. C'est certaine-
ment un râle très mince à jouer que celui-là. Ils n'auront
point, comme les autres commissaires, de demandes à
faire à l'Assemblée. Ils t'ouvriront et la cMront, et voilà
leur opération. Leurs fonctions sont très bornées. Ils
devaient, suivant leur instruction, décider les difficultés
sur les municipalités, parce que cette instruction avait
été faîte dans le temps où les municipalités n'étaient pas
organisées, mais on a fait retrancher cet objet qu'on a
renvoyé aux assemblées de département. Ne soyez donc
point dans l'erreur sur ces commissaires. Je vous assure
qu'ils ne peuvent inquiéter en rien les assemblées.
Suivant leur caractèi'e, ils voudront peut-être se donner
de l'importance, mais, d'après leur mission, elle est bien
faible et il n'y a pas matière à s'en prévaloir. On a lu à
l'Assemblée leur commission et leur instruction et c'est
d'après cela que l'Assemblée n'a rien vu d'inquiétant
dans cette institution.
La contribution patriotique monte déjà, dit-on, à plus
de 150 millions d'après les avis reçus et portés lorsque
les registres n'étaient pas encore fermés. Ainsi on ne
peut désespérer encore de cet objet jusqu'à ce qu'on eût
seu positivement de tous les lieux le montant net. Alors,
s'il ne revient pas à ce qu'on devait en attendre, ce sera
le cas de changer la marche décrétée, mais, le faire avant
d'avoir pu démontrer que le patriotisme n'a pas produit
ce qu'on en devait attendre, ce serait s'exposer à des
reproches fondés. N'ayez point d'inquiétude. Comme il y
a beaucoup de bons citoyens qui ont cru devoir se sacri-
fier, ils seront très portés à adopter les moyens de
contrainte lorsque les états auront fait connaître au juste
le produit volontaire. Personne ne veut être dupe et
exposé à la décision des autres.
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~ 371 —
Adieu, mon ami, rassurez-vous totalement sur toute
contre-révolution. Les pactes fédératifs de l'Anjou et de
la Bretagne se propagent de tous côtés et partout la
France est armée de patriotes qui ne permettraient pas
une longue révolution si on était assez imprudent pour
la tenter et assez adroit pour la cacher au moment où
les yeux sont ouverts partout, où les plus légers mouve-
ments sont aperçus et mandés ici aussitôt '.
Je voua renvoie une pièce que vous m'avez fait passer
au lieu de la requête de la ville de Lassay. Je n'ai point
entendu parler de cette requête, ny des députés dont la
présence ne serviroit à rien, parce que si on décrète des
justices par district leur voyage seroit inutile. Si on
décrète que les justices pourront être établies ailleurs
que dans les districts, ce seront les départements qui
décideront des lieux de l'établissement. L'assemblée ne
rentrera pas dans les discussions qui ont eu lieu pour les
départements et les districts, au moins je présume. En
tous cas notre arrangement serait pris aussitôt et avant
que personne vint solliciter d'autres établissements.
XCIV
Je répare, mon ami, un oubli de samedy. J'avais été
prendre à l'imprimerie le Livre Rouge ^ pour vous
l'envoyer. C'est la première chose que j'aie oubliée en
fermant mon paquet.
Vous allez voir la discussion changée sur les jurés.
On revient au plan de l'abbé Siéyès qui emploierait plus
les gens de loy, qui ne diminuerait pas le nombre des
affaires, en concentrerait une grande partie au départe-
ment. Cependant il en resterait encore assez à chaque
district pour occuper encore bien du monde.
1. 21 février 1780. Procès- verbal de l'Assemblée de la Bratagae et de
l'Anjou, tenue à Pontiv; les IS et autres Jours de février 1790 (iD-i"
de 53 pages).
S. Keglatre Aea peastoas pajées par la Cour, ainsi nommé parce qu'il
était couvert de maroquin rouge.
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— 372 —
Je ne sçais encore comment lejoumal rendra la séacce
d'hier au soir. Vous vous figurez aisément quelle
rumeur a dû y exister, tel faible que soit le récitdu jour-
nal, l'objet à délibérer et le sujet '. Vous verrez que nous
n'avons pas laissé les finances en arrière. La séance de
ce matin a été occupée par deux rapports qui avance-
ront bien la besogne; j'espère que les deux projets de
décrets, à quelques amendements près, passeront, mais
surtout le dernier sur les biens du clergé. Il a paru
convenir à la très grande majorité, même des évéques
et des curés qui s'attendaient à perdre davantage. Mais
il va résulter une fière besogne pour les départements.
L'esquisse que vous faites du travail sur les fînances
vous justifiera que l'Assemblée ne les perd pas de vue,
qu'il faut du temps pour tout et de la patience.
xcv
Paris, 12 avril 1790.
Nous voilà, mon ami, encore aux prises avec le clergé.
Vous en verrez l'objet dans les journaux. Nous sommes
menacés de protestation, de séparation d'une partie des
membres du haut clergé, surtout de quelques curés
riches. Mais le public pourra juger différemment leurs
démarches. Ils veulent bien que nous remplacions les
dixmes, que nous augmentions les portions congrues,
mais ils voudraient que nous remplacions jusqu'à la
dernière gerbe qu'ils ne percevraient point. Ce ne peut
être la marche d'une administration juste ; dès que la
dixme était l'imposition du culte, que cette imposition
est convertie en argent, sa répartition doit être propor-
tionnée au service public qu'elle paye.
Je ne vous détaillerai pas les grandes vues de l'opéra-
tion proposée par le plan du Comité, vous les saisissez
facilement dans tous leurs rapports avec la Constitution.
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— 373 —
Mais Burtout du c6té de la raveur des assignats, seule
ressource pour pouvoir liquider tout l'arriéré quelconque,
rembourser toutes les tinances et mettre l'état au pair,
en rendant au commerce, à l'accroissement de l'ag^iicul-
ture, des biens qu'on s'empressait souveatd'efFruiter par
l'incertitude des biens ? En entrant dans les détails du
plan que je tous adresserai lorsqu'il sera imprimé, vous
verrez qu'on a prévu toutes les objections, que les
pauvres auront dans chaque paroisse des secours assu-
rés. Les curés auront leur logement, leurs jardins,
pourront être payés en nature, si ils le désirent, et
sous tous les points de vue, la Religion, l'État, les prêtres
eux-mêmes, ne peuvent qu'y gagner.
11 était très important, avant de décréter les assignats,
de les faire précéder de la disposition définitive de faire
administrer les biens ecclésiastiques par la nation . Alors
ils présenteront une masse d'hypothèques capable de
leur donner le plus fort crédit. Alors on pourra convertir
tous les contrats en assignats, éteindre à jamais l'agio-
tage et ses suites funestes. Bientôt l'argent reparaîtra
et toutes les opérations reprendront le cours le plus
florissant.
J'aurais voulu pouvoir vous taire les impressions défa-
vorables des derniers journaux sur un homme que
j'estime et que je vénère toujours, quoiqu'on puisse dire.
Si il a pu faire des fautes, qui n'en fait pas ? Sa santé
altérée, bien des considérations que nous ne sommes pas
à portée d'apprécier, qu'il désiroit faire connaître en
appelant des membres au bureau de la Trésorerie, me
présentent bien des moyens de le justifier dans mon
esprit et, quand on se rappelle le compte de 1781, l'ou-
vrage de l'administration, le rapport du 28décembre 1787 ,
on ne pourra que dire : Aliquando bonus dormital '.
Nous avons dû laisser l'ordre judiciaire et préférer
l'ordre instant des finances. Mercredy, je pourrai, pour
vendredy, vous annoncer qu'il n'y a plus rien à risquer
1. Neckw.
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pour les finances et qne dès lors la Rérdation est à
jamais OHisolîdée.
XCVI
16 avril 1790.
Lisez, mon ami. ces deox séances et tous n'aurez
encore qu'une idée imparfaite de tout ce qne coûtent de
patience, d'efforts, les décrets qui peuvent préTenir les
plus grands maux. Encore celte journée et, je l'espère,
la Religion ne sera plus liée à des intérêts temporaires.
Elle ne peut qu'y gagner et ses ministres acquérir
d'autant pins de considération qu'ils ne la devront qu'à
leurs vertus. Les titulaires actuels n'avaient droit qu'à
on tiers du revenu de leurs bénéfices. On leur donne
aujourd'hui une pension fixe, moitié nette de leur revenu.
On propose de les décfaai^r des aumônes, des répara-
tions, de laisser aux corés qui ont des immeubles d'en
jouir provisoirement, en déduction de leur traitement '.
Il est donc constant qu'ils y gagnent, quant à cenx qui
remplissaient leurs obligations. La Religion n'essuyera
plus les reproches que lui attirait la richesse de ses
ministres. L'Etat trouvera dans l'hypothèque des biens,
sans même les aliéner tous, la source la plus abondante
de prospérité. Voilà ce qui reste à consolider par les
décrets à prendre aojourd'huy. A lundy, j'espère pou-
voir vous annoncer que ces articles auront été discutés.
Mais faites connaître les avantages réels qu'en retire-
raient et la Religion et la Nation. Car, si dans r.\ssem-
blée, au xviii' siècle, on s'est proposé de vouloir prouver
qu'on anéantissait la religion parce que la nation vou-
lait mieux distribuer les frais du culte, jugez combien
on fera d'efforts pour répandre ces opinions et intéresser
la superstition à venger les abus que ces décrets anéan-
tiront pour jamais.
1. Mcret da 14 mO nr l'eatretin d«8 mlnlslm des enltes.
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— 375 —
Vous me rassurez par ce que vous me marquez de
ce que vous avez fait sur la halle. Je vous serai obligé
de continuer vos soins sur cet objet et de les étendre à
ta halle d'Ernée, s'il vous revient qu'il y ait besoin de
prendre des précautions. Jusqu'icy on n'en a rien mar-
qué à M. de la Lande.
Quant aux fours, je suis persuadé que, moins on se
pressera, plus les particuliers reconnaîtront qu'ils ne
peuvent trouver chez le boulanger les mêmes facilités. Il
sera juste de leur faire des déductions, si réellement ils
ont éprouvé et éprouvent des pertes. J'avois prévenu
M. de Ligonière du danger d'augmenter ces objets et
j'ai idée que depuis mon départ il a diminué la ferme des
trois fours. Je l'avois également prévenu du mauvais
état des affaires de Buchau ; s'il faut enfin qu'il renonce
à son entreprise, ce sera le cas faire usage des moyens
que vous indiquerez de concert avec M. de Ligonière.
Je l'en préviendrai et, d'après cela, pourrai servir de
base à la réduction, s'il étoit juste d'en accorder une.
Je vous remercie pour Al. Adam, Il parait que ses
confrères ont pris les devants. On a bien proposé les
précautions que vous désiriez. Mais on a craint de
mettre une inquisition trop dure et politiquement la
petite facilité qui a été tolérée a pu déterminer bien
des individus au parti qu'il est intéressant de voir pren-
dre à tous.
J'attends avec impatience la certitude que l'insurrec-
tion que vous craignez n'aura pas eu de suite. Jamais on
n'eut plus de besoins d'union. Je compte sur vos efforts
pour rétablir le calme. Je pars pour l'Assemblée, où
nous sommes convenus dans notre bord de nous trou-
ver de bonne heure. Adieu, mon ami, comptez sur mon
empressement à soutenir ici ma mission, quel que
puisse être l'événement final pour moi. Je me suis
expédié de bonne heure sur toute vue d'intérêt personnel,
pour ne voir que ce que je dois à la mission qui m'a été
donnée. Je ne me fusse absenté que dans le cas où ma
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— 376 —
présence eût été indispensable et qu'autant que j'aurais
eu l'assurance de pouvoirle faire sans rien compromettre.
Mais, rassuré sur vos soins, je vais ne m'occuper que du
principal objet. Adieu.
XCVII
17 avril 1790.
Nous n'avons fini qu'hier au soir d'assurer qu'il y aura
des assignats à servir de papier monnoye. Il a bien fallu
attendre, disputer le terrain, laisser ceux que cette opé-
ration contrariait exhaler leur feu. Mais comme il faut
cependant un terme à tout, à 5 heures, hier, les 1", 2* et
4° articles du projet du comité des finances ont été
décrétés, reste aujourd'hui le surplus des articles et sur-
tout le taux de l'intérêt. Dans cette opération, nous nous
sommes laissés aller à l'opinion publique : les villes de
Rouen, Bordeaux et Nantes la désiraient ; Paris nous la
demandait, nous a répandu nombre de décrets pour en
prouver la nécessité. Les effets ont gagné 15 pour cent
depuis trois jours. En se concentrant dans une circula-
tion de 400 millions, il ne peut jamais y avoir de danger
et je doute qu'il en parvienne beaucoup dans nos villes,
tant ces effets vont être recherchés ici. Il ne sera pas
possible de les fabriquer, de les faire signer et de les
voir dans la circulation avant trois semaines et, comme
la situation de Paris ne permet pas d'attendre ce délai,
peut-être demandera-t-on aujourd'hui de se servir des
billets de caisse, jusqu'à ce que la fabrication des assi-
gnats monnoye puisse en tenir lieu.
Nous devons donc espérer cette fois d'avoir trouvé le
moyen de rétablir le crédit. Si on prenait de l'ombrage
du papier monnoye, employez tout votre crédit pour
combattre la répugnance, faire sentir la différence de ce
papier à celui de Law, soit d'après son gage immense,
lorsque l'autre n'en avait aucun, même vraisemblable,
soit d'après la quantité immense qu'on en créa et qu'on
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— 377 —
porta à 9 milliards. Ici nous sommes fixés à 400 mil-
lions, que peut-être il faudra augmenter, mais qu'on ne
portera à une somme plus hante qu'à mesure que les
ventes se déclareront et pourront le permettre. Adieu.
XGVIII
Paris, 17 avril.
Voici, mon ami, la suite des décrets sur les assignats.
Nous allons reprendre ce matin la suite de celui des
dixmes. Ainsi ce sera une opération terminée d'où doit
résulter la tranquillité sur les finances de 1790 et la faci-
lité de rachever sans inquiétude, de cette part au moins,
les travaux qui nous restent à finir. Je dis de la part des
finances, car nous sommes menacés par le parti de
l'opposition de protestations, de réclamations auprès
des provinces, peut-être les adressera-t-on aux diffé-
rentes villes. Prévenez en avance les citoyens pour
qu'ils se prémunissent contre le reproche prétendu de
sacrifier la religion, d'en vouloir l'anéantissement et
cela parce qu'on veut faire exécuter les lois de l'Église
qui défendaient les soins temporels, parce qu'on veut
rappeler la vie pastorale à cette simplicité de mœurs qui
l'a si fort fait estimer dans les premiers siècles de
l'Église. Il ne faut que considérer le moment où on a
intercalé la religion sur un objet de finance et d'ordre,
pour juger que c'était moins la religion que les abus
de grande propriété des richesses que voulait soutenir
l'opposition. Aussitôt le décret des dixmes fini, on
reprendra l'ordre judiciaire.
Je puis encore vous présenter une réflexion sur les
biens de l'Église. On va vendre les domaines du Roy
comme les biens de l'Église. Le Roy croit-il pour cela la
dignité de son trône éclipsée, parce qu'il recevra de la
Nation, comme le Clergé, les moyens de soutenir la
dépense de sa maison ?
(A suivre). Publié par E. Queruau-Lamebie.
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LE MAINE A L'EXPOSITION DES PRIMITIFS
Tandis que les Primilirs allemands montraient à Dussel-
dorf les grâces un peu figées de leurs Madones, leurs saints
roidis dans des poses hiératiques, nimbés d'or uni, d'or
gaufré, d'or piqueté, posés, comme des icônes byzantines,
sur un fond d'or éblouissant, les Primitifs français formaient
au Pavillon de Marsan nn ensemble curieux et rare ; ils pei-
gnirent avec autant de naïveté, et plus de grâce et de vie,
des Vierges charmantes au milieu d'une cour d'augelots
rieurs, des donateurs humblement agenouillés dans une
fervente oraison. Plusieurs pièces de cette Kxposition, tant
au Louvre qu'à la Bibliothèque Nationale, intéressaient
l'histoire du Maine, et nous voudrions les signaler briève-
ment.
Le bon roi René et son épouse Jeanne de Laval, fdlc de
Guy XIV, sont plusieurs fois représentés : d'abord (n" 78 du
Catalogue) sur les volets du grand triptyque de Nicolas
Froment, conservé à la cathédrale d'Aix en Provence, Le
Buisson ardent. Le prince, alourdi par l'âge, étranglé
dans sa fourrure, est obèse, joufflu, les traits empâtes de
graisse vont se perdre dans les plis d'un double menton.
En face, saint Nicolas, saint Jean, sainte Agnès, présentent
Jeanne de Laval, laide avec gnn nez aquilin et ses yeux
obliques, fendus en amande, son maigre buste serré dans
un justaucorps d'hermine et de velours grenat; le peintre
n'a point flatté la dame de Laval, et ses traits ne rappellent
guère ceux de la jolie Vierge au regard pudiquement baissé
qui, du haut du Buisson ardent, présente son fils à l'adora-
tion du berger Moïse.
Nous retrouvons le couple royal au n" 79 dans le petit
diptyque dit de Matheron, emprunté au Musée du Louvre;
lui, plus vieux encore que tout à l'heure, ridé, cachant ses
cheveux blancs sous un bonnet noir enfoncé jusqu'aux
sourcils; elle, toujours anguleuse, et de mine rébarbative,
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— 37!) —
sous les barbes de son chaperon de velours noir. Le n" 362
est une mauvaise copie sur bois, plus petite, et fortement
brunie, du diptyque de Matheron ; on y reconnait sans peine
le souverain, ceint du collier de Saint-Michel.
Les initiales des deux époux s'entrelacent sur les maires
du livre d'heures de René [mss. 118), où l'on peut admirer
un portrait de la Vierge, pensive et triste sous son voile
bleu liseré d'or. A côté s'ouvre (msp. 119) le Psautier de
Jeanne de Laval, prêté par la Bibliothèque de Poitiers; le
miniaturiste a figuré sur les feuillets des scènes de la
Passion, riches enluminures où l'or ruisselle sur les plis
des manteaux et les écailles des armures. — Le livre
d'heures de Louis de Laval, (ils de Guy XIII (mss. 153), con-
tient plusieurs portraits de son possesseur. C'est à Louis de
Laval que Sébastien Mamerot a dédié Les Passages d'Outre
mer [mss. 152) dont on voit, non loin, bâiller la tranche. —
Los armes des Montmorency-Laval timbrent, au n' 105
des mss., une Bible historiale. A part le Psautier de Jeanne
de Laval, on pourra retrouver ces manuscrits dans les col-
lections de la Bibliothèque Nationale.
Il y aurait encore beaucoup à dire ; nous avons voulu
simplement signaler les pièces les plus importantes pour
l'iconographie mancelle ; les historiens du Maine qui dési-
reraient de plus amples données les trouveront dans le
Catalogue de l'Exposition des Primitifs, rédigé par
MM. Bouchot, L. Delisle, Guiffrey, Vitry, etc.
Paul Dblaukav.
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PROGÊS-VERBAUX DES SÉANCES
SEANCE DU 26 MAI 1904.
La séance s'ouvre à deux heures un quart sous ta
présidence de M. Grosse- Duperon, vice-président.
Sont présents : MM. Grosse- Duperon et Trévédy,
vice-présidents; MM. AUeaume, marquis de Beauchesne,
Durget, Garnier, Gouvrion, Louis de la Beauluère,
Laurain.Œhlert, Tliuau, membres titulaires ; MM. Goupil
et Turquet, membres correspondants.
Se font excuser : MM, Chappée, Dubel, l'abbé
Lardeux, Léon de Lorière, Moreau, Albert de Sars,
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et
adopté.
M. Poirier-Béalu, président du tribunal de commerce
de Mayenne, sur la présentation de MM. Grosse-Duperon
et Laurain ; M. Chartier, sur la présentation de
MM. Durget et Lauraîn, sont élus membres corres-
pondants.
M. Laurain communique une lettre, en date du
22 décembre 1781, écrite à l'intendant de Tours par
le greffier en l'élection de Mayenne, Tannîot de Monrou,
qui demande décharge des vingtièmes auxquels îl est
imposé pour trois bordages sis à Jublains et à Mon-
tourtier ; cette demande est motivée par « les pertes
occasionnées par un furieux orage qui s'y est fait sentir
dans la nuit du 19 au 20 juin dernier, accompagné d'une
abondante grelle et d'une si grande tempête qu'il n'a
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— 381 —
resté un arbre fruitier sur pié et plus de trente gros
chênes qui ont été abattus tant sur les grains prêts
à être coupés que sur les foins, de sorte qu'outre cette
perte irréparable il y a eu à peine un quart, année
commune, de récolte tant en grains qu'en foins et de
très mauvaise qualité à partager entre le propriétaire
et les colons qui, suivant l'usage local, tiennent ces
terres à moitié de tout » (Arcli. d'Indre-et-Loire, G 86).
M. Laurain communique une lettre de l'administration
centrale de la Mayenne aux députés du département,
en date du G pluviôse an VII (25 janvier 1799). « Vous
nous sfiurez gré, y Ht-on, d'un phénomène (sic) arrivé
dans la nuit du 5 au 6 pluviôse, à quatre heures six
minutes du matin. On a ressenti un tremblement de terre
qui a duré trente secondes au moins. Trois commotions
dilTérentes se sont succédées rapidement les unes aux
autres ; la dernière a été la plus forte et la plus longue.
Le vent souillait du aud-ouest sans être très violent ; un
brouillard épais enveloppait la terre ; le thermomètre de
Réaumur était à quatre degrés au-dessus de la glace et
le baromètre était descendu à la pluie qui a tombé
abondamment après. Depuis 54, aucune commotion de
ce genre aussi Turte ne s'était fait sentir ».
M. de Beauchesne donne lecture de quelques notes
relatives à Château-Gontîer au commencement du
xviii* siècle, prises dans le journal d'un oflicier, sans
doute un colonel de cavalerie, qui se rendait de Caen
à Bordeaux.
M. Alleaume, au nom de M. Chappée, présente deux
perles de verre de même genre, mais de grosseur diffé-
rente, semblables à celles que l'on trouve fréquemment
en Bretagne, dans le Morbihan, du cdté de la rivière
et du port de Vannes. Ces perles, d'après M. Chappée,
seraient d'origine grecque ou phénicienne.
M, Alleaume présente une jolie terre cuite du com-
mencement du xvii" siècle, appartenant à M. Forget, de
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Laval. Elle figure ta Vierge, tenant l'enfant Jésus à
droite, et semble s'inspirer de l'italien.
M. de Beauchesne parle de l'excursion que fera,
le 7 et le 8 juillet prochain, la Société historique du
Maine, dans la vallée du Loir. A ce sujet, quelques
membres proposent une excursion aux environs de
Mayence, ayant pour objectifle cbAteau de l'Ile-du-Gast,
Fontaine-Daniel, le château de Loré, les Vaux. L'excur-
sion est adoptée en principe.
M . Œhlert présente la photographie d'un fer à hostie
fort bien conservé, appartenant à M. l'abbé Mars, et
divers objets acquis par le musée de Laval.
M . Laurain continue la lecture des Notes sur Ckâleau-
Gontier au commencement du X VU* siècle, par
M. Chiron du Brossay.
Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est levée
à quatre heures et demie.
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BIBLIOGRAPHIE
TrolB Soldats. Constant. Juvènaî et Hercule Corbineau,
Sar F. de Wissocç. — Paris, imp. des Oq)heliQS-apprenti8
'Auteuil, 1904. I11-8*, 62 pages.
Noua devons mentionner cette brochure élégamment
imprimée sur beau papier. Elle comprend trois courtes
notices consacrées à ces trois frères berolques, dont l'alné
seulement, Constant, naquit à Laval, le 17 mars 1772, de
Jean-Charles Corbineau, écuyer, commissaire-inspecteur
des haras au département du Maine. Ces notices, brèves et
rapides comme un état de services, sont à lire.
Ë. Ladhain.
Renault IlUTinclble (Paul-François de Gaulejac). Récit
des guerres de la Vendée, par le V" de Bonald. — Paris,
H. Champion, 1904. In-8°, 214 pages, avec carte.
Né le 15 novembre 1754, à Marminiac, de Barthélemy-
Sulpice de Gaulejac, chevalier, seigneur de Lacan, et de
Madeleine-Thérèse de la Molère-Sanirol, Paul-François de
Gaulejac prit du service et était lieutenant »u régiment de
Maine-infanterie quand vint la Révolution. 11 émigra, mais
il rentra en France, séjourna à Paris dès 1792, et y fut
arrêté le ^6 mai 1794. Mis en liberté sur le rapport du
représentant du peuple Bourdon [de l'Oise), il demeura à
Paris, jusqu'au jour où il obtint sa radiation de la liste des
émigrés. Presque aussitôt qu'il fut remis en possession de
ses biens, il prit part aux luttes de la Chouannerie. II était
dans le Maine, k la fin de 1795, dans la division de Rocham-
beau. Connu sous le nom de Renault l'Invincible, adjudant
de Rochecot, jouissant d'une grande influence dans les pays
où il se tenait habituellement, du côté de Jublains, d'nar-
danpes et de la Chapelle-au-Riboul, accompagné d'une
trentaine d'hommes, bien armés et pourvus de cartouches,
il était redoutable aux bleus et les administrations locales
attachaient beaucoup d'importance à sa capture et se
réjouirent visiblement de sa mort, arrivée à Montreuil, le
1" avril 1799, dans un combat de deux heures contre la
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— 384 -^
colonne mobile de Lassay et contre le détachement de
Couptraîn. Les aulorités mayennaises avaient fait des efforts
répétés pour s'emparer de ce « brigand » intelligent, « qui
inspirait une terreur profonde aux amis de l'ordre, n M. de
Bonald nous raconte ces cfTorLs avec un intérêt toujours
croissant qu'augmente encore le nombre de pièces justifica-
tives tirées en grande partie des Archives de la Mayenne et
des Archives de la Guerre. Son livre est une bonne contri-
bution à l'histoire de la Chouannerie dans notre pays.
E. Laurain.
Vieux Ifétddcins Mayennais, par Paul Delaunaï. ~
Première série : D. Tauvry, G. Plançon, G. Bigot, A. du
Chemin, A. Paré, Tanquerel des Planches (Paris, H. Cham-
pion, 1903, in-8°, 201 pages). — Deuxième série : Barbeu
du Boui^, G. du Tronchay, Mellé, Bcré, AUard, Paigis,
Plaichard-Chollière, Bucquet, Bodard de la Jacopière, Le
Monde médical mayennais pendant la Révolution, Hygié-
nistes d'autrefois (Laval, V' A. Goupil, 190^, În-S", u-295 p.).
Les membres de la Commission historique ont lu avec un
grand intérêt les notices consacrées aux vieux médecins
mayennais publiées ici et dont le recueil a formé la deuxième
série de ces éludes savamment troussées, gaiement écrites,
— ' tirent, avec une pointe d'humour léger, de l'ombre où
'étaient enfoncés ces praticiens qui avaient eu jadis une
heure de célébrité et qui mérilaienl, a plus d'un titre, au'on
parlât d'eux en connaissance de cause. Les mêmes qualités,
qu'on a pu apprécier au fur et à mesure de l'apparition de
notre Bulletin, on les retrouve dans les notices de la [pre-
mière série données ailleurs : même richesse d'information,
même silreté de la critique, présentée avec le même bonheur
et le même agrément. Ces biographies sont aussi amusantes
qu'instructives et ceux qui voudront les lire, ou les relire,
n'y perdront pas leur temps, même s'ils n'y cherchent que
l'agrément et la distraction utile. Je me fais un plaisir de
les leur recommander.
Ë. Laukain.
r
Dioitizedb, Google
LES LAUREATS
DD
CONCOURS GÉNÉRAL
POUR LE DÉPARTEMENT DE LA MAYENNE
S'il est en France un département où l'antique institu-
tion du Concours général, récemment abolie par une
décision du Conseil supérieur de l'Instruction publique,
laissera, croyons-nous, de vifs regrets chez la jeunesse
studieuse, c'est à coup sûr le département de ta
Mayenne.
Pendant toute la durée de cette institution, ainsi qu'on
le verra par l'étude qui va suivre, mais surtout dans le
dernier quart du xix* siècle, les jeunes gens originaires
soit du Bas-Maine, soit de cette partie de l'Anjou qui
Forme aujourd'hui l'arrondissement de Chàteau-Gontier,
ont tenu haut et ferme le drapeau de leur province dans
les célèbres tournois universitaires de Paris. Aussi
ceux d'entr'eux qui, nés trop tard, se verront désormais
privés de cette occasion d'acquérir une gloire aussi
pure qu'inolTensive, ne manqueront pas d'envier les
triomphes de leurs aînés.
C'est, on le sait, en l'année 1747 qu'eurent lieu pour
la première fois, en vertu du testament du chanoine
Legendre, d'après un arrêt du Parlement, ces fameuses
compositions auxquelles prenaient part les dix collèges
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— 386 —
formant alors l'Université de Paris, compositions suivies
d'une distribution de prix déjà très solennelle.
Or, dès 1750, nous voyons un jeune Lavallois, élève
du collège du Plessis-Sorbonne, Henri-Charles Couasnier
des Landes, remporter en seconde un second prix de
version latine. Mais ce n'était là qu'un début plein de
promesses qu'un avenir prochain devait réaliser. En
1752, en effet, ce même élève obtint en rhétorique trois
premiers prix, savoir le prix d'honneur d'amptilicatioo
latine, et les premiers prix d'amplification française et
de version grecque.
Le brillant succès remporté cette année-là au Concours
général des collèges de Paris par un enfant de Laval
était certes un grand honneur pour la province dont il
était originaire. La distribution des prix de la Sorbonne
était déjà à cette époque un véritable événement dont
les journaux du temps ne manquaient pas d'entretenir le
public. La Gazette de France lui consacrait tous les
aus un article plus ou moins détaillé, mais toujours élo-
gieux. Le Journal de Verdun donnait même, à la suite
d'un compte rendu très minutieux, la liste complète des
prix et accessits pour chaque classe. Ainsi, alors
comme au xtx' siècle, tes noms des lauréats étaient
portés à la connaissance de la France entière, et chaque
province pouvait reconnaître et revendiquer ceux qui lui
appartenaient.
Mais ce qui constituait surtout, dès cette époque, le
prestige du Concours général, c'était la distinction par-
ticulière accordée, le jour de la cérémonie, à l'élève qui
avait été assez heureux pour obtenir le prix d'honneur,
alors exclusivement rései-vé à la composition latine. Le
premier président du Parlement, qui, à la tête d'une
importante délégation de cette vénérable compagnie,
assistait presque toujours à la séance, le couronnait de
ses propres mains après l'avoir embrassé.
Voici, en ce qui concerne la solennité universitaire
de 1752, ce qu'en dit la Gazette de France :
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« Avant hier, l'Université fit la distribution de ses
prix fondée par le feu abbé Legendre, et le Parlement y
assista. Cette cérémonie fut précédée d'un discours latin
que prononça le sïeur Le Beau, de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres, professeur de rhétorique
au collège des Grassins. Le sieur de Maupeou, pre-
mier président du Parlement, donna le premier prix.
Les autres prix furent distribués par le sieur Guérin,
recteur. »
Quant au Journal de Verdun, le compte rendu de la
cérémonie y est plus détaillé, et le nom de notre lauréat
y est même prononcé :
« Le 3 août, l'Université fit dans la salle des écoles
extérieures de Sorbonne, en présence du Parlement en
corps, la distribution des prix fondés par feu Messire
Louis Le Gendre, chanoine de Notre-Dame... La céré-
monie commença par un discours éloquent que prononça
M. Le Beau, professeur de rhétorique au collège des
Grassins et de l'Académie royale des Belles- Lettres, dans
lequel il étala les richesses d'une éloquence dont il sçaït
donner aussi bien des exemples que des préceptes.
M. de Maupeou, premier président du Parlement, donna
le premier prix à M. Couanier Deslandes, rhétoricien
du collège du Plessis, sous M. Guérin, recteur de l'Uni-
versité ; M. le Recteur distribua ensuite les autres prix ' , »
Comme on le voit, le principal triomphateur de cette
journée, si glorieuse pour notre province, Henri-Charles
Couasnier des Landes, avait reçu son prix d'honneur
des mains de René-Charles de Maupeou, à cette
époque-là premier président du Parlement.
On aimerait à croire qu'au retour du jeune vainqueur
dans sa ville natale, le maire et les échevins de celle-ci,
sensibles à l'honneur qui leur était fait dans la personne
1. Hons devons la communication de ce curieux document k M. Rebel-
IlBU, bibliothécaire de l'Institut, qui a bien voulu nous en enrojer une
copie. Nous le prions d'agréer toi l'eipreuloa da doi plui «Incirea
remerciement*.
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de leur compatriote, lui donnèrent quelque marque
publique de leur reconnaissance. Ce n'aurait pas été la
seule fois que, sous l'ancien régime, dans une circons-
tance analogue, une ville de province eût agi de la sorte.
C'est ainsi du moins qu'en 1786, lorsque le jeune de
Faucompret, de Lille, remportera le même prix d'hon-
neur, le corps municipal de cette ville, assemblé extraor-
dinairement, enverra au futur traducteur de Walter
Scott une lettre de félicitations, signée de tous ses
membres.
Sans être aussi glorieuse pour la jeunesse du Maine
que la distribution précédente, celle de 1753 lui fut
encore très favorable. Si Henri-Charles Couasnicr des
Landes qui avait i-edoublé, selon l'usage, sa rhétorique,
n'eut cette année-là que deux accessits en amplification
latine et en version grecque, en revanche son frère
cadet. Ni col a s- Olivier- Franc ois, élève de seconde à ce
même collège du Plessis-Sorbonne, eut un second prix
de vers latins et deux premiers prix en version grecque
et en version latine.
Les deux frères Couasnier des Landes entrèrent, l'un
comme l'autre, dans le clergé. D'après M. l'abbé Angot,
l'ancien prix d'honneur du Concours général de 1752,
helléniste et littérateur remarquable, devint professeur
d'éloquence au collège de la Marche. Il fit, selon la
mode du temps, imprimer plusieurs éloges. Après avoir
débuté en 1762 par l'Éloge funèbre de Monseigneur le
duc de Bourgogne (Paris, Didot, in-4"), il s'essaya
en 1763 à traiter le sujet donné au Concours par l'Aca-
démie française, et qui était VÉloge de Maximilien
de Béthune, marquis de Rosny, duc de Sully, avec
notes historiques et philosophiques (Paris, Simon, in-4'').
Ce ne fut pas lui qui remporta le prix, mais ce fut un
de ses prédécesseurs dans les triomphes universitaires,
le littérateur Antoine Thomas, qui, en 1749, avait, lui
aussi, obtenu le prix d'honneur d'amplification latine au
Concours général. Deux ans après, Henri-Charles
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Couasnier des Landes se mit encore une fois sur les
rangs dans un concours académique où on avait proposé
comme sujet l'Éloge de Descartes : cette fois, l'ac-
cessit lui fut déccrno. Comme ses précédents essais,
celui qu'il avait composé en cette circonstance a été
imprimé (Paris, Rcgnard, in-8°). Nul doute que le bril-
lant professeur du collège de la Marche ne fût destiné à
un avenir digne de ses succès scolaires; mais il mourut
jeune encore, en 176G, au Mans, où il s'était retiré chez
son frère Olivier. Ce dernier, qui était alors curé de
Saint-Nicolas, une des paroisses de la capitale mancelle,
avait, au sortir du collège, étudié au séminaire de la
Sainte- Famille, dit des 33, à Paris; chapelain de la
Pigeonnière en la Trinité de Laval en 1758, il avait été
pourvu en 1763 de la cure de Saint-Nicolas au Mans ; il
mourut dans cette ville le 24 décembre 1772. Telle fut
la destinée des deux premiers lauréats Lavallois du
Concours général de l'ancienne Université,
En 1755 et 1756, c'est un jeune homme originaire de
Château-Gontier, François Ménard, qui soutint dans les
tournois de la Sorbonne l'honneur de cette partie de
l'Anjou qui, plus tard, devait, avec le Bas-Maine, consti-
tuer le département de la Mayenne. Comme les deux
frères Couasnier des Landes, il suivait les cours du
collège du Plessis-Sorbonne. Il eut d'abord en 1755,
comme élève de troisième, un deuxième accessit de ver-
sion grecque, puis l'année suivante, en seconde, le
second prix dans cette même faculté. Nous ignorons ce
qu'il est devenu une fois ses études terminées.
