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DE LA
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DU
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D. CORMAUX. Imprimeur-Libraire
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SOCIÉTÉ D'ART ET D'HISTOIRE
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DIOCESE DE LIEGE
BULLETIN
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SOCIETE D'ART ET D'HISTOIRE
DU
DIOCÈSE DE LIÈGE
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LIÈGE
D. CORMAUX. Imprimeur-Libraire
Suce' de L. Grandnont-Donders
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Art. i*»". — Il est fondé, à Liège, une Société (Tart et d'histoire
du diocèse de Liège.
ART. 2. — Cette Société a pour but d'aider à la conservation
et de propager la connaissance de tout ce qui peut intéresser
rhistoire et Tart religieux du diocèse de Liège.
ART. 3. — Elle comprend des membres d'honneur, des membres
actif Sy des membres correspondants et des membres associés,
ART. 4. — Les membres d'honneur sont ceux auxquels ce titre
a été décerné en reconnaissance de leur haut patronage ou d'émi-
nents services. *
ART. 5. — Les membres actifs sont ceux qui s'engagent à
apporter un concours régulier à l'œuvre de la Société ; ils seront
au nombre de trente-un au plus, élus par leurs collègues, et auront
seuls voix délibérative dans les réunions. Les membres actifs ne
peuvent être choisis que parmi les correspondants habitant le dio-
cèse. La préférence sera donnée à ceux qui, par le lieu de leur
résidence ou par la nature de leurs occupations, sont le plus à
même de participer aux travaux de la Société. Tout membre actif
qui viendrait à s'établir définitivement en dehors du diocèse de
Liège, rentre de plein droit dans la catégorie des correspondants.
ART. 6. — Les membres correspondants sont choisis parmi les
personnes qui auront rendu, ou se montreraient disposées à rendre
des services particuliers à la Société. Ils peuvent assister à ses
— VI —
réunions avec voix consultative. C'est parmi eux que seront choisis
les membres actifs,
ART. 7. — Les membres associés collaborent à Tœuvre par le
payement de leur cotisation ; ils reçoivent toutes les publications
de la Société, les facilités d'accès à ses collections et le droit d'obte-
nir les renseignements qui pourraient les intéresser sur les objets
dont s'occupe l'Association. Il ne peut être procédé aux élections
des membres que dans une assemblée plénière, expressément con-
voquée à cette fin. Toute présentation démembre doit être déposée
dans l'assemblée précédant celle du vote et doit porter la signature
de cinq membres actifs. Les membres associés sont admis sur
cette seule présentation.
Art. 8. — En entrant dans la Société tous les membres s'en-
gagent à observer les Statuts et à payer une cotisation annuelle, de
i5 francs pour les membres actifs; de 10 francs pour les corres-
pondants et les associés.
Art. 9. — La Société se divise en deux sections : la section
d'art et la section d'histoire.
ART. 10. — Chacune de ces sections nomme son Président et
son Secrétaire et peut se réunir à part pour traiter des questions
qui font plus spécialement l'objet de ses études.
Art. II. — La Société sera administrée par un Bureau com-
posé d'un Président, de deux ou trois Vice- Présidents, de deux
Secrétaires, d'un Trésorier, d'un Conservateur, d'un Bibliothécaire
et des Dignitaires qu'elle jugerait utile de leur adjoindre.
ART. 12. — La Société ?l çonv Président d* honneur Monsti-
gneur TEvêque de Liège, et pour Président effectif le membre
désigné par Monseigneur l'Evêque. Les Présidents de section
remplissent les fonctions de Vice-Présidents de la Société, et
prendront rang d'après la date de leur élection ; le Secrétaire,
le Trésorier et les autres Dignitaires sont nommés par TAssem-
blée générale. Le Bureau sera renouvelé chaque année par moitié.
Un tirage au sort déterminera, pour la première fois, Tordre de
sortie. L'élection aura lieu dans la séance de janvier. Les membres
sortants sont rééligibles.
— VII —
Art. i3. — La Société s'assemble en réunion plénière pour
procéder aux élections nécessaires, régler son budget et prendre
toutes les décisions concernant Toeuvre entière ; la première de ces
réunions se tiendra obligatoirement chaque année dans le mois
de janvier et il y sera fait un rapport sur Texercice écoulé.
ART. 14. — La Société poursuit son but : i® en traitant, soit
en section, soit en Assemblée générale, les questions relatives à ce
but ; 2° en éditant un Bulletin et des publications spéciales ; 3° en
organisant un Musée diocésain ; 40 en fournissant à ses membres
les indications historiques et artistiques réclamées d'elle.
ART. i5. — Le Bulletin paraîtra sous la direction des délé-
gués de la Société ; chaque auteur aura droit à cinquante tirés
à part de tout travail inséré dans le Bulletin,
ART. 16. — Le Musée sera composé d'objets authentiques et
de reproductions exactes, choisis parmi les plus anciens ou les
plus recommandables par leur valeur artistique.
•$•
TABLEAU
DES
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
PRÉSIDENT D'HONNEUR
Sa Grandeur Monseigneur RUTTEN, évêque de Liège.
CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ
Président,
Vice-Présidents,
Secrétaire,
Trésorier,
Conservateur,
Conservateur-adjoint,
Bibliothécaire,
Membres,
Monseigneur MONCHAMP, vicaire gé-
néral de Sa Grandeur Monseigneur
TEvêque de Liège.
MM. Jules Helbig.
Godefroid KURTH.
Joseph Brassinne.
Gustave RUHL.
le chanoine Léon DUBOIS.
Auguste Javaux.
Jules Closon.
Joseph Demarteau.
Gustave Francotte.
— X —
MEMBRES D'HONNEUR
M. BEQ.UET (Alfred), président de la Société archéologique de
Namur.
Monseigneur Cartuyvels, doyen du Chapitre cathédral, rue
Du vivier, 24, à Liège.
Le Révérendissime Abbé de Maredsous, par Maredret-Sosoye
(Namur).
MM. Roland (le chanoine), à Salzinne-Namur.
SCHNUTTGEN (le chanoine), Margarethen Kloster, à Co-
logne.
Weale (James), ancien conservateur au South-Kensington
Muséum^ à Londres.
MEMBRES ACTIFS
SECTION D'ART
MM. ANTOINE, artiste peintre, mont Saint-Martin, 71, à Liège.
Dubois (le chanoine Léon), professeur au Séminaire, place
Saint- Paul, 5, ib.
Francotte (Gustave), Ministre de l'Industrie et du Tra-
vail, à Bruxelles.
Helbig (Jules), vice-présidentdela Commission royale des
monuments, rue de Joie, 16, à Liég;e.
Jamar (Edmond), architecte, place Saint-Pierre, 21, ib.
RUHL (Gustave), avocat, boulevard d'Avroy, 73, ib.
SCHAETZEN (le chevalier Oscar), ancien membre de la
Chambre des représentants, à Tongres.
WiLMART (Charles), rue Saint- Remy, i, à Liège.
WiLMART (l'abbé Ferdinand), boulevard Saucy, 21, ib.
WlLMOTTE (J.), fils, artiste orfèvre, boulevard de la Sau-
venière, 116, ib.
— XI —
SECTION D'HISTOIRE
MM. ALEXANDRE (Joseph), docteur en médecine, rue Volière,
i5, à Liège.
Balau (rabbé Sylvain), curé à Pepinster.
BORMAN (le chevalier Camille DE), conseiller provincial,
château de Schalkhoven, par Hoesselt.
BORMANS (Stanislas), membre de l'Académie, président
de la Commission royale d'histoire, administrateur-
inspecteur de rUniversité, rue Forgeur, i3, à Liège.
Brassinne (Joseph), docteur en philosophie et lettres, sous-
bibliothécaire de l'Université, rue Wazon, 78, ib.
Ceyssens (l'abbé Joseph), curé à Dalhem,
Closon (Jules), candidat en philosophie et lettres, avenue
Blonden, 6, à Liège.
DarIS (le chanoine Joseph), bibliothécaire au Séminaire, ib.
Delmer (Alexandre), docteur en philosophie et lettres,
bibliothécaire à l'Université, thier de la Fontaine,
27, ib.
Demarteau (Joseph), rédacteur en chef de la Galette de
Liège f place Verte, 12, ib.
DesMEDT (le Révérend Père Charles), président des Bol-
landistes, correspondant de l'Institut de France, à
Bruxelles.
Francotte (Henri), professeur à l'Université et conseiller
provincial, rue Lebeau, i, à Liège.
HalKIN (Léon), chargé de cours à l'Université, rue de
Fétinne, 107, ib.
HaNQUET (Karl), docteur en droit et en philosophie, chargé
de cours à l'Université de Liège, rue Charles-Morren,
18, ib.
KURTH (Godefroid), professeur à l'Université, membre de
l'Académie, rue Rouveroy, 6, ib.
Maréchal (l'abbé Edouard), curé à Hodeige, par Remi-
court.
Ryckel (Amédée DE), docteur en droit, rue Louvrex, 47,
à Liège.
— XII —
MM. SCHOOLMEESTERS (Monseigneur Emile), vicaire-général de
Sa Grandeur Monseigneur TEvêque de Liège, rue de
TEvêché, 14, à Liège.
Simenon (Fabbé), professeur au Séminaire, à Saint-Trond.
Waltzing (Jean-Pierre), professeur à l'Université, membre
correspondant de l'Académie, rue du Parc, 9, à Liège.
MEMBRES CORRESPONDANTS
MM. BOURGUET (l'abbé), professeur au Séminaire, à Liège.
Crassier (le baron Louis DE), rue du Jardin-Botanique,
28, ib.
CrÉMER (Auguste), château de Petaheid, par Verviers.
DANIÉLS(rabbé Polydore), château de Vogelsanck, à Zolder.
Dehin, frères, fabricants, rue Agimont, 89, à Liège.
Depaquier (l'abbé), curé à Wandre.
Gilissen (l'abbé), rue Mathieu Laensberg, 5o, à Liège.
Grandmont (Alphonse), avocat, à Taormina (Sicile).
Halkin (Joseph), docteur en philosophie et lettres, chargé
de cours à l'Université de Liège, rue des Houblon-
nières, 36, à Liège.
Le Pas (Henri-Robert), villa du Mamelon vert, 4, à Andrî-
mont, par Dison.
Naveau (Léon), docteur en droit, château de Bommers-
hoven, par Jesseren.
PaqUAY (l'abbé A.), aumônier des Sœurs de l'Enfance de
Jésus, à Hasselt.
PONCELET (Edouard), conservateur des archives de l'Etat,
au Parc, à Mons.
le Révérend Père Recteur du Collège Saint-Servais, à Liège.
Renier (Jean), membre correspondant de la Commission
royale des monuments, rue Saucy, 38, à Verviers.
SCHEEN (l'abbé Joseph), curé à Wonck, par Roclenge.
SIMONIS (le docteur Julien), à Jemeppe-sur-Meuse.
Tassin (Adolphe), rue Saint-Laurent, 99, à Liège.
— XIII —
MM. Vanderstraeten-Ponthoz (le comte François), rue de
la Loi, à Bruxelles.
Van Ormelingen (Fabbé), curé à Nerrepen, par Tongres.
Van Wintershoven (Fabbé), cure' à Emael, par Eben-
Emael.
VAN Zuylen (Paul), quai des Pécheurs, 53, à Liège.
MEMBRES ASSOCIÉS
MM. Bastin (l'abbé), professeur à l'Institut Saint- Remacle, à
Stavelot.
Beckers (labbé), curé-doyen à Saint-Trond.
Boonen (l'abbé), curé-doyen à Glons.
BOUVY (Alexandre), docteur en droit, quai de l'Abattoir,
39, à Liège.
BOVENS (l'abbé), directeur du Collège Saint-Hadelin, à Visé.
Breuls (Paul), avocat, à Vaux-sous-Chèvremont.
Brinckmann (l'abbé), curé-doyen de Saint-Jacques, à Liège.
Buggenoms (Louis DE), avocat, place Bronckart, 19, ib.
Coenen (l'abbé), vicaire à Saint-Denis, ib.
COLLINET (Léon), avocat, boulevard Piercot, 36, ib.
Dallemagne (Jules), membre de la Chambre des repré-
sentants, rue Darchis, 35, ib.
Davignon (Julien), sénateur, château des Mazures, par
Pepinster.
Defize (l'abbé Jules), curé de Sainte-Croix, cloîtres Sainte-
Croix, à Liège.
Demaret (l'abbé), curé-doyen à Huy.
Demarteau (Louis), libraire, rue de l'OfEcial, 2, à Liège.
Demarteau (l'abbé Victor), curé à Celles, lez-Waremme.
Deseille (l'abbé), directeur du Collège Saint-Quirin,
à Huy.
DOBBELSTEIN (l'abbé), curé de Saint-Denis, à Liège.
Eggermont (L), conseiller de légation de S. M. le Roi
des Belges, au château de Leignon, par Ciney.
— XIV —
MM. EVERSEN (Joseph), archiviste-adjoint, à Maestricht.
Evrard (labbé), curé à Wasseige.
FaveREAU (le baron Paul DE), ministre des Affaires étran-
gères, à Bruxelles.
Froidmont (Fabbé), professeur à TEcole normale de TEtat,
rue de Harlez, i8, à Liège.
Gaillard (l'abbé Joseph), curé à Geer, par Waremme.
Gelin (l'abbé), professeur au Collège Saint-Quirin, à Huy.
GeloéS d'Eysden (le comte de), au château d'Eysden,
par Maestricht.
GÉRADON (Maurice DE), boulevard Piercot, 19, à Liège.
GiLLIS (Fabbé), curé à Grand-Axhe, par Waremme.
GOFFIN (l'abbé), curé-doyen à Hervé.
Hankenne (l'abbé), directeur du Petit-Séminaire de Saint-
Roch, par Hamoir.
Jadoul (l'abbé), directeur du Collège Saint-Louis, à Wa-
remme.
Javaux (Auguste), rue Saint-Paul, à Liège.
JOSEFF (Monseigneur), prélat domestique de Sa Sainteté,
curé-doyen de Saint-Martin, ib.
KerkhoFS (l'abbé), vicaire à Sainte-Marie, ib.
KUBBEN, (l'abbé), professeur au Collège, à Brée.
Lacroix (l'abbé), curé-doyen de Saint-Barthélemi, à Liège.
Lafontaine (le baron DE), chanoine de la cathédrale de
Liège, curé-doyen à Spa.
Laminne (le chanoine), directeur du Petit-Séminaire, à
Saint-Trond.
Langohr (l'abbé), vicaire à Saint-Denis, à Liège.
Leclercq (l'abbé), curé-doyen à Saint-Georges-sur-Meuse.
Lemmens (l'abbé), directeur du Collège Notre-Dame, à
Tongres.
Le Roy (le chanoine), président du Séminaire, rue des
Prémontrés, à Liège.
Lohest (Paul), ingénieur, rue Rouveroy, 2, ib.
— XV —
MM. LOOMANS (Pierre), rentier, à Maestricht.
Lucas (labbé), curé-doyen de Saint-Nicolas, à Liège.
Maquinay (l'abbé), professeur au Collège Marie-Thérèse,
à Hervé.
Materne (Fabbé), curé-doyen à Waremme.
DE Neckere, à Tongres.
NULENS (l'abbé), directeur du Collège patronné, à Bee-
ringen.
Ophoven (Léon), mont Saint-Martin, 19, à Liège.
Paquay (labbé Jean), précepteur au château de Spiernau,
par Eelen.
Pauss (Benoît), artiste-peintre, rue Jacob-Makoy, à Liège.
Peeters (le chanoine), curé-doyen à Tongres.
PiTTEURS DE BUDINGEN (le baron DE), rue Louvrex, 83,
à Liège.
Rachels (le chanoine), curé-doyen à Hasselt.
Renesse (le comte Théodore DE), à Schoonbeek, par
Beverst.
le Révérend Père Supérieur des Pères Rédemptoristes, à
Liège.
le Révérendissime Abbé d'Averbode, près Sichem.
le Révérendissime Abbé du Val-Dieu, par Aubel.
ROBYNS (l'abbé Oswald), vicaire à Exel.
Schillings (l'abbé), curé-doyen à Limbourg.
Simon (l'abbé), directeur du Collège Marie-Thérèse, à Hervé.
Speder (l'abbé), curé-doyen à Hozémont.
Thier (l'abbé DE), curé à Saint-Nicolas lez- Liège.
THISQ.UEN, avocat, rue de Joie, 70, à Liège.
Thonon (l'abbé), curé à Fize-le-Marsal, par Oreye.
Ulens (le chanoine G.), rue Vivegnis, 3o, à Liège.
Van DEN Hove (l'abbé), curé-doyen à Vlytingen.
Villenfagne (le baron DE), château de Vogelsanck, à
Zolder.
LISTE DES SOCIÉTÉS ET DES REVUES
AVEC LESQUELLES LA SOCIÉTÉ D'ART ET D'HISTOIRE
FAIT L'ÉCHANGE DE SES PUBLICATIONS (i).
I. — BELGIQUE.
ANVERS.
Académie royale a archéologie de Bel-
gique.
ARLON.
Institut archéologique du Luxembourg.
Bruxelles.
Société d'archéologie.
Charleroi.
Société paléontologique et archéologique
de Varrondissement judiciaire de Char-
leroi.
Enghien.
Cercle archéologique.
Gand.
Société d'histoire et d'archéologie.
Hasselt.
Société chorale et littéraire des Mélo-
philes.
L'ancien pays de Loo\.
(i) Toutes les publications reçues sont à la disposition des membres
de la Société et peuvent leur être confiées pour huit jours contre reçu.
Pour tout ce qui concerne la bibliothèque Renvois de volumes, demandes
d'échanges, etc.), s'adresser à M. Joseph Brassinne, secrétaire, rue
Wazon, 78, à Liège.
— XMII —
HUY.
Liège.
LOUVAIN.
Malines.
Maredsous.
MONS.
Namur.
Nivelles.
Saint-Nicolas,
soignies.
TONGRES.
Tournai.
Cercle hutois des sciences et des beaux-
arts.
Institut archéologique liégeois.
Société de littérature wallonne.
Wallonia.
Analectes pour servir à F histoire ecclé-
siastique de la Belgique.
Annuaire de f Université catholique.
Recueil des travaux publiés par les
membres de la Conférence d'histoire.
Revue d'histoire ecclésiastique.
Cercle archéologique, littéraire et artis-
tique.
Revue bénédictine.
Cercle archéologique.
Société des sciences, des lettres et des
arts du Hainaut.
Société archéologique.
Société archéologique de Farrondisse-
ment judiciaire de Nivelles.
Cercle archéologique du pays de Waes.
Cercle archéologique du canton de Soi-
gnies.
Société scientifique et littéraire du Lim-
bourg.
Société historique et archéologique.
II. — ALLEMAGNE.
Aix-la-Chapelle.
Bonn.
Aachener Geschichtsverein.
Vereinfûr Kunde der Aachener Vor:[eit.
Verein von Alterthumsfreunden im
Rheinlande,
— XIX —
DUSSELDORF.
GlESSEN.
Metz.
Dusseldorfer Geschichtsverein.
Oberhessischer Geschichtsverein.
Gesellschaft fur lothringische
chichte und Alterthumskunde.
Ges-
Abbeville.
Amiens.
Arras.
Chalons-sur-Saone.
constantine.
Laon.
Lille.
Nancy.
Paris.
Poitiers.
Reims.
Romans.
Saint-Dié-des-Vosges.
Saint-Omer.
III. — FRANCE.
Société d'Emulation.
Société des Antiquaires de Picardie.
Commission départementale des monu-
ments historiques du Pas-de-Calais.
Société d'histoire et d'archéologie.
Société archéologique du département
de Constantine.
Société académique de Laon.
Société d'études de la province de Cam-
brai.
Académie de Stanislas.
Société d'archéologie lorraine.
Société de l'histoire de France.
Société des Antiquaires de F Ouest.
Académie nationale.
Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'ar^
chéologie religieuse des diocèses de
Valence, Digne, Gap, Grenoble et
Viviers.
Société philomatique vosgienne.
Société des Antiquaires de la Morinie.
Leyde.
Maestricht.
IV. — HOLLANDE.
Maatschappij der nederlandsche Letter'-
kunde.
Société historique et archéologique dans
le duché de Limbourg.
Maestricht.
OiSTERWYCK.
UTRECHT.
— XX —
Provinciaal Genootschap voor Geschie-
dénis en Oudheikunde in Limburg
(De Maasgoujp),
Algemeen Nederlandsch Familieblad,
tijdschrift voor Geschiedenis.
Historisch Genootschap,
V. — ITALIE.
Rome.
Institut historique belge.
VI. — LUXEMBOURG.
Luxembourg.
Verein fur Luxemburger Geschichte,
Litteratur und Kunst.
VII. — SUÈDE.
Stockholm.
Upsala.
KongL Vitterhets Historié och Antiqui-
têts Akademien,
KongL Humanistika Vetenskaps-Sam-
fundet.
CORRESPONDANCE
DE
AVEC
G. DE CRASSIER ET DOM E. MARTÈNE
Le brillant essor que les sciences historiques ont
pris de nos jours a été préparé, dès le début du
XVIIP siècle, par une pléiade de savants et derudits
dont il serait injuste de laisser tomber les noms dans
l'oubli. Parmi ceux qui, sous ce rapport, ont parti-
culièrement droit à notre reconnaissance, il faut citer
l'abbé Schannat. Ecrivain d'une fécondité remar-
quable, il publia de précieux recueils de documents
inédits et composa sur l'histoire d'Allemagne de nom-
breux ouvrages dont la valeur lui mérita auprès de
ses contemporains la réputation d'un historien sagace
et consciencieux.
Aussi sommes-nous convaincu qu'on ne lira pas
sans intérêt la correspondance qu'il entretint pendant
près de trente années avec le baron Guillaume de
Crassier et Dom Edmond Martène, et que nous fai-
sons paraître aujourd'hui d'après les lettres originales
conservées à Liège, à Paris et à Prague (i).
(i) Cette correspondance comprend soixante-six lettres qui vont du
3 août 171 1 au 16 décembre lySS. Les lettres de Martène, au nombre de
— 2 —
D'une part, en effet, cette correspondance nous
introduit dans le monde si sympathique des érudits
de l'époque et nous révèle maints détails curieux sur
l'élaboration de leurs œuvres, les polémiques auxquelles
ils furent mêlés et d'importantes questions d'historio-
graphie ; et d'autre part, elle nous permet de donner
une juste idée de l'activité scientifique de Schannat et
surtout de retracer enfin sa biographie, jusqu'ici peu
ou mal connue (i) : c'est ce que nous avons tenté dans
vingt-cinq, se trouvent actuellement à la Bibliothèque archiépiscopale de
Prague, et nous en devons la communication à l'obligeante intervention
de Dom Ursmer Berlière, O. S. B. Nous avons retrouvé les lettres que
Schannat écrivit à Martène à la Bibliothèque nationale de Paris (ms.,
f. franc., n" 17681, fol. 104 et 107; n® 19679, fol. 279; n® 19680, fol. 121;
n« 25538, fol. 28i-3oi); celles qu'il écrivit à G. de Crassier sont conservées
à Liège par ses descendants MM. William et Louis de Crassier qui ont
bien voulu les mettre à notre disposition et que nous sommes heureux de
remercier ici pour leur complaisance. Quant aux lettres de G. de Cras-
sier, nous n'avons pu en découvrir que cinq, les unes sont gardées dans
ses archives (infra, n^ XI et LXIII), les autres dans le fonds Schannat
à Prague (infra, n«" XLIII, XLV et XLVIII). Nous publions comme
annexes six lettres de Schannat, extraites de sa correspondance avec le
chanoine liégeois de Goha (n®* 1-4) et avec Dom Bernard Pez (n** 5
et 6) ; les premières sont tirées des archives de G. de Crassier ; les autres
proviennent de la Bibliothèque de l'abbaye de Melk en Autriche et nous
les donnons d'après les copies que Dom Ed. Katschthaler, O. S. B., a eu
l'obligeance de nous procurer. Enfin nous avons cru devoir y ajouter
trois lettres relatives à la mort de Schannat (annexes 7-9).
(i) La notice biographique la plus ancienne est contenue dans Y Eloge
historique composé par Antoine de la Barre de Beaumarchais et placé
en tête de V Histoire abrégée de la Maison Palatine (1740J. C'est de là
que dérivent les notices plus ou moins exactes qui sont consacrées à
Schannat dans les ouvrages suivants : Moréri, Le grand dictionnaire
historique, édit. de 1759, t. IX, p. 245 ; F.-X. de Feller, Dictionnaire
historique^ 5* édit., 1824, t. XII, p. 65; Michaud, Biographie univer-
selle, nouv. édit., t. XXXVIII, p. 249, par W. ; A. Neven, Biogra-
phie luxembourgeoise, t. Il, 1861, pp. 109-111, et t. III, 1876, p. xxv;
F. DiDOT, Nouvelle biographie générale, t. XLIII, 1864, col. 488, par
E. R. ; Allgemeine deutsche Biographie, t. XXX, 1890, pp. 571-572, par
V. Schulte; Wetzer et Welte, Kirchen-Lexikon, 2* édit., 1897, t. X,
p. 1760, par Kerker. L'étude de Dom Ed. Katschthaler (Ueber Bern-
hard Pej und dessen Briefnachlass, Melk, 1889, pp. 63-72) contient des
détails nouveaux sur certaines périodes de la vie de Schannat ; ils ont été
repris dans un travail d'ensemble publié par le D' C. Will dans le H es-
— 3 —
les pages qui suivent et qui serviront d'introduction à
notre publication.
Jean-Frédéric Schannat naquit le 23 juillet i683
à Luxembourg, où son père, un médecin originaire
de Franconie, était venu s'établir (4) ; il eut pour par-
rain Jean-Frédéric comte d*Autel, gouverneur et capi-
taine général du pays de Luxembourg. Après avoir
achevé ses humanités dans sa ville natale, il se rendit
à Louvain pour y suivre les cours de droit ; il y fit
preuve d'une précoce maturité d'esprit et d'une rare
application, car il n'avait que 22 ans quand il conquit
le grade de bachelier (lyoS); il prit ensuite ses licences
et obtint son inscription comme avocat au Grand Con-
seil de Malines (2).
Ses occupations professionnelles ne semblent pas
l'avoir absorbé longtemps ; on le voit s'adonner bientôt
senland, 1 891 , n<»« 7 et 8 (Johann Friedrich Schannat; eine Lebensski^fe),
et à part, Cassel, 6 pp. in-4°. Voyez aussi Historich-polit, Blaetterfuer
dos kathol. Deutschland, 1892, t. CIX, pp. 258 et 3 16. Von Loen, qui
fiit Tun des nombreux amis de Schannat nous a laissé de lui un portrait
détaillé et qui paraît généralement fidèle (Gesamm, kleine Schri/ten,
5® édit., 1765, t. I, pp. 278-290 : Abbildung des Herrn Abt Schannats).
Citons enfin les pages consacrées à la vie et aux ouvrages de Schannat par
Von Wegele, Geschichte der deutschen Historiographie, 1 885, pp. 569-
570 et 701-702.
(i ) Dans sa biographie de Schannat (Hessenland, 1891 , n" 7), C. Will
donne une copie de son acte de baptême ainsi conçue : « P>id. J. Schan-
» nat iuris utriusque Licenciatus ex perhonesto ac spectabili connubio
» progenitus Domini Johannis Georgii Sch., medici in hac urbe, et Do-
» minae Catharinae Pletscheit baptizatus 23. Juli i683. » On connaît une
sœur de Jean-Frédéric; en 1739, elle était religieuse au couvent des
Dames Blanches à Hasselt; voy. infra, annexe 8.
(2) C. Will, op, cit,, cite un document d'après lequel Schannat obtint
en 1 705 le grade de bachelier en droit « in coUegio utriusque iuris almae
» Universitatis generalis studîi oppidi Lovaniensis. » Il mentionne aussi
une pièce qui nous fait connaître les armoiries exécutées pour Schannat
le 24 novembre 1707, à l'occasion de sa promotion au grade de licencié.
On sait que les titres d'honneur assumés par les licenciés et docteurs de
Louvain ne pouvaient entraîner aucun caractère de noblesse civile. Le
titre de licencié en droit, qui s'obtenait après quatre années d'étude, était
requis pour exercer la profession d'avocat. Voyez [V. Brants], L'Uni-
versité de Louvain, Bruxelles, 1900, p. 33.
_ 4 —
aux recherches historiques et se plaire dans l'étude
des anciens documents. En 1707, il publie comme
fruit de ses premiers travaux, {'Histoire du comte de
Mansfeld (1); l'ouvrage certes n'était pas sans valeur et
il rencontra dans le monde des érudits un accueil très
favorable. Ce succès décida de la vocation du jeune
Schannat; renonçant délibérément au barreau, il ré-
solut de se consacrer entièrement à l'étude de l'histoire
et de la diplomatique.
C'est à cette époque qu'il embrassa l'état ecclésias-
tique; s'il faut en croire ses biographes, c'aurait été
dans l'espoir de trouver un accès plus facile aux dépôts
d'archives et de se faire conférer des bénéfices qui sup-
pléeraient à la modicité de sa fortune patrimoniale (2).
Quoiqu'il en soit des motifs qui provoquèrent sa dé-
termination, nous doutons qu'il soit jamais entré dans
les ordres sacrés (3). A la vérité, il fut nommé, vers l'an
1709, chanoine de la collégiale Saint-Jean à Liège (4);
(i) Histoire du comte de Mansfeld, seigneur de Heldrungen, prince
du Saint-Empire y chevalier de la Toison d'or, etc, Luxembourg, A.
Chevalier, 1707, in- 18, 99 pp.
(2) Voy. DE LA Barrk, Eloge historique de l'abbé Schannat; Nkyen,
Biographie luxembourgeoise, t. II, p. 109; Will, op. cit,, etc.
(3) Certains indices prouvent en tout cas qu'il ne reçut pas l'ordina-
tion sacerdotale : dans une lettre, en date du 12 décembre 1 721, où il fait
connaître à son ami Dom B. Pez les diverses occupations qui remplissent
ses journées, on lit : « Je me lève régulièrement à 5 heures et je bois un
» peu de thé ; puis je travaille jusqu'à 9 heures ; à ce moment j'assiste à
» la grand'messe et j'y dis mon bréviaire... » (E. Katschthaler, Ueber
B, Pej unddessen Brie/nachlass, Melk, 1899, P* ^7)* ^^ s'explique aussi
qu'à la mort de Schannat, les rédacteurs des Acta eruditorum de Leipzig
(année 1741, p. 240) s'étonnèrent de lui voir attribuer le titre d'a^^edans
son Eloge historique. En 1738, Schannat fut choisi comme prévôt de
la collégiale Notre-Dame à Erfurth, mais cette nomination fut contestée
(voy. infra, lettres LXIV-LXVI).
(4) Dans le Manuel aux paies du chapitre pour l'année 1 710 (aux
archives de l'Etat, à Liège, Collégiale Saint-Jean, n^ 2991), Schannat
figure déjà sur la liste intitulée : Nomina Rd. Dominorum participan-
tium; les Manuels des années antérieures n'ont pas été conservés. Cf.
Ibid,, Comptes g en ér., n°" 2655-2659. Les trente prébendes de Saint-Jean
l'Evangéliste étaient à la collation du prince-évêque de Liège (J. Daris,
Notices sur les églises du diocèse de Liège, t. VI, p. 170).
— 5 —
mais il est probable qu'il fut pourvu d'une de ces pré-
bendes qui s'obtenaient sans autre condition que la
qualité de clerc (i) : or, Schannat avait reçu la première
tonsure à Luxembourg, dès l'année 1694 (2).
Le nouveau chanoine de Saint-Jean vint s'établir
à Liège où il ne tarda pas à nouer des relations avec
tous ceux qui s'y adonnaient alors à la culture des
sciences et des lettres, et parmi lesquels le baron Guil-
laume de Crassier tenait le premier rang; c'était un
archéologue de mérite, grand connaisseur en mé-
dailles, pierres gravées et objets d'antiquité ; il en avait
formé de précieuses collections dont les richesses le
cédaient cependant à celles de sa bibliothèque. Il oc-
cupait les loisirs que lui laissaient les fonctions dont
l'avait investi la confiance du prince-évêque Joseph-
Clément de Bavière, à publier des dissertations sur
des points encore obscurs de l'histoire locale ou à dres-
ser les catalogues de ses collections (3). La vive sympa-
thie que la similitude de leurs goûts avait fait naître
entre Schannat et Crassier, donna bientôt naissance
aux sentiments d'une profonde amitié. Aussi quand
Schannat quitta Liège en 1711 pour se rendre à Luxem-
bourg, commença-t-ilavec son ami un commerce épis-
tolaire qu'il devait continuer pendant plus de vingt-sept
années.
Il ne séjourna guère dans son pays natal, qu'il par-
courut en tous sens à la recherche de documents his-
(i) Cf. G. Thimister, Histoire de la collégiale Saint-Paul, 2* édit.,
1890, p. 104.
(2) Dans les papiers de Schannat, conservés à Prague, se trouve une
attestation d'après laquelle il reçut le 14 mai 1694 « in ecclesia St. Trini-
» tatis Sanctimonialium ord. s. Augustini congreg. B. M. Virg. primam
» clericalem tonsuram. » Cf. C. Will, op. cit. On peut y voir la preuve
que les parents de Schannat l'avaient tout d'abord destiné à l'état ecclé-
siastique.
(3) Guillaume- Pascal, libre baron de Crassier et du Saint-Empire,
était né h Liège le 1 1 avril 1662 ; il y mourut le 28 novembre 1758. Pour
sa biographie, voyez Léon Halkin, Correspondance de Dont E. Mar-
tine avec le baron de Crassier, 1898, pp. 7-20.
— 6 —
toriques ou d'antiquités (i). En février 1714, nous le
retrouvons à Paris. A cette époque Tabbaye de Saint-
Germain-des-Prés, qui réunissait les membres les plus
éminents de la Congrégation de Saint-Maur, formait
comme une petite académie; c'est là que sélaboraient
les éditions des Pères, les annales de TOrdre de Saint-
Benoît, le Gallia christ iana et tous ces ouvrages mo-
numentaux, dont la publication devait provoquer l'ad-
miration de l'Europe savante (2). Schannat, bientôt
devenu un des familiers de labbaye, s'y sentit surtout
attiré vers Dom Edmond Martène; déjà le docte béné-
dictin s'était acquis une réputation méritée par ses deux
Traités sur les rites monastiques (1690) et les rites ecclé-
siastiques (1700), ainsi que par son premier Recueil
d'écrivains religieux et profanes (1700) (3). Il réserva
au jeune abbé l'accueil le plus bienveillant, et quand
l'heure de la séparation eut sonné, un échange régulier
de lettres s'établit entre eux (4). Peu de temps après,
Crassier lui-même entra en relations épistolaires avec
Martène, à la suite de son second Voyage littéraire
(1718). Dès ce moment aucun événement important ne
traverse l'existence de l'un de ces trois hommes, si bien
faits pour se comprendre et s'estimer, sans qu'on en
retrouve l'écho dans leur correspondance ; ils mettent
( I ) En se rendant à Luxembourg Schannat s'était arrêté au monastère
d'Orval ; il y copia différents passages du manuscrit de Gilles d'Orval
encore inédits et qu'il se proposait de publier ultérieurement (lettre I).
(2) E. DK Broglie, Mabillon et la Société de Vabbaye de Saint-Ger-
main-des-Prés, Paris, 1888. Le même, B, de Montfaucon et les Ber-
nardinSy Paris, 1891.
(3) Martène était né le 22 décembre 1654; il mourut à Paris le 20
juin 1739. Pour sa biographie, voyez D. Tassin, Histoire littéraire delà
Congrégation de Saint-Maur, Bruxelles (Paris), 1770, pp. 542-571 ;
F. DiDOT, Nouvelle biographie générale, t. XXIII, col. ioo3-ioo6
(1860).
(4) Cette correspondance devait se continuer pendant près de vingt
années, jusqu'en 1733 (Voy. in/ra, lettre LV); à partir de cette date,
c'est par l'intermédiaire de Crassier que Schannat et Martène restèrent
en relations. Voy. Correspondance de Dom E, Martène, etc., pp. 266,
267 et 274.
— 7 —
en commun les joies et les peines, se font part de leurs
projets d'étude, s'excitent mutuellement à persévérer
dans la carrière laborieuse où ils se sont engagés par
amour de la science et de TEglise (i).
De retour à Liège en mai 1714, Schannat quittait
bientôt cette ville pour se rendre en Franconie d'où sa
famille était originaire ; il espérait sans doute y trouver
plus aisément des occupations de nature à satisfaire sa
passion pour les travaux historiques et à lui fournir
en même temps les ressources matérielles nécessaires à
son entretien.
En septembre 1717, il résidait à Nuremberg, tou-
jours aussi empressé à visiter les bibliothèques et les dé-
pôts d'archives. Cependant il ne parvenait pas à se créer
une position stable ; déjà avant son départ de Liège
il avait eu des démêlés d'ordre financier avec le cha-
pitre de Saint-Jean et certains créanciers avaient mis
arrêt sur sa pension ; depuis lors, ses parents ayant
refusé de lui venir en aide, il avait dû emprunter à
Vienne une somme de 100 écus (2). Il fut très heureux
de pouvoir profiter pendant près d'un an (1720-1721)
de la généreuse hospitalité que lui ofl'rirent les béné-
dictins de Melk en Autriche (3).
Il devait y rencontrer en Bernard Pez, bibliothé-
caire du monastère, à la fois un maître et un ami.
Dom Pez, en effet, stimulé par le succès des ouvrages
publiés par ses confrères de Saint-Germain-des-Prés,
(i) Nous avons publié en 1898 la Correspondance de Dom E, Martène
avec le baron de Crassier (Bulletin de VInstitut archéologique liégeois^
t. XXVII, et à part, Bruxelles, G. Schepens) ; elle comprend cent soixante-
deux lettres ; la première est du i*' octobre 17 18, la dernière du 1 3 mai 1736.
(2) Voy. infra^ lettre XII et annexe i. On trouve dans la correspon-
dance de Schannat avec Crassier de fréquentes allusions aux dettes qu'il
avait contractées à Liège et qu'il s efforça d'éteindre dans la mesure de
ses moyens. Crassier et le chanoine de Goha voulurent bien l'aider dans
le règlement de ces « fâcheuses questions d'arithmétique. » Voy. in/ra,
annexes 1-4, et Goethals, Histoire des lettres , des sciences et des arts
en Belgique j t. IV, p. 286.
(3; Voy. iVt/ra, lettres XI I-X IV.
— 8 —
avait résolu de faire de l'abbaye de Melk un centre
d'études analogue. Il avait réuni autour de lui plu-
sieurs jeunes religieux qu*il initiait à la méthode des
sciences historiques et avec le secours desquels il avait
projeté d'élaborer une Bibliothèque générale de l'Ordre
de Saint-Benoît. Pour exécuter ce vaste dessein, il avait
entrepris, à l'exemple des Mauristes français, divers
voyages littéraires en Autriche, en Bavière et en
Souabe (i) ; de plus, il entretenait une correspondance
suivie avec des savants étrangers et notamment avec
Martène, qui le fit profiter maintes fois des fruits de
son expérience personnelle (2).
Malgré l'affectueuse sympathie que lui témoignaient
B. Pez et ses disciples, le séjour de Melk ne pouvait
être que provisoire pour le pauvre Schannat. Il prit
congé de ses hôtes au printemps de l'an 1721 et se diri-
gea vers Wurzbourg où il voulait tenter fortune ; le
bibliothécaire épiscopal Konrad Sigler auquel B. Pez
l'avait recommandé, lui facilita l'accès des bibliothèques
des monastères de la Franconie et de la Hesse. Il espé-
rait y découvrir de nombreux documents pour une
collection des conciles d'Allemagne dont il caressait le
projet depuis quelque temps déjà. Cependant ses res-
sources pécuniaires étaient toujours fort restreintes et
il ne parvenait qu'à grand'peine à réunir chaque mois
les i5 florins qu'il lui fallait pour sa subsistance. Il
dut se résigner à exécuter des copies à prix d'argent et
à faire des recherches d'archives pour le compte de
B. Pez lui-même, puis d'autres historiens (3). Par bon-
(i) Il publia les documents recueillis au cours de ces voyages, dans
son Thésaurus anecdotorum novissimus y 172 1- 1729, 6 vol. in-fol.
(2) Bernard Pez était né à Ybbs, près de Melk, le 22 février i683. En
1728, il accompagna en France le comte Zinzendorf et eut l'occasion de
faire personnellement la connaissance de ses confrères de Saint-Germain*
des-Prés (Voy. injra^ lettre XLVIII). Il mourut le 27 mars 1735 avant
d'avoir pu terminer sa Bibliothecabenediciina gêner alis. Cf. Ed. Katsch-
THALER, Ueber B, Pe^y etc., Melk, 1889.
(3) Notamment Schmincke qu'il aida dans la publication des Morti-
— 9 —
heur, Schannat possédait une extraordinaire aptitude
au travail ; levé régulièrement à 5 heures, il se mettait
aussitôt à la besogne et s'y tenait jusqu'au soir, sans
s'interrompre, si ce n'est pour assister à la Messe et
prendre de légers repas (i).
Ce ne fut quau début de 1722 qu'il sortit de cette
pénible situation; sur la recommandation de B. Pez,
il obtint la place de bibliothécaire et d'historiographe
de l'abbaye de Fulde. Il conclut avec le prince-abbé
Constantin de Buttlar une convention d'après laquelle
il s'engageait à donner en deux volumes une histoire
de Fulde et se voyait assurer, en retour, un traitement
annuel de 200 florins (avec pension et logement) et
deux mois de vacances (2). B. Pez n avait pas obligé
un ingrat ; dans ses lettres, Schannat ne cesse de l'as-
surer de son éternelle reconnaissance; il s'empresse de
lui communiquer les résultats de ses recherches et
le tient au courant de l'avancement de ses propres
travaux ; bref, il le considère comme son meilleur
oracle (3).
Cependant Schannat s'était consacré avec ardeur à
l'élaboration de sa grande Histoire de Fulde. Au cours
de ses recherches il rassembla une foule de documents
inédits, intéressant l'histoire ecclésiastique et profane
de l'Allemagne ; le rétablissement de l'ancienne impri-
menta Hassiaca, et J.-G. von Eckhart. Cf. E. Katschthaler, op. cit.,
p. 64.
(i) Voy. E. Katschthaler, op, cit., p. 67.
(2) Lettre de Schannat à B. Pez, en date du 12 décembre 1721. Cf.
E. Katschthaler, op. cit., p. 65.
(3) Lettres de Schannat à B. Pez, en date du lo mars 1722 et du 21
décembre 1722. Cf. E. Katschthaler, op. cit., pp. 64 et 66. Aussi Schan-
nat ne cache-t-il pas sa joie quand il apprend que B. Pez, mécontent de
son abbé, songe à quitter Melk pour venir résider à l'abbaye de Fulde.
Voy. in/ra, lettres XX, XXI, XXXVI et XXXVII. En 1731, un léger
dissentiment s'éleva entre les deux amis à l'occasion de la publication de
la Vie de saint Trudpert, par B. Pez (infra, annexe 5). On conserve à
l'abbaye de Melk trente-huit lettres de Schannat à B. Pez; nous en pu-
blions deux comme annexes (n*"* 5 et 6j. Sur cette correspondance, voyez
E. Katschthaler, op. cit,, pp. 63-72.
t
— 10 —
merie abbatiale lui permit bientôt d'un publier une
partie en un recueil intitué Vindemiae literariae {\) ; il
renfermait plusieurs pièces importantes, notamment le
Chronicon Erfordiense et les Annales Vetero-Cellenses,
et des extraits de nécrologes, dont Schannat avait de-
viné la valeur comme source historique (2). Encouragé
dans cette voie par les félicitations de ses amis et les
éloges des journaux savants (3), il fit paraître quelque
temps après une nouvelle collection de chartes et d'autres
documents en langue allemande (4).
Dans ses mains laborieuses, l'Histoire de Fulde
prenait de vastes proportions ; pour contenter l'impa-
tience du public et alléger son ouvrage de controverses
sur des points secondaires, il résolut de donner au
préalable trois traités qui seraient comme des travaux
préliminaires : le Corpus traditionum Fuldensium, le
de Clientela et le Diœcesis Fuldensis. Le premier, paru
en 1725 (5), comprenait dans l'ordre chronologique les
donations faites à l'abbaye de Fulde depuis son origine
(i) Vindemiae literariae^ hoc est veterum monumentorum ad Ger-
maniam sacrant praecipue spectantium, Fulde et Leipzig, 2 vol. in-fol.
DoM Calmet (Bibliothèque lorraine y p. 872, n^ 5-2o) et après lui Ne yen
(Biographie luxembourgeoise y t. II, p. 1 1 1), donnent par erreur, comme
autant d'ouvrages de Schannat, seize pièces comprises dans les Vin-
demiae.
(2) Cf. VON Wegele, Geschichte der deutschen Historiogr., i885,
p. 570, n. 3.
(3) Cf. les Acta eruditorum de Leipzig, 1724, pp. 5i-56 et infra^
lettres XVIII et XX.
(4) Sammlung alter historischer Schri/ten und Documenten, wobey
das alte Landrecht wie selbiges vor Zeiten in Teutschland gebràuchlich
gewesen, I Theil. Francfort, 1727, in-4°. Il n'a paru de ce recueil que le
premier volume.
(5) Corpus traditionum Fuldensium, ordine chronologico digestum,
complectens omnes et singulas.,, pias donationes in ecclesiam Fulden-
sem col la tas, ab anno/undationis suae DCCXLIV adfinem usque sae-
culi XIII; accedit Patrimonium S. Bonifacii sive Buchonia vêtus.
Leipzig, 1724; 440 pp. in-fol. La dédicace au prince-abbé Constantin est
datée du i®' mai 1724; mais par suite d'un désaccord avec l'éditeur (M. G.
Weidmann), l'index dut être imprimé à Fulde, ce qui retarda la publica-
tion de l'ouvrage jusqu'en 1725. Voy. infra, lettre XXVIII.
— 11 —
jusqu'à la fin du Xlil« siècle, par les empereurs, rois,
princes ou simples particuliers. Grâce à une soigneuse
révision des sources et à la découverte de plusieurs
anciens manuscrits (dont Tun remontait au ix® siècle)
Schannat put rééditer d'une façon plus correcte l'ancien
recueil de Pistorius et même l'augmenter dans des pro-
portions considérables [i).
Le de Clientela Fuldensi (dédié au nouvel abbé
Adolphe d'Alberg) était divisé en trois parties ; dans la
première, Schannat prouvait l'antiquité des fiefs mou-
vant de Fulde et étudiait les questions d'ordre juridique
qui s'y rattachaient ; il y démontrait notamment que
ces fiefs étaient régis par le droit commun féodal
d'Allemagne, qu'ils étaient masculins de leur nature et
retournaient à l'abbé-prince à défaut de descendants
mâles de celui qui en avait été le premier investi. La
seconde partie renfermait la liste des différents vas-
saux de Fulde : empereurs, archiducs, électeurs, ducs,
comtes, princes et seigneurs. Enfin un volumineux
Codex probationum (pp. igS-SyS) terminait l'ouvrage
en faisant connaître des actes d'investiture accordés
par les abbés et des actes de reconnaissance des vas-
saux (s).
Un an ne s'était pas écoulé qu'un nouveau traité
qui devait avoir plus de retentissement que les précé-
dents, le Diœcesis Fuldensis, sortait de la plume fé-
conde de Schannat. Il y étudiait d'abord l'origine, le
développement et l'histoire du diocèse de Fulde auquel
il n'attribuait pas moins de soixante paroisses et no-
nante-quatre églises filiales. Il établissait ensuite que
Fulde jouissait depuis le VHP siècle d'une exemption
(i) Voy. i«/r«, lettres XV et XVI.
(2) Fuldischer Lehn-hof, sive de clientela Fuldensi beneficiaria no-
bili et equestri tractatus historico-juridicus. Francfort-sur-Mein, 1726,
52 + 378 pp. in-fol. Voy. les comptes-rendus publiés par le Journal des
Sçavans, mars 1780, édit. d'Amsterdam, t. XC, pp. 333-337 et parles
Acta eruditorum, 1727, pp. 24-30.
— 12 —
absolue, que les abbés-princes avaient le droit de con-
sacrer eux-mêmes les autels et églises, de s'adresser
pour les ordinations à levêque de leur choix, et
d'exercer dans toute Tétendue de leur diocèse une juri-
diction spirituelle et temporelle quasi-épiscopale, sans
autre dépendance que du Saint-Siège. Le Codex pro-
bationum (pp. 231-408), donnait le texte des bulles et
brefs des Papes, des diplômes impériaux et des autres
documents servant de preuves à l'argumentation de
lauteur (1).
La thèse soutenue par Schannat ne pouvait manquer
de susciter d'ardentes controverses. A cette époque, se
dessinait un mouvement assez général contre l'exemp-
tion dont jouissaient certaines abbayes. En France, on
considérait leur situation privilégiée comme contraire
au droit commun et il était fort difficile de la maintenir
contre les revendications des évêques, malgré l'intérêt
des Papes à garder, au milieu des différents diocèses,
des églises qui leur fussent immédiatement soumises (2).
C'est ainsi qu'en 1725, les prétentions élevées par l'é-
vêque de Soissons contre la juridiction de Tabbaye de
Saint-Corneille à Compiègne, avaient soulevé d'inter-
minables polémiques où Martène joua un rôle très actif
et qui ne se terminèrent que grâce à de mutuelles con-
cessions (3).
En Allemagne, on jugeait de la validité des exemp-
(i) Diœcesis Fuldensis cum annexa sua hierarchia, qua continentur
praeter parochiales ecclesias LX, cum filialibus XCIIII, etc., addita
mappa geographica aliisque figuris aeri incisis, Francfort, 408 pp.
in-fol. Voy. in/ra, lettre XXXVI.
(2) Voy. in/ra, lettre XL. Cf. Fleury, Institution au droit ecclésias-
tique, 172J, t. I, p. 229 : « On a travaillé dans les derniers temps à res-
» treindre les exemptions autant qu'il a été possible. La présomption est
» pour le droit commun. »
(3) Voy. in/ra, lettres XXXIII, XL et XLI. Cf. Catalogue des ma-
nuscrits de Compiègne, cod. 42, fol. 326 : «Transaction faite avec Tévêque
» de Soissons au sujet de la juridiction spirituelle de l'abbaye de Saint-
» Corneille, le 26 février 1728. » Voy. aussi Mémoires de Trévoux,
1727, pp. 870 et 989; 1728, pp. 128 et 65o.
— 13 —
tions en considérant à la fois la possession et les titres ;
sous ce double rapport, celle de Fulde était à Tabri de
toute contestation sérieuse (i). Néanmoins les évêques
du voisinage prirent ombrage du titre de diocèse donné
à la principauté de Fulde; celui de Wurzbourg, Chris-
tophe-François de Hutten se considéra comme lésé
dans ses droits par l'attribution à Tabbaye de certains
monastères qui relevaient de lui, et se crut obligé de
combattre une extension dexemption qu'il regardait
comme abusive et contraire à ses intérêts. Il s'adressa
à deux écrivains également versés dans les études his-
toriques, le jésuite Jean Seyfried et Jean-George d'Eck-
hart, et les chargea de la réfutation des thèses avancées
dans le Diœcesis.
Le P. Seyfried, professeur d'histoire à l'Université
de Wurzbourg, avait été jadis le protecteur et l'ami de
Schannat ; mais ils avaient fini par se brouiller, pour
des raisons d'amour-propre, à ce qu'il semble (2). Quoi-
qu'il en soit, il se montra d'une violence extrême à
l'égard de Schannat dans le libelle qu'il publia contre
lui sous un nom d'emprunt : il y attaquait autant la
personne même de son antagoniste que les privilèges
de Fulde (3). Le prince-abbé ofïrit une récompense de
100 florins à celui qui en découvrirait le véritable au-
teur et en fit brûler publiquement un exemplaire par
la main du bourreau. Quant à Schannat, il ne jugea
pas cet écrit digne d'une réfutation en règle (4).
(i) Voy. in/ra, lettres XL et XL I.
(2) Voy. la lettre de Schannat h B. Pez, en date du 12 décembre 1721
(E. Katschthaler, op. cit., p. 66). Le Père Seyfried, né à Mayence le
i5 septembre 1678, avait été nommé professeur d'histoire à l'Université
de Wurzbourg en 1720. Cf. C. Sommervogel, Bibliothèque de la Com-
pagnie de Jésus , t. Vil, 1896, p. 1170.
(3) /w Rhapsodiam Friderici Schannat cui titulum fecit: Diœcesis
Fuldensis cum annexa sua hierarchia, Epistola censoria Joannis Chi-
liani Mainberger Ostro-Franci, 1727, in-4°.
(4) Schannat lui-même ne savait pas au juste qui était l'auteur de cette
diatribe, il soupçonnait à la fois le Père Seyfried et le frère Jos. Hahn
de GÔtlweih. Cf. E. Katschthaler, op, cit., p. 68, et in/ra, lettre XLIIl.
— 14 —
Eckhart, Tancien disciple et collaborateur de Leib-
niz, devait être pour lui un adversaire autrement re-
doutable (iJ. Devenu, depuis sa conversion au catho-
licisme, bibliothécaire de l'Université de Wurzbourg,
il avait jusqu'alors témoigné à Schannat les sentiments
de la plus vive amitié (ii, mais, comme le disait Mar-
tène, « quand on se livre aux princes, il faut épouser
» leurs intérêts, même contre ses plus fidèles amis» n).
Ce fut sur la tin de Tannée 1727 qu'Eckhart fit paraître
ses Animadversiones historicae et criticae (\)\ il y pré-
tendait que la plupart des documents produits par
Schannat pour établir la juridiction quasi-épiscopale
de labbé de Fulde étaient faux ou du moins très sus-
pects (5). L'autorité qui s'attachait au nom de l'auteur,
l'habileté qu'il avait déployée pour soutenir sa thèse,
ne permettaient pas de laisser ses attaques sans ré-
plique. D'ailleurs Schannat, sur le point d'achever
l'histoire de Fulde, tenait au préalable à mettre à
l'abri de toute suspicion les titres de l'abbaye; sa
réponse parut au printemps de l'année suivante, sous
le titre de Vindiciae quorumdam archivi Fuldensis
diplomatum (e). Après une préface où il s étonnait de
l'étrange conduite de son ancien ami, Schannat don-
nait en douze planches gravées les fac-similés des
documents sur lesquels étaient fondés les privilèges de
Fulde; il démontrait ensuite l'authenticité de ces docu-
ments et réfutait victorieusement les autres critiques
il) Flckhari était né a Duingen le 7 septembre 1664. Cf. Allgemeine
deutsche Biographie, t. V '1877,, pp. 027-63 1 ; Katschthaler, op. cit.,
pp. 57-03, et infra, lettres XX-XX!!.
^2) Voy. infra, la lettre XXIII, et la lettre adressée par Eckhart à
Schannat le 10 mai 1724 et publiée dans V Eloge historique placé en tête
de V Histoire de la Maison Palatine (1740,.
<3, Voy. in/ra, lettre XL.
(4 Animadversiones historicae et criticae in J. F, Schannat Diœce-
sin Fuldensenij Wurzbourg, 1727.
f5 Eckh;irt contestait notamment l'authenticité de la bulle du pape
Zacharie (75 1; qui avait soumis immédiatement Tabbaye au Saint-Siège.
(6) Francfort, 1728, 112 pp., in-fol.
— 15 —
d'Eckhart. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail
de cette fameuse discussion (i), au cours de laquelle
Schannat fut puissamment secondé par Charles-Louis
Hugo, abbé d'Etival (2).
De son côté, Eckhart trouva deux auxiliaires de
talent en Jean-George Estor et Ignace Roderique. Le
premier, professeur de droit à l'Université de Giessen,
avait été invité par les landgraves de Hesse à prendre
la plume contre Tauteur du de Clientela qu'ils accu-
saient d'avoir méconnu certains de leurs droits comme
vassaux de Fulde. Il s acquitta de sa tâche en publiant
une dissertation dans laquelle il exposait de quelle ma-
nière se régissaient par rapport aux successions les fiefs
de l'abbaye; d'après lui, ces fiefs étaient simplement
oblats, c'est-à-dire qua lorigine ils avaient été offerts
librement à l'abbaye par des propriétaires de fonds
allodiaux; il en concluait qu'à défaut d'héritiers mâles,
les filles étaient capables de succéder à ces fiefs selon
certaines règles déterminées (3).
Ce ne fut pas d une façon aussi directe que Rode-
rique, qui devait à la protection d'Eckhart la chaire
qu'il occupait à l'Université de Wurzbourg, combattit
les théories de Schannat (4). A cette époque, un conflit
(i) On en trouvera une analyse très complète dans les Acta erudi fo-
rum de Leipzig, 1728, pp. 481-501. Cf. le Journal des Sçavans, mars
1730, édit. d'Amsterdam, t. XC, pp. 324-333.
(2) L*abbé d'Etival (de l'Ordre des Prémontrés) soutint contre Tévêque
de Toul le privilège d'exemption de sa maison et les droits qui y étaient
attachés ; il composa notamment un ouvrage intitulé : Antiquitas exemp-
tionis monasteriorum a jurisdictione episcopali yindicata (ïj2g), où il
réfutait à son tour les critiques d'Eckhart; cf. lettre XLIV. En 1729,
Tabbé de Fulde envoya Schannat à Etival pour remercier Tabbé Hugo
du service qu'il lui avait rendu ; Schannat profita de ce voyage pour se
rendre à Senones et y faire visite à Dom Calmet dont il était l'ami. Cf.
D. Calmet, Bibliothèque lorraine, lySi, pp. 873 et 5 12.
(3) Analecta Fuldensia ad viri Rd, J. F, Schannat Clientelam Fui-
densem beneficiariam, etc., Strasbourg, 1727, 88 pp. in-fol. Voy. un
compte-rendu de cette dissertation dans le Journal des Sçavans, dé-
cembre 1728, édit. d'Amsterdam, t. LXXXVI, pp. 442-444.
(4) Jean-Ignace Roderique ou Roderiq était né à Malmedy le 4 no-
— Itt —
au sujet de la primauté avait éclaté entre les deux mo-
nastères de Stavelot et de Malmedy; Manène ayant
pris parti pour le premier dans son second Voyage
littéraire et dans \ Amplissima collectio, les religieux
de l'autre monastère s'adressèrent à Roderique qui
était originaire de Malmedy et le prièrent de défendre
leurs prétentions. La proposition fut acceptée d'autant
plus volontiers que le savant bénédictin s'était pro-
noncé ouvertement contre Eckhart dans sa polémique
avec Schannat fi). La réponse de Roderique parut dès
1728; elle était dirigée principalement contre Martène,
mais ni les titres de Fulde, ni son historien n'y étaient
épargnés dj; elle fut bientôt réfutée par un solide mé-
moire que Martène fit imprimer à Liège par les soins
de G. de Crassier; les travaux de Schannat y étaient
l'objet d'éloges qui le dédommagèrent amplement des
attaques impertinentes de Roderique (3).
Quant aux critiques d'Estor, il s'était réservé le soin
de les discuter dans son Historia Fuldensis, qu'il pu-
blia en 1729 (4); cet ouvrage était le fruit de huit an-
nées d'un labeur incessant et de patientes recherches
vcmbre 1697; reçu dans la Compagnie de Jésus en 1717, il en sortit le
23 novembre 1725, pour cause de maladie dit le Père Hartzheim (Bi-
blioth. Colon., p. i36;. Cf. L. Halkin, Correspondance de Dom E.
Martine avec le baron de Crassier, p. 288 ; Ne yen, Biographie luxem-
bourgeoise, t. II, app., p. 82 ; t. m, p. XXV, et Allgemeine deutsche Bio-
graphie, t. XXIX (i88y;, p. 22. Voy. aussi infra, lettres XXX et XLIV.
(i; Voy. infra, lettres XLI et XLVII.
.'2. Disceptationes de abbatibus, origine, primaeva et hodierna cons-
titutione abbatiarum inter se unitarum Malmundariensis et Stabulensis,
Wurzbourg, 1728, 186 pp. in-fol.
'3; Imper ialis Stabulensis monasterii jura propugnata, Cologne
MJégC;, 1730. Voy. infra, lettre LI. Roderique répliqua de nouveau en
1 73 1 (De abbatibus monasteriorum Malmundariensis et Stabulensis dis-
ceptatio tertia, Cologne, 96 pp. in-fol.). Cf. A. de Noue, Etudes histo-
riques sur r ancien pays de Stavelot et Malmedy, 1848, pp. 2o3, 488, et
Monumenta Gcrmaniae historica, Scriptores, t. XI, p. 433.
(4; Histfjria Fuldensis in très partes divisa, etc., Francfort, 1729,
3oO pp. iii-fol. ; Codex probationum historiae Fuldensis, 482 pp. in-fol.
Voy. le compte-rendu de cet ouvrage dans les Acta eruditorum, 1730,
pp. 97103.
— 17 —
dans les archives d'Allemagne. Schannat y reprenait
les thèses exposées dans ses traités antérieurs, les étayait
de preuves nouvelles et les développait d'après un plan
méthodique. La première des trois parties de cette his-
toire retrace l'origine, le développement, l'ancienne
discipline et l'économie du monastère de Fulde, ainsi
que la vie des hommes célèbres qu'il a comptés ; le
tableau des droits, prérogatives et privilèges des abbés
forme la deuxième partie ; la dernière est consacrée
à la biographie des différents abbés. Dans le Codex
probationum sont réunis les documents sur lesquels
Schannat basait son exposé. VHistoria Fuldensis plut
beaucoup au prince-abbé Adolphe : pour témoigner à
l'auteur sa reconnaissance, il lui fit remettre, avec une
lettre hautement élogieuse, un cadeau de la valeur de
200 florins (i).
Ses nombreux travaux sur l'histoire de Fulde n'ab-
sorbèrent pas toute l'activité de Schannat (a) ; ils lui
laissèrent le temps de s'occuper d'une question qui
avait suscité aux Pays-Bas d'ardentes controverses de-
puis près d'un siècle, celle de Torigine des Béguines (3).
Dans sa Lettre sur l'origine et le progrès de cet ins-
titut (4), il prit un ton d'élégant badinage qui contrastait
(i) Cf. Katschthaler, op. ciL, p. 70,
(2) n serait trop long d'énumérer tous les projets d'étude de Schan-
nat; citons une nouvelle édition des Lettres de saint Boniface (infra,
lettres XXIV et XXVIII), le catalogue de la bibliothèque de Wurzbourg
(lettre XXVI 11), une vie de Rupert, roi des Romains (lettres LI et LU),
un recueil de médailles commémoraiives (lettre XLVI), une collection de
documents relatifs à Thistoire du moyen âge (lettre LV).
(3) Voy. Hallmann, Die Geschichte des Ursprungs der belgischen
Beghinen, Berlin, 1843; De Ridder, Analectes pour servir à l'histoire
ecclésiastique de la Belgique, t. XII, pp. 4-32, et t. XX, p. i25.
(4) Lettre de M^ l'abbé S"* à M^ de G'*' béguine d'Anvers, sur V ori-
gine et le progrès de son Institut, avec 2 figures, à Paris, chez Girard,
1731, 53 pp. in- 16. Cette Lettre est attribuée à Schannat par les auteurs
de la Bibliothèque histor. de la France (cf. F. Didot, Nouv. Biogr.,
t. XLIII, col. 488) et par A. Barbier, Dictionnaire des ouvrages ano-
nymes, t. II (1874), col. 1 185 ; elle aurait été imprimée en Hollande et
non à Paris comme Tindique le titre.
3
— 18 -
vivement avec la pédanterie et l'affectation dont les
érudits avaient fait preuve jusqu'alors en entrant en
contestation « sur un sujet si mince » ; la plupart d'entre
eux se fondaient sur un acte de l'an io65, découvert à
Vilvorde, pour refuser à Lambert-le-Bègue l'honneur
d'avoir établi le premier béguinage, et l'attribuaient à
sainte Begge. Il était réservé à la critique moderne de
démontrer la fausseté de ce fameux document : Schan-
nat eut le mérite d'en suspecter le premier l'authen-
ticité (\). La composition de ce petit écrit fut pour lui
comme un délassement, et quand il parut, il s'occupait
déjà de la préparation d'un nouveau travail.
C'était, en effet, en 1729, au moment où le manu-
scrit de XHistoria Fuldensis allait être envoyé à l'im-
pression, que l'évêque de Worms avait obtenu de
Schannat qu'il écrirait une histoire de cette ville en
deux volumes (2). Il était dans la destinée de l'infati-
gable abbé de ne trouver nulle part une position défi-
nitive en rapport avec ses talents ; il dit adieu à Fulde,
où s'était écoulée une phase si active de sa carrière et
transféra sa résidence à Worms (3). Il s'y consacra avec
son ardeur habituelle à l'élaboration de cet ouvrage
qu'il achevait au début de lySS. Malheureusement
l'électeur de Trêves, François-George de Schônborn,
qui dans l'entre-temps avait succédé à l'électeur de
Mayence sur le siège épiscopal de Worms, ne s'in-
téressait que médiocrement aux travaux d'érudition ;
ce ne fut qu'après de longs retards (dont Schannat
profita pour retracer les annales de la ^Maison Pala-
(i; Voy. pp. 2 et 6. La Lettre se termine par une liste des différents
be'guinages, avec de courtes notices, mais sans aucun appareil d'érudi-
tion. Il est probable que Schannat avait réuni les éléments de ce travail
durant son séjour aux Pays-Bas.
(2) Il lui assura une subvention annuelle de 5oo thalers jusqu'à Tachè-
vement de Touvrage. Cf. Katschthaler, op, cit., p. 70.
(3) Il y resta probablement jusqu'à la fin de i73i ; en 1782 il résidait
à Heidelberg (cf. annexe 5), en 1733-1734 à Manheim (lettre LV et an-
nexe 6).
— 19 —
tine) (\) que XHistoria episcopatus Wormatiensis fut im-
primée (2). Cette œuvre, élaborée sur le même plan et
d'après la même méthode que l'Histoire de Fulde, con-
sacra définitivement la réputation de Schannat comme
historien.
Aussi est-ce à lui que s'adressa l'archevêque de
Prague, Maurice-Gustave de Manderscheid-Blancken-
heim, qui souhaitait une description historique, généa-
logique et topographique de T Eiffel, d'où sa maison
était originaire. Schannat se laissa séduire par le plan
d'un ouvrage qui lui fournirait l'occasion de tirer parti
des ressources multiples de son fécond génie. Il se mit
donc en devoir de rassembler pour cette Eiflia illus-
trata les matériaux nécessaires, qu'il trouva pour la
plupart dans les archives familiales de l'archevêque;
il fit à cet effet plusieurs voyages dans l'Eiffel et en
Bohême (3). Grâce à sa merveilleuse activité, il put en
moins de deux ans terminer la plus grande partie de
sa tâche. En même temps, il continuait à préparer sa
Collection des conciles d'Allemagne à l'achèvement de
laquelle il avait réussi à intéresser son nouveau pro-
tecteur (4). Pour amener les deux ouvrages auxquels il
travaillait au degré de perfection qu'il ambitionnait,
des recherches dans les bibliothèques et archives d'Italie
étaient indispensables. L'archevêque de Prague fournit
libéralement à Schannat les sommes nécessaires à son
voyage et les recommandations qui pourraient lui ou-
vrir les plus riches dépôts d'archives et de manuscrits.
Arrivé au printemps lySô dans la ville éternelle,
(i) V Histoire abrégée de la Maison Palatine ne fut publiée qu'en
1740, après la mort de Schannat. Voy. infra.
(2) Historia episcopatus Wormatiensis, Francfort, 1743, 452 pp. in-
fol. Codex probationum, 448 pp. in-fol. Voy. in/ra, lettre LV.
(3) Voy. infra, annexe 6.
(4) A la suite d'un voyage qu'il fit aux Pays-Bas en 1726, il avait
déjà obtenu pour cette entreprise l'appui de Thomas- Philippe, cardi-
nal d'Alsace, archevêque de Malines. Voy. infra, lettres LIII, LV et
annexe 4.
— 20 —
Schannat y fit un séjour de deux années, qui fut peut-
être la période la plus heureuse de son existence [i). Sa
correspondance laisse deviner les jouissances profondes
qu'il goûtait à pouvoir puiser librement dans les tré-
sors des bibliothèques romaines et notamment de la
Vaticane dont le pape Clément XII lui avait permis
l'accès par une faveur spéciale (2). Il consacrait ses
rares loisirs soit à des entretiens avec des érudits ou de
grands personnages de Rome (3), soit à la visite des
monuments des époques payenne et chrétienne; un de
ses plaisirs favoris était d'assister aux fouilles prati-
quées dans les ruines des temples anciens ou dans les
catacombes ; il y recueillit différents objets d antiquité
qu'il destinait aux collections de Crassier. Mais le
temps de son séjour à Rome était mesuré et le i^r mars
1738, il regagnait l'Allemagne ; il passa par Florence,
où la célèbre bibliothèque des Médicis le retint quelques
jours, et se rendit à Prague où il remit entre les mains
de son protecteur le manuscrit complètement terminé
de VEiflia illustra ta; la Collection des conciles était en
bonne voie d'achèvement. Quant aux matériaux histo-
riques et littéraires formant le riche butin rapporté
d'Italie et qui ne pouvaient pas entrer dans ces ou-
vrages, Schannat résolut d'en former un recueil en
plusieurs volumes auquel il donnerait le titre de
Accessiones novae ad historiam antiquam et littera-
riam Germaniae (4). Avant de se consacrer à ce travail
( I ) Avant de se mettre en route pour ce long voyage, il avait tenu
à revoir à Liège même son fidèle ami G. de Crassier (infra, lettre LVI).
D'après de la Barre (Eloge historique)y Schannat s'arrêta à Milan pour
y travailler à la Bibliothèque ambrosienne.
(2) Voy. lettres LVIII et LIX.
(3) Notamment l'archéologue Fontanini, le théologien B. Barberini,
les cardinaux Passionei et Quirini {infra^ lettres LVII et XLII).
(4) De la Barre {Eloge historique) donne la liste des principales
pièces qui devaient entrer dans ce recueil : Codex novus juris gentium
diplomaticus ; codex diplomatum ineditorum ; accessiones novae et ine-
ditae ad historiam Palatinam; Germaaia purpurata ; notifia familia-
rum pr ovine iae Lu^elburgensis etadjacentium, etc.
— 21 —
considérable, il crut le moment venu de donner au
public YHistoire abrégée de la Maison Palatine qu'il
avait achevée depuis plus de cinq ans déjà ; il la
soumit à une revision soigneuse et en fit commencer
l'impression à Francfort en décembre lySS. Sur ces
entrefaites, il était entré en pourparlers avec le cardinal
Damien-Hugo de Schônborn, évêque de Spire, et avait
accepté d'écrire l'histoire de cette ville (i). Mais Schan-
nat avait trop présumé de ses forces : les fatigues d'une
existence agitée, son application extraordinaire à l'étude,
la multitude de ses projets avaient insensiblement miné
sa santé, et il mourut subitement d'apoplexie à Hei-
delberg, le 6 mars lySg ; il n'avait pas encore 56 ans (2).
Cette mort qui le frappait dans la maturité du
talent et quand il commençait à jouir d'une réputation
bien méritée, causa d'autant plus de regrets qu'il
comptait partout de nombreux amis, avec lesquels il
était en relations épistolaires (3) ; doué des plus rares
qualités du cœur, il aimait à leur abandonner géné-
reusement les résultats et aussi Thonneur de ses décou-
vertes, et savait se montrer reconnaissant à l'égard de
ceux qui l'avaient obligé (4). D'un caractère franc et
ouvert, il avait une conversation agréable et qu'on
recherchait d'autant plus qu'il en écartait tout étalage
d'érudition (5). Il fit toujours preuve d'une extrême
simplicité : tout son avoir consistait en deux cotîres
destinés, l'un à son linge et à ses habits, l'autre à ses
(i) Voy. lettres LXV et LXVI.
(2) Voy. annexe 7, la lettre par laquelle Crassier apprit le décès de
son ami.
(3) Citons parmi eux, outre G. de Crassier et Martène : le Père du
Sollier, Dom Calmet, le comte J.-W. de Wurmbrand, Dom Bernard et
Jérôme Pez, le Père Hartzheim, Buchels, UfFenbach, von Loen, etc.
(4) Durant son séjour à Rome, il abandonna au cardinal Quirini la
publication des Lettres du cardinal Polus, qu'il avait mis trois mois à
préparer (lettre LXII). Martène profita souvent aussi de sa complaisance
(lettres XVI, XIX, XXIV, etc.).
(5) Voy. DE LA Barre, Eloge historique, et Von Lokn, Gesamm.
Kleine Schri/ten, t. I, 5« édit., 1765, pp. 278-279.
— 22 —
papiers et à ses livres ; ces derniers devenaient-ils trop
enconnbrants, il les distribuait à ses intimes ou les
échangeait contre des objets d art (i). D'une piété aussi
sincère qu'éloignée d'affectation, il se fit souvent un titre
de gloire de mettre sa plume au service de la cause de
l'Eglise (2).
Sa mort inopinée ne retarda guère que d'une année
la publication de V Histoire abrégée de la Maison Pa-
latine; le soin en fut confié à Jean-Daniel Olenschlager
qui la compléta par une « Dissertation préliminaire
» sur les fonctions et la dignité des Comtes Palatins
» du Moyen Age. » Leur ami commun Antoine de la
Barre de Beaumarchais composa dans le goût du temps
un Eloge historique de l'auteur qui fut placé en tête du
volume (3). Quant aux papiers de Schannat, ils furent
acquis pour la plupart en 1747 par l'archevêque de
Prague (4) ; il n'y eut guère que les matériaux qui de-
vaient former les Accessiones novae qui tombèrent en
d'autres mains ; ils parvinrent d'abord dans les ar-
chives épiscopales de Worms, puis passèrent à Darm-
stadt où Baur les retrouva en 1846 au Staatsarchiv (s).
(i) Von Loen, op. cit., p. 281.
(2) Dans son Diœcesis Fuldensis, Schannat avait traité le protestan-
tisme de dira etnefanda haeresis; les Acta eruditorum, lui en firent un
grief (a° 1727, p. 397); cf. infra, lettre XLII. 11 nous semble inutile de
relever les insinuations de von Loen qui paraît suspecter la sincérité re-
ligieuse de Schannat (op, cit., p. 280).
(3) Francfort, 1740, 147 pp. in-i6. L'ouvrage est divisé en deux par-
ties ; la première renferme la vie et les actions mémorables des électeurs
palatins ; la seconde, Thistoire des différentes branches issues de la
maison palatine depuis 1410. Schannat se proposait de publier ultérieu-
rement les chartes et autres documents sur lesquels il se fondait. Voy.
aussi infra, lettre LXIL
(4) VoN Wegele, Gesch. d, deutsch. Histor., i885, p. 570, n. 3.
(5) Cf. Baur, dans Friedmann 's Zeitschrift fuer die Archive Deutsch-
lands, t. I, 1846, p. 70 (cité par F. Falk, Geschichtsblaetter fuer die
mittelrhein, Bisth.y t. Il, i885, p. 242). Avant cette date Wurdtwein
avait publié une partie de ces documents dans ses Subsidia diploma-
tica (1772-1783), Nova subsidia (i 781-1792), et dans les Acta palatina
(t. VI, p. 345); le Chronicon Spirense (Nova subs,, t. II, pp. ii8-i52)
— 23 —
Désireux de donner à Schannat un digne succes-
seur, Tarchevêque de Prague confia au P. Hartzheim,
professeur d'histoire à Cologne, le soin de publier
VEiflia illustrât a et de terminer les Concilia Germa-
niae; ce savant, absorbé par d'autres travaux, neut le
temps de s'occuper que du second de ces ouvrages. En
1758 il en faisait connaître le plan dans une sorte de
prospectus, qui fut bientôt suivi par la publication du
premier volume de la collection ; il était dédié à l'arche-
vêque de Prague, qui avait pris à ses charges les frais
de l'édition. Le cinquième volume, sarrêtant à Tannée
i5oo, allait paraître quand Hartzheim mourut (lyôS)
laissant des notes d'après lesquelles les PP. SchoU,
Neissen et Hesselmann publièrent les volumes VI à
XI ; ainsi fut terminé cet ouvrage monumental dont
Schannat eut le mérite de concevoir le plan et de ras-
sembler les premiers matériaux (1).
Après la mort de Hartzheim, le manuscrit original
de VEiflia illustrata était entré dans le musée d'un de
ses disciples, l'archéologue Alfter, vicaire à Cologne;
c'est de là qu'il passa au début du siècle dernier à la
Bibliothèque de Darmstadt. L'historien Georg Bàrsch
qui l'y découvrit, en fit exécuter une copie et en publia
une traduction allemande avec des corrections, des
notes et diverses additions (2).
notamment est l'œuvre de Schannat. La blibliothèque de TUniversité de
Giessen possède le ms. suivant : « J. Sirmondi litterae ad P. Alex. Wil-
» themium Jes. ab originalibus desumptae quae fuerunt in manibus
» Schannati», 66 pp. in-4® (Adrian, Cat. mss. Giss., p. 49, n° CXXV. Cf.
SoMMERVOGEL, BibHoihèque de la Compagnie de Jésus, t. VI, c. i253, q).
(i) Programma de edenda Collectione conciliorum Germaniae, Co-
logne, 1758, fol. Concilia Germaniae quae,,. CL Joannes Fridericus
Schannat magna ex parte primum collegit, dein P. Jos. Hartifheim
S, J, ... plurimum auxit, continuavit, etc., t. I, Cologne, 1759, in-fol.
Le tome XI qui renferme Tindex fut publié en 1790. Le Père Hartzheim
avait aussi engagé une polémique avec Roderique, contre lequel il publia
deiix mémoires : De initio metropoleos eccles. Coloniae CL Aug. Agr.y
Cologne, 1731 et 1732.
(2) Eiflia illustrata, oder geographische und historische Beschrei-
— 24 —
Le restant des papiers de Schannat fut conservé
religieusement par les successeurs de Maurice-Gustave
de Manderscheid, et il se trouve encore aujourd'hui à
la Bibliothèque archiépiscopale de Prague, dans un
fonds spécial (i) ; à côté de copies de chartes et autres
documents de la Vaticane (i), on y rencontre une bonne
partie de la correspondance de Schannat (3).
Si donc la joie de voir mûrir la moisson du champ
qu'il avait si laborieusement fécondé fut refusée à
Fabbé Schannat, il se trouva des mains pieuses pour
faire la récolte et achever dignement son œuvre. Il
avait bien mérité cet honneur; le début du xviii« siècle
inaugure pour l'historiographie allemande une ère nou-
velle et fructueuse, sensiblement en progrès sur les
époques antérieures ; les sciences auxiliaires de l'his-
toire prennent un développement inattendu, les prin-
cipes de la critique historique se dégagent peu à peu.
La multiplication des universités et les faveurs accor-
dées par des princes éclairés contribuent à la forma-
bung der Eifel, von J.-F, Schannat, ans dem latein. Manuscr. ueberset!(ty
etc,, 1824-1835, Cologne et Leipzig, 3 vol. in-8®. Sur Thistoire du manu-
scrit de VEiflia, voy. t. I, i*"* partie, pp. v-ix et 2* partie, p. vu ; il existait
plusieurs copies de cet ouvrage, notamment au Muséum Al/terianum,
à Cologne. Il est regrettable que Baersch n'ait pas publié Toriginal même,
avec des additions disposées de manière à ce qu'on pût distinguer dans
YEiflia la part de chacun des deux auteurs (cf. Neyen, Biographie Lux.,
t. II, p. no). Baersch avait préparé, comme suite à YEiflia illustrata,
un ouvrage intitulé Eiflia sacra, qu'il laissa en manuscrit et qui fut
publié par C. Schorn, Bonn, 1888-1892, 3 vol. in-8.
(i; Ces papiers furent retrouvés en 1867 par le chanoine Hradina,
bibliothécaire de Tarchevêque de Prague. Cf. J. Petzholdt, Neuer An-
^eiger fuer Bibliogr. u, Biblioth., Dresde, 1857, p. 299.
(2; Cf. F. Falk, Geschichtsbl. f. d, mittelrh. Bisth,, t. II, p. 241.
(3) Notamment vingt-huit lettres de Martène, trois de Crassier (que
nous donnons ci-après,, dix-huit de B. Pez, une de J. Pez, une de Mei-
chelbeck, une de VVulberz, quatre de Calmet (C. Will, Hessenland,
1891, n^7). D. U. BhRLiKKE vient de publier celles de Calmet dans la Revue
bénédictine, Maredsous, 1902, pp.320-323. Dans son inventaire de la cor-
respondance de Calmet, M. Vacant ne signale aucune lettre de Schannat
(La Bibliothèque du Grand Séminaire de Nancy, Nancy, 1897, p. 94).
Cf. D. Fangk, Vie de D. Calmet, Senones, 1762, p. 175.
— 25 -
tion de véritables historiens (i). C'est surtout l'histoire
nationale et locale qui profite des progrès accomplis;
sur ce terrain, protestants et catholiques rivalisent d'ac-
tivité. Or, parmi ceux-ci, c'est peut-être à Schannat
qu'il faut réserver le premier rang, pour la valeur
scientifique de ses nombreux travaux et l'influence
qu'ils ont exercée. Ses différents recueils de documents
historiques se distinguent par le choix heureux et l'ha-
bile groupement des pièces publiées ; dans ses re-
cherches d'archives, il semblait guidé par un flair mer-
veilleux auquel il dut maintes précieuses découvertes ;
d'autre part, la hâte avec laquelle il travaillait et le
manque de manuscrits corrects nuisirent trop souvent
à l'acribie et à l'exactitude de ses éditions (2). Quant à
ses ouvrages d'histoire proprement dits, ils peuvent, en
général, soutenir la comparaison avec les productions
de ses rivaux, sinon pour l'élégance du style et la
finesse du coup d'oeil, du moins pour la solidité et la
mise en œuvre des matériaux. Au surplus, pour porter
sur l'ensemble de ses publications un jugement équi-
table, il faut tenir compte des circonstances dans les-
quelles elles ont été élaborées : si elles ne satisfont pas
à toutes les conditions qu'on serait en droit d'exiger
d'elles aujourd'hui, du moins suffisent-elles pour assu-
rer à Schannat une place honorable dans les annales
de l'historiographie allemande.
LÉON HALKIN.
(i) Cf. Von Wegele, Geschichte, etc., pp. 465 et suiv.
(2) C'est ainsi qu'on a pu critiquer avec raison sa façon de publier
certains documents dans son Corpus tradit, Fuld. (n*^ 249, 3 14, etc.).
Cf. M. Tangl, Neues Archiv der Gesellschaft fuer aeltere deuische
Geschichtsk,, 1901, t. XXVII, pp. 11 et 28.
-26-
I. — Schannat à Crassier.
Le 3 août 171 1. — Ms. Crassier, f* 385.
A Luxembourg, ce 3 août 171 1.
Monsieur,
C'est avec un extrême déplaisir, que j'apprens l'ac-
cident fâcheux arrivé à Madame votre Epouse. Je veux
espérer que les suittes n'en auront pas esté dangereuses,
et qu Elle s'en tirera heureusement ; du reste je vous
demeure très obligé pour le thée que vous avez eut la
bontée de m'envoyer ; on le trouve si bon, qu'on en
souhaitterois encore ; mais à moins que vous ne m'en
mandiez le prix pour que je puisse vous le faire rem-
bourser je n'aye plus garde de vous prier de rien. Je
continue à faire des petites promenades dans notre
province, où je découvre par cy par là de quoy vous
régaler à mon retour; j'ai même eut le plaisir de retirer
de terre quelques médailles de bronze, et une clef de
fer, grande de plus d'un demie pied de la façon cy-
jointe (1). Mais le plus rare présent que l'on m'ait fait
sont deux chevaux de bronze de la hauteur de deux
doigts, d'une proportion et d'une justesse exquise, c'est
domage, que l'on n'ait point trouvé en même tems le
reste de l'attirail que je crois avoir esté celui d'un
AppoUon. A propos d'AppoUon M^ le Curé de Vieux-
Virton, chez qui j'ai passez allant à Orval, m'a mon-
trez la place où l'on a retirez autrefois celui que l'on
vous a envoyez, comme aussi les deux autels ou bases (2) ;
il est incroiable de voir la quantité des urnes brisez, et
(i) Cf. G. DE Crassier, Séries numismatum, etc., Liège, 172 1, p. 355,
n»i6.
(2) Ces deux bases sont décrites Séries numismatum, 1721, p. 357,
n^* I et 2 et dans le Catalogue des sculptures, etc. (des Musées royaux
des arts décoratifs), p. F. Cumont, Bruxelles, 1898, pp. 9 et 11, n~ i
et 2. D'après la lettre de Schannat c'est donc dans les environs de Virton
et non dans le pays de Trêves, comme on le croyait jusqu'ici, que ces
monuments ont été découverts, et ce avant l'année 1711.
— 27 —
morceaux des pierres antiques que Ton découvre encore
tous les jours en cet endroit ; j'ai ramassez un petit
morceaux d'une urne de terre qui a encore la marque
de l'ouvrier MASA FECIT (i). Du reste je n'y ais rien
put avoir que quelques médailles de bronze fort mal-
traité, parmi lesquels il y en a une fourrée, qui paroit
avoir esté quelque chose de bon.
Mais j'oubli de vous parler d'Orval, où j'ai trouvé
la bibliothèque dans une situation charmante tant par
le bon ordre qui y règne, que par la quantité de bons
volumes qui la compose; les mss. sont en très petit
nombre, la plupart ayant estez envoyez aux compila-
teurs des Acta Sanctorum, et les autres ayant servi à
raccommoder les orgues de l'Eglise ; si bien qu'il n'y
a de bon qu'un Pline in fol. d'un caractère du i3 ou
14™« siècle et V^gîdius ab aurea valle, qui me pa-
roit authographe ; il est in 4®, cottisé de plusieurs
bonnes notes d'une main aussi ancienne que le reste
de l'ouvrage (2). Voicy ce que j'en ais retiré; je ne sçaye
si vous pourré le déchiffrer, le tems ne m'ayant pas
permit de le mettre plus au net ; au reste gardé ce
papier à bon compte, en attendant que je puisse un
jour retirer de ce ms. tout ce qui n'est pas encore im-
primé, et confronter le reste avec ce que Chapeauville
nous en a donnés. M'" l'Abbé à qui M"" le comte d'Au-
tel (3) m'avoit fortement recommandez m'a laissez le
maître de tout, et ce n'a esté, à ce qu'il m'a dit, que
pour me revoir chez lui, qu'il ne m'a pas accordez la
permission d'emporter avec moi le dit ms. Comme il
n'ont point chez eux les Gesta pontificum Leodiensium
par Chapeauville, j'ai promis de leurs en procurer un
exemplaire.
(i) Cf. Séries numismatum, p. 35g, n° i5 et Corp, inscr. lat,, XIII,
looio (1289).
(2) Voy. Monumenta Germaniae historica, ScriptoreSy t. XXV (1880),
pp. 1-129 ; " Aegidii Aureaevallensis Gesta episcoporum Leodiensium. »
(3) Il s'agit du parrain de Schannat, Jean-Frédcric comte d'Autel 1 1 64S-
1716) qui fut gouverneur et capitaine-général du pays de Luxembourg.
M"^ Chevalier, Libraire dlcy, a enfin receu les Mé-
moires de Trévoux de Tannée 1704 qui vous man-
quoit, et que vous lui avez déjà payez, avec les 8 mois
restans de Tannée 1710 ; il recevra au premier jour les
4 premiers mois de 1711 que j*aurai soin de retirer
pour vous.
La veufe dépositaire des Annales de Trêves avec le
reste de Thérédité littéraire de son défunt mary, ne s'est
pas encore avisé d en débiter la moindre chose ; cela
viendra j'espère et j'y serai, s'il plait à Dieu, ou tout
au moins, mes amis en auront le soin.
La cour de notre prince continue son séjour en
cette ville avec beaucoup d'agréement sans quon sache
quand elle pourra se résoudre à en partir ; le jour de
S. Ignace, les PP. Jésuites se sont de nouveau distin-
guez, ayant esté au devant de TElecteur avec tous leurs
écoliers qui avoient chacun une coquarde bleue et
blanche sur le chapeau et crioient à haute voix sur son
passage : o vivat dux noster {(). Nous sommes au reste
sans nouvelles tant du côté de TAUemagne que de
Flandre ; seulement que Ton dit que les ambassadeurs
françois s'acheminent derechef vers la Hollande dans
Tintention de nous procurer enfin la paix. Dieu le
veuille; on débite encore comme une chose certaine
que le roi de Suède ayant attaquez Tarmée des Mos-
covites, il en a couché 40000 sur la place.
Dans le moment il se présente une occasion favo-
rable par laquelle je vous envoyé les deux chevaux
dont je vous ais parlé ; vous pourrez les placer au des-
sus d'un de vos cabinets des médailles, si vous jugez
qu'ils puissent contribuer à en faire l'ornement. J'y
joigne les Mémoires de Trévoux de 1704, les autres
suivront dans peu. Excusé ce brouillon, je Tai escris à
i 1 ) L'Electeur M aximilien-Em manuel de Bavière venait d*être nommé
commandant de Tarmée française d'Allemagne ; il avait fait son entrée
à Luxembourg le 18 juillet 171 1. Cf. Gachard, Histoire de la Belgique
au commencement du XVIII* siècle, 1880, p. 304.
— 29 —
diverses reprises. J'ai cependant l'honneur d'estre avec
un attachement sincère et très respectueux,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Mille compliments d'amitié à M" de Riemer (i) et
Louvrex («). J oubliois de vous dire que les chevaux
ont esté trouvez à Dalem qui est un village à 4 heures
d'icy, où il y avoit autrefois un campement des Ro-
mains (3).
II. — Schannat à
Le 8 août 1712. — Ms. Crassier, ^ 389.
A Luxembourg, ce 8 août 1712.
Monsieur,
Je vous suis très redevable de la bontée avec laquelle
vous continuez à m'honnorer de vos chères nouvelles ;
les copies de vos lettres contiennent des particularitées
que l'on a esté bien aise d'apprendre ; tout cela, comme
on espère, nous conduit droit à la paix. Vous savez
sans doute les suittes avantageuses, que cette action a
tiré après soi ; en voicy une relation imprimée qui sort
de la presse icy, que vous pourrez confronter avec le
détail que l'on en fait de vos cotées.
J'ai pris la libertée de vous envoyer par occasion
passez quelques jours les médailles que j'avois déjà
amassé ; je m'attens à rencontrer des bien meilleures
(i) Jean- Daniel de Riemer était chanoine de Saint- Barthélémy à Liège.
(2) Mathias-Guillaume de Louvrex, historien et jurisconsulte, né à
Liège en i665. Cf. Léon Halkin, Correspondance de M. G. de Louvrex
avec Dont E. Martène (Bulletin de la Société d'art et d'histoire du dio-
cèse de Liège, t. XII, 1898, pp. 1-19).
(3) Cf. Séries numismatum, p. 354, ^° H- Sur les fouilles pratiquées
sur le plateau de Dalheim, voy . J . Keiffer, Précis des découvertes ar-
chéologiques faites dans le Grand-Duché de Luxembourg (Revue ar-
chéologique, Paris, 1899, pp. 1 28-141).
— 30 —
dans peu ou quelqu'autre chose, qui put estre digne à
vous estre présentez, afin de m'accquitter en partie de
la reconnoissance que je vous dois.
Je ne sçais si M'^ votre nepveu Moreau (i) qui est
en Hollande présentement se souviendra de m'acchet-
ter la continuation de l'Histoire des Juifs par M^ Ba-
nage, comme il me l'at fait espérer; si vous lui écrives,
faites je vous prie attention, afin que je puisse donner
là-dessus satisfaction à la personne icy que me les at
demandé.
M*" le Comte d'Autel m'at fait présent de prez de
60 pièces de monnaye ancienne différentes d'argent,
touttes du xiv«^ siècle, il y en a des très curieuses ; celles
entre autres de René duc de Lorraine me paroissent
avoir esté frappé en mémoire de la défaite de Charles
le Hardy devant Nancy puisqu'elles ont pour revers
un bras armé d'une épée qui sort d'une nuée de feu
avec ces mots autour -.fecit potentiam in brachio suo.
Les petites ont le même revers mais la légende est,
moneta nova fada in Nanceio. A mon retour je vous
les communiquerai touttes.
Nous avons icy les nouvelles de la levée du siège
de Landrecy le 2« de ce mois au 3 heures du matin,
mais nous n'en savons aucunes circonstances (2). Il
nous est venus depuis quelques jours grand nombre de
déserteurs, que le manquement de vivres, à ce qu'ils
disent, ont fait décamper ; très peu prennent icy partis
dans les Bavarois, puisqu'ils demandent presque tous
passeports pour retourner chez eux se croyant aussi
bien à la veille d'une Paix.
(i) Il était fils de Guillaume baron de Moreau, seigneur de Neuville,
etc., et de Marie Pentecôte de Crassier.
(2) Le prince Eugène avait investi la ville de Landrecies le 17 juillet
17 1 2 ; il dut en lever le siège le 2 août suivant, pour marcher au secours
de Douai, qui néanmoins tomba au pouvoir de Tennemi le 8 septembre
(cf. lettre II). Voy. Gachard, Histoire de la Belgique au commencement
du XVIII* siècle, 1880, p. 2o3.
— 31 —
J'ai l'honneur d'estre avec attachement très respec-
tueux de même qu a M^« votre Epouse,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
SCHANNAT.
Mes respects s'il vous plait à M^» de Riemer et Lou-
vrex ; ce dernier ne doit pas se mettre en peine de ses
titres pour la chasse, pourveu qu'il veuille bien s'abste-
nir des Grianeaux, S. A. E. ne le troublera point dans
sa possession.
III. — Schannat à Crassier.
Le 8 septembre 171 2. — Ms. Crassier, f* 391,
A Luxembourg, ce 8 septembre 1712.
Monsieur,
Différentes petites promenades que j'ait fait à droite
et à gauche dans cette province ont esté la cause de mon
silence, que je rompe derechef avec plaisir, pour vous
remercier du beau choix que vous avez fait des tasses,
que j'ai bien receu, et qui ont fait oublier les abricots,
pour lesquels je suis confus de vous avoir osé donner
tant des mouvements. Encore si à votre tour vous vou-
lussiez bien m'honnorer de vos commandements, cela
me donneroit plus d'assurance pour la suitte, mais
vous ne cherché que d'obliger un chacun.
Vous aurez par la première occasion tous les Mé-
moires de Trévoux qui vous manquent, suivant la liste
que vous m'en avez donnez par la chère vôtre en datte
du 24 du mois passez ; vous y verre un éloge magni-
fique de M'" de Ballonfeaux à l'occasion d'une médaille
dont il a fait présent au R. P. Chamillard jésuite. J'en
ais une qui n'est pas antique mais qui a bien son mé-
rite, je la crois frappé à l'occasion de l'établissement
de la République de Gênes vers l'an i528 ; elle est de
— 32 —
bronze de la grandeur d'un écus et représente d'un côté
André Doria avec sa longue barbe et derrier lui un
trident avec cette légende : Andréas Doria P. P. qui
signiûe pater patriœ. Le revers de cette médaille repré-
sente la mer sur laquelle on voit une galère armée et
équipée et au bas une gondole sans aucune légende
ny inscription. Elle vous est destinée.
Nous sommes sans nouvelles icy, mais nous atten-
dons la reddition de Douay par le courrier de demain.
Je ne sçaye si nous n aurons pas bientôt des nouvelles
plus intéressantes et si l'Empereur et les Hollandais ne
donneront pas à la fin les mains à une bonne paix
comme vous me le faites espérer par la chère vôtre
en datte du i*' 7*'''', où vous me marqué le mémento
que vous avez la bontée de faire de moi dans vos char-
mantes assemblées ; j'en fait souvent de même, quoique
je n'aye pas toujours le verre en main, estant sensible
au dernier point à l'honneur de vos amitiés. Permetté-
moi qu'à cette occasion, je présente pareillement mes
très humbles respects à M*^*^ votre Epouse.
J'oubliois de vous dire que dans la dernière Clef de
Cabinet l'on a inséré une poésie de la façon à ce que je
crois de Lossius cet abbé porte-cravatte, auteur du
Serrurier fidel et du panégyrique des Ratiers. L'impri-
meur d'icy, à qui je l'ai fait connoître, a été au déses-
poir de lui avoir fait cet honneur puisque ce sieur
s'estoit érigé autrefois en critique de sa dite Clef. Je ne
veux pas espérer que M^ de Riemer aura porté le deuil
à l'occasion de la mort du S^ Lerond.
J'ai l'honneur d'estre avec tout l'attachement pos-
sible.
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
SCHANNAT.
— 33 —
IV. — Schannat à Crassier.
Le 9 décembre 171 3. — Ms. Crassier, f* SgS.
A Luxembourg, ce 9 Décembre 171 3.
Monsieur,
Quoique je suis arrivé icy heureusement depuis
quelques jours, j'ai à peine le tems de vous y présenter
les offres de mes petits services et m'informer de lestât
de la santée de M^® votre épouse.
J ai parlé à M^ de Burleus, il n'en sera de cette af-
faire non plus que vous ne voudrez, cependant je vous
en informerai plus au long par le premier courrier.
Pour nouvelles vous saurez que M^ le O^ d'Autel
a receu lettres du M* de Villars de Rastadt en datte du
3« de ce mois par où il lui mande qu'il est de la meil-
leur intelligence du monde avec le prince Eugène, qu'ils
se donnent à manger les uns les autres et qu'ils ont
chaque jour deux heures de conférences ensemble tête-
à-tête ; qu'ils espèrent de donner bientôt à l'Europe le
repos si nécessaire et que la paix quil procurera à la
France lui sera aussi glorieuse que le succès de ces deux
dernières campagnes; vous voyez que son style gascon
s'enfle de plus en plus ; Dieu veuille qu'il puisse seule-
ment nous tenir parolle (i). Les trouppes bavaroises
viennent occuper tous les petits cantons de cette pro-
vince, nous espérons même qu'ils se logeront bientôt
derechef dans la capitale.
Mille compliments d'amitié s'il vous plaît à M" de
Riemer et Louvrex ; je suis tout occupé à rechercher
icy parmi quantité de paperasses certains écrits que
M*" le 0« d'Autel croit encore avoir, pour fournir de
la besogne à ce dernier à qui il m'a chargé de faire ses
compliments. Adieu, mon cher Baron, j'aurai l'hon-
( I ) Ce fut seulement trois mois plus tard, le 6 mars 1 7 14, que fut signé
par le prince Eugène et le maréchal de Villars, le traité de paix de Ras-
tadt, qui mit fin aux hostilités entre Charles VI et Louis XIV.
5
— 34 —
neur de vous écrire plus amplement une autre fois.
J'oublie de vous dire que j ai vu copie d'un billet doux
que le roi de Prusse a dernièrement addressé à son
conseil privé en ces termes dont voicy la traduction :
« Je vous ordonne d'examiner sévèrement la conduitte
que ce vieux coquin de Swart a tenu dans le maniment
de mes finances, et s'il se trouve qu'il m'y ait fait tort
de vingt écus seulement je veux que vous le fassiez
pendre incontinent, sinon le diable vous emportera
tous. » Voilà qui est bien violent et bien emporté,
cependant rien n'est plus vrai et ce beau billet esté
signé et écrit de sa propre main. Schannat.
V. — Schannat à Crassier.
Le 12 février 17 14. — Ms. Crassier, f» 397.
Paris, ce 12 février 1714.
Monsieur,
Quoique je sois dans l'attente de vos chères nou-
velles, cela n'empêche point que je ne vous redise que
je suis de plus en plus charmé du séjour de Paris, et
que je vois écouler à regret le peu de tems que j'ai
encore à y rester, et dont je me hâte de profitter. J'ai
déjà rendu deux longues visites au R. P. Hardouin
dont la bontée et l'humilitée sont sans égal ; il a com-
mencé par me faire voir leur bibliothèque où le bon
goût, le choix et l'arrengement des livres lui fera hon-
neur à jamais ; son cabinet y est tout joignant, où l'on
ne trouve pas à la véritée autant de médailles que chez
le R. P. Chamillard, mais en revange tout y est exquis
et du dernier rare ; vous jugés bien qu a propos de ces
sortes des choses il y fut parlé de vous, d'ailleurs je lui
fis voir l'endroit de votre lettre au sujet de votre dyp-
ticon, mais ce fut là-dessus qu'il se fit connoître plus
entêté que jamais de son fameux paradoxe, puisqu'il
ne donne à cette pièce que 3oo ans tout au plus et
qu'il rejette tout ce qui se trouve de ce goût-là comme
— 35 —
des ouvrages supposés (4). On a beau se recrier sur ce
que l'histoire nous apprens, il dit que c'est là estre
savant comme les livres; enfin chez lui point de foy
qu'aux médailles qui estant frappez de l'autoritée pu-
blique ne peuvent point nous en imposer; voilà quel
est le refrain de tous ses raisonnements, et je dois vous
avouer, quoique je sois fort éloigné en cecy de ses
sentiments, je ne laisse point d'estre charmé de l'en-
tendre, et que tant que je suis prez de lui, je me sens
tellement préoccupé que je n'ais point la force de le
contredire quand j'en aurois tout le savoir ; je lui ais
parlé de vostre Pescennius d'or, il m'a dit que ce tyran
régnant en Grèce, ses médailles n'avoient point des
légendes latines, qu'au reste il fallait qu'après Pescen-
nius niger il se trouva encore le mot dejustus ou justos
dans la légende qui estoit son surnom, faute de quoy
il la rejette comme faux : prenez y garde (2).
