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Full text of "Bulletin de la Société philomatique vosgienne"

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Bulletin de la Société 
philomatique vosgienne 

Société philomatique vosgienne 





Fa-^z.I 




^m\B%W\â}W\f%W\f\\ti\f%V^^^ 



HARVARD COLLEGE 
LIBI^RY 




IN MEMORY OF 

FI?ANKLIN TEMPLE INGRAHAM 

CLASS or 1914 

SECOND LIEUTENANT 

COAST ARTIKLERY CORPS 

UNITKO STATES ARMY 

WKl.LESLKY. MASSACHCSETTS 
MAY 2 3. IH 91 AH«1LU.I918 



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BULLETIN 



DE LA 



SOCIETE PHILOMATIQUE 

VOSGIENNE 



23"* ANNÉE. — 1897 98 



SAINT-Die. — IMPRIMERIB HUMBEKT. 

1898 



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BULLETIN 



DE LA 



SOCIETE PHILOMATIQUE 



VOSGIENNE 



23»« ANNÉE. — 1897-98 



SAUTT-DiË. — imprimerie: hxtmbbrt. 
1898 



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F^ A-'Sr. \ 



HARVARD 

UNIVERSITY] 

UBRAIVr 



SAINT-DIÉ. — TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE HUHBERT. 



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AVIS 



La Société laisse aux auteurs des Mémoires qu'elle publie toute 
la responsabilité des opinions qui y sont émises. 



Les Sociétaires reçoivent gratuitement le Bulletin à partir de 
Tannée de leur admission. 



Les Sociétaires qui changent de résidence sont instamment priés 
de vouloir bien indiquer au Président ou au Secrétaire leur nou- 
velle adresse. 



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ÏITTEL 



Lycosthènes, philologue alsacien, de son vrai nom 
Wolfhart, enfant de Rouffach, raœnte très sérieusement 
que sa ville natale, fondée en Tan 164 (^), était ornée de 
splendides monuments et que, durant cinq cents années, 
elle fut le rendez-vous préféré de la belle société romaine ! 

Lycosthènes (1518-1561), a pour excuse de ses gascon- 
nades son amour pour la gloire de la cité qui le vit naître. 

L'abbé Ghapiat (2) a voulu aussi glorifier le lieu de Vittel, 
dont il fut le curé pendant trente années; comme Lycos- 
thènes, il est tombé dans la haute fantaisie, lorsqu'il fait 
de Vittel un endroit habité par les Gaulois d'abord, par les 
Romains ensuite; là se croisaient six grandes voies; on y 
trouvait des édifices, un forum, de nombreuses villas aux 
environs... Tout cela, enfin, aurait été détruit lors des 
invasions barbares. . . 

Les Druides, près des sources, y auraient pratiqué les 
mystères de leurs cultes, la preuve serait deux c superbes 
silex de l'âge poli t> trouvés aux environs ! Une autre 
p^-euve du séjour des Gaulois à Vittel est l'origine de ce 
nom de lieu qui viendrait de Weg-thal (prononcez, dit-il, 
Veî'tal !) deux mots de pur Allemand {Weg, chemin, et 



(1) Rouffach ne remonte pas au delà de Tan 677, où il est dté sous la forme 
Rubiaca, pour la première fois. 

(2) VUel, par Tabbô Ghapiat, curé-doyen de cette localité. 1877, Humbert, im- 
primeur à Saiot-Dié. (En rente chez M. le Curé de Portieux : 0.50 oentimea^. 



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— 6 — 

Thaly vallée : chemin de la vallée !) Il faut croire qu'à 
Vittel les Gaulois parlaient. . . Allemand ! Mais, singulière 
contradiction, M. Chapiat nous raconte que les six voies 
étaient de construction romaine, si bien que ce ne peut 
être que par un pressentiment de Tavenir, que ce nom de 
Weg-thal ou chemin de la vallée fut donné à Vittel par ces 
singuliers Gaulois qui parlaient Allemand et prévoyaient la 
conquête romaine. 

Le Romain enfin, traduisit Weg-thal en Vallis-via, qui 
devint Vitallum, puis Vitelle et. enfin ViteL 

Comment cela se fit? M. Chapiat ne le dit pas. 

Je le répète, Tabbé Chapiat a voulu faire trop beau pour 
Vittel; son amour pour sa paroisse et ses paroissiens lui a 
fait dépasser la mesure et tomber dans Tinvraisemblable. 

Revenons à la vérité; elle est du reste des plus intéres- 
sante. 



Des tumuli, mardelles, quelques armes de silex trouvés 
aux environs, rappellent dans cette région la présence des 
populations préhistoriques. C'est tout ce que nous pouvons 
dire. 

En fouillant (1866) la place des Dames à Vittel, des débris 
de colonnes furent découverts; une, conservée au jardin 
de la cure, ressemble à celles trouvées à Lamerey et Bleur- 
ville. Des vestiges d'aqueduc furent également mis à jour. 
Sous le chœur de l'église se trouva un pavé de briques 
romaines; deux trépieds, des monnaies, médailles (empe- 
reurs : Nerva, Commode, Aurélien), des tuiles à rebords 
ont été également retrouvées en divers endroits. 

Au Nord-Ouest du territoire de Vittel, vers Mandres et 



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— 7 — 

Outrancourt, passait une voie romaine; une autre, mais 
plus éloignée, suivait la crête des Faucilles, au Sud du 
village de Lignéville. 

Toutes ces découvertes faites au lieu où se trouve Vittel, 
démontrent la présence d'un groupe de population à Tépo- 
que gallo-romaine. 

Plus loin , il sera parlé de trouvailles aux environs des 
deux principales sources — Grande-Source et Source- 
Salée — qui montrent qu'elles étaient aussi connues des 
Romains. 

La région de Vittel est un pays de grande culture; il dut 
y avoir là un de ces importants domaines gallo-romains 
nécessitant de grosses constructions dont on retrouve les 
restes sur l'emplacement du village actuel. 

Du reste, ce nom de Vittel est d'origine gallo-romaine : 
on sait que les Latins faisaient suivre les noms de per- 
sonnnes, propriétaires d'une villa, d'un suffixe qui leur 
donnaient une signification géographique. 

Ainsi : Villa-Martini ou Martini-acum (Martigny) avaient 
exactement le même sens, la Villa de Martinm, Ces suf- 
fixes sont nombreux et ont subi nécessairement, avec le 
temps, des transformations, des déformations, conséquen- 
ces de la prononciation populaire. C'est ainsi, pour pren- 
dre toujours le même exemple, que Martiniacum est de- 
venu Martigny. Il y avait de ces suffixes sous les formes 
iolum, olum qui, comme le acum de Martiniacum, don- 
naient une valeur ethnique au nom de la personne. Vittel 
dut s'appeler à l'origine : Vitelliolum , puis Vitellum : le 
domaine, la Villa de Vitelliis. 

Aujourd'hui, la langue française ne procède cas autre- 
ment en disant : la Bemardière, la Bemardie, ou la pro- 
priété de Bernard. 

Le nom de Vittel n'a pas d'autre origine, il signifie la villa 
d'un appelé Vitellm. M. l'abbé Chapiat dit avec raison, que 



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— 8 — 

Ton ne doit pas écrire Vittel avec deux t, mais avec un seul. 
Les textes anciens nous le donnent toujours sous la forme 
Vitel et non Vittel, 

Un facétieux veut que ce Vitellus ne soit autre que l'em- 
pereur Vitelïius, Cet empereur, illustre par sa goinfrerie, 
serait venu chercher aux sources de Vittel un soulagement 
à la goutte, gravelle, dyspepsie, coliques hépatiques, cau- 
sées souvent par le genre de vie mené par c^ Romain. En 
reconnaissance, il aurait fait élever un temple à la divinité 
protectrice des sources. 

Il y a encore une autre étymologie du nom de Vittel : il 
viendrait de Vitx tellus, terre de vie. Celle-là a pour au- 
teur un malade reconnaissant et homme d'esprit, L. Petit, 
célèbre caricaturiste. 



II 



Selon la légende, toute la région de Vittel et Remoncourt 
appartenait à Romaric, fondateur du célèbre monastère de 
Remiremont et en aurait fait donation à celui-ci. Toujours, 
d'après la même légende, Romulphe, père de Romaric, et 
RomuUnde, sa mère, auraient été ensevelis à l'église de 
Remoncourt. 

Ce qui est certain , c'est que Vittel appartint, en totalité 
très probablement, puis en partie au Chapitre de Remire- 
mont. Aujourd'hui, l'hôpital de cette ville possède encore 
des terres à Vittel qui lui furent données par le Chapitre. 

Romaric était un des grands leudes des rois mérovin- 
giens; son père fut décapité après une conspiration; ses 
biens confisqués et ses titres furent rendus au fils par le 
roi Clotaire. Mais si Romaric possédait quelque chose à 
Vittel et Remoncourt, c'était comme viager, les rois con- 



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— 9 — 

cédant à leurs fidèles et favoris ces terres à titre de do- 
maines à administrer, ces concessions productives de droits 
bien entendu. 

Si pareille donation fut faite au VU® siècle au monastère 
de Remiremont, ce fut par le roi Clotaire et non par Re- 
marie qui n'était qu'usufruitier. 

Quoi qu'il en soit, cette donation de la terre de Vittel au 
Chapitre de Remiremont semble démontrer que ce do- 
maine acquit surtout de l'importance à l'époque mérovin- 
gienne ou carolingienne. On a voulu voir dans certains 
noms des souvenirs de la première : la rue des Chevelm 
(Lignéville aujourd'hui), rappellerait les rots chevelm (?), 
la rue Pharamond ; enfin un lieu dit Brahaut viendrait de 
Brunehaut, en souvenir, dit l'abbé^ Chapiat, d'un antique 
chemin restauré par ordre de cette reine (^). 

Ce furent surtout les souverains carolingiens qui enri- 
chirent le monastère; et, que le territoire de Vittel ait été 
donné au VU® siècle ou plus tard, il n'en faisait pas moins 
partie d'un domaine royal. 

Les rois , dans leurs donations , se réservaient les droits 
de souveraineté sur les terres concédées. Plus tard, deve- 
nus impuissants à les maintenir contre leurs vassaux, ils 
les leur abandonnèrent, ou plutôt régularisèrent un état 
de choses qu'ils ne pouvaient plus empêcher. Les abbes- 
ses de Remirement profitèrent comme les autres seigneurs, 
de cette période si troublée des IX^, X^ et XI^ siècles, 
pour s'emparer de la souveraineté de ces terres royales. 
C'est ainsi que l'on voit Gisèle affranchir des sujets en 936; 



(1) Od sait que cette souyeraine fit remettre en état les antiques Toies , ce qui 
yalut le nom de Brunehaut à tout chemin ainsi réparé. 

Mais Brahaut vient-il de Brunehaut? il y a nombre de lieux à racine de Bra : 
BramoDt, Brobant, Brafosse, Bra-conseil, etc., etc. 

Brahaut est une hauteur, et le mot haut s'explique de lui-môme par la confi- 
guration du lieu, Bra est une des nombreuses transformations de Breuil, Breu, 
Bro, donné à nombre de cantons de terres. 



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- 10 — 

chose qu'elle n'eût pu faire au siècle précédent, puisque 
on a retrouvé de ces actes d'affranchissement faits par 
Louis le Débonnaire, c'est-à-dire par le souverain. 

Les ducs bénéficiaires de Lorraine s'étaient, eux aussi, 
substitués aux souverains, et ils ne manquèrent pas d'in- 
voquer leurs droits vis-à-vis du Chapitre. Si ce n'était pas 
comme suzerains qu'ils intervenaient, c'était comme voués. 
Dès le X« siècle, ce sont des membres de la famille d'Alsace 
qui portent le titre de Comte de Remiremont, en leur qua- 
lité de voués. Ce titre, leurs descendants et tout particuliè- 
rement Gérard d'Alsace, le premier duc héréditaire, le por- 
taient. Vittel dépendait donc du comté de Remiremont. 

Les voués empiétèrent sur les droits du Chapitre et fini- 
rent par partager la souveraineté, quand on ne partageait 
pas le sol et les habitants : c'est ce qui arriva pour .Vittel 
divisé en Grand-Ban, relevant du Chapitre, et Petit-Ban, 
appartenant aux ducs de Lorraine. 

Il résulta de ces faits que le Chapitre de Remiremont dut 
renoncer à la propriété totale des terres royales dont il 
avait usurpé une moitié comme les autres vassaux, et re- 
connaître aux ducs de Lorraine des droits qu'ils invo- 
quaient comme successeurs des souverains qui avaient 
fait les donations. Je dois dire que cela ne se fit pas en 
un jour et qu'il fallut céder le plus souvent à la force. 



III 



Vittel est traversé et divisé en deux portions par un 
ruisseau appelé le Petil-Vair : sur la rive gauche était le 
Grand-Ban, appartenant au Chapitre de Remiremont; sur 
la droite, le Petit-Ban, au duc de Lorraine. 



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- 41 - 

Ce village, bien groupé, compact, avait ainsi deux sou- 
verains; il eut aussi deux justices, deux paroisses : chaque 
groupe ayant son église, son curé. 

A l'origine, tant que le ruisseau servit de limite, les 
conflits étaient faciles à éviter et les choses allaient à peu 
près. 

Le duc de Lorraine était le voiié, c'est-à-dire le protec- 
teur de tous les domaines du Chapitre de Remiremont; 
celui-ci avait également, pour chaque domaine particuUer, 
un sous'voué; pour Vittel , c'étaient -les seigneurs de Li- 
gnéviUe — un des Cinq-Chevaux de Lorraine — dont le 
château était situé au village de même nom, à quatre ki- 
lomètres au Sud de Vittel. Ils devinrent — on ne sait si 
c'est par cession, vente ou échange avec les ducs — les 
seigneurs du Petit-Ban. Le sous-voué, à l'exemple du voué, 
le duc de Lorraine, empiétait de son mieux sur les do- 
maines du Chapitre qu'il avait mission de protéger, si bien 
que sa souveraineté, limitée d'abord à la rive gauche, fran- 
chit ce ruisseau; de là un enchevêtrement de maisons 
appartenant aux deux seigneuries : il arriva qu'une maison 
était bâtie sur les deux territoires, qu'une chambre rele- 
vait du Chapitre, la voisine, des seigneurs de Lignéville. 
C'était la situation de la ville alsacienne de Sainte-Marie- 
aux-Mines, divisée aussi en deux par la Liepvrelte; une 
rive appartenant aux ducs lorrains, l'autre, aux seigneurs 
alsaciens de Ribeauvillé; il y eut des anticipations réci- 
proques, des maisons à cheval sur les deux territoires, ce 
qui faisait dire qu'à Saint-Marie on pétrissait le pain en 
Lorraine et on le cuisait en Alsace. On aurait pu tenir le 
même propos pour certaines maisons de Vittel. 

De là, des cx^nflits incessants entre les suzerains et aussi 
entre les habitants. 

J'ai dit qu'il y avait deux paroisses, celle du Grand-Ban 
avait pour patron saint Remy, « dont la fête arrive le 4«r Oc- 



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- 12 — 

tobre; » le Petit-Ban, saint Privât, m qui échet le 21 Août; ï> 
de sorte que ces jours-là, une portion du village était en 
fête et Tautre s'occupait « à leurs ouvrages les plus sales, 
comme de mener leurs fumiers, vider leurs écuries et 
choses de pareille sorte, affectant de passer avec leurs 
chariots au-devant de Téglise où le Saint-Sacrement est 
exposé et où Ton est assemblé pour Tofflce divin. 

c Ce désordre est réciproque et s'affecte de part et d'au- 
tre, ce qui est d'autant plus indécent que les deux églises 
sont situées sur le grand chemin. 

« Ceux qui ne font point la fête affectent d'aller à l'église 
où l'office paroissial se célèbre, se mêler et se placer avec 
leurs habits les plus sales et les plus malpropres dans les 

mêmes bancs et au proche de ceux qui font la fête 

Cela se fait comme par envie, l'un contre l'autre, et par 
espèce de jalousie de ce que le voisin fait la fête et qu'on 
ne la fait pas (^). » 

Ainsi parlaient d'eux-mêmes les habitants de Vittel dans 
une pétition adressée à l'évêque de Toul, ils demandaient 
que a: la fête de chacun des deux patrons des deux parois- 
ses dudit Vitel sera observée dans tout le lieu; qu'elle 
sera pour un chacun tant de l'une que de l'autre paroisse, 
fêtée comme le saint jour du dimanche ; qu'il ne sera per- 
mis à personne dudit heu de faire aucunes œuvres ser- 
viles.. . » 

L'évêque de Toul fit droit à la requête des habitants 
(18 Avril 1734) , si bien qu'à Vittel , il y eut deux fêtes pa- 
tronales. 

IV 

Vittel était le chef-lieu d'un archidiaconé et tenait, dit le 
Pouillé de 1711, le troisième rang entre les archidiacres de 

(1) Cette pétition a été publiée par Tabbé Pusrfittb, dans un travail intitulé : 
lA JusHe^ à Vittel avant il89. {Société Philomatique, 1591-1893). 



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- 13 - 

l*Église de Toul. Dès le XII« siècle, on retrouve une signa- 
ture d'un archidiacre de Vittel. 

Cet archidiaconé était très étendu et subdivisé en cinq 
doyennés : Vittel, Châtenois, Neufchâteau, Bourmont et 
Saintois (Vézelise) ; il débordait sur la Haute-Marne (Bour- 
mont), et Meurthe-et-Moselle (Saintois). 

Au début, une circonscription religieuse correspondait 
aux divisions politiques primitives; ici, ce n'est pas le 
cas; car, sauf les doyennés de Châtenois et Neufchâteau 
qui répondent à l'antique pagus Solecincis (Soulossois), on 
le voit emprunter des portions des territoires du pagus 
Segintinsis (Samtois), pagiis Vogesinsis (Vosges), pagtis Bas- 
siniensis (Bassigny) ; on dirait que cet archidiaconé a été 
formé ultérieurement par des emprunts faits aux pays (pagi) 
voisins. 

Si l'on devait invoquer ces anciennes hmites, il faudrait 
conclure qu'au début, ce chef-heu fut dans le pagvs Soli- 
censis, soit à Solicia (Soulosse), soit à Solimariaca (en face 
de Rebeuville), lieux qui paraissent avoir eu une certaine 
importance à l'époque gallo-romaine. Il est probable que 
plus tard, le chef-heu fut reporté à Vittel. 

En tous cas, on ne peut conclure (en s'appuyant sur ce 
fait que les limites des circonscriptions rehgieuses cor- 
respondaient à d'anciennes divisions gallo-romaines), que 
Vittel fut le chef-heu d'une de ces antiques divisions. 



On voit par ce qui précède que l'histoire de Vittel pré- 
sente, aux siècles passés, un véritable intérêt. Aujour- 
d'hui son nom est connu de toute la France par ses célè- 



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- 14 — 

bres sources minérales. Il en est deux surtout, dont une 
— Source-Salée — fut sûrement connue des Romains, et 
l'autre — Grande-Source — sans être aussi affirmatif , dut 
l'être également. 

La Source-Salée jaillit à trois kilomètres de Vittel, sur la 
gauche du chemin de fer, en se dirigeant vers Haréville. 

Il y avait près de cette source un monument consacré 
à la divinité protectrice, dont les ruines longtemps ca- 
chées dans la forêt, ne furent découvertes qu'après un 
défrichement. C'était une construction carrée avec colon- 
nes; une statue de femme nue — la divinité protectrice 
sans doute — fut aussi retrouvée; sa nudité offusqua la 
pudeur d'une naïve religieuse qui la mutila; puis, cette^ 
malheureuse divinité servit de couverte à une fenêtre de 
maison en construction à Vittel; c'est là que M. A. Bou- 
loumié, directeur de l'établissement, alla la reprendre pour 
la placer dans la cour des bains, où on peut la voir avec 
d'autres restes de sculptures, provenant également du 
même monument. On recueiUit aussi diverses inscriptions, 
transportées au Musée d'Épinal. 

Plus tard, 1875, lors des travaux de captage de la Source- 
Salée, on découvrit l'antique retenue d'eau, faite de gros 
madriers supportant une couche de terre glaise; enfin, aux 
alentours, se rencontrent de nombreux débris de poteries 
et des tuiles à rebords. 

Il est donc incontestable que la Source-Salée était con- 
nue et utiUsée dès l'époque gallo-romaine; elle fut de tout 
temps connue des habitants qui, une fois tous les ans, au 
printemps, en usaient de façon fort originale : ils buvaient 
de cette eau purgative en énormes quantités, jusqu'à ce 
qu'elle fût rendue au^si pure qu'en V avalant II 

La Grande-Source est à huit cents mètres en aval du 
village; on l'appelait Source-de-Gérémoys. Lors de la cons- 
truction, il y a trente années, de l'hôtel de l'établissement, 



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- 15 - 

sur un petit plateau, juste au-dessus de la source, on dé- 
couvrit des fosses ovales, construites en briques, longues 
de trois mètres, larçes'de deux et profondes d'un. Au fond 
se voyaient des cendres, des restes de charbons. Ces cons- 
tructions semblent avoir été des fourneaux à chauffer l'eau, 
de véritables hypocaustes. A la source même, deux silex 
polis furent découverts, et c'est tout. 

Ces hypocaustes étaient enfouis sous terre, en un lieu 
malfamé; car la Source-de-Gérémoys était réputée comme 
le lieu de rendez- vous des suppôts des diables, héritiers, 
dans les traditions populaires, des dieux antiques; aussi 
est-on certain que là, aux siècles passés, il n'y eut jamais 
d'habitations; c'était un lieu où « Von y craignait. » 

A quelques centaines de mètres de la Grande-Source, 
vers le village, se trouvait la Source-des-Fées, celle-là d'eau 
naturelle. Il y avait entre cette source et l'éghse du Grand- 
Ban (celle où l'on trouva des vestiges gallo-romains), un 
souterrain creusé par les fées elles-mêmes, afin de pou- 
voir, la nuit, se rendre dans l'église, où elles tenaient 
leurs réunions dans le chœur, précisément là où l'on dé- 
couvrit ces vestiges de l'époque païenne. 

Dans les traditions, légendes populaires, les fées, le 
diable, leurs suppôts, etc., sont les héritiers des divinités 
païennes. Il est bien rare que dans les lieux portant ces 
noms de fées, diable, on ne trouve des restes antiques, où 
qu'il y en ait existé. 

Aussi, ces fées de la source, ne rappellent-elles pas le 
souvenir de la divinité sous laquelle nos ancêtres gallo- 
romains ne manquaient jamais de placer les eaux, surtout 
quand elles rendaient la santé? 

Ces réunions de diables, sorciers, lutins, etc., à Géré- 
moys, n'étaient-elles pas l'écho des cérémonies dont cette 
divinité était l'objet? 

Aussi, je crois pouvoir dire que la présence de ces hy- 



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- 16 - 



pocaustes, les légendes et traditions relatives aux sources, 
permet de croire que la Grande-Source était connue des 
Romains comme Tétait la Source-Salée. 



VI 



Le Gallo-Romain avait un culte véritable pour les sour- 
ces, toutes avaient leur divinité; aussi, y trouvait-on le 
plus souvent quelque monument religieux, ainsi que nous 
l'avons vu pour la Source-Salée. On sait en outre, com- 
bien les ablutions, bains, étaient entrés dans les mœurs 
païennes. Ce fut une raison pour le christianisme de com- 
battre ces croyances, ces habitudes; le résultat fut l'aban- 
don de ces thermes que Ton trouvait partout, même dans 
les villas; souvent leur destruction et, à plus forte raison, 
celle des monuments consacrés aux divinités. 

Si la source consacrée et sa fée se trouvaient en un lieu 
isolé, comme la Grande-Source de Vittel, ce heu devenait 
mal famé, maudit, fréquenté, hanté par des êtres fantas- 
tiques, pratiquant la religion antique. C'est ce qui arriva 
pour Gérémoys; ce heu resta toujours désert, après la ruine 
des constructions qui s'y trouvaient, et dont les foyers 
(hypocaustes) retrouvés sont les seuls restes. Sa réputa- 
tion enfin empêcha toute habitation de s'y construire. 

A la Source-Sale'e , l'abandon fut si complet, si absolu — 
ce qui s'explique par l'isolement — que les arbres repous- 
sèrent, ce qui eut pour résultat de nous conserver les res- 
tes du monument rehgieux qui y avait été élevé. 

Cet état d'esprit, provoqué par le christianisme, persista 
pendant des siècles, et il en résulta un oubli complet de 
ces sources, de leur action salutaire; leur emplacement 



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- 17 - 

ne rappelait aux populations que le souvenir d'un culte 
maudit, et on s'en éloignait avec horreur. 

Avec le temps, cet état d*âme se modifia, on finit par dé- 
couvrir à ces sources d'heureux effets sur la santé ; alors 
elles devinrent une panacée véritable contre toutes les ma- 
ladies. A la vérité, leur réputation était toute locale et ne 
dépassait guère les limites des communes voisines. 

Au XVIIIe siècle, les eaux minérales étaient fort à la 
mode ; il se créa de nombreux établissements. La renom- 
mée de la source de Vittel, celle de Contrexéville, provo- 
quèrent la création d'un établissement. Il y eut hésitation 
entre les deux localités; Contrexéville fut choisi (1760), 
parce que la source était dans le village. 

Voilà pourquoi l'étabUssement hydrominéral à Vittel fut 
reculé d'un siècle. 

A. FOURNIER. 



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À. PROPOS DE 

RISTE-SUR-FESTE 



A Monsieur L. Germain, Secrétaire perpétuel de la 
Société d'Archéologie lorraine, à Nancy. 

Votre remarquable travail sur Riste-sur-Feste, paru dans 
le dernier numéro du Bulletin de la Société philomatique 
vosgienne (^), m'a vivement intéressé, d'autant plus que je 
me suis déjà occupé accessoirement des anciennes mines 
des Vosges et que le nom de Feste et de ses variantes 
m'avait quelque peu embarrassé dans le début. 

Permettez-moi donc. Monsieur, de vous communiquer 
les notes que j'ai pu recueillir au cours de mes recherches 
sur le passé historique du Val de Lièpvre, et qui se ratta- 
chent à certains points de votre savante étude. 

Les noms de Fête^ Feste, Faite^ en français; de Virst^ 
Vuirst, Fûrst, Fuirst, First, en allemand ; de Fersta, Firsti, 
Festum, en bas-latin, se trouvent assez fréquemment dans 
les anciens documents, pour désigner en général la crête 
d'une montagne, ou la ligne de partage des eaux entre deux 



(1) Cf. Riête-sur-FêsU, par M. L. Germain, dans le Bulletin de la Société phiUh 
matique vosgienne, 21« année (1895-1896), page 177-200. 

(3) Dans le Monastère d'Echery au. Val de Lièpwre, Extrait du Bulletin pour la 
conservation des Monuments historiques d'Alsace, page 36 (1895). 



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- 20 — 

vallées et, plus particulièrement, les crêtes de la chaîne 
des VCsges. Les hohen Virsten qui séparent les bassins du 
Rhin et de la Moselle formaient aussi la limite des droits 
de souveraineté suprême du Saint -Empire sur TAlsace, 
depuis le Ballon d'Alsace, près de Belfort, jusqu'à la côte 
de Saverne, comme le prétendait le commissaire impérial 
au cours des débats préliminaires qui eurent lieu à Sainte- 
Croix-aux-Mines, le jour de saint Luc 1518, entre les délé- 
gués de l'Empire et ceux du duc de Lorraine, lors des 
contestations soulevées sur la propriété des mines et la 
souveraineté du Val de Lièpvre (i). 

La forme française de Feste paraît s'être conservée, 
comme nom de lieu, principalement dans les parages des 
anciennes possessions de la Lorraine situées en Alsace, 
telles que le Val de Lièpvre, Orbey, Saales, etc. Le substan- 
tif F^sfe, First, etc., est souvent accompagné d'une prépo- 
sition pour distinguer les localités placées au sommet de 
la montagne {ChasteUsus-Feste)^ de celles qui s'en trouvent 
plus ou moins éloignées {apud Festum). 

Un document du commencement du XIV® siècle, cité par 
M. P. Ristelhuber (2), mentionne l'abbaye de Pairis à la 
First, derrière Hohenack, ce qui me fait supposer que dans 
le document que vous citez à la page 198, sous la date de 
1196, le nom de Festum ne s'applique pas uniquement au 
hameau de Fête, près de la Baroche, mais à tout le ban, 
depuis le ruisseau de Saint-Dié jusqu'au faîte des Vosges. 

Le titre de 1316, cité par vous à la suite du précédent, ne 
concerne pas le Château-sur-Faîte, où le comte de Ferrette 
n'avait rien à voir, tandis qu'il était seigneur suzerain des 
sieurs de Ribaupierre, qui tenaient de lui les fiefs des châ- 
teaux de Hohenack et de Judenbourg avec leurs dépen- 
dances d'Orbey et du Bonhomme, situés liiesit der Filrst, 

(1) Archives du Haut-Rhin, E 1819. 

(2) Strasbourg et Bologne, Montbéliard 1891, page 89. 



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— 21 — 

en deçà du faîte, pour les Alsaciens, et par devei^ Allemègne, 
pour les Lorrains (i). 

Dans un ancien traité, De re metallica, publié pour la 
première fois à Bàle en 1555, par G. Agricola, on lit à la 
fin du livre I, page 18, ligne 10, de l'édition de 1621 : 
« Maximilianus Caesar, nost^^â aetate Conradum ascripisset 
in numerum nobilium qui Comités nominantur : fuit verô 
ille, cum in metallis, snebergi opéras daret, egentissimus ; 
quare cognomen haberat Pauperis : sed non multos post aii- 
nos, ex metallis Firsti, quod est oppidum in Lotharingia, 
dives factus, nomen ex Fortuna invenit, d 

Ce Conrad est apparemment le même que celui dont 
parle la Chronique des Mines de Sainte-Marie : a Conrad 
Boltzinger, uff der Fûrst, a: qu'on appelait Conrad le riche, 
« a acheté au seigneur Bruno le minerai pendant plusieurs 
« années (^). » L'auteur de cette chronique, Jean Hauben- 
sack, était landrichter ou bailli de la maison de Ribaupierre 
et juge des mines du Val de Lièpvre alsacien, depuis 1530 
jusque vers 1577, époque de sa mort, et par conséquent un 
contemporain de Georges Agricola. Le même Conrad Bolt- 
zinger-sur-Feste fut nommé, en 1513, administrateur des 
mines de Fertru, exploitées jusqu'alors par Brunon de 
Ribaupierre. Les seigneurs de Ribaupierre, Schmassman 
et Guillaume, concédèrent en outre à Conrad la neuvième 
partie des mines, « en considération d'une avance de 
« 1.000 florins pour payer les gages arriérés des ouvriers 
c travaillant aux dites mines (^). » 

Serait-ce peut-être par suite de considérations de même 
nature, que Bumique de Riste-sur-Feste aurait été mis en 
possession, par le duc de Lorraine, de la moitié des droits 
seigneuriaux sur les argentières du Val de Saint-Dié? 

(1) Cf. Curio8ité$ d'AUace, Golmar 1863, tome II, pages 216 et 303. 

(2) Bulletin de la Société d'Hiiioire naturelle de Colmar, 1875-1876, page 7, du 
tirpge à part. 

(3) Ârchiyes da Haat-Rhin, E 1964. 



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L'acte d'admodiation de ces argentières au prévôt du 
Chapitre de Saint-Dié et à ses compagnons, du 11 Mai 1315, 
porte que le duc et Burnique prélèveront chacun la moitié 
du dixième et du soixantième denier du produit des mines ; 
qu'ils se partageront aus^ le produit des amendes pronon- 
cées par le justicier des mines, établi conjointement par 
eux chaque fois qu'il leur plairait. Burnique avait un avan- 
tage dans ce traité. Non-seulement il participait aux béné- 
fices, sans contribuer aux frais de l'exploitation, sur le 
même pied que le duc de Lorraine, mais il avait en outre 
seul la jouissance du produit d'une semaine chaque année. 

L'on sait que lorsqu'une minière était concédée, on la 
divisait en dix portions, dont l'une appartenait au souverain 
en vertu du droit régalien ; c'était la moitié de ce dixième 
que le duc de Lorraine avait cédée, à vie, à Burnique de 
Riste-sur-Fête. Les neuf autres portions étaient de rechef 
divisées en quatre parts chacune, et étaient prises par les 
parsonniers qui faisaient exploiter à leurs frais, risques et 
périls, par la corporation des mineurs, sous l'autorité et la 
direction du justicier et des ingénieurs des mines. Le 
soixantième denier représentait probablement le droit de 
lods et ventes. L'abandon du produit d'une semaine chaque 
année était une charge arbitraire imposée aux parsonniers 
ou actionnaires. 

Dom Calmet, dans sa dissertation sur les monnaies, 
tome III de la deuxième édition de VHistoire de Lorraine, 
dit, page cvj : « Le duc Ferry IV et Burnich, sire de Riste, 
« laissèrent à titre de ferme, en 1315, leurs mines ou ar- 
« genteries du Val de Saint-Dié, moyennant le dizième 
« denier, une partie de soixante, et une semaine entière 
« par an, pour en jouir chacun par moitié, à condition 
« qu'après la mort dudit Burnich, le tout reviendrait au 
« duc. » Sauf la clause de la jouissance du produit d'une 
semaine par an, réservée à Burnique seul, cette analyse est 



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- 23 — 

conforme à Tacte d'admodiation de 1315, dont je possède 
une copie, que je transcris à votre intention, sans oser vous 
demander de la faire coUationner pour rectifier deux mots 
évidemment mal copiés sur l'original en parchemin déposé 
aux Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, B 952, 
layette Val de Lièpvre I, pièce N^ 4. 

Il est permis de supposer que F. de Saulcy n'a pas vu 
cette pièce et qu'il s'est borné à reproduire un autre pas- 
sage de VHistoire de Lorraine, lequel est en contradiction 
avec l'article correspondant de la Dissertation sur les Mon- 
naies, En elBFet, dans le tome II de la première édition de 
Dom Calmet, on lit à la page 1146 : « Depuis ce temps [975], 
c ces mines [d'argent de Saint-Dié] ont appartenu au Cha- 
€ pitre de cette église. En 1315, le duc Ferry, et Burnik 
c sire de Riste, amodièrent les mines et argentières appar- 
c tenantes au Chapitre, moyennant le dixième denier et 
c une partie de soixante, et une semaine entière par an, 
« au profit des chanoines. Elles appartiennent depuis long- 
c temps éci entier aux ducs de Lorraine. » 

Si le Chapitre de Saint-Dié a été à une certaine époque 
en possession des mines d'argent de son territoire, cela ne 
pouvait être que du consentement d'un duc de Lorraine. 
Le duc Simon I, dans l'accommodement qu'il fit avec l'église 
de Saint-Dié, vers 1120, s'était expressément réservé, pour 
lui et ses successeurs, l'argent qui proviendrait des mines 
découvertes ou à découvrir sur le ban de Saint-Dié. « Et si 
€ argentum de montibus elicitur, si montes in banno sancti 
c Deodati fuerint, argentum quoad ditionem ejus et suorum 
« pertinebit (^). » 

Quelles étaient les argentières admodiées en 1315? L'acte 
original est intitulé : « Admodiation des mines du Val de 
c Lièpvre et de Saint-Dié, le dimanche après la saint Gré- 
c goire, 1315. > Selon toute apparence, le titre a été ajouté 

(i) D. Calmbt, Histoire de Lorraine, i'* édition, tome II pr., cçlxj. 



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— 24 — 

postérieurement. Il est certain qu'avant rétablissement, en 
1547, d'un surintendant des mines du Val de Lièpvre, l'ad- 
ministration et la comptabilité des mines, du côté lorrain 
de cette vallée, ressortissait au généralat et à la recette 
domaniale de Saint-Dié (*}. De là provient que les mines 
du Val de Lièpvre ont été parfois confondues avec celles 
du Val de Saint-Dié. 

Les biens qui formaient le douaire de Jeanne de Blàmont 
semblent indiquer que Burnique de Riste-sur-Feste avait 
des intérêts engagés dans les minières du Thillot, dont 
l'existence cependant n'est constatée que depuis l'ordon- 
nance du duc Charles III, du 14 Mars 1575. 

L'exploitation des mines d'argent du Chipai, sur laquelle 
le Chapitre de Galilée avait droit au produit des deux cin- 
quièmes de l'extraction, a été abandonnée au commence- 
ment du XI Ve siècle (2). 

H me semble que l'acte de 1315 peut se rapporter aux 
mines d'argent de La Croix, dont la découverte remonte- 
rait à la même année, suivant M. Char ton (3), bien que Jean 
Ruyr affirmât avoir vu la copie d'un titre émané de Ma- 
thieu II, du mois de Janvier 1250, ^ qui donne privilège et 
« immunité aux mineurs qui travaillent aux mines trou- 
m vées récemment au Val de Galilée et principalement au 
(L vallon de La Croix (*). ï> 

Pour ma part, je serais assez disposé à considérer Bur- 
nique de Riste comme un agent commercial chargé de 
mettre en valeur les minières des Vosges, et dont les opé- 
rations financières n'ont point réussi. Un pareil cas s'est 
produit, quatre siècles plus tard, lorsque le duc Léopold, 
voulant faire revivre l'exploitation des mines de Sainte- 

(1) Cf. Inventaire sommaire des Archives de Meurthe-et-Moselle, B 8835. 

(2) Grayibr, Uiêtoire de Saint-Dié, page 209. 

(3) Le département des Vosges, Epinai 1845, I, page 801 (Lepaoe et Charton). 

(4) Recherche des sainctes Antiquités de la VosgSy 3* partie, liv. I, page 209. — 
Coupures de Bournon. 



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- 25 - 

Marie, de La Croix et du Thillot, les avait concédées avec 
d*autres privilèges à ses banquiers en titre, les frères Saur, 
dont les entreprises ont tour à tour prospéré et périclité 
pendant une trentaine d'années, pour aboutir finalenient à 
la faillite. 

Château -sur -Faîte. — La route de Saint-Dié à Sainte- 
Marie-aux-Mines franchit la chaîne des Vosges à une alti- 
tude de 776 mètres, et le col qu'elle traverse est nommé 
Haut de Sainte-Marie par les Lorrains, et Haut de Saint-Dié 
par les Alsaciens. A partir du col, la montagne se relève 
vers le nord, jusqu'au rocher de Haut-de-Faiie, lequel a 
donné son nom au canton forestier situé sur le versant de 
Sainte-Marie. Ce canton, dont le reboisement ne date que 
d'une soixantaine d'années, était autrefois un pâturage 
communal, et, pour empêcher le bétail de franchir la limite 
du côté de Wisembach, entre le col et le rocher, l'on avait 
construit un petit mur en pierres sèches, précédé d'un 
fossé. Les matériaux de ce mur ont été empruntés au ro- 
cher du Haut-de-Faîte, lequel s'est trouvé de ce fait suf- 
fisamment décapé pour former une sorte de plate-forme sur 
laquelle on a érigé un kiosque à l'intention des touristes. 

J'ai pu voir, il y a quelques années, des restes de ce 
mur ; mais mon imagination s'est refusée à voir dans ces 
vestiges et parmi les ébouhs du point culminant de la 
montagne, les traces d'une habitation quelconque. 

Sans tenir compte de la difficulté de se procurer de l'eau 
potable à cette altitude dans un terraia granitique, une 
autre considération ne me permet pas de partager l'opinion 
des auteurs qui placent le Château-sur-Faîte au point cul- 
minant de la montagne. Le chastelet construit par le duc de 
Lorraine dans le but de protéger le péage, devait nécessai- 
rement se trouver à proximité immédiate de la route, et 
non pas à 4 ou 500 mètres du passage des voitures. 



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En montant de Wisembach, Ton voit encore sur le côté 
gauche de la chaussée, à quelques mètres du col, une 
maison de paysan dont les angles extérieurs des murs sont 
établis en pierre de taille, genre de construction peu usité 
dans nos montagnes. Autrefois c'était une auberge, et je 
me souviens y avoir vu, dans mon jeune temps, un tableau 
placé au-dessus de l'entrée, portant l'enseigne : Au Château 
de Faite. Cette inscription pourrait bien avoir été choisie 
en souvenir de l'emplacement du château bâti par Thié- 
baut II et démoli par ordre de Louis XIII. C'est celui que 
l'arrêt de démolition du l^r Février 1636 (^) désigne sous le 
nom de château de Sainte-Marie. Il ne saurait être confondu 
avec l'ancienne maison seigneuriale connue sous le nom 
de Châtelet du duc de Lorraine et de Maison de Son Altesse, 
construite par Charles III au milieu du bourg de Sainte- 
Marie-aux-Mines. Celle-ci n'a été démohe qu'en 1832, pour 
faire place à l'Hôtel de Ville actuel. 

Il est possible que le château de Faîte n'a pas été détruit 
entièrement en 1636. L'on a pu en conserver et aménager 
une partie pour assurer la perception du péage établi de 
temps immémorial au haut de la montagne, et qui y a été 
maintenu jusqu'à la Révolution, sous le nom de haut- 
conduit. 

Nous n'avons aucune donnée sur l'importance du Châ- 
teau-sur-Faîte, mais le diminutif chastelet employé dans la 
lettre donnée par Thiébaut II au Chapitre de Saint-Dié, fait 
supposer que cette importance n'était pas considérable. 

Il me reste encore à vous signaler une erreur de nom 
que je relève à la page 257 du Catalogue de la Collection de 
Lorraine, publié par P. Marichal, Nancy, 1896 : « Cession 
<L par Marguerite (au lieu de Jeanne) de Blâmont, veuve de 

(1) Voir Dom Calmbt, Histoire de Lorraine, V* édition, tome UI, page 331. 



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— 27 - 

« Burnequin de Ristes, au duc Raoul, des droits lui appar- 
« tenant en la vouerie de Rambervillers, 1344. i> 

Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considéra- 
tion la plus distinguée. 

Jules DEGERMANN, 

Rentier à Sainte-Marie-atix-Mines (Haute-Alsace), 
Sainte-Marie-aux-Mines, le 10 Aotit i896. 



PIÈCE JUSTIFICATIVE 



Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, B 952, 
ADMODIATION DE MINES DU VAL DE LIÈVRE ET S* DIEY 

LE DIMANCHE APRÈS LA S* GRÉGOIRE, 4315. 

Nous, Ferris, duc de Lorheaine et marchiz et Burnikes, sires de 
Ristes sus feste, chevalier, faisons savoir à touz que comme nos 
aieus laixrt et amoizener les argentières du Vaul saint Dyet, à mon- 
signour Jehan lou prévoust (l) et à mon signour Wernier dit Walch 
de Columbier, chevalier, à monsignour Pierre maistre de TOspitaul 
Saint-Meholay dou bon home, a Hanri dit Welleben de Fribourch et 
et à leur compaignons parmey lou dizième denier que nos en avé- 
rons et parmey ceu que nos en devons avoir de sezante parties une 
partie et avec tout ceu une semeine entière chascun an, en la me- 
nière que les lettres le divisent que de ceu sont faites, que sont 
saeilleez de nos dous saeilz ensemble; a savoir est que nos dus 

(1) Jean d*Arguel, {^od-prévôt de Saiot-Dié, 1296-1319. (Dom Galmet, HMoirg 
de Lorrainêy 1^* édition, tome Itl, préliminaires, col. 95 ) — Les mots douteux 
sont en Ualiquêt, 



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— 28 - 

ensemble panrons et avérons en dizième denier desus dit, et en la 
partie de la sexantième partie desus dite, chascuns la moitiée, et la 
dite semeine entière doit panre et avoir chascun an le dis messires 
Burnikes, en la menière que les lettres lou devisent que de ceu sont 
faites, si comme desus est dit en nos dus desus dis ne panrons riens 
ne ne deverons panre. Et est asavoir que nos dus desus dis mete- 
rons toutes les fois qu'il nos plairait justices ait lieu pour les argen- 
tières justicier. Et s'il meffaisoient riens pour coi amendes en fuis- 
sent levées, nos ez dites amendes avérons la moitié et li dis mezsires 
Burnikes l'autre moitié. Et après lou decez mon signour Burnikes 
desus dit doit li amoizenemens desus dis dez argentières desus 
dites revenir à nos duc desus dit et à nos hoirs sens nul débait dez 
hoirs lou dit monsignour Burnikes. Et toutes ces choses ensi comme 
elles sont desus escriptes et divisées, avons nos promis à tenir li 
uns de nos vers l'autre en bone foy et léalement. En tesmoignaige 
de véritai avons nos mis nos saeilz en ces présentes lettres, que 
furent faites Tan de grâce mil trois cens et quinze, le diemenge 
après la saint Grégoire en mois de mai (^). 

(1) Layotte Val de Lièpvre I, pièce N<> 4, en parchemin. 



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CAMUS DE MORTON 

INSPECTEUR GÉNÉRAL D'INFANTERIE EN LORRAINE 

GoBYernenp des Ville et CMtean de Mort. 

(1635-1712) 



A l'église de Brasse, dans le cimetière de la ville de 
Belfort, un remarquable monument funèbre, scellé dans 
le mur, presque sous la chaire et à côté d'une multitude 
d'ex-voto, a, bien souvent, dans ma jeunesse, attiré mon 
attention. C'est celui d'un ancien gouverneur de Belfort, 
où se trouvent énumérés les grades et emplois qui avaient 
dû faire du défunt un personnage de marque. 

Ayant eu, dans ces derniers temps, quelques renseigne- 
ments à prendre aux Archives administratives de la Guerre, 
je me suis souvenu de « messire Simon Camus de Morton, i> 
et j'ai prié un ami, bien placé à Paris pour faire ces sortes 
de recherches, de voir si, dans ces Archives, il n'existait 
aucun document le concernant. Il n'a pu qu'en constater 
l'absence, mais en revanche il a appris qu'il y avait une 
liste des Brigadiers des Armées du Roi, dressée par un cer- 
tain Pinard, au miUeu du siècle dernier, d'après les états 



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— 30 - 

de services conservés à cette époque au Ministère de la 
Guerre et disparus depuis. 

L'ouvrage de Pinard, rarissime et pour ainsi dire introu- 
vable, est intitulé : Chronologie militaire de France depuis 
les premiers temps de la Monarchie, par M. Pinard, ancien 
archiviste des Bureaux de la Guerre. Il a paru en 1758 et 
est resté incomplet par suite de la mort prématurée de 
Tauteur (i). 

C'est à cette source que M. Félix Bouvier, mon aimable 
correspondant parisien, a été puiser la trop courte note qui 
concerne Camus de Morton. Elle est malheureusement bien 
incomplète et omet plusieurs particularités biographiques 
essentielles, telles que la date et le heu de sa naissance. 
Mais si concise qu'elle soit, elle a le mérite d'une scrupu- 
leuse exactitude, ayant été rédigée à l'aide de documents 
officiels. Elle a, en outre, l'avantage de servir à rectifier 
des erreurs commises par les deux ou trois personnes qui 
ont eu jusqu'à présent l'occasion de parler de l'ancien 
gouverneur de BelforL 

Il est regrettable que Pinard n'ait pas cru devoir nous 
informer ni du lieu ni de la date de la naissance de Camus 
de Morton. Cette omission de la localité nous prive de ren- 
seignements sur sa famille ; quant à sa naissance, comme 
on sait qu'il mourut en 1712, âgé de 77 ans, on doit en 
conclure qu'il est de l'année 1635. Nous ne pouvons abso- 
lument rien conjecturer sur la manière dont s'est passée 
sa jeunesse. Le passage de son épitaphe qui rappelle ses 
cinquante-cinq années de services mihtaires indique qu'il 
n'a commencé à « servir le roi, » comme on disait alors, 
qu'à l'âge de 22 ans, c'est-à-dire en 1657. Où et comment? 



(1) Une nouvelle ôdilioa en a étô entreprise, en 1850, par P. Christian, ex-se- 
crétaire du maréchal Bugeaud, mais le premier volume seul a paru, et la publi- 
cation n'a pas été continuée, faute sans doute de souscripteurs. Ce tome unique 
ne comprend que les connétables, sénéchaux et maréchaux. 



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- 31 — 

nous rigûorons ; les principaux événements de sa carrière 
ne nous sont donnés par Pinard qu'à partir de son entrée 
dans le célèbre régiment d'Auvergne. 



« Auvergne ! dit le général Susane au commencement de 
sa notice sur ce corps fameux (^), voilà un de ces noms 
qui ne périssent point, qui passent de bouche en bouche 
comme une expression de gloire. Le célèbre dévouement 
du chevalier d'Assas a sans doute beaucoup contribué à 
sauver ce nom de Foubli où tant d'autres sont tombés; 
mais le régiment d'Auvergne doit surtout sa renommée à 
une bravoure proverbiale qui lui avait valu d'être sur- 
nommé Invicta Legio. Pendant une carrière de près de deux 
cents ans, il ne perdit, assure-t-on, jamais un drapeau. » 

C'est dans ce régiment que Camus de Morton entra en 
1660. C'était un des plus anciens de l'armée française. 
Formé avec de vieilles bandes qui avaient servi la Ligue, 
la date régulière de sa création remontait au 6 Mars 1597. 
Il avait été mis sur pied, comme celui de Bourbonnais^ à 
l'occasion des mouvements des Espagnols qui menaçaient 
la Picardie. Après avoir porté successivement le nom de 
ses colonels, ce régiment prit le 15 Septembre 1633, alors 
qu'il était Maugiron (2), le titre de la province d'Auvergne. 
A la suite d'une longue et laborieuse campagne en Itahe, 
pendant laquelle il combattit glorieusement, il rentra en 
France, dont il était éloigné depuis vingt-six ans, et, en 
1658, prit ses quartiers dans la Provence. C'est là qu'il se 
trouvait quand de Morton y entra. 

Le nouveau venu menait depuis, quatre ans la vie assez 
monotone et désœuvrée de garnison quand, en 1664, Au- 
vergne partit pour aller au secours de l'empereur d'Allema- 

(1) Hiêtoirê de VInfanteriê française, tome UI, page 106. 

(2) Comte de Maugiron (Claude), nommé colonel le i" Mars 1633. 



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— 32 — 

gne, serré de près par une formidable armée turque. Le 
ler Août, le régiment combattit avec la plus grande vigueur 
à la bataille de Saint-Gothard ; son colonel, Le Bouteillier 
de Senlis comte de Moussy, fut tué dès le commencement 
de l'action. Louis XIV, fier de Vhonneur qu'Auvergne oyait 
acquis aux armes françaises sur ces lointains rivages de la 
Raab, combla de grâces tous les officiers du régiment, sans 
oublier les soldats qui s'étaient le plus particulièrement 
distingués. C'est ainsi que Camus de Morton parvint à une 
compagnie le 14 Février 1605. 

En 1666, Auvergne fît partie du camp de Croissy, qui fut 
levé par suite de la mort d'Anne d'Autriche, et du camp 
de Mouchy, près de Compiègne, qui le remplaça. En 1667, 
il fut appelé à faire partie d'une des quatre brigades que le 
roi commanda directement en Flandre. De Morton, à la 
tète de sa compagnie, se trouva ainsi aux sièges de Tournai, 
de Douai et de Lille, et contribua, dans les environs de cette 
dernière place, à la défaite du comte de Marchin. Il conti- 
nua de servir en Flandre en 1668. Sa compagnie ayant été 
réformée au mois de Mai de cette même année, il fut 
replacé à une autre le 20 Août 1671. 

L'année suivante (1672), il est de l'armée commandée par 
le roi en personne et prend part au siège de Wesel et à la 
prise d'Emerick. On le voit au passage du Rhin, à la prise 
de Doësbourg; enfin au combat de Woërden. Dans cette 
journée, 10 Octobre, le prince d'Orange attaque vainement 
le fort de Waarth, défendu par trois compagnies d'Auvergney 
aux ordres du capitaine Camus de Morton : ce brave dé- 
tachement repousse trois assauts et contraint les assaillants 
à se retirer avec perte de leurs meilleurs officiers et d'une 
frégate qui fut coulée bas. Le capitaine de Pinguis fut tué 
dans cette mémorable action 0). 

(1) Cf. Histoire de VInfanterie française, par le général Susane, tome HT, 
page 116. 



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— 33 — 

Camus de Morton fit, avec son régiment, toutes les cam- 
pagnes des années qui suivirent, et, pour les connaître, nous 
n'avons qu*à consulter Thistorique consacré par le général 
Susane au régiment d'Auvergne, 

Auvergne sert, en 1673, sous les ordres de Cîondé, et 
couvre le siège de Maëstricht. En 1674, il se signale à 
Sénef. Il alla se refaire à Metz, qu'il quitta le 11 Novembre 
pour se rendre à Trêves. Il passe en Alsace après la mort 
de Turenne (27 Juillet 1675), prend part, le l^r Août, au 
combat d'Altenheim (*), contribue à faire lever les sièges 
d'Haguenau et de Saverne, et prend ses quartiers d'hiver 
à Ctolmar. En Janvier 1676, il fut employé par détachements 
contre les Schnappayis (2) qui désolaient les rives du Rhin, 
et leur fit une guerre acharnée. Le capitaine Camus de 
Morton combattit à Kochersberg (7 Octobre 1677), prit part 
au siège de Friboui^ (Novembre 1677), et, l'année suivante, 
à l'attaque des retranchements de Seckingen et aux sièges 
de Kehl (Août 1678) et de Lichtemberg (15 Octobre). Partout 
sa conduite fut des plus brillantes, et ses actions d'éclat lui 
valurent la croix de chevalier de l'ordre de Saint-Louis et 
le grade de Brigadier des Armées du Roi. 

Par commission du 14 Janvier 1679, il fut nommé « Ins- 
pecteur général de l'Infanterie au département de la Lor- 
raine, des Trois-Évèchés et de la frontière de Champagne, y> 
et on lui donna, au mois de Février 1681, le commande- 
ment de Bitche. Il se démit de son inspection et obtint, 
par commission du 15 Juin 1682, une compagnie de Cadets- 
gentilshommes qu'on assembla à Bitche, dont on lui donna 



(1) Le général Susane ne parle pas de ce combat à propos d^Âuvergne, mais 
nous sarons par Pinard que G. de Morton y était. 

(2) On appelait Schnappans ou Chenapam ceux des habitants de la Lorraine 
qui, comme auparavant les loups de bois, résistaient à la conquête française. U 
avait fallu, des deux côtés des Vosges, recommencer avec eux la guerre de par- 
tisan comme en 1635 et 1644. Le mal qu'ils faisaient aux Français était considé- 
rable; aussi les traquait-on comme des botes fauves. 

3 



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- 34 - 

le gouvernement par provisions du 4 Juillet 1684. Il passa 
à celui des ville et château de Belfort, par provisions du 
!«'' Juin 1689, en quittant Bitche et la compagnie des Cadets. 
Il remplaça dans ce nouveau poste M. de Montefrans, qui 
avait lui-même succédé à Maurice de Saint-Just. 



Pour ce court aperçu des campagnes de Camus de Mor- 
ton, j*ai suivi l'ouvrage de Pinard. On doit le considérer 
comme exact, puisqu'il a été fait d'après les documents des 
Archives de la Guerre. Ce que P. Creutzer dit de cet officier 
dans sa Statistique du canton de Bitche (^) ne peut donc être 
vrai : « Vers 1679, quand Vauban fortifiait Bitche, le mar- 
« quis de Morton, maréchal-de-camp et gouverneur de 
« Belfort, fut chargé du commandement de la montagne 
« des Vosges, de la Suisse au Palatinat ; il eut le comman- 
<i: dément de Bitche et de Belfort pendant un an ; mais le 
« roi, jugeant que c'était trop pour un homme, partagea le 
« commandement en deux. M. de Repaire, maréchal-de- 
« camp, commanda à Bitche jusqu'à la Petite-Pierre inclu- 
« sivement. i> 

C. de Morton n'avait pas le titre de marquis, mais celui 
de comte; c'est ce qui ressort de ses armoiries, dont l'écu 
est surmonté d'une couronne comtale. Il n'était pas mare- 
chal-de-camp (2), mais brigadier (3). 

(1) Mémoires de l'Académie de Metz, 1853, page 156. 

(2) Il ne figure pas, en effet) sur la liste officielle des officiers-généraux de ce 
grade établie par le Ministère de la Guerre. 

^3) Le grade de brigadier, aujourd'hui supprimé, était intermédiaire entre celui 
de colonel et celui de maréchal-de-camp. On le confond souvent avec ce der- 
nier, par suite de l'habitude que l'on a prise de dire indifféremment brigadier ou 
général de brigade, titre qui a remplacé celui de maréchal-de-camp. Sous l'an- 
cienne monarchie, le brigadier était le premier échelon du grade d'officier-géné- 
ral, qui en comptait trois : brigadier, maréchal-de-camp, lieutenant-général. Le 
brigadier avait pour signe distinctif une étoile; le maréchal-de-camp, deux ; le 
lieutenant-général, trois. Ce qui explique l'anomalie qui existe actuellement dans 



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- 35 - 

On a vu par ses états de service qu'il n'avait pas été 
chargé simultanément des commandements de Bitche et 
de Belfort. Son épitaphe dit qu'il fut Inspecteur dans le pays 
messin. Cela est bien d'accord avec VInspection générale 
dont, d'après Pinard, on le chargea pour « la Lorraine, les 
Évêchés et la frontière de Champagne, i> mais est en con- 
tradiction avec ce que dit Creutzer. 

Il y avait à Bitche, vers 1682, un autre de Morton, sans 
doute un neveu de Camus, qui était aide-major de place, 
sous les ordres du lieutenant-de-roi, M. de la Guérie. 

Camus de Morton occupa le poste important de gouver- 
neur de Belfort depuis le i^ Juin 1689 jusqu'au moment de 
sa mort, le 16 Février 1712, c'est-à-dire pendant près de 
23 ans. 

Un mémoire de l'intendance d'Alsace, daté de 1700 (i), 
nous apprend qu'il touchait 11.250 livres d'appointements, 
plus 600 livres que la ville lui accordait comme indemnité 
de logement, et 500 livres pour sa moitié de la cantine affer- 
mée 1.000 livres. 

Il avait, à cette date, comme officiers de place : MM. de 
la Sablière, lieutenant de roi; de Fernan ville, major; de 
Valmont, aide-major, et de Pibalier, aide-major au château. 

De ce long gouvernement, il n'est resté qu'une seule 
pièce aux Archives de la ville, quatre volumes à la Biblio- 
thèque municipale et quelques signatures sur les registres 
de l'ancienne église de Belfort. 

La pièce, datée du i^ Juin 1692, porte défense de faire 
pâturer chevaux et bétail dans les prairies et les champs 

les uniformes de dos officiers généraux, où l'on attribue deux étoiles au général 
de brigade et trois au général de division, sans qu'aucun grade en porte une seule* 
(i) Publié par M. le docteur H. WEisOEaBER dans la Revue d'Alsace, 1897, 
page 433. 



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— 96 - 

ensemencés. Le papier est aux armes de Morton : d'azur à 
trois croissants d'argent posés deux et un, avec une étoile 
d'or en abîme, et portant en chef un lambel d'argent à 
trois pendants. L'écu, timbré de la couronne de comte, est 
entouré d'un cordon auquel est suspendue la croix de 
Saint-Louis. Le lambel est une brisure qui indique que ces 
armoiries sont celles d'un puiné ou d'un cadet de famille. 
Malgré son peu d'importance, nous donnons l'unique 
document qui, aux Archives municipales, rappelle l'admi- 
nistration de cet ancien gouverneur de Belfort : 




Camus de Morton, brigadier des armées du Roy, gouverneur des 
villes et château de Belfort, capitaine dans la Compagnie des 
Cadets-Gentilshommes . 

Sur ce qui nous a été présenté par les magistrats de la ville de 
Belfort que plusieurs personnes se permettaient de faire pâturer 
nuitamment leurs chevaux, bœufs et autres bestiaux dans les prai- 



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- 37 — 

lies ou champs ensemencés, nous suppliant de vouloir mettre 
ordre; 

Nous, ayant égard à leur remontrance, avons deffendu à tous offi- 
ciers, soldats et autres personnes de faire pâturer nuitamment leurs 
chevaux, bœufs et autres bestiaux, sous peine de six liards d'amende 
pour la première fois ; en cas de résidive, de punition exemplaire ; 
deffendons même de les faire pâturer le jour sur les points ordi- 
naires. 

Fait à Belfort, ce premier Juin 1602. 

Camus de Morton. 

L'ancien capitaine du régiment d'Auvergne était un de 
ces vaillants soldats, braves comme leur épée sur le champ 
de bataille, mais qui, lettrés et philosophes, savaient char- 
mer les loisirs que leur laissait le métier des armes par 
Tétude et la lecture. Les livres qu'il avait donnés ou légués 
à la bibliothèque du couvent des Capucins, et dont quatre 
volumes existent encore dans celle de la ville de Belfort, 
en font foi. Leurs titres ont été transcrits 0) dans une très 
courte note d'une page, signée J.-J., publiée dans le premier 
Bulletin de la Société Belfortaine d'Émulation (1872-73, 
page 59) sous ce titre : c Une pierre tombale à l'église de 
Brasse. t> 

De Morton était aussi un homme du monde, bien élevé, 
complaisant et toujours prêt à obliger. Nous en avons la 
preuve dans les registres des baptêmes et mariages ad usum 
ecclesiœ collégiale belfortemis (2), où nous le voyons figurer 

(i) Nous croyons devoir les reproduire ici : 

!• Divers voyages en Chine et aultres royaumes de VOrient avec le retour de 
Vautheur (le P. Alexandre, jésuite; en Europe par la Perse et VAt^énie, — Paris, 
1681;! vol. in-4». 

2* Relation d'un voyage fait au Levant, par M. TheveiMt, — Paris, 1665; 1 vol. 
in-4*. 

9» Histoire de Saint' Grégoire^U-Grand, par Dom Denys de Sainte-Marthe, — 
1697; 1 vol. in-40. 

4* Histoire de Charles VUI, par M. Varillas, — 16^ ; 1 vol. iD-4». 

(2) Archives de Belfort, Reg. GG. 15, 16 et 17. 



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- 38 — 

comme parrain à plusieurs reprises. Il signe, en cette qua- 
lité, l'acte de baptême de Smon-Louis de Billault, avec 
Geneviève de Saint- André comme marraine, le 25 Août 1689. 
Il Test, le 8 Février 1692, du petit Simon Chapperon, avec 
Marie de Reichenstein de Reinach ; le l^r Septembre de la 
même année, de Smonne-Jeanne Chevalier, avec Jeanne de 
Laistre ; le 22 Février 1694, de Simon de Latouche, fils du 
major du château, avec Marie-Anne de Reinach de Mon- 
treux. Le 30 Septembre 1698, il signe, comme témoin, Tacte 
de baptême de Marie-Thérèse-Véronique et Marie-Anne- 
Louise, filles jumelles de Charles-Joseph de Staal de Cra- 
vanche. Il est encore, le 2 Septembre 1708, parrain de J.-B. 
de Béarnez. 

Le 2 Septembre 1692, il avait signé comme témoin l'acte 
de mariage de François Beaujeu, officier de fusihers, avec 
Jeanne-Marie Noblat (i). 



L'acte de décès de Morton se trouve dans un des registres 
de la vieille église collégiale et paroissiale de Belfort qui 
sont conservés aux Archives (2). Le voici : 

Nohilis dnxis de morton arcis ac urhis helfortensis guhemator om- 
nibus suis sacramentis munitus, arinos 77 agens ohiit die i6 fehrua- 
rii anni ili2 cuius corpus sepultum fuit die i8 eiusdem mensis et 
anni in ecclesia collegiata prope magnum altare omnibus canonicis 
presentibus. 

L'auteur de ]a petite note que nous venons de citer croit 
que lors de la démolition de l'ancienne église collégiale en 
1750, on a procédé à l'exhumation du corps de Camus de 
Morton, et que ses restes ont été transférés dans la cha- 

(1) Archives de Belfort, Reg. GG. 25. 

(2) id., GG. ay. 



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pelle de Brasse. Nous pensons que le monument funèbre 
y a, seul, été transporté : son importance et sa beauté, 
peut-être aussi le bon souvenir laissé à Belfort par le dé- 
funt, rayant garanti d'une destruction à peu près certaine. 
En effet, de toutes les tombes qui existaient dans le chœur 
de la collégiale, pas une autre n'a été conservée, et pour- 
tant il devait s'y en trouver quelques-unes de remarqua- 
bles, comme pouvaient l'être, par exemple, celles de Jean 
de Morimont et de sa femme Elisabeth de Waldner (^), et 
celle du comte de Ludres, capitaine de cavalerie, qui ap- 
partenait à l'une des plus nobles et des plus vieilles familles 
de la chevalerie lorraine (^). 

La tombe qui nous occupe est fort intéressante, même 
au point de vue artistique. L'écu, aux émaux coloriés, est 
supporté par deux lions en relief, et l'entablement soutenu 
par deux cariatides, entre lesquelles est gravée une inscrip- 
tion en lettres dorées. Cette épitaphe a déjà été pubUée 
d'une manière inexacte. Nous la reproduisons à notre tour : 

Cy Gist Messire Simon Camvs de 
morton govvernevr des ville 

ET CHASTEAV DE BeLFORT 

cy devant 

Capitaine av régiment d'Avvergne, 

Chevalier de l'ordre de S^ Lovis, 

Brigadier des armées du Roy 

Capitaine des gentilshommes 

Inspectevr dans le pays messin 

Govverner du chasteav de Bisch. 

cinqvante cinq ans de service 

(1) « Messieurs de Morimont ont aussyicy vne chapelle dans laqvelle quelques 
▼o8 de leurs prédécesseurs reposent. La collation leurs appartient. » Tiltres de 
la Seigneurie Je Belfort, ib90. (Arch. de Belfort. mss N*» 4.) 

(2) Voy. notre article sur le comte François de Ludres, capitaine au régiment de 
Noailles'cavalerii^, dans le « Ralliement v (de Belfort), N** du 29 Avril 1894, 



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■- 40 - 
DANS LES ARMÉES L'ONT ATTACHÉES 

av roy lovis xiv dit le grand 

Il movrvt a Belfort le 16 

Février 4712 âgé de 77 ans. 

Priez Diev povr son ame 

Amen. 



La tombe de l'ancien gouverneur des ville, château et 
dépendances de Belfort ne pouvait échapper au vandalisme 
révolutionnaire. 

Par une délibération du 7 Juin 1793, le Conseil géné- 
ral de la commune décida que « comme il y avait en- 
core dans l'extérieur et l'intérieur de l'église paroissiale 
de cette ville, ainsi qu'en l'église de Brasse, des fleurs 
de lys et autres armes qui, suivant la Loi, doivent être 
efl*acées, y> tout ce qui en restait serait immédiatement 
enlevé, afin de ne plus laisser subsister aucun vestige 
d'armoiries; a et, pour cet elTet, est convenu avec le 
citoyen Claude-Louis Tremeaux, tailleur de pierres en cette 
ville, pour le prix et somme de cejit cinquante livres, au 
moyen de laquelle dite somme il s'est soumis d'enlever 
tout ce qui est, dans les dites églises, contraire à la loy. » 

Cette délibération est signée : Tremeaux. — Lehlm, Le- 
blanc, Mainrad Stroltz, Legrand, Fontange, Oriez, Judice. 

Voilà comment, sur la pierre tombale de messire Simon 

Camus de Morton, les armoiries furent martelées, les têtes 

des cariatides mutilées, la particule de et le mot roy de 

l'épitaphe efl'acés ! 

Henri BARDY. 



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Bull di. la Soc Phil. vosg., 1897-Q8. 



PI. I 




PLAN 
DK l'Église notrb-damb db hautb-sbillb 1858 



i4, Portail roman. — B, Porte romane (bouchée). — C, Porte romane 
(bouchée). — />, Bas-relief de la Vierge. — E, Piscine ogivale. 



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L'ABBAYE DE HAUTE-SEULE 

DANS LE COMTÉ DE SALM 



Si Ton considère la carte du comté de Salm datant de 
deux siècles et publiée par feu Ed. Meaurae, on voit que 
l'abbaye de Haute-Seille était située au nord-est du comté 
et à son extrême limite, environnée de villages et de bois 
tant français que lorrains. C'était la seconde abbaye fondée 
dans le comté; la première était Senones, cette illustre 
maison bénédictine dont Dom Calmet a retracé l'histoire. 

L'abbaye de Haute-Seille, après avoir fait partie toute 
entière du comté de Salm, fut comprise dans l'indivision 
de cette seigneurie par suite du mariage de Christine de 
Salm avec François de Lorraine, comte de Vaudémont, 
puis fut, par le traité de 4751, complètement cédée au duché 
de Lorraine. Elle eut, comme à Senones, à souffrir de ses 
petits souverains qui ne relevaient que de l'empire ; mais 
elle parvint à gagner la Révolution dans un grand état de 
prospérité, malgré le fléau de la commende qui pesait sur 
ses religieux par le bon plaisir du roi Stanislas. 

Si l'ordre de Clteaux avait alors spirituellement dégénéré, 
il avait conservé ses grandes qualités au point de vue ma- 
tériel. Le travail des mains avait été jadis en honneur chez 
les Cisterciens, comme on le sait. Il était alors encore 
dirigé par des hommes intelligents. Le drainage, observe 
M. d'Arbois de Jubainville, qui est aujourd'hui une impor- 



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— 42 - 

tation de Tétranger, était pratiqué dès le Moyen-âge par les 
moines (^). Les religieux, sachant bien, comme on ne cesse 
de le répéter de nos jours, que Tengrais est le premier élé- 
ment de la bonne culture, nourrissaient des bestiaux très 
nombreux; enfln ils connaissaient l'avantage de l'amélio- 
ration des races tant bovine que chevaline. 

Étant aussi avancés dans la science agricole, il n'est pas 
étonnant que les fermes, qu'ils ne cultivaient plus, leur 
donnassent de bons revenus et aient été si recherchées par 
les métayers. 

Comme tous les monastères de Citeaux, l'abbaye de 
Haute-Seille était indépendante de l'évêque diocésain, et 
un titre du XVI® siècle pouvait dire que le monastère a assis 
au détroit du comté de Salm, a toujours été après Dieu, 
sous la garde de ses seigneurs, i> les comtes de Salm. 

Haute-Seille est actuellement un hameau de la commune 
de Cirey, sur la rive droite de la Vezouse, dépendant en 
1789 du bailliage de Lunéville, duché de Lorraine; en 1790, 
du district de Blâmont, canton de Cirey ; plus tard de l'ar- 
rondissement de Sarrebourg, canton de Lorquin, départe- 
ment de la Meurthe; aujourd'hui du canton de Cirey, 
arrondissement de Lunéville (Meurthe-et-Moselle). Le ter- 
ritoire de Haute-Seille forme encore un ban à part (2). 

L'abbé Grosse, curé de Frémonville, village voisin, a 
décrit (3) avec bonheur Haute-Seille telle que l'abbaye se 
présentait en 1835 : a Le voyageur, dit-il, peut contempler 
de loin le vaste enclos du monastère, mais sur lequel la 

(1) C'est co qui faisait dire : 

Bernardus valles, colles Bfînedictug amabat. 

(2) La carte de Cassini marque une chaussée de Haute-Seille à Blâmont. U y a 
maintenant un chemin de fer de Blâmont à Cirey. Haute-Seille était sur une 
route de Blâmont â Strasbourg, très fiéquentée au Moyen-âge, par Cirey, Cbâtil- 
Ion, Turquestein, Saint Quirin, Abreschwiller, Dabo, Oberateigen, Wasselonne 
et Strasbourg. Peu à peu, le souvenir de cette route se perdit. 

(3) Diction>iaire 8tatisti'{ue du département d-e la Meurthe ^ Lunéville, 1843, 
n, 99. 



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- 43 — 

main de Dieu s'est appesantie avec justice; les hauts murs de 
Tenceinte sont debout dans toute leur intégrité et le portail 
de l'église du plus pur style ronian se dresse encore au 
milieu des massifs de verdure qui Tentourent. On voit aussi 
l'avenue d'ormeaux plantée par les cénobites et que la 
destruction a épargnée. L'intérieur de l'église, dont l'en- 
ceinte est dessinée par un petit mur, est transformé en 
jardin. On distingue le cimetière où quelques inscriptions 
sont à demi effacées. Les bâtiments servant aux religieux, 
les cloîtres, les tours et les murs de l'église où saint Ber- 
nard est venu offrir les saints mystères (on avait bâti une 
chapelle en son honneur) sont détruits et leurs débris 
couvrent encore le sol. Les forêts sont transformées en 
boqueteaux entremêlés de champs et de prairies, et les 
étangs sont convertis en terres labourables. Seuls les bâti- 
ments des fermiers dits la Basse-Cour sont restés debout, 
et le propriétaire loge dans la maison du jardinier. 

« Haute-Seille, malgré son aspect lamentable, est une 
des excursions les plus agréables pour le touriste qui vient 
visiter les bords de la Vesouze et cette partie de la chaîne 
des Vosges (^). > 

Rien n'est plus vrai que cette description pour le voya- 
geur qui vient de Blâmont. 

€ Les moines blancs, t> comme on les appelait, ont dis- 
paru, mais leur souvenir existe toujours. Saint Bernard est 
encore vénéré. Ces religieux étaient connus de la fondatrice 
Agnès de Langstein (que VArt de vérifier les dates appelle 
à tort Adèle). En 1132, son père Thierry I^r, comte de 
Mousson et de Montbéliard, avait été un des fondateurs de 
l'abbaye des Trois-Rois ou de Lieu-Croissant, dans le dio- 
cèse de Besançon. Aussi lorsqu'on 1140 elle voulut à son 

(1) Le poète Désiré Carrière visita Haute -Seil'.e. Il vante Tordre de Citeaux, 
doDt le monastère qti'il voit, ne présente plus que des ruines. (Œuvns cfwisits^ 
Mirecourt, page 400.) 



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- 44 - 

tour fonder avec ses trois fils Henri, Hermann et Conrard 
une abbaye cistercienne in vastd solitiuline, elle fit venir 
de la Bourgogne, non loin de la Saône, dans le diocèse de 
Langres, des moines blancs de Tabbaye de Theuley ou 
Tuley (Tulleium vel Théo Locus, Lieu Dieu), qui vinrent 
s'établir in Altâ silvà, au milieu de vastes forêts, que Ton 
nommait Haute-Salle, Haute-Selve, Haute-Seille, en alle- 
mand Hohen vorst. Le monastère naissant fut la fille unique 
de l'abbaye de Theuley (^), qui resta depuis stérile. 

La nouvelle abbaye fut mise sous l'invocation de Notre- 
Dame en sa nativité. Déjà en 1425, Agnès de Langstein et 
son mari le comte Hermann avaient donné à l'abbaye bé- 
nédictine de Honcourt en Alsace les villages de Parux, 
Landange et Vathiménil, situés non loin de Haute-Seille. 

La comtesse Agnès était la sœur d'Etienne, évêque de 
Metz, d'après M. Léon Vieillard (2), et sa mère se nommait 
Ermentrude de Bourgogne. D'après M. Léon Germain 0, 
elle se serait remariée à un comte Grégoire (?) 

La maison religieuse de Theuley était la sixième fille de 
rillustre abbaye de Morimond, celle-ci, quatrième fille de 
Citeaux, et son abbé, le quatrième père de l'Ordre, avait 
ainsi le droit d'inspection sur Haute-Seille qui recevait de 
lui l'investiture de ses abbés. CeUe-ci était la quarante- 
unième maison issue de Morimond (*). 



(1) Le monastère avait été fondé en 1130. Il fut depuis du nouveau diocèse de 
Dijon, puis de celui de Besançon, arrondissement de Gray, canton de Daropierre 
(Haute-Saône). L'abbé était visiteur de Haute-Seille comme Père spirituel. 

(2) Documents et mémoires pour servir à Tbistoire du territoire de Belfort, 
Besançon, 1884. 224. 

(3) Documents sur Agnès de Langstein {Journal, 1883, 147). 

Thierry I*' était fils de Louis !*% comte de Mousson, et de Sophie, comtesse de 
Bar. Son aïeule était, toujours d'après M. Léon Vieillard, Hildegarde, sœur de 
Léon IX, le pape alsacien, né au château de Dabo. 

Langstein est le nom allemand du cb&teau de Pierre-Percée, près Badonvillers. 
Ses seigneurs durent être les voués de l'abbaye et non ceux de Lutzelstein. 

(4) Diocèse de Toul, archidiaconé de Port, doyenné de Deneuvre. En 1775, du 
diocèse de Nancy. 



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- 45 - 

Au départ d'une colonie, la cloche rassemblait les reli- 
gieux à l'église; après l'office, l'abbé allait prendre sur 
Tautel un crucifix qu'il remettait au chef de Texpédition ; 
douze religieux se rangeaient autour de celui-ci, puis sans 
rien dire, la colonie quittait le monastère, accompagnée 
des moines et des chantres dont la voix était couverte par 
les larmes. La grande porte extérieure s'ouvrait et se re- 
fermait presque aussitôt. Gérard, premier abbé de Haute- 
Seille, ne faisait plus partie de Theuley ainsi que ses 
compagnons. Chaque moine portait quelque objet pour le 
nouveau monastère; l'un des reUques, l'autre des vases 
sacrés, etc. Au bout de quelques jours ils arrivaient dans 
l'endroit qu'ils devaient défricher et sanctifier. Ils com- 
mencèrent alors à essarter la forêt et à canaliser le ter- 
rain pour pouvoir bâtir la nouvelle maison rehgieuse. 

D'après Ruyr, l'abbaye de Haute-Seille se trouvait « en- 
« tre la ville de Blàmont et les forêts qui regardent le 
€, Haut-Westrich (i) pour l'Orient. Les anciens, pour ce 
< qu'elle fut premièrement en une solitude de hautes et 
« amples forêts, la nommèrent Altœ sUvas monasterium (2). 
c Ce que le vulgaire a corrompu, l'appelant Haute Saille 
€ conmie en Gascogne celui du même ordre nommé en 
« latin Grandis Silva, s'appelle maintenant Grande Selve, 
€ Haute-Seille est sur la Vezouse qui vient du Val de Bon- 
€ Moutier, quasi sur le finage de Saint-Sauveur (3). j> 

L'abbaye fut bâtie sur le ban du village de Tan con ville. 
Les religieux de Theuley y furent reçus en 4140 par Agnès 
comtesse de Sahn et ses deux fils Henri et Hermann. Le 
26 Mai on commença à construire, et en 1147, Etienne de 

(1) Pays entre la Moselle et les Vosges. 

(2) En 1147, révoque de Metz en parle dans ces termes : Abbatia allas êilvœ de 
navo in vtuta êolUudine fundata. Ruyr eut entre les mains des documents qui 
avaient disparu au XVIIl* siècle. Il cite parmi ses sources Chartœ A llœ Silvœ, 
Chartœ S. Salvatoriê in Vosago, etc. 

(3) L'abbaye de Saint-Sauveur remplaça 6on-Moutier ruiné et fut elle-même 
remplacée par Domôvre qui fut détruit à la Révolution. 



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Bar, évêque de Metz, fit un accord avec sa nièce Agnès de 
Bar, fille de Renaud, comte de Bar, son frère et les héri- 
tiers du comte de Langstein d'une part et Bencelin de Tur- 
questein et son fils Gonon, Arcelin de Valringen et Bero 
de Desmes d'autre part, parents du prélat et sujets de son 
église. Il donna à cette abbaye autant de terres que deux 
charrues de bœufs pourraient labourer en un jour, lui en 
accorda d'autres sur les terres de Metz, plus le droit d'ac- 
quérir des pâturages, des aff'ouages dans les bois de Ram- 
bervillers et de Nossoncourt. 

Il fut convenu en outre par un accord entre l'évêqne et 
le comte de Blàmont que les bois seraient partagés par 
moitié et que l'abbaye demeurerait au prélat qui en était 
en possession. Ces bois étaient ceux de Turquestein, Blà- 
mont et Bon-Moutier (Ruyr). On sait que Haute-Seille se 
trouvait dans le comté de Blàmont, dont les seigneurs 
étaient de la même famille que les comtes de Salm (*). 



L'abbaye avait des maisons de sûreté à Blàmont et à 
Sarrebourg. Dans cette ville, elle en avait plusieurs dès le 
XlIIe siècle, entre autres une avec cour devant l'hôtel de 
l'évèque, un jardin et une vigne de quatre jours et une 
autre en 423!2, par donation du prévôt Vibert, moyennant 
une rente annuelle et viagère de 12 deniers pour lui et son 
épouse lunga; le couvent obtint une autre maison avec ses 
dépendances, un jardin, une grange et un cellier (2). 

En 1420, l'abbé Gérard cède à Jean Charpentier et à 

(1) RuTR. Us sont nommés comtas de Blàmont , ou de Salm , ou de Langstein. 

(2) Wagner. Sarrebourg, 1889, 45, 83. 



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- 47 - 

Agnès, sa femme, bourgeois de Sarrebourg, une maison, 
cour, étables et un pré à Hof, à charge de fournir aux re- 
ligieux du couvent Tliospitalité , le gîte et la lumière, et 
à leurs chevaux le foin et la paille, en passant à Sarre- 
bourg. Cette maison était venue en 1522 à Messire Veltin, 
chanoine et curé de Langatte, qui en refusa l'entrée aux 
Cisterciens de passage. De là, une instance entamée par 
l'abbé Jean Husson. 

Le jugement est ainsi conçu en 1529 : a Sachent tous 
« que le Révérend abbé et religieux de Haute-Seille ayant 
« prétendu droit de résidence sur une maison établie, avec 

< aisances et dépendances, rue de la Fontaine, laquelle 
€ est à présent aux mains et à la possession de Messire 
« Veltin (et cohéritiers), chanoine et curé de Langatte, de 
« laquelle résidence lad. abbaye a été par ledit sieur Veltin 
« (et cohéritiers) , environ Tespace de six ans frustrée et 
« empêchée. Pour laquelle cause le R. P. Adam Husson, 

< abbé de Haute Seille, aurait fait demande à actionner 
« led. Veltin (et cohéritiers) à cause dudit refus touchant 
« la résidence. Lesquels sont comparus devant les gens 
« de justice (prévôt, échevin et notaire), auxquels les 
€ actionnés promirent de laisser Fancien droit aux reli- 
« gieux, et furent condamnés à payer deux et demi flo- 
« rins pour les six ans de frustration et dommages-inté- 
« rets. 3) 

La maison passa encore à d'autres propriétaires, à l'insu 
de l'abbaye, elle fut vendue à un chanoine-curé de Sarre- 
bourg, sans signification au couvent, à qui l'acquéreur en 
refusa l'ouverture, ce qui amena une. nouvelle instance 
près du duc Charles III. 

L'histoire de l'abbaye peut se résumer dans les vexa- 
tions qu'elle eut à subir de la part de ses fondateurs, les 
comtes de Salm, dans les raccommodements avec ces der- 
niers; puis surtout dans les troubles et les ruines qui sur- 



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- 48 - 

vinrent à la suite du passage des gens de guerre depuis 
le XlVe siècle jusqu'au XVIIe. 

Un nom se fait remarquer au milieu de tous dans les 
premières années de Tabbaye, c'est celui du moine Jean 
dont nous allons parler longuement. Il le mérite bien. C'est 
un des plus grands écrivains de l'époque. 



II 



Dans les premières années de l'existence de Haute-Seille 
vivait dans l'abbaye un moine nommé Jean, qui composa 
un poème latin (i), véritable encyclopédie du temps et cité 
par tous les auteurs du Moyen-âge. L'orignal du poème, 
conservé jadis dans la bibliothèque de Haute-Seille, est 
perdu depuis longtemps. Il en existe une copie latine datant 
du XlIIe siècle à la bibliothèque de la ville de Luxembourg. 
Cette copie, signalée par Dom Martène au XYII^ siècle, 
provient de la riche abbaye cistercienne d'Orval. Voici la 
dédicace (1480-4212) : « Au Révérend Père en Dieu et Sei- 
« gneur Bertrand, Évêque de Metz, par la volonté de Dieu, 
« frère Jean, frère cistercien de Haute Seille, souhaite de 
« vivre heureusement encore le cours de sa vie (2). 

« Je cherchais, continue-t-il , dans les profondeurs des 
« cloîtres et sous les bandelettes des pontifes", un homme 
c en qui mon cœur pût se complaire, un homme de vertu, 
(c saint, juste, parfait, versé dans les lois divines et hu- 
€ maines. » 

Le moine Jean avait bien raison de louer l'évêque Ber- 
trand, qui fut un des bienfaiteurs du monastère. Le poème 

(1) n est intitulé Dolopathos, sivê de Rege et septem Sapientibus. 

(2) Poème du traducteur Herbert. 



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- 49 - 

en vers fat traduit en français et est intitulé Dolopathos ou 
le Roman des Sept Sages, ouvrage singulier et bizarre, dit 
Legrand d'Aussy, mais qui peut se glorifier d'une des plus 
heureuses destinées qu'aucun livre ait jamais obtenues (<). 
Une foule d'auteurs ont puisé dans le Dolopathos, et 
pour ne citer que les plus illustres , nommons Boccace et 
le bon La Fontaine. L'ouvrage fut traduit dans toutes les 
langues. Plus tard, un moine nommé Herbert, sans doute 
de Haute-Seille , traduisit le Dolopathos du frère Jean en 
vers français (12.901 vers) de huit syllabes, au conamen- 
cement desquels il rend hommage à l'auteur : 

Li bon moine de bonne vie, 
De Haute Selve Tabbeye, 
A l'estoire renouvellée, 
Par bel latin Ta ordenée; 
Habers la vient en roman traire, 
Et del romans un livre faire, 
Et nom et en la révérence 
Del roi fil Phelipe de France, 
Loeis qu'en doit lo6r, etc. (2). 

(1) En voici le sommaire d'après Weiss {Biographie univerHlle). Un jeune 
prince élevé par sept philosophes dont le principal est Virgile, est accnsé par sa 
belle-mère d'avoir voulu attORter à son honneur. Le roi furieux fait condamner 
à mort son fils qui persiste h garder le plus profond silence. Un des instituteurs 
du prince prouve au roi par un conte que Fod doit se défier des apparences; la 
reine répond par une histoire qui détruit Tefi'et de la première. Mais le jeune 
prince est sauvé pour ce jour-là. Pendant cinq jours , chacun des instituteurs 
obtient de la même manière la grâce du prince et la reine sa condamnation. 
Enfin Virgile pandt et sauve définitivement la vie au malheureux qui recouvrant 
enfin la parole, démontre complètement son innocence. La reine est condamnée 
séance tenante à subir le supplice réservé à l'innocent. Elle périt dans les flam- 
mes, chargée de la malédiction de tous. 

(2) Variante : 

Un blanc moine de bonne vie, 
De Haute Selve Tabbaye, 
A cette histoire novellée, 
Par biau latin l'a ordenée; 
Herbert la veit en romans fère, 
Et del romans un livre fère. 



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- 50 - 

La traduction, observe M^ Mathieu, comme il arrive 
quelquefois, éclipsa roriginal, et par une application nou- 
velle du Sic vos non wbis, Herbert (^) se fit un nom et Jean 
tomba peu à peu dans l'oubli. Le Dolopathos français fut 
signalé dès 1581 par le président Claude Fauchet, par le 
célèbre Huet en 1670, en 1751 par Dom Calmet qui, n'y 
regardant pas de si près, ne fait qu'un seul personnage de 
Jean et d'Herbert. Les Bénédictins de VHisloire de Metz ont 
suivi Terreur de Tillustre abbé. On trouve des fragments 
du poème dans la Bibliothèque française de Duverdier et 
un extrait fort étendu dans le Conservateur (Janvier 1760), 
d'après un manuscrit français de la bibliothèque de Sor- 
bonne, aujourd'hui perdu. Le poème a été analysé inexac- 
tement en 1838 par l'ex-m^atorien Daunou, dans le tome 
XIXe de VHïstoire littéraire de la France. 

On lit dans le Dolopathos quelquefois des détails très li- 
bres, dans lesquels entre notre t bon moine de bonne 
vie, i> dans un poème dédié à un èvêque renommé pour 
sa sainteté; mais c'était dans la mode du temps : grossier 
dans le langage, mais chaste dans les moeurs. Le poème 
du frère Jean fourmille de sentences et de proverbes (2) : 

Si corn Dom Jehans nos devise 
Q«i en latin Thistoire a mise. 
On sert le chien por lo soigner. 
Et por Tamor le chevalier, 
Baise la Dame l'escuyer. 



Riens tant en grève menteor, 
A larron, ne a rebeor, 



(i) Bégin dit que Jean, moine de Haute-SeiUe, fit passer au XII* siècle le 
Roman des Sept Sageê du grec en latin! et Herbert se servit, d'après lui, de 
cette traduction pour mettre le poème en français 1 

(2) D' BâaiN. Histoire des Lettres, des Sciences dans le pays messin, Metz, 1829, 
252. 

Mfl' Mathieu. Un romancier lorrain au XH* siècle. (Mémoires de l'Académie de 
5(anM?a», 1882, 188, 245). 



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-M - 

N'a mauvez hom qniex qni soit, 
Com' veritez quand Tapperçoit, 
Et veritez est la masme 
Qui tôt le monde occit et tue. 

Le manuscrit fut étudié de plus près par Le Roux de 
Lincy, et enfin publié intégralement en 4856 dans la col- 
lection Jannet par Charles Brunet et Anatole de Montai- 
glon. Cette publication attira de nouveau Tattention sur le 
Dolopathos, et un jeune savant allemand, Hermann Œs- 
teriy, eut le bonheur de retrouver le manuscrit d'Orval 
cité par Dom Martène, à la bibliothèque de la ville de Lu- 
xembourg, qui eut beaucoup de richesses littéraires de 
l'opulente abbaye. Il publia sa découverte en 1873 chez 
Tnibner à Strasbourg, en une brochure in-S^ de cent pa- 
ges, ayant pour titre : Joannis de Alla Silva Dolopathos, 
sive de Rege et Septem Sapientibiis , précédée d'un intro- 
duction en allemand. 

Le moine Jean, la principale illustration de Haute-Seille, 
devait être très savant pour son temps, curieux de belles 
aventures et de récits merveilleux; il mérite une place 
d'honneur dans l'histoire de la littérature populaire. Mais 
il eut le tort d'écrire en latin au moment même où la lan- 
gue des trouvères prenait son essor. 

Mais grâce à des travaux Uttéraires modernes, le nom 
du moine Jean est sorti de l'oubli et l'abbaye de Haute- 
Seille est connue de tous les érudits (^). 



(1) Le précieux manuscrit du moine Jean ne figure pas dans un petit catalo- 
g:ue des manuscrits lorrains de la bibliothèque de Luxembourg, donné récem- 
ment dans le Journal de la Société <V Archéologie. 11 devait venir de la riche 
abbaye d'Orval. 



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- 52 — 



III 



Les moines cherchaient toujours à empiéter sur les 
droits des seigneurs voisins; c'est ainsi qu'ils préten- 
daient que le meunier de leur ferme de Xirxange (^) était 
en droit d'aller charger les grains au village de Moussey. 
Ce qui amena un grand procès qu'ils perdirent, et dont 
quatre liasses étaient aux archives du comté de Réchi- 
court dont dépendait Moussey. 

En qualité de seigneurs de Xirxange, les rehgieux avaient 
cinq simmers sur l'excédant en blé contre un donné au 
maire, un autre à l'échevin, deux au sergent, trois aux 
héritiers de Barbas et le surplus à l'évêque de Metz (charte 
du lundi avant la sainte Madeleine 1442), sur le ban de 
Maizières. 

L'inventaire des archives du comté de Réchicourt, in-P>, 
page 234, N<>425, indique une lettre en date du 24 Juillet 4574, 
de l'abbé Jean Perrin au comte d'Éberstein , seigneur du 
comté de Réchicourt, par laquelle il le supplie comme son 
bon seigneur d'octroyer la cure de Xouassange au sieur 
Neufchamp, son protégé. 

D'après le Fouillé manuscrit de la bibUothèque de Metz 
(1770), l'abbaye nommait aux cures suivantes : 
FraqueUing. 

Fribourg. Conjointement avec le Chapitre de Sarrebourç 
et le Concours ; l'abbé touchait un tiers de 
la dîme dans un finage. 
Hattigny. Cure régulière reconnue par arrêt du Parle- 



(1) Le domaine appartenait sous la Restauration à M. Heibell , conseiller de 
préfecture à Strasbourg, député du Bas-Rhin. 



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- 53 - 

ment de Metz, malgré Tévêque qui vou- 
lait, en 1704, y nommer un prêtre séculier. 
Hesse. Cure régulière, Tabbé touchait les deux tiers 

des dîmes du ban et le curé l'autre. 
La FrimboUe. L'abbé possédait la chapelle dédiée à sainte 

Ursule et à ses compagnes. 
Landange. L'abbé et le baron de Saint-Georges (le prince 
de Beauveau) y nommaient alternativement; 
l'abbé y nomma en 1775. 
Langoimbert. Vicariat perpétuel régulier. L'abbé y nommait 
alternativement avec l'abbé des Cisterciens, 
de Villers-Bettnach ; ils touchaient les deux 
tiers des dîmes et le curé régulier l'autre. 
Ommeray. L'abbé y nommait un séculier. 
Tanconville. Cure régulière. 

Ainsi l'abbaye avait quatre cures régulières : Hattigny, 
Hesse, Languimbert et Tanconville. En Alsace, l'abbaye 
possédait encore le patronage de la cure de Saint-Pierre 
et Saint-Paul, une des paroisses de la ville impériale de 
Rosheim. En 1790, M. Molsheim y était curé. Cette église 
est par son antiquité un monument des plus remarqua- 
bles. 



IV 



Au commencement du siècle dernier, il y avait dans 
l'abbaye une foule de personnes, dont la présence con- 
trastait avec la règle primitive des Cisterciens : le cocher 
de M. l'Abbé, le sergent, le maître d'hôtel de l'abbaye (en 
1714, Nicolas Décrion de Coincourt). Un vieillard m'a ra- 
conté à Tanconville, il y a plus de quarante ans, qu'une 
vieille coutume monastique s'était conservée dans le cou- 



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— 54 — 

vent. Tous les ans, le Jeudi-Saint, l'abbé ou le prieur claus- 
tral lavait les pieds à douze petits garçons. Après la céré- 
monie, un bon dîner avec du vin leur était servi, et on les 
gratifiait chacun d'une pièce de quinze sols, monnaie de 
Lorraine. Les costumes des enfants pour la fête étaient 
tirés d'un long coffre, et on les remettait en place pour 
Tannée prochaine, après la cérémonie. 

Vers cette époque (1700), les paroissiens de Fraquelflng 
et de Niederhoff, son annexe, se plaignaient amèrement 
à l'archiprêtre de Sarrebourg, en visite officielle, de leur 
curé Dom Henrion, qui, depuis cinq mois qu'il était ins- 
tallé, ne leur avait pas encore fait ni prône, ni catéchisme. 
Le Bernardin inculpé se borna à dire pour sa défense que 
l'intérêt et la passion faisaient ainsi parler ses ouailles. 

Les fermiers, le forestier, le jardinier, les gens em- 
ployés dans la maison formaient une petite paroisse à la- 
quelle venaient se joindre les rares habitants de Tancon- 
ville. Un moine faisait les fonctions de curé. Il y avait le 
cimetière des séculiers de l'abbaye. 

Le curé de « la Basse Cour, » Dom Lamarche, cite le 
décès en 4704, à l'âge de soixante ans, de Didier La Tour, 
parisien, pensionnaire en cette abbaye. C'était un ancien 
soldat dont l'État récompensait ainsi les services, et plus 
tard on voit le frère donné Didier, dit de Villedos, âgé de 
quarante-cinq ans, figurer sur le registre mortuaire (*). 

On rencontre quelques détails intéressants dans les re- 
gistres de paroisse de la commune de Tanconville, qui re- 
montent, d'après H. Lepage, à l'année 4700. 

En voici quelques-uns : 

L'an 1702, le 25 du mois de Mars, est décédé dans cette paroisse 
de Haute-Seille, Hans Arpaille, allemand de nation , valet du mar- 

(1) En 1704, le jardiaior de Fabbaye est «c sépulture » dans l'église abbatiale, 
devant Tautel. Il y a le fermier de la Moitresse-de -la- Vigne (écart de Cirey). 
Toutes les Tignes ont disparu du pays depuis longtemps. 



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- 55 — 

quar de l'abbaye, qui se trouvait encore garçon, lequel est luthé- 
rien, et a fait abjuration entre les mains de M. l'Abbé pendant sa 
maladie, et fut administré avec tous les sacrements usités. 

Fo»» Lamarche. 

Le 11 Février 1703, est décédé Dominique Christophe, âgé de 
cent ans, ayant vu quatre abbés, savoir : 

Dom Jacques Bernard; 

Dom Louis de Feriet; 

Dom Claude de Bretagne; 

Dom Jacques Moreau de Mautour. 

Il a reçu l'extrôme-onction , ayant tombé en enfance et ne pou- 
vant plus se confesser. 

Aujourd'hui 2 Mars 1704, a été baptisé François Massu par Dom 
Alexis de la Marche, et a eu pour parrain M. le Chevalier Jacques- 
François de Saint- Vincent, et pour marraine Anne-Marie du Cbâte- 
let, de la paroisse de Cirey, qui ont signé avec moi, rehgieu» de 
chœur de l'abbaye. François Michel. 

(Cette demoiselle du Châtelet fut baptisée à Cirey le 23 Juin 1676. 
Martimprey.) 

En Juin 1707, Jubilé à l'abbaye. 

Le 7 Octobre 1707, décès du bourgeois de Strasbourg et menui* 
sier de la maîtrise de cette ville, Patrice Hop, qui travaillait a à la 
confection de nos estaux. i 

Le 17 Décembre 1711, décès d'un habitant de la Suisse, italienne, 
c qui travaillait ici depuis deux mois. » 

Le 27 Mai 1711, la seconde cloche de l'abbaye, nommée Marie- 
Catherine, a reçu la bénédiction et a eu pour parrain Messire Al- 
bert-François Moreau de Mautour, prieur de Moustier et l'Isle, et 
pour marraine Marie-Catherine du Châtelet de Chauvirey, lesquels 
ont signé avec nous et les témoins soussignés. 

M. DE Mautour. Massu. Richard. 
DU Châtelet de Chauvirey (i). 

(i) En 1702, La Verdare, dotnestiqu<3 des demoiselles du Chàt<:let à Cirey, 
figure comme témoio. 
Marie-Catherioe du Châtelet, Ûlle de Pierre-AQtoiQ<) , chevalier, marquis du 



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- 56 - 

Feu Chapellier a fait voir en quelques pages comme 
Tautorité des co-seigneurs était reconnue en 1707 par un 
abbé nommé par le roi de France. Le juré en la justice 
de Badonvillers était parti de cette ville le 8 Septembre 
avec son sergent pour annoncer la fête à Tabbaye; ils la 
proclamèrent selon la coutume, a: Oyez, Messieurs, de par 
« Dieu, de par Notre-Dame, de par les seigneurs souve- 
€ rains de la terre de Salm, et de par Messieurs les abbé, 
« prieur et religieux de Haute-Seille, la fête est permise, 
« et il est défendu à qui que ce soit de faire aucun trou- 
« ble pendant les danses. » 

La fête publiée, les deux officiers entrèrent à Téglise 
pour entendre la messe et se présentèrent à l'offrande, 
mais l'abbé leur refusa à Tautel de marcher les premiers, 
malgré qu'ils représentassent le duc de Lorraine et le 
comte de Salm, co-seigneurs souverains, et ce prélat eut 
l'insolence de dire à un particulier : « Monsieur le Maire, 
avancez ! î> Après la messe, la fête fut encore publiée, et 
un moine leur dit : « Dites Monseigneur l'abbé, plutôt que 
de nommer les princes. y> Le cri de la fête prononcé, les 
délégués entrèrent au couvent pour le dîner accoutumé, 
mais l'abbé furieux se présenta devant eux, criant : « Sor- 
tez, sortez, je ne vous reconnais en rien. i> C'est ce que 
firent les deux officiers qui ne dirent pas où ils mangè- 
rent, mais qui signalèrent l'abbé comme n'ayant pas, à 
l'Évangile, chanté pour les souverains ni en commun, ni 
en particuher, « ce qui avait scandalisé les assistans, » 
selon eux. 

C'est l'abbé Moreau de Mautour qui, pour ne pas avoir 
à supporter les frais de réparation de l'église de Hesse, 

Châtelet, baroD de Cirey-en- Vosges , etc., et de Marie Hichard de Jaulny, épousa 
en 1709 le comte de Gresche, seigneur de Jallaucourt, chambellan du duc de 
Lorraine, grand duc de Toscane, capitaine de cuirassiers de l'armée impériale, 
n ne faut pas confondre Cirey-en-Vosges avec Cirey-en-Cham pagne, où résida 
Voltaire. Marie-Catherine, fut baptisée à Cirey le 1*^ Janvier 16B4. 



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Bull, de la Soc. PkiL vosg., 1897-Q8. 



PI. 11. 




BAS-RELIKF DE LA VIERGE 




SCEAU DE HENRI II, Comte db Salm (d'après Calmct) 



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- 57 - 

crut bien faire en 4694, en retranchant la plus grande par- 
tie de ce <i niagnifique t> édifice, et la mit, malgré qu'il en 
tira plus de mille écus par an dans le triste état où le mo- 
nument se trouve de nos jours (^). Tout penchait vers la 
ruine, entre autres, dit Tarchiprêtre de Sarrebourg, visi- 
teur en 4700, Tau tel de Saint-Bernard. Le curé-prieur ne 
tirait alors que 300 hvres pour desservir la cure. Le 29 Sep- 
tembre 4707, M. de Mautour, capitaine au régiment d'An- 
halt, et M"e de Saintignon, tinrent sur les fonts baptismaux 
le fils de l'amodiateur de Haute-Seille, Jacques Klein, le 
père du maître de poste de Blàmont, Taïeul du général 
comte Klein, sénateur sous le premier empire. 

Le registre de Tancon ville parle encore de M. de Mautour. 

Le jour de Pâques, 8 Avril 4708, Ton a chanté pour la 
première fois la messe dans le chœur de Téglise de Tab- 
baye. L'abbé officiant pontificalement, le chœur a été cons- 
truit par ledit seigneur abbé à la gloire et en l'honneur de 
Dieu. La communauté de Haute-Seille était alors compo- 
sée de : 

Messire Jacques Moreau de Mautour, abbé régulier, bachelier en 
théologie de la maison de Sorbonne, seigneur de Haute-Seille et 
seigneur foncier de Neuf-Grange, bien seigneurial exempt de tous 
droits et dîmes. 

Dom Pierre Richard, curé de la Basse-Cour et chantre. 

Dom Alexis La Marche, sous-prieur. 

Dom François Brissault, curé de et chantre. 

Dom Charles Aubertin, dépensier. 

Frère Michel, clerc. 

Frère Philippe Geoffroy, clerc. 

Frère Antoine Thomas. 

Et le sieur Jean Charette, tous deux laïques. 

Quamvta non mea manu scriptum est, ita e$t. 

(i) D. FisCHBR, Die ehemalige Abtey Besse, Mulhausen, 18(*i6, 20 pages. 
H. RuHN, Hesse, son ancienne abbaye, son prieuré, son église, Nancy, 1872, 
in-S*", 83 pp. planches. 



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-SS- 
II y avait en outre à Tabbaye : 

Dom Robert Lambert, curé de Bertrambois. 

Dom Robert Massu, né à Blâmont, curé de Languimbert. 

Dom Jean Drouet, curé de Hesse. 

On trouve comme curés de la Basse-Cour : 

4700, Frère de Monet. 

1702, Frère Henrion. 

1703, Frère Lamarche. 

1711, François Richard, établi par le révérendissime abbé pour 
administrer les sacrements à Haute-Seille et ceux de la Basse-Cour, 
directeur de l'abbaye. 

1724 (1), Frère de la Tour. 

1729, Frère de Romain, Frère Lamarche, sooa-prieur^ etc. 

M. de Martimprey cite cette inscription qui se trouve 
sur un petit mur : 

Frère Jacque 

MOREAU 

ABBÉ RÉGULIER 

DE CE MONASTÈRE 

A FAIT CONSTRUIRE 

CET ÉDIFICE EN 1716 

L'inscription doit rappeler la construction de Thôtel ab- 
batial, mais non celle de Téglise dont la nouvelle dédicace 
eut lieu en 1708, comme on Ta vu. 

Dès 1399, la « Congrégation de la Vierge » en son An- 
nonciation était en honneur à Haute-Seille. On versait dix 
sols dans le tronc pour y être admis, et un échevin d^é- 
glise en était le président. En 1729, il y a beaucoup de 
personnes des deux sexes qui s'y font recevoir pour par- 
ticiper aux prières et aux messes dites toutes les semai- 

(1) Dom François Richard, profôs de Lucelle, prêtre le 27 Mars 1685, prie«r- 
curé de Hesse 1713. 



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- 50 — 

nés le samedi pour les confrères; trois ans après, il y a 
deux nouvelles inscriptions. Un confrère donne trois francs 
pour la décoration de Tautel de la Vierge, un autre fonde 
une messe basse à sa mort, etc. Dom de Romain avait 
été l'administrateur de la confrérie. 

En 1732, suivant Tancien usage, le curé de « la Basse- 
Ck)ur > réunit les femmes de la paroisse pour élire entre 
elles une sage-femme, et deux ans auparavant, le curé 
Dom Thomas Romain avait fait prêter au garde-chapelle de 
Haute-Seille le serment de bien remplir ses fonctions (^). 



VI 



La commende fut introduite dans l'antique abbaye cis- 
tercienne par la volonté du roi Stanislas, co-souverain du 
comté de Salm aux droits des ducs de Lorraine qui étaient 
devenus co-possesseurs par suite du mariage de Christine 
de Salm avec François de Lorraine, comte de Vaudémont, 
tige de la maison actuelle impériale et royale d'Autriche. 
Le prince Léopold de Salm-Salm, dont le gouvernement 
fut vénéré dans sa petite principauté, n'était pas de force 
à lutter avec le roi de Pologne, soutenu par la cou- 
ronne de France; puis des raisons personnelles survin- 
rent, comme on le verra plus bas, et l'empêchèrent de 
poursuivre ses justes oppositions contre les menées de 
Stanislas. Elles auraient du reste échoué par suite de la 
complicité de la Curie romaine avec le monarque polo- 
nais (2). 

(1) Le frère Richard, curé de la Basse-Cour, est témoin de la mort d'une jeune 
fille de vingt ans , qui « a donné les marques très sensibles de ses péchés et 
grande résignation à la volonté de Dieu, d 

(2) Thibault, Matières bénéficiales , 150. 



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— 60 - 

Celui-ci, au décès de Tabbé régulier de Haute-Seiile, 
Dom Henri Lecler en 1747, s'empressa de nommer, en 
vertu de l'induit du pape Clément XII du 15 Janvier 1740, 
et sans consulter le prince de Salm-Salm, le fils de son 
intendant, le jeune Nicolas-Joseph Alliot, clerc du dio- 
cèse de Toul, qui venait d'être débouté par les tribunaux 
de la commende du prieuré bénédictin de Châtenois, 
près de Mirecourt. Le prince de Salm-Salm, ignorant le 
choix du roi , lui avait écrit une lettre pressante pour lui 
demander la nomination pour son fils aîné, le prince Othon, 
qui, à sa mort, s'empressa de renoncer à ses bénéfices et 
à la carrière ecclésiastique pour rentrer dans la vie laïque 
et être prince souverain de Salm-Salm. Apprenant le choix 
du roi, Léopold changea de tactique et envoya une pro- 
testation en Cour de Rome contre la nomination, s'ap- 
puyant sur ce que le comté de Salm dans lequel était située 
Vabbaye de Haute-Seille était terre d'empire^ mais indivis 
avec le duché de Lorraine et par conséquent régi par le Con- 
cordat germanique. Ce qu'écrivit avec raison le prince, fit 
un certain efl'et à Rome et fut peut-être cause qu'on refusa 
d'y reconnaître la nomination royale, et les moines de leur 
côté, pour montrer à tous leur bon droit de nommer un 
abbé régulier, s'empressèrent d'élire pour leur supérieur 
Dom d'Estrepy. Le roi de Pologne ne se laissa pas intimi- 
der par le bref papal , et le procureur général Thibault fut 
chargé d'y répondre tant bien que mal. Celui-ci ne put 
s'empêcher de déclarer que le comté de Salm était indivis 
avec le duché de Lorraine; mais ce qui amoindrissait les 
droits de l'empire, c'était que l'abbaye de Haute-Seille était 
du diocèse de Toul et en suivait les coutumes , et que de- 
puis son annexion à la France cette ville ne suivait plus 
le Concordat germanique. Enfin l'indivision du pays n'em- 
pêchait pas la nomination du roi , qui tout au plus souffri- 
rait qu'elle fût alternativement élective et collative avec les 



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religieux, et que pour cette fois le décorum commandait 
que Sa Majesté eût le pas sur les moines qui auraient la 
nomination qui surviendrait plus tard. 

Le pape Benoit XIV crut devoir par politique adopter 
ces raisons, et accorda le 18 Novembre 1749 la nomination 
au roi. Comme Sa Sainteté avait supprimé toutes les pro- 
cédures, Stanislas, enchanté de l'issue de Taffaire, donna 
une nouvelle nomination royale à Tabbé AUiot, qui fut reçu 
sans difficulté, Tabbé général de Citeaux ayant fait dire 
aux moines de Haute-Seille qu'il voulait qu'ils restassent 
tranquilles (^). 

Mais dans tout ceci on ne voit plus figurer le prince de 
Salm-Salm. Que faisait-il donc pour maintenir ses droits? 
Hélas ! Son Altesse avait changé du tout au tout, il approu- 
vait tout ! Les négociations pour le partage du comté de 
Salm entre lui et le roi de Pologne étaient déjà commen- 
cées, et elles finirent par le Traité du 21 Décembre 1751, 
qui comprit dans le lot royal l'abbaye de Haute-Seille, qui 
se trouva alors complètement dans le duché de Lorraine, 
et Stanislas put y faire ce qu'il voulait. C'est ce que savait 
le prince et l'empêcha d'élever la voix. Quant aux droits 
des religieux, ils ne comptèrent plus; un prieur claustral 
administra le monastère. 



VH 



Voici trois lettres relatives aux discussions des moines 
avec le curé de Gélacourt, sur la paroisse de laquelle était 
située la ferme franche d'Ormange appartenant à l'abbaye, 

(1) L'abbé de Morimond, Dom Nicolas Philbert de Dijon, eut cependant le 
courage d'approuver la nomination de Dom d'Estrepy. Mais il dut changer d'at- 
titude devant la conduite de son chef suprême, Tabbé général de Citeaux. 



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à propos des dîmes à percevoir sur le domaine au profit 
de la fabrique de la paroisse. Déjà, d'après M. Ch. Guyot, 
qui a longuement parlé du bien rural d'Ormange dans les 
Mémoires de V Académie de Stanislas, 1887 (^), les parties 
s'étaient arrangées comme elles s'arrangèrent encore cette 
fois, en donnant au XVI® siècle au curé* par an six quartes 
de blé et d'avoine. L'alleu d'Ormange était venu au mo- 
nastère par suite de donations et d'acquisitions partielles 
sur Berode Haraucourt, sa femme et ses enfants. Les moi- 
nes y avaient une ferme considérable, des bois et des 
étangs, des Moines (105 jours), d'Ormange (34) et des 
Châtelains (30). Le domaine fut acquis le 4 Mai 4793 par 
David Braun, de Fénétrange, pour 85.100 livres. Braun ou 
plutôt ses créanciers le revendirent à Lucie Falconet, belle- 
fille du célèbre sculpteur, épouse du baron de Jankowitz 
de Marimont. Un souvenir de Notre-Dame de Haute-Seille 
était la Fontaine-Sainte-Marie que l'on voyait à mi-côte 
sur le chemin de Dieuze à Marimont. Elle a disparu par 
suite de la conduite de la source à la ferme. Quelques 
arbres isolés la signalent encore de loin. 