En 1760, nous retrouvons, comme lauréat appartenant
à notre futur département, un autre Ménard, Pierre-
Louis Ménard, du collège du Plessis-Sorbonne. Mais
celui-ci était de Laval. Il renouvela les exploits do son
compatriote Honri-Charlea Couasnier des Landes, sauf
qu'il ne réussit pas à avoir le fameux prix d'honneur. 11
remporta en troisième (1760) le second prix de thème
latin et deux accessits en vers latins et en version latine ;
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— 390 —
en seconde (1761), les premiers prix de thème et de vers
latine, et deux accessits en versions grecque et latine ;
en rhétorique (1762), le premier prix d'amplification
française ; enfin en 1763, comme vétéran de rhétorique,
le premier prix de version latine avec trois accessits en
amplification latine, en amplification française et en
version grecque. Comme on le voit, s'il n'avait pas eu !e
prix d'honneur d'amplification latine, il avait eu en
revanche douze nominations tant prix qu'accessits, et
cela dans toutes les facultés, succès peu commun alors
comme au siècle suivant dans les fastes du Concours
général.
Si nous en croyons M. l'abbé Angot, Pierre Ménard
avait d'abord étudié au collège de Laval où Renouard
aurait été son condisciple. Ainsi, une partie de la gloire
qu'il s'était conquise par ses brillants succès dans les
joutes universitaires de Paris rejaillissait sur les humbles
professeurs qui avaient dirigé ses premières études.
Plus tard, une fois sorti des bancs du collège, l'ancien
lauréat eut, comme son prédécesseur Henri-Charles
Couasnier des Landes, la légitime ambition de se faire
couronner par l'Académie française pour un de ces
éloges littéraires alors si à la mode. 11 concourut en 1767
à celui de Charles V, et s'il n'obtint pas le prix, qui
fut adjugé à La Harpe (encore un ancien lauréat du Con-
cours général !) il balança du moins, affirme Renouard <,
les suffrages de l'Académie. Son discours a été imprimé
(Paris, V" Regnard, in-S"). Ce n'est, selon Hauréau -,
qu'une déclamation, comme tous les ouvrages de ce
genre, y compris ceux du célèbre Thomas, mais ta
déclamation de l'auteur tavallois a quelque mérite litté-
raire, et, comme elle n'est pas trop longue, on en sup-
porte ta lecture. Deaportes nous apprend aussi qu'on
doit à Pierre Ménard quelques ouvrages sur fart ora-
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toire. Il fut nommé principal du collège d'Aix, en
Provence, quelques années avant la Révolution.
En 1768, le Bas-Maine est représenté à la distribution
des prix du Concours général par le jeune Vincent-
Alexandre Ouvrard, élève de sixième au collège Louis-
le-Grand. Outre le second prix de thème latin, ce
dernier avait obtenu un cinquième accessit de version
latine. Le palmarès le qualifie simplement : manceau;
mais il était en réalité de Fougerolles au Bas-Maine. Il
était né en elTet à la Hautonnière dans cette paroisse, et
était fils de Gervais-Louis Ouvrard du Verger, seigneur
de la Marquerie, de la Tripière, etc., et d'Anne-Margue-
rite-Jeanne Voisin de la Ménardière. Ses études termi-
nées, il entra dans les ordres, comme l'avaient déjà fait
deux de ses frères plus Agés, Jean- Baptiste-Michel
et Louis- François.
Jean-Baptiste-Mîchel Ouvrard de la Haye, curé de
Fougerolles de 1773 jusqu'à la Révolution, est le plus
connu des trois frères, grâce à la relation qu'il publia
en 1819, dans Le Déporté de la Mayenne, ou le Batave
heureux, de sa déportation en Angleterre et de son
séjour en Hollande pendant l'époque révolutionnaire.
Quant à Vincent-.Alexandre, il était, en 1789, chanoine
de Saint- Augustin, de la Congrégation de France, et
vicaire à Orléans. Déporté en Allemagne pendant la
Terreur, il rentra en France en l'an X et se fit nommer
desservant de Champigny-sur-Seine, près de Paris,
où il mourut en 1813.
Pendant près de dix ans, entre la distribution de 1768
et celle de 1777, aucun nom appartenant au futur dépar-
tement de la Mayenne ne nous apparaît sur les palmarès
de l'Université. Mais il n'en est pas de même de 1777
à 1785 où, presque tous les ans, des jeunes gens origi-
naires de notre contrée se font applaudir, sinon toujours
pour un prix, au moins pour un accessit, aux solennités
de la Sorbonne. C'est d'abord Charles-Thomas Morice
de la Rue, de Mayenne, élève du collège Louis-le-Grand,
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— 392 —
qui obtient en sixième (1777) et en cinquième (1778) un
accessit de version latine. En 1782, ce même élève, alors
en rhétorique, remporte le cinquième accessit d'ampli-
fication française, tandis qu'un de ses compatriotes de
Mayenne, également son condisciple au collège Louis-
le-Grand, Jean-Louis-Anne-Magdeleine Lefebvre de
Cheverus, se signale en quatrième par un cinquième
accessit de thème latin. L'année suivante, ce dernier a
encore en troisième un troisième accessit de version
latine, et si son nom ne figure pas sur le palmarès
de 1784, il y est remplacé par celui d'un jeune Lavallois
du collège de Montaigu, Xavier Hardy de Lévaré, qui
a cette année-là, en sixième, un cinquième accessit de
version latine. Enfin, en 1785, Jean-Louis Lefebvre
de Cheverus réapparaît sur le palmarès, comme élève
de rhétorique, avec le cinquième accessit de version
latine.
Nous avons dit que Charles- Thomas Morice de la Rue
était de Mayenne, Meduanus, comme on lit au palmarès.
11 y était ne en effet le 11 avril 1763, de Jean-Baptiste
Morice de la Rue, docteur en médecine à Mayenne et, de
plus, échevin de cette ville. Une fois sorti du collège, il
resta d'abord à Paris, où il se fit recevoir avocat au
Parlement. Principal clerc d'un procureur de cette cour
en 1789, il ne tarda pas à se faire nommer, à la faveur
des événements, greffier au tribunal civil du 1" arron-
dissement de Paris. Rappelé ensuite à Mayenne, il y fut
nommé, en 1792, commissaire national près le tribunal du
district. Compromis l'année suivante dans le mouvement
fédéraliste, il se vit obligé de quitter sa ville natale avant
l'arrivée de Thirion (octobre 1793), alla au-devant des
Vendéens, puis fut dirigé sur Rennes avec le grade de
capitaine d'une compagnie du contingent de la Mayenne.
Il rentra pourtant à Mayenne avant la fin de la Terreur,
et s'y fit même délivrer un certificat de civisme par la
Société populaire. Après le 9 thermidor, et sous le Direc-
toire, il devint successivement administrateur du dépar-
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tement, puis président de ]'administration centrale.
Créé, lors de l'avènement de Bonaparte au Consulat,
conseiller de préfecture, il fut délégué, en 1804, au sacre
de l'Empereur. La Restauration le fit chevalier de la
Légion d'honneur puis, en septembre 1820, secrétaire
général de la préfecture et, en 1821, délégué dans les
fonctions de sous-préfet pourl'arrondissementde Laval ;
il y resta jusqu'en 1824, Sous le gouvernement de Juillet,
de 1833 à 1839, il représenta, comme conseiller général,
le canton de Villaines-la-Juliel. II mourut en 1843 '.
De tous les lauréats du Concours général de l'ancienne
université originaires soit du Bas-Maine, soit du pays
de Chàteau-Oontier, celui à qui était réservé le plus
brillant avenir était le condisciple de Charles- Thomas
Morice de la Rue à Louis-le-Grand, ce Jean-Louis
Lefebvre de Cheverus qui devait mourir cardinal et
archevêque de Bordeaux, et dont la statue s'élève
aujourd'hui sur la place de l'Hôtel-de-Vilie à Mayenne.
Fils d'un juge général au duché-pairie de Mayenne,
il était issu d'une des plus importantes familles de
hourgeoisie de cette ville. 11 avait fait ses premières
études au collège de Slayenne, et mis, à partir de la
quatrième, au collège Louis-Ie-Grand à Paris, il s'y était
aussitôt signalé parmi les meilleurs élèves de sa classe,
puisque, comme nous l'avons vu, il avait obtenu, dès ses
débuts au Concours général, une nomination en version
latine. Dès cette époque, il portait la tonsure qu'il avait
reçue, chose remarquable, â peine Agé de douze ans,
des mains de son compatriote, Mgr de Hercé, évéque de
Dol, en même temps qu'il avait été pourvu, selon un
usage alors en vigueur, de la chapellenie de Torbéchet
en Saint-Georges- But tavent, et qu'il s'était vu conférer
le titre d'aumônier extraordinaire de Monsieur, frère du
Roi, Quand il eut achevé ses brillantes études classiques,
il entra, après un concours où il obtint la première place,
1. A, An^t, Dietionnairt de la Maymnt,
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— 394 —
au séminaire Saint-Magloire pour y faire sa théologie.
Mais, tout eu poursuivant l'étude de la science sacrée, il
était resté comme maître de conférences à son ancien
collège où il consacrait à l'enseignement tout le temps
qui n'était pas absorbé par ses études théologiques. Du
reste il fut ordonné prêtre, avec dispense d'âge, dès le
mois de décembre 1790. Deux ans après, il était nommé
curé de Notre-Dame de Mayenne en remplacement de
son oncle, l'abbé Louis-René Lefebvre de Cheverus.
C'était le moment où la Révolution, en imposant au
clergé la fameuse constitution civile, commençait à
rendre ta vie intolérable aux prêtres qui n'avaient pas
cm pouvoir prêter le serment. Aussi, dès la fin de cette
même année 1792, le nouveau curé de Notre-Dame de
Mayenne avait-it été obligé de chercher un refuge en
Angleterre, d'où il ne tarda pas à passer en Amérique.
C'est pendant cet exil d'outre-mer qu'il devint évêque
de Boston. Retenu loin de la France par ces importantes
fonctions ecclésiastiques, il ne devait y revenir que
sous la Restauration, et à l'appel de Louis XVIII qui lui
avait fait confier, en 1823, le siège épiscopal de Mon-
tauban. Après avoir occupé ce siège pendant trois ans,
il fut promu à l'archevêché de Bordeaux, puis nommé
pair de France. Très en faveur auprès de Louis XVIII
et de Charles X, il ne le fut pas moins auprès du roi
Louis-Philippe qui obtint pour lui, en 1836, le chapeau
de cardinal. Il mourut la même année.
Xavier Hardy de Lévaré, qui en 1784, élève de sixième
au collège Montaigu, avait obtenu un accessitdeversion
latine au Concours général, fut, comme le futur cardinal
de Cheverus, une des victimes de la Révolution. Fils
aîné de René Hardy de Lévaré et d'Anne Guédé du
Bourgneuf, il se destinait à la magistrature et était sur
le point d'entrer au Parlement de Paris quand la chute
de l'ancien régime vint entraîner avec elle la suppression
des Parlements eux-mêmes. C'est alors que, comme tant
d'autres, il prit le parti d'émigrer, et il fit dans l'armée
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de Condé les campagnes de 1792, 1793 et 1794. Rentré
pourtant en France sous le Consulat, il prit, pour vivre,
un modeste emploi dans les bureaux de la prérecture
à Angers ; il y devint chef de division. La Restauration
le fit, en 1816, sous-préfet de Beaupréau, et, après les
Cent Jours, pendant lesquels il s'était mis à la tête d'un
mouvement royaliste, il devint secrétaire général de la
préfecture de Maine-et-Loire. Il donna sa démission
eu 1830.
Telle est la part de succès obtenue par les élèves des
différents collèges de Paris originaires soit du Bas-Maine,
soit du pays de Château-Gontier, dans les concours de
l'ancienne université supprimés comme on sait en 1793,
Cette part est à coup sûr assez belle, surtout si on la
compare à celle qui était échue à l'autre partie du Maine,
qui forme aujourd'hui le département de la Sarthe ;
tandis que celle-ci, de 1747 à 1793, n'avait, tout bien
compté, à son actif que sept prix et seize accessits, le
Bas-Maine à lui tout seul pouvait lui opposer quatorze
prix, dont un prix d'honneur, et dix-huit accessits.
Après la Révolution, le Concours général fut rétaMi
peu à peu dans ses antiques honneurs, et, dès l'année
1807, nous voyons un jeune homme originaire du dépar-
tement de la Mayenne, Charles-Guillaume Sourdille de
la Valette, élève du lycée Impérial (depuis Louis-Ie-
Grand), se distinguer dans les nouveaux tournois univer-
sitaires. Après avoir ainsi obtenu en 1807 dans la
seconde classe de langues anciennes (la troisième) le
deuxième prix de version latine, il remporte, l'année sui-
vante, dans \a première et la deuxième classes réunies
(la seconde), le premier prix de vers latins. Grâce aux
Annales du Concours général, qui commencent avec
l'année 1805, nous avons ses deux copies couronnées.
Le sujet de la version latine était une lettre de Sénèque.
Quant aux vers latins, ils avaient eu pour matière :
« Le pape Léon X répandant des (leurs sur le lit de mort
du peintre Raphaël ». Nous croyons faire plaisir aux
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bumanistes qui liront cet article en reproduisant ici la
pièce qui avait valu au jeune La Valette son premier
prix au Concours général :
Lectum ubijacel exstinctus Raphaël floribua spargil
Léo deciinus.
Quem pictura parem divine jactat Homero,
Quem toi per cunctae célébrant miracuta génies,
Occiderat Raphaël. Nec primi œtatis honores,
Nobilis ingenii decus immorlale, nec ingens
Gloria palmarum, crudelia (lectere corda,
Ac relinere luam polerant, mors improba, falcem.
E (umulis excita suis augusta gemebat
Antiqute Ronife, cunctis moerentibus, umbra,
Quod Superis, tanio quos observabat honore,
Nec jam rclliquiœ, exstincto Raphaële, placèrent.
Artibus îngenuis nova quie dominalur, et ipsa
Lugebat regina, quasi viduata timeret
Illas in turaulo ne mors involveret uno.
Relligio veneranda suum, lacrymansquc, gemensque,
Pictorem flebat, quo non preestanlior aller
lUuslri ingenio, veri pia numinis ora,
Et quibus allonilum iraplevit miracula mundum
Sincerâ magis et sacra suh imagine doctus
Concûpit, pinxilque oculis mortalibus unqiiam.
Protinus îpse l.co, LatiEe paler inclytus urbîs,
Cuj'us lanta suum nomen sibi vindlcat aetas,
Funereo gressu raœrens, tacituaque per urbem
Incedil, mox triste vale dicturus amico,
Qui supcras, eheu ! jam non suus, alligit arces.
In vullum exanimcm defixus lumina, longum
HaBsit, et in lectum flores elTundit, amici
Triste ministerium ! iletuque inspergit amero.
Le jeune lauréat était né à Azé, près de Châtenu-
Gontier, en 1792. Par sa mère, Marie de Champagne,
il appartenait à une des plus anciennes familles nobles
du Craonnais. Son père, Pierre-Jean Sourdille de la
Valette, avocat du roi à Château-Gontier dans les
dernières années de l'ancien régime, porté en 1789 à la
présidence de l'assemblée électorale de son bailliage.
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— 397 ^
avait joué pendant les premières années de la Hévolution
un rôle assez important comme partisan des idées nou-
velles ; mais bientôt, elTrayé par les événements, il
s'était rangé du côté des Girondins contre les Monta-
gnards, ce qui avait été cause de son exécution à Paris
pendant la Terreur.
Charles-Guillaume était donc encore en bas âge quand
il avait perdu son père, et sa mère, veuve, avait été seule à
s'occuper de son instruction. Elle l'avait mis au Prytanée
français de Paris, qui allait devenir, en 1805, le lycée
Impérial. Après de brillantes études, comme il se trou-
vait sans fortune, il n'hésita pas à embrasser pendant
quelque temps la carrière de l'enseignement : en 1815, il
était professeur au collège de Fontainebleau. Il quitta
cependant cette position vers 1820, après son mariage
avec Mlle Victoire Le Monnier de Loriére qui lui avait
apporté une situation des plus aisées. Il se retira alors
à sa maison de la Valette en Villiera-Charleraagne et ne
tarda pas à se faire nommer maire de la commune. Sous
le règne de Louis- Philippe, il se présenta à la députation,
et, élu pour la première fois en 1839, fut depuis plusieurs
fois réélu. Après la chute du gouvernement de Juillet
qu'il avait soutrnu de ses votes, il rentra dans la vie
privée, etdevenu simple conseiller général de son canton,
s'adonna à l'agriculture.
C'était, d'ailleurs, un littérateur distingué, et, dès
l'année 1822, l'ancien lauréat du Concours général en
vers latins avait fait paraître un recueil d'œuvres
poétiques, parmi lesquelles les fables politiques tenaient
la place principale. Ce recueil, qui est loin d'être sans
valeur, augmenté et remanié par l'auteur à différentes
reprises, a été réédité par lui en 1828, en 1833 et en
1847. La dernière édition, illustrée d'eaux-fortes par
Granville, forme un bel et grand in-8". Cet émule inter-
mittent de La Fontaine et de Déranger a aussi publié des
chansons satiriques.
II est mort à la Valette le 15 août 1852. Son por-
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trait, peint par Meiasonnier, est conservé au Musée de
Laval.
Le lauréat dont nous venons de parler est le seul que
le département de la Mayenne puisse revendiquer sous
le premier Empire. Sous la Restauration, nous n'en
trouvons également qu'un seul, Osithe-Edmond Girard-
Pinsonnicre. Né à Laval, le 17 mars 1808, ce dernier
était le fils de Joseph-Louis Girard- Pinsonnière, négo-
ciant, et de Josèphe-Marie Le Pescheux. II avait été
envoyé au collège Henri IV pour y terminer ses études ;
il eut eu 1827, en philosophie, le second prix de physique
au Concours général. Entré en 1828 à l'Ecole polytechni-
que à laquelle son succès du cAté des sciences paraissait
le destiner, il fut obligé d'y redoubler une année à la
suite d'une maladie, et se trouva ainsi faire encore
partie de cette école au moment de la Révolution de
Juillet, à laquelle, comme ses camarades, il prit une part
active, ainsi qu'en font foi l'Histoire de Dix ans de
Louis RIanc et Y Histoire de CÉcole polytechnique par
le commandant Pinet. Sorti de l'École polytechnique à
la fin de cette même année 1830 et après être passé par
celle des ponts et chaussées, il manifesta son attache-
ment à la Mayenne en demandant à y être classé comme
ingénieur des ponts et chaussées. Il y fut attaché par
arrêté ministériel du 17 juillet 1833, en remplacement
de M. Collignon, chargé du service spécial des routes
stratégiques. En 1836, V Annuaire de la Mayenne le
cite comme ingénieur de deuxième classe, chargé du
service des ponts et chaussées des arrondissements de
Laval et de Chftteau-Gontier et du service de la navi-
gation à Laval. Il est mort à Paris, encore très jeune,
le 19 mars 1844*.
Deux prix seulement au Concours général pendant les
vingt-sept années qui s'étaient écoulées depuis le réta-
blissement de cette institution en 1801, c'était peu assu-
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rément pour notre département. Il est vrai que pendant
tes vingt années qui suivront la Révolution de 1830, la
Mayenne se rattrapera largement, car, durant cette
période, elle n'obtiendra pas moins de onze prix.
Dès l'année 1831, deuxjeuneeMayennaisfontapptaudir
leurs noms à la distribution des prix de la Sorbonne.
Tous deux étaient élèves de seconde. Ils se nommaient
Hilaire - Gabriel Ronné et Bernard - Cbarles - Julien
Gournay. Le premier, élève du collège Stanislas, obtînt
deux nominations en tbème et en vers latins, tandis que
le second, élève du collège Henri IV, se signale par un
accessit en narration latine. Deux ans après, en 1833,
ces mêmes jeunes gens figurent de nouveau sur le
palmarès de la Sorbonne, mais cette fois pour des prix.
Ronné, alors en philosophie, terminait brillamment ses
études par un deuxième prix de dissertation latine,
tandis que Goumay, vétéran de rbétorique, avait, avec
un accessit de discours latin, le deuxième prix de version
latine.
Hilaire-Gabriel Ronné, indiqué par le palmarès de la
Sorbonne comme né à Mayenne le l" février 1814, avait
très probablement pour parents Nicolas-René Ronné et
Hortense Roubaud, qui habitaient à Saint-Fraimbault-
de-Prières, non loin de Mayenne. Un de ses oncles,
François-Jean Ronné, avait servi sous le premier
Empire comme lieutenant au 24" de ligne, et s'était
retiré, vers 1813, à Moulay, après avoir reçu la croix de
la Légion d'honneur ; il résidait encore dans cette localité
en 1836. Un autre proche parent de notre lauréat,
Nicolas Ronné, son cousin-germain, avait d'abord été
professeur de cinquième au collège de Laval, puis, vers
1829, avait quitté la carrière de l'enseignement pour se
faire libraire. Tel était le milieu familial où avait grandi
le jeune Hilaire-Gabriel Ronné avant d'aller terminer son
instruction au collège Stanislas. Il était doué, paralt-il,
d'une intelligence remarquable. N'ayant pas réussi à se
faire recevoir à l'école normale, il s'établit libraire à
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Laval, sans doute comme successeur de son cousin.
Mais il ne ae contenta pas de vendre des livres : il voulut
en faire. 11 eut l'idée malencontreuse de publier un
ouvrage traitant de questions religieuses et se vit de ce
fait condamné à Rome par la Congrégation de l'Index.
Le chagrin que lui causa cette condamnation amena
chez lui des troubles cérébraux, et il mourut à la fleur
de l'âge, à une date que nous ne saurions préciser et
dans une retraite que nous n'avons pu découvrir •.
Nous sommes encore moins renseignés sur la destinée
de Bemard-Charies-Julien Goumay. Noua savons pour-
tant qu'il était né le 10 février 1814 à Glaintin en Saînt-
Fraimbault-de-Prières, de l'union de Bernard-César
Gournay, homme de lettres, résidant à Paris, et de
Marie-Victoire Chevrinais. Nous savons aussi qu'il
était le neveu de François-René Goumay, maire de
Mayenne et député pendant les premières années de la
Révolution, et de l'abbé Auguste Gournay, qui avait été
curé de Notre-Dame de Mayenne de 1801 à 1804.
Si, avec les deux lauréats dont nous venons de parler,
l'arrondissement de Mayenne semblait en ces années-là
avoir enfin pris sa revanche de son trop long elTacement
dans les glorieuses luttes du Concours général, celui de
Laval n'allait pas tarder, lui auaai, à cueillir une ample
moiason de couronnes universitaires, et cela grâce à trois
jeunes gens originaires de cette ville ; Edmond Fontaine,
Henri-Louis Duchemin, et Eaprit-Adolphe Segretain.
Né à Laval en 1818, fils de notaire, Edmond Fontaine
avait d'abord été mis au collège de sa ville natale où, à
l'âge de quinze ans, en 1832, il avaitdéjà terminé toutes
ses études. C'est alors que son père, le trouvant avec
raison trop jeune encore pour choisir une carrière,
l'envoya à Paris à l'institution Massin pour y recom-
mencer ses classes à partir de la troisième, en suivant
les cours du collège Charlemagne. Ce collège passait
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à bon droit pour un des plus forts de l'Université ; mais
le jeune Lavallois n'eut paa de peine à y prendre uq
des premiers rangs dans sa classe, où il avait pour
émules les Thomas, tes Milcent, les Taillandier et les
Tardieu, tous brillants lauréats du Concours général,
et dont les deux derniers sont devenus, comme l'on sait,
l'un académicien, l'autre médecin célèbre.
Au Concours général de 1833, Edmond Fontaine eut,
comme élève de troisième, deux accessits, l'un en thème
latin, l'autre en vers latins. C'était bien débuter, mais
l'année suivante il fut encore plus heureux. Il remporta
cette fois le premier prix de version grecque, avec deux
accessits en vers latins et en thème grec. Sa version
grecque, dont le sujet était la traduction d'un fragment de
Longin sur la mesure, a été imprimée dans les Annales.
Cependant quelques jours après l'imposante cérémonie
de la Sorbonne, où, sous les yeux d'une partie de la
Famille royide, présente à la séance, Edmond Fontaine
s'était avancé près de l'estrade pour recevoir des mains du
ministre Guizot son premier prix, le jeune triomphateur
arrivait à Laval. Il s'attendait, comme de juste, à rece-
voir de son père les plus vives félicitations pour son grand
succès universitaire. Mais, hélas ! il n'en fut rien. M. Fon-
taine père dit à son fils, en le revoyant, qu'il aurait pu
mieux faire, et ce fut tout! Ce froid accueil paternel fut
une amère déception pour l'infortuné lauréat. Se résolut-il
alors réellement, ainsi qu'il te racontait à ceux qui l'ont
connu dans sa vieillesse, à ne plus prendre part désor-
mais aux compositions du Concours général ? 11 est certain
qu'à la distribution des prix de 1835, après son année de
rhétorique, il fut loin d'avoir le mâme succès qu'à celle
de 1834. 11 avait pourtant, cette année-là, pris part au
moins à la composition de vers latins : le sujet était trop
tentant pour ne pas avoir ébranlé sa résolution ; car on
avait donné aux élèves à mettre en vers latins la mort
de lord Byron. Edmond Fontaine eut le sixième accessit.
II n'était plus du reste à cette époque à l'institution
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MasBÎn et ne comptait plus parmi les élèves du collège
Charlemagne, qu'il avait quitté pour celui de Louis-le-
Orand.
Ses études terminées, l'ancien lauréat du Concours
général se vit arriver à ce moment critique de la vie où
il faut choisir une carrière. Comme il l'a prétendu lui-
même plus tard, il eût préféré de beaucoup s'adonner à
la littérature ; mais, pour satisfaire la volonté de son
père, il se résigna à faire du droit, puis revint à Laval
où il fut longtemps premier clerc dans l'étude paternelle.
Enfin il succéda à son père en 1856, et, comme sa
science juridique était très appréciée ainsi que la droiture
de son esprit, il ne tarda pas à se placer très haut dans
l'estime de ses collègues qui devaient, en 1884, le
nommer président de la chambre des notaires de l'arroD-
Sollicité à plusieurs reprises de se porter candidat à
la députation, dans des conditions et des circonstances
où son élection eût été certaine, M. Fontaine refusa
toujours, ne voulant pas, disait-il, mener de front les
affaires publiques et celles de son étude. Mais, s'il
entendait rester notaire avant tout, il n'avait pas pour
cela dit entièrement adieu à la littérature. Nommé
administrateur de la bibliothèque municipale de Laval,
il y passait presque toutes ses soirées, plongé dans la
lecture des ouvrages les plus sérieux. Et le besoin de ce
passe-temps était devenu si impérieux chez lui, que,
dans les dernières années de sa vie, devenu aveugle, il
n'en continuait pas moins ses séances de chaque soir a
la bibliothèque, se faisant accompagner d'une personne
chargée de lui faire les lectures qu'il ne pouvait plus faire
lui-même !
Ainsi, Edmond Fontaine, tout en accomplissant ponc-
tuellement, comme notaire, son devoir professionnel,
était resté un fervent de la littérature. II était même
poète à ses heures, et avait composé quelques ouvrages
en vers qu'il gardait en manuscrit. Mais, ayant de lui-
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même une opinion trop modeste, il avait, quelques
années avant sa mort, détruit toutes ces productions
inédites, ne voulant rien en laisser à la postérité.
Il est mort à Laval, le 7 janvier 1898 '.
Comme le lauréat dont nous venons de parler, Henri-
Louis-Marie Duchemin était né à Laval en 1818. Fils de
Gabriel-Kené Duchemin et d'Aimée Le Segretain, il
était issu, tant en ligne paternelle qu'en ligne maternelle,
de deux des plus anciennes familles bourgeoises de cette
ville. Après avoir commencé ses études au collège de
Laval, U fut envoyé en 1835 pour les terminer à Paris
au collège Stanislas, alors très brillant dans les luttes
universitaires, et où du restei'avait précédé, peu d'années
auparavant, comme on l'a vu plus haut, son compatriote
de Mayenne GabrieUHilaire Bonne. Là, pendant les trois
années qu'il devait passer dans cet établissement, il
n'allait cesser de se montrer un élève accompli sous tous
les rapports et à qui on ne faisait qu'un reproche, celui
de 0 travailler trop ». Mais cet excès de travail n'avait
pas tardé à être largement récompensé ; entré en 1834
à Stanislas comme élève de seconde, Henri Duchemin
obtint l'année suivante au Concours général un premier
prix de version latine, et sa copie couronnée, comme celle
d'Edmond Fontaine un an auparavant, eut les honneurs
de la publication. S'il fut moins heureux en rhétorique,
il eut du moins en philosophie un accessit de dissertation
latine .
11 semblait dit qu'en ces années-là la gloire de repré-
senter brillamment la ville de Laval dans les joutes uni-
versitaires de la Sorbonne fût réservée aux futurs
notaires. Comme son émule du Concours général
Edmond Fontaine. Henri Duchemin allait, lui aussi,
embrasser la carrière notariale. 11 acheta en effet en 1849
1, Nous noua Bomme* servis principalement, pour composer cette
notice, des reDeelgnemeuta que M. Germain, notaire à Laral, et suoces-
seur de M' Fontaine, a bien voulu nous envo7er sur ce dernier dont il
D été longtemps i'umt en mËme temps que le principal clerc ; nous iul
adrewoni ici i'expreHlon de toute notre gmtltôde.
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l'étude de M" Beanard, à Laval, et il était depuis quelques
années président delà Chambre des notaires de l'arron-
dissement, quand il mourut le 8 août 1884.
A cette même distribution des prix de la Sorbonne
de 1837 où Henri Duchemin avait obtenu en philosophie
un accessit de dissertation latine, un autre Lavallois,
Esprit- Adolphe Segretaîn, élève du collège de Versailles,
avait en rhétorique le troisième accessit de discours
français et le huitième de vers latins. Ce double succès
annonçait chez le jeune rhétoricien un certain talent
littéraire qui allait bientôt lui permettre, une fois sorti
du collège, de se faire connaître du public par divers
ouvrages, de plus ou moins longue haleine, tous
empreints d'un incontestable don d'imagination. C'est
d'abord en 1840 un volume de Poésies de collège, où l'on
rencontre, selon la mode du temps, un drame historique
en cinq actes et en vers. C'est ensuite, et la même
année, un Essai sur rimagination, suivi d'une critique
du Spiridion de Georges Sand et d'une étude sur le
Phédon. C'est encore, dans les années suivantes, un
roman, Jérôme Cardan, qui parut dans VEcko de la
Mayenne ; puis un véritable ouvrage en deux volumes,
intitulé Des éléments de l'État, ou Cinq questions sur
la religion, la philosophie, la morale, l'art et la poli-
tique; enfin une Exposition raisonnée de la doctrine
philosophique de M. de la Mennais. Comme on le voit,
l'ancien lauréat de discours français et de vers latins
avait l'esprit ouvert sur toutes les graves questions
littéraires ou philosophiques qui passionnaient ses
contemporains. De là au journalisme il n'y avait qu'un
pas. Ce pas. il le franchit en 1848 et il devint tdors un
des principaux rédacteurs de VÉcho de la Mayenne.
Bientôt même il se lança dans la politique active : après
avoir échoué une première fois en 1849 comme candidat
aux élections pour l'Assemblée nationale, il réussit
en 1852 à se faire élire député de Château-Gontier. Puis
en 1853, il fut nommé par l'empereur Napoléon III
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maire de Laval, fonction qu'il devait garder jusqu'en
1857, Mais cette année-là, n'ayant pu se faire réélire
député de Château-Gontier, il abandonna la politique et
se réfugia dans la vie privée. En 1861, il fut créé com-
mandeur de l'ordre de Saint-Grégoire le Grand. Il mou-
rut à Paris l'année suivante ',
La distribution des prix de la Sorbonne de 1837 avait
été particulièrement favorable à notre département.
Tandis que les élèves Duchemin et Segretain, l'un et
l'autre Lavallois, obtenaientdes nominations, le premier
en philosophie et le second en rhétorique, en cinquième,
un élève originaire de l'arrondissement de Mayenne,
Hector Damoiseau, qui commençait ses études à Louis-
le-Grand, avait deux accessits en thème latin et en ver-
sion grecque. Probablement petit-tils d'Etienne-Michel
Damoiseau qui, vers 1800, demeuraità Ravigny et y exer-
çait la charge d'oihcier de santé, en tous cas fils de
Loui.s-Jacques Damoiseau, propriétaire, et de Michelle-
Barbe Larue, Hector Damoiseau était né le 22 février
1824 à Cliampfrémont. Envoyé dés l'âge de treize ans
au collège Louis-Ie-Grand pour y faire sa cinquième, il
y avait, ainsi que nous venons de le dire, assez brillam-
ment débuté. Et pourtant, malgré ce beau début, on lui
lit redoubler sa classe : on tenait apparemment à ce
qu'il remportât des prix ! Et en effet, l'année suivante, il
eut le premier prix de thème latin, avec un deuxième
accessit de version grecque. C'était, on le voit, un bon
élève dans toute la force du terme. En 1839, il eut
encore au Concours général, comme élève de quatrième,
le premier prix de thème latin et un accessit de thème
grec. II fut moins heureux les années suivantes où il fit,
toujours à Louis-le-Grand, sa troisième, sa seconde et
deux années de rhétorique. II eut cependant, tous les
ans, au moins un accessit, de sorte que de 1837 à 1843,
c'est-à-dire pendant sept années consécutives, il ne
1. A. ADgot, DicttonTtaire de la Mayenne.
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manqua, chose rare, aucune des distributions de la
Sorbonne.
Une fois ses études terminées, Hector Damoiseau
entra au séminaire et fut ordonné prêtre. Mais, d^un
caractère original et exalté, il ne tarda pas a abandoD-
ner le diocèse du Mans pour passer en Italie où il se lit
le disciple et l'admirateur du fameux Dom Angelo Bersi.
Associé avec ce dernier, il engloutit toute sa fortune
personnelle, soit 80.000 francs, dans la construction d'un
séminaire qu'au moment de l'ouverture, une décision
pontificale vint mettre en interdit, l'enseignemerst qni
devait y être professé n'ayant pas semblé sufTisamment
orthodoxe. II se retira alors à Saint-Pierre d'Aren e» , fau-
bourg de Gênes, chez les Salésiens, et y mounni* Is
I" août 1901.
Si le département de la Mayenne se distinguait »iï^si,
sous le gouvernement de juillet, dans les compo^it***"*
du Concours général, par de nombreux succès en
lettres, il n'était pas moins heureux du côté des sei^n*^**-
Déjà en 1839, un jeune Lavallois, Léon de Messey t 1"^
suivait au collège Saint-Louis le cours de malt»*™*"
tiques élémentaires, avait obtenu un troisième ac;<5«^*'*
de mathématiques. Né à Laval le 9 mars 1823, et tfî 1^ du
comte de Messey, ancien élève de l'Ecole polytechi» iq"^»
ancien garde du corps, retraité en 1830 comme sou3-
intendant militaire, et de Mme Angélique Du Me»''!® "^
Cbalais, le jeune lauréat se préparait à l'école n ««."vale.
II y fut reçu en cette même année 1839, fut nom»*ïe en
1845 enseigne de vaisseau et prit part avec ce gracl ^' ^"^
expéditions des lies Marquises et de Mogador. 11 «ionno
en 1847 sa démission pour se marier, se retira ai» *^
teau de Loucherais en Anjou et devint l'année buî"*'*"
maire de la commune de la Jaille-Yvon. 11 vit encor^^ ■< "^
de plus de quatre-vingts ans, et se trouve actuel!*^ tneti
le doyen des lauréats du Concours général apparfc^"*"
au département de la Mayenne.
Quatre ans après la distribution de 1839, à cel*® *
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1843, ce n'est plus seulement un accessit, mais le premier
prix de mathématiques qu'obtient, dans cette même
classe de mathématiques élémentaires, un enfant de
notre département, Emile-Edouard Chevrinais, élève du
collège Char lem a gne. Ce dernier était né le 10 mars 1826
à Mayenne de l'union d'Emmanuel Chevrinais, phar-
macien en cette ville, et d'Hortense- Agathe Maliet.
Malheureusement, par suite de l'état précaire de sa
santé, Emile-Edouard Chevrinais ne devait pas réaliser
les espérances qu'avaient fait concevoir ses débuts. Il est
mort le 3 juillet 1883.