Voicy encore une de ses remarques au sujet des
médailles de bronze du bas-empire, c'est que cet M
qui se trouve au revers des Justiniens et autres signifie
Mercatores et la petite croix au dessus christiani; car
selon lui c'estoit un tribut que les marchands de diffé-
rentes villes estoit obligé de fournir annuellement aux
Empereurs. Du reste ce bon Père est actuellement
occupé à nous donner les Conciles, dont il y a déjà
une partie sous la presse, c'est au dire des savants un
ouvrage admirable (3).
Lorsque je fut dernièrement chez M^ Baluze je l'ais
trouvé dans son centre, je veux dire environné de
toutte part des mss. grecs et latins, et tout cela pour
(i) Schannat fait allusion au célèbre diptyque d*ivoire ornant la cou-
verture d un lectionnaire latin manuscrit appartenant à Crassier. Cf. U.
Capitaine, Corr. de B. de Montfaucon avec G, de Crassier, i855, p. i5
et ScHUERMANs, MéL d'archéoL, t. II, p. 233.
(2) Cette médaille est décrite dans G. de Crassier, Séries numisma-
tum, 1721, p. 9.
(3) Conciliorum collectio regia maxima, studio Joannis Harduini,
Paris, 1715, 12 vol. in-fol.
— 36 —
nous donner bientôt une nouvelle édition de S* Cy-
prien. J'ai fait emplette de ses Miscellanea dont il
vient de nous donner le 6<^ tome in-8° ; cest une biblio-
thèque, car il y a inséré tout ce qu'il avoit trouvé dis-
persez dans les endroits où sa curiositée Ta porté à
fouiller ; en quoy il est heureux, car il ne donne
presque jamais à faux lorsqu*il alonge le bras pour se
saisir d'un livre. C'est un charmant vieillard plein des
belles pensées et des repartis vifs, et de bon apétit qui
plus est.
Vous voyez. Monsieur, que je ne m ennuyé point
à vous entretenir de ces M", je souhaitte que ce soit
de même de vous en lisant ma lettre que je prolonge
encore pour vous dire que nous bûme hier à votre
santée et à celle de toute votre chère famille chez M' le
Bon de Karg, où j'appris que M"^ de Contad estoit passé
icy avanthier au soir revenant de Rastad et portait des
bonnes nouvelles au Roy; c'est dans ces termes que
M"" le M* de Villars en avoit écrit à M<*« son Epouse.
Je souhaitte que Ton puisse continuer sur ce ton. Adieu,
Monsieur, mes respects à M^* votre Epouse à qui ainsi
qu'à vous j ai l'honneur d'estre,
Très humble et très obéissant serviteur,
SCHANNAT.
La Reine douarière d'Angleterre qui demeure à
S* Germain est depuis deux jours à l'agonie; voilà
encore une cour dérangée au profit de la France.
Vous n'oublierez pas, je pense, de faire bien mes
compliments à nos bons amis et leur dire que je me
porte à merveille me ressentant de ce qu'ils veuillent
bien boire, comme ils font, à ma santée ; je leur offre
à tous mes petits services en ces quartiers d'où je par-
tirai pour le certain au commencement de Mars pro-
chain (i).
(i) Cette lettre a déjà été publiée en partie par F.-V. Goethals, His-
toire des lettres f etc., t. IV, 1844, p. 268.
— 37 —
VI. — Martène à Schannat.
Le i8 mai 17 14. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, a9 i.
Monsieur,
Je viens de recevoir le beau présent que vous avez
la bonté de me faire. Il m'est d'autant plus cher qu'il
vient d'une personne que j'honnore infiniment et qu'il
ne faut pas connoitre longtemps sans connoitre son bon
cœur. Je voudrois pouvoir vous faire une transfusion du
mien pour vous faire connoitre mes sentiments à votre
égard. Je suis persuadé que l'ouvrage que vous m'en-
voyé est excellent, il n'en sort point d'autre de la plume
de l'auteur qui l'a composé. Il a l'avantage d'écrire
dans un pays où il peut parler librement et où il n'ap-
préhende rien de ses adversaires. Je prie Notre Sei-
gneur qu'il luy conserve la vie pour continuer ses
études qui font tant de bien à l'Eglise, et à vous, Mon-
sieur, qui, étant jeune et ayant dessein d'écrire, êtes
plus en état de rendre des grands services à la répu-
blique des lettres.
Nous continuons tousiours nos impressions et nous
espérons dans deux ans faire paroitre les cinq volumes
que nous avons commencé. Nos libraires ont dessein
de la faire suivre par une nouvelle édition du Spici-
lège du Père Dachery, des Analectes du P. Mabillon,
des Miscellannées de Monsieur Baluse mis dans un
nouvel ordre avec des corrections et des augmenta-
tions. Si vous avez quelques lumières à nous donner
sur ce dessein, vous nous obligeriez beaucoup d'en faire
part. Je vous prie. Monsieur, d'être persuadé qu'on ne
peut être plus sincèrement que je suis,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
De l'abbaye de Saint Germain des Prez à Paris, ce
18 may 1714.
— 38 —
VII. — Schannat à Martène.
Le 5 juillet 1714. — Bibl. nat., ms. franc. 25538, f» 281.
Mon Révérend Père,
Le petit ouvrage latin que j'ai pris la liberté de vous
envoyer me procure des avantages bien considérables,
puisque une lettre aussi obligeante que celle dont il
vous a plu m'honorer à ce sujet a fort prévenu en ma
faveur les savans de nos quartiers; aussi n'aurais-je
point tardé en vous faire mes compliments si j avois
put estre quitte plustot d'une fièvre lente dont j'ai res-
senti les attaques incontinant après mon retour de Paris;
maintenant que grâce au Seigneur je commence à me
porter mieux, voyés je vous prie en quoy je puis vous
estre utile en ces pays où je crois rester encore jusques
à l'entrée du mois prochain. Entre temps j'espère de
vous donner des nouvelles de ce diarium du concile
de Constance dont j'ai eu l'honneur de vous parler et
que Monsieur TAbbé de Saint-Jacques, qui en est dépo-
sitaire ma promis. Si vous vouliés m'indiquer le moyen
de faire passer jusqu'à vous Thistoire du même concile
que M^ l'Enfant ministre hollandois nous a donné en
2 voll. in-4° j'en ai un exemplaire fort à vostre service.
J'ai découvert l'autre jour dans la bibliothèque de
l'abbaye de Saint-Laurent un gros volume ms. apparte-
nant autrefois à Lambert a Stipite, religieux de la même
abbaye, qui fut député au concile de Pise ; parmi toutes
les pièces qui composent ce recueil, les plus remar-
quables sont les sessions depuis la 4™® jusques à la
20™®, ensuite un écrit qui a pour titre : Facta contra
duos contendentes de papatu prœposita in concilio gê-
nerait die XXIV mensis apriiis 1409; il contient envi-
ron trente huit articles, confirmez par des témoins, dont
le nombre et les qualitez sont quotisez à la marge (i).
(i) Sur ce manuscrit de Dom Lambert del Stache, voy. Dom U. Ber-
LiKRis, Mélanges d'histoire bénédictine^ Maredsous, 1897, p. 63.
— 39 —
Du reste c'est avec bien du plaisir que j'apprens
rheureuse continuation de vos grandes entreprises ;
celle que méditent vos libraires ne doit pas avoir un
moindre succez, je ne sais s'il ne conviendroit pas de
joindre en même temps aux Miscellanées de M"" Ba-
luze, ceux d'Ange Politien, qui sont tant vantez. J'ai
recherché et recherche encore avec empressement le
4™® tome de Monumenta ecclesiœ Grœcœ par Cotelier
que votre R. P. Montfaucon, (que vous me permettrés
d'assurer ici de mes parfaits respects) m'a dit, si je ne
me trompe, qu'il n'avoit point paru ; cependant un de
mes amis me mande qu'il en a une édition imprimée
par les soins des pères de votre congrégation à Paris
chez Jean Boudot en 1692 in-40, ouvrage posthume
dédié au chancelier Boucherat. Si vous voulez bien
vous donner la peine de m'informer si je ne pourrois
pas avoir un exemplaire de ce 4® tome pour rendre
complet l'ouvrage que j'en ai, j'écrirai aussitôt à une
personne de ma connoissance à Paris pour qu'il en
fasse l'emplette.
Pardonné, mon révérend Père, une lettre aussi
longue à celui que vous honoré infiniment, et qui bien
loin d'abuser d'un loisir aussi précieux que l'est le
vôtre au public, ne doit en profitter que pour vous
témoigner combien il a l'honneur d'estre véritablement,
Mon Révérend Père,
Vostre très humble et très obéissant serviteur,
SCHANNAT,
Chanoine de S^ Jean.
Aux RR. PP. Martianay et Durand mes très
humbles respects s'il vous plait.
A Liège, ce 5 juillet 1714.
— 40 —
VIII. — Martène à Schannat.
Le i3 juillet 1714. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n« 2.
Vous n'aviez besoin de la lettre que je me suis
donné Thonneur de vous escrire pour prévenir les sca-
vans en vôtre faveur. Votre mérite se fait assez con-
noitre par luy-même; il ne faut qu'une conversation
avec vous pour en être entièrement persuadé.
Je vous suis sensiblement obligé, Monsieur, de
vouloir bien me procurer la communication du Dia-
rium du concile de Constance qui se conserve en lab-
baye de S. Jacque. Si Monsieur l'abbé qui en est le
maistre veut bien nous faire la grâce de le prester, nous
luy en ferons tout l'honneur, et vous pourrez nous ren-
voyer par le carosse qui vient régulièrement de Liège
à Paris qui passe par Dinant, Messières, Sedan, Ghar-
leville. Il faudra avoir soin de faire charger le livre du
messager que vous luy avez donné un tel jour un pac-
quet pour Paris à mon adresse, et avoir la bonté de
nous donner avis du jour qu'il partira, afin que nous
ayons soins de l'aller retirer ; avec cette petite précau-
tion, il nous sera rendu très sûrement.
Nous avons déjà beaucoup de choses du Concile
de Pise dans le Spicilège de Dom Luc Dachery. 11 peut
néanmoins y avoir beaucoup d'autres pièces dans le
volume de Lambert a Stipite, religieux de S. Laurent,
qui assista au concile. Ainsy si par votre moyen Mon-
sieur l'abbé de S. Laurent, qu'on dit être un fort hon-
nête homme et qui aime notre Congrégation, vouloit
bien nous faire la grâce de nous le communiquer, nous
vous en serions sensiblement obligés et vous pourriez
en même temps par la même voye nous l'envoyer.
Nous ne garderons pas longtemps l'un et l'autre et
nous le renvoyrons très fidèlement, comme nous avons
coutume de faire de tous ceux qu'on a la bonté de
nous envoyer de tout côté.
J'ay déjà eu l'honneur de vous dire qu'il n'y a que
— 41 —
trois volumes imprimez des Monumens grecs de Mr.
Cottelier, mais à force de m'informer, j ay scu que les
libraires ont fait passer pour un 4*^ volume de ce sca-
vant homme un volume de pièces greques in-40 im-
primé chez Boudot, sous le titre dAnalecta graeca
donné par nos confrères, auquel Monsieur Cottelier
na eu aucune part. Ce fut une addresse du libraire
pour avoir un plus grand débit de son livre et le
vendre sous deux titres (i). Si c'est ce volume que
vous souhaitté, on pourra vous le faire trouver, et si
Ion veut saddresser à Dom Bernard Monfaucon, il
pourra vous le faire avoir à meilleur prix que chez les
libraires. Voyez, Monsieur, à quoy nous pouvons vous
être utiles en ce pays et soyez persuadé qu'on ne peut
être avec plus d estime et de respects que je suis.
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce i3 juillet 1714.
Le P. Martianay, le P. Monfaucon et le P. Du-
rand vous présentent leurs respects.
IX. — Schannat à Martène.
Le 6 août 17 14. — Bibl. nat., ms. fr. 19680, f» 121.
Mon très Révérend Père,
Ne vous attendes point de rencontrer jamais en ces
païs des personnes aussi obligeantes envers les savans
comme elles le sont communément en France où Ton
(i) L'ouvrage intitulé Analecta Graeca, dû à la collaboration des
PP. LoppiN, Poucet et Montfaucon, avait paru à Paris en 1688, chez
E. Martin; cf. de Lama, Biblioth, des écrivains de la Congrég. de
Saint' Maur, 1882, p. \b^, Les Monumenta ecclesiae Graecae de J.-B.
CoTELiER, furent publiés à Paris de 1677 à 1686 en 3 vol. in-fol. Un
4* volume était prêt à être livré à Timpression quand l'auteur mourut.
Cf. Biographie F. Didoty t. XII, col. loi (1866).
— 42 —
se fait un vrai mérite de se communiquer ce qu'on a
de plus rare et de plus curieux. Messieurs nos Abbés
qui ne sont nullement de ce goût là se plaignent de ce
qu'on ne leur a pas encore renvoyé plusieurs beaux
mss. qui dévoient servir à nous donner les éclaircisse-
ments nécessaires touchant le véritable auteur du livre
de limitation de Jésus-Christ. Cependant j'ai trouvé
celui de S^ Laurent de meilleure capitulation, d'autant
qu'il a toujours eu pour vous, mon R^ Père, une estime
et une vénération toute particulière, ayant fait son livre
favori de celui que vous avez donné sur la règle de
S* Benoît. Je verrai donc, suivant la permission que
l'on m'a accordé, de transcrire tous les titres de ce
qui est contenu dans le volume de Lambert a Stipite
et si vous jugez qu'il y ait des pièces qui n'ont pas
encore esté données au public, l'on pourra vous en
faire des copies ou peut estre Monsieur l'Abbé se ré-
soudra-t-il à vous envoyer le ms. par la voye que vous
marquez. Du reste je profitterai avec plaisir de l'avis
que vous me donné touchant le 4^ volume des Monu-
mens grecs, et j'écris pour que Ton ait à s'adresser à
cet efiect au R. P. Bernard Montfaucon que vous me
permettrés, s'il vous plaist, d'assurer icy de mes res-
pects, de même que le P. Martianay et le P. Durand.
Il y a quelques jours que le R. P. Quesnel a passé
par cette ville incognito, mais on ignore quelle route il
aura pris ; il a logé chez M^^ de Waes, veufve d'un
conseiller de Bruxelles de qui feu M*^ Arnauld a reçu
des gros bienfaits.
Vous savez sans doutte la mort de Monsieur Ma-
gliabechi à l'âge de 94 ans ; Ion me mande que comme
il a témoigné pendant sa vie peu d'amour pour les
richesses, l'on a trouvé 3, 000 ducats d'or dans son pot
de chambre et mille scudis parmi les ordures de sa
maison ; il a laissé 3o,ooo écus dont il n'a jamais tiré
intérest et dont les exécuteurs de son testament achet-
teront une maison commode pour y placer ses quarante
— 43 —
mille volumes qu'il a légués à la ville de Florence ; et
afin que chacun s'en puisse servir, il a laissé un fond
suffisant pour entretenir un homme savant qui sera
obligé de sy trouver six heures par jour et aura soin
d'acheter tous les ans les livres de conséquence qui
paroistront et d en augmenter cette bibliothèque. Je me
souviens à ce propos d'un anagramme assez heureux
que l'on a fait sur le nom de ce grand homme, où l'on
s'est donné la licence de faire d'un c un ^ ; le voicy :
Antonius Magliabecchius.
Is unus bibliotheca magna.
Ce ne peut estre là que louvrage d'un allemand qui
aura eut bien du temps à perdre.
J'ai rhonneur d'estre avec un attachement sincère
et très respectueux,
Mon Révérend Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
SCHANNAT,
Chanoine de S^ Jean.
A Liège, ce 6 août 1714.
X. — Martène à Schannat.
Le 23 août 1714. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n° 3.
P. c.
Monsieur,
Lorsque j'ay pris la liberté de vous écrire pour vous
prier de nous procurer la communication des manu-
scrits de S. Jacques et de S. Laurent, dont vous nous
aviez fait l'honneur de nous parler, ç*a été sur ce que
vous aviez eu la bonté de me mander que ces Messieurs
étoient disposé à cela, et nous ne les souhaittions que
pour leur en faire honneur et les rendre utils au pu-
blic : mais pour peu qu'ils ayent de la peine à les com-
— 44 —
muniquer nous n'y penserons pas davantage, et nous
nous en consolerons aisément si ces Messieurs veulent
s'en faire honneur à eux-même.
Quand à ce que vous me faites l'honneur de me
mander. Monsieur, que Monsieur labbé de S. Jacques
se pleint qu'on ne luy a pas encore renvoyé son ms.
de l'Imitation de Jésus- Christ, je vous assure qu'il y a
plus de trente ans qu'on Ta renvoyé. Lorsque j'ay reçut
votre lettre, j'ai voulu m'en assurer encore. J'ay vu tous
les mss. de notre bibliothèque et ne l'y ayant pas trouvé
j'ay voulu voir dans les livres de Dom Jean Mabillon
s'il ne s'y trouveroit pas. J'y ai trouvé tout ce qui re-
garde le différent du livre de l'Imitation de Jésus-Christ,
plusieurs escrits, d'anciennes éditions et mêmes plu-
sieurs mss. ; mais tous ces mss. sont dltalie qui nous
ont été donnez ou que nous avons achetez. Pour tous
les mss, d'Allemagne, celuy de S. Jacques, de S. Gé-
rard de Namur, celuy d'Anvers ont été renvoyé. C'est
de quoy vous pourrez assuré Monsieur l'abbé de S.
Jacques. Sil veut bien se donner la peine d'examiner
tous ses mss. il pourra bien l'y trouver, à moins que
luy ou ses religieux ne l'ait égaré, dont nous ne sommes
pas responsable.
Je vous diray, Monsieur, à cette occasion, une
chose qui m'est arrivée à moy-même. Lorsque nous
travaillâmes à l'édition de S. Augustin, on emprumta
un fort beau ms. de la Bibliothèque des Prémontrez
d'Auxerre; on le garda fort longtemps, c'est-à-dire jus-
qu'à la fin de l'impression. L'édition finie, on le ren-
voya. Celuy qui fut chargé de le rendre négligea de
retirer le récépissé qu'on avoit donné. Cinq ou six ans
après, le prieur des Prémontrez meurt ou est transférez
dans une autre maison ; celuy qui luy succéda, en
feuilletant les papiers de son prédécesseur y trouva le
reccu du ms. Il ne manqua pas de le redemander et de
faire bien du bruit; on eut beau dire qu'on l'avoit
rendu, il n'en voulut rien croire et menaçoit de nous
— 45 —
faire un procès. Sur ces entrefaites je passay par
Auxerre, sans rien scavoir de ce qui se passoit et comme
je désiray de voir les mss. de ces Pères, le prieur me
dit fort honnêtement que quoyqu'il eu sujet d'être mé-
content de nos Pères, il vouloit bien me donner cette
satisfaction ; il me mena dans la bibliothèque, et tout
le premier manuscrit sur lequel je mis la main étoit
celuy dont il éloit question. .le luy fit remarquer de
récriture de celuy qui a voit travaillé à l'édition de
S. Augustin, qui étoit restée dans le ms. Cela luy fut
une petite confusion et il nous rendit notre receu et
cessa de faire du bruit. Je vous assure, Monsieur, qu'il
ne nous est pas encore arrivé de retenir aucun ms. et
que nous nous en ferions une grosse conscience. 11
nous en vient de tous côtés ; j'en ay encore de Gem-
bloux, de S. Amand des Dunes, que j'espère renvoyer
au premier jour, et nous nous ferions tousiours un
principe de religion de les rendre.
J'ay rhonneur d'être,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 23 aoust 1714.
XI. — Crassier à Schannat.
Le 2 octobre 171 7. — Ms. Crassier, f* 400.
Le 2 octobre 1717.
Si les fatigues continuelles d'un voiage aussy grand
que celuy que vous avez entrepris ne peuvent manquer
de vous occasionner une infinité de peines, je remarque
cependant par lample et agréable lettre dont vous m'avez
honnoré de Nuremberg en date du 27 Septembre que
vos entretiens avec des hommes sçavans, avec la veue
des curiositez et nouveautez que vous rencontrez en
chemin faisant, vous donnent quelqu 'espèce de relâche
— 46 —
en vous faisant goûter de temps en temps du plaisir
entre vos peines et vos fatigues; je dois même vous
assurer d'en avoir eu un très grand par la lecture du
détail qu'avez pris la peine de me faire de ce qu'avez
veu tant en la dite ville que dans les autres de votre
route, mais particulièrement de la parte que vous avez
bien voulu me faire de vos entretiens avec ces illustres
curieux d'Allemagnes dont vous avez veu les biblio-
thèques et cabinets ; je me suis souhaité plus d'une fois
de la compagnie pour partager avec vous la satisfaction
de veoir tant de belles choses; je voudrois que M"" de
UfFenbach, dont vous me faite Téloge, eut pu sauver
tous les ms. de l'abbaye de S* Galle par la dissipation
desquels la république des Lettres a fait une perte
qu elle doit regretter éternellement, puis que la biblio-
thèque de cet ancien monastère passe pour une des
plus rares de l'Europe ; dez que j'apprendray que le
cathalogue de la bibliothèque de cet illustre scavant
sera imprimé je ne manqueray d'en acheter un exem-
plaire [a). Quant aux médailles du Baron de Kletten-
berg celles dont vous me faites mention sont assuré-
ment des plus singulières; je vous avoue de ne les
connoitre que par les livres, ravis cependant de ce que
vous avez remarqué entre elles un Pescennius d'argent
qui justifie le mien d'or lequel le R^ Père Vaillant ma
avoué être véritablement antique ; c'est pourtant un
amateur qui ne doit rien à M^ de Ballonfaux dans la
science des médailles (2).
(La fin de la lettre manque).
(i) Le catalogue de la bibliothèque de Zacharie-Conrad d'Uffenbach
ne fut publié qu'en 1 729-1731: Bibliotheca Uffenbachiana universaliSy
Francfort, 4 vol. in- 8®.
(2) Le R. P. Guillaume Vaillant de la Bassardrie, S. J., né en 1667 à
Tournai, était un anai de Crassier. Cf. U. Capitaine, Crassieriana (Bulle-
tin de r Institut archéologique liégeois^ t. I, p. 479).
— 47 —
XII. — Schannat à Crassier.
En 1720. — M s. Crassier, f» 401.
[Melk], 1720.
Monsieur,
Je vois par la lettre que vous m'avez fait Thonneur
de m 'écrire en datte de l'onzième de ce mois, le bon
soin que vous vous estes donnez à mon sujet. Cest une
affaire que je ne saurois assez vous recommander et
dont j'attens un heureux effet avec toutte Timpatience
du monde, car je ne saurois croire qu un ami qui s'est
enfin offert de soy-même à me rendre service dans des
termes aussi positifs que ceux que vous en avez vu,
dût malheureusement manquer de parolle, auquel cas
il me feroit plus de tort, que tous mes ennemis en-
semble ne m'en ont fait jusques icy; c'est ce que je
vous prierois fort de lui faire connoitre au besoin : car
les meilleurs et les plus beaux projets sans argent ne
sont rien, et déjà celui que j'avois fait de Francfort
croule de soy-même puisque je ne saurois plus y arri-
ver à tems, la foire y expirant le i5 d'S*""; si bien
que le billet de change que vous estiez d'intention de
faire sur Francfort me conviendra bien mieux sur
Vienne ou sur Nuremberg; mais après tout pourvu
qu'il m'en vienne un, peu importe. Je trouve au reste
que le poète avoit bien raison de dire :
... quaerenda pecunia primum,
Virtus post nummos.
Aussi est-ce mon but principal, et tout y tend, car
je dois vous dire qu'il me reste à payer à Vienne la
somme de cent écus, que je me suis engagé par ser-
ment de fournir dans un temps limité qui finit au mois
de juin 1721 : Hic opus hic labor est. Vous et M"" de
Louvrex m'aviez fait espérer autrefois que vous m'ai-
deriez à retirer le résidu de ma pension si j'estois muni
du moindre petit bénéfice. Si, comme j'espère^ la chose
— 48 —
est encore faisable, et que vous voulussiez interposer
votre crédit, j'oserois bien me promettre d'en obtenir
un à tems ; par la, je me verrois tout d'un coup débar-
rassez en estât de finir avec le Chap^ de S. Jean, où
entre autre, il me reste à prétendre une année de pré-
bende, et passer ensuitte à Rome. Vous voyez. Mon-
sieur, qu'il n'y a que de l'embarras et de la tracasserie
avec moi, mais si le Ciel exauce mes vœux je ne mour-
rai pas ingrat.
Le P. Petz souhaitte de savoir qui est l'auteur de
YEurope sapante qui s'imprime en Hollande ; vous
me ferez un sensible plaisir de vous en informer per-
tinement, puisqu'il a envie de luy faire présent d'un
exemplaire de son grand Thésaurus anecdotorum afin
qu'il en puisse faire l'analyse, et se faire ainsi con-
noître en France et ailleurs (i).
XIII. — Schannat à Crassier.
Le 2 février 1721. — Ms. Crassier, f» 403.
A Melck, ce 2 février 1721.
Monsieur,
J'ai reçu avec une satisfaction extrême l'agréable
lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire et
j'ai laissé au R. P. Petz le soin du contenu; voici
entretems mon reçu et une enclose p^ Mons"" Dumont
que vous aurez la bontée de lui faire tenir par occa-
sion ou par voye de la poste. Je joindrai cette obliga-
tion à touttes les autres que je vous ais déjà et vous
informerai par ma premières de la routte que je vais
tenir et de mes desseins ultérieurs, que j'ai eut tout le
tems de bien concerter. Permette que M^« votre Epouse
trouve icy les assurances de mes très humbles respects
et croyez moi toujours très absolument à vous.
(i) Sur Dom Bernard Pez, G. S. B., bibliothécaire de Tabbaye de
Melk, voy. supra, T Introduction.
— 49 —
XIV. — Schannat à Crassier.
Février ou mars 1721 (i). — Ms. Crassier, f* 406.
Vous voyez. Monsieur, quel est mon malheur et
combien il est difficile à vaincre ; je crois même qu'il
me seroit insupportable, si je ne vous avois pas, car
enfin ce n'est que par vous que j'ai reçu jusqu'icy du
secours et de la consolation ; c'est aussi pourquoi j'ose
vous conjurer de nouveau de tenir bon jusques à la fin,
et de me faire l'amitié de continuer à me faciliter par
la même personne mon petit commerce de lettre avec
Mons^ Dumont jusques à ce que j'en ais obtenu quel-
que chose, car je ne le pourrai pas par toutte autre
voye. Pardonné donc à la liberté que je prens derechef
de vous adresser la cy-jointe, et dont je recommande le
soin à vos boutées. En attendant, vous me feré un plai-
sir sensible de me remettre par billet sur Francfort
tout ce que vous aurez eut de mes estampes et livres
quelle qu'en soit la somme. Je m'y tiens et la recevrai
de bon cœur, estant très content d'en estre débarassez.
Au reste, vous saurez, que n'ayant plus les moyens de
rester à Lintz, beaucoup moins de passer plus en avant,
j'ai trouvez à propos de retourner à Melk, et d'y attendre
avec plus de seureté et de proffit le secours dont j'ai
tant besoin : Le bon Père Pez m'y a acceuilli à bras
ouvert de même que ses élèves, et me voici enfoncez
de nouveau dans les livres jusques par dessus la tête.
Vie heureuse ! et telle que je la désirerois, si elle n'étoit
troublée par le soin qui m'incumbe, et qui demande
victum et pestitum. D'ailleurs la forte envie que j'ai, de
tenter fortune de nouveau, sous des moyens presque
infaillibiles, m'agite et m'impatiente à un point qui ne
me donne guères plus de repos. Le tout est mainte-
(i) Cette lettre qui n'est ni datée ni signée, a été écrite à Melk entre
le 2 février (cf. n® XIII) et le 6 avril 1721, date à laquelle Schannat avait
transféré sa résidence à Wurzbourg. Voy. E. Katschthaler, Ueber B,
Pef , etc,j 1889, p. 64.
— 50 —
nant de voir comment, après avoir essuyez une si
furieuse tempeste, je me tirerai d'un calme, qui y a
succédez; faute dun vent favorable, il faudra bien voir
de m'en tirer à force de rames.
C'est bien payer la visite dont votre Prince vous a
honorer ; à ce prix il y retournera plus souvent. Il faut
croire qu'il ne s'est pas encore agi de la coadjutorie,
puique vous ne m'en marquez rien.
Votre défunt archidiacre Liedekerke estoit très assu-
rément un saint et digne ecclésiastique ; si jamais [e
meurs après m'estre réconciliez avec la Fortun^ç, je ne
ferai jamais d'autre testament que luy (i).
Permettez que M^' votre Epouse trouve içy les as-
surances de mes très humbles respects et croyez moi
très absolument à vous. De vos chères nouYçll.çs, saa;5
disçontinuation, je vous en prie.
P. S. — Vous pourrez, s'il vous plaît, Mor\sieur,
n>e remettre sur Francfort, ou sur Vienne mieux, la
somme modique, ne fût que ma seconde Içttre à M""
I>umont eut produit quelque chose et vous servir du
nom de Charles Abélard dans la lettre de chang.e, que
j'adopterai pour que l'on m'ignore partout jusques à
ce qu'il soit tems derechef.
J'oublie de vous dire que les journalistes Allemands
se plaignent de ce que le P. Montfaucon a mutilé ou
plutôt châtré plusieurs figures antiques dont on lui
avoit donné les desseins. Le P. Benoit autre savant de
l'Abbaye de Môlk travaille à une nouvelle édition de
tous les ouvrages de Trithemius, qui feront un corps
considéra^ble de prèz de 14 voU. fol. Mand^ moi je
vous prie quelle est cette édition de son Chronicon
Hirsaugiense en 2 voU. fol. que j'ai vu dans votre
(i) Ferdinand-Alezandre-Joseph, comte de Liedekerke d'Acre, né le
3 mars i66a, avait été nommé archidiacre d*Ardenne le 2 décembre 1701 ;
il mourut le 19 septembre 1720, laissant tous ses biens aux pauvres de
Liège. Cf. J. DE Theux, Le Chapitre de Saint-Lambert à Liège, t. IV,
1872, p. 5.
— 51 —
bibliothèque ou celle de M"" de Riemer. H me paroit
qu'elle est différente de celle que l'on a par icy en
2 voU. fol. : Typis Monasterii S. Galli, 1690, faite sur
l'exemplaire que le P. Mabbillon y a découvert autre-
fois et dont il fait mention dans son Itinéraire d'Alle-
magne (<). Que si vous aviez de quoy embellir cette future
édition par quelque ouvrage rare ou inconnu de cet
auteur, on vous conjure d'en faire part et en récom-
pense on fera de vous mention honorable comme de
raison.
J'ay lié correspondance avec un médecin de Carls-
burg, autrefois Weissenburg en Transylvanie qui est
l'Apulum des anciens; il m'a promis bien des médailles
et m'a fait en partant présent d'un morceau de la mine
d'or, qui est un or natif puisqu'on le voit fleurissant
comme une plante ; c'est assurément un petit bijoux à
admirer. Lorsque je serai plus à porté, je vous l'en-
voyerai car il est pour vous.
XV. — Schannat à Martène.
Le 28 avril 1722. — Bibl. nat., ms. fr. 17681, f» 104.
Mon très Révérend Père,
Vous savez la lenteur, qui règne d'ordinaire dans
les cours, c'est vous en dire assez ; à moi peu importe
si ceux qui ont ordre de son Altesse d'achetter inces-
samment tous vos livres, les payeront plus cher dans
la suitte puisqu'ils diffèrent à profiter des offres obli-
geantes que vous avez fait à ce sujet, et dont je vous
remercie en mon nom particulier de même que de vos
bons avis et savantes instructions que vous avez eut la
bonté de me donner touchant le dessein et l'exécution
de mon ouvrage ; comme mon intention a toujours été
la même que vous cherché à m'inspirer et que confor-
(i) Sur la Chronique et les Annales de Thistorien J. Tritheim, voy.
VON Wegele, Gesch. der deutschen Historiogr,, i885, p. 78.
— 52 —
mément à mon sujet, je ne veux donner au public nil
nisi quod grande sonet, comme on dit ; le Prodromus
que je méditois n'auroit contenu que des pièces très
importantes; mais certaines réflexions jointes aux riches
découvertes que j'ai encore fait depuis entre autres d'un
ms. ne contenant que des traditions du siècle viii et
IX et dont voicy l'échantillon, m'ont fait changer en-
tièrement de plan, et je suis résolu maintenant de dé-
buter par là, sçachant avec quelle aviditée on reçois
ce qui nous reste d'une antiquitée si reculée. Les Tra-
ditiones Fuldenses sont en bonne odeur comme vous
savés ; celles que j'ai à produire non seulement hors de
ce ms. mais d'ailleurs encore l'augmenterons très assu-
rément ; il n'est question seulement de savoir, si je dois
y joindre les 3 livres que Pistorius nous a donnez dont
les exemplaires sont déjà fort rares et en former un
Corpus Traditionum Fuldensium ; une des raisons que
j'ai pour cela, est que je puis corriger et augmenter sur
des bons documents le i^^ et le 2« livre en plusieurs
endroits, et restituer et changer entièrement son 3"^®
qui est très fautif et très deflfectueux. C'est de vous et
des savans de vos quartiers que j'attendrai là-dessus les
sentiments au plustôt, car dans deux mois cet ouvrage
peut estre mis sous la presse (i).
J'arrange à présent les matériaux pour un autre
traité qui sera : de Ecclesiis et cœnobiîs majori Eccle-
siœ Fuldensi pleno jure subjectis, où il y entrera une
infinité des bonnes choses, qui à la longueur du temps
seroienl péries de même que la plusparts desdits mo-
nastères. C'est là une partie du gros bagage que je suis
bien aise de faire passer par avance pour me trouver
plus débarasser dans la suitte (2).
(i) Le Corpus Traditionum Fuldensium ne fut publié qu'en 1725,
à Leipzig, en i voL in-fol. ; voy. supra, p. 10. Dans la préface Schannat
donne un fac-similé du manuscrit du ix'^ siècle, auquel il fait allusion dans
cette lettre. Le recueil de Pistorius avait paru à Francfort en 1607.
(2) Cet autre traité parut en 1727 sous ce titre : Diœcesis Fuldensis cum
annexa sua hierarchia, Francfort-sur-Mein, i vol. in-fol.Voy. supra, p. h.
— 53 —
J'ai l'honneur d'estre après les assurances de mes
respects à votre cher Père Durand,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J. F. SCHANNAT.
Fulde ce 28 avril 1722.
XVI. — Schannat à Martène.
Le 1*' novembre 1722. — Bibl. nat., ms. fr, 17681, f» 107.
Mon très Révérend Père,
Je devrois vous demander pardon de ce que j'ai
tardé jusques icy de répondre à la lettre que vous
m'avés fait l'honneur de m'écrire il y a quelques mois ;
mais quand on na rien à vous mander d'intéressant
ou de curieux, je trouve qu'il y a de la conscience
d'interrompre vos études.
J'ai fait depuis deux voyages littéraires l'un en Saxe,
l'autre en Franconie, d'où j'ai rapporté plusieurs choses
très essentielles à mon ouvrage, que je continue tou-
jours suivant mon premier plan, et je viens de remettre
actuellement entre les mains de son Altesse mon Cor-
pus Traditionum Fuldensîum où je fais entrer généra-
lement tout ce qui nous reste des donations faites à
l'abbaye de Fulde depuis l'an ySo jusque par delà i33o ;
marquant à la marge d'où j'ai tiré chaque pièces, parmi
lesquelles il y en a un grand nombre que j'ai pris soin
de copier exactement sur les originaux et dont je rap-
porte les sceaux gravez par un très habile homme de
vostre nation que le hasard m'a fait rencontrer dans le
voisinage et qui mouroit de faim, faute qu'on ne con-
noissoit point ses talents ; si bien que j'ose me flatter
que quoique cet ouvrage ne regarde pour ainsi dire
que l'Allemagne, il ne laissera pas que d'estre encore
reçu favorablement au dehors.
J'ai découvert un cathalogue ms. des Evêques de
Verdun composé l'an 1601 : ad analysim mss, codd.
— 54 —
Tabellarum Vitoninarum, PauUnarum A gericinarum
et(f, nec non pervetustarum Chartularum honesti jux"
taque pii piri D, Bruni civis Virdunensis elucubra-
tant. L'auteur se souscrit Servus in Christo Carolus
Gobinus. S'il peut vous estre de quelqu'utilité je vous
Toffre de tout mon cœur.
Une chose plus importante à mon avis est un bref
du Pape Honorius IV à votre Philippe-le-bel ce me
semble (car il n'y a dans le ms. d'où je lai tiré que des
pièces anecdotes concernant l'histoire de ce temps-là) ;
en voici les passages qui méritent réflexion :
« Honorius Episcopus servus serporum Dèi P. Illus-
tri Régi Franciae Viro Catholico salutem et apostoli-
cam benedictionem ; de turbatione studii villœ Pari-
siensis plura audivimus, etc* ; cum ergo te sicut Karis-
simum filium diligamus, tibi consulimus bonafide, ut
attendus quod progenitores tui, semper erant piri Chris-
tiani quod etiam quilibet Rex FrancicB speciali nonïine
Catholicus appellatur (i). »
Dans une chronique ms. du même siècle, il y a :
« Anno Domini MCCXLII circafestum Michaë-
lis Rex Franciœ propter... nimiam studii sui sen-
tentiam XXIIII carratas librorum suorum Parisiis
incendis jussit cremari {2). » Ce fait ne vous sera peut-
estre si nouveau que le premier ; quoiqu'il en soit vous
excuserez s'il vous plait mon ignorance et la liberté
que je prens.
Il a paru à la dernière foire de Francfort un ouvrage
assés considérable en 2 vol. in-folio contenant les Scrip-
tores rerum Mogontiacarum, qui n'est proprement
qu'un amas de bonnes choses mais qui ne sont ni bien
(i) Cette bulle a été publiée par Schannat dans ses Vindemiae lite-
rariae (t, I, p. 210), puis par Potthast (n° 22302), qui Tattribuent à
Honorius IV. M. Prou (Les registres d' Honorius /F, 1888, p. lxxix et
n° 975) est porté à considérer ce document comme émané d* Honorius HI
et adressé à Philippe-Auguste.
^2) Cf. Le Nain dbTillemont, Vie de saint Louis ^ t.V, 1849, p. 289.
— 55 —
arrangées ni assez digérées ; le prix d'un exemplaire
sur le papier commun est de dix écus d'Allemagne.
L'auteur est de ma connoissance; il est à présent re-
tourné au Deux Ponts, emportant avec soi le code
diplomatique, qui est l'âme de l'ouvrage en question, et
qu'il a envié à son imprimeur, dont il a esté mal satis-
fait (i). Le Bibliothécaire de Sa Majesté Impériale à
Vienne vat quitter sa charge pour passer à celle d'au-
diteur de Rote. Voilà quelles sont mes nouvelles ; en
attendant l'honneur des vôtres j'ai celui d'être avec
tout le rospect possible.
Mon très Révérend Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J. F. Sghannat.
Mes respects s'il vous plaist à votre R. P. I>om
Ursin Durand.
FuWe, ce i«r Novembre 1722.
XVII. — Martène à Scbannat.
Le 26 novembre 1722. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n® 4.
Pax Christi.
Monsieur,
Je vous félicite sur l'heureux succez de vos deux
voyages littéraires et sur les grandes découvertes que
vous y avez faites ; vous enrichirez la république des
lettres qui vous aura de grandes obligations des peines
que vous vous donnez pour faire plaisir aux scavans.
Le rescrit du pape Honoré à Philippe-le-Bel, roy
de France, peut bien estre imprimé dans l'Histoire de
l'Université de Paris, dans laquelle on a inséré un
^raiîd nombre d'excellentes pièces. Le roy de France
dont il est parlé dans l'ancienne. Chronique que vous
(i) n s*agit de Thistorien G.-Ch. Joannis qui publia cet ouvrage à
Francfort-sur- M ein, de 1722 à 1727, en 3 volumes in-folio.
— 56 —
avez découverte, estoit S. Louis qui fit brusler tous les
meschans livres capables d'infecter les cœurs de ses
subjets, dont il ne recherchait pas moins le salut que
le sien propre.
L'idée que vous nous donnés des deux voll. in-folio
imprimez sous le titre Scriptores rerum Moguntiaca-
rum, n'est pas si avantageuse qu'on courra après en
France, car si ces deux voll. coûtent dix escus d'argent
d'Allemagne, ils en coûteront plus de vingt d argent de
France, ce que peu de personnes voudront donner d'une
collection qui n'est ny bien arrangée ny asse:[ digérée;
outre les fautes d'impressions qui se trouvent dans la
plus part des livres d'Allemagne, ce qui vient du peu
de soin qu'on a de corriger les épreuves, dont les au-
theurs se reposent sur les imprimeurs. En France, les
auteurs communément corrigent eux-mêmes les épreuves
et ils ne se contentent pas de la correction qu'ils en
font ; ils les font en même temps corriger par quel-
qu'autre, de sorte qu'il n'y a point de feuille qui n'ay
esté vue et corrigée trois ou quatre fois avant que d'estre
tirée. Et si avec cela il s'y glisse encore des fautes!
Le second tome de S. Basile paroitra dans un mois.
L'on a commencé une seconde édition du nouveau S.
Ambroise, dont la première étoit devenue très rare. Il
y aura trois volumes et elle sera augmentée du missel
Ambrosien. L'édition se fait par souscription. Les trois
premiers tomes de notre grande Collection paroitront
après Pasque. Vous y trouverez de quoy redresser le
Père Brouwerus sur l'histoire de Fulde. Dom Ursin
Durand vous présente ses respects et j'ay Thonneur
d'être du meilleur de mon cœur,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 26 novembre 1722.
— 57 —
XVIII. — Martène à Schannat.
Le 1*' janvier 1723. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n® 5.
P. c.
Monsieur,
On ne peut assez louer le zèle de votre illustre
prince dans le rétablissement de l'imprimerie de Fulde,
ny le vôtre à l'occuper par l'édition de vos Anecdotes.
Toutes les pièces que vous me marquez, autant qu'on
en peut juger par le titre, sont bonnes ; mais il en faut
retrancher la Chronique d'Ebersmunster que vous trou-
verez imprimée dans le 3® tome de nos Anecdotes, page
1 126, si vous les avez. Je n'ay aucune connaissance du
Catalogue que vous avez des évêques de Strasbourg en
vers et en prose ; ainsy je vous conseille de luy donner
place dans votre collection.
Comme je vois que vous avez du goust pour les né-
crologes, je vous envoyé celuy de l'abbaye de Millebek
que nous avons trouvé au monastère des chanoines ré-
guliers de Budeken. Je crois qu'il ne vous déplaira pas
et que vous ne le jugerez pas indigne d'avoir place dans
vos Anecdotes (i); ce qu'il aura de meilleur dans ce que
vous donnerez sont les épitres ; c'est pourquoy je vous
conseille de les mettre à la tête. Je vous avertis en
même temps que dans nos trois tomes qui paroitront
un peu après Pasque, il y a plusieurs lettres qui re-
gardent votre pays et la province ecclésiastique de
Mayance.
Si vous prenez la résolution de donner des Anec-
dotes, je vous conseil de faire un choix de ce qui tombe
entre vos mains et de ne pas faire comme le P. Pez qui
a imprimé une infinité de choses qui ne méritoient pas
la peine qu'il s est donnée. C'est le jugement qu'en ont
porté en France tous ceux qui ont vu le catalogue des
(1) Au tome I*"" de ses Vindemiae literariae (1723), Schannat a pu-
blié des extraits de ce nécrologe (Excerpta necrologii veteris abbatiae
Mollenbecencis, ab Edm. Martene communicata),
8
— 58 —
pièces qu'il nous a envoyé pour le faire mettre dans le
Journal des Sauans. Le journaliste en amis s'est con-
tenté d'indiquer les principales pièces, car s'il les avoit
toutes insérées, je ne scay s'il auroit trouvé des ache-
teurs en France. Et non obstant cela, il n'en est point
encore venu à Paris ; j'avois mandé à un libraire d'Al-
lemagne d'en envoyer quelqu'un à Paris, mais il n'a
pas voulu et il m'a allégué la raison que je viens vous
dire. J'ay vu depuis peu des libraires de Genève, qui
m'ont dit qu'ils en envoyroient quelques exemplaires,
peut-être parce qu'ils ont de la peine à les débiter chez
eux. Ce que j'ay l'honneur de vous mander m'a été
écrit par un abbé d'Allemagne, ce qui m'a fait de la
peine, car j'ayme le P. Pez, et je crois qu'il me met
au nombre de ses amis. Si nous voulions imprimer
sans discernement les pièces que nous trouvons, nous
en ferions plus de cinquante volumes; nous sommes
dans un siècle où l'on est fort délicat.
Le manuscrit que vous avez de Victor de Capouë
est fort ancien et s'il n'est pas du temps de cet évêque,
il en approche fort. Cet Harmonie est d'Ammonius
d'Alexandrie ; il n'y a que la préface qui est de Victor,
qui l'attribue à Tatien, mais tout le monde convient
qu'il se trompe. Cet Harmonie est imprimée dans la
Bibliothèque des Pères.
Si votre ms. de S. Ambroise, de bono mortis est
aussy ancien, il seroit d'un grand secours pour la nou-
velle édition, si on pou voit en avoir les variantes. Le
P. Mabillon n'a vu aucun ms. de Fulde où il n'a jamais
été. Je vous souhaitte la bonne année et je prens la
liberté de présenter mes profons respects à vostre illustre
prince et abbé.
J'ay l'honneur d'être avec tout l'estime possible.
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr, Edmond Martène, M. B. P.
Ce 1 janvier 1723.
— 59 —
XIX. — Schannat à Martène.
Le 24 janvier lyiS. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f» 283.
Mon très Révérend Père,
J'ai l'honneur de vous remercier très humblement
du beau présent qu'il vous a plut me faire et ne man-
querai pas d'en témoigner publiquement ma reconnois-
sance; car enfin c'est me dédommager bien agréable-
ment du Chronicon que vous aviez déjà inséré parmi
vos anecdotes ainsi que j'en avois été avertis d'ailleurs.
Le cathalogue des Evêques de Strasbourg, que vous
me conseilliez de publier n'est point de mise non plus,
feu M"" Schiiter, à ce que j'apprens, l'ayant inserrez
parmi ses additions de Konigshovium (i) ; c'est je vous
assure une grande connoissance aujourd'huy que de
savoir ce qui est imprimé, et ce qui ne l'est pas ; en
outre il faut, comme vous dites fort bien, le choix et le
bon goût : quoique je n'ose me vanter de l'un ny de
l'autre, j'ai vu souvent avec regret que notre ami com-
mun le P. Pez n'avoit pas plus de discernement dans
ce qu'il entreprenoit ; il ny a pas moyen de lui oter
l'entêtement qu'il a pour tant de vétilles ascétiques,
dont il a fait amas partout ; malgré cela il est applaudy
dans sa région et peu s'en est fallu qu'il ne fut devenu
bibliothécaire de S. M. Impériale à la place de M"" Gen-
tilotti qui a été fait auditeur de Rote ainsi que' je crois
déjà vous l'avoir mandé (2). La faction dominante a fait
depuis obtenir ce poste à un certain Ricardi fiscal d'un
conseil, aussi peu utile et nécessaire à l'Empereur
que celuy-la l'est à la République des Lettres ; c'étoit
presque de tout temps le sort de la Bibliothèque de
Vienne, de tomber en des mauvaises mains ; pourvu
(i) J. ScHiLTER, Kdnigsho/ens Elsassische und Strassburgische Uni-
ver sal Chronicke mit Anmerkungen, Strasbourg, 1698. Cf. von Wegele,
Gesch, der deutschen Histor,, p. 565.
(1) Voyez supra, p. 55.
— 60 —
qu elle ne vienne pas encor un jour en celles des jé-
suites.
Au reste nous avons commencé d'imprimer ; le pa-
pier est comme celui d'Allemagne, hors qu'il ne perce
pas et qu'il est plus grand que n'est l'ordinaire; les
caractères peuvent passer aussi pour un commence-
ment ; tout ce qu'il y aura peut-estre de plus remar-
quable est que les gravures y sont toutes bien exécutées,
et qu'il n'y aura point de fautes d'impressions ; j'y
donne tout à l'entrée de la préface une idée de mon
grand ouvrage qui vat m'occuper assez sans que je
songe à plus donner de longtemps des Anecdotes; vous
savés ce qui m'a engagé à ceux-cy.
Comme nous n'avons icy d'autre édition de S* Am-
broise que celle de Paris de l'an 1 586 qui me paroit
fort belle, je ne laisserai pas cependant que de colla-
tionner le petit traité de Bono mortis avec le ms. en
question que je garantis très vieux ; si j'y rencontre des
variantes, je me ferai un véritable plaisir et devoir de
vous les communiquer ; peut-être même les insérerai-je
aussi à la fin de la description de ce même ms.
S. A. a fort agréé vos compliments ; votre chère
lettre qu'elle a lu, a produit des ordres réitérez, pour
que l'on me fournisse sans délay tout ce qui faut pour
acquérir tous vos ouvrages, et ceux qui paroitront en-
core dans la suite ; car enfin on est absolument d'inten-
tion de dresser une bibliothèque ample, riche et belle ;
mais quelqu'elle sera jamais, elle n'égalera point celle
qui a été enlevée par les Suédois et dont quelques dé-
bris ont esté portez à Rome par la Reine Christine et
sont aujourd'huy l'ornement de celle du Vatican ; peut-
estre avant que de donner au public ce qui doit pro-
prement faire l'histoirede Fulde, m'y envoyerat-on pour
les examiner de même que ceux de la Palatine, où je
crois pouvoir rencontrer des choses encore plus inté-
ressantes. Je vous souhaite pareillement une très heu-
reuse année de même qu'à Vostre R. P. Durand, et
— 61 —
demeure avec tout le respect et la vénération possible,
Mon très Révérend Père,
Votre très humble et obéissant serviteur,
J, F. SCHANNAT.
Fulde, ce 24 janvier 1723.
XX. — Schannat à Martène.
Le 20 janvier 1724. — Bibl. nat., ms. fr. 19679, f* 279.
Mon très Révérend Père,
Je regarde comme un effet de votre bontée le grand
éloge que vous daignez de faire de mon petit ouvrage,
à qui une simple approbation d'un aussi habile con-
noisseur que vous estes auroit put suffire ; quoiqu'il en
soit je suis d'intention de donner chaque année au tems
des deux foires de Francfort, alternativement une Col-
lection Vindémiale pareille à la première et une partie
de l'ouvrage de Fulde, suivant le plan que j'en ai donné
dans la préface de mes Vindemiae et dont j'aurai fort
souhaitté d'apprendre votre sentiment. Vous y aurez
vu sans doutte que j'aurois put m'épargner beaucoup
d'ouvrage, mais il a fallu en cela me conformer en
quelque manière au génie et au goût de la nation au
milieu de laquelle je me trouve, à qui un volume ou
deux n'auroit point inspirez toute l'idée qu'on veut
qu'elle ait de Fulde.
Vous m'obligerez de me faire savoir le temps auquel
vos derniers ouvrages paroistrons en public pour que
j'en fasse incontinent l'emplette et que je les joigne aux
autres que nos messieurs des finances ont trouvez à
propos de faire venir par la voye de Leipsich, tandis
que je leur avois suggéré par vous un moyen de les avoir
en droiture à un prix infiniment moindre.
Notre bon R. P. Pez qui vient de nous donner de-
rechef un gros volume de sa façon, farcie entre autres
de tout ce que vous aviez regardé comme des rebuts à
— 62 —
l'Abbaye de S* Laurent de Liège (^), paroit estre fort
chagriné par ses supérieurs, et voudroit bien se retirer
icy ; mais la visite que le Cardinal d'Alsace a rendu,
comme vous savez, l'esté à S. A. à son retour de Rome
a déjà rompue par avance ce dessein, ainsi que je viens
de lui marquer (2).
Monsieur de Eccard bibliothécaire de Hannover
une des sçavans d'Allemagne de la première classe, et
qui depuis longtemps m'honnore de son amitié, vient
d'abjurer le luthéranisme à l'Abbaye de Corbie où il
s'est retiré à la sourdine abandonnant une mère âgée
de près de 80 ans, une jeune épouse avec 3 petits en-
fans et un poste qui lui donnait annuellement i,5oo
écus d'Allemagne, logement franc et carosse de la Cour.
Dieu veuille seconder par ses grâces une résolution si
généreuse et la compenser par ses bénédictions. La
nouvelle que je vous mande me vient de Madame son
espouse qui en est toute désolée mais qui pourroit bien,
à ce que j'entrevois, suivre un jour en cela l'exemple
de son mary dont j'attens des lettres avec impatience {3).
Je fais estât que mon Corpus Traditionum parois-
tra aux Pasques prochaines ; j'auroi soin de vous en
faire tenir d'abord un exemplaire ; entretems j'ai l'hon-
neur de vous souhaitter la continuation de cette année
très heureuse, de même qu'au Révérend Père Durand
votre fidel associez et vous prie de me croire avec tout
le respect et le dévouement possible.
Mon très Révérend Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J. F. SCHANNAT.
Fulde, ce 20 de l'an 1724.
(i) n s*agit du tome IV du Thésaurus anecdotorum novissimus, paru
en 1723, où B. Pez publia les opuscules du moine Renier dont D. Célestin
Lombard, le bibliothécaire de 1 abbaye de Saint- Laurent, lui avait trans-
mis une copie (cf. D. U. Berlière, Mél, d'kisL bénédictine, 1897, p. 79).
(2) Voy. pour les détails relatifs au différend qui éclata entre B. Pez
et son abbé : E. Katschthaler, Ueber B. Pej, etc., 1889, PP* ^^ ®^ ^9-
(3) Sur la conversion d'Eckhart et ses rapports avec Schannat,V. p. 14.
— 63 —
XXI. — Martène à Schannat.
Le 28 février 1724. — Bibl. archiép, de Prague, fonds Schannat, n* 6.
P. c.
Monsieur,
Ce que j'ay dit de votre Vindemiae n'est que le
moindre éloge qu il mérite. Je ne doute pas que votre
Histoire de Fulde ne soit encore meilleure parce que
la matière est plus intéressante et qu'elle sera enrichie
d'anciens monumens beaucoup plus considérables. Je
suis surpris que vous vouliez l'imprimer à Leipse plus-
tôt qu'à Fulde, car les éditions qui se font sous les yeux
d'un auteur sont tousiours plus correctes. Vous trou-
verez dans les lettres de Wibaldus, abbé de Stavelo et
de Corvée, des choses qui ont été inconnues à Brove-
rus et à tous les autres historiens d'Allemagne. Elles
sont dans le second tome de notre grande Collection
qui commence à paroître, Vous la trouverez à Franc-
fort chez Louis Koenig à qui je scay qu'on en envoyé
des exemplaires et qu'il doit les recevoir dans peu.
J'espère que vous en serez content. Il y a bien des
choses qui regardent l'Allemagne (<).
Je scavois déjà que le Père Pez avoit été chagriné
par son abbé. J'avois vu un gentilhomme d'Allemagne
qui m'avoit dit que son abbé l'avoit mis en prison
parce qu'il parloit de réformer son monastère. Si c'est
là son crime, sa prison luy est glorieuse. Le même
gentilhomme m'a dit que l'empereur l'avoit fait mettre
en liberté. Depuis j'ay vu à Paris deux religieux de ce
pays-là qui m'ont dit qu'il étoit réconcilié avec son
abbé, mais que c'étoit une paix plâtrée.
La conversion de Mr. Eccard dont vous m'avez fait
l'honneur de me donner des nouvelles, nous a donné
(ij Martène et Durand, Veterum scriptorum et monumentorum
ecclesiast, etdogmat, amplissima collectio. Paris, 1724- 1733, 9 volumes
in-folio.
— 64 —
une joye que je ne puis vous expliquer; nous avons fait
voir votre lettre à un Raugrave qui est sur le point
d'en faire autant et à un jeune homme de Genève d'en-
viron trente ans qui a fait abjuration dans notre église
ces jours passés, après avoir défié les ministres de ve-
nir répondre aux difïicultez qu'on fait sur leur religion
prétendue réformée, sans qu'ils aient osé se présenter.
Dieu a ses élus et il a son temps pour les appeler à luy.
Je prie le Seigneur qu'il soutienne Monsieur Eccard.
J'ay l'honneur d'être avec toute l'estime possible.
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 28 février 1724.
XXI I. — Martène à Schannat.
Le 4 mai 1724. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n^ 7.
Pax Christi.
Monsieur,
Le beau présent que vous avez eu la bonté de me
faire me donne occasion d'avoir l'honneur de vous
écrire pour vous demander une petite grâce que j'es-
père que vous voudrez bien m'accorder. Dans le second
manuscrit de S. Boniface dont vous avez pris la peine
de donner les commencemens à la fin de vos Vinde-
miae, il y a deux lettres du pape S. Léon, l'une à
S. Flavien et l'autre à Théodore, évêque de Fréjus.
Nous souhaitterions bien d'avoir les difiérentes leçons
de ces deux lettres pour servir à la nouvelle édition
des lettres de ce saint pape qu'on doit bientôt mettre
sous la presse ; vous nous feriez donc un plaisir très
sensible si vous vouliez bien prendre la peine de les
faire coUationner exactement sur quelqu'édition qu'il
vous plaira et de marquer toutes les variantes qu'on y
— 65 —
trouvera, même les fautes s'il s'y en rencontroit quel-
qu'une. Il faudroit marquer sur quelle édition le ma-
nuscrit seroit collationné, marquer le texte de l'édition
et ensuite celuy du manuscrit quand il diffère. Ce sera
un grand service que vous rendrez à l'Eglise et on
aura soin de vous en faire honneur.
Je crois que votre Histoire de Fulde avance, et nous
nous attendons que vous nous y découvrirez de grands
thrésors ; vous trouverez dans les lettres de l'abbé Wi-
baldus que nous avons donné dans notre second tome
de notre grande Collection des faits singuliers que peut-
être vous ne trouverez pas ailleurs. J'ay sous la presse
un voll. in-40 qui n'avance pas autant que je voudrois,
faute d'ouvrier, car on en manque à Paris ; sitôt qu'il
sera achevé j'auray l'honneur de vous l'envoyer.
Je ne scay si Monsieur Eccard est tousiours àCorbie
et si son exemple n'a point fait d'impression sur d'autres.
Dom Ursin Durand mon compagnon vous présente son
respect et vous souhaitte une bonne santé pour conti-
nuer les grans travaux que vous avez embrassez. J'ay
l'honneur d'être, avec toute l'estime possible.
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 4 may 1724.
XXIII. — Schannat à Martène.
Le 17 mai 1724. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f> 285.
Mon très Révérend Père,
Quelque grande que soit l'impatience que j'ai de
recevoir enfin votre nouvelle collection d'Anecdotes,
le marchand libraire de Leipsich qui seul a entrepris
de nous fournir de livres n'y a pas encore satisfait,
quoique je n'ay cessez de l'en presser; c'est ce qui a
esté la cause que j'ay différez jusqu'icy de répondre
— 66 —
à 1 obligeante lettre dont il vous a plu m'honnorer en
datte du 28 février passé, croyant pouvoir vous mar-
quer en même temps mes pensées sur vos lettres de
l'Abbé Wibaldus; mais le petit service que vous venez
d'exiger de moi, paroit ne point souffrir de plus longs
délays ; ce pourquoi je viens vous remercier encore un
coup de l'accueil favorable que vous avez bien voulu
faire à mes Vindemiae dont la seconde collection est
actuellement icy sous la presse; si le jugement que vous
en ferez va m'être également avantageux, je continue-
ray ce petit travail avec plaisir d'autant que je le re-
garde comme un espèce de délassement ou plustôt de
diversion, occupé autant que je le suis de mon ouvrage
de Fulde dont j'aurai l'honneur de vous en faire voir
une pièce imprimée d'ici en deux mois, et de ma col-
lection des Conciles d'Allemagne, qui avance toujours
avec assez de succez, ayant eu le bonheur de recouvrir
dernièrement les actes entiers de trois Conciles provin-
ciaux du siècle xiii que l'on avoit déjà regrettez comme
perdus (<).
Voici, au reste, ce que vous avez souhaitté de moi ;
si j'ai eut le bonheur d'y réussir à vostre grez, j'en serai
charmez. Ce dont je puis vous assurer est que la chose
s'est fait fidèlement, et cela par moi-même; ainsi vous
pourrez vous en servir en toutte seureté. Si Fulde
possédoit ce prodigieux nombre de rares manuscrits
que la guerre de Suède lui a enlevez vous pourriez
attendre des secours bien plus considérables pour vos
grandes et louables entreprises ; mais il ne nous en
reste plus hélas ! que ces trois seules pièces que j'ai cru
devoir faire au moins connoitre.
M"" de Eccard vient de faire une nouvelle fortune,
d'autant plus éclatante qu'elle a esté rare jusques icy
parmy nos Princes Catholiques en Allemagne : car
(i) Sur la collection des Conciles d'Allemagne préparée par Schannat
et continuée après sa mort par le Père Hartzheim et d'autres jésuites,
voy. supra^ p. 23.
— 67 —
sur l'avis que je donnai de sa conversion à un ami à
Wurtzbourg, celui-cy en paria au Prince-Evêque qui
manda incontinent ledit M'^ Eccard de Cologne où il
étoit pour lors chez les P.P. Jésuites qui avoient
moyenne sa conversion, et lui ayant fait avoir la charge
de Bibliothécaire de l'Université avec une pension an-
nuelle de i,5oo florins du Rhin, il le fit son Conseiller
Aulique, lui assigna la table à sa cour avec ses Gentils-
hommes et carosse à sa libre disposition ; cet établisse-
ment paroit lui agréer fort et il a depuis refusez de se
rendre à Rome où plusieurs Cardinaux l'avoient invitez
sous des conditions avantageuses; pour moi je me féli-
cite d'avoir un ami de son savoir et de son mérite si à
portée de moi et c'est pour satisfaire à l'empressement
redoublez qu'il témoigne de me revoir, que je vais me
rendre, à l'entrée de la semaine prochaine à Wurtz-
bourg (i), d'où je fais estât de passer à Worms, Spire,
Mayence et retourner ici ensuitte par la H esse et la
Westphalie ; que si cependant je puis vous estre utile
en quelque chose, je vous prie de vouloir bien m'em-
ployer puisque vos lettres me seront toujours rendus
partout en seureté.
Le R. P. Pez m'écrit en datte du 23 avril passez
que sa santé ne lui permet plus guère de continuer ses
études avec la force qu'il avoit commencez ; il nous
donnera cependant dans peu les lettres de l'Empereur
Frédéric III et celles de son Chancelier Gaspar Sliek.
(i) Voy. la lettre écrite à Schannat par Eckhart le lo mai 1724 et
publiée dans VEloge historique placé en tête de V Histoire abrégée de la
Maison Palatine (1740) : «... Quod felix faustumque sit, commercium
» literarium resumo ... exul hactenus, nunc incola Herbipolensis .Tu
» vir amicissime, in causa es quod hue translatas sim. Ubi enim de me
» nova quaedam scripserasad M. R. Merlochium, ille M. R. P. Seyfrido
» et hic Domino Consiliario Fichtel eadem retulit, qui similiter Principi
» mea fata narravit. Unde statim conceptum est consilium me hue vo-
» candi ... Spero autem te proxime venturum, ubi te fraterne amplectar,
» etc. » Schannat cédant à l'invitation d'Eckhart, lui rendit visite à Wurz-
bourg durant Tété 1724; voy. infra, annexe 3.
— 68 —
« Du reste, me dit-il : Consident non nihilfluctus et
spes serenioris aurae affulget. » Je le souhaite de tout
cœur.
Je suis obligez à Votre R. P. Durand de l'honneur
de son souvenir, que je le prie ainsi que vous de vou-
loir bien me croire avec tout le respect et le dévoue-
ment possible.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
A Fulde, ce 17 may 1724.
XXIV. — Martène à Schannat.
Le 8 juin 1724. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n° 8.
P. c.
Monsieur,
J'ay reçu les différentes leçons des deux lettres de
Saint Léon tirées de votre manuscrit de Fulde que vous
avez bien voulu collationer vous même, dont je ne puis
assez vous remercier. On ne manquera pas de vous en
faire honneur dans Tusage qu'on en fera. Je suis bien
aisé d'apprendre que vous continuez vos Vindemiae;
vous enrichirez la bibliothèque des lettres de nouvelles
découvertes que vous ferez.
Votre collection des conciles d'Allemagne, étant bien
exécutée, ne peut qu'elle ne soit bien reçue du public.
Il y a plus de quinze ans que Monsieur l'abbé de Tar-
gui, docteur de Sorbonne et bibliothécaire du roy, tra-
vaille à une nouvelle édition des conciles de France,
dans laquelle entreront la pluspart de vos conciles
d'Allemagne ; mais il est si distrait et cela va si lente-
ment que je ne scait quand il mettra son travail sous
la presse; il aura encore le temps de profiter de vos
lumières.
Les lettres de l'empereur Frédéric III et de son
chancelier Slik seront très bien reçues du public. Je
— 60 —
ne scai si le père Pez a connaissance qu'il y a plusieurs
lettres de ce chancelier qui sont déjà imprimées. Je
suis bien fâché que sa santé s'altère ; il faut qu'il ait fait
quelque excez dans ses études qui l'auront épuisé et
qui l'empêche de travailler avec la même force que cy
devant. S'il veut durer il faut qu'il soit réglé et qu'il ne
dérobe jamais rien à son sommeil. Je ne scai s'il con-
tinue sa Bibliothèque bénédictine. Nous luy avons
envoyé autrefois bien des mémoires pour cela et je
pourois encore lui indiquer quelqu 'ouvrages de nos
confrères qui ont paru depuis. Il me faisoit autrefois
l'honneur de m'écrire quelque fois, mais depuis les
différens qu'il a eu avec son abbé, je n ay reçu aucune
lettre de luy (i). J'appris sa disgrâce à Saint-Denis par
quelques seigneurs allemans qui étoient avec le nonce
du pape qui étoit venu voir notre monastère et il nous
disoit que la cause de cete disgrâce venoit de ce qu'il
avoit voulu réformer son monastère. Si cela est, la per-
sécution qu'il a soufferte lui est bien glorieuse. Si vous
lui écrivez, je vous prie de lui faire mes complimens
et de l'exhorter à se conserver.
Ce que vous me faites l'honneur de m'écrire de iMr.
Eccard me fait un plaisir que je ne puis vous expri-
mer. C'est la récompense de sa foy. Il a tout quitté ce
qu'il avoit d'avantage dans le monde pour embrasser
la véritable foy que ses ancestres avoient abandonnée.
Et Dieu lui redonne d'un autre côté ce qu'il a quitté.
Je prie le Seigneur qu'il le confirme en la foy, et j'ay
l'honneur d'être très humblement.
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 8 juin 1724.
(i) Dom Martène était en relations épistolaires avec B. Pez depuis
171 7; douze des lettres qu'il lui écrivit sont encore conservées à Melk.
Cf. £. Katschthaler, op, ciL, pp. 36 et io5.
— 70 —
XXV. — Schannat à Martène.
Le 3o août 1724. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f» 287.
Mon très Révérend Père.
Vous avez bien eu raison de dire, que dans le se-
cond tome de votre riche collection dont vous venez
de nouveau de régaler le public, j'y trouveray de quoy
pour mon Histoire de Fulde; en effet rien ne m'estoit
plus nécessaire que ce que vous avez eu le bonheur de
déterrer, puisqu'il éclairsit les endroits les plus obscurs
pour moi, et où je n'avois sceut trouver jusques icy,
pour m'y guider ny autheurs ny documents, ainsi que
je Tay fait connoistre à son Altesse, qui entre de plus
en plus dans le goût où je voudrois encore voir plu-
sieurs de nos autres princes Ecclésiastiques d'Alle-
magne; celui de Wurtzbourg, sur lequel les savans
commencent à fonder quelque espérance, veu l'exemple
de M*" de Eccard qui y estoit le plus agréablement du
monde, vient malheureusement de nous estre enlevez
par une mort subite, comme il retournoit de la ville
de Mergentheim, résidence du Grand-Maistre, à une
de ses maisons de campagne et expira sous un chêne,
ce qui a donné lieu à ce chronographe :
DefeCIt anIMa ILLIVs sVb qVerCV (4).
Je suis ravis au reste d'apprendre que les différentes
leçons des deux lettres de S^ Léon ont esté agréés ; j'ai
découvert pendant mon voyage un très ancien ms. qui
contient celles de S' Boniface, parmi lesquelles il s'en
trouvent plusieurs qui ne sont pas dans Serarius ; si je
pouvois me flatter de quelques secours tant de vostre
part que de celle d'un ami que j'ai à Rome, et où se
retrouveront peut-être les deux mss. dont Baronius
(i) Jean- Philippe-François de Schoenborn, évêque de Wurzbourg de
1719a 1724; il eut pour successeur Christophe-François de Hutten (voy.
iw/r^, lettre XXVIII).
— 71 —
s'est servi autrefois, j'en entreprendrois volontiers une
nouvelle édition.
Ce que vous me faite la grâce de me mander tou-
chant la nouvelle édition des Conciles de France que l'on
prépare n'empeschera pas que je ne continue dans mon
dessein ; car quelqu'avant que vous étendiez les limites
de votre ancienne France, vous ne les pousserez pas,
je pense, jusqu'en Saxe, ou en Bavière, dont les seules
contrées auroient déjà de quoy fournir à plus d'un vo-
lume des Conciles d'Allemagne qui, à prendre les choses
à la rigueur, ne devroit pas estre meslez parmy les
vôtres ; quoiqu'il en soit je suis fort tenté d'entreprendre
un jour le voyage de Paris autant pour y avoir le plai-
sir de vous assurer derechef en personne de mes parfaits
respects et services que pour estre introduit par votre
moyen chez cet illustre abbé de Targni dont je serois
trop heureux de pouvoir en quelque façon mériter
l'honneur de sa bienveillance et profiter en tout de ses
lumières.
Notre très cher père Pez est devenu jardinier fleu-
riste et donne à présent à cette nouvelle occupation les
heures qu'il employoit autrefois à l'étude où il trouve
trop d'obstacle de la part de son Abbé qui n'aime point
que ses religieux en sachent plus que lui ; encore si
comme feu l'Abbé de la Trappe il ne s'adonnoit uni-
quement qu'à les voir tous dans les prières ou les mé-
ditations, mais cette réforme est encore moins de son
goût. Enfin je plains ce bon père de tout mon cœur, et
voudrois lui voir un sort plus heureux.
Il me reste à vous prier d'une chose qui est qu'un
libraire de ces pays, homme fort commode et de mes
amis, ayant formé depuis peu le dessein de réimprimer
tous les ouvrages ensemble du célèbre Jean de Lau-
noy, docteur en Sorbonne, il souhaitterois d'apprendre
si son entreprise seroit bien reçue en France et s'il n'y
auroit pas moyen que quelques uns de vos savans
voulusse bien l'aider en cela de ses lumières, soit en
— 72 —
lui communiquant une liste exacte des ouvrages de cet
autheur et des petites pièces qu'on a écrites contre luy.
soit en lui aidant à recouvrir celles qui pourront lui
manquer encore ; je puis assurer qu*il en sera très re-
connoissant et qu il fournira volontiers tout ce qui sera
jugé nécessaire dans cette occasion Mi ; j'attendrai s*il
vous plait là-dessus vos chères nouvelles et demeure
cependant toujours avec un dévouement très respec-
tueux, mon Révérend Père.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
p. s. Vous recevrez dans peu un exemplaire du
Corpus traditionum Fuld.^ et la seconde partie des
Vindemiae suivra de près.
A Fulde ce 3o août 1 724.
XXVI. — Martène à Schannat.
Le 16 septembre 1724. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat. n® 9.
P. c.
Monsieur,
Je suis ravi que vous ayez trouvé dans notre Col-
lection quelques petites lumières pour éclaircir votre
Histoire de Fulde ; je me doutois bien que vous y trou-
veriez des choses qui ont été jusqu'à présent inconnues.
J'ay bien de la joye du manuscrit que vous avez décou-
vert des lettres de S. Boniface. S'il y en a un nombre
qui ne soient point imprimées, vous ferez bien d'en
donner une nouvelle édition. Votre manuscrit vous
fournira de quoy corriger plusieurs endroits de l'édi-
( f ) Jean de Launoy, canoniste et historien ecclésiastique, né en i6o3,
mort à Paris en 1678. Ses lettres ont été publiées à Paris (1664-1673)
en 8 vol. in-8**, puis à Cambridge (1689) en un vol. in-folio. L'abbé Gra-
net fit paraître en 1731 une édition de ses œuvres complètes en 10 vol.
in-folio (Genève, Bousquet). Cf. infra, p. 73.
— 73 —
tion de la Bibliothèque des Pères. Je n'ay aucune con-
noissance à Rome, mais peut être s'en trouvera-t-il
quelques manuscrits dans les bibliothèques de Paris,
et en cas que vous vouliez en donner une nouvelle
édition, je tascheray de vous rendre service.
Le dessein que vous avez de donner une nouvelle
édition des Conciles d'Allemagne ne peut-être que très
utile, surtout si vous les revoyez sur les manuscrits.
Celuy que Mr. labbé de Targni a voit autrefois de don-
ner les Conciles des Gaules, ne vous nuira pas, car il
est si occupé des affaires du temps, qu'on ne croit pas
qu'il ait le loisir d'y mettre la dernière main. J'ay parlé
à quelqu'un de mes amis de la pensée que vous aviez
de faire le voyage de Paris pour le voir, mais ils m'ont
dit qu'il ne vous communiqueroit rien.
Quant à ce qui regarde votre libraire d'Allemagne
qui désire donner les ouvrages de Mr. de Launois, j en
ay parlé à un libraire qui a beaucoup de commerce qui
m'a dit que cela seroit bien reçu. Il m'avertit aussy qu'il
y a un libraire de Genève qui s'appelle Bosquet, qui
est actuellement à Paris, qui a le mesme dessein. Il
faut aussy vous avertir qu'il y a environ vingt ans qu'on
a rimprimé les lettres en un gros voll. in folio et que
c'est le meilleur de ses ouvrages dans lesquels il y a du
fort et du faible. Après cela c'est à votre libraire de
voir si cete entreprise luy convient.
Je pleins le sort du bon père Pez ; que deviendra
donc sa Bibliothèque bénédictine? Nous lui avions en-
voyé beaucoup de mémoires du P. Mabillon qui avoit
eu autrefois un semblable dessein, dont nous n'avons
pas retenu de copie. S'il n'a pas dessein de travailler
davantage, il nous feroit plaisir de les renvoyer (i).
Il y a plus de deux mois que j ay mis dans un bal-
lot de livres adressé à Mr. Koenig, libraire à Francfort,
( I ) Sur le projet de B. Pez de composer une Bibliotheca benedictina
generaltSf cf. Dom U. Berlière, Mélanges d'histoire bénédictine^ i^97)
pp. 78 et 79, et supra, p. 8.
10
— 74 —
un exemplaire de notre second Voyage littéraire pour
vous. Celuy qui le luy a envoyé ma assuré qu'il l'avoit
reçu et si suis surpris qu'il ne soit pas encore parvenu
jusque à vous; prenez la peine s'il vous plait de le luy
demander. Nous verrons avec plaisir la suite de votre
Vindemiae^ dans laquelle je ne doute pas qu'il y ait
bien des pièces qui feront plaisir aux scavans. Conti-
nuez tousiours, mon cher Monsieur, à travailler pour
le public et faite-moy la grâce de me croire parfaite-
ment.
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 16 septembre 1724.
XXVII. — Martène à Schannat.
Le 5 décembre 1724. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat. n® 10.
P. c.
Monsieur,
Je suis bien aise que vous vouliez bien honorer
notre second Voyage Littéraire de votre approbation.
J'ay cete consolation que tous les gens d esprit l'es-
timent. Il faut en rendre grâce à Dieu qui est l'auteur
de tout bien, car pour moy je n'ay que le mal pour
mon partage.
Nous verrons avec plaisir tous les grands ouvrages
que vous promettez au public. Je suis surpris de la
rapidité avec laquelle vous donnez tant de belles
choses. Il est vray que vous reposant sur vos impri-
meurs pour l'exécution, cela vous donne bien du temps.
Pour nous nous veillons nous-mêmes sur l'impression
des livres que nous donnons au public, nous corri-
geons les épreuves et nous faisons toutes les tables, et
si avec toute notre application il ne laisse pas de se
— 75 —
glisser encore des fautes. Il faudroit avertir vos impri-
meurs de ne pas tant mettre de lettres capitales, car
cela diminue de la beauté d'une impression. Il suffi-
rait d'en mettre aux noms propres et après un point.
Vous me surprenez de votre prévost qui s'est fait
Récolet. S'il vouloit vivre plus régulièrement, n'avoit-il
pas dans l'ordre de S. Benoist de quoy satisfaire son
zèle? Il n'avoit pas besoin de la permission du pape
pour faire ce changement, mais il en auroit eu besoin
si étant Récolet, il vouloit passer dans Tordre de Saint-
Benoist; au reste on ne peut que loiier ses bonnes
intentions.
Je suis ravi que le P. Pez ait reprit l'étude et je
souhaitte que son voyage en Styrie soit utile; je ne
doute point qu'il n'y trouve bien des choses qui peuvent
faire plaisir aux savans ; mais il faut un peu plus de
discernement et de choix que dans ce qu'il a donné.
Je vous assure que je n ay vu personne ,en France en
faire de l'estime, et si j'avois été maître de ses quatres
voll. je les aurois réduit à un et j'aurois retranché tout
le reste. Il est vray qu'en Allemagne on peut avoir un
autre goust, et qu'écrivant pour son pays, il faut se
conformer à l'inclination de ceux pour qui il écrit. Je
ne scay s'il avance sa Bibliothèque Bénédictine.
Je vous ay trouvé des heures françoises magnifiques
qu'on donne à toutes les dames de la Cour. Elles ne
sont point imprimées, mais gravées au burin avec une
belle relieure et des bords d'argent. On les vend dix
escus de France, c'est-à-dire 3o livres. Vous ne pouvez
rien donner de plus beau à la personne pour qui vous
les demandez ; j'attendray là-dessus vos ordres et je les
exécuteray de mon mieux.
Nous avons perdu un de nos confrères qui étoit un
jeune homme de grande espérance qui a voit l'esprit fin,
délicat, net et qui joignoit à une grande érudition une
grande piété et une vie très pure et innocente. Il étoit
sur le point de mettre sous la presse le second vol. des
— 76 —
Lettres des papes lorsque la mort nous l'a enlevé à
l'âge de 38 ans. J'ay l'honneur d'être,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 5 Décembre 1724.
XXVIII. — Schannat à Martène.
Le a 5 avril 1725. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f* 289.
Mon très Révérend Père,
J'ai difléré à me donner l'honneur de vous escrire
jusques à ce que je pust vous marquer la réception du
livre de prières qui m'a enfin été remis en main hier ;
je l'ais trouvé très beau et de bon goût, mais malgré que
vous ayez bien voulu prendre la peine de le bien mar-
chander j'ai dû en payer au sieur de Konig 2 louis d'or
en espèce ; cela n'empêche pas que je ne vous en de-
meure très obligez. Comme l'index manque encore à
mon Corpus traditionum, je n'ai pas voulu vous en-
voyer cet ouvrage imparfait quoique le libraire le dé-
bite partout à bon compte, bien malgré moi, car S. A.
n'en a pas encore d'exemplaire (i) ; lorsque j'aurai l'hon-
neur de vous le présenter, j'y joindrai ma seconde col-
lection Vindémiale qui va estre suivie bientôt d'une
troisième, tandis qu'à Leipsick on imprime le traité
historique de la Gour féodale de Fulde.
Monseigneur l'Evêque de Wurtzbourg ayant obtenu
la dispense nécessaire de pouvoir se faire consacrer par
son suffragant et deux Abbez de son diocèse, cette céré-
monie se passa fort simplement le dimanche de qua-
simodo ; ce Prince, à ce que marque Monsieur de
(i) Cet index ne fut imprimé qu'en 1725, à Fulde même; Schannat
rendit son éditeur de Leipzig, M. -G. Weidmann, responsable de ce re-
tard ; voy. à la suite de Tindex du Corpus traditionum Fuldensium la
note intitulée : Monitum Authoris,
— 77 —
Eccard, vient de fonder une chaire de professur pour
le jus publicum dont les allemands font tant de cas
comme s'ils estoient tous nés à devenir des ambas-
sadeurs.
Il y a apparence qu'après avoir achevé cet esté
mon Diœcesîs Fuldensis cum annexa sua hterarchia,
je ferai un petit entrerépis avant que de passer à l'His-
toire, et m'occuperai cet hyver à décrire la bibliothèque
de la cathédrale de Wurtzbourg où il y a plus de 60 mss.
qui passent les mille ans, puisqu'aussi bien personne,
à ce que je vois, ne s'en veut donner la peine. J'ose
vous recommander entretems ma future Edition des
lettres de S* Boniface pour que s'il se trouve quelque
chose faisant à ce sujet, vous ayez la bonté de m'en
faire part. Monseigneur Gentilotti, cy-devant biblio-
thécaire de l'Empereur et à présent auditeur de Rote,
s'est bien voulu charger du même soin à Rome.
Il y a très longtemps que je me trouve sans aucune
nouvelles du R. P. Pez ; je ne doubte pas cependant
qu'il ne s'occupe toujours à son ordinaire. Le prix des
Acta Sanctorum de votre P. Mabillon est, à ce que je
vois, également excessive chez vous comme icy ; puis-je
m'informer ce que coûtent les Commentaires sur la
Sainte Ecriture par le R. P. Calmet et son Diction-
naire? On achettera cet ouvrage bien plutôt que l'autre,
ce pourquoy je vous prie de vouloir bien m'en donner
des nouvelles. Si j'estois le maître des finances, je ne
laisserai pas échapper les Acta dont il faudra sans
doutte que je me serve d'emprunté; voilà quelle est la
misère. J'ai fait ouvrir ces jours passez cette tombe
dans l'église prévotale de S' André, où se lisoit Otber-
dus Abbas, et nous y avons trouvé un cadavre encore
presque tout entier cousu dans des peaux de veau sans
autre marque ni inscription ; notre nécrologe fait men-
tion d'un abbé de ce nom à l'année io35, et les Annales
que votre P. Mabillon a communiqué à feu Monsieur
Leibniz et que M*" de Eccard a publiez depuis dans
— 78 —
son 1^^ tome de ses Scriptores rer. Germ,, rapportent à
cette même année : Otbertus Elewangensium Abbas
obijt eut Richardus monachus Fuldensis successif {\),
Sur quoy j'établis mes conjectures que vous verrez un
jour dans la description que je fais de cette église.
J ai l'honneur d'estre cependant toujours avec un
entier dévouement,
Mon très Révérend Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Mes respects s'il vous plait à votre cher compa-
gnon.
A Fulde, ce 25 avril 1725.
XXIX. — Martène à Schannat.
Le i" janvier 1726. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n*» 11.
P. c.
Monsieur,
Dans la dernière lettre que vous m'avez fait l'hon-
neur de m'écrire, vous m'avez fait la grâce de me man-
der que vous m'envoyez par la foire de Francfort
votre second tome de Vindetniae et vos Traditîones
Fuldenses. Comme je n'ay rien reçu jusqu'à présent, je
crois qu'en vous souhaittant la bonne année, vous vou-
lez bien que je prenne la liberté de vous demander par
quel libraire vous avez eu la bonté de me les envoyer,
car celuy qui m'a rendu votre premier tome n'a rien
reçu non plus. Je ne crois pas même que votre second
tome des Vindetniae soit encore à Paris. Pour vos Tra-
ditions de Fulde, elles y sont et nous les aurions déjà
(i) Cf. EcKHART, Corpus historicum medii aeviy sive scriptores , etc.,
Leipzig, 1. 1*"" (1723), p. 463 (Annalista Saxo). Leibniz avait, en effet, reçu
une copie de ces Annales de Dom Mabillon ; il la transmit à Eckhart et
lui laissa le soin de la publier. Cf. la Préface du t. I*''', n® X.
— 79 —
achetées si vous ne m'aviez mandé que vous me les
envoyez. Les deux tomes de Mr. Eccard sont à la fin
arrivez à Paris et je les ay aussitôt parcouru. J ay re-
connu que vous avez raison de dire que ce n'est pas
son meilleur ouvrage. Car outre qu'il y a des pièces
qui ne sont pas dignes de paroitre et d'autre qui ne le
devroient pas, cete édition n'est pas travaillée. Il faut
attribuer cela à ses grandes occupations.
Dom Ursin Durand mon compagnon est chargé de
continuer l'édition des Lettres des papes dont le Père
Coûtant nous a donné le premier tome. Si vous trou-
viez quelque chose qui entre dans son dessein vous luy
feriez plaisir et il vous en feroit honneur.
On dit que votre abbé va à Rome en qualité d'am-
bassadeur de l'empereur prendre la place du cardinal
Cienfugos, ce qui nous fait bien plaisir. Je prie le Sei-
gneur qu'il continue à vous donner des forces et du
courage pour achever ce que vous avez entrepris, et
j'ay l'honneur d'être avec toute l'estime possible,
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce i janvier 1726.
XXX. — Schannat à Martène.
Le i5 janvier 1726. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f* 291.
Mon très Révérend Père,
Je commence par avoir l'honneur de vous souhait-
ter réciproquement une très heureuse année avec une
longue suitte d'autres égales en prospéritées, et sur
tout riches et fécondes en belles découvertes. Aprez ce
compliment je devrois vous en faire un aultre plein
dexcuses à raison de mon long silence mais comme
il ne provient ni de paresse ni d'oubli, j espère que vous
— 80 —
m'en dispenserez et cela même à la seule vue du titre
que voicy d'un nouvel ouvrage qui m'a occupé tout
entier depuis certain temps et que l'on s'impatientoit
de voir achevez par rapport aux grands intéretz que
nous y avons (i). Comme ces sortes de traitez ne sont
guères goûtés que dans les pays où ils ont leur utilité,
je crois que vous en aurez assez du titre à moins que
dans une bibliothèque aussi étendue que la vôtre il ne
reste quelque recoing vuide pour y placer un exem-
plaire dont je vous fais le maître dez à présent, per-
suadé qu'au moment où je vous fais cette promesse je
me trouverai entièrement dégagé de l'autre que je vous
avois fait il y a longtemps ; car mes premiers soins en
arrivant icy pour veiller à l'impression de l'ouvrage
susdit ont été de m*informer du sort du Corpus Tradi-
tionum et des Vindemiae qui vous estoient destinez et
j'ai appris qu il y avoit plus de 6 semaines que votre
Louis de Konig s'en estoit chargé ; comme l'exemplaire
du Corpus Traditionum est d'un grand papier à qui
nous faisons l'honneur de l'appeler royal quoiqu'il ne
le mérite guère, vous m'obligeriez si vous voulez bien
m'apprendre si vous l'avez reçu.
Je suis impatient de voir les belles productions du
R. P. Marquard Hergoth; car enfin j'y ais intérest
particulier par rapport à cette pièce qu'il promet entre
autres de S* Sturme et qui servira à illustrer le chapitre
de Veteri disciplina et œconomia Fuldensi, bien diffé-
rentes de celles d'aujourd'huy (2).
(i) n s'agit du traité de Clientela Fuldensi beneficiariay Francfort,
1726, in-fol. ; voy. supra^ pu.
(2) Dom Marquard Herrgott, bibliothécaire de Tabbaye de Saint-
Biaise, avait été envoyé à Paris sur la recommandation du nonce Pas-
sionei ; il s'y forma aux études historiques à Saint- Germa in-des- Prés
sous la direction de Montfaucon, de Thuiller et de Martène. Durant son
séjour en France, il fit paraître un traité intitulé : Vêtus disciplina mo-
nastica, Paris, 1726. Cf. E. Katschthaler, op. cit.,p, 89; Von Wegele,
Gesch. der deutschen Historiographie, i885, p. 697. Voy. aussi infra,
lettres XXX, XXXV, XXXVIII et XXXIX.
— 81 —
Notre M^ de Eccard nous a donné depuis peu deux
dissertations allemandes, Tune concernante une petite
cassette où il a découvert bien des choses que Ton est
obligé de lui croire sur sa parolle ; l'autre nous dé-
couvre l'ancienne situation de l'ancien palais de Falz
qu'il place dans la Franconie sur les bords de la Sale
et en donne une description selon ses idées. Il a le mal-
heur de se brouiller de jour en jour davantage avec les
jésuites qui se disent néantmoins partout les auteurs
de sa conversion et de sa fortune. Il vient de leur esca-
moter tout nouvellement un très bon sujet avec qui il
avoit liez amitié durant son séjour dans leur collège de
Cologne ; et comme le Prince Evêque de Wurtzbourg
n est pas trop bon partisan de la Société, il n'a pas eut
peine d'obtenir des charges et de l'emploi à son dé-
serteur (i).
Une nouvelle que vous apprendrez peut estre avec
plus de plaisir est que la fille unique de notre susdit
Monsieur de Eccard qui avoit jusques là persisté avec
sa mère dans la religion Luthérienne, estant prébendée
de la part du Roy d'Angleterre d'un bénéfice de 160 pis-
toles, vient de se retirer au couvent des Ursulines à
Vurtzbourg. Les parens en ont fait grand bruit et sa
mère l'a réclamée à force, mais Me^ l'Evêque leur a
fait dire qu'ils navoient qu a laisser leur fille où elle
étoit et lui laisser suivre en tout sa vocation, que ce-
pendant il en payeroit la pension et s'en chargeoit.
L'Abbé de Gotwig alias Gotivicensis en Autriche
s'est laissé depuis quelque temps amuser par un vieux
petit charlatan en fait de littérature qui par je ne scais
quelles ramaissailles a tellement grossi les annales
connues jusqu'icy de son monastère que l'exemplaire
(i) Schannat fait allusion à Jean-Ignace Roderique de Malmedy ;
entré dans la Compagnie de Jésus en 1717, il en sortit le 25 novembre
1725. Eckhart, qui avait fait sa connaissance au Collège de Cologne, lui
procura une chaire de géographie, d'algèbre et d'analyse à l'Université
de Wurzbourg. Voy. supra, p. 1 5.
n
— Sa-
de cet ouvrage qui s'imprime actuellement au monas-
tère de Tegernsée aux fraix et dépens dudit Abbé de
Gotvig, ne pourra estre vendu à moins de 5o écus;
c'est une nouvelle que me mande un savant du voisi-
nage (i). S. A. notre prince Abbé est sur le point de
quitter Vienne où il a eu le bonheur de réussir dans
tous ses projets et s'en reviendra à Fulde par Prague,
Dresde et Leipsich ; cela est plus de la convenance de
ses sujets et de son pays que s'il avoit accepté les em-
plois qu'on lui destinoit.
J'assure bien de mes respects votre cher compa-
gnon le R. P. Durand. Si je puis jamais contribuer
par quelque chose au noble ouvrage dont on vient de le
charger, je le feroi de bon cœur.
J'ai l'honneur d'estre.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
A Francfort, ce 1 5 de l'an 1726.
Je retourne à Fulde dans 8 jours.
XXXI. — Martène à Schannat.
Le 3 avril 1726. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n° 12.
P. c.
Monsieur,
Je viens de recevoir enfin le beau présent que vous
avez la bonté de me faire de votre Corps des Traditions
de Fulde en papier royal et de vos secondes Vindemiae.
On ne peut rien de plus beau ny de mieux exécuté, ni
de plus utile pour la littérature. Si vous continuez comme
vous avez commencé vous éclipserez bientôt tous les
scavans d'Allemagne qui se sont meslez de nous donner
(i) L'abbé de Goettweih, Jean Bessel fit paraître en 1 782 le tome I"de
cet ouvrage intitulé : Chronicon Gottwicense, seu Annales ,,.monasterii
Gottwicensis O. S, B,, Tegernsée, i vol. in-fol. avec cartes et planches.
Voy. in/ra, annexe 6.
— 83 —
des anciens monumens ; car il y a cette différence entre
eux et vous qu'ils nous ont donnez bien des choses dont
on pourroit se passer au lieu que vous ne donnez rien
que d'excellent.
Sitôt que votre traité de Clientela Fuldenst Benefi-
ciaria sera à Paris, notre bibliothécaire ne manquera
pas de Tacheter, car il n'y a point de scavant qui ne soit
bien aise d'avoir tout ce qui vient de vous. Au reste,
Monsieur, je n'ay termes suffisant pour vous remercier
du présent que vous me faites. Je voudroit vous pou-
voir vous en témoigner ma reconnoissance par quelque
endroit digne de vous. Je vous envoyé un ms. qui con-
tient plusieurs diplômes allemans des empereurs qui
pourront peut-être trouver place dans une troisième
collection de vos Vindemiae. Si vous avez le temps et
la patience de les traduire en latin, les étrangers en pro-
fiteront; sinon ils seront seulement utiles à ceux qui
sont du pays où vous estes à présent- Je Tay donné au
correspondant de Mr. Koenig pour le mettre dans le
premier ballot qu'il luy envoyra.
Dom Marquard nous a quitté, ayant été rappelle
par son abbé qui l'aime, et qui veut se servir de luy.
A peine a-t-il eu le temps d'achever l'impression de son
livre qui paroit enfin. Ce qu'il a donné sous le nom de
Saint Sturme ne contient quelques usages du Mont-
Cassin que Dom Jean Mabillon avoit déjà imprimé au
4« tome de ses Analectes sur un ms. de Frisingue. Mais
Dom Marquard ne prouve pas qu'ils ayent jamais été
en usage à Fulde, bien moins que S. Sturme en soit
l'auteur.
Ce que vous m'avez fait l'honneur de me mander
de la fille de Mr. Eccard me fait un véritable plaisir et
je ne désespère pas que la mère ne convertisse aussy.
Je prie le Seigneur de luy faire cette grâce, et que j'ay
encore cette consolation avant de mourir (i).
(ij La femme d'Eckhart finit par abjurer elle aussi le protestantisme.
Cf. Katschthalxr, op. cit, p. 63, n. i.
— 84 —
Je viens d'apprendre par la gazette la mort de votre
prince qui m'a beaucoup affligé. Je craint quelle n'ap-
porte quelque changement à vos études et à vos glo-
rieux travaux et que son successeur n aye pas autant
que luy d'inclination pour illustrer ce qui regarde son
pays et son abbaye. Je prie le Seigneur qu'il vous donne
un homme selon son cœur et j'ay l'honneur d'être du
meilleur de mon cœur,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 3 avril 1726.
XXXII. — Schannat à Martène.
Le 10 avril 1726. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f* 293.
Mon très Révérend Père,
J'ai eut l'honneur de vous escrire de Francfort dez
le mois de janvier passé comme quoy il y avoit long-
temps que le S"" Louis de Konig étoit chargé du soin
de votre exemplaire du Corpus traditionum, grand pa-
pier avec la seconde collection Vindémiale. Cependant
je n'entends rien de vous et ne sais comment interpréter
ce silence.
J'ai au reste à vous apprendre à la fois deux nou-
velles bien importantes : Tune est qu'une mort subite
nous a enlevé notre illustre prince Constantin de la
maison de Butlar le i3 de Mars vers les 9 heures du
matin, à l'âge de 47 ans. L'interrègne a duré prez d'un
mois pendant lequel nos Capitulaires se sont donnez
bien des mouvemens et de l'occupation, et viennent
enfin d'élire unanimement le 8 de ce mois à la place
du défunt M^ le Baron Dalberg (Adolph), cy-devant
prévôt de Zell, qui a tout le mérite et la capacitée que
l'on puisse désirer. Dieu nous le veuille conserver.
Comme j'ai ordres de hâter plus que jamais l'im-
— 85 —
pression du traité de nostre Cour féodale dont j'ai eu
l'honneur de vous communiquer le titre dans ma pré-
cédente lettre, je vais me rendre dans peu de jours à
Francfort à cet effet afin que cet ouvrage paroisse à la
foire prochaine; je vous en destine pareillement un
exemplaire duquel je prendrai soin par moy-même en
attendant que je reçoive avis de l'arrivée des autres.
J'ai cependant l'honneur d estre toujours avec un entier
dévouement,
Mon très Révérend Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Mes respects s'il vous plaist au R. P. Durand.
Fulde, ce lo avril 1726.
XXXI IL — Martène à Schannat.
Le 3o avril 1726. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n? i3.
P. c.
Monsieur,
Vous devez avoir reçu il y a quelque temps la lettre
que je me suis donné l'honneur de vous écrire pour
vous donner avis que j'ay reçu les beaux livres que
vous avez eu la bonté de m'envoyer et vous en remer-
cie. Et si j'ay tant différé à m'acquitter de ce devoir,
c'est parce que votre présent ne m'a été rendu que fort
tard. J'avois en même temps l'honneur de vous mander
que je vous envoyois un recueil de diplômes allemands
de l'empereur Maximilien qui pourroient trouver place
dans votre troisième Collection de vos Vindemiae Lit-
terariae. J'y ay joint un de nos factums contre l'Evêque
de Soissons, qui avoit attaqué la jurisdiction de nostre
abbaye de S. Corneil de Compiègne, et qui prétendoit
que tous les titres de nos confrères étoient faux (i).
(1) Il s*agit d*un écrit publié sous le voile de Tanonyme par les béné-
— 86 -
Comme il y a beaucoup de recherches d'érudition, j'ay
cru qu'il ne seroit pas indigne de vous être envoyé.
J ay donné l'un et l'autre au correspondant de Mr.
Cœnig. Je ne scay pas quand vous pourrez les avoir,
car il ma dit qu'il ne scavoit pas quand il pourroit luy
envoyer quelque chose. Aujourd'hui le commerce est
tellement rompu que les marchands ne vendants rien,
n'achètent rien non plus et ne font rien venir des pays
étrangers. Pour la même raison, la plus part des grands
ouvrages que les libraires avoient entrepris, sont inter-
rompus, entre autre l'édition de S. Chrysostome.
Je suis ravis que Dieu vous ait donné un prince
selon vos désirs. Je prie le Seigneur qu'il vous le con-
serve et j'ay l'honneur d'être du meilleur de mon
cœur,
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 3o avril 1726.
XXXIV. — Martène à Schannat.
Le 3 août 1726. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n? 14.
P. c.
Monsieur,
On ne peut être plus sensible que je le suis à l'amitié
que vous avez pour moy dont vous ne cessez de nous
donner des preuves. Je n'ay pas encore reçu le beau
présent que vous avez la bonté de m'envoyer par Mon-
dictins de Saint-Germain-des-Prés, et rédigé probablement par Martène;
il a pour titre: Mémoire pour les Dames abbesse et religieuses du Val-
de-Grâce à Paris, à laquelle est unie la mense abbatiale de V abbaye
royale de Saint-Corneille de Compiègne, contre Monsieur VEvéque de
Soissons. Paris, 172 5. L*évêque de Soissons ayant répondu à cet écrit, les
bénédictins firent paraître deux autres mémoires en 1726 et 1727. Voy.
A. DE Mars Y, Bibliographie compiègnoisCy 1874, n^ i3o et i32, et su-
prOy p. 12.
— 87 —
sieur Dulseker libraire de Strasbourg et je n'en suis
pas surpris, car aujourd'huy que le commerce est
presque interrompu partout, il vient peu de chose des
pays étrangers en France, d'où réciproquement il sort
très peu de chose pour les pays étrangers. La misère
est si grande que presque toute la librairie est tom-
bée; la plus part des plus riches imprimeurs ont con-
gédié la plus grande partie de leurs ouvriers. L'édition
de S. Jean Chrysostome a été interrompue, aussy bien
que celle de notre grande Collection. Le libraire néant-
moins m'a promis de recommencer incessamment.
Pour vous, Monsieur, vous êtes bien heureux de trou-
ver des libraires qui impriment avec tant de rapidité
les livres dont vous enrichissez la république des lettres.
Il est vray que les excellents ouvrages que vous nous
donnez peuvent contribuer à cela.
Ce que vous me mandez de votre prince qui est allé
aux eaux me fait craindre qu'il ne soit infirme et que
vous ne le perdiez plus tost qu'il n'est à souhaitter. Je
ne scay comment en Allemagne les hommes qui sont
d'une constitution si robuste vivent si peu. Nous avons
icy plusieurs religieux qui passent quatre vingt ans, qui
ne se dispensent d'aucun exercice et suivent toute la
rigueur de la reigle. C'est pourquoy vous ne serez pas
surpris lorsque je vous diray que moy qui n'ay que
55 ans de religion, je me porte très bien. Conservez s'il
vous plait votre santé pour l'utilité publique et pour la
consolation de ceux qui vous aiment et vous hon-
norent. J'ay l'honneur d'être.
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 3 aoust 1726.
— 88 —
XXXV. — Martène à Schannat.
Le 12 novembre 1726. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n'i 5.
P. c.
Monsieur,
Je viens de recevoir i'aggréable lettre que vous
m'avez fait l'honneur de m'écrire, tousiours pleine de
bonté et d'amitié pour moy. Nous attendons avec impa-
tience votre ouvrage de la jurisdiction de Fulde sur tant
d'églises collégiales et tant d abbayes. Il nous sera d'un
très grand secours dans une affaire d'importance que
nous avons contre un évêque de France, qui attaque
celle d'un de nos monastères, supposé que nous puis-
sions le recevoir à temps ; mais en attendant, je vous
prie d'avoir la bonté par avance de me mander si
outre la lettre du pape Zacharie à S. Boniface qui se
trouve parmis les lettres de ce Saint, qui dispense Tab-
bayede Fulde de la juridiction des évêques, vous n'avez
pas quelqu'autres bulles anciennes qui expliquent plus
en détail cete exemption ; si ces bulles renvoyent à l'or-
dinaire qui est l'archevêque de Mayence les religieux
pour les ordinations, la consécration des églises et des
autels et les Saintes huiles, ou si elles permettent de
s'adresser pour cela à tel évêque qu'il voudront ; si
outre l'exemtion l'abbaye a eu dès son commencement
jurisdiction sur quelqu'église séculière. Si vous avez
quelquunes de ces bulles, je vous prie de m envoyer
une copie de la plus ancienne. Je ne doute nullement
que vous n'en ayez et même plusieurs.