Les lettres font le plus grand éloge de l'esprit pacifique 
des religieux : 

Monsieur, je suis chargé de la part de M. Tabbé de Haute-Seille 
de vous écrire pour vous demander votre dernière détermination 
au sujet des interprétations sur la dîme d'Ormange, si vous préten- 
dez être en droit de tirer la dîme et que vous persistiez à vouloir la 
tirer, il est déterminé à soutenir ainsi que nous, le procès que vous 
lui intenterez pour cela. Si au contraire vous vous bornez à une 
simple rétribution pour la desserte de cette ferme, il voudrait savoir 
ce que vous prétenderiez la porter, afin de pouvoir convenir en- 
semble, s'il y a lieu. Faites-moi prompte réponse, afin que je puisse 
la lui faire passer, et pour qu'en conséquence il puisse se décider. 

(i) Histoire d'un domaine rural en Lorraine, 1, 127. 



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J'ai rhonneur d'être avec respect, Monsieur, votre très humble 
et très obéissant serviteur. 

Fr. CORTADE, 

Haute-Seille, ce 29 Janvier 1771. Prieur de Haute-Seille. 

(Cachet aux armes : cire rouge.) 

Haate-Seille, 4 Octobre 1771. 

Monsieur, 

l^nés aucune inquiétude sur la convention que vous avez fiait 
avec Dom Cortade, mon prédécesseur, j'en suis instruit par le dou- 
Ue qmb j^ ai à kt maisoo; je l'accepte et la tiendrai avec plaisir 
pnr le teaie qu'elle est faitte. 

m Pfaonaeur d'être avec respect, Monsieur, votre, etc. 

F. Claude, 
Prieur de Haute -SeUie, 

(Scean de l^bbaye pour cachet : cire reuge.) 

I'» TCCu votre lettre, Moimeiir, et je l'ianvoie à M" les religieux 
4%Rrte-9eiUe fonr oopi^ils ne fussent part d« traité passé enlre 
vms «t Oaok Gertade; comme il y a long-temps que je ne me «uis 
occupé des affaires de l'abbaye d'Haute-SeilLe (^), je n'ai pas ce 
tnité présent non plus que vos droits, et j'attendrai pour vous 
tépwiod piuB positivement. Monsieur, qu'ils m'en ayent rendu 
<2oii^te. 

Recevez, Monsieur, l'assurance des sentimens avec lesquels je 
suis, ICoosieiar, votre très humble et très obéissant serviteur. 

f L.-Ap., Évêq. de Nancy (2). 

(1) L'hôtel abbatial avait été reconstruit d'un fort beau style, sous le roi Sta- 
nislas, dit Durlval. 
(S) H. aelja Teur-dii-PhKMcmtaubm, abbé e«nmieaâataipe, évoque de Nancy. 



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vni 



A Blâmont, d'après le P. Benoit Picart, Tabbaye avait 
toutes les grosses dîmes, à charge de donner au Chapitre 
de la ville fondé en 1382, neuf paires de réseaux, et elle 
recevait du Chapitre cinq gros par an pour la reconnais- 
sance du droit de patronage. 

L'abbaye possédait beaucoup de biens en Alsace, qui 
pourraient bien être des donations de la comtesse Agnès, 
qui les aurait eues de ses grands parents, les comtes d'Al- 
sace. Le 29 Novembre 1318, le monastère vendit à révo- 
que de Strasbourg pour l'hôpital de Molsheim, que le pré- 
lat établissait, tout ce qu'elle possédait à Altdorf. En 1576, 
autre vente à la ville de Strasbourg du droit de collation 
à la cure et des dîmes de Dorlisheim. Déjà en 1554, An- 
toine de Salm, qui se quahfiait de coadjuteur de l'abbaye, 
avait loué de sa propre autorité tout ce que l'abbaye pos- 
sédait en ce village (i). 

Le blason de l'abbaye ci-joint est copié sur un cachet 
du prieur Dom Claude, qui se trouve sur l'enveloppe d'une 
lettre du 4 Octobre 1771 à M. de Nicéville, curé de Gélu- 
court. 

a Cire rouge, ovale (23x19) , d'or à un pont d'argent en 
(L pointe, accosté à une tourelle de même, soutenu d'une 
a: rivière d'azur, à l'étoile d'argent entre deux fasces de 
« gueules. i> 

Le blason est surmonté d'une tête d'ange, entre la mitre 
et la crosse. 

Nous ne donnons ce blason que sous les plus grandes 

(l) Sghœpfun-Ravenez, IY, 592; V, 275. 



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réserves. Les armoiries de 1696 pour lesquelles Tabbaye 
avait dû payer la somme exigée, n'ayant plus aucune va- 
leur dès la rentrée du duc Léopold dans son duché de 
Lorraine, dont Haute-Seille dépendait par indivis avec le 
comté de Salm. Ces armoiries étaient, d'après le manus- 
crit de la bibliothèque de Metz : « de gueules à un crois- 
sant d'argent, surmonté d'une croix fiché d'or. > 

M. de Martimprey donne un sceau de l'abbaye. Il est 
rond d'un diamètre de 0,42 centimètres; la Sainte Vierge, 
assise et couronnée ^ tient l'Enfant-Jésus (^). La légende 
porte : f Sigillum Conventus Monasterii Alte Silve. Le 
groupe offre une grande analogie avec la sculpture de 
l'église (PI. II, 1.) Le prieur et l'abbé avaient leurs sceaux 
particuliers. 

M. Louis Benoit, ancien bibhothécaire de la ville de 
Nancy, a décrit très sommairement les ruines de l'ab- 
baye dans le Répertoire archéologique de V arrondissement 
de Sarrebourg, Nancy, 4862, in-S^ (Cirey.) 

Dans les abbayes en commende, l'autorité dans le mo- 
nastère appartenait au prieur clatistral. Voici le nom de 
quelques-uns de ces supérieurs : 

1754. Dom de Marien. 

1770. Dom Cortade. 

1771. Dom Claude. 

1780. Dom. J.-B. Mouzé, puis prieur-curé de Hesse. 

1787. Dom Claude- Antoine Combette, né à Omans le 
2 Février 1747, d'une famille patricienne de la ville, ba- 
cheUer de Sorbonne, secrétaire de l'abbé de Morimond, 
neveu de Dom François-Antoine Leclerc (2), prieur-curé 

(1) Ce icaaa parait remonter au XIV* -siècle. 

(2) Son portrait à Vhaile se trouve chez M. Tabbé Berga à Paris. Dom Leclerc 
était procureur du Chapitre rural de Sarrebourg. L'évoque de Metz le chargeait 
toujours d'instruire toutes les affaires délicates de l'archiprétré. Dom Leclerc 
avait eu quelque temps pour vicaire son neveu Dom Combette. Dom Mouzé le rem« 
plaça à Hesse à sa mort. Il adopta les nouvelles idées et eut une assez triste an* 

5 



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de Hesse, décédé le 7 Mai 1787. Il assista à Lunéville aux 
élections préparatoires de 1789, fut nommé député sup- 
pléant (?). Chassé de son monastère, il se retira chez sa 
sœur Madame Thérèse Gombette, veuve de l'avocat au 
parlement de Metz, Jean-Jacques Klein, amodiateur de la 
commanderie de Saint-Jean-de-Bassel, premier conseiller 
général pour le canton de Fénétrange, mort en 1791, peu 
après la session. La conduite du prieur Gombette et de 
ses reUgieux fut conforme à la règle du grand saint Ber- 
nard; ils déclarèrent tous vouloir continuer la vie com- 
mune d'après les vœux qu'ils avaient prononcés. Le der- 
nier prieur était un grand bel homme, très instruit et d'une 
conversation enjouée. Il mourut à Fénétrange le 13 Octo- 
bre 1830, jouissant de sa petite retraite de prieur. On lit 
cette inscription sur sa tombe que signalent les insignes 
sacerdotaux : 

Hic jacet 
Antonius Gombette (i), 

SACERDOS, OLIM 

PRÏOR CISTERCIENSIS 

OBIIT DIE 13 OCTOBRIS 

1830. 

Requiescat in page. 

• D'après M. Jules Gauthier, archiviste du département 
du Doubs, les armoiries de la famille Gombette d'Ornans 
étaient < d'azur à l'aigle d'or, fixant un soleil de même. > 
Le prieur Gombette (2) avait de l'abbaye trois portraits 
d'une certaine valeur, représentant, croyons-nous, les trois 
abbés commendataires du monastère : MM. AUiot, de La 

(1) M. Tabbé Bdrga possède aussi une miniature du prieur Gombette, son 
graad-oncle; il porte perruque I 

(2) Ce fut sa sœur, Madame veuve Klein, qui livra au département les archives 
. de rOrdre de Malte à Saint-Jean-de-Bassel. 



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Tour-du-Pin-Montauban (^), évêque de Nancy, et de Cam- 
bis. Ces portraits se trouvent actuellement dans le salon 
du supérieur des Sœurs de Saint-Jean-de-Bassel, auxquelles 
le prieur les a donnés avant de mourir. 

Dom Combette ne perdit pas son sang-froid lorsque les 
villages plus ou moins voisins, excités par le plus éloigné, 
le village français de Hesse, vinrent inopinément devant 
l'abbaye pour en enlever les titres le i^^ Août 4789. La 
spoliation des titres dut être minime, car il y a encore aux 
archives de Meurthe-et-Moselle 420 liasses sur l'abbaye. 
Les villages qui suivirent les Hessois furent les villages 
allemands de Trois-Fontaines, Bieberkirch et Hartzwiller, 
les plus éloignés, puis les villages romans de Hermelange, 
Cirey, Nieder-Hoff, Tanconville, La FrimboUe et Bertram- 
bois. M. de Martimprey a raconté le sac de l'abbaye d'après 
les archives départementales (H. 543). M. J. Favier l'a aussi 
raconté dans \e Journal de la Société d'Archéologie (4894, 472), 
d'après le rapport de Dom Glaudin. Dès 4868, j'avais inséré 
dans le même journal ce que m'avait raconté un vieillard de 
Tanconville, village composé presque entièrement de po- 
tiers; il y en avait en 4789 plus de onze dans la locaUté (^). 
On nomme plaisamment les habitants c les enfants de Haute- 
Seille. 1 Quoi qu'il en soit, après la journée du 4er Août 4789, 
des carabiniers de Lunéville occupèrent le village et tous 
les hommes se tinrent cachés dans les bois pendant plus 
de dix jours. Leurs femmes leur portaient à manger 0. 

(1) Le cadre carré de M. de Cambis est de toute beauté. Celui de M. de Mon- 
tauban est ovale. 

(3) ns prenaient la terre dans Vétang du village et ils payaient pour ce droit 
annuellement huit sols de Lorraine, le roi prenait le tiers de cette somme et la 
commune le reste. 

(3) On trouve dans le Journal : A. Benoit, La tombe du prieur Combette, 1868, 
réglise de Hesse sous les derniers abbés de Haute-Seille, 1866. 

Anontmb. Tombeaux et monnaies trouvés à Haute-Seille, 1860, 1877. 

Chapbllikr. Le cri de la fête à Haute-Seille, 1875. 

Dans les iiémaires de 1886, il y a I« Château de Turqueetein, par H. Lspagb, 
on y trouve 9 chartes sur Haute-Seille. 



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IX 



Il y avait à l'abbaye le 4 Janvier 1791 neuf religieux, qui 
déclarèrent aux commissaires du district de Blâmont vou- 
loir continuer à mener la vie commune : 

1. Dom Claude-Antoine Combette, prieur, 44 ans, pro- 
fession le l«r Janvier 1766. 

2. Dom Jacques-François AUard, 66 ans, 15 Juin 1744. 

3. Dom François Claudin, 59 ans, 29 Juill. 1757. 

4. Dom Louis-François d'Hennezel, 57 ans, 5 Avril .1752. 

5. Dom Louis Blondlot, 45 ans, 4 Juin 1766. 

6. Dom Otto Xavier Stuppel, 32 ans, 2 Avril 1780. 

7. Dom Pierre-Antoine Cottel, 35 ans, i^^ Nov. 1779. 

8. Dom Louis Mangin, 41 ans, 17 Avril 1772. 

9. Dom Irénée Plagnot, 32 ans, 17 Févr. 1782. 
Les religieux firent observer aux commissaires que leur 

maison en y joignant le quartier abbatial, pouvait logetr 
plus de vingt religieux et plusieurs domestiques. Ils ob- 
servèrent encore que les jardins sont séparés par un très 
grand mur du surplus des terres, que le bâtiment s'élève 
au pied des montagnes et est agréable par sa position; il 
pouvait être conservé pour servir à des religieux rentes 
qui y viendraient vivre en commun dans le district de Blâ- 
mont (^). 

Les religieux avaient droit de chasse et de pêche sur le 
ban du couvent. 

L'abbaye subit le sort de tous les monastères de cette 
époque. On en vendit le mobilier et « le catalogue des li- 
< vres des abbayes de Haute-Seille, de Deneuvre et des 

(1) Archives départementales de Meurthe-et-Mosellt. 



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c couvents de Blâmont, i se trouvait dans les temps à la 
bibliothèque de l'école centrale de Nancy (^). 

Le 29 Octobre 1791, lors de la vente du mobilier de 
l'abbaye, les habitants de Tanconville demandèrent, vu la 
pauvreté de leur église, qu'on voulût bien leur accorder 
quelques c bibelots i (^) pieux, entre autres le grand 
tableau à cadre doré représentant la Sainte Vierge qui 
se trouvait derrière le maltre-autel de l'église abbatiale, 
comme patronne du couvent, et d'autres objets servant au 
culte. Tanconville eut toutes les reliques, celles de saint 
Bernard, de saint Roch, etc. L'abbé Louis, curé de Cirey, 
prit vers 1825 les reliques du Bienheureux abbé de Clair- 
vaux, et dès le 20 Août de cette année, il y eut un grand 
rapport à Cirey (3), où elles sont vénérées. Celles de saint 
Roch sont toujours l'objet d'un grand pèlerinage à Tan- 
conville. 

Cette commune demanda aussi une petite cloche du 
monastère, dont le le timbre allait parfaitement avec celui 
de leur unique cloche. La fabrique d'Ibigny eut aussi une 
cloche de Haute-Seille. 

Avant de parler de la vente de l'abbaye, que l'on me 
permette une réflexion. N'aurait-on pas pu l'utiliser pour 
un service pubhc, pour un hôpital miUtaire, pour une mai- 
son de convalescence pour la troupe? Cette réflexion me 
vient en lisant un arrêté du Comité du Salut public et de 
la Convention nationale du 5 Brumaire an III (26 Octo- 
bre 1794), ainsi conçu : 

< Les militaires qui seront dans le cas d'une longue con- 
€ valescence auxquels la permission de changer d'air sera 

(i) Le 2 Avril 1791, on vendit à Bîàmont deux prés Appartenant à l'abbaye et, 
la 16 Mai suivant, la maison où avait résidé l'abbé de Mautour. Une vente de 
terrée eut lieu aussi à Saint-Médard , etc., etc. 

(3) Expression fin de siècle en faveur chez quelques archéologues ! 

O) Michel dit que les deux rapports en l'honneur de saint Bernard à Haute- 
Seille attiraient de 3 à 4.000 personnes. On y vendait principalement de la mer- 
cerie et de l'épicerie le dimanche après le 20 Août et le 8 Septembre. 



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- 70 — 

« jugée absolument nécessaire, seront envoyés dans ces 
« dépôts ou maisons de convalescence, établis à portée 
< de chaque armée, conformément au règlement établi 
i par la loi du 3 Ventôse et Tarrêté du Comité du Salut 
« public du 23 Messidor dernier. » 

On fut bien aise pendant les guerres sur le Rhin d'a- 
voir conservé quelques maisons rehgieuses que Ton uti- 
lisa comme hôpitaux, ainsi Tabbaye de Senones qui reçut 
les blessés de Tarmée du Rhin. L'abbaye de Haute-Seille 
était dans une situation tout aussi favorable et à la même 
distance du grand fleuve. Quels services l'ancienne mai- 
son des Bernardins aurait pu rendre alors au heu de dis- 
paraître après avoir été vendue à bas prix ! 

L'abbaye abandonnée par ses religieux fut d'abord ache- 
tée par M. de Klopstein, qui venait de s'étabUr dans le 
pays. Puis, se ravisant sur son marché, il n'en voulut plus 
et le céda à son jardinier-concierge avec les plus grandes 
facilités de payement. Ce dernier accepta l'acquisition bien 
à contre-cœur; il craignait de voir revenir les anciens 
possesseurs, mais ses scrupules prirent fln; il s'enhardit, 
et la démolition des bâtiments commença, l'hôtel abbatial, 
le monastère et l'église (*), tout fut nivelé et mis dans 
l'état où il se trouve aujourd'hui. Les bâtiments des fer- 
miers furent seuls épargnés. Le nouveau propriétaire lo- 
gea dans le pavillon du jardinier. C'est chez lui que mou- 
rut le vieux chasseur des moines, un Allemand que rien 
ne put détacher de l'abbaye, dans laquelle son existence 
s'était écoulée calme et insouciante. 

Le jardin clos de murs qui remplaçait l'ancienne éghse 
conventuelle démolie, a été vendu dernièrement pour la 
somme de quatre cents francs, avec le beau portail roman 
que tous les touristes visitaient. Finis Altœ silvx, 

(1) Elle eut lieu sans accident. Au mois d'Août 1805, un maçon natif d'Harboué 
fut tué lors de la démolition de l'abbaye voisine de Domévrc par Teffondrement 
d'une roule. 



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- 71 - 

Le moulin et la tuilerie des moines sont encore debout 
ainsi que leur censé de la Vigne. 

Les pierres de taille que Ton voit encore au portail et 
au mur d'enceinte de Téglise, paraissent sortir de la car- 
rière, tant elles sont fraîches de couleur. 

Partout on a trouvé, en défonçant le sol, des tombeaux 
en pierre, en bois, etc. Les tombeaux en pierre dont un 
est au Musée lorrain, sont souvent en grès vosgien rouge; 
ils étaient creusés en forme de corps humain, la place 
pour la tête et le reste allant en s'amoindrissant jusqu'aux 
pieds. On n'a rien trouvé de rare : quelques monnaies lor- 
raines en aident et en cuivre, etc. (^). 

Ce qu'on a trouvé de briques de toutes grosseurs et de 
toutes formes en démolissant les bâtiments est incroyable. 
Elles formaient surtout les cintres de l'église abbatiale, etc. 

Malgré l'air de tristesse qui règne dans les ruines de 
l'église et des bâtiments réguliers, l'excursion de Haute- 
Seille par ses grands souvenirs littéraires et religieux n'en 
est pas moins, comme le dit l'abbé Grosse, une des excur- 
sions les plus agréables des bords de la Vesouze, et nous 
ne pouvons qu'engager tous les érudits et tous les archéo- 
logues à visiter cette partie de la chaîne des Vosges. 

A. BENOIT. 

(1) D'après H. Lepage, en 1843, oq voyait encore quelques débris des cloîtres 
et des cellules et une chétive portion de voûte. Tout cela a disparu. 

La censé de la Vigne sur la hauteur dépend du ban de Haute-Seille. On y Jouit 
d'une belle vue sur les Vosges. 



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- 72 — 



LISTE DES ABBÉS 



1. Gérard, 1152-1154. 

2. Imbrand, 1154. 

3. Fulcon !•% 1162. 

4. Anselme, 1179. 

5. Renauld, 1185. 

6. Fulcon II, 1187. 

7. Henri I«% 1196-1225. 

8. Jean I®»", 1127-1275 (?), échange avec Tévèque de Strasbourg le 

4 Juin 1249 une censé au Kochersberg contre la cour et la 
cure d'Achenheim. 

9. Henri II, 1282. 

10. Ctonrard, 1283. 

11. Henri III, 1285-1315. 

12. Baudouin, 1322. 

13. Geoffroy, 1324. 

14. Grosmars (Ck)nrard) (?), 1338. 

15. Pierre, 1345. Il vend Achenheim au Chapitre de Saint-Thomas, 

à Strasbourg, par permission de Tabbé de Theuley, visiteur 
de Tabbaye, alors à Haute-Seille. (Le monastère comptait 
Jean, prieur; Nicolas, cellerier; Albert, économe; Nicolas, 
sous-prieur, et Jean de Sarrebourg.) (Gh. Schmidt.) 

16. Albert, 1365 (l). 

17. Jacob de Sarrebourg, 1390-1415. 

18. Gérard, 1420. 

19. Thiriat de Vitrimont, 1433. 

20. Jean Milsus, 1436, déposé par ses supérieurs, rétabli par le 

Concile de Constance. 

21 . Aubert de Blâment, 1447. 

22. N. Nittin, 1463. 

(1) Abbés dont Vépoque est inconnue: Etienne, mort le 2 Mai, et Ralmbaud, 
mort le 16 Mai. 



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- 73 — 

23. Christophe, 1483-1485. 

24. Henri IV de Sarrebourg, élu en 1498-1500. 

25. Dom Henri V le Moleur, 1504. 

26. Adam Husson d'Herbe viller, 1527-1529. 

27. Dom Rambaud Gabellot de Merviller, 1533-1555. 

28. Dom Jean de Xanrey, élu en 1556; Antoine de Salm, coadju- 

teur en 1554, abbé intrus en 1557. 

29. Dom Jean de Gerbéviller, 1559. 

30. Dom Jean Périn de Vaxainville, élu en 1560, mort en 1581. 

31. Dom Nicolas Périn, son frère, prieur de Hesse, coadjuteur en 

1579, mort le 26 Août 1596. 

32. Dom Pierre Guérard, élu en 1596, assiste en costumes pontifi- 

caux à l'enterrement à Nancy du duc Charles HI, prieur de 
Hesse, meurt en 1608. 

33. Dom Jean Canery, mort en 1627. 

34. Dom Nicolas Bernard, coadjuteur en 1617, mort en 1635 

35. Dom Louis de Feriet, prieur de Hesse en 1658. 

36. Dom Claude de Bretagne de Dijon, fils du président du parle- 

ment de Metz, et de Marguerite des Barres, nommé par le 
roi, coadjuteur en 1651, abbé en 1661, donne sa démission 
en 1691; Dom Etienne Thiriet, prieur-curé de Hesse en 
1672, et Dom Micolas Doublet en 1690-1705. 

37. Dom Jacques Moreau de Mautour, élu en 1692, sujet français, 

se fit naturaliser lorrain, mort en 1729; Dom François Ri- 
chard, prieur-curé de Hesse. 

38. Dom Henri Lecler, coadjuteur en 1727, dernier abbé réguher, 

mort en 1747; Dom Oury, prieur-curé de Hesse en 1724, et 
Dom Jean Drouet en 1733. 

ABBÉS COMMENDATAIRES 

1. Joseph Alliot, fils de l'intendant de Stanislas, et de Rose-Marie 
Mathieu, dont Voltaire eut à souffrir les grossièretés. Né 
à Lunéviile (1) en 1754; 1769; Dom de Marien, prieur de 
Hesse en 1754; Dom Leclerc, sous-prieur en 1769. 

(1) Les eofiaots de ce serviteur du roi de Pologne tinrent une conduite des plus 
scandaleuses, et les filles et les gerçons : Tabbé des Prémontré^ de Jendeure, 



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- 74 - 

Louis-Apollinaire de la Tour-du-Pin-Montauban, né à Paris le 
13 Janvier 1744, vicaire général d'Autun, évoque de Nancy 
en 1775, archevêque d'Auch en 1783, se démit de l'abbaye 
cette année; évoque de Troyes en 1802, mourut dans cette 
ville le 28 Novembre 1807. 

De Cambis, du Comtat-Venaissin, abbé le 19 Octobre 1783, au- 
mônier de la reine Marie- Antoinette, émigra comme le pré- 
cédent et mourut à Rome en 1793. 



APPENDICE 



I. — TANGONVILLE 

En 1710, était qualifié de village ruiné, ban de Haute-Seille. Ce petit 
village avait une église, consacrée le 25 Février 1 749 par M« Lacour, 
curé de Blâmont, promoteur du doyenné de cette ville, en l'hon- 
neur de la Vierge en sa Nativité, patronne du monastère. Le curé 
de la Basse-Cour et de la localité était alors Dom Michel Pierreney, 

1768-1790; Tabbé comment ataire des Cisterciens de Saint»Benoit-eo-Voiyre; le 
chanoine de la cathédrale de Nancy, Nicolas-François Âlliot; l'un d'eux, pres- 
que) en enfance, rendit à LunéviDe ses lettres de prêtrise pendant la Terreur. 

La grande affaire de ces abbés de cour était de toucher les rcTenus de l'ab- 
baye. Ils ne montaient pour l'abbé, d'après VAlmanach royal , qu'à 3.000 liTtes t 
La cour de Rome touchait 70 florins à chaque mutation d'abbé. Benoit-Picart dit 
qu'en 1711, les revenus pour l'abbé et les religieux se montaient à 3.500 livres. 
Thibnult les met en 1763 à 15.000 livres , il dit que l'abbaye de l'Ordre de Cîteaux 
non réformé était exempte de l'ordinaire (l'évéque de Toul) , et que le pape était 
collateur. A la Révoliition, les revenus si montaient à 40.000 livres. Ce n'était 
pas un bien pour le monastère, car l'Ordre de Giteaux devenu trop riche, avait 
malheureusement bien changé. On a lu ce que dit l'abbé Grosse à propos de la 
ruine du monastère de Haute-Sellle. 

En 1768, le revenu était déjà estimé 34.000 livres, dont 12.000 pour l'abbé et 
le reste pour les moines t Et officiellement on ne marquait que 2.000 livres ! 



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— 75 - 

profès de Haute-Seille. La tour carrée (*) fut bâtie seulement sous 
la Restauration. On lit près de la porte : 

Grâce au zèle des autorités locales et aux soins du pasteur, cette 
tour commencée la première année de Vépiscopat de M«^ de Forhin- 
Janson, a été bénite par M. Charles Louis, curé de Cirey et de Tan- 
conviUey le jour de la Saint-Roch, iO Août 1825. 

Pendant la Terreur, on saisit dans Téglise un calice en argent 
soufflé, doré en dedans, un ciboire et un ostensoir de même métal 
avec sa petite étoile, ainsi que la patène couverte d'une feuille d'or, 
le tout pesant trois livres avec les boites d'onction. 

On s'empara aussi de trois grandes lampes en cuivre, pesant vingt 
et une livres, venant sans doute de Haute-Seille, et de six grands 
chandeliers de même métal, pesant trente et une livres, de même 
provenance, plus deux Christ en plomb, pesant quatre livres, et 
deux petits en cuivre, pesant deux livres, enfin deux burettes et 
deux cloches. 

D'après la déclaration de 1790, l'abbé de Haute-Seille percevait 
annuellement dix paires de réseaux, mesure de Nancy, et deux gros 
par fauchée. Un étang de vingt-cinq jours et un autre de neuf, mis 
tous les deux en prairies, lui appartenaient. Sur le ban, il y a les 
censés de la Grenouillère, du faubourg de Belle-Fontaine et du 
Moulin. On voit les cantons du Cloître, de la Fontaine, des Po- 
tiers, etc. 

Bien des habitants avaient des noms allemands : Stein, Walser, etc. 

La cure fut établie en 1747 et la maison curiale bâtie en 1767. 
M. F. Savoy était curé en 1789. 

Les registres de l'état civil remontent à l'an 1700, ils sont très 
intéressants; les registres de la fabrique vont de cette année à 
l'an 1721. 

Les extraits des archives départementales montrent le désarroi 
qui régnait au commencement de la Révolution. En l'an III, les 
corvées pour la République ne sont faites qu'après les dernières 
menaces. Les gens de Tanconville et d'Ibigny devaient conduire 



(1) Sous la toar est la tombe du curé Helfin qui est invoqué contre la grêle. 
Dés que Torage meaace, ou fait dire des messes en son honneur. C'est une cou- 
tume toujours suivie. 



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— 76 - 

du blé à Strasbourg. Un propriétaire ne veut confier son cheval 
qu'à lui-même. Le rassemblement était à Blâmont, etc. 

Dans ces derniers temps, M. Ganier, juge au tribunal de Nancy, 
l'habile dessinateur, fut maire de la commune de Tanconville. 



II. — HESSE 

L'an 1787, le 7 Mai, à onze heures du soir, est décédé, âgé de 
soixante-neuf ans, muni des sacrements de pénitence et d'extrême- 
onction, Dom François Leclerc, religieux de l'Ordre de Citeaux, 
prieur-curé de cette paroisse et procureur du Chapitre rural de 
Sarrebourg. Son corps a été inhumé le surlendemain dans le ci- 
metière de cette paroise par nous, doyen curé et archiprêtre de 
Sarrebourg (1), en présence de MM. Jean Colson (2), curé de Nit- 
ting; Jean-Albert, curé de Walscheid; Charles Matton, curé de 
Guntzwiller; Nicolas Corringer, curé de Biberkirch; Louis Lhu- 
guenot, curé de Hattigny; Mathieu-Félix Bené (3), curé de Xouas- 
sange; Jacques Martin, curé d'Abreschwiller ; François-Jacques- 
Victoire de Maillier, curé de Landange; Jean Delorme, curé de 
Gondrexange; Dom Jean-Baptiste Mouzé, prieur de l'abbaye de 
Haute-Seille; Dom Laurent Blondot, procureur de la même abbaye; 
Dom George Le Moine, religieux de la même abbaye; haut et puis- 
sant seigneur Messire de Saintignon de Nitting; W Jacques Klein, 
avocat au parlement, et M. Michel Berga (*), négociant à Sarre- 
bourg, ses neveux par alliance, qui ont signé avec nous. 

(1) Philippe-Michel Georgel avait été supérieur du collège Saint-Claude à Toul, 
il y prononça l'éloge de l'évéque Drouas ; au Concordat revint dans sa paroisse 
et y mourut. 

(2) Député du clergé en 1789. On a son portrait gravé. 

(3) Porté pour èvéque constitutionnel , mort curé de Féo étrange, le prêtre qui 
prononça son oraison funèbre, eut la malice de prendre pour texte : Btne omtite 
fecit, et c'était vrai 

(4) Michel Berga fut le premier maire de Sarrebourg. C'était mon grand-oncle 
et l'avocat Klein mon bisaïeul. Je possède le verre à boire avec inscription de 
Dom Leclerc, 



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SAALES 

(ESSAI GÉOfiRAPmQUE ET HISTORIQUE) 



Saales est ma ville natale, ne vous attendez donc pas à 
ce que j'en dise du mal, la chose serait d'ailleurs impos- 
sible à quiconque, à moins d'avoir contre cette localité un 
fort blâmable parti pris. Ctomment médire, en effet, d'une 
région dont l'esprit hospitalier, l'air vif, l'horizon splen- 
dide, en font une station des plus pittoresques et certai- 
nement des plus hygiéniques? Que de fois, m'éloignant des 
fatigues de la vie scolaire, y suis-je venu me retremper, 
me mettre au vert, corps et âme? 

Situé au miUeu de la chaîne des Vosges, Saales offre un 
décor naturel des plus remarquables; à 546 mètres au-des- 
sus du niveau de la mer, au centre d'un plateau de deux 
kilomètres de largeur, couvert de vastes prairies verdoyan- 
tes, il est entouré de belles montagnes couvertes de sapins. 
Au levant, le Climont (974), en forme de tombeau; au midi, 
le cône de Voyemont (804); à l'ouest, le Haran (816), se 
profilant en un arc par une suite de montagnes : la Vigne- 
Fière, le Sapinsus, Lune, Hurin, Solamont (853), au nord. 

La ceinture de montagnes qui entoure le plateau n'est 
pas continue. Elle est brisée au N.-N.-E. par une vaste 



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- 78 - 

échancrure qui permet aux eaux de descendre dans la 
Bruche vers Schirmeck. Au S.-S.-O. une ouverture béante 
fait découvrir le Val de Saint-Dié, dans lequel se déversent 
les eaux d'une partie du plateau. Ces deux ouvertures for- 
ment ce qu'on appelle la trouée de Saales. C'est par là que 
devait passer le chemin de fer de Paris à Strasbourg, tra- 
versant sans tunnel de Saint-Dié à Schirmeck le massif du 
plateau de Saales. Mais l'influence des députés de Saverne 
et de Strasbourg fit dévier la ligne en la dirigeant de Lu- 
néville à Saverne au moyen de trois tunnels, à travers une 
contrée privée d'industrie. 

Le panorama de la chaîne des Vosges s'étale depuis la 
pointe du Donon (1.010), le vaste dôme du Champ-du-Feu 
(1.086), le Climont, la crête des Vosges dont les contreforts 
viennent expirer dans l'ancien lac de Saint-Dié, s'étendant 
des hauteurs de Lubine et de Sainte-Marie vers le Schluct, 
le ballon de Guebwiller (1.450), le massif de Gérardmer 
jusqu'à la montagne d' Avisons qui domine Bruyères à 
l'ouest. Là, l'horizon se trouve borné par Spitzemberg et 
la montagne d'Ormont (880). C'est un des spectacles les 
plus grandioses que puisse embrasser l'œil au milieu de la 
chaîne des Vosges. 



II 



Un mot sur la constitution du sol. 

Le Harau est de formation granitique. A sa gauche des- 
cend une coulée de trapp rivalisant avec celui de Raon- 
l'Étape et exploité pour l'empierrement des chaussées. A 
sa droite le dôme de la Vigne-Fière, la montagne de Lune 
de même formation granitique. Plus à droite, sans solu- 
tion de continuité, Hurin, Solamont sont des massifs de 
grès vosgien. 

Remarquons en passant que les soulèvements graniti- 



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- 79 — 

ques forment des massifs arrondis. Les soulèvements de 
grès, de calcaires n'affectent point cette forme, témoins 
le tombeau du Climont et le cône de Voyemont. Ces roches 
stratifiées, en général, formées au sein des eaux par dépôt, 
par couches successives, au milieu desquelles on découvre 
souvent des débris de végétaux, des cailloux roulés, ont 
été soulevées par la masse pâteuse des roches granitiques. 
Tantôt elles leur restent superposées, tantôt elles se sont 
brisées, disloquées et rejetées sur leur flanc; de là les 
formes qu'elles affectent et qui se modifient lentement 
avec le temps, par Faction des pluies et des gelées. 

Les sommets du Climont, de Solamont sont couverts de 
roches de grès. La pointe du cône de Voyemont est formée 
d'une énorme roche de grès, la Roche-des-Fées, sur la- 
quelle est gravée la ligne de démarcation entre la France 
et TAlsace. 

Cette ligne part du sommet de la côte de Senones. Là 
se trouve ce qu'on appeUe les quatre bornes : une grande 
pierre au centre, les trois autres formant l'ouverture de 
trois angles, l'un embrasse l'Alsace qui touche la princi- 
pauté de Salm. Une face de la borne porte les poissons 
des princes de Senones; sur l'autre face on distingue en- 
core la trace des armoiries des évoques de Strasbourg. Le 
second angle embrasse la Lorraine, le troisième la princi- 
pauté de Salm. 

La ligne de partage des eaux qui sépare l'Alsace de la 
Lorraine part donc des quatre bornes, descend par le mi- 
lieu du Harau, court à travers la plaine de Saales, rasant 
pour ainsi dire les dernières maisons , va rejoindre le bras 
de Voyemont, s'élève jusqu'au sommet, redescend par l'a- 
rête gauche, remonte au sommet de Labateux , fait le tour 
du Hang, arrive au pied du CUmont dont elle longe la 
base, puis s'infléchit au sud vers les hauteurs de Lubine, 
de Sainte-Marie, etc. 



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- 80 - 

N'oublions pas de rappeler que c'est des roches qui cou- 
ronnent ces sommets que Ton a extrait les monolithes qui 
forment les superbes bassins géminés des seize fontaines 
de Saales et qui attirent Tattention des touristes. 

Le CUmont est formé d'un soulèvement de grès. D'une 
longueur de 800 mètres, il est pavé de roches. Sa masse 
n'étant point perméable, une légère dépression vers le cen- 
tre recueille les eaux qui descendent en cascade vers le 
Hang; c'est la source de La Bruche qui tire son nom du 
village au pied duquel elle va bientôt passer. 

Voyemont, beaucoup plus perméable, a aussi sa source, 
mais à sa base. Des feuilles de la roche s'échappe une eau 
limpide formant un ruisseau qui court au sud fertiliser un 
déhcieux vallon vers Colroy-la-Grande. 

L'abbé Paramel , lors de son passage dans nos contrées, 
incité par les habitants de Saales à aller couper cette source 
et la ramener de l'autre côté sur leur territoire, répondit 
sagement qu'il ne fallait point frustrer une localité d'un 
avantage dont elle jouissait de temps immémorial. L'opé- 
ration d'ailleurs eût été impossible. L'abbé Paramel ne fit 
point merveille dans la découverte des sources dans nos 
contrées montagneuses. Il fut plus heureux dans les loca- 
Utés de plaines ondulées. Il échoua dans ce pays de hau- 
tes montagnes, les sources se montrant toujours aux pieds 
des montagnes escarpées. 

Enfin, pour terminer la description de la configuration 
des lieux, il nous reste à mentionner le Sapinsus, sorte 
d'éperon rejeté par la Vigne-Fière vers l'est. Cette monta- 
gne, autrefois dénudée, est formée d'une roche friable de 
sable dont les pluies, les orages, la fonte des neiges ont 
accumulé une énorme quantité d'alluvions vers sa base. 
C'est à ses pieds que se trouve assis le joli bourg de Saales, 
aux maisons blanches, formant par leur juxtaposition de 
longues rues larges et surtout la grande place de la foire. 



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— 81 - 

Les foires de Saales étaient naguère très florissantes. C'é- 
tait le rendez-vous du bétail venant du Val de Saint-Dié 
et du canton de Senones, et dont les produits alimen- 
taient l'Alsace. Hélas ! depuis l'annexion, une muraille de 
la Chine, les douanes ont sonné la mort de ces brillants 
marchés, réduits maintenant à la plus infime expression. 

C'est en 1825, qu'un ancien soldat, S. Sem, eut l'idée 
de boiser un coin de la montagne. En 1832, un maire, J. 
Ferry-Talie, fit reboiser entièrement le Sapinsus. Plus tard, 
après la loi de 1854 sur le reboisement des terrains vagues 
des communes, il fit boiser la Vigne-Fière et la Grande- 
Montagne. Ces plantations devraient être exécutées par- 
tout pour empêcher la formation des torrents qui descen- 
dent des montagnes dénudées et portent la dévastation 
dans les contrées inférieures. Ici, ces plantations ont ar- 
rêté net la descente des terres qui exhaussaient insensi- 
blement le niveau des rues de la cité. 

C'est des flancs du Sapinsus ravinés par les orages que 
descendaient les sables dans lesquels on recueillait des 
pièces d'argent vers la chapelle Sainte-Barbe, au bas de 
la creuse appelée la Creuse-d'Argent. Voilà les témoins 
parlants qui attestent les malheurs dont fut frappé le petit 
village de Saales pendant les guerres des temps passés. A 
l'approche de l'ennemi, les habitants afl'olés se réfugiaient 
dans les montagnes, emmenant leur bétail et enfouissant 
en terre leurs petits trésors. En 1825 on découvrit dans un 
champ le couvercle d'un pot de camp tapissé de monnaies 
à l'effigie des évêques de Strasbourg. Une partie de ces 
médailles a été déposée au Musée d'Épinal. 

Le terrain, en général, est composé des débris des mon- 
tagnes au pied desquelles ils ont été entraînés par les eaux. 
Ainsi au pied du Haran, de la Vigne-Fière et de Lune, le 
sol est formé de débris granitiques; le reste est sablon- 
neux, surtout la partie à la base du Sapinsus. Aujourd'hui 

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- 82 - 

encore on recueille le sable dans les quelques ravins où 
le reboisement fait défaut et que les pluies d'orage accu- 
mulent en petit, comme cela se passait sur une plus grande 
échelle quand la montagne était dénudée. 

Il n'existe pas de traces de terrain calcaire. Ce terrain 
superposé sur les roches de grès a presque disparu, em- 
porté par les eaux au fond des vallées. On n'en trouve 
de vestiges qu'en deux points, l'un situé au sommet de 
Labateux, d'où l'on a extrait d'excellente pierre à chaux; 
l'autre apparaît sur une crête partant des dernières mai- 
sons à l'est et se prolongeant à droite de l'ancienne route 
de Bruche, mais renfermant beaucoup de sable, il n'a pas 
été possible de l'exploiter utilement. 

Enfin on rencontre une carrière de terre glaise, d'argile, 
vers le bas du versant ouest du Saverny qui est formé de 
sable, excepté vers l'extrémité sud. Cette argile provient 
des moraines, des débris descendus du Harau formés de 
la décomposition du granit et du trapp de la montagne. 

On peut se faire une idée de la formation des terrains 
de la contrée par les considérations suivantes : les géo- 
logues estiment à 200 millions d'années le temps qui s'est 
écoulé depuis la dernière révolution qui a donné à la 
terre la forme actuelle. Les révolutions précédentes avaient 
amené à la surface les soulèvements que nous avons cons- 
tatés, ainsi que les couches de grès et de calcaires qui 
s'étaient formés au sein des eaux par la décomposition 
des roches primitives. 

Le Val de Saint-Dié était un vaste lac fermé vers Étival, 
à Saint-Biaise, par la chaîne des montagnes qui se présen- 
tent de chaque côté de la Meurthe. Ce lac trop plein s'est 
pratiqué une issue vers ce point. Il a rongé cette brèche 
insensiblement jusqu'à ce que le lac se fût complètement 
écoulé, alors les plaines de la vallée ont été entièrement 
découvertes. 



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— 83 - 

Rappelons aussi que les Vosges étaient couvertes de 
glaciers, dont on trouve les preuves en différents endroits. 
Un changement de température ayant fondu ces glaciers, 
ils ont entraîné dans le fond du lac les débris des mon- 
tagnes sur lesquelles ils étaient situés. De là les différents 
terrains que Ton constate dans les vallées. 

Nous pouvons de même, avec les géologues, établir ici 
que ce qui est arrivé pour le lac de Saint-Dié a eu lieu 
pour la plaine d'Alsace. Le soulèvement des Vosges et 
de la Forêt-Noire ne formait qu'un massif continu. Un 
affaissement s'est produit qui a donné naissance à un 
vide immense de la forme d'un V, sur les parois du- 
quel on remarque la brisure des roches qui formaient 
le corps de ce soulèvement. Une preuve que les Vosges 
se confondaient avec les montagnes opposées du duché 
de Bade, c'est que le point le plus élevé, le ballon de Gueb- 
willer, correspond en face au Knibis, le point le plus élevé 
de l'autre côté du Rhin. L'Alsace était fermée par l'extré- 
mité de la chaîne des Vosges vers Bingen, près de Mayence, 
et ne formait qu'un lac d'une immense étendue. Le fond 
du V s'est rempli insensiblement par le dépôt des terrains 
amenés par les eaux des montagnes de la Suisse ainsi que 
par les débris des montagnes des Vosges. Le fond du V 
s'est rempli peu à peu, le lac s'est vidé et la belle plaine 
d'Alsace est arrivée au jour. L'ingénieur Daubrée, qui dit 
que ce qui s'est passé dans ces temps lointains se passe 
encore aujourd'hui, a découvert dans les alluvions des 
bords du Rhin des paillettes d'or venant des montagnes 
des Alpes, mais dont les frais d'extraction surpassent la 
valeur du métal recueilli. Remarquons en terminant ces 
considérations que ce travail s'est accompli pendant des 
miUions d'années, et que les mêmes phénomènes se con- 
tinuent obéissant à la loi du temps. 

Après cette digression revenons au plateau de Saales. 



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Le territoire de ce magnifique plateau , si fertile pour les 
travaux de la culture, est de nature sablonneuse et n'est 
propre qu'à la culture du seigle et des pommes de terre, 
dont la qualité supérieure est appréciée en Alsace; c'est 
un produit d'exportation. Le froment, qui demande une 
terre forte, ne se cultive que sur le versant sud du Haran. 

Les eaux des hauteurs, captées avec soin, ont fait naître 
de grasses prairies où l'on ne rencontrait que des brous- 
sailles. Les prés tourbeux des vallées ont été assainis. Il 
y a moins d'un siècle, la belle prairie de La Clairie n'é- 
tait qu'un fouilli de végétaux de toute espèce; ce n'était 
qu'une grande alluvion venant des terres du Sapinsus et 
de la Vigne-Fière. Aussi, lorsque dernièrement on creusa 
le sol pour établir les fondations de la gare du chemin de 
fer, fallut-il, au milieu des eaux que l'on rencontra, as- 
seoir les fondations sur pilotis. Il en est de même des val- 
lons du Beheu, du Chêne et de La Moussière. 

Le rendement de la culture a singulièrement diminué. 
L'engrais ordinaire produit par le bétail est devenu rare 
depuis l'abandon de la culture des champs transformés 
en fourrières. Les engrais chimiques n'ont pas encore fait 
leur apparition dans la contrée. L'émigration des habitants 
vers les villes industrielles et la vie trompeuse des gran- 
des villes est la cause désastreuse de cet abandon de la 
culture. 

Une légende veut que la Vigne-Fière tire son nom des 
essais que Bacchus aurait tentés sur le flanc de la monta- 
gne exposé aux rayons du soleil. Mais ses disciples ne 
récoltant qu'un vin aigre et fier, ils renoncèrent à la cul- 
ture de la vigne. 

Une vigne existe encore au bas de La Bonne-Fontaine 
et donne quelquefois des produits supportables au palais. 

Au XVIe siècle les moines de Saint-Dié cultivaient la 
vigne sur les coteaux des Sèches-Tournées de la com- 



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- 85 - 

mune de Fraize. Mais, obligés d'ajouter des matières sa- 
crées pour produire la fermentation du moût, ils renoncè- 
rent à regret à œtte culture. La vigne avait été introduite 
dans les Gaules par un empereur romain. Un de ses suc- 
cesseurs fit arracher les vignes, sous prétexte que les es- 
prits récalcitrants ne se soumettraient point au régime de 
leur domination. 



m 



Signalons ici l'établissement de verreries au pied du 
Climont, dans l'enceinte du Hang. Ces verreries, comme 
autrefois les forges du Bourg, étaient alimentées par les 
nombreuses forêts du voisinage. Il y a un siècle, ces ver- 
reries furent supprimées et transportées à Baccarat qui ne 
fondit le cristal que vers la fin du premier quart de ce 
siècle. Toutes les fermes du Hang et de Lévreuil sont 
encore exclusivement habitées par des anabaptistes qui 
étaient venus travailler dans ces verreries. Cette popula- 
tion est restée sans mélange avec aucune fraction d'un 
autre culte. Sobre, robuste, elle se livre à l'élève du bé- 
tail et à la fabrication des fromages. La communauté a un 
chef du culte, un ancien, dans la maison duquel on se 
réunit le dimanche pour lire et commenter la Bible. Leur 
évêque actuel, M. Bœler, habite Salm. Leur cimetière est 
situé à Lévreuil, où les coreligionnaires des environs sont 
enterrés. 

On voit encore au bas du Hang les restes d'un barrage 
pour accumuler les eaux dans un vaste étang. On ouvrait 
cet étang pour flotter les bois à bûches perdues, vers 
Schirmeck et Strasbourg; ce mode de transport a été 
abandonné. 



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IV 



L'église de Saales mérite une mention spéciale. Sa dé- 
coration intérieure est remarquable. L'abbé Schickélé fut 
le premier curé du diocèse de Strasbourg qui prit posses- 
sion du rectorat en 1875. Il fit des merveilles de souscrip- 
tions. Il décora d'abord les petits autels de personnages 
et peignit les plafonds de dessins qui ne sont point sans 
valeur. Mais c'est dans le chœur qu'il manifesta sa magni- 
ficence : deux grands tableaux se faisant face et la pein- 
ture du dôme en font un tout complet qui excite l'attention 
des connaisseurs. Il dota aussi l'église d'un jeu d'orgues. 
Son successeur, M. Pfund, qui est mort à Rome, et au- 
jourd'hui M. Mathis, ont rivalisé de zèle pour provoquer 
les souscriptions qui ont fourni les vitraux et complété la 
décoration de la nef. C'est une égUse modèle dans son 
genre, il n'y manque qu'un calorifère; la fraîcheur de 
l'intérieur est frappante. Quelques curés du voisinage, au 
delà de la frontière, stimulés par cet exemple, sont par- 
venus, par ce moyen des souscriptions, à faire de leurs 
églises de superbes sanctuaires. 

Saales possède depuis peu un hospice pour les vieillards 
pauvres de la contrée. Il est dû à la générosité de M"« H. 
Barthélémy, qui a donné sa fortune pour fonder cet asile 
humanitaire. 

De chef-Ueu de canton, Saales n'a plus conservé que le 
nom. Depuis l'annexion il a perdu la moitié de son éten- 
due. La population de Saales est descendue de 1.500 à 
1.000 habitants à peine. Les délits correctionnels se jugent 
à Schirmeck; tous les mois le juge de paix se rend à Saales 
pour connaître des matières civiles. 



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87 - 



Après avoir esquissé à grands traits la physionomie ac- 
tuelle de Saaifes et de ses environs, il nous reste à parler 
de son origine, des événements auxquels il a été mêlé, et 
dfes malheurs dont il a été frappé dans les temps passés. 

Dans un âge où toute dénomination échappe, il n'y a pas 
encore d'Alsace ni d'Alsaciens. Les premiers habitants sont 
les Celtes, appelés Galli par les Romains. Ils s'étendaient 
des Vosges jusqu'au Rhin. Une tribu, les Rauraques, ayant 
pour capitale Augrista Rauracorum (Bâle), une autre tribu, 
les Médionatriques, s'échelonnaient le long des Vosges et 
du Jura. 

Un siècle avant J.-C, ils furent refoulés par une tribu 
germanique, les Triboques. Ceux-ci devinrent les maîtres 
de la Basse -Alsace, et les Celtes se retirèrent dans les 
Vosges et au delà. Jules César arriva. Arioviste, à la tête 
des Marcomans, avait envahi le pays. 11 fut culbuté et jeté 
dans le Rhin en Tan 58 avant J.-C. Ce fut une ère nou- 
velle qui s'ouvrit pour la contrée. Les Romains y établi- 
rent des colonies, des routes furent construites, les loca- 
lités celtiques gagnèrent en importance, le pays fut fortifié 
et défendu contre les appétits germains. Grandidier place 
dans les voies romaines le chemin qui, menant par Scher- 
willer au Val de Ville et passant par Saales, conduisait à 
Raon-l'Étape et dans la Lorraine, et il se fonde sur ce que 
cette route est appelée la chaussée des Sarmates dans les 
diplômes des rois de la première race. Enfin l'idiome se 
latinisant, le latin donna naissance au roman, d'où est 
dérivé le patois de ce nom. 

Les Romains s'amoUissent, les Gallo-Romains s'endor- 



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ment. Les vigilants voisins d'outre-Rhin peuvent de nou- 
veau suivre leurs goûts aventuriers. Les Alémans, après 
plusieurs tentatives de 282 à 403, et d'autres peuples, les 
Francs, les Alains, les Suèves, les Vandales, les Bourgui- 
gnons, arrivent en masse et prennent possession de l'em- 
pire romain qui s'en allait expirant. 

Les Alémans avaient repoussé vers les extrémités des 
vallées les restes des populations celtes et gallo-romaines. 
Aussi on trouve à côté des populations de langue alle- 
mande des populations qui ont gardé leur patois primitif. 
Une foule de mots celtiques ornent encore le patois du 
Bonhomme, de La Heingrée, de Charpe et de Steige. Chose 
remarquable, la ligne de démarcation des langues est bien 
tranchée d'une localité à la localité voisine. Meisengot parle 
l'allemand, sur la grande route, à un kilomètre, Steige 
parle le patois; de Ville à Fouchy, même différence de 
langage, de Kaysersberg à Hachimette, de Lutzelhouse à 
Wisches, même contraste. 

Saales, situé au pied de hautes montagnes en même 
temps sur un des passages les plus faciles pour franchir 
les Vosges, a dû être fondé par quelques débris des tribus 
tantôt de passage, tantôt refoulées des bords de la plaine 
de Schlestadt vers le Val de Ville. Ce qui est certain, c'est 
que les mines de sel manquant en Alsace, tandis qu'elles 
abondent de l'autre côté en Lorraine, les Romains eurent 
bientôt construit une route allant de Raon à Schlestadt. Il 
en reste des traces sur le chemin allant de Saint-Biaise 
au Ban-de-Sapt. On sait qu'ils avaient l'habitude de paver 
leurs chaussées de blocs de pierres formant souvent plu- 
sieurs assises. 

Jusqu'ici on n'a encore découvert aucune trace de 
l'homme préhistorique : ni haches taillées dans le silex, 
ni grattoirs, ni aiguilles sculptées dans des cornes de cerf. 



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VI 



La montagne de Lune, aujourd'hui couverte de sapins 
entremêlés de hêtres, est située sur le vaste plateau qui, 
partant de Belfeys et du Haran, s'étend vers le nord par 
les chaumes de la Chatte-pendue jusque vers le Donon. 
Ce soulèvement granitique n'est brisé qu'en un seul point, 
une faille, le col du Hang. Cette seconde dépression a été 
étudiée pour le passage du chemin de fer pouvant fran- 
chir les Vosges au moyen d'un seul tunnel. De ce plateau 
on aperçoit à l'est les montagnes de la Forêt Noire; à 
l'ouest on découvre les plaines de Baccarat et de Luné- 
ville. Ce sommet de Lune, admirablement situé au sein 
d'une anse ayant vue à l'est sur le Climont, a dû être 
choisi pour une fortification, un refuge, une enceinte pour 
les cérémonies mystérieuses du culte des Druides. En 
effet, on remarque un vaste bourrelet circulaire limitant 
une terrasse qui semble formée par la main de l'homme. 
La paroi orientale est protégée par la rapidité de la mon- 
tagne qui est difficilement accessible. Une quantité de dé- 
bris de pierres se remarque sur cette pente. Ces pierres 
ne sont point d'une énorme grosseur, vu l'absence de ro- 
ches dans les environs. En général les murs sans mortier, 
en petites pierres granitiques, s'écroulent facilement avec 
le temps. Il n'en est pas de même des enceintes formées 
de roches de grès. Ainsi, le mur païen de Sainte-Odile 
est formé de blocs de grès qui sont reliés par des queues 
d'aronde enchâssées dans les pierres pour les relier ho- 
rizontalement et verticalement. Ce mur a résisté à l'action 
du temps, DémoU en partie, il a été refait par les Celtes 
et plus tard par les Romains ; dans la partie réparée on ne 
trouve plus de queues d'aronde. 



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- 90 — 

Les Romains n'ont conservé de ces lieux de refuge que 
les monuments situés sur la partie orientale. Ils y ont 
établi des camps d'observation. Au Franckenbourg situé 
à l'entrée des deux vais de Sainte-Marie et de Ville, même 
construction avec des queues d'aronde, même réparation 
avec un autre mode de construction. Il en est de même 
au Thanenkirch. 

L'enceinte de Lune érigée au centre des montagnes a 
donc dû être abandonnée par les Romains qui ont fait tous 
leurs efforts pour détruire le culte des Druides et y subs- 
tituer les temples de leurs dieux, comme ils l'ont fait au 
Donon. 

C'est en vain qu'on chercherait aussi quelques traces 
des monuments de la magnificence romaine. Quel motit 
aurait pu déterminer ces vainqueurs à élever au milieu 
des Vosges de somptueux édifices? Tout devait être en 
harmonie avec le climat, le sol, les habitants. L'introduc- 
tion d'une religion plus traitable, des communications fa- 
ciles, quelques améliorations dans les usages les plus com- 
muns, tel devait être le but des Romains dans les Vosges 
où rien ne pouvait irriter leur ambition et leur sensualité. 



VII 



Il est de tradition que Saales a dû être établi primitive- 
ment devant Solamont. Cet emplacement était admirable- 
ment indiqué pour une station des tribus refoulées du Val 
de Ville, à l'abri du vent du nord qui se donne libre car- 
rière sur le plateau ainsi que son rival venant de l'ouest. 
Des huttes, des maisons y ont été construites. Il y a cent 
ans on a découvert des tas d'ossements qui indiquent des 
sépultures ou les restes d'une bataille. 



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— 91 — 

Plus tard le Boui^, à trois kilomètres de Saales, à l'ex- 
trémité du plateau, avait un château, Neubourg, Neufchâ- 
teau, pour commander la vallée de La Bruche. De là Tag- 
glomération des maisons autour de la forteresse; il y avait 
des fonderies, des forges. Le minerai se tirait en partie 
des environs de Saales. Sur le flanc gauche du Sapinsus 
un champ s'appelle encore le Champ-de-la-Mine. Dans la 
montagne de Lune existe encore une longue galerie, source 
des fontaines qui alimentent la moitié du village. 

De plus, nous trouvons au nord de la Vigne-Fière les 
rudiments d'une route qui descendait dans la plaine pour 
aller, suivant le plateau, rejoindre le Bourg. Il y a donc 
des raisons plausibles pour admettre qu'il y a eu là une 
certaine agglomération. Aujourd'hui les habitants regret- 
tent que le village n'ait pas conservé sa position primitive 
devant Solamont* ^ 

Ce n'est que plus tard, quand les Romains étant arrivés, 
construisirent la route allant de Raon à Saales, que ce 
premier Saales fut détruit ou abandonné et qu'il se cons- 
truisit à la place qu'il occupe aujourd'hui. 

Dans la suite, les princes de Senones construisirent une 
nouvelle route au midi, entre le Harau et la Vigne-Fière, 
la côte rapide de Fraisegoutte qui arrive au bas du Sapin- 
sus. Sa position était donc forcément indiquée. C'est là 
que Saales s'est installé définitivement, qu'il s'est déve- 
loppé, qu'il a prospéré, qu'il s'est rebâti plusieurs fois 
après avoir été saccagé, brûlé par les troupes de l'évèque 
de Strasboui^, par le passage des troupes de Lorraine et 
plus tard par les Suédois. 

Il a pris son nom du mot Seel, Salz, sel. C'était l'en- 
trepôt des sels de Lorrraine à destination de l'Alsace. 
Gravier, dans son histoire de l'arrondissement de Saint- 
Dié, ne parle de Saales que pour justifier l'origine de son 
nom. Une ferme située au haut du Là, près de la route 



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- 92 — 

de La Grande-Fosse, s'appelle La Saline. Le village de La 
Salzée, au delà de la Bruche, tire son nom de rétablis- 
sement en ce lieu des métayers qui relayaient les convois 
de sel allant en Alsace. 



VIII 



Voilà tout ce que l'on connaît sur l'origine de Saales. 

Ce n'est que dans le milieu du VII« siècle que les his- 
toriens font mention du village de Saales. Gondebert, 
archevêque de Sens, venait de fonder le monastère de 
Senones sous ce nom en mémoire de son ancien évêché. 
A la même époque Dieudonné, évêque de Nevers, d'a- 
bord établi à Ébermunster, aidé ensuite par les fonds que 
lui donna Ghildebert II, fut envoyé par ce roi d'Austrasie 
dans le Chaumontois, il fonda un monastère dans le val 
qu'il appela le Val de Galilée. 

Le titre de donation faite par Ghildebert II au monas- 
tère de Senones en 661, indique pour les limites des pro- 
priétés intra duos stratas usque in Buscwm (entre les deux 
routes jusqu'à La Bruche). Ces deux routes réunies se dé- 
veloppaient derrière Raon-l'Étape sur la plaine, passant à 
l'ouest du grand Donon. La troisième également indiquée 
dans ce titre, deinde m strata salinatorum (ensuite la route 
des Saulniers), est la route de Raon, traversant le Ban- 
de-Sapt et le village de Saales. Cette route est encore pavée 
de pierres irrégulières, mais si bien ordonnées que par- 
tout où elles ont conservé leur première assise, la route 
est encore praticable. 

Dans un titre de 4040 en faveur de la dite abbaye, nous 
lisons qu'une ligne va droit sur la Bruche, puis droit par 
le chemin jusqu'à Saales. La charte du duc Mathieu en 



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- 93 - 

feveur de Beaupré ou Baumgarten (1172) parle de la route 
de Saales. En 1254 Hugues de Provenchères abandonne 
ses biens de Saales à Tabbaye de Senones. Huit ans après, 
Saales est dévasté par les troupes impériales. Relevé de 
ses ruines, Saales, toujours peu riche en culture, payait 
comme taille au seigneur 11 à 13 livres deniers. (La livre 
valait 11 marcs ou 13,75) (^). 

Saales était le dernier pays de TAlsace, du diocèse de 
Strasbourg et de la seigneurie de Ville (l'on s'en est bien 
souvenu depuis), situé entre la principauté de Salm et 
le Val de Saint-Dié. Il tut incendié par les troupes de ré- 
voque en 1262, en même temps que Bruche et Neubourg. 

L'abbé Nartz se demande si Saales a été siège d'une cure. 
Dans un travail récent de M. le chanoine Dacheux, président 
de la c Société des Monuments historiques de l'Alsace, » 
nous trouvons les renseignements suivants : M. Ingold, de 
CoUnar, a découvert parmi les papiers inédits de Grandi- 
dier, aux archives du duché de Bade, l'état ecclésiastique 
du diocèse de Strasbourg en 1454. A l'article archiprêtré de 
Sélestadt, on lit page 61 : Saales Rectorat; Plebanat à Bru- 
che. En 1543, Sele (Saales) avait pour recteur M. Segle, 
tandis que Bruche était un Plebanat. D'où nous pouvons 
établir que Bruche était succursale de l'église de Saales et 
fournissait la prébende. Plus tard Saales ayant été brûlé 
et ayant perdu de son importance, le rectorat fût transféré 
à Bruche et l'éghse de Saales devint succursale de celle 
de Bruche. 

En tout cas, il parait n'avoir jamais dépendu de Hon- 
cour, ayant pour le spirituel plutôt relevé de Senones. 
L'église ayant pour patron saint Barthélémy, avait encore 
12 florins 5 deniers. Le coUateur partageait la dlme avec 
le curé de Bruche. Elle leur rapportait autrefois 36 sacs. 
En dehors de sa part, le curé touchait encore la dlme sur 

(1; L'abbé T. Nartz, Le Val de Ville. 



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- 94 - 

deux cantons entiers et sur trois chanaps, ce qui faisait 
5 à 10 sacs mi de seigle et mi d'avoine. Par contre il don- 
nait 3 sacs à des chanoines de Saint-Dié. Quant aux droits 
seigneuriaux le seigneur n'en exerça pas à Saales de par- 
ticuliers, si ce n'est la redevance des chutes d'eau sur les 
moulins du Trémoulot, du Grabe-du-Chêne et du canal. 

Pour le civil notons encore ce point : Seel et Bruche 
ont encore un maire, six juges et deux sergents et ont 
pouvoir d'imposer amende depuis 5 jusqu'à 30 sch., au 
profit du seigneur. 

Les habitants de Saales avaient encore droit aux devis 
pour la construction et la réparation de leurs maisons. 
Vers 1826 ce privilège a disparu, il ne leur reste plus que 
le droit d'affouage. 

La commune de Saales possède les forêts de Labateux, 
de Voyemont, du Harau, de la Vigne-Fière, du Sapinsus, 
de Lune, de Hurin et de Solamont. La superficie de ces 
belles forêts se monte à 530 hectares, ce qui lui a permis 
de" fournir une subvention de 50.000 marcs (62.500) pour la 
construction du chemin de fer en 1890, somme dont elle 
s'est libérée en six annuités. Ce sacrifice a été largement 
compensé par le prix de la vente des bois qui a presque 
doublé, vu la faciUcité d'évacuation par ce chemin de fer. 



IX 



Résumons en quelques mots les événements, les guerres 
qui ont eu lieu dans le voisinage, en Alsace, et dont Saales 
a eu à souffrir. 

Nous mentionnerons d'abord celle de Strasbourg contre 
le seigneur de Ville en l'an 1262, Saales fût saccagé et 
brûlé. 



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— 95 - 

En 1473 Charles le Téméraire avec 500 chevaux traversa 
Saales, Steige, le Val de Ville pour se rendre en Alsace. 
L'archiduc Sigismond avait engagé entre les mains du duc 
de Bourgogne le Suntgau avec le comté de Ferrette, le Bris- 
gau et la Haute-Forêt-Noire. Son lieutenant, le cruel Pierre 
de Hagenbach, ayant imposé un régime intolérable, fut ar- 
rêté à Brisach, incarcéré, jugé, condamné et exécuté. 

En 1525 éclata la guerre des paysans, auxquels vinrent 
se joindre les adhérents à la réforme. De Saales et du Ban- 
de-la-Roche jusqu'à Sélestadt, des bandes s'organisèrent. 
Celles d'Alsace se portèrent d'abord vers Saverne. Antoine, 
duc de Lorraine, voyant cet orage formé à ses portes, des- 
cendit à Saverne. 18.000 paysans, en grande partie luthé- 
riens, restèrent sur le carreau. Le duc voulant rentrer par 
le Val de Ville, les rencontra de nouveau à Scherviller. 
C'est là, dans une bataille sanglante, qu'il acheva leur 
destruction complète. En revenant par le Val de Ville, ses 
convois furent arrêtés au col de Steige, sur le Bâ. Les 
habitants de la montagne avaient abattu des arbres pour 
leur barrer le passage. Il fallut faire venir quatre à cinq 
cents paysans du Val de Saint-Dié pour déblayer la route. 
Enfin l'armée du duc put se mettre en marche. Elle tra- 
versa Saales qui subit les représailles du vainqueur. 

En 1632, les Suédois qui avaient ravagé l'Alsace se por- 
tèrent vers le Val de Ville. Les paysans de la montagne 
et ceux du Val s'étaient rassemblés pour leur résister. 
Mais Ville fut pris, le Bâ occupé, et Steige et Saales fu- 
rent saccagés. 

Dans les temps modernes, Saales a été menacé de des- 
truction, et dans la suite, peut-être, n'échappera-t-il pas 
au sort qui lui est fatalement réservé par sa position au 
centre de la trouée des Vosges. 

C'était en 1814, les alliés avaient franchi le Rhin. M. G. 
Save, l'intrépide collaborateur qui seconde si abondam- 



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— 96 - 

ment le dévoué président de la « Société Philomatique, "» 
dans un article émouvant de patriotisme, raconte les ex- 
ploits d'un habitant de Rothau, du héros WolfT. A la tête 
de 450 partisans armés de faulx, de piques en fer et de 
quelques fusils, Wolff, retranché dans le cimetière de Ro- 
thau garni de tuyaux de fontaine à la gueule menaçante, 
repoussa victorieusement les assauts de deux régiments 
d'infanterie bavaroise, les fit reculer, les poursuivit jusque 
vers Schirmeck, leur tua un grand nombre de soldats. Aussi 
un arrêté de Schwartzenberg ordonna que Rothau serait 
brûlé et la maison de Wolflf rasée. Heureusement la se- 
conde de ces mesures fut seule accomplie, et la maison 
de Wolff fut la rançon de sa victoire. 

Le lendemain Saales faillit subir le sort auquel Rothau 
venait d'échapper. Un espion, indigne du nom français, 
informa les alliés qu'une troupe de partisans était couchée 
à Saales. A minuit, par un clair de lune, des cavaliers ar- 
rivent au galop, tirent des coups de fusil dans les fenêtres 
et occupent toutes les issues pour arrêter les partisans. 
Le commandant Rertrand parvient à peine à s'échapper. 
On arrête une trentaine d'habitants. Après le pillage, 6n les 
chaîne sur une voiture à échelles et on les dirige sur Col- 
mar pour y être jugés. Au bout de quelques jours on relâ- 
cha les malheureux prisonniers : ils n'avaient tué per- 
sonne, les preuves de culpabilité manquaient. Saales, 
échappé à la destruction, fut occupé par une garnison 
bavaroise. 

Tout le monde a encore présents à la mémoire les évé- 
nement de l'Année terrible. Saales, toujours sous le coup 
de la terreur à l'approche de l'ennemi, avait été visité par 
les francs-tireurs et traversé par une compagnie de mobiles. 
Un matin (28 Septembre 4870), après la reddition de Stras- 
bourg, arrive subitement un escadron de Radois. Les sol- 
dats occupent toutes les issues, retiennent prisonniers les 



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- 97 — 

habitants du voisinage qui étaient venus à la foire et font 
rentrer les travailleurs occupés dans les champs. Le com- 
mandant se fait indiquer la maison du maire et réclame 
impérieusement sa présence qui se fait attendre un instant. 
Il le somme de déclarer s'il y a des francs-tireurs dans le 
village, et lui signifie que s'il en trouve, Saales sera sac- 
cagé. Le maire, M. Biétrix, fut gardé prisonnier toute la 
nuit à rhôtel de ville. 

Le lendemain, la colonne partait par la route de Senones, 
précédée d'un jeune garçon de la localité. C'est à Saales, et 
non à Nompatelize, que devait avoir heu la rencontre des 
deux armées, si les troupes de Cambriels n'avaient pas été 
en retard dans leur marche. Saales ne fut pas brûlé. 

Pendant l'hiver, Saales fut constamment occupé par des 
troupes; les habitants les logeaient à tour de rôle. Quand 
on leur annonçait qu'il fallait partir pour le siège de Bel- 
fort, ils se lamentaient, disant qu'on les envoyait à la mort. 

L'occupation dura jusqu'en Mars 4872, car lorsque le 
service de la douane fut organisé en Août 4871, on çivait 
jugé prudent de conserver une garnison pour protéger par 
des patrouilles les douaniers en surveillance sur la fron- 
tière. 

La trouée de Saales est tout indiquée pour le passage des 
armées. D'après les stratégistes, le premier occupant s'y 
barricadera : Saales sera bombardé. 



Secouons ces idées lugubres et terminons par des idées 

moins sombres. Depuis 4890, Saales est tête de ligne d'un 

chemin de fer qui le relie à Rothau et aux lignes ferrées 

d'Alsace. Ce chemin de fer a été étabU économiquement 

7 



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sur la route de Schirmeck, dont il suit les pentes et les 
courbes ; point de danger do s'y aventurer, il évolue avec 
la vitesse d'une bonne diligence. Sera-t-il relié avec 
Saint-Dié ? Jusqu'ici le génie militaire s'y est opposé. En 
attendant, c'est une magnifique voie destinée à amener les 
touristes qui viennent se retremper et se fortifier dans un 
air embaumé des senteurs des sapins. Les excursions 
abondent et sont variéas. Le Club Vosgien s'est distingué 
en établissant des sentiers qui permettent d'escalader faci- 
lement les montagnes environnantes, du sommet des- 
quelles on embrasse la chaîne des Vosges et d'où l'on 
découvre encore les plaines de Lorraine et les montagnes 
du duché de Bade. 

En ce moment, on termine une tour en pierres de 17 mè- 
tres de hauteur et pourvue d'un escalier intérieur, au som- 
met du Chmont. M. Gérardin a gracieusement donné le 
terrain nécessaire à l'emplacement de la tour; il a non 
moins généreusement accordé l'autorisation d'ouvrir dans 
les montagnes des sentiers faciles pour donner accès au 
sommet, d'où l'on aperçoit une portion de l'Alsace au- 
dessus de Benfeld, et le Rhin comme un ruban d'argent. 
Il y a cinquante ans, avant le reboirement du sommet, on 
pouvait découvrir le même spectacle. Cette tour du Chmont 
ne sera pas un des moindres attraits pour les excursion- 
nistes qui voudront s'élever au-dessus de ce monument 
solitaire. La Société de Strasbourg doit en faire l'inaugura- 
tion au mois d'Octobre. 

C'est un devoir pour nous, en même temps qu'un hom- 
mage à cette contrée privilégiée, que de la signaler à l'at- 
tention des touristes, amis de la saine et belle nature. 

J. CROVISIER, 

Professeur de Mathématiques à Vancien Lycée de Colmar, 
Septembre i897. 



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VOYAGE DANS LES VOSGES 

PAR L'ABBÉ GRÉGOIRE 



L'ancien évêque du département de Loir-et-Cher a publié 
en Tan VI (4737) cette excursion dans les Vosges dans un 
ouvrage généralement inconnu : Correspondances sur les 
matières du temps, trois volumes in-8o (II, 453-171). L'œu- 
vre de Grégoire (^) serait restée oubliée dans ce Recueil 
si un chercheur infatigable sur tout ce qui touche à l'his- 
toire des Vosges, feu Richard (de Remiremont) ne l'avait 
pas trouvée et publiée dans V Annuaire du département des 
Vosges pour 1841, accompagnée de quelques notes. Un ti- 
rage à part fort restreint (12 pages in-12) en fut fait. 

Le petit in-12 de Richard (2) est des plus rares; la biblio- 

(i) Romme et Thuriot , deux cOQventionnels montagoards bien connus , firent 
dans ane séance la remarque que leur collègue Grégoire employait dans ses 
discours le style du sermon et du panégyrique, c Les actions héroïques des Ré- 
c publicains, disaient-ils, doivent être rapportées simplement, sans réflexion, 
c ni jugement. » Leur motion plut à la Convention, qui chargea son Comité 
d'instruction de lui présenter un essai d'après la simplicité républicaine deman- 
dée. Nécessairement rien ne se fit, et Grégoire continua à débiter ses discours 
comme s'il prononçait des sermons devant ses ouaiUes d'Emberménil. 

(2) Richard (Louis-Ântoine-Nicolas) , né à Saint-Dié le 10 Septembre 1780, fils 
du député au Conseil des Cinq-Cents , fit sa carrière dans l'administration des 
Drolta-réunis , puis , après 1830, devint bibliothécaire de la ville de Remiremont. 
n mourut dans cette ville le 10 Septembre 1855. Ses nombreuses publications 
historiques, aujourd'hui fort recherchées, montrent, dit avec raison M. Gaston 
Save, une érudition remarquable. Son travail : Une Cité lorraine au Moyen âge 
o\i Remiremont en 1465 (Épinal, 1847), intrigua dans son temps tous les érudits 
lorrains. 

Il fut un des premiers collaborateurs de la Revue d'Alsace, que rédige encore 
son fondateur, J. Liblin , au bout de près de cinquante ans ! 



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— 100 — 

thèque publique de Nancy en a cependant un exemplaire, 
venant, je crois, du bibliophile Noël (Cat. N^ 3453), mais 
on ne le trouve pas dans la bibliothèque municipale de 
Colmar, ni dans la bibliothèque de T Université de Stras- 
bourg. Je puis donc dire hardiment que la publication du 
bibliothécaire de la ville de Remiremont est rarissime, et 
que sa réimpression équivaut presque à la pubblication 
d'un manuscrit, et c'est sur un exemplaire du tirage à 
part qu'a bien voulu me prêter mon ami M. Gaston Save, 
que je fais cette réimpression. 

Grégoire aimait les montagnes, et il le fait bien voir dans 
cette lettre datée de Nancy, 1809 : 

« Un des objets de mon voyage que j'avais le plus à 
a: cœur, était d'aller me concentrer dans une soUtude des 
« Vosges, au milieu des lacs et des sapins. Mais ce voyage 
a: n'aura pas lieu. Ma bourse me le défend. . . i> (Mémoires, 
I, 153.) (!!!) 

Grégoire était cependant sénateur de l'empire français ! 

Il avait parcouru les montagnes des Vosges avant et 
après la Révolution, et toujours on le voyait amasser des 
notes pour un ouvrage sur ce sujet. En attendant, il pu- 
blia dans la Cort'espondance de Paris parue en 1797, quel- 
ques notices du pays, ce sont celles que je reproduis ici. 
Mais l'abbé continuait toujours à augmenter son ouvrage 
primitif, en cherchant essentiellement à faire connaître 
ce petit coin de terre si à la mode de nos jours. La bi- 
bliothèque publique de Nancy possède le manuscrit ori- 
ginal (^) sur les Vosges, donné avec les autres écrits du 
prélat par M. H. Carnot, ami intime de Grégoire. Ce ma- 
nuscrit, recopié au commencement de ce siècle, ne fut 

(1) J'ai pu le publier dans les Annales de la Société d'Émulatûm des Vosges, à 
Ëpioal en 1895, grâce à l'extrême obligeance de M. J. Favier, conservateur de la 
bibliothèque publique de Nancy. On a omis, page 39, ce passage : 

« Vers Luxeuil où le maïs est assez commun , on mange des Coudes comme 
« dans plusieurs départements voisins. » 



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— 101 — 

jamais publié. L'auteur ne fut-il pas satisfait de son œuvre 
ou craignait-il la censure impériale? On ne sait. 

C'est en 1787, étant curé d'Emberménil , que Grégoire fit 
son premier voyage dans les Vosges; c'est à cette époque 
qu'il commença à prendre des notes sur ce qu'il voyait 
d'intéressant. Plus tard, dans les dernières années du siè- 
cle, en 1797 et en 1799, il visita encore les Vosges, mais 
les préoccupations religieuses l'emportaient alors sur les 
idées observatrices, il ne dut plus prendre de notes. Les 
destinées de l'église constitutionnelle prête à sombrer, de- 
vaient l'empêcher complètement. Mais, répétons-le encore 
une fois, l'abbé Grégoire aimait les montagnes des Vosges, 
et il cherchait à inspirer le même sentiment aux Parisiens. 
Il le dit ouvertement' à la fin de sa brochure, et il serait 
certainement heureux de voir l'engouement dont jouissent 
actuellement les beaux sîtes des environs de Gérardmer, 
de Saint-Dié, de Remiremont, etc. 

Dans la brochure de Grégoire, on le voit commencer 
par décrire Saverne, une des nombreuses clefs alsacien- 
nes de la montagne, les vieilles portes gothiques qui l'aga- 
çaient tant ont disparu. On le regrette aujourd'hui. Puis il 
va chez son ami Ob3riin à Waldersbach, et de là il grimpe 
sur le sommet du Donon, rempli encore de débris de sta- 
tues payennes et du bas-relief si connu, le Bellicus-Surbur, 
aujourd'hui au Musée d'Épinal. Du Donon il gagne Senones, 
tout rempli du nom de Dom Calmet^ puis Moyenmoutier, 
ces abbayes étaient alors peuplées de moines ne cherchant 
que la paix et l'étude; Saint-Dié où ses fontaines miné- 
rales l'attirent, Gérardmer, alors la ville des lacs sauva- 
ges, La Bresse dont il admire la justice rurale, le Ventron 
avec le bienheureux Frère Joseph , Bussang dont il donne 
une description très humoristique, Le Ballon à la vue im- 
mense et aux pâturages excellents, Giromagny et sa car- 
rière de granit, Remiremont, sur le chapitre duquel il ne 



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— 102 - 

peut s'empêcher de lancer le trait du Parthe (^); heureu- 
sement qu'il est émoussé, et enfin Hérival, où, à ce qu'il 
paraît, on pourrait établir une cure d'air... c'est une idée 
comme une autre. Tout cela, malgré la grande diversité 
des sujets est dit en quelques pages, qui ne sentent pas 
trop le pédant et se laissent lire; c'est ce qui m'a décidé 
à reproduire ce petit voyage essentiellement vosgien et 
bien plus pittoresque que celui laissé manuscrit. 

A. BENOIT. 



Paris, 27 Vendémiaire an VI. 
(18 Octobre 1797.) 

Les Suisses sont dans l'usage de visiter leur propre pays 
avant de parcourir les nations étrangères. A Zurich, je me 
suis trouvé dans des sociétés de jeunes gens bien élevés 
qui préludaient à leur départ par des banquets plus dé- 
cents et par conséquent plus agréables que celui des sept 
Sages. 

Plusieurs fois, dans les montagnes du Saint-Gothard et 
de TAppenzelI, j'ai rencontré de joyeuses caravanes; les 
Français au contraire ont la démangeaison d'aller voyager 
dans les pays lointains, en se condamnant eux-mêmes à 
ne pas connaître celui qui leur donne naissance. Tel qui 

(i) Guizot a tracé un portrait sévère de Grégoire : « Vieux jacobin , dit-il , qui 
f avait fait la guerre aux hounétes gens , à la propriété, à la liberté, aux droits 
« et au repos de tous, i» Un journal de Lunéville prétendit, au mois de Juillet der- 
nier, qu'on aurait mieux fait de construire une fontaine «ur la place des Carmes 
de cette ville au lieu d'y élever une statue à Grégoire. Le fait est que la statue 
n'est pas réussie. Oa voit un abbé poupon au lieu de l*athlète convaincu et vain- 
queur pour un moment. Quoiqu'il en soit de cette statue, l'église constitution- 
nelle française a sombré et bien sombré. Mais quelle différence entre cette pau- 
vre statue de Luné ville et le buste en marbre de Grégoire par David, buste digne 
de Tantiquité, dit Stendbal, qui se voit au Musée de Nancy, d'où on Ta expulsé 
du grand salon; il aurait dû y rester. 



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- 103 - 

de Paris descend au Havre pour aller aux Antilles, n'a 
jamais eu la curiosité de voir, ni le site riant de Chan- 
tilly, ni le désert d'Ermenonville. 

Une des parties de la France les moins connues et les 
plus dignes de l'être, ce sont les Vosges, car les écrits 
des citoyens Buc'hoz (^), Sivry (2), Durival, etc., etc., lais- 
sent beaucoup à désirer; c'est cependant à ce dernier que 
nous devons la description la plus complète de la Lor- 
raine, en 3 volumes in-4o. Durival était un respectable vieil- 
lard, mort il y a un an à Heillecourt, près de Nancy, et 
l'on n'a pas seulement jeté une fleur sur sa tombe. Ainsi 
ont péri également dans le cours de la Révolution, sans 
qu'on ait seulement annoncé leur décès : Pluquet, auteur 
du Dictiormaire des Hérésies, ouvrage estimé de Voltaire 
même; Guérin-du-Rocher, auteur de V Histoire véritable 
des Temps fabuleux; HooK qui a écrit sur la religion et 
l'histoire romaine; Daire, auteur du Dictionnaire des Épi- 
Ihètes françaises; Meissance, dont les travaux sur Téco- 
nomie politique, etc., ont obtenu le suffrage du célèbre 
auteur de la Richesse des Nations (3), et Contant-de-la- 
Molette, traîné à l'échafaud sous le régime révolution- 
naire. Les montagnes des Vosges sont connexes à celles 
de la Chine. L'abbé Chappe-d'Auteroche, en indiquant les 
chaînes intermédiaires, ôte à cette assertion sa physiono- 
mie paradoxale. 

Je vais vous promener sur quelques points de cette con- 
trée, sans m'astreindre à une marche réguUère. 



(1( Buc'hoz composa plusieurs centaines de volumes sur Thistoire naturelle, 
il excellait dans les compilations. 

(2) Dk SiVRY a fait imprimer à Nancy en 1782 ses observations sur la minéra- 
logie des Vosges et de l'Alsace. J'ai encore vu l'auteur au château de Remicourt, 
prôs Villers-les Nancy. 

Çâ) Adam Schmitb, philosophe écossais , fondateur du système d'économie ad- 
mis aujourd'hui (Richard.) 



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— 104 



SAVERNE 



L'enceinte de cette ville était plus resserrée jadis qu'au- 
jourd'hui et entourée de fossés, de murs; en augmentant la 
ville, on a comblé les fossés et conduit la nouvelle bâtisse 
bien au delà du pourtour de l'ancienne ville; mais on a 
laissé subsister les portes dont la structure grossière n'of- 
fre que des monuments de mauvais goût. Que penserait- 
on d'un architecte qui, agrandissant un appartement, lais- 
serait les portes au milieu de la chambre? Voilà Saveme. 



WALDERSBAGH 

Ce village, qui fait partie du Ban-de-la-Roche, est luthérien 
ainsi que diverses communes circonvoisines; le ministre 
actuel, frère du savant bibliothécaire de Strasbourg, le 
citoyen Oberlin , a déployé le plus grand zèle pour mettre 
sur bon pied les écoles de ce canton ; en cela, il a marché 
sur les traces de son devancier, le citoyen Stuber, dont 
l'épouse est morte à Waldersbach. Sur son tombeau est 
une inscription dont j'ai oublié le texte, mais qui finit par 
cette idée : « Son mari qui lui a érigé ce monument est 
« incertain s'il doit s'affliger davantage du malheur de 
« l'avoir perdue que de s'honorer de l'avoir possédée. » 

DONON 

Dans les Mémoires de V Académie des Inscriptions est 
une dissertation curieuse de Montfaucon (^) sur les anti- 

(1) C'est Mabillon qui fit une dissertation sur le Dooon et non Montfaucoa 
(Richard}. 



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— 105 — 

quités du Donon ou Thonon, Tune des plus hautes mon- 
tagnes des Vosges. L'inscription qu'il indique et les figures 
subsistent encore; mais combien j'ai regretté que le gou- 
vernement n'ait jamais fait recueillir une foule de statues 
éparses sur le contour de cette montagne et qui bientôt 
disparaîtront sous les broussailles. Là, gisent dans l'om- 
bre et le silence les restes de la vénérable antiquité. Ces 
statues mutilées sont d'une assez mauvaise sculpture; 
mais des ouvrages de ce genre sont utiles pour la chro- 
nologie, l'histoire de l'art, la connaissance des costumes. 
Et ne voit-on pas journellement les artistes visiter cette 
belle collection du Moyen âge, rassemblée au dépôt des 
Petits-Augustins par les soins du citoyen Lenoir? 

SENONES 

Dans le château des ci-devant princes de Salm était une 
bibliothèque peu nombreuse, mais composée de livres ra- 
res et de magnifiques éditions. La bibhothèque des Béné- 
dictins était bien plus considérable; on y remarquait, entre 
autres, le manuscrit original de Richei^us, dont une partie 
seulement a été imprimée dans le spécilège de Dacheri, Ce 
manuscrit précieux a disparu dans le cours de la Révolu- 
tion. 

La principauté de Salm, dont Senones était le chef-lieu, 
a produit un nain ; c'est Bébé, qui était à la Cour de Sta- 
nislas, et un géant. On citait comme une merveille les 
gants de ce dernier, déposés dans la bibliothèque, mais 
qui me garantira qu'ils étaient du géant? Ce qui m'a frappé 
davantage, c'est une mâchoire qui a cinq pouces deux li- 
gnes de la partie externe de chaque condyle à l'autre, et 
cinq pouces et demi de la partie antérieure et moyenne 
du menton à la partie moyenne d'une ligne qui prendrait 
d'un condyle à l'autre. 



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- 106 — 

Dom Calmet, que les gens superficiels ne connaissent 
que par ses vampires, mais qui aura toujours l'estime des 
érudits, est inhumé dans l'église. Sa mémoire est en vé- 
nération dans une contrée qu'il édifia par ses vertus. Sur 
son tombeau sont deux épitaphes; la meilleure est celle 
qu'il s'était préparée lui-même : 

MULTA LEGI, SCRIPSI, UTINAM BENE. 

Voici la seconde : 

HIC TENUI TUMULATUR HUMO, FIT VERMIBUS ESCA, 

UT MISERUM VULGUS SCRIPTIS SUPER iETHERA NOTUS, 

HEU ! SI MORTALES POSSENT SUBDUCERE LETHO 

DOCTRINA, INGENIUM PIETASQUE, FIDESQUE, 
NOMEN ET IPSE SUUM VIXISSET FUNERIS EXPERS. 

Voltaire, qui avait demeuré quelque temps à Senones, lui 
en fit une autre que je ne me rappelle pas avoir lue dans 
le Recueil de ses œuvres : 

Des oracles sacrés que Dieu daigna nous rendre, 

Son tra\ail assidu perça Tobscurité; 

Il fit plus, il les crut avec simplicité 

Et fut par ses vertus digne de les entendre. 

Dom Calmet eut pour successeur à l'abbaye de Senones, 
son neveu Dom Fange, à qui nous devons quelques écrits, 
entre autres, VHistoire de la Barbe (^), ouvrage curieux et 
rempli de recherches dans le genre de VHistoire des Per- 
ruques, par Thiers. Il est fâcheux que, contre le gré de 

(i) Noël (65^) dit que l'ouvrage fut imprimé à Senones en 1774. Le volume a 
conservé un certain prix dans les ventes , le titre pique la curiosité qui est plus 
que rassasiée avant qu'on ait lu la moitié du volume. 



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— 107 — 

Fauteur, on ait joint à l'édition de cet ouvrage des contes 
cyniques de Lachaussée. 

Le maître-autel de Féglise de Senones a quatre colonnes 
torses en bronze, ornées d'arabesques. Le prieur me ra- 
conte que, sous Tabbé Joachin (?), qui vivait, je crois, il y 
a trois cents ans, des colonnes pareilles, qui décoraient 
l'autel, ayant été enlevées de nuit, l'abbé fut accusé du 
larcin ; il soutint qu'il était innocent, et cependant les qua- 
tre autres colonnes actuellement existantes, furent faites 
à ses dépens; il fit graver au bas de chacune ce verset 
du psaume 68 : Quse non rapui tune exolvebam; l'applica- 
tion m'a paru heureuse. 



MOTENMOUTIER 

Ce monastère est à une lieue de Senones. Dans la riche 
bibliothèque du couvent, nous avons vu le manuscrit ori- 
ginal des mémoires du cardinal de Retz, qui avait plus 
de talent pour bien écrire que pour écrire lisiblement. Il 
y a beaucoup de ratures, avec des surcharges et des cor- 
rections qui sont d'une autre main. Dans l'imprimé que 
nous avons comparé, on a suivi ces corrections (^). 

Les habitants du village contigu à l'abbaye avaient au- 
trefois des droits singuliers. Quand une femme accouchait 
d'un enfant, provenu d'un mariage légitime, le mari pou- 
vait, seul ou accompagné de son voisin, pêcher pendant 
trois jours dans le Rabodeau (c'est le nom de la petite ri- 
vière qui coule dans la vallée de Moyenmoutier), et même 
vendre du poisson pour subvenir à l'entretien de l'accou- 
chée; mais il était obligé préalablement d'aller l'offrir au 



(1) La première édition de ces mémoires parut à Naacy ea 1717, chez S.-B. 
Cosson. D'après Dom Calmet, cela serait Dom Heanezoa, ami du cardinal, qui 
fit les ratures au mauttscrit. 



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- 108 — 

couvent, où on le lui payait au prix fixé pour pareille occa- 
sion, sinon il était libre de le vendre partout ailleurs. En 
outre, il avait le droit de se présenter au couvent pour 
recevoir un pain de trois livres et un pot de vin. Ce der- 
nier droit s'était conservé ; le temps avait fait perdre celui 
de la pêche. 

A l'époque où Dom Calmet était abbé de Senones, Dom 
Belhomme était abbé de Moyenmoutier, dont il a imprimé 
rhistoire, et Dom Hugo, évêque de Ptolémaïde, était 
abbé d'Étival, situé à une lieue de Moyenmoutier, sur la 
rive gauche de la Meurthe. Ce savant a, comme on sait, 
enfanté beaucoup d'ouvrages, tels que les Annales des Pré- 
montrés, 2 volumes in-folio ; Sacrœ a7iHquitatis monumenta, 
2 volumes in-foho. Il a fait aussi imprimer VHerculanus; 
nous ne connaissons pas la critique qu'en a faite un Bé- 
nédictin (1). 

SAINT-DIË 

Au sud de cette petite ville, située dans un vallon déli- 
cieux, sont deux fontaines minérales. Elles ont été analy- 
sées, ainsi que la plupart des eaux minérales des Vosges 
par un très bon chimiste de Nancy, le citoyen Nicolas; le 
même qui a perfectionné la préparation du phosphore. 
Nous avons obtenu les mêmes résultats que lui, en es- 
sayant les eaux à l'aéromètre, la noix de galle, l'alkali vo- 
latil et l'huile de tartre (2). 

L'histoire raconte qu'autrefois à Saint-Dié, un juif pro- 
fana la sainte Hostie. Les détails en sont consignés dans 
Ruyr et autres écrivains. La maison du juif fut vendue, et 
le propriétaire, en mémoire de ce fait, fut obligé de fournir 
annuellement les hosties consacrées pour la quinzaine de 

(1) Les ouvrages de rabbé d'Etival sont trôs estimés. 

iSL) Voir sur ces eaux minérales les dissertations de M. H. Bardy. Sainl-Dié 
devrait être une station balnéaire. 



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— 109 — 

Pâques. Cet usage subsiste, et celui qui fournit les hosties 
va à Toffrande en manteau noir le jour du vendredi-saint. 

En allant de Saint-Dié vers le Sud-Est on trouve à quel- 
ques lieues de là, les lacs de Gérardmer, Longemer et 
Retoumemer. 

Entre Longemer et Gérardmer, on voit ce qu'on nomme 
le Saut des Cuves, C'est une espèce de cataracte formée par 
la petite rivière de Vologne, qui se précipite avec fracas 
dans les anfractuosités des rochers de granit. 

Plus bas, se trouve une pierre à peu près carrée d'environ 
12 pieds de diamètre ; on la nomme Pierre de Charlemagne, 
parce que, dit-on, il s'y arrêta et s'y reput. En parcourant 
la France, j'ai remarqué qu'on veut retrouver partout des 
monuments, des souvenirs de César et de Charlemagne. 
Il est vieux, mais vrai, le proverbe : On ne prête qu'aux 
riches. 

GÉRARDMER 

Ce beau et grand village est entouré de rochers hideux 
qu'on nomme les moutons de Gérardmer (}), Les pluies ont 
entraîné dans les vallons toute la terre végétale et rongé les 
angles de ces rochers qui annoncent, pour ainsi dire, les 
débris de l'univers. Le cœur se resserre à leur aspect, et 
l'oBil ne contemple qu'avec peine des lieux où la nature 
parait, dans sa douleur, refuser à l'homme sa subsistance. 

L'industrie des habitants supplée aux refus de la nature. 
Ils font en bois beaucoup d'ustensiles de ménage, comme 
assiettes, terrines, goblets, etc. ; j'ai vu le temps où pour 
42 francs on pouvait acheter un buflfet complet. 

On prépare aussi à Gérardmer une assez grande quantité 
de poix blanche par un procédé fort simple. Avec une 
espèce de crochet, on ouvre l'écorce des pins : sur-le-champ 

(i) Gérardmer est actuellement une station estiTsle des plus fréquentées; ses 
moutons disparaissent devant la civilisation. 



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- no - 

la poix suinte ; on la recueille dans des vases, mais comme 
elle est chargée d'impuretés on la fait bouillir. Quand la 
liquéfaction est complète, on la jette dans un sac sous un 
pressoir : la poix filtre à travers le tissu et la crasse restée 
dans le sac sert encore de combustible. 

Une autre branche de commerce pour Gérardmer, ce 
sont les fromages, que Ton transporte, même à Paris, sous 
le nom de Giraumé (^). Les communes voisines, telles que 
La Bresse, Saint-Maurice, Cornimont, etc., en préparent qui 
le disputent en qualité, mais tous se vendent sous le nom 
de Giraumé, comme le fromage de Lodi sous le nom de 
Parmesan, 

A quelque distance de Gérardmer est un écho mono- 
phone qui répète plusieurs mots. Un bon campagnard que 
nous avions pris pour porter nos instruments, ne pouvant 
concevoir que nous fissions une démarche pour aller l'en- 
tendre, nous prenait pour de francs nigauds. Mais je lui 
observai que cet écho savait le grec, l'anglais, l'espagnol, 
l'itaUen, etc. A l'instant, je prononçai des phrases de ces 
divers idiomes. Notre homme passa du dédain à la surprise, 
à l'admiration même, en apprenant qu'à côté de son village 
était un écho qui savait toutes les langues. 

Au milieu de Gérardmer est un très beau tilleul; un 
détritus de feuilles et d'autres matières végétales s'est 
amassé dans une espèce de creux formé par la bifurcation 
de la tige, et là est implanté un arboisier dont les branches 
ont au moins six pieds de long. 

LA BRESSE 

Cette grande commune avait une sorte de régime répu- 
bUcain avant l'étabhssement de la République; elle avait 

(i) J'en ai yu en vente môme sur le Corso à Rome. L'abbé Jacquel dit (1852) que 
la vente annuelle du Géromé dépasse 200.000 kilos. 



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- m — 

son marteau de gruerie, s'administrait elle-même, ne payait 
aucune redevance féodale, ne relevait d'aucun seigneur et 
jugeait toutes les causes civiles en première instance, avec 
une sagesse telle que rarement on appelait de ses sentences, 
et, quand il y avait appel, presque toujours les jugements 
étaient confirmés par le tribunal supérieur. Autrefois, on 
jugeait sous l'ormeau, où sont encore les sièges en pierre, 
mais depuis on avait bâti à côté un auditoire. (*). 

La Bresse est située dans une gorge fort longue et pro- 
fonde; l'industrie de ses estimables habitants a fécondé la 
montagne. Tous les lieux ensemencés sont partagés en 
compartiments entourés de granit, pour les défendre de 
la dent des bestiaux qui parcourent les espaces incultes. 
Ainsi ces lieux cultivés affectant toutes sortes de figures, 
présentent au voyageur qui les contemple du haut de la 
montagne un coup d'œil varié et très agréable. 



VENTRON 

Là mourut, il y a quelques années, Joseph Formey, 
ermite, dont les feuilles publiques ont parlé. La réputa- 
tion de ses vertus, qui ne se sont jamais démenties, fait 
qu'on accourt de loin pour visiter son tombeau. 



BUSSANG 

Sur les eaux des deux fontaines minérales nous avons 
fait quelques expériences; l'huile de tartre par défaillance 
nous a donné les mêmes résultats qu'au citoyen Nicolas. 
(Voyez sa Dissertation sur les Eaux minérales de Loiraine), 

(1) La place où roQ jugeait se nommait le Ghampel, Téritable mallus, où la 
instice se rendait sous un arbre (Richard). 



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- H2 — 

il dit que Valkali fluor n'y a occasionné aucune altération 
sensible; il nous a donné une teinte Glaireuse, tirant un 
peu sur le bleu. La poudre de noix de galle mêlée à Teau 
lui a communiqué, dit le citoyen Nicolas, une couleur 
pourpre; nous avons obtenu un brun délayé. 

Un peu au-dessus des fontaines minérales est la prin- 
cipale source de la Moselle, confondue dans une fondrière 
de la manière la plus ignoble. (On ne peut plus faire le 
même reproche, observe Richard, depuis qu'un industriel 
du pays a fait construire une espèce de pavillon en plan- 
ches, assez semblable à une guérite, dans lequel on a 
renfermé cette source, que Ton fait jaillir au moyen d'un 
tube en fer-blanc et pour une légère rétribution). Nous 
l'avons un peu dégagée et nous avons vu sortir l'eau avec 
force (^). 

Celle de la Saône à Vioménil est traitée plus honorable- 
ment, un bassin couvert de pierres communique à un au- 
tre de même construction, et c'est de là que part la Saône 
pour aller visiter le Rhône et la Méditerranée. 

De Bussang par un vallon charmant où l'Angélique est 
indigène, on va à Saint-Maurice, et alors on est au pied 
du Ballon de Giromagny. 

LE BALLON (2) 

Sur cette montagne, nous avons trouvé la Doronie, la 
Gentiane, la Bistorte, le Napel et une Joubarbe, dont la 

(1) Le jésuite Feller, qui visita en 1777 Bussang, « content de ses bons hôtes, 
que je n'oblige qu'arec bien de la peine à accepter quelque chose, et quittant 
avec regret cette paisible et agréable solitude, » dit qu'on va mettre une ins- 
cription à la source de la Moselle. « Il y a deux autres sources qui concourront 
»vec celle-ci à former la Moselle; elles sont assez éloignées Tune de l'autre, mais 
celle de Bussang est regardée comme la première et la principale, i» On présenta 
à l'abbé différents échantillons de fer, de cuivre, de plomb, d'argent, trouvés 
dans les environs ainsi que des pétrifications, des stalactites. Y a-t-il eu des 
forges établies dans les environs , se demande le Révérend Père ? 

(2) Le Ballon de Giromagny ou d'Alsace a 1.244 mètres de hauteur, il est 



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— H3 — 

fleur est très jolie. La nature brute nous offre bien des 
fleurs à qui nous n'avons pas encore fait l'honneur de les 
admettre dans nos parterres et qui cependant les décore- 
raient, telles sont la Digitale, TEpilodium, le Parmica, la 
Salicaire et plusieurs Vermiculaires, etc. (^). Elles sont bel- 
les dans l'état sauvage, que sera-t-il lorsqu'une culture 
suivie en aura développé les couleurs ? 

Beaucoup de montagnes sont actuellement sans végéta- 
tion, parce que étant taillées à pic et leurs escarpements 
s'approchant de la perpendiculaire, les pluies ont délayé 
l'humus et l'on amené dans les vallons, au heu que la cime 
du Ballon, la plus haute montagne des Vosges, élevée 
d'environ 600 toises au-dessus du niveau de la mer, cou- 
verte d'excellents pâturages, déploie avec majesté sa vaste 
surface. 

Le marquis de Pezay, dans ses Soirées alsaciennes, helvé- 
tiennes et franc-comtoises, parle de la route qui venant de 
Remiremont, traverse cette montagne et descend en Alsace, 
comme d'un chef-d'œuvre, mais en observant qu'elle est 
la plus inutile de France. La pente est tellement ménagée 
qu'un cheval peut y galoper soit à la montée, soit à la 
descente. On tourne sept à huit fois le dos à Giromagny 
pour y aller. Le génie a déployé bien des ressources dans 
cette construction; mais le côté des vallées n'est pas assez 
épaulé, les talus qui descendent trop brusquement com- 
mencent à s'ébouler. 

Cette route a coûté, dit-on, trois millions. Avec le tiers 
de cette somme peut-être, pouvait-on l'exécuter, en la fai- 
sant filer, autant qu'il était possible, dans la vallée? Elle 

remarquable par ses mines de plomb et d'argent, par les blocs de granit, de 
porphyre et de marbre qu'on y rencontre. (Baquol-Ristblhuber), 

(1) Doronicum (tabac des Vosges), Gentiana, Bistorta (plante du Ballon), 
Napel, aconitum cœruleum (id.), Joubarbe, Jovis barba; Digitalis purpurea, Epi- 
lodium Parmica, Salicaria purpurea, Vermiculaire brûlante, Marquetiana. On 
a découvert des plantes nouvelles sur la montagne. 

8 



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- H4 - 

eût été moins longue, moins dispendieuse, et le peuple 
eût été moins vexé (^). 

Du haut du Ballon, Tœil s'égare dans les plaines de TAl- 
sace, la Franche-Comté, les montagnes de la Souabe, de 
la Suisse, etc. 

GIROMAGNT 

Le travail des mines y avait repris son activité. Au pied 
de la côte, on a pratiqué une ouverture pour rejoindre un 
filon d'argent qu'on assure être très riche. 

Autrefois, dans ce bourg on travaillait le granit, mais 
l'entreprise était abandonnée quand nous visitâmes cette 
contrée. A la Mouline, en deçà du Ballon, sur la route de 
Remiremont, on continuait à travailler le granit. (Ce bel 
établissement industriel existait anciennement à Remire- 
mont et avait été transporté à la Mouline en 1776 par un 
magistrat, M. Patu-des-Hauts-Champs, très instruit. C'est 
de ses ateliers aujourd'hui en ruines, que sont sortis les 
beaux bénitiers et le magnifique pavé de l'église Sainte- 
Geneviève de Paris. Ce travail s'exécuta par un mécanisme 
très simple. (Note de Richard) (2). 



REMIREMONT 

Il serait long de détailler toutes les sottises féodales, 
toutes les redevances absurdes que les Dames de Remi- 
remont pouvaient exiger. Bornons-nous à celle-ci. Le len- 
demain de la Pentecôte, sept à huit paroisses du voisinage 

(1) Cette descente, dit Feller, quoique douce, commode et sûre, est bien- 
moins belle que celle de Saverne. Le chemin serpente selon la suite et la dis- 
position des montagnes, sans dessein suivi, et après la descente on est encore 
dans la montagne. 

(2) La coacassioa des mines de cuivre, de plomb, etc., du 16 Mars 1843, com 
prend 29 kilomètres carrés , 16 hectares. 



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— 115 - 

de cette ville, étaient obligées de se rendre procession- 
nellement à Téglise des Chanoinesses , en chantant des 
fatras rimes en vieux gaulois, qu'on appelait Kirioulé ou 
Kiriaulé. Une de ces paroisses devait apporter des bran- 
ches de cerisier, une autre de Taubépine, etc. Celle de 
Saint- Maurice devait fournir un plat de neige; à défaut de 
neige, deux bœufs blancs; à défaut de bœufs, elle payait 
une somme déterminée. Enfin la Révolution a supprimé 
ces usages grotesques que quelque nouveau Ducange 
classera un jour avec la fête des Foux, celle des Calen- 
des, etc. (^). 

HÉRIVAL 

On assure que jamais la peste n'a dévasté le vallon où 
est situé ce monastère, quoiqu'elle ait plusieurs fois visité 
la Lorraine et que jamais le tonnerre n'y est tombé. C'est 
peut-être l'effet de la position d'Hérival, dont la gorge 
étroite et profonde est défendue de ces fléaux par les mon- 
tagnes environnantes (2). 

Buffon, dans ses Époques de la Nature, parle de la Ro- 
che de la Peute-Voye, située au bas du vallon. C'est un 
fait comme tant d'autres qu'il a accommodé pour en tirer 
de fausses conséquences. La Roche de Peute-^Voye paraît 
avoir été rompue par quelque grande commotion de la na- 
ture, ou par l'effet des eaux abondantes dans ce vallon qui 
avaient formé un lac avant qu'elles se fussent ouvert un 
passage par l'effraction de la roche, dont les immenses 
débris couvrent la terre des deux côtés opposés. On voit 
encore des fragments suspendus qui indiquent un déchi- 

(1) Pendant que Grégoire s'amusait assez lourdemer.t sur le compte du res- 
pectable Chapitre, les Chanoinesses étaient obligées de vivre au jour le jour, 
loin de leurs parents et quelquefois en captivité, et Tabbesse, la princesse Louise 
de Gondé, errait dans toute l'Europe pour avoir un asile. 

(2) Ce charmant pays se nomme d'après les titres latins A,^pera vallia. 



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~ «6 ~ 

rement. Une rupture de ce genre eut lieu en 1770 entre 
Saint-Amé et Le Tholy. 

Dans les montagnes voisines, on trouve de Taimant, du 
bois agathisé, du cristal, du talc et de beaux marbres. 

Durival observe que, de Remiremont à Plombières, la 
terre en quelque endroit retentit sous le pied des chevaux. 

J'ai observé le même effet entre La Bresse et Gérardmer 
et dans quelques montagnes de la Souabe. 

Vous avez ouï parler cent fois des angles saillants qu'on 
dit correspondre aux angles rentrants dans les chaînes des 
montagnes ? On a voulu établir comme une règle générale 
cette prétendue correspondance, que l'expérience dément 
dans une foule de contrées des Vosges, de la Souabe et 
de la Suisse, qu'on ne trouve partout qu'autant qu'on est 
parti engoué d'un système à la mode et qu'on veut pré- 
senter comme vrai et en dépit de la nature. Le citoyen 
Pasussot, qui vient de publier un ouvrage curieux sur les 
Pyrénées (Voyage physique dans les Pyrénées, Paris, an V), 
m'assure également n'avoir pas trouvé cette correspon- 
dance des angles. 

Si quelques faits incohérents, quelques réflexions super- 
ficielles ont pu vous amuser un moment et vous inspirer 
le désir de voir les Vosges, mon but est rempli. Une autre 
fois je pourrai vous promener sur un plus grand théâtre, 
sur les rocs sourcilleux de la Souabe et de la Suisse, et je 
vous laisse au milieu des montagnes; elles appellent la 
méditation, elles invitent l'homme à se replier sur lui- 
même. Salut. 

H. G. 



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L'ABBAYE 

DE MOYENMOUTIER 
ÉTUDE mSTORIQIIE 

PAR 

l'Abbê lëon Jérôme 

PROFESSEUR AGRÉGÉ D'HISTOIRE AU GRAND SÉMINAIRE DE NANCY (1) 



« SouTent, dans les débris du temple 

« Je demande, oubliant les heures, 
a Au vieil écho de leurs demeures 
« Ce qui lui reste de leur voix. » 
V. Hugo, Odes, 11, 3. 

<i Yigent in eo prêter pietatem et 
«f religiosœ discipline rigorem, etiam 
« studia litterarum et scientiarum. m 

Diarium Helveticum Rev. ac Clar. 
DD, Augustini Calmet, p. 44. 



INTRODUCTION 

Moyenmoutier (2) est aujourd'hui une petite ville , agréablement 
située sur le cours torrentueux du Rabodeau, à égale distance à 
peu près d'Ëtival et de Senones. Actuellement célèbre par une in- 

(1) Le travail 4ai suit a été honoré du prix Herpin en 1896 par TAcadémie de 
Stanislas. Le sujet mis au concours était le suivant : Histoire d'une abbaye, d'une 
collégiale, d'un couvent ou d'un prieuré de l'ancienne province de Lorraine ou 
de$ Trois-Évêchéê. Voir le rapport présenté sur le concours à TAcadémie par 
M. Pfister, dans les Mémoires de l'Académie de Stanislas pour iS95. Nancy, 1896, 
p. XXVII-XXX. 

(3) Canton de Senones, arrondissement de Saint-Dié, département des Vosges. 



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- 118 - 

dustrie de jour en jour plus florissante, la bourgade vosgienne qui 
égrène si coquettement son chapelet de blanches maisons au pied 
de la Haute-Pierre, à Tombre des sapinières des premiers contre- 
forts des Vosges, n'a point cependant oublié son passé. Tout, de- 
puis le modeste oratoire du cimetière et la vieille église Saint-Epvre, 
encore reconnaissable, jusqu'aux somptueux bâtiments dont l'inté- 
rieur a pu être transformé par le travail moderne mais dont l'exté- 
rieur est resté monastique, tout y rappelle, au visiteur étranger qui 
aime rêver aux choses d'autrefois aussi bien qu'à l'habitant du lieu, 
les moines qui ont jadis consacré la vallée par une présence plus de 
dix fois séculaire et y ont laissé quelque chose d'eux-mêmes. 

C'est l'histoire de ces moines et de leur monastère — un des plus 
illustres de notre région lorraine — que nous entreprenons ici. Il 
nous a semblé qu'elle pourrait n'être pas sans intérêt. Si l'abbaye 
bénédictine de Moyenmoutier n'a pas joué comme d'autres, comme 
Gorze par exemple, un rôle considérable et parfois décisif dans la 
politique générale de notre province ou de notre patrie, elle a d'au- 
tres titres au souvenir de la postérité. Une des plus anciennes de 
notre pays, nous pouvons y suivre d'une façon continue, pendant 
une période de onze siècles, la vie et l'esprit monastiques dans leurs 
manifestations multiples et parfois si curieuses, dans leurs alterna- 
tives diverses de ferveur et de décadence, de réforme et de rechute. 
D'autre part, depuis le commencement du XV1I« siècle, cette ab- 
baye s'est vue appelée à des destinées particulièrement glorieuses 
dans les annales de la vie religieuse en Lorraine. Avec Saint- Vanne 
de Verdun, elle fut le berceau de cette bienfaisante réforme qui de- 
vait donner naissance aux deux grandes congrégations bénédictines, 
lorraine et française, de Saint- Vanne et de Saint-Maur, et, pendant 
les deux derniers siècles de son existence, grâce à la ferveur de ses 
religieux comme aussi à rintelligenlo direction des grands abbés 
qui s'y succédèrent, les Alliot, les Belhomme, les Barrois, les Mail- 
lard, elle est restée, plus qu'aucune autre abbaye lorraine, un foyer 
de régularité et de piété monastique, en même temps qu'un centre 
remarquable d'étude et de travail scientifique. Il serait difficile de 
retrouver à pareil degré dans aucun autre monastère lorrain, Se- 
nones peut-être excepté, la vie religieuse et l'activité intellectuelle 
dont Moyenmoutier nous donne alors le spectacle. 



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- 119 - 

Tels sont les motifs qui nous ont engagé à aborder ce travail. 
On nous objectera peut-être que cette histoire do Moyenmoutier a 
été faite au début même du XYIII® siècle par Tabbé Dom Humbert 
Belhomme. Cette objection, pourquoi ne l'avouerions- nous pas? 
nous nous la sommes faite tout le premier. Mais il nous a semblé 
que même aprè? l'ouvrage de Belhomme il y avait place encore 
pour une histoire de l'abbaye de Moyenmoutier. A Dieu ne plaise 
que nous ne reconnaissions l'immense service que le savant abbé 
a rendu à son monastère, en compilant son Historia Mediani Mo- 
nasterii (i). Mais, outre que son histoire, écrite en latin et accessible 
par conséquent à un nombre de lecteurs qui va se restreignant 
chaque jour, a besoin d'être vulgarisée, elle est à compléter aussi en 
bien des points. Belhomme a voulu surtout réunir des matériaux, il 
ne semble pas s'être beaucoup préoccupé de les mettre en œuvre. 