Mais celui de nos compatriotes qui, en ces années-là,
remporta au Concours général dans les compositions de
sciences les succès les plus importants fut Emile Gripon,
de Chôteau-Gontier. Né dans cette ville le 20 août 1825,
de parents qui y tenaient un petit commerce et qui
surent s'imposer de lourds sacrilîces pour subvenir à
l'instruction de leur fds, le futur lauréat de l'Université
avait fait ses premières études au collège de Chéteau-
Gontier sous la direction de l'abbé Descars, et dès 1840,
à peine âgé de quinze ans, il s'était fait recevoir à Angers
bachelier es lettres. Destiné alors aux sciences par ses
parents, il fut, sur le conseil de l'abbé Descars, envoyé
à Paris, d'abord au collège Stanislas, où il passa une
année (1840-1841), puis à l'institution Jauiïret alin d'y
suivre les cours du lycée Charlemagne. A Stanislas il
avait déjà fait une première année de mathématiques
élémentaires ; il en fit une seconde dans le célèbre
collège où il venait d'entrer. A la fin de l'année, il prit
part aux compositions du Concours général (1842) et
eut deux nominations en mathématiques et en physique.
L'année suivante, en mathématiques spéciales, il réussit
encore davantage. A la distribution des prix du Concours
général, il fut couronné deux fois : pour le premier prix
de physique, et pour le second de chimie. Parmi ses con-
currents, battus par lui, se trouvait un élève du lycée
Saint-Louis dont le nom devait être illustre dans
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l'avenir, Louis Pasteur, qui avait eu très modestement
le sixième accessit de physique. Ce dernier fut reçu cette
année-là à l'École normale. Quant à Emile Gripon, qui
n'avait encore que dix-huit ans, il fit une seconde année
de mathématiques spéciales, à la fin de laquelle, s'il n'eut
pas, comme l'année précédente, de prix au Concours
général, il eut du moins le deuxième accessit de mathé-
matiques spéciales et le troisième de chimie.
Quelques mois après, le lauréat du Concours général
était reçu à la fois à l'Ecole polytechnique et à FEcole
normale. Il opta pour l'Ecole normale où il passa trois
ans {1844-1847). C'est, nous l'avons vu, en physique que
le jeune normalien avait eu son plus beau succès uni-
versitaire ; et c'est aussi cette science qu'en 1847, il fut
chargé d'aller enseigner à Saint-Etienne, son poste de
début dans le professorat. Il fut reçu dès l'année sui-
vante agrégé des sciences physiques. Cette même
année 1848, il était nommé au lycée d'Avignon ; il y passa
deux ans, ainsi qu'au lycée de Brest où il fut envoyé
ensuite. Cependant la légitime ambition de notre compa-
triote devait être de se rapprocher de son pays natal.
Ce fut en 1852, cinq ans après sa sortie de l'Ecole
normale, que cette faveur lui fut accordée. On lui avait
donné la chaire de physique au lycée d'Angers, chaire
qu'il devait occuper pendant treize années, jusqu'à son
passage de l'enseignement secondaire dans l'enseigne-
ment supérieur. Le principal événement de sa vie de
professeur dans la capitale de l'Anjou fut l'inauguration
faite par lui en 1855 d'un cours public de physique à
l'Ecole supérieure des sciences et lettres. En même
temps, il préparait sa thèse pour le doctorat es sciences
physiques, et il la soutint avec succès en 1864 à Paris,
ce qui lui valut l'année suivante une médaille d'argent
au Concours des sociétés savantes.
M. Gripon venait alors d'obtenir son entrée dans
l'enseignement supérieur, et il quittait Angers pour se
rendre à Lille en qualité de professeur suppléant de
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— 409 —
physique à la Faculté des sciences. Mais Lille était bien
loin de Château-Gontier ! Enfin au bout de trois ans de
séjour dans le Nord, ii fut nommé professeur litulaipe à
la Faculté des sciences de Rennes. C'est dans ce poste
que s'est écoulé le reste de sa carrière de professeur
jusqu'à sa retraite en 1895. 11 était alors professeur
de 1" classe, officier de l'Instruction publique, et cheva-
lier de la Légion d'honneur.
M. Emile Gripon a publié un certain nombre de
mémoires d'acoustique qu'on peut lire dans les Annales
de l'École normale, le Journal de physique et les
Comptes rendus de V Académie des sciences. Il a encore
fait imprimer des Traités élémentaires de physique
pour l'enseignement spécial, l'enseignement classique
et l'enseignement primaire '.
Pendant la période qui s'étend de la révolution de 1848
au coup d'état de 1851, la distribution des prix de 1849
nous fait apparaître deux lauréats originaires de Laval,
Romain-Charles-Edouard Collignon, et Louis-Henri
Ponthieux. Le premier, élève de mathématiques spéciales
au lycée Louis- le-Grand, avait failli remporter le prix
d'honneur de sciences : il avait eu le second prix de
mathématiques^. Le second, élève de troisième au lycée
de Versailles, avait eu un premier prix d'histoire.
1. M. Em. Gripon a eu, selon notre désir, l'eitreme obligeance de
nous i^nvo^er lui-mfime les renseignements précis STec lesquels nous
avons pu composer la notice qui le eoncerne: nous tenons h lui en
exprimer ici toute notre reconnaissance.
!. Lea mathématiciens qui liront cet article ne seront sans doute pas
Hchés de connaître le problème qui aTBit été donné à résoudre à
M, Collignon, le toIcI :
■Soient données dans un même plan une ellipse et une droite située
au dehors de la courbe : sur cette droite on peut prendre une Inflnité de
systèmes de deux points m. ni', conjugrués relativement à l'ellipse de
manlËre que la polaire d'un de ces points passe par l'autre m' (c'esl-à-
dim deux points tels que, si, par l'un m, aa mène les deux tangentes à
l'ellipse, la droite, qui Joint les deux points de contact, passe par l'autre
point m']. Cela posé : !■ on demande de prouver qu'il existe dans le plan
deux points o. o'. tels que, de chacun d'eux, on vole chaque segment
m. m' sous un angle droit. 2* SI la droite 4, 4' se meut parallèlement à
elle-même, les points 0. a' changent de position, et l'on demande leur
lieu géométrique.
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— 410 —
Nous savons fort peu de chose sur la destinée ulté-
rieure de ce dernier, qui était né à Laval le 17 juillet 1833
de l'union de Louis-Lambert Ponthieux et d'Henriette-
Perrine Chelle, tous deux domestiques au service de la
famille de Boutray. D'après les vagues renseignements
que nous avons pu nous procurer sur lui, il serait devenu
plus tard professeur d'histoire dans l'Université, mats il
est en tous cas certain qu'il n'avait pas passé par l'Ecole
normale.
Quant à Romain-Charles-Edouard Collignon, nous
n'avons pas la même incertitude à son égard. Né à Laval
le 29 mars 1831, il était le fils d'un ingénieur des ponts
et chaussées d'origine messine, Charles-Etienne Colli-
gnon, qui se trouvait en résidence dans le chef-Heu du
département de la Mayenne et y reçut la mission de
surveillerl a construction des grandes routes stratégiques.
Le jeune Edouard Collignon passa donc les premières
années de son enfance à Laval; mais en 1840, quand il
fut en âge de commencer ses études, ses parents avaient
transféré leur résidence à Nancy, et ce fut au collège
royal de cette ville qu'il fit la plus grande partie de ses
classes depuis la septième jusqu'à la seconde. En 1846
on l'envoya à Paris pour suivre, comme pensionnaire de
Sainte-Barbe, les cours du collège Louis-le-Grand ; c'est
de celte façon qu'il lit successivement sa rhétorique {1846-
1847) ; sa philosophie et ses mathématiques élémentaires
(1847-1848) ; enfin ses mathématiques spéciales (1848-
1849).
On a vu plus haut avec quel succès Edouard Collignon
avait pris part cette année-là aux compositions du
Concours général, et il lui fut ainsi donné d'assister à
cette mémorable distribution des prix du 14 août 1849
si adroitement présidée dans des circonstances particu-
lièrement délicates par le ministre d'alors, M. de Falloux.
Nous laissons ici la parole au futur abbé Perreyve,
présent lui aussi à la séance, qu'il a si bien racontée
dans une de ses Lettres à un ami d'enfance :
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— 411 —
«... C'était donc hier, écrivait-il, la séance du Con-
cours. Tu connais l'exorde : la Marseillaise, le Chant
du Départ, etc. Les facultés entrent, le Conseil, les
massiers, et (mouvement général, on entonne la Mar-
laise, tumulte indicible) M. le Ministre (immense cri
de : Vive la République! Vive l'Université!). C'était évi-
demment un défi : il eut le bon goût de le comprendre.
Il Fait trois ou quatre pas dans la salle, s'arrête tout à
coup en face des élèves, et fait avec l'air le plus majes-
tueux du monde un grand salut que l'on a pris pour un
signe d'assentiment. 11 n'en fallait pas plus pour dissi-
per les nuages de conspiration qui s'étaient çà et là
amoncelés. Les professeurs et les parents applaudirent
son geste comme un petit prodige d'esprit et de pru-
dence, les élèves l'applaudirent comme une concession,
chacun crut en avoir l'avantage, et d'ailleurs la parole
ayant été donnée aussiti^t à M. Janowski (le professeur
chargé du discours d'apparat) les uns et les autres
sortirent d'embarras... »
Et le jeune narrateur ajoute un peu plus loin dans la
même lettre :
« ... M. de Falloux, avec une courtoisie tout aristo-
cratique, descendait de son siège pour embrasser les
lauréats, et parlait à ces Messieurs les Universitaires
avec une exquise bienveillance... »
Telle fut, d'après l'abbé Perreyve, cette fameuse dis-
tribution des prix du Concours général du 14 aoiU 1849.
Du reste, M. de Falloux fut particulièrement aimable
pour le lauréat qui nous intéresse. En lui remettant son
second prix de mathématiques spéciales, il lui lit remar-
quer qu'ils étaient tous les deux originaires de la même
région '.
Cette même année où notre compatriote avait failli
avoir le prix d'honneur de sciences au Concours général,
il était reçu avec le numéro i à l'École polytechnique,
1. Souvenir personoel de M. Colligraon qa'll &blen voulu noua confler.
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— 412 ~
d'où, deux ans après, il sortait avec le ouméro 3.
Il eût pu, grâce à ce classement exceptionnel, choisir
l'Ecole des mines, vers laquelle il se sentait personnelle-
ment attiré, mais, pour obéir au vœu de son père, il
flxa son choix sur la carrière des ponts et chaussées.
Il y débuta par différentes missions à Angers (1852), à
rtle de Ré (1853), en Belgique, en Hollande et aux Iles
Britanniques (1854). Attaché en 1855 au service de la
ville de Paris, il y étudia plus spécialement la dérivation
d'eaux potables vers la capitale. Puis en 1857, son père
ayant été investi des importantes fonctions de directeur
général de la Société des chemins de fer russes, il '^
suivit en Russie, où ils passèrent cinq ans, occupés à la
construction des lignes de Saint-Pétersbourg à Varsovie
(avec embranchement vers la frontière de Pmsse) , ^^ "^
Moscou à Nijni-Novgorod, De retouren France en 1862,
M. Edouard Collignon fut d'abord envoyé a Lorienl^
puis, l'année suivante, ayant été attaché au servie*: du
ministère de la guerre, il fut nommé répétiteur à I't2<*|^
polytechnique, grâce à un mémoire sur la géoméine
qu'il avait rapporté de Saint-Pétersbourg et qui a'vo'* *"*
un certain succès. Plus tard il reçut dans cette Écroleles
fonctions d'examinateur de sortie des élèves pour la
mécanique, et il devait les conserver jusqu'en IS""-
Pendant cette môme période, son service au minist-*^*'*''^
la guerre n'avait pas empêché M. Collignon de rcst*'"
attaché à celui des travaux publics ; chargé en iS^^^^
professer a l'Ecole des ponts et chaussées le co'U''*^
mécanique appliquée, il y a continué ce cours p*:?!^"''''
trente-deux ans, et, à partir de 1879, il a réuni ^^ ^^^
fonctions dc! professeur celle d'inspecteur de l'Jji'*'**'
Enfin il a été retraité en 1890 comme inspecteur }Ç-*:>n^'^
des ponts et chaussées et en 1901 comme exami i"» f *'""^
honoraii-e à l'Ecole polytechnique.
Telle est la double carrière fournie par l'ancis "
réat du Concours général de 1849 pendant de lo**^"^'
années aux Ponts et Chaussées et à l'École pol^'*'^
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— 413 —
nique; carrière, comme on le voit, des mieux remplies.
Mais ce n'est pas tout : au milieu d'une vie déjà très
occupée, M. Collignon a trouvé le temps de publier un
certain nombre d'ouvrages : Les chemins de fer russes
de 1851 à 1862; Cours de résistance des matières;
Cours d'hydraulique ; Cours d'analyse à fÉcole pré-
paratoire (1875-1879) ; Traité de mécanique, etc. Il a
aussi collaboré, par la publication de divers mémoires,
aux Annales des Ponts et Chaussées, au Journal de
l'École Polytechnique, aux Nouvelles Annales de ma-
thématiques, aux Procès-verbaux de la Société mathé-
matique d'Edimbourg et au Bulletin de la Société
d'encouragement. On lui doit enfin les Comptes rendus
des congrès de l'Association française pour l'avance-
ment des sciences (1873 à 1903).
Tant de services rendus à la science par notre compa-
triote d'origine comme ingénieur, professeur ou écrivain
ne pouvaient rester sans récompense. Aussi l'Académie
des Sciences lui a-t-elle accordé en 1881 le prix Dalmout
et en 1888 le prix Poncelet. Il a été d'ailleurs décoré de
différents ordres : chevalier de la Légion d'honneur
dès 1868, il a été fait officier en 1893 ; il a reçu en 1901
les palmes d'oflicier de l'instruction publique ; il est
en outre officier de l'ordre égyptien de la Medjidié,
commandeur de la Couronne de Homanor, du Ciirist de
Portugal, d'Isabelle la Catholique, et grand officier du
Nicbani Iftikar de Tunis '.
I. Nous ne saurloDB trop remercier ici M. Ed. Collignon qui, comme
M. Em. Grlpon, a bien voulu nous laclllter noire Uclie en rédigeant à
notre intention une notice sommaire sur sa vie et ses travaux.
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LES TRIBULATIONS D'ERNAUD
ABBÉ D'ÉVRON
(1262-1263).
A M. L£ U'' DE Beauchesnc.
Ernaud, abbé d'Evron, a peu bénéficié de la renom-
mée. De son long abbatial, résumé en une douzaine de
lignes par le moderne continuateur du Gallia, trois ou
quatre faits au plus ont échappé à l'oubli '. Le reste est
inconnu ; la date même de sa mort demeure un pro-
blème ^. On sait seulement en substance que ce person-
nage fut administrateur entendu, voisin cbaritable. Un
des rares documents qui le concernent, nous le montre
abandonnant aux religieux de la Chartreuse du Parc le
prieuré de Saint-Denis-d'Orques ' ; un autre laisse entre-
voir que constamment il entretint des rapports amicaux
avec l'évéque du Mans, Geoffroy de Loudon, par lequel,
en septembre 1252, il avait fait consacrer l'église de son
monastère *.
1. Gallia Christiana. t. XIV, col. i87.
2. Le rAriacteur du Cartulaîre d'Évro» consacre ces quelques lignes à
la mort d'Ernaud : n Harnsudi abbtttis abitiu In antiquo bujus abballae
« martyrolog-io ponllur decimo calendas decembris. at quo anno Blletur.
(I Cum autem, ut supra vldlmus, illlus meDtio reperlatur usquo ad
u Tlgiliam Pascbae In anno 1S58, quae quldem vigllla cum esset ultltns
« hujus anni dles, hinc probsbile est usque ad sequentem 1E)9 perT«-
(I Disse, u Cartul. d'Évron, p. 169. — Commualcation de M. Lauraln,
archiviste de la Mayenne, auquel Je suis heureux d'adrosier de ià-baa
3. Gérault, Notice historique sur Évron, p. l5S-15t.
4. Carlul. d'Évron. Blbl. oat., ms. Ut. IT.1U,M79.
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— 415 —
Jusqu'à présent nos rensei céments ne nous permet-
taient guère d'avancer autre chose sur son compte.
Mais voici que, grâce à deux bulles des Registres
d'Urbain /r,dont M. Jean Guiraud poursuit la publica-
tion ', nous nous trouvons en mesure d'en dire un peu
plus, de proposer même quelques retouches au texte de
M. Hauréau. Cette nouvelle source nous révèle en effet
qu'Ernaud a vécu au delà de ce que l'on avait supposé
jusqu'ici et que ses derniers jours se consumèrent dans
l'épreuve. 11 eut des démêlés avec son ordinaire diocé-
sain ; il dut engager procès sur procès, entreprendre de
lointains déplacements, défendre son honorabilité atta-
quée auprès du Siège apostolique. Ses adversaires
étaient Geoffroy Freslon, évi^que du Mans, et Vincent de
Pirmil, archevêque de Tours. Alais, autant que l'on en
peut conclure de l'exposé des documents pontificaux, les
deux prélats mirent à poursuivre le vieil abbé une ani-
mosité d'autant moins excusable que, pour le réduire au
silence, ils ne reculèrent pas devant un acte de force
ouverte.
Nos textes sont très explicites et se complètent l'un
l'autre. Ce sont deux commissions d'enquête à propos de
cette affaire ; elles ont été rédigées à Orvieto, où
Urbain IV résidait alors, et Tulminées à un an d'inter-
valle. La première porte la date du 11 novembre 1262 et
s'adresse à l'abbé de Cormery ; la seconde, qui résume
tout le débat, confère pleins pouvoirs à l'évéque nommé
de Saint-Malo pour trancher sans appel une question
qui menaçait de s'éterniser (13 novembre 1263). Quant
aux faits, les voici.
A une époque vaguement indiquée par nos bulles,
mais qui doit coïncider avec les débuts de t'épiscopat de
Geoffroy Freslon (1258-1269), ce prélat fut saisi de
plaintes contre Ernaud. On ne nous dit pas de qui par-
tait la dénonciation, ni sur quels chefs elle portait. Ce
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qui eat au moins certain, c'est qu'entre le moine d'Evroa
et le successeur de Geoffroy de Loudon, les relations
avaient perdu de leur cordialité d'autrefois. L'évêque
évoqua donc l'affaire à son tribunal, en invitant l'abbé
à présenter sa défense. Celui-ci, contrairement à la
réputation des Bas-Manceaux, ne parait pas avoir eu un
tempérament processif. Peut-être aussi avait-il de
bonnes raisons pour ne pas se lancer à la légère dans
une procédure dont les suites pouvaient occasionner
préjudice à son abbaye. Toujours est-il qu'au lieu d'ex-
plications, il offrit de démissionner. II alla mûme plus
loin et, par serment, il s'engagea à résigner sa charge,
puis a se soumettre à la pénitence qu'il plairait à Geoffroy
de lui imposer. Et ainsi en alla-t-il. Mais sans doute le
prélat, dans son rôle de correcteur, ne sut pas garder la
mesure, car Ernaud trouvant la peine trop sévère, inter-
jeta appel au Saint-Siège.
Le plaignant partit pour l'Italie. Geoffroy Freslon, de
son côté, avait député près de la Cour pontificale l'éco-
làtre du Mans *, avec pleins pouvoirs pour agir à sa
place. La brouille à ce moment n'était pas encore irré-
médiable et une transaction intervint entre ce person-
nage et Ernaud. De part et d'autre, on convint de
recourir à l'arbitrage d'Hugues de Saint-Cher ' et de
s'en remettre à sa décision. La grande notoriété dont
jouissait ce personnage autorisait ce choix. Le vieux
cardinal de Sainte-Sabine était bien près alors du terme
de sa laborieuse carrière : sa science, son désintéresse-
ment, son tact en affaires, la dignité de sa vie privée, en
faisaient l'un des hommes les plus en vue de l'entourage
papal. On ne pouvait mieux s'adresser.
Le pontificat d'Urbain IV ^ ne faisait que commencer.
1. Le nom est resté en blftnc dans les deux bulles.
2. Il appartenait à l'Ordre dominicain, dans leguel 11 remplit pIvsEenrs
chargea Importantes. Innocent IV l'avait nommé cardinal en 12(4. Ce
fut k la fols un diplomate et un savant. Il mourut k ûrvleto le
19 mars 1S63.
3. Urbain IV était d'origine cbampenolie et s'appelait Jacques Panta-
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Hugues, en vertu d'une commission délivrée par le
notaire Bérard de Naples <, se fit remettre les dossiers et
prit connaissance de l'affaire. Sa sentence, qui ne laisse
pas que d'étonner, fut la suivante. La mesure prise par
l'évéque du Mans contre Ërnaud était annulée et le ser-
ment prêté par celui-ci déclaré non valable. La question
ainsi réglée sur le fond, Hugues enjoignait à l'abbé de
retourner à Evron et de reprendre le gouvernement de
ses moines pour un laps de trente jours, que Ton devrait
décompter à partir du surlendemain de sa rentrée en
charge. Durant ce temps, il lui était interdit de passer
aucun contrat, d'aliéner la moindre parcelle du temporel
de l'abbaye, sous peine de nullité de ses actes. Le mois
révolu, à la première injonction de Geoffroy, il devait se
démettre de nouveau et, qu'il y mit obstacle ou non,
l'abbaye était déclarée vacante de droit. Ce n'était pas
autre chose en somme qu'une cote mal taillée, et Ernaud,
avant de se voir débouté des lins de la plainte, aurait la
mince satisfaction de reparaître dans son monastère
pour un délai dérisoire et comme simple administrateur
ad Rutum.
Ce règlement expédié sous le sceau du cardinal de
Sainte-Sabine fut soumis à l'approbation du pape.
Geoffroy Freslon et son agent eussent, on le devine,
vivement souhaité de le voir ratifier. Mais Urbain IV
répugnait aux mesures extrêmes et celle d'Hugues de
Saint-Cher, malgré les tempéraments dont elle avait été
entourée, n'eut point l'heur de lui plaire. Par prudence,
par conviction personnelle, il inclinait plutôt, lui, vers
Iton. 11 fit de longs séjours i Orrleto. D'après un de ses historiens
c'était UD pacifique : toute son attitude dans l'affaire d'Eroaud corro.
bore cette asserlIoD.
1. « Bérard de Naples, éfalement versé dans la Jurisprudence et dons
la rhétorique, remplit avec un éclatant succès les toDctlous de notaire
à la chancelleria des papes pendant la seconde moitié du ii[i' siècle, u
Léopold Delisle, Noiice sur cinq manuscrits lie la Bibltothêgue Natio-
nale et gUT un manuscrit de la Bibliothèque de Bordeaux, contenant
des recueils épiatolaireg de Birard de Naples. Notices et extraits des
manuscrlU, t. XXVII, £• partie, p. S7-16T.
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— 418 —
l'indulgence. Emaud était un vieillard, sa conduite
n'avait jamais été suspectée ; il avait outre cela procuré
au monastère durant sa longue gestion de nombreux et
considérables avantages. Ouvrir inopinément une
vacance en le déposant tout à fait, n'était-ce pas encou-
rager les brigues et les compétitions parmi ses subor-
donnés? N'était-ce pas encore introduire dans l'abbaye
toute une série de misères matérielles et morales ? Bref,
l'avis du pape prévalut et l'abbé d'Évron fut autorisé à
reprendre le chemin du Bas-Maine sans avoir subi de
diminution, ni dans son honneur ni dans sa dignité. On
l'exhortait seulement très fort à surveiller ses actes dans
l'avenir.
Quant à l'évoque du Mans, Urbain IV le fit inviter
par lettres à ne pas molester Emaud et à le laisser
jouir en paix de son abbaye, nonobstant la sentence
arbitrale du cardinal de Sainte-Sabine et toutes autres
décisions allant à l'encontre. Si l'abbé se montrait
contempteur des ordres du Saint-Siège ou prévaricateur,
Geoffroy Freslon avait le devoir d'intervenir, de dénon-
cer même le coupable. Mais, hormis ce cas, et à moins
d'un ordre formel du Pape, il devait éviter de s'immiscer
à l'avenir dans les affaires d'Ernaud.
Par malheur le prélat était un homme tenace. Rien ne
contredit non plus à ce que des rapports mensongers, ou
encore la passion, ne l'aient engagé partiellement à faux
dans un conflit qui, malgré tout, laisse une tache sur sa
mémoire. Quoi qu'il en soit, au lieu d'user de modération
et de s'en tenir strictement aux instructions du Pape,
l'abbé n'était pas plus tôt rentré dans son monastère,
qu'il prétendit de son autorité privée lui arracher sa
démission. Ce dernier protesta, comme bien on pense ;
puis, en désespoir de cause, il réitéra appel au Siège
apostolique. Le procès cette fois paraissait devoir suivre
le cours ordinaire de ces sortes de causes. Aux termes
du droit, Geoffroy et Emaud avaient constitué en temps
lixé leurs procureurs près de la curie, et L'rbain IV'
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venait de déléguer le cardinal Guillaume de Bray ^, du
titre de Saint-Marc, pour ouïr les parties. Mais soudai-
nement au cours de l'instruction, l'évéque du Mans et
son métropolitain, Vincent de Pirmil, relevèrent sépa-
rément contre l'abbé d'Evron des charges d'une gravité
extrême. Ils affirmaient que la bonne foi du Pontife
avait été surprise naguère ; qu'Eniaud jouissait d'une
réputation détestable et, qu'à moins de scandale dans
le public et d'un détriment énorme pour son monas-
tère, on ne pouvait lui en laisser plus longtemps le
gouvernement.
Une enquête subséquente devait démontrer l'inanité
de ces allégations diffamatoires ; sur l'heure elles n'en
tirent pas moins une fâcheuse impression sur l'esprit du
Pape. Comment en effet suspecter la sincérité des deux
prélats qui s'en portaient garants ? Un seul parti restait
à prendre : supprimer sans retard la cause du mal.
Urbain IV s'y résigna et, pour accomplir cette pénible
besogne, il eut recours à un moine tourangeau, Bernard,
abbé de Cormery ^. Aux termes de la bulle qui lui fut
adressée par la chancellerie apostolique, ce commissaire
devait se transporter à Evron, adresser à l'abbé les
monitions d'usage en ces sortes de cas, l'engager à
donner sa démission dans le délai d'un mois et, si
besoin en était, l'y contraindre par censures. Toutefois
il advint qu'intentionnellement ou par oubli, les notaires
n'avaient fait aucune allusion dans cette pièce à l'affaire
déjà pendante et juridiquement engagée, — omission qui
constituait un vice de forme. Ernaud n'eut garde de le
taire à son collègue de Cormery, lorsque ce dernier se
présenta aux termes de son mandat. Plus tard d'ailleurs
Urbain IV reconnut lui-même dans la seconde bulle le
1. Guillaume de Broj, archidiacre de Belms et doyeo de l'égrllH de
Lyon : Urbain tV venait de le créer cardinal (1262).
2. Cormer;, Indre-et-Loire, csdIoq de MoDlbazon. arrondissement de
Toura. Bernard est fort peu connu : la mission que Inl confia UriiaiD IV
prËs de l'abbâ d'Evron sera & mentionner dans sa notice par les futurs
rMdlteura du Gallia.
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bien fondé de cea réclamations. Bernard eût dû par
conséquent suspendre toute poursuite et s'incliner devant
les raisons qui lui étaient alléguées, d'autant que son
interlocuteur s'oiîrait de lui en fournirles preuves. Au lieu
de cela, lui aussi, par une étrange aberration, s'avisa de
passer outre et de procéder, Pour la troisième fois, l'abbé
d'Evron dut recourir à l'appel.
Mais il est des gens que l'infortune semble poursuivre
avec une sorte de préférence. Ernaud s'était mis en
route pour Orvieto décidé à plaider sa cause de vive
voix. Il n'alla pas loin. A peine était-il entré en Touraine
qu'à l'instigation de l'évêque du Mans, Vincent de Pirmil
le faisait appréhender de force. Ses bagages, une partie
de son argent, son sceau, lui furent enlevés. Lui-même
devait demeurer prisonnier jusqu'à ce que par violence
et par intimidation on lui eût extorqué le serment qu'il
se soumettrait à tout ce que l'archevêque avait intention
de faire. Alors seulement on le relâcha. Quant à Vincent
et à Geoffroy, forts de la promesse de leur victime, ils
s'étaient hâtés de faire procéder à une élection en l'abbaye
d'Evron et l'un des moines, nommé Jean, avait été
désigné pour remplacer Ernaud. L'intimité des relations
antérieures des deux prélats suffit à expliquer leur
complicité dans toute cette affaire. Ils se connaissaient
de vieille date ; ils étaient compatriotes et tous deux,
avant de ceindre la mitre, avaient porté l'aumusse dans
la cathédrale de Saint-Julien. N'empêche qu'ils eussent
pu mettre leurs efforts en commun pour une entreprise
moins indigne de leur caractère.
Ce nouvel incident n'était point de nature à sîmpliiler
la situation. Tout d'abord une nouvelle procédure s'im-
posait, car Ernaud aussitôt libre s'était hâté d'informer
le Pape de ce qui lui arrivait. Puis, il va de soi qu'à
Orvieto on avait trouvé plutât étrange le procédé
employé par l'évéque et son métropolitain pour se
débarrasser d'un adversaire gênant. Pierre Mouret,
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— 421 —
abbé de Corbie ', reçut donc ordre d'ouvrir une enquête
au nom du Saint-Siège. Ses instructions se bornaient
à ceci : rechercher les faits et, s'ils étaient à la décharge
d'Ernaud, le rétablir dans sa dignité, puis le délier du
serment qu'il avait dû prêter de force et enfin casser
l'élection de l'intrus. Les choses se trouveraient ainsi
ramenées au point où le cardinal de Saint-Marc avait
été appelé à s'en occuper. Mouret, juriste très expert,
démêla toute l'intrigue et conclut à l'innocence du plai-
gnant qu'il fit réintégrer dans son abbaye par un com-
missaire délégué. Mais il avait compté sans la résistance
du moine Jean, le compétiteur. Ce dernier, à défaut de
bonnes raisons, se retrancha dans un labyrinthe d'argu-
ties et en appela au Pape à son tour. 11 rappelait dans
son mémoire une histoire de moines d'Évron qui,
éconduits par l'évéque du Mans au moment d'une ordi-
nation, avaient porté plainte au Saint-Siège en dehors
d'Ernaud. Il invoquait en sa faveur le règlement du
cardinal de Sainte-Sabine : il faisait valoir surtout
certaines irrégularités de la procédure de l'abbé de
Corbie et de son délégué. Le premier avait enquêté sans
citation préalable des intéressés; le second, au moment
de la réintégration d'Ernaud, avait ameuté la population
de la localité, qui s'était livrée à des voies de fait contre
les adversaires.
Le conflit en était là, quand Urbain IV adressa sa
seconde bulle à Philippe de Bouchalampe -, évêque
nommé de Saint- Malo et ancien abbé de Clairvaux, avec
pleins pouvoirs pour le terminer à l'amiable, car Emaud
1. Corbie, Somme, firrondlsMmeDt d'Amiens. Pierre Mouret en était
abbé depuis 1S6I. Ce tut un réformateur.
2. Philippe de Bouchalampe d'abord abbé de Foucarmont, puis de
Clairvaux. Le 18 octobre IS63, par bulle datée d'Orrieto, Urbain JV
l'avait nommé à l'évéché de SaJot-Malo, que se disputaient deux concur-
rents (Guiraud, Regittres d'Crbain lY, n* 424). — Il refusa d'accepter ce
siège et encourut de ce fait l'excommunication ; étant parvenu k taire
admettre ses raisons au Papo, il revint gouverner son abbaye de Clair-
vaux. Sa mort arriva le 21 janvier 1273. Il avait une grande réputation
de savoir, surtout dans le droit.
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— 422 —
et Jean avaient fini par se prêter à un compromis. II
s'agissait de reprendre l'enquête, mais sans appareil
juridique cette fois ; de s'entourer de l'avis de gens
sages et éclairés et d'arriver à obtenir le désistement de
l'un des deux compétiteurs, quitte à constituer en faveur
de celui qui se retirerait une pension sur les biens du
monastère. Philippe de Bouchalampe, qui avait aban-
donné la cbarge d'olTicial de l'Église du Mans pour entrer
en religion, était certainement mieux en mesure de juger
de la situation et de trancher le débat que deux étran-
gers comme les abbés de Cormery et de Corbie. Par
malheur, le résultat de sa mission reste inconnu et nous
ne savons lequel céda de Jean ou d'Emaud. Le second
en tout cas ne dut pas survivre beaucoup a ces divers
incidents. Voilà la seule supposition raisonnable que l'on
puisse hasarder.
Par ailleurs, de tout ce qui précède l'on est en droit
d'affirmer qu'Emaud vivait encore à la fm de 1263, qu'il
eut peu à se louer des procédés de son évoque GeoiTroy
Freslon, et que Jean, qui lui est donné comme successeur
dans la liste du Gallia, débuta dans la charge abbatiale
par un rôle plutôt équivoque. Les Registres des Papes,
espérons-le, nous réservent encore pour l'avenir d'autres
révélations de ce genre.
Dom Léon Guilloreav,
mdne bénédictin.
Appuldurcombe-Wroxall
lie de Wighl.
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NOTES
CHATEAU-GONTIER
PENDANT LA PREMIÈRE MOITIÉ
DU XVIl' SIÈCLE
CHAPITRE II
LES FAUBOURGS
Les limites des deux paroisses de Saint-Jean ne dépas-
saient pas les murs d'enceinte ; Saint-Rémi au contraire
s'étendait dans le sud à près de trois kilomètres de la
ville, comprenant ainsi un assez vaste territoire aujour-
d'hui réuni pour la plus grande partie à la commune de
Saint-Fort et que l'on appelait le dehors de Saint-Rémi
ou, improprement, la paroisse du dehors de Saint-Rémi.
Les faubourgs dépendaient de trois paroisses : Bazouges
au nord et à l'ouest, Saint-Rémi au sud et Azé à l'est ;
sur la première de ces paroisses étaient le Martray et
Tréhut, sur la deuxième Olivet et sur la troisième le
Genéleil ou faubourg d'Azé.
Après la bataille do Craon (23 mai 1592), où il avait
aidé Mercœur à mettre en déroute les royaux comman-
dés par les princes de Dombes et de Conti, le maréchal
ligueur Urbain de Laval- Boisdauphin entra sans coup
férir dans Chftteau-Gontier, Bientôt, se sentant menacé
par les troupes de Henri lY, il fît raser une partie des
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— 424 —
faubourgs, et notamment les édifices les plus considé-
rables, parmi lesquels nous citerons l'église du Martray,
la chapelle des Trois-Maries près de Bazouges et l'Hôtel-
Dieu Saint-Jidien. Au commencement du xvii' siècle,
tes habitants, profitant d'une période de paix, faisaient
tout leur possible pour réparer les ruines des guerres
précédentes.
g 1. — Le Martra,y.
Situé à peu de distance de la Promenade du Bout du
Monde, le Martray est aujourd'hui un des quartiers les
plus pauvres de la ville et sa population donne souvent
de l'occupation aux magistrats du Tribunal correctionnel.
!l remonte à une époque bien antérieure à la fondation
de Chàteau-Gontier. D'après l'auteur de la vie de saint
Généré ', ce pieux ermite y demeura quelques années
et y construisit un oratoire autour duquel se groupèrent
sans doute quelques modestes demeures. Au xiii' siècle,
il y existait une grande maison bâtie par Guillaume du
Mans, et le prieuré de Saint-Jean y possédait un héber-
gement.
A quelle époque le cimetière commun aux trois
paroisses de la ville y fut-il établi ? Aucun document
connu ne permet de répondre à cette question. D'après
les registres paroissiaux de Saint- Jean- Baptiste de
1656, il aurait été u fondé de temps immémorial », ren-
seignement qui manque de précision. Quoi qu'il en soit,
la chapelle qui avait remplacé l'oratoire de Saint-Céneré
(non pas immédiatement sans doute) était assez impor-
tante pour que Boîsdaupliin la jugeât capable de proté-
ger l'approche de l'ennemi. Cette chapelle fut, dit-on,
relevée ou au moins restaurée en 1634 par un habitant
1. Saint Céaeré, Séréné ou Célerin, né ft Spolette, habita égaleineat
Saalgies; non IoId dea Grottes de Saulges oq volt une lontaiDsqui lui
est dédiée, comme auprès du Martray se trouve la fontaine de saint
Célerin. Il rivait sous l'épiscopat de saint Béraire, évéque du Mana
depuis environ fS6 Jusque vers 673, et mourut vers 680.