Si le ms. allemans que je me donnois Thonneur de
vous envoyer n'est pas encore parti, je le mettray es
mains de Montalant pour vous le faire tenir par le
moyen de votre libraire de Francfort. J'y joins notre
premier factum contre l'évêque de Soissons dans lequel
il y a bien des recherches que les scavans n ont pas
jugées indignes de leur attention. Ce prélat y a répondu
et nous allons répliquer à la réponse. Je ne manqueray
— 89 —
pas de vous envoyer notre réplique sitôt qu'elle sera
imprimée.
Pour ce qui regarde le dessein de votre amis de
Nuremberg, je vous diray que nous avons dans le thré-
sor de S. Denys la couronne, le sceptre, les espérons de
Charles Magne qu'on porte à Reims pour servir au
sacre de nos roys ; nous avons aussy son épée et son
oratoire qui sont gravez dans YHistoire de S. Denys
par le Père Félibien. Nous avons aussy à S. Denys la
tombe de l'empereur Charles le Chauve, où il est repré-
senté avec sa couronne et ses habits impériaux. Vous
trouverez aussy dans notre Voyage Littéraire le portrait
de l'empereur Lothaire tiré d'un manuscrit de S. Hu-
bert qui est du temps même de cet empereur. On
montre à labbaye de Verden dans le diocèse de Mons-
ter, un sceptre de Charlemagne sur lequel les vassaux
du monastère font serment de fidélité. Monsieur Fon-
taninia fait une dissertation imprimée à Rome en 1717
sur la couronne de fer dont les empereurs étoient au-
trefois couronnez comme roys de Lombardie (i). Dom
Bernard Monfaucon travaille sur le même sujet et doit
dans peu imprimer là-dessus une dissertation où il
fera graver toutes les diflférentes sortes de couronnes
etc. des empereurs et des roys, ce qui ne doit pas em-
pescher l'ouvrage de votre sénateur de Nuremberg,
parce qu'ils peuvent tous deux avoir des lumières dif-
férentes sur un même sujet qui feront plaisir aux sca-
vans.
Je ne scay si vous avez vu le livre de Dom Mar-
cuard, religieux de S. Biaise et de quelle manière il a
été reçu en Allemagne. On nous a dit que son abbé
l'avoit obligé à rétracter certaines choses qu'il avoit dit
dans sa préface. En France on a écrit contre luy et il
a déjà paru dans les Journaux de Trévoux deux lettres
où l'on attaque et réfute assez solidement sa préface.
(1) Dissertatio de Corona ferrea Longobardorum, Rome, 17 17,
12
— 90 —
Les pièces qu'il a données sont pourtant bonnes, mais
je doute fort que vous vouliez reconnoitre ce qu'il
donne pour les premières coutumes de Fulde. Je n'en-
tens plus parler du Père Pez ny de ce qu'il fait. J'ay
rhonneur d'estre, avec toute l'estime possible,
iMonsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 12 novembre 1726.
XXXVI. — Schannat à Martène.
Le 22 novembre 1726. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f* 295.
Mon très Révérend Père,
Pour satisfaire en quelque façon au grand empres-
sement que vous voulez bien témoigner par votre chère
lettre en datte du 12 de ce mois au sujet de mon ou-
vrage qui roule actuellement sous la presse, et qui en
sortira dans peu de jours, j'ai l'honneur de vous en pré-
senter cy-joint quelques unes des feuilles contenant les
Chartres et documents que luy doivent servir par tout
de preuves et souhaitte que vous y rencontriez quelque
chose de consolant pour le monastère attaqué, en atten-
dant que je puisse vous faire avoir par la voye de
Montalant un exemplaire complet grand papier où
vous trouverez encore plusieurs bulles et brefs des
Pontifes qui se sont toujours avantageusement expli-
qués pour Fulde, qui est absolument nullius, et non
pas du diocèse de Mayence ainsi que votre P. Mabil-
lon mal informé l'a rapporté dans ses Annales Béné-
dictines, mais bien provinciœ Moguntince, j'entens en
cas qu'il s'y tienne un concile, auquel ses Abbés ont
droit d'assister, et d'ailleurs consacrent les autels et
Eglises eux-mêmes, envoyent pour les huilles sacrées
et pour les ordinations à quel Evêque il leur plait, et
leur jurisdiction tant temporelle que spirituelle marche
— 91 —
par tout d'un pas égal dans un pays qui a lo lieues
d'Allemagne d étendue tant en longueur qu'en largeur,
et, en outre les prévotez, couvents etc., contient 60 pa-
roisses et 94 églises filiales ou dépendantes qui ne re-
connoissent d'autre ordinaire que l'Abbé de Fulde.
Vous verres tout cela fort au long déduit et prouvez ;
à quoy j'ai joins une carte géographique qui sera placée
à la tête immédiatement après la préface où je crois
avoir assez justifié le titre de mon ouvrage, qui a causé
à nos évêques circonvoisins quelque ombrage, sur tout
à celuy de Wirtzbourg, qui s'en est expliqué à notre
prince par des lettres assez vertes et vouloit entre autres
que j'eus à retrancher le monastère de Bantz qui lui
apartient d'entre ceux que j'ai réclamé pour Fulde ;
mais grâce à mes fortes remonstrances il a trouvé plus
de fermeté qu'il n'en attendoit et lorsque l'ouvrage pa-
roistra il sera surpris de voir que l'on a eut qu'un peu
d'égard pour lui dans la préface (i).
Je recevrai avec bien du plaisir et de la reconnais-
sance le ms. allemand et le factum contre l'Evêque
de Soissons que vous avez la bonté de me destiner. Je
vous rends aussi mes très humbles grâces pour l'avis
que vous m'avez bien voulu donner touchant ce qui
peut contribuer à l'avancement de l'ouvrage que médite
mon ami de Nuremberg. Quand à celui de votre P.
Marcouard je dois le recevoir cette semaine et je verroi
si je puis faire usage de ce qu'il y débite pour premières
coutumes de Fulde.
Le R. P. Pez est à son cinquième tome de son
Thésaurus anecdotorum, où à ce qu'il me mande, il
doit y avoir quantité de Chartres et d'anciens documens.
C'est dommage qu'il commence d'entrer dans ce goût-là
si tard ; il continue aussi sa Bibliothèque ascétique
in-80, et il a fait réimprimer icy un gros in-folio con-
tenant les homélies d'Engelbert Abbé d'Admont qu'il a
(i) Diœcesis Fuldensis cum annexa sua hier archia y Francfort, 1727,
in-fol. ; voy. supra, pp. 11 et 12.
— 92 —
dédié à Monseigneur Passionei, Nonce en Suisse; au
reste il paroit toujours mécontent de son Abbé et vou-
droit le voir transplanté ailleurs ; j'attribue cela à ses
humeurs bilieuses dont il est tout remply. Son frère
le R. P. Jérôme est en cela même plus heureux puis-
qu'il est secq et décharné presque comme son saint
patron. J'ai l'honneur d'estre toujours avec un dévoue-
ment très parfait,
Mon très Révérend Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Francfort, ce 22 novembre 1726.
XXXVII. — Martène à Schannat.
Le i3 décembre 1726. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n® i6.
P. c.
Monsieur,
J'ai reçu les bulles que vous avez eu la bonté de
m'envoyer touchant la juridiction de votre illustre ab-
baye, et en même temps votre Clîentela FuldensiSy
dont j'admire la beauté de l'impression. Ces deux
grâces méritoient deux lettres, mais comme je n'en fais
qu'une, je la fais avec une double affection et je vous
remercie de toute l'étendue de mon cœur des bienfaits
dont vous continuez de me combler. Vous m'avez fait
grand plaisir, de me mander que le P. Pez imprime
un cinquième tome d'Anecdotes, qui ne comprendra
que des diplômes ; ce sera apparemment le meilleur de
tous, pourveu encore qu'il fasse encore un choix dans
ses diplômes, car il y en a de si peu de conséquence
qu'on en est dégoûté lorsqu'il s'en trouve beaucoup. Le
sort de ce pauvre religieux est bien à plaindre de s'être
ainsy brouillé avec son abbé, car dans le fond il a du
mérite ei il ne fait pas déshonneur à son monastère. Il
a de la religion et de la science et ceux qui scavent les
— 93 —
choses donne les torts à son abbé, qui étant le plus
fort et ayant l'autorité en main, luy fera tousiours de
la peine : mais Dieu permet cete persécution pour sa
sanctification. Je souhaitterois que le bon Père tra-
vaillât un peu à sa Bibliothèque Bénédictine. On luy
a envoyé d'icy beaucoup de mémoires du P. Mabillon,
qui avoit eu un semblable dessein, qui seroient perdus
s'il venoit à manquer ou s'il abandonnoit ce dessein.
A Paris, la librairie est fort languissante à cause de
la misère du temps; nous continuons tousiours l'impres-
sion de notre grande Collection, quoyqu'un peu lente-
ment, de S. Chrysostome, et on va reprendre au premier
jour l'édition de S. Basile qui avoit été interrompue
par une longue maladie suivie de la mort du religieux
qui y travailloit (i). Le quatrième tome de Gallia chris-
tiana est aussy sous la presse. Voilà tout ce qu'on peut
faire à présent. J'ay une seconde édition de mes Rites
ecclésiastiques augmentée considérablement toute prête
à mettre sous la presse. Mais comme je suis d'ailleurs
chargé de travail, il faut attendre un meilleur temps et
que je sois un peu plus libre (2). Je suis néanmoins si
charmé de l'édition de votre livre que si votre libraire
étoit d'humeur à l'imprimer je luy envoyrois. L'ouvrage
qui feroit deux voll. in-folio a été jusqu'à présent fort
estimé du public et le pape nonobstant ses grandes
occupations ne laisse pas de le lire et de le consulter
de temps en temps. Je prie le Seigneur qu'il vous con-
serve la santé que vous employez si utilement et j'ay
l'honneur d'être avec estime.
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce i3 Décembre 1726.
(i) L*édition des œuvres de saint Basile, commencée parDom J.Gar-
nier, et continuée, après la mort de ce dernier, par Dom P. Maron, fut
publiée à Paris de 1721 à lySo et souvent réimprimée dans la suite.
(2} La première édition du De antiquis Ecclesiae ritibus de Martène
— 94 —
XXXVIII. — Martène à Schannat.
Le 8 mars 1727. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n" 17.
P. c.
Monsieur,
Je viens de recevoir par la voye de Bruxelles le beau
présent dont vous avez la bonté de m'honorer, je veux
dire votre Dioecesis Fuldensis en grand papier, dont je
ne puis assez vous remercier. Tout le monde admire
la rapidité avec laquelle vous faite les livres et l'on dit
que bien tôt vous éclypserez tous les scavans, je ne dis
pas d'Allemagne, mais de toute l'Europe. Je prie le
Seigneur qu'il vous conserve la santé dont vous faites
un bon usage et qu'il vous donne une longue vie pour
que vous puissiez continuer d'enrichir les personnes
d'étude. En France la littérature est aujourd'huy toute
languissante et le défaut de commerce est cause que les
libraires n'osent rien entreprendre, au moins de consé-
quence. Montaient continue pourtant la suite de notre
grande Collection quoyque lentement. Mais dans un
temps aussy difficile que celuy où nous sommes, il
faut prendre patience. Le public soufre du retarde-
ment ; j'en soufre tout le premier voyant que cela
n'avance pas autant que je voudrois.
Si vous voyez à Fulde les Journaux de Trévoux,
vous y aurez déjà vu quatre lettres d'un religieux de la
Trappe contre la préface de P. Marcuard sur son
livre qui a pour titre Vêtus disciplina monastica ; les
trois premiers sont sur ce qu'ils prêtent que S. Benoist
permet dans la règle la volaille, la quatrième sur ce
qu'il dit de l'office divin ; il semble qu'il doive encore
y en avoir d'autres. Ces lettres me paroissent fort so-
lides pour un religieux de la Trappe, et je ne vois pas
avait paru à Paris, en 3 vol. in-4<*, en 1700- 1702; la seconde édition ne
fut publiée qu'en 1736- 1738 à Anvers (Milan). Cf. de Lama, Biblioth, des
écriv. de la Congr, de Saint-Maur, 1882, p. 145.
— 95 —
que Dom Marcuard y puisse répondre d une manière
qui satisface le public. Je ne doute pas que cela ne luy
face de la peine, comme il nous en fait à nous- même,
car les lettres sont addressées à un de nos pères avec
lequel il étoit lié quand il étoit icy. S'il m avoit con-
sulté et qu'il eut voulu suivre mon sentiment, il n'au-
roit pas fait cete préface. Mais enfin il avoit une envie
passionnée de faire un livre, ce qui est pardonable à
un jeune homme qui a de l'esprit et du feu. Je prie le
Seigneur qu'il le console et qu'il le remplisse de ses
lumières. J'ay l'honneur d'être du meilleur de mon
cœur.
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 8 mars 1727.
XXXIX. — Martène à Schannait.
Le 23 avril 1727. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n** 18.
P. c.
Monsieur,
Si votre libraire de Francfort m'a envoyé votre der-
nier livre par la voye de Bruxelles, je crois qu'il ne Ta
fait qu afin que je l'eusse plustot, car toutes les semaines
on reçoit des pacquets de cete ville à Paris, au lieu que
par la voye de Mets on attend quelque fois plus long-
temps. Il ne m'a rien coûté de port et quand il m'auroit
coûté, ce seroit acheter à bon marché le plaisir qu'on
a de lire un excellent ouvrage.
Si Dom Marcuar avoit prévu le succez que son livre
devoit avoir en France, il n'auroit jamais pensé à l'im-
primer. Je ne scay s'il a vu les quatre lettres qui ont été
faites contre sa préface dans le Journal de Trévoux.
Il y est repassé d'une manière que rien n'y manque et
je ne vois pas de réplique à ce que l'on écrit contre luy.
— 96 —
Les coutumes de Montcassin qu'il a attribué sans hé-
siter à S. Sturme, ont été d'abord imprimée par le
P. Mabillon qui crut d'abord qu'elles avoient été écrite
à l'usage de l'église de Frisingue où il les avoit trou-
vées. Il découvrit après qu'elles étoient du Mont-Cassin,
mais il ne les a jamais attribué à S. Sturme, non pas
même par conjecture.
Ce que vous me faites l'honneur de m'écrire de
Tévêque que le pape vous a accordé pour faire les fonc-
tions épiscopales dans toute l'étendue de la juridiction
de l'abbaye de Fulde, me fait un véritable plaisir et se
trouve conforme à l'ancienne discipline de plusieurs
monastères de notre ordre. Car il y a eu autrefois des
évêques à S. Martin de Tours, à S. Denys en France,
à Stavelo, à Lobbes et en d'autres abbayes.
Je suis bien aise que le pape se soit fait donner un
exemplaire des Ascétiques du P. Pez, cet honneur doit
un peu le dédommager du chagrin que son abbé luy a
fait. Lorsque le Saint Père fut élu pape, il s'informa si
j'étois encore en vie et demanda aussy tous les ouvrages
que j'ay donné au public, dont il me remercia par un
bref dont il m'honora.
Pour répondre à ce que le P. Pez souhaitte savoir,
si Dom Philippe Le Cerf auteur de la Bibliothèque
historique et critique des auteurs de la Congrégation
de S. Maur existe, ou si c'est un nom emprunté, vous
pouvez luy mander que Dom Philippe Le Cerf existe,
qu'il est préfet de l'abbaye de Marmoutier près de Tours,
et qu'aujourd'huy il demeure à Fécamp en Normandie,
que quoy que son livre soit assez bien écrit il n'est pas
approuvé par nos confrères. Il l'a fait imprimer contre
la défense expresse de ses supérieurs auprès desquels il
s'est excusé disant qu'ayant envoyé son livre en Hol-
lande, il n'en étoit plus le maître. 11 y maltraitte sans
raison plusieurs de ses confrères qui en scavoit mille
fois plus que luy, car il n'est pas scavant et se trompe
en bien des endroits. Sur mon article il avance bien
— 97 —
des choses dont il a été mal informé et il raisonne
encore beaucoup plus mal sur d'autres. Un de nos
confrères d'Orléans a commencé d'écrire contre luy ; il
paroit déjà une lettre qui sera suivie d'autres (i). Au
reste, s'il n a pas cité l'ouvrage du P. Pez sur la même
matière, c'est comme je crois qu'il ne Ta pas vu, car je
ne pense pas qu'il soit en six de nos monastères. Je
prie le Seigneur de vous conserver la santé que vous
employé si utilement au service de l'église.
J'ay l'honneur d'être très sincèrement,
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 25 avril 1727.
XLr. — Martène à Schannat.
Le 24 juillet 1727. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n® 19.
P. G,
Monsieur,
Ce n'est pas sans peine que j'ay lu dans le Journal
des Scavans de France, que Monsieur Eccard écrivoit
contre vous et qu'il attaquoit lexemtion de Fulde. J'ay
été surpris qu'un homme que vous honorez de votre
amitié ait pu se résoudre à cela ; mais quand on se
livre aux princes il faut épouser leurs intérêts même
contre ses plus fidèles amis. Je doute fort qu'il réussisse,
car la jurisdiction de Fulde est trop bien établie et
vous êtes dans un pays où l'on juge par les titres et
par la possession et vous avez l'un et l'autre. En
France, les exemptions les mieux établies ne peuvent
se soutenir, parce qu'on les regarde comme contraires
au droit commun, et toutes celles qui sont attaquées
(t) La Bibliothèque historique, etc., de D. Le Cerf, avait paru à La
Haye, en 1726; Tauteur répondit aux critiques dont elle fut l'objet par
une Défense de la Bibliothèque historique, 1727.
13
— 98 —
sont perdues. Il seroit pourtant de l'intérêt des papes
de les soutenir, parce que rien ne fait tant voir leur
souverain pouvoir que d'avoir au milieux des autres
diocèses des églises qui leur sont immédiatement sou-
mises. Nous sommes dans le même cas à l'égard de
Monsieur Tévêque de Soissons, qui attaque la jurisdic-
tion de S. Corneil de Compiègne. Je ne scay si vous
avez reçu le premier mémoire que nous avons fait
contre luy ; je Tavois donné à Montaient pour vous
l'envoier avec un ms. allemand et il ma dit qu'il Tavoit
envoyé. Je luy ay donné le second mémoire pour vous
le faire tenir par le canal de votre libraire de Franc-
fort et il m'a promis de vous l'envoyer. Vous y verrez
que nous avons profité de vos livres et vous y trouve-
rez des points traitez avec solidité, que vous ne serez
pas fasché de lire. Je souhaitte qu'ils puissent vous ser-
vir dans la circonstance où vous vous trouvez quoyque
vous n'en ayez pas besoin car vous avez de quoy vous
défendre et battre votre adversaire. Je prie le Seigneur
qu'il vous conserve pour le bien de la république des
lettres. Conservez moy tousiours votre amitié et croyez
moy très sincèrement,
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 24 juillet 1727.
XLrI. — Martène à Schannat.
Le 26 septembre 1727. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n*' 20.
p. c.
Monsieur,
Je scavois déjà que Monsieur Eckart écrivoit contre
votre volume qui traitte de la jurisdiction de Fulde. Il
me l'a mandé luy-même dans une lettre qui ma été
— 99 —
rendue par le neveu du suffragant de Wirtzebourg dans
laquelle il me marquois qu'il s'étoit trouvé obligé
d'écrire contre vous comme malgré luy, mais qu'il avoit
été contraint par son prince. Il m ajoutait qu'il préten-
doit prouver que tous les titres que vous avez impri-
mez sont fauts, etc.; dès là je jugé que son écrit ne
vaudroit rien. Je luy ay répondu qu'il s'étoit chargé
d'une entreprise bien difficile et qu'il nous feroit grand
plaisir de nous faire voir que les titres de Fulde, que
les plus habiles critiques ont jugé jusqu'à présent sin-
cères, ne sont pas véritables. Je suis bien trompé si
l'évêque de Wirzebourg n'a pas été sollicité à cela par
quelque Jésuite de France, car ces révérends Pères
ont les bras bien longs; ce qui me donne ce soubçon,
c'est que le sistème de Monsieur Eckart est le même
que celuy de l'évêque de Soissons, qui guidé par un
Jésuite a attaqué la jurisdiction de S. Corneil de Com-
piègne, prétendant que tous nos titres étoient faux ; et
ses mémoires étoient écrits d'un stile si séduisant, que
tout le monde croyoit que nous ne pourrions jamais y
répondre. Mais après notre réponse on changea bien
de ton. Cet évêque néantmoins tousiours guidé par son
Jésuite entreprit d'y répondre, en avançant hardiment
plusieurs faussetez d'un ton si assuré, qu'il étoit très
facile de s'y laisser prendre, mais nous luy avons ré-
pondu d'une manière si solide qu'il a été sifflé de tout
le monde, quoyque l'avocat qui a dressé notre mémoire
n'a pas employé le quart des mémoires que nous luy
avions fournis pour le réfuter, se contentant de ce qu'il
y avoit de plus essentiel. Ce qui confirme mon soub-
çon, c'est que le même neveu du suffragant de Wirtze-
bourg qui me rendit la lettre de Mr. Eckart, m'en
montra aussy une qu'il avoit pour le Jésuite qui avoit
travaillé contre nous avec l'évêque de Soissons (i). Je
(i) Martène fait allusion au Père Tournemine. Voy. sa lettre à de
Crassier en date du i" septembre 1727 (L. Halkin, Correspondance de
Dom Martène avec le baron de Crassier , 1898, p. 164).
— 100 -
suis bien fasché que vous n'ayez pas reçu jusqu'à pré-
sent nos réponses à cet évêque; le libraire les avoit
tousiour gardé dans sa boutique, quoy qu'il m'eut as-
suré qu'il les avoit envoyé. Mais vous ne tarderez pas
à les recevoir avec le ms. allemand. J'en ay chargé le
carosse de Strasbourg qui part demain à Taddresse de
Mr. Dulseker pour faire tenir le petit pacquet à Franc-
fort à Mr. Hort. Prenez la peine de les en avertir.
Vous y pourrez trouver des lumières pour répondre à
Mr. Eckart, et si après cela, vous avez besoin de notre
secours, nous tacherons de vous rendre service, et vous
pouvez assurer votre prince que nous regarderons ses
intérêts comme les nôtres.
Votre suffragant n'a pas jouy long temps de sa di-
gnité. Je crois que votre prince feroit très bien de se
faire sacrer luy même évêque et d'exercer sa jurisdic-
tion de crainte que s'il prend un suffragant dans son
clergé, il ne luy fasse dans la suite de la peine. Les pre-
miers abbés de Stavelot ont tous été abbez et évêques.
Lorsque nous avons été à S. Maximin de Trêves,
on nous mit en main les Ântiquitez de Luxembourg
du P. Wiltheim et nous en étions assez maîtres, mais
nous crûmes qu'il valoit mieux laisser à quelqu'un du
pays le soin de les imprimer (i).
Il paroit dans le Journal de Trévoux une cinquième
lettre contre la préface de Dom Marcuard. Je crois que
le P. Pez feroit mieux de poursuivre sa première pointe
et de faire sa Bibliothèque Bénédictine. Nous luy avons
envoyez d'excellens mémoires qu'il nous feroit plaisir
de nous renvoyer, s'il ne veut pas y travailler. Il est
tousiours louable de s'occuper comme il fait quoy qu'il
pût le faire d'une manière plus utile. Mais les gousts
sont différends et ce que nous n'approuvons pas en
(i) Cet ouvrage du P. Alexandre Wiltheim, intitulé Luciliburgensia
sive Luxemburgum Romanuniy fut publié en 1842, par A. Neyen, sur le
ms. qui se trouve à Luxembourg et diaprés les variantes de celui de la
bibliothèque de Trêves.
♦ •
— 101 —
France peut être bien reçu en Allemagne. Pourvu que
Dieu tire sa gloire de nos travaux, nous travaillons
tousiours utilement. J'ay l'honneur d*être très sincère-
ment,
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 26 septembre 1727.
XLrII. — Schannat à Martène.
m
Le 9 décembre 1727. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f» 297.
Mon très Révérend Père,
J'ai différé la réponse que je dois à votre chère lettre
dont il vous a plut m'honnorer au mois de septembre
dernier jusques à ce que je put en même temps vous
remercier ainsi que je fais, autant pour le ms. allemand
qui contient des pièces intéressantes pour l'histoire de
Luxembourg, que pour les deux mémoires que j'ai
trouvé excellents. Vous avés bien eu raison de dire que
le système de Monsieur d'Eckart est le même que celui
de M"" l'Evêque de Soissons, un esprit de pure chicane
a forgé l'un et Tautre ; je suppose que le premier vous
aura envoyé un exemplaire de son ouvrage, que son
prince et lui ont distribuez fort libéralement ; si point,
j'y suppléray avec plaisir et vous en ferai tenir un
exemplaire par la route que m'est venu votre beau pré-
sent. Peut estre y pourrai-je joindre dans ce temps-là
quelques feuilles imprimées que je prépare sous le titre
de Archivium Fuldense vindicatum ; ainsi que je crois
vous l'avoir déjà marqué, vous verrez que j'y observe
les règles de la modestie bien plus qu'il ne croit avoir
fait à mon égard ; mais que je ne laisse pas de lui faire
bien sentir, et cela en beaucoup d'endroits, le tort qu'il
a eu d'entreprendre une chose que le seul bon sens de-
voit lui avoir fait d'avance connoitre insoutenable. Ce
— 102 —
qui me console au milieu de ce travail assez pénible
et qui m est survenu d'autant plus mal à propos que
j'ailiois achever avec Fulde, est que je ne bouterai
certainement pas court avec mon adversaire, en quoy
je veux bien me remettre au jugement même des
pères de Trévoux, pourvu qu'ils veullent différer l'ana-
lyse qu'ils ne manqueront pas de donner de l'ouvrage
de celui-là jusques au temps que le mien aura paru,
qui sera, s'il plaît à Dieu, à Pasques prochaines, car
les gravures des planches que j'y fais entrer exigent
plus de temps que non pas ma composition (i). J'au-
rois pu avoir depuis facilement une nouvelle que-
relle avec M" les journalistes de Leipsick si j'avois
voulu faire attention à ce qu'ils ont trouvé à redire
touchant les mots de dirœ et nefandœ hœresis dont
je me sers en quelque endroit de mon livre. Je pense
qu'il faudra à la fin consuher le goût et la volonté d'un
chacun avant que de prendre la plume en main pour
écrire (a).
Notre bon père Pez paroit tout à fait enfoncé dans
ses ascétiques ; il continue néantmoins, à ce qu'il vient
de me mander, son Thrésor d'anecdotes dont le vo-
lume qui est à présent sous la presse ne contiendra
presqu'autre chose que des Chartres et des diplômes ;
il ne me répond rien touchant la Bibliothèque béné-
dictine, dont je l'avois fait souvenir par vos ordres.
Je ne sais si vous avez vu depuis le Baron de Bres-
1er que j'ai pris la liberté de vous adresser. C'est un
(i) L'ouvrage d'Eckhart était intitulé : Animadversiones historicae
et criticae in J. F. Schannat Diœcesin Fuldensem, Wurzbourg, 1727.
La réponse de Schannat parut Tannée suivante sous ce titre : Vindiciae
quorundam archivi Fuldensis diplomatum, Francfort, 1728. Voy. sur
cette polémique supra, p. 14.
(2) Voy. Acta eruditorum, 1727, p. 397: « Observa vimus autem in
» hoc scripto immitius nobiscum agere Autorem, et nefandae haereseos,
» dirae haereseos passim mentionem fieri, quod eo magis miramur...
» quod ad haec in lucem edenda utatur opéra Bibliopolarum Franco-
» fiirtanorum, nefandorum, si diis placet, haereticorum... »
— 103 —
jeune cavalier qui promet beaucoup et c'est grand dom-
nniage que l'hérésie Luthérienne infecte tout cela. Ose-
rai-je vous demander une grâce, qui est qu'au cas où
il se trouve quelqu'un de votre connoissance qui eut
quelque relation avec Monsieur le Comte Robin, ce
seroit de faire souvenir celuy-ci qu'il a toujours en moi
un très humble et très dévoué serviteur qui le félicite
de tout son cœur sur le rang qu'il occupe à présent et
que son mérite lui préparoit depuis longtemps. J'ai
l'honneur d'estre avec pareil dévouement et en très
parfait respect,
Mon très Révérend Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Mes respects à votre R. P. Durand, s'il vous plaît.
Francfort, ce 9 décembre 1727.
XLIII. — Crassier à Schannat.
Le 5 mai 1728. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n*' 26.
Monsieur et cher amis,
Votre agréable du 3o avril qui ma été rendue avant-
hier m'a fait, je vous assure, tout le plaisir imaginable,
non seulement par rapport à celuy de recevoir les chères
nouvelles dont vous m'avez bien voulu honnorer de
temps en temps, mais plutôt par un empressement
particulier de scavoir : comment vous vous êtes dé-
fendu contre YEpistola censoria, etc., de M. Eccard,
aggresseur outré de votre Diœcesis Fuldensis. Des pas-
sagers venant d'Allemagne me remirent sur la fin de
Tan passé un exemplaire de cette Epitre laquelle je
n ay pu lire sans indignation en ayant marqué ma pen-
sée au R. P. Martène qui m'a consolé d'avance me
marquant d'être persuadé : que c'étoit un écrit digne
de mépris et que vous trouveriez facilement de quoy le
— 104 —
réfuter (i); c'est ce que je me flatte de veoir par l'ou-
vrage que vous avez la bonté de m'envoier par M*" Met-
ternich de Cologne ; j'anhèle de lire l'exemplaire dont
vous voulez bien me gratifier; mais pour M'' de Lou-
vrex, il faudra qu'un autre luy en fasse lecture car il
a tellement, force de travailler, la veue diminuée qu'il
faut le conduire même parmy les rues; il s'en va inces-
sament à Ramelot pour éprouver si Tair de la cam-
pagne l'aidera à recouvrer ce qu'il a perdu.
Voicy la réponse de M*" Goha à votre enclose ; je
suis charmé de ce que me flatté de pouvoir vous em-
brasser dans peu. Vous me demandé de vous désigner
un endroit à cet efifect, mais si cela se peut en ville ; je
ne doute pas que vous devez être persuadé que ma
maison est à votre service ; les portes de Liège se
ferment à 9 heures du soir el l'on peut après cela
encore pendant l'espace d'une heure entière y rentrer
parmy payant un pattar par tête. Que si pourtant vous
aimez mieux rester à Coron Meuse, vous pourrez m'en
mander le temps de votre arrivée, et je ne manqueray
de m'y rendre tout d'abord.
Enfin cher amis je suis bien mortifié de vous infor-
mer, (si vous n'en avez encore eu avis) que le S*" Jean-
Baptiste Christiane le Père est tombé tout en décadence;
il a fait cession de ses biens, qu'on fait monter à plus
de trois cens milles florins, au profit de ses créanciers,
auxquels il en doit peut être bien deux fois autant, et il
y a des procès tout plein à son sujet; notre seule famille
est intéressée là-dedans d'environ cent quattre vingt
milles florins et moy dans mon particulier pour trois
milles écus luy donnez en argent comptant à intérêt ;
(i) Voy. cette lettre de Martène à Crassier en date du i*' janvier 1728,
L. Halkin, Correspondance de Dont E, Martène^ etc., p. 171. Crassier
confond ici avec la réponse d'Eckhart, Técrit du Père Seyfried intitulé :
In Rhapsodiam Friderici Schannat, cui titulum fecit : Diœcesis Fui-
densis cum annexa sua hierarchia, Epistola censoria Chilicfni Main-
berger OstrO'Franci, 1727, in-4®. Voy. supra, p. i3.
— 105 —
ainsy, Monsieur, la disposition dans quelle cet homme
m'avoit toujours témoigné d'être pour rédimer un jour
votre pension, est tout-à-fait évanouie. Mon Epouse
avec toute ma famille vous est très redevable de l'hon-
neur de votre souvenir; faites-moy la grâce d'agréer
leurs respects réciprocques et d être persuadez du dé-
vouement éternel de,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Le B. de Crassier.
Liège, le 5 May 1728.
XLIV. — Schannat à Martène.
Le 3o août 1728. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f* 299.
Mon très Révérend Père,
Mes Vindiciœ contre M'" d'Eccard ayant parues la
foire des Pâques derniers à Francfort, j'ai pris soin
d'en faire passer un exemplaire grand papier à votre
adresse par le coche de Strasbourg où j'avois requis
certain banquier d'en prendre le soin ultérieur ; cepen-
dant, comme j'ai été destitué tout ce tems là de vos
chères nouvelles, je commence à doutter si mon dit
ouvrage vous a été remis en mains ; vous m'obligerez
fortement si vous voulez bien me l'apprendre, puisque
j ai ordres de notre Prince-Abbé d'en faire passer de
nouveau une douzaine d'exemplaires à Paris à ses frais,
dont il vous laisse la disposition, puisqu'il lui importe
que ses droits soient connus ailleurs comme en Alle-
magne, où grâce au Ciel ils ont remporté les suffrages
des savants malgré toute la caballe de mon adversaire,
qui pour les corrompre a inutilement employez quantité
des médailles d'or dont le Prince son maître l'avoit fait
distributeur à cet effet ; il y a eu jusqu'aux Pères jésuites
d'Anvers qui travaillent aux Acta Sanctorum qui en
ont remportez deux chacune de la valeur de i5 ducats.
u
— 106 —
Au reste parmy ceux qui ont pris ouvertement mon party
et qui travaillent actuelement à ma défense, le célèbre
abbé Hugo de l'ordre des Prémontrez vient de faire
mettre sous la presse à Strasbourg le traité suivant in-
folio : Antiquitas exemtionis monasteriorum et colle-
giorum ajurisdictione Episcopali vindicata et autentica
privilegiorum Zacharias pp, et Pippini Régis affecta
adversus Animadversiones, etc*, a cL Eccardo in Diœ-
cesim et hierarchiam Fuldensem exsertas, etc. Je compte
qu'il ne verra le jour qu aux Pasques prochaines puis-
qu'on m'assure qu'il aura 4 à 5 alphabets (i).
Autre nouvelle, qui vous surprendra sans doute
si déjà vous ne l'avez appris d'ailleurs, est qu'il vient
de sortir de dessous la presse de Wircebourg un nou-
vel ouvrage fabriqué chez M^ Eccard, ayant pour titre :
Disceptationes de abbatibus, origine, primaeva et ho-
dierna constitutione abbatiarum inter se unitarum
Malmundariensis et Stabulensis oppositœ observatio-
nibus maxime Reperendorum Domnorum Edmundi
Martene et Ursini Durand, etc. ; cela vous regarde et
vous y estes assez maltraité en plusieurs endroits, mais
moi et l'archive de Fulde ne le sont pas moins, bien
que je crois que la querelle que l'on vous fait n'est
qu'un prétexte, ainsi que vous remarquerez vous même,
ayant fait dessein de vous en faire tenir un exemplaire
par première occasion. Entre temps je dois vous faire
connoitre votre adversaire qui est un certain Ignace
Roderique, natif du pays de Malmedy ; celui-cy ayant
été receu parmy les PP. jésuites uniquement à cause
de son génie qu'ils croyaient propre à bien des choses,
enseignait justement les basses classes au collège de ces
Pères à Cologne au tems que M^ d'Eccard y arriva
d'Hannover pour y faire abjuration de son Luthéra-
nisme. La conformité d'humeur de ces 2 personnages fit
naître entre eux une liaison et amitié si grande que ce
dernier ayant fait fortune à Wurtzbourg déserta et le
^i] Voy. Calmet, Bibliothèque lorraine, ip, 5 12, et supra, y^, i5, n. 2.
— 107 —
suivit incontinent; le voilà reçu et logé chez son patron
où, s'étanl insinué dans les bonnes grâces de la dame,
il devint en peu de tems maître de la maison ainsi qu'il
l'est encore (i). Cela doit suffire ce me semble pour votre
instruction particulière ; aussi ne vous en dirai-je pas
davantage, ma lettre n'étant que déjà trop longue. Je finis
donc vous priant de m'honnorer de vos chères nou-
velles sur Francfort à l'adresse de M^ Hort marchand
libraire, et de me croire toujours avec un entier et res-
pectueux dévouement.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Worms, ce 3o août 1728 (2).
XLV. — Crassier à Schannat.
Le 4 septembre 1728. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n° 27.
Monsieur,
Il y a bien longtemps que les deux exemplaires de
vos Vindiciae m'ont été adressées par voie de Cologne
et que j'en ay selon vos ordres rendu un à M"" de Lou-
vrex ; c'est un ouvrage que j'ay veu avec plaisir, et ce
n'est pas seulement en Allemagne, que tous les scavans
vous ont, ayant leu cette belle pièce, adjugé la victoire
contre la Censure outrée de votre Dioecesis Fuldensis,
etc., mais ceux de France n'en ont pas fait moins,
m ayant été écrit de Paris le 26 juin : qiœ votre réponse
à cette Censure est fort solide et confond votre adver-
saire, et encore le i3 juillet : qu'elle bat votre adversaire
àplatte couture et quil ne sattendoit pas à une réponse
si solide (3) ; après cela Monsieur, soit que M^ Eccard
soit l'autheur de cette Censure, que vous appelle fameux
(i) Voy. supruy lettre XXX et p. 1 5, n. 4.
(2] Nous avons déjà publié cette lettre en annexe à la Correspondance
de Dom E. Martène avec le baron de Crassier, 1898, p. 289.
(3) Voy. pour le texte complet de ces deux lettres de Martène : L. Hal-
KiN, Correspondance de Dom E, Martène, etc., pp. 178-180.
— 108 —
libel et d'autres non sans raison : libel diffamatoire,
soit cet autre de ses amis natif de Maimedie marqué
dans l'honneur de votre dernière, ils ne se relèveront
jamais du coup leur porté par vos Vindiciae; et si le
dernier se présume d'écrire contre les RR. PP. Mar-
tène et Durand il aura à faire avec des scavans con-
sommez qui ne manqueront de luy tenir tête et soutenir
vos ouvrages touchant Fulde, qu'ils ont applaudis ;
vous m'avez au reste fait plaisir de m'informer des
particularitez d'Ignace Rodrique pour eux.
Vous ne devez être surpris de n'avoir receu de mes
nouvelles sur l'avis que m'aviez donné de votre pro-
chaine venue par votre lettre du ii d'août; vous m'aviez
ordonné de vous envoler ma réponce sous enveloppe
adressée à M"" de Metternich, libraire de Cologne, ce
que j'ay fait, et si vous ne l'avez pas receu, elle y est
encore; je vous avisois d'être charmé de la nouvelle de
votre prochaine arrivée ; je l'étois en effect et Messieurs
de Louvrex et Goha aussi, mais votre retardement et
le défaut de recevoir de vos lettres, me fait appréhen-
der qu'il ne vous fut arrivé quelque fâcheux accident
parmy les chemins, de quoy vous m'avez désabusé par
l'honneur de votre dernière ; je fus hier d'abord après
l'avoir receue pour la lire à M*" de Louvrex, lequel étoit
dez le matin parti pour Ramelot, où il restera à ce qu'il
a dit un mois, pour tâcher de récupérer sa veue dans
l'éloignement des affaires ; après cela je fus trouver
M"" l'abbé Goha que je trouvay incommodé et qui vous
fait bien sescomplimens; il doit aussi aller prendre l'air
de la campagne.
Je me flatte que vous voudrez bien me permettre
de vous dire que j'envoie mon second fils appelé Etienne
étudiera Rome au collège Germanique; il doit avoir
hier arrivé à Cologne d'où il doit prendre la route de
Francfort au commencement de la semaine prochaine
par les coches de poste; il est dans la compagnie de
trois gentilshommes Westphaliens faisant le même
— 109 —
voyage et allans aussi étudier au même collège ; si par
hazard vous vous trouvez au dit Francfort au temps
de leur arrivée, j ai écrit hier à mon dit fils de vous
faire des compiimens de ma parte (i). J'oublie de vous
dire que le P. Bernard Pez qui a accompagné le comte
de Zinzendorf au congrès de Soissons est à l'abbaye de
S^ Germain des Prés. Voicy la liste d'une recrute de
mon cabinet que je vous prie d'agréer avec les respects
de mon épouse et de celuy qui est de tout son cœur,
Votre tout dédié et cordial serviteur.
Le B. de Crassier.
Liège, 4 7^'*' 1728.
XLVI. — Schannat à Crassier.
Le 26 novembre 1728. — Ms. Crassier, f» 446.
Monsieur,
Quoyque ce soit toujours avec un plaisir extrême
que je reçois vos chères lettres, celle dont il vous a plut
m'honnorer en datte du 3 de ce mois m'a en ce cas là
d'autant plus charmé que j'y ais trouvé deux extraits
des lettres de notre ami P. Martène dont j'avois grand
besoin pour ma consolation particulière ; car enfin j'ai
esté des siècles entiers sans recevoir de ses nouvelles
et je ne savois* à quoy attribuer son silence. Mainte-
nant qu'il vous marque qu'il m'a écrit jusques à trois
fois de suitte depuis le tems que mes Vîndiciae ont pa-
rues, je dois croire que ses lettres ont été intercepter
ainsi que plusieurs autres que des savans m'avoient
adresser au même sujet ; car enfin on ne m'a rien
oublier de la part de mes adversaires pour m'ôter de si
illustres suffrages et on a même acheté à prix d'or le
silence et une espèce de neutralité de ceux qui pou-
(i) Etienne-François-Joseph baron de Crassier, né le 7 octobre 1708,
fut successivement chanoine de la collégiale de Saint-Martin à Liège,
bibliothécaire du Collège germanique, préfet de la Congrégation des
alumnes dans les ordres sacrés, etc. Il mourut le 17 janvier 1750.
— HO —
voient porter coup. Voicy cependant un petit billet au
dit P. Martène que vous pourrez luy faire tenir par
occasion ; que si vous vouliez bien faciliter de la sorte
notre petit commerce jusques à ce que la grande ani-
mositée auroit pris fin ou que j'eus quitté ces contrées,
vous nous obligerez tous les deux infiniment ; car enfin
je compte d'achever bientôt avec Fulde puisque on
achève actuellement d'imprimer le Codex probationum,
après quoy l'Histoire passera sous la presse; mais l'un
et l'autre ne paroitront point avant la foire de septembre
de 1729; entretems vous pourrez laisser dans votre
bibliothèque un espace à y placer 2 volumes in-fol.
M^ le Cons. de Louvrex en pourra faire autant. Je re-
grette et déplore le fâcheux accident auquel il est à pré-
sent sujet, ce dont je vous prie de l'assurer et luy faire
mille compliments d'amitiée de ma part.
Comme pour me délasser je travaille entre autres
projets à un recueil des médailles frappé à l'occasion
de la mort des princes et souverains de l'Europe même
papes et cardinaux et évêques etc. ; vous et luy pour-
rez, me semble, fournir de vos cabinets de quoy aug-
menter considérablement un ouvrage qui en fait d'his-
toire sera d'un très grand secours, d'autant que ce sont
là autant des monuments seurs et certains qui nous
fixent une époque que l'on recherche souvent en vain
chez les auteurs et que quand elle s'y trouve est bien
des fois sujette à caution. Songez-y dans vos moments
de loisir et après m'avoir donnez avis de ce que vous
pourrez y contribuer, je vous prierai de m'en envoyer
les desseins et j'aurai soin de vous en faire honneur.
Ne pourrai-je pas aussi avoir quelques exemplaires
complets de votre Cabinet? S. Ex. le comte de Blan-
kenheim premier ministre de S. A. E. Palatine et qui
a un très beau médailliez m'en a demandez, de même
que la comtesse de Wehlen, épouse au Grand-Ecuyer ;
car il faut vous dire que cette dame emploie des sommes
considérables à amasser des médailles de touttes sorte
— 111 —
antiques et modernes et s'y entens là là ; c'est tout ce qui
fait son plaisir. Lorsque vous écrirez à M»* votre Fils à
Rome engagez-le je vous prie à se lier d'amitiée avec
M"" le Baron de Voigt, religieux de Fulde des plus exem-
plaires et à qui rien ne manque de ce qui peut former
un jour un grand homme ; c'est dans ces veues que
S. A. notre prince la fait entrer au même collège ger-
manique. Je leur présente à tous deux à cette occasion
mes respects et demeure avec un entier dévouement,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Worms, ce 26 g*"'*.
Mille respects à M^^^ votre Epouse et à la chère fa-
mille (i).
XLVII. — Martène à Schannat.
Le 10 décembre 1728. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n** 21.
P. c.
Monsieur,
Je suis bien obligé à Monsieur le baron de Crasier
de me procurer l'honneur de vous faire scavoir de mes
nouvelles et combien moy et tous nos confrères, qui
ont vu votre réponse au sieur Eccard, avons été con-
tent de votre travail qui est immense et solide. Vous
avez pulvérizé le livre de Monsieur Eccard et il est
impossible qu'il s'en relève ; tout le fruit qu'il peut
tirer de son ouvrage, c'est de s'humilier et de recon-
noître qu'il a très mal réussi, et de se repentir d'avoir
embrassé une si mauvaise cause. J'avois répondu à
toutes les lettres dont il vous a plût m'honnorer, et
j'avois addressé mes réponses au sieur Henri Hort
votre libraire à Francfort, comme vous me laviez mar-
(i) Cette lettre a déjà été publiée en partie par F.-V. Goethals, His-
toire des lettres, etc., t. IV, 1844, p. 288.
— 112 —
que. Si vos ennemis ont supprimé mes lettres, il n'y
auront trouvé que des matières de mortification pour
eux, car j'y parlois de votre ouvrage avec tous les éloges
qu'il mérite et de celuy du sieur Eccard avec le mépris
dont il est digne. Depuis ce temps là, je nay point
entendu parlé de luy et de ceux qui luy sont attaché
et je ne doute pas que les louanges qu'ils ont vu que je
vous donnois et le mépris que je fais du livre de Mon-
sieur Eccard ne m'ait attiré le livre que le sieur Ignace
Jésuite défroqué a fait contre moy, que je n'estime pas
plus que celuy de Monsieur Eccard et qui n'a pas plus
de solidité. S'il a cru par là me faire de la peine et se
vanger de ce que je n'entrois pas dans les intérêts de
son ami il s'est beaucoup trompé. Son livre me fait
compassion et tout l'effet qu'il produit en moy est de
prier Dieu qu'il l'éclairé pour luy faire connoitre la
vérité, et qu'il touche assez son cœur pour ne pas suivre
ses passions et épouser celles des autres.
Nous avons vu avec plaisir ce bon père Pez qui a
été deux ou trois mois icy. Il nous a fort édifié. Les
beautez et les curiositez de Paris ne l'ont pu retirer
dessus ses livres auxquels il étoit attaché jour et nuit.
Il paru être aussy content de nous que nous avons été
édifié de luy; en s'en retournant il a passé par la Suisse.
Nous espérons donner bientôt trois voll. in-folio tous
anciens historiens où il y aura bien des choses de votre
pays. Il y en a deux voll. fini, le troisième tire à sa fin. Il
ne nous reste presque plus à imprimer que les dernières
feuilles, la table et les préfaces, et je crois que cela pourra
nous conduire jusqu'au commencement du carême. Si
tôt qu'il paroitront, j'auray l'honneur de vous les en-
voyer et de vous marquer avec combien d'estime je suis,
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce lo décembre 1728.
— 113 —
XLVIII. — Crassier à Schannat.
Le 17 février 1729. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n® 28.
Monsieur,
Ensuitte de l'honneur de vos deux agréables der-
nières, j'ay celuy de vous remercier très humblement
du Factum et jus juramenti Episcopalis touchant Jean
Geoffroy Evesque de Wurtzbourg dont vous m avez
fait la grâce de me procurer un exemplaire qui ma été
Vendu hier par Gille Reinquin, et dont je vous demeure
très obligé; vous m auriez fait du plaisir en me mandant
ce qu'il vous a coûté afin de vous le rembourser, mais
puisque vous aimez mieux d'avoir en eschange quel-
ques exemplaires de la liste de mes médailles et autres
antiquitez, je vous en envoie par le même Reinquin
une douzaine, scavoir 4 reliez et 8 en blan avec une
feuille de Xadditamenta pour chaque de ceux-cy, les-
quels je vous prie d'agréer de bon cœur (1) ; quant à ce
que m'aviez proposé par votre chère pénultième de
remettre certain nombre desdites listes au S** Hort Li-
braire à Francfort pour en faire débit, permettez-moy
je vous prie, de vous dire, Monsieur et très cher amis:
que ne les ayant fait imprimer que dans l'intention d'en
faire présent aux curieux, je n'ay jamais eu la pensée
d'en tirer du profit, mais je crois vous avoir écrit cy-
devant qu'ayant à présent très peu de temps à emploier
à mes antiquitez et peintures, s'il se trouvoit quelque
amateur qui voulut me les bien payer je n'aurois pas
grand peine à m'en défaire ; je vous dis cecy entre nous
et seulement au cas qu'auriez parfois occasion de faire
aussi par là plaisir à un autre.
Il y a quelque temps que je suis sans nouvelles du
R. Père Martène occupé sans doute aux 3 nouveaux
(i) Séries numismatum antiquorum, tant Graecorum quant Roma-
norum, cum elencho gemmarum, etc., quae congessit Guilielmus baron
de Crassier Leodius. Liège, 1721, 36o pp. in-i6. Additamenta ad sérient
numismatum, etc., 10 pp. in- 16.
15
— H4 —
voll. de sa grande Collection qu'il a promis de donner
au publique pour le carême prochain ; après quoi je
pense qu il songera à se défendre contre ceux qui ont
critiqué quelqu'un de ses ouvrages à votre occasion.
M*" de Louvrex vous fait ses compiimens, il continue
d être autant qu'aveugle et des habils oculistes qui ont
examiné ses yeux y trouvent des cataractes qui ne se-
ront assé formé pour être otez que dans environ un an
d'icy. Entretemps j'ay eu perdu en peu de jours ma
sœure la B. de Moreau et sa fille ainée la douairière
de Rembach (i) ; et notre bon Doyen Beckman étant
mort le même jour que celle-cy, l'on a éleu à sa place
M"" Destier à la pluralité des voix. Mon Epouse avec
toute ma famille vous réitère ses profonds respects;
mon fils qui est à Rome m'a mandé d'avoir contracté
amitié dans le collège Germanique avec M*" le Baron
de Voigt dont il se loue et me dit mille biens, quoy
qu'il n'entende le françois, ny mon dit fils lallemand.
J'ay rhonneur d'être toujours très constament et
avec toute la vénération possible,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Le B. DE Crassier.
Liège, le 17 février 1729.
P. S. Si vous rencontrez encore un exemplaire du
factum pareil à celuy que m'avez envoie je vous sup-
plie de me le procurer ; j'en payeray tout ce qu'il aura
coûté et vous en auray en outre obligation, étant des-
tiné pour faire plaisir à un de mes bons amis.
(() La sœur de Guillaume de Crassier, Marie- Pentecôte de Crassier,
avait épousé le baron Guillaume de Moreau; elle mourut le 3o décembre
1728; sa fille, Anne-Catherine de Moreau, avait épousé le lieutenant-
colonel de Rembach.
— 115 —
XLIX. — Schannat à Crassier.
Le 22 mars 1729. — Ms. Crassier, f» 448.
Monsieur,
Vous me pardonnerez si je ne me suis point acquitté
plutôt du compliment de condoléances que je vous dois
tant au sujet de la mort de Madame la Baronne votre
sœur que de celle de M^« de Rembach ; je me trouve
tellement occupé à mettre la dernière main à mon His-
toire de Fulde qu il me reste presque point du tems.
J'ai pris néantmoins soin de faire une seconde tentatif
pour tâcher d'avoir encore un Exemplaire du Factum
et jus juramenti de Strasbourg ; s'il y a lieu de pouvoir
y réussir, soyez assuré d'en obtenir un, ce dont j'aurai
l'honneur de vous donner des nouvelles bientôt.
La mort inopinée de mon bon amy Goha me sur-
prend fort ; je m'y intéresse d'autant plus qu'il a bien
voulu prendre soin de retirer jusques icy l'argent de
ma pension pour en décharger mes debtes, ainsi que je
l'en avois prié et même donné à cet effet un pouvoir
absolu. Comme je ne scais à quoy les choses en sont,
si ce n'est qu'il s'en est toujours acquité très fidèlement
et très exactement, oserai-je vous prier de vous en
informer par vos amis et me suggérer en même tems
quelqu'un qui voulu bien continuer le dessein que j'ait
eu en cela jusques à ce que je me voye en estât de
vuider le tout à la fois, ce que j'espère de faire avec la
grâce de Dieu avant la fin de cette année. Obligé-moi,
je vous prie, de vous y intéresser et de m'en donner des
nouvelles.
Je suis bien aise d'apprendre que M" de Stavelot
prennent feu ; si le Ss*" nous conserve notre bon P. Mar-
tène, à qui je vous prie de présenter mes respects en
attendant que je luy écrive, nous verrons beau jeu.
Pour moi je me dois derechef attendre à être bien mal-
traitée dans le futur ouvrage de M' Eccard ; mais je
doutte si je luy ferai l'honneur de luy répondre, en
— H6 —
ayant témoigné peu d'envy dans ma préface de mes
Vindiciae.
Permettez que M^« votre Epouse de même que
M' de Louvrex trouvent icy les assurances de mes bien
humbles respects et services et que si par occasion vous
vouliez bien encore faire mes compliments de félicita-
tion au nouveau doyen de la Collégiale de S^ Jean je
vous en serois obligé. Je regrette infiniment la mort de
son prédécesseur à qui j'aurois encore souhaitté de
parler, pour ma consolation. Je demeure cependant tou-
jours avec un entier et très respectueux attachement,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Worms, ce 22 mars 1729.
P. S. Rien ne presse trop avec le beau présent que
vous me destiner et dont je ferai plaisir et part aux
curieux. Il y a du tems que ce Gilles Renquin est dere-
chef reparti d'icy, je ne doutte pas qu'il ne se prépare
bientôt à Liège pour venir icy.
L. — Martène à Schannat.
Le 2 juin 1729. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n® 22.
P. G.
Monsieur,
Il y a si longtemps que je n ay reçu de vos lettres
que je ne scay plus si vous êtes encore en vie ou mort,
ny où vous trouver ; j ay addressé ma dernière lettre à
Liège à Monsieur le Baron de Grassier à qui j'addresse
encore celle-cy pour vous la faire tenir. Je luy ay aussi
envoyé mes trois volumes d'historiens qui commencent
à paroitre, pour vous les envoyer. Je vous prie de les
recevoir comme une petite marque de mon estime
et de ma reconnoissance. Vous y trouverez bien des
— 117 —
choses qui regardent votre pays qui pourront vous
faire plaisir.
Je ne scay comme vous en estes à présent avec
Monsieurs Eccard et vos autres adversaires ; vous les
avez tous terrassés de manière que je ne voy pas qu'ils
puissent s'en relever. Je prie Notre Seigneur qu'il vous
conserve dans une parfaite santé pour que vous tra-
vailliez tousiours comme vous avez fait jusqu'icy pour
Futilité publique. J ay l'honneur d être très sincèrement,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 2 juin 1729.
Comme j'allois fermer cette lettre je viens de rece-
voir une lettre de Monsieur le baron de Crassier qui
m'apprend que vous êtes resuscité et que vous allez
nous donner de nouveau signe de vie dans votre His-
toire de Fulde qui doit paroitre incessamment. Je ne
puis assez admirer la rapidité avec laquelle vous enri-
chissez le public de tant d'excellents ouvrages qui vont
encore faire bien de la peine à vos adversaires, mais ils
ne peuvent être vos adversaires qu'ils ne le soient du
public qui approuve et admire vos ouvrages.
LI. — Martène à Schannat.
Le 2 février 1730. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n® 23.
Monsieur,
Je vous remercie du beau présent que voulez bien
me faire de votre Histoire de Fulde ; je ne Tay pas
encore reçue, mais je ne doute point qu'elle ne soit telle
que tous les ouvrages qui sont sortis de votre plume
cest-à-dire excellente et parfaitement bien exécutée.
J'espère dans peu de jour la recevoir, car j ay eu advis
quelleéloit partie de Liège le 7 de janvier et de Sedan
— 148 —
le 24. Je la liray, comme j'ay fait tous vos autres ou-
vrages, avec bien du plaisir.
On imprime à Liège ma réponse à l'impertinent
livre de Rodrique de Malmedi. J y ay parlé de vous en
plus d'un endroit avec Téloge que je dois. J'ay prié ces
Messieurs de Stavelot de vous en envoyer de ma part
un exemplaire et je crois qu'ils ne manqueront pas de
le faire, car c'est Monsieur le Baron de Crassier qui a
soin de l'impression {a). En attendant je vous envoyé
par le canal de M' le Baron de Crassier le manuscrit
allemand qui concerne les actes de l'élection de l'em-
pereur Rupert ; je souhaitte qu'il vous soit de quel-
qu'utilité (2). Conservez votre santé pour le bien du
public qui trouve tant à profiter de vos ouvrages, quoy
que faits avec une rapidité surprenante.
Nous avons icy bien des rhumes et dans notre
monastère, tant religieux que domestiques, nous avons
eu plus de quarante malades. Nos confrères de S. De-
nys en ont eu jusqu'à soixante dont quarante étoient
réduits aux bouillons. En cinq semaines il nous est
mort trois religieux, nous en avons un quatrième qui
est bien malade et menace ruine. Conservez moy tou-
siours l'honneur de votre amitié et soyez persuadé
qu'on ne peut être plus sincèrement que je suis.
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 2 février lySo.
(i) L'impression du mémoire de Martène fut terminée en avril lySo;
il parut sous ce titre : Imperialis Stabulensis monasteriijurapropugnata,
adversus iniquas disceptaiiones Ign, Roder ici y etc., in-fol. de i52 pp.
Bien qu'il eût été imprimé à Liège, cet ouvrage fut donné comme sortant
des presses de la veuve Slebusch, à Cologne. Voy. supra, p. 16.
(2) Schannat avait entrepris d'écrire la vie de l'empereur Rupert, et
avait demandé à Martène, par l'entremise du baron de Crassier, divers
renseignements à ce sujet. Voy. L. Halkin, Correspondance de Dom
E, Martène avec le B. de Crassier, pp. 214 et 21 5.
- ii9 -
LU. — Martène à Schannat.
Le 25 avril lySo. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n^ 24.
P. c.
Monsieur,
Je suis ravi que le manuscrit allemand que je vous
ay envoyé vous fasse plaisir ; je souhaitterois qu'il fut
encore meilleur car on ne peut trop apporter de secours
à une personne qui travaille avec autant d'assiduité et
d'utilité pour le public que vous faites. Je ne manque-
ray pas à la première occasion d'aller à la bibliothèque
du roy et de m'y informer s'il n'y a rien qui favorise
votre dessein sur l'histoire de Wormes et s'il s'y trouve
quelque chose qui ne soit pas long, je le copieray moy-
même ; si cela est étendu je vous en donneray avis afin
que vous preniez là-dessus vos mesures. Je lis avec un
très grand plaisir votre Histoire de Fulde qui est par-
faitement bien écrite et je ne doute pas qu elle ne soit
très bien reçue dans toute l'Allemagne et ailleurs. J'y
ay lu qu'Usuard, auteur du martyrologe que nous
avons et qu'on lisoit autrefois dans toutes les églises
étoit religieux de Fulde. Je souhaitterois de scavoir la
preuve que vous en avez, car nous sommes icy per-
suadez qu'il étoit religieux de S. Germain-des-Prez ;
nous avons encore son martyrologe en original tel qu'il
a été écrit de sa main. C'est luy qui nous a apporté
d'Espagne, où il a voit été envoyé par l'abbé Hilduin,
les corps de S. Georges, et de S. Aurèle martyrs de
Cordoûe que nous avons encore et dont nous faisons
l'office (1).
Il y a à Paris un Allemand natif de Virtemberg,
nommé Jean George Koilbin, homme d'une grande
(i) Sur Usuard, moine de Saint-Germain-des-Prés, voyez VHist, lit,
de la France, t. V, pp. 436-445. On cite de nombreuses éditions de son
Martyrologe, notamment celle qui fut publiée à Paris, en 17 18, par
Dom Bouillait, d'après le manuscrit conservé à Tabbaye de Saint-Ger-
main-des-Prés. Cf. PoTTHAST, BiW. hist., s,y^ MartyroL Usuardi,
— 120 —
probité, habile et scavant, qui scait le grec et l'hébreux
en perfection et la théologie, qui avoit étudié en l'Uni-
versité de Tubinge pour être ministre parmy les Luthé-
riens. Il a de grandes approbations des principaux
docteurs de sa secte ; lequel ayant un parent établi à
Rennes en Bretagne passa en France il y a trois ans
avec l'agrément du duc de Vurtemberg qui lui donna
un sauf-conduit honorable pour passer en France ;
estant à Rennes auprès de son parent, Dieu luy ouvrit
les yeux et luy fit connoitre les égarements de sa secte,
si bien qu'il fit abjuration de luthérianisme luy et sa
femme dans les mains de TEvêque de Saint-Brieux et
demeura un an environ auprès de son grand-vicaire.
Etant venu à Paris dans l'espérance d'y trouver quel-
qu'établissement et d'y exercer les talons que Dieu luy a
donné, comme il ne scait pas la langue française, il ne
peut y rien faire et se trouve dépourvu de tout; mais
quoy qu'il soit dans une grande misère, il est si attaché
à sa foy qu'il ne veut pas retourner en Allemagne où il
feroit une pauvre figure après la démarche qu'il a faite
en France, à moins qu'il ne retournât dans sa première
secte ce qu'il ne veut pas faire. Il a des approbations de
l'évêque de Saint-Brieux, de son grand-vicaire et du
Bibliothécaire de Sorbonne aux éloges desquels on ne
peut rien ajouter. Ne pourriez-vous pas luy procurer
en Allemagne quelqu'établissement honneste parmy les
catholiques. Il est homme de probité, bon chrestien
attaché à sa religion, il est très scavant et capable d'en-
seigner le grec et l'hébreux. Comme c'est un néophite
en la foy, nous devons faire ce que nous pouvons pour
l'y confirmer ; c'est pourquoy vous feriez une grande
œuvre de charité si vous pouviez luy procurer en Alle-
magne de l'employ parmy les catholiques.
Je crois que vous recevrez dans peu la response
que j'ay faite à Rodrique, où vous verrez que j'ay
parlé de vous de la manière que je dois et que vous
méritez, quoy que votre mérite passe tous les éloges
— 121 —
que nous en pouvons faire. Nous ne scavions pas en-
core la mort de M. Eccard. Je prie le Seigneur qu'il
luy fasse miséricorde. Je suis surpris qu'il soit mort si
pauvre ayant tous les avantages qu'il avoit. Je suis du
meilleur de mon cœur,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, ce 25 avril lySo.
LUI. — Schannat à Crassier.
Le 7 juin lySo. — Ms. Crassier, f» 452.
Monsieur,
Une course que je viens de faire dans le duché de
Wirtemberg, où j'ai rendu entre autres visite au célèbre
docteur Pfafif, chancelier deTUniversitée deTubinge(<),
est cause que je ne vous ais point témoigné plutôt ma
juste reconnoissance que je vous dois autant pour le
généreux présent que vous m avez bien voulu faire des
exemplaires Marténiens que de la peine et soin qu'il
vous a plut de prendre afin d'ajuster mes comptes. Je
sens même de la confusion au sujet de ce dernier article
dont je voudrois enfin estre débarassé de bon cœur.
Mais le métier que je fais ne l'at point permis jusques
icy, certain guignon, comme vous savez, ayant esté
de tout tems attaché à mon sort, témoin en dernier
lieu certain autre contretems qui fit que le Cardinal-
Archevêque de Malines, dont j allois être un des con-
clavistes, ne fit pas le voyage de Rome à la mort du
dernier Pontife ; il m'assure néantmoins d'avance d'une
pension qu'il se fait fort de m'obtenir du futur afin de
me mettre en estât d'exécuter un jour ma Collection
(i) Schannat obtint à cette occasion du D' Pfaff qu*il renonçât à son
projet de publier une collection des Conciles d'Allemagne. Cf. Katsch-
THALER, O. C, p. 7O.
16
— 122 -
des conciles d'Allemagne, à laquelle il veut que je m ad-
donne entièrement après avoir achevé avec Worms.
De tout cela le tems seul pourra nous instruire et me
faire cependant éprouver si les mains de l'Electeur de
Mayence seront à mon égard plus libérales que celles
du Prince de Fulde. Quoyqu a tout égard j'aye lieu
d'en estre content, quand ce ne seroit que pour la belle
et gracieuse lettre dont il mat honoré, et par celles
qu'il écrivit en ma faveur à S. A. Electorale.
Au reste. Monsieur, pour revenir au point de l'af-
faire, je me conformerai entierrement au Mémoire que
vous avez ajouté au comptes, et quoyque j'aurois lieu
de n'estre pas trop content de quelques-uns des créan-
ciers et que je ne sois pas beaucoup convaincu de la
vérilée de leurs prétensions, je ne laisserai pas d'y sa-
tisfaire sur le pied qu'il les exigent. Je consens même
que M*" de Goher tire dorénavant l'entierretée de ma
pension annuele, tandis que de mon côté, j'aurai soin
de pourvoir au payement des autres par une pareille
somme que je ferai passer chaque année à l'occasion
de la foire de septembre, à commencer même cette
présente année. Ce sera le moyen à ce que j'espère d'en
vuider bientôt, supposé que ce qui paroit m estre ré-
sidu depuis l'année 1728 entre en ligne de comptes;
c'est à quoy je voudrois que quelqu'un veilla, comme
aussi qui se chargeât dorénavant de la distribution sur
le pied que je viens de le marquer et je luy en feroit
volontiers un honoraire. Voyez, je vous prie, de m'in-
diquer ou plutôt de constituer quelqu'un de votre con-
noissance à cet effet, pareilles soins ne vous convenant
point en aucune manière.
Voicy une petite lettre pour notre cher R. P. Mar-
tène. J'espère que vous aurez eut la bontée de faire
passer en Anvers, au R. P. du SoUier, Jésuite, un
exemplaire de son dernier ouvrage, ainsi que vous me
l'aviez marqué (1). Je joins encore icy une médaille que
(i) Le Père J.-B. du SoUîer, de la Compagnie de Jésus, né en 1669,
— 123 —
j'ai vu tirer d'une vignoble que l'on cultivoit passé
quelque tems joignant cette ville ; c'est la seule entre
quelques autres que l'on trouva en même tems que je
crois mériter votre curiositée.
Je suis charmé de la bonne nouvelle que vous me
marqué touchant M^ de Louvrex ; je souhaitte de tout
mon cœur d'en apprendre la suitte; je lassure cepan-
dant ainsi que M^« votre épouse, de même que toutte
votre chère famille, de mes bien humbles respects et
demeure toujours très absolument,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Worms, ce 7 juin lySo.
LIV. — Martène à Schannat.
Le 5 mars lySS. — Bibl. archiép. de Prague, fonds Schannat, n? 25.
P. c.
Monsieur,
Il y a si long temps que je n'ay reçu de vos nou-
velle que j'aurois sujet d'apprendre qu'il ne vous soit
arrivé quelqu'accident, si Monsieur le baron de Cras-
sier, votre bon amis et le mien, ne m'avoit mandé que
vous vous portez bien et que vous travaillez tousiours
infatigablement et avec une rapidité surprenante à
votre histoire de Vormes. J'étois en peine de vous
faire tenir les trois derniers tomes de notre grande Col-
lection qui vient de finir, mais heureusement votre
libraire de Francfort qui doit imprimer votre histoire
de Vormes étant venu à Paris, ma fait l'honneur de
me venir voir et a bien voulu prendre un de mes exem-
avait été chargé de la continuation des Acta sanctorum; il mourut à
Anvers en 1740. Il publia en 1725 une lettre intitulée : Jo, B. Solleriiesoc,
Jesu arnica de Jo. Ludewig J. C. et Prof. Hall, expostulatio ad virum
clar, Jo. Frid. Schannat, in-4®, 2 ff. Voy. Sommervogel, Bibliothèque
de la Compagnie de Jésus, t. VII (1896), p. 1371.
— 124 —
plaires qu'il s est chargé de vous faire tenir, mais étant
parti avant que de prendre ma lettre, je me sert de
Monsieur le Baron de Crassier qui veut bien s'en
charger et vous le faire tenir. Conservez-vous un peu
plus que vous ne faites, vous êtes nécessaire à la répu-
blique des lettres. Pour moy courrant ma soixante et
dix neuf année, solum mihi superest sepiilcrum, et je
ne scay si le peu de temps que j ay à vivre suffira pour
me préparer à la mort. J'ay l'honneur detre très sin-
cèrement,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Fr. Edmond Martène, M. B. P.
A Paris, le 5 mars lySS.
LV. — Schannat à Crassier.
Le 12 mai 1733. — Bibl. nat., ms. fr. 25538, f** 3oi.
Mon très Révérend Père,
Je connois trop quelles sont vos occupations pour
les aller interrompre mal à propos; ce pourquoy je me
suis contenté pendant Cm temps à vous faire assurer
de mes respects et services par notre bon ami le baron
de Crassier, n'ayant d ailleurs rien à vous mander de
particulier; car enfin le nouvel Evêque de Vorms est
d'une lenteur dans ses résolutions à faire révolter un
phlegmatique et ce n est que depuis peu de jours qu'il
vient enfin de donner les ordres nécessaires pour faire
imprimer mon ouvrage qui est prest depuis bien du
temps; c'est Warrentrap libraire de Francfort, que
vous avez vu chez vous à Paris, qui l'entreprens sous
les conditions qui ne sentent guères son prince, et qui
ne me laisse^pas même le maître d'un seul exemplaire;
cela n'empeschera point que je n'use de reconnoissance
envers vous et que je n aye l'honneur de me revanger
de vos libéralités pour lesquelles je vous fais mes très
— 425 —
humbles remerciments par avance. J'ai fixé cependant
une espèce de séjour icy, à Manheim, où il y a appa-
rence que je vais estre employé, y ayant bien de l'ou-
vrage surtout si l'on vouloit venir à une histoire ; du
reste je m'occupe à présent de ranger des matériaux
qui estoient restez jusques icy ensevelis dans mes
coffres, et qui paroitront bientôt sous le titre de Sub-
sidia ad rem Germaniœ historicam médit œvi tum
sacram tum prophanam illustrandam nunc primum
in lucem édita, etc*, et dont je donnerai la continua-
tion (i).
J'ai aussi écrit à Venise pour savoir si l'on voudra
joindre par manière de supplément mes anciens Con-
ciles anecdotes d'Allemagne à la grande collection qui
s'y fait ; si point, j*ai des libraires assés en ces quar-
tiers-ci qui l'entreprendrons; enfin je ne manque point
de travail comme vous voyez, et si je ne fais point
fortune je ne saurois au moins assés remercier le Sei-
gneur de me continuer la santée et les forces propres
à tout cela, parmy quoy je me compte riche assez,
trop heureux même, si je pouvois me flatter de finir
ma carrière aussi glorieusement que vous.
J'ai l'honneur d'estre toujours avec un entier et très
respectueux dévouement,
Mon très Révérend Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Manheim, ce 12 mai 1733.
LVI, — Schannat à Crassier.
Billet sans date (2). — Ms. Crassier, f* 455.
Je viens d'arriver accompagnez d'un ami de Bru-
xelles; et pour mieux cacher mon incognito je me suis
(i) Schannat n*a pas donné suite à ce projet de publication.
(2) Ce billet qui n'est ni daté, ni signé, doit avoir été écrit peu avant
— 126 —
campez dans la chaussée de S^ Gilles tout à rentrée à
renseigne de l'Espérance. J'ai mille choses à vous dire
et souhaitterois que ce fut ce soir plutôt que demain,
mais comme la porte vat se serrer, je n ais que le tems
de vous donner le bonsoir, en attendant que je vous
donne le bonjour demain de grand matin.
Mes respects à M^® vostre Epouse, s'il vous plait.
LVII. — Schannat à Crassier.
Le 12 mai 1736. — Ms. Crassier, f* 456.
Monsieur et très cher ami,
Je me trouve si bien et si agréablement à Rome,
que je commence à appréhender, que le séjour que j'y
ais à faire ne s'écoule trop tôt, et je crois par là vous
confirmer dans l'idée que M'' le Chanoine, votre fils,
vous en aura donné d'avance; comme je suis plus le
maître de mon loisir qu'il ne l'a été, ou put être, je
tâche d'en profiter à mesure ; chaque jour je vois des
antiquitées sacrées et prophanes, et je voudrois chaque
fois avoir les yeux de tous ceux, auxquels ils ne servent
que pour n'être point aveugles. Un de mes plaisirs
favoris est de voir creuser dans ces anciennes ruines des
palais et des temples, où, outre beaucoup des marbres
rares, on déterre bien souvent des belles curiositées;
mais les catacombes sont ce qui me charment d'avan-
tage ; j'y ais déjà passés des après-diners entiers avec
le Secrétaire de Ms'' Sacrista, et en lui laissant les
corps saints, qu'il en a retiré, j'en suis toujours sortis
avec quelques dépouilles sacrées dont il m'a bien voulu
gratifier.
le départ de Schannat pour Rome (où il arriva avant le 12 mai 1736;
cf. infra, lettre LVII). Dans une lettre à Martène, en date du i3 mai
1736, Crassier écrit de leur ami commun Schannat: « Le hazard luy
» a permis avant d'entreprendre ce grand voyage de me venir veoir
» incognito icy, où nous nous sommes embrassé de bon cœur. » Cor-
respondance de Dam E, Martène avec G. de Crassier, p. 274.
— 127 —
Quant aux Bibliothèques, de toutes celles que j'ai
déjà vu, il n'y a de profïit à faire pour moi que dans
celles de Barberini et Otioboni, où par la bonté de ces
deux Eminences, j'y ai un accès libre ; il n'y a que
celle du Vatican, où je bute le plus, qui n'est pas encore
ouverte pour mon usage ; j'attends pour cela, que je
sois introduit à laudience du Pape, dans un tems où
il sera plus libre et moins embarassé, qu'il ne se trouve
à présent; car les gazettes vous auront sans doute ap-
pris les fortes démeslées qu'il a eut avec les Espagnols,
à cause qu'ils enroUoient ses Romains par force. Ce-
pendant ces Messieurs prétendent être les lézé dans
cette affaire, et faute d'en avoir obtenu satisfaction, ils
alloient tous, et le Cardinal Aquaviva à leur tête, quitter
Rome, en suite d'un ordre qu'ils en avoient reçu de la
Cour, si l'on avoit trouvé moyen de temporiser la
chose jusqu'au retour d'un courrier qui fut dépêché à
cet eti'ei ; nous en verrons bientôt les suittes. Cepen-
dant l'harmonie entre l'Empereur et le Roi de France
est rétablie, puisque les Ministres de ces deux Puis-
sances, qui se trouvent en cette ville se sont rendus
publiquement des visites réciproques. On ne scait pas
encore ce que l'Espagne fera. J'ajouterai pour nouvelles
que le célèbre Mgr. Fontanini est mort le 17 d'avril à
2 heures du matin ; la république des lettres perd en
lui un grand ornement et moi un parfaitement bon
ami ; le malheur étoit, qu'étant disgraciez du Pape, il
ne put rien pour moi. Il a laissé sa Bibliothèque qui
n'étoit pas autrement fort copieuse, mais en échange
bien choisie, avec tous ses mss. dont les meilleurs sont
les siens propres, à Saint Daniele, lieu de sa naissance,
dans l'Etat de Venise, où il y a présentement une Aca-
démie {\).
Le R. P. Général des Jésuites, très digne perso-
(i) Fontanini était tombé en disgrâce à la suite dune polémique
qu'il avait engagée contre les évêques d'Arezzo et qui avait déplu à Clé-
ment XII (Laurent Corsini).
— Ii9 —
LVIII. — Schannat à Crassier.
Le i*' septembre i7?ô. — Ms. Crassier, f» 45S,
Monsieur et très cher ami.
Vous me pardonnerai, s'il vous plait, si j'ai tardé
jusqu'ici à répondre à votre chère lettre en date du
9 de juin passez ; je me trouve depuis quelque tems
si enfoncé parmi les mss. auquel j*ai eut un libre accez
dans diverses Bibliothèques, que jabandonne toutes
autres occupations ; que si jamais je parviens à la Vati-
cane, ainsi que j'ai lieu de l'espérer, je crois que j'ou-
blierai de boire et de manger ; tout ce que j'y trouve de
fatiguant est le tems qu'il faut employer à aller et venir,
mais maintenant que les grandes chaleurs sont passés,
la chose sera plus supportable.
Je vous ais bien des obligations d'avoir conserver
les notices nécessaires pour me tirer enfin d'affaires avec
M"" de Goyer, et j'ose vous prier de vouloir bien me
continuer vos bons soins à cet effet et pour ce qui re-
garde Klonckart, vous en donnant plein et absolu pou-
voir ; que si par la suite je me trouve le maître de ce
petit revenue il ne sera destiné qu a des charitées tant
que je vivrai.
Quant aux oignons de tulippes je crains qu'il ne soit
trop tard pour cette année, car j'aurois put les recevoir
sur Augsbourg, recommandé au P. Xavier Brandt,
jésuite. Le R. P. Général est à présent, Dieu soit loué,
entièrement rétabli, contre toute attente; j'ai eut Thon-
neur de lui rendre mes devoirs avant hier dans sa
chambre, où je me suis arrêté près de deux heures,
ayant pris ce tems là de lui recommander deux bons
sujets de sa Société qui sont d'excellents génies pour
l'histoire, et il m'a promis qu'il leur donnera tout le
tems et les moyens d'employer les matériaux qu'ils ont
en mains pour cela.
Les savants de cette ville sont, à ce que trouve, en
très petit nombre, et je ne vois guères d'apparence
17
— 130 —
qu'ils s'augmenteront ; les uns travaillent à une nou-
velle édition de 5. Léon, d'autres à un Bullarium mag-
num, mais cela va si lentement que cela fait pitié,
outre que je prévois que le tout ne sera pas exécuté
comme il devroit et pourroit l'être.
Notre Saint Fère se porte bien, et ses neveux encore
mieux; ceux-ci sont brouillés à présent avec l'ambas-
sadeur de France, qui s'est retiré à Frescati, où il
attend le retour du courrier qu'il a dépêché sur ce que
Ton a ôté de dessus Téglise des Polonais, les armes du
roi Stanislas, pour y substituer ceux du roi régnant.
Les affaires avec TEspagne sont toujours sur le même
pied sans que l'on s'en mette ici autrement en peine.
La Toscane n'est pas encore vuidée, cependant les
trouppes Impériales quittent l'Italie pour se rendre en
diligence en Hongrie, où ils veuillent se joindre aux
Moscovites. On me mande de Vienne que la grossesse
de la duchesse de Lorraine éîoit assurer et que Ton en
devoit faire une publique déclaration le 28 d'août, jour
de la naissance de Tlmpératrice.
Voilà à quoi se réduisent, par le présent, toutes mes
nouvelles ; permette que Mad« la Baronne, votre chère
épouse, de même que toute votre aimable famille,
trouvent ici les assurances de mes bien humbles res-
pects, et faites moi la grâce de me croire toujours, avec
un entier et très parfait dévouement.
Monsieur et très cher ami.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Rome, ce i**^ de septembre 1736.
Je prens la liberté de vous recommander la présente
inclose; rien ne presse pour la réponce.
— 131 —
LIX. — Schannat à Crassier.
l-e 29 décembre lySô. — Ms. Crassier, f* 460.
Monsieur et très cher ami,
Après avoir été quelque tems dans l'attente de vos
chères nouvelles, j'allois m'informer du sujet, et vous
prévenir sur les bons souhaits que vous m'avez bien
voulu faire à l'occasion de Tannée où nous allons en-
trer, lesquels je réciproque du fond de mon cœur, tant
envers vous, qu'envers Mad« la Baronne, votre épouse,
et tous ceux et celles qui vous appartiennent, priant
Dieu de vous conserver tous ensemble en bonne et
parfaite santé. Maintenant que me voilà rassuré sur ce
point par votre chère lettre en date du 8 de ce mois,
j'aurai l'honneur de vous dire qu'ensuite d'un ordre
exprès dont il a plu à Sa Saintetée de me favoriser, j'ai
un plein et libre accez à la Bibliothèque du Vatican, et
à celles qui y sont comprises et dont le nombre des
manuscrits passe les cent mille ; vous jugés bien que je
tâche d'en profilter comme il faut, et que si je rappor-
terai peu d'argent de Rome, je retournerai au moins
riche en papiers ; c'est seulement grand domage que
tant d'habiles gens m'ont précédé et que, y ayant fait
d'amples moissons, ils ne m'ont laissés que de quoy gla-
ner aprez eux, sur tout en ce qui concerne l'Allemagne
qui, comme vous savez, fait mon objet principal; il
y a eut d'ailleurs quelques Pontifes, dont la politique
ayant pris de l'ombrage de ce côté-là, ont fait placer
dans l'archive secret, qui est attenant la dite Biblio-
thèque, plusieurs volumes dont j'aurois put retirez
quantitez des bons morceaux ; à cela près, j'ai lieu
d'être content, d'autant plus que j aurai de quoi m'oc-
cuper utilement et agréablement pendant tout le séjour
qui me reste à faire en cette ville et que je regretterai
moins un nouveau poste que mes patrons de Vienne
m'y avoient préparez, et que la seule considération de
mon Prince archevêque m'a fait refuser : cela peut s'ap-
— 132 —
peler une espèce de revange que j'ai pris contre la For-
tune, elle qui m'a joué tant de mauvais tours (i).
Le canonicat de S* Lambert, aussi bien que les
autres bénéfices de feu votre Suffragant, pourroit bien
donner lieu à un nouveau procès ici, puis que le Pape
en prétend la dépouille et se croit bien fondé, quoique
l'on ne scait pas encore en faveur de qui il en disposera,
personne ne s'y empressant comme quand les choses
sont claires et nettes (2).
Vous m obligeré infiniment si vous voulez bien me
faire la grâce de me continuer vos bons soins au sujet
de la liquidation entière de mes debtes, et en faire
écire à ce sujet à M^ de Goyer, sur Paris, ne souhait-
tant rien tant que de me voir tranquil de ce côté-là, et
vous délivrer des embaras que j'ait eut le malheur de
vous causer en cela même et que votre bonté vous a
attirés. En échange disposez de moi en tout.
J'oublie de vous dire, qu'ayant trouvé, entre les
mss. du Vatican, Angeli de curribus Excîdium Léo-
diense, décrit en vers hexamètres et dédié à Paul II
par lauteur, je ne scais si cet ouvrage autographe qui
forme un 8° assez gros, ne seroit pas le même que nous
trouvâmes à S^ Laurent et que vous vous êtes donné la
peine de décrire ; mandé moi, je vous prie, ce qui en
est, et si déjà vous ne l'avez communiqué au R. P.
Martène ou à quelqu autre (3).
(i) Le comte de Wurmbrand, président du Conseil aulique de Tem-
pire, avait offert à Schannat de le faire entrer au service de S. M. Impé-
riale en qualité d'historiographe. Voy. de la Barre de Beaumarchais,
Eloge historique y etc.
(2) Jean-Baptiste Gillis, chanoine, puis doyen de Saint-Martin,
avait été sacré suffragant de Liège en 1729; il obtint en lySS une pré-
bende à Saint- Lambert et mourut le i" décembre lySô. Voy. de Theux,
Le chapitre de Saint-Lambert à Liège, t. IV, pp. 47 et 5i.
(3) Sur ce poème d' Angélus, voyez A. Potthast, Biblioth, histor.
medii aevi, t. I, p. 46, où le ms. de la Vaticane n'est pas signalé. Mar-
tène avait donné une édition de cet ouvrage au tome IV, p. 1379, ^^
VAmplissima coilectio, d'après une copie du ms. de Saint- Laurent, que
Crassier lui avait procurée. Cf. Corresp. de D. E, Martène, etc., p. 60.
— 133 —
Pour des nouvelles je n'en ais pas à vous donner,
sinon que notre bon Saint Père vient de perdre les seuls
deux dents qui lui restoient et dont il paroil inconso-
lable ; je voudrois que, pour la grâce et le plaisir qu'il
m'a fait, je put lui résigner une demie douzaine des
miennes. J'ai l'honneur d'être toujours avec un entier
et très respectueux dévouement.
Monsieur et très cher ami.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Rome, ce 29 décembre 1736.
P. S. J'ose prendre la liberté de joindre ici un petit
billet pour ma sœur; rien ne presse à cet égard ; cest
seulement pour que cette bonne fille reçoive en cela la
consolation qu'elle souhaitte.
LX. — Schannat à Crassier.
Le 23 février 1737. — M s. Crassier, f* 462.
Monsieur et très cher ami,
J'ai reçu avec bien du plaisir la lettre dont il vous
a plut m'honnorer en date du 26 de janvier passez,
avec son inclose, dont je vous remercie ; comme rien
ne presse, je prendrai une autre fois la liberté de vous
charger de la réponse ; entretems je souhaite que vous
continuiez de jouir d'une santé parfaite pour qu'à l'an-
née prochaine j'aye la satisfaction et le bonheur de
vous entretenir au long de tout ce que j'aurai observé,
et amassé ici, tant en fait de litérature qu'en antiquitée.
Comme je passe souvent les après-diner à voir creuser
la terre en différents endroits autour de cette ville, il
se présente toujours quelque chose qui contente ma
curiosité. J'y arrivois hier justement dans le tems que
l'on découvrit, à prez de deux toises de profondeur, une
ancienne cimitière des payens ; les corps dont les osse-
— 434 —
menls étoient la plupart conservez dans leur entier
étoient rangés de fil, couverts de longues plaques de
tuille en forme de triangle; j'eus le plaisir d'en retirer
une assez grande bouteille qui étoit enmuré et comme
suspendue au haut dune de ces tombes; cette bouteille
est percée par le bas, sans doutte pour y laisser couler
goutte à goûte sur les cendres du mort, la liqueur dont
elle avoit été remplie et dont il reste encore une bonne
partie collé autour. Quand on la regarde contre le soleil
ou la chandelle elle est aussi rouge comme est celle
contenue dans les vases ou ampules qui se trouvent
dans les catacombes avec cette différence que l'on pré-
tend que c'est ici du sang des martyrs.
Je suis toujours fort assidu à la Bibliothèque du
Vatican malgré qu'il me faut une bonne demie heure
pour m'y rendre, et je tâche d'en profiter de mon mieux;
voici le passage en question tel qu'il se trouve dans l'au-
teur de votre Excidium Leodiense :
Navibus ad villas, vicinaque oppida miles
infandum advectus, vendebat stragula picta,
ornatusque thori, etc.
J'ai trouvé plusieurs bonnes pièces touchant Liège,
et dont une partie me servira dans mon édition des
Conciles d'Allemagne.
Vous allez bientôt voir chez vous votre nouveau
suffragant Jacquet, que le Cardinal Barberin doyen du
Sacré Collège a consacré évoque ces jours passez; ce
Prélat ne quitte pas volontiers Rome, il a cru qu'on le
tireroit par la manche, il s'est trompé; le Saint- Père,
à l'ouverture qu'il lui fit de sa nomination, lui donna
d'abord sa bénédiction et lui souhaitta bon voyage. Il
paroit d'ailleurs être peu regretté ici; je doutte fort si
ses manières le feront plus aimer chez vous. A bon
compte, il peut dire avoir fait fortune et avoir amas-
sez plus des partarts que du latin, car après une si
longue pratique, j'ai été étonné de voir dans des brefs
— 135 —
de sa composition jusqu'à des fautes contre la Gram-
maire (i).
Tout est, du reste, fort tranquil par ici, Dieu mercy,
et les tems ne me paroissent jamais plus heureux que
quand ils fournissent peu de matière aux nouvelles.
J'ose recommander à vos bons soins la petite question
d'arithmétique qui me reste à vuider avec M"* de Goër
et demeure, après des assurances de mes bien humbles
respects à M^« la Baronne votre Epouse, de même qu'à
toute votre aimable famille, toujours avec un entier et
respectueux dévouement. Monsieur et très cher ami,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J. F. SCHANNAT.
Rome, ce 23 de février lySy.
P. S. On vient d'arretter un jeune ecclésiastique
qui s'étoit donné la peine de composer par avance grand
nombre de pasquinades, qui dévoient se débiter à un
futur conclave. Comme il y en a des très sanglantes
contre la maison Corsini, il court grand risque de les
laver dans son sang.
LXI. — Schannat à Crassier.
Le 29 juin 1737. — Ms. Crassier, f* 464.
Monsieur et très cher ami,
Vous voyez que.je continue d'user de la liberté que
vous avez bien voulu accorder à ma chère sœur et moi,
en faveur de notre petite correspondance; comme ce
sont des indulgences qu'elle m'a demandé, il est juste
que vous participiez au mérite. Mais comment pourrai-
(1) Sur Pierre-Louis de Jacquet (1688-1763), chanoine de Téglise de
Liège, archidiacre de Hainaut, évêque d*Hippone, suffragant du prince
Georges- Louis de Berghes, etc., voy. Bec de lièvre, Biographie liégeoise,
t. II, p. 442; Ernst, Tableau des suffragans ou co-évéques de Liége^
1806, p. 256; De Blanckart, Biogr, nation, y t. X, p. 82 et de Theux,
Le chapitre de Saint-Lambert à Liège, t. IV, p. 39.
— 136 —
je reconnoître assez les bontées que vous me continué
d'ailleurs, et qui me remplissent de confusion, en ce que
ce sont toutes choses fâcheuses où je vous vois entrer si
obligament ; voici donc le plein pouvoir que j'ai l'hon-
neur de vous présenter à ce sujet ; comme je ne suis
guères stylisé dans ces sortes de formulaires je m'attens
néant moins que Ton s y tiendra (i). Le prétexte de M^
de Goer, quelqu'il soit, ne peut s'étendre guères loing; il
faudra entendre ce que dit M^ le chanoine Christian,
afin de briser la-dessus et sortir enfin d'affaires. Quant
à la nouvelle debte de la veufe Denys, elle a tout lieu
de me surprendre ; car autant que je me souviens, elle
doit avoir été éteinte soit par moi, soit par le receveur
Scouville ; la faute sera que Ton aura oubliez de retirer
le billet ; il n'est pas croyable d'ailleurs que l'on eut
manqué au tems jadis de se mettre au rang des créan-
ciers, et que depuis plus de vingt années en deçà on n'en
eut point fait mention. Après tout, je ne scais si de bon
droit une prescription n'aurait point lieu dans ce cas
là; au reste je vous laisse maître de tout et approuve-
rai généralement ce qui aura été fait tant en cecy, qu'en
autres. Je passe maintenant à quelques nouvelles d'ici.
La cérémonie de la canonisation des 4 saints s'est
passés fort solennellement, et S. Vincent de Paules y
y pris le pas sur S. François Régis ensuite d'un décret
émanée par rapport à cette dispute, dont je vous avois
fait mention dans ma précédente lettre.
Voici le dessein de quelques médailles extraordi-
naires qu'un de mes amis qui est allez s'établir à Berlin
a emporté avec soi en original ; vous m'en direz votre
pensée, s'il vous plaît.
L'on a déterré depuis peu des jours dans un des
jardins du duc Cesarini où il y avoit eut autrefois Vem-
(i) Dans le manuscrit de la Correspondance de G. de Crassier, au
f* 466, se trouve une procuration en date du 29 juin 1737, par laquelle
Schannat autorise le baron de Crassier à recevoir dorénavant sa pension
annuelle de chanoine de l'église collégiale Saint-Jean.
/
— 137 —
porium pour les marbres, une pierre antique, haute
d'environ 2 4/2 p. sur 2 de large, ayant Tinscription
suivante que j ai copié sur le lieu :
HERCVLI • AVG • SACR-
EX . VISO
PRIMIGENIVS
IMP . CAESARIS VESPASIANI-
AVG • IWENCIANVS • TABVLAR-
A • MARMORIBVS
Cestoit aparement, un qui prenoit soin de tenir la
notice des bloques de marbre, qui arrivoieni à Rome
pour le compte de cet empereur, en quoi cette inscrip-
tion est singulière. Il y a un relief au bas qui représente
la massue d'Hercules, enveloppée en partie d une peau
de lion, qui repose sur un trèspied ; d'un des côté, est
représenté un arc avec un carquois remplis de flèches,
et de l'autre un vase à deux anses sur un piédestal, le
tout très bien ciselez [\). On découvre au même en-
droit des grands et petits bloques de marbre, de diffé-
rentes couleurs, qui sont encore brutes, et l'on en voit
où la scie avoit déjà commencé.
Nous avons cette année bien des orages ici, et dans
les pays circonvoisins ; le 1 5 du mois passé un coup de
foudre donna dans la bibliothèque Palatine qui est
enclavé dans celle du Vatican et y fit bien du désordre
et un dégât de quelques centaines d'écus; car il brisa
3 fenêtres, ouvrit quelques armoires où les mss. étoient
renfermés et les rompit en partie, sans avoir causé de
domage aux dits mss., sinon qu'il en noircit quelques-
uns tant au dedans qu'au dehors ; ce que j'y ais trouvé
de plus singulier, est qu'il détacha en même tems les
titres et numéros de papier, qui y étoient collez, et
cela si proprement et mieux qu'on ne l'eut put faire
avec le rasoir. J'avois été à mon ordinaire ce jour-là
(1) Cette inscription est publiée au Corpus inscript, latinar., t. VI,
n» 3oi. Cf. Bull, de flnst, arch. liégeoiSy t. XIX, p. i56.
— 138 —
dans la dite bibliothèque et le coup arriva environ une
heure après que j en étoit sorti.
Avant-hier une demoiselle faisant ses prières dans
l'église de S. Nicolas Tolentin fut pareillement touché
d'un coup de foudre, qui ne lui fit, outre la peur, autre
mal que de lui ôter des deux cotez la frisure de ses che-
veux, lesquels les moines Augustins, qui desservent
cette Eglise, receuillèrent, et les ayant fait mettre en
tresse, les suspendirent en anathème à côté de Tautel.
Cela tient lieu de miracle chez eux et donnera peut-être
lieu à des offrandes.
Vous m'obligerez de me marquer sur qui sera tombé
la mitre de Stavelot. Ces M**" feront fort sagement de
continuer comme ils viennent de commencer; s'ils choi-
sissent Podesta, je les en félicite ayant l'honneur de le
connoître (i). Apparement que le P. de Fulde n'aura
point fait une seconde folie : asinus ad lapident, etc. (2).
Adieu, Monsieur et très cher ami; continué à vous
bien porter; assurez M^^ la Baronne votre épouse, ainsi
que toute votre chère famille de mes très dédiées ser-
vices et respects, et croyez-moi toujours au delà de
toutes expressions,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J. F. SCHANNAT.
Rome, ce 29 de juin lySy.
P. S. Le bruit vient de se répandre à ce moment
que le Grand- Duc est mort.
fi) Ce fut D. Dieudonné Drion, prieur de Malmedy, qui fut nommé
prince-abbé lors de Télection du 2 août 1737; il succédait à D. Nicolas
Massin. Sur D. Gérard de Potesta, prieur de Stavelot de 1727 à 1742,
voyez A. de Noue, Etudes histor, sur Fane, pays de Stavelot et Mal-
medjr^ p. 5o2. Nous avons publié des lettres inédites de Potesta à Mar-
tène, Corresp. de D, E. Martène, etc., pp. 275 à 285 (Annexes I à V).
(2) Le prince de Fulde avait posé sa candidature lors de l'élection
du 16 août 1731. Voy. in/ra, annexe 5.
— 439 —
LXII. — Schannat à Crassier.
Le 4 janvier 1738. — Ms. Crassier, f» 468.
Monsieur et très cher ami,
Votre silence commençoit à m'inquietter, lorsque
je m'en vis tirer heureusement par votre chère lettre
dont il vous a plût m'honnorer en date du 14 de dé-
cembre passez. J'y vois que nous avons à nous féliciter
lun l'autre sur ce qu'ayant été incommodez presque
dans le même tems, nous nous trouvons, grâces à Dieu,
entièrement rétablis, à quoi, de mon côté, l'aire de la
campagne a contribué beaucoup ; maintenant je ne
crains plus guères le séjour de Rome, puisque mon
départ de cette ville est fixé au i^r de mars prochain ;
nous commencerons, mon compagnon de voyage et
moi, par le Royaume de Naples, nous reviendrons de
là sur Livourne, et après avoir vu Luques et Pise,
nous nous rendrons à Florence, où nous nous arret-
terons 8 à 10 jours. La célèbre Bibliothèque des Médi-
cis, à la quelle je suis assurez d'avance d'avoir un libre
accez, y sera ma première et principale attention. De là
nous passerons sur Bologne, Parme, Modène, Crémone,
Mantouë, et nous nous rendrons par Vérone et Pa-
douë, derechef à Venise, pour y voir à la fête de l'As-
cension les noces du Dôge avec la mer Adriatique.
Cela fait nous pousserons par le Tyrol notre route en
droiture sur Prague où je vais être éclairsi de mon sort
ultérieur, y ayant bonne apparence, que j'y trouverai
de quoi m'y fixer pour le reste de mes jours.
Après le plan de mon voyage, que je viens de vous
tracer, il me reste à vous prier de m'honnorer par tout
et en tout, de vos ordres et commandements si vous
m'en jugez capable; je joins à ce compliment que vous
savez partir d'un cœur sincère, ceux que Ton a cou-
tume de se faire réciproquement à l'entrée de cette
nouvelle année, et lesquels j'ose prier M^^ la Baronne,
— 140 —
votre Epouse, ainsi que tous les chers vôtres, d'agréer
avec les assurances de mes bien humbles respects.
Je trouve le sujet du procez entre votre sufiragant
et l'abbé de Stavelot, assez bizare. C'est une bonne
aubaine pour les agents de Rome. Que si l'abbé y
trouve un aussi bon soutient, que vous le trouverez
pour votre commerce en France, il réussira sûrement
dans son nouveau caprice (i). Vous savez sans doute,
que celui de Fulde est enfin mort. Il n'y a point de
mal; et d'autant moins qu'on lui a donné le ii<^ de
décembre un successeur en la personne du Baron de
Buseck (cy-devant sufiragant et grand doyen du lieu),
autant digne qu on auroit pût le choisir ; aussi, en lui
faisant mon compliment, comme à mon très grand
Patron, je ne l'ais pas tant félicitez, que son propre
pays et ses sujets, qui, ainsi que moi, verrons revivre
en lui mon grand deffunt Constantin.
On a entrepris ici une édition des tous les Œuvres
du cardinal Bona ; si vous vous trouviez d'humeur d'y
contribuer, Ion fera mention très honorable de vous,
et c'est tout ce que vous en retirerez.
J'ai vu depuis peu la nouvelle création des six car-
dinaux en faveur des couronnes, qui ne s'est faite
qu'avec fortes et réitérées instances des M^" les Am-
bassadeurs, qui en sont même venus jusqu a des pro-
testations à cet effet. Car si on avoit voulu laisser agir
le S. Père motu proprio, il auroit très assurément créé
autant des Florentins pour augmenter le parti de son
Népotisme aprez sa mort.
Nous avons vu un Phénomène durant quelques
nuits de suite, qui n'étoit autre chose que la Aura Bo-
realis. Comme on a pris cela pour quelque signe fatal,
on le dit avec beaucoup de précautions au Pape, qui
loing de l'appréhender, en témoigna une joye particu-
(i) Sur cette question, voy. F.-A. Villers, Hist, chron. des abbés-
princes de Stavelot et Malmedy, t. III, p. 82 et J. Daris, Hist, du dioc.
et de laprinc. de Liège (1724-1852), t. I, p. 99.
— 141 —
Hère, et dit qu'un habile astrologue lui avoit prédit
que lorsque ce phénomène paroitroit il en seroit juste-
ment à la moitié de son pontificat. Belle consolation
pour les cardinaux qui aspirent à sa Thiare.
Le cardinal Quirini est depuis longtems rétablis de
sa dangereuse maladie, et se trouve à son Evêché de
Brescia. Il ma emporté le receuil des Lettres du Car-
dinal Polus, que j'avois eut dessein de faire imprimer
en Hollande, et c'est lui qui, sous sa propre direction,
le fera imprimer à Vérone ou à Venise. Comme j'avois
eut dessein de les lui dédier, il m'engagea à lui faire
présent du manuscrit en m assurant qu'il se souvien-
dra du présent et m'en tiendra compte. Qu'y faire?
Il fallut bien que je dis : Vostra Eminença é padrone.
Il m'en coûte trois mois de travail ; si j'avois pût pré-
voir la chose j'aurai employer ce tems là à tout autre
sujet (i).
Je finis ma longue lettre, vous priant de vouloir
bien avoir soin de la présente inclose, et de m'honnorer
de vos chères nouvelles une fois au moins, avant mon
départ qui demeure fixé. J'ai cependant l'honneur
d'être toujours avec un entier et très respectueux dé-
vouement.
Monsieur et très cher ami.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J. F. SCHANNAT.
Rome, ce 4 de l'an 1738.
P. S. Je vous laisse le maître entièrement de ma
pauvre petite pension, puisque vous avez bien voulut
avoir la bonté de vous charger de la dispensation. Je
suppose du reste que les 25 écus donnez à Clonckart,
ne sont que la moitiez du provenant.
(i) Le cardinal Quirini publia ces lettres sous ce titre: Reginaldi
Poli Epistolae, Brescia, 1744- 1745, 2 vol. in-fol.