Son ouvrage, qui est avant tout une compilation, manque d'abord 
d'unité. Chacune des quatre parties qu'il comprend est construite 
sur un plan différent et se présente sous un jour particulier. En 
tête, il donne le texte collationné de trois anciennes vies de saint 
Hidulphe, auxquelles il joint quelques extraits d'une vie de saint 
Dié, l'ami et le voisin de saint Hidulphe, au dire de la légende, en 
tout cas le fondateur de l'abbaye voisine de Gahlée. A la publica- 
tion de ces documents, il ajoute un long commentaire. De plus, 
entre les divers chapitres entre lesquels il les distribue, il intercale 
des notes nombreuses, parfois de véritables dissertations : notes et 
dissertations pleines d'intérêt, de science et de justesse, mais qui 
offrent souvent l'inconvénient de retarder la marche du récit et d'y 
semer la confusion. Il y a ccrlainement, dans cette première partie, 
tous les matériaux d'une vie de Hidulphe; mais ces matériaux, il 
eût fallu les éprouver davantage, rejeter ceux qui semblaient 
inutiles, mettre en bonne place ceux au contraire qui devaient 
supporter l'édifice, bref, avec tous ces éléments de valeur fort iné- 
gale, reconstituer^ dans la mesure du possible, la vie du fondateur 
de Moyenmoutier : c'est ce que ne fait peut-être pas suffisamment 
Belhomme. Les documents qu'il nous présente sont juxtaposés, ils 
ne sont pas fondus dans un tableau d'ensemble. 

(1) B**tona Mediani in mon*e Votago MonasUrii, ordinis êancti Bt^nedicti, ex 
eongregationc sanctorum Vitoui et Hidulfi. Argentorati, 1724 , 1 voL. in-i». 



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— 120 — 

Dans la deuxième partie de son livre, le savant bénédictin, fidèle 
à son procédé de composition, publie un quatrième ou plutôt un 
cinquième document, relatif celui-ci, aux successeurs de Hidulphe : 
c'est le Lihellus de successorihus sancti Hildulfi in Voscigo. Entre 
les chapitres de cet opuscule, il continue à intercaler ses anno- 
tations, souvent plus abondantes que le texte. De là encore ce 
manque de cohésion et cette apparence un peu touffue, si j'ose 
ainsi m'exprimer, que présente cette seconde partie aussi bien que 
la première.. 

Avec la troisième partie, la confusion ne fait que s'accentuer et 
l'absence d'unité devient plus frappante encore, fielhomme, qui n'a 
plus pour guide qu'un historien du XIV« siècle, Jean de Bayon, re- 
produit par extraits le texte de sa chronique, l'entremêlant toujours 
d'observations critiques et de notes complémentaires. Mais il y a plus. 
Jean écrivait une chronique universelle, Belhomme a remarqué dans 
cette chronique, encore inédite, de longs chapitres sur l'histoire 
générale de la province, sur les ducs de Lorraine, sur les comtes de 
Vaudémont, sur les évêques de Toul, et il a cru bien faire en leur 
donnant place dans son recueil, au même titre qu'aux fragments 
plus courts qui concernaient le seul monastère de Moyenmoutier. 
En cela, assurément, il a rendu service à l'histoire générale de Lor- 
raine et nous lui en devons savoir gré, mais il faut avouer que l'his- 
toire particulière de Moyenmoutier en a souffert. Elle s'est trouvée 
en quelque sorte noyée dans ces longs développements qui lui sont 
entièrement étrangers, et l'historien est obligé de chercher et de 
recueillir çà et là, perdues dans la masse, les quelques données qui 
se rapportent à l'abbaye. 

Ce n'est qu'avec la quatrième partie que l'ouvrage de Belhomme 
devient l'histoire propre de Moyenmoutier. Encore convient-il de 
faire observer ici que c'est l'histoire des abbés beaucoup plus que 
celle de l'abbaye même qu'il entend nous donner. Il consigne par 
écrit, en manière d'annales ou de regestes, les principaux faits qui 
ont marqué le gouvernement de ces abbés depuis l'époque où s'ar- 
rête Jean de Bayon jusqu'à son temps, mais sans nous donner aucune 
vue générale, aucune considération d'ensemble sur le monastère 
lui-même, sur sa vie intérieure, ses institutions, son organisation, 
sa vie religieuse, intellectuelle et sociale, sans rattacher d'autre part 



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— 121 — 

cette histoire annalistique à Thistoire générale soit politique, soit reli- 
gieuse, en sorte que son récit est trop souvent, en réalité, comme 
on )'a fort justement dit : c l'histoire dans une lie, sans communi- 
cation avec le continent (i). > 

Enfin, l'ouvrage de Belhomme s'arrête au seuil du XVIII^ siècle. 
Il se tait par conséquent sur l'histoire de Moyenmoutier à partir de 
cette époque. C'est tout un siècle, pour ainsi dire, et le plus brillant 
de l'abbaye, qui reste ainsi dans l'ombre. De ses démêlés si curieux 
avec les évoques de Toul au sujet de la juridiction, de ses travaux 
intellectuels, de sa vie intime, de ses derniers jours, VHistoria 
Mediani Monasterii ne dit rien. 

Pour toutes ces raisons (2), tout en rendant encore une fois 
pleine justice à l'incontestable service rendu par Belhomme, il faut 
bien constater que son travail est loin d'être de tout point sa- 
tisfoisant et définitif, c L'histoire de Moyenmoutier est à refaire, 
écrivait en 1887 M. l'abbé Chapelier, et certes il y a là, ajoutait-il, 
matière à un livre intéressant, savant, utile 0. > Et M. le baron 
Seillière, de son côté, exprimait récemment le désir c qu'un érudit 
nous donne bientôt une traduction qui vulgarise l'œuvre de Dom 
Humbert Belhomme et soit son continuateur jusqu'à la Révolu- 
tion (*)• 1 

C'est à ce vœu que nous voudrions répondre aujourd'hui. 

Avant tout, nous conformant aux instructions du programme du 
concours Herpin, ouvert par l'Académie de Stanislas et auquel ce 
travail a été présenté (^), nous nous sommes proposé de faire de cette 
histoire de Moyenmoutier une œuvre rigoureusement scientifique. 
En conséquence, nous n'avancerons rien qui ne s'appuye sur les 
textes et ne soit justifié par les documents. D'un autre côté, nous 
nous abstiendrons des hors-d'œuvre comme des descriptions inu- 
tiles; nous ne mentionnerons que les faits se rapportant à l'histoire 
du monastère ou qui ont eu une influence directe sur cette histoire. 

(1) L'abbé Gh. Chapelier, VÀncienne Abbaye de Mùyenmoutier, (BuUetia de la 
Société Philomatique voigiénne, 1887-1888, p. 221.) 

(2) ÂjoatODS encore que Touvrage de Belhomme est devenu rare et qu*U est 
Boureot difficile de se le procurer. 

(3) Chapelier, VAncienne Abbaye de Moyenmoutier, loc. cit., p. 221. 

(4) Baron Frédéric Seillière, Un nouveau portrait de D. Hemi Ceillier, p. 9. 

(5) Cf. supra, p. 117, note. 



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-- 422 - 

De l'histoire générale, soit politique, soit religieuse, nous ne nous 
servirons que pour encadrer, si j'ose ainsi parler, et pour mettre au 
point l'histoire particulière de Moyenmoutier. Il en résultera, peut- 
être, que certaines parties de notre étude sembleront d'une lecture 
aride; peut-être aussi les observations critiques, les discussions de 
textes, les questions de chronologie y seront-elles fréquentes; peut- 
être, en un mot, l'étalage d'érudition pourra-t-il paraître quelquefois 
excessif? Nous sommes le premier à le reconnaître, mais nous 
n'avons pu faire qu'il en soit autrement. Il est deux manières de 
concevoir l'histoire d'une institution : une forme populaire et une 
forme scientifique. Peut-être un jour essayera-t-on de donner à 
l'histoire de Moyenmoutier la première de ces formes; auparavant, 
il a fallu lui donner la seconde. 

Un mot maintenant du plan que nous avons adopté. 

Il nous a fallu nécessairement fractionner cette longue période de 
onze siècles qu'embrassait notre récit. Nous l'avons fait d'une 
façon aussi logique que possible. Une première période comprendra 
ce que nous appellerons les origines, c'est-à-dire la fondation du 
monastère par saint Hidulphe et l'histoire de ce monastère sous ses 
premiers successeurs. Une deuxième période embrassera l'histoire 
de l'abbaye du IX® au XYI® siècle. Une troisième enfin commencera 
avec le XVII® siècle, au moment où la Réforme de Saint- Vanne vient 
donner un nouvel essor à la vie religieuse et intellectuelle de 
Moyenmoutier, pour se poursuivre jusqu'au moment où l'abbaye 
sombre, pour ne plus se relever, dans la tourmente révolutionnaire, 
1790. 

Pour rendre ce travail aussi complet que possible, nous groupe- 
rons en appendices à la fin du volume un certain nombre de piè- 
ces justificatives ou de notes relatives à l'histoire de Moyenmoutier, 
qui n'auraient pu trouver place dans le cours du récit : liste chrono- 
ogique et raisonnée des abbés qui se sont succédé à la tête du 
monastère, dissertation sur quelques monnaies attribuées à Moyen- 
moutier, note sur la sigillographie de l'abbaye, extraits d'une cor- 
respondance bénédictine concernant le monastère, sermon inédit 
de Dom Calmet prononcé dans l'église de l'abbaye à l'occasion du 
centenaire de la Réforme de Saint- Vanne, pièce satirique inédite 
contre Dom Barrois, l'avant dernier abbé, etc. Enfin, pour répon- 



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— 123 - 

dre encore aux instructions de TAcadémie, nous dresserons un ca- 
talogue exact des bulles, diplômes, chartes et pièces de toute nature, 
soit manuscrites, soit imprimées qui concernent le monastère, au 
moins pour les premiers siècles de son histoire. 

(xrand Séminaire de Nancy, 8 Décembre i897. 



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BIBLIOGRAPHIE 

ET INDICATION DES PRINCIPALES SOURCES 



MANUSCRITS 

lo Bibliothèque nationale. 
Nombreuses pièces dans difTérents fonds, notamment : 

1. Collection de Lorraine : 

N«« 286, 747, 724, etc. Cf. Marichal, Catalogue des manuscrits 
de la collection de Lorraine à la bibliothèque nationale, Nancy, 1896. 

2. Collection Moreau : 

Tomes 89, 456 à 251 et 337 : copies de pièces relatives à Moyen- 
moutier, faites sur les documents originaux conservés aux archives 
de Tabbaye, à la fin du XVIII» siècle, sous la direction du prieur 
Dom Sébastien Estienne (^). 

3. Fonds français : 

Correspondance des Bénédictins, n" 17667, 17704, 19639, 19652, 
19665, etc., passim, lettres d'abbés et de religieux de Moyenmoutier. 

4. Fonds latin : 

En particulier, les n»» 9738, Vita Hildulfi sous sa troisième forme 

(1) On sait ce qu'est cette collection Moreau. Le ministre Bertin avait créé en 
1762 Le Cabinet ou Dépôt des chartes destiné à recueillir tous les monuments, 
chartes, édits, déclarations, etc., relatifs à l'histoire de France. Jacob-Nicolas 
Moreau (1717-1803), ancien conseiller à la Chambre des Comptes de Provence et 
historiographe de France, en avait été nommé directeur. C'est à celte occasion 
que fut formé par lui le recueil qui porte son nom . Cf. Didier-Laurent, Corres- 
pondance des Bénédictins de Lorraine avec Moreau, historiographe de France, 
dans les Mémoires de la Société d'Archéologie lorraine, 1896, p. 147. Les copies 
dont se compose cette collection Moreau sont souvent défectueuses, mais le 
recueil dans l'ensemble n'en est pas moins très précieux. 



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- 125 — 

suivie du Lihellm de successorihas HUdulfi (ancien manuscrit d'Ep- 
ternach); 9202-9203, cartulaire de Senones (XVII« siècle); 10015, 
Histoire de l'Abbaye de Moyenmoutier, par Jean de Bayon, suivie de 
l'Histoire des Antiquités de Saint-Dié, par Jean Herckel ou Her- 
culanus, de Plainfaing (copie du XVII« siècle avec notes attribuées 
à Fr. de Riguet); 11024, cartulaire de Beaupré, etc. 

5. Nouvelles acquisitions françaises : 

^ot 1423 et 3625, plusieurs chartes relatives à Tabbaye de Moyen- 
inoutier. 

2** Archives départementales des Vosges, à ÉpinaL 

Un certain nombre de cartons et liasses contenant ce qui reste 
des anciennes archives de l'abbaye de Moyen moutier : classement 
provisoire H 19. Plusieurs pièces aussi dans la série G. 

3» Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, à Nancy. 

Un nombre assez considérable de pièces diverses relatives à Moyen- 
moutier, éparses dans les séries B., G. et H. 

4<* Bibliothèque publique d*Épinal 

Plusieurs manuscrits ou recueils de pièces manuscrites concer- 
nant Moyenmoutier. Voir notamment les n^^ (i) : 

130. Officium sancti HUdulfi, 1562. 

142. Œuvres théologiques de Dom Robert Desgabets, avec trois 
lettres de Dom Paquin, religieux de Moyenmoutier, XYIII® siècle. 

189. Catalogus bibliothecœ Mediani Monasterii, 1727, 2 vol. in-fol. 

194 et 195. Catalogues de la bibliothèque de Moyenmoutier (fin du 
XVIII» siècle). 

Diverses pièces détachées non classées. 

5® Bibliothèque publique de Saint-Dié. 

Plus riche encore que la précédente en manuscrits sur Moyen- 
moutier. Voir en particulier les n*« (3) : 

(1) Cm naméros sont les numéros du Catalogue général des bibliothèques pu- 
bliques des départements, tome m, p. 387-471, Paris, 1861, iD-4». 

(t) Cf. Catalogue général des bibliot?ièques publiguss des départements, t. III^ 
p. 473-505. Ce catalogue n'est pas complet en ce qui regarde la bibliothèque de 
Saint-Dié. Bon nombre de manuscrits très importants pour Moyenmoutier n'y sont 
pat mentionnés. Nous les désignerons par les numéros du catalogue manuscrit 
qui 86 tronre à la bibliothèque. 



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- 426 - 

9. Mémoires historiques et chronologiques pour Téglise de Saint- 
Dié, 2 vol., XVII« siècle. 

12. Traité des Sacrements (cours professé à Moyenmoutier par 
Dom Calmet). 

45. Premier volume de l'histoire manuscrite de Tordre de Saint- 
Benoît, par Dom Benoit Thiébault, XVIII* siècle. (L'histoire complète 
se trouve à la bibliothèque publique de Besançon. Cf. infra. Le vo- 
lume de Saint-Dié n'est qu'une copie). 

46. Recueil d'oeuvres manuscrites de Dom Calmet. 

49. Journal d'observations faites en 1777 sur les insectes des en- 
virons de l'abbaye de Moyenmoutier, par D. Claude Fleurand, reli- 
gieux bénédictin, 2 vol. 

51. Titres de Saint-Dié (de 664 à 1667), 4 vol., XVII« siècle. 

80. IV, XVI, XVIII, Copies de pièces détachées relatives à Moyen- 
moutier, ~ Vie de Dom Didier de la Cour, — Histoire de la Réforme 
de Saint- Vanne, etc. 

95. Registre des délibérations capitulaires de Moyenmoutier. Re- 
gistre des examens de prise d'habit et de professions, etc., etc. (}). 

6» Bibliothèque publique de Nancy. 

Plusieurs manuscrits dont quelques-uns très importants. Je cite 
seulement d'après le catalogue Favier (extrait du Catalogue général 
des mantiscrits des bibliothèques publiques de France, Paris, 1886, 
tome IV, in-8o) ceux qui sont restés inédits. 

N^« 537 et 538. Chronique de Jean de Bayon. 

539-541. Recueil de pièces diverses et de lettres adressées aux 
abbés d'Étival, de Moyenmoutier et de Senones (1660-1787), 3 vol. 

1195, 1196, 1197. Trois manuscrits anciens provenant de Moyen- 
moutier et renfermant la Vita Hildulfi, sous sa première et sous sa 
troisième forme, et un récit de la translation des corps des saints Hi- 
dulphe, Jean, Bénigne et Boniface. 

7» Bibliotliéque publique de Besançon. 

N«« 750-757, 758-761, 762, 763. Ouvrages manuscrits de Dom Be- 
noit Thiébault, religieux de la Congrégation de Saint -Vanne, sur 
l'ordre bénédictin. Cf. Catalogua général des manuscrits des biblio^ 
thèques publiques de France, tome XXXII, in-8o, Paris, 1897, p. 468 
et suivantes. 

(i) Le Livre Rouge (cartulaire de la collégiale de Saint-Dié), ne se troure plus 
aujourd'hui à la bibliothèque de la ville, mais aux archives municipales. 



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- 127 — 

8*» Bibliothèque de la Société d'Archéologie lorraine, à Nancy, 
Quelques pièces, originaux ou copies. 

9® Bibliothèque du Grand Séminaire de Nancy, 

Voir en particulier les n»» (i) : 

96. Chronique de Senones, de Richer, traduction française du 
XVI« siècle, la même que celle de la bibliothèque municipale de 
Nancy (n<> 543) qui a été publiée par Cayon en 1842. 

128. Mémoire de Mr de Camilly, évêque de Toul, pour justifier 
son opposition à l'érection d'un évêché à Saint Dié. 

168. Titres de l'abbaye d'Étival, un volume in-folio. 

169 . Histoire de l'abbaye d'Étival avec des notes de Hugo, un vo- 
lume in-folio. 

174. Églises et monastères, un volume in-folio. 

184-267. Manuscrits de Chatrian. 

215-217. Recueil de lettres adressées à divers Bénédictins de Lorraine 
an XVIII» siècle (surtout D. Petitdidier, D. Calmet et D. Fange, abbés 
de Senones), parmi lesquelles beaucoup relatives à Moyenmoutier. 

Signalons aussi un exemplaire de la Matricula religiosorum pro- 
fessorum Congregationis Sanctorum Vitoni et Hildulfi, Nancy, 17S2, 
tenu à jour jusqu'à la Révolution. 

10<» Archives départementales de la Lorraine, à Metz, 
Quelques pièces, mais peu importantes et peu nombreuses. 

11<> Archives départementales de la Basse-Alsace, à Strasbourg, 

Série G et série H : diverses pièces concernant les relations de 
Moyenmoutier avec l'Alsace, au sujet des propriétés et des droits 
qu'elle y possédait. 

12o Archives communales de Moyenmoutier et de Raon-V Étape. 

Plusieurs pièces, dont quelques-unes assez importantes, surtout à 

Raon. 

13® Archives paroissiales de Moyenmoutier, 

Quelques pièces dn XVIII« siècle. 

14« Collections et bibliothèques privées. 
Quelques pièces ou Tecueils manuscrits nous ont été aussi très 

(i) Nous doDDODt ces numéros d'après le catalogue Vacant : La Bibliothèque 
du Grand Sémi$iaire de Nancy ^ Nancy, 1897. 



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- 128 — 

gracieusemeDt communiqués par M°»® la comtesse Didieijean (ma- 
nuscrits de Dom Fleurand, religieux de Moyenmoutier), M"« Buvi- 
gnier Clouet (recueil de pièces concernant Moyenmoutier), M. le 
baron Frédéric Seillière (un titre ancien provenant de la collection 
Meaume), M. Tabbé Ch. Chapelier (pièce satirique en vers contre 
Dom Barrois). Nous sommes heureux de leur exprimer ici notre 
vive reconnaissance. 

II 

IMPRIMÉS 

Abel et SiMSON. — Jahrhûcher des frxnkischen Reichs unter Karl 

dem Grossen, l»»" vol., 2« édit., Leipzig, 1888; 2« vol., Leipzig, 

1883, in-8. 
AcHÉRY (Dom Luc d'). — Veterum aliquot scriptorum,,, spicilegiumy 

l'« édit., t. III. Paris, 1659, in-4^ 
Acta Sanctorum (BoUandistarum), Anvers et Bruxelles, 1643 et suiv. 

pcissim, surtout t. III de Juillet, in-fol. 
Analecta Bollandiana, Bruxelles, 1882 et suiv., in-8. 
Annales de VEst, Nancy, 1887 et suiv., in-8. 
Annales de la Société d*Émulation des Vosges, Épinal, 1831 et suiv., 

in-8. 

Baquol. — U Alsace ancienne et moderne ou Dictionnaire topogra- 
phique, historique... du Haut et du Bas-Rhin, 3« édit., par 
RisTELHUBER, Strasbourg, 1865, in-8. 

Bardy (H.) — U Académie de Moyenmoutier (Bulletin de la Société 
philomatique vosgienne, 1891-1892.) 

Bardy (H.) — Dom Claude Fleurand, moine bénédictin de Moyen- 
moutier et son Journal d'Observations sur les insectes de la Lor- 
raine (ibid., 1879-1880). 

Bardy (H.) — Un Manuscrit entomologique de la bibliothèque de 
Saint-Dié. (Annales de la Société d'Émulation des Vosges, 
t. XIII, 1*' cahier, 1868). 

Bayon (Jean de). — Chronicon Mediani Monasterii (imprimé par 
extraits dans VHistoria Mediani Monasterii de Belhomme, p. 230 
et suivantes). 

Bazklaire (Ed. de). — Dom Calmet et la Congrégation de Saint- 
Vanne (Correspondant, 1845). 



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- 129 - 

Bechstein (0.) — Les Antiquités du Donon (traduit de Tallemand 

par F. Baldensperger, Bulletin de la Société philomatique vos* 

gienne, 1892-1893). 
Belhomme (Dom Humbert). — Historia Mediani in Vosago monte 

Monasterii, Strasbourg, 1724, in-4<>. 
Benoit [Pic art]. — La Vie de saint Gérard, évêque de Tout, Toul, 

1700, in-12. 
Benoit [Picart]. — Histoire ecclésiastique et civile de la mile et du 

diocèse de Toul, Toul, 1707, in-4». 
Benoit [Picart]. — PouiWd ecclésiastique et civil du diocèse de Toul, 

Toul, 1711, 2 vol. in-12. 
Benoit (Arth.) — Quelques mots sur les abbayes de Moyenmoutier 

et de Senones en il 59 (Bulletin de la Société philomatique 

vosgienne, 1880-1881). 
Benoit (Arth.) — Catalogue des estampes relatives au département 

des Vosges, antérieures à il90 (ibid., 1881-1882). 
Benoit (Arth.) — Note complémentaire sur Dom Claude Fleurand 

de Moyenmoutier (ibid., 1886-1887). 
Beugnet (l'abbé). — Étude biographique et critique sur Dom Rémi 

Ceillier, Bar-le-Duc, 1891, in-8 (extrait des Mémoires de la So- 
ciété des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 1891). 
Bibliotheca Cluniacensis in qua antiquitates, chronica, privilégia^ 

chartce et diplomata collecta sunt a Nicolao Marrier cum notis 

Andrew du Chesne, Paris, 1614, in-fol. 
Bibliothèque générale des écrivains de Vordre de Saint-Benoit, par 

un Bénédictin de la Congrégation de Saint- Vanne, [Dom Jean 

François], Bouillon, 1777-1778, 4 vol. in-4^ 
Bonvalot. — Histoire du droit et des institutions de la Lorraine et 

des TroiS'Évêchés, Paris, 1895, t. I, in-8. 
Bouquet (Dom). — Recueil des historiens des Gaules et de la France, 

Paris, 1738-1833, 19 vol. in-fol. — Continué par TAcadémie des 

InscripUons et Belles-Lettres. Paris, 1840-1876, t. XX-XXIII, 

in-fol. 
[Brouilly]. — Deffense de VÉglise de Toul, Toul, 1727, in-4o. 
[Brouilly]. — Réflexions sur les remarques du R. P. Dom Calmet pour 

servir de suite à la Deffense de VÉglise de Toul, Toul , 1746, in-4». 
Brower. — AntiquUates et Annales Trevirensium, Liège, 1670, 

2 vol. in-fol. 
Bulletin de la Société philomatique vosgienne, Saint-Dié, 1875 et 

suiv., in-8<». 

9 



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- 430 - 

Calmet. — Histoire de Lorraine, Nancy, li^édit.jiTSS, 3 vol. in-fol.; 
2« édit., 4745-1757, 7 vol. m-fol. 

Calmet. — Histoire de Vahhaye de Senones (édit. DiDago, dans 
le Bulletin de la Société philomatique vosgienne, 1877-1881 ; 
édit. du Comité d'Histoire vosgienne dans les Documents ra- 
res ou inédits de V Histoire des Vosges, tomes V-VI, 4878-4879, 
in-8). 

Calmet. — Bibliothèque lorraine ou Histoire des hommes illustres 
qui ont fleuri en Lorraine, Nancy, 4751, in-fol. 

Calmet. — Notice de la Lorraine, Nancy, 4756, 2 vol. in-fol. 

Cayon (Jean). — Chronique de Richer de Senones (édition d'une 
traduction ancienne), Nancy, 4842, in-fol. 

Ceillier (Dom Rémi). — Histoire générale des auteurs sacrés et ec- 
clésiastiques, Paris, 4729, 25 vol. in-4». — Nouv. édit., Paris, 
4858-4869, 47 vol. in-4». 

Ceillier (Dom Rémi). — Mémoire sur Eom Humhert Belhomme, 
dans le Grand Dictionnaire historique de Moréri, Paris, 4759, 
40 vol. in-fol., art. Belhomme. 

Cérémonies locales et officia propria Mediani Monasterii, Nancy, 
4779, in-4«. 

Chanzy. — Précis chronologique de V histoire de la ville de Saint-Dié, 
Saint-Dié, 4853, in-8. 

Chapelier (l'abbé Ch.) — Lancienne abbaye de Moyenmoutier. 
(Bulletin de la Société philomatique vosgienne, 4M87-1888). 

Chapelier (l'abbé Ch.) — Jean Ruyr, sa biographie et ses œuvres 
(ibid., 4894-4892). 

Chapelier (l'abbé Ch.) — Bibliographie de saint Hidulphe (ibid., 
4891-1892). 

Charton et Lepage. — Le département des Vosges, statistique his- 
torique et administrative, Nancy, 4847, 2 vol. in-8. 

Chaussier (l'abbé). — L'Abbaye de Gorze, Metz, 4895, in-8. 

Chevallier (l'abbé G.) — Le vénérable GuiUaume, abbé de Saint- 
Bénigne de Dijon, réformateur de V ordre bénédictin au Xfi siè- 
cle, Paris et Dijon, 4875, in-8. 

Clouet (l'abbé). — Histoire ecclésiastique de la province de Trêves^ 
Verdun, 4844-4854, 2 vol. in-8. 

Codex carolinus dans la Bibliotheca rerum germanicarum de Jaffé, 
t. IV, Monumenta Carolina, Beriin, 4867, in-8. 

Déblaye (l'abbé). — Les Reliques de Moyenmoutier (Bulletins de la 
Société d'Archéologie lorraine, 4856). 



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- 131 - 

Déblaye (l'abbé). — Uoratoire Saint-Grégoire et le tombeau de saint 
Hidulphe (ibid., 1854). 

Déblaye (l'abbé). — Dissertation sur une dalmatique très ancienne 
conservée dans la châsse de saint Hidulphe (Journal de la Société 
d'Archéologie lorraine, 1854). 

Degerhann. — Le Monastère dÉchery au Val de Liepvre, Strasbourg, 
1895, in-8<» (extrait du Bulletin de la Société pour la conservation 
des monuments historiques d'Alsace), 

Didier-Laurent (l'abbé). — Correspondance des Bénédictins deLor» 
raine avec Moreau, historiographe de France (Mémoires de la 
Société d'Archéologie lorraine, 1896). 

Digot(A.) — Notice sur les anciennes salines de Moyenmoutier (Mé- 
moires de l'Académie de Stanislas, 1846). 

DiGOT (A.) -^ Notice sur Dom Augustin Calmet (Mémoires de la So- 
ciété d'Archéologie lorraine, 1860). 

DiGOT (A.) — Histoire de Lorraine, Nancy, 1880, 2« édit., 6 vol. in-8. 

DiGOT (A.) — Histoire du royaume d'Austrasie, Nancy, 1863, 4 vol. 
in-8. 

Documents rares ou inédits de l'Histoire des Vosges, publiés au nom 
du Comité d'Histoire vosgienne, Paris et Épinal, 1863 et suiv., 
in-8o. 

DacHESNE. — Historiœ Francorum scriptores coœtanei, Paris, 1636- 
1640, 5 vol. in-fol. 

Duhamel. — Le Pape Léon IX et les Monastères de Lorraine (Annales 
de la Société d'Émulation des Vosges, t. XIII, 2« cahier, 1869). 

DuPEUX. — Notice critique sur Jean de Bayon (Mémoires de la So- 
ciété d'Archéologie lorraine, 1879 et 1881). 

DuRiVAL. — Description de la Lorraine et du Barrois, Nancy, 1779- 

1783, 4 vol. in-4«. 
DuRiVAL. — Mémoire sur la Lorraine et le Barrois, Nancy, s. d. (1753), 
in-4o. 

Fange (Dom). ^ LaVie du Très Révérend Père Dom Augustin Cal- 

met, abbé de Senones, Senones, 1782, in-8<'. 
Faron. — MoyenmotUier à travers les âges et son abbaye, Saint-Dié, 

1896, in-8. 
Favier. — Catalogue des manuscrits de la bibliothèque publique de 

Nancy, Paris, 1886, in-8 (extrait du Catalogue général des manu^- 

crits des bibliothèques publiques de France, Départements, t. IV). 
Fischer (Dagobert). — Le Prieuré de Saint-Quirin (Mémoires de 

la Société d'Archéologie lorraine, 1875). 



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- 132 - 

FouRNiER. — Note $ur la soreellerie dans lês Vosges (Bulletin de la 
Société philomalique vosgienne, 1884-1885). 

FouRNiER. —Topographie ancienne du département des Vosges (An- 
nales de la Société d'Émulation des Vosges, 1893 et suiv.) 

Frothaire (lettres de), évéque de Toul, édit. Duchesne, Historiœ 
Francorum scriptores, t. II, Paris, 1636. 

GalHa Christiana, t. XIII, Paris, 1785. 

Ciesia episcoporum tullensium, 1107 (Mon. Germ. hist., Scriptores, 

t. VIII.) 
Gesta Treverorum, 1101 (Ibid., Scriptores, t. VIII.) 
Grandidier (Fabbé). — Histoire ecclésiastique, militaire, civile et 

littéraire d'Alsace, Strasbourg, 1787, in-4°. 
Gravier. — Histoire de la ville épiscopale et de V arrondissement de 

Saint'Dié, Epinal, 1836, in-8. 
Guillaume (l'abbé). — Histoire du diocèse de Toul et de celui de 

Nancy, Nancy, 1866-07, 5 vol. in-8. 
GuiNOT (rabbé). — Les saints du Val de Galilée au diocèse de Saint- 

Dié, Paris, 1852, in-8. 

Halfmann. — Cardinal Humherty sein Leben und seine Wercke, 

Gcêttingen, 1882, in-8. 
Haudiquer (Dom). — Histoire du vénérable dom Didier de la Caur^ 

réformateur des Bénédictins de Lorraine et de France, Paris, 

1772, in.8. 
Histoire littéraire de la France par les Bénédictins de la congrégation 

de Saint-Maur, continuée par l'Académie des Inscriptions et 

Belles-Lettres, Paris, 1733-1881, 28 vol. in-4«. 
Hugo. — Sacrœ antiquUatis monumenta, Étival, 1795^ et Saint-Dié, 

1731, 2 vol. in-fol. 

Italia Sacra, tome V, Venise, 1720, in-fol. , 

Jaffé. — Regesta pontificum romanorum a condita ecclesia ad a. 

p. Ch. n. i198, 2* éd. par Lœvenfeld, Kaltenbrunner et Ewald, 

Leipzig, 1885-88, 2 vol. in-4o. 
Jaffé. — Bibliotheca rerum germanicarum, t. IV, Monumenta Ca- 

rolina, Berlin, 1867, in-8. 
Journal de la Société d'Archéologie lorraine, Nancy, 1852 et suiv. 
Journal des savants, années 1693 et 1725, Paris, in-4o. 

Kœpke et Dummler. — Jahrbùcher der deutschen Geschichte : Kaiser 
Otto der Grosse, Leipzig, 1876, in-8. 



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- 133 - 

Kraus. — Die xUern Biscliofskataloge von Trier (Jahrbûcher des 
Vereins von Alterthumsfreunden, XXXVIII). 

Langlois (E.) — Vn évêque de Verdun, prince de Lorraine, ensorcelé, 

marié et condamné par le tribunal de Vlnquisition (Annales de 

l'Est, 1895.) 
Le Mercier de Morière — Catalogue des actes de Mathieu lly duc 

de Lorraine, Nancy, 1893, in-8. 
Lepage. ~ Le département de la Meurthe, statistique historique et 

administrative, Nancy, 1843, 2 vol. in-8. 
Lepagb. — Les communes de la Meurthe, Nancy, 1853, 2 vol. in-8. 
Lepage. — Dictimnaire géographique de la Meurthe (Mémoires de 

la Société d'Archéologie lorraine, 1860 et 1861.) 
Lepage. — Dictionnaire topographique du département de la Meur^ 

the, Paris, 1862, in-4^ 
Lepage. — Catalogue des actes de Ferri III (Mémoires de la Société 

d'Archéologie lorraine, 1876.) 
L'hôte (l'abbé). — LaViedes saiyits, bienheureux, vénérables et autres 

pieux pei'sonnages du diocèse de Saint- Dié (Semaine religieuse 

de Saint-Dié, 1896 et suiv.) 
Libellus de successoribus sancti Hildulfi in Vosago (éd. Belhomme, 

Historia Med. Mon,, p. 143, et Monum, Germ. hist,, Scriptores, 

tome IV.) 
Louis. — Le département des Vosges, description, histoire, statistique, 

Epinal, 1887-89, 7 vol. in-8. 

Mabillon. — Acta Sanctorum ordinisS, Benedicti (500* 1100), Paris, 

1668-1701, 9 vol. in-fol. 
Mabillon. — Annales ordinis S. Benedicti, Paris, 1703-1739, 6 vol. 

in-fol. 
Mabillon. — Vetera analecta, 2« éd., Paris, 1723, in-fol. 
Maggiolo. — Les monastères de Vordre de Saint-Benoit en Lorraine 

et dans les Trois-Evêchés (Mémoires de l'Académie de Stanislas, 

1887.) 
Maggiolo. — Eloge historique de Dom A, Calmet, abbé de Senones, 

Nancy, 1^39, in-8. 
Martène et Durand (DD.) — Thésaurus anecdotorum novus, Paris, 

1717, 5 vol. in-fol. 
Ma ricula religiosorum professorum clericorum et sacerdotum con- 

grcgationiê Sanctorum Vitoni et Hidulphi, Nancy, 1782, in-4». 
Matter. — Notice sur les abbayes d'Estival, Moyenmoutier et Seno- 



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- 134 - 

nés, et trois manuscrits de la bibliothèque de Saint-Dié (Revue 

d'Alsace, 1852.) 
Mémoires de V Académie de Stanislas, Nancy, 1754 et suiv., in-8. 
Mémoires de la Société d'Archéologie lorraine, Nancy, 1850 et suiv., 

in-8. 
Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc, 

Bar-le-Duc, 1871 et suiv,, in-8. 
Mémoires de la Société philomathique de Verdun, Verdun, 1840 et 

suiv., in-8. 
MiGNE. — Patrologiœ cursus completus : Patrologia latina, Paris, 

1844 et suiv., 221 vol. in-4«. 
MoNTFAUCON. — BibUotheca bibliothecarum manuscriptorum nova^ 

Paris, 1739, 2 vol. in-fol. 
Monumenta Germanise historica, Hanovre et Berlin, 1826 et suiv., 

in-fol. et in-4o. 
En particulier : 

I. — Scriptores, passim, surtout tomes IV et XXV. 

IL — Diplomata imperii, éd. Pertz, Hanovre, 1872, in-fol. 

III. — Diplomata regum et imperatorum Germaniœ, éd. Sickei, 
Hanovre, 1879 et suiv., in-4'>. 

IV. — Libri confraternitatum Sancti Galli, Augiensis, Fabarien- 

sis, éd. Piper, Berlin, 1884, in-4^. 
MossMANN. — Les colonges lorraines en Alsace (Mémoires de l'Aca- 
démie de Stanislas, 1887.) 

Nartz (l'abbé). — Le ValdeVillé, recherches historiques, Strasbourg, 
1887, in-8«. 

Noël,. — Catalogue raisonné des collections lorraines (livres, manus- 
crits, tableaux, gravures, etc.), de M. ^oël, Nancy, 1850-1851, 
2 vol. in-8. 

Pertz. — V. Monumenta. 

Pfister. — Les légendes de saint Dié et de saint Hidulphe (Annales 

de l'Est, 1889). 
Pfister. — Les revenus de la collégiale de Saint-Dié au X^ siècle 

(ibid., 1888). 
Pfister. — Le duché mérovingien d'Alsace et la légende de sainte 

Odile (ibid., 1890-1892). 
Pfister. — Lévêque Frothaire de Toul (ibid., 1890). 
Pfister. — Note sur trois manuscrits provenant de Vabbaye de Moyen- 

moutier (Journal de la Société d'Arcbéologie lorraine, 1890). 



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- 135 - 

PoiROT (l'abbé). — Le dernier abbé de Mayenmoutier (Semaine reli- 
gieuse de Saint-Dié, 1891). 

PoTTHAST. — Regesta pontificum romanorum inde ab a, ii98 ad a. 
1304, Berlin, 1874-Î875, 2 vol. in-4«. 

QuETiF et ÉCHARD. — Scriptores ordinis prœdicatorum, Paris, 1719- 
1721,2 vol. in-fol. 

Recueil de documents sur Vhistoire de Lorraine, publié par la Société 

d'Archéologie lorraine, Nancy, 1855 et suiv., ii>-8. 
Recueil des édits et ordonnances de Lorraine, Nancy, 1733-1786, 15 

vol. in-4**. 
Recueil de pièces concernant la jurisdiclion spirituelle et temporelle 

de Vévêché de Toul, s. 1. n. d., in-4^ de 135 pages. 
Régula sanctissimi Patris Benedicti ad usum congr. SS. Vitoni et 

Hydulphi accommodata, Paris, 1769, in-12. 
Revue bénédictine, Maredsous, 188J et suiv., in-8. 
Revue d'Alsace, Colinar, 1850 et suiv., m-8. 
RiCHER. — Gesta Senoniensis pcclesiœ, éd. Waitz dans les Mon, germ. 

hist,, Scriptores, tome XXV. 
RiGUET (F. de). — Mémoires historiques et chronologiques pour la 

vie de saint Dié, Nancy, 1680, in-12. 
Robinet (l'abbé). — Pouillé du diocèse de Verdun, tome I, Verdun, 

1888, in.8. 
Roussel. — Histoire ecclésiastique et civile de Verdun, 2« éd., Bar- 

le-Duc, 1803-64, 2 vol. in-4^ 
RUYR. — La vie et histoire de sainct Dié, Troyes, 1594, in-8. 
RuYR. — Recherches des sainctes antiquitez de la Vosge, 1™ éd., 

Saint-Dié, 1625; 2« éd., Épinal, 1634, petit in-4^ 

ScHJSPFLiN. — Alsatia diplomatica, Mannhei m, 1772-75, 2 vol. in-fol. 
Seillière (Baron Frédéric). — Un nouveau portrait de Dom Rémi 

Ceillier, prieur de Flavigny-sur- Moselle (Bull. Soc. phil. vosg., 

1892-93). 
Semaine religieuse du diocèse de Saint-Dié, 1876 et suiv. 
SiCKEL. — Acta regum et imperatorum Karolinorum digesta et enar- 

rata, Vienne, 1867-68, 2 vol. in-8. 
SmsoN. — Jahrbûcher des frœnkischen Reichs unter Ludwig dem 

Frommen, Leipzig, 1874-76, 2 vol. in-8. 
Sommier. — Histoire de Véglise de Saint-Diez, Saint-Dié, 1726, in-12. 
Stoffel. — Dictionnaire topographique du département du Haut- 

Rhin, Paris, 1868, in-4». 



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- 136 - 

Thibault. — Histoire des loix et usages de la Lorraine et du Barrois 
dans les matières bénéficiales, Nancy, 1763, in-fol. 

Ughelli. — V. Italia Sacra. 

Vie de sainct Hydulphe (la), confesseur, archevesque de Trêves et fon- 
dateur du monastère de Moyenmoustier enVoge, Toul, 1623, petit 
in-8. 

Vie de saint Hidulfe, archevêque de Trêves, fondateur et premier abbé 
de V abbaye de Moyenmoustier enVosges, Strasbourg, 1723, in-12. 

Vie de saint Uidulphe, archevêque de Trêves, fondateur et premier 
abbé de V abbaye de Moyenmoutier (Vosges), Saiot-Dié, 18U5, 
in-12. 

Vie de sainte Odile (la), éditée par Ch. Pfister {Analecta Bollandiana, 
t. XIII,1894, in-S). 

Vita S. Deodati (Acta SS., t. IV Junii). 

Vitse S. Erhardi (Acta SS., t. I Januarii). 

Vitx S. Hildulfi (Belhomme, Hist. Med, Mon., et Acta SS., t. III Julii). 

Vita Humberti Barrois, LXV abbatis Mediani Monasterii, s. 1., 1778, 
4 pages in-4''. 

Wassebourg. — Les antinuitez de la Gaule Belgique, Paris, 1549, 
2 vol. in-fol. 

WiBERT. — Vita S. Leonis IX Papœ, Leucorum antea episcopi, Pa- 
ris, 1615, in-12, et Acta SS., tom. II Aprilis. 

WiDRic. — Vita Gerardi, episcopi Tullensis (Mon. germ. hist., SS., 
IV). 

WùRDTWEiN. — Nova subsidia diplomatica, Heidelberg, 1781-92, 
14 vol. in-8. 

Nota. — On trouvera en outre, au cours du récit, des références à 
certains ouvrages plus spéciaux consacrés à tel ou tel point par- 
ticulier. 



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PREMIÈRE PARTIE 



LES ORIGINES 

SAINT mOUlPHË ET SES PREMIERS SUCCESSEURS 



LIVRE I 



SAINT HIDULPHE ET LA FONDATION DE L'ABBAYE DE 
MOYENMOUTIER 

L'histoire des commencements de l'abbaye de Moyen- 
moutier se rattache tout naturellement à celle de son fon- 
dateur, saint Hidulphe. Elle se confond avec elle, et c'est 
précisément dans les anciennes Vitœ Hildulfi que nous pour- 
rons trouver quelques renseignements relatifs à l'histoire 
des premières origines de Moyenmoutier. Ces Vitae seront 
même la source unique à laquelle nous devrons puiser, 
car, pour le monastère qui va nous occuper, nous n'avons 
conservé ni chartes, ni diplômes, ni privilèges, tels par 
exemple que le diplôme de Childéric pour Senones ou le 
privilège de Numérien pour Saint-Dié. 

Toutefois, avant de mettre en oeuvre les matériaux que 



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— 138 — 

ces biographies de Hidulphe pourront nous fournir, il nous 
faut dire un mot des vies qui les renferment, de leur 
origine, de leur valeur, de Tautorité qu'il convient de leur 
reconnaître. 

A ces Vitœ Hildulfi^ — l'histoire ou tout au moins la lé- 
gende ayant profondément mêlé les noms des deux fon- 
dateurs de Moyenmoutier et de Galilée, saint Hidulphe et 
saint Dié, — nous devrons joindre, dans notre étude des 
sources, une Vita Deodati qui nous a été aussi conservée. 
Nous y ajouterons également les récits des chroniques 
postérieures de Richer et de Jean de Bayon, pour les ren- 
seignements complémentaires qu'ils nous procurent, ren- 
seignements puisés à des sources plus ou moins pures, il 
est vrai, et dont nous aurons à discuter la valeur. 

Cette étude critique terminée, nous verrons ce que cha- 
cun des documents que nous aurons examinés nous ap- 
prend sur Moyenmoutier, nous contrôlerons les éléments 
nouveaux qu'il ajoute au récit primitif, nous éprouverons 
les matériaux qu'il nous aura fournis, et pour conclure 
nous dirons ce qui, tout bien considéré, nous paraît cer- 
tain dans ces récits traditionnels, ce qui, sans être rigou- 
reusement sûr, nous semble vraisemblable et acceptable, 
enfin ce qui n'est que superfétation, légende et fiction. 

De là, deux chapitres. 



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— 139 — 



CHAPITRE I 



ÉTUDE CRITIQUE DES SOURCES : LES TROIS « yiTM HIL- 
DULFI. » — LA « VITA DEODATI. > — LES c GESTA 
SENONIENSIS ECCLESI^E > DE RICHER. — LE t CHRO- 
NICON MEDIANI MONASTERIl » DE JEAN DE BAYON. 
— MANUSCRITS ET ÉDITIONS DE CES DOCUMENTS (4). 



§ L — Première t Vita Hildulfi. > 

Trois biographies de saint Hidulphe sont arrivées jus- 
qu'à nous. Nous les désignerons simplement par leur nu- 
méro d'ordre : la première, la deuxième et la troisième 
Vita, dans Tordre où les ont rangées Belhomme, qui les 
a le premier éditées toutes trois simultanément (2), et les 
BoUandistes qui n'ont fait que reproduire le texte donné 
par Belhomme. C'est du reste, nous le verrons, l'ordre 

(1) Poar toute cette partie de notre étude qui traite des origines de Tabbaye, 
d'après les diverses Vitœ Hildulfi et le Libellait de nuccessortbus aancti Hildulfi 
dont nous parlerons plus loin, nous avons été précieusement aidé par le travail 
remarquable et d'une critique si judicieuse de M. Pfister, le distingué professeur 
de llJniversîté de Nancy, intitulé Les Légendes de saint Dié et de saint Hidulphe 
•t publié dans les Annales de l'Est, Juillet et Octobre 1889. Nous le citerons 
souvent et lui ferons de nombreux emprunts. Presque toujours, on le verra, 
nous nous rangerons à son sentiment et nous rallierons à ses conclusions. Sur 
quelques points, cependant, nous nous en séparerons, et sur d'autres, nous 
serons moins affirmatif. 

(2) Belhomme, Historia Mediani in monte Vosago monasteriif Argentorati, 1724. 
Prima sancti Hildulfi Vita, p. 50 à 65; Secunda sancii Hildulfi Vit a, p. 77 à 81; 
Tertia sancti Hildulfi Vita, p. 82 à 130. Pour cette dernière Vie, l'historien de 
Moyen moutier, comme nous aurons occasion de le redire, a distribué le texte 
en paragraphes ou chapitres, entre lesquels il intercile de nombreuses anno- 
tations (annotata). 

(3 Acta Sanctorum, t. HI JuHi, die XlK 



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- 140 - 

chronologique même des rédactions et transformations 
successives de la Vie de Hidulphe. 

La première Vie que nous rencontrons — la plus an- 
cienne des trois — a été éditée pour la première fois par 
Dom Belhomme d'après un manuscrit de Moyenmoutier. 
Ce manuscrit remontait, suivant lui ou plutôt suivant Dom 
Edmond Martène à la science duquel il s'en rapporte, à 
la fin du Xe ou au commencement du XI^ siècle (^). 

Ce manuscrit de Moyenmoutier dont parle Belhomme, 
faisait partie de la bibliothèque de l'abbaye. Pour des rai- 
sons que nous ignorons, il a été distrait du nombre consi- 
dérable de volumes imprimés ou manuscrits dont le fonds 
a formé, après la Révolution, la bibliothèque d'Épinal, et 
après avoir appartenu quelque temps à M. Gravier, l'au- 
teur de VHistoire de Saint-Dié, il a fait partie pendant de 
longues années des collections lorraines de M. Noël, où il 
figurait au no 2079. Après la mort du célèbre lotharingo- 
phile, au moment de la dispersion si regrettable de ses 
richesses littéraires, il a été acheté avec un certain nom- 
bre d'autres pièces par la bibliothèque publique de Nancy, 
où il est actuellement coté m 1195. Il avait d'abord passé 
inaperçu, et c'est ce qui explique pourquoi il ne figure 
pas dans les catalogues imprimés de cette bibliothèque. 
Mais il a été retrouvé récemment par M. Favier et mi- 
nutieusement décrit par M. Pfister, en même temps que 
deux autres manuscrits provenant aussi de Moyenmou- 
tier (2). Il comprend, dit M. Pfister, 48 feuillets non nu- 
mérotés dont quelques-uns ont été détériorés. Il est en 
parchemin et de moyen format, mesurant 165 sur 130 mil- 
limètres. D'autre part, il n'est pas consacré exclusivement 
à la Vita Hildulfi. Cette Vita n'y vient même qu'en troi- 

(1) Belhomms, op. cit., p. 50 : < Prima sancli Hildulfi Vita, . . €X manuêcripto 
codicê mediani monasterii septingentii ab annis exarato descripta. » 

(2) Journal de la Société d'Archéologie lorraine, Juillet 1890, p. 153 et sui- 
vantes. 



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- 141 - 

sième lieu; elle est précédée d'une Vie de Grégoire le 
Grand par Paul Diacre et d'une Vie de saint Jérôme. Elle 
commence seulement au verso du folio 13, avec ce titre : 
Indpmnt quedam de vita viri Dei Hildulft Treverensis ar- 
chiepiscapi. Malheureusement le manuscrit est incomplet 
et mutilé. Il s'arrête brusquement après les mots : Tu 
igitur (^). Il était déjà en cet état, du reste, au temps de 
Belbomme, qui a été obligé d'emprunter la fin de la Vita 
à mi manuscrit du monastère Saint-Maximin de Trêves. 

Belhomme, en effet, signale encore l'existence, à son 
époque, de divers autres manuscrits de la première Vita 
Hildulfi. L'abbaye Saint-Maximin de Trêves, dit-il, en pos- 
sède un — celui qui lui sert à compléter le codex mu- 
tilé de Moyenmoutier — et il ajoute que les BoUandistes 
en ont, de leur côté, deux ou trois (2). Nous ne savons ce 
que sont devenus ces manuscrits. M. Pfister (3) constate 
l'existence à la bibliothèque de Munich, sous le m 9566, 
d'un manuscrit qui contient précisément notre Vita. Ce 
manuscrit a été copié au XII» siècle et provient de l'ab- 
baye d'Oberaltaich. Il est probable que c'est l'un de ces 
deux ou trois manuscrits qu'avaient entre les mains les 
BoUandistes. Bien qu'il ne remonte qu'au XII^ siècle, il 
n'en serait pas moins intéressant de le comparer au ma- 
nuscrit de Moyenmoutier, aujourd'hui de Nancy (*). 

Nous devons ajouter cependant que l'édition de Bel- 
homme a été textuellement reproduite par les BoUandistes 
qui ne paraissent pas s'être servis des manuscrits spéciaux 
qu'Us possédaient et dont ils ne parlent même pas (^). 

(1) Belhomme, op. cit., p. 62. 
(S) Bblbommb, op. cit., p. 2. 

(3) Journal de la Société d* Archéologie lorraine. Juillet 4890, p. 460. 

(4) Nous n'avons pu le faire encore. Peut-être Tessayerons-nous quelque jour. 

(5) Les BoUandistes se sont contentés d'appliquer ici leur procédé ordinaire, 
divisant le texte donné par Belhomme en 17 paragraphes numérotés et mettant 
en marge, en face de chaque numéro, le résumé succinct du paragraphe. De 
plus, on retrouve presque intégralement dans les BoUandistes, soit les notes 



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Quoi qu'il en soit de cette question des manuscrits et des 
éditions dont il nous fallait avant tout dire un mot, il est 
certain que cette première Vita Hildulft n'est pas l'œuvre 
d'un contemporain. D'un autre côté, elle n'est pas non plus 
la vie la plus ancienne qui ait été écrite. On y lit, en effet, 
tout à la fin du récit : « Ceux qui ont eu le bonheur de jouir 
c de la société de notre saint ont écrit ses actes en un vo- 
€ lume qui n'est pas de petite dimension , mais par suite 
« d'incurie, le temps a tellement rongé ce volume que 
€ nous avons seulement pu en extraire les détails peu nom- 
€ breux que nous avons racontés (^). » 

A quelle époque précise remonterait donc notre Vie? 
Par d'ingénieux rapprochements, M. Pfister, s'appuyant sur 
une phrase de Jean de Bayon , a cru pouvoir fixer comme 
date approximative le milieu du X^ siècle. « Cet historien, 
« dit-il, qui, en 1326, avait à sa disposition des documents 
€ aujourd'hui perdus, nous apprend que le roi de Lorraine 
€ Zwentibold (895-900), livra en bénéfice l'abbaye de 
« Moyenmoutier à un comte Hillin; que ce comte expulsa 
« les moines et les remplaça par des chanoines ; que sous 
« le régime de ceux-ci se perdit l'ancien manuscrit de la 
« vie d'Hidulphe. Cette vie, ajoute Jean de Bayon, était 
« si considérable qu'à elle seule elle occupait tout un vo- 

marginales de Belhomme, soit les annotations plus développées dont il fiait ani- 
vre la Vita. Il n'y a guère que certains détails, d'intérêt surtout local, concer- 
nant Moyenmoutier, ses possessions, ridentification de certains noms anciens 
de localités, que l'on ne retrouve pas dans les Acia Sanctorum. Cela du reste 
s'explique. Belhomme, dans Tavertissement qu'il place en tête de son ouvrage, 
nous prévient qu'il a revu et quelque peu augmenté le travail qu'il avait com- 
muniqué l'année précédente aux Bollandistes et qui avait été reproduit par eux. 
Cf. Acta Sanctorum, loc. cit., et Belhommb, op. cit., Monitum authoris, 

(1) « Cœterum ah his quxbus contigit ejus sedulUate tune temporis perfrui , tia- 
raci Btylo digesta sunt ipsius acta, in volumine non parva quantHatiê, quodprm 
incuria adeo vetustat consumpsit ut vix hœc minima quœ prmmiaimui excrrpi 
exinde potuerint. t Belhommb, op. cit., p. G4, et Acta Sanctorum, tom. cit., 
p. 213. En môme temps qu'à Belhomme nous renverrons d'ordinaire aux Bol- 
landistes dont l'accès est plus facile, l'ouvrage de Belhomme étant aujourd'hui 
tjrôsrare. 



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- 143 - 

c luœe 0). Au bout de quelque temps, probablement lors 
€ des réformes d'Adelbert et du duc Frédéric, après 959, 
c on retrouva le précieux codex, mais comme son éten- 
c due pouvait fatiguer le lecteur, il fut abrégé par des éco- 
c lâtres. Si nous ne nous abusons, ce volume perdu et 
€ retrouvé dont parle Jean de Bayon , est le même que ce 
c volume en partie détruit par le temps dont il est ques- 
€ tion dans la biographie. La Vie que nous possédons est 
€ justement l'œuvre de ces écolâtres et remonte par suite 
€ au milieu du X« siècle (2). » 

Elle est donc postérieure de près de trois siècles aux 
événements qu'elle rapporte. Par elle-même, elle ne sau- 
rait avoir, en conséquence, grande autorité. Elle n'en aura 
qu'autant que les abréviateurs se seront servis avec intel- 
ligence et sincérité de la Vita primitive. Il faudra les con- 
trôler et peser leurs assertions. 



§ II. — Deuxième c Vita Hildulfi. > 

Quant à la seconde Vita Hildulfi, elle ne nous arrêtera 
pas longtemps, car elle est sans importance pour l'histoire 
de Moyenmoutier. C'est tout simplement un abrégé, comme 
l'avait déjà fait remarquer Jacques Mosander, et un abrégé 
fort court de la précédente. Elle avait déjà été éditée dans 
les Vitœ Sanctorum de Surius, à la date du 11 Juillet, par 
le même Mosander, qui avoue, toutefois, en avoir quelque 



(i) t Codi^ vitm Beati Hildulfi qui pro 9ui magnitudxne proprio continebatur 
corpare. i M. Dupeuz, Mémoires de la Société d'Archéologie lorraine, 1879, p. 174, 
traduit : c Uû manuscrit qui , à cause de ses grandes dimensions , ne peut être 
qoe roulé sur lui-môme, i La traduction est pour le moins fantaisiste. 

(2) PnsTKR : Lee Légendes de saint Dié et de saint Uidulphe dans les Annales 
de VEst, 1888, p. 996. Voir aussi Jean de Bayon, Prologue, dans Belhomme , op. 

cit., p. sai. 



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- 144 - 

peu retouché et corrigé le style 0). Les Bollandistes, de 
leur côté, en possédaient deux manuscrits, semblables pour 
le fond et ne différant que par quelques nuances de style. 
G* est d'après un de ces manuscrits, le codex Ultrajectinus 
ou manuscrit d'Utrecht, collationné et copié par le P. Hé- 
ribert Rosweid, donné par un autre Bollandiste, le Père 
du SoUier, à Dom Calmet, au cours d'un voyage en Flan- 
dre et rapporté par celui-ci à Dom Belhomme, que Fauteur 
de VHistoria Mediani Monasterii Ta publiée à son tour (2). 

Que sont devenus ces deux manuscrits, en particulier ce 
manuscrit d'Utrecht que reproduit l'édition de Belhomme? 
Nous l'ignorons. A quelle époque remontaient-ils? A quelle 
date approximative la Vita elle-même qu'ils renfermaient 
avait-elle été composée? Nous l'ignorons également. D'ail- 
leurs la réponse à ces questions n'aurait qu'un médiocre 
intérêt. La Vie, en effet, très courte — elle compte quatre 
pages à peine de l'édition Belhomme, (3) — est absolument 
dépourvue de valeur originale. D'autre part, elle n'est cer- 
tainement que le résumé d'une autre Vie et, comme le fait 
remarquer très justement M. Pfister, l'on ne saurait y voir 
l'œuvre primitive dont la première Vita serait comme une 
superfétation. « Elle présente tous les caractères d'un ré- 
« sumé, et il est manifeste que les auteurs de la Vita anti- 
« qua n'avaient point sous les yeux un récit aussi bref; 
€ ils ne citent comme source que ce grand volume que 
€ des disciples immédiats avaient consacré tout entier au 
€ pieux fondateur (*). d 

Enfin, étant donné que cette seconde Vita est un résumé, 
ce ne peut être que le résumé de la première Vie et non 

(1) Mosaader D*a certainement pas connu rexistence de la première VUa, dont 
il Toit bien que celle-ci n'est que le résumé; sans quoi, il lui aurait évidem- 
ment donné la préférence. 

(2) Bblhommb, op. cit., p. 2 et 77. 

(3) Belhomme, p. 77-81. 

(4) AnnaUê de l'Est, Octobre 1889, p. 536. 



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- 145- 

de la troisième. D'un côté, en effet, elle reproduit, nous 
le verrons tout à Theure, les mêmes fautes de chronolo- 
gie que la première et les mêmes erreurs aussi sur des 
points plus graves; de l'autre, on n'y trouve aucune trace 
des interpolations qui caractérisent la troisième, non plus 
que la date à laquelle serait mort le saint : détail qui nous 
est donné par la troisième Vie et que n'aurait certainement 
pas omis l'analyste qui l'eût résumée (^). Au reste, il suf- 
fit de la lire immédiatement après la première pour sentir 
qu'elle en est l'abrégé. 

L'édition de Belhomme a été reproduite par les BoUan- 
distes (2) , ainsi que l'annotation unique dont l'abbé de 
Moyenmoutier l'avait fait suivre. Les Acta Sandorum ajou- 
tent seulement qu'il est impossible de savoir qui est l'au- 
teur de cette deuxième Vita et quand elle a été composée. 
Une seule chose est certaine, disenlrils, c'est qu'elle a été 
composée avant la troisième dont elle ne s'inspire pas. 

Sa rédaction devrait donc se placer, si je ne me trompe, 
vers la fin du X^ siècle, ou du moins, si elle n'a été écrite 
que plus tard, elle l'a été par quelqu'un qui ne connais- 
sait que la première Vita. 

§ IIL — Troisième « Vita Hildulfi. » 

La troisième Vita Hildulfi qui va nous occuper est d'une 
importance autrement considérable pour l'histoire du fon- 
dateur de Moyenmoutier, ou plutôt pour l'histoire de la 
formation de sa légende. A ce titre, elle est déjà très signi- 
ficative. 

A l'époque où il écrivait, Dom Belhomme ne connais- 
sait que trois manuscrits de cette œuvre. 

Le premier — qui semble dater du XV® siècle seule- 

(1) Belhomme, p. 81. 

(3) Aeki Sanctcntm, tom. cit., p. 216. 

10 



\ 



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- 146 - 

ment — appartenait à la bibliothèque de l'abbaye de 
Paderborn. Dom Edmond Martène l'avait publié dans son 
Thésaurus anecdoiorum (^), en 1717, sept ans par consé- 
quent avant l'apparition de l'histoire de Moyenmoutier, 
et Dom Hyacinthe AUiot, prédécesseur de Dom Belhomme 
dans les fonctions d'abbé de ce monastère, avait reçu dès 
1697 du docte jésuite et boUandiste Papebrock, une copie 
de ce codex Paderbomensis. 

Le second manuscrit appartenait à l'abbaye d'Epter- 
nach. C'était le plus ancien. Il parait remonter jusqu'au 
XI^ siècle. Belhomme en avait noté les variantes. 

Le troisième, enfin, était un manuscrit appartenant à 
l'abbaye même de Moyenmoutier. Plus récent que le pré- 
cédent, il avait été écrit, semble-t-il, vers la fin du XII« siècle 
ou au commencement du XIII«, et son récit avait été divisé 
en leçons (lectiones) qui se Usaient à l'office de Matines, le 
jour de la fête de saint Hidulphe et pendant l'octave. 

Par une heureuse fortune, ces manuscrits nous ont été 
tous trois conservés. Le premier, celui de Paderborn, se 
trouve aujourd'hui à la Bibliothèque royale de Bruxelles. 
Le second, celui d'Eptemach — le plus important, car il 
est le plus ancien — appartient à la Bibliothèque nationale 
de Paris (2). Quant au troisième, celui qui se trouvait 
à la bibliothèque de Moyenmoutier et qui avait suivi la 
fortune du manuscrit de la première Vita dont nous par- 
Uons tout à l'heure, passant successivement aux mains 
de M. Gravier et de M. Noël, il a été perdu de vue pen- 
dant quelque temps après la dispersion des collections du 
célèbre bibUophile, mais il a été fort heureusement re- 
trouvé dans les mêmes conditions que le précédent par 
M. Favier, à la bibliothèque municipale de Nancy (3), et 

(4) T. m, p. 4093. Paris» 1717. 
(V) Fonds latin, n« 9738. 

(3) N*» 1196 du catalogue (anciennement n« 2060 du CmUiloguê raiêonné dês col- 
Uctians lorraineê de Noël). 



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— 147 - 

exactement décrit par M. Pfister (^). Il se compose de 14 
feuillets^ grand format (350 sur 240 millimètres), de par- 
chemin ou plutôt de peau épaisse, et est écrit sur deux 
colonnes avec lettres initiales historiées et coloriées. Le 
fond est le même que celui du manuscrit de Paris-Epter- 
nach. Toutefois, remarque encore M. Pfister, il renferme 
quelques phrases générales, peu importantes d'ailleurs, 
qui ne se retrouvent pas dans le manuscrit de Paris, par 
exemple la phrase sur Ceudoald, au chapitre XX (2). 

C'est d'après le codex de Moyenmoutier-Nancy, coUa- 
tionné avec ceux d'Eptemach-Paris et de Paderborn-Bru- 
xelles, que Belhomme a publié notre troisième Vita HiU 
dulfi (3), en indiquant en marge, d'ordinaire, les variantes 
des divers manuscrits. La division en 24 chapitres n'existe 
pas dans le codex de Moyenmoutier-Nancy, mais elle se 
trouvait dans les deux autres manuscrits. Dom Belhomme 
dit qu'il l'a adoptée comme se prêtant mieux à son système 
d'annotations. Ces annotations {annotata) sont placées à la 
fin de chaque chapitre et écrites en caractères plus petits. 

Pour cette troisième Vie d'Hidulphe, c'est encore le tra- 
vail de Belhomme qui a été reproduit par les Acta Sanc- 
torutn (♦). Les Bollandistes se contentent de subdiviser en 
paragraphes numérotés, avec sommaires marginaux pour 

(1) Jùumal de la Société d* Archéologie lorraine. Juillet 1890, p. 160. 

(3) Le manascrit d'Epteraach-Paris a pour titre : Incipit Vita aancti Bildulfi, 
arcfUepiscopi Trevirorum, mirm $anctitati$ viri, et celui de Paderborn-Bruxelles : 
IneipU prologue in vitam, etc. Celui de Moyonmoutier-Nancy n'a pas de titre. 
Cf. BeUiomme, p. 82. 

Dans les deux maouscrits d'Eptemach-Paris et de Paderborn-Bruxelles, à la 
toite de la Vita se trouve le Libelluê de succesêoribus eancti Bildulti dont nous 
reparlerons. Le manuscrit de Moyenmoutier-Nancy ne contient que la Vita^ après 
laquelle Tient, au folio 11, une sorte de sermon où un moine de Moyenmoutier 
exhorte ses confrères à imiter les exemples de leur saint patron. Cette longue 
homélie n'offre d'ailleurs aucun intérêt historique. 

(3) BBLHOmiB, p. 82 et suiv. 

(4) Aeta Sanctorum, tom. cit., p. 215. Mignb, Patrologie latine, t. GU, col. 
587, reproduit au contraire l'édition Martène. U n'avait sans doute pas connais- 
sance de l'édition Belhomme. 



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- 148- 

chacun, ces^ chapitres de Belhomiae. Ils reproduisjd&t de 
même presque toujours et eu eutier les comjaûkentaxFeB de 
l'abbé de Moyenmoutier. Les quelques annotations parti- 
culières qui ne se trouvent que dans Belhomme, ont été 
sans doute ajoutées par lui entre Tapparition du volume 
des Acta et la publication de son propre ouvrage (^). 

Tels sont les manuscrits et les éditions de notre troisi^m^ 
Vita Hildulfl. Que faut-il pensçr maintenant de cet écrit?/ 
Quelle est sa valeur? Par qui a-t-il été composé et à quelle 
époque? Quel en est le caractère et quelle aujborité con- 
vient-il de lui attribuer? 

Il suffit de lo lire à la suite de la première Vita pour ètra 
convaincu que Fauteur qui Ta rédigé avait cette première- 
Vie sous les yeux. Il Ta prise pour base de son récit. Il Fa 
même reproduite tout entière : on y rencontre les mêmes, 
expressions, et les mêmes phrases s'y retrouvent parfois, 
textuellement. C'est aussi le même ordre^ la n»ême mar- 
che, le même enchaînement de faits et d'idées. La part 
personnelle de Fauteur de la troisième Vie coiisisjte uni- 
quement dans les interpolations dont il a agrémenté le 
texte du récit primitif. Ces développements, nouveaux ainsi 
interpolés, dit fort exactement M. Pftster, sont de trois. 
genres : c Ce sont d'abord des faits historiques empruntés 
n à des chroniques générales; ce sont ensuite des consi- 
n dérations morales; ce sont enfin des faits de l'histoire 
« locale, intéressant la province de Trêves et en particuUer 
« la vallée supérieure de la Meurthe (^). i> De ces dévelop- 
pements surajoutés, <l les uns font corps avec la narration 



(i) Manitum authoris^ en tôte de VHiêtoria Mediani MonaitêrU (non paginé). 

(2) Annales de VE$t, Octobre 1889, p. 541. Bilhomms, dans son édition de la 
troisième Vita et les BoUandistes à sa suite, mettent entre crochets (...) tons 
les déyeloppements interpolés. Il est facile ainsi de faire la comparaison aTOC la 
première Vie et de voir d'un simple coup d*œil ce qu'il y a d'ajouté, comme aussi 
de constater la similitude parfois complète, pour le reste, entre certaines phra- 
ses de la première Vita et les passages correspondants de la troisième. 



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- 149 - 

primitive, les autres lui sont étrangers et fort mal ratta- 
chés (i). ^ 

Ainsi notre troisième Vie n'est autre chose que la pre- 
mière interpolée. L'interpolateur, d'autre part, était cer- 
tainement un moine de Moyenmoutier : cela résulte clai- 
rement de la lecture du document. Nous verrons plus loin 
s'il convient de lui donner le nom de Valcand ou de Hum- 
bert. 

Quant à l'époque à laquelle a eu lieu cette interpolation, 
sans discuter ici une question qui trouvera mieux sa place 
dans un chapitre ultérieur, qu'il nous suffise de remar- 
iquer que, suivant toute vraisemblance, l'auteur de notre 
troisième Vita est le même qui a écrit un autre opuscule 
dont nous reparlerons, le Libellus de successoribus sancti 
Hildulfi in Vosago. Il le laisse entendre très clairement au 
chapitre XX, lorsc|u'il nous dit qu'il aurait encore beau- 
coup à ajouter sur les mérites de Hidulphe et sur les actes 
de ses successeurs, mais qu'il a jugé bon, pour ne pas en- 
nuyer le lecteur, de le renvoyer à un autre opuscule (2). 
D'ailleurs, dans les interpolations de la Vita et dans le Lf- 
belltts on retrouve le même style, la même manière, les 
mêmes procédés de composition (3). Bref, ces deux écrits 
se complètent et semblent bien, ainsi que le dit M. Pfister, 
comme le premier et le deuxième livre d'un même ou- 
vrage. Ce qui le prouverait encore ou du moins le confir- 
merait, c'est que dans deux sur trois des manuscrits de 
la Vita, les deux opuscules se font suite (*). 

Or, nous déterminerons plus loin par l'examen même 

(4) Pfistbr,1oc. cit. 

(2) Belhohmb, p. 121, et Acta Sanetorum, loc. cit., p. 225 : c Restant sans quam 
c plurima Deo digniasimi Patrie nostri Hildulfi succesiorumque ejus acta meritts 
t illius condita, quœ pro faâiidio lectoris intérim differenda et alii opwculo judi- 
c eavimuê dèleganda. » 

(3) Par exemple, le reavoi à la ûd de l'ouvrage, dans I'ud comme dans l'autre, 
du récit des miracles. 

(4) Manuscrits d'Epternach-Paris et de Paderbom-Bruxelles, 



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— 150 - 

du Libellus, l'époque à laquelle ces écrits durent être ré- 
digés et nous la fixerons — je ne préjuge pas encore la 
solution du problèuïe — soit au début du XI^ siècle, soit 
au plus tard vers le milieu du même siècle. L'époque, en 
effet, de la rédaction du Libellm ne saurait être avancée en 
deçà de la première de ces dates, ni d'autre part reculée 
au delà de la seconde. Tout le monde est d'accord sur ce 
point, de sorte que, dans l'une comme dans l'autre hypo- 
thèse, la Vita Hildulfl sous sa troisième forme n'a été cer- 
tainement écrite que dans la première moitié du XI« siècle. 
Tout à l'heure, au chapitre suivant, lorsque nous en ferons 
l'examen intrinsèque, nous verrons comment elle l'a été, 
à quelles sources l'auteur, quel qu'il soit, a puisé les dé- 
veloppements interpolés qui la caractérisent, et par quels 
procédés plus ou moins habiles il a essayé de faire con- 
corder ces développements qu'il ajoute avec le texte qu'il 
entendait respecter. Mais, dès à présent, retenons que l'au- 
teur de cette troisième Vita écrivait trois quarts de siècle 
au moins après l'auteur de la première Vie, presque qua- 
tre siècles par conséquent après les événements dont il 
se fait l'historien : c'est dire que son récit, plus encore que 
celui de ses prédécesseurs du X^ siècle, devra être examiné 
de près et sévèrement contrôlé. 

§ IV. — f Vita Deodati. » 

Aux trois Vitœ Hildulfl dont nous venons de parler, il 
faut ajouter ici un autre document de même genre, d'or- 
dre également hagiologique, qui a contribué dans une large 
mesure, nous le verrons, à la formation de l'histoire tra- 
ditionnelle de Hidulphe. C'est une ancienne Vita Deodati, 
Comme elle nous intéresse de façon moins directe que les 
Vitœ Hildulfl, nous n'en dirons que ce qui se rapporte à 
notre sujet. 



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- 151 — 

Un mot d'abord des manuscrits et des éditions. 

La Vita Deodati avait été publiée déjà par Mosander dans 
les Ftte Sanctorum de Surius, mais d'après un manuscrit 
incomplet où manquaient le début et la fin de Topuscule. 
La Vie complète fut imprimée pour la première fois à Nancy 
en 1619 (^). Jean Ruyr, de Charmes, chanoine et chantre 
de l'insigne église collégiale de Saint-Dié, en avait donné 
dès 1594 une traduction (2), qu'il fit entrer depuis dans ses 
Sainctes Antiquitez de la Vosge Ç^). 

La Vita Deodati fut publiée une deuxième fois à Nancy 
en 1680 par les soins du grand prévôt François de Riguet (*), 
et les Bollandistes lui firent place en 1701 dans le quatrième 
volume de Juin des Acta Sanctorum, à la date du 19 de ce 
mois (5). L'édition en fut commencée par Henschenius, et, 
après la mort de celui-ci, continuée et achevée par Pape- 
brock. De son côté, Belhomme (^) en a donné quelques 
fragments dans son Historia Mediani Monasterii, ceux pré- 
cisément qui se rapportent à l'histoire ou aux légendes de 
notre monastère Ç). Tout récemment, M. l'abbé L'hôte, 
professeur au Grand Séminaire de Saint-Dié, a comblé une 
lacune assez grave de toutes ces éditions, en publiant la 
préface de cette Vita, qui était connue de Ruyr mais que 
n'avaient retrouvée ni les éditeurs de Nancy, ni les Bol- 
landistes (8). 

(1) Beatiasimi DeodaHeffUcopi Vita, Nancy, 1619, chez Jacob Garnicb, 36 pages 
in-iS. 

(2) Parue à Troyes chez Jean Oudot. 

(3) Saint-Dié, 1625; 2* édiUon, Épioal, 1634. 

(4) Cbez Charles Chariot et Nicolas Chariot, à la suite des Mémoireê historiques 
et ehronologiqîiês pour la vie de saint Dié. 

(5) Acta Sanctorum, t. IV Junii, p. 725. 

(6) Historia Mediani Mona^terii, p. 130-140. 

(7) lAPatrologie latine de MiONB, t. CLI, p. 611, reproduit l'édition des Bol- 
landistes. Dom Bouquet, dans le Recueil des historiens des Gaules et delà France, 
t m, p. 585, donne aussi quelques fragments de la Vita Deodati, 

(8) AnaUcta BoUandiana, t. VI, 1887, p. 151-160. M. l'abbé Guinot avait déjà 
édité cette préface en 1852, dans Les Saints du Val de Galilée, p. 405, mais de 
façon insuffisante. 



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- 152 -- 

Nous ne voulons pas nous arrêter longuement à discuter 
la question de savoir quel est l'auteur de cet opuscule et à 
quelle époque il a été rédigé. 

Pour ce qui est de Tépoque de la rédaction, d'abord, il 
suffit de lire avec attention deux passages de la Vila, la 
préface (^) et la fin (2), pour être fixé de façon à peu près 
certaine sur Tannée même de la composition. Nous y 
voyons, en effet, qu'en l'an 1049, notre Vita Deodati a été 
portée à un concile romain, probablement celui qui se tint 
la deuxième semaine après Pâques, et là, lue publique- 
ment et approuvée par le pape Léon IX. D'autre part, cette 
approbation pontificale n'est pas postérieure de beaucoup 
à la composition même de la Vita, car la préface nous ap- 
prend que cette Vita est dédiée au prévôt Waldrade et aux 
chanoines de Saint-Dié. Or, nous savons que Waldrade était 
à la tête du Chapitre au temps de Léon IX. Cette Vie, qui 
lui est dédiée, n'a donc pu être écrite bien longtemps 
avant l'année 1049. 

Quel en est maintenant l'auteur? Pour M. Pfister, c'est 
un moine de Moyenmoutier, celui-là même qui a interpolé 
la première Vita Hildulfi, celui-là aussi qui a composé le 
Libellas de sticcessoribus Hildulfi, et ce moine serait le 
moine Humbert, devenu depuis archevêque de Sicile et 
cardinal-évêque de Blanche-Selve (3). Pour notre part, nous 
n'oserions être aussi affirmatif. Si séduisante que soit cette 
hypothèse, elle nous paraît n'exphquer qu'imparfaitement 
certains détails importants de l'histoire et de la légende de 
Moyenmoutier. 

Que l'auteur de la Vita Deodati ait été un moine de 
l'abbaye de Moyenmoutier, nous l'admettons sans peine. 
Sans doute cet auteur, parlant de saint Dié, l'appelle c par 



(1) Analêcta Bollandiana, loc. cit. 

(2) Acta Sanctorum, vol. cit., p. 737. 

(3) Annales de VEst, Octobre 18d9, p. 555. 



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— 153 — 

trontis noster, » ce qui laisserait supposer qu'il appartenait 
à l'abbaye de Galilée, fondée par Déodat. Mais il faut se 
rappeler que les religieux de Moyenmoutier rendaient à 
saint Dié les mêmes honneurs presque qu'à saint Hidul- 
phe. Us le regardaient comme leur second patron, et cette 
expression c patroniis noster > s'explique fort bien dans 
la bouche d'un moine de Moyenmoutier. De plus — 
et ceci est péremptoire — l'auteur dédie son livre au 
prévôt Waldrade et au clergé de ce commun patron, et 
s'adressant à eux, il leur dit dans sa préface (^) : c Demiè- 
c rement, quand aux jours de la Pentecôte nous sommes 
c allés au-devant de vous, nous nous sommes entretenus 
« de la fête que nous célébrions,... et enfin vaincu par 
c vos prières unanimes, j'ai consenti à me charger du far- 
c deau que vous m'imposiez. » L'écrivain fait ici allusion 
à la célèbre procession annuelle des moines de Moyenmou- 
tier et des chanoines de Saint-Diô, dont nous reparlerons 
au cours de cette étude, et de ce passage il résulte, on ne 
peut plus clairement, que l'auteur est bien un religieux du 
monastère de Moyenmoutier. 

Mais ce moine est-il le même qui a écrit la troisième 
Vita Hildulfi et le Libellm de siu)cessoribiis Hildulfi? Dom 
Belhomme et M. Pflster le croient, avec cette différence que 
le premier attribue les trois écrits à Valcand (Valcandus)^ 
religieux qui aurait vécu au commencement du XJe siècle, et 
le second, à Humbert, qui vivait au milieu du même siècle. 
M. Pflster invoque un passage où l'auteur, amené à parler 
de Hidulphe, dit que pour ne pas ennuyer le lecteur, il le 
renvoie à la Vie de ce saint (2). Mais ce texte est-il bien 
concluant? Le moine de Moyenmoutier ne peut-il renvoyer 
à une vie de Hidulphe qui n'aurait pas été écrite par lui? 
Ne peut-il renvoyer en particulier à cette troisième Vita, 

(1) Ànalêcta Bollandiana, loc. cit., p. 157. 
(S) Aimmiêt de VEst, 1889, p. 555. 



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- 154 - 

qui a pu être composée quelques années auparavant, qui 
est connue et d'un usage courant, que Ton possède à Galilée 
aussi bien qu'à Moyenmoutier et que pour ce motif il ne 
veut pas refaire? Est-ce une raison pour qu'il en soit lui- 
même l'auteur? Assurément, non. 

Mais je trouve encore à l'hypothèse de M. Pfister, comme 
d'ailleurs à celle de Belhomme, une difficulté beaucoup 
plus grave. La Vita Deodati, nous le dirons lorsque nous 
en ferons l'examen intrinsèque, s'étend longuement sur les 
rapports de Hidulphe et de Déodat, nous décrivant leurs 
visites annuelles avec le cérémonial de la rencontre, la 
dernière visite de Hidulphe au lit de mort de Déodat, la 
réunion aux mains de Hidulphe des deux gouvernements de 
Galilée et de Moyenmoutier, l'apparition du bienheureux 
Déodat au fondateur de Moyenmoutier pour lui annoncer sa 
mort prochaine, etc. C'est même cette Vita Deodati qui est 
le point de départ de l'histoire traditionnelle des rapports 
des deux saints personnages. Or, qu'après avoir lu ces récits 
si complaisamment détaillés, on reprenne la troisième Vita 
Hildulfi — qui, dans l'hypothèse que nous combattons, se- 
rait du même auteur — on n'y trouve pas la moindre trace 
de tout ce qu'on vient de lire. Cette troisième Vie garde un 
silence complet sur saint Dié. Bien plus, l'auteur, à la suite 
de la première Vita Hildulfi , du reste, laisse entendre for- 
mellement que saint Hidulphe n'est venu se fixer dans les 
montagnes des Vosges que longtemps après saint Dié. Des 
relations si aimables, si tendres, si touchantes des deux 
saints, il n'est pas un instant question. Comment expUquer 
cette étrange contradiction? Nous ne nions pas ce que l'hy- 
pothèse de M. Pfister a d'ingénieux et peut avoir de sédui- 
sant. Malgré tout, cependant, nous ne pouvons admettre 
que l'auteur de la troisième Vita Hildulfi soit l'auteur de la 
Vita Deodati, Entre les deux, il a dû s'écouler un certain 
nombre d'années qui ont permis à la légende, sous l'in- 



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- 156 — 

fluence de causes que nous étudierons, de se former. La 
Vita Hildulfi a été écrite avant la légende, elle la précède. 
La Vita Deodati, au contraire, la suit, s'en inspire et la 
consacre. 

Après cela, que l'auteur de la Vita Deodati ait été le 
moine Humbert, cela est possible. Nous sommes d'autant 
moins disposé à le contester, que, pour nous, nous essaye- 
rons de le démontrer lorsque nous parlerons du Libelltis, 
l'auteur de la troisième Vie de Hidulphe n'a pas été Hum- 
bert, mais, peut-être Valcand, en tout cas un moine qui 
vivait au commencement du XI« siècle, alors que Hum- 
bert entrait seulement, encore tout enfant, au monastère 
de Moyenmoutier. 

Quoi qu'il en soit, pour conclure cette étude critique sur 
la date de la Vita Deodati, nous croyons avoir prouvé 
qu'elle a été certainement écrite après la troisième Vita Hil- 
dulfi. A ce titre, la confiance qu'elle pourra nous inspirer 
ne saurait être bien grande. Elle sera moins grande encore 
que celle que nous inspirent les documents qui la précè- 
dent dans Tordre chronologique. 

§y. — c Gesta Senoniensis EcGLEsiiE 1 ou c Chronique de 

SeNONES » DE RiCHER. 

Après la Vita Deodati, qui remonte ainsi au milieu du 
XI« siècle, il nous faut attendre plus de deux siècles pour 
voir apparaître, relativement aux origines de Moyenmoutier 
et à saint Hidulphe, un document nouveau. Ce document, 
c'est une chronique rédigée par un religieux du monastère 
de Senones, Richer. 

Richer vivait au cours du XIII^ siècle. Il composa vers 
Tannée 1255 une histoire de son abbaye, et à cette occa- 
sion, amené plus d'une fois à parler des monastères voisins, 
il donne plus d'un renseignement précieux sur Moyen- 



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- 456 - 

moutier. Il nous parle notamment des origines de l'abbaye 
et de sa fondation par Hidulphe. Sur ce point, son récit 
s'inspire évidemment des précédents. Il y ajoute cepen- 
dant des éléments nouveaux puisés à diverses sources. 
Il nous faudra voir le parti que l'histoire peut en tirer. 
Naturellement, écrivant si loin des événements, doué par 
ailleurs d'une forte dose d'imagination, de candeur et de 
crédulité, il ne pourra guère — nous devons le conjecturer 
a priori — ajouter de données certaines à l'histoire de notre 
monastère et de son fondateur. Il nous fera assister du moins 
à une phase nouvelle de l'évolution du récit traditionnel. 
L'œuvre de Richer, Gesta Senoniensis Ecclesise, a ét^ 
éditée pour la première fois, mais d'une façon incomplète, 
par D'Achery, au tome III de son Spicilège (i). D. Calmet en 
avait inséré également quelques extraits dans les preuves 
de V Histoire de Lorraine (2). La publication intégrale en a 
été donnée par Waitz, il y a quelques années, dans les 
Monumenta Germanise historica (3). 

§ VI. — c Chronicon Mediani MoNASTEun > DE Jean de Bayon 
ET Travaux ultérieurs. 

Trois quarts de siècle environ après Richer, un moitié 
de Moyenmoutier, ou du moins un religieux qui habitait 
Moyenmoutier, marchant sur les traces du moine de Seno- 
nes, entreprit à son tour d'écrire l'histoire de ce monastère. 

(1) Spicilegium, 1659, t. HI, p. 271-445. D'Achery supprime eu tout oa en partie 
21 chapitres dans les liTres I, U, IV et V. 

(3) !'• édition, t. U, preuves, col. 1. 

(9) MofMm&nta Germanim historica, Scriptores, XXV, p. 249-345. La bibliothèqae 
municipale de Nancy possède un manuscrit de Richer, remontant à 1536, qui a 
été collationné par Waitz, ainsi qu'une traduction française également du XVI* siè- 
cle. Cf. FatIër, Catalogue des manuscrits dé la bibliothèque publique de Nancy, 
n«* 542 et 543. La traduction française du manuscrit de Nancy a 6té pulriiée par 
Jean Cayon, Chromque de Richer, moine de Senones, Nancy, 1842. Sur les autres 
manuscrits et éditions de Richer, voir la préface de Waitz, loc, cit., et Annuaire' 
BuUeHn de la Sociéêé de l'histoire de France, 1854, p. 4<Md. 



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- 157 - 

Gemme il nous sera d'un grand secours pour tout le reste 
de notre histoire jusqu'au XIII« siècle, il nous faut parler 
de lui dès maintenant, de façon à n'avoir plus à y reve- 
nir (^). 

Jean de Bayon, ainsi nommé de son lieu d'origine (2), 
était un religieux de l'ordre des Dominicains ou Frères 
Prêcheurs. Nous ne savons ni l'année précise de sa nais- 
sance, ni le couvent dont il faisait partie (3). Forcé, pour 
des raisons que nous ignorons, de quitter son monastère et 
obligé de s'exiler — il se compare lui-même à Joseph, — il 
s'était réfugié à Moyenmoutier, dont l'abbé, Bencelin, était 
son parent. Bencelin lui avait donné l'hospitaUté et, quel- 
que temps après, lui avait demandé d'écrire l'histoire du 
monastère. Jean de Bayon accéda à sa prière et composa 
son ouvrage, ce semble, en 4326, entre les fêtes de Pâques 
et de la Pentecôte (*). 

L'œuvre de Jean de Bayon est en réalité une chronique 
universelle : universelle quant au temps qu'elle embrasse, 
universelle aussi quant à l'espace. Elle se divise en deux 
Uvres d'intérêt très inégal. Le premier, celui qui nous 
intéresse le moins, est consacré à l'histoire générale du 
monde, qu'il prend à la création, comme toutes les chro- 
niques du Moyen âge, et conduit jusqu'à la fondation de 
l'abbaye de Moyenmoutier. A part quelques développe- 



(1) Voir, dans Jean de Bayon, le Prologue de sa Chronique, Bblhommb, p. 290- 
991. M. Dapeux a publié aussi sur lui une Notice rriUque dans les Mémoires de la 
Sùei4$é cKÂrchMogie lorraine^ iBHd, p. 155, et 1881, p. 172. Mais cette notice est 
inexacte en plusieurs points. J'ajoute que la traduction que M. Dupeuz donne 
de certains passages de la Chronique de Jean de Bayon, est plus d'une fois dé- 
fectneiise et infidèle. 

(2} Bayon, cheMieu de canton, département de Meurthe-et-Moselle, 

(3) U ne fout pas le confondre avec un autre Jean de Bayon dont nous parle- 
rons au coors de notre histoire, qui yivait un siècle et demi plus tard, était abbé 
de Moyenmoutier et est mort en 1476, Le Joiumal des Savants de 1725 jiotam- 
meat, p. 266, est tombé dans cette erreur. 

(4) Manuscrit de la bibliothèque de Nancy, folio 1, verso, colonne 2 : € Ego, fraUr 
JohtunMê de Baion, . . atmo. . . mUleeimo cggzxyi, inter Pascam et Penthecostem. » 



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- 158 - 

ments sur l'enfance et la jeunesse de Hidulphe, jetés cà 
et là dans les derniers chapitres, ce premier livre ne con- 
tient rien qui soit de nature à nous aider dans notre étude. 
Il n'en va pas de même du deuxième livre. En ce qui 
concerne Moyenmoutier, le récit de Jean commence à la 
fondation de l'abbaye, au moment où Hidulphe arrive dans 
les montagnes des Vosges. Jusqu'au XI^ siècle, il emprunte 
ordinairement ce qu'il relate de Hidulphe ou de notre mo- 
nastère, à la troisième Vita Hildulfi, au Libellus, à la Vita 
Deodati ou encore à Richer de Senones, mais à partir du 
XI« siècle, son récit, composé vraisemblablement d'après 
les documents qu'il avait trouvés à Moyenmoutier, devient 
plus original. 

Ainsi pour la période des origines qui nous occupe présen- 
tement et à laquelle nous revenons après cette digression 
un peu longue mais nécessaire sur l'ensemble de l'œuvre 
de Jean, nous ne devons pas nous attendre à trouver dans sa 
chronique de Moyenmoutier des éléments bien nouveaux. 
Nous pouvons d'autant moins l'espérer que le premier cha- 
pitre du second livre, celui-là même où l'auteur retraçait la 
vie de Hidulphe à Moyenmoutier, n'est pas arrivé jusqu'à 
nous dans les manuscrits. Toutefois, même pour cette pé- 
riode des commencements et malgré cette lacune regret- 
table des manuscrits, nous aurons encore quelques traits 
à recueillir dans l'œuvre de Jean de Bayon. Voilà pourquoi 
nous avons dû parler de lui dès à présent. 

La chronique de Jean de Bayon , Chronicon Mediani Mo- 
nasterii, n'a pas été encore intégralement publiée. Bel- 
homme en a édité des fragments assez importants dans 
VHistoria Mediani Monasterii (*), non seulement ceux qui 
se rapportaient de près ou de loin à l'histoire de son ab- 
baye, mais encore tous ceux, d'un intérêt plus général, qui 

(1) Belhomme, p. 228 et suivantes. 



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- 159 - 

concernaient Thistoire des ducs de Lorraine, des comtes 
de Vaudémont, des évoques de Toul, en un mot du pays 
lorrain. D. Calmet a reproduit en partie ces fragments, 
d'après le texte donné par Belhomme, dans son Histoire 
de Lorraine (^). Mais une édition, du texte complet de la 
Chronique de Jean fait encore défaut (2). 

Les manuscrits que nous avons de Jean de Bayon — et 
qui acquièrent une valeur exceptionnelle, en cette absence 
d'édition complète — ne remontent pas plus haut que le 
XVI« siècle. Le plus important (petit in-4o de 404 feuillets à 
deux colonnes, sur papier) a appartenu depuis la fin du 
XVIIe siècle jusqu'à l'époque de la Révolution, à la biblio- 
thèque de l'abbaye de Moyenmoutier (3). Après avoir fait 
partie des collections Noël, il a été acquis par la bibliothè- 
que municipale de Nancy, où il se trouve aujourd'hui (4). 
Ce n'est pas le manuscrit original (qui était sur parchemin). 
Ce n'est même pas une copie très ancienne. Elle remonte 
seulement à l'année 4544 et est l'œuvre d'un moine et curé 
de Moyenmoutier, du nom d'Albert Regnauld (Albertus Re- 
gnaldlis) (^), qui la termina le 25 novembre de cette année. 



(i) D. Calmet, Hiêtoirê derLorraine, !'• édition, t. II, preuves, col. 62. 

(S) Peut-être cette publication ne manquerait-elle pas d'intérôt. Tout récem- 
ment M. Marichal avait eU l'idée de l'entreprendre et l'on ne peut que regretter 
qu'a y ait renoncé. 

(3) D. Hyacinthe Àlliot Tavait obtenu d'un religieux tiercelin, le P. Donat, con- 
fesseur de Charles IV. Cf. Galmet, Bibliothèque lorraine, col. 87. 

(4) N* 537 du catalogue Farier. 

(5) Dans notre manuscrit de Nancy, il est vrai, fol. 90, col. 2, on lit simple- 
ment : € Finie, Domine Jheeu benignûeimo (sic), f 544. . . XXY nùvemhrie hor. 2, 
poêt meridiem, Medianimonaeterii, Amen, A, R,, » et au-dessous : c i544. 
x^T novembrie, per me do, A W. R. curaHtm MedianimonasterH, i Mais plus loin, 
fbL 103, verso, col. 1, à la fin d'une copie de l'opuscule d'flerculanus {Hereulani 
Pleitifeeim IHêtoria) qui suit la chronique de Jean de Bayon dans le manuscrit, 
on lit : < Amen, i548. . . per me Regnaldum, Medianimonasteriiindignum Christi 
mi$U$trum. » C'est déjà ce même religieux, alors curé de Raon (Alberium Re- 
gnaldum curatum Raoneneem), qui avait fait quelques années auparavant, en 
1536, la copie des Gesta senoniensis ecclesim de Richer que possède la bibliothè- 
que publique de Nancy. Voir ce manuscrit, fol. 40. 

k signaler encore à ce propos une erreur de lecture ou d'impression, au 



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- 160 - 

Cette copie est d'ailleurs défectueuse par endroits et 
en partie mutilée. Toutefois, à défaut de Toriginal et de 
copies plus anciennes, on comprend qu'elle soit d'une 
importance capitale (^). 

Les autres manuscrits, de Jean de Bayon sont moins 
importants : ce ne sont du reste que des transcriptions de 
notre copie de 4544. Le principal est celui de la Bibliothè- 
que nationale (2). La bibliothèque de Nancy possède égale- 
moins plaisanta , qui a échappé à Noël dans son Catalogue raisonné, 1. 1, p. 1, 
où il dit que notre copie de Jean de Bayon a été foite en 1544 f par M. Oo, curé de 
Moyenmoutier. » 

(1) M. Dupeux {Notice critique eur Jean de Bayon, dans les Mémoires de la 
Société d'Archéologie lorraine, 1879, p. 156), pense que cette copie de 1544 a dis- 
paru et ne saurait être par conséquent celle de la bibliothèque de Nancy. Il nie 
môme que Belhomme l'ait eue entre les mains, et il donne comme preuve un 
passage tiré des Scriptores ordinia prmdiratorum , de Quetif et Ëchard (1719, 
1. 1, p. 560), où on lit : « Eœemplar primigenium membraneum JoannisperiU,jam 
c q%te in dicto monasterio habetur tantum eœemplum chartaceum ex illo priori 
c a domno Alberto, ejus asceterii monacho et curato MDXLIV execriptum et 
« XXV novembris finitum, quodet conjiciuut ab eodem plunbus locis interpola^ 
< tum. Codex hic Mabillonio missut mihi que XIV april. MDCCXI atnice eommu- 
«c nicatus pagg. 353 in folio constat. » 

Mais cela est^il concluant? Je ne le pense pas. D'abord le manuscrit que 
nous possédons à Nancy est bien certainement du XVI* siècle, l'écriture en fait 
foi. De plus, le passage des Scriptores ord. prsRd, invoqué par M. Dupeux n'a 
nullement, croyons-nous, le sens qu'il lui attribue. Il signifie simplement ceci : 
Le manuscrit de Moyenmoutier avait été communiqué à Mabiilon pour ses tra- 
vaux historiques par les religieux de l'abbaye, et Mabiilon en avait pris ou fait 
prendre une copie qui a été gracieusement communiquée à son tour aux auteurs 
des Scriptores. C'est cette copie apparemment qui comptait 353 pages in-folio. 
Il est tout à fait invraisemblable , en effet , que Moyenmoutier ait ainsi aban- 
donné, après l'avoir recouvré depuis si peu de temps — c'était Dom Hyacinthe 
Alliot qui l'avait eu du tiercelin Donat — un manuscrit unique et le plus précieux 
de tous ceux que pouvait posséder le monastère. Le fait est même d'autant plus 
inacceptable qu'on travaillait alors à Moyenmoutier à l'histoire de l'abbaye. D'ail- 
leurs, dans le texte cité par M. Dupeux, on lit : c Jamque in dicto monasterio 
c habetur tantum exemplum chartaceum ex illo priore a domno Alberto. . . ess» 
c eriptum, » L'abbaye de Moyenmoutier ne s'en est donc pas dessaisie, puis- 
qu'elle le possède encore et que c'est là, affirme-t-on, que se trouve l'exem- 
plaire en question. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter ce que 
dit M. Dupeux. 

(3) Fonds latin, n» 10015 : c'est un petit in-folio de 410 pages. Écrit en 1682, il 
semble qu'il ait appartenu au grand prévôt de Saint-Dié, François de Riguet, qui 
en a couvert les pages de notes nombreuses. Cf. Marighal, Catalogue des mes. 
de la coll. de Lorraine à la bibl. nat., p. 382. 



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- 161 — 

ment une autre copie partielle faite par M. l'abbé Marchai 
sur deux manuscrits communiqués par le ministre de 
rinstruction publique en 4842 (^). 

Avec Jean de Bayon, Thistoire traditionnelle des origi- 
nes de l'abbaye de Moyenmoutier est désormais fixée. Les 
auteurs qui viendront après, au XYI®, au XYII®, au XVIII®, 
au XIX« siècle même et écriront sur Hidulphe et sur notre 
monastère, ne feront que reproduire ^n tout ou en partie 
les précédents récits. C'est à peine si parfois de l'un à l'au- 
tre quelque détail nouveau, presque toujours insignifiant, 
apparaît. C'est pourquoi, dans notre étude critique des 
sources de l'histoire de Moyenmoutier pour la période des 
origines, nous pouvons nous arrêter ici. 



CHAPITRE II 

LA FONDATION ET LES PREMIERS TEMPS DE L ABBAYE 
DE MOYENMOUTIER, D'APRÈS LES SOURCES ÉTUDIÉES 
AU CHAPITRE PRÉCÉDENT. — L'HISTOIRE ET LA LÉ- 
GENDE. 

Faire la part de l'histoire et de la légende dans les docu- 
ments anciens que nous venons de classer, n'est pas tou- 
jours facile. En face, en effet, des divergences considérables, 
parfois des contradictions formelles que présentent entre 

(1) Catalogue Favier, n» 538. L*an de ces manuscrits était sans doute le ma- 
nuscrit de la Bibliothèque nationale. Peut-être le second était-il celui que Noël 
(Catalogue raisonné^ I, p. 2) signale comme existant à la bibliothèque Sainte-Ge- 
neviève de Paris. Nous devons ajouteri toutefois, que nous ne Tavons pas trouvé 
dans ce dernier dépôt. 

11 



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- 462 - 

elles ces diverses relations, l'embarras de rhistorien de 
Moyenmoutier ne peut qu'être fort grand. Les Bollandistes 
au XVIIe siècle, Dom Hyacinthe AUiot et Dom Humbert 
Belhomme, abbés de Moyenmoutier, au commencement 
du XVIIIe, l'avaient bien compris. Avant eux déjà, le P. Bol- 
land s'était rendu compte de ces difficultés en apparence 
inextricables, pour la chronologie notamment, et avec le 
concours des Pères Lahier, Gamans et Wiltheim ainsi 
que d'autres érudits de ses amis, il avait longuement tra- 
vaillé à les résoudre. Pour tout concilier, Wiltheim en 
était même venu à admettre deux Hidulphe, archevêques 
de Trêves tous deux. Il écrivait en 4648 à Bolland : « Ex 
<r vita S. Deodati facile concedet Reverentia Vestra duos ad" 
« mittendos esse Hildulfos Trevirenses archiepiscopos , quod 
« ego jam antea pro indubitato habebam (^). » Le P. du 
Sollier, qui nous apprend ces détails, ajoute avec raison 
que cette supposition n'est pas nécessaire et que l'on peut 
arriver par d'autres moyens à aplanir les difficultés chro- 
nologiques et autres qu'offrent nos récits. Du moins cet 
embarras des plus célèbres érudits de l'époque, que par- 
tageront plus tard les Alliot et les Belhomme, atteste-t-il 
la complexité de la question. 

Pour nous, afin d'établir de façon aussi exacte que pos- 
sible le départ entre le vrai, le douteux et le faux dans 
l'histoire des origines de Moyenmoutier telle que l'a faite 
la tradition, nous prendrons successivement, dans l'ordre 
chronologique de leur apparition, les documents que nous 
avons indiqués plus haut. Nous suivrons de l'un à l'autre, 
par ses différentes phases, la transformation du récit pri- 
mitif. Nous noterons ce que chaque relation ajoute à celle 
qui la précède, l'origine des éléments nouveaux qui s'intro- 
duisent et partant leur valeur, bref, nous verrons comment 
peu à peu, sous l'action de causes que nous mettrons en 

(1) Acta Sanctorum, t. ill Julii, p. 196. 



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- 163 - 

lumière dans la mesure où nous le pourrons, l'histoire 
devient la légende. 

§ L - L'Histoire et la Légende dans la prbmière 

« VlTA HiLDULFI. » 

Voici tout d'abord ce que la première Vie de Hidulphe 
nous apprend du fondateur de Moyenmoutier et de l'ab- 
baye elle-même (^). 

Après quelques considérations générales sous forme 
d'introduction pieuse, l'auteur arrive à son récit. Nous 
en résumons les grandes lignes. Hidulphe naquit d'une 
famille illustre des Nerviens. Après de brillantes études 
dans des écoles ecclésiastiques, initié déjà aux mœurs clé- 
ricales par cette éducation et par toute une vie de prière, 
de charité et de bonnes œuvres, il reçoit à RatisjDonne la 
cléricature. Pépin, père de Charlemagne, gouvernait alors 
avec éclat la répubUque des Gaules, et Milon, l'archevê- 
que de Trêves, étant venu à mourir, cette ville se trouvait 
sans pasteur. Mais bientôt s'élèvent vers le ciel des priè- 
res ferventes. Tout à coup le nom de Hidulphe est pro- 
noncé. En un instant il vole de bouche en bouche. Tous 
proclament ses qualités et ses vertus, la noblesse de sa 
naissance, la distinction de sa parole, sa science pro- 
fonde, enfin l'irréprochable sainteté de sa vie (2). Son nom 
et la réputation de ses mérites arrivent jusqu'à la cour de 
Pépin, et un édit royal le place à la tête du diocèse. A 
cette nouvelle, Hidulphe, qui avait toujours désiré vivre 
dans la solitude d'un ermitage, aurait voulu se dérober 
par la fuite. Mais le peuple s'y oppose. On s'empare de sa 
personne et on l'amène d'Istrie en Gaule Belgique. C'est en 

(i) Bblhoxmb, p. 50, et Acta Sanctorum, loc. cit., p. 211. 
(2) « Vir nobiliê, lingua urbanus, êcientia eruditus, vila moribusque compoêi- 
tui, » Bblhoumb, p. 52. 



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- 464 — 

vain qu'il se déclare indigne de Tépiscopat. D'une voix 
unanime, grands et évêques, clercs, moines et fidèles l'ac- 
clament : il lui faut céder. 

Ici rhagiographe s'arrête pour jeter dans son récit une 
réflexion attristée que lui suggère la comparaison entre 
cette heureuse époque où les évêques redoutaient le far- 
deau de l'épiscopat, et les temps troublés où il vit et où Ton 
voit des rivaux se disputer à prix d'argent les honneurs 
et les profits de la charge de pontife I 

Ainsi devenu évoque malgré lui, Hidulphe remplit avec 
zèle tous les devoirs que lui imposent ses nouvelles fonc- 
tions. L'auteur nous raconte sa vie pénitente, ses mortifi- 
cations, ses austérités. Les jeûnes l'ont épuisé, au point 
que l'on croirait voir un squelette : « videres hominem exe- 
sum jejuniis vix ossibus hœrere, » Il nous dit aussi ses lon- 
gues prières, les larmes abondantes qu'il répand prosterné 
sur les tombeaux des saints, les nuits entières qu'il passe 
sans sommeil. En même temps le saint évêque s'occupe 
avec une égale sollicitude des pauvres et des riches de son 
diocèse, se dévouant à tous avec la même afl'ection. A 
ceux-ci il recommande de ne point se laisser enfler par 
l'orgueil et de ne pas fonder leurs espérances sur des 
richesses incertaines, mais de faire servir leur superflu à 
secourir l'indigence. Il exhorte ceux-là à se comporter en 
vrais pauvres d'esprit, toujours prêts à rendre grâce du 
fond du cœur au Dieu qui a dit : « Beati pauperes. » 

Chaque jour il se demande quel saint il prendra pour 
modèle, et toute journée où il n'a pas avancé dans les voies 
du Seigneur et progressé dans la pratique de ses comman- 
dements, est pour lui journée perdue. Chaque jour aussi 
il ofl're à l'autel le sacrifice des vivants et des morts. 

Sa charité envers les malheureux est inépuisable. Il est 
vraiment le refuge de toute douleur, le consolateur de 
toute affliction. A ceux qui sont nus il donne le vêtement, 



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— 165 — 

sa demeure est toujours ouverte au voyageur et jamais il 
ne rompt seul le pain de ses repas (i). 

Un des événements les plus considérables de son épis- 
copat, au dire de son biographe, fut la translation des restes 
du bienheureux Maximin, qu'il fit porter de la crypte où 
saint Paulin les avait déposés lorsqu'il les eut ramenés 
d'Aquitaine, à l'église dans laquelle on les vénérait encore 
à l'époque où écrivait l'auteur du récit. 

Cependant, dans la splendeur de son évêché, au milieu 
des sollicitudes de toute sorte qui l'absorbent, il n'a point 
renoncé aux rêves de sa jeunesse. La solitude des déserts 
et des cloîtres exerce toujours sur lui le même attrait. 
Un jour enfin, il prend la résolution de partir. C'est en vain 
qu'à cette nouvelle le peuple fidèle se récrie, en vain que 
ses ouailles de tout âge, de tout sexe, accourent à la ville 
épiscopale, poussent vers le ciel des cris déchirants — 
coomie si un fléau allait fondre sur la province (2), — et 
adressent à l'homme de Dieu les plus pressantes suppli- 
cations. Un instant ébranlé par les manifestations de cette 
grande douleur, Hidulphe fond en larmes, mais n'en per- 
siste pas moins dans son projet. Il remet son peuple à la 
garde de Dieu et s'achemine vers le désert. 

Jacob était alors évêque de Toul. Hidulphe le prie de lui 
désigner quelque lieu solitaire propice à la réalisation de 
ses desseins, comme jadis son prédécesseur Garibald l'avait 
fetit pour l'évêque de Nevers, Déodat, qui, après une vie 
sainte passée au service du Christ, avait cueilli dans la 
solitude des Vosges la couronne de l'éternel triomphe (3). 

(1) < OsHum 8uum vUUori nunquam clausit, neque buccellam suam solus corne- 
dit. 1 Bblbonmb, p. 55. 

{% « Quasi omni provinciœ exUium immineret. » Bblhommb, p. 56. 

(3) Je cite le passage à cause de son importance : « Siguidem a prœdecessore 
ejuê quondam Pontifice Garibaldo nomif^ viro œquê sanctissimo, Deodatus, vir 
summse êancUiatis olim Nevemensis episcopua renuntians sasculo, in aaltu Vosago 
locum obUnuerat, ubi sanctissime converaatus, moncisteria statuU atque poat diu- 
tmam in ChrisH agonemilitiam vilœ semUum laureatus intravit. i Bblhommb, 



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- 166 - 

Le prélat se prêta au désir de son métropolitain 0). Dans 
cette partie des Vosges où s'était jadis retiré Déodat, il y 
avait plusieurs cellœ de moines, plusieurs monastères; c'est 
au milieu de ces cellœ, dans une vallée qu'entouraient de 
toutes parts de hautes montagnes, où coulait un petit 
ruisseau au cours torrentueux, le Rabodeau, ainsi nommé 
de la rapidité de son cours, que Hidulphe, sur le conseil 
de l'évêque Jacob, se décida à fixer son séjour. C'est là 
qu'il allait jeter les fondements du monastère de Moyen- 
moutier. 

Il commença par y bâtir deux églises : l'une en l'hon- 
neur de Notre Dame, qu'il appela Médium Monasterium, 
l'autre en l'honneur de saint Pierre et de tous les Apôtres. 
Cela fait, il voulait ne plus songer à vivre que pour Dieu 
et pour son âme. 

Mais bientôt sa grande réputation de sainteté attire à 
Moyenmoutier de nombreux et illustres pèlerins. Beau- 
coup de ces pieux visiteurs se décident même à rester 
avec l'homme de Dieu, et Hidulphe qui avait été moine 
autrefois (2) — l'auteur avait sans doute oubhé de nous le 
dire plus haut — élève pour les recevoir une sorte de 
monastère. 

Pendant ce temps. Dieu faisait éclater, aux yeux de 
tous, la vertu de son serviteur. Les miracles se nulti- 
phaient au lieu de sa retraite, les populations y venaient 
chaque jour plus nombreuses, et pour donner asile à ces 
foules d^étrangers qui se succédaient au val de Moyen- 
moutier, Hidulphe dut construire des hôtelleries et, à côté, 
une église 0. Afin de ne pas troubler la tranquillité des 

p. 57; Acta Sanclorum, loc. cit., p. 212. Noua aurous d'ailleurs à reparler de ce 
texte. 

(1) L'évôchô de Toul était en effet suffragant de Trêves. 

(2) a Qaoniam ipse olimprofeittiu monachum fuirai. > Delhommb, p. 58 

(3) « Unde turbM c(h,fluentiufn ferre vîx valcnti, extra claustra Eccltbiutn ^at.c/t 
JoannU BaptUtœ œdificanê dedicaoii, alque domos in quibus ^upcrveruciUcb rect^ 
perentur comUtuit. i Belhomme, p. 58. 



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— 187 - 

moines, les hôtelleries s'élevèrent en dehors du monas- 
tère. Quant à la nouvelle égUse, elle fut dédiée à saint 
Jean Baptiste. 

Parmi les disciples qui vinrent alors se ranger sous la 
direction de notre saint, trois surtout brillaient d'un par- 
ticulier éclat. Leurs noms étaient Spinule, Jean et Bénigne. 
Frères tous trois par l'esprit et par le cœur, les deux der- 
niers l'étaient aussi par la chair et par le sang. Formés 
par Hidulphe à la pratique de la vie monastique, Jean et 
Bénigne faisaient de rapides progrès, et, des deux, c'était à 
qui l'emporterait sur l'autre en vertu , surtout en humilité 
et en obéissance. 

Jusqu'alors la mort n'avait point visité la jeune commu- 
nauté. Mais comme il fallait songer à l'heure où il faudrait 
payer à l'humaine nature cette dette d'Adam, Hidulphe 
s'occupa d'établir un cimetière. Pour le mettre à l'abri des 
eaux qui souvent inondaient la vallée, il en choisit l'em- 
placement sur une colline qui dominait l'abbaye vers le 
midi. Une quatrième église y fut fondée sous le vocable 
de saint Grégoire, pape. Hidulphe lui-même la consacra 
et bénit le champ de repos qui s'étendit tout autour. 

Sur ces entrefaites, la renommée de Hidulphe s'étant 
répandue dans des régions plus lointaines encore, son pro- 
pre frère, Erhard, revêtu lui aussi de la dignité épiscopale (^), 
vint le rejoindre à son tour et ils demeurèrent ensemble 
quelques jours. C'est alors que, pour leurs communs mé- 
rites, dit notre biographe. Dieu daigna accomplir à Moyen- 
moutier un grand mimcle. Un duc — Éthicon était son nom 
— avait une fille aveugle de naissance. Dans leur affliction, 
les parents de l'enfant l'avaient amenée aux deux saints 
pour qu'ils prissent pitié d'elle. Comme elle était encore 
païenne, Hidulphe et Erhard commencèrent par la catéchi- 
ser, puis après avoir longtemps prié, Hidulphe la baptisa 

(IJ c Ordine vero coepi$copu$. » Belhommb, p. 59. 