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de Bazouges nommé Jean Boulay. D'après M. Gadbin ',
Mlle Lecercler fit élever à sa place, en 1675, un nouvel
édifice qui servit au culte jusqu'à la Révolution. En
1830 on en voyait encore quelques vestiges ; mais
aujourd'hui tout a disparu et, du passage de saint Généré,
il ne reste plus que le nom d'une fontaine et d'une rue
voisine. Oificiellement le Martray est devenu la rue
basse et la rue haute du Rocher ; mais le publie, fidèle
aux vieilles habitudes, n'a pas encore adopté cette nou-
velle dénomination.
Le cimetière du Martray était relié à la Porte de
Tréhut par une douve qui longeait des maisons et des
jardins connus plus tard sous le nom de Brulavoine -.
Ce village est devenu une belle propnété appartenant à
M. Bellanger, maire de Fromentières.
§ 2. — TaÉHiiT, LES Capucins.
Le faubourg, maintenant rue de Tréhut ^, était
séparé de la porte du même nom par un fossé et l'extré-
mité nord du marais ou étang du Mei'danson et réunis-
sait Chftteau-Gontier au bourg de Bazouges, d'où
partaient, comme partent aujourd'hui, les chemins de
Graon par Laigné, de Gossé par Marigné-Peuton, de
Quelaines par Loigné, de Saint-Sulpice *. Ge faubourg
était donc très fréquenté, d'autant plus que, nous
l'avons déjà dit, les voyageurs venant de Laval avaient
avantage à suivre la rive droite de la Mayenne jusqu'à
Ghâteau-Gontier.
1. Gazelle rte Château-Gontier, du S6 mars 1885.
i. Nous n'arons pas trouré ce nom avant I7ÛS; mais probablemeDt 11
eiistait dès le xvii' %ilx\e.
3. Dans une Chanson de Geste du xu* siècle nnus trouvons les mots :
tréhu, qui signifie tribut, et Créu. qui désigne des hommes logés dans
des tentes ou 1res: mais noua doutons tort qu'il faille chercher dans
l'un ou l'autre de ces mois l'origine du nom de notre faubourg. — Au
xvW siècle, on écrirait Indistinctement : Tréu, Tréut ou Tréhu.
4. Sauf celui de Creon, qui à partir de Laigné se dirigeait plus dans
le sud vers Pommerieux. tous ces chemins avalent sensiblement le
même tracé qu'aujourd'hui.
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A l'extrémité dn Faubourg de Tréhut, avoisinant de
bien près le bourg de Bazouges, était avant 1592 la cha-
pelle des Trois-Maries sur laquelle nous avoDS fort peu
de renseignements. Nous savons seulement qu'au
XVI* siècle « l'administration et maistrise de l'aumosne-
« rie » des Trois-Maries dépendait du bailliage de
Chàteau-Gontier comme la charge de « sommelier d'es-
« chançon du duc d'AIençon ' ». D'un autre côté l'aveu
de 1414 mentionne que « la coustume de la foire de
« l'Encension appartient au maistre des ladres de la
â ville. » Ne connaissant aucun enclos où les lépreux
eussent pu être enfermés, nous admettrions sans peine
que l'aumônerie, c'est-à-dire l'hôpital des Trois-Maries,
leur eût été affectée.
Quoi qu'il en fût, le besoin de relever cet hôpital de
ses ruines ne se faisait pas sentir et le terrain était
encore Ubre quand, le lundi 13 avril 1609, les habitants
de Chàteau-G entier prirent la délibération suivante :
H A este conclud et arresté d'une communes vois que
a les Pères Capusins seront priez en leur cliapitre géné-
« rai d'avoir un couvent proche cette ville, et à cette fin
« d'envoyer quatre pour voir le plant et la situation du
CI lieu, sans (jue lesd. habitans demeurent obligez en
« leur establissement n ; et le procureui'-syndic fut
chargé le 12 juin suivant d'écrire à « M. le Cardinal
« pour qu'il luy plaise accorder la place et chapelle du
« Marteray pour ledit bastiment. » L'emplacement
choisi appartenait en effet aux Bénédictins de Saint-
Aubin qui avaient pour abbé le cardinal de Gondi,
archevêque de Paris. Pour quel motif celui-ci rojeta-t-il
la demande des habitants ? Nous l'ignorons ; peut-être
était-ce une simple rivalité de couvent, incident assez
commun à l'époque ; peut-être le Martray fut-il jugé
I. Voir los Exlrails de l'Ancien Crf/fe des vicomtes de Beaumont et
de la Flèche (Bulletin, t. XIX, p. 3181. — Il ne faut pas cODtondre cette
RumAnerie arec la maison des Trois-Maries, qui servait d'bOtetlerie
dans le faubourg d'Azè.
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— 427 —
trop voisin du prieuré de Saint-Jean, membre de Saint-
Aubin. Le registre dea délibérations de l'Hôtel de Ville
ne parle pas des Capucins pendant plus d'un an ; mais
le projet n'était pas abandonné et, le 22 février 1611, la
question est mise de nouveau sur le tapis.
A cette date le lieutenant général René Poisson,
sieur de Beauvais, Pierre Trochon, grellier de la Séné-
chaussée, et Jean Guillet, sîeur du Tronchay, sont char-
gés de « raaserrer les deniers promis par les particuliers
« pour la confection du bastimcnt des Capusins, » et
reçoivent le pouvoir « de passer contract d'achapt avec
« M° Pierre Rebours pour raison de son jardin situé
« près l'églize des Trois Maris. » Le prix de cette acqui-
sition s'éleva à 330/f . Quelques jours après, le 11 mars,
« Jeanne Hamon, veuve Esmont Roger, tant pour elle
« que les héritiers dudit delîunt, » offre un clos de
vigne « près les Trois Maries», pour la somme de 800/^
sur laquelle M' Jacques Pelot, sieur du Hnut-Boulay,
notaire, s'engage à donner 600#, et M" François Fou-
quet du Vaux, président à l'Élection, 200#. Cette déli-
bération mentionne de nouvelles souscriptions : M* Jehan
Deniau, sieur du Verger, lieutenant à l'Blection, pro-
met 100# ; M' Lancelot (iuérin, sieur de la Chevalerie,
&}H- et dix pieds de chênes; sa mère, cent chnrretéPH de
pierres rendues à pied d'iruvre. Malgré Jean Chouippes,
sieur de la Noë, qui offre « la place pour le bastiment
« des Capusins, moyennant qu'il soit mis vers Azé, »
on décide à la pluralité des voix « que la croix et bati-
M ment dud. covent sera baty au Trois Maris. »
Nouvelle réunion le 20 mai ; « M. le prince de Gué-
« mené ' sera prié de la part de la Communauté de
« voulloir se transporter au lieu où est destiné la place
M du bastiment des Capusins pour nssoir et y posser la
u première pierre. » Le lieutenant général Poisson et
M' Martin Hardy sont chargés de cette commission. La
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croix fut plantée le surlendemain, et le 31 mai eut lieu la
cérémonie de la pose de ta première pierre sur laquelle
on avait gravé l'inscription suivante :
lAY ESTÉ
MISE ET POSÉE LE
31' MAY 1611 PAR
HAVT ET PVISSANT
HESSIHE PIERRE
DE ROHAN PAIR DE
FRANCE CON" DV
ROY EN SES CONS
EILS DESTAT ET PHI
VÉ PRINCE DE GVÉME
NÉ SVIVANT LA PRIE
RE QVE LVY EN ONT
PAICTE LES HARITA
NS DE CETTE VILLE
DE CHAVGONTIBH *
Le 16 septembre 1617, raconte Douard dans son
Journal : « Mgr Guillaume Fouquet, évêque d'Angers,
a arriva à Châteaugontier. Descendu au Cheval-Blanc,
a il alla loger chez M. de la Grugeardière - ; le lende-
u main, il consacra l'Église des Capucins. »
Ce nouvel établissement fut très prospère jusqu'à la
Révolution, et nous avons lu beaucoup de testaments
contenant des legs au profit des Capucins de Château-
Gontier. 11 eut successivement pour supérieurs ou gar-
diens, de 1616 à 1650, les PP. Léonard d'Angers, René
de Sully, Modeste de Mayenne, Ange de Guérande et
Justin de Rennes ^. En 1640, outre le gardien et )e
1. Cette inscrlpllon a déjà été pubHée dans le tome I[ de U première
série du liullelin de la Comiiiission; mais ce Totume est devenu si rare
que nous avons cru devoir ta reproduire. La pierre qui la porte a été
déposée au Musée de la ville par leii soins de Âf. A. Joubert.
i. Zncharie Amys, sieur de la GrugeardlËre, conseiller au Parlement
de Bretagne. Il fut député à l'Hûtel de Ville deCbtteau-Gontleretadml-
nistraleur de l'hdplUl Saint- Julien.
3. Cette liste, empruntée A Thoré, doit être Incomplète.
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— 429 —
■e, il était occupé par huit pères, quatre clercs et
quatre frères, La chapelle est détruite et il ne reste plus
qu'un corps de bâtiment ne présentant rien de remar-
quable.
Au sud du Merdanson se trouvait le village des
Quatre-Vents, à l'extrémité de la rue du même nom,
alors chemin à l'entrée duquel était la maison du Pavil-
lon plusieurs fois mentionnée dans les actes notariés.
§ 3. — Olivet,
En face de la Porte de Saint-Rémi, il n'y avait que
des jardins et quelques maisons isolées, mais pas de
faubourg proprement dit. Le hameau de la Croix-
Baumer en la paroisse de Saint-Rémi, peu éloigné de
celui des Quatre-Vents, n'était pas relié à cette porte ;
le chemin qui y conduisait et qui était l'amorce du
grand chemin tfAmpoigné partait de la Porte d'Olivet,
suivait à peu près la rue Pierre-Martinet au-dessus de
la closerie de la Grugeardière ', passait non loin de la
Tour Yallin et traversait des jardins parmi lesquels
était celui des Ruelles -.
Le faubourg d'Olivet doit probablement son nom
à une très ancienne famille qui en possédait une partie.
Le 2 juin 1283, Drouet d'Olivet et Pierre Duchemin
prirent à 10# de rente de l'abbé de Saint-Nicolas-lès-
Angers, des immeubles en Bazouges et Laigné. Margot
d'Olivet, dame de Gaudrée, paya, le 17 mai 1405, à Jean
Foulitoume, prieur d'Azé, la somme de 2 sols 6 deniers
pour avoir coupé des arbres appartenant au prieuré
et les avoir fait « mener par sus l'ayve à son houstel* ».
L'aveu de 1453 mentionne Michel, Guillaume, Philipot
et Jamet d'Olivet, ainsi que le clos du même nom.
l.Ou d'Olivet. Cette cloaerie est occupée en partie au moins par
l' hospice Saint- Joseph.
8. Naguère la rae Mlgnol s'appelait rue des RueUee. Va autre chemin
allait du tauboui^ de Tréhut & la CroU-Baumer.
3. Carlulaire li'Ati et du Gméleit, n" 46 et 71.
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— 430 —
Au commencement du xvii' siècle, la terre d'Olîvet
appartenait à Salomon Amys, conseiller au Parlement
de Bretagne, frère de Zacharie ; elle passa ensuite à
son iils, Antoine, président de l'Élection de Châtenu-
Gontier.
Une chaussée ou boulevard reliait la porte d'Olivet
et son pont-levis à un pont dormant sur lequel on fran-
chissait le ruisseau du marne nom qui, actuellement,
coule sous le champ de foire; cette chaussée s'appelle
aujourd'hui la rue Cotellière '. Un corps de garde et un
appentis y furent construits en 1614, aux frais du sieur
Le Roy de Changé qui en avait la libre disposition en
temps ordinaire, avec cette clause que u en temps de
« guerres ou de troubles que les habitans feront garde,
« lesdits habitans jouiront dudit corps de garde et
H apentif sans que led. Le Roy en puisse tirer aucun
« profit - ». Celui-ci était tenu en outre de « relever
« le pavé d'entre les deux portes » et de l'entretenir.
Le boulevard se continuait par le chemin de Menil, qui
passait non loin du hameau de la Croix-Teste.
Quant au ruisseau d'Olivet dont le cours souterrain
est eomjilètement invisible, nous savons qu'avant de se
jeter dans la Mayenne, il obliquait fortement vers la
gauche en suivant le coteau d'assez près ; une vente
du 15 juillet 1745 mentionne un jardin situé au bas,
mais à quelque distance à l'est du boulevard et ayant en
moyenne soixante-deux pieds de longueur du mur de
ville au ruisseau.
Entre la porte d'Olivet et la rivière, en suivant la
ruelle du Gué Bodin, on voyait deux fontaines ferrugi-
neuses qui reçurent plus tard le nom de Pougue et dont
1. EapéroDs que ce nom sera respecté par nos édiles. Il rappelle le
souvenir d'un riche bourgeois. Guy BuBebrau, sieur de la Cotelilère,
qui aprës avoir donnË !)0 ou 60.000" pour la constructlou de l'bâpital
éaint- Joseph, au témoignage d'Alexis Allaire, Institua cet établisse-
menl son légataire universel sulvaut son testament du 3 mara <72f.
Dans sa succession se trouvait l'Immeuble entre la rue de l'Hdtel-de-
Vllle et la Promenade, occupé depuis 1796 par le Cercle IMiraire.
S. ABKmbl6e du 7 arrU iMi.
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— 43i —
la municipalité réclamait la propriété sans âtre bien sûre
de ses droits. « A esté arresté », porte une délibération
du 4 juin 1624, a que sera travaillé à l'acomodement et
« décoration des fontaines et marchandé par le procu-
» reur-sindic et trois des députés et qu'il en sera parlé à
« ceux qui se prétendent propriétaires desd. fontaines ;
« ensemble d'acquérir au nom de la ville le clos de vigne
« et jai-din ajacent auxdites fontaines et maison en
0 dépendant, pour de leur réponse en faire rapoi-t à la
H première assemblée ».
Le résultat de ces pourparlers ne nous est pas connu ;
il n'est pas question dos fontaines dans les assemblées
pendant cinq ans et c'est seulement le 5 juillet 1629 que
le procureur-syndic est invité ou autorisé à faire « démolir
« la muraille étant au devant des fontaines médecinalles,
« y relaissant seulement l'arcade de pierre et les deux
« pilliers qui la soutiennent, relaissant néanmoins lad.
« muraille de hauteur compétente pour puiser l'eau, sur
u laquelle seront possées les pierres ardoisines étant
« sur ioelles ».
Après avoir été entretenues par la ville pendant
quatre-vingts ans environ, ces fontaines sont devenues
une propriété particulière ; mais en dépit d'analyses
reconnaissant à leurs eaux des qualités plus ou moins
curatives, on n'a jamais pu arriver à y créer un établis-
sement sérieux d'hydrothérapie. Au xviii' siècle, les
maisons avoisinant ces fontaines formaient un hameau
auquel on avait donné le nom assez ambitieux et peu
mérité de Petit Versailles.
g 4. — Faubourg n'AzÉ.
Ce faubourg, le plus important de tous et qui aujour-
d'hui forme la troisième paroisse de Château -Gontier, a
porté plusieurs noms : faubourg du Geneleil, faubourg
vers Azé, faubourg d'Azé ; aujourd'hui on se contente
le plus souvent de dire le Faubourg.
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— 432 —
Les Ponts. — Pour y arriver, on traversait la Mayenne
sur deux ponts séparés par un tout petit Ilot'; la rivière,
dont le lit n'était rétréci par aucun quai ni sur la rive
droite ni sur la rive gauche, était beaucoup plus large
que de nos jours et cet ilôt que l'on voit nettement
dessiné sur une des phototypies publiées par la Com-
mission, la divisait en deux bras inégaux, dont le plus
étroit se trouvait du cAté de la ville. Le premier de ces
ponts avait deux arches dont une était munie d'un
tablier se levant pour fermer la porte située au bas
de la grande rue ; les trois arches de l'autre étaient
dormantes.
Ces ponts, dont une partie au moins était en bois et
dont la solidité laissait à désirer ^, se trouvaient un peu
en aval du pont actuel ; ils étaient à la fois dans l'axe de
la grande rue et dans celui de la voie qui, sur la rive
gauche, leur faisait suite et qui est, depuis peu, occupée
par les trois avant-corps de la façade latérale de l'Hôtel-
Dieu. Cette disposition était beaucoup plus naturelle et
moins dangereuse que le défaut de concordance actuel ^.
La Chaussée des Trois-Moulms . — En amont, une
chaussée partant du pied du coteau, au-dessous de
l'ancien château, barrait obliquement la rivière pour
aboutir à l'extrémité de la rue Séguin, naguère encore
ruelle du Verger. C'était la Chaussée des Trots-Moulins
qui devait son nom à un bâtiment percé de trois voies
d'eau où tournaient trois roues ^ et que flanquait, au
1. Celte circonstance explique la locution : U» Ponli, dont on se sert
encore bout en t.
S. Cet état est constaté dans de nombreuses délibérations des habi-
tants; DOUs D'en citerons qu'une partie, u Les fermiers de la baronnie
u seront contraints faire taire les réparations du pont dormant pris
v l'hApital, de bols en la forme acoustumée » (£9 octobre 1610). ~ Ils
<i seront poursuivis affln de réparation et entretien du pont dormant
u proche l'hâpital » (4 Juin 16£4{. — u Les ponts et arches tombent en
<i rulsne » (14 Janvier 16!8). — a Les ponts rompus bu mois de Janvier
« dernier par les creQes extraordinaires d'eau u (15 février Ifôlj.
3. Il C'est le pont de l'Immorlalité, disait le premier évëque de Laval
en parlant du nouveau pont : U a un commencement et pas de fin 1 a
4. Ces trois moulins sont désignés sous les DODU de moulin ifromeat,
grand et petit moulins h seigle.
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— 433 —
pig;non oriental, une petite tour crénelée. Cette construc-
tion située sur la rive droite avait pour pendant le moulin
du Verger, également à farine, quijoignaitla rive gauche.
Deux autres moulins s'appuyaient sur la Chaussée ; l'un
servait à la fabrication du tan, l'autre fut tentât un
moulin à foulon, tantôt un moulin à papier. Chaussée et
moulins ont été détruits au xix* siècle, lors de la cons-
truction des quais ; mais la ruelle qui reUait la chaussée
à la Grande-Rue a conservé sou vieux nom de nielle
des Trois-Moulins, et elle ne forme pas le quartier le
moins pittoresque de la ville.
Hôtel-Dieu Saint-Julieti. — En quittant les ponts
pour [ténétrer dans le faubourg, on trouvait un corps de
garde occupé par des gabelous et Y Hôtel-Dieu Saint-
Julien qui renaissait de ses ruines. « Les [tères des
pauvres <, » lisons-nous dans une délibération du
10 mai 1619, « feront faire un bâtiment propre à loger
« les pauvres et ceux qui les serviront, ensemble une
a chapelle ou églize, le tout au lieu où estoit l'églize de
« Saint-Julien etbastimentd'icelle, en la forme et fasson
« qu'ils jugeront plus commode ; à la confection duquel
« bastiment ils n'engageront le fond, mais seulement le
« reste des revenus avec les aumosnes et charitez ».
Heureusement celles-ci furent nombreuses; parmi les
principales nous citerons un legs de 4.000# fait par
Zacharie Amys de la Grugeardière, qui mourut en 1622^.
Les entrepreneurs furent Jacques Tardif et Jean Pigeon.
Ces premiers bâtiments furent jugés insuffisants en
1648 et on résolut, le 11 avril, d'employer « les réserves
1. Etienne Chariot, slenr de la Rouaudlère, Fraufols Allalre, sieur du
ChSne-FouiUu, et nerre Le Roy, sieur des Vaux.
2. Ce legs n'était pas encore payé le S6 octobre 1629, date d'une dâli-
biratlon portant: «Ont les habita n s donné pou voir i leur procureur si ndic
« pour la transaction entre eux, les administrateurs da l'hospital d'une
« part et les héritiers deN. Acarls (iicj Amis, conseiller au Parlement de
« Bretagne d'autre part... par laquelle transaction lesd. hérillers s'obU-
11 geront payer aud. bospital la somme de 4.000' de principal léguée...
u dans tel temps qu'ils véront, et ce pendant l'intérest au dénier seiie
u k comenser de ce Jour, et compoMer à 400' pour la rente ou latéreat
a du passé u.
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— 434 —
« de l'hospital à faire bastir deux chambres », et pour
se procurer de nouvelles ressources de donner à rente
« la place entre l'hospital et le corps de garde ».
Les Cordelières appelées, en 1507, par Marguerite de
Lorraine, veuve de René d'Alençon et dame douairière
de ChÂteau-Gontier, avaient desservi l'hâpital jusqu'en
1593 ; grâce a la générosité du maréchal de Boisdauphin,
elles purent s'établir au Buron, près d'Azé, où elles
firent construire un couvent dont les restes sont utilisés
comme bâtiment de ferme. Le soin des malades était
confié à des personnes de bonne volonté sous la direction
d'administrateurs ou Pères des pauvres ' ; néanmoins,
jusqu'en 1613, ces religieuses continuèrent à envoyer
« tous les jours la pitance des pauvres, les faisant
« assister de tout ce qui estoit nécessaire tant pour le
o temporel que pour le spirituel - ». Elles continuaient,
en elTet, de percevoir les revenus du temporel de Saint-
Julien ; mais cette situation irrégulière ne pouvait
manquer d'amener des diilicultés. Le 26 avril 16L3 les
habitants décidèrent de transiger avecles Cordelières du
Buron au sujet des biens appartenant à l'hôpital et délé-
guèrent à cet effet Zacharie Amys, aieur de !a Grugear-
dière, René Poisson, lieutenant général au siège royal,
René Quantin, lieutenant particulier au même siège, et
le procureur-syndic de la ville, Jean Deraond, sieur de la
Montagne, conseiller en l'Élection. L'acte fut signé
devant Gillard, notaire, le 21 juillet 1014 ; il fut convenu
ootammentque les habitants fourniraient « la nourriture
a et entretien de six religieuses que la fondatrice avoit
« dotées sur les biens de l'hospital » et à cette lin leur
1. Voir la liste des administrateurs page 44i. — Au commencement
de 1674, les sœurs AugrusUoea de l'ordre de la Miséricorde de Vitr^
furent appelées i desservir Salut-Julien sous la direction des adminis-
trateurs : elles y sont encore.
2. Petit recueil de l'ancienne maigon de Saint-Julien..., extraicl du
archives de celle maiiott, par la sœur Renée Dubois, religieuse du
mesme ordre, brocliure de 31 pages, imprimée à Angers chei P. Avril,
imprimeur ordinaire du Roy et de l'Université, 1^3, — réimprimée
à "À exemplaires à Laval, par A. Goupil, le 19 décembre 1B91.
I
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— 435 —
laisseraient « 25 septiers de bled seigle, mesure de
« Chaste augontier, ce qui n'est pas suffisant pour nourrir
« six religieuses », ajoute la sœur Renée Dubois.
Les rues, les carrefours. — Comme aujourd'hui,
l'Hôtel-Dieu de Saint-Julien était bordé à l'est par le
chemin ou rue de Daudibon, qui doit son nom à une
fontaine dont on trouve mention dès le 28 juin 1393 ' ;
une porte ou portail existait à l'endroit où cette voie
devenait les Bas-Chemins. Mais une grande partie du
faubourg a été profondément modifiée par l'établisse-
ment des quais et par la percée qui du pont se dirige vers
la gare; cette percée a emprunté, redressé et élargi la
rue du Petitbon qui reliait le carroy de l'Hôpital à celui
de VÉcu ^, ainsi nommé en raison de l'hôtellerie fort
achalandée de VÉcu de France. La rue du Petitbon
n'était pas la voie principale; la Grande rue du Fau-
bourg, désignée parfois comme tendant du Genéteil à la
rivière, commençait, en effet, un peu en amont du pont
à ]'endroit où la rive de la >f ayenne formait une sorte de
port, aujourd'hui remblayé ; puis décrivant un arc de
cercle elle rejoignait le carrefour de l'Êcu qu'elle traver-
sait pour se diriger vers Azé. Elle forme aujourd'hui
les rues Félix Rigot et du Collège,
Suivons cette voie en tournant le dos à la Mayenne ;
nous trouverons à gauche la vieille rue Trouvée ou de
Troée comme l'appelle une charte de 1221 ^, qui com-
muniquait avec la rivière par la ruelle des Tanneurs et
le chemin tendant au moulin du Verger (nunc rue
Séguin). La rue Trouvée se terminait à une porte ouvrant
sur le chemin de Laval par le Bourgneuf de Baubigné et
Ëntrammes. C'est probablement au point où cette rue
se détachait de la Grande-Rue que se trouvait le carre-
1. « ChemiD par où l'en valt de Chtuteaugontler à la tontslne de
DoudlboQ n (Cart. d'Àsé'.
9. Place Quinelault.
3. Elle longeait ou trarersalt un flet qui, aux xii' et un' tlèclea,
appartint h Paganvi de Troeia ou de Troieia et à Ramelinut de Troeia
{Cart. d'AtiJ.
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— 436 —
four du Plat-d'Étain, dont nous n'avons pu constater la
situation avec certitude.
A droite de la Grande-Rue la rue du Four-Gillot,
ainsi nommée d'un four banal appartenant à la sei-
gneurie de Château-Gontier, rejoignait le carroy de
l'Hàpital ; un peu plus loin, sur la gauche, s'ouvrait le
chemin de la Tour-Marioii terminé par une porte sise
près de la Croix-aux-Bouleux ' et d'où partaient les
chemins de Paris par Sahlé et de Longuefuie.
Les moines du Genéteil possédaient, presque en face
de l'hAtel de VÉcu, un four, qui, à l'origine, avait été
indivis entre eux et le baron de ChAteau-Gontier ; mais
depuis longtemps cette indivision avait cessé et le sei-
gneur prenait seulement un denier pour chaque fournée •.
Au delà du carrefour, la Grande-Rue s'iniléchissant vers
le sud, passait entre le prieuré du Genéteil et le terrain
où l'on bâtissait le couvent des Ursulines, jusqu'à
l'embranchement du chemin de Saint- Aignan-de-Gennes,
où se trouvait une quatrième porte, dite de Ckampfleuri,
et à partir duquel elle devenait le Grand chemin
d^ Angers.
Le Genéteil. — La chapelle du Genéteil, telle qu'elle
existait au xvii* siècle et telle qu'on la voit encore, avait
été construite par les Bénédictins de l'abbaye de Saint-
Nicolas-lès- Angers, amenés en ce lieu par le don que,
vers la tin du xi* siècle, leur avait fait Elisabeth, mère
de Renaud III, d'une terre entrel'église de Saint-Avertin
d'Azé et le pont de Château-Gontier. En 1125, elle n'était
pas encore terminée. Elle occupe l'emplacement de
l'antique chapelle de Notre-Dame du Genétay, ainsi
appelée parce que, d'après la légende, elle aurait été
bâtie en commémoration de la découverte dans un champ
de genêts d'une statue miraculeuse de la Vierge. La
chapelle primitive n'était pas comprise dans la libéralité
1. Ce nom rappellB-t-il retnpkcemant d'un Jeu cher sai AngeTlos ?
t. Un Irotslbme loar banal, tppartonantila wirQeurled'Afi.wtliUit
non loiD de la Tour-HarloD.
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— 437 —
d'Elisabeth ; elle était la dépendance d'une aumônerie
appartenant à des Frères Hospitaliers que les Bénédic-
tins forcèrent de quitter la place et qui, après maintes
difficultés, parvinrent à fonder sur le bord de la
Mayenne un modeste bôpital, origine de l'Hôtel-Dieu
Saint- Julien.
Nous ne décrirons pas la chapelle du Genéteil, dontla
Commission a publié un croquis dans le tome XV de
son Bulletin, page 384. Sans doute son élolgnement
des murailles de ChAteau-Gontier l'avait fait respecter
par Boisdauphin, ainsi que les bâtiments du prieuré qui
lui étaient contigus. Après plusieurs siècles de prospé-
rité, le prieuré du Genéteil, tombé en commende, se
trouvait dans une période de décadence complète et c'est
en vain que Guy Lasnier, abbé de Vaux et archidiacre
de Paris, prieur de 1639 à 1663 ', fit faire quelques
réparations. Il ne faut pas oublier cependant que c'est à
ce prieuré que le faubourg doit son origine et son premier
nom. Entre 1125 et 1136, les moines obtinrent, en effet,
d'Alard III la concession de « la moitié de toutes les
« coutumes d'une foire à établir an Genéteil et celles de
a tous les hommes qui viendraient de n'importe quel
H pays habiter le domaine du prieuré pour y construire
« et édifier un bourg. » Bientôt le faubourg s'étendit en
dehors du fief des religieux, et les sujets du seigneur y
furent aussi nombreux que ceux des moines.
La chapelle du Genéteil ne servait pas seulement aux
Bénédictins du prieuré, mais aussi aux habitants du
faubourg qui cependant n'étaient pas très éloignés de
leur église paroissiale ; « de tout temps », lisons-nous
dans le procès-verbal d'une assemblée dressé par
M' Lecorneux, notaire royal, le 9 juin 1706, « ladite
1. Les deux prédécesseurs de Gu; LasDier furent René Galgoard,
chanoine d'Angers, qui vivait en l:i98, et noble Pierre Coustard qui,
ea 1637, fit rëpnrer le four du Carroy de l'Écu. — Au commencemetit
du xviii* siècle, le prieur Henri de la Brunetiére abaDdonne le prieuré
et la chapelle, avec tout le temporel, au eoUèg-e de la Tille. Ces
cODstructloDS soDt encore aajourd'îiuiairectëeB au uoUfege universitaire.
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— 438 —
« chapelle du Genétay est la succursale de ladite paroisse
« d'Azé, ainsi qu'il est porté par les actes entre les pré-
« décesseurs titullaires du prieuré et ceux des habitans » .
Nous entrerons dans plus de détails à ce sujet quand
nous étudierons le clergé de ChAteau-Gontier et des
faubourgs.
Les Ursulines. — C'est seulement en 1634 que les
Ursulines vinrent occuper la maison de la Petite-Noë,
située presqu'en face du prieuré du Genéteil ; les
mesures préparatoires à cette installation furent assez
longues. Dès le 9 septembre 1622, lisons-nous dans le
registre des délibérations de l'Hôtel-de-Ville, « sur les
« propositions faites que les Dames Religieuses Ursu-
« lines désirent se bastir et establir en cette ville ou
e près d'icclle pourveu que les habitans l'ayent agréable,
Cl iceux habitans ont consenly et consentent qu'elles se
a bâtissent et establissent en cette ville ou près d'icelle
« à leurs dépans, sans que lesdicts habitans soient pour
« ce contribuables en aucunes chosses, aux charges de
« l'instruclion de la jeunesse et aux fonctions de leurs
« institus ; à cette fin ont député M. le lieutenant général
« pour suplier M. le Réverand Evesque d'Angers de
« donner sa permission requise à cet effet ».
Cette permission ne semble pas avoir été obtenue
rapidement, car c'est seulement le 25 juin 1629 que les
habitants remercièrent l'évéque Claude de Rueil d'avoir
bien voulu l'accorder. Les lettres-patentes autorisant la
fondation du couvent se firent moins attendre ; elles
portent la date du mois d'avril 1630. Enfin le 7 aoilt de
l'année suivante, quelques religieuses venues de Laval
sous la conduite de la Mère Catherine Moreau s'instal-
lèrent provisoirement sur le territoire de la paroisse de
Saint-Rémi, en dehors des murs.
Le \" mai 1634, par acte passé devant M' Nicolas
Girard, notaire royal à Château-Gontier, messire René
Hélyand, écuyer, sieur de la Touche, conseiller du roi
et auditeur des comptes de Bretagne, vendit pour
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— 439 —
7.000# aux Ursulines représentées par leur supérieure
Marie de Sarra et la sous-prieure Marie Dupas, le lieu
et closerie de la Fetite-Noë et une grande maison
composée de deux corps de bâtiments dont les Reli-
gieuses iirent leur résidence définitive. Messire Catien
Galiczon, sieur de la Grasserie, procureur du roi à la
Sénéchaussée, posa, le 27 mars 1638, la première pierre
de l'enrlos qui, devenu trop petit, ne tarda pas à s'aug-
menter par de nouvelles acquisitions. Malgré le chiffre
élevé de la dot exigée (1.400# ou 1.500#) et de la pen-
sion (100# à 150#), le nombre des Religieuses s'accrois-
sait chaque année ; elles se recrutaient dans les
meilleures familles de Chàteau-Gontier et des envi-
rons ' ; quelques-unes même venaient de loin ; et le
manuscrit de Mathurin Thoré nous donne pour 1648 les
nomade trente-cinq professes, tout en laissant plusieurs
lacunes. Quant à la chapelle, qui aujourd'hui sert aussi
d'église paroissiale pour le faubourg sous le vocable de
la Trinité, la première pierre n'en fut posée qu'en 1660.
Les fortifications. — Nous avons vu que le faubourg
d'Azé possédait quatre portes ; celles de la rue Trouvée,
de la Tour Manon, de la rue d'Azé ou Porte Champ-
Heury, que l'on appelait parfois le portail vers Saint-
Avertin, et celle de Daudibon; ces portes étaient sans
doute accompagnées de quelques ouvrages défensifs,
car, d'après une délibération du G février 1625, on ne se
glanait pas pour démolir les « portaux et fortifications du
faubourg, » et on emportait les h pierres et matériaux ».
Mais nous ne croj'ons pas que le faubourg fût muni
d'une enceinte fortifiée. Le fossé que Renaud !V avait
fait creuser dès le xii" siècle sur le fief des moines du
Genéteil était sans doute comblé depuis longtemps, et
Boisdauphin n'aurait pas fait raser une partie du fau-
I. Nous relevons notamment les noms de Débonnaire, Chonippes,
Poisson, Théart. Le Tessler, JutTé, GanlUerdeBrùlon, Gullloteau.., A la
supérieure Marie de Sarra saceridèrent Frttn;olse Ogier, puis Angèle
Giïraaudet.
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— 440 —
bourg Bi des remparts solides lui avaient permiB de le
défendre. Cette démolition en effet lui coûta cher, car
pour dédommager les Cordelières de Saint-Julien, il
acheta et leur donna la terre du Buron près d'Azé, et y
joignit des sommes importantes pour ]a construction de
leur nouveau monastère.
Les Lavanderies. — Notre description serait incom-
plète si nous ne parlions des lavanderies ou blanchisse-
ries rendues nécessaires par l'importance de la fabrica-
tion des toiles et des serges. Ces établissements, qui
demandaient de vastes prairies et avaient été reportés
au delà du Portail de la rue Trouvée, étaient au nombre
de deux : les Petites-Lavanderies et les Grandes ou
Lavanderies d'Éventard '. Mais au commencement du
xvii' siècle ces lavanderies, malgré leur étendue, ne
suffisaient plus aux exigences de l'industrie ; le 18 jan-
vier 1630, Julien Guilloteau, sieur du Mauvinet, propo-
sait à la ville de « prendre à rente le jardin et le pré de
« l'Hospital, maison de Daudibon et cimetière, pour la
« somme de 200# par an, à la charge d'y bastirdans la
« Toussaintz prochaine des bastiments pour 4.000 H-
« et y faire construire des lavanderies pour la comodité
« du bien public » ; et les habitants décidaient que leur
procureur-syndic, qui était alors Claude Cherbonnel,
sieur du Bourgeau, et les administrateurs de Saint-
Julien feraient « procéder aux publications des dictes
« choses pour estre baillées à rentes aux plus oifrans, à
« la charge d'y construire des lavanderies et non autre-
« ment. » L'adjudication eut lieu le 7 février 1630
devant Girard et Godier, notaires royaux, au profit du
sieur Brice Moreul et de ses associés. Mais le 20 juillet
de la même année les travaux étaient interrompus pour
une cause que nous ignorons, et une nouvelle adjudica-
t. Dans son Dieliownaire de la Mayenne, M, l'abbé Angot dit que
François Chouippes était en t6S8 sieur d'Éventard en Gentie». N'esl-ce
pB8 une confusion ? Les Lavanderies d'Éventard m Àzé apparleDaieat
alors à la famille Chouippes. Les prés riverains de la Mejeune servaient
aussi à biancblr la cire que l'on allait acheter en Bretagne.
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— 441 —
tton fut ordonnée. Eut-elle lieu ? nous ne le savons pas.