— 142 —
LXIII. — Crassier à Schannat.
Le 17 septembre lySS. — Ms. Crassier, f* 470.
A Monsieur l'abbé Schannat, ce 17 7**'* 1738.
Quoy que je me trouve sans réponse sur ma der-
nière du 23 du passé, je suis cependant obligé de vous
écrire la présente à raison de votre pension laquelle
vous m'avés seulement commis de recevoir et laissé à
ma disposition ; mais comme au sujet d'icelle il y a
procès ventillant par devant notre officialle à l'instance
de certain procureur Kinable auquel la veuve Denis
a cédé sa prétendue prétention, il est absolument né-
cessaire que vous me donniés une constitution plus
ample et selon la forme cy jointe, sans quoy ce chi-
canneur s'emparera de votre dite pension; sur quoy, je
suis attendant l'honneur de vos nouvelles au plutôt.
Depuis celuy que j'ay eu de vous embrasser icy,
mon cabinet s'est encore augmenté de 18 pierreries
antiques, rares et très singulières, ce qui me porte
autant plus à dresser la description de toutes celles que
je possède pour la faire imprimer et ensuitte commu-
niquer aux curieux.
(La fin de la lettre manque).
LXIV. — Schannat à Crassier.
Le 10 octobre 1738. — Ms. Crassier, f» 471.
Monsieur et très cher ami,
Après différentes courses et voyages, que j'ai fais les
uns par nécessitée, les autres par plaisir, me voici enfin
arrivez grâces à Dieu, dans Francfort où je vais établir
mon quartier d'hyver, et reprendre le cours de mes
études. Comme j'y avois donné le rendez- vous général
à mes lettres, n'ayant pas sceut moi-même où on auroit
pût me les adresser, j'y ais trouvés, entre autres plu-
sieurs, celles dont il vous a plût m'honnorer en date du
— 143 —
23 d'août, et du 17. septembre. Lune et l'autre m'ont
fait un véritable plaisir comme toujours ; mais par-
donné si je ne me conforme pas aux sentiments géné-
reux contenus dans la dernière. C'est pousser l'amitié
trop ioing de votre part que de vouloir vous exposer
à la chicanne et ce seroit abuser entièrement de vos
bontées que de vouloir le souffrir de ma part. Il y a
longues années que j'ai envisagé ma pension de Liège
comme un Capite Rapite. Toute la grâce qui me reste
à vous demander est de vouloir bien me suggérer une
personne à qui je puisse dorénavant me remettre du
soin de retirer la dite pension et d'en payer le provenu
à qui en voudra ; je reconnoîtrai très volontiers les soins
qu'il se donnera à cette occasion, parmi un salaire an-
nuel. Car enfin je respecte infiniment trop votre nom
pour que vous le prettiez en rencontres pareilles et
votre repos m est bien trop cher et trop précieux, pour
vouloir le déranger si mal à propos ; vous n en avez déjà
fait que trop pour moi et plus que je ne pourrai recon-
noître jamais; c'est ce pourquoi je vous prie encore un
coup de vouloir bien remettre de ma part ce soin à un
autre et cela selon les intentions que je viens de vous
faire connoître.
Je suis, du reste, ravis d apprendre la continuation
de votre chère santé, et celle de vos belles acquisitions;
elles ne sauroient être en meilleure main ; le tout est
que le public puisse avoir le plaisir de se repaître et se
délecter des justes idées que vous voudrez bien lui en
donner, et c'est un ouvrage qui me paroit digne de vous
et vous fera honneur à jamais ; je prie Dieu qu'il vous
eti donne les forces nécessaires.
J'apprens que le cardinal de Spire est à Aschafien-
bourg avec une petite suite. J'ai bonne envie de lui
aller baiser la pourpre lundi prochain. Que si j'ai le
bonheur d'y rencontrer M*" votre cher fils je ne man-
querai pas de lembrasser avec plaisir, autant de fois
pour vous et les chers vôtres, que pour moi, ce dont
— 144 —
vous en saurez des nouvelles ensuite. Il y a peu de
tems que la Fortune m'en a derechef voulu, je ne scais
encore comment ; voici le fait : la prévotée de la collé-
giale de N. Dame à Erford qui vaut 3 à 400 écus
d'Allemagne et n'oblige à aucune résidence, étant ve-
nue à vaquer, je l'obtint le 3o d'août passez par l'inter-
vention du cardinal Passionéi. Sur cet entrefait l'Elec-
teur de Mayence, qui se dit muni à cet effet de je ne
scais quel induit, puisqu'on ne le connoit pas à Rome,
conféra la dite prévoté à un de ses neveux, et fit faire
par son Agent un nihil transeat contre moi. On ordonna
la-dessus à celui-ci de produire en cour copie de ce
prétendu induit. La décision roule à présent sur ce
point, et j'en attend l'issue en philosophe, tel que vous
me connoissé. Rien n'est cependant ny plus obligeant,
ny plus gracieux que les lettres dont mon cardinal pa-
tron m'honnore ; lorsque celui de Malines sera arrivez
à Rome, je compte d'y en trouver 2 ensemble ; quant à
ceux d'une autre espèce que j'ai dans Vienne ils m'ont
fait connoitre depuis peu que veûe les troubles qui
régnent à présent à la cour je devois me patienter en-
core, que je n'y perdrai rien et que j'aurai lieu d'être
satisfait. Voilà ma situation qui n'empêche point que
je retravaille comme s'il n'étoit rien de tout cela. Mille
respectueux compliments, je vous prie, à M^^ la Ba-
ronne votre Epouse, et toute votre aimable famille.
Meiie votre fille, qui s'y trouve au milieu, me permettra,
à ce que j'espère, de lui présenter la tabatière cy- jointe
que je la supplie d'accepter d'aussi bon cœur. J'ose de
plus vous recommander la petite inclose, et demeure
avec un entier et très respectueux dévouement.
Monsieur et très cher ami.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Francfort, ce 10 d'octobre lySS.
— 445 —
LXV. — Schannat à Crassier.
Le 8 novembre 1738. — Ms. Crassier, f* 473.
Monsieur et très cher ami,
J'ai eut ces jours passez l'honneur et le plaisir d'em-
brasser M^ votre cher fils, qui se porte à merveille et
se fait trop aimer pour qu'il pût encore si tôt espérer
de sortir de page (i). Comme il fallut donner tout mon
tems et toute mon attention à S. Emin" le Cardinal son
maître, j'ai fort regrettez de ce que je ne pût avoir avec
lui un entretien plus long et lui ais conseillez de retour-
ner à son parti de chasse qu il avoit eut la bonté de
quitter par rapport à moi ; je lui ais recommandé de
plus de vous donner de ses nouvelles et il a promis de
le faire. Du reste je suis retourné très satisfait du gra-
cieux acceuil que sa dite Eminence ma fait ; je dois
me rendre chez lui à Bruchsal aux fêtes des Pâques, et
il y a apparence que je vais entreprendre l'Histoire de
son Evêché. J'aurai pour lors la satisfaction de voir
M^ votre cher fils plus souvent, mais dans un poste
plus avancez, comme je l'espère.
Je vois au reste par votre chère lettre dont vous
m'avez honnoré en date du 22 d'Octobre, comme quoi
vous ne vous estes pas encore rendu tout à fait à ma
prière, puisque j'aurois souhaitté que vous vous eussiez
voulu entièrement décharger sur quelqu'autre de l'em-
baras continuel que vous dois causer ma triste pension.
Si mon affaire qui se traite à Rome, et de laquelle je
n'ais plus eut des nouvelles depuis, alloit réussir, je
mettrois bientôt bon ordre à tout ; peut-être le ferai-je
sans cela.
Notre célèbre Buschels est mort à Heidelberg morte
eruditorum, ayant laissez à sa famille si peu que rien.
(1) Guillaume-Jean-Joseph baron de Crassier, né le 2 janvier 1713,
fut d'abord page du cardinal de Schœnborn, évêque de Spire, puis capi-
taine au service de LL. HH. PP. les Etats -Généraux.
19
— 146 —
J ai obtenu pour son fils une place au séminaire archi-
épiscopale Prague mais il n'y pourra être ad mis qu'après
avoir passez sa Rhétorique, et il vat entrer seulement
en Syntaxe ; ce petit garçon promet beaucoup et je m y
intéresse avec d'autant plus de plaisir. L'Electeur Pala-
tin fournis en attendant aux besoins par une pension
assez modique, ce prince n'ayant pas été fort content
du défunt ; il doit même avoir dit, à ce que l'on me
mande, qu'il étoit bon que cet homme, qui lui avoit
escamotté tant des livres, fût mort. Je ne scais si cet
éloge funèbre se trouve bien fondé (i).
Je suis bien aise que vous continuez à travailler à
la description de votre rare cabinet. C'est une occupa-
tion digne de vous et qui doit vous faire plaisir en pre-
mier, ensuite aux autres curieux, de qui elle sera reçii
avec aviditée. Voici l'empreinte d'un amatiste qu'un de
mes amis d'ici a acquis ; on demande si elle est antique
et qui elle représente Ue crois que ce sera un Claudius;
votre sentiment s il vous plaît.
Une information plus essentiele et dont j'ose vous
prier, est de savoir si dans votre cathédrale nous n'avez
pas actuellement un chanoine, originaire de la West-
phalie, qui s'appelle de Wilpreneck. Peut-être ne serat-il
que dans une de vos collégiales. Ayez la bonté de satis-
faire au plutôt à cette curiositée dont il importe à une
personne de distinction de mes amis d'en être informé
au juste. On prétend de plus, qu'il y a des gros biens
dans cette famille de Wilpreneck. Mais la vérité du
premier article suffira en attendant.
Je suis très mortifiée du fâcheux sort qu'a eut la
tabatière ; c'est la faute du commis des postes qui étant
fort de ma bonne connoissance m 'avoit assurez qu'elle
ne courroit aucun danger. Patience, je verrai de répa-
(i) Jean Buchels, qui depuis Tan 1700 remplissait les fonctions de
bibliothécaire à la Cour électorale de Dûsseldorf, avait aidé Schannat
dans l'élaboration de ses ouvrages sur Fulde. Cf. E. Katschthaleh,
op. cit,, pp. 54 et 56.
— 147 —
rer ce coup. Entretems mille très respectueux compli-
ments de ma part, je vous prie, à M*** la Baronne votre
très chère Epouse, et toute votre aimable famille, à la-
quelle j'ai l'honneur d'être ainsi qu'à vous, avec un
entier et très parfait dévouement,
Monsieur et très cher ami.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J. F. SCHANNAT.
Francfort, ce 8 g^"" lySS.
P. S. Je ne répond point cette fois-cy à ma chère
sœur, je prendrai cette liberté après que j'aurai reçu de
vous un mot de réponse sur l'article précédent de ma
lettre.
LXVI. — Schannat à Crassier.
Le 16 décembre lySS. — Ms. Crassier, f> 476.
Monsieur et très cher ami,
Vous aurez sans doute déjà appris par M"" votre
cher tils comme quoi j'ai eut le plaisir de l'embrasser
une seconde fois au château de Heusserstam, m'y étant
rendu la veille du départ de S. Eminence pour la re-
mercier en personne du beau régal qu'elle m'avoit fait
faire, consistant en une paire de chandeliers d'argent
des plus magnifiques. Que l'on dise après cela que ce
prince est avare, j'ai des preuves du contraire. J'irai le
voir à la résidence de Bruchsall pendant le carême et
il y a toute apparence qu'il y sera traité de l'Histoire
de Spire.
Je dois ajoutter à ces nouvelles que j'en ais reçu des
fort encourageantes de mon Agent de Rome pour la
prévôtée d'Erford. Si Dieu me bénit encore de ce
côté-là, je ne lui demanderois plus rien en ce monde
que la continuation de la santé que je vous souhaitte
également.
Je reviens maintenante votre chère lettre du i5 N**";
— 148 —
l'on me rescrie que le nom de Wilpreneck ou Wîl-
bring étant le titre d'une terre appartenante à l'aîné de
la famille, il se peut que son frère que Ton soutient
toujours devoir être chanoine de votre Cathédrale, soit
connu sous un autre nom. Je pense qu'il est aisé de
savoir si parmi cet illustre corps il se trouvent des
Westphaliens de nation et d'origine, auquel cas l'un ou
l'autre devra se réclamer frère de celui qui porte le susdit
titre, à moins qu'il n'y entre en cela de la supercherie.
Le tant désiré mariage entre le comte de Manders-
cheit-Blanckenheim et l'héritière de la maison des
comtes de Manderscheit-Keyll, vient enfin d'avoir été
consommé heureusement au château de Keyil le 27 du
mois passé; c'est une nouvelle qui met mon Prince
Archevêque au comble de ses souhaits et qui le fera
enfin procéder à l'exécution de mon Histoire de l'Eifel,
ouvrage que je tenois tout prêt il y a bien du tems et
auquel il sembloit ne manquer que cette célèbre et for-
tunée époque (1); car je ne crois pas que dans tout
l'Empire il se soit put faire une alliance plus conve-
nable et en même temps plus avantageuse. L'époux et
l'épouse m'ont fait la grâce de me notifier eux-même
cette grande nouvelle.
J'ais fait mettre ici sous la presse un petit livre qui a
pour titre Histoire abrégée de la Maison Palatine. Je la
divise en deux parties et la dédie avec un compliment
assez court au P. Guardien du Couvent des Capucins
à Manheim, et j'ai mes raisons pour cela (â). Je ne doute
pas que vous ne soyez de votre côté déjà bien avancé
avec votre description des antiques. Je me trompe fort,
où l'on en reconnoitra en Italie plus d'une des pièces que
Ton aura sujet de regretter d'avoir passez les Alpes (3).
(1) Sur VEiflia illusirata, voyez supra, pp. 19 et 23.
(2) Voyez supra, p. 21.
(3) Cette description parut deux ans après sous ce titre : Descriptio
brevis gemmarum quae in musaeo GuilL S, R, J, L. Baronis de Cras-
sier asservantur. Liège, Kints, 1740, 63 pp. in-4®.
— 149 —
Il me reste à vous souhaitter, de même qu'à Ma""* la
Baronne votre Epouse, et à toute votre chère famille,
le cours de cette année très heureux et qu'il puisse être
suivis d'un grand nombre d'autres, égaux en prospé-
rité, me priant de me continuer toujours l'honneur de
votre précieuse amitiée et de me croire avec un dévoue-
ment très respectueux et à jamais.
Monsieur et très cher ami,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J. F. SCHANNAT.
Francfort, ce 16 x**" lySS.
1. — Schannat à Groha (i).
Le 8 janvier 1724. — Ms. Crassier, f* 413.
A Fulde ce 8 de Tan 1724.
Après avoir appris fort au long la ventée de ces fameux vers
d'Ovide : dum fueris felix etc., je reviens à vous, mon cher Goba
comme on reviens à peu prez de l'autre monde, pour vous dire
qu'après avoir lassez par une patience de prez de cinq années de
suitte tous les différends malheurs auxquels j*ai estez en proye, ils
viennent enfin de faire place à une espèce de nouvelle fortune, que
je pourrois dire bonne puisqu'elle me donne déjà actuellement des
avantages plus grands que je n'en ais jamais eut, et m'en fait encore
espérer bien d'autres sous la haute protection d'un Prince, que des
personnes assez charitables ont cherché en vain de prévenir contre
moi par le récit et le détail de mes disgrâces passez, auxquelles il
n'a jamais fait la moindre attention ainsi qu'il m'en a assurez lui-
même ; bien au contraire ses bontées envers moi semblent en avoir
estez augmentez ; en tout cela je me tiens toujours passive pour ne
rien perdre de cette indifférence que je conserve pour les choses de
ce monde et qui fait que je ne saurois me donner les mouvements
si nécessaires pour parvenir, tellement que si l'étude pour lequel
seul je me sens du goût et de l'inclination ne produit peut-estre tel
effet par un pur hasard, je courre risque de mourir M^* l'abbé tout
court, très satisfait néantmoins si ce qui me reste de vie je le puis
^1) Nous ne donnons que les extraits les plus intéressants des lettres
de Schannat au chanoine de Goha. On sait que ce dernier s'était chargé
du règlement des dettes contractées par Schannat durant son s^our à
Liège; cf. supra, p. 7, n. 2 et p. 11 5.
— 151 —
passer tranquillement parmi les papiers et les livrés à quelle fin je
suis entierrement résolu de terminer autant qu'il me sera humaine-
ment possible touttes ces fâcheuses questions d'arithmétique dont
il aura estez tant parlé dans votre bonne ville (que Dieu garde) ; et
comme vous estes le vieux estoc des amis que je comptois d'y avoir
autrefois, je m'attens que voudrez bien seconder en cela mon inten-
tion, d'autant plus, qu'estant à présent devenu ce qu'on appelle
Chanoine en corps et en âme vous disposez sans doutte avec plus
de libertée de vous-même et de votre loisir
Je puis vous assurer
qu'à mesure que mes moyens croitront mes deptes diminueront ;
jusqu'icy, j ai satisfait entièrement à ce dont j'estois restez rede-
vable à Vienne et en quelques autres endroits de l'Allemagne d'où
des gens de lettres connus par leur érudition, ont eut la générositée
de m'envoyer un secours que mes plus proches m'avoient refusez
inhumainement. Maintenant je me tourne de vos cotez, où je veux
de cette année (que je vous souhaitte par parenthèse très heureuse)
commencer à payer, mais piano, car je ne pourrois pas y suffire
pour le tout ; c'est à vous, mon cher, à me suggérer la manière de
m'y prendre et je recevrai comme des marques d'une amitiée re-
naissante les avis que vous voudrez bien me donner là-dessus ; je
ne vous recommande rien de plus, connoissant votre discrétion et
votre prudence ; je demeure cependant toujours entièrement à vous,
J.-F. SCHANNAT.
Mes respects à M^ le Conseiller de Louvrex ; vous pourrez voir
chez lui un petit échantillon du métier que je fais à présent.
2. — Schannat à Ooha.
Le 23 février 1724. — Ms. Crassier, f* 415.
A Fulde, ce 23 février 1724.
J'ai esté charmez, mon cher Goa, de retrouver en vous le même
caractère et les mêmes sentiments d'ami que du passez, et que
quelque fâcheuse que soit la commission dont j'ai osez vous prier,
vous vouliez bien néantmoins vous en charger et en prendre les
soins. La liste par où vous débutez m'épouvante nullement, puisque
je suis plein de confiance que Dieu m'aidera à en venir à bout :
tout ce que je souhaitte de mes créanciers, est non pas tant qu'ils
se relâchent, qu'ils continuent à prendre patience, ce qu'ils feront,
je m'assure, d'autant plus volontiers quand ils verront qu'actuelle-
ment je me mets en devoir de les satisfaire, et que je ne désisterai
— 152 —
point que cela ne soit fait. Déjà je viens décrire à M«" le B. de
Crassier pour savoir de luy dans quel estât est ma pension annuelle
de cent florins, dont il a bien voulu prendre le soin de me faire
payer jusques ici de M^ Christian. C'est cet article que je sacrifierai
en premier, et dont je vous remetterai le soin dorénavant, avec
promesses qu aussitôt que je me verrai en estât d'ailleurs, je vous
remetterai à même intention le capital de la dite rente, à quoy
M^ le B. de Crassier m'aidera dans le tems. Plus, vous serez le tré-
sorier de mes épargnes, et j'aurai soin de vous faire remettre chaque
année loo, 200 florins ou plus même, si Dieu me seconde de ses
bénédictions, pour que vous en fassiez l'usage nécessaire selon
votre prudence et bon jugement, auquels je me réfère et me remet
entierrement
Lorsque vous me ferez le plaisir de me continuer à me donner
de vos chères nouvelles, ne me donnez aucun titre je vous prie, quoi
qu'on m'en aient présentez des bien considérables avec les émolu-
ments y attachez. J'ai trouvez bon jusques à présent de n'en admettre
aucun, et j'ai mes raisons. Exempt d'amour et d'ambition, je veux
voir couler mes jours en paix, et je préfère les délices d'une vie
privée à touttes les grandeurs du monde, me comptant assez heu-
reux, si par mon propre travail je puis payer mes debtes, et laisser
ensuitte tout ce qui pourrait me rester d'ailleurs en mourant aux
pauvres.
Voilà, mon cher Goa, quels sont mes sentiments et mes inten-
tions, à l'exécution desquels nous travaillerons de concert puisque
vous le voulez bien, et ce dont je vous demeurerai sensiblement
obligez, vous priant de me conserver toujours l'honneur de votre
prétieuse amitiez et de me croire absolument
Tout à vous,
J.-F. SCHANNAT.
3. — Schannat à Gk>ha.
Le 29 octobre 1724. — M s. Crassier, f» 428.
Je conmience à mon ordinaire par vous remercier, mon cher
ami, de la continuation de vos bons et fidels soins dont je ne sau-
rois assez me louer, ny en reconoitre le prix, persuadez que c'est
à votre seule considération, que mes créanciers veuillent bien en
user si généreusement avec moi comme ils font : pour peu que
l'heureuse constellation sous la quelle je me retrouve à présent,
dure, j'espère de m'en voir dégagé à leur entière satisfaction, et
cela peut-este plutôt qu'ils ne se l'immaginent. Car au grand protec-
— 153 —
leur que j*ai sceut me conserver jusques icy, le Ciel vient d'en
adjoutter un autre bien plus grand et plus puissant en tout : à sa-
soir le nouvel évesque de Wurtzbourg, à qui je viens de rendre
mes soumissions en personne, m*y croyant indispensablement obligé,
au hasard même que cela dut déranger pour un tems mes petites
finances que j'avois amassez et qui estoient touttes prestes à passer
entre vos mains
Comme je connois combien véritablement vous vous intéressé
à ce qui me regard, il me reste à vous confier que Tacceuil que le
Prince de Wurtzbourg m'a bien voulu faire a estez des plus favo-
rables, ayant interrompu mon compliment de félicitation pour me
dire : qu'il sefélicitoit soy-méme, de ce que Dieu Vavois mit dans
un estât à pouvoir me convaincre de l'estime qu'il avoit toujours
fait de moi, et que les occasions s^ en présenter oient. Cela ne vaut-il
pas argent comptant à votre avis ? Aussi pendant les huit jours que
j*y est séjournez, j*eus l'honneur de manger 2 fois en publique à sa
table, et souper une fois dans sa chambre, in caméra Caritatis
comme il Tappelloit; il donna de même ordres qu'on eut à me dé-
frayer dans mon auberge et crois que si son prédécesseur n'a voit
point si terriblement dérangez létat de ses finances et que d'ailleurs
touts conmiencements sont difficile, j'aurois dèz lors remportez
déjà des marques de sa générositée qui lui est si naturelle, estant
un Seigneur des plus accomplis de toutte l'Allemagne ; je finis,
conmie on dit, sur la bonne bouche, vous embrassant de loing, en
attendant le bonheur de m'en accquitter de tout mon cœur de prez
et de vous assurer qu'on ne peut estre plus que je suis absolument
Tout à vous,
J.-F. SCHANNAT.
A Fulde ce 29 8**" 1724.
P. S. Je vous prie d'assurer par occasion de mes bien humbles
respects M"" le baron de Crassier et de Louvrex à qui je destine
au premier jour des exemplairs de mes autres ouvrages ; vous direz
aussi au premier que j'ai eut l'honneur de boire à diverses reprises
à sa santée à Wurtzbourg avec M' de Eccard, qui est fait depuis
peu Conseiller intime de son Prince, et qui le remercie pour les
moules de ses antiques (1).
(i) Voy. supra, p. 67, n. i .
«o
— 154 —
4. — Schannat à Goha.
Le i6 juillet 1726. — Ms. Crassier, f» 434.
Mon cher Goha,
Un voyage que j ai cru estre obligé de faire pour me rendre à
Malines auprès de S. E. le Cardinal-Archevêque, qui m'honnore
de sa protection et me veut force bien, vient de déranger de nou-
veau mes petites finances et est la cause que je n'ais point répondu
à votre chère lettre en datte du 1 3 de may passé qui ne m'a esté
remis en mains qu*à mon retour en ces quartiers
Quant à Testât où je me trouve et auquel vous voulez bien vous
intéresser avec tant de bontée, j'aurai l'honneur de vous dire que le
nouveau Prince Abbé, de la maison de Dalberg, de qui j'avois estez
particulièrement favorisez autrefois lorsqu'il n'estoit encore que
Prévôt de Celle, me consolera de son prédécesseur, s'il effectue ja-
mais les assurances qu'il m'a donnez de son propre motif (i). Il
vient de se rendre avec une suitte fort leste à son palais de sur le
mont S. Jean dans Rhingaw où il prendra les eaux de Swalbach en
attendant sa confirmation de Rome et que les dispositions soient
faites icy pour sa future consécration.
Comme je tend insensiblement à la fin de mon entreprise pour
laquelle je me trouve icy et dont le troisième folio vat paroitre au
mois de septembre prochain sous le titre de Diœcesis et Hierarchia
Fuldensis, je dispose touttes choses pour l'exécution d'un ouvrage
bien plus important, auquel je vais estre occuppé ailleurs, suivant
le plan que le Cardinal de Malines luy-méme en a bien voulu for-
mer; mais comme cela ne se fera pas encore si tôt, je differre à vous
en donner des nouvelles plus étendues en son tems (s).
Comme il y a un siècle que je me trouve sans nouvelles tant de
M' le Baron de Crassier que M*" le Conseiller Louvrex, vous m'obli-
gerez fort de m'en donner et de les assurer tous deux par occasion
de mes bien humbles respects et obéissances, espérant qu'ils auront
reçu, par la voye du S^ Metternich libraire de Cologne, les exem-
plaires que je leurs ais destinés il y a longtems tant du Corpus
Tradit. Fuldensium que de la Client ela Fuld., ou Cour féodale.
Je joins icy le dessein d'un onyx antique sur lequel je serois bien
aise d'apprendre leur sentiment.
Lorsqu'au mois de septembre j'aurai l'honneur de les régaler
(i) Voy. supra, p. 84.
(2) Il s'agit de la Collection des conciles d'Allemagne; cf. supra,
p. 19, n. 4.
— 155 —
chacun d*un exemplaire de Touvrage que je viens de vous annoncer
de nouveau, j y joindrois un pour vous comme plus intéressant
que les précédents, puisque vous y verrez avec quelque surprise
quel a esté autrefois et quel est encore à présent en partie TEstat
ecclésiastique d'un pays que Ton ne connoissoit pas assez aupara-
vant. J'y place à la tête une carte géographique dont je vous ferai
présent de quelques exemplaires séparément.
Adieu, mon cher amy Goha ; je prie le Seigneur qu'il veuille
vous conserver en bonne et parfaite santé encore des longues années
pour ma satisfaction et consolation toutte particulière, et qu'il
veuille de plus me faire trouver un jour avec vous in loco tertio
pour avoir le plaisir de vous embrasser et de vous répéter de vive
voix que l'on ne peut estre à vous plus que je le suis.
J.-F. SCHANNAT.
Fulde ce i6 juillet 1726.
5. — Schannat à B. Pez.
Le i5 janvier lySi. — Abbaye de Melk, fonds B. Pez, t. II, f> 499.
Mon très Cher et très Révérend Père,
Depuis que je vous ais dit ingénument ma pensée sur la vie de
S* Trutpert que vous avez publié, car enfin
diversum sentire duos de rébus ijsdem
innocua licuit semper amicitia,
il paroit que vous estes fâchés; j'en juge par votre long silence;
mais cela ne doit pas empêché que je ne me range à mon devoir,
et que je vous souhaitte une très heureuse année suivie de plusieurs
autres de même, égales en prospéritée, vous priant de faire pareil
compliment de ma part à M. votre cher Frère, et de me croire à
tous les deux à jamais votre dédié serviteur.
Je continue à force dans mon travail et si S. A. S. Electorale
seconde mes intentions, ainsi que jai lieu d'espérer, mon Histoire
de Worms sera faite et imprimée encore pendant le cours de cette
année 1732 en deux fort gros voU. in folio.
On me dit que vous estes en commerce de lettres avec Roderique,
je souhaitte que vous en puissiés tirés de Tutile, car de l'honorable
il n'y en a guères à espérer pour vous ; il vient de faire encore tout
nouvellement un beau coup ; car s'estant employés avec deux autres
Visionaires, pour l'Election de Stavelot en faveur du Prince de
Fulde, celuy-ci après des dépences énormes vient d'en estre la
dupe ; en ce que de Si voix, qu'il y avoit en tout, il n'en eut que ^,
— 456 —
et secondement après avoir voulu prouvjer des nullitées arrivé dans
l'Election de Dom Nicolas Massin, contre le quel on fit révolter
en même tems tout Malmedy ; cette vilaine entreprise, qui coûta
derechef bien cher, fut détestée à Rome, et Dom Nicolas confirmé
par le Pape en plein consistoire le 23 x*»^* passé (i). Voilà ce qui
arrive quand on s'embarque avec des gens pareils ; dès le commen-
ment dès que j*ai dit qu'on ne réuissira pas, on m'a fait mystère de
tout, et Ton a néantmoins éprouvé à la fin que j a vois raison.
Je me trouve à présent à Heidelberg où je passerai tout Thyver,
y estant nécessaire d'ailleurs; si je puis vous y estre utile, je rece-
vrai vos ordres directement, avec plaisir, vous conjurant de me faire
la grâce de croire que je suis toujours avec un entier dévouement.
Mon très Cher et très R. Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
Heidelberg, ce i5 de l'an 1732.
6. — Schannat à B. Pez.
Le 7 décembre 1734. — Abbaye de Melk, fonds B. Pez, t. II, f> 5o3.
Mon très cher et très Révérend Père,
Je m'impatiente de recevoir derechef de vos chères nouvelles,
car n'ayant point reçu jusques icy de réponse sur deux de mes lettres
que je vous ait écrit, il y a du tems, l'une sur Kôtwich, l'autre sur
Môlk, je ne scais si vous estes vivant, ou mort; cela n'at pas em-
pêché que je n'ais donnés ordres à mon libraire de Francfort, pour
qu'il vous fit tenir un Exemplaire de mon Histoire de Worms,
lequel j'espère que vous aurez à présent reçu.
Je continue maintenaint à travailler à force à un autre ouvrage
dont je suis chargé de la parte de mon Prince l'archevêque de
Prague qui est une description historique, généalogique, topogra-
phique etc. de tout le pais de l'Eifell, dans le quel le Comtée de
Manderscheidt, dont il tire son origine, est située; à quel effet j'y
( I ) Sur les différends qui surgirent entre les deux abbayes de Stavelot
et de Malmedy à roccasion de Télection de Nicolas de Massin, voyez
F. -A. ViLLERs, Histoire des abbés-princes de Stavelot et Malmedy^
t. III, pp. 1 à 4 (Liège, 1880) et Léon Halkin, Corresp. de D, E, Mar-
tene avec le B. de Crassier^ pp. 234, 241 et 285. — Les pièces rela-
tives à cette élection se trouvent actuellement à Dusseldorf ; cf. Jos.
Halkin, Inventaire des archives de V abbaye de Stavelot- Malmedy
(Liège, 1897), n« 332.
— 457 —
ais déjà fait un voyage dans ces cantons-la, qui m'y a occuppé
pendant prés de six mois de suitte ; mais comme il me reste à y
faire de plus amples recherches dans les Archives, dont je n*avois
pas encore eut d'entrée, j'y retournerai une seconde fois au prin-
tems prochain ; entretems les matériaux en grand nombre, que j y
ais déjà amassé pour cette Eifflia illustrata m occuppent, et me
donne de quoy y travailler cet hyver que je compte de passer icy ;
obligé-moy de m'honnorer de vos chères nouvelles, et que je puisse
savoir à quoy vous et votre cher frère, que j'assure pareillement de
mes respects, en estes à présent ; je vous souhaitte à tous les deux
une très heureuse année par avance, et demeure ainsi que du passés
toujours avec un entier et très parfait dévouement,
Mon très Révérend Père,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
J.-F. SCHANNAT.
A Manheim ce 7 x^« 1734.
P. S. J'ai vu le magnifique ouvrage de M. l'abbé de Kôtwich,
mais pourquoy intituler ce présent livre de Chronicon, tandis qu'il
ne traite de rien moins que de cela ; à mon avis ce prélat auroit
mieux fait de lui donner pour titre otium GotovicensCy au moins
en auroit-on eut une idée plus juste de cet ouvrage etc. (i).
7. — J. Garnier à Crassier.
Le 7 mars 1739. — Ms. Crassier, f» 478.
Monsieur,
Scachant que Monsieur Schanat étoit de vos amis, je n'ais pas
voulu manquer de vous faire scavoir la fatalité qui est arivé hier au
matin entres huit et nœuf heur du matin par la mort du même. Je
vous dirais. Monsieur, qu'il avoit fort bien souper la viel, et le ma-
tin qui demander du chocolas et suis dabor monter à sa chambre
pour lui faire le chocola et l'ais trouver dans son fotueil dans une
apoplexi où il a rendu son âme à Dieu et cela dans un moument ; je
vous assur, Monsieur, que je n'ais jamais de ma vie une altération
pariel, me trouvant tous seul avec lui dans sa chambre. Monsieur,
vous me pardonneré de ce que je prens la liberté de vous envoiier
un brouillon pariel, mais je vous avou que je suis tous consterné
de la pert de ce cher amis. Enfin je prie que le Seigneur lui donne
le repos éternel. Si je peut vous être util. Monsieur, je vous prie
(i) Sur cet ouvrage, voy, supra, p. 82, n. i.
— 158 —
de ne pas épargnier celui qui se dit, Monsieur, avec beaucoup de
respec,
Vôtres très humble et très obéissant
Joseph Carnier,
Receveur des Avis.
Heydelberg ce 7 mars 1739.
8. — Crassier à la Supérieure des Dames- Blanches,
à Hasselt.
Le 12 mars lySg. — M s. Crassier, f* 481.
Ma très révérende Mère,
Ayant par la dernière poste receu advis que M' Tabbé Schannat,
mon amis très intime, étoit subitement mort d'apoplexie le 6 du
courant à Heydelberg, j'ai trouvé à propos de ne pas écrire cette
fâcheuse nouvelle directement à la demoiselle sa chère sœur, votre
procureuse, crainte qu'elle n'en seroit tellement surprise que cela
pourroit notablement nuire à sa santé. Cest pourquoy, ma très
révérende Mère, je vous supplie très humblement d'avoir la bonté
de la luy faire connoître adroitement et d'une manière qu'elle ne
s'en épouvante pas jusqu'à s'en faire du grand mal. C'est la grâce
que vous demande celuy qui a Thonneur d'être avec toutte la véné-
ration et tout le respect possible.
Ma très révérende Mère,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Le B. DE Crassier.
Liège le 12 mars 1739.
P. S. M*" Carnier qui ma donné ce triste avis, croyant que le
défunt abbé avoit un frère en cette ville m'avoit envoyé un enclose
pour le lui adresser, mais comme je ne connois en ce pays que
laditte demoiselle sa sœur, elle la trouvera cy-jointe et poura être
informé de son contenu.
9. — Crassier à J. Carnier (i).
Le 19 mars lySg. — Ms. Crassier, f» 482.
Monsieur,
Après vous avoir très humblement remercié de la peine que vous
( I ) Cette lettre a déjà été publiée par Gorthals, Hist. des lettreSy etc.,
t. IV, 1844, p. 297.
— 159 —
avés pris de m*annoncer par Thonneur de votre lettre du 7 courant
le trépas subite de M^ Tabbé Schannatz, lequel je prie le Tout-
Puissant d*avoir placé dans sa sainte gloire, je ne puis me dispen-
ser, Monsieur, de vous assurer de bon cœur que cette triste nouvelle
m'at affligé d^une manière inexprimable, trouvant d'avoir si inopi-
nément perdu le plus sincère et intime de mes amis, lequel j'esti-
mois infiniment depuis environ trente ans de connoissance, ayant
correspondu toujours constament et fidèlement avec luy, partout
où il s est trouvé, et je le regrette d'autant plus que je le regardois
pour un des premiers scavans de notre siècle, de quoy font preuve
les beaux traités qu'il a rendu publiques touchant Fulde, Worms ;
et j'eus le plaisir de l'embrasser chez moy au commencement d'août
dernier et d'apprendre de sa bouche qu'il alloit travailler à mettre
au jour encore d'autres ouvrages très considérables dont il avoit
déjà préparé tous les matériaux, ne scachant ce qu'ils deviendront
avec ses autres effets.
L'abbé défunct n'a jamais eu aucun frère à Liège, et ne connais-
sant que sa sœur, laquelle est religieuse au couvent des Dames
Blanches, en la ville de Hasselt, à 8 lieues d'icy, je luy ay fait
adresser votre enclose et si j'en reçois sa réponse, je ne manqueray
de vous l'envoier, ayant l'honneur de vous présenter réciprocque-
ment mes services aux occasions, et vous assurant que je suis
avec beaucoup d'obligation et de respect.
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Le B. DE Crassier.
ÉTUDE HISTORIQUE
SUR
L'ORIGINE DES PAROISSES
INTRODUCTION.
Les origines du christianisme dans nos régions sont
obscures ; les documents authentiques pour les siècles
antérieurs à saint Lambert sont rares. Ce qui est cer-
tain, c'est que l'œuvre de l'évangélisation de nos an-
cêtres s'est faite lentement.
Les premières chrétientés semblent s'être formées
dans les villes et les bourgs ; puis d'autres ont été fon-
dées dans les parties rurales plus peuplées ; ce n'est
qu'à la fin du vu® et au commencement du viii® siècle
que les derniers idolâtres furent convertis par saint
Lambert et saint Hubert dans les landes de la Campine
et dans les forêts des Ardennes.
A l'usage de ces chrétientés des églises furent succes-
sivement construites sur les différents points du diocèse.
Habets (i) donne une liste d'une centaine d'églises,
citées dans d'anciens documents comme antérieures à
l'époque carolingienne. Cette liste, comme dit l'auteur,
est certainement incomplète.
Ces églises étaient desservies par un clergé, sur
(i) Geschiedenis van het Bisdom Roermond, t. I, pp. 8i à 92.
— 162 —
l'organisation duquel les documents ne nous rensei-
gnent guère.
Pour se former une idée de la vie paroissiale avant
Charlemagne, on peut consulter le très intéressant
ouvrage de M. Imbart de la Tour sur les origines reli-
gieuses de la France, intitulé : Les paroisses rurales du
IV' au XP siècle [\).
Ce qui amena l'organisation définitive des paroisses
dans nos contrées, dit encore l'auteur de la Geschiedenis
van het Bisdom Roermond, ce sont les capitulaires de
Charlemagne et de son fils Louis le Débonnaire (2).
Pour toutes ces raisons, nous ne remontons pas dans
cette étude sur les origines de nos paroisses, au delà
de l'époque carolingienne.
1.
LES CAPITULAIRES CAROLINGIENS SUR LA DIME
ET L'ORGANISATION DES PAROISSES.
Les capitulaires de Charlemagne et de son fils Louis
le Pieux ou le Débonnaire constituent certainement la
source la plus importante pour l'étude de la vie reli-
gieuse de notre région aux viiie et ïx® siècles. Nous ne
les considérerons qu'au point de vue de la législation
de la dîme pour formuler deux règles qui nous per-
mettront de reconnaître les paroisses dont l'origine
remonte à l'époque carolingienne.
A l'origine du christianisme dans nos régions, les
ressources des paroisses ou des églises consistaient dans
les revenus des biens-fonds, qu'elles possédaient, et
dans les oblations des fidèles.
Celles-ci, libres et arbitraires aux premiers temps,
devinrent régulières et obligatoires par la coutume. Ces
(1) Imbart de la Tour, Les paroisses rurales du IV^ au XP siècle.
Paris, Alphonse Picard et fils, 1900.
(2) Habets, Geschiedenis van het Bisdom Roermond, Ruremonde,
J.-J. Romer, 1875, p. 92.
— 163 —
contributions furent fixées à la dixième part des ré-
coltes et constituèrent la dîme.
Dès l'abord l'obligation de payer la dîme n'existait
qu'en vertu de la coutume qui, après quelques années,
fut considérée comme une loi ecclésiastique. Cette loi
ecclésiastique devint une loi civile, grâce au capitulaire
de Herstal (779), par lequel Charlemagne ordonne à
tous ses sujets de payer la dîme, dont le produit sera
employé d'après les ordres de l'évêque (1).
La dîme devait être payée à l'église paroissiale par
tous ceux qui s'y adressaient pour l'accomplissement
des devoirs religieux; « que tout homme, » dit un capi-
tulaire du synode de Francfort (794), « apporte à l'église
» la dîme du produit de ses terres (2). »
Le prêtre desservant l'église tenait registre de ceux
qui devaient la dîme et de ce que chacun d'eux don-
nait (3). Des peines sévères étaient com minées contre les
paroissiens récalcitrants qui ne s'acquittaient pas de
cette obligation (4). Presque chaque année Charlemagne
recommandait à ses misst de veiller à la fidèle exécu-
tion de la loi sur la dîme (5).
Cette législation sur la dîme devait nécessairement
amener l'exacte délimitation des paroisses. Celle-ci avait
d'ailleurs été prescrite par un capitulaire de Charle-
magne, qui nous a été conservé par l'abbé Anségise
dans ses livres de capitulaires ; « que chaque église ou
» paroisse, » y lisons-nous, « ait ses limites fixées pour
» qu'on sache de quelles villas elle doit percevoir la
» dîme (e). »
(i) MGH,, BoRETius, Capitularia regutn francorum, t. I, p. 48,
capitulare Haristallense. « De decimis, ut unusquisque suam decimam
» donet atque per jussionem pontiflcis dispensetur. »
(2) Ibidem, p. 76.
(3) Ibidenty p. 106.
(4) Ibidem j p. 186.
(5) Ibidem y p. 104.
(6) Ibidem, p. 41 2. Ansegisi capitularium. Ce capitulaire est emprunté
aux Capitula ecclesiastica (810-81 3?) « ut terminum habeat unaquaeque
» ecclesia de quibus villis decimam recipiat. » Boretius, p. 178.
— 164 —
La loi civile, qui rendait la dime obligatoire, ex-
plique en partie, semble-t-il, ce fait historique de la
construction d un grand nombre d'églises nouvelles au
temps de Charlemagne, fait que l'on constate par les
capitulaires et par d'autres documents historiques.
L'existence des églises « privées » était reconnue par
le droit canon. Le propriétaire d'une église privée avait,
entre autres droits, celui de nommer le prêtre qui la
desservait.
En présence donc de cette obligation, même civile,
de payer la dlme, le propriétaire d'une villa importante,
hhuée à l'extrémité d'une paroisse, devait trouver plus
avantageux de construire sur son domaine une église,
qui 5K;rait, en partie du moins, dotée par le produit de
fta dlme, qui lui faciliterait l'accomplissement de ses
devoirs religieux, et sur laquelle en sa qualité de fon-
dateur il aurait des droits étendus de « patronage. »
(>ette considération se justifie par des mesures de tous
genres prises en faveur des églises existantes.
A chaque instant, il est question dans les capitu-
laires des droits des évêques sur les églises privées.
Kn 8o3, ordre fut donné aux missi dominici de faire
détruire les églises inutiles dans les endroits où il y en
avait trop (i).
Au synode de Salz (803-804), pour remédier à cet
abus du trop grand nombre d'églises privées, les évêques
rédigent un canon, qui dit que tout propriétaire pourra,
après y avoir été autorisé par l'évêque, construire une
nouvelle église sur son domaine, mais à condition que
cette nouvelle église ne prive pas l'ancienne église de
ses droits et de ses dîmes (s).
(i) MGH,f BoRfCTius, Capitularia regumfrancorum, t. I,p. ii5:
(' et ubi in unum locum plures sunt quam necesse sit, ut destruantur,
n qunc neceHsaria non sunt et alia conserventur. »
(2) Ibidem, p. 119. « Quicumque voluerit in sua proprietate ecclesiam
w acdificarc liccntiam habeat — providendum est — ut ecclesiae anti-
n quiorcH propter banc occasionem nullatenus suam decimam perdant. »
— 165 —
Ce canon fut renouvelé par plusieurs des conciles
régionaux, qui avaient été convoqués en 8i3 par Char-
lemagne. Celui-ci le publia la même année parmi ses
capitulaires d'Aix-la-Chapelle ; il y fut énoncé en ces
termes : « ut ecclesîae antiquitus constitutae nec décima
» nec aiia ulla possessione priventur ita ut novis tri-
» buatur ecclesîis [\). »
Cette loi, qui consacre l'indivisibilité de la dîme au
profit de Tancienne église paroissiale, entra dans le droit
canon et resta en vigueur.
Nous la voyons rappelée textuellement dans les
capitula du concile de Mayence tenu en 847 (2), de
même que dans les statuts d'un autre concile tenu dans
la même ville en 888 (3); elle figure dans les livres de
Canons de Reginon, abbé de Prum (4), et dans les
statuts de plusieurs conciles germaniques du x« siècle;
nous la verrons plus tard appliquée à l'occasion de
l'érection de nouvelles paroisses.
Comme les biens et revenus des anciennes églises
ne peuvent pas leur être enlevés, on se demande quelle
sera la dot des nouvelles paroisses à ériger.
Le grand capitulaire ecclésiastique, donné par Louis
le Débonnaire en 818-819, nous l'apprend («).
Les chapitres de ce capitulaire, qui concernent
l'érection de nouvelles églises, supposent une distinc-
tion à faire entre celles fondées sur le territoire d'une
paroisse et celles fondées dans de nouvelles exploitations
(in villis novis), qui au point de vue de la dîme ne dé-
pendaient encore d'aucune circonscription paroissiale.
Dans tous les cas, la nouvelle église devra avoir
pour dot de la cure une maison et un jardin situés près
(i) MGH,y BoRETius, Capitularia regutn francorum, t. I, pp. lyS
et 174.
(2) Hartzheim, Concilia Germaniae, t. II, p. i56.
(3) Ibidem, p. 372.
(4) Ibidem, p. 446,
(5) BoRETius, p. 277.
— 166 —
de Téglise et, en outre, un mansus d'au moins douze
bonniers de terre libres de toute charge. Dans tous les
cas aussi, le curé aura droit aux oblations des fidèles.
Quant à la dîme, pour les nouvelles églises établies sur
le territoire d'une ancienne paroisse, c'est-à-dire pour
les églises filiales démembrées d'une église-mère, la
dîme de la nouvelle paroisse restera à l'église-mère ;
pour les nouvelles paroisses établies dans des villae
novae, les dîmes de la nouvelle exploitation appartien-
dront à la nouvelle église.
Plus tard, un concile déterminera même à quelle
distance ces pîllae novae doivent se trouver de Téglise
voisine pour qu'on puisse les considérer comme indé-
pendantes de cette église et y constituer une paroisse
nouvelle avec une dîme propre [\).
Cette loi, qui fixe la dot d'une nouvelle cure à
douze bonniers, nous la verrons appliquée plus tard
pour l'érection des nouvelles paroisses.
Cette dernière considération, rapprochée d'autres
faites précédemment, nous permet de dire que les ca-
pitulaires carolingiens, en cette matière, se sont iden-
tifiés avec le droit ecclésiastique tel qu'il a été pratiqué
en nos régions jusqu'au concile de Trente.
Nous pouvons donc dire que, à partir de 818, les
anciennes églises paroissiales, les églises-mères, con-
servaient, en cas de démembrement, les dîmes de leur
territoire primitif et pour cela on les appelait décimales
aussi bien que matrices et que les églises filiales posté-
rieures à 818 ont eu comme dot des terres — un man-
sus de douze bonniers au moins — et peut-être des cens
et des rentes pour l'entretien du curé et de l'église.
De là, nous croyons pouvoir conclure qu'en règle
générale la circonscription d'une ancienne dîme corres-
pond au territoire d'une ancienne paroisse, et que là,
où l'on rencontre plusieurs paroisses voisines ayant des
(1) Hartzheim, op. cit.f t. II, p. 389.
— 167 —
décimateurs distincts, on se trouve en présence de pa^
roisses indépendantes l'une de l'autre depuis l'époque
•carolingienne {i).
L'étude de la législation des capitulaires sur l'emploi
du produit de la dîme nous amène à constater et à
expliquer un fait anormal, que nous relevons dans nos
anciens statuts archidiaconaux, et nous permet de for-
muler une seconde règle, pour aider à fixer approxi-
mativement la date de fondation de nos anciennes
paroisses.
Le fait anormal et curieux que nous constatons,
c'est que, d'après le droit canon, le produit de la dîme
d'une paroisse avait une quadruple destination ; une
part était pour l'évêque, une seconde pour les pauvres,
la troisième pour le clergé de l'église, et la quatrième
pour l'entretien de l'église et les besoins du culte, et
que, d'un autre côté, dans les statuts archidiaconaux
liégeois, on suppose toujours la division du produit de
la dîme en trois parts, dont une pour le curé.
Ainsi, dans sa quinzième dissertation canonique,
de oneribus decimarum ac praesertim de congrua paro-
chorum portione , le jurisconsulte liégeois de Louvrex (2)
parle toujours de la quarta pars decimae, qui aupara-
vant appartenait à l'évêque et dans les statuts (3) il est
(i) Des paroisses plus récentes peuvent présenter ce caractère d'an-
tiquité, à côté de signes manifestes d'une origine moins ancienne.
Ainsi la paroisse d'Aubel formait un district distinct de dîme ; le curé
y percevait le tiers de la dîme, Tabbaye du Val-Dieu les deux autres tiers.
Seulement le coUateur de Tégirse de Fouron était collateur de l'église voi-
sine d'Aubel ; on a là un indice de filiation, d'ancien démembrement.
Et de fait, anciennement Aubel faisait partie de la paroisse de Fouron-
le-Comte ; la dîme d' Au bel, ou plutôt les deux tiers de la dîme de cette
section de la paroisse de Fouron-le-Comte, fut vendue au Val-Dieu. A
l'occasion de l'érection de la paroisse d' Aubel, le tiers de la dune, qui
était en contestation entre le curé de Fouron-le-Comte et le Val- Dieu,
fut attribué au curé de la nouvelle paroisse.
(2) De Louvrex, Dissertationes canonicae, Leodii, Typis Guilielmi
Barnabe, 1729, p. 240, etc.
(3) Manigart, Praxis pastoralis, t. III ; Statuta archidiaconatus
Campiniae, p. 826 ; Statuta archidiaconatus Hannoniae, p. 379, etc.
— 168 —
constamment question de la tertia pars decimae appar-
tenant au curé.
G>mment expliquer cette apparente contradiction
ou cette anomalie?
Par le £ait qu'il y avait une loi générale canonique,
qui consacrait la division de la dime par quarts, alors
qu a Torigine, il y avait eu une loi locale, ou plutôt
ré^onale, qui admettait la division par tiers.
Anciennement 1 evêque disposait seul de tous les
revenus des églises de son diocèse ; d'après les diffé-
rents besoins locaux, il en distribuait librement une
part aux prêtres desservant les églises et il en affectait
une partie à l'entretien des édifices religieux, aux autres
frais du culte et en secours aux pauvres.
Ce système laissait trop de liberté à l'arbitraire des
évêques et devait, en présence de l'augmentation du
nombre des églises et de donations en faveur d'églises
déterminées, faire place à une distribution plus régulière.
Dès 494, un règlement du pape Gélase, relatif aux
églises de Lucanie, de Bruttium et de Sicile, avait
divisé les revenus de l'autel en quatre parts : pour
révêque, les clercs, l'église, les pauvres. Ce décret entra
dans les recueils canoniques et formula dès lors un
principe de droit canon. En Gaule, au premier con-
cile d'Orléans (5ii), le principe fut reconnu; l'applica-
tion seule fut différente. La division fut faite par tiers;
de ces parts une fut réservée à l'évêque, les deux autres
laissées à la paroisse {\).
Plus tard, quand la dîme obligatoire vint rempla-
cer, parmi les revenus des églises, une partie des obla-
tions volontaires, on appliqua à son partage les deux
systèmes en usage dans les différentes régions.
Rome resta fidèle à son système de la division par
quarts; dans un document de 821-822 ce système est
même appelé Lex Romana (2).
(i) Imbart de la Tour, pp. 69 et 70.
(a) BoRETius, t. I, p. 369.
— 169 —
En 742, le pape Zacharie, dans un écrit aux princes
francs, demande que les offrandes faites par les fidèles
soient divisées en quatre portions (i).
Nous voyons le système romain appliqué en Alle-
magne, où l'organisation religieuse nouvelle n'avait pas
à tenir compte des coutumes établies (2). Le partage
quadripartite du produit de la dîme est admis dans tous
les conciles et synodes de la Germanie (3).
Ce n est que lentement que le système de la divi-
sion par tiers, appelé Lex Hispana (4), en usage en
Espagne («), en Gaule et également au diocèse de
Liège (e), fit place au système romain (7).
A la fin de 821 ou au commencement de 822, dans
une relation faite à l'empereur Louis le Pieux sur les
affaires ecclésiastiques par les évêques de l'empire,
ceux-ci admettent la loi romaine, établissant le partage
des revenus des églises en quatre parts (s).
Agobard, dans son ouvrage De dispensatione rerum
ecclesiasticarum (9) rappelle cette règle de droit : « Les
» saints canons ont établi les prescriptions pour l'usage
» des revenus des églises, l'entretien des pauvres, l'en-
» tretien des clercs, l'entretien de l'église, l'entretien
» de l'évêque (40). »
L'évêque Hincmar se rangea également à ce sys-
(i) Imbart de la Tour, p. i56, qui renvoie, sans autre indication,
aux MGH.y Epistolae, t. III.
(2) BoRETius, t. I, p. 228, Statuta Rhispacensia, Frisingensia, Salis-
burgensia (799-800).
(3) Hartzheim, pp. i56, 3 12, 446 et 494 (Reginonis canones), etc.
(4) BoRETius, t. I, p. 369 en note.
(5) Ibidem,
(6) La division de la dîhie par tiers dans les anciennes paroisses du
diocèse prouve bien que cette loi y a été appliquée.
{7) BoRETius, 1. 1, p. J06, cite encore un capitulaire où le système de
la division par tiers est appliqué.
(8) Ibidem^ p. 369.
(9) M IGNE, t. CIV, p. 240.
(10) Imbart de la Tour, p. i56.
n
— 470 —
lème. Cependant nous voyons par ses écrits que celui-ci
n'était pas encore universellement admis {i).
A l'appui de cette assertion, Imbart de la Tour cite
un texte d'une lettre de Hincmar écrite en 877 (4), qui
semble indiquer que ceux qui acceptaient la loi romaine,
voulaient cependant maintenir les situations existantes,
créées d'après le système de la division par tiers.
C'est aussi de cette façon que nous croyons pouvoir
expliquer le fait de la division de la dîme par tiers dans
les plus anciennes paroisses du diocèse de Liège, alors
que nous voyons le concile de Tribur, tenu en 895,
auquel assistait le métropolitain de Cologne, et auqueii
l'évêque de Liège s'était fait représenter par l'abbé de
Lobbes, déclarer que la division de la dîme doit se
faire par quarts (3).
La loi romaine fut admise, mais les droits acquis
d'après l'ancienne coutume furent respectés. Pour les
anciennes paroisses le système de la division par tiers
fut conservé ; pour les paroisses à créer on admit celui
de la division par quarts. Seulement ce système ne
pouvait être appliqué qu'aux paroisses créées dans des
pillae novae, puisque pour les autres la dîme restait à
l'église-mère.
Ces paroisses créées dans les nouvelles exploitations
ne seront pas nombreuses dans les régions plus peu-
plées ; mais il devait s'en former assez bien dans cer-
tains pays, puisque le concile de Tribur détermine la
distance qui doit séparer ces terrains défrichés de
l'église voisine, pour qu'on puisse les considérer comme
indépendants à son égard au point de vue de la dîme (4).
(i) Imbart de la Tour, p. i57, en notç.
(2) Ibidem, « Regulam, quae de quarta parte reddituum ecclesiae, juxta
)) consuetudinem aliarum regionum ita, ut est scripta, intellîgat et non
» prave illam interpretans, perinde in his regionibus, quae sunt presby-
)) terorum contra régulas sacras diripiat.
(3) Hartzheim, op. cit., t. II, p. 388; Daris, Histoire du diocèse et
de la principauté de Liège jusqu* au XIIP siècle, p. 212.
(4) Hartzheim, t. II, p. 395. ce Si quis autem in affinitate antiquae
— 171 —
A la suite de ces considérations, nous croyons pou-
voir énoncer cette règle : que les paroisses, où le sys-
tème de la division de la dîme par tiers était en vigueur,
sont antérieures au milieu du ix« siècle ; que celles,
pour lesquelles on constate une ancienne division du
produit de la dîme par quarts, sont du milieu du
ix« siècle ou plus récentes encore et ont été établies
dans des mllae novae.
Comment constater cette ancienne division?
Pour certaines paroisses, celles qui ont été incor-
porées aux abbayes et aux collégiales, par exemple,
c'est souvent difficile, parfois impossible, faute de do-
cuments antérieurs à l'incorporation ; pour les autres,
on pourra la constater par la part de la dîme que pos-
sédait jadis le curé.
Les autres parts ont été fondues en une seule masse ;
mais la part du curé est restée intacte.
Si celui-ci percevait le tiers de la dîme, il avait
tout intérêt à maintenir ce mode de partage ; s'il n'avait
que le quart, ses co-partageants, le patron ou déci-
mateur, se seraient opposés à un changement, qui au-
rait été à leur détriment.
Et, de fait, dans notre diocèse, à côté de paroisses
où le curé percevait le tiers du produit de la dîme,
on en trouve d'autres où il ne percevait que le quart.
II.
LES ANCIENNES PAROISSES DU PAYS DE DALHEM.
Nous allons vérifier les deux règles que nous venons
d'énoncer, en prenant surtout comme exemples les pa-
roisses du pays de Dalhem, que nous connaissons mieux.
» ecclesiae novalia rura excoluerit, décima exinde débita antiquae redda-
» tur ecclesiae. Si vero in qualibet sylva vel deserto loco, ultra milliaria
» IV aut V vel eo amplius aliquod dirutum conlaboraverit et illic consen-
» tiente Episcopo ecclesiam construxerit et consecratam perpetraverit,
» prospiciat presbyterum idoneum et tune demum novam decimam no-
» vae reddat ecclesiae salva tamen potestate Episcopi. »
— 172 —
Les paroisses formant d'anciens districts distincts
de dîme, avons-nous dit, sont indépendantes les unes
des autres et remontent jusqu'à l'époque carolingienne ;
pour ces paroisses, à moins qu'il ne s'agisse d'églises
établies dans les villae novae, le partage des dîmes se
fait par tiers.
En appliquant ces règles aux paroisses du pays de
Dalhem et aux localités circonvoisines, nous arrivons
à une conclusion, qui, au premier abord, paraîtra
surprenante.
Dire qu'avant l'an looo et même au temps de Louis
le Débonnaire et de Charlemagne, Mouland, Mesch,
Warsage, Bombaye, Mortroux, Saint-André, Saint-
Remy et Mortier, sans parler de Visé, Hermalle-sous-
Argenteau, Lixhe et Fouron-le-Comte, étaient des pa-
roisses, alors que le canton de Hervé n'en formait
qu'une seule, et qu'il n'y en avait que quelques-unes
pour tout l'arrondissement de Verviers semble para-
doxal et est cependant l'expression de la vérité.
Toutes ces petites paroisses du canton de Dalhem
avaient des décimateurs distincts, et avaient formé des
districts de dîme différents, de tout temps, pour autant
que les documents nous permettent d'en juger. La dîme
de Fouron-le-Comte appartenait dès io8o à l'abbaye de
Munster, à Luxembourg, qui l'avait reçue des comtes
de Luxembourg, celle de Mortroux appartenait à la
très ancienne abbaye de Cornéli-Munster, celle de
Saint-André à l'antique abbaye de Borcette, celle de
Mortier fut donnée à la collégiale de Notre-Dame à
Aix-la-Chapelle, celle de Saint-Remy à l'abbaye de
Saint-Maur à Verdun en 1024, etc. (i).
Pour certaines de ces paroisses on ne peut pas éta-
blir l'ancien mode de partage du produit de la dîme à
cause de l'incorporation des revenus de la cure aux
( I ) Remarquons encore que généralement les établissements religieux
possédaient dans ces paroisses une grande ferme, qui doit avoir été la
villa primitive.
— 173 —
établissements décimateurs ; pour d'autres, on constate
que la division se faisait par tiers, ainsi à Berneau,
Fouron-le-Comte, Mortroux, Saint-André, Mortier,
etc., mais le rapprochement des paroisses ne permet
pas de croire que les autres auraient été fondées dans
des ptllae novae et auraient été soumises à la division
par quarts.
Nous en concluons donc, en vertu de nos deux
règles, que toutes ces paroisses remontent jusqu'au
commencement du ix* siècle.
Cette conclusion est confirmée par d'autres consi-
dérations, qui, pour ces cas, viennent vérifier nos deux
règles.
Les patrons des églises sont des indices, qui aident
à fixer leur ancienneté.
Un capitulaire ecclésiastique de 8 10-81 3 énumère
les fêtes d'obligation prescrites à cette époque ; ce sont
en dehors des fêtes en l'honneur de Notre-Seigneur et
de la Sainte Vierge, celles de saint Etienne, de saint
Jean-l'Evangéliste, de saint Jean-Baptiste, des saints
Pierre et Paul, de saint Martin et de saint André (i).
A ces saints, dont les fêtes étaient obligatoires, il
faut ajouter les saints honorés plus spécialement dans
la région, saint Remy, saint Servais, saint Lambert et
saint Hubert.
Or, nous constatons que les anciennes paroisses du
pays ont comme patrons des saints fort en honneur à
l'époque de Charlemagne et même avant.
C'est saint Pierre à Warsage et à Mortier ; saint
Jean-Baptiste à Bombaye comme à Hervé; saint Mar-
tin à Visé; saint Remy et saint André pour les deux
paroisses qui portent les noms de ces saints; saint
Lambert à Hermalle, Lixhe et Fouron-le-Comte; la
Sainte Vierge à Mouland comme pour la très ancienne
église d'Emael. Ajoutons, et cette considération est
(l) BORETIUS, p. 178.
— 174 —
décisive, que presque toutes ces églises sont citées dans
de très vieux documents.
Celle de Lixhe fut donnée par l'évêque Eracle pour
la fondation de la collégiale de Saint- Paul à Liège
entre gSg et 971 (i), Mortier est cité en 910 (2), Her-
malle-sous-Argenteau en 947 (3), Fouron en 1080 (4),
Saint- Remy en 1049 (5).
Presque toutes ces paroisses figurent dans deux do-
cuments de 1164 ^^ 1178. Dans celui de 1164 (®) i' ^st
question de l'église de Saint- Pierre à Warsage; dans
celui de 1178, par lequel l'évêque de Liège, Raoul
de Zaehringen, approuve la donation de la cure de
Lixhe à Téglise Saint-Paul à Liège, on voit cités les
curés de Mouland, Bombaye, Mesch, Mortier, Heure-
le-Romain et Saint-Remy (7).
Or, il semble qu'après le règne de Louis le Débon-
naire, le nombre des paroisses ne s'est guère accru pen-
dant longtemps.
Binterim et Mooren (s) disent que la plupart des
anciennes paroisses du diocèse de Cologne remontent
à l'époque mérovingienne et carolingienne ; qu'après
que le christianisme eut bien pris racine, le besoin de
nouvelles églises n'était plus si pressant ; qu'on peut,
avec assez de raison, admettre que le liber valoris
(manuscrit du commencement du xiv® siècle, donnant
la liste des paroisses de l'époque) ne contient guère
(i) Cartulaire de Véglise collégiale de Saint-Paul, Liège, Grand-
mont- Donders, 1878, p. 2.
(2) Quix, Codex diplomaticus Aquensis, ad annum 910.
(3) Ibidem y ad annum 947.
(4) Bertholet, Histoire ecclésiastique et civile du duché de Luxem-
bourg, t. III, Pièces justificatives, p. 35.
(5) Gallia christiana nova, t. XIII, Instr. col. 559.
(6) Franquinet, Inventaris der Oorkonden van deabdij Kloosterrade,
p. 25.
(7) Cartulaire de Véglise collégiale de Saint-Paul, p. 9; Bulletin de
la Société d'art et (T histoire y t. I, p. 168.
(8) Binterim et Mooren, Die ErfdiÔcese KÔln in mittelalter, t. I,
p. 3r.
— 175 —
•
que des paroisses remontant jusqu'au temps de Charle-
magne (4).
Cette dernière assertion des auteurs allemands ne
se justifie pas pour nos régions, comme nous le verrons
plus loin; mais il est évident que l'époque des invasions
des Normands et même le x« siècle ne se prêtaient
guère à l'érection de nouvelles paroisses, et pendant le
XP siècle, les démembrements des paroisses sont très
rares. Dans le pays de Dalhem, où les paroisses étaient
certainement déjà nombreuses, le besoin d'en créer de
nouvelles devait se faire sentir moins qu'ailleurs.
Comment expliquer ce morcellement de la vie pa-
roissiale dans cette région?
Par la densité relativement plus grande de la popu-
lation. Cette densité nous est attestée par les décou-
vertes d'antiquités romaines à Jupille, Herstal, Visé et
Fouron-le-Comte ; par le séjour de Pépin et de Char-
lemagne à Jupille, Herstal et Fouron, par celui de
saint Hubert à Nivelles-sur-Meuse; par la toponymie
du pays, où l'on trouve des traces du séjour des Ro-
mains et des Francs. Tous ces faits prouvent que le
pays a été occupé et cultivé depuis des temps très an-
ciens et expliquent aussi cette intensité de la vie parois-
siale qu'on y constate dès l'époque de Charlemagne.
Après ce qui précède, il est évident que si le nombre
des paroisses, érigées dans les vtllae novae avec par-
tage du produit de la dîme d'après le système de divi-
sion par quarts, était a,ssez considérable pour provo-
quer la décision connue du concile de Tribur en 895,
ces paroisses devaient être peu nombreuses dans la
région de Dalhem et dans quelques régions circon-
voisines.
Aussi pour tout le pays de l'ancien comté de Dal-
hem, nous ne trouvons qu'une seule paroisse, où jadis
le curé percevait le quart de la dîme, où par conséquent
(l) BlNTERlM ET MOOREN, 0/7. Ctt,, t. I, p. 3l.
— 176 —
le système de la division de la dîme par quarts était en
vigueur. C'est à Teuven qu'on trouve cet exemple, et
il est typique.
Teuven semble bien réaliser tout ce qu'il faut pour
être considéré comme une paroisse établie dans une
villa nova.
D'abord le curé y percevait le quart de la dîme [\) ;
l'église se trouve à la distance voulue par le concile de
Tribur, pour pouvoir constituer une paroisse indépen-
dante des anciennes églises voisines ; le nom même de
l'endroit nous laisse deviner une villa nova.
En Campine, les fermes créées dans des terrains
incultes, les villae novae, comme les appellent les ca-
pitulaires de Charlemagne, s'appellent Hoeven, plu-
riel de Hoef; une paroisse nouvellement fondée et
formée d'exploitations plus récentes dans d'anciennes
bruyères, porte le nom de De Hoeven, qui est pres-
qu 'identique à Teuven qui, en 1245, s'écrivait Tho-
ven (2).
Cet exemple typique, comme nous l'avons dit, suf-
firait pour prouver que la loi de la division de la dîme
par quarts a été appliquée dans les villae novae créées
après répoque de Louis le Débonnaire. Ajoutons ce-
pendant qu'à Hughem, à une lieue de Maestricht, le
curé percevait aussi le quart de la dîme (3).
( I ) Tableaux des revenus des paroisses en ijSy^ aux archives de TEtat
à Liège.
(2) Delvaux, Dictionnaire géographique, i'® partie, p. Spo. Le terme
flamand hof est encore usité dans certaines régions pour désigner une
ferme. Hoef en dialecte campinois est identique à hof; heuven en dia-
lecte aubelois est le pluriel de hof. Teuven égale donc Te heuven équi-
valant de fermes (nouvelles).
(3) Habets, Geschiedenis van het bisdom Roermond, t. I, p. 439.
Dans les extraits du Cartulaire de Saint- Laurent (Bulletin de la Société
dart et d'histoire, t. II, p. 143), M. Daris donne une charte datée de
1034, par laquelle Tévêque Réginard confirme les possessions de Tabbaye.
D*après ce document, Saint-Laurent possédait à cette époque plusieurs
églises entières (c'est-à-dire le droit de collation de ces églises et des dûmes
y afférentes — peut-être même pour quelques-unes ces droits et celui de
— 177 —
III.
TRANSFORMATIONS DE L^ORGANISATION
PAROISSIALE DEPUIS CHARLEMAGNE JUSQU'AU
XII« SIÈCLE.
Des trois catégories de paroisses — les anciennes
matrices, les églises établies dans les ptllae novae et les
nouvelles églises établies sur le territoire d'anciennes
paroisses — les deux premières subissent surtout les
transformations dont il sera question dans ce chapitre;
d'ailleurs celles de la troisième catégorie doivent avoir
été peu nombreuses.
Un premier changement que nous constatons, est
percevoir les revenus de la cure) ; il possédait, en outre, des demies
églises, en cinq endroits le quart de Véglise, dans une paroisse le tiers
de Véglise,
Que faut-il ici entendre par quart d^ église? Est-ce un quart dans le
droit de collateur ou un quart du produit de la dîme?
Les autres documents analysés par M. Daris ne permettent pas de
répondre catégoriquement. Mais voici ce que nous constatons.
Pour GlonSf le document de io34 confirme la possession du quart de
réglise ; or, à Glons, il y a eu de tout temps trois co-coUateurs : Saint-
Laurent, un autre collateur ecclésiastique et le seigneur de Brus ; tandis
que pour la dîme, le seigneur de Brus avait la dîme d*un canton, comme
on disait, et pour le reste de la paroisse la dîme était divisée par tiers.
Pour Maeswyk, Saint- Laurent possédait en (o34 le tiers de l'église
(un docvmient de 1044 dit les deux tiers); or, en i334, l'abbaye déclare
y posséder patronatum ecclesiae.
Pour Aineffe, d après les actes de io34 et de 1044, Tabbaye possédait
le quart de Téglise; or, en 1092, Saint- Laurent céda le tiers de cette
église à Tabbaye de Saint-Jacques.
Des faits allégués pour Glons et Maeswyk, il semble résulter que
ecclesia doit être compris non pas dans le sens de droit de patronage,
mais de revenu de la dîme ; et alors ce document attesterait l'existence de
plusieurs paroisses où la division par quart aurait existé.
Les actes concernant Aineffe semblent dire, qu'avec le temps, le par-
tage par tiers a été introduit dans des paroisses où jadis la dîme était divi-
sée en quatre ; cela expliquerait la rareté des paroisses où cette division
s'est conservée.
Malgré cela, nous n'oserions affirmer que dans ces documents de
io34 et 1044, il soit question du revenu de la dune plutôt que du droit
de patronage ; c'est pourquoi nous n'avons pas cité ces paroisses conune
exemples.
»3
— 178 -
le suivant : au ix« siècle, la dîme a une triple ou qua-
druple destination, déterminée parla loi ; dès le x® siècle,
le tiers ou le quart de la dîme est perçu par le curé, le
reste par le patron, qu on appellera dorénavant aussi
décimateur. Celui-ci, du chef de sa dîme, sera tenu à
certaines obligations envers Téglise et les paroissiens.
Comment ce détournement du produit de la dîme
s'est-il opéré? « En consacrant le sanctuaire, » dit Im-
bart de la Tour, parlant de l'époque mérovingienne et
du règne de Charlemagne, « Tévêque ne reconnaît au
» fondateur qu'un droit d^ patronage, en vertu duquel
» il peut présenter le prêtre attaché à l'église, non le
» droit de propriété. Il faut chercher hors de la légis-
» lation, dans un ensemble de faits, d'idées et d'usages,
» l'origine de ce dominium, qui a été le motif ou l'oc-
» casion de ce détournement de la dîme au profit dû
» patron {i). »
Assurément la première cause de ces détournements
est, dans bien des cas, l'usurpation, la violence. Mais
ces usurpations si nombreuses qu'elles soient, ne suf-
fisent pas à expliquer un fait aussi général : l'appro-
priation des églises. Il semble que nous devions cher-
cher l'origine de ce fait dans la transformation du
patronat ; sous l'influence des idées et des faits, celui-ci
devint avec le temps une véritable propriété (2). L'église
ne la reconnut pas ; mais elle ne put la combattre et
dut se résigner, dans l'impuissance d'y mettre fin.
Insensiblement la propriété — le dominium — des
seigneurs laïcs et ecclésiastiques entre dans la législa-
tion, malgré les eflforts d'une partie du clergé.
« A une époque où tout droit sur la terre et les per-
» sonnes se traduit par une exaction, il fallait, pour
» que le dominium fût efficace, qu'il fût « utile », que
» l'église possédée rapportât à son maître des honneurs
(i) Imbart de la Tour, p. 207. La première partie de ce chapitre
n'est que la quintessence du chapitre sur « le Patronage des églises. »
(2) Ibidem f p. 209.
— 179 —
» et aussi des profits. La main-mise par les seigneurs
» sur la dot de leurs églises est donc une conséquence
» naturelle de leur propriété (i). »
Dans ces conditions, le patron ecclésiastique aussi
bien que laïc, devait nécessairement ne plus se con-
tenter de surveiller l'administration des revenus de
son église, il devait vouloir les administrer par lui-
même.
Et comment les administrer par lui-même, sinon
en percevant les revenus et en s acquittant des charges !
Chez les patrons ecclésiastiques, évêques et abbayes,
qui avaient comme curés de leurs églises, les uns, des
inférieurs, les autres, des membres de leur commu-
nauté, cette idée de se substituer au curé devait se pro-
duire encore plus facilement que chez les patrons
laïcs.
« Il n'est pas aisé de déterminer l'origine de cet
» usage, mais au ix« siècle nous le trouvons établi sur-
» tout dans les églises qui appartiennent à une com-
» munauté (2).
» Ce n'est pas que cet usage ait été établi par une
» loi. Il fallait pour chaque paroisse un privilège spé-
» cial de Tévêque, quelquefois au privilège de Tévêque
» s'ajoute un diplôme royal. Ce n'est pas non plus que
» cet usage ait été général ; mais de plus en plus, les
» abbayes se firent donner les dîmes de leurs églises,
» comme les évêques retinrent les dîmes des paroisses
» épiscopales (3).
» A leur tour, les laïcs prétendirent avoir les mêmes
» droits, et, malgré la résistance de l'épiscopat, réus-
» sirent à imposer leurs prétentions (4). »
Comme bien souvent il arrive, les privilèges donnés
en faveur de quelques-uns, s'étendirent à tous. Ce qui
(i) Imbart de la Tour, p. a56.
(2) Ibidem, p. 272.
(3) IbidetHy p. 274.
(4) Ibidem, p. 275.
— 180 —
n'était qu'une exception, devint la règle. Pour nos ré-
gions, tous les patrons s'approprièrent les deux tiers ou
les trois quarts des dîmes de leurs églises ; ce qui dut
légitimer ce changement — ou ces usurpations, si l'on
veut — aux yeux des patrons, qui de la sorte deve-
naient des décimateurSy c'est que, en s'appropriant le
produit de la dîme, ils en assumaient aussi, en partie
du moins, les charges.
La part du curé, le tiers ou le quart, lui fut laissé.
En retour de celle qui était destinée aux besoins du
culte, les patrons se chargèrent de l'obligation de res-
taurer et, en cas de besoin, de reconstruire les églises,
de fournir les ornements, les livres, le pain et le vin
pour le Saint Sacrifice, la cloche banale, et, sans doute
pour continuer de vieilles traditions, de mettre à la dis-
position des paroissiens les reproducteurs, taureaux et
autres, nécessaires pour l'élevage du bétail ; ces obliga-
tions, connues sous le nom de onera grossae decimae,
figurent dans tous les statuts archidiaconaux de l'an-
cien diocèse de Liège (i).
Ainsi s'explique comment le patron est devenu déci-
mateur, comment lui qui jadis n'avait d'autre droit que
de présenter le curé de son église, est entré dans la
possession d'une partie des revenus de cette église.
A partir de ce moment, on comprendra sous le nom
d'église — ecclesia — le droit de conférer la cure et de
percevoir une partie de ses revenus.
A partir de ce moment aussi, la possession d'une
église n'est plus un simple droit, c'est encore moins une
charge financière, elle devient un « bien » et à ce titre,
on la voit figurer dans les partages, donations et trans-
actions de tous genres.
Les églises appartenant à des laïcs seront parta-
gées, échangées et vendues ; on en rencontre qui ont
plusieurs propriétaires, ayant leur part du produit de
(i) Voy. Manigart, t. III, statuts archidiaconaux de Hesbaye, de
Condroz, etc.
— 181 —
la dîme, nommant ensemble le curé, tenus solidaire-
ment aux obligations que la dîme impose.
Un comte de Dalhem donnera, en i225, sa dou-
zième part de la dîme de Warsage à l'abbaye du Val-
Dieu (i). L'église de Momalle aura, en 1211, une
douzaine de co-patrons qui céderont tous leurs droits
à l'abbaye du Val Saint-Lambert (2).
Les abbayes et les collégiales de leur côté, consi-
dèrent les dîmes comme un « bien », comme une pro-
priété. Elles les mettent en location, les cèdent à terme,
les engagent ou les vendent en cas de besoin.
Prenons comme exemple une des trois dîmes,
Aubel, Warsage et Saint-Remy, que possédait l'abbaye
du Val-Dieu.
Un comte de Luxembourg avait donné l'église et la
dîme de Fouron-le-Comte à l'abbaye de Munster, à
Luxembourg.
L'abbaye de Munster céda en fief à un seigneur
d'Eynatten la dîme du district d'Aubel, qui faisait par-
tie de la paroisse de Fouron-le-Comte. L'abbaye du
Val- Dieu la racheta au seigneur d'Eynatten et la pos-
séda jusqu'au moment où, pour se libérer des charges
inhérentes à la dîme, elle y renonça en faveur de la
paroisse d' Aubel. L'autre partie de la dîme de Fouron-
le-Comte fut vendue par l'abbaye de Munster aux
jésuites de Maestricht, devint la propriété du domaine,
puis celle d'un particulier, qui en jouit jusqu'à la Ré-
volution française (3).
Ces exemples nous montrent de quelle importance
fut, pour l'histoire de nos paroisses, l'appropriation du
produit de la dîme par les patrons des églises.
Ce changement en amena un autre, également im-
(i) Cartulaire du Val-Dieu, p. SqS, aux archives de l'Etat à Liège.
(2) St. BoRMANs, Analyse d'un cartulaire de Vabbaye du Val Saint-
Lambert, p. 24.
(3) Delvaux, Dictionnaire géographique de la province de Liége^
ad verba Aubel et Fouron-le-Comte.
— 182 —
portant pour l'organisation de nos anciennes paroisses :
c'est V incorporation de la cure ou du titre de l'église,
comme dit Imbart de la Tour.
Les abbayes et les collégiales « confièrent fréquem-
» ment, » dit cet auteur, « à des membres de leur com-
» munauté les tituli de leurs églises. » « En réalité, le
» moine investi d'une église devait renoncer à son cou-
» vent (4). »
Pour remédier à cet inconvénient, on en vint au sys-
tème des incorporations, qui apparaît aux x® et XP siècles.
« Un certain nombre d'abbayes commencent à unir
» à la mense abbatiale ou à la communauté des frères
» les tituli de leurs églises. Ce fut un moyen de s em-
» parer du patrimoine de leurs paroisses et de s'en
» attribuer les revenus (a). »
En pratique, comme nous le constatons par les
cartulaires de nos anciennes abbayes et collégiales, les
choses se passaient de la façon suivante (3).
Dans un moment de détresse, lorsque, par exemple,
il fallait reconstruire l'église ou une partie du couvent,
la communauté demande l'incorporation de la cure;
c'est-à-dire, elle demande que les biens-fonds, la dîme
et les autres revenus de la cure lui soient attribués
avec la charge de fournir, pour desservir la paroisse,
un prêtre digne auquel elle devra, sur les revenus de
la cure, assigner un traitement convenable, une pars
congrua, comme on disait en langage canonique.
La communauté devenait curé titulaire et percevait
les revenus de la cure ; elle se faisait remplacer par un
vicarius perpetuus, qui avait sa pars congrua, générale-
ment déterminée dans l'acte d'incorporation. Celle-ci
exigeait l'approbation de l'archidiacre, l'autorisation de
(i) Imbart de la Tour, p. 246.
(2) Ibidem, p. 248.
(3) Voir des exemples d'incorporations de paroisses dans le Car tu-
laire de l'église collégiale de Saint-Paul et dans le Cartulaire de Vab-
baye du Val-Dieu, aux archives de l'Etat à Liège. La paroisse de War-
sage fut incorporée au Val-Dieu en 1248, celle de Saint<Remy en 1485.
— 183 -
l'évêque et — au moins au xii® siècle — la confir-
mation du pape.
L'incorporation avait comme effet de faire de toute
la dîme une seule masse et de fondre ensemble les biens
de la cure et ceux que le patron-décimateur possédait
généralement déjà dans la paroisse. C'est pourquoi, il
est impossible d'établir pour les paroisses incorporées
comme Visé, Lixhe, Warsage et Saint-Remy, quelle
était la dot ancienne de la cure, si elle consistait en
dîme ou en biens-fonds, et quelle était la part de dîme
qui revenait au curé.
Si pour une paroisse, on ne trouve pas, concernant
le partage de la dîme des documents antérieurs à
l'incorporation, celle-ci jette comme un voile sur ses
origines. Cependant on peut affirmer, qu'en général,
les paroisses incorporées sont très anciennes ; celles de
création plus récente n'avaient pas des revenus suffi-
sants pour provoquer l'incorporation.
IV.
LA DÉCRÉTALE « AD AUDIENTIAM »
ET LE DÉMEMBREMENT DES PAROISSES (i).
Pendant que dans l'organisation paroissiale se pro-
duisaient les changements dont nous avons parlé au
(i) Dans le tome XIII du Bulletin de la Société d'art et d'histoire,
M. Tabbé Balau a publié une étude sur Torganisation paroissiale de la
ville de Nivelles au xiii* siècle.
Pour quelques détails M. labbé Balau émet, au sujet de la décrétale
Ad audientiam, des opinions différentes de celles qui sont exprimées dans
le présent travail.
Ces différences d'opinion proviennent surtout, semble-t-il, de ce qu'à
Nivelles il s'agissait d'un cas tout à fait exceptionnel, d'une réorganisation
complète, avec démission des anciens recteurs et d'une réorganisation qui
remplaçait une ancienne paroisse par douze nouveaux districts paroissiaux.
L'étude comparée d'actes de démembrements de paroisses avant et
après le concile de Trente, semble prouver aussi que le Decretum de
Reformatione de la XXI* session de ce concile amena dans le droit
canon, par rapport au démembrement des paroisses, des changements
plus considérables que ceux qu'indique M. Balau.
— 184 —
chapitre précédent, c'est-à-dire pendant les x® et x\^
siècles, peu de nouvelles paroisses furent érigées ; pour
la région, que nous avons plus spécialement étudiée,
nous ne trouvons aucune trace d un fait de ce genre.
Entretemps de nouvelles agglomérations de popu-
lation s'étaient formées, d'anciennes avaient pris de
l'accroissement. Dans ces hameaux, la piété des fidèles
avait édifié des chapelles et les avait même dotées.
Dans plus d'un endroit le peuple devait formuler le
désir de voir sa chapelle se transformer en église pa-
roissiale.
Une décrérale du pape Alexandre III (n5g à 1181),
qui fut insérée dans le Corpus juris canonici, fixa les
règles et les formalités de l'érection d'une nouvelle
paroisse.
Cette décrétale est connue sous le nom de ses pre-
miers mots Ad audientiam; dans la suscriptiôn, il est
dit qu'elle était adressée à l'évêque d'Evreux, en France
(episcopo Eboracensi). C'est donc, comme on le voit
d'ailleurs par son contenu, une décision pontificale
pour un cas particulier.
.Dans le document en question (i), Alexandre III
notifie à l'évêque d'Evreux qu'il a appris que le village
(villa) de H... est tellement distant de l'église parois-
siale, qu'en hiver, à cause des inondations, ses habi-
tants ne peuvent pas, sans difficulté, assister aux offices
religieux.
<c On nous affirme également, dit-il, que l'église
paroissiale est si bien dotée, que, sans compter les
émoluments (les oblations, sans doute), provenant du
village en question, son curé (mtnister) aura un revenu
suffisant ; nous vous ordonnons donc, dans le cas où
l'exposé des faits serait trouvé exact, d'y construire
(c'est-à-dire, croyons-nous, de donner l'autorisation d'y
construire) une église et malgré tout appel d'y établir
un prêtre ; celui-ci sera nommé par le curé ou recteur
( I ) Nous donnons ce document en annexe, n^ i .
— 185 —
de la grande église (de réglise-mère) avec l'assentiment
canonique du fondateur de la filiale. Le curé de la
nouvelle paroisse percevra tous les revenus de son
église, mais des droits honorifiques suffisants devront
être réservés à Téglise-mère. Toutes ces conditions
pourront être remplies, puisque le seigneur de la loca-
lité veut bien fournir 20 acres de terre labourable pour
la dotation de la nouvelle église.
» Si le curé de Téglise-mère refuse de présenter un
candidat digne pour la nouvelle cure, ou s'il veut s'op-
poser à Térection de la nouvelle paroisse, vous ferez le
nécessaire pour que ce projet s'exécute et vous aurez
soin d'instituer comme curé un prêtre digne, malgré
toute opposition et tout appel. »
Comme nous le disions et comme on le voit par le
texte, cette décision d'Alexandre III est donnée pour un
cas particulier ; on n'y trouve l'énoncé d'aucun prin-
cipe, mais elle est l'application des principes de droit
canon en vigueur.
Les compilateurs du Corpus juris canonici n'ont sans
doute trouvé aucun texte plus ancien ou plus explicite
concernant le démembrement des paroisses, et c'est
ainsi que cette décrétale a été citée et a servi, pendant
des siècles, comme la principale règle du droit canon,
en fait d'érection de nouvelles paroisses.
Les actes de démembrement de paroisses, que nous
citerons, s'inspirent des mêmes principes et contiennent
les mêmes formalités.
Plus tard, le concile de Trente, en modifiant l'an-
cienne législation, ajoutera que les démembrements des
paroisses se feront d'après les formes prescrites par la
décrétale Ad audientîam, et les auteurs postérieurs à ce
concile la citeront, comme une des principales sources
du droit canon en cette matière.
Pour qu'il en fût ainsi, cette décrétale ne devait être
que l'application à un cas particulier de la législation
existante.
14
— 186 —
En réalité, dans l'analyse du document, nous re-
trouverons les principes contenus dans les capitulaires
de Charlemagne et de Louis le Débonnaire, ainsi que
les conditions et les formalités requises dès le IX* siècle,
pour l'érection d'une nouvelle paroisse.
La décrétale donne le motif de l'établissement d'une
nouvelle paroisse : la difficulté pour une partie des
paroissiens d'assister aux offices religieux, à cause d'un
cours d'eau à traverser, et des inondations en hiver.
Se basant sur le texte d'un concile de Toulouse,
tenu en 814, Imbart de la Tour dit que « les canons
» n'autorisaient la création de nouveaux districts pa-
» roissiaux, que dans certains cas : l'étendue trop grande
» du territoire, l'impossibilité pour un groupe de fidèles
» de se rendre à leur église (i). »
Le motif de la séparation se trouve toujours, sous
une forme quelconque, exprimé dans les actes d'érection
des paroisses. Imbart de la Tour dit encore qu'avant
d'autoriser la construction d'une église ou l'érection
d'une paroisse, l'évêque devait procéder à une enquête,
qu'il devait donner son assentiment par écrit, qu'il
fixait l'emplacement de l'église, qu'il la consacrait lui-
même (2). Le pape charge l'évêque d'Evreux de con-
trôler le rapport qui lui a été fait et de construire une
église. Ces actes préliminaires n'étaient généralement
pas nécessaires dans notre pays, parce que, ordinai-
rement, il existait une chapelle pouvant servir d'église
paroissiale.
Le pape dit qu'une dot suffisante est ofierte.
Au ix« siècle déjà, « conformément aux canons,
» l'évêque s'assurait que la nouvelle église avait reçu
» sa dot. Cette dotation était contenue dans un acte
» écrit (libellus dotis), que devaient souscrire les dona-
» teurs et les témoins (3). »
( I ) Imbart de la Tour, p. 99.
(2) Ibidem.
(3) Ibidem, p. 100.
— 187 —
Cette dot consiste, dans la décrétale, en 20 acres de
terre labourable offertes par le fondateur ; il serait diffi-
cile de déterminer l'étendue de ces terres, mais nous
croyons qu'elle correspond assez bien au mansus exigé
par Louis le Débonnaire.
En tout cas, les actes d'érection de nouvelles pa-
roisses, postérieurs à la décrétale, contiennent générale-
ment — pour notre région — une dot de la valeur d'une
douzaine de bonniers.
Dans ces actes, ainsi que dans le document ponti-
fical, il n'est aucunement question de la division de la
dîme ; les capitulaires de Charlemagne sur ce sujet sont
conformes à la législation ecclésiastique.
Il n'y a d'ailleurs rien d'étonnant à trouver cette
conformité entre les deux législations, puisque les dé-
crets des conciles germaniques et les capitulaires caro-
lingiens ont été formulés dans des assemblées présidées
par les rois et les empereurs francs, auxquelles assis-
taient les hauts dignitaires ecclésiastiques.
Dans la législation canonique, on trouve toujours
un grand respect du droit acquis; aussi dans la décré-
tale, on suppose comme condition pour l'érection de la
nouvelle paroisse, que Téglise-mère et son curé jouissent
de revenus suffisants pour leur entretien respectif.
Afin que ces droits soient respectés, le consente-
ment du curé de l 'église-mère est requis et la décrétale
d'Alexandre III ne dit à l'évêque d'Evreux de passer
outre au consentement du curé que dans le cas, où
« comme on l'affirme, les dotations de l'église-mère et
» les revenus de son curé seront suffisants après le dé-
» membrement. »
Pratiquement, il résultait de tout cela, comme pour
le cas de la décrétale, que les charges de l'érection de
la nouvelle paroisse incombaient à ceux qui la deman-
daient et nullement à l'église-mère, ni à ses décima-
teurs, ni à son curé. C'est pourquoi nous avons pu
dire, et l'examen des faits nous donnera raison, que la
— 188 —
décrétale confirme la loi de l'indivisibilité des dîmes.
Le document pontifical est également imprégné de
lesprit féodal du moyen âge.
L'église-mère conservera comme un droit de suze-
raineté sur la filiale. Cette dépendance sera manifestée,
comme nous le verrons, par les actes extérieurs les plus
variés. D'ordinaire, le curé de l'église-mère avait le
droit de nommer le curé de la filiale; ainsi il se faisait
que le curé de Hervé avait le droit de collation de presque
toutes les cures du canton et que le curé de HoUogne-
aux-Pierres nommait plusieurs curés du voisinage.
Au XVIII* siècle encore, lorsqu'un curé de l'église-
mère de Hervé venait à mourir, ses obsèques étaient
chantées dans toutes les églises filiales démembrées de
Hervé (0.
V.
PAROISSES ÉRIGÉES D'APRÈS LA DÉCRÉTALE
« AD AUDIENTIAM. »
Insérée dans le Corpus juris canonici, la décrétale
d'Alexandre III devint la règle d'après laquelle on éri-
geait les nouvelles paroisses. Le concile de Trente, tout
en la modifiant, ratifiera les formalités qu'elle prescrit.
Dans les actes d'érection de paroisses antérieurs à ce
(i) Renseignement communiqué par le Révérend M. Goffin, curé-
doyen de Hervé.
Extrait du registre des morts de la paroisse de Hervé. « Nomina
» mortuorum 1777. On recommande (etc.) Tâme de feu le très révérend
» Philippe- Antoine Michelet, of&cial de Tarchldiaconat de Hesbaye
» pour la province de Limbourg, ancien ctiré de la Ville, Franchise et
» Haut Ban de Hervé, etc., lequel est pieusement décédé, administré
» des Sacrements de N. M. la S^ Eglise, le 26 mai 1777, dans la 65*
» année de son âge.
» Les obsèques se feront le 27 mai dans Téglise paroissiale de Hervé,
» à 10 h. Le 9 juin, on lui fera un service solennel dans l'église parois-
» siale de Charneux, filiale de Hervé. Le 16 juin, un service solennel
» dans l'cglise de Clermont, filiale de Hervé. Le 2 5, un service solennel
n dans 1 église de Thimister, filiale de Hervé. Le 3o, un service solennel
» dans l'église de Chaineux, filiale de Hervé. »
— 189 —
concile, nous retrouvons toujours les principes appli-
qués par la décrétale et les conditions ou formalités
quelle requiert.
Il suffirait donc, à première vue, de donner un
exemple de démembrement de paroisse pour faire com-
prendre sa mise en pratique. Mais presque toujours
les conditions, dans lesquelles se fait l'érection des
paroisses, diffèrent d un cas à Tautre. Le même prin-
cipe sera donc appliqué différemment.
Pour cette raison, nous avons cru utile de multi-
plier les exemples de démembrement de paroisses.
Nous avons donné plus haut, le motif pour lequel ces
exemples seront surtout pris dans la région de Dal-
hem.
La cure de Wandre fut érigée en 1186, peu d'an-
nées après le décès de l'auteur de la décrétale Ad au-
dientiam. Elle fut séparée de la paroisse de Herstal.
Nous ne connaissons qu'un seul document concer-
nant ce démembrement (i). Dans ce document l'archi-
diacre Albert notifie que Henri, curé de Herstal, dont
Wandre dépendait jusqu'alors, lui a exposé que la
Meuse, qui sépare les deux localités, rend bien diffi-
ciles les visites du curé de Herstal aux habitants de
Wandre et en particulier celles qui ont comme but
d'administrer aux malades le Viatique et l'Extrême-
Onction.
D'accord avec le doyen de la chrétienté et avec le
chapitre de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle — décima-
teur et patron de la paroisse — le curé de Herstal a
demandé pour les habitants de Wandre un curé propre,
qui exercera toutes les fonctions pastorales, sauf l'ad-
ministration du sacrement de baptême. Tous les droits
de l'église-mère seront réservés : ainsi les habitants de
Wandre continueront à payer comme auparavant les
(i) Ce document a été publié par M. Ed. Poncelet, dans le Bulletin
de la Société d'art et d'histoire, t. XIII, pp. 102-104, et par Q.uix, Codex
diplomaticus Aquensis, t. I, p. 91.
— 190 —
dîmes et droits de synode, de luminaire et de marguil-
lier. Comme par le passé, ils devront également conti-
nuer à assister aux réunions synodales à Herstal ; mais
ils n'auront aucune obligation de fréquenter les offices
de 1 eglise-mère, même aux fêtes les plus solennelles.
La dot de la cure est constituée par trois bonniers
de doyard, appartenant à la chapelle de Wandre, par
les biens, terres et rentes que les paroissiens de la nou-
velle église ont déjà donnés ou ont promis de donner
à cet effet, et enfin par les aumônes et oblations faites
à Téglise.
Sur tous ces revenus, le curé de Wandre devra
payer annuellement à Téglise-mère, en la personne du
curé de Herstal, 2 sous et 6 deniers de rente.
Quant à la collation de la cure, la formule est assez
vague et semble l'expression d'un compromis entre les
paroissiens, qui avaient fourni la dot de la cure, et le
curé de Herstal, à qui ce droit revenait d'après la loi
canonique. Il est dit dans l'acte, que le curé de Herstal
présentera à l'archidiacre le candidat de la partie la
plus saine ou la plus raisonnable de la population.
Ce droit du curé de Herstal s'est perdu avec le
temps; au xviii® siècle, les paroissiens de Wandre éli-
saient et présentaient leur curé.
Pour autant que nos études nous permettent de
donner une appréciation à ce sujet, il semble que les
érections de paroisses ont été plus nombreuses à cer-
taines époques.
Pendant tout un siècle, après la séparation de
Wandre de Herstal, nous ne rencontrons pas un fait
de ce genre pour nos régions; à la fin du xiii« siècle,
sous l'épiscopat de Jean de Flandre, nous en rencon-
trons trois à peu de distance.
En 1279, Jean de Flandre donna pour la chapelle
de Saive, une charte de séparation de Téglise-mère de
Jupille (i). Ce document nous montre qu'en fin de
(i) PoNCELET, La seigneurie de Suive, annexe 1, p. lyS.
— 191 —
compte c'était, comme on le voit d'ailleurs dans la
décrétale Ad audienttam, l'évêque qui érigeait les nou-
velles paroisses et que l'archidiacre n'avait qu'à émettre
un avis ou à donner un simple consentement tout
comme le curé et le patron de l'église-mère.
Contrairement à ce qui avait été stipulé pour
Wandre, Saive devait avoir des fonts-baptismaux et
n'était tenu à aucun acte de dépendance à l'égard de
l'église-mère.
Les paroissiens de Saive ne furent pas obligés d'in-
tervenir pour la dotation de la nouvelle cure. Un
chanoine de Saint-Lambert, Jean de Jupille, dont la
famille possédait la seigneurie de Saive, l'avait fournie,
avec quelques-uns de ses parents.
Le doyen de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle, qui
en cette qualité était curé titulaire ou primitif de Ju-
pille, se réserva le droit de conférer la cure de Saive.
Au point de vue des formalités à remplir pour
l'érection d'une nouvelle paroisse, les documents que
nous avons trouvés concernant la séparation de Ri-
chelle de la paroisse de Hermalle présentent un grand
intérêt (i).
Nous y voyons tout un monde en mouvement pour
atteindre ce but.
A Richelle, comme pour toutes les nouvelles pa-
roisses dont il est parlé dans ce travail, nous constatons
la préexistence d'une chapelle ou église. Toutes ces
chapelles ont déjà une dotation — des biens immeubles
— qui expliquent la présence des lieux-dits doyards
dans les paroisses de plus récente création, comme
Blegny et Barchon.
Le curé de l'église-mère percevait généralement une
part des revenus de ces doyards, ce qui nous permet de
croire qu'il existait dans ces chapelles d'anciennes fon-
(i) Nous donnons en annexes, n*' II, les documents concernant Térec-
tion de la paroisse de Richelle.
— 192 —
dations ou des bénéfices, dont le curé devait exonérer
les charges.
Tel était le cas à Richelle ; il existait là en 1 286,
une chapelle à l'endroit même où se trouve Téglise
actuelle. Elle avait un doyard de quatre bonniers
exempts de dîme, dont le curé de Hermalle percevait
le revenu.
La population n'était pas très forte; pour l'estima-
tion du casuel du curé on l'évalue à seize foyers. Mais
cette population était séparée de Téglise-mère par la
Meuse et elle occupait un hameau d'un accès difficile
pour le curé de Hermalle.
Ce sont ces motifs, qui sont invoqués en faveur de
l'érection de la nouvelle paroisse.
Pour l'obtenir, Jacques, curé de Hermalle, et son
frère Helebert, chanoine de Saint-Jean à Liège, joignent
leurs efforts à ceux des habitants de Richelle.
Au nom de tous, le curé de Hermalle s'adresse au
chapitre de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle, patron et
décimateur de Hermalle et de Richelle, à l'effet d'ob-
tenir son assentiment requis pour l'exécution du projet.
Dans sa supplique, il fait valoir les motifs de démem-
brement, que nous avons déjà donnés; il demande que
Richelle ait un curé, qui puisse administrer tous les
sacrements ; il se réserve pour lui et ses successeurs le
droit de conférer la cure de Richelle ; il déclare, en
outre, que les revenus auxquels il renonce, ceux des
biens, que les paroissiens et son frère Helebert donne-
ront, seront suffisants pour la dot d'un curé; que, par
conséquent, toutes les conditions requises pour l'érec-
tion de la paroisse sont remplies.
Le chapitre d'Aix-la-Chapelle fait bon accueil à cette
demande.
En son nom, le prévôt Walram de Juliers, charge
son clerc ou homme d'affaires Walthère de Marguel,
chanoine de Saint-Jean-l'Evangéliste à Liège, de véri-
fier par lui-même ou par des délégués, l'exactitude des
— 193 —
assertions du curé de Hermaile et des habitants de
Richelle et, dans laffirmative, d'accorder en son nom
l'autorisation demandée, avec les réserves nécessaires et
dans les formes voulues. Cette missive au chanoine
Walthère est datée du dimanche Invocavit, premier
dimanche de Carême de Tan 1286 (v. s.).
Usant de la liberté qu on lui avait accordée de faire
procéder à l'enquête par des délégués, le chanoine Wal-
thère en chargea Nicolas, doyen du concile de Saint-
Remacle et Lambert, curé de Herstal.
Ceux-ci se rendirent à Richelle, le jour de la vigile
de la fête de l'Annonciation ; ils avaient convoqué les
intéressés et les membres de la Cour de Justice pour
rheure de la messe, à 9 heures.
Ils constatent dans leur enquête, que le village
se compose de seize foyers ou maisons, donnant an-
nuellement au curé en revenu, un casuel de 16 sous
de Liège.
Ils constatent encore que la chapelle a une dot ou
un doyard de quatre bonniers, d'un revenu de treize
muids d'épeautre; le curé de Hermaile, présent, re-
nonce à tous ses droits sur ces biens, au profit du futur
curé de Richelle.
Ils reconnaissent qu'en effet Helebert, chanoine, a
donné d'abord deux bonniers de terre d un revenu de
six muids d epeautre, deux autres bonniers valant an-
nuellement trois muids, encore un bonnier valant un
muid et demi, enfin un cortil avec maison, situé à côté
de l'église, valant 6 sous et 1 chapon.