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— 168 - 

pendant que Erhard lui servait de parrain. prodige ! 
tandis que Teau du baptême coule sur elle, elle est illu- 
minée (^) par le corps en même temps que par l'esprit, 
la vue lui est rendue et elle reçoit le nom d'Otilia (Odile). 

Ce prodige accrut encore l'universelle vénération dont 
Hidulphe était l'objet. De bienveillants protecteurs font au 
nouveau monastère de riches donations, « ad augmentum 
loci, » Un seigneur du nom de Bégon, notamment, lui 
donne, non loin de là, un domaine qui sera par la suite 
Bégoncelle, ainsi que cette partie de notre territoire, ajoute 
Fauteur, qui s'appelle la Roche Folchon. Dans la cella qui 
s'éleva bientôt sur ce domaine et qu'il dédia à la Sainte 
Croix, Hidulphe plaça un de ses disciples de prédilection, 
Spinule. Celui-ci y étant mort avant son maître, sur un ordre 
apporté du ciel par un ange, ses restes furent ramenés au 
cimetière de Moyenmoutier. Un prodige en marqua la trans- 
lation. Un orage épouvantable venait de se déchaîner sur 
le pays. Il déracinait furieusement, tout autour du saint 
convoi, jusqu'aux chênes des forêts et aux sapins séculai- 
res, et cependant les cierges portés par les religieux qui 
accompagnaient le corps de Spinule restèrent allumés mal- 
gré la tempête. 

Les miracles, d'ailleurs, continue notre biographe, ne 
cessèrent pas au tombeau de Spinule. On y vit bientôt 
affluer un grand concours de visiteurs, attirés, les uns par 
le désir de recouvrer la santé spirituelle ou temporelle, 
les autres par les charmes du site, d'autres enfin par l'abon- 
dance des eaux (2). Ces émigrants avaient même conçu, 

(1) tf Mente et came illuminatam, » Bblhomme, p. 60. 

(2) « Aquairam abundantia» y> Belhomme, p. 62. Le biographe fait allusion ici sans 
doute à la découverte qui dut avoir lieu, vers cette époque, de puits d'eau salée 
dans les environs de Moyenmoutier. Quelques lignes plus haut, on lit dans 
notre Vita : <t Unde turbis irruentibua reperta est aqua talsissima. » Belhommb, 
p. 62. Ces puits, peu distants de Moyenmouiier, avalent dû être exploités dès 
répoque gallo-romaine. Ils étaient au nombre de trois. L'emplacement de deux 
d'entre eux est connu : l'un était situé sur la rive droite de la Meurthe, territoire 



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-^ 169 - 

ce semble, le projet d'établir une sorte de marché public 
auprès du monastère. Mais Hidulphe s'en émut pour la 
tranquillité de ses religieux. Après avoir prié à l'oratoire de 
Saint-Grégoire, il vint au tombeau du saint, et au nom de 
l'obéissance lui ordonna de cesser ses miracles (^), tout en 
lui demandant, cependant, d'appeler sur le monastère les 
bénédictions du ciel. Et soudain, ô prodige encore ! con- 
tinue la Vita, on vit obéir à un mortel celui qui avait triom- 
phé de la mort. Les miracles prirent fin. Les moines ren- 
trèrent en possession de leur solitude, mais en même temps 
les bénédictions célestes se multiplièrent sur le monastère, 
que de nouvelles et nombreuses donations ne tardèrent 
pas à enrichir. 

Pendant ce temps, Erhard, après avoir, lui aussi, élevé 
une église au val de Moyenmoutier, l'oratoire Saint-Epvre, 
avait quitté son frère. Quant à Hidulphe, il continuait sa 
vie pénitente, exhortant ses disciples à prier pour le salut 
des peuples, le bien de l'Église et la paix des rois. Enfin 
la mort après laquelle il ne cessait de soupirer, vint le 

de Saiot-Blaise, Tautre sur la riTe gauche, dans un lieu nommé Sausseray, ter- 
ritoire de la commane de Saint-Michel. D*où, yraisemhlablement, le nom de 
SlreUa Salinatorum (chemin des Sauniers) donné à la route romaine qui traver- 
sait le yal de Senone? et par où Ton conduisait dans la vallée du Rhin les sels 
fabriqués près de Moyenmoutier. L'exploitation de ces puits salants avait été 
sans doute interrompue à la suite des invasions barbares. Elle fut reprise quel- 
que temps après l'arrivée de saint Hidulphe dans les Vosges. C'est à quoi fait 
allusion la phrase citée plus haut. Mais cette nouvelle exploitation ne dura pas 
longtemps. A l'époque où fut écrite la première Vita Uildulfi (X* siècle), il est 
probable qu'elle avait déjà cessé. Plus tard, au XI* siècle, la troisième Vita Hil- 
duffi ajoutera que les sources fuient taries à la prière de saint Hidulphe et par 
un miracle de Spinule. Il est plus simple d'admettre, pensons-nous avec M. Oigot, 
c que les moines, gênés par la foule qu'attirait l'exploitation des salines et le 
commerce du sel, comblèrent de leur propre mouvement les puits creusés sur 
leur terrain. » Par la suite, les religieux obtinrent du fisc un apportionnement de 
sel aux salines de Marsal, puis de Moyenvic. Cf. Digot, Notice sur lês ancienne$ 
MlâfMt dé M&yênmautier, dans les Mémoireê de VAcadémie de Stanialas, 1846, 
p . 97 et suiv. 

(1) Ici s'arrête le manuscrit de Moyenmoutier-Nancy. Tout ce qui suit est 
emprunté par Belhomme et les éditions ultérieures au manuscrit da Saiot-Maxi- 
mio. Cf. fU|)ra, p. 141. 



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— 170 — 

visiter à son tour. Une nuit qu'il veillait dans sa œllule, il 
fut pris de la fièvre. Cette fièvre s'aggrave de jour en jour. 
Les religieux en larmes accourent au grabat du vieillard qui, 
de sa voix mourante, leur annonce encore Jésus-Christ. 
On n'entendait qu'une prière et qu'un sanglot : « Père, 
ô pasteur, n'abandonnez pas vos brebis ! » La mort avait 
déjà paralysé la moitié de son corps. Néanmoins, ému 
par les lamentations de ses disciples, il trouve la force de 
se soulever sur sa couche, il jette sur eux un dernier re- 
gard, leur souhaite la paix, abaisse une dernière fois sur 
eux sa main bénissante, exhalant son âme en une suprême 
prière : « O Deus omnipotens, humiles benedicto démens, 
praesentesqiie tuos conserva in sœculo servos, > Hidulphe, le 
fondateur de Moyenmoutier, était entré dans la gloire du 
Seigneur. C'était le 5 des ides de Juillet (}). 

Tel est, rapidement analysé, le récit de la première Vita 
Hildulfi, Quelle confiance convient-il de lui accorder? Quels 
faits certains l'histoire a-t-elle à y puiser? 

A les prendre en elles-mêmes, les données de cette pre- 
mière Vita semblent, à première vue, parfaitement accepta- 
bles. Rien que de possible et de très vraisemblable, étant 
connues les mœurs de ces premiers siècles de l'Église fran- 
que, dans l'histoire de ce jeune clerc de Ratisbonne, élevé 
par le suffrage populaire à l'épiscopat, fuyant ensuite le 
monde pour embrasser les austérités de la vie monasti- 
que, groupant autour de lui un certain nombre de disciples 
fervents, et fondant avec eux des églises, des oratoires, 
un monastère. D'autre part, tout paraît se tenir fort bien 

(1) Pour finir, l'auteur de la Vita (ait observer comme nous ravoos dit plus 
haut, qu*il emprunte tout ce qu'il vient d'écrire & une ancienne vie du saint, 
considérable eu volume, mais en si mauvais état qu*il a pu à peine en tirer les 
quelques détails qu'il a rapportés. Il ijoute ensuite la dute de la fêle de la trans- 
lation de saint Hidulphe, qui est célébrée, dit-il, le 6 des ides de novembre (8 no- 
vembre), et il conclut : c ExplicU vita sancti Hildulfi, i 



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- 171 - 

dans notre récit. Nous ne savons pas, il est vrai, quel était 
ce duc Éthicon dont il y est parlé, mais tous les autres 
personnages nous sont connus. Milon, Tarchevêque de 
Trêves a existé. Il est bien mort au temps de Pépin, et 
Jacob était certainement évêque de Toul à la même époque. 

Et cependant, lorsqu'on y regarde de près, de graves 
difficultés suivissent, et des doutes sur l'exactitude des 
écolâtres abréviateurs du X^ siècle en des points essen- 
tiels se présentent à l'esprit. 

Nous admettons comme une chose très sûre que le mo- 
nastère de Moyenmoutier a été fondé par un personnage 
nommé Hidulphe. Nous n'avons aucune raison de le met- 
tre en doute, et certainement, sur ce point fondamental, 
les écolâtres du X^ siècle n'ont pu se tromper. Ils avaient, 
pour l'affirmer, la tradition ; ils avaient aussi ce vénérable 
codex dont ils constatent et regrettent la mutilation. 

Mais tout d'abord, premier problème que nous devons 
nous poser, ce personnage du nom de Hidulphe qui a 
fondé Moyenmoutier, vivait-il, comme le prétend notre ré- 
cit, au temps de Pépin, père de Charlemagne? A-t-il succédé 
à Milon sur le siège de Trêves, et le monastère fondé par 
lui ne remonterait-il en conséquence qu'aux dernières an- 
nées du règne de Pépin le Bref, ou même peut-être au 
début de celui de Charlemagne? Il est plus que permis 
d'en douter. 

D'une part, en effet, si nous examinons les anciennes 
listes épiscopales de Trêves, nous constatons que, parmi 
ces listes, assez nombreuses cependant, une seule, celle 
d'Epternach 0), donne le nom de Hidulphe après celui de 
Milon. Encore y a-t-il lieu de croire que le rédacteur de 
ce document, qui date du XI^ siècle, aura ajouté ce nom, 
qu'il croyait omis par les catalogues antérieurs, d'après 
la Vita Hildulfi qu'il devait connaître par le manuscrit 

(1) Monumênta Germanim hUtorica, Script., t. XHI, p. 5(99. 



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— 172 — 

d'Epternach. Certes, cette omission du nom de Hidulphe 
à la suite de Milon dans les listes épiscopales est déjà si- 
gnificative. Toutefois, nous reconnaissons qu'elle n'est pas 
absolument concluante. Les anciens catalogues d'évêques 
sont souvent défectueux et incomplets. De plus, comme 
on les dressait d'ordinaire d'après les nécrologes des églises 
épiscopales où était inscrit le jour de la mort des prélats, il 
en résultait que ceux des évoques qui quittaient leur dio- 
cèse et mouraient loin de leur siège après avoir résigné 
leurs fonctions, couraient grand risque de voir leur nom 
oublié dans ces listes. Ce serait présisément le cas de 
Hidulphe (i). 

Mais nous avons des preuves autrement fortes. M. Pfister 
invoque, en particulier, le texte d'un jugeriient de Charle- 
magne qui semble tout à fait péremptoire. Il s'agit, dans 
ce document, d'un différend survenu entre les héritiers de 
Milon et l'archevêque de Trêves, Wéomad, au sujet de 
l'abbaye de Mettlach ou Mettloc. Les premiers la revendi- 
quaient comme ayant été la propriété de leur grand-oncle 
Milon. Le second, au contraire, affirmait qu'elle apparte- 
nait au siège épiscopal et à l'église de Trêves. Or, l'en- 
quête ordonnée par Charlemagne pour dirimer le litige, 
étabht que Milon avait reçu le monastère en bénéfice du 
roi Pépin, et qu'à sa mort l'évêque Hartham l'avait obtenu 
dans les mêmes conditions. N'est-ce pas, conclut avec rai- 
son M. Pfister, nous dire d'une manière très claire qu'à 
Milon succéda, sur le siège de Trêves, Hartham et non 
Hidulphe (2)? 

(i) Cf. Pfister, op. cit., dans les AnnaUê de VEst, 1889 « p. 400, et Beibomme 
qui cite, p. 28, d'après une lettre à lui envoyée par D. Martône, quelques exem- 
ples d'omissions semblables d'ôvôques sur l'existence desquels cependazH aucun 
doute n'est possible : ainsi les quatre évoques Abel, Hugues de VwmandoiSy 
Gerbert et Manassés pour Reims, l'évêque Chramlin pour Embrun. 

(2) Cf. Pfister, op. cit., Annales de VEat, 1889, p. 401. Le nom de l'évoque 
Hartham a été omis par la plupart des catalogues. H ne figure pas non plus dans 
le Gallia Chmtiana, t. XUI, col. 388. Cependant Sickel, Acta regum KaroUnorum, 
K, 97, ne conteste pas l'authenticité du diplôme «n question. 



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- 173 - 

Ce n*est pc^ tout encore, d'autres documents vont nous 
permettre de fixer, d'une manière positive cette fois et 
plus précise, l'époque à laquelle Hidulphe a vécu et fondé 
Moyenmoutier. Nous avons lu dans notre Vita que Hidulphe 
avait fait à Trêves une translation des reliques de saint 
Maximin. Or, nous avons de cette translation un autre 
récit écrit longtemps avant notre Vie, au temps même de 
Pépin et précisément par un moine de Trêves : autant de 
garanties de véracité et d'exactitude que ne saurait nous 
donner assurément la première Vita Hildulfi, composée 
seulement au X^ siècle et par un étranger qui probablement 
n'avait jamais visité Trêves. Voici le récit du moine. Je le 
cite en entier, parce que nous aurons occasion de nous en 
servir encore plus loin : « Paulo post namque antequam 
gloriosum de ipsa crypta (la crypte où saint Paulin avait 
déposé les restes de saint Maximin à leur arrivée d'Aqui- 
taine) translatum fuisset corpus, ipsa crypta ibi repleta est 
aqua, ubi haec nunquam antea nec postmodum visa fuerat, 
et per cryptam altior in gyro apparuit uniiLs mensura cubiti 
ipsumque sepulcrum minime tetigit, sed velut murus ex utra- 
que stetit parte. Tune sancti Dei, Hidulfus videlicet, Clemens 
et Lothbertus cognoverunt quod vir beatus de ipsa vellet egredi 
crypta et se ad locum ubi nunc adoratur transferri^ sicut sse- 
pius Lothberto revelatum fuit episcopo; qtiod et factum est., . 
Cooperculum vero ipsus sepulcri très illi episcopi déporta- 
verunt in unoque posuerunt angulo (i).. . ^ 

Et immédiatement après cette narration, dans les cha- 
pitres suivants, l'auteur rapporte comment le maire du pa- 
lais d'abord, Charles Martel, puis des clercs du roi Pépin 
recouvrèrent la santé au tombeau du saint. La translation 
des restes de saint Maximin et, par le fait, la vie de Hidul- 
phe, se trouvent ainsi reportées à une époque beaucoup plus 
ancienne, certainement avant le temps de Charles Martel. 

(1) Acta Sanetarum, t. VH Maii, p. 23. 



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^ 174 — 

A tous ces arguments, M. Pfister en ajoute un autre 
qui n'est pas sans valeur. Une lettre de Frothaire, évêque 
de Toul, dont nous aurons à reparler au cours de cette 
étude, nous apprend qu'au temps de Louis le Pieux un 
différend éclata entre Tabbé de Moyenmoutier, Hismond 
et les religieux du monastère, à l'occasion du partage des 
menses fait quelques années auparavant, à l'époque où 
Fortunat possédait l'abbaye (*). Or, entre Hidulphe et His- 
mond, qui vivait sous Louis le Pieux, presque au début 
du IX« siècle par conséquent, le Libelliis de successoribus 
Hildulfl, — et il n'a vraisemblablement pas inventé ces 
noms — nous apprend qu'il y avait eu comme abbés 
Leutbald, Régimbert, Sundrabert, Maldavin, Fortunat et 
Waldo. Ne serait-il pas difficile de placer ces six abbés 
dans le court intervalle qui séparerait Hidulphe de His- 
mond, si le monastère n'avait été fondé qu'au début de 
l'époque carolingienne? D'autre part, comme le fait re- 
marquer très justement encore M. Pfister, ce différend, 
ce partage des menses, ces conflits d'intérêts supposent 
un monastère qui n'est plus dans sa première ferveur, 
par conséquent un monastère qui remonte à une époque 
déjà lointaine. A elle seule, cette considération, je l'avoue, 
ne suffirait pas. Elle confirme du moins les arguments qui 
précèdent. 

De tout ce que nous venons de dire, il résulte déjà très 
clairement que les auteurs de la Vita Hildulfi du X« siècle 
se sont trompés sur l'époque à laquelle ils placent le fon- 
dateur de Moyenmoutier. S'ils se sont inspirés des anciens 
Acta du saint qu'ils disent avoir eu sous les yeux, ils s'en 
sont maladroitement servis. Ils ont voulu sans doute faire 
preuve d'érudition et de science; ils ne sont arrivés qu'à 
fausser étrangement et à égarer l'histoire. Ils auront voulu 
identifier les noms communs et vagues de roi, d'archevê- 

(1) Recueil des hiitoriens dê$ Gaules, t. V, p. 387. Cf. Pfistbr, ioc. cit., p. 402. 



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- 175- 

que, d'évêque qu'ils trouvaient dans les Acta primitifs et 
ils se sont trompés dans cette identification. Ils ont lu dans 
ces Acta : « Pépin, père de Charles, » et confondant Charles 
Martel avec Charlemagne, Pépin d'Héristal avec Pépin le 
Bref, ils ont écrit dans leur propre relation : « Pépin, père 
de Charlemagne. > Puis, consultant les catalogues épisco- 
paux de Trêves et de Toul, ils ont constaté qu'à cette 
époque, au temps de Pépin le Bref, Milon était archevêque 
de Trêves et Jacob, évêque de Toul. Dès lors, croyant faire 
oeuvre de science et préciser ce qu'il y avait de trop indé- 
terminé dans l'ancienne Vie de Hidulphe, ils y ont intro- 
duit ces deux noms propres. Avec la meilleure foi du 
monde, ils ne sont arrivés qu'à tout embrouiller. Ainsi ce 
n'est pas dans les dernières années du Ville siècle, mais 
bien à la fin du VII«, à l'époque de Pépin d'Héristal, avant 
la chute de la dynastie mérovingienne, par conséqent, que 
Hidulphe a vécu et que Moyenmoutier a été fondé. 

Mais du moins Hidulphe était-il archevêque ou évêque 
de Trêves? Nous croyons qu'il est bien difficile de se 
prononcer sur ce point de façon catégorique. Il est certain 
que Hidulphe était revêtu du caractère épiscopal et qu'il 
venait de Trêves. La tradition était là, aussi bien que les 
anciens Acta du saint, pour l'apprendre aux auteurs de 
notre Vita, et nous n'avons aucune raison de le révoquer 
en doute. Mais cet Hidulphe, revêtu du caractère épisco- 
pal, était-il évêque de Trêves ou simplement chorévêque, 
c'est-à-dire un de ces évêques auxihaires, comme il y en 
avait alors beaucoup, surtout dans de grands diocèses 
comme celui de Trêves, un de ces vicaires généraux ayant 
le caractère épiscopal, qui assistaient et remplaçaient à 
l'occasion l'évêque diocésain et titulaire? Il ne serait pas 

(1) n Uai se rappeler, en effet, que le terme d'archevêque n'était plus en usage 
à la fin de répoque mérovingienne; il ne reparaîtra qu*à l'époque carolingienne. 
Cf. Lœnino : Geschiehtê des dsuUchen Kirchenrechtê , t. U , p. Wi, n. 1. Mais ce 
n'est là qu'une question de mots qui importe peu ici. 



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- 176 - 

impossible, à la rigueur, que Hidulphe ait été archevêque 
de Trêves : l'absence de son nom sur les listes épiscopales 
n'est pas à elle seule, nous l'avons dit, une raison suffisante 
pour le nier. D'un autre côté, à supposer que Hidulphe ait 
été réellement archevêque de Trêves, s'il fallait lui trouver 
une place au VII^ siècle dans les listes épiscopales, nous 
reconnaissons que le rang que lui assigne le Gallia Chris- 
tiana, immédiatement après Numérien, aux environs de 
l'année 666, serait acceptable. Toutefois, il est permis d'a- 
bord de trouver étrange qu'il ne figure nulle part de façon 
certaine et authentique en cette qualité. Le privilège dit de 
Hidulphe, en faveur de saint Dié, pendant du privilège de 
l'archevêque Numérien, ne saurait en effet être admis (*). 
De plus, le récit de la translation de saint Maximin que 
nous avons rapporté précédemment, nous parle d'un Hi- 
dulphe qui a joué un rôle dans cette translation. Ce per- 
sonnage qui était moine à Saint-Maximin, ce semble, n'est 
autre apparemment que le fondateur de Moyenmoutier. Il 
était évêque, c'est vrai, mais au même titre que Clément 
et Lothbert, dont les noms accompagnent le sien, c Ces 
trois évêqueSy » dit simplement le récit, portèrent le cer- 
cueil et le placèrent dans un angle. 

Bref, il est certain que Hidulphe a été revêtu du carac- 
tère épiscopal, mais tout bien pesé, nous inchnerions plu- 
tôt à penser qu'il a été non pas archevêque, mais simple- 

(1) Cr. GiOUa Christiana, t. XIU, col. 386. M. Pûster, loc. cit., p. 559, montre 
fort bien comment ce priTllége prétenda de Hidulphe — que nous neoonnaitsoDB 
d'ailleurs que par la courte analyse qu'en donne la VUa Deodati {Acta Saneiorum, 
t. IV Junii, p. 731) — n'était qu'une démarcation plus ou moins voulue et plus ou 
moins habile, faite par Tauteur de la VUa Deodati, du priTilège même de Numé- 
rien. Les deux documents (titre authentique de Numérien, publié dans le (rallia 
Christiana, t. XIII, instr., col. 291, et analyse du prétendu titre de Hidulphe, 
par la Vita Deodati, § 12 et 13), se correspondent presque phrase pour phrase. 
L'auteur de la Vita Deodati avait sans doute sous les yeux la charte de Numé- 
rien, et, par une erreur de lecture peut-être, il en a mis le contenu au compte de 
Hidulphe. Voir aussi dans le même sens, Gloubt, Hiêtoire de la province de 
Trèvei,X. I, p. 649, note 1. 



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— 177 — 

ment chorévêque de Trêves, et cela pendant le temps 
même qu'il était moine à Saint-Maximin (^). 

Un antre point nous choque aussi ou du moins nous 
étonne dans la première Vita Hildulfi. Nous y voyons qu'à 
peine arrivé dans la vallée du Rabodeau, à Moyenmou- 
tier, Hidulphe y élève ou y fait élever presque en même 
temps cinq églises : les églises Notre-Dame et Saint-Pierre, 
réglise Saint-Jean, l'église Saint-Epvre, enfin l'église Saint- 
Grégoire. Assurément le nombre bientôt considérable des 
disciples qui se groupèrent autour de Hidulphe, avait dû 
nécessiter de bonne heure la construction de nouveaux 
lieux de prière. Certainement toutes ces églises existaient 
au X« siècle, et l'auteur de la Vita n'a pas inventé les 
détails qu'il donne à leur sujet. Mais remontaient-elles 
toutes réellement à Hidulphe lui-même? Nous n'oserions 
l'affirmer. Il semble plus vraisemblable d'admettre qu'elles 
n'ont été construites que peu à peu, l'une après l'autre, 
du vivant de Hidulphe et dans les premiers temps qui sui- 
virent sa mort, pour répondre aux besoins du monastère, 
des religieux, des pèlerins de passage, comme aussi des 
populations qui commençaient à se fixer et à se grouper 
aux environs de l'établissement monastique (2). 

(1) Bien qu'il n'ose pas s'élever contre ropinion traditionnelle, F. de Higuet 
«▼ait déjà yu, au XVII* siècle, les difficultés que soulève ce problème de l'archié- 
piscopat de saint Hidulphe à Trêves et les avait soumises à MabiUon. Ce dernier 
s'était même prononcé contre l'archiépiscopat. Cf. Rioubt, Observations sur les 
titres de Vinsigne église de Saint-Dié, à la suite des Mémoires hist. et chron. pour 
la vie de saint Dié, p. 57 et suiv. 

(3) Cf. Pfistbr, loc. cit., p. 403. Les deux églises Notre-Dame et Saint-Pierre 
s'àevaient apparemment sur la rive gauche du Rabodeau , au confluent du JRi- 
vus Petrosus ou Rupt-de-Pierry avec ce cours d*eau. L'église Saint-Jean et Thô- 
- toilerie à laquelle elle était jointe se trouvaient à la place où Dom Humbert 
Barrois Ût bâtir en 1750 le monastère moderne et l'église paroissiale actuelle de 
Moyenmoutier. L'église Saint-Epvre occupait, sur la rive droite du ruisseau, la 
place où fut construite plus tard l'église paroissiale, qui continua du reste à être 
dédiée à saint Epvre. Enfin l'oratoire Saint-Grégoire s'élevait sur une colline, au 
sud de Moyen moutier, là où était et où est encore aujourd'hui le cimetière. Cf. 
Chapelier, VAncienv^e abbaye de Moyenmoutier, dans le Bulletin de la Société 
pMlomaiique vosgienne, 1887-1888, p. 225. 

12 



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- 178 - 

Il est encore dans le récit de notre première Vita deux 
autres faits qui provoquent la curiosité et doivent fixer 
un instant notre attention. Je veux parler de la venue de 
saint Erhard, frère de Hidulphe, à Moyenmoutier, et du 
baptême d*Odile, fille du duc Ethicon, par les deux frères. 
Comme les documents ultérieurs que nous rencontrerons 
ne nous fourniront sur ces deux points aucune donnée nou- 
velle importante, nous croyons préférable de les étudier ici. 

Commençons par Thistoire d'Odile. 

Nous connaissons cette sainte — la patronne vénérée de 
TAlsace — et le prodige dont elle fut l'objet, surtout par 
quatre documents, d'importance diverse, que nous pouvons 
classer de la façon suivante d'après l'ordre chronologique 
probable de leur apparition : 

lo Une Vita Otiliœ que l'on a crue pendant longtemps, 
mais à tort, de beaucoup postérieure à notre première 
Vita Hildulfi (^). Par des rapprochements tout à fait con- 
cluants, M. Pfister lui a assigné comme date le début du 
Xe siècle. Elle a dû être écrite entre 900 et 950, par un 
prêtre qui a connu et peut-être desservi le monastère de 
Hohenbourg (2). Elle semblerait donc plutôt antérieure de 
quelques années à notre Vie de Hidulphe (^). 

Voici, au résumé, ce que nous y lisons sur la sainte (^). 

(i) Mabillon, ea particulier, et à sa suite, l'abbé Gyss et GranJidier en placeot 
la rédaction au XII* siècle. Cf. BBLHONifB, p. 68, et Pfister, Le duché tn^irovin'' 
gien <VA Uace et la légende de sainte Odile, dans les Annales de VEst, 1891, p. 406. 
Oom EiVBT, Hiêloire littéraire, t. VHI, p. 80, la date des environs de 1080. 

(2) Pfister. loc. cit., p. 402-407. 

(3) M. Pfister, loc. cit., p. 397, croit que la Vita Hildulfi nous donne c le plus 
ancie» récit que nous possédions sur la légende de sainte Odil e. » A notre avis, 
la Vita Hildulfi serait plutôt un peu postérieure à la Vita Otiliae. Nous croyons, 
comme nous le dirons plus loin , que Tauteur ou les auteurs de la première ont 
dû avoir connaissance de la seconde, au moins de façon vague, et nous ne pan- 
sons pas que la Vita Hildulfi marque la première étape de la légende de sainte 
Odile. Pour nous, ce ne serait que la deuxième. 

(4) Voir cette Vita OcUûe dans Mabillon, Acta Sanetorumord. S. B., S8sc« IIL 
pars II, p. 488-496, et dans les Analecta Bollandiana (édition Pflster, d'après 



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- 179 — 

Au temps de Childérifc (^), vivait un duc illustre du nom 
de Adalric ou Etih. Ce noble personnage, qui était juste et, 
quoique laïque, aspirait à vivre de la vie religieuse, avait 
fait bâtir, au sommet de la montagne de Hohenboui^ (2), 
une église et un monastère. 

Adalric avait pour femme Bereshinde ou Parsinde. Or, il 
arriva qu'il leur naquit une fille aveugle. Le père, troublé, 
crut que Dieu voulait le châtier de quelque faute et donna 
Tordre de tuer Tenfant. C'est en vain que la mère intercède 
pour elle. Le duc refuse toute consolation. Ce lui est une 
trop grande honte d'avoir une fille aveugle, et il donne 
de nouveau Tordre de la mettre à mort ou du moins de 
Temmener en un heu où elle soit à jamais soustraite aux 
regards. 

Tout anxieuse, Bereshinde se décide à confier sa mal- 
heureuse fille à une ancienne servante qui lui promet de 
la nourrir et de Télever. Mais un an n'était pas écoulé, 
que les voisins intrigués cherchaient à savoir qui était 
cette enfant de qui Ton prenait tant de soin. La nourrice, 
craignant que le secret ne fût découvert, en référa à Be- 
reshinde. Celle-ci lui ordonna de se retirer en un heu qui 
s'appelait Palma, où il y avait un monastère {cœnobium)^ 
et d'y rester cachée avec l'enfant. Elle y trouverait une 
de ses amies qui lui fournirait les choses nécessaires. La 
servante obéit. 

Cependant, le seigneur apparut en songe à un évèque de 
Bavière, du nom de Erhard — cuidam episcopo nomine Er- 
hardo de partihus Baiariorum — et lui dit : « Va au monas- 
tère de Palma; tu y trouveras une jeune fille aveugle de 
naissance; tu la baptiseras au nom de la Trinité; tu lui 

les priDcipauz manuscrits connus , surtout un manuscrit du Chapitre de Saint- 
GaU, t. XUI, 18d4). Nous n*en résumons ici que quelques traits, ceux par les- 
quels rhistoire de sainte Odile touche à Thistotre de Moyenmoutier. 

(1) ChildéricU (060.673). 

(2) Entre Barr et Obernai , en Alsace. C'est aujourd'hui le mont Sainte-Odile. 



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- 48i - 

donneras le nom d'Odile, et aussitôt baptisée, elle recou- 
vrera la vue. i> Erhard se mit en route sans tarder, et le 
prodige s'accomplit comme il avait été annoncé. Puis, ayant 
recommandé Tenfant à la communauté des religieuses, il lui 
donna le baiser de paix et s'en revint dans son pays. 

Tel est, pour le point qui nous occupe, le récit de la Vita 
Otiliœ, De Moyenmoutier et de saint Hidulphe, il n'est pas 
un instant question. Le monastère de Palma ici nommé, 
est, selon toute apparence, le monastère de Baume-les- 
Dames, en Franche-Comté, abbaye fort ancienne, qui exis- 
tait déjà certainement au commencement du Ville siècle 0). 

2o Le second document qui nous renseigne sur sainte 
Odile est précisément notre première Vita Hildulfi. Nous 
avons vu comment elle avait été rédigée vers le milieu du 
Xe siècle, par les abréviateurs de la Vita antiqxm de Hidul- 
phe. 

Nous savons en quels termes elle raconte les faits relatifs 
à Odile. La brève esquisse qu'elle nous trace diffère sin- 
gulièrement de l'histoire que nous venons de lire dans la 
Vita Otiliœ, Odile nous y est donnée encore comme la fille 
d'un duc du nom de Ethicon — amplification de la forme 
Etih, — mais la scène, le décor, les personnages même 
sont à peine reconnaissables. De la Vita Otilise à la Vita 
Hildulfi, la légende a subi une série de transformations. 

Transformation d'abord dans les dispositions du père 
de la sainte. Tandis que la Vie d'Odile nous le montre 
inexorablement cruel, humilié d'avoir donné le jour à une 
fille aveugle, la vouant à la mort, exigeant tout au moins 
qu'elle soit emmenée bien loin de sa présence, nous le 
voyons dans la Vie de Hidulphe, solliciter pieusement avec 
Bereshinde, pour la guérison de l'enfant, la miséricorde 
divine. 

(1) PfistbR) loc. cit., p. 420. Baume-les-Oames est aujourd'hui chef-lieu d'ar- 
rondissement , défMrtement du Doubs. 



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~ 181 — 

Transformation aussi, — et celle-ci plus digne d'atten- 
tion pour nous — dans les indications topographiques. La 
Vita Otiliœ nous avait dit qu'Odile avait été cachée, nour- 
rie, élevée, puis baptisée et miraculeusement guérie dans 
un couvent que l'auteur désigne, de façon assez vague 
d'ailleurs, sous le nom de Palma. Dans la Vita Hildulfi, 
ce monastère de Palma n'est même pas nommé, et c'est 
à Moyenmoutier, dans la vallée du Rabodeau, au monas- 
tère fondé par Hidulphe, que s'est déroulée la merveil- 
leuse histoire : sans l'affirmer de façon formelle, on le 
laisse suffisamment entendre. 

EInfin, la Vita Otiliœ n'attribuait le baptême et la guéri- 
son de la sainte qu'au seul évêque Erhard, sans faire en 
rien mention, même incidemment, de Hidulphe, dont le 
nom n'est pas prononcé une seule fois. Dans le récit de la 
Vita Hildulfi, au contraire, le fondateur de Moyenmoutier 
assiste Erhard ; il intervient au même titre que lui ; il joue 
dans le baptême et la guérison de l'enfant un rôle aussi 
important, plus important même que celui de Erhard : 
c'est Hidulphe, en effet, qui confère le baptême, Erhard ser- 
vant seulement de« parrain. En tout cas, c'est à l'interven- 
tion des deux saints, c'est à leurs prières réunies, c'est à 
leurs mérites communs que Ton fait remonter le prodige. 

Les deux versions qui précèdent, — celle de la Vita 
Otiliss et celle de la Vita Hildulfi — ont servi de base aux 
récits ultérieurs, qui tous s'inspirent plus ou moins de 
l'une ou de l'autre, ou parfois essayent, dans la mesure 
du possible, de les combiner ensemble et de les concilier. 

3^ Cette tentative de conciliation est surtout frappante 
dans le document que nous avons à signaler en troi- 
sième lieu : une légende ou courte vie d'Odile contenue 
dans un manuscrit de Berne et récemment publiée par 
M. Pfister C^). Ce manuscrit, qui provient d'une église No- 

(1) Annales de VEzt, 18i>l, article cité, p. 400, note. 



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- 182 - 

tre-Dame, — peut-être de Strasbourg (^), — paraît re- 
monter au Xle siècle (2). Il renferme une série de Vies de 
saints et des homélies. A la date des ides de décembre 
(13 décembre), on y lit : « Aujourd'hui on célèbre Tan- 
niversaire de la mort de sainte Odile, vierge. Elle eut pour 
père Adalric ou Atic, et pour mère Berhtswinde. Ils étaient 
issus d'une très noble race de Francs. Atic avait sous le 
roi Childéric le gouvernement de toute la Bourgogne et de 
TAlsace ; dans cette province il fit élever à grands frais et 
avec une grande magnificence, au sommet d'une montagne 
qu'on nomme Hohenbourg, un monastère de religieuses 
consacré à Notre Dame. . . Or, la bienheureuse Odile était 
née aveugle. Mais elle fut baptisée par les évoques Hidul- 
phe, évêque de Trêves, et Erhard, son frère, évêque de 
Ratisbonne, et elle recouvra la vue. » 

Ainsi se trouvent conciliées et fondues en manière de 
résumé, dans ce court récit, les données fournies par la 
Vita Otilix et la Vita Hildidfi. L'auteur à qui nous devons 
ce document a soigneusement laissé de côté ce qu'il trou- 
vait de contradictoire dans les deux Vies. Il ne nous dit 
rien des dispositions du père d'Odile. Il se tait également 
sur le heu du baptême et du miracle, ne se prononçant ni 
pour le couvent de Palma, ni pour le monastère de Moyen- 
moutier, et se contente de dire qu'Odile a été baptisée par 
deux évêques : Hidulphe, évêque de Trêves, et Erhard, 
évêque de Ratisbonne. 

(1) Annales de VEst, 1891, article cité, p. 399. 

(2) Sur la foi du catalogue Hagea des manuscrits de Berne, M. Pfister, loc. 
cit., p. 399, avait d'abord assigné comm3 date à celte brève notice, le IX* siècle. 
Elle eût eu dès lors une extrètne importance, cir c'eût été le plus ancien de tous 
les récits qui nous parlent d'Odile. Malheureusement cette date était erronée. 
M. Wiegand a fait remarquer depuis (Zeittchrift fur diê Geschichle des Oberrheins, 
neue Folge, t. VII, p. 731), que le manuscrit en question de Berne ne peut remon- 
ter au delà de la fin du X* siècle, et appartient en réalité au XI* siècle. Dés lors la 
notice d'Odile qu'on y trouve, loin d'être la source, une des sources au moins des 
récits postérieurs, n'en est, comme nous allons le montrer, qu'un résumé. Cf. 
Pfistbr, La Vie de sainte Odile (extrait des Analeeta Bollandiana, 1884, p. 9). 



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— 183 — 

Ce n'est pas tout. Sur les entrefaites, la troisième Vita 
Hildulfi, dont nous parlerons plus loin, a fait son appari- 
tion. Le rédacteur de la notice du manuscrit de Berne en a 
eu connaissance. Il y a vu que (^) sur deux points cette troi- 
sième Vie de Hidulphe précisait la première. Le duc Éthicon 
y est devenu duc d'Alsace, dxicis Elisatii, et Erhard , dont 
les premiers biographes du fondateur de Moyenmoutier ne 
nous disaient pas le siège épiscopal, évêque de Ratisbonne. 
De là les additions que nous trouvons dans cette notice de 
Berne. Adalric ou Étih nous est présenté comme chargé 
du gouvernement de TAlsace et de la Bourgogne. (Peut- 
être est-ce encore pour concilier les deux versions que le 
rédacteur écrit : Totius Burgundie sive Alsatie, afin d'ex- 
pliquer plus facilement comment Ton a pu assigner comme 
théâtre de Thistoire miraculeuse d'Odile le couvent de 
Palma). D'autre part, Erhard, l'évèque bavarois, dont ni 
la vie d'Odile, ni la première Vie de Hidulphe ne nous 
disaient le siège, est donné comme évêque de Ratisbonne, 
au même titre que Hidulphe, évêque de Trêves. L'auteur, 
pas plus d'ailleurs que l'auteur de la troisième Vie de Hi- 
dulphe, ne prend pas garde qu'à cette époque le siège 
épiscopal de Ratisbonne n'existait pas encore. 

40 Enfui une Vita Erhardi écrite à la fin du XI^ ou au 
commencement du XH® siècle, par un moine bavarois du 
nom de Paul, nous fournit un quatrième récit de l'histoire 
d'Odile (2). Ici, toutefois, l'auteur n'essaye pas de conci- 
lier les deux versions opposées des Vies de Hidulphe et 
d'Odile. Il se contente de résumer la Fi7a Otilix, sans faire 
intervenir en rien Hidulphe ni Moyenmoutier. Et cepen- 
dant il avait connaissance, c'est lui-même qui nous le dit, 
de la Vita Hildulfi (3). Il avait constaté la contradiction qui 

(1) Cf. infra, $ IH. 

(2) Acia Sanctoram, t. I lanuarii, Vita Erhardi, cap. 3, p. 536-537. 

(3) De la première Vita Hildulfi seulement , selon toute apparence, car il ne 
DOU8 dit pas qu*ÉthicoQ était duc d'Alsace, ni Erhard, évdque de HaUsboune. 



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— 184 — 

existait entre les deux documents. Cette contradiction, il 
la signale au lecteur, mais il ajoute qu'il croit le récit de la 
Vita Otilix plus rapproché de la vérité et il Tadopte (}). 
Peu importe d'ailleurs qu'il se trompe, observe-t-il pour 
conclure, « car lorsqu'on écrit les vies des saints, c'est 
avant tout la gloire de Dieu manifestée par leurs mérites 
qu'il faut prêcher (2). ï> 

Tels sont, résumés à grands traits, les quatre récits les 
plus anciens que nous ayons sous les yeux. Nous n'en 
avons dégagé que les faits par lesquels l'histoire d'Odile 
tient à celle de Moyenmoutier. Mais ils suffisent à nous 
éclairer. 

Ces quatre récits, nous l'avons montré, se ramènent 
eux-mêmes à deux : le récit de la Vita Otiliie et celui de 
la première Vita Hildulfiy et ces deux versions primordia- 
les de la légende sont contradictoires en bien des points. 
A laquelle dès lors convient-il d'accorder créance? Et jus- 
qu'à quel point notre Vie de Hidulphe, qui fait venir Odile 
à Moyenmoutier et là, nous la montre recevant le baptême 
des mains de Hidulphe et de Erhard, mérite-t-elle confiance? 

La Vita Otilise étant probablement antérieure, au moins 
de quelques années, à la Vita Hildulfi et ayant été rédigée 
par un prêtre du monastère même de Hohenbourg (3), il 
semble a priori qu'à elle d'abord doivent aller nos préfé- 
rences (4). Mais comment expliquer alors la formation du 
récit contradictoire donné par le biographe de Hidulphe? 

(1) a Sed quia in B. Hildulfi vita i^criptum eut ipsum eam baphzoêMef ùtfutn que 
sanctum virum (Erhardum) eam de fonte levasse, nt'ijligenter hune locum relin- 
quere visum non est, sed admonere quid horuin verius $it, de sanctae Olilim vitm 
quœrendum. » ActaSS., loc. cit., p. 537. 

(2) .., ut laus Dei ex eorum prgsiicetur mentis^ et non ex nobit, non, inquam, 
ex mendacio scribentis. » A.cta SS , loc. cit., p. 537. . 

(3) Cf. supra, p. 178. 

(i) M. Prtster {innalesde VEst, article cité. p. IW7 et suiv.^ pjnse que Taii- 
teur de la Vita Otiliœ a connu la Vita Hildulfi et s'en inspire pour la légende 
d'Odile. Nous croyons que c'est plutôt le contraire qui est la vérité. Cf. iufra, 
p. 185. 



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— 185 — 

Si la version de la Vita Otiliœ est exacte, nécessairement 
celle de la Vita Hildulfi est erronée : comment expliquer 
dès lors qu'elle ait pu prendre naissance et se développer? 

Nous nous imaginerions volontiers que les choses se sont 
passées de la façon suivante. Nous nous rappelons com- 
ment notre Vita Hildulfi a été écrite. Les écolâtres abrévia- 
teurs du X^ siècle qui l'ont composée, avaient sous les 
yeux une Vita antiqua Hildulfi, Cette ancienne Vie, ils n'ont 
guère fait, en bien des points, que la résumer. Mais nous 
avons constaté aussi plus haut que, voulant faire étalage de 
science, ils y avaient fait à l'occasion plus d'une addition 
maladroite. Si je ne m'abuse, c'est une nouvelle maladresse 
de ce genre qu'ils auront commise pour l'histoire d'Odile. 

Entre Hohenbourg et la vallée du Rabodeau, il n'y avait 
guère qu'une journée de chemin. De plus, des relations fré- 
quentes et suivies devaient exister entre Moyenmoutier et 
cette partie de l'Alsace. De très bonne heure, en effet, nous 
le dirons, l'abbaye avait possédé et elle continuait à pos- 
séder au X« siècle des biens considérables à Niedernai, au 
pied même de la montagne de Hohenbourg. Les rehgieux 
de Moyenmoutier y avaient même fondé une sorte de 
prieuré, le prieuré de Feldkirch. Étant donné cet ensem- 
ble de circonstances, on avait dû certainement avoir 
connaissance à Moyenmoutier de la Vita Otiliœ, composée 
et conservée à Hohenbourg. Les abréviateurs de la Vita 
Hildulfi l'avaient lue peut-être ou du moins en avaient 
entendu parler par des moines de Moyenmoutier que les 
intérêts du monastère avaient conduits à Feldkirch. Ils se 
rappelaient le nom de Erhard, cet évêque du pays de 
Bavière qui avait baptisé et guéri Odile. Ils se rappelaient 
aussi celui du couvent de Palma, où avait eu heu le pro- 
dige. Or, il se trouvait qu'à Moyenmoutier même une 
montagne, un rocher plutôt (i), portait ce nom de Balma 

(1) Cesi 1* Haut» Pierre, montogne qui domine Bfoyenraoutier. 



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- 186 — 

ou Palma. Peut-être aussi dans la Vita antiqua Hildulfi — 
nous pouvons admettre le fait — était-il question d'un 
frère de Hidulphe qui serait venu le visiter à Moyenmou- 
tier et qui aurait porté également le nom de Erhard? En 
tout cas, les auteurs de la Vita Hildulfi ont pu recueillir et 
rapprocher toutes ces données, et avec la même mala- 
dresse avec laquelle ils ont glissé dans leur récit, nous 
Tavons vu, les noms de Pépin le Bref, de Gharlemagne, de 
Milon, archevêque de Trêves, de Jacob, évêque de Toul (i), 
ils y auront introduit l'histoire d'Odile, dont ils croyaient, 
à tort, pouvoir faire honneur à Moyenmoutier. Voilà, à 
notre avis, comment Hidulphe, le fondateur de Moyen- 
moutier se trouva jouer un rôle dans l'histoire de la pa- 
tronne de l'Alsace. Pour nous, nous ne pensons pas que 
cet épisode ait un fondement certain, et nous ne nous 
croyons pas autorisé à accorder droit de cité à cette lé- 
gende d'Odile dans l'histoire de Moyenmoutier (2). 

Quant au saint personnage du nom de Erhard que notre 

(1) Cf. supra, p. 174. 

(2) Belhomme, p. 68 et suiv., soutient de toutes ses forces la thèse opposée, et 
essaye d'établir par toutes sortes d'argumeots que le baptême d'Odile a réelle- 
ment eu lieu à Moyenmoutier, dans l'église dédiée à saint Jean- Baptiste. Il com« 
roence par révoquer en doute le témoignage de la Vita OtiUm, dont il place à tort 
la rédaction, à la suite de Mabillon, seulement au XII* siècle. Il en relève et en 
exagère les contradictions. Puis il lui oppose la tradition de Moyenmoutier, tra- 
dition constante, dit-il, attestée par les anciens livres liturgiques de l'abbaye, en 
particulier les répons composés au XI* siècle par le cardinal Humbert et un an- 
cien lectionnaire ; — attestée aussi par la fête de la sainte qui se célébrait de 
temps immémorial à Moyenmoutier, sous le rit<) double ; — attestée enfin par 
les bas-reliefs en argent de l'ancienne ch&sse de saint Hidulphe, où un artiste du 
XII* siècle avait représenté, d'une part, Adalric et sa femme Bereshinde, amenant 
Odile à Hidulphe , d'autre part, l'enfant recevant le baptême par immersion des 
mains du saint, tandis qu'Erhard la lève des fonts. (Deux planches insérées 
dans VHistoria Mediani Monasterii, p. 48, reproduisent ces bas-reliefs.) Pour 
finir, Belhomme s'efforce de réfuter Le Cointe, qui avait exposé une opinion con- 
traire à la sienne, et de montrer que l'appellation de Palma ou de Balma, donnée 
quelquûfois à la montagne de la Haute-Pierre qui dominait l'abbaye, a pu être 
employée pour désigner le monastère de Moyenmoutier. Dans cette longue ar- 
gumentation, il faut bien reconnaître que l'abbé de Moyenmoutier, pour faire 
triompher sa thèse, apporte plus de bonne volonté que de raisons concluantes. 



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- 187 - 

Vita donne comme frère au fondateur de notre abbaye, son 
histoire est étroitement liée à celles d'Odile et de Hidulphe. 
Ce sont les mêmes documents qui nous la font connaître, à 
savoir : nos Vitœ Hildulfi, la Vita Otiliœ et la courte notice 
du manuscrit de Berne. La Vita Erhardi (i), écrite à la fin 
du XI« ou au commencement du XII^ siècle par le moine 
bavarois Paul et la plus ancienne des Vies d'Erhard que 
nous possédions, s'inspire visiblement des précédents do- 
cuments. 

En ce qui le concerne, c'est donc encore à la Vita Otilix 
et à la première Vita Hildulfi — les deux œuvres primor- 
diales — que nous devons essayer de demander la vérité. 
Or, nous nous rappelons ce que disent à son sujet ces 
deux Vies. La Vita Otiliœ nous le représente comme un 
évèque du pays de Bavière — cuidam episcopo nomine 
Erhardo de partibus Baiariorum — qui vient au monastère 
de Palma et y baptise la fille d'Adalric, Odile. De son côté, 
notre première Vita Hildulfi nous parle d'un personnage de 
ce même nom de Erhard, frère de saint Hidulphe, comme 
lui revêtu de la dignité épiscopale, qui vient visiter son 
frère dans la vallée du Rabodeau, partage quelque temps 
sa solitude, élève à Moyenmoutier l'oratoire Saint-Epvre, 
prend part avec Hidulphe au baptême miraculeux d'Odile, 
puis le quitte pour retourner sans doute vers le pays d'où 
il était venu. 

A cela se bornent les renseignements fournis par nos 
deux vies d'Odile et de Hidulphe. Nous avons dit déjà que 
nous ne pçuvions admettre, dans le dernier récit, l'épisode 
du baptême d'Odile à Moyenmoutier. Mais si l'on met à 



(1) Acta Sanctorum^ t. I Januarii, p. 535-537. Les BoUandistes foofc suivre 
cette première Vita Enhardi de deux autres, mais qui ont beaucoup moins d'im- 
portance encore. L'une n'est qu'un abrégé de cette première Vie; Tautre, compo- 
sée vers 1340 par un chanoine de Ratisbonne, Conrad de Megenberg {de Monte 
PueUarum), n'en est qu'une paraphrase. Cf. Pfister, Annales de VEst, 1892, 
p. 27-29. 



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— 188 - 

part cet épisode, qui est certainement et visiblement une 
superfétation maladroite ajoutée par les biographes du 
Xe siècle, peut-être n'est-il pas impossible, en rapprochant 
les deux versions et en les comparant avec d'autres don- 
nées puisées ailleurs, d'en dégager quelques probabilités. 

Observons d'abord qu'à l'époque précisément où se pla- 
cent l'histoire de Hidulphe et celle d'Odile, nous trou- 
vons, en effet, en Bavière, au pays de Ratisbonne, un 
évêque du nom de Erhard. C'est un évêque régionnaire (^). 
Il est cité dans un livre de confraternité de Salzbourg (2). 
Il nous semble dès lors possible d'admettre que c'est bien 
cet Erhard qui est venu baptiser Odile au monastère de 
Palma, à Baume -les -Dames ou ailleurs, peu nous im- 
porte ici. 

Ce n'est pas tout. Selon toute vraisemblance, les auteurs 
de la première Vita Hildulfi ont dû trouver dans la Vita 
antiqua dont s'inspire leur récit, ce même nom de Erhard 
donné à un frère de Hidulphe. Nous n'avons pas le droit 
de supposer qu'ils l'aient inventé; ils n'avaient aucune rai- 
son de le faire, et même nous avons dit plus haut comment, 
à notre avis, c'est parce qu'ils avaient trouvé ce nom de 
Erhard dans la Vie primitive, qu'ils ont été amenés à y 
introduire la légende d'Odile dont ils avaient par l'Alsace 
une vague connaissance. Dès lors, ici encore, sans rien 
affirmer, nous nous imaginerions volontiers que les choses 
ont pu se passer ainsi : Erhard, évêque régionnaire au 



(1) Le siège proprement épiscopal de Ratisbonne n'existait pas encore. Il ne 
sera fondé que plusieurs annnées après par saint Boniface. 

(2) Pfistkr, Le Dxiché mérovingien d'Alsace, loc. cit., p. 398, d'après J. Frie- 
drich, Das xvahre Zeitalter des heiligen Rupert, Apostels der Baiern, p. 43, n. 1. 

(3) L'expression môme dont se sert la Vita Otilm pour désigner Erhard , nous 
semble une garantie de vérité. Elle dit simplement en parlant de lui, c episcopus, . . 
deparlibus Baiariorum, » ce qui est très juste pour un évêque régionnaire. Plus 
tard, dans les récits ultérieurs, on précisera, mais & tort, et l'on dira : < Erhard, 
évoque de Ratisbonne. » Voir, par exemple, la troisième Vita Hildulfi (chap. XVIII) 
et la notice du ms. de Berne. 



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— 189 — 

payg de Ratisbonne, est venu visiter Hidulphe dans sa 
solitude. Il a séjourné quelque temps avec lui dans la vallée 
du Rabodeau, y a élevé peut-être l'oratoire Saint-Epvre 
que la tradition lui attribuera plus tard, puis Ta quitté pour 
retourner dans son pays de Bavière. C'est au cours de ce 
voyage, à l'aller ou au retour, qu'il aurait baptisé la fille 
du duc Adalric, Odile. 

Tout ceci, nous l'avouons, n'est qu'une hypothèse, mais 
à défaut de certitude, c'est l'hypothèse qui nous paraît la 
plus acceptable (^). 

Quoi qu'il en soit de ces divers points, nous croyons 
avoir suffisamment montré qu'on ne saurait accepter sans 
un contrôle sérieux et sans de grandes réserves, le récit 
de notre première Vita sur les origines de Moyenmoutier. 
L'histoire ne peut guère en retenir que ceci : l'abbaye de 
Moyenmoutier a été fondée par un saint personnage du 
nom de Hidulphe (^), qui résidait à Trêves avant l'époque 
de Charles Martel, peut-être au temps de Pépin d'Héristal, 
qui était apparemment moine à Saint-Maximin , certaine- 



(1) Qttiriqaes auteurs anciens , — entre autres le P. Christophe Brower, dans 
ses AntiquitateB et Annales Trevirensium , — assignent à Erhard comme siège 
Apiscopal la ville de Ardacha (province de Leinster, Irlande). De mâme, la plu- 
part des historiens qui font Hidulphe de race irlandaise et dont nous parlerons 
plus loin, mais cette hypothèse ne repose sur aucune donnée sérieuse. Cf. Bel- 
homme, p. 68. 

Le souvenir de saint Erhard s'est perpétué jusqu'à la Révolution, à Moyenmou- 
tier, dans l'église Saint-Epvre, dont la tradition lui attribuait la construction et 
la consécration. Cette église, restaurée et reconstruite au cours des siècles sui- 
vants, a servi d'église paroissiale jusqu'en 1783. Vendue en 092 comme bien 
national, elle a été transformée en habitations particulières. Mais Tédifice est 
encore aujourd'hui très reconnaissable par la forme de sa toiture et de ses fenê- 
tres. Cf. Chapeubr, L'Ancienne Abbaye de Moyenmoutier, loc. cit., p. 229. 

Llabbaye de Moyenmoutier célébrait la fête de saint Erhard le -23 janvier, par 
un office à trois leçons. On conserve aussi à Moyenmoutier quelques fragments 
de ses reliques. Cf. l'abbé L'hote, La Vie de» Saints du diocèse de Saint-Dié, 
article aainfÉrard. 

(3) La dtseussion relative à la patrie et au pays d'origine de Hidulphe, trouvera 
mieux sa place plus bas , quand nous aurons vu les données nouvelles ajoutées 
par la troisième Vita. Cf. infra, p. 192. 



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— 190 - 

ment revêtu du caractère épiscopal, mais très probable- 
ment simple chorévêque de Trêves. Ce personnage, recom- 
mandable par ses vertus et sa sainteté, quitta Trêves et 
ses fonctions de chorévêque pour venir achever ses jours 
dans la solitude des forêts vosgiennes. Il se fixa dans une 
gorge de la vallée du Rabodeau et y jeta les fondements 
d'un monastère. Bientôt de nombreux disciples vinrent 
l'y rejoindre. Parmi eux, trois surtout se distinguèrent et 
ont laissé dans l'histoire de l'abbaye un nom célèbre : Spi- 
nule et les deux frères Jean et Bénigne. Pendant qu'il était 
à Moyenmoutier, il reçut la visite d'un saint personnage 
du nom de Erhard, qui était probablement son frère et 
peut-être évêque régionnaire au pays de Ratisbonne. 



§ II. — L'Histoire et la Légende dans la deuxième t Vita 

HiLDULFI. » 



La deuxième Vita, qui n'est qu'un pâle résumé de la 
précédente, ne pourra nécessairement rien y ajouter. Ainsi 
elle ne nous dit pas plus que la première Vie de quel pays 
Éthicon, père d'Odile, était duc. Elle reproduit la même 
erreur relative à Pépin, et d'autre part elle résume mal et 
d'une façon incomplète ce qu'ont écrit les auteurs du X« siè- 
cle. Elle omet des détails importants; en particulier, elle 
n'attribue à Hidulphe que la construction de trois églises : 
Notre-Dame, Saint-Pierre et Saint-Jean (^). Enfin, et ceci 
me paraît curieux à signaler, non seulement elle ne parle 
pas plus que la première Vita des relations de Hidulphe et 
de Déodat, mais elle semble même insinuer de façon plus 
positive encore que les deux saints n'étaient pas contem- 
porains. La phrase mérite d'être citée : a: QuiJacohus insallu 
Vosagi ubi sanctorum virorum cellulœ inerant, siquidem Deo- 

(1) Pfistbr, AnnaUi de VEst, 1889, p. 536. 



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- 191 - 

datiAs Nevernensis episcopus quondam sœculo renuiicians 
ibidem habitaverat (^) . . . » Ce plus que parfait n'est-il pas 
significatif? Ne laisse-t-il pas entendre clairement qu'au 
temps où l'auteur écrivait, on ne songeait nullement à 
rapprocher nos deux saints, mais qu'au contraire, on 
était persuadé qu'ils s'étaient plutôt succédé dans les re- 
traites des Vosges (2)? 



§ III. — L'Histoire et la Légende dans la troisième 

€ VlTA HiLDULFI. » 

La troisième Vita Hildulfi nous arrêtera plus longtemps. 
Ck)mme nous l'avons dit précédemment, cette troisième Vie 
n'est autre chose que la première largement interpolée. Elle 
n'en est qu'une amplification, parfois très inhabile. En y 
pratiquant simplement des coupures et des suppressions, 
on pourrait reconstituer presque en son entier le récit des 
écolâtres abréviateurs du X^ siècle. Les développements 
surajoutés seuls sont l'œuvre personnelle de l'auteur de la 
Vita sous cette troisième forme. 

Voyons rapidement quelle est la nature de ces dévelop- 
pements, comme aussi l'autorité qu'ils présentent et la 
valeur que l'historien de Moyenmoutier doit leur attribuer. 

Je ne m'arrête pas aux développements moraux, orne- 
ments obligatoires de toute vie de saint et qui, du reste, 
se retrouvent à peu près les mêmes partout : ils ne nous 
apprennent rien sur l'histoire de saint Hidulphe et de 
Moyenmoutier. 

Nous pouvons laisser de côté aussi presque tous les 
développements historiques d'ordre général. L'auteur les 

(1) Bblhommi, p. 78; Àcta Sanctorum, tom. cit., p- ^16. 

(3) Belhomme signale une faute de copiste qui s'est glissée dans ce document 
à la dernière ligne. Le manuscrit portait comme date de la mort de Hidulphe 
c quiniù iduijunii, i c'est c julii 9 qu'il faut lire. 



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— 192 — 

emprunte d'ordinaire à des chroniques universelles, et ils 
ne sauraient nous être de grande utilité. Nous n'en re- 
tiendrons qu'un seul. Au chapitre I«»*, après avoir repro- 
duit ce que nous avons lu dans la première Vie au sujet 
de la patrie de Hidulphe : a: qui claro Nerviorum génère 
ortus, » rinterpolateur ajoute en manière de commentaire : 
« Circa illius temporis setatem Garibaldus regebat eamdetn 
Noricorum id est Baiariorum gentem, ctijtis filiam nomme 
Teudelingam Agilulfus rex Longobardorum sortilus fuerat 
uxorem (i). ï) Notons ce détail, car il a son importance. 
Jusqu'à présent, nous ignorions la patrie de Hidulphe. La 
première Vita nous avait dit seulement en termes vagues 
qu'il était de la race des Nerviens et tous les manuscrits 
connus de Belhomme reproduisaient bien cette lecture (2). 
Au mot Nei^ii, la troisième Vita accole le mot Norici. 
C'est le point de départ de la substitution qui va être 
faite désormais de ce second terme au premier par tous 
les auteurs qui écriront, au cours des siècles suivants, 
sur saint Hidulphe et sur Moyenmoutier. On comprendra 
mieux ainsi comment Erhard, évêque du pays de Ratis- 
bonne, est frère de Hidulphe, comment aussi Hidulphe a 
pu être initié à la cléricature dans cette ville. Plus tard 
Richer nous dira même, en termes presque formels, qu'il 
y est né (3). 



(1) Belhomme, p. 83. 

(2) Belhomme, p. 8. 

(3) Gesta Senoniensis eccle$im, 1, 11, éd. Waitz, Mon. Gêrm. hist,, SS., t. xxv, 
p. 202. Cette question du pays d*origiDe de saint Hidulphe ne pourra jamais 
être complètement élucidée. Quelques historiens, s'appuyant sur une leçon 
d'un manuscrit de Paderborn où on lisait : «c Nierniorum claro ortus génère, » 
ont même fait venir notre saint dlrlande. Nierniorum eût été alors une altération 
de Ivemiorum ou Ibemiorum. Cf. Acta SS., t. I januarii, p. 534, et Belhomme, 
p. 6. Mais cette hypothèse ne présentait pas un fondement assez soUde pour 
qu'on s'y arrêtât sérieusement, et la discussion est restée circonscrite entre 
le pays des Nervii — pays voisin du pays de Trêves et borné au sud par 
les sources de l'Escaut, de la Sambre et de l'Oise, à l'ouest et au nord par 
l'Escaut, au nord-est et à l'est par la Dyle et la Sambre — et le pays des Norici 



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— 193 — 

Les développements relatifs à l'histoire locale nous arrête- 
ront plus longtemps. Je les résume d'abord brièvement. 

L'auteur avait lu dans la première Vita que Hidulphe 
était venu à Trêves, appelé comme évêque par le suffrage 
populaire : pour expliquer comment il y est connu, il l'y 
fait venir dans sa jeunesse (^). Il a vu aussi, d'une façon 
incidente, que Hidulphe avait été moine autrefois : il n'hé- 
site pas dès lors à lui faire embrasser la vie monastique à 
Trêves (2). Par ce moyen les choses s'expliquent d'elles- 
mêmes : Milon a remarqué ce moine que distinguaient 
entre tous sa science, sa sagesse, ses vertus; il le tire de 
son monastère et se l'adjoint comme auxihaire dans la 
charge épiscopale. La première Vita ne nous parlait que 
d'une façon assez vague de son projet de fuite pour échap- 

00 Bavarois. Comme le plus ancien des documents qui nous parle de Hidulphe, 
le fait Tenir du pays des Nervii -~ et c'était la leçon de presque tous les manus- 
crits , on seul, ce semble, faisant exception et donnant Niemiorum au lieu de 
Nêrvioarum — il nous parait difficile, malgré les longues explications qu'essaye 
de donner Belhomme, p. 6-9, d'admettre comme certaine Torigine bavaroise du 
saint. La seule raison apportée par Tauteur de ïEwtoria Mediani Monasterii est 
l'adjonction, par l'interpolateur de la troisième Vita, de la phrase : « circa illius 
temporis mtatem,.» eamdem Noricorum td est Baioariorum gentem,.. i après 
les mots claro ex Nerviorum génère s de la première Vie. Il en conclut que, de 
toute évidence, Tinterpolateor a voulu corriger ce qu'il regardait comme une 
faute. Nous l'accordons volontiers ; mais cela ne prouve pas qu'il y ait eu réel- 
lement faute. 11 serait bien singulier que cette faute se fût trouvée dans tous les 
manuscrits et que dans aucun on n'eût lu : Noricwum au lieu de Nerviorum. 
N'avons-nous pas le droit de conclure, plutôt, que nous sommes en présence d'une 
maladresse commise par l'interpolateur, semblable à celles que l'on rencontre 
plus d'une fois ailleurs dans son récit? Pour nous, la question reste donc incer- 
taine, et s'il fallait nous prononcer, nous n'hésiterions pas à donner la préférence 
à la version de la première Vita, Elle explique mieux, certainement, comment 
Hidulphe a pu être connu à Trêves. D'autre part, rien n'empêche d'admettre en 
même temps qu'il soit venu dans sa jeunesse faire un séjour à Ratisbonne, étu- 
dier aux écoles de cette ville et s'y initier à la cléricature, pour revenir ensuite 
dans sa patrie ou à Trêves. S'il eût été originaire du pays de Ratisbonne, il est 
probable que c'est là qu'il eût embrassé la vie monastique. 

(1) c Exemple ftdelie Ahrahm, terra, cognatione, domo que parentum egressus 
iUr arr^imU Sicambriam vergue, eubOt que civitatem Treverim. » Belhomme, p. 86; 
Aeta Sanctorum, t. IH Julii, p. 218. 

(2) « Uanaeticam normamprofesaUme explevit et aetibus, » Belhomme, p. 86; 
Acta Sanctorum, tom. cit., p. 218. 

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— 194 — 

per aux sollicitations populaires qui veulent l'élever à Té- 
piscopat. La troisième Vita précise : avec elle le projet est 
mis à exécution; Tauteur sait même, et il nous le dit, vers 
quel pays Hidulphe a pris la fuite : c'est vers son pays 
natal — rien là que de très naturel, du reste, — et on le 
ramène d'Istrie à Trêves pour le faire évèque (^) L'auteur, 
qui avait sans doute consulté quelque liste épiscopale plus 
ou moins exacte de Trêves, ajoute que Hidulphe était le 
trente-troisième évêque de cette ville c depuis le bien- 
heureux Euchaire, disciple de saint Pierre. > 

Vient ensuite, dans Tordre des interpolations d'intérêt 
local, un long développement sur la translation de saint 
Maximin, que la première Vita n'avait fait que signaler en 
passant. L'auteur en marque la date, 4 des calendes de 
juin et en indique les causes : une inondation subite et 
miraculeuse qui se produit dans la crypte où reposent 
les précieuses reliques. Il en rapporte les circonstances 
en détail, la présence avec Hidulphe des deux évoques 
Clément et Lothbert, qu'il appelle ses coévêques — cum 
duobm coepiscopis suis — ainsi que le prodige qui accom- 
pagne la translation : le couvercle du tombeau soulevé 
sans effort par les trois hommes de Dieu, alors qu'un ins- 
tant après trois cents hommes et quarante paires de bœufs 
ne peuvent arriver à l'ébranler. 

Quand Hidulphe quitte Trêves, la troisième Vita nous 
apprend qu'il avait auparavant choisi son successeur, un 
certain Wéomad. Elle ajoute ensuite qu'arrivé dans les 
montagnes des Vosges, le saint y trouva le monastère d'É- 
tival déjà florissant, et que vers le même temps, deux évê- 

(1) « Ab Hisiria igitwraptus, » avoDS-nous lu déjà dans la première Vita. {Bel* 
HOMMB, p. 53; Acia Sanciorum, p. 211). Belhomme, qui accepte la plupart des 
données que nous fournit la troisième VUa, entend ce terme, non pas de Flstrie 
proprement dite, mais, d'une façon plus générale, de toute la région de Tlater ou 
Danube. Il y englobe ainsi la Bavière, pays d'origine, d'après lui, de Hidulphe. 
Belhomme, p. 66. 



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- 195 — 

ques, Gundelbert, évêque de Sens, et Bodon, évêque de 
Toul, y avaient également fondé, le premier, le monastère 
de Senones, ainsi nommé par lui en souvenir de son an- 
cienne ville épiscopale, le second, un monastère de filles 
qui plus tard portera son nom. Quelques lignes plus loin, 
l'auteur nous donne la date de la consécration de chacune 
des deux premières églises élevées par Hidulphe dans le 
lieu de sa retraite : l'église Notre-Dame, d'après lui, a été 
consacrée un 8 des calendes de mars, celle de Saint-Pierre 
et des Apôtres, un 17 des calendes de novembre. 

Le chapitre IX tout entier est interpolé, et cette interpo- 
lation ne manque pas d'importance. Nous y lisons que Hi- 
dulphe voyant à Moyenmoutier le nombre de ses disciples 
augmenter chaque jour, et craignant que l'affluence des 
séculiers au monastère et la direction de sa nombreuse 
communauté ne vinssent à le distraire des charmes de la 
contemplation, se déchargea de ses fonctions d'abbé sur 
un de ses moines, le vénérable Leutbald, qu'il savait fort 
versé dans les sciences divines et humaines. Mais Leut- 
bald étant entré dans la voie de toute chair quelque temps 
après , Hidulphe, à la prière de ses religieux, dut repren- 
dre le gouvernement du monastère et le conserva jusqu'à 
sa mort (chapitre XVII). 

Au chapitre XV, notre troisième Vita^ à la suite de la pre- 
mière, raconte les miracles de Spinule et la manière dont 
Hidulphe y mit fin. Puis elle observe qu'en même temps 
que cessèrent les prodiges au tombeau du Saint, les sour- 
ces d'eau salée furent taries (^). « Pour confondre l'impu- 
dent bavardage des curieux et des incrédules, ajoute-t-elle, 
on peut encore voir aujourd'hui, d'une façon très évidente, 
les traces des trois anciens puits (^). » 



(1) « Vente que eohibilU salinarum. » B£LHOMaiB, p. 110; Acta Sanctorum, 
tom.cit., p. 223. 

(2) c Ad confutandam tamen impudentem gartt^Utatem invidormn et incredulo- 



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— 196 — 

Au chapitre suivant (chapitre XVI), l'auteur précise les 
donations faites à Tabbaye après la mort de Spinule et que 
la première Vita n'avait fait qu'indiquer en termes vagues. 
Il nous apprend que sept jours étaient à peine écoulés de- 
puis Tordre et la prière adressés par Hidulphe à son disci- 
ple, qu'un personnage de haute naissance, du nom de Hagio 
et du surnom de Hariulf, se présenta au monastère et fît don 
« loco sancti Pétri, j> — c'est-à-dire à la communauté de 
Moyenmoutier, placée sous le patronage de ce saint, — de 
la plus grande partie d'un domaine noble qu'il possédait à 
Bergheim. Ceci se passait au temps de Leutbald. C'est vers 
la même époque aussi, observe l'auteur, qu'eut lieu la do- 
nation à l'abbaye, en Alsace également, d'une partie de la 
villa de Hindisheim. 

Un peu plus loin encore, au chapitre XIX, d'autres do- 
nations, vaguement mentionnées par la première Vie, sont 
de même précisées par la troisième. Un certain Theudoald, 
en particulier, dont la famille tenait le premier rang parmi 
les plus illustres du royaume, ayant renoncé au siècle du 
consentement de sa femme, qui l'avait précédé déjà dans la 
vie monastique, vint se ranger avec son fils Abbon (*) sous 
la houlette de Hidulphe. Il fut généreux pour le monas- 
tère, et lui donna, entre autres biens, une église à Berg- 
heim, dédiée à Notre-Dame, avec les revenus considéra- 
bles qui en dépendaient. 

rum, datur ibidem mque hodie prospici evidentisHma indicia trium quondam pu- 
teorum. 9 Belhomme, p. 110; Acta Sanctùrum, tom. cit., p. 233. CLêupra, p. 168, 
note. Ruyr, dans ses Recherches des sainctes Antiquitez de la Vosge, publiées au 
commencement du XVII* siècle, dit que l'on voyait encore de son temps « quel- 
ques apparences de trois vieux puits où se réservoit cette eau salée, » édition de 
1634, p. 152. Et, à une époque beaucoup plus récente, M. Gravier, dans son Histeire 
de la ville et de l'arrondissement de Saint-Dié, p. 29, observe qu'ils sont encore 
très reconnaissables. Cf. Digot, loc. cit., p. 104. 

(1) « Cum suo naturali filio, » Beluommb, p. 116. On traduit quelquefois c avec 
son bâtard Abbon , y nous croyons qu'il faut traduire simplement ici /l{«uf natu» 
ralis par c ûls propre » par opposition à c fils adoptif. > Dans ces anciens textes 
Texpression c filius naturalis » n'a pas le sens que nous attachons à Texpression 
moderne «c fils naturel. » 



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- 197 — 

Notons encore qa'au chapitre précédent, Fauteur nous 
parlant d'Erhard, frère de Hidulphe, nous avait appris in- 
cidemment que l'église élevée par lui à Moyenmoutier se 
trouvait près du monastère, sur la rive gauche du Rabo- 
deau. Erhard, après avoir quitté Hidulphe, avait repassé le 
Rhin et était retourné à Ratisbonne, sa ville épiscopale, où 
il était mort un 6 des ides de janvier (8 janvier). 

Quant à saint Hidulphe, la première Vita nous donnait 
bien le jour, mais gardait le silence sur Tannée de sa mort. 
Ici encore, la troisième Vie précise : c'est le 5^ jour des ides 
de juillet (14 juillet) de l'an de l'Incarnation 707, que le fon- 
dateur de Moyenmoutier entra à son tour dans la voie de 
toute chair, sous le consulat de Justinien le Jeune, indic- 
tion cinquième, sous le pontificat de Sergius (^). 

La première Vita s'arrêtait ici, à la mort même de Hidul- 
phe, et tout ce que nous lisons désormais dans la troi- 
sième Vie est un développement ajouté (2). L'auteur — je 
laisse de côté ce qui appartient uniquement à l'histoire 
générale — nous fait assister d'abord aux funérailles du 
Saint. A peine lliomme de Dieu a-t-il rendu le dernier 
soupir, qu'on voit ses disciples accourir de toutes parts 
au monastère et entourer avec des gémissements plain- 
tifs le corps sans vie de leur maître. Le jour des obsè- 
ques venu, les restes vénérables du fondateur de l'ab- 
baye furent déposés dans l'oratoire Saint-Grégoire, à droite 
de l'autel, un lundi (3) : c'était la trente-sixième année de 
son séjour à Moyenmoutier, la quarantième depuis la trans- 
lation qu'il avait faite à Trêves des restes de saint Maximin 
au temps de Pépin. Plus tard, le corps de Hidulphe fut 
pieusement transféré de l'oratoire Saint-Grégoire à l'église 

(1) La troisième Vita commet encore ici nne erreur. Sergius était mort en 701, 
et le pape était alors Jean VII. 

(S) Belhommb, p. lld-129; Acta Sanctorum^ tom. cit., p. 224-226. 

(3) C'est à tort que M. Guinot, Lm Saints du \al de Galilée, p. 136, traduit feria 
sêcunda par i le deuxième jour après sa mort. » 



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— 198 — 

Notre-Dame, où il reposa quelque temps, ajoute Tauteur, 
sous une voûté d'architecture élégante C). 

Vient ensuite un mot sur le successeur de Hidulphe, Ré- 
gimbert, qui fut élu d'un commun consentement par ]es 
religieux, nous dit la Vita, et qui vivait au temps des rois 
Théodoric et Childéric le Jeune, au temps aussi de Pépin, 
fils du duc Charles. 

L'auteur pourrait raconter beaucoup d'autres choses sur 
Hidulphe et ses successeurs, observe-t-il encore, mais il ne 
le fera pas, de peur d'ennuyer le lecteur. Il croit préférable 
de réserver pour un autre opuscule ce qui lui reste à dire. 
Toutefois, avant de fermer celui qu'il achève, il ne peut 
résister au désir de consacrer au moins quelques mots aux 
deux disciples bien-aimés de Hidulphe, les deux frères Jean 
et Bénigne. Il nous apprend que le premier était honoré de 
la prêtrise, tandis que le second n'était que diacre. Ils ne 
tardèrent pas à suivre dans la tombe le père vénéré aux 
côtés duquel ils avaient passé à Moyenmoutier leur vie 
monastique, l'assistant chaque jour à l'autel lorsqu'il offrait 
le sacrifice de notre salut. A peine Hidulphe avait-il fermé 
les yeux à la lumière de ce monde que les deux frères 
tombaient malades, atteints d'une même langueur. Peu de 
temps après, le 2 des calendes d'août (31 juillet), vingt 
jours à peine après leur maître, leurs âmes retournaient à 
Dieu. Bénigne était mort le premier, Jean ne lui survécut 
que peu d'instants. Avant qu'il n'exhalât son dernier souf- 
fle, les rehgieux lui avaient demandé s'il voulait qu'on les 
enterrât séparément : « Dieu nous préserve, mes seigneurs, 
leur avait-il répondu, d'être jamais séparés. Le même sein 
nous a enfantés à cette vie terrestre; le même père nous a 
engendrés et formés à la vie monastique; le même tré- 
pas va nous rendre à Dieu; je vous supplie qu'une même 

(1) <c In quo dextronum eleganti curvato fornice aîiquanto delUuit tcfnporê. » 
Bklhomme, p. 120; Acta Sanctorum, p. 224. 



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- 199 - 

terre nous reçoive et nous garde jusqu'au jour de la Ré- 
surrection ! > 

Respectant ce pieux désir, les religieux déposèrent les 
dépouilles mortelles des deux frères en un même tom- 
beau, dans l'oratoire Saint-Grégoire, où ils restèrent unis 
dans la mort comme ils l'avaient été dans la vie. On voit 
encx)re leur sépulcre, ajoute l'auteur de la troisième Vita à 
l'heure où nous écrivons ces lignes 0). 

Les trois derniers chapitres de la Vita sont consacrés 
au récit de quelques-uns des miracles qui éclatèrent au 
tombeau des deux saints : la guérison d'une religieuse 
d'abord, sanctimonialis , du nom de Himeltrude, dont la 
main longtemps aride et desséchée avait retrouvé sou- 
dain le mouvement et la vie, une nuit que la religieuse 
priait au tombeau des deux frères; — celle ensuite d'une 
vieille aveugle du nom d'Agnès, qui se faisait conduire 
chaque jour sur un petit âne (2) au sépulcre des deux 
anachorètes et qui, à force de prières, y recouvra la vue; 
— enfin la guérison d'un autre aveugle de Deneuvre (3), 
qui était venu à Moyenmoutier pour y vénérer la tombe 
de saint Jean et de saint Bénigne, avec la foule des pèle- 
rins, et qui, à son retour, avait aussi recouvré la vue su- 
bitement dans le voisinage de Vézeval (^). 

Ici finit, sans autre conclusion, le récit de la troisième Vie. 

Quelle autorité faut-il attacher à cette troisième forme 
de la Vita Hildulfl ? Que faut-il penser de la vérité histo- 
rique des détails nouveaux que nous y avons rencontrés ? 
Où l'auteur les a-t-il puisés et quelle confiance doivent 
nous inspirer ses sources ? 

(1) c Quod êoeialê deeus adhuc noêtris datur etdabitur fuiurii proêpici diebui. » 
Bblhommb, p. 1S4; Acta Sanctorum, tom. cit., p. 2%. 

(2) c Gêttatcrio aselluli. » 

(3) Près de Baccarat (Meurthe-et-Motêlle). 

(4) Prèi de BaoD-rÊtape, non loin de Moyenmoutier. 



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- 200 — 

Selon toute apparence, notre auteur a eu tout d'abord 
entre les mains des listes épiscopales de Toul et de Trê- 
ves. Ce sont ces catalogues d'évêques qui lui ont appris, 
par exemple, que Tévêque Bodon avait précédé immédia- 
tement à Toul révoque Jacob (chapitre VII), que Hidulphe 
aurait été sur le siège de Trêves le trente-troisième suc- 
cesseur de saint Euchaire (chapitre III), et le vingt-neu- 
vième de saint Maximin (chapitre IV), enfin que c'est Wéo- 
mad qui lui aurait succédé (chapitre VI). 

Il s'est servi également d'un calendrier ou nécrologe de 
l'abbaye. On y donnait les dates de la consécration des 
égUses Notre-Dame et Saint-Pierre, et c'est là qu'il a dû 
les puiser. On y mentionnait aussi vraisemblablement la 
date de la mort des abbés ainsi que la durée de leur gou- 
vernement. C'est là sans doute, qu'il aura vu que Hidul- 
phe était mort un 11 juillet — ce que la première Vita, 
d'ailleurs, savait déjà, — et qu'il était resté à la tête du mo- 
nastère pendant trente-six ans. C'est peut-être encore ce 
nécrologe qui avait conservé la mémoire de Erhard et placé 
sa mort au 8 janvier. 

L'auteur a dû également avoir entre les mains d'autres 
documents, en particulier, une courte chronique de Moyen- 
moutier que n'avaient pas connue ou que n'avaient pas 
utiUsée les abréviateurs du X^ siècle. Cette chronique a 
pu lui fournir un certain nombre de faits, par exemple 
l'indication de l'année où mourut Hidulphe. La troisième 
Vita, en effet, est le premier document hagiographique 
qui fixe à l'année 707 la mort du fondateur de Moyenmou- 
tier. Or, cette date, l'auteur ne l'a vraisemblablement pas 
inventée (^). C'est à cette chronique aussi, peut-être, que 

(1) M. Pfister signale à ce propos une coïncidence tout au moins singulière. 
« Les Belges, dit-il, honorent aussi un saint Hidulphe, qui aurait été duc et qui 
aurait eu une grande part à la fondation du monastère de Lobbes. Or, d'après 
la chronique de ce couvent, cet Hidulphe mourut en 707 : « Anno DCCVII EU- 
dulfus dux obiit Lobiœ, . . » Y aurait-il eu une confusion faite par Tauteur de la 



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— 201 — 

le nouveau biographe de Hidulphe emprunte ce qu'il nous 
dit de Leutbald (chapitre IX), de même que ce que nous 
Usons au chapitre YII sur les monastères d'Étival, Seno- 
nes et Bonmoutier. 

Enfin, il n'est pas impossible que l'auteur ait eu connais- 
sance de certaines chartes de donations relatives à Moyen- 
moutier : c'est à ces chartes qu'il aurait emprunté notam- 
ment ce qu'il nous dit des concessions de biens faites à 
l'abbaye, soit à Bergheim, par Hagion et Theudoald, soit 
à Hindisheim. 

Quant aux dernières pages de son opuscule, véritable 
hors-d'œuvre sur les deux frères Jean et Bénigne, il a pu 
les emprunter aussi soit à la tradition orale, soit peut-être 
à une courte chronique (*). 

Ainsi le procédé de l'auteur de la troisième Vita apparaît 
très clairement. Il prend la première Vie de Hidulphe, y 
pratique des coupures et intercale des développements en- 
tre les passages ainsi séparés. Ces développements, qui 
sont parfois très courts mais parfois aussi fort longs, il les 
emprunte soit à la tradition orale, soit plus généralement 
aux documents écrits d'ordre divers qu'il a sous les yeux. 
Ajoutons que ces interpolations, quelquefois heureuses, sont 
souvent inhabiles et maladroites : l'auteur ne prend même 
pas la peine de les fondre avec ce qui précède ou ce qui 
suit. De là des contradictions. Je n'en signalerai que deux : 
au chapitre VII, après avoir cité cette phrase de la pre- 
mière Vita : « In quo etiam saltu virorum sanctorum cel- 

troisième Vita f M. Pfister a peine à le croire, mais la coïncidence méritait d*ôtre 
relevée. (Annales de VEst, 1889, p. 544, note B). 

(1) Cette chronique en tout cas serait aujourd'hui perdue. En 18B9, M. Pfister 
écrivait : c Peut-être cet écrit se trouvait-il dans un manuscrit du XIV* siècle de 
la collection Noël, n* 2061. » Cette conjecture ne s'est pas réalisée. Ce manus- 
crit, en effet, est le troisième des trois manuscrits retrouvés à la bibliothèque 
municipale de Nancy depuis la dispersion des collections Noël et décrits par 
M. PÛster dans le Journal de la Société d* Archéologie lorraine, Juillet 1890, p. 161. 
Or, en ce qui concerne Jean et Bénigne, ce manuscrit ne contient qu'un récit 
d'une translation ultérieure de leurs restes. Nous en reparlerons plus loin. 



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— 902 — 

lulœ inerant, ^ il ajoute tout un long développement sur 
les abbayes d'Étival, de Senones, de Bonmoutier, sans voir 
que ces monastères étaient précisément les virorum sanc- 
torum cellulae de la phrase précédente, ou du moins sans 
prendre la peine de faire le raccord. Autre maladresse en- 
core, et celle-ci plus grave et plus grossière. Après avoir 
reproduit au chapitre III ce que la première Vita disait de 
répoque à laquelle vivait Hidulphe, à savoir qu'il était con- 
temporain de Pépin le Bref, il ajoute sans hésiter (chapi- 
tre XX), que Hidulphe est mort en 707, sans s'apercevoir 
de rénorme contradiction qu'il commet. 

Quoi qu'il en soit, quelle valeur devons-nous reconnaî- 
tre à ces développements interpolés de la troisième Vita et 
aux détails historiques qu'ils nous ont transmis? Évidem- 
ment leur autorité est celle des documents mêmes aux- 
quels ils ont été empruntés et que nous avons essayé de 
deviner. Malheureusement nous ne possédons plus ces do- 
cuments, et il nous est impossible de faire le contrôle. 
Aussi, conclurons- nous avec M. Pfister (i), on ne peut ni 
les admettre ni les rejeter d'une façon absolue. Ils demeu- 
rent possibles, vraisemblables, mais pas certains. 

Ainsi la troisième Vita Hildulfi n'a pas altéré sensible- 
ment la première. Elle n'a fait qu'y ajouter des renseigne- 
ments complémentaires, dont plusieurs semblent puisés 
à des sources exactes. Mais l'histoire de Hidulphe, avec les 
documents ultérieurs, va subir des transformations beau- 
coup plus considérables. 



§ IV. — L'Histoire et la Légende dans la t Vita Deodati. » 

Le document qui suit la troisième Vita Hildulfi dans 
Tordre chronologique, avons-nous dit, est l'œuvre hagio- 

(1) Annales <U VEtt, loc. cit., p. 545. 



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- 203 - 

graphique que nous désignons sous le nom de Vita Deo- 
dati. Nous lui avons assigné comme date le milieu du 
XI® sièle. Elle n'est donc postérieure que de trente années 
au plus, à la troisième Vie de Hidulphe; mais dans cet 
intervalle la légende s'est développée, et l'histoire du fon- 
dateur de Moyenmoutier et des origines de ce monastère 
a subi des transformations du plus haut intérêt. La Vita 
Deodati marque une étape des plus importantes dans la 
formation de l'histoire traditionnelle. 

Jusqu'à présent, dans nos récits hagiographiques, il n'a 
pas été question des relations que Hidulphe aurait eues 
avec saint Déodat, fondateur du monastère de Galilée ou 
de Jointures, qui sera plus tard Saint-Dié. Si le nom de 
saint Dié a été prononcé, c'est pour dire, au contraire, ou 
tout au moins pour insinuer très fort que ce saint a vécu 
antérieurement à Hidulphe. Une phrase de la première Vila 
Hildulfi textuellement reproduite par la troisième, parlant 
de l'arrivée de Hidulphe au désert, nous le laisse enten- 
dre (*). La deuxième Vita nous le dit en termes presque 
formels : « Siquidem Deodatus Nevemensis episcopus quon- 
dam sœculo renuncians ibidem habitaverat (2). ï> En tout cas, 
il n'est pas un seul instant question, ni dans l'une, ni dans 
l'autre, de rapports quelconques qui auraient existé, soit en- 
tre les fondateurs des deux monastères voisins de Moyen- 
moutier et de Galilée, soit entre les deux monastères eux- 
mêmes. 

Avec la Vita Deodati les choses se présentent sous un 
jour bien différent. Non seulement Hidulphe et Déodat ont 
été contemporains, ce qui, à la rigueur, eût été vraisem- 
blable, mais ils se sont connus, ils ont eu des relations 
étroites, intimes. De là un long développement aimable et 
tout idyllique sur l'amitié de Déodat et de Hidulphe, sur 

(1) Bblhommk, p. 57 et p. 99; Aeta Sanrtonim, p. 212 et 220. 

(2) BXLHOMME, p. 78; Acta Sanctorurn,p. 216. 



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- 204 - 

leur charité mutuelle, sur la vénération qu'ils avaient Tun 
pour l'autre. Ce sont les chapitres III et IV de la Vita 
Deodati. J'en résume brièvement les traits saillants (i). 

En l'année 671, qui était la troisième depuis la venue de 
Déodat au désert, Hidulphe, ayant quitté le siège archiépis- 
copal de Trêves, arrive à son tour dans les solitudes des 
Vosges et y établit sa cellule non loin de son cher Déodat. 
(L'auteur de la Vita, en effet, a supposé plus haut (2), que 
Hidulphe avait dû connaître Déodat avant de venir se fixer 
dans nos montagnes (3), sans quoi, dit-il, il serait allé plu- 
tôt vers les soUtudes des Ardennes ou vers celles d'Istrie, 
d'où on l'avait arraché jadis pour le faire évêque de Trêves.) 
Bientôt des liens d'amitié plus tendre encore se formèrent 
entre les deux saints anachorètes. Ils conviennent de se 
voir une fois l'année. Le jour de la visite et la nuit qui sui- 
vait se passaient en pieux entretiens et en prières. Les saints 
colloques alternaient avec la psalmodie des louanges divi- 
nes, et l'aube venue, on se séparait. Quand c'étaient saint 
Dié et ses religieux qui faisaient la visite, vous auriez vu, 
nous dit la Vita, Hidulphe avec ses disciples sortir de 
leurs cellules, venir à leur rencontre, à quelque distance 
du monastère, puis Hidulphe prenait Déodat par la main 
pour le conduire à la prière, comme le voulaient les cou- 



Ci) Bblhommb, p. 130; Acta Sanctarum, t. IV Junii, p. 732. 

(2) Vita Deodati, cap. II, S i^'i ^^^^ Sanctorum, tom. cit., p. 731. 

(3) Dans la Vita Deodati, cette supposition n*ose encore pas trop s'alfirmer. 
M.'iis les auteurs postérieurs seront plus hardis. Non contents de transformer 
en nfflrmation formelle, cette hypothèse timidement hasardée par la Vita, ils 
Torneront de nouveaux détails. Ainsi on imaginera plusieurs voyages de saint 
Dié à Trêves, au temps que Hidulphe en était évéque, on en fixera môme les 
dates. Quand Hidulphe se dirigera vers le désert, c'est à la cellule de Déodat 
qu'on le fera venir tout d'abord. Il y restera même un certain temps , Jusqu'à ce 
qu'il ait fait choix d'un lieu propice où il puisse à son tour se fixer. Toutefois, 
avant de se quitter, ils se promettent de se visiter annuellement, etc., etc. Voir, 
en particulier, le parti ingénieux que M. Guinot, dans ses c Sainte du Val de 
Galilée » a su tirer de tout ceci. Il en a composé un récit assurément très vivant, 
attachant, édifiant, mais Imaginatif et sans valeur historique. 



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— 205 — 

tûmes des anciens Pères et la règle de Saint-Benoit (*). 
Lorsqu'ils avaient ainsi uni quelques instants leurs âmes 
dans une même oraison, ils se saluaient avec une joie toute 
céleste et se donnaient le baiser de paix. Le même céré- 
monial était observé Tannée suivante par Déodat vis-à-vis 
de Hidulphe. 

Vient ensuite, dans la Vita, un portrait de Hidulphe et 
de Déodat, ce dernier d'une grande beauté, à la taille éle- 
vée, déjà courbé sous le poids de la vieillesse, le premier, 
de stature moyenne, aux traits angéliques, tous deux d'ail- 
leurs rivalisant de charité l'un pour l'autre en même temps 
que d'humilité. 

Après sept ans et six mois ainsi passés dans cette par- 
faite union de cœur et d'âme, Déodat est frappé par la ma- 
ladie. Dieu qui veut rappeler à lui le saint vieillard, lui 
envoie une défaillance qui le cloue sur son grabat. Mira- 
culeusement averti en songe, Hidulphe accourt au chevet 
de son ami et celui-ci meurt entre ses bras après avoir 
reçu de ses mains le viatique sacré. Avant de rendre son 
dernier souffle, il avait confié à Hidulphe son troupeau bien- 
aimé, et l'avait supplié de prendre la conduite des chères 
ouailles qu'il avait lui-même dirigées jusque là dans les 
voies de l'obéissance et de la charité. 

Hidulphe remplit le vœu suprême de Déodat. Après 
avoir rendu les derniers devoirs à son saint ami, lui avoir 
fermé les yeux et placé ses membres glacés dans le tom- 
beau, le fondateur de Moyenmoutier gouverna pendant 
vingt-huit ans et demi encore le monastère de Galilée et, 
bien qu'à une certaine époque de sa vie, ajoute l'auteur 



(1) Il semble bien, en effet, que tout ce récit de la visite annuelle de Déodat et 
de Hidulphe soit inspiré par le récit analogue des visites de saint Benoit de Nur- 
sie, le père de l'Ordre bénédictin, et de sa sœur Scolastique. L'auteur de la ViUk 
DeodaH, Valcand peut-être, certainement un disciple de saint Benoit , ne pou- 
vait ignorer cette tradition bénédictine, et son imagination aidant, il l'a appli- 
quée à Hidulphe et à Déodat. 



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— 206 — 

de notre récit, il ait cru devoir confier à un de ses disci- 
ples le soin de sa propre communauté, jusqu'à sa mort il 
dirigea par lui-même celle de Déodat. « De quel front ose- 
rais-je paraître devant lui, répétait-il souvent, si je n'avais 
pas exécuté fidèlement sa dernière volonté? » 

La première année qui suivit la mort et les funérailles 
de Déodat, observe encore la Vita, Hidulphe alla souvent 
prier à son tombeau et y offrir pour le repos de son âme le 
sacrifice de propitiation ; puis les religieux de l'un et l'autre 
monastère reprirent le cours régulier de leurs occupations. 
Mais ils continuèrent les visites annuelles qu'ils avaient 
l'habitude de se rendre, et cette pieuse coutume se con- 
serva même quand Hidulphe, accablé par l'âge, ne put plus 
quitter sa cellule. Les religieux de Galilée, alors, lui ap- 
portaient à vénérer, à défaut des restes de leur saint fon- 
dateur, sa tunique qu'ils gardaient comme une précieuse 
relique, et que Hidulphe était heureux de baiser et de 
révérer. 

Mais l'heure de la mort approchait aussi pour Hidulphe. 
Miraculeusement averti de sa fin prochaine par Déodat, qui 
lui apparaît en vision, il prend ses dernières dispositions, 
place à la tête du monastère de Galilée Marciman, confie 
à Régimbert la direction de Moyenmoutier, et s'endort à 
son tour dans la paix du Seigneur. C'était en 707, plus de 
vingt-huit années après la mort de saint Dié. 

Après lui, les bons rapports continuent entre les reli- 
gieux des deux communautés. C'est comme un héri- 
tage qu'ils ont recueilli de leurs communs fondateurs et 
qu'ils gardent avec un soin pieux. Ils s'associent dans 
la prière; les noms des moines vivants ou défunts des 
deux maisons sont inscrits aux mêmes diptyques. D'au- 
tre part, ils se visitent toujours une fois l'an, et, dans 
ces visites annuelles, ils portent en grande solennité, pour 
se permettre de les vénérer réciproquement, les tuniques 



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— 207 - 

de leurs saints patrons. Plus tard, quand les saintes dé- 
pouilles des deux hommes de Dieu eurent été levées de 
terre et déposées dans des châsses, au lieu et place des 
simples tuniques, ce furent leurs précieuses reliques que 
Ton porta ainsi en procession. 

Tel est le récit de la Vita Deodati. Tels sont les éléments 
nouveaux qui, avec elle, entrent dans l'histoire de Hidul- 
phe et des origines de Moyenmoutier. Évidemment, après 
le silence, après les insinuations plutôt contraires des trois 
VitœHildulfi, nous ne saurions admettre ces renseignements 
nouveaux, qui n'apparaissent pour la première fois dans les 
annales de notre monastère qu'au milieu du XI« siècle. 
Nous ne saurions donner droit de cité à ces matériaux 
de mauvais aloi. Mais, du moins, nous pouvons nous de- 
mander d'où vient ce récit, comment l'auteur de la Vita Deo- 
dati a été amené à transformer de façon aussi frappante la 
narration des anciens hagiographes, et comment a pu s'opé- 
rer dans son esprit tout ce travail de transformation (^). 

Des rapports très étroits s'étaient établis de bonne heure 
— notre Vita Deodati même en fait foi — entre les deux 
monastères de Galilée et de Moyenmoutier. Presque voi- 
sins, « ils partagèrent souvent le même sort, quelquefois 
même ils furent placés sous la direction d'un même chef 
(ainsi au X® siècle, Moyenmoutier et Saint-Dié dépendirent 
des ducs de Haute-Lorraine; le moine de Gorze, Adalbert, 
fut chargé de réformer les deux établissements , et pendant 
quelque temps il les gouverna l'un et l'autre). Sur les dip- 
tyques des autels, tant à Moyenmoutier qu'à Saint-Dié, 
étaient inscrits les noms des religieux vivants et morts des 
deux monastères, et dans une même prière on invoquait 
Dieu pour leur salut (2). i Ce n'est pas tout. De très bonne 



(1) Ici encore noos saisons de trôs prôs rargumeoiatioD si serrée et si con- 
claaQte de M. Paster, Armaleê cU VEat, 1889, p. 568. 

(2) Pfistbr, loc. cit., p. 568. 



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— 208 — 

heure aussi, une coutume des plus touchantes s'était éta- 
blie dans les deux monastères, qui attestait cette cordia- 
lité de relations entre les disciples de Déodat et les enfants 
de Hidulphe. Une fois chaque année les religieux des deux 
communautés ou bien se visitaient, ou bien se donnaient 
rendez-vous dans un heu fixé de concert (*). Les uns et les 
autres apportaient processionnellement les châsses qui ren- 
fermaient les reliques de leurs saints patrons, et la ren- 
contre faite, ils aimaient, nous dit la Vita, à échanger leurs 
pieux fardeaux. Cette coutume existait certainement au 
XI« siècle, à Tépoque ou fut écrite la Vie de Déodat. De plus, 
Ton rapportait qu'auparavant, alors que les corps des deux 
saints n'étaient pas encore levés de terre et déposés dans 
des châsses portatives, ces processions annuelles étaient 
déjà en usage. Seulement au heu des restes mêmes des 
saints évèques, c'étaient leurs tuniques, alors précieuse- 
ment gardées dans chaque abbaye, qui étaient l'objet des 
honneurs de la fête (2). Et même, s'il faut en croire la Vita, 
ce n'était pas seulement une fois l'an que ces cérémonies 
pompeuses s'accomplissaient, mais encore en diverses cir- 
constances extraordinaires, quand la colère de Dieu, par 
exemple, frappait les populations de quelque fléau, aux 
époques de grande sécheresse ou de pluies trop abondan- 
tes, quand la peste exerçait ses ravages, bref, toutes les 
fois qu'un malheur pubUc désolait le pays (3). 

Tels étaient certainement les usages suivis, telles, les 
coutumes religieusement observées au XI« siècle : leur ori- 
gine précise nous échappe, mais l'auteur de la Vita Deodati 
n'a pu les inventer. Dès lors n'était-il pas naturel de leur 
chercher un commencement, une origine, et de les expli- 

(1) Vita Dêodati, cap. IV, § 96. H semble qu'au XI* siècle les deux usages 
existaient : c Cum eis invicêtn §e vmtatido, dit la Vita, aiU nffi complacito loco 
duUMer oecîêrremdo. t 

(2) VUa Deodati, cap. IV, § 14. 
(8) VUa DeodaH, cap. IV, § 35. 



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- 209 — 

quer par Thistoire? Pourquoi ne pas admettre que ces 
relations si touchantes de confraternité remontaient à la 
fondation même des deux monastères? De là à imaginer 
la contemporanéité des deux saints d'abord, puis leurs 
visites annuelles, dont les processions en usage au XI^ 
siècle n'étaient que le souvenir et la continuation, il n'y 
avait qu'un pas, et ce pas était facile à franchir, sur- 
tout pour un disciple de saint Benoît, comme l'était le 
moine de Moyenmoutier auteur de la Vita, qui ne pou- 
vait ne pas avoir présente à l'esprit l'histoire gracieuse et 
touchante des entrevues semblables de Benoît et de Sco- 
lastique. De ce travail d'imagination sont sortis les cha- 
pitres III et IV de la Vita Deodati. Qu'ils soient édifiants 
et pleins de charmes, nous l'admettons volontiers, mal- 
heureusement rien ne nous permet de croire qu'ils repo- 
sent sur une base historique certaine. 

Au reste, l'auteur de la Vita lui-même se rendait bien 
compte de la difficulté de concilier son récit, au point de 
vue de la chronologie, avec ce qu'il lisait dans la Vita HiU 
dulfi. Dans ce dernier écrit, il voyait que Déodat était venu 
au désert du temps que Garibald était évêque de Toul , et 
Hidulphe, sous l'épiscopat de Jacob seulement. Or, entre 
ces deux personnages, une liste épiscopale — fausse d'ail- 
leurs, — qu'il avait sous les yeux, plaçait deux ôvêques, 
Godon et Bodon. D'autre part, il regardait comme certain 
que saint Dié avait fondé Galilée en 669 et qu'il y était 
mort en 671. Comme Hidulphe avait vécu à Moyenmoutier, 
voisin de saint Dié, pendant près de huit ans, il fallait, par 
suite, reporter son arrivée dans les solitudes des Vosges, 
au plus tard, à l'année 671. Mais comment admettre que 
dans l'espace de trois années à peine, le siège de Toul ait 
vu quatre évêques : Garibald, Godon, Bodon et Jacob, 
d'autant que la tradition accordait à Bodon un pontificat 
assez long? 

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- 240 - 

L'auteur de la Vita Deodati essaye d'échapper à cette 
difficulté par une combinaison subtile qui nous met da- 
vantage encore en défiance contre lui. II imagine que Déo- 
dat, après avoir quitté Ne vers sous Garibald, erra long- 
temps, avant de se fixer à Jointures, pendant que Garibald 
achevait son pontificat et sous Tépiscopat de Godon. Il 
serait enfin arrivé à Jointures en 669, sous Bodon, et en 
671, Bodon aurait été remplacé sur le siège de Toul par 
Jacob 0). Comme le fait bien remarquer M. Pfister, ce pas- 
sage nous prouve qu'au XI« siècle on ne croys^it pas encore 
que Déodat et Hidulphe eussent été contemporains : Fau- 
teur de la Vita a besoin de se démontrer le fait à lui-même 
et de le démontrer à ses lecteurs (^). 

Ce que nous avons dit de là Vita Deodati, suffit pour 
nous faire voir que l'histoire ne saurait faire grand fond 
sur ce récit de l'hagiographe du XI© siècle. Mais il était in- 
téressant de le signaler. Si la Vita Deodati n'a rien ajouté 
à l'histoire, si elle l'a plutôt bouleversée et faussée, elle a 
du moins fait faire un pas immense à la légende de Hidul- 
phe et des commencements de Moyenmoutier. C'est elle 
qui y a introduit les éléments les plus touchants peut-être ^ 
mais les moins historiquement fondés. Elle est avant tout, 
en ce qui concerne saint Hidulphe et Moyenmoutier, une 
œuvre d'imagination (3). 

§ V. — L'Histoire et la Légende dans les < Gesta Senoniensis 

ECCLESIiE » DE RiCHER. 

Mais tout n'est pas fini. Au XIII« siècle, avec Ri- 
cher, le moine chroniqueur de Senones dont nous avons 

(1) VUa Dêodati, cap. m, § 14. 

(2) Pfister, loc. cit., p. 571. 

(3) Oq avait tenté aussi, mais avec moins de suocôs, d'établir de semblahlas 
relations entre Gundelbert , le fondateur de Senones, et saint Dié. Cf. Dom Gal- 
M£T, Hiitoire de Senone9, édition Dinago, p. 91-32. 



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- 241 — 

parlé (^), nous trouvons, dans Thistoire de notre monas- 
tère et de ses origines, des éléments nouveaux que nous 
n'avons rencontrés nulle part, jusqu'à présent, dans les 
documents que nous venons d'examiner. 

Ainsi Richer prétend nous apprendre d'abord d'une façon 
précise le lieu où Hidulphe a vu le jour : c'est Ratis- 
bonne (2). C'est de cette même ville de Ratisbonne aussi 
que son frère Erhard était évêque (3). Nous avons dit plus 
haut ce qu'il convenait de penser de ces affirmations (*). 

Autres détails encore et ceux-ci plus curieux. Quand 
Hidulphe arriva dans les Vosges, après avoir quitté l'ar- 
chevêché de Trêves, nous dit le moine de Senones, il ne 
trouva point de territoire hbre. Les monastères d'Étival 
et de Senones, en effet, existaient déjà et les terres de ces 
abbayes se rejoignaient, de sorte que Hidulphe dut deman- 
der à Tune et à l'autre de vouloir bien lui céder quelque 
peu de leurs possessions (5). On accéda à sa prière. Il 
construisit son monastère sur les terres ainsi obtenues et 
ne sachant conunent dénommer ce nouvel établissement 
monastique qu'il fondait, sur la considération qu'il se trou- 
vait situé entre Senones à l'orient, Étival à l'occident. Join- 
tures au midi et Bonmoutier au nord, il l'appela Médium 
Monasterium, nom qui a été conservé depuis. 

Bientôt l'étroite enceinte de l'abbaye ne pouvant suffire 
à loger tous les moines qui étaient venus se ranger sous 

(1) Cf. supra, p. 155. 

f?) c In Bawariarum igitur têrritario, in ewitate que Regnetporfih (Hatisbonne) 
dicitwr cdio viri fratres êxtiterunt ex nobilibue Uliue terrs geniterUnu procre<Ui, 
Quorum unus Erardus, alter vero Hildulfufvocabatur, » Gesta Senoniensia eccle- 
n», Ub. I, cap. 11 (édit WaiU, Monum. Germ. hietor., Scriptores, XXV, p. 262). 

(3) < Domnu» scUicet Erardus 8Upradicte civitatis Regnesporch iubUmaretur 
«pûeopttt. 9 Gesta Senoniensis ecclesiae, 1, 11. 

(4) a. tupra, p. 188 at p. 192, note 3. 

(5) t Sed quia ibidem habitandi spmcium non invenit, quia cenfinia huiue noetre 
SefMmtenm eccUeie et m<mast€rii Stivagiensis ibidem jungebantur, impetrata ab 
wtraque eeeîeeia aîiquanta terre poriione, ibidem habitare decrevit, t> Gesta Seo. 
Eccl., 1, 12. 



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- 212 - 

la houlette de Hidulphe, Thomme de Dieu dut les distribuer 
dans des celles (cellœ)j tout autour du monastère. La pre- 
mière Vita Hildulphi nous avait déjà parlé d'une de ces 
celles. Richer en ajoute sept autres dont il fait remonter 
l'origine à Hidulphe lui-même. Il donne leurs noms. La 
première est placée par lui apud Septem-abietes : ce fut 
plus tard, et c'est aujourd'hui encore le Ban-de-Sapt; la 
deuxième, ad sanctiim Joannem, c'est Saint-Jean-d'Ormont, 
au pied de la montagne de ce nom ; la troisième, apud 
Horbacum, ce sera Hurbache. Ces trois premiers établis- 
sements étaient situés au sud-est de l'abbaye. Les autres 
se trouvaient à l'ouest : c'étaient les celles de Saint-Preject, 
apud sanctum Prejectum; de Vézeval, apud Visivallem; de 
la Haute-Pierre, ad Altam Petram^ dans un lieu qui domi- 
nait le monastère; de Bégoncelle, Êegonis cella^ au con- 
fluent du Rabodeau et de la Meurthe; enfin la celle dite 
c de la Fontaine de Robert, i au sommet d'une montagne 
qui portait ce nom, non loin de Moyenmoùtier, ad quemdam 
locum in summitate montis, qui Roberti-fons dicitur (^). Ces 
divers établissements abritaient environ trois cents Frères 
qui vivaient sous la direction de saint Hidulphe. Bientôt 
des propriétés nombreuses, données par les fidèles, surtout 
par les grands et les puissants de la terre, tant en Alsace 
que de ce côté des monts, fournirent à l'abbaye les biens 
nécessaires à leur subsistance. 

Tels sont les faits nojuveaux apportés par Richer («). 
Quelle confiance faut-il leur accorder? Assurément il y a 

(1) Nous idenlifleroDs tout à Theure tous ces noms. 

(2) Comme les auteurs de la VUa Hildulfi, Richer rapporte toutes ces dona- 
tions à la protection de Spinule, dont saint Hidulphe a (ait cesser les miracles de 
la façon que nous avons racontée plus haut, p. 169, à Toratoire Saint-Grégoiro : 
c Videns vero Deus famulum mum (saint Hidulphe), sibi toto cordé et non mundo 
inherere, quia parvum et instabilem questum tam leviter alfjecerat, mc^jora pro 
minoribu» Btatim ei restitutre dignatus est, Nam predia multa in Alsacie parti» 
bue necnon in Lotonngia a potentibue et primatibue terre et alia quam plurima a 
diversis fidelibue, Deo opérante, sunt collata. b Gesta Sen. Ecd., 1, 14. 



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- 213 - 

une part de vérité dans le récit de la chronique de Senones. 
Il est bien vrai, nous Tadmettons sans peine, qu'au bout 
d'un certain temps Tabbaye de Moyenmoutier a dû essai- 
mer. De là ces établissements monacaux, ces celles, ces 
prieurés qui se forment, comme une couronne, tout autour 
du monastère primitif. Le souvenir s'en était conservé au 
temps où vivait Richer. Au reste, il y avait en ces divers 
lieux des hameaux, des villages qui en perpétuaient la mé- 
moire. Mais, selon toute vraisemblance, ces établissements 
s'étaient formés peu à peu, l'un après l'autre, à mesure que 
le besoin s'en était fait sentir. C'est donc à tort, croyons- 
nous, que Richer les attribue tous à Hidulphe. 

Telle est, à ce qu'il nous semble, dans ces développe- 
ments nouveaux que nous fournit la chronique de Senones, 
la part de la vérité, comme aussi celle de l'inexactitude. 



§ VI. - L'Histoire et la Légende dans Jean de Bayon et 
LES Travaux ultérieurs. 



L'histoire ou plutôt, nous pouvons dès maintenant lui 
donner ce nom, la légende des origines de Moyenmoutier 
est désormais à peu près fixée. C'est à peine si Jean de 
Bayon, au XIV» siècle, y ajoute quelques détails non encore 
rencontrés, et d'ailleurs de médiocre importance, par exem- 
ple, l'éducation de Hidulphe à la cour du duc de Bavière ou 
du Norique Garibald (^) ; l'exercice par Erhard, sous les or- 
dres de son frère, d'une sorte d'intendance ou surveillance 
temporelle sur tous les moines du val de Moyenmoutier (2) ; 

(1) c Hoc tempord Garibaldut ducatus Bawarie tenebat sceptrum, in cujtu aula 
fûcglorioêua alUus est. i Jean de Bayon, lib. I, cap. XXII, cité" par PAster, An- 
naUi de VEet, 1880, p. 583, note. 

(3) c I(jitur ianlam turbam frairum quoe ad famulatum Chrieti vir sanctus 
aggregarat quia loci angusiia vix ferre poUrat, fuUm gemino solalio venerabilia 
germani sui Erardi, qui ad comiituenda habitacula monaetice norme tectatoribus 



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- 214 - 

ce fait aussi que Hidulphe, par sa prévoyance, aurait ob- 
tenu pour son monastère, soit des princes, soit des papes, 
de nombreuses chartes d'exemptions et privilèges, « sem- 
blable en cela, observe Jean, au pilote qui prend des pré- 
cautions contre Torage, alors même qu'il jouit encore de 
la sécurité du port (^) ; i> enfin le récit d'un miracle curieux 
qui se produisait régulièrement au village de Bergheim, 
dans la Haute-Alsace, par l'intercession du saint patron de 
l'abbaye. Voici quel était ce miracle : On conservait dans 
l'église de cette localité une coupe qui avait autrefois ap- 
partenu à Hidulphe. Cette coupe était de vil prix, mais 
douée d'une propriété merveilleuse. On s'en servait pour vé- 
rifier les mesures des marchands. Ces mesures étaient-elles 
fausses? le liquide versé dans le vase miraculeux s'élevait 
par dessus les bords sans toutefois se répandre (2). 