En février et mara 1631, l'afFairt! revient devant les
assemblées de l'Hôlel-de-Ville, dont les procès-verbaux
(ou du moins ce qui nous en reste) manquent absolument
de clarté. Enfin une transaction fut signée le 6 juin
1631 devant les notaires Pierre Persault et René Girard,
entre les habitants représentés par le lieutenant général
Charles Foureau de la Françoisière, le procureur-syndic
Claude Arnoul, sieur de la Roussière, René Boutin, pro-
cureur du roi au Grenier à sel, Georges Dupas, sieur
des Nos, avocat, Lemoulnier ', Julien GuîUoteau et
René Valin, sieur du GroUay, délégués par une dé-
libération du 10 mai précédent, et les constructeurs
des lavanderies qui étaient François Chouippes, sieur
d'Eventard, Pierre Chouippes, sieur du Pavé, Jean
Meignan et Brice Moreul. Nous ignorons les termes de
cette transaction qui mit fin à toutes les difficultés. Ces
lavanderies, dont la municipalité n'eut plus à s'occuper
au moins jusqu'en 1650, furent connues sous le nom de
Lavanderies nouvelles ou de Daudibon.
Aujourd'hui il ne reste plus aucune trace des bâti-
ments élevés en 1630 et 1631, et la prairie arrentée
alors est redevenue la prairie de l'Hôpital. Quant aux
anciennes lavanderies, on n'en a conservé que le nom
donné à un petit quartier bâti sur une partie de leur
emplacement.
Les habitants du faubourg d'Azé étaient, au point de
vue administratif et religieux, dans une situation assez
complexe; mais comme ils étaient sur bien des points
assimilés aux habitants de la viHe, nous nous occupe-
rons à la fois de ceux-ci et de ceux-Ii» quand nous
étudierons les institutions' religieuses et civiles de
ChAteau-Gontier.
I. Probablemeot Charles Lemoulnier, sieur de la GauSrie, avocat.
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APPENDICE AU CHAPITRE II
LISTE DES ADMINISTRATEURS DE SAINT-ItILtBN
DE 1613 A 1650.
Nominalion du 29 avril 1613.
Amys (Zacharie), sieur de la Grugeardière. conseiller au
Parlement de Brelagne. marie a Sainic de Boisguérin, —
tils de Guillaume Amjs du Ponceau.
CKKnBONNEL (Claude), sieup du Bourgeau, époux de Marie
Allain, — procureur- syndic en 1628.
JuGiiix [Jean), sieur de la Maillardière, maître apothicaire,
mari d'Anne Bellanger, — nommé député à l'Hôtel-de-
Ville en 1620.
7 mai 1615.
Chevreul (Gervais), sieur de la Morlière, marié à Cathe-
rine Regnouf el beau-frère de Pierre Regnouf, président de
l'Election.
De la Barre (Jean), apothicaire, époux de Renée Recoc-
quille.
CouRciER (Jean), sieur de Vaufaron.
il mai 1617.
EsNAiJLT (Jean), sieur du Buisson, ancien procureur du
roi à la Sénéchaussée et Siège royal, époux de Jeanne
Nepveu ; — inhumé à Sainl-Rémi le 26 juin 1618.
GuiLLOTEAu (Julien), sieur du Mauvinet, marié à Élisabelh
Guillet ; — procureur- syndic en 1609 et 1611.
Le Ror (Pierre), sieur des Vaux, de la nombreuse famille
des l.c Roy, qui a donné plusieurs prélres à l'Eglise.
1" mai 1619 et 6 mai 1621.
Charlot (Etienne), sieur de la Rouaudière. avocat du roi
en la Sénéchaussée, sénéchal du prieuré de Saint-Jean, —
mari de Françoise de la Ruelle.
Allaire [Françoisl- sieur du Chène-rouillu, greffier en
l'Election, époux de Françoise Clievreul de la Morlière.
Le Roy (Pierre), sieur des Vaux, susnommé.
4 mai 1623.
Thochon (Jean), sieur de la Guîchardière, époux de
Françoise Hameau, ou peut-être son fils marié à Françoise
Gault.
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— 443 —
Marchais [René), sieur du Petit-Bois, conseiller du roi,
receveur du taillon et payeur de la gendarmerie, marie
à Françoise Courcier.
Le Blanc (Jean), meurt en exercice. — II était proba-
blement marcband au Faubourg et époux de Marie lloreau.
12 mai 1625.
Thochon (Pierre), conseiller à rÉIection, mari de Renée
Croyer; — fils de Pierre Trochon, sieur de la Valette,
et de Françoise Le GaulTre; — député à l'Hôtel-de-VilIe
en 1622.
Des Moulins (Jacques), écuyer; — épousa, en 1624,
Françoise Boulard, veuve de Jean Guilloteau. auquel i]
succéda comme conseiller au Grenier à sel.
Du Moulinet (François), apothicaire; — signe comme
témoin de nombreux actes notariés.
14 mai 1627.
TnocHON (René), sieur de Beaumont, marchand ', procu-
reur-syndic en 1622.
CnunciEB (Thomas), sieur de Monlreuil, marchand, marié
à Jeanne Lemercier; — député en 1632, procureur-syndic
en 1640.
4 mai 1629.
Thbabt (Pierre), sieur du Plessis, conseiller au Grenier à
sel ; — député 1632, 1649.
JuFFÉ (François), sieur de la Marre, marchand, époux de
Marie Barbin ; — député en 1632 et 1651 ; procureur- syndic
en 1641 ; — souvent choisi pour arbitre.
1" mai 1631.
MoREUL (Jean), devait être maître tanneur.
QuANTiN (Jean), le jeune. — Est-ce Jean Quantin, sieur de
Saulay, lieutenant particulier à la Sénéchaussée, ou Jean
Quantin, sieur de la Mitraie, qui acheta, en 1632, les Ail-
lères dont il prit le nom ?
30 avril 1633.
Hardy (François), sieur de la Croix, avocat, procureur
fiscal de Saint-Jean; — député en 1634; — fils de Martin
Hardy, avocat.
I. La g-énéalogle de la famille Troclion ne mentionne qu'un René
Trochon de Beaumonl qu'elle qualifie de conseiller à l'Election. —
D'après divers actes et lea dëilbéralions de i'HAtel-de-Ville, Bené
Trochon, conseiller à l'Élection, aurait été sieur de Lulgné et non de
Beaumont.
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_ 444 —
Bruneav (René), sieur de la Ducherie, marchand au fau-
bourg, marié à Marguerite Peu ; fils de Jean Bruneau, sieur
du Boismorin, fermier général de l'abbaye de Bellebranche,
et de Benoîte Journeil ; — député en 1637.
2 mai 1635.
Abnodl (Claude), sieur de la Roussière, avocat ; — avait
épousé à Daon, le 4 mai 1630, Marie Trochon, fïUe de
Michel Trochon, sieur des Places, et de Renée Gilles.
Déak (François), sieur de la Pouletterie, marchand au
faubourg d'Azé, précédemment receveur des aides du
comté de Beaumont ; — mari d'Anne Courcier.
1" mai 1637.
BouTiN (René], procureur du roi au Grenier à sel, époux
de Marie Foucault.
Meignan (Jean), marchand aux Nouvelles-Lavanderies,
marié à Renée Morinière.
1639.
Poisson (François), sieur de Neuville, conseiller à l'Elec-
tion, mari de Jacquine Legros ; député en 1626. — Son fils,
Charles Poisson de Neuville, fut maire d'Angers de 1673
à 1676.
MoYNB (François), sieur de la Lande, demeurant faubourg
d'Azé, époux de Judith de la Cour.
1641.
AuBRT (René), sieur de la Sainte-Frairie, contrôleur au
Grenier à sel, époux de Marie Trochon. fille de René Tro-
chon, sieur de Luigné. et de Françoise Le Roy.
Meicnan (Michel), sieur de la Censie, maître tanneur,
mari de Perrine Gallard.
1" mai 1643.
Trochon (Pierre), sieur des Places, marchand de draps de
soie, époux de Magdeleine Séguin.
Gruau (Jacques), marchand, mari ou fds de Françoise de
la Planche.
1" mai 1645.
Lébidon (René), sieur des Landes, conseiller du roi,
contrôleur à l'Election, fils de Briand Léridon des Landes
et d'Anne Defaye ; — marié à Renée Aubry, fille de Michel
Aubry de la Sainte-Frairie, auquel il succéda à l'Election;
— procureur- syndic en 1632, député en 1649.
Gruau (Jacques), continué pour un an.
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— 445 —
Le Tbssier (Pierre), sieur de la Grand-Lande, époux de
Renée Domin ; — nommé pour la deuxième année seule-
ment {!" mai 1646-1647).
1" mai 1647.
Gallais (Jérdme), marchand, fils de Jér6me Gallais et de
Marie Bernier; — député en 1645, 1649, 1651; receveur
des deniers d'octroi en 1645.
PoRTiN (Simon), sieur de la Gennerie, peut-être fds de
Simon Portin et d'Yolande Hunault; — a signé plusieurs
actes notariés comme témoin.
22 mai 1649.
DouARK (Gilles), sieur du Tertre, mari d'Anne Trochon ;
fils de Mathieu Douard du Tertre et d'Urbanne Peu ; frère
de Mathieu Douard, curé d " Epin ou x-le- Séguin. — Sa petite-
fille, Marie-Anne Douard de Fleurance, fut la fondatrice de
l'Hospice Saint-Josepli de Château-Gontier.
De Rbnusson (Mathurin), avocat, époux de Françoise
Saincton ; — député en 1649.
(A suivre). En. Ch. du Brossay.
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LETTRES
MICHEL-RENÉ MAUPETIT
Dcpulé
A l'assemblée nationale CONSTiTUAÏtTE
1789-1791.
{Suite).
Paria, 21 avril.
Je suis inquiet, mon ami, de ne pas recevoir de vos
nouvelles. On me dit qu'il règne de la fermentation à
Mayenne ; je ne puis apprendre les causes ni l'objet. Je
n'ai qu'un moment à moi ce matin, ayant été obligé de
m'occuper d'alTaires de mon ménage.
Je vous envoie tout ce qui parait sur les assignats,
pour que vous soyez en état d'apprécier les motifs qui
ont forcé l'Assemblée à les décréter. Nous avons suivi
l'opinion publique et la hausse des effets nous justifie.
D'ailleurs quatre cents millions ne pourront s'étendre
bien loin et percer dans les campagnes qui probablement
les rejetteraient.
Adieu, j'attends avec impatience de vos nouvelles.
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Paris, 24 avril 1790.
Je reçois, mon ami, les détails que vous me donnez
sur la fermentation qui a régné dans notre ville. J'étais
inquiet. 11 m'était revenu par un étranger qu'il y avait
des troubles. Vous m'en aviez dit un mot, j'en craignais
des suites plus fortes et d'autant plus dangereuses que
dans ce moment il est essentiel que l'union de tous les
citoyens fortifie le bien général. Le haut clergé ne peut
consentir à voir ses biens et son crédit {inéantis. Ils ten-
tent tous les moyens pour mêler la Religion à leur
cause. Ils ont fait l'impossible pour arrêter la sanction
du décret sur les biens ecclésiastiques. Mais le Roy a
tenu ferme et l'a sanctionné, l'a fait publier avec une
proclamation sur les assignats que je joins, à condition
que vous la mettrez de côte pour ne point dépareiller ma
collection.
11 y a eu diiïérentes assemblées du clergé, mais par-
tout le public les a suivis, les a empêchés de délibérer,
de lire une protestation qu'ils désiraient accompagner
des sermons les plus pathétiques. Il n'a été fait aucune
violence, parce qu'on était prévenu qu'on cherchait l'oc-
casion d'exciter des troubles et de profiler du premier
acte pour crier à la violation de la liberté. Mais les huées,
les siHlets, ont été l'arme des citoyens qui ont rendu
inutiles ces assemblées. Cependant la protestation sera
imprimée et répandue, à ce qu'on assure. On y défigurera,
comme on le fait ici, la délibération sur la motion du
chartreux dom Gerle < et on t&chera de persuader au
peuple que l'Assemblée nationale a le projet de détruire
la Religion, parce qu'elle veut ôter cette inégalité des
richesses qui en faisait l'opprobre.
1. Député de Clermont en Auvergne qui avait proposé, le 13 avril, de
déclarer la relig-ioD catholique commo rellg-ion domlnaDte des Français,
et dont la motion avait été rejelée.
□ igitizedby Google
— 448 —
On cherche encore à discréditer les assignats : voici
une des opinions qui ont été données dans l'Assemblée.
Mais ce qui répond le mieux à cette objection, c'est
1 élévation de notre change et de nos effets. Les menées
des agioteurs pourront encore quelque temps procurer
des baisses, mais une fois les assignats en circulation,
la machine reprendra son mouvement.
Le Comité de constitution, de concert avec le Comité
militaire, s'occupent de la constitution des milices natio-
nales et doivent donner un rapport; mais, avant que
l'assemblée puisse s'en occuper, il faudra linir l'ordre
judiciaire que les assignats ont fait suspendre, qu'à la
suite le taux et le mode de rachat des droits féodaux,
comme disposition indispensable pour les finances et
faciliter des remboursements, ont fait placer à l'ordre du
jour. Fendant ce temps, plusieurs travaillent à des plans
sur la justice et la discussion pourra être moins longue,
surtout si on veut adopter une marche de travail, telle
que l'a proposée hier M. Tronchet, pour discuter le
mode du rachat. 11 a proposé de diviser la discussion du
projet en sept parties. On a commencé la première, qui
renfermait les cinq premiers articles, et ils ont été décré-
tés aujourd'hui. La seconde pourra également passer,
alors en peu de temps les cinquante-six articles pourraient
être discutés, éclaircis et décrétés, et ici on remarque
bien visiblement une grande différence dans la discus-
sion de cet objet essentiel à la noblesse : c'est avec modé-
ration qu'elle propose ses objections, ses doutes. On ne
voit point cet entêtement, cet acharnement si turbulent
dans les matières ecclésiastiques. Aussitôt qu'on répond
d'une manière précise et convaincante aux objections, la
noblesse cesse toute discussion et on va tranquillement
aux voix, et cependant il est constant que les disposi-
tions précédentes, celles soumises à la discussion
actuelle, diminuent, réduisent à peu de chose les res-
sources de nombre de familles nobles,
Je joins ici, mon ami, la réponse de M. Necker aux
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— 449 —
inculpations du comité des pensions, et vous y verrez
que le comité a réellement à se reprocher d'avoir induit
le public en erreur sur les 800 et 60 millions des
acquits comptant, qu'on pouvait, d'après le préambule,
regarder comme autant de sommes prodiguées à la
faveur et, par l'état détaillé de 1779, dont il y a un pré-
cis ci-joint, on voit que ce sont des dépenses ordinaires,
mais que la comptabilité à la Chambre des comptes
empêchait d'y produire. Ainsi vous verrez entre autres
63 millions versés par les fermiers généraux aux
payeurs des rentes de l'Hôtel-de-ville pour l'acquit de
ces rentes. Je ne vous envoyé point le détail des
116 millions des ordonnances du comptant de 1779, il
compose un gros volume in-quarto de 114 pages. L'ex-
trait abrégé qui est joint aux observations vous en don-
nera une sufiisante connaissance. Le comité des pensions
veut se justiOer et je suis fâché de cette querelle qui ne
peut que retarder l'effet du bien général.
Adieu, mon ami, faites vos efforts pour rétablir le
calme, rallier les citoyens à la chose publique, leur faire
sentir qu'unis le bonheur sera assuré, que divisés ils
retomberont dans le despotisme. Il faut aussi tâcher de
faire disparaître les semences de discorde avec les
autres parties du département. On a cherché à répandre
des préventions contre notre ville qu'il est essentiel de
détruire. Si on se divise d'intérêt, il ne peut plus y avoir
d'ensemble et la machine ne peut plus jouer. Une autre
fois, je pourrai vous en dire plus long sur cet objet.
Cl
sans date (25 avril 1790).
C'est avec vérité que vous avez soutenu que le nom
de Lalande de la Déclaration * n'est pas la signature de
notre ami, mais celle de M. de la Lande, curé d'Illiers,
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député d'Évreux, qui, nommé du comité ecclésiastique,
a donné sa démission parce qu'il n'a pas voulu consen-
tir à la vente des biens ecclésiastiques. Le Journal des
Débats fait mention de cette démission. D'ailleurs je
viens de vérifier avec M. de la Lande l'imprimé de cette
déclaration, et, au bout du nom de la Lande, il y a
écrit « curéd'Illiers, député du bailliage d'Évreux ». Ainsi
il n'y a nul doute que ce n'est pas notre ami. Quand je
dis nul doute, ce n'est pas nous, ni ceux qui le con-
naissent que j'entends persuader, cela est superflu, mais
ceux qui, malignement portés à trouver les autres en
défaut, ne demandent pas mieux que d'accréditer des
erreurs sur le compte des autres. Assurez donc, promet-
tez votre tête, vous le pouvez, et j'y joindrai sûrement la
mienne, qu'un pareil acte est tout l'opposé de ses senti-
ments.
Nous allons reprendre demain matin l'ordre judiciaire
et, pour la dixième question, la cour de révision ou tribu-
nal suprême.
Du courage, nous sommes dans un moment de crise,
mais l'union, la concorde prudente des bons citoyens
triompheront de toutes les petites passions, les petits
intérêts.
Cil
26 avril 1790.
Nous avançons, mon ami, sur le mode et le taux du
rachat des droits féodaux, objet pressé pour donner de
l'argent et faire valoir les assignats, assurer d'autant
plus l'opération qui seule peut sauver les finances. Nous
allons continuer la discussion ce matin et ne la quitter
que lorsque le projet aura été décrété.
Rien de nouveau ; je désire bien apprendre que vous
soyez venu à bout de rétablir le calme dans nos foyers
et de convaincre les citoyens de l'intérêt pressant qu'ils
ont de rester ainsi. Adieu pour aujourd'hui.
□ igitizedby Google
cm
Paris, 29 avril ',
Les affaires publiques vont bien daus ce moment, au
moins ici. Tout y est tranquille. Vale.
CIV
Paris, 1" mai 1790.
Au milieu de l'orage nous avons abordé, mon ami, les
deux questions que nous agitions depuis neuf séances. Y
aura-t-il des jurés en matière criminelle, y en aura-t-il
en matière civile ? Nous les avons admis dans la pre-
mière espèce et rejetés dans la seconde; dans la première,
parce que les 5/6 des délits sont en faits qu'on peut
distinguer de la loi qui applique la peine au délit; que
dans la seconde nous ne pouvons nous flatter de trouver
des citoyens assez instruits, assez inteUigents, pour juger
d'un fait presque toujours lié ou à des actes ou des ques-
tions de droit ; parce que, dans un grand nombre de
procès au civil, on ne peut séparer le fait du droit. — Mais,
en Angleterre, cet usage se pratique, en Amérique il a
lieu. — D'abord, en Angleterre, le principe qui attache les
Anglais à cet ordre, qui le rend essentiel à leur liberté,
c'est que le roy seul nomme les juges et qu'il serait &
craindre que les juges ne tournent le pouvoir judiciaire
contre les citoyens, que les jurés choisis par le peuple
sont un contrepoids à cette influence de la couronne ;
mais ici vos juges seront élus par le peuple, seront
amovibles au bout d'une certaine période de tems. Vous
pourrez, par un scrutin d'omission, écarter du tribunal
le citoyen qui s'y serait mal conduit. 11 n'y a donc point
le même sujet d'inquiétude.
L'Amérique pouvait recevoir des lois uniformes. Ce
le lui ■ pu accusé récep-
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— 452 —
n'était pas un peuple ancien, livré à d'anciens usages,
à d'anciens régimes aussi diversifiés que l'est notre droit
civil en France. Telles ont été les raisons du parti pris et
ce qui a dû en confirmer la sagesse, c'est qu'il n'y a eu
à s'élever en faveur des jurés en matière civile que l'ex-
trémité du c6té droit, les plus opposés à tout ce qui peut
assurer le bien et l'avantage du Royaume, et ils n'ont
pas assez caché leurs vues pour qu'on n'ait pas seu ce
qu'ils en espéraient dans un des points les plus essen-
tiels de l'ordre public.
Vous trouverez un décret sur les milices nationales.
Le but du Comité de constitution a été de prévenir toute
dispute de pouvoir entre les municipalités et les gardes
nationales, de maintenir l'union qu'il regarde comme
Tunique ressource de la patrie contre les efforts combi-
nés de tous les mécontents intéressés à faire renaître les
troubles et à y trouver le retour des anciens abus.
Aussitôt que l'adresse aux provinces sur les assignats
sera imprimée, je vous l'adresserai. Elle est longue,
mais il n'y a rien de trop dans ce moment où il faut
détruire tant de préjugés, ramener l'opinion aux prin-
cipes qui dirigent le gros de l'Assemblée, leur en faire
connaître l'ensemble et les détourner d'écouter toutes
les impressions contraires qu'on chercbe à répandre.
Nous craignions hier une séance orageuse : on vou-
lait faire expliquer l'assemblée sur le serment exigé de
M. de Virieu ' d'après la motion très împolitique, plus
mal rédigée encore, de M. Bouche ". Heureusement par
la demande de renvoyer l'examen de ce serment au
Comité, par l'amendement de suspendre ce serment
jusqu'au rapport du Comité qu'il ne fera pas, on a évité
le mauvais pas où le serment exigé jetait^. On en avait
conclu qu'il fallait exiger également ce serment de tous
I. Députa du Dauphiné, Dommé président de l'assemblée le 27 avril.
S. Avocat su Parlement d'Ali, député de Provence.
3. Cependant diverses Interprétations ds ce serment ayant été [aitea,
H. de Vlrleu se démit de la présidence la 29 et tut remplacé par
M. Gouttes, curé d'ArgUlIers, sénéchaussée de Béliers.
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— 453 —
les Ministres, que ceux qui ne pouvaient le prêter
étaient obligés de se retirer. Il en fût résulté une scis-
sion qu'on désirait et qui n'eût fait qu'augmenter le
désordre. Nous voilà délivrés de cette inquiétude et nous
allons pouvoir marcher plus tranquillement à l'ordre
judiciaire jusqu'à quelque nouvel obstacle, car il y en a
toujours de préparés en avance, mais avec l'attention
qu'on donne à tout ce qui se passe, on peut encore s'en
défendre et aller nêantmoins en avant.
Adieu, mon ami, pour ce matin. J'attends de vos nou-
velles sur ma dernière et je désire bien apprendre qae
les esprits se sont calmés.
GV
3 mai 1790.
Nous discutons lentement, mon ami, l'ordre judiciaire,
nous sentons les écueils que nous avons à éviter. Il ne
faut plus que le pouvoir judiciaire fasse trembler le
citoyen, mais serait-il moins dangereux de se livrer à
des plans impraticables qui le feraient retomber dans
l'anarchie ? Voilà ce qui nous oblige à entendre les opi-
nions de tous les partisans, ou de l'extrême liberté, ou
de l'ancien usage, pour mieux reconnaître le seul parti
mitoyen qui, en assurant aux citoyens une justice
prompte, impartiale, intègre, ne laisse point l'état flot-
ter dans l'anarchie ou trop craindre de l'influence du
pouvoir judiciaire.
J'attendais de vos nouvelles. Je suis inquiet de n'en
pas recevoir et cependant j'espère toujours assez de nos
concitoyens pour croire qu'ils se pénétreront des vrais
principes de la liberté, qu'ils reconnaîtront qu'il n'y en
peut avoir partout où il n'existe point d'ordre, point de
subordination à la loi.
Ce soir nous commençons l'organisation de la muni-
cipalité de Paris et nous voyons avec plaisir que l'opi-
nion publique est pour faire cesser les districts
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— 454 —
permanents. Ils ont pu être utiles dans le moment de
la Révolution, mais leur continuation tendrait au désor-
dre, faciliterait les intrigues et anéantirait la liberté. Les
citoyens éclairés rendent justice à ces vérités et se sou-
mettent à ce que décrétera l'Assemblée.
CVI
Paris, 5 mai, anniversaire de la 1" séance.
M. Chambray, mon ami, est passé deux fois à ma
demeure sans me trouver. Sorti à 9 heures du matin, je
ne rentre qu'après l'assemblée ou le comité du soir,
c'est-à-dire à 10 heures, parce que je ne mange point ici.
Le peu que vous me dites par votre lettre à M. Cham-
bray ' m'a été confirmé hier par M. le chevalier d'Hercé.
Il parait que nos concitoyens se tranquillisent, tant
mieux. Il n'y a que ce moyen de prévenir les maux
qu'on cherche à faire naître. Vous verrez lundy les res-
sorts qu'on a voulu faire jouer à Toulouse, sous prétexte
de la Religion. Le rapport qui en a été fait hier à
l'Assemblée du soir prouve que, même dans ce siècle,
on peut encore espérer de faire renaître le fanatisme. La
conduite prudente de la municipalité de Toulouse a
arrêté l'effusion du sang ^.
Le parti de l'opposition vient de faire imprimer, au
nombre de quarante mille exemplaires, la fameuse décla-
ration sur la Religion ^. On craignait que la pièce ne fût
plus dangereuse. La lecture n'a donné que l'exposé des
efforts prétendus du parti pour faire admettre la motion
de dom Gerle. Comme on y rapporte la motion de M. de
la Rochefoucault et le décret conforme, les gens sages
et modérés apprécieront facilement les motifs de la majo-
rité de l'Assemblée et reconnaîtront que l'Assemblée ne
i. BesDier de Chtimbra;, beau-frère de Dupont-Grandjardln, comman-
dant de la garde nallonale de Laval.
2. PëUtiOD présente par les Catholiques pour conserver les coUTCnta
et autres établissements rellgrieux.
3. Déclaration d'une partie de rAssemblée nationale, etc.
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— 455 —
pouvait, a propos de finances, passer la motion, ni
dans aucuns temps soumettre la religion à un décret des
hommes. Comme individu, je signerais facilement la
même déclaration. Ce n'est qu'un témoignage individuel
que je professe la religion catholique, et beaucoup de
ceux qui ont signé cette déclaration n'y ont vu sans
doute que cet objet, mais le motif n'a pas été le même
de la part de ceux qui l'ont rédigée. Ils ont cru dénon-
cer, sous un ton de modération et d'attachement à la
Religion, la majorité de l'Assemblée et on voit bien que
leur motif a été de dire au public : Voilà les gens réelle-
ment attachés à la religion de leurs pères; jugez les
autres qui n'ont pas voulu reconnaître que la religion
catholique, apostolique et romaine est leur religion et
la religion de l'État. J'espère malgré cela que cette
déclaration, dont les provinces vont être inondées,
ne produira pas l'effet qu'en attendent ses principaux
rédacteurs, qu'on reconnaîtra que l'Assemblée, par un
décret formel, eût attaqué le principe de la liberté d'opi-
nion qu'elle a décrétée, qu'elle eût donné le signal aux
provinces méridionales, remplies de protestants, de les
exclure et par là exciter une sédition dans cette partie où
le fanatisme a toujours si fort troublé les têtes. Mais
l'union seule des bons citoyens, les exhortations des
gens sages, préviendront les suites. On verra que cette
déclaration n'est venue que lorsqu'on a dépouillé le
clergé de ses biens ; que si le motif de la religion eût été
le seul à animer, c'était lorsqu'on a, à deux reprises,
fait la même motion que des gens attachés aussi sincè-
rement à la reUgion devaient faire cette même profes-
sion et non pas dans le moment où les biens temporels
paraissent faire le fond seul et la cause de cette déclara-
tion.
Nous avons eu hier aussi une députation d'un des
nouveaux déparlemens qui a lu une adresse d'adhésion
à tous les décrets et une forte assurance de les soutenir.
C'est le département des Ardennes. Il parait qu'il y en
□ igitizedby Google
— 456 —
a déjà plusieurs nommés. Nos commissaires ne dili-
gentent guère. Ils imputent leur retard au défaut d'impri-
meur, et cependant il est bien tems que la machine se
mOBte, que les impôts se payent, qu'ils fassent circuler
l'argent et avec lui les opérations commerciales quoique
les effets continuent d'augmenter. Tant que les impôts
ne se payeront pas, l'argent sera cher et le commerce
ne pourra suivre ses opérations.
Vous verrez que nous aurons des juges amovibles et
sujets à la réélection. J'ai cru que, pour attirer des
sujets vers un état aussi essentiel, il fallait au moins un
temps sullisant pour l'exercer. Les avis ont été partagés
entre six et huit ans de durée de chaque judicature. Si
on eût voulu suivre l'opinion de M. des Meuniers, j'au-
rais voté volontiers pour quatre ans de la première élec-
tion et ensuite dix ans à la seconde, mais, en n'admettant
point de différence entre les premières élections et les
suivantes, huit ans m'ont paru un terme encore bien
peu attrayant ; cependant la majorité a réduit à six ans.
Adieu, mon ami, voict l'adresse de l'Assemblée sur
les assignats, elle peut servir de réponse à la déclara-
tion du clergé.
CVII.
Paris, 8 mai 1790.
Voici, mon ami, le précis de trois séances qui ont été
bien vives, où on a débattu fortement la question de la
part qu'aurait le roy à l'institution des juges, question
qui eiU pu être encore approfondie et traitée plus longue-
ment, si le temps ne nous pressait. Le pouvoir judiciaire
est-il un pouvoir lié au pouvoir exécutif, ou est-il un
pouvoir distinct? A qui appartient-il de l'exercer ou de le
faire exercer? Toutes ces questions eussent pu mériter
d'être spécialement approfondies, patiemment discutées,
non peut-être pour celui qui veut remonter aux prin-
cipes de la raison, aux droits naturels, mais pour ceux
□ igitizedby Google
— 457 —
qui, imbus des anciens préjugés, qui livrés aux habi-
tudes, aux usages anciens, n'y voient que des principes,
lorsqu'ils n'ont été, ou que des effets du hasard, ou des
extensions d'un pouvoir qui les absorbait tous. Ce sont
ces derniers, en grand nombre, qu'il était politique de
convaincre, de désabuser, parce qu'en opposant des
principes un peu abstraits au sentiment naturel des
Français, à leur attachement pour le roy, en objectant
avec force qu'on veut dépouiller la royauté de ses pré-
rogatives, réduire le roy à un état passif, on est tou-
jours assuré de trouver des partisans, même de bonne
foy, qui, confondant l'esprit de justice qui anime un roy
avec les passions qui tourmentent sesministres, ne voyant
plus en effet que la diminution de l'autorité royale,
lorsque d'autres n'y voient au contraire que le moyen de
concentrer auprès du trône la séduction, la corruption
et toute l'immoralité qui en sont les suites, .-^près trois
jours de discussions, où chaque parti a piutM déclamé
qu'il n'a discuté, on est allé aux voix et, comme on y
alla d'après un discours véhément de M. de Cazalès,
d'après la peinture la plus adroite des inconvénients
d'un gouvernement purement démocratique, le tableau
rapide des désastres qui ont anéanti ces gouvernements
dans la Grèce, l'Italie, l'Afrique, pour voir s'élever sur
leurs ruines le despotisme, il n'y a eu pour ôter au roy
l'institution libre des juges que cinq cent trois voix
contre quatre cent cinquante. Ce qui me rassure sur le
parti que j'ai embrassé sans hésiter, c'est que cette
question est déjà décidée par Montesquieu, si grand par-
tisan de l'autorité royale, c'est qu'elle sera discutée par
les écrivains et qu'alors, outre |ps inconvénients sensibles
qui eussent résulté de donner aux ministres la plus forte
influence par le choix des gens de justice, on établira
que, sans la distinction des pouvoirs, sans le moyen de
les contrebalancer, il ne peut exister de liberté. Si le
peuple sans doute faisait les lois, si il jugeait, si il fai-
sait ainsi l'application de la loi, on eiH confondu dans le
□ igitizedby Google
— 458 —
peuple le même pouvoir ci-devant confondu dans le
monarque, mais d'abord le peuple ici n'agit que par ses
représentants, les représentants ne peuvent élire pour
juges les mêmes personnes qui seront nommées pour
administrer. Les pouvoirs ainsi délégués et répartis ne
peuvent se réunir dans les mêmes mains. Les électeurs
pris dans les différentes contrées ne peuvent se réunir
d'intérêt et d'intention pour donner une plus forte pré-
pondérance à telle classe plutôt qu'à telle autre. Tous
les pouvoirs répartis par des représentants ne sont que
momentanés. Ceux qui en sont revêtus ne peuvent s'y
maintenir, les transmettre, les réunir pour asser^'ir.
Exposés à devenir simples individus, ils ont intérêt à
n'employer ce pouvoir que pour le bien général, pour en
recevoir eux-mêmes la protection lorsqu'ils n'en seront
plus les agents. Tout cet équilibre cesse si l'homme
honnête nommé par le peuple a besoin d'aller solliciter
la confirmation de son élection. C'est ouvrir la porte
aux intrigues et auprès des peuples, et auprès des
ministres, et la majesté royale tient-elle donc à ces
détails minutieux, à ces choix de préférence qui sup-
posent des connaissances qu'un roy ne peut réunir, qu'il
est obligé de délivrer à des ministres, ceux-ci à des
commis, et ces commis à des intrigants. Quelle doit donc
être l'influence du pouvoirexécutif sur l'ordre judiciaire?
C'est celle de l'exécution des jugements. Le juge, par sa
sentence, applique la loy. C'est au pouvoir exécutif à
procurer l'exécution des jugementSj à les soutenir de la
force publique. C'est dans ce sens seul que le roy donne
au jugement la force d'exécution que seul il doit réunir
dans ses mains. Comme malheureusement on fait sou-
vent plus d'eiïet sur nos esprits français par de bons
mots que par des raisons, on a ridiculisé ce principe, en
objectant que c'était réduire les fonctions du roy à celles
d'un huissier, mais comme un bon mot ne fut jamais un
grand moyen, on pourrait, en étendant la conséquence
faire du roy, au nom duquel toute la machine du gouver-
□ igitizedby Google
— 459 —
nement doit marcher, l'agent particulier de toutes les
parties quelconques de l'administration.
La question qui reste aujourd'hui à décider des trois
adoptées donnera matière à quelques sarcasmes de ce
genre. Le juge aura-t-il besoin de lettres de provision
du roy pour exercer ses fonctions ?
Mais après viendra la question du ministère public.
Le roy en aura-t-il seul le choix et l'installation ? Cette
question mériterait également une discussion non moins
approfondie. Les uns pensent qu'il faut au moins laisser
au roy le choix de cet officier; d'autres croyent qu'U
ne doit y avoir d'autre ministère public que les procu-
reurs-syndics des municipalités, des districts, du dépar-
tement. J'y trouverais bien de l'inconvénient, par une
réunion et une confusion de fonctions dictinctes et sépa-
rées. Je ne crois pas la première partie sans inconvé-
nient non plus. Il faut attendre la discussion, si on est
assez sage pour s'y livrer sans passion, sans esprit de
parti.
Votre lettre d'hier, mon ami, m'a fait plaisir, en
m'assurant que la misère, le défaut de travaux n'était
pas aussi considérable que je me l'étais imaginé.
Je ne crois pas qu'il y ait nullité dans le décret, d'après
la lettre des décrets des 8 et 9 août, quoiqu'il n'y ait
que vous de gradué ' dans la municipalité, surtout pour
un décret d'ajournement personnel et lorsqu'on a admis
par les derniers décrets la voye de l'appel. Mais d'après
leur interrogatoire, vous pouvez bien prononcer contre
eux une peine quelconque. Mais je ne crois pas que
vous puissiez les casser de la légion. Cette partie de
votre jugement seroit une anticipation sur les délits
militaires dont ta punition appartient au corps de la
légion même. Je penserois que ce seroit à la légion,
d'après la peine que vous prononceriez contre eux et
sur le vu de votre sentence, à les casser de la légion et à
1. E^ur gradé sans doute.
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les déclarer incapables d'y servir. Je sais bien cepen-
dant qu'il n'y a pas dans tout cela une marche très con-
séquente. Mais, avec de nouvelles institutions, il y a
toujours des parties qui interrompent le fîl que l'expé-
rience seule peut renouer. Il seroit toujours bon de vous
concerter sur cet objet avec les chefs de la légion, afin
de n'aller que de concert et de prévenir tous débats
entre les différents pouvoirs qu'il est si intéressant de
voir unis et concourant au même but, à l'union, à la
tranquillité, au maintien de l'ordre et de la sûreté *.
CVIII.
Paris, 12 may 1790.
Nous avons, mon ami, quitté pour un moment l'ordre
judiciaire pour nous occuper des moyens de parvenir à
l'aliénation des biens domaniaux; vous allez voir plu-
sieurs décrets qui faciliteront les acquisitions. Nous
avons des soumissions, bientôt pour les quatre cents
millions : ainsi les assignats seront bien fondés avant
qu'ils soient en émission.