Cette donation du chanoine Helebert est faite en
pure aumône, pour le bien de son âme (in remedio
animae suae), pour celle de ses parents et spécialement
pour celle de son oncle, Helebert, chanoine et écolâtre
de Saint- Lambert à Liège.
La volonté du donateur est attestée par des lettres
signées de sa main et par la déclaration du curé Jacques
de Hermaile, auquel son frère a donné délégation à cet
25
- 194 —
effet, en présence des membres de la Cour de Justice de
Richelle, qui laffirment.
De leur côté, les habitants de Richelle donnent à
l'église, pour l'entretien du futur curé, une terre de deux
bonniers et demi environ, d'une valeur de trois muids
et demi, qu'ils ont essartée à cet eflet, une autre terre
d'un bon nier louée à Juwette, la veuve de l'ancien voué
de Richelle, pour deux muids d'épeautre, enfin un der-
nier bonnier, libre de dîme, valant deux muids et demi.
Remarquons, en passant, que l'ensemble des dona-
tions comprend, en dehors de la maison et du jardin,
treize bonniers, dont quelques-uns sujets à la dîme. La
dot est donc bien le mansus de douze bonniers libres
de charge, exigé par le capitulaire de 816 de Louis le
Débonnaire. Remarquons encore que la valeur de la
dot est estimée à un revenu de trente et un muids et
demi d'épeautre par an.
Les témoins, continue le rapport, entre autres la
vouée douairière, son fils le voué, le mayeur, des éche-
vins, l'écuyer et plusieurs autres ont attesté la vérité
de ces déclarations.
Nous avons constaté en outre, disent les délégués,
que labsence d un curé à Richelle met les habitants en
danger de ne pas recevoir à temps les sacrements, à
cause de la Meuse, qui les sépare de l'église de Her-
malle. En conséquence, nous avons convoqué devant
vous, — représentants du chapitre d'Aix-la-Chapelle, —
pour le jeudi après la fête de l'Annonciation, à l'heure
des vêpres, tous les intéressés qui auraient des réclama-
tions à faire contre l'érection de la paroisse de Richelle.
Le rapport des délégués est daté du jour même de
leur enquête, la vigile de l'Annonciation 1286 (v. s.).
Sans doute, il n'y eut pas d'opposants et le chanoine
Walthère s'empressa de donner son avis favorable, car
dès le 21 avril 1287 (v. s.), l'archidiacre de Condroz,
Jean de Reims, donna également son assentiment.
Dans le document de l'archidiacre, nous voyons
— 195 —
exactement déterminés les devoirs de respect et de dé-
pendance de Téglise-filiale envers Téglise-mère, dont il
est question dans la décrétale d'Alexandre III.
Le curé de Richelle pourra administrer tous les
sacrements. Mais il sera présenté ou nommé par le
curé de Hermalle, auquel il devra respect et honneur ;
il assistera aux conciles décanaux et aux autres réu-
nions d'usage. Les paroissiens de Richelle seront obli-
gés de venir au synode paroissial à Hermalle, et, en
signe de dépendance, le curé de Téglise-filiale payera
chaque année à celui de Téglise-mère 6 deniers liégeois,
3 à Noël et 3 à Pâques.
De plus, le curé de Richelle assistera chaque année,
à la fête de la Dédicace de Hermalle et le jour de l'As-
somption de la Sainte Vierge, il assistera aux vêpres
(sans doute les premières vêpres, la veille) et aux messes.
Il devra, au nom et à la place du curé de Hermalle,
chaque fois qu'il en sera requis, visiter les paroissiens
de Hermalle, qui demeurent au delà de la Meuse du
côté de Richelle.
Après avoir énuméré les biens donnés à l'église de
Richelle pour l'entretien du curé, l'archidiacre termine
en sauvegardant tous les autres droits de l'église-mère ;
ainsi les paroissiens de Richelle continueront à payer
la dîme au chapitre d'Aix et au curé de Hermalle; ils
payeront les droits synodaux, ce qu'ils doivent pour le
luminaire ou la fabrique d'église et encore ce qu'ils
doivent au marguillier de Hermalle, qui sera obligé de
remplir ses fonctions à Richelle ou par lui-même ou
par un remplaçant.
Ce document était scellé du sceau de l'archidiacre (i),
(ij Dans son étude sur Torganisation paroissiale de Nivelles au xiii*
siècle (Bulletin de la Société S art et £ histoire, t. XIII), M. Balau dit
(p. 62 en note) que « les canonistes discutent le point de savoir si, depuis
» le concile de Trente, le consentement du chapitre (cathédral) est requis,
» soit quand Tévêquc use de ses pouvoirs ordinaires, soit quand il use
» de ses pouvoirs délégués. Avant le concile de Trente, » dit- il, « il pa-
— 196 —
de celui du curé de Hermalle et de celui du chanoine
Walthère de Marguel, les trois personnages dont, dans
le cas, Tassentiment était requis pour Térection de la
nouvelle paroisse.
La plupart des servitudes ou obligations, dont il est
question dans cet acte, se perdirent avec le temps ; les
curés de Hermalle faillirent même perdre le droit de
collation de la cure de Richelle. Moins de cent cin-
quante ans après l'érection de la paroisse, les seigneurs
d'Argenteau et le chapitre d'Aix-la-Chapelle avaient
déjà élevé des prétentions à ce sujet, et, de fait, avaient
nommé des curés, lorsqu en 1457, le curé Pierre Hunt,
retrouva sans doute ses titres et parvint à faire nommer
le prêtre François de Hollogne comme curé de Richelle.
Pour prévenir le retour d'usurpations semblables,
le curé de Hermalle, Georges Juvenis (Jeunehomme,
sans doute) inséra en 1498, les documents, que nous
venons d'analyser, dans un très intéressant registre con-
servé à la cure de Hermalle.
Nous avons ajouté ces derniers détails pour montrer
comment jadis des droits se perdaient, et comment
dans l'étude de l'histoire des paroisses, on peut trouver
des faits en désaccord avec les documents.
En définitive, les approbations et confirmations du
curé de l'église- mère, du patron et même de l'archi-
diacre n'étaient que des avis favorables, qu'ils émet-
taient sur la question et dans lesquels ils avaient soin
de faire insérer des réserves et conditions, qui sauve-
gardaient leurs intérêts.
Comme nous l'avons vu pour Saive, c'était l'évêque
qui décrétait l'érection de la nouvelle paroisse. Cet acte
» rait que le chapitre devait être consulté dans le premier cas et non
» dans le second. »
Pour aucun acte de démembrement, antérieur ou postérieur au con-
cile de Trente, ni pour les paroisses unies aux abbayes ni pour les autres,
nous n*avons constate que le chapitre cathédral ait été consulté. Tou-
jours on trouve le consentement de l'archidiacre qui, peut-être, cepen-
dant, dans un sens, remplaçait le chapitre à cet effet.
— 197 —
épiscopal concernant Richelle était sans doute déjà perdu
à Tépoque où Georges Juvenis transcrivait les autres.
Le droit épiscopal ressort encore de l'acte d'érection
des paroisses de Haccourt, de Hallembaye et de
Lanaye, qui, en 1288, furent séparées de l'église-mère
de Lixhe. Pour le démembrement de ces nouvelles
paroisses, l'évêque Jean de Flandre, avait délégué ses
pouvoirs à Tofficial de la Cour de Liège (i).
Dans le document de celui-ci, nous ne relèverons
que quelques points.
Le revenu des nouvelles églises ou plutôt de leur
curé, sera pour Haccourt de seize muids et demi d'é-
peautre, 3 marcs, 9 sous liégeois et 6 chapons ; pour
Hallembaye, vingt-deux muids et 32 sous; pour La-
naye, vingt-six muids et deux setiers, 4 marcs et 2 sous,
seulement le curé de Lanaye devra payer chaque année
six muids d'épeautre au curé de Lixhe, en compensa-
tion de certains droits auxquels celui-ci a renoncé.
Après la séparation, les revenus du curé de Lixhe
étaient évalués à cinquante-six muids et 5 marcs. Il
semble résulter de ces chiffres, que le traitement d'un
curé de nouvelle paroisse était d'une trentaine de muids
d'épeautre — le produit d'un manse de terre arable —
comme nous l'avons vu pour Richelle. C'était là évi-
demment un minimum pour cette époque, car nous
avons rencontré plusieurs fois le chiff^re de quarante
muids, fixé comme pars congrua^aux curés de paroisses
unies ou incorporées à des abbayes.
Les paroissiens de Haccourt, Hallembaye et de
Lanaye devaient recevoir le sacrement de baptême à
Lixhe, et le curé de Lixhe devait leur administrer le
sacrement d'Extrême-Onction. Ils devaient, comme on
disait dans le langage populaire, « prendre chrême et
» baptême à l'église-mère. »
Dans le document concernant Haccourt, Hallem-
baye et Lanaye, nous constatons encore, contrairement
( 1) Cartulaire de l'église collégiale de Saint- Paul y p. 95.
— 198 —
à ce que nous avons vu pour Richelle et Saive, que ce
sera, non le curé de Lixhe, mais le chapitre et le doyen
de la collégiale Saint-Paul, qui auront la collation des
nouvelles cures.
Cette apparente anomalie s'explique.
La cure de Lixhe avait été unie d'abord au décanat
de Saint-Paul, puis au chapitre. Celui-ci était donc le
curé primitif de Lixhe et le prêtre desservant la pa-
roisse, n'était qu'un vicarius perpetuus.
Vers la même époque, en i3oo, dit Delvaux dans
son Dictionnaire géographique (i), Oupeye fut séparé
de Heure-le-Romain. Vers le même temps encore, Vi-
vegnis doit avoir été démembré de Herstal (2) et Char-
neux de Hervé (3).
Il y eut donc sous l'épiscopat de Jean de Flandre
un mouvement intense en faveur de l'érection de nou-
velles paroisses. Ce mouvement semble ne pas avoir
eu une longue durée; de i3ooà i55o, les démembre-
ments de paroisses sont rares ; dans notre région nous
n'en avons trouvé aucun exemple.
VI.
LE CONCILE DE TRENTE ET L'ORGANISATION
PAROISSIALE.
Pendant de longues années, avant le concile de
Trente, les érections de nouvelles paroisses avaient été
rares; entre-temps l'augmentation continuelle de la po-
pulation, sa concentration en certains centres avaient
(i) Delvaux, Dictionnaire géographique de la province de Liège,
t. II, p. 328.
(2) M. PoNCELET (Bulletin de la Société d'art et d'histoire, t. X,
p. 12) dit qu'elle était filiale de celle de Herstal, dont elle fiit détachée à
une date fort ancienne.
(3) M. DE Ryckel dit que Charneux a été démembré de Hervé; il
donne une liste des curés de Charneux ; le premier de ceux-ci, Servais, est
cité en i3o3 (Histoire de la ville de Hervé dans Bulletin de la Société
d'art et d'histoire, t. XI, p. 162).
— 199 —
créé des situations déplorables, au point de vue de
l'administration des sacrements et des autres besoins
religieux des fidèles. Cette situation ne fut pas particu-
lière à notre diocèse puisque, pour y remédier, les
pères du concile de Trente changèrent l'ancienne légis-
lation en matière de démembrement de paroisses et
édictèrent des mesures pour faciliter la création de
nouvelles paroisses.
Dans certaines paroisses plus agglomérées, la popu-
lation s'était accrue au point que le clergé paroissial,
d'ordinaire Tunique curé ou son remplaçant, puis-
qu'assez bien de curés ne résidaient pas dans leur
paroisse, ne suffisait plus à remplir convenablement
tous les devoirs qui lui incombaient.
Pour remédier au mal de ces situations, les pères
du concile prescrivent aux évêques dbrdonner aux
curés et autres, que cela concerne, surtout aux déci-
mateurs, de procurer les prêtres auxiliaires nécessaires
pour l'administration des sacrements et pour les be*
soins du culte (*).
Le curé est tenu en premier lieu de fournir des
moyens de subsistance à ces prêtres auxiliaires. Dans
le cas où les revenus du curé ne sont pas suffisants,
l'obligation incombe aux décimateurs. Les paroissiens
ne sont obligés qu'en dernier lieu.
C'est là l'origine des vicariats, dans le sens actuel du
mot; jadis les vicaires perpétuels ou autres étaient les
remplaçants des curés absents.
Ailleurs, des hameaux éloignés, jadis peu populeux,
avaient pris avec le temps un développement consi-
dérable.
Pour des situations de ce genre, le concile décide
que là où le besoin en sera constaté, les évêques pour-
ront ériger de nouvelles paroisses, même malgré l'op-
(i) Nous donnons en annexe, n° III, des extraits du Decretum de
Re/ormaiione de la Sessio XXI, concernant la réorganisation parois-
siale.
— 200 —
position des recteurs des anciennes églises. Ces érections
de paroisses devront se faire d après les formes de la
constitution Ad audientiam d'Alexandre III.
Seulement depuis Alexandre III, letat des choses
et des esprits était bien changé.
En ce temps, les revenus des curés et des décima-
teurs n étaient pas aussi considérables qu'à l'époque du
concile de Trente. Des fondations de tout genre avaient
augmenté ceux des curés ; les mises en culture de
beaucoup de terrains avaient donné une plus value
aux dimes.
En présence de ces gros revenus, la population,
moins généreuse que jadis, devait être moins disposée
à ériger et surtout à doter de nouvelles églises.
Aussi le concile décide que l'évêque attribuera aux
curés des nouvelles paroisses un traitement sufl&sant
à prendre sur les revenus de r église-mère, c est-à-dire
sur ceux du curé et sur ceux des décimateurs, il ajoute
quen cas de besoin, les paroissiens de la nouvelle église
pourront être obligés à fournir le nécessaire pour Ven-
ir et ien de leur prêtre.
En vue de faciliter la création de vicariats et de
nouvelles cures, les pères du concile décident que les
bénéfices simples existant dans les paroisses, pourront
être incorporés aux cures ou unis, en vue de créer des
traitements aux nouveaux titulaires.
Anciennement c'étaient les paroissiens ou un bien-
faiteur à leur place, qui devait fournir la dotation des
nouvelles cures; depuis le concile de Trente, abstrac-
tion faite des bénéfices qui pourraient exister, c'est
l'église-mère, c'est-à-dire le curé et les décimateurs qui
y sont tenus ; les paroissiens n'y sont plus obligés
que subsidiairement, en cas d'insuffisance d'autres res-
sources.
La concision du texte du concile de Trente devait
nécessairement provoquer les interprétations des ju-
ristes.
— 201 —
Les auteurs de droit liégeois Méan et Louvrex,
d'après ce que dit Sohet dans ses Instituts de droit (i),
font une distinction qui devait déjà ouvrir la porte à
beaucoup de contestations.
Ils disent que si les habitants d une dépendance de
paroisse demandent l'érection d'une nouvelle paroisse
pour leur commodité, ils doivent fournir la dot de la
nouvelle église; que si, au contraire, l'érection se fait
par nécessité, la dotation doit être prise sur les revenus
de l'église-mère, sans préciser de quels revenus il s'agit.
Les termes ex ructibus ad ecclesiam matricem quo-
quo modo pertinentibus devaient donner lieu à plus
d'un litige.
Voici quelle fut, d'après le conseiller de Wynants,
dans ses Decisiones Curiae Brabanticae (2), la jurispru-
dence adoptée en cette matière par la Gourde Bruxelles.
La dot de la nouvelle paroisse peut être fournie
volontairement par des particuliers, par le seigneur
ou par les paroissiens. Si ceux-ci engagent des biens de
la communauté, il faut dans les pays autrichiens l'oc-
troi du souverain.
La dot peut être constituée au moyen de bénéfices
simples ou d'autres revenus semblables, capables d'être
appliqués à cet efl'et, d'après le concile de Trente.
Si aucune de ces deux éventualités ne se produit,
la charge incombe aux curés et aux décimateurs ; si
les revenus du curé ne sont sufl&sants que pour son
honnête entretien, elle retombe sur les seuls décima-
teurs.
Les décimateurs ecclésiastiques sont tenus en pre-
mier lieu ; les possesseurs de dîmes laïques ne sont
tenus que subsidiairement.
(i) Sohet, Instituts de droit. Bouillon, 1772, liv. II, tit. xviii, art. 6,
7 et 8.
(2) GoswiNUs, coMES DE Wynants, Supremac Curiae Brabanticae
decisiones recentiores. Bruxelles, 1744. Surtout la decisio IX, « De erec^
» tione novae parochiae et quae inde nascuntur obligationes respectu
i> decimarum. »
— 202 —
La charge n'incombe pas à la dîme de la circon-
scription de la nouvelle paroisse, mais à celles de tout
le territoire de l'église-mère et si, sur ce territoire, il y
a plusieurs décimateurs, ils sont tous tenus solidaire-
ment en proportion de l'importance de leur dîme.
Ce simple exposé de la question au point de vue
juridique, montre que l'érection d'une paroisse pouvait
soulever de nombreux conflits de droit et d'intérêt, qui
paralysaient ou efirayaient souvent les meilleures vo-
lontés, qu'il ne suffisait pas de constater la nécessité
de la création d'une nouvelle paroisse pour que l'évêque
pût la décréter; il explique le grand nombre de procès
regrettables, qu'ont provoqués jadis la création des pa-
roisses, l'entretien des églises et le traitement des curés.
Le meilleur moyen d'aboutir, lorsqu'il s'agissait de
l'érection d'une nouvelle paroisse, c'était de ne pas s'ar-
rêter aux questions de droit, mais d'amener une entente
à l'amiable entre ceux qui, d'une façon quelconque,
pouvaient être intéressés à l'affaire.
Déjà avant la promulgation des décrets du concile
à Liège, ses sages mesures commencèrent à être appli-
quées pour la réorganisation des paroisses. Le décret
concernant ce sujet fut pris à la session XXI, le 16
juillet i562; le concile ne fut promulgué qu'en i585,
entre-temps des démembrements de paroisses s'étaient
déjà produits; ainsi en iSyS, entre autres, Spa et Jalhay
furent séparées de l'église-mère de Sart.
VII.
NOUVELLES PAROISSES ÉRIGÉES
D'APRÈS LE DÉCRET DU CONCILE DE TRENTE.
Les décrets du concile de Trente furent promul-
gués à Liège en i585. Le légat du pape, chargé de
cette mission, prit une mesure efficace pour provoquer
l'érection de nouvelles paroisses.
Il retira tout simplement l'autorisation de biner,
— 203 —
c'est-à-dire de célébrer deux messes les dimanches et
fêtes, aux curés qui desservaient deux églises ou qui,
par le fait de dire ces jours, deux messes dans leur
unique église, croyaient pouvoir seuls satisfaire à toutes
les charges que leur imposaient leurs trop populeuses
paroisses {a).
Cette mesure du légat se justifiait d'autant plus que
la création des vicariats et des nouvelles cures était faci-
litée, comme nous l'avons vu, par la décision qu'avait
prise le concile au sujet des bénéfices simples.
La défense de biner dut mettre beaucoup de curés
dans l'embarras.
Il en fut sans doute ainsi de celui de Hervé, car dès
iSgS, Thimister, dépendance de Hervé, était érigé en
paroisse (2). C'était certainement le cas pour celui de
Visé, dont dépendait Dalhem. Jusque-là, le curé de
Visé disait, les dimanches et jours de fête, une messe
dans l'église principale, l'autre à Dalhem ; la mesure
du légat ne lui permit plus de desservir les deux églises.
Il demanda donc, d'accord avec le drossard de Dal-
hem, de pouvoir faire desservir l'église de cette localité
par un vicaire ; ce que l'évêque de Liège, Ernest de
Bavière, lui accorda provisoirement.
Mais ces vicaires, n'ayant pas d'habitation à Dal-
hem, et, d'un autre côté, n'ayant que de très modestes
revenus, continuaient à résider à Visé et y retournaient
aussitôt les oflSces terminés ; de manière que l'ancienne
situation n'était guère améliorée. Aussi, bientôt après,
le drossard et les habitants de Dalhem s'adressèrent-ils
de nouveau à l'évêque de Liège pour obtenir la sépa-
ration de Dalhem de Visé, et l'érection de Dalhem en
paroisse indépendante.
(i) Nous n'avons pas trouvé trace de cette mesure du légat dans les
auteurs, mais elle est constatée dans Tacte d'érection de la paroisse de
Dalhem, que nous donnerons en annexe.
(2) Dklvaux, Dictionnaire géographique de la province de Liège,
t. I, p. 400.
— 204 —
Entre-temps ils avaient aménagé en presbytère un
bâtiment de la communauté, qui se trouvait près de
Téglise, et pour créer des ressources au curé, ils de-
mandèrent l'incorporation à la cure d'un bénéfice
simple, sous le vocable de sainte Catherine et de saint
Christophe, dont le patronage laïc leur appartenait.
Toutes ces propositions furent agréées et, par un
document épiscopal de iSgS, Dalhem fut érigé en
paroisse et Grégoire Dubois en fut nommé le premier
curé {i).
Seulement pour que cette décision sortît ses effets,
il fallait deux choses, qui ne se réalisèrent pas immé-
diatement. Le bénéfice aurait dû être vacant et, puis-
qu'on était en pays autrichien, il fallait le placet du
gouvernement.
. Pour on ne sait quelles raisons, le placet ne fut
accordé qu'en 1617, et le bénéfice conservait plus long-
temps encore un titulaire autre que Grégoire Dubois.
Après de longs retards et une situation indécise,
qui dura vingt ans, la paroisse fut une seconde fois
érigée par un nouvel acte épiscopal du 12 mars 1618.
On avait abandonné le projet d'union du bénéfice à
la cure et le curé de Visé assigna à celui de Dalhem qua-
rante muids d'épeautre de rente, en un grand nombre
de textes, dont plusieurs litigieux ; ce qui donna au
nouveau curé de nombreux embarras et de multiples
procès, dont il se plaint souvent, dans un de ses re-
gistres (2), en distiques latins très bien tournés.
Ce second acte de démembrement, que nous ne
connaissons que par des extraits, prescrivait, au curé
de l'église-filiale, comme marque de dépendance à
l'égard de l'église-mère, d'aller chaque année à Visé
( I ) Copie sur papier aux archives paroissiales de Dalhem. Ce docu-
ment contient tous les détails que nous venons de donner, concernant
l'érection de la paroisse de Dalhem. On le trouvera en annexe, n° IV.
(2) Registre du curé Gr. Dubois^ aux archives paroissiales de Dal-
hem.
— 205 —
chercher les Saintes Huiles, en procession avec ses pa-
roissiens et d'y faire avec eux une offrande sur Tautel
paroissial (i). Cette servitude doit être tombée bientôt
après, peut-être dès 1648, à cause de la présence des
protestants hollandais à Dalhem ; en tout cas, on ne
trouve aucune trace ni aucun souvenir de cette proces-
sion, en dehors de l'extrait du document de 1618.
Le curé Dubois, qui était actif et intelligent, réussit
plus tard à réaliser le projet d'union à la cure du béné-
fice de Sainte-Catherine et de Saint-Christophe, ce qui
lui permit de prendre un vicaire qui devait tenir école ;
ce vicaire est le premier instituteur attitré connu de
Dalhem.
D'après le premier acte d'érection, celui de iSgS,
c'étaient le drossard et les habitants de Dalhem qui
devaient être les collateurs de la cure, à cause de leur
droit de patronat sur le bénéfice à unir à la cure. La
dot assignée par le curé de Visé fut cause que dans
l'acte définitif de 1618, il partagea ce droit avec le dros-
sard et les paroissiens (2).
D'après le premier démembrement, la dot de la
nouvelle cure aurait été constituée en grande partie
par Yunion d'un bénéfice. Celle-ci étant reconnue pro-
visoirement irréalisable, c'est le curé de l'église-mère
qui fournit cette dot ; celui-ci le pouvait faire d'autant
mieux qu'une prébende du chapitre de Saint-Hadelin
venait d'être unie à la cure de Visé, peut-être en vue
de faciliter l'érection de la paroisse de Dalhem (3).
Il n'a pas été question des décimateurs pour la con-
(1) Registre du curé Dubois. « In erectione autem et divisione prae-
» senti nulla fit reservatio nisi quod Dalhemiensis pastor, futuris tempo-
» ribus, obligetur, cum cruce et supplicatione, déferre, singulis annis,
» sacra olea Viseto etiam cum offertorio. )>
(2) Daris, Histoire du diocèse et de la principauté de Liège (1724-
18 52), t. I, p. 10, dit que les collateurs étaient le curé de Visé et la ville
de Dalhem.
(3) J. Ceyssens, Histoire de la paroisse de Viséf dans le Bulletin de
la Société d'art et d* histoire, t. VI, p. 48.
— 206 —
stitution de la dot de la cure. D'abord parce que la
dîme de Dalhem était peu importante à cause de la
petite étendue de la paroisse ; ensuite cette dîme était
très morcelée : la plus grande partie appartenait au
souverain, représentant les anciens comtes de Dalhem;
certaines terres de nature féodale étaient exemptes de
dîme {i) ; enfin d'autres terres faisaient partie des dîmes
des paroisses environnantes. Beaucoup de difficultés
auraient donc dû être vaincues pour arriver à obliger
les décimateurs à doter la cure.
Le succès final de Dalhem engagea sans doute le
seigneur de Neufchâteau et les habitants d'Aubin à
demander leur séparation de Bombaye et la reconnais-
sance d'Aubin-Neufchâteau comme paroisse indépen-
dante. A Aubin on se trouvait, au point de vue de la
dîme, dans une situation à peu près identique à celle
de Dalhem ; beaucoup de terres y étaient exemptes de
dîme, d'autres étaient de dîme laïque. La dîme de l'an-
cienne paroisse de Bombaye était partagée entre diffé-
rentes communautés religieuses (2).
D'un autre côté, le curé de Bombaye n'avait pas de
quoi fournir des revenus à son futur collègue d'Aubin.
Heureusement il y avait à Aubin une vieille cha-
pelle, richement dotée ; une partie de ses revenus attri-
buée à un bénéficier amovible, fut destinée à la cure.
Le produit d'une autre fondation de trente muids
était distribué à tous les manants — riches et pauvres
— de la seigneurie de Neufchâteau ; ceux qui étaient
dans une certaine aisance, renoncèrent à leur part, au
profit de leur futur curé.
Le seigneur de Neufchâteau donna une maison
avec jardin, situés près de la chapelle et quatre bon-
(i) Dans tout Tancien comté de Dalhem, les terres féodales étaient
exemptes de dîme.
(2) H. Francotte, La vie rurale en Belgique sous F ancien régime^
le village de Bombay e^ dans le Bulletin de la Société d'art et d'histoire^
t. II, p. 294.
— 207 —
niers de bois, maintenant encore appelés le bois du
curé; il s'engagea, en outre, à fournir les ornements
d'église nécessaires.
Les chefs de ménage s'obligèrent de leur côté, à don-
ner chaque année au curé deux pains ou leur valeur,
l'un à Noël, l'autre à Pâques.
L'évêque de Liège, après avoir pris l'avis du curé
de Bombaye, celui des patrons de l'église-mère et celui
de l'archidiacre, érigea Aubin en paroisse par un do-
cument du 17 juillet 1621 (i). Selon l'usage, il nomma
le premier curé de la nouvelle paroisse.
A cause de leurs libéralités et des promesses qu'ils
avaient faites de contribuer aux besoins de la nouvelle
paroisse, l'évêque accorda aux seigneurs de Neufchâ-
teau le droit de collation de la nouvelle cure. Comme
les chapitres de Saint-Jean et de Saint-Denis, patrons
de l'église-mère, avaient élevé des prétentions à ce droit,
il intervint un accord (â) entre les deux partis et les sei-
gneurs de Neufchâteau conservèrent jusqu'à la Révo-
lution française le titre de collateurs de la cure d'Aubin.
Dans les Decisiones Brabanticae de Wynants, on
trouve plusieurs exemples de cures dotées par les déci-
mateurs.
Vlli.
LES VICARIATS DES CHAPELLES ANNEXES.
INTERVENTION DU GOUVERNEMENT AUTRICHIEN
DANS L'ORGANISATION PAROISSIALE.
Les deux chapitres précédents nous ont montré
combien de difficultés présentait souvent l'érection
d une nouvelle paroisse. Malgré ces difficultés beau-
coup de paroisses furent créées à la fin du xvi« et pen-
(i) Copie du document dans un registre de la paroisse d'Aubin-Neuf-
château. Ce document a été publié dans Leodium, septenfibre 1902, p. 69.
(2) Notice des cartulaires de la collégiale Saint^DeniSy à Liège, par
St. BoRMANs, dans le Compte-rendu des séances delà Commission royale
d'histoire, 3« série, t. XIV (1872), p. 187.
— 208 —
dant la première moitié du xvii^ siècle. Dans la suite,
on s'arrêta, en beaucoup de cas, à un terme moyen.
Au lieu de créer des cures dans les hameaux plus
populeux, on y plaça des vicaires près des chapelles
existantes, qui continuaient à faire partie des anciennes
paroisses.
Ce système fut pratiqué aussi bien dans la partie
liégeoise du diocèse de Liège, que dans les régions
autrichiennes. Mais dans ces dernières, à cause de l'in-
tervention gouvernementale dans toutes les affaires
paroissiales, surtout à partir de 1750, le nombre de vi-
cariats créés dans les chapelles annexes semble plus
considérable.
En 1664, l'abbaye du Val-Dieu, comme décimateur
de la paroisse de Saint-Remy, avait établi un vicaire
à Barchon ; celui-ci disait un dimanche la messe dans
la chapelle de Barchon, lautre dans celle de Housse,
qui toutes deux se trouvaient sur le territoire de la pa-
roisse de Saint-Remy.
Le curé de Mortier, qui était bien doté, avait pris
à ses frais un vicaire, pour desservir la chapelle de
Sainte-Gertrude à Blegny. Dans la suite, daccord avec
ses paroissiens, il en prit un second, qui résidait à
Mortier même. L'abbaye du Val-Dieu, comme déci-
mateur d'Aubel, fut obligée de placer un prêtre à La
Clouse.
Vers le milieu du xviii® siècle, le gouvernement de
Bruxelles, qui toujours s'était mêlé des affaires ecclé-
siastiques, commença à s'immiscer davantage dans les
affaires paroissiales et à s'ériger en juge suprême dans
les questions concernant les érections de paroisses et
les créations de vicariats.
Par un décret du 5 mars 1754, le prince Charles de
Lorraine déclare qu'il est et qu'il a toujours été permis
aux évêques (malgré un décret antérieur qui semblait
annihiler ce droit), de juger de la nécessité de l'érection
d une cure et de donner leur décision à cet égard, à la
— 209 —
requête des habitants et autres personnes intéressées à
la création de la paroisse (i).
Mais par un autre décret (2) (25 mars lySS), Marie-
Thérèse statue que lorsqu'un évêque a décidé qu'il n'y
a point nécessité d'ériger une nouvelle paroisse ou d'éta-
blir un vicariat, il est permis aux décimateurs et aux
habitants que la chose concerne, d'interjeter appel de
cette décision devant le juge séculier ; et un autre dé-
cret (3) du i5 janvier de l'année suivante, déclare que
cet appel doit se faire en forme de recours et non d'ap-
pel comme d'un tribunal inférieur à un tribunal supé-
rieur.
Plusieurs fois encore ce décret de 1754 fut inter-
prété. Toutes ces interprétations attestent le conflit
existant entre le gouvernement et l'autorité ecclésias-
tique, qui luttait contre les empiétements civils sur le
terrain de l'administration paroissiale.
Quant aux vicariats, les décrets se succédèrent rapi-
dement aussi; celui du 3 septembre 1760 (4) décide que
la compétence ou la part congrue des vicaires est à la
charge des décimateurs; un autre avait fixé le montant
de leur traitement (s).
D'autres décisions statuèrent sur les obligations en
fait de réparation et de restauration d'églises et de
presbytères, et ne tinrent aucun compte des anciennes
coutumes contenues dans les statuts archidiaconaux et
décanaux.
Ces nouvelles lois provoquèrent les exigences des
populations, à l'égard des décimateurs, qui, il est vrai,
( I ) Liste chronologique des édits et ordonnances des Pays- Bas au-
trichiens de lySi à J^Ç4, t. I, p. 40. Ce décret statue sur un décret an-
térieur, du i5 septembre lySS, trop succinctement analysé (Ibidem,
p. 35), pour nous permettre d'en donner le contenu.
(2) Ibidem, p. 58.
(3) Ibidem, p. 73.
(4) Ibidem, p. 144.
(5) Liste chronologique des édits et ordonnances des Pays-Bas au-
trichiens de lyoo à 1780, p. 432.
n
— 210 —
ne se montraient généralement pas très pressés de s'ac-
quitter des obligations de la dîme. La Cour de Bruxelles
donnait très souvent gain de cause aux habitants des
paroisses, contre les possesseurs des dîmes. De tous
côtés, dans la région de Dalhem et de Limbourg, on
voit reconstruire les églises et les presbytères ; à Saro-
lay est érigée une nouvelle paroisse, à Housse comme
à Barchon, labbaye du Val-Dieu est condamnée à pla-
cer des vicaires. Les charges de la dîme d'Aubel sont
si considérables, que labbaye y renonce au profit des
paroissiens et paye même une certaine somme pour se
libérer de ses obligations (4).
C'était surtout depuis que Joseph II avait succédé
à Marie-Thérèse, que cette intervention et ces exi-
gences gouvernementales dans l'organisation paroissiale,
s'étaient fait sentir.
Le 29 mai 1786, Joseph II donna une ordonnance
par laquelle il exigeait de toutes les paroisses, des ta-
bleaux détaillés de tous les biens et revenus ecclésias-
tiques. Ces tableaux, qu'on trouve aux archives de l'Etat
à Liège, et qui fournissent des renseignements très inté-
ressants pour beaucoup de localités autrichiennes de
notre ancien diocèse, devaient servir, dans l'esprit de
l'empereur, à préparer une nouvelle délimitation de
toutes les paroisses du plat-pays.
La Révolution brabançonne et la mort empêchèrent
Joseph II d'exécuter ce projet.
IX.
RÉVOLUTION FRANÇAISE. CONCORDAT.
PAROISSES RÉCENTES.
La Révolution brabançonne, qui avait été en partie
provoquée par l'immixtion de Joseph II dans les ques-
tions religieuses, était à peine vaincue, que les républi-
(i) Renier, Historique de l'abbaye du Vai-Dieu, p. 43.
— 211 —
cains français s emparèrent de nos régions, interdirent le
cuite, fermèrent les églises, s'emparèrent de leurs biens,
firent en sorte qu'à un moment donné toute organisa-
tion paroissiale avait disparu.
Le concordat de 1802 mit un terme à cette situa-
tion. L'exécution de ce concordat amena une nouvelle
délimitation des paroisses. D'anciennes paroisses, re-
montant à l'époque de Charlemagne, comme Bom-
baye, Saint-André, Berneau, dans le pays de Dalhem,
furent supprimées et incorporées à des paroisses voi-
sines. Des chapelles annexes de l'ancien régime, comme
Blegny et Housse, devinrent paroisses.
Depuis, surtout vers 1842, plusieurs de ces paroisses
supprimées ont retrouvé leur caractère de paroisses
indépendantes; vers la même époque, de nouvelles pa-
roisses ont été créées, ainsi Barchon, Feneur et Devant-
le-Pont, dans la région qui a fourni le plus d'exemples
dans le cours de cette étude.
J. CEYSSENS.
ANNEXES
I.
La décrétale « Ad audientiam. »
Alexander III Eboracensi archiepiscopo.
Ad audientiam nostram noveris pervenisse, quod villa quae
dicitur H. tantum perhibetur ab ecclesia paroeciali distare ut, tem-
pore hiemali, cum pluviae inondant non possint paroeciani sine
magna difficultate ipsam adiré : unde non valent congruo tempore
ecclesiasticis officiis interesse. Quia igitur dicta ecclesia ita dicitur
redditibus abundare quod praeter illius villae proventus, minister
illius convenientem valet sustenlationem habere : mandamus qua-
tenus si ita se res habet, ut ecclesiam ibidem aedifices et in ea sacer-
dotem, sublato adpellationis obstaculo, ad praesentationem rectoris
ecclesiae majoris cum canonico fundatoris adsensu instituas, ad
sustentationem suam ejusdem villae obventiones ecclesiasticas per-
cepturum, providens tamen ut competens in ea honor pro facultate
loci ecclesiae matrici servetur : quod quidem fieri posse videtur
cum ejusdem villae dominus viginti acras terrae frugiferae velit ad
usus sacerdotis conferre. Si vero persona matricis ecclesiae virum
idoneum praesentare distulerit vel opus illud voluerit impedire,
tu nihilominus facias idem opus ad perfectionem deduci et virum
bonum adpellationis cessante diffugio, instituere non omittas.
— 213 —
II.
Documents concernant l'érection de la paroisse
de Richelle.
A. Separatio ecclesiae sive capellae de Richelle ab ecclesia de
Hermale sive fundacio ejusdem capellae, cujus est collator
et patronus unus Investitus de Hermalia, sigillo uno oblongo
de viridi cera eidem itnpendente sigillata.
Walramus de Juliaco Dei gratia praepositus Aquensis Dilecto
clerico suo Waltero de M argue! canonico Sancti Joannis Leodiensis
salutem et omne bonum. Ex parle Jacobi presbyteri investiti eccle-
siae de Hermale, cujus ecclesia cum suis appendiciis jus patronatus
ad nos pertinere dinoscitur et parochianorum suorum commoran-
tium in villa de Richelle, que est appendicium seu filia dicte ecclesie
de Hermale, nobis est humiliter supplicatum ut, cum tam propter
longi itineris intervallum quam fluvii Mose intermedii transitum,
multis subjacerent periculis et ipse rector qui ipsorum parochiano-
rum curam habet in eos visitando et ipsi parochiani pro defectu sive
absentia ipsius investiti, eis vellemus, quantum in nobis est, conce-
dere nostrumque consensum impartiri pariter et assensum ut in
dicta villa de Richelle seu appendicio proprius et perpetuus ponatur
presbyter qui parochianis commorantibus inibi subministret eccle-
siastica sacramenta, quemque habeat investitus de Hermale, qui
fuerit pro tempore, loci archidiacono presentare ut per eum in dicta
capella de Richelle instituatur et ad eandem per dictum archidia-
conum admittatur maxime cum et dictus investitus de redditibus
quos in dicta villa de Richelle habet et parochiani dicti loci de suo
proprio necnon et vir discretus Helebertus, canonicus Sancti Joan-
nis, frater ipsius investiti de suo proprio similiter tantum velint
ibidem ad opus ipsius capellani assignare in redditibus perpetuis
annuatim quantum ipse et futuri inibi capellani portionem habeant
competentem. Nos itaque attendentes per hoc augmentari cultum
divini numinis et vitari pericula animarum, justis eorum petitio-
nibus annuentes, de tua circumspectione plenam gerentes fiduciam,
tibi committimus, quatenus, inquisito per te vel per alium primitus
de premissis, si ita esse inveneris circa premissa loco nostro sic
caute ordines et disponas quod et ipsis (nobis) et posteris salubriter
consulatur et nos promittimus quod per te factum fuerit inviola-
biliter observare. Datum sub sigillo nostro anno Domini ducente-
simo octuagesimo sexto, dominica qua cantatur Invocavit,
— 214 —
B. Assignatio reddituum de Richelle et certificatio facta per de-
canum concilii Sancti Remacli et investitum Harstalliensem
sigillo itno de viridi cera sigillata.
Viro discreto magistro Waltero de Marguel canonico ecclesiae
beati Joannis Leodiensis, Nicolaus decanus concilii Sancti Remacli
et Lambertus investitus Harstalliensis salutem in eo qui omnium
est salus. Noveritis quod nos ad monitionem et requisitionem nobis
ex parte vestra, ymo verius Domini nostri viri venerabilis domini
Walrami de Juliaco Dei gratia prepositi Aquensis patroni ecclesiae
de Hermale, in vigilia Annuntiationis béate Marie Virginis hora
misse accessimus personaliter ad ecclesiam de Richelle et secun-
dum formam nobis a vobis traditam, vocatis parochianis de Richelle
et aliis quorum interest, invenimus valorem reddituum seu obven-
tionum capelle de Richelle esse, videlicet in ipsa villa consistere et
esse sedecim domos sive focos qui judicio communis concilii (ou
consilii) estimantur ad sedecim solidos Leodienses. Item inveni-
mus quod dicta capella de Richelle habet quatuor bonnaria terre
arabilis que dos est ipsius capelle libéra a décima, que quatuor
bonnaria estimantur (extimantur) ad valorem tredecim modiorum
spelte mensure Leodiensis annuatim : que quatuor bonnaria vir
discretus Dominus Jacobus investitus ecclesie de Hermale, ibidem
personaliter existens, coram nobis et omnibus presentibus ad opus
sacerdotis ibidem Domino nostro archidiacono ab ipso investito
presentandi et instituendi resignavit. Item invenimus quod vir dis-
cretus Dominus Helebertus concanonicus vester in ecclesia Sancti
Joannis Leodiensis coram nobis et omnibus presentibus per litte-
ras suas patentes et per dictum dominum Jacobum investitum de
Hermale germanum suum cui coram scabinis curiae de Richelle
personaliter vi va voce potestatem (dédit) et mandatum spéciale prout
iidem scabini ibi présentes existentes nobis et ibidem presentibus
testificati sunt, eidem capelle de Richele ad opus sacerdotis ibi
instituendi in puram elemosinam pro remedio anime sue necnon
remedio parentum suorum et specialiter anime magistri Elberti,
patrui sui, quondam scolastici Leodiensis contulit : primo duo
bonnaria terre arabilis jacentia in territorio de Richelle, valor quo-
rum extimatur ad sex modios spelte mensure Leodiensis annuatim
que acquisivit a Balduino de Richelle. Item duo bonnaria terre
arabilis, que acquisivit a Lamberto Sartore de Viseto, jacentia in
Sarto de Argenteal que extimantur communi extimatione ad très
modios spelte mensure Leodiensis annuatim. Item dimidium bon-
narium terre arabilis jacentis in territorio de Richel, quod émit
a Domino Wilhelmo de H us, milite, quod extimatur ad modium
- 245 —
cum dimidio spelte mensure Leodiensis annuatim. Item curtem
unam cum domo jacentes apud Richelle juxta ecclesiam valentes
annuatim et reddentes sex solidos Leodienses et unum caponem.
Item assigna ver un t et posuerunt de suo proprio ad opus sacerdotis,
qui ibi debeat deservire parochiani dicte ville de Richelle terram
nunc arabilem quam sartaverunt continentem duo bonnaria et
dimidiura vel circa jacentem in territorio de Richelle, que exti-
mata fuit coram nobis et ibi presentibus ad valorem trium modio-
rum et dimidii spelte mensure Leodiensis annuatim. Item unum
bonnarium terre arabilis jacentis supra Rupem in territorio de Ri*
chelle quod colit hereditarie Juetta, advocatissa de Richelle pro
pensione duorum modiorum spelte mensure Leodiensis annuatim.
Item unum bonnarium terre arabilis liberum a decïma jacens in
territorio de Richelle quod extimatur ad valorem duorum modio-
rum et dimidii spelte mensure Leodiensis annuatim. Predicta omnia
diligenter inquisivimus per juramenta. Ita esse invenimus, presen-
tibus talibus infrascriptis et testificantibus videlicet Domina Juetta
advocatissa et Bastiano, ejus filio, advocato de Richelle, Renardo
Rufo villico, Henrico dicto Baillos, Gilardo de Hermalle et Theo-
derico magno, scabinis curie de Richelle, Balduino scutifero de
Richelle, Godino de Richelle, Laurentio de Fenoer, Stassino, Ar-
noldo dicto Ernar, Theoderico de Atrio, Lamberto dicto Lambelion
et Philippo de Richelle et quam pluribus aliis. Invenimus etiam
animabus predicte ville de Richelle magnum periculum imminere
pro eo quod speciali sacerdote carerent qui propter periculum Mosae
interfluentis eisdem debitis horis sacramenta ministrare non potest.
Assignavimus etiam hoy (horam) coram vobis omnibus quorum
interest, feriam quintam hora vesperarum post annunciationem
béate virginis Marie. Et hec vobis sub sigillis nostris inclusa re-
mittimus. Actum et datum in vigilia predicta. Anno Domini mil-
lesimo ducentesimo octuagesimo sexto.
C, Confirmatio omnium praemissorum per archidiaconum Con^
drosii in ecclesia Leodiensi tribus sigillis ex viridi cera
sigillata.
Johannes de Remis, Dei gratia archidiaconus Leodiensis uni*
versis présentes litteras inspecturis salutem in domino. Adhesit
anima nostra soUicitudini gregis nobis commissi intendere ut peri-
culis imminentibus quanto evidentius prorumpunt in impetum
tanto diligentius succurramus. Eapropter attendentes ecclesiam
de Hermale inferiori supra Mosam cujus est filia seu appendicium
capella de Richelle suis propriis onerum supportationibus pregra-
— 216 —
vari et ejus rectorem ex sui débita sollicitudine fréquenter laborare
providimus quod predicta filia de Richelle, quae propter locorum
distanciam et viarum discrimina et Mosam intermedium, cujus
quandoque transitas facile non habetur et alia casualia pericula
pluries patitur detrimentum presbytero suo speciali qui parochia-
nis loci baptisma, Eucharistiam, inunctiones, sepulturam et alia
Christianitatis solacia subministret indigeret; cumque super hiis
ad instanciam parochianorum predicte capelle de Richelle et requi-
sitionem animi studio arctaremur, facta diligenti inquisitione, vo-
catis qui fuerunt vocandi et sua credebant interesse de premissis,
omnibus rite actis que circa hec requiruntur nos de consensu
Jacobi presbyteri, investiti ecclesie predicte matricis de Hermale et
de venerabilis viri domini Walrami de Juliaco prepositi Aquensis,
patroni loci etiam consensu interposito, per virum discretum magis-
trum Walterum de Marguel canonicumSancti Johannis Leodiensis
clericum dicti patroni habentem super hoc a dicto patrono potesta-
tem, ordinamus quod predicti parochiani de Richelle presbyterum
proprium habeant qui eis premissa christianitatis solacia submi-
nistret, quem predictus investitus archidiacono loci presentabit ut
ab ipso archidiacono instituatur et qui dicto investito reverentiam
exhibebit et honorem, concilia et capitula more aliorum fratrum fre-
quentabit et dicti parochiani de Richelle ad synodum apud Hermale
venire tenebunturet in signum hujus subiectionis dictus presbyter
de Richelle qui fuerit pro tempore sex denarios Leodienses annui
et hereditarii redditus, pro média parte in nativitate Domini et
pro alia in resurrectione Domini predicto investito de Hermale
persolvet. Intererit etiam ipse sacerdos de Richelle annis singulis
in dedicatione dicte matricis ecclesie de Hermale et in assumptione
gloriose virginis vesperis et missis et tenebitur interesse. Visitabit
etiam sacerdos predicte capelle vice et nomine investiti de Her-
male in hoc eidem succurrendo in nécessita tis articulo cum requi-
situs fuerit, omnes parochianos de Hermale commorantes ultra
Mosam versus Richelle. Et ut non appareat os bovis triturantis a
presepio separatum, cui servicii merito debeat alligari taies pro-
ventus presbytero predicto de Richel sunt ascripti et incorporât!,
videlicet (suit la liste des donations du document précédent) Pre-
dicta vero sacerdos ibidem celebrans ex libéra concessione et do-
natione predicti investiti percipiet in perpetuum et habebit. Hec
omnia fient salvo tamen jure dicte matricis ecclesie in aliis per
omnia. Ipsi etenim parochiani de Richel décimas suas, jura syno-
dalia, luminare et matriculario de Hermale jura sua sicut prius
integraliter persolvere tenebuntur, qui matricularius per se vel per
alium in ipsa capella ministrabit. Hec autem, Domino concedente,
— 217 —
ordinamus, ut cujus admiranda potencia dat per graciam esse for-
tissima que sunt fragillima per naturam, nos et eos qui consilium
et auxilium premissis impenderunt robore fulciat et virtute per-
fundat, donetque sic prosequi que impotencie nostre credidit et
humilitati commisit ut actus nostri et sui in beneplacito divino
perficiant et ad salutaria dirigantur. In quorum testimonium et
munimen presentibus litteris sigillum nostrum est appositum. Et
ego predictus Jacobus investitus ecclesiae de Hermale premissis
consensi et consencio et in signum mei consensus sigillum meum
presentibus appendi. Et ego dictus Walterus de Marguel, inquisito
rite de premissis eis vice et nomine Domini mei patroni predicti
consencio et sigillum meum presentibus appendo. Datum anno
Domini ducentesimo octuagesimo septimo, mensis Aprilis die vice-
sima sexta (?)
Registre aux archives paroissiales de Hermalle-sous-
Ârgenteau.
III.
Décisions du Concile de Trente
au sujet de la réorganisation paroissiale.
Sessio XXI, Decretum de Reformatione.
CAPUT IV.
Sacramenta per convenientem sacerdotum numerum exhibeantur .
Ratio novas parochias erigendi traditur.
Episcopi etiam tanquam Apostolicae Sedis delegati, in omnibus
Ecclesiis parochialibus vel baptismalibus in quibus populus ita
numerosus sit, ut unus rector non possit sufficere Ecclesiasticis Sa-
cramentis ministrandis et cultui divino peragendo, cogant rectores
vel alios, ad quos pertinet, sibi tôt sacerdotes ad hoc munus adjun-
gère quot sufficiant ad Sacramenta ezhibenda et cultum divinum
celebrandum. In iis vero, in quibus ob locorum distantiam sive
difficultatem parochiani sine magno incommodo ad percipienda
Sacramenta et divina officia audienda accedere non possunt, novas
parochias, etiam invitis Rectoribus, juxta formam constitutionis
Aiexandri III quae incipit : Ad audientiam, constituere possint.
Illis autem sacerdotibus, qui de novo erunt Ecclesiis noviter erectis
praeficiendi, competens assignetur portio arbitrio Episcopi ex fruc-
tibus ad ecclesiam matricem quomodocumque pertinentibus : et,
si necesse fuerit, compellere possit populum ea subministrare, quae
sufficiant ad vitam dictonun sacerdotum sustentandam : quacumque
28
— 218 —
reservatione generali, vel specîali, vel aâectiooe super dicûs Ecde-
siis, non obstantibus. Neque hujusmodi ordinationes et erectiooes
pcrssint tolli, nec ûnpediri ex quibuscumque provisionibus etiam
vigore resignationîs, aut quibus^'îs aliis derogationibus seu suspen-
Monibus.
Caput V.
Possint Episcopi facere uniones perpétuas
m casibus a jure permissis.
Ut etiam Ecclesiarum status, ubi sacra Deo officia ministran-
tur, ex dignitate conservetur, possint Episcopi — juxta fonnam
juris, sine tamen prasjudicio obtinentium facere uniones perpétuas
quarumcumque Ecclesiarum parochialium et baptismalium et alio-
mm beneficiorum, curatonim vel non curatonim, cum curatis,
propter eanim paupertatem et in caeteris casibus a jure permis-
sis, etc.
IV.
Acte d'érection de la paroisse de Dalhem.
Ernestus, episcopus Leodiensis, etc. universis et singulis prae-
sentes nostras litteras lecturis et legi audituris ac aliis quorum
interest, intererit seu interesse poterit quomodolibet in fu-
turum, salutem in Domino sempiternam.
Exigit incumbentis nobis Episcopalis sollicitudinis officium
ut circa statum ecclesiarum omnium per patriam et diœcesim
nostras Leodienses consistentium dirigendum sollicite intendamus,
quo unusquisque populus per proprium regatur pastorem ac pas-
tores in vinea Domini laborantes tantum ha béant, quantum pro
parochie sue necessitate et ipsorum vitam honeste alendam, suffi-
ciat prout in sacrosancto concilio Tridentino recte ac salubriter
ordinatum existit, ac horum temporum nécessitas, divinique cultus
augmentum postulant. Exhibita si qUidem pro parte nobilis ac
generosi viri Domini Walrami Draeck, praefecti seu drossardi
arcis et oppiduli ditionis seu terrae Dalhemiensis, necnon reddi-
tuarii, villici et scabini praedicti oppiduli nostrae Leodiensis dioe-
ccsis subditorum petitionis et supplicationis oblatae séries conti-
nebat : Quod cum a pluribus annis per Reverendissimum D. Fran-
ciscum Episcopum Vercellensem, nuntium apostolicum binatio
esset sublata et prohibita et ab eo tempore rector ecclesiae paro-
chialis oppidi nostri Visetensis, qui soluit hactenus populi Dalhe-
— 219 -
miensis uti pastor ejusdem curam pastoralem gerere et ecclesiae
praedicti oppiduli Dalhemiensis in divinis deservire, declarasset
se amplius deserviture predicte ecclesie Dalhemiensis non posse
sufficere ; missus ex parte prefatorum supplicantium pretor predicti
oppiduli Dalhemiensis, juncto ipsi pastore praetacte parochialis
(ecclesiae) Visetensis, ad nos cum ea supplicatione quatenus in pre-
missis oportune providere dignaremur, ne pretacta ecclesia Dalhe-
miensis pastore seu idoneo deservitore careret de caetero ; qua qui-
dem supplicatione, ut prefertur, nobis facta a nobis per modum
provisionis ordinatum fuerit quod predicta ecclesia ejusque po-
pulus per vicarios, seu, ut vocant, deservitores tune regeretur.
Quod autem, sicuti eorumdem supplicantium petitio subjun-
gebat, hujusmodi deserviendi ratio comperta fuerit admodum
periculosa, incommoda ac saluti animarum noxia propterea quod
vicarii seu deservitores dicte ecclesie plerumque ac fere semper,
absolutis divinis officiis, ad habitationes suas intra menia oppidi
Visetensis se recipiebant, tum propter dotis domus defectum tum
insuffi cientiam juste competentie, quibus absentibus eorum pre-
sentia egris et infirmis, interdumque recenter natis prolibus maie
valentibus admodum erat necessaria atque ita hujusmodi absentia
ac proprii pastoris defectus animabus Christi fidelium plurimum
fuit noxia.
Cum autem expédiât plurimum predictam ecclesiam et popu-
lum Dalhemiensem per proprium et in dicto oppidulo residentem
pastorem régi supplicarunt nobis prefati exponentes quatenus
pretactam Ecclesiam Dalhemiensem in parochialem ecclesiam me-
diam erigere, eidemque proprium preficere pastorem et quoniam
fructus, redditus et proventus predicte ecclesie non sufficiunt
alendo uni pastori, quoddam beneficium perpetuum simplex ad
altare sub invocatione SS. Christophori et Catharinae secunde fun-
dationis in predicta ecclesia Dalhemiensi situm et fundatum ad
collationem prefatorum Drossardi, reddituarii, villici seu pretoris
et scabinorum jure patronatus laïcalis spectans, predicte ecclesie
Dalhemiensi pro augmento competentie rectoris ejusdem ecclesie
pro tempore existentis perpétue unire, annectere et incorporare
dignaremur.
Nos itaque, causis prememoratis adducti, attento maxime quod
expédiât unumquemque populum per proprium régi parochum,
summaria informatione super premissos per nos seu nostra ex
parte recepta, compertoque premissa veritate fulciri, saluti anima-
rum providere et noxia atque incommoda prenarrata removere
cupientes, pretactam ecclesiam predicti oppidi Dalhemiensis in
parochialem mediam cum fonte baptismali, cœmeterio, campanili.
— 220 —
campanis ac aliis juribus parochialibus insigniis erigimus, eamque
de cetero per proprium pastorem régi et ad rationem viginti mo-
diorum spelte pro tempore quotannis tempore debito ac consueto,
rescribi decernimus.
Et ulterius quia fructus, redditus et proventus sepedicte ecclesie
Dalhemiensis alendo suo pastori minime sufficiunt, eidem ecclesie
seu illius pro tempore futuro rectori pro augmente competentie
predictum beneficium simplex ad altare sub invocatione SS. Chris-
tophori et Catharinae secundae fundationis ad coUationem prefa-
torum supplicantium spectans cum omnibus et singulis proven-
tibus, juribus et pertinentiis universis authoritate nostra ordinaria
aliaque nobis per sacrosanctum concilium Tridentinum concessa
perpétue unimus, annectimus et incorporamus.
Ita quod liceat prememorate ecclesie rectori ex nunc si vacat
alioquin cum vacabit corporalem possessionem predicti altaris ac
annexorum, juriumque et pertinentium ejusdem per se seu per
alium propria authoritate libère apprehendere illiusque fructus,
redditus, proventus, jura, oblationes et emolumenta quecumque in
proprios usus convertere, juribus tamen nobis et archidiacono
nostro Hasbaniae consuetis semper salvis ; salvo tamen quod pre-
fatus pro tempore ecclesiae predicte rector eidem altari non secus
atque parochiali ecclesie sue predicte in divinis laudabiliter juxta
fundationem ejusdem presentibus per copiam transfixam deser-
viat, juraque et onera ejusdem altaris sicut et predicte ecclesiae
suis debitis et consuetis loco et tempore solvendis intègre persol-
vat et supportet. CoUationem predicte ecclesie et jus patronatus
sive presentandi venerabili confratri nostro domino archidiacono
Hasbanie in ecclesia nostra Leodiensi personam idoneam ad eam-
dem ecclesiam regendam prefatis prefecto seu drossardo, reddi*
tuario, sculteto seu villico et scabinis de Dolhen pretactis attri-
buentes et reservantes. Et quoniam ad nos de jure et antiqua
consuetudine primi rectoris predicte ecclesie nominatio et insti-
tutio pro hac i' vice ad nos spectat et pertinet ideo eandem eccle-
siam venerabili, nobis in Christo syncere dilecto, domino Gre-
gorio Sylvio nobis multipliciter commendato eandem ecclesiam
regendam et possidendam per nostros commissarios seu examina-
tores nostre dicte diœcesis Leodiensis idoneo et sufficienter qualifi-
cato reperto pro hac i' vice propter Deum cum juribus et perti-
nentibus suis universis conferimus et eumdem in eadem instituimus
intertuentes (?) etiam eundem in eadem parochiali (ecclesia) in Dei
nomine presentium nostrarum série litterarum absque alia aliqua
presentatione seu admissione desuper hac vice facienda.
Quocirca universis ac singulis presbyteris, notariis et tabellio-
— 221 —
nibus publias nobis subditis in virtute sancte obedientie preci-
pientes, mandamus quatenus harum vigore litterarum prefatum
Gregorium ejusve procuratorem legitimum pro eo et ejus nomine
in et ad pretactam ecclesiam parochialem Dalhemiensem et altare
ex nunc si vacat alioquin cum vacabit, ipsorumque corporalem,
realem et actualem possessionem cum juribus et pertinentiis suis
universis ponant et inducant ipsique D. Gregorio Silvio de fruc-
tibus et proventibus eorumdem ecclesie et altaris quantum in eis
est respondeant et aliis faciant et procurent responderi, tempo-
ribus et locis ad hoc aptis. In quorum fidem, robur et testimonium
présentes litteras per vicarium nostrum in spiritualibus generalem
subscribi sigillique nostri ad causas appensione communiri fecimus
et mandavimus. Datum Leodii sub anno Domini XV centesimo
nonagesimo quinto mensis junii die 12.
Copie sur papier aux archives paroissiales de Dalhem.
♦■•'»
LA PAROISSE SAINHEAN-BAPTISTE, A LIÈGE
I ♦
INTRODUCTION.
LES SOURCES.
Les sources de ce petit travail se divisent en trois
catégories. Ecartant Jean d'Outremeuse, dont le récit
fabuleux a embrouillé singulièrement l'étude du sujet,
je noterai :
lo Quelques diplômes desquels il résulte qu*à la
date de 1287, tout au moins, la paroisse de Saint-Jean-
Baptiste existait déjà, ainsi que l'hospice Saint- Abraham
qui y était annexé. Ces diplômes ont été transcrits dès
le xiv« siècle dans un registre in-folio de parchemin de
71+70 folios, appartenant aux archives de l'hospice
Saint-Abraham et portant dans l'inventaire de ces ar-
chives le no 23 (1). Un folio non numéroté, placé en
tête de ce registre, contient la note suivante, due à la
main d'un archiviste du xvi* siècle, dont j'aurai l'occa-
sion de reparler :
ce Cestuy présent registre est le plus anchien faisant
» mention des cens et rentes partennans à l'hospital
» saint Abraham en Liège, lequel est appelleit li libvre
» a serment dudit hospital, a raison qu'en icelluy sont
(1) Aux archives de l'Etat, à Liège. Les diplômes occupent les folios
4 1 et 42*>»» de ce registre.
29
— 224 -
» escrips et registrées aulcunes archieves, previleges et
» sermens qui doibvent et sont tenus faire a leurs
» nouvel institution les vesty, chappellains, mam-
» bours de l'englise parroichiale S* Johan Baptiste
» audit Liège et les maistres et proviseurs dudit hos-
» pital. Philippe d'Awans. »
2® Ma seconde source, ce sont les travaux de Phi-
lippe d'Awans, dont je viens d'écrire le nom. Philippe
d'Awans était en 1549 ^'^^ ^^^ maîtres de l'hospice
Saint-Abraham, et il exerçait en même temps les fonc-
tions de clerc-juré de cette maison. C'était un homme
qui s'intéressait à son métier et à sa paroisse, et qui a
voulu garder le souvenir des travaux qu'il a exécutés
comme archiviste. Cette espèce d'auto-bibliographie,
qui ne se lira pas sans intérêt, figure dans mes Pièces
justificatives, n® X.
Nous devons encore à Philippe d'Awans divers
petits travaux : des annales pour i586 et années sui-
vantes, la liste des curés de Saint-Jean-Baptiste jusqu'à
son temps, une chronique de sa paroisse. On le voit,
c'est un vrai chroniqueur paroissial, et il n'est pas sans
intérêt de mettre en relief cette physionomie d'historien
en miniature.
Philippe d'Awans accepte et fait sien le récit de
Jean d'Outremeuse pour la partie antérieure à la date
des diplômes commentés par lui, c'est-à-dire à l'année
1287. Il ne semble d'ailleurs pas le connaître direc-
tement, puisqu'il ne prononce pas même son nom,
mais seulement par le canal d'une de ces chroniques
dites vulgaires qui, à partir du xvi*' siècle, populari-
sèrent, pour les lecteurs liégeois, l'histoire de leur pays
telle que l'avait faite le romancier national.
3° Ma troisième source est un cahier in-folio de
douze feuillets de papier d'une écriture du xviii* siècle,
portant pour titre :
« Dépouillement des pièces et lettrages concernant
» les droits quont les paroissiens de V église Saint-Jean-
— 225 —
» Baptiste tant pour la nomination et présentation
» d'un curé, des bénéfices, que des offices attachés à
» Vhopital du dit Saint-Jean que l'on a retrouvés, car
» au commencement d'un livre portant au dorso Vieux
» Stock, on lit quen Van 1470, le 1 3* jour en mois
» de mars, furent renouvelles les héritages de l'hôpital
» de part Louis de Bourbon, évêque, après la destruc-
» tion de la cité de Liège pour cause de ce que les re-
» gistres, lettrages, stocks et autres exploits partenants
» ont esté perdus, arses (1) et annihilés, dont pour la
» garde et préservation des héritages partenant audit
» hôpital a été fait ce présent livre. »
Sur le feuillet de papier blanc qui précède celui du
titre, on lit cette note de la même main :
« Pour M. Lhoest, receveur de l'hôpital Saint-
» Jean-Baptiste.
» Pro memoria.
» // est prié de mettre de côtés les pièces jointes. »
Ce cahier contient un historique de la paroisse de
Saint-Jean-Baptiste fait à la manière des chroniques-
cartulaires, c'est-à-dire consistant dans l'analyse des
chartes, reliées entre elles par de courts exposés nar-
ratifs. Les documents dont il se sert sont ceux dont je
publie le texte en appendice, mais le récit remonte au
delà du plus ancien et, comme Philippe d'Awans, nous
apporte la version de Jean d'Outremeuse. Pas plus
toutefois que Philippe, le compilateur ne nomme, ni
ne semble connaître le chroniqueur; il dit emprunter
les éléments de son récit à un recueil qu'il appelle le
Registre aux Format^. Ce registre a malheureusement
disparu; c'était un volume d'au moins 894 folios (2),
dont il m'est impossible de dire l'âge, mais dans lequel
on avait eu soin de transcrire les principales choses
( i ) En marge : arses, brûlés, A diverses reprises le copiste prend
ainsi la peine de gloser les expressions obsolètes qui arrivent dans ses
analyses.
(2) Notre auteur en cite divers folios, depuis 253 jusqu'à 394.
— 226 —
qui étaient connues de l'auteur au sujet de l'histoire de
la paroisse.
Outre le Registre aux Format^, le compilateur
cite encore le Livre en parchemin, auquel il emprunte
une charte (i) et le Registre aux treffonds de i54j, qui
est évidemment un des recueils mentionnés à la pièce
justificative X du présent travail.
4^ En dernier lieu, je citerai le décret rendu en 161 3
par le nonce Albergati, au sujet des élections de Saint-
Jean- Baptiste et de l'administration du temporel de
l'hospice Saint- Abraham. Ce décret se trouve en son
texte latin, avec traduction française en regard, dans
un factum publié à Liège, en 1684, par la Cour des
tenants de l'hospice; j'en reproduis plus loin les dispo-
sitions principales.
J'aurais voulu utiliser encore ici une lettre du cha-
pitre de la cathédrale de Liège, datée de 1296, et réglant
les droits des paroissiens et ceux du curé de Saint-Jean-
Baptiste. Cette lettre, dont M. Th. Gobert a eu une
copie authentique sous les yeux, était extraite « hors
» de Vanchien registre escript en parchemin et lettres
» anchiennes, couverte de planche, ayant couverture
» de cuyre, appelle^ le dit registre le Registre az
» Ordonnances ançhiennes de l'egliese et hos-
» PiTAL Saint -Jean -Baptiste («). » Malheureuse-
ment ce registre a disparu, et l'auteur des Rues de
Liège n'a pu retrouver la copie en question.
Pour être complet, je crois utile de reproduire ici
les titres de quelques brochures publiées au xvii* siècle,
à l'occasion d'un conflit très vif entre le curé de Saint-
Jean-Baptiste et les maîtres de l'hospice, d'une part, et
un certain nombre de paroissiens, d'autre part. Ces
brochures, devenues très rares, se trouvent à la Biblio-
thèque de l'Université de Liège.
(i) Voy. Pièces justificatives, n*» VI.
(a) Th. Gobert, Le$ rues de Liège, t. II, p. ia8, col. a.
— 227 —
1. Advertissement de Messieurs les révérends pas-
teurs et maîtres de l'hôpital Saint-Abraham à Mes-
sieurs les paroissiens de Saint- Jean-Baptiste en Liège,
La préface porte la date du i*' septembre 1679. Petit
in-40 dépareillé, s'arrêtant à la page 78.
2. La justification de Messieurs les députe^ de la
paroisse Saint-Jean-Baptiste en Liège, sur des impri-
mei diffamatoires qu'on distribue contre eux, entre
autres un du 24 courant, Présentée à Messieurs de
la même paroisse, le 28 d'aoust 1682. Petit in -4° de
12 pages.
3 . Les anciens privilèges de la paroisse Saint -Jean-
Baptiste en Liège, rafrechis par les soins de Mes-
sieurs ses députei d'authorité apostolique et ordinaire,
en Van 1682, le 22 novembre, A Liège che{ Gérard
Grison, imprimeur juré de la cité, demeurant sur le
Vieu Marché, Petit in-40 de 18 pages.
4. Replicque très humble des députe^ de la paroisse
Saint-Jean Baptiste en Liège, à diverses replicques
présentées par leur curé Michel de Halyng à son
Altesse Sérénissime, en Van i683, le 28 du mois d'août.
Petit in-4® de 25 pages.
5 . En V assemblée de Messieurs les mayeurs, maîtres
et tenants de la cour jurée de Vhôpital Saint-Abraham
et de V église paroissialle Saint- Jean-Baptiste, etc., etc.
Petit in-40 de 8 pages, contient le décret de 161 3 ren-
forcé en 1684 par le nonce.
Tous ces documents nous permettront de retracer
ici une page intéressante de l'histoire religieuse de la
ville de Liège. On y verra fonctionner un régime de-
puis longtemps oublié, sous lequel nos ancêtres ont
vécu pendant une bonne demi-douzaine de siècles {\).
(i) Voy. une description de l'église Saint-Jean- Baptiste, aujourd'hui
démolie, dans Les délices du pays de Liège, t. I, p. 1 53, et un intéres-
sant historique de la paroisse, dans Gobert, Les rues de Liége^ t. II,
pp. 127-133.
— 228 —
I.
LA PAROISSE SAINT-JEAN-BAPTISTE.
L'origine des paroisses de la ville de Liège est très
obscure. C'est seulement à partir du xii" siècle qu elles
apparaissent en nombre, mais sans que nous sachions
quand et comment elles ont pris naissance. Jean d'Ou-
tremeuse le sait, lui. Il n'y en a pas une dont il ne con-
naisse parfaitement Tétat civil, qu'il trouve parfois dans
des documents, mais plus souvent, lorsque les docu-
ments lui font défaut, dans son imagination. Beaucoup,
à l'entendre, remontent au viii*, au ix" et au x*" siècle,
c'est-à-dire à une époque où Liège n'était encore qu'une
bourgade. Tenir pour non avenu ce qu'il dit, jusqu'à
preuve du contraire, s'impose comme une loi de la cri-
tique (a).
C'est à cette loi que se conformait sagement M . Th.
Gobert (2), en refusant sa créance à l'histoire des ori-
gines de la paroisse de Saint-Jean-Baptiste telle que ce
chroniqueur la raconte.
Voici, en résumé, ce qu'on lit dans Ly Myreur des
histors :
Dans les premières années du xili* siècle, il y avait
en Féronstrée, à Liège, un changeur que Jean d'Outre-
meuse appelle Godefroi de Féronstrée le Vieux, et qu'il
qualifie de « riche chevalier. » C'est ce Godefroi,
fils du « seigneur Arnay, » qui fonda de ses deniers
l'église Saint-Jean-Baptiste. Elle fut bâtie et achevée
en i2o3, et consacrée cette même année par Hugues
de Pierrepont, évêque de Liège. Il en fit une église
paroissiale, conformément aux vœux du fondateur, et
lui accorda le privilège, assez envié des églises parois-
siales de Liège, de posséder des fonts baptismaux. Tous
(i) Il faut donc aussi tenir pour non avenu le travail de M. Clerx sur
les églises paroissiales de Liège, fait exclusivement d'après Jean d'Outre-
meuse (Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. Vil (i865), pp.
274-280.
(2) Th. Gobert, Les rues de Liège, t. II, p. 128.
— 229 —
les jours, on devait y chanter l'office. Conformément
à l'usage, le droit de patronage resta au fondateur et
à ses héritiers (i).
Quelques années après, en 121 5, un autre habi-
tant de Féronstrée, qui s'appelait Jean Ganoir et qui
était cordonnier de son état, mourut en fondant par
testament l'hospice Saint-Jean- Baptiste, plus connu
depuis sous le nom d'hospice Saint- Abraham. Ce cor-
donnier était un homme pieux qui, sept ans aupara-
vant, avait fait le pèlerinage de Saint-Jacques de Com-
postelle. En route, il avait été dépouillé par des bri-
gands qui ne lui avaient rien laissé que sa chemise, et
il avait été obligé de mendier son pain de porte en
porte et de dormir dans des hospices. De retour à
Liège, il voulut épargner aux pèlerins pauvres les souf-
frances et les humiliations qu'il avait éprouvées, et il
fit de sa maison un hospice à leur usage. Il légua par
testament tous ses biens à cette institution de charité,
qui était située tout près de l'église paroissiale de Saint-
Jean-Baptiste (2).
Ici se termine le roman de Jean d'Outremeuse ; ce
qui suit est de l'histoire.
A un moment donné — c'est en 1287 — nous
voyons l'église et l'hospice passer dans les mêmes
mains. Par un diplôme de cette date, Léonius de
Féronstrée, chanoine de l'église Saint-Denis, Henri de
Cologne et Marthe, tous trois patrons de l'église Saint-
Jean-Baptiste, cédèrent chacun leur droit sur celle-ci
aux proviseurs de l'hospice (s). Comme ces trois per-
sonnages étaient à cette date les seuls collateurs de
l'église (4) et que chacun cédait toute sa part de patro-
(1) Jean d'Outremeuse, Ly Myreur des histors, t. IV, pp. 570-571 .
(2) Ibidem, t. V, p. 1 59.
(3) Voy. Tacte de Léonius aux Pièces justificatives, n° I. Nous ne pos-
sédons plus ceux de Henri de Cologne et de Marthe, qui nous sont con-
nus par la bulle du pape Innocent IV du 25 mai 1246, reproduits aux
Pièces justificatives, n^ II.
(4) C'est ce que montre clairement la bulle d'Innocent IV, citée ci-
dessus.
— 230 —
nage, il en résulte que l'hospice acquérait celui-ci inté-
gralement.
Par conséquent, Jean d'Outremeuse, qui connaît
ces faits, nous trompe encore une fois en nous disant
que le nombre des coUateurs issus, comme il le prétend,
de son Godefroi de Féronstrée, était si considérable
« qu'ils ne se pevient oncques accordeir » et que les
paroissiens furent obligés d'acquérir encore les parts
de patronage de ces nombreux héritiers (i). Il y a d'ail-
leurs une choquante contradiction interne à prétendre
que dun homme mort en i2o3 il était issu, à la date
de 1237, ^' ^^0^ d^ branches » et tout autre que Jean
d'Outremeuse se serait abstenu de donner ici un détail
qui enlève toute vraisemblance à son récit.
Dès 1246, à la demande des maîtres, du maïeur,
des échevins et du commun de la ville de Liège, le
pape Innocent IV confirmait la cession du patronage
de l'église Saint-Jean-Baptiste faite à l'hospice par les
trois donateurs énumérés ci-dessus {2). Le 7 juillet 1249,
le même pape accordait aux proviseurs de l'hospice le
privilège de n'être obligés à pourvoir qui que ce fût en
vertu d'une lettre du Saint-Siège ou d'un légat aposto-
lique, à moins que la lettre ne mentionnât expressé-
ment que c'était par dérogation à ce privilège (3). Le
même jour, le pape notifiait cette concession au doyen
du chapitre de Saint-Lambert (4).
En vertu de ces actes, les paroissiens de Saint-
Jean-Baptiste ne cessèrent, jusqu'à la fin, de jouir de
la prérogative detre les électeurs de leur propre curé.
C'était une conséquence assez curieuse du régime
féodal qui, en attribuant à la propriété des droits
étendus dans l'ordre politique et même religieux, resti-
tuait indirectement à la communauté des fidèles le rôle
(i) Jean d'Outremeuse, Ly Myreur deshistors, t. V, p. 236.
(2) Voy. Pièces justificatives, n® II.
(3) Ibidem, n<> III.
(4) Ibidem, n^ IV.
— 231 —
qu'elle avait joué dans les premiers temps, et dont pré-
cisément elle avait été dépouillée par lavènement du
régime féodal.
Ce droit fut expressément reconnu aux paroissiens
de Saint-Jean- Baptiste en 1277 par le curé de la pa-
roisse, qui, par devant le prévôt de la cathédrale, vint
déclarer que la présentation du curé appartenait aux
proviseurs de l'hospice ainsi qu'aux paroissiens, et que
lui-même avait été accepté par le grand prévôt sur leur
présentation. 11 reconnut également, comme il demanda
de le faire remarquer, après mûre délibération et après
avoir consulté des gens d'expérience, que les mêmes
proviseurs et paroissiens avaient le droit de présenter
les bénéficiers des divers autels tant de l'église que de
l'hospice, et que le grand prévôt pouvait les admettre
s'ils étaient idoines, sans prendre conseil du curé actuel
ni de son successeur (i).
L'acte perdu de 1296, dont il a été question plus
haut, ne faisait que confirmer celui de 1277, tout en le
précisant sur quelques points.
Voilà quelle était la constitution de la paroisse
Saint-Jean-Baptiste. Cette paroisse ne fut pas parmi
les moindres de la ville, puisqu'en i65o elle avait la
huitième place pour le nombre des maisons (s), et, par
suite, des habitants.
II.
L'HOSPICE SAINT-ABRAHAM.
C'est, on l'a vu, en leur qualité de propriétaires de
leur hospice paroissial que les fidèles de Saint- Jean-
Baptiste étaient devenus les collateurs de la cure de
leur église. Cet hospice porte dans nos sources, indif-
féremment, le nom de Saint-Jean-Baptiste, qui est
celui du patron de la paroisse, et celui de Saint-
(i) Voy. Pièces justificatives, n« V.
(2) Ibidem, n« XL
30
— 232 —
Abraham, qui est celui de son patron particulier. Il
était situé près de l'église ; les bâtiments en étaient oc-
cupés, jusque dans ces dernières années, par l'Académie
des beaux-arts.
Parmi les libéralités qui lui furent faites au cours
des âges, je puis signaler celle de Philippe de Saives,
qui, par son testament de i3i5, légua aux pauvres de
la paroisse, entre autres, un muids d'épeautre (4).
Nos documents nous permettent de déterminer la
manière dont les paroissiens de Saint-Jean-Baptiste
exerçaient leurs droits sur Thospice dès i345. L'élection
avait lieu à deux degrés. Tous les ans, à la Chandeleur,
les électeurs se réunissaient dans le cimetière de Saint-
Jean-Baptiste. Le corps électoral se partageait en deux
groupes inégaux en nombre : les gens de lignage et les
métiers. Selon un procédé qui a été très répandu au
moyen âge, chacun de ces deux groupes choisissait six
prud'hommes dans le sein de l'autre. Ces douze per-
sonnes à leur tour, après avoir prêté serment, élisaient
deux membres, lun dans les lignages et l'autre dans
les métiers ; il était entendu qu'elles ne pouvaient élire
l'une d'elles (2).
En iSgo, cette savante législation électorale reçut
un complément destiné à écarter les principaux abus
qui avaient été signalés. Le jour de la Chandeleur de
cette année, 1' « université de la paroisse, gens de lignage
» et de métier, » réunie sur le cimetière de Saint-Jean-
Baptiste pour l'élection de deux mambours, considé-
rant qu' « il courait par la dite paroisse une grande
» essenerie à cause de ceux qui tendaient à avoir le
» dit office et mambournie, » arrêta les mesures sui-
vantes pour y obvier :
Le curé et les quatre mambours ajouteront à leur
serment accoutumé la promesse de ne faire aucune dé-
(i) V. le cahier de papier mentionné dans l'Introduction, au n<* 3.
(2) Voy. Pièces justificatives, n° VI.
— 235 —
marche « er ^que, laïque ou ecclésiastique, aura
pour procu à boire ou à manger, acquitté ou
leur préfère ' dette pour parvenir à Tune des
Les pa ''hospice, ou de pasteur, ou de
^ ce genr '^i détenant, ou de receveur,
lues, nt ^^ frappé de Vexcommuni-
\^X y^ urra être relevé que par
-oit ecclésiastique, il sera
méfice brigué, ou au-
ent choisi un can-
^Qfg^^^ t excommuniés
» année. ^^ tenus à la
Ce document nou ' P^fÇ^^ P^^
avait quatre mambours u. cclamation
et comme il ne parle que de u. admis
j nere de
devons supposer que ce corps se ïk... * ^
par moitié, ou encore se recrutait par coopvu ^ ^
Un autre document (i), de 1444, nousrensei'ii,,
la composition du corps électoral de la paroisse
qualité d'électeur appartenait à tous les paroissiens fct
rttiers, c'est-à-dire aux parochiens de ladite église p^.
sédant héritablement des maisons en propre dans ladite
paroisse. Ces conditions de cens, comme nous disions
au XIX* siècle, semblaient une garantie suffisante du
calme, de la dignité et de la sincérité des élections, et
il est probable que, dans les premiers temps, il en fut
bien ainsi. Mais tout régime électoral s'altère avec le
temps et il ne faut pas s'étonner qu'à la fin du xvi*
siècle et au commencement du XVII^ nous découvrions
des abus.
Ceux-ci nous sont signalés par un acte digne de foi :
je veux dire le compte rendu d'une enquête faite en
161 3 par le nonce apostolique Albergati, « par commis-
» sion spéciale de Sa Sainteté. »
(1) Voy. Pièces justificatives, n*> VIII.
— 234 —
ce Dans notre visite apostolique de l'hôpital et de
» 1 église paroissiale Saint- Jean- Baptiste en Liège, » écrit
le nonce, « nous avons trouvé entre autres choses que
» Ton commettait beaucoup de scandales et de péchés
» dans les élections du curé, des chapelains, des
» maîtres et des autres ministres tant de l'église que
» de rhôpital, car le jour de l'élection on souloit faire
» venir de toutes parts, pas seulement des gens de la
» paroisse (laquelle a le droit de patronat), mais encore
» des estrangers, et on les faisait accourir pour faire
» des crieries, et pour, après qu'on les avait traité pen-
» dant plusieurs jours à boire et à s'enivrer dans les
» auberges, procéder à l'élection de celui qui les avait
» traité le mieux. D'où il arrivait qu'on choisissait
» souvent des incapables et des ignorants... (<) »
Pour remédier à ces abus, le nonce vint deux fois
en personne à Saint-Jean- Baptiste, et là, pendant la
grand'messe, exhorta les paroissiens à y mettre bon
ordre ; puis, rien ne se faisant, il appela chez lui les
plus anciens paroissiens, les mettant en demeure de
prendre des mesures, faute de quoi il agirait d'office.
N'obtenant toujours rien, il demanda enfin qu'on lui
députât huit ou dix des paroissiens les plus entendus
avec pleins pouvoirs de traiter et de conclure ; pour
toute réponse, les maîtres et tenants de l'hospice se
contentèrent de lui faire savoir « qu'ils préviendroient
» au futur à ces scandales selon la disposition de leurs
» statuts. »
Cela équivalait à une fin de non recevoir. Le nonce
l'entendit ainsi, et, agissant en vertu des devoirs de sa
charge, il prit enfin les mesures qui lui semblaient
requises par les circonstances («).
Ces mesures consistent tout d'abord dans une re-
doutable aggravation de l'acte de iSgo contre les brigues
(i) V. la brochure n** 5 citée à la p. 227.
(a) Op. cit.
— 235 —
électorales. Quiconque, laïque ou ecclésiastique, aura
promis ne fût-ce qu'à boire ou à manger, acquitté ou
promis d'acquitter une dette pour parvenir à Tune des
charges ou bénéfices de Thospice, ou de pasteur, ou de
chapelain, ou de maître, ou de tenant, ou de receveur,
sera éternellement infâme et frappé de Vexcommuni-
cation majeure, dont il ne pourra être relevé que par
le pape; de plus, si c'est un ecclésiastique, il sera
inapte à occuper désormais le bénéfice brigué, ou au-
cun autre.
Les électeurs qui auront sciemment choisi un can-
didat coupable dun tel crime seront excommuniés
ipso facto, incapables de tous offices, et tenus à la
restitution de tous les fruits du bénéfice perçus par
l'homme qu'ils auront élu. L'élection par acclamation
est interdite sous peine de nullité ; nul n'est admis à
voter qu'après avoir prêté serment qu'il est père de
famille, habitant de la paroisse et propriétaire de la
maison qu'il habite. Enfin, le nonce exige qu'avant
chaque élection son décret soit lu au peuple assem-
blé, par le curé ou le plus vieux chapelain, et cela sous
peine de suspension.
Jusque-là, les mesures prises par le nonce ne pré-
sentent rien de particulier; elles se contentent de ren-
forcer, par des moyens contestables, la sévérité des
peines prononcées contre les auteurs de brigues élec-
torales.
Mais l'ordonnance continue en spécifiant, sous le
titre Forma electionis, la manière dont on doit pro-
céder à l'élection. Et ici se remarquent des innovations
qui ont pour caractère d'énerver, sinon d'annihiler, le
droit du populaire à l'élection des curés et autres offi-
ciers de la paroisse (<).
Lorsqu'une élection doit avoir lieu, les paroissiens
(i) Nous possédons du Forma electionis une traduction amplifiée
qui a été publiée en 1682, dans la brochure n^ 3, citée à la p. 227.
— 236 —
sont prévenus trois jours auparavant. On sonne la
cloche, on chante une messe du Saint-Esprit, on fait
sortir les étrangers, on ferme les portes de 1 église, puis
le curé ou le plus ancien chapelain prend place, avec
les maîtres et les tenants, dans un endroit élevé d'où il
exhorte l'assemblée à faire une bonne élection. Lui-
même, par voie de conseil, désigne plusieurs candidats,
et si cette intervention ne suffit pas pour obtenir une
bonne élection, alors les électeurs seront tenus obliga-
toirement de ne pas faire d'élection en dehors des can-
didatures qu'il aura proposées {i).
Je passe les autres dispositions et je fais remarquer
que cette fois le curé se trouve investi d'un droit de
présentation qui réduit à très peu de chose la puissance
électorale des paroissiens. Ajoutez que la substitution
de l'église au cimetière comme local de l'élection accen-
tue encore la transformation profonde que cet acte
public a subie. Graduellement, l'élection populaire se
voit dépouillée de ses principaux privilèges, et le clergé
reprend à Saint-Jean- Baptiste la situation qui lui est
faite ailleurs, avec un certain renversement des rôles
toutefois, car ici c'est lui qui présente et le collateur
qui choisit, alors qu'en général c'est le collateur qui
présente et l'autorité religieuse qui choisit.
Le décret de i6i3 fut « rafraîchi, » comme disaient
nos ancêtres, en 1684, par le pape Innocent XI, à l'oc-
casion d'un conflit assez vif qui avait éclaté, vers 1680,
entre le curé de Saint-Jean-Baptiste et les « députés de
» la paroisse. »
Le curé et les maîtres de l'hospice avaient remercié
le receveur, un sieur de TharouUe, pour malversa-
tions et détournements dont ils fournirent la preuve.
Soit que le receveur remercié ait su se faire un parti,
soit qu'on ait simplement pris son renvoi pour pré-
texte, toujours est-il que les « députés, » disant agir
(1) Th. Gobert, Les rues de Liège, t. II, pp. 128-129.
- 237 —
au nom de tous les paroissiens, invoquèrent le décret
de i6i3 dans lequel, à loccasion du temporel de l'hos-
pice, il était dit : Pastor non se ingérât in tempora-
libus hospitalis. Le curé d'alors, au dire des députés,
ne cessait de violer cette défense. Nous ne possédons
pas les brochures que le curé et ses partisans, les
maîtres, écrivirent en réponse aux accusations des
députés, mais, à en juger d après les accusateurs eux-
mêmes, la cause de ces derniers était assez mauvaise,
puisqu'ils dénient au curé, entre autres, l'exercice de
sa prérogative de présentation, qui lui était formelle-
ment reconnue par le décret de 161 3, et qu'ils déclarent
eux-mêmes refuser la nomination d'arbitres « que notre
^> R. curé par son dernier imprimé demande. »
D'ailleurs, de l'aveu des mêmes députés, dans une
autre pièce, « quasi tous les maîtres sont attachés
» aveuglément au parti du curé, » ce qui n'est pas
sans constituer une présomption en faveur de celui-ci.
Quoi qu'il en soit, les paroissiens de Saint-Jean-
Baptiste restèrent, jusqu'à la fin de l'ancien régime, les
patrons de leur église. Dans une requête présentée par
eux à Maximilien-Henri, en 1682, ils rappellent que
« les maîtres et tenants (de l'hospice) et les paroissiens
» se déclarent les patrons de la dite église ; qu'ils ont
» respectivement le droit de collation ou d'élection des
» chapelains, offices de la dite église et de l'hospital
» Saint-Abraham qui est annexé à icelle, et qu'il y a
» une cour establie de temps immémorial, composée
» de i3 à 14 personnes des plus honnêtes et qualifiées
» de la paroisse, pour faire et régler les affaires cou-
» rantes, concernant tant la dite église que l'hospital et
» leur office (1). »
Je ne sais jusqu'à quand se prolongèrent ces con-
testations ; peut-être que la mort du curé, en 1716, y
vint mettre un terme. Les paroissiens ne cessèrent de
(i) Cahier de papier, p. 8.
— 238 —
tenir à leur droit électoral. Dans la nouvelle église
Saint-Jean-Baptiste, dont la première pierre fut posée
en 1696 et qui fut achevée dans les premières années du
XVIII® siècle, un tableau encadré de bois noir et haut
de cinq pieds représentait, d'après Jean d'Outremeuse,
l'histoire des origines de la paroisse et celle de l'acqui-
sition du droit de patronage par les paroissiens (1).
Vaines précautions ! La catastrophe qui marqua la
fin de ce siècle engloutit dans la même tourmente
l'église et la paroisse. Celle-là fut démolie par les révo-
lutionnaires en 1797, celle-ci supprimée par le con-
cordat en 1801 (2).
RÉSUMÉ.
L'hospice Saint-Abraham, établi dans la paroisse
Saint -Jean -Baptiste depuis une date inconnue, fut
investi, en 1287, du droit de patronage sur l'église pa-
roissiale, et ce droit, confirmé par une bulle du pape
en 1246, il le garda jusqu'à la fin de l'ancien régime.
En conséquence, les paroissiens, qui étaient les pro-
priétaires de l'hospice, furent désormais les électeurs et
de leur curé, et des chapelains de l'église, de même que
de tous les administrateurs et employés quelconques
de l'établissement de charité.
Ce droit, ils l'ont exercé depuis le commencement
du XIII'' siècle jusqu'à la fin du xviii*, mais avec des
modalités diverses dont les principales nous sont con-
nues par les actes de i345 et de i6i3. On ne peut pas
dire que ce régime électoral, appliqué aux choses de la
religion et de la charité, ait produit les résultats les
meilleurs; il était vicié par des abus qu'à diverses
reprises l'autorité s'attacha à combattre, sans qu'on
puisse affirmer qu'elle y a pleinement réussi.
GODEFROID KURTH.
(i) Th. Gobert, Les rues de Liège, t. II, p. 128.
(2) Ibidem, p. i3i.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
I.
LeoniuSy cellerier de V église Saint-Denis à Liège, cède à Vhos-
pice Saint-Abraham son droit de patronage sur V église Saint-
Jean- Baptiste dans la même ville,
2 mai ou 26 juillet 1237.
Cette pièce et les quatre suivantes se trouvent en copie
aux archives de TEtat à Liège, Fonds de Vhôpital
Saint' Abraham, registre 23, fol. 41 à 42^".
Chest li lettre del patronaige délie églieze Saint Johan Baptiste.
H. Dei gratia prepositus, decanus, totumque Sancte Cruels in
Leodio capitulum universis presentium inspectoribus cognoscere
veritatem. Universitati vestre notum esse volumus quod dominus
Leonius, celerarius Sancti Donisii in Leodio, id juris patronatus
quod habebat in ecclesia Sancti Johannis Baptiste Leodiensis pro
remedio anime sue et matris ipsius Juette, eu jus sepultura sistit
in eadem eeelesia Sancti Johannis Baptiste, ad usus pauperum
ibidem existentium libère et absolute contulit domui hospitalis
sancti Johannis prenominati,retento jure suo quoad vixerit. Conce-
dit autem prenominatum hospitale beati Johannis antedicti prefato
Leonio participationem omnium bonorum que fiunt et fient in
ipso hospitali in perpetuum. Post decessum vero ipsius Leonii
sacerdos investitus ecçlesie Sancti Johannis Baptiste prenominate
decem solidos Leodienses exinde singulis annis habebit. Hujus
autem rei testes sunt dominus Helias decanus, Ywanus cantor,
magister Ribertus, Renekinus de Puteo et Egidius dyaconi, Hen-
ricus, Petrus, canonici ecçlesie Sancte Crucis prefate, Lambertus
custos, Leonius predictus, Henricus, Bocardus, canonici Sancti
31
— 240 —
Dyonisii Leodiensis et Henricus Rufus, sacerdos ejusdem ecclesie
Sancti Dyonisii, Andréas sacerdos Sancti Johannis Baptiste, magis-
ter Martinus Matheus de Extra castrum, Lambertus sutor, provisor
ejusdem hospitalis et alii quamplures. In cujus facti testimonium
présentera cartulam sigilli nostri munimine duximus roborandam.
Datum in crastino beati Jacobi apostoU, anno Domini millesimo
ducentesimo trecesimo septimo.
II.
A la demande des maîtres, du maïeur, des échevins et des bour-
geois de la ville de Liège, le pape Innocent IV confirme la
concession du patronage de V église Saint-Jean-Baptiste aux
proviseurs de l'hospice Saint- Abraham par Leonius, Henri de
Cologne et Marthe.
Lyon, le 25 mai 1246.
Chest li privileiges délie supplication que li raaistes, li maires
li eskevien et li comminauteis délie citeit de Liège fisent al pape
Innocen.
Innocentius episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis ma-
gistro et fratribus hospitalis Sancti Johannis Baptiste Leodiensis,
salutem et apostolicam benedictionem. Cura nobis petitur quod
justum est et honestum, tara vigor equitatis quam ordo exigit
rationis ut id per sollicitudinem officii nostri ad debitum per-
ducatur effectura. Hinc est quod cum, sicut ex parte vestra nobis
extitit intimatum, quondam Leonius, canonicus ecclesie Sancti
Dyonisii Leodiensis, Henricus dictus de Colonia laicus et Martha
mulier, patroni ecclesie Sancti Johannis Leodiensis, provide atten-
dentes quod in hospitali vestro exercentur continue opéra pietatis,
jus patronatus ipsius ecclesie Sancti Johannis, diocesani loci acce-
dente consensu, et quedam alia pro animarum' suarum remedio
eidem hospitali duxerint liberaliter conferenda, prout in litteris
inde confectis plenius dicitur contineri, nos dilectorum filiorum
raagistrorum, villici, scabinorum et communis Leodiensis sup-
plicationibus inclinati, quod ab eisdera patronis pie ac pro vide
factura est in hac parte ratum habentes, id auctoritate apostolica
confirraaraus et presentis rescripti patrocinio corarauniraus. Nulli
ergo omnino horainum liceat hanc paginam nostre confirraationis
infringere vel ei ausu temerario contraire. Si quis autera hocattemp-
tare presumpserit, indignationera oranipotentis Dei et beatorum
Pétri et Pauli apostolorum ejus se noverit incursurum. Datum
Lugduni, VIII kal. junii, pontificatus nostri anno quinto.
— 241 —
III
Le pape Innocent IV déclare que les proviseurs de V hospice Saint-
Jean-Baptiste ne peuvent être contraints par lettres du Saint-
Siège ou d'un légat apostolique à pourvoir quelqu'un dans
V église Saint- Jean-Baptiste, à moins qu'il ne soit fait mention
spéciale de V exception.
Lyon, le 7 juillet 1249.
Chest li grasce par lequeile on ne pue destrainde le maistre et
le proveours dell hospital Saint Johan Baptiste elle ocquison délie
provision de queilkconques persone que chu soit en le eglieze Saint
Johan par lettres del siège de Rome ou de delegat se chu nest don
par spécial mandement del dit siège.
Innocentius episcopus servus servorum Dei, dilectis filiis ma-
gistro et aliis provisoribus hospitalis Sancti Johannis Baptiste Leo-
diensis, salutem et apostolicam benedictionem. Dilectorum filiorum
civium Leodiensium nos suis precibus apud nos adjuvantium et
nostre devotionis obtentu vobis gratificari volentes, auctoritate vo-
bis presentium indulgemus ut ad provisionem alicujus in ecclesia
Sancti Johannis Baptiste Leodiensis, in qua jus patronatus asseritis
vos habere, compelli non possitis per litteras apostolice Sedis vel
legatorum ejusdem absque dicte Sedis speciali manda to faciente
plenam de indulgentia hujusmodi mentionem. Nulli ergo omnino
homini liceat hanc paginam nostre concessionis infringere vel ei
ausu temerario contraire. Si quis autem hoc attemptare presump-
serit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum Pétri et Pauli
apostolorum ejus se noverit incursurum. Datum Lugduni, nonas
julii, pontificatus nostri anno septimo.
IV.
Le pape Innocent IV notifie au doyen du chapitre de la cathé-
drale de Liège le privilège quil a accordé aux proviseurs de
V hospice Saint Abraham,
Lyon, le 7 juillet 1249.
Chest li lettre par lequeile on ne puet empetreir sour cheauz
del hospital Saint Johan Baptiste.
Innocentius episcopus servus servorum Dei dilecto filio de-
cano Leodiensi, salutem et apostolicam benedictionem. Cum dilec-
tis filiis magistro et aliis provisoribus hospitalis Sancti Johannis
Baptiste Leodiensis per nostras litteras duximus indulgendum ut
— 242 —
ad provisionem alicujus in ecclesia Sancti Johannis Baptiste Leo-
diensis, in qua jus patronatus asserunt se habere, compelli non
possint per litteras apostolice Sedis vel legatorum ejusdem absque
dicte Sedis speciali mandato faciente plenam de indulgentia hujus-
modi mentionem, discretioni tue per apostolica scripta mandamus
quatinus ipsos non permittas contra tenorem nostre concessionis
super hiis ab aliquibus indebite molestari, molestatores hujusmodi
per censuram ecclesiasticam appellatione postposita compescendo.
Datum Lugduni, nonas julii, pontificatus nostri anno septimo.
V.
Devant le prévôt de la cathédrale de Liège, Conrad, curé de
cette paroisse, reconnaît que les proviseurs de V hospice sont
les patrons de l'église Saint- Jean-Baptiste et ont droit de pré-
sentation à la cure et à tous les autels, tant de cette église que
de la chapelle de V hospice.
25 avril 1277.
Chest li lettre del reconissance saingneur Conrar qui fut vestis
de Saint Jehan (qui est coppiée et translatée en romand sor le
V« folhut chi devant).
Universis présentes litteras inspecturis J. de Conteyo, Dei gra-
tia prepositus Leodiensis, salutem cum notitia veritatis. Tenore
presentium vobis innotescat quod in nostra propter hoc presentia
constituti Conrardus, presbiter investitus et rector ecclesie beati
Johannis Baptiste in Leodio ex una parte, Matheus dictus Mathon
scabinus et Godinus Godars cives Leodienses tune provisores hos-
pitalis siti juxta dictam ecclesiam in Leodio, Petrus dictus Boneaz,
Ludovicus dictus Surles, scabini Leodienses, Johannes dictus de
Henau, Symon dictus li Fauneis, Henricus dictus li Veilhes, Her-
bertus de Canistrata, Egidius dictus li Proudons, Johannes dictus
de Bierzes etc. et Johannes filius quondam Gillemanni parochiani
dicte ecclesie pro se et aliis parochianis ecclesie memorate ex altéra,
ibidem recognovit dictus investitus provisores dicti hospitalis et
parochianos ecclesie Sancti Johannis predicte patronos esse ipsius
ecclesie Sancti Johannis et jus habere in presentatione rectoris ad
eandem seque ad eorum presentationem per nos esse admissum
ad dictam ecclesiam et in eadem institutum. Placuit insuper eidem
et in hoc expresse consensit, habita tamen ab ipso ut dicebat super
hoc deliberatione diligenti et cum peritis consilio pleniori, ut ad
omnia altaria in dictis ecclesia et hospitali jam fundata seu impos-
terum fundanda parochiam dicte ecclesie cum provisoribus dicti
— 243 —
hospitalis de anno in annum nobis et nostris successoribus presen-
tarent viros ydoneos qui altaribus predictis deservirenC. Et nos ad
eorum presentationem sic présentâtes, dum tamen sint ydonei, ad
mittere (?) possumus, ipso investito et suis successoribus dicte eccle-
sie rectoribus ad hoc minime vocatis seu requisitis. Et nos pre-
missa quantum in nobis est confirmantes et auctoritatem eis im-
pertientes, sigillum nostrum una cum sigillis viri venerabilis et
discreti magistri Franconis, decani ecclesie Leodiensis, et dicti
Conrardi investiti dicte ecclesie in testimonium premissorum duxi-
mus apponendum. Et nos magister Franco decanus ecclesie Leo-
diensis et Conrardus investitus predictus sigilla nostra in testimo-
nium veritatis et premissarum presentibus litteris duximus similiter
apponenda. Actum et datum anno Domini MoCC<> septuagesimo
septimo, feria secunda ante festum beatorum Philippi et Jacobi
apostolorum.
VI.
Les mambours de V hospice Saint-Jean-Baptiste et les paroissiens
arrêtent le règlement selon lequel se fera V élection annuelle
des mambours,
2 février i345.
Cahier en papier, fol. 4, d'après le Livre en parchemin,
fol. 10.
L'an 1345, le jour délie Purification Notre Dame, en Taitre de
Téglise Saint Johan en Liège, à l'heure de messe, fut accordez et
statuez par les mambours de l'hôpital Saint Johan et tous les pa-
roichiens délie dite église presens que on eslira les mambours pour
rhospital Saint Johan devant dit ainsi qu'il est accoustumez d'an
en an le jour délie Purification desseur escript. Les gens de linaiges
en esliront ou debvront eslire six bonnes personnes entre les bonnes
gens du mestier et aussy les bonnes gens du mestier s'en esliront
six bonnes personnes entre les gens de linaiges délie dite paroiche
Saint Johan, lesquelles douses personnes ensi eslues devront eslire
ou esliront deux bonnes personnes dignes de foid et de vraie con-
science ou les plus idoines et meilleures qu'ils sçauront elle dite
paroiche, un doyen de linaige et l'autre des gens du mestier, pour
gouverner et mambourner le devant dit hospital Saint Johan par
manière et conditions telles que les douses personnes eslues ainsi
que desseur est dit, avant qu'elles précèdent elle ditte élection,
seront tenues de jurer et jureront sur les saints qu'elles esliront les
deux personnes probables devant dites qu'elles sçauront meilleures
et plus éclairées ou profitables de gouverner et mambourner le
— 244 —
devant dit hôpital et se n'esliront par dons, promesses, amour ni
ly amitié ne aussi par autre cose quelque il soit, et est ordonnez
que les dits esleus ne se deveront eslire ny estre mambour délie
dit hospital pour Tan qu'ils esliront les mambours del hospital
devant dit.