C'est aussi chez Jean de Bayon qu'on trouve exprimé 
pour la première fois, en une fort belle image, le symbo- 
lisme de cette croix mystique que formaient les cinq mo- 
nastères de la vallée de la Meurthe : Étival et Senones aux 
extrémités de l'arbre de la croix, Saint-Dié et Bonmoutier 
terminant la branche transversale, et Moyenmoutier au 
point de rencontre. 

A cela se bornent les éléments nouveaux ou curieux 
introduits par Jean dans le récit traditionnel. Après lui, 
tous les auteurs de seconde, de troisième et de quatrième 

eangrua iinê rsquie <Uvotu$ extitii per omnia, utpotê mmptuum nêcenariorum pro- 
viiioni moxgilam. » Jbàn de Bâton, lib. H» cap. H, cité par Poster, loc. cit., 
p. 584. 

(1) « Vtque prudem naucUrtta, licet in portu navigans êU, tamen quodam pro- 
îudio jam utupêcto pêriculo, occurrit, anchorM, rudentet, cetera que armamenta 
preparando,,. ita et pmter hic emeritui navim sibi crédite plebicule munitnen 
totiu8 incursus improborum reddere conabatur, ^ Jean de Bâton, lib. II, cap. IV. 

(3) « Exstat. . . in dicH fundi Berchem basilica reverenter conservata sancH pre- 
suUs pathera, specie quidem vilis, sed meritorum ejus cUtestatione celebris. . . nom 
quoties tes eœigit, sicut illic est coifisuetudinis ut per eam fraudulente mercatorum 
corrigantur mensure, inftui liquores cumulum ipsius êolent ultra modum trans- 
cendere, nec tamên effluere. & Jean de Bâton, lib. II, cap. VIII. 



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- 215 — 

main qui écriront sur Hidulphe et sur les origines de 
Moyenmoutier, ne feront plus que mettre en œuvre les 
matériaux antérieurs qu'ils auront trouvés dans les docu- 
ments que nous venons d'étudier, sans s'en demander 
la valeur et sans vérifier la pureté de la source à laquelle 
ils les puisent. Ils les combineront en d'ingénieuses nar- 
rations, essayant d'en concilier les contradictions afin de 
les faire entrer dans un même récit, les mettant tous sur le 
même rang et leur attribuant à tous la même autorité his- 
torique. 

Désormais, la légende est fixée dans ses grands traits. 
Jean Herckel (^) et Jean Ruyr (2) au XVI« siècle, vraisem- 
blablement aussi les auteurs de deux vies de Hidulphe 
qui ne sont pas arrivées jusqu'à nous, Philibert de Tain- 
trux (3), au XVJe, et dom Théodore Moy (^), au XVIJe siè- 

(!) Jean Herckel de PlaiDfaing, ou Herculanue. Cétait un chanoine de Saint-Diô 
qui avait latinisé son nom (Herckel = Herculanus). Il est Tauteur d'un opuscule 
connu sous le titre de Joannia Berculani Plenifesini hûtoria. Ce petit livre, 
dédié par lui à ses confrères et consacré aux antiquités du Val de Galilée, a été 
écrit en 1541. Il a été publié par dom Calmet .{Hhloire de Lorraine^ 1'* édition, 
t. m, preuves, col. cxxxiii) d'après une copie manuscrite de Moyenmoutier 
faite par le même Albert Hegnauld qui avait copié déjà la chronique de Jean de 
Bayon. Cf. tupra, p. 159, note 5. Les deux ouvrages se suivent dans le manus- 
crit. Voir le ms. n* 537 de la bibliothèque municipale de Nancy. 

(S) Recherehu <Ui takicteê antiquittz de la Vo^ge, par Jean Ruyr, charmesien, 
chantre et chanoine de l'insigne église collégiale de Saint-Dié. L'ouvrage a eu 
deux éditions, la première a Saint-Dié en 1625, la seconde à Epinal en 1634. 
A remarquer que la deuxième édition diffère beaucoup de la première : celle-ci 
contient divers textes qui n'ont pas été reproduits dans la dernière. A ces deux 
éditions il convient d'ajouter le manuscrit de Saint-Dié (n* 18 du catalogue de la 
bibliothèque publique), qui semble une révision postérieure de l'édition d'Epinal, 
bita par Kuyr lui-même ou sous ses yeux, et qui contient des additions assez 
nombreuses et importantes. Cf. Abbé Chapelier, Jean Ruyr, sa biographie et 
u$ œuvree^ dans le BulUtin de la Soc, phil, vosg., 1891-92, p. 16. 

(3) Philibert de Tuintrux, bénédictin de Moyenmoutier, avait composé une vie 
de saint Hidulphe qui était restée manuscrite. Déjà au commencement du siècle 
dernier, Belhomme en constatait la disparition et la perte. Cf. Belhomme, op. 
cit, p. 146 et p. ^8. Philibert de Taintrux (et non pas Philippe Teintrux comme 
l'appelle quelquefois dom Cahnet) vivait avant la réforme de Saint- Vanne. 

(4) Don> Théodore Moy, ou dom Théodore de la Croix, bénédictin de Saint- 
Vanne, mort à Nancy le 25 décembre 1635, avait composé : 1* Une Vie de $aint 
Hidulphe, archêuique 'le Trêves, que dom Cjilmet, probiblement à tort, dit avoir 



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- 216 - 

cle, certainement, après eux, tous les vulgarisateurs de 
vies de saints (*), les leçons des bréviaires («), les au- 
teurs anonymes des Vies de 1623 (3) et de 1723 (*), comme 
aussi à une époque plus rapprochée de nous, la Vie de 
1865 (^) et l'ouvrage de M. Guinot sur les saints du Val 
de Galilée (^), ne font que reproduire cette légende, la 
développer ou Tamplifler sous forme oratoire Ç). C'est 
partout la même absence de critique (8). Le travail de 
M. Guinot nous fournit, en particulier, le type le plus 
curieux de ce genre de littérature. L'auteur recueille tous 
les renseignements qu'il a pu trouver épars çà et là, les 
combine avec beaucoup d'imagination, les fait valoir avec 
éloquence et arrive à composer ainsi un ouvrage cer- 

élé imprimée à Toul. Cf. Bibliothèque lùrraine, col. 677, et Bblhommb, p. 428; 
2° Un Etsay nw aucunes guérisons miraculeuêes opérées à Moyenmoutiêr, dont le 
dit Théodore Moy a été témoin es années iôSô et i6S7, Ce dernier ouTtage, qoi 
serait, ce semble, fort curieux, n*est pas arrivé non plus jusqu'à nous. 

(1) Par exemple V Année bénédictine de la mère de Blémur, au 11 juillet (1670). 

(2) Cf. Breviarium Tullense de 1748, pars mtiva, p. 456. 

(3) La Vie de sainct Hydulphe, confesseur , archevesquede Trêves et fondateur du 
monastère de Moyenmoustier^n-Voge. 1623, Toul, petit in-8 de 157 pages. 

(4) La Vie de saint Bidulphe, archevêque de Trêves, fondateur et premier abbé 
de Vabbaye de Moyonmoustier-en-Vosges, in-12, 48 pages, Strasbourg, 1723. 

(5) La Vie de saint Bidulphe, archevêque de Trêves, fondateur et premier abbé de 
Vabbaye de Moyenmoutier avec Vhistoire de son cutte (in-12, 32 pages, Saint-Dié, 
1865, chez Trotot). Ce n*est peut-être, dit M. l'abbé Chapelier (Bibliographie de 
saint Bidulphe, dans le Bulletin de la Société philomatiquevosgienne, 18^1-1892, 
page 8), qu'une réimpression de la Vie de 1723. 

(6) Guinot, Les Saints du Val de Galilée au diocèse de Saint-Dié. Paris , 1852. 

(7) Voir aussi l'étude de M. l'abbé Chapelier , L'Ancienne Abbaye de Moyen- 
moutiêr, dans le^Bulletin de la Société philomatique vosgienne, 1887-1888, p. 221 
et suiT., et les articles de M. l'abbé L'hôte, dans la Semaine religieuse de Saint- 
Dié, 1897. Aux écrits sur saint Hidulphe, il faut joindre encore les Vies anciennes 
et modernes de saint Dié, en particulier Ruyr, La vis et histoire de saitict Dié, 
évesquedeNeverSf Troyes, 1594, ouvrage rare dont 1»- bibliothèque du Musée lor- 
rain à Nancy possède un exemplaire. 

(8) Cependant au XVII* et au XVIII* siècles, semble-t-il, quelques doutas com- 
mencèrent à s'élever, par exemple sur l'épiscopat de saint Hidulphe k Trêves 
(Cf. supra, p. 177, note 1), — comme aussi sur les relations de saint Dié et de 
saint Hidulphe, dont certains bréviaires ne parlent plus. (Voir notamment, à la 
date du 15 juillet, le Breviarium monasticum de la Congrégation de Saint-Vanne, 
imprimé en 1777, chez Haener, à Nancy.) 



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— 217 - 

tainement intéressant, mais à coup sûr de peu de valeur 
historique. 



§ VII. - Conclusion : Ce que l'histoire peut affirmer de saint 

HiDULPHE et des ORIGINES DE MOYENMOUTIER. 



Nous croyons l'avoir prouvé suffisamment, dans ces 
matériaux, rassemblés de toutes parts, que nous fournis- 
sent nos divers documents, il y a un choix à faire. S'il y 
en a de sûrs, il y en a de suspects, il en est aussi de 
mauvais, et l'historien ne saurait les prendre au hasard, 
sous peine de ne bâtir qu'un édifice sans fondement et 
de n'écrire qu'une légende. 

En résumé, les faits certains qui se dégagent des récits 
de tous les hagiographes et chroniqueurs, sont les suivants. 

Le monastère de Moyenmoutier a été fondé dans la val- 
lée du Rabodeau, à l'endroit où s'élève aujourd'hui la pe- 
tite ville du même nom, vers la fin du VII« siècle, alors 
que Senones, Bonmoutier, Saint-Dié et probablement Éti- 
val (1) existaient déjà. Il a été fondé par un saint person- 
nage du nom de Hidulphe, d'origine probablement ner- 
vienne. De Ratisbonne, où il avait été initié à la cléricature, 
Hidulphe était venu à Trêves où il avait mené quelque 
temps, ce semble, la vie monastique à Saint-Maximin. Il 
fut honoré de l'épiscopat, mais ne fut très vraisemblable- 
ment que chorévéque. 

Vers la fin du VII« siècle, à une époque qu'il est impos- 
sible de préciser, il quitte les honneurs de la prélature 

(1) De tous ces monastères de la vallée de la Haute-Meurthe, doot nous n'avons 
pas à discuter ici les origines, le plus ancien semble âtre celui de Bonmoutier, 
fondé vers 660. Saint-Dié et Senones avaient été fondés un peu plus tard sous le 
régne de Ctiildéric II, Saint-Diô en 660, Senones entre 660 et (i73. Quant à Éti- 
val, on ignore à quel moment précis il fait son apparition. Cf. Ppister, loc. cit., 
p. 587. 



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- 218 - 

pour embrasser les austérités de la vie anachorétique. 
C'est à Moyenmoutier qu'il fixe son séjour (*). C'est à 
Moyenmoutier aussi que son frère Erhard — qui sera plus 
tard, peut-être, évoque régionnaire de Ratisbonne — vient 
le visiter. Mais en tout cas, ce n'est pas à Moyenmoutier 
qu'eut lieu le baptême d'Odile, et ce n'est pas dans notre 
monastère que doit se placer la légende qui se rapporte à 
la sainte. 

De bonne heure, de nombreux disciples vinrent se ran- 
ger sous la houlette de Hidulphe. Trois sont restés célè- 
bres : Spinule et les deux frères Jean et Bénigne. 

Puis le nombre des moines augmentant ou quelques-uns 
d'entre eux réclamant une vie plus solitaire encore, un cer- 
tain nombre d'étabUssements monacaux, du vivant même 
de Hidulphe déjà, après sa mort surtout, furent successi- 
vement fondés tout autour de l'abbàye, dont ils restèrent 
des dépendances. Ces celles ou prieurés (2) donnèrent 
naissance presque toujours à des groupes d'habitations qui 
devinrent eux-mêmes, par la suite, les villages de Bégon- 
celle où Saint-Biaise (3), Hurbache (4), le Ban-de-Sapt (^), 

(1) Les VUm Uildulfi et la Vita Deodati parlent à plusieurs reprises de la retraite 
de Hidulphe au déêert. Il ne faut pas se méprendre sur le seas de ce terme et 
croire que Tabbaye de Moyemnoutier aiosi que les mooastôres Toisius se se- 
raient élevés dans des lieux absolument déserts. On a prouvé, en effet, que toute 
cette vallée supérieure de la Meurthe était habitée dès répoque romaine et même 
sillonnée de routes importantes. Néanmoins, malgré ces habitations, qui du 
reste étaient moins nombreuses peut-être à Tépoque mérovingienne, 11 y avait 
encore dans ces immenses espaces des Vosges, au milieu de ces forêts séculai- 
res, de vastes solitudes propices à la prière et à la contemplation. C'est dans ces 
solitudes que vint s'établir Hidulphe, comme avant lui déjà Gundelbert et Déodat. 
Cf. Pfister, loc. cit., p. 384. 

(2) Avant l'an mil, environ, les prieurés n'étaient connus que sous le nom de 
eella, ceUula, Le mot pi-ioratuê n'apparaît qu'au XI* siècle. 

(3) Saint-Biaise {Bcgonis cella , Bégoncelle , Sanctus-Blaêtui) , hameau , com- 
mune de Moyenmoutier. Nous dirons plus loin quand et comment le nom de 
Bégoncelle fut changé en celui de Saint- Biaise après le don fait à l'église du lieu 
par saint Gérard, évéque de Toul, de reliques de saint Biaise. 

(4) Hurbache (Horbacum, Horbach, Urbach), village du canton de Sanones. 

(5) Le Ban-de-Sapt {ad septem abietes, ban de Scept), village du canton de 
Senones, au nord de la montagne d'Ormont, composé de plusieurs hameaux. 



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- 249 - 

Saint-Jean-d*Ormont (i), Saint-Prayel (2), Vézeval (3). Quel- 
ques-unes cependant de ces celles, à raison sans doute de 
leur situation incommode, firent exception et ne furent 
l'origine d'aucun groupement de population, ainsi la Haute- 
Pierre (4) et la fontaine de Robert ou de Gobert (5). D'autre 
part, dans toutes ces celles^ des chapelles ou oratoires étaient 
élevés. A Moyenmoutier même, de très bonne heure, on 
compte cinq de ces lieux saints : les églises Notre-Dame, 
Saint-Pierre — qui donne bientôt son nom au monastère 
— Saint-Epvre, Saint-Jean-Baptiste et Saint-Grégoire, cette 
dernière au cimetière. Toutefois rien ne dit, et d'ailleurs 
il est peu vraisemblable que tous ces sanctuaires aient été 
érigés du vivant même de Hidulphe et par lui. 

Quoi qu'il en soit, après une vie de prière, de pénitence 
et d'édification, Hidulphe mourut au commencement du 
Vni« siècle, peut-être en 707, un cinq des ides de juillet 
(41 juillet). Il fut enterré dans l'oratoire Saint-Grégoire, où 
reposaient déjà ses premiers disciples, Spinule, Jean et 
Bénigne (e). Avant sa mort, dans ses dernières années, il 

dont les sept principaux prennent le titre de sections et sont Nayemont, Le Frai- 
teuz, Gemainfaing, La Fontenelle,Laitre^LeRouauz et Launois, point central de 
la commune. 

(1) Saint- Jean-d*Ormont (Sanctus Joannes de Hurimonte), village situé sur le 
Tersant nord de la montagne d'Ormont, canton de Senones. 

(2) Saint-Prayel (Saint-Preyé, Sancfus Prejectus, Saint-Prayer, Prayé, Prayrl), 
hameau , commune de Moyenmoutier. 

(3) VézsTal , hameau disparu aujourd'hui , qui était situé prés de Templuce- 
ment où s'élève actuellement Raon -l'Étape. 

(4) La Haute-Pierre est le nom d'une roche immense qui domine Moyenmou- 
tier au nord et couronne la première montagne de ce chaînon des Vosges. On 
comprend qu'un prieuré permanent et régulier, et surtout un village, n'aient pu 
s'y établir d'une façon durable. 

(5) Il est difficile d'identifier cette fontaine de Robert ou de Gobert. Peut-être 
serait-ce la solitude sauvage de Mortefosse ou Malfosse, à quelque distance de 
Moyenmoutier, au nord-est, là où il y eut plus tard un ermitage dont on voit 
encore aujourd'hui la chapelle. Cf. Chapelier, L'Ancienne Abbaye de Moyen- 
moutier, dans le Bulletin de la Société philomatique vosgienne, 1887-1888, p. 231. 

(6) Voir, sur cet oratoire Saint-Grégoire, l'abbé Déblaye, Description et histoire 
de Voratoire Saint- Grégoire et du tombeau de saint Hidulphe à Moyinmoutier, 
dans les Bulletins de la Société d'Archéologie lorraine, 1856, p. 21-32. La tradi-^ 



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-520 - 

est possible que pour pouvoir se livrer avec plus de tran- 
quillité aux exercices de la prière et de la contemplation, 
il ait abandonné les fonctions abbatiales à Leutbald, un de 
ses disciples. Mais celui-ci l'ayant précédé dans la tombe, 
il se vit obligé de les reprendre. A sa mort, il eut pour 
successeur Régimbert. 

De très bonne heure aussi, du vivant même de Hidul- 
phe et à la suite de donations pieuses, la jeune abbaye se 
vit en possession de biens importants, non seulement dans 
la vallée du Rabodeau et de ce côté des Vosges, mais en- 
core jusqu'en Alsace, notamment à Bercheim (^) ou Berg- 
heim et à Hindisheim (-). 

Enfin si, pénétrant à Tintérieur môme du monastère, 
nous cherchons à nous rendre compte de sa situation, au 
temporel et au spirituel, sans pouvoir rien affirmer de fa- 
çon positive, nous pouvons cependant, par des rapproche- 
ments de textes et des analogies, arriver à des probabi- 
htés extrêmement grandes. 

Au point de vue temporel, d'abord, on distinguait parmi 
les abbayes, à cette époque, celles qui relevaient du roi, 

tion populaire prétend que la modeste construction que ron Toit encore aujour- 
d'hui au cimetière est Toratoire même élevé par saint Hidulpho. Il est certain 
qu'elle remonte à une très haute antiquité, et si elle a dû subir dans la suite des 
temps des restaurations et des reconstructions, elle est toujours restée à la 
môme place et a gardé à travers les siècles la simplicité de son plan primitif. 
Jusqu'au commencement de ce siècle» à la construction actuelle, qui servait de 
sanctuaire ou d'abside, était jointe une nef de dimensions à peu près sembla- 
bles. Cette nef, qui tombait en ruines, a été démolie en 1832. 

Dans cette petite chapelle du cimetière, on voit aussi, au côté droit de l'autel, 
un grand tombeau de pierre, avec un couvercle orné d'une croix en relief. C'est 
très vraisemblablement le sarcophage même où reposa après sa noort le fonda- 
teur de Moyenmoutier. Cf. Dbblays, article cité, p. 28-31. 

(1) Berclieim, aujourd'hui Bergheim ou Oberbergheim, canton de Ribeauvillé, 
arrondissement de Colmar, dans l'ancien département du Haut-Rhin. C'était le 
chef-lieu d'un bailliage de la seigneurie de Ribeaupierre, comprenant Bergheim, 
Rodern et Rorschwihr. Cf. Stoppel, Dictionnaire topographique du département 
du HaïU'Rhin, aiticle Bergheim. 

Ci) Hindisheim, canton d'Erstein et arrondissement de Schlestadt, aneieo dé- 
partement du Bas-Rhin. 



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- 224 - 

celles qui dépendaient du pape, celles enfin qui étaient 
dans la main de Tévêque. Or nous avons tout lieu de 
penser que le monastère fondé par Hidulphe fut un mo- 
nastère royal. Il n'était pas immédiatement soumis, en 
effet, dès cette éppque, au Saint-Siège. D'un autre côté, 
bien que ce soit Tévêque de Toul qui ait indiqué à Hi- 
dulphe, s'il faut en croire les Vitœ Hildulfi, le lieu de sa 
retraite, il ne semble pas, il est même tout à fait in- 
vraisemblable que ce territoire lointain ait appartenu à ce 
prélat. D'autre part, deux des monastères voisins de Moyen- 
moutier, Senones et Galilée ou Saint-Dié, étaient certaine- 
ment monastères royaux, bâtis sur des terres concédées par 
le fisc (^). Dès lors, n'est-il pas tout naturel d'admettre que 
les choses se sont passées de même pour Moyenmoutier? 
Ou bien, en effet, les terres de la nouvelle abbaye lui ont 
été données directement par le fisc, et alors l'abbaye était 
nécessairement royale, ou bien — nous trouvons cette sup- 
position dans les récits postérieurs (2), mais sans qu'aucun 
texte des Vies de Hidulphe nous permette de l'affirmer — 
ces terres lui ont été concédées par les monastères voisins, 
botanmient Senones, Étival, peut-être Galilée (3), mais 
comme ces monastères étaient eux-mêmes des monastères 
royaux, les terres données par eux ne perdaient pas leur 
condition, et la nouvelle abbaye ainsi dotée, était, elle aussi, 
par la nature même de ces dotations, une abbaye royale. 

(1) Pour Galilée, Toir le priviiège de Numérien {Gûllia ChrUtiana, t. XIII, lostr., 
eol. S91 ; Dom Caliot, HUMre de Lorraine, \^* édit., 1. 1, preuYee, col. 259.) On 
y lit notamment : c ïn proprietatê iua quam ex fUci largitate promeruit, i Pour 
Senones, voir le pririlôge de Childôric II, de 661 ou 662. (Galmxt, Histoire dé 
Larraim, i^ édit., 1. 1, prenres, col. 258.) 

(2) RiCBSR, Gestm Sentmieneiê eceleêiœ, 1, 12. 

(3) Ainsi, d*après la tradition , l'abbaye de Senones aurait cédé à Moyenmou- 
Her : c le ban de Lattre ou le ban de Sapt , et celui où sont situés Saint-Jean- 
d'Ormont, Hurbache, La Chapelle et Le Paire, et tout ce qui est depuis la monta- 
gne de la Haute-Pierre jusqu'à Malfosse et jusqu'au petit ruisseau de Morgoutte, 
dont l'abbaye de Moyenmoutier jouit encore aujourd'hui. . . » Dom Galmbt, His- 
toire dé Sommes, édit. Dinaoo, p. 23. 



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— 222 - 

Du reste, nous verrons bientôt qu'un peu plus tard, à 
répoque de Charlemagne , Moyenmoutier est regardé et 
traité comme monastère royal. Dès lors, il est plus vraisem- 
blable encore que telle ait été sa situation dès Torigine. 

Gomme abbaye royale, Tabbaye de Moyenmoutier de- 
vait avoir la jouissance pleine et entière des biens qui lui 
étaient concédés. Mais la propriété, la propriété éminente 
tout au moins restait aux mains du roi. Celui-ci demeurait 
libre de disposer de ces biens comme bon lui semblait. 
Sans doute cette situation d'abbaye royale, à raison sur- 
tout de la sujétion qu'elle impliquait, n'était pas sans in- 
convénients. Mais, outre que ces inconvénients ne se firent 
sentir que plus tard, au moment des guerres civiles qui 
troublèrent les régions franques, les avantages incontes- 
tables qu'elle apportait avec elle n'étaient pas à dédaigner. 
Les abbayes royales bénéficiaient souvent du privilège de 
l'immunité. Défense était faite aux fonctionnaires royaux 
de pénétrer sur leur territoire pour y lever les impôts ou 
pour y rendre la justice. Bientôt, par une conséquence 
toute naturelle, ces abbayes obtinrent de pouvoir lever 
elles-mêmes ces impôts à leur profit et rendre la justice. 
Elles étaient de plus sous le mundebourg du roi et conmae 
telles plus efficacement protégées par lui ou par son maire 
du palais (^). 

Telle a dû être très vraisemblablement, au temporel, la 
situation de l'abbaye de Moyenmoutier à son origine, du 
vivant de saint Hidulphe et à sa mort. 

Au point de vue spirituel, nous pouvons faire des con- 
jectures également très acceptables. Apparemment la règle 
primitivement suivie à Moyenmoutier a été un mélange 
des règles de saint Benoît et de saint Colomban. Nous 
savons, en eflet, que la plupart des monastères fondés 
dans les régions franques au VII« siècle, l'ont été, suivant la 

(1) PFI8TIR, loc. cit., p. 383. 



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- 233 - 

formule habituelle des chartes, « secundum regulam domni 
Benedicti et sancti Colombani abbatis. » C'est ce qui nous 
est affirmé en particuUer pour Galilée, dans le privilège de 
l'archevêque de Trêves Numérien (^). Primitivement, la 
règle de Colomban avait prévalu presque partout. Mais sa 
rigidité, sa dureté parfois excessive en rendirent de bonne 
heure FappUcation difficile. Au môme moment, d'autre part, 
une règle plus douce et plus sage, venue dltalie, la règle 
de saint Benoît de Nursie, faisait son apparition en Gaule. 
Pendant quelque temps les deux règles furent suivies si- 
multanément. Puis on imagina une sorte de mélange des 
deux, où les dispositions de la règle bénédictine tempé- 
raient la rigueur de la règle irlandaise, jusqu'à ce qu'enfin 
la règle italienne arriva à prévaloir complètement. Ainsi, 
le monastère de Moyenmoutier, fondé vraisemblablement 
sous le régime de cette règle mixte, ne tarda pas à devenir 
une abbaye purement bénédictine, et cela, sans doute, sous 
les premiers successeurs de Hidulphe {^), 

C'est dans cet état, autant qu'on peut le conjecturer, que 
saint Hidulphe laissait son monastère, au commencement 
du VIII« siècle, quand Régimbert fut appelé à lui succéder : 
monastère royal, sous la règle mixte de saint Benoît et de 
saint Colomban, riche déjà en terres, en biens et en reve- 
nus, tout rempU encore, ce semble, de la ferveur qui mar- 
que toujours l'origine des grandes fondations de ce genre, 
bref, plein d'espérances et de promesses. 

(1) Gullia ChiêHana, t. XIU, Instr., col. 2d2. 

(2) Belbommb, op. cit., Commentariui pravitu, p. 41. Belhomme, toatefois, tire 
d6t rapports de saint Di6 et de saint Hidulphe an argument que nous ne pouvons 
natorellement pas admettre. Voir aussi Calbibt, Histoire de Sênonei, édition 
Dinago, p. 24. 



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LIVRE II 

L'ABBATE DE MOTENMOUTIER 
SOUS LES PREMIERS SUCCESSEURS DE SAINT HIDULPHE 

VIIIo & IXe SIÈCLES 



CHAPITRE I 

ÉTUDE CRITIQUE DES SOURCES : LE c LIBELLUS DE 
SUGCESSORIBUS SANCTI HILDULFI IN VOSAGO. > 

Si l'histoire de Tabbaye de Moyenmoutier, sous le 
gouvernement de saint Hidulphe, nous apparaît pleine 
d'incertitudes, l'histoire de ses premiers successeurs ne 
Test guère moins. C'est à peine si dans la période de 
près de deux siècles qui s'étend de la mort de Hidulphe, 
707 (*), à la fin du IX« sièle, nous pouvons glaner, çà et 
là, quelques faits sûrs et précis intéressant notre monas- 
tère. 

Pour nous guider dans nos recherches à travers cette 
période, nous n'avons guère que le « Libelltis de successo- 
ribiis sancti Hildulfi in Vosago^ usque ad initia saeculi XI, i^ 
d'une part, et de l'autre, les récits de Richer de Senones 
et de Jean de Bayon. Nous avons parlé précédemment de 
ces deux derniers auteurs; il nous reste à dire ici quel- 

(i) Nous adoptons cette date traditionnelle, en rappelant les réserves que 
nous avons faites plus haut. 



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— 225 - 

ques mots du < Libelltis, » C'est du reste, pour la période 
que nous abordons, la source principale et celle qui servira 
de base à notre récit. Nous n'aurons recours à Richer et 
à Jean que pour compléter certains points laissés dans 
Tombre par l'auteur du a: Libellus » ou qui lui avaient 
échappé, et qui ont été plus longuement mis en lumière 
par les deux chroniqueurs du XIII« et du XIV« siècles. Et 
même, ces deux auteurs étant postérieurs, l'un de deux 
cents, l'autre de trois cents ans environ au « Libellus, i^ 
nous ne devrons nous servir des matériaux qu'ils appor- 
teront à notre histoire, qu'avec beaucoup de précaution 
et après les avoir soumis à une épreuve sévère. 

Le € Libellus de successoribus sancti Hildulfi in Vosago 3> 
est certainement l'œuvre d'un moine qui a vécu à Moyen- 
moutier. Cela est évident à la seule lecture de l'opuscule. 
D'abord l'auteur n'y parle guère que de Moyenmoutier, 
ou du moins il en fait le centre de son récit et y ramène 
tout. De plus, et les termes dont il se sert pour désigner 
ce monastère (par exemple, chapitre II : nostro loco hono- 
ràbile prsedium œntradidit; chapitre III : juri nostri cœno- 
bit, etc.), et la façon dont il parle de saint Hidulphe (cha- 
pitre I : beati Patroni nostri Hildulfi; chapitre III : super 
beatos Patroni nostri Hildulfi artus, etc.) (*), ne sauraient 
laisser de doute à cet égard. 

Mais quel est ce moine de Moyenmoutier et à quelle 
époque vivait-il? Il y a là une question délicate à résou- 
dre. On n'a formulé jusqu'alors et l'on ne pourra jamais 
formuler à ce sujet que des hypothèses. 

Pour Belhomme (2), le moine de notre abbaye qui aurait 
composé le Libellus, — et par conséquent aussi la troisième 



(1) BiLHOlciiB, p. 145et 8ui¥.; édition Waitz, dans les Monummta GermatUm 
kitiarka, Scriptores , t. IV, p. 87-88. 

(2) n a été suivi par les aateors de YHiiUrire littéraire de la France, t. VU, 
p. 241 et 541. 

15 



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— 226 — 

Vita Hildulfi, car nous avons dit plus haut (i) que ces deux 
écrits étaient très vraisemblablement du même auteur — 
serait un certain Valcandus ou Valcand, qui vivait au 
début du Xle siècle et écrivit une chronique des événe- 
ments qui, à son époque, se sont passés à Saint-Dié. 

Voici ses raisons. 

Le Libellus^ dans son récit, ne va pas au-delà du gouver- 
nement de Tabbé Hardulphe. D'autre part, Hardulphe n'était 
plus abbé de Moyenmoutier au moment où l'auteur écrivait, 
sans quoi celui-ci n'aurait pas dit, en parlant de lui, au 
chapitre XIII : « extiterat. » Or, au témoignage de Jean de 
Bayon, Hardulphe fut déposé par l'évêque de Toul, Ber- 
thold, en l'année 1016 et envoyé par lui à l'abbaye de 
Saint-Epvre de Toul. D'après le même Jean de Bayon, il 
eut pour successeur Encibold, que jadis Almann, abbé de 
Moyenmoutier, avait fait venir de l'abbaye de Saint-Avold 
pour lui confier les écoles de son monastère et qui, après 
avoir été l'ennemi plutôt que le père de ses religieux, 
« polius exstirpator quam provisor, » mourut en 1018. 
Hardulphe revint alors à Moyenmoutier et fut réintégré 
dans sa charge d'abbé (^). On a tout lieu de croire que 
Jean de Bayon n'invente pas ces détails si précis. Or, 
Fauteur du Libellm les passe sous silence ; il ne parle ni 
de la mort d'Encibold ni de la réhabilitation de Hardulphe, 
mais, au contraire, c'est là précisément qu'il arrête son 
récit. Belhomme en conclut qu'il y a une très forte pro- 
babilité pour que cet écrit ait été composé par le moine 
de Moyenmoutier entre les années 1016 et 1019 (^). 

Et maintenant, que ce moine de Moyenmoutier qui vivait 
et écrivait ainsi au début du XI® siècle ait été Valcand, Bel- 
homme l'infère de divers passages de Ruyr, ou plutôt de 

(1) Cf. iupra, p. 149. 

(^ Cf. infra, U* partie, livre HI, chap. I, Hardulphe et Encibold, 

(3) Belhombob, p. 211. 



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— 227 - 

certains textes fragmentaires d'un ouvrage déjà perdu au 
XVIII® siècle mais que Ruyr, au XVII«, avait encore connu 
et qu'il cite (^) justement comme étant de ce Valcand. 

Voici comment l'auteur de YHistoria Mediani Manasterii 
essaie d'étabUr cette affirmation. 

Valcand ne nous est guère connu que par Ruyr qui, à 
diverses reprises, dans ses « Recherches des sainctes anti- 
quitez de la Vosge, » nous parle a d'un nommé Valcandus 
présumé religieux ou abbé de Moyenmoustier après Adal- 
bert (2). > Or, de ces divers passages où Ruyr fait mention 
de Valcand comme des fragments qu'il cite de lui, il résulte 
que ce personnage vivait et écrivait au commencement du 
XI» siècle. Il parle, en effet, d'une translation des reliques 
de saint Dié, qui eut lieu en 1003, comme s'étant accomplie 
de son temps. Ce Valcand serait l'auteur à la fois de la troi- 
sième Vita Hildulfi, du Libellus de successoribus sancti HiU 
dulfi et de la Vita Deodati. Il aurait composé également, 
pour le monastère de Saint-Dié, un pendant au Libellvs de 
Moyenmoutier — ce traité des miracles de saint Dié dont il 
est parlé dans la Vita Deodati à la lin du chapitre IV (b). 
Ce serait cet opuscule c de miraculis a S. Deodato succe- 
dente tempore patratis simul que de successoribus ejus in 
valle Galilea > (*) que Ruyr aurait eu entre les mains, mais 
tout vermoulu et tellement mutilé, nous apprend-il, qu'il a 
pu à peine en extraire quelques fragments. 

Telle est la première hypothèse qui a été proposée et 
que l'on peut faire sur le Libellus, son auteur et Tépo- 

(1> Bblhommb, p. 141 y et Pfistbr, loc. cit., p. 539. Voir aussi Rutr, édition de 
SdQt-Dié, 1G25, p. 309, 210 et 224, et édition d'Epinai, 1634, p. 253 et 288. Le pre- 
mier fragment cité par l'édition de Saint-Dié^ p. 209, a été supprimé dans l'édition 
d'Ei^nal. 

(2) Valcand n'a certainement pas été abbé de Moyenmoutier. Son Mom ne 
figure nulle part dans les catalogues, et à Adalbert a succédé Tabbé Almann* 
Cf. m/ra, U* Partie, livre U, chap. U, Almann. 

(3) Acta Sanctormn, t. IV junii, p. 736. 
(4)BELHomiB,p.l41.142. 



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que de sa rédaction. En résumé, ce serait Tœuvre d'oaa 
moine de Moyenmoutier, du nom de Valcand, qui l'aurait 
composé vers 1016-1019. Ce même Valcand serait aassi 
l'auteur de trois autres écrits dont deux arrivés jusqu'à 
nous, à savoir la Vita Hildulfi sous sa troisième forme et 
la Vita Deodati. 

Une autre hypothèse, très séduisante au premier abord, 
a été aussi formulée. Déjà Wassebourg, ce semble (i), et 
après lui différents auteurs (2) avaient imaginé d'attribuer 
tous les écrits dont nous venons de parler, à cet autre 
moine de Moyenmoutier qu'en 1040 Léon IX emmena à 
Rome, qu'il fit successivement archevêque de Sicile, puis 
cardinal-évêque de Blanche-Selve, le moine-cardinal Hum- 
bert. Tout récemment M. Pfisler a repris à son compte 
cette hypothèse, en la corroborant par un rapprochement 
fort ingénieux. 

Je résume, en lui empruntant souvent ses paroles mê- 
mes, les raisons sur lesquelles il appuie son système 0. 

Sans doute, dit-il, le récit du Libelltis s'arrête au gou- 
vernement de Hardulphe (^), mais deux événements aux- 
quels il est fait allusion dans ce récit, doivent lui faire 
assigner une date plus récente. 

lo Après avoir déploré la décadence profonde de Moyen- 
moutier au cours du X© siècle, le LibelltLs ajoute : c Pour- 
tant au bout de soixante-six ans, sous le règne de Conrad, 
prince invincible, l'abbaye fut de nouveau prospère — sans 

(1) Wassebounr, au début des AntiquUez de la Gaule-Belgiquê, cite parmi ses 
sources VRiatorial de HumberiuB, cardinal de Seeille. D*aprôs Dom Calmet, Was- 
sebourg n'a pu désigner ainsi que le lÀbêllut, Cf. Htêtairê liitéraire dé ta Francêy 
t. VII, p. 541. 

(2) M. Pfister cite, outre autres , Giacouius, Viiœ et ree ge$tm poiUifleum nmm 
norum, 1, 797, et Oldoini, Athenœsttm romanwn, p. 310. 

(3) Annalee de VEet, 1889, p. 537-539. 

(4) C'est par iuadyertance que M. Pfister dit ici que Hardulphe est laorl Yen 
1016. Il fut seulement déposé à cette date et envoyé au monastèie de Salm-EpTre 
de Toul. 



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qu'elle brillât cependant du même éclat qu'autrefois — et 
cela grâce au vénérable prélat des Leuquois, Brunon (*). > 
Or Brunon fut sacré évêque de Toul le 9 septembre 1027 : 
donc l'ouvrage est postérieur à cette date. D'autre part, il 
a dû être écrit avant que Brunon fût monté sur la chaire 
de SaintrPierre, c'est-àrdire avant décembre 1048, car l'écri- 
vain n'aurait pas manqué d'en faire mention et de dire par 
exemple : c ... Le seigneur Brunon, qui depuis est devenu 
pape sous le nom de Léon IX (^). > 

29 Un autre fait, ajoute M. Pfister, permet de préciser 
encore davantage. L'auteur du Libellm (chap. IX) (3) ra- 
conte conunent on découvrit d'une manière miraculeuse 
à Moyenmoutier les restes de saint Boniface, qui aurait 
été, d'après la tradition, l'un des compagnons de saint 
Maurice. Au moment où la découverte fut faite, le mo- 
nastère était démoli et l'on était occupé à le rebâtir, de 
sorte que le corps du martyr dut être porté à Bégoncelle 
(Saint-Biaise), c Mais là, continue notre texte, par suite 
d'incurie, on laissa les précieuses reliques jusqu'au temps 
du seigneur Lambert qui, en l'an de l'Incarnation 1043, 
le vendredi 4 novembre, les ramena à Moyenmoutier (*). > 

De ces divers raisonnements, M. Pfister conclut que le 
LibellHs a été composé entre 1044 et 1048. 

Mais ce n'est pas tout encore. Jusqu'à présent nous ne 
nous sommes occupés que de l'époque de la rédaction. 
Dans cette nouvelle hypothèse, quel sera l'auteur de To- 
puscule? Une autre coïncidence tout au moins très remar- 
quable va nous permettre, dit M. Pfister, de le découvrir. 



(1) lÀbaïus, cap. VI, éd. Waitz, Mon. Germ,, SS., IV, p. 89; Bklhomme, p. 171. 
L'amear de YHUloria Mediani Monasterii, nalQrallemeDt, dans son hypothèse, 
regarde ce passage comme interpolé. Cf. Belhohmb, p. 180. La suppesition, 
d'ailleurs, est très vraisemblable, nous le dirons tout à Theure. 

(%Afmalê$ de VEit, 1889, p. 537. 

(3) BiLHOMMB, p. 194; éd. Waitz, Mon, Germ., SS., IV, p. 90. 

(4) BiLHOMMB, p. 104. Ici encore, Belhomme suppose le passage interpolé. 



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- 230 — 

Arrivé à cette période de l'histoire du monastère, Jean de 
Bayon écrit justement : « La sixième année du gouverne- 
ment de Lambert, en 1044, le moine Humbert composa les 
louanges de saint Cyriaque, martyr, de Hidulphe, évêque 
de Trêves, de saint Dié, de la vierge Odile, de Colomban 
et de Grégoire ; on appelle ces louanges vulgairement des 
répons. Après les avoir écrits en vers et en rhythmes, il 
les livra à Tévêque Brunon qui en fît la musique, i 
M. Pflster ajoute : « Ne sommes-nous pas autorisés à 
croire que ces répons en l'honneur de Hidulphe sont 
comme un sommaire de la grande Vie, et dès lors, la 
concordance entre cette date de 1044 à laquelle le raison- 
nement nous a conduits et cette même date de 1044 don- 
née par Jean de Bayon n'est-elle pas fort remarquable? Il 
devient par suite infiniment probable qu'Humbert a com- 
posé la troisième Vie de Hidulphe et le « Libelltis de stio 
cessoribus Hildulfi (^). t> 

Nous ne nous dissimulons pas ce que ces rapproche- 
ments ingénieux donnent de force au système qu'ils préten- 
dent établir. Et cependant nous ne croyons pas qu'ils sup- 
priment toute difficulté, et, tout bien considéré, après avoir 
longtemps hésité, nous avouons que l'hypothèse de Bel- 
homme — du moins dans ses grandes lignes, car nous 
pourrons nous séparer de lui sur quelques points de détail 
— parait encore plus acceptable. 

Pour nous, l'auteur du Libellus fut certainement un 
moine de Moyenmoutier — peut-être Valcand — qui vivait 
au commencement du XI« siècle. Il écrivait selon toute 
apparence après le premier gouvernement et la première 
déposition de Hardulphe, au moment où Encibold essaye 
d'envahir son siège. Il est contemporain des événements. 
Ses préférences sont pour Hardulphe ; il le laisse entendre 

(1) Annales de VEst , 1889, p. 538-539. 



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- 231 - 

discrètement, bien que dans la crainte d'Encibold, qui s'est 
emparé subrepticement de la charge abbatiale, il n'ose pas 
les afficher ouvertement et juge plus prudent d'arrêter là 
son récit. 

Sans doute, nous reconnaissons qu'un instant nous 
avons été gêné et vivement ébranlé par les chapitres XIII et 
suivants. Dans ces passages du Libellus, il est question de 
miracles qui se seraient produits, ce semble, au temps 
même de Hardulphe. L'auteur en parle, nous disions-nous, 
comme de choses déjà lointaines et reculées, qu'il n'a pas 
vues, qu'on lui a rapportées et dont il redit les plus frap- 
pantes, c celles dont il se souvient. » Nous en concluions 
que si ces faits s'étaient passés sous Hardulphe, il fallait 
nécessairement avancer d'un nombre assez considérable 
d'années l'époque où l'auteur écrivait. De telles traditions 
et de telles légendes, en effet, ne naissent pas d'ordinaire 
en un jour et toutes formées, et il fallait supposer qu'un 
intervalle assez long avait dû s'écouler entre la composition 
du Libellitë et les faits qui servaient de fondement à ces 
légendes. Et cela nous semblait un argument très fort en 
feveur du système proposé par M. Pflster. Toutefois, en 
relisant attentivement le texte, nous nous sommes per- 
suadé que ce que dit ici le Libellus doit se rapporter non 
pas à Hardulphe — c'est à tort que Belhomme l'a cru et l'a 
indiqué dans ses notes marginales (^), — mais à Almann. 
Tous ces faits merveilleux, déjà lointains, dont l'auteur 
parle, c'est sous le gouvernement abbatial d' Almann, de 985 
à 1011, qu'ils se sont passés, aux environs de l'an mil par 
conséquent, alors que certains esprits étaient inclinés à voir 
du merveilleux et du surnaturel partout (2). La phrase qui 
précède sur Hardulphe est incidente. En réalité, le récit 

(i) Bblhommk, p. 209. 

(3) Oa peut fort bien admettre ceci tout en rejetant comme elle doit Tétre ce 
que Ton est convenu d*appeier c la légende de Van mil. » 



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- 232 - 

historique s'arrête à la mort d'Almann et à ravènement de 
Hardulphe. L'auteur sentait bien qu'il touchait désormais 
à des questions trop actuelles et trop brûlantes pour qu'il 
pût s'y arrêter et dire sa pensée sans imprudence. 

D'autre part, l'objection que l'on pourrait faire des deux 
passages des chapitres VI et IX du Libellus (i) où il est 
question de l'évêque de Toul Brunon et de la translation 
des reUques de saint Boniface, de Saint-Biaise à Moyen- 
moutier, en 1043, nous parait facile à écarter. 

Qu'on remarque d'abord que, de tout l'ouvrage, ce sont 
les seuls endroits où il soit tait mention d'événements arri- 
vés après le gouvernement de Hardulphe. On chercherait 
en vain, dans les autres chapitres, même une allusion à des 
faits postérieurs à l'avènement de cet abbé. Et il faut avouer 
qu'il eût été difiBcile à un auteur écrivant trente années 
plus tard de ne pas se trahir d'une façon quelconque, 
quand bien même il eût composé son récit avec le dessein 
bien arrêté de ne le conduire que jusqu'à Hardulphe. D'un 
autre côté, que l'on étudie attentivement les deux phrases 
en question et qu'on les compare avec leurs contextes res- 
pectifs, leur interpolation dans le texte original ne peut-elle 
s'expliquer par des raisons plausibles? Ce ne sont pas deux 
détails quelconques, en effet, qui sont ainsi surajoutés, et 
il semble qu'on devine les motifis pour lesquels on a cru 
devoir les introduire. Un copiste (2), qui transcrivait le récit 
primitif trente ans après sa rédaction, a voulu, si j'ose ainsi 
parler, le mettre au point. Il venait de lire le sombre ta- 

(4) Éd. Waitz, loc. cit p. 89 et 90. 

(2) Waitz, loc. cit., p. 86, dit que le plus ancien manuscrit connu s'oppose à 
rhypothèse d*une interpolation : « Quœ quo minus post addita eue cum Belhom' 
mio putemuB, codex aniiquuê et fere coœvtu impedit. » Ce manuscrit — c'est le 
manuscrit d'Epternach-Paris dont nous avons parlé plus haut, p. 146 — remonte, 
il est vrai, au XI* siècle et, d'après Waitz, les passages visés ne semblent pas d'une 
main différente. Mais il est bien possible que ce manuscrit du XI* siècle ae soit 
pas le texte original et premier du Libellm, C'est en le transcrivant qu'on l'aura 
interpolé. Voilà pourquoi nous faisons ici cette hypothèse d'une transcription. 



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- 233 - 

bleau de la ruine de Tabbaye au X© siècle. Mais, grâce à 
Dieu, ce tableau, vrai autrefois, avait cessé de Têtre, et 
ajoute l'écrivain, pour finir et compléter le développement 
qui précédait, tout en le rectifiant : a Pourtant, au bout de 
soixante-six ans, Tabbaye fut de nouveau prospère, grâce 
au vénérable prélat des Leuquois, Brunon. i> Que cette 
phrase ait été ajoutée après coup, cela semble d'autant plus 
évident qu'elle anticipe, sans raison aucune, sur le chapitre 
suivant (chap. VII), où l'auteur primitif va nous raconter 
la réforme d'Adalbert de Gorze, réforme bien antérieure 
à Brunon. Pour nous, cette première phrase est comme 
égarée dans le texte, elle ne fait pas corps avec lui. Le 
copiste avait éprouvé le besoin de l'introduire, pour réta- 
bUr la vérité des faits, peut-être aussi pour flatter l'évêque 
de Toul, alors Brunon, qui témoignait beaucoup de zèle 
et de sympathie à l'abbaye et avec qui les religieux entre- 
tenaient d'excellentes relations. 

L'interpolation du second passage, relatif à la translation 
des reliques de saint Boniface, s'explique bien aussi. Le 
copiste, écrivant après 1043, lisait dans le Libellus de suc- 
cessoribus sancti Hildulfi que ces précieux restes avaient 
été transportés jadis de Moyenmoutier à Saint-Biaise. Mais 
au moment où il écrivait, ils n'y étaient plus. Ils avaient 
été ramenés le 4 novembre 1043 à l'abbaye : dès lors ne 
peut-on penser qu'ici encore le copiste a voulu mettre la 
chronique à jour? D'ailleurs, pas plus que la précédente au 
chapitre VI, cette phrase du chapitre IX ne fait corps avec 
son contexte et ne s'accorde avec lui. Elle a toute l'appa- 
rence, elle aussi, d'une interpolation. 

Et maintenant, que l'interpolateur — qui a fait ces addi- 
tions au LibelltLs entre les années 1044 et 1048 : ici les rai- 
sons alléguées par M. Pfister et que nous avons indiquées 
plus haut (1) retrouvent toute leur force — que l'interpo- 

(1) a. supra, p. 229. 



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- 234 - 

lateur ait été le célèbre moine, plus tard cardinal Humbert, 
rien ne nous empêche de Tadmettre. Nous serions même 
d'autant plus disposé à le croire que l'un des passages 
interpolés contient visiblement un éloge voulu à l'adresse 
de Brunon, éloge que nous nous expliquons très bien sous 
la plume de l'ami et admirateur de Tévêque de Toul qu'était 
Humbert. 

Ainsi et pour nous résumer, nous pensons que le Libellm 
a été composé à Moyenmoutier même, entre l'année 1016 
et l'année 1018, c'est-à-dire entre la première déposition et 
le rétablissement de Hardulphe, alors qu'Encibold était 
encore en vie, en instances pour avoir ou pour retenir 
l'abbaye, à redouter par conséquent s'il venait à triompher. 
Et toutes ces circonstances précisément imposaient à l'écri- 
vain, sympathique d'ailleurs pour Hardulphe, la prudence 
pleine de réserve et presque le silence dans lesquels il se 
retranche en ce qui concerne les événements tout à fait 
contemporains. Toutes ses préférences, en effet, sont pour 
l'abbé déposé ; sans l'aflîcher, il le laisse entendre. 

J'ajoute que dans l'hypothèse où l'auteur du Libellus 
aurait écrit vers 1050 et aurait été Humbert, il serait bien 
étrange qu'il ne se fût pas exprimé plus explicitement sur 
cette affaire de Hardulphe et d'Encibold qui avait agité si 
vivement le monastère. Son silence serait d'autant plus 
inexplicable qu'il pouvait alors en parler sans danger. Il 
serait bien étrange aussi qu'au lieu de poursuivre son 
récit jusqu'à Tépoque où il vivait, il eût eu l'idée de s'ar- 
rêter court à cet épisode si intéressant de l'histoire de 
l'abbaye. Ces raisons ne sont que secondaires, elles ne 
sont peut-être pas cependant sans valeur. 

De plus, on s'accorde généralement à regarder la troi- 
sième Vita Hildulfi et le Libellm comme du même auteur. 
Or, il y a, nous l'avons vu, dans cette Vita Hildulfi des 
maladresses tellement singulières et des contradictions 



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- 235 - 

parfois si grossières, que Ton a peine à croire qu'un homme 
de science, d'érudition et de haute éducation tel qu'était 
Humbert, ait pu les commettre. 

Ce n'est pas tout encore. M. Pfister, nous l'avons vu, 
invoque d'une façon très ingénieuse, à l'appui de son sys- 
tème, un passage de Jean de Bayon. Mais nous réclamant 
à notre tour de ce même passage, né sommes-nous pas 
en droit de trouver pour le moins singulier que Jean, qui 
vraisemblablement devait être flxé sur le point qui nous 
occupe, que Jean, dis-je, parlant, au chapitre L du livre II 
de sa chronique, des travaux littéraires par lesquels Hum- 
bert se signalait alors à Moyenmoutier et illustrait cette 
abbaye, ait omis de nous indiquer deux des plus impor- 
tants : la Vita Hildulfi et le Libelliis, pour ne nous citer de 
lui que des œuvres en définitive secondaires? 

Enfin, une dernière raison me semble décisive et pé- 
remptoire. Nous avons parlé plus haut de la Vita Deodati 
où il est question de saint Hidulphe. Or, cette Vie de saint 
Dié, nous l'avons vu, est incontestablement du milieu du 
XI« siècle, elle a été écrite aux environs de l'année 1050. 
D'autre part, elle nous donne, sur Hidulphe et Déodat, des 
détails qui étaient absolument ignorés de l'auteur du LibeU 
his et de la troisième Vita Hildulfi. Elle marque une étape 
nouvelle dans la formation de l'histoire traditionnelle de 
Moyenmoutier. Elle a dû être nécessairement postérieure à 
la Vita Hildulfi, et par conséquent au Libellus, d'un nombre 
d'années assez considérable pour permettre à la légende de 
naître et de se développer. Donc le Libellus est antérieur 
à la Vita Deodati^ et celle-ci étant du miUeu du XI« siècle, 
le Libellus doit être reporté à plusieurs années en arrière, 
donc il n'est certainement pas l'œuvre du moine-cardinal 
Humbert, alors encore enfant, et nous sommes bien auto- 
risé à en placer la rédaction entre les années 1016 et 1018. 

Mais, quoi qu'il en soit du nom de l'auteur et de l'époque 



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tout-à-fait précise à laquelle il écrivait, nous pouvons rete- 
nir du moins, sans crainte de nous tromper, que c'était un 
moine de Moyenmoutier. Il était bien informé, par consé- 
quent, de ce qui pouvait toucher à son monastère, — bien 
que, par le fait même, il puisse être quelquefois sujet à cau- 
tion quand les intérêts de sa maison sont plus spécialement 
en cause. D'un autre côté, ce moine vivait certainement 
dans la première moitié du XI© siècle, et son témoignage 
est le plus rapproché des événements que nous puissions 
recueillir. 

Le récit du Libellm se compose de deux parties dis- 
tinctes. Dans la première (chap. I à XIII), l'histoire a beau- 
coup, nous pouvons même dire presque tout à prendre. Il 
n'en saurait être ainsi de la seconde (chap. XIII à XVIII), 
plus courte d'ailleurs et moins importante. Dans cette der- 
nière partie, l'auteur, suivant le procédé dont il s'est servi 
déjà pour la troisième Vita Hildulfi, groupe et rassemble, 
en un récit commun, un certain nombre de faits merveil- 
leux. De ces faits merveilleux, il en est apparemment 
comme de ces naïves légendes que l'on rencontre dans 
toutes les vieilles vies de saints, dont elles sont l'orne- 
ment ordinaire et pour ainsi dire obligé. Frappés par cer- 
taines coïncidences, les esprits les exagèrent peu à peu et il 
se forme bientôt, avec le temps, des traditions orales que 
l'on se transmet de génération en génération. C'est pré- 
cisément l'expression de traditions de ce genre, qui circu- 
laient parmi la foule, que le Libelltis nous donne dans sa 
seconde partie. Est-ce à dire toutefois que ces derniers 
chapitres soient tout-à-fait inutiles à l'historien? Non, ils 
nous serviront tout d'abord à marquer les progrès succes- 
sifs du culte de saint Ilidulphe ; ils nous serviront aussi 
pour fixer quelques points particuliers de ce culte, entre 
autres l'époque, approximative tout au moins, à laquelle la 
fête du saint est devenue obUgatoire et de précepte. 



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- 237 — 

Un mot pour finir des éditions du Libelliis. 

Cet opuscule a été publié pour la première fois par 
Belhomme (^) qui, suivant son procédé habituel, a ajouté à 
la fin de chaque chapitre des annotaia parfois très longs. 

Le texte donné par Tabbé de Moyenmoutier avait été 
coUationné par lui sur deux manuscrits, alors conservés 
à l'abbaye de Paderborn et à celle d'Epternach. De ces 
deux manuscrits, le plus ancien était celui d'Eptemach. 
n remontait au XI« siècle même. Dans l'un et l'autre codex, 
notre opuscule vient immédiatement, comme nous l'avons 
fait remarquer déjà, à la suite de la troisième Vita EU- 
dulfi (î). 

Dom Calmet, dans son Histoire de Lorraine (3), ainsi que 
la Patrologie latine de Migne (*), ont reproduit le texte de 
Belhomme. Récemment, Waitz a de nouveau collationné 
les deux manuscrits et en a édité les parties les plus im- 
portantes dans les Monumenta Germanise historica (5). 

Cette étude préUminaire sur les sources de l'histoire de 
Moyenmoutier à l'époque à laquelle nous arrivons, bien 
qu'un peu longue peut-être, nous a paru nécessaire. 
Nous abordons maintenant cette histoire même, et voici 
comment nous procéderons pour l'exposer. A chacun 

(1) Belhomme, Hiitaria Mêdiani ManoMterii, p. 143 et soiv. 

(S) Ces deux manuicrits existeol encore aujourd'hui. Le premier, celui de 
Paderborn est actuellement à la Bibliothèque nationale de Paris (fonds latin , 
n« 9738), le deuxième, celui d*Epternach, est conservé à la bibliothèque royale 
de Bruxelles. Cf. niffra, p. 146. 

(3) Calmet, Histoire de Lorraine, première édition, t. II, preuves, col. 49. 

(4) MiONB, Patrologie laHne, t. GXXXVIU, col. 203. 

(5) lÀber de sameti Hildulfi euccesaoribue in Mediano Monaeterio, Scriptores , 
t. IV, p. 8&-9S. Pour les six premiers chapitres, il n'y a pas concordance dans 
les dlTiaions entre l'édition Waitz et l'édition Belhomme. Le chapitre II de Bel- 
homme est le chapitre I de Waitz, et ainsi de suite jusqu'au chapitre VI qui, dans 
Bdhomme, embrasse les chapitres V et VI de Waitz. A partir du chapitre Vn, 
l'aceofd est rétabli. Le chapitre I de Belhomme est donné en forme de prologue 
par Waitz. Enfin, à partir du chapitre XUI, Waitz ne reproduit plus que quel- 
ques tngmeniB. Il laisse de côté la majeure partie des faits merreilleux qui rem- 
plissent les dernières pages du Libellus. 



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- 238 - 

des abbés dont nous avons conservé le nom, nous rat- 
tacherons tout ce qui se rapporte soit à sa personne 
ou à son administration, soit à la vie de l'abbaye sous 
son gouvernement. Nous suivrons, d'ailleurs, ce procédé 
dans tout le cours de notre travail. A vrai dire, nous ne 
nous dissimulons pas ce que cet ordre à peu près stric- 
tement chronologique, offre parfois d'aride. Nous l'avons 
cru cependant nécessaire pour fixer de façon précise et 
rigoureuse les faits du récit. Au reste, nous nous effor- 
cerons d'atténuer et de corriger la sécheresse que cette 
méthode pourrait entraîner parfois, en nous arrêtant de 
temps à autre dans notre marche, pour jeter, dans quel- 
ques chapitres de portée plus vaste et d'intérêt plus gé- 
néral, un coup d'oeil d'ensemble sur l'état de l'abbaye 
aux diverses époques que nous aurons successivement 
parcourues. 



CHAPITRE II 

L'HISTOIRE 

§ I. — Reoimbert. 

A la mort de saint Hidulphe, ce fut un de ses disciples, 
religieux du monastère, qui lui succéda (^). Régimbert était 
son nom. Par qui fut-il appelé à remplir les fonctions 
d'abbé ? Si nous en croyons la Vita Deodati (2), il semble 
qu'il ait été désigné par Hidulphe lui-même. L'auteur de cet 
opuscule, en effet, après avoir rappelé comment Hidulphe 



(i) a. supra, p. 198 et 223. 
(2) Bklbomme, p. 137. 



I 



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- 239 - 

avait été averti du jour de sa mort prochaine par Déodat 
afin qu'il pût disposer des deux monastères confiés à sa 
garde (ut satageret ambas eorum cellas. . . disponere) ajoute : 
€ Itaque fratribus suœ cellse designato abbate Domno Raim- 
berto, valu autem Galileœ Domno Marcinanno, emicuit ab 
hoc exilio. t> Ces textes laisseraient supposer que Hidulphe 
lui-même aurait disposé^ avant de mourir, de sa succession 
abbatiale et désigné son successeur. Il est vrai que l'auteur 
du Lt&e/Ius présente les faits sous un jour un peu diffé- 
rent, et nous dit formellement que Régimbert fut constitué 
successeur de Hidulphe « fraterno volo d, par le choix de 
ses frères O. Chacun de ces deux récits ayant été composé 
plusieurs siècles après les événements, il est bien difficile 
d'être fixé sur ce point. Il ne serait pas impossible toute- 
fois qu'il y eût dans l'une et l'autre version une part de 
vérité, et nous inclinerions à croire que Régimbert a été 
choisi par ses confrères sur la recommandation de saint 
Hidulphe dont l'autorité, en pareille circonstance, ne pou- 
vait que peser d'un grand poids. 

Si nous en croyons le Libelliis, Régimbert devait rester 
de longues années à la tête du monastère, et son gouver- 
nement, qui ne dura pas moins de cinquante ans, fut un 
des plus heureux pour l'abbaye, tant au point de vue tem- 
porel qu'au spirituel (^). Au miUeu des troubles politiques 
qui agitent alors le royaume franc, le successeur de Hi- 
dulphe s'acquitte d'une manière digne d'éloges de ses fonc- 
tions abbatiales. Apparemment, l'impulsion donnée par le 
saint fondateur durait encore et avec elle et par elle la 
râlante et la ferveur. 

(1) UbêlluB, chap. II de Tédit. Belhomme, p. 148, et chap. I de Tédit. Waitz, 
loc cit, p. 87. 

()) c AnnU non minus quinqtiaginta disposUionê utriuêque stipendii vUm cœno* 
bUali» laudaln li têr m functuê, quemadmodum approbaiur cyrographis cauti» 
rêgum temporibuê, » Libellus, chap. U de Fédit. Belhomme, p. 148, et chap. I de 
redit. Waitz, p. 87. 



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- 240 - 

Les donations en faveur de l'abbaye continuaient aussi, et 
l'exemple donné par le noble Hagion trouvait de généreux 
imitateurs. C'est d'abord une dame de haute naissance du 
nom de Theudelinde qui, après avoir, du consentement de 
son mari, Rupert, et par crainte des jugements de Dieu, 
renoncé à la vie conjugale pour se consacrer au service de 
Dieu dans la milice sainte des Vierges, avait donné au mo- 
nastère un bien-fonds important appelé Ahenaïm, — lisez 
Ehenheim : c'est le lieu qui depuis a été désigné sous le 
nom de Veltkirch ou Feldkirch, à cause de l'église y atte- 
nant qu'y fit construire le même abbé Régimbert à l'hon- 
neur de saint Maximin, archevêque de Trêves (i). 

Vers le même temps, et en Alsace également, un autre 
personnage recommandable , Gumbert, fils de Truppert, 
cédait à notre abbaye une partie des droits qu'il pouvait 
prétendre sur un domaine considérable sis à Hindisheim (2) 
et l'abbé Régimbert y faisait construire de même une égUse 
qu'il dédiait à saint Pierre, le prince des Apôtres. 

C'est encore à la même époque, au témoignage de Jean de 
Bayon, qu'un certain nombre d'autres possessions auraient 
été acquises par le monastère. Voici en quels termes il les 
énumère dans sa chronique : « Furent cédées alors à l'ab- 
baye de Moyenmoutier, dit-il, aussi bien qu'à ses celles de 
Hobach « cellulis ipsiiLs Hobach suis, » les possessions 
suivantes : « Marinivilla, Radulphivilla, Aceravala, et in 
confinio Bettomaco atque Brundiciaco, pariter que Fredisiaco^ 
et in pago Elisacensi villa Ronteneria nonnihil fundi, quam 
plurimis que aliis in lods (3). > Ce passage demande quel- 
ques expUcations. Que faut-il entendre par ces celles de 

(i) Cette église serrait d*église paroissiale, au XVHI* siècle, au bourg Toisin de 
NiedereheBheim ou Niedemai et n'était éloignée que de deux milles environ d*0- 
berehenheim ou Obemai. une des dix villes impériales d'Alsace. 

(2) Hindisheim était, comme nous Tavons dit déjà, un bourg d'Alsace, situé 
entre Erstein (chef-lieu de l'ancien canton français de ce nom) et Strasbourg. 

(3) Jbàn DR BATON, lib. II, cap. IX, cité par Belhomme, p. 149. 



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- 241 — 

Hobach? Il est probable, comme Ta fait déjà remarquer 
Belhomme, que Hobach est ici une erreur de copiste et 
qu'il faut lire Horbach. Horbach serait le nom d'un petit 
cours d'eau qui prend sa source au mont Hor et sur les 
rives duquel se seraient trouvées alors deux celles appar- 
tenant au monastère de Moyenmoutier, la celle de Saint- 
Jean-d'Ormont ou d'Hormont, et la celle de saint Erhard 
située à l'emplacement où s'élèvera plus tard le bourg 
d'Horbach ou Hurbache. 

Quant aux localités où se trouvaient situés les biens 
dont nous parle Jean de Bayon, il est assez difficile d'en 
donner une identification sûre. D'après Belhomme, Mari- 
nivilla et Radulphivilla seraient respectivement Ammers- 
chwihr (*) ou Mariville, et Rorschwihr (2) ou Raviller. De 
fait, si les biens sis à Ammerschwihr étaient perdus depuis 
longtemps pour l'abbaye à l'époque où écrivait Belhomme, 
elle conservait encore à Rorschwihr des possessions con- 
sidérables. Pour ce qui est d'Aceravalay aucun doute n'est 
possible, il s'agit certainement d'Azerailles (3). Quant aux 
autres noms, il ne nous a pas été possible, non plus qu'à 
Belhomme, de les identifier. Peut-être ont-ils été mal trans- 
crits par le copiste du XVI« siècle auquel nous devons notre 
manuscrit de Jean de Bayon. 

Une question pourrait ici se poser : sur quoi Jean de 
Bayon s'appuyait-il pour rapporter toutes ces donations 
ou acquisitions au temps de Régimbert? Probablement 
sur des actes anciens qui ne sont pas arrivés jusqu'à nous. 
Mais à supposer même qu'il se soit trompé sur l'attribution 



(1) àmmenchwihr, ancien département du Haut-Rhin, canton de Kaysersberg, 
appelé de temps immémorial par les habitants de la partie française du vai de 
Kayseriberg, Maréville ou Mariville. Cf. Baquol-Ristelhubbr, DictionvMire du 
Haut et du Bas^Rhin, art. Ammerschwihr. 

(3) Rorschwihr, ancien département du Haut-Rhin, canton de Ribeauvilié, en 
patois français Raviller. 

(Sj Azerailles, canton de Baccarat (Meurthe-et-Moselle). 

16 



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- 242 - 

précise, il n'en résulte pas moins d'une fnron certaine, de 
tous ces détails joints aux détails analogues que nous 
avons relevés plus haut, que, de très bonne heure, Tab- 
baye a possédé, tant en Alsace que de ce côté des Vosges, 
des biens considérables. Ces biens devaient devenir plus 
importants encore par la suite. 



§ II. — SUNDRABERT ET MaLDAVIN. 

Régimbert ferma les yeux à la lumière de ce monde un 
cinq des calendes de février (28 janvier), nous dit le Libel- 
lus, peut-être de Tannée 757 (^). Il eut pour successeur 
Sundrabert. 

De ce personnage, nous ne savons presque rien. Selon 
toute vraisemblance, c'était un religieux du monastère. 
Peut-être était-il originaire de Pexonne (2). Le Libellus nous 
dit simplement de lui qu'il ne le céda nullement < studio et 
morihus > à son prédécesseur et qu'il gouverna l'abbaye 
pendant plus de vingt ans. Nous savons d'autre part qu'il 
avait contracté, en son nom et au nom de son monastère, 
une sorte d'union ou association de prières avec l'abbaye 
d'Augie ou de Reichenau (3). 

(1) Pour la fixation du jour, cinq des calendes da février, cette date a été Trai- 
semblablemeot empruntée par le Libellua à quelque nécrologe, et nous avons 
tout lieu de la croire eiacte. Quant à l'année, ce n'est que par une induction 
plus ou moins légitime qu'on arrive à la date de 757 ; sans doute, le UbélUu 
nous dit bien que Régimbert resta à la tète de l'abbaye c non minu» qumqua" 
gmta annxB, » mais, outre que cette fixation n'est elle-même qu'approximative, 
il n'est nullement certain, nous l'avons vu, que saint Hidulphe soit mort en 707. 

(2) Nous verrons tout-à-llieure qu'il y possédait des biens. 

(3) Mabillon, Vetera analêcta, éd. de 1723, p. 426 : Nomina monoitêriarum eum 
quitta societatem habuU êœculo IX Augierwe, Voir aussi, dans les Monum, Germ, 
hist., les Libri confraternitatum Saticti-GaUi, Augienns, Fabariên$i9 (éd. Paul 
Pipet), p. 230, Nomina fratrum de monMtêrio quod Mediano nuncupaiur. Ce do- 
cument ne manque pas d'intérêt. En tête de la liste, on lit : Sundarberto abb. 
Suivent les noms des religieux : Hibone, Auêino, Jurio, Erulfo, Wêraldo, Arto* 
vio, Walaricho, Cundberto, item Gundbreto, Balcain, Agendeo, Bamaldo, Eai' 



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- 243 - 

Sundrabert eut pour successeur son propre frère Mal- 
davin ou Madalvin, qui, après de longues années passées 
dans les liens du siècle et les orages du monde, rapporte 
le Libellus, avait enfin abordé au port de la tranquillité 
monastique. Une fois abbé, Maldavin devait encore rem- 
porter en zèle et en mérites sur ses deux prédécesseurs. 

C'est sous son gouvernement qu'eut lieu la première 
translation des restes de saint Hidulphe. De l'oratoire du 
cimetière on les ramena à l'église Notre-Dame, où ils fu- 
rent déposés à droite de l'autel. Maldavin avait fait pré- 
parer en manière de châsse pour les recevoir, ce petit 
édicule à Tarchitecture élégante, voûté en arcades, dont 
nous parlent la troisième Vida Hiîdulfi (chapitre XX) et le 
Libelltis (chapitre III) (^). Il l'avait décoré — peut-être 
de ses propres mains, car il semble qu'il était un artiste 
habile — de lames d'or et d'aJTgent. Nous savons aussi 

roigo, Westrulfo, Humberio, Ezione, A$perulfo, GaUonê, Mtignane, Con$tafUino, 
HUroni^no* Dans le manuscrit, tous les Doms qui précèdeut sont de la même 
écriture que celui de Suodrabert. Ce sont ceux de religieux qui faisaient partie 
du monastère et qui entrèrent dans l'association de prières en même temps que 
l'abbé. ATons-nous là tous les noms des religieux qui constituaient alors l'ab- 
baye de lAoyenmoutier? Nous Tignorons. Si cela était, nous serions loin du chif- 
fre de 80 que donne dom Galmet {Bistoire de Senonês, éd. Dinago, p. 33). Vien- 
nent ensuite, mais d'une autre écriture et ajoutés postérieurement par séries 
successives, les noms de : Keila PalcUne, IHnhere, Ruadprih, Emhilt, Engil^ 
bret, Reginhilt; puis : WUegovo, Foira f, Uva, Altive, Regnot, Frideburg, Perta, 
Ebo, AUUnU, Wtfeger, Extevit, Evo, Raiolf, Edilgart, Kerbold, Libegart, AêeUtd, 
Folpoldf Sigmar, Winch; enfin : Eberœi, Ravarat, Regibr^t, Hetiguc, Kerbold, 
Eribert, Rater ^ VUlihelm^ Alferie^ Hartmann Ratburg^ Hiltebrug, Alewiht VodeÛ 
bwrg. Tous ces noms sont de religieux de Moyenmoutier, mais nous ignorons de 
quelle époque précise. Au bas de la page du manuscrit, exactement reproduite 
dans son aspect extérieur par Pipet, on trouve encore quelques autres noms. Mais 
U est impossible de savoir s'ils appartiennent à Moyenmoutier ou s'ils ne doivent 
pas plutôt être rattachés à ceux des chanoines d'Augsbourg dont les listes occu- 
pent le reste de la feuille. C'est en réunissant ensemble tous ces noms que Galmet 
arrive au chiffre approximatif de 80 dont nous parlions plus haut. Mais comme 
ces noms sont répartis en séries d'écritures différentes, il est probable que les 
religieux qu'ils désignent n'ont pas tous vécu au même temps à Moyenmoutier. 
(1) Bblhomiib, p. 120 et 150. C'est le sens, croyoos-nous , qu'il faut donner 
an mots : c eieganti curvato fondée » et c arca, » que l'on trouve en ces deux 
passages. 



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— 244 - 

qu'il avait adapté de semblables laines de métal précieux 
à l'autel de cette même église Notre-Dame ainsi qu'à celui 
de réglise Saint-Pierre. Il avait doté également le lieu saint 
de reliquaires, de cassolettes à encens et de candélabres, 
et l'on voyait encore à Moyenmoutier, au XI« siècle, un 
calice de grandes dimensions — le plus grand que Ton 
possédât à l'abbaye — sur lequel on lisait son nom et qui 
était son œuvre (^). 

En même temps qu'il consacrait ainsi son talent d'ar- 
tiste à l'embellissement de son monastère, il l'enrichissait 
aussi par les donations pieuses qu'il lui faisait lui-même 
ou qu'il sollicitait en sa faveur de la générosité des fidèles. 
C'est ainsi qu'il lui céda en toute propriété divers biens- 
fonds qu'il possédait tant à Pexonne qu'en d'autres lieux (2). 
Le Libellus ne précise pas la nature de ces autres dona- 
tions, non plus que les localités où se trouvaient situés les 
biens ainsi acquis ou concédés. Jean de Bayon est plus 
explicite : c Per id temjms, nous dit-il (3), nomiullis reli- 
gio8orum donationibus locus hic aucttis fuit, apud LenbuU 
ceras videlicet, Altam Petram, Oblionem montem, Respalium 
atque Rantgisicortem, diversisqvs in locis possessionibus con- 
cessis (*). > 

Maldavin mourut un 3 des ides de mars (13 mars). 

A quelle époque précise feut-il placer ce gouvernement de 
Maldavin? Ici encore il est impossible de rien affirmer, d'au- 
tant que l'auteur du Libellus, qui, de toute évidence, hésite 
beaucoup sur les dates de cet abbé et de son prédécesseur, 

(1) Ubêllui, chap. m de l'édit Belhomme et chap. U de redit Waitz. 

(2) n)idem. 

(3) Jean db Bâton, II, 10, cité par Belhomme, p. 152. 

(4) U est encore bien difûclle d'identifier tous ces noms. Rêêpalium est très 
probablement Repaix (canton de Blâment, Meurthe-et-Moselle) ; Rantgineoriem 
serait peut-être Récbicourt-le-Ghàteau (ancien département de la Meurthe, ar* 
rondissement de Sarrebonrg et chef-lieu de canton); Oblionem montem, Moussey 
(canton de Senones), et Alta Petra, qui n*est rraisemblablemeut pas la Haute- 
Pierre, Autrepierre (canton de Blàmoot). 



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- 245 — 

cotnmet très probablement une erreur quand il nous dit, 
d'une part, que Sundrabert resta à la tête de Tabbaye envi- 
ron vingt ans, et de l'autre que le gouvernement abbatial de 
Maldavin dura à peine douze ans. Nous verrons bientôt, en 
eSet, que le sucœs^eur de Maldavin — et la vacance, malgré 
les difficultés de Télection, ne semble pas avoir été très 
longue — ne reçut certainement pas l'abbaye avant 803 : ce 
qui force évidemment à étendre de plusieurs années la 
période du gouvernement de Sundrabert et de Maldavin. 
D'ailleurs, Jean de Bayon assigne formellement au gouver- 
nement du premier une durée de 30 ans et plus (^). En 
conséquence, nous pensons que Sundrabert resta abbé 
jusqu'aux environs de 789 ou 790, et Maldavin jusque dans 
les premières années du IX» siècle (2). 

§ III. — Le Patriarche Fortunat. 

A la mort de Maldavin, nous dit le Libelliis, la discorde 
s'étant mise parmi les religieux, la paix du monastère 
faillit un instant être troublée. Mais Hidulphe veillait sur 
ses enfants, et, alors que tout semblait menacé et compro- 
mis, il leur envoya de l'Orient un secours qui les sauva (3). 

(1) PeQt-étre y a-t-il été amené lui-même par le besoin de corriger cette incon- 
séqueoce évidente du Libellus, 

(%) Dom Calmet, de son côté, dans son Histoire dé Senonês, p. 33, écrit : c Noas 
saTons que Gondinbert — c'est le nom qu'il donne à notre abbé Sundrabert — 
gouverna depuis Tan 758 jusqu'en 789. » Il est vrai qu'il écrit probablement cela 
d'après Beihomme, qu'il avait sous les yeux, et que par conséquent on n'en peut 
rien conclure. 

J'ajoute que Dom Galmet {Biêt, de Lorr,, ^ éd., t. VII, col. oui) fixe la date de 
la mort de Sundrabert au 7 août 789, mais sans dire sur quoi, sur quel nécrologe 
il s'appuie. De son côté le Gallia Chriêtiana, t. Xin, col. 1401, écrit : c Sundra^ 

bertus deeeeeU pridiê mma$ AugutH 779. i En présence de ces divergences 

et en l'absence de textes positifs on ne peut rien affirmer ni rien conclure. La 
question d'ailleurs n'offre pas grande importance. 

(3) c Sed prmvaUfUibtts heati viri hujus meritis ineperato divimm clementim jubar 
ab oriente desttnatur illiê, i> Libelluê, chap. IV de l'édit. Belbomme et chap. Ul de 
redit. Waitz. 



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- 246 — 

Les religieux, en effet, ne pouvaient s'entendre sur le 
choix du successeur à donner à Tabbé défunt. Deux partis 
s'étaient formés qui ne semblaient disposés ni l'un ni l'auti^e 
à abdiquer leurs préférences et il fallut recourir à l'inter- 
vention de Charlemagne. Or, continue le Libellus^ à la cour 
du grand empereur se trouvait alors précisément, par une 
admirable disposition de la Providence, un vénérable pa- 
triarche venu de Jérusalem en Occident pour voir Charles 
et prier aux tombeaux des saints. 

Depuis quelque temps déjà, Fortunat — c'était le nom de 
ce prélat — aurait été en relations avec le prince franc. 
Une première fois, quelques années auparavant, il lui avait 
envoyé, par un de ses diacres, des reliques de la vraie Croix 
en le suppUant d'intervenir auprès d'un roi des Perses du 
nom de Haroun — on lit dans le texte : Aaron, — alors 
maître de Jérusalem et de toute l'Asie mais grand admi- 
rateur de Charlemagne, pour engager ce prince à faire 
respecter et protéger les Lieux saints. Charles, s'il faut 
en croire notre auteur anonyme, aurait accédé à la prière 
de Fortunat. Haroun, à son tour, se serait empressé de 
satisfaire au désir de l'empereur et le patriarche recon- 
naissant aurait envoyé une seconde fois, à cette occasion, 
son diacre à Charles avec des présents. Une troisième fois 
enfin, Fortunat était venu en personne, et c'est au moment 
de son séjour à la cour franque qu'avait été porté au tribu- 
nal de l'empereur le Utige qui divisait les moines de Moyen- 
moutier. 

Sur les instances de Charles, des grands, ecclésiastiques 
ou laïques, qui l'entouraient, et de plusieurs saints person- 
nages qui se trouvaient à la cour, Fortunat, nous dit en- 
core le Libellas, céda, se prêta à ce qu'on demandait de lui 
et bientôt, sous l'intelUgente et sage direction du nouvel 
abbé, la paix refleurit au monastère et les religieux n'eurent 
plus de nouveau qu'un cœur et qu'une âme. 



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- 247 - 

Vient ensuite un portrait de Fortunat. Ce serviteur de 
Dieu, à ce que Ton raconte, était chauve, petit de taille, 
de stature frêle; sur sa poitrine descendait une longue 
barbe éclatante de blancheur; sa figure était celle d'un 
ange, ainsi que sa vie. 

Son gouvernement semblait avoir été particuUèrement 
heureux pour le monastère et avoir laissé dans les tradi- 
tions de l'abbaye un souvenir respecté et aimé. 

De son temps, de nouvelles et nombreuses donations 
avaient été faites aux religieux ; les chartes de concession 
que Ton en conservait encore au XI® siècle étaient là pour 
l'attester. 

Pour lui, il avait enrichi l'abbaye de nombreuses reU- 
ques : des reliques d'abord de presque tous les objets qui 
avaient servi à Notre Seigneur ou avaient été sanctifiés par 
son divin contact pendant sa vie et durant sa passion ; des 
reliques aussi de divers martyrs, notamment des saints 
Etienne, Lazare le ressuscité, Georges et Pancrace. 

C'est également à cette époque que seraient venus de 
l'Orient à Moyenmoutier, « pour y briller comme deux as- 
tres de piété, i deux saints personnages dont la tradition de 
l'abbaye avait gardé les noms : un roi du nom de Lazare et 
sa fille, Aza, qui avait été reine, elle aussi, dans son pays. Le 
désir de visiter les sanctuaires de l'Occident leur avait fait 
quitter leur patrie. lis étaient venus à Rome, y avaient prié 
au tombeau des saints Apôtres, puis s'étaient dirigés vers 
les Gaules, pour en vénérer les sanctuaires les plus renom- 
més. C'est ainsi qu'ils étaient arrivés jusqu'à Moyenmoutier 
dont on leur avait raconté les merveilles. Ils y avaient ren- 
contré Fortunat, qu'ils avaient connu autrefois du reste en 
Orient, et, touchés par la sainteté de vie des moines, ils 
avaient décidé d'arrêter là leur pèlerinage et de fixer pour 
jamais leur séjour dans ce heu béni. A force de prières, ils 
avaient obtenu d'y vivre en reclus, Lazare dans une cellule 



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— 248 — 

près de Toratoire Saint-Pierre, Aza au-delà du Rabodeau 
près de l'église dédiée à saint Epvre. On voyait encore, au 
Xle siècle, les fenêtres étroites qu'on avait dû ménager à 
travers les murs de leurs cellules pour leur transmettre les 
aliments nécessaires à l'entretien de leur vie (i). Après quel- 
ques années de cette existence déjà toute céleste, la mort 
était venue les visiter et, tandis que leurs âmes dégagées et 
libres s'envolaient vers l'éternel séjour, leurs dépouilles 
mortelles avaient été déposées dans leurs cellules mêmes, 
où elles reposèrent jusqu'au jour où on leva de leur tombe 
les restes d'Aza pour les réunir à ceux de Lazare, afin que 
ceux que la grâce et la nature avaient si intimement unis au 
cours de leur vie mortelle fussent à jamais réunis dans un 
même sépulcre. 

Quant au patriarche Fortunat, plein de jours et de vertus, 
il mourut à Moyenmoutier un 4 des calendes de mars 
(26 février). Ses restes furent inhumés, dans un tombeau 
convenable à sa dignité, derrière l'autel Saint-Grégoire. Il 
était resté à la tête de l'abbaye de Moyenmoutier pendant 
vingt ans. 

Tel est le récit du Lihellus (2). Nous l'avons résumé à 
grands traits, mais aussi exactement que possible. Certes, 
il ne manque pas d'intérêt. Ce patriarche oriental venu de 
Jérusalem même — le heu saint où avait vécu , avait souf- 
fert et était mort le Christ, — à Moyenmoutier, où il vit et 
meurt conmie un humble rehgieux ; ce roi et cette reine, 
d'autre part, venus également d'Orient, qui édifient la vallée 
du Rabodeau par le spectacle de ces vertus des reclus de 
la Thébaïde encore peu connues en Occident, jettent dans 
le récit du Lihellus une note étrange et toute romanesque. 
Mais justement pour cela, nous avons à nous demander ce 

(1) « In quibus u»que hodie fenestellœ ipsorunt po$êunt videri^ per quci» suêeipii- 
bant neceuaria hamanm imbecillUati. > Libellus, chap. V de l'éd. Bel homme et 
chap. IV de Téd. WaiU. 

(3) Libelluê, chap. IV et V de rédition Belhomme; UI et IV de rédiUon Waitz. 



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- 240 — 

qu'il peut y avoir de fondé historiquement dans cette rela- 
tion et, ici encore, à faire le départ exact de l'histoire et de 
la légende. 

Nous pouvons admettre, je crois, et cette division qui 
éclate parmi les moines à la mort de Maldavin, lorsqu'il 
s'agit de lui donner un successeur, et l'intervention de 
Charlemagne. Que cette intervention ait été sollicitée par 
les religieux eux-mêmes, comme le dit le Libellm, ou 
qu'elle ait été imposée par le prince, elle n'a en tout cas 
rien d'invraisemblable. Charlemagne, qui veut être le chef 
de l'égUse franque, de l'éghse régulière aussi bien que de 
l'église séculière, et, comme tel, veut faire régner dans 
l'une comme dans l'autre l'ordre et la paix, a fort bien pu 
imposer ainsi de sa propre autorité à un monastère, à 
un monastère royal surtout, comme Tétait très probable- 
ment dès cette époque Moyenmoutier, un abbé de son 
choix. Il y trouvait en même temps, du reste, l'avantage 
d'être agréable au personnage qu'il mettait à la tête de 
l'abbaye et de se le conciUer : c'était un véritable bénéfice 
qu'il lui conférait. 

Mais d'où venait ce personnage que notre Lihellus dési- 
gne sous le nom de Fortunat et qu'il qualifie de patriarche? 
Quel était son siège épiscopal ou patriarcal? C'est ici que 
commencent les difficultés et, dans le récit de notre auteur, 
les invraisemblances, même les impossibilités. 

Très probablement l'auteur du Lihellus ne le savait pas 
d'une façon certaine. La tradition conservée au monastère 
rapportait seulement que ce personnage venait de contrées 
lointaines que l'on désignait sous le nom mystérieux et 
vague d'Orient. D'autre part, on savait que les évêques de 
Jérusalem, à cette époque précisément, avaient envoyé des 
ambassades avec des présents à Charlemagne pour se con- 
cilier sa bienveillance (}). Ajoutons qu'au temps où notre 

(1) Cf. ÂBEL et SiMSON, Jahrbûcher des frœnkUchen Reichs unter Karl dem 



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— 250 — 

auteur écrivait — c'était au commencement du XI* siècle, 
le siècle de la Croisade, — les pèlerinages aux Lieux saints 
étaient devenus fréquents, le nom seul de Jérusalem résu- 
mait déjà tout rOrient et exerçait sur les esprits une vé- 
ritable fascination. Il n'en fallut pas davantage pour induire 
la tradition orale, puis, à sa suite, l'auteur anonyme de 
notre opuscule, à donner comme siège à ce patriarche 
venu d'Orient, la ville sainte elle-même. Certes, le prestige 
du monastère ne pouvait qu'en être relevé (^). 

Malheureusement, il est impossible d'ajouter foi à tous 
les détails de ce récit, qu'ont reproduit d'ailleurs, sans 
presque y rien changer, et Richer et Jean de Bayon (^). Et 
cela pour deux raisons tout à fait péremptoires. Dans la 
série des évêques ou patriarches de Jérusalem, on n'en 
trouve pas à cette date qui porte le nom de Fortunat. 
D'un autre côté, à cette même époque, aucun patriarche 
de Jérusalem n'est venu en personne à la cour de Charle- 
magne. Le patriarche Georges, titulaire de ce siège, se con- 
tente d'y envoyer des députés (803) (3). 

Mais alors comment expliquer le récit du Libelltis? Tout 
est-il donc faux dans cette narration? Nous ne le pensons 
pas. Comme l'ont déjà fait remarquer Le Cointe (^), Mabil- 



Grossen, II, p. 291. En 803, il y avait efTecti veinent à la cour de Charlemagne des 
envoyés du patriarche Georges de Jérusalem. 

(1) Faisant ainsi de Fortum t un évéque de Jérusalem, le LibMus lui attribue 
naturellement un certain nombre de faits qui se rapportaient à Tévéque de 
Jérusalem de ce temps : les ambassades, les présents, etc. C'est tout le passage 
mis par Belhomme entre parenthèses. 

(2) Richer, cependant (fib. ir, cap. VI), et plus tard, au XVH* siècle, Ruyr 
(AntiquitiZ Uc la Vostje^ édit. de 1634, p. 227), arrangent les choses de façon un 
peu différente. Hicher fait venir d'abord Fortunat à Moyenmoutier, où les moi- 
nes, après quelque tempe, se dôndent à l'élire pour abbé. Ruyr, de son côté, 
place son arrivée à l'abbaye au moment de la moit de Cha'lemague. De la con- 
cession à lui faite du mo.aotèro p r l'empereur, il n*est question ni dans Richer, 
ni dans Ruyr. 

(3) Voir !a note de la page précédente. 

(4) Le Cointb, Annaleê eccU9ia8tici Francoruniy t. VI, p. 817. 



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— 251 — 

Ion (*) et Belhomme (^), ce Fortunat dont parle le Libellm a 
existé. Originaire de Trieste, il était revêtu du titre et de la 
dignité de patriarche. Il est venu à la cour de Charlemagne, 
il a été envoyé par celui-ci à Tabbaye de Moyenmoutier, 
et ce patriarche Fortunat n'est autre que le patriarche For- 
tunat de Grado (^) qui, persécuté par les Grecs et les ducs 
de Venise, vint se réfugier auprès du grand enapereur franc 
et fut fait par lui abbé de Moyenmoutier. 

Les aventures de ce patriarche de Grado sont assez con- 
nues. D'après Vltalia sacra d'Ughelli (4), il fut le dix-hui- 
tième patriarche de Grado. Élu par la faveur des tribuns 
de Venise, il avait succédé, en 803, à son parent le patriar- 
che Jean, mis à mort par ordre des ducs Jean et Maurice. 
Le pape Léon III lui avait envoyé le paUium cette même 
année en stimulant son zèle de pasteur (5). Mais à peine 
monté sur le siège de Grado, il se vit disgracié à son tour 
pour des raisons politiques et dut prendre le chemin de 
l'exil. C'est alors qu'il vint à la cour de Charlemagne, à Salz, 
porteur de divers présents, entre autres de deux portes 
d'ivoire d'un travail de sculpture admirable, paraît-il, pour 
lui demander de venger la mort de son prédécesseur et 
implorer sa protection contre les ducs de Venise. C'était 
en 803 (^). Il reçut un fort bon accueil de l'empereur, qui 
lui accorda un privilège d'immunité pour son église de 
Grado O), 

Charlemagne avait saisi avec empressement cette occa- 
sion d'intervenir dans les affaires intérieures de ces cités du 

(1) Mabillon. Annalet ordinis navicti B^itiedictij t. FI, p. 340. 
(3) Belhommb, p. 156. 

(3) Ville et port sur la mer Adriatique, alors siège patriarcal du Frioul. 

(4) Itaha nacra, 2» édit., t. V, col. 1094. 

(5) JaffÊ, Regastn pontifirum romav^oi'um, n» 19lGet Brlhommb. p 157. 

(6) t Venit quoqu^ Fortunatus patriarcha de Gfseeis, a/f^erùt Becum inter cetera 
dona dwu portas cbumeas miri/lco opère s ulpta^^ Atioales Mettens., ad. unn. 803. 
{Mon. Germ., SS., 1, 191; Xm, 32). 

(7) BSLUOMMB, p. 159. 



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— 252 — 

fond de l'Adriatique qu'il voulait soustraire à l'inlluence 
grecque et rattacher peu à peu à l'empire franc (^). Muni du 
prœceptum impérial, Fortunat retourna en Italie et remonta 
sur son siège patriarcal. Mais de nouvelles révolutions l'en 
chassèrent bientôt une seconde fois. Pour échapper à la 
malveillance des ducs de Venise et de l'empereur de Cons- 
tantinople, Nicéphore, qui venait d'envoyer une flotte dans 
l'Adriatique contre le parti franc de Venise (*), il fut obligé 
de repasser à nouveau les monts (806) (3). C'est alors que 
Charlemagne lui flt obtenir du pape Léon 111 l'église de 
Pola (^) en attendant qu'il pût rentrer à Grade où on venait 
de lui substituer, sur le siège patriarcal, le diacre Jean. 
Gouverna-t-il réellement l'église de Pola? Nous l'ignorons. 
Toujours estril que quelque temps après, en 810 proba- 
blement, nous voyons Jean déposé et Fortunat rétabli à 
Grado (^). Vers 815, il quitte encore une fois son siège pa- 
triarcal, revient dans le royaume franc, y reste vraisembla- 
blement jusqu'en 818. A cette date, réconcilié, ce semble, 
avec les Vénitiens, il rentre à Grado. Mais son séjour, cette 
fois encore, n'y devait pas être bien long. En 821, accusé 
par un de ses prêtres, auprès de l'empereur, d'exciter un 
roi de Pannonie à la révolte, il est obligé de se réfugier à 
la cour de Constantinople. 11 y séjourne trois ans environ, 
puis revient en France avec les légats de l'empereur Michel 
et arrive à la cour de Louis-le-Pieux sur la fin de novembre 
824. Louis ne parait pas lui avoir fait très bon accueil. Il se 
contenta de l'envoyer à Rome pour qu'il flt examiner sa 

(1) Cf. Pfister, Uévèifte Frothaire de Toul, dans les Annales de VEst, 1890. 
p. 287, et ÂBKL et Simson, Jarhbûcher des frœnkischen Beichn unter Karl dem 
Grosêen, t. H, p. 292-296. 

(2) Abbl et SiMSON, H, p. 334-335. 

(3) Cf. Johannie Chrotticon Venetum, dans les Mon, Germ., SS.» VU, p. 14. 

(4) Codex Carolinus, ep. 5, édit. JafTé, Monum&nia Carolina, p. 320. 

(5) Cf. Johanniê Chronicon Venetum (Monum, Germ,^ Scriptores, VH, p. 15). 
Charlemagne yenait de rendre Venise à Teoipereur de Constantinople. Abbl et 
SniS0N,II,p. 441. 



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— ^53 — 

situation par le Pape, mais sur les entrefaites Fortunat 
mourut, avant d'avoir quitté le royaume franc. 

Voilà ce que l'histoire générale nous apprend de la vie 
agitée du patriarche de Grado. Il n'y est nullement ques- 
tion, on le voit, de Moyenmoutier, et Ton pourrait être 
tenté à première vue de douter que jamais il fût venu 
dans la vallée de la Haute-Meurthe. Cependant, tout bien 
examiné, il n'est pas impossible qu'il y ait une base réelle 
au récit du LibelliLS, Par une lettre de Léon III à Charle- 
magne, relative à la demande, faite par l'empereur, de 
l'église de Pola pour Fortunat, nous voyons, en effet, que 
Charles lui avait accordé des bénéfices, ou tout au moins 
un bénéfice en Gaule. Léon III se plaint du patriarche exilé 
de Grado en ces termes : « Quia non audivimiis de eo sicut 
decet de archiepiscopo neque de partihus Franciœ ubi eum 
benefidastis. i Or, c'est très probablement l'abbaye de 
Moyenmoutier qui a été ainsi concédée à Fortunat en 
bénéfice, en quelque sorte, car nous ne voyons nulle part 
que ce prélat ait jamais eu de Charlemagne, à ce titre, dans 
le royaume franc, quelqu'autre bien ecclésiastique 0). 

(1) Codex CarolinuBf édit. Jaffé, dans les Monumenta Carolina^ p. 322. Cette 
lettre de Léon III dous montre que Fortuaat était fort bien ea cour auprès de 
Charlemagne. Elle nous apprend aussi que le prélat n'était pas un évoque mo- 
dèle. Le pape s'en plaint en termes très énergiques : c Et hoc vestrm serenitati 
nUimare curavimus de prmfato Fortunato : ut êicut iêtnper pro ilUua honore Unt" 
porale laboratis^ ita et de anima ejus curam ponatie; ut per veêtrum pavorem 
tuum ministerium melhis impleat. Quia non audivimus de eo, sicut decet de archi- 
episcopo, . . » Et il ajoute que le prince pourra se renseigner à son sujet auprès 
de ses fidèles, en particulier auprès de son archichapeiain l'archevêque Hil- 
debald, de Cologne, et de son chancelier Ércanbald. Il met aussi en garde 
Charlemagne contre ceux qui louant Fortunat : t IIU qui vobi$ eum conlaudant 
hoc per munera et ealciaria facitmt, » Quoi qu'il en soit, Fortunat jouissait d'une 
grande considération et d'un grand crédit à la cour. L'empereur en avait fait son 
familier : t Patriarcha igUur imperatori familiaris effectue. > (Chronique d'An- 
dré Dandolo, dans Muratori, Rerum Jtal. Script. , t. XII, col. 154). Une chronique 
de Grado nous dit même que Charlemagne avait voulu en faire son père spiri- 
tuel : € Hic (Fortunatue) tant» famoeitatie fuit ut dive memorim Karolue impe^ 
rator ipiritalem patrem eum habere optaret. Cujuê ad augmentum seccleei» idem 
reverenti»9im%u auguetue quam plurima contulit prœeepta. » Cf. Johannie chro^ 
nicon Gradense. (Mon. Germ., Scriptores, VU, p. 47). 



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- '254 - 

Cette supposition est encore confirmée, du reste, par une 
lettre de Frothaire, évêque de Toul, qui donne à Fortunat le 
titre d'abbas mediolacensis monasterii, ce qui est certaine- 
ment une faute de copiste pour monasterii medianensis (*). 
Ce serait alors au cours d'un de ses voyages en France, 
en 803 ou en 806 — sans que Ton puisse d'ailleurs préci- 
ser davantage (2) — que Charlemagne lui aurait donné 
cette abbaye de Moyenmoutier pour l'aider à vivre, sans 
doute, en attendant la restitution de son siège patriarcal. 
Ce serait également pendant un de ses séjours à Moyen- 
moutier que devrait se placer une brouille avec les moi- 
nes de ce monastère que nous laisse deviner la lettre de 
Frothaire dont nous parlions tout à l'heure. Ecrivant à 
Louis-le- Pieux en son nom et au nom de Smaragde, 
abbé de Saint- Mihiel, l'évêque de Toul rappelle à l'em- 
pereur que jadis, par son ordre, au temps où Fortunat 
était abbas mediolacensis, Smaragde a attribué aux religieux 
une portion des revenus de l'abbaye, « portionem de abba- 
tia, i> pour subvenir aux nécessités de la vie monastique, 
« ut regulariter viverent. î Cette phrase de la lettre de 
Frothaire est significative et pleine de sous-entendus qui 
confirment notre hypothèse. C'est ia première fois que nous 
trouvons dans l'histoire de notre monastère une séparation 
des menses. Mais cette séparation s'expliqua très bien, jus- 
tement, par les circonstances particulières que traversait 
alors l'abbaye. C'était la première fois qu'elle avait à sa tête 
quelqu'un qui n'était pas de son sein, qui n'était pas moine, 
qui ne résidait pas régulièrement avec les religieux, qui n'y 
faisait que des séjours intermittents. Cela étant, est-il éton- 
nant que des conflits aient pu s'élever et se soient élevés de 



(1) Lettre Ul, éd. Diichesne, Hiitorim Franeorum $eHptarê$f t. U, p. 713. 

(S) Nous inclinerions plus ▼olontiera cependant pour 806. En 803, en effet, For- 
tunat ne fait que passer dans le royaume franc. Il reyient immédiatement, fort 
de Tappui de Charlemagne, à son siège patriaroal de Grade. 



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- 2"»r> - 

fait entre le nouvel abbé et les moines? Fortunat prétendait 
sans doute exercer sur les biens et revenus de l'abbaye les 
mêmes droits que ses prédécesseurs. Peut-être se mon- 
tra-t-il, dans cette administration, parcimonieux à l'excès 
vis-à-vis des religieux? Peut-être dépensait-il en Italie les 
revenus de l'abbaye vosgienne? En tout cas, les moines se 
plaignirent et le litige fut porté au tribunal de l'empereur, 
alors Louis-le-Pieux (*). Louis désigna comme arbitre et 
conciliateur le célèbre Smaragde, abbé de Saint- Mihiel, et 
cette médiation aboutit à un partage des revenus, à une sé- 
paration des menses. Il y eut dès lors la mense abbatiale 
et la mense monacale (2). 

Combien de temps Fortunat serait-il, dès lors, resté à 
la tête du monastère? Il est impossible de le préciser. 
Le Libellus dit bien que le gouvernement de Fortunat 
dura vingt ans, mais nous ne croyons pas qu'il faille 
attacher grande importance à ce chiffre vague. D'une 
part, nous ne savons pas en quelle année il obtint l'ab- 
baye : la date de 803 acceptée par Belhomme n'est pas 
certaine. D'autre part, si nous savons que Fortunat est 
mort probablement au commencement de 825, nous ne 
savons pas s'il fut abbé du monastère jusqu'à ce moment. 
Il a fort bien pu se faire que, lorsqu'il fut réintégré par 
l'empereur d'une façon définitive sur le siège de Grado, 
vers 818, il ait cessé de posséder l'abbaye. Je l'admettrais 
d'autant plus volontiers que, dans la lettre de Frothaire 

(1) n est certain que cène ftit pas au tribunal de Charlemagne que cette plainte 
fut adressée, car, dans la lettre de Frothaire, nous lisons ces mots : « per jus- 
nanem vestram, » Or, cette lettre est certainement adressée à Louis-le-Pleux. 

(S) n n*est pas absolument certain, ainsi que le laisserait entendre Mabillon 
{Annalet ord, S. B., H, p. 414), qu'il y ait eu, dans cette circonstance, brouille 
entre Fortunat et le monastère et que ce partage ait été le résultat et la consé- 
quence d*un désaccord. Toutefois, cela est as.<iei vraisemblable, d'autant que, 
à en Juger par la lettre de Léon III à Charlemagne (806-810) citée plus haut, il 
serait possible que le pape eût eu connaissance de plaintes élevées par les moi- 
nes contre leur abbé. Cette phrase de la lettre pontificale aurait ainsi son expli- 
cation. Cf. iupra, p. 253 note. 



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— 25G — 

déjà citée, nous lisons que l'accord entre les moines et 
Tabbé Fortunat a duré « quousque Foriunatus recessit. t> La 
lettre ne parle pas de la mort de Fortunat, mais seulement 
de son départ, de sa retraite. 

Pouvons-nous accepter maintenant que Fortunat soit 
mort à Moyenmoutier? Cela ne paraît pas impossible. La 
chronique vénitienne dit formellement qu'il mourut dans 
le royaume franc « ibiqtie aliquamdiu moratus, diem finivit 
extremum (*). » D'un autre côté, nous avons vu dans quel- 
les circonstances Fortunat, obligé de s'expatrier à nouveau 
sur la fin de sa vie, était venu se réfugier en 821 à Cons- 
tantinople et, de là, après trois ans, avait suivi les légats 
de l'empereur Michel à la cour de Louis -le -Pieux, afin 
d'implorer sa grâce. Il est vraisemblable que venant trou- 
ver l'empereur dans un de ses palais des régions austra- 
siennes, il se soit arrêté à Moyenmoutier, où il était connu, 
où il était aimé même, ce semble, malgré l'incident qui 
était survenu jadis entre lui et les religieux. Il a pu fort 
bien y attendre la réponse qu'il sollicitait de l'empereur, 
ou s'y arrêter lorsque Louis-le-Pieux l'eût renvoyé à Rome, 
débouté de sa demande. C'est là que la mort serait venue 
le saisir. Il aurait été enseveli dans le monastère, à l'en- 
droit indiqué par le Libellm, c'est-à-dire derrière la base 
de l'autel Saint-Grégoire, dans l'oratoire de ce nom, où 
l'on voyait encore son tombeau au XI« siècle. 

De cette longue dissertation critique, nous croyons pou- 
voir tirer en manière de résumé les conclusions suivantes. 

Nous pouvons (^) admettre, dans le récit du Libellus, la 

(1) Johannis ehronicon Venêtum (Mon. Germ., SS., VU, p. 16). On lit de même 
dans U chronique d'André Dandoio : < Fort%in€Utu veto patriarcha po»t fnodiettm 
têmpuê in Franeia defunctm eêt, i Muratori, Rerum Italicarum Scriptores, 
t. XII, col. 168. Cf. SiMSON, Jahrbûcher de» frœnkiêchên Rnchs unter Ludwig 
dêm Ftùmmen, I, p. 318 et 223. 

(2) C'est à dessein que j'écris t nous pouvons, t L'intervention de Charlema- 
gne et la collation directe de l'abbaye par lui à Fortunat peuvent fort bien 
s'expliquer, en effet, sans qu'il soit besoin de recourir à cette hypothèse, n peut 



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— 257 — 

discorde qui aurait éclaté, à la mort de Maldavin, entre 
les religieux. En tout cas, nous devons accepter la colla- 
tion en bénéfice, en quelque sorte, de Tabbaye de Moyen- 
moutier au patriarche de Grade, Fortunat, alors en fa- 
veur près de Gharlemagne et son familier. 

Fortunat passe sa vie, dès lors, en partie à Moyenmoutier, 
en partie à Grade, en partie sur les routes de l'empire, 
jusqu'à l'année 818 probablement. Il ne fait du reste dans 
son abbaye franque que de courts séjours. 

La tradition de Moyenmoutier lui était certainement fa- 
vorable. S'il avait pu un instant s'aliéner les moines, 
ce nuage s'était vite dissipé. Il avait eu la sagesse de se 
conformer au traité passé entre eux et lui au sujet de la 
séparation des menses, et il n'avait usé de son influence 
à Moyenmoutier que pour enrichir le monastère de reli- 
ques précieuses (i) et en accroître dans une notable pro- 
portion les revenus temporels. 

•e teire qoe ce soit Tamour-propre des moines, qui, plus tard, a essayé d'expli- 
quer de la sorte cette atteinte portée à leur droit d'élection, en laissant croire 
qoe si Gharlemagne est intenrenu , c'est à leur demande. 

(1) Parmi ces reliques, nous l'avons tu, le lÀbellua nomme expressément 
celles de saint Etienne, de Lazare le ressuscité, et des saints Georges et Pan- 
crace. Nous ne pouvons ici discuter la vérité de cette assertion. En tout cas , il 
est au moins piquant de constater que si ces reliques de Lazare, apportées 
d'Orient ou d'ailleurs avec les reliques de la Passion, étaient bien celles de 
Lazare le ressuscité, c'est un coup assez inattendu porté à la légende provençale 
de Tapoetolat et de la mort de saint Lazare à Marseille. Je ne sache pas que ce 
curieux détail ait encore été signalé jusqu'à présent dans les divers écrits sus- 
cités par cette polémique. 

Notons encore que plus tard Richer et, après lui, Jean de Bayon, puis au 
XYU* siècle, Ruyr, ajouteront à ces reliques indiquées par le Libellus conmie 
provenant de Fortunat, les reliques de Joseph d'Ârimathie, qu'ils diront avoir 
été, quelque temps après, volées à l'abbaye par des moines étrangers. Voici, du 
reste, le récit de Ruyr : Fortunat avait apporté « le corps de S. Joseph d'Ari- 
mathie qui avoit posé le très précieux corps de Nostre Sauveur au sépulchre. . . 
Mais soit ou par l'indévotion et nonchalance des dits religieux ou pour autre 
considération, arrivans un jour quelques moynes estrangers en l'abbaye, pour 
respect d'hospitalité, ils y furent charitablement reçeus , jusqu'à ce que projet- 
tans le moyen de s'emparer d'une si précieuse dépouille que cette-cy, une nuict, 
comme tout le monastère estoit en sommeil , ils l'enlèvent et transportent où ils 
peuvent, sans que personne se mist en queste et recherche pour le recouvrer. » 

17 



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— 258 - 

Le Libellas n'a pas cru utile de nous indiquer par le dé- 
tail les donations faites à l'abbaye au temps de Fortunat, 
mais Jean de Bayon, suppléant à son silence, nous énu- 
mère les principales, aux lieux qu'il dénomme ainsi : 
« Marchicenum, Ragnaldi cors, Pinsonis cors, Barbavilla, 
Hassonisvilla, apud Domnum Ferreolum et Fresones (^). ï 

Finalement, bien qu'il n'ait plus été vraisemblablement à 
cette époque abbé de Moyenmoutier, par un concours de 
circonstances imprévues, c'est encore à Moyenmoutier 
que Fortunat termina ses jours le 4 des calendes ou des 
ides (2) de mars (26 février ou 42 mars) de l'année 825, et 

(RUYR, AntiquiUz de la Vosgêy 2* édit., 1634, p. 227-228). Éyidemment tout ce récit 
est plus que suspect. Outre que le Libelluiy bien antérieur, ne dit lien de ces 
faits, nous avons démontré que Fortunat ne venait pas de Terre sainte, d*où 
aurait été apparemment appot té le corps de Joseph d'Arimathie. Et cependant 
ce récit de Huyr, qui ne fait que reproduire Richer, est pour nous d*un vif inté- 
rêt. Il nous apprend que c'est en pays vosgien, dans notre monastère de Moyen- 
moutier très probablement, que s'est formée, avant de se répandre et de s'accré- 
diter en Angleterre, la célèbre légende du Saint-Graal. Le chevalier Robert de 
Boron Ta fixée au XII* siècle, en sa forme française, dans son poème sur le 
Graal ou sur Joseph d'Arimathie. Mais vers le même temps , la même légende se 
développait sous une autre forme en Angleterre.-Là aussi on prétendait conser^ 
ver au couvent de Glastonbury les restes de Joseph d'Arimathie. Dès lors, ces 
moines étrangers, ces larrons dont parlent Richer et Ruyr, étaient évidemment 
des Bretons qui avaient transporté dans leur pays les précieuses reliques, et 
ainsi la légende primitive des Vosges avait été convertie en tradition bretonne 
et anglaise. Cf. Aubertin, Histoire de la Langue et delà Littérature françaiee 
au Afoyen-dye, 1. 1, p. 329-330. 

(1) Jean de Bâton, lib. II, cap. XI. Cf. Beluommb, p. 165. U est assez difficile 
aussi d'identifier quelques-uns de ces noms. Belhomme ressaye cependant : 
Marchicenum (peut-être Marthicenum) serait Mattezey, canton de Gerbéviller 
(Meurthe-et-Moselle); Ragnaldi cors, Rehaincourt, canton de Chàtel (Vosges); 
Pimonis cors^ Passoncourt, hameau, commune de Rehaincourt. Pour Barbavilla^ 
pas de difficulté : c'est Barbon ville, canton de Bayon (Meurthe-et-Moselle). De 
même, Hassonisvilla est UaussonviUe, également canton de Bayon. Quant à 
Fresones, ce serait les Frisons, haute et basse, aujourd'hui Frizon, canton de 
Chàtel (Vosges). Pour c apud Domnum Ferreolum, » Belhomme avoue ne pou- 
voir l'identifier; il pense toutefois que ce nom devait désigner les biens que dès 
ce temps, dit-il, l'abbaye possédait à Brantigny, non loin de Frizon, canton de 
Charmes (Vosges). 

(2) Le Libellus donne comme date de la mort de Fortunat le 4 des calendes de 
mars, mais d'autres documents, notamment un martyrologe de Senones, un 
nécrologe de Munster et un missel de Murbach remontant à une haute antiquité, 



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- 259 - 

c'est là qu'il reposa longtemps, dans l'oratoire Saint-Gré- 
goire. 

Son souvenir resta en vénération à Moyenmoutier, moins 
encore, sans doute, pour le bien qu'il avait fait à l'abbaye 
que pour le prestige qu'il lui avait donné. Il était rejailli 
sur elle quelque chose de sa haute dignité. Le temps ai- 
dant, on oublia ce que sa conduite avait pu avoir parfois 
de répréhensible, soit comme patriarche de Grado, soit 
peut-être comme abbé de Moyenmoutier, et il eut sa lé- 
gende. 

Quant à l'histoire particuhère de Lazare et d'Aza, se 
trouvant ainsi faire corps avec un récit que nous avons 
trouvé si inexact et si incomplet, il semble qu'elle doive 
éveiller aussi quelques doutes dans l'esprit de l'historien. 
Nous croyons cependant qu'elle repose sur un fondement 
réel, n n'était pas rare, à cette époque, de voir de ces 
pèlerins, parfois d'illustre naissance (i), s'en aller ainsi de 
sanctuaire en sanctuaire et finir leurs jours dans la vie 
pénitente d'un monastère. D'où venaient ces deux per- 
sonnages dont la tradition de l'abbaye avait si pieusement 
gardé le souvenir? Nous ne savons. Leur arrivée à Moyen- 
moutier coïncida-t-elle avec le gouvernement de Fortunat? 
Le Libellus le dit, cependant rien n'est moins certain : 
peut-être n'y a-t-il eu là qu'un simple rapprochement créé 
par la tradition populaire. On savait qu'un patriarche venu 
d'un pays lointain avait gouverné l'abbaye. D'autre part, 
on racontait que deux personnages de vie sainte et de 
grande naissance, partis également de contrées lointaines, 
étaient venus se fixer à Moyenmoutier. Il n'en fallait pas 



plaçaient cette mort au 4 des ides de mars. Belhomme, p. 168, et Màbillon, 
Aimales ord. S. B., U, p. 340. 