Nous recevons d'ailleurs de presque toutes les pro-
vinces et surtout de celles qu'on prétendait les plus
opposées à la vente des biens ecclésiastiques des actes
d'adhésion. Hier au soir la ville d'Arras a envoyé
l'adresse la plus forte encore qu'on ait reçue par une
députation à la tète de laquelle était son nouveau maire.
Cette adresse sera imprimée, ainsi que plusieurs autres,
contre une délibération de plusieurs citoyens de Nismes
qui ont protesté. L'accord sur cet objet parait général
et la séance d'hier au soir n'a été remplie que par l'ex-
pression de plusieurs villes, de nombre de curés, pour
soutenir les décrets de l'Assemblée et l'exposition des
mesures les plus sûres pour en assurer l'exécution,
1. Il s'agit sans doute de gardes natlonaui dont la conduite, dans des
troubles récents, avait paru nécessiter leur radiation des listes de Ut
garde nationale.
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— 461 —
Nous voilà donc très rassurés sur les menées sourdes
que nous n'ignorions pas qu'on faisait pour faire inter-
venir la religion et par elle empêcher la vente. Dans ce
moment, l'Angleterre arme contre l'Espagne. Cela fait
renaître l'espoir de ceux qui ne peuvent croire à la durée
du nouvel ordre, d'autres espèrent que ce ne sera qu'un
appareil sans suite. 11 faut attendre, mais je crois qu'en
supposant même une guerre, cette circonstance n'arrê-
terait pas la constitution et ne ferait que l'accélérer.
Adieu, mon ami, une autre fois je pourrai vous en dire
plus long. Je ne vous envoyé pas le rapport sur la
marine de M. Malouel, il est volumineux et cette
matière peu connue ne porte d'intérêt que pour la
marine. Il est bien écrit. Quant au mérite du fond, je
m'y connais peu. 11 tend à rétablir la séparation du pou-
voir militaire d'avec celui de l'administration, séparation
qui avait si bien réussi à Colbert.
CIX.
Vendredy, 14 mai, 6 heures du soir.
Je croyais bien votre affaire totalement finie par la
démarche qu'avait faite la légion. Vous avez cru devoir
enchérir, prononcer une peine plus forte, la fermeté
vous a paru nécessaire, elle vous a réussi. C'est sur les
lieux seuls qu'on peut juger de pareille mesure, de ta
nécessité de la prendre et d'y persévérer. Je vous féli-
cite du succès et je l'admire plus peut-être que je n'au-
rois osé l'imiter, mais, comme je vous l'ai dit, cela
dépend de la connaissance du local et je me rends tou-
jours à ce que les circonstances bien pesées exigent. Je
serois fâché que la légion prit le parti de nommer de
nouveau celui qu'elle avoit elle-même condamné, ce
serait une contradiction qui lui serait défavorable.
Tachez de prévenir le schisme ou, si il a lieu, usez de
la modération et du silence que vous me marquez devoir
adopter pour prévenir toute division ultérieure. Au
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milieu des grands intérêts de l'État, il faut oubliertoutes
les difficultés particulières, se rallier à la Patrie, la con-
sidérer seule. Je vois avec une vive satisfaction que de
toutes parts ces sentiments, les sûrs garants de la liberté,
prennent et sont exprimés avec la plus grande force.
Partout les préjugés anciens s'effacent. Une noble ému-
lation pour le bien public se montre et se développe
avec énergie. Les lumières de la raison, du vrai bien de
l'État, chassent devant elles les nuages épars et du fana-
tisme et de l'ignorance.
Ce matin, deux adresses, l'une de Pézenas ', l'autre
d'une paroisse du Dauphiné, ont exprimé avec les traits
les plus énergiques leur mépris pour l'arrêté de quelques
citoyens de Nîmes, ont exposé les moyens les plus forts
pour pulvériser cet arrêté, en faire sentir l'incohérence,
tes subtilités. Jamais Rousseau n'a mieux parlé, il eut
sauté au col du rédacteur de l'adresse de Pézenas aux
citoyens de Nismes ; l'assemblée en a ordonné l'impres-
sion séparée. Vous t'aurez et vous la lirez à nos conci-
toyens, pour qu'ils pensent, qu'ils agissent de même,
qu'enfin ils sachent que la vraie liberté est l'obéissance
aux lois, l'abnégation de sa volonté, de ses intérêts
partiels, à la volonté générale; que, sans cette liberté
éclairée, il n'y a plus que désordre, que trouble, et qu'il
ne reste au despotisme qu'à serrer davantage ses chaînes
accablantes.
Je puis, sans recourir au comité de constitution,
vous répondre sur les deux questions que vous me
faites. On ne doit convoquer au Maine que la partie des
paroisses mixtes dépendantes du Maine. Cela a été arrêté
ainsy par le procès-verbal dont les commissaires du roy
des différents départements sont porteurs, et cela pour
éviter l'inconvénient des coutumes si opposées dans
leurs dispositions. Il a donc été arrêté entre les deux
départements que, provisoirement et jusqu'à ce que les
□ igitizedby Google
coutumes autrement rédigées le permettent, la ligne
de démarcation entre les deux provinces subsisteroit,
nonobstant le décret contraire et d'après les circons-
tances particulières. Ainsi Vaucé et les autres paroisses
mixtes doivent se diviser comme auparavant. Les com-
missaires porteurs du procès-verbal en auraient dû
prévenir les paroisses. Je crois que cette précaution
même étoit indispensable pour prévenir les difficultés
dans les paroisses mixtes au moment où les esprits,
encore trop exaltés, eussent difficilement rompu d'an-
ciennes habitudes soutenues d'intérêts puissants d'après
les grandes différences des deux coutumes ',
Voilà ma réponse à votre première question. Ma
réponse à la seconde n'exigera pas plus de consulter le
comité.
On a mal interprété le décret qui exige la représenta-
tion de la quittance de la contribution. Ce décret doit
être isolé de l'autre qui fixe à trois journées de travail la
contribution aux impôts nécessaires pour être citoyen
actif. C'est en voulant les réunir qu'on les affaiblit, qu'on
les rend contradictoires. En les exécutant séparément,
que résulte-t-il de leurs dispositions séparées ? Que tout
citoyen payant 3* , si la journée est fixée à 20 sols, est
citoyen actif. Voilà le seul titre qui appelle à entrer dans
les assemblées primaires. Mais il doit se trouver dans
ces assemblées des citoyens plus riches, qui par leur
fortune ont dû payer une contribution particulière et
passagère à l'Etat. Ce sont ceux qui ont plus de 400 livres
de revenu notoirement et à la connaissance de leurs
concitoyens. Or ceux qui ont ces 400 livres de revenus
I. Ces communes, au nombre d'une douzaine environ, dâpendalenl
du diocèse du Mans, parce que leur clocher était situé dans le Maine,
mais, pour les affaires civiles, elles dépendaient de la Normandie. En
1190 elles araient dnux municipalités. Les décrets des IS et 20 Janvier
les rattachèrent au département de la Mayenne, mais l'effet en demeurait
suspendu Jusqu'à la suppression des coutumes, ce qui eut lieu seule-
meut en 1806. à la promulgation du Code civil. Depuis, ces pajMiisses
ontéti attribuées au département de l'Orne, par vole d'échange (Loi du
SlmarslSai), sauf Vaucé.
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— 464 —
notoires doivent de plua prouver qu'ils ont acquitté
leur contribution patriotique. Faute de rapporter la
preuve justificative, ou de leur soumission, ou de leur
quittance, ils seront rejetés. Mais cette disposition, par-
ticulière à ces citoyens jouissant de 400 livres do reve-
nus, ne peut s'étendre à ceux que la loi a exemptés de
faire cette déclaration, parce qu'ils n'ont pas ces
400 livres, autrement on eût dit qu'il n'y aurait de
citoyens actifs que ceux qui ont 400 livres de revenus et
ce n'est pas là ce que dit l'assemblée, ce que porte son
premier décret, auquel le second n'a pu déroger et n'a
point dérogé en elTet. Ainsi, loin qu'on eût voulu réduire
le nombre des citoyens actifs, au contraire on a voulu
exclure de ce nombre ceux qui, pouvant secourir l'État
parleur aisance, s'y seraient cependant refusés, mais sans
entendre l'exiger de ceux qui, payant 3 livres, n'ont pas
cependantl'aisance suffisante pour contribuer du quart de
leur revenu. Voilà, mon ami, avec exactitude le vrai sens
delà loi, sauf à saisir, dès qu'on ne voudra pas réunir deux
décrets différents, qu'on n'a point eu l'intention d'unir
dans leurs dispositions, qu'on ne pouvait unir, puisque
le premier est constitutionnel, que le deuxième n'est
que réglementaire sur une imposition passagère et
momentanée.
Sur cette contribution, et le peu d'effet qu'elle a obtenu
de plusieurs citoyens, sans doute il serait à désirer qu'on
pût forcer ceux qui se sont joués du patriotisme, qui ont
ridiculisé les bons citoyens et les punir ainsi de leur
égoïsme ou de leurs mauvaises intentions. Le temps
n'est pas encore venu, mais cela viendra et croyez qu'ils
n'échapperont pas aux regards de leurs concitoyens et à
la loi de l'égalité. Mais il faut pour cela d'autres circons-
tances, lorsqu'il s'agit de revenir sur des démarches et
des promesses authentiques, il faut que l'évidence sou-
tienne le changement dan» les dispositions premières et
cette évidence viendra avec quelque patience et produira
plus sûrement l'effet qu'en doivent attendre les bons
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citoyens. Je ne puis vous en dire davantage, mais croyez
qu'on ne perd pas de vue cet objet et qu'il est présent à
tous les citoyens qui ont cru devoir faire des efforts pro-
portionnés aux circonstances.
N'en prenez pas avantage pour diminuer d'estime
pour le ministre qui a indiqué cette contribution. Il a pu
se tromper. II est homme. 11 a pu se méprendre sur les
progrés du patriotisme, mais ne nous hâtons pas de
juger mal un homme à qui on doit la représentation des
communes égale aux deux ci-devant classes privilégiées
et dès lors le premier mobile de la Révolution. Ce serait
trop tard qu'on s'apercevrait de sa retraite s'il quittait
dans ce moment. Il a pu croire à moins d'élan et de cou-
rage, à plus de déférence à ses vues, de modération,
d'où peut-être il ne serait résulté qu'un édifice récrépi,
sans ensemble. Ce serait une erreur, mais non un vice
de crier et, loin de le condamner, nous sommes trop
heureux qu'il puisse encore nous soutenir presque seul
dans le conseil et affermir le roy dans sa résolution de
soutenir la constitution. Il n'y a plus pour le roy d'autre
parti que de la soutenir et de cacher toutes les impres-
sions dont on cherche toujours à le circonvenir, parce
que d'autres ministres sont toujours attachés à leur
antique grandeur et ne peuvent voir sans peine leur
rAle si diminué, leur influence si affaiblie. La responsa-
bilité, les attaques fréquentes qu'on leur fait les font
toujours frémir. Ils ne peuvent se faire à ce régime.
Demain, comme vous le dira le journal, on discutera
le message du roy sur les armements de l'Angleterre et
la rupture apparente de cette puissance avec l'Espagne.
La séance présentera, malgré les orages, un grand
intérêt et bien des orateurs s'apprêtent à déployer leur
éloquence. Il parait au fond que la guerre se réduira à
des préparatifs, que dans ce qui existe c'est la pratique
de l'axiome si vis pacem para bellum, mais on profitera
toujours du message pour disserter sur le système
général de politique qui doit convenir à la France dans
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sa nouvelle existence. Sommes-nous assez froids, assez
mûrs, pour traiter des questions de cette importance?
Il faut au moins y essayer, et, dussions-nous faire des
fautes, l'expérience servira à prévenir nos successeurs.
Attendons sans rien préjuger. Je compte sur les ouver-
tures des autres en avouant de bonne foy que des
intérêts aussi combinés, aussi étendus, exigent des
connaissances, des talents au-dessus de tout ce que
j'ai pu méditer jusqu'ici. S'il est vrai que la politique
des nations ne puisse recevoir ces maximes de morale
à la portée commune, si il faut des vues fines, des voyes
détournées, je me condamne encore davantage au silence.
Je laisse la discussion aux grands génies qui seuls peu-
vent s'élever au-dessus des principes communs.
Si on en croit ces mêmes esprits transcendants, cette
circonstance est la suite d'un plan médité, de ces voyes
détournées qui nous amènent du fond de l'Asie une
querelle dont les moteurs sont au milieu de nous. Tant
de coups directs ont déjà échoué que j'ai la bonhommie
de croire que cette ruse si détournée ne produira pas
plus de succès a ses ingénieux inventeurs. Si on veut
croire tous les soupçons, l'argent d'Angleterre doit
demain faire parler bien des orateurs. Je vous dis ce qui
se débite, peut-être sans fondement. Mais, quand on est
sur ses gardes, on peut écouter plus tranquillement et,
en se méfiant de tous les propos, juger, non d'après des
préventions, maisd'aprèscequi portera le mieux le carac-
tère de la conviction. Tel sera mon rôle demain. J'exami-
nerai, je pèserai et je tâcherai de n'adopter que ce qui
me paraîtra de plus juste et de plus convenable à l'inté-
rêt comme à la gloire de la Nation.
Je ne sçais qui a pu répandre le bruit d'un voyage à
Mayenne, peut-être est-ce M. de Ligonière. Pour moi je
n'en ai parlé qu'avec vous, avec le désir de ne pas
quitter, surtout dans ce moment ; plus il y a de danger,
de bruit et moins je me permettrais de quitter la partie.
Mais comme cependant il sera juste de ne point écon-
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— 467 —
duire, sous prétexte des motifs qui doivent me retenir
icy impérieusement, les demandes de M. de Ligonnière
sur des réductions qui sontjustes, saufla quotité, ce sera
un nouvel embarras pour vous, car je l'engagerai à faire
un voyage à Mayenne, à se concerter avec vous et à
voir en quel état en sont les choses, ce qu'on peut arrê-
ter, ce qu'on pourra différer. Il me faudra avant de vous
parler de cet objet plus au long un peu de temps à moi.
Je técberai de me le ménager.
Croyez que je ne quitterais pas pour tout ce que j'ai
d'espoir au monde ; puisque j'ai pris la tâche, je la rem-
plirai de mon mieux, bien fâché de ne pouvoir y porter
autant de talent que j'ai de bonne volonté et d'abnégation
de tout intérêt personnel quelconque.
Je vous laisse pour aller à mon comité. Si j'apprends
quelques nouvelles je les ajouterai, ainsi que ce que je
pourrai joindre de décrets nouveaux.
Du 15.
Je n'ai rien appris de neuf que cette suite continuelle
de tentatives de tous les ennemis de la Révolution. On
assure que des financiers ont fait passer dans la Bretagne
de faux décrets de l'Assemblée, des adresses pour détour-
ner les campagnes de payer leurs impôts. Quelques ecclé-
siastiques cabalent de leur côté. C'est aux bons citoyens
à prémunir les campagnes contre ces menées, à les
encourager, à se tenir unis, à payer leurs contributions.
Je joins uu commentaire de la déclaration des droits de
l'homme qu'il est intéressant de répandre par les expli-
cations simples et à la portée de tout le monde qu'il pré-
sente. Adieu. Je vous adresse deux exemplaires de ta
déclaration, en vous priant d'en remettre un à M. Pottier
ou à quiconque vous sçavez plus lié avec les différentes
classes de la société qu'il est intéressant d'instruire.
Faites également circuler le vôtre. On ne peut trop ins-
truire les citojens.
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Paris, 16 mai 1790.
Nous sommes, mon ami, occupés de la grande ques-
tion du droit de paix et de guerre. Je puis entrevoir que
dans les circonstances actuelles on réservera au corps
législatif le droit de faire la guerre en autorisant néan-
moins le pouvoir exécutif à faire au besoin toutes les
dispositions nécessaires pour la défense de l'Etat dans
le cas d'une attaque méditée.
Vous trouverez dans la séance de samedy matin ]a
confirmation de la décision que je vous ai annoncée
relativement à la contribution patriotique et vous y
reconnaîtrez clairement qu'on ne peut exiger la
déclaration que de ceux qui ont plus de 400 livres de
revenu. Adieu.
CXI
Paris, 23 mai 1790 *.
Je joins ici, mon ami, la réponse de ma lettre à
M. Necker. Voilà bien une autorisation pour prendre
deux cents sacs à raison de 14# ou 7# le quintal. Ils ne
devraient pas coûter plus de 5 s. pesant du cent à voitu-
rer. Ce ne serait que 12# le quintal. Comme j'ignore ce
que vaut le boisseau, je ne puis juger de la perte, mais
ce qui me déterminerait, c'est la nécessité qui ne peut
connaitre de calculs d'œconomie.
Un député de Chartres m'a assuré que le froment à
Chartres ne valait que 14# te septier, pesant 240, poids
de 16. Ce serait encore meilleur marché que le seigle de
Rouen et peut-être y aurait-il moins de danger pour le
transport. M. Bouvet, négociant, député de cette ville,
est en ce moment à Chartres. Je lui écris par cet ordi-
1. Nouvelle lacune du 16 au 83 mai. [1 doit manquer deux lettres.
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naire pour sçavoir au juste le prix et s'il y a communi-
cation de Chartres à Dreux, ou à Vemeuil, pour
reprendre notre route. Pour éviter le circuit, je le prie de
vous écrire ce qui en est et s'il y aurait du seigle, le prix
qu'on le vendrait, les facilités pour le paiement et le
transport, à qui il faudrait s'adresser en son absence de
Chartres. Ainsi peut-être aurez-vous encore au besoin
cette ressource. Mais si vous ne l'avez pas, si des parti-
culiers propriétaires ayant des grains pouvaient en
vendre et qu'il ne fût question que de forces, écrivez à la
municipalité du Mans et au régiment de dragons pour
vous envoyer un détachement par lequel vous feriez
escorter vos grains. S'il était besoin d'un ordre du
Ministre, mandez-le-moi et, dans cinq jours de votre
lettre, je puis vous en faire passer un que je deman-
derais.
Voilà, mon ami, tout ce que je puis faire pour le
moment sur cet objet. Le Gouvernement est dans l'em-
barras, faute de renseignements sur l'état exact des
récoltes. Il n'a pu acheter tous les grains qu'il craint
bien être nécessaires ; du reste l'étranger n'a rien voulu
fournir qu'avec nantissement et ce Ministre si décrié a
pris des engagements qui absorbent toute sa fortune
pour obtenir des Hollandais des grains qu'ils avaient
en dépôt et en approvisionner Paris et la Normandie.
Sur cette dernière province, il est exact qu'il y a eu la
plus mince récolte, surtout depuis Rouen jusques à
Argentan, dans l'espace de vingt à vingt-cinq lieues de
large, de sorte qu'il n'y a pas eu un tiers de récolte,
mais je crois bien que l'égolsme, qui règne dans une par-
tie de celte province comme ailleurs, fait encore aug-
menter le mal. Heureusement que la majorité de la
Nation pense différemment. Je puis vous garantir que
de toutes parts, hors la Normandie et quelques provinces
voisines, il vient à l'Assemblée les assurances les plus
positives de l'adhésion la plus entière aux décrets. Celui
qui a été rendu hier a répandu la plus grande joye dans
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— 470 —
Paria, et le roy assure-t-on est satisfait. Vingt-cinq mille
âmes dont nous ne nous doutions pas, entouraient hier
toutes les avenues de la salle et nous eûmes toutes les
peines, à six heures, après une séance de neuf heures,
de pouvoir sortir du flot qui nous pressait et qui criait
et applaudissait de toutes ses forces. 11 n'y a pas à
s'étonner du patriotisme et de l'ardeur que met le Pari-
sien à tous nos travaux ',
La séance d'hier fut terrihle, imposante. Mirabeau
y parla avec une énerve digne de la Tribune aux
harangues. Bamave, dont la motion avait fait un héros
le vendredy, porté en triomphe, avait fait la plus grande
sensation. Mirabeau avait demandé la réplique. Il avait
une tâche d'autant plus pénible à remplir que le public
était prévenu contre lui, qu'on criait, qu'on vendait à la
porte un écrit de Marat intitulé : Trahison du (?* de
Mirabeau. Il était par cette brochure accusé d'avoir reçu
de l'argent du Gouvernement pour soutenir le droit du
roy, quoique sa motion, imprimée alors, soumettait la
guerre à la délibération de l'Assemblée, empêchait !e
roy de ne pouvoir la déclarer qu'après avoir notifié
l'état des choses au corps législatif, qu'après lui avoir
imposé l'obligation de s'assembler, s'il était en vacances.
Mais le public n'y voyait pas expressément le droit de
la nation que la motion de Bamave expliquait trop éner-
giquement, puisque la nation se réservait le droit de
faire la guerre.
Malgré cette position, Mirabeau entreprend de défen-
dre sa motion, monte à la tribune et dit : u Et moi aussi.
Messieurs, j'ai été porté en triomphe il y a huit jours et
aujourd'hui on me dénonce, on me publie dans les rues
de Paris comme un traître. Je sçais apprécier la faveur
populaire. Je sçais qu'il n'y a pas loin du Capitule à la
Roche Tarpéienne, mais plus l'opinion du peuple est ver-
satile, plus il est du devoir de l'homme ferme dans ses
r le droit de guerre et de pali réservés ï la
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— 471 —
principes de les défendre, quelle qu'en doive être l'issue.
C'est la Patrie que je viens défendre ; des flots mobiles
peuvent s'agiter autour de moi, mais le temps, mais
l'expérience Unit par ranger chacun à sa place et j'espère
démontrer qu'il n'y a plus de constitution dès que le
corps législatif sera transformé en pouvoir ; alors il n'y a
plus qu'une oligarchie, le plus trouble, le plus désastreux
des gouvernements, ou plutôt l'anéantissement de tout
gouvernement. » Il entra en matière et prouva bientôt
qu'il n'y a de constitutionnel que le mode de donner à la
Nation le veto sur le roy pour le droit de guerre, d'at-
tribuer à lui seul l'initiative pour la proposer et récipro-
quement de donner au roy le veto sur la Nation qui
voudrait forcer le roy à la guerre. Alors les pouvoirs
se balancent, conservent leur équilibre. Tout ce principe
était bien mis en action dans sa motion, mais n'y était
pas exprimé et c'est ce qui occasionna une chaleur très
forte, lorsqu'on voulut, pour amendement au 1" article,
faire insérer la motion de Barnave que la nation se
réservait le droit de guerre. Grand débat, on propose de
tourner l'amendement autrement. Des Meuniers offre de
dire que la guerre ne pourra être déclarée que d'après
un décret de l'Assemblée, sur la proposition seule du
roy. C'est un trait de lumière et bientôt, déjà d'accord
sur le fond, l'Assemblée l'est sur l'expression. L'article
passe et successivement les autres, à quelques additions
près ou des retranchemans dans les articles proposés
par Mirabeau. Je ne suis pas l'apologiste de toute sa
conduite, mais je lui dois la justice que dans les grandes
occasions il a seul trouvé la chose, le principe généra-
teur, et l'Assemblée lui a, avec la nation, une vraie obli-
gation. La preuve qu'on a trouvé le terme vrai, c'est
que le décret est généralement approuvé, plaît à tout le
monde, et il est un principe nouvellement découvert et
qui pourra avoir des conséquences majeures pour la
tranquillité générale de l'Europe ; dans ce point, notre
constitution donne un exemple à l'Angleterre même.
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— 472 —
Que ce point, que d'autres encore d'une égale impor-
tance, soient méconnus, que la plus belle opération,
celle de la division nouvelle, vienne échouer contre les
întéréta partiels de quelques individus, je n'en suis pas
étonné. Il faudra encore quelque temps pour railleries
volontés à l'intérêt général, les voir sacrifier au bien de
tous, mais plaignons ceux qui ne peuvent se débarrasser
du voile qui leur couvre les yeux et disons, comme
Mirabeau : « Le tems et l'expérience classeront à leur
place les grands principes consacrés jusqu'ici et il vien-
dra un temps, qui ne sera pas éloigné, où on trouvera
que nous n'avons été encore que des adeptes. Laissons
mûrir les têtes sur tes principes du droit public et nos
enfans bientôt nous devanceront dans la carrière qui ne
fait que de s'ouvrir. Mais réunissons nos efforts pour
éclairer tous ceux qui noua environnent. Prenons le ton
de la paix, de l'union, de la raison, disons comme Mon-
tesquieu : a Inviter quand il ne faut pas contraindre,
« conduire quand il ne faut pas commander, c'est Thabî-
« leté suprême : la raison a un caprice naturel, elle a
« même un empire tyrannique. On lui résiste, mais
« cette résistance est son triomphe, encore un peu de
« tema et l'on sera forcé de revenir à elle ».
Voua trouverez ce passage dans une des feuilles
ci-jointea du Moniteur.
(A suivre). Publié par E. Qubruau-Lamerik.
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ANNE COMTESSE DE LAVAL
PIERRE LANDAIS, TRÉSORIER DE BRETAGNE
ET
JACQUES D'ESPINAY
&VËQUE DE RENNES
C'était un ancien usage que l'évéque de Rennes, à son
entrée solennelle dans la ville épiscopale, fdt porté par
quatre seigneurs du diocèse, les seigneurs de Vitré, La
Guerche, Aubigné et Châteaugiron.
Depuis 1237, les deux seigneuries de Vitré et d'Aubi-
gné étaient aux mêmes mains. André, alors baron de
Vitré, avait épousé Catherine, fille de Guy de Thouars,
et sœur cadette de la ducbesse Alix. Cette année, André
reçut de Pierre Mauclerc, mari de la duchesse, la sei-
gneurie d'Aubigné. Ce don ne fut pas absolument gra-
tuit ; mais une récompense des terres appartenant à
André que Mauclerc avait occupées pour ses forteresses
de Rennes et de Saint- Aubin-du-Gormier '.
A partir de cette annexion, te baron de Vitré eut à
tenir deux places à l'entrée solennelle des évoques. On
peut conclure de là que le devoir de porter l'évéque
existait avant l'annexion d'Aubigné, II est clair que, s'il
t. Le Baud, Lf» Chroniques de Vitri, p. 41. — Mais l'acte était pour-
tant uns libéralité, Aubig-né comprenant dix paroisses |1a Borderie,
Giog. féodale, p. 91. | — Aubigné itrèa petite commune du canton de
Salnt-Aubln-d'Anbi^né, arrondissement de Rennes), montre encore les
ruines du ctiAteau et nue masure dite maison dei plaidt. — HéTin,
Çue»tiont féodata, p. 41, n* H, doqqe qnelques détails sur cet acte.
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— 474 —
avait été possesseur des deux seigneuries au temps où
cet usage s'établit, le baron de Vitré ne se serait pas
chargé d'un double devoir à remplir dans la même
occasion.
Un peu après l'annexion, André de Vitré maria sa fille
unique, Philippe, à Guy Vil de Laval ; et, de ce jour,
la baronnie de Vitré resta constamment aux mêmes
mains que la seigneurie, puis comté de Laval '.
Les seigneurs ayant le devoir du « port de l'évêque »
sont toujours nommés en cet ordre : Vitré, La Guerche,
Aubigné, Châteaugiron -. Selon toute apparence, cet
ordre indique leur rang dans la cérémonie. Nous savons
d'ailleurs que le seigneur de Vitré m<irchail « au devant
et au côté dextre » (en avant et à droite). De cette indi-
cation nous concluons que le sire de La Guerche marchait
en avant à gauche ; le sire d'Aubigné en arrière à droite ;
et que le sire de Châteaugiron tenait la dernière place
en arrière à gauche.
L'évêque arrivait à cheval à l'église Saint-Etienne qui
se voit encore auprès de la rue dite autrefois rue Basse,
aujourd'hui rue de Dïnan. Mettant pied à terre, il se
revêtait de l'habit pontifical et s'asseyait sur « sa
chaire ». Les seigneurs soulevaient la chaire, et le cor-
tège se mettait en marche. 11 entrait en ville par la porte
Mordelaise, la seule ouvrant de ce côté jusqu'à l'année
1425, et peut-être après cette date, par la porte de
Saint-Michel, ouverte alors et donnant accès au cœur
de la ville ^.
1. Saut un moment, au xva' siËcle, quand le comlé de Laval passa
aux La Trétnoille.
2. Sur ce qui suit, voir MaUon df. Laval, n* 915, acle du 23 s^lem-
bre 1394, 1. Il, p, 3fô et n> 918, acte du 8 léyrier 1303 (n. st.), t. II, p. ^i.
— Hévia, 0>tfst'om féodaleg. p. S3, tf ^,n cHé cea deux actex à propos
d'une usurpât lOD de Guy XII, que leduc Jeao IV conflmia. Il ajoute que
H ces gtiets n'auraient peul-fitre pas été écoutés en une autre saison. »
— C'est bien possible, comme nous verrons,
3. 11 s'atrlt de la vieille Ëftllse Saint ~Ét ion ne, dévastée à la Révolutioa
et non rendue au culte, mais remplacée par l'église des Augustins. La
cortège devait suivre la longue rue de Dlnan | actuelle ment) et arrivé
non loin des Augustins (Saint- Etienne d'aujourd'hui} prendre A gaucbe
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— 475 —
En récompense du service rendu, le sire de Vitré
« avait le droit de prendre et percevoir le cheval monté
par l'évéque arrivant au lieu où il devait s'asseoir sur sa
chaire, » et le seigneur d'Aubigné « avait le droit de
prendre et emporter la vaisselle, ustensiles et autres
estorements pour cuisine et de salle pour office de cui-
sine » '.
Le baron de Vitré était en possession paisibte de la
première place auprès de la « chaire » de l'évéque,
lorsqu'à la lin du xiv* siècle, en 1390, « le duc Jean IV
et ses officiers en déboutèrent » Guy Xf f , au profit du
sire de lu Guerche.
Il semble que la police de cette cérémonie appartenait
à l'évêque. Comment expliquer l'intervention du duc et
de ses officiers ? — Très simptement. C'est que, le
20 avril 1390, Jean IV est devenu acquéreur de La
Guerche -. Il ne veut pas marcher après son vassal de
Vitré, D'autorité, il prend la première place. Le sire do
Laval surpris proteste ; mais les officiers du duc le
repoussent, et, pour ne pas faire scandale, il se résigne
à prendre la seconde place 3.
eD montanl vers la porte Hnnlflainf. DiateDce : environ 700 inttres.
Au iiv niècle, Rennes n'avait encore que rencelnt« de la ville romaine
dite la Cité. L'extension <]e son enceinte {f encelntel, dite Ville-lteure,
date seulement de liSi A liSR.
I. J/ainon de iaral, n- 1437. 13 juillet iU7, t. III, p. 128. - On ne volt
pas que les seigneurs de La Ciuerclie et Chflteauglron eussent droit à un
prli analogue du service rendu. Ainsi fa Nantes des quatre .seigneurs de
Ponl-ChAteau, Betz, Ancenis et Chftleaubriant, qui portaient r6veque,
deui seulement étalent rémunérés de ce service,
S. La seigneurie dq la Guerche (huit paroisses, La Borderie, Céng.
féod.. p. 871 avait paasd de la maison de la Guerche fa Château brlont,
puis Beaumont, puis Chamaillard; Marie de Ctiamalllard, vicomtesse de
Beaumont, dame d'Anlhenaise, porta In Guerche en mariage \SS> octo-
bre mil fa Pierre II de Valois, comte d'Alençon, baron de Fougères, elc.
Le 29 septembre 1379, le connétable du Guesclln en devint acquéreur;
et c'psl son frère et héritier Olivier qui la vendit au duc Jean IV. Elle
entm dans le partage de Marie, fille de Jean IV, qui épousa Jean de
Valois 126 Juin 13%), premier duc d'Alençon, et retourna ainsi aux
Valois. Notice hiilorique «wr la maison d'Anlhenaise. par .M. Bonne-
serre de Saint-Denis, p. 33.
3. Six ans auparavant, le duc avait été plus sage. Devenu acquéreur
de la baronnie de Belz. Il avait porté l'évêque de Nantes le 6 avril I38i;
et II marcha après 8on vassal le connétable de Cllsson, s|re de Pont-
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— 476 —
Le sire de Laval n'acceptait pas cette déchéance de
son di-oit ancien ; mais il était mal eu cour pour avoir,
lors du guet-apens de Vannes (1387), défendu son
beau-frère le connétable de Clisson contre les fureurs de
Jean IV. D'autre part, la guerre entre le duc et le conné-
table désolait la Bretagne '. Pour produire sa réclama-
tion, Guy XII attendit une occasion favorable. Elle se
présenta quatre ans plus tard.
En 1394, Charles VI revenu pour un temps à la rai-
son avait mis Un à la guerre civile qui durait depuis
cinq ans. II avait nommé le duc de Bourgogne arbitre
entre le duc, Clisson et son gendre le comte de Pen-
thièvre. Cette nomination est du 25 juin 1394. Le duc et
le comte l'agréèrent ; mais après cinq mois passés le duc
attendait encore, non sans inquiétude, l'acceptation de
Clisson-. Laval pensa, non sans raison, que le duc écoute-
rait ses doléances pour amadouer son beau-frère Clisson.
C'est en ce moment qu'il présenta au duc une requête
contenant bien d'autres demandes que celle relative au
« port de l'évéque » ; et il obtînt satisfaction sur presque
toutes.
En ce qui concernait la première place lors de l'entrée
de l'évéque, le duc ordonna une enquête et des recher-
ches aux registres de l'Église (23 septembre 1394). Le
droit du comte de Laval fut démontré et la cour du
duc à Rennes le reconnut par sentence du 8 février
1395 {n. st.) 3.
La cour jugeait contre Jean IV ; et, à la prochaine
entrée d'évéque, le duc devra marcher après son vassal
Ch&t^au, ][ est vrai que leducsnvaitquele connétable peu endurant de
sa nature n'aurait pas admis cette nouveauté. — V. Jean lY, baron de
Retz, et Jeanne Chabot, dite la Sage, baronne de Rels, par J. TréTédj.
t. Cett« première guerre dura de 1389 à la tin de 1391. Le duc ae rap-
procha encore une Fols desADglais. Le roi intervint fort à propos. Traité
de paii à Tours |S6 Janvier 1392.) Le coup de poignard de Pierre de
Craon (11 Juin 13^1 renouvela les iiostilités.
S. Clisson n'accepta l'arbitrage que le 84 novembre, en présence de
Guy XII. Sur ce point voir La Croix el le traité d'Àucfer, f partie, par
J.Trévédj, p. S6-27.
3. Ces deux actes sont cités ci-dessus, p. 474, note S.
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— 477 —
Guy XII de Laval. Maïs ce jour ne viendra ni pour l'un
ni pour l'autre. Jean IV mourra en 1399; Guy XII,
en 1412 ; et l'évêque Anselme de Chantemerle, porté par
eux en 1390, leur survivra jusqu'en 1427.
A cette époque, la seigneurie de Laval, la baronnie
de Vitré et la seigneurie d'Aubigné étaient aux mains
de la fille unique de Guy XII et de Jeanne de Laval, qui
avait été la seconde femme de du Guesclin. Anne était
déjà veuve de Jean de Montfort-la-Gane, dît Guy XIII
(12 août 1414). Cette année 1427, les Anglais avaient
envahi la seigneurie de Laval, et Anne s'était retirée
avec sa mère à Vitré.
Peut-être ne fut-elle pas étrangère à la nomination
à l'évêché de Rennes d'un de ses vassaux de Vitré,
Guillaume Brillet.
Ce prélat était né à Vitré d'une famille noble possé-
dant plusieurs seigneuries sous le fief de Vitré. 11 était
chantre de l'église de Rennes quand il fut nommé à
Seint-Brieuc (en 1424) ; c'est de là qu'il fut transféré
à Rennes (le 25 septembre 1427)^ Le « pieux et doux »
évéque fonda la psalette do sa cathédrale : il la composa
d'un maître, au choix du chapitre, et de six enfants de
chœur auxquels deux autres furent bientôt adjoints '.
Après vingt années, il se démit en faveur de son neveu,
Robert de la Rivière, dont le père, alors président aux
Comptes, allait devenir chancelier (1450).
Robert de la Rivière lit son entrée à Rennes le
31 octobre 1447; Anne, devenue comtesse de Laval, fit
remplir son double rôle à cette cérémonie ; et, par pure
condescendance, s'abstint de prendre le cheval et la
vaisselle ; seulement elle demanda et l'évêque donna un
1. Milanget d'Histoire et d'Areliéologie iRennes, 1S68[, t. Il, p. 246.
— t D'anciens statuts de Rennes (postérieura à cette fondation) cités par
Ducange (cf. FiaUtta) expliquent que ptalette l'entend d'une société d«
liuK enfanta et d'un maître... u etc.