VU.
Les paroissiens de Saint-Jean- Baptiste font un nouveau règlement
relatif à V élection des quatre mambours de V hospice,
2 février iSgo.
Original perdu.
Copie assez défectueuse, dans le cahier de papier.
L'an 1390 le jour délie Purification Notre Dame condist Chan-
delleur, estoient assemblez en Taitre Sainct Johan Baptiste toute ly
université de la dite paroche, gens de linaige et de mestier, pour
eslire deux mambours ainsi qu'il est accoustumez délie faire pour
gouverneir les biens appartenant au devant dit hospital et partant
que a celle temps ilz corroit par la dite paroisse une grande esenerie
al cause de ceux qui tendoient a avoir laditte office et mambournie,
donc que débat pouvoit naistre entre les paroichiens desseur dit
et de quoi ledit hospitaulz pouvoit aussi le temps futur soustenir
grand dommage de ceux qui grâce et affection ont délie faire aile
ditte maison pour les pauvres membres de Dieu à sustenir, fut
accordeit par les dits paroissiens ce qui s'ensuit :
Premier doivent et debvront doresnavant li vestit et li quatre
mambours que esleu seront les temps venant joureir solemnelle-
ment sur les sainctes Evangilles, avec le serment accoustumeit,
qu'ils ne pourchasseront ne feront en secret ne en appert par eulx
ne par aultruy qui soit en le paroiche ne dépens pour ladite mais-
trise avoir, et si il avenoit qu'aucun des dis parochiens ung ou
plussieurs priast ou prieusist, fuiste des gens de linaige ou de mes-
tiers, prestres, clercques ou autres, et prouvez fusse, celui par ainsi
fait servit, ne pourroit leditte office portez dedans dix ans, partis
et proeviet (?) ainsi que dist est n'auroient ou n'auroient voix ni siet
cette année et de ce debvoient faire bonne inquisition li devandit
vestis et mambours.
Item a cette journée fut passez et accordé par les parochiens
que nulz usuriers wangnants de son argent ne doit porter laditte
office ni faire siet.
Item fut accordeit à cette journée que nulz excommuniez ne
doit syer ni voix avoir sur la paroche.
Item est ly intention que si nulz faisoit priers ou partie par
— 245 -
fraudes pour nul proidhomme a enlonger de laditte office, sa voix
seroit nulle et tous ceux qui auront cette opinion.
Item fut accordé à cette ditte journée que ly vestit de Sainct
Johan, qui que ce soit pour le temps, ayet le pouvoir de faire tous
les ans une sieuil pour lui et ly aultre soit fait pour le plus grand
siet des parochiens, ensy qu'il est accoutumez le temps passeit,
pour embrisier le temps venant. Et tout ce que dit est par desseur
doibvent ly dit vesty et mambour faire jureir à autres mambours
qu'après venront en temps futur. Encor est l'intention que se nuls
des dits parochiens refusoit à faire le serment au devant dit vesty
et mambour, que sa voix seroit nulle pour cette année.
VIII.
Serment d'un curé de Van 1444.
1444.
Cahier de papier, p. 6, d'après le Registre aux fortnatff,
fol. 272.
Premier jurerat qu'il sera vrai, bon et liauble à Dieu, à l'église
S* Jean Baptiste, à l'hôpital Saint- Abraham et les membres.
Item jurerat qu'il aiderat a son loyable pouvoir maintenir
l'église, l'hôpital et ses membres en leurs franchises, patronaiges,
maniement et privilèges, ainsi qu'ils ont été du temps passé sans
fraude.
Item jurerat qu'il aiderat de toutes ses forces et povoirs de pro-
movoir la dite église et hospital en bonne foy, ne adjugera par
fraudes aliéner, celer ou obscurcir des biens appartenant à ladite
église et hospital.
Item jurerat de desservir personnellement la cure de laditte
église bonnement et honnestement, sans fréquenter femmes des-
quelles l'on puisse avoir mauvais subçon, sans fraude.
Item jurerat qu'il laisserat jouir, manier et lever les chappel-
lains ou leurs receveurs les rentes et lieux heritables laissés aux-
dittes chapelains pour faire le service et messes contenues au tes-
tament de feu Johan Moulant.
Item qu'il ne resignerat point la vesture sinon es mains des
maîtres et paroichiens héritiers (4), qui en sont collateurs en en-
suivant toujours les anciennes coutumes en ce observées.
(i) Ici vient une note que je reproduis textuellement :
« Les paroissiens héritiers, c'était anciennement les maswirs, c'est-
» à-dire qui étaient propriétaires de maison. Ceci est appuie par Télec-
— 246 —
IX.
Liste des curés de la paroisse Saint-Jean-Baptiste.
1237. André {\).
1263- 1277. Conrard de L002 (2).
1 3 16- î 324. Robert d'Hemricourt (3).
1 330-1359. NycoUe de Lymbourgh (4) « et le fut 29 ans. »
«
1359- 1390. Jean de Syes.
1390- 1409. Nicolle Gielbar.
1409- 1439. Jean de Hervé (5).
1439- 1444. Pierre le Riche Homme.
1444-1455. Guillaume de Pailhe.
1455-1484 (t 4 janvier). Jean Seubier de Bauvechain.
1484- 1 534 (t 25 mars). Jean Mulkeman « ce par quoy apert qu'il
» tion d*un curé reprise au folio 8 vingt et 14 (') du Registre aux
» format^ — : « jF/ les parochiens de la dite église possédant heri table-
» ment des maisons en propre dans ladite paroisse, » (Traduit du latin),
» et par la déclaration suivante : « Attendu Vadvis de plusieurs bons
» théologiens pour le repos enthier de tout notre paroiche, je trouve
» bon de laissier la dénomination aux élections futures des maîtres
» de Vhospital à tous les paroichiens héritiers^ comme par la présente
» je déclare leur laisser tant de ma part que du dit burguemaistre
» Saint-Esprit et tous les soubsignej, sans enfreindre ou contrevenir
» aux pieuses intentions des fondateurs. Actum ce i3 de juin 162c.
» (Signé) W, Sauveur y S, Joannis Baptiste pastor. » Il y a encore cinq
à six signatures.
(i) Charte de Leonius, ci-dessus, n® I.
(2) La première date est fournie par Philippe d*Awans ; la seconde
par notre charte V.
Conrad est cité dans le Cartulaire de Saint-Lambert (t. I, pp. 266,
269-272). En 1276, il fut chargé par le doyen de Laon, de concert avec
les curés des trois autres paroisses les plus importantes de la ville, ceux
de Notre-Dame-aux- Fonts, de Saint-Adalbert et de Saint-Nicolas, d'assi-
gner devant le doyen de Laon le magistrat de Liège pour Taffaire de la
fermeté.
(3) Cartulaire de Saint- Lambert^ t. III, p. 270.
(4) Philippe d'Awans, Fonds Saint- Abraham y registre 22, aux ar-
chives de l'État à Liège.
(5) Philippe d'Awans a par erreur fait figurer une première fois ce
curé à la place de Jean de Syes, et embrouillé de la sorte toute la série
chronologique, mais ses propres renseignements m'ont fourni les moyens
de la rectifier aisément.
(*) Cest-à-dire 174. .
— 247 -
» fut vesty 5o ans entiers et en Tan de son trespassat avait esté
» par Erard de La Mark, légat cardinal et evesque de Liège,
» fait canoine de S^ Barthélémy. »
1 534-1 538 (t 23 septembre). Jean-Renier d'Eve, dit le Pickar.
i538-... [BlendeffJ « puis après Ton se repentit de l'avoir creeit à
» raison que icelluy es toit assez peu discreitz et de petite mé-
» moire poseit touteffois qu'il fuist bons officiers. »
i5...-i549 (t 25 septembre). Alexandre Paske de Lonchin, bache-
lier en théologie, « fut après le trespas de susdit Blendeff fait et
» creeit vesty de la grâce du Saint Esprit et sains homme de-
» battant, et je Philippe d'Awans estoie leur maître dudit hos-
» pital. »
1629. G. Sauveur (i).
...1679 t (21 février 1716). Michel de Halyng ou Haling, cha-
noine de Saint-Paul (2).
1794. Robyns (3).
X
Travaux d'archiviste exécutés par Philippe d'Awans, clerc-juré
de la cour des tenants de l'hospice Saint-Abraham à Liège.
Vers i55o.
Archives de TEtat à Liège, Fonds Saint-Abraham, re-
gistre 22, fol. 211.
Philippe d'Awans, clerc de la court jurée de Thospital S* Abra-
ham en Liège, désirant de toutte affection le bien, honneur, proffit
et utilité des poevres membres de Dieu survennant en dit hospital,
de son propre mouvement et libérale volunté par ses paines, la-
beures et travailhes at faict et besongniet ce qui sensiet, environ
lan XV^ et L et daparavant.
Premier at escript et mis en ordre les registres des espeaultes
des ans XV*=XLVII, XL VIII, XLIX et L, extant lors Everar de
Steel compteur.
Item le registre de cens et cappons desquelz le dit Phelippe at
la demaine de Tan XV*= et XL VI II daulte commune.
Item at fait requaieller et relier le secund viel registre des ten-
(i) Voy. ci-dessus, n® VIII, note.
(2) V. les libelles cités p. 227 et cf. de Borman, LesEchevins de Liège,
t. II, p. 274.
(3) Th. Gobert, Les rues de Liège, t. II, p. i3o.
32
— 248 —
nans et ossi celuy de l'église en noir couvertures lesquelz estoient
tous deskireis et corrompus.
Item sont par luy estez registrez plusseurs lettres, actz, et
documentz en registre appelleit le stock az œvres et ossi en petit
registre des tennans at registreit plusseurs œvres lesqueles n'estoient
que minutées.
Item at faict relier et requaieler deux vielz corrompu et des-
kireit registres en ung appelleit le vieulx registre az traicties et au
comenchement diceluy descript la table.
Item le viel stock de pappier tout noeve requaieleit et relyet,
liquel estoit fort corrompu et desmelleit, at en iceluy escript par
grande dilligence la table et les noms de lieux ou les heritaiges
sont gissans et scituez.
Item le dernier stock de pappier encommenchiet par Wilheame
Brear, dict de Fexhe, jadis compteur aie entreprins (Dieu aidant)
de le parachever et est desia bien avant commenchiet.
Item par grand travailhe paine et sollicitude at reassembleit
d*ung lieu en autre tous actz et documens sur pappiers extans au
dit hospital et d'iceulx faict faire lier et quaieler ensembles ung gros
registre ayant noire couverture. Coteit a registre az payemens le
noir stock az œvres en payant faict adjouster troix à quattre mains
de bons pappier pour y régis trer autres documentz.
Item Ion trouvera ossi qu'il at faict requaieler et remis en ordre
ung certain registre liquel estoit quaielet avec unne couverture de
parchemin fort mal entretenu portant daulte XV*^ et X, et fut escript
de temps mesire Johan Mulkeman, jadis vesti de S^ Johan Baptiste,
et liquel appartient aile vesture et luminaire. Davantaige at escript
le registre des bins audit luminaire partennant de l'an XV^ et XLIX
registra pareilhement at ressembleit plusseurs documens sus pap-
pier et en faict faire ung registre. Et devez scavoir que tous les
registres susdits sont estez requaieleis par ung nommeit Gérar le
librairier, tennans son bouticle devant l'église Notre Damme az
Fons lez S* Lambert en dit Liège. Finablement at escript plusseurs
affaires icy délaissiés (i).
(i) Je tiens à remercier ici MM. les archivistes Van de Casteele et
Hansay, qui se sont employés avec beaucoup d'obligeance à faciliter
mes recherches aux archives de TEtat à Liège. M. Hansay a bien voulu
copier de sa main la plupart des documents qui constituent mes pièces
justificatives.
— 249 —
XI.
Population des paroisses de Liège en i6So.
Ms. 171 de la bibliothèque de TUniversité de Liège, pp. 855 et suiv.
Paroisse Saint-Nicolas 708 maisons.
» Saint- Pholien ...... 519 »
» Saint-Séverin 444 »
» Sainte- Véronique 443 »
» Saint-Thomas 413 »
» Saint-Remacle-au-Pont . . . 403 »
» Saint-Servais 391 »
» Saint-Jean-Baptiste 372 »
» Saint-André 340 »
» Saint-Martin 335 »
» Sainte-Madeleine 264 »
» Sainte-Foy 263 »
» Sainte-Marguerite 260 »
» Sainte-Aldegonde 248 »
» Saint-Adalbert 226 »
» Sainte- Catherine 212 »
» Saint-Christophe 193 »
» Sainte-Gertrude i85 »
» Sainte- Walburge 171 »
» Saint-Nicolas-au-Trez. ... 154 »
» Saint- Vincent 118 »
» Notre-Dame-aux- Fonts ... 99 »
» Saint- Rémi 85 »
» Saint- Michel 60 »
» Saint-Georges 60 »
» Saint- Hubert 52 »
» XI Mille Vierges 40 »
» Saint-Remacle-en-Mont ... 37 »
» Saint-Etienne 36 »
» Saint-Gangulphe 3o »
» Saint-Clément 9 »
7,170 maisons.
L auteur de cette liste compte 5 habitants par maison, ce qui
donnerait à la ville de Liège un total de 35,85o habitants.
>40*<
AMBURNIA
ET LA SOURCE MIRACULEUSE DE SAINT TRUDON
Les biographes de saint Trudon nous ont tous
conservé le récit d'un miracle opéré par leur saint
dans une localité, qu'ils désignent sous le nom d'Am-
burnia ; ils rapportent notamment que saint Trudon y
fit jaillir une source à la demande d'un de ses parents.
Le fait est rapporté d'abord au chapitre XVII du
Vita S. Trudonis du diacre Donat. Cette vie, com-
posée quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans après la
mort du saint et dédiée à Angelramne, archevêque de
Metz (767 à 790), jouit à bon droit d une grande auto-
rité. Il est même probable qu'elle n'est que la traduc-
tion libre d'un Vita plus ancien — malheureusement
perdu — écrit en langue vulgaire ou thioise. L'abbé
Thierry, qui composa à la fin du XP siècle une vie
plus amplifiée et plus littéraire du saint fondateur de
son abbaye, l'insinue dans son épître dédicatoire,
adressée à son ami, le frère Gérard : « Injungitis mi-
» hi... ut beatissimum membrum Trudonem, quem
» longe ante Donatus diaconus, et postea Guikardus
» abbas, utriusque linguae usque ad interprètent uterque
» periti, latinitati tradiderunt, mea quoque opéra et
» stylo librariis tradam. »
— 252 —
Pour la facilité du lecteur et pour le mettre à
même de mieux juger de nos assertions, nous don-
nons, en regard l'un de l'autre, les textes de Donat et
de Thierry, se rapportant à la source que saint Tru-
don fit jaillir.
Ensuite nous nous efforcerons de déterminer quelle
est la villa désignée sous le nom d'Amburnia et jus-
qu'ici absolument inconnue.
DONAT :
Fuit enim quidam liddis vir,
cognatus etiam venerabilis Patris,
habitans in villa, quae vocatur
Ambumia, dives valde opibus et
fide robustus.
Quadam igiturdievenerabilem
Trudonem isdem vir invitavit ad
domum suam ut audiret ab eo
sermonem salutis : cui Vir Dei
libenter obediens ad domum illius
perrexit.
Suscepit autem eum vir supra-
dictus cum maximo gaudio.
Tum vir sanctus tum illum,
quam etiam totam domum ip-
sius spiritualibus erudivitDomini
praeceptis. His rite peractis famu-
lus Dei Trudo et cognatus ejus
deambulabant in pomerio.
Ad quem Vir Dei : O, inquit,
amice, quam amoenus esset locus
iste, si aquamin proximo habuis-
set. Cui ille : etiam Pater. Tune
venerabilis famulus Dei Trudo in
THIERRY :
Vir praefectoriae dignitatis, honeste
religiosus... frequenti et supplicatoria
legatione coactum hominem Dei ad
sanctificandam mansionem suam de mo-
nasterio extrahere laborabat.
Quem cum amicum haberet pro mo-
rum honestate, consanguinitas quoque
ad nodum fanuliaritatis accesserat. Pe-
titionem cum sine molestia recusare non
valeret, data die cum religioso discipu-
lam egreditur, expleto itinere perverti-
tur, Advenienti competens et ofBciosa
mansio praeparatur...
Diffamatum de adventu tota provincia
praecesserat ; porticus cum atriis suis vix
sufficiebant receptui multitudinis. Man-
sionem totam perpétua aquae sterilitas
damnaverat; necnisi aliimde petita, usui
proderat. Agro et pecude domus abun-
dans, aquae penuria afHigebatur.
Ingressus senior doctrinam incipit,
studiosis auditoribus in usque vesperam
exhortationis refectionem trahit.
Recedente frequentia famulantium...,
ipse cum religiosis hospitibus intérim
circa domum contiguam arboream po-
merii plantationem se exoccupatum ex-
ponit, et leni deambulatione diurnae
fatigationi medetur, et considerata loci
oportuna amoenitate : Habilis, inquit
hospitibus, habitatio haec et quam situs
ipse commendaret, si non aquae penuria
injuriam irrogasset. Quo respondente :
Etiam, Domine ; misertus incommodo
mansionis, virgam, quam ex occasione
— 253 —
eodem loco foramen cum baculo
suo cavavit; retracto autem a se
baculo, enipenint simul aquae
largissimae : quae etiam ob neces-
sitatem villam ipsam habitantium
fluunt abundanter usque in ho-
diernum diem.
Cognatus vero Viri Dei ob com-
memorationem miraculi orato-
rium ibi in B. Trudonis honore
construxit, quod etiam usque in
praesens perdurare tempus co-
gnoscitur. Sed et ob venerandi
Patris mérita, virtutes plurimas in
eodem oratorio Dominus operari
dignatus est.
manu gerebat, terra defigit... Retractam
ad se virgam statim fons irriguissimus
et in amnem suffîciens subsequitur, quo
potata plebicula, usque in hodiernum
diem, fons sancti Trudonis, ut appelle-
tur, obtinuit. Sicque soluta mercede hos-
pitii, duplici bono rure consolato, in
crastinum se monasterio restituit.
Et ne vetustas memoriae invideret,
hospes ille paterfamilias, favente multi-
tudine, oratorium nomini ejus erigit, in
quo adhuc ad invocationem Viri Dei
infirmantium récupérât vires débilitas,
fortium sanitas roboratur. Totum prae-
terea rus Amburria, mutatis litterarum
penultimis, quasi Ambullia, hoc est,
amne bulliens , posteritati vocabulum
fecit.
En lisant le récit de l'abbé Thierry, on est enclin
à croire qu'il connaissait, tout aussi bien que le pre-
mier biographe, la localité qu'ils nomment Amburnia
ou Amburria. Cest ce qua cru Ghesquière (i), qui
veut déduire des deux passages de Thierry, imprimés
ci-dessus en italiques, que cette localité était distante
d'environ une journée de marche de Sarchinium.
« Amburnia, » écrit-il, « quae villa etiam Ambrona
» scribitur, a Sarchinio seu Trudonopoli distabat unius
» fere diei itinere pedestri, uti coUigitur ex dictis Theo-
» dorici abbatis in hune modum de ea re loquentis :
» Data die (S. Trudo) cum religioso discipulatu egre-
» ditur, expleto //m^re pervenitur... et leni deambu-
» latione (postea) diurnaefatigationi medetur. »
Est-il nécessaire de faire remarquer combien son
raisonnement est futile, puisque expleto itinere se tra-
duit tout simplement par : ayant terminé sa route —
longue ou brève, peu importe? En outre, diurnae fati-
gationi medetur n'implique aucunement que la fatigue
de saint Trudon résuhait d une longue marche accom-
(i) Acta Sanctorum Belgii, t. V, p. 48.
— 254 —
plie, mais bien d'autres fatigues, qu'il avait supportées
en prêchant usque vesperam.
Mais revenons à Thierry. Ne dit-il pas en parlant
de la source : « fons... usque in hodiernum diem fons
» sancti Trudonis, ut appelletur, obtinuit? » Et en
parlant de l'oratoire bâti par le parent de saint Trudon
près de l'endroit où jaillit cette source, n'affirme-t-il
pas que cette chapelle commémorative était encore, de
son temps, illustrée par des guérisons extraordinaires,
(c oratorium in quo adhuc... infirmantium vires recu-
» perat débilitas? » Ces passages ne prouvent-ils pas
qu'il connaissait parfaitement la localité Amburnia ?
Il est permis d'en douter.
Thierry pouvait supposer a priori que le peuple
avait donné à la source d'Amburnia le nom du saint
qui la fit jaillir. Ses paroles : « fons sancti Trudonis,
» ut appelletur, obtinuit » ne constituent donc pas un
témoignage bien positif.
On peut également considérer sa seconde affirma-
tion comme une trop naïve reproduction de l'assertion
du premier biographe : « oratorium, quod usque in
» praesens tempus perdurare cognoscitur. »
D'autres passages de Thierry nous révèlent sa pré-
occupation constante d amplifier et d'enjoliver le récit
si simple de Donat.
D'après lui, à l'annonce de l'arrivée de saint Tru-
don, il accourut une si grande foule, que le portique et
les corps de logis avoisinants ne pouvaient la contenir.
Voulant ensuite faire ressortir, au point de vue de l'op-
portunité du miracle, le manque d'eau dans la villa,
il écrit : « Mansionem totam perpétua aquae sterilitas
» damnaverat, nec nisi aliunde petita usui prode-
» rat, » etc. On croirait, en le lisant, que l'eau potable
faisait absolument défaut dans tous les alentours de la
ferme, alors cependant que, d'après le récit de Donat,
le manque d'eau ne se faisait ressentir que dans le ver-
ger que saint Trudon visita en compagnie de son
— 255 —
parent, « quam amoenus esset locus iste, si aquam in
» proximo habuisset. »
En somme, il n'y a pas lieu de vouloir tirer de
Thierry un renseignement quelconque, qui, en dehors
du récit de Donat, puisse servir à élucider la question
de ridentification d'Amburnia.
Si cette localité eût encore été connue au XP siècle,
et surtout si, à cette époque, des guérisons miraculeuses
s'y fussent encore opérées, comme le prétend Thierry,
on ne saurait, ce nous semble, expliquer l'oubli com-
plet, dans lequel elle tombe positivement à quelques
siècles d'intervalle.
Moringus, qui écrivit en iSSg un nouveau Vita
S, Trudonis dédié à l'abbé Sarens (i), — alors qu'il iden-
tifie toutes les localités citées dans les Vita de Donat
et de Thierry (2), — néglige absolument de faire l'iden-
tification d'Amburnia, devenue un mystère. Il veut
cependant, à l'exemple de Thierry, faire croire qu'il
était bien renseigné sur la source et l'oratoire : « fons
» liquidissimus promanavit, qui etiamnum hodie per-
» spicuis perhennibusque aquis jucunde copioseque sca-
» tere et pago omni magno usui esse conspicitur .
» Cognatus vero sancti patris... postea sacellum in ho-
» norem ejus condidit, quod diu postea manens prodi-
» giis plurimis célèbre fuit. »
Au siècle suivant, un historien sérieux. Servais
FouUon (mort abbé de Saint-Trond en 1679), avoue
dans sa chronique manuscrite (3) qu'Amburnia lui est
(1) Ce Vita fut imprimé à Louvain, en 1540, sous le titre : Vita
Sancti Trudonis confessoris apud Hasbanos, Vita S, Eucherii episcopi
Aurelianensis. Vita S. Liber ti martyris, br éviter perstricta. Gerardo
Moringo auctore. Lovanii. Apud Servatium Sassenum. Anno M. DXL.
Mense Junio. Le manuscrit de Moringus est conservé à la bibliothèque
du Séminaire de Saint-Trond.
(2) « Apud Septemburias... pagum etiamnum hodie manentem
» Germanice Sepperen dictum. » — « Trudonicam.,, quod nomen etiam-
» num hodie loco manet ; nam vulgo Truyeling dicitur. » — « Falmiam
» pagum etiam hodie manentem, vulgo Velm dictum. »
(3) Reg. 6678J des archives de l'Etat, à Hasselt, fol. 37.
33
— 256 —
totalement inconnue, « ubinam terrarum rus vicusve
» ille reperiatur ignotum videtur. » Accordant à tort
quelque valeur au jeu de mots de Thierry : « Ambur-
» ria... quasi Ambullia, » il ajoute en marge : « An
» forte sit pagus qui Wallonibus dicitur Bouille?»
Donat nous renseigne qu'un oratoire commémoratit
fut érigé près de la source que saint Trudon avait fait
jaillir et que bientôt cet oratoire fut illustré par de nom-
breuses guérisons. On pourrait raisonnablement sup-
poser que cet oratoire ait pu devenir une église parois-
siale, qui, dans ce cas, eût été consacrée en l'honneur
de saint Trudon.
Mais force nous est de renoncer à cette supposition.
En etfet, dans aucune des nombreuses paroisses qui
honorent saint Trudon comme leur patron (i), il ny
a le moindre lieu dit, qui rappelle le nom d'Amburnia,
ni la moindre source attribuée ou même seulement dé-
diée à saint Trudon.
(i) Saint Trudon est le patron principal des églises paroissiales de
Buvingen, de Linckhout, de Helchteren, de Peer et ses filiales Groote-
Brogel et Wychmael, d'Exel et d'Op-Itter, dans la province de Lim-
bourg ; de Laer et de Trognée, dans la province de Liège ; de Webbecom
et de Thorembais-Saint-Trond, dans la province de Brabant ; de Meer-
hout, dans la province d'Anvers; de Stiphout, près de Helmont, de
Stryp, près d'Eindhoven et de Groot-Zundert, dans le Brabant septen-
trional, ainsi que de Failly, près de Noisseville, dans la Lorraine cédée.
Il était, avant la Réforme, le patron principal des églises paroissiales
d'Aalburg, de Heesbeen et de Herpt, dans les pays d'Altena et de Heus-
den (Brabant septentrional;.
U est le patron secondaire des églises paroissiales de Seny (Saint-
Pierre) en Condroz, et de Schaffen (Saint-Hubert) près de Diest.
Une église paroissiale, bâtie vers 1 124, par Albéron I''*' sur les degrés
de Saint-Pierre, à Liège, était dédiée à saint Clément et à saint Trudon.
Ces deux saints, dont on célébrait la fête le même jour, 23 novembre,
semblent aussi avoir été simultanément les patrons de l'église d'Oreye,
encore dédiée à saint Clément et qui a appartenu primitivement à Tab-
baye de Saint-Trond ; ainsi que de Téglise-mère de Gerwen (patron saint
Clément) dans le Brabant septentrional, dont les églises de Nuenen
(saint Clément) et de Stiphout (saint Trudon) ont été démembrées.
— 257 —
Pour identifier Amburnia, il ne nous reste donc
qu'à examiner les changements qu a pu subir cet an-
cien vocable latinisé, pour le retrouver, si possible,
dans la toponymie de nos contrées.
Amburnia est évidemment un nom germanique,
dans la composition duquel on reconnaît facilement le
saxon ^urw(born, source) latinisé en burnia.
Quelles transformations le vocable Amburn a-t-il
pu subir?
1° Rien n'est plus fréquent en thiois que le change-
ment de la voyelle a en e. On en trouve des exemples
multiples : Galmina, Gelmen ; Falmia, Velm ; Has-
bina, Hespen, etc. Amburn et Emborn sont donc équi-
valents.
2° Amburn est composé de deux monosyllabes ac-
centués. Or, pour ne parler que des mots composés, on
constate que, lorsqu'un monosyllabe accentué est suivi
d'un second également accentué, ce dernier terme perd
assez souvent son accent secondaire et devient atone.
Le cas se présente pour : Hasluth (i i65), Hasselt ;
Hasnoch (SSy), Assent; Zeytruth (iiSg), Sittert (122g);
Heopiird(um) (710), Hapert (Brab. sept.); Theothorne
(838), Dieren, en Gueldre (contraction pour Dieteren) ;
Oderen (iSyô) primitivement Othorn, actuellement
Odoorn (Drenthe) ; Aldor (1261), Elderen, près de
Tongres, etc. (1).
En particulier, des mots composés, cités par Fôrs-
temann, et dans la composition desquels entrent comme
second terme soit biira ou buron (habitation), soit notre
burn ou brun (source) se sont modifiés de la même
(i) Ces noms se terminent tous par une syllabe fermée, avec les
voyelles « et o brèves, tout comme Amburn ou Emborn. Dans les mots
composés de deux monosyllabes, dont le dernier est une syllabe ouverte,
celle-ci devient également atone dans plusieurs cas : Pieplo (726), Poppel
(Brab. sept.) : Sconelo ; 1 107) ou Scoinlo, Schuelen, etc..
Une constatation analogue peut être faite pour d'autres mots com-
posés, qui, dans la prononciation vulgaire, perdent l'accent de leur pé-
nultième, comme : Membruggen (Membrucken ), Mumerken ; Houthaien,
Houttelen, etc..
— 258 —
façon, par exemple : Wimpiira, Wimbern; Mambur-
ron (909), Mammern ; Cobrunum (980), Cobern ; Heri-
burnon (ix^ siècle), Herbern (Westphalie) et Liesborn
(également en Westphalie) appelé au xi« siècle : Lies-
bern ou Lisbern (i).
Le nom d'Amburn ou d'Emborn ne figurant nulle
part dans notre toponymie actuelle, nous pouvons
légitimement chercher l'identification d'Amburnia sous
les formes dérivées Ambern ou Emberen, formes, qui,
comme nous l'avons vu, s'expliquent aisément par la
chute de l'accent tonique du second monosyllabe.
Thierry, le second biographe de saint Trudon, sub-
stitue à Amburnia la forme Amburria,
Il est probable qu'il n'a altéré ainsi le vocable
Amburnia, que pour rendre plus acceptable son jeu
de mots : <i^ Amburria, mutatis litteris penultimis quasi
» Ambullia. »
En supposant d'ailleurs que Thierry eût trouvé la
forme Amburria dans le texte même de Donat et que,
par conséquent, la forme Amburnia des manuscrits
postérieurs fut fautive, la transformation d! Amburria
en Emberen est tout aussi plausible.
Dans le Vita de Donat, le village de Zepperen, où
saint Trudon rencontra saint Remacle, est appelé Sep-
timburias, forme latine pour Sevenburen ou Sepbeu-
ren. Burias est l'accusatif pluriel de buria (bura), forme
latine du germanique buri ou bûr, signifiant, d'après
Fôrstemann, habitation (2).
Le mot composé Sevenburen, dans sa forme con-
(i) FÔRSTEMANN, Altdeutsckes Namenbuch //, Ortsnamen, 2^ édit.,
1872, pp. 4i3, 741, 990, io5o et i6i3.
(2) FÔRSTEMANN (pp. 366-367) donne toute une série d'anciens noms
composés avec bura, bure, buria, burias, pura, buron, buren, etc..
Voy. sur l'étymologie de Zepperen, Grandgagnage, Mémoire sur les
anciens noms de lieux, p. 74.
— 259 -
tractée Sepbeuren, devait nécessairement ne garder
l'accent tonique que sur la première syllabe.
C est ainsi que Sevenburen est devenu au moyen-
âge Sepperen ou.Zepperen (i), de même que le village
allemand Breberen, situé près de la frontière du Lim-
bourg hollandais aux environs de Sittard, s'appelait
auparavant Breedbeuren (xiip siècle) ou Breedbeur (2).
De même Amburria ou Ambur serait devenu Am-
ber, ou tout aussi bien Emberen; la finale en étant
euphonique, comme dans Elderen (Aldor); Wilderen
(Villare, Wilder); Melveren (Mervel, Melver), Helch-
teren (Haleghtra).
Or, nous retrouvons précisément le toponymique
(i) Bûr existe encore dans les dérivés flamands : gebuur, nabuur et
buurte.
Les noms composés avec heur en ou buren sont excessivement rares
dans notre pays. On n'y rencontre en effet que Zepperen (Septimburias)
et Everboeren ou EverbeuVy ancien nom vulgaire d'Averbode. A rappro-
cher de Everbeuren-Averbode : Molburium (ix® siècle), Malbodium, Mau-
beuge (Voy. FÔrstemann, Orisnamen^ pp. 1046 et i iio). En Frise et en
Allemagne, les noms composés avec buren ou beuren sont plus fréquents.
M. Tabbé Kempkneers, La maison des Bogards à Zepperen, dans les
Publications de la Société d'archéologie dans le duché de Limbourg,
t. II, p. 106, soutient contre M. Grandgagnage « qu'il n'est pas linguis-
» tiquement anormal que le saxon burn ait produit buria. » Entre autres
arguments, il rappelle que, « dans une dissertation sur les Cérésiens
(Acta Sanctorum Belgii, t. I, p. 809), Wilthemius dit que cinq villages
situés dans les pays de ces anciens peuples ont été donnés, par des
chartes du viii* et du ix® siècle, au monastère de Priim, parmi lesquels
villages il nomme : Birgisburias, qui est Boresborn ad Galbim, actuel-
lement Birresborn, situé entre Kyllburg et Gerolstein. »
Cet argument aurait certes de la valeur, si la transformation de Bir-
gisburias en Birresborn ne pouvait s'expliquer par simple étymologie
populaire. Dans d'autres noms le vocable bura s'est transformé, égale-
ment par fausse étymologie, en burg ou berg, par exemple : Effelesbure
(948), actuellement : Effelsberg, près de Munstereifel (Voy. FÔrstemann,
op, cit., p. 5 10). De même : Buecynebura ^- Buckenburg (1444); Gri-
merbura = Greimerburg (Halkin et Roi.and, Recueil des chartes de
Stavelot- Malmedy).
(2) Analectes pour servir à V histoire ecclésiastique de la Belgique,
t. I, 1864, p. 288.
— 260 —
Emberen dans des conditions qui rendent son identi-
fication avec Amburnia très acceptable :
Dans la Topographia Lossensis de Robyns, faisant
suite à XHistoria Lossensis de Mantelius (i), nous trou-
vons parmi les cours censales ressortissant à la cour
de Vliermael, celle : « van den abt van Sintruyden tôt
» Emmeren op de bilter (2) by Houpertingen . »
Cette cour censale, que l'abbaye de Saint-Trond
possédait à Emmeren-sous-Houppertingen, est déjà
mentionnée dans le livre de Tabbé Guillaume de Ryckel
(1249-1272), publié par M. Pirenne (3). Parlant des biens
dont il a procuré le retour à son abbaye (que reverten-
fur ad ecclesiam nostram) l'abbé Guillaume mentionne :
« 7 bonuaria eu m officio forestarii de Emberen » (p. 366).
Ailleurs (p. gS), on trouve que le villicus de Emberen,
de même que celui de Webbinchem (ou Webbecom)
jouissait, aux fêles de saint Rémi (lancien patron de
l'église abbatiale) et de saint Trudon, des mêmes droits
que les husgenoten ou les ojfficiati de Tabbaye (4).
(i) Curiae censuales sub Resortu Vliermalienst, p. 166.
(2) De Bilter est le nom de la ferme, où se tenait la cour censale.
« Den cheynshoff van Emmeren... releverende tôt bilter, oft daerom-
» trent. »
(3) Le livre de Vabbé Guillaume de Ryckel. Polyptyque et comptes
de r abbaye de Saint-Trond, au milieu du XIIP siècle, Bruxelles, 1896.
(4) A la même page 98, l'abbé Guillaume nomme le mayeur d'Em-
beren t< forestarius de Emberen seu villicus de Hobant. » Un acte de
i358 (Archives de l'Etat, à Hasselt. Reg, de la prévôté, n° 6867, p. 492
et n** 6865, p. 5i i) nous renseigne que Hobant ou Hoebamde était le nom
du mayeur de cette cour censale : « comparuit apud Emmeren in pre-
w sencia Gerardi de hoebamde villici, et Wilhelmi de hoebamde, Willelmi
» winne, i^iberti de Zepperen et Willelmi de monte mansionariorum
» curie prepositure apud Emmeren... »
Un mémorandum du prévôt Renier de Lewis, daté du 20 décembre
i36o, nous apprend que le prévôt Jean de Mierle {décédé le 24 avril
i355) voulant réorganiser la cour censale d'Emmeren, eut des difficultés
à soutenir ses droits contre le chevalier Louis de Diepenbeke, qui venait
d'acquérir « villas de Hubertingen et de Emmeren, » Ces difficultés
s'aplanirent par un accord intervenu entre ce même prévôt et Henri,
fils de Louis de Diepenbeek, stipulant que le prévôt ou son villicus de
Emmeren tiendront librement leurs séances judiciaires, mais comme ils
— 261 —
La cour d'Emberen, « 7 Chynshoff pan Emmeren »
resta la propriété de l'abbaye jusqu'à la Révolution.
Pour corroborer l'identification de Amburnia avec
Emberen-sous-Houppertingen, nous ajoutons l'argu-
ment suivant :
Vers 680, le roi Thierry donna à l'abbaye de Nobi-
liacus ou de Saint-Vaast à Arras plusieurs biens situés
en Hesbaye et en Ripuarie, comme il résulte d'un di-
plôme factice de ce roi Thierry et d'un autre diplôme
du 3o mai 876, par lequel Charles-le-Chauve ratifie la
possession de ces biens : « Privilegium Karoli régis et
» imperatoris confirmantis subdita et coUata a Theo-
» dorico, augentisque munera (1). »
Le diplôme de 680 énumère : « in pago Hasbanio
» et Ribuario: Haimbecha, Halmala, Torona, et inter
» Altheim, xMaridas, Ambron, Musinium, Groseas. »
Le diplôme de 876 : « in pago Hasbanio et Ripua-
» rio : Hembec, Hammola, Thorona, et inter Athem,
» Maridas, Ambron, Musium, Groslas. »
ne disposent point du pouvoir coërcitif, ils devront s'adresser, pour
requérir des amendes, au seigneur de Houppertingen et de Emmeren,
qui aura droit au tiers des amendes perçues, mais nullement aux droits
ou même au titre d'avoué, « immo nec advocatus debebit nominari »
(Reg.j n® 6867, p. 491 et n^ 6865, p. 5 10).
Nous avons trouvé trois relevés des cens annuels, payables à Emme-
ren le dimanche qui suit la fête de saint Denis : un de i36o (Reg.y
n® 6867, pp. 484 à 490), un de 1499 {Reg,y n° 6865, pp. 499 à 509)
et un de 1 588 (Reg., n° 6867, pp. 602 à 627). La somme des cens perçus
était au xv® siècle : 5 florins du Rhin, 1 2 sous et i ortken.
L'abbaye de Saint-Trond possédait, en outre, sous les dîmes de
Houppertingen et de la paroisse avoisinante de Berlingen, plus de vingt
bonniers donnés en fermage ^Archives de l'Etat, à Hasselt. Reg, Ter-
raritm, n° 6949 : Berlingen, f'" 3i à 58 et n** 6950; Houpertingen, f» 43
à 58), ainsi que quelques autres terres données en fief (Reg, de la cour
féodale).
[i) MiRAKUS, Diplomata Belgica, pp. 7 et 27; Miraeus et Foppens,
t. 1, pp. 126 et i36; VanDrival, Cartulaire de T abbaye de Saint- Vaasi,
p. 38 (avec fac-similé) et p. 427.
— 262 —
Haimbecha ou Hembec n'est pas un Haimbach en
Allemagne, comme le pense M. Piot (i), mais le village
de Over-Heembeek, au sud de Vilvorde. En effet, en
1 161, l'abbaye de Saint- Vaast céda à l'abbaye de Grim-
berghe tous les biens qu'elle possédait dans cette loca-
lité (2).
Halmala ou Hammola est le village de Halmael
lez-Saint-Trond. Le 6 juin i6o3, les propriétés que
l'abbaye de Saint-Vaast possédait à Halmael, et qui
dépendaient de sa prévôté de Haspres, furent défini-
tivement échangées contre le domaine de Provin, près
de Lille, appartenant à l'abbaye de Saint-Trond (3).
Musinium ou Musium est, d'après M. Piot, Muy-
sen-sous-Buvingen.
Groseas ou Groslas, que M. Piot identifie à tort
avec Graesen, près de Léau (4), est le village de Grons-
veld, près de Maestricht, comme il résulte d'une charte
de 1409, par laquelle Siger Dambrine, prévôt de Has-
pres, donne à cens à Thierry de Rullingen les biens de
la dite prévôté, situés à Halmael (5). On y lit : <c Con-
» cedimus... curiam nostram de Halmale... cum suis
» attinentiis seu appendenliis, videlicel curiis seu bonis
» de Dorne, de Gronsel et de Gelene. » Dorne est évi-
demment l'ancien Thorona ; Gronsel ou encore Grusele
ou Groele, comme on appelle le village de Gronsveld
dans des chartes du xiii^ siècle (e), est évidemment l'an-
cien Groslas.
(î) Piot, Les Pagi de la Belgique y dans Mémoires couronnés y
t. XXXIX, in-4°, 1876, p. 124 en note.
(2) Analec tes pour servir h Phistoire ecclésiastique de la Belgique^
t. IX, p. 41.
(3) Liber stipalis C, (n'* 6682^), aux archives de l'Etat, à Hasselt,
fol. 65 à 74, et 292 à 298.
(4) Piot, Les Pagi de la Belgique, p. 124, note.
(5) Piot, Cartulaire de V abbaye de Saint-Trond, t. II, p. 184. C'est
à tort que Theodoricus de Ruelinghen y est traduit par Thierry de
Roclange (sic).
(6) Wautkks, Table chronologique des diplômes, t. VII, p. 669;
EvKKSEN et MuLLENERs, De Limburgsche Gemeentewapens, 1900, Maes-
tricht, p. l52.
JSAINT
m
II
LE CONCILE DE SAINT-REHACLE EN 1S58
— 263 —
Ambrofiy serait d après une conjecture de M. Piot,
Amern-Sint-Georg, près de Bruggen (cercle de Kem-
pen), dans l'ancienne Ripuarie. Nous pensons, au con-
traire, qu'Ambron est bien la villa Amburnia que nous
identifions avec Emberen-sous-Houppertingen.
Depuis un temps immémorial Téglise intégra de
Houppertingen est dédiée à saint Vaast; c'est même la
seule paroisse dans tout le diocèse de Liège, qui ho-
nore ce saint comme le patron de son église. Il est
plausible qu'à l'époque reculée où l'abbaye de Saint-
Vaast d'Arras possédait encore des biens à Ambron,
elle aura doté son domaine d'un sanctuaire consacré à
son saint tutélaire [\).
Le nom de Houppertingen ou de Hubertinghen
n est mentionné que dans des chartes du xi® ou du
XII® siècle, et semble bien postérieur à celui d'Ambron,
devenu Emmeren, qui, quoiqu'actuellement peu connu
ou plutôt inconnu en dehors de la localité (2), est resté
néanmoins le nom véritable de l'extrémité orientale du
village même de Houppertingen.
Il est à remarquer, qu'alors que la dîme et la juri-
diction de la paroisse et de la seigneurie voisine de
Berlingen s'étendaient sur une notable partie de la
commune actuelle de Houppertingen, sur les cam-
pagnes de Engelingen et de Hoenshoven (3), jusqu'à
la dime et la juridiction de Grand-Jamine, le vinâve
(i) A Grand* Axhe, où l'abbaye de Saint-Denis de Paris posséda depuis
80 5 des biens domaniaux, Téglise a comme patron saint Denis ; l'église
d'Angleur est dédiée à saint Rémi, par suite de la donation, qui fut faite
par la reine Gerberge, en 968, de son domaine d'Angledura à l'abbaye
de Saint- Rémi, à Reims.
Nombre d'églises ont été fondées par des abbayes, notamment par
Stavelot, Saint-Trond et Corbie ; plusieurs d'entre elles sont consacrées
en l'honneur de saint Remacle, de saint Trudon, de saint Pierre, les
patrons respectifs de ces abbayes.
(2) Emberen ou Emmeren n'est pas même indiqué sur la carte mili-
taire au 20,ooo«. Dans les registres de l'abbaye de Saint-Trond, on trouve
cités à plusieurs reprises des immeubles a gelegen tôt Emmeren — ree-
» genoten tegen Emmeren, »
(3) a 3roeden onder Berlingen by Hungelingen op die straete, die
34
— 264 —
d'Emmeren a toujours été sous la dîme et la juridic-
tion de Houppertingen (i).
*
Après avoir retrouvé, comme nous le pensons, la
pilla d'Amburnia, nous n'avons cependant pas été
assez heureux de retrouver la source obtenue par saint
Trudon. Le village de Houppertingen est traversé par
un ruisseau, tributaire de la Herck, lequel, au sortir
de l'étang du château, arrose les prairies basses qui
s'étendent en bas du vinâve d'Emmeren. Le ruisseau
en question , portant sur la carte militaire le nom
de Galmeerebeek (2), est insignifiant à l'entrée du
village, mais grossi lorsqu'il sort des étangs du châ-
teau, ce qui ne s'explique que par l'existence de sources
en cet endroit. Ces sources ne peuvent être qu'anté-
rieures au miracle opéré par saint Trudon, comme
l'indique l'antique nom d'Amburnia ou d'Ambron.
Une source bien abondante existe en dehors du
village du côté sud, notamment près de la route, qui
conduit de Houppertingen au hameau de Hellensvort
» van Hoenshoven gaet naer Hellensfort ; — 24 roeden thienende onder
» Gelmen en onder Berlingen, gelegen int Hellenshoven velt; — 12
» roeden thienende onder Gelmen en te Hoenshoven onder Berlingen
» gelegen; — 3 roeden gelegen onder Berlingen by Engelingen, op die
» straete genaempt Borne straete, gaende van Houpertingen naer Hel-
» lensfort » (Reg. Terrarum, n® 6947, P* 3i à SSpassim).
(i). La dîme de Houppertingen, vendue, en 1221 et 1223, à l'abbaye
de Herckenrode, appartenait auparavant, de même que la seigneurie,
aux comtes de Looz, qui les avaient données Tune et l'autre à leurs
vassaux (Voy. Daris, Notice sur Houppertingen , dans ses Notices, t. I,
pp. 425 et suiv.). Or, c'étaient les comtes de Looz qui tenaient lavoue-
rie du domaine que Tabbaye de Saint-Vaast d'Arras possédait à Halmael
(Liber Stipalis C, n® 6682^, p. 266 : Concordia inter Episcopum Leo-
diensem et abbatem Sancti Vedasti quoad persolutionem 28 florenorum
pro 3 prandiis debitis dicto Episcopo, uti Comiti Lossensi et advocato
de Halmael, de data 1374). Ils obtinrent donc probablement en fief ou
usurpèrent du chef de leur avouerie les biens que cette même abbaye
possédait avant le x* siècle à Ambron ou Houppertingen.
(2j La Galmeerebeek venant de la campagne de Gelmen ou Grand-
Jamine est surtout alimentée par une source, appelée Wildeborn, située
au hameau d'Entbroek, sous Houppertingen.
— 265 —
ou Helshoven (i). Située à une faible distance de la
Molenbeek, un autre affluent de la Herck, elle forme
un petit vivier appelé Troeitenwyer, nom, qui à pre-
mière vue semblerait rappeler celui de saint Trudon
(Trudenwyer), mais qui pour cela n'en est que plus
fallacieux. Les eaux de ce vivier étant très vives, les
anciens seigneurs de Houppertingen, y entretenaient,
paraît-il, des truites, rares, on le conçoit, dans ce
pays, et que le peuple ne connaissait que sous le nom
corrompu de troetten.
Sur le coteau, qui avoisine Emmeren au Nord, se
trouve en pleine campagne un verger recouvrant une
sinuosité du sol, qui renferme une source dite Elsen-
born (2). Mais ses eaux dormantes ne rappellent en rien
les aquae largissimae que saint Trudon a fait jaillir.
La source miraculeuse peut être tarie depuis des
siècles et son existence reste toute problématique. Il
n'en reste pas moins vrai que l'antique Amburnia
s'identifie parfaitement avec Emmeren-sous-Houpper-
tingen.
Notre article Amburnia et la source miraculeuse de
saint Trudon,dont M^^ Monchamp a bien voulu donner
lecture à la séance de la Société d'art et ^histoire, du
i5 juillet 1903, était déjà imprimé, quand notre ami,
M. l'abbé Simenon, professeur au Séminaire de Saint-
Trond, nous communiqua la trouvaille suivante, qu'il
vient de faire à la Bibliothèque de l'Université de Liège.
Une Bible manuscrite, provenant de l'abbaye de
Saint-Trond (Mss. n^ 1, anc. n^ 225, vol. II, fol. i65),
contient un relevé des cens perçus par l'abbaye, à la
fin du XI 1^ siècle. Ce relevé mentionne : « In Gotehim »
actuellement : Gothem, localité voisine de Houpper-
( I ) (c die straete genaempt Borne straete, gaende van Houpertingen
» naer Hellensfort » (Reg.y n® 6949, fol. 57).
(2) « Juxta pratum dictum eelsenborn ». Un petit bois, dit Elsenbosch
(bois des aulnes), est situé non loin de là, vers Oetersloe ou Oetsloven,
sous Berlingen.
— 266 —
tingen « et Amburria, id est Embre, et Wikelde S libr.
» et in naiali domini 28 den, et 24capones, » L'identi-
fication, que nous avons donnée, de la pilla appelée
Amburnia ou Amburria, est par là même surabondam-
ment établie.
A rencontre de ce que nous avions supposé, en
commentant le récit de labbé Thierry, on connaissait
donc encore l'antique Amburnia au XIP siècle. Dès
lors, il est assez probable qu'à cette époque la source
miraculeuse de saint Trudon était de même suffisam-
ment connue. Mais nous ne croyons nullement devoir
préférer le vocable Amburria à la forme Amburnia,
qu'on trouve dans la Vita de Donat, ni conséquemment
devoir supprimer l'argument que nous avons déduit du
diplôme de l'abbaye de Saint- Vaast, où l'on trouve jle
thème si concordant Ambron. Ce serait lâcher la proie
pour l'ombre. Dès le commencement du xiP siècle, la
Vita de Thierry, dans laquelle la forme Amburria est
substituée à Amburnia, avait été admise pour l'office
de saint Trudon. C'est ce qui explique la mention :
Amburria id est Embre du xii® siècle.
A vrai dire, la forme Embre, s'il fallait la consi-
dérer comme équivalente à Ember, ne concorderait
qu'avec Amburria ; mais les arguments développés pré-
cédemment, nous autorisent à la considérer comme
une vulgaire corruption d' « Emberen », de même qu'on
trouve dans une charte du duc Jean de Brabant, de
1280, Seppre au lieu de « Sepperen » (Sepburen, Sep-
timbur/^5j. Or, nous l'avons montré, la forme Embe-
ren, employée uniquement au milieu du XIIP siècle,
par l'abbé Guillaume de Ryckel, s'accommode parfaite-
ment avec les deux thèmes : Amburnia et Amburria.
Alph. PAQUAY.
■«♦*■
LES PAU-OISSBS
DE L'ANCIEN CONCILE DE SÂINT-REMÂCLE
• ■•■#
AVANT-PROPOS.
L'intérêt qu'offrent les recherches sur les saints
patrons d'églises n'est pas contestable. Ces recherches
peuvent fournir des renseignements précieux sur les
diverses influences qui ont concouru à l'évangélisation
d'un pays. Toutefois, avant de les entreprendre, un
travail préliminaire s'impose. Placer sur un pied
d'égalité toutes les églises, anciennes et modernes,
serait, en effet, courir au devant d'erreurs graves. Il
importe donc de déterminer le degré d'ancienneté des
églises actuellement existantes et de rechercher, avec le
plus de soin possible, l'origine de chacune d'entre elles;
la reconstitution des paroisses primitives permet d'at-
teindre ce but. Telle est la raison d'être de cette étude.
Ce travail de reconstitution exige le dépouillement mé-
thodique de tous les documents où l'on peut espérer
rencontrer quelque renseignement sur nos anciennes
paroisses. Cette tâche est depuis certain temps déjà
entreprise, mais sollicité par dtvers motifs à faire pa-
raître ces pages, je me décide à les publier sans que
ce dépouillement soit complètement achevé. J'ai dû
donc parfois recourir à des procédés empiriques ;
35
— 268 —
aussi malgré les efforts apportés à me documenter, ne
puis-je me flatter d'être absolument complet. Les résul-
tats obtenus dans ces conditions quelque peu défec-
tueuses engagent cependant, semble-t-il, à poursuivre
les recherches. De prime-abord, le sujet paraît n'avoir
qu'un intérêt hagiographique; pour peu qu'on l'appro-
fondisse, on voit qu'il renferme autre chose encore.
Combinées avec les données positives des vies de
saints et des Miracula, les recherches sur les paroisses
jetteront une vive lumière sur la destruction du paga-
nisme dans nos campagnes et les progrès du christia-
nisme à l'époque la plus reculée. Ces faits pleins d'intérêt
pour l'histoire de la civilisation, n ont pas eu de nar-
rateur qui nous les transmît, mais des témoins contem-
porains existent encore ; il suffit de les interroger.
Pour la marche de la colonisation du sol, de son
défrichement et du développement de la population,
l'aide de ces recherches nest pas moins utile. Rap-
prochés des renseignements de la toponymie et de
1 archéologie, leurs résultats fourniront l'histoire de l'oc-
cupation de la terre. La géographie historique en reti-
rera également un sérieux profit; sous ce rapport, pres-
que tout reste encore à faire pour notre ancien diocèse.
Enfin, l'histoire économique trouvera aussi son compte
dans la reconstitution des anciens domaines que Tétude
des paroisses primitives permet d'efi'ectuer. Inutile
d'ajouter que ces résultats ne pourront être atteints dans
leur entièreté qu'après que toutes les paroisses de Tan-
cien diocèse auront été étudiées séparément : cette tâche
nous ne désespérons point de la mener à bien (i).
(i) Cette étude ainsi que celle sur Les paroisses de V ancien concile
de Ho^émont (Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de
Liège, t. XII (1900), pp. 241-284), composaient une dissertation docto-
rale, présentée au jury d'examen de la faculté de philosophie et lettres
de l'Université de Liège, en avril 1900. Depuis cette époque, ont paru
plusieurs études intéressant diverses localités étudiées dans ces pages ; si
elles ont permis de préciser l'un ou l'autre point de détail, elles n'ont
cependant apporté aucune modification à la marche générale de ce travail.
— 269 -
•
De nombreuses personnes ont eu l'amabilité de me
fournir de précieux renseignements : qu'elles veuillent
bien agréer l'expression de ma profonde gratitude. Si
je ne puis les remercier toutes en particulier, il m'est
cependant impossible de taire le nom de mon vénéré
maître, M. G. Kurth; tout ce que cette étude peut
contenir de bon, procède de son enseignement et de ses
conseils. Qu'il me soit aussi permis d'adresser mes bien
vifs remercîments à MM. J. Halkin et C.-G. Roland,
les savants éditeurs des chartes de l'abbaye de Stavelot-
Malmedy, qui ont bien voulu me communiquer les
bonnes feuilles de leur travail, et surtout à mon excel-
lent ami, M. Clément Charlier ; ses connaissances
topographiques, en particulier, m'ont été du plus pré-
cieux secours.
1.
LES LIMITES DE L'ANCIEN CONCILE
DE SAINT-REMACLE.
En quittant la Meuse au Nord de Richelle, la limite
du concile de Saint-Remacle se dirigeait en droite ligne,
vers le Sud, le long du doyenné de Maestricht. Faisant
ensuite un brusque détour, elle atteignait la frontière
actuelle de la Prusse au territoire de Montzen, suivait
quelque temps cette frontière, puis englobait, en Alle-
magne, Hergenrath, Hauset, Eynatten, Raeren et
Eupen. Par un changement de direction, la limite
rejoignait alors la Helle, qu'elle suivait jusqu'à sa
source, en atteignant le plateau des Fagnes. Ces hau-
teurs fangeuses achevaient de séparer le concile de
Saint-Remacle du diocèse de Cologne. Plus loin, elles
lui fournissaient une démarcation naturelle d'avec le
doyenné de Stavelot.
Le fond d'un petit ruisseau la conduisait dans la
vallée de l'Amblève, à peu près au point d'intersection
des trois doyennés de Stavelot, de Saint-Remacle et
d'Oufi'et. La limite courait alors le long de ce dernier
— 270 —
doyenné jusqu'aux environs de la Neuville-en-Condroz,
pour dessiner ensuite, plus irrégulièrement encore, les
contours du concile de Hozémont. Dans le reste de sa
course, elle côtoyait l'archidiaconé de Liège, les con-
ciles de Tongres et de Maestricht, pour rejoindre enfin
la Meuse, vers son point de départ. Tel que nous
venons de le délimiter, le concile de Saint-Remacle
formait la partie orientale de larchidiaconé du Con-
droz, qui comprenait, en outre, les conciles de Huy,
d'Ouffet, de Ciney et de Hanret.
Fidèle à la méthode précédemment employée (i), je
remonterai directement à la paroisse primitive; j expo-
serai ensuite ses divisions successives et les réflexions
que leur étude suggère. Les cartes jointes à ce travail
permettront au lecteur de suivre facilement la marche
de Fexposé et me laisseront ainsi toute liberté d'allure.
II.
PAROISSE PRIMITIVE DE JUPILLE.
La paroisse primitive de Jupille (a) s'étendait sur
une circonscription considérable; la section de Souve-
rain-Wandre, le territoire de Saive, de Retinne, de
Micheroux, de Fléron, de Magnée, de Forêt, de Gomzé-
Andoumont, de Beaufays, de Chaudfontaine, d'Em-
bourg, de Chênée, de Grivegnée. de la paroisse Saint-
Remacle actuelle, des communes de Bressoux et de
Jupille en formaient les points extrêmes. Si nous en
croyons Jean d'Outremeuse {3), Téglise de Jupille aurait
été construite par saint Remacle en 625 et dédiée par
lui à son prédécesseur saint Amand, évêque de Maes-
tricht. Le fait que saint Amand survécut une huitaine
( I ) Voy. J . Brassinne, Lesparoisses de Vancien concile de Ho^émoni,
dans Bulletin de la Société dort et dhistoire du diocèse de Liège, t. XII
(1900), pp. 241-284.
(2) Voy. la carte n'' 1.
(3) Ly myreur des histors, t. II, p. 3i i.
— 271 —
d'années à saint Remacle suffit pour ruiner ce récit (i).
Quel que soit, au reste, le constructeur de cette église,
la situation de Jupille à la fin du viP siècle et au com-
mencement du siècle suivant (2) permet de placer, vers
cette époque, l'origine première de son église. Celle-ci
existait certainement avant 869. Le roi Lothaire II
avait, en effet, donné à la collégiale Notre-Dame d'Aix-
la-Chapelle la none de quarante-trois villas (3) apparte-
(i) n nest pas difficile d'en saisir Torigine. Je la trouve dans le rai-
sonnement de quelque érudit, probablement de Jean d'Outremeuse lui-
même. Pour celui-ci Jupille présente une importance particulière ; il est
la capitale du « duché de Lotringe » (Ly myreur, t. I, pp. 379-380), le
siège d'une cour de justice pour le royaume d'Ausirasie (Ibidem^ t. II,
p. 347) et la résidence du maire du palais (Ibidem^ t. II, p. 260). C'est
à Jupille encore que s'étaient déroulées les scènes qui précédèrent et
amenèrent le martyre de saint Lambert (Ibidem^ t. II, pp. 348-35 1).
Conformément à ses habitudes, Jean d'Outremeuse aurait sans doute
volontiers fait édifier dans cette localité célèbre, un oratoire par saint
Materne ou saint Martin, ses habituels bâtisseurs d'églises. Le patronage
de saint Amand l'empêchait de remonter si haut; il s'en console en attri-
buant la fondation de l'église de Jupille au successeur immédiat d'Amand
sur le siège épiscopal de Maestricht, à saint Remacle. Plaçant In mort de
saint Amand en 620 (Ibidem, t. II, p. 3o4), Jean d'Outremeuse pouvait
faire bâtir une église en l'honneur de cet évêque, cinq ans plus tard
(Ibidem, t. II, p. 3 11). En réalité, saint Amand après avoir occupé le
siège de Maestricht de 647 h 65o, s'était retiré à l'abbaye d'Elnon où il
vécut jusque vers 679. Il était permis à un écrivain liégeois du xiv*
siècle d'ignorer ces circonstances. Quant à saint Remacle, il était cer-
tainement mort en 672. Du récit de Jean d'Outremeuse, je retiendrai
seulement la mention du patronage pour Jupille, à son époque, de saint
Amand ; jusqu'à preuve du contraire, nous devons toujours, au reste,
considérer le patron actuel d'une église comme en ayant été le titulaire
primitif.
(2) Je fais allusion au séjour des Carolingiens à Jupille. Trois diplômes
faux, attribués à Pépin de Herstal, à Amulf et à Charles Martel et datés
de la villa de Jupille (Bôhmer-Muhlbacher, Die Regesten des Kaiser-
reichs unter den Karolingern, 1. 1, n° 5 : 687, 1 3 novembre « villa Joppi-
liensi »; n**23 : 706, 27 juin « villa Oppilla » ; n° 37 : 724, 25 avril « Jopilla
villa ») suffiraient à prouver ce séjour, si nous n'en avions des mentions
authentiques (Bôhmer-Muhlbacher, n** 21» : 714, « Jobii villa »; n° 87** :
760, 6 avril « Jopilla ») et si nous ne savions que Jupille était une villa du
fisc (714, <* villa publica»; Annales Mettenses, dans Monumenta Ger-
maniae historica, SS,, t. I, p. 322). Voy. aussi à ce sujet, Parisot, Le
royaume de Lorraine sous les Carolingiens, pp. 61 3 et 686.
(3) « ... adierunt clementiam nostram obtuleruntque obtutibus nos-
- 272 —
nant au fisc (<) et parmi lesquelles figure Jupille. Cette
donation fut confirmée et augmentée à diverses reprises
par les successeurs de Lothaire : le roi Arnulf (i3 juin
888) (â), le roi Henri 1^^ (5 juin gSo) (3), l'empereur
Otton I«r(i6 février 966) (4) et l'empereur Frédéric II
(juillet 1226) (5). Tout prouve que les villas impériales
du IX* siècle possédaient un oratoire qui formait le centre
d'une paroisse. Le fait était général pour les villas
appartenant à de simples particuliers (e). Combien, à
plus forte raison, ne devait-il pas l'être pour les villas
des pieux Carolingiens. On peut affirmer qu'au ix* siècle
et, sans doute depuis longtemps déjà, Jupille possédait
une église; la seule qualité de villa du fisc implique,
pour ainsi dire, l'existence de celle-ci (i). La dédicace
de cette église se place donc entre 679 (mort de saint
» tris quandam auctoritatem in qua erat manifestum quomodo conso-
» brinus noster. Lotharius rex, nonas partes omnium renmi de XLIII
» villis, id est de Aquis palatio. ...'daret ecclesie Sancte E>ei Geni-
» tricis semperque Virginis Marie, kapelle videlicet que est in Aquis
» palatio, ... » dit en 888 (i3 juin), le roi Arnulf (LaComblet, Urkun-
denbuchfûr die Geschichte des Niederrheins, n*» 75, t. I, pp. 39-40).
il) « Les quarante -trois villas mentionnées dans B(ôhmer)-M(uhlba-
» cher), n® 1748, et parmi lesquelles on remarque Nimègue, Meerssen,
» Theux, Longlier, etc., devaient toutes, comme ces dernières, faire
» partie du domaine royal. » La suite de l'histoire de ces localités me
permet de transformer en affirmation la conjecture de Parisot, La Lor-
raine sous les Carolingiens, p. 685, note 21, tout au moins pour celles
d'entre ces villas qui se trouvaient situées dans l'ancien concile de Saint-
Remacle.
(2) Lacomblet, Urkundenbuchfûr die Geschichte des Niederrheins,
n® 75, t. I, pp. 39-40.
(3) Monumenta Germaniae historica, Diplomata regum et impera-
torum Germaniae, n**23, t. I, p. 59.
(4) Ibidem, n? 323, pp. 437-438.
(5) Lacomblet, Urkundenbuch, n"* i35, t. II, pp. 72-73. J'insiste sur
cette donation et ses confirmations dont j'aurai plus d'une fois encore à
faire usage au cours de l'exposé.
(ôj Voy. Flach, Les origines de tancienne France, t. Il, p. 67;
FusTEL DE CouLANGEs, Ualleu et U domaine rural, pp. 441-442.
(7) Il est presqu'inutile d'insister sur ce point tant il est manifeste;
j'aurai, au reste, l'occasion de rétablir à nouveau, au cours de cette étude.
àTCTriTT T?
LES PAROISSES PRIMITIVES
do concile on doyenné de Saiot-Remacle (Liège).
— 273 —
Amand) et 869 (date extrême de la donation de Lo-
thaire).
Au XII* siècle, nous pouvons déjà juger des change-
ments qu'avait subis la paroisse primitive. Outre
l'église-mère (i), nous trouvons alors dans sa circon-
scription, à Chênée une église touchant les dîmes de
24 manses (2) et une autre à Fléron, touchant les dîmes
de 10 manses (3).
Ajoutez-y la chapelle Saint-Remacle bâtie en 1071 (4).
Il faut attendre alors le dernier quart du xiir siècle
pour voir se former une nouvelle paroisse détachée de
Téglise-mère ; le 1*' septembre 1279, la chapelle de
Saive acquiert son indépendance (5); à peu près vers
la même époque, apparaît la chapelle de Grivegnée (e) ;
celle de Saint-Remacle devint au xiv** siècle seulement,
le siège d'une paroisse.
Voici comment, en i558, se présente la situation :
(i) « In Juppilla... Est ibi mater ecclesia ad quam pertinet de omni
» dominicali Inbore nona et décima et insuper décima ipsius predii et
» de piscibus. » Indiculus reddituum regalis ecclesiae B. M, V. Aquis-
grani, seculoXll scriptuSy dansERusT yHisloire du Limbourg, t,W\^p, 85.
(2) « In Kesneies... Est ibi dimidia ecclesia, ad quam pertinet I man-
» sus et deXXIIII mansis décima. » Ibidem,
(3) « In Fletherum est dimidia ecclesia, ad quam pertinet décima [de]
» X mansis. » Ibidem.
(4) \ oy , Monumenta Germaniae historica.SS., t. XI, pp. 460-461. Il
faudrait encore y ajouter, s'ils avaient eu quelque importance au point de
vue du développement de la paroisse primitive, divers autres oratoires,
comme la chapelle de Tévêque de Verdun à Jupille (Bulletin de Flnstitut
archéologique liégeois, t. IX (1868), pp. 339 ^^ ^40) (actes de 1 153 et de
1 1 55), c'est-à-dire V « oratorium Sanctae Mariae, quod est in curia nostra
» Jupiliae » que levêque de Metz, Albéron I*^', donne, en 11 52, aux
Prémontrés de Cornillon (Bulletin de Flnstitut archéologique liégeois,
t. IX (1868), p. 338).
(5) Voy. Bulletin de Flnstitut archéologique liégeois, t. XXII (1891),
pp. 423-428.
(6) En 1275 (n. st.) « ... quod cum capellae S'* Remacli et de Grive-
» gnee extra muros Leodienses decanatui ecclesiae nostrae Aquensis,una
» cum matrice sua ecclesia de Jupilia sint annexae... » Bulletin de Flns-
titut archéologique liégeois, t. IX (1868), pp. 359-360. Lacté se trouve
également dans Qyix, Codex diplomaticus Aquensis, n^ 1 98, p. i32, avec
la date de 1 264.
— 274 —
nous trouvons dans la circonscription primitive,
réglise-mère de Jupilie, les églises de Chênée, de Flé-
ron, de Saive, de Saint-Remacle, de Forêt et la cha-
pelle de Grivegnée (i).
Reprenons successivement ces anciennes paroisses
et voyons quels démembrements subit, jusqu'à notre
époque, la circonscription attribuée à chacune d'entre
elles lors de son érection.
La paroisse de Jupille comprenait encore, après
i558, le territoire partagé entre la paroisse actuelle
de Souverain-Wandre (Saint- Roch), érigée à la tin du
XVIII® siècle, celle de Bellaire (Notre-Dame) dont la
chapelle fut bâtie au xviP siècle et qui devint paroisse
en 1834, et celle de Bois-de-Breux (Immaculée-Con-
ception), déclarée indépendante en 1840.
Comme nous l'avons vu, l'église de Chênée était
déjà paroissiale au xir siècle ; son patron est saint
Pierre. Cette église vit se détacher d'elle Vaux-sous-
Chèvremont (Notre-Dame) en 1887, Chaudfontaine
(Saint- François-Xavier) en i838, Embourg (Saint-Jean-
Baptiste) en 1753 (2), Beaufays (Saint-Jean- Evangéliste)
dont l'église appartenait à labbaye établie dans ce
village; et enfin Romsée (Sainte Vierge), paroisse depuis
le commencement du siècle dernier.
L église d*Embourg donna, à son tour, naissance à
la paroisse de Ninane (Immaculée-Conception), en
1875, et de l'église de Romsée se sépara la chapelle de
Bouny (Sainte Vierge), qui devint succursale le 3o sep-
tembre 1843.
(1) Voy. le pouillé du concile de Saint-Remacle (i 558), en appendice
à cette étude.
(2) La légende rapportée par Bouille (Histoire de la ville et pays
de Liège, t. I, p. i6j et d'après laquelle saint Monulphe aurait consacré
ce la chapelle d*Embour, en Thonneur de saint Jean-l' Evangéliste, à
» Tinstance du comte Renaud qui tenoit le château de Chèvremont, »
paraît provenir de ce que Ton aura lu distraitement un passage dans
lequel Jean d'Outremeuse (Ly myreur^ t. IV, p. 149) attribue à saint
Materne la fondation de Téglise Saint-Jean à Chèvremont.
— 275 —
La paroisse de Fléron, dont le patronage de saint
Denis prouve assez la haute antiquité, et dont nous
avons constaté l'existence au xii* siècle, vit s'élever
dans sa circonscription les églises de Beyne (Saint-
Barthélemi), qui devint succursale en i8o3, et eut
comme dépendance Heusay (Saint-Laurent), paroisse
dès 1839, de Queue-du-Bois (Saint-Antoine, abbé), bâtie
en 1762 et qui devint succursale en i833, de Magnée
(Saint- Antoine de Padoue), bâtie en 1766 et qui devint
succursale dans la première moitié du xix* siècle.
Quant à la chapelle de Liéry, dédiée à la sainte Vierge,
elle avait été érigée en 1682, devint succursale en 1842
et fut remplacée, trois ans plus tard, par l'église de
Retinne, dont la patronne est sainte Julienne.
La première mention de la chapelle de Grivegnée
(Notre-Dame) (i) se rencontre vers le milieu du xiir
siècle (2). La légende s'est attachée à cette chapelle, assi-
gnant pour sa construction Tannée 887 (3) et prétendant
qu'elle avait été érigée en paroissiale par l'évêque Fa-
rabert en 949 (4). Le lecteur peut juger une fois de plus
de la valeur qu'il convient d attribuer, en général, aux
« traditions » relatives à l'origine de nos églises. Plus
tard la chapelle de Grivegnée devint vicairie de l'église
Saint- Remacle. Le pouillé de i558 la mentionne comme
telle (s). La réorganisation qui suivit le Concordat la
maintint dans cette situation. Le lien de dépendance
qui unit ainsi l'oratoire de Grivegnée à l'église Saint-
(i) Si Ton se rappelle que la collégiale Notre-Dame d'Aix était colla-
trice de réglise-mère de Jupille, on devinera aisément l'origine du patro-
nage de cette chapelle.
(2) Le 3o mai 1275 (n. st.), le doyen de Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle
donne aux Prémontrés de Cornillon la desserviture perpétuelle des cha-
pelles de Saint- Remacle et de Grivegnée, annexes de l'église de Jupille
(Bulletin de V Institut archéologique liégeois, t. IX (1868), pp. 359-36o).
(3) Jean d'Outremeuse, Ly myreur, t. IV, pp. 24-25.
(4) Ibidem, p. !ii.
(5) « Grivengnee, appendix de Sancto Remaclo, » porte le pouillé
publié à la suite de cette étude.
36
— 276 —
Remacle est un lien absolument factice : Grivegnée
était né dans la paroisse de Jupille avant que Saint-
Remacle ne fut devenue paroissiale (i). Le village ne
forme lui-même une paroisse distincte que depuis i832.
Cet oratoire Saint-Remacle date seulement du der-
nier tiers du xi* siècle (2). Nous avons la bonne fortune
de tenir d'un contemporain, Tauteur du Triumphus
Sancti Remacli de Malmundariensi coenobio, le récit
de son érection (3). En voici la substance : En 1071,
nous dit le narrateur, la châsse de saint Remacle avait
été portée au palais de Liège où se trouvait l'empe-
reur Henri IV. Dans son retour vers Stavelot, le cortège
qui accompagnait les reliques s*arrêta, le 10 mai, au
delà de la Meuse, en un lieu champêtre; pour répondre
au désir du peuple, une Messe fut célébrée à cet en-
droit. Le jour même les propriétaires du terrain où
s'était accomplie la pieuse cérémonie, le consacrèrent
à l'érection d'un sanctuaire que la piété populaire per-
mit d'achever en peu de temps (4). Chapelle encore
en 1275 (5), ce n'est que vers le commencement du xiv*
siècle que nous trouvons à Saint-Remacle des limites
définies et le titre de paroisse (e).
i I ; Les chapelles de Saint-Remacle et de Grivegnée sont mentionnées
dans le même acte de 1275 (n. st.) comme dépendances de relise de
Jupille (Bulletin de Flnstitut archéologique liégeois j t. IX, pp. 359-36o).
(2) Au commencement de ce siècle, la partie de la ville de Liège ac-
tuelle, qui renferme Téglise Saint-Remacle, Amercœur, est qualifiée de
« par solitudini ... et ab urbanae plebis segregatus frequentia. » Vita
Balderici episcopi Leodiensis, ch. xviii, dans Monumenta Germaniae
hisiorica, SS., t. IV, p. ySi (1 5j.
(3j Monumenta Germaniae historica, SS., t. XI, pp. 460-461.
(4) Jean d'Outremeuse (Ly myreur, t. IV, pp. iSy-iSS) place en
976 l'érection de Saint-Remacle comme église paroissiale. Bon nombre
d'oratoires ont une origine analogue à celle de Saint-Remacle.
(5; Voy. p. 275, note 2.
(6; Dans un acte de Tan i323, on trouve déjà cette mention « Pixhe-
» rotte à Weys in parochia Sancti Remacli » (Cartulaire Sainte-Croix :
Œuvres, Chartes et Privilèges,Tcg. 1 275-1710, fol. 239 V*'); voy.GoBERT,
Les rues de Liège, t. III, p. 36 1, note 4.
— 277 —
Cependant, par une curieuse anomalie, Saint-
Remacle servait depuis longtemps déjà aux réunions
des prêtres du concile et lui avait donné son nom (i).
Bressoux, qui jadis dépendait de cette église, forme
une paroisse distincte depuis 1894.
Quant à Forêt, sa chapelle (Sainte-Catherine) de-
vint paroissiale en i5ii; elle donna naissance, vers
1742, à la chapelle de Prayon (Saint-Laurent), devenue
succursale en 1848, et à la paroisse de Thier-des- Forges
(commune de Gomzé-Andoumont) (Sainte Vierge), créée
en 1862 (2); enfin l'oratoire de la section des Fonds-de-
Forêt a été érigé en chapelle le 9 septembre 1903.
Après avoir reconstitué la paroisse primitive de
Jupille, j'avais été frappé de la grande ressemblance
que son territoire présentait avec celui du bailliage
d'Amercœur, dont un record du 1*' avril i322 (n. st.)
permet d'établir l'étendue (3). A part certaines loca-
lités, dont je m'occuperai plus loin, les limites des deux
circonscriptions coïncident exactement. Cette identité
jette une vive lumière sur le passé de ce territoire et
nous fait comprendre son histoire ; je l'esquisserai ra-
pidement (4).
(i) Dès 1 187, sont mentionnés «... universi investit! et fratres capi-
» tuli de Sancto Remaclo, qui est ante Cornelium montem. » Q.uix, Codex
diplomaticus Aquensis, n? i23, p. 92.
(2) Le territoire de Gomzé-Andoiunont fît partie, après le Concordat,
de la paroisse de Louveigné.
(3) Ce record indique les limites dans lesquelles Tévêque de Liège
exerçait « sa juridiction à Jupille et dans le bailliage d'Amercœur. » Les
localités que ce record énumère, sont : Amercœur, Péville, Robermont,
Jupille, Beyne, Fléron (excepté quatre ou cinq maisons), Magnée, Beau-
faySjColonster, Prayon, Fraipont, Lonhienne, Forêt,Thier, Gomzé,Vaux,
Chênée (excepté quatre ou cinq maisons), Ransy, Grivegnée, Wez, Long-
doz, Bressoux et leurs dépendances. Après l'énumération de ces localités,
le record indique les limites qui les englobaient et permet de se représenter
la configuration de ce territoire (Voy. Bormans et Schoolmeesters,
Cartulaire de Féglise Saint-Lambert de Liège, n® mliv, t. III, pp. 235-
(4) Le lecteur me permettra de le faire en un exposé suivi dont il
pourra au reste vérifier les détails.
— 278 —
Aussi loin que nous pouvons remonter dans le
passé, nous trouvons Jupille comme centre d'habita-
tion. Depuis le II® siècle au moins (i), sur la pente douce
de la vallée de la Meuse, à l'abri des inondations du
fleuve, s'élevait une opulente villa. Les fouilles opérées
en cet endroit ont mis au jour d'intéressants débris (2).
L'étendue qu'occupaient les murs de fondation, les
fragments de mosaïque, de nombreux vases, des ins-
truments en bronze attestent tout ensemble la richesse
et l'importance de cet établissement. Les invasions le
ruinèrent (3): ses restes présentaient les traces évidentes
de la dévastation et de l'incendie. Sur l'emplacement
de l'ancienne villa romaine, l'époque suivante vit s'é-
lever une nouvelle habitation (4). En dépit des boule-
versements qui marquèrent la fin de l'Empire dans
nos contrées et des dévastations, dont les ruines des
villas racontent la lamentable histoire, la plupart des
centres d'habitations romains se sont perpétués jusqu'à
notre époque. L'invasion a chassé les anciens habi-
tants ou les a fait périr, les bâtiments de la villa ont
été pillés, incendiés, détruits, mais leur emplacement
offre encore de nombreux avantages. Une situation
(i) Bulletin de F Institut archéologique liégeois, t. XI (1872), p. 495.
(2) Les résultats de ces fouilles, exécutées sans méthode, ont été con-
signés dans un article de M. S(chuermans), Foui lies/ai tes à Jupille, près
de Liège (Bulletin de V Institut archéologique liégeois, t. XI (1872),
pp. 469-496).
(3) (c ... Le sol récelait de nombreuses substructions d*édifîces ro-
» mains, qui, détruits par le feu, avaient subi une espèce de nivellement
» pour servir de cimetière. On y découvrit, en effet, étendus sur une couche
» de béton, des squelettes juxtaposés et orientés la tête à TOuest, les pieds
» à TEst... Sous cette couche de morts étaient les restes des bâtiments
» romains » (St. Bormans, Rapport présenté à Vlnstitut archéologique
liégeois sur les travaux de la Société pendant tannée iSya, dans les
Rapports de i865 à iSSy, pp. i28-i3o). Rapprochés de nombreux faits
analogues, ces détails ne laissent aucun doute sur la destruction de la
villa de Jupille et son occupation par un groupe de barbares.
(4) C'est seulement à la fin de la période mérovingienne que nous en
trouvons les premières mentions, mais nous sommes en droit de supposer
qu'elle existait depuis l'arrivée des Francs.
— 279 —
choisie avec soin, une eau abondante, des champs
déjà habitués à la culture et des matériaux pour sa
cabane attirent lenvahisseur. Ce fait si souvent cons-
taté dut se produire également à Jupille.
La première mention de la villa nouvelle, au début
du vin* siècle, nous la montre parmi les possessions du
fisc (i), mais je suis porté à croire que depuis long-
temps elle se trouvait dans cette condition. A l'époque
carolingienne, comme elle lavait été sans doute à l'é-
poque romaine, la villa de Jupille resta le centre d'un
domaine rural considérable. Ainsi quon Ta vu plus
haut, cette villa possédait un oratoire au moins dès le
IX* siècle. Tout autour de Thabitation principale s'éten-
daient les champs cultivés ; plus loin, dans la forêt qui
couvrait, au xiir siècle encore, la plus grande partie de
son territoire (2), se trouvaient disséminés quelques ha-
meaux habités par les tenanciers occupés aux différents
services de l'exploitation (3). La situation favorable de
(i) En 714, Jupille est une a villa publica » (Annales Mettenses, dans
Monumenta Germaniae historica, 55., t. 1, p. 322).
(2) Quelques textes permettent de se faire une idée assez exacte de la
situation ancienne de ce pays. Le domaine de Jupille est donné en em-
phythéose à l'église de Liège, le 26 juin 1266, avec toutes ses dépen-
dances... c( silvis etnemoribus scilicetde Belfai, de Breus et de Belaire »
(BoRMANs et ScHooLMEESTERs, Cartulatrc de Véglise Saint-Lambert de
Liège, n® dcxi, t. II, p. 172). L'étendue de la forêt de Beaufays est dé-
terminée dans un acte de i2i5(Miraeus etFoppENS, Opéra diplomatica,
t. IL p. 844). Dans un acte du 19 mai 129 1 (Bormans et Schoolmeesters,
Cartulaire de F église Saint-Lambert de Liège, n® dcccxi, t. II, p. 480),
nous trouvons mentionné le sart » del Borgoise prope Beafaiis. » Sur la
situation d'Amercœur au xi« siècle, voy. le Vita Balderici episcopi Léo-
diensis, ch. xviii, dans Monumenta Germaniae historica, SS., t. IV,
p. 73 1 (i5). Sur la forêt de Bruest(— Breux), voy. Bulletin de V Institut
archéologique liégeois, t. IX (i868j, pp. 336-337. Les noms de Bois-
dc-Breux (Grivegnée), Queue-du-Bois, et Fayenbois (Jupille), montrent
que les forêts couvrirent assez tard ce territoire. Je laisse provisoirement
de côté les noms de Chênée et de Forêt, dont je ne connais pas suffi-
samment les formes anciennes.
(3) L^église de Toul avait des possessions à Saive et à Retinne dès la
fin du IX* siècle (Voy. Gesta episcoporum Tullensium, dans Monumenta
Germaniae historica, SS,, t. VIII, p. 638 (35).
— 280 —
quelques-uns de ces petits groupements leur valut un
accroissement de population : ce furent de nouvelles
localités qui grandirent peu à peu.
Pour se rendre à Téglise du domaine, la route est
longue et difficile ; les habitants construisent un oratoire
où ils peuvent assister au divin sacrifice, mais conti-
nuent cependant à dépendre de Téglise-mère. A cette
église ils doivent encore porter les nouveaux-nés pour
leur faire administrer le sacrement de baptême; à cette
église, les nouveaux époux doivent faire bénir leur
union ; à cette église enfin, il faut amener la dépouille
mortelle du chrétien qui reposera à lombre de son
clocher. Une modification nouvelle permet la résidence
au hameau d'un prêtre, qui obtient les droits d'un
curé. Le paiement d'un cens et l'assistance obligatoire
aux offices de l'église-mère, à certains jours de fête,
restent alors pour les habitants de la paroisse secon-
daire, la seule survivance de leur ancienne dépendance
vis-à-vis de l'église du domaine. J'ai montré comment
ce démembrement s'opéra pour la paroisse de Jupille.
Le droit de collation de cette église et les revenus qui
y étaient attachés, appartenaient, sans doute en vertu
d'une donation des Carolingiens, à la collégiale Notre-
Dame d'Aix-la-Chapelle {<); ce fut naturellement celle-ci
qui posséda également le droit de collation des églises
filiales et des nouveaux oratoires.
La donation de l'église n'avait en rien changé l'état
du domaine. Celui-ci passa de la maison des Carolin-
giens à leurs successeurs germaniques et en dépendait
encore directement au XF siècle. Il avait cependant
alors subi certaines diminutions. Dès avant le viiic
siècle s'était élevée dans le domaine de Jupille l'abbaye
(i) « Pendant longtemps, elle [l'église de Jupille] dépendit du doyen
» de l'église des Saints-Apôtres, à Cologne. » R. S.. Le village de Ju-
pille, notice historique. Liège, Demarteau, i858, p. 5i. J'ai vainement
cherché la preuve de cette affirmation acceptée par Gobert, Les rues de
Liège, t. IIl, p. 36 1, col. i.
— 281 —
de Chèvremont,à laquelle les souverains avaient assuré
la possession du territoire qui lavoisinait. Confirmée à
diverses reprises dans ses biens, l'abbaye de Chèvre-
mont fut donnée en 972, avec toutes ses dépendances, à
la collégiale Notre-Dame d'Aix. Celles d'entre ses dépen-
dances qui se trouvaient situées dans Yancien fundus de
Jupille n'en continuèrent pas moins à former, au milieu
de la principauté de Liège, une sorte de petit état dis-
tinct; jusqu'à la fin de lancien régime ce fut Tavouerie
de Notre-Dame ou avouerie de Fléron (i).
Au Nord de cette avouerie, Saive s'était également
détaché du domaine de Jupille et formait, lorsque nous
en trouvons la première mention à la fin du XIIP siècle,
un franc-alleu, dont on ignore l'origine (s).
(i) Sur l'avouerie de Notre-Dame, voy. J. Demarteau, Notre-Dame
de Chèvremont, Liège, 1888, chap. vi, pp. 43-66 et J.-B. de Harenne, Le
château de la Rackette et ses seigneurs, dans Bulletin de t Institut archéo-
logique liégeois, t. XXII (1891), pp. 27-250, avec une carte représentant
« la seigneurie de la Rochette et l'avouerie de Fléron en 1620 », p. 26.
(2) u Les plus anciens documents indiquent la seigneurie de Saive
» comme un franc-alleu »>, dit E. Poncelet (La seigneurie de Saive, dans
Bulletin de r Institut archéologique liégeois^ t. XXII (1891), p. 255).
Mais il faut remarquer que ces documents ne remontent pas au delà du
dernier quart du xiii*' siècle (Bulletin de V Institut archéologique lié-
geois, t. XXII, pp. 262-264). Antérieurement à cette époque, nous ne
trouvons qu'une seule mention de la localité, à la fin du ix® siècle (Gesta
episcoporum Tullensium, dans Monumenta Germaniae historica.SS.,
t. VIII, p. 638 (35), sans intérêt à notre point de vue. D où Saive pou-
vait-il dépendre avant la fin du xiii® siècle? La sujétion de son église
vis-à-vis de celle de Jupille précisément jusqu'à la même époque, ne me
laisse aucun doute à cet égard. Les premières mentions de la seigneurie
de Saive sont de peu postérieures à Tengagère du domaine de Jupille au
chapitre de Saint- Lambert en 1266. Or, l'une des raisons les plus impor-
tantes qui poussèrent l'Eglise de Verdun à consentir cette engagère, fut
les envahissements auxquels ses possessions de Jupille étaient sujettes de
la part de leurs voisins. Dans le contrat, le chapitre de Saint- Lambert
s'engagea même à employer tous ses efTorts pour récupérer les biens
qui lui avaient été enlevés (Bormans et Schoolmeesters, Cartulaire de
V église Saint-Lambert de Liège, n? dcxi, t. II, p. 172). Les chanoines
n*auraient-ils pas vu échouer leurs tentatives en ce qui concernait Saive?
Ce village ne serait-il pas resté aux mains d'un pillard, grâce peut-être à
quelque transaction ? Le premier acte de 1 279, « semble indiquer que la
— 282 —
Malgré ces diminutions, le domaine de Jupille n'en
restait pas moins considérable. Jusqu'en 1008, il con-
tinua d'appartenir aux empereurs et de dépendre direc-
tement du fisc. A cette date, l'empereur Henri II fit
donation de son domaine de Jupille à Tévêque Heimon
de Verdun (i). Les évêques de Verdun constituèrent un
villicus pour administrer cette possession (2). La dis-
» seigneurie appartenait alors, sinon entièrement, du moins en grande
» partie, à la famille de Jupille. On voit par ce même document que
» Jean de Jupille, chanoine de la cathédrale de Saint- Lambert, fut un
» bienfaiteur du village et le fondateur de la paroisse de Saive » (Bulletin
de V Institut archéologique liégeois, t. XXll,pp. 264 et 265). 11 ne fau-
drait pas croire, comme on serait tenté de le faire à première vue, que
ce fait détruise la conjecture énoncée plus haut. En y réfléchissant bien,
je serais plutôt tenté d'en trouver là une confirmation.
(i) « Cum etiam suae et successorum suorum mensae a Heinrico
» pacifîco rege, fîdeliter obsequendo strenueque se habendo, Jupiliam
» impetratam addiderit. » Gesta episcoporum Virdunensium, continua-
tio auct, monacho S, Vitoni, dans Monumenta Germaniae historicay
SS,, t. IV, p. 47 (3o).
(2) Ce villicus apparaît entre autres, dans un privilège du pape Inno-
cent II, du 4 mai 1143 (Bulletin de V Institut archéologique liégeois,
t. IX (1868), pp. 335-3 36) et dans un acte de l'évêque Albéron de Verdun, en
r i52 : i< Fredericus villicus noster de Jupilia » (Bulletin de l'Institut ar-
chéologique liégeois , t. IX, p. 338). Les historiens verdunois, tout au moins
ceux que j'ai pu consulter (Roussel, Histoire ecclésiastique et civile de
Verdun, Bar-le-Duc, 1 863- 1864, 2 vol. ; Clouët, Histoire de Verdun et
du pays verdunois, Verdun, 1 867-1870, 3 vol.) se sont peu préoccupés de
cette possession de leur évêché. Je note dans les actes quelques rensei-
gnements intéressants sur Jupille aux xi*' et xii® siècles. En 1047, Thierry,
évêque de Verdun, donna à l'église Sainte- Marie- Madeleine un manse à
Jupille : ce Apud JoviS'pilam mansum unum cum mancipiis duobus, cum
» banno... » (Roussel, Histoire ecclésiastique et civile de Verdun, t. II,
preuves, p. ix, n° 10, « tiré des preuves de THistoire de Lorraine »). Je
rends l'éditeur responsable de ridentificationJovis-pilam= Jupille. f/^i^.,
t. II, p. cxcvii, table des matières). En 1 156, l'empereur Frédéric I"' con-
firmant la donation faite par Otton à Tévêque Heimon, du comté de
Verdun, cite parmi ses dépendances : c< Curiam Juppilliae cum banno et
» advocaiia, et suis pertinentiis » (Ibid,, t. II, preuves, n** 17, p. xvii,
u ex supplemento Mabillonii ad lib. de Re diplom.). » Ce que dit Roussel
de Jupille, se trouve au t. I, pp. 221, 281, 3io-3i i , 3i2, mais les éditeurs
font erreur en marquant à la table des matières (t. II, p. cxcvii) : «autre-
» ment saint Mard sur le Mont-Jupile, t. II, p. 8. » Au passage indiqué
se trouve un dénombrement des seigneuries dépendantes du comté de
— 283 —
tance qui séparait Jupille de la résidence de ses pro-
priétaires, n était pas sans créer à ceux-ci de graves
ennuis. Les seigneurs voisins de Jupille semblent avoir
cherché à s'agrandir aux dépens de son territoire.
D'autre part, ce beau domaine placé aux portes de
leur cité épiscopale devait tenter nos évêques. 11 était
de l'intérêt des deux Eglises d'aboutir à un arrange-
ment. Les négociations durèrent deux ans (i); enfin l'ac-
cord fut conclu en juin 1266. Du consentement de son
chapitre et muni de l'approbation papale, Tévêque de
Verdun donna en emphytéose à l'église Saint-Lambert,
moyennant une rente annuelle de 100 marcs liégeois,
le domaine de Jupille (5). Ce système fut en vigueur
Verdun parmi lesquelles figurent « Saint-Mard-sur-le-Mont-Jupile. » H
s'agit évidemment de deux endroits différents. Voy. encore une mention
de Jupille dépendant de Verdun, dans Monumenta Germaniae historica,
SS., t. IV, p. 5i (25).
^i) De juillet 1 264 à fin juin 1266. On en trouvera le détail dans Bor-
MANS et ScHOOLMEESTERs, Cartulairc de V église Saint- Lamber t d^ Liège y
n^Dxcvii, t. II, pp. 1 54-1 55; n° dxcix, pp. i56-i57; n® dciu, pp. i62-i63;
n« DCiv, p. 164; n° Dcv, p. i65; n® dcvi, p. i66; n° dcix, p. 169; n° dcxi,
pp. 172-174; n® Dcxii, p. 174; n** Dcxiii, p. 175; n® dcxiv, p. 176.
(2) BoRMANS et SCHOOLMEESTERS, Cartulaire de V église Saint- Lam-
bert de Liége^ n° dcxi, t. II, pp. 172-174. Dans cet acte du 26 juin 1266,
le domaine de Jupille est désigné par les mots « ctiria et boveria de Jupi-
» lia », la cour et la boverie de Jupille. Boveria ne peut avoir ici son
sens primitif: endroit où l'on élève, où l'on vend des bœufs. — Gobert,
(Les rues de Liège, 1. 1, p. i83), a montré qu'il ne pouvait s'agir non plus
dans ce document, du lieu-dit, de ce nom, de la commune de Liège, ce qui
me paraît superflu, — Boveria, d*après Du Gange (Glossarium, ad ver-
bum), égale parfois « praedium rusticum », ferme, métairie. Ge mot n'au-
rait-il pas ici à peu près le même sens que « villa » et ne désignerait-il pas
dans le document qui nous occupe, le ce domaine » de Jupilie? 11 serait
ainsi synonyme de « curia. » Le texte fournira peut-être quelque éclaircis-
sement sur ce point : Nous avons transporté au chapitre de Liège, dit
révêque de Verdun, « curiam et boveriam de Jupilia, Leodiensis dyo-
» chesis, cum omnibus pertinentiis ad easdem curiam et boveriam spec-
» tantibus in terris cultis et incultis, pratis, pascuis, viis et deviis, aquis
» et piscationibus, silvis et nemoribus scilicet de Belfai, de Breus et de
» Belaire » (BoRMANS et Schoolmeesters, Cartulaire de l'église SainP-
Lambert de Liège, t. II, p. 172). Je note aussi une ce boverie » à Theux
(Bulletin de V Institut archéologique liégeois, t. XVIII, p. 127), à An-
denne (province de Namur), à Flawinne (province de Namur), à Polleur
37
— 2«4 —
pendant une trentaine d'années; en 1297, le fermage
perpétuel se trouva transformé en vente et, moyennant
3,3oo livres petits tournois, le chapitre Saint-Lambert
devint propriétaire de la seigneurie de Jupille fi).
Entré dans les biens de F Eglise de Liège, le do-
maine ne subit plus de diminution et se conserva pour
ainsi dire intact jusqu'à la fin de Tancien régime.
Partie de la principauté, le territoire de Jupille n*en
continua pas moins de former une subdivision admi-
nistrative distincte, sur laquelle s étendit le ressort d'une
cour de justice, mais comme l'ancien centre avait de-
puis longtemps perdu son importance, la circonscrip-
tion nouvelle devint le bailliage d'Amercœur. C'est ce
qui explique aussi pourquoi le siège des réunions des
prêtres du doyenné avait été transféré à l'oratoire
d'Amercœur, à Saint- Remacle, encore chapelle, et com-
ment celui-ci avait donné son nom à ce groupement («).
En publiant le record du !«" avril i322, dont je me
suis servi plus haut, les éditeurs du Cartulaire de
Véglise Saint' Lambert de Liège émettaient en note cette
appréciation (3) : a Cet acte est très intéressant parce
(province de Liège), à Scraing (province de Liège) etàHodister (province
de Luxembourg). L'acte du 26 juin 1266 faisait passer aux mains du cha-
pitre Saint-Lambert tous droits seigneuriaux sur le domaine de Jupille :
« necnon homagiis, jurisdictionibus et relevationibus seu reliquiis feodo>
n rum, censibus et redditibus, obventionibus et aliis quibuscumque ad
n meliorandum et non ad deteriorandum. » Cependant, simple locataire,
le chapitre Saint-Lambert ne pouvait en rien changer les limites delà
seigneurie et devait la conserver dans son intégrité; il lui incombait
même d'employer tous ses efforts à récupérer les parties qui en avaient
été distraites (Bormans et Schoolmeesters, Cartulaire de V église Saint-
Lambert de Liège, t. II, p. 172).
( I ) Bormans et Schoolmkesters, Cartulaire de Véglise Saint-Lambert
de Liège, n* dcccxlix, t. II, pp. 538-539.
(2) Dès 1186, par exemple, nous trouvons comme témoins à l'acte
d'érection de la paroisse de Wandre les « investiti et fratres capituli de
» Sancto Remaclo qui est an te Cornelium montera » (Bulletin de la So-
ciété d'art et d'histoire du diocèse de Liège, t. XIIl (1902), p. io3).
(3) T. III, p. 235, note i. Cette identité du bailliage d'Amercœur
et de l'antique domaine de Jupille avait été remarquée par M. E. Poul-
LKT, Histoire politique nationale, 2* édit,, t. I, p. 493, note 2.
— 285 —
» qu'il indique vraisemblablement les limites du do-
» maine que les Carolingiens possédaient à Jupille. »
L'étude de la paroisse primitive confirme pleinement
cette hypothèse. C'est dans la villa que fut fondé l'ora-
toire qui servit de centre religieux à tous les habitants
du domaine. Je viens de le montrer pour Jupille. Cette
situation est générale. « L'unité des divisions terri to-
» riales et ecclésiastiques, voilà le fait normal, fré-
» quent que nous constatons {i). » C'est aussi dans la
villa que siège le villicus dont la juridiction s'étend aux
hommes du domaine. Celui-ci forme donc une unité
parfaitement constituée, un tout homogène. Le groupe-
ment changera plus tard de nom, deviendra l'avouerie,
le ressort de la cour de justice, la seigneurie, il n'en
conservera pas moins ses anciennes limites. Qu'il
tombe aux mains d'un seigneur suffisamment puis-
sant pour faire respecter ses droits, suffisamment con-
servateur pour ne pas en aliéner de partie, le domaine
gardera jusqu'à la fin de l'ancien régime son éten-
due primitive. C'est ce qui s'est produit pour Jupille;
c'est ce qui s'est également produit pour beaucoup
d'autres possessions. En résumé, le territoire de la villa
carolingienne s'est donc perpétué des deux manières :
nous le retrouvons dans la circonscription de l'an-
cienne paroisse, nous le retrouvons dans le ressort de
la cour de justice. L'unité économique a servi de base
à l'unité religieuse, comme à l'unité politique (a). Eclai-
rés par ces remarques, nous pouvons à présent pour-
suivre l'étude des paroisses avoisinant Jupille.
(i) Imbart de la Tour, Les paroisses rurales du IV* au XI* siècle.
Paris, Picard, 1900, pp. 1 19-120.
(2) Sur ce rapport étroit entre la villa et la paroisse, voy. Imbart de
LA Tour, Les paroisses rurales du IV* au XP siècle, p. 1 1 6, où je souligne
entre autres cette importante constatation : « Le second mode de for-
»> mation territoriale, Tunité de la paroisse et de la villa, nous apparaît
» à répoque carolingienne, surtout dans les régions du Nord [de la
» Gaule], dans la Septimanie et la Marche d'Espagne. »
— 286 —
m.
PAROISSE PRIMITIVE DE HERSTAL.
Si des découvertes récentes ont prouvé l'existence
d'une villa romaine à Herstal n), il ne semble pas que
cette localité lui doive son origine et que l'habitation se
soit perpétuée dès lors à cet endroit ; c'est, à mon sens,
une conquête de la culture, un défrichement nouveau,
peut-être une création des Carolingiens au vii« siècle (<).
Ainsi s'expliquerait la présence singulière de ce vocable
germanique en plein pays roman (s). Une des pre-
mières mentions que nous ayons de Herstal, se ren-
contre dans la plus ancienne vie de saint Lambert,
écrite dans le premier quart du viii« siècle.
Lors du retour des reliques de saint Lambert de
Maestricht à Liège en 718, le pieux cortège qui les
accompagnait s'arrêta sur le territoire de la villa de
a Charistalius », où un miracle fit éclater la gloire du
pontife martyr. Un oratoire destiné à perpétuer le sou-
venir de ce fait, s'éleva bientôt à l'endroit où il s'était
produit (4). Je ne doute pas qu'à cette époque Herstal
( I ) Renard, Découverte d'antiquités romaines à Herstal, dans Bul-
letin de V Institut archéologique liégeois, t. XXIX (igooi, pp. 167-232.
(2) Aussi certains auteurs que cite Del Vaux, Dictionnaire géogra-
phique de la province de Liège, 2* édit., t. II, p. 116, renferment-ils le
territoire de Herstal dans les bornes primitives du domaine de Jupille.
Quoiqu'il en soit, la séparation est si ancienne que nous n'avons pas à
nous en préoccuper. Dès que Herstal fiit une localité, il constitua une
paroisse, et c'est ce qui importe à notre sujet.
(3) Il semble que dès la première moitié du viii* siècle, Jupille ait été
abandonné d'une manière générale par les souverains. A partir de 722,
c'est toujours à Herstal que nous les rencontrons. Peut-être trouvaient-ils
plus favorable la situation de Herstal, sur la route de Maestricht à Liège.
C'est cette route et non la voie deau, qu'emprunta saint Hubert rame-
nant à Liège les restes de son prédécesseur (J. Demarteau, Vie la plus
ancienne de saint Lambert, écrite par un contemporain . Liège, 1890,
pp. 62-63). Dès ce retour, l'importance que prit le Vicus leudicus, situé
à peu de distance de Herstal, et comme lui sur la rive gauche du fleuve,
dut aussi donner quelque avantage nouveau à cette dernière localité.