(1) Le LibeHuê appelle Lazare rex et Aza regina, mais comme le fait bien re- 
marquer Belhomme, ces termes n'impliquent nullement ici une royauté effec- 
tive; ils peuvent très bien s'appliquer à quiconque avait en partage ou la puis- 
sance OQ la richesse. Cf. BblhobuiBi p. 167. 



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— 260 - 

davantage pour qu'on leur donnât pour patrie commune 
— nous sommes au XI® siècle, à la veille de la croisade — 
et rOrient et même Jérusalem. De là à les faire contem- 
porains et à supposer qu'ils s'étaient connus en Orient, il 
n'y avait qu'un pas. Voilà, croyons-nous, ce qu'il y a de 
certain (i), mais aussi ce qu'il y a de douteux et proba- 
blement d'ajouté dans l'histoire de Lazare et d'Aza. 



§ IV. — État de l'Abbaye 

AU Vllie ET AU COMMENCEMENT DU IXe SIÈCLE- 



Après ce que nous avons dit, nous pouvons aisément, 
sans craindre de nous tromper beaucoup, nous représenter 
l'état de l'abbaye de Moyenmoutier au Ville siècle et dans 
les premières années du IX^. 

Saint Hidulphe mourant, au commencement du V1II« siè- 
cle, avait laissé l'abbaye en pleine prospérité. La ferveur 
y brillait de tout son éclat. D'autre part, au point de vue 
temporel, le monastère possédait déjà un noyau considéra- 
ble de propriétés tant de ce côté des Vosges qu'en Alsace. 
Après la mort de Hidulphe, ces possessions ne font que 
grandir et s'étendre. A la suite de donations généreuses 
faites soit par les fidèles, soit par les moines eux-mêmes, 
l'abbaye acquiert successivement des domaines de diver- 
ses sortes à Niedernai, à Feldkirch, à Hindisheim, à Am- 
merschwihr, à Rorschwihr, en Alsace; et, de ce côté des 
Vosges, à Azerailles, Pexonne, Barbonville, Haussonville, 
Mattexey, Repaix, peut-être Réchicourt, Rehaincourt, Pas- 
soncourt, Frizon, Autrepierre et Brantigny, sans compter 

(1) Mabillon atteste, Annales ordinU sancti Benedicii, t. III, p. 354» qa'il y avait, 
en effet, non seulement des reclus, mais aussi parfois des recluses vivant dans 
des cellules fermées auprès des monastères bénédictins. La chose était môme 
passée en coutume et il en cite, là et aiUeurs, des exemples. 



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— 261 — 

plusieurs autres localités dont il est impossible aujour- 
d'hui d'identifier les noms, plus ou moins exactement re- 
produits du reste par les copistes du Libelltis et de Jean 
de Bayon. 

Le monastère est devenu célèbre. D'illustres pèlerins y 
affluent, quelques-uns même y fixent leur séjour. Saint 
Hidulphe commence à être honoré d'un culte public. On 
transfère ses restes de la chapelle Saint-Grégoire à l'église 
Notre-Dame, où on les dépose sous ime voûte élégante, 
en manière de châsse. Les religieux sont nombreux à 
Tabbaye, environ 80, s'il faut en croire dom Calmet (i). Ils 
s'y livrent surtout, ce nous semble, en même temps qu'aux 
exercices spirituels de la prière et de la contemplatipn, aux 
travaux manuels. Ils suivent la règle de saint Benoît, qui 
va prévaloir maintenant dans les monastères francs sous 
la forme fixée par Benoît d'Aniane au concile d'Aix-la- 
Chapelle de 816. Quelques-uns se distinguent par leur 
habileté artistique, témoin l'abbé Maldavin. 

Vis-à-vis du pouvoir séculier, l'abbaye est toujours dans 
la même condition. C'est une abbaye royale ou impériale. 
Sans doute Charlemagne laisse aux moines la liberté 
d'élection. Une fois tout au moins, cependant, il inter- 
vient lui-même. Usant du droit qu'il a sur les monastères 
royaux, il donne l'abbaye de Moyenmoutier en bénéfice 
— on pourrait presque dire déjà en commende — au pa- 
triarche de Grado, Fortunat. 

La régularité et la ferveur monastiques se maintiennent. 
Les moines de Moyenmoutier entrent en union de prières 
avec l'un des plus fameux monastères du temps, le monas- 
tère de Reichenau. Cependant il ne serait pas impossible 
que dans les dernières années du siècle qui suivit la mort 

(1) Calmbt, Histoire de Senonea, édit. Dinago, p. 'Si. X la même époque les 
religieux de Seaoaes auraient été au nombre de 200. Mais nous avons vu plus 
haut, p. 242, note, sur quel document s'appuyait Calmet pour fixer ces chiffres, 
et quelles réserves il convenait peut- être de faire à cet égard. 



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de Hidulphe, cette ferveur ait quelque peu diminué. Nous 
en avons comme indices les difficultés peut-être qui sur- 
gissent à la mort de Maldavin, comme aussi le différend 
qui éclate quelque temps après entre Tabbé Fortunat et 
les moines, différend qui provoque et amène pour la pre- 
mière fois une séparation des menses. II est vrai que la 
situation anormale du nouvel abbé imposait presque cette 
dernière mesure. Il n'y en a pas moins là, croyons-nous, 
un fait digne de remarque. Il est à craindre dès mainte- 
nant, qu'à la faveur des troubles de l'époque carolin- 
gienne, malgré l'essai de réforme monastique de Benoît 
d'Aniane et de Louis-le-Pieux, cette décadence, dont nous 
soupçonnons à peine pour le moment les germes et les 
causes, ne s'accentue bientôt. 



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DEUXIÈME PARTIE 



L'tBBkYE DE MOYENMOUTIER 

DU IX* AU XYI« SIÈCLE 



LIVRE I 



PREMIÈRES VICISSITUDES. — DÉCADENCE DE L'ABBAYE 
AU IX» ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU X« SIÈCLE 



CHAPITRE I 

LES SUCCESSEURS DE FORTUNAT : 
WALDO, ISMOND, THÉODERIC, RÉGINARD, HUMBERT, PÉPIN 

(825-896) 

Si la ferveur et la régularité, malgré quelques instants 
de défaillance, et avec elles la prospérité matérielle s'étaient 
maintenues à Moyenmoutier durant tout le cours du pre- 
mier siècle qui suivit la mort de saint Hidulphe, il ne de- 



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vait pas en être de même aux siècles suivants. Après le 
gouvernement de Fortunat commence pour Tabbaye une 
période de décadence. 

De cette décadence, les causes sont faciles à saisir. 

Il est permis tout d'abord de penser que le gouverne- 
ment même de Fortunat, s'il donna du prestige au monas- 
tère et contribua peut-être au développement de sa pros- 
périté temporelle, fut moins favorable au maintien de la 
discipline intérieure. Il est à craindre, en effet, que pen- 
dant les absences prolongées de cet abbé d'occasion qui 
n'avait accepté notre abbaye que comme un pis aller et 
qui, toute sa vie, fut en instances auprès des princes et 
des papes pour reconquérir son siège patriarcal, la régu- 
larité monastique n'ait eu à souffrir. 

D'un autre côté, il faut nous rappeler que nous sommes 
au IXe siècle, à l'une des époques les plus troublées qu'ait 
eu à traverser la monarchie franque. Aux incursions des 
Barbares, surtout des Hongrois, se joignent à l'intérieur 
les discordes civiles. La main toute puissante de Charle- 
magne n'est plus là pour maintenir l'ordre. Sous le gou- 
vernement débile de ses faibles successeurs qui se dispu- 
tent l'empire et ses lambeaux sur les champs de bataille 
et dans les assemblées, l'Église, elle aussi, l'ÉgUse régu- 
lière aussi bien que l'Église séculière, ne tarde pas à se 
sentir atteinte. Sans doute Benoît d'Aniane, à l'instigation 
de Louis-le-Pieux, avait essayé de rétabhr la règle béné- 
dictine en l'accommodant aux besoins de son temps, mais 
ses efforts ne devaient pas être couronnés de grand succès 
ou du moins de succès durable. 

Bref, si l'on réfléchit à tout ce concours de circonstances, 
on ne sera pas étonné de la décadence dans laquelle tom- 
bèrent à cette époque la plupart des monastères francs. Les 
monastères vosgiens ne firent pas exception, et l'abbaye 
de Moyenmoutier, en particulier, eut à traverser alors des 



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- 365 - 

jours mauvais, si mauvais même qu'il s'en fallut de bien 
peu qu'elle ne sombrât dans la tourmente de cette fin de 
dynastie carolingienne. 

L'auteur du Libellus ne nous dit presque rien de cette 
histoire de l'abbaye au IX« siècle, soit qu'il ait hâte de 
passer sur ces temps troublés et de triste mémoire pour 
le monastère, soit que les documents certains et authenti- 
ques lui aient fait défaut (^). Il ne nous donne guère que 
les noms des abbés qui se succédèrent à Moyenmoutier : 
Waldo, fils d'une sœur de l'abbé Maldavin et neveu par 
conséquent de ce dernier ; — Isimundus ou Ismond, qui 
avait été jadis revêtu de Tépiscopat (2) et sous le gouver- 
nement duquel le monastère aurait acquis quelques biens 
< apud Domnum Juvinum :^ (Domjevin) (3); — puis, après 
lui et successivement, Théoderic ou Thierry, Réginard, 
Humbert ou Hubert et Pippin ou Pépin (*), avec qui nous 
touchons aux dernières années du IX« siècle. 

C'est à peu près tout ce que l'auteur du Libelltbs nous 
apprend sur la personne même et le gouvernement pro- 
prement dit de ces abbés. En revanche, il nous trace un 
tableau d'ensemble des plus sombres de la situation de 
Moyenmoutier à cette époque néfaste. L'abbaye eut fort 
à souffrir, écrit-il, sous le règne des six princes qui se 
se succédèrent alors à la tête de l'ancien royaume d'Au- 



(1) « Succeasorum tam idonei patria nomina raptim peratringere Ubet, quia 
cum êludio breviUjUis, tum eiiam quod ex eorum actis vix tenue quiddam êcrip' 
twra eeu relatio certa f%obiê tranamittere quivit, immorari piget. » Libellue, 
cbap. VI de redit. Belbomme et V de redit. Waitz. 

(2) c Quondam episcopus. » Le fait n'a tien d'extraordinaire. Il y avait alors plu- 
sieurs abbés qui avaient le titre d*êvôque et le caractère épiscopal. C'étaient des 
< évôcfues de monastère, » comme on les appelait. Voir notamment on certain 
nombre de ces évéques de monastère^ parmi les souscriptions du concile d'At- 
tigny (édition Boretius, Capitularia regum francorum, I, p. 221). 

(3) Domjevin, canton de Blâmont (Meurthe-et-Moselle). Un manuscrit donnait 
la leçon de apud domnum-Luvinum. Cf. Waitz, Mon. Germ., SS., IV, p. 89. 

(4) C'est probablement par faute d'impression qu'on lit dans Belbomme Pi- 



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strasie, où se trouvait situé Moyenmoutier, Louis, Lo- 
thaire I, Lothaire II, Louis et Arnulf (i). Au temps de 
Lothaire II en particulier, dont le Lihellus nous fait un 
portrait des moins flatteurs, nous le représentant comme 
un prince tergiversator, callidus, domnabiliterque levis ac 
lubricus (2), elle se vit à deux doigts de sa perte. Lothaire 
était en guerre contre ses oncles, Louis-le-Germanique 
et Charles-le-Chauve. Il avait besoin de soldats. L'abbaye 
de Moyenmoutier étant une abbaye royale, il eût voulu 
forcer Fabbé à lui amener le contingent d'hommes qu'il 
lui devait fournir en cette qualité, soit trente soldats. 
Mais l'abbé, las de ces expéditions militaires qui pe- 
saient si lourdement sur le monastère depuis plusieurs an- 
nées, trouvant odieuse par ailleurs cette guerre parricide, 
refusa d'y prendre part (3) et suppUa le roi de ne point 
imposer un sacrifice aussi onéreux à des moines qui ne de- 
vaient être que soldats de Dieu. Mécontent de cette résis- 
tance, le prince donna l'abbaye au duc de la province (*), 
avec plein pouvoir d'en disposer ainsi que des revenus, à 



(1) Louis-le-Pieux, empereur, de 814 à 840; Lothaire I, son fils, empereur éga- 
lement, de 840 à 855; Lothaire II, roi de Lorraine, mort en 869; Louis-le-Germa- 
nique, après le partage du traité de Mersen (870), mort en 876; Àmulf, fils iUé- 
f(itime d'un frère de Charles-le-Gros, Garloman. 

(2) Libellun, chap. VI de l'édit. Belhomme et chap. V de Tédit. Waitz. Il 
s'agit ici , en effet, non pas de Lothaire I, mais de Lothaire le jeune, fils du pré- 
cédent, qui avait obtenu le royaume de Lorraine en 855 et mourut à Plaisance 
en revenant de Rome en 869. Lorsqu'il lui donne ces qualifications ainsi que 
celle d'ancUhema maranata, l'auteur du Libellus fait allusion à l'affaire de Wal- 
drade et de son divorce. 

(3) c Prœfatus abbtu nimis continuata exacHone miHtum in expeditione rêgali 
compulsuê et maxime parricidalem di$$en8ionem peroeua, alam lorifUUorum quam 
solehat, id est triginta militea cum eoruueto clypeatm mantts numéro in exercUum 
deetinare noluit. » Libellus, chap. VI de l'édit. Belhomme et V de l'édit. Waitz. 

(4) S'appuyant sur Wassebourg, Belhomme, op. cit,, p. 177, se demande si ce 
duc n'était pas Usinier au long cou (Ragenarius), celui-là môme que Ton regarde 
comme le premier des ducs bénéficiaires. Mais cette hypothèse parait inadmissi- 
ble, car le fait dont parle ici le Libellus a dû se passer vers le milieu du IX* siè- 
cle, et Rainier n'a été chargé du gouvernement de la Lorraine qu'au commen- 
cement du X< siècle. 



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- 267 — 

la seule condition qu'il fournirait à Tarmée royale le con- 
tingent militaire pour lequel était taxé le monastère. 

Ce fut pour Moyenmoutier le commencement de la dé- 
solation. 

Le duc ne tarda pas à accabler les religieux de toutes 
sortes de vexations. Il s'empara à son profit de 1514 man- 
ses qui appartenaient à Tabbaye et en faisaient la princi- 
pale richesse, ainsi que des églises qui s'élevaient sur ces 
domaines et de tous leurs revenus (*). C'est à peine s'il 
laissa aux religieux pour leur subsistance une petite mé- 
tairie attenante au monastère, avec quelques champs de 
peu de valeur et quelques curtes (2) en nombre presque 
dérisoire. L'abbaye ainsi réduite à l'indigence, les moines, 
qui manquaient même des choses nécessaires, se virent 
obligés de se disperser peu à peu pour trouver à vivre (3). 
A peine en resta-t-il quelques-uns — dix ou douze, nous 
dit Richer (*) — dans le monastère. Encore ceux-ci, ne se 
croyant plus engagés aux devoirs de leur état, se relâ- 
chèrent de l'observance régulière et perdirent l'esprit de 
leur vocation. Les abbés ne s'occupaient plus des reli- 
gieux, et ceux-ci n'avaient plus d'auti'e règle que leur 
caprice (^) : c'est ce qui aurait donné occasion quelques 

(1) Le manse {mansus, quelquefois manaum) était une sorte de ferme ou une 
habitation rurale, à laquelle était attachée une quantité de terre déterminée et, 
en principe, invariable. C'était le principal élément de la propriété territoriale, 
de sorte que la richesse d'un propriétaire en biens-fonds se mesurait sur le nom- 
bre des manses qui lui appartenaient. Cf. B. Gctérard, Polyptyque de Vahhé 
Irminan, Paris, 1844, in-4», 1. 1, p. 577. — Les 1511 manses dont il est ici question 
étaient situés en divers lieux, probablement là où nous verrons plus tard 
Tabbaye posséder des biens, car ils furent en grande partie rendus par le duc 
Frédéric, à quelque temps de là, au monastère. Belhomms, p. 178. 

(2) Le mot curtis (court, cour) semble ici synonyme de manse. Cf. Guêràrd, 
op. cit., 1. 1, p. 612. 

fd) « Tune domus Dei pêne e§t adnullata, rmmachis sunt subtracta victtêalia, 
et ob id paulatim sparsi per diveraa, egestate coacti deserere cellas circumcirca, » 
Libellus, chap. VI de l'édit. Belhomme et V de l'édit. Waitz. 

(4) Geetti SenonieneU Eccleaiœ, lib. I, cap. XVII. 

(5) < Fratribua cellarum ita locte ëuU eliminatis, his quoque qui in abbatiâ 
remanserant euis redditibut dettitutie, cœperunt a semita recta retrahere pedem; 



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années après d'y introduire des chanoines. Bref, lorsque 
Pépin prit en main le gouvernement de l'abbaye de 
Moyenmoutier, il se trouvait à la tête d'une maison 
vide, dépeuplée, presque d'un désert : c Vix prasfuU 
pauculis cœnobitis, i^ dit mélancoliquement l'auteur du 
Libellus, 

Tous ces renseignements nous sont fournis en grande 
partie par le Libellus. Cet opuscule, toutefois, s'il est exact 
en ce qu'il dit, n'est pas complet, et certains documents 
contemporains qui nous ont été conservés, certains textes 
aussi de Jean de Bayon que nous avons tout lieu de croire 
sincères, nous permettent d'ajouter plusieurs traits à cette 
histoire si triste du monastère au IX« siècle. 

Ce qui aggravait encore la situation de l'abbaye de 
Moyenmoutier, c'est qu'en même temps qu'elle se voyait 
en butte aux convoitises et aux usurpations des princes 
séculiers, au dedans elle manquait de la cohésion et de 
l'union qui lui eussent été si nécessaires en ces conjonc- 
tures critiques. Certaines lettres de l'évêque de Toul, Fro- 
tbaire, sont très significatives à cet égard (^). 

L'une d'elles, en particulier (2), nous révèle un différend 
considérable qui s'éleva sous le gouvernement d'Ismond, 
entre l'abbé et les moines, à l'occasion du fait que voici. 
Nous avons dit plus haut comment Fortunat, patriarche 
(Je Grado, ayant été pourvu de l'abbaye de Moyenmoutier, 
avait dû séparer les menses et assigner aux religieux, pour 
leur subsistance, une certaine portion des revenus com- 

abbates vero aegniores effêcH , de grege Domini non curanteê, secundum Propketam 
quod crauum erat (Uâumêbant et quod macrum erat abjiciêbant; monachoê nêtnpt, 
qui sibi, non Christo vivere volebant, diligebant, altos spemebant. Videntts igUur 
monachi cuncta tibi pro voluntate sua licerê, licet non expedire, ad prœcipUia 
quœque poHus quam ad bona cœpemnt esse proniores. i Gesta Senoniensis Eccle- 
sise, 1, 18. 

(1) Nous les citerons d'après Tédition DuchesDe, Historiœ Francomm Scrip- 
ror«»,t.U, p. 712-724. 

(2) Lettre III, adressée à Louis-le-Pieuz, Duchbsnb, p. 713. 



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mnns. Les religieux en avaient joui en paix, ce semble, 
pendant le gouvernement de Fortunat comme aussi pen- 
dant celui de Waldo qui lui succéda. Il ne devait pas en 
être de même à Tavènement d'Ismond. Celui-ci reprit la 
portion laissée aux moines et prétendit se réserver Tad- 
ministration de tous les biens du monastère. Il promettait 
d'ailleurs de servir aux religieux, d'une façon régulière, 
tout ce qui serait nécessaire à leur entretien. Mais il tint 
si mal sa promesse que ceux-ci se virent obligés de por- 
ter plainte à Frothaire, soit comme à leur évêque diocé- 
sain, soit comme à l'évêque le plus proche, et à Smaragde, 
abbé de Saint-Mihiel. C'était ce dernier déjà qui avait pro- 
cédé au partage des menses sous Fortunat, sur Tordre de 
Louis-le-Pieux. 

L'évêque et l'abbé s'étant transportés sur les lieux, exa- 
minèrent les plaintes des religieux, les trouvèrent bien 
fondées, et, sur leurs instances, l'abbé promit de réparer 
sa conduite passée et de donner désormais pleine satis- 
fection aux moines. Mais ceux-ci, qui avaient été souvent 
joués par Ismond, ne voulurent pas se contenter de ces 
nouvelles promesses et exigèrent, à tout prix, qu'on leur 
rendît la part de revenus qui leur avait été adjugée au 
temps de Fortunat. Comme Ismond n'y voulait consentir 
qu'autant qu'il en aurait reçu l'ordre de l'empereur, les 
religieux demandèrent à Frothaire, d'un commun accord, 
qu'il leur permît de porter leurs plaintes à Louis, disant 
qu'ils aimaient mieux quitter le monastère et s'en aller 
mendier par le monde, vivant d'aumônes, qu'être exposés 
plus longtemps aux caprices de leur abbé, joués par ses 
vaines promesses et condamnés, faute de ressources assu- 
rées, à n'avoir de moine que le nom. 

Frothaire leur accorda l'autorisation demandée. Il écrivit 
à l'empereur pour le prévenir et l'instruire, dès avant l'arri- 
vée des religieux, et de l'objet de leur voyage et du bien 



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— 270 - 

fondé de leurs réclamations (i). Il écrivit en même temps 
à Tabbé de Saint-Denis, Hilduin, archichapelain de Louis- 
le-Pieux, pour lui recommander la cause des moines et le 
prier de remettre sa lettre au souverain (^). Il s'adressa 
aussi à Gerung, portier (ostiarius) du palais, pour qu'en 
cas d'absence de Hilduin, il voulût bien introduire son 
envoyé auprès de Louis (3). 

Quelle fut l'issue de la démarche de Frothaire et des 
moines de Moyenmoutier, et quelle décision l'empereur 
porta-t-il? Nous l'ignorons. Si nous ne nous abusons, on 
dut rétablir alors la séparation des menses. Un peu plus 
tard, en effet, quelque temps après Ismond, nous voyons 
un de ses successeurs, Réginard, élever à Moyenmoutier 
« de munere proprio i> un autel à Notre-Dame : ce qui laisse 
supposer que la mense de l'abbé n'était pas commune avec 
celle des religieux (4). 

(1) C'est la lettre UI déjà citée, édit. Ducbesne, H , p. 713. Frothaire met l'em- 
pereur au courant du différend et ajoute : < Hœc autem vestrœ sapientiœ in$iotfii~ 
mus, ut priusqtiam ad vos veniant causas acclamationis eorum dinoseatia. 9 

(2) « Domino Imperatori Uteris innotesdmus ego et Smaracdus abba, qualUer 
lêtnundus abba et monachi ejus quadam simultate a se invicem discordent. Vestra 
pia sollicitudo agat, ut illi monachi votum suum Deopromissum implere valeani 
et easdem literas ad ejus prœsentiam vestra pavpertas déférât. » Lettre I, édiU 
Ouchesne, U, p. 712. 

(3) < Sciatis denique nos domno Jmperatori literas per pra&sentem missum nos^ 
trum dirigere; unde petimus ut, si domnus Hildoinus deest, ante domnuim Jmperor 
torem vos eum mittatis. » Lettre U, édit. Ducbesne, p. 713. Nous ignorons dans 
lequel de ses palais se trouvait alors Louis-le-Pieux, car les lettres de Frothaire 
ne sont pas datées. Peut-être à Ingelheim. Ces trois lettres ont été écrites sûre- 
ment entre 825 et 830, car avant 825 Fortunat était encore vivant, et après 830, 
Hilduin n'était plus archichapelain. Cf. Pfister, Vévêquê Frothaire de Tout, An- 
nales de l'Est, 1890, p. 289, note. 

(4) Une difficulté toutefois pourrait être soulevée à propos de cette lettre de 
Frothaire à l'empereur. Dans le texte de la lettre, tel que nous l'avons, on lit : 
c Fortunati Mediolacensis monasterii abbatis, t d'où quelques auteurs, LeCointe, 
par exemple, ont cru qu'il s'agissait de l'abbaye de Mettlach, au diocèse de Trè* 
ves. Mais tout prouve que non. Comme l'a fort bien fait remarquer Mabillon 
{Annales ord, S. B., II, p. 340 et 415), 

1« S'il s'était agi de Mettlach, les religieux en eussent appelé, non pas à Tévê- 
que de Toul, mais bien plutôt à celui de Trêves. 
20 À cette époque on ne trouve parmi les abbés de Mettlach aucun personnage 



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— 274 — 

Une autre lettre de Frothaire nous fournit encore quel- 
ques renseignements curieux sur la situation temporelle 
et spirituelle de Tabbaye de Moyenmoutier au IX« siècle. 
Elle est adressée à « Theuderic ou Thierry et à Réginard, 
vénérables personnes, td et à leurs communautés (i). Les 
destinataires de cette lettre sont certainement deux abbés 
des Vosges. L'un, Réginard, est vraisemblablement Tabbé 
de Moyenmoutier qui succéda à Théoderic, lui-même suc- 
cesseur d'Ismond. L'autre serait un abbé de Saint-Dié ou de 
Senones (2). Frothaire assure les deux abbés de la part qu'il 
prend aux maux qui frappent les peuples de son diocèse 
qui leur sont soumis. II a été très affligé, en particulier, 
d'apprendre que plusieurs personnes de leurs quartiers 
avaient été dévorées par les loups (3) et que la peste dé- 
solait leurs contrées. II ajoute qu'il ne doute point que ce 
ne soit un châtiment de la main de Dieu, de même que cette 
invasion de rats qui ravagent les moissons et les vignes, 
alors qu'après la disette des années précédentes, on pou- 
vait enfin espérer une récolte abondante, c Je suis surpris, 

da oom de Fortunat ni du nom dlsmond , tandis que ces deux noms se retrou- 
Tent à Moyenmoulier. 

3» Enfin , dans certains vieux manuscrits dont s'est servi Duchesne pour pu- 
blier les lettres de Frothaire, on Ut, non pas Mediolacênsis , mais Mediolanensis, 
U y a eu probablement corruption de la leçon primitive qui devait être Media- 
nênHê ou Mêdioloeeniis, On trouve quelquefois, en effet, Moyenmoutier appelé 
( Mùnasterium medii îoci. s Cf. Belhomme, p. 173. 

(1) f Frotharius, gratiâ Dei Ecclesiœ Tullensis Antisteê, Teutderico et Rage' 
nofdo, venerabilibus viris, cum univerto grege vobis commUso. » Lettre XXVI, 
Duchesne, p. 721. 

(2) Bblhommb, p. 174. On pourrait cependant supposer tout aussi bien le con- 
traire et faire de Théoderic Tabbé de Moyenmoutier qui a succédé à Ismond , et 
de Réginard un abbé de Senones ou de Saint-Dié. Cf. Pfister , Uévêque Fro* 
thakre de Toul, loc. cit., p. 278, note. 

(3) Ces animaux étaient alors très communs dans nos pays et y causaient 
parfois de grands ravages. Dans une autre lettre, Frothaire écrit à Louis-le- 
Pieux que depuis qu'il est évéque, il a fait tuer 240 loups dans les forêts de son 
évéché. Duchesne, p. 720, lettre XX Ins, C'est la deuxième partie de la lettre 
donnée par les éditeurs de Frothaire sous le n" XX. M. Pfister a montré, en effet 
{Annales de VEst, avril 1890, p. 277), que c'était une lettre distincte, que l'on avait 
cooiondoe à tort avec le billet précédent (lettre XX a) adresé à l'abbé Aglemare. 



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- Î72 - 

€ dit-il pour terminer (*), que vous ne m'en ayez donné avis 
€ auparavant, je me serais transporté dans vos quartiers et 
« je me serais appliqué à rassurer et à fortifier les peuples, 
« en leur donnant le Sacrement de Confirmation et en leur 
€ annonçant la parole de salut; et puisqu'on ne Ta pas fait 
€ jusqu'ici, je le ferai, Dieu aidant, au plutôt. A présent, je 
€ vous avertis de faire venir à vos monastères ou dans vos 
€ églises tous les prêtres qui demeurent aux environs, afin 
€ que, couverts de cendres et de cilices, ils s'adressent à 
€ Dieu par des litanies et des prières publiques, et qu'ils tâ- 
« chent de fléchir sa colère par leurs jeûnes et leur humilia- 
€ tion, qu'ils exhortent tout le peuple à la confession et à 
« la pénitence, afin qu'ils effacent par un digne repentir les 
€ péchés qui ont irrité contre eux la justice de Dieu; et si 
€ nous ne servons pas Dieu par des motifs de charité, qu'au 
€ moins la crainte de la mort nous éloigne du mal (*). > 

A tous ces renseignements , Jean de Bayon joint encore 
son contingent d'informations. C'est lui, nous l'avons dit, 
qui rapporte un distique qu'on voyait, de son temps, gravé 
sur un autel de la Vierge que Réginard avait fait élever de 
ses propres deniers : 

Hoc altare in honore Dei Sanctœque Mariœ 
Munere de proprio Reginardus contulit ahbas, 

A ce que nous savons déjà de la ruine de l'abbaye, il 
ajoute aussi quelques traits nouveaux (3). 

(1) J'emprunte cette traduction à Dom Galmet , Histoire de Senonês , p. 45. 

(2) Cette lettre de Frothaire gênait fort les revendications des abbayes vos- 
giennes au XVIU* siècle et leurs prétentions à Tindépendance spirituelle. Nous 
aurons occasion d'en reparler. Il est curieux de voir comment Belhomme et 
Galmet l'interprètent pour se tirer d'embarras, (n Telle fut la lettre de révoque 
Frothaire, écrit Dom Galmet. La manière dont il y parle insinue que son autorité 
èpiscopale n'y étoit pas fort reconnue, et l'affectation avec laquelle il marque 
que ces lieux étoient de son diocèse et soumis à sa juridiction, rend la chose 
assez douteuse et peut servir pour prouver le contraire. » Histoire de Smones, 
édit. Dinago, p. 45. Voir aussi Belhomme, p. 174. 

(3) Jban db fiAYON, U, 13; Gf. Belhommb, p. 175. 



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— 273 — 

Tout d'abord, il est vrai, au début de la période qui nous 
occupe, grâce à la vigilance des abbés, Moyenmoutier avait 
vu sa prospérité temporelle se développer. C'est ainsi que 
Jean de Bayon nous rapporte qu'à cette époque une villa 
qu'il désigne sous le nom de Theudonis villa (^), et qu'il dit 
située dans le voisinage de salines, fut encore donnée au 
monastère. La donation s'était faite dans des circonstances 
assez curieuses. Le donateur — un nommé Theudon — 
en voulait mortellement à des affranchis (liberti) de Lein- 
trey (2), qui habitaient dans le voisinage de sa villa et qui 
avaient mis à mort son fils unique. Voyant d'autre part, 
que désormais sans héritier, il ne lui restait plus de con- 
solation à espérer dans le siècle, il avait formé le dessein 
de se consacrer au service du CHirist. Mais il voulait au- 
paravant venger son fils. Étant donc venu à Moyenmou- 
tier, il s'était offert au monastère, lui et tout ce qu'il pos- 
sédait, à la condition qu'il lui serait permis de punir de 
la peine du talion, avant d'entrer à l'abbaye, ceux qui 
l'avaient frappé. C'est en vain que les religieux effrayés 
l'en détournent. Leurs prières restent inutiles; ils se voient 
forcés de le laisser aller. Mais, ô prodige! à peine est-il 
arrivé à Leintrey pour mettre à exécution son projet, que 
les liberti dont il veut tirer vengeance sont saisis à leur 
tour d'une telle frayeur que spontanément ils se livrent 
à lui, corps et biens. Touché, Theudon leur pardonne et 
revient au monastère qui peut dès lors l'accepter au nom- 
bre des reUgieux et recevoir les biens, considérables à ce 
qu'il semble, qu'il apportait avec lui. 

Mais à la prospérité avaient succédé des revers de 
fortune. Si l'abbaye avait eu encore, au début, « non nihil 
incrementi, » bientôt elle eut à subir « plurimum decre- 

(1) Thinoviller, près d6 Kéchicourt, dit Belhomme. Selon toute vraisemblance 
il s'agit ici de Réchicourt-le-Chàteau, bourg situé non loin de Leintrey, et où 
Tabbaye avait déjà peut-être des biens. Cf. supra, p. 244, note 4. 

(3) Canton de Blàmont (Bfeortbe-et-MoseUe). 

18 



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— 274 - 

menti (i). » Nous avons parlé déjà des 1511 manses qui avaient 
été enlevés aux religieux lorsque le monastère avait passé 
aux mains du duc de la province. Mais ce n'étaient pas les 
princes seuls qui convoitaient et usurpaient leurs biens, té- 
moin le fait suivant qui nous est transmis par Jean de Bayon. 
De très bonne heure, nous Tavons vu, Tabbaye avait 
possédé des biens à Bergheim, entre autres, une église 
dédiée à Notre Dame. On voyait encore au temps où Jean 
écrivait, paralt-il, le chirographe qui attestait la donation. 
L'abbaye de Moyenmoutier en avait joui en toute tranquillité 
pendant longtemps; mais au XIV^^ siècle, quand fut com- 
posée notre chronique, les religieux étaient obligés d'en ver- 
ser les revenus, en partie tout au moins, à l'évèque de 
Bâle. Or voici en quelle circonstance cette redevance avait 
été imposée à l'abbaye (^). Au temps de sa grande détresse, 
le monastère de Moyenmoutier avait dû engager cette église 
Notre-Dame à l'évèque de Bâle, contre quelques fromages 
{pro aliqtiot cassis). Ces fromages n'ayant pu être rendus au 
jour fixé par la convention, le prélat avait prétendu con- 
server le gage et il le retenait encore (3). Jean de Bayon 
ne nous dit pas en quelle année ce fait eut lieu, mais c'est 
vraisemblablement au IX^ siècle, à l'époque par conséquent 
que nous étudions (*). 

(1) Jean de Bayon, H, 13. 

(2) c Quod qualiter accideril tametsi forte iMcivioëum videattetf ajoute Jeao , 
ad commonitionem posterorum stilua resignabit, i et uo peu plus loin il en dé- 
gage une leçon pour les administrateurs des biens des églises : c Hoc factum 
monstri ut ita dicain simile, perterreat adminitfratores rerum ecclesise, ne tan 
tum praMentibus ac privatia contenti commodiSf jacturam inférant futurie, qma 
ai luce clariu^t constat eos cumulasse sibi mternale prœmxum^ qui terrena pairU 
monia ad célestes ihesauros transtulerunt , ita vicissim contrahere sibi énorme 
flagitium, qui prodige dissipavit delegata usibus Christi pauperum, t Jean de 
Bayon, H, 14, cité par Belhomme, p. 177. ^ 

(3) «( Pignus sibi usque in praesens cupiditas feneratoris vindicavU. » Jean de 
Bayon, loc. cit. 

(4) RuYR le place au temps de Fortunat, mais à tort. Antiquitez de la Vosge, 
i'* édit , Saint-Dié, 1625, p. 195. Le passage a été omis ou supprimé dans Tédition 
d'Epinal de 1634. 



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— ïi75 — 

Telle était la situation à laquelle se trouvait réduite 
Tabbaye de Moyenmoutier vers la fin du IX« siècle. 

Au temporel, d'impériale et royale qu'elle avait été tour 
à tour, elle est devenue abbaye ducale. Au spirituel, il sem- 
ble, d'autre part, qu'elle soit soumise dans une large me- 
sure aux évêques de Toul : ceux-ci en font l'objet de leur 
sollicitude pastorale et ordonnent, dans le district qui en 
dépend, des prières publiques, des pénitences et des jeû- 
nes, aux prêtres aussi bien qu'aux peuples, tout comme 
en n'importe quelle autre partie de leur diocèse. 



CHAPITRE II 

CONSOBOfATION DE LA RUINE. — LES ABBÉS-COMTES. — 
EXPULSION DES MOINES QUI SONT REMPLACÉS PAR DES 
CHANOINES (DE 896 AU MILIEU DU X« SIÈCLE.) 

Si grave que fût alors la désolation à Moyenmoutier, elle 
n'avait pas atteint cependant ses dernières limites. Les 
premières années du X^ siècle allaient amonceler sur le 
monastère des nuages plus sombres encore, précurseurs 
d'une tempête où l'œuvre de saint Hidulphe devait pres- 
que sombrer. Une révolution se préparait pour l'abbaye, 
elle allait être frappée dans son chef comme dans ses 
membres. 

Jusqu'alors les princes qui avaient fait peser leur auto- 
rité sur le monastère, imposant leur volonté aux religieux 
et disposant à leur gré de leurs biens, avaient du moins 
respecté l'organisation intérieure de l'abbaye. Vers l'an 
896 on alla plus loin. ArnuIf venait d'être fait empereur 
à Rome, et depuis l'année précédente (895), l'ancien 



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- 276 - 

royaume de Lothaire, augmenté de TÂisace, constituait 
un royaume particulier gouverné par Zwentibold, son fils 
naturel. A peine investi de ce gouvernement, nous dit le 
Libellus, Zwentibold se déshonora par un acte qui devait 
attacher un éternel opprobre à sa mémoire (*). En 896, il 
accordait à un comte, à un laïque par conséquent, du nom 
de Hillin (2), à titre de bénéfice ou de fief, ce qui restait 
de l'abbaye de Moyenmoutier. Avec ce personnage com- 
mence la série des abbés-comtes, et avec elle la pire des 
ruines pour Tabbaye. A peine en possession du monastère, 
Hillin en chasse l'ancien abbé, Pépin, avec tous ses reli- 
gieux, et met en leur place des chanoines sécuUers (3). Ces 
chanoines devaient y demeurer de 50 à 60 ans environ, 
sous les gouvernements de Riquin, d'Otton, de Boson, de 
Amard (^), enfin de Gislibert (^) qui se succédèrent à la 
tête de l'abbaye en quahté d'abbés-comtes. Grande fut 
alors la désolation de Moyenmoutier ainsi que des abbayes 
voisines de Senones, d'Étival et de Saint-Dié. Le nombre 
des chanoines eux-mêmes diminuait chaque jour, et c'est 
à peine si l'on trouvait assez de prêtres dans chacune de 
ces maisons pour assurer le service nécessaire des parois- 
ses (G). Avec le règne de Henri, qui sera plus tard sur- 
nommé l'Oiseleur (7), une améUoration se fait cependant 
dans la situation de l'abbaye. Les Hongrois sont enfin re- 
poussés, et à la faveur du calme qui renaît, le nombre des 
chanoines se relève peu à peu. 

(1) « Indebilis flagitii nota dedscoraifit primitiM sui principatus. » Ubellui, 
chap. VI. 
C2) Richer l'appelle Hasuna. G$»ta Sênonienns ecclesm, U, 7. . 

(3) LibelluSf cap. VI et Righbr, Gesta Sen. eccL, II, 7. 

(4) Amard ou Ainard (Amardus, Aiaardus). U est appelé aussi Arnalduê dans 
le Gallia Christiana, XIII, 1402. 

(5) Il ne faut pas confoadre ce Gislibert, abbé-comte de Moyenmoutier, areo le 
duc de Lorraine Gislibert ou Gislebert, qui épousa Gerberge, fllle de Henri TOi- 
seleur, et qui mourut en 939. Belhommb, p. 180. 

(6) Libellua,caip. VI. 

(7) Henri !•', 919-936. 



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- 277 - 

Il semble même qu'un des derniers abbés -comtes, — 
Amard, selon toute vraisemblance (^), — ait entrepris de 
rétablir les moines à Moyenmoutier. L'abbaye dépendait 
alors de Frédéric (comte de Bar et de Chaumontois puis 
duc de Haute-Lorraine), et celui-ci, à l'instigation d'Otton I^r, 
à la demande aussi de Tarchevêque de Cologne, Brunon, 
cherchait à réformer les monastères qui relevaient de lui 
et à y supprimer les abus. Mais, sans expérience des choses 
de la vie religieuse, Amard sut mal s'y prendre, admettant 
sans discernement à l'état monacal quiconque se présentait 
et laissant vivre à leur guise ces religieux de fantaisie, de 
sorte qu'en peu de temps les abus ne firent qu'augmenter. 
Las bientôt de l'habit et de l'abbaye, ces moines d'occa- 
sion sortirent du couvent et menèrent une vie de désor- 
dre. L'abbé dut fuir en Alsace et l'abbaye resta sans reli- 
gieux, sans abbé, presque sans office. Un prêtre attaché 
à une villa voisine venait y célébrer les saints mystères. 
Ainsi cet essai de restauration n'avait pas abouti. Il fau- 
dra attendre quelque temps encore pour voir refleurir à 
Moyenmoutier l'ordre, la régularité, la ferveur. 



CHAPITRE III 

TRISTE ÉTAT DE UABBAYE VERS LE MILIEU DU X« SIÈCLE 
LES ANECDOTES DE RICHER 

Ainsi, pendant la période que nous venons d'étudier et 
sous l'influence des causes que nous avons signalées, la 
décadence, qui a commencé dès la mort de Fortunat, est 

(1) Ce que dit Richer, Gesta Sên. eccl., I, 21, ad finem, nous semble en effet 
pouvoir se rapporter au gouvernement de Amard, le prédécesseur immédiat de 
l'abbé-comte réformateur Gislibert. Cf. Gallia christiana, t. XHI, col. 1402, 



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«. 278 - 

allée s'accentuant de jour en jour. C'est une période par- 
ticulièrement néfaste dans l'histoire de notre abbaye. 

Néfaste au point de vue temporel d'abord. 

Sans doute, au début, l'abbaye fait encore çà et là quel- 
ques acquisitions, à Domjevin, aux environs de Réchicourt. 
Ses possessions sont même plus considérables qu'elles n'ont 
jamais été : elle compte alors près de deux mille manses, 
disséminés en Lorraine et en Alsace, qui lui appartiennent 
en toute propriété. Mais, outre que sa condition d'abbaye 
impériale ou royale d'abord, puis ducale, lui impose des 
charges d'autant plus lourdes que la situation de l'empire 
franc devient chaque jour plus critique au milieu des trou- 
bles qui marquent la fin de Tépoque carolingienne — no- 
tamment ce contingent de soldats qu'elle doit fournir au 
souverain toutes les fois qu'il part à l'ost — elle se voit 
bientôt ruinée par les usurpations des ducs et par les dila- 
pidations des abbés-comtes. Obligée de donner en gage les 
quelques biens qu'on lui a laissés, elle n'a plus même de 
quoi nourrir ses religieux, dont le nombre cependant di- 
minue de jour en jour. 

A tous ces maux viennent encore s'ajouter les incur- 
sions des plus redoutables et des plus destructeurs des 
Barbares, les Hongrois, qui ravagent atrocement le duché 
de Lorraine, y font dans la première moitié du X« siècle 
(de 897 à 936) jusqu'à six invasions successives, et rem- 
plissent les populations de terreur et d'effroi. L'abbaye 
de Moyenmoutier n'échappe pas à la désolation générale. 
Comme toutes les abbayes du pays lorrain, elle a à su- 
bir le contre-coup de tous ces maux (*). 

Au point de vue spirituel, la situation est plus triste en- 
core. A la faveur de la ruine temporelle, la décadence et le 
relâchement s'introduisent à l'abbaye. Ce qui restait de 

(1) RICHER, II, 8. 



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- 279 — 

régularité monacale s'en est allé avec les abbés réguliers, 
et bientôt les quelques religieux qui font encore leur 
séjour au monastère se voient expulsés et remplacés par 
des chanoines. Sans doute il est permis de penser que 
Jean de Bayon et surtout Richer exagèrent les traits de 
cette décadence, notamment lorsqu'ils nous parlent des 
chanoines qui ont succédé aux moines bénédictins. Sans 
doute aussi, il serait difficile de dire de façon bien précise 
à quelle époque exacte eurent lieu les désordres dont ils 
nous tracent le tableau (^); il n'en reste pas moins vrai 
que la discipline monastique laissait fort à désirer. 

Nous trouvons en particulier dans 4\icher quelques ré- 
cits où perce évidemment la grande créduhté du chroni- 
queur, mais qui doivent reposer sur un fondement réel. 
J'en citerai quelques traits plus curieux (2). 

Richer commence par un tableau général de la vie dis- 
solue des moines (3) : « ... Élans les religieux égarés et 
« épars, ceux notamment qui habitoient es hermitages et 
c mansions dépendantes du dit monastère, mais aussy 
a ceux qui étoient restés audit monastère, opprimez d'une 
a extrême indigence, se trouvans dépouillez de leurs rentes 
f annuelles, lesquels à ceste cause facilement s'éloignoient 
« du vray sentier et droite voye de leur religion. Puis les 

(1) Il semble qu'oa doire les placer plutôt dans la première moitié du X* siècle, 
alors que rabbaye était occupée par les chanoines séculiers et dirigée par les 
abbés-comtes. Voir dans ce sens Mabillon, Annales ordinis S. B., HI, p. 464-465, 
et Belhomme, p. 179. Lorsque Ricber ou Jean do Bayon se servent de l'expres- 
sion t manachi, moines, » nous ne croyons pas qu'il faille l'entendre au sens 
rigoureux du mot. 

(2) Richer, 1, 18 et chap. suiy. O'Achéry n'a pas donné ces chapitres dans son 
Sp'riUgium, non plus que D. G^lmet. Ils ont été édités pour la première fois par 
Waitz, loc. cit., p. 261. La traduction que nous donnons ici est empruntée à la 
yieiUe traduction si origiuale et si pleiue de saveur qui a été éditée par Jean 
(layon en 1R42. Cf. iupra^ p. 156, n. 3. C<itle truduction, ouvrage peut-être d'un 
religieux de Senones o i de Moyenmoutier, semble être de la fin du XVI* siècle. 
Cf. Caygn, Chronique de Richer de Senonês, introduction, p.- viii. 

(3) RiCHBR, 1 , 18 : • De dUeidio eccluiœ Mcdii-monasterii et dissolutione mo- 
na^horum, » édiL Waitz, loc. cit , p. 285. Cf. Cayon, op, cit., p. 26. 



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« abbez parvenus à la vieillesse, n'ayans plus aucun soucy 
a de leur troupeau, mais selon qu'a été prophétizé, rece- 
« voient la toison et mactoient ce qui sembloit le plus 
« gras, rejettans en arrière ce qui se trouvoit fresle et 
« maigre et inutile, et plus s'estudioient à recevoir au 
« gyron de leur intime amitié ceux qui entre leurs moy- 
c nés s'efforçoient plus à leur complaire que de servir à 
« Dieu. Voyans lors iceux moynes que par telle licence 
« la bride leur étoit lâchée à bien ou mal faire et à leur 
<L volonté, . . . chacun d'iceux s'émancipa de façon, comme 
c plus enchns à mal qu'à bien faire, que se donnans en 
« leurs chambrettes.une pleine liberté de vivre à leur vo- 
« lonté , jusques au comble d'une telle dissolution que le 
<L seul habit monial et religieux réservé, s'émancipèrent à 
« commettre diversité de méchanceté et excès. Et entre 
c autres choses sales et deshonnestes qu'ils commettoient 
« spécialement es jours de festes solennelles, où ils se de- 
(K voient appliquer et dédier es choses divines et célestes 
<L plustôt que d'un malheureux et sinistre vouloir, se ban- 
« doient ensemble avec nombre de jeunes villageois (ne 
« laissans au cloistre qu'un pauvre vieillard avec un jeune 
« moyne qui n'étoient aptes pour les accompagner à leur 
« foUe), s'en alloient au chasteau de Haute Roche (*), ad- 
<L jaçant au dit monastère, et de là bien armés (non toutes 
« fois du bouclier de la foy), les uns grimpoient le sommet 
« de la montagne, provoquant les autres au combat, les 
« autres avec frondes et machines belliques les repous- 
« soient droit au bas du haut de la roche. Les uns com- 
« battoient à l'envy contre les autres et s'entrechocquoient 
« de bas en haut et de haut en bas. Ceux du haut, avec 
« pierres et cailloux, repoussoient droit bas les contre mon- 
a tans qui avec machines et frondes insistoient au con- 
« traire ; les uns tantost apparoissans vaincus, tantost vie- 
il) La Haute-Pierre, montagne qui domine l'abbaye de Moyenmoutier. 



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« torieux, s'entretuans avec des grandes perches aiguës... 
« Et en ceste façon de combattre employoient le jour plus 
c solennel qui occurroit en Tannée. Or, avenue l'heure du 
« disner, accordans trêves entre eux, descendoient de la 
« montagne en devisans (non de Nostre Rédempteur Jésus- 
« Cairist), mais l'autre à l'autre disoit avoir receu une playe, 
c l'un monstroit sa teste blessée ou quelque membre dis- 
c loque ou froissé, et à ceste manière retournoient en leur 
c cloistre, se mettans à table, où par tout le repas discou- 
c roient et taisoient récit (non de choses divines) mais de 
« leur hardiesse ou plustôt folie et témérité. Incontinent 
c leur ventre étant farcy, hâtivement de la table retour- 
c noient à leur damnable exercice; où s'entre combattans, 
« le jour se passoit entièrement, et en tel exercice les plus 
« solennels jours faisoient l'office de leur profession. Si 
c qu'en après s'ayans ainsy occupés à telles œuvres de 
c pis en pis, accumuloient méchanceté sur autre; car ils 
c s'assembloient deux à deux ou trois à trois et à l'heure 
« qu'il leur sembloit commode pour mal faire, alloient 
« envahir les maisons des pauvres laboureurs es champs, 
« et les prenoient et détendent captifs jusques à ce qu'ils 
« eussent payé rançon, et de tels butins se nourrissoient 
« et leurs autres complices. » 

Après ce tableau d'ensemble viennent des anecdotes par- 
ticulières; celle d'abord d'un moine qui « avoit de coustume 
« manger parmy la nuict (^). t> On racontait au temps de 
Richer que « pendant que ces bons moynes s'esbattoient à 
c tels insolens exercices, y en avoit un qui portait l'office 
c de sacristain et qui ne pouvoit passer aucune nuit sans 
c de rechef manger mesme dedans l'église. Ayant donc une 
€ fois fermé le monastère et retenu avec luy un jeune 
« clerc qui luy préparoit ce qu'il avoit de coustume man- 

(1) RiGHBR, I, 19, ôdit. Waitz, loc. cit., p. 265 : « De monacho qui in eçcle$ia 
poêt complêtorium se recenaàat, » et Cayon, p. 2H. 



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« ger, se courroussant grandement contre luy parce qu'il 

< ne lui avoit rien préparé, mais afln de n'interrompre sa 
« coustume, commença à manger du pain et du fromage 
« qu'il avisa avoir vers luy de réserve, et étant parvenu 

< devant l'autel de Sainte -Croix qui posoit au milieu de 
« l'église, ainsy qu'il mangeoit son pain et fromage, apper- 
« cent un diable d'une admirable grandeur, qui prenant 
« le moyne par la. perruque, luy mit son doigt dedans le 
c ventre (chose admirable à réciter) d'un crucifix pendant 
« en une croix sur le dit autel. Cela fait, parla au moyne 
« en ceste sorte : As-tu assez de pain d'orge pour remplir 
« ce famélique ventre? A quoy le moyne, pour tant hor- 
« rible vision éperdu, ne respondit rien. Quoy voyant, ce 
« diable fouetta sur le pavé et le foula aux pieds en le 
c frappant et meurtrissant, le tralnoit parmy toute l'église 
« et arrousait tout le pavé de son sang. Si que le moyne 
« faisoit retentir toute l'église de ses clameurs et hurle- 
c mens; à quoy tous les autres moynes furent esveillez, 
a qui, accourant à tel bruit, pour entrer au monastère fu- 
€ rent contraints briser les portes, et, faisants cherche de 
€ çà et de là, ne trouvoient le dit moyne, mais si t05t 
€ qu'ils ensuivirent la trace de son sang et montez qu'ils 
« furent au plus haut de la tour, le trouvèrent où les 
c échelles et degrés étoient tout poilus de son sang. Le 
« misérable moyne étoit planté sur la pièce de bois d'où 
a pendoient les cloches. Puis le transportèrent demy-mort 
a en leur dormitoire où il survesquit deux jours, récitant 
« par ordre à se? frères religieux ce qui luy étoit sur- 
« venu. .. » 

Cette anecdote est suivie d'une autre non moins curieuse, 
celle « d'un moyne qui faisoit ferrer son cheval du fer 
a qu'il arrachoit es fenestres du monastère (^). y> 

(1) RiGHBR, 1, 20 : C Demonacho qui equum suum de ferrofeneêirarummonaê' 
Uni fitrraOat, b édit. Waitz, loc. cit., p. 266, et Cayon, p. 29. 



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- 283 - 

« En ce monastère étoit un autre moyne fort curieux à 
c nourrir chevaux, et, n'ayant quelquefois le moyen de 
c faire ferrer le sien, n'étoit scrupuleux ni vergongneux 
c d'arracher les ferrures des huys et des fenestres pour 
« en faire ferrer son cheval. De quoy n'étant aucun adverty, 
c un jour monta sur son cheval ainsy ferré par tel sacri- 

< lège, afin de l'aller promener, lequel il conduisoit aupa- 
c ravant à sa fantaisie aussi aisément qu'un agneau. Mais 
« s'étant égayé par les champs, le cheval fut saisi d'une 
« rage effrénée, si bien qu'il n'étoit possible à chevaucheur 

< de demeurer sur le dos de son cheval, en sorte qu'il le 

< renversa par terre sy rudement qu'il luy froissa tout le 
c corps, le traisnant çà et là, bannissant avec un ronfle- 
c ment tant épouvantable qu'après avoir couru d'une part 
c et d'autre, retournant vers son raaistre qui de fortune 
c s'étoit relevé, le renversa plat en terre, le mordit et le 
« foula aux pieds, tellement que réitérant ceste furie et 

< concussion le laissa à dem y-mort. . . t> Lui aussi devait 
mourir quelques jours après. 

C*est encore Richer qui nous rapporte, toujours au même 
sujet, le récit d'une vision également significative qu'au- 
rait eue alors un religieux de Senones (i) : 

c En ce temps que le dit monastère de Moyenmou- 
€ tier étoit si poilu et prophané par les abominables actes 
c commis par les insolences de si méchans et infâmes 
« moynes, Dieu, contemplateur de toutes choses humaines, 
c par une douce et salutaire exhortation et advertissement, 
c selon son accoustumée bonté et miséricorde, sous telle 
€ figure qui s'ensuit, les admonesta se retirer de telle dam- 
« nable erreur où ils étoient si abusivement plongez. Car 
« advint qu'un religieux de ceste nostre église de Sennone 
« receut une vision en son dormir, qu'il voyoit devant les 

(1) Richer, I, 21 : t Dp viiione vnfmachi Scr^onientis, » édit. Waitz, loc cit., 
p. 966; Cayon, p. 29. 



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- 284- 

« portes du monastère de Moyenmoustier, du costé devers 
<L le cloistre, un homme de visage vénérable et non moins 
« honneste en sa chevelure, vestu d'un habit épiscopal et 
€ portant en main le baston pastoral, et en tel ornement 
c entroit et revisitoit avec grands soupirs chacune chambre 
« du dit monastère, d'où ne ressortoit qu'avec grande et 
« abondante effusion de larmes en gémissant amèrement ; 
« tellement que par la fin parvenu à la chambre de Tabbé, 
« battant ses mains Tune à l'autre et frappant son estomac 
c avec plus grandes larmes qui ruisseloient de ses yeux, 
€ exclamoit en ceste sorte : Seigneur et Bon Dieu, envoyé 
« les ainsi qu'une roue fuyante, et comme la paille devant 
« l'impétuosité du vent. Répétant souvent tels propos, s'é- 
« vanouit. Mais après que les abbés et moynes du dit 
« Moyenmoustier furent advertis par le dit religieux de 
« Sennone, ne faisoient qu'une risée de telle vision. Néant- 
« moins peu après l'issue argua le contraire. En ce que par 
« l'imprécation de ce saint homme ainsy apparu en vision, 
€ soudainement a monstre son effect, quand les moynes du 
« dit Moyenmoustier, aujourd'huy l'un, demain l'autre, tom- 
« boient morts, commenceant aux plus vieux jusques aux 
€ plus jeunes en façon que nul d'entre eux (comme avint 
<i aux Egyptiens engloutis en la mer Rouge) n'eschappa la 
<L peine de telle malédiction, excepté le seul abbé qui, se 
« persuadant telles choses être avenues fortuitement et non 
« par juste jugement de Dieu, discourut par tous les villages 
« circon voisins; tous ceux qui s'incUnoient à se rendre à sa 
« religion et de son ordre, il les tonsuroit et ordonnoit de 
« l'habit, non du cœur monacal, tellement que de brief re- 
« peupla son monastère de tels pyrates et larrons qui n'y 
<t demeurèrent longtemps, parce qu'aussitost qu'ils avoient 
<t été sinistrement assemblez, aussy soudain estant défroc- 
« quez moururent et furent dispersez; puis l'abbé n'ayant 
« plus de remède possible que la fuite, retourna au pays 



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c d*Alsace d'où il estoit venu, délaissant le monastère éva- 
« eue longtemps d'abbé et de moynes, où ne se célébroit le 
« saint service de Dieu, sinon que par un prestre d'un vil- 
« lage voisin qui quelquefois y alloit gratuitement célébrer 
« la sainte messe. . . (^) 3> 

Encore une fois, il est certain qu'il faut faire dans ces ré- 
cits qui se transmettaient de génération en génération, la 
part d'une exagération bien évidente : l'imagination popu- 
laire, sur laquelle renchérit encore ici l'imagination crédule 
et naïve du bon Richer, a singulièrement embelli l'histoire 
de détails merveilleux. Mais, du moins, de telles légendes 
ont toujours un fondement historique réel, un point de dé- 
part vrai, et il faut bien admettre qu'elles reposent sur un 
fait certain : la décadence lamentable de l'abbaye dans la 
première moitié du X® siècle, lorsque les chanoines sécu- 
liers y eurent remplacé momentanément les moines de 
Saint-Benoit (2). 

Toutefois l'abbaye de Moyenmoutier ne devait pas rester 
longtemps dans cet état d'abaissement et d'humiliation. 
De l'excès du mal allait sortir ,1e remède. Avec le dernier 
des abbés-comtes, Gislibertf^), nous allons voiries religieux 
rentrer au monastère et, avec eux, l'ordre et la régularité. 

(1) Richer ajoute : c jusqaes à ce qu'il y eût aucuns moynes de l'abbaye de 
Gorse qui envoyez de Dieu comme ie croy restaurèrent iilec Tordre monachal et 
le service divin, i Les faits dont vient de parler Richer avaient dû se passer sous 
Tabbé-comte Amard. Cf. supra, p. 277. 

(2) Voir un tableau semblable pour Senones au IX*-X* siècle dans Calmet, 
Hittowê de Sênanes, édit. Dinago, p. 50. 

(3) f Amardui postremw provisar exterioris suppellectiliê, sed primua matUvtm' 
mûmuHcm religionis in illo leco eotatitit GUUbertuB. :» lAbelhi», cap. Vî. 



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LIVRE II 



PREMIER RELÈVEMENT 
LA RÉFORME APPORTÉE DE 60RZE 

(DEUXIÈME MOITIÉ DU Xe ET PREMIÈRES ANNÉES DU XI» SIÈCLE) 



CHAPITRE I 

RÉFORME DE L'ABBAYE DE MOYENMOUTIER — L'ABBÉ 
ADALBERT (DE 959 ENVIRON A 985) 

La deuxième moitié du X« siècle marque, pour le mona- 
chisme occidental, une époque de renaissance. Plusieurs 
foyers de rénovation religieuse s'allument alors, presque 
en même temps, sur divers points. De ces foyers de ré- 
forme, Cluny fut, à coup sûr, le principal. Ce ne fut pas 
cependant le seul. 

Pour Moyenmoutier, en particulier, c'est d'une abbaye 
lorraine que vient tout d'abord Finfluence régénératrice (i) : 
nous voulons parler de Gorze. 

Cette abbaye avait été fondée vers le milieu du VIII« siè- 
cle, au pays et au diocèse de Metz, par Févêque Chrode- 
gang. Après un long temps de prospérité, elle avait eu beau- 
coup à souffrir, elle aussi, dans les troubles de Fépoque 

(1) L'influence de la réforme cluDicienne ne se fera sentir à Moyenmoutier que 
plus tard) dans la première moitié du XI* siècle, avec Guillaume de Saint-Bénigne. 
Voir plus loin, Livre UL 



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- 287 - 

carolingienne. Les guerres, les incursions des Hongrois, 
l'usurpation des biens temporels du monastère par les sé- 
culiers, y avaient réduit considérablement le nombre des 
religieux. Par une conséquence presque fatale, le relâche- 
ment et le désordre s'y étaient glissés, et, sous l'épiscopat 
de révêque de Metz Adalbéron, Tabbaye se trouvait dans 
un état de ruine presque complète. 

Mais si Gorze était tombée si bas, plus bas peut-être que 
les autres abbayes sœurs du pays lorrain, elle fut la pre- 
mière à se relever, grâce au zèle et à l'activité déployés par 
Adalbéron d'abord, qui avait fait vœu d'y rétablir la régula- 
rité, puis surtout par l'abbé Einold (933-968) et le bienheu- 
reux Jean de (îorze ou Jean de Vandières (*). Une fois rele- 
vée de ses ruines, elle tendit la main aux autres monastères 
de la contrée et les aida à sortir aussi de l'état d'abjection 
auquel ils étaient tous plus ou moins réduits. Des religieux 
étrangers vinrent réapprendre à son école la pratique de la 
règle bénédictine. En même temps elle envoyait ses moines, 
parfois même ses abbés, rétablir les vraies observances dans 
les monastères où on les appelait. Gorze était vraiment à 
cette époque, suivant l'expression de Ruyr, comme une 
arche où étaient réservées, contre les flots du monde, la 
piété et les règles de saint Benoit (2). De nombreuses ab- 
bayes du pays messin, de la Lorraine, du pays de Namur 
ressentirent les heureux effets de son influence salutaire. 
Les monastères vosgiens ne firent pas exception. Saint-Dié, 
Senones et notamment Moyenmoutier éprouvèrent les bien- 
faits de la réforme messine. 

Déjà vers l'année 947, deux moines de Gorze — un ancien 
profès de Fulda et de Saint-Maximin de Trêves, Gondelach, 
qu'avaient attiré dans cette abbaye la sainteté et la réputa- 

(1) Cf. VUa Jôonnis Goriiensi» {Acta SS., t. III febr., 27« die, p. 691 et suiv., et 
Mon. Germ,^ SS., t. IV, p. 335-377); Calmbt, BUtoire de Lorrainef 1. 1, passim., et 
Chaussisb, l'Abbaye de Gorze, p. 59 et suiv. 

(2) RUTR, Antiquitez de la, Voege, éd. de 1631, p. 250. 



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tioQ des réformateurs, et Blidulphe, un ancien primicier et 
archidiacre de Metz, de noble naissance, qui, éclairé par la 
grâce à la suite d'une grave maladie, avait renoncé au 
monde et embrassé la vie religieuse à Gk)rze, — ayant 
obtenu de l'abbé Einold la permission de chercher une vie 
plus parfaite encore que la vie monastique, s'étaient dirigés 
vers les montagnes des Vosges (^). Ils s'étaient arrêtés à 
Moyenmoutier et y. avaient séjourné quelque temps. Bien 
que le séjour des deux moines à l'abbaye ait été vraisem- 
blablement de très courte durée, — ils allèrent en effet se 
fixer dans une vallée dite le Val de Lièpvre où ils élevèrent 
une église à Notre Dame et rassemblèrent autour d'eux 
quelques disciples (2) — il n'est pas téméraire de penser 
que leur passage et leur présence à Moyenmoutier ne furent 
pas sans faire impression sur Tesprit des chanoines qui 
occupaient encore à cette époque l'abbaye, comme aussi 
des religieux qui avaient essayé d'en reprendre possession 
quelques années auparavant sous le gouvernement de 
l'abbé-comte Amard (3). 

(1) Sur ces deux saints personnages, voir la Vita Joannis Gûrzimuiê, cap. 6d-7D 
(Acta SS,, tom. cU,, p. 708 et Mon. Germ. Script,, IV, p. 366) et Chaussibr, op, cU. 
p. 60- 61. Blidulphe et Gondelach, après avoir embrassé la réforme monastique de 
Gorze, avaient été envoyés par Tabbé Einold à Saint-Maximin de Trêves où Tabbé 
Hugues voulait rétablir l'observance sur le modèle delà grande abbaye messine. 
Hugues ayant été nommé évéque de Liège en 945 et étant mort deux ans après 
(947), les deux religieux étaient revenus à Gorze. C'est alors, ce semble, qu'ils 
conçurent leur projet de vie érémitique. 

(i) RiGHBR, G€8ta Senoniensis ecclêaiœ, II, 9. Parmi ces disciples se distinguè- 
rent au premier rang deux nobles et saints personnages, Guillaume et Achéric. 
Ce dernier donna même bientôt son nom au nouvel établissement monastique. 
Cette cella Acherici fut rattachée à l'abbaye de Moyenmoutier et en dépendit pen- 
dant quelque temps. A l'époque où écrivait Richer (XIII* siècle), l'église d'Achéry 
ou Échery était convertie, depuis plusieurs années déjà, en église paroissiale* 
L'abbaye de Moyenmoutier n'y avait conservé que le droit de patronage et de 
dîme. Sur la fin du XVI* siècle, cette même église d'Échery passa aux mains des 
protestants. Cf. Belhomue, p. 185 et Degermann, Le monoêtèré d'Échery au Val 
de Lièpvrg, p. 5 et suiv. Échery était situé près de Sainte-Marie-aux-Mines. 

(3) Cf. supra, p. 277. Le Libellus place le séjour de ces deux moines à Moyen- 
moutier un peu plus tard, au temps d'Adalbert. Cf. infra, p. 290. La VUa Joannie 
Gorziensis, au contraire, les fait venir dans les Vosges peu de temps après la 
mort de Févéque de Liège, Hugues, c'est-à-dire vers 947. Voir ci^dessus, note 1. 



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- 289 — 

Quoi qu'il en soit, le duc de Haute-Lorraine, Frédéric, 
qui disposait alors des deux monastères de Moyenmoutier 
et de Saint-Dié et n'avait pas renoncé à son projet d'y faire 
refleurir la règle bénédictine, ne devait pas tarder à deman- 
der à Tabbaye de Gorze, pour ces deux maisons, un moine 
réformateur. Uabbé Einold était venu en personne, quel- 
ques années auparavant, vers 938, établir la réforme à 
Senones (^). Il chargea un de ses religieux, Adalbert, d'ac- 
complir la même œuvre de restauration à Saint-Dié et à 
Moyenmoutier. Ce religieux missionnaire était d'illustre 
naissance, « sanguine primatum regni sublimiSj i> nous dit 
de lui le Libellus (^). Il pouvait compter sur l'appui des 
siens. La haute protection de l'empereur Otton-le-Grand 
lui était assurée. D était sûr aussi du concours du duc Fré- 
déric et de l'abbé-comte de Moyenmoutier, Gislibert. 

Par laquelle de ces deux abbayes commença-t-il son 
œuvre de régénération? Nous ne savons (^. Toujours est-il 
qu'au monastère de Galilée, ses efforts ne furent pas cou- 
ronnés de succès durable. Ne pouvant suffire longtemps à 
la double tâche qui lui incombait, il avait dû députer vers 
ce dernier monastère, pour le suppléer, un moine du nom 
d'Erchembert. Mais ce dernier gouverna si mal les biens 
de l'abbaye et en fit une telle dissipation que les moines 
se virent bientôt réduits de nouveau à la dernière misère. 
Les désordres reparurent au monastère, et finalement Fré- 
déric dut chasser Erchembert et ses religieux qu'il rem- 
plaça par des chanoines (4). 

(1) CAUffiT, Histoire de Senones, éd. Dinago, p. 52. Sur Einold, qui, ayant d'ôire 
abbé de Gorze (93B-968) avait été archidiacre de Toul , yoir Chaussibr, op. eit,j 
p. 46, et Guillaume, Histoire du diocèse de Toul, l, p. 268. 

(2) Libellus, cap. VII. 

(3) Calmbt, Histoire de Lorraine, !'• édit., I, p. 876, place la réforme de Saint-Dié 
avant celle de Moyenmoutier. Richer, U, 9, et Ruyr, Recherches sur les AntiquUez 
de la Vosge, édit. de 1634, p. 250 et 251, placent au contraire celle de Moyenmou- 
tier la première. 

(4) Cf. RiGHER, Gesta Senoniensis Ecclesiœ, U, 10. Erchembert avait cru apai- 

19 



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- 290 - 

Adalbert, secondé à la fois par Tabbé-comte Gislibert et 
le duc Frédéric, devait être plus heureux à Moyenmoutier. 
Grâce à sa bienfaisante action, notre abbaye retrouva ses 
beaux jours d'autrefois. Avec l'appui de Tabbé de Gorze, 
Einold, Adalbert eut bientôt réussi à grouper autour de 
lui, dans Tabbaye de Moyenmoutier, pour remplacer les 
chanoines, de véritables religieux renouvelés dans la fer- 
veur monastique. De ce nombre étaient, ajoute le Libellus, 
Blidulphe et Gondelach, les deux saints moines de Gorze 
que Tabbé Amaldus (lisez Ainald ou Einold, abbé de 
Gorze), avait recommandés à Tabbé de Moyenmoutier, 
Gislibert (i). 

En quelle année doit se placer exactement ce relèvement 
de Moyenmoutier et ce rétablissement des religieux ? Bel- 
homme cherche à le préciser, et son argumentation nous 
paraît fort juste. Le Libellus^ — et nous n'avons pas de rai- 
sons de douter de son témoignage, — attribue Torigine du 
mouvement réformateur à Frédéric, et il nous parle de lui 
en des termes qui nous permettent de déterminer l'épo- 
que à laquelle il lui donne le branle : 1^ il avait alors la 
disposition du monastère de Moyenmoutier; 2^ il en confie 
le gouvernement — le gouvernement intérieur au moins — 
â Einold et à son envoyé, Adalbert, et les charge d'y réta- 
blir l'ordre; 3^ enfin il restitue à l'abbaye toutes les églises 
qu'elle possédait autrefois. Or, tout cela suppose dans Fré- 
déric le pouvoir ducal, et nous savons, d'autre part, que 

ser la colère du duc en lui offrant des présents. Ayant vendu les vases sacrés, 
les croix, les ornements précieux de Tabbaye, il avait apporté l'argent à Frédé- 
ric. Indigné d'un pareil crime, celui-ci chassa les moines et leur indigne supé- 
rieur. 

(1) Nous avons dit plus haut que nous croyons ces faits antérieurs. Peai-ètre 
ces deux moines vinrent-ils alors se fixer quelque temps à Moyenmoutier, où ils 
n'avaient fait que passer précédemment. En tout cas, nous pensons qull y eut 
des relations étroites eatre eux et l'abbaye régénérée de Moyenmoutier. Leur 
eella fut rattachée à cette abbaye. C'est ce qui explique comment, plus tard, les 
religieux de Moyenmoutier avaient à Ëchery droit de dîme et de patronage. Voir 
plus haut, p. 288, note 2. 



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- 291 - 

Frédéric n'a exercé ce pouvoir qu'à partir de 959. C'est en 
ce moment, en effet, que l'archiduc Brunon, archevêque 
de Cologne, frère de l'empereur Otton, se sentant impuis- 
sant à gouverner seul un pays aussi vaste et aussi divisé 
que la Lorraine, partagea son apanage, du consentement 
de son frère, en deux États différents, la Basse-£x)rraine, 
dont il se réserva l'administration, et la Haute-Lorraine, 
qui s'étendait du pays de Trêves au versant méridional 
des Vosges et dont il confia le gouvernement à son neveu, 
Frédéric, comte de Bar et de Chaumontois, qui fut dès 
lors ainsi duc de Haute-Lorraine (^). Il en résulte que, 
selon toute vraisemblance, c'est après 959 qu'Adalbert fut 
préposé à l'abbaye de Moyenmoutier et les religieux réta- 
blis au monastère (2). Tout au plus peut-on reculer cette 
date jusqu'en l'année 954, en considérant que depuis que 
Brunon avait été mis à la tête de la Lorraine par Otton (fin 
953), il se déchargeait, en fait, du gouvernement sur Fré- 
déric, son neveu. 

Le gouvernement d'Âdalbert fut un gouvernement ré- 
parateur. Bientôt on vit refleurir la ferveur spirituelle 
au monastère, et avec elle l'abbaye recouvra sa prospé- 
rité matérielle. Il ne semble pas, il est vrai, que Gislibert 
ait renoncé au titre et à la dignité d'abbé, mais, du 
moins, Adalbert en exerça-t-il dès lors toute la charge, — 
sorte de prieur claustral et régulier en face d'un abbé sé- 
culier et commendataire, — et il est à présumer qu'à la 

(1) Bblhommk, p. 182, et Dioot, Hittoire de Lorraine, I, p. 199. 

(8) C'est donc à tort que Htcher et Jean de Bayon placent ce rétablissement 
des religieux bénédictins à Moyenmoutier en 938. L'erreur est d'autant plus éTi- 
deoie que Fun et l'autre ajoutent que ce rétablissement eut lieu 70 ans après 
que Zwentibold eût donné Tabbaye à Uiilin, ce fait étant arrivé comme nous l'a- 
yons TU vers 896. Cf. Bblhommb, p. 182. Le Gallia Christiana, XIII, 1403, se 
trompe également quand il donne comme date à ce môme fait 939. Ces divers 
auteurs ont dû confondre sans doute l'époque de la réforme à Senones et l'épo- 
que de la même réforme à Moyenmoutier. La réforme de Senoaes par Einold, 
nous l'avons dit, est antérieure de quelques années à celle de Moyenmoutier. 



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— 292 - 

mort de Gislibert, il lui succéda dans les fonctions abba- 
tiales. 

Grâce à la haute et bienveillante protection de Frédéric 
de Ilaute-Lorraine, Tabbaye put rentrer en possession des 
églises qui lui avaient été enlevées pendant la période trou- 
blée qu'elle venait de traverser, et d'une façon générale, 
ajoute le Libellus, de tout ce qui lui avait appartenu autre- 
fois et que l'incurie des chanoines n'avait pas détruit (^). 

L'abbaye de Moyenmoutier, au temps d'Adalbert, fut le 
théâtre de certains événements intéressants à signaler : 
c'est encore le Libellus qui nous en a conservé le souvenir. 

C'est au temps d'Adalbert, tout d'abord, qu'eut lieu la 
deuxième translation des reUques de saint Hidulphe. Nous 
avons vu que ces précieuses reliques, après avoir reposé 
plusieurs années dans la chapelle Saint-Grégoire au cime- 
tière, avaient été transportées, à une époque qu'il est diffi- 
cile de préciser mais au plus tard sous le gouvernement de 
Maldavin, dans l'église Notre-Dame. Cet abbé les y avait fait 
déposer dans un sépulcre de pierre, sous une voûte élé- 
gante ornée de lames d'or et d'argent (^). 

Vers le milieu du X® siècle, la basilique Notre-Dame me- 
naçant ruine, Gislibert et Adalbert entreprirent de la re- 
construire sur de plus vastes proportions et de façon plus 
somptueuse. C'est alors que Ton résolut de lever les restes 
du saint Fondateur de la tombe de pierre qui les renfermait 
encore, pour les déposer dans une châsse de bois richement 
décorée qui serait placée dans l'oratoire Saint-Epvre. Un 
éclatant miracle, racontait-on, avait marqué cette céré- 
monie. Le temps était sombre et menaçant. Depuis un mois 

(1) C'est ici que Richer excepte le corps de Joseph d'Â.riinathie qu*il croit ayoir 
été enlevé par des moines étrangers. Voir ce que nous avons dit plus haut de 
cette légende, p. 257, note. Jean de Bayon, à son tour, remarque que c'est pen- 
dant cette période troublée qu'avait disparu la Vita primitive de saint Hidulphe. 
Bblhomme, p. 183. 

(2) a. Bupra, p. 243. 



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des pluies coutinuelles désolaient la contrée. Rien ne faisait 
présager un temps serein et Ton craignait que la procession 
ne pût se dérouler avec les ornements sacrés jusqu'à Téglise 
Saint-Epvre. L'abbé avait même décidé qu'on ne franchi- 
rait pas les cloîtres. Mais, ô prodige! A peine abbés et 
religieux du monastère et des monastères voisins sont-ils 
arrivés avec leurs cierçes et leurs encensoirs au tombeau 
du saint; à peine le couvercle du cercueil est-il soulevé 
que les nuages se dissipent, et le soleil longtemps voilé 
brille du plus radieux éclat. La procession put se déve- 
lopper avec pompe et pendant quelques jours le ciel garda 
sa sérénité 0). Une fête était célébrée chaque année à 
Moyenmoutier, le 8 novembre, pour honorer le souvenir 
de cette translation et de ce prodige (2). 

C'est encore vers la même époque qu'eut lieu la trans- 

(1) lAbeUui, chap. Vm (Bblhomme, p. 186). Cf. Chapelier, Uancienne abbaye 
de MoyeHmo%Uier (Bull, da la Soc. Phil. vosg. 1887-88, p. 239). Le récit de cette 
translation noua a été aussi conservé dans un lectionnaire manuscrit du XIV* siè- 
cle (u9 S061 du catalogue des collections Noël) qui fait aujourd'hui partie de la 
bibliothèque publique de Nancy (n** 1197). Cf. Pfister, Note aur trot» manuicrits 
provenant de Vabbaye de Moyenmoutier (Journ. de la Soc. d'arch. lorr. 1890, p. 
101-162). Ce rédt, qui s'inspire du Libellm, ne nous apprend aucun détail nou- 
Yeau. Il s'y est même glissé une confusion assez grave. La première translation 
du corps de saint Hidulphe — celle dont il a été question plus haut, p. 243 — est 
passée sous silence et Von suppose qu'Adalbert fait lever les précieux restes de 
l'oratoire Saint-Grégoire, tandis qu'en réalité, depuis l'abbé Maldavin, ils repo- 
saient dans l'église Notre-Dame. Dans le lectionnaire, le récit du miracle qui 
marqua la seconde translation est longuement amplifié et remplit trois pages du 
manuscrit Ajoutons encore que le lectionnaire rapporte la translation à Tannée 
954. Nous disons dans la note qui suit comment cette date paraît inexacte. 

(2) A quelle date se fit cette translation? Le Lectionnaire du XIV* siècle dont 
il a été question dans la note précédente, la place à l'année 954, Richer, en 956, 
mais nous croyons avec Belhomme, p. 46 et 189, qu'elle n'eut lieu plus proba- 
blement qu'à la fin de 963, le 6 des ides de novembre (8 novembre). A la fin de 
963, parce qu'il semble que c'est en 961 qu'Adalbert commence à faire construire 
l'église Notre-Dame [Jeun de Bayon, II, 27, ap. Belhommb , p. 46). Le 6 des ides 
de novembre (le Libelltu dit le 7, mais probablement à tort), parce que ce jour 
était encore le jour assigné par les anciens martyrologes à cette fête de la trans- 
lation de saint Hidulphe, qui était célébrée avec un éclat tout particulier, avec 
une pompe plus grande que la fête môme du saint au mois de juillet. Cf. 
Belhommb I p. 188-189. 



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- 294 — 

lation des reliques de deux autres saints chers à Tabbaye. 
Jean et Bénigne, les disciples de prédilection de saint Hi- 
dulphe, avaient reposé jusque là dans leur tombe com- 
mune de la chapelle Saint-Grégoire. Sous le gouvernement 
d'Adalbert, un 6 des ides de mai (10 mai) (^), leurs restes 
furent exhumés à leur tour, pour être déposés dans une 
même châsse portative (2). 

Au même temps, on fit ou Ton crut faire à Moyenmou- 
tier une autre découverte pour le moins singulière et inat- 
tendue. 

Jusqu'alors, nous n'avons trouvé dans les documents que 
nous avons étudiés, aucune trace, aucune mention de la 
présence, à Moyénmoutier, des rehques d'un martyr de la 
légion thébéenne. Les Vitœ Hildulfi sont muettes à cet 
égard. C'est le Libellus qui en parle pour la première fois. 

L'église Notre-Dame, en s' écroulant, avait entraîné dans 
sa chute un petit oratoire dédié à saint Martin. En fouillant 
le sol de cette chapelle, nous dit le Libellus^ on mit au jour 
les reliques d'un saint : c'étaient les restes d'un martyr de 
la légion thébéenne. 

(1) Cette date était donnée par le Libellus et aussi par d'anciens martyrologes. 

(2) Voir aussi le récit de cette translation dans le lectionnaire manuscrit de la 
bibliothèque publique de Nancy (n« 1197 du catalogue, anciennement n* 2081 des 
collections Noël). Ce récit, fort court, a été reproduit par M. Pfister, op. cit., 
Journal de }• Société d* Archéologie lorraine, 1890, p. 162. M. Pûster fait justement 
remarquer comment la légende s'est développée au sujet de ces deux saints, de- 
puis la troisième Vita Hildulfi. D*après ce dernier document, Jean était Tatné 
(Joannes qui et major natu erat, Belhomme, p. 123). La Vita raconte seulement 
que les deux frères tombèrent malades le môme jour et moururent à la môme 
heure. Notre lectionnaire les fait jumeaux : c Qui, injuam, miraculose in hac luce 
ingrem, nunquam ah irwicem fuerunt divisi, Simul enim concepH et etidem hora 
simul in ventre formati, eimul ventria claustra exierunt. Producti simul, eimul 
studiis traduntur litterarum, Simul corrupto mundi vellere deposito, claustri 
petu^t quietavita et conversationein Christo Jhehu uniri. In vitœ vespera pari lan- 
gore decumbentes parili febre simul corripiuntur, Eodem die ah ergaetulo vitss 
prœsentis liberati cum palma victoriœ in cœlis gloriosi sublimantur, simul que 
uno mauseolo locantur, utdeeis dicatur : Saul et Jonathas amabiUs in vita eua 
in morte ab invicem non tunt s^fHxrati. > 



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- 295 - 

On racontait ainsi son histoire (^). Boniface — c'est le nom 
qu'on lui donnait — avait échappé au massacre d'Agaune 
et, avec trois cents de ses compagnons, était venu se réfu- 
gier à Trêves. Il y avait versé son sang pour le Christ. 
Plusieurs siècles après sa mort, au temps que Leutbald 
était à la tête de Tabbaye et l'avant dernière année 
de son gouvernement, ses reUques avaient été apportées 
de Trêves à Moyenmoutier où on les avait déposées dans 
la chapelle Saint- Martin de l'église Notre-Dame. Puis on 
les avait perdues de vue jusqu'au jour où, sous l'abbé 
Adalbert, elles furent miraculeusement retrouvées. 

Le Libellas, en effet, rapporte qu'un prodige avait ac- 
compagné la découverte des restes du saint martyr et il 
le dramatise. 

Le saint, mécontent de l'oubU où il était laissé, était 
apparu en songe, revêtu de ses habits militaires, à un 
jeune reUgieux du monastère, du nom de Tietfrid. 

« Ce m'est une souffrance cruelle, avait-il dit au moine, 
de me voir ainsi foulé aux pieds par les hommes et les 
animaux, et souillé de leurs ordures. Lève-toi et va dire en 
hâte à l'abbé que s'il tient à sa propre conservation il pro- 
cure à mes restes le repos qu'ils attendent. » 

— « Seigneur, avait répondu Tietfrid, qui donc êtes-vous 
et où voulez-vous avoir votre sépulture? » 

Et le saint de reprendre : « Sache que je suis Boniface. 
J'ai fait partie de la glorieuse légion thébéenne. Grâce à 
Dieu, je ne le cède pas en mérite à mon collègue Maurice, 
et ma gloire, dans le Ciel , est égale à la sienne. Séparé 

(i) Ubelluê, chap. I de redit. Belhomme et proœmium de Védit. Waitz. L*auteur 
dn IJibellus a préparé le récit qu'il donne ici par une interpolation de la troisième 
VUa. Après avoir rapporté Fhistoire de la translation par saint Hidulphe des re- 
liques de saint Maximin, il a ajouté : « In quo (oratorio) pariter imposUa sunt 
treeentorum martyrum thehem legionis corpora » (5« VUa Hildulfi, cap. V, Bel- 
HOMMi, p. 95). Cette brève interpolation est le point de départ des longs récits 
des chapitres I et IX du Libêllus. Cf. Ppister, Les légende» de sa^t Lié et de saint 
Hidulphe, Annales de l'Est, 1889, p. 548. 



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— 296 — 

furtivement (^) de mes compagnons d'armes, je fus trans- 
porté en ces lieux par des honmies pieux et déposé dans 
cet oratoire de saint Martin. On y trouvera tous mes os- 
sements, à rexception de mon chef, qui est resté avec les 
corps de mes compagnons au lieu que j'occupais d'abord (2). 
Et maintenant va sans retard trouver l'abbé et fais lui part 
de mon désir. y> 

A son réveil, continue le Libellus, Tietfrid, n'osant croire 
.à la réalité de sa vision, différa d'accomplir l'ordre qu'il 
avait reçu. Il craignait de passer pour menteur ou hypo- 
crite. Peut-être avait-il peur aussi d'exciter la jalousie de 
ses frères ou de provoquer leurs moqueries. 

Mais bientôt le bienheureux martyr lui apparut à nouveau 
et lui adressa de vifs reproches : a Pourquoi, lui disait-il, 
pourquoi me forces-tu à revenir? Pourquoi ne crains-tu pas 
mes réprimandes? Sache qu'en punition de ton mépris et 
de ta désobéissance tu seras châtié dès ce monde. > Et 
il lui renouvela l'ordre déjà intimé à sa première appari- 
tion. 

Tietfrid hésitait toujours. 

Boniface lui apparut alors une troisième fois, lui repro- 
chant son indifférence en termes pleins d'amertume : « Je 
vois, lui dit-il, qu'il faut un rtiiracle pour triompher de ton 
manque de foi. Eh bien ! tout à l'heure lorsque tu te lèveras 
pour Matines, va à l'autel qui se trouve à la tête de saint 
Hidulphe, tu y trouveras une petite croix et le bâton pas- 
toral du saint pontife. Ainsi tes doutes seront dissipés. 
Mais comme il vaut mieux pour toi subir une peine tem- 
porelle que l'éternel châtiment, ta négligence sera punie 
dès ce monde. » 

A ces mots, le religieux se réveille, terrifié. 

Au signal des Matines, il se rend à l'église, et voit de ses 

(1) « Furtim disgrêgatuê. » 

(2) A Trèveg. 



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- 297 - 

yeux les objets que le saint lui avait indiqués. Dès lors, 
plus de doute possible. Il appelle Tabbé et les moines, et 
leur raconte en détail la révélation dont il a été favorisé. 
On se transporte à Tendroit désigné ; on écarte les décom- 
bres, on creuse, et bientôt l'on trouve un tombeau. Tan- 
dis qu'on rouvre, une odeur suave s'en exhale. Ce sont 
bien les restes d'un saint. On les enveloppe dans un linge, 
puis on les renferme dans une châsse, et le monastère, 
alors en ruine, n'offrant pas de place décente pour les rece- 
voir, on les transporte à Bégoncelle. Par suite de l'incurie 
des abbés, ils devaient rester dans l'éghse Sainte-Croix de 
ce heu jusqu'au gouvernement abbatial de Lambert, qui les 
ramena à Moyenmoutier , dans l'oratoire Saint-Pierre, le 
vendredi 4 novembre 1043 (i). 

Quant à Tietfrid, il vécut encore quelques années. Un 
jour qu'il se tenait debout devant l'infirmerie, il fut saisi 
subitement d'un violent accès de paralysie, se butta à la 
porte, tomba à la renverse et se fracassa le crâne. C'est 
ainsi qu'il expia dès ce monde la peine de son indocihté. 
La menace de Boniface avait eu sa réalisation. 

Tel est le récit du Libelliis. 

Boniface entre désormais dans l'histoire de Moyenmou- 
tier. Pendant les siècles qui suivront, son nom va être 
associé à ceux des saints de l'abbaye. 

Évidemment la façon inattendue et tardive dont le culte 
de ce saint personnage fait son apparition dans les anna- 
les de notre monastère et ce récit combiné de toutes piè- 
ces par l'auteur de la troisième Vita Hildulfi et du Libelltis, 
ne sont pas sans éveiller quelque défiance dans l'esprit de 
l'historien. Qu'on y songe : c'est au XI« siècle que le nom 
de Boniface apparaît pour la première fois à Moyenmou- 
tier. Dans aucun document antérieur il n'en a été question. 
De plus, cette histoire du saint et de sa translation dans la 

(1) Voir plus bas U* partie, livre UI, ohap. IV. 



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grande abbaye vosgienne subira encore dans les siècles 
suivants d'importantes transformations. Un lectionnaire ma- 
nuscrit du XlVe siècle nous a conservé un long récit de 
cette translation (i). L'auteur avait sous les yeux divers 
écrits antérieurs : le Libellus, la chronique de Jean de 
Bayon, les Acta sanctorum Tyrsi et sociorum (2), peut-être 
aussi les Gesta Treverorum (3). Or en ce qui concerne Moyen- 
moutier, son récit diffère beaucoup de celui du Libellus. 
Il nous dit comment Hidulphe, api es avoir construit à 
Trêves la basilique de Saint-Maximin , y aurait fait placer 
les corps de Boniface et de ses compagnons. Puis il nous 
rapporte, à sa façon, comment les restes de Boniface ont 
été apportés à Moyenmoutier. Ce n'est plus au commen- 
cement du Ville siècle, comme le disait le Libellus, alors 
que Leutbald, du vivant de Hidulphe, gouvernait l'abbaye, 
mais un siècle et demi plus tard. On nous donne même la 
date précise : 959 (*;. Le corps du saint avait été enlevé 
aux habitants de Trêves (5) et apporté à Moyenmoutier par 
un religieux de ce monastère, du nom de Warengarius. 
A Moyenmoutier on le plaça dans une chapelle de l'église 
Notre-Dame, dédiée à saint Martin, puis on l'oublia. Re- 
trouvé miraculeusement, il aurait été transporté dans la 
suite à Bégoncelle, et l'auteur ajoute, d'après Jean de 
Bayon, que plus tard, au temps de l'abbé Hardulphe, se- 
cond successeur d'Adalbert, alors qu'une effroyable mor- 
talité sévissait à Moyenmoutier, il se fit à son tombeau de 
nombreux miracles (6). 

(1) ManuBcrit n« 1197 de la bibliothèque publique de Nancy (ancien ms. n» 2081 
de la collection Noël). Cf. Pfistbr, Note sur troi$ manuscrits provenant de Valfbaye 
de Moyenmautierf dans le Journal de la Société d'Archéologie lorraitM, 1890, p. 163. 

(2) Acta 55., t. II octobris, p. 330 et suiv. 

(3) Mon. Germ. hist.y Scriptores, t. VIII, p. 150. 

(4) L'auteur aura maladroitement confondu la date de la translation avec l'é- 
poque de la découverte des reliques au temps d'Adalbert. 

(5) c Ahlatum Treverorum populo. » 

(6) Voir ci-dessous, U* partie, livre UT, chap. I*^. 



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- 299 - 

Quoi qu'il en soit, du récit du Libelliis nous pouvons du 
moines retenir — et à ce titre cette relation offre bien quel- 
que intérêt — la forme que la tradition avait donnée au 
Xle siècle à l'histoire de saint Boniface. Sur quoi reposait 
cette histoire traditionnelle? Nous ne saurions le dire. Ap- 
paremment, la translation à Moyenmoutier — à une époque 
que d'ailleui's il est impossible de fixer -r- des restes d'un 
martyr de Trêves, y aura donné lieu. C'est ce martyr de 
Trêves, qui avait fait partie ou non de la légion thébéenne, 
qu'on honora à Moyenmoutier sous le nom de Boniface (i). 

(1) Cette histoire déjà si étrange de saint Boniface se complique encore d'une 
histoire semblable, rapportée par Jean de Bayon, au XIV* siècle, d'un autre saint 
dont le culte va bientôt apparaître aussi dans la vie religieuse de Moyenmoutier. 
Je veux parler de saint Maxiroin, évéque de Trêves, celui-là même dont Hidulphe 
a fait la translation que nous savons. Cf. supra, p. 173. Voici comment Jean'(lib. 
n, cap. III) raconte les faits. Le corps de saint Maximin était resté à Trêves jus- 
qu'au commencement du VIII* ou peut-être jusqu'au milieu du X« siècle. (Le 
récit de Jean, en effet, prête à Téquivoque et semble présenter des contradictions. 
Après avoir insinué d'abord que la translation eut lieu vers le temps où Ton dé- 
couvrit à Moyenmoutier les restes de saint Boniface (II, 3), il dit formellement un 
peu plus loin (II, 10) qu'elle se fit en l'an 703, Tannée même par conséquent à 
laquelle on plaçait déjà la translation de saint Boniface, — à moins que le copiste 
de Jean de Bayon n'ait substitué par erreur dans ce second passage le nom de 
MaximîD à celui de Boniface). Un pieux larcin allait en enrichir bientôt le monas- 
tère de Moyenmoutier. Un religieux de ce monastère, Warengarius — on voit ici 
comment l'auteur du lectionnaire du XIV* siècle a pu commettre les confusions 
grossières que nous signalions plus haut — réussit à enlever les reliques du 
saint aux habitants de Trêves (faciiose subduxit Treverensibus) et les apporta à 
Moyenmoutier un 3 des nones d'avril (3 avril). Mais Jean de Bayon ajoute qu'à l'ê- 
poque où il écrit on a perdu de vue les précieuses reliques. Ont-elles disparu à ja- 
mais? Sont-elles seulement cachées en quelque lieu inconnu? Jean se pose la ques- 
tion sans pouvoir y répondre. Par la suite, il est vrai, on les retrouva ou on préten- 
dit les retiouver. A l'époque où écrivait Belhomme, on les honorait, moins le chef 
qui était à Trêves et quelques ossements, dans une châsse décente. Cette his- 
toire des reliques de saint Maximin offre des analogies frappantes avec celle des 
reliques de saint Boniface. Il y a eu, en plus d'un point, confusion entre l'une et 
l'autre et il faut bien reconnaître que la seconde semble plus étrange et présente 
plus d'invraisemblance encore que la première. Outre que ni le LibelltUf ni au- 
cun des documents antérieurs de l'histoire de Moyenmoutier ne parlent de cette 
translation des restes de saint Maximin dans notre abbaye vosgienne, il est à 
remarquer qu'au XVII* siècle, quand les BoUandistes réunissaient les Acta de ce 
saint, il semble bien qu'or, croyait encore posséder à Trêves ses reliques. Cf. 
Acta Sanctarum, t. VII maii, p. 34 (lettre de l'abbé de SaintMaximin au bollan- 
diste Papebrock, 1682). Le chef seul en avait été séparé et on le vénérait dans 



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- 300 — 

Sous le gouvernement d'Adalbert, Tabbaye de Moyen- 
moutier subit une transformation profonde. Jusqu'alors elle 
était restée aux mains de seigneurs séculiers. Elle va ren- 
trer désormais sous l'autorité ecclésiastique, sans cependant 
se ressaisir elle-même : des ducs de Haute-Lorraine, elle 
passe sous la dépendance directe des évèques de Toul, qui 
pendant quelque temps vont la posséder en quelque sorte 
en bénéfice. 

Voici en quelles circonstances, d'après le Libellus, 

Le duc Frédéric avait fait construire, sur un terrain qui 
dépendait de Tévêché de Toul, la forteresse de Bar, aujour- 
d'hui Bar-le-Duc. L'évêque, alors saint Gérard, s'en plai- 
gnit à l'empereur Otton, et lui remontra le tort que ce châ- 
teau-fort menaçait de causer à sa ville épiscopale. Otton fit 
bon accueil aux réclamations du prélat et enjoignit au duc 
de Haute-Lorraine de lui offrir une réparation convenable. 

C'est alors que Frédéric, afin de pouvoir désormais pos- 
séder en paix la nouvelle forteresse, aurait cédé à Gérard 
les deux abbayes de Moyenmoutier et de GaUlée, ainsi que 
quelques autres propriétés ou villœ qui faisaient partie de 
son patrimoine. L'abbaye de Moyenmoutier, en même 
temps que celle de Saint-Dié, devenait ainsi la propriété 
bénéficiaire de l'évêché de Toul. Gérard se fit prêter ser- 
ment par ceux qui les administraient, et, comme signe de 
prise de possession, ajoute le Libellv^, il emporta les cros- 
ses pastorales des fondateurs des deux monastères, Hidul- 
phe et Déodat. Le saint évêque les fit entourer de métaux 
précieux, dans lesquels il enchâssa des reUques, et les 



une châsse d*argeDt ea forme de statue (incliuum argenUm $tahus maximi pan- 
deris pretiique^ Acta SS., loc. cit.) D'autre part, dans ces mômes actes de saint 
Maximin réunis par les Bollandistes, il est question de plusieurs reliques du 
saint possédées par diverses églises, nulle part il n'y est fait mention de Moyen- 
moutier. Tout au plus pourrait-on admettre que l'abbaye de Moyenmoutier avait 
obtenu, à une époque qu'il est impossible de fixer, par don ou subrepticement, 
quelques reliques du saint évéque. 



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- 301 — 

déposa dans le trésor de son église cathédrale où on les 
voyait encore au XI« siècle (i). Gérard enleva aussi dans 
cette circonstance au monastère de Moyenmoutier, une 
cloche, la plus grosse et la plus harmonieuse de toutes, 
dont l'abbé Adalbert venait de doter Tabbaye. Cette clo- 
che, d'ailleurs, ne resta pas longtemps à Toul. Après la 
mort de Gérard, on la rendit à Moyenmoutier, et Ton 
racontait que son enlèvement et son retour avaient été 
accompagnés de prodiges : tandis que douze paii'es de 
bœufs avaient à peine suffi à l'emmener, quatre l'avaient 
aisément ramenée. On ajoutait même que, pendant tout le 
temps de son exil dans la cité épiscopale, elle avait perdu 
la douceur de ses sons. Elle ne l'avait retrouvée qu'après 
sa rentrée à Moyenmoutier (^. 

Tel est le récit du Libellm. Une chronique de l'abbaye 
de Saint-Mihiel nous raconte les faits en termes à peu près 
semblables (^). Elle aussi rapporte à l'épiscopat de saint 
Gérard la donation de Moyenmoutier à l'église de Toul. 

Ce n'était pas la première fois cependant qu'il était ques- 



(i) Libélluêf chap. X. L'auteur ùxxlÀbéUus, parlant de ces crosses, ajoute : 
c Stcwn tulit cambucas beatorum antistitum Bildulfi atque Deodati, ipecie gui. 
dem viliiêimaSf nec ut hac noitra œtatê pa$$im cernittAr artificioBe eamerataê ac 
poiitas, $ed tamen ad oêtensionem sanctœ mortiftcaiionU meritique eorum effi" 
eaeiatimaê, quibui nihU pampœ adjecerat artium induatria, natura mfficiente ad 
omnia. -b 

(S) Lihellu», chap. X. 

(3) Le duc de Haute-Lorraine, Frédéric, lisons-nous dans cette chronique ano- 
nyme, voulant arrêter les continuelles incursions que les Champenois faisaient 
dans ses États, fit bâtir la forteresse de Bar, à la limite des deux provinces. Mais 
le territoire sur lequel s'éleva cette forteresse ne lui appartenait pas. Il était 
pour une partie au moins la propriété de Tabbaye de Saint-Mihiel (de tertia parte 
pœseesionum àbbatix illud {caatrum) coiavit). L'autre partie, -— les deux tiers 
restants ^ appartenait sans doute à Tévôché de Toul. Frédéric combina alors 
un échange. D donna à Tabbaye un certain nombre de villages qui dépendaient 
de l'église de Toul , et à cette église qui avait alors à sa tête Gérard , il donna, 
entre autres biens, le village de Bergheim, dans la Haute- Alsace, et les deux 
abbayes de Saint-Dié et de Moyenmoutier. A ces conditions il conserva Bar. 
Cf. Chronican S. Michaelis in pago Vvrdutiensi, c. 7, dans les Monum. Germ. kis- 
tor., SS., IV, p. 81. 



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— 302 - 

tion d'une cession de Tabbaye aux évêques de Toul , et le 
récit du Libellus, aussi bien que celui de la chronique de 
Saint-Mihiel, est au moins incomplet. Si le duc Frédéric a 
réellement cédé Moyenmoutier à saint Gérard, cette cession 
n'était que la confirmation d'une donation antérieure faite 
à saint Gauzelin (922-962), prédécesseur immédiat de G^ 
rard, par Tempereur Otton-le-Grand. 

Nous n'avons pas conservé la charte même de concession 
octroyée par Otton 1er à Gauzehn, mais un diplôme d'Otton II, 
daté de 973, rappelle le fait de façon formelle. Par ce di- 
plôme, l'empereur, à la demande de saint Gérard, lui con- 
firme, à lui et aux évêques qui lui succéderont sur le siège 
de Toul, là possession d'un certain nombre d'abbayes, avec 
leurs dépendances. Or, parmi ces abbayes, figure « l'abbaye 
de Moyenmoutier, située dans le comté du Chaumontois, 
en pays de Vosges, sur la rivière du Rabodeau, et dédiée 
en l'honneur de saint Pierre, que Gauzelin, prédécesseur 
de Gérard, avait déjà, jadis, sollicitée et obtenue de la libé- 
ralité du père de l'empereur alors régnant, > c'est-à-dire 

d'Otton 1er (1). 

(1) c Similiter abbatiam qusR vocatur Medianum monasterium^ tUam in eomi- 
tatu Calmontensi, in Vosago saltUt super fiuvium nomine Rabcuionenif dicatam in 
honore sancti Pétri, cum omnibus appendentiie, quam antecessor fjus (il s'agit de 
Gérard) Gauzelinun venerabilia antistes olim a beatm memoriœ no$tro genitore ad 
augmentum sues Ecclesiœ impetravit, > Voir ce diplôme d'Otton H dans les Mon. 
Germ. hht., Diplomata regum et imperatorum Germanise, t. II, p. 72. Il se trouve 
aussi, mais beaucoup moins correctement édité, dans Benott-Picart, Hietoire 
eccléêiaetique et politique de Toul, preuves, p. xix, et dans Brouilly, Deffeneê de 
l'Église de Toul, Tout, 1727^ preuves, p. lxyi. Quelques années après, en 964, un 
nouveau diplôme d'Otton III, fils et successeur d'Otton II, confirmait encore 
l'église de Toul dans la possession de l'abbaye de MoyenmouHer. Voir ce di- 
plôme, daté de Spire, dans les Mon. Germ, hist., Diplomata regum et imperatorum 
Germanise, II, p. 395, et dans Brouilly, op. cit, preuves, p. ix. Au siècle sui- 
vant, le pape saint Léon IX, confirmant à son tour à l'évoque de Toul, Udon, la 
possession de Moyenmoutier (bulle du 25 mars 1051), rappelle en ces termes la 
donation des Otton à Gauzelin et à Gérard : c Abbatiam etiam Mediani montU' 
terii. . . quam antecessor tu>ster ( Léon IK avait été évéque de Toul avant de mon- 
ter sur le siège de saint Pierre) Gauzelinus venerabilis antistes illius miserss 
êervUuti et desoUUioni paterne condescendens et ad relevandam paupertatem 



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- 303 - 

Peut-être la cession première de Fabbaye de Moyen- 
moutier à saint Gauzelin n'avait- elle pas eu son plein 
effet? Nous inclinerions d'autant plus volontiers à l'ad- 
mettre que nous voyons Gérard, son successeur, en de- 
mander ainsi la confirmation. Si les droits qu'il prétendait 
avoir sur l'abbaye ne lui avaient pas été contestés — pro- 
bablement par le duc de Haute-Lorraine, Frédéric — cette 
demande de confirmation ne s'expliquerait pas. Apparem- 
ment Frédéric, à la mort de Gauzelin (962), aura voulu 
ressaisir tous ses droits : c'est pour trancher les dififlcul- 
tés qui durent s'élever alors entre lui et le successeur de 
cet évêque que fut délivrée la charte d'Otton II (^). 

Quoi qu'il en soit de l'époque précise à laquelle la ces- 
sion de Moyenmoutier aux évoques de Toul a eu heu, il 
est certain qu'elle est un fait accompli au début du ponti- 
ficat de saint Gérard, dès 973, date à laquelle fut délivré le 
diplôme d'Otton II. Notre abbaye est désormais et pour 
un certain temps sous la souveraineté temporelle des 

monachorum qui par potentiam aœcularis malitia^ jam exulaverant maxima ho^ 
neêtate sui et sapienHa ab avo et genUore domini Ottonis imperatoria impetfwnt 
ad augmentum Tullentis ecclesm, quâ similiter dominuê Otto imperator eanctum 
Gerardum prœdece»8oretn nostrum reinveëtivit cum omni integritate ut absque 
contradiction» alicuju9 dominio Tullenais eccleniœ^ tenenda perpetualiter reforma^ 
retur. ^ Cf. jAPFâ, Regeeta pontiftcum romanorum, n« 4255. Cette bulle est éditée 
dans Calmet, Hisî.deLorr., 2« éd., t. II, preuves, p. 298; Benoit-Picart, Hist, de 
Teul, preuves, p. cxxvii; Brouilly, Deffenae de l Église de Toul, preuves, p. ziu. 
On remarquera les raisons alléguées ici pour justifier la cession de Moyenmou- 
tier aux évoques de Toul : c Misera servituti et desolationi paterne condescendene 
et ad relevandam paupertatem monachorum, etc. » C'est la première fois qu'il 
est question de pareils motifs : aussi est-il permis de douter qu'ils aient été la 
cause déterminante de la donation. Dans le diplôme d'Otton III de 984, on lisait 
en toutes lettres : « Ad relevandam paupertatem TulUnsis ecclesiœ, » ce qui est 
plus naturel et s'explique certainement beaucoup mieux. 

(1) J'ajoute que c'est bien l'ioipression qui se dégage de la lecture môme du 
diplôme. Il y est question de plusieurs abbayes. Pour plusieurs, par exemple, 
Saint-Mansay, Saint-Epvre, on ne fait que rappeler les noms. Pour Moyenmou- 
tier, au contraire, ainsi que pour quelques autres, on insiste, on précise, on rap- 
pelle les circonstances de la donation. C'est apparemment sur celles-là que 
portaient les difficultés; c'est pour elles qu'on demande et qu'on obtient la 
charte de confirmation. Les drois incontestés de Téglise de Toul sur les autres 
ne sont rappelés qu'à leur occasion. 



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- 304 — 

évêques de Toul. Il en est de même, du reste, de Tabbaye 
voisine de Saint-Dié (^). 

En quoi consistait exactement la donation faite à l'église 
de Toul? Ici encore, nos diplômes précisent ce que le 
Libellus et la chronique de Saint-Mihiel nous apprennent 
en termes assez vagues, et assurément c'est à eux que 
nous devons donner la préférence. A la donation de 
Moyenmoutier à saint Gérard, Otton II avait mis quelques 
réserves. Le duc Frédéric devait conserver Tabbaye en 
bénéfice sa vie durant. Mais ce droit lui était personnel 
et ne devait pas nécessairement passer à ses successeurs 
dans la dignité ducale (^). Toutefois, Tévêque gardait le 
droit d'investiture en ce qui concernait la prébende à don- 
ner aux religieux, ainsi que la part des biens du monastère 
que le duc consentirait à lui laisser (3). 

A la mort de Frédéric, tous les droits sur l'abbaye de- 
vaient revenir, sans aucun partage désormais, à l'église de 
Toul. En réalité, il n'en fut pas immédiatement ainsi. Ce 
prince étant mort à quelques années de là, Gérard conclut 
avec sa veuve, Béatrice (*), de nouvelles conventions. Il lui 

(1) La coDfirmation de Saint-Dié à Téglise de Toul fut l'objet d'un diplôme spé- 
cial daté de Bonn, 18 mars 975. Cf. BaouiLLT, Deffen8ê de Végliae de Toul, preu- 
ves, p. 8. et Jfon. Gertn, hist.f Diplomata reg. et imp. Germ., H, p. 113. Voilà 
pourquoi il n'en est pas parié dans le diplôme où il est question de l'abbaye de 
Moyenmoutier. 

(2) € Ut Fridericus dmx bene/lcium jam dictœ abbatias tantum tempore vUœ tuœ 
teneat, » Les Gesia episcoporum tullensium, écrits au commencement du XU* siè- 
cle, disent que Frédéric devait garder l'advocatie ou vouerie de l'abbaye : c Qui 
que (saint Gauzelin) a rege Ottone adeptui est abbatiam Mêdiani monoêterii ea 
lege ut Fredericua dux, dum adviveret, advocatiam retineret oc Pontifex prœben- 
dam loci ordinaret, po9t que finem Ducis tota abbatia ad epiacopum perveniret. > 
Mon. Germ. hist., SS., VIII, p. 640. Le texte même des diplômes impériaux nous 
permet de croire que Frédéric conservait plus que ces droits de vouerie. 

(3) Nous ne donnons que sous réserves cette traduction du texte assez vague 
du diplôme : a Adjicientes iilud no*tra imperiali decentia ut prœfatus Gerardui 
episcopus et Ecclesia ipsius prœbendam monachorum investUura poindêot et 
quantum ex bénéficia ip8i%A8 abbatim a jam dicto duce consequi potuerit. i» 

(4) Cette princesse était fille du duc des Francs, Hugue le Grand et sœur de 
Hugue Gapet, qui devait monter quelques années plus tard sur le trône de France. 



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- 305 - 

laissait encore en bénéfice les abbayes de Moyenmoutier et 
de Saint-Dié. De plus, à la mort de la duchesse, ces deux ab- 
bayes devaient passer dans les mêmes conditions aux mains 
d'un de ses fils, qu'elle aurait elle-même choisi de concert 
avec l'évêque. Gérard se réservait cependant certains droits 
sur chacune des deux maisons. Il gardait en sa possession 
directe, c in vestitu/ra indominicata, > les bâtiments monasti- 
ques, dix manses de chaque abbaye, certaines redevances 
d'autel et la dlme d'une mine d'ai^gent (^). Â la mort du fils de 
Béatrice ainsi désigné d'un commun accord par elle et par le 
prélat, — il semble que ce fut Thierry, — les deux abbayes de- 
vaient revenir en totaUté, cette fois encore, à l'église touloise. 

(1) Cf. le diplôme d'Ottoo UI de 984 {Mon. Germ, hût., Diplomata reg. et imp. 
Germ., U, p. 985). Il est vrai que lee termes dans lesquels est rôdi|^ ce diplôme 
pourraient prêter à Téquivoque. U y est question succeBsivement de Saint-0ié et 
de Moyenmoutier. Pour Saint-Dié, toutes les réserves que nous indiquons sont 
formellement exprimées. Pour Moyenmoutier le diplôme ajoute seulement : 
c SimilUer de obbatM Mediani monasterii quam prmdecessor mm GmuêUmu 
egfiscopiu ad reUvandam paupertatem Tullenêiê ecclesiœ acquiaierat ab avo, cum 
regali pnscepto de quo priusjam dictus genitor noster ipsi venerahili Gerardo epiS' 
eopo imperiaU fecU prmcêphmtêàrationeutpoêtMiumjamdiotiDueiêe%Hn onmi 
mtegritate Tullenei desenriret $edi, » Nous n'avons plus roriginal de ce diplôoM» 
et dans toutes les éditions qui en ont été données, des points de suspension sui- 
vent cette phrase, de sorte que Ton pourraK n'être pas absolument certain que 
les réserves faites pour Saint-Dié raient été pour Moyenmoutier. Mais Im Ad 
du diplôme le laisse entendre de façon suffisamment claire : c ComtituetUeê 

ut, êicui mipra dictum est, ephcopus monoêteria et qum êupra sunt in invee- 

tUuru rstmeat et jam dicta Duoirix, eju$ que filius «6 ipeiê nominatim êtBpHmen- 
dîu, rœteras partes ahbatiarum jam dietarum similiter possideat, eo rcUionie tê^ 
more ut post obitum jam dictm Dominm ejusque ftlU, Tullensis sedia tam dictue 
epUcopuB quam (wmee êucceètoree tui, ea$ aNnUiai in diee seteuii, cum wnni inte- 
gritate. . • poesideat. » C'est ausiii, d'ailleurs, ce qu'atteste expressément V^idric, 
le biographe de saint Gérard, qui écrivait au XI* siècle et avait le diplôme sous 
les yeux : c Ipee (Gerardos) conceeeU Duci Beatriei tempore vUm êim et poêt ee 
uni filio $uo, tenere abbatiae Medii fnanaêterii et Sancti^Deodati, retinena investi- 
tura indamieUcata monoêteria et decem mansoe de utreque cmnobio et altare eancH 
Deodati et décimas mimsB argenti census que hominum ad altare pertit^entium cum 
emni dietricto. » Cf. Vita saneti Gerardi, dans les Mon, Germ. hist,, Scriptores, 
t. IV, p. 503. M. Pâster dans son article intitulé : Les revenus de la collégiale de 
Saint-Dié au Z* siècle, Annales de l'Est, 1888, p. 519-520, ne tient pas compte des 
diplômes d'Otton U et d'Otton III et ne s'appuie que sur des chroniques ou bio- 
graphies plus ou moins postérieures : c'est ce qui explique les divergences qu'offire 
parfois son récit avec le nôtre. 