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— 478 —
acte de non-préjudice sauvegardant pour l'avenir les
droits de la dame de Vitré.
L'occasion d'invoquer cet acte n'allait pas se faire
attendre. L'évêque mourut le 18 mars 1450.
Jean de Coetquis, gentilhomme de l'évêché de Tré-
guier, fut appelé à lui succéder. Mais Jacques d'Espînay,
fils de Robert d'Espinay, grand maître d'hôtel, avait été
l'année précédente sacré êvéquede Saint-Malo. Le pape
Nicolas V, sollicité par lui, nomma Jean de Coëtquis
à Saint-Malo et transféra Jacques d'Espinay à Rennes.
Dana des circonstances ordinaires, ce transfts rement
aurait été admis sans diUicutté par le duc. La famille
d'Espinay était considérable. Le bisaïeul de l'évêque,
Robert, avait été grand-mattre d'hôtel sous Jean V (14;!8) ;
et son petit-lîls, de m6me nom, père de Jacques, avait
recueilli cette charge comme un héritage, sous Fran-
çois I" (en 1448). Mais Pierre II crut avoir de bonnes
raisons de remplacer le père et d'écarter le fils du siège
de Rennes.
Quand il prit la couronne (18 juillet 1450), le premier
soin de Pierre II, poussé par le connétable de Richemont,
fut la poursuite des meurtriers de son frère Gilles et
de leurs complices. 11 voyait des complices dans Arthur
de Montauban et dans son frère aine, Jean, sire de
Montauban et maréchal de Bretagne. La complicité
d'Arthur était certaine. 11 ne vit d'autre moyen d'éviter
la condamnation que de se faire moine célestin. Celle de
sou frère aine, plus dissimulée, aurait-elle été démon-
trée ? Le sire de Montauban eut si grand peur d'être
jugé que, cité au conseil du roi, il sollicita un sursis, se
démit de son titre de maréchal et passa en France, où
l'accueillit Charles VIE, très hostile à Gilles.
Le duc trouvait d'autres complices dans la maison
d'Espinay. — Robert, le second grand-maltre, avait trois
lits : Richard, Eustache et Jacques, l'évêque. Richard
avait épousé Marguerite, soeur des Montauban. Mais ce
n'est pas cette alliance qui rendait les d'Espinay suspects
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au duc. La preuve c'est que Richard ne fut pas inquiété,
tandis que son père et ses deux frères étaient poursuivis-
Le duc et le connétable avaient apparemment contre eux
des griefs qui ne nous sont pas connus.
Se voyant ainsi repoussé du siège épiscopal de Rennes
et menacé de poursuites criminelles, Jacques d'Espinay
partit pour Rome. Il plaida sa cause devant le pape
Nicolas V avec un plein succès. Convaincu de son inno-
cence, Nicolas Y se fit son défenseur ; et, sur ces entre-
faites, l'évêché de Tréguier étant devenu vacant, le pape
y nomma Jean de Coëtquis, et le duc finit par admettre
Jacques d'Espinay au serment.
Ce prélat aimait les livres ; à cette époque, où ils coû-
taient si cher, il avait une « librairie. » Il aimait la
musique : continuant l'œuvre de Guillaume Brillet, il
augmenta la psalette de la cathédrale et acquit pour
elle, en 1476, la maison dite de la Psalette, sise dans ta
rue qui en a retenu le nom au chevet de la cathédrale '.
Heureux l'évêque d'Espinay, s'il n'eût pris plaisir
qu'aux livres et à la musique \ mais il avait eu le mal-
heur de naître avec un caractère hargneux (l'expression
n'est que juste) que ni la maturité de l'âge ni plus d'une
disgrâce n'allaient corriger.
Le 10 avril 1454, Jacques d'Espinay faisait son entrée
à Rennes.
Le jour même, commencèrent les maladroites tracas-
i. Mélange» d'histoire, t. Il, p. 246. -- Au mâme endroit, l'autenr de
cet article, l'érudit Paul de la Blgne- Villeneuve, mentionne <i un titre
asseï curieux relatif à la psalette de Rennes, n
La veille de la fête des Rois, les enfants de la psalette parcouraient
les rues de la ville. On penee si ceux qu'on nommait autrefois les poils-
sons, et qui s'appellent aujourd'hui les g-amlns, leur faisaient joyeux
et turbulent cortège. Où vont-ils ? Cherclier les bols laissés sur la vole
publique, » non équarrls et non mis en état de faire édifice ii ; ils s'en
emparent et les porteront à Saint-Pierre. Loin de s'opposer à cet eni&ve-
ment, les bourgeois rn rient ; le lendemain, de ces bois u il sera fait feu
dans la nef de l'église, pendant le service divin. » Ce droit bizarre est
accordé aux enfants de la psalette par lettres patentes du roi Louis MI.
— Ne serait-ce pas Anne de Bretagne qui. Jeune flUe, a été charmée de
leur chant, et devenue reine pour la seconde fois a sollicité ce* lettre* ?
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— 480 —
séries et les violences, qui après ving^sept années
allaient recevoir leur châtiment.
La comtesse de Laval avait rempli par procureurs son
double devoir à l'entrée de Jacques d'Espinay. Les pro-
cureurs réclamèrent, selon le droit, l'un le cheval,
l'autre la vaisselle. L'évâque s'opposa à la double remise
et ses oHîciers malmenèrent ceux de la comtesse. Et
pour quelle raison ? — « En haine du pi-ocès criminel qui
s'instruisait contre Jean d'Espinay, oncle de l'évoque. »
Il était poursuivi comme faux-saunier, c'est-à-dire faisant
la contrebande du sel, lui g;entilhomme de haut parage !
Et le procès se suivait devant les juges de la baronnie
de Vitré '.
Si Tévêque a cru qu'en faisant injure à la baronne de
Vitré, il lui fera peur et obtiendra la (in de l'instruction
criminelle, il s'est mépris, comme nous allons voir.
Quelle maladresse que cette résistance à un droit si
bien établi! Le duc de Bretagne n'a, parait-il, admis
Jacques d'Espinay que pour complaire au pape. L'évéque
plus qu'un autre a besoin de se bien mettre en cour.
Comment le duc serait-il insensible à l'injure gratuite
faite à la comtesse de Laval ? Anne est cousine issue de
germaine de son père Jean V ; son fils Guy XIV a eu
pour femme Isabelle, sœur du duc, et la mort de celle-ci
n'a pas interrompu leurs cordiales relations. D'autre part,
Robert, le grand maître, père de l'évoque, est seigneur
de Cliampeaux, qui confine à Vitré; il y a sa résidence
seigneuriale, qui le fait proche voisin de sa suzeraine.
I. Le sel étant ud objet <te première nécessité, le lourd ImpAt qui le
frappait était le plus odieux de tous. On a pu écrire que « de tous les
trafics de coutrebando, celui qui fut le plui exercé était la taui-
saunerle », oous disons aujourd'hui le faux -saunage. Sous nos ducs,
la gabelle n'eilatalt pas en Bretagne ; mais la fraude se faisait à la
limite du duché, près de Vitré, et Jean d'Espinay était bien placé pour
['exercer. Le sel de Guérande débarqué k Redon était amené vers la
frontière du Maine par une vole {pour partie romaine) dite encore che-
min des sauniert venant du pont sur la Vilaine & Hessac, par Bain,
le Sel et Janzé vers Erbrée un peu au aud-eet de Vitré, ~ Pour plus de
détails voir le Porl de Redon au XV' tiiele, par J. TréTMj. Àuoe.
Brttonne. Coagtb» de Redon, 1900, p. 13.
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La comtesse se plaignît. Le temps passa en longues
discussions et enfin l'affaire fut portée à Home. Nicolas V,
mort en 1455, avait été remplacé par Calixte III, qui
lui-même, en 1458, avait eu pour successeur Pie II,
C'est Pie II qui statua sur ce litige. Il donna toute
satisractlon à la comtesse de Laval ; et une bulle de 1459
reconnaissant et punissant la faute de l'évêque, exempta
la comtesse et ses ofliciers de la juridiction épiscopale '.
L'évêque allait avoir un autre ennui. Le procès con-
tinua. Jean d'Espinay fut condamné ; et ses meubles
furent attribués à titre de confiscation à la dame de
Vitré, sa suzeraine (1461) -.
Dans le même temps, l'évêque avait provoqué une
seconde plainte à Rome. 11 avait « formé des entreprises
contre l'autorité du duc et excommunié quelques-uns de
ses officiers. » Le pape ordonna une information en
suite de laquelle les officiers furent absous. Cette abso-
lution était un blâme pour l'acte de l'évêque : ce fut sa
seule peine.
Mais Jacques d'Espinay a donna de nouvelles prises
sur lui. Ses ennemis l'accusèrent de nouveau d'avoir
trempé dans la mort de Gilles et d'entreprises contre
les deux derniers ducs et le duc régnant. Dès 14G1, le
pape Pie II ordonnait une information. L'évêque se tira
encore de ce mauvais pas. » De ce jour, il se montra
plus circonspect ; et la comtesse de Laval, quand elle
mourut à Vitré, le 28 janvier 1466, pouvait croire son
ancien adversaire devenu plus sage.
« Mais, dit l'historien ^, les disgrâces changent rare-
ment les caractères. » Ce miracle ne se fit pas en faveur
de Jacques d'Espinay. Après quelques années, « il forma
de nouvelles entreprises sur les droits ducaux et com-
mit quelques violences dans son diocèse. » Les faits
1. Maison de Laval, n* 1596, 1459. Bulle du pape.
8. Uaiion de Laval, n* 1616. En Bretaifne, la conQBcatlon ne trappUt
que lee biens meublea.
3. J'emprunte ces détails k D. Morice. Catalogue des évéques... His-
toire de Bretagne, t. Il, p. S et 10.
31
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ainsi énoncés en termes vagues pouvaient être moins
graves que ceux qui avaient motivé les plaintes précé-
dentes ; mais l'évéque avait mal pris son temps ; il allait
avoir affaire à un redoutable adversaire et qui ne fut
jamais scrupuleux sur le choix des moyens, Pierre
Landais, trésorier de Bretagne.
A ce moment, Landais soutenait contre l'ancien chan-
celier Chauvin la lutte qui allait entraîner la mort des
deux adversaires. Mais une autre alTaire lui tenait au
cœur.
Michel Guibé, fils d'une sœur de Landais, était entré
dans l'Eglise ; son oncle avait obtenu pour lui l'évéché
de Léon, en 1477, et celui de Dol en 1478. Les plaintes
portées contre l'évoque parurent à Landais une bonne
occasion de faire descendre Jacques d'Espinay du siège
de Rennes pour y faire monter Michel Guibé, — Landais
porta l'alTaire à Rome, En 1479, le pape Sixte IV adressa
au duc une commission pour informer sur la conduite de
l'évéque. Le duc garda la commission une année entière
sans en faire usage ; mais des paroles imprudentes ou
injurieuses de l'évéque le déterminèrent à agir en 1481.
Au mois d'octobre de cette année, les commissaires,
l'abbé de Prières et le chantre de Saint-Malo, interdirent
l'évéque et saisirent son temporel et même son patri-
moine. C'était trop d'humiliations : Jacques d'Espinay
alla cacher sa honte et sans doute son repentir au château
d'Espinay. Mais « il ne put survivre à un si grand alFront :
il mourut dans le mois de janvier 1482 '. »
Il « ordonna que son corps fut inhumé dans la collé-
giale de Champeaux, où il fonda deux chapellenies ; il
y donna sa Hbrairie, et voulut être ensépulturé sans
aucunes pompes funèbres. » — « Il ne reste malheureu-
sement rien de son tombeau ^. »
i. D. Morice. Hisi. II, cnlalogue des évoques, etc., p. X.
2. Cil. du P. du Pas, Bist. gêiièal., p. 285, daos Les Seigneun de
Champeauj!, leur coUégtate et leur château, par l'&bbé GulUotln de
Corfon, chanoine de Reunes.
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Après l'interdiction de Jacques d'Espinay, Michel
Guibë fut transféré de Dol à Rennes, et il allait être reçu
au serment, le 29 juillet 1482.
Dans le même mois où était prononcé l'interdiction de
l'évêque, Landais avait obtenu (5 octobre), l'arrestation
de Chauvin, qui entrait en prison pour y mourir après
deux ans et demi de soutTrances, le 5 avril 1484.
Au moment où Landais, débarrassé de son adversaire,
s'applaudissait de l'élévation de son neveu, il ne se dou-
tait pas que, quatre ans plus tard, il lui serait fait grief
de la plainte portée par lui à Rome, de la bulle obtenue
du pape, et de la confiscation qui suivit; bien plus, qu'il
serait accusé d'avoir mis la main sur 50.000 livres (au
moins 1.750.000 francs de notre monnaie) provenant de
la saisie '.
Telle était, en effet, une des accusations portées contre
Landais en avril 1485.
Sur le premier point, la plainte portée à Rome, la
défense de Landais était bien facile. Il pouvait dire :
« Les commissaires ont reconnu l'indignité de l'évêque
de Rennes. Quand j'ai signalé cette indignité, j'ai rem-
pli un devoir. » Mais il déclara en toute sincérité que
K sa raison de demander la commission à Rome fut que
son neveu fût pourvu de l'évôché. » Cette intrigue était
odieuse, mais n'était pas un crime capital.
Sur les autres inculpations, la défense de Landais
parait plausible ; et pourtant, remarquons-le, nous ne
la connaissons que par l'analyse de la procédure qu'a
faite d'Argentré, très hostile à Landais ^.
La confiscation était ordonnée par la bulle du pape, au
cas où les commissaires interdiraient l'évêque de Rennes.
Les commissaires eurent donc à opérer la confiscation.
1. Je suis [w évaltutloDS données par Leber en 184S, et talbles aujour-
d'hui, après soixante années passées.
i. D'Argentré, Ur. XJI, chap. XXIX, f TM r*, 727 et sulv. Éd. de 1568.
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— 484 —
Ils saisirent notamment « deux coffres ferrés » dont le
contenu fut inventorié. Il consistait en argent monnayé
et en vaisselle d'arg;ent. Le tout fut évalué, non
50.000 livres, mais 30.000 (1.050.000 francs), et envoyé
au trésorier de l'Epargne. — Le pape avait fait des valeurs
saisies deux parts égales : il avait attribué l'une au duc
et s'était réservé l'autre ; mais il l'abandonna au duc.
Sur les 30.000 livres, 12 ou 13.000 (12.000 égalent
420.000 francs) furent remises aux commissaires; et le
surplus demeura aux coffres de l'Epargne. Le duc en fit
quelques dons ; et Landais reçut ainsi 1.500 livres
(52.500 francs).
Si les faits ainsi énoncés furent apurés, la condamna-
tion de Landais n'était pas possible... Mais il y avait
d'autres et plus sérieux griefs portés contre lui. Le pro-
cès ne fut pas long ; l'arrestation est du 25 juin i 485, la
condamnation et l'exécution sont du 19 juillet.
J'ai dit, trop longuement peut-être, les relations de la
comtesse Anne de Laval et de l'évéque de Rennes
Jacques d'Espinay. Mais, puisque j'ai parlé du trésorier
Landais, qu'il me soit permis d'ajouter quelques mots.
Un érudit breton ' vient de montrer de façon certaine
la place qu'occupait la maison de Landais, au faubourg
du Rachapt à Vitré ; mais, ce qui a encore plus d'intérêt,
il a suivi la descendance de Landais jusqu'au xvii* siècle,
et la descendance de sa sœur Olive jusqu'à nos jours.
Voici un abrégé de ces deux descendances :
Landais ne laissa qu'une fdle, Françoise, qui épousa,
probablement du vivant de son père, François de l'Esper-
vier, de très noble maison, dont la mère était Marguerite
de Montauban (ramage de Rohan). Leur Gis unique.
1. M. t'abbé Psris-Jalobert, ouré de Bttlaié (près Vitra), auteur du
Journal historique de Vitré, rédacteur des Ancims regittrei paroii-
Miaux lie Bretagne.
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François, épousa Anne Guyon de Matignon, nom illustre
en Bretagne.
De ses deux filles, Tune, Bonaventure, épousa Fran-
çois de la Noue, et fut mère de François, le célèbre
capitaine surnommé Bras de fer. — De Madeleine de
Théligny, petite-fille de l'amiral de Coligny. il eut une
fille qui épousa Pons de Lauzières, marquis de Thémines,
maréchal de France et gouverneur de Bretagne en 1626 '.
11 serait bien désirable que cette généalogie fût com-
plétée.
Voici, encore en abrégé, la descendance de la sœur de
Landais, Olive, mariée vers 1450 à Adenet Guibé.
Olive eut quatre fils, dont Michel, l'évéque de Rennes
nommé plus haut, et trois filles, dont Guillemette mariée
à Guillaume Hamon a laissé une descendance survi-
vante de nos jours.
Son arrière-petite-fiUe, Robinette Hamon, épousa (1567)
Claude de Maillé, seigneur de Brézé. Elle fut mt'-re de
Urbain de Maillé-Brézé, maréchal de France, marié à
Nicole du Plessis- Richelieu, dont la fdle, Claire-
Clémence, fut mariée à Louis de Bourbon-Gondé, le
grand Condé.
Voilà le sang des Landais uni au sang royal de
France !
Voici leur descendance directe à partir de ce point :
1' Henri-Jules, marié à Anne de Bavière ;
2" Leur fdle Marie-Thérèse, mariée (1688) à François
de Bourbon-Conti ;
3" Leur fds Louis- Armand, prince de Conti, marié à
Louise-Elisabeth de Bourbon-Gondé ;
4° Leur fille Louise de Conti, mariée à Louis- Philippe,
duc d'Orléans, mort en 1785 ;
5" Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans, marié à
Louise de Bourbon, fille du duc de Penthièvre ;
t. Odelde la Noue, indiqué comme flis de la Noue Id'uD autre maria^el,
ne laissa pas d'enfant, mais BoDSTeotura L'Esperrier avait une sœur,
Perrtne, mariée à René de BouIIlet, qui a laissé des eutauts.
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6° Louis- Philippe, duc d'Orléans, depuis roi des
Français, en 1830.
Le révélateur de cette curieuse généalogie conclut :
« Voilà donc des princes en bon nombre et des rois de
France, de Belgique, d'Espagne... arrière-neveux de
Pierre Landais et qui tirent une de leurs innombrables
origines du Rachapt de Vitré ! »
J. Thévbdy,
Ancien président du Tr^mnal
de Qtiimper.
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LES BRIGANDS
KOÎsTTt^IXE -D^îsTIEL
De tout temps, l'abbaye de Fontaine-Daniel avait
attiré les mendiants, les « bissachiers » comme on disait
alors, qui venaient prendre leur part des aumùnes des
moines. On sait quelle nuée de malandrins sortit pour
ainsi dire de terre vers le milieu de 1789, et les habitants
des environs virent défiler sur les routes beaucoup plus
de chemineaux qu'autrefois. Si les figures de ces gens-là
n'étaient pas très rassurantes, leurs allures l'étaient
moins encore : ils avaient le verbe haut, exigeaient la
charité plus qu'ils ne la demandaient, et proféraient,
contre les donateurs récalcitrants d'horribles menaces.
Ils disparaissaient vers Paris, d'autres arrivaient, et
parfois plantaient là leur tente pour quelque temps.
C'étaient de nouvelles recrues pour la population sor-
dide des bois de Fontaine-Daniel : des gens gîtaient,
dans la forêt, terrés dans des tanières, des « loges », et
ces agglomérations de troglodytes étaient de véritables
coupe-gorge ; boisseliers, bûcherons, sabotiers et bra-
conniers de père en fils, ils vivaient de rapine, de men-
dicité, (le quelques sous gagnés à vendre leurs ustensiles
aux foires de Mayenne, d'ailleurs dans une misère noire.
Et comme en 1789 l'anarchie était dans l'air, ils se fai-
saient plus menaçants. Par deux fois, entre autres, ils
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formèrent le gros d'une bande qui Tint attaquer
Mayenne '.
Le 2 août 1789, à dix heures du soir, on inrorma la
municipalité de cette ville que trois cents paysans, faux-
sauniers, bûclierons et sabotiers des {orHa de Mayenne
et de Fontaine-Daniel étaient postés aux environs,
attendant le milieu de la nuit pour dévaliser le grenier à
sel -. On envoya chercher en hâte le sieur Carré, rece-
veur du grenier à sel, qui, pour prévenir tout désordre,
consentit à livrer le sel à des prix très modérés ; il réi-
téra cette promesse à deux parlementaires envoyés par
les brigands, qui d'abord ne voulurent rien entendre ;
finalement, après de longs pourparlers, on tomba d'ac-
cord à 4 sous la livre, et les deux délégués promirent
d'éloigner la bande à cette condition.
Mais, à trois heures du matin, les envahisseurs pénè-
trent en ville, forcent les portes du grenier, et le pillage
commence. La populace des Buttes vient profiter de
l'aubaine ; dans la lumière grise du petit jour c'est, un
grouillement confus, une rumeur, le bruit des fenMres
fracassées, des sacs jetés dehors, éventrés, qu'on se
dispute ! Les fenêtres des maisons de la place du Jubilé
s'entr'ouvent, timidement, et les bourgeois effrayés
voient des gens à mine patibulaire, attroupés, empor-
tant le sel il pleins paniers, dans des poches, dans leurs
tricornes crasseux, d'autres armés de haches, de bâtons,
de vieux fusils de chasse, et vociférant. Et volets de
se refermer, et boutiques de rester closes. A sept
heures, le Conseil de ville se rassemble et délibère :
faut-il battre la générale ? Mais la milice bourgeoise
n'est pus encore bien organisée ; et puis cet odieux
impôt de la gabelle, qui va être aboli certainement,
mérite-t-il vraiment une efrusioii de sang? Les autorités
t. Voy. Archives Nationales, D"" L" , et V. Duchemin et R. Triger,
Leg premiers trottait» de ta Béeolution dans la Mayenne. Marnera, 1888.
2. Le grenier à sel étaU alors place du Jubilé (aujourd'hui place
Juhell, près de lu tour des Anglais, dans la propriété acluellenient
habitée par H, de Lannoj.
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se pendent sur les lieux, parlementent, calment la foule
en promettant le sel à 4 sous la livre, parviennent à faire
évacuer le grenier par les pillards qui se répandent dans
les cabarets du voisinage. Mais Carré proteste, la vio-
lation de la neutralité jurée le dispense de tenir sa pro-
messe ; les conseillers terrorisés insistent, et sont aussi
pressants avec Carré, qui iait son devoir et use de son
droit, qu'ils étaient faibles vis-à-vis des émeutiers ; le
receveur cherche à gagner du temps, objecte les forma-
lités pour reculer l'heure de la distribution : enfin à
trois heures et demie elle recommence. Mais les enva-
hisseurs exaspérés par l'attente, excités par l'ivresse,
enhardis par la timidité des autorités, poussent des cris
sauvages, brandissent fourches, bâtons et fusils et se
ruent à l'assaut ; Carré s'enfuit ', les gardes de la porte
sont bousculés, entraînés, deux membres du comité
menacés, le pillage recommence : à minuit, il ne reste
plus un grain de set dans le grenier.
Ainsi la sécurité de la ville était à la merci de quel-
ques centaines d'émeutiers ; les brigands, qui n'étaient
plus les brigands-fantômes de la panique du 24 juillet,
avaient pu piller tout à leur aise en plein jour sans que
les autorités aient cherché ou trouvé le moyen de faire
respecter l'ordre et la loi. Je me trompe, elles avaient
compté sur... leur éloquence : le Comité militaire (!) avait
1. Carré s'enfuit jusqu'à Paris, Maupetit, député à la ConsllluaDte,
écrivait de Paris le 21 novembre 1769 ; a J'ai vu ttie rapidement
.M. Carré. Vous sentez que sa position est tr^s désagréable, qu'il ne voit
pas de boD œil les opérations actuelles... Il m'a paru persuadé que les
sabotiers avaient été excités k venir piller le grenier, mais il ne m'a
point détaillé ses soupçons ni nommé ceux qu'il souptonnolt... u — Et
ie Si novembre : « J'ai rencontré M. Carré qui m'a dit avoir demandé
sa voiture... M. Carré ne s'en retourne pas A Maj'enne; il va attendre à
LIsieux que la suppression de la grabelle, A laquelle il est résigné, soit
prononcée ; il ne retournera à Mayenne que iorsqu'enlin le public bien
rassuré sur la destruction finale de ce régime abhorré ne verra plus
d.ins sa personne ie ministre fiscal de cet impôt, n; ne le pourra plus
regnrder comme le plastron de la haine qu'il portait A la terme, h
IlettTtf de M.-R. Maupetit, député à l'Ass. Nat. Consl., publ. par
H. R. Queruau'Lamerie. liulL de f4 CommUfion hist. tl areMol. lie
la Mayennt, 19M, pp. 97 et 100.)
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fait lire au prône des messes paroissiales dans les églises
de la ville et des environs un billet destiné à « inspirer
au public l'amour de l'ordre » et àlui persuader la nécessité
de payer ses impôts. Cet avis était dû à la collaboration
de MM. Dupont-Grandjardin, colonel de la garde natio-
nale, Lejeune, Lefebvre de Champorin, Morice de la
Rue, Bissy, Baguelin, Benoiste-Desvalettes, Sauquet,
Hocbet de la Terrie, Lefebvre des Provostières. Le
2 août, les citoyens de Mayenne purent aussi lire sur
tous les murs un arrêté proclamant les belles vérités que
voici :
« Il est du devoir de tous les bons citoyens de chaque
communauté de se rallier pour maintenir le bon ordre et
l'observation des Loix, comme aussi de payer avec exac-
titude tous les impôts sanctionnés par les Etats géné-
raux.
« En conséquence, le Comité militaire de Mayenne
déclare qu'il punira tous les mauvais citoyens qui, en
s'écartant de ces principes, troubleroient l'ordre et la
tranquillité publics...
« Deffend à tous les aubergistes ou cabaretiers de
cette ville et faubourgs de donner à boire à aucun habi-
tant après neuf heures du soir.
« Il leur enjoint de se pourvoir chacun d'un registre
qui sera cotté et paraphé par un des membres du Comité
où ils inscriront de suite et sans lacunne les noms, sur-
noms, âges, qualités et demeures de tous les étrangers
qui coucheront chez eux ainsi que le genre d'alTaire qui
les a amenés dans cette ville.
« Tout habitant qui, après dix heures du soir, sera
trouvé dans les rues sans lumière ou avec un bâton, sera
mis au corps de garde.
« Ceux qu'on trouvera attroupés sans armes ny
bâtons seront mis au corps de garde.
a Ceux qu'on trouvera attroupés avec armes et bâtons
seront mys en prison.
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« Tout habitant que l'on trouvera yvre dans les rues
sera mis au corps de garde si c'est en jour, en prison si
c'est la nuit.
« Fait eu comité le 2 août 1789,
o P. c. c. Baguelin, Bissy. »
Le soir même, l'émeute éclatait.
Moins d'un an après, les sabotiers de Fontaine-Daniel
faisaient encore parler d'eux *. Le 29 mai 1790, à neuf
heures du matin, la municipalité de Mayenne tient une
réunion extraordinaire pour délibérer sur les mesures à
prendre : les boisselicrs de Fontaine- Daniel et d'autres
brigands armés parcourent les environs, pillent les gre-
niers à blé et les métairies, tout près de la ville ; ils ont
envahi la Leverie, en Sainl-Georges-Buttavent, et forcé
le sieur Gandais à leur livrer son sarrasin à un prix bien
inférieur à celui du marché. A Saint- Baudelle, ils volent
chez le sieur Baugars cinquante quintaux de seigle et
de blé noir appartenant à M. TrouîIIard, de Jublains,
beau-frère du propriétaire. Les greniers des châteaux
de Marigny en la Bigottière, de la Feuillée en Alexain,
sont saccagés, et le bruit court que le mardi de la Pente-
côte les séditieux viendront tarifer les grains au marché
de Mayenne. D'ailleurs, l'état d'esprit du bas-peuple
n'est pas rassurant : tout fait croire que si les brigands
entrent en ville, une partie de la population se joindra à
eux pour piller le blé, et peut-être les maisons des par-
ticuliers. Quant à compter sur la légion de mUiee bour-
geoise pour rétablir l'ordre, c'est imprudent : une bonne
partie du contingent est capable de passer à l'ennemi.
On décida donc de chercher des alliés ; des exprès
furent envoyés aux dix paroisses voisines pour prier le
gros de leurs habitants de se rendre à Mayenne le lundi
1. V. Archlï« Nsllonules, d™* L»-
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de la Pentecôte, afin de donner la chasse aux brigands,
de concert avec les forces mayennaises. Le dimanche de
la Pentecôte, û dix heures du soir, les officiers munici-
paux de la ville de Mayenne rentrèrent chez eux avec
l'agréable perspective de se lever le lendemain à cinq
heures du matin pour faire le périlleux métier de gen-
darmes.
Dés l'aube, ils se rendirent à l'Hôtel de Ville, mais la
place était remplie par une foule effervescente, d'où
partaient des injures à leur adresse; l'un d'eux même
fut souflleté. Beaucoup de communes n'avaient pas
voulu se déranger; ils ne pouvaient guère compter pour
maintenir l'ordre que sur quelques légionnaires fidèles,
et regrettaient fort d'avoir refusé, au mois de février, le
détachement de cavaliers du Iloyal-Roussillon que leur
offrait l'intendant de Touraine. Tous se regardaient,
inquiets et consternés, quand arriva M. de Lozé. Le
matin même, sortant de Fontaine-Daniel pour se rendre
à Mayenne, il avait été arriHé par les émeutiers, et
enfermé quelque temps à l'abbaye ; puis ils l'avaient
laissé sortir : « Demandez aux autorités mayennaises,
lui dirent-ils, de ne point nous attaquer, et nous paie-
rons le blé volé à la Rousselière ». De Lozé accepta de
transmettre la requête et s'en alla sans se faire prier.
Mais il avait reconnu parmi ses agresseurs des ligures
de Mayennais, ce qui prouvait que la populace était de
connivence avec les brigands. Les autorités, devant
cette confirmation de leurs soupçons, saisirent cet hon-
nête prétexte d'inaction pour leur faiblesse, et fmirent
par décider de transiger avec les voleurs aux conditions
proposées.
Pendant ce temps une soixantaine de légionnaires
s'étaient assemblés ; leur indignation fut grande quand
ils surent qu'où acceptait de traiter avec des brigands,
surtout quand ils virent arriver, enfin ! cent hommes de
Martigné, rangés en bon ordre : ils les acclamèrent
comme des sauveurs. Les gens de Martigné font halte
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sur la place ; mais la populace les entoure, les meneurs
les haranguent, leur reprochent de pactiser avec lea
bourgeois accapareurs de grains,- avec les afFameurs du
peuple, et font si bien que les sauveurs se déclarent
prêts à marcher avec les sabotiers ; il fallut se débarras-
ser au plus tùt de ces alliés dangereux, et leurs ofliciers
leur firent reprendre, non sans peine, la route de
Martigné.
Cependant, les défenseurs de Mayenne, qui, grossis
d'un détachement de la maréchaussée de Jarry-Desloges,
étaient maintenant au nombre de 120, voulaient absolu-
ment faire une démonstration pour intimider les sabo-
tiers; le maire, Dupont-Grandjardin, se mit à leur tète,
et ils prirent le chemin de Saint-Georges décidés à ne
point ménager les brigands s'ils n'exécutaient sur le
champ les promesses faites à M- de Lozé.
A Saint-Georges-Buttavent, ils voulurent raccoler
quelque renfort, mais les habitants refusèrent de les
suivre craignant la vengeance des brigands. Neuf
citoyens d'Oisseau, officiers municipaux et notables,
étaient bien venus à Saint-Georges pour se joindre à la
légion, mais, fatigués d'attendre, ils étaient repartis.
A midi et demi, Tavant-garde de la colonne s'engageait
dans le chemin neuf de Fontaine-Daniel ; on aperçut
alors au loin quelques silhouettes suspectes, et, pour
éviter toute surprise, la troupe alla se retrancher dans
un hameau voisin. On vit bientôt arriver les émissaires
des sabotiers : d'abord un enfant, puis un moine de
l'abbaye, le P. Cocu-Fouchardière ', escorté d'un sabo-
tier. Ces parlementaires venaient prier la légion de ne
point verser le sang. Le maire répondit qu'il exigeait
avant tout l'exécution des conditions fixées, paiement du
grain dérobé, et expulsion des voleurs des rangs des
boisseliers ; les malandrins demandaient aussi que les
1. Coca-Fouchardiâra, né à Brecé, moine de l'abbaye de Fontaine-
Daniel, devint curé assermenté de la Ullesse, s'j maria, et mourut h
Uayenne en 18IT.
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soldats revinssent à Mayenne par le même chemin, sans
passer par le bois. — Trop de timidité encouragerait ces
brigands, répondit le maire, et nous reviendrons par la
forêt. Moine, gamin et sabotier s'éclipsèrent, et s'en
furent annoncer à leurs mandataires le résultat de
l'entrevue.
Les légionnaires se remirent en marche sous le grand
soleil de midi. Une femme qui les vit passer leur cria :
« N'allez pas plus loin ou vous êtes perdus I » La troupe
continua d'avancer, on était à une portée de fusil des
loges, rien ne bougeait ; tout-à-coup une salve de coups
de feu éclate, crépite à travers les branches, une balle
traverse le chapeau d'un légionnaire, le porte-drapeau
en reçoit deux ; une deuxième salve est inolTensive. La
légion se range en bataille, une compagnie se porte en
avant pour balayer le terrain; les sabotiers s'enfuient
en désordre, on les poursuit ; ils disparaissent, sous une
grêle de balles, dans l'épaisseur du taillis. On en arrêta
deux, qu'on eut la faiblesse de relâcher. Le bataillon
reprit sa marche, emportant, comme trophées, les armes
des fuyards.
Satisfaits de leur audace, contents d'en avoir imposé
à ce tas de brigands, les légionnaires firent halte dans
le petit bois du prieuré de Berne, et se reposèrent
quelque temps ; mais tous se rendaient compte de la
nécessité de refondre la légion ', et d'exclure ceux dont
la défection avait réduit à 120 hommes le nombre des
défenseurs de l'ordre ; les officiers convinrent de démis-
sionner en masse ^, afin qu'il fût pourvu à une réorgani-
sation. A quatre heures et demie, les vainqueurs firent
leur entrée dans la ville ; elle était calme, les criards du
matin avaient pris le parti de se tenir tranquilles.
1. V07. A. Grosse-DuperoQ, Soitvenire du Vieux-Mayenne, Mayenne.
1900, p. iSS.
2. Les offlciera qui prirent psrt à l'expédition étalent : le colonel
Le Forestier, le lleutensnt-colODel Cordelay- PU lard 1ère, 1e« majora
Dauverné Mlierie, Pattlerde Vaux, etFougerolleB, l'alde.maJorLetebTre
de Cbamporin.
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Le 30 mai, les officiers envoyèrent leur démission à la
municipalité qui, tout en admettant la nécessité de la
réforme, les pria de reprendre leur épée. Le l" juin 1790
après midi, la légion se rassembla dans la grand'salle
du Palais, et les élections commencèrent. L'état-major
fut composé de la façon suivante : Le Forestier, colonel ;
de la Pilardière, lieutenant-colonel; Dauverné-Mizerie,
major ; Pottierdes Vaux, major en second ; Lefebvre de
Champorin, aide-major ; Clicquot de Beyne, quartier-
maitre secrétaire ; Lemaire, chirurgien-major ; Duboulay,
aumdnier; Dupont et Gougis, porte-drapeaux. Les
cadres des bataillons comprenaient : les capitaines
Juguin, des Riveries, Tanquerel des Haies, Latour, lee
lieutenants Lottin, Bunoiste-Duperray, Gendronneau,
Clieminant, les sous-lieutenants Benoiste-Desforges,
Esnault aine. Tripier des Vallées, Bourdin.
Le 4 juin, la garde, toutes enseignes déployées, se
range sur la place d'armes. Le colonel et le lieutenant-
colonel vont chercher les ofliciei's municipaux rassemblés
en corps, et les amènent sur la place ; les tambours
battent. Les officiers supérieurs jurent fidélité à la
Nation, à la Loi, au Roi, et maintien de la Constitution
jusqu'à la mort. Alors le maire, Dupont-Grandjardin,
ordonne aux troupes de les reconnaître pour leurs chefs.