^4) a Egressi exinde (Niviala = Nivelle, dépendance de Lixhe) iterum
— 287 —
ne possédât déjà une église paroissiale. Ce qui tend à le
prouver, c'est que la chapelle bâtie en souvenir du mi-
racle, n'a point été élevée au rang de paroissiale ; ce
qui aurait certainement eu lieu, si celle-ci n'eût point
dès lors existé [i). Il suffira du reste de constater que
ce village appartenait au fisc et que les souverains y
résidaient souvent pour que nous soyons forcés d'ad-
mettre l'existence de cette église (2), qui était dédiée à
Notre-Dame (3). Bâtie dans une villa impériale, lesCaro-
» resumebat turba in solîum villae cujus vocabulum est Charistalius,
» dum cummorassent ibi paululum ad augendam fidem in populo et fa-
» mam sancti sui personante allatus est dominus contractus in loco illo qui
» cuih aspexisset feretrum subito omni compage membrorum solidata et
» confirmata prosecutus est eu m et omnis populus glorificabat dominum.
» Etiam in prefatis locis ubi dominus dignatus est ostendere has virtutes
» (Nivelle et Herstal) a fidelibus et devotis christianis basilicae in honore
» sancti Dei Landeberti sunt aedificatae et cum magno honore veneran-
» dae. » J. Demarteau, Vie la plus ancienne de saint Lambert, pp. 62-63,
où le lecteur trouvera certaines variantes de texte, peu importantes.
(i) Avec une précision de détails remarquable, le Gesta abbreviata
nous renseigne sur la construction, ou plus exactement la reconstruction
en pierre, de cette église, par Pépin de Herstal, qui aurait utilisé à cet effet
les matériaux d*tm pont que les Romains avaient établi entre Cheratte
et Chertal (commune de Herstal). Voici ces textes : « Tune temporis » (c'est-
à-dire vers 102), « fecerunt duos pontes lapideos supra Mosam, unum
» in Carath, alium contra Amanium et eos causa fraternitatis spiritualis
» a beato Matemo suscepte pontes Treverenses nominarunt » (Gesta
abbreviata f dans La chronique liégeoise de 1402, édit. Bâcha, p. 8).
ce Anno Domini 759. Pipinus rex celebravit pascha in Jopilia. Qui, des-
» tructo ponte lapideo in Ceretalle supra Mosam, de eisdem lapidibus
» edificavit domum et ecclesiam conventualem in honore perpétue vir-
» ginis in villa Harstalium dicta et in eadem crucifîxum stature sue
» coUocavit... » (Gesta episcoporum leodiensium abbreviata, dans Mo
numenta Germaniae historica, SS,, t. XXV, p. i3o (5).
^2) « Le village de Herstal a déjà sous le pontificat de saint Hubert,
» son église paroissiale de Notre-Dame ..., » dit J. Demarteau (Bulle-
tin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, t. VU (1892),
p. 12), peut-être pour les raisons que je viens de donner, mais que, en
tout cas, cet auteur n'indique pas.
(3) A laquelle on trouve adjoint, dans la suite, saint Charlemagne.
Sur le culte de saint Charlemagne à Herstal, voy. une curieuse note de
E. Cachet, Une légende inédite sur Charlemagne à propos de sa sta-
tue, dans Bulletin de la Commission royale d'histoire, 2* sér., t. VHI
(i856;, pp. 289-295. En voici le résumé: les habitants de la Basse-
— 288 —
lingiens disposaient de ses revenus ; Lothaireen attribua
la none à Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle (i). Plus tard,
cette même collégiale en obtint aussi le droit de colla-
tion (î). La paroisse de Herstal s'étendait sur les deux
rives du fleuve et comprenait les communes actuelles
de Vivegnis et de Wandre (3). La difficulté de visiter
Préaile portaient processionnellement une pièce de lard, à la statue de
Charlemagne, dans Téglise de La Licour, le jour de sa fête et mangeaient
du lard, même si ce jour était un vendredi. Un doyen de Herstal (?)
considérant ces pratiques comme superstitieuses, remplaça la statue par
une plus petite qu'il plaça dans une chapelle ; Tofifrande cessa, mais les
habitants continuèrent à manger le lard chez eux. L'origine de cette
coutume, dit Cachet, est inconnue.
(i) Voy. sur cette donation et les confirmations dont elle fut Tobjet
ce qui est déjà dit pp. 271-272 de cette étude.
{2} Elle le possédait en 1186. Voy. Bulletin de la Société é^art et
£ histoire du diocèse de Liège ^ t. XIII (1901), p. 100; ajoutez aussi La-
coMBLET, Urkundenbuch fiir die Geschichte des Niederrheins, n® 77, t. II,
p. 42, et cf. rinterprétation erronée que donne de cet acte de i ai 8 Â. de
Ryckel, Les communes de la province de Liège, p. 271.
(3) Auxquelles il faut joindre Bolland (Saint-Appolinaire). La situa-
tion de ce village m'intrigue fortement. Son église appartenant au doyenné
de Saint- Remacle (archidiaconé du Condroz), formait une enclave dans le
doyenné de Maastricht (archidiaconé de la Hesbaye). La reconstitution
des paroisses primitives voisines ne ma rien appris sur le lien qui aurait
rattaché l'église de Bolland à celle de Herstal ; les résultats auxquels je
suis arrivé semblent même exclure une dépendance directe. Ce n'est donc
pas dans une relation territoriale, mais plutôt dans une dépendance poli-
tique qu'il faut rechercher Torigine de cette relation. Voici comment je
l'iixiagine. Bolland devait former im domaine distinct qui sera tombé atix
mains d'un seigneur de Herstal. Celui-ci aura construit un oratoire dans
cette annexe, en l'assujettissant vis-à-vis de Téglise-mère de sa seignetuie,
à certains liens de dépendance. Depuis lors, la chapelle de Bolland aura
suivi, jusqu'à son érection en paroissiale, les destinées de l'église de
Herstal. Il faut remarquer à ce propos que la haute cour de justice de
Bolland « ressortit en appel pendant des siècles à la haute cour de Hers-
» tal où elle devait aussi prendre recharge dans les affaires criminelles »
(A. DE Ryckel, Les communes de la province de Liège, p. iio, et Le-
QUARRÉ, La terre franche de Herstal et sa cour de justice, dans Bulle*
tin de r Institut archéologique liégeois, t. XXIX (1901), p. i38). Je suis
forcé de me servir comme unité territoriale des communes actuelles et
de considérer leurs limites comme étant celles des circonscriptions an-
ciennes; en règle générale, cela est certainement vrai. Cependant des mo-
difications de limites ont pu parfois amener des variations assez notables,
— 289 —
leurs paroissiens de la rive droite était grande pour les
prêtres de Herstal; et s'il ne faut point voir dans les
termes de Pacte, dont nous faisons usage, une simple
formule traditionnelle, plusieurs fois même des malades
avaient succombé sans que leur curé, empêché par
les inondations du fleuve, eût pu leur porter les der-
niers sacrements. Pour remédier à cette situation, l'ar-
chidiacre, en 1186, permit la résidence d'un prêtre à
Wandre, et la chapelle de cette localité (i) devint en
même temps, église paroissiale (s), bien qu'elle n'ait
obtenu des fonts baptismaux que plusieurs siècles plus
tard, le 6 avril 1666 (3). Son patron est saint Etienne.
Quant à l'église de Vivegnis elle est dédiée à saint
Pierre; c'est seulement au xv« ou au xvi« siècle qu'elle
obtint son entière autonomie (4).
Des nécessités nouvelles ont amené en notre siècle
la création des paroisses de Saint- Lambert (1840) et de
dont devraient s'occuper des monographies locales. C'est ainsi que Tilice
(aujourd'hui dépendance de la commune de Fezhe-Slins), appartenait en
1 185 au « bannum » et à la a parrochia » de Herstal (Quix, Codex diplo-
maticus Aquensis, n^ 37, pp. 25-26). Cette localité de Tilice formait
aussi une dépendance de la terre franche de Herstal.Voy. la carte annexée
au travail de M. Lequarré, cité plus haut.
(i) Peut-être Wandre possédait-il déjà un oratoire dès la fin du
ix^ siècle. La localité est qualifiée de villa en 895 (Gesta episcoporum
Tullensium, dans Monumenta Germaniae historica, SS., t. VIII, p.
638) et dans un acte du 9 octobre 902 (Quix, Codex diplomaticus Aquen-
sis, n<» 8, p. 6).
(2) Cet acte donné par Qyix, Codex diplomaticus Aquensis, n? i23,
pp. 91-92, a été publié à nouveau et d'une manière plus correcte par Ed.
PoNCELET (Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège,
t. XIII (1901), pp. 102-104).
(3) Ils lui furent accordés par M aximi lien- Henri de Bavière (Bulletin
de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, t. XIII, pp. 106-
107).
(4) En 1437, on trouve « Guillaume de Fexhe (presbyter officians
» ecclesiam de Vivegnis)» que je considère comme un simple vicaire;
c'est en 1 532 seulement que se rencontre le premier curé de Vivegnis
(Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, t. X (i 896),
p. i3j. Il faudrait donc placer entre ces deux dates extrêmes (1437- 1 532)
lerection de cette paroisse.
— 290 —
La Préaile (Immaculée-Conception (i856), sur le terri-
toire de Herstal, et de la paroisse de La Xhavée (Notre-
Dame (1834), dépendance de Wandre.
Les limites de la paroisse primitive de Herstal sont
aussi celles de l'ancienne seigneurie du même nom (<) ;
c'est évidemment le domaine carolingien que ces cir-
conscriptions identiques perpétuent.
En effet, comme je l'ai dit plus haut, Herstal appar-
tenait aux souverains. En 722 déjà, nous y trouvons
Charles Martel ; le diplôme qu'il donne est daté de
a Harastallio » (2) ; puis à partir de 752 c'est de « Ares-
» talio palatio publico » que sont délivrés différents
diplômes carolingiens (3). Près de ce palatium fut con-
struite leglise qui desservit le domaine et, sans doute,
ce palatium lui-même donna plus tard naissance au
château. Comme la villa de Jupille, le palais de Hers-
tal était donc le centre d'une vaste exploitation rurale
s'étendant sur les deux rives du fleuve ; nous le retrou-
vons et dans la paroisse primitive et dans l'ancienne
circonscription de la seigneurie (4).
(i) Je renvoie à ce sujet à Tétude de M. D. Lequarrê, La terre
franche de Herstal et sa cour de justice, dans Bulletin de V Institut
archéologique liégeois j t. XXIX (1900), pp. 75-166.
(2) BÔHMER-MuHLBACHER, Die Regesten des Kaiserreichs unter den
Karolingern, n« 34.
(3) A partir de cette époque, nous trouvons fréquemment les Caro-
lingiens résidant à Herstal. Pépin le Bref et surtout Charlemagne, y firent
différents séjours; Louis le Pieux y vint aussi, ainsi que plusieurs de
ses successeurs. Pendant le premier quart du x* siècle, on trouve à Hers-
tal, Charles le Simple, le dernier prince régnant qui, semble-t-il, ait fré-
quenté cette localité. Sur le séjour des souverains dans cette villa, voy.
BoHMER-MiJHLBACHER, Die Regcsten des Kaiserreichs unter den Karolin-
gern^ n*^» 64, 134, i36c, 140», 147, 147a, i53», 164b, 200*, 201, 209, 210,
21 3*, 214, 2i5, 217, 236, 248, 257a, 33o<= (Heristelli =« Herstal?), 337^,
382, 658f, 758 et BÔHMER , Regesta chronologico-diplomatica Karolo-
runiy n*>" 1949, 1950, 1962, 1963, 1967.
(4) On trouvera, annexée au travail de M. D. Lequarrê, cité plus
haut, la carte de la terre franche de Herstal au commencement du
XVIII® siècle.
— 291 —
IV.
PAROISSE PRIMITIVE DE HERMALLE.
Hermalle, qui me paraît aussi une conquête rela-
tivement récente sur la forêt primitive, était comme
Herstal, le centre d'une villa impériale. Ici encore le
territoire de la villa s'étendait sur les deux rives du
fleuve 0); ici également domaine et paroisse primi-
tive avaient des limites identiques. Pépin de Herstal
fit donation à l'abbaye de Chèvremont, de Hermalle
et de ses dépendances. Charlemagne, le 3 mai 779 (2),
et Lothaire I®^, le 11 septembre 844 (3), confirmèrent
cette donation; le second de ces actes consacrait, de
plus, l'immunité du domaine. Les empereurs semblent
s'être réservé alors le droit de collation de l'église de
la villa ; c est seulement le 18 avril 947 que l'empereur
Otton I®*" en fit donation à l'abbaye de Chèvremont (4).
Cette abbaye passa, ainsi que ses biens, le 1*^ août 972,
à Notre-Dame d'Aix-la-Chapelle (k). Depuis lors, ce fut
cette collégiale qui posséda le domaine de Hermalle,
et qui, plus tard, en devint le seigneur.
L'église de Hermalle est dédiée à saint Lambert.
Trompé par ce patronage Sigebert de Gembloux, con-
fondant les deux localités voisines, plaçait à Hermalle le
lieu du miracle que la plus ancienne vie de saint Lam-
bert dit s'être passé à « Charistalius » (e). Comme on
(i) Malgré les difBcultés que faisait souvent naître le cours du fleuve,
nous voyons que les domaines de Herstal et de Hermalle occupaient ses
deux rives, et il y a d'autres exemples du même fait. On voulait probable-
ment ainsi prendre possession des pentes douces que présentait la vallée.
Outre l'usage du fleuve, les habitants jouissaient alors des avantages
offerts par les ruisseaux tributaires.
(2) Lacomblet, Urkundenbuch fur die Geschichte des Niederrheins,
D? I, t. I, pp. 1-2.
(3) Ibidem, n* 59, t. I, pp. 26-27.
(4) Monumenta Germaniae historica, Diplomata regum et impera-
torum Germaniae, n? 88, t. I, p. 170.
(5) Ibidem, n® 417, p. 569.
(6) Sigebert de Gembloux, dans Acta Sanctorum septembris, t. V,
p. 601; à ce sujet, voy. J. Demarteau, Vie la plus ancienne de saint
Lambert, pp. 29-30.
38
— 292 —
la vu plus haut, c*est en 947 que Ton trouve la première
mention de Téglise de Hermalle, mais il n'est pas dou-
teux qu'elle n'existât avant que Pépin ne fit donation
du domaine à l'abbaye de Chèvremont (i). Pour des-
servir la partie de la paroisse située sur la rive droite
du fleuve, une chapelle avait été construite à Richelle;
saint Firmin en était le titulaire (4). Un prêtre venait y
célébrer le saint sacrifice ; il apportait aux malades le
viatique et Textrême-onction ; mais les mêmes difficul-
tés qu'éprouvait jadis le curé de Herstal pour se rendre
à Wandre, retardaient souvent aussi le pasteur de Her-
malle. Les eaux gonflées par les pluies, ou les glaçons
que charriait, en hiver, le fleuve, l'avaient plus d'une
fois empêché de s'acquitter de son ministère. Quoique
ne possédant guère une population considérable, Ri-
chelle, par sa situation, se trouvait dans les conditions
requises pour être érigée en paroisse indépendante.
Cependant l'état de choses défectueux dont souffrait
le village durait depuis longtemps déjà sans que Ion
pût en prévoir le terme; les soixante-quinze habitants
de Richelle ne seraient sans doute pas parvenus à
constituer les revenus nécessaires à l'entretien d'un
prêtre. Heureusement la générosité de Helebert, cha-
noine de Saint-Jean-Evangéliste et de son frère, curé
de Hermalle, les aida puissamment à créer la dota-
tion nécessaire. Richelle put ainsi obtenir, en 1287,
un prêtre résident (3).
( i ) Bâtie dans une possession de Chèvremont, comme elle l'aurait été
si elle datait d'une époque postérieure à la donation de Pépin, l'église de
Hermalle aurait dépendu, dès l'origine, de cette abbaye. Or, nous avons vu
que, vers le milieu du x* siècle, elle appartenait encore aux souverains ;
elle avait donc, à mon sens, été construite par eux et réservée lors de la
donation du domaine.
(2) Il est difficile de déterminer l'époque de son érection; on peut
cependant la croire postérieure à la donation de 947. Si cette chapelle
avait existé dès lors, le diplôme d'Otton l'aurait très probablement men-
tionnée; peut-être cependant était-elle comprise dans les « appenditia»
que ce diplôme signale.
(3) Voy. J. Ceyssens, Etude historique sur l'origine des paroisses^
— 293 —
Le territoire d'Argenteau n'avait pas été compris
dans les limites de la nouvelle paroisse {\) ; les habitants
de la partie basse de ce village sont encore paroissiens
de Hermalle, tandis que les hauteurs sont desservies
par l'église de Sarolay construite en 1780, par le cha-
pitre de Notre-Dame d'Aix, coUateur de l'église-mère,
qui la dédia à sa patronne.
Une fois de plus, nous pouvons constater ici l'iden-
tité des limites de la paroisse primitive et de celles de
la seigneurie. Malgré les modifications que des démem-
brements postérieurs firent subir à ce domaine, nous
percevons encore le moment où Hermalle, Argenteau,
Sarolay et Richelle ressortissaient à la même cour de
justice, dont on appelait à la cour d'Aix (2). Nul doute
que ces circonscriptions identiques ne soient le terri-
toire même de la villa carolingienne du viii« siècle.
V.
PAROISSE PRIMITIVE D'AVROY.
Après avoir conduit le lecteur dans la direction du
Nord, à la limite extrême du doyenné, je le ramènerai
vers Liège, où la paroisse d'Avroy sollicite son atten-
tion (3).
Formant une circonscription spéciale (4), le territoire
dans Bulletin de la Société d* art et d'histoire du diocèse de Liège, t. XIV
(igoS), pp. 213-217. Un des actes qu'il publie, nous apprend quelle était,
en 1286, rimpoitance de la localité : « in ipsa villa consistere et esse sede-
» cim domos sive focos », ce qui donne soixante-dix à soixante- quinze
habitants. Richelle, village sans dépendances, donc aggloméré, possède
aujourd'hui cent trente maisons abritant cinq cent soixante-deux habi-
tants.
(i) Le fait prouve que ce territoire n'était pas alors habité.
(2) C'est ce que laisse entrevoir A. de Ryckel, Les communes de la
province de Liège, pp. 263 et 491.
(3) Voy. pour les détails de l'histoire des divers édifices religieux qui
s'élevèrent dans cette paroisse, Gobert, Les rues de Liège, passim.
(4) Un extrait du Libellus miraculorum sancti Dionysii, composé
sous le règne de Charles le Chauve, nous fait connaître la guérison mira-
.* - r-
— -^^
*«>.
— 295 —
tails. Il n'en a pas moins été pieusement copié par nos
anciens historiens.
Le patronage de sainte Véronique, sous le nom de
laquelle elle est actuellement connue, a fini par pré-
dominer, pour cette église, dès le commencement du
XV* siècle ; antérieurement elle avait saint Martin
comme titulaire (i).
Rien ne prouve cependant qu'il fût originairement
question du pseudo-évêque de Tongres (2); son culte
ne paraît guère remonter au delà du XI 11" siècle. Au
début du xi% Heriger déclarait ne connaître de lui
que le nom (3). Dans ce vocable d'une église du ix*
siècle, je serais bien plutôt tenté de retrouver le souve-
nir de ce saint, populaire entre tous, l'évangélisateur
des Gaules, saint Martin de Tours {4).
Quoiqu'il en soit, « la première construction au
» quartier d'Avroy qui soit signalée par des documents
» authentiques » {5), est l'édifice religieux qui lui servit
décentre. En 1034, l'évêque Réginard en fit donation
à l'abbaye de Saint- Laurent (e).
Sur la rive gauche de la Meuse, une notable partie
de la commune actuelle de Liège, les communes de
(i) GoBERT, Les rues de Liège, t. IV, pp. 63-64.
(%) Saumery (Délices du pays de Liège, t. II, additions, p. xv), avait
remarqué que les moines de l'abbaye de Saint- Laurent, curé primitif de
la paroisse d'Avroy, célébraient sub ritu duplici la fête de saint Martin,
« septième évêque de Tongres », le 2 1 juin. Il y voyait la preuve que ce
saint était bien, à l'origine, le titulaire de Téglise Sainte-Véronique.
Mais l'établissement de cet usage n'avait-il pas été, purement et simple-
ment, une conséquence de la diffusion des récits de Jean d'Outremeuse?
(3) Monumenta Germaniae historica, 55., t. VII, p. 171 ^loj. Est-il
vraisemblable que, plus d'un siècle auparavant, on en eût fait le titulaire
d'une église de village ?
(4) Ce pseudo saint Martin de Tongres n'est, du reste, qu'un doublet
légendaire du saint évêque de Tours (Cf. Lecoy de la Marche, Saint
Martin, 2* édit. Tours, 1890, pp. 273-274).
(5) GoBERT, Les rues de Liège, t. I, p. 67.
(6) Acte du 3 novembre i o34, analysé par Daris, Notices historiques,
t. XI, p. 122, et confirmation du 28 avril 1044, Ibidem, p. 126.
— 296 —
Saint-Nicolas et de Tilleur ; sur la rive droite, Fétinne
et Angleur, composaient sa circonscription paroissiale (i).
Longtemps, sur ce vaste territoire, un temple unique
put suffire aux besoins spirituels des habitants; aussi
ne devaient-ils être guère nombreux.
Au XII* siècle, grâce aux béguines qui s'étaient éta-
blies non loin du Pont-d'Avroy, la population devint
très dense sur ce point. Un acte daté de iiSg nous fait
connaître l'existence d une église à cet endroit (2). En
11 83, nous le savons d'une manière certaine, elle for-
mait le centre d'une nouvelle paroisse (3). C'est l'actuelle
église Saint-Christophe {4).
Environ une centaine d'années plus tôt, deux autres
oratoires avaient été construits dans la paroisse primi-
tive. Sainte-Marguerite ne paraît pas antérieure à la
fin du XI" siècle (5). Quant à Sainte-Gertrude, renfer-
mée dans l'enceinte du monastère de Saint- Laurent,
elle aurait été bâtie par Etienne, le premier abbé de
l'abbaye, et consacrée par l'évêque Wazon, vers loSy (e).
Les trois églises nouvelles, toutes trois paroissiales,
gardaient encore en 11 83, quelque dépendance vis-
à-vis de l'église-mère. Le curé de celle-ci s'engageait à
leur accorder sa protection (7).
(i) Voy. l'indication sommaire de son étendue, dans Jean d'Outre-
MEUSE, Ly myreur des histors, t. III, p. 22 : « de Gemeppe-sour-Mousc
» jusques à Ains et à Mol lins, et par delà Mouse asseis lonche. »
(2) Voy. Tanalyse de cet acte, dans Daris, Notices historiques^ t. XI,
p. 128.
(3) Voy. un aae de cette année, dans Daris, Ibidem^ p. i3i.
(4) Pour les détails de son histoire, voy. Gobert, Les rues de Liège,
1. 1, pp. 273 et suiv.
(5) Cf. Gobert, Les rues de Liège, t. II, pp. 357-358.
(6) Gobert, Les rues de Liège, t. II, p. 208. L'oratoire élevé en 1428,
contre Téglise Sainte-Gertrude (Voy. Tanalyse de l'acte de fondation,
dans Daris, Notices historiques y t. XI, p. 141 ; voy. aussi Jean de Sta-
VELOT, Chronique, édit. Borgnet, p. 241), et dédié particulièrement à la
Sainte Vierge, aux saints Laurent et Antoine, ne servait point aux besoins
du culte paroissial.
(7) Voy. l'analyse d'un acte de cette date, dans Daris, Notices his-
toriques, t. XI, p. i3i et aussi un acte de i253. Ibidem, pp. i33-i34.
— 297 -
Le 22 juillet ii5i, Tévêque Henri de Leyen avait
consacré l'église du prieuré de Saint-Nicolas-en-Glain (i).
Le village qui garde ce nom lui dut son existence.
L'oratoire du monastère de Saint-Gilles ne remonte
guère au delà de la fin du xi* siècle. Si l'on excepte
ces deux établissements religieux, presque toute la partie
occidentale de la paroisse primitive restait, même un
siècle plus tard, livrée à l'antique forêt. Celle-ci dis-
parut en 1204 (s).
A cette époque, Tilleur devait depuis longtemps
posséder un oratoire. L'évêque Walcaud, établissant
des moines bénédictins, en 817, à Saint- Hubert, leur
fit donation de divers biens : Tilleur entra de la sorte
dans les possessions de l'abbaye (3). Il resta sa propriété
jusqu'en i6o3 (4). Des moines détachés de Saint-Hubert,
y résidèrent. Leur présence est constatée en 1082 (5).
Us furent, sans aucun doute, les constructeurs de l'ora-
toire qui s'éleva dans cette villa : le nom du titulaire
dévoile le secret de son origine. C'est seulement en i332,
que cette chapelle Saint-Hubert obtint les droits parois-
siaux. Son curé devait être nommé par celui de Sainte-
Véronique (e).
(i) Historia monasterii Sancti Laurentiiy % 45, dans Martène et
Durand, Amplissima coHectio, t. IV, col. 1088. Voy. aussi Daris,
Notices his toriques, t. XI, pp. 21 1-2 1 a.
(2) Renier de Saint-Jacques, Annales, ad annum 1204; édit. J.
Alexandre, p. 72 ; Monumenta Germaniae historica, SS,, t. XVI, p. 658.
(3) G. Kurth, Chartes de Vabbaye de Saint-Hubert, n» iv, t. I, p. 6.
(4) G. Kurth, Les premiers siècles de l'abbaye de Saint-Hubert
dans Bulletin de la Commission royale d'histoire, 5* série, t. VIII
(1898), p. 39.
(5) Ils y reçoivent, cette année, leur abbé Thierry. Voy. Cantate-
rium, édit. Rodaulx de Soumoy, § 63, p. 269.
(6) Analyse de l'acte d'érection de cette paroisse, dans Daris, Notices
historiques, t. XI, p. 2i3. En 1618, Tabbaye de Saint-Hubert prétendait
encore au droit de collation de la cure de cette localité. Après procès,
lofiBcial proclama Tinanité de ses prétentions. Le droit de collation ap-
partenait au monastère de Saint- Laurent, curé primitif de TégUse-mère.
Voy. Daris, Notices historiques, t. XI, pp. i5o-i5i.
— 298 —
Quand la partie de la circonscription primitive,
située sur la rive droite du fleuve» posséda-t-elle son
premier établissement religieux? Il est difficile de le
déterminer avec grande précision. Le village de Fé-
tinne existait, certainement, au milieu du xiir siècle (i).
Je n'affirme pas qu'il ne fût de beaucoup antérieur à
cette époque. Au contraire, sa chapelle devait avoir
été construite bien longtemps avant cette date.
Au commencement du xiv* siècle, Saint-Vincent
était le siège d'une paroisse {2) qui possédait, peut-être
déjà, à Angleur, cet oratoire auxiliaire qu'un acte de
1460 fait connaître (3). Saint Rémi en était titulaire. Or,
dès 847, l'abbaye de Saint-Remi de Reims possédait
des biens à Angleur (4), et la reine Gerberge lui fit, le
12 février 968, donation de la localité (s). Elle appar-
tint à ce monastère jusqu'au début du xvir siècle (e).
Grâce à l'incorporation à la cure de Fétinne du béné-
fice de Saint-Etienne, qui existait à l'abbaye de Saint-
Laurent, l'oratoire d'Angleur obtint, vers i58o, un
vicaire chargé de le desservir (7). Mais ce fut seulement
en 1745, que ce vicaire s établit à demeure dans la
localité. L'acte qui l'y autorisa réservait les droits du
(i) Voy. deux actes d avril 1270(11. st.), dans Bormans et School-
MEESTERS, Cartulairc de l'église Saint-Lambert de Liège, n^ dcxxix et
Dcxxx, t. II, pp. 198-200.
(2) Le « vesty » de Fétinne est cité, ainsi que le u marlyr », dans un
record du 10 mai 1422 (Cartulaire de Saint-Laurent, t. I, fol, 70), cité
par GoBERT, Les rues de Liège, t. IV, p. 154. Le texte de ce record
implique l'existence déjà ancienne de la paroisse. Buchar Grezelo délie
Boverie, mon en i3i8, fut enterré dans 1 église de Fétinne. Voy. C. de
BoRMAN, Les échevins de la Souveraine Justice de Liège, t. I, p. 171.
(3} L'analyse s'en trouve dans Daris, Notices historiques, t. XI , p. 162.
(4) Voy. un extrait du polyptyque de Saint-Remi, à cette époque,
dans les Publications de la Société historique et archéologique dans le
duché de Limbourg, t. XXV (1888), p. 3o.
(5) L'acte de donation se trouve reproduit dans Bouquet, Recueil
des historiens des Gaules et de la France, t. IX, p. 666.
(6) Voy. A. DE Ryckel, Les communes de la province de Liège,
p. 29.
(7) Voy. Daris, Notices historiques, t. XI, p. 149.
— 299 —
curé de Fétinne (i). Au pouiilé de i558 figure aussi
une chapelle située à Kinkempois, et probablement
réservée à des particuliers.
Voici comment se résume l'histoire de la paroisse
d'Avroy.
Au IX* siècle, nous y trouvons la seule église Saint-
Martin. Au Xi% deux autres églises, Sainte-Gertrude et
Sainte- Marguerite, s'étaient élevées, et lorsque se ter-
mina le siècle suivant, qui, sans doute, vit naître Saint-
Christophe, la circonscription primitive se trouvait par-
tagée entre quatre paroisses.
La chapelle, bâtie à Tilleur, fort anciennement
peut-être, devint paroissiale en i332 (2). A cette date,
l'église de Fétinne, qui me paraît antérieure au Xlir
siècle, servait de centre à une paroisse nouvelle, et
possédait peut-être déjà, à Angleur, une chapelle auxi-
liaire. Celle-ci attendit le milieu du xvili* siècle, avant
d'obtenir un prêtre résident. C'est de chapelle auxi-
liaire que servait aussi, pour les habitants de cette
partie de la paroisse, l'oratoire actuel de Saint-Maur (3),
consacré en 1402, en l'honneur de la Sainte Vierge et
de l'apôtre saint Mathieu (4).
La révolution française ferma tous ces temples. Le
Concordat qui la suivit modifia profondément la géo-
graphie ecclésiastique de ce territoire. Saint-Christophe
devint succursale, avec, comme simples chapelles auxi-
liaires, Sainte- Véronique et la chapelle du Paradis, à
Fragnée, élevée en 1648, en l'honneur de Notre-Dame-
de-Grâce (5).
( I ) L'analyse de cet acte est donnée par Daris, Notices historiques^
t. XI, p. i63.
(2) Il existait, à Tilleur, au xviii* siècle, une chapelle Saint-Georges,
desservie, en 1784, tous les lundis, par des religieux de Saint-Laurent.
( 3 ) Dès avant la fin du xvi® siècle, il était connu sous le nom du saint qui
en est aujourd'hui le titulaire. Cf. Gobert, Les rues de Liège, t. Il, p. 41 2.
(4) Ernst, Tableau,., des suffragans,,, de Liège j p. i25.
(5) Voy. rhistoire de cette chapelle, dans Gobert, Les rues de Liège ,
t. I, pp. 23 1 et suiv. et 552.
30
— 'iyj —
Sainte-Véronique reprit en i833, seulement, son
anûi:nnt quai: lé. Sainte-Gertrude ne sen'it plus ions-
tempb aux besoins du cuite. Peu après ibo3^ eiie :hjl
déliait jvetnent iermée.
Dans ia suite, le dé^'elopperoem du quarrier du Sud
de ia \ÏAt de Lié^e amena l'érection en succursale, le
2 a\ r:i ibCy. de la chapelle du Paradis, que remplace,
à présent, une vasie é^^iise consacrée, le 19 mai 1B74,
en j'honneur de N otre-Dame-des-Anges ei de saint
Ciiaries.
Le Concordat avait également iait une succursale
de l'ancienne éi!;iise abbatiale de Saint-Gilles. Bâtie sur
le territoire de la commune de Uége, elle senit cepen-
dant aux besoins spirituels des habitants du village
voisin de Saint- Nicolas. Celui-ci posséda, du reste,
pendant le pren^icr quart du XIX* siècle une chapeUe
auxiliaire, d<3ins lantique église du prieuré de ce nom,
hiie lut désaffectée vers 1824. La création d'un centre
ouvrier à Sainî-Giiies même, et Taugmentation consî-
dérahie de la population de Saint-Nicolas, ont néces^é
dans le dernier quart du xix*^ siècle, le démembremenî
de la paroisse- La consécration de l'église nouvelle de
Saint-Nicolas eut lieu le 28 août 1870. Elle avait été
élevée au rang de paroissiale le 27 juin 1871- Plus
récemment, en 1901, une chaj>ei]e auiiliaire a été bâtie
au Calvaire Saint-Valentin , et déjà des instances se
sont produites pour obtenir qu'elle devienne le centre
d'une nouvelle paroisse. Au reste, si plusieurs ora-
toires d'établissements religieux n^ouvraienî p>oinî leurs
portes aux fidèles, il faudrait certainement sectionner
davantage encore le territoire qui constitua, à Torigine,
ia seule paroisse d^Avroy mi.
'' I 1^ lecteur ras penuettra de hasarder une li}7K>tfaèse au suîei de la
parojbse dAvror. i O'^ peut se demanJcr. » dit avec raison Gobert iLa
rues de Liéf^e, t. J. p. 48 , « h Angleur ne faisait pas partie du domaine
» de ia ^^n. le de^ Pejms. » Je poserais volontiers la même quesdan
pour roi- 't )a paroisse dAvroy. q-^i n'àurait. à mon sens, fonné origi-
- 301 —
Sur la rive droite de la Meuse, le Concordat avait
aussi rendu succursales les églises de Fétinne et d'An-
gleur. Il y a peu d'années, en 1896, les énormes pro-
portions prises par la section de Kinkempois, d'ailleurs
assez éloignée d'Angleur, avaient nécessité l'érection
d'une chapelle. Elle est devenue, en août 1901, le siège
d'une nouvelle paroisse (Sacré-Cœur de Jésus).
VI.
PAROISSE PRIMITIVE DE TILFF.
L'église de Tilff, centre d'une importante paroisse
primitive, a pour titulaire saint Léger, évêque d'Au-
tun, mort en 678. Vraisemblablement, ce n'est guère
avant le viii« siècle que Ton dut dédier à ce saint une
église de notre pays. Je ne crois pas, au reste, l'église
de Tilff aussi ancienne. Cependant il faudrait se garder
de trop retarder l'époque de sa construction, car le nom
du patron est caractéristique. Dans tout l'ancien dio-
cèse de Liège, deux ou trois églises seulement lui étaient
consacrées (i). On a donc pu écrire, avec raison, que
« le fait pour une église du pays de Liège d'avoir choisi
» ce saint français (ajoutez : mérovingien) comme pa-
» tron, nous permet de conclure que sa fondation re-
» monte à une époque très reculée (2). » Malheureuse-
ment, nous sommes réduits à des conjectures quant à
l'origine de cette intéressante paroisse. Il faut attendre
la première moitié du xiiP siècle, pour voir apparaître
le nom de la localité (3), et c'est seulement plusieurs
nairement qu'un seul domaine appartenant au fisc royal. Cette conjecture
résulte de tout un ensemble de détails, encore trop fragmentaire pour
pouvoir être développé.
(i) Celles de Tilff, de Falaën (province de Namur, anciennement
archidiaconé du Hainaut, doyenné de Florennes) et de Maffe (province
de Namur, anciennement archidiaconé du Condroz, doyenné d'Ouffet),
toutes trois dans la partie méridionale et wallonne du pays.
(2) A. DE Ryckel, Le village de Tilff, dans Bulletin de la Société
d*art et d'histoire du diocèse de Liège, t. IV (1886), p. 164, note 4.
(3) « ... et de Tilues villarum redditus ... » Acte du 14 mai i235,
— 302 —
années plus tard que se trouve la première trace de
l'existence de son église {i).
Nous apprenons, en même temps, l'existence d'un
prêtre à Esneux. L'église de cette localité avait été éri-
gée sur le territoire de la paroisse de Tilff. Elle a, comme
titulaire, saint Hubert. Un des exécuteurs testamen-
taires du curé Martin de Tilff, en 1263, est « Rycardus
» presbyter de Astanoet (2). »
En iSig, nous apprenons que l'église d' Esneux est
encore filiale de celle de Tilff (3). Les données man-
quent pour permettre de déterminer à quelle époque
remonte la transformation en paroissiale de la cha-
pelle d'Esneux. Elle ne doit pas être, pourtant, de beau-
coup antérieure à la première mention que nous ayons
de l'un de ses desservants (4). Cette chapelle ne laissait
cependant pas d'avoir été fort anciennement bâtie.
dans BoRMANs et Schoolmeesters, Cartulaire de Véglise Saint-Lambert
de Liège, n* cclxxi, t. I, p. 345. Je ne suis guère disposé à admettre
Topinion de M. de Ryckel, d'après laquelle Tilff aurait été primitivement
un fief dépendant de la seigneurie d*Esneux. « Nous croyons en trouver
» la preuve», dit-il, «dans une charte de 1264 où sont énumérés les
» différents hommes de fief de Wéry de Clermont, chevalier et seigneur
» d'Esneux. Parmi ceux-ci figure Clérembauld de Tilff qui, au témoi-
» gnage de Le Fort, mourut en 1291 » (Bulletin de la Société d'art
et d* histoire du diocèse de Liège, t. IV (1886), pp. i35-i36). Evidem-
ment, ce Clérembauld peut avoir dû l'hommage féodal à Wéry de Qer-
mont, sans que ce fût du chef de la seigneurie de Tilff.
(i) l-e testament de Martin, curé de Tilff, est daté de juillet 1263.
Voy. Bulletin de V Institut archéologique liégeois, t. XXIV (1894),
p. 299.
(2) Bulletin de V Institut archéologique liégeois, t. XXIV, p. 299.
(3) Cette dépendance fut prouvée « per sequelam omnium. » Bormans
et ScHOOLMEKSTERs, Curtulairc de l'église Saint-Lambert de Liège,
n? MXXXI, t. III, pp. 202-203.
(4) M . Van de Castkele (Fonts baptismaux à Huy, a Seraing et a
Esneux, dans Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. XIII (1877),
p. 210) croit pouvoir fixer aux environs de 1277, la reconstruction de
réglise d*Esneux, et dater de cette époque ses fonts baptismaux. N'est-ce
point lors de cette reconstruction que l'église aurait été élevée au rang de
paroissiale? Je ne connais point de mention de la parrochia d'Esneux,
antérieure à 1276 iVoy. Bormans et Schoolmeesters, Cartulaire de
Véglise Saint' Lambert de Liège, n* dclxxiu, t. II, p. 254).
— 303 —
L'empereur Louis le Pieux la mentionne en confir-
mant, le i«r octobre 814, les biens de labbaye de
Stavelot-Malmedy (i). Précédemment, elle appartenait
au fisc. N'était-ce peut-être point à l'origine, l'oratoire
de ce château de Beaumont qui, au milieu du xil® siècle
encore, formait le centre de 1 alleu de « Hastenoit »? (2).
Dès 1 154, Henri de Leyen, monté sur le siège épis-
copal de Liège neuf ans plus tôt, en avait enrichi son
Eglise (3). En 1277, un acte le désigne sous le nom de
« vêtus castrum de Bellomonte » (4) et, si la conjecture
est exacte, on devait avoir abandonné, à cette date,
son antique oratoire pour le remplacer par une autre
construction, mieux appropriée aux besoins nouveaux.
Une paroisse nouvelle était née, sans doute, en ce même
siècle {5). Son ressort dépassait les limites de la sei-
gneurie telle que les derniers siècles la montrent consti-
tuée (e). Mais des indices sérieux tendent à le faire
croire : plus anciennement, les limites des deux circon-
scriptions devaient coïncider (7).
La paroisse comprenait donc les villages de Ro-
theux, de Rimière, de Dolembreux, de Fontin, de
Plainevaux, de Hony et de Strivay (s).
En i558, le pouillé signale une chapelle à Fontin
(i) Halkin et Roland, Recueil des chartes de V abbaye de Stavelot-
Malmedy y n** 25, t. I, p. 66.
(2) BoRMANs et ScHOOLMEESTERs, Cartulairc de F église Saint-Lam-
bert de Liège, n®' xliv, xlv et xlvi, t. I, pp. 73, 74 et 79.
(3) Ibidem, n® xliv, t. I, p. 73.
(4) L'acte est du 17 mai 1277. Bormans et Schoolmeesters, Cartu-
laire de l'église Saint-Lambert de Liège, n^DCxcix, t. II, p. 289.
(5) Cf. p. 3o2, note 4.
(6) Voy, une carte de cette seigneurie dans Bulletin de l'Institut
archéologique liégeois, t. XXIV (1894), p. 161.
(7) Sur l'étendue primitive de la seigneurie, cf. Bulletin de r Ins-
titut archéologique liégeois, t. XXIV, pp. 172-173.
(8j Voy. sur l'histoire de cette paroisse, Tétude de M. C. Simonis,
La seigneurie et comté d'Esneux, dans Bulletin de V Institut archéolo-
gique liégeois, t. XXIV, surtout pp. 290 et suiv., à laquelle j'emprunte
même quelques expressions.
— 304 —
et une autre à Plainevaux. Seize ans plus tard, les
habitants de Plainevaux, de Strivay, de Rosières et de
Martin obtinrent l'érection de cette dernière en suc-
cursale. Elle était dédiée à saint Nicolas et à sainte
Barbe. La chapelle de Fontin, dont la Sainte Vierge
était titulaire, dut attendre longtemps pour voir se mo-
difier sa situation. Elle ne fut érigée en succursale
qu*en 1842. La chapelle de Rotheux avait été fondée
au XVII* siècle, sous le vocable de saint Firmin. Cest
dans la première moitié du XIX« siècle, en i838, qu'elle
devint paroissiale. Dolembreux obtint une chapelle en
1769. La première messe y fut dite le 10 septembre
de la même année. Le nom de son patron, saint
Joseph, suffirait à montrer son peu d ancienneté. Elle
était paroissiale à Tépoque du Concordat. Quelque
temps après sa construction, en 1776, dans un autre
village, dépendant d'Esneux, à Hony, un oratoire fut
dédié à saint Léonard. Deux ans plus tard, le prince-
évêque Velbruck en fit le siège d'une nouvelle paroisse.
Après que la paroisse d'Esneux se fut séparée d'elle,
la circonscription primitive de Tilflf, dailleurs nota-
blement réduite, est demeurée sans plus subir d'autre
démembrement. En 1709, une chapelle avait été bâtie
à Méry (Saint- Pierre). Elle est demeurée sans desser-
vant depuis la fin de la révolution jusqu'en 1898.
L'édifice actuel a été inauguré le 7 janvier 1902 (i).
On a vu que la division de l'ancienne paroisse d'Es-
neux date de la seconde moitié du xviil« siècle et du
siècle dernier. Il est permis d'en chercher la raison
dans les changements apportés à l'alimentation hu-
maine et dans le progrès des moyens agricoles. Leur
amélioration a permis aux petits centres de culture,
qui occupaient le territoire d'Esneux, de prendre alors
(i; Le petit oratoire Sainte- Anne, à Mérv, consacré le 12 septembre
1627, n*a jamais servi aux besoins du culte paroissial. Sur son histoire,
voy. Bulletin de la Société d'art et d* histoire du diocèse de Liège, t. IV
fi886;, pp. 169-170.
— 305 —
certaine extension, grâce à une meilleure utilisation de
ses terrains condrusiens de fertilité moyenne. Aujour-
d'hui, c'est à d'autres causes que Tilff et Esneux, et
surtout la première de ces localités, doivent leur agran-
dissement. La proximité où ces villages se trouvent de
Liège, en fait d'excellents centres de villégiature pour
les habitants de la ville. Le nombre des demeures s'y
accroît sans cesse.
Vil.
PAROISSE PRIMITIVE DE SPRIMONT.
Au Sud d'Esneux, on rencontre une paroisse plus
ancienne : Sprimont était, au ix^ siècle, le centre d'une
villa impériale [i). Nul doute que, à cette époque, la
localité ne possédât son église. Le nom du patron saint
Martin fait, par lui seul, penser à une haute antiquité.
Les limites de la paroisse primitive sont, sans doute,
aussi celles du domaine carolingien. Mais les change-
ments que durent subir entre des mains laïques les
deux seigneuries voisines d'Esneux et de Sprimont, ne
permettent pas de confirmer cette hypothèse, en se ba-
sant sur l'étude de la circonscription civile. Je ne puis
qu'en signaler la grande probabilité.
L'église de Sprimont fut donnée, avant le 28 août
io65, à Stavelot, par le duc Frédéric de Lotharingie (2).
Le pouillé de 1 558 mentionne comme dépendance de
celte église la chapelle, probablement castrale, de Lincé ;
c'est aujourd'hui une église paroissiale, dédiée à sainte
Anne. Les hameaux de BlendeflFet de Sendrogne (com-
mune de Louveigné) firent d'abord partie de la paroisse
(i) Sprimont, figure parmi les quarante-trois villas du fisc dont la
none avait été attribuée par le roi Lothaire II à Notre-Dame d'Aix-la-
Chapelle. Voy. Lacomblet, Urkundenbuch fur die Geschichte des Nieder-
rheins, n° jS, t. I, pp. 39-40, et ce qui est dit de cette donation ci-dessus,
aux pages 271-272.
(2) Halkin et Roland, Recueil des chartes de Vabbaye de Stavelot"
Malmedy, n** 1 14, t. I, pp. 236-237.
— 306 —
de Sprimont. En 1762, leurs habitants obtinrent la per-
mission de construire une chapelle dédiée à la Sainte
Vierge ; sa condition n a pas varié, sauf que, depuis le
Concordat, elle dépend de la paroisse de Louveigné.
L'église de Deigné a subi une destinée analogue. L'érec-
tion de deux nouvelles églises a achevé de nos jours,
le démembrement de la circonscription primitive :
l'oratoire de Chanxhe (Saint Nom de Jésus) est devenu
succursale en 1842 ; la paroisse de Florzé (Saint-Pierre)
(commune de Rouvreux) a été érigée le 28 décembre
1864.
Viil.
PAROISSE PRIMITIVE DE LOUVEIGNÉ.
L'église de Louveigné se trouvait également à la
collation de l'abbaye de Stavelot ; elle était dédiée à
saint Remacle. Ce patronage pourrait fournir une indi-
cation précieuse, car vraisemblablement l'église qui le
portait avait été bâtie par les moines de Stavelot (i).
Déterminer l'époque de lacquisition de Louveigné par
cette abbaye, serait en même temps fixer une date pour
l'édification de son église. Malheureusement, c'est seule-
ment à la fin du XI« siècle, que nous trouvons pour la
première fois, mention de Louveigné parmi les posses-
sions de Stavelot (2).
En dehors des limites de la commune actuelle, la
paroisse de Louveigné comprenait la Haute-Fraipont,
tandis que la Basse-Fraipont dépendait de la paroisse
d'Olne (3). Or, fait curieux, Louveigné et la Haute-
Fraipont constituaient un même domaine appartenant
au monastère de Stavelot (4), et qui forma, jusqu'à la fin
(i) Elle serait donc au moins, postérieure à la fin du vii^ siècle.
(2) Voy. ci-dessous, note 4.
(3) Voy. Bulletin de la Société d'art et d*histoire du diocèse de Liège,
t. VII (1892), p. 120.
(4) Un acte de l'abbaye de Stavelot, de loqS, porte : « Est nobis
» possessio antiquitus in loco qui dicitur Ad Fractum Pontem pertinens
» ad potestatem eque nostram que appellatur Louineias. » Halkin et
— :k)7 —
de l'ancien régime, un des quatre quartiers du comté
de Logne (i). L'église de Deigné (Saint-Joseph), bâtie
au XVI i« siècle, succursale au Concordat, dessert cette
localité ainsi que Adseux, Cornemont et Rouge-Thier.
Il faut y ajouter la chapelle auxiliaire de Banneux
(Saint- Léonard), construite en 1713.
IX.
PAROISSE PRIMITIVE DE SOUGNÉ.
L'église de Sougné, centre d'une ancienne paroisse,
est dédiée à saint Martin et à la Sainte Vierge (2). Les
renseignements sont rares sur cette paroisse, dont on
n'a pas de mention antérieure au xiii^ siècle. Il paraît
cependant évident que 1 église de Sougné existait déjà
à la fin du XP siècle et que c'est dans les limites de sa
circonscription que, vers cette époque, des religieux
clunisiens vinrent établir un prieuré; c'est celui d'Ay-
waille, sur la rive gauche de rAmblève(3). Les moines
Roland, Recueil des chartes de F abbaye de Stavelot-Malmedy, n® 129,
t. I, pp. 264-265, Cet acte avait été publié par Ritz, Urkunden ^ur Ges-
chichte des Niederrheins, n° 41 , p. 55.
(I; A. DE Ryckel, Les communes de la province de Liège, pp. 218
et 382.
(2) L'église actuelle fut consacrée le 12 juillet 1744. C'est de cette
époque que doit dater le patronage de la Sainte Vierge (Immaculée-Con-
ception). Voy. Del Vaux, Dictionnaire géographique de la province
de Liège, 2° édit., t. I, p. 40.
(3) Sur cet établissement religieux, voy. Jos. Halkin, Les prieurés
clunisiens de V ancien diocèse de Liège, dans Bulletin de la Société d* art
et d'histoire du diocèse de Liège, t. X (1896), pp. 1 62 et suiv. : Le prieuré
de Saint-Pierre d'Aywaille, La donation de la Porallée fut faite aux ha-
bitants de la paroisse de Sougné (G. Francotte, Notice historique, dans
Marcellin La Garde, Le Val de l'Amblève, 4® édit., Liège, H. Poncelet,
p.xLii, note i). Les villages qui en jouissaient étaient : Aywaille, Remou-
champs, Quareux, Sedoz, Nonceveux, Montjardin, Heneumont, Florzé,
Sur la Heid, Playe, Sougné et Secheval. L'absence sur cette liste de Kin,
Niaster, Awan, Chambralle et Septrous, qui faisaient aussi partie de la
paroisse de Sougné, s'explique par leur situation sur la rive gauche de
l'Amblève ou leur éloignement du territoire de la Porallée. I /église de
Dieupart ne semble avoir été paroissiale que depuis le xv" siècle ; d'où
40
— 308 —
affectèrent aux besoins religieux des habitants des
hameaux voisins et de ceux qui vinrent se grouper
autour du prieuré une chapelle spéciale de leur église.
Cette église, dédiée à saint Pierre, a depuis longtemps
disparu (i). Plus tard, probablement au xiii^ siècle, on
construisit une église, dédiée à Notre-Dame (2), qui
était paroissiale au xv« siècle (3). C'est l'église actuelle
de Dieupart (4). Il existe, en outre, aujourd'hui, une
église à Nonceveux et une autre à Avv^an ; la première
a été déclarée indépendante en i838 (Sainte-Thérèse),
et la seconde un an plus tard (Saint-Pierre).
X.
PAROISSE PRIMITIVE DE THEUX.
Le territoire de la paroisse primitive de Theux com-
prenait douze de nos communes modernes, et exacte-
ment les villages qui constituèrent, jusqua la fin de
l'ancien régime, le marquisat de Franchimont. Cette
identité de la circonscription civile et de la paroisse
primitive, nous lavons déjà constatée et connaissons
dépendaient avant cette époque les habitants des villages voisins ? Evi-
demment de Sougné. Tous les détails de l'histoire de la localité fortifient
cette interprétation.
(i ) Voy. Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège,
t. X (1896), pp. 163-164 et 175. Sur la destruction de cette église, voy.
aussi G. Francotte, Notice historique, pp. xv-xvi.
(2) Voy. G. Francotte, Notice historique, p. xv.
(3) Jos. Halkin (Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse
de Liège, t. X (1896), p. 164) semble croire que cette transformation
s'accomplit seulement après 1691, tandis que nous possédons la liste des
curés de Dieupart dès avant 1463 (Pèlerinage à Notre-Dame de Dieu-
part, Notice sur la vierge miraculeuse de Dieupart, Liège, Demarteau
(1874), p. 6, note 1, et G. Francotte, Notice historique, p. xvi).
(4) Dei-Para : encore une église donnant son nom à un lieu d'habita-
tion. L'imagination — je n'ose ajouter : populaire — a vu dans cette appel-
lation la part de Dieu (Dieupart) et une jolie légende a été créée pour
expliquer l'origine du vocable. Voy. J. de Theux, Histoire de la sei-
gneurie de Montjardin, pp. 2-3. L'église de Dieupart est aujourd'hui dé-
diée aux saints Anges Gardiens. Sur sa construction, voy. G. Francotte,
Notice historique , pp. xx-xxi.
— 309 —
maintenant son origine. L'histoire de Theux confirme
pleinement ce qui a été dit à ce sujet. De nouveau, ces
limites communes sont celles d'un domaine carolingien,
dont il nous est possible de retracer l'histoire.
Theux est situé sur la Hoëgne, l'ancien ruisseau
de Polleur (i). De nombreuses fouilles ont amené la
découverte de cimetières belgo-romains à Theux et à
Juslenville, qui en est voisin (2). Mais les vestiges de
l'habitation qui s'élevait certainement à cet endroit,
dès les premiers siècles de notre ère, n'ont pas été mis
au jour (3). Il est très possible que le village actuel
recouvre leur emplacement. Theux subit des destinées
analogues à celles de Jupille. Lorsque nous en trou-
vons les premières mentions, au ix^ siècle, il fait partie
des biens du fisc et porte le titre àtpalatium regium (4).
En 8 1 4, Theux possédait son église, depuis certain temps
peut-être. Actuellement dédiée aux saints Alexandre et
(i) Cl Villam nostri dominicatus sitam in pago Leuga super fluvium
» Poledam, vocabulo Teiz. » Acte du 8 octobre 898 (Bormans et School-
MEESTERS, Cartulatrc de Véglise Saint-Lambert de Liège, n° vt, t. I,
p. 9). Le ruisseau a plus tard donné son nom à une localité bâtie sur
ses bords, et a pris officiellement le nom de Hoëgne.
(2) Sur les fouilles de Theux et de Juslenville, voy. Bulletin de V Ins-
titut archéologique liégeois : St. Bormans, Premier rapport sur les
fouilles archéologiques de Juslenville, t. IX (1868), pp. i35; Second
rapport sur les fouilles de Juslenville, t. IX, p. 48 1 ; Troisième rapport
sur les fouilles de Juslenville, t. X (1870), p. 5i ; S., La pierre de Jus-
lenville, t. X, p. 99; S., Deux inscriptions belges inédites en Belgique,
t. XII (i 874), p. 285 ; Ph. de Limbourg, Fouilles de Juslenville, quatrième
rapport, t. X, p. 285 ; Fouilles de Juslenville, cinquième rapport, t. XIII
(1877), p. 89 ; Cimetière belgo-romain découvert à Theux, t. XVII ( i883),
p. i; Fouilles archéologiques à Theux, deuxième rapport, t. XVII,
p. 289; Fouilles archéologiques dans la commune de Theux, t. XVII,
p. 373.
(3) J'entends parler de la villa ou des villas proprement dites. Les ha-
bitations destinées à abriter la population servile. que les résultats des
fouilles font supposer assez nombreuse, étant construites en torchis,
n*ont pas laissé de traces.
(4) Louis le Pieux et Lothaire I*' donnent un diplôme, le 25 mai 827 :
« Tectis palatio regio. » Bôhmer Muhlbacher, Die Regesten des Kai-
serreichs unter den Karolingern, n" 81 5.
— 310 —
Hermès, auxquels les anciens pouillés adjoignaient
saint Pierre, qui, vraisemblablement, en fut à l'ori-
gine, le seul titulaire (i). celle-ci formait dès le ix« siècle
le centre d'une paroisse. La dîme et le droit de collation
avaient été attribués par un Carolingien à labbaye de
Stavelot ; ils lui furent confirmés par l'empereur Louis
le Pieux (2).
La none, de Theux fit l'objet d'une autre donation,
et ce fut la collégiale d'Aix-la-Chapelle qui en béné-
ficia (3). Les donations des empereurs n'avaient cepen-
dant pas entamé le domaine; celui-ci continuait à leur
appartenir. Au début du x^ siècle (4), le fiscus de
( 1 ) Les reliques de saint Hermès furent transportées de Rome à Salz-
bourg, en 85 1 , par l'archevêque Liuphram. Le récit de la translation fut
écrit, peu de temps après (avant 855). (Voy. Monumenta Germaniae
historica, SS., t. XV, p. 410^. On peut se demander si ce n'est pas vers
cette époque que le patronage des deux saints Hermès et Alexandre
aura été ajouté à celui de saint Pierre, à Toccasion, par exemple, d*une
reconstruction de Téglise. Je croirais plus volontiers que cet antique
oratoire avait été originairement déJié au prince des Apôtres, auxquels
tant d'églises étaient consacrées au moyen âge, plutôt qu'à des saints, pour
ainsi dire, inconnus à notre ancien diocèse.
(2) Acte du i*"" octobre 814: « Deprecati sunt etiam nos de decimis
» et capellis ab antecessoribus nostris sibi concessis ex quibusdam fîscis
» nostris id est de Duira, Clodonna, Barna, Sintiaco, Andemaico, Bodo-
» bris, Wasitico et Arvanno, Astanido, de Tumbasvero, Glaniaco, Cha-
» rango, Tectis et Wiria capellas simul cum decin.is ut pro firmitatis
» studio et anime nostre emolumento donum predecessorum nostrorum
» nostra confirmaremus auctoritate. » Cet acte se trouve dans V Amplis-
sima collectio, t. Il, col. 24; mais je cite le texte donné par MM. Jos.
Halkin et Roland, dans Recueil des chartes de l'abbaye de Stavelot-
Malmedy, n° 25, t. I, p. 66. Le mot « capella « revêt évidemment ici le
sens d'église paroissiale ; les dîmes que ces « capellae » percevaient le
prouvent à suffisance; de plus, il est impossible de supposer que Theux,
en particulier, n'ait pas été, au ix° siècle, paroisse indépendante.
(3) Acte du [3 juin 888. Lacomblet, Urkundenbuch fUr die Ges-
chichte des Niederrheins, n° 75, t. I, pp. 39-40. Voy. ce qui est dit, de
cet acte et des confirmations qui le suivirent, ci-dessus, pp. 271-272.
(4) « ... ac Hscum nomine Tectis a rege Suendipolcho fratre nostro
)) concessum, in pago ac in comitatu Liwensi positum,cujus etiam in pre-
» sentiarum idem cornes dinoscitur existere Sigohardus. » Acte du 18
janvier 908. Hou m ans et Schoolmeesters, Cartulaire de V église Saint-
Lambert de Lié i^e y n* ix, t. I,p. 12. Voy. aussi l'acte du 25 août 915,
Ibidem y n° x, p. 14.
— 311 —
Theux se trouvait compris dans le comté de Sigohard.
Zwentibold avait fait donation à TEglise de Liège d'une
partie de cefiscus ; il lui avait attribué, le 8 octobre 898,
le village de Theux (i), tout en se réservant la forêt qui
l'environnait. A partir de ce moment, Theux subit la
destinée des autres possessions de l'Eglise de Liège. Le
18 janvier 908, le roi Louis l'Enfant confirmant les
biens de celle-ci, mentionne \e/iscus de Theux (2).
Quelques années plus tard, la donation primitive
reçut un nouvel accroissement ou, plus exactement, le
domaine, récupérant les parties qui en avaient été dis-
traites, se trouva rétabli dans ses anciennes limites.
Ainsi qu'il a été dit plus haut, lors de la donation de
Theux, Zwentibold avait retenu pour le fisc, la forêt
qui environnait le village. Le 25 août 915, Charles le
Simple restitua cette forêt au domaine primitif, en la
donnant à l'Eglise de Liège (3).
Lefiscus de Theux, au moment de son incorpora-
tion aux possessions de l'Eglise de Liège, se trouvait, je
l'ai déjà dit, sous la dépendance d'un comte; il continua
par la suite à former une circonscription distincte (4),
(1) BoRMANs et ScHOOLMEESTERS, Cartuluire de Féglise Saint-Lam-
bert de Liège, n° vi, t. I, pp. 8-9. « Villam nostri dominicatus. » Par ce
mot <c villam », il faut entendre ici Tagglomération bâtie et les cultures,
par opposition à la forêt qui les entourait ; c'est aussi le sens que lui
donnent les éditeurs en le traduisant par village.
(2) BoRMANs et ScHOOLMEESTERs, Cartulaire de VégUse Saitit-Lam-
bert de Liège, n^ ix, t. I, p. 12.
(3) Ibidem, n^\, t. I, pp. 14-15. Il serait très intéressant de savoir
exactement ce que représentait cette forêt de Theux. L'acte de 91 5 indique
ses limites, mais, malgré de bons travaux, Tidentification de certains
noms reste encore douteuse. Voy. à ce sujet, Grandgagnage, Mémoire
sur les anciens noms de lieux de la Belgique orientale, pp. 19-20;
A. de Noue, Une promenade au pays de Franchimont; Spa, Theux,
Verviers, dans Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. VIII
(1866), pp. 454 et suiv. ; Schuermans, Spa; Les Hautes-Fagnes, pp. 167
et suiv.
(4) Nous trouvons Theux mentionné dans un diplôme de confirma-
tion et de donation concédé par le roi Henri IV, à l'Eglise de Liège, le
25 juin 1070. BoRMANs et Schoolmeesters, Cartulaire de V église Saint-
Lambert de Liège, n° xxiv, t. I, p. 35.
— 312 —
mais un changement se produisit dans son administra-
tion. Avant la seconde moitié du xii^ siècle, l'évêque
avait obtenu les droits comtaux sur le fiscus de Theux
et constitué un avoué pour le représenter. C'est en
1 155, que nous constatons pour la première fois l'exis-
tence de cette avouerie (i), mais il faut l.a regarder
comme plus ancienne.
Le domaine de Theux était considérable ; les actes
de donation nous permettent, malgré leur imprécision,
de nous en faire une idée. Sur le ruisseau de Polleur,
se dressaient, au ix® siècle, le palatium carolingien, la
villa et ses dépendances; tout autour s'étendaient les
cultures, puis, couvrant le reste de son territoire, la
forêt et les solitudes fangeuses. Peut-être, se trouvait-il
alors, sous la ramure des bois, quelques huttes de
tenanciers, quelques hameaux même; mais à la fin du
IX*5 siècle, comme encore au siècle suivant, Theux était
la seule agglomération de la contrée, je dirais volontiers
le seul village, si ce mot ne risquait de prêter matière
à confusion.
Une agglomération enveloppée par une solitude
presque complète, voilà donc ce que je crois pouvoir
affirmer pour le domaine de Theux, encore au début
du X® siècle (2). C est seulement après cette époque que
nous voyons apparaître de nouvelles localités sur le
territoire du fundus. Ce mouvement commença à se
dessiner lorsque se produisit un exode vers l'Est, pour
arrachera la solitude une partie de la forêt. Les colons
réussirent dans leur entreprise. Le plateau qu'ils déro-
dèrent et sur lequel ils assirent leurs habitations, s'ap-
pela le Sart. L'absence de tout autre défrichement dans
(i) « Toiz etVervier cum advocatia et omnibus peninentiis earum. »
BoRMANs et ScHOOLMEKSTERS, Cariulairc de Véglise Saint- Lambert de
LiégCy n*^ xLvi, t. I, p. 79.
i2) C'est ce qui ressort de l'étude des diplômes du 8 octobre 898
et du 25 août 915, ainsi que de l'examen attentif de la situation posté-
rieure.
— 313 —
la contrée, rendait inutile Tadjonction à ce vocable d'un
déterminatif spécifique (i).
La distance de Sart à Theux, où se trouvait leglise
paroissiale, est de plus de douze kilomètres. On con-
çoit que, dans de telles conditions, Sart dut rapidement
obtenir une chapelle. Son patron fut saint Lambert, et
ce seul nom permet d en placer la construction après
l'acquisition de la forêt de Theux par l'Eglise de Liège.
C'est donc après giS, que Sart obtint son premier
établissement religieux ; c'est après cette date que je
placerais volontiers les origines de la localité elle-même.
La première mention qui en soit connue, atteste, vers
ii3o, l'existence de son église (2).
Sart, à son tour, donna naissance à de nouveaux
centres d'habitations. Au Nord-Est, s'éleva Jalhay dont
l'oratoire fut dédié à saint Michel. Jalhay est évidem-
ment postérieur à Sart. Il ne peut guère être plus an-
cien que la fin du x^ siècle. On en trouve, pour la
première fois, trace dans le même document, remon-
tant à peu près à u3o, dont je viens, plus haut, de
faire usage (3).
[i) D'où venaient les colonisateurs du Sart? Evidenunent ni de TEst,
ni du Sud, où régnent encore la forêt et la fagne. Ce ne pouvait être que
du Nord que se produisit cette invasion pacifique ; Theux, la localité la
plus ancienne, mieux encore, la seule localité de la contrée antérieure-
ment à cette époque, dut en fournir les éléments. Aussi je rattache sans
hésitation le territoire de Sart à la paroisse de Theux, bien que l'an-
cienneté de son démembrement ne permette plus d'en retrouver la trace.
Le diplôme du 25 août 91 5 englobe certainement le territoire de Sart et
de ses environs dans les limites de la forêt de Theux (Voy. les études
d'interprétation de ce diplôme, indiquées plus haut). J'ajouterai encore
que bon nombre des localités dont je vais m'occuper, relevèrent jusqu'à
la hn de l'ancien régime de la cour de justice de Theux. Après ce qui a été
dit au sujet des rapports entre les circonscriptions civiles et ecclésiastiques,
cette observation a bien sa valeur.
(2) Halkin et Roland, Recueil des chartes de Vabbaye de Stavelot-
Malmedy-y n° i 54, t. I, p. 3 10.
(3) A lire distraitement ce document, on se persuaderait que Jalhay
formait, dès lors, une paroisse distincte. Il s'agit d'une liste d'églises qui
acquittaient des redevances à l'abbaye de Stavelot-Malmedy. On y lit :
a Ecclesia deTectis et deVeruiers et de Sarto et de lalehai infra Pente-
— 314 —
Au Sud-Ouest de Sart, et bien après lui, naquit une
localité aujourd'hui célèbre, mais dont le nom n'appa-
raît d'une façon certaine, qu'au cours du Xl\^ siècle (i).
Le patron de l'église de Spa est saint Remacle. En
i558, ce n'était encore qu'une simple chapelle, qui ne
devait guère dater de plus de cent cinquante ans (i).
C'est vers le dernier quart du xvi« siècle, le 29 dé-
cembre iSyS, que Spa devint paroisse, en même temps
que Jalhay. Des étrangers, venus aux eaux de Spa,
propageaient l'hérésie dans le marquisat de Franchi-
mont. Gérard de Groesbeeck, en dotant ces deux vil-
lages de recteurs spéciaux, voulut en faire des postes
de défense pour la foi catholique (3).
» costen ex gratia panes et caseos représentant, et presbiteri singulos
» sol. accipiunt », ce qui tendrait à faire compter quatre églises, mais la
suite du texte prouve que les mots « de Sarto » et « de lalehai » ne
doivent point être séparés. « In festo », poursuit-il, « sancti Remacli
» antiquo jure de his tribus parrochiis unaqueque domus panem unum
» vel casevim débet et obulum, presbiteri vero singulos sol. accipiunt. »
Le document se trouve dans Halkin et Roland, Recueil des chartes de
Fabbayede StavelotMalmedy , n° i54, t. I, p. 3 10.
(i) Je devrais dire vers la fin du xiii*^ siècle, en i285, s'il fallait en
croire Benedict Wilsens (F. Henaux;, Histoire de la commune de Spa
et de ses eaux minérales, Spa, 1859, p. 18, qui ne cite, naturellement,
aucune source. Le résultat des vérifications que j'ai eues à faire au sujet
des assertions de cet auteur, n*est certes pas de nature à diminuer, en
ce qui me concerne, la défiance qu'il inspire. Un des actes dans lesquels
se rencontre, pour la première fois, le nom de Spa, porte les deux dates
du 24 juillet i335 et du 10 février i336. Voy. Bormans et Schoolmees-
TERS, Cartulaire de l* église Saint-Lambert de Liège, n° mcxciii, t. III,
p. 481.
(2) La construction de cette chapelle a été attribuée à saint Remacle.
Inutile d'ajouter qu'on n'en fournit aucune preuve. Jean d'Outremeuse,
si friand de légendes, ne dit rien de celle-ci, et ne prononce même pas,
dans tout le cours de son immense chronique, le nom de Spa ; à son
époque, la localité était sans doute encore de peu d'importance, et ne
possédait peut-être pas d'oratoire. La légende de sa construction ne
serait donc pas antérieure au xiv" siècle. Je la croirais volontiers de
l'époque où Spa commença à être véritablement connu, au xvi*" siècle.
(3j Daris, Histoire du diocèse et de la principauté de Liège pendant
le XVI' siècle, Licge, 1884, pp. 392 et 419, et Bulletin de V Institut
archéologique liégeois, t. VIII {1866), pp. 402 et 434. Sur un projet de
démembrement des paroisses de Sart, de Theux et de Verviers, vers
— 315 —
Le Polleur, sur lequel Theux était assis, vit naître
dans la dépendance directe de l'église primitive, une
localité qui emprunta son nom au cours d'eau. Cest au
milieu du XV* siècle et peut-être dès la fin du xiv* siècle,
qu'on trouve la première trace de l'existence de sa cha-
pelle, dédiée à saint Jacques le Majeur (i).
La Reid, également dépendance de Theux, n avait
non plus, en i558, qu'une chapelle, dont saint Lambert
était le titulaire. La provenance de ce patronage se de-
vine aisément. Ces deux localités sont certainement
moins anciennes que Sart et ne doivent guère remonter
plus haut que le xiir siècle.
Oneux possédait, au xvr siècle, sa chapelle Saint-
Georges.
Aux églises qui viennent d être énumérées, il con-
vient de joindre, dans le territoire immédiat de Theux,
la chapelle castrale de Franchimont (2) et la chapelle
Saint-Nicolas, à Marché, sans importance au point de
vue du développement paroissial.
Dans la partie septentrionale du fundus de Theux,
se rencontre une autre paroisse-mère, qui eut pour
1 570, à cause de l'hérésie, voy. Bulletin de la Société verviétoise d^ ar-
chéologie et d^ histoire f t. III (1902), pp. SSg-Sôo.
(i) Sur son histoire, voy. L'église de Polleur, Verviers, 1902, et
Bulletin de la Société verviétoise d'archéologie et d'histoire, t. III
(1902), pp. 3'jb-3'j'j^ 379-380. On a cru reconnaître dans Téglise actuelle
les restes d*une construction romane.
(2) Les premières mentions du château de Franchimont datent du
milieu du xu" siècle. Henri de Leyen y fît certaines améliorations (Gilles
d'Orval, 1. III, § 3o, dans Monumenta Germaniae historica, 55.,
t. XXV, p. 104 (25). C*est sous le règne de ce prince que le nom de
Franchimont apparaît dans une confirmation des biens de l'Eglise de
Liège, du 24 juillet 11 55 : « Franchiermont » (Confirmation du pape
Adrien IV, dans Bormans et Schoolmeesters, Cartulaire de Véglise
Saint-Lambert de Liège, n** xlv, t. I, p. 75). Un diplôme plus explicite
de l'empereur Frédéric I", du 7 septembre de la même année, mentionne
le a castrum Franchiermont cum omnibus pertinentiis suis » (Ibidem,
n® xLvi, t. I, p. 78). Il est très possible que le château ait eu une cha-
pelle dès sa construction, au sujet de laquelle il n'existe d'ailleurs aucune
indication.
41
— 316 —
centre une localité, également tard venue, aujourd'hui
cité importante.
11 faut attendre le premier tiers du xiP siècle, pour
trouver la plus ancienne mention de Verviers et de son
église (4).
Dès cette époque, Verviers formait une paroisse
distincte. En i558, son territoire équivalait encore
exactement à la circonscription du ban du même nom.
Celui-ci forma toujours un « district supérieur, séparé
» et plus privilégié, avec Andrimont, Stembert, une
» partie d'Ensival et leurs dépendances (2). »
Ce ban se trouvait compris, à la fin de l'ancien
régime, dans le marquisat de Franchimont. Si, d'une
manière générale, le territoire des paroisses primitives
s'est perpétué dans un seul ban ou une seule avouerie,
on voit que la paroisse de Theux présente une excep-
tion à cette règle. Et cette exception provient, peut-
être, de rétendue considérable du/Mnrfï/5. Les territoires
de Sart et Verviers, qui se détachèrent les premiers de
l'église-mère, ceux de Spa et de Jalhay, qui continuèrent
le démembrement de l'unité paroissiale, constituèrent
comme autant de cadres distincts, auxquels vinrent
s'appliquer les divisions politiques (3). Quant à la pa-
(i) Quoiqu'en ait dit F. H en aux, dans son Histoire de la bonne ville
de VervierSy p. 8, note 2. Cet auteur cite le passage d'un diplôme de
Tenipereur Louis le Pieux, du i'** octobre 814, dont j'ai fait usage plus
haut (p. 3 10, note 2): « ... TectisetWiria, capellas simul cum decimis»
(Voy. Halkin et Roland, Recueil des chartes de Vabbaye de Stavelot-
Malmedy, n® 25, t. I, p. 66), puis ajoute triomphalement : «ce Wiria ne
» peut être que le mot, mal lu, de Vervia, qui était encore la forme
» latine de Verviers au xvi" siècle » I Wiria désigne très probablement
Wéris (Voy, la note donnée, au sujet de ce nom, par les savants éditeurs
du Recueil des chartes de Vabbaye de Stavelot-Malmedy, t. I, p. 66,
note i).
Les premières mentions de Verviers se trouvent dans des actes de
ii3o-ii3i (Ibidem, n*» i52, i 53, 154, t. I, pp. 3o5-3i4).
(2) (Detrooz), Histoire du marquisat de Franchimont, Liège, 1809,
i""® partie, p. 29.
(3) Au XVI II'' siècle encore, le pasteur de Theux prenait le titre de
« curé du ban de Theux. »
— 317 —
roisse primitive, c'est ici la réunion des divers bans qui
la représente. En s'intitulant, au xvi^ siècle, marquis
de Franchimont, nos princes-évêques ne ressuscitaient
nullement un ancien titre, malgré ce qu'on en a pu
dire. Mais si l'appellation était nouvelle, elle tirait sa
raison d'être d*un passé fort lointain. Cette seigneurie
était vraiment distincte de leurs autres possessions.
Qu'ils y aient ou non songé, ils conservaient ainsi le
souvenir du domaine carolingien donné à leur église,
bien des siècles auparavant, et les limites de leur mar-
quisat de fraîche date, concordaient admirablement
avec celles de l'antique paroisse de Theux.
L église de Verviers semble être une fondation de
l'abbaye de Stavelot; cette hypothèse suggérée par le
nom du patron, se trouve fortifiée par le fait que, jus-
qu'à la fin de l'ancien régime, l'abbé de Stavelot en
eut la collation. Ce serait donc entre le viii** et le xii*
siècle qu'il faudrait placer l'érection de cet oratoire.
Mais d'après ce qui a été dit plus haut, je crois pou-
voir retarder cette fondation jusqu'au x" siècle, et même
jusqu'à une époque encore plus rapprochée de nous (i).
(0 Jkan d*Outremeuse {Ly mireur, t. IV, p. 24) se contente de
placer la fondation de Téglise de Verviers en Tannée 886 et de l'at-
tribuer, sans preuve, est-il besoin de le dire ? à Buevon, fils d'Ogier le
Danois. Cette réserve de Jean d'Outremeuse est certainement remar-
quable, pour qui connaît les habitudes et le tour d'esprit du légendaire.
Elle suffirait presque à prouver à elle seule, combien la localité est peu
ancienne. D'autres furent ici moins sages que Jean d'Outremeuse. Us
voulurent pour l'église de Verviers une antiquité plus haute, une origine
plus relevée. L'église de Stavelot, d'abord dédiée par saint Remacle à
saint Pierre, n'a-t-elle pas pris plus tard le patronage de son fondateur?
n en sera de même pour l'église qui nous occupe et c'est à saint Paul,
patron de la paroisse primitive voisine de Baelen, que l'on fait consacrer
par l'apôtre des Ardennes, le premier oratoire de Verviers. Il ne s'agit
plus pour avoir toute la précision désirable, que de déterminer l'époque
de son érection. Rien de plus simple. Ce sera peu après 648, l'année que
l'on assigne pour la fondation de Stavelot. f.a légende est alors consti-
tuée; elle pourra désormais, acceptée et répétée sans contrôle, courir
de livre en livre: sous la plume de F. Henaux (Histoire de la bonne ville
de Verviers, p. 8) elle deviendra l'écho d'une vénérable w tradition. »
Se référant à la présence, au xvi® siècle, dans le chœur de l'église Saint-
— 318 -
Lors de sa création, la paroisse de Verviers englo-
bait le territoire de nos communes de Verviers, d'An-
drimont, de Stembert, de Heusy et d*Ensival.
Stembert n'avait encore, en i538, qu'une simple
chapelle (4), dédiée à saint Nicolas. Elle devint parois-
siale le 2 octobre iSgi (2).
C'est eft 1627 que les habitants d'Ensival obtinrent
une chapelle, consacrée à la Sainte Vierge. D'abord
desservie par le curé de Verviers, elle acquit son auto-
nomie en 1657. Quelques années auparavant, en i65o,
une chapelle avait été construite à Andrimont. Elle
devint paroissiale le 9 septembre 1730. Son patron est
saint Laurent (3).
Heusy, paroisse depuis 1834, n'avait obtenu qu'en
1714 sa chapelle Saint-Hubert. Enfin, il existait aussi
à la Chantoire, sous le vocable de sainte Anne, une
chapelle, dépendant de Stembert, aujourd'hui dispa-
rue; elle avait été bâtie vers 1420.
Remacle, d'une fresque représentant saint Cosme et saint Damien (J.-S.
Renier, Une fresque du XV F siècle à V ancienne église de Saint-Remacle,
à Verviers, dans Bulletin de la Société verviétoise d'archéologie et
d'histoire, t. III (1902), pp. 35i-352), M. V. Tourneur en déduit C/^/^/em,
pp. 353-355) que ces saints ont été honorés antérieurement, dans cette
église, d'une manière particulière, et sur cette conjecture échafaude d'in-
génieuses hypothèses, auxquelles toute base fait malheureusement défaut.
(j) Fouillé de i538 dans Daris, Histoire du diocèse et de la princi-
pauté de Liège depuis leur origine jusqu'au XIIP siècUy p. 726. Stem-
bert figure aussi au pouillé de i558.
(2) J. Halkin, Inventaire des archives de l'abbaye de Stavelot-
Malmedy-y n°4i7, p. 127. Sur les limites de la paroisse, voy. A. Fassin,
Recherches historiques sur les communes de Stembert et Heusy ^ p. 7,
qui donne pour origine à 1 église de Stembert, une chapelle dédiée à
sainte Barbe (Ibidem^ p. 36), mais n'apporte aucune preuve à Tappui
de son affirmation.
(3) Dans un record du 20 février 1400, analysé par Daris (Notices
historiques, t. XII, p. 61), il est question du « moustier » d'Andrimont
et M . Daris donne à ce mot le sens « d'église du village ». Aucune indication
de l'auteur ne faisant connaître où se trouve le texte du document, toute
vérification est impossible. Son interprétation est d'ailleurs en contra-
diction avec des données certaines. Nous avons donc le droit de nous
tenir en défiance vis-à-vis d'elle.
— 319 —
Pendant de longs siècles, le territoire qui nous
occupe n'eut donc pour le desservir qu'une seule église
paroissiale et deux chapelles auxiliaires. Les démem-
brements successifs de la paroisse primitive corres-
pondent au développement de l'industrie dans ce pays.
C'est en i65i que Verviers obtint le titre de ville. C'est
à dater de la même époque que l'érection de paroisses
nouvelles et la création de chapelles viennent confirmer
la pensée que ce fait suggère : celle de l'accroissement
de la population. J'ajouterai que l'établissement, à
Verviers, de couvents dont les églises et les chapelles
servirent aussi aux besoins du culte, date également
du XVI i« siècle. Les Récollets vinrent se fixer dans la
ville vers 1627. Leur église fut consacrée, en l'honneur
du Très-Saint-Sacrement, le 23 juin i652. La construc-
tion de l'église des Carmes fut commencée en 1678.
Cinq ans plus tard, les Capucins s'établirent, à leur
tour, dans la cité. Les religieuses Conceptionnistes s'y
étaient installées vers 1628 et les Sépulchrines en i635.
Dédiée à saint Joseph, l'église des Conceptionnistes fut
achevée en 1708. Celle de la communauté des Sépul-
chrines ne reçut sa consécration qu'en 1741. Elle eut,
paraît-il, originairement, pour titulaires saint Jacques
et saint Augustin. Quant aux Récollectines, Verviers
les accueillit en 1679. ^^^ ^^^ P'^^ tard, elles possé-
daient leur église.
Ces couvents ayant été supprimés à la révolution,
la réorganisation qui suivit le Concordat transforma
plusieurs de leurs églises en chapelles auxiliaires, dont
l'érection en succursales fut bientôt rendue nécessaire.
L'ancienne église des Récollets (Notre-Dame) devint
paroissiale en i833 ; celle des Carmes (Saint-Joseph)
et celle des Récollectines (Saint-Antoine de Padoue)
en 1842. La seconde avait été reconstruite, à cet effet,
en i832. Enfin deux églises nouvelles sont venues
s'adjoindre, depuis lors, à ces anciens oratoires : celle
de Gérardchamps (Saint- Hubert) et celle de Sainte-
— 320 —
Julienne, dans le nouveau quartier. Pour être com-
plet, il faut y joindre la chapelle des Sépulchrines
(Saint-Lambert) et la chapelle Sainte-Anne, bâtie pour
servir d'oratoire à Thôpital des malades, qui naguère
lui était contigu.
Sur le territoire de lancienne paroisse, l'église de
Stembert donna naissance, en 1869, à la chapelle des
Surdents (Saint-Jean) et depuis le 14 octobre 1875, une
seconde paroisse (Saint- Roch), a été créée à Andrimont.
La topographie de Verviers ne répond guère aux
conditions qui assurent le développement d'une im-
portante cité. Verviers n'aurait sans doute pas grandi
si l'industrie drapière n'était venue s'y fixer (1). Celle-ci
dut à des circonstances spéciales son remarquable
accroissement (2).
Aujourd'hui, nos moyens modernes de communi-
cation ont tiré la ville de son infériorité topographique,
en lui donnant les facilités de transport que nécessite
une industrie considérable. Le territoire de l'ancienne
paroisse, augmenté de Dison et de Hodimont qui fai-
saient jadis partie de la paroisse de Petit- Rechain,
compte plus de 85, 000 habitants. Seize églises et cha-
pelles suffisent à peine à desservir celte importante
agglomération.
Bien différentes furent les conditions du développe-
ment des autres parties de la paroisse primitive de
Theux. Du xvi^ siècle à la fin de l'ancien régime, leur
situation ne subit aucune modification essentielle. Cha-
cune des églises de ce pays desservait donc un très
grand territoire, où les communications étaient sou-
vent rendues difficiles.
L'organisation nouvelle, créée par le Concordat,
(i) Sur cette industrie, voy. Pirenne, Histoire de Belgique, t. II,
p. 391.
(2) Voy. le résumé d'une conférence de L. Dhxhesne, sur V Histoire
de r industrie drapière au pays de Verviers y dans Bulletin de la Société
verviétoise d'archéologie et d'histoire, t. III (1902), pp. 371-374.
— 321 —
modifia cet état de choses. La répartition par l'Etat
des dotations permit le démembrement de ces vastes
paroisses, pour la facilité des hameaux dépendants.
Sous Theux, s'éleva la chapelle de Pepinster (Saint-
Antoine), érigée en succursale en i83i, et la chapelle
de Juslenville (Saint-Augustin), construite en 1823, suc-
cursale en 1888. D'autre part, la chapelle d'Oneux est
devenue paroissiale le 27 octobre igoS.
De La Reid, succursale depuis 1804, ont été déta-
chées les églises de Becco (Saint-Eloi), en 1806, et de
Desnié (Notre-Dame et Saint- Lambert), le 16 mai 1845.
L'érection d une église à Jehanster (Saint-Roch) dé-
membra la paroisse de Polleur, en i835. Sart a vu
naître, en 1719, la chapelle de Solwaster (Saint- Antoine
de Padoue), qui obtint son autonomie en 1842, et la cha-
pelle de Tiège (Saint-Corneille), bâtie au xviii** siècle.
La chapelle de Surister (Saint- Hubert), construite
en 1789, s est détachée de Jalhay le 16 mai 1845. Spa
a donné naissance, en 1711, à la chapelle de Creppe
(Saint-Joseph), devenue paroissiale en 1840, et à celle
de Winamplanche (Saint-André), siège d'une paroisse
depuis 1842.
Comme on Ta vu, à part Téglise-mère, toutes les
paroisses de ce domaine sont relativement récentes
et, par conséquent, on peut dire que la colonisation
du pays Test également. Theux, l'ancienne villa ro-
maine, centre d'un domaine carolingien, était encore,
au commencement du x^ siècle, entouré de bois et
de fagnes ininterrompus. Ainsi que je crois l'avoir
montré, dans la partie orientale, le premier sart fut
créé seulement après 915. Sauf Verviers, bien autre-
ment modernes sont les localités nées depuis lors.
La nature du sol de cette contrée rend parfaitement
compte de la raison pour laquelle il fut si tardivement
peuplé.
Je me bornerai, quant à présent, à constater le fait,
me réservant de revenir plus loin sur cet objet, et me
— 322 —
contenterai d'indiquer ici la manière dont se fit la
colonisation du pays.
Au début, les vallons sont les grands moyens de
pénétration. Theux s'était établi sur le Polleur, comme,
plus tard, Verviers s'établit sur la Vesdre.
Continuant d'avancer le long des ruisseaux, les
colons créèrent Polleur et La Reid. Puis, escaladant
les pentes, ils allèrent établir leurs habitations au
milieu des plateaux qu'un travail opiniâtre transforma
en « sarts ». Sart et Jalhay en sont les plus anciens
exemples. De même que ces localités étaient des colo-
nies d'un centre primitif, chacune d'elles essaima, à
son tour, soit dans ses environs immédiats, soit sur
des plateaux voisins. Ainsi naquirent Charneux, Her-
biester, Coquaifagne, Jehanster, Creppe, Desnié et
Becco.
La situation actuelle permet encore de se rendre
compte du mode de peuplement de ce pays. La localité-
mère établit dans diverses directions des fermes, sièges
d'exploitations rurales. A ces fermes viennent s'ad-
joindre, plus tard, les habitations occupées par les
enfants des premiers tenanciers. Le hameau grandit
peu à peu, devient lui-même un village et renouvelle,
à son tour, le travail auquel il doit sa propre existence.
Lorsque Ton quitte Spa, en se dirigeant vers la
fagne, on aperçoit, de loin en loin, une ferme isolée,
oasis dans la solitude, victoire du travail sur une
nature ingrate. Aujourd'hui, grâce à l'exode des cam-
pagnards vers la ville et aux modifications des condi-
tions économiques, je ne sais si ces fermes donneront
jamais naissance à des localités. iMais, autrefois, l'es-
prit de tradition et les habitudes patriarcales que notre
époque a abandonnées, retenaient fréquemment autour
de la maison paternelle les enfants du métayer. De
nouveaux toits s'élevaient pour abriter de nouvelles
familles et, plus tard, la clairière occupée, les derniers
venus s'en allaient vers les endroits livrés encore à
— 323 —
l'antique forêt et recommençaient le même travail fer-
tilisateur. Jetez les yeux sur une carte topographique
de la contrée : Sart, Spa, Jalhay, PoUeur, La Reid,
ainsi que leurs dépendances, font de véritables taches
au milieu des bois et de la fagne.
Si je ne m'abuse, la toponymie a gardé le souvenir
de cette colonisation par habitations isolées. Un suffixe
ster reparaît fréquemment dans les noms de lieux de
cette région. Son origine est demeurée jusqu'ici incon-
nue (i), mais certains des vocables dans la composition
desquels on le retrouve, semblent lui donner le sens
d'habitation, demeure. Il suffira de citer Pepinster,
Henrister, Jehanster, Géronster. Quelle que soit donc
sa provenance, il paraît bien que l'on doive en faire
la désignation de la maison, une sorte d'équivalent du
heim germanique.
M. Kurth a dressé la liste d'une cinquantaine de
noms en ster qu'il a trouvés dans nos contrées (2).
De mon côté, j'ai pu en réunir plus d'une vingtaine
de spécimens (3), sans compter ceux qui se sont con-
(i) C'est à tort que M. N. Lequarré (Bulletin de la Société liégeoise
de littérature wallonne, t. XLIII (1903), p. 182), veut en faire un dérivé de
rinfinitif latin stare. Cet infinitif, pris substantivement, se retrouve dans
le latin du moyen âge, avec le sens de domus. Mais on n'a pas la preuve
qu'il ait fait, comme tel, partie du vocabulaire de nos régions et, de plus,
il est certain que, suivant les transformations de la phonétique française,
il n'aurait pu se muer en ster. Il ne faut pas davantage oublier qu'on
rencontre des ster dans des contrées parfaitement germaniques.
(2) La frontière linguistique en Belgique et dans le Nord de la
France f dans Mémoires couronnés et autres mémoires publiés par V Aca-
démie de Belgique, t. XLVIII (iSgS), pp. 296-298.
(3) En voici la liste. Pour les exemples anciens, je renvoie aux sources
qui me les ont fournis, il ///m5 ter (commune de Junglinster, Grand-Duché
de Luxembourg). Bonister (Bilstain, Liège. == Bulletin de la Société ver-
viétoise d'archéologie et d'histoire, t, III (1902), p. 334). Bourglinster
(Junglinster, Grand-Duché de Luxembourg). Eniaster (dans la seigneurie
d'Aywaille. = M. La Garde, Le Val de l'Amblève, Liège, Poncelet,
p. xxivj. Ernster (Niederamven, Grand- Duché de Luxembourg). Ge-
rarster (Jupille, Liège. = Bulletin de V Institut archéologique liégeois,
t. XXX (1901), p. 412). //aM5fer^Vaux-sous-Chèvremont, Liège). Hodis-
ter (Wegnez, Liégej. Jehanster (Chaud fontaine, Liège». Johanster ou
42
— 324 —
serves comme noms patronymiques, tels que Plester
et Reginster. Et la récolte serait certainement plus
abondante si nous possédions de bonnes listes impri-
mées de nos lieux-dits.
A part de rares exceptions, tous les noms terminés
par ce suffixe se rencontrent, localisés sur la rive droite
de la Meuse, dans les provinces de Liège, de Luxem-
bourg, quelques-uns dans le Grand-Duché et dans la
partie de la Prusse rhénane qui confine à notre pays;
par conséquent, dans les régions les moins fertiles, res-
tées le plus longtemps boisées ou en friche. Une tren-
taine de ces noms se retrouvent dans les limites de
l'ancien concile de Saint-Remacle. Le territoire de la
paroisse primitive de Theux en fournit, à lui seul, une
bonne douzaine.
Le pays de Hervé n'en a guère que deux, et encore
c'est dans la partie voisine du Condroz qu'il faut les
chercher. Tous les autres, je Tai dit, sont épars dans
la portion boisée et tardivement colonisée de notre sol.
Si le terme possède le sens qu'on lui attribue, je verrais
volontiers, dans ces circonstances, la preuve nouvelle
de deux faits d'ailleurs certains : la colonisation de ces
régions, par habitations isolées et à une époque rela-
tivement récente. En l'absence d'une certitude, j'ai
simplement voulu attirer l'attention sur ce point.
Jehoster (La Reid, Liège). Jonster (Ougrée, Liège. ^Bulletin de r Ins-
titut archéologique liégeois^ t. XXX, p. 435). Junglinster (Grand-Duché
de Luxembourg). Lambiester (Bilstain, Liège. = Bulletin de la Société
verviétoise d'archéologie et d'histoire, t. III, p. 340). Le5/^r (Bilstain,
Liège). == Ibidem, p. 341 ). Pironster (^ H alkih , Inventaire des archives
de r abbaye de Stavelot-Malmedy, p. 5o). Priester (entre Lorcè et Ay-
waille, Liège. = Poskin, Guide à Spa, carte). Rabouster (Bilstain, Liège.
=^ Bulletin de la Société verviétoise d'archéologie et d* histoire, t. III,
p. 344). /^o^isfer (Bilstain, Liège. ^ Ibidem). Ruister (Bilstain, Liège. =
Ibidem). Ster (Anseghem, Flandre occidentale). Ster (Saint-Nicolas,
Flandre orientale). Ster (près de Corioulle, Assesse, Namur. = i4«nfl/c5
de la Société archéologique de Namur, t. XXIII (1899), p. 23 1). Weris-
ter (Romsèe).
— 325 —
XI.
PAROISSE PRIMITIVE DE BAELEN.
L'église de Baelen, centre d'une antique paroisse, a
pour patron saint Paul. Le nom de la localité se ren-
contre pour la première fois en 888, dans la confirma-
tion à la collégiale Notré'-Dame d'Aix-la-Chapelle, de la
none de quarante-trois villas impériales (i).
Dès cette époque, l'église de Baelen existait certai-
nement (2). Nous sommes de nouveau ici devant un
domaine du fisc. S'ils en avaient aliéné la none, les
empereurs gardaient, au ix^ siècle, la propriété de ce
fundus. Par la suite, celui-ci fit partie de ce que Ton
appela le duché de Limbourg et c'est dans sa circons-
cription que s'éleva, au xi^ siècle, le château qui donna
son nom à ce duché. Malgré l'érection du château, le
domaine primitif ne cessa pas de former un ensemble
bien distinct ; jusqu'à la fin de l'ancien régime, nous le
retrouvons dans le ban de Baelen. Outre la localité-
chef, celui-ci comprenait la ville de Limbourg, Bilstain,
Goé, Membach, Henri-Chapelle, Eupen et Welken-
raedt (3); ce sont précisément les mêmes localités qui
constituaient la paroisse primitive (4). Comme nous
l'avons remarqué plusieurs fois déjà, nous retrouvons
la circonscription ecclésiastique correspondant à la
subdivision politique, et ces territoires identiques per-
pétuent, à toute évidence, une villa du ix*" siècle, un
domaine des Carolingiens. Le fait apporte trop d'ensei-
gnements pour que l'on se lasse de le constater.
L'église de Baelen était seule à desservir, au ix** siècle,
(i) Sur cet acte et ses confirmations, voy ci-dessus, pp. 271-272.
(2; Sur cette église, voy. l'acte par lequel, en 12 12, Henri III, duc de
Limbourg, détermine ses biens. Ernst, Histoire du Limbourg f t. VI,
p. 178, Codex diplomaticus Limburgensis, n° xc.
(3) Voy. Ernst, Histoire du Limbourg, t. I, p. 29.
(4) Nous le savons d'une façon certaine pour la plupart d'entre elles;
je l'établirai plus loin pour Goé et ses dépendances.
— 336 —
toute retendue du fundus. Le droit de patronage donné,
entre 1 167 et 1178, par le duc Henri 111 à l'abbaye de
Rolduc, lui fut confirmé cette même année par l'arche-
vêque de Cologne, Philippe (o. De la fin du xr siècle
ou du commencement du siècle suivant, daterait,
semble-t-il, l'oratoire de Henri-Chapelle (2). Cet oratoire
dédié à saint Georges (3), paraît devoir son nom au
constructeur, Henri !«'' de Limbourg. La dîme de la
localité donnée par le duc Waleran II à l'abbaye de
Stavelot, entre ii3o et uSg, lui fut confirmée en 1172
par Henri 111 (4). Henri-Chapelle avait alors peu d'im-
portance; c'est seulement au xvi' siècle qu'il forma une
paroisse distincte. Au début du xiii'' siècle, nous trou-
vons mention de la chapelle d'Eupen (5); son patron est
saint Nicolas, dont le culte semble avoir pris de l'ex-
tension dans nos contrées à la suite des croisades.
L'acte qui nous révèle l'existence de la chapelle d'Eu-
pen, montre qu'elle était alors déjà assez ancienne. 11
faut cependant attendre la fin du xvii" siècle pour voir
ériger cette chapelle en paroissiale, le 2 septembre
1695 (ô). Eupen, de nos jours petite ville industrielle,
(i) Voy. Ernst, Histoire du Limbourg, t. VI, pp. iSô-iSj, Codex
diplomaticus Limburgensis, n" lxvii.
(2; La dîme de Henri-Chapelle fiit donnée entre ii3o et iiSg, à
Tabbaye de Stavelot par le duc Waleran II qui avait succédé à Henri I**
(Halkin et Roland, Recueil des chartes de Fabbaye de Stavelot-Mal-
medy, n° 167, t. I, p. 343). Si cet oratoire doit son origine à un des ducs
du nom de Henri, ce ne peut donc être qu*à Henri I".
(3j Voy. sur le culte de saint Georges une curieuse note de Ernst,
Histoire du Limbourg, t. I, p. 35, note 2.
(4) Voy. Ernst, Histoire du Limbourg, t. VI, pp. 148-149, Codex
diplomaticus Limburgensis, n** lxi; Halkin et Roland, Recueil des
chartes de Vabbaye de Stavelot- M almedy, ad annum 1 172.
(5; Voy. l'acte de création, en 121 3, d'un cens annuel pour la répa-
ration et l'entretien de la chapelle Saint-Nicolas à Eupen, et pour le trai-
tement du prêtre desservant cette chapelle, dans Ernst, Histoire du
Limbourg, t. VI, pp. 180-18 1, Codex diplomaticus Limburgensis,
n^'xciii.
(G) Voy. Ernst, Histoire du Limbourg, t. I-, p. 46. Une vicairie y
fut créée en 1698 (Annales Rodenses, Ibidem, t. VII, pp. 243-245).
— 327 —
possède depuis 1872, une seconde église paroissiale
(Saint-Joseph). A ces églises, il faut joindre la chapelle
de l'ancien couvent des Capucins, sous le titre de l'im-
maculée-Conception, dont la première pierre fut posée
le 12 juillet i665, et la chapelle de Weerth, qui a
aujourd'hui pour patron saint Lambert, tandis que la
consécration en avait été faite, le 14 octobre 1729, en
l'honneur de l'Assomption de la Sainte Vierge.
Mentionnons encore loratoire dédié le même jour
à saint Jean-Baptiste et celui de larchange saint Michel
à Stockem {i).
Membach, au Sud de Baelen est plus récent encore ;
sa chapelle fut construite en 1721 ; elle était paroissiale
au Concordat et a pour patron saint Jean- Baptiste. Le
même saint est également le patron de l'église de Wel-
kenraedt, séparée de celle de Baelen en 1730.
L'église de Goé relevait-elle à l'origine de la paroisse
de Baelen? Nous n'en avons pas la preuve directe, car
la séparation est trop ancienne, mais un simple raison-
nement nous force d'admettre ce rapport de dépendance
primitive. Je ne crois pas qu'il soit téméraire, à présent
que l'identité de la circonscription civile et de la pa-
roisse primitive a été prouvée à diverses reprises, de
s'appuyer sur les résultats obtenus pour tenter la recon-
stitution du territoire de cette dernière. Ainsi qu'il a
été dit plus haut, Goé fit partie, jusqu'à la fin de l'ancien
régime, du ban de Baelen. J'ajouterai que, au milieu
du XII* siècle, Goé est qualifié non de villa, mais de
pillula, qui en est un diminutif. D où a primitivement
dépendu l'oratoire de cette villula? Evidemment ce ne
peut être que de Téglise du domaine carolingien, du
fiscus de Baelen. Allons plus loin et voyons s'il n'est
pas possible de déterminer lepoquede^sa construction.
Le patron de cette église est saint Lambert ; elle ne
(i) Sur rhistoire des églises et des chapelles d'Eupen, voy. Quix,
Beitràge jm einer.., Beschreibung des Kreises Eupen^ pp. i5-2 5 et
RuTscH, Eupen und Umgegend, Eupen, 1879, pp. 91-126.
— 328 —
peut donc être antérieure au premier quart du viii*
siècle. D'autre part, en 1145, elle était devenue parois-
siale et avait donné naissance à une chapelle dépen-
dante (i). C'est donc, approximativement, entre 725 et
1100 qu'il faut fixer l'origine de cette église. Tâchons
d'obtenir une précision plus grande. La construction
du château de Limbourg fut entreprise vers 1064. 11
est permis de supposer que la population qui vint l'oc-
cuper, nécessita la présence d'un prêtre résidant à
l'église dont il dépendait. Telle pourrait être la raison
qui fit attribuer à cette villuia, à ce hameau, la qualité
de paroisse. Ce serait alors entre 1064 et le commence-
ment du xir siècle que l'on trouverait l'origine de
celle-ci. Si le château faisait partie de la paroisse de
Goé, il n'en avait pas moins pour le desservir une
chapelle spéciale, dédiée à saint Georges (i). Cette situa-
tion dura jusqu'en 1460. A cette époque, autour du
château fort, s'était formée une agglomération dont
l'importance devait singulièrement dépasser celle de
Goé. « A la demande des échevins, des bourgmestres,
» des consuls ou régens et des bourgeois de Limbourg, »
le prince élu de Liège éleva cette chapelle au rang de
prévôté, en y créant un collège de chanoines. De plus,
la nouvelle église « substituée à l'ancienne paroisse
» de Goé, » obtint sur celle-ci un droit de préémi-
nence (3).