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— 300 — 

Le gouvernement d'Adalbert avait été long et fécond. 
Pour lui la vieillesse était venue et avec elle les infirmités. 
Frappé de paralysie, il passa les derniers mois de sa vie 
cloué sur un lit de souffrances et mourut le deux des nones 
d'avril (3 avril) de Tannée 985. Il fut enterré « a tergo et 
f route (altarium) sanctonim Marùe atque Hydulphi (^). » 

Étranger par Torigine à notre monastère, il l'avait fait 
sien dans son affection, et lorsqu'il ferma les yeux à la 
lumière de ce monde, les regrets furent grands parmi les 
moines. C'est qu'Adalbert, en effet, avait bien mérité de 
son abbaye d'adoption. Il l'avait relevée de ses ruines et 
lui avait infusé une vie nouvelle. 

Adalbert avait gouverné aussi, pendant quelque temps 
tout au moins, l'abbaye Saint-Mansuy de Toul où saint 
Gérard, qui faisait de lui grande estime, l'avait appelé, 
apparemment pour y raviver la ferveur et y raffermir la 
régularité (2). 

D'autre part, Jean de Bayon nous apprend encore que 
du temps qu'Adalbert était à la tête de Moyenmoutier, 
dans les dernières années de sa vie, le monastère cou- 
rut un grand danger. Depuis la dissolution de l'empire ca- 
rolingien, la Lorraine oscillait douloureusement entre la 
France et la Germanie, tour à tour ravagée par Tune ou 
par l'autre. En 983, à la mort d'Otton II , le roi de France 
Lothaire, toujours en guerre contre l'Allemagne, avait pro- 
fité de la faiblesse et de la minorité du jeune Otton III 
pour l'envahir à nouveau. Il se dirigeait vers le Rhin et 
méditait une expédition en Germanie, quand il apprit sou- 

(1) Jean db Bâton, U, 30. Jean emprunte ces détails, dont le Libelluê ne dît 
rien, à quelque calendrier ou nécrologe. 

(2) Bbnoit Pigart, Histoire eccl. etpol. de la ville et du diocèeê de Toul^ p. 196 
et Gallia Christiana, t. XUI, col. 1067. Saint Gérard écrivait d'Adalbert, dans nne 
charte de 982 citée par le P. Benoît, op. et loc.cit,:(t Impegi in Dominum Adalbet- 
tum loci Domini mei AfaiMUéli abbatem qui ea tempeetate et Medii monasterU re» 
gebat ahbatiam, moribus laudabilia, rector pugil monoitici ordinis, apud na» o6f»« 
nuit locum magnœ familiaritatiB, > 



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— 307 - 

dain l'arrivée du duc de Souabe, Guonon, qui avait pris la 
défense d'Otton. Les deux armées allaient se rencontrer 
en terre lorraine. A leur approche, les religieux de Moyen- 
moutier, effrayés, se hâtèrent de transporter les reliques 
de Tabbaye, celles de saint Hidulphe notamment, ainsi 
que toutes les richesses de leur église, en un lieu retiré, 
au pied de la montagne de la Baume ou de la Haute- 
Pierre (1). Les cloches du monastère furent cachées sous 
le pont du Rabodeau. Lothaire ayant battu en retraite, le 
duc Cuonon le poursuivit jusqu'à la Meurthe. A son re- 
tour, il campa non loin de Moyenmoutier, à la celle de 
Saint-Erhard , sur le ruisseau d'Hurbache. Grande était 
la terreur des religieux. Mais la Providence fit un mi- 
racle en leur faveur, — Thistorien ne nous dit pas quel 
il fut, — et le duc défendit à ses troupes d'inquiéter 
l'abbaye. Rien de ce qui touchait au monastère n'eut à 
souffrir, et lorsque les gens de guerre se furent éloignés, 
les reliques des saints et les divers objets précieux que 
l'on avait cru devoir préserver de leur vandalisme, furent 
remis en leur place (2). 

Le même auteur ajoute aussi (3) qu'au temps d'Adal- 
bert, en 982, l'impératrice Adélaïde, femme de l'empe- 
reur Otton le Grand, qui professait une grande vénération 
pour l'abbaye de Moyenmoutier, avait fait présent à son 
égUse de deux tapisseries de prix (cortinse) qu'on y voyait 
encore au XI V^ siècle. 

Enfin ce serait sous son gouvernement que saint Gérard 
aurait apporté à Bégoncelle les reliques de saint Biaise (4), 
qui donne désormais son nom à cette bourgade. 

(1) c Sub Balma quam AUam Petram vocant. ^ 

(3) Jban db Bâton, H, 90, cité par Belhomme, p. 203. 

(3) Jean db Bâton , II , 31. 

(4) < MartyrU êiiam BUuii pigfwra Medianensi cêllœ quœ Beguedonia dieèbatur 
itidem attulit, » Jban db Daton, II, 29. 



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- 308 — 



CHAPITRE II 

ALMANN 

(985-1011) 

Adalbert eut pour successeur à l'abbaye de Moyen- 
moutier un abbé du nom d'Almann (Almanntis), dont le 
gouvernement et la personne ne sont guère connus que 
par ce qu'en dit l'auteur du Libellus. Il était de naissance 
illustre et comptait parmi les membres de sa famille un cer- 
tain Pierre que l'on honorait comme saint et comme mar- 
tyr (i). 

Distingué dans sa démarche, grand de taille, de vie et de 
mœurs modèles, tel était Almann. Peu versé, il est vrai, dans 
l'étude des lettres, il se signala du moins par le soin ex- 
trême qu'il mit à reconstruire l'abbaye et sa vigilance à 
rappeler à l'observance de leur règle les religieux qui lui 
étaient confiés. Bien plus, quoique lui-même peu lettré, il 
ne voulut pas que les moines souffrissent de son manque 

(i) c AlmannuB êx famUia êaf%cH Pétri mwfHyrii -exoéllenHorê ormmduê. » Xi» 
bellus, chap. XI. Qui était ce Pierre martyr? Belhommô avait essayé de le déter- 
miner, mais sans y réussir. Deux personnages de ce nom, un prêtre et un moine, 
étaient morts en Espagne vers le milieu du IX* siècle, au cours dee persécatioos 
dirigées contre les chrétiens de ce pays par les Maures. D'un autre côté, un abbé 
de Subiaco de ce même nom et contemporain d' Almann, qui avait été en butte à 
la vengeance de quelques grands auxquels il avait refusé de livrer une forteresse 
et était mort à la suite des mauvais traitements qu'il en avait reçus, était regardé 
et honoré aussi comme martyr. Cf. Mabillon, Annales ord, S. B., t. IV, p. 131. 
Peut-être serait-ce de ce personnage qu' Almann était parent. Et alors, ou bien 
Almann aurait été d'origine italienne, ou Pierre, d'origine franque, serait allé se 
fixer en Italie au monastère de Subiaco. Belhommb. p. 204. Belhomme remarque 
d'ailleurs que tous les manuscrits du Libellus ne s'accordent pas sur ce point. 
L'un d'eux, celui d'Epternach-Paris, ne donne pas à ce personnage le surnom 
de martyr. Il laut donc nous résigner à ignorer qui il était exactement, comme 
aussi la patrie d' Almann. 



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— 909 — 

de littérature, et il fonda à Moyenmoutier une école de 
grammaire. Il y fit venir, du dehors, un maître qui devait 
enseigner cette discipline, en laquelle se résumaient alors 
les diverses sciences, aux religieux du monastère. 

En même temps qu'il instituait cette école, il lui procurait 
bon nombre d'ouvrages traitant des matières qu'on y ensei- 
gnait et fondait ainsi à l'usage des moines une véritable bi- 
bliothèque. € Ces premiers germes de la science, jetés dans 
les cellules, i devaient pousser bientôt < de profondes et 
vigoureuses racines. » Cette école de Moyenmoutier allait 
jeter une vive lumière dans les ténèbres du XI^ siècle. « A 
peine fut-elle fondée, qu'on en vit sortir Valcand, l'historien 
des premiers solitaires, et Humbert, tout à la fois théologien 
et poète C). » 

Mais c'est surtout dans l'œuvre de reconstruction maté- 
rielle de l'abbaye que se déploya toute l'activité d'Almann. 
Adalbert l'avait commencée. Ce tut Almann qui y mit la 
dernière main. 

En attendant que les travaux fussent terminés, on avait 
déposé provisoirement les reliques des saints que possédait 
l'abbaye dans l'appartement que saint Gérard avait fait bâtir 
pour son usage, quelques années auparavant, tout à côté 
des dépendances du monastère (^). Il s'y fit bientôt de nom- 
breux miracles. L'auteur du Libellus nous en rapporte un, 
sans doute le plus frappant : la délivrance d'un possédé. 

C'était un énergumène qui, sous l'empire de l'esprit in- 
fernal qui le dominait, se livrait à toutes sortes d'actes 
horribles et proférait des propos plus affreux encore. Il 
avait été amené ou plutôt traîné, presque par force, 
advectitë, à Moyenmoutier, par les siens, dans l'espoir 
d'une guénson. c Qui cum aliquandiu invitas ante aram 
Sanctorum teneretur, — je cite le texte même du Libellus 

(1) GuuroT, Lei SainU du Val de Galilée, p. 168. d. infra, livre m. 
(3) t Aula pontificiêjuncta Umc elamlri offlcim$. » Libellm, ohap. XI. 



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— 310 -- 

dont il est impossible de rendre en français l'expression, 
— repente corruenSj rotatu horrifico per pavimentum agitur. 
Sed hic rotatus et tormentum captivi liquido astantibvs pro- 
debant flagra et torturam latronis maligni quibiis compelle- 
batur egredi, Denique post nimiam rotationem, ipso aditu quo 
fuerat intromissus exire coactus^ cum obscœnitate vomittis 
instar vermis bipedalis ab intimis visceribus miseri est pro- 
jectus (1). i> Le malheureux était délivré. Il resta quelques 
instants encore plongé dans le sommeil, puis rendit grâces 
au Créateur et à ses fidèles et regagna son foyer, entière- 
ment guéri. 

Pendant ce temps, sous l'intelligente direction d'Almann, 
les travaux de reconstruction se poursuivaient activement. 
Bientôt Téglise Notre-Dame, désormais achevée, s'élançait 
fièrement avec ses deux tours vers les cieux (^). L'évêque 
Gérard étant mort sur les entrefaites, ce fut son successeur 
Etienne qui vint faire la consécration et la dédicace du nou- 
veau sanctuaire (3). La châsse du bienheureux Hidulphe y fut 
rapportée et reposa dès lors à Tombre de la nouvelle basili- 
que. L'auteur du Libelliis rapporte aussi que le jour même 
de la consécration de l'église, Etienne rendit à l'abbaye la 
cloche qui lui avait été enlevée jadis par son prédéces- 
seur (*). Etienne d'ailleurs, conserva toujours une préfé- 
rence marquée, entre tous les monastères de son diocèse, 
pour celui de Moyenmoutier. Il lui fit des donations (5), et, 
à sa mort, arrivée après un court pontificat de deux ans à 
peine, bien qu'il eût rendu le dernier soupir en l'abbaye de 

(1) LibelluB, chap. XI. 

(2) Ces deux tours ont subsisté jusqu'au XVIII* siècle. On les distingue très 
nettement dans la vue à vol d'oiseau de l'abbaye et de ses environs que Belbomme 
a insérée à la page 422 de son Historia Mediani Monasterii, d'après une gravure 
dédiée à Erric de Lorraine. Voir aussi la reprodu'^tion partielle et agrandie que 
nous en donnerons au cours de ce travail. 

(3) Un 14 novembre. Cf. Jban de Bayon, II, 33. 

(4) Cf. supra, p. 301. 

(5) <t Attribiiendo aliquid fundi cum mancipiii quœ adhue usq%ie hodie deser- 
viunt camerariK monachorum. » Jean de Bâton, II, 33. 



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- 314 - 

Bonmoutier, c'est à Moyenmoutier qu'il voulut dormir son 
dernier sommeil. Sa volonté suprême fut respectée, et le 
prélat reçut la sépulture au côté droit de l'autel consacré 
à Marie, Vierge et Mère de Dieu, dans le monument funé- 
raire d'où avaient été levés, quelque temps auparavant, les 
corps des saints frères Jean et Bénigne. Une petite croix de 
plomb fut placée sur sa poitrine et, sur cette croix, on grava 
comme inscription ce distique composé par un certain abbé 
Siccon : 

Hic fuit antistes Leuchorum Stephanus olim 
Idibus et tema martis discessit àb orna (1). 

Le Libellus ajoute que la tombe du saint évéque fut bien- 
tôt le théâtre de faits extraordinaires. A quelque temps de 
là, un jour que deux religieux s'y trouvaient debout, psal- 
modiant les chants de la messe, un fracas se fit entendre 
tout-à-coup sous leurs pieds, tellement épouvantable qu'ils 
furent projetés sur le pavé du sanctuaire. En l'honneur de 
qui ce prodige avait-il lieu ? Des saints frères dont les corps 
avaient jadis sanctifié le mausolée, ou du bienheureux évo- 
que dont les restes y reposaient alors? L'auteur du Lïbellus 
avoue qu'il n'a pu le connaître (^). 

Si Etienne avait affectionné de façon particulière le monas- 
tère de Moyenmoutier, sa mémoire y était restée aussi en 
grande vénération. Le souvenir que les moines gardèrent 
de lui fut même d'autant meilleur que son successeur (^) à 
l'évêché de Toul , Berthold, fut loin d'avoir pour l'abbaye 
les mêmes égards. 

Le portrait que nous trace de Berthold le Libellus est 
peu flatteur : c Honestati sdeculi prœdpue intentvs, in cens- 

(i) Cf. Guillaume, Hiitoire du diocè$e de Toul, î, p. 304, et Bknoit-Pigart, 
Uiitaire de Toul, p. 339. 

(3) Libellua, chap. XU. 

(3) Entre Etienne et Berthold, il semble qu'il y eut un évoque intermédiaire, Ro- 
bert, mais qui ne fit que passer. Cf. Guillaume, Histoire du diocèêe de Toul^ I, 
p. 305. 



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— 312 — 

€ Iructîone novarum atque eminentium fabricarum nulli se- 
€ cundtis, insolitis legihus oppresser vulgi et monasteriorum 
€ versutus (^). » Il est vrai que Fauteur anonyme de ce 
récit, — un moine certainement de Moyenmoutier, nous 
l'avons dit et ce passage seul suffirait à le prouver — ne 
pouvait guère oublier les torts irréparables que ce prélat 
avait causés à son monastère. 

Un conflit regrettable avec Tévêque de Toul Berthold, en 
effet, devait assombrir les derniers jours d'Almann. 

C'estau sujetde la terre alsacienne de Bergheim qu'il éclata. 

A la suite des misères du IX© et du commencement du 
X« siècle, cette cour franche de Bergheim, qui était déjà gre- 
vée de redevances à Tévêque de Bâle, avait été enlevée à Tab- 
baye de Moyenmoutier et concédée en don royal par Otton- 
le-Grand à son gendre, le duc de Lorraine Conrad le Rouge (2). 
Cette donation avait eu lieu vers le milieu du X« siècle (3), 
certainement avant Tannée 955, date de la mort de Conrad. 
Jean ajoute, il est vrai, qu'à quelques années de là, en 964, 
Tabbaye était rentrée en possession de Bergheim grâce à 
rintervention de Tévêque de Toul Gérard. Un chirographe 
impérial daté de Strasbourg en faisait foi (*). Mais les reli- 
gieux ne devaient pas conserver longtemps la jouissance 
de ces biens d'Alsace ainsi recouvrés. Treize ans après, en 
977, Hermann, duc de Souabe, s'emparait à nouveau de 
Bergheim et le cédait à un certain Lugold (s). Moyenmou- 
tier s'en voyait ainsi encore une fois dépouillé. 

(1) LihellMn, chap. XII. 

(2) Jban de BayON, II, 16 : « Qui Otto {Henrici regU filiua) Conmtrdo Patri 
Hennanni duci$ prsedium Medii claustri quod dicitur Bercheim conditione regia 
eofttèésit. Idem enim Conrtirdus finxerat verbis vulpinÎM pdrvam aut nUllam apud 
prmdictum Ottonem, . . e$8ê posseasiunculam illius cespitia, quare faciliari tnduc- 
ftofM eaih a prmdiçto Bege acquUivit. » Cf. Bblhomm B, p. 180. 

(3) En 936, dit Jean de Bayon, H, 32. 

(4) Jban db Bayon, II, 27. 

(5) Jean de Bâton, loe, cit. : « Sed anno 977 Hertnannuê Dux ptsidium de 
Bercheim invadens, euidam Lugoldo cofnpatri suo cnnceséiL t Cf. Bklhokmb, 
p. 189. 



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- 913 - 

A quelque temps de là, Altnann avait succédé à Adal- 
bert et avait porté plainte à l'empereur Otton III du tort 
fait à Tabbaye. Le prévôt du monastère était allé en per- 
sonne à la cour du prince et lui avait exposé la requête de 
l'abbé. Indigné, Otton avait appelé les malédictions divi- 
nes sur la tête du ravisseur et juré de faire justice (<). 
Mais il était mort quelques années après (23 janvier 1002), 
sans avoir pu tenir sa promesse. Tout se trouvait, pour 
Moyenmoatier, remis en question. 

C'est alors, croyons-nous, que se place la scène que nous 
retrace le Libellus (^). 

A Otton avait succédé Henri II le Saint. Croyant Tocca- 
sion favorable pour rentrer enfin en possession de ses do- 
maines d'Alsace, Almann, sur les conseils perfides de 
révoque de Toul, Berthold, avait offert et donné au sou- 
verain un € servitium # considérable pour l'acquittement 
duquel il avait dû aliéner presque tous les meubles de 
Tabbaye, ses troupeaux, bien plus, tous les ornements de 
prix qui décoraient les croix, les candélabres et jusqu'aux 
chftsses qui renfermaient les saintes reliques du monastère, 
même celle de saint Hidulphe. Dans sa naïve simplicité, en 
effet, observe le moine chroniqueur, le bon abbé ne se fai- 
sait aucun scrupule de dispenser ainsi d'une main prodigue 
les ressources de son église, comptant bien les retrouver 
multipliées dans les revenus de la terre dont il sollicitait 
la restitution. Et de fait, ayant versé une somme de deux 
livres d'or à la caisse impériale (3), il reçut en retour, 
comme il l'avait espéré, la cour de Bergheim avec toutes 
ses dépendances. 

Mais à peine la possédait-^il en paix depuis un an que Ber- 
thold, par une fourberie qui n'avait d'égale que sa malice — 

(1) Jban db Bâton, N, 33. 

(2) Ed 1009, dit Jean de Bayon, U^ 32. 
(é) « Duo pondo auri. » 



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— 314 — 

c'est toujours le Libellus qui parle — ne craignit pas de 
revendiquer pour lui le domaine restitué. Oublieux des 
jugements divins, sans nul souci des droits et des intérêts 
de Tabbaye, il n'aurait pas hésité à fabriquer une fausse 
charte qu'il prétendit tirer des archives de son église et 
qu'il présenta comme titre de légitime possession. Bref la 
cour de Bergheim passa aux mains des évoques de Toul. 
L'abbé Almann avait trouvé plus habile que lui. Berthold 
l'avait joué (^) et l'abbaye restait dépouillée tout ensemble 
et de la terre de Bergheim et des biens qu'elle avait sacrifiés 
dans l'espoir de la recouvrer. 

Tel est le récit du moine de Moyenmoutier. Naturelle- 
ment la version des historiens toulois est différente. D'après 
eux (2), l'évêque de Toul aurait simplement obtenu de l'em- 
pereur, en cette circonstance, la restitution du fief de Berg- 
heim (3). Où était le droit? Où était la justice? Il est bien 
difficile et il serait peut-être téméraire de le décider. Cepen- 
dant, si je ne m'abuse, voici comment les faits peuvent être 
rétablis. La Chronique de SainUMihiel, que nous avons déjà 
eu l'occasion de citer (^) à propos de l'échange fait entre le 
duc Frédéric et l'évêque Gérard, dit formellement que la 
cour franche de Bergheim avait été cédée par Frédéric à 
l'évêque de Toul en même temps que les abbayes de 
Moyenmoutier et de Saint-Dié. Apparemment, la donation 
de Bergheim, promise peut-être, n'aura pas eu Heu effective- 
ment, et c'est cette promesse que l'évêque de Toul aurait 
invoquée plus tard pour justifier ses revendications et sa 
demande en restitution. De son côté, Moyenmoutier, qui 



(1) « Delusit abbatem, » Bblhommb, p. 206. 

(2) Bbnoit Picàrt, Histoire de Toul, p. 345, «t Guillaume, Histoire du diocèse 
de Toul, p. 309. 

(3) « Ipse reimpetravit ab eodem imperatore (HenricoJ reddi ecclesiss sua^ villcm 
in Halsacio sitam, quœ vocatur Berchem, et teloneum et districtum minse » Gesta 
epUc. Tull, c. 36. (Mon, Germ. hist,, SS. Vm, p. 642). 

(4) Cf. supra, p. 301, noie. 



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- 315 - 

avait possédé Bergheim de temps immémorial, fait valoir 
aussi ses droits. De là le conflit (*). Il reparaîtra encore plus 
tard au temps de l'abbé Milon (^). 

Quoi qu'il en soit, Almann, frappé au cœur par cette mé- 
saventure, en conçut un tel chagrin qu'il en mourut quelque 
temps après, heureux d'échapper par la mort à une vie que 
les soucis rendaient chaque jour plus amère. Malgré cette 
faute d'imprévoyance qui lui avait échappé dans les der- 
nières années de son gouvernement, il avait, d'ailleurs, lui 
aussi, bien mérité du monastère. Accablé par l'âge, par les 
infirmités, par le chagrin, il paya à la nature son dernier 
tribut en l'année 1011, si nous en croyons Jean de Bayon, 
et fut enterré, en récompense de ses services, dans la basi- 
lique Notre-Dame. Il eut pour successeur, à la tête de 
l'abbaye, un reUgieux qu'il avait tenu enfant sur les fonts 
baptismaux et qu'il avait envoyé se former à la vie monas- 
tique en divers monastères. Sur le point de mourir, il l'avait 
recommandé, autant qu'il l'avait pu (^), à Berthold, et avait 
ordonné même qu'on le choisît pour son successeur. Son 
ordre, tout au moins son désir, fut réalisé, et dès l'an 1011 , 
nous voyons Hardulphe — c'était le nom de ce disciple de 
prédilection d'Almann — à la tête de l'abbaye. 

Ici s'arrête la première partie du récit du Libellm, la 
partie proprement historique. Les dernières pages de 
l'opuscule du moine de Moyenmoutier sont consacrées à 
la relation de quelques-uns des faits merveilleux qui se 
seraient accomplis au temps d'Almann et par lesquels Dieu 

(1) Benoit Pigart op. dt, p. 199, et Gujllaumb, Joc, cit.j donnent raison à 
révoque de Toul. Je me rangerais difficilement à leur avis : Moyenmoutier, en 
effet, possédait Bergheim depuis saint Hidulpbe. J'accepterais plus volontiers le 
récit du moine de Moyenmoutier, tout en reconnaissant ce qu'il doit y avoir évi- 
demment d'excesoif dans les sentiments qu'il prête à Tévêque de Toul. 

<2) Voir plus loin, livre UI, chap. Vil. 

(3) a Sermone quo valuii, j> dit le Libellus. il faut se rappeler, en effet, le conflit 
qui venait d'éclater, au sujet de Bergheim, entre Toul et Moyenmoutier. 



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— 316 - 

aurait manifesté l'estime en laquelle il tenait son serviteur^ 
afin d'humilier ainsi l'insolence des méchants et affermir les 
bons dans leurs bons sentiments (*). Pour en donner une 
idée, nous en reproduisons trois. Ils ne sont pas dtoués, 
du reste, de tout enseignement historique (^). 

Une année, au 11 juillet, jour de la fête du bienheureux 
Hidulphe, des maçons étaient occupés à reconstruire les 
murs du dortoir de l'abbaye. Par respect pour la sainteté 
du jour, ils voulaient suspendre leurs travaux, mais le pré- 
vôt du monastère, un certain Encibold, — celui-là sans 
doute qui plus tard sera mis à la place de Hardulphe et 
qui dès cette époque semble lui avoir fait opposition, — 
s'y refusa de toutes ses forces : c Servilium est Sancti, leur 
dit-il, quod propter festum ipsius non débet intermitti, sed 
magis sludiose peragi, i et il les contraignit à continuer 
leurs travaux. Il engagea même, ce jour-là, un nombre 
d'ouvriers plus grand que d'habitude. Mais, ô merveille! 
quand vint l'heure du repas, les ouvriers s'étant rendus à 
la table qui leur avait été préparée pour y prendre leur 
nouiTiture, leur travail de la semaine entière s'effondra 
subitement, le saint montrant ainsi clairement c qu'il pré- 
férait l'obéissance à tous les sacrifices (3). i> 

Le deuxième miracle que raconte le Libellus — miracle 
en quelque sorte renouvelé de la pêche miraculeuse — 
était destiné aussi à rappeler de quelle protection bienveil- 
lante saint Hidulphe entourait ceux qui l'invoquaient en 
toute confiance. C'était en la fête de la translation du bien- 
heureux. La solennité avait amené à l'abbaye, comme à 
l'ordinaire, un nombreux concours de pèlerins, et le pois- 

(1) « Divinitm ostema êunt miracula quibm pravonêm rettmderetur mêolmUia 
et fctorum con/lrmaretur benevolentia. » Libellm, cbap. XUI. 

(2) Belhomme, p. 309 et p. 311, rapporte tous ces faits au gouTernemaai de Har- 
dulphe. Nous aTODS déjà dit plus haut comment nous croyons qu'ils doWent se 
rattacher plutôt au gouvernement d'Almaan. Cf. $upra, p. 231. 

(3) lÀbelim, cbap. Xm. 



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- 317 — 

son nécessaire à la nourriture tant des religieux que de 
la foule fiBiisait compl^ement défaut. Fort contrarié de ce 
contre-temps, le prévôt du monastère — c'était alors un 
moine du nom de Marbod — a la pieuse idée d'appeler 
saint Hidulphe à son aide. Fendant la foule, il descend à 
la crypte et se prosterne à son tombeau. A peine s'est-il 
relevé, sa prière Jaite, qu'on vient annoncer l'arrivée dans 
la rivière de tout un banc d'ombres. Aussitôt les pécheurs 
d'accourir. On jette les filets, et la capture est si abondante 
que cette pèche miraculeuse suffit amplement aux besoins 
do monastère, non-seulement le jour de la fête, mais en- 
core p^idant toute la semaine qui suivit (^). 

Une autre fois — c'était également en la fête de la dépo- 
sition de saint Hidulphe — les religieux étaient encore 
plongés dans le sommeil, quand tout à coup le bâtiment 
où était la cuisine prit feu. En un instant la flanmie ga- 
gnant le faite du toit menace de réduire en cendres tout 
le monastère. Et personne n'est là pour arrêter l'incen- 
die ; tous les religieux dorment du plus profond sommeil. 
Soudain l'un d'eux, Hermann, le gardien de l'église (custos) 
a une vision : le saint lui apparaît, et, le secouant par les 
(Neveux : t Lève-toi au plus tôt, lui dit-il d'un ton sévère, 
ton monastère est la proie des flammes. > Effrayé, le moine 
se réveille, se lève, voit l'incendie et appelle ses confrères 
à grands cris. Ils accourent et avec eux toute la popula- 
tion réveillée par leurs clameurs. Mais c'est en vain que 
l'on s'efforce d'arrêter l'incendie ; il semble presque que 
l'eau que l'on répand sur la flamme ne fait que l'activer. 
Finalement, â bout de ressources humaines, on invoque 
saint Hidulphe et, ô prodige encore ! la flamme s'arrête : 
c Ce que l'eau projetée à flots sur l'incendie n'avait pu faire, 
les larmes versées aux pieds du saint l'avaient opéré (2). > 

<1) Ubêllm, chap. Xm. 
(â) lÀbeUu», chap. XLV. 



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— 318 - 

Le Lihellus raconte encore d'autres miracles (i) : ne pou- 
vant m'y arrêter longuement, je n'en retiendrai qu'une 
circonstance. Ces faits prodigieux se produisent presque 
tous, eux aussi, le jour de la fête du saint, et c'est la pro- 
fanation de ce jour de fête, soit par les moines, soit par les 
paysans, qui en est l'occasion. Dès lors ne sommes-nous 
pas en droit de dégager de ces récits quelques données 
historiques certaines sur un point de la vie de Fabbaye? 
Toutes ces légendes, tous ces faits marquent une phase 
importante du culte de saint Hidulphe. Au moment où écrit 
le moine auteur du Lihellus, le culte du saint est plus en 
honneur que jamais : le jour anniversaire de sa mort, 
11 juillet, est célébré comme jour de fête, non pas seule- 
ment de dévotion, mais de précepte, pour les fidèles aussi 
bien que pour les moines. Une foule nombreuse accourt 
à ces solennités. Les religieux de Saint-Dié y assistent ; ils 
célèbrent l'office divin avec leurs confrères de Moyenmou- 
tier, ils prennent part au repas qui suit la fête. Dans ces 
légendes, d'autre part, nous trouvons aussi la preuve que 
l'établissement de ce culte de saint Hidulphe, ou tout au 
moins de sa fête comme fête de précepte, avait rencontré 
des difficultés et parmi les paysans de la contrée et parmi 

(1) lÀbelluM, chap. XV-XIX : Punition miraculeuse d'un villageois des environs 
de Saint-Prayel du nom de Unatpert, aussi pauvre d'esprit que de biens — stiifii 
eî cenèu pauper — qui affectait par mépris de réparer sa chaussure le jour de la 
fôte de saint Hidulphe : soudain ses mains se contractent, se replient sur elles- 
mêmes, se déforment, et il reste en ce triste état, vivant témoin de la justice 
divine, jusqu'à sa mort. (Libellus, chap. XV.) Punition semblable, pour une faute 
de même genre, d'un paysan des environs de l'abbaye {ibid., chap. XVI). Autre 
miracle survenu dans une église consacrée à saint Hidulphe, à Olzey, prés d'Aze- 
railles (aujourd'hui ferme, commune de Ménll-Flin) (chap. XVII). Enfin, dernier 
miracle, délivrance d'un parricide qui avait été condamné, en expiation de son 
crime, à errer par le monde les bras enserrés dans de lourds anneaux de fer. 
L'un de ces anneaux était tombé de lui-même au tombeau de saint Adalbert de 
Prague ; il est miraculeusement délivré de l'autre A Moyenmoutier, un dimanche, 
pendant la célébration de la messe, après l'Evangile. L'anneau s'était rompu 
avec une telle force qu'il était allé frapper violenmient la muraille opposée. 
En souvenir du prodige, on l'avait suspendu aux pieds du crucifix de régliie 
(chap. XVm de l'édit. Belhomme et XIX de l'édit. V^aits). 



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— 349 - 

les moines eux-mêmes. C'est ainsi que do ces récits mer- 
veilleux se dégage une contribution qui n'est pas sans va- 
leur pour rhistoire de Tabbaye. Ils nous font assister à une 
phase importante de raccroissement du culte de saint Hi- 
dulphe, — et cet accroissement a dû se produire, selon 
toute vraisemblance, au moment de la réforme de Gorze, 
dans rélan de ferveur qui s'empare alors de Tabbaye (4). 

(1) Belhomme ajoute, en appendice, trois autres récits de miracles semblables 
rapportés par Richer et qui devaient se placer également, pense-t-il, vers la fin 
du X* ou au commencement du XI* siècle. Cf. Richer, I, 22, 23, 24 et Bblhommb, 
p. 221-227. Le premier est celui d'un démoniaque délivré du malin esprit par 
llDtercession de saint Hidulpbe. On invoquait spécialement le albint, en eflet, 
pour la guérison des énerguménes. Richer nous apprend qu'on les amenait à 
l'oratoire Saint-Jean où on les plongeait dans un grand vase en forme de baptis- 
tère : « En cestuy oratoire, — nous empruntons encore cette traduction à la 
vieille version du XVI* siècle, éditée par Gayon, 1842, p. 32 — estoit un vaisseau 
plelu d'eaue dedans lequel les insensez et demoniacles qui y étoient plongez 
recevoient guérison : chose qui avenoit ordinairement. Si que lors y fut amené 
et conduit un pauvre rustique du Val de Saint-Dhié, vexé et saisy d'un si fort 
et indomptable démon qu'à peine y avoit-il chaînes de fer suffisantes pour 
le tenir, et se dédaroit expert en toutes sciences, se jactant avoir la connois- 
sance de tous les arts libéraux, en sorte qu'il descouvroit les choses passées 
et récitoit les pensées et cogitations de tous ceux qui s'abordoient à luy. » 
On conduisit le malheureux à l'oratoire Saint -Jean de Moyenmoutier et là 
< on le plongea dedans le dit tonneau dont il s'esbattoit à l'endroit des assis- 
tans. 9 Le moine chargé de l'exorciser, craignant de paraître devant ce démon 
c qui révéloit tous les actes secrets des hommes, » avait eu soin de se confes- 
ser auparavant de tous ses péchés à un de ses confrères. Après avoir reçu l'ab- 
solution, il s'était présenté au démoniaque et lui avait parlé en ces termes : « 
méchant et malheureux menteur et trompeur des hommes. . . dis maintenant ce 
que Ui cognois de moi. » c Le démoniaque, tout estonné et pensif, versa les yeux 
et la face en terre ne sachant qu'il devoit respondre, puis vint à parler en tels 
mots : Avant-hier, tu commis une grande chose, laquelle maintenant m'est échap- 
pée de la mémoire. De quoy le dit moine encouragé vint à lire le saint Evangile 
Saint Jean pour confession sur le chef de ce pauvre rustique, dont il fut grande- 
ment irrité : Tais-toy, idiot ; ne scais-tu pas bien que je scay cest Evangile mieux 
que toy et sache que j'entends mieux le mystère d'iceluy que tu ne fais et n*est 
en toy de me chasser de ce corps par vertu du dit Evangile. Quoi entendu 
par le moyne, soudain s'en va à l'église, d'où il apporte vers le démoniacle un 
coffre plein de reliques de saints personnages, lequel le dit malin esprit sentant 
approcher avec icelles reliques, s'escria à haute voix : Oste, este d'auprès de moy 
mes ennemis ; mais s'approchant le moyne imposa le coffre et reliques y étant 
endossées sur le chef du dit rustique ; et le dit malin esprit redoublant son cri 
disoit : O moy malheureux 1 quel monceau de pierres as-tu assemblé sur ma 
teste ; je te prie qu'elles soient ostées, car je sois tourmenté par trop. Ce que le 



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- 3â0 - 

moyne oyant, merveilleusement joyeux, commencea à le conjurer plus Tirement ; 
à cause de quoy il perseveroit, disant : Oste, oste, oste mes ennemis. Qui étant 
interrogé par le dit moyno qui étoieut ses ennemis, dit : Estienneet Laurent ; j'en 
ay lapidé un et roty Tautre, dont il me faut sortir d'icy par le moyen de leurs 
mérites, et en prononçant telles paroles s'eslança hors la bouche du pauvre vil- 
lageois, en forme de scarabée tombant à terre et qui, petit à petit, à la vue d'un 
chacun se traina jusques à la porte de l'église et d*un vol s'eslevant s*envoia avec 
le vent... » Richer ajoute qu'entr'autres reliques, on voyait encore de son 
temps, en effet, c dedans le dit coffre, sçavoir des pierres par lesquelles saint 
Estienne avoit été lapidé et des charbons arrousez du sang de saint Laurtot^t 
la dalmatique de saint Légier. » C'est sans doute cette scène mpportée par le 
moine chroniqueur de Senones qui a inspiré les gravures où saint Hidulphe est 
représenté exorcisant les possédés. Voir en particulier, à la page 422 de Bel- 
homme, His/oria Mei, Mon, y la reproduction d'une gravure dédiée à Erric de 
J^orraine, abbé commendataire de Moyenmoutier (158^-1606). Le saint, en mitre 
et en chap<>, ime croix à double croisillon à la main gauche, bénit un démonia- 
que qu'un homme roue de coups, de la main et du pied. Le démon s'échappe de 
la bouche du malheureux sous une forme d'animal. 

Vient ensuite dans Richer, chap. 23 et 24, le récit de deux autres prodiges ar- 
rivés à Moyenmoutier À quelques années d'intervalle, encore le jour de la fôte du 
saint : une tempête miraculeusement apaisée p{>r trois fois et un villageois de 
Saint-Prayel c qui méritoirement fut foudroyé par un orage en charroyant du 
foin. .. pour ce qu'il n'a voit pis gardé l'honneur et révérence due à Dieu et au 
dit saint Hydulphe. » Cf. L'Hotb, La Vie de$ Sainte du dioeèêê dé Saint-Dié, t. II, 
article saint Hidulphe. 

(A suivre.) 



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LE COLLEGE DE SAINTDIE 

DEPUIS 1809 JUSQU'EN 1897 



Stet fortuna domûs!. 



Le collège de Saint-Dié n*est pas d'une origine très an- 
cienne, puisqu'il n'a pas encore un siècle d'existence. On 
aimera néanmoins, nous l'espérons, trouver dans le Bulle- 
tin de la Société philomatique, où une place nous a été si 
aimablement offerte par son savant et dévoué président, 
M. Bardy, une courte notice sur notre établissement d'en- 
seignement secondaire. Si elle n'excite pas un très vif inté- 
rêt chez tous les lecteurs, chez ceux en particulier qui ne 
sont pas attachés à la ville de Saint-Dié par des hens d'ori- 
gine, ou qui n'y ont pas vécu assez longtemps pour en 
connaître les hommes et les choses, elle pourra du moins 
être favorablement accueillie par ceux qui ont fait ou qui 
feront ici leui^s études, et qui ne sont indifférents, ni aux 
péripéties par lesquelles a passé leur collège, ni aux pro- 
grès qu'il s'est toujours efforcé de réaliser. 

Si le collège de Saint-Dié continue avec bonheur, ce que 
nous souhaitons ardemment, le cours de ses destinées, et 
que dans cent autres années, un de ses professeurs veuille 
en recommencer ou en continuer l'histoire, nous aurons le 
mérite d'avoir facilité en partie cette tâche, en faisant un 
tout de documents éparpillés dans des archives qu'un 

incendie peut anéantir. 

21 



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- 322 - 



L'ANCIEN COLLÈGE 

Au commencement de ce siècle, quelques particuliers 
avaient fait des essais, infructueux du reste, pour établir à 
Saint-Dié une école secondaire et un pensionnat. Un nommé 
Orée ou Ozée avait obtenu Tautorisation d'ouvrir une école 
privée, où il enseigna pendant deux ans ; mais, soit que le 
défaut d'argent ne lui eût pas permis de la soutenir, soit 
qu'il n'eût pas mérité la confiance des parents, il échoua 
dans la tâche qu'il avait entreprise, et son école fut fermée. 

Le 22 Pluviôse, an XIII, le Conseil municipal, dans une 
séance à laquelle prirent part vingt-cinq conseillers, au 
nombre desquels on remarque MM. Ferry, Lemaire, Silice, 
Petitdidier, Gherrier, Fachot, Phulpin, Lehr, Febvrel, en- 
treprit lui-même de fonder une école d'enseignement secon- 
daire, et de l'installer dans un local convenable. Saint-Dié, 
par sa position sur les frontières des deux départements 
du Rhin, par sa population, qui était de 6.000 âmes, et celle 
de l'arrondissement, qui était de 83.000, était digne, di- 
saient-ils, d'avoir un collège, où les citoyens pussent, 
comme dans la plupart des autres villes des Vosges, parti- 
ciper promptement aux avantages attachés à ces sortes d'é- 
tablissements. 

Le conseil songea d'abord, pour l'installation de cette 
école, à un bâtiment national désaffecté depuis la Révo- 
lution, le « ci-devant évêché, y> comme il l'appelait, que 
Mgr Ghaumont de la Galaizière, premier évêque de Saint- 
Dié, avait déserté pour émigrer aux Pays-Bas, et que son 
successeur, Maudru, ne voulut pas habiter, sous prétexte 
qu'il était trop somptueux. Ge bâtiment coûtait beaucoup 
d'entretien et occasionnait bien des réparations, sans être 
d'aucun rapport. Du reste, ne voulant pas nuire à la des- 



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— 323 - 

tination que Ton voudrait donner à cette propriété, les 
conseillers proposaient de n'en détacher qu'une partie, 
pour y établir un pensionnat, où les élèves trouveraient 
des appartements étendus et bien distribués, un local qui 
ne laisserait rien à désirer au point de vue de Fhygiène. 
L'Etat refusa, et rien d'étonnant à ce refus, d'approuver 
cette délibération, et le 45 Mai 4809, après que l'autorisa- 
tion d'ouvrir l'école secondaire eût été accordée, le Conseil 
municipal acheta, daus le dessein de l'y installer et pour 
la somme de 44.000 francs, un hôtel qui avait appartenu 
au chanoine Charles d'Autriche, fondateur de l'hôpital et 
constructeur de la façade de la cathédrale, puis au chanoine 
de Montauban, et enfin à Jean-Pierre Noël, « apothicaire. > 
n touchait, du côté du nord, à l'hôtel de Mitry, devenu 
propriété du maire Brevet, puis du maire Rœseler ; il fut 
démoli pour livrer passage à la rue de l'Orphelinat. 

Cette maison, composée de trois corps de logis, avec 
une cour de 470 mètres carrés, avait son entrée principale 
sur la petite place de la rue Cachée ; sa façade avait une 
longueur de 49 mètres. A l'ouest, c'est-à-dire sur l'empla- 
cement de la rue de l'Orphelinat et des maisons habitées 
aujourd'hui par M. Baheux, avocat, et M. Descelles, artiste- 
peintre, jusqu'à la place de la Colombière, s'étendait un 
jardin qui comprenait quatre beaux carreaux potagers, 
entourés de treilles à hauteur d'appui, et, à l'extrémité 
de ce jardin, un verger garni d'arbres fruitiers, avec des 
allées : verger et jardin avaient pour hmite un mur couvert 
aussi de treilles et d'espaliers. Le collège actuel est plus 
grand, mieux aménagé que l'ancien, mais il n'a ni jardin, 
ni verçer, et c'est bien regrettable ; car, outre l'agrément 
que maîtres et élèves pourraient y trouver, l'un et l'autre 
pourraient être un champ d'expériences bien propre à 
faciliter l'enseignement du professeur d'agriculture, dont 
le collège est pourvu depuis quelques années. 



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- 324 - 

Les réparations qui furent faites à cette maison par la 
municipalité, permirent au principal d'y loger convenable- 
ment, en 4812, dix pensionnaires; elle pouvait plus tard 
en recevoir vingt-cinq. 

Au mois de Juin 1815, le nombre total des élèves était 
de 87. Mais, après la défaite de Waterloo, qui fut suivie 
d'une deuxième invasion du territoire français, le collège 
se ressentit de Tétat de gêne dans lequel se trouvèrent 
bien des familles : il ne comptait plus à la fin de Décembre 
de la même année que 59 élèves. 

Cette décadence subite, et peut-être aussi le changement 
opéré dans les esprits par la chute de l'Empire et par le 
retour des Bourbons, faillirent amener la transformation, 
sinon la suppression, du collège. Le maire de Saint-Dié 
proposa au sous-préfet d'en faire, en le convertissant en 
école secondaire ecclésiastique, un séminaire pouvant re- 
cevoir 60 élèves, a II était bien certain, disait le maire, 
que le collège de Saint-Dié acquerrait la plus grande 
importance à laquelle il pût aspirer, s'il était transformé 
en école secondaire ecclésiastique, et tous les bons ci- 
toyens faisaient des vœux pour que ce projet fût réalisé, 
aucune ville du département n'ayant plus de droits que 
la ville de Saint-Dié à cet établissement qui la dédom- 
magerait bien faiblement de tout ce qu'elle avait perdu 
pendant la Révolution. » La maison de M. de Bazelaire, 
juge, qui touchait au collège du côté du sud, devait être 
achetée et servir à cette transformation. 

La proposition du maire ne fut pas accueillie et la déca- 
dence ne fut que momentanée. A la faveur d'une paix bien 
assise, les élèves revinrent assez nombreux pour qu'en 
4828 le ministre de l'Instruction publique écrivît au préfet 
des Vosges une lettre dans laquelle il lui soumettait la 
nécessité d'agrandir les locaux du collège, qui marchait 
de jour en jour, ce sont ses propres paroles, vers les plus 



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- 325 — 

grands succès. Cette demande dut rester à peu près sans 
écho, car, le 2 mai 4833, M. Houël, principal, se plaignait 
au maire, M. Ferry, de l'exiguité et de Tinsalubrité des 
locaux, dont Tagrandissement était de toute nécessité : il 
ne fallait pas rester en arrière de populations moins riches 
que celles de Saint-Dié, qui donnaient Texemple des sacri- 
fices les plus généreux. 

Devant les plaintes successives, soit des principaux, soit 
des recteurs, provoquées par Tinstallation défectueuse des 
logements et des classes, le Conseil municipal décida, le 
24 Décembre 4847, de construire un nouveau collège. Le 
20 Mars 4848, à la suite d'une délibération où il était dit 
que le meilleur moyen de maintenir Tordre était de créer 
des travaux qui procurent aux classes ouvrières un moyen 
honorable de pourvoir à Texistence de leurs familles, la 
construction du nouvel édifice fut confiée à M. Tarchitecte 
Bruyant. Les travaux devaient commencer dans le plus 
bref délai. La décision du Conseil n'avait pas été partout 
bien accueillie du public, encore ému par les événements 
dont Paris venait d'être le théâtre. Au mois de Mai 4848, 
quelques citoyens de Saint-Dié protestèrent contre la cons- 
truction du nouveau collège sur l'emplacement de l'ancien 
magasin à sel. Ils disaient « qu'elle rencontrait dans la po- 
pulation, dont elle ne réalisait ni les besoins, ni les projets, 
une réprobation universelle, d et que les 63.000 francs 
qu'elle coûterait pourraient trouver un emploi d'une utilité 
plus immédiate. Cette pétition ne fut pas entendue, et le 
nouveau collège, bâti en partie avec les matériaux de 
démolition de la porte Stanislas, qui s'élevait entre la 
propriété Houël et la gendarmerie, dut être achevé le 
20 Août 4850. 

En 4864, l'ancien collège fut démoli, et les matériaux 
provenant de cette démolition furent vendus. La porte 
d'entrée du corps de logis de droite, qui se trouvait parmi 



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— 326 — 

ces matériaux, fut réédifiée dans une maison située rue de 
la BoUe et appartenant à M. Steib : porte moins intéres- 
sante sans doute par son caractère architectural que parce 
que des générations d'élèves Tout franchie allègrement 

En portant sous leurs bras, noués par trois ficelles, 
Horace et les festins, Virgile et les forêts, 
Tout roiympe. 



LE NOUVEAU COLLÈGE 

Le nouveau collège était, en 1850, à peu près tel que nous 
le voyons aujourd'hui. Ses deux ailes étaient reliées par un 
haut mur, parallèle à la rue Stanislas, dont la monotonie 
n'était rompue que par une gracieuse porte cochère, et qui 
donnait à la cour d'entrée l'aspect d'une cour de prison. 
Le mur a disparu en 1875, et a été remplacé par une grille 
en fer : la porte cochère, complètement dégagée, apparaît 
maintenant dans toute la simplicité et l'élégance de son 
architecture. 

« Les bâtiments du collège de Saint-Dié, disait M. Merlin 
dans son Annuaire de l'Instruction publique de 1862, sont 
vastes et bien appropriés à leur destination. Tf> Mais depuis, 
ils sont devenus trop étroits, et les nécessités de l'ensei- 
gnement, jointes à des considérations d'hygiène, y ont fait 
annexer le bâtiment qui est en façade sur la rue du Parc. Ce 
bâtiment, d'une belle architecture, admirablement placé en 
face des grands arbres du Parc, était en partie affecté à une 
école primaire dirigée par M. Tremsal. Depuis 1894, il 
forme un groupe harmonieux avec le bâtiment principal, 
dont il est séparé par une vaste cour ombragée de platanes, 
avec un large préau où les élèves peuvent prendre leurs 
ébats sans craindre la pluie ni la neige. On y a installé le 
logement de Téconome, les cours secondaires de jeunes 



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- 327 — 

filles, le cabinet de physique, le laboratoire de chimie, la 
salle de dessin, et différentes classes de renseignement 
classique et de l'enseignement moderne. 

Le collège, dont la reconstruction avait été désapprouvée 
en 1848 par quelques citoyens, avait été déjà, en 1839, 
compromis dans son existence, mais plus sérieusement, 
par le gouvernemement même de Louis-Philippe. Celui-ci 
n'avait assurément aucun grief contre notre établissement 
d'instruction , mais le projet présenté par lui sur l'instruc- 
tion secondaire, qui divisait les collèges en deux ordres, 
et qui n'autorisait ceux du deuxième ordre à donner l'en- 
seignement des langues anciennes que dans les classes de 
grammaire, portait un coup fatal au collège de Saint-Dié, 
rangé dans la deuxième catégorie. 

Une pétition, signée de 213 habitants et contre-signée 
par M. Blondin, maire, fut envoyée à la Chambre des pairs 
et à la Chambre des députés pour demander le rejet de ce 
projet de loi, qui allait priver non seulement Saint-Dié, 
mais un grand nombre de villes, d'établissements qui leur 
rendaient tant de services. « Si l'enseignement des langues 
anciennes, disaient les pétitionnaires, doit s'arrêter aux 
classes de grammaire, cette ébauche d'éducation sera con- 
sidérée comme plus nuisible qu'utile, et les familles s'en 
tiendront de préférence aux cours des écoles primaires 
supérieures; le collège ne sera plus fréquenté que par 
quelques privilégiés, auxquels la fortune permettra d'aller 
plus tard, à grands frais, compléter leurs études dans un 
établissement de plein exercice. De là, absence d'ému- 
lation parmi les élèves désormais trop peu nombreux, 
relâchement des professeurs devenus en quelque sorte 
des maîtres particuhers, découragement des villes dont 
les efforts ne seront plus soutenus par l'espoir du progrès, 
ruine de ces établissements qui, comme celui de Saint-Dié, 
ont mérité les éloges de l'Université, et fourni de brillants 



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- 328 - 

sujets à toutes les carrières de la société ; de là, en dernière 
analyse, confiscation des hautes et fortes études au profit 
exclusif des habitants des grandes villes et des familles 

opulentes C'est à Tàge de treize ans que les enfants 

devront quitter leurs parents, s'ils sont favorisés de la 
fortune, sans avoir toutefois le bonheur d'être nés dans 
le voisinage d'un collège de plein exercice, et cependant 
c'est l'époque de la vie qui réclame le plus de surveillance 

et de sollicitude Lorsqu'au contraire les jeunes gens 

ont terminé leurs classes d'humanités, leur tempérament 
s'est fortifié, leur goût pour l'étude est plus prononcé, leur 
caractère mieux affermi, leurs principes plus arrêtés ; déjà 
il est permis de pressentir la carrière qui les appelle, et 
les parents peuvent se séparer d'eux, soit pour compléter 
leurs études littéraires, soit pour leur imprimer une autre 

direction Les collèges communaux ont un avantage 

sur les collèges royaux (aujourd'hui lycées) : dans les 
classes trop nombreuses, le professeur, quel que soit son 
zèle, ne saurait s'occuper également de tous et néglige les 
faibles en faveur de ceux qui promettent des succès, tandis 
que, dans une classe moins nombreuse, le maître partage 
sa sollicitude entre tous, et ne laisse aucune intelligence 
s'étioler dans l'oubh. En sorte que, si l'on prenait une 
moyenne de l'instruction que chaque élève recueille dans 
les grands établissements et dans les petits, il est fort pos- 
sible que le résultat serait en faveur de ces derniers. » 

Qu'on veuille bien nous pardonner la longueur de cette 
citation. Les observations qu'elle contient nous ont paru si 
justes que nous n'avons pas résisté au plaisir de les repro- 
duire. 

Le projet du gouvernement ne fut pas adopté, et le col- 
lège put, comme par le passé, conserver ses classes d'hu- 
manités. 



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- 329 - 



ENSEIGNEMENT 



Les études classiques y furent exclusivement cultivées 
jusqu'en 4843, époque à laquelle fut annexée au collège 
une école primaire supérieure. En 4857, cette école fut 
transformée en école supérieure professionnelle, qui céda 
elle-même la place à renseignement spécial en 4864. De- 
puis 4894, renseignement spécial est devenu renseigne- 
ment moderne. 

Actuellement donc, il y a, au collège de Saint-Dié, un 
enseignement secondaire classique et un enseignement se- 
condaire moderne complets, auxquels il faut ajouter l'en- 
seignement primaire élémentaire (9^ et 40), créé en 4867. 
L'organisation pédagogique de ces enseignements est con- 
forme à celle des lycées, et les progranames oflBciels sont 
exactement suivis dans toutes les classes. 



POPULATION SCOLAIRE 

Elle a eu des fluctuations, mais si, pour des causes iné- 
vitables, elle est descendue dans certaines années à un 
chiffre assez faible, on peut constater qu'elle s'est toujours 
relevée et qu'elle est arrivée aujourd'hui à un chiffre qu'elle 
n'avait jamais atteint. 

En 4844 , il y avait au Collège 58 élèves. 
En 4827, — 404 — 

En 4834, — 92 — 

En 4850, — 97 — 

En 4884, — 453 — 

En 4887, — 482 — 

En 4894, — 446 — 



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— 330 - 

Il y en a aujourd'hui 237, dont 77 pensionnaires et 
43 demi-pensionnaires. 

Parmi les personnes qui ont, à différentes époques, té- 
moigné un intérêt particulier au collège, il nous est agréa- 
ble de citer M. Souhait, ancien député à la Convention 
nationale, qui, en 1848, voulant encourager les efforts des 
élèves studieux, donnait, par testament, une somme de 
300 francs pour augmenter chaque année, pendant dix ans, 
le nombre et la valeur des prix, et M™e veuve Ryan, qui, 
en 4876, laissait aussi par testament une rente, dont le pro- 
duit actuel est de 3.620 francs, pour couvrir les frais d'é- 
tudes d'un ou plusieurs enfants sans fortune qui seraient 
nés à Saint-Dié et qui auraient été, après examen, recon- 
nus dignes de jouir de cette faveur. 



PRINCIPAUX 

Le premier qui fut appelé à diriger le collège de la rue 
Cachée, en 4740, s'appelait Laurent. Il avait enseigné avec 
succès, depuis la 6e jusqu'à la rhétorique inclusivement, 
dans les collèges de Metz, de Nancy et d'Épinal, et, à 
Saint-Dié, il était en même temps chargé de deux classes 
supérieures avec un traitement de 4.200 francs ; il fut assisté 
tout d'abord par MM. Colné et Georges, régents d'humani- 
tés et de grammaire, et Lœillet, régent de mathématiques. 
Le 24 Novembre 4844, ces quatre fonctionnaires prêtèrent 
serment de fldéhté à l'État et à l'Université : ils s'enga- 
geaient à l'exacte observation des règlements de l'Univer- 
sité, promettaient obéissance au Grand-Maître dans tout ce 
qu'il leur commanderait pour le service de S. M. l'Empe- 
reur et pour le bien de l'enseignement, et juraient de ne 
quitter le corps enseignant qu'après avoir obtenu l'agré- 
ment du Grand-Maître dans les formes prescrites. 



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— 331 - 

M. Laurent fut principal jusqu'en 1813, et, pendant un 
an, il fut remplacé provisoirement par M. Demenge, régent 
d'allemand et de français. 

Son successeur réel fut M. Gérard Gley, un vosgien de 
Gérardmer. Sa biographie est assez curieuse pour être un 
peu détaillée. Il était né en 1761. Après avoir fait ses études 
à Golmar, puis à Strasbourg, où il fut nommé en 1780 répé- 
titeur de philosophie et de mathématiques, il obtint une 
place au séminaire de cette ville, et fut reçu hcencié en 
théologie à TUniversité. Fait prêtre en 1785, Mgr Chaumont 
de la Galaizière, son évêque, le nomma professeur de phi- 
losophie au Séminaire de Saint-Dié ; un an après il lui donna 
une chaire de théologie. Dans cette première carrière, M. 
Gley employa tous ses moments de loisir à étudier les au- 
teurs classiques grecs. En 1791, il émigra d'abord aux 
Pays-Bas avec son évêque, puis à Bamberg, où il fut 
nommé, en 1795, professeur de langues étrangères à l'Uni- 
versité de cette ville, et instituteur des pages que l'on éle- 
vait à la cour du prince. Il fonda la Gasette de Bamberg, 
qu'il rédigea en allemand pendant onze ans. Il composa 
aussi à l'usage de ses écoliers un dictionnaire allemand- 
français et une grammaire, ouvrage qui fut adopté par l'U- 
niversité, et il consacrait ses moments de loisir à l'étude 
des langues vivantes de l'Europe. Le maréchal Davout, 
prince d'Eckmûhl, étant passé les premiers jours d'octobre 
1806 par Bamberg, à la tête du 3^ corps, pour commencer 
la campagne contre la Prusse, engagea vivement M. Gley à 
suivre le quartier général en qualité de secrétaire inter- 
prète. M. Gley accepta cette offre, et à la fin de la campagne 
le maréchal, voulant lui donner une preuve de son conten- 
tement, l'envoya, au mois de juillet 1807, de Tilsitt en Polo- 
gne, pour administrer la principauté de Lowies ; il occupa 
cette place jusqu'au moment où Tennemi, au commence- 
ment de février 1813, entra en Pologne. Dans ce nouveau 



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- 332 - 

poste, M. Gley étudia la langue, la littérature et Thistoire 
des Polonais. L'histoire de la Pologne fut annoncée dans 
le Moniteur de VEmpire du 4 Mars 1812. 

M. Gley avait, comme on le voit, une ardeur au travail 
extraordinaire et une grande érudition. Ses brillants états 
de services lui valurent la faveur, qu'il sollicitait, d'être 
nommé principal à Saint-Dié ; mais en raison même de ces 
services, il n'y resta que deux ans, au bout desquels il fut 
nommé, avec avancement sans doute, à AJençon. Il mourut 
chapelain de l'Hôtel des Invalides. 

Sur le point de quitter son poste de Saint-Dié, il propo- 
sait au vice-président du bureau d'administration de lui 
donner comme remplaçant M. Forflher ou M. Demenge. 
Mais M. Forfilier, qui cumulait, avec les fonctions de ré- 
gent de grammaire, celle de chef de bataillon dans la garde 
sédentaire, ne pouvait disposer de son temps comme il au- 
aurait voulu, et ce fut M. Demenge, simple fusilier dans la 
même garde, qui suppléa M. Gley. 

Celui-ci eut pour successeur M. A. Vincent, qui dirigea le 
collège de 1816 à 1818, tout en enseignant les humanités, 
la rhétorique et la logique, et consacrant habituellement 
sept à huit heures par jour à ses élèves. C'était « un chef 
vigilant, actif, goûté de tout le monde, > mais qui fut obligé, 
après un accident survenu à un élève, et malgré une lettre 
favorable du maire et du sous-préfet au recteur, de quitter 
l'établissement qu'il avait rendu prospère, pour se rendre 
à Phalsbourg (i). 

Il fut remplacé par M. Houël, un vosgien, comme M. 
Gley. C'est de tous les principaux celui qui parcourut la 
plus longue et la plus brillante carrière, puisqu'il dirigea le 
collège pendant près de vingt ans, de 1818 à 1837, faisant 
jusqu'en 1826 les classes de rhétorique et de 2^, auxquelles 

(1) Adrien Vincent (de Versailles) est Fauteur d*un Manuel pratique de Vlm- 
titutewr primaire; Saint Dié, s. n., 1818, 84 pag. in-lî. 



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- 333 — 

il dut renoncer, à la suite d'une maladi? grave, d'excès de 
fatigue et d'un travail forcé, pour se consacrer tout entier 
aux occupations multiples qui absorbent la journée d'un 
principal dévoué à ses fonctions. Sous sa direction, le col- 
lège atteignit un tel degré de prospérité que de 60 qu'il 
était à son arrivée, le nombre des élèves s'éleva bientôt 
à 104. Dès 4848, M. Houël avait demandé un professeur 
spécial d'histoire et de géographie, et fait de nobles efforts 
pour attirer au collège un plus grand nombre d'élèves alsa- 
ciens. L'Alsace avait été, jusqu'alors, un excellent pays 
pour le recrutement des élèves. Mais ce ne fut que plus 
tard, sous le principalat de M. Maître, que fut créée cette 
chaire. En 4824, il demandait la création d'une chaire de 
rhétorique, dont le Bureau d'administration reconnaissait 
la grande utilité. Son vœu ne fut réalisé qu'en 4826, par la 
nomination de M. Bacquet. C'est encore M. Houël qui fit 
créer une chaire de physique et d'histoire naturelle. Par 
ses soins, les études s'étaient constamment fortifiées et 
étendues et la discipline la plus parfaite n'avait cessé de 
régner dans le collège. Epuisé par un travail persistant, il 
demanda et obtint sa retraite en 4837. 

Après lui, le collège fut administré par M. Simon, qui y 
était attaché depuis 4842, et professait, au moment de sa 
nomination, les humanités dans les classes de rhétorique 
et deuxième. Il devait la distinction à laquelle il fut appelé 
c à son zèle infatigable, à ses études, à ses travaux dans 
l'enseignement, auxquels il avait consacré toute sa vie, à 
sa capacité, à sa conduite irréprochable, x> qui lui avaient 
mérité l'estime, la confiance et la considération publique. 
La bonté de cet homme éclate dans un fait dont le Bureau 
d'administration rendit compte au recteur en 4840. Pendant 
une longue maladie de M. Miquel, professeur de mathéma- 
tiques, M. Simon ne se contenta pas de le remplacer, mais 
il fit donner à ce jeune maître, en l'absence de ses parents, 



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- 334 - 

tous les soins et les secours qu'il aurait pu recevoir au sein 
de sa famille (i). 

M. Chrétien, licencié ès-lettres et bachelier ès-sciences, 
lui succéda le 2 Mai 1849. Avant lui, il n'y avait pas de 
classe de philosophie, et les élèves devaient aller ailleurs 
pour terminer leurs études. Sur sa proposition, le Bureau 
d'administration demanda la création d'une chaire de phi- 
losophie, dans l'intérêt de l'établissement et aussi des 
familles, qui pourraient conserver auprès d'elles leurs 
enfants jusqu'à la fln de leurs études. Cette classe de 
philosophie, faite d'abord par le principal, n'eut qu'en 1876 
son professeur spécial, qui fut M. Chaudey, actuellement 
inspecteur d'Académie à Epinal. M. Chrétien demanda aussi 
des professeurs spéciaux pour l'école supérieure et, dans 
le but d'exciter le zèle des élèves, il pria le Bureau d'admi- 
nistration de se réunir, chaque trimestre, dans une salle 
du collège, pour y entendre la lecture solennelle des notes 
portées sur les bulletins hebdomadaires. M. Chrétien son- 
geait, d'autre part, comme plusieurs de ses prédécesseurs, 
que, pour former de bons élèves, il faut avoir de bons 
professeurs et que, pour compter sur le dévouement de 
ceux-ci, il faut s'intéresser à eux et les attacher à l'éta- 
blissement en leur créant des situations honorables. En 
1851, il désirait voir augmenter les traitements de tous 
les professeurs et en particulier de ceux de cinquième et 
sixième, de septième et huitième. Ces traitements, qui 
étaient de 1200 francs au plus et de 1000 francs au moins, 
n'étaient pas, disait-il, en rapport avec les études que les 



(1) M. Sitnou était archéologue à ses heures. Il écrivait autrefois à Gravier, 
auteur d'une Histoire de Saint-Dié, une lettre dans laquelle il lui signalait cer- 
taines antiquités aux Molières. M. G. Save, dont l'attention avait été attirée par 
cette lettre, chercha, il y a quelques antiées, et découvrit ces antiquités : ce sont 
les fondations d'anciennes habitations gauloises, ressemblant assez dans leur 
assemblage de pierres brutes, aux murs de huttes de charbonniers (Bulletin de 
la Société philomatique de l'année 1891). 



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— 335 - 

maîtres avaient faites, celles qu'ils étaient tenus de faire 
encore, et Timportance de la mission dont ils étaient char- 
gés, ni surtout avec les dépenses auxquelles ils étaient 
condamnés, malgré la plus stricte économie, pour suffire 
aux nécessités de Texistence, et aux exigences les plus 
modestes du décorum. Le nom de M. Chrétien n'a pas 
disparu avec lui : il est honorablement porté par deux 
fils distingués qui appartiennent eux-mêmes à l'Université, 
et qui sont professeurs, l'un à l'école de droit , l'autre à la 
faculté de médecine de Nancy. 

La succession de M. Chrétien, envoyé au collège de Se- 
dan, échut à M. Cottin, un méridional de Montauban, qui 
sut, par son activité, continuer l'œuvre de ses prédécesseurs 
et faire prospérer le collège. C'est par lui que fut provoqué 
l'achat de la plupart des instruments de physique mis au 
service des élèves. Cette acquisition était d'une impérieuse 
nécessité, car les élèves qui suivaient les cours de physique 
et de chimie appliqués à l'industrie, à l'agriculture, étaient 
à peu près privés des éléments qui contribuent si puissam- 
ment à l'importance, au charme et à Tutihté de ces cours. 

Après lui vinrent MM. Vessières (4863-1866), Jacob (4866- 
4869), puis M. Clarck, dont les fonctions furent interrom- 
pues, en 4870, par le hcenciement du collège, et qui ne les 
reprit que le 28 Mars 4874, à la fin de la guerre, pour les 
quitter définitivement en 4872. 

L'annexion de l'Alsace à l'empire allemand avait amené 
la fermeture des lycées et collèges alsaciens. Principaux et 
professeurs se refusèrent, naturellement, à rester au ser- 
vice des vainqueurs, et ils dirent adieu, ou plutôt au revoir, 
à un pays admirable, d'où ne s'éloignent qu'avec un serre- 
ment de cœur ceux qui l'ont habité ou seulement visité. 

M. RifT, un Alsacien de forte race, alors principal du 
collège d'Obemai, fut nommé principal du collège de Saint- 
Dié. Il était Ucencié ès-lettres. Il trouva dans son nouveau 



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- 336 - 

poste, situé à la porte de sa chère et malheureuse Alsace, 
une légère compensation à la douleur qu'il eut de quitter, 
suivant la touchante expression de Virgile, « les doux 
champs de sa patrie, » et il acheva dans notre ville une lon- 
gue et noble carrière consacrée tout entière au culte du 
beau et à la pratique du bien. En 1875, le Bureau d'admi- 
nistration, composé de MM. Queuche, maire; Choiselat, 
curé de la Cathédrale, Hercule Ferry, Henry Phulpin et 
Josson de Bilhem, sous-préfet, demanda et obtint pour 
M. Riff le titre de principal honoraire en récompense de ses 
services. C'est sous le principalat de M. Riff que, sur la pro- 
position de M. Queuche, maire, le Conseil municipal vota 
une allocation supplémentaire de 200 francs à tout profes- 
seur qui viendrait à Saint-Dié avec le grade de licencié. 

M. du Prat, successeur de M. Riff, ne fit que passer au 
collège, qu'il quitta au bout d'un an, pour aller professer la 
grammaire au collège d'Epinal. 

Un autre Alsacien, que la guerre avait aussi chassé de 
son pays natal, prit la direction du collège : ce fut M. Maî- 
tre, chez qui l'énergie du caractère s'alliait à la plus grande 
bienveillance. Gomme M. Riff, il sut attirer ici un grand 
nombre d'élèves alsaciens, qui venaient se perfectionner 
dans la langue française, et acquérir assez d'instruction, 
pour pouvoir, un jour, offrir utilement à la mère-patrie le 
tribut de leur inaltérable fidélité. M. Véran, directeur de 
l'Association générale d'Alsace-Lorraine, informait un jour 
M. Maître que le principal du collège de Lunéville consen- 
tait à recevoir les boursiers de l'Association au prix de 
300 francs par tête et par an ; M. Maître proposa de faire la 
même chose à Saint-Dié, et son désintéressement lui valut 
les remerciements du Bureau d'administration. Le dédou- 
blement de la classe de rhétorique et deuxième, la création 
d'une chaire spéciale d'histoire et de géographie, d'une 
deuxième chaire d'allemand et de sciences physiques et 



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- 337 — 

oaturelles, d'une chaire d'agriculture déjà réclamée par M. 
Cottin, l'agrandissement du cabinet de physique et du la- 
boratoire de chimie, la construction d'une salle de dessin 
appartiennent à l'administration de M. Maître. Mis à la re- 
traite en 1892, il reçut, lui aussi, le titre bien mérité de 
principal honoraire. Fixé à Saint-Dié, il aimait à se retrou- 
ver au milieu de ses anciens collaborateurs, et à s'entretenir 
avec eux du collège où il avait laissé, en le quittant, de si 
nombreuses sympathies. Comme la plupart des instituteurs 
de la jeunesse, comme M. Riff en particulier, comme M. 
Bruley, comme M. Lhuiliier, il ne jouit pas longtemps de 
sa retraite, et il mourait deux ans après avoir abandonné 
ses fonctions. 

Après sa retraite, le collège fut mis en régie, et la direc- 
tion en fut confiée à M. Bourcier, qui y avait professé pen- 
dant treize ans, d'abord en cinquième et sixième, puis en 
deuxième. D'importantes améliorations matérielles ont été 
supportées au collège par la Municipalité ayant à sa tête M, 
Mangeonjean, puis M. Duceux. On a ouvert un nouveau 
dortcttr, les élèves étant trop à l'étroit dans les trois autres, 
on a agrandi le réfectoire, installé un cabinet de bains, et 
aménagé un parloir où parents et élèves peuvent s'entrete- 
nir tranquillement et en toute liberté, on a créé une chaire 
d'anglais et deux postes de répétiteur, aménagé un qua- 
trième quartier pour les internes et les externes surveillés, 
et un second réfectoire pour les demi-pensionnaires. L'hy- 
giène de l'esprit n'a pas été l'objet de moins de soUicitude 
que l'hygiène du corps. Des bibUothèques ont été instal- 
lées, l'une pour les professeurs, qui comprend déjà plus de 
1.200 volumes, d'autres dans les différents quartiers à l'u- 
sage des élèves. Ces bibliothèques s'enrichissent tous les 
ans de nouvelles acquisitions. La première est d'une utiUté 
incontestable pour les maîtres qui veulent préparer des 
examens, ou seulement étendre leur instruction, les autres 

22 



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— 338 — 

permettent aux élèves de reposer par des lectures plutôt 
attrayantes leur esprit nourri habituellement de la belle, 
mais sévère littérature classique. 

BUREAU D'ADMINISTRATION DEPUIS 1811 

Présidents : MM. les Sous-Préfets comte d'Andrezel, ma- 
réchal de camp (1816-1819), Haudry de Soucy (1819-1826), 
N. . . (1826-1831), Loye (1831-1838), des Herbiers (1838-1840), 
CoUard (1840-1848), Blondin, maire, faisant fonctions de 
sous-préfet (1848), Gérardin (1849-1871), Rambourgt (1871- 
1873), baron de Latouche (1873-1874), Josson de Bilhem 
(1874-1870), Bœgner (1876-1877), Gouttenoire (1877-1878), 
Proudhon (1878-1880), Tisserand (1880-1882), Bobœuf (1882- 
1885), Nano (1885-1889), Salvador (1889-1891), Marty (1891- 
1895), Ottenheimer. 

Membres : MM. Ferry, maire; Thomas, procureur im- 
périal ; Tabbé Duguenot, curé ; Brevet, maire ; Courcier, 
Bernard, de Comeau, Lotz, substitut du procureur du roi ; 
Febvrel, président du tribunal ; Blondin, maire ; J. Houël, 
Rapin, ingénieur des Ponts-et-Chaussées ; Lamblé, maire; 
Gachotte, maire; Tabbé Choiselat, curé de la Cathédrale; 
Hercule Ferry, conseiller général; H. Phulpin, juge sup- 
pléant ; Queuche, maire ; Tabbé Nurdin, curé de la Cathé- 
drale; Albert Ferry, maire; E. Blech, industriel; H. Poupar, 
conseiller général; Monet, ingénieur des Ponts-et-Chaus- 
sées ; Mangeonjean, maire ; G. Lung, banquier ; C. Duceux, 
maire, et les principaux du collège. 

COMITÉ DE PATRONAGE DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE SPÉCIAL 
INSTITUÉ EN 1883 

MM. les Maires de Saint-Dié, présidents ; les principaux 
du collège, Monet, ingénieur , Cosson, conseiller général ; 



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Masson, maire de Fraize; A. Lung, conseiller général; 
Besson, banquier à Gérardmer; Marcillat, député; Bou- 
vier, industriel au Souche; Michel, propriétaire à Raon- 
rÉtape, président du Comice agricole. 

AUMONIERS DU COLLÈGE DEPUIS 1845 

(Date de la création des cours d^Instruction religieuse,) 

MM. Choiselat, curé de la Cathédrale ; les vicaires Ri- 
chard, Bayard, Bontems, Faron, devenu plus tard aumô- 
nier de la Marine et chevaher de la Légion d'honneur; 
Géhin, d'Hennezel, Philbert, Brignon, actuellement curé 
de la Cathédrale ; Villaume, Colé, Pitance, Thébiay, Cunin, 
Nicolas, Lœillet, actuellement curé de Rambervillers ; Jac- 
quet, Chardin. 

PASTEURS PROTESTANTS 

MM. Dieterlen (1876-1890), Ramette. Les cours d'instruc- 
tion rehgieuse protestante ont été institués en 1876. 

RÉGENTS OU PROFESSEURS DEPUIS 1811 

RHÉTORIQUE ET DEUXIÈME 

MM. Laurent, Vincent, Houël, principaux, chargés de la 
classe. — Titulaires de la chaire à partir de 1826 : MM. 
Bacquet (1826-1827), Colin (1827-1831), Simon (1831-1838), 
Grébus (1838-1843), Cerquand (1843-1849), Volfrom (1849- 
1866), Bourguignon (1866-1869), Harlaux (1869-1870), Perrin 
(1870-1871), Stegmiiller, chargé (1871-1873), Chicoulan 
(1873-1881), agrégé de grammaire, aujourd'hui proviseur du 
lycée d'Amiens; Vever, Joran (1881-1883); Oudinot (18â3- 
1884), agrégé de grammaire, aujourd'hui inspecteur d'Aca- 
démie à Auxerre ; Henriot (1884-1890), décédé à Saint-Dié; 



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— 3« - 

Aymonier (1890-1892), aujourd'hui professeur agrégé de 
grammaire au lycée de Chambéry, et Martin. 

La classe de deuxième, séparée de la rhétorique en 1884, 
a eu pour titulaires : MM. Bourcier, actuellement principal ; 
Miard, actuellement censeur au lycée de Rodez, et Gravier. 

PiilOFESSEURS 
DES CLASSES DE GRAMMAIRE ET DE LA DIVISION ÉLÉMENTAIRE 

TROISIÈME ET QUATRIÈME, CINQUIÈME ET 
SIXIÈME, SEPTIÈME ET HUITIÈME, NEUVIÈME ET DIXIÈME 

MM. Colné, Georges, Forfilier, Simon, devenu principal 
du collège en 1837, Humbert, Siffrid, Klenck, Bentz, Fon- 
taine, Terriée, Laurent, MuUer, Husson, Vouaux (3e et 4e), 
Gilles, devenu dans la suite professeur de rhétorique à 
Toul, où il a pris sa retraite ; Paulé, Tisserand, qui a pris 
sa retraite à Saint-Dié, après avoir terminé sa carrière au 
collège d'Oran (Algérie) ; Gérard, Ganier, Lecomte, qui fut, 
après sa mise à la retraite, bibliothécaire de la ville d'Épi- 
nal ; Plagnol, Desrosiers, Claude, Contai (3e et 4»), actuel- 
lement professeur au lycée de Bar-le-Duc; Contelly, Genay 
(3e et 4«;, professeur au collège depuis 1878; Hergué (7e et 
8^), Stegmuller (5^ et 6^), Dussaux (7e et 8e), Mauclair (9®), 
Mossier (7^ et 8^), Henriquet (Qe), Haus (9e), Bourcier, pro- 
fesseur, puis principal, au collège depuis dix-huit ans; 
Martin (5e et 6^), Lambert (5e et 6e), actuellement professeur 
agrégé de grammaire au lycée de Vesoul ; Petitjean (7e et 8e), 
Andrez (5^ et Ce), professeur au collège depuis 1890; Brous- 
son (7e et 8e), Poirson (9e) et Fréchin (9e). 

PROFESSEURS DE PHILOSOPHIE ET D'HISTOIRE 

La chaire fut créée en 1849, sur la demande de M. Chré- 
tien, principal. Son existence fut toute nominale jusqu'en 



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- 341 - 

1872. Elle fut occupée par M. Riff jusqu'en 1875, et, jusqu'en 
1876, par M. du Prat, principal. 

Le premier titulaire fut M. Chaudey, aujourd'hui agrégé 
des lettres. Ses successeurs furent MM. Dain, Léger, Mat- 
ton, Vattier, aujourd'hui principal du collège de Sedan; 
Fleury, Gervais, licencié ès-lettres et docteur en droit; 
Hesse, aujourd'hui professeur agrégé d'allemand au lycée 
de Besançon, et Louart. 

La chaire d'histoire et de géographie, titularisée depuis 
1882, est occupée par M. Froment, professeur au collège 
depuis quinze ans. 

PROFESSEURS DE MATHÉMATIQUES 

MM. Lœillet (1810-1819), Lamaze (1819-1838), Mathis 
(1838-1839), Miquel (1839-1844), Lambert (1844-1845), Sir- 
guey (1845-1848), Chérest (1848-1855), Bruley (1855-188G) et 
J. Prévôt, ancien élève du collège. 

PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE DEPUIS 1856 

MM. Joflfrès (1856-1865), GaU (1865-1866), Creton (1866- 
1867), Lorquet (1867-1869), aujourd'hui professeur agrégé 
au lycée Montaigne (Paris), Auge (1869-1874), Paquet (1874- 
1877), actuellement professeur au lycée de Bar-le-Duc, et 
Voillequin, professeur au collège depuis vingt ans. 

DEUXIÈME CHAIRE GRÉÉE EN 1880 

MM. Reumaux, Génot, Schony, Mathon, Prévost. 

PROFESSEURS D'ALLEMAND 

MM. Démange (1811-1821), Siffrid (1821-1827), Bentz (1827- 
1838), Husson (1838-1847), MuUer (1847-1853), Rauch (1853- 



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- 342 - 

1856), Schuwer (1856-1869), Febvrel (1869-1871), Vilmann 
(1871-1872), mort professeur d'allemand au lycée de Vesoul, 
et Gerlach, venu d'Obernai à Saint-Dié en 1872. 

DEUXIÈME CHAmE GRÉÉE EN 1880 

M. Vœgel, professeur au collège depuis 17 ans, a ensei- 
gné, en même temps que Tallemand, l'anglais dans les 
classes modernes jusqu'au mois de Juillet 1897. 

PROFESSEUR D'ANGLAIS 

La chaire a été créée au mois d'Octobre 1897. Premier ti- 
tulaire : M. Bénassy. 

PROFESSEURS DE L'ÉCOLE SUPÉRIEURE, DES COURS SPÉCIAUX, 
DE L'ENSEIGNEMENT MODERNE 

MM. Jambois, Carrière, docteur en médecine, chargé de 
l'enseignement de la chimie, Laurent, Caquel, Marcellin, 
Rosier, Finance, François, Klenck, Hovasse, Prévôt, Erny, 
Charaux, Gérard, Duranton, Lhuillier, décédé à Saint-Dié le 
22 Juillet 1897, après trente-six ans de services au collège de 
Saint-Dié; Demetz, professeur au collège depuis vingt-sept 
ans; Laurent, Vincent, Bresson, Lamy (1894), Marchand 
{¥ et 5e moderne), et Tocquard (6e moderne), au collège 
depuis quatorze ans (i). 

PROFESSEURS DE DESSIN 

MM. Laurent, de Mirbeck (1836-1870), Guignez van VUé- 
men (1870-1876), Jean (1876-1881), Cariage, architecte, 
chargé du cours (1881-1882), Puzin (1882-1884), Gosserez 
(1884-1898), et Husson. 

(1) Décédé en exercice le 11 Février 1898, après trois jours de maladie. 



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-343 — 
PROFESSEURS DE MUSIQUE 

MM. Hem et Dennery, qui enseigne depuis 1851. 

PROFESSEURS D'AGRICULTURE 

MM. Danguy (1892-1896) et Pérette. 

ECONOMES 
MM. Erard (1891-1894) et Lamaze. 

Pour compléter cette notice, il faudrait, aux noms des 
principaux et des professeurs, ajouter ceux des élèves, qui 
ont reçu de ces maîtres dévoués Tinstruction et l'éducation. 
Nous ne pourrions les citer tous, quelque envie que nous 
en ayons ; nous pourrions du moins énumérer, avec les 
carrières où ils se sont distingués, ceux dont les inscriptions 
aux palmarès depuis 1811, rappellent la bonne conduite, 
Tintelligence et l'application. Mais, malgré l'intérêt que 
pourrait présenter un pareil travail aux habitants de Saint- 
Dié et des environs, et à nos élèves présents ou futurs, nous 
ne pouvons l'entreprendre pour deux raisons : d'abord il 
nous conduirait trop loin, ensuite il n'aurait pas assez de 
rapport avec le genre de travaux qui se publient dans le 
Bulletin de la Société Philomatiqus. 

Nous dirons simplement, pour finir, que les efforts suc- 
cessifs faits depuis bientôt cent ans pour mettre le collège 
de Saint-Dié en état de tenir une place honorable dans 
l'Université de France, ont eu leur juste récompense dans 
les résultats obtenus. Le collège se glorifie en eff'et d'avoir 
vu s'asseoir sur ses bancs un grand nombre d'élèves qui 
en sont sortis pour se distinguer plus tard dans la magis- 



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-« 344 — 

trature, dans le barreau, dans Tarmée, dans tous les ordres 
d'enseignement, dans la médecine civile ou militaire, dans 
la pharmacie, dans Tindustrie et le commerce, dans l'agri- 
culture, dans les diverses administrations de l'Etat, et aussi 
dans les situations de la vie où, sans métier ni emploi, on 
peut toujours conquérir un beau titre, celui d'honnête 
homme. Toutefois, parmi ceux qui, par l'honorabiUté de 
leur vie, par l'éclat de leur situation ou par la grandeur 
des services rendus, ont le mieux justifié les espérances 
qu'ils avaient fait concevoir à leurs maîtres, il en est un qui 
mérite une mention spéciale. Nous voulons parler de Jules 
Ferry qui, après avoir été un très brillant élève de l'Uni- 
versité, en devint le grand-maître, et dont Tardeur au tra- 
vail, attestée par les palmarès de 1842, 1843, 1844, 1845, ne 
s'affaiblit pas un seul instant, et ne s'éteignit qu'avec lui, 
le 17 Mars 1893. 

Saint'Dié, Décembre 1891, 

L. GENAY. 



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PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES 



Séance du Comité du ii Avnl 1897, 

Sont présents : MM. de La Comble, R. Ferry, Albert Gérard, 
H. Bardy, Châtelain, Genay, Mangeonjean et Paul Gaudier. 

Il est procédé à l'élection du Bureau pour l'année courante 
1897-1898. 

Sont nommés : 

MM. Henri BARDY, pharmacien honoraire, Président; 

De la comble, receveur particulier des finances en 
retraite, Vice-Président; 

René FERRY, docteur en droit et en médecine, juge- 
suppléant. Secrétaire; 

Albert GÉRARD, docteur en droit, Trésorier- Archiviste. 

Les ouvrages suivants ont été reçus depuis la dernière séance du 
Comité : 

Mémoires de la Société d'Émulation du Douhs, 1895. 

Annuaire delà Société philotechnique, tome LV (1896). 

Comptes rendus des séances de la Société de Géographie (de Paris), 
n«» 17, 18 et 19 (en une livr.) de 1896; 1, 2 et 3 (en une livr.) de 1897. 

BuUetin de la Société d'étude des Sciences naturelles de Nîmes ^ 
n» 4 (Octobre- Décembre) de 1^6. 

Bulletin de la Société des Amis des Sciences et Arts de Rochechouarty 
n° 5 du tome VI (1896). 

Bulletin historique de la Société des Antiquaires de la Morinie, 
4« fascicule de 1896 (tome IX). 

BuUetin de la Société des Sciences naturelles de Saône-et-Loire^ 
n« 2 de 1897. 



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— 346 — 

Bulletin de VAssociation philotechnique, n*>» 12 de 1896 et l*»" de 
1897. 

Bulletin des Sociétés artistiques de VEst, n<»» 3 ot 4 de 1897. 

Bulletin de la Société d* Horticulture et de Viticulture des Vosges, 
no 118 (Novembre-Décembre 1896). 

Revue d*Ardenne et d'Argonne, n»» 2 et 3 de la IV« année (Janvier- 
Février 1897). 

Mémoires de V Académie de Metz, 1894-1895. 

Analecta Bollandiana, fascicule 1 du tome XVI. 

Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de Colmar, tome III de 
la nouvelle série (années 1895 et 1896). 

Bulletin de la Société vaudoise des Sciences naturelles, n® 122 
(Décembre 1896). 

Bulletin of the geological Instituiion of the University of Upsala, 
part. 2 du vol. II (1895). 

Annales de VEst, n« 4 de 1896. 

Le Cultivateur vosgien, n»» 29, 30 et 31. 

Le Bon Cultivateur, n<»» 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 15 de 1897. 

La Feuille des Jeunes Naturalistes, n^* de Mars. et Avril 1897. 

Mélusine, n<> 7 du tome VIII (Janvier-Février 1897). 

Les Peintres Strashourgeois en Lorraine au XV^ siècle, par G. 
Save; br. in-8« de 14 pag. avec pi. — Hommage de Tauteur. 

Études d'Ethnographie préhistorique, par Ed. Piette; br. in-8» de 
48 pag. avec 107 fig. — De la part de Tauteur. 

Le Bibliophile du Bas-Languedoc ; Catalogue de livres d'occasion 
de la librairie S. Léotard, à Glermont-rHérault, n« 1 de la 22« année. 

Antiquitaten-Zeilung de Stuttgart, n«'»12 et 13 de 1897. 
Catalogue n« 68 de la librairie V. Zahn et Jaensch, à Dresde (1897). 

Sur la demande de M. le professeur Genay, le collège de Saint-Dié 
est inscrit au nombre des membres de la Société. 

M. Émery, garde général des forêts, quittant Saint-Dié, cesse de 
faire partie de la Société. 

Il est procédé au dépouillement de la correspondance manuscrite 
et imprimée : 

i^ Le Directeur de Tlnstitution géologique de rUniversité royale 
d'Upsala annonce Tenvor du 4« fascicule du Bulletin de l'Institution 
et demande l'échange régulier entre ce Bulletin et les publications 



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— 347 - 

de notre Société. Les années antérieures de ces publications dont 
nous pourrons disposer, seront reçues avec la plus vive gratitude. 
En échange, la bibliothèque de l'Université offrira des mémoires 
de sciences naturelles. — Le Comité décide que les six derniers 
volumes de son Bulletin seront adressés à Tlnstitution géologique 
d'Upsal en même temps que l'acceptation d'échange de publica- 
tions. 

2® Lettre du Bibliothécaire en chef de l'Université royale d'Upsal, 
accusant réception des volumes 16-21 de notre Bulletin , et annon- 
çant qu'il va faire emballer dans la caisse qui devra être envoyée 
prochainement au Bureau des échanges internationaux à Paris, 
un certain nombre de volumes à notre adresse dont il donne la 
liste. 

3^ Communication de la Mairie relative à la visite du Musée par 
M. l'Inspecteur de l'enseignement du Dessin et des Musées, le lundi 
22 Mars, à 10 heures X ^^ matin. — Le Président a prié un des 
membres du Comité de vouloir bien accompagner M. l'Inspecteur 
Foumereau dans cette visite qui, pas plus que les années précé- 
dentes, n'a donné de résultat. 

40 M. Albert Virtel, cultivateur à Damas, près Dompaire, écrit 
au sujet d'une monographie de cette commune. Il demande s'il peut 
présenter son travail à la Société philomatique et s'il aurait des 
chances de succès en vue d'obtenir une récompense. Le Président 
a répondu, à la date du 22 Mars dernier, que la Société n'a inscrit 
de concours d'aucune sorte dans son programme et qu'elle n'a pas 
à décerner de récompense, ce que lui interdit d'ailleurs la modicité 
de ses ressources. 

5*» Lettre du Président de la Société de Secours des Amis des Scien- 
ces (79, boulevard Saint-Germain, à Paris), sollicitant la coopération 
de notre Société à cette œuvre fondée par l'illustre chimiste Thé- 
nard, en 1857, pour venir en aide aux savants malheureux. — Le 
modeste budget de la Société philomatique ne lui permet pas d'ac- 
quiescer à cette demande, et le Comité en exprime ses plus vifs re- 
grets. 

6® La Société de Statistique de VIsère émet le désir d'entrer en 
échange de publications avec notre Compagnie. — Accordé. 

Le Préoident informe ses collègues que, sur sa demande, la Société 



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- 348 — 

d'Archéologie lorraine avait décidé, dans sa séance du 9 courant, 
d'envoyer désormais à la Société philomatiq%ie le journal qu'elle pu- 
blie par livraisons mensuelles, et qui est d'un puissant intérêt par 
les nombreuses communications et les savantes notices qui y sont 
contenues. 

Il donne lecture de la lettre que notre dévoué collègue, M. Gaston 
Save, qui assistait à la séance de la Société de Nancy, vient de lui 
écrire au sujet de cet envoi. M. Save se fait l'interprète des paroles 
très élogieuses à l'égard de notre Compagnie, employées par M. Léon 
Germain, secrétaire perpétuel, et M. Guyot, président, pour appuyer 
sa demande. Le Comité, touché de ces témoignages spontanés d'es- 
time et de sympathie, ne saurait trop exprimer de reconnaissance à 
ses confrères Nancéiens. 

A propos du travail du D^ Fournier sur Le Saint Hubert d'Autrey, 
publié dans le dernier Bulletin, notre collègue M. A. Benoit, de Ber- 
thelming, cite la petite note suivante extraite de VInverUaire de H. 
Lepage : 

c Quatre chiens du duc Charles III ayant été mordus en 1557 par 
c un chien enragé, furent conduits par un piqueur à saint Hubert 
€ d'Autrey pour y être guéris après force offrandes et messes, ji 

Il a été question {Bulletin de 1896-1897, page 381), d'un tableau 
allégorique représentant la Réunion de la Lorraine à la France, com- 
mandé au peintre Delobel, donné par l'Etat, en 1803, au Musée de 
Lyon ; il n'avait pas, dit-on, été catalogué et devait être sans doute 
relégué, depuis près d'un siècle, dans quelque grenier. M. Arthur 
Benoît écrit, à ce sujet, au Président que, d'après un catalogue 
datant de la Restauration, il existait bien réellement au Musée de 
Lyon, mais il ne l'y a plus trouvé dans une visite qu'il y fit en 1850. 
c II y a une quinzaine d'années, ajoute-t-il, je demandais de ses 
€ nouvelles dans V Intermédiaire dei Chercheurs et des Curieux. Il 
a n'a pas été fait de réponse à ma demande. G. Duplessis en a 
c donné autrefois la description, avec un petit poème descriptif, 
€ imprimé en 1738, dans le Journal d'Archéologie lorraine. Je pos- 
c sède la gravure de Cochin. :» 

Le même collègue communique les intéressants renseignements 
bibliographiques suivants . extraits d'un Catalogue publié par le li- 
braire Rosenthal, de Munich, en Décembre 1896 : 



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— 349 - 

17. Comptes des censés, rentes et revenus de léglise de Sainct-Diey 
pour ran mil VCXXVUI (1528). (Écrit sur vélin), une feuille 
in-fol. M. 48, 

Reconnaissance des droits seigneuriaux et revenus financiers du 
Chapitre de Saint-Dié. Déchiré et troué (!) 
163. Cosmographiae introductio. Globus œquinoctialis. Planche du globe 
équinoctial, gr. e. b. qui appartient à la Cosmographiae intro- 
ductio. (Argentorati), Joh. Grtininger (?), 1509, in-4o. M. i20, 
Planche qui manque souvent aux exemplaires. Le grand intérêt de 
cette pièce se trouve dans le texte imprimé au verso en 14 grandes li- 
gnes, et où est indiquée pour la première fois la 4« partie du monde 
(Amérique) : « Denique in quartam partent fmundij per inclytos Castillss 
et LusitanÙB reges expertaa. » 

Le Président donne ensuite lecture d'un intéressant article-pro- 
gramme de M. Edmond Giroult, fondateur des Musées cantonaux, à 
Lisieux , concernant le rôle que pourront et devront avoir, à TEx- 
position universelle de 1900, les Musées départementaux, d'arron- 
dissement et de canton. 

Communication est donnée d'une circulaire de la Société pour la 
conservcction des Monuments historiques d'Alsace, relative à un con- 
cours ouvert pour le meilleur travail sur les résultats archéologi- 
ques des fouilles opérées dans les tumulus de l'Alsace, antérieurs à 
l'époque romaine. 



Séance du Comité du 13 Juin i897. 

Depuis la dernière séance les ouvrages suivants ont été adressés 
à la Société : 

Bulletin archéologique du Comité des Travaux historiques et scien- 
tifiques, 1" et 2» livr. (en un fascicule) de 1896. 

Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France, 1894 
(tome LV« de la collection). 

BuUeiin de la même Société, 1895. 

Mémoires de la Société d'Archéologie lorraine, 1896 (XXIV« vo- 
lume de la 3« série; XLVI« de la collection). 

Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Haute- 
Saône, 1895. 



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- 350 - 

Bulletin de la Société linnéenne de Normandie, année 1896. 

Annales de la Société linnéenne de Lyon, 1896. 

Bulletin de la Société des Lettres , Sciences et Arts de la Corrèze, 
i^ livr. trira. de 1897. 

Mémoires de la Société d'Histoire, d'Archéologie et de Littérature 
de V arrondissement de Beaune, année 1895. 

Bulletin de la Société de Statistique, des Sciences naturelles et des 
Arts industriels du département de V Isère, tome III de la 4^ série 
(1897). 

Bulletin de la Société historique et archéologique de VOme, i^ livr. 
du torae XVI (1897). 

Bulletin de la Société des Sciences naturelles de V Ouest de la 
France, 1°*^ trimestre de 1897. 

Bulletin de la Société d'étude des Sciences naturelles de Nîmes, 
n« 1 de 1897. 

Bulletin historique de la Société des Antiquaires de la Moriniey 
l*"* fascic. du tome X (année 1897). — Table alphabétique des noms 
de personnes , de choses et de lieux cités dans le tome IX de la même 
Société, 1 fascic. 

Bulletin de la Société des Sciences naturelles de Saône-et-Loire , 
livr. n«» 3 et 4 de 1897. 

Comptes rendus des séances de la Société de Géographie de Paris, 
n«» 4 et 5, 6 et 7, 9 et 10 de 1897. 

Bulletin de V Association philotechnique, n*»« 2 et 3 de 1897. 

Bulletin de la Société des Amis des Sciences et Arts de Rochechouartj 
n« VI du tome VI (1896). 

Bulletin de la Société lorraine de Photographie, i^ livr. de 1897. 

Bulletin des Sociétés artistiques de VEst, Mai et Juin 1897. 

Bulletin de la Société d'Horticulture et de Viticulture des Vosges, 
n® 119 (Janvier-Février 1897). 

Revue d'Ardenne et d'Argonne, n** 4 de la IV« année. 

Annual Report of the Smithsonian Institution, 1894. 

Recueil des Notices et Mémoires de la Société archéologique du dé- 
partement de Constantine, 9« volume de la 3« série, 30® de la collec- 
tion; années 1895-1896. 

Bulletin trimestriel de la Société de Géographie et d'Archéologie 
de la province d'Oran, fasc. d'Avril à Juin 1897. 



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- 351 - 

Académie (THippone. Comptes rendus des réunions tenues pen- 
dant Tannée 1897, i^ feuille (p. I à XVI). 

Ancdecta BoUandiana, fasc. II du tome XVI. 

Bulletin de Vlnstitut archéologiqtie Liégeois, tome XXV (1896), 

BuUetin de la iSodété neufchàteloise de Géographie, tome IX 
(1896-1897). 

Bulletin de la Société vaudoise des Sciences naturelles, n» 123 
(Mars 1897). 

BuUetin de la Sod^é impériale des Naturalistes de Moscou, n^ 2 
de 1896. 

Memorias y Revista de la Sociedad cientifica t Antonio Alzate, i 
n«>« 1-2, 3-4 du tome X (1896-1897). 

Annales de VEst, livr. n<» 1 de 1897. 

Bulletin de la Société archéologique et historique de V Orléanais, 
3* et 4« trimestres de 1896 (en une livraison). 

Journal de la Société d'Archéologie lorraine, n® 1 de Mai 1897. 

Mélusinoj n" 8 et 9 du tome VIII (1897). 

La FeuiUe des Jeunes Naturalistes, n*»» de Mai et de Juin 1897. 

Le Cultivateur vosgien, n^» 32, 33, 34 et 35. 

Le Bon CuUivateur, n«» 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23 et 24 de 1897. 

1** Recherches sur la nervation carpellaire chez les Gamopétales hi- 
carpeUées de Bentham et Hooker, par M. Paul Grelot (de Saint-Dié), 
préparateur de matière médicale à TÉcole supérieure de Pharmacie 
de Nancy; br. in-4® de 4 pag. — 2^ Quelques remarques sur le Rouge 
Congo, par le môme; br. in-8<» de 8 pag. — 3<> Recherches sur la con- 
crescence et la zygomorphie dans le calice des Gamopétales hicarpeU 
lées, par le même; br. in-8<* de 12 pag. av. fig. — 4<> Sur quelques 
exemples de lignification de Vépiderme placentaire, par le même; 
in-8° de 10 pag. av. fig. — Don de Fauteur. 

lo Ijes Peintres Strashourgeois en Lorraine au XV^ siècle, par Gas- 
ton Save; br. in-8<> de 16 pag. av. fig. — 2^ Le Tombeau de saint Man- 
sui à Toul, attribué à Mansui Gauvain, par le même; br. in-8*' de 
8 pag. av. une pi. photo. — 3® Jean Pèlerin le Viateur, auteur de la 
Perspective artistique de i505, par le même ; br. in-8<> de 96 pag. av. 
g grav. — Don de Tauteur, membre de la c Société philomatique. i 

Mon vieux Belfort, par Henri Bardy; br. in-S^ de 24 pag. av. vi- 
gnettes. — Offert par Tauteur. 



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— 352 — 

Hission de Madagascrtr. Rapport de M. H. Afager; i^^ partie : 
Tamatave; in S» de 136 pag. ~ Envoi de la Chambre de Commerce 
des Vosges. 

Un n® de VExplorateur (10 Juin 4897), contenant le portrait de 
M. Henry Boucher, député des Vosges, ministre du Commerce. 

Le n« 20 (12 Mai 1897) de VAntiquitaten Zeitung de Stuttgart. 

La bibliothèque de l'Université royale d'Upsala (Suède) a adressé à 
la Société philomatique les ouvrages suivants ; 

10 J.-G. Sparvenfeld, Catalogus centurix librorum rarisaimorum 
rnanuscript, et partim impressorum Arabicorum, Persicorum, Tur- 
cicorum, Grsecorum, Latinorum, etc,, qua anno MDCCV Bibliothe- 
cam publicam Academiœ Upsalensis auxit et exomavit; Upsal, 1706. 

— 2*» OlaÙs Celsius, BibliothecsB Upsaliensis Historia; Upsal, 1745. 

— 3*» CoLLiN et ScHLYTER, Codex juris Ostrogotici; Stockolm, 1830. 

— 4® ScHLYTER, Codex juris Uplandici; Stockolm, 1834. — 5» C.-J. 
ToRNBERG, Codices Arabici, Persici et Turcici Bibliâthecx regiae 
Universitatis Upsaliensis; Lund, 1849. — 6° E.-G. Geyer et J,-H. 
ScHRODER, Scriptores rerum suecicarum medii œvi, tome II ; Upsal, 
1828. — 7*» Annerstedt, Scriptores, etc., tome III (en deux volu- 
mes); Upsal, 1871 et 1876. — S*' Bulletin of the geological InstUu- 
tion ofthe Universitaty of Vpsala, n<»» 1 et 2 du vol. I (1892 et 1893); 
1»* part, du vol. II (1894). — 9« Henrik Schuck, Tva svenska biogror 
fier fran medeltiden; Stockolm, 1895. — 10° Per Odelberg, Sacra 
Corinthia, Sicyonia, Phliasia; Upsal, 1896. — 11® M. Elfstrand, 
Hieracia alpina aus den hochgebirgsgegenden des mittleren Skandi- 
naviens; Upsal, 1893. — 12<> Claes Annerstedt, Om samhœUsklas' 
ser och lefnadssœtt under fœrra hœlften af idOO-talet; Stockolm, s. d. 

Le Président fait part de la mort de nos collègues : MM. V. Bro- 
card, secrétaire retraité de la Sous-Préfecture, décédé le 23 Avril; 
Alfred Adam, ancien avocat, décédé le 2 Mai, et P. de Tissot, dé- 
cédé à Neuilly le 10 Juin. 

11 propose ensuite au Comité d'admettre comme membres de la 
Société : MM. GanglofT, corroyeur, et Tabbé A. Maugenre, aumônier 
du Carmel, le premier, présenté par M. V. Franck, le second, par 
M. Louis Humbert. — Ces deux admissions sont prononcées. 

M. le vicomte de Bizemont adresse ses remerciements pour sa 
nomination de membre de la Société. 



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• 353 - 

Notre cher collègue, M. L. Maxe-Werly est prié d'agréer les féli- 
citations de la Société pour la croix de Chevalier de la Légioa d'hon- 
neur qu'il vient de recevoir à l'occasion du dernier Congrès des 
Sociétés savantes de Paris et des départements. 

Accusé de réception par le bibliothécaire de l'Université royale 
d'Upsal, du 22<» Bulletin de la Société philomatiqiie, 

La Société d^ Archéologie lorraine adresse le programme de la fête 
d'inauguration du monument de la Mothe, qui a eu lieu le lundi 
7 Juin courant. 

Il est donné lecture d'une note de M. Edmond Groult, qui nous 
est transmise par l'intermédiaire de M. le Sous-Préfet; elle est rela- 
tive à la création de Musées utilitaires et patriotiques dans les chefs- 
lieux de canton qui n'en ont pas encore, sous le patronage des 
sous-comités départementaux de l'Exposition Universelle de 1900. 

Présents à la séance : MM. H. Bardy, R. Ferry, A. Gérard, Franck, 
E. Richard et Genay. 



Séance du Comité du 8 Août 1897. 

Les ouvrages suivants sont déposés sur le Bureau : 

BuUetin historique et philologique du Comité des Travaux histo- 
riques et scientifiques, n^' 3 et 4 (en une livraison) de l'année 1896. 

Revue des Travaux scientifiques, n<>« 10 et 11 du tome XVI (1896), 
1, 2 et 3 du tome XVII (1897). 

Mémoires de V Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de 
Besançon y années 1892 et 1896. 

Bulletin du Comité des Sociétés des Beaux-Arts des départements, 
n*> 2 (du 1«' Juin 1897). 

Comptes rendus des séances de la Société de Géographie de Paris, 
n« 8 (réception du D"" Fridtjof Nansen); n»» 11 et 12 (en un fasc), 13 
et 14 (en un fasc.) de 1897. 

BuUetin de la même Société, 1®' trim. 1897 (tome XVII, 7« série). 

BuUetin de la Société des Sciences naturelles de Saône-et-Loire, 
n« 5 et 6 de 1897. 

BuUetin de la Société des Amis des Sciences et Arts de Rochechouart, 
n*» 1 du tome VII (1897). 

23 



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- 354 - 

Bulletin de V Association philotechnique, n®« 4 et 5 de 1897. 

Bulletin de la Société de$ Lettres, Sciences et Arts de la Corrèze, 
2« livraison de 1897. 

Bulletin de la Société des Sciences naturelles de VOuest de la 
France, 2« trimestre du tome VII (1897). 

Bulletin historique de la Société des Antiquaires de la Morinie, 
182o livraison (2® fascicule du tome X, année 1897). 

Discours prononcés à la séance générale du Congrès des Sociétés 
savantes le 24 Avril i891, par MM, Ernest Bahelon et Alfred Ram- 
haud; br. in-4«> de 40 pages. 

Bulletin de la Société d'étude des Sciences naturelles de Prîmes, 
n^ 2 (Avril-Juin) 1897. 

Bulletin des Sociétés artistiques de VEst, n<> 7 (Juillet) de 1897. 

Bulletin trimestriel de la Société de Géographie de VEst, l®*" et 
2« trim. de 1897. 

Bulletin de la Société d'Horticulture et de Viticulture des Vosges, 
n« 420 (Mars-Avril 1897). 

Journal de la Société d'Archéologie lorraine, n»* 6 et 7 de 4897. 

Bulletin de la Société pour la conservation des Monuments histo- 
riques d'Alsace, 2® livr. du tome XIII (2® série). 

Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, n»' 2, 3 et 4 de 
Tannée iSOG.-- Notice historique sur le canton de BernaviUe (Somme), 
par Tabbé Th. Lefèvre, membre de ladite Société; un vol. in-8» de 
240 pag. — Album archéologique publié par la même Société, 42« fasc. 

Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, 4"^® livraison du 
tome Xle (Janvier 4897). — Annuaire pour iS91 (tome VIII«) de la 
même Société. 

Bulletin de la Société vaudoise des Sciences naturelles, n^ 424 
(Juin 1897). 

Mémoires de la Société royale des Antiquaires du Nord pour 1896. 

Neue Heidelherger Jahrhûcher herausgegehen vom Hislorisch-Phi- 
losophischen Vereine zu Heidelberg, \^ livr. de la 7° année. 

Mélusine, n^ 40 du tome VIII (Juillet-Août 4897). 

La Feuille des Jeunes Naturalistes, n°« de Juillet et d'Août 4897. 

Le Cultivateur vosgien, n°» 36, 37, 38 et 39 (1897). 

Le Bon Cultivateur, n<»» 25, 26, 27, 28, 29, 30, 34 et 32 de 4897. 

Bibliographie nobiliaire de la Lorraine, par le vicomte A. de Bi- 



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- 355 - 

zemont ; un vol. gr. in-8'» de 86 pag. — Hommage de l'auteur, mem- 
bre de la « Société philomatique vosgienne. » 

Pratiques et Institutions religieuses d'origine chrétienne chez les 
Mexicains du Moyen âge, par E. Beau vois; br. in-8^ de 64 pag. — 
Traces d'influence européenne dans les Langues, les Sciences et Vin- 
dustrie précolombiennes du Mexique et de V Amérique centrale, par 
le même; br. in-8<> de 40 pag. — Brochures offertes par Tauteur, 
membre correspondant de la c Société philomatique. » 

Étude historique sur Belfort {XIIÎ^ et XIV^ siècles), par Henri 
Bardy, correspondant du Ministère de l'Instruction publique; br. 
in-8<» de 80 pag. — Miscellanées****\ par le même; br. in-8<> de 
66 pag. — Hommage de l'auteur. 

La Vie des Saints, Bienheureux, Vénérables et autres pieux per- 
sonnages du diocèse de Saint-Dié, par M. l'abbé Edm. L'hôte; tome 
premier, in-8*» de 496 pag. — Offert par l'auteur. 

Rapport de M. Picot sur le Projet de reconstruction de VÉglise 
Saint-Martin, présenté à la séance du Conseil Municipal de Saint-Dié 
du 2 Août i897. — Supplément à V Impartial des Vosges du 7 Août. 

Don au Musée : 

Épée trouvée à Saint-Dié, dans les fouilles d'une maison en cons- 
truction rue des Trois-Vilies, appartenant à M. Doenné, fabricant 
de tissus, offerte par lui à la Société par l'intermédiaire de M. Pros- 
per Antoine, architecte. 

Le Président fait part du décès de M. Herry, survenu le 23 Juillet 
dernier. 

MM. Lucien Cosson, à Nancy, et René Vilmain^ envoient leur 
démission. 

Le Comité prononce l'admission de M. Paul Laurent, architecte 
à Gérardmer, présenté par M. François de Ldocourt, inspecteur- 
adjoint des forêts. 

Le Comité adresse à M. Bœgner, préfet du Loiret, au nom de la 
Société dont il est un des plus anciens membres, ses plus sincères 
félicitations pour sa promotion au grade de Commandeur de la Lé- 
gion d'honneur, à l'occasion de la fête du 14 Juillet. 

Il est procédé au dépouillement de la correspondance imprimée : 

40 Circulaire de M. le Ministre de l'Instruction publique et des 
Beaux- Arts, en date du 25 Juillet 1897, relative au 36® Congrès des 



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- 356 - 

Sociétés savantes de Paris et des départements, dont la séance 
d'ouverture est dès maintenant fixée au 12 Avril 1898. Cette circu- 
laire est accompagnée de dix exemplaires du programme de ce 
Congrès, destinés à être communiqués aux membres de la Société. 
€ Mes prédécesseurs, dit à ce sujet M. le Ministre, avaient, à di- 
€ verses reprises, signalé Tintérêt que le Comité (des travaux histo- 
c riques et scientifiques) attachait, et qu'ils attachaient eux-mêmes 
€ à la collaboration des Sociétés savantes pour la rédaction du pro- 
€ gramme. Au cours même des derniers Congrès, ce vœu avait été 
€ exprimé chaque année durant les séances. J*ai le regret de cons- 
« tater à mon tour le peu d'empressement apporté, cette fois en- 
€ core, à la réalisation de ce désir. Le programme que je vous 
€ envoie est donc, à peu de chose près, l'œuvre du Comité qui s'est 
€ efi'orcé d'en modifier et d'en renouveler quelques parties. En le 
« transmettant à vos collègues, vous voudrez bien leur notifier 
c que toute lecture au Congrès sera désormais subordonnée à Ven- 
« voi préalable des mémoires et à leur approbation par le Comité. 
« Seuls, les travaux destinés à la section des Sciences pourront 
f être exceptés de cette règle. Mais, en tous cas, une analyse in- 
€ diquant le sujet et le plan de la communication sera exigée. Le 
€ texte des mémoires et des analyses devra être parvenu, avant 
€ le 30 Janvier prochain, au l®"* bureau de la direction du secré- 
« tariat et de la comptabilité. Il ne sera tenu aucun compte des 
« envois adressés à ce service, passé ce délai. J'ajoute enfin que les 
a manuscrits devront être entièrement terminés, lisiblement écrits 
« sur le recto et accompagnés des dessins, cartes, croquis, etc., 
« nécessaires, afin que si elle est décidée, leur impression ne souf- 
« fre aucun retard. J'appelle votre attention la plus particulière sur 
« ces prescriptions formelles qui ne portent, bien entendu, aucune 
« atteinte au droit de chaque membre du Congrès de demander la 
« parole sur les questions du programme. » — 2« Accusé de récep- 
tion par le Ministre de l'Instruction publique, en date du 6 Juillet, 
des 57 exemplaires du 22^ Bulletin de la Société philomatique qui 
doivent être transmis aux Sociétés correspondantes, et des 6 exem- 
plaires destinés à la bibliothèque des Sociétés savantes. — S® La 
Smithsonian Institution et la Société pour la conservation des Monu- 
ments historiques d'Alsace accusent réception de notre 22" Bulletin. 