Puis l'état-major reçoit le serment des capitaines, lieu-
tenants et sous-lieutenants.
Cette réorganisation n'était pas du goût de tout le
monde ; tes officiers et sous-officiers que la peur, le
souci de la popularité, avaient amenés à faire défection
au moment de l'émeute, criaient à l'injustice et préten-
daient retrouver leur ancien rang dans les nouveaux
cadres : « Voyant qu'on refuse de mettre la légion
comme elle était, écrivent les officiers municipaux aux
députés de Mayenne, ils fomentent, ils cabalent, ils
s'attroupent et prétendent, nous dit-on, en former une.
Vous voyez qu'il est urgent, qu'il est de conséquence
pour nous et pour la tranquillité publique que notre
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nouvelle légion soit décrétée, afin de les contenir' ». Et,
dès le 29 mai, le député Maupetit mandait au maire,
Dupont-Grandjardin : « Avez-vous dressé un procès-
verbal des faits ? Si vous ne l'avez pas fait ne négligez
pas cette forme parce que dans un temps de fermenta-
tion comme celui-ci, il est important de consigner la
preuve de tout ce qui se fait et d'être toujours à portée
de fournir ses moyens de justification. Il faut commen-
cer par le pillage des greniers de la Rouaaelière, de la
Feuillée, de Marigné, les obstacles mis à la circulation
des grains, les indications que vous aviez que le foyer
de ces désordres était dans le bois de Fontaine-Daniel,
la nécessité de le faire cesser, votre transport, la pre-
mière décharge faite des loges et ensuite tout ce qui
s'est passé. Je suis fâché que vous ayez relâché les deux
que vous aviez pris, tout en sentant que le premier
mouvement de la victoire est la générosité ; mais vous
eussiez pu en les interrogeant, connaître ceux qui étaient
à leur tête, qui les avaient excités, et les poursuivre par
les voies légales. Il faut espérer que cet exemple de
fermeté intimidera les mauvais sujets et vous procurera
la tranquillité et plus d'abondance dans vos marchés ^ a.
En somme, « cette sortie en armes, dit M. Grosse-
Duperon, aussi hardie qu'heureuse rétablit un peu de
calme aux alentours. Cependant les voituriers n'osèrent
de longtemps s'aventurer isolément à conduire des
grains à la halle, des gardes devaient les escorter ^ u.
D'ailleurs, il faut bien le dire, la cherté du pain et la
misère continuaient à exalter îes esprits de la basse
classe, toujours accessible aux idées d'agiotage et d'ac-
caparement, toujours prête à la violence contre les
affameurs supposés ; la garde nationale ne fut guère
mieux disciplinée qu'autrefois, et, dès le mois de juin, il
1. GraBH-Daperan et GouTrlon, L'abbaye de Fontame-Da«itl,
MajeoDe, 1S96, p. 346.
S. Cité par V. DuchemiD et R. Tri^r, les premiers troubles de ta
Révolution datte la Mayenne.
3. Cité par MH. Groue-Duperon et GoQTrion, loc. cit., p. 3i6.
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fallut demander des dragons à Rennes. Avec des forces
policières aussi insufRsantes, aussi peu sûres, on voit
les magistrats municipaux, toujours faibles envers les
factieux, impuissants à protéger non seulement la sûreté
des citoyens de la ville et des environs, mais encore à
assurer la levée des impôts, et déjà débordés par l'anar*
chie grandissante, par les démagogues et les ambitieux.
Quand il faut des mesures énergiques, ils rassemblent
tout leur courage et. . . rédigent une belle circulaire. Trop
souvent les administrateurs de la ville n'eurent contre
les perturbateurs d'autre arsenal que celui des méta-
phores.
Paul Delaumat,
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PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
SEANCE DU 22 SEPTEMBRE 1904.
La séance s'ouvre à 2 heures 1/4, sous la pi-ésidence
de M, Emile Moreau, président.
Sont présents : M. Moreau, président; MM. le marquis
de Beaucliesne, Jules Chappêe, Gamier, Gouvrion,
Louis de la Beauluère, Laurain, Planté, membres titu-
laires ; Goupil et Auguste Morin, membres correspon-
dants ; Pierre Flament, archiviste de l'Allier.
Se font excuser : MM. Ch. d'Achon, l'abhé Angot,
de Courtillollcs d'Angleville, Paul de Farcy, Grosse-
Duperon et Trévédy.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu
et adopté.
M. le Président annonce la mort de notre collègue,
M. Dubel, décédé le 25 juillet dernier.
Isidore- René-Hyacinthe-Louis Dubel naquit le 22 juin
1848, à Saint-Ouen-des-Toits, d'une vieille famille qui
avait compté plusieurs notaires parmi ses membres au
xvii' siècle. On peut dire qu'il ne quitta jamais son paj'S
d'origine qu'il administra, comme maire, pendant ces
vingt-deux dernières années. II ne m'appartient pas de
rappeler ici les améliorations qu'il apporta dans sa com-
mune ni d'énumérer les diverses institutions qu'elle lui
doit; c'est justice cependant de mentionner le petit
hôpital communal, dont il était fier, et sa dernière pensée,
ce service d'eau de source que des villes plus riches, pour
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lesquelles le besoin s'en fait sentir plus impérieusement,
envieront longtemps encore au bourg rural. « La vie
particulière, disait-il, est un incident si court qu'il ne
compte vraiment que dans la mesure, si petite qu'elle
soit, où elle sert au bien commun. » Cette pensée, qu'il
mit en épigraphe à l'une de ses brochures, lui fit prendre
la plume à deux reprises afin de servir plus amplement
au bien public, et c'est à elle que l'on doit : Les étangs
de ta Mayenne et la production du peuple de carpes
et de tanches dans les eaux de la ferme (Laval, Beau-
mont, Kavanagh et C'°, 1900, in-S", 16 pages) et Une
visite à la Cocherie (mai 1890) (LaYsA^E.heliiiyre, 1904,
in-8", 19 pages). Ces deux brochures de notre collègue,
écrites exclusivement dans un but pratique, révèlent
pourtant un sentiment profond de la nature, qu'il aimait
avec passion et dont il essaya de peindre divers aspects
dans ses Croquis d'Album (Laval, E. Moreau, 1890,
in-8°, 95 pages). Mais son amour était assez éclairé pour
goûter tout le charme que la nature tire des vieilles choses,
et c'est par là qu'il vint à nous. Il suivait nos travaux
depuis longtemps et ce fut un bonheur pour lui que d'y
prendre part d'une façon plus active comme membre de
notre commission (1900). Il y apporta une ardeur de
néophyte, trouvant un plaisir insoupçonné à courir,
comme il faisait, de congrès en congrès pour accroître le
domaine de ses connaissances. II s'était contenté
jusqu'alors de réveiller les souvenirs de son pays, la
terre classique de la Chouannerie, et je me souviens
encore de cette belle journée de juillet 1902 où je par-
courue avec lui tous les sentiers familiers de Saint-Ouen
en évoquant les luttes d'autrefois. C'est alors que lui
vint cette idée d'élever un monument sur les landes de la
Brossinïère, en l'honneur des Français qui firent sonner
la première heure de la délivrance, durant les guerres
Anglaises. La mort ne lui a pas permis, comme elle a fait
à tant d'autres, de voir la réalisation de son idée géné-
reuse. Malade depuis plusieurs mois, il revint des eaux
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— 500 —
cet été, épuisé, et mourut dans les douleurs d'une lente
agonie, en nous laissant les regrets d'un collègue des
plus curieux et des plus intéressés.
M. Laurain dépose sur le bureau de la Commission
le deuxième volume de l'inventaire des Archives dépar-
tementales de la Mayenne, qu'il vient de terminer.
Ce volume qui comprend, outre quelques petites juri-
dictions secondaires, le fonds du présidîal de Chàteau-
Gontier et celui de la sénéchaussée de Craon, est rais en
vente au prix de 10 francs l'exemplaire.
M. Laurain communique une lettre de M. l'abbé
Angot qui mentionne l'existence, dans l'église de Vau-
torte, d'un petit monument appliqué à la muraille
intérieure de la chapelle septentrionale, élevé, en tufTeau
et marbre, pour recevoir les cœurs de Louis Cazet de
Vautorte, président au parlement de Bretagne, mort
à Laval le 11 avril 1651, et de François Cazet, son Ois,
frère de l'évéque de Lectoure et de Vannes, lequel
mourut en ambassade à Ratisboune où il fut enterré,
après avoir demandé que son cœur fût apporté près de
celui de son père. François joua un rôle important dans
les négociations de son temps. L'inscription, qui était
encadrée dans le petit édicule, fut brisée pendant la
Révolution. Ne pourrait-on rappeler la destination de ce
monument qui couvre peut-être encore les coeurs du
diplomate et des siens ?
M. Laurain donne lecture d'une lettre du président de
l'Administration centrale de la Mayenne, en date du
9 pluviôse an VII (Arch. de la Mayenne, L 45, n' 157),
ainsi conçue :
Je gémis, citoyen ministre, d'être obligé de vous entre-
tenir d'une circonstance qui a donné lieu aux fanatiques de
la commune de Laval de chercher à tromper le peuple cré-
dule et le maintenir de plus en plus dans la superstition
religieuse.
Une statue, placée dans une partie du local cy devant
église de la Trinité, ayant été peinte en rouge quelque
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temps avant la gelée, l'effet de cette gelée ayant été de
concentrer dans les ports de cette statue une partie de
l'humidité de l'air et des sels principaux formant la couleur
appliquée, il en est résulté, à l'instant du dépel, que l'humi-
dité est sortie avec abondance et a ravivé les couleurs appli-
quées sur la statue. Cet efTet très naturel a néantmoins
étonné la multitude, on a crié au miracle et le peuple s'est
porté en foule au temple décadaire. Si j'avois été assuré que
la seule curiosité eût dirigé celte réunion, je serais demeuré
tranquille ; mais dans la crainte que la malveillance n'en
profitât pour porter le peuple à quelques désordres ou lui
insinuer des opinions contraires à lesprit public en lui per-
suadant que ce prétendu miracle prouvoit la nécessité de
rétablir l'ancien culte, j'ai, sur le champ, invite la munici-
palité de Laval à prendre de promptes mesures de prudence
pour prévenir ses concitoyens de l'égarement dans lesquels
on vouloit les précipiter. La municipalité a rempli mes vues;
aucun désordre n'a eu lieu et je croîs que le peuple com-
mence à appercevoir que le prétendu miracle n'éloil qu'un
effet naturel. J'ai cm devoir vous faire le détail de cette
circonstance qui prouve combien peu encore les hommes
sont éclairés et combien ils ont besoin d'être conduits avec
sagesse et précaution dans le sentier de la philosophie.
Salut et respect.
M. Laurain communique une lettre du préfet de la
Mayenne, du 4 mai 1819, rendant compte au ministre
compétent de la poursuite judiciaire faite, au mois
d'avril précédent, contre Robert-Julien Billard, dit
Alexandre, prévenu de machinations contre la srtreté de
l'Etat, au mois d'aoïU IftlS, à la Bazougc-des-AIIeux et
à Soulgé-Ie- Bruant. Billard fut acquitté.
M. Laurain donne lecture d'une curieuse pétition sans
date, mais qu'il faut placer entre 1832 et 1848, émanée
des habitants du quartier des Halles, à Laval et deman-
dant que, dans le nouveau classement des impAts fon-
ciers, on tienne compte de !a diminution de valeur qui a
frappé les immeubles de ce quartier par suite du dépla-
cement du centre commercial. L'original de cette péti-
tion appartient à M. Morin.
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— 502 —
M. Laurain continue la lecture de l'étude de M. du
Brossay sur ChAteau-Gontier au commencement du
XVII* siècle.
Rien n'étant plus à l'ordre du jour, ta séance est levée
à 4 heures i/2.
SEANCE DU 15 DECEMBRE 1904.
La séance est ouverte à 2 heures 1/4, sous la prési-
dence de M. Emile Moreau, président.
Sont présents : MM. Moreau, président; Trévédy,
vice-président; Alleaume, Chappée, Garnier, Gouvrion,
Laurain, membres titulaires ; Goupil et Foulques de
Quatrebarbes, membres correspondants.
Se font excuser : MM. l'abbé Angot, de Courtillolles
d'Angleville, Durget, Morin.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et
adopté.
M. le président annonce que deux de nos collègues,
MAI. Bertrand de Broussillon et Chardon, viennent
d'obtenir, pour leurs travaux, le premier la première
médaille au Concours des antiquités nationales, le
deuxième le prix Saintour à l'Académie française. La
Commission leur adresse à tous deux ses sincères félici-
tations.
M. le président communique une lettre de M. l'abbé
Angot qui signale la présence, parmi des papiers appar-
tenant à M. Mézière, sculpteur à Laval, et relatifs au
Plessis-Buret, d'un Traité de jurisprudence sur les
différents usages de la campagne, 1766, 120 pages
in-folio, incomplet d'un cahier qu'il serait peut-être facile
de retrouver. L'auteur, René-Jean-Baptiste Serveau,
est connu ; il aura donné son ouvrage à F.-L. Delaporte,
seigneur du Plessis-Buret, dont il gérait les affaires.
Le propriétaire du manuscrit le céderait sans doute.
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— 503 —
La Commission remercie M. l'abbé Ângot de sa com-
munication et le charge de négocier pour elle l'acquisi-
tion de cet ouvrage qui promet d'être intéressant.
M. Laurain signale dans les Mémoires de la Société
d'agriculture, sciences et arts d'Angers {4' série, t. V,
p. 221) le passage d'un article de M. Joseph Dcnais sur
Jehan, sire de Joinville, et les Anget-ins. « Claude
Ménard, écrit l'auteur, n'avait encore fait imprimer
qu'une Harangue en 1613 et, depuis quelques mois à
peine, une homélie sur VAme dévote et son chariot,
lorsqu'il découvrit, à Laval, le manuscrit de Joinville.
Le précieux cahier s'était trouvé dans les papiers d'un
ministre protestant qui avait partagé le sort d'Augustin
Marlorat, savant exégête et théologien de l'Eglise réfor-
mée, étranglé à Rouen, en t5Gl, en vertu d'un arrêt du
Parlement. »
M. Laurain demande si l'on connaît ce pasteur pro-
testant qui posséda le manuscrit de Joinville.
M. Laurain présente un lot de chartes, relatives pour
la plupart à la famille de Landivy. Ces pièces, dont
quelques-unes remontent au xiii* siècle, ont été, à n'en
pas douter, distraites du chartrier de (ioué. Elles com-
plètent sur quelques points les renseignements fournis
par ce chartrier important sur la famille de Landivy.
Elles sont à vendre. La Commission charge M, Laurain
d'en vouloir bien négocier l'acquisition.
M, Garnier communique divers objets qui ont été
trouvés dans les fouilles opérées à Viviers, pour les tra-
vaux de la nouvelle église ; ce sont des perles en os, en
ambre et en verre ; quelques-unes émaillécs de deux cou-
leurs avec stries, semblables à celles qu'on u découvertes
jadis à Saulges ; un fragment de porphyre vert et poli,
qui n'est probablement pas du pays et qui ressemble
beaucoup au porphyre des Alpes ou à celui des Vosges ;
cnfm, un manche de poignard mérovingien, en os,
auquel le fer adhérait encore. Ce manche de forme rec-
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— 504 —
taDgulaire, bien eo main, porte à chacun de se8 an^es
des traits entrecroisés, ci chacune de ses faces est divi-
sée en trois parties comprenant trois ou quatre circoufé*
rences inscrites autourd'unpointcentral et accompagnées
elles-mêmes de courhes qui se coupent. On en rencontre
d'analogues, sinon d'identiques, dans les collections de
l'abbé Cochet.
M. Alleaume présente une thèse de philosophie,
soutenue le 26 juillet 1746 au Mans par le lavallois
Charles-Bruno Matagrin de la Jarossaie. Cette thèse
contient une reproduction d'un tableau de Rubens : ta
Décollation de saint Jean- Baptiste.
M. Alleaume signale le portrait de Louis-Julien
Létard, né à Laval en 1750 et curé de Cossé-le- Vivien
de 1781 à 1814. Ce portrait, peint à l'huile et exécuté
en 1800, porte la signature de Legros, professeur de
dessin à l'Ecole centrale.
M. le président entretient ta Commission de la publi-
cation du Cartulaire monceau de Marmoutier, par
M. Laurain, et souhaite que les souscriptions viennent
en assez grand nombre pour en assurer la mise au jour.
A ce propos, M. de Quatrebarbes demande s'il ne
serait pas possible de publier le Cartulaire de la HoS.
M. Laurain fait l'historique de la question et rappelle
que plusieurs personnes ont voulu éditer ce document
qui devait, cette année même, faire le sujet d'une thèse
à l'Ecole des Chartes ; mais, par suite de circonstances
diverses, les projets ont été abandonnés ou ajournés
indéfiniment. La publication serait pourtant facile.
Après un échange de vues entre les membres présents,
la Commission décide de faire appel à ceux de nos col-
lègues qui se sont déjà spécialement occupés du Cartu-
laire de la Roë ; elle est en état de se charger de cette
publication et elle accepterait avec reconnaissance le
concours de toutes les bonnes volontés.
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— 505 —
M, le président commuoique une lettre de M. l'abbé
Angot qui expose le résultat des fouilles opérées par lui
dans un petit monticule situé dans le bois de Crun,
à 500 mètres à l'est de la Pierre-au-Renard. Ce monti-
cule mesure environ 4 m. 50 de diamètre, sur une
hauteur d'un mètre. Sa couverture est formée de pierres
plates qui reposent sur une voûte affaissée, de 0 m. 20
d'épaisseur, faite de terre à brique soigneusement tritu-
rée sans aucun mélange de cailloux et ayant une belle
teinte rouge de brique pilée. Cette voûte s'appuie sur
un lit (le charbon ayant de 0 m. 03 à 0 m. 08 d'épais-
seur, assis sur une couche de terre foulée ; en dessous
se voit un pavage de pierres plates de 0 m. 20 ô 0 m. 40
de longueur, posées sur une couche de terre glaise. Les
fragments de bois calciné trouvés sur la couche de
charbon, un peu de terre noircie par le feu à l'extérieur
du monticule, trois briques de 0 m. 12 sur 0 m. 15 et de
0 m. 04 d'épaisseur, collées ensemble et vitrifiées sur
un côté, de pâte fortement calcinée, prouvent qu'on se
trouve en présence d'un four à briques pour la cuisson en
meule ou à la volée, encore en usage en Belgique. Ce
four à briques doit remonter au xvii' siècle et, comme il
se trouve dans les dépendances de l'ancien domaine du
Plessis-Buret, il est possible qu'il ait servi à l'établisse-
ment des forges de cette seigneurie dont les scories nom-
breuses ont été utilisées, il y a une soixantaine d'années,
pour l'encaissement des chemins de Sainte-Gemme-le-
Robert.
M. Laurain continue la lecture des JVo/e.î sur l'histoire
de Chàteau-Gontier au commencement du XVII* siècle,
par M. Ch. du Brossay.
Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est levée
à 4 heures 1/4.
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BIBLIOGRAPHIE
Le grènèral de la Horie (1766-1812), par Louis
Le Barbieb. Paris, Dujarric, 1904, in-l(i, 300 pages.
Né le 5 janvier 1766 à Javron, Victor-Claude- Alexandre
Panneau de la Horie s'engagea en 1793, lors de la levée
de 300.000 hommes ; dès le 1" juillet 1793, il était sous-
lieutenant au 37° régiment d'infanterie, remplissant les
fonctions d'adjoint à letat-major général de i'armée du
Rhin-et-Moselle. Sa carrière fut brillante et rapide. Nommé
général de division sur le champ de bataille de Hohenlinden
par Moreau, dont il était chef d'état-major et qui l'appré-
ciait beaucoup, mais pris en haine par Bonaparte pour avoir
exigé du général Leclerc l'obéissance aux ordres donnés, il
fut mis à Ta retraite, avec une solde de 2.500 francs, à trente-
sept ans. Il conserva tout naturellement les meilleures
relations avec Moreau ; il se trouva impliqué dans le procès
de celui-ci et condamné à mort, quoique innocent. Sept
années durant, caché par ses frères d'armes, il put échapper
à la police impériale, mais enfin, trahi par Savary, il fut
arrête chez Mme Hugo. Deux ans après, on le condamna au
bannissement sans l'entendre. C est alors qu'éclala la
deuxième conspiration du général Malet, si habilement
machinée que tous les acteurs, sauf Malet et l'abbé Lafon,
qui disparut au moment du danger, ne connurent ce dont il
s agissait que lorsqu'ils eurent été arrêtés, Malet tira
La Horie de prison. Celui-ci en profila pour s'emparer du
ministère de la Police et sauver la vie de son ennemi Savarj-.
Conduit ensuite à la prison militaire de l'Abbaye avec ses
complices inconscients, ils furent jugés le 28 octobre 1812
et, dans une parodie de la justice comme étaient capables
d'en donner une les anciens conventionnels qui avaient eu
Seur, ils furent, pour la plupart, condamnés a être fusillés
ans les vingt-quatre heures. On y mil lanl de liàle aue,
malgré la demande de plusieurs d'entre eux, on leur relusa
les secours du prêtre. Ils tombèrent dignement.
On a raconlé à plusieurs reprises cette conspiration
extraordinaire, depuis Nodier jusqu'à Ernest Hamel. M. Le
Barbier a eu la chance de mettre la main sur des documents
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— 507 —
inédits, sur des papiers de famille inconnus à ses devan-
ciers. Il en a tire tout le parti qu'il lui était possible pour
rendre son étude intéressante et vivante. Dirons-nous qu'il
y a réussi? Certes oui, en faisant une réserve cependant,
car les deux mémoires justificatifs que La Horie adressa à
Savary avant sa participation à la malheureuse entreprise
de Malet, sont écrits presque en termes identiques ; c'est
trop d'un. En outre la correction du livre a été si rapide
qu une phrase (p. 183] est restée en suspens, et que l'auteur
écrit [p. 6) I.anay pour l.assay et [p. 14) Dravon pour Provost,
Malgré cela le livre en vaut la peine et nous en conseillons
vivement la lecture.
Ë. Laurain
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PRIX ACADÉMIQUES
Concours des antiquités nationales
Dans sa séance du 18 novembre 1904, rAcadêmie des
Inscriptions et Belles -Lettres a décerné à notre coUègiae,
M. le comte Bertrand de Broussillon. la première médaille
au concours des Antiquités Nationales.
Nous avons sous les yeux le rapport de la commission
sur ce concours. La page relative à M. le comte Bertrand
de Broussillon est trop Hatteuse pour lui pour que nous ne
nous empressions pas de la reproduire.
B La première médaille est attribuée à M. le comte
Bcrirand de Broussillon, auteur d'un ouvrage considérable
sur la Maison de Laval et éditeur de plusieurs cartulaires
importants.
« La Maison de Laval, formant un ensemble de cinq
volumes dont le dernier a paru en 1903, est une œuvre
historique de grande valeur. Une connaissance approfondie
des sources, tant imprimées que manuscrites, a permis
à M. de Broussillon de restituer en tous leurs détails les
annales d'une des plus illustres parmi les maisons féodales
du Maine.
« On trouve dans cette histoire le texte ou tout au moins
l'analyse de 3.410 pièces, datant de 1020 à 1603, époque à
laquelle Laval el Vitré cessèrent d'appartenir à la famille
qui en portait le nom.
« Ces documents ont été empruntés aux archives locales
et aux principaux dépôts parisiens. M. de Broussillon a
témoigné d'une patience inlassable et d'excellentes (Qualités
de méthode en réunissant et en classant cette masse énorme
de matériaux.
o Grèce à la collaboration de M. Paul de Farcy, il a pu
enrichir son livre de nombreuses gravures, représentant des
sceaux et des monuments funéraires, qui le recommandent
spécialement à l'atlcntion des archéologues.
H Knfin un index très complet des noms propres de
personnes et de lieux, dû à M. Vallée et qui ne comprend
pas moins de 3â0 colonnes d'impression, permet de s'orienter
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facilement dans cet ouvrage et rend ainsi plus accessible
une foute de documents de tout ordre, d'un prix inestimable
four l'histoire du Maine, de la Bretagne orientale, de
Anjou et de plusieurs aulnes provinces.
■ Sous le titre de Cartulaire de l'abbaye de Saint-Aubin
d'Angers, M. de Broussillon n'a pas seulement reproduit la
teneur d'un précieux recueil d'actes composé vers 1175 :
il a reconstitué, pour ainsi dire, la partie plus ancienne,
antérieure au début du xiii' siècle, des archives d'un des
plus fameux monastères de l'Anjou. Le premier tome com-
grend la transcription de 392 chartes du Cartulaire de
aint-Aubin ; le second donne le texte ou l'analyse de
554 pièces antérieures à l'an 1200, qui ont été recueillies
dans divers dépôts de Paris ou de la province : enfin, le
troisième est presque entièrement rempli p
soigné dil à M. Eugène Lelong.
jresque entièrement rempli par un index très
s huit volumes, qui ont motivé le jugement de notre
commission, M. de Broussillon a joint neuf autres volumes
ou brochures qui, en raison des millésimes inscrits sur les
titres, ne pouvaient être admis au présent concours. Il faut
les signaler cependant, car ils attestent hautement le zèle
de M. de Broussillon pour tout ce qui concerne l'histoire
du Maine.
■ L'auteur n'est pas un inconnu pour nous ; son nom a
déjà figuré avec honneur à l'un de nos précédents concours
et ça été un plaisir pour notre commission de pouvoir enlin
récompenser par la distinction la plus élevée dont elle
dispose une œuvre historique qui conservera un rang hono-
rable parmi les plus solides de notre temps. »
Prix Sain tour.
Presque le jour même oii l'Académie des Inscriptions décer-
nait à M. Bertrand de Broussillon la première médaille au
Concours des antiquités nationales, l'Académie française
attribuait le prix Saintour, d'une valeur de 1.000 francs, à
notre collègue M. Henri Chardon, maire de MaroIIes-lès-
Braults, ancien conseiller général de la Sarthe, pour son
ouvrage intitulé : Scarron inconnu. — Les personnages du
Roman comique.
Voici ce que disait, dans la séance du 24 novembre,
M. Gaston Boissier, secrétaire perpétuel de l'Académie
française, sur le livre de M. Henri Chardon :
« Avec Scarron, nous entrons dans le xvii' siècle.
M. Chardon, un infatigable érudit qui habite Le Mans, où
fut composé le Roman comique, a a jamais douté que les
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— 510 —
héros de ce livre, qui ont un air si vivant, ne soient des
[>erBonnes réelles, et il s'est donné la tâche de découvrir
eurs noms véritables. 11 a mis vinfft ans à les retrouver, ce
qui n'est pas extraordinaire quand on songe qu'il ne reste
d'eux que la date de leur naissance et de leur mort, dans les
registresdesparoisses,leurscontrats de mariage, et quelques
actes de vente ou d'achat chez le notaire.
« Avec ces quelques renseignements habilement inter-
prétés, M. Chardon ressuscite tout ce petit monde disparu ;
il vit familièrement avec eux, il sait leur histoire comme s'il
était de leur temps. C'est ainsi qu'il est arrivé à reconnaître
quels sont ceux que Scarron a voulu peindre ; il vous dira
comment se nommait Ragotin, qui étaient Mme Bouvillon,
■ la grosse sensuelle >, et l'élégant M. de la Garoufiîère.
a Vous trouverez peut-être que le résultat est un peu
mince pour un si long eiïort. Cependant tout a son prix
dans l'histoire des lettres ; et, par exemple, il n'est pas sans
intérêt de bien établir que le chef-d'œuvre de Scarron est
un roman réaliste, au sens ou nous prenons ce mot, et que
près de trois siècles avant Zola on se servait déjà, et d'une
e fort habile, du document humain. »
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TABLE DES MATIÈRES
TRAVAUX ORIGINAUX ET DOCUMENTS
Une adnilnistratioii mnolclpale de canton sous le Directoire :
CossÉ~lB-Vivien, par M. A. Galland 17
Fers & aosties, par M. le chanoine Marsaux 4S
Uy^énlstesd'autretols, parM. P. Delauhav 49
Les Elections du Clergé et de la Noblesse dans la Séndchaussée
de Chaieau-Gontier (17891, par H. l'abbé Uzi'REAL' Si
Extrait de l'ancleii grreffe des seigneurs vicomtes de BcaumonI et
de la Flèche {snite et pn), publié par P. de Farcï. . . Ti, VU, 319
Lettres de Michel-Renâ Maupetlt, député k l'assemblée nationale
constituante (1769-1791) {suilej, publiées par H. E. IfuiiiuAu-
Laueutk 88, 176, 3m, U6
Notes sur les bureaux de charité de Laval (16S3-1803I, par H. E.
QLEHLAt-UMERIE H», KS
Lettre k Dorlodot, évéque de la Mayenne, publiée par M. l'abbé
UZUREAU 160
La sépulture de saint Martin de Tours, par H. Léon Haithe . . 1S3
Ampoule de saint Mennas, par M. le chanoine Marsaui .... 170
Anciens quartiers de Laral, par H. B. Lauraih 173
Une arrestation en 1791, par M. P. Dei.ai'»ax S17
NoteaguTCbéteeu-Gontier,pendant lapramlèremoltiéduxvii'aiË-
cle, parH. du Brossav S91,t23
Montatgu, par M. l'abbé Ahcot 331
Le Maine à l'exposition des Primitifs, par M. P. Dblaunaï . . . 379
Les Lauréats du Concours général pour le département de la
Majenoe, par M. le marquis de Beauchesne 385
Le* Tribulations d'Eroaud, abbé d'Evron (1262-1363), par dom
L. GUILLOREAU it3
Anne Comtesse de Laval. Pierre Landais, trésorier de Bretagne,
et Jacques d'EspIna;, évéque de Rennes, par M. J. TntvËnv. . 473
Lee Brigands de Fontaine-Danlol, por M. P. Delavmay .... 487
PROCÈS-VERRAUX DES SÉANCES
Séance du 17 mars 1904 1S6
— » mal 1904 380
— a septembre 1004 406
— ISdéc«mbnieM BOS
□ igitizedby Google
BIBLIOGRAPHIE
Un préeurtettr du Réveil. Pierre du Prmlaviee, gentilhomme
breton, mmtonnatre milhodûte, etc., par M. LiLifcTKE . . . 2^
Cahier» de la (/uinzaine. Petile» gamùon». Laval, par M. F.
Chaliaye iSi
le soldat impérial (iSBO-tSUj, par Jban Horvan 855
Trois soldat». Conrtanl, Juvénal et Hercule Corbineau. par F. de
WiSBOCQ 383
Renault l'Invincible. Récit des guêtres de la Vendée, par lo
vicomte DE BoNALD 383
Yieux Médecins mayennais, par Paul Delaunav 3Sl
he général de la Horie Ilise-Wt), par Louis Le Baubieh ... 506
TABLE DES NOMS D'AUTEURS
TRAVAUX ORtflWAUX ET DOCVHBNTO
ADgot (Abbé A.| 332
Beancbesno (Marquis de| 3%
Brona; (Ch. du) SH, iS3
DelaDDa; (Paul) tS, £27,, 379, (87
Faroj |P. de| 74, SOi, 319
Galland (A.) 17
GuiUoreau (dom L.) 415
LanralD (Ernest) 173
Mattre (LéoD) 153
Marsaux (Chanoine L.) (5,170
Queruau-Laraerie (Emile) 68, IS», 176, «S8, 358, 446
TréyédylJ.) 473
Uiuroan (Abbé F.) 65,150
COMPTEB RENDUS ET BIBLIOGRAPHIE
lAuralD (EmMt) £52, iS4, £5, 383, 384, 506
OUVRAQES UENTIONNÉS DANS LA BIBUOGRAPHIB
Bonald (VleomU de) 383
ChaUafelF.) 254
Dalauna; (Paol) 384
Lebarbier (Louis) 506
Morran (Jean) 255
Lellèvre(H.| £2
WlsBOcq (F. de) 383
TABLE DES GRAVURES
Fera à Hosties, planche t et 2 46-47
Ampoule de saint Mennas 171-172
Outils en silex et grès lustré 336-337
Cbceur de la chapelle romane de Chelé 3U-34S
Plan de Ch&teau-Gontler ven 1050 432-433
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COMMISSION HISTORIQUE
ET ARCHÉOLOGIQUE DE
LA MAYENNE.
CARTULAIRE MANGEAI]
DE
MARMOUTIER
PUBLIE AVEC UNE
INTRODUCTION ET DES TABLES
Par U. ElPDest I^URAIN
ATcMvitle de la May fime.
On sait ce qu'est un carliilaire, i-eciieîl oJi l'on trouve copiées
des séries de documents provcJiaiil des archives d'un établisse-
ment, d'une famille, d'un individu, registre contenant la trans-
cription intégrale ou succincte de tous les actes en vertu desquels
rétablissement, l'association, la famille, l'individu possède ses
biens, ses revenus, ses droits. On sait également, l'utilité considé-
rable que présentent des recueils de ce genre pour la chronologie,
pour la généalogie, pour l'hisloire du droit et des mœurs, pour
l'histoii'G économique, pour la géographie. Depuis longtemps ils
ont été pour les érudils une mine inépuisable de renseignements.
Beaucoup ont été publiés, mais malgré les louables elTorls de
ceux qui ont mis au jour ces publications, il reste beaucoup à
faire. Il existe encore dans les dépôts publics des eartiilairea im-
portants dont il serait désirable pour les historiens d'avoir le
texte à leur portée.
C'est dans ce but que la Commission historique el archéologi-
que de la Mayenne, qui n'a jamais reculé devant la tâche parfois
ingrate de publier des textes latins, a pris sous son patronage
l'œuvre que depuis plusieurs années prépare son dévoué secré-
taire, M. Laurain : le Carlulaire manceau de Uaiinoutier.
Supplément sn n Bulletin de U Commlislon hlstoriiinQ
et arohéologi^e de la Hafenne n (n» 63).
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La célèbre abbaye tourangelle avail vu. à toutes les époques,
les fidèles venir en foule au tombeau de son fondateur pour y
répandre leurs prières et, en retour du réconfort qu'ils y trou-
vaient, y laisser de nombreuses offrandes qui Unirent par donner
au monastère, gratifié par Cbarlemagne de l'immunité, une
grande puissance territoriale. Hais l'invasion de 903 avait eu des
effets terribles. Il avait fallu qu'Eudes de Blois restaurftt le pieux
établissement et y appelât des moinea de Cluny. Dès lors les
donations y avaient atllué de nouveau et tous les titres qui les
consacrent montrent, à partir du xi' siècle, une splendide renais-
sance de la a grande abbaye. » Ces titres furent, par la suite des
temps, classés par provinces et copiés sur des registres particu-
liers qui formèrent autant de cartulaircs. au moins pour les pro-
vinces où les possessions étaient assez nombreuses pour motiver
ces recueils spéciaux. Ceux du VendAmots et du Biésots nous
sont parvenus ; d'autres, comme celui de Touraine, ont disparu,
sans doute en 1*793.
Le Cartulaire manceau, oii Bnluze copiait quelques pièces au
commencement du xviii' siècle, est de ces derniers. C'est donc un
recueil factice àet^ chartes de Marmoulier intéressant le Maine
que M. I^urain se propose de donner au public. L'importance
de ce travail n'échappern à personne, car il fournira de multi-
ples renseignements sur les il prieuré» que l'abbaye avait fon-
dés dan.s le Maine. Sans doute parmi les 360 chartes que, outre
des mentions ou des analyses de pièces perdues, contiendra ce
recueil, toutes ne sont pas inédites ; elles le sont cependant pour
la plupart, l'auteur ayant laissé de côté systématiquement les
prieurés qui ont été l'objet, ces temps derniers, de publications
spéciales, comme Vivoin. Bellémo et 'Troo. et ne s'étant occupé de
ces prieurés que pour apporter aux travaux de ses prédécesseurs
quelques corrections nécessaires qui lui étaient suggérées par
des copies à eux-m^mes inconnues, il faut dire en outre que si
Marmouticr posséda plus de prieurés dans le Bas-Maine que dans
le Haut-Maine, les chartes qui intéressent directement celte
seconde partie de notre ancienne province, sont à peu près aussi
nombreuses que celles qui se rapportent à la première.
Cet ensemble se complétera par los procès- verbaux des visites
des prieurés au xiv' siècle et par leur histoire empruntée, sui-
vant les cas, h dom Chaotelou ou à dom Le Michel.
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Dioitizedb, Google