La chapelle de Bilstain fut aussi, à l'origine, dépen-
dante de Goé. Nous trouvons en 1145 mention de
cette chapelle, qui n'était pas antérieure, semble-t-il, au
début du XII*' siècle (4).
( I ) Celle de Bilstain dont je m'occuperai plus loin.
(2) Je rappelle la note de Ernst, signalée plus haut et relative au culte
de saint Georges. Ernst, Histoire du Limbourg, t. I,p. 35, note 2.
(3) Ernst, Histoire du Limbourg, t. I, pp. 34-37. Cette évolution
qui donne à une filiale les droits de Téglise-mère, est certainement cu-
rieuse.
(4) « Anno Dominicae incarnationis MCXLV... Villuia vero Goleche
» dicta erat Heinrici cum familia, absque parte modica, et aecclesia ibidem
— 329 —
Vers la fin du xviii* siècle, elle n'avait pas encore
obtenu tous les droits paroissiaux (i). Cette église de
Bilstain est aujourd'hui dédiée à saint Roch, tandis
quen 1787, elle avait encore sainte Gertrude comme
patronne (2).
Mentionnons pour terminer Téglise des RécoUec-
tines de Dolhain, transformée par le Concordat en
chapelle auxiliaire et devenue succursale en 1884
(Notre-Dame), et la chapelle bâtie au hameau de Hè-
vremont, aussi commune de Limbourg, mais paroisse
de Goé, en 1802 (Sainte-Anne).
XII.
PAROISSE PRIMITIVE DE WALHORN.
La paroisse de Walhorn comprenait primitivement
Eynatten, Hauset, Hergenrath, Kettenis, Raeren et
leurs dépendances (3). C'est précisément à ces mêmes
localités que correspondit, jusqu'à la fin de l'ancien
régime, la circonscription du ban de Walhorn. Si
j'ajoute que, au ix^ siècle, Walhorn, seule localité con-
nue alors pour la région, était villa impériale et centre
» sita erat etiam ejus propria cum cappella quae Bilstein est dicta, cum
» hujus Golensis aecclesiae sit filia». Annales Rodenses, dans Monumenta
Germaniae historica^ SS., t. XVI, p. 717 (25j. La partie des Annales
d'où est extraite cette indication est certainement rédigée d'après des
sources diplomatiques, et nous lisons dans une charte de 1 147 : « ... quam
» decimam sacerdos de Goleche ex integro accipiet et legitimis feriis ad
» capellam Bilstein, quae membrumest ecclesiae in Goleche cantabit. »
MiRAEuset FoppENs, Opéra diplomatica, t. III, p. 709.
(i) Dans un registre de Rescriptiones de Tarchidiaconé du Condroz,
en 17S4, reposant aux Archives de l'évêché de Liège, figure la « capella
de Bilstein ». Sur l'histoire de celte église, voy. Bulletin de la Société
verviétoise d^ archéologie et d'histoire ^\. III (1902), pp. 268-276.
(2) Il n'a pas été possible de déterminer exactement quand se fit le
changement de titulaire, malgré les recherches auxquelles M. J. This-
quen a bien voulu se livrer à ce sujet, sur les lieux mêmes.
(3) Sur l'histoire de ces localités et de celles qui formaient à l'origine
la paroisse de Lontzen, voy. Quix, Beitràge j(u einer,,, Beschreibung
des Kreises Eupen et Rutsch, Eupen und Umgegend.
— .li —
.* ' . ..> . r. manifeste s'imposera.
•^•- , i *i^ns ces limites iden-
^ :l: -lu ressort de la cour
^ r- .T_ .. .a villa impériale qui
:, -^-^vi^^ .z première église et
^ '^^;•^vseàaiT une église au
. '■ -^-- .".: £:ienne fait penser
- . u r^.'t.^martyr les fon-
^•^ ". ^L Fien qu'il ne soit
-^ ^\ r, .r: une entière certi-
^ ^ ^ , ..- r ..r.: pas été étrangers
^ - ■ ^ 7^. .:v3i: compris, en
, ^ .. -. ^ ^ e>:: -aiors que le roi
, ^ ^c^.*^ N.:re-Damed'Aix-
-. - :- \:-,\ »i i:: avril 1076, le
w ,\ r.:: .n précédente, y
^ . , ^ w -.;. sur la localité (4).
- .^T^i^i endobé dans
.V . . . > ^ ' r^^^-a p^as moins,
, V . V ^^ v^ . vc propre.
.^, V \,- ^: cji Jv^r.iîs siècles,
_ , V 2 ^^>. Ci>::e situation
«. • » >•
V V N \ ^
V . »* . ^ ^'
. >« ^ ^ > •■
X o> < V :.i:ent cepen-
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,- c>: a raroisse : à
\ . v.^
. s îv;:::cnîs Sainte-
.. ^ >^l
V . _ . . .s V ,v vo h'î sft' vcr.nrmations.
... vv > , .^, .< .V. V .V . ^ >: vx: >Tiw appartint
viv \^^ ^ . ^ , ^ ^, .V- ^v c ^ \x\>i^'' .A condition dans
, ^^^^ A,, . IV ' ^' i ^^^^s. .. .^*, l*'iu*tJet^ckJurdieGeS'■
». l ^, .,u.. . i i • ».* .u...\,..i. u -'.• , l. l. ,V' U'-U7- Voy. aussi
* ^'m^Umuuu.u X M.'^iV H» nvHcoKMv iiii . n- ^73, /^liem, t. I,
l' . u^MiUiaili lu .iVMli. ^^, n* <i\ t, l, pp. 217-218 et de
— 331 —
De plus, le pouillé de i558 signale, sous Walhorn,
un « Altare Nicolai in Parva villa » et cite, plus loin :
« Villa Parva, ecclesia », avec un « Altare S. Nicolai».
Cette chapelle a disparu et le nom même de Kleinehaus
s'est effacé devant celui de Herrenhaus, que porte ac-
tuellement cette dépendance d'Eynatten.
L'état de la paroisse de Walhorn, au milieu du
XVI* siècle, prouve qu a cette époque la population était
encore assez clairsemée sur son sol. C'est seulement
après cette date que les chapelles que je viens d'énu-
mérer, devinrent le centre de nouvelles paroisses. Celle
d'Eynatten fut érigée à la fin du xvi* siècle; celle de
Kettenis reçut sa consécration le ii août 1648 et, avant
que le siècle ne se fût écoulé, Hergenrath possédait un
recteur spécial. Raeren avait obtenu, à la fin du xvr
siècle également, un oratoire (Saint-Nicolas), élevé au
rang d église dans le premier quart du xvili" siècle. Hau-
set, détaché d'Eynatten, ne constitue une paroisse (Saint-
Roch) que depuis le 11 avril 1861. Six oratoires servent
actuellement d'auxiliaires à ces diverses églises : à Ey-
natten, la chapelle de Berlotte (Jésus, Marie, Joseph);
à Kettenis, celle de Obersteheide (Mère de Douleurs); à
Hergenrath, celle de Kelmis (Saint-Roch); à Walhorn
enfin, celles de Lindchen (Mère de Douleurs), d'Astenet
(Saint-Jean-Baptiste) et de Merols (Sainte-Brigitte).
Xlll.
PAROISSE PRIMITIVE DE LONTZEN.
Entre Walhorn et Baelen se trouvait une paroisse
beaucoup moins considérable que ses voisines, mais
qui cependant en fut toujours bien distincte.
L'église de Lontzen a pour titulaire saint Hubert.
Elle ne peut donc être antérieure à la seconde moitié
du VIII* siècle. Les limites de cette paroisse correspon-
daient à celle de la seigneurie du même nom. Il est
certain que ce domaifie appartenait aux empereurs.
43
— 332 —
L'un d*entre eux, Henri IV, en donna Tavouerie, le
21 avril 1076, à la collégiale Notre-Dame d'Aix-la-
Chapelle 11/ et, jusqu'à la fin de lancien régime, le pré-
vôt de cette église en conserva la possession.
Bien qu enserrée dans le duché de Lim bourg, la
seigneurie de Lontzen panint à sauvegarder son auto-
nomie jusqu'au moment de l'occupation française. La
paroisse actuelle comprend, outre son ancien territoire,
quelques districts qui ressortissaient jadis aux églises
de Montzen et de Henri-Chapelle. A Busch existe un
oratoire érigé en 1696 (Sainte-Anne).
XIV.
PAROISSE PRIMITIVE DE PETIT-RECHAIN.
Il nous reste maintenant à revenir sur nos pas,
pour nous occuper de trois paroisses primitives que
notre marche vers TEst a laissées à l'écart.
La paroisse de Petit-Rechain comprenait à lorigine,
les communes de Grand-Rechain, de Lambermont,
de Dison et de Hodimont. Depuis le xvii' siècle, l'on
trouve deux cours de justice pour cette circonscription :
celle de Petit-Rechain et celle de Grand-Rechain. Une
telle situation semble en contradiction avec les faits ob-
servés jusqu'ici, mais en remontant plus avant dans le
passé, on voit qu elle est toute accidentelle. Au ix*
siècle, Petit-Rechain était le centre d'un domaine ca-
rolingien (2), qui ne cessa pas d'appartenir aux sou-
verains. Si cette circonstance assurait l'intégrité du ter-
ritoire de la seigneurie, elle était aussi de nature à
favoriser une division intérieure, qui semble ne s'être
(i) Lacomblrt, Urkundenbuch fur die Geschichte des NiederrheinSf
n* 227, t. I,pp. 146-147.
(2) c( Ricbeim » donne Tacte du 1 3 juin 888 (Lacomblet, Urkunden-
buchf n** 75, t. I, p. 3ij. Sur cet acte, voy. ci-dessus, pp. 271-272). La re-
constitution de la paroisse primitive permet d'identifier ce vocable avec
Petit-Rechain.
\
k
— 333 —
produite d'ailleurs qu'au xvr siècle. On peut en de-
viner aisément les motifs.
Le Rechain primitif resta très longtemps le plus
important; Téglise paroissiale s'y élevait comme aussi,
sans doute, le château. La dépendance du village qui
en avait pris le nom, grandit d'une façon lente; en i558
elle n'avait encore qu'une simple chapelle, mais portait
cependant, dès lors, son qualificatif distinctif (i). C'est
seulement vers cette époque, semble-t-il, que s'opéra
le démembrement de l'unité primitive. Le roi d'Es-
pagne, sans doute par mesure financière, en fit deux
seigneuries ayant chacune pour centre un des deux
Rechains. L'une fut vendue et l'autre cédée en enga-
gère {%). Malgré cette division, la paroisse se maintint
quelque temps encore dans son intégrité; les localités
qui ressortissaient à la cour de justice de Grand-
Rechain, continuèrent d'appartenir comme les autres
à la paroisse de Petit-Rechain (3). Cette paroisse a pour
patron saint Martin. Elle existait certainement au ix**
siècle. En i558 elle n'avait pas encore subi de dimi-
nution, mais, comme on l'a vu, une chapelle, plus
tard paroissiale, s'était élevée à Grand-Rechain (Saint-
Pierre). Les églises actuelles de Lambermont (Saint-
Bernard), succursale au Concordat, de Dison, succur-
sale depuis i8o5 (Saint-Fiacre), de Hodimont (Saint-
Jean-Baptiste), succursale depuis i833 et de Mont, à
Dison (Saint- Jean- Baptiste), succursale depuis i838,
sont donc de beaucoup postérieures, même comme
chapelles, au milieu du xvi' siècle.
(i) Le fait que Grand-Rechain en i558 ne possédait encore qu'une
chapelle prouve que son accroissement ne datait pas alors de long-
temps.
(2) Voy. A. DE Ryckel, Les communes de la province de Liège, pp. 241
et 466.
(3) U faut en excepter Wegnez, dont je m'occuperai plus loin, et qui
appartenait à la paroisse de Soiron.
— 334 —
XV.
PAROISSE PRIMITIVE DE SOIRON.
Auprès de Petit- Rechain se trouvait la paroisse de
Soiron. Sa circonscription, au xvi« siècle, était encore
celle des origines et englobait les communes actuelles
de Cornesse, de Xhendelesse et de Wegnez. La cour
de justice de Soiron étendait sa juridiction sur ces
mêmes localités |f). A n'en pas douter, c'est encore un
domaine que nous trouvons à la base de ces circons-
criptions communes et ce domaine apparaît, pour la
première fois, au commencement du xr siècle. Le roi
Henri II fit, le i3 août ioo5, donation à la collégiale
Saint-Adalbert d'Aix-la-Chapelle, de la villa de Soiron,
en même temps que de celle de Soumagne (*).
L'acte de Henri II ne parle pas des églises de ces
localités, mais étant donné le titre de paroisse primi-
tive et la qualification de villa attribués à Soiron,
nous sommes en droit de supposer l'existence, à cette
époque, de son église (3). Nous avons d'ailleurs la
preuve de cette existence en 1086 {a).
L'église de Soiron est aujourd'hui dédiée à saint
Roch. Son patronage a donc changé. A l'origine, l'église
se trouvait sous le titre du Très Saint Sauveur. Le vo-
( I ) Sauf en ce qui concerne quelques endroits, parmi lesquels Wegnez.
Relevant au spirituel de Soiron, cette localité faisait partie dans les
derniers siècles, de la seigneurie de Grand -Rechain. Je me borne à
faire remarquer que Soiron et Grand- Rechain relevaient du même su-
zerain, ce qui a pu faciliter Tenchevêtrement de leurs dépendances.
Une étude de détail rendrait sans doute compte de cette légère anomalie;
je ne puis ici qu'indiquer les grandes lignes.
(2; Monumenta Germaniae historica, Diplomata regum et impe-
ratorum Germaniae j n® 102, t. III, p. 127.
'3; Sur cette église et sa paroisse, voy. Peuteman, Promenade à Soi-
ron, Vcrviers, 1902, pp. io5 et suiv. et Bulletin de la Société verviétoise
d'archéologie et S histoire, t. III (1902), p. 386.
'4) Quix, Codex diplomaticus Aquensis, n® 61, p. 43. A cette époque
la vilia était administrée par un villicus et les noms qui suivent celui de
ce personn.ige, dans le texte, sont peut-être ceux des échevins.
— 335 —
cable de saint Roch qui finit par le supplanter, lui fut
sans doute adjoint lors d'une des épidémies qui déso-
lèrent le pays de Verviers au xvir et au xviii® siècles.
Jusqu'à la fin de l'ancien régime, l'église de Soiron
demeura seule à desservir la circonscription primitive.
L'oratoire de Wegnez date de i5i3 ; nous le trouvons
au Concordat, chef-lieu de paroisse (Saint-Hubert).
L'église de Cornesse (Sainte Vierge) qui devint succur-
sale à la même époque, doit son origine à une petite
chapelle fondée en 1694. Elle eut pour auxiUaire la
chapelle de Goffontaine (Saint- Monon), qui fut érigée
en succursale le 21 juillet 1842. L'église de Xhendelesse
fut bâtie en i8o5. Constatons-le une fois de plus, la
paroisse primitive garda longtemps, dans ces régions,
ses limites anciennes. C'est à une époque toute récente
que se produisit son démembrement.
XVI.
PAROISSE PRIMITIVE DE SOUMAGNE.
L'église de Soumagne a pour patron saint Lambert.
Sa fondation se place donc après le premier quart du
viii*" siècle ; or, un précieux texte atteste l'existence de
cette église dès la fin du siècle suivant. Vers 888, les
moines de Stavelot, fuyant les Normands, s'étaient ré-
fugiés au château de Chèvremont avec les reliques de
leur patron. Le danger disparu, ils reprirent la route
de leur monastère. Chemin faisant, ils se détournèrent
quelque peu et se rendirent à Soumagne pour s'y res-
taurer. Selon la coutume, ils placèrent les reliques du
saint dans la « basilique » de l'endroit. Leur repas ter-
miné, les moines se remirent en route. Une foule nom-
breuse les accompagnait. Ils venaient de quitter la
localité lorsque se produisirent plusieurs prodiges, rap-
portés par l'auteur du Miracula sancti Remacli (1). Je
(i) « Per idem tempus [circa annum 888] cum (a) Capremontis cas-
— 336 —
me borne à relever dans cet intéressant récit, la mention
de l'église de Sou magne au ix" siècle.
Son antiquité ne la préserva pas d'un de ces chan-
gements curieux dont j ai déjà signalé un exemple, et
plus tard l'église de Soumagne fut considérée comme
la filiale d'une église à laquelle elle-même avait donné
naissance, celle d'Olne.
Le village d'Olne paraît relativement récent. Comme
il a été dit plus haut, l'empereur Henri II fit, en ioo5,
donation de toute cette partie du pays à la collégiale
Saint-Adalbert d'Aix-la-Chapelle, dont il venait de
fonder le chapitre. Le diplôme de donation mentionne
les seules villas de Soiron et de Soumagne (\).
Olne n'y figure pas. Il paraît bien certain cependant
que son territoire était compris dans cet acte de muni-
» tello, quod Nortmanica nos intrare compulerat infestatio, pacem Do>
» mino favente indepti, una cum beati Remagli corpore fiiissemus re-
» versi ad villam quandam vocabulo Solimanniam (alias Solomanniam),
» aliquantum gustaturi divertimus, locatisque in basilica de more viri
» sancti reliquiis, premissa competenter oratione, festini ad refîtiendum
» accessimus. Siquidem dies festus patroni imminebat, qui nos reditum
» quantotius accelerare cogebat. Soluto itaque ex his, quae in promptu
» habebantur jejunio, resumptis beati viri pignoribus, residuum itineris
» explicare contendimus. Al ubi paululum ab oppido digredimur, pro-
» sequente nos non parva virorum pariter mulierumque caterva, divina
a nobis caelitus apparuere mi racula. . .» Miracula sancti Remacli episcopi
et confessoris, lib. II, § 4, dans Monumenta Germaniae historica, SS,,
t. XV, pp. 440-441. Implicitement, ce récit semble bien confirmer l'opi-
nion qui place la fondation d'Olne postérieurement à celle de Soumagne.
Cette localité a emprunté son nom au cours d*eau qui l'arrose et que Ton
appelle aujourd'hui « ry de Soumagne ». Nous lui trouvons déjà cette
forme en 91 5 « ... et inde ad rivum de Solmania » (Bormans et School-
MEESTERS, Cartulairc de V église Saint-Lambert de Liège, n° x, t. I,
p. 14). Cette manière de désigner le ruisseau suffirait à prouver Texis-
tence sur ses bords, à cette époque, de la localité.
(i) M Villas quoque Soron et Solmaniam in pago Lewa in comitatu...
» sitas. )) Monumenta Germaniae historica, Diplomata regum et impe-
ratorum Germaniae, t. III, n° 102, p. 127. Lacomblet (Urkundenbuch
fur die Geschichte dei Niederrheins, n" 144, t. I, p. 89) donnait la mau-
vaise leçon c( Salmaniam», ce qui le poussait à identifier « Soiron und
Salm inLuttichgaue(arrondiss. Malmedy;. »
— 337 —
ficence envers la collégiale (i). De plus, les chanoines
de Saint-Adalbert attribuaient à Henri II la construc-
tion de l'église d'Olne, qui fut sans doute lorigine du
village. Celui-ci daterait donc du commencement du
XI*" siècle. Il prit probablement une extension rapide et
dépassa en importance l'ancienne localité (2).
Quoiqu'il en soit, dès le début du XIP siècle, l'église
d*01ne, dédiée à saint Sébastien, était paroissiale (3) et
dans son ressort, un acte de juin 1264 place Téglise de
Soumagne (4). Celle-ci ne se libéra que plus tard des
liens de dépendance qui lui avaient été imposés de la
sorte.
La fondation de l'église d'Olne par l'empereur
Henri II et la donation qu'il fit de Soumagne à la collé-
giale Saint-Adalbert, portent à croire que, originaire-
ment, ces territoires appartenaient au fisc, comme les
domaines avoisinants. Vers 1240, les chanoines de
Saint-Adalbert voyant leurs possessions sans cesse en-
(i) J. Stouren, dans V Histoire de V ancien ban d'Olne et de la domi-
nation des Calvinistes dans ce territoire (Bulletin de la Société d'art et
d'histoire du diocèse de Liège, t. VII (1892), pp. 124- 1 25), donne ses vues
sur Torigine d'Olne. J'ai suivi cet exposé et en reproduis même certains
passages.
(2) Peut-être les habitations de Soumagne étaient-elles dispersées,
tandis que la localité nouvelle aura, sans doute, formé un groupement
autour de son église et sera ainsi devenue un véritable centre. Une des
plus anciennes mentions d'Olne, en logS, lui donne la qualification de
vicus : « in vico Alno », et non celle de villa (Halkin et Roland, /?ecwei7
des chartes de V abbaye de Stavelot-Malmedy, n° 129, t. I, p. 264). S'il
est possible d'attribuer à la langue du xi° siècle une précision suffisante,
on conclura de ce passage que Olne formait alors une agglomération
assez importante.
(3) « ... de parrochia Olne, quae sita est in pago Ardenne. w Acte de
Henri V du i3 août iioS, dans Ernst, Histoire du Limbourg, t. VI,
Codex diplomaticus Limburgensis, n° xxx, pp. i i5-i 16.
(4) « ... cum nos olim collationem jurispatronatus ecclesiae de Olne,
» cui fîlialis ecclesia de Soumagne. » Cet acte, cité par Stouren (Bul-
letin de la Société d'art et d! histoire du diocèse de Liège, t. VII (1892),
p. 12 5, note 3), d'après les archives pastorales, avait été publié, assez
incorrectement, par Qyix (Codex diplomaticus Aquensis, n"^ 197,
pp. i3i-i32).
— 338 —
vahies par de puissants voisins, choisirent comme pro-
tecteur le duc de Brabant, qui devint ainsi « seigneur
» hautain du ban d'Olne (i). » Cette suzeraineté laïque
rend très difficile la reconstitution de lancien domaine.
En 1794, les démembrements qu'il avait subis au
cours des siècles avaient fort altéré sa physionomie.
01 ne et ses dépendances formaient alors un ban rele-
vant du Limbourg. Soumagne était le centre d'un autre
ban dépendant du pays de Liège. D autres portions du
territoire de la paroisse primitive étaient attribuées à
des souverains différents : Mont-Saint-Hadelin appar-
tenait à Stavelot, Nessonvaux constituait une enclave
de l'avouerie de Fléron et la Basse- Frai pont était com-
prise dans le bailliage d'Amercœur (2). Malgré ces divi-
sions, un lien maintenait encore entre elles, au xvi*
siècle, ces différentes localités ; à part Soumagne et ses
dépendances, toutes ensemble constituaient une même
paroisse.
Ajoutons à ces deux églises la chapelle Saint- Hade-
lin, dépendant de Téglise dOlne, et nous aurons la
situation de la paroisse en i558. Cette chapelle Saint-
Hadelin devint succursale en 1842.
En 1670, le curé d'Olne, Delva, chassé de ce village
par les Hollandais calvinistes, construisit une église à
Froidheid, dépendance de Nessonvaux, alors pays de
Liège. La nouvelle église fut ouverte au culte l'année
suivante ; elle avait pour patron saint Pierre. Lorsque
les événements politiques lui eurent rendu la libre
disposition de son église d'Olne, Delva se hâta d'y
retourner (3). L oratoire de Froidheid continua de dé-
pendre de la paroisse d'Olne; ce n'est qu'en 1842 qu'il
(i) Ce fut le titre qu'il porta par la suite. Voy. Bulletin de la Société
d'art et d'histoire du diocèse de Liège, t. Vil (1892), pp. 1 32-134.
(2) Voy. la carte de Tancien ban d'Olne en 1794, dans Bulletin de la
Société dart et d histoire du diocèse de Liège, t. VII, pp. 108-109.
(3) Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège,
t. VII, pp. 204 et suiv.
— 339 —
fut érigé en succursale pour Nessonvaux et ses dépen-
dances. Deux ans plus tard, Tédifice élevé par Antoine
Delva fit place à Téglise actuelle.
A la fin du xvir siècle, en 1698, les habitants de
la Basse- Fraipont construisirent une chapelle (i) et la
dédièrent à saint Gilles ; elle devint paroissiale en
1788 (2). De Soumagne se détachèrent, en 1842, Téglise
de Fécher (Saint-Corneille) et celle de Wégimont (Aye-
neux (Saint-Joseph). Comme on le voit, le démembre-
ment de la paroisse primitive sest fait tardivement. Il
ne commence guère qu'à la fin du xvii* siècle; c'est la
preuve de la dissémination des habitations et c'est aussi
la preuve de la rareté de la population aux époques
antérieures (3).
Comme cela a été fait pour les paroisses de l'an-
cien concile de Hozémont, je résumerai en tableau
synoptique les démembrements successifs des paroisses
primitives de ce doyenné.
(i) Bulletin de la Société cTart et cT histoire du diocèse de Liège,
t. Vil (1892), pp. 218-219.
(2) Ibidem, p. 120.
(3) « Même après la séparation de » la Basse-Fraipont, « il y avait en-
core jusque quatre et même cinq prêtres attachés à Téglise d'Olne »
(J. Stouren, dans Bulletin de la Société d'art et d'histoire du diocèse de
Liège t t. VII, p. 120). Nous sommes ici à la fin du xviii" siècle. La situa-
tion signalée par M. Stouren découlait de l'application stricte des prin-
cipes du droit canon ; mais si le développement de la population s'était
manifesté précédemment d'une manière considérable, il est certain que
de nouvelles paroisses eussent, dès lors, été érigées, comme elles le furent
par la suite.
-»**-
44
XVII.
CONCLUSIONS.
Résumons rapidemenl les conclusions auxquelles
nous a conduit cette étude.
La ressemblance parfaite, souvent constatée, entre
la paroisse primitive et la circonscription civile trouve
son explication dans la survivance d'un ancien do-
maine. Au centre de celui-ci fut bâtie Téglise parois-
siale et ce même centre vit aussi s*élever le château.
L*unité économique a donc donné naissance à la sub-
division politique et à la subdivision ecclésiastique.
Tombée entre les mains dun seigneur puissant, la
villa a pu conserver son étendue ancienne et c'est pour-
quoi dans le ban, dans la seigneurie ou dans lavouerie
souvent nous retrouvons, à dix ou onze siècles de dis-
tance, le territoire de quelque /w«rfw5 carolingien. S'il
est évident qu'une sérieuse vérification s'impose pour
chaque cas, on peut cependant dire, en général, que la
reconstitution de la paroisse primitive fournit ainsi
du même coup, la reconstitution de l'ancien domaine.
Cette constatation qui n'est pas sans valeur au point de
vue de la géographie historique, a permis de dresser
la carte des domaines carolingiens de l'Est de notre
province (i). Dans le doyenné de Saint-Remacle sept
domaines appartenaient au ix* siècle au fisc (Jupille,
(1) Voy. la carte n° IV.
TABLIITIVES
Chênée porêt Souverain- Bellaire Bois-
Wandre de-Breux
Vaux-sous- Chaudfontaine Embourg Btphjer. Fonds-de-
Chèvremont lîîQîîr "Forges Forêt
— 341 —
Herstal, Sprimont, Theux, Baelen, Walhorn, Petit-
Rechain). Quatre autres devaient aussi en dépendre
dès cette époque, car nous les trouvons, par la suite,
au nombre des possessions impériales (Hermalle, Lont-
zen, Soiron et Soumagne). Enfin, une autre subdivi-
sion n est, à mon avis, qu un démembrement fort an-
cien d*une unité primitive (Louveigné).
Le lecteur s'étonnera peut-être de cette abondance
sur un espace si restreint de possessions de TEtat. Qu'il
se garde cependant de conclure à une situation partout
analogue. Cette abondance tient ici à des conditions
spéciales ; la nature du sol et sa configuration en four-
nissent l'explication. Les landes et les forêts qui cou-
vraient au X* siècle le district de Theux, les bois consi-
dérables qui occupaient au XI IT siècle encore, en grande
partie, le reste du doyenné de Saint-Remacle, la créa-
tion récente de la plupart de ses paroisses, enfin l'état
actuel du pays, tout s'accorde à montrer qu'il devait
toujours être au xvi* siècle, peu habité. Fortement
mamelonné, son sol généralement peu fertile et dans
certaines parties même véritablement rebelle, se prête
mal à la culture. De ces mauvais terrains, l'Etat est
le propriétaire né et la situation, que nous constatons
aux ix* et X* siècles, plonge ses racines dans un passé
lointain.
De la nature et de la configuration du sol découle
également Thistoire de sa colonisation. La culture
locale, jusqu a une époque relativement récente, était
dabsolue nécessité. Les premiers habitants s'établirent
aux endroits qui pouvaient le mieux répondre à leurs
besoins. Les plaines, les vastes plateaux à culture facile
et les vallées de rivières qui fournissaient, en outre, un
moyen aisé de communication, reçurent d abord leur
population. Aussi, dans nos régions, les bords de la
Meuse présentent-ils les plus anciennes traces d'occu-
pation ; il en est de même pour la Hesbaye qui vit son
sol habité dès avant l'époque romaine. Pendant de
— 342 —
longs siècles, on put se contenter de cette prise de pos-
session restreinte et laisser aux ombrages des forêts les
parties mouvementées. Plus tard, il fallut trouver à la
population croissante des sources nouvelles de subsis-
tance. L'homme s'établit dans un pays fertile encore,
mais où les accidents du terrain rendent la culture
moins aisée. L'habitation se place alors dans les petites
vallées, non pas dans le fond, souvent marécageux,
mais à la racine du coteau qui la protège, ou encore
vers la source des ruisseaux (i); l'emplacement des
centres primitifs de paroisse et des plus anciennes loca-
lités est typique à cet égard; un simple coup d'oeil jeté
sur la carte suffira à édifier le lecteur.
Après ce que nous venons de dire, on comprendra
aisément que le concile de Saint- Remacle, situé presque
tout entier dans une contrée montagneuse, ait été colo-
nisé tardivement et possède une population disséminée.
C'est à ces causes qu'est due la rareté de ses paroisses
encore au xvr siècle. Ici apparaît clairement la diffé-
rence que présentait le doyenné de Saint-Remacle avec
d'autres parties du pays. En Hesbaye, chaque village,
pour ainsi dire, constitue à cette époque une paroisse,
depuis longtemps déjà ; s'il a des dépendances, ce qui
est rare, chacune de celles-ci est bien groupée et pos-
sède, tout au moins, une chapelle, souvent une église
paroissiale. Dans le doyenné de Saint-Remacle, la
paroisse, au xvr siècle encore, s'étend sur une vaste
circonscription et comprend, outre le centre, de nom-
breuses dépendances et beaucoup d'habitations iso-
lées (2).
( 1 ) (.'importance de l'hydrographie dans la formation des aggloméra-
tions, se marque suffisamment par ce fait que beaucoup d'entre elles em-
pruntèrent leur nom aux cours d'eau sur lesquels elles s'établirent. Nous
en avons cité divers exemples; on en trouverait bon nombre d'autres
dans KuRTH, La frontière lirif^uistique en Belgique et dans le Nord de
la France, t. II, pp. 95-98 et aussi t. I, pp. 439-460, /?fl55f m et p. 564.
(2) Cet aspect du pays avait frappé un ingénieur militaire français,
du nom de Franquel, qui, en 1 748, séjourna à Spa. Le passage de son
— 343 —
Au IX® siècle, nous trouvons dans le concile de
Saint- Remacle une quinzaine de paroisses ; en !558,
elles étaient trente-six; aujourd'hui ce territoire en
compte cent vingt-quatre, réparties entre quatre-vingts
communes, avec, environ, 385, ooo habitants. Com-
ment se fait-il que la population de cette contrée, dont
l'accroissement fut si lent pendant de longs siècles, ait
atteint aujourd'hui un développement relativement con-
sidérable et que, partant, tant de paroisses nouvelles
aient été créées ?
Le mouvement d'augmentation se dessine surtout
dans la seconde moitié du xvir siècle, s'accentue au
XYIII** siècle, pour atteindre à l'époque moderne, son
complet développement. Sans doute, on pourra lui
donner pour cause l'augmentation générale de la popu-
lation dans notre pays; pressés comme nous le sommes,
nous devons forcément occuper jusqu'au moindre coin
de terre.
Cette explication ne serait pas sujffisante. C'est sur-
tout au changement des conditions économiques qu'est
dû le peuplement plus dense. Tout dabord, l'introduc-
tion de certaines cultures, ensuite le perfectionnement
des moyens agricoles, ont permis d'utiliser des terrains
peu fertiles restés jusqu'alors forcément en friche.
D'autre part, nos facilités modernes d'échange amènent
aujourd'hui aisément des pays agricoles, les céréales
Journal que je vais citer, et qui sent bien son époque, a été écrit au sujet
des environs de la cascade de Coo, mais peut s'appliquer à bon nombre
d'endroits du pays avoisinant. Voici ce texte : « Ce pays, comme on Ta
» dit, extrêmement sauvage sembloit à tout moment et à mesure que nous
» cheminions, présenter des beautés qui excitoient notre curiosité. Il n'y
)) a proprement que les vallons d'habités. Il est cependant amusant pour
» la diversité des objets qu'il offre à la vue ; on trouve peu de monde sur
» les hauteurs, les habitations y sont mêmes semées de loing en loing
» et il n'en est peu, qui ne soient établies sur un ruisseau d'eau vive,
» courantes, bordées de fleurs, et revêtus de tous les charmes naturels
» dont étoient accompagnés les fontaines qu'habitoient les neimphes de
» l'ancien tems. » Bulletin de la Société des Bibliophiles liégeois, t. VI
(i9o3), p. 176.
— 3tt —
que Ion était autrefois forcé de cultiver sur place. Cette
circonstance a encouragé le développement de llndus-
tine pastorale, à laquelle suffisent des terrains impropres
au travail des champs, et qui trouve un débouché com-
mode dans les centres aaziomérés, actuellement multi-
plies et rapprochés. N'ayant plus à compter avec les
anciennes exigences, l'homme peut s'adonner à la pro-
duction manufacturière et métallurgique: les usines de
la vallée de la V'esdre et des vallons tributaires font
subsister des populations considérables.
Les modifications apponées par le Concordat au
régime des paroisses expliquent aussi, en partie, leur
constante multiplication.
En ce qui concerne le culte des saints, les résultats
auxquels nous avons abouti, confirment pleinement ce
qui en a été dit au sujet du concile de Hozémont. Au
surplus, ces résultats devant ser\'ir de base à de nou-
velles études, il est inutile de nous y arrêter quant à
présent. Bornons-nous à dresser la liste des patrons des
paroisses primitives qu'il importe surtout de retenir :
Saint Sauveur «Soiron» n ; Sainte Vierge tHerstal);
saint Pierre [saints Alexandre et Hermès] \Theuxï ;
saint Paul t.Baelen) ; saint Etienne tWalhorn) ; saint
Martin lAvroy *i\ Sprimont, Sougné» Petit-Rechain^;
saint Amand (Jupillej; saint Remacle \Louveigné> ;
saint Léger (Tiltf; ; saint Lambert \Hermalle, Sou-
magne;; saint Hubert (Lontzen).
Joseph BRASSINNE.
I ■ Aujourd'hui saint Rodu
• 2 A présent Saintc-Vcroniquc.
■ > < "
ROUILLÉ DE L'ANCIEN CONCILE DE SAINT-REMACLE
Le pouillé de i558 représente le dernier état de
l'ancien diocèse de Liège, dans ses limites primitives,
à la veille de son démembrement. C'est à ce titre, que
je l'ai choisi comme, base de ces recherches. Le ma-
nuscrit original de cet important document repose au
dépôt des archives de TEtat, à Liège. Il a fourni le
texte que l'on pourra lire ci-dessous (i). Quelques indi^
cations sont nécessaires sur la manière dont il est
reproduit.
La première colonne, dans cette édition, contient
les indications du manuscrit. Lorsque le nom d une
chapelle suit immédiatement le nom de l'église à
laquelle cette chapelle ressortissait autrefois, il a été
imprimé légèrement en retrait.
Dans la seconde colonne, on trouvera d'abord la
(i) Le pouillé de i558 a été publié entièrement par C.-B. de Ridder,
dans les Analectes pour servir à P histoire ecclésiastique de la Belgique,
t. I-III (1864- 1866). La partie relative au concile de Saint-Remacle
figure au t. III, pp. 170-174.
— 346 —
forme moderne du nom de la localité mentionnée dans
le pouillé. Si cette localité est aujourd'hui dépendance
d'une commune, le nom de cette commune est indiqué
entre crochets. Puis vient, entre parenthèses, l'indica-
tion du doyenné auquel appartient maintenant l'église
ou l'oratoire cité ; et enfin, en italique, le nom du titu-
laire actuel.
Divers autres documents du même genre ont été
consultés pour cette étude. Je citerai particulièrement
les suivants :
MANUSCRITS
Fouillés de Varchidiaconé du Condroj. iSçS-iSçy. Fol. de28i ff.
Registrum archidiaconale. Condrusium. Rescriptiones et jura
institutionum. i6i5'i626. Fol. de 221 ff.
Registrum archidiaconatus Condrosii. Institutiones, 1734-
1754. Fol. de 265 ff.
Registrum rescriptionum archidiaconatus Condrosii. 1784, 40.
Registrum concernens visitationes ecclesiarum Condrosii archi-
diaconatus. i6ç8'i754. Fol. de 211 fif. (Les visites du concile de
Saint- Remacle sont de Tannée 1698).
Tous ces documents se trouvent aux Archives de TEivêché de
Liège. Cest aux bons soins de Mê^ Monchamp, président de la
Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège, à qui je suis heu-
reux d'offrir mes bien vifs remerciements, que je dois d'avoir pu les
consulter (i).
IMPRIMES
Pouillé de 1S48 (J. Daris, Histoire du diocèse et de la prin-
cipauté de Liège depuis leur origine jusqu au XIII^ siècle, pp. 725-
726).
Pouillé du XVIII' siècle (J. Daris, Histoire du diocèse et de
la principauté de Liège de 1724 à 1882, t. I, pp. 14-1 5).
( I ) Qu'il me soit permis d'exprimer le vœu de voir bientôt classées
ces intéressantes archives, de façon que les travailleurs puissent y avoir
plus aisément accès. J'aurais vivement désiré pouvoir reproduire certains
des textes que j'ai utilisés. L'autorisation ne m'a point été accordée. Je
m'en console quelque peu en pensant que, sans doute, nous devrons
bientôt à Messieurs les Séminaristes qui s'adonnent à Thistoire, un recueil
complet de ces importants documents : j'ai, du moins, eu la joie d'en
recueillir l'assurance dune bouche autorisée.
— 347 —
Fouillé (TArgenteau de MehaignCy du milieu du XVllP siècle
(Bulletin de la Société d'art et d'histoire, t. XV (1904) (sous presse),
pp. 44-46).
fBENEFICIA CONCILII SANCTI REMACLI
ASSENEUR, ecclesia, v. 20 m. (1). Esneux (Sprimont). S. Pierre,
FaNTINNES, capella. Fontin [Esneux] (Sprimont).
Notre-Dame.
Capella de Plennevaulx, v. 8 Plainevaux (Seraing-sur- Meuse),
mod. (2). S** Barbe,
AVROTUM, ecclesia, sive AVROIT, Sainte- Véronique, à Liège (Liége-
V. 5o mod. Saint-Jacques). 5** Véronique.
Altare Marie Magdalene et
Egidii, V. 9 mod.
Balen sive Bealis, ecclesia, v. Baelen (Montzen). S. Paul.
200 mod.
Altare Nicolai et Marie.
Altare Katherine.
Altare Crucisin EUSPEN, sive Eupen (Eupen). S. Nicolas.
EUPEN.
Matricularia annalis.
Altare Johannis Ewangeliste.
BOLLAN, ecclesia, v. 40 mod. Bolland (Hervé). 5. Apollinaire.
Altare Marie sive Anne novi-
ter fundatum, v. 4 mod. (3).
Matricularia annalis.
Altare Katherine, v. 18 mod.
CHAYNEE, ecclesia, v. i5o mod. Chénée (Soumagne). S. Pierre.
Altare Marie et Crucis, v. 20
mod.
Altare Nicolai, Katherine et
Barbare, v. 14 mod.
Matricularia annalis.
DiEUPART, ecclesia, v. 5o mod. Dieupart [Aywaille] (Sprimont).
Altare Georgii et Anne. SS. Anges gardiens.
Matricularia annexa altari Cru-
cis, Sebastiani et Anthonii.
Altare Johannis Baptiste et Ni-
colai novum.
(i) V. signifie valet; mod., modios.
(2) Le manuscrit fait figurer Plainevaux après Baelen.
(3) Et non i3 mod., comme lisait De Ridder.
45
— 348 —
FleroN, ecclesia, v. 5o mod. Fléron (Soumagne). 5. Denis.
Vicaria ibidem, v. 40 mod.
Matricularia annalis.
FOREST, capella, v. 20 mod. Forêt (Soumagne). S^ Catherine.
Franchimont, capella. Château de Franchimont[Theux].
Altare Quintinii in Capon (i). S. Jean-Baptiste (2).
Fantin, capella ante... in... Fontin (3).
Fettinne PROPE LeODIUM, Fétinne, à Liège (Liége-Saint-
ecclesia, v. 5o mod. Nicolas). S. Vincent,
Altare Johannis Baptiste, ibi-
dem.
Capella de ANGLEUR. Angleur (Liége-Saint-Nicolas).
S, Rémi,
GRIVENGNEE,appendixdeSancto Grivegnée (Liége-Saint-Nicolas).
Remaclo . Notre-Dame.
Altare Johannis Baptiste et
Ewangeliste.
Altare Crucis.
Altare Martini, Katherine et
Barbare, dico altare Crucis,
V. 12 mod.
GOILHEZE, ecclesia, unita cum Goé (Limbourg). S. Lambert.
Lemborgh, appendix, v. 40 m.
Herstallium, ecclesia, v. 120 Herstal (Liége-Saint-Barthé-
mod. lemy). Notre-Dame.
Altare Johannis Baptiste.
Altare Nicolai.
Altare Martini et Egidii.
Altare Sancte Anne, v. 10 mod.
Altare Sancti Lamberti.
Matricularia annalis.
Altare Marie de novo funda-
tum.
Capella Sancte Anne.
Hermalle, ecclesia. Hermalle-sous-Argenteau (Visé).
Altare Marie. S. Lambert.
Altare Nicolai, v. 14 mod.
Altare Katherine, v. 20 mod.
Matricularia annalis.
(1) Je n'ai pu identifier ce nom.
(2) Cette chapelle a disparu.
(3) Cette localité se trouve déjà citée plus haut (p. 347).
— 349 —
Henrici CAPELLA, ecclesia, v. Henri-Chapelle (Montzen).
40 mod. 5. Georges.
Altare Anne.
Altare Marie novum, v. 20 m.
Altare Nicolai, Marie et An-
thonii.
HOMBROUX. Hombroux [Alleur] (\),
JUPPILHE, ecclesia incorporata Jupille (Liége-Saint-Nicolas),
ecclesie d'Aix. S. Amand.
Vicaria, v. 5o mod.
Matricularia perpétua, v. 20
mod.
Altare Katherine, v. 10 mod.
Altare Marie et Barbare.
Altare Anne et Vincentii, v. 4
mod.
Kykenpoix. Kinkempois [Angleur] (2).
Altare Katherine et Barbare.
LymborCH. Limbourg (Limbourg).
Altare Anne. S. Georges.
Altare Crucis.
Altare Johannis Ewangeliste.
Capella ibidem.
Altare Passionis Domini.
Altare Johannis Baptiste.
Altare Sancti Jacobi, v. i5 m.
Altare Sancti Pétri et Pauli.
Matricularia.
LOUWENGNEES, ecclesia, v. 40 Louveigné (Sprimont). 5. /Pe-
rnod, macle.
LONCHINS, ecclesia prope Lem- Lontzen (Eupen). S. Hubert.
borch, V. 80 mod.
Oyne, ecclesia, v. 5o mod. Olne (Soumagne). S. Sébastien.
Capella Sancti Hadelini, Saint-Hadelin (Olne).
V. 18 mod. 5. Hadelin.
Altare Sebastiani, v. 6 mod.
Matricularia annalis.
Oneux, ecclesia sive capella. Oneux[Theux] (Spa).5. Georges.
REMACLI ecclesia, pons amari Saint- Remacle, à Liège (Liége-
cordis, V. 45 mod. Saint- Nicolas). S. Remacle.
( I ) Et non Hombourg, comme l'identifiait De Ridder. Aucune de ces
deux localités n'appartenait, d'ailleurs, au concile de Saint-Remacle.
(2) Cette chapelle a disparu.
— 350 —
Altare Marie.
Altare Crucis, v. 32 mod.
Altare Johannis Baptiste.
Altare Nicolai.
Altare Marculphi . i),y. 4 mod.
Altare Johannis Baptiste et
Ewangeliste.
RiCHAN PARVA, ecclesia et ma- Petit- Rechain (Limbourg;.
ter de Richain magna, v. 40 5. Martin,
mod.
Altare Nicolai et Katherine,
V. 26 mod.
Altare Huberti et Anne, v. 4
mod.
Capella in RiCHAiN MAGNA. Grand-Rechain (Verviers).
Matricularia annalis. S. Pierre,
RiCHELLE, ecclesia, v. 3o mod. Richelle (Visé). S. Firmin.
ROBERMONT, ecclesia. Robermont [Grivegnée] (3;.
Altare Johannis et Eligii.
Altare Sancti Stephani.
SaRTUM JUXTA Jalheam, v. 134 Sart (Spa). 5. Lambert,
mod.
Altare Katherine et Barbare.
Matricularia.
Altare Anthonii, v. 6 mod.
Altare Egidii et Anne in Jal-
heau, V. 3o mod.
SOMANGNEE, ecclesia, v. 54 mod. Soumagne (Soumagne). S. Lam-
Matricularia annalis. bert.
SOYNGNEE, ecclesia, v. 80 mod. Sougné [Ajrwaille] (Sprimont).
Altare Martini, Katherine et Notre-Dame,
Barbare.
Matricularia annalis.
Capella Marie, Johannis» Bar-
bare et Katherine nova.
SOYRON, ecclesia. Soiron (Verviers). 5. Roch.
Matricularia.
SORON (3), ecclesia, v. 40 mod.
Matricularia.
(i) Le manuscrit porte Malcolphi.
(2) C'était réglise du monastère de ce nom.
(3) De Ridder lisait Soren. Ce mot a été raturé.
— 351 —
SprIMONT, ecclesia. Sprimont (Sprimont). S, Martin.
Altare Barbare et Anne, v. 6
mod.
Altare Johannis Ewangeliste,
Nicolai et Bastiani, v. 1 2 mod.
Capella de LINCHEZ, v. 9 mod. Lincé [Sprimont] (Sprimont).
Matricularia annalis. 5** Anne,
Sancti Germani in Sancto.
Cristophoro ecclesia (1).
Sancte Margarete PROPE Sainte-Marguerite,à Liège (Liége-
Leodium ecclesia. Saint-Martin). ^'•Afar^eri/e.
Sancte Gertrudis PROPE Sainte-Gertrude, à Liège. 5** Ger-
Leodium ecclesia. trude (2).
CENEY, ecclesia (3). Chênée.
Sancti Cristophori PROPE Saint-Christophe, à Liège (Liége-
Leodium ecclesia. Saint-Jacques). 5. Christophe.
Sancti Servatii in Sancto Saint - Servais , à Liège (Liége-
Christophoro ecclesia. Saint- Martin). S, Servais (4).
Sancti Laurentii. Saint- Laurent, à Liège (5).
Altare Marie.
Sancte Barbare capella le- Sainte- Barbe, à Liège (e).
PROSORUM.
Tectis ecclesia, V. 200 mod. Theux (Spa). SS. Hermès et
Altare Marie Magdalene. Alexandre,
Altare Jacobi in POLLEUR. PoUeur (Spa). 5. Jacques.
Altare in foro de FRANCHI- Marché [Theux] (Spa).
MONT. S. Nicolas (7).
Altare Anne in Tectis, v. 1 2 m.
Matricularia, altare Johannis
Baptiste.
Capella de Oneux, v. 12 mod. Oneux (8).
Capella Dellere (9). La Reid (Spa). S. Lambert.
(i) Liège ne possédait pas d'église Saint-Germain.
(2) Cette église a disparu.
(3) Cette localité a déjà été citée plus haut (p. 347).
(4) L*église Saint-Servais se trouvait dans Tarchidiaconé de Liège.
(5j II s*agit de Téglise de Tabbaye bénédictine de ce nom.
(6) La chapelle Sainte- Barbe appartenait à Tarchidiaconé de Liège.
(7) C'est encore aujourd'hui une chapelle dépendante de l'église de
Theux.
(8) Cette localité se trouve déjà citée plus haut (p. 349).
(9) Le manuscrit place cette mendon immédiatement après Tilff.
— ^2 —
TiLEUR, ecclesia. Tilleur (Liége-Saint-Jacques).
Matricularia annalis. 5. Hubert,
TiLVES, ecclesia. Tilff (Seraing-sur-Meuse).
5. Léger.
Wailhory, ecclesia, V. loomod. Walhom (Eupen). S. Etienne,
Capella de Enaten, sive Yna- Eynatten (Eupen). 5. Jean-Bap-
TEN. tiste,
Altare Cnicis.
Capella de Cathenis. Kettenis (Eupen). 5** Catherine.
Capella de HerckeNROEDE. Hergenrath (Eupen). S. Martin.
Altare Nicolaiin Parva VILLA. Herrenhaus [Eynatten].
S. Nicolas (i).
Verviers, ecclesia, v. 120 mod, Verviers (Verviers). S. Remacle.
Altare Anne.
Altare Marie et Johannis Bap-
tiste, V. 34 mod.
Altare Marie novuni,v. 5 mod.
Altare Katherine, v. 12 mod.
Altare Crucis.
Altare SancteAnnedeCANTO- La Chantoire [Andrimont].
NIA, V. 10 mod. S*' Anne.
Altare in Stember (î). Stembert(Limbourg). S, Nicolas.
Altare Barbare, ibidem, v. i
mod.
Wandres, ecclesia, v. 5o mod. Wandre (Visé). S. Etienne.
Matricularia annalis.
Villa parva, ecclesia. Herrenhaus (3).
Altare Sancti Nicolai.
VUIGNIES, ecclesia, sive VlWEN- Vivegnis (Liége-Saint-Barthé-
GNIS, V. 3o mod. spelt. lemi). S. Pierre.
Altare Katherine.
DECANUS PRO SUO DECANATU :
GOYE. Goé (4).
Altare Crucis, ibidem.
Ibidem, altare Johannis Bap-
tiste.
Ibidem, altare Passionis.
Matricularia hincinde annalis.
(i) Cette chapelle a disparu.
(2) Dans le manuscrit Stembert figure avant Verviers.
(3) Herrenhaus a déjà été mentionné plus haut.
(4) Voy. ci-dessus, p. 348.
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TABLE DES MATIÈRES
Aalburg, 256.
Abélard (Ch2iT\ts), 5o.
AdseuXy 307.
Aineffe, 177.
Aix-la-Chapelle, i65, 213,272, 293.
— La collégiale de Notre-Dame,
172, 189, 191, 192, 194, 196, 2l3,
214, 271, 275, 280, 281, 288, 291,
293, 3o5, 3io, 325, 33o, 332. —
La collégiale de Saint-Adalbert,
334, 336, 337.
Albéron 7*^, évêque de Liège, 256,
273, 282.
Alberg (Adolphe d'), prince-abbé de
Fulde, II, 17.
Albergati, nonce du pape à Liège,
226, 233.
Albert, archidiacre de Liège, 189.
Aldor, 259.
Alexandre III, pape, 184, i85, 187,
188, 195, 200, 212, 217.
Alfter, archéologue et vicaire à Co-
logne, 23.
A Heur, 349.
Alsace (Thomas-Phihppe d*), arche-
vêque de Malines, 19, 62.
Aliéna, 256.
Altlinster, 323.
Amand (sdiml), évêquede Maestricht,
270, 271, 273.
Amand des Dunes (Saint-), 45.
Amber, 259.
Ambroise (Saint-), 58, 60.
Ambron, 263, 264.
Ambrona, 253.
Amburn, 257, 258.
Ambumia, 251-266.
Amer cœur, 276, 277, 284.
Amern-Sint-Georg, 263.
Ammonius d* Alexandrie, 58.
Andenne, 283.
i4«^r^ (Saint-), 172, 173, 211.
— curé de Saint- Jean-Baptiste à
Liège, 246.
i4 «^rea5, prêtre de Saint- Jean-Bap-
tiste à Liège, 240.
Andrimont, 3x6, 3 18, 32o.
Angélus, i32.
Angelramme, archevêque de Metz,
25l.
Angleur, 263, 296, 298, 3oo, 3oi,
348.
Anseghem, 324.
Anségise (labbè), i63.
Anvers,^, 94, 122, i23.
Apollon, 26.
— 354 —
Apulum, 5i.
^^i/avfVa (le cardinal), 127.
Arbrido, 294.
Ardennes (les), 161.
Are^^o, 127.
Argenteau, 214, 293.
— (les seigneurs d'), 196.
Arnauld, 42.
Arnay, 228.
^r«w//'(le roi), 272.
Arras, 261, 263.
Aschaffenbourg, 143.
Assent, 25y,
Astanoet, 3o2.
Astenet, 33 1.
i4/rjo (Théodore de), 21 5.
Aubel, 167, 181, 208, 210.
Aubin, 206, 207.
Augsbourg, 129.
i4ttrè/e (saint), 1 19.
i4u^e/ (Jean- Frédéric, comte d'), gou-
verneur du pays de Luxembourg,
3, 27, 3o, 33.
Auturiy 3oi.
Auxerre (les Prémontrés d'), 44, 45.
Averbode, 25g.
idjrqr (la paroisse), 293-301 ,344,347.
Awafiy 307, 3o8.
Awans (Philippe d'), maître de l'hos-
pice Saint-Abraham à Liège, 224,
225, 227, 229, 246, 247.
Axhe (Grand-), 263.
Ajru/aille, 307, 324, 339, 347.
Baelen, 3iy, 325-329, 33 1, 341. 344,
347.
Baillos (Henri), 21 5.
Ballonfeaux (de), 3i, 46.
Baluse, 35, 37, 39.
Battage, 3o.
Banneux, 307.
Banti (le monastère de), 91.
Barberini (le théologien B.), 20, 127,
134.
Barchon, 191,208,210,211.
Barre de Beaumarchais (Antoine de
la), 22.
Bàrsch (Georg), historien, 23, 24.
Basile (saint), 93.
Bastian, avoué de Richel, 2x5.
Baur, 22.
Bavière (Ernest de), prince-évêque de
Liège, 2o3. — (Joseph-Clément
de), id., 5. — (Maximilien-Henri
de), id., 237, 289. — Maximilien-
Emmanuel de), 28.
Beaufays, 270, 274, 277.
Beaumont (le château de), 3o3.
Becco, 321, 322.
Beckman , doyen du chapitre de Saint-
Jean, 1 14.
Begge (sainte), 18.
Béguines (les). Leur origine, 17, 18.
Bellaire, 274, 279.
Benoît (saint), 94.
Benoît (l'Ordre de Saint-), 6, 8, 75.
Berghes (Georges- Louis de), prince-
évêque de Liège, i35
Berlière (Dom Ursmer), O. S. B., 2,
24.
Beriingen, 26, 263, 265.
Berlotte, 33 1.
Berneau, 173, 211.
Bessel (Jean), abbé de Goettweih, 81,
82.
Beyne, 275, 277.
Bier^es (Jean dit de), 242.
Bilstain, 323, 324, 325, 328, 329.
Binterim, 174.
Birresborn, 259.
Biaise (VabbaLye de Saint-), 81, 89.
Blankenheim (le comte de), 1 10.
Blegny, 191, 208, 211.
Blendeff, 3o5.
Blende^, curé de Saint-Jean- Baptiste
à Liège, 247, 3o5.
Bocard, chanoine de Saint- Denis à
Liège, 239.
BoiS'de-BreuXy 274, 278.
— 355 —
Bolland, 288, 347.
Bologne, iSg.
Bombay e, 172, 173, 174, 206, 207,
21 1.
Bona (le cardinal), 140.
Boneai (Pierre dit),échevin de Liége^
242.
Bonhomme (Françoise, évêque de
Verceille, nonce à Liège, 218.
Boni/ace (saint), 64, 72, 77, 88.
Bonister, 323.
Borcette (labbaye de), 172.
Bosquet, libraire, à Genève, 73.
Boucherai, 39.
Boudot (Jean), 39, 41.
Bouillart (Dom), 1 19.
Bourbon (Louis de), prince-évêque de
Liège, 225.
Brandt (Xavier), jésuite, 129.
Brear (Guillaume), dit de Fexhe, 248.
Breberen, 259.
Bresler (le baron de), 102.
Bressoux, 270, 277.
Breudbeur, 259.
Brieux (SaLÏnt-), 120.
Brogel (Groote-), 256.
Brouwerus (le Père), 56, 63,
Bruchsall, 147.
Brûggen, 263.
Brus, 177.
Bruxelles, 94, 95, i25. — (la Cour
de), 201, 208, 210.
Buchels (Jean), 21, 145, 146.
Buckenburg, 259.
Budeken, 5y,
Buevon, fils d'Ogier le Danois, 317.
Burleus(àQ), 33.
Busch, 332.
Buttlar (Constantin de), prince-abbè
de Fulde, 9, 10, 84.
Buvingen, 256, 262.
Ca/mef (Dom), 1 5, 21, 24, 77.
Cambridge, 72.
Gimpme (la), 161, 176.
Carlsburg, 5i.
Carnier (J.), \Sy, i58, 159.
Canistrata (Herbert de), 242.
Celle, 154.
Cesarini (le duc), i36.
Chaineux, 188.
Chambralle, 307.
Chamillard (le Père), jésuite, 3i, 34.
Chantoire (la), 3 18.
Chanxhe, 3o6.
Chapeaville, 27.
Charistalius, 286, 287, 291.
Charlemagne^Sg^ 162, i63, 164, i65,
172, 173, 175, 176, 177, 178, 187,
211, 287, 288, 290, 291.
Charles le Chauve, 89, 261 , 293.
— le Hardi, 3o.
— Martel, 271, 290.
— le Simple, 290, 3i i.
— VI, empereur, 33.
Charleville, 40.
Charneux, 188, 198, 322.
Chaudfontaine, 270.
Chênée, 273, 274, 277, 279.
Cheratte, 287.
Chevalier, libraire, à Luxembourg,
28.
Chèvremont, 274, 281,291,292, 335,
347.
C/rmf/a/ie (Jean- Baptiste), 104, i36,
l52.
Christine (la reine), 60.
Chrysostôme (saint), 86, 87, 93.
Cienfugos (le cardinal), 79.
Ciney (le concile de), 270.
Clément (saint), 256.
— XII, pape, 20, 127.
Clermont, 188.
— (Wéry de), seigneur d^Esneux,
3o2.
Clonckart, 141.
Clouse (La), 208.
Cobern, 258.
Cobrunum, 258.
46
— 356 —
Colonster, 277.
Cologne, 23, 67, 81, 104, 106, 107,
108, 118, 154, 170, 174, 269, 280.
— (Henri de), 229, 240.
Compiègne, 12,98.
Condro:[ (le), 194.
Conrad, curé de Saint-Jean-Baptiste
à Liège, 242, 243, 246.
Conrard III, empereur, 33o.
Constance (le concile de), 40.
Contad (de), 36.
Conteyo (J. de), prévôt du chapitre
de Saint-Lambert à Liège, 242.
Coquaifagne, 322.
Corbie (l'abbaye de), 62, 63,65, 263.
Cor doue y 1 19.
Corneille (Fabbaye de Saint-), à Com-
piègne, 12, 85, 98, 99.
Cornéli-Munster, 172, 284.
Cornemont, 307.
Cornesse, 334, 335.
Cornillon (les Prémontrés de), 273,
275.
Corsini (Laurent), 127, i35.
Cotelier, 39, 41.
Coûtant (le Père), 79.
Crassier (Guillaume-Pascal, baron
de). Sa correspondance avec Tabbé
Schannat, i-i 59. — (Etienne- Fran-
çois-Joseph, baron de), chanoine
de Saint-Martin à Liège, 108, 109.
— (Guillaume-Jean-Joseph, baron
de), 145. — (Louis, baron de), 2.
— (William, baron de), 2. —
(Marie- Pentecôte, de), épouse de
Guillaume, baron de Moreau, 3o,
114.
Crémone, 139.
Creppe, 32 1, 322.
Dachery (Dom Luc), 37, 40.
Dalberg (Adolphe, baron de), prince-
abbé de Fulde, 84, 1 54.
Dalheim, 29.
Dalhem, Le comté, 175, 181, 206.
Dalhem. La paroisse, 2o3, 204, 2o5,
206, 218, 221.
— Le pays, 171, 172, 175, 189, 2o3,
206, 210, 211, 218, 219.
Dambrine (Siger), prévôt d'Haspres,
262.
Z)amé/e (Saint-), 127.
Darmstadt, 22, 23.
Deigné, 3o6, 307.
Delva, curé d'Olne, 338.
Denis (l'abbaye de Saint-), 1 18, 263,
294.
Denys (saint), 89, 96.
— (la veuve), i36, 142.
Desniéy 32 1, 322.
Destier, doyen du chapitre de Saint-
Jean, 1 14.
Deux-Ponts, 55.
Diepenbeeck (Louis de), 260. —
(Henri), fils du précédent, 260.
Diepold, 33o.
Dieren, 257.
Diest, 256.
Dieteren, 257.
Dieupart, 307, 3o8, 347.
Dinant, 40.
Dison, 320, 332, 333.
Dolembreux, 3o3, 304.
Dolhainy 329.
Dolhen, 220.
Z)o«af (le diacre), 25 1, 252, 255, 258,
266.
Doria (André), 32.
Douai, 32.
Draeck (Walram), drossard de Dal-
hem, 218.
Dresde, 82.
Drion (Dieudonné), prieur de Mal-
medy, i38.
Dubois (Grégoire), premier curé de
Dalhem, 204, 2o5.
Duingen, 14.
Dulseker, libraire, à Strasbourg, 87,
100.
— 357 —
Dumont, 48, 49, 5o.
Durand (Dom Ursin), 39, 41, 42,
55, 56, 60, 62, 65, 68, 79, 82, 106,
108.
Dusse Idorf, 146, i56.
Ebersmunster, 5y.
Eckhart (Jean-Georges von), histo-
rien, 9, i3, 14, i5, 16, 62, 63, 64,
65, 66, 67, 69, 70, 77, 78, 81, 83,
97, 98, 99, 100, loi, 102, io3, T04,
io5, 106, 107, 111, 112, ii5, 117,
121, i53.
Effelsberg, 259.
Eindhoven^ 256.
Elderen, 257, 259.
Elnon (l'abbaye de), 271.
Emael, \y3,
Emberen, 260, 261, 263.
Emborn, 257, 258.
Embourg, 270, 274.
Embre, 266.
Emmeren, 260, 263, 264, 265.
Enfant (F), ministre hollandais, 38.
Engelbert, abbé d'Admont, 91.
Engelingen, 263.
Ensival, 3i6, 3i8.
Eracle, évêque de Liège, 174.
Erford, 144, 147.
Erfurth, 4.
Esneux, 3o2, 304, 3o5, 347.
Estor (Jean-Georges), professeur à
l'université de Giessen, i5, 16.
Etienne, premier abbé de Saint- Lau-
rent à Liège, 296.
Etival, i5.
Eugène (le prince), 33.
Eupen, 269, 325, 326, 327, 347, 352.
JE've(Jean-Renierd'),ditlePickar,curé
de Saint-Jean-Baptiste à Liège,
247.
Everbeur, 259.
Evreux(Vé\èç{wA'), 184, 186, 187.
Exel, 256.
Ejrnatten, 269, 329, 33o, 33 1, 352.
Eynatten (d*), 181.
Failly, 256.
Falaën, 3oi.
Faimia, 257.
Fauneis (Simon dit li), 242.
Fayembois, 279.
Fécamp, 96.
Fecher, 339.
Félibien (le Père), 89.
Féronstrée (Godefroid de), 228, 23o.
— (Léonius de), chanoine de Saint-
Denis à Liège, 229. V. aussi Léo-
nius.
Fétinne, 296, 297, 298, 299, 3oi , 348.
Fexhe-Slins, 289.
Fichtel (le conseiller), 67.
Flandre (Jean de), évêque de Liège,
191, 197, 198.
Flavien (saint), 64.
Flawinne, 283.
Fléron, 270, 273, 274, 275, 277, 281,
348.
Florence, 20, 43, 139.
Fionçé, 3o6, 307.
Fonds-de-Forêts, 277.
Fontanini (l'archéologue), 20, 89,
127.
Fontin, 3o3, 304, 347, 348.
Foullon (Servais), abbé de Saint-
Trond, 255.
Four on-le- Comte, 167, 172, 173, 174,
175, 181.
Fragnée, 299.
Fraipont, 277, 3o6, 339.
Francfort, 14, 21 ,47, 49, 5o, 52, 54,
55, 61, 82, 85, 88, 92, 95, 98, 100,
io3, io5, 107, 108, 109, III, 123,
124, 142, 144, 147, 149, i63.
Franchimont, 3o8, 314, 3i5, 3 16,
317, 348.
François Régis (saint), i36.
Francon, doyen de la cathédrale de
Liège, 243.
Franquet, ingénieur français, 342.
— 358 —
Frédéric I*^, empereur, 282, 3i5.
— //, empereur, 272, 33o.
— ///, empereur, 67, 68.
Fréjus, 64.
Frescati, i3o.
Frisingue, 96.
Froidheid, 338.
Fulde (l'abbaye de), 9, 10, 11, i3, 14,
i5, 16, 17, 18, 19, 52, 53, 55, 56,
57, 58, 60, 61, 62, 63, 65, 66, 68,
70, 72, 76, 78. 82, 83, 85, 88, 90,
91, 94, 96, 97, 98, 99, loi, 102,
106, 107, 108, 110, II 5, 117, 119,
122, i38, 140, 146, i5o, i5i, 154,
i55, 159.
Galle (rabbaye de Saint-), 46.
Galmina, 257.
Ganoir (Jean), 229.
Gantier (Dom J.), 93.
Gélase, pape, 168.
Gelmen, 257.
Gembloux, 45.
— (Sigebert de), 291.
Gènes, 3 1 .
Genève, 64, 73.
Gentilotti, 59.
— auditeur de la Rote, 77.
Geoffroy (Jean), évêque de Wurtz-
bourg, II 3.
Georges (saint), 1 1 9.
Gerberge (la reine), 263, 298.
Germain-deS'Prés (Saint-), 6, 7, 8,
36, 37, 80, 86, 109, 1 19.
Gerolstein, 259.
Géronster, 323.
Gerwen, 256.
Gielbar (Nicolle), curé de Saint-Jean-
Baptiste à Liège, 246.
G/e55e« (l'université de), i5, 16, 23.
Gillis (Jean-Baptiste), suffragant de
Liège, i32.
Glons, 177.
Gobert (Théodore), 226, 228.
Godars (Godin), 242.
Godobaldus, 294.
Goé, 325, 327, 328, 329, 348, 352.
Goër (de), 122, 128, 129, i32, i35,
i36.
Goettnfeih, 81, 82.
Goffontaine, 335.
Goha (de), chanoine de Liège, 2, 104,
108, Il 5, i5o, i5i, i52, i53, 154,
i55.
Gom\é-Andoumont, 270, 277.
Graesen, 262.
Granet (l'abbé), 72.
Greimerburg, 259.
Gre^elo (Buchar), 298.
Grimberghe (l'abbaye de), 262.
Grison (Gérard), imprimeur à Liège,
227.
Grivegnée, 270, 273, 274, 275, 276,
277, 278, 348.
Groe5^e^cAr(Gérardde),prince-évêque
de Liège, 314.
Gronsel, 262.
Gronsveld, 262.
Groseas, 262.
Guikardus, abbé de Saint-Trond,
25l.
HabetSy 161.
H accourt, 197.
Madelin (Saint-), 338, 349.
Hahn (Joseph), i3.
Haimbecha, 262.
Halembaye, 197.
Haling (Michel de), curé de Saint-
Jean-Baptiste à Liège, 227, 247.
Halmael, 262.
Halmala, 261, 262.
Hanovre, 62.
Hanret (le concile de), 270.
Hapert, 257.
Hardouin (le Père), 34, 35.
Hart^heim (le Père), 21, 23, 66.
Hasbina, 257.
Hasluth, 257.
Hasnoch, 257.
— 359 —
Haspres, 262.
Hasselt, 128, i58, 159, 267.
Hastenoit, 3o3.
Hauset, 269, 329, 33 1.
Heembeck (Over-), 262.
Heesbeen, 256.
Heid (sur la), 307.
Heidelbergy 18, 21, 145, i56, i58.
Heimon, évêque de Verdun, 282.
Helchteren, 256, 259.
Helebertf chanoine de Saint- Jean à
Liège, 192, 193, 21 3, 214, 292.
Helias, doyen de Sainte- Croix à
Liège.
Hellensyort, 264, 265.
Helmond, 256.
Helshoven, 265.
Hembec, 261.
Hemricourt, (Robert d'), curé de
Saint-Jean-Baptiste à Liège, 246.
Henau (Jean dit), 242.
Heneumont, 307.
Henri 7*^, empereur, 272.
— Il, idem, 282, 334, 336, 337.
— IV, idem, 276, 3ii, 33o, 332.
— F, 33o.
— 7*^, duc de Limbourg, 326.
— 777, idem, 325, 326.
— chanoine de Sainte-Croix à Liège,
239.
— chanoine de Saint- Denis à Liège,
239.
— curé de Herstal, 189.
Henri-Chapelle, 325, 326, 332, 348.
Henrister, 323.
Heopurdum, 257.
Herbern, 258.
Herbiester, 322.
Herenles, 137.
Hergenrath, 269, 329, 33o, 33 1 , 352.
Heriburnon, 258.
Hermalle (Gilard de), 21 5.
Hermalle-sous- Argent eau, 172, 173,
174, 191, 192, 193, 194, 195, 196,
2i3, 214, 2i5, 216, 291-293, 341,
344, 348.
Hermès (saint), 3 10.
Herpt, 2 56.
Herrenhaus, 352.
Herrgott (Dom Marquard), moine
de Saint- Biaise, 80, 83.
Herstal, i63, 175, 189, 190, 198, 214,
286-290, 291, 292, 341, 344, 348.
Hervé, 172, 193, 188, 198, 2o3, 324.
— (Jean de), curé de Saint- Jean-Bap-
tiste à Liège, 246.
Hespen, iSy.
Hesse, i5.
Hesselmann (le Père), 23.
Heure-le-Romain, 174, 198.
Heusay, 275.
Heusden, 256.
Heusserstam, 147.
Heusy, 3 18.
Hilduin (Fabbé), 119.
Hincmar (Févêque), 169, 170.
Hippone, i35.
Hodimont, 32o, 332, 333.
Hodister, 284.
Hoenshoven, 263.
Hollogne (François de), curé de Ri-
chelle, 196.
Hollogne -auX'Pierr es, 1 88 .
Hombroux, 349.
Honorius III, pape, 54.
— IV, idem, 54, 55.
Hony, 3o3, 304.
Hort (Henri), libraire, à Francfort,
100, 107, I II, 1 13.
Houppertingen, 260, 261, 263, 264,
265.
Housse, 210, 211.
Houthalen, 257.
Ho^émont. Le concile, 270,339,344.
Hradina (le chanoine), bibliothé-
caire de Tarchevêque de Prague, 24.
Hubert (saint), 89, 161, 175, 287,
302.
— 360 —
Hubert (l'abbaye de Saint-), 297.
Hughem, 176.
Hug-o (Charles- Louis), abbé d'Etival,
i5, 106.
Hunt (Pierre), curé de Hermalle, 196.
Hus (Guillaume de), 214.
Hutten (Christophe- François de),
évêque de Wurzbourg, i3, 70.
Huy (le concile de), 270.
Imbart de la Tour^ 162, 170, 178,
182, 186.
Innocent II, pape, 282.
— IV, idem, 229, 23o, 240, 241.
Itter (Op-), 256.
Ivan, chanoine de Sainte-Croix à
Liège, 239.
Jacques, curé de Hermalle, 192, 193,
195, 2i3, 214.
Jacquet (Pierre- Louis de), suffragant
de Liège, 134, i35.
Jalhqy, 202, 3 1 3, 314, 3 16, 32 1, 322,
323.
Jamine (Grand-), 263.
Jehanster, 32i, 322, 323.
Jehoster, 324.
Joannis (l'historien G.-Ch.), 55.
Jonster, 324.
Joseph II, 210.
Juliers (Walram de), prévôt de la
collégiale de Notre-Dame à Aix-la-
Chapelle, 192, 21 3, 214, 216.
Junglinster, 324.
Jupille, iby, 190, 191, 270-285, 290,
341, 344, 349.
— (Jean de), chanoine de Saint- Lam-
bert à Liège, 191.
Juslenville, 309, 32 1.
Juvenis (Georges), curé de Hermalle,
196, 197.
Juwette^ veuve d'un voué de Richelle,
194, 214.
Karg (le baron de), 36.
Katschthaler (Dom Ed.), O. S. B.,
2.
KelmiSy 33 1.
Kettenis, 329, 33o, 33 1, 352.
Kejrll, 148.
Kin, 307.
Kinable, procureur, 142.
Kinkempois, 299, 3oi, 349.
Klettenberg (le baron de), 46.
Klonckart, 128, 129.
Koenig (Louis), libraire, à Francfort,
63, 73, 76, 80, 83, 84, 86.
^oi/^m (Jean-George), 119.
-^lô/j^icA (l'abbaye de), i56, 157.
Koninghovius, 59.
Kyllburg, 259.
Laer, 256.
Laon, 246.
Lambermont, 332, 333.
Lambert, curé de Herstal, 193, 214.
— (saint), 161, 271, 286, 291.
— le-Bègue, 18.
— proviseur de l'hôpital Saint- Abra-
ham à Liège, 240.
Lambiester, 324.
Lanaye, 197.
Landrecies, 3o.
Launqy (Jean de), docteur en Sor-
bonne, 71, 72, 73.
Léau, 262.
Le Cerf (Dom Philippe), 96, 97.
Léger (saint), évêque d'Autun, 3oi.
Leibnit^, 14, 77, 78.
Leipzig, 61, 65, 76, 78, 82, 102.
Léon (saint), pape, 64, 68, i3o, 294.
Léonius, chanoine de Saint-Denis à
Liège, 229, 239, 240, 246.
Lerond, 32.
Lester, 324.
Lewis (Renier de), 260.
Leyen (Henri de), évêque de Liège,
297, 3o3, 3i5.
Lhoest, receveur de l'hôpital Saint-
Jean-Baptiste à Liège, 225.
Licour (La), 288.
Liedekerke d'Acre (Ferdinand-
— 361 —
Alexandre-Joseph, comte de), ar-
chidiacre d'Ardenne, 5o.
Liège, I, 2, 4, 5, 7, 20, io5, 109,
116, 134. — Le diocèse, 169, 170,
180, 208. — Les abbayes : de Saint-
Gilles, 297, 3oo; de Saint- Jacques,
43, 44, 177; de Saint-Laurent, 38,
40, 42, 43, 62, i32, 176, 177, 295,
296, 297, 298. — Les collégiales :
de Saint-Denis, 207 ; de Saint-Jean,
48, 207, 21 3, 214; de Saint-Paul,
174, 198. — La cathédrale de Saint-
Lambert, i32, 226, 23o, 281, 282,
283, 284. — Les paroisses : de
Saint -Christophe, 293-301 ; de
Saint-Jean- Baptiste, 223-249 ; de
Saint- Remacle, 270, 274; de Sainte-
Véronique, 293-301 . — Population
des paroisses, 249. — L'hospice
Saint- Abraham, 223, 224, 23i-238,
239, 240, 241.
Liéry, 275.
Liesborn, 258.
Limbourg, 325, 328, 329, 349.
— (le duché de), 325, 332, 338.
— (le pays de), 210.
Lincé, 3o5.
Linckhout, 256.
Lindchen, 33 1.
Lint^f 49.
Lisbern, 258.
Liuphram (l'archevêque) , 3 10.
Lipoume, 139.
Lixhe, 172, 173, 174, i83, 197, 198,
286.
Lo^^e5 {Fabbaye de), 170.
Loen (von), 21, 22.
Logne (le comté de), 307.
Lombard (Célestin), 62.
Longdoj, 277.
Longiier, 272.
Lonhienne, 277.
Lont!(en,32g, 33i-332, 341, 344, 349.
Loo^ (Conrard de), curé de Saint-
Jean-Baptiste à Liège, 242, 243,
246.
Lorcé, 324.
Lorraine (Charles de), 208.
— (René, duc de), 3o.
— (la duchesse de), i3o.
Lossius (Fabbé), 32.
Lothaire /**", 309.
— Il, 89, 271, 272, 3o5.
Louis (saint), 56.
— XIV, 33.
— le Débonnaire ou le Pieux, 162,
i65, 169, 172, 174, 186, 187, 194,
290, 3o3, 309, 3 10, 3 16.
— r Enfant, 3 1 1 .
Louvain, 3.
Louveigné, 3o5, 3o6-3o7, 344, 349.
Louvrex (Mathias-Guillaume de), 29,
3i, 33, 37, 104, 107, 108, 1 10, 1 14,
123, i5i, i53, 154, 167, 201.
Luques, 139.
Luxembourg, 3, 5, 26, 27, 29, 3i,
33, 100, loi, 172, 181.
Lymbourgh (Nycolle de), curé de
Saint-Jean- Baptiste à Liège, 246.
Mabillon (Dom Jean), 37,44, 5i, 58,
73, 77, 78, 83, 93.
Maestricht, 176, 181, 271, 286. — Le
doyenné, 269, 270.
Maeswyk, 177.
Maffe, 3oi.
Magliabechi, 42, 43.
Magnée, 270, 275, 277.
Malines, 3, 121, 144, 154.
Malmedy, i5, 16, 108, 118, i38, i56,
269, 288, 3o3, 3i3.
Mamburron, 258.
Mammern, 258.
Manderscheid'Blanckenheim (Mau-
rice-Gustave de), archevêque de
Prague, 19, 24, 148, i56.
Manheim, 18, i25, 148, 157.
Mantelius, 260.
Mantoue, 139.
— 362 —
Marché, 3i5, 35 1.
Marck (Erard de la), prince-évêque
de Liège, 247.
Marcuard, 100.
Marguard (Dom), 80, 83, 89, 91 , 94,
95.
Marguel (Walthère de), chanoine de
Saint-Jean-FEvangéliste à Liège,
192, 193, 194, 196, 2i3, 214, 216,
217.
Marie-Thérèse, 209, 210.
Marmoutier (l'abbaye de), 96.
Maron (Dom P.), 93.
Martène (Dom Edmond), sa corres-
pondance avec Fabbé Schannat, i-
159.
Marthe, 229, 240.
Martianay (le Père), 39, 41, 42.
Martin, 304.
— curé de TilfF, 3o2.
— (Saint-), 96, 271, 294, 295.
Massin (Nicolas), prieur de Malmedy,
i38, i55.
Materne (saint), 271, 274.
Mathon (Mathieu dit), 242.
Maubeuge, 259.
Maur (Saint-). La congrégation, 6,
172, 299.
Maximilien (l'empereur), 85.
MATimin (Saint-), 100.
Mayence, 67, 88, 90, 122, 144, i65.
Méan, 201.
Médicis (les), 1 39.
Meerhout, 256.
Meerssen, 272.
Meichelbeck, 24.
Melk (labbaye de), 2, 7, 8, 9, 48, 49,
5o, 57, 69, i55, i56.
Melver, 259.
Melveren, 259.
Membach, 325, 327.
Membruggen, 257.
Mergentheim, 70.
Merlochius (M. R.), 67.
Merols, 33 1.
Mery, 304.
Mesch, 172, 174.
Messières, 40.
Mettemich (de), libraire, à Cologne,
104, 108, 154.
Met\, 95, 25 1.
Michelet (Philippe- Antoine), curé de
Hervé, 188.
Micheroux, 270.
Mierle (Jean de), 260.
Milan, 20.
Modène, 139.
Momalle, 181.
Mont, 333.
Montalant, 88, 90, 94, 98.
Mont'Cassin, 83, 96.
Montfaucon (le Père Bernard), 39,
41, 42, 5o, 80, 89.
Montjardin, 307.
Mont^en, 269, 332.
Monulphe (saint), évêque, 274.
Mooren, 174.
Moreau (Guillaume, baron de), 3o,
114. — (Anne-Catherine, fille du
précèdent, épouse du colonel de
Rembach, 114, ii5.
Moringus (Gérard), 255.
Mortier, 172, 173, 174, 208.
Mortroux, 172, 173.
Mouland, 172, 173, 174.
Moulant (Jean), 245.
Mulkeman ( J ean) , curé de Saint-J ean-
Baptiste à Liège, 246, 248.
Munster, 89.
— (l'abbaye de), à Luxembourg, 172,
181.
Munster eifel, 259.
Musinium, 262.
Mttysen, 262.
Namur, 44.
Nancy, 3o.
Naples, 139.
Neissen (le Père), 23.
— 363 —
Nessonvaux, 338, 339.
Neu/château, 206, 207.
Neuville, 3o, 270.
Neyen (A.), 100.
Nicolas, doyen du concile de Saint-
Remacle, 193, 214.
— de Tolentin (Saint-), i38.
— le^-Liége (Saint-), 296, 297, 3oo.
Nimègue, 272.
Ninane, 274.
Nivelle, 175, 286, 287.
Nivelles, i83.
Nobiliacus, 261.
Noisseville, 256.'
Nonceveux, 307, 3o8.
Normands (Vinvasion des), 175.
Nuenen, 256.
Nuremberg, 7, 45, 47, 89, 91.
Obersteheide, 33 1.
Oderen, 257.
Odoorn, 257.
Ogierle Danois, Siy.
Olenschlager, 22.
0/«e, 3o6, 336, 337, 338, 339, 349.
Oneux, 3i5, 32 1, 349, 35 1.
Oreye, 256.
Orléans, 97, 168.
Orval (l'abbaye d'), 6, 26, 27.
— (Gilles d'), 6, 27.
Otbert (Fabbé), 77, 78.
Othorn, 257.
Ottoboni, 127.
Otton I^, empereur, 272, 282, 291,
292.
Ouffet (le doyenné d'), 269, 270.
Ougrée, 324.
Oupeye, 198.
Outremeuse (Jean d*), 223, 224, 225,
228, 229, 23o, 270, 271, 294,
317.
Padoue, i3g.
Pa/M^ (Guillaume de), curé de Saint-
Jean-Baptiste, 246.
Paradis (la chapelle du), 299, 3oo.
Paris, 1,2, 17, 34, 37, 39,40, 45; 55,
56, 58, 60, 64, 65, 69, 71, 72, 73,
74, 76, 78, 79, 80, 84, 86, 87, 90,
9^» 95,97» 98, 101, io5, 107, 112,
117, 119, 120, 121, 128, l32.
Parme, 139.
Paske de Lonchin (Alexandre), curé
de Saint-Jean-Baptiste à Liège,
247.
Pa55/ow« (le cardinal), 20,92, 144.
Paul II, pape, i32.
Peer, 256.
Pépin le Bref, 106, 175, 290.
— de Herstal, 271, 287, 291, 292.
Pepinster, 32 1, 323.
Pescennius, 35, 46.
Péville, 277.
Pe^ (Dom Bernard), O. S. B., 2, 4,
7, 8, 9, T 3, 21, 24, 48, 49, 58, 59,
60, 62, 63, 67, 69, 71, 73, 75, 77,
90, 91, 92, 96, 97, 100, 102, 109,
112, i55, i56, 157. — (Jérôme), 21,
24, 92.
Pfaff, chancelier de l'université de
Tubingue, 121.
Philippe, archevêque de Cologne, 326.
Philippe-le-Bel, 54, 55.
Pieplo, 257.
Pierre, chanoine de Sainte-Croix à
Liège, 239.
Pierrepont (Hugues de), prince-
évêque de Liège, 228.
Pironster, 324.
Pise (le concile de), 38, 40, 139.
Pistorius, 52.
Plainevaux, 3o3, 304, 347.
Plqye, 307.
P/es5cA^/Y(Catherine),épousedeJean-
Georges Schannat, 3.
Plester, 324.
Po//^«r, 284, 309, 3 12, 321, 322, 35 1.
Polus (le cardinal), 21, 141.
Poppel, 257.
Porallée (la), 307.
— 364 —
Potesta (Gérard de), prieur de Stave-
lot, i38.
Prague, i, 2, 5, 37, 40, 43, 55, 57,
63, 68, 72, 74, 78, 82, 85, 86, 92,
95, 97, 98, io3, 107, III, ii3, 116,
117, 1 19, i33.
Prqyon, 277.
Préaile (La), 290.
Priester, 324.
Proudons (Gilles dit li), 242.
Priim (l'abbaye de), i65, 259.
Puteo (Renequin de), chanoine de
Sainte-Croix à Liège, 239.
Quareux, 307.
Queue-dU'Bois, 275, 279.
Quirini (le cardinal), 20, 21, 141.
Raeren, 269, 329, 33 1.
Ramelot, 104.
Ransy, 277.
Rastadt, 33.
Rechain (Grand-), 332, 333, 334, ^49.
— (Petit-), 320, 332-333, 334, 341,
344, 349.
Réginard, évêque de Liège, 177, 295.
Reginon, abbé de Priim, i65.
Reginster, 324.
Reid (La), 3i5, 32 1, 322, 323, 324,
35i.
Reims, 89, 263, 298.
— (Jean de), archidiacre, 194, 21 5.
Retnquin (Gilles), 11 3, 116.
Remacle (saint), 258, 271, 276, 3o6.
— (leconciledeSaint-), 214, 267-352.
— (la chapelle de Saint-), 273, 276,
277, 284.
Rembach (le lieutenant-colonel de),
1 14, II 5.
Remouchamps, 3oy.
Remy (Saint-), 172, 173, 174, 181,
182, i83, 208.
— (l'abbaye de Saint-) à Reims, 263,
298.
Renier (le moine), 62.
Rennes, 120.
Retinne, 270, 275, 279.
Ret^ (François), général des Jésuites,
128.
Ribert, chanoine de Sainte-Croix à
Liège, 239.
Ricardi, 60.
Richard, moine de Fulde, 78.
Riche Homme (Pierre le), curé de
Saint-Jean- Baptiste à Liège, 246.
Richelle, 191, 192, 193, 194, 195, 196,
198, 2i3, 214, 2i5, 216, 269, 292,
293, 349.
— (Bauduin de), 214, 21 5.
Riemer (Jean- Daniel de), chanoine
de Saint-Barthélemy à Liège, 29,
3i, 32, 33, 5i.
Rimière, 3o3.
Robermont, 277, 349.
Robin (le comte), io3.
Robister, 324.
Robyns, 260.
Rochette (La), 281.
Roderique (Jean- Ignace), professeur
à Wurzbourg, i5, 16, 23, 81, 106,
108, 1 18, 120, i55.
Rolduc (labbaye de), 326.
Rome, 20, 48, 60, 62, 73,77, 79, 89,
126, 127, 128, i33, 137, i38, 140,
144.
Romsée, 274.
Rosières, 304.
Rotheux, 3o3, 304.
Rouge-Thier, 307.
Rouvreux, 3o6.
Ru/us (Henricus), prêtre de Tèglise
Saint-Denis à Liège, 240.
— (Renard), 21 5.
Ruister, 324.
Rullingen (Thierry de), 262.
Rupert, roi des Romains, 17, 118.
Rycardus, prêtre d'Astanoet, 3o2.
/?^c/fe/ (Guillaume de),abbédeSaint-
Trond, 260, 266.
Sacrista (M 8*^), 126,
— 365 —
Saive, 190, 191, 198, 270, 274, 279,
281, 282.
Saives (Philippe de), 232.
Sali (le synode de), 164.
Sal^bourg, 3 10.
Sarchinium, 253.
Sarens, abbé de Saint-Trond, 255.
Sarolqy, 210, 293.
Sart, 202, 3i3, 3 14, 3i5, 3 16, 32 1,
322, 323.
Schaffen, 256.
Schannat (Fabbé Jean-Frédéric). Sa
correspondance avec de Crassier et
Dom Martène, 1-159.
— (Jean-Georges), père du précédent,
3.
Schilter, 59.
Schmincke, historien, 8.
Scholl (le Père), 23.
Schonborn (François-Georges de),
évêque de Worms, 18.
— (Damien-Hugo de), évêque de
Spire, 21, 143, 144.
— (J ean- Philippe- François de) , évêque
de Wurzbourg, 70.
Schuelen, 257.
Scouville (le receveur), i36.
Secheval, 307.
Sedan, 40, 117.
Sedos, 307.
Seifried (Jean), jésuite et historien,
i3, 67, 104.
Sendrogne, 3o5.
Senones, i5.
Seny, 256.
Septemburias, 266.
Septrous, 307.
Seraing, 284, 347.
Servais, curé de Charneux, 198.
Seubier de Bauvechain (Jean), curé
de Saint-Jean- Baptiste à Liège, 246.
Sevenburen, 258.
Sigler (Konrad), bibliothécaire épis-
copal de Wurzbourg, 8.
Sittard, 2Sg.
Sitterty 25 y,
Slebusch, libraire, à Cologne, 1 18.
Sliek (Gaspar), chancelier de Tem-
pire, 67, 68.
Sohet, 201.
Soiron, 333, 334-335, 336, 341, 344,
35o.
Soissons, 12, 85, 86, 88, 91, 98, 99,
loi, 109.
Sollier (le Père J.-B.), jésuite, 21,
122, 123.
Solw aster, 32 1.
Sougné (la paroisse), 3o7-3o8, 344,
35o.
Soumagne, 334, 335-339, ^4'» ^48»
35o.
Spa, 202, 3 14, 321, 323, 342, 35 1.
Spire, 67, 143, 145, 147.
5]primow/ (la paroisse), 3o5-3o6, 341,
344, 347, 35 1.
Stache (Lambert del). V. Stipite (a).
Stanislas, roi de Pologne, i3o.
Stavelot (l'abbaye de), 16, 63, 11 5,
Î18, i38, i55, 263, 269, 276, 3o3,
3o5, 3o6, 3io, 3i3, 317, 326, 355.
— (le doyenné de), 269.
Steel (Erard de), 247.
Stembert, 3 16, 3 18, 320.
Ster, 324.
Stiphout, 256.
Stipite (Lambert de), religieux de
Saint-Laurent à Liège, 38, 40, 42.
Strasbourg, 57, 59, io5, 106, ii5.
Strivajr, 3o3, 304.
Strjrp, 256.
Sturme (Saint-), 80, 83, 96.
Surister, 32 1.
Sur les (Louis dit), échevin de Liège,
242.
Swalbach, 154.
Su^art, 34.
Syes (Jean de), curé de Saint-Jean-
Baptiste à Liège, 246.
— 366 —
Sylvius (Grégoire), 221.
Targni (l'abbé de), docteur de Sor-
bonne, 68, 71, 73.
Tatien, 58.
Tegernsée (le monastère de), 82.
Tfeif, 309.
Teuven, 176.
Tharoulle (le sieur de), 236.
Théodore y évêque de Fréjus, 64.
Théothorne, 257.
Theux, 272, 308-324, 341, 344, 35 1.
Thier, 277.
Thier 'des- Forges, 277.
Thierry, abbé de Saint-Trond, 25 1,
252, 253, 254, 255, 256, 258, 266.
— évêque de Verdun, 282.
— (le roi), 261.
Thimister, 188.
Thorembais, 256.
Thorona, 261.
Thoveriy 176.
Thuiller, 80.
Tiége, 321.
77/^(la paroisse), 3oi-3o5, 344,352.
— (Clérembauld de), 3o2.
Tilice, 289.
Tilleur, 296, 297, 299, 352.
Tongres, 270, 294, 295.
Toul, i5.
Tournayy 46.
Tournemine (le Père), 99.
Tours, 96.
rra;7pe(la), 71, 94.
T^renfe (le Concile de), 166, i85, 195,
196, 198-207, 217, 218.
Trêves, 18,26, 28, 100.
Trévoux, 28, 3i, 89, 94, 95, 100,
102.
Trieur (le concile de), 170, 175, 176.
Tritheim (l'historien J.), 5o, 5i.
Trognée, 256.
Trond (labbaye de Saint-), 251-266,
260, 262, 263.
Trudon (saint), 251-266.
Trudpert (saint), 9, i55.
Tubingue, 120.
Uffenbach (Zacharie-Conrad d'), 21,
46.
Usuard, moine de Saint-Germain-
des-Prés, 119,
Vaast (l'abbaye de Saint-), 261, 262,
263, 266.
Vaillant de la Bassardrie (le Père
Guillaume), 46.
Fj/-£>ieM (l'abbaye de), 167, 181, 182,
208, 210.
Val'Saint'Lambert, 181.
VauX'SouS'Chèvremont, 274, 277.
Veilhes (Henri dit li), 242.
Velbrûck (de), prince -évêque de
Liège, 304.
Velm, 255, 257.
Venise, i25, 127, 139, 140.
Verden (l'abbaye de), 89.
Verdun, 53, 139, 140, 273, 281, 282,
283.
Vérone, 139, 140.
Verviers, 3i3, 314, 3i6, 317, 3i8,
319, 321, 322, 335.
Vespasien (l'empereur), 1 37.
Victor de Capouë, 58.
Fie«we, 7,47, 55,59,82, i3o,i3i,i5i.
Villare, 259.
Villars (de), 33, 36.
Vincent de Paule (saint), i36.
Virton (Vieux-), 26.
Visé, 172, 173, 175, i83, 2o3, 204,
2o5, 218, 294.
Visé'devant'le-Pont, 211.
Vivegnis, 198, 288, 289, 352.
Vliermael, 260.
Voigt (le baron de), moine de Fulde,
1 1 1, 1 14.
Waes (de), 42.
Walcaud, 297.
Waleran II, duc de Limbourg, 326.
Walhorn (la paroisse), 329-33 1, 341,
344, 352.
— 367 —
Wandre, 189, 190, 191, 270, 284,
288, 289, 290, 292, 352.
— (Souverain-), 270, 274.
Warrentrap, libraire, à Francfort,
124.
Warsage, 172, 173, 174, 181, 182,
i83.
Was[on, évêqué de Liège, 296.
Webbecom, 256.
Webbinchen, 260.
Weerth, 327.
Wégimont, 339.
Wegne:{, 333, 334, 335.
Wehlen (la comtesse de), no.
Weidmann (M. -G.), 76.
Weissenburg, 5i.
Welkenraedt, 325, 327.
Weys, 276.
We\y 277.
Wibaid, abbé de Stavelot, 63, 65,
66,
Wilbring, 148.
Wilder, 259.
Wilderen, 259.
.Wir^r^«ec/f, chanoine, 146, 148.
Wilthem (le Père Alexandre), 100.
Wimi^rn, 258.
W impur a, 258.
Winamplanche, 32 1.
W/ria, 3 16.
Worw5, 18, 19,22,67, 107, III, 119,
122, 123, 124, i55, i56, 159.
W«/Aerjf , 24.
Wurmbrand (le comte J.-W. de),
21, l32.
Wurtemberg, 119, 120, 121.
Wur^bourg, 8, i3, 14, 17, 49, 67,
70,76,77,81, 91, 99, 102, 106,
1 13, i53.
Wynants (le conseiller de), 201, 207.
Xhavée (La), 290.
Xhendelesse, 334, 335.
Ybbs, 8.
Zacharie, pape, 14, 88, 106, 169.
Zaehringen (Raoul de), évêque de
Liège, 174.
Zeitruch, 257.
Zell, 84.
Zepperen, 258, 259, 266.
Zin^endorf \\q, comte de), 8, 109.
Zundert (Groot-), 256.
Zwentibold, 3 1 o, 3 1 1 .
I » I
TABLE DES MATIÈRES
-••-
Pagei
Règlement de la Société V
Tableau des membres de la Société VII
Liste des sociétés et des revues avec lesquelles la
Société fait l'échange de ses publications .... XIII
NOTICES ET MÉMOIRES.
I. Correspondance de J,'F, Schannat avec G. de Cras-
sier et dont E. Martène, par LÉON Halkin . . i-iSp
II. Etude historique sur l'origine des paroisses , par Tabbé
Joseph Ceyssens 161-221
Introduction 161
I. Les capitulaires carolingiens sur la dîme et l'or-
ganisation des paroisses 162
II. Les anciennes paroisses du pays de Dalhem. . 171
III. Transformations de l'organisation paroissiale de-
puis Charlemagne jusqu'au XII« siècle . . . 177
ÏV. La décret aie « Ad audientiam » et le démembre-
ment des paroisses i83
V. Paroisses érigées d'après la décrétale « Ad audien-
tiam » 188
VI. Le Concile de Trente et l'organisation parois-
siale 198
VIL Nouvelles paroisses érigées d'après le décret du
Concile de Trente 202
— 370 —
VU I . Les vicariats des chapelles annexes. Interrention
du gouvemeicent autrichien dans rorganisation
paroissiale 207
IX. Révolution française. Concordat. Paroisses ré-
centes 210
Annexes 212
III. La paroisse Saint -Jean-Baptiste, à Liège ^ par GODE-
FROID KURTH 223-249
Introduction. Les sources 223
I. La paroisse Saint-Jean- Baptiste 228
IL L*hospice Saint- Abraham 23 1
Pièces justificatives 239
IV. Amburnia et la source miraculeuse de saint Trudon,
parTabbé Jean Paquay 251-266
V. Les paroisses de Vancien concile de Saint-Remacle,
par Joseph Brassinne 267-352
Avant-propos 267
I . Les limites de l'ancien concile de Saint- Remacle. 269
IL Paroisse primitive de Jupille 270
1 1 L Paroisse primitive de Herstal 286
IV. Paroisse primitive de Hermalle 291
V. Paroisse primitive d'Avroy 293
VL Paroisse primitive de Tilff 3oi
VIL Paroisse primitive de Sprimont 3o5
VI IL Paroisse primitive de Louveigné 3o6
IX. Paroisse primitive de Sougné 307
X. Paroisse primitive de Theux 3 08
XL Paroisse primitive de Baelen 325
XIL Paroisse primitive de Walhorn 329
XI IL Paroisse primitive de Lontzen 33 1
XIV. Paroisse primitive de Petit-Rechain .... 332
XV. Paroisse primitive de Soiron 334
XVI. Paroisse primitive de Soumagne 335
XVII. Conclusions 340
Appendice: Pouillé de l'ancien concile de Saint-Remacle
en i558 345
— 371 —
Pages
VI. Table alphabétique et analytique des matières, par
Tabbé EDM. VAN WiNTERSHOVEN 353
DOCUMENTS,
II 59 à 1181. La décrétale « Ad audientiam » du pape
Alexandre III à l'archevêque d'Evreux . . . . 184
1287, 2 mai ou 26 juillet. Leonius,-ceUerier de Téglise Saint-
Denis à Liège, cède à Thospice Saint-Abraham son
droit de patronage sur l'église Saint- Jean- Baptiste
dans la même ville 239
1246, 25 mai. A la demande des maîtres, du ma'îeur, des
échevins et des bourgeois de la ville de Liège, le
pape Innocent IV confirme la concession du patro-
nage de l'église Saint-Jean-Baptiste aux proviseurs
de l'hospice Saint-Abraham par Leonius, Henri de
Cologne et Martha 240
1249, 7 juillet. Le pape Innocent IV déclare que les provi-
seurs de l'hospice Saint-Jean- Baptiste ne peuvent
être contraints par lettres du Saint-Siège ou d'un
légat apostolique à pourvoir quelqu'un dans l'église
Saint-Jean-Baptiste, à moins qu'il ne soit fait men-
tion spéciale de l'exception 241
1249, 7 juillet. Le pape Innocent IV notifie au doyen du
chapitre de la cathédrale de Liège le privilège qu'il
a accordé aux proviseurs de l'hospice Saint-Abra-
ham 241
1277, 25 avril. Devant le prévôt de la cathédrale de Liège,
Conrad, curé de Saint- Jean- Baptiste, reconnaît que
les proviseurs de l'hospice sont les patrons de son
église et ont droit de présentation à la cure et à tous
les autels, tant de cette église que de la chapelle de
l'hospice 242
1287, 26 avril. Documents concernant l'érection de la paroisse
de Richelle 21 3
1345, 2 février. Les mambours de l'hospice Saint-Jean-
Baptiste et les paroissiens arrêtent le règlement selon
lequel se fera l'élection annuelle des mambours . . 243
1390, 2 février. Les paroissiens de Saint-Jean-Baptiste font
un nouveau règlement relatif à l'élection des quatre
mambours de l'hospice 244
1444. Serment du curé de Saint-Jean-Baptiste .... 245
— 372 —
Décisions du Condie de Trente au sujet de la réor-
ganisation paroissiale (sessio XXI, Decretum de
Reformatione) 217
Vers 1 5 5o. Travaux d'archiviste exécutés par Philipped'Awans,
clerc-juré de la cour des tenants de l'hospice Saint-
Abraham à Liège 247
iSgS, 12 juin. Ernest de Bavière, prince-évêque de Liège,
sépare Dalhem de la paroisse de Visé et l'érigé en
paroisse indépendante 218
INSCRIPTIONS.
Sur une pierre trouvée à Rome i3y
Sur une urne romaine trouvée à Vieux- Virton 27
CARTES.
Les paroisses primitives du concile ou doyenné de Saint-Remacle
(Liège) .
Le concile de Saint-Remacle en i558.
Etat ecclésiastique actuel de l'ancien concile de Saint-Remacle.
Les domaines carolingiens au IX« siècle, dans l'Est de la province
de Liège (ancien doyenné de Saint-Remacle).