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- 357 — 

Notre collègue, M. Léon Germain, de Nancy, adresse Tépreuve 
des gravures d'une planche de fondeurs de cloches, en promettant, 
pour le cas où le Comité voudrait bien l'accepter pour le Bulletin, 
une notice sur ces fondeurs, qui étaient de Robécourt (Vosges) ou 
des environs. Le Comité remercie M. L. Germain, dont les études 
campanaires sont connues et appréciées, et décide la publication de 
sa communication. 

Le Président appelle l'attention de ses collègues sur la curieuse 
trouvaille faite au mois de Mai dernier dans la propriété de 
M. Doenné, rue des Trois-Villes. Cette toute vieille épée, décou- 
verte à l^SO de profondeur, ressemble à une de ces armes écos- 
saises, à lame longue et large, appelées claymore, et que les per- 
sonnes qui ont lu les romans de Walter-Scott connaissent tout au 
moins de nom. Elle est malheureusement dans un très mauvais 
état de conservation. La rouille, en la rongeant, en a diminué la 
lame d'un bon tiers en longueur, de près de moitié en largeur et 
d'autant en épaisseur. La lame devait être longue de 0™55 à 0^60, 
et large, à la partie supérieure, d'au moins O'nQS. Le bois de la 
poignée s'est détaché en menus morceaux au moment de l'exhu- 
mation. Le pommeau, à côtes peu saillantes, est très gros et très 
lourd; la garde est bizarrement munie d'appendices, se recour- 
bant inférieurement ; le garde-main n'a conservé qu'un très petit 
fragment attenant à la garde. Entre le pommeau et le manche se 
trouve un anneau en argent filigrane, qui servait d'ornement. Ne 
serait-ce pas là un souvenir de la désastreuse défaite essuyée par 
le corps écossais de l'armée des Écorchewsy tombant sous les 
coups des paysans vosgiens, le 18 Mars 4445, près de Sainte-Marie- 
aux-Mines, et pourchassé jusqu'au delà de Saint-Dié? Il n'est pas 
téméraire de le supposer. 

A propos d'une communication faite antérieurement et dans 
laquelle il avait été question de la sépulture du baron Dominique 
de Richard, inhumé dans l'ancien cimetière du faubourg Saint- 
Martin, le Comité charge M. P. Antoine de vouloir bien s'enquérir 
de ce qu'a pu devenir sa tombe, 

Assistent à la séance : MM. Bardy, Picot, Antoine, Gérard, de La 
Comble et Franck. 



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- 358 - 



Séance du Comité du 14 Novembre 1897. 

Les ouvrages suivants ont été reçus depuis la dernière réunion 
du Comité : 

Revue des Travaux scientifiques, n^ 42 du tome XVI; n«« 4, 5, 6 
et 7 du tome XVII. 

Bulletin du Comité des Sociétés des Beaux- Arts des départements, 
n« 3 de 1897. 

Travaux de V Académie nationale de Reims, 99« volume, tome I«' 
de Tannée 1895-1896. 

Mémoires de la Société des Sciences naturelles et. archéologiques de 
la Creuse, tome V^ de la 2« série (X« de la collection). 

Mémoires de V Académie de Stanislas, 1896. 

Bulletin de la Société d'étude des Sciences naturelles de Nimes, 
no 3 de 1897 (Juillet-Septembre). 

Bulletin de la Société de Géographie, 2« trimestre 1897. 

Bulletin de la Société des Sciences naturelles de l* Ouest de la 
France, 3« trimestre 1897. 

Bulletin de la Société archéologique de Bordeaux, l®' et 2« fasci- 
cules du tome XXI (1896). 

Bulletin de la Société des Amis des Sciences et Arts de Rochechouart, 
no» 2 et 3 du tome VII (1897). 

Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, 
no« 55 (15 Mars 1897) et 56 (l»»" Octobre 1897). 

Bulletin de la Société des Sciences de Nancy, 1896. 

Bulletin de l'Association philotechnique ^ n** 6 de 1897. 

Bulletin de la Société lorraine de Photographie, n® 2 de la 4« année 
(1897). 

Bulletin des Sociétés artistiques de VEst, n»» 8, 9, 10 et 11 de 1897. 

Bulletin de la Société de Géographie de VEst, 3« trimestre 1897. 

Mémoires de la Société d'Histoire, d'Archéologie et de Littérature 
de l'arrondissement de Beaune, année 1896. 

Bulletin de la Société d'Horticulture et de Viticulture des Vosges, 
nos 121 (Mai-Juin) et 122 (Juillet-Août) de 1897. 

Journal de la Société d'Archéologie lorraine, n» 8 et n»» 9 et 10 (en 
une livraison) de 1897 (46° année). 



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- 359 - 

Revue de Saintonge et d*Auni8y 4« et5« livraisons du XVII« volume 
(1897). 

Revue d'Ardenne et d'Argonne, n" 5 et 6 de la 4« année (4896-1897). 

Annales de VEst, n<« 3 et 4 de 1897. 

BuUetin de la Société des Sciences naturelles de Saône^et-Loire, 
n~ 8 et 9 (en une livraison) de 1897. 

Méltisine, n» 11 du tome VllI (Septembre-Octobre 1897). 

La Feuille des Jeunes Naturalistes, n°» de Septembre, d'Octobre 
et de Novembre 1897. 

Bulletin trimestriel de Géographie et d'Archéologie de la province 
(TOran, fasc. LXXIV et LXXV (Juillet à Décembre 1897). 

Procès-verbaux des réunions de V Académie d*Hippone, feuilles 
n" 2 et 3 de 1897 (pp. XVII à XLYIII). 

Le Cultivateur vospien, n«« 39, 40, 41, 42, 43 et 44 (du 15 Août 
au l*»" Novembre 1897). 

Le Bon Cultivateur, n»» 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 42, 43, 44, 
45 et 46 de 1897. 

Analecta Bollandiana, fasc. III du tome XVI (1897). 

Jahrbuch fur Geschichte Sprache und Litteratur Elsass-Lothrin- 
gens herausgegeben vom dem Histonsch-Litterarischen Zweigverein 
des Vogesen-Clubs; XIII. Jahrgang (1897). 

Bulletin de la Société vaudoise des Sciences naturelles, n*» 125 
(4« série, vol. XXXIII) Septembre 1897. 

Bulletin de la Société impériale des Naturalistes de Moscou, n*» 3 
de Tannée 1896. 

BuUetin of the geological Institution of the University of Upsala, 
part. 1 du vol. III, 1896. 

Smithsonian Institution. Rapports annuels pour 1893, 1894 et 
1895, 3 gros volumes. 

Transactions ofthe Academy of Science of Saint-Louis ; 12 livrai- 
sons (de Décembre 1895 à Juin 1897), formant autant d'opuscules 
séparés. 

Travaux des Conseils d'Hygiène publique et de Salubnté du dé- 
parlement des Vosges en i896, par M. G. Gebhart; volume in-8*' de 
214 pag. — Envoi de la Préfecture. 

Dictionnaire biographique des Vosges, publié par Henri Jouve; 
gros vol. in-8*» avec nombr. portraits photographiés. — Achat. 



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— 360 - 

Le Monument de La Mothe, Souvenir offert aux souscripteurs; br 
in-8» de 42 pag. avec une photo. 

1° Jean Crocq, de Bar-le-Diic, sculpteur-imagier, et sa famiUe, 
par L. Maxe-Werly; br. in-8** de 72 pag. avec 3 pi. — 2*» Une charte 
de ii5i concernant la forêt de Bandonvilliers, parle même; br. in-8®, 
4 pag. — 3<> Un Monument lapidaire du Musée de Bar-le-Duc (La 
Pierre tombale de Colin Massey, XV^ siècle) par le même; br. in-8« 
de 46 pag. avec une planche. — ¥ Le Siège de Bar en i589, par le 
même; br. in-8<> de 16 pag. — Offerts par l'auteur, membre corres- 
pondant de la <c Société philomatique vosgienne. » 

1° A Rome pour la Canonisation de saint Pierre Fourier, par 
M. Tabbé Pierfitte; br. in-8« de 52 pag. — 2^ Le P. Vinot de FroviUe 
et V Année sainte de la Maison de Lorraine, par le même; br. in-8® 
de 30 p. — 3^ Les Sceurs de la Rédemption à Damey, par le même; 
br. in-8« de 8 p. — Hommage de l'auteur, membre de la c Société 
philomatique. » 

i^ Sur Vindépendance de certains faisceaux dans la fleur, paf 
Paul Grelot; in-4« de 4 p. (C. R. de l'Ac. des Scienc.) — Sur le fai- 
sceau staminal, par le même; in-8 de 40 p. — Hommage de l'au- 
teur. 

Re\me populaire des Beaux- Arts, n® 4 (22 Octobre 4897) ; spécimen. 

Le Musée a reçu : 

De M. C. Cuny, caissier principal de la Banque de l'Indo-Chine, à 
Pondichéry (Inde française) : dix-sept vieilles pièces d'argent hin- 
doues de Hyderabad, état musulman mi -indépendant; trois pièces 
de 4 fanon ou 1/8 de roupie de l'ancienne compagnie française des 
Indes avant Dupleix ; deux insectes coléoptères du genre bupreste. 

Des héritiers de M. Prosper Antoine : un lot de médailles et piè- 
ces de monnaies françaises et étrangères, en très grande partie 
modernes. 

Un grand vide s'est produit dans le Comité. Depuis sa dernière 
réunion, deux de ses membres les plus dévoués ont sucxîombé à 
quelques jours d'intervalle. Le Président se fait l'interprète de ses 
collègues pour exprimer les vifs regrets causés à tous par la mort 
de MM. P. Antoine, enlevé d'une manière inattendue et presque 
subite le 49 Octobre, à l'âge de 67 ans, et Eug. Richard, emporté la 
semaine suivante, âgé de 72 ans. 



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— 361 — 

Né à Harol (Vosges), le 14 Juillet 1830, Prosper Antoine, par son 
long séjour parmi nous, était devenu un véritable Déodatien. 11 était 
arrivé à Saint-Dié en qualité d*agent-voyer d'arrondissement vers 
1860. Doué d'une santé robuste et d'une grande activité, il parcou- 
rait sana cesse nos montagnes non seulement pour les besoins de 
son service, mais aussi pour sa satisfaction personnelle. Il avait un 
goût prononcé pour les études géologiques et topographiques, et il 
pouvait le contenter à merveille dans cette partie des Vosges. C'est 
ainsi qu'il put mener à bonne fin la confection d'une fort belle carte 
de Tarrondissement de Saint-Dié. On conçoit que ce fut là une 
œuvre difficile et longue, mais son ardeur au travail ne se démentit 
pas; il la conserva jusqu'à la fin de sa vie, où il menait de front, 
avec un zèle et un dévouement qui lui font le plus grand honneur, 
sa profession d'architecte et ses fonctions de président de la Société 
de secours mutuels, de conseiller municipal et de vice-président du 
Conseil d'administration de la caisse d'épargne. C'est bien ici le cas 
de rappeler la part importante que prit notre collègue Antoine lors- 
que, peu de temps avant 1' « année terrible, » s'agitait la grave 
question de relier, par chemin de fer, la vallée de la Bruche à celle 
de la Meurthe, l'Alsace à la Lorraine à travers le col de Saales. Il 
s'agissait de raccorder avec la ligne de Mutzig à Strasbourg le réseau 
vosgien, qui avait déjà reçu un commencement d'exécution par 
l'ouverture à l'exploitation de l'embranchement d'Arches à Laveline- 
devant-Bruyères et à Granges. Le prolongement sur Saint-Dié était 
décidé et mis à l'étude. Franchirait-on la trouée de Saales? Cela 
semblait tellement difficile que l'on n'y songeait même pas, malgré 
tout ce qu'avaient pu dire l'ingénieur Doré dès 1842 et M. Paul 
Champy en 1847. t Grâce à une étude approfondie du terrain, dit 
M. Gaston de Golbéry dans une remarquable étude sur le Col de 
Saales (Annuaire du Club alpin français^ 15^ vol., 1886), Prosper 
Antoine résolut le problème du passage des Vosges à Saales sans 
viaduc, ni tunnel, presque sans remblais ni tranchées, en utilisant 
simplement la conformation naturelle du sol. Soumise au Conseil 
supérieur des Ponts-et-Chaussées, cette traversée des Vosges à ciel 
ouvert fit d'abord sourire..,, la dépression transversale de Saales 
était encore si peu connue I Puis elle séduisit par sa nouveauté, en 
même temps qu'elle intéressa par la sûreté des vues et par les con- 



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naissances techniques de son auteur. L'ingénieur ordinaire de l'ar- 
rondissement avait appuyé ce travail d'un mémoire favorable; il fut 
pris en considération et adopté conformément au rapport d'un ingé- 
nieur chargé d'en examiner sur les lieux le mérite. Des plans et 
devis détaillés de l'entreprise joints au projet permettaient de don- 
ner le premier coup de pioche aussitôt après l'accomplissement des 
formalités administratives. Il fut décidé qu'on irait vite. A rencontre 
du proverbe, M. Antoine allait donc être prophète en son pays. 
C'était en Juillet 1870. Trois semaines après éclatait la guerre. . . Au 
milieu des malheurs de cet hiver néfaste, et dans un tel déchaîne- 
ment de calamités, les infortunes privées ont passé inaperçues. Il 
en est pourtant d'irrémédiables, où les espérances les plus légitimes 
sombrent dans le désastre de la patrie ! Que reste- t-il à M. Antoine 
de ce couronnement d'une laborieuse et déjà longue carrière, et de 
travaux dont l'incontestable utilité lui eût assuré la reconnaissance 
de ses concitoyens ? Avec quelle tristesse ses yeux ne doivent-ils pas 
se porter journellement vers la silhouette des Vosges, dessinant sur 
l'horizon la frontière de la France mutilée ?» Sa conduite pendant 
la guerre fut des plus louables. Il avait, à la fin de septembre, conçu 
le projet d'aller faire sauter le tunnel de Lutzelbourg. L'expédition 
était approuvée, concertée avec l'autorité militaire, et tout semblait 
marcher à souhait ; mais il était trop tard ! On apprit que les Vosges 
venaient d'être envahies, et la défaite de Nompatelize fit abandonner 
cette idée patriotique. 

M. Antoine comptait parmi les plus dévoués philomates. Il, était 
entré au Comité le 25 Février 1883, par suite de la modification 
apportée à l'article 4 des Statuts qui portait à 12 au lieu de 8 le 
nombre des membres de ce Comité. Sa bonne volonté et son obli- 
geance étaient à toute épreuve, et, chaque fois que l'occasion se 
présentait d'avoir recours à ses services, il répondait à l'appel. 

Bien que Meusien de naissance, M. Eugène Richard n'en était 
pas moins Déodatien dans l'âme... Il était né à Bar-le-Duc le 
25 août 1825, mais il n'avait pas trois ans quand il vint à Saint-Dié 
d'où sa famille était originaire. Après quelques années passées à 
Sainte-Marie-aux-Mines et à Paris, il revint dans sa ville natale. 
Comme membre de la Commission administrative de l'hôpital, il 
rendit à cet établissement de nombreux et signalés services ; comme 



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- 363 - 

lieutenant de sapeurs-pompiers, il s'occupa très activement de l'ha- 
billement et de l'armement de la Compagnie. Pendant longtemps, il 
seconda avec le plus grand zèle et le plus vif entrain les travaux du 
Comice agricole en qualité de membre de la Commission des fêtes 
et du Jury voyageur. Ceux qui l'ont accompagné dans ces agréables 
tournées agricoles, se rappelleront toujours sa bonne humeur, sa 
complaisance, son ingéniosité. Son excellente mémoire le servait 
admirablement, et, dans la conversation, il savait fort à propos 
évoquer une foule de souvenirs qu'il racontait avec une verve des 
plus amusantes. Une bonne partie de son temps était consacrée à 
l'horticulture, et son petit jardin du parvis de la Cathédrale était 
tenu avec méthode, presque avec coquetterie. Nommé membre de 
notre Comité le 24 Février 1884, en remplacement de M. de Gol- 
béry, il a toujours pris part à ses travaux avec le plus grand intérêt 
et aussi assidûment que sa santé le lui permettait. Un accès de 
goutte, plus terrible que les précédents, l'enleva le 27 Octobre. 

Après avoir payé ce juste tribu d'éloges à nos deux excellents 
collègues, le Président propose l'admission de M. l'abbé Brabis, curé 
de Corcieux, présenté par M. H. Bardy. — Adopté. 

M. Laurent, architecte à Gérardmer, adresse ses remerciements 
pour sa nomination de membre de la Société. 

Le Président signale dans les derniers numéros du Bulletin des 
Sociétés artistiques de VEst les intéressantes notices de M. Gaston 
Save sur « le nouveau catalogue du musée de peinture de Nancy » 
et sur « les peintres verriers nancéens sous René IL » Il signale 
aussi, dans la Bévue encyclopédique de Larousse (n® 216, 23 Octo- 
bre 1897), un article de M. Ch. Maurras intitulé Nos Critiques^ dans 
lequel M. Ferd. Brunot est l'objet d'une étude toute à l'avantage de 
notre compatriote et collègue. 

Il est donné lecture de deux lettres de M. C. Cuny, de Pondichéry, 
annonçant un envoi pour le Musée, et de deux autres de M. l'abbé 
Jérôme, professeur, agrégé d'histoire au grand séminaire de Nancy, 
relatives à son Etude historique sur VAbhaye de Moyenmoutier, qu'il 
a bien voulu offrir à la Société pour son Bulletin. 

L'Académie des Lettres, Sciences, Arts et Agriculture de Metz 
adresse le programme de ses concours pour 1897-1898. 

Le Président propose au Comité de distraire chaque année de la 



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- 364 - 

caisse de la Société une somme d'environ 25 francs, qui sera destinée 
à offrir un prix au Collège de Saint-Dié. Ce sera un témoignage du 
vif intérêt que la Société philomatique porte à notre établissement 
municipal d'enseignement secondaire et aux études qui s'y font. 
Ce prix sera affecté à la classe de rhétorique, qui est celle dont les 
études ont le plus d'affinités, au point de vue de l'histoire et de la 
littérature, avec celles que doit encourager la Société. Il sera décerné, 
si toutefois le Comité veut bien agréer la proposition, dès la fin de 
la présente année scolaire. 

A l'unanimité, cette proposition est adoptée. Le Comité charge 
son Président d'informer M. le Principal du Collège de la décision 
qui vient d'être prise. 

Le Président entretient ses collègues de la découverte faite ces 
jours derniers dans le transept nord de la Cathédrale, au cours des 
travaux exécutés pour la construction d'un calorifère, et présente 
à l'appui deux superbes photographies prises par notre habile et 
zélé collègue, M. V. Franck. La pierre tombale mise au jour, et qui, 
retournée, servait de table à l'autel de la Vierge en son assomption, 
est celle d'un chanoine de l'insigne Église de Saint-Dié, Burnequin 
de Parroy, mort en 1369. L'inscription, en belles lettres gothiques, 
facile à lire, est ainsi conçue : 

f Ci : 0it : bmntHins • "àt • parravt • cï^anoxtntB i êc [ cï^atte ] be 
cean» • fijan ; & \ tï^tesoriers \ î>f i îxml l et i prftjost i «t P'urxe 
^t \ J\tmxrtm0vA \ qui ] ixtepawaxt \ ian • m i cccit • & xt 
Uiîbemai \ lb6 \ sU ': €tu'u \ ^ proits pour lui i 

Les dimensions de cette pierre tombale sont : 4">96x0"66. 

La famille de Parroy, une des plus illustres de la Lorraine au 
Moyen âge, tirait son nom d'une terre située non loin de Lunéville. 
Elle donna à l'église de Saint-Dié plusieurs dignitaires, dont trois 
nommés Burnequin. Celui qui nous occupe serait le deuxième. 

La trouvaille que Ton vient de faire est des plus intéressantes; 
cette curieuse dalle tumulaire mériterait, ainsi que le personnage 
qu'elle recouvrait, une étude sérieuse. 11 importe, dans tous les cas 
de la signaler ici, afin d'engager quelque érudit à l'entreprendre. 

Sur la demande du Président, M. de La Comble a bien voulu 
dresser un catalogue provisoire des plaques de cheminée (ou taques 



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de foyer) du Musée de Saint-Dié. Elles sont actuellement au nombre 
de 33. Quelques-unes sont très remarquables, d'autres fort rares. En 
suivant Tordre adopté par M. le baron de Rivières, on peut les ran- 
ger en trois catégories, d'après les sujets qu'elles représentent : 
!• Ancien Testament ; ^ Nouveau Testament ; 3^ Blasons. Dans 
cette dernière, le blason prime le sujet qui pourrait être représenté, 
quelle que soit d'ailleurs son importance. D'après cette classification, 
notre collection se décomposerait donc ainsi : 7 plaques dans la 
première catégorie; 4 dans la seconde et 19 dans la troisième. 3 ne 
rentrent dans aucune de ces séries. La plus ancienne (n® 18 du ca- 
talogue) est de 1577 et représente Jésus crucifié entre les deux lar- 
rons. Parmi les plus belles, on peut citer celle (n® 9) où l'on voit la 
scène du roi David et de Bethsabée; une autre (n® 22), très an- 
cienne, avec emblèmes guerriers et d'origine allemande; quatre, 
assez rares (n*»» 6, 10, 11 et 14), aux armes d'Anne-Charlotte d'Or- 
léans, régente de Lorraine; une très belle (n® 26) est aux armes 
d'Espagne et date très probablement du temps de Philippe IV. Au 
point de vue de l'intérêt local, il y a deux curieuses taques aux 
armes de Salm-Salm (n" 2 et 4), l'une de 1611, ofi'erte par M. Kauf- 
fer, maire de Moyenmoutier, l'autre de 1625, donnée par M. Valen- 
tin, de Senones. Il en faut encore citer une autre (n<» 17) portant les 
armoiries du monastère d'Ebersmiinster, en Alsace (de gueules à 
un sanglier au naturel debout, les défenses d'argent), associées à 
celles d'un des abbés, Edmond Fronhoffer (d'argent à un chameau 
passant de sable), qui gouverna de 1730 à 1771. Il est vivement à 
désirer de voir la collection des taques du Musée de Saint-Dié s'aug- 
menter. Dès maintenant, néanmoins, elle peut attirer l'attention des 
connaisseurs. 

Le Ck)mité remercie M. de La Comble du travail préliminaire qu'il 
a bien voulu faire. 

Notre collègue, M. A. Benoît, adresse une étude sur la princesse 
Louise de Salm et sur son testament, daté du 21 Avril 1723, en 
faveur du couvent de la Visitation de Nancy. 

Présents à la séance : MM. II. Bardy, René Ferry, A. Gérard, 
Mangeonjean, Châtelain, Franck, Picot, Genay et Gaudier. 



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- 366 - 



Séance du Comité du i2 Décembre 1897. 

Ouvrages reçus depuis la dernière réunion : 

Revue des Travaux scientifiques ^ n*»« 8 et 9 du tome XVII (1897). 

Bulletin de la Société helfortaine d* Émulation f n® 46 (1897). 

Mémoires de la Société d'Émulation du Jura, l»"" vol. (1895-1896), 
et 2c vol. (1897) de la 6« série. 

Bulletin de V Association philotechnique, ti? 7 et n**» 8, 9 et 10 (en 
une livr.) de 1897. 

Bulletin de la Société des Sciences naturelles de Saône-et-Loire, 
n« 7 (Juillet) et n« 10 (Octobre) de 1897. 

Bulletin de la Société des Amis des Sciences et Arts de Roche- 
chouart, n« 4 du tome VII (1897). 

Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie, tome XXIV 
(iaQ7-1898). 

Bulletin de la Société d'Horticulture et de Viticulture des Vosges, 
n<> 123 (Septembre-Octobre 1897). 

Comptes rendus des séances de la Société de Géographie {de Paris) 
no 15 (n® supplémentaire), Juillet-Octobre 1897. 

Journal de la Société d'Archéologie lorraiyie et du Musée historique 
lorrain, n°» 1, 2, 3, 4 et 11 de 1897. 

Bulletin de la Société lorraine de Photographie, n® 3 de la 4*^ an- 
née (1897). 

Le Cultivateur vosgien, n»» 45 et 46 de 1897. 

Le Bon Cultivateur, n»» 47, 48, 49 et 50 de 1897. 

Mémoires de VAcadémie de Metz, 1895-1896. 

Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, n^ 2 et n«« 3 et 4 
(en une livr.) du tome XI® (1897). 

Ergehnisse der Meteorologischen heohachtungen im Reichsland 
ElsasS'Lothringen im Jahre i805; grand in-4'* de 55 pag. 

La Feuille des Jeunes Naturalistes, n« de Décembre 1897. 

L Émulation, par M. L. Danguy; br. in-8o de 14 p. — Hommage 
de l'Auteur, membre de la < Société philomatique. » 

Compte rendu n^ 5 de la Revue « le Monde moderne. » Décem- 
bre 1897. 



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— 367 - 

Reigle des cinq Ordres d'Architecture de Af. Jacques Barozzio de 
Vignole (à Paris, chez Nicolas Bonnart, rue Saint-Jacques, à VAi- 
gle); cahier de 42 planches in-f*. — Don de M. Prosper Antoine. 

Antiquités de V Alsace ou Châteaux, Églises et autres monuments 
des départements du Haut et du Bas-Rhin, par de Golbéry et 
Schweighaeuser; 2 vol. in-f*, Mulhouse, lith. Engelraann, 1828. — 
Don du même. 

Le Président propose d'admettre en qualité de membres de la 
Société : MM. Bourcier, principal du Collège, et Martin, professeur 
de rhétorique, présentés par M. H. Bardy. 

Ces deux admissions sont prononcées. 

M. Paul Rochatte, industriel, envoie sa démission. 

Le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, par une 
circulaire en date du 6 Décembre courant, annonce que le Congrès 
des Sociétés savantes sera ouvert à la Sorbonne le 12 Avril pro- 
chain, et que ses travaux se poursuivront durant les journées des 
13, 14 et 15. Le Ministre présidera, le 16, la séance générale de clô- 
ture dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. 

Lettre de M. le Principal du Collège de Saint-Dié, qui adresse ses 
remerciements et ceux des professeurs pour la décision prise par 
le Comité dans sa dernière séance. 

M. Henri Bardy donne lecture de la note suivante, relative au 
BeUiccus Surhur, qui a déjà été l'objet de tant de dissertations : 

Ce fameux bas-rehef du Donon paraît devoir rester un problème 
insoluble. Malgré tout ce qu'ont pu écrire les érudits du siècle der- 
nier et de celui-ci, la question est encore pendante. On peut voir de 
quelles difficultés elle est entourée quand on lit le passage qui con- 
cerne ce « rébus vosgien, ^ selon l'heureuse expression de notre 
collègue M. Gaston Save, dans le savant et si complet travail du D"" 
0. Bechstein sur les Antiquités du Donon, On a cependant acquis la 
certitude que le premier animal, celui de gauche, n'est ni un loup, 
ni un chien, ni un bison, mais un lion ; et que le second n'est plus 
un sanglier ou un auroch, mais un taureau. C'est déjà quelque chose. 
Cependant la signification reste encore à trouver. 

Voici une explication qui, appliquée à cette antique sculpture, me 
semble digne d'être prise en considération. Elle m'est suggérée par 
un article de la Revue encyclopédique Larousse (n® du 18 Septem- 
bre 1897), signé Marc Saynat et intitulé : Les Symboles astronomiques 



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- 368 - 

de V Antiquité. Après avoir signalé les figures d'animaux reproduites 
par les peuples anciens sur leurs nionuments et leurs monnaies 
comme se rapportant à des conceptions astronomiques, cet auteur 
ajoute : « Sur un bas-relief (représentant la déesse Cybèle) qui se 
trouve au Musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg, et sur la frise 
sculptée au soubassement, on voit un taureau attaqué par un lion. 
On peut interpréter cela comme un symbole astronomique : le tau- 
reau, c'est l'équinoxe du printemps, c'est le début de Tannée. Le 
taureau et le lion qui l'attaque, c'est l'été succédant au printemps. 
Détail caractéristique, l'attitude du taureau, son genou plié, corres- 
pond exactement à la disposition des étoiles dans la constellation 
qui porte ce nom. Le combat des deux animaux symboliques a fré- 
quemment inspiré les artistes, et nous le retrouvons sur la bordure 
d'un bouclier provenant de l'île de Chypre. > 

L'attitude du taureau, avec un genou plié, ne semble pas devoir 
être obligatoire. Si elle est ainsi sur le bouclier de l'île de Chypre et 
sur le groupe de gauche de la frise du monument de Saint-Péters- 
bourg, elle ne l'est pas dans le groupe de droite de la même frise ni 
dans le bas-relief du Donon. D'autre part, il faut un certain effort 
d'imagination pour identifier la position de la jambe pliée à angle 
aigu du taureau avec le triangle scalène formé par les trois étoiles 
de la constellation du même nom, Âldébaran faisant, dans ce cas, 
la rotule. 

A mon sens, la jambe pliée indique simplement la défaite du tau- 
reau, symbole du printemps, s'affaissant sous Tattaque du lion ou 
de l'été, tandis que dans l'autre figuration on voit le bon marcher 
contre le taureau, qui l'attend tête baissée et de pied ferme. 

Cette attitude défensive est bien celle qu'indique la sculpture du 
Donon. Mais il n'était pas facile de s'en rendre compte alors qu'elle 
était en place, juchée sur un rocher élevé, et toute encroûtée de 
mousses ei de hchens. Il n'est guère plus facile actuellement d'en 
apprécier les formes, reléguée comme elle l'est dans une petite 
cour du Musée d'Epinal, encastrée dans un mur à la hauteur du 
premier étage et dans les plus fâcheuses conditions d'éclairage. 
Aussi dans son ouvrage déjà cité, M. Bechstein faisait-il remarquer 
combien une photographie fidèle de ce monument serait nécessaire. 
c Cette photographie, dit-il, ne sera possible qu'une fois le bas- 
relief exactement moulé en plâtre. » 

Notre habile photographe, M. Victor Franck, a su vaincre la dif- 
ficulté, sans avoir eu besoin de recourir au moulage. Du haut d'une 



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Bttîl. de la Soc. phiL vosg. 



1897-98. 




FiG. 1. 



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BiilL de la Soc. phi I. vosg. 



1897-98. 




FiG. II. - SUR UN BOUCLIER (Ile de Chypre). 




/<^'^i .-./•/ y^^*-'/. 



Fier. III. _ AU MUSMK I)K I/KRMITAGK (Saint- Pétersbnurir). 



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- 3e9 - 

échelle et bien en face, profitant d'un jour et d'une heure où la 
lumière était la plus convenable, M. Franck a pu prendre de fort 
bonnes épreuves, et c'est d'après un des clichés qu'il a bien voulu 
mettre à ma disposition qu'a été exécutée la photogravure jointe à 
cette note. 

La situation topographique et orographique de la montagne du 
Donon la prédestinait à être un centre de vie religieuse, et son 
sommet, d'où l'on découvre un immense horizon, à devenir un 
observatoire astronomique de premier ordre comme il est encore 
aujourd'hui un point trigonométrique important. Rien d'extraordi- 
naire si les anciennes peuplades du pays, préoccupées, comme 
toutes les populations primitives, de l'étude des astres et de leur 
symbolisme, y ont laissé des traces. Il n'est malheureusement resté, 
des conceptions astronomiques de ces lointaines époques, que le 
seul bas-relief qui porte cette singulière et incompréhensible éti- 
quette de BelUcus surbur^ et représente bien évidemment la lutte 
du printemps et de l'été. Peut-être y en avait-il encore trois se rap- 
portant aux autres saisons ? Peut-être les douze signes du zodiaque 
(les douze t maisons du Soleil ») étaient-ils gravés sur une série 
circulaire de rochers entourant le sommet de la montagne sacrée ? 
Bien vaste, mais bien problématique, est le champ des conjectu- 
res !.. . 

Ne découle-t-il pas de tout cela une explication plausible, qui 
pourrait être la véritable? Seulement, dans le cas particulier, notre 
taureau se tient droit sur ses jambes sans en plier une de devant, 
ce qui, comme je l'ai dit, ne paraît pas indispensable pour indiquer 
le symbolisme du combat des deux figures zodiacales. Mais alors il 
faut presque renoncer à deviner ce que signifient les deux mots 
Belliciis Surhur, Cette partie épigraphique du rébus subsiste donc 
pour exercer la sagacité des érudits de l'avenir. 

M. l'abbé Pierfitte adresse un document sur Le Collège de Neuf- 
château en il61. C'est un état des écoliers de ce collège placé sous 
la protection de l'Intendant de Lorraine et dirigé par des prêtres, 
MM. Vintrignier et Collenot. A défaut de renseignements sur les 
programmes, cette pièce en donne sur la quantité et la qualité des 
élèves qui fréquentaient les petits collèges d'alors. Le Comité estime 
qu'il y a lieu de la publier dans un prochain Bulletin. 

Présents à la séance : MM. Bardy, Châtelain, R. Ferry, Gaudier, 
Gérard, Franck, de La Comble, Mangeonjean, Picot et Genay. 

24 



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— 370 



Séance du Comité du i3 Février 1898, 

La Société a reçu, depuis la dernière séance du Ck)mité, les ou- 
vrages suivants : 

Revue des Travaux scientifiques, n®* 10 et 11 de 1896. 

Comptes rendus du Congrès des Sociétés savantes de Paris et des 
départements tenu à la Sorbonne en iSOl. — Section des Sciences, 
— Publication du Comité des travaux historiques et scientifiques. 

Mémoires de la Société nationale des Antiquaires de France pour 
i895; tome VI (G^ série), 1897. 

Bulletin de la même Société pour 1896. 

Mémoires et documents publiés par la môme Société : Mettensia, 
n» 1 (fondation Auguste Prost) 1897. 

Bulletin de la Société historique et archéologique de VOme, n*»* 2, 
3 et 4 de Tannée 1897 (tome XVI). 

Annales de la Société d*Êmulation du dépaHement des Vosges, 
1897. 

Annales du Musée Guimet, tome XXVI, 2° et 3° partie, 1897. 

Bidletin de la Société académique de Brest, tome XXII (2« série), 
année 1896-1897. 

Bulletin de la Société de Géographie, 3« trimestre 1897. 

Comptes rendus des séances de la même Société, n®» 16 et 17 (en 
une livr.), 18, 19 et 20 (en une livr.) de 1897. 

Bulletin historique de la Société des Antiquaires de la Morinie, 
3« fascicule du tome X (année 1897). 

Bulletin de la Société des Sciences de V Ouest de la France, 4® tri- 
mestre du tome VII (1897). 

Bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts de la Corrèze, 
4« livraison trimestrielle de 1897. 

Bulletin de la Société de Géographie de VEst, 4« trimestre de 1897. 

Bidletin de la Société des Amis des Sciences et Arts de Roche- 
chouart, n** 5 du tome VII (1897). 

Bulletin de la Société des Sciences naturelles de Saône-et-Loire, 
livr. n«« 11 et 12 de 1897 et 1^« de 1898. 

Revue d'Ardenne et d'Argonne, n°* 1 et 2 de la 5° année. 



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Bulletin de la Société lorraine de Photographie, n"* 4 de 1897 
(4« année). 

Bulletin des Sociétés artistiques de VEst, n^* de Décembre 1897, 
de Janvier (avec livr. supplénjentairej et de Février 1898. 

Bulletin- Revue de la Société d'Emulation et des Beaux-Arts du 
Bourbonnais, de Juillet à Décembre 1890 (en 5 livraisons), et de 
Janvier à Décembre 1897 (en 12 livr.) 

Bulletin de la Société d' Horticulture et de Viticulture des Vosges, 
n« 124 (Novembre-Décembre 1897). 

Annales de VEst, l™ livraison de 1898. 

Journal de la Société d'Archéologie lorraine, n^» 12 de Tannée 
1897 et 1 de 1898. 

Mélusine, n» 12 du tome VIII (Novembre-Décembre 1897). 

Bulletin du Musée historique de Mulhouse, tome XXI (année 1897). 

Analecta Bollandiana, fasc. IV du t. XVI (1897). 

c 0ns Hémecht, » année 1897 et les livraisons de Janvier et de 
Février 1898. 

Bulletin de la Société d'Art et d'Histoire du diocèse de Liège, 
tome X (2® partie). — - Chronique de la même Société, 6 livraisons 
(de Juillet à Décembre 1897). — Archives liégeoises, organe men- 
suel de la même Société, n^ 1 de 1898 {\^^ année). 

Neue Heidelberger JahrbiÀcher, 1897. 

Bulletin de la Société impériale des Naturalistes de Moscou, n^ 4 
de Tannée 1896 et n«> 1 de 1897. 

La Feuille des Jeunes Naturalistes, n*"» de Janvier et de Fé- 
vrier 1898. 

Le Cultivateur vosgien, n^» 47 (1897), 48, 49 et 49 bis (1898). 

Le Bon Cultivateur, n°» 51 et 52 de 1897, 1, 4, 5, 6 et 7 de 1898. 

L'Intermédiaire des Biologistes, paraissant le 5 et le 20 de chaque 
mois, no» 5 et 8 de la l*"* année (1897-1898). — Envoi à Tessai. 

La Revue Bleue (politique et littéraire), les quatre premiers nu- 
méros de Tannée 1898. — A Tessai. 

Le Musée a reçu : 

De M. Louis Nordon, un double cachet en cuivre, trouvé à Bour- 
bonne-les-Bains. 

De M. Bontemps, de Laveline, empreinte en cire noire du sceau 
de justice de la seigneurie de Taintrux. 



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Le Président propose d'admettre, comme membres de la Société, 
MM. l*abbé Jeandel, curé du Valtin, présenté par M. Louis Humbert; 
l'abbé Joseph-Prosper Antoine, curé de Balléville (canton de Ghâte- 
nois), présenté par M. l'abbé Pierfitte; Folliot. capitaine en retraite, 
présenté par M. Albert Gérard. 

Ces trois admissions sont prononcées. 

Sur la demande de son Comité d'inspection et d'achats de livres, 
la Bibliothèque communale de Remiremont est inscrite sur la liste 
des membres de la Société. 

MM. Louis Nordon, ancien négociant, et Joseph Humbert, ancien 
maire du Ban-de-Sapt, font parvenir leur démission. 

La Société archéologique et historique de VOrléanais a adressé une 
lettre-circulaire relative à la célébration du cinquantième anniver- 
saire de sa fondation. Cette solennité a eu lieu le 23 Janvier dernier, 
et notre Société, qui avait été conviée à y prendre part, n'a pu mal- 
heureusement, à cause de la grande distance, répondre à la gracieuse 
invitation de nos collègues d'Orléans. 

Le Président appelle l'attention sur l'empreinte du sceau remise 
par M. Bontemps. Ce sceau est orbiculaire, deO™048de diamètre; 
dans le champ les armes de la seigneurie de Taintrux : d'azur à 
fasce d'. . ., deux macles d'. . . en chef et une en pointe. L'écu, sup- 
porté par deux dragons, est surmonté d'une couronne de marquis. 
Au bas, banderolle avec les lettres F • E • D • G ' comme devise. 
Légende : 

SIGILLVM + lUSTITI^ + DOMINI + EX + TAINTRVX 

Notre cher collègue, M. le Baron Frédéric Seillière vient d'adresser 
à M. H. Bardy le résultat des recherches qu'il a faites à la Biblio- 
thèque nationale dans le volume de V Armoriai général de France de 
d'Hozier qui se rapporte à la Lorraine. Il a relevé les noms des per- 
sonnes et communautés se rattachant à Saint-Dié, au nombre d'une 
trentaine, avec le croquis des blasons et leur description héraldique. 
Ce sont des documents extrêmement intéressants pour l'histoire de 
Saint-Dié à la fin du XVn« siècle, et M. Bardy espère pouvoir en 
faire l'objet d'une notice pour le Bulletin. 

Le Comité remercie M. F. Seillière de sa précieuse collaboration. 
M. E. Picot demande qu'en témoignage de la reconnaissance de la 



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Société pour tous les services que ce collègue si dévoué ne cesse de 
lui rendre, le titre de membre honoraire lui soit décerné. Tous les 
membres présents applaudissent à cette motion, et il est décidé que 
la proposition en sera faite à l'Assemblée générale du 27 courant. 

Assistent à la séance : MM. Picot, R. Ferry, Gaudier, Châtelain, 
Franck, Genay et Gérard. 



Assemblée générale du 27 Février 1898. 

Aux termes de l'article 8 des Statuts, la Société philomatique se 
réunit en Assemblée générale à l'Hôtel de Ville de Saint-Dié, à 
deux heures de l'après-midi, sous la présidence d'honneur de 
M. Ottenheimer, sous-préfet de l'arrondissement. 

Après avoir déclaré la séance ouverte, M. le Sous-Préfet exprime 
tous ses regrets de ce que M. Henri Bardy, président de la Société, 
soit empêché d'assister à la réunion, et en quelques paroles aussi 
aimables qu'élogieuses félicite la Compagnie de ses intéressants et 
utiles travaux. 

M. Albert Gérard donne lecture du discours du Président : 

Messieurs et chers Collègues, 

Voici bientôt un quart de siècle que je viens chaque année, à cette 
époque, m'entrelenir avec vous de notre chère Association. 

Au début, je devais tout naturellement vous parler de l'utilité 
qu'il y avait, pour la région qui nous entoure, à mettre en bonne 
voie et à entretenir dans un état florissant une Société comme celle 
dont nous aurons dans un an à célébrer le 25° anniversaire. Je 
m'efforçais, autant que me le permettaient mes faibles moyens, de 
vous montrer qu'avec de la bonne volonté et un persistant esprit de 
solidarité, il serait plus facile qu'on ne le croyait de prime abord 
d'alimenter avec des travaux originaux un Bulletin annuel d'une 
certaine épaisseur. 

Ensuite, en vous rappelant les divers travaux publiés sur notre 
ville et ses environs, je vous faisais en quelque sorte toucher du 
doigt tout ce qui pouvait encore être étudié, et nous constations 
ensemble qu'à tous les points de vue, soit dans le domaine des 
sciences naturelles, soit dans celui des sciences historiques et ar- 



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chéologiques, il restait des sujets d'études en nombre très considé- 
rable, surtout en y ajoutant les applications scientifiques dans Tintérêt 
d'un pays où l'industrie ne cesse de s'étendre et de prospérer. 

Pour donner plus de précision à ses studieux projets, pour prou- 
ver par quelque chose de visible et de tangible qu'elle avait de 
l'avenir et qu'elle disposait de ressources pour arrivera un but utile, 
la Société philomatique créait un Musée qui, à l'heure qu'il est, a de 
l'importance, mais dont l'essora dû être forcément contenu faute de 
place. Il est véritablement pénible de songer que dans une ville 
comme la nôtre on ne soit pas encore arrivé, sous ce rapport, à une 
situation plus avantageuse. Mais il ne faut pas désespérer de l'avenir, 
et c'est faire acte de sagesse que de savoir attendre. 

L'an dernier, Messieurs et chers Collègues, je vous ai dit que la 
collection de notre Bulletin était déjà pour les érudits et les travail- 
leurs une abondante et précieuse mine de documents et de rensei- 
gnements de toute espèce sur les Vosges et une partie de la Lorraine. 
J'ajoute qu'elle le sera bien davantage dans la suite, et les futurs 
historiens lorrains ne pourront se dispenser de la consulter. 

Si j'msisle sur ce point, c'est que quelques personnes m'ont fait 
des observations à peu près analogues à celle-ci : mais quand vous 
aurez épuisé tout ce qui se rapporte au pays de Saint-Dié, que ferez- 
vous? Les sujets d'études ne vous manqueront-ils pas? Ne vous 
faudra-t-il pas aller les chercher plus loin, en dehors des Vosges? 

A cela. Messieurs, on peut hardiment répondre, en employant 
une locution familière mais juste, que nous avons pour de longues 
années encore du paui sur la playiche, chez nous ou tout près, sans 
porter nos pas et nos investigations en dehors du pays vosgien. 
N'avons- nous pas, en effet, dans notre domaine, et d'après les ter- 
mes mêmes des statuts de la Société, toute la région des Vosges? Et 
en nous exprimant ainsi, n'entendions-nous parler que du départe- 
ment auquel nos belles montagnes ont donné leur nom? Non, Mes- 
sieurs, nous n'avons pas seulement, comme champ de recherches 
et d'études, d'abord les deux arrondissements de Saint-Dié et de 
Remiremont, c'est-à-dire la Montagne; puis ce que l'on appelle la 
Plaine, et, enfin, la Vôge, Nous avons encore, plus près de nous, 
presqu'à portée de nos voix, des portions de cette chaîne des Vosges 
qui, bien que ne nous appartenant plus, hélas! n'ont pas cessé de 
nous être aussi chères que lorsqu'elles faisaient partie du patrimoine 
de la Patrie française. Non seulement le titre de Société philomati- 
que vosgiemie, donné à notre compagnie, mais encore les termes de 



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Tarticle 2 de nos statuts nous autorisent à considérer comme devant 
être comprise dans notre sphère d'action la chaîne des Vosges, dans 
toute sa largeur, aussi bien le versant lorrain que le versant alsacien. 

C'est donc, Messieurs, des vallées alsaciennes des Vosges que je 
désire vous entretenir aujourd'hui comme pouvant offrir des sujets 
d'études aussi nombreux que variés. Oh ! je sais parfaitement qu'on 
ne nous a pas attendus pour faire de semblables travaux. Ce n'est 
pas la docte et laborieuse Alsace qui aurait jamais négligé d'appro- 
fondir l'histoire de ces magnifiques vallées. Toutefois, nous osons 
espérer qu'après les savantes recherches archéologiques, historiques 
et scientifiques qui les concernent, il y aura pour nous à glaner 
encore quelque chose. Leurs destinées n'ont-elles pas été, à maintes 
reprises, confondues avec les nôtres? Nos annales et les leurs ne se 
sont-elles pas pénétrées mutuellement? Les abbayes de ce côté-ci 
des Vosges n'avaient-elles pas, de l'autre côté, d'assez vastes posses- 
sions, et par conséquent des intérêts communs? Le baillage de 
Saint-Dié ne s'étendait-il pas bien au-delà du col de Sainte-Marie, 
sur une importante portion de territoire? Vous voyez. Messieurs, 
qu'à l'Est comme à l'Ouest, la chaîne des Vosges est, au point de 
vue < philomatique, b de notre ressort. 

Qu'il me soit donc permis, mes chers collègues, de vous inviter à 
jeter avec moi un rapide coup d'œil sur cette superbe Alsace vos- 
gienne. Suivons, pour cela, la ligne de faîte du Sud au Nord, en 
commençant par le Ballon d'Alsace ou de Giromagny, que d'anciens 
titres du XVI® siècle appellent aussi der beffortisch Belchen. 

En abaissant nos regards, nous voyons à nos pieds la vallée supé- 
rieure de Massevaux, avec le réservoir de l'Alfeld, construit de 1884 
à 1888 pour les besoins industriels de la vallée, et le lac de Sewen. 
Non loin de ce lac en miniature, qui d'ici ne nous paraît guère plus 
grand que le creux de la main, il y a une église où se trouve une 
Vierge miraculeuse, qui fut jadis un but de pèlerinage très fréquenté. 
On y accourait de tous les pays environnants, et les populations de 
la vallée de la Haute-Moselle s'y rendaient processionnellement, 
malgré les chemins dangereusement escarpés. 

Nous sommes, au milieu de ces pâturages, sur les terres de 
l'abbaye de Remiremont. Ce célèbre monastère de dames nobles 
possédait à Hochstatt, près de Mulhouse, un domaine rural ou fief 
colonger, avec un château de campagne jouissant du droit d'asile. 
La maison colongère devait être bien close de tous côtés lorsqu'on 
y tenait justice. A l'entrée de la cour, une petite porte avec de forts 



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jambages devait rester ouverte, a afin que si quelqu'un en tuait un 
autre il puisse se réfugier dans la cour et y rester en sûreté pendant 
six semaines et deux jours, à charge par lui de s'adresser, dans 
l'intervalle, au seigneur censier et de lui demander l'asile. » Chaque 
année, le premier lundi après la Saint-Martin, jour de la séance 
colongère et pour la clôture des travaux champêtres, le maire offrait 
un bon repas auquel devait assister le seigneur censier et sa noble 
famille, fête véritablement agricole, comme celles de nos modernes 
comices, où régnait une franche gaîté, inspirée par d'abondantes 
distributions de vin blanc et de vin rouge, produits des riants coteaux 
de Didenheim et de Brunstatt. 

L'abbaye de Remiremont possédait dans le village de Wintzen- 
heim, non loin de Ck)lmar, une ferme ou « moitresse » d'un assez 
bon rapport; elle jouissait encore de certains droits sur les Hautes- 
Chaumes de Pairis. 

N'oublions pas de mentionner la belle route qui traverse le Ballon 
d'Alsace et qui, de la vallée de la Savoureuse, conduit dans celle de 
la Moselle; n'oublions pas surtout que cette route, avec sa pente 
très douce, ses nombreux et gracieux lacets, ses ponts si hardiment 
jetés sur de bruyantes cascades, ses aspects aussi variés que pitto- 
resques, est l'œuvre d'un ingénieur lorrain, M. de Clinohamp, qui 
l'a commencée vers 1740. 

Comme notre voyage sur les altitudes, semblable à ceux de Jules 
Verne, est quelque peu « extraordinaire » et des plus fantaisistes, 
faisons une gigantesque enjambée. Nous voici au col de Bramont, 
et, par conséquent, au-dessus du château de Wildenstein. Cotte 
forteresse appartient à l'histoire de Lorraine par le rôle qu'elle a 
joué pendant les guerres du duc Charles IV. Après la bataille de 
Watwiller, hvrée le 2 Mars 1634 par les Impériaux alliés aux Lorrains 
contre les Suédois unis aux Français, et où ceux-ci furent vain- 
queurs, le duc de Lorraine fit occuper Wildenstein, mais celte 
occupation fut de courte durée. Le 10 Août de la môme année, et 
après un siège de plus de deux mois, les Lorrains durent l'évacuer. 
Ils y furent remplacés par les Français du colonel de la Bloquerie, 
au nom du maréchal Caumont de la Force. 

Le duc Charles ne tarda pas à reprendre l'offensive. Au commen- 
cement de Juin 1635, il était en Alsace et se proposait de passer en 
Lorraine pour s'y rétablir par la force des armes; mais les défilés 
des Vosges étaient bien gardés. Seul, le passage par le col de Bra- 
mont pouvait être tenté. Charles envoya une petite troupe d'hommes 



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déterminés qui s'emparèrent par surprise du château, et lui-même 
profita de ce succès pour franchir la montagne. C'était pour les 
Lorrains un excellent poste que ce Burgstall, véritable « citadelle » 
qui gênait considérablement les Suédois. Aussi ces derniers voulu- 
rent-ils à toute force en finir avec ce nid d'aigle. Leur général en 
chef, baron Jean-Louis d'Erlach, s'en chargea, et, dans les premiers 
jours d'Avril 1644, il s'en approcha et fit monter quelques pièces de 
canon sur la montagne située à l'Est qui offrait une excellente posi- 
tion pour le tir. 

Les Lorrains, surpris à l'improviste comme l'avaient été les Fran- 
çais neuf ans auparavant, jugèrent la résistance impossible. Du 
reste, ils souffraient de la disette de vivres et de munitions. Profitant 
d'un moment favorable, ils sortirent et gagnèrent la montagne par 
les escarpements du Bockloch et de la I\oche-Taillée. 

Pour ne pas courir le risque de voir le Wildenstein retomber au 
pouvoir du duc de Lorraine, le baron d'Erlach le fit sauter le 14 Mai. 

Laissons, Messieurs, cet endroit si intéressant pour l'histoire des 
deux provinces et, rechaussant les bottes du Petit Poucet, transpor- 
tons-nous sur ces grands plateaux connus sous le nom de Hautes- 
Chaumes, d'où nous découvrons le Val-d'Orbey. Il y a, dans ces 
parages, et non loin du Lac Blanc que tous nos concitoyens con- 
naissent, un endroit ou hameau appelé le Blanc-Rupt. C'est là, 
dans une censé qui dépendait de l'ancienne abbaye cistercienne de 
Pairis ou Paris, située tout près, que naquit en 1437 Pierre de 
Blarru, le célèbre auteur de la Nancéïde. Du moins,, on l'a cru jus- 
que dans ces derniers temps où, épiloguant sur le sens à attribuer 
au mot Parisiensis dont le bon chanoine de Saint-Dié faisait suivre 
son nom, on a voulu lui donner une autre patrie. 

Autrefois, il paraissait hors de doute qu'il était bel et bien né au 
Blanc-Rupt, au Val d'Orbey. Pour les « Anciens, » l'auteur de la 
Nancéïde était Alsacien, presque Lorrain, puisque dans ce pays on 
ne parlait que le patois des Vosges, c'est-à-dire la langue d'oil, ou 
langue romane mêlée de celtique et d'un peu d'allemand. Telle est 
l'opinion de la plupart des savants de l'Alsace qui, comme Louis 
Levrault, Philippe de Golbéry, J. Liblin et P. Ristelhuber, ne peu- 
vent admettre que Parisiensis signifie autre chose que natif de 
Pairis, en allemand Péris et en latin du moyen-âge Paris, 

Les « Modernes, » comme Gh. Schmidt et A. Collignon, le font 
naître soit dans une localité voisine de Tlle-de- France, soit à Paris 
même, où il aurait, suivant eux, fait ses études de théologie et de 



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droit, et ne le font venir en Lorraine que vers 1475. Il aurait été, 
dit-on, un des plus joyeux « escholiers » de l'Université parisienne, 
grand ami du poète François Villon et Tun de ses plus fidèles com- 
pagnons de « nopces et festins. » 

On a prétendu qu'au 6« livre de son poème, Blarru se dit nette- 
ment Français. En se reportant au texte, on voit, en effet, qu'après 
avoir énuméré les villes d'Alsace et de Suisse qui vinrent au secours 
de René II, il dit « qu'il a pu omettre bien d'autres cités alliées 
dont un Français oublie facilement les noms germaniques, » 

quarum et gennanica Francum 

No}nina me fu (fiant 

Mais est-ce bien sûr que, par là, Blarru veuille dire qu'il est 
Français de France? Ne peut-on pas, comme l'a fait du reste son 
traducteur, Ferdinand Schûtz, qui a traduit carrément Francum par 
Lorrain, prétendre que le poète, en abordant ces noms tudesques, 
à prononciation si peu euphonique et surtout si intraduisibles, a 
voulu faire comprendre qu'il parlait mieux français qu'allemand. 

Vous voyez, Messieurs, que l'affirmation de sa nationalité n'est 
déjà pas si notte et si convaincante, et, quant à moi, je vous l'avoue 
en toute sincérité, j'aime mieux voir, dans Pierre de Blarru, un 
Alsacien-Lorrain, glorifiant avec le patriotisme le plus pur l'éclatante 
victoire de son souverain sur un redoutable et puissant rival, plutôt 
qu'un aventurier, ancien étudiant parisien, ami du gay sçavoir et 
des franches lippées, échoué en Lorraine on ne sait ni comment ni 
pourquoi. 

Je forcerai même la note en disant que je le considère presque 
comme un Déodatien, puisque les possessions du Chapitre dont il 
était membre s'étendaient sur maints endroits de cette partie du 
versant oriental des Vosges, où il naquit. J'ajouterai — mais ceci. 
Messieurs, est une supposition qui m'est personnelle — que je crois 
qu'il pénétra, jeune encore, en Lorraine par Saint-Dié. 

Il avait seize ans quand, en 1453, l'abbaye de Pairis pillée, ruinée 
neuf ans auparavant par les Armagnacs, fut attachée, comme 
prieuré, à l'abbaye de Maulbronn, en Wurtemberg. Voulant se vouer 
à l'état ecclésiastique, éprouva-t-il quelque contrariété en songeant 
que, peu familiarisé avec la langue allemande, il lui serait plus 
difficile de continuer ses études avec des religieux venant d'outre- 
Rhin? Survint-il, par suite de cet événement, qui dût avoir son 
contre-coup dans la vallée, des changements de nature à influencer 



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son avenir? On ne sait; mais, en l'absence de tout renseignement, 
est-il donc si téméraire de supposer qu'il passa de ce côté-ci des 
Vosges, comme le firent un peu plus tard Mathias Ringmann et 
Martin Waldseemûller, pour cherclier auprès de nos monastères 
l'instruction dont il avait besoin? Il me semble qu'il y a, pour 
appuyer cette hypothèse, moins de frais d'imagination qu'il n'en faut 
pour soutenir celle qui consiste à faire venir Blarru, à l'âge de 
trente-huit ans, de l'Ile-de-France en lorraine. 

Après cette longue station en face d'Orbey et du Lac Blanc, des- 
cendons au col du Bonhomme. Là, nous évoquerons le souvenir du 
saint fondateur de notre ville. C'est par ce chemin, dit la légende, 
que saint Dié franchit les Vosges pour se rendre dans la vallée de 
la Haute-Meurthe et bâtir le monastère des Jointures. Le village du 
Bonhomme doit à ce saint son nom allemand de Diedelshausen, 
parce qu'il y avait séjourné un certain temps avant de s'engager 
dans les épaisses et sombres forêts qui couvraient alors le pays. 

L'Alsace a conservé de lui de nombreux souvenirs : à Ebers- 
munster, à Hunawihr, à Breitenau dans le Val de Ville, à Haslach aux 
environs de Molsheim. Mais c'est surtout dans une localité nommée 
Wilra, dont l'emplacement n'a pu être déterminé au juste, que notre 
saint séjourna le plus longtemps. Doit-elle être cherchée dans le Val 
de Ville, à cause de l'analogie du nom allemand Weiler avec Wilra, 
ou à Katzenthal, au canton de Kaysersberg, ou, tout près de là, à 
Ammerschwyr? Dans tous les cas, ce dernier endroit a beaucoup de 
chances d'être le véritable : une ancienne chapelle dédiée à saint Dié; 
une fontaine portant le nom de Heilighronn, et le ruisseau qui en 
découle nommé Diedolsbach ou Dietelshach, plaident en sa faveur. 

Puisque nous en sommes. Messieurs et chers Collègues, à ces 
légendes de saints, qui remontent à l'époque du duché mérovin- 
gien d'Alsace, rappelons ''épisode de la vie de sainte Odile qui se 
rapporte à son baptême. Il y a là une question qui constitue un 
problème historique, pas encore résolu, et qui nous intéresse au 
point de vue local. On sait qu'Odile naquit aveugle dans la villa 
d'Obernai. Le duc Ethicon attendait un fils. Furieux d'être ainsi 
déçu, il ordonna la mort de l'enfant; mais le cœur de sa mère 
Berswinde veillait sur elle. Confiée à une nourrice, elle fut emme- 
née et cachée d'abord dans un lieu sauvage situé, dit-on, près de 
Scherwiller. Puis, comme les sicaires du duc franck étaient à crain- 
dre, la fidèle servante alla la dé[)0ser dans le monastère de Palme, 
retraite plus éloignée et plus sûre. 



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Ici, cesse l'accord des hagiographes. Quel était cet asile? Les uns 
le placent à Baume-les-Dames, en Bourgogne; les autres tout près 
de nous, à Moyenmoutier. Quoiqu'il en soit, saint Erhard et saint 
Hidulphe, deux frères, le premier chor-évêque, le second abbé de 
Moyenmoutier, vinrent un jour dans ce monastère de Palme pour y 
administrer les sacrements, et, y trouvant la fille du duc d'Alsace, 
ils veulent la baptiser. L'un d'eux la présente aux fonts baptismaux, 
l'autre lui verse l'onde régénératrice et, en vouant son âme à la 
lumière de la foi, les deux prélats obtiennent de Dieu que ses yeux 
s'ouvrent à la lumière du jour. 

Ne vous semble-t-il pas. Messieurs, que l'intervention de l'abbé 
vosgien et de son frère nous autorise, à rencontre de l'abbé Grandi- 
dier, le savant historien des Evoques de Strasbourg, et malgré un 
bas-relief, relativement moderne, de Hohenbourg, à admettre l'opi- 
nion de Dom Belhomme, abbé et annaliste de Moyenmoutier, qui 
prétend garder pour son monastère l'honneur d'avoir initié la vierge 
alsacienne à la vie religieuse. Du reste, je vous citerai tout-à-l'heure 
un fait qui milite en faveur de cet avis. 

Je vous disais. Messieurs, que nos maisons religieuses avaient en 
Alsace de nombreuses possessions en biens immeubles. Le Chapitre 
de Saint-Dié en avait à Sigolsheim, à Katzenthal, à Ingersheim, à 
Sundhofen, à Guémar, à Hunawihr, à Mittelwihr, à Grussenheim, à 
Guémar et à Festum ou Fôte au ban de La Baroche. 

L'abbaye de Moyenmoutier posséda longtemps la ville de Bergheim 
et le château de Reichenberg, situé au-dessus. Mais elle était pro- 
priétaire d'une bien plus grande étendue de territoire. Le duc 
d'Alsace Etichon, revenu à des sentiments moins barbares et plus 
chrétiens, lui avait donné tout le Val de Ville en reconnaissance de 
ce que son pieux fondateur, saint Hidulphe, avait rendu la vue à sa 
fille Odile. Plus tard, le duc de I/)rraine, s'étant fait céder par le roi 
Lothaire l'advocatie de l'abbaye, s'appropria une partie des biens 
qu'elle possédait dans le val. Ne trouvez-vous pas, Messieurs, que 
cette munificence du duc Ethicon plaide considérablement en faveur 
de ce monastère comme devant être, plutôt que celui de Palme ou 
Balme, en Franche-Comté de Bourgogne, le véritable Palme dont 
parle la légende hagiographique de la patronne de l'Alsace ? 

Le célèbre monastère d'Andlau, qui eut avec celui d'Étival, à 
l'époque de l'impératrice Richarde, femme de Gharles-le-Gros, tant 
et de si importantes relations, nous intéresse aussi tout spécia- 
lement. 



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- 38t - 

Sautons maintenant du col du Bonhomme, d'où nous avons porté 
nos regards à d'assez grandes distances, à celui de Sainle-Marie- 
aux-Mines. Les membres de la Société philomatique pourront s'y 
trouver à l'aise, car ils y seront en pleine histoire locale, presqu'en 
pays lorrain. Nulle part, le long de la chaîne des Vosges, la Lorraine 
ne s'est autant avancée en Alsace qu'en cet endroit ; elle y formait 
une enclave. 

Dès les temps les plus anciens, les possessions de nos ducs y 
étaient considérables. Dans ces montagnes, ils tenaient en fief plu- 
sieurs châteaux et étaient propriétaires de quelques autres. C'est 
ainsi que, vers le milieu du XIII^ siècle, le 5 landgraves d'Alsace 
relevaient d'eux pour le fameux château de Hohenkœnigsbourg, 
auquel les chartes lorraines d'investiture donnent le nom patois 
d^Estuphin, provenant de Staufen. Au pied de ce grandiose manoir, 
Saint-Hippolyte fut, à plusieurs reprises, une seigneurie lorraine. 
Mais c'est à Sainte-Marie que nous trouvons le plus de souvenirs. 

Dès 1078, Thierry, duc de Lorraine, donna les dîmes de Sainte- 
Marie et de Saint-Biaise au monastère de Liepvre, et ses successeurs, 
en ayant obtenu l'advocatie, devinrent peu à peu maîtres de toute la 
vallée. Une partie de Sainte-Marie se trouvait soumise à leur domina- 
tion, tandis que l'autre partie appartenait aux sires de Ribeaupierre. 
La Liepvrette séparait les deux possessions. Au nord, c'est-à-dire 
sur la rive gauche, on était en Lorraine et on y parlait français; de 
l'autre côté de la rivière, on était en Alsace et l'on n'y comprenait 
que l'allemand. C'était un contraste des plus curieux, qui a subsisté 
jusqu'à la Révolution. 

Du reste. Messieurs, vous devez être frappés de cette particula- 
rité : c'est que du col du Bonhomme jusqu'à celui de Sainte-Marie 
et de là au Donon, il y a une quantité de noms de lieux d'origine 
française sur le versant alsacien. C'est ce que fait remarquer notre 
excellent collègue, le docteur Fournier, dans un travail tout récent : 
€ Du Louchpach au Donon, dit-il, c'est le français que l'on a tou- 
jours parlé sur ce côté d'Alsace; des noms de lieux comme La 
Baroche, Orbey, Le Bonhomme, Les Bagenelles, Urbeys, Steige, 
SaulxureSy Saint-Biaise, Plaine, Fouday, La Broque, Grandfontaine, 
Ban-de-la-Roche, etc. ; des noms de montagnes, comme la Tète-des- 
Héraux, Solamont, Climont, Voyemont, Hautes- Chaumes, la Cor- 
beille, le Donon, nous démontrent bien que, sur ce versant alsacien 
des Vosges, on ne trouve guère de noms d'origine allemande. » 

Permettez-moi, Messieurs, de vous citer encore deux vieux châ- 



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- 382 - 

teaux qui ont été quelque peu mêlés à notre histoire locale. C'est 
le château de Bilstein, près d*Aubure, et celui de Bernstein, à quinze 
minutes de Dambach. Ces ruines nous rappellent un des plus dra- 
matiques épisodes des annales déodatiennes. Vous connaissez la 
lugubre histoire du grand-prévôt Maherus ou Maheu, dont la vie 
scandaleuse, éhontée, était l'opprobre de la noble maison de Lor- 
raine. Son frère BYédéric lïl résolut de le châtier. Il se rendit à 
Saint-Dié, Texpulsa de sa maison, qu*il fit raser, et, s*emparant de 
la fille avec laquelle il vivait, et qui était sa propre fille, il la fit 
enfermer au château de Bernstein. Maherus, sans feu ni lieu, se 
construisit sur le Glermont un repaire qui commandait la vallée de 
la Meurthe et celle de la Belle, d'où il exerça dans tout le pays un 
brigandage effréné à la tète d'une bande de vauriens de la pire 
espèce. Mais en 1206, après la destruction de sa forteresse, vrai nid 
de vautours, par les princes lorrains, Maherus, sans asile, proscrit, 
traqué comme une bète fauve, se réfugia pendant un certain temps 
au château de Bilstein, dans un des endroits des Vosges les plus 
inabordables, pour revenir ensuite à Saint-Dié recommencer sa vie 
déréglée et commettre de nouveaux crimes. 

Je dois mentionner aussi le château de Thanvillé qui, malgré son 
aspect moderne et son air de grosse ferme plutôt que de manoir 
féodal, n'en remonte pas moins à une époque très reculée. Dès la 
fin du Xle siècle, les ducs de Lorraine le firent construire sur un 
terrain donné à l'abbaye de Moyenmoutier par le duc Etichon. Dans 
la suite, ces ducs le donnèrent en fief à différents seigneurs. 

Encore une enjambée. Messieurs; ce sera la dernière. Nous voici 
au sommet du Donon, en vrai pays lorrain. Vous savez que cette 
montagne est de notre domaine, et notre Bulletin en a souvent 
parlé. C'est que ses antiquités ont singulièrement excité la curiosité 
des archéologues et des érudits, exercé leur sagacité, provoqué de 
leur part mille hypothèses ; elles ont même inspiré des romanciers 
et des poètes. Temple, bas-reliefs, inscriptions, colonne, fragments 
architecturaux ont été des sujets de dissertations savantes. Le fa- 
meux Bellicus Surhur, à lui seul, a plus intrigué que tout le reste 
ensemble. Si les deux animaux zodiacaux, le Uon et le taureau, font 
do ce relief un symbole astronomique, l'inscription placée à leurs 
pieds n'en reste pas moins une énigme qui attend encore son Œdipe. 

C'est sur cette montagne, sanctuaire de nos ancêtres celtes et 
gallo-romains, que nous terminerons cette excursion à vol d'oiseau. 

Nous avons vu, Messieurs, bien des localités historiques, bien des 



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~ 383 — 

ruines. Quelques-unes ont encore fière mine et imposante appa- 
rence; beaucoup d'autres ne sont plus que d'insignifiants débris? 
mais toutes sont remplies de souvenirs. Quelles qu'elles soient, ces 
ruines donnent au paysage un pittoresque incomparable, un charme 
séduisant, une grâce infinie, un aspect éminemment suggestif. Elles 
font revivre le passé, racontent Thistoire du pays, évoquent les 
vieilles légendes. On a trouvé bon, non seulement de ne plus les 
détruire, mais de les conserver, de les consolider, de les restaurer, 
de rechercher sous la poussière des archives les documents qui les 
concernent, afin de pouvoir les étudier à fond. La Société pour la 
conservation des Monuments historiques d* Alsace, dont j'ai eu l'hon- 
neur d'être un des premiers membres et collaborateurs, est née de 
cette patriotique pensée, de ce pieux sentiment et de ce culte res- 
pectable pour ce que nous ont laissé ceux qui nous ont précédés, et 
qui, eux aussi, ont connu des jours de gloire et d'abaissement, des 
périodes de splendeur et de tristesse. 

A la Société philomatique incombe également le soin de sauver de 
la destruction et de l'oubli tout ce qui concerne le passé du pays 
vosgien. Nous devons nous inspirer de la devise, si expressive dans 
sa concision, d'une de nos Sociétés correspondantes : Servare et 
augere, conserver et accroître, et mettre à profit cette autre, non 
moins éloquente : Dispersa congrega, congregata conserva, rassem- 
ble ce qui est disper.-é, conserve ce qui est rassemblé, devise qui 
peut aussi bien s'appliquer à notre Bulletin qu'à notre Musée. 

Il faut donc, mes chers Collègues, par nos recherches, par nos 
études, par nos travaux, propager et inculquer dans nos populations 
le respect des ancêtres et de ce qui reste d'eux, de ce qui aide à 
connaître leurs luttes et leurs passions, leurs institutions et leur foi 
poUtique et religieuse, afin de pouvoir écrire leur histoire et perpé- 
tuer leur mémoire. Mais il nous faut surtout contribuer, pour notre 
faible part, à éviter aux nouvelles générations, mieux instruites et 
plus policées, la honte de retomber dans la folie de destruction qui 
a saisi celle de la fin du siècle dernier, où furent anéantis tant de 
superbes monuments, tant de précieux documents, tant de trésors 
artistiques, et cela d'une manière réglée, méthodique, systématique, 
ordonnée par les pouvoirs publics et exécutée sous la surveillance 
des autorités locales. 

N'insistons pas, mes chers Collègues, sur cette époque lamentable 
de notre histoire. Ayons foi dans l'avenir I Ne craignons ni les 
mécontents, ni les impatients, ni les envieux; ne nous préoccupons 



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- 384 - 

des critiqueurs que si, dans leurs censures, nous pouvons démêler 
quelque chose d'utile à nous approprier, et faisons en sorte que les 
indifférents d'aujourd'hui deviennent les zélés de demain. De cette 
façon, noire chère Société poursuivra sa marche progressive, et 
grâce à votre bonne volonté, à vos sympathies, à l'esprit d'associa- 
tion qui soutieat et réchauffe, aux efforts que l'initiative privée sus- 
citera à chacun de nous, elle ranimera la vie provinciale, étouffée 
par un système centralisateur poussé à outrance. 

M. René Ferry, secrétaire, rend compte de la situation morale 
de la Société : 

Le nombre des membres de notre Société se serait à peu près 
maintenu au même niveau, si l'on considère le chiffre des admis- 
sions qui a été de 12 et celui des radiations et démissions qui a été 
de 10. Mais la mort nous a, cette année, enlevé il de nos collègues : 

MM. Rusch Jean-Baptiste, notaire à Sainte-Croix-aux-Mines; 
Brocard (23 Avril 1897); Alfred Adam (2 Mai); Auguste Hugueny 
père (31 Mai) ; P. de Tissol (10 Juin); Herry (23 Juillet); P. Antoine 
(19 Octobre); E. Richard (27 Octobre); Henri Michel (25 Novembre); 
M. l'abbé Leroy, curé d'Archettes (9 Février 1898); A. Benoit, de 
Berthelming (15 Février 1898). 

Nous devons tout spécialement un suprême adieu à nos deux 
collègues du Comité : MM. Antoine et Richard. Le premier faisait 
partie du Comité d'administration depuis plus de quinze ans, et 
très assidu à assister à ses réunions mensuelles, s'est montré 
toujours très dévoué et prêt à rendre tous les services qui lui 
étaient demandés dans l'intérêt de l'association. M. Richard entra 
au Comité une année plus tard, et fit preuve d'un zèle et d'un atta- 
chement non moins sincères à notre œuvre. Ils emportent tous 
nos regrets ! 

Celui dont le nom dot cette liste funèbre, nous a été enlevé tout 
récemment, il y a quinze jours à peine. Vous connaissez tous 
M. Arthur Benoît, de Berthelming, dont la collaboration à notre 
Bulletin a été si active et si régulière. Cet érudit lotharingiste, si 
connu et si estimé, bibliophile passionné, grand collectionneur d'es- 
tampes, d'ex-libris, de plaques de cheminée, de curiosités de toutes 
sortes, sera regretté de beaucoup de personnes en Lorraine et en 
Alsace. Désormais, vous ne verrez plus de ses intéressantes notices 
dans le BuUetin; mais, du moins, vous pourrez encore lire dans 



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— 385 - 

celui de cette année, un excellent travail sur VAbbaye de Haute- 
Seille, au comté de Salm. 

Plusieurs membres de la Société ont été l'objet de distinctions 
bonorifiqaes : ce sont MM. P. Bœgner, préfet du Loiret, élevé au 
grade de Commandeur de la Légion d'Honneur; Maxe-Werly, Che- 
valier; Roth, Officier de l'Instruction publique; Duceux, Boucker, 
D'Gb. Raoult (de Raon-rÉta|>e), Ch. Spilz (de Bruyères), Officiers 
d'Académie. 

Par arrêté ministériel en date du 30 Mars 1897, rendu sur la proposi- 
tion du Comité des travaux historiques et scientifiques, notre Président 
a été nommé Correspondant du Ministère de V Instruction publique. 
Nous prions notre Président et nos collègues d'agréer nos cor- 
diales félicitations. 

Parmi les communications faites aux réunions du Comité, je cite- 
rai plus particulièrement celle qui concerne la collection de taques 
ou plaques de cheminées de notre Musée. Un catalogue en a été 
dressé par les soins de notre vice-président, M. de La Comble. Cette 
collection, composée de 33 pièces seulement, est néanmoins fort 
intéressante par la beauté et la rareté de quelques-unes d'entre elles* 
Ces plaques, rangées d'après l'ordre adopté par M. le baron de Ri- 
vières, décrites avec soin en interprétant les sujets et les blasons, 
pourraient faire l'objet d'un curieux travail. Plusieurs ont pour nous 
un grand intérêt, notamment les deux aux armes de Salm, l'une de 
4610 et l'autre de 1625, et celle de l'abbaye de Bénédictins d'Ebers- 
munster, aux armes de l'abbé Edmond Fronhoffer (1730-1771). 

Une seconde communication se rapporte à une vieille pierre tom- 
bale, non pas découverte mais retrouvée dans la Cathédrale de Saint- 
Dié pendant les travaux exécutés pour la construction d'un calorifère. 
Cette tombe est celle d'un ancien chanoine, Bumekin de Paroye^ 
chantre, qui mourut en 1369, et sur lequel vous trouverez dans le 
procès-verbal de la séance du Comité du 14 Novembre dernier quel- 
ques renseignements. — A l'appui de cette communication, nous 
devons au zèle de notre dévoué collègue, M. Franck, deux superbes 
photographies prises au moment de cette importante trouvaille. 

Vous approuverez sans doute la fondation que votre Comité a dé- 
cidée, d'un prix à décerner chaque année aux élèves de la classe de 
rhétorique du Collège de Saint-Dié. Nous avons voulu marquer 
ainsi l'intérêt que nous prenons à la prospérité de notre Collège et 
aux succès futurs que ses élèves ne peuvent manquer de remporter 
grâce aux soins éclairés des maUres qui en dirigent l'enseignement. 

25 



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- 386 - 

M. Albert Gérard, trésorier, présente ensuite l'état financier de 

l'Association : 

RECETTES 

Au 28 Février 1897, il existait en Caisse 3.103 65 

Allocation du Conseil général 200 i> 

— de la Ville de Saint-Dié 200 »> 

Cotisations de 374 membres 1.870 i> 

Vente de Bulletins des années précédentes 20 >> 

Intérêts de l'argent déposé à la banque Caël 55 25 

Total 5.448 90 

DÉPENSES 

Assurance du Mobilier et des Collections à la Com- 
pagnie Le Soleil 34 25 

Impression du Bulletin 1.775 70 

Photogravures Barbier et Paulin (Bulletin de 1896). . 68 05 

Phototypies Royer (Bulletin de 1898) 53 50 

Envoi du Bulletin aux Sociétés correspondantes hors 

de France 27 60 

Envoi du Bulletin aux Sociétaires hors Saint-Dié. . . 76 80 
Change, commission à la banque et frais de recou- 
vrement des cotisations 46 15 

Achat du dictionnaire biographique des Vosges ... 10 40 
Payé à M. Ulrich, pour surveillance du Musée les 

jours d'ouverture au public 24 i» 

Payé à l'appariteur municipal, pour port du Bulletin 

et lettres à domicile 30 »» 

Payé au concierge de l'Hôtel de Ville, pour entretien 

des salles du Musée pendant l'année 20 »» 

Ports de lettres et frais divers au Président et au Tré- 
sorier 18 45 

Total 2.184 90 

Solde en Caisse au 27 Février 1898 3.264 » 

Somme égale 5.448 90 

En suite de la décision prise par le Comité, dans sa séance du 

13 Février courant, le Président propose à l'Assemblée de vouloir 
bien conférer, d'après l'art. 5, § 3 des Statuts, le titre de membre 
honoraire de la Société à M. le baron Frédéric Seiilière. 



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— 387 - 

Le Président fait coDnaitre les différents titres qui motivent ce 
témoignage d'estime et de sympathie, et la Société adopte, par ac- 
clamation, la proposition qui lui est faite. 

En conséquence, M. le baron F. Seillière est proclamé membre 
honoraire de la Société philomatique vosgienne. 

Il est procédé à l'élection du Comité d'administration pour l'année 
1898-1899. Les membres sortants sont réélus. MM. A. Jung, lieu- 
tenant-colonel de la territoriale, et Mathieu Bardy, pharmacien, 
sont nommés en remplacement de MM. P. Antoine et E. Richard, 
décèdes. 



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LISTE 
DBS MEMBRES DE Li SOCIÉTÉ PHILOMimOB 

ADMINISTRATION 



PRÉSIDENT d'honneur 

Le Maire de la Ville de Saint-Dié. 

COMITÉ d'administration 
MM. 

H. Bardy |#, Pharmacien honoraire, Correspondailt da Niait*» 

tëre de l'Instruction publique, Président. 
De La Comblb, Receveur particulier des Finances ert retriite^ 

Vice- Président. 
René Ferry, Docteur en Droit et en Médecine, SecrétairSé 
Albert Gérard , \vocat » Docteur en Droit, TrisorUr-A rAimstê^ 
Paul Gaudier, Pharmacien. 
CflATBLAiN, Conservateur des Forêts en retraite. 
Mangeonjean ^ I O» Inspecteur primaire honoraire. 
Victor Franck, Photographe. 

Ernest Picot ^ o, ancien Commandant du Génie. 
Gbnay O, Professeur au Collège. 

JofiG ^. Lieutenant-Colonel du 143® Régiment territorith 
Mathieu Bardy, Pharmacien. 

MEMBRES HONORAIRES 



TAbbé CoLLiN, Chanoine honoraire, ancien Aumônier da 
Lycée de Saint-Denis (Ile de la Réunion), à Saulcy- 
sur-Meurthe. 



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— 390 — 
MM. 

Lebrun, Architecte à Lunéville. 
Save Gaston, Artiste Peintre. 

Seilliérb Frédéric (Baron), Ingénieur civil, 41, avenue de 
TAIma, Paris. 

MEMBRES CORRESPONDANTS 

MM. 

Beauyois, E., à Corberon (Gôte-d'Or). 

Voulût Félix, Conservateur du Musée départemental des 

Vosges, à Epinal. 
BicHAT E. ^, Professeur de Physique à la Faculté des Sciences 

de Nancy. 
L. Maxb-Wbrly ^, Membre de la Société des Antiquaires de 

France, à Paris, rue de Rennes, 61. 
J. MiNSMEa, Capitaine au 142® de Ligne, à Montpellier. 
Frank H. Mason, CoqsuI général des Etals-Unis, è Francfort- 

sur-le-Mein. 

MEMBRES TITULAIRES ('> 

MM. 

Adam Lucien, Avocat. 

Algan Henri, Inspecteur des Forêts à Gap (Hautes- Alpes). 

Amos (le Général) C. ^, à La Neuveville-les-Raon. 

Amos Paul, Industriel à La Neuveville-les-Raon. 

Andrbz-Brajon Charles, Négociant. 

Andrez Eugène, Négociant. 

Antoine (FAbbé), curé de Balléville. 

(1) Les personnes dont le nom n'est suivi d'aucune indication de lieu, ont leur 
résidence à Saint-Dié. 



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- 391 — 



Apte Loais, Négociant à Baccarat. 
AsHER A., Libraire» UnterlindeD^ 115, Berlin. 
Babedx, Avocat. 

Baldbmspergbr Fernand, Agrégé de TUniversité. 
Baquuet, Agent d'Assurances. 

Bardy Henri 0, Membre de la Société de Pharmacie de Paris. 
Bardy Mathieu, Pharmacien, ex- Préparateur à TEcole supé- 
rieure de Pharmacie de Nancy: 
Bardy Victor |#, Docteur en Médecine à Belfort. 
Barthélémy Paul, Architecte. 
Bazb Hubert, ancien Maire de Moyenmoutier. 
Bazblairb de Lesseux (de) Octave, Propriétaire. 
Bazelaire de Lesseux (de) William. 

Bazbuirb db RuppiERRE (de), Percepteur en retraite, à Nancy. 
Bazelaire (de) Léonie (Mademoiselle). 
Bazeuire (l'Abbé Maurice de). Secrétaire général de TEvéché. 
Bbdo Félix, ancien Greffier du Juge de Paix. 
Bel Jean, Menuisier. 

Bénard Louis, ancien Directeur de TUsine à Gaz. 
Benoit Paul, Ingénieur en chef des Mines en retraite. 
Bernard Charles, Secrétaire du Chemin de fer à Senones. 
Bernard de Jandin, ancien Magistrat à Nancy. 
Bertrand Victor, Employé. 

Bibliothèque de la ville de Golmar (M. Valtz, bibliothécaire). 

Bibliothèque publique d'Épinal (M. Douillet I O, bibliothéc.) 

— de Remiremont (M. Denis, bibliothéc.) 

Bibliothèque scolaire de Gemaingoutle (M. Schœndorff, institut^*) 

— d'Hurbache (M. Leblond, instituteur). 

— de Provenchères (M. Démange, institut^). 

— de Saint-Michel (M. Haouy, instituteur). 

— du Valtin (M. Rattaire, instituteur). 



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— 392 — 
MM. 

Bibliothèque scolaire de Wisembach (M. Lorrain, insUiuteur). 

BicHELBERGER Paul ^, Gérant de Papeteries à ÉtivaK 

BizBMONT (vicomte Arthur de), ancien Chef d'Escadron de Ca- 
valerie, au Tremblois» par Bouxières-aux-Chénes. 

Blaise Eugénie (Mademoiselle). 

Blecb Ernest, Manufacturier à Sainte-Marieaux-Mines. 

Blech Emile, Manufacturier. 

Blech Emile fils, Ingénieur.des Arts et Manufactures. 

Blech Georges, Apprêt eur de Tissus. 

Blondin Albert 0. ^, Préfet honoraire. 

BoEGNER Paul G. ^, Préfet du Loiret à Orléans. 

BoÉs André, Industriel. 

BoESPFLUG, Restaurateur. 

BoEsco, Receveur des Postes à Fraize. 

BoNNA Marie-Auguste, Négociant. 

Bonnet (PAbbé), Curé Doyen de Brouvelieures. 

BoNTEMPs Jean -François, Propriétaire à Laveline. 

Boucher Henri, Manufacturier à Gérardmer. 

BoucKER Charles O, Caissier central de la Caisse d'épargne. 

BouR Henri, Juge à Epinal. 

BouRciER Alfred, Principal du Collège. 

BouREULLR (Paul dc) 0. ^, Colonel d'Artillerie en retraite à 
Docelles. 

Bourgeois (l'Abbé), Curé d'Arches. 

Bourgeois Jules M» à Sainte-Marie aux-Mines. 

Bouvier Félix ^, Chef de division au Ministère des Finances, 
5, avenue de la Muette (place Possoz), à Paris Passy. 

Brabis (PAbbé), Curé-Doyen de Corcieux. 

Brignon (l'Abbé), Curé de la Cathédrale. 

Briot Jules ^, Médecin-ïlajor au 3^ Zouaves, 5 Constantine. 

Brucker Joseph, Négociant, 



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- 35» - 

ni ni* 

BauNOT Albert» Avoué. 

BftOHOT Ferdinand 0, Mattre de Conférences à la Sorbonne, 

10S, boulevard Saint-Michel, h Paris. 
BuRUfER Emile, Hèielier à Sainle-Croix-aux-Mines. 
BuRiiH, ancteo Fondeur. 

Bcaaua Jules, ManoCaclorier de Tabacs à Saiiite-Croix-anx-Mines. 
BuRRDS Martin, Manufacturier de Tabacs à S^^-Croix-anx-Minea. 
Cael Paul, Banquier. 

Cajibht* iûspectear des Forêts fa Bruyères. 
Carugb Charles, Architecte. 
Carrière Paul O, Conservateur des Forêts h Aix. 
CàRTflBR Charles; Manufacturier à Celles. 
CflAMBarrra (rAbbé), Curé de Bèie-rAbbaye (Cdle d*Or). 
CflAMroN, Gérant de Papeteries à Etival. 
Chapelier (l'Abbé), Vicaire Général, curé de Neufchàieau. 
Chapelier Charles (l'Abbé), Curé* Doyen de Lamarcfae. 
CHAiPSirriER Alfred, Propriétaire. 
Charton Camille, Agent d'Assurances. 
Châtelain» Conservateur des Forêts en retraite. 
Chavet, Huissier. 

Chevelle (l'Abbé), Supérieur du Couvent de Portieux. 
Chrétien GustavCt Tanneur. 
CuDDE O, Inspecteur primaire. 
CuuDBL Camille, Entrepreneur de Camionnage. 
Claudel, ancien Notaire, Conseiller général. 
Claudel Charles, Propriétaire à Senones. 
Clatelin-Dieudonné, Industriel. 
Clétienne Armand, Fabricant. 
CoLÉ (l'Abbé), Curé de LiffoMe-Grand. 
Colin Ernest, Fabricant de Tissus* 
Colin Félix, Ingénieur civil* 



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— 394 — 
MiM. 

Colin Adolphe, Instituteur en retraite. 

CoLURD (l'Abbé), Professeur au Petit Séminaire de Cbàlons- 

sur-Marne. 
Collège de Saint-Dié (M. A. Bourcier, principal). 
Comble (de la), Propriétaire à Lux, près Chalon-sur-Saône. 
Comble (de la), Receveur particulier des Finances en retraite. 
Comble (de la), fils. 
Croyisier Albert, Propriétaire. 
Croyisier Joseph M , ancien Professeur an Lycée de Golmar, è 

Saaies. 
CuiHY, Pharmacien à Dompaire. 

CuNY Albert, Professeur à Naveil, par Vendôme (Loir-et-Cher). 
CuNY (FAbbé), Vicaire, 16, rue du Jardin, à Malakoff (Seine). 
CuNY Camille, Caissier principal de la Banque de Tlndo-Chine, 

à Pondichéry (Inde). 
Daniel Jules. 

Danguy Louis, Professeur départemental d'Agriculture, à Épinal. 
Dassigny Joseph, Comptable à Mirecourt. 
Deflin-Steib, fils» Fabricant de Bonneteries. 
Defranoux, Hôtelier à La Schlucht. 
Degermann Jules, Fabricant à Sainte-Marie-aux-Mines. 
Deiss Edouard, Pharmacien, grande rue Saint-Etienge, à Melun. 
Denis Lucien, Pharmacien à Lunéville. 
Denis Charles M> Lieutenant au 2^ Bataillon de Chasseurs k 

pied, à Lunéville. 
Deroux, Arpenteur-Géomètre. 
Descelles Paul it, Artiste-Peintre. 
DiDiERjEAN M> ancien Banquier. 
DiDiERjEAN Lionel, Avocat, Docteur en Droit. 
Didier- Laurent (l'Abbé), Curé de Thiéfosse. 
DiETERLiN Alfred, Manufacturier à Rothau. 



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- 395 - 

MM* 

DiETSGB Albert» Manufacturier à Sainte- Marie-aux-Mines. 

DiNAGO Qy Juge suppléant au Tribunal civil, à Nancy. 

DoTTERER, Négociant à Sainte-Croix. 

DouviBR 0, ancien Directeur de Papeteries. 

DucEux Camille 0, Fabricant de Bonneteries, Maire de St-Dié. 

DuFAYS Camille, Imprimeur. 

DuHOUx (l'Abbé), Vicaire de Saint-Martin. 

DuRUPT Adolphe, Appréteur de Tissus. 

Elbel, Percepteur en retraite. 

Enaux Camille, Propriétaire. 

Ernst Maurice, Licencié en Droit, Directeur d'Assurance. 

Etienne Camille, Propriétaire au Ban-de-Sapt. 

Etienne Léon, Propriétaire. 

Evrard Jules, Banquier à Mirecourt. 

EvRAT Paul, Fabricant. 

Faron, Agent- Voyer d'Arrondissemenl. 

Fayrel Albert, Avoué. 

Febvrbl Camille, Capitaine au long cours. 

Féder, Comptable. 

Feltz Paul, Notaire. 

Ferry-Schutzenberger (Madame Edouard^, à Paris. 

Ferry René, Avocat, Docteur en Droit et en Médecine, Juge 

suppléant au Tribunal. 
Ferry Marcelle (Mademoiselle), à la Tuilerie. 
Fiderlay Lucien, ancien Meunier. 
FoLLiOT ^, Capitaine en retraite. 
Foucault (Monseigneur), Évêque de Saint- Dié. 
FouRNiER Alban, Docteur en Médecine à Rambervillers. 
Franck Victor, Photographe. 
Franck Camille, Capitaine du Génie à TEtat-Major de l'École 

d'application de rArlillerie et du Génie, à Fontainebleau. 



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MM. 

Fbançois Adrien, Employé d'asine. 

François Marc, Avocat. 

Friesbnhauser, Comptable. 

Frische Paul, Professeur libre, rue Ciande-BerDard, Sl^ Paris. 

FczcuBR Pault Banquier. 

Gadbl, Président du Tribunal civil. 

Calotte O, Docteur en Médecine. 

Gangloff, Corroyeur. 

Garnibr Adolphe I 0, Conducteur des Ponts et Chaussées, à 

Epinal. 
Garnier Emile ^, Fabricant à Gérardmer. 
Gaudier Paul, Pharmacien. 
Géhin Prosper O, Notaire à Provenchères. 
Geisler, Industriel à Raon-FEtape. 
Géliot Louis, Manufacturier à Plainfaing. 
Gbnay Léon O, Professeur au Collège. 
Genay Eugène, Architecte à Épinal. 
Gborgel (l'AbbéJ, Aumônier des Prisons à Remiremont. 
George Victor, Marchand de Bois à Anould. 
Gérard Albert O, Avocat, Docteur en Droit. 
Gérard Auguste, Maire d'Hurbache. 
Gérard Edmond, Avoué. 

Gérard Henri, professeur au Collège de Châlons-sur-Marne. 
Gérardin Charles, ancien Avoué. 
Gérardin Jean, Avocat. 

Gérardin Stanislas ^, ancien Capitaine d'Artillerie, à Besançon. 
Germain Léon I O, Secrétaire perpétuel de la Société dMr- 

chéologie torraine^ rue Héré, 24, Nancy. 
GiLLOTiif Emile ^, ancien Élève de TÉcole Polytechnique» à 

Plainfaing. 
Gisardet Fernand, Pharmacien, Prép^àTÉc^^dePhar^^deNancy. 



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— 3OT - 

Mflia 

Gowu MoméflnuM ^, laiémcMtf citU. 

GoLDu Aos^ste, EAlrepreneur. 

GofiDREGouRT (le Comte René de)« anc. Gonseilief de Préieclwe. 

Grandadam Lucien, Négociant. 

Grardadam Emile, Greffier de Paix à Gérardmer. 

Grandcuudb (FÀbbé), Vicaire général. 

Graicucous Albert^ aaclen Banquief . 

Grelot Augasie, Négociant. 

Greuell O, Doclear eft Médecine à Gérardmer. 

Griachb Julien, Capilûiie d'Artillerie à Toul. 

GuBx Henri, Chirurgien- Dentiste. 

Haruand O, Percepteur. 

HAXittA Joaepb» Henoîâier ii Frai». 

Himt GakrieUe (Madatine). 

Hem Charles, Fabricaot de Tisao». 

Heck, Entrepreneur. 

HiNGRB (FAbbé), Chanoiae* 

HoLL, Vieux-Marché-aux-Vins,. 9, Strasboarf» 

HouBL Eugène, «OMiea Élère de TÉeale Polyteelmi^ue* 

HouEL Jean-Baptiste, Rentier à Fraise. 

HuGUBRY Auguste, Fabricant de Tissiia* 

Hqgiuuit Enaûle, Fabricant de Tisaos;* 

HuMBBRT Gustave, Négociant. 

HuiBBRT Léon, Marchand de Bois., 

HoiBBAT Leuis» Imprimeur. 

HonjUiOT (rAbbé)» Curé de Moyennieutieff.» 

HuMBLOT, Docteur en Médecine, 15, rue de Serre, à NaMy. 

Hun Damien, Rédacteur en chef du Vosgien, à EpioaK 

HuRAux Eugène Entrepreneur à Rambervillers.. 

Idoux (PAbbé), Curé d'Evaux-et-Ménil (par Ghaormes). 

Jacqubrez, Agent- Voyer à Fraize. 



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MM* 

Jagquot, Correspondant du Comité des Beaox-Arts à Nancy. 

Jean Edouard, Professeur de Dessin au Collège de Grasse. 

Jbamdel Julien, Notaire. 

Jeandel (rAbbé), Curé du Valtiâ. 

Jbandin Célestin O, Adjoint au Maire. 

Jeanpierrb (Madame Félicie). 

Jung 0. ^, Lieutenant- Colonel du 43« Régiment territorial. 

Kab Jules, Négociant à Senones. 

Rempf Camille, Manufacturier h Moyenmoutier. 

Kempf Eugène, Manufacturier à Moyenmoutier. 

RiENER» Fabricant. 

RoENiG Théodore, rue de Vaugirard, 21, à Paris. 

Rnoll Léon, Médecin-Major au 3^ Régiment de Spahis, à Batna. 

RuBLER Léon, Receveur des Contributions indirectes à Bruyères. 

Lachambre Félix, ancien Receveur municipal. 

Ladague, Commissionnaire en Marchandises. 

Lallembnd Joseph, Commissaire-Priseur. 

Lanne Victor, Négociant à Senones. 

Lardibr ^, Docteur en Médecine à Rambervillers. 

Laurent P., Architecte à Gérardmer. 

Lebrun, fils, Avocat à Lunéville. 

Lebrunt M> Professeur de Mathématiques en retraite à Épinal. 

Lévëqub, Commis- Greffier du Tribunal. 

L'hote (PAbbé)» Professeur au Séminaire. 

LiocouRT (de), Inspecteur-Adjoint des Forêts à Gérardmer. 

LoRBER Emile, Docteur en Médecine à Fesche8«le*Chàtel 

(Doubs). 
Lorrain, Notaire. 

LuNG Albert ^ M> Conseiller général à Moussey. 
Lung Gustave O, Banquier. 
BLkLÉ Paul, Bijoutier. 



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MM* 

Malgras Georges, Inspecteur des Forêts à Neafchâleaa. 

Mangbonjban ^ I ^, Inspecteur primaire honoraire. 

MARGBAL(Monseigneur),EvéquedeSinope, 1 1 , cité Vaneau, Paris. 

Marchai (rAbbé)» Curé de Mattaincourt. 

Marchai Jules» Manufacturier. 

Marquairb Emile, Négociant. 

Martin Edmond, Architecte. 

Martin, Professeur de Rhétorique au Collège. 

Masson Albert, Juge de Paix a Fraize. 

Masson Henri, Docteur en Médecine à Raon TÉlape. 

Matelet (Madame). 

Mathiâs (l'Abbé), Curé-Doyen de Senones. 

Mathis Paul, Notaire à Senones. 

Maugenre (rAbbé), Aumônier du Carmel. 

Maybr Henri. 

MiETTB Paul, Entrepreneur de Serrurerie. 

MiRBBCK (de), père. Peintre. 

Mirbeck Louis (de), Docteur en Médecine. 

MoNBT ^, Ingénieur des Ponts et Chaussées à Chàlons-sur- 

Marne. 
Morel (l'Abbé) Gustave, à linstitut catholique, 74, rue de 

Vaugirard, Paris. 
Munich, Avoué. 
Naghbaur, Notaire à Vesoul. 
Nano Christian ^, Préfet de TAube, à Troyes. 
NoEL Edouard, Docteur en Médecine. 
NoEL Emile, Propriétaire à La Neuveville-ies-Raon. 
NoEL (FAbbé), Chanoine. 
Oberlé Charles, ancien Contrôleur aux Douanes. 
Obbrlé Ernest, Ingénieur civil, avenue Wagram, 89, à Paris« 
Ohl, Négociant. 



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— 400 - 
MM. 

Ott, Chirargien-Dcntisle. 

Ottenheimbr ^» SoQi- Préfet. 

PiRAMS (rAkbé), Curé-Doyen de Prtîie. 

Parisot Léon, Notaire à Seoenes. 

Pelingre O. aocien Secrétaire de ta Mairie h Senooes. 

PsRifBT, Docteur en Médecine ë Rainbervillers. 

pERRBTÀIb., Vérificateur des Poids etMe9nresàToareomg(rféré). 

Perrin, Inspecteur 4es Forêts à Rambervillers. 

Perrin Ernest, Industriel à Comimont. 

Perrin Paul, Indosiricl à Comimont. 

Pbtitdidier Gustave. 

PETiTiBAN, Négociant. 

Phulpin Louis, Propriétaire. 

Picot Ernest, e^ ^, anrieD Cbef ée telaillon do Géme. 

PiBRPiTTB (l'Abbé), Curé- Doyen de Portieux. 

PiERRAT Auguste, Négociant. 

PiBRRON Charles, Négociant h Moyennovtrer. 

PiBRROif Prosper, Enlrepreneor de BàtinrieiXs. 

PiBRROif Prosper, fils aine, Fabricant 

Pigeon, Inspecteur- Adjoint des Forêts à Epinal. 

PoivRB Olympe ^, Inspecteur des Forêts & Compi^ne. 

PoNNiER Alfred ^, Manufacturier, 30, rue du Seolrer, h Paris. 

PouPAR Emile, Conservateur des Hypothèques en retraite* 

PouPAR Hippolyte 0, ancien Notaire» 

Prêcheur Victor, Commissionnaire en Marchandises* 

Prud'homme Ernest, Négociant à Btain (Meuse)* 

PuTON Bernard, Procureur de la Répabliqoe à Rcmiremont* 

QuENAULT Albert, Pharmacien à Senones* 

QuEUGBB Jules I O, ancien Maire, J«ge de Paix* 

Ramspagher Xavier, Industriel* 

Raoult Charles 0» Docteur en Médecine à Raon-rSln^. 



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— 401 — 

Rayinel (le baron Charles de), au château de Nossoncourt. 
Reirhart Jacques, Peintre-Décorateur. 
Reiter Julien, Juge au Tribunal civil. 
Remy Louis, Greffier de Paix à Saint-Mihiel. 
Renard, Filateur. 

Renard ^, Médecin-Major au 10^ Bataillon de Chasseurs à pied. 
RiELLE Charles, Clerc de Notaire à Commercy. 
Rielle Hubert, Entrepreneur de Menuiserie. 
Rimmel, Avoué. 

Ring (dej ^, Conseiller à la Cour de Dijon. ^ 
Roos, Fabricant de Toiles métalliques. 
RoTH I 0, Receveur particulier des Finances. 
RoussELOT Paul I V^, Docteur en Médecine, 
Rouyer, Inspecteur des Forêts à Remiremont. 
RovEL Henri, Artiste-Peintre. 
RoziÉRBs (A. de), à Mirecourt. 
RuBY (l'Abbé), Curé de Rebeuville (Vosges). 
Ruyer Léon, Avocat, Docteur en Droit. 
Sabotier, Greffier du Tribunal civil. 
Sadoul Adrien (Madame), rue de la Ravinelle, 7, è Nancy. 
SADODLLucienOe^, premier Président à la Cour d'Appel deNancy. 
Salés Paul, Négociant, rue d'Alsace. 

Salm-Salm (S. A. S. le Prince Alfred de), à Rhede, près Bocholt. 
ScHMiDT Edouard, Pharmacien. 
ScHOENLAUB, Commissionnaire en Marchandises. 
ScHUEHMAGHER Théodorc, Administrateur forestier au Rudiin. 
ScHULER if^ Architecte diocésain à Nancy. 
SoNNOis (Monseigneur), Archevêque de Cambrai. 
Spitz Charles O, Adjoint au Maire à Bruyères. 
Staphe Prosper ^, Capitaine au 119^ Régiment d'infanterie, à 
Courbe voie (Seine). 

26 



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- 108 — 
MM. 

Stegmuller Auguste, Professeur. 

Steib Camille, Ingénieur eivil. 

Stbib Victor, Propriélaire. 

Steiner, Inspecteur- Adjoint des Forêts. 

Stouls Ernest, Ingénieur civil des Mines, rue de Babylone, 

57, Paris. 
Stouls Paul, Notaire. 

Stouter ^, Capitaine an 9^ Régiment d'Infanterie, h Agen. 
Strarbach, Notaire à Valey (Haute-Saône). 
Strohl Ivan, Ingénieur civil a Bâie (Suisse). 
Teutsch *, ancien Trésorier-Payeur général à Nancy. 
Thiébaut Paul (l'Abbé), Vicaire à Bruyères. 
Thomas Félix, Commis des Postes et Télégraphes à Dôle. 
Thomas Germain, rue de TEquitation, 2, à Nancy. 
Thomas (l'Abbé), Curé d'Eloyes. 
Thomassin (l'Abbé), Curé du Val-d'Ajol. 
Thuraine, Propriétaire à Sainte-Croix-aux- Mines (Alsace). 
TissERANT Paul *0, Professeur en retraite. 
Tisser ANT Ferdinand, Fabricant de Bougies. 
TouRDES Gabriel, Juge d'Instruction. 
Toussaint Charles, ancien Fabricant de Tissus. 
Toussaint Emile, Docteur en Médecine. 
Toussaint Léon, Propriétaire. 

Tremsal Emile I M> Institut^'en retraite, Bibliothéc^» de la Ville. 
Trouillet Charles, Comptable à Senones. 
Vairel (l'Abbé), Curé de Nompalelize. 
Valentin (l'Abbé), Curé à Bult. 
Verdenal Ernest, Fabricant de Tissus. 
Verdenal Paul, Fabricant de Tissus. 
Verner Vilfrid, Constructeur-Mécanicien. 
Vincent Aimé, Manufacturier à Moyenmoutier. 



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- 403 - 
MM. 

Vincent Charles ^^ Manufacturier k Senones. 
VoiLLEQum 0, Professeur de Physique et Chimie au Collège. 
VoiRiN Gustave, Commissionnaire en Marchandises, 
Weick Ad., Libraire. 

Warben (le Vicomte Lucien de)» place de TArsenal, 3, k Nancy. 
Watrin, Entrepreneur de Camionnage. 
Weiller Jules, Négociant. 
Wendling* Docteur en Médecine à Raon-FEtape. 
Wbnger ^, Officier- Comptable en retraite. 
WiRBEL Maurice, Notaire. 
Wittner Emile, Entrepreneur. 

XoLiN Nicolas, Receveur du Bureau central des Télégraphes, 
au Mans (Sarthe). 

SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES 



FRANCE 

Ain. 

Société des Sciences naturelles de l'Ain (Bourg). 



Société académique des Sciences, Arts, Belles-Lettres, Agri- 
culture et Industrie de Saint-Quentin. 



Société d'Émulation de l'Allier (Moulins). 
Société d'Etudes ardennaises (Sedan). 
Société linnéenoe de Normandie (Caen). 



Société des Archives historiques de l'Aunis et de la Saintonge 

(Saintes). 



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~ 404 - 
CorréB«« 

Société des Sciences, Lettres et Arts de la Gorrëze (Tulle). 

Académie des Sciences, Arts et Belles- Lettres de Dijon. 
Société d'Histoire, d'Archéologie et de Littérature de Tarroa- 
dissement de Beaune. 

Cr«a««. 

Société des Sciences naturelles et archéologiques de la Creuse 
(Guéret). 

Doabs. 

Société d'Emulation de Montbéliard. 

— d'Emulation du Doubs (Besançon). 
Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon. 

riniiMère. 

Société académique de Brest. 

Gard. 

Société d'Etude des Sciences naturelles de Nimes. 

CSlronie. 

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux. 
Société archéologique de Bordeaux. 



Académie delphinale (Grenoble). 

Société de Statistique de l'Isère (Grenoble). 

Jura. 

Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Poligny. 
— d'Emulation du Jura (Lons-le-Saulnier). 

liolre-liilérleiire. 

Société des Sciences naturelles de l'Ouest de la France 

(Nantes). 

Loiret. 

Société archéologique et historique de l'Orléanais (Orléans). 



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— 405 — 



Soeiété des Sciences et Arts de Vilry-le-François. 
Académie nationale de Reims. 

■arae (Hante-). 

Société historique et archéologique de Langres. 

Meiifthe-et-Hoselle. 

Société d'Archéologie de Lorraine (Nancy). 

— centrale d'Agriculture de Meurthe-et-Moselle (Nancy). 

— des Sciences de Nancy. 

— de Géographie de l'Est (Nancy). 
Académie de Stanislas (Nancy). 

« Annales de l'Est » (Nancy). 

Archives départementales de Meurthe-et-Moselle. 

Société lorraine de Photographie (Nancy). 

■eas«. 

Société philomathique de Verdun* 

— des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc. 



Société d'Emulatioû de Cambrai. 



Société archéologique de l'Orne (Alençon). 
Société des Antiquaires de la Morinie (Saint- Orner). 

Bhln (Itoat-). 

Société belfortaine d'Émulation (Belfort). 



Société linnéenne de Lyon. 

Sudiie-et-IiOtre. 

Société des Sciences naturelles (Chalon-sur-Saône.) 

SaAM(HMC«.). 

Société d'Agriculture, Sciences eC Arts de la Haute -Saône 

(Vcsoul). • 



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- 406 - 

Comité des Travaux historiques et scientifiques près le Minis- 
tère de linstruction publique. 
Société des Antiquaires de France (Paris). 

— centrale d'Apiculture et d'Insectologie, rue Monge, 67 

(Paris). 
Société philotechnique (mairie du II® arrondissement), rue de 

la Banque» 8, à Paris. 
Société de Géographie de Paris, boulevard Saint-Germain, 184, 
Association philotechnique de Paris, rue Serpente, 24. 
Musée Guimet, avenue du Trocadéro, 30 (Paris). 
c Mélusine, » 2, rue des Chantiers (Paris). 
La « Feuille des Jeunes Naturalistes, » rue Pierre-Charron, 

35 (Paris). 
Bibliothèque de TUniversité de France à la Sorbonne. 

Société des Antiquaires de Picardie (Amiens). 

¥iMM (HaHto-). 

Société des Amis des Sciences et Arts (Rochechouart). 

Société d'Horticulture des Vosges (Épinal). 

— d'Émulation des Vosges (Épinal). 
Comité d'Histoire vosgienne (Épinal). 

Comice agricole de l'arrondissement de Saint-Dié. 

AIféHe. 

Académie d'Hippone (Bône). 

Société archéologique du département de Constantine. 

— de Géographie et d'Archéologie d'Oran. 

ÉTRANGER 
Gesellschaft f&r die^&lzlichen Forschungen zu Trier (Trêves). 



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- 407 — 

Universitœtsbibliotbek (Heidelberg). 
Oberbessiscber Gescbischtverein (Giessen). 

AlMice-IiOrralae* 

Société pour la conservation des Monuments bistoriqaes d'Al- 
sace (Strasbourg). 

— d'Histoire naturelle de Colmar. 

— du Musée historique de Mulhouse. 

Bibliothèque de l'Université de Strasbourg (Prof. Barack» con* 

servateur). 
Académie des Sciences, Belles -Lettres et Arts de Metz. 



Smithsonian Institution (Washington). 

Academy of Science of Saint-Louis. 

Sociedad cientifica € Antonio Alzate » (Mexico). 



Société d'Archéologie de Bruxelles. 
Société des Bollandistes (Bruxelles). 
Institut archéologique liégeois (Liège). 
Société d'Art et d'Histoire du diocèse de Liège. 



Société royale des Antiquaires du Nord (Copenhague). 



Institut Royal-Grand -Ducal de Luxembourg (Seelion histo- 

tiqué). 
Société de Botanique du Grand Duché de Luxembourg. 
Verein fiir Luxemburger Geschichte, Litteratur und Kunst. 



Société Impériale des Naturalistes (Moscou). 



Institut géologique de l'Université d'Upsal. 
Académie royale des Belles-Lettres, Histoire et Antiquités de 
Stockholm. 



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— 408 — 
Suisse. 

Société Jurassienne d'Émulation (Porreniruy). 

— des Sciences naturelles de Neuchâtel. 

— Neuchàteloise de Géographie. 

— Vaudoise des Sciences (Lausanne). 



ERRATUM 



Dans V Abbaye de Moyenmoutier, page 237, note 2, lire : le pre- 
mier, celui d'Epternach, , , . le deuxième, celui de Paderhorn, . , 



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TABLE 



TRAVAUX ORIGINAUX 

PagM 

Vittel, par le D»" A. Fournier 5 

A propos de Riste-sur-Feste. par J. Degermann 19 

Camus de Morton, inspecteur général d'infanterie ^en Lorraine, 

gouverneur des ville et château de Belfort (1635-1712), par 

Henri Bardy 29 

U Abbaye de Haute-Seille, dans le comté de Salm (avec deux 

planches), par A. Benoit 41 

Saales {Essai géographique et historique), par J. Grovisier. ... 77 
Voyage daTis les Vosges de Vabbé Grégoire, publié et annoté par 

A. Benoît 99 

L'Abbaye de Moyenmoutier, par Tabbé L. Jérôme 117 

Le Collège de Saint-Dié, par L. Genay 321 

PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 

Séance du Comité du 11 Avril 1897 345 

— du 13 Juin 1897 349 

— du 8 Août 1897 353 

— du 14 Novembre 1897 358 

— du 12 Décembre 1897 {Le Bas -Relief du 
Donon « Bellicus Surbur » (avec deux planches), par Henri 
Bardy 366 

Séance du Comité du 13 Février 1898 370 

Assemblée générale du 27 Février 1898 {La Société philomati- 
que et le versant alsacien des Vosges), par Henri Bardy. .... 372 



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440 - 



LISTE DES MEMBRES 

Pag«s 

Administration (1897-1898) 389 

Membres honoraires 389 

— correspondants 390 

— titulaires 390 

Sociétés correspondantes • 403 



ERRAT UM 408 



S'-Dié, Imp. JL.. Uumberu 



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